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wm—rzT:
^
IF- A. 77t
~\
OEUVRES COMPLÈTES
J.-J. ROUSSEAU.
1».
PARIS, IMPRIMERIE DE DECOURCHANT ,
Rae d'Erfurlh , ii. i , {très de l'Abbtye.
ŒUVRES
DE
J.-J. ROUSSEAU.
CORRESPONDANCE.
IV.
A PARIS,
CHEZ DESENNE, LIBRAIRE,
(IflB HAVTKrEOILLB, R* lO.
1831
-»— — 'W '
Va
:>
\ 7 JUL W7»
/BR»'
/
CORRESPOÎ^BA.NGE.
SlTMibaaig,\« 4 pdfmsàfft 1765.
J'AïUYB , monsieur, an plus détestable^ voyage,
à tous égards, cjne ) aïe &it de ma vie. J Wive ex-
cédé, rendu; mais enfin j'carive, et, grâces à ronSy
(fens une maison où je pms me remettre et re-
prendre haleine à mon aise , car je ne puis songer
i reprendre de long-temps ma route; et si j'en ai
encore une pareille à ceUe que je viens de Ëiire,
il me sera totalement impossible de la soutenir. Je
ne me prévaux point sitôt de votre lettre pour
3£ ZolUcoBer; carfaioie fort le plaisir de prince
de garder llncognito le plus long -temps quon
peut. Que ne puis- je le garder le reste de ma vie I
je serais encore un heureux mortel. Je ne sais au
reste comment m accueilleront les Français; niais
s ils font tant que de me chasser, ils ne choisiront
pas le temps que je suis malade, et sy prendront
moins brutalement que les Bernois. Je suis dune
lasbitude â ne pouvoir tenir la plume. Le cocher
veut repartir dès aujourd'hui. Je n'écris donc
point à M. du Pejrou : veuillez suppléer à ce que
j^ ne puis ùire; je lui écrirai dans la semaine in-
^iWemeDL, Il éiut que je lui parle de vos atteu'
tioQs et de vos bontés mieux que je ne p^uz &ire
I.
6 CORKESPONDÂNCS,
à vous-même. Ma manière d'en remercier est den
profiter; et, sur ce pied, l'on ne peut être mieux re-
mercié que vous 1 êtes : mais il est juste que je lui
parle de Teffet qu a produit sa recommandation.
Bonjour, monsieur; bonne foire et bon voyage.
J'espère avoir le plaisir de vous embrasser encore
icL
624, — A M. DU Pbyrou.
Strasbourg, le H noveiiibre i^65.
Jz suis arrivé , mon cher hôte , à Strasbourg
samedi, (out-à-fait hors d'état de continuer ma
î oute 5 tint par lefiot de mon mal et de la fetigue ,
que par la fièvre et une chaleur d'entrailles qui
s'y sont jointes. 11 m est aussi impossible d aller
main tenant à Potzdam qu à la Chine, et jo ne sais
plus trop ce que je vais devenir; car probablement
on ne me laissera pas long-temps ici. Quand on
est une fois au point où je suis, on n'a plus de
projets à fiiire ; il ne reste qu à se résoudre à toutes
choses, et plier la tête sous le pesant joug de la
ucccssité.
J'ai écrit à milord maréchal ; je voudrais at-
tendre ici sa réponse. Si Ton me chasse, j'irai
chercher de l'autre câté du Rhin quelque huma-
nité , quelque hospitalité ; si je n'en trouve plus
nulle part, il faudra bien chercher quelque moyen
(le s eu passer. Bonjour, non plus mon hôte, mais
toujours mon ami. George Keith et vous m'atta^
AxyEB 1765. r^
chez encore i la vie; de tels liens ne se rompent
pas aisément.
Je YQos embrasse.
6a5. AU MÂME.
StnaàMmg, le lo noTcmbre 1765.
Hàsscuz-Tors, mon cher hôte, et rassurez nos
»mis SOT les dangers auxquels vous me croyez ex-
posé. Je ne reçois ici que des marques de bienveU-
lance et tout ce qui commande dans la ville et
^ns la province paraît s'accorder k me fevoriser.
^*urœ qu« «» a dit M. le maréchal , que je vis hier,
y™^ ™* regarder comme aussi en sûreté i Stras-
W^^klieAn. iLFischer ma servi avec toute
^ chaleur et lom le zèle d'un ami, et 3 a eu le
pS^M^irde troavertmk monde aussi bien disposé
90 li poufajt ledésirer. On me fait apercevoir bien
agreabJernent que je ne suis plus en Suisse.
Je n ai que le temps de vous marquer ce mot
pow r<ms rassarer sur mon compte.
J« roas embrasse de tout mon cœur. " '
6a6. — AU mIme.
Ji reçois y mon cher hôte , votre lettre n° 6.
^ Saurez vu par les miennes que je renonce ab-
f^mentaa voyage de Berlin , du moins pour cet
•W, i 100105 que mîlord maréchal , à qui j'ai
/^
8 CORRESPONDANCE,
écrit, ne fut d'un avis contraire. Mais je le connais ;
il veut mon repos sur toute chose, ou plutôt il ne
veut q[ue cela. Selon, toute apparence, je passerai
rhiver ici. On ne peut rien ajouter aux marques
de bienveillance, d'estime , et même de respect ,
qu'on m'y donne , depuis M. le maréchal et les
chefs du pays, jusqu'aux derniers du peuple. Ce
qui vous surprendra est que les gens d église sem-
blent Couloir renchérir encore sur les autres. Ils
ont Tair de me dire dans leurs manières : Distin-
guez-nous de vos ministres, vous voyez que nous
ne pensons pas comme eux.
Je ne sais pas encore de quels livres j'aurai be>
soin ; cela dépendra beaucoup du choix de ma de-
meure-, mais, en quelque lieu que ce soit, je suis
absolument déterminé à reprendre la botanique.
Enxonséquence, je vous prie de vouloir bien faire
trier d'avance tous les livres qui en traitent , fi-
gures et autres, et les bien encaisser. Je voudrais
aussi que mes herbiers et plantes sèches y fussent
joiuts; car, ne connaissant pas à beaucoup près
toutes les plantes qui y sont, j'en peux tirer en«
core beaucoup dlnstruction sur les plantes de la
Suisse , que je ne trouverai pas ailleurs. Sitôt que
je serai arrêté, je consacrerai le goût que j'ai pour
les herbiers à vous en faire un aussi complet qu'il
me sera possible , et dont je tâcherai que vous
soyez content.
Moucher hôte, je ne donne pas ma confiance
à demi^ visitez, arrangez tous mes papiers , lises
1765. 9
fC feiûlletez toat sans scmpale. Je vous plains de
reofiai qneTons donnera tout ce fatras sans choix ,
et je TOUS remercie de Tordre que vous y voudrez
raette. Tâdiez de ne pas changer les numéros des
paquets, afin qn*îb nous servent toujours d mdi-
cdlion pour les papiers dont je puis avoir besoin.
Par exemple, je sub dans le cas de désirer beau-
coup de &ire usage ici de deux pièces qui sont
dans le numéro i a, Tune est Pjgmalion , et Tautre
lEngagtment téméraire. Le directeur du spcta-
de a pour moi mille attentions ; il m'a donné pour
mon usage une petite loge grillée; il m'a fait faire
oaeckf d'une petite porte pour entrer incognito;
il finlV)KiR\esç\ëces<pi'il juge pouvoir me plaire.
Je vouànôs ik^ àe reconnaître ses honnêtetés ,
et je crois que guelgue barbouillage de ma façon ,
km oa maorais, lui serait utile par la bienveil-
lance que le public a pour moi, et qui s est bien
maïquée au Dci^in du village. Si j'osais espérer
que vous vous laissassiez tenter à la proposition
de ijL de Luze, vous apporteriez ces pièces vous-
méoie^ et nous nous amuserions à les &ire répé-
ter. Maisconune il n'y a nulle copie àePygmalion^
il en Êudrait faire £adre une par précaution, sur-
tout si, ne venant pas vous-même, vous preniez
V parti (fenvoyer le paquet par la poste à l'adresse
dcM. Zoilicofler, ou par occasion. Si vous venez ,
a3iidez-4e-moi â 1 avance, et donnez-moi le temps
^^ réponse. Selon les réponses que j'attends,
/^ poaiTais^ si là chose ne vous était pas trop im-
10 , CORRESPONDANCE j
portune, vous prier de perme tre que madonio
selle Le Vasseur vînt avec vous. Je vous embrassa
Je reçois en ce moment le numéro 7. Ecrive
toujours par M. ZoUicolTer.
C27. — A M. dIvernois.
A Strasbourg V le ai novembre 1,76 5.
Ne soyez point en peine de moi, monsieur
grâces au ciel , je ne suis plus en Suisse , je le sen
tous les jours à l'accueil dont on m'honore ici
mais ma sanle est dans un délabrement facile i
imaginer. Mes papiers et mes livres sont rester
dans un désordre épouvantable; la malle que vou;
savez a été remise à M* Martiuet> châtelain di
Val-de-Travers; vos papiers sont restés parmi \ei
miens; n'en soyez point en peine; ils se retrouve
ront, mais il faut du temps. Vous pouvez me
crire ici ou à l'adresse de M. du Peyrou à NeuchA
tel. Vous pouvez aussi , et même je vous en prie
tirer sur moi à vue pour l'argent que je vous dois
et dont j'ignore la somme. Je ne vous dis rien de
vos pareils; mais, malgré ce que vous m'avez fait
dire par M. Desarts, je compte et compterai tou-
jours sur votre amitié, comme vous pouvez tou-
jours compter sur la mienne. Je vous embrasse de
tout mon coef|ir.
.j3i:«c.A 1765. U
Ç/A. — k M, DU Peykou.
f AI, Boa cher ^ôte , votre numéro S et tous
iesprécédens. lie soyez point en peine du passe-
port; ce n'est pas nne chose si absolament néceS'
saire que tous le supposez , ni si difficile à renou-
reier an besoin; m^ il me sera toujours pré-
ci<:!ajL par la main dont il me vient et par les soins
dont il est la preuve.
Qoeipie plaisir cpe j'eusse â vous voir^ le chan<
gemÉenl <pie j'ai été forcé de mettre dans ma ma-
Tiiére de vîvrc ralentit mon empressement à cet
è^arcL Les fréquens dioers en ville , et la fréquen-
^ustion des femmes et des gens du moude , â quoi
je m étais livré d'abord, en retour de leur bicu-
veillance, miraposaient une gène qui a tellement
pris 5or ma santé, qu'il a fallu tout rompre , et re-
devpnir ours par nécessité. Vivant seul ou avec
Fischer, qui est un très-bon garçon , je ne serais à
port^ de partager aucun amusement avec vous,
^ TOUS iriez sans moi dans le monde , ou bien , ne
nrant qu'avec moi , vous seriez dans cette ville
^is U connaître. Je ne désespère pas des moyens
ie nous YOÎT plus âgréablemenl et plus à notre
^; Biais cela est encore dans les {uturs contin-
§eas : d'ailleurs y n'étant pas encore décidé sur
ffloi-Joéme, je ne le suis pas sur le voyage de ma-
àtmoiseUeLeVasseuT. CcpendaiM,s\\ousvenez^
12 CORRESPONDANCE 9
• • •
VOUS êtes sûr de me trouver encore ici; et, dan
ce cas^ je serais bien abe d'en être instruit d'c
vancc; afin de vous faire préparer un logemci:
dans cette maison ; car je ne suppose pas que vou
vouliez que nous soyons séparés.
Llieure presse, le monde vient; je vous quiti
brusquement , mais mon cœur ne vous quitte pa;
629. A M. DE LuzE.
Struftwor^, la 37 noTembre 176$.
Je me réjouis, monsieur, de votre heureuse ai
rivée à Par'is, et je suis sensible aux bons soin
dont vous vous êtes occupé pour moi dès Finstai
même; c'est une suite de vos bontés pour moi
qui ne m'étonne plus, mais qui me touche tôt
jours. J'ai différé d'un jour à vous répondre , poi:
vous envoyer la copie que Vous demandez , et qu
vous trouverez ci -jointe : vous pouvez la lire
qui il vous plaira ; mais je vous prie de ne la p^i
laisser transcrire. Il est superflu de prendre d
nouvelles informations sur la sûreté de mon p;i
sage à Paris : j^ai là -dessus les meilleures assi
rances ; mais j'ignore encore si je serai dans le c«
de m'en prévaloir, vu la saison, vu înon état qi
ne me permet pas à présent de me mettre enrout
Sitôt que je serai détermine de manière ou d'ai
ire , je vous le manderai. Je vous prie de me maîi
tenir dans les bons souvenirs de madame de Fai
gnes, et de lui dire que lempressemcnt de
cW em UTU& cotmaissanœ qui 9*cst ûite chez
voiis^eiitie^xiTbeaaco^Kp âLans le désir que fai
depassieri^^ans. ïa\oiite de grand €XSUTj etfes-
père que vo^os n'en àoutez pas ^ <|ue ma tentation
l'aller en kn^Xene s'augmente extrêmement par
l arment àe tous y smvre ^ et de voyager avec
vous. Voi^ quant k pèsent toat ce gue je puis
dire sur cel arùde : îe ne tarderai pas à vous par-
ler plus positivement-, mais jusqu'à présent cet
arrangement est très douteux. Recevez mes plus
tendres salutations; )e vous embrasse, monsieur,
de tout mon cœur.
Pièl k fi-rmer ma lettre, î<e reçois la vAtre sans
date, qui contient les éclaircissemens que vous
avez eu la bonté de prendre avec Guy : ce qui me
détermine absolument à vons aller joindre aussi-
tôt qne je serai en état de soutenir le voyage.
Faites -moi entrer dans vos arraogemens pour
celin de Londres : je me réjouis beaucoup de le
faire avec vous. 'Je ne joins pas ici ma lettre à
M. de Grafiènried, sur ce que vous me marquez
qu'elle courtParis. Je marquerai A M. Guy le temps
précis de mon départ; ainsi vous en pourrez être
informé par lui. Qu'il ne m^envoie personne, je
trouverai ici ce <piil me faut. Rey m'a envoyé son
CûmaîSy pour m 'emmener en Hollande ; il s'en re-
tournera comme il est venu.
1 4~ CORRESPOND A^ CE ,
63o, — A M. DU Peyrou.
Sttasboniig, ie 3o Dovembre i ^65
Tout bien pesé, je me détermine à passer ei
Angleterre. Si j'étais en état, je partirais dès de
main ; mais ma rétention me tourmente si cruel
lement, qu'il faut laisser calmer cette attaque,
employant ma ressource ordinaire. Je compte être
en état de partir dans huit ou dix jours; ainsi ne
m'écrivez plus ici, votre lettre ne m'y trouverait
pas; avertissez, je vous prie, mademoiselle Le
Vasseur de la même chose ; je compte m'arrêter à
Paris quinze jours on trois semaines; je vous en-
verrai mon adresse avant de partir. Au reste , vous
pouvez toujours m'écrire par M. de Luze , que je
compte joindre à Paris pour faire avec lui le
voyage. Je suis très-fâché de n'avoir pas encore
écrit à madamfe de Luze. Elle me rend bien peu
de justice si elle est inquiète de mes sentimens;
ils sont teb qu elle les mérite , et c'est tout dire. Je
m attache aussi très-véritablement à son mari. 11
a Tair froid et le cœur chaud; il ressemble en cela
à mon cher hôte : voilà les gens qu'il me faut.
J'approuve très -fort d'user sobrement de la
poste, qui en Suisse est devenue un brigandage
public : elle est plus respectée en France ; mais les
ports y sont exorôitans , et j'ai , depuis mon ar-
rivée ici, plus de cent francs de ports de lettres.
Retenez et lisez les lettres qui vous viennent pour
]Boi;iiem'eiiToyez que celles (jui Vejdgent abso^
huDcnt; il suffit d'un petit extrait des autres.
le reçois en ce laonient votre paquet p^ /o.
VoQà ieirez avoir* reçu une de mes lettres ou je
^(Mi'> fnaîs d'ouvrir toutes celles qui vous Ye-
QÛeat à mon adresse : ainsi vos scrupules sont
tatt nal ^acés. Je ne sais si je vous écrirai encore
avant mon départ; mais ne m'écrivez plus ici. Je
Toiâ eiubiaase de la plus tendre amitié.
63 1. — A M. d1v£rnois.
Strasbourg, le 2 décembre iy65.
\ovs ne doutez pas , moDsieor, du plaisir avec
lequel ^^ rer^u vos deux lettres et celles de M. Dc-
lucx Ou s attache à ce qu on aime à proportion des
maux quH nous conte. Jugez par là si mon cœur
est toujours au milieu de vous. Je suis arrivé dans
cette- ville malade et rendu de fatigue. .Je m'y re-
pose aY^c le plaisir qu'on a de se retrouver parmi
des humains, en sortant du milieu des bétes fé-
Toces. J 'ose dire que , depuis le commandant de la
provinee jnsqn au dernier bourgeois de Stras-
bourg, toQt le monde désirerait de me voir passer
ki mes jours : mais telle n'est pas ma vocation. .
Ifejrs d'état de soutenir la route de Berlin , je prends
^ P9ïû de passer en Angleterre. Je m'arrêterai
ÇtttBu jours ou trois semaines à Paris, et vous
poarez m j dourrer de vos nouvelles chez la veuve
ïkàme^ libraire, rue Saint-Jacques.
l6 CORRESPONDANCE y
Je Yoas remercie de la bonté que vous avez eue
de songer à mes commissions. J ai d'autres prunes
à digérer; ainsi disposez des y^tres. Quant aux
bilboquets et aux mouchoirs, je voudrais bien que
vous pussiez me les envoyer à Paris , car ils me fe-
raient grand plaisir; mais, à cause que les mou-
choirs sont neufs, j ai peur que cela ne soit diffi-
cile. Je suis maintenant très -en état d'acquitter
votre petit mémoire sans m'incommK)der. U n «n
sera pas de même lorsque , après les firais dW
voyage long et coûteux, j'en serai à ceux de mon
premier établissement en Angleterre : ainsi, je
voudrais bien que vous voulussiez tirer suit moi à
Paris , à vue , le montant du mémoire en question.
Si vous voulez absolument remettre cette affaire
au temps où je serai plus tranquille, je pous prie
au moins de me marqueur à combien tous vos dé-
boursés se montent, et permettre que je vous en
fasse mon billet. Considérez, mon bon ami, que
vous avez une nombreuse famille à qui vous de-
vez compte de Temploi êe votre temps, et que le
partage de votre fortune, quelque grande qu'elle
puisse être, vous oblige à n'en rien laisser dissi-
per, pour laisser tous vos enfans dans une aisance
honnête. Moi , de mon côté, je serai inquiet sur
cette petite dette, tant qu elle ne sera pas ou payée
ou réglée. Au reste, quoique cette violente expul-
sion me dérange, après un peu d^embarras je me
trouverai du pain et le nécessaire pour le reste de
mes jours, par des arrangcmens dont je dois vous
1765. 17
avoir parlé; et quant à présent rien ne me manque,
fai toat Varient qa'îl me Êiat pour mon voyage et
aurddà, ci, avec on peu d'économie, je compte
me letroarer bientôt an courant comme aupara-
Tant Xai cm tous devoir ces détails pour tran-
(foSEser Totre honnête coeur sur le compte d!vaï
homme que vous aimez. Vous sentez que , dans
le désordre et la précipitation d un départ iirus-
qœ j je n'ai pu emmener mademoiselle Le Vas-
seor errer arec moi dans cette saison, jusque ce
que j'eusse un gite ; je Fai laissée à File Saint-
IHerre , ou elle est très-bien et avec de très4ion-
nêtes gens. Je pense à la £iire venir ce printemps,
<» ^n^kleiTe, |^ le bateau qui part dTverdun
tonsVes ans^lonyrar, monsieur; mille tendres sa-
lutations à votre chère &mille et à tous nos amis;
fe Toas emhzsse de toat mon cœur.
632. ^-i A IL David Hum.
Sln^KHirg, k 4 diécoBabre 1765.
Vos bontés , monsieur, me pénètrent autant
qu'elles mlionorent. La plus digne réponse que
je puisse fiûre à vos offres, est de les acceptei*, et
}t les accepte. Je jKUtirai dans cinq ou six jours
^Qv aller me jeter entre vos bras; c est le conseil
^ nlcntl maréchal, mon protecteur, mon ami ,
^Boapm; c'est celui de madame deBoofflers, dont
b iMveîUance éclairée me guide autant qu'elk
HecoBScie^ enfia fo«e dire c'est oelni de mon
ao C0RIUESP05DÀXCE , j
encore des forces, pour arriver enfin en liea de
repos.
Je viens en ce moment d'avoir la visite de M. dei
Luze , qui ma remis votre l^llet du 7 , daté de
Berne. J^ai écrit en effet la lettre à M. le bailli de
Nidau ; mais je ne voulus point vous en parler
pour ne point vous affliger : ce sont , je crois , le^
seules réticences que lamitié permette.
Voici une lettre pour cette pauvre fille qui est
à nie : je vous prie de la lui faire passer le plus
promptement qu'il se pourra; elle sera utile à .«a
tranquillité. Dites, je vous supplie, à madame la
Commandante (^) combien je suis touché de sou
souvenir, et de ^intérêt jipi'elle veut bien prendre
à mon sort. J'aurais assurément passé des jours
bien doux près de vous et d elle -, mais je n^étais
pas appelé à tant de bien. Faute du bonheur que
je ne dois plus attendre, cherchons du moins li
tranquillité. Je vous embrasse de tout mqfi cœur
635. — • A M. dIvernois.
Paris, le 18 décembre 1765.
Avant-hier au soir, monsieur, j'arrivai ici très-
£itigué , très-malade , ayant le plus grand besoin
de repos. Je n y suis point incognito, et je n'ai
pas besoin d'y être : je ne me suis jamais caché , e1
je ne veux pas commencer. Comme j'ai pris mot
{*) C'étalfi la xDèxQ de du Ptjiçia^ yeuve d'un commandaxi
paitisnrles ni)asùces des liommes , je les melsa'i
^sortoates dioses , et ^e m'attends à tout de leur
ful,inèïïie qaelcjuefoîs à ce qui est bien. JVi écrit
en ebl\a lettre à M. le bailli de Nidaa^ mais la
cxs^KK^TOUS m* avez envoyée est pleine decon-
tit-sasn£ct)les et de &utes épouvantables. On
mtdeqoelle boulîqae elle vient. Ce n est pas la
première {abncalion de.cette espèce, et voas pou-
vez ooiie c^ue des gens si fiers de leurs iniquités
Be soDt çqère bonteux de leurs falsifications. 11
court kî des copies plus fidèles de cette lettre , qui
nennent de Berne , et qui font assez d'efiet. M. le
Dauphin lui-même, à qui on la lue dans son lit
de mort , eu a paru touché, et a dit là-dessus des
c&oses qui feiaieut bien rougir mes persécuteurs,
s'ils les savaient, et qnlls fussent gens à rougir de
quel^oe chose,
Voos pouvez m*écrire ouvertement chez ma-
danie Duchesne où je suis toujours. Cependant
l'apprends à l'instant que M. le prince de Conti a
en la bonté de me &ire préparer un logement au
Temple, et qull désire que je Taille occuper. Je
ne pourrai guère me dispenser d'accepter cet hon-
neur; mais, maligré mon délogement, vos lettres
sous la même adresse me parviendront également.
636. AU HÊMB.
Pant , le ao décembre 1 7^5.
Votre lettre, mon bon ami, m'alarme pins
«p'eile ne ra'înstniiî. Vous me parlez de milord
î
aa CORRESPOND ANGE ,
marëchal pour avoir la protection du roi; mais d<
quel roi entendez-vous parler? Je puis me &ir(
fort de celle du roi de Prusse; mais de quoi vou
servirait-elle auprès de la médiation? Et s'il es
question du roi de France , quel crédit milord ma
réckal a-t-il à sa cour? Employer cette voie serai
vouloir tout gâter.
Mon bon ami, laissez faire vos amis, et soye:
tranquille. Je vous donne ma parole que si la më
diation a lieu, les misérables qui vous menacen
ne vous feront aucun mal par cette voie-là. Vail
sur quoi vous pouvez compter. Cependant ne ne
gligez pas Foccasion de voir M. le résident, pou
parer aux préven lions qu on peut lui don uer con tr
vous : du reste, je vous le répète, soyez tran
qmnc; la médiation ne vous fera aucun mal.
Je déloge dans deux heures pour aller occupe
auTemple l'appartement qui m'y est destiné. Vou
pourrez m'écrire à Vhôtel de Saint-Simon^ a
Temple y à Paris. Je vous embrasse de la plu
tendre amitié.
687. — A M, DE LuzE.
22 décembre 1765,
L'affliction, monsieur, où la perte d'un pèi
tendrement aimé plonge en ce moment madani
de Verdelin , ne me permet pas de me livrer i d^
amusemens, tandis quelle est dans les larme
Ainsi nous n'aurons point de musique au jourd'hu
AHîliE 1765. 33
d^.T^"* cW „,o: ce soir comme à l'on-
J^, et sd ent« dans vos airangemen, dV
638. — A Madame ILatoto.
A Paris, k a4 dfconbn iy65,
f^^J^ ^' ^ °" ^"^« »°«™ chose de
ÏÏiil"* '«««pourdit, et mamnge un peâ
i^/™'** el mon séjour ici ne sont point nn
»«- Je ne ron, a, p«„t été voir, parw que je
^ ^a^pen^ et qaU ne me serait pi,
-^ J^ - *''™^» **™« i™ s» coort espace, k tons
^^oiraçney aurais â remplir. C'en serait rem-
Jnn iMra donx d'aBer \oiu rendre mes hom-
Mj mais, ontre que j Ignore si vous pardon -
^f^ ortie /mitscrétioii â an homme avec lequel
^ ne rouiez qu une correspondance mysté-
^K; ce serait me lirouiller avec tons mes an-
^ ttis de donner sar eux aux nouveaux la
^feite; et, comme je n'en ai pas trop, que
^CWacsmt chers , je n'en veux petdn: aucun, si
fBi,pariBa fiinte.
CORRESPONDANCE,
689. — ▲ M. DU Peyrou.
A PariSj, le 2 ] dëcombre i ^65,
Je vous envoie, mon cher hôte, Tincluse ou-
rerte , afin que vous voyiez de quoi il s'agit. Tout
le monde me conseille de faire venir tout de suite
mademoiselle Le Vasseur, et je compte sur votre
amitié et sur vos soins, pour lui procurer les
moyens de venir le plus promptement et le plus
commodément qu'il sera possible. Je voudrais
qu'elle vint tout de suite , ou qu'elle attendit le
mois d'avril, parce que je crains pour elle les ap •
proches de Féquinoxe où la mer est très-orageuse.
Disposez de tout selon votre prudence, en &isant ,
pour lamour de moi, grande attention â sa com-
modité et à sa sûreté.
Notre voyage est arrangé pour le commence-
ment de janvier; M. de Luze aura pu vous en
rendre compte. J'ai Thonncur d'ôti«, en atten-
dant, l'hôte de M. le prince de Conti. Il a voulu
que je fasse logé et servi avec une magnificence
qu'il sait bien n'être pas selon mon goût; mais je
comprends que, dans la circonstance, il a voulu
donner en cela un témoignage public de l'estime
dont il m'honore. Il désirait beaucoup me retenir
tout-à-fkit, et m'établir dans un de ses châteaux à
douze lieues d'ici; mais il y avait à cela une con-
dition nécessaire que je n'ai pu me résoudre d ac-
cepter ^ quoiqull ait employé durant deux jours
▲KiriB 1765. ab
consécutifs Umle son élocjuence, et il en a bean-
coop , pciisr me persuader. L'inquiétude où il était
rar mes ressources m'a déterminé à hii exposer
nos anangcniens; j'ai fait, par la même raison, b
même ccnfidence à tous mes amis devenus les vô*
ties, et qoi, j'ose le dire, ont conçu pour tous la
vénération qui vous est dae. Cependant, une in«
^foietiide déplacée sur tous les hasards leur a &it
exiger de moi une promesse dont il faut que ja
m'acpitte, très-persoadë que c'est un soin bieu
superflu; g est de vous prier de prendre les me*
sores convenaUes pour que, si j'avais le malheur
itt vous perdre, je ne fusse pas exposé à mourir
de bûm. KATe^lf^cesl on arrangement entre. vous
et T€»s héntids, sur letfoel il me suffit de U parole
que TOUS m'arex doaaée.
On se £ià aneKte en Angleterre d'onvrir uno
souscription pour 1 impression de mes ouvrages.
& TOUS voulez en tirer iparti, j'ose vous assurer
que le produit en peut être imn^cnse, et plus
grand de mon vivant qu après ma mort. Si cette
idée pouvait vous déterminer à y faire iin voyage,
ie drsireTais autant de la voir exécutée, que je le
oaignaà en toute autre occasion.
le le Fondrais pas, mon cher h6te, séparer mes
lires; il hut rendre tout on m'oivoyer tout. Jcf
poueq^ le5 livres^ llierbier, et les estampes, 1#
^09thim emballé j peut m 'être envoyé parla Hol-
kadcy sans que les irais soient immenses, et je ne
àofe/as que AOL Porlalès, et surtout M. Paul,
»0 coRkESPovD Aires,
qui œ^a fait des offîvs si obligeantes, ne Yèuille
bien se charger de ce soin. Toutefois, si tous
trouvez roccasion de vous défaire du tout, sauf
les livres de botanique dont j'ai absolument be-*
soin, jy consens. Je pense que vous ferez bien
aussi de m envoyer toutes les lettres et autres pa-
piers relatifs à mes mémoires, parce que mon
projet est de rassembler et de transcrire dabord
toutes mes pièces justificatives ; après quoi je vous
renverrai les originaux à mesure que je les trans-
crirai. Vous devez en avoir déjà la première
liasse; j'attends, pour faire la seconde, une tren-
taine.de lettres de 17^.8, qui doivent être entre
yos mains. Pygmalion ne m est plus nécessaire ^
n'étant plus à Strasbourg; mais je ne serais pa3
fâché de pouvoir lire à mes amis le Lévite d'E-
phraîm , dont beaucoup de gens me parlent avec
curiosité.
• Je vous écris avec beaucoup de distraction y
parce qu il me vient du monde sans cesse, et que
je n ai pas un moment à moi. Extérieurement, je
suis forcé dette à tous les survcnans; intérieure-
ment, mon cœur est à vous , soyez-en sûr. Je voua
embrasse. , ,
Si vous me répondez sur-le-champ, je pourrai
recevoir encore votre leitre, soit sous le pli de
M. de Luze, soit directement à l'hôtel de Saine-
Sùnott, au Temples
àfaxÈB 1765. atf
640. — > ▲ M. DB LUZB.
a6déce8ilMi^5.
1e ne saurais, monsieur, darerplus loag-tcmpi
cor ce héàtre public Pourriez-vouSy par charité,
acoéléicriin peu notre c^epart? M. Hume consent
a paifir le jeudi a k midi pour aller coucher a
SeaUs. Si tous pouvez vous prêter à cet arrange*
ment, tous me ferez le plus grand plaisir. Nous
n'aorons pas la berline à quatre; ainsi vous pren-
drez Totre chaise de poste, M. Hume la sienne,
et nous changerons de temps en temps. Voyez, de
grice^ â tout cela tous convient, et si tous Toulez
m envoyer cjoeLpie chose à mettre dans ma malle.
Mille Cendres salutions.
6^1. — A M. dIteknois.
Fnû, le 3o MceoibM 1765.
Je reçoFs, mon bon ami, Totre lettre du 23. Je
suis très-Ûché que tous n'ayez pas été Toîr M. de
Voltaire. Atcz-vous pu penser que cette démar-
che me ferait de la peine? que vous connaissez
loal mon cœor ! Eh ! plAt à Dieu qu'une heureuse
i<^iiciliâtion entre vous, opérée par les soins de
cet homme ilinstre, me faisant oublier tous ses
^^"^f me livrât sans mélange à mon admiration
pour ki! Dans les tezrps oii il ma le plus cruello-
oeat traité y jai toujours eubeauco^p la^om ds^
&8 CORRESPONDANCE 9
version pour lui que d amour pour mon pays.
Quel c[ue soit 1 homme qui vous rendra la paix et
la liberté, il me sera toujours cher et respectaUe.
Si G est Voltaire, il pourra du reste me Èiire tout
le mal qu'il voudra; mes vœux constans, jusqu'à
mon dernier soupir, se. ont pour son bonheur et
pour sa gloire.
Laissez menacer les jongleurs; tel fiert qui ne
tue pas. Votre sort est presque entre les mains de
M, de Voltaire; s'il est pour vous, les jongleurs
vous feront fort peu de mal. Je vous conseille et
vous exhorte, après que vous Faurez suffisamment
sondé , de lui donner votre confiance. U n'est pas
croyable que, pouvant être Fadmiration de l'uni-
yers, il veuille en devenir Fhorrcur : il sent trop
bien l'avantage de sa position pour ne pas la met^
tre à profit pour sa gloire. Je ne puis penser qu'il
veuille, en vous trahissant, se couvrir dlnfamie.
En un mot ) il est votre unique ressource : ne vous
l'ôtez pas. S'il vous trahit, vous êtes perdu , )e Fa-
voue ; mais vous Fêtes également s^Û ne se mêls
pas de vous. Livrez-vous donc à lui rondement el
franchement; gagnez son cœur par cette con^
fiance; prêtez -vous à tout accommodement rai^
sonnaille. Assurez les lois et la liberté ; mais sa«
aifiez Famour-propre à la paix. Surtout aucun
mention de moi, pour ne pas aigrir ceux qui me
haïssent; et si M. de Voltaire vous sert comme i;
le doit^ s'il entend sa gloire, comblez -le dlion
JL:rs(ï»& i
^9
neors, et consacrez \ AçoUoti pacîficafeuf;/?^^^
pacatori,\a. taéàaiiie c^iae vous m'aviez uestàiép.
Ê^a- A. M. DU PEYHOr*
APurîs, 1« i^i»nriee 1766.
liT^qoîs, mon cber li6te, Totre lettre du af ,
Q^ i3', je cars demam ponr le puhlic, et samedi
rédlemciil. Toujours embairassé de mes prépa-
ratiis et de mes continuelles audiences; je ne pois
TOUS écnre que quelques mots rapidement.
N'ayant pas le temps suffisant pour relire vos
IdUres avec attcntiou , je ne les ferai pas impri-
mer^ d autant que cest la chose la moins néces-
saire. On ne peut rien ajouter au mépris et à Vhor-
rear qu'an a ici pour vos ministres; ot cett«
affaire commence à être si yieille, que, selon Tes-
piît léger du pays, on ne pourrait se résoudre â j
revezur sans ennui. J'apprends que la cour vous
donne un gouTemcur; j imagine que cette nou-
velle ne £iit pas un grand plaisir au sicaire et à ses
satellites.
Je ne sais quel parti aura pris mademoiselle Le
Vassenr. On l'attend ici; mais le froid est si ter-
rible, que je souiTre à imaginer cette pauvre fille
eu Toate, seule, et par le temps qull fait. Dirigez
ioutpoar le m'eux, soit pour accéU'rer son dé*
pift. soit pour le retarder jusqu'après Vequinoxe.
llùat nécessairenicut V\m ou l'autre *, le pis serait
de tewpoTiserm
30 CORRESPOKDANÇE,
Tâchez , je tous en prie j de m envoyer par ma*
demoiselle Le Vasseur toutes les lettres, mé-
moires, brouillons, etc., depuis lySS jusqu'à 1762,
mois de juin inclusivement, c'est-à-dire jusqu à
mon départ de Paris, attendu que la première
chose que je vais faire sera de mettre au net toute
cette suite de pièces, de peur den perdre la trace.
Mon voya|;e ici ne ma pas été tout-à-fait inutile
pour mon objet. J y ai acquis , sur la source de mes
malheurs, des lumières nouvelles, dont il sera
bon que le public à venir soit instruit* Je vous re-
commande mes plantes sèches. Ce recueil fait en
Suisse me sera bien précieux en Angleterre, où
j'espère m'en occuper. Si vous pouvez remettre à.
mademoiselle Le Vasseur une couie du Lévite ,
ou lui brouillon qui doit être parmi mes papiers,
je vous en serai fort obligé. Vous savez qu il y a
parmi mes estampes une épreuve d une petite fille
qui baise un oiseau, et que cette épreuve vous
était destinée. Je vous en parle, parce que cette
estampe est charmante, et qu elle ne se vend point*
Il doit y en avoir deux en noir et une en rouge ;
choisissez. M. Watelet a ranimé ici mon goîkt
pour les estampes, par celles dont il ma fait ca-
deau. Je veux vous faire faire connaissance avec
lui. Lorsque vous ferez imprimer mes écrits, il Be
chargera volontiers de la direction des planches,
et c'est un grand point que cet article soit bien
exécuté.
Jai cherché le moment pour écrire A M. de
1766. 3i
Vaafawen , à f^ui \e dois des remercîmens, jenâi
^W\xoTX7et dans ce 1outI>î11oii de Paris , où je
siûseTklraVnè-, ^e suis Ici dans mon hôtel de Saint-'
Sous^^comme SancYio dans son île de Barataria ,
c&TCpRseulaûon loulela journée. J'ai du monde
detOQsclats^depmsVlnstant où je me lève jusqu'à
ceiiû oà ^ me coache , et je suis forcé de mliahil*
la- e& poblic. Je n'ai jamais tant souâêrt; mais
iseorcasement cela Ta finir.
On écrit de Genève <£ue vous êtes en relation
arec M. de Voltaire ; je suis persuadé qull n'en
est rien, non <pie cela me fit aucune peine , mais
pafce ope tous ne m'en avez rien dit Je suis
oUigè de partir, sans pouvoir vous donner an-
émie adresse pour Londres; mais, par le moyen
de M^ de Lazcj ) espère que notre communication
sera bientôt onrerte. J*ai le coeur attendri des bon-
lés de madame la commandante , et de Fintérét
quelle prend à mon sort. Je connais son' excellent
coeur, «lie est votre mère ; je suis malheureux .
comment ne slntércsserait-elle pas à moi? Quana
ie pense & vons^ j'ai cent mille choses à vous dire;
quand je vous écris , rien ne me vient , j'achève
^ perdre entièrement la me moire. Grâce au ciel^
ce n'est pas d elle que dépendent les souvenirs qui
AUtadesf i vous. Je tous embrasse tôndxement*
}l €0RIlESPO?rDÀlfCE, 1
643. A MADÀBfE DE CrÉQUI* ^
Au Temple , le i •*' janvier 'i 766.
Le désir de vous revoir, madalne^, formait uû
^e ceux qui m attiraient à Paris. La nécessité, la
dure nécessité , qui gouverne toujours ma vie ,
m'empêche de le salisîfaire. Je pars avec la cruelle
certitude de ne vous revoir jamais : mais mon sort
p a point changé mon âme; rattachement, le res-
pect, la reconnaissance, tous les sentimens que
j'eus pour vous dans les momens les plus heureux , '
m'accompagneront dam» mes richesses juâqu à >
mon dernier soupir (*).
I
.644* A MADAME LaTOUR. |
^ Le a janrîer 1 766.
Je pars, chère Marianne, avec le regret de n'a- ,
voir pu vous revoir, Je n'ai pas plus oublié <jU3
vous ma promesse; mais ma situation la rendait
conditionnelle : plaignez -moi sans me condain*
ner. Depuis que je vous ai vue, j'ai un nouvel in-
térêt de n'être pas oublié de vous. Je vous écrirai ,
je vous donnerai mon adiesse. Je désire extrême-
ment que vous m aimiez, que vous ne me fassiez
(*) M'accompagneront dan» ma richetaa. . C'est f' texte de
réditioQ originale doDni'e pnr Peugeos en 1 7(^8 ( pt^tit in- 1 ai ,
page 33). Ma» le mot richestes nofi're ici aucun sens; c'est
MUS doute d€tre$s€$ ou travo'ses <ja'il y £i»dnit substituer.
▲loriâE 17G6. 3X
p!iis de reproches , et encore plus de n'en point
mérîler. Mab il est trop tard pour me corriger de
rieii; îeTKterai tel qne je sais, et il ne dépend pas
plus de moi d'être plus aimable , <pie de cesser de
TOUS aimer.
64s. — A WAHAirg i^ COVTESSE DE BoUTTLCRS.
Londres, 18 janvier i^6(x
Nors sommes arrÎTés ici , madame , lundi der«
nier, après mi yoyage sans accident; je n'ai pu,
comme j« Tespérais, me transporter d aliord à la
cam^a^e. M. Home a en la bonté d'y venir hier
faire tme Umn&èe avec moi , pour chercher un lo-
ç,emcnt. Sous avons passé à Fuïham, chez le jar-
dmierauguei on araii songé; nous avons trouvé
ooe maison Irés-maiprepre , où il n^a qu'une seule
chambre â donner, laquelle a deux lits, dont Tun
est maintenant occupé par un malade, et quil n'a
pas même voulu nous montrer. Nous avons vu
quelques endroits sur lesquels nous ne sommes
pas encore décidés , mon désir ardent étant de
m éloigner davantage de Londres, et M. Hume
pensant qne cela ne se peut sans savoir l'anglais;
f ne pois mieux £àire que de mVn rapporter cn-
Itèrement â la direction dun conducteur si zélé.
Cependant je vous avoue , madame , que je ne rc-
oooeerais pas fiicilement à la solitude dont je m'é«
(^ flatté et où je comptais nourrir à mon aise les
34 * COR|lESPOirDAirCE,
précieux souvenirs des bontés de M. le prince •
Contî et des vôtres.
M. Hume ma dit qu*il courait à Paris une pi
tendue lettre que le roi de Prusse ma écrite. ]
roi de Prusse ma honoré de sa protection la pi
décidée et des offres les plus oliligeantes; mais
ne m'a jamais écrit Comme toutes ces f^hrictitio
ne tarissent point , et ne tariront vraisemblabl
ment pas sitôt, je désirerais ardemment qu on vo
lût bien me les laisser ignorer, et que mes cnnem
en fussent pour les tourmcns qu'Û leur plait de :
donner sur mon compte, sans me les faire part
gcr dans ma retraite. Puissé-je ne plus rien sa vo
de ce qui se passe en terre-ferme, hors ce qui ii
téresse les personnes qui me son| chères! J a]
prends, par une lettre de Neuchàtel, que mad<
moiselle Le Vasseur est actuellement en roui
pour Paris , peut-être au moment où vous rca
vrez cette lettre , madame , sera-t-elle déjà chc
madame la maréchale : je prends la liberté de 1
recommander de nouveau à votre protection , (
aux bons conseils de miss Beckett. Je souhait
quelle vienne me joindre le plus tôt qu'il lui ser
possible : elle s'adressera à Calais , à M. Mon
Disque, négociant; et à Douvres, à M. Minet
maître des paquebots , qui l'adressera à M. Stc
ward , à Londres.
Je ne puis rien vous dire de ce pays, madame
que vous ne sachiez mieux que moi ; il me puai
qu'on m'y voit avec plaisir, et cela m'y attacha
iNNiE 1766. 3S
Cependant fairaerais mieux la Suisse qoe TAn*
f leterre , loais j'aime mieux les Anglais que les
Suisses. Votre séjour chez cette nation, quoique
camt, lai a laissé des impressions qui m'en don-
nent de bien &Torables sur son compte. Tout le
flHnde m j parle de vous , même en songeant
moins à moi qu'à soi. On sy souvient de tos
voyages j comme d'un bonheur pour TÂngleterrei
et je suis sûr d'y trouver partout la bienveillance^
en me vantant de la vôtre. Cependant, comme
tout ce qu'on dit ne vaut pas, â mon gré, ce que
yt sens, je voudrais de 1 hôtel de Saint-Simon
avoir été transporté dans la plus profonde soli-
tude : ^aurais éiè bien sûr de n'y jamais restes
seul. Mon amour pour la letraite ne m'a pourtant
pas &it f Dcore accepfer aucun des logemens qu*on
m 3 offerts en campagne. Me voilà devenu difficile
en hôte.
Lorsque vous voudrez bien , madame , me faire
(Ere un mot de vos nouvcJes, soit directcmeut|
soit pr M. Hume , permettez que je vous prie de
m'en &ire donner aussi sur la santé de madame la
maiédiale.
Après avoir écrit cette lettre, j'apprends que
M. Hmne a trouTé iin seigneur du pays de Galles^
qû dans un vieux monastère, où loge un de ses
/ènnias, lai £aiit oUrc pour moi d'un logement
P^écisémeul, tel qne je le désire. Cette nouvelle^
B^sdame, me comble de joie. Si dans cette con-
fiée, â éloignée et bï sauvage, je pub passer en
36 CORRESPONDANCE y
paix les derniers jours de ma vie, oublié des
hommes, cet intervalle de repos me fera bientôt
oublier toutes mes misères, et je serai redevable à
M. Hume de tout le bonheur au<juel je puisse en-
core aspirer.
Nota, Une ctroontlaiice rapportée dans cette lettre mérite
d'être remarquée : c'est la confidence de David Hume à Jean-
Jacques, sur la prétendue lettre du ro| de Prusse. Rousseau
fîiyatt en Angleterre pour ne plus entendre ce que ses enucmift
disaient de lui ; et son hôte a la maladresse de Ten instnûre.
Jean-Jacques en eut de 1*1 umeur contre Hume : il n'osa Tex-
ptimer diredement à madame de Bonfflers, amie înlûne de
l'historien , et (jui les aTait liés tous les deux, mais il ne saurait
en dissimuler l\ xpression. Je d Mirerais tfu^on voulut hien y etc.
Il est probable qu'il voulait faire doouer Tavis par madame «h
BoniBeif.
646. — ▲ M. DU Peyrou.
A liondres, le d^ janyier 1766U
Je reçois, mon cher hôte, votre n® i3. Je vouj
écrivis j il y a quelques jours j, mais comme il y eu
quelque quiproquo sur raftranchissement de va*
lettre, et qu'elle poiurait être perdue, je vous ei
répéterai les articles les pkis împortans, a\cc le
changemens que de nouvelles instructions m'es
gagent d'y faire.
Rey me marque qu'il désirerait bien d'avoir u
exemplaire de vos lettres et des pièces pour i
contre : faites en sorte de les lui envoyer. On r
connaissait ici que votre première lettre \ Bcc]l<
et de Hondt la disaient traduire et imprimer y
^Uit )àicssfa& '«iiKL YLuxue €|tAÂ en sera cbamé
)>ttçu^\<ffis ^\œx des eVioses s\ Yionxxétes à c
svD \c& Xchàtos soms i\^\V a. pris de moi , et j
TafXBÔk ^ûu^è c|ui\ ma procuré en Aug^
tcxre. \IèV^ de \a liaûovi vient là oomme dear^
ctt ^KTAk die Ve mérite bien , el c est une boni
Ve^Mi ^\ii \es auVres. 11 me semble que vous pot
^ez traiter VaGûire i\e Berne sans tous comprc
Bet.%z«, et laèiBe en louant la majeure et plu
^e partie da gouvernement , c{ui a dësapprou?
rz haulement ce coup fourré -, mai* pour c«
iMM^ns de Bienne, ils méritent en Térité d'èti
voés par les i>cHies. Vous pourrez joindre poi
^<^s«n-c^Ie& piéoes justificatrres les nooveaiutrescril
«^ Ja co^mt^ les arrêts du CoDseil-d état, et mâme le
^^^cttiûc^X» donnés au sicaire, commentés en peu d
^2s, OU sans commentaire, et yous pourrez pai
4- d^ime prétendue lettre du roi de PruMe, à me
; et siirementde£ifarieationgéaevoîse,qu
HTO Faxis ^ et. qui est eu opposition par&it
_ 1^ sentimeo^ , le* discou», les rèscrits, et ï
LÀake da roi Aslus toute celle af&ire. Si voU
eiitreprendi« ce petit trayail, il fiiut vott
avon5 fait suspendre Timpressioi
du reste pour auen****^ ^ ^^.^^^^^^^ ^^^ tu»
^Miriez envoyer aussi à Rej; au moyen de q«ii
38 CORRESPOND AirCK,
Fâîce et les antres fripons seraient asses pendnds^
voyant vos lettres, quils prennent tant de peine
à supprimer, publiques en Hollande et traduites
i Londres. Le sujet est assez beau , ce me semble ,
et le correspondant que je tous donne ne fottmit
pas moins. Je vous recommande aussi les deux
baillis qui m'ont protégé , chacun dans son gou-
yernement, M. de Moiry et M. de Graflènried»
M. Hume croit que ma lettre à ce dernier doit en*
Irer dans les pièces justificatives. Vous pourrez
Élire adresser votre paquet bien au net à M. Hume^
dans Yorck-BuildingSf Buckingham streetj Lan*
don, S il arrivait que vous ne voulussiez pas vous
charger de cette nouvelle besogne, il faudrait l'en
avertir. Au reste, priez-le de revoir et de retou-
l^her; il écrit et parle le français comme langlaisy
cest tout dire.
Je suis absolument déterminé pour lliabitation
du pa^'s de Gaiies, et je compte m'y rendre au com-
mencement du printemps. En attendant rarrivée
de mademoiselle Le Vasseur^ je vais habiter on
village auprès de Londres , appelé Chiswick , où
|e Tattetidrai et où nous prendrons quelques se-
maines de repos, car on nen peut avoir ici pai
PaflKience du monde dont on est accablé. Cepen-
dant je ne rends aucune visite, et Ion ne s*ei]
fSiche pas. Les manières anglaises sont fort de
mon goût; ils savent marquer de Testimesans fla-
gorneries ; ce sont les antipodes du babillage dt
WeuchâteL Mon séjour ici fiiit plus de sensatios
▲xcifiB 1766» 9g
fwjeiïSLunk po croire. M. le prince hérédHaîre,
beau-fière (h roi, m'est venu voir, mais inco-
gnito, ainsi n'en parlez pas. Louez, eu général ,
le lion accueil, mais sans aucun détail. Je vous
cens ans règle et sans ordre, sûr que vous ne
mootiez mes lettres à personne.
Je foos avoue que je n'aime pas trop votre cor-
leqMmdance avec M. Misoprist, et surtout l'im-
pression dont vous vous chargez. Je ne reconnais
pas là voire sagesse ordinaire. Ignorez-vous que
jamais liomme n eut avec Voltaire des affaires de
cette espèce qu'il ne s'en soit repenti? Dieu veuille
qniainsl ne soit pas de vous !
le vQQs Temerâe de vos bons soins au sujet de
MM.GmnaDÀelHankey. Je ne serai pas à portée,
virant i soixante lieues de Londres, de leur de-
mander de l'argent quand j'en aurai besoin. Il
vaudra raîeuz que vous preniez la peine de m'en-
rojer périodipement des billets, ou lettres sur
eox y que je pounai négocier dans la province.
Puisque mademoiselle Le Vasseur a a pas pris les
trente loui» que je vous avais laissés , vous m'obli-
gerez de m'envoyer sur ces messieurs un papier
de ottte somme, déduction £iite des divers 4^
Wionés que vous avez Mts pour moi. M. Hume
■c ten parvenir votre lettre. Je ne vois plus M. de
I^ose^ et maibeiireusement nous avons perdu son
adresse. Je vous emlH*asse tendrement. Mille res«
P^cis i b hmne maman, et amitiés à tous vos
Ma
4o CORRESPOND AirCE y ]
Comme M. Hume ne résidera pas toujours à
Londres, vous pourrez faire adresser ou remettre •
Yos lettres h «M. Steward, Y orck-Buildings ^ Buo
kingham street.
le rouvre ma lettre pour vous dire qu'après y i
avoir mieux pensé, je ne suis point davîs que
vous écriviez celte nouvelle lettre, pour* éviter
toute nouvelle tracasserie , surtout avec vos voî-
sins. Restons en paix, mon cher hôte, cultivez la ,
philosophie, amusiez-vous à la botanique, laissez
les prêtres pour ce qu'ils sont, et surtout ne vous ,
mWez point de faire imprimer les écrits de Vol-
taire , car infailliblement vous eu auriez du cha
grin ; mais ramassez toujours les pièces qui regar-
dent mon affaire pour l'objet que vous savez.
647» —^ A M. dIvernois.
Cbifwick, 29 janvier 1766.
Je suis arrivé heureusement dan^ ce pays : j'y
ai été accueilli, et j'en suis très content : mais ma
santé, mon humeur, mon état , demandent que je
m^éloigne de Londres ; et , pour ne plus entendre
parler, s'il est possible, de mes malheurs, je vais
dans peu me confiner dans le pays de Galles.
Puissé-jey mourir en paix! cest le seul vœu qui
me reste à &ire. Je vous embrassa tendrement.
^%.— -àii4x>A3i& 1^ com:t£ssb bb Bovffixbs.
ACLiswick, le G VSvnn ty66.
TKiâi2nig& d'habitation , madame, depuis qne
^ùeatWnii&etff de vous écrire. M. de Luze,qiii
aim cfiiû de yous remettre cette lettre, et qui
B et Tenu voir dans ma nouvelle habitation ^
prana tous e& rendre compte ; quelque agréable
qu'elle soit, ) espère n'y demewer que jasqa'apFès
lairiTée de mademoiselle Le Vasseur, dont je n'ai
ancane nonyelle et dont je suis fort en peine,
rpoA calculé, sar le jour de son d^>art et sur
leiBpresscment que je lui connais , qu'elle devrait
natoTeliement être arrivée. Lorsqu'elle le sera , et
«ju eIZe aura prb le repos dont sûrement eUe aura
gr.ud besoin, nous partirons pour aller, dans Je
pays de Galles, occuper le logement dont je vons
M parlé, madame, dans ma précédente lettre. Je
soupire iBcessamment après cet asile paisible , où
1 on roc promet le repos, et dont, si je le trouve ,
y: ne sertirai jamais. Cependant M. Hume, plus
difficile que moi snr mon bien, craint que je ne le
trouve pas si loin de Londres^. Depuis rengage-
ment dtt pays de Galles, on lui a proposé d'autres
V^bÂ'ations qui loi paraissent préférables, entre
antres une dans l'ile de Wighf oBerte par M. StaiH
îejr.L'àe de Wight est plus à portée ^ dans uti cB-
Bat plus doux et moins pluvieux que le pays de
GaJJes, et le logement y sera probablement çlu^-
4^-
44 CORRESPONDANCE,
tance dont ils sont pour les recueils dont ]e irai
moccuper.
Dans mes deux précédentes lettres, j'entrai
dans de longs détails sur Tenvoî de mes livres <
pajrers. J'ai quelque lieu de craindre que la pri
niîère n ait été perdue ; mais la deuxième suffi
pour vous guider dans lenvoî que vous vortle
m'en faire, et qui réellement me fera grand plaisi
dans ma retraite -, ce qui m'en ferait Irien plus en
core, serait respoir de vous y voir un jour. Si ja
mais M. de Cerjeat vous y attire, j'aurai bien de
raisons^ de l'aimer. Je n'ai pas ouï parler de lui , c
je ne cherche pas de noirvelles connaissances
mais, s'il cherche à me voir, je le recevrai commi
votre ami , et j'oublierai qu il croit aux miracles.
Je ne vois pas sans inquiétude votre commerci
avec M. Misoprist; j'ai peur qu'il n'en résulte enfin
quelque chrgrîn pour vous. Je ne vous conseilla
point de faire imprimer son manuscrit; quant à h
lettre véritable, ce peut être une plaisanterie sanj
conséquence. Cependant, je trouve quil est an
dessous de vous de vous occuper de ce cuistre d<
MontmoUin, et de sa vile séquelle. Oubliez qu<
toute cette canaille existe; ces gens-là n'ont du
sentunent quaux épaules, et Fon ne peut leur re-
pondre qu'à coups de bâton. Je ne sais ce qu'a dil
le moine Bcrgoon, et ne m'en soucie guère. Quand
vous aurez prouvé que tous ces gens-là sont des
fripons, vous n'aurez dit que ce que tout le fnondc
sait Cependant, n'oubliez pas de rasscmhirx
AsmrkE, 17G6. 4^
toates les pièces qai me regardent , et de mêles
eoToyeT quand tous en aurez Toccasion. Je n'ai
TU c^umie senk des lettres de Voltaire dont vous
mepai\cz',test, je crois, la dix-septième on dix*
Wi^ème lettre^ Je u^ai point tu non plus la pré-
icndue lettieda roi de Prusse , à moi adressée; et
pourquoi Tons Vattribnez à M. Horace Walpole,
c'est ce (jne je ne sais point du tout.
On traTsoUe ici à traduire tos lettres, et j'ai
donné pour cela mon exemplaire corrigé comme
i*ai pu; maïs TouTrage Ta si lentement, et la tra*
duction est â maiiTaise, gue j aimerais, je crois,
prest^e autant «[ne tout cela ne parût point du
tout, ^ej aurait deàié les aToir pour les impri-
iTiex, et ]€ TOOB atone apt je suis surpris que tous
ne TOUS verriez pas de loi pour toutes ces petites
pièces j dont tous pourriez tous faire enToyer des
exemplaires par la poste , plutôt que des impri-
meois autour de Tons , qui , environnés des pièges
de nos ennemis, y sont infailliblement pris, soit
comme fripons, soit comme dupes. 11 me parait
certain que Félice a supprimé tos lettres aTec au-
tant de soin qnil a répandu celles de ce misérable.
On troure partout les siennes; on n'entend parler
des Titres nulle part, et assurément ce n'est pas
I3 p^Cience du mérite qui &it ici celle du cours.
Ou 0 oBprimez rien , ou n'imjvimez qu'an loin ,
coamej'aifcrt
/attendf ao/ourdlini M. Gninand, avec qni je
P'Wkfrai des arrangemcns pour notre correspond
46 COB&B6POIfDA.IfCB^
dance. Jespère vous écrire encore avant mon dt
part; cependant je ne puis causer trangnillemm
avec vous que de ma retrait^.
Je ne sais pas trop ce que signifie Misoprist;
me parait qu il signée ennemi de je ne sais quoi
quoi(|ue je m'en doute et vous aussi. . .
»
65o. — A M. dIvernois*
4
Cliiswicky le a3 ïirxîer l 'jGS,
Je reçois , monsieur, votre lettr ^ du premier d
ce mois. Je secs la douleur qu a dû vous causer h
perte de madame votre mère , et Tamitié me la iàii
partager. C'est le cours de la nature, que les pa
rens meurent avant leurs enfans , et que les enfant
} de ceux-ci restent pour les consoler. Vous avea
dans votre famille et dans vos amis de quoi ne
vous laisse r sentir d une telle perte que oe que
votre bon naturel ne lui peut refuser.
Vous n'avez pas dû penser que je voulusse être
redevable à M. de Voltaire de mon rétablissement
Qu'il vous s rve utilement , et qu'il continue au
surplus ses plaisanteries sur mon compte; elles ne
me feront pas plus de chagrin que àe mal. J'au-
rais pu m'bonorer de son amitié s'il en eût été ca*
pable; je n aurais jamais voulu de sa protection :
jugée si j en veux , après ce qui s'est passé. Son
apologie est pitoyable; il ne me croit pas si bien
instruit. Parlez^lui toujours de ma part en termes
honnêtes i n'acceptez ni ne refusez rien. Le moins
AKiris 1766. ^
feifEatûon que vous aurez ayec loi sur moi)
comj^ sera k mieux, à moins que vous n aper*
ceyiez daîrcmenl qu'H revient de bonne foi : ma»
3 a tons les torts , il faut qull fasse toutes les
avances; et ?oîlà ce qu'il ne fera jamais. II veut
pardonocr et protéger : nous sommes fort loin de
comple.
Je De connais point M. de Gnerchi, ambassa-
ieur de France en cette cour; et, qunnd je le con-
naîtrais, je doute que sa recommandation ni celle
d'un autre ftt de quelque poids dans vos aflaircs.
Voire sort est décidé à Versailles. M. de Beauté*
vV.Wne Geraquexécu a larrôl prononcé. Toute-
fois ^e tcK\teàft\m ècnte, quoique je sois très-peu
connu de \m. le TouÂniis qu il vous connût et
qull Tons ainiit , ce gai est à peu près la même
chose. Uœ lettre sert au moins à faire connais-^
sance : toqs pourrez donc lui rendre la mienne
après IWoir cachetée, â vous le jugez à propos*
J« TOUS Fenvoic à Bordeaux pour plus de sûreté;
mais surtout n*en parlez ni ne la montrez à per-
sonne. Je vous en ferai peut-être passer à Genève
on dooMe par dopËcata pour plus de sûreté.
Je vous SB» obligé de votre lettre de crédit ; je
pent-étre dans le cas d'en faire usage. Selon
amngemens avec M. du Peyrou, il a écrit &
son lengoicrde me donner Targcnt que je lui de-
^BndbaÔL Je foi ai demandé vingt-cinq louis; 2
^utibit aacane réponse- Je ne suis pas d'hu-
aearded^tander deax fois : ainâ y quand f aurai
48 CORRESPOND AI^CB,
découvert ladresse de MM. Lucadou et DracJ^c
que vous ne m^avez pas donnée, je les prîer<
peut-être de m'avaucer cette somme, et jeu fer«
le reçu de manière qu'il vous serve d'assîgncitlo
pour être remboursé par M. du Peyrou.
J'aurais à vous consulter sur autre chose* JTi
chez madame Boy de La Tour trois mille livre
de France, et mademoiselle Le Vasseur^^quatr
cents. L'augmentation de dépense que le 5éjx>u
d'Angleterre va m occasionner me fait désirer d
placer ces sommes en rentes vîagèries sur la ti^ti
de mademoiselle Le Vasseur. Le petit reyemi d(
cet argent doublerait de cette manière, et ne se
rait pas perdu pour cette p uvre fille à ma jp:ior-t
Il se fait, à ce quon dit, un emprunt en France
croyez vous que je pourrais placer là mon ai^eii
Seins risque? y serais -je à temps? p<jurriez-vou^
vous charger de cette affaire ? à qul,iaudrait-il ^jua
je remisse le billet pour retirer cet argent, et ccî*
pourrait-il se fairis convenablement san^ en avoi]
prévenu madame Boy de La Tour?.Voye*. Oan:
Téloignement où je vais être de Londres,- les cor
rcspondanccs seront longues et difficiles ; c^es
pour cela que je voudrais, en partant, emporte]
assez d'argent pour avoir le temps de m'arrangcr
D'ailleurs, j'écrirai peu; j attendrai des occasion:
pour éviter d'immenses ports de lettres, et je m
recevrai point de lettres par la poste. J'aurai soir
de donner une adresse à M. Cascuove avaut cl<
partir^ ce que je compte £iire dans quinze y
an^lns Uid« Bod voyage , lieurevu retour. Je vous
\t soL^pose qae tous are^ reçu la lettre que je
Nws&ÛLécnle de Londres, il y a enTiroii trois se*
TOâLiues on un mois.
n mc^îent une pensée. Une b'stoire de la mé*
AaiioQ pourrait dervenir un ouvrage intéressant.
ReroeiUez, s^ se peut, des pièces, des anecdo-
tes, des &As, sans &ire semblant de rien. Je re-
grette ptnsîeQis pièces qni étaient dans la malle,
et <{m seraient nécessaires. Ceci n est qq un projet
<]uî ^ ^espère, ne s'exécutera |amais, au moins de
v& jgaïi. Tootefins, de ma part ou d^une autre,
mi bon recœil de matériaux aurait t6t ou tard son
emploL En faTisant un peu causer Voltaire, Von
en pourrait tira- d*excellentes choses. Je vous
conseî/le de le rov cjuelquefois; mais surtout ne
me compromettez pas.
Je ne comprends pas ce qae j'ai pu vous en-
wajer à b place de cette lettre <{ue je vous écrî^
Tais , en rous enroyant cdie pour M. de Beauté-
rille. Je me hâte de réparer cette étourderie. Voici
Totre Jeftre. Vous pourrez juger n ce que f ai pu
TOUS eoTojer A la place demande de m'dtre ren-
?^. Pour moi y je n'en sais rien.
i0t0l^
5Ô COUKESrONDAJfCE,
05 1. A M. L£ CHEVALIER DE BzAUTÊTILUt.
A GLUwkk , h a3 tSvrkp i 'j66.
Mo:CSIETJR,
C*s$T au BOBiycfaâe àToU^oQBUT) dq ibu M. le
marÀduil de LuiLcwbourg^ €|iia )\>m lappcler ji
voli:e souvemr im boBime à (foi rhoooeur de son
aiaitié valut celai d'être copou de vous. Daos b
noble fonction, que va i?empUi: V. S. vous euten-
dres quelquefois parler de cet infortuné. Vou£
connaîtrez ses malheurs dans leur source, et vous
j|ige!Fez s'ils étaient mérités. Toutefois , <]ue]quc
confiance qu'il ait en vos seatimeas intégres el
généreux, il n'a rieu i demander pour Im-mémc :
il sait endurer des torts qui ne sor oot poiai répar
rés; mais d oso, moasieur, ]^*ésenter i V. E. un
homme de hien j son ami ,. et digpe de l'être, di
tous Itf hoanêtes ffsoB, Voua voudrez coonaitri
U vériié, et pràt^ à ses défenseurs une oveille im
psurtiaie» M. d'Ivernoi^ est ob état de vous la dir<
et par lu^méme e4 par ses aii|is> tous estiaaLlc
par leurs maHirs., par leurs vertus, et par leur hoi
sm^k Ce ne stKitpas des homines briUans, iutri
gans , versés dans Tari deséduiie ;. maisoe sont d
dignes citoyens, distingués autant par une cos
duite sage et mesurée que par leur attachemei
à la constitution et aux lois. Daignez, mousieir
leur accorder un accueil fitvorable, et les écouU
avec bonté. Us vous exposeront leurs raisons /
l-J^^Ï* ^'
leondriHisiTec toute la candeur et la ÈÎmpliâ^
iieibircaraciàre,el\emassiire qné tous trottina
rez en enx mon excase pour la libarté que ft
"^iieoisèieirous les présenter.
\t sop^e TOtre excellence d'agréer tun pn^
«
6S^. — A M. UL comrs omtorr,
9m fsftt à ktt lûw p«r et seigneur d*niié recrute êÊtik ttfte de
Htltoii, k a3 lévrier i^Ùù.
Vot!SToiisdoiinei,M. le cdmte, pour avoir des
àn^obct^ \ en cflfet, c cd est presque une d^étre
Inenboaiitiaiiàmtérét) et c'en est uae bien pins
grande de i*étre de si loin pourquelqu unqil^oii ne
coonêît pas» Voé offies obligeantes, le ton dont
TOUS me les avez fiites, et la deecription de Tba-
biiaitiaa «pie tous me destines f seraient as$ur<v
iment tri^capables de m'y attii^r, ai fêtais raoiuiS
infime, plus allant^ pins jeune , et qoe yOus Sat^
siez pks piés dn soÛl : je craindrais d'aîUeum
qsVn T^yant celai que yons bonorûa d*Me ii^T^
talimiy vons n'y enssie« quelque regret : tous vous
eUeaJriea A une manfère d'homme de lettres^ «n
beau diseur, qui devrait payer en frais d^esprit est
de pntfeles rotre généreuse hospitalité^ et tons
fiîninî» qu'ail JN>afaomBie bka simpU, que sw»
pA et ses maibeaTS oui rtnàu fott toUtâivê, H
fli paar toat amosefflieAS berWîstot tents k
5 2 CORRÊSPOKD AICCE y
journée, troare dans ce commerce arec les plantes
cette paix si douce à son cœur^ que lui ont refusée
les humains.
Je nirai donc pas, monsieur , habiter votre
maison; mais je me souviendrai toujours avec re-
connabsance que vous mè l'avez olîerte, et je re-
gretterai quelquefois de n'y être pas pour cultiver
les bontés et Tamitié du maître.
Agréez, M. le comte, je vous supplie, mes re-
mercimens très-sincères et mes (rès-humbles salu«
tations.
653. — A M. DU Peyrou.
«
. A Cliîfinck, le a mart 1766.
Depuis votre n" 17, mon cher hAte," je n'ai rien
feçn de vous, et, comme vous m'avez accoutumé
à des lettres plus fréquentes, ce retard m*alarme
un peu sur votre santé. Je vous ai écrit deux fois
par M. Guinand; si vous eussiez reçu mes lettres,
vous ne les auriez pas laissées sans réponse. Comme
la conduite de M. Guinand mè le rend un peu sus-
pect, je prends le parti de vous écrire par d autres
voies, jusqu'à nouvel avis de votre part. En 'gêné
rai , je serai plus tranquille sur notre correspon-
dance, quand personne de Neucfaâtel, ni qui
tienne aux Neuchâtelais, n'y aura part.
MademoiseUe Le Vasseur m'a remis le paquet
que vous lui avez ocmM; j'y ai trouvé les papiers
cotés dans la letti« , et entre autres , celui que vous
me priez de ne pas décadieter; vous serez obéi
1766. 53
filèleiiient, mon cher hôte; et^ comme le cas qne
raos exceptez n'est pas dans Tordre naturel, j'e^
père «{ne ni elle , ni moi , ne serons pas assez mal-
henrcnx pour qne le paquet soit jamais décacheté.
Je n entends plus parler ni de de Hondt ni de
Tos leUres, dont je lui ai donné le seul exemplaire
qui me restait, pour le £dre traduire et imprimer.
Û serait singulier que y€>s taupes, qui travaillent
toDJoiirs sous terre , eussent poussé jusque-là leurs
chemins obscurs. Rej est le seul libraire à qui je
me fie ; il y a du malheur que jamais vous ne vous
soyez adressé à lui : il est sûr et ardent; Touvrago
«irait couru partout, malgré le sicaire et les bri-
çukds de sa bande; cest maintenant une vieille
aiLûre <çdli\ est mutile de renouveler. Mais ne man-
quez pas, je vous prie, de m^envoyer avec mes li-
vres an autre exemplaire de vos lettres, et deux
ou trob die la Vision.
Certaines instructions m^ont un peu dégoâté,
non du pays de Galles^ mais de la maison que jy
devais habiter. Je ne sais pas encore où je me fixe-
rai; chacun me tiraille de son côté, et quand je
prends une résolution, tous conspirent à m^en
£iiie changer. Je compte pourtant être absolument
détcnoiné dans moins de quinze jours, et j^attrai
sois de TOUS informer de la résolution que j'atu'ai
pise. En attendant, vous pouvez m'écrire sous le
coorert de MM. Lucadou andDrake^ marchants,
 Union-Court, Broad-street, London. Donnez*
noi de ros nouvelles. Je vous embrasse.
5.
54 coursspowdakce ,
Recevez mille remercimens et salutations do
mademoiselle Le Vasseur, qui yous prie aussi de
joindre ses respects aux iniens près de madame lat
commandante.
G54. — AU m£mi.
ii Cbiiwick, le t4 mai» 176&
E5Fm, mon clier hôte, après un silence de six
semaines^ votre n^ 18 vient de me tirer de peine.
Je vois que mes lettres ne vous parviennent pas
fidèlement. Tâchons donc d établir une règle plus
lente, puiscpiil le faut, mais plus sûre. Je vous
écrirai sous ladicsse de Paris que vous me mar-
quez, et vous pourrez, par la même voie, m'é
crire sous celle-ci :
To MM, Lucaâou and Drakty Vnîon-Court, Lonioiu
En quelque lieu de l'Angleterre que fe sois^ ces
ïnessieurs. auront soin de m y faire passer vos let-
tres ; maôs ne vous chargez d'aucunes lettres , et ne
donnez mon adresse â personne.
J'ai reçu les 3o livres sterling dont vous m'avez
envoyé l'assignation , et vous voyez que cette voie
est la plus prompte pour cet effet. Je ne voulais
pas m'éloigner de Londres que |e ne fusse bien
pourvu d'argent, à cause du temps qu'il me faodia
pour m'ouvrir des correspondances sûres et com-
modes pour en recevoir. En attendant, j'ai été
&ire une promenade dans la province de Surrey,
où j ai été extrêmement tenté de me fixera mais le
ASVÈB I76&
5r>
rap grand Toîsiiiage de Londres^ Hia passîcn
fTotaBantepoor la retraite, et je ne sais qoeOe fa*
lililé fpn me détermine indépendamiiient de la
nisoB y mcnlniineiit dans les montagnes de Der-
bjsWe, et je compte partir mercredi ptidiatn
poor êilcr fiair mes jours dans ce pays-Ia. Je hrflle
J jr être poar lespii'er après tant de iatigues et de
^XMBSes, et poor mVnIretenir arec tous plos à
aoo aise qœ je n ai po &ife jnsqal présoBi. le
rons dccrîrai floon habitation, mon cbcr bote,
lass Fe^off de ¥oas y voir quelque jonr user de
cotre droit, pois user davantage du mien dans la
f àm. Si cette doiioe idée ne me consolait daa^
ma tnteHe^ î& onôndiais que Fair épais de cette
lie ne prit k \a fin teroç sur mon humoar.
M. Uiirae m'a donne fadresse ci- jointe pour son
.imi^ M. Walpt^y qui part de Paris dans un mois
.1 ici ', mais , par des raisons trop longues à déduire
par ieUres^ je voudrais qu'on n'employât cette
rme que &nte de tonte antre. On m'a perlé de la
{vétcodne kttre dn roi de Prusse , mais on ne m'a*
fait point dit qn eBeent étérépandueparM. Wal*
pôle ; et , qnand j'en ai parlé à M. Home , il ne m^a
& si oui ni non.
fc n'entends point parler des traductions de
vas Witott: M. Hume ma poortant ditqn'dles ail-
laient Imr train ; mais on ne m'a rien moatré. Ces
^^i^iioat ne peuvent fiiire ancnne sensation dans
^ part f oA Ton ne sait pas même qne j'ai en des
'^i'^Âtf i Ncuchitcl^ dont les prêtres ne sont co»
o6 CORABSPOXDANCE^
DUS que par le sort da pauvre Petit-Pierre. C
iT.isérables sont partout si méprises, que s'occuj
d eux c^est grêler sur le persil. Croyez>-moi , c
hliez-ies totalement; à quelque i>rix que ce so
ib sont trop honorés de notre souvenir. On si
ici que j'ai été persécuté à Genève, et l'on en^ <
indigné. Le clergé anglais me regarde à peu pi
comme un confesseur de la foi. Du reste, il se tie
ici, comme dans toute grande ville, beaucoup <
propos ineptes, bons et mauvais. Le public en g
néral ne vaut pas la. peine qu on s'occupe de lu.
Comment va votre bâtimeni? Est-il confim
que vous aurez de Feau? Quoique absent, je mli
téresseîai toujours à votre demeure, et mon cœi
y habitera toujours.
V 655. — A AL Hume.
Wootton, le 12 man 17GO.
Vous voyez déjà , mon cher patron , par la da
de ma lettre , que je suis arrivé au lieu de ma des!
nation ; mais vous ne pouvez voir tous les charo^
que j'y trouve; il faudrait connaître le lieu et ^
dans mon cœur. Vous y devez lire au moins \
sentiméns qui vous regardent, et que vousavc^
bien mérités. Si je vis dans cet agréable asile ad|
heureux que je l'espère, une des douceurs de i
vie sera de penser que je vous les dois. Faire i|
homme heureux, cest mériter de Tétre. Puissi^
vous trouver en vous-même le prix de tout ce d
Toos aTci &H pour moîl Sevd , j aurai po trûQver
^WospttaUlé peut -être; mais je ne l'aurais ja-
aaîs aiKsà bieu goûtée qu'en la tenant de votre
«iûâà.Coiiservez~la-iiioî ton jours ^ mou cher pa-
Inm; aâmez-mol pour moi qui vous dois tant,
pour TOQs-iiièiiie; aimez -moi pour le J!>ien que
TOUS m aTez Eût. Je sens tont le prix de votie sin-
cère amitié:, je la désire ardemment; fy veux ré-
pondre par tonte la mienne, et je sens dans mon
coTOT de quoi vons convaincre un jour qu elle n'est
pas ncm pins sans quelcjne prix. Comme pour des
rÛBonsdont noos avons parlé je ne veux rien re-
cerum^U poste, je TOUS prie, lorsque vous ferez
la bonne oeuvre de m*écrire, de remettre votre
lettre à H.DavenpoitUaffaire de ma voiture n est
pas arrangée parce que je sais qu'on m'en a im-
posé ; cesf nne petite Êinte qui peut n'être que
f ouvrage d^ne vanité obligeante, quand elle ne
iWient pas deux fois. Si vous y avez trempé, jo
vous conseille de quitter, une fois pour toutes ^
ces petites mses qui ne peuvent avoir un bon pin-
cipe, quand eUes se tournent en pièges contre la
ampUcilé. Je vous embrasse, mon cher pitron,
avec le même cœur que j'espère et désire trouver
Vivons.
656. — AU utuMé
Wootum, le ^9 mars 176G.
Tons avez vu, mon cber patron , par la lettre
^ M. Davenport a dû vous remettre ^ CQml)i;n
S8 CORRESPONDAIKCB,
je me trouTe ici placé selon mon goût. J'y sen
peut-être plus i mon aise si Ton y avait pour n
moins d'attenti<»i8; mais les soins dW si gala
homme sont trop obligeans pour s en f&chcr; i
comme tout est mêlé d'inconvéniens daaos la vi
cdui d'être trop bien est un de ceux qui se tolère
le plus aisément J^en troure un plus grand k i
pouvoir me faire bien entendre des domestique
ni surtout i entendre on motdecequ'ilsmediseï
Heureusement mademoiselle Le Vasseur me f c
dlnterprète, et ses doigts parlent mieux que n
buigue. Je trouve même à mon ignorance un aval
tage qui pourra faire compensation, c^est d'écarti
les oisi& en les ennuyant. J'ai eu hier la risite i
M. le ministre y qui, voyant que je ne lui parla
que finançais, n'a pas voulu me parler anglais; c
sorte que Fentrevue s est passée à peu près sai
mot dire. J'ai pris gpùt à lexpédient; je m'en se
virai avec tous mes voisins, si j en ai; eC, dussë-j
apprendre f anglais, je ne leur parlerai que frai
çais, surtout si j ai le bonheur qu'ils n en sachei
pas un mot. C^est à peu près la ruse des sing<
qui, disent les Nègres, ne veulent pas parlei
quoiqu'ils le puissent, de peur qu'on ne les hsS
travailler.
U n'est point vrai du tout que je sois conven
avec M. Gosset de recevoir un modèle en préseiii
Au contraire, je lui en demandai le prix, qu'il m
dit être d une gainée et demie , ajoutant qu'il m'ei
voulait faire la galanterie, ce que je n'ai point ac
àsaxéM 1766. S9
eepti.Uvùosfnàà^Jkc deyoïiloîr bîeâ lui pajrec
k aodèie cb ficstioD , dont M. Davenport anm
U bonté de TooftRinlimrser» S'il n'y consent pas,
il £»il le lu vendre et le fiire adieter nar «ne
aalreiuallest aestmé iKinr M.d^
dqwB lnag»ap»déaTO avoir mon portrait, tt en
a iait imt m en mîuiataffo q«i n'est point dn
tool itsseBUant Vous Ates pcHurvn mien ^ae
loi; naie ft sm fiché qno yodb mayeii dlë par
une diCgeiice aussi flatteose le plaisir de rem-
plir k nàfto devoir emws vons* Ayéi labonlé,
HMA cW fatron^ de &iie lesu^ttre ce modèle à.
M^Gwndel Hanke^^ LiitltHSmiÊt^UeUen'^,
^iftopyae «ireci^pov l'enToyor à M. duPeyron
(wir la ffcnabe occamn sûre^. Il gèle ki ttepBis
^uefysBtf^ilaoeîgétoittfes )oiir9; ks YeoÀooope
Je rmpc; mtJgré cck , fùnaorn omux Ittiuter le
Lroo des lapÎDs de cette garenne i|iie le pln^lxA
^fpvtaMDl de LonAnesw Bonjour , non dnr pa-
tron; tewoeeMliraiee de tont mon ooeiu:.
657. — • ▲ IL D19 Petkov.
WooitoD en Ûcfbjshiic, k agT nart 1766/,
Anis tant de fetignes H de ooufsès, f^nrive
reiados on aaili» agiéable e< scditaîre, où j'obère
poneir «exiler en paix. Je voua dois la descripi'
^ dr Ma lëjotir et le détail de mes voyages;
ittfeU )e n'ai pu Yow écriie^'à la hâte 9 el toii^
!^«s ÎMafnHBptt. SitM ipte j aurai rej^is haléne ^.
Ga C0RRB5P05DÀirCS ,
pour le$ autres, quand tous en diffièrcriez Fenvoi
jusqu'à l'autre année , il n'y aurait peut-être pas
un grand mal. Je n^entends phis parler de l'im-
pression de vos le: très; cela, et d'antres choses,
me rend de Hondt un peu snspecc Je crois cepen-
dant qu^on peut se servir de lui pour Fenvoi lie
mes Imesi Le comte de Bintinck s attend qa^ib
Im seront adressés, et ensuite à wa fils qui est
ici : mais je n^aime pas aroir obligation à ces
grands seigneurs* Je me remets de tout à votre
prudence*
Milord maréchal me marque qu'il écrit k ses
geni d'affaires de vous remettre les 3oo guinées^
s'ils ne Font pas encore &it. A cause du grand éloi-
gnement, je prends le parti de numéroter mes let-
tres, à votre exemple, â. commencer par ceBe-ct<
La demièrB de vous que ['ai reçue ^ était le n^ i g.
Mes tendres respects k la bonne mamian. Je vo>«u
embrasse de tout mon ooenr.
Ne m'envojez, arec mes livres^ aocnn de mes
papiers, qu'à mesure que je vous kes demanderai .
et que je vous renverrai les autres. Je vous prie de
ne pas oublier mon livre de musique vert , car j'ai
ici iiae épinette. Du reste, loutesf déjà raesembU
iàff moi , ma gouvemanle, m<m bagage , et jusqu i
Sultan qui m'a donné des peioes incroyables. 11 i
été perdu deux (m y et mis dans les papiers pu
biici. Esttil confirmé que viens avez de leau
Votre n^aison s'avance-t-elle? Le temps d'berbo
rÎMr flq>precbe^ en pofiteieS'-vvtts? Je vous h
AmiB 1766. 63
k coauSBe cxtrémemeiii. Si les attaques de goatte
ne TOUS tau pas grftoe> en moins eUes yiendront
plus Uid, et ce serait Coujonrs un grand aTantage
de gagner une année en dix. Mais il\faul oublier
<!« voQs êtes encore jeune, jusq[a*à ce que toos
piCBÎes le parti de tous marier.
GoS. — AV Boi DB Pauass.
"^^ooÊUm^ le 3o mars 1 766.
Je dois an nalheor <{ai me poorsm't deux biens
^ men consolent : k bienveillance de milord
maiédiià^ ci \a protection de TOtre majesté. Forcé
4e TivreloînieTèlatoii je suis inscrit panni vos
pcupl^y je garde fanour êes devoirs que f y ai
CDDdacfes. Permettez, sire, que vos bontés me
Boivent avec nui reconnaissance , et que j'aie tou-
jours rhonnear d'être votre protégé, comme je
serai toojoors votre {4us fidèle sujet.
S39. -^ ▲ M. LE CHAVAUER d'Eo9^.
>Vooium, le 3i man 17GGL
ïiujSy monsieor, à la veille de mon départ
fom cette province, lorsque je reçus le pai[uet
q«e vous m avec adressé; et, ne Payant ouvert
qnîd, je n'ai pu lire plus tôt la lettre que vous
m'avez lait llionnear de m'écrira. Je nai même
cttcoie pu qne parcourir rapidement vos Mé^
64 CORRESPOlfDAirCE ,
moires. CVn est assez pour confirmer ropînioo
que j avais des rares talens de Fauteur, mais non
pas pour juger du fond de la querelle entre vous
et M. de Guerchi. Javoue pourtant, monsieur,
que , dans le principe , je crois voir le tort de votre
cité ; et il ne me parait pas juste que, comme mi-
nistre, vous vouliez^ en votre nom et à ses frais,
&ire la même dépense qull eût &ite lui-même;
mais, sur la lecture de vos Mémoires, je trouve
dans la suite de cette affaire des torts beaucoup
plus graves du càté de M. Guerchi; et la violence
de ses poursuites n^aura, je pense, aucun de ses
propres amis pour approbateur. Tout ce que
prouve l'avantage qu'il a sur vous à cet égard ,
c'est qu'il est le plus fort, et que vous êtes le plus
fiiible. Cela met contre lui tout le préjugé de Fin-
justice; car le pouvoir et Fimpunité rendent les
forts audacieux; le bon droit seul est l'arme des
faibles; et cette arme leur crève ordinairement
dans les mains. J'ai éprouvé tout cela comme
vous, monsieur; et ma vie est un tissu de preuves
en Ëiits que la justic3 a toujours tort contre la puis-
sance. Mon sort est tel que j ai dû Fattendre de ce
principe. J en suis acca])lé sans en être surpris; je
sais que tel est Fordrc, pas moral, mais naturel
des choses. Qu'un prêtre huguenot me fiisse la-
pider par la canaille , quW Conseil ou qu'un par-
lement me décrète, qu'un sénat m'outrage de
gaieté de cœur, qu'il me chasse barbarement, au
cœur de 1 hiver ^ moi malade, sans ombre de
iy66* 65
plainte, de justice , ni de laison , j en sou/Ire sans
doale; mak je ne m'en fâche pas plus que de voir
détacber un rocher snr ma tête, au m( ment que
je paoee an-dessons de lui. Monsieur, les vices des
lionacs sont en grande partie l'ouvrage de leur
sitiutioD; rinjustice . marche, avec le pouvoir.
iNoos, qui sommes Tictûnes et persécutés, si nous
étions k la ^ace de cenx qui nous poursuivent,
sous serions peut -être tyrans et persécuteurs
comme eux. Cette réflexion y si humiliante poui*
f bninanité, n^ète pas le poids des disgrâces, mais
elle en été l'indignation qui les rend accablantes.
OnsoppoTte son sort avec plus de patience, quand
on Ve sent attaché à notre constitution.
Je ne pois qn applaudir, monsieur, h Varticle
qui termine votre lettre. 11 est convenable que
vous soyez aussi content de votre religion que je
le snis de la mienne, et que nous restions chacun
dbns la nôtre en sincérité de cœur. La vôtre est
fi>ndée sur la soumission , et vous vous soumettez.
La mienne est fondée snr la discussion, et ^e rai-
sonne. Tout cela est fort bien pour gens qui ne
ventent être ni prosélytes, ni missionnaires, comme
je pense que nous ne voulons Têtre ni vous ni
nwL Si mon principe me parait le plus vrai, le
T^ me parait le plus commode; et un grand
avantage que vous avez, est que votre clergé 9^
tient bien , au lieu que le nôtre , composé de petits
barbouillons, k qui Tarrogance a tourné la tête,
Ac sait ni ce qu'il veut m ce qu'il dit , et n'ôte Tin-*
6.
66 CORRESPONDANCE ,
Êdllibilité à l'Eglise qu^afin de l'usurper chacun
pour soi. Monsieur^ ju éprouvé , comme vous,
des tracasserieii d^ambaasadeurs : que Dieu vous
préserve de celles des prêtres I Je &iïïs par ce vœu
salutaire, en vous saluant très-homblemeni) mou-
sieur, et de tout mon cœur.
66ow — A M. dIvsrnois. .
WooUoD, le 3i inan 17,66.
Je vous écrivis avant hier, mon ami , et je reçus
le même soir votre lettre du 1 5. Elle avait été (ou-
verte et recachetée. Elle me vint par M. Ilume^
très-lié avec le fils de Tronchin le jongleur, et de-
meurant dans la même maison, très lié encore à
Parisavec mes plus dangereux ennemis, etauquel,
sHl n'est pas un fourbe, j^aurai intérieurement
hien des- réparations à faire. Je lui dois de la ro-
connaissance pour tous les soins qu'il a pris de
moi dans un pays dont j'ignore la langue. U s'oc-
cupe beaucoup de mes petits intérêts, mais ma
réputation n'y gagne pas, et je ne sais comment il
arrive que les papiers publics , qui parlaient beau-
coup de moi, et toujours avec honneur avant
notre arrivée, depuis qu'il est à Londres n'en par-
lent plus, ou nen parlent que désavantageuse-
ment. Toutes mes aflaires, toutes mes lettres pas^
sent par ses mains : celles que j'écris n'arrivent
point y celles que je reçois ont été ouvertes. Plu-
sieurs autres Êiits me rendent tout suspect de sa
part, josqal soa sèle. Je ne puis voir encore
quelles sont ses intentions , mais je ne puis m'em-
pécher de les GTQÎre sinistres, et je suis fort trompé
si Umtes nos lettres ne sont éventées par les jon-
gleun qui ficheront in&illiblementd'en tirerparti
contre nous. En attendant que je sache mieux sur
quoi coaqMer, voyez de cacheter plus soigneuse-
ment ros lettres, et je verrai de mon côté de m'ou-
VTÎr avec vos ooRespondans une communication
directe, sans passer par ce dangereux entrepôt.
Pnisqu m associé vons était nécessaire , je crois
qoe voos avez bien fiiit de choisir M. Deluc. U
ioiai^ probité avec les lumières et lactivité dans
le travâ i trouvant tout cela dans votre associa-
tiouy et Yj portant vous-même, il y aura bien du
malbeur si vons n^a?ez pas lieu tous deux d'en
être contenjL Jj gagnerai beaucoup moi-même si
elle vous procure du kusir pour me venir voir.
Timapae que si vous préveniez de ce dessein
M. du Peyron , il ne serait pas impossible qgae vous
fissiez le voyage ensemble, en lavançant on re*
tardant selon qu^ conviendrait à tous deux. JTai
oand besoin d'épancher mon cœur, et de con-
sulter de vnûs amis sur ma situation. Je croyais
être à la fin de mes malheurs, et ils ne font que
de coonMQcer. Livré sans ressource à de £iux
^"'^i fû grand besoin d^en trouver de vrab qui
me oonsolcot et qui me conseillent Lorsque voui
voudrez partir, avertissez-m^en davance , et man-
^Ormm à vous passerez par Paris-, j'ai des corn-
68 COJULESPO:f DANCE «
1
missions pour ce pays-là que des amis seuls peu-
vent faire. Je Cc* saurais, quant à présent, vous ^
envoyer de procuration , n'ayant point ici aux en-
dirons de notaire, surtout qui parle français, et
étant bien éloigné de savoir assez danglais pour
dire des choses aus&i compliquées. Comme l'afi&ire
ne presse pas, elle sWrangera entre nous lors de
votre voyage. En attendant, veillez à vos affaires '
particulières et publiques. Songez bien plus aux
intérêts de letat qu'aux miens. Que votre consti- '
tution se rétablisse, s il est possible; oubliez tout
autre objet, pour ne songer qu'à celui-là; et du
reste pourvoyez-vous de tout ce qui peut rendre
votre voyage utile autant qu'il peut letre à tous <
égards.
Vous m*obligerez de communiquer à M. du
Peyrou cette lettre, du moins le commencement.
Je suis très-en peine pour établir de lui à moi une
correspondance prompte et sûre. Je ne connais
que vous en qui je me fie, et qui soyez posté pour
cela ; mais un expédient au5si indiscret ne se pro-
pose guère, et ne peut avoir que la nécessité pour
excuse.. Au reste , nous sommes sûrs les uns* des
autres; renonçons à de fréquentes lettres que I é-
loignemeut expose à trop de frais et de risques *,
n'écrivons que quand la nécessité le requiert ; exa-
minons bien le cachet avant de Fouvrir , Fétat des
lettres , leurs dates , les mains par où elles passent.
Si ou les intercepte encore , il est impossible qu a-
vec ces précautions ces abus durent long- temps.
Je w serais cas étonné cjoc ccUe-ci fit encore ou-
ferte el mèine supprimée , parce (juc, la poste
MaBl\oin tfki , il faut nécessaîremenf un inU?r-
méà\aire cuire cUe et moi ; maïs avec Je temps je
pamenàiai à désorienter les c urieux ; et, quant a
présent, ils n'en apprendront pis pins qu'ils n en
savent. Je \ous emlirasse de tout mon cœur.
661- A XILORD StRAFFOJIT.
Woot}oii,3atril i;6G.
\.is témoignages de votre souvenir, milord, et
de vos Isonlés pour moi , me feront toujours au-
tant de ]^isir <{ae d'honneur. Jai regret de nV
voir pa. profiter à Chiswick de la dernière pro«
menade que vous y avez &itc. J espère réparer
Ixentôt cette perte en ce pays. Je voudrais être
plus jeune et mieux portant, j^irais vous rendre
qucJ^eibis mesdevoirsen Yorkshire; maisquinze
lienes sont beaucoup pour un piéton presque sexa^
génaire; cardés que je suis une fois en place, je
ne T03 âge plus pour mon plaisir autrement qu'à
pied. Toutefois je ne renonce pas à celte entre*
prise , et vous pouvez vous attendre à voir quel*
qae your un pauvre garçon herboriste aller vous
den&aDder l'hospitalité. Pour vous , milord , qui
avez des chevaux et des équipages, si vous faite;
quelque pèlerinage équestre dans ce canton , et
quelque station dans la maison que j'habite , outre
FhoDneur qu'en recevra le maitrc du logis, vous
yO CORRBSPOKDAKCE,
&re2aaeœuyi'epîeen£iycurdanexîlédelateta» .
(exmej prisonnier, mais bieu volontaire, dans le
pays de la liberté. Agréez , milord , je vous sup-
plie, mes salutations et mon respect.
* 662. A UAJOAUE LA, COMTESSE DE BoUFFLEf^S.
Wootton, le 5 avril 17G6.
Vous avez assurément ^ madame, et vous au-
rez toute ma vie , le droit de me demander compte
de moi. J attendais, pour remplir un devoir qui
m'est si cber^ qu'arrivé dans un lieu de repos
j eusse un moment à donner à mes plaisirs. Grâce
aux soins de M. Hume, ce moment est enfin venu ^
et je me hâte d'en profiter. J^ai cependant peu de
choses à vous dire sur les détails que vous me de*
mandez. Vivant dans un pays dont j'ignore la
langue, et toujours sous la conduite d^autrui y je
uai guère qu'à suivre les directions qu'on me
donne. D'ailleurs, loin du monde et de li capi«
taie» ignorant tout ce qu on y dit, et ne désirant
pas Tapprendi^e, je sais ce qu'on veut me dire et
rien de plus. Peu de gens sont moins instruits que
moi de ce qui me regarde.
Les petits événemens de mon voyage ne méri-
tent pas , madame , de vous en occuper. Durant
la traversée de Calais k Douvres , qui se fit de nuit
et dura douze heures , je fus moins malade <]ue
M. Hume; mais je fus mouillé et gelé, et j'ai plu*
tôt senti la mer que je ne l'ai vue. Xai été accueilli
ASTsrit 17G6. yt
i Loodres , fû en beaucoup de visites , beaucoup
ifofin de scrrice, des habitations à choisir. J'en
21 ediiL cboiâ une dans cette province : )e suis
dans la maison d'un galant homme dont M. Hume
m'a £t beancoup de bien qui n a été démenti par
posome. lia paru vouloir me mettreè mon aise :
jlgnore encore ce cpEili en sera, mais ses attentions
scnies m empêchent d'oublier que je sins dans la
maison d*autrm.
Vous vouiez, madame, que je vous parfe de la
nation anglaise; il &udrait commencer par la con-
naître, et œ n'est pas Taffaire d'un jour. Trop bien
mstrâl par rexpértencc, je ne jugerai jamab lé-
gèrement nî des nations ni des hommes, même
lie ceux dont f amaî à me plamdre ou à me kmer.
lyaSIem je ne sm point à portée de connaître
tes Aogtrn par eux -mêmes : je les connais far
lliospitalité qnlb ont exercée envers mot, et qui
àéatBî h réputation qu'on letnr donne. II ne
m'a^artient pas de juger mes bêtes. On m^^ trop
bî'^ appris cela en France pour que je puisse
TcmUierici
JevondraisVoas obéir en tout, madame; ttab,
ie grftce, ne me parler plus de frire des livres, ni
i&ème drs gens qui en font. Nous av<ms des Kvre9
de monte cent fins jrfus qu'il n'en frut , et nous
0 en lalons pas mieux. Vous craignez pour moi
^ dénro¥Temeztt et lennui de la retrahe : vou»
▼^xis trompez, madame, je ne surs jamais -moins.
'oaajé m moins oisif que qoand je suis seul. U
ya- coB.]tESPOin)ANC£^
me reste , avec les amusemcns de la botanique ,
une occupation bien chère et & laquelle j'aime '
chaque jour davantage à me livrer. J'ai Ici un
homme qui est de ma connaissance , et que j ai '
gi'andc cuvie de connaître mieux, La société que '
je vais lier avec lui m'empêchera d'en désirer au*
cune autre. Je Testime assez pour ne pas craindre
une intimité k laquelle il m'invite; et, comme il
est aussi maltraité que moi par les hommes^ nous :
nous consolerons mutuellement de leurs outrages, ' i
en lisant dàus la cœur de nôtres ami quil ne les a .
pas mérités. j
. Vous dites qu on me reproche des paradoxes. .
Elil madame, tant mieux. Soyez sûre qu*on me^j
reprocherait moins de paradoxes, si Fou pouvait .,^
me reprocher des eiTeurs. Quand on a prouvé que
je pense autrement que le peuple, ne me voilà-.,
iriï pa5 bien réfuté. Un saint homme de moine, ,
appelé Cachot , vient en revanche de faire un gros
livre pour pouver q^ il n y a rien à moi dans les i
miens, et que je n'ai rien dit qi^c.d'après les autres.
Je suis davis de laisser, pour toute réponse, aux
IpvisGS avec sa révérence ceux qui me reprochent, ^
k si grands cris, de vouloir pen^ seiU autrement
que tout le monde, i
J'ai eu de vous, madame, une seule lettre : au-
cune nouvelle de madame la maréchale , depuis
Tairivée de mademoiselle Le Vasseur, pas même |
par M. de La Roche; j'en suis très en peine, à
cause de 1 état de s^ santé. Les communicatious
irec k oontineDt me devienneat plus difficiles de
jour en jour. Les lettres qae j'écris n arrivent pas;
celles (pie je reçois ont été ouvertes. Dans un pays
oii, par ngnorance de la langue, on est à la dis
oét on d^ûtmi , il Êiut être heureux dans le choix
de ceax i ffà Ton donne sa confiance 9 et, à juger
par TexpéneDce, j'aurais tort de compter sur le
bonhear. H en est on cependant dont je suis ja«
louz et <jae je ne mériterai jamais de perdre ; cVst
la continuation des bontés de M. le prince de
Conti, qm a daigné m*en donner de si éclatantes
marcpes, de la bienveillance de madame la mare*
c\)^,«l de la vAtre, dont mon coeur sent si bien
le pnx. Waàane, quelque sort qui m*attende en^
core, et dans qœkpie Heu que je vive et que je
meure, mes consolations seront bien douces , tant
que je ne sersd point oublié de vous.
6S3, — ▲ MiLo&n ♦**.
ht 7 avijl ij66.
Ce nW plus de mon chien qu^Q s^a^t, milont,
c'oi de moi-même. Vous Terrez par la lettre d*
)oiole pourquoi je souhaite qu'elle paraisse dans
tes papiers publics , surtout dans le Saint-James
Qmmîde, s'il est possible. Cela ne sera pas msé,
sdoo non <mnion , ceux qqi m^eutourent de leurs
emiiehes ayant Até à mes vrais amis et à moî-
nâme tout mojen de £iire entendre la voix de la
v^iité. Cependant il convient que le public ap*
4 7
n \ CORRESPOND AXCR ,
pi*cDiie mi*II y a des traîtres secrets ^ui, sous k
masque aune amitié perfide ,. travaillent sans re-
lâche à me d«slionorer. Une fois averti, si le pu
blic veut encore être trompé , qu il le so.h ; je n'au-
rai plus rien à lui dire. J'ai cru, milord, qu*9 m
serait pas au-dessous de vous de m accorder votr«
assistance en cette occasion. Â notre première en-
trevue ^ vous jugerez si je la mérite, et si j^en ai
besoin» En attendant, ne dédaignez pas ma con-
fiance; on nf ma pas appris à la prodiguer-, les
trahisons que j'éprouve doivent lui donner quel-
que prix. ^
66*4 — ^ t'AUTEUK DU Saiitï-James Chrotiicle
Woottoft, le 7 arra 1766.
Vous avez manqué, monsieur, au respect qm
tout particulier doit aux tétcs couronnées, en at
tribuant publiquement au roi de Prusse une lettn
pleine d extravagance et de méchanceté , dont pai
cela seul vous deviez savoir qu'il ne pouvait ètn
rauteuc Vous arvez même osé transcrire sa signa
tu^e comme si vous laviez vue écrite de sa main
Je V10US appends, monsieur^ que cette lettre a et
£ibriquée à Paris, et, ce qui navre et déchire moi
cœur, que Timposleur a des complices en Ângk
terre.
VottSideyez auxoi de Pru6sc , à la vérité , à mo
dïmprhner la lettre mic je vous écris et que je s
^, en réparation d une faute que vous vous n
1766. 7^
prbcLcricg «ans doate , ^ tous saviez île quelles
BoîrcnmToiis tous rendez Tiiistruniait Je yous
tes, mouakur, mes sincères sstlatations.
ttS. ^^A liAtkAMK X^ COMTSSSB HE BoVTTXBKS.
WmIIob , k c> «vol X766.
C'est à regret, madame, qœ je vais affliger
f obe ban corar; maïs tl fiiiit absoiamcnt que vous
fmmaîmeE ce David Hume, à qui vous mWes
Kyré, comptant me procurer mi sort tranquille.
Dfpiib notre arrivée en Angleterre, oè je ne con-
nais pcssonne qne loi, qndquHm qui est très-an
ii»t,elfûltiimlies mes affaires, travaille en secrtsit,
mais sans reUcke, \ m'y déshonorer, et vénsM
Bvec DO saeoi5 qtà m'étonne. Tout ce ^ vient
de m'arrfver en Soisse a été déguisé ; mon dernier
vtrrage de Paris et Taccn^ que j'y ai reçu ont été
tikiSés. On a bit entendre que j'étais ^énérak»
SKnt méprisé et décrié en I^nce pour ma mau-
vaise conduite, et que c'est pour cela prrDci{)alo-
mect que je n^osaîs m y montrer. On a mis dons
Ifs papiers publies que, sans la protection d)
M- Hmne, je n'aurais osé demièreftient traverser
laFnmce pour m embarquer à Calais; mais qVil
B arait obtenu le passe-port dont je m*étais servi.
Oa a traduit et imprimé comme audienti<^ In
frasse lettre du roi de Prusse, fabriquée par d'A-
lembert, et répandue à Paris' par leur /ami 6om-
om H'aipole. On a pris à tâcbe de me présenter
^0 CORKESPONDAKCE,
à Londres aycc nnademoiselle Le Vasseur dam
tous les jours qui pouvaient jeter sur moi du ridi*
cule. On a &it supprimer, chez un libraire, una
édition et traduction qui s^allait faire des lettres
de M. du Peyrou. Dans moins de six semaines,
tous les papiers publics, qui d^abord ne parlaient
de moi qu'avec honneur, ont changé de langage,
et n'en ont plus parlé qu avec mépiis.
La cour et le public ont de même rapidement
changé sur mon compte; et les gens surtout avec
qui M* Hume a le plus de liaisons sont ceux qui
se distinguent par le mépris le plus marqué , afKx;-
tant, pour lamour de lui, de vouloir me faire la
charité plutôt qu'honnêteté , sans le moindre té^
moignage d^affcction ni d'estime , et comme per-
suadés qu^il n'y a que des services d'argent qui
soient à Fusage d un homme comme moi. Durant
le voyage , il m avait parlé du jongleur Tronchin
comme d un honmie qui avait fait pi*ès de lui des
avances traîtresses, et dont il était fondé i se dé*
fier : il se trouve cependant qu'il loge à Londres
avec le fils dudit jongleur, vit avec lui dans la plus
grande intimité, et vient de le placer auprès de
M. Michel, ministre à Berlin , oii ce jeune homme
va, sans doute, chaîné d'instructions qui me le-
gardent. J^ai eu le malheur de loger deux jours
chez M. Hume , dans cette même maison , venant
de la campagne à Londres. Je ne puis vous expri^
mer à quel point la haine et le dédain se sont ma-
nifestés contre moi dans les hôtesses et les ser*'
AVTvis 1766. — 77
fautes, el de cpiel accueil infilnie on 7 a rëgalé
madcmoisdle Le Yasseur. Knfin je suis presque
assméde itcomiaitTe) aa ton haineux et mépri-
sant ^Ums les gens aTec qai M. Hume yient cl avoir
desconiraiGes; et je l'ai vu cent fois, même en
ma pmeoce, tenir indirectement les propos qui
poufaient k pins indisposer contre moi ceux à
qdO pailait. Deyiner <|iid est son but, c'est ca
fi meA difidle , d'autant plus qu'étant à sa dis-
crétion et dans un pays dont j'ignore la langue,
tontes mts loties ont passé jusqu'ici par ses mains^
«{QÎï a ton)onrs été très^yide de Irs voir et de les
^iB\ <|Qe de ceQes qne j'ai écrites , peu sont par-
rennes^ <|Qe Y^^es^e tontes celles que j'ai reçues
avaient été onreites-, d celles d'où j^aurais pu tirer
qudjoe éclaiidoement , probablement suppr»-
mées. Je ne dois pas oublier deux petites remar-
ques : Fune, qne le premier soir depuis notre
départ de Paris, étant couchés tous trois dans la
néme chambre, j'entendis an milieu de la nuit
Dand Hnme s'écrier plusieurs fois à jrfeine voix ,
ie tiens J. J. Rousseau; ce que je ne pus alors in-
tefppétcrqoe &YOfablement; cependant il y ayait
dans le ton je ne sais quoi d'eflSrayant et de sinistre
<]ne je n'ooMîerai jamais. La seconde remarque
yient d'âne espèce d epanchement que j^eus ayec
Ini apès ane antre occasion de lettre que je yais
TMB dire. Jayais écrit le soir sur sa table à ma-
iame de Chenonceaux. li était très-inqutet dé sa^
yoir co qne j'écrrirais , et ne pouvât pre^pj»
■-*v
v^''/A
.yB coiaiBSP05DAircE y
s^abstenlr dy lire. Je ferme ma lettre sans la lui
montrer : il k demande avidem^ent, disant quil
l'enverra le lendemain par la poste ; il ûiat hUâa la
donner; die reste sur sa table* Loid Newnham.
arrive; David sort un moment, )e ne sais pour-
quoi. Je reprends ma lettre en disant que j aurai
le temps de Tanvc^er le lendemain : milôid Newii>
ham* s oi&e de Tenvoyer par lé paquet de Tarn-
bassadeur de France; j'accepte. David lentre;
tandis que lord Newnham fait sob oiveloippe^ il
tire son cachet; David offire le sien avec tant d'en»-
press^nent qu il Êiut s en servir par préférence.
On sonne, lord Kewnham donne la lettre au do-
mestique pour renvoyer sur-le-champ chez 1 aoH
•t^ssadeur. Je me dis en moi-même : Je suis sûr
que David va suivre le domestique. U n'y manqua
pas, et je panerais tout au monde que qia lettre
n'a pas été rendue, ou qu^elIe avait été. décdi-
chetée.
A souper, il fiiait alternativement sur made-
moiselle la Vasseur et sur moi des regards qui
.m'eifirayèrent et qu'un honnête homnie n'est guère
assez malheureux pour avoir reçus de la nature.
Quand elle fut montée pour s'aller coucher dans
le chenil quon lui avait destiné, nous restâmes
quelque temps sans rien dire : il me fixa de nou-
veau du même air; je voulus essayer de le fi^er ft
mon tour, il me ait impossible de soutenir so^
iiffiettx regarda Je sentis mon âme se troubler, j^é-
taîs dans une émotion horrible* Enfin le remi:iiYk
do mal juger d'an si grand homne sur des appa-
rpDces prévalat; je me précipitai dans ses bras
tout en lannes, en m'écriant : Non, David Hume
n'eftfBiSBn traître, cda ni'est pas possible; et s*il
n'était pas le meilleur des hommes, il faudrait
qvTA en fikt le plos noir. A cela mon homme, au
lien de s'attendrir a^ec moi , ou de se mtittre en
colère, au Uen de me deman<kr des explicationfi,
reste trancpûDe, répond à mes transports par
qnekjnes caresses froides, en me JGrappanide pe*
tits cocps SDT le dos, et sVcriant plusieurs fois :
HUa cher monsieur! Quoi donc, mon cher mon-
âcoil Inavoué que cette manière de recevoir mon
épanchemenl me bappa plus que tout le reste. Je
partis le lendemain pour celte province , oil f ai
rassemblé de nouveaux faits. rétf<fchi ^ combiné,
et conclu , en attendant que je meure.
Jai toutes mes acuités diuis un houleirerse-
mcnt qui ne me permet pas de vous parler d^âufre
cfcose. Madame , ne vous rebutez ps par mes mi-
sères^, et daignez mVimer encore, quoique kplnâi
malheureux des hommes.
Jai vu le docteur Cratti en grande liaison avet
notre honune : et deux senles entrevues m'ont ap-
pris certainement que, quoi que vous eu puissiek
dire, le docteur Gatti ne m'aime pas. Je dots vous
avertir ans» que la bcnteque vous m'avez envojée
par fan avût été ouveiHe, et quoa y amiimàtm
autre cachet que le vftlre. H ya pRSS^dequei
rke I penser combien mes curieux ont été punis.
8o CORKSSPONDANCK,
666. — ▲ MM. Becket et de Hokdt,
LlBAAllEf ai LOVDIES.
Woocton , le 9 «▼ril 1 766.
Tétais surpris , messieurs y de ne point voir pa^
raitre la traduction et l'impression des lettres de
M. du Peyrou , que je vous ai remises et dont vous
me paraissiez si empressés : mais en lisant dans
les papiers publics une prétendue lettre du roi de
Prusse à moi adressée, j ai d'abord compris pour-
quoi celles de M. du Peyrou ne paraissaient point.
A la bonne beure, messieurs, puisque le public
veut être trompé, qu'on le trompe i jy prends
quant à moi fort peu dlntérôt, et j espère que les
noires vapeurs qu on excite à Londres ne trouble*
ront pas là sérénité de Fair que je respire ici. Mais
il me parait que, ne faisant aucun u^age de cet
exemplaire, vous auriez dû songer a me Ivt rendre
avant que je vous en fisse souvenir. Ayez la l)ODté,
me^ieurs, je vous prie, de faire remettre cet
exemplaire i mon adresse, chez M. Davenport,
demeurant près du lordEgremont, en Piccadillj.
Je vous Élis, messieurs, mes très-humbles saluta-
tions (*).
{*) Les kttret dont il •'agîl ont e'te' impriméet en inoféty et
publiéfA à Londres ches les mteet tibrtiret, in-is , 1766. -^
D<< dMontUocet umt-4-fiut îod^peiidtBlet de 1« Tolomé d0
en «▼aient raturdé l'impwiMoo.
1766. 8i
667. — A M. F* H. Rousseau.
Wootton, le 10 ■Tiil 766.
h, neRprodierais, mon cher cousin, de tardef
pbs loBg-ttmps à Yoas remercier des visites et
amitio tpt toos m'avez Êites pendant mon se-
jour à Lmdres et an Toisinage. Je nai point oublié
Fos offres oUigeantes ^ et je m'en prévaudrai dans
f occaâon avec confiance , sûr de trouver toujours
CQ vous mi bon parent , comme vous le trouverez
tfw^^urs eu mol. Je n ai pas ouUié non plus que
)Xfak compté parier de vos vues à un certain
boBiBc «a va^i du voyage d'Italie. Sur la con-
duite extnor^nûre et peu nette de cet homme ,
il m est d'abonl remi des soupçons et ensuite des
Immères qià fflVnt empêché de lui parler, et qui y
je crois, vous en empêcheront de mémo, quand
voussamez qœ cet homme, à Tabri d'une amitié,
tnîtreee, a fiyrmé avec deux ou trob complices
Iliomiéte projet de déshonorer votre parent ; qu'il
est en train d'exécuter ce projet, si on le laisse
i^e. Ce qui me firaj^ le plus en cette occasion,
nst la légèreté, et, j'ose dire, l'étourderie avec
lypeOe les Anglais, sur la foi de deux on trois
fîv^ dont la conduite double et traîtresse do*
^t ks saisir dliorrenr, jugent du caractère et
des aoenrs d*on étranger qu'ils ne connaissent
pofflt, et qu'ils savent être estimé , honoré et res«
focié dans les lieux où il a passé sa vie. Voila Oê
fti canviESPmnïjaiCEy
singulier abrégé de mon histoire^ où l'on i
donne entre autres pour fils d'un musicien, ce
rant Londres comme une pièce authentique. Vo
qu'on imprime effrontément dans leurs feuil
que M. Hume a été mon protecteur en rran<
et que c'est lui qui m^a obtenu le passe-port ny
lequel j'ai passé dernièrement à Paris. Voilà ce
prétendue lettre du roî de Prusse imprimée ds
leurs feuilles, et les yoUi^ eux, ne doutant j
que cette lettre, chef-d'œuvre de galimatias
d'impertinence, n'ait réellement été écrite par
prince, sans que pas un seul s avise de pen:
qu'il serait pourtant bon de mentendre et de
Toir ce que j'ai à dire k tout cela. En vérité, de
mauvais juges de la réputation nr, méritent |
qu'un homme sensé se mette fort en peine de cr
qu'il peut avoir parmi eux : ainsi je les laisse dî
en attendant que le moment vienne de les fa
rougir. Quoi qu'il en soit, s'il j a des lâches et <
traîtres dans ce pays, il y a aussi des gens d^h<
neur et d'une probité sûre auxquels un honn
homme peut sans honte avoir obligation. Ce;
eux que je veux parler de vous si l'occasion s
présente, et vous pouvez compter que je ne
laisserai pas échapper. Adieu , mon cher cens
portez-vous bien et soyez toujours gai. Pour nr
je n'ai pas trop de quoi Fétre ; mais j*espèrc <
les noires vapeurs de Londres ne troubleront
la sérénité de Fatr que je respire ici. Je vous <
brasse de tout mon cœur.
Amàm lyGG» 83
668. AU)RD***.
H^ootioD, le 19 Mnû 1766.
H m susaisy milord, attendre votre retour i
Lnnfcei pour vans fiiire les remerclmens que je
Toiu dois^ Vo^ Imiilés m ont conyaincu que j a-
Tais CB laisoB de campCer aas votre générosité.
Pour exCQKK lladiecrétien ^oi- m'y a fait recou<
rir, il sdEi de j^ter un cotjp d'œil sur ma situa-
tiua. TnMByé par des tnaitxes qui, ne pouvant me
iiJuoxtota iâas les IkmC où j avais vécu*, m'ont
eutnanè dans un pays où je suis inconnu et dont
j igaoït U Un^ , a&à d y exéouter plu^ aisément
leur ahœiroVjie ftefja, je me lr<Aive j^é dans
ceUe ile ajwés de» mafiMttfs smm exiemple. Seul,
sans appofy sans agnisj sans défense, abaiodonné
à U Mnètài des jngemens publics, et aux efièts
goî «0 soae la snite ordiasûre , surtout chez ua
people qui nataieUeitieBt n'aime pa« les étrati*
zmy j'avais 2e plus grand besoin* d'un protecteui*
joi M dédaignit pa» ma confiance ; et oii pouvais*-
? nânx lecbeiclicr ^e parmi cette Ulustre no-
y^œ a laquelle ys me faisais à rendre honneur, .
"'^ài 3e penser <pi.'ua jour {[aurais besom délie
fMir m'aider à défendlre lé mim?
Vous me dites ^ nûlof d , qu'après s'fttre un peu
imséj Totre poUic rend ôr£n:iirement justiee;
uscest ml' amusement bien cruel* «e me sem»
II
«1 qae celui qu'on |Nrend aux.d^pes» des in-
84 tOBJLESPONDAlfCE , ,
fortunés, et Ce n est pas assez de finir par rendr
justice quand on commence par en manquer
«rapportais au sein de votre nation deux grand
droits qu elle eût dû respecter davantage : le droi
sacré de ThospitaUté, et celai des égards que Toi
(ioit aux malheureux : fy apportais Testime uni
verselle et le respect même de mes ennemis. Poui
quoi m^a-t-on dépouillé chez vous de tout cela
Qu'ai-je fait pour mériter un traitement si cruel
En quoi me suis-je mal conduit à Londres , oii Vo
me traitait si Êivorablement avant que ]y hsi
arrivé? Quoi! milord, des diffamatioos secrète]
qui ne devraient produire qu'une juste horrei
pour les fourbes qui les répandent , suffiraiei
pour détruire Veffet de cinquante ans dlionnev
et de mœurs honnêtes! Non y les pays où je sui
connu ne me jugeront point diaprés votre publi
mal instruit; l'Europe entière continuera de m
rendre la justice qu on me refuse en Angletem
et l'éclatant accueil que , malgré le décret, je vie!
de recevoir à Paris à mon passage , prouve qi
partout où ma conduite est connue elle m^attû
l'honneur qui m*est dû. Cependant, si le publ
français eût été aussi prompt à mal juger que
vAtre , il en eût en le même sujet L'année de
nière , on fit courir à Genève un libelle affirev
sur ma conduite à Paris. Pour toute réponse,
fis imprimer ce libelle k Paris même. H y fut re^
comme il méritait de Tétre, et il semble que to
ce que les depx sexes ont d'illustre et de vertuei
A3nx±B i7<36. ^ 6S
dÎDt cette capitale ait voulu me venger par les:
pias gnades maxqaes d'estime des outrages de
mes ipik ennemis.
\oQSifiiex, milord, qa^on me coniiait k Paris
€L <{a'oo iK me connaît pas à Londres : voilà pré-
dsàMDt et quoi je me plains. On n^ôte point à
«B homme dliomienr, sans le connattre et sans
IcBCendre, Vestime pablMjue dont il jouît Si ja«
mais )e m en Angleterre aussi long -temps que
} ai vécu en Fzance , il &udra bien qu'exifin votre
poklic me tende son estime; mais qnd gré lui en
BiQarai-)e lorsque )e Fy aurai forcé?
Yaidounez , milord , cette longue lettre : me
pasdoBBenetrTaas mieux d'être indiffeieht à ma
yépuUtîoD dans v<ïlie pays? Les Anglais valent
men qn'on sait âcié deles voir injustes , et qu'a*
fin qe ils cesanil de l'être on leur msse sentir corn*
bicB ils le sont. Milwd , les malheureux sont mat
kmuu partouL En France, on les décrète; en
âuse^ on les lapide; en Angleterre, on les dés*
kmoie : c*cst leinr vendre cher l'hospitalité,
663. — aM.
AttS 17G6.
FAWvmmn», monsieur, avec q;nelque surprise^
^quelle manière on me traite à Londres dans un
puÛîc plus l^r que je n'aurais cm. HmèsemUo
fail vaudrait beaucoup mieux refoser aux infor-
Unti jÊsik qae de les accueillir pour les vor
'f ei je vous av<me que l'hospitalité vendue
86 CORlLBSPOMAirOE)
M prix do déshonneur me parait trop Aère. Je-
trouTe an&si que, pour juger un homme qn^n jm
connaît point, il faudrait s'en rapportes à ceni
qui le «connaissent; et il me parait bizarre qu'em-
portant de tous les pays oii j'ai yéou Pestime et la
coUsidkéralion des honnêtes gens et db puUic,
l'Angleterre, oà farrÎTe, soit le seul où on^me la
reluse« Cest en même temps ce qui nie oonsole :
l-aecueil que je Tiens de reoerobr à Paris ^ eià j^ai
passé ma Tie^ me dédommage de tout ce qv'on dit
k Londres. Comme les Anglais, un peu légers A
juger, ne sont pourtant pas injustes, si jamais je
vis en Angleterre aussi long-temp quen FVance,
j'esp^ à la fin n'y être pas moins esëmé. Je sais
que tout ce qui se passe k mon égard n^est point
naturel, qu'une nation tout entiëlre ne change
pas immédiatement du bbnc au noir sams canse,
et que cette cause sed^ est d aulaAt ^né dange-
reuse quW s*en défie moins : c'est cela même qui
devrait ouvrir les yenit du puUic sur ceux qui k
mènent V mais ils se cachent avec trop d'a^nsss
pour qu'il s'avise de les chercher où ils sont. Un
jour il en saura davantage, et ilVougira de sa lé-
gèreté. Pour vous, monsieur, vous avez trop de
sens , et vous êtes trop équitaUe , pour être comjpté
parmi ces juges plus sévères que judicieux. Vous
mWes! honoré de votre estime , je ne mérilerm ja*
mais do la perdre; et, eomme vous avez toutb la
adeniiey fy jinns la confiaiice que vous méritez.
670. -^ ▲ liAn^MK PS Luai,
WoottoDyle lamai 1766.
Smi- Ji «ses beiuKiix , màdanM , pow q«e
TOI» pcBsies «piclqiittfiMS à »es Unrts y et p^tir qye
TQ«s se laïAîes «anvais gré d'an si long filftiice 7
/«Bienb Irop puni si TOUS n^j éùez'passmsâkU.
Autt k tBinllr d^ime TÎe oiageose, oraobien jU
Rgrelté les do^o» beuros que je passais prës de
vous! fftmliim de fois les premiers Biomeiis du
lepos aprè« lecpiel je soapirais ont été consacrés
2 w«Me aift fl^r de Ycms écrire IJ ai maintenant
cefaâ^nsB^ikjTcelengagement^etlcs agrémens
dn bett q«e ^Waloîte m'invitent à m'y occuper de
TooSy madame, et de X. de Loze, qoi m en a fait
tnwrer iencmip i y Tenir. Quoique je n'aie point
de ses nouvelles , j'ai su qu'il était ar-*
» bonne saaté; et j^espèi» qu^an mo-
j'éoris cette lettre îl est heureusement de
pris de roQS. Quelque intérêt que je prenne
à ses avantages, je ne puis m^empécher de lui en^-
▼îer ceiQi4à, et je tous jure, madame, que cette
paâsîMe retraite perd pour moi beancoup de son
prix,i|iia9d je aougequ'elleest à trois cents lieues
4 To«s« Je voudrais TOUS la décrire avec tous ses
, afin de TOUS tenter) je nW dire de m'y
ir voir, mais de la Tenir voir ^ et moi j'e»pm-
X rJj
Figwes-voas^ madame, une maison seulc^ non
8d CORKESPOiniAIICB •
fort grande, mais fort propre, bâtie A mi-côte sui^
le penchant d'un yallon , dont la pente est assea
interrompue pour laisser des promenades de plain-
pied sur la plus belle pelouse de Tunivers. Au-^
devant de la maison règne une grande terrasse,
dot Tœil suit dans une demi-circonférence quel-
ques lieues d'un paysage formé de prairies, d ar-
bres, de fermes éparses, de maisons plus ornées ^
et bordé en forme de bassin par des c6teaux élevés
qui bornent agréablement la vue quand elle ne
pourrait aller au-delà. Au fond du vallon , qui sert
â la fois de garenne et de pâturage, on entend
murmurer un ruisseau qui , d'une montagne voi-
sine, vient couler parallèlement à la maison, et
doDt les petits détours, les cascades sont dans une
telle direction, que des fenêtres et de la terrasse
Tceil peut assez long-temp suivre son cours. Le
vallon est garni par places de rochers et d'arbres
où Ion trouve des réduits délicieux, et qui ne
laissent pas de s'éloigner assez de temps en temps
du ruisseau pour ofirir sur ses bords des pro^
menades commodes, à Tabri des vents et même
de la pluie j en sorte que par le plus vilain temps
du monde je vais tranquillement herboriser sous
les roches avec les moutons et les lapins; mais
hélas 1 madame, je ny trouve point de scordùan^l
Au bout de la terrasse à gauche sont des* bâti-t
mens rustiques et le potager; à droite sontdes bos<*
quets et un jet-d'eau. Derrière la maison est un
pré entouré d'une lisière de bois^ laquelle , tour-
' Afnv&E 1766. ' Cg
mt is-deb da y^on , coaronne le parc , si l'on
peot damier œ nom à une encemle à laquelle on
a InsK tontes les beautés de la natnre. Ce pré
Aène^&tnvers nn petit Tiliafe qui dépend de lâ
naisaijiiuie mont^ne qui eu est à nne demi**
fieoe, et dans laquelle schat dÎTeraes mines de
piaoèfie f on exploite. Ajoutez qnaux environs
OB a le cboix des promeuAdcs , soit dans des pnii^
ries dkanaantes, soit dans les bois^ soit dans des
jar&s 4 TaD^aise , moins peigné»^ mais de meil
ieor gsâl que ceux des Français.
La naisoB, quoique petite, est très-logeable et
Vm laftnbiiée. Il y a dans le milien de la&çade
oa aniDlrcgrp \ ïan^ise , par lequel la chambre
du Daitie'feYaiiiaÂsoii, et la nùçnne,qni est au-
dessus^ ont une rue de trois côtés. Sou aj^partew
neiie est composé de plusieurs pièces sor le de*
'vaal, el fou grand salon sur le derrière : le mien
etf dvcribué de même, excepté qne je n'occnpe
TBedeox cbandires, entre lesquelles et le salon est
aBeeqièce de Testibule ou d antichambre fix't sin^»
piEère, édairèe par une lai^e lanterne de vitrage
an ttâien du toit.
Avec cela, madame, je doisvons dire qn^on dit
n bonne chère à la mode du pays, c'est*àrdirc
SQpIe et saine , précisément comme il me la £iul.
I^ pays est humide et froid ; ainsi les l^itiines ont
foi de goAt, le gibier aucnn; mais la viande y est
^scdlente, le laitage abondant et bon. Le maitre
boette maison la trouve trop sauvage et s y tient
8.
go COSUSSf QffDAKiCE j
peu. Heo adifpbuJÎMtesfttUKûjpi^Sfi^eyi^tç^i^
quelles je la piéfibe» od^oi^ par la mêfnejrai^nf J',
suis nèn^aeukiQctit ie inaitre, nlakiMfiiaiîatitre
ce qui est bkâ plus* Potiil de gN^ ^iUuge au
^nTirons : la TiUe la plus voisine en est à dcu
lieues; par couséquont peu de voisias désœuvrée
Sans le mîiustJw^qu ma pris dans otoeaiFeclîoj
fiiogiiUdre, je serais k&.dîj; mois d^ FauAée'absG
lumeut seuL
Que p«osez<^om de mon haJNtation, iaadâm«
la trouvez-Yous assez, bien cèioislet) et iie.croyez
vous pas que pouf ea préférer une autre , il Àill
ALre du. bien sage ou bien fou? Eh bieiii madame
U s'en prépare use peu loin de Biez ^ plus près 4
Tertre , que je regretterai saas.cesse ^ et 4>ii ^ mal^
1 euTÎe, mon cœur habitera toujoul^. Je ne la r^
gratterais pas moins quand celle-ci m'oÛrirait toi^
tes autres biens possibles, excepté celui de Tivi
avec ses amis^ Mais au reste, après vous avoi
"peint le beau cAté., je ne veux pasvous (tissimuk
«pi'il y en a dautres, et que^ comme dans tpul^
les choses de la ine, les avaatages y sont méU
d*inconvéuieQs. Ceux du climat sont grands ,
est tardif et lîroid; le pays est beau , mais triait *, I
nature y est engouidie et paresseuse ; à pcin
avons-nous déjà des violettes^ les arbres n'ont ei
core aucunes feuilles ; jamais on n^y entend i
rossignols ; tous les signes du printemps disparaL
sent devant mot Mais ne gâtons pa^ le tablea
vrai que je viens de iaire y il est pris dans le poil
i;6R gn
f^ rve oè |e ^vvx TOI» raoBtfer ma denéini! 9 afin
<pe ros idées s'y promènent av«c plaisir. C« n'est
<^u auprès de tohs , madame , que je pouvais 1it>é-
TtT une fodélé préférable à la solitude. Pour la
torma has cette protince, il y faudrait trans-
porta Toire frmiUe entière, une partie de Men-
f Jiilci, et prexpie tont Yverdnn. Encore après
ccia^a^mne Fhomme est insatiable, me &udr^t-
j3 fûs Im»s, vos monts , Tos vignes , enfin tout , JUS-
^'an lacet ses poissons. Bonjour, madame; miSc
ffodies sahitations à M. de Lo2e. Pariez <{ttelqne-
fois avec madame de Froment et madame de Sas-
doE 4e tt "pauvre exilé. Pourvu ^'il ne ^e soii
jamaîs àb vw cœins, locrt antre exil lui sera sup-
poftabk.
fyr. — <<i H. nr LuzE:
.Wooimi , le ïo JDM lyCô*
Qmipie ma longue lettre à madame de Lnze
9(Ày monsieur, à votre intention comme à h
<i«nne, je ne pois m empêcher d'y joindre un mot
yftB' vous remercier et des soins que vous avee
i«^ vovia prv-sdre pour réparer la ban<{uerout|2
"pe favats &îte à Strasbourg sans en rien savoir,
'^ ^ votre obligeante lettre du lo avril. Tai senti,
î fedréme ^aisir que m^a £iit sa lecture , corn-
^'^ je wùJMS sois attaché, et combien tous vos
Vi&s procédés pour moi ont jeté de ressentimcns
Ame. 0)mptez, monsieur, que je vous
93 CORAESPOtrDAVCE,
aimerai toate ma- vie, et qu'up des re^ts qui n
suivent en Angleterre çst d'y vivre éloigné i
vous. J'ai formé dans votre pays des attacheme
qui me le rendront toujours cher, et .le désir
ffl^y revoir un jour, que vous voulez bien me I
moigner, n'est pas moins dans mon cœur <{
dans le vôtre : puais comment espérer .qu il s\
complisse? Si j'avais fait quelque &ute qui me
attiré la haine de vos compatriotes,, si je m'él
mal conduit en quelque chose, si j avais quelcfj
tort à me reproçlier, j'espér<$rais, en }e réparai)
palvenlr à le leur Ëiire oublier et à obtenir le
bienveillance; mais qu'ai -je &it pour la perdr
en quoi me suis- je mal conduit? à qui ai-je ma
que dans la moindre chose? à qui ai-jc pu rend
service que je ne l'aie pas fiiit? Et vous voy
comme ils m'ont traité. Mettez-vous à ma plac
et dites -moi s'il est possible de vivre parmi d
geiis qui veulent assommer un homme sans gne
sans motif, sans plainte contre sa personne,
uniquement parce qu'il est malheureux, h ^
qu'il serait à désirer, poxur Tbonneur de ces m(
sieurs, que je retournasse finir mes jours ^u a
lieu d eux : je sens que je le désirerais moi-mêiD
mais je sens aussi que ce serait une hante fout
laquelle la prudence ne me permet pas de song*
Ce qui me reste à espérer en tout ceci est de co
server les amis que j'ai eu le bonheur d y »ir
«t d'être toujours aimé d eux quoique absent,
quelque chose pouvait me dédommage de k
'kmAz 1766. 93
ewnMrce, ce sefait celui èa galant homme dof t
j^flela maison, etqtii n épargne rien pour m en
tendre le séjmir agréaUe; tons les gentilshommes
des C9VTOS, Ions tes mmistres des paroisses vol-^
sioes ont k bonté de me manjner des eraprcsse-
fnens qui ne Umchenf , en ce qn'îls me montrent
ia di^peadoD générale da pays : le peuple même ^
ma^noB équipage^ onÛie en n^a favenr sa dii*-
f^ orfinaire envers les étrangers. Madame de
Luxe Tiras dira comment est le pays ; enfin fy
troaTcnis de quoi n'en regretter aucun autre, si
{étiîa çbs prèsdn soleil et de mes amis. Bonjour^
nMRme»-/^ TOQs-emlnrasse de tout mon coeur.
6;a. — à M. DU PEraoû.
#
A Vkwmaof le 10 mai .1 '}661
Hm, m€n cfcer &dte, j'ai reçu, par M. Daven-
p<îit, ?0f munéros ao , 3 y , aH et 20 , par lesqueb
fe rwarec nupiiétude que tous n'ayies point en-
cart rtça mon n** i que je vous ai écrit d'ici , et 0 1
« TOUS priais de ne m envoyer que mes livres de
>.^iiiijQe, avec mon calepin, et d'attendre pour
«? reste i Tannée prochaine; prière qne je vous
^siiime avec instance, s'il en est encore temps.
^ Hiîs sartout très-fôché qne vous menvoyies
•^ des papiers qne je ne vous ai point deman-
^1. et sor lesquels j'étais tranquille, les sachant
^Kirevos mains y an lif n qu'ils vont courir des. kv
ufdsqne vous oe pouvez prévoir^ ik sachant pas
^«me moi tout ce qui se passe à Londres. Reii^
rez4es9 je voiu «Bx^o^june^ ^W^^^ epcQK^ Xepxf^,
et pQur Pieu , ne » ei^ etnxxyeis plus ij^ésansaû
ijue je ne tous les demande., JÇ<^ ^4taQf, pas poiu
rien gu^ j avw nuxa^^çot^ lûiii In^f^s ^^ j^ vou^
laîssaui. i, Mt' < ; ' -
Ceux que Vous av^ii q^vdyà$ ià Qi^4aiBe di
JTaugues sout eo route^ f t |e<;ompt« tes i^eceroii
au pFeiui^ jour. C est un grand bonheur qu'il
n'aient pas été confiés à Ifl. W^lpol^^ique je re
^arâe comme lagent seciret de farois.oik) ^i^atre hou
nétes gens de par le moiMiie qui oot foifiné entr<
eux uu complot auquel je ne compirends -rieo
main dont je vois et sens re[;sécutioQ successive d<
jour en jour. La prétendue lettre du roi de Pruss
est certainement de d'Alenfbert (*); en y jetan
les yeut , j'ai reconnu éon style y comme si je 1
lui arais vu écrire : elle a été publiée , traduit
dans les papiers ) de même q^ une autre pièce d
même auteur sur le même sujet. On a aussi in
priioé et traduit U9e lettre de M. de Voltaire
moi adressée, auprès de laquelle le libelle de Yei
nés nVst que du miel. Mais cessons de parler c
ce$ matières attristantes^ et qui ne m'àfBigeraici
pourtant guère, si mon co^u^ n'eût é^ navré p
^e plus sensibles coups. Mon cher hdte , je si^
Uen le prix d'un ami fidèle, et que ma confian
en vous redouble de cliarmes, par b difficulté \
. la placer aussi him nulle part*
<•) ElU élmi âfi M. "Wa^Mle, mo^ eorrîg^ p«r |.1iiMei
AXNÉE 1766. S^
^ SUD très en peine pour établir notre èorres-
pnodaiioed^me manière stable et sûre, car la rë«
f olatkm où je sois de rompre tout autre coinmerce
de kttres ne me rend le yôtie que plus nëces*
sûire. Ah! cher ami , que ne vous ai- je cru , et que
Qâi-je Rsté à portée de passer mes jours auprès
de rousfle sens TÎTemeUt la perte ({U6 fài &ite,
el je Be m^D consolerai jamais. Je suis en peine
<]' p.'usiain lettres que j^ai fait passer par MM. Lu-
dion et DnLf , et dont je ne reçois aucune ré-
^^ûse. Ttsfiit cependant qu'ils n'ont pas des
fommis Bfgligens; il faut prendre patience , et
coui\imo.M.LQcadoa est un bbnnête kômme,
e! âmi àe mes amis*, jc ne crains pas qu'il abusé de
mu confiance, mais je crains de lui être importun.
Mon intentioB est bien de parler à milord Ma-
r*' bal de K d'Eschemj^ et de Ikire usage de sÀ
{K'Ule note; mais ce n est pas en ce moment de
" /BaotiMi que cela peut se laire. S'il est pressé,
- ti/t, malgré moi, que je laisse à d'autres le plai-
•^' ^ le scryir. Jai pour milord Maréchal le même
'^^bnasqne pour vous de m'ouyrir une corrès-
: ^daoce sûre ; je me suis adressé à IVt Rougô-
' -!î , je n'en ai aucune réponse'; j ignore s'il a fait
: ^ «na lettre, et s'UTeut bien continuer.
i^^oant à ce qui regarde ma subsistance, nous
•*^:îdrons là-dessns les moyens que vous jugerez
' P^; et, puisque vous pensez que je puis
-^^t de six mois en six mois des assignations
"■*' vos banquiers de Paris, je le ferai; mais, de
f j6 Cor.WBSPONDAXC^ ,
grâce, envojcz^moi le modèle de gsisxifisig^ations*
car je ne vois \ms bien , je vous lavoue, en quels,
termes elles doivent être conçues sur des l>aii~
quiers ({ue je ne connais pas^jct qfjà ne ine doivent
rienJ
Je finis à la hâte ; en vous saluant de tout mon
cœur. Mille respects à la chère et bonne maman.
6^3. - A MAPAHE DE CajÉQVI.
Mai itM.
Bien loin de vous oublier, madame, je &is un
de mes plaisirs dans cette retraite de me rappeler
l^s heureux temps de ma vie. Ils ont été rares cl
courts; mais leur souvenir les multiplie : c'est le
passé qui me rend le présent supportable, et j^ai
1 rop besoin de vous pour vous oublier. Je ne vous
écrirai pas pourtant, madame, et je renonce à
tout commerce de lettres, hors les cas d^absolue
nécessité. Il est temps de chercher le repos, et je
sens que je nen puis avoir quen renonçant à
toute correspondance hors du lieu quej^habite. Je
prends donc mon parti trop tard, sans doute , mais
assez tôt pour jouir des jours tranquilles qu'on
voudra bien me laisser. Âdicu, madame. L^aaiitié
dont vous m'avez honoré me sera toujours pr^
sente et chère) daignez aussi yous en souvenir
quelquefois.
ÈMmkB 1766. 97
WooUoD, le xo mai 1760.
Ce i cttpas d'anjourdlmi, monsieur, que j'aime
â foos onnir mon cœur et que^vons le permettez^
La eoifianoe que tous m'arez inspirée ma dé^à
Ut sentir près de toos que Faffliction même a
faciqnelbis ses douceurs; mais ce prix de Tépan-
dtement me deyient bien plus sensible depuis
qnemesiiaax.portés à leur comble, ne me lais-
«t^nsdans la vie d'antre espoir que des con-
M^aéons, el depuis qu'à mon dernier voyage à
fm i[û ùMusù aciieyé de vous connaître. Oui,
monsîeiir, avouer un tort, le déclarer, est un ef-
tort dejasike êssez raie; mais s'accuser an mal-
heamix qu*tm a peitdn, quoique innocemment,
el ne Tro aôner que davantage, est un acte de
iscB fof n appartenait qu^à vous. Votre Ame ho-»
non lîmnamté, et la rétablit dans mon estime.
Je savais qn il y avait encore de Tamitié parmi les
bommes; mais sans vous j ignorerais qu'A j eAt de
lavertiL
Laissez-nuM donc vous décrire mon état ifne
^ttmde fi>is en ma vie. Qne mon sort a cbangé
ârpais mon séjour de Montmorencil Vous m'avez
cniKaOïeureux alors, et vous vous trompiez*, si
Y^aos me croyes heureux maintenant, vous vous
trompez davantage. Vous allez connaître un genre
ik nâlheurs digne de couronner tous les autreS|
e«. 4- 9
g8 COtLtËSPOVtÂVÇE y
et qu*en vëritë je n aurais pas cru Êiit pour mol.
Je vivais en Suisse en bommé àimt «t paisible ,
fujant le monde , ne me mêlant de rien, ne dis-
putant jamais, ne parlant pas même de mes opi-
aions. Qn m ea chasse par des persécalkns ^saos
sujet, sans motif, sans prétexte, ks pkis vio«
lentes, les moins méritéest (ju^il sok posstUr d:"!^
saginer, et qu'on a k barisarie do me reprocher
eaeorey comme| sî je m* les étais attirées par Ta»
mté. Languissant, makuie, affligé^ je m'kcheDiU
nais», à l'entrée de thhrer, ven BeiÛà» A Stras*
bourg, je reçois de M. Bume les. inntalMHas les
plus tendres de me livrer à sa condtuite, et de le*
suivre en Angletene, oà il se charge de me pro-
curer une retraite agréable et tmnqntUe* J'avais
ett dé jii le prc^t de my retirer; Bulord Mavéchal
ûm ïavait tcmioufs conseillé; M« b ducdÂumont
aurait, à Id prière de madame de Vcrdelii, de-
mandé et obtenu po«ir moi un passe-povt. l'en fais
usage ; je pars ie cœur plein du bon David^ je conrs
à Paiis me jeter entre ses Ivassc M. le prince de
Gonù mlioaxnre de l'accueil plus eonfmiable à sa
générosité qu'à ma situation, et auquel je me prôte
pair devob, mais avec répugnanire^ prévoyant
combien mes ennemis m'en feraient payer cher
Véclat
Ce fiit un spectacle bien donx pour moi que
f augmentation sensible de bionveilianœ pour
IS. Hume que cette bonne œuvre produisit dans
tout Fans : il devait en être tooché comme mo^
f <fe«lr ^H le iftl «de la «ftme mmûéic Qool
^? CD soà, iMÔlà de ocs 4r«niplniieiis â la fim-
ç» , qae faune , dL ^ne les antires boIbqds ne sa*
■t|BBIIHlteF«
Vam ce qui me fit «ne pdne extrême te de
'^M. le prifloe de Ccûiti m'accablak ca sa
pésnn de si grandes bowlés, qpi'ellcs auraiem
pe paaKr peor nriUeosea sî j'eusse ^ noms à
|xfaiâdR,«i<|«e ic pii&oe eût été m<HD5{éiiéreinc :
Ik atlmtîons étaient pour moi; M. fiaime
«Idîé en qiHk|iie aorte, ou invité à j gdii«-
. Il était cÛr que cette préferenoe dbama*
dflttt ^étûs F«febiet es montrait poor lui une
_ ^Ina iiiatleiise : €*était lui dUre : Mon
liHuamy aides Hmii marquer de la commise-
'tfommL Mais son cœur jalonx fiit
sentir cette distinctiiMi-lâ.
Hétaitsi occupé de moi qa'il m
durant son aonaneil : tous saurez
œ qu'il dit i la première oonchée. En dé»
larqnant i Dourres, transporté de toucher enfitt
celte tene de liberté , et d'y être amené par cet
fcnsii» illnBtre, je lui sautai au cou, je l'embras^
su ëtnoimnent sans rien dire, mais en couvrant
vvage de haisers et de ptenrs. Ce n'est pas la
' «s ni la plus renarquaUe où il ait pu voir
BKM les saisissemeas d^ coeur pénétré. Je oe
pas trop œqu^il ÊHtdectssouveaiit^s'Sslui
\^ mmiê j'ai duos lespiit qu'il en doh quei^
faeiHS êùe impoitiiaé.
100 COâRESPOlTDANCE,
Nous hommes fêtés arrivant à Londres ; dan
les deux chambres , à la cour même , on s'empress
4 me marquer de la bienveillance et de restim<
M. Hume me présente de très-bonne grâce à tov
le monde, et il était naturel de lui attribnei
comme je faisais j la meilleure partie de ce boi
accueil. Uaffluence me fiiit trouver le séjour do 1
ville incommode : aussitôt les maisons de cau\
pagne se présentent en foule; on m en oBre à choi
8irdan& toutes les provinces. M. Hume se charg
des propositions ; il me les fait , il me conduJ
même à deux ou trois campagnes voisines ; jli^
^ite long-temps sur ^c choix; je me détermine enJSi
pour cette province. Aussitôt M. Hume arrang
tout, les eimbarras s aplanissent; je pars; j*arriv
dans une habitation commode, agréable, et soli
taire : te maître prévoit tout, rien ne me mancpie
je suis tranquille, ii)dépendant. Voilà le momeij
si désiré où tous mes maux doivent finir : nou
c'est là qu ils commencent, plus cruels que je n
les avab encore égprouvés.
Peut-être n'ignorez>vous pas, monsieur, qu^ci
vaut mon arrivée en Angleterre elle était un de
pays de TEurope où j'avais le plus de réputation
j oserais presque dire de considération ; les pi
piers publics étaient pleins de mes éloges , et
u y avait qu'un cri d'indignation contre mes pei
sécuteurs. Ce ton se soutient à mon arrivée ; 1<
papiers Fannoncèrent en triomphe ; TAngleten
s'honorait d'être mon refugej, et elle en glorifia
▲mrKE 1766. 101
arec justice ses lois et son gourernemeiit. Tont
à coop, et sans aacniie caose assignable, ce ton
chaiip, BUIS si fort et si vite qne dans tons les
capinsda pablîc on n'en vit jamais un plos éton-
nant Le signal fîit donné dans un certain maga^
sin, amn plein dlnepties que de mensonges, et
oà ranleor, bien instruit , me donnait pour fils de
nosicien. Dès ce moment, tout part avec un ac-
cord d msollcset d'outrages qui tient du prodigef;
des Goijks de tivres et d'écrits m attaquent person^
ueUemcnt, sans ménagement, sans disciétioa, et
««Be CemÔe n^oserait paraître si elle ne contenait
<|Dà{Qje maOïonnéteté contre moi. Trop aocoo-
tiuaè anxinfonsdu puUic pour m en affecter en-
core, je ne lûssais pas d'être surpris de ce cban-
gemenl à bnisf ne, de ce coucert si parfaitement
unanime, qae pas un de ceux qui m'avaient tant
knié œ dit on seul mot pour ma défense. Je trou«
fais btrarre qne précisément après le retour de
M. Hume, qm a tant d^nfluence ici sur les gens
de lettres et de si grandes liaisons avec eux , sa
présence eût produit un effet si contiaire à celui
qae j'en pouvais attendre; que pas un de ses amis
œ se fut montré le mien : et l'o^ voyait bien que
les gens qni me traitaient si mal n'étaient pas ses
ennemis, poisqn ed fiiisant sonner haut sa qualité
de oBnistre^ ils disaient que je n'avais traversé la
France que sons sa protection ; quil m avait ob*
tenu un passe port de la cour dfe France; et peu
s'en hUak qn% n'ajoutassent que javais &it U
9-
1
lOa COKRESPONDAVCE ,
ycjBgid i ses frais. Une autre chose m étonnait d&-
Tantage. Toiis m avaient également caressé à mon
arrivée , mab i mesure que notre séjour se pro-
longeait , je voyais de la façon la plus sensible
changer avec moi les manières de ses amis. Tou-
jours, je lavoue, ils ont prisses mêmes soins en
ma Êiveur ; mais , loin de me marquer la même
estime, ils accompagnaient leurs services de l'air
dédaigneux le plus choquant : on eût dit qu^ils ne
cherchaient à m obliger que pour avoir droit de
me marquer du mépris. Malheureusement ils 6*é-
talent emparés de moi. Que &ire , livré à leur
merci dans uu pays dont je ne savais pas la lan-
gue? Baisser la tète et ne pas voir les affronts. Si
quelques Anglais ont continué à me marquer de
Testime , ce sont uniquement ceux avec qui
M. Hufne n a aucune liaison.
Les flagorneries m'ont toujours été suspectes.
U m^en a fait des plus basses et de toutes les &•-
çons; mais je n ai jamais trouvé dans son langage
rien qui sentit la vraie amitié. On eût dit même
quen voulant me fnire des patrons; il cherchait à
m'dter leur bienveillance ; il voulait plutôt que
fen fusse assisté qu*aimé ; et cent fois j'ai été sur-
pris du tour révoltant qu'il donnait à ma conduite
près des gen^ qui pouvaient s'en bllrnser. Un
exemple éclaircira ceci. BI. PennedC) du Muséum,
ami de milord maréchal, et pasteur dune paroisse
oh Ton voulait m établir, vient me voir; M. Hume,
moi présent j lui fait mes excuaesnde ne l'avoir pas
Âinrifi i76c>. tù%
frivmkU» Le docteur Maiy, lui dit-fl, nous at»eii
ùii^ùi$ fotsr jeudi au Muséum, où M, Rousseau
deveù vous voir ; mais il pré fera daller avec
meàsme Garriek à la comédie : on ne peui pa$
fain hsni de Aoses en un jour.
On répaod à Parts ane Ëiusse lettre du roi de
IVns», qui depuis a été traduite et impnmée ici.
Japproids arec étonnement que c'est un M. Wal-
poje, and de KL Hume , ^i £iit courir cette kttre :
j * ioi demande si cela est Trai'; au lieu de me lé-
poudre , il me demande froidement de qui je le
Ums-, et quelques jours après , il veut que je con-
fia à ce même HL Walpole des papiers qui m'is-
eussent et que ^ clierche ft &ire venir en sûreté.
h Tois cette prétendue lettre du roi de Prusse , et
fr reconnais à rinstanl Je style de M. dÂlenibert ^
autre ami de M. Home, et mon ennemi d'autant
plus dangereux qu il a soin de cacher sa haine,
iipprmds que le Sis du jongleur Tronchin ^ mon
plus mortel ennemi y est non-seukment un ami
i\fi M. Hume, mais qu'il loge avec lui ; et quand
M. Ilame voit que je sais cela , il m'en fait la con-
Henœ , m'assurant que le fils ne ressemUe pas au
[è*e. J'ai logé deux ou trois nuits avec ma gouver-
nante d us cette même maison ^ chez M. Hume;
(t à ^accueil que nous ont &it ses hôtesses , qui
^fil ses amies, fsû jugé de la Êiçon dont lui, ou
tet homme quil dit ne pas ressembler à son père^
i'«r airail parié d'elle et de moi.
Tous ces Liiis combinés , et d'autres semblaUei
2o4 COBABflPONbAVCB,
que j observe 9 me donnent insensiblement t
inquiétude que je repousse avec horreur. Cep
dant les lettres que j écris n'arrivent pai^; plusie
de celles que je reçois ont été ouvertes^ et toc
ont passé par les mains de M. Hume : si qi
qu'une lui échappe, il ne pieut cacher Tarde
^iividité de la voir. Un soir je vois encore chez
une manœuvre de lettre dont je suis finappé. ¥<
ce que c'est que cette manœuvre,. car il peut
porter de la détailler. Je vous Tai dit, monsie
dans un fait je veux tout dire. Après souper, ;
dant tous deux le silence au coin de son feu
m'aperçois qu'il me regarde fixement, ce qui
arrive souvent et d'une manière assez ren
quaUe. Pour cette fois son regard ardent et ]
longé devint presque inquiétant. Jessaie d<
fixer à mou tour; mais en arrêtant mes yeux
les siens je sens un frémissement inexplicable
je suis bientôt forcé de les baisser. La physionc
. et le ton du bon David sont d un honhoni
inais iJ faut que , pour me fixer dans noa tè\
tête, ce bon-homme ait trouvé d autres yeux
les siens.
L'impression de ce regard me reste : mon t
ble augmente jusqu'au saisissement. Bientô
violent remords me gagne ; je m'indigne de
; jnême. Eufin, dans un transport, que je me
pelle encore avec délices, je me jette, à son
je le serre étroitement, je 1 inonde de rocs lar
mccric : Norij^ non^ David Hume n'est pa
AjfviM 1766. io5
hvltre; s'il n'était le nteiUcur dcshonanês, Hfaur
droit' qu'il en fut le plus noir! David Hiume me
rend mes emiirassexnens, et , tout en me frappant
de petits coaps sur le dos, me répète plusiem^s
fois duB ton tran<piille : Quoi! tnon cher mon-
iieur!Ek! mon cher monsieur ! Qtwi donc ! mon
dtermoasieur! Il ne me dit rien de pins; je sens
qoe mon cœur se resserre, notre exjdîcation finit
U; nous allons noiis coacher, et le lendemain je
pars pour k prorince.
Je reviens maintenant à ce que j^entendis â
^oye la première nuit qui suivit notre départ.
KoDS étions couchés dans la même chambre, et
plusiears toVs au milieu de la nuit je Tentendis
s'écrier ayec une véhémence extrême : Je tienè
J. J. Rousseau! Je pris ces mots dans un sens &*
Torahle qn'assnrement le ton n'indiquait pas^
c est nn ton dont il m est impossible de donner
1 idée, et qui n'a nul rapport à celui quil a peu*
dant Je jour, et qui correspond très-bieu aux re*
gaids dont j*ai parié. Chaque fois qu'il dit ces
mots, je sentis ui: tressaillement d elfiroi dont je
D étais pas le maître : mais il ne me fallut quun
moment pour me remettre et rire de ma terreur;
dès ie lendemain y tout fut si parfaitement oublié-,
que je n^y ai pas même pensé durant tout mon sé«
jour i Londres et au voisinage. Je ne m^en suis
soutenu que depuis mon arrivée ici , en repassant
toutes les observations que j'ai fiiites, et dont k
nombre augmente de jour en jour ; mais à présent
lOb COtoBSPOiTOAirCB,
je 4uis trop mût de ne plus loublier. Cet hom]
^e mon mauvais dastm «emble amr forgé 4
exprès pour moi , n^est pas dans ia spkère o
jnaîre de lliumanité , et tous avez assmément ]
4fae personne le droit de trouver son caractf^e
croyable. Mon dessein n'est pas aussi qoe vou
{ogies sur mon rapport , mais seulement que v
logiez de ma situation.
Seul dans un pays qui m'est inconnu, pa
des peuples peu doux , dont je ne sais pas la 1
gue, et quon exàte à me kaïr, sans appui, s
ami, sans moyen de parer les atteintes qu on
porte, je pourrais pour cela seul sembler fi>i
plaindre. Je vous proteste cependant que ce t
ni aux désagrémens que j'essuie, ni aux dan]
que je peux courir, que je suis sensible : j'ai m<
si bien pris mon parti sur ma réputation, qu
ne songe plus à la défendre; je l'abandonne i
peine , au moins durant ma vie, à mes infàtiga
ennemis. Mais de penser qu*un homme avec
je n eus jamais aucun démêlé, un komme de
rito, estimable par ses talens, estimé par son
ractèrc, me tend les bras dans ma détresse
m^étoufie qunnd je m'y suis jeté; voilà, monsi*
une idée qui m'atterre. Voltaire, d*Alemb
Tronchin, nont jamais un instant affecté i
âme ; mais, quand je vivrais mille ans, je sens
jusqu'à ma dernière heure jamais David Hum
cessera de m'étre présent.
Cependant j'endure mes maux avec asse
fAaob^ cft je me félicite %va!%Qnt de er goe mùB
vsnà B*ett est point aigri t céb me le§ tend
nbtÙKs, mais, aa lîeCi àfj riwer^ fheibarke'y
c'est me dismelieii dont p sens lo lieMo : mi»
liBMtwiUcttt dk se mest pas in eftaer grande
imaanje ; 11011& avoa» peu de keaox jeuis ^ fâ de
mnivaîs yeas, on mawwais mieroico^ ^ ye $tnê
trop ignaraiÉ poor kcaljoiiscir sboëb lifRs^ et je
a'enaîpeînl cociHeicî r d'afflev^ aictf naste soal
1
coeur-. Va perle lolaie da sommeil me lÎTia aai
pins lràta&îâéc5;Gaif dv pay» îaiiit i tout cela sa
somlbre înftaence jékjt eemneiioe à sutfir fré*
quemanÈent qae ) aï trop récn. Le pis est (jae je
crrains ht mort ^deare, irôiMeoIeikieiit potnr elle-
mêiEie,, non^-seuJeamC poara'awr pas un de mes
amisqui poisse adoucir mes dernières heures; mais
sorCoof pour fabàndon totsd où je laisserais ici la
caoïpgigiie de mes misères, lirrée à la barbarie, ou,
qû fiisest^àlWaltaHtepîtîédBceaaCdbirtkaMoins
Wfaffinraie«tdeania«lépoarfiâre en^
ioppaohie ea sîlkas^ Je ne saris paa^ éli ^ •
ritér, <jaiidlM «CRRmrccf la phifesophief aéfctf k aa
boanmedans aam ëcat. Poiar met,, je aW reis <|iia
qai «oieiif à< nam asagr^ Faspérauee etla ré*
Le pknvy mgnaiaw^ye j^'ar davoaaéeiireast
ft parâîleaieiic iodiipetid^ ic rattante dune té-
'> f^ F ^^ ^^o**^ eevoie pdar 4!«Ia aucima
109 C0RR£SFOHDANCE,
adresse, bien sûr qae tous ne vous servirez
de celle de M. Hume, avec qui j'ai rompu ti
communication. Vos sentimens me sont codj
il ne m Vn ùut pas davantage ; j aurai Féqcùva
de cent lettres dans Fassurance où je snis que >
penses à moi quelquefois avec intérêt Je prc
le parti de supprimer désormais tout coinm<
de lettres, hors les cas d'absolne nécessité , de
plus lire ni journaux ni nouvelles pnfalîqpies
de passer dans Tignorance de ce qui se dit ei
fiât dans le monde les jours tranquâles qii^on t
dra me laisser.
Je &is, monsieur, les vœux les pins vrais et
plus tendres pour votre félicité.
675. «^ - A M. LB oilfiRjlL COKWAT,
fSCliTAlJU s'itAT,
L»aa mai 1766.
HONSIXVA,
Vivement touché des grâces dont il platt i
majesté de mlionorer^ et de vos bontés qui me
ont attirées, j^ trouve dès à présent ce Jbieo p
deux à mon cœur, d'intéresser à mon sort le m
leur des rois et l'homme le plus digne d'être ai
de lui. Voilà, monsieur, un avantage que je
mériterai point de perdre. Mais il faut vous pai
avec la franchise que vous aimes : après tant
malheurs je me croyais préparé à tous les évA
«cas possibles ; il m'm arrive pourtant qqe je v
ÂsmiE 1766. ro^
»pis pnfms, et (ja'il n'est pas même permis à
BA boBDéte faonmie de prévoir. Ils m en afiècCenI
fautant ^os cmellement , et le tionble où ils o&o
feUcnt m'âtmt b liberté dVsprit nécessaire pour
ae Mcù Goodnire, tout ce que me dit la raisoir,
dui m état aussi triste, est de suspendre ma i^ *
nJotioa sar tonte affaire importante, teUe qn^est
pour uraî cèUe dont il s'agit. Loin de me refuser
21a Ueolaits dn roi par Torgueil qu on mïmpnte,
je le mettrais i m'en glorifier; et tout ce que jfy
vois de péniUe est de ne pouvoir m^en honcnrer
an yeuL dn poblic comme aux miens propies.
Vtt\ocsf|«ie yt les recevrai, je veux pouvoir me
livrer lonv eotaer aux sen timensqulls m'inspurent ,
et n'avoir k cœur ple'm qne des bontés de sa ma^
jesié et des vôtres :je ne crains pas que cetta fitçon
de penser les paisse altérer. Daignez donc, mon-
âeor, me les conserver pour des temps pins beiH
reax : toos connaîtrez alors que je n ai difl^ de
n'en prévaloir qne pour tâcher de m'en rendre
phif digne.
Agréez, monsieur, je vous Supplie, mes tvfa^
luMahlry salutations et mon respecL
&j6. A M. DU PXYBOU,
AV?ooaoD,lB3i 111011766.
/ai reçu, mon cher hôte, voire n^ a4 pat
IL dlTerMois, et je reçois en ce moment votro
9* ^ Je TOUS remercie de l'inqoiéludc que vous
1 1 0 C0ftU8P0m>ÂNCE ,
y VBempMx sot m%n étal^ezcepté povtant ce mof
M'auriat-wfys oabUé? <{u^aD fim long sitence ni
ma au nôBde nWtorifiiBrait jàmaû. J^aurai^ en
qmeiïXw vous et noi nous nen étions plus, de
pvb long-tempsy à de pareilles craintes. Je vow
éerisraremeiityjeyoaseii aipiéveira; maisjâyouj
AcrlsTégulilèrettiieiit; et, lorsque Touâ vous livriea
k ce crael doate, tous avez dû recevoir mon n? ^
De grAee^entendons-nousbien. Je no puis souveni
écrire^ surtout à présent que mon hôie et sa' ùt-
mille sont icif. Il y a, ce dont je géms, trois eenti
lieues de distance entre nous ; il faut ^UMeurs en-
trepôts à nos lettres y qui les retaffllent^ et qui peu-
vent les retarder davantage. Enfin y vous pouvea
au pis vous dire : l\ est mort ou malade, mais )a-
maisy lkF»*t-ii ouUié?
Antre grief. M. Bume vnns appMnd, dite»
vous, qu« b province de Derby m'a nomAié ut
des commissaires des liarrières , et vous me repro^
dves de ne vous en avoir rien dit. Vous audes
raison , si cela était vrai; mais je n aï jamais ou
parler de pareille folie; je vous ai jMPévenu* détn
en garde contre tout ee qui pouv»f venir dt
M. Hume, et de n'ajouter aucune foi à tout c<
qu'on vous dirait de moi. De grâce, une fois pouj
toutes, n'en croyez q;ue ce que je vous dirai moi
méme^ vous vous épargnerez bien des jugemen
injustes sur mon compte. Par une suite de cett
mèmt dcilité à tout croire, vous voilà persuadé
mr le saqpport de M» de Luze^^ que je désir
ÉMBiM 17G6. m
Ms écrits iiMiifa dt moii vvriint; figaam
jor k nf|Mrt 4ie ^bî M. de Lose Ivi-^iénie a pu
k CTOÎre-, oe nesC sÂronent pas sur le «Jeu, et je
^omAbhrtHwooM répète, pour h ikmièpe foû,
àuK k âoéritë de dm»]i âne, cpie aum pins ar«
deat désir est tfne le poMic n'entende pbis poiier
de M de aMm TÎTaiit. Une firâ pour lavles ,
mnesHBoismoère; neToas§èaez jaaoaîs sur cette
dbae; nais soyez persuadé que, tente duise
égik, i'aine nûem qu'elle ne se fi»se qu'après aa
Buvt II est Tiai que fai cm qae les pundies ais»
faiiait pa se frayer d aTance, et qu'elles amaient
jHL itMècaitx aûenz de mon vivant.
Je aie ftatte^|Qe ^oas aurez reçu ena paécédenta
asses à teapapoor ac &iiie partir que mes Imes
de&ytaDiqoeel iaiiiers, et retenir k reste quant
à présesM. J? sois tris-content de mon habitation,
de BMa bMcj de mes yoisins, à quelques incon-
rémeoM près; nais, puisque 7 en a partout, k
nge ne ks (oit ps, il ks supporte, et il m'en
coéle pea d'être sage en ceb. Mais je vous avoue
(et qae ceci soh & Jamais entre nous deux sans
aucsne exception) que )e sens crnefiemeot votre
ai)sem:e, et que fai peine à. me détacher de l'es*
pair de retoomer nn jour mourir auprèi de vous*
Met cflemr ne pent renoncer aux dences idées
^li s'était Élites; plus j'aime le recueilkm^it et
k letiaite , plos l'intimité de Famitié mW néees»
saiie, sortotti rers k fin de ma carrière et de mes
ioan, oà je a*ai ^os dwtre projet à fermor qnft
1 14 CORf «fPOVDAVÇB ,
rocpQi^daijlQB ay«c ]tL Moultou, ne aacbant pa^
1¥«oUoD, le 3i mai 176(1
; I
]Uo|f«i^JE Lucadoa aura pu vous manjueri,
monsieur, combien j'étais en peine de vous; eti
vot^e lettire du aS ayril m'a tiré dWe grande in-
Quiétude. Je suis dans la plus grande joie du pro«
jet que vous avez formé de me venir voir cette
année ^ je sois £iché seulement que ce soit trop
tard pour jouir des charmes du lieu que j'habite ;
il est délicieux dans cette saison, mais en no-
y^n^bre il sers^ triste^ il aura grand ))esoin que
vous venies en égayer l'habitant. Il £audra pré-
venir M. du Peyrou de votre voyage , au cas qu'il
ait quelque chose à m envoyer. J'aurais souhaité
que vous pusçies venir ensemble pour que le
voyage fût plus agréable à tous les deux; mais je
trouverai mon compte i vous voir lun après
l'autre } je serai tout entier i. chacun des deux, et
j'aurai deux fois du plaisir.
Si mes VQ^ux pouvaient contribuer & rétablir
parmi vous les lois et la liberté , je crois que vous
ne <)outcz pa^ que Genève uc redevint une répu^
blique; mai^, diessieurs, puisque les tourmens
qqe voçtre $prt futur donne à mon cœur sont A
pure perte, permettez que je cherche à les adou-
si^ (sn pçnsant à vos afiaires le moins qu'il eât posp
Awvità 1766. iiS
$ihk. Vous ^iwe^ poMîé qae je voulais écrire I*hiê-
toire de b médiatioii : je serais bieo aise seulement
d'en nvoirlliîsîoiie; mais Hum intention n'e^f
a^sarfaneit pas de l'écrire -, et, qaand je Fécrtrais,
je ne pnkiais de la publier. CependaQt , si vous
vodes ne rassemUer les pièces et mémoires qui
r^pninf cette afl&ire , tous sentes qu'il n'est pas
fosàdt qalls me soient jamais indifierens; mais
gdides-les pour les apporter avec voos, et ne m'en
fDTojrez plus par la poste, car les ports en ce pays
«mi si exorbitans^ que yotre paquet précédent
m'a coftié de Londres ici 4 liv. 10 sous de France.
Au reste ^^ vous préviens, pour la dernière fois,
que je m veox ^os &ire souvenir le puUic que
j existe^ et que de ma part il n'entendra pins parler
de moi dorant ma vie. Je suis en repos, je veux
ikWr d'y tester. Par une suite du désir de me
fiin ootiierj féaris le moins de lettres qu'il rn^eÉl
potsilJe; hors trois amis, en vous comptant, j'ai
fompa toute autre correspondance , et , pour quoi
ne ce puisse être , je n'en renouerai plus. Si voue
('Tufes que je continue à vous éicrire, ne montrez
; as mes lettres et ne parlez plus de moi h per-
'^^ne, si ce n'est pour les commissions dont votre
iait^ ne permet de vous charger.
J« fondrais bien que votre associé, que je sa»
'^c, eût le temps den &ire une avant votre â6-
; iTt. /ai perdu presque tous mes microscopes ; et
• SX qui me restent sont ternis , et incommodes
^ ce qnll me Ciudrait trois mains pour m'en ser»
. 1 16 cqUrespôndak.ce ,
vir : une poiir tenir le microscope , une autre j
tenir la plante eu état a son foyer, et la troisi<
pour ouvrir la fleur avec une pointe, et en t
les parties soumises à l'inspection. N'y aurai
.point moyen d'avoir un microscope auquel on
attacher l^objet dans la situation qu'on voudi
sans avoir besoin de le tenir, afin d'avoir au m<
une main libre et que Tobjet ne vacillât pas U
Les ouvriers de Londres sont si exorbitamn
chers, et je suis si peu à portée de me faire cnl
dre, que je crois qu il y aurait à gagner de tôt
.manières à faire faire mes petits instrumeos à *
nève , sur: ont sous des yeux comme ceux
M. Deluc : il faudrait plusieurs verres au mia
cope , et touÀ extrêmement polis. Il me man^
aussi quelques livres de botanique; mais nous
rons à temps d'en parler quand vous serez
votre départ, de mc^me que de quelques cornu
sions pour Paris , où je suppose que vous pa
rez , à moins que vous n aimiez mieux vous
barquer à Bordeaux.
Voltaire a faitnmprimer et traduire ici pai
amis une lettre à moi adressée, où larroganc
la brutalité sont portées k leur comble , et c
s'applique , avec une noirceur infernale , à m .
rer la haine de la nation. Heureusement la sh
est si maladi'oite , il a trouvé le secret d àter si 1
tout crédit à ce qu il peut dire , que cet icn
sert qu'à, augmenter le mépris que Ton a ici f
lui. La sotte hauteur que ce pauvre homme
AHKÉB 1763. ' • llj
toe est un n£aàt «jai va toojoQfS en angnien-
taoL Ocroh fiiire le prince, et ne &ît on efiet qnt
le cTQckeleiir. U est si béte qn'3 ne fiiit ^*a{>^
prendre i Uni k monde combien il se tonrmenlé
IrbomiBedont je tous ai parlé dans ma précé^
itnic lettre a placé O fils chez l'homme de È , qni
va jifb de C» Vons comprenez dé quelles com»
HÛsnoBs ce petit barboiuUon pent être chargé;
fm ai piérenii D,
Vos oflfresaa snjet de l'argent qui est chez ma-*
dameDoy de La Toor sont assurément trètf-ebli^
^^^ntes-, W wA (^ne jy toîs est qu'elles ne sont
pas acceptables : on ne place point an dix povtf
i'citt sm den tètes. Soi celle de'mademoisette Le
VasKorpasse^ cela se peut accepter. A cette con*
dïtion , je vous enverrai le bîUet pour retirer cet
arjeal; on liîen noos anrangerons ici cette affaire
^ lofrv Tojage. Je vous emiirasse de tout mon
cœur.
(;^. — A M. w? Peyroo,
Lt i4 Join 1766.
Cest bien mon tour d'être inquiet de votre si-
^^^^-i et je le suis beaucoup , tant à cause de votre
«ucâtude ordinaire, que des approches dé la
SOQQe qœ Tons avec pain craindre. VeniUé k
^ que vous n'ayez pas une si bonne eiBéosè A
^^ donner! Mais , si vous êtes pris en eflfet , <te
-^^ je tremble , je vous prie en grftCe de me faîi«
f 1 8 COfCEC^POjIfPjUrCE ,
i^çrii» w «<M par A(. JeaBuii» ; car f^f eu<
ff^ux ^r^ aAr d'un mal <{ue d'e^ re^imt^r na
4f^i«6. Votre n^ »5 est 4u la m^i; dspujii Ion
f^^fii ^Q nsçw f dt je ia« ^i^ fs^ eiioop« «j vous a
fait partir quelque chose par Mandrot , dont 74
m^anooiKçiez le départ pour le ^.. Ifoft bâte (l
pM l'ji^&te de moD coeur p^r exceUe]%ce)| M. 1
T^^aport j ^ Yen^ passer ici troi^ çemab^s a
^a &mUle, C'e^ UB trè^-^g^Ql honMHc , pji^iu à
(entions et de soins. Je suis convenu av^ lui de
dr^m^tÙTante, ^o«islaq|ielle vous pouvez m'écr
sii|i> «nifieloppe, et sans que mon nop parais
Pwrw q«ie vous metiiee très-exactçaieut l'adrei
«9n|i^ ^ ^stmarquée, ni plus ni moins, et <|
you§ 6#fiioz mettre vos lettres à la posl^ h Lond
m i Vwkf ep les aflSrandiîssant jusqu'à hoïïàr\
fUcs fB^ parviendront sûrement, promptemei
ni personne ne leç ouvrira que mo}. Moasleur l
rmfotFip A Woo:ton ArsbomMg. Derbystiire^
Adieu , moh cher et très-cher hôte , je vous ^
lH*asse mille fois de tout mo9 cœur.
679. AU MÈBIB.
HVooUQD , le a i juin 1 766,
Vài WÇ«, mtm cher hÂte, votre n** ï6 qui i|
dit 99M hien» Je n^e çorrigisriM d'autant plus à
fioilif^pt d^ l'inquiétude que vous me reprochi
fHÇ voiie m w'^i»» •» corrige» pas trop bii*n yof
mân\9 qi^nud. mes l^tMs tardent à voÛ5 anivc
aô», BnUeÔB, jittéris-tcpi toi-HiéÉfie} lÉâtf AoB,
iiioB dier amî, oeUe tendre iii€[ttiétiide et la caes^
f^tùlsL^jraSidt est une Irop douce nmblfté -^0^
(pe lâimsià moi nous em v^i&aÉ paém. ^
prcnènk Mtefeis les mesurer qœ ten^ Ailfié»-
qnesponriie^ m6 toarmeatet nia) à ipt6fù9'f
et y poo eoDBiËiicer, j^kiscrb aiqcMnrcI ktir ttf d&îét
de caeâekflieeDiecofliniençanff pbr Â^ # ^ tffin^dé
voir SDCttsâfcnenC ime soHe db nun^^^ bîeé
ea osdtc. Ib première terrent èsÊrtHa^Mëni êgt
toaioan one chose aèuirablev Anfti^&Masëteent
ellenediirepai
J« 11R1S sois bien eM{é âeB&tèfe^tfa^ifm»
TTcz doBDès Itqs kumpiicts à nie* snjel. Ib «i-
rnaf ioB ne fcite à ftt ^valoir ^^ seiztf eeslci
If rrer/ttrftn^ fflteeafiot que Vous ayea reça ks^
trois cffift W(feailonlMaf écksA^ quîy fel^ëy
tke tuiampsa teanceap eineoi*. ië n?ai pwf*
* JGnjpafe snr cet airangeinenf , par i^âfffoii k
yomdoÊtfamnafs le cœui^, et ddïit je suppeser
â ^«'fime en état d'y répondre; jen'enKipiStfM
r'^/nrrapporf I moi, dont lé coettr |i§pMd a«l
' trr^ ef ^ croîs pouyoîr tous^ folihfk'de ({M)
^ rie» perdre avec moi-, poàrtû* <]frie voœT pèi^
'^ a8eB<b. SU' arrivait qi^ les Mca» d'ëffimM
^^^>^, dont Tons m'avez parfit ^-ibfliitiSMM sur
""^«natien présenté, j!exige (fyi'isù péÈfél cail
'^ ne le ifisie2 firaoc&énient, piree qûé je piaâé
^^^w Antres resiKinita, ëifxqiu^ilés jé^fêm
^.:à2sir de tenir de T6ns nin sidjÉiMnéé, Mit
% !M> COR&XSPONDANCE ,
qui peuvent au besoin me servir de'sopplé
fai bien des cjioses à vous dire que je ne puis o
fier à une lettre qui peut s*égarer. Quaail ^v^<
yiendrex y je vous dirai ce qui s est passé y ol
crois que voys conviendrez que j'ai fait ce
dû faire ^ mais ce que je dois sur toute chose
ae voiis pas laisser mettre à Tétroit pour l'axràc
de moi, Aioff) promettez*moi de me parler s«
détour dans loccasioxi, et commencez dès À p
aent si vous êtes iikj\$ le cas.
, J^urais fort. souhaité que vous nWssicz j
fait partir mes livres; mais c^est une afiaîre iaLÎt
y» sens que lobjet .de toute la peine que vous sk\
prise pour cela u était .que de me fournir des a m
semeps dans nva retraite î cependant vous vo
-^tes trompé.. J'ai perdu tout go&t pour la lectux
et hors des livres de botanique , il m^est iiiip<
i^ble de lire plus rien. Ainsi je prendrai le pa:
de &ire restjer tous ces livres ^ Londres , et de m \
dé£ûfe comme je pourrai, attendu que leur traij
yort jusqu'ici me coûterait beaucoap au-delà <
ifiUTi VfUeur, que cette dépense me serait fort ou
4MSf ) qi|e qmnd jils seraient ici je ne saorais p
ti^ où- les ji^t|re ni qu^cn fitire. Je suis char«i
qu^an moins vous n'ayez pas envoyé les papier:
,(• Soyez moiqs en peine de mon humeur, mi
eht^r hite^.et.ne le soyez point de ma situatio
Le séjour qu^ j'habite est fort de mon.goikt^
maître de la maison est un très -galant homm
pi^iir qu^ tvob semaioes de ^jour qu^U a fa|t j
imfÈK 1766. 121
ifte sa Emilie ont cimenté rattachement que ses
baos procédés m aTaient donné pour lui. Tout ce
qui dépend de lui est emp'oyé pour me rendre le
séjour de sa maison agréable. Il j a des inconvé-
BieBS, mais on ny en a-t-il pas? Si f avais à choisir
deBoureaii dans toute rÂugleterre, je ne choisi-
rab pas d'autre habitation que celle-ci : ainsi j^
pa^efai très-paliemment tout le temps que j y dois
nne; et si ^y dois moniîr, le plus grand mal qne
fy tromre est de mourir loin de yoos , et que Ihàte
de mon coeur ne soit pas aussi celui de mes cen-
dres; car le me souyiendrai toujours avec aMen*
dnsoBeitt de notre premier projet , et les idées
tristes , maôs douces, qu'il me rappelle , valent sû«
rement mieux qœ œlLes du bal devotre folle amie.
Mas fe De yeux pas m «engager dans ces sujets mé-
bncoliqiies qui foos feraient mal augurer de mon
état pièseot, quo^ue à tort; et je Vous difa] qu'il
m'est yenu cette semaine de la compagnie de Lcm-
dres, hommes et femmes^qui tous, à mon accueil,
i BMMi air, à ma manière de yiyre, ont jugé, contre
ce qu^ avaient pensé avant de me voir, que j é-
tajs henreux dans ma retraite ; et il est vrai que je
0 ai jamais yécn j^us à'mon aise, ni mieux suivi
taon humeur du matin au soir. Il est certain que
U fausse lettre du roi de Prusse et les premières
ciihanderies de Londres m'ont alarmé, dans la
crainie que cela n'influât sur mon repos dans cette
p^yyinceyetqn^on n'yyoulût renouveler les scènes
de Kotiers. IVIais sitôt que j ai été tranquillisé sur
». 4* (i
t âa CORRESPONDÀ?rCE ,
te chapitre, et (|u*étant une fois coDTin dans mo
voisinage fai vu qu'il était impossible que le
choses y prissent ce tour-là , je me suis moque di
tout le reste, et si bien, que je suis le premier i
rire de toutes leurs folies. Il n*y a ^e la noîrceu
de celui qui soiis tnsun fait aller tout cela qui m
trouble encore : cet homtne a passé mes idées; f
n'en imaginais pas de faits comtne lui. Mais par
Ions de nous. 11 me manque de vous revoir pou
chasser tout souvenir cruel de mon âtne. Yods sa
vez ce qu'il me faudrait de plus pour mourir heu-
reux, et je suppose que vous avez reçu la lettre qu<
|e vous ai écrite par M. d'Iverïtoîs : mais comme \i
regarde ce projet comme Une belle chimère, je ne
me flatte pas de le voir réaliser. Laissons ladirec*
tion de l'avenir à la Providence. En attendant^
f herborise, je me promène, je médite le grand
projet dont je suis ooéupé (*); je compte même,
quand vous viendrez , pouvoir déjà vous remettre
quelque chose ; niais la douce paresse |lle gagne
chaque jour davantage, et jVi bien de la peine â
me mettre à louvrage; j'ai pourtant de Tétoffe as-
surément , et b}<»n du désir de la mettre en oeuvrer
Mademoiselle Le Vasseur est très-tonsible à volrd
souvenir : elle na pas ap^M-is un' seul mot d'an-
glais; jen avais appris une trentailne' à" Londres <
ciuc j'ai tous oubliés ici , tant leur terrible bara-
gouin est indéchiffrable à mon oreille. Ce qull y
(*} Celui d'écrire tei Confèuiom^
ASiKis 1766. iu3
f ie phîsaBt, est ^e pas une âi^e dajDs la malsoB
ne Bk uo mot de fiançais : cependant sans seor
ieodbe on Ta et Ton vit. Bonjoar.
Iccnai à Beriin la semaine prodbain.e, et je
pnleni de IL d Eschem^. ^^lille salulations de ma
pat à km ceux qui m^aimeaty et miÛe tendres
i^E^ecb à la bonne maman.
G80. — ▲ M. Huiiç.
Le 23 juin 1760.
Ix fxojms, qnxi mpo sSence y ipterprélé par
voAr comàmce , en disait assez.; mais, puisqu'il
mtxedanskTwxnoidr ne. pas L'entendre, je pas-
lerai*
Je Toascom99kf lOpii^Qar, etiToii^ ne Tignorez
fas. Sns Imwnur onléiieyreSy s^p^ qi^ereiies,
sans iémëéêj sans ntms ommaître autr^ent que
par b fépiitatioii litlânaire., yous you^ empresse^
â noffirîribns mes malheurs vos amis etyos soins;
to^dbc de votre générosité, je me jette entre vos
uns : vens m^amenez en AQ^terjre, eu apparence
pour n^j procurer un asile, et en effet pour m y
^lésWiKKer ^ Tons vous appliquez à cette noble
9Km arec on zèle digne de votre cœur, et avec
u art digne de vos fatens. Il n'en allait pas tant
fWfWflsir; wns vives dans le gnmd monde, et
letiaite : le public aime i dtre trompé ,
éles âût poor le trcHiqi^. JSe connais ppnr-
AoaMocauc yoos ne tcomneEfiz par* c'csit
12^ ' CORRESPO?n)ANCB,
vous-même. Vous savez avec quelle horreur mon
cœur repoussa le premier soupçon de vos des-
seins. Je vous dis , en vous embrassant les yeux en
larmes, ^e si vous n^étîez pas le meiDeur des
hommes, il faudrait que vous en fussiez le plufi
noir. En pensant à votre conduite secrète, vous
vous direz quelquefois que vous n'êtes pas le meil-
leur des hommes; et je doute quavec cette idée
vous en soyez jamais le plus heureux.
Je laisse un libre cours aux manœuvres de vos
amis et aux vôtres, et je vous abandonne avec
peu de regret ma réputation durant ma vie, bien
sûr qu^un jour on nous rendra justice à tous deux.
Quant aux bons offices en matière d'intértt, avec
lesquels vous vous masquez j je vous en remercie
et vous en dispense. Je me dois de &*a voir plus de
commerce avec vous, et de n^accepter, pas même
à mon avantage^ aucune affaire dont vous soyez
le médiateur. Adieu, monsieur : je vous souhaite
le plus vrai bonheur ; mais, comme nous ne de*
vous plus rien avoir à nous dire, voici la dernière
lettre que vous recevrez de moi.
68i • — ▲ M. nlvsaifais.
Wootton, l«.a8| juin 1766.
Je vois , monsieur, par votre^ ^tre du 9 y q^ ^
cette date vous n'aviez pas reçu ma précetert^^?
quoiqu'elle dût vous être arrivée^ et que jfTOUS
l'eusse adressée par vos carrespondana ofdÎBaireS;
eonuBe je bis ceUe<9. L'état critique de Vos af-
fûics me navre Tàine ; maïs ma situation me force
à me bonier pour tous à des soupirs et des yœmi
îsiâes. Je n'aurai pas même la témérité de ri»*
^pa des ooDseib sur votre coodipte^ dont le jnaa<<
rais fuooès me ferait gémir toute ma vie si ks
dioses Tenaient à mal tourner, et je ne vois pas
assez clair dans les secrètes intrigues qui décide^
imtde'volie soit, pour jnger des moyens ks plus
propres à vous servir. Le vif intérêt mdoie queije
prends à tous tous mirait si )e le kissais pan
ntlre; et je sois â infortunéque mcm malheur
stend i loat ce qui mHntéresse. J'ai fiiit ce que
fai pn, monâeor-, j^ai mal réussi; je réusNoraîs
phs mal encore : ct,puisqne je vous suis inutile,
n ayez pas la auanlé de m'affiger sans cesse dana
oetle reCiaile^ ^Upar humanité, respectes le xepoa
doBt ; ai fi grand Besoin.
Je sens que je n eu puis avoir tant que je con*
serrerai des reJalions avec le côûtinënt. Je nVH'
reçois pas une lettre qui ne retienne des choses
affigeanles; et d autres rauônsy^ tipp longues à
dédube, me forcent à rompre totite correspond
dance même avec mes amû^ hors les cas de k
fhs grande nécessité. Je vous aime tendrement^
etfatleiids avec k plus vive impatience la visite
que vous me promettez.; mais comptez peu sur
mes lettres. Quand je vous aurai dit toutes les rai-
•tmsdo parti que je prends, vous les approuverei
^ms-mème; elles ne sont pas de nature à pouvcôl
IX.
ta6 COÙŒSPOIfDllICB,
itce BÎsfls par écrit. S'il axanîydit que je ne vons
•crirôse plus jusqu'à voire départ, je, vous ^ûl
dn prévenir dans feikemps M* du PejfrroU^'^fia
qde, s'il a quelque idiose à Veareyer^iil^^iiftk
femette; et,, eu passant iPaiis^vôus voà&gmefi
nsskdj voir M. Gugr, dieSuia veuMeiDucbesite^
afin qu^ vans remette ce .qu'il a dfii|ipriQi4'*dio
mtia Diétiormaire de Mufique , éi que j^eu'aie par
vniis des nouvdles, car je i^'eu ai. {^us depuis
Iqng-^mps. Mon chier mousieur , je ne serai irân*
qnîile que quand je scnd ouhiiii>: je vondraîs être
mort'dans la mémioire des Jbiiimues.tParles de moi
le pioins que vous pourrez, inéiDe.à ii^: amis;
Won parlez plus du tout à fffy vou&aveï tu coin-r
^aàïi il me rend jiisiice ; je n'en :aHeQds plus qne
de la postérité parnbi dest bomutes , etjde £|ieu qui
voi^ mou'âœur d^.tons le^té^pSttJA vous^yem*
brasse de tout mon cœur.. , > \,. .
1706.
• ' ^ I ' ' 1" 'I' l'.lll *
. QvQiQiJS }e. 9fii^toTt kificimnodé ^ mmsîeqr»
depuis deux jfiui^, je paur^s amvânieQt p^ mMt^
chaude weé ma i^nté, pour la layewr j^^e v^m
youUez nte faire, et je me préparais a m profiter
oe fioir : mais voîli Al Ikvenportqui m'anive ; il
A ihonwétetéde veuirjexpiD^ pour meivoir : yws^
monsieur, qui êtes si plein d'^honnéteté vous*
mêmci vous n approuveriez pas qu'au mimnent
lie son arrivée je commençi^e par n^ ék^îpier idf
li )|ice9»ettç ))eai|çpup Tayaiitage ^nt je suis
piy^ i (HW ^u Tc^tç je gagperai fev^-ître à ne
.(i^i^emoiilxer. Si vous dfûgpez parler de jDoi à
i«aàaBie \a ducb^sse de Portland avec la même
boolédoBt TOUS m'ayez dpnné tant de QiarqueS|
il yandra mieux pour moi qu'elle me voie par vos
yeuf, ipe par les siens ; et je me consolerai par le
bien <ja'elle pensera de moi de celui que j'aurai
perdu moi-même.
Je dois une réponse à un charmant billet , mais
Tespoir de la porter me £iit diili:rer à la faire. Re-
ct;¥«x, monsieur, j^ ypus supplie, mes très-hum-
ble6 saLolaûoQS.
683, — AU xiME.
PiTiSQUB M. Granfifte m'inierdii de lui rendra
r des visites au milîiea des neiges, il permettra , du
moins, que j'envoie savoir de se^ nouvelles et com-
inenl il s'est èiré de ces terriUes chemins. J espère
que la netge qui recommence pourra retarder as-
S€rx son départ pour que je puisse trouver le mo-
ment d aller lui souhaiter un bon voyage. Mais ,
que j'aie ou non le plaisir de le revoir avant qu'il
parte y mes jias teiidres vœux raccompagneront
toujours.
684. — AU mAmb.
Voii^, jnonsfçur, un petit morce9(n de poisson
de montagne qui pe vaut pas cdui que vous m'a-
re» eoTo^^i ^ussi je vous Voffire ep hommtigc el
I ^8 CORRESPONBAUCE^'
non pas en échange, sachant biei!i <îffM tétées y^s
bontés pour moi ne peuvent ^aéqdittor ^%V<c
les sentimens que vous m'avez inspii^.'le^iiéfiit-
sais une fête d aller vous prier de me' pféistîtet' i
madame votre sœur, mais le temps me cimtrarië.
Je SUIS malheureux en beaucoup de ehdses y car
je ne puis pas dire en tout , ayant un Voisin tlj
que vous. i
685. AU MÂVIB.
Je suis fâché, monsieur, que le tei!np» nî ma
santé ne me permettent pas d'aller vous ttmdre
mes devoirs et vous faire mes remerctmens aussi-
lot que je le désirerais; mai$ en ce moment, ex-
trêmement incommodé, je ne serai de quelques
jours en état de £iire ni même de recevoir des yi-
siles. Soyez persuadé, monsieur, je vous prie ,
tpe sitôt que mes pieds pourront me porter jus-
qu'à vous , ma volonté m^y conduira. Je vous &i$ f
monsieur, mes très-humbles s^utations. '
686. • AU MÊME.
Je sois très-iefisible i vos honnêtetés , mon-
sieur, et à vos cadeaux \ je le serais encore plus
s'ils revenaient moins souvent.. J'irai le plus tôt
que le temps me le permettra, vous réitérer mcd
remercimens et mes reproches. Si je pouvais mVn-
tretenir avec votre domestique , je lui demaxule-
rais des nouvelles de votre santé , mais j'ai lieu d<
àSWÊE 1766. 12g
qu'elle continue d'être meflleore. Ainsi
jQtlil!
687- Ai; MÊME.
Tai été, monsieur, assez incommodé ces trois
joars, et je ne sois pas fort bien aujourdliui. J'ap-
prends arec grand plaisjr que vous vous portez
bieo ; et si le plaisir donnait la santé , celui de
votre bon souvenir me procurerait cet avantage.
Mille très-honibles salutations.
€88. ▲ MADEMOISELLE DewES,
A.«JOVftD*B1II MADAME f^RT.
1766.
Ne sojez pas en peine de ma santé, ma belle
Toisûre; elle sera toujoan assez et trop bonne tant
qœ je toos aurai pom* médecin. Jaurais pourtan t
gian^ envie d'être malade pour engager , par
chmtéy Diadame la comtesse et vous à ne pa»
poitÊr sit^ Je compte aller lundi, s il &it beau,
Foir s 11 tkj a point de délai à espérer, et jouir au
aoins du plaisir de voir encore une fois rassem-^
Im la bosme et aimable compagnie de Calwick,.
à LepteUe j*offire en attendant miîle très-bumbles
^Ântatioiis et respects.
68g- — A M. Davekport.
Je TOUS dois, monsieur, toutes sortes de dëfé-
9 et puisse M. Hume demande absolumenr
1 3^ CORRESPOKD ANGE ,
de son caract^e me faisaient désirer de joindre
5on amitié à celle dont m^honorait son illustre
compatriote ; et je me &isais une sorte de gloire
de montrer un bel exemple aux gens de lettres
dans lunion sincère de deux hommes dont les
principes étaient si dilTércns.
Avant linvitation du roi de Prusse et de mi-
lord Maréchal, incertain sur le lieu de ma retraite,
javais demandé et obtenu, par mes amis, ud
passe-port de la cour de France , dont je me servis
pour aller à Paris joindre M. Hume. Il vit, et vit
trop peut-être, Taccueil que je reçus d'un grand
prince, et, j'ose dire, du public. Je me prêtai par
devoir, mais avec répugnance, à cet éclat, jugeant
combien l'envie de mes ennemis en serait irritée.
Ce fut un spectacle bien doux pour moi que Faug-
meutationsensiblede bienveillance pour M.Hume,
que la bonne œuvre qu'il allait faire produsit dans
tout Paris. Il devait en être touché comme moi;
je ne sais s'il le fîit de la. même manière.
Nous partons avec un de mes amis qiîi, pres-
que uniquement pour moi , faisait le voyage d'An-
gleterre. En débarquant à Douvres , transporté de
toucher enfin cette terre de liberté, et dy être
amené par cet homme illustre, je lui saute au
cou, je lembrasse étroitement sans rien dire,
mais en couvrant son visage de baisers et de larmes
qui parlaient assez. Ce n est pas la seule fois ni la
plus remarquable où i^I ait pu voir en moi les sai-
ffis^emens d'un cœur pénétré. Je ne sais ce qu'il
±yyiE 1766L i33
ù't de ces scarenirs, s ib lui Tiennent^ j'ai dans
A^pnt qolJ en doit quelquefois être importunée
Noa> sommes fêtés anirajit à Londres; on s'em-
pr-ise dans tons les états à me marquer de la bien-
\ciUaDce et de 1 c^ime. M. Hume me présente de
bocxie pice à tout le monde : il était naturel de
lui attriboer. comme je &isais y la meilleure partie
dr^ et bon accueil : mon cœur étfait plein de lui,
j cro parlais à tout le monde, fen écrivais à tous
ors amis; mou a ttacbement^ur lui prenait cba-
nue jour de nouvelles forces : le sien paraissait
p'j'jr mcÀ des plus tendres, et il m'en a quelque-
C*^*\a Âouné des marcjues dont je me suis senti très-
toucliè. Cefie de feire Élire mon portrait en grand
ne fut pourtant pas de ce ncmi)rc ; cette fantaisie
me parut trop aïKcbée, et fy trouvai je ne sais
quel air d^osCentation qui ne me plut pas. C est
tout ce que j'aurais pu psser à M. Hume, s'il eût
éîé Aamme à jeter son argent par les fenêtres, et
qtiTI eut eu dans une galeiîpe tous les portraits de
ses aoûs. Au reste, j'avouerai sans peine quVn cela
je pois avoir tort.
Mab ce qui me parut un acte d'amîtlé et de gé-
T'^jioâié des plus vrais et des plus estimables, des
{>(&s dignes en un mot de M. Hume , ce fut le soin
713 |rit de solliciter pour moi de lui-même une
f^Qsoïi du roi, à laquelle je n avais assurément
^ocvï droit d'aspirer. Témoin du zèle qu'il mit h
c^tfe aflâire, feu fus vivement pénétré : rien ne
I ouTaît plus me flatter qu'un service de cette e^
1 34 CORRESPONDANCE )
pèce, non pour Pintérêt assurément; car, trop
attaché peut-être i ce que je possède, je ne sciis
point désirer ce que je n'ai pas; et ayant par mes
ainis et par mon travail du pain suffisamment
Î)our vivre, je n'ambitionne rien de plus : mais
lionneur de recevoir des témoignages de bonté,
je ne dirai pas d*un si grand monarque , mais d'un
si bon père, d un si bon mari, d'un si bon maître,
d un si bon ami, et surtout d'un sihonnétcbomme,
m'affiîctait sensiblement; et quand je considérais
encore dans cette grâce , que le ministre qui Pa-
vait obtenue était la probité vivante , cette probité
si utile aux peuples, et si rare dans son état, je ne
pouvais que me glorifier d'avoir pour bienfaiteurs
trois des hommes du monde que j'aurais le plus
désirés pour amis. Aussi, loin de me refuser à la
pension ofierte , je ne mis , pour laccepter, qu une
condition nécessaire; savoir, un consentement
dont, sans manquer k mon devoir, je ne pouvais
me passer.
Honoré des empressemens de tout le mon^le,
je tâchais d'y répondre convenablement. Cepen-
dant ma mauvaise santé et l'habitude de vivre à
la campagne me firent trouver le séjoiu: de la ville
incommode : aussitôt les maisons de campaiMie se
présentent en foule; on m'en offre à choisir dans
toutes les provinces. M. Hume se charge des pro-
positions, il me les fait, il me conduit même i
deux ou trois campagnes voisines : j'hésite long-
temps sur le choix; il augmen^it cette incerti-
ijSB. 1*10
laâe. Je me détermine enfin pour cette province ;
et daJbord M. Home arrange tout; les emhairas
sapbnisseot; je pars; j'arrive dans cette habita-
lion solitaire, commode^ agréable : le maître de
la iBiûsoii prévoit tout, pourvoit à tout; rien ne
manque; je suis tranquille ^ indépendant. Voilà
Je ooineat si désiré où tous mes maux doivent
finir; non , c est la qu ils commencent, plus cruels
qof je ne les avais encore éprouvés.
J*ai parié josqulci d abondance de cœur, et ren-
dant avez le plus graxid plaisir justice aux bons
offices de M. Home. Que ce q^ me reste' à dire
tLcst-ï àe même nature! Rien ne me coûtera ja-
mais âe ce ^ ^urra ll&onorer. Il B*est permis de
marchander soi Ve pix des bien&its que quand
on DOQS accuse dlsgratitode ; et M. Ghime m'en
accuse ao/oordliaf. /oserai donc faire ime obser-
vation qui/ rend nécessaire. En appréciant ses
s<nDspaT la peine et le temps qu'ils lui coûtaient j
ils étaient d'un prix inestiinable, encore plus par
sa bonne volonté : pour le bien réel qu'ils m'ont
£ût, ils ont j^lus d'apparence que de poids. Je ne
tenais point coooune un mendiant quêter du pain
en Angleterre, j'y apportais le mien, j'y venais
absolnmoit chercher un asile, et il est ouvert à
t«rt étranger. D'ailleurs je n y étais point tellc-
ta^ inconnu, qu arrivant seul j'eusse manqué
d'assistance et de services. Si quelques personnes
mont recherché pour M. Hume, d'autres aussi
m eut recherché pour moi j et , par exemple ^quand
1 3d C0R11ESP05D A5CE ,
M. Davenport voulut bien m'oflrir lasile que j'ïir
bite, ce ne fut pas pour lui, qu'il ne coiinais^;!
point, et qu'il vit seulement pour le prier de faii
et ^appuyer son obligeante proposition. Ainsi
quand M. Hume tâche aujourd'hui d'aliéner d
moi cet honnête homme, il cherche à m'ôler c
qu il ne m'a pas donné. Tout ce qui s'est fait d
bien se serait fait sans lui à pu près de même , t*
peut-être mieux; mais le mal ne se fût point faîf
.Car pourquoi ai-je des ennemis en Angleterre!
pourquoi ces ennemis sont -as précisément lc<
amis de M. Hume? qui est-ce qui a pu m'attirei
leur inimitié? Ce n'est pas mol^ qui ne les vis de
ma vie, et qui ne les connab pas; je n'en auraii
, aucun si j'y étais venu seut
.rai parlé jusqu'ici de £iits publics et notoires .
qui , par leur nature et par ma reconnabsance ^
ont eu le plus grand éclat. Ceux qui me restent à
dire sont non-seulement particuliers, mais se-
crets, du moins dans leur cause, et Ion a pris
toutes les mesures possiibles pour qu^ils restassent
cachés au public; mais, bien connus de la per-
sonne intéressée, ils nen opèrent pas moins sa
propre conviction.
Peu de temps après notre arrivée à Londres ,
jy remai^uai dans les' esprits, à mon égard, uij
c h jogemcnt sourd qui bientôt devint très-sensible.
Avant que je vinsse en Angleterre, elle était un
des pays de l'Europe où j'avais le plus de réputi-
tion, j'oserais presque dure de considération; Tes
AimiE 1766. 187
ppîers publics étaient pleins de mes éloges ^ et il
n*y arait ^'un cri contre mes persccuteors. Ce
Ion se sontlntâ mon anivée; les papiers Fannon-
errent en triomphe ; rAngleterre s'honorait d'être
mon refiige; elle en glorifiait avec justice ses lois
et son «otnrcmement. Tout à coup, et sans au-
rooe caose ass^nable, ce ton change , mais si fort
ef 9 file que dans tous les caprices du public on
n'en Toit guère de plus itonnant. Le signal fut
d'^noé dans un certain magasin ^ aussi plein d'i-
nepties cpie de mensonges, où lauteur, bien ins-
mût ^ ou Geignant de Tétre^ me donnait pour fils
de laiBÎdcn. Dès ce moment les imprimés ne par-
lè-rent '^kns de moi «pie d'une manière équivoque
on malhonnête : tout ce ^i avait tniit à mes mal-
Iteurs était déguisé ^ altéré , présenté sous un faux
par, et toajoms k moins à mon avantage quHl
était posâbk : loin dé parler de l'accueil que j'a-
n» reçu â Paris, et qui n^avait feit que trop de
hniit, 00 ne supposait pas même que feusse osé
païailredans cette ville, et nn des amis de M. Hume
tii très-sorpris quand je lui dis que j j avais passé.
Trop accoutumé à Imconstance du public pour
«en aflecter cncore,îe ne laissais pasd'ètre étonné
de ce changement si brusque , de ce concert sî'sin-
gi^mnent tmanime, que pas un de c'eà^ qui
iB avaient tant looé absent ne parût*, i#oi pèsent ,
se Joorenirde mon cxîstPncé. Je trouvais biéarre
que précisément après le retour de M. Hume , qui
a tant de crédit à JLondres, tant d'influence air
lu
t38 CORRESPOITDAXGE,
les gens de lettres et les libraires, et de si grandes
liaisons avec eux , sa présence eût produit un effet
si contraire à celui qu on en pouvait attendre ;
que y parmi tant d écrivains de tout^ espèce, pas
un de ses amis ne se montrât le mien; et Ton
. voyait bien que ceux qui parlaient de moi n^é-
taient pas ses ennemis, puisquen faisant sonner
son caractère public ils disaient que f avais tra-
versé la France sous sa protection, â la faveur
duu passe-port qu il m^avait obtenu de la cour; et
. peu s en allait qu'ils ne fissent entendre que j a^
vais fait le voyage à sa suite et à ses frais.
Ceci ne signiliait rien encorde et n'était que sin-
gulier ; mais çc qui Tétait davantage , fut que le ton
de ses amis ne change<)i pas moins av^ moi que
celui du public : toujours^ je me &is un plaisir de
le dire, leui^ soins, leurs bons olfices ont été les
içéiiocs , et très<;gninds x^n ma ikveur ; mais loin de
. nie marquer la même estime, celui surtout dont
. je veux parler, eX^Ue^ qiif , nous étions dc^cexidus
à notre aorivée i*)^ ^cçompagnaijt iout cela de
])ropos si d^, et qnelque&is si^boquans^ quW
càt dh qu'il ne cberciiaUàm'obligecqfLC pour avoir
droit^4^ mç marquer du m^is. S9JU frère , d a~
hprd tirèssicçi;^eiliant, très-Honnjéie,cbAnfea bico^-
, tc^taveç si peu de^^mesiire, ^^il ne daignait pas
m^uie, d%i leur propre mai^'Km, me dire uu sevd
mot, ni m/e.rcudre le salut^.ui aucp^i iks devoirs
(')J«uiStetrBnL
aithSk 1766. tS^
que l'on rend chez soi aux étrangers. Rien cepeB-
danl n était snirenu de nouveau <jue Tamyée de
J. J. Rousseau et de David Hume ; et certainement
la cause de ces changemens ne vînt pas de moi, A
moins <{iie tropdesimplicité^de discrétion, de mo*
destIe,ae5oit un mo^'en de mécontenter les Anglais.
PoorM. Hume, loin de prendre avec moi un
\oû nfFoIlant , il donnait dans l'autre extrême. Les
ûi^onmes m'ont toujours été suspectes : il m'en
a bit de toutes les fiiçons (1)9 au point de me for-
ctTj ny pouvant tennr davantage , à lui en dire
mon sentiment. Sa conduite le dispensait fort An
« étendre en parole ; cependant, puisqu il en vou-
lait jlke ^ ^aoraîs voulu qu'à toutes ces louanges
fades il eût snhstîlué (jaelqueibis la voix d'uni ami :
mais je n'ai jamais tioirvé dans son langage rien
gui senD*f ht mie amitié ; pas même dans la &çon
dont il parla/f de moi à d'autres en ma présence.
On eût dit qu'en voulant me faire des patrons B
cherchait i. m'ôter leur bienveillance , qu'il vou-
lait plutdt que j'en fusse assisté qu*aimé ; et j'ai
fpelqacUns été surpris du tour révoltant qu'il
donnait à ma conduite près des gens qui pou-
raieot s'en offenser. Un exemple éclaircira ceci.
M. Pennech ^ du Muséum ^ ami de milord Mare-
':.' fca dirai aenlemeA ane qui m*a lait rire ; c'était de ffàn
« Miv, qamd je v«M9 le Toir , ^e je tnxiTasic tonjoun «Ut
•i«Me OB li»e db ï'Hélçûe : cofonc si je ne ctntwuui^ pM
«Mftkgpôtac IL Hanse povx être sts&ut;^ que, de tons Va )i-
*!« ^ cijstctt, VHéloue <k>it &u'e ^ou:- lui le plut enun^cio.
1 4o CORRBSPOKD ANCE ^
chai, et pasteur d'une paroisse où Ton voulait m*é^
tablir, vient nous voir. M. Hume , moi présent ,
lui fait mes excuses de ne l'avoir pas prévenu. Lo
docteur Maty, lui dit-il, nous avait invités pour
jeudi au Muséum , où M. Rousseau devait vous
voir; mais il préféra d'aller avec madame Garrick
à la comédie : on ne peut pas faire tant de choses
en un jour. Vous m'avouerez , monsieiur, que c o-
tait la une étrange façon de me capter la bienveiL
lâace de M. Pennech;
Je ne sais ce quWait pu dire en secret M. Hume
à ses connaissances : mais rien n'était plus bizarre
que leur façon d'en user avec moi , de son aveu ,
souvent même par son assistance. Quoique ma
bourse ne fût pas vide, que je n^eusse besoin de
ccUo de personne , et quil le sût très-bien, l'on
eût dit que je n'étais là que pour vivre aux dé-
pens du public y et qu'il n'était question que de
me faire 1 aumône, de manière à m'en sauver un
peu 1 embarras. Je puis dire qt{e cette afTcctation
continuelle et clioquante est une des choses qui
m'ont fait prendre le plus en aversion lé séjour de
Londres. Ce ncsl sûrement pas sur ce pied qu'il
iûut présenter en Angleterre un homme à qui l'où
veut attirer un peu de considération : mais celte
charité peut être Lénignelncnt interprétée , et je
consens quelle le soit. Avançons.
On répand k Paris une fausse lettre du roi de
Prusse d moi adressée, et pleine de la plus cnieile
maiiguitc. J'apprends avec surprise que c'est ûu
Aynfzi 1766. îfi
H, Wslpole^ ami de >L Hume, qui répand cette
kttre; je lui demande si cela est vrai ; maiS; pour
toute iép«!se, il me demande de qui je le tiens.
1!q moment auparaTant , il m'avait donné une
carte pour ce même M. Walpolc , afin qu'il se
chargdt de papiers qui mimportent , et que je
veca bke yeubr de Paris en sûreté.
/apprends que le fils du jongleur Troncliîn ,
iDOQ plus martel ennemi, est non-seulement raraf,
ie protégé de M. Hume, mais qu'ils logent ensem-
ble \ et quand M. Hume Toit qvLe je sais cela , il
men bàx \a confidence, m'assurdût que le fils ne
n sseniile cas au père. J'ai logé quelques nuits
di.ns celte inaison cbex M. Hume avec ma gou-
vernante; et k lÛTj à TâcCHeil dont nous ont ho-
norw ses hôtesses y qm sont ses amies , j ai jugé de
la fe^n dont ioî, 00 cet liomme qu'il dît ne pas
resîcœifcri son père, ont pu leur parler d'elle et
de BioL 1
Ces l^îts combinés entre eux et arec une cer-
*
i ifie aj^encr^générale me donnent înscnsiblc-
rii^nt une inquiétude q[ue je repousse avec bor-
ir^. Cependant les lettres que j'écris narrivent
I is ^ feu reçoi»qm ont été ouvertes , et toutes ont
(^ Hé par les mains de M. Hume. Si quelqu'une
'»n ccbappe, il ne peut cacber Fardentc avidité
^ la voir. Un soir, je vois encore cbcs lui une
"ûiNanrre de lettre dont \e suis frappé ( i ). Après
(*;U&Btdke ce que c'ca <{iie tette manoeuTrc. J'caWftié
lî[a CORRïïSFOND ANCE ,
le souper, gardant tous deux le silence au coîu
son feu, je m'aperçois quil me fixe, comme il
arrivait souvent, et d une manière dont l'idée
difficile à rendre. Pour cette fois, sou regard s<
ardeut, moqueur et prolongé . devint plus qu'
. quiétant. Pour m'en débarrasser, j^essajai de
fixer à mon tour; mais en arrêtant mes yeux i
les siens, je sens un frémissement inexplicable ^
bientôt je suis forcé de les baisser. La physloi
mie et le ton du bon David sont d'un bonhom n
«ur la tsUe de M. Hune, en son abtenoe, une lëponae 4 i
lettre que je venais de reoeToir. tt arrive, trè»-€ttrieuz de s^i
ce que j"écrivais, et ne pouvant presque s'abstenir d*y lire
ferme ma lettre sans la lui montrer ; et y comme je la mettais d
ma poche, il ta demande avidement, disant qu'il reokVes-D
loademain, jour dt poste. La lettre reste sur sa table. Ij
lïewnham arrive, M. Hume sort un moment; je reprends
lettt«, disant que j'aurai le temps de lenvoyer le lendem,
Lord Kewnham m'offVe de l'envoyer par le paquet de M. Vt
bessadcur de France ; j'accepte. M. Hume rentre tandis qiae ]
^tvfDhÊBOk fait son enveloppe; il tire son cacbel : M.HaiBbe c
le sini avec Uint d'emprfssement, qu'il faut s'en servir par ]
férenoe. Cn sonne; lord Kewnham doiii>e la lettre mx lac|i
de M. "Bume pour la remettre au sien, qjui attend en bas «
son carrosse, afin qu'il la porte cl et M. rambaasadiur. A. p^
le laquais de M. Hume était bors de la potte, qne Je nue
Je parie que le maitre va le suivre : il n'y manqua (mm. Ke
chant Comment laisarr ssul roilord Newnham, j'hésitai q^a«1
temps avant que de suivre à mon tour M. Hume ; je ia*Ap«
rien; mais il vit tr6s-bien que j'étais inquiet. Ainsi, qiao»q[%j
«'aie reçue aucune réponse à ma lettre, je ne doute pan <j«]
ne soit parvenue; mais je doute un peu , je l'avoue , qu'elle ;
été lue auparavant.
AK^EE T 70 •- I {3
mi'is oéy gruul Dieu! ce bonKoxnme emprantc*
t-Ii ks yeux dont il fixe ses amis?
UîmpKssîoD de ce regar.l me reste et m agife,
mon trooUe augmente jusqu'au saisissement : si
l épancbement nVût succédé , j étouffais. Bientôt
un TÎoleQt remords me gagne -, je m'indigne de
moi-même; enfin, dans un transport que e me
rrtppelle encore avec délices, je m'élance à son
fou . je le serre étroitement; suffoqué de sanglots ,
inotiàé de larmes; je m*écrie d une voix entrecou-
pa : Non^ non , David Hume n'est pas un traître f
t'îl n était le meilleur des hommes, il faudrait -
quH en fut le plia noir, Dayid Hume me rend
};i>Iîme&l mes cmhrassemens , et , tout en me frap-
pant de petits coups sur le dos, me répète plu*
siruTs Shs d^uB ton tranq;uille : Quoi! mon cher
n:oiuiettr/-E5/ mon cher monsieur! Quoi donc!
nton Aer monsieur! Il ne me dit rien de plus; ie
sen#giie mon cœur se resserre; nous allons nous
coucher, et je pars le lendemain pour la proviuce.
Arrivé dans cet agréable asile où j'étais venu
chercber le repos de si loin, je devais le trouver
iiQs une oiaison solitaire , commode et riante ,
ioal le maître , homme d'esprit et de mérite , n e-
f-«Tpiait nen de ce qui ponvait m'en faire aimèi'
le &qoiir. Mais quel repos peut-on goûter dans la
vie ^Qand le cœur est agité? Troublé de la plus
nurfle incertitude, et ne sachant que penser d'un
honme ^e je devais aimer ^ je cherchai à me dé«
«•Ticidecedoate funeste en rendant ma confiance
i{\ coR^%Es^o^'DA^cE ,
h mon hienCuieur ; car pouiitjuoi , par quel ca-
pricc Inconcevable eût-il eu tant de zèle à Texte*
rieur pour mon bien-être, avec des projets secrets
/ coiLtre mon honneur? Dans les observations qui
m'avaient inquiété, chaque fait en lui-même était
peu de chose, il n'y avait que leur coQcours d'é-
toiuiant; et peut-être, instruit d!autre.s faits que
l'ignorais, M. Hume pouvait-U, dc^Qsup éclaircis-
sement, me donner une solution satisfaisante. La
seule chose inexplicable était qu'il j^ .filt refusé à
un éclaircissement que son honneiu' et son ami-
tié pour moi rendaic^it également nécessaire. Je
voyais qu'il y avait U quelque .chose que je ne
comprenais pas , et que je mourais d'envie A en
tendre. Avant donc die me décider absolumen.t
sur son compte^ je voulus faire un dernier effort,
et lui écrire pour le ramcncj, s'il se laissait séduire
à mes ennemis, qu ppvir le faire expliquer de ma-
nière ou d autre. Je lui écrivis une lettre (i), qui!
dut trouver fort naturelle s'il était coupable, mais
fort extraordinaire s'il ne Fétaijt pas; car quoi de
])lus extraordinaire qu une lettre pleine à la fois de
gratitude sur ses services et d'inquiétudes sur ses
scutimens, et où, jnettant pour ainsi dire ses ac-
tions d un côté et ses intentions de 1 autre, au lieu
de pcirler des preuves d'amitié qu il m'avait don-
f
(i) Il parait, par ce qu'A m'écrit en deniicr lieu, qu'il ett
trH-content de celle lettre, et qu'il J« trouve fort bien (*).
{*) l,a lettre 4e Rousseau est celU* du 22 nan » n* G55.
ATfltEé 1766. l{5
BèeSj \b le prie de m'aiiner & cause dn bien qn'if
mV?ait bit? Je u'ai pas pris mes précautions d^as^*
9ez Wm pour garder une copie de cetto lettre ;
mais^ piiis[pili les a prises lui , qu'il la montre; et
«picoiqiie b lira , y vojaii t un homme tourmenté
d'une pebe secrète qu'il veut faire entendre et
qnîl Dose dire, sera curieux , je m assure y de sa-
mr^neféclaircissement cette lettre aura produit^
surtout i la saile de la scène précédente. Aucun j
rien du tout : M. Hume se contente, en réponse,
de me parler des soins obligeons que M. Daren •
potlse propose Je prendre en ma laveur; du reste,
pas «n seui mol soi le principal sujet de nui lettre ,
ni snr YètaL âe mon cœur dont il devait si bien
voir le tourment le fus frappé de ce silence, en-
rorr plasqae je ne Parais été de son flegme à notre
dénier eotretien. Jarais tort, ce silence était fort
nafanel ajwrs lanfre , et j'aurais dû m y attendre j
car^putad on a osé dire en face à un homme : Je
sm$ tenté de rotts croire un traitre , et qu'il n'a
pas la cnriorité de demander sur quoi y Ton peut
compter qu'il n aura pareille curiosité de sa vie; et,
pour peu que les indices le chargent, cet homme
•^j«gé.
Après ià réception de sa lettre , qui tarda beau-*
coup, je pris enfin mon parti , et résolus de ne lui
ptas éoire. Tout me confirma bientôt dans la ré*
^dàiteD de rompre avec lui tout conânercc. Cu->
Ti^'wt. au dernier point dn détail de mes moindres'
:^Tiîrcs, il ne s'était pas borné à s'en informer d«
Il|6 COKâfiSPOïrDA VCB ,
ifeoi dans n€6 entretiens ; mais j'appris qu'après
aToir comiaencé par &ire avouer â ma gonrer^
qante <{u'elle en était instruite, il n Wait pas laissé
écha}>per avec elle un seul léte-à-tête sans l'intei^
roger^ jusqu'à Fimportunité, sur mes occupations,
sur mes ressources, sur mes amis, sur mes con-
naissances, sur leur nom, leur état, leur demeure;
et, avec une adresse jésuitique, il avait denaudé
séparément les jMmea choses à: elle e| à miii* Ou
dok prendre intérêt aux aifiiircs.dW ami; mais
on doit se contenter de ce qu'il veuf nous en dire ,
sprtout quaad il est aussi ouvert, aussi cosfiaBi
que mdi, et tout ce petit cailletage de commère
couvieut^ on jx^ peut pas plus mal, à un pUo-
sophe.
' Dans le mène temps, je reçois emcon deux
lettres qui ont cté nuvtrtea : l'une- de M. Boawett,
dont le cachet était en si mauvais état, que U< Da*
vetiport,. en la recevant, le fit remaïquer au W
qjtiais de M. Huote; et Tautre de M. d'Ivemoi»^
dans un pa<)uei de M* Hume, laquelk avait été
n^cacWtée au mojen dun fer chaud qui, mata-'
droilemcat appliqué , avaU hrdié h pefierantour
de lempreinte. J écrivis à M. Davenport pour le
pcier de garder pai^leVecs kû toutes fes lettres qui
lui seraient rerabes pour mot ^ et dcu eu remettre
aucune h prsQ»ne, sous quelque prétexte queee
fût. J'ignore si M* Davenport, ûe»'. éloigné da
penser que cotteprécautiMkpâttcgarderM.Uumey
lui miontra ma lettre;, mais ie sais que tout. disais
IcdikKcî qnîl avait perda ma confiante, et <juU
a Va allait pas moins son train sans s'cml^arrass^
de BTooQiivTCr»
Mais qae deviiifr-je lors({oe je vis dans les pst-
ften poÛcs la ppétendoe lettre dn roi de Pmssè ,
«pt je a avais pas encore vne, cette fainsse letlin?
es fiEançais et en anglais, donnée pour
avec la signature dti roi, et que j^
rBOOBDQs la plnne de M. d Alemhorl , aussi sûre-
■est qae si je ta lui avais vu écrire?
A rmstanl «m trait de Inmière vint m erlairer
sar la cause secrcte da changement étonnant et
prawpl da pdbiic anglais à mon «gard , et je vis
à l^m Ve faj9f dn coaiplot ({ni s^exécotait k
iL Jiilcifait , autre ani très- intime de
M. floBie, élM diepoîs long-temps mou ennemi
cacbé, et n qiiaif que les occasions de me nuira
sans tt comnettie; il était le seul des gens de
ktlivs d'un certain nom et de mes anciennes con-
■ÛBBces qni ne me fnt point venu voir, ou qui
ne Bi eût rien fiiit dire à mon dernier passage à
Partt. Je coanaisBais ses dispositions secrètes, mais
je m'en ioqmétais peu , me contentant d'en avertir
tte »Bλ dans l'occasion. Je me souviens qu un
l^v^qacttîonDe snr mon com^yte par M. Hume,
«Hqacstkmna de même ensnite ma gouvernante,
jf lai disque M, d'Alembort était un homme (Klroil
ef nué. 11 me contredit avec une chaletir dont fc
miAûmnaij ne sachant pas alors qu'tk étaieal -éi
l \S CORBSSP09DAVCE y
bien ensemble ^ et que c'était sa propre cause qu^îl
défendait.
La loctiure de cette lettre m^alarma beaucoup;
et sentant que j'avais été attiré en Angleterre en
vertu d'un projet qui commençait à sexécuter,
mais dont j ignorais le but , je sentais le péril sans
savoir où il pouvait être, ni de quoi jWais à me
garantir : je me rappelai alors quatre motseffirayans
de M. Hume, que je rapporterai ci -après. Que
penser d*un écrit où Ton me Ëiisait un crime de
mes misères, qui tendait à m'ôter la commiséra-
tion de tout le monde dans mes malheurs; etqu'cn
donnait sous le nom du prince même qui m'avait
protégé, pour en rendre Teflèt plus cruel encore?
Que dcvais-je augurer de la suite dW tel début?
Le peuple anglais lit les papiers publics, et n'est
déjà pas trop favorable aux étrangers. Un vête-
ment qui n'est pas le sien suffit pour le mettre de
mauvaise humeur: qu'en doit attendre un pauvre
étr<inger dans ses promenades champêtres, le seul
plaisir de la vie auquel il s est. borné ? quand on
aura persuadé k ces bonnes gens que cet homme
aime qu on le lapide, ils seront fort tentés de \\ù
en donner Tamusemcnt. Mais ma douleur, ma
douleur profonde et cruelle, la plus amère que
j'aie jamais ressentie, ne venait pas du péril au-
quel j'étais exposé; j en avais trop bravé d'autres
pour être fort ému de celui-là; la trahison d'un
faux ami, dont j étais la proie , était ce qui por-
tait dans mon cœur trop sensible laccablemeuly
AK9ÉE 1766. 149^
il tnslesse et h mort. Dans llmpétuoslté cTan pre-
aier moarement , dont jamais je ne fus le maître^
et ffMt mes adroits ennemis savent faire naîtra
iponr soï pré\'aloir, jVcris des lettres pleines de
désordre, où je ne déguise ni mon trouble ni mon
indignation.
Monsieor, j'ai tant de choses à dire qu en cbe*
im Êisant j'en oublie la moitié. Par exemple, une
ttlàdim en forme de lettre sur mon séjour à Mont-
Bormcy fut portée par des libraires à M. Hume^
<{ai me la montra. Je consentis quelle fût im^
pnmil'e; il se chargea d'y reillcr : elle n a jamais
fani. r&xais apporté un exemplaire des Lettres
de M. du PeYTou, contenant la relation des af-
hms de ï^euchàiel , qui me regardent ; je les remis
anx mêmes libraires à leur prière, pour les faire
traduire et récaiprimer; M. Hume se chargea d'y:
veilla : eUes n bot jamais paru ('*). Dés que la
ùusse lettre du roi de Prusse et sa traduction pa-
nmeot, je compris pourquoi les autres écrits res-
taient supprimés , et je l'écrivis aux libraires. J é^
criais d'autres lettres qui probablement ont counk
cbns Londres; enfin j'employai le crédit d'un
bomme de mérite et de qualité pour faire mettre
dus les papiers une déclaration de limposture :
di^ns cette déclaration , je laissais paraître touta
Bi ^Mileur et je n'en dc^uisais pas la cause.
• *) Les libraire:» vienneut de me map^uer <]iie cette î^litioil
rx Uke et |>rH(; à paraître. Cela ^vù. ttr*i , iu;iis c*csl trop ttfd^
Cl, ^ ^.b est, trop 4 pt^o*.
x3.
rTor CORBJKSPONDAFCE,
Jusqu^ici M. Hume a semblé marcher dans 1ns
téoèbaês ; vous l'allez voir désormais dans la lu-
mière et marcher à découvert. Il n y~a qu^à tou-
jours aller droit avec les gcDs ruses; tôt ou tard ils
se décèlent par leurs ruses mêmes.
Lorsque cette prétendue lettre du roi'de Prusse
fut pub&ée à Loudres, M. Hume, qui certaine-
nent savait qu'elle était supposée , puisque je le
lui avais dit, u^en dit rien , ne m'écrit rien , se tait ,
çt ne songe pas même à faire, en'&veur de son
ami at>sent, aucune déclaration de la vérité. II ne
frilait, pour aller au but. que laisser dire et se
tenir coi ; c'est ce qu'il fit.
M, Hume, ayant été mon conducteur en Angle-
terre, y était en quelque façon mon protecteur^
mon patron. S'il était naturel qu^il prit ma dé-
fense, il ne Tétait pas moins qu'ayant une proies-
ttition publique à faire, je m'adressasse à lui pour
cela. Ayant déjà cessé de lui écrire, je n avais garde
de recommencer. Je m'adresse à un antre. Premier
souiQct sur la joue de mon ptron : il n'en sent
rien.
. Eu disant que la lettre était &briquée h Paris,
il m importait fort peu lequel on entendit de
&I. d'AIcrobcrt ou de son prête-nom. M* Walpole:
mais, eu ajoutant que ce qui navrait et déchirait
mon cœur était que Timpostcur avait de» com^
plices en Anglclerm, je m'expliquais avec la plus
grande clarté pour leur ami qui était à Loudns . et
qui voulait passer pour le mien ^ il n'y avait • ertuis
itcmentcpie lui seul en Angleterre dont la haine
pûtdéchsrer et navrer mon coeur. Second soufflet
snrla joac de mon patron : il n'en sent rien.
An contraîrc , il feint malignement que mon
aflBîcâoii venait seulement de la publication de
rettc lettre, afin de me faîrc passer pour un homme
Tain, quune satire affecte Ixînucoiip. Varo on
non , ] étais mortellement affligé; il le savait , et ne
ns'écriraU pas un mot. Ce tendre ami, qui a tant
â cceur que ma bourse soit pleine, se soucié essez
peu cpic mon cœur soit déchiré.
Mxk autre écrit paraît bientôt dans les mêmes
feuîWcs, àc la même main que le premier, plus
'cmel encore s'il éiMt possible, et où Tauteur nft
peixt déguiser sa rage sur raccucil que f avais rcîçu
à Paris. Cet écrit ne m'afTécta plus; il ne m appre-
nait rien de nouFean: les libelles pouvaient aller
fcnr train sans m'émouvoîr, et le volage public
hiî-raéme se lassait Jêtrc long-temps occupé da
même sujet. Ce n'est pas le compte des coroplo-
Irurs qui , ayant ma réputation d'hoïinéte homme
-à détruire, veulent de manière ou d'autre en Vt nît
i bout, n fallut changer de batterie.
L'affaire de la pension n'était pas terminée : il
ne tai pas dîBicilc à M. Hume d'obtenir de Fhu-
tiuinité da ministre et de la générosité du prince
^oeDele fût ; il fut chargé de me le marquer, il
le EL Ce women t fut . je Ta voue , un des pras crl-
times de ma vie. Combien il m'en coûf^ p»t>iir
ilctaon devoir l Mes engagcmens.prée^deu^,
y
Xt% CORRBSPOlfl) ANCE ,
l obligation de correspondre avec respect anx bon-
tés du roi) rhonneur d'être l'objet de ses attentions,
de celles de son ministre, ledésir de marquer com-
bien jy étais sensible, môme Favantage d'être un
peu plus au large en approchant de la vieillesse,
accablé d'ennuis et de maux, enfin l'embarras de
trouver une excuse honnête pour éluder un bien-
fait déjà presque accepté ; tout me rendait difficile
et cruelle la nécessité d'y renoncer , car il le &llait
assurément, ou me rendre le plus vil de tous les
hommes en devenant volontairement l'obligé de
celui dont j étais trahi.
Je fis mon devoir, non sans peine; j'écrivis di-
.rec^cment à M. le général Conway , et avec autant
de respect et d'honnêteté qu il me fut possible ,
sans refus al^solu; je me défendis pour le présent
d'accepter. M. Hume avait été le négociateur de
rafiàire, le seul môme qui en eût parlé; non-seu-
lement je ne lui répondis point , quoique ce fût
lui qui m'eût écrit , mais je ne dis pas un mot de
;lui dans ma Icltrc. Troisième soufflet sur la joue
4e mon patron; et pour celui-là, s'il ne le seut
pas, c'est assui^ipent sa faute : il n en sent rien. .
f Bla lettre n'était pas claire , et ne pouvait rôtre
,pour M. le général Conway, qui ne savait pas à
quoi tenait ce refus ; mais elle l'était fort pour
;M. Humo qui le savait très -bien : cependant il
fo^it de prendi^e le chaiiÇe , tant sur le sujet de
• ma douleur que sur celui de mon refus, et, dans
ttu billet quil m'écrit ^ il lœ fait entendre qu'on
*«wiSb 1766. i5j
m* nénagera la coniinuatiou des bontës dn roî
« je me ravise sur la pcnrion. En un mot il p^-'
tend i toute force , et «juoi qu'il arrive , demeurer
monT«tron malgré moi. Vous jugez bien, mon-
sieur, qu il n attendait pas d« iHhwnse, et il n'en
eut point
tJuTiï "*'"'' **"P* * P«« pi*», car je ne sais
pas les dates, et cette exaclitade ici n'est pas ni5-
ce^aire, parut une lettre de M. de VoHairrà moi
*^es£ee , avec une traducUon anglaise qui ren-
dent encore sur l'original. Le nobie obfet de ce
sçuuael ouvrage est de m'at.irer le mépis et la
hame de ceux chez qui je me suis rtfugié. Je ne
Amla»çoinlque mon cherpatron n'eûte'té un de,
ms^mens de cette publication , surtout quand
je y« qu en tâchan.da]iéner de moi ceuxqui pou-
V3Knt en ce pajs me rendre la vie-agréd,leron
J^ait omis de nommer celui qui m'y avdt conduit.
Onsavau«„,doo,equec'était un soin superflu,
« qo a cet égard rien ne «stait à ûire. Ce nom
«mabdro.tement oublié dans cette lettre, mé
3l„? '^ ^' '^^^'•^ ^" f^^' de B^tus
^Unguan précisément paice qu'il n'y était pas.
On ne nommait donc pas M. Hume , mais il vit
avec tes gens qu on nommait; il a pour amis tou«
fflaeflflcmis, on le sait : aiUeurs les Tronchin ,
U:sdAlembert, les Vohaire-, mais il y a bien pis
â Londres, c'est que je n'y ai pour ennemis que
fjf amis. Eh î pourtpxoi y en a^r;^is-je d'autres T>
tS4 COKRBSPOïtDAIlCB,
pamquoî mèAe y ai- je ceux-là? Qn'ai> je fak i
lord LittletoB que je ne connais même pas? Qu'ai-
je £iit à M. Walpole <jua je ne connais pas davan-
tage? Que savent- ils de moi , sinon que je suis
IBulheurcux et Tami de leur ami Hume? Que leur
a-t-il donc dit, puisque ce n'est que par lui quils
me couuaifsent ? Je crois bien qu^avec le r61c qu'il
£iit , il ne se démasque pas devrait tout le mondes ;
ce ne serait plus éti*c masqué* Je crois^bien qu'il
ne parle pas de moi à M. le général Conway ui à
M, le duc de Richmond comme il en parle dans
ses entretiens secrets avec M. Walpole, et dans 5a
correspondance secrète avec AL d'Alembert; mai
qu'on découvre la trame qui s'ourdit à Londres
depuis mon anîvée, et Ton verra si ]VL Hume uen
tient pas les principaux fils.
Enfin ie moment venu qu'on croit propre k
frapper le grand coup , on en prépare leflet par
un nouvel écrit satirique qu'on fait mettre dans
les papiers. S'il m'était resté jusqu'alors le moindre
doute, comment aurait-il pu tenir devant cet écrit,
puisqu'il contenait des faits qui n étaient connus
que de M. Hume, chargés, il est vrai , pour les
rendre odieux au public?
. On dit dans cet écrit que j'ouvre ma porte aux
grands , et que je la ferme aux petits. Qu*cst-ce
qui sait à qui j'ai ouvert ou fermé ma porte, que
M. Hume, avec qui j^ai demeuré et par qui sont
venus tous ceux que j'ai vus? 11 faut en excepter
un grand que j ai reçu de bon coeur sans le caxk«
1766. ^ i5J
fisitre, et qog f asirais reça de bien «tettleor foettf
e;îcore si je Favais connu. Ce fot M. Hume gai
me ^t s<ni mon qoand il fut parti. En Tapi^nan t,
')€iu im rrai chagrin que , daignant monler un
second étage^ il ne fût pas entré a« pemier.
Quant aux petits, je n^ai rien à dire* J'anrais
â^vé ruir moins de monde ; mais , ne Toulant
à*'jàâe k personne , je me laissais £nger par
M. Hume , et j'ai reçu de mon miens tous oenx
ju 71 ma présentés, sans distinction de petits ni
de ^nds.
1>H dit dans ce même écrit qne je reçois mes
Yw^rcDft Ecoîdcmcnt , pour ne rien dire de plus.
(.rcrtte çéoécdite cfloâste à avoir one fins reçu as-
Sfz froidement le seul parent que j'aie hors de
(itrnére^ et cela eo présence de M. Hiune. C est
occ^ssaixeraent on M. Hume ou ce parent qni a
foœis cet article* Or^ mon cousin , que jai ton
io€u%€tman pour bon parent et pour honnête
bomme, n'est point ca^ble de feumir à des sa-
tires publiques contre moi; d^aiUeuis, borné par
-^n état à la société des gens decmmecee, il ne
^it pas avec les gens de lettres^ ni a^ec ceux qui
[.unissent des articles dams les pa^e», encore
noias arec ceux, qui s'occupent à des sitbes r'
aioâ fartide ne Tient pas de luL Tout an plus
pois^ penser qne IUL Hume ausa ttehé de le. faire
.^aser^cequi n est pas absoiamoit difficile ,^ et cpi'il
^nra touniêce qu'il lui a Ade la nuonèrela pitù^
^FooLk à ses. vues.. IJ; est bon d'ajouter qaupscs
l56 CORRESPOiriDAlfCE ,
ma rupture avec M. Hume j'en avais écrit à ce coU'
sin-là.
Enfin on dit dans ce même écrit que je suis
sujet à changer d'amis. Il ne faut pas être bien fin
pour comprendre & quoi cela prépare.
Distinguons. J'ai depuis vingt-cinq et trente an«
des amis très -solides. Ten ai de plus nouveaux,
mais non moins sûrs, que je garderai plus long-
temps si je yLs. Je n'ai pas en général trouvé la
même sûreté chez ceux que j'ai faits parmi les
gens de lettres : aussi j'en ai changé quelquefois,
et j'en changeréii tant qu'ils me seront suspects;
c^r je suis bien déterminé à ne garder jamais d'a-
mis par bienséance : je n'en veux avoir que pour
les aimer.
Si jamais j'eus une conviction intime et ccr*
taiee, je l'ai que M. Hume a fourni les matériaux
de cet écrit. Bien plus, non -seulement j'ai cette
certitude, mais il m'est clair qu'il a voulu que je
Tousse; car comment supposer un homme aussi
fin , assez maladroit pour se découvrir à ce point ,
voulant se cacher?
Quel était son bu' ? Rien n'est plus clair en-
core; c était de porter mon indignation à son dt^r-
njer terme , pour amener avec plus d'éclat le coup
qu'il me préparait. Il sait que , pour me faire faire
bien des sottises, il suffit de me mettre entrolèrc.
Nous sommes au lAoment critique qui montrera
l'U a bien ou mal raisonné.
U &ut se posséder autant que £iit M. Hume, il
1763. iS^
âtai aroir JOD flegme et tonte sa force d'e^irit
pour prendre le parti qu'il prit, après fout ce qui
sctût passé. Dans l'embarnis où j étais, écrirai^
à M. k léoéral Conwaj , je ne pus remplir ma
lettre xps de phrases obscures dont M. Hume fit,
«HBme moa ami y rinterprétation qui lui plut
Supposant donc, quoiqu'il sût très-bien le con-*"
tiaiie, qne c'était la cLrase du secret qui me f;ri*
iait de b peine, il obtient de M. le général qu'il
Toadrait Iaoï s'em^o jer pour la faire lever. Alors
r«l homme stoïque et vraiment inscnsIUe m'écrit
ia lHtr« la pfais amicale , où il me marque qu'il
s t-sl employé pour faire lever la clause *, mais qu^a-
vaut toute cVrâie il iaut savoir si je veux accepter
sans cette condition , pour ne pas exposer sa ma-
iesté à on second refus,
Cctait ici le moment décisif, la fin, l'objet de
toos SCS fnrranx ; il lui fallait une réponse , il la
yofJait Pour que je ne pusse me dispenser de la
f^ire, il envoie à AL Davenport un duplicata de
Ùl sa lettre y et^ non content de cette précaution,
il médit dans un autre billet qull ne saurait res-
ter plus long-temps à Ixmdres pour mon service.
1^ tétc me tourna presque en lisant ce billet. De
lii^ jours je n ai rien trouvé de plus inconcevable.
U Ta donc enfin cette réponse tant désirée, et
re fR»e déjà den triompher. Déjà, écrivant à
AL Aarctiport, il me traite d homme ieioce et de
uc«istie d ingratitude : mais il lui Ëmt phis; se»
sont bien urines, à ce quilpense : nuH^
. 4. »4
iCù corhesfoKdavce,
sion da roi. Peut- ou rien penser de pi fis extr
Tagant?
Mais qup M. Hume j suivant toujours son plaj
se soit dit <i lui>méme : Voici le momeat de V^x
cution ; car, pressant Rousseau d accepter la pci
sion, il faudra qu'il 1 accepte ou quil la refus
S il laccepte, avec les preuves que j'ai en mu':!
je le déshonore complètement; s'il la refuse a\iri
lavoir acceptée , on a levé tout prétexte , il ùmdi
qu'il dise pourrjuoi; c'est là que je l'attends : s
m'accuse, il est perdu*
Si, dis- je, M. Hume a raisonné ainsi, il a &i
une chose fort conséquente à sou plau^ et pari
même ici fort naturelle ) et il n^a que cette unique
fiiçon d'expliquer sa conduite dans cette aôaire
car elle est inexplicable dans toute autre suppo
•ition : si ceci n'est pas démontré, jamais rien m
le sera.
L'état critique où il m^a réduit me rappelle him
fortement les quatre mots dont j'ai parlé ci-d^
vant, et que je lui entendis dire et répéter dans
un temps où je n en pénétrais guère la force. Cé^
tait la première nuit qui suivit notre départ do
Paris. Nous étions couchés dans k mémechambn%
çt plusieurs fois dans la mut je l'entends s eciier
en français, avec une véhémence extrême : Je
Hens J- J. Rousseau! J'ignore s'il veillait oa s il
dormait. L'expression est remarqoai^le dans la
Wuche d un homme qui sait trop bien le irançaîs
pour se tromper sur la force et le choix des terpx's»
A^niEé 1766. loi
CcpdiiiaBt je pris , et je ne ponyais iiian:jaer alon
de preodre ces mots dans un sens favorable , <|tioi-
tfK Ve ttm. rîndiquât encore moins que Feicpres-
non: cesl an ton dont il m est impossible de
doDiief nd^ n et qui correspond très-bien aux re*
fards dont j ai parlé. Chacj[ue fois qu'il dit ces
mots je sentis un tressa iliement dcfhoi, dont je
o'ctats pas le maître : mais il ne me lallut qu'un
Moment ponr me remettre et rire de ma terreur :
dès le lendemain tout fut si parfaitement oublié
<pie je n'y ai pas même pensé durant tout mon se"
fior -k Londres et au voisinage. Je ne m eu suis
souvenu f^^id où tant de choses m^ont rappelé
ces paroles, et me les rappellent , jpour ainsi dire ,
à cbaque instant.
Ces matSj doot le ton retentit sur mon cœur
eo!3ime sUs venaient d'être prononces; les lon^
el fénesles regards tant de fois lancés sur moi ; les
ftths coops sas le dos avec des mots de mon cher
monsieur^ en réponse au soupçon d'être un traître;
tout cela m'iaflecte à un tql- point après le reste ,
que ces souvenirs , fussent-ils les seuls , fermeraient
tout retour â la confiance; et il n y a pas une nuj't
ob œs mots, Je tiens J. J. Hou^eau, ne sonnent
<^s»re à mon oreille connue si jeies entendais de
iHMnrean.
Oui , M « Hume , vous me tenez ^ je le sais ; mais
seulement par des choses qui me sont extérieures :
vous me tenez par Topiniou , par les jugemens des
Ji^xmaes; vous me tenez par m^ réputation, par
t6i COitJlESPOJVD AKCE ,
m» 3Ôioté pfut-être, tous Iqs préjugéi sdiit poaz
Tooa ; il vous c$l nisQ de me faire p9$ser pou r un
Qionstre, conim« vous aves commeQcé^ crt je vois
dt^jé l'exultation barbare de mes implacables OBne-
misu Le puI)Ucf en général, ne me fera ped plus
de gi'dcQ : 38n$ autjpe examen ^ il est toujours po^^r
les servioes rendu», parce que cbacuu eat bîea aîs^e
diuritftr k hii on rei^re en mouiPiu^u^il sait ïos
sentir» Je prévoie aisément la suite de tout cela y
«surtout dans le pays où voua mVv^% coudait, et
oky leos amb, étranger à tout le moude,}e suis
pref<iue à voire merci. Les geu$ sensée compren-
dreui cependant que , loin <pie j ai« pu efeerçher
fteUe aâwj^ , die éliUC ee qui puw^il m'owiviH-
de plus' terrible dans la position pu je SUIS» ik
teAtiroui qu'il n y a que ma haine invinc jble pour
touw &usseté, et Vimpo^ibilité de marquer ém
rnsiluM f^ celui ppijgr qm je Tai pordue^ qui aient
pu m'ompdcher de dissimuler qli^od tAut dinté-
l'éto m'en faisaieut une hi : m^^is le» gea$ sei^^é^
sam CB petit nombre^ ie| oc ne soutipan eux ^lû
fent du bruit.
Qui^ M. ilume, you^ me teneis peur fous les
lieiia df cette vie \ mais vous ne 9te i^mi ni p^ir
w\ vertu ni par mon courage, }|i(}épenddnt d«
vous et des hommes, et qui me restera tQut entier
m»ilgré vous. No pensess. pas m'eifir^^er p^t la
crainte du »oi1 qui m'attend. Je connais lee juge^
meu« des koqupe^^ je suis accoiitumé k leur îiv-
justice, et jVi itpprÎA i le» peu redouter- Si vot»
paiû ot pris y comme fai tout lieu de la crom^
soyex iâr qne le aûen ne Test pas okmqs. Mon
corp» est a&iblî, mais jamaîa mon âme ne fat pins
fcnoe. Les lioiiimes feront et diront ce qu'ils voo-
drofitf pcB mraiporte; ce qui mlmporte est dV
chcvcr, comme j'£t commencé, d'être droit et Trai
ju5qa*i h £n^ quoi qu'il arrive, et de u'ayoir pas
plni i me reprodier une lâcheté dans mes misères
qaane insolence dans ma prospérité. Quelque
of^volBe qui m'attende et quelque malheur qui
me menace, je suis prêt. Quoique à jdaiudre^ je
le serai moins que vous, et je vous laisse pour
tunle vcnçeaknce le tourment de re^ecter, malgré
vous 5 nxifortuné que vous accablez.
En achevant cette lettre , je suis surpris de la
tome que ;ai eue de récrire. Si Ton mourait de
cJoukiir, feu serais mort à chaque ligne. Tout est
èçpàemeot jocompréfaensible dans ce qui se passe*
L De conémle pareûle à b vôtre n'est pas dans la
r^Lturp; elle est contradictoire, et cependant elle
:?i'o5t démontrée. Ai)hnc des deux côtes! je péris
d^ns Tun ou dans Fautre. Je suis le plus malhcu^
r^-in des hamains si tous êtes coupable; fen suis
>'* plus vil, si vous êtes innocent. Vous me faites
.'trûcr d^être cet objet méprisable. Oui , l'état oà
:-? XB« vernis, prosterné, foulé sous vos pieds,
ai uit BÎséricorde et £&isant tont pour 1 oht uir^
pafiliaatl hante voix mon indignité, et rendant
t\aB vertus le plus éclatant hommage, serait pour
3iCB ooeur un état d'épanouissement et de joi^
I^ CORRESPOND A?rû£,
après Tétat d'étouffemcnt et de mort où vous
yez mis, 11 ne me reste qu'un mot à vous dire.
YOVLS êtes coup ible, ne m^écrivcz plus; cela sei
mutile et sûrement vous ne me tromperez j
Si vous êtes innocent, daignez vous justifier
connais mon devoir, je Taime et Paimcrai t
jours, quelque rude qu'il puisse être. 11 n'y a pc
d'abjectioix dont un cœur qui n est pas né p
elle ne puisse revenir. Encore un coup, siv
êtes innocent, daignez vous justifier : si vous
Pétes pas , adieu pour jamais..
69 *. — A M,. DU Petrou.
Le 19 juillet i76(
' JavaIs le pressentiment de voire goutte , et
sbntais Tinquiétude, tandis que vous en scii
le mal. Vous en voilà , j espère , délivré, du in(
pour cette année. Xa prévoyance de ces reU
annuels est terrible; cependant si de vives d
leurs laissaient raisonner^ ce serait quelque c
folatiou, tandis quelles dorent, de sentir qt
acbèic^ h ce prix onze mois de repos. Quant à li
si je pouvais rassembler en un point ce q«
fioulire en détail , j^en ferais le marché de ^
t;œur; car les inter^'alles de repos donnent s
un prix à la vie. Mais, comme je ne doute p
que cotto somme de douleurs ne fût beaul
moindre que la vùti^c , je sens que ce triste ma
ae 4oit pus vous ajjréer. Cependant^ à toute
I^wïé 1766. iS5
i^^ «ottSiTr bsauconp me paraît encore préfo-
nM* t sooS^r toojotirs. O mon hôte ! ne renou-
vcWy^hos donleurs, dsns leur relâche, en
T^ooseanppfiant le cruel souvenir. Goiitentons-
nons de Uirber, comme vous faites, (ïadoucir la
T'^^JB de Uors attaques par tontes les précautions
^uf ia raison peut suggérer. Celle du grand exer-
cice ae pjeail «cfUente; h goutte doit son ori-
fïDcahviesttlenlaire-, il faut au moins empêcher
M cause de la nourrir. V^ous scmblez mettre en
piîiîé rcxercicc pédestre, l'équestre, et le mouvc-
iiKnt du carfosse; c'est en quoi je ne suis pas do
voiw avis. Le carrosse 65 1 à peine un mouvement,
et posant, 4 cheral, snr son derrière et sur ses
pieds, on a plus d'à moitié le corps en repos. Dans
là mairie à ped toitles les articulations agissent ,
^t le iiovTeiseaf du. sang accéléré excite une
Iran^waf jt)jt 51/irtaire. 11 n'est pas possible que ,
frfDrfi<«pioo mairlie, aucune sécréticn d humeur
^'*fc»selior5deson l:cu. Marchez donc, voyagez,
' rfoiisez; ailes à Cressier à pied, revenez de
•^"^e, dût quelque taureau vous faire en parsant
^^bfîneursdubois.
^haat à fahstinenee que vous voulez vous
n-5CTiPe, je l'approuve aussi , pourvu qu'elle n'aille
r>lwp loin. Continuer de ne pas souper, vous
^^ àemnz pins paisiblement et mieux. Wc joi*-
'Mfek souper au dîner «1 doublant la dose,
'^i encore fort bien -, mais n\nllez pas partir de lA
t''^r fine en anachorète ^ ei pcs^r vos alimen*
:r6G coRRKsrôNPArïcr. ,
comme Sanctorîaa. Boaiucoup d'^si^orcic^ tl
coupd abstincûcc vont iiu4 cU^Qible^.c^est un ré-
(jhiie que n'approuve p{u» la u^mr^y pi»i$^ i pf^
portion de 1 ;'xercice qudi fait dW pugineolie
r.ippéût. Il iliut ét| e sol>i-e jus(j[i«L' 4<iù$ lu 6phriéié.
(Choisissez ^ os nu?ts $aQS les fpesurpr. Ayez un/e
t;>l)le frugale, mais suiSsaute .; qup toiU y b^ài
simple, mais bou dans son ospèco« Ppint de pri-
•/ucurs , rien de recherché, rien de nu*e, ippi3 toiftt
h'n)^ choisi dans son meilleur iemps. C'est ain^i
x|ue j'ai yécu Qaus mon petit ïnéuAge; et qçie jy
.\ivrais toujours, quand jalvais cent mille iku^
de rente. Je me souviens d'avoir mangé ohez votis
du pain de farine échaiiifi^e çt du poisspo qui n'À-
tclit pas frais; voilà qui est pernicieux. J0 saia que
n^adame laCommandante y {ait tout son po^iÛey
malheureusement on n est pa$ riche înppMnénteat»
I^i^ voilà surtout où doit portjw sa vigUanoe et
}a votre; que rien ne soit lin , quo tçut soit sain.
Il y a, mon cher b6te, nnq ^utre sortK) dabslir
neiice quç je crois beaucoup plus importante à
votre étatp et qui ^eqle, je n'en doute point, pouf^
rait opérer votre guérison. Le vieux DuBiouli«
ré[i^tait souvent que jamais homme continent 11 a-
vait eu Ifi gouttç; et il disait aux eouttçux <[ui se
inettaiept au lait : BuTt;y du vin de Champagne ,
jet quittez les filles. Mou cher hôte, je ne $iû^ point
content de ce que vous mUyez écrit à ce ^uJQi : ce
que vous regardez comme la consolation do voira
4}](istçpc9 est piécisémcnt ce qui \QUi la read ji
ctajc Cft cug «pj^urrri Ae porté àû dert6^
(ftt iki €sprite Ia6gn4s«iî9 €ft iiic«s, ef n'eBgf»ndf é •
sm|V«ttl M \miBé y tneof o( vous t«rrc2f missi la*
navm tlk$èlPC9 tt5pretidre à Vos y feux teae faff e
riaiie, et ms «mire» âtee cféîîces fe' plaisir
JeHiiir. U«Bié da eopp^^ k vigueur d« Fîlm^ ,
la WaWA /espif , la gâkcé de Ihiittéttr , tcmt
tMitJagraiidpoBil-, et le seul régiâve utik aux
^«P^to mpiécMéwenI le seiii dont ife nos'avi-
*«• pttaÎB. it i^ms prêche un jeûne qbe Plîaln^
^ «fttirô a wndu iort dilBcîIe, je k saî» bîeii ;
>«» Wcsius, lagouoe doit être tiff mcUleur pré-
A«teiif ^ttol Opcûdaét il s agit moins ici de
?«!» ^xts ^e Staut^ certaino âéx^d , il feut
««ki.A«^5»/ j va/Bciequ'à éviter fc GOfmhat II
ut svfm » éistn'aé et s'occuper Beaucoup,
ciais sortoDl agréaLlemeiil; car les Occupations
i<^pUaat»ootbe9okf de délassement , et voHâ
î^<»*»eif éh DOtts attend fcnnetoî. Mon cher
-'>te,failejlts|rMd besoin ^ voiià; jfe donne-
ra b mmàt de m^ vie pottr"VM$ v^rir heureux
^ ^; et je snitf p^iMadé ^0 eek dë]iend d<y
^«« «roue. Jai nne grande entlieprise à vous
!*•?•*• Ewjê^ Oit an de mon péniHe , mais
^ï^pn». Si dMis od an br madiine n'est pw
^^^^j si riiaene m i^Miiinepas^si la goutte
'^'^cftmiM anparavai^^ \e me tais; nfpïvnez
^•*» tmx Haii;, êepice , peii$e« à ce que vot fe
<tt v«« fnpott ; SI v^Oi pouifoK eocore aspirer '
l68 CORAESPOVOAlfGE,
au boQli?ar et à la santé, de si grands objets aè*
luéritent-ils pas hi*iD des sacrifices? Poiw les rendre •
moins ouéreux, donnez-vous quelque goût qui*
devienne enfin passion, s'il est passiUe, et qui
remplisse tous vos loisirs. Je vous ai conseillé la
botanique; je vous la conseille encore, à cause du
dou})le profit de ramuscmcnt et de rezïBrcîce, et
quand on a Lien herborisé dans les rochers peu*
dant la journée, ou n est pas fâché le soir diaikx i
coucher seuh J'y vois des avatiiages que djautres/
occupations réuniraient difficilcsoent smstà bien*
Toutefois suivez vos goûts quels qu^^i soient, '
mais occupez -vous tout de i>oii\ voua «ientirez i
quels cliarrocs prennent par degrés las connais-
sances, à mesure quon ks.cUltive. TeL^iutietix
«nualyse avec plus de plaisir une jolie flçur/quiuiB
jolie tille. Dieu veuille , mon U^HQher hotey que .
bientôt airtsi soit de vousl
JV'crtrai celle semaine à milord Marédbal p(HMr
rafTaire de M. dKsdiemy, à q^ii.je vous prie de
faire mes salutations et mes excuses de ce queije '.
lie lui réponds pas; cVst une suite de la résolu-
tion que jai prise de n'écriive plus k pcrsouae
qu'au seul milord Maréchal et à vous. Je seim
combien il importe au repos du reste de xoa vie
que je sois totalement oublié du public. Je ferais .
p)urlant bien fâché que mes amis, m'oubliassent i
mais c est ce que je n^ai pas à craindre de ceux qui •
sont pré > de vous; e^ quelque jour, elixeu ieniB
eufans auront des preuves que je ne les oublie paa
Éon plus. Kus quand on écrit, les lettres se monw
tioU; on parie d'un homme, et il m'importe qu'on
^dc ^,T de moi , au point d être censé mort
de noDTiFant Je ne me suis pas réservé une seule
«>TOp«idance à Paris, à Genève, à Lyon, ps
même à Tvefdun ; mais mon cœur est toujours le
«eme, et je me flatte, mon cher hôte, que dans
t«rf ce qui est À votre portée vous voudrez bien
soppfcer à mon silence dans 1 occasion. Je suis
irès-Êcké que M. de Pury , que j aime de tout mon
CQW, ait a se plaindre de quelques propos de ma-
^oiseBe U Vassenr, qui probablement lui onC
été maimidns-, mais je suis surpris en même temps
q . un homme d autant d'esprit daigne foire atten-
tion ^ces petits bavaidages femeUes, Les femme»
aom hites poor caitoer, et les hommes pour en
me. Jai si Uea pjis mon parti sur tous ces dits et
r^CsdecDfflméiies, qu'ils sont pour moi comme
fl^nstonl pas; U n y a que ce moyen de vivre en
repos.
Je vous suis obligé de la copie de la lettre do
M. Home que vous m'avez envoyée, C est A peu
rrés ce que fimaginais. L'article de trente livres
5ter.mgdc pension ma fait rire. Vous piirrez du
=«^: je m'en fl^itte, juger par vous-même de ce
T' " en est. Je renvoie à ce même temps les expli-
'étions qui le regardent sur ce quî s'est passé eiJtre
, *K«chcniy . que vous me jugez Tun et Fautro
«art affecté des satires publiques et du radotage
'^— e«. 4. ,5
I70 CORl^ESPOlfBANCE,
(Je cft pauvve Voltaire. Je laisse croire aiur autre»
ce qu'U leur plait ; mais comment se peii&t*il que
yoUiS me connaissiez si mal encore, vous qui savez
Hv^ je fais imprimer moi-même les libelles qui 90
^t cpnlTf moi? Soyez bien persuadé que depuis
Ipng-tamps sien, de la part de mes ennemi^ ui du
public^ ne peut m'alTeçler un seul moment. Les
coups qpi me navrent me sout portés de pln^ prês^
ot j'en serais digne si Je n'y étais pa3 sensible. Sî
1^ prédicat de MontmolUn publiait des $aûres
contre vous, je crois qp elles ne vous blesseraient
gt^Lere, mais si vous iapprenie? que J. J. Rousseau
s^^ntend avec lui pour cx^Ia, restcri^3-vous de sang-
froid? J'espère que Bon> Vojilè, 1^ cas^ù je me
tjeouye. De {race, mon, bon bôte^ ne soyez pas si
pp^uftpt à me juger s»p$ mVntendre. Qi^elque jour
vous conviendrez , je m assure , que je suis en An-
gleteire le même que je fus aupès de vous.
Xëtais bien sûr que les trois cents loiiis ne tar-
deraient pas d'arriver. Celui qui les envoie est un '
bon papa qui n^oublie pas ses enfans ; mars , au.
compte que vous fiiites â ce sujet, il me paraît que
mon cher tuteur, si on le laissait faire, aurait be-
soin lui-même d'un autre tuteur. î^ipus parlerons
de cela une autre fols. J'ai tîrç sijj yos banquiers
unç lettre de y2q liv. de Fraujçe>^ lesqpcHes, jointes
aux 70 livres marquées sur votre çpQipte^ font 8oq
Uvrx;s pour le premier seine$t;re. Je n'^i point eu*.,
coie re^u d^ nouvçUes^ d/e vm^ livre»» MiJl(> Usa*
ètf sâhtatioits & tons nos amii^y et respects à Ik
frèiJiaBiie ttaman. Je vous embrasse.
9gtt* — ^ A mnjasLB Mahéchai..
Le 20 )iiîllet 1766.
La dernière lettre , mîlord , que j'ai reçti^ de
nménkéa ^5 laai. Dc^puiâ ce tem^, fai été
(tné it déclarer mes scatimciis 4 M. llûtAé : îl k
nmla nné «tj^ication , il la eue: j'ignore Tubage
^*itm Cm. Q«ôî qu'il en soit^ toïitèsttiit jétoN
ttùi cMM lui el moi. Je voudrais vous ênvojèr
<n(«e àmVeare», laidis t^esi un livte {K)ur la gros-
seur. WUk4 ,k iditîaietit cruel que UMS ne nous
verroBS yks chai|^ ttdo cœur d utt pôidà iusup-
p*taAfo$ je JMiBeraâi lu moitié de mon «lâUg ponr
fous tM* un $Hd quart d'béure euct^e une fok
eu aa Tie : tous «ar^z combien cè quart d'heun
■esendcdoiuL, mais vouâ itères combien il me
te^ilit impdrmmv
Après aToir bien réfléchi sur ma situatioO prê-
tes te, je n'ai troiité qu'un seul moyen possible de
m »«Ttr qneiqtte repos sur mes derniers jours \
^tsl et me fiiire oublier des hommes aussi parÊii^
ica^t que si je n^eustais jdus^ si tant est qu on
pàse appeler existence un reste de régétation
îasiye à sm-^ulème et anic autres , loin de tout ce
qw ooQs est cher. En conséquence de c^tte réso-
l<ii!OT , j'ai pris celle dé rompre toute correspon-
iiiacc lie» les cas d'absolue aéces^té. Je cesse dé<-
^7^ correspoudance,
;$ormais d*écnre et de répondre à qui que ce so'tL
Je ne fais que deux seules exceptious, dont Tune
est pour M. du Peyrou; je crois superflu de vous
dire quelle est l'autre : désormais tout à l'amitié,
n existant plus que par elle^ vous sentez que j ai
plus besoin que jamais davoir quelquefois de vos
lettres.
Je suis très-heureux d'avoir pris du goût pour
la botanique : ce goût se change insensiblement
en une passion denfant , ou plutôt en un radotage
inutile et vain; car je n'apprends aujourdhui
qu'en oubliant ce que jappris hier, mais nlm-
poite : si je n'ai jamais le plaisir de savoir, j'aurai
toujours celui d'apprendre, et c'est tout ce qu'il
me faut. Vous ne sauriez croire combien Tétude
des plantes jette d'agrément sur mes promenades
solitaires. J'ai eu le bonjieiur de me conserver un
cœur assez sain pour que les plus simples amu*
eemens lui suffisent; et j'empêche, en mempail*
lant la tête, qu'il n'y reste place pour d*autres
fatras.
^occupation pour les jours de pluie, fréquens
pn ce pays, est d'écrire ma vie; non ma vie exté •
rieure comme les autres, mais ma vie réelle, ce\\e
de mon âme, l'histoire de mes sentimens les plus
secrets. Je fei^ ce que nul homme n a Ëiit avant
moi , et ce que vraisemblablement nul autre ne
fera dans la suite. Je dirai tout, le bien, le mal,
tout enfin; je me sens une âme qui se peut mou*
trer. Je suis loin de cette époque chérie de 176a ^
nais ]j ytendrai , je Fespère. Je recommencerai ^
da moins en idée , ces péleiinaf^es de Colomluer,
cpii {iirent les jours les plus purs de ma yie. Que
ne peuvent-ils recommencer encore, et recom«
meDcer sans cesse ! )e ne demanderais point d^au*
te éternité.
IL dn Peyrou me marque qu'il a reçu les troii
cents louis. Ils viennent dun bon père qui, non
pins (pie celm dont il est Fimagc y n'attend pas que
ses en£ins lui demandent leur pain quotidien.
Je nVntends point ce que tous me dites d'une
prétendue charge que les habitans de Derbysfaire
rn^ont donnée. Il ny a rien de pareil, )e vous as-
sure , et cela m'a tout Fair d'une plaisanterie que
quelqu'un tous aura faite sur mon compU^; du
reste, je suis très-content du pays et des liabi*.
tans, autant qu'on peut l'être â mon âge d un di*
mat et d'une manière de TiTre aux'juels on n'est
pas accoutumé. J'espérais que vous me parleriez,
on peu de TOtre maison et de TOtre jardin, ne
fit-ce qu'en Êiveur de la botanique. Àhlque ne
sois- je à portée de ce bienheureux jardin, dût
mon pauTre Sultan le fourrager un peu, comme
ilfitceJui de Colombier!
• .
6g3. — A M. DATE^roRT.
Jb sais bien sensible, monsieur, à l'attention
que TOUS aTez de m'cnvoyer tout ce que tous
crojrcz dcToir mlntércsser. Ayant pris mon parti
i5.
sur Tuflliire en <picstion , je continuerai , quoi <{ù'3 *
amvc, dé laisser M. Hume faire du bruit tout
^ul, et je garderai, le reste de mes \oùrs^ le si-
lence que je me suis imposé siu* cet strtide. Au
r«lte) èatis affecter une tranquillité stoique^ j^ose
vous assurer que dans ce déchaînement Universel
je suis ému aussi peu qu'il est possible, et bcau-
cotip moins que je n'aurais cru î'éti^, si d'avance
on me l'eût annoncé ; mais ce que je vous pro*
teste et ce que je vous jure , mon respectable hôte ^
en vérité et à la face du ciel, c est que le brajant
et trk)mphant David Hume, dans tout réclâk de
sa gloire, me parait beaucoup [plus à plaindre que
l'infortuné J. J. Rousseau, livré k la difiàlnalion
publique. Je ne voudrais pom* rien au monde ètro
à sa place, et jy préfère de beaucoup la mientte,
même avec Topprobre qu^il lui a plu d'y attacher.
J ai craint pour vous ceâ mauvais temps pas^.
J'espère que ceux qu'il fait à présent en répare-
ront le mauvais eftet. Je n ai pas été mieux traité
que vous, et je ne connais plus guère de boa
temps ni pour mon cœur ni pour mon corps :
j'exccpto oelui que je passe auprès de vous : c'est
vous dire assez avec quel empressom^t {e ^tmm
attends et votre chère famille, que je remercie et
calue de toute mon âme.
694» — ^ ▲ M. Ginr.
WoonoD, k 9 août 1 766.
h fltt ftmifc bien {lassé, tnoiUiiéitr , d^âpprendfft
ks hmils nUi^^ns qà*ôtt répand k foris saf mM
emiipCr^ et tous auriez bien pu Vous pÈi^^dr dt
Voof joiiidrtf 4 ces crlK^k âtuis qui $« |dfti5êfit ft
fli'foloDeer vingt poignards dans le cœur. L^ psirti
ffa<! fdi ptis de m^eflSQVdir dariS cette. Miitnde,
teasctifrstefik plus aucuiie corrci^rïdante dans
le ilk«lèe, est 1 effet de tfia situation hicn etA^
teinée. La UgM qui sVst fonnéè cotitt^ tnoi e&t
trop puissante ^Mp adroite, trop ardcnlO) trop
laTâditée, pour qué^ dans ttia position^ sans
ftftfft â^ni ipÊc la Térité^ je sois en état de lui
hité fine dalzs le pablic Couper les tdtes de cette
li^diear jsenrînaitqu'â les toultiplicr; et jen'autail
pas dttnûl une de leurs calomnies, que Viirgt
ftatm plu! cmeiles lui succéderaient & Finstant
C^ qne j ai à (aire cet de bien prendre mon parti
kur les jugeniens dn pulilic, de me Uire^ et dd
ttcher an moins de vivre et mourir en topol.
Je n'en suis pas moins reconnaissant poar <5enz
qjiifc intérêt qu^is prennent à moi enga*^ à m'ins^
trsirip de ce qui se paS5e : en m'affigeant, ils mV
Migeat; slls me font du mal, c'est en voulant mè
£?irrdu bien. Ils croient que ma répatation dé^
peod d une lettre injurieuse , cela peut être ^ Insts ,
«V> eroient que mon honneur éu dép<!iid, il| a*
t y6 COSRBSPOND AKÇB j
trompent. Si l'honneur d'un homme dépendait
des injures (juW lui dit j et des outrages qu'on lui
fait, il y a long-temps qu'il ne me resterait plus
d'honneur à perdre ; mais , au contraire , il est
même au-dessous dW honnête homme de. re-
pousser de certains outrages. On dit que M. Hume
me traite de vile canaille et de scélérat. Si je sa-
vais répondre à de pareils noms, ie m'en croirais
digne.
Montrez cette lettre à mes amis , et priez-les de
se tranquilliser. Ceux qui ne jugent que sur des
preuves ne me condamneront certainement pas,
et ceux qui jugent sans preuves ne valent pas la
peine quon les désaibuse. M. Hume écrit, dit-on,
qu'il veut publier toutes les pièces relatives à cette
affaire; c^est, jen réponds, ce qu'il se gardera do
faire, ou ce qu'il se gardera bien au moins de faire
fidèlement Que ceux qui seront au fait nous ju-
gent, je le désire; que ceux qui ne sauront que ce
que M. Hume voudra leur dire ne laissent pas de
nous juger; cela m'est, je vous jure, très-indilfé*
wtoL Ifti un défenseur dont les opérations sont
lentes:, mais sAres : je les attends.
Je me liomerai à vous prîîscnter une seule ré-
flexion* 11 s'agit, monsieur , de deux hommes dont
rma^étéanieoé par l'autre en Angleterre presque
xoaipfèhù : iiwl M ■gr.r,igcorant k langue du pays ,
ne pouvant parler ni entendre, seul, sans amiâ^
SJtns appui, sans connaissance, sans savoir même
A. qui Qoiifier une lelti-e en sûreté, livré .'sans, ré?
kmsiz 17S6. • tyç
jBTe 1 Fantie et aux siens, malaile-, retira et ne
Tojmt personne, écrîvaiit peu, est allé sVnfermer
dans k fond cTune retraite où il herborise pour
tome occupation : le Brefon , homme actif, liant,
baU^ant, au milieu de son pays, de ses amis, de
ses parens, de ses patrons, de ses patriotes, en
grand crédit à la cour , à la ville , répandu dans !e
pios grand monde, à la tête des geas de lettres,
disposant des papiers publics , en grande relation
diez fétronger, surtout avec les plus mortels en*
Demis dn premier. Dans cette position, il se trouve
<{ae Von des denx a tendu des pièges à lauf fe. Le
BreUm aïe cpie c'est cette vile canaille , ce scélérat
d*étranger «pii \m en tend : l'étranger, seul, ma<»
lade, abandonné, ^mit et ne répond rien. Là-
desms le yoîlâ jugé, et il demeure clair qu'il s est
laissé mener dans Je pays de Tautre , qu^il s'est mis
à sa mena , font exprès pour lui faire pièce et pour
conjpcrer contre lui. Que pensez- vous de ce juge*
tnau? Si favais été capable de former un po*
jet aussi monstrueusement extravagant, 011 est
rhomae ayant quelque sens, quelque humanité^
cpii ne devrait pas dire : Vous (àites tort à ce pauvre
i&îséraUe; il est trop fou pour pouvoir être un
scélérat: plaigncz-fe, saignez-lc; mais ne Finju-
r.ez pas? /ajouterai que le ton seul que prend
H. Haine devrait décréditer ce qu'il dit : ce ton si
bruLj, si bas, si indigne d'un homme qui se res^
pecte, marque assez que Tâme qui Fa dicté n'est
pv saine, 'd nanoozice pas un langage digne 1*0
t8o CORRESPOND ATTCB,
^e fal &it volontairement une chose injuste on
inalhonnéte , d'être bien persuadé que cela n^est
pas vraL
696. •— ' A MADAME LA MARQUISE DE VerDBUK {* )^
m
. Woetton , août 1 ^06,
• Xai attendu , madame , votre retour à Parb
pour vous répondre, parce quîl y a, pour écrire
des provinces d'Angleterre dans les provinces de
France , des embarras que jaurais peine à lever
ICI.
• Vous me demandez quels sont mes griefs con-
tre M. Hume. Des griefs? non, madame, ce n'est
pas le mot : ce mot propre n^existc pas dans la
langue française; et j'espère, pour Thonneur de
lliumanité, quil nVxiste dans aucune langue.
M. Hume a promis de publier toutes les pièces
relatives â cette affaire : s'il tient parole , vous
verrez , dans la lettre que je lui ai écrite le 10 juiT-
let, les détails que vous demandez, du moins as*
sez pour que le reste soit superflu. D ailleurs,
vous voyez sa conduite publique depuis ma der*
iiière lettre; elle parle assez clair, ce me semUe,
}>our que je n^aie plus besoin de rien dire.
Je vous dois cependant, madame, d examiner
ce que vous m'alléguez à ce sujet.
Que la &usse lettre du roi de Prusse soit do
■■■ ■ ' ... ■ ■ ■ .. ■ ■» ,■-..■
' (*} Tajvn cHderant lu lettre du 1 3 mûi 1 764. .
- AmiM 1766. t6i
M. iTAIeiiilxit, ami de M. Hume, on de M. Wal«
pQk,a]iiidel£Huine,ce n*es( pas^aafond, de
oda qoil s'agit; c est de savoir, quel que soit Tau-
leor de h lettre, si NL Hume en est complice.
Vous Toolez que madame du Défiant ait travaillé
& cette lettre; i la bonne heure : mais deux autres
écrits, mis successivement dans les mêmes pa-
pâeis, et de la même main , ne sont sûrement pas
drcelled'uDe femme; et quanta M. Walpole,tout
ee que je puis dire est qu'il £iut assurément que
je me connaisse mal en style pour avoir pu pren-
dre le fiançais d'un Anglais poor le français de
M.dfAkmkerl.
Votre ob^ecûon^ tirée du caractère connu de
M. Hume, est très-forte, et m'étonnera toujours :
al n'a pas ùila mcias que ce que jai vu et senti
i*opposé pour le croire. Tout ce que je peux con-
dure de cette contradiction est qu'apparemment*
JL Hume n'a jamais haï que moi seul; mais aussi
^elle bainc , quel art profond à la cacher et A Tas-^
souv^iri le même coeur pourrait-il suffire à deux
passions pareilles ? ,
On vous marque que f ai voué à M. Hume une
Haine implacable , parce qu'il me veut déshpnorer
«^A lee ibrçant daccepter des bien&its* Savezr-«
▼OBs hîcn, madame^ ce que ntilord Maréchal, à
<pû TOUS me renvoyez, eût &it si on lui eût dit
pareille cbose? il eût répondu que cela n'était pas
RZ/; et a 'eût pas même daigné m'en parler. > ^
Tao^ ce que vous ajoutez sur ilionncur quA
4 Sa COBKBSFOVIXIKCB ,
m'eût Êit une pen^on dax roi d'An^etarre est
très'ju5te; il est seulemejit ëtonnaat ^e TOU3
'Ayez cru avoir besoin de me dire ces cboses - Ià«
Pour voufi prouver, madame., q<ue je pense
tement comme vous sur cet article, je voeu
voie ci-jointe la copie d\me lettre que j!ëcrivis , il
y a trois mois, à M. le général Conway , et dans
kqufiUe }'étais même fort embarrassé, sentant déjà
fes trahisons de M. Hume , et ne voulant pas ce-
pédant le nommer. Il ne s agit pas de savoir si
cette question m^eût été bonoraÛe, mais si elfe
tétait aases pomr que je dusse Taeccpter à toal
prix, même à celui de l'infemie.
Quand vous me demandez qud. est lesnjet qui
ose solliciter son maître pour un homme qu'il
veui avilir, vous ne voyez pas qu'il faisait de
cette so!licitatation son grand moyen pour m ac*
Guser bientôt de ia plus noire ingratitude. Si
IHL Huni0! eût travaillé publiquement â m'avilir
lui-même y vous auriez raison; mais il ne faut pas
supposer qull exécutait avec bêtise un pn^et si
profondément médité : cette objection serrait
bonne encore, si, connu depuis long-temps de
ML Hume, j avais été inconnu du roi d'Ângleierre
et de sa cour; mais votre lettre même dit le cron-
traire : cette affaire ne pouvait tourner, comme
tBb a fait,. qu'à lavantage de M. Hume. Tonte la
oomr d^Ân^terre dit maintenant : Ce poutre
homme! il croit que toui le monde lui ressemble/
mous y. avons éié trompés comme kiL
AimiE 1766. t83
Drins le phn qnll s'était f«it, et qii*tl â si plei*
ocment ezécQté, de paraître me s^^r en publie
i?ec la pins grande ostentation , et de me diâii-
aer eisaite aTccla plus grande adresse , il devait
écaire et parier honorablement dé moi. Vouliez-
mous qnll aBât dire du mal d'un homme pour le-
qnd il afleciait tant d'amitié? ç eût été se contre*
dire , et jooer très-mal son jeu ; il vôûhit paraître
aToirété pleinement ma dupe; il préparait l'ob-
jectioti (jne roas me Êtites aujoaid'faui*
Vaas me renvoyez, sur ce que vous appelfias
mes ç^&, à milord Blarécbal pour en juger : mi-
lord Maiédial est trop sage pour vouloir) d'où il
esl,TQÎriûeuf]Qemoicequisepasscoii)e suis;
et quand un bomme, entre quatre yeux^ m'en*
ûmce i coups redouUcs un poignard dans le sein,
je n'ai pas iiesoia, pour savoir s'il m^ touché^
de Tailer demander i d'autres.
JFîoifisotts pour jamais sur ee sujet ^ je vous snp*
pfie. Je vous avoue , madame , toute ma ÊiiblcSM :
sî je savais qne M. Hume ne fût pas démasqué
avant sa mort, j'atirais peine à croire encore i la
Providenoe.
Je me £iis quelque scrupule de mêler dans une
même lettre des sujets si disparates ; mais cette at-
teiate de goutte que tous avez sentie , mais les m*
cottBodités de vos en&ns ^ ne me permettent pal
de vMi rien dire ici d'eux et ^e vous. Quant i la
goatte, il n'est pas naturel qu*elle vous maltraita
Waoconp â votre âge^ et j'espère que vous en se^
|84 CORRE&POÏTDANCE,
rez quitte pour un ressentiment passager; maïs jo
tiVnvisage pas de même cette humeur scrofu-"
leuse, qui parait avoir été transmise â yos enfan»
par leur père; Tàge pubère les guérira ^ comme je
1 espère , ou rien ne les guérira; et, dans ce dernier
cas, je vois une raison de plus de combler le» vœux*
d'un honnête homme qui a toute voti^ estime, et
qui mérite tout votre attachement. Vos filles, mal^
gi-éleur mérite, leur naissance, et leur bien, se ma^.
rieront peut-être avec peine, et peut-être aurez*»
vous vous-même quelque scrupule de les marier.
Âh! madame, les races de gens de bien sont si
r^ures sur la terre ! voulez-vous en laisser éteindre
une? A la place des simples et vrais sentimens de
la nature, qu ou étoufie, on a fourré dans la so-:
dété je ne sais quels raffinemens de d^icatesso
que je ne saurais soufirir. Croyez moi, croyez-^eo
votre ami, et l'ami de toutes choses honnêtes,
mariez -vous, puisque votre âge et votre cœur le
demandent, L intérêt même de vos filles ne s'y
oppose pas. Vos enfans des deux parts auront les
lùens de leur père, et ils auront de plus les uns
dans les autres un appui que vous rendrez très-
solide par rattachement mutuel que vous leur
saurez inspirer. Mon intérêt aussi se mêle â ce
conseil, je vous Ta voue; je sens, et j'ai gi*and be«-
soin de sentir qu'on n'est pas tout-à-fait misérable
quand on a des ami& heureux. Soyez -te Tiki éC
lautre, et Tun par Tautre; quau milieu des afflic-
tions qui m accablent j*aic la consolation de sa-
AIOIKE 1765. - 1S6
toir qae fai deux amis unis et fidèles, qm parient
quelquefois avec attendrissement de mes misères;
elles m'en seront moins rudes à supporter. J'aime
à enrâager comme &ite une chose qui doit* se
&îre. Permettez-moi de vous conseiller ^ lorsque
vous serez dans votre nouveau ménage, de bien
choisir ceux à qui vous accorderez «l'entrée de
votre maison : qu elle ne soit pas ouverte à tout
JeinondeyCommela plupart des maisons de Paris*
Ayez un petit nombre d amis sûrs, et tenez-vous^
en à leur commerce : ayez -en, si vous voulez^
qui aient dé la littérature , cela jette de Tagrément
daiiBk société; mais point de gens de lettres de
profession, sur toute chose; jamab aucun auteur,
quel qull soît. Sonvenez-vous de cet avis y ma^
dame; et soyez sûre que, si vous le négligez, vous
vous en trouverez mal tôt ou tard.
Je n'aî pas la force d'étendre jusqu'à vous ma.
résolution de ne plus écrire; c'est uoe résolution
que j avais pourtant prise , mais qu'il est impossi-
ble à mon cœur d'exécuter': je vous écrirai quel-
quefois, madame, mais rarement peut-être; je
voudrais qu'en cela vous ne in^imitassiez pas. Je
ne dois pas vous affliger , et vous pouvez me cou*
scier. Je vous prie de ne remettre vos lettres ni à
H. Coindet ni à personne; mais de les envoyer
voQs-méme sous Tadresse ci- jointe, exactement
turrie, sans que mon nom y paraisse en aucune
6çon : en prenant soin de faire affiranchir les \eU
tità jusqu'à Londres 2 elks parviendront sûre?
tft6 ^ CORIlESPOIVDAlfCE ,
ment, fÀ peisonne ut les ourrira que moi; mais il
&XA ti^Gber, par économie, d'éviter k» paquets,
et d'écrire {dutât des lettres simples sur d'aussi
grand papier qu^on veut*, car, quelque grosse que
•oit une lettre «impie , elle ne paie que pour sim*
pie; mais ia moindre enreloppe renchérit le port
exorbitamment. Le dernier paquet de M. Coindet
m'a coûté six francs de port : je ne les ai pas regret*
tés apurement ; ce paquet contenait une lettre éê
vous; mais en tout ce qui peut se &ird avec éco-
nomie, sans qoe la chose aille moins Inen , je suis
dans une position qui m'en rend le som très-utilei
Au reste, je nt sas pas qui peut vous avoir dit
que j'étais A vingt-cinq lieues de Londres; j'en suis
a dnquante bonnes; et j'ai mis quatre jours ft les
faire, avec les mêmes chevaui k la vérité. Roce^
voz , madame , les salutations de'lft phis tendre
amitié*
697. — ▲ M, Marg^gvsl Rxy.
WooUon^ août fjGG,
Je reçois, mon cher compère, avec grand plai-
sir, de vos nouvelles : l'impossibiKté de trouver
nuUe part ce repos après lequel mon ooenr soupire
inutilement m'eût £iil im ecrupule de vous don-
ner des miennes, pour ne pas vou5 affliger. D'aile
leurs , voulant me recueillir en moi-même , autant
qu il est possible, et ne plus rien savoir de ce qui
se passe dans lc>monde par ra^ort à moi, j'ai
iKir££ T7G6. r^
tool commerce de lettres, hors les cas
d'àbtcioe nécessité; cela fera «jue je tous écrirai
flus rarement désormais : mais soyez sâr que moa
attadmaent pour vous , et pour tout ce qui vous
appaHaent^ est toa)ours le même ; ef. que ce serait
me paade consolation pour moi dans la yieil*
lesse qui s'a^yproche, au milieu dW cortège d»
dodeôis de toute espèce, d'embrasser ma chèie
ùLeak avant ma mort.
Xai sa que rous aviez eu aussi quelques ai&ires
^désagréables : | eu étais en peine ; et je tous aurais
écrit à ce so^et, si tous ne m'aviez prërënu. J'aiH
^e, mr te que vous ne m'en dites rien , que tout
cela n'a ^ eu des suites^ et je m en réjouis de
tout mon cœur; mais mon amitié pour vous ne
me permet pas de vous taire mou sentiment sur
CCS sortes d afiâircs. Tandis que vous commenciez
et que vous aviez besoin d^ mettre, pour ainsi
di/e, i h loterie, il vous convenait de courir
quekpies risques pour avancer : mais maintenant
q^^e votre maison est bien établie, que vos affai*
re< , comme je le suppose , sont en bon état , ne les
dfTaD^ pas par votre fiiute; Jouissez en paix de
!a fortune dont la Providence a béni votre travail ;
ct^ au Ueu d'exposer le bâen de Vos enfans et le
v<Vtie, contentez-vous de Tentretcnir en sûreté,
sans plus voos permettre dVntreprises hasardeux
s^' Voilà, mon cber compère, un conseil de Va-
mitié, et, je crois, de la raison : si vous trouvées
pli soit à votr0 usage , profitez-en.
l €Sr COERESPONDANfiS ,
Vos' gazettes disent donc que M. Flame est
mon bieufaiteur , et que je suds son protégé l Qui
Dieu me préserve d être souvent protégé de h
scttle, et de trouver en ma vie un pareil bienfai
leur} Je présume que cet article n^est que prépa^
ratoire, et qu'il en suivra bientôt un second, aussi
véridique , aussi humain , aussi juste. Qu'importe j
mou cher compère? Laissons dire et M. Hume ^
et les plénipotentiaires, et les puissances, et Icj
gazetiers, et le public, et tout le mondes qulb
crient, quils m outragent, qulls m'insulteut ,
qu'ils disent et fassent tout ce qu'ils voudront ;
mon âme, en dépit deux, restera toujours ta
même; il n'est pas au pouvoir des hommes de la
changer. Le public désormais est mort pour moi i
je vous prie, quand vous m'écrirez, de ne me re-
parle? jamais de ce qu'on y dit.
' MM. Cecketetdeliondtne m'ont point parlé de
la pension de mademoiselle Le Yasseur; et comme
Tannée nVst pas écouiée, cela ne presse pas : mais
je vous prie de ne vous servir jamais de ces racsh
sieurs, pour me rien envoyer, ni pour rien qui
me regarde; j ai senti, dans plus d'une affaire, Tin-
fluence que M. Hume a sur eux. U vient de uicn
arriver une qui mérite d'être contée. M. du Pey-
cou ayant juj;é à propos de menvoyer mes livras,
je l'avais prié de les adresser à ces messieurs, cjuj
s'étaient oflerts. Ayant une collection considéra-
hi'^ d'estampes, dont les droits, exigés à la ri-
gueur, auraii'ot passé mes ressources^ je les priai
ATHIÉE Ï^TG. 189
<& lâclier Je bire mitiger le droit, d'autant phi8
^e Li moîfië de mes estampes ne Veilant pas ce
droite j aimerais mieux les abandonner qne de le
payer sans labais : ces messieurs promettent ^e
faire it leur mieux; ils reçoivent mes liyresy et,
outre qoioze loois de port, en prennent quinze
antres cliez mon banquier pour les fira is de douane ;
g«irdeat et fouillent les livres , tant qu'il leur plaif ,
sans fflc rien marquer de leur arrivée ; m'envoient
enfin sans avis un ballot qne je les avais priés do
i&Vuvo}'er sitôt que les miens arriveraient, J'ou*
vre ce baUot où mes estampes étaient; je trou\e
le^ poitefeiûUes vides, et pas une seule estimpe ,
ni petite ni grande , sans qu'ils aient même daigné
me maïquer ce «piiU en avaient fiiit. Ainsi j ai
^ni2e Jouis déport, autant de douane, sans sa^
voir iisrquoî, et pour cent louis d'estampes per-»
du*», sans tpnï m'en reste une seule (*). Je ne sais
« les Unes que voas avez vus doivent pajfer à
loodres mille éciis de douane; mais je sais biei^
<pic si je les revends, comme il le fautliien, je
Q eo retirerai pas la moitié de cette somme. Il y a
UQ seul article d'oiie livre sterling (c'est près d'un
'*^cis), pour une vieille guifare sourde, brisée et
pottric, qui m'a coûté six francs de France, et
<1 nt je ne (es retrouverai jamais. Cela ne se ferait
[^ i Alger, maïs cela se fait à Londres, grâces
'%*; Ces entanipes, déplace des portofèninc» c^oî kt conte*
*MciA , M tmit rcut>v.v«^ du» un auuç LaUoL
'fgO COmiBSPONDAIfCE,
AUX Ions soins de ces messieurs. SI je laisse long-
temps me^ livres dans leur magasin , et s'ils me
fent payer k proportion pour l'entrepôt, ne le
pouvant pas 9 je serai foicé de leur laisser mes li-
vres : amsi j'aurai. perdu, par leurs l>ons soins,
tous mes li\Tcs, toutes mes estampes, et trente
louis d'argent comptant. Que dites-vous de cela?
Je crois que ces messieurs sont par eux-mêmes de
fort honnêtes gens; mais je crois aussi qua moa
égard ils cèdent trop à Finstigation d'autrui. C'est
pourquoi je veux n'avoir avec eux, si je puis, au*-
cune sorte d'affaires , de peur de m'en trouver ton-*
jours plus mal. Je chercherai, si vous y consen-
tez , à me prévaloir sur vous des trois cents francs
de mademoiselle Le Vasseur, soit par lettre-de*
change, soit en vous envoyant d'Angleterre son
reçu, en échange duquel vous en donnerez Far*
gent à celui qui vous le remettra.
Je dois avoir parmi mes livres un exemplaire
de la musique du Devin du village : si vous per«
sistez à vouloir le faire graver, je pourrais corri-
ger cet exemplaire, et vous l'envoyer; mais il faut
du temps, non seulement pour attendre locca-
sion , mais pour le Êiire venir de Londi es , parce
qu'il faut que je donne commission à quckju un
de confiance d'ouvrir la balle o& il est, pour l'en
tirer et me l'envoyer; ce qui ne peut se faire avant
cet hiver. Je suis très-fTxhé que vous publiiez la
Reùie fantasque, parce que cela jieut fcire encorfi
àes tracasKiiA désagréables pour tous et pour
aoû
Gfiy m'a écrit ao sujet du Dictionnaire de Mu-*
si{fu€ : il le plaint de vous et de ¥0S pvopositions,
qull tFoure déraiseiiDabies : je h» ai répofidu
«juH fil coaune i) lenteiidniit ; que je tons aimais
fort tous les deux; mais que des affaires de li^
hr^irtà lAraffe, je ne m'en oiélerais de mes jours.
SGJIe tendres salutations à madame Rey. J'eui*
farasse b cbère petite et son cher papa.
Yoîd «ne adresse dont il faut vous 6«mr dé*
soraaiS) quand tous m'écrircK : ne ûites point
dFenveki|i^-, et, quoique mon nom ne paraisse
point sur W lettre^ soyez sàr que personne ne Von»
wim que mot, et qu'elle me parviendra sàrement^
pouFfn que tous soifiea caaotement f adresse y cC
que TOQS kSrsLDchlissiez jusqu'à Londres, sasS'
qnoi la kîttes peur les pitmnces d'i^gteterre
f^-«-* J. M. nlTEKKOISk
ISToottoo^le i6 «oAt 1766.
Jn sois eiHênement en peine de tous, men*
t'ayant point de vos nouvelles depuis la^
91 jn : je TOUS ai marqué^ il estTraî,quc jenei
TOUS écmais pas; mais, comme vous n^étiez pns
dlnis le mène embarras que moi, je mo flatuii»
que mon silence ne prodnîiatt pas lo v^Sre ; et
; espère an mçins. pnisgno vou^ oe g^'a^» rieni
ixj% COKîlESFOrn)AîfCE,
écrit de contraire à la promesse que voos m'ayei
faite de me venir voir cet automne , que cette pro
messe sera exécutée : ainsi je vous attends ai
mois de novembre , fâché seulement que vous m
preniez pas une meilleure saison.
; Je vous prie de voir, en passant à Lyon, m^
dame Boy de la Tour, ma l)onne amie, et &
chère fille, et de m'apporler amplement de leur!
nouvelles. Apprenez -moi le rétablissement de Id
première, et le bonheur de la seconde dans soo
mariage; rien ne manquera à mou plaisir envoiu
embrassant. Assurez -les de ma tendre et cons-
tante amitié pour elles , et di testeur que vous leui
expliquerez à votre retour pourquoi je ae leur ai
point écrit, moi qui pense continuellement àelles,
çl pourquoi je n écris -plus à personne; hors les
cas de nécessité.
• Vous ne manquerez pas , |ç vous prie , en pa^
sant à Paris, de voir madame la veuve Duchesne,
libraire, et M. Guy, à qui je compte cnvoycrune
lettre ]K>ur vous, où je rassemblerai ce que je peux
avoir à vous dire d'ici à ce temps-là , concernant
votre voyage. En attendant, je vous préviens oc
ne donner votre cdnfic'nice à personne à Londrc»
Mir ce qui me regarde ^luai^ de ivmettre, su ^e
peut, les affaires que vous pourriez avoir dans
celle capitale à votre retour, oix vous pourre»
au-isi m'y rendre des services. Je vous prie *"^^
de ne m'aniener j)ersonne de Londres , qui qn^ ^
puisse être, et quelque préte^e qu'iU puisse»*
AKNés 1766. 193
IRndre pour Tons accompagner : il saiSra que
îOQs preniez, pour la'roate, un domestique qui
sache U langue; je ne vois pas que vous puissiez
^OQS en passer; car dans la route^ ni dans cette
contrée, personne ne sait un seul mot de français.
Je ne tous envoie point cette lettre par M. Lu-
cadiHi; TOUS en saurez la raison quand nous nous
lenms fus : ne me répondez pas non plus par son
canal; mais envoyez votre lettre à M. du Pejrou^
qai aura la bonté de me la Êiire parvenir; je vous
avoue même que je désirerais qne M. Lncadou
ne fot pas prévenu de votre voyage ^ de crainte
qu'ï ne survint des obstacles qui vous empêche^
nôent i/t Vachever. Je ne puis vous en dire ici da-
vantage; maistont ce que je désire pour ce mo*
ment le phs an monde est de vous voir arriver
CD tonne santé. Je vous embrasse.
66g, — ▲ M. nu Peyrou.
Wootton, le 16 aoftt 1766.
Je ne doute point, mon cber hôte, qne les
cboses incroyables que M. Hume écrit partout ne
▼oos soient parvenues, et je ne suis pas en peine
de Tefibi qn elles £aront sur vous. Il promet au
putfic une relation de ce qui s'est passé entre lui
et ■■» , avec le recueil des lettres. Si ce recueil est
^ fidèlement* vous y venrez, dans celle qne je
an ai écrite le 10 juillet^ un ample détail de sa
conduite et de la mienne , sur lequel vous pour*
1^4 CORRESPONDANCE ,
rez juger entre nous; mais comme inlaniibletnent
il ne fera pas cette publication , du moins sans les
falsifications les plus énormes, je me ré^rve i
vous mettre au fait par le retour de M. dlvcr-
nois; car vous copier maintenant cet immense
recueil, c'est ce qui ne m'est pas possible , et ce
serait rouvrir toutes mes plaies : j^ai besoin d'un
peu de trêve pour reprendre mes forces prêtes à
me manquer; du reste, je le laisse déclamer dans
le public, et s'emporter aux injures les plus bru-
tales : je ne sais point quereller en charretier : j'ai
un déieiiseur dont les opérations sont lentes,
mais sûres; je les attends, et je me tais.
Je vous dirai seulement un mot sur une pen-
sion du roi d^ Angleterre dont 3 a été question, et
àont vous m'aviez parlé vôus-méroe : je ne vous
répondis pas sur cet article, non-seulement â
cause du secret que M. liumo exigeait, au nom
du roi, et que je lui ai fidèlement gardé jusqu a
ce quil Tait publié lui-même, mais parce que,
n'ayant jamab bien compté sur cette pension , je
hc voulais vous flatter pour moi de cette espé-
rance que quand je serais assuré de la voir rem-
plir. Vous sentez que rompant avec M. Hume ,
après avoir découvert ses tni bisons, je ne pou-
vais, sans infaonie, accepter des bienfaits qui nui
•/enaient par lui : il est >Tai que ces bienfaits el
ces trahisons semblent s'accorder fort mal en-
semble; tout cela s'accorde pourtant fort bien<
&oki ^lan était de me servir publiquement avec h
iNTVÉE 1766. I9S
phs grasile ostentation, et de me dif&mer en se*
cret srec la plus grande adresse : ce dernier objet
â été pai&itement rempli;. vous aurez la clef de
tout cela. En attendant, comone il publie partout
qu'après aroir accepté la pension , je Ta! malhon^
oêleBent refiisée^ je vous envoie une cope de U
lettre que j'ëcriyis à ce sujet an ministre, par la-
quelle TOUS verrez ce qu*il en est. Je reviens main-
tenant à ce c[ae vous m'en aivez écrit.
Lorsqu'on vous marqua que la pension m'avait
M offerte , cela était vrai; mais lorsqu'on ajouta
que ye Yxvais refusée, cela était par&itement
feux; car, an contraire, sans aucun doute alors
sar la suicéxité deM. Hume, je ne mis, pour ac-
cepter cette penâon, q[u'une condition unicjue,
savoir, l'agrément de milord Maréchal , (jue , vu
ce qnî s'était passé à NenchAtel, je ne pouvais me
ii^Kiiser d obtenir. Or , nons avions eu cet agré-
fiaenl avant mon départ de Londres; il ne restait
de la part de la cour qu'à terminer rafiaire^ ce
que je n^cspérais pourtant pas beaucoup; mais ni
dans ce temps-Ià, ni avant, ni après, je n'en ai
parléàqoi que ce fAt au monde, hors le seid mi*
l«d Xaréchal, qui sûrement m'a gardé le secret :
il frnt donc que ce secret ai t été ébruité de la part
de IL Hame. Or, comment M. Hume a-t-il pu '
dm que j^avais refusé, puisque cela était faux , et
qu*alois mon intention n'était pas même de refii*
ser ? Cette anticipation ne montre-t-elle pas qu'il
sïvait que je serais bientôt forcé à oe râtos^ et
t g6 CORRESPONDANCE f
qu^il entrait même dans son projet de m y force]
pour amener les choses au point où II les a misea
La chaîne de tout cela me parait importante
suiyre pour le trayail dont je suis occupé; et i
vous pouviez parvenir à remonter, par votre am
à la source de ce qu'il vous écrit , vous rendrie
un gi^and service à la chose et à moi-même*
Les choses qui se passent en Angleterre à mo
egai-d sont , je vous assure , hors de toute imag
nation : fy suis dans la plus complète dliTamatio
où il soit possible d'être, sans que j^aie donné
cela la moindre occasion, et sans que pas un
âme puisse dire avoir eu personnellement I
moindre mécontentement de moi. Il parait main
tenant que le projet de M. Hume et de ses as5<
ci es est de me couper toute ressource , toute cou
munication avec le continent, et de me &ire p^
rir ici de douleur et de misère. J'espère qu'ils n
réussiront pas; mais deux choses me font tren
hier : Tune est qu'ils travaillent avec force à àéU
cher de moi M. Davenpon't , et que , s'ils réussissenl
je suis absolument sans asile, et sans savoir qu
devenir; l'autre, encore plus effrayante, est qu
aut absolument que, pour ma correspondant
avec vous, j'aie un commissionnaire iLondrei
à cause de l'affiranchissement jusqu^i cette ca{i
taie, qu'il ne m'est pas possible de faire ici ; je n
sers pour cela d'un libraire que je ne conna
Eoint, mais quon m'a assuré être fort bonne
omnDie ; si par quelque accident cet homme v
'▲imfiB 1766. 1^
liit i ne manqaer , il ne me reste personne à qoi
•dreHcr mes lettres en sûreté, et je ne saurait
pins comment tous écrire : il ûat espérer que
ceU n'armera pas ; maïs mon cher hôte, je suis
K maDieiirNiz I il ne me ùndrait que ce dernier
coup.
Je tldie de fermer de tons cAtés la porte anx
noerelles affligeantes ; fe ne lis plus aucun papier
fotËe; je ne réponds plus â aucune lettre» ce qui
doit relmter à la fin de m'en écrire ; je ne parle
qoe de choses indiffîrentes au seul voisin avec le-
^p je converse, parce qu*il est le seul qui parie
bançais. U ne ma pas été possible, vu la cause^
den'tee ^ aSecté de cette épouvantable révo-
lolion, qm, jencn cloute pas, a gagné toute l'Eu*
npe; mais cette émotion a peu duré; la sérénité
est revenue, et j*e^re qu'elle tiendra : car il me
panDtdiffidIeqn*ii m'amve désormais aucun mal^
Àeur imprévu. Pour vous, mon cher hôte, que
loat cela ne vous ébranle pas : j'ose vous prédire
^ m jour l'Europe portera le jdus grand respect
à cens qui en auront conservé pour moi dans mÀ
7OOU ^A MADAJIB LA COIITESSB DB BoDlTLBia
Wooaon« le 3o août 1766.
DvB chose me £iit grand plaisir, madamoi
dus la kitre que vous m'avez &it l'honneur do
le 22 do mob dernier^ et qui ne m'etf
BrgS GORRESPQKDANCE ,
parvenne qtie depuis peu de jours ; cW de coi
naitre à son ton que vous êtes en bonne santé.
Vous dites, madame ^ n'avoir jamais vu i
lettre semblable à celle que j'ai écrite à M. Hum(
cela peut être, car je n'ai, moi, jamais rien vu i
semblable à ce qui y a donné lieu : cette lettre o
ressemble pas du moins à celles qu^écrit M. Hum<
et j'espère n^en écrire jamais qui leur ressembleni
Vous me demandez quelles sont les injure
dont je me plains. M. Hume m'a forcé de lui dur
que je voyais ses manœuvres secrètes , et je h
&it ; il ma forcé d'entrer là-dessus en explication
je lai fait encore, et dans le plus grand détail. 1
peut vous rendre compte de tout cela, madame
pour moi, je ne me plains de rien.
Vous me reprochez de me livrer à d'odiew
soupçons : à cela je réponds que je ne me livr<
point à des soupçons : peut-être auriez-vous pu
madame , prendre pour vous un peu des leçon
que vous me donnez , n'être pas si &cile a croir
que je croyais si facilement aux trahisons, et vou
dire pour moi une partie des choses que vou
vouliez que je me disse pour M. Hume.
Tout ce que vous tn*alléguez en sa iavea
forme un préjugé très -fort, très -raisonnable
d*un très-grand poids, surtout pour moi, et qu
je ne cherche point à combattre ; mais les préju
gés ne font rien contre les faits. Je m'abstiens^
juger du caractère de M. Hume, que je ne connai
pas; je ne juge que sa conduite avec moi, qo^ j
IKHÉE 1766. I9§
coBDaîs. PeQt-€tre suis- je le seotliomiiie quHi ait
jamak haï; mais aussi quelle haine! Un méwe
casai saiiiait-3 à deux comme celle-là 7
\GQSToiiliez que je me refusasse à révîdence^
c est ce que j'ai £iit autant que j^ai pu; que je dé-
mentisse le témoignage de mes sens , c est tm eau*
seO jjos Êdle à donner qu'à suivre ; que je ne
cnsse liea de ce que je sentais ; que je consul*
tasse les amis que j ai en France : mais si je ne dois
rien croire de ce que je rois et de ce que je seas^
ils le croiront bien moins encore, eux qui ne le
Wmil pas, et qû le sentent encore moins. Quoi I
v^adune^ quand un homme vient entre quatre
jeux m'euioucer , à conps redoublés , un poignard
dans le sein, il &ul, avant d'oser lui dire qu'il me
^PP^9 que /aille demander à d autres s'il ma
frappé'
L^xtztee emportement que tous trouves dons
nu lettre me Cût pr&umer, madame, que vous
Dèies pas de sang-froid vous-même, ou que la
copie que vous avez vue est frJsifiée. Dans la ciy-
roBjUnoe funeste où j ai écrit cette lettre , et où
H. Home m'a forcé de Fécrire , sachant bien qe
^11 en voulait faire, j'ose dîrequ^il fallait avtotr
tti% âme Ibrte pour se modérer à ce point. Il n'y
a q«e les infortunés qui sentent combien , daiis
leiob d'une affliction de cette espèce, il est dil-
ucOe d'allier la douceur avec la douleur.
M. Hume s'j est pris autrement , je TavoQ* ;
Uttfis qu'en réponse à cette même lettre il mé-
aOÔ C0Alt£SP05DAKCE i
criyait en termes décens et même honnêtes , il
écrivait à M. dHoIbach et a tout le monde en ter*
mes un peu diflërens. II a rempli Paris , la France .
les gazettes, l'Europe entière, de choses que ma
plume ne sait pas éôîre , et qu'elle ne répétera ja*
mais : était-ce comme cela^ madame, que j aurais
dû faire?
Vous dites que j'aurais dû modérer mon em*
portement contre un homme qui m'a réellement
servi. Dans la longue lettre que fai écrite, le lo
juillet, à M. Hume, j'ai pesé avec la plus grande
équité les services qu^il m'a rendus : il était digne
de moi d'y faire partout pencher la balance en sa
^veur, et c^est ce que j'ai &it : mais quand tous
ces grands services auraient eu autant de rédlité
que d^ostentatiou , s'ils n'ont été que des pièges
qui couvraient les plus noirs desseins, je ne vois
pas qu'ils exigent une grande reconnaissance.
Les liens de Vamîtié sont respectables même
après qu'ils sont rompus : cela est vrai , mais cela
suppose que ces liens ont existé : malheureuseï'
ment ils ont existé de ma part; aussi le parti que
i'ai pris de gémir tout bas et de me taire est*il Tef-
fet du respect que je me dois*
Et les seules apparences de ce sentiment Ue
9ont aussi. Voilà, madame, la plus étonnanide
maxime dont j'aie jamais entendu parler. Corn*
ment! sitôt qu'un homme prend en puUiç le
niasque de l'amitié , pour me nuire plus à son
aise|Sans même daigqer se cachei^ de moi^ silM
1766. aof
qa'ii me baise en m assassinant, je dois n^oser plus
me iéfeadre , ni parer ses coups , ni m'en plaint
ère^ij^ même à lui 1... Je ne pois croire qae c'est
U ce qae tous aves Toulu dire ; cependant j en
relisant ce passage dans yotre lettre, je n'y puis
ironYer aucun autre sens.
Je Tons sois obligé j madame , des soins que
TOUS voulez prendre pour ma défense, «mais je no
les accepte pas *. M. Hume a si bien jeté le masque |
qu'à présent sa conduite parle et dit tout i qui ne
veut pas s'aveugler; mais quand cela ne serait pas^
îe ne veux point qu^on me justifie , parce que je
n'ai pas besoin de justification , et je ne veux pas
^'ou m^excuae , parce que cela est au-dessous de
moi; je souhaiterais seulement que, dansFabima
de malheurs où je sois plongé, les personnes que
j honore m'écrivissent des lettres moinsaccablan-
les, afin que j*eusse au moins la consolation de
conserver pour elles tous les sentimens qu'elles
m ont inspirés*
701.— -A M. dIvbrvois.
« "Wootton, le 3o «oôi lyûG.
Txi lu, monsieur, dans votre lettre du 3i jvtîi*
lei, Farticle de la gazette que vous y avez trans*
crit, et sur lequel vous me demandez des instnic-
lions pour ma défi^nse. Eh ! de quoi , je vous jHrie ,
roo/ez-voos me défendre? de laccusation détre
tm infime? Mon bon ami, vous n^y pensez pas :
aoa coEftBSPoirsAVCE,
lorsqu'on vous parlera de cet article, et des éton'»
nantes lettres qu^écrit M. Hume , répondez sim^
plement : Je connais mon ami Rousseau; de pa-
reilles accusations ne sauraient le regarder : du
reste y ùdUiS comme moi , gardez le silence , et de-
meurez en repos : surtout ne me parlez plus de
ce quW dit dans le public et dans les gazettes; il
j a long-temps que tout cela est mort pour moL
Il j a cependant un point sur lequel je désire
que mes amis soient instruits, parce qu'ils ^our*
raient croire , comme ils ont fait quelquefois , et
toujours à tort^ que des principes outrés me con-
duisent à des choses déraisonnables. M. Hume a
répandu â Paris et ailleurs que j'avais refusé bru-
talement une pension de deux mille francs du roi
d'Angleterre , après lavoir acceptée : je n'ai ja-
mais parlé à personne de cette pension que le roi
voulait qui fût secrète, et je n'en aurais parlé de
ma vie, si M. Hume n'eût commencé. L'histoire
en serait longue à déduire dans une lettre-^ il suf-
fit que vous sachiez comment je m'en défendis ,
quand , ayant découvert les manœuvres secrètes
de M. Hume , je dus ne rien accepter par la média-
tion d'un homme qui me trahissait. Voici, mon-
sieur, une copie de la lettre que j'écrivis à ce
sujet à M. le général Conway, secrétaire detat.
J'étais d'autant plus embarrassé dans cette lettre
que, par un excès de ménagement, je ne voulais
ni nommer M. Hume, ni dire mon vrai motif : je
l'envoie pour que vous jugiez, quant à présent ^
iuÈeseakcitùse^^ si faî refuse malhonnétemeiit.
Qfoai BOUS nous ventms, tous saurez le reste :
^aise 4 Dieu (pe ce soit bientôt I Toutefois, ne
preaes nea sur vos afiàires d*aucune espèce : je
puis attendre, et , dans cjuelque temps que vous
veniei^ je TOQs verrai fou jours avec le même pla^
sir. le ne rapporte en tonte chose à la leltreque
j^ vous ai ^te, il y a une quinzaioe de jours ,
[ar Toie d'ami ; je tous embrasse de tout mon
cceur.
P. 5. U &at que tous ayez nne mince opinion
à? mondiaoeniement, en &ît de style, pour vous
ima^ner «joe Je me trompe sur celui de ML de
\ olt^, el que ie prends pour être de lui ce qui
n en est pas; el il &Qt en revanche que vous ayez
une liaute opinion de sa bonne foi, pour croire
que dès qoîJ renie un ouvrage, c'est une preuve
qu'il jï'cstpw de lui.
j*^ — A MIDASB LA. DUCHESSE TE PoUTLAIH),
Wootum, k 3 sepumbre 17G6.
Quand je n^atrrais eu aucun goût pour la bota-
nique, les plantes que M. Granvillc m'a remises
îi" Toïre part m'en auraient donné; et, pour mé-
riler les trésors que je tiens de vous, je voudrais
'ppcodre à les connaître : mab, madîame la àur
'i^vtj il me manque le |^us essentiel pour cela ,
i i
' .\
'A
904 CORRESPOND ANCS,
et ce n'est pas assez pour moi de vos herbes, il mo
faudrait de plus vos instructions; que ne suis-je à
portée d'en profiter quelcjuefois! Si, commençant
trop tard cette étude ^ je n'avais jamais l'honneur
de savoir, j aurais du moins le plaisir d'apprendre^
et celui d'apprendre auprès de vous : fy trouve-
rais cette précieuse sérénité d'âme; que donne la
contemplation des merveilles qui nous entourent j
et, que jVn devinsse ou non meilleur botaniste^
j'en deviendrais sûrement et plus sage et plus heu*
reux. Voilà, madame la duchesse, un bien que
j'aime à chercher à votre exemple , et qu'on ne re-
cherche jamais en vain : plus lespit s'éclaire et
s'instruit, plus le cœiur demeure pirible; l'étude
de la nature nous détache de nous-mêmes et nous
élève à son auteur. C'est en ce sens qu'on devient
vraiment philosophe; c'est ainsi que l'histoire na-
turelle et la botanique ont un usage pour la sa-
gesse et pour la vertu. Donner le change à nos
passions par le goût des belles connaissances, c'est
euchainer les amours avec des liens de fleurs.
Daignez, madame la duchesse, recevoir avec
bonté mon profond respect.
p^o3. — ▲ M. RovsTAR.
VIToociPD, h 7 feptembfv 1 766.
Voos méritez bien, monsieur, l'exception qqe
îe ùis pour vous de très-bon cœur au parti que
l'ai pris de rompre toute correspondance de leè^
imnSs 1766. aoS
tnSj et àe n'toire plus à personne, hors les cas
de nécessité. Je ne yeux pas yoqs laisser an mo-
ment la frosse opinion que je ne vois en vous
({a'nn homme d^église, et j'ajonterai que je sois
bien éloigné de voir les ecclésiastiques en général
de rœtl que vous supposez; ib sont bien moins
mes ennemis que des instmmens aveugles et os^
lensibles dans les mains de mes ennemis adroits
et cacbés* Le clergé catholique , qui seul arait A se
plaindre de moi, ne m'a jamab Êiit ni voulu au»
cun mal; et le clergé protestant, qui n'avait qu^
s'en louer^ ne m'en a frit et voulu que parce qu'il
est aussi stupide que courtisan , et qu'il n'a pas vu
que ses ennemis et les miens le frisaient agir pour
me nuire contre tons ses vrais intérêts. Je reviens
k yousj monsieur, pour qui mes sentimens n^ont
point changé, parce que je crois les vôtres tou-
jours les mêmes, et que les hommes de votse
éloâê prennent moins lesprit de leur état qu'ils
n y portent le leur. Je n'ai {^as craint que les cla-
meurs de M. Hume fissent impression sur vous,
ni sur M. Âbauzit, ni sût aucun de ceux qui me
connaissent ; et , quant au public , il est mort po
moi; ses jugemens insensés Tout tué dans mon
<xcur : je ne connais pins d autre bien que celui
de la paix de Fâme et des jours achevés en repos^
loin du tumulte et des hommes: et si les méchans
ne veulent pas m 'oublier , peu m'importe ; pouf
moi , je les ai parfritemeot oubliés. M. Hume , en
m'aocahlant publiquement des outrages que vi
«>6 COR&ESPQlfDAMCE,
savez y a promis de publier les Ukts et les pièces
qui les autorisent. Peut^tre voudrait-il aujour>
d^hui a avoir pas pris cet engagement, mais il est
pris enfin : s'û le remplit, vous trouverez dans sa
relation réclaircissement que vous demandez ; sli
ne le remplit pas, vous en pourrez juger par là
même : un tel silence, après le bruit qu^il a fait,
serait décisif. Il fiiut, monsieur , que chacun ait
son tour; c'est à présent celui de M. Hume : le
mien viendra tard \ il viendra toutefois , je m'en fie
à la Providence. J'ai un défenseur dont les opéra-
tions sont lentes, mais sûres; je les attends, et je
me tais. Je suis touché du souvenir de M. Âbauzit
et de ses obligeantes inquiétudes : saluez -le ten-
drement et respectueusement de ma part; mar-
quez-lui qu^il ne se peut pas qu*un homme qui
sait honorer dignement la vertu en soit dépourvu
lui-même : assurez-le que, quoi que puissent faire
et dire, et M. Hume, et les gazetiers, et les pléni-
potentiaires, et toutes les puissances de la terre,
mon âme restera toujours la même : elle a passé
par toutes les épreuves , et les a soutenues ; il n est
pas aa pouvoir des hommes de la changer. Je vous
remercie de roffi*e que vous me faites de m'ins-
tiuire de ce qui se passe; mais je ne J'accepte pas :
je ne prévois que trop ce qui arrivera, comme j'ai
^cvu tout ce qui arrive. La bourgeoisie n'a dé-
menti en rien la haute opiniou que j'avais d^elle;
sa condintc, toujours sage, modérée et ferme,
«hnsdauâsi cruelles ciroondtanœs^ offie un ej;em-
fk pnit-élre nnspie , et bien digse à'ètre eëlébni.
kmm ib o'ont mieux mérité de jooir de la liberté
ijn an noment q^lls la perdent ; et j*ose dire qu'Us
cfiKcnl la ^aise de ceux qui la leur ont acquise.
Vous deTTÎez bien , monsieur, former la noble en*
treprise de oélébn^ ces hommes magnanimes^ en
tûsuit TotaMn funèbre de leur liberté : Yotre
«or sral, même sans yos talens, suâiraît pour
TOUS birt eiécnter supérieurement ceite entre»
prix; et jamais bocrate et Démostbène n^ont
traité de ]^bs grand sujet. Faites-le, monsieur,
avec majesté et sboplicité ; ne vous y permettes
ni satire n\ mTectÎTe, pas un mot choquant contre
les deAractcus de la république ; les faits , sans j
^ooter de réfieiion,quandilsserontià leur charge.
Défaunie2 ifos r^aris de l'iniquité triomphante,
et ne voyez que la vertu dans les &rs. Imitez cette
aocienae pi^trcsse d'Athènes qui ne voulut ja*
naigpnmoûcer d'imprécations contre Âlcibude,
disant quelle était ministie des dieux, non pour
ez/rramunier et maudire, mais pour louer et
bénir.
704» «— A niLOU) MiXÉCH^L.
7 septembre 1^66.
Je ne pois wcms exprimer, milord, à quel point,
^9111 les cîrcoiisla»ees où je me trouve, je suis
ibrmé de votre silence. La dernière lettre que j^ai
neroe de 'Vitas était du.... Scrait*il possible que leA
totibles damears de H. Hume eussent fait imr*
ao8 GO&RBSPONDAIfCB,
pression sur vous , et m eussent, au milieu de Jan^
de malheurs, 6té la seule consolation qui me res*
tait sur la terre? Non, milord : cela ne peut pas
être; votre Ame ferme ne peut être entraînée par
l'exemple de la foule; votre esprit judicieux ne
peut être abusé à ce point. Vous n'avez point
connu cet homme, personne ne Ta connu, ou
plut6t il n est plus le même. Il n'a jamais ha! que
moi seul ; mais aussi quelle haine 1 un même cœur
pourrait-il su£Sre à deux comme celle-là ? 11 a mar-
ché jusqu'ici dans les ténèlx^s, il s'est caché; mais
maintenant il se montre à découvert. Il a rempli
lAngleterre, la France, les gazettes, TEurope
entière , de cris auxquels je ne sais que répondre y
et d injures dont je me croirais digne si je daignais
les repousser. Tout cela ne décèle-t-il pas avec
évidence le but qu il a caché jusqu'à présent avec
tant de soin? Mais laissons M. Hume, je veux
l'oublier malgré les maux qu'il m'a &it3 : seule*
ment qu'il ne m'ôte pas mon père; cette perte est
la seule que je ne pourrais supporter. Avez -vous
reçu mes deux dernières lettres, l'une du 20 juil*
let, et l'autre du 9 août? Ont-elles eu le bonhenr
d'échapper aux filets qui sont tendus tout autour
de moi, et au travers desquels peu de chose passe?
Il parait que l'intention de mon persécuteur et de
ses amis est de m'ôter toute communication avec
le continent, et de me fiiire périr ici de douleur et
de misère; leurs mesures sont trop bien prises
pour ^ue je puisse aisément leur échapper. Je suis
AtfKÈB 1766. 20g|
fripré â tout, et je puis tout sappoiter, hors
fotie silence. Je m^adresse à M. Rougemonty je
ne connais ^pe lui seul à Londres A qui j*o5e me
coniicr : s'il me refuse ses services, je suis saus
itssomceet sans moyen pour écrire à mes amis,
Ak! milord! qu^ me Tienne une lettre de youSj
et je ne console de tout le reste!
705. — A H. Richard Datsitport*
'WooCSoD, le y s^Memfan 1766.
Anis le départ, monsieur, de ma précédente
Wltre, f en reçus enfin une de M. Becket : il me
■unpie qiie Ves estampes sont dans une des autres
caisses; ûnsî ^ uai plus rien à dire : mais vous
m'arouercz que, ne les trouvant pas dans la
caisse ou elles devaient être , et trouvant les por-
tc-faulks vides, il était assez naturel que je les
€rQ3se perdues. U me reste à vous &ire mes excu-
ses de vous avoir donné pour cette afikire bien de
Femban^u mal i propos.
Vous recevez si bien vos hôtes, et votre babi-
tation me parait si agréable, que j'ai grande envie
ie retourner vous y voir Tannée prochaine. Si
tous n^étiez pas pressé pour la plantation de votre
jardin, et <jm vous voulussiez attendre jusqua
fainée prochaine, il me viendrait peut-être quel-
ques idées ; car quant à présent, j'ai l'esprit enc(H%
trop rempU de choses tristes pour qu'aucune idée
apiiaU^ vienne s'y présenter î mais l'asile o& ^
48*
1k Jù CORRESPOrVOAKGE^
«uis et h vie doute qne j'y mène m'en rendronl
bicfntét^ qudtid rien da dehors ne riei^dra les
troubler. Puisse- je-étre oublié du public, commerje
FoubKeî Quoique vous en disiez, je préférerais:,
et je croirais faire une chose cent fois plus utile de
découvrir une seule nouvelle plante, que de prê^^
cher pendant cinquante ans tout le genre ho*
main.
Nous avons depuis . quelques jourr un bieo
mauvais temps, dont je serais moins affligé, si j'es-
pérais qu'il ne s^étendit pas jusqu'à Davenport.
j en salue de tout mon cœur les habitans, et sur*
tout le bon et aimable maître.
706. A MILORD MAHéCHAI..
WoottoDt le U7 sepumbrs lyCG.
Jb n^ai pas besoin , milord^ de voi^s dire com*
bien vos deux dernières lettres m^ont fait de plai-
sir et m'étaient nécessaires. Ce plaisir a pourtant
été tempéré par plus d'un article, par un, surtout,
auquel je réserve une lettre exprès, et aussi par
ceux qui regardent M. Hume , dont je ne saurais
lire le nom ni rien qui s'y rapporte, sans un. ser-
rement de oo^m et un mouvemeut convulsif , qi^i
fitit pis que de me tuer, puisqu'il me laisse vivre.
Je ioe cherche point, milord, à détruire Topiniqu
que vous avez de cet homme, ainsi qua toute
l'Europe; mais je vous conjure, par votre cttor
jateracl , àe ne me reparler jamais de lai sans la
plixs grande nécessité.
Je ne puis me ^spenser de répondre à ce que
TOUS vten diles dans votre lettre du 5 de ce moi|«
Je VOIS oî^c doêdeMir, me manjnez-yoQS, (pie troi
ennemis mettroat sur le compte de M. Hume
tout ce qu'il leur plaira dofouîer au dèméli
Centre vous et lui. Maïs que pourraient-ils faire
de phis que ce qu'il a iait lui-mdme 7 Dironf-ils de
mot jHs quil n en a dit dans les lettres qu il a éav
les à Paris, par toute l'Europe , et quil a fiiit met>
tre dans toutes les gazettes? Mes autres ennemis
me font du pis qu'ils peuvent et ne s en cachent
guère-, lui ïaîl pis qu'eux et se cache , et c^est lui
qui ne manquera pas de mettre sur leur compte le
âaJ que jusqu'à ma mort il ne cessera de me &ire
eu secret.
Vous me dites encore, milord, que je trouve
■lanv.iis que M. Hume ait soQicité la pension du
roi d'Angleterre à mon insu. Comment avez-voué
pa vous laisser surprendre au point d'affirmer
ainsi oe qui n'est pas? Si cela était vrai , je serais
un ettravagant, tout au moins; mais rien n'eèl
plus fiiux. Ce qui m^a fâché, c'était qu'avec sa
profdnde adresse il se soit servi de cette pension (
sur laquelle il revenait à mon insu , quoique refa*
sée, pour me forcer de lui motiver mon refus, et
de lui Êire la déclaration qull voulait absolu-
aient avoir et que ]ë voulais éviter, sachant bien
ftisage qull voulait ^ faire. Voilà ^ milocd^
ma» co&itsspoin)Aifcs,
Pexacte vérité, dont fai les preuves ef ({ue vooi
pouvez affirmer.
Grâces aux ciel ! j'ai fini ^uant à présent sur ce
qui regarde M. Hume. Le sujet dont j ai mainte^
uant à vous parler est tel que je ne puis me résou*
dre À le mêler avec celui-là dans la même lettre;
ie le réserve pour la preoiière que je vous écrirais
Ménagez pour moi vos précieux jours, je vous en
conjure* Ah I vous ne savez pas, dans Tabime de
malheurs où je suis plongé, quel serait pour moi
celui de vous survivre I
707. ▲ MADAIIB ***.
Wootton « le 27 septembre 1 76611
Lb cas que vous m'exposez , madame , est dans
le fond très-commun , mais mêlé de choses si ex-
traordinaires , que votre lettre a lair d'un roman.
Votre jeune homme n'est pas de son siècle; c'est
un prodige ou un monstre. 11 y a des monstres dan$
ce siècle , je le sais trop, mais plus vi& que couva*
geux, et plus fourbes que féroces. Quant aux ^po-
diges, on en voh si peu que ce nest pas la peine
dy crobre, et si Cassius en est un de force dftme,
il n'en est assurément pas un de bon sens et de
raison.
U se vante de sacrifices qui, quoiqu'ils fassent
horreur, seraient grands a^ls étaient pénibles, et
ieraient héroïques s'ils étaient nécessaires*, mais
lA^fiiute de Tune et de l'autre de ces conditûN^^
▲Hvis 1766. ai3
je m wA qoHuie extravagance qui me &it très-
■al augurer âe celui qui les a £iits. ConveDe^,
mufaae ^qii'im amant qui oublie sa belle dans un
TeyaQCjqiii en redevient amoureux quand il la re-
voit, qu l^époose, puis qui s éloigne, et roublie
eBCoVy qui promet sèchement de revenir à ses
oouchcselneu £iit rien, qui revient enfin pour
inj £n ifall Fabandonne , qui part , et ne lui écrit
(jpe pour confirmer cette belle résolution ; conye-
oa,dis-ie,qo€ si cet homme eut de lamour, il
D en eut guère, et que la victoire dont il se vante
av«c tant de pompe lui coûte probablement beau-
coup mouift qu'il ne vous dit.
^iaift, supposant cet amour assez violent pour
se birt honncor du sacrifice, où en est la néces-
sité? c'esl ce qui me passe. Qu'il s occupe du su-
Utiae emploi de délivrer sa patrie, cela est fort
beaa,et je veux croire que cela est utile; mais né
se penneOie aucun sentiment étranger â ce de-
f oir, poQiqaoi cela ? To«is les sentimens vertueux
ne s étaient-ils pas l3s uns les autres, et peut-on
e& détmîre un sans les aiËôblir tous? Jai cru
io»94emps, dit-il, combiner mes affections avec
^es devoirs. U n^y a point là de combinaisons k
^, quand ces affections elles-mêmes sont des
de?e«s. L'illusion cesse , et je vois qu'un vrai ci-
tojendoit les abolir. Quelle est donc cette illu-
sion, et où a- t-il pris cette affireuse maxime? S^il
est de tristes ûtuations dans la vie, s'il est de
ouels devoirs qui nous forcent quelquefois à leux
d r4 CORRESPONDAIf CE ,
en sacrifier d^antres, a déchirer notre cœur poi
obéir à la nécessité pressante, ou k llnflexil)
vertu, en est -il, en peut- il jamais être qui noi
forcent d'étoufier des sentimens aussi légitin»
que ceux de l'amour filial, conjugal, paterne
et tout homme qui se Êiit une expresse loi c
n'être plus ni fils, ni mari, ni père, ose-t-il usa
per le nom de citoyen , ose-t-il usurper le ti(M
d'homme?
On dirait, madame , en lisant votre lettre , qv
s agit d'une conspiration. Les conspirations peu
vent être des actes héroïques de patriotisme, et
y en a eu de telles; mais presque toujours elles n
sont que des crimes punissables, dont les auteui
songent bien moins à servir la patrie qu a Fasseï
vir, et à la délivrer de ses tyrans qu'à Tétre. Poa
moi, je vous déclare que je ne voudrais pour riei
an monde avoir trempé dans la conspiration 1
plus légitime, parce qu'enfin- ces sortes d'entn
prises ne peuvent s'exécuter sans troubles, san
désordres, sans violences, quelquefi:)is sans effir
sion de sang, et qu'à mon avis le sang d'un set
homme est d*un plus grand prix que la liberté i
tout le genre humain. Ceux qui aiment sincère
ment la liberté n'ont pas besoin , pour la txoute:
de tant de machines, et, sans camsér ni réynh
tions ni troubles, quiciwique veut être Bfcre Te
en effet.
Posons toutefois cette grandecutreprîse comf1
on devoir sacré qui dmt régner sûr tous ka autre
dgè-Spocff cda les anéantir, et ces difl^ns de-
Toinsimt-ilsdoiic à tel point incorapatiblesqu'on
ne |iB9K servir la patrie sans renoncer à llmma-
uité? Vobv Cassius est-il donc le prenûer qui ait
ïiitmé le pojei de délivrer la sienne, et ceux gui
1 ont nànté Toni' ils £iit au prix des sacrifices
dont û se vante? Les Pélopidas, Les Brutus, les
n^isCassios^et tant dautres, ont-ils eu besoin
àdbfuv tous les droits du sang et de la nature
pour acconplÎT leurs nobles desseins? y eut-il ja-
mais de iDÔÔears fils, de meilleurs maris,de meil-
kiDS pères q[oe ces grands hommes? La plupart,
an contraire^ concertèrent leurs entreprises au
seiandekan&niiDes; et Bmtus osa révéler, sans
o(^xssité,sonsecretàsafeftnme,uniquement parce
fjtiii h troara digne d'en être dépositaire. Sans
aUcT ai loin dberclier des exemples, je puis, ma-
dame, vous en citer un plus moderne d W héros à
(7aii'^aejBa]iqae,paur être àcôté de ceuxde Tan^
tifBfté, que d'être aussi connu queux; c^est le
comte Louis de fiesqne, lorsqu'il voulut briser les
fers deGènes, sa patrie^ et la délivrer du joug des
Doria. Ce jemne homme si aimable, si vertueux^
û fsu&l , finnna ce grand dessein presque dés son
<tt&]iûe, et s'éleva, pour ainsi dire, lui-m/Sme
poorrexécuter Quoique très-prudent, il le confia
i son fiève, à sa fiimille, à sa femme aussi jeune
^ loi-, et après des pcéparatife très-grands , très-
kms, nés-difficiles, le secret fiu si bien gardé,
t cnir^rise fot.si bien ^mncertée el eut un si plein
a l6 CORRESPONDANCE y
succès,que le jeune Fiesque était maître de GéM!
au moment c[uHI périt par un accident
Je ne dis pas qu'il soit sage de révéler ces sottefl
de secrets , même à ses proches , sans la plus grande
nécessité : mais autre chose est , garder son secret^
et autre chose, rompre avec ceux à qm on le ca-
che : Raccorde même qu'en méditant un grand
dessein l'on est obligé de iy livrer quelquefois aU
point d'oublier, pour un temps, des devoirs moins
pressans peut-être, mais non moins sacrés sitôt
qu'on peut les remplir; mais que, de propos déli-
béré, de gaieté de cœur, le sachant , le voulant, od
ait, avec la barbarie de renoncer pour jamais i
tout ce qui nous doit être cher , celle de l'accaUer
de cette déclaration cruelle, c^est, madame, ce
qu'aucune situation imaginable ne peut ni auto-
riser ni suggérer même à un homme dans son bon
sens qui n est pas un monstre. Ainsi je condos^
quoique à regret, que votre Cassîus est fou , UWt
au moins; et je vous avoue qu'il m'a tout-à-to
Tair d'un ambitieux embarrassé de sa femme, qui
veut couvrir du masque de l'héroïsme son incon*-
tance et ses projets d'agrandissement : or ceux qui
savent employer k son âge de pareilles ruses sou(
des gens qu'on ne ramène jamaii, et qui rarement
en valent la peine.
Il se peut , madame , que je me trompe •, c'est 1
vous d'en juger. Je voudrais avoir des choses ploJ
agréables i vous dire; msris vous me demande!
moQ sentiment j il âtut vous le dire, ou me taire
AyyÉE 1766- ai 7
OQ TOUS tromper. Des trois partis, j'ai choisi le
fias hoDiiète et celui qui pouvait le mieux vous
nannieCi madame^ ma défèrence et mon respect.
y 08. — A M. DU Peyrou.
A Wootton, Ip 4 octobre 1766.
ïdi reçu, mon cher hôte^ votre lettre n^ Ss ; je
n'ai pas besoin de tous dire quel effet elle a £iit
sor moi; j'ai besoin plutôt de tous dire qu elle ne
m'a pas ackcré. Celle n^ 3o ne me préparait pas
à cdle-là; ce qne tous aTiez écrit â Panckoucke
mj prèpanil encore moins; et j'aurais juré, sur-
tout après la pomesse que tous mWiez &ite,
me vous étiez à l'épreuve du voyage de Genève.
J avais tort; je devrais savoir mieux que personne
qui] ne but jorer de rien. Le soin que vous pre-
nez de me ramasser les jugemens du public sur
ffioa compte m'apprendassezquels sont les vôtres^
et je vois qui si vous exigez que je me justifie ,
c'est surtout auprès de vous; car, quant au pu-
Uic , vous savez que vos soins là-dessus sont inu-
tiles, qoe mou psuti est pris sur ce point, et que
ie mon vivant je n'ai plus rien à lui dire.
Mais 9 avant de parler de ma justification , par-
lons de la vôtre; car , enfin, je n ai aucun tort avec
Toos^ que )e sache , et vous en avez avec moi de
peu pardonnables; puisqu avant de se résoudre
d'aocâbler un ami dans mon état^ il faut s^assurer
w. 4. 19
2l8 CORRESPONDANCE,
d'avoir dix fois raison, après (juoi Ton a tort en-
core. J'entre eîi ftiàtiëre.
Je'vduis disais dans ma précédente lettre qae,
lorsqu'on vous marqua que la pension m'avait été
offerte , cela était vrai ; mais que , lorsqu'on ajouta
que je l'avais refusée, cela était &uz; qu'il était
taux même que j'eusse alors l'intention de la refu-
ser; que. comme c'était alors un secret, je n'en
a,vais parlé à qui que ce fût ; qull £illait donc que
ce bruit anticipé fui venu de M. Hume, qui lui-
même avait exigé le secret, etc. , etc.
Là -dessus, voici votre réponse; de peur de la
mal extraire, je la transcrirai mot à mot.
« Votre lettre au général Conway est du i a
(c mai , et l'affaire de votre démêlé n'a éclaté dans
« ce pays et à Genève que sur la fin de juillet ; à
« Paris, dans le courant du même mois, ou dans
ce celui de juin. Il est donc possible que M. Hume
« n ait parié , dans sa lettre à d' Alemncrt ^ de votre
a pension, que sur h refus de Tacceptel* fait à
ft M. Conway. Je dis possible, parce que, n'ajant
ce pas la date de là lettre à d^Alembert , je ne peux
ce pas l'assurer; mais Tépôque en est du mois de
« juin au plus tôt. Ainsi la conséquence que vous
ce tirez contre Hume de cette circonstance n'est
c( pas nécessaire , et le secret ébruité de la pension
c( n^a eu lieu qu après Votre refias. Je vous &ls
ce cette réflexion pour vous engager à bien combi^
« ner les dates, k bien vous eu assurer avant d'é-
«c. tablir sur eUes aucunes inductions. 11 me sera
AiorÉs 1766. ^19
cdificile d'avoir la date de cette lettre à d'AIem*
« bert, poisqa elle ne se commnniijue plus^ mais
« je ticbeni d en savoir ce que je pourrai. Ce que
« \ttL saTaos Tenait d'une lettre de M. Fischer au
« capîtaiitt Steiner de Couvet; la lettre était de
• tcaidK date y et je voos écrivis sur-le-champ son
K cootena, et cda le 3i juillet. »
H parait par tout ce récit que je vous en ai im-
posédans k mien , en antidatant le hruit répandu
de mon refiis, pour en accuser M. Hume. Je crois
que tous nWez pas tiré positivement cette con*
séqMice-, maïs comme elle suit nëcessairemenH
de votre exposé, surtout de la fin, U a bien &llu ,
malpè vous, qu'elle se présentât au moins dans
râoigncment, pûsqull était totalement ipipos-
siUe^ de la manière que vous présentez la chose ,
que je fiisse dans l'erreur sur ce point ; et, quand
IJ aurais été , cette erreur sur pareil sujet eût été
une étourderie împardonnaMe à mon âge, et ne
pooniC que rendre mou caractère très -suspect.
Or, sans vous parler des devoirs de lamitié, ceux
de féquitè, de lliumanité , du respect qu'on doit
aux malheureux, voulait que vous commenças-
àtz par Uen tous assurer des &its qui entraî-
naient cette conséquence, et que vous ne vous
fiassiez pas l^èrement à votre miémoire pour
m uspater une pareille méchanceté. Avant d^aJl^r
pfasloin, je vous supplie de rentrer ici en vous-
même, et de vous demander si j*ai tort ou rwQO*
Suivez maintenant ce que j ai à vous dire*
U u4 CORRESPONDANCE ,
réchal, où il vous dit que je blflme M. Hume d'à-
Toir demandé et obtenu la pension sans mon
aveu. Javoue rondement que si cela est je sub un
extravagant tout au moins. Je n'ai rien à dire de
plus sur cet article; et, dès que milord Maréchal
m^accuse, je ne sais plus me justifier , ou du moins
je ne le sais que par-devant lui. Revenons à vons.
J'ai fait sur vos trois dernières lettres des ré*
flexions qu'il faut que je vous communique. Sup-
posons que je fusse mort avant de les avoir re-
çues, et par conséquent avant d'avoir pu m expli-
quer avec vous, ni avec M. de Luze, ni avec mi-
lord Maréchal.
Parce qu'une lettre de M. d'Âlembert parlait
d^un bruit répandu k Paris du refus de la pension
du roi d'Angleterre, vous auriez continué de con-
clure que ce bmit n avait pu courir à Londres au-
paravant, et, ayant parfaitement oublié ce que
vous avait écrit M. de Cerjeat, vous seriez resté
persuadé que j avais antidaté ce même bruit ^ tout
exprès pour en accuser M. Hume.
Milord Maréchal j qui prend pour un grief, ce
dont je me plains, un fait que je lui rapporte en
preuve d'un autre feit, aurait toujours vu que je
mais M. Hume quand j'aurais dû le remercier ;
et il eût conclu de là que non-seulement je m*a-
sais sur le compte du bon David, mais qtxe
f avais cherché les chicanes les plus ridicules pour
avoir le plaisir de rompre avec lui.
M. de Lttze, fondé sur cet admirable ar^a-
ÀsnftE 176& aaS
ment qnU tous a donné ponr bon , et que tous
2TCS pris pour tel , qae lorsqu en fonte deux p95-
sagen amclicpt dans la même chambre il est im^
posfliUe «pi^ y en couche nn troisième; M. de
Loxe, dis-je , eût tenu bon dans cette persuasion ^
que, poîsqa'tl avait ton jonrs couché dans la même
diarnlve que M. Hume , je n'y ayais jamais tou-
ché. B edt (lonc cra d'abord, comme il a &it, que
la lettre 4 M. Hume, où je disais y avoir couché,
était âisfiée. Mais , quand enfin l'on eût* vérifié
que la lettre était authentique sur cet article, il
eûl nécessairement conclu quWec une impu*
dence incroyable j'avais inventé cette fiiusaeté
pour appnjcr une calomnie.
Je pourrais aîoater ici Tarticle de M. Vernes ,
sur lequel vous iies revenu deux fois de suite;
mais je le réserve pour un autre lieu. Les tHois
préoédens me suffisent , quant à présent^
De ces trois jugemens communiqués entre vous
et biea combinés, il eût résulté qu'avec tous mes
beaux raisonuemens, et avec toute la feinte pro-
bité dont je metab paré durant ma vie, je n'étais
aa fend qu'un insensé^ un menteur, un calomnia-
teur, un scélérat; et, comme Fautorité de mes
plus vrais amis n était pas suspecte, si ma mé«
noire eât passé à la postérité, elle n'y eût passé
qae comme celle d'un malfaiteur, dont on se sou-»
vient uniquement pour le détester.
Et tout eda, parce que M. de Luze n*a point
4e mémoire et raisonne mal; parce que M. du
9a6 CORRESPONDANCE j
Pejrrou n*a point de mémoire et raisonne mal; et
parce que milord Maréchal, prévenu que je blâme
à tort le bon. David 9 voit partout ce blâme , et
nvême où je n^en ai point mis.
Cela ma bien appris, mon cher hôte, ce que
vaut lopinion des hommes quels qu ils soient, et
à quoi tient ce qu on appelle dans le monde hon-
neur et réputation, puisque l'événement le plus
cruel , le plus terrible de ma vie entière, celui dont
j'ai porté le coup accablant avec le plus de cons-
tance , où je n'ai pas Êtit une démarche qui ne soit
un acte de vertu, .çst précisément celui qui, si j|e
ny avais pas survécu ^ m'attirait une ignominie
étemelle , non pas seulement de la part du stupide
public, mais de la part des hommes du meilleur
sens , et de mes plus solides amis.
En devenant insensible aux jugemens du pu*
blic, je n'ai &it que la moitié de ma tâche; j'ai
gardé toute ma sensibilité à Testime de ceux qui
ont toute la mienne, et]par là je me suis assujetti
à tous les jugemens inconsidérés quils peuvent
&ire, à toutes les erreurs où ils peuvent tom-
ber, puisqu enfin Ils sont hommes. Prévoyant
de loin tous les moyens détournés qu'on allait
mettre en usage pour vous détacher de moi, tous
les préjugés dont on allait tâcher de vous éblomr,
quelles sages mesures n'ai- je pas prises pour vous
en garantir? Comptant, comme j'avais droit de le
faire, sur votre confiance en ma probité, j'avais
commencé par vous conjurer de ne rien croire de
1766. as7
mo! <{ae ce que je tous en écrirais mo.'-méine :
vous me l'aviez {nrouMS très-positmment ; et la
première chose que vous avez &ite a été de man«
qaer à cette promesse. Vous ne vous êtes pas con-
tealé de tous livrer à tons les bruits du coin des
rues, sur ce <pie je vous avais écrit; sitdt cpe quel-
qu'un s'est trouvé en contradiction avec moi, c'est
kii que vous avez cru , et c'est moi que vous ave»
refiisè de croire. Exemple : dans ce que je vous
avais marqué des mauvais offices que le bon David
me rendait auprès de M. Davenport, un M. de
Brobl écrit le contraire, et aussitôt vous me de-
mandez si )e suis bien sâr de ce que je vous ai
écrit. Vous me permettrez de ne pas trouver, en
cette occasion , la question fort obligeante^ Je n ai
pas, il est vrai^ l'honneur d*étre envoj^é d'un
prince-, mais, en revanche, je suis votre ami, et
conna de vous ou devant letre.
Le résïdtat de toutes ces réàexions , que je vous
communique^ est de me détacher pour jamais de
Topinion des hommes, queb qu'ils soient, et même
de ceux qui me sont les plus chers. Vous avez et
vous aurez toujours toute mon estime; mais je
me passerai de la vôtre , puisque vous la retirez si
légèrement, et je me consolerai de la perdre, en
méritant de la conserver toujours. Je suis las de
passer ma* vie en continuelles apologies, de me
josti£er sans cesse auprès de mes amis, et d'es-
snyerlears lépriniandes lorsque j'ai mérité tous
leurs applaudissemens. Ne vous gênez pas plus dé
aSiS CORRESPOirDAKCC j
sonnais que tous n^avez &k jusqulci sur ce cha«
pitre; continuez, si cela vous amuse, à me rap-
porter les foliesetlesmensongesquevous entendez
débiter sur mon compte. Rien de tout cela ne n^
fftchera plus , je vous le jure ; mais je n y répondrai
de ma vie un seul mot.
Ceci, du reste, regarde uniquement Fayenir;
car je tous ai promis d^examiner avec vous. votre
n^ 32 j et je yeux tenir ma parole; mais il &ut
finir pour aujourd'hui. Dans Tétat où je suis, la
tâche que vous mlmposez ne peut se remplir sans
reprendre haleine. Je finis donc en vous réitérant
mes plus tendres vœux pour votre rétablissement,
en vous embrassant^ mon cher hôte, de tout mon
cœur.
jriO. AU MÊM£«
WoottoD, ie iS noTcmbre 176G.
Je vois avec douleur,cher ami, pai'votre n^35,
que je vous ai écrit des choses déraisonnablesdon t
vous vous tenez offensé. Il faut que vous ayez
raison d en juger ainsi, puisque vous êtes de sang-
froid en lisant mes lettres, et que je ne le suis
guère en les écrivant; ainsi vous êtes plus en état
que moi de voir les choses telles qu elles sont.
'Mais cette considération doit être aussi de votre
part une plus granderaisondlndulgence:cequ^oji
écrit dans le trouble ne doit pas être envisagé
comme ce qu'on écrit de sang-froid. Un dépit ou-
tré a pu me laisser échapper des expressions dé-
XicRÉx i^i66« 1129
BSùûes par mon cœur, «jm n'eat' jamais pour
Toits<{i]edes sentîmens bonoraUes. Au contraîrei
qaokpeTM expressions le soient toujours, vos
idées souîcnt ne le sont guère; et voilà ce qui,
dans k fart de mes afflictions, a souvent achevé
de m'ahattre. En me supposant tons les torts dont
vom D^arez chargé, il ÊJlait peut-être attendre
on astre moment pour me les dire, ou du moins
' TOUS fésoudre à endoier ce qui en pouvait ré-
soitcr. Je ne prétends pas 9 â Dieu ne plaise,
m excuser id, ni vous charger, mais seulement
TOUS donner des raisons , qui me semblent justes ,
d'ooUlier les torts d'un ami dans mon état Je vous
en demande cardon de tout mou coeur -, j^ai grand
besoin que vous me l'accoriliez, et je vous pro-
teste, arec vérité, goe je nàî jamais cessé un seul
moment ffavon- pour vous tous les sêntimens qufi
j'aurais désiié vons trouver pour moi.
La pmàtiaa a suivi de près Toffense. Vons ne
pouvez douter du tendre intérêt que je prends â
tout ce qui tient à votre santé, et vous refusez de
me parier des suHes de votre voyage de Béfort.
Benrenseimiit yons n Qvez pu être méchant qu'à
demi , et vous me laissez entrevoir un succès dont
|e farAle d'approidre la confirmation. Ecrivez*moi
l^nlessus en détail, mon aimable h&le, donaez-
moi tout à la foû le plaisir de savoir que vee re-
mèdes op^nt, et celui d'apprendre que je suis
paidonné. J'ai le cœur trop plein decebesoîfipour
pouvoir aujounfhni vous parler d*autre chose, et
23a COaRESPOHÛAKCE,
je finis en vous répétant da fond de mfon ime que
mon tendre attachement et mon vrai respect pour
Tons ne peuvent pas plos sorUr de mon cœnr que
lamour de la vertu.
711. — AM.LAUiun.
WoottODi le iS noTcmbK 1766.
A PEncB nous connaissons-nous, monsieur, et
vous me rendez les plus vrais s^rices de ramitié :
ce zèle est donc moins pour moi que pour la
chose, et nfen est d'un plus grand prix. Je toû
que ce néme amour de la justice, qui brûla tou-
|our8 dans mon cœur, brûle aussi dans le vôtre
rien ne lie tant les flmes que cette conformité. L2
nature nous fit amis; nous ne sommes, ni vous n
moi, déposés à l'en dédire. J'ai teçu le paque
que vous m*aves enviée par la voie de M. Du
tens; c^st k mon avis la plus sûre« Le duplicata
m'a pourtant déjà été annoncé , et je ne doute pa
qu'il ne me parvienne* J'admire Pintrépidiié .de
auteurs de cet ouvrage, et surtout slls le laisseï)
répandre i Londres, ce qui me parait difficile
empêcher.. Du reste , ils peuvent &ire et dire toi;
À leur aise : pour moi, je n'ai rien à dire de moi
steur Hume , sinon que je le trouve bien insultai
pour un bonhomme, et bien bruyant pour v
philosophe. Bonjour, monsieur^ je vous aimer
toujours, mais Je ne vous écivai pas, A moiois i
nécessité : cependant je serab bien aise, par pi
caotioB» à'ivcir votre adresse. Je tous embrasse
de toat mon cœur, et vous prie de dire â M. Saut-
tcmheim <{cie |e suis sensible à son souTenir, et
n ai ^int oublié notre ancienne amitié. Je suis
aussi surpris que fâché qu'avec de Tesprlt , des ta-
leasjde la douceur, et une assez jolie figure, il
oe troore rien à &ire à Paris. Cela viendra, maie
lesconmienceniens 7 sont difficiles.
71a. A HAnEMOISELLE DkWSS.
Wootlon, le 9 décembre 1766.
Ml beOe TC»sne , vous me rendez injuste et ja-
loux pour la premifcre fob de ma vie : je n'ai pu
Yoir sans envie les chaînes dont vous honoriez
mon soitan; et je lui ai ravi lavantage de les por-
ter le premier : j'en anr^ dû parer votre brebis
cbérie, mais jenai oêé empiéter sur les droits d ^un
jeane et aimable berger \ c'est déjà trop passer les
aueos de faire le galant à mon âge, mais puisque
vous me Tairez hit oublier, tâchez de Toublier
vous-même , et pensez moins au barbon qui vpus
rend faonunage, qu'au soin que vous avez pris de
loi rajeunir le cœur.
Je ne veux pas, ma belle voisine, vous ennuyeï
1^ long' temps de mes vieilles sornettes : si je
vous contais toutes les bontés et amitiés dont
^otre cher oncle mlionore, je serais encore en-
tiuyetUL par mes longueurs; ainsi je me tais. Mais
?<.venes Tété pochain en être le témoin vous^
a3l CORKESPONDANCE.
même, et ramenez madame la comtesse (x )9 à toor •■
dition que nous serons cette fois-çi les plus forts ,
et qu'au lien de yous laisser enlever comme cette .
année j vous nous aiderez à la retenir.
7l3. -*' A UILORD MjlRÉCHAL.
Il décembre 1766.
ÂBRJËGER la correspondance (^)I— Mibrd, qne
m'annoncez -vous, et quel temps prenez -vous
pour cela ! Serais- je dans votre disgrâce? Ah ! dans .
tous les malheurs qui m'accablent ^ voilà le seol
(i) Madame la comtene Cowper, yeuve du £ea oatntm
Cowper, et fille du comte d« Graoyiile.
(^} La lettre de miloid Maréchal à laquelle celle-ci wtt de ^
réponse se lennmait amsi : <r Je sait yieiuc, isfirme; f ai trop pea
« de mémoire. Je ne aaia ploa ce que j'ai écritl M. da Peyron ^
« mais je sais très-positivement que je désirais Tons servir em
« assoupissant une querella sur des soupçons qui me parû»-
« saient mal fondés , et non pas pour tous 6ter un amL P«nw
a être ai-je &it quelques sottises : pour les ëyiter à laTcnir , ae
« trouves pas mauvais que f'abiége la conespoodanoe, ' ■«— «ii^
« fai déjà fiât avec tout le monde , même avec mes plus p«x>-
tt cbes parens et amis , pour finir mes jours dans la tranquillisé.
M Bonsoir.
« Je dis abréger ; car je désirerai toujours savoir «le temps
« en temps des nouvelles de votre santé, et qa elle soit bo^t^e. »
D'amples édaiîdssemens à ce sujet, et la preuve de faai'^iÂê
que milord Maréchal conserva pour Rousseau jusqu'à ses âer-
DÎers momenSi se trouvent dans la Réponse Jtune anonywn^
(Madame La Tour de FranqueviUe) à un anonyme ^
dans l'édition de Genève , tome VI 4n 5uppUmefU, et des^j»
Uitioii de Peinçot , tome U YUL.
^ je ne samais supporter. Si j'ai des torts, dai*
gnes les pardonner ; en est-il , eo peut-il êtrej que
IMS senâniens pour tous ne doivent pas rache-
terl Vos bontés pour moi font toute la consola-
ûon de ma yie : Toulez-yous m'ôter cette unique
et douce consolation ? Vons ayez cessé d'^rire
à Tos païens! Eh! qu'importe tous tos parens,
loos vos amis ensemble? ont-ils pour tous un at*
tacheiaent comparable an mien? £h! milord, c'est
votre âge y ce sont mes maux qui nous rendent
pins ntHes Fnn à l'autre : à quoi peuvent mieux
s'employer les restes de la vie, qu'à s^entretenir
a?ec ceux qui nous sont chers? Vous m avez pro-
nù& une èlemeOe amitié; je la veux toujours, j'en
siBB totqours digne. Les terres et les mers nous
séparent, les hoiomes peuvent semer bien des er-
revrs entre nous; mais ri^n ne peut séparer mon
cemr du vôtre ^ et celui que von^ aimâtes une fois
a'a point changé. Si réellement vous craignez Ja
peine décrire, cVst mon devoir de vons Fcpar-
pxT autant qull se peut : je ne demande, à cha-
fjœ fois, que deux lignes, toujours les mémos, et
rien de plus : J'ai reçu votre lettre de telle date ;,
je me porte bien, et je vous aime toujours. Voilà
font ; répétez-moi ces dix mots douze fois Tannée |
et |e suis content De mon côté j'aurai le plus
grand soin de ne vons écrire jamais rien qui puisse
¥OQS inaportuner ou vous déplaire : mais cesser dé
Totis écrire avant que la mort nous sépare! non.
30.
^36 COIUiESI»OKDÀNCB , |
prendre , si vous refusez de me parler? Dois- je i
rester dans votre maison malgré vous? en puis-)e
sortir sans votre assistance? Sans amis, sans cod-
naissances j enfoncé dans un pays dont j^gnore
la langue , je suis entièrement à la merci de vos
gens : c^est i votre invitation que fj suis venu, et
vous m^avez aidé à y venir; il convient, ce me
semble, que vous m'aidiez de même à en partir,
si j^ suis de trop. Quand fy resterais, il fiindrait
toujours, malgré toutes vos répugnances, que
vous eussiez la bonté de prendre des arrange-
mens qui rendissent mon séjour chez vous moins
onéreux pour Fun et pour Fautre. Les honnêtes
gens gagnent toujours à s'expliquer et s'entendre
entre eux : si vous entriez avec moi dans les dé-
tails dont vous vous fiez à vos gens, vous seriez
moins trompé et je serais mieux traité , nous j
trouverions tous deux notre avantage; vons avez
trop d'esprit pour ne pas voir qu'il y a des gens I
qui mon séjoiur dans votre maison déplaît beau^
coup, et qui feront de leur mieux pour me le ren
dre désagréable.
' Que si, malgré toutes ces raisons, vous contl
nuez à garder avec moi le silence, cette répond
alors deviendra très-claire, et vous ne trouvère
pas mauvab que, sans m'obstiner dav^mtage in^
tilement, je pourvoie à ma retraite comme je pou
rai, sans vous en parier davantage, emportant v
souvenir très-reconnaissant de Fhospitaiité <jl
vous m'ave2 offerte, mais ne pouvant me
K
^
▲Kfiri£ 1766. ^37
ffloler les craels embarras oh je me suis mis en
Faoceptant.
7I&. — k LORD TICOMTE DE NuiTCHÀII,
ACJ0iai>'BVt COMTK DB BABOOniSl
WoottoD , Ift a4 dicanbit i 966.
h croirais , milord , exécater peu honnêtement
 lësofaition qne j ai prise de me défaire de mes
estampes et de mes livres, si je ne vous priais de
Touloir bien commencer par en retirer les estam-
pes demi TOQS avez en la bonté de me &ire pré-
seQt Jcn tas assorément tout le cas possible, et
la néœssîté de ne rien laisser sous mes yeux cjoi
me lappelle on go&t auquel je veux renoncer pou-
vait seoie en osbCenir le sacrifice. S'il y a dans mon
petit recnefl, soit d'estampes , soit de livres , quel-
re cbose ^i poisse vous convenir, je vous prie
me 6/re l'honneur de l'agréer, et surtout par
préierence ce qui me vient de votre digne ami
)L Watelet , et qui ne doit passer quW main
damL Enfin , milord , si vous êtes à portée d^ai-
iaàn débit du reste, je reconnaîtrai, dans cette
boQté^ les soins officieux dont vous m'avez permis
ie me prévaloir. C est chez M. Davenport que
TOUS pourrez visiter le tout, si vous voulez bien
en prcaidre la peine. U demeure en Piccadilly à
cètéde lotd Egremond. Recevez, milord, je vous
prie , les assurances de ma reconnaissance et ds
aanirspecc
2à.38 CORRESPONDANCE ,
717. À M.
llaiMrîer I7<$7.
Ce que vous me marquez, monsienr^qucM. Dey-
Verdun a un poste chez le général Conway , m^ex-
plique une énigme à laquelle je ne pouvais rien
comprendre, et que vous verrez dans la lettre dont
je joins ici une copie faite sur celle que M. Hume
a envoyée à M. Davenport. Je ne vous la commu-
nique pas pour que vous vérifiiez si ledit M. Dey-
Verdun a écrit cette lettre, chose dont je ne doute
nullement, ni s'il est en effiit Fauteur des écrits en
question, mis dans le Saint-James Chronide, ce
que je sais par&itement être faux; d'ailleurs ledit
M. Deyverdun, bien instruit, et bien préparé A
son r&le de préte-nom, et qui peut-^tre Va com-
mencé lorsque lesdits écrits fiirent portés au
Saint -James Chronide^ est trop sur ses gardes
pour que vous puissiez maintenant rien savoir de
lui; mais il n'est pas impossible que dans la suite
des temps, ne paraissant instruit de rien, et g^ff-
daut soigneusement le secret que je vous confie,
vous parveniez A pénétrer le secret de toutes ces
manœuvres, lorsque ceux qui s'y sont prêtés se-
ront moins sur leurs gardes ; et tout ce que je sou-
haite , dans cette affaire , est que vous découvriez
k vérité par vous-même. Je pense aussi qu'il im-
porte toujours de connaître ceux avec qui Ton
peut avoir à vivre , et de savoir si ce sont dlion^
nétes gens : or, que ledit Deyverdun ait fait ou
AKSÈE 1767. ^
000 les écrits dont il se vante , VQUâ sxvez main-
tenant^oeiDeseiahle) k <{aoi vous eD tenir avec
loi Yovs êtes jeune f yoos nie survivrez y j'espère ,
deliQUicmip d wnées; et ce m'est une consola-
tion tiès-donoe de penser qp'on jonr, quand le
ibnd de celle triste aî&t^ sera dévoilé yvoosseies
â portée d CD vérifier par vous-même beaucoup de
^9 que tous saurez de mon vivant sans qu ils
rousfeippeat, parce qu'il vous est impossible d'en
voir les npports avec mes malheurs. Je vous 4am-
Ivassede tout mon cœur,
718, ÂV UtUE.
a janvier 1767.
QvÂSD je vous pris au mot, monsieur, sur la
liberté <pe tous m'accordiez de ne vous pas lé-
pondKy j'étais l»en éloigné de croire que ce si-
lence pdf foms niquiéter sur ïeBkt de voire pué*
cédeole lettre : je n^ ai rien vu qui ne confirmai
^ seplinifDS d estime et d'attachement que vous
i&avez ins|niés; et ces sentimens sont si vrais,
^ Si jmais fêtais dans le cas de quitter cette
prorinoe, je soultaiierasque ce fiit pour n^ rap:
frocher d^ vous* Je vous avoue pourtant que je
sais tsnehé des soins de IML Davenport , et si conr>
trot de sa SM:iété, que je ne me priverais pas sans
n^ d'une hospitalité si douce; mais fiomme il
ooi&e i peine que je lui rembourse.uoe parUe des
je lui coAte} il y aurait tropd'indi^
^4o coRitBSPom>ÀK(:B ,
crétion à rester toujours chea lui sur le jnéMe
pied, et je ne croirais pouvoir me dédonunagCT
des âgrémens que j'y trouve que par eeuz qui
m'attendraient auprès de vous. Je pense souvent
avec plaisir à la ferme solitaire que nous avons
^e ensemble et à l'avantage d^ être votre voisin ;
mais ceci sont plutôt des souhaits vagues que des
projets d'une prochaine exécution. Ce qu'il y a
de bien réel est le vraî plaisir que j^ai de corres«
pondre en toute occasion à la bienveillance dont
vous m'honorez , et de la cultiver autant quil dé
pendra de moi.
Il y a long -temps, monsieur, que je me suis
donné le conseil de la dame dont vous parlez :
j'aurais dû le prendre plus tôt; mais il vaut mieux
tard que jamais. M. Hume était foxa moi une
^connaissance de trois mois, qu'il ne m'a pas con*
venu d'entretenir : après un premier mouvement
d'indignation dont je n'étais pas le maître . je me
suis retiré paisiblement : il a voulu une rupture
formelle; il a fallu lui complaire : il a voulu en*
suite une explication; j'y ai ôonsenti, Tout cela
s'e^t passé entre lui et hioi : il a jugé è propos d W
faire le vacarme que Vipus savez; il \\ &it tout
seul, je me suis t\x\ je continuerai de mi» taire, et
je n'ai rien dii tout à dire de M. Hume, sinon que
je le trouve un peu insultapr pour un bonhomme,
et un peu bruyant pour un philosophe.
Comment va la botanique? vous en occupes*
vous un peu? voyez- vous des gens qui s^en occu«
AVtdE 1767. a4l
peut? pour moi, fen ra£ble, je m'y acharne, et
je n avance point : j'ai totalement perdn la mé-
moire, et de plus, je n^ai pas de quoi Tezercer;
c» avant de retenir il fkat apprendre, et ne poa-
Tant trooTer par moi-même les noms des plantes,
je naxnulaojen de les saToir : il me semUe que
t4XK les lines qu'on écrit sur la botanique ne sont
boas que pour ceux qui la savent déjà. J'ai acquis
"f^i^StÔmgfiett, et je n'en suis pas plus avancé.
J^ai pris le paiti de renoncer à toute lecture , et de
rendre mes livres et mes estampes , pour acheter
dn plantes grarées : sans avoir le plaisir d'ap-
pn^^faniaioehii d'étudier; et pourinon objet
celaRvîenlàpeQpTès au même.
An reste, ye siûs très- heureux de m'être pro«
cmé une occopation qui demande de Texercice.;
car rien ne me 6it tant de mal que de rester assis^
00 d'écrire on lire; et c^esi une des raisons qui me
font rauiocer i tout commerce de lettres , hors les
cas df nécessité. Je vous écrirai dans peu ; mais
de grâoe, monsieur , une fois pour toutes, ne pre«
oes jamais mon silence pour un signe de refroi*-
<fis5eaent on d'oubli, et soyez persuadé que c est
peur mon coeur une consolation très-douce d'être
^ de ceux qui sont aussi dignes que vous
aku aimés eux-mêmes. Mes respects empressés 4
H Xalihus, je vous en supplie; recevez ceux de
'Mademoiselle Le Vasseur, et mes nlus corcfialef
oiiitaiions.
. <: ùm
a {a CORRESPOND AKGB^
719. liEPOITSBS AUX QUESTIONS FAITES PAR
M, DE Chauyel (*).
A Wootton, le 5 jaDvier ïï-^Oy*
Jamais, ni en 1759, ni en aucnn antre temps ,
M. Marc Chapnis ne m'a proposé, de la part de
M. de Voltaire, d'habiter une petite maison
pelée THermitage. En ijSo, M. de Voltaire,
pressant de revenir dans ma patrie, m'invitais
d^aller boire du lait de ses vaches. Je lui répondis.
Sa lettre et la mienne furent publiques. Je ne me
ressouviens pas d'avoir eu de sa part aucune aulx^
invitation.
Ce que j'écrivis à M. de Voltaire , en 1 760 (* * ^^ ^
n'était point une réponse. Ayant retrouvé par 1»^^
sard le brouillon de cette lettre, je la transcris ici ,
permettant à M« de Chauvel d'en &ire Fusage ^pm'il
lui plaira (i).
J(9 ne me souviens point exactement de ce
j'^rivis il y a vingt-trois ans à M. du Theil :
<*) yoje% dais la coirapondancB Ae Voluire m
Bime , dAlée de Feniey, a4 octobre 1766. Ces Répo
Rousseau ont pour objet de détruire usa partie des
caloronieusei qu'elle coutient. Rousseau sans doute
i^wnthr aux autres, relatifea aux relations ijui araîeiii
entre Vi^taire et lui^ Mais Bl Gingueué (NeCe. U de
>ni^ sur las Confeuion») s'est cbargé de oette nobk
B*a rien laissé à dtUirer sur œ point
{**) Voyez les Confetëionif ûrte X, tofos II.
(1} On trourêra cette kitie dans le lÎTre X été Confitaim
ANNÉB 1767. 2^3
3 est YTsâ que j'ai été rloinesti<{iie de M. de Mod-
uiga, ambassadeur de France à Venise , et qpe
j'ai mangé son p^tin, comme ses gentilskommes
ètiôent ses domesticpies et mangeaient son pain :
avec cette difierence, <jue j'avais partout le pas
SOT les gentîlsfaonimes, que f allais au sénat , que
j^assbtats aux conférences , et que j'allais en yisite
chez les ambassadeurs et ministres étrangers; de
fnassurément les gentilshommes de Tambassa-
deor n'eussent osé &ire. Mais bien qu^eux et moi
fessions ses domestiques, il ne s ensuit point que
noos fussions ses valets.
n est vrai qu'ayant répondu sans in^lence ,
maïs arec fermeté, aux brutalités de Vambassa-
deor, dont le tdn ressemblait assez à celui de
M. de Voltiirej il me menaça d'appeler ses gens,
et de me &ire jeter par les fenêtres. Mais ce tpie
M. de Vohaîre ne dit pas , et dont tout Venise
rii beaucoup dans ce temps -là, cest que, sur
cette moiace, je m'approchai âe la porte de
sou cabinet, où nous étions; puis l'ayant tet-,
mée, et mis la clef dans ma poche , je re^ns k
M. de Montaigu, et lui dis : Non pas, s'il vous
pUdt, monsieur l'ambassadeur. Les tiers sont iV
commodes dans les explications. Trouvez^ bon
fie celle-ci se passe entre nous, A l'instant son
etoeHence devint très -polie; nous nous sépa*
rimes fort honnêtement; et je sortis de sa mai-
son, noft pas honteusement, comme il plaît à
U^ de Voltaire de me biie dire , mais eu triomphe.
^6 t(AR£Sl»Om)'ÀKGE:,
qm m'accoserez d'ingratitude. JTajoutfe î Akilord
Maréchal mon ami du Peyrou. Voilà mes vrais tien*
ÊiteoTS. Je n^en connais point d'autres. Voulez-
vous donc me lier par des bienfiiîts? faites qu'ils
soient de mon choix et non pas du vôtre j et soyez
sûr que vous ne trouverez de la vie un cœur jrfus
vraiment reconnaissant que le mien. Telle est ma
façon de penser, que je n'ai point déguisée ; vous
êtes jeune, vous pouvez la dire à vos amis;, et si
vous ti:ouyez quelqu'un qui la blâme, ne vous fiez
jamais à cet homme-la.
y 20. — A M. DU Petrov.
A WooUoir, lo 8 janvier i ^67.
QuR Dieu comble de ses bénédictions «non
6her h6te, qui , par une réconciliation parfaite , ac-
corde à mon cœur la paix dont il avait besoin I Je
prends à bon augure, dans ces circonstances,
celle que vous m'annoncez pour le reste de mes
jours à la fin de votre n^ 38. Si je puis obtenir
que le public m'oublie, comptez que je ne rèveil-
ferai plus ses souvenirs. La postérité me rendra
justice, j'en suis très-sûr; cela me consûle des ou-
te-ages de mes contemporains.
C'est sans contredit une chose bien douce
qu'une réconciliation , mais elle est précédée de
œomens si tristes , qu'il n'en faut plus acheter à ce
pnx. La première source de notre petite mésm-
«oUigence est venue du défaut de votra mémoÎM
LWKtJR 1767- i/fy
et de la confiance que tous n'arez pa^ ùtissé d'y
avoir. Dans tos deux pénullièmes lettres , par
exemple, parlant de ce que yous avait dit M. de
Loze , vous supposez m'ayoir écrit qu^il disait que
je n arais point couché à Calab dans la mâne
chambre que M. Hume, fait qui est trës-Trai. Si
c'étaîllà, en effet 3^ ce que vous m^aviez écrit au-
paravant, ]* aurais eu grand tort de m'en formai!*
ser, et mes réponses seraient très ridicules. Mais,
mon cher hète, votre n^ 33 ne parait point du
tout de Calais, et décidait nettement que je nV
vais jamais couché dans la même chambre avec
M. Hume; voici vos propres termes :
DeLuze doute que vous ayez en effet écrit que
t«our couchiez dans la même chambre où était
Hume, parce que^ dà-il , c'est lui, de Luze, qui
a toujours 3 pendant la route, occupé la même
chambre avec M, Hume, et que vous étiez seul
dans la vSîre. Ce mot toujours est décisif , ce me
semUe^ non -seulement pour Calais, mais pour
toute la route; et ma réponse , très-blâmable quant
à Temportement, est juste quant au raisonne»
ment.
Dans votre n*^ 36 y vous me marquez que j'ai
rompu publiquement avec M. Hume. Mon cher
hôte, où avez tous pris cela? Mettez-vous donc
sur mon compte le vacarme qu a fait le bon Dth
îîd, pendant que je n ai pas dit un seul mot ,^ ce
n'est à Jui seul , dans le plus grand secret j et seul^
test quand fl m y a forcé ItComme fêtais instroil
348 CORRSSPOKDANCE
de SOD projet , je craignais plus qtte la mort rédat
de cette rupture; je m^en défendis de tout ipon
pouvoir, et je ne la fis enfin que par des lettres
bien cachetées, tandis quil faisait fiiire un grand
détour aux siennes pour me les envoyer ouvertes
par M. Davenport. Ces lettres, s'il neles eût mon-
trées , n'eussent été vues que de lui , et je n 'en au-
rais parlé même à personne au monde,qu à milord
Maréchal et à vous. Appelez-vous cela rpmpre
publiquement?
Dans votre n^ 38, vous m*accusez d'avoir mis
de la méchanceté dans ma lettre du lo juillet Ce
que je viens de dire répond d avance à cette ac-
cusation. La méchanceté consiste dans le dessein
de nuire. Quand ma lettre eût contenu des choses
effroyables, quel mal pouvait-elle faire à M. Hume,
a étant vue que de lui seul? Il pouvait y avoir de
la brutalité dans cette lettre , jamais de la méchan-
ceté , puisqu'il n'en pouvait résulter aucun préju-
dice pour celui à qui elle était écrite, qu autant
qu'il le voulait bien. Mais, de grâce, relisez avec
moins de prévention cette lettre : dans, la positicm
où je Tai écrite, elle est, j'ose le dire, un prodige
de force d'âme et de modération. Forcé de mVz-
pliquer avec un fourbe insigne, qui, sous l'appa-
reil des services, travaille à ma diffamation, je
pousse le ménagement jusqu'à ne lui parler qu en
tierce personne, pour éviter, dans ce que j^ais
à lui dire, la dureté des apostrophes. Cette lettre
est pleine de ses éloges (vous voyez comment il
1767. aiq
me les a rendus ) ; partoat la raison qui àiscntCf
pas un seule trait d'insulte oa dliameor, pas un
mouvement d^indignation , pas on mot dur, si ce
n'est quand la force du raisonnement le rend «
nécessaire , qu'on ne saurait ôter le mot sans ëner*
ver VaTç;anient ; encore , alors même , ce mot nW*
ik jamais direct et affirma tif, mais hypothétique
et condldonneL Si vous blâmez cette lettre, j'en
suis d'autant plus Ùxhé que je veux qu'on juge
par elle de Vàme qui Ta dictée.
Cette sévérité de jugemens, qui ya jusqu'à Hn-
\a^ice, est anssi loin de votre cœur que de votre
rsôson, et ne vient que du dé&ut de votre mé*
moire. Vous recevez des éclaircissemens qui vous
£ont changer didée , et vous oubliez que je ne suis
pas instruit de ce changement; vous voyez que
ma rupture avec M. Hume est publique, et vous
oubliez que je n'ai aucune part à cette publicité;
vous voyez que je lui dis des choses dures qui
sont imprimées, et vous ouUiez également que
c'est lui qui ma forcé de les lui jdire, et que cest
lui qui les a &it imprimer. Ce que vous aviez écrit
TOUS échappe ou se modifie, et il résulte de tout
cela que je vous parais déraisonner toujours,
parce qu'au lieu de répondre à votre idée pré*
sente j que je ne saurais deviner , je réponds à celle
me vous m'avez communiquée , et dont vous ne
vous souvenez plus.
Uy aurait à cela deux remèdes en votre pdu»
Hnr : le premier semt que vous vouiusnez UeO
lasmre tm peu, est qu'en conférant la clate de sa
dernière lettre avec celle de ces nouvelles, je les
crois &usses; mais jb ne puis me défendre d^one
extrême inquiétude; il ne m'écrira peut-être de
très-long-temps; si vous avez de ses nouvelles ré-
centes, je vous conjure de m en donner. Je vous
embrasse.
Recevez les remercimens et respects de made-
moiselle Le Vasseur*
Je compte tirer dans quelques jours sur vos
banquiers une lettre de change de 800 francs.
^dl.-— A M. LE MAILQUIS DE MiRJLBEAU.
Wootton , le 3 X janTÎcr I 7^^.
n est digne de l^mi des hommes de consoler
les affligés. La lettre, monsieur , que voos m'avez
&it rhonneur de m'écrire, la circonstance où ellfi
a été écrite, le noble sentiment qui Ta dictée, la
main respectable dont elle vient, Finfortuné à qi^
elle s'adresse, tout concourt à lui donner Sains
mon cœur le prix qu'elle reçoit du vôtre : en vooj
Usant, en vous aimant par conséquent, j*ai sou
vent désiré d'être connu et aimé de vous. Je m
iti'attendais pas que ce serait vous qui feri^^ l^^
Avances, et cela précisément au moment où. j^^tai
universellement abandonné; mais la généxxksil
ne sait rien faire k demi, et votre lettre en a I>î^
k plénitude. Qu'il serait beau que Tami. d^
bommes donnât retraite A l'ami de Fégalitél ^
ÏMttB T767. fttd
»ffie m'a si ?miiient pénétré, j'en ttonve Toljjel
nboDoraliile à ran et à 1 autre, qae par on aativ
eOei, bîeii contraire, tous me rendrez malhett-
leoifeot-ètre, par le regret de n^en pas profiter;
car, ijnekjDe doux qu'il me tût d'être votre h6te,
je Ton pcn d'espoir à le devenir; mon Age pbis
aTancëque le vôtre, le grand éloignement, mes
SMaxqmme rendent les voyages très-pénibks,
Vanonrdn repos, de la solitude, le désir d'être
coUiépour moorir en paix, me font redouter de
1» rapprocher des grandes villes oh mon voisi-
n^e pounait réveiller une sorte d'attention qui
tûi non tourment. D^ailleurs, pour ne parler qne
dtce <{iû me tiendrait plus près de vous, sans
douter de ma sûreté du c6ié dn parlement de Pa-
ns^ je loi dois ce respect de ne pas aller le braver
dans soo ressort, comme pour lui fitire avouer ta-
citement son injostice; je le dois à votre minis-
têie, i qai trop de marques affligeantes me (ont
^eotkfpm fai eu le malheur de déplaire, et cela
nus que jra poisse imagnier d'autre cause qu'un*
Aalenlendu cTautant plus cmel que , sans lui, ce
qui m'attira mes disgrâces m eût dû mériter des fii-
veurs. Dix mots d'explication prouveraient cela;
Bais cfest un des malheur^ attachés à la puissance
hamaine, et à ceux qui lui sont soumis, que
quand les grands sont une fois dans Fenreur, 3
ot impoisiUe qulb en reviennent. Ainsi, moo^
«eor, pour ne point m'exposer à de nouveaux
orages, îe me tiens au seul parti qoi peut assont
I. 4- sa
9^3. CORRESPOKDAKCE,
je veuiOe avilir votre oŒre par cette objection!
mais cW est une dans vos maximes , et il Êiut être
conséquent.
En censurant cette nonchalance, vous me ré-
péterez que c'est n'être bon à rien , que n'être bon
que pour soi (*) : mais peut-on être vraiment bon
pour soi, sans être, par quelque câté, bon pour
les autres? D ailleurs, considérez qu^il n'appar-
tient pas à tout ami des hommes d'être, comme
vous, leur bienfaiteur en réalité. Considérez que
je n'ai ni état ni fortune, que je vieillis, que je
suis infirme, abandonné, persécuté, détesté, et
quen voulant faire du bien je ferais du mal, sur-
tout à moi-même. J'ai reçu mon congé bien signi-
fié par la nature et par les hommes : je l'ai pris et
j'en veux profiter. Je ne délibère plus si c'est bien
ou mal fait, parce que c'est une résolution prise ,
et rien ne m'en fera départir. Puisse le public
m'oublier comme je l'oublie! S*il ne veut pas
m'oublier, peu mimporte qu'il m'admire ou quil
me déchire; tout cela m'est indifférent; je tâdie
de n^en rien savoir, et quand je lapprends, je ne
m'en soucie guère. Si l'exemple d une vie inno-
cente et simple est utile aux hommes, je puis leur
Élire encore ce bien -là; mais c'est le seul, et je
suis bien déterminé à ne vivre plus que pour moi
et pour mes amis, en très-petit Bomlx*e^ mais
(^) C'est la même penséft qvLO dans r£mi7e, lÎTra V ;
«IIa raç^U ki A la fois une mocÛficaâoii et une exoeption.!
IfmavéSy tlijxd me suffisent : encore aorais-je pu
m'en passer, ^oique ayant un cœur aimant et
ieDdie, pour qui des attacbemens sont de vrais
besoins; mais ces besoins m'ont souvent coûté si
dier,^ j'ai appris à me suffire à moi -même, et
je me sais conservé Fâme assez saine pour le pou*
Toir. Jamais sentiment haineux, envieux, vindi-
c^, 0 approcha de mon cœur. Le souvenir de
mes amis donne i ma rêverie un charme que le
soorenir de mes ennemis ne trouble point. Je
snb toot entier où je suis, et point où sont ceux
qû me persécutent. Leur haine , quand elle n agjt
pas, ne tronhle qu'eux , et je la leur laisse pour
tonte ten|eance. Je ne suis pas parfaitement heu-
reux; parce qu'il ny a rien de parfait ici-bas , sur-
tout k boûbeoT', mais j'en suis aussi près que je
poisse Tétre dans cet exil. Peu de chose de plus
oomhleiajt mes vœux ; moins de maux corporels.,
on cCmafpIus doux , un ciel plus pur, un air pins
senm , surtout des cœurs plus ouverts , où , quand
ie mien s'épanche, il sentit que c'est dans un au-
tie. Jai ce bonheur en ce moment , et vous voyez
qne j*en profite : mais je ne l'ai pas tout-â-fait im*
puoëment; votre lettre me laissera des souveniis
<{uî ne sefiaceront pas, et qui me rendront par-
mis moins tranquiUe. Je n aime pas les pays ari-
des, et la Provence m'attire peu ; mais cette terre
m Angonmois , qui n'est pas encore en rapport,
et où Ton peut retrouver quelquefois la nature,
ne donnera souvent des regrets qui ne seront pas
aa.
ai58 CORaSSFOKDAKCE,
tous pour elle. Bonjour, moufiieur le maix]uis. Je
hais les formules , et je vous prie de m'en dispeii*
ser. Je vous salue très-humblement et de tout
mon cœur.
y 22. — A M. d'Ivernois.
IVoottoii, le 3.1 jtDvier 1767.
Jamais , monsieur, je n'ai écrit j ni dit , ni pensé
tien de pareil aux extravagances qu on vous dit
aroir été trouvées écrites de ma main dans les pa-
piers de M. Le Nieps , non plu5 que rien de ce que
M. de Voltaire publie , avec son impudence ordi-
naire , être écrit et signé de moi dans les mains
du ministre Montmolîin. Votre inépuisable cré-
dulité ne me fâche plus, mais elle m'étonne tou-
}Qurs , et d'autant plus en cette occasion y que
vous avez pu voir dans nos liaisons que je ne suis
pas visionnaire, et dans le Contrat social, que je
n^ai' jamais approuvé le gouvernement démocra-
tique. Avez -vous donc assez grande opinion de
la probité de mes ennemis pour les croire incapa-
bles d'inventer des mensonges, et peuvent-ils ob-
tenir votre estime aux dépens de celle que vous
me devez?
Tandisque votre fiicilité à tout croire en montre ,
si peu pour moi ^ la mienne pour vous et vos ma-
^animes compatriotes augmente de jour en jour.
Le courage et la fermeté n est pas en eux ce qui
fi^ppe , |e m y attendais i mais |e ne m'attendais
fas, )e Tayone, à voir tant de sagesse en mftne
temps aa milieu des plus grands dangers. Voici
\k première fois qa un peuple a montré ce grand
et beau spectacle : il mérite d'être inscrit dans les
iàstesde l'histoire. Vos magistrats, messieurs , se
conduisent dans toute cette afiaire comme un
peuple forcené; et vous vous conduisez , dans les
péiils terribles qui tous menacent , avec tonte la
d^ité des plus respectables magistrats. Je crois
Foir le sénat de Rome , assis gravement dans la
place puhlique, attendant la mort de la main des
Gaulois. Voici la première et dernière fois que ,
depuis notre entrevue de Thonon , je me serai
permis de vous parler de vos affaires ; mab )e n ai
pu refuser ce mot d'admiration à celle que vous
ininspirez. Vous savez quel fut constamment
mon avis dans cette entrevue; et, comme je vous
rends de bon cœur la justice qui vous est due,, j'es-
père que vous ne me refuserez pas non plus, dans
l'occasion, celle que vous me devez. Je n*ai riell
de plus à vous dire. De tels hommes n ont assuré-
ment pas besoin de conseils , et ce n est pas à moi
de leur en donner. Mon service est Ëiit pour le
reste de ma vie ; il ne me reste qu'à mourir en r»-
pos, si je puis.
Vous ne douiez pas, mon ami, du tendre en^*
pressemenf que j aurais de vous voir. Cependant
3 convient, pour mon repos et pour votre avan-
tage, que nous ne nous livrions à ce plaisir que
çwod tout scia fini de manière ou d'autre dani
aBo corkespokdàhce ,
votre ville. Le public, qui me connatt si peu, et
qui me juge si mal , ne doute pas que je n^ailie
toujours semant parmi vous la discorde; et Ton
prétend m'avoir vu moi-même , le mob dernier,
caché en Suisse pour cet effet. Tout ce qae vous
lEeriez de bien serait mal, sitôt quon présumerait
que c'est moi qui Tai conseillé. Ne venez donc que
couronné d'un rameau d^oiives, afin que nous
goûtions le plaisir de nous voir dans toute sa pu-
reté. Puisse arriver bientôt cet heureux moment I
personne au monde n y sera plus sensible que k
cœur de votre ami.
728. — A M. DuTBirs.
Wootton, le 5 liéTrier 17C7.
JPétais , monsleiir, vraiment peiné de ne pon^
voir, faute de savoir votre adresse, vous faire Id
remercîmens que je vous devais. Je vous en doij
de nouveaux pour m'avoir tiré de cette peine, ë
surtout pour le livre de votre composition qii
vous m'avez fait l'honneur de m'envoyer (*). S
suis f&ché de ne pouvoir vous en parler avec col
(^) C'est l'oaTragfl intitulé ! JRecKerc/ie^* sur rorî^înc àe^ i
couverte! attribuées aux modernes y publié en 1766, et dont
quatrième éditioa est de i8ia , a vol. in 8**. Putens, autrur
éditeur de beaucoup d'ouTrages, était un Français établi 4 Ix
dres, où il est mort eu 181 a, étant membre de U Sori^
totale, et ayant le titre d'bistoriographe du roi de la Gcwq^
A95EB 1767* ^^*
naissance; mais ayant renoncé pour ma vie â tous
les Imes, je n ose &ire exception pour le vôtre .
car^ outre cpe je n ai jamais été assez savant pour
juger de pneîDe matière , je craindrais que le plai-
sir de TOUS lire ne me rendit le goût de Lt littéra
ture^qul mlmporte de ne jamais laisser ranimer.
Seulement je n'ai pu m'empêcher de parcourir
I article de la botanique , à laquelle je me suis
consacré pour tout amusement; et si votre senti-
ment est aussi bien établi sur le reste, vous aurez
forcé les modernes à rendre l'hommage qu^'ls doi-
vent aux anciens. Vous avez très-sagement fait de
ne pas appuyer soi les vers de Claudien; Fautorité
eut été d autant plus &ible, que des trois arbres
qu*il nomme apiès le palmier, il n'y en a qu'un
qui porte les deux sexes sur diffib'ens individus (*y
Au reste, je ne conviendrais pas tout-à-fait aveu
vous qae TomactoTt soit le plus grand botaniste
do sîécie : il a la gloire d'avoir &it le premieriie
b botanique une étude vraiment méthodique;
ir^is cette étude encore après lui n'était qu'une
>*!ude d^apothicaire. U était réservé à Tillustre Lin*
(*) Voici ces rtn, qui, en cfiet, rapproché» de cens qni l«t
>ircnkHScft de ceux qni les mûwent, n^oflrent tuirB chofesu'tiS
Eak dtaipMatioQy oe prouTtot rien ptr Ini-aAme.
M^»mmM in Veneran fronâet^ omnitipte vicis»im .
FtBx mrhar «mot , nutant ad mutua palmm
t^œàÊT^ , pofmleo wuspirtA popuhu ietu ,
£( piaiam pimUnU , olno^HC oâsibiLat ahuu, *
CuanuAa. <k N nptiis Honorii «t Mtnm.
|54 CORRESPONDANCE,
et je la reçois avec la reconnaissance et la véné-
ration que je dois aux faveurs de sa majesté, pas*
sant "paj: des mains aussi dignes de les répandre.
Daignez , monsieur le duc , recevoir avec bonti
les assurances de mon profond respect.
726. A BfADAHE LaTOUR.
Wootton, le 7 (érner 1767.
Je viens de recevoir, dans la même brochure^
deux pièces, dont on ne m^a point voulu nommer
les auteurs. La lecture de la première m'a fait
chérir le sien, sans me le faire connaître. Pour la
seconde, en la lisant, le coeur ma battu, et j^ai re^
connu ma chère Marianne. Jespère qu'elle me
connaît aussi.
726. — A M, Guy.
Taî lu, monsieur, avec attendrissement Toa-
vrage de mes défenseurs (^) , dont vous ne m^avies
point parlé. Il me semble que ce n'était pas poujr
mol que leurs honorables noms devaient âtre un
fteci%t, comme si l'on voulait les dérober à ma re-
connaissance. Je ne vous pardonnerais' jamais sur-
tout de m'a voir tu celui de la dame, si je ne l'eus^
(*) C'est le Précis ou Observations $ur VExpost suceindt doit
U a ëui jterlé d-deyànt page aGî ; ces Ohiovation» éuicni sui»
^ewd'uDe lettre- de madame»^* (L« Tour d« Fnn^utriUi») à
-fcnituf.de U JH4f(ibation 4t M Aoutffoii,
Assiz 1767. 165
I llnstaiit devine. Cest de ma port an bien petit
mérite : je n'ai pas assez d'amis capables de ce
tSetXàtce talent , pour avoir pu m y tromper.
V<Hâ HBe lettre ponr elle , à laquelle je n'osa
laettre son nom , à cause des risques que peuvent
courir mes lettres , mais où elle verra que je la ro-
cooiiais lien^ Je vous cbai^e, M* Guy 7 011 plutôt
j'ose Toos permettre , en la lui remettant , de vous
meftie en mon nom à genoux devant elle, et de
tni bûser h main droite ^ cette charmante main
phs angaste que ccUes des impératrices et des
reuws, qui sait dcfcudre et bonorer si pleinement
et À noblement linnocence avilie. Je me flatte
que ] annôs rccoram de même son digne collègue ,
5i Bims nous éUons connus auparavant; mais je
n'ai pas en ce Jboubcar, et je ne sais si je dois
mcn fâidter ou m'en plaindre, tant je trouve
noble el beau que la voix de l'équité s'élève en ma
hrear^ârnsem même des inconnus. Les éditeurs
Jxi âctnm de M. Home disent qu'3 abandonne sa
cdose an jogcment des esprits droits et des cœurs
toonétes : c^est la ce qu'eux et lui se garderont
hita de &ire, mais ce que je fais, moi, avec con-
*^ iiice, et qu^avec de parais défenseurs j aurai fait
^^ec succès. Cependant on a omis dans ces deux
pièces des choses trèf- essentielles; et on jr a £iit
If^ méprises qu'on eût évitées si, m'averlissant à
^mps de ce qu'on voulait faire , on m'eût de^ '
'^ndé des éclaircissemens. Il est étonnant que
KTSoone lirait encore mis la question sous soi)
4» »3
>♦
ar66 C0RRB5P0NDÀ^XE •
vrai point de vue; il ne tallait que cela seul, et
tout était dît.
Au reste ^ il est certain que la lettre que je vous
écrivis a été traduite par extraits Ëiits, comme
vous pouvez penser 9 dans les papiers de Londres,
et il Q est pas difficile de comprendred'où venaient
ces extraits, ni pour quelle fin.
Mais voici un fait assez bizarre qull est fâcheux
que mes digues défenseurs n'aient pas su. Croi-
riez-vous que les deux feuilles que j ai citées du
Saint James Chronicle ont disparu en Angleterre?
M. Davenport les a fait chercher inutilement chez
l'imprimeur et dans les cafés de Londres, sur une
indication suffisante , par son libraire , qu'il m'a
assiu^ être un honnête homme, et il n'a rien
trouvé; les feuilles sont éclipsées. Je ne ferai point
de commentaires sur ce fait, mais convenez qu'il
donne à penser. Oh! mon cher M. Guy, faut -il
dune mourir dans ces contrées éloignées, sans re-
voir jamais la face d'un ami sûr, dans le seindu*
quel y. imisse épancher mon cceuri
727. - A MILORD /COMTE DE HaRCOURT*
IVooftton, fe 7 féfrier 1767-
Il est vraij milord, que je vous croyais ami de
M. Hume; mais la preuve que je vous croyais en-
core plus ami de la justice et de la vérité est que,
sans vous écrire, sans vous prévenir en aucune
&ÇQn . je vous ai ciié jet nommé, avec conGaac^ ,
AfTSÉE 1767, uGj
snr on ùit qui ctait à sa charge, sans cralute
dètre démenti par vous. Je ne suis pas assez in-
siste pour juger mal par M. Hume de tous ses
anus : 3 en a qui le connaissent et, gui sont tiès-
digne de lai ; mais il en a aussi qui ue le connais-
sent pas, et ceux-là méritent qu'on les plaigne,
sans les en estimer moins. Je suis très-touche^
miI(Mii,de tos lettres, et très-scnsihîe au com^agc
que TOUS avez de vous montrer de mes amis parmi
Fos compatriotes et vos pareils; mais je suis fâché
Y«ar eux qall &ille à cela da courage : je connais
des gens mîenx instruits chez lesquels on y met-
tsaildelaTaniié.
Je vous proaveFai, «nîlord, mon entière et
pleine confiance en me prévalant de vos oiErcs
el dès i présent j ai une grâce à vous demander,
c est de me donner des nouve.^Ies de M. Wateict*.
U est amen ami de M. d'Alemhert, mais fl est
aussi mon ancienne connaissance; et les seuls ju^
gemens que je crains sont ceux des gens qui ne me
connaissent pas. Je puis bien dire de M. Wate-
let, an sujet de M, d^Âlembert, ce que j ai dit de
vous au sujet de M. Hume ; mais je connais Tin-
froyahle ruse de mes ennemis capable d*enlacer
d.ins ses pièges adroits la raison et la vertu mêmes*.
Si M. Watelet m'aime toujours, de grâce, pres-
sez-vous de me le dire, car j'ai grand besoin de le
saToir. Agréez , milord , je vous supplie^ mes très-
bombles sahtatious et mon respect
SSS C0RR£SP0I7DÀKCE,
728. — À ML Davenport.
Le 7 fétïtet 1767
^^ reçus hier y monsieur , votre lettre du 3, p*
laquelle j^apprcnds avec grand plaisir votre en-
tier rétablissement. Je ne puis pas vous annoncer
le mien tout-à-fait de même; je suis mieux cepen-
dant que CCS jours derniers.
Je suis fort sensible aux soins bien&isaiis de
M. Fitzherbert, surtout si, comme j^aime à Is
croire, il en prend autant pour mon Honneur que
pour mes intérêts. D semble avoir hérité de$ em-
prcssemens de son ami M. Hume. Comme j'es-
père quHl n*a pas hérité de se& sentimens, \e vous
prie de lui témoigner combien je suis touché de
ses bontés.
Voici une lettre pour M. le duc de GraSton,
que je vous prie de fermer avant de la lui Ëiirc
passer. Je dois des remercîmens à tout le monde;
et vous, monsieur , à qui fen dois le plus, êtes ce-
lui à qui j'en fais le moins : mais , comme vous ne
vous étendez pas en paroles, vous aimez sans
-doute à être imité. Mes salutations, je vous sup-
plie , et celles de mademoiselle Le Vasseur , i vo^s
^hers enfans et aux dames de votre maison.
Agréez son respect et mes très-humbles salu^
tations.
AKNiB 1767. ^
729. AU VÂME.
FéTiîer 1767.
Box ioiuj moDsienr, qn^Il puisse jamais m'élise
«ttiédiaisresprit d'être assez vain, assez sot, et
assct nal appris pour refuser les grâces du roi, |e
les ai tonjourr regardées et les regarderai toujouss
CDomek plus grand bouneur qui me puisse arri-
Tcr.Qvaixi je consultai milord Maréchal si je les
aoceptcnîs, ce a'était certainement pas que jfs
fiisse U-descus en doute, mab c'est quW devoir
paràco&r et indispensable ne me permettait pas
àt k biif <[ue je n eusse sou agrément. Jetais
bien sûr qulii ne le refuserait pas. Mais, mou-
sieur^ foand le roi d Angleterre et tous les souve-
rains de l'nniVers mettraient à mes pieds tous
leors trésors et toutes leui's couronnes, par les
fflams de David Hume, ou de quelque autne
homme de s«n espèce ,. s'il en enste , je les rejet-
tam toujours avec autant d'indignation que,
dans tout autre cas, je les recevrais avec respect
et reconnaissance. Voilà mes senlimens, dont
rien ne me fera départir. Jlgnore à quel sort , à
^Qcb maibeurs la F^vidence me réserve encore;
Bais ce que îe sais, c'est que les sentimens de droi-
ture et dlionneur qui sont gravés dans mou coeur
n'en sortiront jamais qn avec mon dernier soiipir.
Jcspère , pour cette Cois^ que je me serai expliqua
sa.
MyO COARESPOTTDATICE ,
Il ne faut pas , mon cher monsieur, je vous en
prie 9 mettre tant de formalités à I affaire de mes
livres : ayez la bonté de montrer le catalogue à
un libraire; qu'il note les prix de ceux des livres
qui en valent la peine : sur cette estimation,
voyez s il y en a quelques-uns dont vous ou vos
amis puissiez vous accommoder; brûlez le reste ,.
et ne cédez rien à aucun liln^aire^afin qu'il n'aille
pas sonner la trompette par la ville qu'il a d: s
livres à moi. Il y en a quelques-uns , entre autres
le livre de l'Esprit, m-4^, de la première édition ,.
qui est rare, et où j'ai fait quelques notes aux
maires ; je voudrais bien que ce livre • 14 ne tom-
bât qu'entre dos mains amies. J'espère, mon bon
et cher h6tc, que vous ne me ferez pas le sen-
sible aflroHt de refuser le pctrt^ cadeau de mes our
vrages.
Les estampes arvaient été mises par mon ami
dans le ballot des livres de botanique qui ma été"
envoyé; elles ne s'y sont pas trouvées, et les porte-
feuilles me sont arrivés vides: j'ignore absolument
où Beckfît a jugé à propos de fourrer ce qui était
dedans.
Je voulais remettre S des momens pins tran*
quilles de vous parler en détail de vos envois; ce
qni m en pkiitle plus est que si vons entendent
que je rrste dans votre maison jUsqu^à ce que ÏSL-
muscade et la cannelle soient consommées, je n'en
démarrerai pas dHin bon sièdè. Le tabac est trè^
boU; et même trop bon , puisqu'il s en consamina
p!a5nle : je tous fais mon remerciment de I cm^
[•Ir.ttP, et DOS pas de la chose, puisque c'est une
romniissîon , et vous s^vez les règles. L eau de II
T.'iTie de Hongrie m'a fait le plus grand plaisir, et
[*'ti rertmra là on souvenir et une attention de
M. laionne, k quoi j'ai été fbtt sensible. Mais
qu est-ce que c'est que des petits carrés de savon
parfumé? à quoi diable sert ce- savon? je veux
mjmir fi j'en 5ais rien, à moins que ce ne soit à
ùkt la barbe avt puces. Le café n'a pas encore éfé
'^-''?ré, parce que vous en aviez laissé,etqu ayant
* W iDalâde il en a £illà suspendre lusagc. Je me
l'erds aa milieu de tout cet inver taire. J espèce
que . peur \e coup, tous ne ferez pas de même , et
^//e vous rccneiDmz les mémoiresdes marchands,.
.Ma que quand vous serez ici, et qu^il s'agira dé-
fi tocr ce que tout cela coûte, vous ne me disiez:
T*a9« comme i Tordinaire, je n'en sais rien. Tant
àf ncbcsies me mettraient de bonne humeur , si.
1 < <fcsastRs de nos pauvres Genevois , et mes in-
r/iiiftades sur mîlord Maréchal,n*empoisonnaient
: file ma foie. Tai ciaint pour vous l'impression
.'* ces temps humides , ^t je la sens aussi pour ma*
't. Voici le plus mauvais mois de l'année ; il«
:t espérer que celui qui le suivra nous traitera,
n eux. Aiiià soif-il! Mademoiselle Le Vasseur et
'*oi &iM»ns nos salutations i tout ce qui vous aj^^
trtîeBT, et vous prions d*agréer les nôtres».
i .
9^% CORRBSPQITDAirCB,
4
73o« — « A M. dIteritou.
VciQttoo^le 7 SèTtkt 1767
Xai fait^ dier ami, une étoiurderie épouvanta*
ble, qui sûrement me coûtera plus cher qu'à vous.
Dans une distracUon causée par la diversité des
afiaires pressées.^ je vous ai adressé en droiture
une lettre dans laquelle je parlais ouvertement de
votre futur voyage, et d'autre choses où le secret
n'était pas moins requis. Comme j& ne doute pas
un instant que cette lettre ne soit interceptée, je
vous en transcris ce que j,*a> pu tirer d un premier
chiffon barbouillé, qu'il a faUu recommencer (^).
Voili ce que je vou& écrivais il y a huit jours,
et que je vous confirme : mais ayant appris depuis
lors à quelle extrémité votre pauvre peuple est ré-
duit, \e sens déchirer mes entrailles patriotiques,
et je crois devoii vous dire qu*il est, selon moi,
temps de céder» Vous le pouvez sans honte, puis*
que la résistance est inutile, et vous le devez
pour conserver ce qui vous reste, après vos lois
et votre liberté. Quand je dis ce qui vous^resle , je
n'en tends pas bassement vos biens, mais votre
pays^ vos ûmilles, et ces multitudes de pauvres
compatriotes, i qui le pain est encore plus néces-
saire que la liberté. J'apjiirends qiie vous vous ce*
lisez généreusement pour ces pauvres -|^ns; |e
ÀsnxÈE 1767. 2yZ
rondnis bien pouvoir saivre ce bon exemple,
feaicnâ quelque bagatelle aux collecteurs de
Lânira^sdoii mes mojens; mais je vous prie
iî^^fk noam pour moi à madame Boy de*La
ToutjiiiKp^étant une des causes innocentes des
misèRi de ce pauvre peuple , je contribue aussi
oi qadfQediose à son soulagement.
^oam^ mon ami; je vous embrasse tendre-
McnL J ai le plus grand besoin de vous voir ; mais,
encore on coop, ne venez que quand vos affaires
seront finies. Ce délai importe, et vous pourriez
toro«fo quelque oklacle à passer. Malgré mon
etaiiiderie,^eQez à petit bruit autant qu'il sera
possuMe. Mais j'ai dûngé d'avis sur votre séjour
a umdns, etpseais bien aise que vous vous y
^™toaaeigneîgncs jours pour connaître un peu
par voQs-fflinerair du bureau; car enfin , si de là
^oos Tonki aittoinment venir, personne n'aura
^pourmrde fous en empêcher. J'embrasse nos
mis; ne m'odbliez pas, je vous en supplie, au«
î^ de madame d'Iveniois.
Ken des remercimens et respects de made-
ciselle Le Yasseur. Si je ne vous ai pas toujours
pdé la même chose à chaque lettre, cest qu'il
e semblait que cela n'avait plus besoin d'être
^ car il uj a pas de fois qu'elle ne m en ait
9^4 - CORRESPO>-DAîrCE ,
781. —A MiLORD Maréchal.
Le 8 février î 767.
Quoi! milord, pas un seul mot de vous! Quel
silence, et qu'il est cruel! Ce n'est pas le pis en-
core, madame la duchesse de Portland m'a doi né
les plus grandes alarmes en me marquant que les
papiers publics vous avaient dit fort mal, et me
priant de lui dire de vos nouvelles. Vous connais-
sez mon cœur, vous pouvez juger de mon état;
craindre à la fois pour votre amitié et pour votre
vie , ah ! c'en est trop. J'ai écrit aussitôt à M. Rou-
grmont pour avoir de vos nouvelles : il m'a mar-
qué qu'en ^ffet vous aviez été fort malade, mais
que vous étiez mieux. Il n^y a pas là de quoi me
rassurer assez, tant que je ne recevrai rien de
vous. Mon protecteur, mon bienfaiteur, mon
ami , mon père, aucun de ces titres ne pourra-t-iï
vous émouvoir? Je me prosterne à vos pieds pour
vous demander un seul mot. Que voulez-vous que
je marque à madame de Portland? lui dirai-je :
Madame, m ilord Maréchal in aimait^ mais il me
trouve trop malheureux pour m' aimer encore ; il
ne ni écrit plus? La plume me tombe des mains.
ySa, — A M. GRA^nnLLE.
V^ootton , février î 76;-.
Je crois, monsieur, la tisane du médecin e^j a-
gnol meilleur et plus saine que le bouillon rougo
AX5EE 1767. Vji
da méiedn fiaoçais; la proyision de miel n'est
px^ niQÎ05 IxHine, et n les a;>othîcaires fournie
sàient (faussî bonnes drogues que vous, ils au*
rakui Wntôt ma pratique : mais, badinage à
pil, que j'aie aTec vous un moment d'explica-
ûoD aériense.
Ja&fsdnuisaTec pasâon la liberté, Fégalitc;
et^Todaiit rirre eiempt des obligations dont je
ne poorais m'acquitter en pareille monnaie, je
cie refiisais aux cadeaux même de mes amis, ce
ÎDim'asoavcnt attiré bien des querelles. Mainte-
aaûl Jai changé de goût , et c est moins la liberté
<peiapaix({iie[ûme; je soupire incessamment
aprtsdle- je la préfère désormais à tout; je la
yeux à toutpnx avec mes amis; je la veux môme
arec mes eoBemis, $11 est possible. J'ai donc ré-
solu JeodnnT désormais des uns tout le bien, et
des aotRs loai le mal qu'ils voudront me &ire.
Mn5 dispoier, sans m'en défendre^ et sans leur
^^istnaapdque &çon que ce soit. Je me livre à
^05 pooT fiire de moi , soi t pour , soit con tre , cn-
;^*^l â leur volonté : ils peuvent tout, hors
le m engager dans une dispute, ce qui très-cer-
"inieaicnt narrivera plus de mes jours. Vous
<Ç« , monsieur , d'après cela , combien vous
'^« beau jeu avec moi dans les cadeaux conti-
'Qfis (fTû vous plaît de me fcire : mais il &ut
^ot voQsdire; sans les refuser, je n'en serai pa»»
■ 'i> r coDoaUsant que si vous ne m en faisiez au-
^i' Je TOUS suis attacbé^ monsieur, et je bcnis le
276 CORRESPONDANCB ,
ciel, dans mes misères, de la consobtion ({ui
m^a ménagée en me donnant un Toisin tel qu
vous : mon cœur est plein de Tintérét que von
voulez bien prendre à moi, de vos attentions, d
vos soins, de vos bontés, mais non pasdeTc
dons : c'est peine perdue, je vous assure; ilsn'i
joutent rien à mes sentimens pour vous; je 0
vous en aimerai pas moins, et je serai beaucon
plus à mon aise si vous voulez bien les supprinu
désormais.
Vous voilà bien averti, monsieur; voussave
comment je ponse, et je vous ai parlé très-sénfc
sèment. Du reste, votre volonté soit failcetno
pas la niieuiie ; vous serez toujours le maître de
user comme il vous plaira.
Le t('mps est bien froid pour se mettre c
route. Cependant, si vous êtes absolumentrésol
de p'irîîr, recevez tous mes souhaits pourvoir
bon vojagc et pour votre prompt et heureux K
tour. Quand vous verrez madame la duchesse d
Portland, faites-lui ma cour, je vous supplie '» rai
surez-la sur l'état de milord Maréchal. Cepef
dant, comme je ne serai parfaitement rassul
moi-même que quand j'aurai de ses nouvelle
sitôt que jVn aurai reçu, j^aurai Ihonncurd^
faire part à madame la duchesse* Adieu, mo!
sieur, de reclief ; bon voyage, et souvcncz-voi
quelquefois du pauvre ermite votre voisin.
Vous verrez sans doute votre aimable nièo
je vous prjie dfi loi parier quelquefois dn capi
AHiTÉE 1767, ay^
L eDe a mis dans ses daines et qm slionore de
les porter.
733l— ▲ MILORO COMTE DE Ha&COURT
IToactoo, le i4 lévrier 1767*
Vois m'avez donné, milord, le premier Trai
plaque j'ai goûté depuis long- temps, en m ap-
presaBt <{iie ) étais toajoors aimé de M. Watelet.
Je le mérite, en vérité, par mes sentimens pour
lui', et moi qui mlnquiète très-* médiocrement de
leslime du public, je sens que je n aurais jamais
pa me passer de la sienne. Il ne faut absolument
poml (jue ses estampes soient en vente avec les
autres; et pukque, de peur de reprendre un goût
sjxptd je veux renoncer, je n ose les avoir avec
moi, je vous prie de les prendre au moins en dé-
p^, jusqu'à ce que vous trouviez à les lui ren-
vnyeTy caiea iairs un usnge convenable. Si vous
Irouvîei par basard k les changer entre les mains
de qaplijûe amateur contre un livre de botanique,
à k bonne heure , j aurais le plaisir de mettre à ce
Irwe le nom de M. Watelet; mais pour les ven-
dre, jamais. Ponr le reste, puisque vous voulez
hîea cbercber à m en défaire, je laisse à votre en*
tiéredisposition le soin de me fendre ce bon office |
{^nnroqoe cela se &sse, de la part des acheteur»,
sans faveur et sans préférence, et qu il ne soit pas .
^oestioa de moi. Puiisque vous ne dédaignez pas
œ vous donner pour moi ces petits tracas, j'at^
iyS coRftB'PONDAîrcrEy
t(*n(lA de la candeur de vos scntimeTie que vous
consulterez plus mon goût que mon avant:igp;c^
sera m'obliger doublement. Ce n'est point uû pro-
duit nécessaire à ma subsistance; je le dcsliiie m
entier à des livres de botanique, seul et dernier
amusement auquel je me suis consacré.
L'honneur que vous faites à mademoiselle 1 e
Vasseur de vous souvenir d'elle l'autorise à tous
assurer de sa reconnaissance et de son resprcl.
Agreez , milord, je vous supplie, les mômes sciiir
mcns de ma part.
P. 5. Il doit y avoir parmi mes eslamps nu
petit porlcleuilie contenant de bonnes t^preuvos
de ceDes de tous mes écrits. Oseraî-je me flalUT
que vous ne dédaignerez pas ce faible cadeau, et
de placer ce portefeuille parmi Jes vôlitîs? Je
pieiids la lil)erlé de vous prier, milord, de vouloii
bien donner cours à la lettre ci-jointe.
•> /
— ▲ M. DU Peyrou.
Wootton, k* i4 février i^O;.
Je confesse, mon cher hôte, le tort que j'ai en
de ne p<is répondre sur-le-<;hanip à votre n"3;}î
car malgré la honte d'avouer votie crédulitt , )<2
vois que rnutorité du voilurier Le Comte tk\'di\
fait uue grande impression sur votre esprit. i(
me f»chais d'abord de cette petite faiblesse, qu
me paraissait peu d'accord avec le grand sens t|ui
\e vous connais; mais chacun a {es siennes, et i
p y a qa^an homme bien estimable k qui I on n*en
piûise pas reprocher de plus grandes qne celies-
U. Ydx été malade, et je ne sais pas bien; j ai eu
des tncas qui ne sont pas finis, et qui m ont em-
ynfcliê d'exécuter la résolution que j avais prL<;e de
voQâ écrire au plus vite que je n'étais pas a Mor-
ges, mais j ai pensé que mon n^ fy.ous le dirait
A-sez^ei d aiUeurs^u'une nouvelle de cette espèce
di paraîtrait bien tôt pour faire place à quelque
iu*T€ aussi raisonnable.
Vous sares que j'ai peu de foi aux grands gué-
micurs. Jai toujours eu une médiocre opinion
d\i succès de votre voyage de Béfort , et vos der-
ii\^^ lettres oc Font que trop confirmée. Conso-
/cz-voQS, mon cher bote ; vos oreilles resteront à
peu prés ce quelles sont; mais quoi que j'aie pu
vous en dire dans ma colère, les oreilles de voire
esprit sont assez ouveites pour vous consoler d'à*
fok Je tjmpam matériel un peu obstrué : ce n^cst
pas le dé&nt de votre judiciaire qui vous rend
cr/dale , c'est lexcos de votre bontt? ; vous estimez
Lop mes ennemis pour les croire cap^iblrs d in-
venter des mensonges et de payer des pieds-plats
pour les divulguer : il est vrai que , si vous n êtes
pas détrompé , ce nest pas leur fiiute
Je tremble que milord Maiécbal ue soit dans le
même <:as, mais dune manière bien plus cruclk,
puix{a*il ne s'agit pas de moins que de perdm
l'amitié de celni de tous les hommes à qui je dois
tc^QS et i qui je suis le plus attaché. Je ttc.sais
^O CORRESPONDANCE, i
ce qu'ont pu manœuvrer auprès de lui le bon Da- ^
vid et le fils du jongleur qui est â Berlin; mais ;,
milord Maréchal ne m^écrît plus , et m^a mt^mc no- ,
nonce qu'il cesserait de m'écrire, sans mW dire
aucune autre raison , sinon qu'il était vieux, qull j
écrivait avec peine , qu'il avait cessé d'écrire â ses
parens, etc. Vous jugez si mon cœur est là dupe
de pareils prétextes. Madame Ta duchesse de Port-
laud, avec qui |at fait connaissance Tété deniirr
chez un voisin , m'a porté en même temps le plus
sensible coup , en me marquant que les nouvelles
publiques l'avaient dit à l'extrémité , et me d^ ^^
mandant de ses nouvelles. Dans ma frayeur, je
me suis hâté d'écrire à M. Rougemont pour savoir
ce qu'il en était. Il m'a rassuré sur sa vie, en me
marquantqu^en effet il avait été fort mal, maisqu'il '
était beaucoup mieux. Qui me rassurera maint^
nant sur son cœur? Depuis le 22 novembre, date
de sa dernière lettre, je lui ai écrit plusieurs foiSf
et sur quel ton 1 Point de réponse. Pour comble,
je ne s.'iis quelle contenance tenir vis-à-vis de ma-
dame de Portland, à qui je ne puis différer pins
long-temps de répondre, et à qui je m veux pas
dire ma peine. Rendez-moi, je vous en conjnrc,
le service essentiel d'écrire k milord Maréchal;
engagez-le à ne pas me juger sans m'entendrc,»
me dire au moins de quoi je suis accusé. Voilà te
plus cruel des malheurs de ma vie et qui termi-
nera tous les autres.
Jôubliai^ de vous dire que M. le doc de Graffir
AKHÊE 1767. a8l
(oD, premier commissaire de la trésorerie, ayant
appris Ja Texation exercée à la douane , aa sujet
de mes liyrcs y a fait ordonner an douanier de rem-
boorxrcet argent à Becket qm layait payé pour
BMM,etqne, dans le billet par lequel il m'en a fait
donner avb^ il a ajouté un coim^iment très-hoi»-
néte de h part da roi» Tout cela est fort hono-
rable, fluûs ne console pas mon cœur de la peine
seciéte <jne tous sarez. Je vous embrasse ^ mon
cfaer béte^ de tout mon cœur»
73s» — — ▲ M. DoTBNS»
WtfottoDyk 16 fêTxWr 1767*.
Je sais bien recennaissant) monsieur, des soins
ebËgeâas qm foos voulez bien prendre pour k
▼ente de mes boupiins; mais, sur votre lettre et
cefles de IL Davenpert, je vob a cela des embar-
rs»qa' me d^oAteraient tout4-&if de les vendre,
si jesavais oà les mettre; car ils ne peuvent rester
cbez M. DavenporI, qoi ne garde pas sonappap-
tenenC tente l'année. Je n'aime pomt une vente
pttbliqne , même en permettant qv^elle* se fisse
sens votre nom ; car, entre <fx le mien est à la
itee de-ia ^«parlde mes livres, en sedoulerabien
^*im filtras si mai eboisreCsi mai'codditionnéne
vient pas devons. Iln'yadaneces'quatreou'cinq
ai99tâ qw^iine eentaiae-av plus àe volumes qn»'
soient boBs et bien oon£tionnés ; fbut le reste
Wiesh qiie ^ fimùer, qjà n^est pas même boi^ à
s4.
^
'^8a CORRESPONDANCE ,
.brûler, parce que le papier en est pourri : hors
quelques livres que je prenais en paiement des li-
braires , je me pourypyais magnifiqueme^it sur les
quais, et cela me fait rire de la duperie des ache-
teurs qui s^jattendraicnt à trouver des livres choi-
sis et de bonnes éditions. J'avais pensé quece qui
était de débit se réduisant à si peu 4^ chose ,
M. Davenport et deux ou trois de ses amiif au-
raient pu s en accommoder entre eux sur restima<
tion d un lil^raire ; le resie eût servi à plier du
poivre, et tout cela se serait lait sans bruit Mais
assurément tout ce fatras ^qui m'a été envoyé bien
malgré moi de Suisse , et qui n en valait ni le
port ni la peine , vaut encore moins celle que vous
voulez bien prendre pour son débit. Encore un
coup, mon embarras est de savoir ob les fourrer.
S^il y avait dans votre maison quelque garder meu-
ble ou grenier vide où Tpn pût les mettre saais
vous incommoder, je vous serais obligé^ de vou-
loir bien le permettre , et vous pçurriez y voir à
loisir s^il s y trouverait p^. hasaixl quelqiie chose
qui pût vous convenir ou à vos amis. AuM^meut
je ne s^is en vérité que faire de toute ctstte fripe-
rie qui me peine cruellement , quand je soii^gie à.
tous les cmbArras quelle donne à M. Davenport*
Plus il 3'y^pDêté vplqnti^, plus il est' indiscret à
moi d^abus^ de sa complais^c^# SU faut encore
abuser de la vôtre» ^ fai ^ comme aveq Jui , la néces-
sité pour ^cuse , e^ U p^ua$ion ,cfiNijksol^ple du
plaisir que vous prc]|p2 Vvax fel r«)Utrcf & m'obl}ger.
i
ie TOUS en EàiSj monsieur, mes Temercimens d^c
i )ut luo eopur^ et je vous pûe d'agrccr mes trùs-
hu)iùt]es saJutations.
S\ b Tente poliiiquc pouvait se faille fans qu on
n moD nom sur les livres et qu on se doutât d où
Ls uenneot^ A la bonne heure* Il m'importe foii
p >u qae les acheteurs voient ensuite qu ils étaient
à moi; mais je ne yeux pas risquer qu'ils le sachent
àd\daotj et ]e m'en rapporte là -dessus i votre
cdadeor.
735. A. ILiDEMOISELLE ThÉODORE^ -
«iViCAaiMiB aosâxs 01 uosiqv% {*).
Sans dote.
On ne pmt éire plus surpris que je tennis , ma-
il nmseile, de recevoir une lettre datée de L'Aca-
liéinierovale de Musique, par iaqueUe on r^k^lame
les conseils de ma part pour y bien vivre. Vos
'xpressioiis peinent Thonnéteté avc^. tant de
rjQchise et de candeur, que jene vous roii verrai
-^T pour en rcceroir, i céluL qui ont coutume
' M donner à cellesqui 5 y présentent. Je ne. puis
''pendant pas vons foimiir les prâseptes^qiié vol}S
^ " AeanùaBm 1 ne dontez nnllemi^nl de joia bonne
oloBté à TOUS satîfifiire) mab îe suis moi mémo
(*; C^ ttvove «lans la Poésia (tome XII « po^ 286) oxit
^ce d* ▼«» adveatée à une dmiotaene T^écniore, quoq peut
Ifuacv la ■^nrr que œlle dont 3 l'agit ici.
s86 CORRESPOND ATTCE y
gence, mais comptez toujours sur mon plus 5Îi
cère attachement
738. AU MÊME.
a8 fivriar 1767.
Que fait mon bon et aimahie voisin? comme\
se porte-t-il? Jai appris avec grand plaisir so
heureuse arrivée à Bath, malgré les temps al
freux qui ont dû traverser son voyage : mais maii
nant comment s y Irouve-t-il? la santé, les eau:
les amu semons, comment va tout cela? Vous s
vez, monsieur, que rien de ce qui vous touc^
ne peut m*étre indifTérent : rattachement que
vous ai voué s'est formé de liens qui sent \oV
ouvrage; vous vous êtes acquis trop de droits 51
moi pour ne m en avoir pas un peu donné s
vous ; et il n'est pas juste que j'ignore ce qui m i
tcrcsse si véritahlement. Je devrais ausM \v]
piirlcr de moi, parce qu'il faut vous rendre com]
àe votre hicn ; mais je ne vous dirais toujours c
les m^mes choses : paisible, oisif, souffrant^ f
nant patience, pcslant quelquefois contre le m
vais temps qui 10 empêche d aller autour des
chers furetant des moussas, et contre Ihiver
retient Calwich désert si long-temps. Amu
vous, monsieur, je le désire, mais pas assez |
reculer le temps de votre retour; car ce serait }
amuser à mes fU^pens. MademoifcUe Le Va;
vous deniajiclc; la permission de vous rendi
AirxÉE 1767, s 87
ses devoirs, et nous tous supplions Fud et Tauirc
d^agréer nos très-humbles salutations.
ySc). — A M. DtTEîTS.
'Wootton , le a man 1 767.
Tous mes lÎYres, monsieur, et tout mon avoir
ne valent assurément pas les soins que vous vcmle^
bien prendre et les détails dans lesquels vous vou-
lez bien entrer avec moi. J'apprends que M. Da-
venport a trouvé les caisses dans une confusion
horrible-, et, sachant ce que c'est que la peine
d arranger des livres dépareillés . je voudrais pour
tout au monde ne Favoir pas exposé à cette peine,
quoique je sache qu il la prend de très- bon cœiu.
SU se trouve dans tout cela quelque chose qui
vous convienne et dont vous vouliez vous accom-
moder de qnelque manière que ce soit, vous me
ferez plaisir sans doute , pourvu que ce ne soit pas
uniquement 1 intention de me faire plaisir qui
rous détermine. Si vous voulez en transformer le
prix en une petite rente viagère, de tout mon
ccEur ; quoiqu'il ne me semble pas que , FEncyclo-
{lédie et quelques autres livres de choix ôtés, le
reste en vaille la peine, et d'autant moins que le
produit de ces livres n'étant point nécessaire à ma
subsistance, tous serez absolument le maître de
prendre votre temps pour les payer tout à loisir en
une ou plusieurs fois, à moi ou à mes héritiers,
tout comme il vous conviendra le mieux. En un
(' *
a88 coit&E6Poin>A5c£,
içot^ je TOUS laisse absolument décider de tonti
chose y et m en rapporte à vous sur tOQS les points
hors un seul, qui est celui des sûretés dont toui
me parlez : j en ai une qui vie su|Kt, et je ne veui
entendre parler d aucune autre ; c'est la probité à
M. Dutensip
Je me suis tait envoyer ici le baUot qui coopte
nait mes livres de botanique, dont je ne veux pa;
me défaire, et quelques autres ilon.t j^ai renYO)<
à M. Davenport ce qui s^est trouvé sous ma main
c'pst ce que' contenait le ballot qui ^t^ ra^é sur l
catalogue. Les livres dépaix^illés | oj;it été dans le
fréquens démënagemcps que j'ai été forcé de faire
aûçisi je n'ai pas de quoi les compléter. C^s livre
sont de nulle valeur, et je nen vois aucon aulr
u^gc à faire que jle les jeter dans la liyière, i^
ppuvant les anéantir d'un acte de n^ volotaté.
Vos .lettre^, monsieur, et tout jc^ que je vois d
vous m'ii^pirent non -seulement la plus giaod
estime, mab u^e confiance qui m'attire et ui
donne un vrai regret de ne pas vous connalu
picrspnnellement. Je sens que cette connaissant
m'eût été très-agréa]>le dans ious les temps ^
trës-cousolautc dan$ mes malheurs. Je voys saiui
i^onsieur , très-humblem€;nt et de tout mon cxevj
74o. —* A tflLORD COMTB DE HaRCQVRT.
Woottoo. le 5 man 1 767.
Je ne suis pas surpris , milord , de l'état o& vc
ayez trouvé facs estampes; je m attendais à pi
mais 3 me parait cependant singtilîer qull ne s'en
soi! pas trouvé mie seule de M. Watelet ; quoî-
tîQc,pnDÎ Beafoconp de gravures quîl mavaît
doTinéts,! j en eût peu des 'siennes, il y en avait
poortam : la préférence qu'on leur a donnée fait
bonnctiràson burin. J'en avais un beaucoup plus
grand ncoiilve de M: Tabbé de Saïnt-T^on. Si elles
s^ btnreiil, je ne voudrais pas non plus qu elles
Asscnt Tendues; ter quoique je n*aie pas Thon-
neor de le connahrepersonnellement , elles étaient
Qi^ cadeau de sa patt. Si vous ne les aviez pas^
^ïûwi, et qo* eBes passent vous plaire , vous m'o-
Migcricx Wmcoup de vouloir les agréer. Le pa-
pier <pie -vcuxs avez eu 'la. honte de m'envoyer est
de b main de nnlord Maréchal )' et me rappelle
^î/ ja dans mon recueil un portrsdt de lui , saùs
i-om, mais tête une ci très-ressemblant, que pour
rien an monde je ne Voudras perdre, et dont j'a-
vais ooMé de vous parler : c'est la senje ei^tampe
"pe je veuiBe mexéserver; et, quand ellome lais-
^''rait h frntaîsie d avoir les portraits des hommes
^i hâ ressemblent , ce goOft ne^erait pas ruineux.
It sens avec combien d'indiscrétion j'abuse de
votre lenps et<de vos bontés ; mais quelque peine
]tie vous donne la recherche de ce portrait, j^en
tarais ose infiniment plus grande à m'en voir
îrivë. S vous pçuveucz i k letrouver, je vous
^pptityOïîlordyde voiibkbkn l'envoyer à M.Da«
^nport j afin <fBkil le joigne au preoûer envoi qu'il
tvra la bonté de me &ire.
4« aS
Comme^ après tout, mon recueil était asset
peu de chose y qne probablement il ne s'est pas ao-
cru dans les mains des douaniers et des lilmiires,
^t que les retranchemens que j'y fais îqûX du reste
xm objet jde très-peu de valeur, j'ai.i me reprocher
4e vous avoir embanqassé de ces b^àtelles; mais^
pour TOUS idire la vérité , BÛlofd > je ne cherchais
qu un prétexte pour me prévaloir de vos ofiQres et
"VOUS montra ma confiance ei^ vos bontés^ •
J^oubllais de vous parler 4e la découpore de
1VI. Huber; c^est efiectivocten^ M. de Voltaire en
habit de théâtre (^). Comme je xie suis p^s tout
l-fait aussi curieux d'avoir sa^figure que celle de
milord Marécha)^, f^^ ppi^y^z ,. piloi:4/ «^ Totre
jchoix y garder., ou jeter , pa donnjçr ^ w jbrûlcvr ce
x^hilTon; pourvt^ qu'il iie ^ne revienne pas, c'esl
tout ce que je dé^^ A^ez, milcqrd, je vous is^op
plie y les assurances de fiioB respect,
( *) Iluber était un GénevoÎB qui •*^ait«Raché ^ VoHàIre. et
^, pendant vingt an* , jricm vtêe M danâ tmel ititÎBM fanft-
liante. Hrinle dans les aiu du detittn, il •'était acquis nue impu-
tation par un talent vraiment extraordinaire, celc^ de .dépovper
ie papier de manière à représenter les objets le» plua âêUcata
cf Ica plus comptines. Il excellait innoat à figuiîêr ^dnsi le
;8lde Voluire, et j avait aequb uba lelle ii^f6 q«ni
paît ce profil sans y Toii 4 qsiks«iatnf déniera ibdoak.UJke £û^
•ail exécuter par «on dial^ en loi jprétent^oL- à ostttlre uxuj
If anche de fromage, et il araît une manièce plus originale ca.^
c'oi« de le représenter fuî-mtow rar la n^tfe. — u' ptup»^
det découpures de Hnbcr, exëctttécsètfr^éliil, iom*e^ ^TjgVil
terra dan» ks colnncu d«» curit^qu On W • fitoyfyHàôaiB |
AKrrzB 1767. 19*
741. — A mujokd HarAchal.
Le 19 miiia 1767.
Cm est donc £iit , fnilord , j ai perdu poar {a-
macTos bonnes grâces et vod^ amitié, s<ins qu'il
me sort po.sîhie de savoir et d'imnginor d'où me
rient cette perte, n ayant pas un fenlîmriit'dans^
mon caar, pas une aetion dans ma conduite qui
nsit dû, fose le dire, confirmer cette prccieuso
bicnTeîOance qne, selon vos promises tant de
t«*îs rèîtèries, jamais rien ne pouvait ni'ôlèr. Je
conçois aisément (eut ce qn'on a pv faire auprès
de vous pour me nnire : je l'ai prévu, je vôns en
ai prévenu; vous m^avez assuré qu^on ne réussi-
rdit jamais j fat dà le croire. A-t-cn réussi malgré
tout cela? voîlâ ce qui me passe; et comment a-t-
on réussi aa point que vous n^ayes pas même daî-^
pic me £ie de quoi je suiscoupaHe , ou du m oins-
de ^noi je suis accusé? Si je suis coupable , pour-
quoi me taire mon crime? si je ne le suis paSy
f«ouiqnoi me traiter en criminel? En m^annon-
C m que Toas cesserez de m'écrire, vous me faîtes
«ileudrc que vous n'écrirez plus à personne; ce-
p'^ndant j'apprends que vous écrivez à tout le
oio-nde, et que je suis le enl excepté, quoique
vous sachiez dans quel tourment m'a jeté votre
-«iVnce. Mîlord, dans quelque erreur que vous
'.AÛssiez être , si vous connaissiez, je ne dis pr.s^
&es sentimens, vous 4qvcz les connaître, mais
2Q2 coamsiPOVPAircc, ^
nat sitoation, dont vous o avez pas l'idée, votre
humanité du moinft raos parlerait pour moi .
Vous êtes dans Terreur, milord, et cW ce qui
me console : je vous connais trop bien pour vous
croire capable d'une aussi incompréhensible le- ,
gèretë, surtout dans un temps où-, venu par vos
conseils dans le pays que j*habite, j'y vis acca-
})lë de tous les malheurs sensibles à un homme
dhouneur. Yous êtes dans lerreur^ je le répète :
lliomme que vous n^aimez plus mérite sans doute
votre disgrâce ; ^lais cet honune , que vous prenez
pour moi , n est pas moi : je n^ai point perda votre
bienveillance, parce que je pai point mérité de
la perdre, et que vous n^ètes ni injuste ni incons-
tant. On vous aura figuré sous mon nom on fan-
tôme ; je vous Vabandonne , et j^attends que votre '
illusion cesse, bien sûr qu'aussitôt que vous me
verrez tel que je suis , vous m'aimerez comme au-
paravant.
Mais en attendant , ne pourrai-je du moins sa-
voir si vous recevez mes lettres? ne me reste- t-il
nul moyen dapprcudre des nouvelles de votre
santé qu'en m'informant au tiers et au quart, el
n'en recevant que de vieilles, qui ne me tran<{uil-
liseut pas? Ne voudriez- vous pas du moins per-
mettre qu un de vos laquais m^écrivit de temps
en temps comment vous vous portez? Je me ré-
signe à tout, mais je ne conçois rien de plus cruol
que Imceitilude continucUç qù je vî^ ^^^ ce q\x
m^i^tQ^csse le plus.
y.f^^ — ' A M. DU PçYtou^
Woottoa, le 27 mon 17O17.
ÂpostîQe d'une lettie di& M.' L. Dutenâ , dtf 1 9 ,
confirmée par une lettre de M. Davenport <1p
ffléoie date, en conséquence d'un message reçu la
veille de >L le général Conway.
«Je viens d apprendre de M. Daveiiporl h nou-
« TeDe agréaUe que le roi vous avait accOrdi une
ff pension de cent livres sterling. La manière dont
« kiot vous donne cette marque de son esti>ne
ft m^a £ûl autant de plaisir que la chose même \ et
« \t VQQ» felkîte de tout mon cœur de ce que ce
tr J»en&ii vous est conféré du plein »gré dr so inar
ir je^et da secrétaire-d'état, sans que là moindre
« sollicitation y aiteu part* »
Le plus vrai plaisir que me^ fiisse cette nofi-
relie est celui que je sais qu^elle fera â uies amii!;;
cest pourquoi , mon cher hôte, je me pesse de
ruas ia commimiqu» :.&ites-la , par la mâlne rai-
son, passer à mon ancien et* respectable ami
)L Roguin, et aussi, je vous en prie, i moq ami
M. d'Ivemoi» : je vous embrasse de tout moa
cumn
Cooirae dans peu jlrai, si je pui^^ i Londrei^,
ne micmez jdus que sous mqu propre nom; et
ij Toœ écrivez i IL dlvemoîss-donnezrlui le.
i5.
)94 COMinEgPOyDkVÇEf
743- A M. DVTENS.
Wootu>n,lea6inan 767.
Jespère, monsieur , que cette lettre , destinée
à TOUS offirir mes souhaita de bon voyage y tous
trouvera encore à Londres. Ib sont bien Ti& et
bien vrais pour votre beureuse route , agréabit
séjour, et retour en bonnc/ santé* TémoigBez, je
Vous prie , dans le pays oil vous ailes , à tous ceux
^i m aiment^ que mon eoeur D*est pas en reste
^vec eux, puisque avoir de vrais amis et les ai-
mer est le seul plaisir auquel il soit encore sen-
sible. Je n'ai aucune nouvelle de Félargissement
du pauvre Guy : je vous serai très -obligé si vous
voulez bien m'en dcmnèr, avec celle de votre heu-
reuse arrivée, ^'^oici une correction omise à la fin
de Terrata que je lui ai: envoyé; ayez la bonté de
la lui remettre»'
Je reçois , monsieur , comme je le dois y la grâœ
dont il plait au rèi de m'honorer, et à laquelk
f avais si peu* lieu de m 'attendre. J'aime à y toit,
de la part de M. le générât Conway, des niar-
qu^ d'une bienveillance que je^ desirais Uen pins
que je n^osais Tespérer . L'effet des laveois du
prince n'est guère, en Angleterreyde capter i
ceux qui les reçoivent celles du puUic. Si c«lle^
Êiisaît pourtant cet effet j'en serais d'autant pluj
comblé, que c'est encore un bonheur auquel y
dûis^pea m'atlendre; car on pardonne ^el^e£bi
les offenses <pi^on a reçues, maïs {amais celles
cpi'on a faHes; et il ny a point de haine plus Ir*
réconciliable ^e ceOe des gens qui ont tort avec
nous.
Si yous payez trop cher mes libres, monsieur,
je mets le trop sur Totre conscience , car pour mol
je n'en peux mais. Il 7 en a encore ici (jnelcjues-uns
qui reviennent â la masse, entre autres Fexcel-
lente Historia fiorentina, de Machiavel , ses Dû-
cours sur Tite Liiœ, et le trailé de Legîbus roma-
nis y àe Sigonins. Je prierai M. Dayenport de vous
les &îrc passer. La rente (*) que vous me propo-
sez, trop forte pour le x:apîtai, ne me parait pas
acceptable^ même à mon âge; cependant la con-
dition d'être éteinte i la mort du premier mou-
nn t des deux la rend moins disproportionnée ; et ^,
si vous le préférez ainsi, \y consens, car tout cil'
nbsolunucnt égal pour moi.
/e songe, monsieur, à me rapprocherdoLon-
c'res, puisque la nécessité lordonrc; car ^y ai une*
répugnailce extrême , que la nouvelle de la pen-
sion augmente encore. Mais, quoique combl^des
al tentions généreuses de M. Davenport, je ne puis
rester plus* long-temps dans sa maison, oti fliême
mon séjOur lui est très à charge : et je ne Tois pas
qu'ignorant la langue il me soit possible détablir
mon ménage à Ia campagne, et d'y vivre sur un
autre pied que celui ou je suis ici. Or, j^aimcrsds^
t*) Cbtle de dix Urrct scn!
398 C01tRBSF05DAirC1S ,
naître, et par Tusage auquel ils étaient destinés.
Je vous supplie, monsieur, d'agréer les senti-
mens de ma gratitude et mon profond respect.
745. A. HILORD GOVTE DR HaRCOUKT.
Woottoo» le 2 avril 1767.
Tapprei^ds ,. milord y par M. Dovenport, qne
VOUS avez eu la bonté de me dé&ire de toules mes
estampes, hors une. Serais-je assez heureux poui
Îuc celte estampe exceptée fût celle du roi? ]c V
ésîre assez pour l'espérer; en ce cas, vousauriea
bien lu dans mon cœur^ et je tous prierais i^
vouloir conserver soigneusement cette estamp
jusqu à ce cpie j'aie l'honneur de vans voir et Ai
vous remercier de vive voix : je ta joindànis à celli
de milord Maréchal, pour avob le plaisir de cot
fiempicrijuelquefois les trait» de* mes bienfiûteui^
et de me dire en les voyant qu^il est enoore d<
hommes bienfaisans sur la terre.
Cette idée m^en rappelle une autre , qne it
mémoire absolument éteinte avait laissé <5cha|
per : ce portrait du roi avec une vingtaine dai
trcs me vieuneiU de M. Ramsay , qui ne tooIi
jamais m'(m dire le prix; ainsi ce prix lui appj
tient et non pas à moi : mais comme probaL
ment il ne voudrait pas plus laccepter au |oi
dhui que ci-devant, et que je n'en veux pas i^
plus faire mon profit, je ne vois à cela d^autre i
pédient que de distribuer aux pauvres le prod
àmiE 17G7. ^
de ces estampes; et ye crois, milcord^.qu ane fi>nc-
tion de charité ne peut rien aroîr que l'humanité
de votre cœur dédaigne. La difficulté serait de sa-
voir quel est ce produit , ne pouvant moi-même
me rappeler le nombre et la qualité de ces estant
pes ; ce qne je sais ^ c'est que ce sont toutes gra-
vures anglaises , d<»nt je n avais que quelques an-
très avant celles '-là. Pour ne pas abuser de vos.
bontés , milord , au point de vous engager dans
de nooveUes recherches , je ferai uae évaluation
grossière de ces gravures, et j^estime que le prix
ii*en pourrait guère, passer quatre #u cinq gui*
nées : ainsi, ponr aller au plus sûr, ce sont cinq
gttiuâes sur le produit du tout qut je prends la
Jiberté de vous ptîer de vouloir Ihcu distribuer
aaxpanrrei. Vous. voyez, milord, comment jeu
use avec vous. Quoique je sois persuadé que mon
importunité ne passe pas votre complaisance, si
j avais prévu jusqu où je serais forcé de la poiier,
je me serais gaidé de m'oublier a ce point. Agréez,
milord, je voussupplie, mes très-humbles excuser
et mon respect.
746- —^ A M. DU Peyrou. ^" ^
A WoottoB. le a •Tiiî 1767.
O mm cher et ainmble hôte ! qu avez-vous fiait?
Yous êtes tombé dans le pot au noir bien crueUo-
aent pour moL Vôtr€ n* ^a^<^^xé vous avez en-
^oyépourplv» dk sâieté par um wMre voie^ e$t
Spà OPRAESPOin>AVCE,
ptécisément tombé à Londres entre les iliains âe
mon (ousin Jean Rousseau, qui demeure chfx
M. Golombies, à qui on Ta mallienrrusekDfnt
adressé. Or , vous saurez que mon très-cher cou-
sin est en secret l'âme damnée du bon David,
alerte pour saisir et ouvrir toutes les lettres et pi-
quets qui m^rrivent à Londi^s; et la yètre a été
ouverte très-certainement , œ qui estd'autantplm
aisé, que vous cachetez toujours très-nfid, avec
de mauvaise cire j et que vous en mettez tsop peu ;
la cire noire ne cacheté jamiis bien. Votre icUre a
très-certainement été ouverte.
; lVk>n cher h6le, je suis de toœ c6tés sous \c
piège; il <^st impossible ^e je m* cm tiie^ votre
ami ne m^«n tire pas, mais j'espèi^e qu'il le fera; ii
n'y a certainement que lui qui io puisse , et il
semble que la Providence l'a envoyé dans moD
\)ioisinagc pour cette bonne œuvre. Il s^agit pren
mièrcracnt de sauver mes papie»^ car on lej
guette avec une grande vigilance, et XtXL espèn
bien^qu'ik n'écltappei'ont pas.Toutefi)îs,s11 m'en
voie lexprès que je lui ai demandé avant qu<
M. Davenport arrive, ils sont tout prêts; je les k
remettrai , et ils pcisseron t cufre les mains de voti
ami 9 qui ne saurait y veiller avec trop de soin ^ i
trop attendre une occasion sûre pour vous les &ii
passer; car rien ne presse, et lossendél est cpi'i
soient en sûreté.
Reste k safvoîr si ma lettrc'à M. de C est aïk
iùrement et en droiture. Les gens qui portent
A5^££ 1767. 3ol
rapportmt iBes lettres, ceux de la poste, tout
m'est égalemenf suspect ; je suis daii5 les mains de
toQl le monde, sans qull me soît possible de &ire
un seul HKiuYenient pour me dégager. Vous me
^tes rire par le sang-froid avec lequel vous me
marquez : Adressez-vous à celui-ci ou à celui là^
c'est comme si vous me disiez : Âdressez-Yoos â
on balMtant de la lane. S^adresser est un mot
liientàt dit, mais il Êiat savoir comment; il ny a
que la lace d'un ami qui puisse me tirer dafiaire ^
Contes les lettres ne ibnt que me trahir et m'em-
liomber. Celles que je reçois et que j'écris sont
(ouïes Txirs par mes ennemis; ce n'est pas le
moyen de me tirer deienrs mains.
5î le ciel vent que ma précédente lettre \
M. de C ail écluppé à mes gardes, qu'il Tait re-
çue, et qu il envoie Texprès, nous sommes forts;
car jaî mou second chîfire tout prêt; je le ferai
partir arec celte Ictlrc-ci , et j'espère qu'il ne tom-
tiera plos dans les mains de M. Colombies ni de
mon cber cousin. S^ m'arrive de me servir du
premier, ce sera pour donner le change; n'ajouter
^acune £>i â c:e qne je voui marquerai de eette
requière, à moins que vous ne lisie;^ en tête ce
m.'>t, écrit de ma maio , VrnL
Je vous enverrai une note exacte des paquets
^ue f envoie à. votre ami, et que j aurai bien droit
iappder le nûen, s'il accomplit en ma £iveur la
koDbe opiiTre qnil veut bien Ëiire; et cette note
f*^ assez détailla pour qoc^ si ] ai le bonheur de
3oa coitiÎESPO'DAycE, ^
passf*r en terre ferme, vous puissiez indîtjueî* les
paquets dont nous aurons besoin.
Je ne puis vous écrire plus Ion {^- temps. Je don-
nerais la moiûé de ma vie pour être en terre ferme,
et Fautrc pour pouvoir vous embrasser encore uue
lois, eî puis mourir.
n faut que je vous marque encore que ce n'est
nî pour le Contrat social ni pour les Lettres de la \
Montagne que le pauvre Guy a été mis à la Bas- ;
tille; c'est pour les Mémoires de M, de LaCha-
lofais. Panckoucke est, je croîs, de bonne foi; i
mais n'écoulez aucune de ses nouvelles ; elles
vîeuntait toutes de mauvaise main.
Je tiens cette lettre et le chiffre tout prêts, mais
viendra ton les chercher? Viendra-t-on me cher-
cher moi-même? O destinée! 6 mon ami! pritz
pour moi; il me semble que je n'ai pas mcrilé les
malheurs qui m'accablent.
Le courrier n'arrivant point, jaî le temps Ja-
jouler encore quelques mots. Que vous envoyiez
Vos leltie? |iar la France ou par la Hollande , cela
est bien indifférent à la chose; c'est entre Londres
et Wootton que le filet est tendu, et il est impos-
sible c|uc rien en échappe.
Pour être prêt au moment que lliommc arri-
vera, s'il arrive, je vais cacheter cette lettre avci
le second chif&e. Le 6 avril, je fais partir par li
post'* une espèce de duplicata de cette lettre. 1
sera intercepté, cela est sûr; mais peut-être le kilj
scxa-t-on passer après l'avoir lu.
AirirÉE 1767. Sdî
747. AU MiMB
A Wootton*. 1 4 «TTÎ 1 767.
YiynuBn**4^, mon cher hôte, m'est parvenu,
apc-èsiToir été ouvert, et ne pouvait manquer de
rélivparb voie qne vous avez choisie, puis.-fuH
a été adressé par monsieur votre parent à M. Co-
lojilbies, de Londres, lequel a pour commis un
mien cousin , Tâme damnée du bon David , et
difrte pour intercepter et ouvrir tout ce qui m'est
adressé du continent, presque sans exception.
Votre inutile précaution porte sur cette suppo-
»tioii tien &iisse que nos lettres sont ouvertes
entre Londres et Neuchatel; et point du tout ,
cest entre Londres et Wootton; et, comme de
foelqoe adresse que vous vous serviez, il &ut
tonjouis qn'dUes passent ici par d'autres maîos*
^îanfiTarriver dans les miennes, il sVnsuit que,
par quelques routes quelles viennent, cela est
trés-îndîffîrent pour la sûreté. Les précautions
sont telles qall est impossible qu il en écbappe au-
cune sans être ouverte, à moins qu on ne le veuille
bien. Ainsi, la poste me trahit et ne saurait me
servir. U n'y a dan ma position que la vue d'un
homme sûr qui puisse métré utile. Présence ou
nen.
Je £iis des tentatives pour aller à Londres, je
dontc qu'elles me réussissent ; d ailleurs ce voyage
est très hasardeux^ à cause du dépôt qui est ici
3o4 C0RRE5P05DA:TCE,
dans mes mains, qui vous apprtieut, et dont Tar.
dent désir de vous le faire passer en sûreté fait
tout le tolurment de ma vie. Le désir de s empai er
de ce dépôt à ma mort, et peut-être de mon vi-
yant, est xtùe des principales raisons pourquoi je
suis si soigneusement surveillé. Or, tant que je
suis ici, il est en sûreté dans ma chambre; je suis
presque assuré qull lui arrivera malheur en route,
sitôt que j'en serai éloigné. Voilà , mon cher hùlc ,
ce qui fait que quand même je serais libre de me
déplacer, je ne m'y exposerais qu'avec crainte^
presque assuré de perdre mon dépôt dans le trans-
port. Que de tentatives j'ai faites pour le mettre
en sûreté? Mais que puis- je faire tant que per-
sonne ne vient à mon secours? Quand vous écri-
vez tranquillement, Adressez-vom à celui-ci au
à celui-là, c'est comme si vous m'écriviez, Adres-
sez-vous à un habitant de la lune. Mon cher hôte ^
libre et maître dans sa maison à Ncuchâtel, par-
lant la langue et entouré de gens de bonne vo-
lonté, juge de ma situation par la sienne. H se
trompe un peu.
J'ai travaillé un peu k ma besogne au milieu du
tumulte et des orages dont j'étais entouré; c'est
mon travail , ce sont mes matériaux pour la suit e
qui me tienneni en souci ; je souffre à penser cju^i
faudra que tout cela périsse. Mais , si je ne suis se
couru , je n'ai qu un parti à prendre, et je le prei]
drai quand je me sentirai pressé, soit parla mori
«oit par le danger*^ c'est de brûler le tout , p*\xt^
AlIKEE 1767. ?o5
que de le laisser tomber entre les mains de mes
ennemis. Vous yoilâ averti, mon cher hôte; si
Tonstroarez que fai mieux à ùire^ apprenez-lcH
moi, mais o oubliez pas ^e tos lettres seront
TOCS.
Je roQS ai donné avis de la pension. Je vois
dici, snr cet avis, tontes les Ëiusses idées qne
TOUS vous &ites sur ma situation : votre eireor
est excusable , mais elle est grande. Si vous saviez
romment, par <pii, etpourqnoi cette pension
m'est venue, vous m'en fièliciteriez moins. Vous
me demanderez peut-être un jour pourquoi je ne
Vai pas refusée^ je crois que j'aurai de quoi Uen
ivpoodre à^cda.
U importe de vous donner, une fois pour tou-
PpSj les ezp&cations contenues dans cette lettrey
qne je suis pressé deiinir. Je l'adresse à M. Roo^
gcmoat, dr Londres, en qui senl^je puis prendre
confiance; si on la lui laisse arriver, elle vous ar-
rfrcra. Mille remercîmens empressés et respectr
i la pins digne des mamans. Recevez ceux de mai-
demoiselle Le Vasseur. Je vous embrasse, moE
fil V hôte , de tout mon cœur.
Vous devez comprendre pourquM je ne vous
parie pas îcide votre ami; Ëiites de même.
248.— A M. dIvebkois.
WqoOoo, le 6 arril iy6%*
Pai reça, mon boAanii, votre dernière lettl^
il lu le mémoire q|ie vous y avez joint. Ce m^-
96*
, 3oG CORRESPONDANCE ,
; moire est fait de main de maitre ^t ibndé sur. d'ex«
icellens principes; il m Inspire une grande estime ^
|M)qr son auteur qnel quu soit : Biais n'élaflit plus
capable d attention sérieuse et de raisonnemens
suivi 1 9 je n'ose prononcer sur la balance des avan-
tages respectifs et isur la solidité de Vouvrage qui .^|
en résultera; ce que je crois voir bien clairement,
c'^est qu'il vous ollre, dans V0tre position, i'ac- i
compagnement le meilleur et le plus honoraMo ^
que vous puissiez espérer. Je voudrais , tant ma
pission de vous savoir pacifiés est vive y donner la
moitié de mon sang pour apprendre que cet ac-
cord a reçu sa sanction. PeutH&tre ne serait-il pas
à désirer que j'en fusse l'arbitre *, je craindrais qne '
l'amour de la paix ne fût plus fort dans mon cœur
que celui de la lU)erté. Mes bons amb, sentcr-
vous bien quelle gloire ce serait pour vous^de part '
et d autre , que ce saint et sincère accord fût votre '
propre ouvrage, sans aucun concours élranger?
Au reste 9 nattendez rien ni de TÂngleterre ni de
personne que <jte vous seuls; vos ressources soxit
toutes dans votre prudence et dans votre courage ;
eilcs sont grandes, grâces au ciel.
I J'ai prié M. du Peyrou de vous donner.avis cj]kx^
le roi m'avait gratifié d'une pension. Si janiâîs
nous nous revoyons, je vous en dirai d:ivant5%go ^
mais mou cœur, qui désire ardemment ce 1>ot^.!
hc nr, ne me le promet plus. Je suis trop m;
reux en toute ( bose jQur espérer plus aucuKm
l^iiilsir- en cçltc yie. Âd;ei|, mon amî^ adieu ^
17^7- 3o7
amis. Si rotre liberté est exposée, voos avez dn
nieins layantage et la gloire de pouvoir la défen*
dre et la rtcLuner ouvertement. Je connais des
gens filas à plaindre que vous. J^ vous emLrasse.
'ji^ — À M. ut UiiRQUIS OB MiKkBEAV.
Wootlon, le 8 arril 1767^
JcdiiEiais, monslenr, de vous répondre , dans
Fespoir de m entretenir avec vous plus à mon aise
qtund je serais délivré de certaines distractions
^i^ci graves ; mais les découvertes que je fais jour-
a:Iieiiientsar ma véritable situation les augmen-
tent, et ne ne laissent plus guère espérer de les
ro.r finir : ainsi y qaekjue douce que me fût votre
c<ymsj*€fnd3iice y Ûy faut renoncer an moins peut
Qii Umps, â moins d*unc mise auséi inégale dans
la quantité ^e dans la valeur. Pour éclaircir uxt
proLUmc Mngulîcr qui moccnpe dans ce pré*
tendu pa^s de llbeité^ fe vais taiter, el bien à
rontrc-cQtrur^ lia voyage de Londres. Si, conti^
Lion attente , je l'exécute sans obstacle et sans ao*
ûjicnt, je voofi écriraî delà plus au long.
V<Nu adnvez Richardson : ^. k* manpûs,
^"«^nliea vous Taduttreriez davantage^ si, comme
ra-'if vous étîcs à poHéede corapaiter les tableauDi
de ce grand peintre à la natu' e; de voir oomJnqQ
^^ sitnatioQS, tfod paraissent romanesques, sonl
atttreUes; cosubîcB ses porlraiCs, qui paraîssevt
(Wgcs, sooi Trais? Si jeniearapporlais uniques
3o8 corhespokdance,
ment à mes observations, je croira's même qn*i
n'y a de vrais que ceux-là ; car les capitaines Tom
linson me pleavent, et je n^ai pas aperçu jùsqu'ic
vestige d aucun Belford; mais j^ai vu si peu di
monde y et Tile est si granc%*, que cela prouve seu
lement que je suis malheureux.
Adieu, monsieur. Je ne verrai jamais lechâteai
de Trye; et, ce qui m'af&ige encore davantage
selon toute apparence , je ne serai jamais à porté
d'en voir le seigneur; mais je Thonorerai et ché
rirai toute ma vie : je me souviendrai toujour
que c'est au plus fort de mes misères que son nobl
cœur m'a fait des avances d amitié ; et la mienne
qui u^a rien de méprisable , lui est acquise jusqu*
mon dernier soupir.
75o. — A MILO&D COMTE DE HaECOUBT.
Wootton, le 1 1 mrrl 1 7C7-
Je ne puis, milord, que vous réitérer mes trèf
humbles excuses et remercimens de toutes h
peines que vous avez bien voulu prendre en k
Êiveur. Je vous suis très-obligé de m avoir coi
serve le portrait du roi : je le reverrai souvei
avec grand plaisir, et je me livre envers sa m
{esté à toute la plénitude de ma roconnaissanc
très- assuré^ qu'en &isant le bien efle n*a poj
d autre vue que de bien &ir^. Puisque vous sa-v
au juste à quoi monte le produit des estam^
domt M. Ram^ay a^aît eu l'honnêteté do me
17^. '305
tîadeaa, TOUS pouvez y horner la distribatlon que
"^ous \oulez bien avoir la bonté de faire aux pau-
irres, et remettre le surplus à M. Davenport, qui'
veut bien se charger de me l'apporter. Jaspire,
milord, au moment d'aller vous rendre mes ac-
tions de grâce et mes devoirs en personne , et il ne
tiendra pas â moi que ce ne soit avant votre dé-
part de Londres. Recevez en attendant, je \o\A
supplie 3 mtlord, mes très-humbles salutations €%
mon respect
P. S, Je ne vous parle point de ma santé , parce
f]u*eUe n'est pas meilleure, et que ce uVst pas la
peine d'en parler pour n avoir que les mêmes
choses â dire. Celle de mademoiselle Le Vasseur,
à laquelle vous avez la bonté de vous intéresser^
est très -mauvaise, et il nest pas Lien étonnant
<|u^elle empire de jour en jour*
70 1. — A M. Dave'nport.
UfT maitine de maison , jnonsîenr, est obligé
de savoir ce qui se passe dans la sienne, sur*
loul ^ l'égard des étrangers qu'il y reçoit. Si vous
i ignorez ce qui se passe dans la vôtre à mon égard
.' depuis Noël, vous avez tort; si vous le savez et
que vous le souffriez , vous avez plus grand tort :
saisie torf ie moins excusable est d'avoir ou-
hlié Yotre promesse , est d'être allé tranquille-
Qieot vous établir à Davenport , sans vous em«
3. a GOR&£SPOia>ANCE,
baixassor si 1 homme qpi vom attendait ici sur
votre parole y éUiit à son aise ou non. En voilà
plus, qu'il ne faut pour me faire prendre mon
parti. Demain y monsieur, je quitte votre maison,
J'y laisse mou petit équipage et celui de made^
moiselle Le Vasscur, et fy laisse le produit de mcî
estampe» cl livres pour sûreté des fiais feits poui
ma d^cnse depuis Noël. Je n ignore ni les em
iLûches cpri m attendent, ni Timpuissance où j^
suis de m'en garantir; mab, monsieur, jai vécu
il ne me reste qu'à finir avec courage une camèri
passée avec honneur. Il est aisé de m'oppnmeï
mais diflScilc de m avilir. Voilà ce qui me rassor
contre les dangers que je vais courir. Recevez oi
rechef nicsviis et sincères remercîmens de la not
hospitalité que vous m'avez accordée. Si elle ava
fini comme elle a commence, j'emporterais <
vous un souvenir bien teadre^quî ne sWacer^
jamais de mon cœur. Adieu , monsieur : je regr<
terai souvent la demeure que je quitte; mais
regretterai beaucoup davantage d'avoir eu un m
. si aiipaLle, et de n'en avoir pu faire Bion anû.
I
733. A M. LZ GÉNÉRAI, CoîTWAT.
Monsieur,
' I
José vous supplier de vouloir bien prendra
vos affaires le temps de lire cette icUre,^ scK
avec attention. C'est à votre iu ement écl
AyyLz \yCïj 3i i
Cf5t à vote Jflie Siiîne que j'ai a parler. Je suis
sûr de tnNiver en vous tout ce qu'il faut pour peser
îïTrc sagesse et avec équité ce que j'ai à vous àivo.
feu serai moios sûr si voui consultez tout autre
«ngnore avec quel projet j'ai été amène en An-
çkterre : H j en a eu un , cela esl ccrlaîn ; j'en juge
parsoneflct, aussi grand, aussi plein qnil auiait
paIétre,qQaiid ce projet eût été une alTaire d'étal,
Mao comment le sort, la réputation d'un piovpe
infortuné, poarraient-îls jamais faire une affaire
ïiéUt?Ceslccquî est trop peu concevahle polît
T» f cuisse m'anièter à pareille supposition. Ce-
pendant, que les Sommes les plus élevés , les plus
tlistingnè, les plus estimables ; qu'une naticaa
tofli en/iérc, se prêtent aux passions d'un parti-
ra qui vent en avilir un autre, c'est ce qui se
fonçoif cnco/e moins. Je vois l'effet ; la cause m'est
^acMe, et je me sois tourmenté vainement pour
«pénétitr; mais quelle que soit cette cause, les
^tes en seront les mêmes:, et c'est de ces suites
f^ s'agît îd Je laisse le passé dans son obscu-
file; c est maintenant l'avenir que j'cxaipîne,
J ai (Ai traité dans mon honneur aussi cruelle-
««ail ^B soit possiUe de fétre. Ma diflimation
^t telle en Angleterre que rien, ne l'y peut relcvei
se mon vivant. Je prévois cependant ce qui doit
tuer apiis ma mort, par la seule force de la va-
;'* j et sans qu'aucun écrit posthnmc de ma j«rt
ea mélc( mais cela viendra lentement, et 5cul>
'3ia coaitESPO!n)ANcfi 9
ment quand les révolutions du gouvernement ai
ront mis tous les faits passés en éyidence. Âloi
ma mémoire sera réhabilitée , mais de mon yivaii
je ,ne gagnerai rien à cela.
Vous conccyez , monsieur, cpie cette ignoml
D}fi intolérable au cœur d'un homme dlionncii
xeiid au mien le séjour de TAngletcrre insuppoi
table. Mais on ne veut pas que j*en sorte -, je |
sens, j'en ai mille preuves, et cetarrangcmen'cî
très -naturel^ on ne doit pas me laisser aller pu
])lier au dehors les outrages que j'ai reçus dar
l'fle , ni Ja captivité dans laquelle j'aî vécu; od b
veut p^s non plus que me» mé.moircs'passcnt dat
Iç continent et ailleurs instruire une autre généri
tion des maux que m'a fait soufirir ceUe-<:i. Quai)
je dis on , j'entends les premiers auteurs de mi
disgrâces : à Dieu ne plaise que lldée que jai
ruonsieur, de Totre respectable x:aractère me p^
ipette jamais de penser que vous ayez ticpapé dai
le fond du projet! Vous ne me connaissiez poin
on vous a &it croire de moi beaucoup de chose
rijIusFon de Famitié vous a prévenu pour m^^ c'
ncmis, ils ont abusé de votce bienveillance, ^
ar uine suite de mon ^malheur ordinaire, les n
)Ies seiuimcns de votre .coeur, qui vous auraicj
parlé pour moi si j'eusse été mieux connu de vol
QkWt nui par Topinioai qu'on vqus en a donn<
Maintenant le mal est sans remède; il est pres(|
«Lnpossible que vous soyez désabusé; c'est ce (j
j|e fie suis pas i portée de tenter : et , daus fen^
i
imtE 1767. * . 3iî
où vous êtes, k prudence veut <jue vous vous prf-*
liez aoi miesares de mes ennemis.
roserai pourtant vous &ire une proposition
çii, f crois, doit parler également à votre cœur
et k ?Dtre sagesse : la tenihie extrémité où je suis
réduit es ïàlj je rayoue j ma seule ressource ; mais
cette nssome en est peut-être paiement une'
p^or mes ennemb contre les suites désagréables
<pe peut ayoïr pour eux mon dernier désespoir.
'cTeoi sortir, monsieur^ de l'Ângleterte ou de
I3 vie; et je sens bien que je n'ai pas le doîx. Le$
maïKKïïvres sinistres que je voîsmannoncent le
sort (jm m'attend , si je fe;n» seulement de vouloir
ffl cmtartjDfr. ] y suis déterminé pourtant , pairce
Çae toutes les horreurs de la mort n'ont rien do
f «mpaïajye i céUes qui m'environnent Objet de
U risée et de lexéaation publique , je ne me vois
eoviromiéquedcs sîçnes affreux qui m'annoncent
]'^ «fatinée. C'est trop souffiir^ monsieur^ et toute
téit&tiou de correspondance m annonce asses
ff , âtèl que Fargent qui me reste sera dépensé^
! Q aï plus qixk mourir. Dans ma situation , ce
• '^ un soulagement ppur mot y €t c^édl le seul dé-
'^^u qm me resté -, mais f ai bien Ûe la peiùe k
^ascrqne mon malbetir lie laîisc apirès lai linlle
'fct détegiéable. Quelque làbileinetil ique laî
^5» ât été concertée, qtfèkrae ailroile qu'en
'l Texécufioir^ il restera des indices pêu^fava;
-^les i Hospitalité nationale. Je suis malbeu-
^^s^aent trop connu potir que ma fin tragique
4. a7
3l4 CORRESPOND ANpE)
OU ma disparition demeurent sans commentaires^
et quand tant de complices garderaient le secret ^
tous mes malheurs précédens mettront trop de
gens sur la trace de celui-ci pour que les ennemis
de mes ennemis (car tout le moude en a} n'en
fassent pas quelque jour un usage qui pourra leur
déplaire. On ne ^it Ju^uob ces choses >!à peu- 1
vent aller, ^t Ion n est plus maître de les arrêter
4iuand une fois elles marchent. ConyeQez , mon-
sieur, qu'il j ajuraijt quelque avantage à pouvoir
5e dispenser d'eu venir à cette ei^trémité.
Or on le peut, et prudejnment on le doit Dai-
gnez m écouter. Jusqu'à présent j'ai toujours pensé
î laisser après moi des ^émoire^ qui missent ao
Ê^it la postérité des yrais événemens de ma vie ;
je les ai commencés, 4éposés fin d autres mains,
et désorixiais abandonnés. Ce dernier coup m'a
&it sentir ri]iipossi))ilité d'exécuté ce dessein , et
in pn ^ totalemen t ôt^ l'envie.
Je suis sans espoir^ sans projet, sans désîi
même de rétablir ma réputation détruite , parc<
que je sais qu'après moi cela viendra de soi-même
et tqu il me faudrait des eflbrts immense^ poux ]
parvenir de mon vivant. Lt découragement m^
gagné; la doucje amitié , Tamour du repos , sou\ \<
seules passions qif i,me restent, et je u aspire qu
finir paisiblement : mes ioyjrs dans le sein d\3
ami. Je ne vois plus d'autre bonheur pour mol si
la terre; et, quand jWrais désormais à choisiT,
sacrifierais tout i cet unique. ^é^ir (pi m^est res^l
VoUk, monsieur, llioinme qtn vous propose
de le laisser aller en paix, et qui tous engnge sa
(n^ sa parole, tons les «entimens d'honneur doni
\\ fait profession , et toutes ces espérances sacrée»
([\n font ici-bas la consolation des malheureux ^
que nou-seulemcnt il abandonne pour toujours le
pojet décrire sa vîc et ses mc'moircs, mais qu'A
ne lui échappera jamais, ni de bouche, ni par
écrit, un seul mot de plainte sur les malhenrs qui
lui sont arrivés en Angleterre ; qn il ne parlera ja-
mais de M. Unme, ou qull n'en parlera qu'avec
Ixiineur; et que, lorsqu'il sera pressé de s'expli-
quer 5ur les pintes indiscrètes qui, dans le fort
de ses peines, Im soûl quelquefois échappées, li
i> 5 rejettera sans mystère sur çou humeur aigrie
et portée à b défiance et aux ombrages par des
malheurs continuels. Je pourrai parler de la sorte
nrec vérité, n'arant que trop d'injustes soupçons
à me reprocher par ce malheureux penchant , ou-
vrage de mes désastres, et qui maintenant y met
!e romble. Je m'engage solennellement k ne jamais
é rire quoi que ce puisse être, et sous quelque
! '-élexte que ce soit , pour être imprimé ou pu-
' /:é, ni sous mon nom, ni en anonyme, ni de mon
vivant, ni après ma mort.
Vous trouverez, monsieur, cespromcsfcsbîen
f rtes; elles ne le sont pas trop pour la détresse ob
je suis^y OU5 me demanderez des garans pour leur
c .écutîon ; cela est très-juste : les voici*, je \6us
\^\t de les peser.
3l6 CORRBSPQlfBAKCB ,
Preipièremeqt, tpus mes papiers relatift à l'An-
gleterre y sont encore dans un dépôt* Je les ferai
tous remettre entre yos mains ^ et j'y en jouterai
quelijaes autres ^c&sgz importans qui sont restés
dans les miennes. Je partirai a vide et sans autres
papiers cpi'un petit portefeuille al)soluraent né-
cessaire à mes affaires, et que j'offre à visiter (^).
Secondement, vops aui^ez cette lettre signée
pour garant de ma parole^ et de plus^ une autre
déclaration que je remettrai en partant à qui vous
me prescrirez, et telle que, si |'étais capable de
jamais lenfreindre de mon vivant, ou après ma
mort, cette seule pièce anéantirait tout ce que je
pourrais dire, en montrant dans son auteur on
in£tme qui, se jouant de ses promesses les plu5
solennelles , ne mérite d^étre écouté sur rien. Ainsi
mon travail détruisant son propre objet en ren-
drait la peme aussi ridicule que vaine»
En troisième lieu, je suis prêt à recevoir ton-
jours avec le même respect et la même reconnais-
sance la pension dont il platt au roi de m'honorer.
Or je vous demande, monsieur, si bi^u honoré
d'une pension du prince, jetais assez vil, assez
inUme pour mal parler de son gouvernement, de
sa nadon et de sesr sujets, il serait possible en au--
cuo temps qu on m'éooutflt sans indignation , sans
mépris et sans borreur» Monsieur, je me lie par
les liens les plus forts et les plus indissolubles*
{^) J'offirt à. WMtcr» Confixme aa telle dcJ'éditîoD ori^oale,
)iinrix X767. Z\y
Vous ae pouvez pas supposer que je reuille rets-
\Xa mon honneur par des moyens (jui me len*
draient le plus vil des mortels.
n y a^ monsieur^ un quatrième garant, plus
sûr , plus sacré que tous les autres ^ et qui vous ré^
pond de mor, c'est mon caractère connu pendant
cinquante-six ans. Esclave de ma fioi, fidèle à ma
parole, si jetais capable de gloire encore, je m'en
ferais une illustre et fière de tenir plus que je n'àu»
rais promis; mais, plus concentré dans moi-même,
il me suffit d'avoir en cela la conscience de mou
devoir. Eh! monsieur, pouvez-vous penser que*
de rhumeur dont je suis , je puisse aimer la vie en
portant la bassesse et le remords dans ma solitude?
Quand la droiture cessera de m'étre chère, cesl
alors que je serai vraiment mort au bonheur.
N09X, monsieur, Je renonce pour jamais à tous
.souvenirs pénibles. Mçs malheurs n'ont rien dW
$ez amusant pour les rappeler avec plaisir; je suis
assez, heureux si je suis libre y et que je puisse
ren^e mon dernier soupir dans le sein dun amL
Je ne vous promets en ceci que ce que je me pro-
. mets à moi-même y si je puis goûter encore queW
ques jciurs de paix avant ma mort.
Je u ai parlé jusqaici y monsMsur, qu'à votr»
raison : je n^ai quun. mot maintenant à dire .4
votre cœur. Vous voyez un malheureux réduit au
< àésespoSar^ n'atlfudant plus que la manière- de sd
. demiére heure- Vous pouvez rappeler cet infof^
tuué à la vie« vQiispowez vous, en rendre le seo^
3 1 8 CORRESPOITDAXCE ,
Veur, et du plus misérable des liommes en fiâre
encore le plus heureux. Je ne vous en dirai pas
davantage , si ce n'est ce dernier mot qui vaut la
peine d'être répété. Je vois mon heure cxtn^mc
(jui se prépre; je suis résolu, sHl le faut, de Tail-
ler chercher, et de périr ou d'être libre ; il n'y a
plus de milieu.
753. -—A M. E. J
CBIAUlK^tEH.
L«'i3 mal i76'7-
Vous me parlez, monsieur, dans une langue
littéraire de sujets de littérature, comme à on
homme de lettres; vous m^accablez déloges si
pompeux qu'ils sont ironiques; et vous croyez
m'cnîvrcr d'un pareil encens? Vous vous troro-
pez, monsieur, sur tous ces points : je ne suis
po^int homme de lettres : je le fus pour mon mal-
heur; depuis long -temps j'ai cessé de Têtre; rien
de ce qui se rapporte à ce métitn- ne me convient
plus. Les grands éloges ne m'ont jamais flatté; au^
jourd hui surtout que j'ai plus besoin de consola-
tion que d'encens, je les trouve bien déplacés :
c'est comme si , quand vous allez voir un pauvre
'malade, au lieu de le panser, vous lui faisiez dès
complimens
J'ai livré mes écrits à la censure publique; elfe
les traite aussi sévèrement que ma personne : i la
bomie heure ; je ne prétends point avoir en rai«
mmÉE 1767. 319
son ; je sais seulement que mes intentions étaient
assez droites, assez pures, assez salutaires, pour
dr^oir m obtenir quelque indulgence. Mes er-
reurs peurent être grandes; mes sentimens au-
raient dà les racheter. Je crois qu'il y a beaucoup
de choses sur lesquelles on n^a pas voulu m en-
tendre : telle est, par exemple, Poriginc dn droit
talurcl , sur laquelle vous me prêtez des senti-
mcDS qui n'ont jamais été les miens. Ccst ainsi
<]^]*oû ag^ve mes fautes réelles de toutes celles
qu on juge & propos de m^attribuer. Je me tai.>
ccvant \esbommes, et je remets ma cause entre
les mains de Dîen , qui voit mon cœur.
Je ne répondmdonc point, monsieur, ni anï
rrprocbes que roQS mt faites au nom dautrui , ni
31 ux louanges que vous me donnez de vous-
r!!vmev les uns oc sont pas plus mérités que les
jutm. Je ne vous rendrai rien de pareil, iunt
l iTCe que je ne vous connais pas que parce que
jjmc à iUt simple et vrai en toutes choses. Vous
* :»iis ililes dûnn^ien : si vou5 m'eussiez parlé bo-
. rtiqœ, et des plantes que produit votre contréei
ous m auiiez fiiit plaisir , et j'en aurais pu causer
vec Tiras : mais pour de mes livres, et de toute
ij tre espèce de livvvs , vous mVn parleriez inu^
'lout, parce que je ne prends plus d'intéiét à
u! cela. Je ne vous réponds point en latin, par
raison ci -devant énoncée; il Ae me reste de
.:te langue qu'autant qn*il en fkut pour entendre
3aO CORRBSPONOANCB ,
le$ phrases de Lîmianis. Recevez ^ inbnsieiiri mes
liès-hambLes salutatio]i&,
754^ 1. 91 LE. MAKQUIS D& MiRÀBBÀXr.
C^Iaiè, îè aa nui i7<>7«^
Parrivb ici, monsieur, aprc» bien dés ayen^
tares lùzarres, qui feraient un détail plus long
qu'amusant. Je voudrais de tout mon. cœur aller
finir mes jours au châteaadé Trye; mais y pour
entreprendre un pareil établissement^ il &udrait
plus de certitude de sa durée que vpus ne pouvez
la donner. Je ne vois pour moi qu un repos staÙe,
x:^est dans l'état de Venise; et , malgré lïmmensité
du. trajcl, je suis déterminé à le tenter. Ma situa-
tion j 4 tous égards y me forcera à de& stations que
je rendrai aussi courtes qu'il me sera possible. Je
désire ardemment d!en^ Êiire une pelite à Parfs
pour vous y voir, si ]y puis garder Pincognîto
convenable , et que je sois assuré que ce court se*
Jour ne déplaise pas. Permettez que je vous coq*
suite la - dessus, résolii de passer tout droit et le
pitti p^omptement qu'il me sera possible , tà Vou6
jugez qife ee^ sett le meitleittr parti. Je ne i«005 en
dirai pas davanti^eiei, monjqeiir;imaîst) attends
avec empressemeiil de vos nouvelles , et je compte
m'arrâtff à Amiens pour cela.. Aye& la bonfté de
m'y répondre sons le converti M^^'Bartbéieoû
Midy, négociant. Cette rép<|nse régkra ma maî-
che. Puisse-t-elle^ monsieur^ pie- Exwr k l'ardent
'A3xvi% 1767, 3at
iésîr qne fai de Tok et d embrasser le respectable
ami des hommes !
755. — A M. Dv Petrou.
tilak, le M mai 1767.
JTaixivb ici transporté de joie d avoir la com-
nnmicationroaYertç et sûre avec mouclier bote,
^ de n avoir plus l'espace des mers en lie nous. Je
pars demain pour Amiens, où j'attendrai de vos
nouyelles, sous le couvert de M. Bartbélemi
Mtdy, négociant Je ne vous en dirai pas davan«
tage auiourd'hui; mais je n'ai pas voulu tarder à
rompre , aussitât qull m'était possible , le silence
£6rcé que je garde avec vous depuis si long-tempt.
jS6. A Af. Ui HAAQUIS DB MlHABEAV*
'ÂakoÊ, U % fom 1767»
J'ai dîffîré, monsieur , de vous ^ire jusqu'à
ce que je pusse vous marquer le jour de mon dé-
part et le lieu de mon arrivée. Je compte pariir
demain, et arriver après -demain au soir à Saint-
Dems, où je séjournerai le lendemain vendredi
pour y attendre de vos nouvelles* Je logerai aut
Trois Maillets* Comme on trouve des fiacres à
Saint -Denis, sans prendre la peine d'y venir
vous-même, il suffit que vous ayez la bonté d en-
voyer un domestique qui nous conduise dans ïà*
uk iaspûaiier que vous voulez bien me destiner.
3^4 iCOBJtESPONBAirCB,
taUe et chéri un antre; mab |e suis yemi ^An^
gleterre avec une résolution qu'il ne m'est: pas
même permis de changer, puisque je ne- saurai
devenir votre hôte à demeuie sans contracter dea
oMigations qu'il nest pas en aion pouvoir ni
même en ma volonté de remplir; et, pour .xé^
pondre une fois poiu* toutes à un mot que toiu
m'avez dit en passant, je vous lépète et vous dé-
clare que jamais je ne reprendrai la plume poQi
te public, sur quelque sujet que ce puisse étrej
que je ne ferai ni ne .laisserai rien imprimer de
moi avant ma mort, même de ce qui reste encore
en manuscrit; que je ne puis ni ne veux rien lire
désormais de ce qui pourrait réveiller mes Idéei
éteintes, ps même vos propres écrits; que dès à
présent je suis mort à toute littérature, sur quet
que sujet que ce puisse être , et que jamais rien ne
me fera changer de résolution sur ce point. Je suii
assurément pénétré pom* vous de reconnaissance .
m^is iton pas jusqu'à vouloir ni pouvoir me ttrei
de mon anéantissement mental. N attendez riec
de moiy â moins que, pour mes péchés , je ne de-
vienne empereur ou rpi; encore cç que |e leraj
dans ce cas sera-t-il moins poiu* vous que pont
mes peuples y puisque en pareil cas^ quand je m
vpus devrais nen, je ne le ferais pas moins.
En outre, quoi que vous puissiez faire , au Bi
gnon je serais-chéz vous, et je ne puis jêtre 4 moi
tiseque'chez moi; je serais dans le ressort du pax^
kment de PariSy qui^ par raison de conveuanœ
jMiit y an Booieiit qa'oa y pensera le moins , faira
vue excursioa nouvelle in animd vili : je ne yea
pas le faiâser exposé à la tentation.
Jlraîs pooitant voir Totre terre avec gian4
(4aisir si ceb ne^sait paa on détour inutUe, et
si je ne fraignais on peu^ cpiand j'y serais , d'avoir
h tentation d'y rester : là -dessus toutefois yotre
folontésoit&îte; je ne résisterai jaipais au bien
que toos vondreas me £iire| quand je le sentirai
ooiifiurme à mon bien réel ou de £intâisie ;- car
pour moi c'est tout un. Ce que je crains n'est pas
de vous être oUigé, mais de vous éti-e inutile.
Je SUIS très-surpris et très en peine de ne reœ*
voir aucune nouTdk d'Angleterre, et surtout de
Saisêej dent jpen attends avec inquiétude. Ce re*
tard me o^t dans ie cas de Êire à vous et A moi le
plaisD' de rester ici jusqu'à ce que j'en aie reçu, et
par conséquent celui de vous y embrasser quel-
queins encore, sachant que les œuvres de miséij*
corde piUsent à votre cœur. Je remets donc k ceg
doax mcimens ce qu'il me reste à vous dire, et
RotOHt 1 vous remercier du bien que vous m'avez
procisré dimanche au soir, et que par la manière
dont je Tai senti je mérite davoîr encore. FaUf
€tm€aM9UU
^o. — A M. nv PsTmov.
Jb ttçMj mon cher h4te, votre n^ 46; je. n'ai
pont reçu les trcns précédens. Je veux supposer^
s8
3'j.6 COKRBSPOITDAfrcB,
|;our ma consolation^ que la goutte n^est po^nt
i^enue , et que , selon vos arrangemens , vous sirri-
verez aujourdhui ou demain à Paris. CcLi étant,
qllez , e vous snpplie, au Luxembourg voir N. le
marquis de Mirabeau ; vous saurez par lui de mrs
nouvelles. Il n'est prévenu de rien, parce que je '
ne 1 ai pas vu depuis la réception de Totre lettrt-,
mais il suffira de vous nommer. Ne sachant si '
cette lettre vous parviendra, je n en dirai pas id
davantage. Je vous embrasse de tout mon cœur» '
Si jyiiT hasard M. le marquis de jVCraheau n'é- *
tait pas chez lui, demandez M. Garçon , son so- '
crétaire. '
^{)I« ▲ AL LE MARQUIS DE MiRABEAV*
Ce FexKlredi, 19 jum i^j.
Je lirai votre U^tc , puisque vous le voules ; en-
suite j'aurai à vous remercier de Tavoir lu : nuôs
3 ne résultera rien de plus de cette lecture que la
confirm:}tiou des sentimrns que vous m'aves mv
pires, et de mon admiration pour votre grand et
{)rofond génie, ce que je me permets de toi^ due
en pissaat et seulement une fois. Je ne vous ré-
ponds pas môme de vous suivre toujours, parce
quil ma toujours été pénible de penser, fatigant
de suivre les pensées des auti*es, et qu'à présenl
je ne le puis pliis du tout. Je ne vous remercia
point, mais je sors de votre maison fier d^y avo^
été admis, et plus désireux que jamais de cou
ï 7C7. 3'*7
server les bontés et Tamitié du maître. Du reste,
quekpe mal que vous pensiez de la sei.sikilîtM
prise pour toate nourriture , c est Tuaicpie qui
m^esl restée; je ne vis plus que {>ar le cœur. Je
?t axToas aimer aataut que je vous respecte : c'est
be^ncocp; mais voilà tout; n attendez ^amais de
moi rien de plus. J'emporterai si je puis votie liyn?
déplantes; sil mcmljarrasse trop, je le laisserai,
dinsfespoir de revenir qu^'Ique jour le lire plus &
BMm aise. Adieu, mon cher et respectable bote; je
pats plein de vous, el content de moi, puisque
\eiDpoc\ie votre estime et votre amitié.
76a. — ▲ M. DU Peteou*
'àntlAieaa de Trye, le ai )uûi 17^*
i^uuLivs béQreu$ement, mon cher hôte, avec
M. Coindet, qui vous rendra compte de l'état des
c&oses. Xespere, les premiers embarras levés, pou-
voir couler ici des jours assez tranquilles, sous la
f niCectioD du grand prince qui medonne cet asile.
Donnez-m'y souvent de vos nouvelles, cher ami;
vmis savez combien elles sont nécessaires à mon
Unheor. Vous pouvez remettre vos lettres à
M. Coiodet , ou k*s Êiire mettre à la poste sous
CHU' adresse : A M. Manoury , lieutenant des
chasses de M. le prince de Conti, pour remettre
i 3/. Renou, au château de Trye, par Gisors.
Ouand vous aurez quelque paquet à me &ire te-
uvTy il y a un carros9e de Gisors (jui va à PartSr
3a6 coRRBSPOifVAircfi,
loti5 les mercredis , et revient tous les samedis :
mais je ne sais pas oii en est le bureau à Paris;
cela n'est pas difficile k Crouyer; il fiint se servir
par le carrosse de la même adresse. M. Coindet
Ta partir, je suis très-pessé; je finis en vous em-
brassant de tout mon cœur.
763. -^A M^ LE MABQtns DS MuABEAIT.
t^e-le^âtetiH ^ le a4 J^iîn i ^6^
J'BSPiRAXs, monsieur, vous rendre comptB un
peu en détail de oe qui regarde mon anivée et
mon habitation ; mais une douleur fort vive qui
me tient depuis bier i la jointure du^ poignet me
donne à tenir la plume une diffi^colté qui me force
d'abréger. Le cbftteau est vieux , le pays est agréa-
Ue, et j'y suis dans un hospice qui ne me laisse-
rait rien à regretter, si je uel^ortais pas de Fleury.
Jar apporté votre livre de plantes domf ^aurai
grand soin ; )'ai apporté vo^re Philosophie rurale^
que f ai essayé de lire et de suivre sans pouvoir en
venir à bout i j'y reviendrai toutefois. Je réponds
de la bonne volonté, mais non pas du succès. Td}.
aussi apporté la clef du parc ; }'étais en train d'em-
porter toute la maison ; je vous renverrai cette clef
par la première occasion. Je vous prie de me gar-
der le secret sur mon asile; M. le prince de Conti
le désife ainsi, et je m'y suis engagé. Le nom de
Jacques ne lui ayant pas plu , j^ ai substitué celui
jue Je signe ici, et sous lequel j'espère y monsieur,
recevoir de vos nouyeUes à Yaânsie 0aivante«
Kgtèez, monneor, mes saliitalioii5 tr^hnmUeSé
le TOUS léy ère et yous emlirasse de tout mon coeur*
Rekov.
^64- A MILOED HaRCOUKT.
Le 10 juillet ijCy,
Je reçois seulement eo ce moment, mîlOTd^ la
lettre que yous m'ayez fait rhonneur de m'écrire
le 7 mai , et le billet que yous m'ayez enyoyé sous
la même date. En you5 remerdant de Tune et de
l'autre , et eu yous réitérant mes trés-humbics ez«
cuses de la peine que yous ayez bien youlu pren-
dre en nta niyeur, permettez qu étant éloigné de
yoQS je prenne ia liberté de me recommander &
tlionneur de yptre souyenir, de yous assurer que
yo6 bontés ne sortiront point de ma mémoire, et
de yous renouveler les protestations de ma recon^
naissance et de mon respecta
Je yous demande la peimission , milordT, de rur
point dater, quant & pré^nt , du lieu de ma re-'
traite ; et de ne plus signer unr nom sous lequel
)^ai yécu si maffieoreuiir Vous ne tarderer pas
d'étreinsCrait de celui que f ai pris , et sous fequel
je yous rendiaf désormais mes hommages ^siyoïis '
me permettez de yous les renouyeler quelquefeij^-
Si yôas m'h<Miores d!ime léponse, IL Watdet 9$t
ifortéedc me k fiiire passer.
Z3o COKRESPOIlDAXrCB,
765» — * A M. 0v Peyrov»
Le aa juillet ^'i&y.
Je sais, mon cher h6te, Jans les plus grandes
alarmes de nWoir aacune nouvelle de voos de-
puis Totre départ. Si vous m'avez écrit, il faut
^e vos lettres se soient dévoyées ^ et je n'imagine
que la goutte <jui ait pu vous empêcher d'écrire.
Cette idée me fait' frémir, en pensant à ce que
cVst que d'être pris de la goutte hors de chez soi ,
et peut-être même en route dans un cabaret. Ah!
cher ami ! si je le croyais bien , si je savais où y rien
ne m empêcherait d'aller vous y joindre; votre si-
lence me tient dans une angoisse d'autant plus
cruelle que, dans le doute, je mets toujours les
choses au pis. De grîlce,sî ma lettre vous parvient,
en quelque état que vous soyez , faites-moi écrire
un mot^ faites-le écrire à double, lun où je suis,
directement à mon adresse que vous savez ^ et
lautre à l'adresse de M. Coindet, que vous saxei
aussi. Il est étonnant que je ne sache ou que je ne
me rappelle pas votre nom de baptême : cela nie
lient en quelque emkirras pour vous distingue.T ,
en écrivant à M. du Peyron d'Amsterdam , à qui
j adresse cette lettre. Je n'ai pas le courage de voui
parler de moi jusqu à ce que j'aie de vos nouTelle^
Donnez -m'en, je vous conjure, le plus xAt qi|
vous pourrez. Adieu, mon cher hôte : puisse ]
Aursii 1767. 33 1
Provkleiice tous conduire et vous ramener heu-
KQsaneotJ
7G6. — A M. L£ MARQUIS DE MlBABEAU.
Trye , le a6 juillet 1767.
TÀVEAisiû , monsîenr, VOUS écrire en recevant
Totre dernier billet ; mais j'ai mieux aime tarder
(pelles jom? encore k réparer ma négligence,
el pouvoir vons parler en même temps du livre ( ? )
^e TOUS m'iivez envoyé. Dans rinipossibilité de
le lire tout entier, j'ai chobi les chapitres oli lau-
ttur casse les vitres, et <pii m ont paru les pi ils
importans. Cette lecture m'a moins satislàit qu^
je ne m'j attendais; et je sens que les traces de
mes rie'dks idées ^ racornies dans mon cerveau ,
ne penoefteot p'us à des idées si nouvelles d j
(aire de fortes impressions. Je n ai jamais pu Lieu
entendre ce que c'était que cette évidence qui sert
de Iiase an despotisme légal ^ et rien ne m'a paru
iBoîns évident que le chapitre qui traite de toutes
CCS évidences. Ceci ressemble assez au système de
i oWié de Saint- Pierre, qu! prétendait que la raison
buiuaine allait toujours en se perfectionnant, aU
Urniu que chaque siècle ajoute ses lumières â celles
As siècles prc'ccdens. Il ne voyait pas que reh-
tciiiii mrnt humain n^a toujours qu nue même me^
( 0 VOràrt natm-tt et ttftniid des Société» politiques (17 O7»
ti4*<oas ^^ ti»-i3),p«rAIercaKr^Lalliirt^ey Binseii îli^
k
33a coERBSPOirDÀircE,
sure et très-étroite, qu'il perd d'un cbié tout au-
tant qu'il gagne de 1 autre, et que des j»^jugés
toujours renaissans nous 6tent autant de lumières
acquises que la raison cultivée en peut remplacer..
Il me semble que Tévideuce ne peut jamais être
dans les lois naturelles et politiques qu'en les con-
sidérant par abstraction. Dans un gouyernement
particulier j que tant d elémens divers composent,
cette évidence disparaît nécessairement. Car la
science du gouvernement n'est quWe science de
combinaisons, d'applications et d'exceptions, se-
lon les temps, les Deux, les circonstances. Jamais
le public ne put voir avec évidence les rapports
et le jeu de tout cela. Et, de grâce, qu'arrivera-
t-il?que deviendront vos droiCs sacrés de propriété
dans de grands dangers, dans des calamités ex-
traordinaires, quand vos valeurs disponibles ne
suffiront plus, et que le salus populi suprema lex
esta sera prononcé par le despote!
Mais supposons toute cette théorie des lois na^^
fnrelles toujours parfaitement évidente, même
dans ses applications ,^et d'une clarté qui se pro-
portionne i tous ks yeux; comment des philo-
sophes qui connaissent le cœur humain peuvent-
ik donner à cette évidence tant d'autorité sur les
actions des homiuesT comme- sUs ignoraient que
chacun se conduit très-rarement par ses lumières
e% très-firéquemmenr pr ses passions.. On prouve
./{ue le plus véritable in téfêt du despote est de gon»
ferner légalement| cela est recçniw dans tons lo
▲imiB 1767. 333
temps; maïs gai est-ce qui se conclait stir ses plitf
nais înlérêfs? le sage seiol^ s 11 existe. Vous Élites
donc, messiearSy de Tos despotes autant de sages.
Presque Ions les hommes connaissent leurs vrais
intàïts , et ne les suirent pas mieux poAc cela.
Le prodigoe qui oiangë ses capitaux sait parfaite-
ment qo'il se ruine, et n^en va pas moins soa
train : de <pioi sert que la raison' nous édaÎNi
quand la passion nous conduit?
Viieo aidtora frobo4pitg
Vmlà ce que &ra votre despote^ ambitîeuor^
prodigue, avaxe, amoureux^, vindteatif ^ jalooix,
£iîj]le; car c'est aina qu'ib font tous , et que nous
îaÀsons tons. Messieurs, permettez-moi de vâns le
dire, vous donnez trop de force i vos calcula, el
pas assez aux penchans du cœur humain et ao
ji u des passions. Votre système est trë^boti pour
le^ «ens de IX'to^^Ie-^ il ne vaut rien pour les eifc^
Lxks d'Adam*
Voici^ dans mes vieilles idées, le grand pro»
hléme en politique, que jç compare à celui de la
quaidratnie du cerde en géométrie , et à cdui des
ioogitndes en astronomie ; rroKc^er une forme
de pcmi^emement qid mette la loi au-dessus de
l'homme»
Si eetie forme est trouvaUe, cherchons-la et
tichoBS de rétablir. Vous prétendez j, messieurs,
troorer cette loi dominante dans ^évidence des
334 GORREf'POVBÂNCE,
autres. Voos prouvez trop; car cette criileuce a
dû être dans tous les gouvememens, ou ae sera
jamais dans aucun.
Si malheureusement cette forme n^est pas trou*
vable, et j'avoue ingénument que je crois qu'elle
ne Test pas j mon avis est qull &ut passer à l'autre
extrémité^ et mettre tout d'un coup Thomme au-
tant au-dessus de la loi qu'il peut létre, par con-
séquent établir le despotisme arbitraire et le plus
arbitraire qu'il est possible : je voudrais que le
despote pût être dieu. En un mot, je ne vois point
de milieu supporta])le eutri* la plus austère démo-
cratie et le bobbisme le plus parfait : car le conflit
des hommes et des lois, qui met dans l'état une
guerre intestine continuelle , est le pire de tous les
états politiques.
Mais les Caligùla, les Néron, les Tibère!.....
Mon Dieul... je me roule par terre , et je gémis
d être homme.
Je n ai pas entendu tout ce que vous avez dit
des lois dans votre livre, ce qu'en dit l'auteur
nouveau dans le sien. Je trouve qu'il traite un peu
légèrement des diverses formes de gouvememeut ,
bien légèrement surtout des suffirages. Ce qu'il a
dit des vices du despotisme électif est très-vrai,
ces vices sont teiribles. Ceux du despotisme héré-
ditaire, qu'il n a pas dit, le sont encore plus.
Voici ttu second problème qui depuis long-»
temps ma roulé dans lesprit :
Trouver dans le despotisme arbitraire une
forme de succession qui ne soit ni étectiue ni hé-
réditaire , ou plutôt qui soit à la fois lune et Vau'
tre,et par laquelle on s'assure, autant quil est
possible, de n'avoir ni des Tibère ni des Néron*
Si. jamais j'ai le malheur de m'occuper dt^re-
clicf de cette foBe idée , je vous r«*procli#»rai toute
ma yie de m*aToIr ôf é de mon rAtelier. J'espère
que cela n'arrivera pas; mais, monsieur, quoi
qu^ arrive, ne me parlez plus de votre despo-
tisme légal. Je ne saurais le goûter ni même IVn-
tendre; et je ne vois là que deux mots contradic-
toires, qui rcunis ne signifient rien pour moi.
Je connais d'autant moins votre principe de
population , qu'il me parait inexplicable en hii-
même, contradictoire avec les faits, impossible A
concilier avec J orîgîce des nations. Selon vonS|
monsieur, la population multiplicative n'aurait
dû commencer que quand elle a cessé rëellemeni.
Dans mes vieilles idées, sitôt qull y a eu pour un
son de ce que vous appelez richesse ou valeur dis-
ponible , sitôt que s'est fait le premier échange, la
population multiplicative a dÙ cesser; c^est aussi
ce qui est arrivé.
Votre système économique est admirable. Bien
n^est plus profond, plus vrai^ mieul vu, pins
utile, n est plein de grandes et sublimes véiîtës
qui transportent. II s'étend à tout : le champ est
vaste; mais jài peur qu il n'aboutisse à àc» pays
lien différcns de ceux oh vous prétendiez aller.
fai voulu vous marquer mon obéissance en
Tons montiant que Je tous avais da moins pso^
couru. Maintenant j illustre ami des hommes et la
mien , je me prosterne à vos pieds ponr vous con*
jurer d'avoir pitié de mon état et.de mi^ malhean,
de laisser en paix ma mourante tête, de n'y plus
jréveiller ^es idées presque éteintes, et qui ne p^n-
yeat renaître que pojùjr ^nlabimer dans de non-
yeaux gouBSres de ;Qaux« Aimez -.moi toujoivs,
.mais ue ^n'envoyez plus de liyres, n^exi^ez pins
que j'en lise ; ne tcntetz pas m$n).e de m^éclairer si
je m'égare : il n'^st plus temps. On ne se cooTertit
point sincèrement à mon Age. Je puis me trom*
per y et vous pouvez me convaincre y mais non pas
me pers^ader^ D aillejurs^ je ne dii^ute jamais;
J^aime mieux céder et me Jtaire : trouvez boa qœ
je m'en tienne à cette résolutipn. Je vous em-
brasse 4e la plus tendrje amîfié et avec. le jplusTi^
resjpect,!
Si, commç je respère. ;non Jrès-jcher h4te|
vous ^yez reçu ma lettre précédente^ vous y a^*
rpz vu combien jW.ais bssoi;i} 4e Ja yôtre du 20
pour me tranquîliser sur votre voyage. Grâce à
Dieu, vous voilà arrivé exempt Âe goutte; et,
quand même elle yous prendrait pîl yous êtes, ce
qui, je ][nfi flatte, n arrivera pas, f en serais mo'm5
effirayé que^e vous savoir arrêté en route dansun^
auberge, malbeur que j'ai craint dans ces circons*
AKirÉ3 1767. 33y
lances par-dessus tout. Si votre vie ambulante de
Gietle auuée pouvait, pour cette fois, vous exemp-
ter de la goutte, je ne désespérerais pas qu^avcc
vos précautions et la botanique vous n'en fussiez
peut-être délivré toutrà-£iit. Ainsi soit^ill
Je ne vous dirai pas ce qui s^est passé ici de-
puis votre départ; peut- être cela changera-t-il
avant votre retour. Son altesse, qui màlbeureuse-
meut a bit un voyage , doit revenir dans peu de
jours.
J'écris, comme vous le désirez, à Douvres;
mais \e tire un mauvais augure, pour le sort des
lettres^e-cbange, de ce que votre lettre ne vous
a pas été renvoyée. S*, vous m'eussiez consulté
quand vous la fites partir, je vous aurais conseillé
d'attendre une autre occasion. J'eqpère que vous
aurez été pins henrenx à retirer lopéra.
Je suis encore incertain. sur la meilleure voie
pour avoir recours a vos banquiers, cW-i-dire
sur le meilleur nom à prendre. Comme cela ne
presse point du tout, nous aurons le temps d'en
délibérer. S'il ne vous était pas incommode de
vous charger vous-même du semestre échu quand
vous viendrez me voir, cela ferait que, n'ayant
rien à recevoir d'eux jusqu'à Tannée prochaine,
j aurab tout le temps de pmser aux meilleurs ar-
tangemms pour cela, En attendant , il est à croit**
que l'affaire de la pension sera détermmée de ma^
fiière ou d autre; elle ne Test pas jusqu'ici.
Je comprends que celle de vos afiaires ^ue
C«rrc»poailaB7«. 4* • '9
338 COIlRSSPoirDANCEy
vous styez tenhinée la première où vous êtes ^
celle d'autrui, et je vous reconnais hien là. Ti
chez y cher ami^ d'arranger si solidement les T<
très que voua n^ayez pas souYent de pareils voyi
ges à faire. Il vaut encore mieux s'aller pronieni
au creux du vent par la pluie ^ qu'en Hollande p;
le beau temps.
Je n'ai ici ni carfce, ni li^Vesyni instmctioni
pour votre route; mais je suis très^sâr que toi
pouvez venir ici en droiture sans avoir besoin c
passer par Paris. Je crois que Beauvaiis nVst p^
fort éloigné de votre route -, il y en a une de Bciii
vais à GisorSy et la dbtance de ces deux vill<
n'est que de six lieues; les mêmes chevaux i
poste les font 9 à ce qu on m'a dit. Ce château ei
sur la même route , ou du moins très-près ci set
iement à demi4teue de Gisors. Vous pouvez aist
ment vous arranger pour y venir mettre pied
lerre ,* et vous enverrez votre voiture et vos gens
Gisors.
Je vous prie de dire pour moi mille choses
monsieur et madame Rey. Voyez aussi, de gràci
ma petite filleule ; embrassez-la de ma part. Je si
rais bien aise d'avoir à votre retour quelques di
tails sur la figure et le caractère de cette chère cl
faut; elle a cinq ans passés; on doit commend
d'y voir quelque chose.
Jattends de vos nouvelles avec la plus vil
impatie.nce; instruisez-moi le plus t6t que vol
pourrez du temps de votre départ, et, s^il se peti
K.
AVfféz 17G7. 339
de celui de Votre anriTée. Cette idée me fiiit d a-
Tance tressaillir de joie. Ma sœur vous baise les
maÎDS ^ et partage mon empressement. Adic^u ,
mon clier hôte, je tous embrasse de tout mou
Qxnr.
Ne pouniez-YOus point trony^r où tous êtes
YAgrasîographia , ou Trotté des Gramen de
Schenzer? Il est impossible de Tavoir à Paris. Si
?oas pouviez aussi trouver la Méthode de Lud-
ivig, on quelque autre bon livre de botanique ,
vous me feriez grand plaisir. Les miens sont en
Angleterre avec mes guenilles, et 1 on ne se pressa
pas de me les renvoyer.
768. — A M. Graïtville»
De Fnnce, k i*' août i7(>7*
Si j'avais eu, monsieur^ l'honneur de vous
écrire autant de fois que je l'ai résolu , vous auriez
été accablé de mes lettres^ mais. les tracas dune
vie ambulante , et ceux d'uae multitude de surve«
nans ont absorbé tout mon temps, jusqujà ce qua
je sois parvenu à obtenir un asile un peu plus
tranquille. Quelque agréable qu^l soit, j'y sens
souvent, monsieur, la privation de votre voisi*
nage et de rotre société, et j'en remplis souvent
)a solilade dn souvenir dé vos bont^ pQur moi.
Peu s'en est iàllo, que je. M aniîs retourné jouir de
tout cela chez mon anckn et aimable hâte; mais
EJére doiol.' vos papiers puUics. ont parlé do
^O CORRESPONDANCE y
ma retraite m'a déterminé à la Étire entière, et a
exécuter un projet dont vous avez et '^ le premier
confident. Je vous disais alors qu^en quelque lieu
que je fusse je ne vous oublierais jamais ; j'ajoute
maintenant qu'à ce souvenir si bien dû se joindra
toute ma vie le regret de Tentretenir de si loin.
Permettez du moikis que ce regret soit tempéré
par le plaisir de vous demander et d'apprendre
quelquefois de vos nouvelles , et à réitérer de
temps en temps les assurances de ma reconnais-
sance et de mon respect.
769. — A M, GuT.
Ëorite de Ifotnuuidie, le 6 août 17O7.
Remerciez mon excellente amie, madame de
La Tour, de son petit biUet, et dites -lui que les
premiers épanouissemens de mon cœur seront
pour elle; je ne peux rien de plus quant à pré-
sent. Elle m'avait envoyé son adresse*, mais sa
lettre est restée avec mes papiers^ et il m'est im-
possible de m'en ressouvenir.
77<y. -*- A M. LE MARQUIS DE MlRABEAU*
Tiye , le I a août 1767.
Je suis affligé, noBsiêur , que vous mé mettiez
dans le cas d'avoir «m refu$ à vous &ire; mais co
que vous me demandez est contraire â ma plus
inébranlable résolution, même à tiksengagDmeiis^
àsmiE 1767. 3)t
Ht VGQS pouvez ètw assuré que de nia Tie une li-
pe de moi ne sera imprimée de mon aveu. Pour
6leT même une fois pour toutes les sujets de ten-
tation , je TOUS déclare que dès ce moment je re-
nonce pour jamais à toute autre lecture que des
livres de plan tes 9 et même à celle des articles de
vos lettres qui pourraient réveiller en moi des
Î4ées que je veux et do» étoufler. Après cette dé^^
daration, monsieur , si vous revenez à la charge ^
ne vous oflRensez pas que ce soit inutilement
Vous voulez que je vous rende compte de la
manière dont je suis id. Non, mon respectable
ami , je ne déchirerai pas votre noble cœur par tm
semblable récit. Les traitemens que j'éprouve en
ce pays de la part de tous les habitans sans ercep
b'on, et dès ilnstant de mon arrivée, sont t^op
contraires à l'esprit de la nation et aux fntentions
du grand prince qui m'a donné cet hospice, pour
que je les puisse imputer qu^à un esprit de vertige
dont je ne veux pas même rechercher la cause»
Puissent-ils rester ignorés de toute la terre 1 et
puisse- je parvenir moi- même i les regarder comme
non avenus!
' Je fiiis des vœux pour l'heureux vojrage de ma
bonne et belle compatriote que je crois déjà par»
lie. Je suis bien fier que madame la comtesse ait
daigné se rappeler un homme qui n'a eu quW
moment l'honneur de paraître à ses yeux^ etdont
les abords ne sont pas hrillans; eCe aurait trop i
s U ûlJail «ju^^Qe gaiddl ui| peu dt^ spover
34i COUKBSPOHDAirGB,
nîrs qn^elle laisse à qviconqtte a eu le; bonheur^
la YCttriRacoYez mes plus- tendres embiasfieixieAS.
771.— ▲ MADABCB UL VAAÉCHALB DE LuXfiMBOi'^G.
Trye,le 16 tout 1767.
Jb compte si par&itement, madame la inari-
chale^ sur la eontiiwatîoa de toutes yos bontés
pour ttiot, que je viens y recourir avec la plus
parfaite confiame, eu voue supi^iaBl dobteDÎr
de M. le prince de CoAli la perseiasion de quitter
ee séjour sans «scourir sa disgrâce. J'ose désirer
encore de savoir si le gouvernement approuve ,
ou non, que je m établisse dans quelque coin du
royaume y oà je pubse vivre et mourir eu paix^
sous la protection de son altesse , ou si je dois cou*
iinuer ma route pour chercher un asile ailleurs»
Je vous conjure, madame la maréchale, par nue
mémoire respectable et si chère à votre cœuf 9^
vouloir prendre les informations nécessaires pour
me tirer de Tincertitude où je suis sur ce qull
m.'est permis de £iire ; car ma résolution est i^
n'accepter plus de logement gratuit cbes per-
ÉûiBne. Le grand prince qui a bien voulu m'eo ac-
corder un sera mon dernier h^ , et je crois de*
voir i llH>nneuT qu'il ma fait de n'en accepta
^ue de personne uo semblable.. Alai^, pour osa
tne donner un a^ife indépendant , il faut , qoel^
obscur et reculé qu'il soit, et quelque incognito
A^rtriH' ly&y* 343
hâgsi «Bpanr. Ab' madame , <fie je>^oii»dK>iT& lo
repos des dêmkars foar^demayiejîimWpBrav»
Ira cent fois pkis doQx !
Ceaa apût 1767.
k TOUS dois hien des mai«mta«ns, moDÔeuV)
pour votre demîèfre lettre, et je tous lea fiiis dt
loot nioD cœur» Hle m'a tiré d «ine grande peine;
car, TOUS étant aussi sincèreflient attaobr «{ue je
W s<ûs , yt oe pondais rester nii moment tranquille
dans \a eraônte de voos avoir déplu. GxÂœs à vos
Iiomès, rae voi\à tranquillisé snn ee pomL Vous
me trouTcz gro«noD; passe pimyoela : je réponds
cla moins qme roas o^ mo trouveriss. jamais in-
oral; maïs n'exiges rien de ma déférence et de
mon amîtié contre b danse que j'ai h plus^ expres-
sémtBt stipnlée; car )e tous eouQrme, pour la
dernière fois, que ce serait inutilement.
J'ai tort de n'avoir irien remisi pour M. Vdbhé ;
mais ce lort n'est qu*cxtérieur et apparent , je vous
jme. n me semUe que les hommes de son ordre
doîventdeviner Timprcssion qulls font sans qu'on
la lenr témoigne. La raison même qui m^cmpê-
ibàh de répondre à sa politesse est obligeante
poor lui, puisque c'était la crainte d'être en-
ln«iiié dans des discussions que je me suis inter*
à.tcsj et ob j avais penr de n*étie pas le j^ns fort.
Je tooi dirsd tout fraschemenf qœ |^&i porponni
344 CO^RXdPOÇDANCE,
chez TouA qiiek[«9S pagesd^f^pn oiunrage, (j
vous avies oégUgeoimelitJi^ss^.mir lej)urçau
M. Garçon , et que, sentant quoje mprdais un {i
à rliaineçon , je me suis dépêché de fermer le lii
ayaut que j^ fusse iout^^à-fiik prisi Or, précl
et patrocinez tout à yotre aise, je vous proia
que je ne rbûyrirai de mes jouis ni celui-là,
les vôtres, ni aucun antre da pateil acabit : b(
TÂstrée, je ne reux plus que des livres qui me
nuient, ou qui ne parlent que de mon foin.
Je crainsbien que vous n ayez deviné trop p
sur la source de ce qui se paâse ici, et doùt vo
ne sauriez même avoir Vidée; mais tout cela, u
tant pcrini dans l'ordre natureldes choses, ne fot
fiit point de conséquence contre le séjour de
caimpagne, et ne m'en rebute assurément ps. I
qnll faut fuir li'est pas. la campagne; mais les mi
sonadés grands et despiînjces qiu ne sont poi
les maîtres chez eux , et n^e savent riei^ de ce (\
j'y Élit. Mon malheur estj^. premièrement, dhal
ict dans un chiteau , et non pas sons un toit
qhaume; chez autrui, et non pas chez moi;
surtout d'avoir un hôte si élevé , qu^entre lui
moi il faut nécessairement des intermédiaires,
sens bien qu'il faut me détacher de Tcspoir a|
sort tranquille et dune vie rustique; mais je,
puis m'empécher de soupirer en y songeant l
. mez - moi et plaignez - moi Ah ! pourquoi fanl
que j'ctie &it des liyr^sl j'étais si peu &it poar{
AHiriK 1767. 345
triste métier! J'ai le cœur serré, je fiois et tous
embrasse.
773. — A M. dIvernois.
An châtean de Ttjb, ce 14 tout 1767.
Je n ai reça que depuis peu de jours , mon bon
aani, yotre lettre du 20 mai , adressée à Wootton :
elle était dans le plus triste état du monde, à
demi brûlée, e€ paraissant avoir été ouverte plu-
sieurs fois : les pièces que vous y avez jointes,
ayam-grossi le paquet , ont augmenté la curiosité.
Je ne sais pourquoi vous vous obstinez à m en-
voyer de pareilles pièces; peine qui ne peut ser-
vir de rien ni à vons, ni à moi, ni à personne, et
qui empêchera toujours que vos lettres ne me par-
viennent fidèlement. Quand vos afi&ires seront
accommodées^ apprenez -le -moi pour consoler
mon cœur : jusque-là ne me parlez que de vous«
Lorsque je doutais que vous vinssiez me voir &
Wooton , ce n^était pas de votre volonté que j'é-
tais en peine, mais bien des obstacles que vous
trouveriez à Fexécuter : soyez persuadé que, si
vous m étiez venu voir en Angleterre , de quelque
manière que vous vous y fussiez pris, vous n'au«>
riez point passé Londres. Si jamais la <ton.€orde
renaît parmi vous, j'ai lieu d espérer que n ayant
pins à courir si loin , vqus aucez moins de diffi-
cultés a me joindre : M. du P^yïou vous en indi-
fiiera les n^jpens quand il sera temps, et soyez
;$4S CORRESPOND AKCE,
774' — A M. DU Peyrou.
J'ai reçu avant hier au soir votre lettre du 3;
malgré Foubli, elle avait été décachetée; mais
l'enveloppe à milord Maréchal, qu'il a en Timpru-
dence de me laisser, ne l'avait point été. Qaeccla
vous serve de règle quand vous m'écrirez. Je
prendrai le parti de porter moi-même cette lettre
à la poste; mais, comme cela sera remarqué, et
qu'on y pom^wa pour la suite , je n'y reviendrai
pas, et je vous dirai tout dans celle-<:i.
Que j'ai craint cette cruelle goutte,craeliepour
lun et pour l'autre , pour moi surtout à diveo
ég«rds ! J'espère encore que cette atteinte naura
pas de suite, et ne vous empêchera pas de m*
venir voir. Mon excellent et cher hôte, ce sera la
dernière fois que nous nous verrons; jWdile
pressentiment trop bien fondi. Puisse ce dcrflier
des heureux momcns de ma vie achever dcT0U5
d: voiler le cœur de votre ami! Coin^^t fera ions
ses elForts pour venir avec vous ; évitez ce cor-
tège; après ce que je sais, il empoisonnerait mes
plaisirs. J'étais sûr que, puitsque vous jugitz à
propos de le consulter sur votre route, il faait en
forte de vous dégoûter de venir ici dueetem^n^-
Il vous aura embarrassé de traverses inutiiesotiu
fausses difficultés des maîtres de poste. Gardes si
lettre, et montrez cet article à geus instruits, vov^
veirez ce qu'ils vous dii*ont
Mon cher hdte , vous mWcz pcrda sans le you-
\oir, sans le saToir, et bien innocemment, mais
?ans ressource. Le concours fortuit de mon voyage
ici cl du vôtre en Hollande a passé chez mes per-
sécuteurs pour une affaire arrangée entre nous.
On vous a cru chargé d une négociation avec Kej»
Le papier cjue vous avez adressé pour moi k
Coindet par son canal les a encore efiàrouchés 3
leur conscience agitée alarme leurs têtes, et leur
persuade toujours que j'écris. Connaissant si peu
le charme dune vie oisive, solitaire et simple , ils
ne peuvent croire que c'est tout de bon que j'her»
horise, que ces papiers et ces petits livi'cs éUrient
destinés a coUer et dessiner des plantes sur le
transparent; et ] afvu clairement que Coindet, i
qui j ai j^arlé de cet emploi que j eu voulais faire,
n'en a rien cru. Tous ses propos, toutes ses ma*
nonivrcs , m Wt dit tout cequi se passait dans soh
àme et qu'il croyait bien c^ché; et ce Coiiitfel'j
qui se croit si fin, n est qu un fat Fiez-vous fn^
corc moins qu a lui à la dame k qui il vous a pré-
senté, et dont il est, envers moi, Yùme damnée.
Elle ma trompé six ans; il y en a deux qu^clIc vt
me. trompe plus, et j avais tout4-<fait rompu avec
elle. M. le prince de Conti, qui ne sait rien de
tout cela, et poussé par quclquun qui, pour
mieux cacher son jeu^ montre avoir peu de liai*
son avec elle* m'a remis, pour ainsi dire, entre
ses mains, comme en celles d'une amie, et elle fail
usage de ce moyen ponr m'achever. De mon calé,
3&0 COKItESPONDAKCE,
profitant enfin de vos ayis, je feins de ne rien
Toir; en m^étoufiant le cœur, je lenr rends ca-
resses pour caresses, ils dissimulent pour me per-
dre, et je dissimule pour me sauver; mais, comme
je D y gagne rien, je sens que je ne saurais dissi-
muler encore long-temps; il &ut tôt on tardqiie
Forage crève. Tout ceci vous surprend trop pour
•pouvoir le croke. Vous vous rappelez le voyage
auprès de moi^ Targent offert, le passe-port; et,
ne devinant pas à quoi tout cela était destiné,
votre honnête cœur demeure incrédule; soit: jç
ne demande pas^à vous persuader quant i pr^
sent; mais je demande que vous suspendiez les
actes de votre confiance en elle pour ce qui me re-
garde, en attendant que vous sachiez si j'ai tort
ou raison.
Je crois que M. le prince de Conti et madam*
de .Lu.\cmbourg, me voyant menacé ddûendes
^llgers, ont voulu sincèrement m'en mettre à
couvert, en s'assurant, à la vérité, de moi par des
entours qui n'ont pas paru sufilsans aux deux
dames pour rassurer leur ami. On a donc suscite
contre moi toute la maison du prince, les prêtres,
les. paysans, tout le pays. On n a paà douté, cou-
naissant la fierté de mon caractère, que je ne me
dérobasse à l'opprobre avec promptitude et inai-
gnaùon. C'est ce que j'ai cant fois voulu faire?^^
que j'aurais fait à la fin peut-être, si ma pauvre
9œur, la raison, et une rechute de ma maladie j
^'étaient venues à mon 3efX)urs. Madame de V..'j
A^mis 1767. 35 1
qm ne in a tu Tenir qu'à regret, n*a pu cl^iser
assez, ni Coindet non plus, leur extrême dé5ir de
m'en voir sortir. Cet empressement , si peu natu-
rel i des amis dans ma position, m'a &it ouvrir
les yeux, et ma rendu patient et sage. Ma sœur,
le seul TéritaMe ami quavec vous j'aie dans le
monde, et qu'A cause de cela mes ennemb ont en
haine, me disait sans cesse, quoirpi'elle portât la
plus grande et plus sen^ble part des outrages :
Attendez , souffrez , et prêtiez patience , le pritice
fie vous abandontiera pas. Foulez-vous donner
h vos ennemis l'avantage quïls demandent^ de
erier que tous ne pouvez durer nulle porf ? Les
sages discours de cette pauTre fille étaient ren«
furvés par la raison. Où aller? Où me réfugier?
Où trouver un plus sûr abri contre mes ennemis?
Où ne m'atteindront-ils pas, s'ils m atteignent ici
même? Où aller aux approches de Ihiver, et sen*
tant déjà les atteintes de mon mal? Une dernière
réflexion m'a décidé à tout souffrir, et à rester^
quoi qn on fasse. Si l'on ne voulait que s'assurer
de moi, c'est ici quïl me faudrait laisser; car j y
suis à leur merci, pieds et poings liés : mais on
veut ahsolument m'attirer à Paris ; pourquoi ? je
TOUS le laisse à deviner. La partie sans doute est
liée : on Teut ma perte, on veut ma vie, pour' se
débVrer de ma garde une fois pour tontes. H est
impossible de donner à ce qui sç passe une autrv
ciplication* Ainsi , rien ne pourra me tirer d'ici
que la force ouverte. Outrages, ignominie, maut^
35 a CORRESPOND ATTCE ,
vais traitemens, f endurerai tout, et je me suis
déterminé d^ périr. Mon Dieu! si le public était
instruit de ce qui se passe ^ quelle indignation
pour les Français, quon les fit les satellites des
AngLiis pour assouvir la rage d un Ecossais, et
qu on les forçât de me punir eux-mêmes d^avoir
clierché chez eux un asile contre la barbarie de
leurs ennemis naturels!
Voilà des explications qull allait 2d>soIunient
vous donner, pour régler votre conduite à non
égard au milieu de mes ennemis qui vous trom-
pent,et pourvous éclairer sur les vrais servicesque
votre amitié peut me rendre dans Toccasion. J'es-
père que vous pourrez venir. Vous devez fcntir
combien mon cœur a besoin de cette consolation ;
si je la perds, que j^aie au moins celle de voir
votre ami M. de Luzc. S^il vous porte mes der-
niers embrassemens, je me console et me résigne.
Mais lequel des deux qui vienne, qu*il tâche sur-
tout de venir seul. Jai demandé permission à
M. le prince de Conti de vous recevoir dans son
chAteau. Je n'ai point de réponse encore ; si vous
arrivez avant elle , il convient de loger à Gbors ; il
ny a que demi-lieue dici, et nous pourrous éga-
lement passer lc$ journées ensemble. Si je puis
vous recevoir au château, votre laquais sera logé
près de vous, et nous ferons en sorte qu'il ne
meure pas de £ûm. Je vous embrassci dans les
plus tendres élans d'un cœur brisé d'afflictiou,
mais tout plein de vous»
AKWBE 1767. i5^
Marquez -moi la réception de cette lettre bien
exactement et promptement; mais n entrez dans
ancim des articles qu'elle contient. Présence ou
Tien; souvenez -vous de cela. Ah! cette funeste
goutte! Cher ami , quelque douloureuse qu'elle
paisse être , elle tous fera moins de mal qu'à moi«
Quand TOUS Tiendrez, yôus ou M. de Luîe, ne
meprérenez point du jour dans yos lettres; ve-
nez sans avertir , c'est le plus sâr .
775. A M. DB SaRUNE,
ftltV.TESAIIT-GtSiftikl. 3>E YOLtOB.
 TVje-le-Chàteau, le 9 teptexnhre 1767.
Ho5SI£l.'m,
Pcrmeflez que faie Thonneur d'exécuter près
de vous Tordre exprès que m'a donné lauteur
d'un livre intitulé : Dictionnaire de musi(iiie, par
J. J. Rousseau^ qui s'imprime chez la veuve Dit-
chesne. Cet ordre est, monsieur, de m opposer de
sa prt , comme je &is, à la publication de cet ou-
vrage qui porte son nom^ jusqu'à ce quil ait été
de nouveau soumis à la censure, attendu que deb
passages raturés et rétablis dans le mauuscrit peu-
vent feire naitre des diâicultés quc'le cenrcur,
étant mort, ne pourrait lever , et que l'auteur peut
prévenir. Vous êtes très -humblement supplié ^
oionsiear, d'arrêter ladite publication jusqu'à ce
tenpft-lM.
J'ai i'honneiB* d'éti^ avec un proibnd rcqpeot.
3o. ï^^^^'"-
334 CORRESPOND AirCZ,
77$. A M. DU PlYROU.
Le 9 Septembre 1 767.
AuJou&D^HLi, mon cher hôte, f écris à M. de
3artij:ie et à Guy, pour arrêter la publication du
Dictionnaire jusqu'à ce qu'il ait été soumis dere-
chef À U' censure. Vous pouvez comprendre que
j'ai des raisons gi^aves pour prendre cetio précau-
tion. Si cette cruelle goutte vous laisse en état
daller, voyez Guy sur-le-champ, je vous en sup-
plie^; sachez s^il a reçu ma lettre, et s'il se met en
devoir d'en exécuter le contenu. Faites -moi pas-
ser sa réponse, et répondez-moi vous-même aus-
sitôt que vous pourrez. Vous devez comprendre
que je ne serai pas à mon aise jusqu'au moment
où je recevrai des nouvelles de cette aDairci. Si
mon malbem- veut que la goutte vous retienne,
priez M. de Lnze de vouloir bien se charger de ma
commission, car elle ne souffre aucuB reUurd.
Doiinez-moi'dc vos nouvelles; aifiiez et plaignez
Votive ami ; c'est tout ce que }'ai k focce de voos
dire. Âcbèa.
777.. A MADAME LA MAR<}UISB BB MeSMIS.
. Du 13 flfeptembre 17^7-
Js reoonndis,. madame, vos bontés ordiuaii^
dans les soins que vous prenez pour me procure
un 9aiisQii ïùii veuille iMen ne po» m'mterdirc I
AmtE 1707. 355
feu et Veau; mais je connais trop iMea-ma sitoa*
àon, pour attendre de ces soins ixeiifiisans nir
tttccès qui me procure le repos après leqmel j*ai
raînement soupiré) etque je necfaâdieplos parce
^e je ne Tespère pins.
Vivement touché de Tintérét <jue VL le coml»
de **^ veut bien prendre à mes malheurs, je Tona
snpplie, madame ) de vouloir bien lui âîre*pas9er
les témoignages de ma très-humble reconnais»
sance ; c est une de mes peines de ne ponvohr aUeir
moi même la lui témoigner : mais quant au
voyage ici qne son excellence daigne proposer^ je
ne suis pas assez vain pour en accepter loffire f et
Ces bonnenrs bniyans ne conviennent pins k \é^
fat Jliumiliation dans lequel je suis app^ à finit
mes jours : je ne crois pas non plus qu^il coB<»
vienne de risquer auprès de M. le comte de '*'^^ ^
ni auprès de personne, aucune demande en ma
fkvenr ^ puisque ce ne serait qu'aller ch^t^her
d'ittihillibles refus qui ne feraient qu'empirer ma
situation , s'il était possible. —
Le parti que j ai pis d'attendre ici ma destinée
est le seul qui me convienne, et je ne puis faire
aucune espèce de dénuHrche sans aggraver sur ma
tète le poids de mes malheurs; je sais que ceux
qui ont entref»îs de me chasser d'ici n épargne*
ront auciine sorte d'efforts pour y parvenir; %ai0
)e les attends; je m'y prépare, et U ne teste phis
qu'à savoir lesquels auront le {dus de conslanea^
aux pour persécuter ^ ou itfoi pour souŒdr» <2iie |î
356 CORRESPONOAlfCJC,
la patience m^échappe à la fin , et que mon cou
lage succombe, mon parti eo pareil cas est encoK
pris : c^est de m'éloigner, si je peux, de Forage
qfui m'accable ; mab sans empressement , sans pré
caution, sans crainte, sans me cacher, sans m<
inontrer, et avec là simplicité ^ convient à Fin
nocence. Je considère, madame ^ qu ayant près à
soixante ans , accablé de malheurs et d^infirmités
les restes de mes tristes jours ne valent pas la fa
ligue de les mettre à couvert : je ne vols plus riei
dans cette vie qui puisse me flatter ni me tenter
loin d*espérer quelque chose, je ne sais pas même
que désirer. L'amour seul du repos me restait en
core ; l'espoir m'en est 6té : je n'eu ai plus d'autre
je n'attends plus, je n'espère plus que la fin <]<
mes misères : que je Tobtienne de la nature ou ûc\
hommes , cela m'est assez indiffèrent ; et , de quel
que manière qu'on veuille disposer de moi, 1 oi
me fera toujours moins de mal que de bien. J<
pars de cette idée , madame ; je les mets tous ai
pis, et je me tranquillise dans ma résignation.
Il suit de là que tous ceux qui vieulent bici
s*intéresser encore à moi doivent cesser de se don
ner en ma faveur des mouvemcns inutiles : rc
mettre, à mon exemple, mon sort dans les maii)
de la IVovidence, et ne plus vouloir résbter 4 |
nécessité, voilà ma dernière résolution; qoe c
soit la vôtre aussi, madame, à mon égard, ^
même à Fégàid de cette chère en&nt que le cij
vous tenlève sans qu'aucun secouis humain f ui$^
JLXUéE T767. 357
TOUS b renilrc; qoe tous les soins qne vous lui
rendrez désormais soient pour contenter votre
tendresse et la lui montrer, mais qu'ils ne rérevl*
lent plus en vous une espcirance cruelle qui domie
la mort à chaque fob qnW b perd.
778. — A M. DU Peyrou.
Le 12 septembre 1767.
Vous me consolez beaucoup, mon cher hôte, par
Totre lettre du 9; car j*en avais reçu une aupara*
vant deM. Coindet, qui m'avait appris vos vives
souffirances; cl même j'en ai reçu de lui une autre
du 10; qui ne me permet de me livrer quavec
crainre â lespoir que vous me donniez la veille ,
puisqull me maïque que vous êtes toujours le
même. Ne me trompez pas, mon très-aimable
Ilote, sur votre état, quel qu'il soit; car Tincertî-
tade et le doute me tuent, et me font toujours les
maax pirps qu'ils ne sont. Quand vous serez en
convalesoeuce, donnez -vous le temps de vous
hien JvJEaMir où vous êtes; et, quand vos forces
s^ont suffisamment revenues pour aller à la cam-
pi^ne, venez ki passer une quinzaine de jours.
\ ous jr troaTeiez un bon air, un beau pays 9 UA
E^igemeut au château , une terre bien garnie de g»<
t'^er, et la permission de chasser autant que cela
rr^os ajDosera. Xespère que ce voyage, après le-
[nti je soapiri> avec péission, sera salutaire à l'un
1 a l aolre , et effacera jusqu^aux dernières traces
•"^
35S. COHRESPONDÂ^CE ,
des maux de votre corps et de mon coeur. Da
reste , ne vous pressez point; rien ne périclite, fl
retardez plutôt de quelques jours pour puToii
m'en donner davantage, que de vous exposer
avant le parfait rétablissement' Vous pouvez ma-
verlir quelques jours d'avance , afin qu on prépare
votre chambre; ou si vous venez sans être at-
tendu^ que ce soit d'aussi bonne heure qu'il se
podrra. Je vous embrasse de tout mon cœur.
Je ne vois point d'inconvénient de me préve-
nir du jour où vous arriverez.
77p. AU M&UB.
Le 1 8 aeplemfaR 1767.
Jb vous écrivis hier, mon cher hâte, en même
temps qu'à M. de Luze ; et j ai tellement égaré ma
lettre , qu il m'est impossible de la retrouver. Je ne
,sais pas même quand celle-ci pourra partir, né-
tant pas eu état au jourd hui de la porter moi-
même àGisors, et trouvant très-difficilement des
exprès pour y envoyer. En vous marquant la joie
que m'avait causée la vue de votre écritore, |^
Vjovis grondais de vous être Êitigné à écrire tioiJ
pages. Trois lignes dans votre état suffisent poui
me tranquilliser; et non-seulement vous dcvcî
garder le lit jusqu'à ce que vous soyez bien d«i^
vré, mais ménager votre attention et vos lorcd
pour vous mettre en état de venir ici pln^ t^
achever de vous rétablir. Par le cours que prew
1767. 3,V)
votre goutte , 3 sic senthle qaVUc yeuillc se tmns*
ibnncr en scia tique. Ordinairement ies douleurs
de celle-ci soot moindres; et je sais par 1 exemple
de mon défunt ami Gaul^ourt, qui s'en était
guéri, qo'on s en débarrasse plus aisément.
Vous me donnez d'excellentes nourelles qui
me £mt grand plaisir. Je suis bien aise que tous
ayex en main toutes les pièces sur lesquelles yous
pourrez juger i loisir si je sms timbré ou non;
mais il est très- vrai kjne je n^ayais pas compté que
le tout yous revînt si £icilemenL
le ne me sens pas bien depuis quelque temps,
et je endos de payer le long relâche dont j'ai joui.
BrL Bnme a dit partout que M. de Luze lui avait
assuré que je n at aïs point de maladies. Le frère
Cdme^ni Iforand, ni ftlalouin, etc., ne sont sû-
rement pas là-dessus de Fayb de M. de Luze; et
malheniettsement, en ce moment surtout, j'en
suis encore moins. Si les peines de l'âme remé-
diaient an maux du corps, je devrais me porter
à merr^ille. Mais du courage et un ami sont uu
grand remède ans premières, au Heu qu il n'y a
de remède aux dernières que la patience et ]4
mort Xapprends qne Robert, peu coulent do
Geofge, n'est pas non plus fort â son aise. Il fiint
cspéver qa*en£ai tout changera ou finira,
Banjpior^ mon cher hAte; donnex-moi do roê
AooyeDes; mais MyonsécriyezTon5-mémei,qo|tre
lîgnosnflisnit Entre nous, les mots d'amitif n^ent
36o corhespovdakce,
pins besoin de se dire. Deux mots sur les affaire
et quatre sur la santé. Voilà tout.
J'envoie cette lettre aujourd'hui , ainsi elle de
vous arriver demain,
^do. AU MÊME.
Le 3 1 Beptenilire 1 767.
Pas un mot de vous^ mon très-^cher li6te, àt
puis plus de huit jours! Que ce silence mlnquiètc
Serait-ce une rechute? M. de Luze n'aurait-il p
eu du moins la charité de m écrire un mot?Que
que lettre serait-elle égarée ? J'ai écrit i M. de La;
dans la semaine; je vous avais écrit le même jou
Je perdis ma lettie*, je vous écrivis le lendemai: ,
Mou Dieu ! être si proche 9 vous savoir malade ^
ne point apprendre de vos nouvelles! Que sera-
Jonc quand nous serons éloignés? Si de quclqi'
jours je n'apprends rien de vous, je prendrai ,
parti d envoyer un exprès à Paris, si j eu trouv
car c'est encore une autre difficulté. Que je su) ^
plaindre! ;^
M. le prince de Coiitî,* qui devait venir ic -
semaine dernière, ncst point venu. H a piîf>j
peine de m'étrîre pour me marquer la cause
son retard, et m'annoncer son voyage pourb
mai ne prochaine. J'aurais passionnément H
que Vos forces vous eussent permis de venS (|^
poi}r le màme temps , afin d avoir le fhl^ ^
vpus. présenter à lui. Cependant^ comme i i^
I
'-h
^'"■i.
irsÈE 1767. 36i
rt^fangerew de se déplacer, après une pareille
attaque, ayant le plus parfait rétablissement,
gamez-Toos d^anticiper snr votre conyalcscenceî
msj mon ami y donnez-moi de vos noavelles^ ou
i?nesaisce^ejeferaû
781. AU MÊME.
27 sefftexnbre 1767.
»ors pouvez^ mon clier hAte , juger du plaisir
•?« a a &ît votre dernière lettre , par l'inquiétude
T^TOosavez trouvée dans ma précédente, et
j^ vous blâmez avec raison ; mais considérez
7^^ tant de longues «citations si propres à
t'oafcfcraa tête , au lieu du repos dont j'avais be-
■^•opoorla rai&rmir, je me trouve ici submergé
*^<fc$mers d'indignités et d'iniquités, au mo-
^31 même où tout paraissait concourir à rendje
^retraite honoraÛe et paisible. Cher ami, si
tce DQ coeur malheureusement trop sensible , et
tïtïellement et si eontinuelleonent navré, il reste
'^ ou tête encore quelques fibres saines , il faut
koatarellemecit le tout dc fût pa^ trop mal con-
^ Le seul remèd« efficace encore, et dont
* f spérer tout , est le coeurxl un ami pressé sur
^Q : venez donc, je n'ai que vous seul, vous
^îez; c'est bien assez; je n en regrette qu un ,
^û veux plus d'autre : vous serez désormais
le genre humain pour moi. Venez verser sûr
blessures enjQammées le baume de l'amitié et
352 CORRESPOîTOAîf CE ,
de la raison : Lattente de cet élixir salutaire en an«
ticipe déjà Feffet.
Ce que yons me marquez die Neuchàtel nW
pfts un spécifique bon pour mon état; je crois que
vous le sentez suffisamment ; et malheureusement
mes devoirs sont toujours si cruels, ma position
est toujours si dure, que j'ose à peine livrer mon
ciœur à ses vœux sefcrets, entre le prince qui m^
donné asile, et les peuples qui m ont persécuté^
JSL le prince de Conti n^est point encore T€nu,
j'ignore quand il viendra; on l'attendait hier. Je
ne sais ce qu^il fera; mais je lis dans la contenance
des comploteurs qu'ils craignent peu son armée;
que leur partie est bien liée, et qu'ils sont siârs,
malgré leur maître, de parvenir k me chasser
dlci. Nous verrons ce qu il en sera ; je crois <jue
c est le cas de faire pouf : il ne s'y attendent pas.
Le parti que tous prenez de ne sortir du Ik tfa»
parÊitement rétabli est trè&-sage; mais U ne îxkl
pas sauter trop brusquement de vos rideaus dans
fa rue, cela serait dangereux : frites mettre* des
nattes dans votre chambre , au dé£mt de tapis 4»
pieds; donnez- vous le temps d# vous bien réta-
blir, avant de songer à venir, et en attendant ar-
rangez tellement vos affaires^ que vous' n'ayez 4
partir Jici que quand tous vous j ennuieras :
&ites en sorte de vous laisser mattre de tout votre
temps; je ne puis trop vous recommander celt#
précaution : j'aime mieux vous avoir ]^us tara , et
vous garder plus long-tem|ps. Enfin , ie vous
ARWÉE 1767. 3j3
ym êerechef^, strecinsXajice , de pourvoir si hien
tf avance à toate chose, qne licn ne paisse tous
ûire pardr d ici qae votre Tolonté.
Mous avons ici des échecs, ainsi n^en apportez
pas; nais, si tous roulez apporter quelques vo-
lans, 100& ferez faien , car les miens sont gâtés ou
ne'^ent rien : je suis bien aise que vous vous
lenftraez asses aux échecs pour me donner du
plaisir à vous liatt'e; voilA tout ce que vous pon-
ves espmr; car^ â moins que vous ne receviez
«vantage, moD' pauvre aini, vous serez batta, et
Uo^nss kittu.Je me souviens qu'ayant ihonueur
de jouer, il y a six ou sept ans, avet M. le ^prince
de Couû, je hii ^guai trois parties de suite , tan:-
dis que tout son cortège me Élisait des grimaces
de possédé : eo quittant le jeu, je lui dis grave-
ment : Monaeignear, )» respecte trop votre altesse
pour ne pas toujours gagner. Mon ami , vous serez
oatfo, et &îeD battu; je ne serais pas même têuclié
que oda vous dégoûtÀt des édiocs^ ca? je n aifue
pas que vous praiiea du goût pour des ammse^
meus si fatigans et si sédentaires. ,
A propos de cela, parlons de votre régime; il
est bon pour un convalescent , mais très-mauvais
à prendre & votre âge, pour quelquW qui doit
agir et marcber beaucoup : .ce régime vous afiai-
bKra et vious tterk le goût de t eï^rcice. Ne vous
p'tet peint commue cela , j^ vous en cm jure, dans
tes estiémes systématiques; cei â^es! pas ainsi qw
la nature se mène .: croyefe-moi , prenez-moi poup
36'4 COKRESPONDAKCE ,
le médecin de votre corps ,. comme je vous prends
pour le médecin de mon âme ; nons nous en trou-
verons bien tous deux. Je vous préviens mente
qu'il me serait, impossible de vous tenir ici aux lé-
gumes, attendu qu il y a iclua grand potager d'oà
je ne saurais avoir un poil d'berbe , parce que sob
altesse a ordonné à son jardinier de me fournir de
tout : voilà, znoxi ami, comment les princes, ?i
puissans et si ccain t& où ils ne sont pas , sont obéis
et craints dans leur maison. Vous aurezici à!exr
cellent bœuf, d'excellent potage ,. d'excellent gi-
J)ier. Vous mangerez peu; je me charge de* votre
régime, et je vous promets qu'en partant d'ici
vous serez gras comme un moine ^ et sain comme
une béte; car ce nest pastvetre estomac, mais
votre cervelle que je yeux mettre au régime fru-
givore. Je vous ferai brouter avec mol de mon
foin. Ainsi soit-il! Bonjmur»
Mille choses de ma part à M. de Liuze. Hélasl
avec qui nous nous sommes vus! dans quel mo-
ment nous nous sommes quittés 1 Ne nous rêver-
rons-nous point?
782. AU MÊME.
Ce lundi 5 octobre 1767.
«
Je vous écris, )non cher bâtie, un mot tfès i
la hâte , pour vous proposer si , avant de venir ici ^
vous ne pourriez point aller voir Robert, sans le
prévenir de votre visite, afin que nous en ayons
des nouvelles sûres. Du reste , rien ne me parait
pressé , ni pour lui , ni pour moi : donnez-vous le
temps de reprendre vos forces et de vous «iccou-
tumer à Tair. Je ne puis vous dire à quel poiut la
hrièveté du temps que vous pouvez me donner
m^afflige; je tous conjure au moins de prendre
toutes les mesures possiUes pour pouvoir le pror
longer autant, qu'il dépendra de vous. Mon cher
hôte , je suis peut-être appelé au malheur de vieil-
lir, mais tout me dit que le jour où vous me quit-
terez sera le dernier où j aurai souhaité de vivre»
Je vous envoie- une liste que j^avaîs- faite^ de
livres de botanique que je voulab acquérir à lei-
siT*, comme elle est considérable, et que les livres
sont cher&,)e souhaiterais seulement daequérir,
s li était possible, un ou deux dés quatre ott einq
premiers. Si, dans quelqu'une de vas- courses^
vous pouviez , à l'aide de Panckoucke, recouvcer
surtout le premier, vous me feriez un très -grand
plaisir. U u y a presque- piotnt delivresde hotauir
que chez les iy)raires de- Paris, e^Ton y. est très-
barbare sur cet article; cependant, jç erois que
Didot le jeune ou Chevalier en ont quelques-uns.
Sans.vouloir compter avec vous à la rigueur, ce
qui me serait bien impossible, je vous pria pou»-
tant de tenir: toujours note ei^cte de vos déhoui>-
ses pour moi , afin de me laisser la liberté de vous
donnez les commissions. Je vou^ emjbrassei..
3x..
366 COftKBSPOVDANCE,
783. AU MÈH$,
9 ottobre 1767.
Jb v<ms écris im mot à la hâte pout vous dirt
vpB le "patron ài^ la case est yena ici mardi, seol,
et n'a point chassé; de sorte qpe j'ai profité de
tous les momens que ce grand prilice^ et, pour
plus dire , que ce digne homme a passés ici : S me
les a donnés tous. Vous connaissez mon eœur j ju-
gea comment fat senti cette grâce : faëlas! qae ne
peut-il voir le mal et en couper la source! mais il
ne me reste qu'à me r&igner; et ccst ce que jeâis
aussi pleinement qu'il se peut.
Cher hôte, renea : nous aurons des légnfies,
non pas de son jardin, car il a^en est pas le niaf-
tre; mais un bonhomme quW tj^ompait s'est dé-
taché de la ligue , et je compte m'arrangcr avec lai
pour mes fournitures,, que je n!ai pu bite jns-
qu'ici , ni sans payer, ni en payant Samedi, soth
pant avec sou altesse y je mandai du £ruit pour la
si:ule fois depuis deux mois : je le dis tout bonne-
ment; le lendemain, il m'envoya le bassin qnon
lui araît servi la veille, et qui me fit grand plal-
s>^; tar il ÙM votis dire que je suis ici environna
de jardins et d arbres^ comme Tant^de au milieu
des eaux. Mon état à tous égards ne peut se repré-
senter, mais venez : il changera 4tt moius tandb
que vous serez avec moi.
£otre précaution d'aller par degrés est excel-
leoti^ coatiiittesi de meniez et ne ^oss prenez
poiBt : mais je T<Ms conjure de si bien faire , ^c
vo«s Vi^Qâ pressiez enccMre XAOkis dé partir d ici
(pMà ynmi j serez* Vous ùite» ttès^iÂeù de por-
ter à ^08 peds Y09 nattes et vos tapie de jAcd :
h Êçoa iooftt^wÉ» me proposez celte terrible
éni^e tsa &if taidorir de rite; fe suis TOIulip^
tjui fera l'eSbrt de la deviner , c'est que vous avez
des pantoufles de laine garnies de paille : si Vos
dlta^ aes d'échecs sont de la force de vos énigmes s
je n'ai qu'à me bien tenir. Bonjour.
l«5 oreilles ont dû vous tinter pendant que
soniitçsseiêlàitlci.Bofiîourderechef ; jene croyafe
«k rire qu'um mot , et je ne siatirais finir.
^84' — A BL Dtmirs.
16 octobre x?^?-
PiisqvE M. Dntens juge plus co;nimodé irpie la
['eûle rente qu'il a proposée pour priSc de^ livres
<if J. J. Rousseau soit payée â i^ndrei^, même
I ''or cette année , où cépndaill l'un et lautrc
îOTii en ce pays, soit. Il y aura toutefois, sut la
f 'miole de la lettre de change qu'il lui a envoyée ,
lin petit retranchement à fai^, sur Icqil^l il scfâît
î propos que M. Frédéric Dutens fftt prévenu ;
: est ceint du lieu de la date : car quoicpie Rous-
'^aa sache très-I»eii que Sa demeure est connue
!e tout le monde, il lui convient ccpend^t de ne
^fiat aatoriser de son iaittette connaissance. Si
X8 CORRBOPOlfïDAlICCE ,
cette suppressionpoiiyalt faire dîfficullé^ M.Du-
tens serait prié de chercher le aiayea de la leVer^
eu de revenir au paiement du capital, £Mile de
pouvoir établir commodémèut cehii delà sente.
J. J. Rousseau a laissé enU*e les mains de
M« Darenport un supplément 4^ Uvi»& à la dispo-
sition de M. Dutens , poui* éUe réunie, i la masse.
• ■
^85., — 'A M. DU Peyrou.
La 17 octobre i767#
* t '
ê ■
Tai, mon cher hâte, votre lettre du i3, et jy
vois,. avec la plus grande joie, que vsos forces re-
venues graduellement, et par là plus soljdeifient,
vous mettent en état de &ire ^ Paris le grand gar-
çon; mais je voudrais bien que vous n'y fissiex pas
trop l'homme, et que vous vinssiez ici alKomir
votre virilité, de peur d'être tenté de Texercer où.
vous ôtes. Vous me paraissez en train d^abuser un
})eu de la pemûssiou que je vous ai donnée d'y
j^rolonger votre séjour. Ecoutez; j ai bien mesuré
cette permission sur les besoins de votre santé j
mais non pas sur ceux de vos plaisirs , et je ne me
.^ens pas assez désintéressé sur ce point pour con-
sentir que vous vous amusiez à mes dépens. Ne
venez pas , après vous être solacié k Paris tout k
voire aise , me dire icique vous ôtes pressé de par-
tir , que vos aflbires vous talonnent, etc. ; je vous
i>vorlis qu'un Ici langage ne prendrait pas du tout;
<^iu , sur C(» ytiut, je n entendrais pas raillerie; et
que fal tout au moins le droit d exiger que tous
fie soyez pa» plus pressé de partir d ici^que vous
aelayez été d y venir. Pensez à cela très -sérieu-
sement, je TOUS prie; et faites surtoat ks choses
fassez bonne grâce pour mériter que je vous par-
donne les huit jours dont vous avez eu le front de
me parler. Au premier mx)mcnt oii vous vous dé>
}da)rez ici, partez- en ^ rien n est plus juste ^ mais
arrangez- vous de telle sorte qu'il n'y ait que Fea-
nui qui VOU& en puisse chasser : j'ai dit»
Je ne suis pas absolument fâché des petits tktiu
cas qu'a pn vous donner la recherche des livre& de
hotanîque ; promenades,.dLversioBS y distraetienSy
sontcboses bonnes pour la convalescenee 1 mai&
3 ne faut-pas vous inquiéter du peu de succès dt
y os recherches; jeu étaiis déjà presque sus dV
vancev et c était en prévoyant quon^ trouverait
peu de livres de botanique à Paris ,. que ^a notais
un grand nombre pour mettre au hasard la ren-
contre de qnekjnW. Il est étonnant ^ quel point
de erasse ignorance et de barbarie on resta en
France sur cette belle et ravissante êiud&que Lin^
naeus a mise à la mode dans tout le reste de TËu-
rope. Tandis qnen Allemagne et en Angleterre
les princes et les grands font leurs délices de Fé-
tude des plantes, on la regarde encore ici comme
one étude d'apothicaire; et vous ne sauriez croire
qœl profond mépris on a conçu pour moi, dans ce
f^ySj en me voyant herboriser. Ce superbe tapis
dont la terre est couverte ne montre à leurs yeux
5y2 CORRCSPOKDANXE ,
plus tard qu'à Fordinaire , j'envoyai trois fois de
suite à Gi6ors : eiifin je la reçois cette lettre si im-
patiemment attendue ; et, après Tavoir déchirée
pour l'ouvrir plus vite , au lieu du détail que j'y
cherchais, j^ vois pour début celui du départ de
mes lettres. Mon Dieu! qu'en le lisant vous me
paraissiez haïssable! Ma foi, si c^e^ ]& de la poli-
tesse, je la donne au diable de bien bon cœur.
Enfin vous voilà heureusement arrivé, malgré
ce premier accident dont l'histoire m'eût feît
trembler, si votre lettre n'eût été datée de Paris,
Convenez qu en ce moment-là vous dûtes sentir
qu'il nest pas inutile à un convalescent d'avoir
avec soi un ami en route, et qu'au fond du cœur
vous m avez su gré de ma tricherie. Voilà les
seules que je sais Êiire, mais je ne m'en corrigerai
pas.
Je suis trës-charmé que vous soyez content de
vos petits repas tête à tdte, et je désire extrême-
ment que vous preniez l'habitude de diner en ville
le moins qu'il se pourra , d'autant plus que le froid
terrible qu'il Êiit, et dont l'influence m*est bien
cruelle, la neige abondante par laquelle il se ter-
minera probablement, doivent vous empêcher de
songer à votre départ jusqu'à ce que le temps s'a-
doucisse, et que les chemins deviennent prati-
cables ; tjuoique je vous avoue bien que votre lon|
séjour à Paris ne me laisserait pas sans inquiétude,
si vous n'aviez avec vous un bon surveittant qni^
f espère j ne s'embarrassera pas plus ^e moi àâ
^NKÉs 1768. 3j3
TOUS déplaire pour tous conserver. Je me tran-
(piillisedonc^ et je tranquillise de mon mieux ma
pauvre aœor, non moins inquiète que moi , espé-
rant que, dans ce temps rigoureux y vous veillerez
altcnbTemcnt Tun sur l'autre , en sorte que vous
voQs rendiez tons deux à vos pénates, sains et
sauÊ. Ainsi soit -il! Cette bonne fille est trans-
portée de joîe de votre heureuse arrivée j et je vois
arec grand plaisir qu'elle cède à cette pente si na-
tnitile et si honorable au xxeur humain , de s^at-
lâcher aux gens avec plus de tendresse par les
soins qu'on ienr a rendus. Quant à ce que vous
ajoutez, qu'elle s*est lait gronder plus d'une fob
par son Crère , à cause des soins , des attentions et
des complaisances quelle avait pour vous, cela
me parait si plaisant^ que , n'étant pas aussi gail*
lard que vous, je n'y trouve rien à répondre.
Vous avez raison de croire que les détails de
vos déjcttûers et dîners me font grand plaisir :
ajoalez même, et grand bien ; car ils me rendent
laj^ûtquc le froid excessif m'Âte.
V^oici , mon cher hôte , une réponse de madame
Tabbesse de Gomer-Fontaine. Cette réponse était
accompagnée d'un petit billet très-obligeant pour
Boi, et £oor ma sœur ^ de jolies breloques de re^
ligieases. Cette. dame est jeune, bonne, très^iSM-
naUe; et je crois que vous auriez assez aimé à lui
KEodre des douceurs qui fussent autant de son
giùt, «pie les siennes Tétaient du v6tre. Je ne
4. 3s
37 \ CORRESPONDANCE ,
manquerai pas de lui &irc quelijuefois votre cour,
sitôt que la saison le permettra.
7^3* ^ MILO&D COMTE DB HaRCODUT.
'i3 janTÎer 1768.
Je ote reprocherais, milord, d'avoir tardé â
long-temps à vous écrire et à tous remercier , si je
ne me rendais le témoignage que la volonté y était
tout entière, et que ce que je veux Aire est tou-
jours ce que je Eus le moins. J'ai, entre autres, été
depnis^ trois mois garde-malade, et je n'ai pas
quitté le chevet d*un ami, qui, grâce an ciel! est
enfin parfaitement rétabli. Je vous offire, mikrd,
bs prém^iccs de mes loisirs; et c'est avec autant
d'empressement que de reconnaissance que , tou-
ché de toutes les bontés dont vous m'avez bo-
luré:, je vous en demande la coatiunatioii. 11 ne
tiendra pas à moi qu'eu les cultivant avec le plus
grand soin , je ne vou& témoigne en toute occasion
combien elles me sout précieuses*
Tai reçu depuis long-temps Pargent du biUet
q^e vous prîtes la peine de m'envoyer pour W
pGoduit des estampes; et c'est encore un de mes
>lert6 les moins excusables de ne vous en avoir pas
U»ut de suite accusé la réception ; mais je me nh
fùMB un peu en cela sur votre banquier^ quî
n-aura pas manqué de vous en donner avis. Vous
mer demandez, miloid, ce qu'il allait faire des
estampes de M. Watelet : nous étions convenus
AîfKÉE 1708. 375
gse, pois^ue vous ne les aviez pas, et qu^elles
Yom étaient agréables, vous les ajouteriez à vos
porte-feuilles , d autant plus qu'elles ne pouvaient
passer décemment et convenablement que dans
ks makis d'un ami de Fauteur ; ainsi jVspèrequ'à
ce titre vous ne dédaignerez pas de les acceptée
A r^ard de Testampe da roi, je désire extrême*
■fDt qu eUe me parvienne : et , sL vous perud^ez
foe j'abuse eaccœ de vos bontés, j^ose -voua sup»
pKer de la laire en¥eli^»per avec soin dansw ro»^
leau. Je désire-extrémemeut recevoir bientôtcettie'
belle estampe, que f aurai soin de faire^Bcadrer
conv^nabkmrat, pour avoir tes traitas démon au-
ffxAt bleolaueur incessamment grav^ soi» me&
j'-eiu, c<HBme ses bontés le sont dans^mon cœur.
Daigaez, miloid, continuer k mlKHiorer des
v6tres, et quelquefois des marques de VAtre* iou-
veair : je ticherai^de^mon cèté, do ne me pas
taisser oeblier de vous, en vous r^iouvelant^ au-
tant qœ cela ne vous importunera pas, les assu.
raiioes de mon plus entier dévouMaent el de mon
plus vrai respecL
7SO. A M. LE JUXQVIS i>£ MlBABEAV.
fi3 Janvier 1^68.
J'ai, BMHi îilustjpe ami^ pour vous écnre, laissé
passer le temps des sots complimens dictés non
par le coeur, mais par le jour et par Tbeure^ et qui
partent â leur moment c<»nme la détente dun«
3^6 correspo:îdan'Ce ,
horloge. Mes sentimens pour vous sont trop vrais
pour avoir besoin d'être ditfr, et vous les méritez
trop bien pour manquer de les connaître. Je vous
plains du fond de mon cœur des tracas od vous
êtes; ear^ quoi que vous en disiez, je vous \oh
em})an{ué , sinon dans des querelles littéraires , au
moins dans des querelles économiques et poli-
tiques; ce qui serait peut-être encore pis, sHl était
possible. Je suisrprét a tomber en d^aillance nu
seul souvenir de tôuf cela; permetfcz que je nVn
parle plus, que je n^ pense plus qnepar le tendre
intérêt que je prends à votre repoy, à votre gloire;
Je puis bien- tenif les mains élevées- pendant le
ooml)at, mai9non pcrs'Tnc résoudre à Ic-regarder.
Parlons de chansons', cela vandrir mieux : se-
rait-il possible que vous songeassiez tout de bon
à faire un opéra? Obi que vous seriez aimable , et
que j aimerais bien mieux vous voir chanter k
l'Opéra que crier dans- le désert ! non qu on se
vous écoute et qu'on ne yons lise, mais on ne
vous suit ni ne veut vous-entendre. Ma foi, mon-
sieur, faisons comme les nourrices, qui, quand
les enfaus grondent , leur chantent et les font dan-
ser. Votre seule proposition m'a déjà mis, moi
vieux radoteur, parmi ces enfans-là; et il s'en
faut peu que ma muse chenue ne soit prête à se
ranimer aux accens de là vôtre, ou même kh
seule* annonce* de ces accens. Je ne vous en- dirai
pas aujourd'hui davantage j car votre proposition
ma ton* Tair de n'être qu'une vainc amorce, pour
voir si le TÎeiix fou mordrait encore â Hiameçon.
A présent ^e vous en avez à peu près le plarsir^
dites-moi rondement ce qui en est; et je vous dh-
rai banchement , moi , ce que j'en pense , et ce que
je croîs V pouvoir Élire : après cela , si le cœur voiis
en dit^noQs en pounrons causer avec mon aimable
pajse^qai nous donnera sur tout ceta de très-bons
conseils. Adieu, mon illustre amr; je vous em-
hrassê arec respect ^ mais de tout mon cœur.
791 > — A Madame Latouh.
A Twjfe^ k ao i«nvier i^ÇÇL
LotsqiJi )e voiu? écrivis un mot, il y a trois
mois, chèreMarânne, j'avais le coeur plein d'espé-
rances flatteuses gni se sont bien cruellement éva^
noo^. L^tereeption d'une correspondance di-
recte étant plus que probable , je comptais ^ entre
aotres, ^ncher ce cœur dans le vôtre par une
voie qoj me paraissait aussi sûre que. douce. Il
n'en est plus question : le ciel, qui veut qu il ne
manque rien à ma misère, m^ôte la plus précieuse
eoasolation des infortunés* •
Samiisi , ho Dô ! ftfodr,
Et Don poter mai dio :
Morir mi s«nto J .
11 ne me reste phis qu^à prendre mon parti' de
Venue grâce, et je le p'ends du moins irrévocable-
Acnt: je me condamne à un- silence ét#rnc4 9ut
3i.
38a CORAESPONBANCE,
de.la belle saison qui s approche y dans votre cha^
mante demeure, sans aucun ressentiment de vos
précédentes incommodités. Vous y trouverez, je
pense, à votre retour, un barbouillage nouvelle-
ment imprimé, où je me suis mêlé de bavarder
sur la musique, et dont j'ai fait adresser un exem-
plaire à M. Rougemont, avec prière de vous le
taire passer. Aimant la musique, et vous j con*
naissant aussi biea que vous faites, vous ne dé-
daignerez peut-être pas de donner quelques mo-
mens de solitude et d^oisiveté à parcourir une
espèce de livre qpi en traite tant bien que mal :
j'aurais voulu pouvoir mieux faite j mais enfin le
voilà terqu'il.esf.-
Le défaut d'occasion, monsieur, pour Ênre
partir cette lettre , rend sa date bien surannée , et
me Ta fait écrire â deux feb^^: Toecasioii mèccie
d'un ami prêt à partir, ct'ijui veut bien- s*ca char-
ger, ne me laisse pas lëtemps'd'e Cranscrire*ma ré-
ponse à raimabîé Bergère de Câlwich , et me force
à la laisser partir un -peut embrouillée : vemlleA
lui Élire excuser cette petite- îrréjgularité) ainsi
que cdUôdu défituC de signature^ dont' vous po\t
trez savoir la raison. Recevez, monsieur, mes sa
lùtations empressées et mes vœux pour 4'a£fenDU
sement-de votre santë.v
t'HsRBoiasTK
BiS-CojBme Tex^nplaire du Picf î
AîmÉE 1768^ 3ot
Musique qui vous était destiné ayaît été adressé h
M. Vaillant, ^i n'a jamais paru fort soi^eox des
commissions qui me regardent, j'en ai fait en*
voyer depuis un second à M. Rougemont pour
TOUS le fa'u'e passer au défaut du premier.
J()3. A MADEMOISELLE DewE$,
Ls 25 janvier i7/>8«
Sf je vous ai laissé, ma lieHe voisine, une em^
preînte que vous avez bieû' gardée, vous mfci!
avez laissé une autre que j'm gardée encoremieux .
Vous n avez mon cachet que sur un papier qui
peut se perdre, maïs jai le vôtre empreint dan i
mon cœur, d où rien ne peut refiaccf; Puisqu'il
était certain que j'emporïab vofrc gïige,tr don*
teux que vous eiisisiez conservé le mien, c'était
moi seul qui devais désirer de vérifier la chose :
c'est moi seul qui perds à ne Parôîr pas fait. Aî-je
donc Besoin, pom- mieux sentir mon malheur,
que TOUS m'en Êissiez encore un crime? cela n'est
pas trop humain. Mais votre souvenir mfr console
de vos reproches', j'aime mieux raos savoir in-
juste qu-indiSerente, et je voudrais être grondé
tous-les jours au même prix. Daignez donc, mîa
belle voisine, ne pas oublier tout -à-fait votre es»-
clave , cl continuer à lui dire quelquefois ses vé-
rités. Pour moi , si j'osais à mon loûr vous dire les
vôtres, vous me firouveriez trop galant pour.un
harbon. Bonjour, ma beUe voisine. Puissicz-vouà
38a CORRESPOUDANCE,
bientôt, sous les auspices du cher et vespectaU
oncle, donner un pasteur à vos hrebis de Ca
wicb!
794» A. M. lE MARQUIS D£ MlRABËAU.
Trye , le a8 janvier 1 768.
Je me sonylens^ mon illustre ami, que I
jour où je renonçai aux petites vanités du monde
et eti même temps à ses avantages, je me di
entre autres, en me défaisant de ma montre
Grâce au ciel! je n^aurai plus besoin de savoî
rheure qu^il est. J'aurais pu me dire la même cfaos
sur le quantième, en me deâiisant de mon aima
nach ', mais, quoique je 11 y tienne plus par les ai
faires, j'y tiens encore par Famitié ; c^ rend me
correspondances plus douces et moinsfirâciuentes
c'est pourquoi je suis sujet à me tromper dans mie
dates de semaine, et même quelquefois de mois
car, quoique avec Talmanach je sache bien trou
ver le quantième dans la semaine, sacbant \
jour , quand il s'agit de trouver aussi la semaine
je suis totalement en défaut. Ty dévrais ^urtaii
être moins avec vous qu'avec tout autre , puiaqu
je n'écris à personne plus, souvent et plus Toloii
tiers qu'à vous«
Conclusion : nous ne ferons d'opfra bî IW ^
Tautre; c'est de quoi jetais d avance k peu pr^
KÛ^ J'avoue pourtant que , dans ma situation pr^
^nte, quelque distraction attachante et agréabi
ne serait nécessaire. Jaurais besoin^ sinon de
faire de la mosîqae, au moins d'en entiendre, et
cela me ferait même beaucoup plus de bien. Je
sois attacte plus qne [Mnais à k solitude; mais
il y a tant d'entonrs déplaisant à la mienne,,
et tant de tristes sooyenirs mj ponrsniyent, mal-
gré moi, qu'il m'en fiiiidrait nne antre encerc
plnsenciére, maïs où des objets agréables pns*
sent e&oer l'impression de cenx qui m'oecupent^
et faire diversion au sentiment de mes midhenrs
Des spectacles où je pusse être seul dans un ceia
h pleurer k Hion aise, de la ntisiqne qui pAt
ranimer un peu mon ceeiMP affaissé; roilà ce qu'il
me Eàudrail pour efiàcer toutes les idées anlé
rieures y et me ramener uniquement à mes plantes ,
qui m*ont (pitié pour trop long -temps cet hiver.
Je n aurai rien de tout ceia, car en toutes choses
les coBsolatîoos les pins simples me sont refusées ;
maïs U Bit âne m peu de travail sur moi-même
poarj soppléer de mon propre fonds.
On dit i Paris que je retom-ne en Angleterre.
Je n'en suis pas sorpris ; car le public me connaît
si bien , qnH me &it toujours faire exactement le
coQiraiie des choses que je &is en eflët. M. Da^'
vcnport ma écrit des lettres très-bonnêtes et très-
eaapressées ponr me rappeler chez lut. Je n'ai pas
on devoir repondre brutalement à ses avancés,
OMB je n'ai |amais mar^é Fintention dfj refont^
fier. Honoré ées bieiic&tts du souverain, et des
bornés et beaucoup de gens de çiérite dans ea
3S\ GORKESPOVDANCE,
pays-là {]y suis attaché par reconnaissance , et \e
ne doute pas qu'avec un pou de choix dans mes
liaisons je n'y pusse vivre agréaUement; «nais
l'air du pays qui m en a chassé n'a pas changé de-
puis ma retraite, et ne me pennet pas de songer
au retour. Celui de France est celui de tous les
airs du monde qui convient le mieux à mon corps
el à mon cœur; et tant qu'on me permettra dy
vivre en liberté, je ne choisirai point d'autre asile
pour y finir mes jours.
On me presse pour la poste, et je suis forcé de
finir brusquement, en vous saluant avec respeci
et vous embrassant de tout mon ^cœur.
7g5. — ▲ MADAME Latour.
Ce 18 jam 1768.
* «
Je crains bien , chère Marianne, qu'une lettie
que je vous écrivis il y a dix ou douze jours ne se
soit égarée par ma faute, en ce que, m étant très-
mal à propos fié à ma inémoire, qui est entière-
ment éteinte , au lieu de mettre sur Tadresse la rue
du Croissant^ je mis seulement la rue du Qros-
Chenet. Ce qui augmenterait mon chagiin de
cette perte est que {^entrais, dans cette lettjre , dans
bien des détails que j aurais désiré n'être vus que
de vous. Peut-être aussi que votre silence ne vient
que de ce que vous ignorez mon adresse. £lle est
tout simplement, À M. Renou,4 Tiye, par Gi-
sors. J'attends ^e vous un mot d^éclalrcissenient|
AJfviE 1768. 385
e\ falieiids en même temps des noayelles de rotre
samé, et rassurance cpe vous m'aimez toujotirs.
^6. — • A M. d1v£anois.
Trye, le ^9 jwnrier 1768.
Tki reçu , mon digne ami ^ to tre paquet du a:»,
et il me serait paiement parvenu sous ladresse
que je vous ai donnée, quand tous n^auriez pas
pris Tinutile précaution de la double enveloppe,
sous laquelle il n est pas même à propos que le
nom de votre ami paraisse en aucune &çoq« CVst
avec le plus sensible plaisir que j'ai enfin appris
de vos nouvelles; mais j'ai été vivement ému de
1 envoi de votre &miUe à Lausanne : cela m^ap-
prend assez à quelle extrémité votre pauvre ville
et tant de braves gens dont elle est pleine sont à
la veîUe d'être réduits. Tout persuadé que je sois
gne rien ici-bas ne mérite d'être acheté au prix dm
sang bnmain y et qu'il n y a plus de liberté sur la
terre que dans le cœur de l'homme juste j je sens
bien toutefois qu'U est naturel à des gens de cou-
rage | qui ont vécu libres, de préférer une mort
honorable à la plus dure servitude; cependant,
même dans le cas le plus clair de la juste défense
de vous-mêmes , la certitude où je suis qu eussiez-
vous pour un moment l'avantage,, vos malheiu^
n'en seraient ensuite que plus grands et plus sûrs ,
me prouve qu'en tout état de cause les voies de
ûil ne peuvent jamais vous tirer de la situation
386 coiiit£sPoi!a>ANCE ,
critiqae où tous êtes qu'en aggravant vos mal-
lieurs. Puis donc que, perdus de toutes fiiçons,
supposé qu'on ose pousser la chose à rextrème,
vous êtes prêts à vous ensevelir sous les ruines de
la patrie , faites plus : osez vivre pour sa gloire au
moment qu'elle n'existera plus. Oui j messieurs , il
vous reste , dans le cas que je suppose, un dernier
parti à prendre, et cest, j^ose le dire , le seul qui
soit digne de vous : c'est, au lieu de souiller vos
mains dans le sang de vos compatriotes, de leur
abandonner ces murs qui doivent être Tasile de la
liberté, et qui vont n'être plus qu^un repaire de
tyrans; c^est d^en sortir tous, tous ensemble, en
plein jour, vos femmes et vos en&ns an milieu de
vous; et., puisqu'il &ut porter des fers, d'aller
porter du moinsj:eux de quelque grand prince,
et non pas rinsupportable et odieux -joug de tos
égaux. Et ne vous imagines pas quen pareil cas
TOUS resteriez sans asile ; vous ne savez pas-quelle
estime et quel respect votre ooorage, votre no-
dération, votre sagesse, ont inspirés pour tous
dans toute 1 Europe. Je nlfflagine pas ^ul\ s^y
fe:euve aucun souverain, je n'en excepte aucun ,
qui ne reçût avec honneœr, j'ose dire avec
pect, cette colonie émigrante d'hommes trop
tueux pour ne savoir pas être sujets aussi fidèles
qu'ils furent zélés citoyens. Je comprends lâen
qu'en pareil cas pIuMeots d'entre vous seiaient
ruinés : mais je pense que des gens qui saTeat
crifier leur vie au devou* auraient sacrifier ie
XIXTXZE 1768. 387
iieDsàllioiiiiear, et s^applaudii^ de ce sacrifice;
cl, après tout, ceci n'est qu'un dernier cxpédieAt
p(Kir conserver sa vertu et son innocence quand
toolkieste est perdu. Le cœur plein de cette
Âiee, je ne me pardonnerais pas de n'aroir osé
TOUS k communiquer. Du reste, tous âtes éclaît-
rés et sages ; je suis très-sûr que tous prendrrs
tonjoors en tout le meilleur parti , et }e ne oe puis
croire qaW laisse jamais aller les dioses au point
qull est bon d'avoir prévu d'avance pour ttre
pte & tout événement.
Si vos afl&ires vous laissent quelques momens
à d<xmer à d'autres choses qui ne sont xiest moins.
<pie pressées, en voici une qui me tient au ceem*^.
et SOI laquelle je voudrais vous prier de prendre
quelgae ëcbf rcissement , dansquelqu'un des voya-
ses que je suppose que vous ferez à Lausanne ,
taudis que voùne Êimille y sera. Vous savez que
j cil a Xioo oDe tante qui ma élevé , et que j'ai tou-
jours tendrement aimée, quoique faîe une fois,
romme vous pouvez vous en souvenir, sacrifié ïê
plaisir de la voir k Fempressement d'aller avec *
vous joindre nos amis. ËUe est fort vieflle^ eUe
^^e un mari Sort vieux 9 j'ai peur qu'elle n'ait
[^09 de peine que son âge ne comporte , et je vou-
drais lui aider à payer une servante pour la sou-
'^r. Malbenreusement, quoique je n'aie aug--
BfQté ni mon train ni ma cuisine, que je n'aie
ïiioin domestique à mes gages, et que je sois ici
Qçé et chauffe gralmieiBent , ma positioA me rend
38S COHaESPONDANOE,
la vie ici si dispendieuse, <jue ma pension me
suffit à peine pour les dépenses inévitables dont
jesuis chaîné- Voyez, cher ami, si cent francs de
France par an pourraient jeter quelque douceur
dans la vie de ma pauvre vieille tante, et si vous
pourriez les lui faire accepter. £n ce cas, la pre
mière année courrait depuis le commencement de
celle-ci, et vous pourriez la tirer sur moi d avance,
aussitôt que vous aurez arrangé cette petite afiaire-
là. Mais je vous conjure de voir que cet argent soit
employé selon sa destination , et non pas au profil
de parens ou voisins âpres , qui souvent obsèdent
les vieilles gens. Pardon , cher ami : je choisis bien
mal mon temps; mais il. se. peut qu'il n'y ea ait
pas.i perdre..
797' ^^ MÊME;
Du chAteau de Trye , ce 0 ïéTntr 1 768.
Dàks l'incertitude, <mi)n excellent ami, de la
meilleure voie pour vous &ire passer cette lettra
'sûrement et promptement, je prends le parti de
risquer directement ce duplicata, etdVn adresser
un autre à M. Goindet, pour vous le faire passer.
C'est une lettre qu'il a ceçue et qu'il m^a euToyée
qui a occasiomié la mienne.. Le temps me presse^
je suis rendu de fatigue et navré de douleur, dans
la crainte d'une catastrophe. Au nom de Dieu |
&ites-moi passer des nouvelles sitôt que le sort Ai
votre pauvre état sera décidé. Oh! la pabc, la paix
A2tk£e i;G8.. 38cj
iDon bon ami ! Hélas ! il n'y a que cela de bon dans
tettecourte vie, J embrasse nos amis; je vous em-
brasse de toute la tendresse de mon cœur. J'im-
plore k bénédiction du cid sur vos soins patrio-
tiques, et j'en attends le succès avec la plus vive
impatience.
ïesfère que vous avez reçu ma précédente ,.
que je vous ai adressée en droiture. C est toujours,
la voie qu'il faut préférer, surtout pour tout ce
mû peut demander du secret*.
7q8. AXJ MÈMF..
On m'a communiqué , mon bon ami , quelques
articles des deux projets d'accommodement qui
vous sont proposés, et j'apprends que le Conseik
général q«i doit en décider est fixé aa 28* Quoi-
que tant de pfécîpitatbn ne me laisse pas le temps:
de peser sufGsamm^it ces articles, quoique* je- ne*
sois pas SUT les Ueux, que jïgnore lëtatdeschoscsv
que je n'aie ni papiers ni livres, et que ma mé-
moire, absolument' éteinte^ ne me rappelle pas
même votre constitution j, je suis trop affecté de
votre situation pour ne pas vous dire, bien qu'au
là bâte, mon opinion sur les moyens qu'on vous
ofl^ d en sortir. Quelque mal digérée que soit
cette opinion , je ne laisse pas, messieurs', de vous:
Texposer avec confiance^non pas en moi , mais ca.
1
390 CORRESPONDANCE,
TOUS, très-sûr que, si je me trompe, yous dém^
lerez abément mon erreur.
Dans l'extrait qui ma été envoyé, il n'y a, du
projet appelé le second, qu^un seul article , qui est
aussi le second; sayoir : Télection de la moitié du
petit Conseil par le Conseil général : ce second
article n'étant bon à pas grand'chose, je ne dirai
rien du projet dont il est tiré.
Je parlerai de lautre, après avoir posé deux
principes que yous ne contesterez pas : l'un, qu'un
accommodement ne suppose pas qu on cède tout
d'un c6té et rien de l'autre , mais qu'en se rap*
proche des deux côtés; l'autre, qu'il n est pas ques-
tion de victoire dans cette affaire, ai de donner
sain de cause aux négatifs on aux représentans,.
mais de Étire le plus grand bien de la cbose com-
mune, sans songer ai l'on est Rutule ouTr»yen»
Cela posé , j^oserai yous dire que ce projet me
porak non-seulement acceptable, mai» aivec quel-
ques cbangeraens, et l'addition dun ou deux ar-
ticles, le meilleur peut-être que yous puisslex.
adopter»
Le petit Conseil tend fortement à Fa plus dore
ajpîstocratie : les maximes des représentans yoiit
parleurs conséquences nourseulcment à l^xcès^
mais â l'abus de la démocratie, eda est certain. Or
il ne Êiut ni tun ni lautre dans votre république ^
TOUS le sentez tous : entre le petit Conseil , violent,
aristocrate, et le Conseil général, démocrate ef-
fréné|,oii trouver une force intermédiaire qui con.—
ÂjmiE 1768. 391
benne Tun et Fantre, et soit la clef àa gourerne-
ment? Elle existe cette force, c^est le Conseil da
Deux-Cents; mais pourquoi cette force ne ysh
t-elle pas à son but? pourquoi le Deux-Cents ^ an
Keu de contenir le Vingt-Cinq , en est-il l'esclave 1
N'y a-t-3 pas moyen de corriger cela? Voilà pré-
cisément de quoi il k^agit.
Avant d'entrer dans l'examen des moyens^ per
mettez-moi j messieurs, d'insister sur une réflexion
dont j'ai le cœor pleiù. Les meilleures institutions
knmaines ont leurs dé&uts : la v6tre, excellente
à tant d'égards , a celui d'être une source étemelle
de divisions intestines. Des &milles dominantes
s'enorgoeiUisseQt, abusent de leur pouvoir, exd*
tent la jalousie; le peuple , sentant son droit , s'in-
digne d'être ainsi traîné dans la fiinge par $c$
égaux; des tribunanx coiicnrrens se chicanent |
se contre-pointent ; des brigues disposent des élec-
tions; 1 autorité et la liberté, dans un conflit per-
pétuel, portent leurs querelles jusqu'à la guerre
civile : j'ai m vos concitoyen» armés sentfëgor-
gerdans vos murs; ep ce moment même, cette hor-
rible catastnvphe est prête k renaître; et quand,
dans vos plans de réforme, vous devrîeîe , par des
moyens de concorde et de paix, par des établisse-
mens doux et sages, tâcher de couper la racine à
ces maux , vous allez , comme à plaisir, les attiser,
en excitant parmi vous de nouvelles animosités,
de nouvelles haines, par la plus dure de toutes les
censures, par Tinquisition du grabeau« Cela . mes-
39^ CORKESPONDiLKCE ,
sieurs 9 permettez-moi de le dire, n est assaiémenf
pas hien pensé. Premièrement, le Conseil ne souf-
frira jamais un établissement trop humiliant poar
de fiers magistrats; et quand ils le souûSriraicDl;
[e dis pour le bien de la paix et de la patrie , il ne
serait point à désirer qu'il eût lieu. Loin d'étaljir
de nouveaux grabeaux , vous £^iez mieux diabolir
ceux qui existent, mais qui, très-benreusemeDt
ne signifiant rien du tout, peuvent rester saus
danger.
, Cela dit, je passe à mon sujet : il s'a^t d on
.gouyemement mixte , mais difficile à combiner,
où le peuple soit libre sans être maître, et où le
magistrat commande sans tyranniser. Le vice de
votre constitution n'est pas de trop gêner la li^
berté du peuple; au contraire, cette liberté légi-
time ne va que trop loin , et , quoi quon en puisse
dire, il n esLpas.bon que le Conseil général soit
trop nécessaire à tout..
Mais le vice inhérent et fondamental est dans
le défaut de balance et d'équilibre dans les trob
autres Conseils qui composentle gouvernement;
ces .trois Conseils, dont deux sont k peu» près inu^
tilcs, sont si mal combinés, que leur ibpoe est en
raison inverse de leur autorité légale ,. et <{iie nu*
£érieur domine tout : il est impossible ^e ce via
reste , etque la machine puisse aller bien.
Ce qu' il y a d'heureux pourtant dans cette nu
chine, qui ne laisse pas d'être admirable^ est %fH
cet important équilibre peut s'établir SiUM ûe;
p
AynKÉE 1768. • 39%
changer aux principales pièces; tons les ressorts
sont bons , il ne s*agi t que de les iaire jouer un peu
dlSerenunent.
Mus ce qull y a de Êcheux est que cette ré-
fonne demaiide des sacrifices, et précisément de
la part des deux corps qui jusqu'ici ont paru le
mobs disposés à en Êiire; savoir, le Conseil g^
néial et celui des Vingt-Cinq»
Or, voilà que^ par plusieurs articles que ]ai
SOQS les jeux, les Vingt-Cinq offirent d'eux-mêmes
prescpie tout ce qu'on pourrait avoir à leur de*
mander; même , en un sens, davantage'^ A jontez
nn seul article, mais indispensable, et le petit
Conse'iLa fait, de son cdté, tous les pas. néces-,
saires vers un accord raiso^ahlc et solide : cet
stnide regarde I élection des syndics , dans la sup*
poâtion,presque impossible, que le cas qui se pK-
sente îd, pour la première fois depuis^ la: fonda-
tion de la république^ y pût renaître une seconde
(ois; auquel cas, acu lieu de présenter derechef le
Conseil en corps , comme on va &ire y il Êiudrait y
selon moi, se résoudre & présenter de nouveaux
candidats, tirés des Soixante : je dirai mes raisons
ô-apsès»
Qne le Conseil gén^l veuille céder à son tour,
on i^utôt échanger, contre l'élection des Soixante
qn'il gagne, on droit, un seul droit qu'il prétend,
nais qu'on loi conteste, et dont il n'est point en
possession; au moyen de cela, tout est fait : je
parle du droit de prononcer souverainement et
3q4 CORRESPOWDAÎÏCE ,
CD dernier ressort sur lobjet des représenlatJon^
en un mot, c'est le droit négatif qu'il s'agit d'ac
corder au Deux -Cents, déjà juge suprême d<
tous les autres appels. Peut-Atre est-il parlé, daiii
le projet, de ceL article, et cela doit être, maii
Textrait que j'ai n'en dit rien.
Avec ces additions et quelques légères modifi-
cations au reste, le projet, dont les articles sonl
sous mes yeux, me parait olfiîr un moyen de p-
cificatiou convo^ahte à tout le monde, raison-
nable du moins, solide et durable autant qu'on
peut Tespére» de 1 é^ial pi*cseû%des choses et de la
disposition des esprits ; et je crois qu'il en résulte-
rait un gouvernement qui , sans être plus composé
que Tancien, serait mieux Ué dans ses parties, et
par conséquent plus fort dan» son tout
C est stutout dans le second article que consiste
essentiellement la bonté du projet : par cet article,
le Conseil des Soixante est en entier élu par k
Conseil général, et tous les membres du petit Con-
seil doivent être tirés du Soixante ( car il feut ôtcr
dici les auditeurs). L'idée de donner une exis-
tence à ce Conseil des Soixante, qui n'était rien
auparavant, est très-bonne; elle est due aux mî^
diateurs : il faut en profiter, et leur en savoir gré.
Ceci suppose qu'on revêtira ce corps de nouvelles
attributions qui lui donneront dn poidsdans Tétat ;
Imais bien qu'il soit rempli par le peuple, ce nest
pourtant pas en lui-^même que s'opérera son plus
grand eflet, mais dans le Deux -Cents, dont les
kyii^ÉE i;68. 3i)5
nembres reotreronl ainâ dans la dépendance du
Conseil général, maître de leur ouvrir ou fermer
à son gré Ja porte des grandes magistratures. Voilà
préësémoit la solution très-simple et très-sûre du
prc^Uénie que je proposais au commencement de
cette lettre.
Par k p^mîer article, on accorde au G>nseil
génàal Télection de la moitié des Deux-Cents : je
ne senis pas trop d'aris qu'on acceptât cette con-
cession ; ces moitiés d élection sont moins efficaces
^embarrassantes. Il ne &ut pas considérer les
éleaions fiiites par le peuple , par leur efikt sub-
séquent, qui nest rien, mais par leur effet anté-
nenr qm est tout. Les syndics sont dus par le
G)nseîl général : voyez toutefois comment ils le
traitent I Le peuple ne doit pas espérer de ses
créatures plus de reconnaissance qu il n'en a pour
ses bienfaiteurs. Ce n^esl pas à ce qu'on &it après
être ëa, mais à ce qu on a fiiit pour être élu , qu'il
àm, regarder en bonne politique^ Quand le peuple
tire ses magistrats de son propre sein, il n^au{-
BKQtederîen sa £9rce; mais quand il 1»5 tire d'un
antre corps, il se donne de la force sur ce corp^là.
Voilà pourquoi Télection du Soixante vous don-
nera de Tascendant en Dèux^Cents , et potunuoi
i'âectbn du petit Conseil donnera die rascendant
)a Deux-Cents en Smxante. Vous en auriez par
les syndics sur le VingtXinq même , s'il était plus
uoitbreiix , ou que le choix ne fût pas forcé. C'est
sifisi que les pins simples moyens^ les meilleurs
896 CORRESPOND AKCE ,
en tonte cbose, vont tont remettre dans Tordre
légitime et naturel.
Il suit de là qne le privilège d'élire la moitié du
Deux-Cents vous est beaucoup moins avantageux
t|u'il ne semble^ et cela est trop remuant pour
votre ville, trop bruyant pour votre Conseil gé-
néral. Le jeu de la machine doit être aussi facile
que simple, et toujours sans bruit, autant qu'il se
peut. L'élection du Deux-Cents, laissée au petit
Conseil, a pourtant de grands inconvéniens, je
l'avoue; mais ny aurait-il pas, pour y pourvoir,
quelque expédient plus court et mieux entendu?
Par exemple, où serait le mal que cette élection
fût une des nouvelles attributions dont on revêti-
rait le Conseil des Soixante? Le petit Conseil lui-
même y devrait d'autant moins répugner que , par
sa présidence et par son nombre , qui fait presque
la moitié du nombre total, il n'aurait guère moins
d'influence dans ces élections que s'il continuait
seul à les &ire : je n'imagine pas que ceci &sse
une grande difficulté.
Mais je crains que l'article de l'élection des
syndics n'en fasse davantage, et ne coûte beau-
coup au Conseil; car il y a, chez les hommes les
plus éclairés, des entêtemens dont ils ne se dou-
tent pas eux-mêmes, et souvent ils agissent par
obstination, pensant agir par raison. Ils s^effiraie^
ront de la possibilité d'un cas qui ne saurait même
arriver désormais, surtout si la loi qui doit y
pourvoir passe. Le Conseil des Vingt^linq scàt
ANNÉE 1768. 397
trop SSL paîssance absolue; il sent trop que tout
dépend de lui, que lui seul ne dépend de rien j de
rien du tout^ cela doit le rendre dur, exigeant.
Impérieux, quelquefois injuste. Pour son propre
intérêt, pour se faire supporter, il faut qu'il dé-
pende de quelque chose; car le ton quil a pris ne
peut être souDfert par des hommes. Ehl quelle
plus légère dépendance peut -il s'imposer que
celle, non pas de soulTiir, mais de prévoir, ^ule-
ment dans un cas extrême, la perte passagère
d'un syndicat en idée, et qui réellement ne sortira
jamais de son corps? Cependant ce sacrifice idéal
et purement chimérique peut et doit produire
un grand effet, pour leur rendre cet esprit hu-
main et patriotique qui parait s'être éteint parmi
eux. £h ! sll en reste un seul à qui quelque goutte
de sang genevois coule encore dans les veines,
comment ne frémit -il pas en songeant au péril
auquel ils viennent d exposer Tétat pour vous as-
servir ^ et dont ils n ont été garantis eux-mêmes
que par votre fermeté^ par votre sagesse, par la'
modération des médiateurs, quoique si cruelle-
ment prévenu5? Comment les chefs de la républi-
que pouvaient-ils ne pas prévoir, en exposant
ainsi sa liberté , que le peuple en aurait avant eux
déploré la perte , mais qu ils l'auraient sentie
avant lui] En voyant un moyen si doux, mais {si
sûr, de garantir leurs successeurs de pareille in-
cartade, ils devraient, s ils aimaient leur pays, le
proposeT eux-mêmes, quand personne avant eux
3r)8 coRv.EîiPoyBxytiE ,
ne Taurait proposé. Pour moi , je tous dédarre que
cet article me j^iaraît d une si grande importance,
que rien , selon moi , ne devait vous y foire renon-
cer, pas, quand on tous céderait tout le reste,
pas, quand les Conseils voudraient en échange
renoncer au droit négatif.
Mais je ne vous dissimulerai pas non plus que
ce droit négatif attribué, non pas au petit Con-
seil, ni même au Soixante, mais au deux-Cents^
me parait si nécessaire au bon ordre, an maintien
de toute police, à la tranquillité publique, à la
force du gouvernement, que, quand on y vou-
drait renoncer, vous ne devriez jamais le per-
mettre. S'il n^y a point d'arbitres des plaintes,
comment finiront-elles? Si le Conseil général, au-
teur des lois, veut être aussi juge des feifs, vous
n'êtes plus citoyens, vous êtes magistrats-, c'csl
Tanarchie d'Athèueb, tout est perdu. Que cbacun
rentre dans sa sphère, et s'y tienne, tout est sauvé.
Encore une fois, ne soyez ni négatifs ni représen-
tans; soyez patriotes, et ne reconnaissez pom
vos droits que ceux qui sont utiles & celtte petite
mais illustre république , que de si dignes citoy eut
couvrent de gloire.
Ce nW point, messieurs, à des gens comm^
vous qu'il faut tout dire. Je ne m'arrêterai point
vous détailler les avantages du projet proposée
dans l'état où vous pouvez raisonnablement éLt
mander qu'on le mette, et où les changement
fitire sont autmit contre vons que pour vous. J
ANNÉE 1768. 3fï9
n'ai rien dît, par exemple, de labolition du plus
grand fléau de ▼otre patrie, de cette autorité de-
Yenue héréditaire et tyrannise, usurpée et réu-
nie par des familles qui en abusaient si cruelle-
ment. C'est à cette première entrée qu'il £iut
attendre et repousser au passage tout ce qui est
de même sang, ou de même nom; car une fois
dans le Conseil , soyez sûrs qu'ils parriendront au
syndicat malgré tous : c'est à vous d j veiller, et
cela devient très-&cile^ Ëncoze une fois, cette^oL*
senration ni d^aEtres pffi'eiUes nesont pas deceUes
qu'on a l^soin de vous rappeler ^ c'est asses d'a^
voir établi iesprincîpes^les conséquences neTom
échapperont pas»
Je me suis bâté, mon bon ami, de tous &ire
ab hoc et ab hdcmes petites observations, dans la
crainte de les rendre trop tardives. Si je me suis
trompa dans cet examen trop précipité, hommes
âges et respectables, pardonnez mon erreur k
mon zèie : je crois sincèrement que le projet dont
il s'agit serait, dans son exécution, &vorable à la
liberté, à la tranquillité, k la paix*, je crois, de
plus, que cette paix vous est très-nécessaire; que
les circonstances sont propres à la iaire avanta-
geusement, et ne le redeviendront peut-être ja«
mais. Puisse -je en apprendre bientôt rheoreusQ^
nouvelle et mourir de joie au même instant I je
mourrais plus heureusement que je n'ai vécu* îjt
Tons embrasse de tout mon cœur.
400 CORRESPOITDÀNCEf
799. A M. DU PeYROU.
10 îémer 1768.
Votre n* 5, mon cher hôte , me donne le jJaî-
sir impatiemment attendu d'apprendre votre hen*
reuse arrivée, dont je félicite bien sincèrement
l'excellente maman et tous vos arais^ Vous aviez
tort, ce me semble , d'être inquiet de mon silence.
Pour un homme qui n'aime pas à écrire, j'étais as-
surément bien en règle avec vousqui Taimez. Votre
dernière lettre était une réponse ; je la reçus di-
manche an soir : elle m annonçait votre départ
pour le mardi matin, auquel cas il étaic de toute
impossibilité qu'une lettre que je vous aurais
écrite à Paris vous y pût trouver encore, et il était
naturel qudii) 'attendisse, pour vous écrire à Veu-
châtel, de vous y savoir arrivé, la neige ou d^a vi-
tres accidens , dans cette saison , pouvant vous ar-
rêter en route. Ma santé, du reste, est à pea près
comme quand vous mWcz quitté; je garde mes
tisons; l'indolence et 1 abattement me gagnent : je
ne suis sorti que trois fois depuis voti-e départ , et
)e suis rentré presque aussitôt. Je n'ai plus de
cœur à rien, pas môme aux plantes. Manoury, plus
Aoir de cœur que de barbe, abusant de réloigne-
ment et des distractions de son maître , ne cesse
de me toiumenter, et veut absolument m expul-
ser d'ici ; tout cela ne rend pas ma vie agréal^ie ;
et quand elle cesserait d'être orageuse^ n y voyant
ATCNEE 1768. /^0\
plus même un seul objet de* désir pour mon cœur,
fen trourerais toujours le reste insipide.
Mademoiseile Renou, qui n^attendait pas'
taonis impatiemment que moi des nouyelles de
yotit arrirée , Fa apprise ayec la plus grande
joie, <pie votre bon sourenir augmente encore.
Pas UA de nos déjeuners ne ^e passe sans parler
de tous; et j'eir ai an renseignement mémorial
toajoim pèsent dans le pot-de-chambre qui vous
serrait de tasse, et dont j'ai prb la liberté dlicri-
Jai reçu votre vin dont je vous remercie j mais
que TOUS avez eu tort d'envoyer : il est agréable à
boire; mais pour naturel , je n en crois.rien. Quoi
qnîl en soit, fl armera de cette afiaire comme de
beaucoup d'autres, que Tun fait la faute et qile'
Tautre la boit<:
Hendez, je vous prié, mes salutations et ami-
dés à tons vos bons amis et les miens, surtout à
votre aimable camarade de Toyage à qui* je serai
toujonisobHgé. Mes respects, en particulier, à la
reine des mères, qui est la TÔtrc, et aussi à la
reine des femmes, qui est madame de Luzc: Je
^nis bien Ûché de n avoir pas un lacet k envoyer
à sa cbarmante fille, bien «ûr qu'elle mérite de le
porter.
fl &0t finir, car la Bonne madame Chevalier
est pressée et altend'ma lettre. Je prends Tunique
expédient que j'ai de vous écrire d ici en droiture ,
«^ TOUS adressant ma lettre chez M. Junct; Âdlru*,'
^ «A ■
4oa CORRESPONDANCE ^
mou clier h6te; je vous embrasse et yons recom^
mande , sur toute chose , Tamusemeot et la gaieté i
vous me direz : Médecin, guéris -toi toi- même ,*
mais les drogues pour cela me man^eqt, au Uea
qufi TOUS les ayez,
J^ai tant lanterné, (jue la bonne dame est par-
tie, et ma lettre n'ira que demain peut-être^ ou
du moinjs ne marchera pas aussi sûren^enU
8oQ» -^ A M. Dly£RNo:s.
Dn cliAteau de Trye^ œ a3< (érnet lyGS,
Je reçois, mon bon ami, ayec votre lettre da
17, le mémoire que vous y avez joint ^ et quand
\ç serais en état d y £iire les observations que vous
me demandez , il est clair que le temps me man*
queralt pour cela, puisque cette lettre, écrite sur
le moment même, aura peine, supposé mêmeqne
rien nen suspeude la marche, à vous aniver
avant le 28. Mois, mon excellent ami, je sensqoe^
tna mémoire est éteinte , que ma tète est en coiifu-
sion, que de nouvelles idées ny peuvent plus en-
trer, qu'il me Êiut môme un temps et des Qffi)ri&
infinis pour reprendre la tiace de celles qui m^oftt
été Ëimilières. Je ne suis plus en état de comparerj
de combiner V je ne vois quun nuage en parcou-
lant votre mémoire; je ny vois quHine chose
claire, que )e savais, mais qui m'est bien confir-
mée, c'est que les rédacteurs de ce mémoire sont
alfisez. instruits, assez écUirés, assez sages pour
AVSÉE 1768. 4^3
fèin'par eux-mêmes une besogne tout aussi bonne
qu elle peut l'être , et que y dans 1 objet qui les oo>
cope, ïs n'ont besoin que de temps, et non pas
fk coDseik, pour la rendre par&Ite. J'y vois bien
clairemoit encore que, conune- je lavais prévu ^
la pmipîtaiion de ma lettre précédente et Tigno-
rance d'une foule de choses qu'il fallait savoir m'y
ont bit tomber dans de grandes bévues', dont
vous ea relevez ,.dans votre lettre j, une qui main*
ttBsnt me santé aux yeux.
Cependant je suis dans la plus intime persud-
Sion que votre état a le plus grand besoin dWe
prompte pacificatioo , et que de plus longs délais
roos peuvent précipiter dans les plus grands mal-
heurs. DaBS cette position^ il me vient une idée*
qui doit sârement être venue à quelqu'un d œtre
vous , et dont je ne vois pas pourquoi vous ne fe-
riez pas usage, parce qu^âlle put avoir de ^-ands^
avanlages sans aucun inconvénient» Ce serait,,
Çfoar vous donner le temps de peseï un ouvrage
qui demande cependant la plus prompte execu-
fjkw^ Élire un règlement provbionnel qui q'cût
foice de loi que pour vingt ans, dorant lesquels on^
r7arah le temps d'en observer la force et la marche y
H aa bout desquels il serait abrogé, modifié, ou^
<€gïBxméj selon que l'expérience en aurait fait
sentir les inconvéniens ou les avantages. Vont:
Aftoi, je n'aperçois que ce seul expédient pour
;oiidlier la d^gence avec la prudence; et j'avoue
fue je nVn aperçois pas le danger^ La paix, me*
4o4 CORRESPONDANCE ,
amis, la paix, et promptement, ou je meurs de
peur gue tout n aille mal.
Vous ne recevrez point le duplicatade ma lettre
par M. Coindet : il n'en a point été conttat , et me
Pa rendue. Je m^en étais douté d'avance.
L'article IX , page 4o , commence par ces mots ,
S'il se publiait Il faut , ce me semble j ajouter
ces deux -ci, dans Vétat; car, enfin, il me parait
absurde et ridieute que le gouvernement de Ge-
nève prétende avoir juridiction sur les livres qui
s'impriment hors de son territoire dans tout le
reste du monde ; et parce que le petit Conseil a
&it une Ibis cette fente, W ne faut pas pour cela la
consacrer dans- vos lois, d'autant pln&que je ne
demandé , ni ne désire, ni n'approuve gne I oc
revienne jamais sur cette afl&ire, puisque -a y an1
fait un serment solennel de nerenOrer jamaÎB dani
Genève , si ce petit grief- étSik redressé, il ne dé
pendraitpas-de moi de tirer aueun parti de ce re-
dressement, ce dont je suis «bien' aise de ^oos pré
venir, de pciu* que votre zèle amical bc vous ins
pirât dans* la suite- quelque démarcho inutile 5U]
un point qui doit à jamais rester dans l'oubli. Ai
ïoste, je mots si peu de fierté à cette résolution
que si, par quelque démarclfe respectueuse, \
pouvais ôter une partie^du levain d'aigreur cy^
&rmcnte encore^ j» la ferais de tout mon cœur.
Je finis à la hâte ce grifibnnage , que je n*ai p^
m^ine le temps de relire^ tact je suis pressé de !
flire^artir^.
ANNÉE 1768, 4^5
Êfa mon Dieu! cher ami, j'oublie de tous par^
ter de ce que vous ayez fait pour ma bonne tante,
et de Vargent que tous avez avancé pour moi.
Hélas! je suis si occupe de vous que je ne songe
pas même à ce que vous faites pour moi. Mais,
mon digne ami, vous connaissez mou cœur, je
m en flatte, et vous êtes bien sûr que cet oubli ne
durera pas loug-temps. Ah! plaise au ciel que
votre première lettre m^annouce une bonne nou-
velle! Si je tarde encore un instant, ma lettre
n est plus à temps. Je vou5 embrasse.-
Soi, A MADAME LA COUTXXB DB BotJFTLEBS.'
Le 2^ férner 1 766.
Je vieillis dans les ennuis, mon âme est affai^
Uie, ma tête est perdue; mais mon cœur est tou-^
jours ie même : il n'est pas étonnant qu il mcT'
ramène à' vos |)ieds. Madame, vous n'êtes pai^
exonpte de torts envers moi : je st»ns vivemeof
les miens; mais tant de maux sottflerts n ont* ils
Tien expié? Je ne sais pas revenir à demi;» vous*
me connaissez assez pour en être assurée. Ne dois»
je donc plus rien espérer de vous? Ah ! madame^
rentrea en yous-méme, et consultez votre àm<i
noble. Voyez qui vous sacrifiez, et à qm! Je vouir
demande une henre entre le ciel et vous pouf
cette comparaison. Souvenez-vous du temps oCi
TOUS avez tout £iit pour moi. Combien vos soins
bieniâisans seront honorés un jour! Eh! pourquoi
4o6 CORRESPOKDÀNCE,
d<ftrtt!re ainsi votre propre ouvrage? pourvoi
vous en ôter tout le prix? Pensez que, dans Tordre
naturel, vous devez beaucoup me survivre , et
qu'enfin la vérité reprendra ses droits. Les hommes
fins et accrédités peuvent îout pendant leur vie;
ils fascinent aisément les yeux de la multitude,
toujours admiratrice de la prospérité : mais leur
crédit ne leur survit pas, et sa chute met à décoit-
vert leurs intrigues. Ils peuvent produire une er-
reur publique, mais ils ne la peuvent éterniser^
et j^ose prédire que vous verrez, ti>i ou tard, ma
mémoire en honneur. Faudra t-il qti'alors mon sou-
venir, Ëiit pour vous flatter, vous «rouble? Faudrs^
t-il que vous disiez en vous-même : Xai vu sans
Sitié traîner, étouffer dans la &nge, un homme
igné d estime, dont les sentimens avaient bien
mérité de moi? Non, madame, jamais la généro-
sité que je vous connais ne vous permettra d'avoir
un pareil reproche à vous faire. Pour lamour de
vous, tirez-moi de Tabime d'iniquités où je suis
plongé. Faites-moi finir mes yours en paix : cela
<lépend de vous, et fera la gloire et la douceurdes
vôtres. Les motifs que je vous présente vous mon-
trent de quelle espèce sont ceux que je crois faits
pour vous émouvoir. De toutes les réparations
que je pouvais vous faire, voilà, madame, celle
qui m'a paru la plus digne de vous et de moi .
y
ANNÉE Ij68. ^ÙJ
8o3. -<— A M. ou PfTROr.
1768.
Votre n^ 6, mon cher hôte, m^offlige en m'ap-
prenaat que tous ayez nu nouveau ressentiment
de goutte , assez fort pour vous empêcher de sor-
tir. Je crois bien que ces petits accès plus firéquens
vous garantiront de grandesattaques. Mais comme
l'onde cesdeux états est aussi incommodeque l'au-
tre est douloureux, je ne sais si vous vous accom-
moderiez d'avoir ainsi changévosgrandesdouleurs
en petite monnaie; mais il est â présumer que ce
n'est qu'une queue de cette goutte efiarouchéc,ct
que tout reprendra dans peu son cours naturel.
Apprenez donc, une fois pour toutes , à ne vou-
loir pas guérir malgré la nature, car c'est le moyen
presque assuré d'augmenter vos maux.
A mon égard, les conseils que vous me donnez
sont plus aisés â donner qu'à suivre. Les herbori^
étions et les promenades seraient en etkt de
douces diversions à mes ennuis, si elles m'étaient
llfiksées; mais les gens qulilisposent de moi n'ont
gaidê de me laisser cette ressource. Le pojet dont
MM. Manoory et Deschamps sont les exécuteurs
demande qull ne m'en reste aucune. Comme on
m'attend au passage, on n épargne rien pour me
chasser d'ici^et il parait que l'on veut réussir dans
peu, de manière ou d'autre. Un des meilleurs
moyens que Ton prend pour cela est do lâcher sur
4o8 COBAESPOVDârrCE,
moi la populace des villages voisins. On n ose
plus mettre personne au cachot, et dire que c est
moi qui le veut ainsi; mais on a fermé, barré,
barricadé le château de tous les côtés : il n^j a
plusjii passage .ni communication par les cours
ni par la terrasse; et, quoique cette clôture me
soit très-incommode à moi-même, on a soin de
répandre , par les gardes et par d'autres émissaires ,
que c'est le Monsieur du château qui exige tout
cela pour faire pièce aux paysans. J^i senti Teffet
de ce bruit dans deux sorties que f ai faites, et cela
ne m'excitera pas à les multiplier. «Tai prié le fer-
mier de me faire faire une clef de son jardin, qui
est assez grand, et ma résolution jest de borner
mes promenades à ce jardin et) au petit jardin du
prince, qui, comme vous savez, est 'grand comme
la main et enfoncé comme un puits. VoilA, mon
cher hôte, comment, au cœur du r4)yaume de
France, les mains étrangères s'appesantissent en-
core sur moi. Â Tégard du patron de la case, on
lempêche de rien savoir de ce qni se passe et de
s'en mêler. Je suis livré seul et sans ressource &
ma constance et à mes persécuteurs. J'espère en*
core leur faire vx)ir que la besogne qu'ils ont en-
treprise n c&t pas si facile à exécuter qu'ils Font
cru. Voilà bien du verbiage pour deux mots de
réponse qu'il vous fallait sur cet article. Mais j Vus
toujours le cœur expansif ; je ne serai jamais bien
corrigé de cela, et votre devise ne sera jamais W
mienne.
AytfE£ 1768. 40:)
JTai dêcùmetl avec ime peine infinie les no|ns
de botanique de piusieun pkntes: de iîarsaiilt.
Jai aussi réduk, avec non moins de peine , les
pbnfles de SanTages à la nomenclature triviale
AelJBBaeus, qui est très-conunode. Si le plaisir
d'aroir «n jardin vous rend un peu de goût pour
la botaaique , je pourrai vous épargner beaucoup
de tmrail pour la synonymie, en vous envoyant
pour vos exemplaires ce que | ai noté dans les
micDs; et il est absolument nécessaire de dé-
brouiller cette partie critique de la botanique
poor reconnaître la même plante, à qui souvent
cba^ne auteur donne un nom différent.
Je ne vous parle point de tos afiaires pubU-
çnes, non qK je cesse jamais d y prendre intérêt ,
mais parce que cet intérêt , borné par ses effets à
des rœax aussi vrais qu'impuissans de voir bieur
t^ rétablir la paix dans toutes vos contrées , ne
peut oontribuer en rien à l'accélérer.
Adkay moa cher bête : mes hommageGs i la.
mâtiaut des nères^ mille choses au bouM. Jeaa-
aio, et JL tous ceux tpi m^aiment, et à tdus cent
]iie VDOS aimez. 1 '
8û3b -^-^ A M. MoiTLTokr.
A Ttje^ x^ Gîpor»,*1e 7 mm lyCè. .
CoitK fignove, monsieur , ce que M. Coindet
a pa TOUS écrire, je veux vous rendre compte
■Mi-méme de ce que j'ai ÙÎL Sitêt qu^il m'eut en«
$ I or COA&ESPOVt) AKCE ^
voyé TOlro première lettre , )eii éeriTta une &
M. d'Ivemois, le seul correspondant que je me
sois laissé à Genève y et auquel même , depuis mon
funeste départ pour rÂngle terre , )e n'avais «pas
écrit plus de cinq ou six fois. Cette lettre, rai*
sonnée de mon mieux , mais pressante et impar-
:bale autant qu'il était possible^ péchait ei) plci«
sieurs points faute de connaissance de la situatioa
de vos affaires^ dont je ne savais absolument
rien que ce qui en était dit dans h vôtre, jy
b|Amais fortement le grabeau proposé; j^ propo-
sais le projet du Conseil, dont j avais TextAÎt
dans votre lettre, comme excdlent en lui-même,
sauf quelques chaugemens ^t additions, les unes
favorables, les autres coi^traires aux représen*
tans, selon qu'il m'avait paru nécessairepour &ire
un tout plus solide et bien pondéré. Xavaîs imt
cette lettre a la hÂiC;, eOe était très-longuié : je ren->
voyai ouvert^ à M. Coindet, le priant de labfiûrq
passer à son adresse, et àà vous en envoyer eu
m4me temps upe copie. Quelques joursaprès^iliiM
marqua o'avolr rieu ^t dêi 'tout. cela, parce^quU
ne trouvait pas que cette lettre allftt.à son buL H
est venu me voir, et je me la suis fait rendre :
j'offre de vous Venvoyer quand il vous plaira , afin
que vous en puissiez juger yous-méme. Comme le
moment pressait, et que je prévoyab un peu ce qu'à
Sût M. Coindet, j'avais envoyé en ménie temps le
brouillon de la même lettre, en duplicata ^dnrec-
tement à M. dlvemois^ dont les amis ne Font pas
▲HNiB I76S. ^It
QCH] plus approuvée; et il m'est arrivé ce qa*il ar-
nvecidiiiaireiiient à tout homme impartial entre
dcQX partis édiauflis, qui cherche sincèrement
ïiBtkêi commun et ne va qu^au bien de la chose ;
jai déplu également des deux côtés. Voyant les
cspnui peu disposés encore â se rapprocher, et
KntaaA toutefois combien la plus prompte pacifi-
csû(m Toos est à tons importante et néciessaire^
jai ea depuis une autre idée que j*ai coBomtmi-
qaée encore k M« dlvemois; mais je né sais s^l
ion reçu ma lettre : ée serait de tâcher du moins
de £ûie «ir r^lemént provisionnei pour vin^jt
20s, au bout desquels on ponrrail Panniiler ott h
ot^irmer, selon qn*on rauratf reconnu boti on
raamrais i iiisage : on doit tout &ire ppur apaiser
rt moÊtent de rhakur qui peut avoir les suines tes
plosfnstes. Quand on ne se iGsra plus un devoir
^racl de m'affliger , quand je ne serai plus , H que
1"^ circonstances seront changées , les esprits se
"^pprodieront naturellement, et clmcun sentira
' 't ou tard que son plus vrai bien n est qne dans
e Àren de la patrie.
Vous devez le savoir, monsieur; si fen avais
Êe cru, non-seulement on n eût point soutenu les
^ésentations, mais on nen eût point fait; car
^tareflement je sentais* qu'elles ne pouvaient
r^ir ni succès ni suite, que tout était contre les
pésenlans, et qu'ils seraient infaillibleincnt les
ctimes de leur zèle patriotique. J'étais bieu éloi-
ë de prévoir le grand et beau spectacle qu'Us
fl2 ' C0r.R£SP02ïDANCE^
viennent de donner à FunivcFS , et qui ^ quoi quVn
puissent dire nos contemporains, fera l'admira-
lion de la postérité. Cela devrait bien guérir vos
magistrats, d'ailleurs si éclairés, si sagtts sur tout
autre point, de Terreur de i^garder le peuple de
Genève comme une populace ordinaire. Tant
qu^ils ont agi sur ce faux préjugé, ils ont fidt de
grandes Êiutes qu'ils ont bien payées v et je prédis
qu'il en sera de méoke tant qu'ils s^obstinonont
dans ce mépris très-mal ettendu : quand oo veut
asservir un peuple libre, il îkisdL savoir employer
des moyens assortis à son génie, etricnm'estplui
aôsé^mais ils sont loin de ces moyens-li. Je reviens
à moi : le malheurque j'ai eu d'être impliqué dans
les commencemens de tos troubles m'a fiit un
devoir, dont je ne me su» jamais départi ^ de
n^être^nila cause ni le prétexte de leur continua-
tion. C^est ce qui m'a empècbé d'aller pu^er le
décret y c'est ce qui m'a faU lenoncerâ ma bour-
geoisie, c'est ce qui m^a fait faire fe serinent so-
lennel de ne rentrer jamais dans Genève, dest ce
qui m^a fait écrire et parler à tous mes amis comme
î'ai toujours fait; et j'ai encore renouvelé en der-
nier lieu, 4 M. dlvernois, les mêmes déclarations
que j ai souvent faites sur cet article, ajoatanl
même que, s'il ne tenait qu'à une démarche aossf
respectueuse qu'il soit possible pour apaiser l'anii
taiosité du Conseil, j'étais prêt à la Êiire hautei
ment et de tout mon cœur r pourvu que vous aje^
la paix| rien ne me coûtera, monsieor, je toui
'AlfKÉE 1768. 4 '3
protesf e^ et cela sans espoir d'aucun retour de jus-
tice et dlionnâteté de la part de personne. Les ré*
paiallons <{ui me sont dues ne me seront fiûlef
.^'après ma mort, je le sais« mais elles seront
grandes et sincères; fy compte, et cekt me suffit.
Malheureusement je ne peux rien / je n'ai nolk
espèce de crédit dans Genève, pas même parmi
ks reprisentaas. Si jen avab eu, je vous le ré*
pète, tout ce qui s est fait ne se serait point fait.
D'ailleurs je ne puis* qn exhorter, mais je ne veux
pas tromper : je dirai, comme je le crois, que la
paix yaut mieux que la liberté , qu'il ne reste phf
dTasïle à la liberté sur la terre que dans le cœur da
fhomme juste, et que ee nVst plus la peine de se
batailler pour le reste : mais quand il s^agîra de
peser un projet et d'en dire mon sentimenf, je le
dirai saus déguisement. Encore une fois, je veux
exhorter, mais non pas tromper.
Je suis bien aise, monsieur, que tous pennes
savoir que je suis tranquille , et que cela vousihsve
plaisîp. Cependant, si vous connaissiez ma véri-
table situation, tous ne me croiriez pas si hors
des mains de M. Hume, et vous ne vous acbresse*
riez pas à M. Coindet pour dire le- mal que vont,
pouvez penser de cet homme -là. Adieu , mon-
âeur : je ferai toujours cas de votre amitié, et je
serai toujours flatté d*en recevoir destémoîgnages;
mais comme vous n'ignoresnt mon habitation ni
k. nom que fy porte ^ vous me ferez plaisir de
n'écrire directement par préférence, ou de fiur«
4 1 4 CORRESPO^TD ANCE ,
passer vos lettres par d'autres mains; et surloud
De soyez jamais la dupe de ceux qui font le plu£^
de bruit de leur grande amitié pour moi. J'ou-
bliais de TOUS dire que M. Coindet ne m envoya
que le 29, c'est-à-dire le lendemain du Conseil
général y votre lettre du i o ; que je ne la reçus que
le 3 mars y et que par conséquent il n'était plus
temps d'en faire usage. Du reste» ordonnez; je
suis prêt.
804. — • A M. dIvernois.
Au diàtean de Trjt , le 8 mars 17G8.
Votre lettre, mon ami , du 29, me fait frémir.
dh ! cruels amis^ quelles angoisses vous me don*
oez ! n^ai-je donc pas assez des miennes? Je vous
exhorte, de toutes les puissances de mon âme, de
renoncer à ce malheureux giabeau qui sera la
cause de votre perte , et qui va susciter contre vous
la clameur universelle qui jusqu i présent était
en votre faveur. Cherchez d'autres équivalens,
consultez vos lumières; pesez, imaginez, propo-
sez : mais, je vous en conjure, hâtez -vous de fi^
nir, et de finir en hommes de bien et de paix , et
avec autant de modération, de sagesse et de
gloire, que vous avez commencé. N^attendez pas
que votre étonnante union se relâche, et ne comp-
tez pas qu'un pai'eil miracle dure encore lon^
temps. L'expédient d'un règlement provisionnel
Ii«ut vous Élire passer sur bien des choses qui
pourront avoic leur correctif dans un meilkuir
iTCNÉB 1768. 4l^
leiups : ce moment court et passager you^^ est &>
torable; mais si tous ne le saisissez rapidement,
Uya vous échapper; tout est contre vous et vous
êtes perdus. Je pense bien différemment de vous
nir la chance générale de ravenir ; car je suis très-
persuadé cpe dans dix ans , et surtout dans yingt ,
eUe sera beaucoup plus avantageuse à la cause des
réprésentans^ et cela me parait in&illiUe : mais
on ne peut tout dire par lettres, cela deviendrait
trop long. Enfin, je vous en conjure derechef par
vos iamilles , par votre patrie , par tous vos de*
voirs, finissez et promptement, dussiez -vou*
beaucoup céder ; ne changez pas la constance en
opiniâtreté : c est le seul mojen de conserver Tes*
tFme publigue qae vous avez acquise, et dont
vous sentirez le prix un jour. Mon cœur est si
[Aetn de cette nécessité d'un prompt accord, qu'il
voudrait s'élancer au milieu de vous, se verser
dans tous les vôtres pour vous la fiiire sentir.
Je dlAere de vous rembourser les cent francs
que vous avez avancés pour moi, daus Fespoir
d'une occasion phis commode. Lorsque vous son-
gerez à réaliser votre ancien projet , point de con-
fidens, point de bruit, point de noms, et surtout
défiez-vous par préférence de ceux qui font osten-
tation de leur grande amitié pour moi. Adieu^
mon ami : Dieu veuille bénir vos-^travaw 0t U^
couronner ! Je vous embrasse.
/
\t6 toBiusspoNDAifari
8o5« —«A M. LS MARQUIS DB MiRABEAU. .
9 ma» I ^8»
Se ne vous répéterai pas , mon iHustre ami , les
DMHiotoiies excuses de mes longs silences, daa«
tant moins ^e ce serait toujours à recommencer;
car à mesure que mon abattement et mon décou-
ragement au^nentent , ma paresse augmente en
même raison» Je nai plus d'activité peor rien,
plus même pour la promenade, à laquelle d ail-
leurs je suis forcé de renoncer depuis quelque
temps. Réduit au travail très-Ëitigant de-me levée
ou de me coucher, je trouve cela de trop encore;
du reste, je suis nul. Ce n'est pas sealemeat là le
itiieux pour ma paresse , c^est le mieux auâsi poui
|na raison ; et comme rien n'use plus vamemeni
la vie que de regimber contre la nécessité , le meil«
leur parti qfui me seste à prendre, et que je prends,
est de laisser faire Sjtas résistance ceux qjÉi dispo-
sent ici de moi.,
La proposition d'aller vous voii^ I iheonp est
aussi charmante qu'honnête, et je sens que 1 al^
mable société que ly trouverais serait en effet uj]
spécifique excellent centre ma tristesse.. Vos ex
pédieus, mon illustre ami, vont mienx à' mot
coeuc c{ue votre mosale; je la trouve trop haut<
pour moi, plus stoï(|ae que consolante; et rien n^
me parait moins calmant pour les gens qui souf
frent que de leur prouver qu'ils, n'ont ^int di
mrsiE 1768. Al**
oaL Ce pèlerinage me, tente beaucoup, et c*est
ftéàséweat pour cela que je crains de ne le pou-
Toir &ire : il ne m'est pas donné davoir tant do
plaisir. An reste , je ne prévois d'obstacle vraiment
diiimant que la dorée de mon état présent qui ne
ne permettrait pas d'entreprendre un voyage,
qnoique assez court. Quant à la volonté, je vous
jure qu'elle y est tout estière, de même que la sé-
curité. Jai la certitude que vous ne voudriez pas
■iVxposer, et l'expérience que votre bospitaîite
€Si/iQssî sûre que douce. De plus^ le refuge que
)e SUIS venu chercher au sein de votre nation sans
précantion d'auctme espèce, sansautre sûreté que
mon estime pour elle, doit montrer ce que j'en
pense, et que je ne prends pas pour argent comp*
CaaC les erreurs qo^on cherche à me dûûaer» £ir*
fin, qyand un homme de mon humeur, et qui n'a
i se reprocher, veut bien , en se livrant sans
â ceux qu'il pourrait craindre, se sou-
mettre aux précautions suffisantes pour ne les pas
forcer à le voir, assurément une telle conduite
fflaïqoe, non pas de Tarrogance, mais de la con-
fiance ; elle est un témoignage d'estime auquel on
doit être sensible, et non pas une témérité dont
on se puisse ofièuser : je suis certain qu'aucun es-
prit bien fiut ne peut penser autrement.
Comptez donc, mon illustre ami , qu'aucune
<7ainte ne m'empêchera de vous aller voir. Je n £Û
rîen altéré du droit de ma liberté, et difficilement
•je jamais de ce droit un usage plus agréable
4ao coRTirsPONï)Aî;t:E,
parvenue avant le départ de votre n^ 7; mais,
n'ayant ui mémoire pour me rappeler les dates, ni
soin pour suppléer k ce cléfaut, je me puis lieB
affirmer 9 et je laisse un peu notre oorrespondance
au hasàid , comme toutes les choses de la vie , ffoiy
tout bien compté^ ne valent pas la sollicitude
qu'on prend pour elles. J'approuve cependant
très^fort que vous n'ayez pas la même indiffi-
rence ^ et que vous vous pressiez de vouloir mettre
en règle nos affitîres pécuniaires; je vous avoue
même que sur ce point je n'avais consenti à laîsseï
les choses comme elles sont restées, que parce qu'il
me semblait qu'à tout prendre, ce qui demeuntil
dans vos mains valait bien ce qui a passédans Je^
miennes.
Je n'ai point prétendu, non plus que vous, an^
ttiiler en partie 1 arrangement que nous avions fiû
ensemble, mais en entier, et vous aves dû voij
pai< iûSL précédent^ lettre que la chose ne peut dtn
auQrement II s'ensuit de cette résiliation, comuM
vous avez vu dans mon mémoire, que je too^
teste débiteur des cent louis que j*âi- reçoit de Tooâ
et iqu'il &utque je vous restitue, puisque, oiitr|
le recueil de tous mes écrits et papieis, ^^pd e^
entre vos mains , et dont il ne s'agit pins , voas m
CToyez pas devoir vx)us permettre de prendre oetti
somme sur les troLs cents louis que vous avez re
çus de milord Maréchal; j'avais cru, moi , Yy po«
Voir assigner, parcequ'enfin,si'Ces trob cents louj
appartenaient ï quelqu'un j^ c'était J^ sioi^ d^poj
Âtmin 1768. 4^1
iqne uùlord Maréchal m'en avait ùiï présenti qne
même U me les ayait voulu remettre , et que c'é-
tait à mon instante prière qu*îl avait cherché à
m'en constituer la rente par préférence. Vous avez
la preuve de cela dans les lettres qu'il m'a écrites
ft ce sujet, et qui sont entre vos mains avec les
antres. D'ailleurs, il me semblait que sans rien
changer à la destination de cette rente , quatre ou
cinq ans, dont une partie est déjà écoulée, suffi-
saient pour acquitter ces cent louis. Ainsi, vous
laissant nanti de toutes manières, je ne songeais
guère à ce remboursement actuel , en quoi j'avais
tort; car il est clair que tous ces rabonneraens,
bons pour moi, ne pouvaient avoir pour vous la
jnéme force*
Bref ^ j'ai reçu de vous cent louis quHI faut vous
restituer; rien n'est plus clair ni plus juste. Ilreste
à voir, mon chet hôte, par quelle voie votts vou*
iez que je vous rembourse cette somme. Je n'ai pas
des banquiers à mes ordres, et je ne puis vous la
Êûre tenir i Neochâtel; mab je pub, en nous ar-
rangeant, vofisla faire payer à Paîrb, à Lyoii, cm
ici : choisissez, et marquez -moi votre décisioii.
J'attends. l&-4ie«6us vos ordres, et je pense que
-plus tâi cette affiiire sera terminée, et mîeul ce
Pour vous punir de ne rien dire de précis sdr
votre santé, je ne vous dirai rien dé la mienne.
Dans votre précédente lettre vous étiez content
de votre estomac et diè votre état , à la goutte prè»|
Comtyovdsacc. 4* ^
4aa cortiespoMakce ,
à laquelle vous devez être accoutumé. Dans celle-
ci vous trouvez chez vous la nature en décadence.
Pourquoi cela? Parce que vous étés sourd et 'goa^
teUz ; mais il y a vingt ans que vous Tètes , et Totre
état n est empiré que pour avoir à toute force
voulu guérir. On ne meuit point de la surdité, et
fou ne meurt guère de la gou'te que par sa fiiute.
Mais vous aimez i vous aiRibler^ tétie d'un drap
Qiortuaire; et, dïci à Tàge de ^atre- vingts ans
que vous êtes fait pour atteindre, vous paaaerex
votre vie k faire des arrangemens pour la mort.
Croyez-moi, mon cher h^e^ tenez votre âme en
état de ne la pas craindre; du reste, laissez^Ia^ve^
air quand elle voudra . sans lui &ire Tbimiieur de
tant songer à elle, et soyez sur que vos héiiiîers
SOU^Kmt bien arranger vos papiers, sans vous tant
tCHUfmenJ^r pour leur en épargner la peine.
. Jk 3ui9 bieu obligé à M. Panckoucke de voisloîr
hi^^. songer à moi dans la distribution de sa tra-
duotion de Lucriœ. Je la lirais avec plaisir si je
lisais quc^e chose ; mais vous aortes pu loi dire
fUQ je ne lis plus rien. D'aïdeurs, je ne voie pas
pourquoi vous voulez lui indiquer M. Coindet
«Son confrère Guy était plus à sa portée. Yoiiffde-
w« savoir que |e n'aime pas extrtoemeot que
M. Coindet se donne tant de peine pour m» af-
6ires; et, si j en étais le maltie^ il i» s'en dssiio^
mt plus du tout.
lilademoiseUe Renou vous remercie de tuo
JbNilies. anutiéâj, et.vous &it les aieuMaî
*
• ANNÉE I7G8. 4^3
BOUS 1*011 et Taotre aux pieds de la bonne maman.
Je compte répondre k madame de Luze dans ma
prenièrê lettre -, je salue M. Jeannin , et vous em^
Ixasse, moa cher hôte, de tout moa coeur.
Je rais aujourdliui din^ à Gisors, où je suis
aOendo; et je compte y porter moi-mùme cette
Uttre à la poste. Comme il faut tout péToir, a
Totie exemple, etque je puis mourir dapoplexie,
ao cas que vous n ayez plus de mes nouvelles par
ffioî«ffiéiBe, adressez- tous 1 ceux qui^secont en*
foisessîon de ce que je laisse ici ^ ils yoss paiereiU
Toscent louis. Adieu»,
808*. — A M. nlvERKoïk.
>4 mon- n^r-
Entik |e respîjFe; tous aurez Fa paix, et vous
faoKz arec ua garant sûr qu'elle sera solide, sa*
Tojr, J'estîffle publique et celle de vos magistrats^
qui, TOUS traitant jnsqulci comme un penj4e or-
dinaire, n'ont jamais pis, sur ce faux préjugé,
que «le fausses mesures. Ils doivent être enfin
guéris de cette erreur, et je ne doute pas que le
discours tenu par le procureur- général en Deux-
cents ne soit sincère. Cela posé, vous devez es-
pérer que l*on ne tentera de long- temps de vous
flupreodre , ni de tromper les puissances étran*
gères sur TOtre compte ; et ces deux moyens man*
foant , je e'en vois plus d autres pour vous asser-
vir, yics di^es amis, vous avez pris les seuls
4:^4 CORRESPOin>ANCB,
moyens contre lesquels la force même perd son
effet, Tunion, la sagesse, et le courage. Quoi que
puissent faire les hommesr, ob est toujours libre
quand on sait mourir.
Je Tondrais à présent que de votre côté roos ne
fissiez pas- à demi les choses, et que la concert
une fois rétablie ramenât la confiance et la subor-
dination aussi pleine et entière qne s'il n y eût ja-
maireu de dissension. Le respect pour les magi^
trats fait .dans les républiques la^ gloire des ci-
toyens , et rien n'est si beau que de savoir se sou-
mettre après avoir prouvé qu-oB savait i^îster.
Le peuple de Genève s est toujours distingué par
ce respect pour sescBefs qui le rend lui-même si
respectable. C'est à présent qu'il doit ramener
dans son sein toutes les vertus sociales que î a-
mour de Tordre établit sur Tamour de la liberté.
D est impossible quune patrie qui a detels eu&ns
ne retrouve pas enSn ses pères; et c est alors que
la grande famille sera tout â la fois illustre, floris-
sante, heureuse, et donnera vraiment au monde
un exemple digne d imitation Pardon , cber ami ;
emporté par mes désirs, je fais ici sottement le
prédiccitcur ; mais après avoir vu ce que tous
étiez, je suis plein de ce que vous pouvez être.
Des hommes si sages nW( assurément pas besoin
d^exhortation pour continuer à Tétre; mais moi y
j'ai besoin de donner quelque essor aux plus ar-
dens vœux de mon cœur.
Au reste, je vous fâicite en particulier d*um
AîïKJêE 1768!. 4^
fionheur qui n'est pas toujours attaché â la bonne
canse^ c'est d'ayoïr IroUTé pour le soutien de la
vôtre des talens capables de la &ire valoir. Vos
mémrâes sont dés cheÊ-d'œuvre de logique et de
diction. Je sais quelles lumières régnent dans vos
cercles, qn^on y raisonne bien, qu'on y connaît à
fond vos édits; mais on n'y trouve pas communé-
ment des gens qui tiennent ainsi la plume : celui
({oi a tenu la yôtre , quel qu'il soit, est un honuu^
rare; n^oubliez jamais la reconnaissance^que vous
hû devez.
A l'égard de la réponse amicate qud vous me
démandez sur ce qui me regarde, je la ferai avec
la pins pUîne confiance. Rien dans le monde n'a
pins affligé et navré mon cœur que le décret 'dé
Genève. D n'en fat jamais de plus fniquë, de plu^
absurde, et de plus ridrcule. Cependant il n'a pu
détacher mes aJSsl:ûqn& de ma patrie, et rien au
maade ne les en peut de tacher. II m'est îndifie-
rentj quanrft^inon sort , que ce décret soit annula
ou sahuste, puisque ue m est possible en^iilicun
cas de profiter de mon rétablissement; mais il ue
me serait pourtant pas indifférent , [e'-l'avoue , que
ceu qui ont commis Ja faute sentissent leur tort ,
et eussent le courage de le réparer. Je crois qu'en
pareil cas j'en mourrais de joie, parce que ïy Ver-
rais la fin d'une haine implacable, etque je pDur-
lais de bonne grâce me liNrrer aux sentimens re^
pectuenx que mon cœur m^inspire, sans crainte
<fe afaTÎlir. Toutcc que je puis vous dire à et
If% > courespoctince ,
>ujct c$X que si cela arrivait, ce (fu'aasnrémeot je
ft'espère pas , le Conseil sejralt content de mes seu-
timens et de ma conduite^, et il connaîtrai t bientôt
^el immortel ^honneur il s est £iit. Mab je tous
pyoue aussi que ce rétablissement ne saurait me
flatter s'il ne vient d'eux-mêmes; et jamais, de
inon consentement 9 il ne sera sollicité. Je suis sûr
4q vos sentimens, les preuves xa^en sont inutiles ;
inais celles des leurs me toucheraient d^autant
P^s que je m y attends moins. Bref , s*îU font cette
démarche d^eux-mémes, je ferai mon devoir; s'ils
ne la font pas^ ce ne sera pas la seule injustice
dont j^aurai à me consoler; et je ne veux pas, en
tout état de cause , risquer de servir de pierre d a-
chopperaent au plus parfait rétablissement de la
concorde.
. Voici un manBat sur la veuve Duchesne pour
tes cent francs que vous avez bien voulu avancer
A ma bonne vieille tante. Je vons redois autre
chose, mais malheureusement je n'^ sais pa& le
contant.
'809, •— ^ ▲ MABABIX U COMTESSE DE BoUFIXBR5«
Votre lettre me toache, madame > parce que
^y crois reconnaître le lan^^age du cœur; ce lan-
pge qui, de votre part, m'eût rendu le plus heu-
reux des Jiommes, et à bien peu de frais. Mais,
^'espérant plus rien ^ et ne sachant plus même
ANNÉE 1768. 4^7
(pe désirer, je ne vous importunerai plus de mes
plamtes. Si mon sort, quel qu'il soit, vous en ar-
rachait quelqu'une, je m en croirais moins mal-
aeintax.
La lettre de M. le prince de Conti me met en.
grande peine sur son état actueL Oserai -je espé*
rer, madame, que vous voudrez bien m'en faire
icnxe on mot par quelqu'un de vos gens , ou ceux
de son altesse?
Je finis brusquement p étant attendu pour aller
àGîsots.
810. — à.'HL LE DUC DE CbOISEUI» (^].
A Trjt, U aj m«r» 1768.
•
Vons dai^ez m'éoonter. De quel poids je me
sens soulagé! 5i tous eussiez bien touIu me yotr^
il me semble que je u aurs^is eu besoin de yous
riea dire, et qu^à hnstant vous auriez lu dans
mon Cœur.
Un mot que me dit M. de Luxembourg à mou
•^part pour la Suisse autorise le détail dans lequel
je rais entrer, et qui serait sup^u s'il vous eût
r 'ndu ma i^onse : mais le meiUeur et le j^ ai*
'.*) Cette lettre pantt îd imprimée pour la première foii. Je-
r«i copiée moi -même va ïii^fiosAj qui m'a été communiqné
p*r JL Bendou On IH sur U première ptft cca moU ëcrita «a
oa^ee : Répondu It ac^ E» A. L
A
4a8 CORRESPONDANCE ,
mable des hommes n'en fut pas tonjoars le plus
courageux.
Our vous a donné de quelques passages de mes
écrits des interprétations non seulement si fausses
et si peu naturelles que Ik public ne s'en est ja-
mais douté, mais si contraires à mes vues, que le
seul de ces passages qu^on m ait cité contient Fé-
loge le plus vrai , le plus grand, j ose dire le plus
digne que vous recevrez peut-être jamais,. et dont
ftt)^ de modestie a pu seul vous empêcher de
senti)* Fa^lication. Monsieur le duc, je aai point
de protestations^à.vous.Êiire.. Je dirai les faits, et
TOUS jugerez.
Tous les ministres qui vous onVprécédé depuis
long-temps m'ont paru fort au-dessous de leurs
places; toutes les personnes, n'importe le sex«^|
qui se sont mêlées dt l^dminb.tration, n on^ eu ,
selon moi , que de petites vues,, des demi- talent ,
des passions bass,es^et de r^avarice, pkitôtqne de
l'ambition. Enfia j'en» pour eux tous un mépris
peut-être injuste, mais qui allait jusqu'à la haine ^
et que jç n'ai jamais beaucoup dégiiisé».Ti0U5 mej
p«[ichans, au ^contraire,, vous favorisèrent dès 1^
premier instant. Jo. pré jugeai, que vous alliez rcoi
dreaaiaiuistère.réciat obscurci par ces gcns-là
et quand le bruit courut que de vous et d'une dt^
p^'sonnes.doHt; je viens de parl^, rua des
déplacerait Tautre, je fis en. votre faveur des
qui ne furent pas aussi secrots qu*il Tauvait fkU«j
Seu après^M. de Luxembourg^ j^hasard^ ^ov
iy6S. 4^9
parla de moi ; et , sur Vtssai qtÈe j'avais fiiit à Ve-
iiise, Yoiis offi*ites de m'oçcuper. Je fus d'autant
plus sensible à cette offi%, que jamais les gens en
placeBem ont gâté par leurs bontés. Environ dans
le fflAme temps éckrta ce célèbre pacte de famille :
qael augure n'en tirai-je point pour Une admini^
tration cpii commençait ainsi 1 Je* mettais alors la
dernière main au Contrat sociat : le cœur plein
de YGQs^ j y portai mon jugement et mon pronom
tic arec nue confiance que le temps a coiÂrmée)
et que Vayenir ne démentira pas.
Vous qulionore la véiîté, reconnaisses seUL
langage. Le passage dont je yiisns de tous donner
iWpIîratioii' est ie seul où j'aie voulu piurler dé
vous. Si l'on a chercbé de sinistres applications à
quefcpie antre, j en appelle'au boiT sens potnr les
réfuter, et je suis prêt à montrer partout ce que
fzi Toulu dire. Me serais-je aussi sottement con-
tredit moi-même, en faisant Télogé ef la satire du
même en même Ôemps7'Cela est-il donc dans mon
caractère? et mVl^on Vu quelquefois souffler ainsi
de la même boudie le froid et le chaud? Qu'on se
Sgure un étranger à ma place , au sein de la France^
oà il se plaît , aimant à publier des vérités hardies
mais générales, dont jamais ni satii^ ni nuUe ap^
pbcation personnelle et' maligne n'a souillé les
écrits, qui jamais ne repoussa cp'avec déceike et
dignité les traits envenimés deses adversaires, et
qui £nida toujours sa fière sécurité sur des prinn
ripes et des maximes irr^procludbles : coneevr^r
43l COlUtESPONDAIICKy
Agréez, monseigneur, je yoiiB supplie, mon
sîncj»^ et profond respect*
J. J. Rousseau.
Si vous m'honorez d nne réponse sous le nom
de Renou, trob mots suffisent, Je vous crois; et
je suis content.
8i I. -*-' A M. dIv^brvois*
a8 huds f jG8.
Je ne mé pardonnerais pas , mon ami , de tous
kisser l'inquiétude qu'a pu tous donner ma pré-
cédente lettre sur les idées dont j^étais frappé en
Fécrivant. Je fis ipa promenade agréaUement : je
revins heureusement; je reçus des nouvelles qui
me firent plaisir; et-, voyant que rien de tout ce
que jWais imaginé n'est arrivé, je commence à
craindre, après tant de malheurs n§els, d*en avoir
quelquefois d'imaginaires qui peuvent agir sur
mon cerveau. Ce que je sais bien certainement,
c'est que, quelque altération qui survienne 4 ma
tAte, mon cœur restera toujours le même, etquH
vous aimera toujours» Xespère que vous commen-
cez jt goûter les doux fimits de la paix. Que vous
êtes heureux! ne cessez jamais de TAtre. Je vous
embrasse de lout ^on coeâuu
tm PU TOME QUAtBIÈME DS 14 (S0«|tSSP0inML9CB.
OEUVRES COMPLÈTES
DTE
J. J. ROUSSEAU.
20
PARIS , IMPRIMBRIB DE DEGOURGHANT,
RM d'BfAvth, D* I , pHt d« r AblMy*.
ŒUVRES
DE
J.-J. ROUSSEAU.
CORRESPONDANCE.
A PARIS,
CHEZ DESENiNE, LIBRAIRE,
■Cl HAVraraOILLE,!!* 10.
CORRESPONDANCE.
8 1 a. A M. bI VERITOIS.
96 mil 1 768*
(Quoique je Bisse accoutumé, mon bon ami, à
receroir de vous des paquets iiéquens et coûteux,
f ai été YÎTement alarmé à la vue du dernier , taxe
et payé six Uvres quatre JOUb de port. Xai cru d'a-
bord qu'il s'agissait de quelque nouveau trou}>le
dans votre ville, dont vous m envoyiez à la hâte
f important et cruel détail; mais à peine en ai -je
parcouru cinq on six lignes, que je me suis tran-
quiitisë, voyant de quoi il s'agissait ; et, de peur
détre tenté d*en lire davantage, je me suis pressé
de jeter mes àx livres quatre sous au feu , surpris,
je J'avoue, que mon ami, M. dlvemois, m'en-
voyât de pareils paquets de si loin par la poste,
et Ixien plus surpris encore cp'il m'osât conseiller
dy répondre. Mes conseik y mon bon ami , me pa-
raissent meilleurs que les vôtres, et ne méritaient
assurément pas un pareil retour de votre part^
A mon départ pour Gisors, regardant cette
course comme périlleuse, je vous envoyai un bil-
let do cent fiancs sur madame Duchesne , afin que
sll mésarrivait de moi, vous n en fussiez pas poui
ces cent firancs, dont vous m aviez £iit Tavance,
11 vous a plu de supposer que cet envoi voulait
6 CORRCSFOin>AII€B,
dire : Ne venez pas. Une interprétation si bizarre
est pen naturelle; si je ne vous connaissais ^ |e
croirais y moi, qu^elle était de votre part un mau*
vais prétexté^ pour ne pas vedir^ après m'en avoir
témoigné tant d'envie : mais je ne suis pas si
prompt que vous à mésinteipréter les motifs de
mes amis; et je me contenterai de vous assurer ,
avec vérité, qné rien jamais ne fht plus éloigné de
ma pensée, en écrivant ce bOlet, que le motif
que vous m^avez supposé.
Si j'étais en état de faire dVme manière satis-
faisante la lettre do&t vous m'avez dit le sujet, je
vous en enverrais ci- joint le modèle; mais mon
cœur serré, ma tète en désordre, toutes mes ùk-
cultes troublées, ne me permettent plus de rien
écrire avec soin, même avec clarté; et il ne me
reste précisément qu^assez de sagesse pour ne
plus entreprendre ce que je ne suis plus en état
d'exécuter. Il n'j a point à ce refiis de mauvaise
volonté, je vous le jure; et je suis désormais
hors d'état d'écrire pour moi-même les dioses ks
plus simples j et dont j'aurais le plus gmiid be-
soin*
Je crois, mon bon ami, pour de bonnes rai-
fons, devoir renoncer à la pen^on du roid'Angle»
ferre ; et , ponr des faisons non moins bonnes , f aï
rompu irrévocablement 1 accord que j'avab fiil
avec M. du Peyrou. Je he vous consulte pas sur
ces résolutions, je vous en rends compte; ainsi
TOUS pouvez vous épargner d'inutiles efforts pcmr
AiniiE 1768. 7
m^en dissnader. Il est yral que, £iible, iufimiey
èëcoHragéy je reste à peu près sans pain sur mes
fieux jours, et hors d'état aen gagner : mais qu'à
cela ne tieiiRe, la IVovidence y pourvoira de
manière ou d*aatre. Tant que j-'aî vécu pauTre ,
j'ai vécu heureux; et ce n'est que quand rien ne
ma manqué pour le nécessaire que je me suis
senti le plus malheureux des mortels : peut-être le
bonheur, on du moins le repos que je cherche,
reriendra-t-il ayec mon ancienne pauvreté. tJne
attention que vous devriez peut-être à l'état où je
rentre serait d'être un peu moins prodigue en en-
vois coûteux par la poste, et de ne pas vous ima-
g'mcr qneu me proposant le remboursement des
ports j vous seriez pris au mot. Il est beaucoup
plus honnête avec des amis, dans le cas où je me
trouve, de leur écononûser la dépense, que d of-
frir de la leur rembourser.
Bonjonr, mon cher dlvemois*, je vous aîme
et vous embrasse de tout mon cœur.
J'espère que vous n'irez pas inquiéter ma bonne
vieille tante sur la suite de sa petite pension.
Tant quelle et moi vivrons, elle lui sera conti-
nuée, quoi qu il arrive, à moins que je ne sois
tout-4-fait sur le point de mourir de &ini; et j'ai
confiance que cela ^'arrivera pas.
P. S. Quand M. du Peyrou me marqua que la
0»De dé comédie avait été brûlée, je araignis le
contre-coup de cet accident pour fe cause des re*
i
i
prësentans; mais que ce soit à moi que Voltaire
Pimpute , je vois là de quoi rire : je n y vois point
du tout de quoi répondi*e, ni se fâcher. Les amis
de ce pauvre homme feraient bien de le faire bai-
gner et saigner de temps en temps.
8i3. — A M. DU Peyrou.
'A Tiye, le 19 •rnX t^HS.
Notre correspondance , mon cher hôte , prend
nn tour si peu consolant pour des cœurs attristés ,
qu'il faut du courage pour Fentretenir dans létat
où nous sommes; et le courage qui donne de 1 ac-
tivité n^a jamais été mon fort. Misiintenant, pr^i-
dre une plume est presque au-dessus de mes fiw-
ces. J'aimerais autant avoh* la massue d Hercule i
manier. Ajoutez que Tétat où m'arrivent vos let-
tres me fait voir qu elles ont bien des inspecteurs
avant de me parvenir ; il en doit être à peu prés
de même des miennes, et tout cela n^est pas bien
encourageant pour écrire.
L'état dans lequel vous vous sentez est Yvsi*
ment cruel, d autant plus que la cause n'en est
pas claire, et qull n est pas clair non plus, selon
moi, lequel des deux a le plus besoin de traite*
ment de la tète ou du corps. Depuis ce qui s'est
passé ici durant votro maladie, et durant votre
convalescence ; depuis que je vous ai vu &ire à la
hâte votre testament 4 et vous presser de mettre
ordre à vos affaireS| tandis que vous vous réta-
Asm^iE 1768; 9
Uîssiez ï Tue d'œil; depuis la slogoltére &çoii
dont je T0U5 ai va traiter en toute chose ave::
celni <pii nayait que tous d^arai sur la terre, qui
n avait de confiance qu'en vous seul , qui- n aimait
encore la vie que pour la passer avec vous; avec
celui enfin dont vous étiez la dernière et la seule
espérance; je vous avoue qu'en résumant tout
ceb, je me trouve forcé de conclure de deux
choses lune, on que dans tous les temps jai mal
connu votre cœur, ou qu'il s'est fait de terribles
changemens dans votre tête : comme la demièro
opnion est plus honnête et plus vraisemblahle,
je TBLy tiens, et, cela posé, je ne puis m'empécher
de croire que cette tdte un peu tracassée a une
très-grande part dans le dérangement de votre
machine; et, si cda est, je tiens votre mal incu*
raUe, parce qu^une âme aussi peu expansive que
la vètre ne pent trouver au dehors aucun remède
an mal qn elle se iait à soi-même. 11 se peut très-
bien, par exemple, que l'affiiibUssement de votre
vue ne soit que trop réel, et quà force d avoir
voulu réCaUir vos oreilles vous ayez uni à vos
jeux. Cependant, si j'étais près de vous, je vou«
drais, par une inspection scrupuleuse de vos yeux ,
Pi surfont du gauche, voir si quelque altération
extérieure annonce celle que vous sentez; et je
vous avoue que si je n'apercevais rien au dehors,
f aurais un fort soupçon que le mal est plus à l'au-
tre extrémité du nerf optique qu^à cel:e qui ta-
pisse le fond de l'ϔL Je vous dirais : Consultez
10 C(milKSrO?rDAlfCE,
«ur vos yélu quelqu'un qui s'y couBaisso, si ce
n'était vous exposer à donner votre confiance i
gens qui ont intérêt à vous tromper. Tâchez de
voir, mon bon ami, c est tout ce que je puis vous
dire. Vou9 voilà, ou je me trompe fort, dans le
oafi oii.la foi guérit, dans le-cas oi^ il faut dire au
bokeux : Charge ton petit lit, et marche.
Toutes les explications dai^s lesquelles vous
Mitres sur nos affiiires sont admirables assuré-
ment; mais elles n*empèchent pas> ce me semble «
qu'ayant nettement rdteé de vous rembourser de
vos cent louis sur Targeiit.qui vous a été remis
par milord Marédiai, il ne sVnsnive avec la der-
nière évidence qu'il fitut-, ou que je tire de ma po-
che ces cent louis pour vous les rendre, ou que je
vous en reste débiteur. Or je ne veux point vous
resta* débiteur, et il ne serait pas honaéte à vous
de vouloir m y con^aindre. Si donc vous persistei
à ne pas vouloir vous rembourser des ceM louis
sur l'argent qui vous a été remis peur moi^ il &ut
bien de nécessité que vous les recevies de moi.
Vous me dites à cela que vous ne pouvei^ rien
dianger k k destination de la somme qui vous a
été remise, sans le gré du constituant FiHrt bien -,
mab si, comme il pourrait très-bien anivcr, le
constituant ne vous répond rien , que feres-vous?
Reluserez*voùs de vous rembourser de ces cent
louis, parce que je ne veux pas recevoir les deux
cents autres? Vous m'avouerez qu'un pareil refus
serait un peu hifarre, et qu'il est difficile do voir
Afnfix tyGS. If
pourquoi Tods serez plus eiobarfaissé de deux
cents louis ^e de trois cents. Vous me piessez àt
TOUS répondre catégonqaeméttt si je veux recd-
voir k rente Tiagère y oui ou notiiJe^iFOUS réponds
à cela qoe fn tous refusez de tous rembourser sur
le capita] , je la recevrai jusqu'à la coneurrenae du
paiement des cent louis que je vous dois; que si
TOUS ex^ez pour oela que je m'engage à la rece-
voir encore dans la suite, c'e5t, ce me semUe^
Qsorper un droit que tous nWez point Je la re-
cevrai, mou cher hdte, jusqu'à ce que tous sey^
pjé*y auris cela, je Terrai ce que jauni à faire;
enin, si vous persistez à Touloir des conditions
pour ïavemr,)e persiste à n*en Touloir-pmit fidre^
et vous n'avez qu'à tout garder. Bien entendu
qu'aussitM que la somme qui tous a été remise
pour moi, par mîlonl Maréchal , lui sera restituée ,
il faudra l»en qu^ votre tottr tous receviez la rem
tîtntfon des cent louis.
Tout ce que tous me £tes sur ki solennité né-
cessaiie dans la rupture de notre accord, et sur
les raisons que nous aurons à donner de cette
repture , me parait assez bizaire. Je ne Tois pas â
qui nous serons obligés de rendre compte dHm
traité &it entre nous seuls , qui ne regardait qile
nous seub, et de sa- rupture; Je ne crois pas tos
kérttien assez méchans, si-je tous suipris, pou»
vouloir me forcer, le poignard sur la^gorge^ â tt*
ceroir une rente dont je ne veui'point. Et, sup-
poiant que je fusse obligé de dire pourquoi f ai d6
la courespondancb,
rompre cet accord , je vous trouve là-dessus des
scrupules d'une tournure à lavjuclle je n entends
rien. On dirait , en vérité , que vous voulez vous
Élire envers moi un mérite des ménagemens que
j'avais la délicatesse d avoir pour vous. Ah! par
ma foi^ c'en est trop aussi, et il nVst pas permis à
une cervelle humaine d^extra vaguer à ce point.
Prenez votre parti là-dessus, mon cher hôte, et
dites hautement tout ce que vous aurez â dire.
Pour moi, je vous déclareque désormais je ne m'en
ferai pas faute, et que jai déjà commencé. Ma
conduite là-dessus sera simple, comme en toutes
choses; je dirai fidèlement ce qui s^est passé, rien
de plus : chacun conclura ensuite comme il jugera
à propos.
On dit que les afiàires de votre pays vont très-
mal; j'en suis vraiment afil*gé, à cause de beaa*
coup d'honnêtes gens à qui je mintéresse. On
prétend aussi que M. de Voltaire m'accuse d avoir
brûlé la salle de la comédie à Genève. Voilà,
sur mon Pieu, encore une autre accusation dont
très-assurément je ne me défendrai pas. Il fiàut
avouer que, depuis mon voyage d'Angleterre, nie
voilà travesti en assez joli garçon I Ma foi, c^esl
trop faire le rôle d'Heraclite; je crois quà hieii
peser la manière dont on mène les hommes, ^i«
finirai par rire de tout Adieu, mon cher hôte , ^
vous embrasse.
AHIfÉK T758. |3
8l4* AU MÉMB.
AT^e, le 10 jnîo 1768»
Je T0Î5, mon cher bAte, que nos discussions ,
an lieu de s'édaircir, sWbrouillent. Comme je
nVirae pas les chicanes, je reviens à cette afTairo
aujourd'hui pour la dernière fois. Je tfouye le dé*
sir que vous avez de la mettre en règle f(H*t raison*
naUe; mais je ne vois pas que vous preniez les
moyens d'en Tenir à bout.
En exécution d'un accord entre nous, qui
n'existe plus, fai reçu de vous cent louis, qu'il
fiait, par conséquent, que je vous restitue. Vous
avez, de votre côté, le dépôt de mes écrits, tant
imprimés que manuscrits , de toutes mes lettres et
papiers, tous les matériaux nécessaires pour écrire
ma triste vie, dont le commencement vous est
aus» parvenu. Vous avez de plus reçu trois cents
louis de mîlord Maréchal , pour le capital d'une
rente viagère dont il m^a fait le préisent.
Dans cetétat , j'ai cru et j'ose croire encore pou-
voir acquitter ces cent louis avec ce qui reste entre
vos mains, quoique je renonçasse à la rente via-^
gère; et cette renonciation , loin d'être un obstacle
â cet arrangement, doit le fevoriser, parce que,
prenao t cette somme sur le capital ou sur la rente,
i votre choix, j acceptais avec respect et recon»-
naissasce cette partie du don de mitord Maréchal,
et que ce ne pouvait pas être à vous de me dire :
jlccepiez le toui ou rien
tm, 5. %
r4 CORRESPOirDAVGBy
Je vous proposai donc premièrement de pren*
dre ces cent louis sur le capital. A tout cela vous
objectâtes que vous ne pouviez rien changer & la
destination de ce fonds, sans le consentement de
celui qui vous Tarait remis. Le consentement de
milord Maréchal vous ayant donc paru nécessaire
n'a cependant point été otbtenu, par la raison qu'il
n'a point été demandé. Ainsi, voilà on obstacle.
Je vouft^^î^osai ensuite de laisser sobsister la
rente viagère jusqu'à ce que ces cent louis fîissent
acquittés, sauf à voir après comment on ferait;
et cet arrangement était d'autant phis naturel^
quêtant usé de chagrins, de maux, et déjà sur
Yi^^ ma mort , dans Tintervalle, pouvait dénouer
la difficulté. Vous n'avez fiiit aucune réponse à
cet article , qui n'avait besoin du consentement de
personne , puisqu'il nIRait que Texécution fidèle
des intentions du constituant.
Mais , au lieu de ce second article, stt* lequel
vous n'avez rien dit, voici une difficulté novvdk
que vous avez élevée sur le premier. Je la tmn5-
cris ici mot pour mot de votre lettre.
Observez que vous n'êtes pas le seul iniéressé
dans cette affaire, et que la rente est rét^ersiUe
à une autre personne après vous^ et cela pottr les
. deux tiers. Cette considération seule doit, ce
semble, décider la question entre nous,
Cétait là, mon cher hôte une o^
qu'il m'était difficile de fiiire, puisque cet artide
de votre lettre est la première novvtlie ^e fwiù
AnvtK 1768. i5
jamab eue de cette prétendae Térenicm, Cetlo
danse , îl est vrai , Élisait partie du traité qui était
entre yoos et moi , mais elle n'avait rien de com-
mun, cpie je sache, avec la constitution de miiord
Maréchal; et, si elle eût existé, il n'est pas con-
vensJsle que ni lui ni vous ne m'en eussiez jamais
dit un seul mot. Elle u est pas même compatible
avec la quotité de b somme constituée^ attendu
quune telle clause, vous rendant la rente plus
Qfnéreuse,eikt exigé un fonds plus con5idcra})ley
et railord Maréchal est trop galant homme pour
vouloir être généreux à vos dépens. Ainsi, i
moins que \& n^aie la preuve péremptoire de cette
réversion, vous me penneitrez de croire quelle
n'existe pas, et que , par défaut de mémoire , vous
aurez con&ndn une clause du traité annulé avec
une constitution de rente^ oii il u^en a jamais été
question.
Je dirai pins : quand même cette clause exis-
terait réellement, loin d'empêcher l'exécution de
I arrangement poposé, elle en lèverait les diffi-
cultés, et le Êivoriserait pleinement; car ôtez du
capital les cent louis que j'assigne pour votre rem-
boursement, reste précisément le capital des
quatre cents livres de rente que vous pouvez payer
dès â présent à celle k qui elles sont destinées,
comme si fêtais déjà mort. Cette solution répond
à tout.
Mais :e crains que , puisque vous voilà en train
de scrupules, vous uVu ayez tant ^ que notre af»
l6 COlUUSSPOITDAirCE,
rangement définitif ne soit pas prêt à se faire.
Pour moi «je vous déclare que non-seulement
rien tie me presse, mais que ]e consens de tout
mon cœur à laisser toujours les choses 3ur le pied
où elles sont^ croyant , dans cet état^ pouvoir en
sûreté de conscience ne pas me regaider comme
votre débiteur.
Quant à mes écrits et papiersqui sont entre vos
mains, ils y sont bien; permettez que je les y
laisse, résolu de ne les plus revoir et de ne m^ea
reméler de ma vie. Ce recueil, s il se conserve^
deviendra précieux un jour; s'il se démembre, Û
s'y trouve suffisanunent d ouvrages manuscrits
pour en tirer d un libraire le remboursement des
avances que vous m avez faites. Si vous prenez ce
jparti, j'exige on que rien ne paraisse de mon vi«
vant , ou que rien ne porte mon nom, ni présent,
ni passé. Au reste , il n'y a pas un de ces écrits qui
soit suspect en aucune manière, et qui ne puisse
être imprimé à Paris, même avec privilège et per-
mission. Le parti qui me conviendrait le mieux,
je vous Tavoue, serait que tout fût livré aux flam-
mes, et c'est même ce que je vous prie instam-
ment et positivement de faire. Si vous voyez en»
fin quelque moyen de yous rembourser de vos
avances sur le fonds qui est entre vos mains, qne
je n'entende plus parler de ces malheureux pa-
piers, je vous en supplie; que je n'aie plus d'autre
soin que de m'armcr contre les maux que Von me
AxmÉE 1768. i y
àesûne encore, et que de chercber à mourir eo
paix, si jepuis. Amen.
Le tour qu ont prb yos afiaires pablk{iies m'af-
ffige, mais né me surprend point. Jai vu de-
puis kmg- temps, et je yous le dis ici dès mon ar*
ri?ée, que le pays où vous êtes ne servait que de
prétextes à dé plus.grands projets, et c'est g€ qui
doit, en quelque rfitçon , consoler ceux qui Iliaîû-
tent; car>f de quelque manière qu'ils se fussent
conduits, rérénement eût été le même , U n en se-
rait arrîyé ni plus ni moins. Vous avez eu le pro-
jet d'en sortir; je erms que ce projet serait bon a
exécuter, à tout risque , si vous aimez la tranquil-
Ulé. le sais qoe la bonne maman n'en sortirait pas
sans peine; mais il y a eu dëjà des spectacles qui
devraient aider à la déterminer. Je regretterais
pour elle et pour vous votre maison , ce beau bc,
votre pvdin; mais la paix vaut mieux que tout;
et je sais cela mieux que personne, moi qui Ëiis
tout pour elle, et qui ne me rebute pas même par
Impossibilité certaine deroblenir.
A propos de jardin, aves-Tous &it &emer;dans
le TÔtie ma graine dVpoe/n ? J'en ai £iit semer et
soigner ici sur couche et sous cfcch^ , et j'ai eu
tontes les peines du monde d*en sauver quelques
pieds qui languissent; je crains qnil nen vienne
aucun à bien. Je n^aurais jamais cru cette plante
si difficile â cidtiver. En revanche, j^ai semé dans
le petit jardin du carthamus lanatus qui vient à
reiUe. des medicaga-scmcllata et interîexta.
:>.
1 8 GORÎlfiS^OirDAKtC y
<^i sàtit déjÀ iBâ fteuTS , et dont je oennpte ckâqué
jour les brins, les poils, les feuilles, ayec^les ravis-
scmens toujours nouyeaux. Je suis occupé main*
tenant à mettre en ordre un très*bei heil»ier, dont
un jeune homme est venu ici me faire pr.'sent, et
q[ui contient lâi très-grand nomlyre de plantes
étrangères et i^res, parfaitement beUes et bteo
conservées. Je tiraille à jtbndrs nion petit her-
Mer que vous avez vn, et dont la nxisèreÂit mieux
Rassortir la magnificence de lautre. Le. tout forme
dix grands cartons ou volumes in-folio, ipi coii-
tiennent environ quinze cents plantes ^ près de
deux mille en comptant les var^ëb* ïj ai fiiil
taire line belle caisse pour pouvoir rempcntér par-
tout commodément avec moi Ce sera dèsoniuûs
mon unique bibliothèque; et, pourvu qum ne
-m'en ôte pas la jouissance, je défie les hotnmesde
me rendre mâlheùrenx désormais. Je suis obli^
à M. d'Eschemj^de son soiiveair, et sois fort aise
d'apprendre de pas nouvelles. Comme e ne mfc
suis jamais tenu pMr brouillé aveclui, ncms n'a-
vons pas besoin d<i raccommodement. 'Du reste,
je serai toujou^ fi)rt aise de recevoir de hii quel-
que sigàe de vi&, stntout ^and vous serez son
médiatcnlr-pôur oe]â«
ÂMKiE ty6Sé ig
SlS.-— ▲ M. S^ PRINGB D£ COTTI.
Tkje-fe-Chilea, Joio 1768
Ceux qui composent votre maison (je n'en ex*
cepte personne) sont peu &its pour me connaître :
sait qu'ils me prennent pour on espion ^ soit quils
me croteot bonnôte homme, tous doivent égak-
mentcralnâre mes regards. Aussi, monseigneur,
ils ooDt TÎ^o épargné, et ils n'épargneront rien .
cbacuu par les manoeuvres qui lui conviennent,
pottr ne rendre baïssahle et m^risable à tous les
yeux, et pour me forcer de sortir enfin de votre
château. Monseigneur, en cela je dois et je veux
leur complaire* Les grâces dont m^a comblé votre
altesse sérénissime suffisent pour me consoler de
tous les malheurs qui m'attendent en sortant de
cet êâlej oà h gloire et l'opprobre ont partagé
mon séjour. Ma vie et mon cœur sont à vous , mais
mon boiuieur est i nioi : permettez que j'obéisse
^ sa voix qui crie^ et que je sorte dès demain de
hez vous; j'ose due que vous- le devez. Ne laissez
[>9s un compila de moaespèce parmi ces honnêtes
;eaj^
816» — ▲ M. DU Peteou.
Lyon , le 10 aTz3 1 7(18.
Jgnea[iepafdofittfiauspas,.non cher hAte, de
eus bisser ignorermesmarchesjoulesappreudie
IgO CÔRKESPONDANCE,
pai* d*autres avant moi. Je suis à Lj'on depuis deux
jours, rendu des fatigues de la diligence, ayant
grand besoin d un peu de repos, et très-empressë
d'y recevoir de vos nouvelles^ d'autant plus que
le trouble qui règne dans le pays oii vous vivez
me tient en peine, et pour vous et pour nombre
d'homiêtes gens auxquels je prends intérêt. J at-
tends de vos nouvelles avec l'impatience de Tami-
tié. Donnez-m'en, je vous prie, le j^ud tôt que
TOUS pourrez.
Le désir de faire diversion à tant Jattristans
souvenirs, qui, à force d'affecter mon cœur, alté*
raient ma tête, m'a fait prendre le parti de cher»
cher, dans un peu de voyages et d'herborisations,
les amusemens et distractions dont j avais besoin ;
et le patron de la case ayant approuvé cette idée,
je l'ai suivie : j apporte avec moi mon herbier et
quelques livres avec lesquels je me popose de
faire quelques pèlerinages de botanique. Je soi»»
haiterais, mon cher hôte, que la relation dé mes
trouvailles pût contribuer à vous amuser; j'en au*
rais encore plus de plaisir à les faire. Je vous dirai.)
par exemple, quêtant aHé hier voir madame Boy
de La Tour à sa campagne, j'ai trouvé dans sa
vigne beaucoup d'aristoloche que je n'avais ya-
mais vue, et qu au premier coup-d'œil j'ai recoiv
nue avec transport.
Adieu, mon cher hôte; je vous embrasse, et
^attends dans votre preoiîèit lettre de b<mne$
nouvelles de vos yeux.
AHSIÉB 1768» %\
Siy, ÀV BiiME.
Lyon, le 6 juillet x 768.
Jb comptais, mon cher hôte, vous accuser la
réception de votre réponse par ma bonne amie
madame Boy de la Tour; mais je n'ai pu trouver
un moment pour vous écrire avant son départ;
et même à présent , prêt à partir pour aller herbo-
riser à la grande Chartreuse avec belle et bonne
compagnie botaniste, que j^ai trouvée et recrutée
en ce pays, |e nai que le temps de vous envoyer
on petit bonjour à la hâte.
Mademoiselle Renou a reçu k Trye beaucoup
de lettres pour moi, parmi lesquelles je ne doute
point que celle que vous m'écriviez ne se trouve;
mais comme le paquet est un peu gros , et que j'at-
tends Voccasion de Iç &ire venir, s il y a dans ce
que vous me mariiez quelque chose qui presse |
vous ièrez bien de me le répéter ici. Si , comme je
le désirais, et comme je le dJésire encore, vous avez
pris le parti de brûler tous mes livres et papiers,
j'en sois, je vous jure , dans la joie de mon cœur :
mais » vous les avez conservés , il y en a quelques-.
uns, je lavoue, que je ne serais pas fâché de re-
voir, pour remplir, par un peu de distraction , les
mauvais jours d'hiver, ou mon état et la saison
m empêchent d herboriser^ celui surtout qui m in
ti'resserait le plus serait le commencement du ro-
intitulé JË/iii/e et Sophie, ou les Solitaires.
i4 C0RRESP01VDAKCZ ,
sultez madame I'abbesse(^); elle est bieir&isante,
éclairée; elle nous aime; elle vous conseillera
bien ; mais je doute qu'elle vous conseille de rester
auprès d'elle. Ce n est pas dans une communauté
qu'on trouve la liberté ni la pai^ : vous êtes ac-
coutumée à l'une, vous ave2 besoin de l'autre.
Pour être libre et tranquille^ soyez chez vous, et
ne vous laissez subjuguer par personne. Si j'avais
un conseil à vous donner , ce serait de venir à hyou.
Voyez l'aimable Madelon; demeurez, non chei
elle, mais auprès d^elle. Cette excellente fiUe a
rempli de tout point mon pronostic : elle n^avait
pas quinze ans, que j'ai hautementannoncéquclle
femme et quelle mère elle serait un jour. Elle l'est
maintenant y et, grâce fiu ciel, si solidement et
avec si peud'éèlat, que sa mère, son mari, ses
frères, ses sœurs, tous ses proches, ne se doutent
pas eux-mêmes du profond respect qu'ils Iqi por-
tent, et croient ne faire que l'aimer de tout leur
cœur. Aimez-la comme ils font, chère amie; elle
eu est digne, et vous le rendra bien. Tout ce ^^d
restait de vertu sur la terre semble s^être réfugié
dans vos deux cœurs. Souvenez-vous de votre
ami l'une et 1 autre; parlez-en quelquefois entie
vous. Puisse ma mémoire vous être toujours chère^
et mourir parmi les hommes avec la dernière des
deux!
■ Aladame de Nad.ii!Iac , abbesM de
iktiM II peu dt dislAoct du cbâtctB d« Trj«.
AwvtE 176& aS
Bepids mon départ de Tiye j'ai des preayes de
jour en jour plus certaines que rœil vigilant de la
maWeillance ne me quitte pas d'un pas, et m^at*
tend pnnâpalement sur la frontière ; selon le
parti quHs pourront prendre, ils me feront peut«
être da bien sans le vouloir. Mon principal objet
est bien , dans ce petit voyage, daller sur la tombe
de cette tendre mère que vous aves connue ,pleu<
rer le malheur que j'ai eu de lui survivre ; mais il y
entre aussi , je Tavoue , du désir de donner si beau
jeu à mes ennemis, qulk jouent enfin de leur
reste; car vivre sans cesse entouré de leurs satel-
lites flagorneurs et fourbes est un état pour moi
pire que la mort. Si toutefois mon attente et mes
conjectures me trompent, et qi^e je revienne
comme je suis allé , vous savez , chère sœur , chère
amie, qu'ennuyé, dégoûté de la vie, je n^ cher-
(diaîs et n y trouvais plus dautre plaisir que de
chercher â vous la rendre agréable et douce ; dans
ce qui peut m<en rester encore, je ne changerai
ni d^occapation ni de goût. Adieu, chère sœur:
je TOUS embrasse eu frère et en ami*
8/9. ▲ M. LE COMTE DE ToK5ERK£.
BoQigoSn, le 6 août ,17^*
MoBISlBUB..
JVspère que la lettre que j'eus Honneur de
vous écrire i mon départ do Grenoble vous aura
été remise, et je vous demande la permû^ion de
^nnpomdàmet. 5. 3
!l6 CORKBS^ln>AKCB^
VOUS re&oUTelcr d'ici les assurances de ma recon-
naissance et dé inoii respect. Un voyage presque
aussitôt suspendu que comtnencé tlê mé laisse pas
cspëner de le pousser bien loin, et la cetoitadc
que les itianceaVres que je voudrais fuir me pré-
viendront partout m en Àterait le courage , quand
mes forces me le donneraient. De toutes les habi-
tations qu'oh m^a fait voir ^ la maisondeM.Faure,
qui a rhbiineûr d'être connu de vous ma paru
celle où Vûn tnVlurait voulu par préférence, et
c'est aussi celle de loutes les retiraites ( pour me
servir d'un mot doux) o& je pouvais être confiné,
celle où j^aurais préféré de vivre. Quelques incon-
véniens m^ont alarmé; s'ils pouvaient se lever t>u
s'adoucir , que le maître de la maison , qpi me pa-
rait galàni homme, conservai la même bonne vo-
lonté, etquevou^tiedédaignassies pas, monsieur,
d'être notre tnédîatenr, je penserais que puis-
qu'il ùtXA bien céder à la destinée, le meilleur
fHLYÛ qui mè testerait à prendre serait de vivre
dans sa maison.
J'ose vous siiq^lier, monsietir, si vous relevet
}x>ur moi quelques lettres, de vouloir bien me les
faire parvtsnil* ici, où je suis logé à la Fontaine
1er.
«Tai lltonneur d'être av«c respect, etc.
&Q. -^ AU MÊME.
lourgoin, le 11 août 1763,
Mo!fSlCTJIL j
Je prends la liberté de ¥Ous adres^r me^ ob-
servations sur la note de M. Faure qae tous avez
eu la bonté de m'enyoyer. J'attends sa réponse
poar prendre ma résolution ^ ne pouyant m'aller
confiner dans cette solitude sans savoir à quoi je
m engage en y enlmnU
Permettez , monsieur le comte , ^ue je vous réi-
tère ici mes remercimens très-humbles | en yoon
suppliant d'a^éer mon respect.
8a I. — AU mIme.
Bontigoin , le 33 eoûl 1 7^.
MoiVSTEUtfy
Permettez qae je prenne la liberté de vous en-
Toyer une lettre que je viens de recevoir de M, Bo-
vîcr^ et copie de ma réponse. Si vous daigniez
mander le malheureux dont il s'agit, et tirer au
clair cette aflàire y vous feriez , monsieur le comte ,
une oeuvre digne de votie générositéf
J'ai l'honneur I etc»
$S _^ CORRES?ONDAirCE}
822. * — AU BIÈME.
Bomigomyle %S aoAt i7d8L
MoiVSIEVRy
J'ai l'honneur de vous adresser une lettre en
réponse à celle de M. Faure que vous avez bien
voulu me faire passer. Ses propositions sont si
honnêtes, qp'il ne Test presque pas de les accep-
ter. Cependant, forcé par ma situation d'être in-
discret, je réduis ces propositions souj ane forme
qui, je pense 2 lèvera toute difficulté entre lui et
moi.
Mais il en existe une, monsieur le comte, <jull
dépend de vous seul de lever, dans l'imposture
qui a donné lieu aux deux lettres que j'ai pris la
liberté de vous envoyer dernièrement. Car si ,
vivant sous votre protection , je ne puis obtenir
aucune satisfaction d'une fourberie aussi impu-
dente et aussi clairement démontrée , à quoi dois*
je m'attcndre au milieu de ceux qui l'ont &fari«
quée , si ce n'est à me voir harceler sans cesse par
de nouveaux imposteurs soufflés pa<* les mêmes
gens, et enhardis par l'impunité du premier? U
faudrait assurément que c fusse le plus insensé
des hommes pour aller me fourrer volontairement
dans un tel enfer. Je comprends bien qu'on m at-
tend partout avec les mêmes armes , mais encore
n'irai-je pas choisir par préférence les lieax. où
l'on a commencé d'en user.
AN?rBC 1768. 9<)
rattends tos ordres, monsieur le comte; je
compte sur votre équité, et j'ai rhonneur d'être
tyec autant de confiance que de respect, etc.
8a3. — •▲ M. Lalliaitd.
BourgoÎDyle 3i août 1768.
Nous TOUS devons et nous tous faisons, mon-
neur, mademoiselle Renou et moi, les plus vifs
remercfmens de toutes vos hontes pour tous les
deux ; mais nous ne tous en ferons ni l'un ni i^autre
pour la compagne de Toyage que tous lui aTcz
donnée. J ai le plaisir d'aroir ici , depuis quelques
fKot^ celle de mes infortunes; Toyant qu'à tout
piz elle Tonlait suiTre ma destiuée, jai fait en
sorte an moins qu*ele pût la suiTre aTec honneur.
fai &n ne ries risquer de rendre indissoluhle un
attachement de vingt-cinq ans, que lestime mu*
taelle, sans, laquelle il n est point d'amitié dura-
ble, n a £iit qu'augmenter incessamment. La ten*
dre et pure fraternité dans laquelle nous TiTon5
depuis treize ans n'a point changé de nature par
le nœud conjugal; elle est ^ et sera jusqu'à la mort,
ma femme par la force de nos liens, et ma sœur
par leur pureté. Cet honnête et saint engagement
a été contracté dans toute la simplicité, mais
aussi dans toute la Térité de la uature, en présence
Je deux hommes de mérite et d^honnenr , ofEciers
d'artillerie, et l'un fils d'un de mes anciens amis
du bon temps^ c'est-à-dire avant que j'eusse oxx*
3.
3a coiuiEspoNDikKx:E,
cun nom clans le monde ; et Tautre , maire de c^tto
Tille , et proche parent du premier (*). Durant cet
acte si court et si simple, j'ai vu fondre en larmes
ces deux dignes hommes, et je ne puis vous dire
combien cette marque de la Bonté de leurs cœurs
m'a attaché à Fun et à lautre.
Je ne suis pas plus avancé sur le choix de m^
demeure que quand j'eus Thonneur de vous voir
à Lyon^ et tant de cabarets et de courses ne fiici*
litent pas un bon établissement. Les nouveaux
voyages à faire me font peur, surtout à Tentrce
de la saison où nous touchons; et je prendrai le
pc'irli de m'arréter volontairement ici, si je puis^
('ivant que je me trouve, par ma situation , dans
Timpossibilité d'y rester et dans cel!e d*aller plus:
loin. Ainsi , monsieur, je me vois forcé de renon*
ccr, pour cette année, à Tespoir de me rappro*
cher de vous, sauf à voir dans la suite ce que je
pourrai faire pour contenter mon désir à cet
égardi
Recevez les salutations de ma femme, et celles^
monsieur, d'un homme qui vous aime de tout son
cœur.
*<v<-
-,h^
{*) Us sont Dommés l'un et l'autic dam la lettie au comte dft
Tonnerre ci-après , en date do 1 8 septembre. Le premier s'ap-
pelait deRotière'f le second, cousin du premier, et maire da
Botir;oin, était AI. de Chanipaaneux. On ne Toit pas, dans let
Conlcsiiotu , le père de ee M. de Roïièis figurer panai ta
CMi» amis tbà hon temp»^
umiB 176& 3r
834* 1 M. LE COBITE D9 ToVNERRE.
Bonrgoio, k 1.*' aeptemhiv 1 768^
M09SIET7R,
Je sols très-sensîLIe i la bonté qiie vous avez
eue de mander et interroger le sieur Thevenin sur
le prêt qu'il dit avoir fiiit, il y a environ dix ans , A
moi, ou à un homme de même nom que moi , et
do&t il ma Êtit demander la restitution par M. Bo»
rier. Mais je prendrai la liberté, monsieur le
comte, de n'être pas de votre avis sur la bonne
foi dudit Thevenin, pu&qull est impossîMe de
concilier cette bonne foi avec les circonstances
qull rapporte de son prétaidu fvtij et avec les
lettres de recommandation qu'il dit que Temprun-^
tcur lui donna pour MM. de Faugnes et Aldiman»
Cet homme vous parait borné, cela peut être; un
imposteur peut très-bien n^être qu'un sot, et cela
me confirme seulement dans la persuasion qull a
été dirigé aussi bien qu'encouragé dans l'inven-
tion de sa petite histoire, dont les contradictions
sont nn inconvénient difficile i éviter dans les fie*
tioQs les mieux concertées. Il y a même une autre
contradiction bien positive entra Itii, qui vous a
dit y moiUkiear , nWoir parlé de cette affaire k qui
que ce soit qu'à M. Bovier, son voisin, et le même
M. Bovii^qni m'écrit que le ditThevenîn lui en a
&it parler par le vicaire de sa paroisse. Je persiste
donc dans la résolution de ne point retaumcr
Sa C0RRESP09DANCK ,
dans les lieux où cette histoire a été fabriquée,
jusqu'à ce qu elle soit assez bien éclaircie pour
ôtcr aux &bricateurs, quels qu ils soient, la fan-
taisie d eu forger derechef de semblables. Je trouve
ici un logement trop cher pour pouvoir le garder
long-temps, mais où j^aurai le temps d en chercher
S lus à ma portée, où je puisse me croire à labri
es imposteurs. Je n'y suis pas moins sous votre
protection qu'à GrenoUe ; et , si le mensonge et la
calomnie m'y poursuivent, j'éviterai du moins le
désavantage d être précisément à leur foyer.
Daignez, monsieur, agréer derechef mes ex-
cuses des importunités que je vous cause, et mes
actions de grâces de la bonté avec laquelle tous
Voulez bien les endurer. Si Ton ne me harcelait
jamais, je demeurerais tranquille et ne serais
point indiscret; mais ce n'est pas Fintention de
ceux qui disposent de moi.
Recevez avec bonté , je vous supplie, monsieiir
le comte; les assurances dé mon respect.
Rekou.
Permettez, monsieur, que je joigne ici une
lettre pour M. Faure.
8a5. A UNE DAMB DE LyON'(*).
BouTgoin , le 3 septembre 1 768.
Vous trouverez ci- joint up papier dont voici
l'occasion : Ayant été malade ici et detcuu dnxxs
(*) CettoIettiL: t été Imprimée pour la prcmièBe
▲If^éE 1768. S
me dambre pendant quelques jours, &ns le
fort de mes chagrins, je m'amusai à tracer, der<
rière une porte , quelques lignes au rapide trait du
crayon, qu'ensuite j'oubliai d effacer en quittant
ma chambre , pour en occuper une plus grande i
deux lits avec ma femme. Des passans mai inten*
tionnës, k ce qull m'a paru, ont trouvé ce bar«
bouillage dans la chamiû^ que j'avais quittée, y
ont e^é des mots, en ont ajouté d autres, et
l'ont transcrit pour en faire je ne sais quel usage*
Je vous envoie une copie exacte de ces lignes,
afin que messieurs vos frères puissent et veuillent
bien constater les Ëilsifications qu'on y peut faire
en cas qu^elles se répandent. J'ai transcrit même
les tantes et les redites, afin de ne rien changer»
Sentiment du public sur mon compte , dans les
divers états qui le composent»
Les Tois et les grands ne disent pas ce qu'ils
pensent; mais ils me traiteront toujours honora-
îlement.
' ' ■ ——■——■ Il I I. I . M^-I^M^— .M»
Ciwregpanitàce HWeraîre d« Grimm (deuxième partie ,' tome Vt
pa^ 55). Kooft aarioiis & nous défier d*uiie source ausai sus*
pecfe. û Véait qui £ût tuite à œfte lettre ne wt trouvait c^le-
mcm dapf PéditioD de Poinçot, tome XXVIU, page a8a. Lei
cdUeors timoiioeDt le tenir de H. de (Siimpagneuz, maire d«
iouijguin. qui, diaeot-iU, Va trarucrit lui-même avec la phu
txatu fÀèliU; «t oonune ce même écrit, dans l'édition de
Poinçoft^ ottre avec celui qui est rapporté par Griïmn dns dif*
réfcGcca maeinoui^^ c'eet d'içrèt celte édition q^ now }f
94 CORRES]PO!CDA|rCE |
La Traie noblesse , qui aime la gloire et qui svi
que je m y cousais, m'honore et se taiu
Les magistrats me haïssent à cause du mal
qu'ils m'ont fait.
Les philosophes, que fai démasqués, yeuleot
à tout pnJi me p«:tlre ; ils y réussiront.
Les évéques , fiers de leur naissance et de leur
état, mWiment sans me craindre, et s'honoreni
en me marquant des égïirds.
Les prêtres, vendus aux philosophes, aboient
après moi pour faire leur cour.
Les beaux esprits se vengent, en mlnsuhant,
de ma supériorité quils sentent.
Le peuple, qui fut mon idole, ne voit en moi
qu'une perruque mal peignée et un homnie dé-
crépit.
Des femmes, dupes de deux p.... iroids qui les
méprisent , trahissent Thomme qui mérita le mieux
délies.
Les magistrats (*) ne me pardonneront jamais
le mol qu'ils m'ont fait.
Le magistrat de Genève sent ses torts, sait que
[e les lui pardonne , et les rëprerait s il losait.
Les che& du peuple, élevés sur mes épaules,
voudraient me cacher si bien qua Toa ne vit
qu'eux.
-* - - -- , ,
l*) Dans la Correspoodaooe do GrimiOv m lîeo dét le» ■■#•
jiffrots». OD Ut, Ut Sui$t€ê,
Les auteurs me pillent et me blâment; les fri-
pons me maudissent^ et la canaille me hue.
Les gens d« bien, s^il en existe encore, gémis-
sent tout bas sur mon sort; et moi je le bénil
s'il peut instruire un jour les mortels.
Voltaire, que j empêche de dormir, parodiera
ces lignes. Ses grossières injures sont un hom-
mage qu'il est forcé de me rendre malgré lui (^).
JBafiL A M. tS €MITB DS ToNNSMlE.
Il y a peu de résoltitlons ^ et il n*y a point de
répugna!Qce par dessus lesquelles le désir d'appro^
fbudir TaCâire du sieur Theyenin ne ,me fasse
passer; et, si ma confrontation, sous vos ycux^
a^ec cet homme peut tous engager, monsieur i» à
b suivre ju5^ an bout, je suis prêt à partir. Per-
mettez s^^ofemcnt que j ose vous demander aupa«
ravaut l'assurance que ce voyage ne sera point
inutile ; que vous tie dédaignerez aucune des pré*
cautions couvenaUes pour constater la vérité^
tant à vos yeuic qu^i ceux du public, et que le
motif Jévitcr l'éclat ,que je ne crains point , n'ar*
v&tera aucune des démarches nécessaires t cet
(*) Lft flMiaJîe <lom fMie, J. J. M )Mddatt bqittlle H «il
ammmf^ietà àttrUr* um porte» è^tûm^aeamtttiU letnt
û lédloRflit U en cft Tavleiir; pour k croire il iaut ie iémoi-
f «c^e de ILde Gbavip^nflU nf^x^ V^ ïàdittar et VédÂiÎM
36 co&nEsiPOiiDAircB,
effet n ne serédt assurément pas digne de yotre
générosité, ni de la protection dont vous m'ho-
norez , que des imposteurs pusseut à leur gré me
promener de ville en ville , m'attirer au milieu
d eux , et m j rendre impunément le jouet de leurs
suppôts.
J'attends vos ordres, M. le comtç, et , quelque
parti qu'il vous plaise Je prendre sur cette affaire,
dont je vous cause à regret la longue importun ité ,
je vous supplie de vouloir bien me renvoyer la
lettre de ftL Bovier, et la copie de ma réponse,
que j*eus 1 honneur de vous envoyer.
Je vous supplie, M. le comte, dagréer avec
honte ma reconnaissance et mon respect.
827. — A M. DU Peyrov.
Bomigoiii, k 9 •epconbit 1758.
Après diverses courses, mon cher hôte, qui
ont achevé de me convaincre qu'on était bien d^
terminé à ne me laisser nulle part la tranquillité
que j'étais venu chercher dans ces provinces, j'ai
pris le parti, rendu de ^tigue et voyant la saison
5'avancer, de m arrêter dans cette petite ville pour
y passer l'hiver. A peine y ai- je été, qu'on s^esA
pressé de m y harceler avec la petite histoire que
vous allez lire dans Textrait d'une lettre qu'un cer*
tain avocat Bovier m'écrivit de Grenoble le sa du
mois dernier.
M Le sieur Thevenin, chamoiseur de son
▲IVKÉE 1758b 37
« âer , se trouva logé > il 7 a environ dix aas, chez
« le sieur Janin, hôte du bourg des Verdières-de<-
«Joue 9 près de Neucfaâtel, avec M. Rousseau,
« qui se trouva lui-même dans le cas d avoir bc*
ft soin de quelque argent, et qui s'adressa au sieur
« Janin, son hôte, pour obtenir cet argent du
« sieur Thevenin : ce dernier, n'osant pas pré-
« senter à M. Rousseau la modique somme qu'il
« demandait, attendit rson départ, et Taccompa*
« gna effectivement des Verdières-de-Jonc jusqu'à
« Saint-Sulpice avec ledit Janin*, et, après avoir
« diné ensemble dans une auberge qui a un soleil
« pour enseigne, il lui fit remettre neuf livres de
K France par ledit Janin. M. Rousseau, pénétré
ff de reconnaissance , donna audit Thevenin quel*
cques lettres de recommandation, entre autres
« une pour M. de Faugnes, directeur des sels i
« Yverdun , et une pour M. Aldiman , de la même
« vîlie^ dans laquelle M. Rousseau signa son nom,
« et signa le Voyageur perpétuel dans une autre
« pour quelqu'un a Paris, dont le sieur Thevenin
k ne se rappelle pas le nom. »
Voici maintenant, mon cher hête, copie de ma
réponse , en date du aS*
« Je n^ai pas pu, monsieur, loger il y a environ
« dix ans où que ce fût, près de Neuchàtel , parce
«qu'il y en a dix, et neuf, et huit, et sept, que
« j'en étais fort loin, sans en avoir approché du*
« rant tout ce temps plus près de cent lieues.
« Je n'ai jamais logé au bourg des Vcrdiëres^
Carmpoad«ac«> 5« 4
38 coRRBSPom)AircB,
« et n'en ai même jamais entendu parler : cVsl
a peut-être le village des Verrières qu'on a voulu
« dire; j'ai passé dans ce village une seule feis, il
« n'y a pas cinq ans, allant à Pontarlier; j'y re-
« passai en revenant; je n'y logeai point; j'étais
ce avec un ami (qui n'était pas le sieur Tbeve-
c< nin); personne autre ne revint avec nous; et,
« depuis lors , je ne suis pas retourné aux Ver-
« vières.
« Je n'ai jamais vu, que je sache, le sieur The-
« venin , chamoiseur ; jamais je n'ai oui parler de
a lui , non plus que du sieur Janin , mon prétendu
« h6te. Je ne connais qu'un seul M. Jeannin , mab
ce il ne demeure point aux Verrières , il demeure à
« Neuchâtel, et il n'est point cabaretier; il est se-
«: crétaire d un de mes amis.
« Je nai jamais écrit, autant qu^ m'en 901»-
« vient, à M. de Faugncs, et je suis sûr au moins
« de ne lui avoir jamais écrit de lettres de recom*
« mandation , n'étant pas a sez Ué avec lui pour
ft cela : encore moins ai -je pu écilre & ML AUi-
« man, dTverduu, que je nai vu de ma vie,
« et avec lequel je n eus jamais nulle espèce de
« liaison.
•c Je n'ai jamais signé avec mon nom le Voyo-
« geur perpétuel, premièrement parce cjne oelb
t n'est pas vrai^ «t surtout ne Tétait pas alors ^
t quoiqu'il le soit devenu depuis quelques aiii-
I nées ; en second lieu , parce que je ne tourne pes
* mes malbeuis en pbisanteries , et'^'eafitt^ à
oeb m'arriyait, je tâcherais qu'elles fussent
moins plates.
K J'aiqnelcpiefois prêté de Targent à Neuchâtel,
nuds je n'y en empruntai jamais, par la raison
très-simple qu'il ne ma jamais manqué dans ce
fàpli; et Yous m'avouerez, monsieinr^qu^ayant
pour amis tous ceux qui y tenaient le premier
rang, il eût été du moins fort bizarre que j^al-
lasse emprunter neuf francs d un chamoiseur
que je ne connaissais pas, et cela à un quart de
fieae de chez moi; car c'est à peu près la dis-
tance de Saint-Suipice, oh Ton dit que cet ar-
gent m'a été prêté, k Motiens, où je demeu-
rais.»
Vous croiriez, mon cher hôte, sur cette lettre
et sur ma réponse que j'ai envoyée au comman-
dant de la province, que tout a été fini, et que,
Timposture étants! clairement prouvée, l'impos-
teur a été cbâiié ou bien censuré : point du tout;
1 afiàire est encore là, et ledit Thevenin . conseillé
par ceux qui Font aposté , se retranche à dire qu'il
a peut-étie pris un autre M. Rousseau pour J. J.
Rousseau, et persiste à soutenir avoir pété la
somme à un homme de ce nom, se tirant d'af-
ù ire, je ne sais comment, au sujet des lettres de
recommandation : de soçte qu'il ne me reste dau*
tre moyen pour le confondre que d^aller moi-même
k Grenoble me confronter avec lui; encore ma
mémoire trompeuse et vacillante peut -elle soU'
vent m'abuseï sua les &its. Les seuls ici qui me
4o CORRESPOND AVCE,
•ont certains^c'est de n'avoir jamais connuDÎTbe-
venin niJanin; de n'avoir jamais voyagé ni mangé
avec eux; de nWoir jamais écrit à M. Àldiman;
de n'avoir jamais emprunté de Targent, ni peu ni
beaucoup , de personne durant mon séjour à Neu-
châtel; je ne crois pas non plus avoir jamais écrit
à M. de Faugnes, surtout pour lui recommander^
quelqu'un; ni jamais avoir signé le Voyageur
perpétuel; ni jamais avoir couché aux Verrières,
quoiqu'il ne me soit pas possible de me raj'peler
où nous couchâmes en revenant de Pontarlier
avec Sauttersheim, dit le Baron; car en allant je
me souviens parfaitement que nous n'y couchAmes
pas. Je vous fais tous ces détails, mon cher h6te,
afin que si , par vos amis , vous pouvez avoir quel-
que éclaircissement sur tous ces fsits, vous me
rendiez le bon o£Sce de m'en faire part le plus tôt
qu il sera possible. J'écris par ce même courrier à
M. du Terreau, maire des Verrières, à M. Brefruel,
à M. Guyenet, lieutenant du Val-de-Travers,
mais sans leur faire aucun détail; vous aurez la
bouté dy suppléer, s'il est nécessaire, par ceux
de cette lettre. Vous pouvez m'écrire ici en droi-
ture; mais si vous avez des éclaircissemens inté-
ressans à me donner, vous ferez bien de me les
envoyer par duplicata, sous enveloppe, à l'adresse
de M, le comte de Tonnerre, lieutenant-général
des armées du roi, commandant pour sa majesté
en Dauphiné, à Grenoble. Vous pourrez même
m'écrire à l'ordinaire sous son couvert i mes leN
ULHIfiE 1768, 4î
très me pamennent plus lentement , mais plus
sûrem«it cpi'en droiture.
J'espère qu^on est tranquille à présent dans
votre pays. Paisse le ciel accorder k tous les
hommes la paix qu'ils ne veulent pas me laisser!
Adieu y mon cher hôte; je vous embrasse*
8a8« ▲ M. LE COMTE DE ToNNERRS»
IkKU^jain, le i3 icptcmbre 1768.
M058IEUE9
Comme je ne pois douter que vous ne sachiez
parfaitement à quoi vous en tenir sur le compte
du sieur Thcvenin , je crois voir par la dernière
lettre que vous m^avez &it Thonneur de m'écrirej
qu'on vous trompe comme on trompe M. le prince
de Conti, et qwe mon futur voyage de Grenoble
est une affaire concertée dont la ùhle de C9 mal-
beoretuL n'est que le prétexte. Vous aviez la bonté
de désirer que ce motif m'attirât aux environs d^
cette capitale. Jignore, M. le comte, d\)ù natt ccf
désir, et si je dois vous en rendre grAces; tout ce
qne je sais est que les moyens employés à cet effet
ne sont pas extrêmement attirans. Malgré les em«
barras où je suis , je pars demain pour me rendre
à vos ordre»; jeudi j'aurai Ihonneur de me pré»
senter à votre audience, et j'espère qu'il vou5
pbira d'y mander ledit Thevenin. Je repartirai
vendredi matin ^ quoi qu'il arrive j si l'on n'es
kiase la lîbexté,
4
4a COTlIlESPOlfBAlfCE,
. Xai l'boniAUi? d'être avec respect «
Monsieur,
Votre tràs^humble et
■erviteuTi
Reçoit.
829. —*AV MÈMB.
Bourgoin, le 18 septfembve 1 76S.
Monsieur,
Le contre-temps de votre absence k mon airi
vée à Grenoble m affligea d'autant plus, que, sen-
tant otBibien il m'importait que, selon votre de*
sir, mon entrevue avec le sîeur Thevenin se passai
sous vos yeux , et ne pouvant le trouver qu'à Faidc
de M. Bovier , que ^aurais voulu ne pas voir, je me
voyais forcé d'attendre à Grenoble votre retoar,
à quoi je ne pouvais me résoudre, ou de revenir
l^tlemlre ici, ce qui m'exposait k un second
voyage. Saurais pris , monsieur, ce dernier parti y
sans la lettre que vous me âtes l'honneur de me*
crire le i5, et qui me fut envoyée à la nuit par
M. Bovier. Je compris par cet:e lettre, qu*afin que
mon voyage ne fût pas inutile, vous pensiez que
je pouvais voir ledit ïhevenin, quoique en votre
absence; et c'est ce que je fis par 1 entremise de
M. Bovier, auquel il tMul bien recourir pour
cela.
Je le vis tard, à la bâte, en deux reprises : je»
tais en proie à mille idées cruelles , indigné , navré
de me voirj après soixante ans d bwneur,
promb j seul ^ loin de vous , sans appai y sans ami ,
vis-à-vis d'un pareil misérable, et surtout de lire
dans les cœurs des assistans, et de ceux mêmes i
qui je m étais confié, leur jnauTaise volonté se-
crète.
Mais quelque courte qu'ait été cette confé-
rence, elle a suffi pour lobjet que je m y propo*
sais. Avantd'y venir, permettez-moi, M. le comte,
une petite observation qui s^ rapporte : M. Bo-
vier m avait induit en erreur, en me marquant
que c était personnellement à moi que ledit The-
venin avait prêté neuf francs; au lieu que Theve-
nîn lui-même dit seulement les avoir £iit passer
parla main d'autrui, en prêt ou en don (car il ne
s'explique pas clairement là-dessns) , à un homme
applé Rousseau, duquel au reste il ne donne pas
le moindre renseignement, ni de son nom, ni de
son âge, ni de son état, ni de sa demeure^ ni de
sa ûgurCf ni de son habit, excepté la couleiur, et
qu'il s'était signé dans une lettre le Voyageur
perpétuel, M. Bovier, sur le simple rapport d'un
quidam, qu'il dit ne pas connaître, part de ces
seuls indices, et de celui du lieu oh se sont vus./
ces deux hommes, pour m'écrire en ces termes ;
« Je crois vous &dre plaisir de vous rappeler un
a homme qui vous a rendu un service il y a près
« de dix années , et qui se trouve aujourd hui dans
* le cas que vous tous en souveniez, » Ce même
M« Bovier, dans sa lettre précédente^ me parlait
ainsi : « Je vous ai vu ', j'ai été émerveUlé do troiv
44 Correspond A?rcK,
ir ver une ftme aussi belle que la vôtre, jomf c à un
fc génie aussi sublime. nVoilà, ce me semble, cette
belle âme transformée un peu légèrement en celle
d un vii emprunteur et d un plus vil banquerou*
tier : il faut que les belles âmes soient bien corn*
munes à Grenoble^ car assurément on ne les y
met pas à haut prix.
Voici la substance de la déclaration dndit The-
venin , tant en présence de M. Bovier et de sa &•
mille , que de M. de Champagneux , maire et châ*
tclain de Bourgoin ^ de son cousin M. de Roùère ^
officier d'artillerie, et dW autre officier du même
corps, leur ami, dont j'ignore le nom; laquelle
déclaration a été faite en plusieurs fois, avec des
variations, en hésitant, en se reprenant, quoique
assurément il dût avoir la mémoire bien fraîche
de ce qu'il avait dit tant de fois, et à vous, M. le
comte , et avant vous à M. Bovier.
Que de la Charilé-sur-Loire, qui est son f^ys.^
venant en Suisse, et passant aux Verrières-de-
Joue, dans un cabaret dont l'hôte s'appelle Janin^
un homme nommé Rousseau^, lé voyant mettre à
genoux, lui demanda s^il était catholique; que là-
dessus s étant pris de conversation, cet homme
lui donna une lettre de recommandation pour
Yverdun; qu'ayant continué de demeurer en^
semble dans ledit cabaret , ledit Rousseau le pri^
de lui prêter quelque argent, et lui donna, d<rux
jours après, deux autrrs lettres de recommandai
tion; savoir, une f.cconde pour Yverdun , et lai»-
JL?rfrÉE 1568. 45
tre pour Paris 5 où ledit Rousseau lui dît qn^l avait
mis pour signature le Voyageur perpétuel qu'en
reconnaissance de ce service, lui, Theveuin,
lui fit remettre neuf francs par Janin, leur hôte,
après un voyage qu ib firent tous trois des Ver-
rières à Saint- Snlpîcc, où ik dînèrent encore en-
semble ; quVnsuite ils se séparèrent *, que lui , The-
venin , se rendit de là à Yverdun , et porta les deux
lettres de recommandation à leurs. adresses, Tune
pour M. de Fangnes, l'autre pour M. Aldiman;
que, ne les ayant trouvés ni lun ni lautre , il re-
mit ses lettres à leurs gens, sans que, pendant
deux ans qull resta sur les lieux, la fantaisie lui
ait pris de retourner chez ces messieurs, voir , du
moins par curiosité, leffet de ces mêmes lettres
qull avait si bien payées. A Tégard de la lettre de
recommandation pour Paris, siî^ée le Voyageur
perpétuel y il l'envoya à la Cliarité-sur-Loire , à sa
/emme, qui h fit passer par le curé à son adresse,
dont il ne se souvient point.
Quant à la personne dudit Rousseau, j ai déjà
dit qu'il ne s'en rappelait rien, ni rien de ce qui
s'y rapporte : interrogé si ledit Rousseau portait
son chapeau sur la tète ou sous le bras , il a dit ne
s'enpassouvenir ; s*il portait perruque ou s'il avait
ses cheveux, a dit qu'il ne s^en souvenait pas non
p!aSy et que cela ne faisait pas une différence bien
sensible : interrogé sur rhabillement , il a dit que
tout ce qu'il s'en rappelait était qu'il portait un
habit gris, doublé de bleu ou de vert ; interrogé
48 CORRSSPOIfDAIVCB,
venin lui-même, et Thôte Janln, qui est absent :
d'ailleurs, le témoignage des deux premiers,
comme parties, est nul, à moins qu'ils ne soient
d accord; et celui du dernier serait suspect, s'il
favorisait Thevenln; car il peut-être son com-
plice; il peut même être le seul fripon, comme
vous Tavez, monsieur, soupçonné vous-même;
il peut encore être gagné par ceux qui ont aposté
Fautre. H n'est décisif qu^au cas qu'il condamne
Thevenin. En tout état de cause, je ne vois pasi
tout cela de quoi faire preuve sans d'antres infar-
mations. Il est vrai que les circonstances du récit
de Thevenin ne seraient pas un préjugé qui lui
fiit bien &vorable, quand même 0 aurait affaire
au demi^ des malheureux, qui aurait tous les
autres préjugés contre lui; mais enfin tout cela
ne sont pas des prenves. Qu un garçon chamoi-
seur , qui court le pays pour chercher de louviage,
s'aille mettre à genoux en parade, dans un caba*
rct protestant; quun autre homme qui le voit
conclue de là qu il est catholique, lui en ùtsse co»
pliment, lui oifre des lettres de recommandation,
et lui demande de l'argent sans le connaître et
sans en être connu d'aucune feçon; qu'au lieu de
présumer de là que lemprunteur est un escroc,
et que ses recommandations sont des torche culs,
l'autre , transporté du bonheur de les obtenir, tire
aussitôt nenf francs de sa bourse cossue; quil ait
même la complaisante délicatesse de n*oser lei
donner lui-même à celui qui ose bien les loi de-
kvtdz 1768. %
mander; quH attende ponr cela d*étre en un antre
lien, et de les lui faire modestement présenter mr
on autre homme : tout cela, tout inepte et rlsible '
cpi'il est, n*est pas absolument impossible.
Que le prêteur ou donneur passe trois jours
avec l'emprunteur; quil mange avec lui; quil
voyage avec lui sans savoir comment il est fait,
s^ porte perruque ou non j s'il est grand ou pe*
tit, noir ou blond, sans retenir la moindre chose
de sa figure : cela parait si singulier, que je lui en
fis Pobjection. A cela il me répondit qu en mar-
chant, lui, Theyenin , était derrière Fautre et ne
le Toyalt que par le dos', et qu'à table il ne le
voyait pas bien non plus, parce que ledit Rous-
seau ne se tenait pas assis, mais se promenait pai
la chambre en mangeant II &ut convenir, en riant
du plus fort, que cela n^est pas. encore impossible
11 ne l'est ps enfin que, desdites lettres de re-
commandation si précieuses , aucune ne soit par-
venue j attendu que ledit Thevenin , modeste
pour les lettres comme pour Fargent, ne voulut
pas les rendre lui-même, ni s informer au moins .
de leur efiêt, quoiqu'il demeurât dans le même
fieo qu'habitaient ceux à qui elles étaient adres-
«ées, quïl les vît peut-être dix fois par jour, et
que ce fiif au moins une curiosité fort naturelle de
savoir si un coureur de cabarets, k Faflïit des écùs
des passans, pouvait être réellment en liaison avec
ces messieurs-lâ; Si, comme^il est à craindre, au-
cune desdites lettres n'est parvenue^ ce seront ces
t«. 5. 5
5a CORRKSPOU DÀV CE ,
preuves, et permettez, monsieur le comte/ que
nous examinions un peu le rapport de notre
homme , et que nous voyions s*il se peut rappor-
ter A moi.
Le sieur Thevenin fit ponnalssance avec ledit
Rousseau aux Verrière^, et ils y demeurèrent en-
semble deux ou trois jours, logés chez Janin. J^ai
demeuré long-temps à Moitiers sans aller aux Ver-
rières, et je n yai jamaisétéquWesculefois, allant
à Pontarlier avec AL de Sauttersheim, dit, dans
le pays, le baron Sauttem. Je n'y couchai point
en. allant, j en suis très -sur; je suis très-persuadé
que je n'y couchai point en revenant, quoique je
Ji'en sois pas sûr de même; mais si j'y couchai, ce
fut 'sans y séjourner, et sans quitter le baron.
Thevenin dit cependant que son homme était
seul. Ma mémoire affaiblie me sert mal sur les
Êiits récens ; mais il en est sur lesquels elle ne peut
me tromper; et je suis aussi sûr de n^avoir jamais
séjourné, ni peu ni beaucoup, aux Verrières, que
je suis sûr de n'avoir jamais été Su Pékin.
Je ne suis donc pas Thomme qui resta deux ou
trois jours aux Verrières, à contempler les génu-
flexions du dévot Thevenin.
Je ne peux guère être non plus celui qui lui
demanda de l'argent à emprunter aux mêmes Ver-»
iières , parce que , outre M .du Terreau , maire du
lieu^ jy connaissais beaucoup un M. Breguet,
très-galant homme, qui m^aurait fourni tout Tar-
gent dont j^aurais eu besoin^ et avec lequel j*di eu
À^NKE 1768. 3â
bien des querelles, pour n^avoir po tenir la pro*
messe qae je lui avais laite de Vy aller voir. Si j'a-
vais logé là seul, ceût été chez lui, selon toute
apparence , et non pas chez le sieur Janin j sur-
tout quand j'aurais été sans argent.
Je ne sois point l'homme à l'habit gris doublé
de bleu ou vert , parce que je n en ai amais por;é
de pareil durant tout mon séjour en Suisse : je
n^ ai jamais voyagé qu'en habit d'ArménicD , qu
sàrement n'était doublé ni de vert ni de bleu.
Thevenin ne se souvient pas si son homme avait
ses cheveux ou la perruque, s^il portait son cha*
peau sur la tête on sous le bras; un Arménien ne
porte point de chapeau du tout, et son équipage
est trop lemaïquable pour quon eu perde totale-
ment le souvenir, après avoir demeuré trois jours
avec lui, et après Tavoir vu daus la chambre et en
?oyage, par devant, par derrière^ et de toutes les
Je ne sois point l'homme qui a donné au sieur
Thevenin une lettre de recommandation pour
il. de FaugBes,que je ne connaissais pas même
encore, quand ledit Thevenin alla à Yverdun; et
\t ne suis point l'homme qui lui a donné une
lettre de recommandation pour M. Âldiman, que
je nai connu de ma vie, et que je ne crois pas
même avoir été de retour d Italie à Yverdun sous
la même date (i).
(1) i'« appris teulement depuis quelque» jonn que k
•M Ittllivat d*YTCiilitii t*appcîait aiuii BL-AkUmni.
^ 5.
$4 CORIIESPONDÀ^CB,
Je ne suis point Thomine <jui a donne au sîom
TUerenin une lettre de recommandation pour Pa-
ris, signée le Voyageur perpétuel. Je ne crois pas
avoir jamais employé cette plate signature; et je
suis parfaitement sûr de n avoir pu IVmplojer à
Tcpoque de ma prétendue rencontre avec Tbcve«
nin ; car cette lettre , devant être antérieure k l'ar-
rivée dudit Thevenin à Yverdun, dut Tétre, i
plus forte raison , à son départ de la même ville.
Or, même en ce temps -li , je ne pouvais signet
le F oyageur perpétuel^ avec aucune apparence
de vérité d'aucune espèce \ car durant l'espace de
dix- huit ans, depuis mon retour dltaUe à Paris ,
jusqu'à mon départ pour la Suisse, je nWais fait
qu*un seul voyage; et il est aissurde de donner le
oom de Voyageur perpétuel 1 un homme qui ne
fait qu'un voj^age en dix-huit ans. Depuis la date
de mon arrivée à Métiers, jusqu'à cel^s du départ
de Thevcnin d'Yverdun , je n'avais fait encore au-
cune promenade dans le pays, qm pàt porter le
nom de voyage. Ainsi cette signature, au moment
que Thevenia la suppose, eût été non-seulement
plate et sotte ^ mais fausse en tous sens, et de
toute fausseté.
II n'est pas non plus fini aisé de croâie que je
sois le même Rousseau dont Thevenia n a plus
oui [parler, durant tout son séjour en Suiase,
puisqu'on n'y parlait que de cet homme infernal^
qui Osait croire en Dieu sans croire aux miracles ^
coolre lequel les prédicaas pràchaieat avec le
AirirÉB ty68. 55
plus saint zèle, et qu'ils nommaient Maniement
\ Antéchrist. Je suis sûr qu*U ny avait pas, dans
toute la Suisse, un honnête chamoiseur qui n e-
difiâtson quartier en rn^j maudissant saintement
mille fois par joor; et je crois que le bénin The-
venin n^était pas des derniers à s acquitter de cette
bonne oeuvre. Mais, sans rien conchire de tout
cela , |e finis par ma preuve përemptoire.
Je dis que je ne suis point l'homme qui a pu se
trouver aux Verrières et à Saint- Sulpice avec le
sieur Thevenin , quand, venant à la Charité-sur-
Loire , il allait à Yverdnn ; car il n'a pu passer aui
Verrières plus tard que Tété de 1761 , puisque le
3o juillet 1763 il y avait environ deux ans qu*U
demeurait chez le sieur Cuche, et probablement
davantage qu*il demeurait à Yverdnn. Or , au vu
et au su de toute la France, j ai passé Tannée en-
tière de 1761 , et b moitié de la suivante, tran-
quille à Montmorend; je ne pouvais donc pas,
dès Tannée précédente, avoir couru les cabarets
aux Verrières et à Sadnt-Sulpice. Ajoutez , je vous
supplie, qu'arrivant en Suisse je n'allai pas tout
de suite à Motiers; ajoutez encore qu'arrivé à
Métiers, et tout occupé jusqu'à l'hiver de mon
établissement^ je ne fis aucun voyage du reste de
l'année, ni bien avant dans la suivante. Selàn
Thevenin , notre rencontre a dû se ùire avant
qui] allât à Yverdun ; et selon la vérité, il était
déjà parti de cette viHe quand je fis mon premier
fit unique voyage aux Verrières : je n'étais donc
S6 'eOUESP01l1>A.NCE ,
pas Hiomme portant le nom do Rousseau qall y
rencontra; c^est ce que j^avais à prouver.
Quel était donc cet homme? je l'ignore : ce
que je sais, c'est que, pour que ledit Tbcvenin ne
soit .pas un imposteur, il Êiut que cet homme se
trouve, c'est-à-dire que son existence soit connue
sur les lieux; il Ëiut qu'il s'j soit trouyé dans Tan-
née 1761 , qu'il s'appelât Rousseau, qu il eût un
habit gris doublé de vert ou de bleu^ qu il ait écrit
des lettres à MM. de Faugnes et Aldiman , qui par
conséquent étaient de sa connaissance; quïl ait
écrit une autre lettre à Paris ^ signée le Vojageur
tierpétuel; quaifxès avoii passé deux jours avec
Thevenin aux Verrières, ils aient encore été de
compagnie à Saint-Sulpice avec Janin leur hôte^
et qu'après y avoir diné tous trois ensemble, ledit
Thevenin ait fait donner audit Rousseau neuf
francs par ledit Janin. La vérification de tous ces
faits git en informations, que je ne suis point en
état de faire, et qui ne m'intéressent en aucune
sorte , si ce n'est pour prouver ce que je sais bien
sans cela ;saTaii:,que ledit Thevenin est unimpos-
teur apo$té. J'ai pourtant écrit dans le payspoiir
avoir là -dessus des éclaircissemcns, dont j aurai
l'honneur « monsieur, de vous &îre part, s Us me
parviennent : mais comment pourrai -je espérer
quedeslettresdécetteeepèce échapperont àlmlcr-
; ception , puisque celles même que j'adresse à M. k
prince de Gonti n'y échappent pas , et que la àa-
nièrc que l'eus 1 honneur ae hii écrire , et que je
ÂimEB 1768. 5y
mis moi-même à la poste, en partant de Grenoble,
ne loi est pas panrenae? Mais ils auront beau
Eure, je me ris des machines qu'ils entassent sans
cesse autour de moi ; elles s'écrouleront par leur
propre masse, et le cri de la vérité percera le ciel
tài ou tard.
Agréez, monsieur le comte, les assurances de
mon respectai).
83o. AU HÉME.
' Bourgob, le ao sqMenbM tyôBf
HoKsni»^
A compte des éclalrcissemens que fai deman-
•dés sur lïiscoire du sieur Thevenin , voici tou-
oors une lettre de M. Roguin , dTverdun respec-
table vieillard, mon ami de trente' ans , et celui de
ku M. de Rozière, père de M. de Rozière , officier
dartillene, par qui cette lettre m^est parvenue.
Vous y vem;z, monsieiH',que le bénin Thevenin
nen est pas a scn coup d essai d'impostures, et
(1) ApottiUe de l'auUur.
V. B. Celte lettre est restée mos réponse . 'de même qu'une
«aie «cfite encore ronUnaire tnivaiit à M. la comte de 'Tonuerre «
ai lui m euToyant une dan» laquelle M. Roguin me donnait
les iofennations sur le sieur Theveoin , et qui ne m'a point étà
tsnrajée. Depuis lors, }e n'ai reçu ni de M. de Tonnerre , ni
3'a«iaiiie âme YiTantey aucun avis de rien de <T qui a'eii passé
â Grenoble 6n sniet de cette aflkire, lu à» et ^[tt'cst de veau
ledit TUeveoin.
58 CORRJBSPOïrDANCE,
qull a été ci-deyant condamuc , par arrêt in par-
lement de Paris, à être fouetté , marqué, et en-
voyé aux galères pour fabrication de faux actes.
Vous y verrez un mensonge bien manàfeste dans
sa dernière déclaration , puisqu il m'a dit, k moi,
n'avoir pu joindre M. de Faugnes pour lui re
mettre la lettre de recommandation de R., m
pour en apprendre Teffet; et vous vqycz, par la
lettre de M. Roguin , qu'il sait bien le joindre pour
lui remettre la lettre du curé '4e Tovency-les-
Filles , et pour le circonvenir de ses mensonges an
sujet de M. Thevcbîn de Tanley , conseiller au
parlement de Paris. Si mes lettres et'leriria répon-
ses parviennent fidèlement, j aurai dans pe\i ré- ^
poBse directe de M. de Faugnes, et la déclaration
de Janin , que je lui ai fait demander par le prei-
mier magistrat 'du lieu.
Veuillez, monsieur le comte^agréer avec bonté
mou respeet« Rsarou.
Rien nfe pressç pour le renvoi de la leltro d-
jointe. Je vous supplie seulement, monsieur, d'or-
ilonner qu'elle ne soit pas égarée, et ^pi'bn mie b
renvoie quand elle ne servira plus i rien.<
63tr — - A. M. LaliuuD.
A Boar]goia, le ai teptenibre 'i 9G8.
Je ne puis résister , monsieur , an désir de Vous
donner, par la copie cî-jointe^ une idée de la œ^
n'ière dont je sais traité dans ce pivs. SildC que je
fos parti de Grenoble, pour venir ici, l'on y dé-
lerra un garçon chamoiseor nommé Tbevenîn,
qaî me demandait neuf francs, qu*il prétendait
m'avoir prêtés en Suisse, et qu'il prétend à pré^
sent m'avcNor donnés , paice que ceux qui nnsirai»
sent ont senti le ridicule de &ire prêter de l'krgeni
par un passant à quelqu'un qui demeure dans le
pays. Cette extravagante héstoire, qui partoul
aSIeurs' eût attiré ai^it Theveain le traitement
qu'il m^ite , lui-attire ici la &veur puUique^ et il
n'y a personne à GrenoUe, et parmi les gens qui*
m'entourent, qui ne-donnât tout au monde pour
queThevenin se trouvât llionnéte homme, et moi^
le fripon : malheureosemest pour eux^ j apprends
à l'instant, par une lettre de Suisse qai m^est ar-
rivée sons couvert étranger, que ledit Tbcvenîna
eu à-devant rhonneur d'être condamné, par un
arrêt du pariement de.Paris, à être mapqué et en*,
voyé aux galères, pour frhricatÎMi de &nx actes^
dans un procès qu'il eut l'impudence d'intenter i
M. Thevemn de Tànley , conseiller honomiBe a»>
tnel au pariement, rue des EnfioiSi'Rouges, an
Marais ( i)^ J'ai écrit en Suisse , poor avoiv des in*
"»*■
(i) L'arrêt est du lo matp 1761. Il fol pennii à Jean iW
teain de Tanlej el consorts de le frire bnprîmer,, publier el
•ScW.Oii j Toh nêflM que ledit Hfeolas-Êlst Tkcireniii, dtl»
C^amt&rêuT*homtf al tondimuà ai^aicaa ». tB.ptooB da Grèvf ^
poor 7 dcmeaier d^pnî».siids iiw^*A éf^M, heures « aysni ^oift
lean derant et derrière, partant css mois • CalonmiatOÊr s» iii^
postas' ûuj^im;
60 CORRESPONDANCE,
formations sur le compte de ce misérable : je n^^
eu encore que cette seule réponse y qui heureuse-
ment n'est pas venue directement à mon adresse.
J^ai écrit à M. de Faugnes, receveur général des
finances à Paris, lequel a coiuiu, à ce qu'on me
marque, ledit Thcvenin; je nW ai aucune ré-
ponse : je crains bien que mes lettres ne soient in-
terceptées à la poste. M. de Faugnes demeure rue
Feydeau. Si, sans vous mcommoder, vous pou-
viez , monsieur , passez chez lui et chez M. The-
venin de Tanley, vous tireriez peut-être de ces
messieurs des informations qui me seraient utilies
pour confondre mon coquin^ malgré la favçur de
Se& honnêtes protecteurs.
Je vois que ma diffamation est jurée, et qu^oo
veut l'opérer à tout prix : mon intention n*est pas
de daigner me défendre, quoique en cette occa-
nott je n\iie pu résister au désir de démasquer
llmposteur; mais j'avoue qu'enfin dégoûté de la
France je n'aspire plus qu'à m'en éloigner, et du
byer des complots dont je suis la victime. Je n'es*
père pas échapper à mes ennemis , en qveique lieu
que je me réfugie; mais, en les forçant de multi-
plier leurs complices, je reuda leur secrel plus
difficile à garder, et je le crois déjà au point de ne
pouvoir me smTÎvre : c'est tout ce qu'il me reste à
désirer désormais. Bonjour, monsieur. Votre der-
nière lettre m'est bien parvenue; cela me £iit es-
pérer le même bonheur potir celle-ci , et peut-être
pour votre réponse : fiiites-Ia un peu promue-
'ment y je'' vous supplie, si vous roulez que je la^
reçorre; car, dans une quinzaine de jours, je^
pourrais Iweii^i'étre plus icL Ma femme vous prie
d agréer ses obéissances : recevez mes: très*httm<^'
blés salutations.
{^a. — ▲ M. DTit Peyaou;
Bourgoîo, le a6 s^ptemliR 1^68^
Je reçois en ce moment , mon cher hôte, votre
lettre du ao, et j'y apprends les progrès de votre
fétaUissement avec une satisfaction à laquelle il
ne manque , pour être entière^ que d'aussi bonnes
nouvelles de la santé de la bonne maman. 11 n'y a.
rien à £iire à sa sciatique que d'attendre les tré<-
ves, et prendre patience : Vous êtes dans le même
cas pour votre goutte; et après la leçon terrible
pour vous et pour d'autres que vous avez reçue,,
j'espère que vous renoncerez une bonne fois à laf
fimtaisie de guérir de la goutte , de tourmenter
votre estomac et vos oreilles, et de vouloir chan-
ger votre constitution avec du petit lait , des pur*
gati& et des drogues; et que vous prendrez une
bonne fois le parti de suivre et d'aider, s'il se peut,
la nature, mais non de la contrarier.
Je ne sais pourquoi vous vous imaginez qu'il
a i&llu, pour me marier, quitter le nom que je
porte {*) ; ce ne sont pas les noms qui se mai icnt ,
(*) Cduî de Renott, çull avait pris en allant habher la ckK»
64 CoiftCSPOffDÂVCE,
Dels qaWme tait souffiir me dégoAtent un jpen
.'de la botanique, qui ne me parait un amaBemeut
délicieux qu'autant qu^on peut s'y livrer tout eo-
tier. Je sens que pour peu que l'on me tourmenie
encore je m'en détacherai tout-à-Êtit. Je n^ai pas
laissé pourtant de trouyer en ce pap quelqnos
plantes 9 sinon jolies, au moins nouYelles pour
moi; entre autres, près de Grenoble, YOsjris et
lé Térébinûie; ici le Cenchrus racemosus ^ai m'a
beaucoup surpris, parce que c'est un gramen ma-
ritime; VHjpopitis, plante parasite qui tient de
lorobanche; le Crépis fœtida qui sent Vamande
amère à pleine gorge, et quelques autres que je
ne me rappelle pas en ce moment. Voilà, mon
.cher hôte, plus de botanique qu'il nW fimt à
TOtre stoïque indifl^ence. Vous pouyez m'écrire
en droiture ici sous le nom de Renou. Fat grande-
peur, s'il ne survient quelque amélioration dans
mon état et dans mes ai&ires, d'être réduit à passer
avec ma femme tout Fbiver dans ce cabaret, puis-
que je ne trouve pas sur la tene une pierre pour
y poser ma tête.
833. ^-« AV M iMB«
Bourgmo, Ve 2 octobre 1768.
QuBLLB affreuse nouvelle vous m^apprenez,
. mon cher hôte, et que mon coeur eu est afiectél
. le ressens le cruel accident de votre pauvre ma*
oan comme elle, ou plutàl comme vous^ et ces!
AmÉB 1768. 65
tout dire. Une jamBe cassée est un malheur que
mon père eut étant d^jà vieux, et qui lui arriva
de même en se promenant, tandis que dans ses
tenribles fatigues de chasse, qu'il aimait à la pas-
sion, jamais il n'avait eu le moindre accidents Sa
jambe guérit Irës-Êicilement et très -bien malgré
son âge; et j'espérerais la même chose de madame
la commandante, si la fracture n'était dans une
place où le traitement est incomparablement plus
difficile et plus douloureux. Toutefois, avec beau-
coup de ré«gaàtion , de patience , de temps , et les
soins d'un homme habile, la cure est également
possible, et il n'est pas déraisonnable de l'espérer.
Cesl tout ce qu'il m'est permis de dire , dans cette
&taJe drcODStance, pour notre commune conso-
lation. Ce malheur &it aux miens, dans mon
ooenr, nue diversion bien funeste, mais réelle
pourtant, en ce qu'au sentiment drs maux de
ceux qui nous sont chers, se joint l'impression
tendre de notre attachement pour eux, qui n'est
jamais sans quelque douceur; au lieu que le seo*
timent de nos propres maux,quand ils sont grands
et sans remède, nest que sec et sombre : il ne
porte aucun adoucissement avec soi. Vous n'at-
tendez pas de moi, mon cher hAte, les froides et
vaines sentences des gens qui ne sentent rien ; on
ne trouve gnère pour ses amis les consolations
qu'on ne peut trouver pour soi-même. Mais ce-
pendant je ne puis m'empécher de remarquer que
votre amiction ne raisonne pas juste, quand elle
66' COAUSfOnAHCBy
s*îrrite pâtr lidée qnt ce triste éyéBemenl n'est pat
dans Tordre des choses attaché à la condition
humaine. Rien^ mon cher hôte, n est plus dans
cetoidieque les accidens imprévus qui troublent,
Gèrent et abîment U vie. C est avec cette dé-
|MBndanoe que nous sommes nés; elle e^t attachée
à notre nature et à notre constitution. S'il j a des
coups qu'on doive endurer avec patience , ce sont
ceux qui nous viennent de l'inflexible nécessité,
et auxquels aucunô volonté humaine n'a con-
couru. Ceux qui nous sont portés par les mains
des méchans sont à mou gré beaucoup plus in-
supportables, piU'oeqne la nature ne nous fit pas
pour les souffiir. Mais cWt déjà trop moraliser,
fiennee-'^moi &équemmeut| mon char h&te, des
nouvelles de la malade; dites- lui souveni aosn
combien mon omur est navvé de ses iwwiffiances,
et combien de Vû0ux je joins aux vôtres pour sa
guérîson.
J'ai reçu par H. le comte de Tonnerre une
lettre du lieuteûdirt de Guyenet, bqudle m'en
promet uue autre que j'attends pour lui &ire des
remercimeos. A présent ledit lïevenin est bien
convaincu â*étre un Imposteur. M. de Tonnerre,
qui m'avait positivement promb toute protection
da^s cette aflaire, me marque qu'il lui imposai
silence. Que dites-vous de cette manière de rendre
fastice? c est comme si» après qu'un homme aurait
pris ma bourse, aa lieu de me la £ûre rendie^op
INNÊB 1768. 6;
lai ordonnait de ne me plus voler^ En loutef
dioses yoiU comme je suis traité.
Je TOUS ai déjà marqué que vous pouvez
nkècnre ici en droiture sous le nom de Reiicn;
TOUS pouvez continuer aussi d'employer la même
adresse dont vous vous servez ; cela me parait ab*
lolunent égaL
834^ — - A AL Laluaud.
BoDif^în^ le 5 octobre fjGSê
Vonzlettre, monsieur, du agseptembre, m*est
portemie en son temps , mab sans le duplicata,
et je saisdms que vous ne vous donniez plus la
peioed^D &ire par cette voie, espérant que vo$
iCttits continueront à me parvenir en droiture,
ayant peut-être été ouvertes ; mais n'importe pas ,
pourvu qu'elles parviennent. Sî j aperçois une in-
i:7miptioa, je cfaercheFai une adresse intermé-
diaire id, si je pnis, ou â Lyon.
Je sois bien touché de vos soins et de la peine
]ails vous donnent, à laquelle je suis très-ste
^œ vous n'ayez pas regret; mais il est superflu
pevoos continuiez d'en pnendre au sujet da ce
|^<)qnin de Tlievenin, dont l'imposture est main*
j^naat dans un degré d'évidence auquel Msr de
oonerre faii-méme ne peut se refuser. Savez*
là -dessus quelle îustice il se proposé de me
àft^ après m^avoîr promis la protection la plus
lîqae pour tiier c^tte afiâire au dair? c'est
68 COfcHESPOlVDAVCE,
d'imposer sHence à cet homme; et moi toute la
peine que je me suis donnée était dans lespoir
qu'il le forcerait de parler. Ne parlons plus de ce
misérable ni de ceux qui Font mis en jeu. Je sais
que rimpunité de celui-ci va les mettre à leur aise
pour en susciter mille autres; et c était pour cela
qu il m'importait de démasquer le premier. Je Tai
fait, cela me suffit : il en viendrait maintenant
cent par jour que je ne daignerais pas leur ré^
pondre.
Quoique ma situation devienne plus cruelle de
jour en jour, que je me voie réduit à passer dans
un cabaret Thiver dont je sens déjà les atteintes ,
et qu'il ne me reste pas une pierre pour y poser
ma tête , il n^y a point d'extrémité que je nVndore
plutôt que de retourner à Trye; et vous ne me
proposeriez sûrement pas ce retour si vous saries
ce qu'on m y a fait souffrir, et entre les mains de
quels gens jMtais tombé U. Je fiémis seulement
à y songer : n'en reparlons jamais^ je vous prie.
Plus je réfléchis aux traitemens que j'éprouTe ^
moins je puis comprendre ce qu on me tcoL Ega<
lemcnt tourmenté, quelqueparti que jeprttkne, \i
n'ai la liberté ni de rester où je suis, ni d^aller oj
je veux; je ne puis pas même obtenir de saT<Mr oi
l'on veut que je sois, ni ce qu'on veut faire di
moi. J'ai vainement désiré qu'on disposât oiKre«
tement de ma personne, ce serait me looltre e^
repos; et voilà ce qu'on ne veut pas. Tout ce €fa
je sens «st qu'on est importuné de mon existeno^
àMfiiz 1768. 89
et qa'on veut &ire en sorte que je le. sois moi-
ntoe; il est impossible de s^y prendre mienx pour
oeU. n mest cent fois venu dans Fesprit de pro-
poser mon transport en Amérique, espérant qn'on
voudrait Uen tû*y laisser tranquille , en quoi je
crois bien que je me flaCtais trop; mais enfin j'en
aursùs fait dé bon cœnr la tentative si nous étions
plus en état, ma femme et moi^ d'en supporter le
yoyage et l'air. U me vient une autre idée dont je
veux vous parler, et que ma passion pour la bo^
taniqué ma fail naître; car, voyant qu'on ne vou*
hit pas me laisser herboriser en repos, j ai voulu
quitter les plantes ; mais j'ai vu que je ne pouvais
plus m'en passer .* c'est une distraction qui m'est
nécessaire absolument; c'est un engouement d en*
6nt, mais qai me durera toute ma vie.
Je voudrais, monsieur, trouver quelque moyen
d^aller la finir dans les iles de TÀrchipel, dans
celle de Chypre, ou dans quelque autre coin de
la Grèce; il ne mlmporte ob, pourvu que je
trouve un beau climat fertile en végétaux, et que
la charité chiétienne ne dispose plus de moL. J'ai
dans Fésprit que la barbarie turque me sera moins
cmeQe. MadMureusement, pour y aller, pour y
vivreavec ma femme , j'ai besoin d'aide et de pro*
tection. Je ne saunûs subsister là -bas sans res-
MQice; et sans quelque faveur de la Porte, ou
fndqoe recommandation du moins pour quel*
quun des consulsqui résident dans le pays , mou
étaUissement.y serait lots^ement impossible.
1
70 COREBSPOIfDAIICB,
Gomme je ne serais pae aans edlpoir d'y rencke
mon séjour de quelque utilité au progrès de Fhis*
toire naturelle et de la botanique , je croirais pou*
Toir à ce titre obtenir quelque assistance des sou*
veraitts qui se font honneur de le favcMÎser. Je ne
suis pas un Toume&rt, ni un JuÉsiea; mais aussi
je ne fecak pas ce travail en passant, plein d'au-
tres vues et par tâche : je m'y livrerais tout entier,
uniquement par plaisir^ et jusqu'à la mort. Le
•goût, Fassiduitié, la canstanœ, pouveni suppléer
i beaucoup de eonnaâssanoes, et même lesdon-
ner à la fin. Si j'avais encore ma pension du roi
d'Angleterre , elle me suffirait, et je ne demande^
rais rien, sinon qa?bn favorisAt mon passage, et
qu'onm'accordit quelque recommanda tioo.Maîs,
sans y avoir renoncé iarmeUemoitt,'je me suis mis
dans le cas de ne pouvoir demaiider, ni désirer
même honnêtement qu elle me soit continuée; et
d'ailleurs, avant d'aller m'exiler là pour le reste
de mes jours, il me fitudraitj quelque assurance
raisonnable de n y pas être oubKé et laissé mou-
rir de &km. J avoue qu'en fiôsant «sage de mes
propres vessouroes , f en trouverais dans le fruit de
tues travaux passés de suffisantes pouirsobsi^er où
que ce fût ; mais cela demanderait d'autres arran-
gemeas que ceux qui suhsisitent , et des soins que
'je ne suis pins en état d'y donner. Pardott^ m<»n-
sieup : .je vous expose bien confusément l'idée ^qui
m est venue, et les obstacles que je vobii son exé^
Gtttion. Cependant^ comme ces ebMoles ne sou4
pas insurmontables y et ^e cette idée wHoSn le
seul espoir de repos qai me reste, j^i cru devoir
TOUS en parler, afin qne,^ sondant le terrain , si
Foccasion s'en présente, soit auprès de qnelquW
qui ait du crédit à la cour, et dès protecteurs que
▼ous me connaisses , soit pour tâchet de saToir en
qadle disposition l'on serait à ceUe de Loodlre»
pour pro^er mes herborisations dans PArchi*
pd, TOUS puissiez me mai^er si Teiil dans ce
pays-lâ que je désire peut éiro favorisé dHin des
tkux sonrerains. Kn reste, il n^ a que ce moyen
de le rendre praticable, et je* ne me résoudrai ja«
mais, avec quelque ardew que je le désire ^ à re-
courir pour cela à aucun particulier quelqn'il soit.
La roie la plus courte et la ^us sûr^ de savoir là-
dessus ce qui se peut &ife S^ait, à mon avis, de
consulter madame la maréchale de- Luxembourg.
J'ai même une si pleine confiance et dans sa
bonté pour moi, et dans ses lumières, que je vou*
drais que vous ne parlassiez d^abord de ce projet
qui elle seule, ^e tous, notiez k-dessns que
ce qu'elle approuvera, et que vous n'y pensiez
plus ai elle le juge impraticable. Vous m'avez
écrit, momsieiiri do compter «nr vous. Voilà ma
réponse. Je meta mou sort eotit tos mains, au-
tant qell pett dépend de moi& Adieu , mon-
sieur, je vous embrasse do tMt mmaLCaur.
y% G0BKiS5P0VbAVC8|
83:5. — aSL MouLTom
Boorgoin, le îo octobre t^tB.
Vos lettres, mon^ieiir, nie sont parvenues. Je
ne répondis point à la pr^ière, parce que vous
m'annonciez yotre prochain départ de Genèye;
mais j'y enis voir d^ YOtp^ part la continuation
d'une amitié ji la<p»eUe joiS^at toujours sensible^
et ]y trouvai la clef de hifiu des mystères auji^guels
depuis iong-teipps je ne comprenais rien. Cela
m'a fait rompre, up peu imprudemment peut-
être , avec des ingrats dont f ai plus à craindre
qu'à espérer, après m^étre. penlu pour ksur ser-
vice i mais mon horreur pour toute espèce d^ dé-
guisement augmente avec l'effet de ceux dont je
suis la victime» Aussi-bien y dans l'état oU l'on ma
réduit, je puis désormjus élre frpinc impunément;
je n'en deviendrai pas plps misérable.
J'ignore absolument ce que c'est que le qbâteaa
de Lavagnac, à qui il appartient, sur quel pied yj
pourrais loger, s'il est habitable pour moi , c'est»
à-dire k ma mapiète, et meublé; en un mot, tout-
ce qui s'y rapporte, hors le. peu que vous m eu
dites dans votre dernière lettre^ et qui me parait
très-attrayant. Coindet ue. m en a jamais parlé, et
cela ne ;n'étonne guère, Votr^ courte description
du local est charmante. Vous m'oŒrez de m*en
dire davantage , et même d'aller prendre des édair-
cis3emens sur les lieux. Je suis bien tenté de vom
AHWÉK 1768. yi
prendre aa met : car aller habiter an si beau lien ,
moi qui n'ai d'asile cju'aQ cabaret; vous voir en
passant; être voisin de M. Venei, pour lequel j'ai
la plus véritable estime : tout cela m atdre assez
fortement pourmedéterminer probablement tout*
i-Êit, pour peu que les convenances dont j'ai be*
soin s'y rencontrent  legard du profond secret
que vous me promettez, vous n en êtes plus le
roaitre ; ne laissez pourtant pasde le garder autant
qull vous sera possible; je vous en prie instanH
ment , puisque votre lettre a été ouverte , quoique
celle qnl lui servait d enveloppe ne Tait pas été.
Avis au lecteur, *
J'apprends avec ie plus vrai plaisir que votre
voyage a été salutaire à la santé de madame IVÏoul***
ton : mon empressement de vous voir est encore
augmenté par le désir d'être connu d elle , et de lut.
agréer- Si je n'obtiens pas qu'elle approuve yotre
amitié pour moi, et quelle en suive l'exemple, je
réponds au moins que ce ne sera pas ma fauté ^
mais y comme }e désire.m'arréter un peu à Montr
peilier pour vok M. Gouan et le Jardin des Plai]L«-
tes, je ne logerai pas chea^' vous. Je vous prierai
seulement de me chercher deux chambres dans
votre voisinage, et qui n'empêcheront pais, si je
ne vous importune point, que vous ne me voyiez
chez vous presque autant que si j'y logeais, i con-.
dîtion que vous ne fermerez pour cela votre porte
à personne : les sociétés bonnes pour vous seront
sûrement très^bonnes pouf moi; et| si je ne $tà9t
^6 COlUtBSPOUDANCi;^
S'ils n'avaient voulu que s^assurer de moi , me clif
&mer à leur aise, sans que jamais je pusse dévoi-
ler leurs trames aux yeux du public, ni même les
pénétrer ,'c était là qu^ils devaient me tenir, puis-
que, maîtres absolus dans la maison du prince où
il n'a lui-même aucun pouvoir, ils y disposaient
de moi tout à leur gré. Cependant, après avoir
tâché de ma dissuader d y rentrer et de me per-
suader d en sortir, trouvant ma volonté inébrân^
lable, ils ont fini par mW chasser de vive force
par les mains du sacripant que le maître avait
chargé de me protéger, mais qui se sentait trop
bien protégé ici même par d^autres pour avoir
peur de désobéir. Que me veulent-ils maintenant
qu'ils me tiennent tout-à-fait? Je Tignore; je sais
seulement qu ils ne me veulent ni à Tiye , ni dans
une ville, m au voisinage d'aucun ami, ni même
au voisinage de personne, et qu'ils ne veulent
autre chose encore que simplement de s'assurer
de moi. Convenez que voilà de quoi donner à
penser. Comment le prince me protégerait-il ail-
leurss'il n'a pu me protéger dans sa maison même?
Que deviendrai-je dans ces montagnes si je vais
m y foiurer sans préliminaire • sans connaissance?,
et sûr d^étre, comme partout, la dupe et la vic-
time du premier fouroe qui viendra me circonve-
nir? Si nous prenons des arrangemens d'avance^
il arrivera ce qui est toujours arrivé, c'est fpie
M. le prince de Conti et madame la maréchale as
pouvant les cachjer aux machiavélistes qui les en-
toarenty et tjiii se gardent bien 'de laisser voir
leurs desseins secrets, leur donneront le plus beau
jeu du monde pour dresser d'avance leurs batte-
ries dans le lien que je dois habiter. Je serai at-
tendu là , comme je Tétais à Grenoble , et comme
je le suis partout où Ton sait que je veux aller. Si
c'est une maison isolée , la cbose leur sera cent
fob fins commode : ils n'auront à corrompre que
les gens dont je dépendrai pour tout et eu tout.
Si ce n'était que pour m espionner, à la bonne .
keure, et très-peu m'importe. Mais c est pour au*,
tre cbose, comme je vous Tai prouvé ; et pourquoi?
le Tignore, et je in'y perds*, mais convenez que le
doute n^est pas attirant.
Voilà, monsieur^ des considérations que je.
vous prie de bien peser, à quoi j ajoute les incom*
modités infinies d'une habitation isolée pour un .
étrangler, & mon âge et dans mou état, la dépense
au moins triple, les idées terribles auxquelles je ,
dois être en proie, ainsi séquestré du genre bu- ,
main, non volontairement et par goût, mais par ;
fiM€e et pour assouvir la rage de mes oppresseurs : *
car, d^aiUeurs,:je vous jure que mon même goût.
pour la solitude est plutôt augmenté que diminué
par mes infortunes; et que, si j étais pleinement
libre et maître de mon sort, je choisirais la plus .
profonde retraite pour y finir mes jours. Bien pius^
une captivité déclarée n'aurait rien de pénible et
de triste pour moi. Qu'on me traite coigme oo
voudra^ pourvu ^p» ce soit ouvertement, je puis
tout sooffi'ir sans murmure; mais mon cœur ne
peut tenir aux flagorneries d'mn sot fourbe qui se'
croit fin parce qu il est faux. J'étais tranquflle aux
cailloux des assassins de Motiers, et ne puis Fétre
aux phrases des admirateurs de Grenoble.
Il faut vous dire encore que ma situation pré-
sente est trop désagréable et violente pour que je
tfe saisisse pas la première occasion den sortir;
ainsi des arrangemens d^une exécution éloignée
ne peuvent jamais être pour moi des engagemens
absolus qui m'obligent ï renoncer aux ressources
qui peuvent se présenter dans Tintervalle. J^ai dû,
monsieur, entrer avec vous dans ces détails, aux-
quels je dois ajouter que l'espèce de liberté de dis-
poser de moi, que mes ressources me laissent,
n^est pas illimitée; que ma situation la restreint '
tous les jours; que je ne puis former des projets
qtie pour deux ou trois années, passé lesquelles
d^aulres lois ordonneront de mon sort et de celui
de ma compagne; mais l'avenir éloigné ne m'a
jamais eflrayé. Je sens qu'en général, vivant ou
mort, le temps est pour moi ; mes ennemis le sen-
tent aussi , et cVst ce qui les désole : ils se pressent
de jouer de leur reste; dès maintenant ils en ont
trop fait pour que leurs manœuvres pnissent res-
ter long-temps cachées: et le moment qui doit les
mettre en évidence sera précisément celui où ils
voudront les étendre sur l'avenir. Vous êtes jeune,
monsieui*; souvenez-vous de la prédiction que |o
votts.fhis, et sojet sûr que vous^la verrez accou^
pHe. fi me reste maintenant à Vous dire qoë^ pré*
venu de tout cela, vous pouvez agir comme votre
cœur vous inspirera , et comme votre raison voua
éclairera ; plein de confiance en vos sentimens et
eu vos lumières , certain que vous n'êtes pas homme
à servir mes intérêts aux dépens de mon bonneur,
je vous donne toute ma confiance. Voyez madame
la maréchale; la mienne en elle est toujours lâ
même. Je compte également et sur ses bontés et
sur celles de M. le prince de Couti; mab lun est
subjugué, Tautre ne l'est pas^ et je ratifie d avance
tout ce que vous résoudrez avec elle, comme fait
pour mon plus grand bien. A Fégard du titre dont
vous me parlez, je tiendrai toujours à très-grand
honneur d'appartenir à S. A. S., et il ne tiendra
pas â moi de le mériter; mais ce sont de ces chosel
qui s'acceptent et qili ne se demandent pas. Je ne
suis pas encore à la fin de mon bavardage, mais je
suis à la fin de mon papier ; j^ai pourtant encore à
vous dire que l'aventure de Thevenim a produit
sur moi Fefiet que vous désiriez. Je me trouve
moi-ntâ^ne fort ridicule d avoir pris à cœur une
pareille afiaire, ce que je n'aurais pourtant pas
lait, je vous jure, si je n'eusse été sûr que c était
un drôle aposté. Je désirais, non par vengeance
assurément, mais pour ma sûreté, qu'on dévoilât
ses instigateurs : on tie l'a pas voulu, soit; il eu
vicndLrait mille autres que je ne daignerais pns
oiefme répondre à ceux qui m'en parieraient Bon-
8o îCOllOtESlIOimAKÇK)
jouTi monsieur; je tous embrasse de tout moit
cœur.
P. S. Joubliais de tous dire que mon chamoi-
seur est bien le cordonnier de M. dé Tanley; il
apprit le métier de chamoiseur à Yyerduu après
sa retraite. «Tai fait faire en Suisse des informa-
tions avec la déposition juridique et légalisée du
cabaretier Janin,
83^. ^* ^' ^^ Pe TROU.
BoorgoÎD, le 3o octobre 17C81
•
' Voici, jVspëre, la dernière fois que j'aurai i
vous parler du sieur Thevenin, dont je n'entends
plus parler moi-même.. Après les preuves pé»
remptoires que j'ai données, à M. de Tonnerre de
la fourberie de cet imposteur, il en a bien ùiln
convenir à la fin , et il ma oflfert de le punir par
quelques jours de prison , comme si le but de tous
tes soins que j'ai pris et que j'ai donnés à ce sujet
était le châtiment de ce misérable. Vous croye2
bien que' je n^ai pas accepté. L'imposteur étant
convaincu , rien n était plus aisé que de le làire
parler et de Remonter peut'-étre à ia source de ce
complot profondément ténébreux dont je suis h
victime depuis plusieurs années, et dont je dois
Tétre jùsqWà ma mort. Je me le tiens pour dît ; ef
prenant enfin mon parti sur les manoeuvres des
bommes, je les laisserai 4ésQnnai5 ourdir el
iNBn&B 1768. 8 k
leon iniquités, certain , quoi qu'ils puissent
hirtj que le temps et la yérité seront plus forts
qu'eux* Ce qu'il me reste de toute cette affaire est
un tendre souvenir des soins que mes amis ont
bien Yonln se donner en cette occasion , pour con-
fimdre Hmposture, et je suis en particulier très-
sensiUe à l'actiyité de M. Guyenet , dont je n avai^
pas le même droit d'en attendre, et avec qui je
nétais plos en relation. J apprends qu il com*
mence & se ranger, et je mVn réjouis de tout mon
coeur, pour le bonheur de son excellente petite
femme et le sien. Je finis, mon cber hôte, un peu
à la hâte, en vous embrassant au nom de ma
femme et an mien. J'embrasse M. Jeannin.
838. — A M. LalIuud.
SoDiigoiit, le a novemlire 1 768/
Depuis la dernière lettre , monsieur, que je tous
ai écrite, et dont je n'ai pas encore la réponse , j^ai
reçu de Sf. le duc de Choiseul un passe-port que
je lui avais demandé pour sortir du royaume il y
a près de six semaines, et auquel je ne songeais
plus. Bfe sentant de plus en plus dans l'absolue
néœanté de me servir de ce passe-port, j'ai déli*
béré, dans la cruelle extrémité où je me trouve,
et dans la saison où nous sommes, sur rusagequé
i*en fcnis, ne voulant ni ne pouvant le laisser
écouler comme l'autre. Vous serez étonné du ré-
sultat de ma délibération^ fiûte pourtant avec tout
:84 bo&RBSPOVDAKCE j
semble que si fêtais près de vous, que nous nous
embrassassions, que nous pleurassions tous deux,
sans nous rien dire, nos cœurs se seraient beau-
coup dit.
Cruel ami, que de regrets vous me prépares
dans votre description de Lavagnac! Hélas! ce
beau séjour était Tasile quil me fallait; j^ aurais
oublié, dans un doux repos, les ennuis de ma vie;
je pouvais espérer d^y trouver enfin de paisibles
jours, et dy attendre sans impatience la mort,
qu'ailleiu*s je désirerai saus cesse. Il est trop tard.
Laiatale destinée qui m'entraîne ordonne autre-
ment de mon sort. Si j'en avais été le maître , si le
prince lui-même eût été le maître chez lui, je ne
serais jamais sorti de Tiye, dont il n'avait rien
épargné pour me rendre le séjour agréable. Ja-
mais prince n'en a tant &it pour aucun particu-
lier qu^il en a daigné faire pour moi. Je le mets
ici à ma place, disait-il à son ofl^ier; )o veux
quil ait la même autorité que moi, et je n'en-
tends pas qu'on lui offre rien, parce que je le fais
le maître de tout. Il a même daigné me venir voir
plusieurs fois, souper avec moi tète k fête, mcdbe,
en présence de toute sa suite, qu'il venait exprès
pour cela : et, ce qui m'a plus touché que tout k
reste, s abstenir même de chasser, de peur que le
motif de son voyage ne fût équivoque. £h bien!
cher Moultou, malgré ses soins^ ses ordirs tes
plus absolus, malgré le désir, la passion, jfose
dins , qu'il avait de me rendre heiveux dans la r«-
y
AHif iB lySSi '85
traite qall m'avait donnée, on est pairenu à m'en
chasser, et cela par des moyens tels que Thorrible
écrit D en sortira jamais de ma boiidie ni de ma
plume. Son altesse a tont su, et n a pu désap-
prouver ma retraite; les bontés, la protection ^
Pamitié de ce grand homme, mont suivi dans
cette province, et n'ont pu me garantir des indi-
gnités cpie ) j ai souffertes. Voyant qu'on ne me
laisserait jamais en repos dans le royaume, j'ai
résolu d*en sortir; j'ai demandé un passe -port à
M. de Choiseul, qui, après m avoir laissé long-
temps sans réponse , vient enfin de m envojrer ce
passe-port. Sa lettre est très-polie, mais n'est que
cela : il m*en avait écrit auparavant d'obligeantes.
Ne point m'inriter k ne pas &ire usage de ce pas-
se-port, c'est m'inviter en quelque sorte â en £aiirQ
usage. U ne convient pas d'importuner les minis-
tres pour rien. Cependant depuis le moment où
f ai demandé ce passe-port jusqu'à celui où je Fai
obtenu, la snison s'est avancée, les Alpes se sont
couvertes de glace et de neige; il ny a plus
moyen de songer & les passer dfans mon état.
Mille considérations impossibles à détailler dan^
une lettre m^out forcé à prendre le parti le plus
violent , le plus terrible auquel mon cœur pût ja-
mais se résoudre ; mais le seulqui m'ait paru me res-
ter, c'est de repasser en Angleterre , et d'aller finir
mes malheureux jours dans ma triste solitude do
Wootton, où, depuis mon dcfâri, le propriétaire
ju'a souvent j:appelé par force cajoleries. Je vient
8S CORRESPOm^AlICB ,
:de lui écrire en conséquence de cette résolution ;
j'ai même écrit aussi à l'ambassadeur d'Angle-
terre. Si ma proposition est acceptée, comme elle
le sera in&illiklisment , je ne puis plus m'en dédîr ,
,et il faut partir. Rien ne peut égaler Diorreur que
im'inspire ce voyage; mais je ne vois plus de
•moyen de m'en tirer sans mériter de reproches; et
à tout âge, surtout au mien, il vaut mieux être
malheureux que coupable.
. J'aurais doublement tort d'ncheter par rien dte
répréhensible le repos du peu de jours qoi me rcs^
tcnt à passer; mais je vous avoue que ce beau sé^
jour de Lavagnac, le vobinage de M. Vencl, Fa*
vantage d'être auprès de son ami , par conséquent
d'un honnête homme, au lieu qu'à Trye j'étais
entre les mains du dernier des malheureux, tout
cda me suivra en idée dans ma sombre retraite,
et y augmentera ma misère pour n'avoir pu faire
mon bonheur. Ce q*ii me tourmente encore plus
en ce moment est une lueur de vaine espéranc<)
dont je vois Fillusion, mais qui m'inquiète malgré
que j'en aie. Quand mon sort sera parfaitement
décidé, et qu'il ne me restera qu à m'y soumettre,
j'aurai plus de tranquillité. C'est, en attendant ,
un grand soulagement pour mon cœnr d avoir
épanché dans le vôtre tout ce détail de ma situa-
tion. Au reste, je suis attendri d'imaginer vos
dames, vous, et M. Yencl^ faisant ensemble ce
pèlerinage bienfaisant, qui mérite mieux que
ceux de Lorette dôlre mis au nombre des œuvros
Afmiz T768. 87
de miscricorde. Recercz tous mes plus tendres ns
mercimens et ceux de ma femme ; faites agréer ses
respects et les miens à vos dames. Nous vous sa-*
laons et vous embrassons ïwx et l'autre de tout
notre cœur.
P S, J'ai proposé raltcrnativc de rAngletcrre
et de Mînonj[ue, que j^aimerais mieux i cause rlu
climat. Si ce dernier parti est préféré, ne pour-
rions-nous pas nous voir avant mon départ ^ soit
k Montpellier, soit à Marseille?
Autre P. S. Si ) avais reçu votre lettre avant le
départ des miennes, je doute quelles, fussent
parties.
&}<>• — - A M. LlLLIAim.
Bour^ÎD, le 7 novcBilivc 17G8.
Dspuis ma dernière lettre, monsieur, j ai reçu
dun ami l'incluse, qui a foxt augmenté mon re^<
gret d^avoir pris mon parti si brusquement; la si*
tuation charmante de ce château de Lavagnac, le
maitre auquel il appartient, l'honnête homme
qu il a pour agent, la beauté, la douceur du cli-
mat, si convenable à mon pauvre corps délabré,
le lieu assez solitaire pour èti*e tranquille, et pas-
assez pour être un désert; tout cela, je vous ÏOr-
voue, si :je passe en Angleterre ou méme4 Alahon,.
car j'ai proposé Talternative , tout cela , dis- je , ma '
fera souvent tourner les yeux et soupirer vers cet *
agréable agile ^ m bien ùÂi pour me rendre heu^-t
88 CORRBSPOlTDAirCE , .
reux , si Ton m'y laissait en paix. Maïs j*aî écrit : sî
l'ambassadeur me repond honnêtement, me voilà
engagé; f aurais Pair de me moquer de lui si je
changeab de résolution; et d'ailleurs ce serait, en
quelque sorte, marquer peu d'égard pour le passe-
port que M. de Choiscul a eu la bonté de m cn^
Toycr à ma prière. Les ministres sont trop occu-
pés, et d'afiaires trop importantes, pour qu'il soit
permis de les importuner inutilement; d'ailleui'S,
plus je regarde autour de moi^ plus je yois avec
certitude qu'il se brasse quelque chose ^ sans que
je puisse deviner quoi Thevenin n'a pas été
aposté pour rien : il y avait dans cette farce ridi-
cule quelque vue qu'il m'est impossible de péné-
trer; et, dans la profonde obscurité qui m- envi-
ronne, j^ai peur au moindre mouvement de fiiire
un &UX pas. Tout ce qui m'est arrivé depuis mon
retour en France , et depuis mon départ de Try e ,
me montre évidemment qu'il n'y a que M. le
prince de Conti, parmi ceux qui m'aiment, qui
sache au vrai le secret de ma situation , et qu'il at
&it tout ce qu'il a pu pom* la «rendre tranquille
sans pouvoir y réussir. Cette persuasion m'arra-
che des élans de reconnaissance et d attendrisse-
ment vers ce grand prince, et je me reproche vi-
vement mon impatience au sujet du silence qu'il
a gardé sur mes deux dernières lettres; car il y a
pen de temps que j'en ai écrit à son allesse une
Seconde, qn'eUe n a peut-être pas plus reçue <pi6
la. première : c'est de quoi je désirerais extrd^
mement d'être instruit. Je n'usé en ajouter ime
pour elle dans ce pa^et, de peur de le grossir au
point de donner dans la vue; mais si, dans ce
moment critique, vous aviez pour moi la charité
de vous présenter à sonaudiènce, vous me ren*
driez un office bien sigHalérde Tinformer de ce qui
se passe, et de me &ire parvenir son avis, c'est4-
dire ses ordres; car, dûs' tout ce que j^ai fait de
mon chef, je n^ai fait que des sottises , qui me ser-
viront au moins de leçons à l'avenir , s'il daigne
encore se m^er de moi. Demandez-lui aussi de
ma part, je vous supplie, la permission de lui
écrire désormais sous votre couvert, puisque sous
le sien mes lettres ne passent pas.
La tracasserie du sieur Thevenin est enfin ter*
minée : après les preuves sans réplique que j'ai
données à SiL de Tonnerre de Timposture de ce
coquin , il m'a oSkrt de le punir par quelques jours
de prison. Vous sentez bien que c'est ce que je n'ai
pas accepté, et que ce nest pas de quoi il était
question. Vous ne sauriez imaginer les angoisses
que m'a données cette so^te affaire, non pour ce
misérable à qui je n'aurais pas daigné répondre,
maïs pour ceux qui l'ont aposté, et que rien u té-
tait plus aisé que de dénuisquer si on Tcût voulu :
rien ne m'a mieux fait sentir combien je suis
inepte et bête en pareil cas, le seul, à la vérité,
de cette espèce où je me sois jamais trouvé. J'étais
îiavré, consterné , presque tremblant ; je ne savais
ce que ja disais en questionnant l'imposteur; et
8.
9» * GORRBSPONDAVCË ,
tiH*e, qui a dans son cœur la véritable religion,
celle qui &it les gens de bien ; voilà tout ce que j«
« Sa bourse ne fut jamais fermée aux malheureux ; on ne ftnt
comprendre qn*ayec une aussi médiocre fortune, Ât homme,
désintàiesaé )usi}u*au blAroe, put donner autant Peraonne à la
vérité ne fiit plus sobie que lui et n'eut moins de besoins , oc
fut plus propre et n*usa moins.
«< M. de Saint-Germain , accompagné d'une autre pcftonne ,
fiit visiter M. Rousseau 4ui s'était retiré 4 la campagne. Piu
api-ùs leur arrivée un honmie vint frapper 4 la perle. M. Roas-*
s?au se lève, lui ouvre, ei lui dit de rdvecir. L'homme insista
en disant qu'il venait de loin, et qu'il avait besoin de son argent.
Alors il le fit entrer, et ces àeva. messieurs virent sept i huit
^ étemens de diffîrente taille que cet homme apportaîc M.Rous-
9-^u liû demanda ce qu^l fad fallait, il répondit, dhc-hnif
francs , il lui fiirent payés. Voyant que ces messieurs s'ctaieot
aperçus de ce qu'il voulait leur cacher, M. Rousseau leur dit r
C'est une Êimille qui n'est pas vêtue : il ne &ut pas croire que
de donner vingt-quatre sous ou im petit ^cu à l'impôt tonilè
d'fan pauvre, ce soit remplir les obligations de la charitd U Caut
chercher le besoin où il est..., etc.
« Pourrait-on aoire que M. Rousseau avec 'des weotàntwt
pireils , sontenus par une pratique habîiuelle , ait pu être un
empoisonneur, un fripon ? Il est cependant yrai qu'au sujet èm
son goût pour la recherche des plantes il a été taxe' d'y cherdirr
du poison , et qu'on a cité un homme sur lequel on prétendait
qu'il en avait fait l'essai , parce qu'il mourut dans les douleurs
d'une colique néphrétique , malgré tous les secours que lut pro-
cura M. Rousseau. Obligé de subir une confrontation «vee UD
ouvrier, il confondit cet imposteur, qui disait lui avoir prête, à
NeufchAtel, neuf firancs, que M. Rousseau n'avait ji
vooln lui rendre...
(c Un ièrmier qui avait fourni prndant quinte mob à U. R4
mMU des œahf du benire, du fromage, qui toniours en avait
éU payé beaucoup au-delà de oe ^ bchow valait, et ijui «b
XNirEE 1768. ci
cherctie. On ne séduit pas M. de Saint-Grermain ,
on rintiniide encore moins; passez -moi, mon-
sieur, la Êimiliarité du terme : vous êtes précisé-
ment rhomme qu'il me &ut.
Saurais, monsieur, à mettre en dépât dans le
oGeur d'un honnête homme des confidences qui
n'en sont pas indignes, et qui soulageraient le
mien. Si vous voulez bien être ce généreux dépo-
sitaire, ayez la bonté de m'assigner chez vous
ilieure et le jour d'une audience paisible, et je
m y rendrai. Je tous préviens que ma confiance
ne sera mêlée d'ancnne indiscrétion; que je nai
à vous demander ni soins, ni conseils, ni rien qui
puisse vous donner la moindre peine ou vou^i
compromette en aucune fiiçon { vous naurez
d'autre usage à fiiire de ma confidence que d^eii
honorer nn jour ma mémoire, quand il n'y aura
outre avait reçu de lui, ainsi que sa fiunîlley mille bien&ils, ei:(
nngntttude et b mauTaise foi de lui euToyer un mëmoin: qutt
ce CenBÎer affinnaît lui éUv dA, eC ne lui avov pa» hé payé pac
il. RouaMan avast sob dopait. Celt* demande/ vérifiée par
M. de Saint-Germain, £at prouvée &us8e.
«t Une lemme d« cfaarabre, prétendant à l'esprit, fatiguait
H. Rousseau par des visiiea continuelles : fiuieuse de ce qu'il
l'avait ciiassëe de chez Hù, elle'dSt qu'il- l'avait voulu vioitn*« et
ae bruit se répandit partout.
« Tous œa événemens, quoique f^beux^ n'auraient -pas dA
aflferter Bf. Rousseau au point où U l'était, encore moins lui
prrsaaderque ces calomnies grossières étaient louvrage de ses
cttoeinis; autant à' plaindre qu'a bVoner, U était, par sa sensi-
lâliii et ta méfiaqçei ion plus cruel cnnenu ^ lûi-jmêmer,., eic.»
94 CORRESPONDANCE,
plu5 de risque à parler. Je ne vous dis rien de mes
sentioiens pour vous, mais je vous en donoe la
preuve^
84a. ▲ M. LE COMTE DE ToNNERRB,
Eo lui envoyant récrit suivant
Bôurgoin, le 9 novembre 1768.
MoxsxEtm,
J'ai rhonneur de vous envoyer ci-jointe la d^-
claratioB juridique dusieur JeanDet(^),cabaretier
des Verrières, relative k celle du sieur Thevleniu.
De peur d'abuser de votre patience , je m'abstiens
de joindre & cette pièce ceQes que j'ai^ reçues en
même temps, puisqu elle suffit seule à la suite dea
preuves que vous avez déjà pour démontrer plei«
nement^ non 1 erreur, mais Timposture de ce der*
nier. Je n aurais assurément pas eu FindiscrétioD
de vous importuner de cette ridicule affaire; si le
ton décidé sur lequel M. Bovier se faisait le por^
teur de parole de ce misérable neût excité ma
)nste indignation. Vous m'avez &it l'honneur de
me marquer qu'après ce qui s^est passé mon pré-
tendu créancier se tleudia pour dit quHl ne sau-
rait se flatter de trouver eu moi son débiteur.
VoiU, monsieur le comte, de quoi jamais il n*
«'est flatté, je vous assure; mais il s^'esl flatté, pie-
(*) Ce Jeoimet eit nommé Jani'n dans les lettres préoédentrs.;
c^ suBi A>ntft niKaywmde Roweau, ^lu avait éié mal infonai.
ANNEE 1768. gS
mièrement , de mentir et m'ayilir à son aise ; puis ,
dprès avoir dit tout ce qu*il voulait dire, et n^ayanC
phis qu'à se taire, de se taire er suite tranquille-
ment; et, s'il était enfin convaincu d'être un im«
posteur, de sortir néanmouis de cette affaire,
confondu, très -peu lui importe, mais impuni,,
mais triomphant Pour un homme qui parait si
lête, je trouve qu il n'a pas trop mal calcule.
Je vous supplie, monsieur, de vouloir bien ôr«
donner, k votre commodité, que les deux pièces
ci -jointes me soient renvoyées avec la lettre de
M. lloguin. Je sens que j ai fort abusé, dans cetlç
ûccasion,de la permission que vous m'avez donnée
de feire venir mes lettres sous votre pli. Je serai
plus discret à l'avenir; et si limpunitedu premier
fourbe en suscite d^autrcs , elle me servira de leçon
pour ne m'en plus tourmenter.
J'ai VhonneuT, M. le comte , de vous assurer d«
tout mon respect.
DÉCLARATION JURIDIQUE DU SIEUR JEANNST,
L'an 1768, et le dix-neuvième }our du mois de
septembre , par-devant noble et prudent Cbarle#*
Auguste du Ferraux, bourgeois de Neucbâtel et
de Romain-Motiers, maire pour sa majesté le roi
de Prusse, notre souverain prince et seigneur, en
la juridiction des Verrières, administrant justiCiO
par jour extraordinaire, mais aux lieu et heurp
accoutumés, et en la présence des sieurs furés en
icdle après nommés ; ' *
06 CORIl£S?OimANCE,
PcrsonucUcmeiit est compara AL Guyenel , re-
ccyeur pour sa majesté, et lieutenant en ihonc»-
rable cour de jn&tice du Yal-de-Travers , qui a rc^
présenté cpi'ayant reçu depuis peu une lettre de
AI. J. J. Rousseau, datée de Bourgoin, du 8 du
courant, par laq[uclle il lui jnaïque que le nommé
Thevenin , chamois)eur de sa profession , lui ayani
fait demander neuf livres argent de France, qull
prétend lui avoir fait remettre en prét^ an logis
du Soleil, à ,Saint-3uIpice^ il y a à peu près dix
ans; et comme cet article est trop intéressant à
l'honneur de mendit sieur Rousseau pour ne pas
Véclaircir,yu et. d'autant qu'il n.'a jamais &tjé dans
le cas d'emprunter cette somme dndit Thevenin,
et que ,cet article est contr(ui¥é; c^est pourquoi
if^ondit sieur le lieutenant Guyenet se présente
aujourd'hui par-devant cette honorable justice,
p^mr roquérirque, par reconnaissance, il poisse
justifier aulhentiquement ce qu^il Tient d'avancer^
«'lyant pour cet effet fait citer en témoignage le
sieur Jean -Henri Jeannet, cabaretler de ce lieu^
présent , lequel et par qui l'argent que répète ledit
Thevenin k mondit sieur Rousseau, doit, suivant
lui, avoir été remis; requérant qu avant de faire
déposer ledit sieur Jeannet ^ il y soit appointé, ce
qui a été âounu.
Et pour y satisfaire , ledit sieur Jeannet étant
comparu^ a^ après serment intime sur les inter-
rogats circonstanciés a Jui adressés , tendan» à dire
AmdK 1768. " 97
tout ce qn'il |>eut sayoïr de cette afitttê, dépoté
comme suit ;
Qull n^a aucune connaissance que le noBioié
Thevenin, chamoiseor, ait japiais prêté chez loi,
déposant, ni ailleurs, aucun argent à Al Jeai^
Jacques Rousseau pendant tout le laps de temps
qu^il a demeuré dans ce pays^ n'ayaînt jamais eu
l'honneur de yoir dans son logis mondit sieur
Rousseau; bien est- il vrai qu'il y a à peu près
cinq ans qu^il le vit s'en revenant du côté de Pon«
tarlier, sans lui avoir parlé ni lavoir revu dès
lors.
Il se rappelle aussi ti«s-bien ju'en 176a, pe*.
dant le courant du mois de mai, arriva chez iu|
un nommé Thevenin , qui se disait être de la Ch^
rité-sur-Loire, réfugié dans ce pays pour éviter
Teffet d'une lettre de cachet obtenue contre lui|
lequel était accompagné du nommé GuiUohel ^
marchand horloger du même lieu ; ledit Thevenia ;
n'ayant séjourné chez hii que huit à dix joarn,
pendant lequd temps arriva encore dans son •
logis un nommé Decustreau, qu^ll connaissait 4^/
puis près de vingt ans^ pour avpir Ipgé ches kd
à diffirente» fois, et duquel il peut produire des
lettres.
Ledit Decustreau partit au bout de quelques
jours pour Nenchâtel ; Thevenin avec lui Jeann^
raccompagnèrent jusqu'à Saint-Sulpice, au logis*
du Soleil, oi^ ils dipèrent. Après le départ dudit
Decustreau, ledit Thevenin demanda au déposait
«'il €oiiiiat9$ait kdit Oecostreau ^ il lui répond
^u'il le connaissait pour avoir logé chez lui. Cette
deu.andie dudit ïfaevenio ayant excité au dépo-
sant la ciu*io3ité dappreodre de lui pourquoi il
lui formiait cette question j ledit TheTenin lui ré-
pondit que c'était à cause d un écu de trois livres
(^11 avait prêté audit Decustreau sur la demande
quil lui en avait faite. Et enfin ledit sieur Jeannet
ajoute que pendant tout le temps que ledit The-
Vi^nin a resté chez lui, il ne lui a point parlé de
M» Rousseau, ni dit qu'il eût la moindre chose i
faire avec lui ; que ledit Thcvenin, lorsqu'il ar
riva dans ce pays, n^avait point de profesmon,
ayant dès lors appris celle de chamoiseur à Esta-
vayé-Ie-Lac.
' C Wt tout ce que ledit 'sieur Jeoxmet a déclaré
savoir sur cette affaire.
Enfin mondit sieur le lieutenant a contiaué à
dire quêtant nécessaire à M. Rousseau d avoir le
tout par écrit, pour lui aervir^en cas de besoÎB^il
demandait que par connaissance il lui fat adjugé;
oo'quiiuiaété.
. Connu et jugé par les sieurs Jacques Lambelet ,
dojten ^ et Jacob Perroud , tous deux justiciers du-
dit lieu; et par mondit sieur le maire ordonné aa
notaire soussignée greffier des Verrières^ de lui en
fam 1 expédition en cette fonne. Le jour prédit^
i^ septembre i;€r;
Far ordonnance. Signé JnAXJàQsupt,
miÉB 1768. 99
&43« A M. DE SAlin-GsRIUIll.
t
A Boixrgoio , le 1 3 noTembre 1 768.
BIardi, monsieur, vous n'êtes pas libre, ni
moi mercredi; le jendi même est douteux : reste
donc demain y lundi , pour ne pas aller trop loin.
Il me serait moins incommode,. il faut lavouer,
que TOUS me fissiez rfaonneur de yenir manger
mon potage; mais comme une soupe de cabaret
n est pas tropprésentable,etque jyperdrais l'hon-
neur de dîner avec madame de Saint-Germain , je
préfère , monsieur, de profiter de votre invitation ,
eu la priant de permettt^ que faille demain lui
demander i dîner. S'a faisait beau demain , sur
les dix heures, jlrais vous proposer une prome-
nade jusqu^â midi , à moins que vous ne la pré-
férassiez de nos cétés, où' il y a d'assez belles
prairies.
Ne craignez pas, monsieur, d'entendre de ma
part rierî qui vous puisse déplaire : je respecté trop
pour cela et vous et vos sentlmens; et les miens,
que je vois bien qui ne tous sont pas connus, en
sont moins éloignés que vous ne pensez. Mais ce
ilVst pas de cela qu'il s'agira.
Je sub bien sensible, monsiénrj à votre com-
plaisance; vo^us ne tarderez pas d^en connaîtra' fe
prix. Si j'avais trouvé plus tôt un coeur au^i^elle
nlcD psÂt s'ouvrir yj'attwsiQiMiiQrtd^ipoinsviy^s
augoisseSy et ma laisM «s^ei tirQuveFaii mîsiuu A
deinain donc, monsieur, puisque vous le yoiiles
bien. Permettez que je présente mon respect trè»*
humble à madame de Saint-Germain»
Kbvôv,
844' -^ A M, LE COMTE DE ToiVNERRE*
fioatgoin, le i6 navtaihtt iyGS,
MoifSIBUlL j
Pardon de mes importunités réitérées; mais je
ne puis me dispenser de vous envoyer encors
. l'imprimé ci-joint qu^on n a pu recouvrer plus
tôt (*)• Vous y verrez , M. le comte , que ceux qui
ont aposté le sieur Thevenin ont su choisir un
sujet déjà expérimenté dans le métier qu'Us lui
disaient faire.
Je ne puis penser , monsieur , que vous m ajez
pu croire dansPâme assez de bassesse pour vou-
loir me venger d un tel malheureux. Moi qui ja-
^mais n^ai fait, ni rendu, ni voulu le moindre mal
à personne , commenc^ais-je si tard et sur un pa*
reil personnage? Non, monsieur, je nai point
.désiré sa punition, mais sa confession, et cVst ce
que sa conviction devait u^aturellement produire,
si Ton en eût profité pour remonter à la source de
sçs menées. Mais c'est ce qui commence à desvenir
superflu; et sans que.V^utorité ni moi nous en
{*) CVtait un arrêt dû parkmeot de ^arît, du i o man i ^ 6 1 ,
^i tendamnalt T^eremn au carcao , a 6tre marqué , et m g^
Utm pour UDW Uf I pour inipocturM «t cotoeyiMf.
lySê. toi
uSlioiis en aiicane manière-, je pré?oU qtie kt
public ne tardera pas à savoir à quoi s^en tenir.
Permettez que je vous réitère ici mes action»
de grâce des bontés dont vous m'ayez honoré, é€
mes excuses de Tabus que j'en ai pu faire ; et daU
gnez , monsieur , agréer ^ je tous supplie , les assu*;
fsmces de mon respect*
P. 5. Je prends la liberté d'exiger, monsieur ,
que TOUS ne fassiez aucun usage de cet imprimé.
U est pour tous seul, et pour être brAlé après Fa^
Voir lu, à moins qçe vous n'aimiez mieux le gar-
der, mais de Êiçon qu'il ne puisse nuire i celui
qu'il concerne*
845. -r- A liL MotJLTOV.
BovigQÎii, la ai novumBre 1768e
Tai, mon ami, yotre lettre du i4* Je ne pui^
me détacher de Tidée d*aller vous emlwasser ef,
délibérer avec vous de ma destination ullérienre.
Je n^ai point encore de réponse de l'ambassadeur
d'Angleterre : il n'était pas à Paris quand je lui al
écrit; et jai appris dans Imtervaue qu'il avait
Honnête Walpole pour secrétaire d^ambassade •:
cette nouvelle a achevé de me déterminer. Je n'i-.
rai point en Angleterre : on me traitera comme
on voudra en France, mais je suis déterminé à y
rester. Je ne puis renoncer à lespérance qu'au
moins , pour Thonneur de l'hospitalité française ^
il s'y trouvera quelque coin oti Ton voudra bien
g.
toi CORRBSPOfrioiKGB,
me laisser mourir en repos. Si ce coin , cher MouI«
ton , en pouvait être un du château du Lavagnac ^
il me semble ^e sous les auspices de lamitié fha-
bitation m*en serait délicieuse. Malheureusement
j écris inutilement i M..le prince de Conti ] mes let-
tres ne lui parviennent point. D me répondait fort
exactement au commencement^ H ne me r^ond
plus : il ma fait dire qu'il ne recevait point de
mes nouvelles. Les négociations- intermédiaires
ont leurs inconvéniens. La g'nérosité de ce grand
prince m'a accoutumé à accepter* et non pas k
demander : je ne puis me résoudre à changei< de
méthode. Si Tami de M. Vencl, aui commande
dans le château, veut ^rire, à la bonne heure, je
lui en serai obligé; pour moi je n'écrirai pas. Mais
dites-moi, n^ a-t-U d^fus le pays aucune habita-
tion (jui pût me convenir que ce château? Le bon
' M. Venel ne pourrait-il pas me trouver un terrier
à Pézénasmôme, ou aux en virons? Pourvu que je
sois son voisin , que m'importe en quel lieu j'ha-
bite? Si nous étions dans une meilleure saison, si
le voyage était moins pénible, si j'avais plus de
fecilités pour le faire ^ je volerais près de vous;
mais mon transport et celui de tout mon attirail
de botanique est embarrassant. Je ne suis point ft
Eortéc dlci d^avoir des voitures. Il me &udrait un
on carrossin qui pût charger avec nous cinq ou
^ix n^alle^, ou caisses; il me âudrait un bon voi-
turier , qui notis conduisit Iiien et qui ftH honnête
liomme : j'ai pensé qu6 cela se pourrait trouver
où tons êtes ; et ^c vous pourridz être â pork'c
de faire pour moi ce marché, et c|e in envoyer la
voiture au temps convenu. Voyez. Ah! si vous
pouviez faire pins ! Mais madame Moultou y votre
santé , vos affaires ! et quand tout vous le permet
trait, je ne devrais pas le s<mf&ir. Quoi qull en
soit^ j'ai le plus grand dësb de me rendre auprès
de vous, et cela d^autant plus que j'ai quelques
lieu de croire qu'on m y verrait avec plus de plai-
«I qu'ici.
Jai reçu depuis peu, avec le reste de mes
plantes et bouquins, une lettre que M. de Gouan
m'écrivait à Trye : elle est de si vieille date que je
ne sais plus comment y répondre. U m^accusera
de iDaihonnéteté envers lui, moi qui voudrais tout
ihire pour obtenir sestnstractîons et sa corres-
pondance, et que ce désir anime encore k me
rendre à Montpellîer. SI votns le connaissez , si
vous le voyez, obtenez -moi, je vous prie, ses
f>oanes grâces, en attendant que je sois i portée
de les cultiver. Quel trésor vous m'annoncez dans
Ilierbier des plantes marines! Que je suis touché
delà générosité de votre digne parent! Elle xcf
f<7a,avrc celle du brave Dombey, une collection
complète, sortoiit si M. Gouan.veut bien y ajoi;^-
ter quelques finaginens de ses dernières dépouillds
des Pyiéaées. Que je vaia être riche! Je tms si
avare et sr en&nt que Je cœur m'en bat é^ piq.
Gaide^moî bîen prâci^uaoment-celMfinppféseftt,
ro4 co&ùWQsrftAAicB,
je vous prieVjusqu'à ce qu'il soit décî33 ^ Je loi
OU de moi ira jomdrê Faulre.
Jai été très-makde) Irâsr-agité de peine et de
fièvre ces temps derniers ; maintenant je sois tian-
?uille, mais très-&iBle. J*aime mieux cet état que
autre ; et j^aur4i peu de regret aux forces qui me
manquent s'il m.eii reste assez pour vous aller
voir. Adieu, cher Moultou; faites agréer à ma«
dame les hommages et respects de votre vieux ami
et de sa femme. Nous vous embrassons l'un el
Tautre de tout notre cœur.
846. — A M. DU Pbyrou.
BoDigoin , le 2 1 nOTemlve 1 768L
, Se vous remercie > mon cher h Ate y de l'arrêt de
Ihcvenin;, je Far envoyé à M. de Tonnerre^ avec
condition expresse, qui du reste n était pas fort
nécessaire à stipuler, de n'en &ire aucun usag»
qui pût nuire à ce malheureux. Votre supposition
qu'il a été la dupe d'un autre imposteur est abso-
lument incompatible avec ses propres dëclanb>
tiens, avec celles du cabaretier Jeannet , et avec
tout ce qui s'est passé; cependant si vous voules
absolument vous y tenir , soit. Vous dites que mes
ennemis ont trop d'esprit pour choisir une ca*
lomnie aus^i absurde : prenez garde qu'en leia
iaccofdant'tant d esprit vous ne leur en accordies
pas ^coré assez;. car leur JohjeX n'étant que de
.voir queUd^ioAteftanoe* jo tenfûs vis*4-vis d'oft
AimiB 1768. <io5
faux témoin ^ il est clair que plus l'accttsation
était absurde et ridicule^ jlns elle allait à leor
but : si ce but eût été de persuader le public^ vous
auriez raison j mais il était autre. On savait très-
bien que je me tirerab de cette afiaire ; mab on
roulait yoir comment je m'en tirerais; voilà tout.
On sait que Thevenin ne m^a pas prêté neuf
francs 9 peu importe; mais on sait qu'un impos-
teur peut m'embarrasser; c'est quelque cbose.
Vos maximes ) mon très-cber hôte^ sont très-
stoiqucs et très -belles , quoique un peu outrées ,
comme sont celles de Sénèque, et généralement
celles de tous ceux qui philosophent tranquille-
ment dans leur cabinet sur les malheurs dont ils
son t loin , et sur Topinion des hommes qui les ho-
nore. J'ai appris assurément à n'estimer l'opinion
d'autrui que ce qu'elle vaut, et je crois savoir du
moins aussi bien que vous de combien de choses
la paix de lame dédommage; mais que seule elle
tienne lieu de tout et rende seule heureux les in-
fortunés, voilà ce que j'avoue ne pouvoir ad-
mettre; ne pouvant, tant que je suis homme,*
compter totalement pour rien la voix de la na-
ture pâtissante et le cri de l'innocence avilie.
ToutefiMS, comme il nous importe toujours, et
surtout dans l'adversité, de tendre k cette impas-
sibilité sublinie k laquelle vous dites être parvenu',
|e tâcherai de profiter de vos sentences, et d'y
faire la réponse que fit l'architecte athénien k la
baiangue de l'autre ; Ce qiiil a dit, je le ferai:
«o8 eOUSSPOlfBAKCB f
mente ; je les aime , et il &ut que je les quitte ; me»
plantes ne m'amusent plus : je ne fais que chanter
des strophes du Tasse; il est étonnant quel charme
je trouve dans ce chant ayee ma pauvre voix cas*
sée et déjà trembiottante. Je me mis hier tout en
larmes, sans presque m^en apercevoir, en chantant
l'histoire d^Olinde et de Sophronie; si j'avais une
pauvre petite épinette pour soutenir un peu ma
voix &iblissante, je chanterais du matin jusqu^au
soir, n est impossible à ma mauvaise tête de re-
noncer aux chAteaux en Espagne. Le foin de la
cour du château de Lavagnac, une épinette, et
mon Tasse, voilà ce qui m^occupe aujonrdliui
malgré moi. Bonjour, monsieur : ma femme vous
salue de tout'Son cœur; j'en £iis de même; nom
vous aimons tous deux bien sincère^^ent
848. — A MADAioi LA pnisiuxirTE BB Ybkva^
Bourgoin, le % décembre 1 768.
Laissons à part, madame, je vous supplie, les
livres et leurs auteurs. Je suis si sensible à votre
obligeante invitation, que si ma santé me per-
mettait de Étire en cette saison des voyages de
plaisir, j'en ferais un bien volontiers pour aller
vous remercier. Ce qu^ vous avez la bonté de me
dire, madame, des étangs et des montagnes de
votre contrée, ajouterait à mon empressement ^
mais n'en serait pas la première cause. On dit que
la grotte de la 'Bsimfi est de vos côté^} c'est encore
on objet de promenade et m^me dlabiUtioD y si
je poayais mVn pratiqaer une dont les fourbes et
ks chaayes-sonris n^approchasseot pas. A l^égard
de Tétode des plantes, pennetles, madame, que
je la fasse en naturaliste , et aon pas en apothi-
caire : car, outre que je n'ai qu'une foi très-mé-
diocre à la médecine^ je connais l'organisation
des plantes sur la foi de la nature, qui ne ment
point, et je ne connais leurs ycrtus médicinales
que sur la foi des bonunes, qui sont menteurs. Je
ne sms pas d'humeur i les croire sur leur parole,
ni à portée de la yérifier» Ainsi, quant à moi,
faime cent fois mieux yoir dans l'émail des prés
des guirlandes pour les bergères que des herbes
pour les layemens. Puisse- je, madame, aussit&t
que le printemps ramènera la yerdnre, aUer faire
dans yos cantons des herborisations qui ne pour*
ront qu'être abondantes. et brillantes, si je juge
par les fleurs que répand yotre plume de celles
qui doiyent naître autour de yous. Ap'éez, ma-
dame, et fiâtes agréer à M. le président, je yous
supplie, ks assurances de tout mon respect.
Rekov.
1k>ùrgoiD,k la èkeaJaté 1768.
Toici, numsienr, une lettre à laquelle je yous
prie de youioir bien donner cours : elle est pour
H. Dayenport, qui m'a écrit trop honnêtement
1 10 CORRESPONDANCE ,
pour que je puisse me dispenser de lui donner
avis que j'ai changé de résolution. J espère que
ma précédente ayec Tincluse vous sera bien par-
venue j et j'en attends la réponse a/u premier jour.
Je suis assez content de mon état présent ; je passe
entre mon Tasse et mon herbier des heures assez
rapides pour me faire sentir combien il est ridi-
cule de donner tant d'importance à une existence
aussi fugitive : j'attends sans impatience queuta
mienne soit fixée; elle lest par tout ce qui dé-
pendait de moi; le reste, qui devient tous les
jours moindre, est à la merci dss la nature et des
hommes ; ce n'est plus la peine de le leur dispu-
ter, f aimerais assez à passer ce reste dans la grotte
de la Balme, si les chauves-souris ne Tempuan-
tissaient pas : il faudra que nous Fallions voir en-
semble quand vous passerez par ici. Je vous em-
brasse de tout mon cœur.
85o. — . A M. MoULTOV.
Quoi! monsieur, c'est k M. Q t quW
s'est adressé; c'est à lui quont été envoyés lc5
extraits des lettres que je Vousnavàîs écrites dans
la confidence de Famitié, et ce serait sous les aus*
pices de lliommequi m'a chassé du château de
Trjré , malgré son maitre , que jlrais habiter celui
de Lavagnac. Vraiment, mon ami, vous avez
'opéré li de belles choses? Mais ti*es parlons plus;
AinréE X768. m
ce n'est pas votre faute : vous ne saviez nf ce qu'é-
tait M. Q t^niceipi'étail M. M x; mais
vous ne deviez pas, me semble, être si Êicile-é
donner les extraits des lettres de votre ami Le
plus grand mal de tout ceci est que j^ai trouvé de
mon côté le moyen d'écrire au prince et de lui
faire passer ma lettre. Si son altesse agrée que
j'aille à LavagnaCy comment ferai-je po|ir m'en
dédire, après le lui avoir demandai? ou à quelle
destinée dois- je m'attendre si j ose aller me livner
i des gens sur qui Q t a de linfluence ? Ce
qu'il y a de sûr est qu'il n'y a rien 4 quai je ne
m expose' plutôt qu'à la disgrâce du prince, et
surtout à la mériter : ainsi, s^il approuveque j'aille
à Lavagnac, je suis déterminé à m'y rendre à tout
risque, quoique assurément le destin qu'on m'y
prépare ne puisse être pire que celui auquel je
maltends. Mais que j^écrive à M, Q 1, moil
non, mon ami, le riche Dauphinob et le célèbre
Genevois ne sont point faits pour s'écrire l'un à
lautre, et ne s'écriront jamais, je vous en ré»
ponds»
Je suis vivement touché du zèle et des bontés
de M. Vencl : je ne lui écris pa$, parce qu'il m'est
très -pénible d'écrire ^ mais j'ai le cœur plein
de lui : si j'a'Ilais à Lavagnac^ lavantage d'être
auprès de lui me pourrait consoler et dédomma-
ger de beaucoup de choses; mnis je vous avoue
que l'idée d'être au pouvoir du sieur Q t me
&it Ërémir. Ce qu'il y a de bizarre est que }c ne
connais point du tout cet homme-fà, que jle n ai
jamais eu nulle affaire avec loi , nulle sorte de
liaison, que je ne Tal même jamiais vu que je sa-
che. II me hait, comme tou5* mes autres ennemis^
sans avoir à se plaindre de moi en aucune sorte ,
et uniquement parce qu'ils ont tous des cœurs
&its pour goûter un plaisir sensible à haïr et
tourmenter les infortunés. Au reste, vous vous
doutez bien qu un courtisan aussi délié que
M. Q.......t se garde bien d'avouer sa haine : il
suit encore en cela les mêmes erremens des autres;
et, pour mieux servir sa haine, 11 a grand soin de
la cacher.
Je vous renvoie ci>jointe la lettre de votre ami ,
fen suis pénétré : si je dépendais de mol, je ne
tarderais guère à aHer lui demander ses dkections
et profiter de ses soins généreux : il ne dépendra
même pas de moi que cela n'arrive; mais( ceux
qui disposent de moi règlent ma marche comme
Dieu celle de îa mer, Procèdes hùc, et non ibis
ampliàs. Adieu, cher Monltoa : je ne sais ce qull
arrivera de moi. Je vois que je soupire en valu
après le repos qu'on ne veut pas m'accorder; mais
ce iqu*on ne m^ôtera pas du moins, quoi qu'il ar-
arrive , c'est le plaisir dé vous aimer jusqu'il mon
dernier soupir. . . ,.
Je vois, par te qtte monsieur votre ami vous
dit de son herbier, et de cfe qu'il se propose d!j
joindre, que ^e n'est pas tmit-à*fait'ce que j'avais
imaginé sur votre expression: Vous m'aviez an-
ÀlfïïÊB 1768. H 5
Doncé des fjantes mai4ned t tes plantes mariaes
sont des fucus qui irioni^nt dans la mer; et je-pré-
smne par sa lettre que ce sont seulement des
plantes maritimes qui Tiennent sur les rivages;
c'est autre chose : mais n'importe, l'un ou l'autre
jn-éseat me sera toujours très-précieux.
Je vois que madame Moultou a été malade :
vous ne m*en aviez rien dit; vous aviez tort : la*
mitié est un sentiment si doux quelle donne même
une sorte de plaisir à partager les peines de iios
amis j et vous mWez rayi ce plaisir-là. Il est vrai
que )e lui préfère celui de partager maintenant
votre ioie*Miile respects de ma part et de celle de
ma femme à votre chère convalescente , et prenez-
en votre part.
"SSi* — A, SL mi Pbtrou.
BoQxgoîii, k 29 déoefaibie 1768;
Ce que vous me marquez de la fin de vosbrouil-
lerîes avec la cour me £iit grand plaisir; et j'en
angnre que vous pourrez encore vivre agréable-
ment où vous êtes , et où vous êtes retenu par des
liens d^attachement qu'il n'est pas dans vot^
oorar de rompre aisément. Il mç semMequele rçi
(e conduit réellement en très-grand roi^ loFsja'il
vent premièrement être le maître, et puis être
faste. Vous penserez qu'il serait {^ gra&det plus
beau de vouloir transposer cet ordre : ceb peut
étrej mais cela- est âu-d^ssus de l'humsaiité, et
II.
1 1 6 COMLES MMAKCfB ,
France est si barbare ericore en botanique, qu'on
n'y trouve presque aucun livre de cette science;
et fai ëtë obligé de faire venir â grands frais de
Hollande et d^Âugleterre le peu que j'en ai; en«
core ai-je cherche partout ceux de Ôusius sans-
pouvoir les trouver.
Voilà bien du bavardage sur la botanique, dont
je vois, avec grand regret, que vous avez tout-â-
fiiit pendu le goût. Cependant, puisque vous aver
un peu fêté mon apocjn, far grande envie de
vous envoyer quelques graines de Tarbre de soie et
de la pomme de cauelle, quW m'a dernièrement
apportées des iles. Quand vous commencerez à
meubler votre jardin , je suis jaloux d^ contribuer.
Bonjour, mon cher hâte; nous vous embrassons
et vous ^uons Tun et lautre de tout notre oœur.
85a.- — ▲ M. Lalluiid.
Bourgoin, le 19 décmùat 1768.^
Paotue garçon, pauvre Sauttersheim ! Trop
occupé de moi durant ma détresse, je lavais on
peu perdu de vue; mais il n^était point sorti de
mon cœur , et j'y avais nourri le désir secret de me
rapprocher de lui, si jamais je trouvais quelque
intervalle de repos entre les malheurs et ht mort*
C était rhomme qu'il me fallait pour me fermer
les yeux ; son caractère était doux , sa société était
simple, rien de la pré tîntaille française; encoiB
plus de sens que d'esprit; uâ ^dût sain , formé pav
h boDté de son cœnr, des talens assez Jpour parer
one solitude , et un naturel fait pour l'aimer- avec
un ami : c'était mon homme; la Providence me Ta
bté'y les hommes m'ont Até la jouissance de tout
ce qui dépendait deux; ils me yeudeut jusqu à (a
petite mesure d'ahr <ju*ils permettent que je res-
pire : Il ne m« restait qu'une espérance illusoire,
ii ne mVn reste plus du tout. Sans doute le ciel
me troure digde de tirer de moi seul toutes mes
ressources, puisque ne m*en reste plus aucune
autre. Je sens que h perfe de ce pauvre garçon
m'affecte plus S proportion qu'aucun de mes au-
tres malheurs, it fellait qu^ y eût une ^jmpatiiie
bien forte entre lui et moi , puisque , ayant déjà
appris i me mettre en garde contre les empressés^,
je le reçus â bras ouverts sitôt qu il se présenta,
et dès les premiers jours de notre liaison, elle fut
intime. Je me souviens que , dans ce même temps ,
ou m'écrivit de Genève que cétait ïm espion
aposté pour tâcher de m'àRîrer en France , où l'on
voulait, disait la lettré, me faire un mauviiis parti.
LÀ-dessus je proposai à SauCtersheim un voyage à
Pentarlier, sans lui parler de ma lettre : il y Con-
sent; nous partons. En arrivant k Pontarlicr, je
Fembrasse avec transport , et puis je lui montre la
lettre ': il la lit sans s'émouvbir; nous nous em-
brassons derechef, et nbs larmes coulent. J en
rerse derechef en me î^ppelant ce délicieux m^
flnent« Jaî feit avec lui plusieurs petite voyages
pédestres; je comiaenÇais d'herboriser 2 ^ pre^^^^
130 CCttUSPONDANCB,
TOUS pourriez me rendre, celui de me pourvoir
d^uae épinette doit être laissé pour le dernier. 11
est vrai que vous me voyez déjà trancpiille au châ-
teau de Lavagnac. Ah] mou cher monsieur Lai-
liaud, cela me prouve que vous avez la vue plus
longue que moi. Bonjour, monsieur > nous vous
saluons tous deux de tout notre cœur. Je vous
donne l'exemple de finir sans complimens j vous
ferez bien de le suivre^
853. — A M. MovLTou.
Bburgoiii, k So décembre 1768.
J'attendais, cher Moultou, pour répondre 1
votre dernière lettre, d'avoir reçu les ordres q[ue
M. le prince de Conti mWait fait annoncer en-
suite de Papprobation qu'il a donnée au projet de
ma retraite à Lavagnac; mais ces ordres ne sont
poin t encore venus^ et je crains qu'ils ne viennent
pas sitôt; car son altesse m!a fait prévenir qull
fallait , avant de m^écrire , qu'elle prît pour ce pro-
jet des arrangemens semblables à ceux qu elle ^
cru à propos de prendre pour mon yoy^e enDau-
phiné l'ces arrangemens dépendent 4e faccorJ
de personnes qui ne se rencontrent pas souyent;^
et' quelle que soit la générosité de cœur de ce
grand prince, de quelque extrême bonté quH
m'honore, vous sentez qu'il d'est pas ni ne saurait
être occupé de moi seul ; et ]à chose du monde qm
£at,le mieux son. éWe est qu'il ne.se soit pas fgfr
AKn££ Ï768. lïf
tore eannyé'de tous les soins c[u« je lui ai coAtés.
Jattepcis donc sans inipallence^ inais en atten*
dant; ma situation devient, à tous égards, pluf
Gritk{ae de jour en jour; et Tair marécageux et
Teau de Bourgoia m'ont £iit contracter depuis^
cpelqae temps une maladie singulière dont, do
manière ou d autre , il Êiut tâcher de me délivrer :
cVst an gonflement d'estomac très^considérabie
et sensible même au dehors , qui m'oppresse , m'<P
touffe, et me gène au point de ne pouvoir plus
me baisser y et il &ut que ma pauvre femme ait la
peine de me mettre mes souliers, ete. Je croyais
d'abord d'engraisser, mai^ \a graisse n'étouffe pas ;
)e n engraisse que de Testomac, et le reste est tout
aussi maigre qu à l'ordinaire. Cette incommodité,
qui croît à vue d'œil, me détermine à tâcher de
sortir de ce mauvais pays le plus tôt qu'il me serar
possible. En attendant que le prince ait jugé à
propos de disposer de moi, il y a dans ce pays , à
demiJieue de la ville, une maison à mi-c6te,
agréable, bien située , oii Feau et Fair sont très*
bons et ob le propriétaire veut bien me céder uiï
petit logement que j'ai dessein d'occuper. La maif
son est seule, loin de tout village, et inhabitée'
dans cette saison. J'y serai seul avec ma femme et
une servante qn^on y tient : voilà une belle ocea-^-
àon , pour ceux qui disposent de moi , de se déli'-'
vrer du soin de ma garde , et de me délivrer , 0101 ,
des misères de cette Vie. Cette idée ne me dér
loume ni tie me détermine ; je compte aller lA
dans-^èlctues iours, à la merci des hommes el I
la garde de la Proyidence. En attendant <juc je
sache sHl m est permis d'aller vous joindre, ou si
je dois rester dans ce pays (car je sais déterminé
î ne prendre aucun parti sans l'aveu du prince,
parce que ma confiance est égale A ma reconnais-
sance, et c'est tout dire), cher Moulton, adieu : je
ne sais ni dans quel temps ni à quelle occasion je
ce^rai de vous écrire; mais, tant ^e je vivrai^
je ne cesserai de vous aimer^
854^ A MADAME LaTOVE^
A Bonrgoin , le 3 janviar 1 760.
Ceux qui ont hesoin qu'un homme dans mon
état leur rappelle son existeiice sent indignes qu'il
les en fasse souvenir. Je savais^ chère Marianne^
que vous n^étiez pas de ce nombre; j*attendais de
vos nouvelles , et j'étais sûr d'en recevoir, mais ma
situation ne me permettait pas de vous en deman»
di^r. Mon cœur ne peut cesser djSti;^ plein de vous;
J0 vous chérissais par toutes ks qualités aimables
Îuo vous m'avez montrées; mais un seul service
e véritable amitié m'imprimera toujours un sen-
timent plus fort que tout autre attachement, un
sentiment que Tabsence ni le temps ne peuvent
prescrire; et, soit qull me reste peu ou beaucoup
de temps à vivre, vous me serez aussi re^pectabU
que chère jusqu'à mon dernier soupnr.
D<7pnis quelques iours je ne puis, plus écrîjre
fins Beaucoup souffrir, et bientôt, s! inoa* cUt
empire , je ùc le pourrai plus du tout. Un mal des •
tomac, accompagné d enflure et dëtouf&ment,
ne me permet plus de me baisser : toute autre at-
titude que celle de me tenir droit rae sufibque, et
il y a déjà long-temps que je ne jmis mettre moi-
même mes souliers. Je veux attribuer ce mal ex-
traordinaire à l'air et à Teau du pa^-s marécageux
que j'habite; si je m'en tire, je vous récrirai; si
j^y succombe, Marianne, honorez la mémoire de
votre ami, et soyer sûre quil a vécu et qufl
mourra digne des sentlmensqne vous lui avez té-
moignés.
855. — A. M. Bbavchatbao.
Bouifoin , k 9 )«iivier 1 769.
Hier , monsieur, je reçus , par le canal du sienr
Sny^ libraire â Paris ^ avec des Etrennes mi-
gnonnes, votre lettre du 7 septembre 1768.
Mes ennemis ont toujours parlé; mes amis, à
fen ai , se sont toujours tus : los uns et les autn*s
peuvent continuer de même. Je ne désire point
quon me loqe, encore moins qu'on me justifie,
«rapproche d un séjour où les in justicesdes hommes
ne pénètrent pas. La seule chose que je désire, en
les quittant, est de les laisser toXis heureux et en
paix. Adieu 2 monsieur.
856. — . A M. DU Peyrou.
làoor|oin, le la janvier 1769.
Pi:rm£TTe2 , mon cher hôte , que , danfi l'impos-
sihilité où me met un grand mal d'estomac, ac-
.compagne d'enflure, d^étouffement et de fièvre,
d'écrire moinnéme, j'emprunte le secours d'une
autre main pour vous marquer combien je suis
touché de la continuation de vos alarmes sur le
triste état de madame la commandante. Je vous
.avoue que depuis que j 'eus 1 honneur de la voir un
peu de suite à Crcssier, je jugeai sur plusieurs si-
gnesqueson sang, très-saind'ailleurs, tenait d^unc
biuneur scorbutique, et vous savez que c'est un
des effets du scorbut de rendre les os très-fragîlcs ;
mais en même temps cette humeur surabondante
rend les calus très-faciles à fonn^. Ainsi lé re-
mède, à quelque égard ^ suit le mal) il n'y a que
des mouvemens bien lians, bien doux, tels qu'elle
sera forcée de les faire , qui puissent prévenîrparcils
.accidens à l'avenir. Son état forcé sera presque ce-
lui où elle serait obligée de se tenir volontairement
i Favenir, pourprévenir d^autres fractures, quand
même elle n'en aurait point eu jusqu'ici. Le mien ,
mon cher hôte, medispensede tant de prévoyance,
ict je crois que la nature ou les hommes me laissent
voir de plus près le repos auquel j'avais inutile-
ment aspiré jusqu^ici. Accoutumé à l'air subtil des
moulagues, je puis juger que l'air marécageux du
pays que jf habite, et les manyaises eaux que lon
est forcé dy baire, ont contribué à me mettra
dans cet état. Si j^avais eu plus de force et de
moyens, que ma santé fût moins désespérée ^ je
tâcherais d'aller travailler à la rétal>lir dans quel«
que habitation plus convenable à mon tempéra*
meut. Mais le mal me parait sans remède ; je suis
très-faible, cest une grande fatigue pour moi de
me transplanter; ainsi j'ignore encore si j'en aurai
loccasion, le courage, et si j^y serai à temps. S'il
arrivait que je fusse privé du plaisir de vous écrire
davantage, vous pourrez toujours avoir des nou-*
velles de ma femme et lui donner des vôtres ,
comme j'espère que vous voudrez bien Êiire, pac.
ia voie de Lyon.
Quant à ce qui est entre vos mains , et qui peut
4tre complété par ce qui est dans celles de la damei
à la marmelade de fleur d'orange, je vous laissa
absolument le maître d'en disposer après moi dq
la manière qui vous paraîtra la plus favorable aux
intérêts de ma veuve, à ceux de ma filleule^ et k
fhonneur de ma mémoire.
Il n'y a pas d'apparence, mon cher hôte, qu'il
soit désormais beaucoup question de botanique d
aiu^ vos plantes des Alpes et le livre que vous
vouliez joindre ne seront probablement plus
saison quand même je resterais comme je suis, ce
qui me parait impossible, puisque je ne Stiuraia
actuellement me baisser ni mettre mes souliem
loai-mémcî oe qui n'est pas une bonne dispositiosi
II.
laS C0RRB$P05DAirCE ,
néiée imi^iiement de mes maux, plus snppor*
tables pour moi qu elle.
Voici, monsieur, une lettre-de-change de dii
ibrres sterling sur l'Angleterre, que je^vous prie
de tâcher de négocier, ou d'envoyer à Londres;
elle sera payée sur-le-cbamp : cest une petite
tente viagère que j^ai reçue en paiement de mes
livres, que je vendis à Londres pour n^avoir plus
à les traîner après moi depuis qu'ils m^étaient de-
venus inutiles.
Mon cher monsieur Lalliaud, plaignaz^noi eC
pardonnez-moi. Je ne puis plus écrire sans souf-
frir beaucoup et sans aggraver mtfn mal; et/^ur
surcroit, je n'ai affaire qu'à des gens exigeans,
qui s embarrassent très-peu de mon état, et ma
comptent leurs lignes sur les pages qu'ils exigent
de moi. Vous n'êtes pas de même; aussi touta
mon attente est en vous. Je ne vous écrirai que
pour choses nécessaires et très en bref. Ne comp-
ilez pcis rigoureusement avec votre serviteur, je
vous en conjure, et donnez-moi la consolation
d'apprendre de temps en temps que vous ne m'otn
bliez pas. Je vous embrasse de tout mon oœur, ei
ma femme vous salue.
858. — A IVl DU Peykou.
'A Boorgoin, le i8 jairrîcr 176^
Txmxmsy mon cher h6te, par le plus singu-
lior hasard, qu'on a imprime à Lausanne on des
chidbns qui sont entre vos mains , sur cette qnes*
tion : Quelle est la première vertu du héros?
Vous croyez bien que }c comprends qu'il s agit
dW yol; mais comment ce vol a-t-il.été iait^ et
par qui?... Vous qui êtes si soigneux, et surtout
des dépôts d*autrui ! J ai des engagemens qui ren-
dent de pareils larcius de très-grande couséquence
pour moi. Comment donc ne m'avez -vous point
du moins averti de cette impression? De grâce,
mon cher bote, tâcher, de remonter à la source^
de savoir couinent et par qui ce torche-cul a été
imprimé. Je vis dans L sécurité la plus profonde
sur Les papiers qui sont entre vos mains ^ si vous
soufliez que je perde cette sécurité, que devien-
drai-je? Mettez -vous à ma place ^ et pardonnez:
limportanité.
J'ai cm mourir cette nuit ; le jour je suis moin^
mal. Ce qui me console est que de semblable^
nutts ne sauraient se multiplier beaucoup. Ma»
femme; qui a été fort mal aussi, se trouve mieux.
Je me prépare à déloger, pour aller, dans le séjour
élevé qui m^est destiné, chercher un air plus pue
que cslui quW respire dans ces vallées.
Je suis très-inquiet de Tétat de madame la
commandante, et par conséquent du vôtre. Mon
cher hôte, donnez-moi, je vous prie, deg nou-
velles de tous deux le plus tôt que vous pourrez.
Je voue embrasse.
tSo CMtKESPOimAVCE.
S5 N — à, M. Lallixud.
*^
MoD^in, lé 4 féTrier 1769.
Pi.! reçu, oMHisieur, vos deux dernières let*
Ires , et, avec la première , la rescription que vous
avez eu la boaté de m'envoyer, et dont je voos
remercie.
Quoi! moDsifhur, le barbouillage académique
'mprimé à Lausaone Pavait aussi éié à Pari5!....el
cest M. Fréron qui en est l'éditt^ur (*)!-... Le
temps de l'impression, le choix de la pièce, Ia
moindre et la plus j^ate de tout ce que j'ai laissé
en manuscrit , tout m^pprend par quelles espèces
de main et à quelle intention cet écrit a été publié.
L édition de Lausanne ^ si elle existe , aura proba-
blement été fiiitè sur celle de P^ris; mais le si-
lence de M. du Peyrou me fait douter de celte se-
conde édition, dont la nouvelle m'a été donnée
d assez loin pour qu^n ait pu confondre; et de
pareils chiffons ne sont guère de ceux qu on inip
prime deux fois. Vous avez pris le vrai moyen
daller, s'il est possible, à la source du vol par
Vexamen du manuscrit : cela vaut mieux qu'une
lettre imprimée, qui ne ferait que faire aouveuir
de moi le public et mes ennemis, dont je cherche
^'■' ■■'■ ■ ■ I ■ ■
(*) En effet. Fcéroii «Tait publié Iq dûcour* dont il t^M^'
dftotjon Année littéraire ^ tome VII^ 1 768. Il est précécié d'une
lettre d'envoi que lui adr>jaae un anonyme, et le journaliste n'^
• ajouté aucune rèflenon»
AJfViE 1769* l3rC
à être ouUié, et sur laquelle les coupables n'iront
sûrement pas se déclarer. Vous m^appreuez aussi
qu'on a imprimé un nouveau volume de mes
écrits vrais ou Êtux. C'est ainsi qn^on me dissèque
de mon vivant, ou plutôt qu'on dissèque un autre
corps sous mon nom. Car quelle part ai- je au re-
cueil dont vous me parlez, si ce n'est deux ou
trois lettres de moi qui y sont insérées^ et sur les-
quelles, pour £iire croire que le recueil entier en
était , on a en l'impudence de le faire imprimer A
Londres sous mon nom, tandis que j'étais en Ân*
gleteire, en supprimant la première édition de
Lausanne &ite sous les yeux de l'auteur? J'entre-
vois que Timpression du chiffon académique tient
encore 4 quelque manœuvre souterraine de même
acabit Vous m avez écrit quelquefois que je fai
sais du noir; l'expression n'est pas juste; ce nest
pas moi, monsieur, qui fais du noir, mais c'est
moi quW en barbouille* Patience; ils ont beau
vouloir écarter le vivier deau claire, il se tro»-
Fera quand je ne serai plus en lenr pouvoir, et au
moment qu'ils y jpenscront le moinr» Aussi qu'ils
fassent désormais à leur aise, je les mets au pis.
J attends sans alarmes Fexplosiou qu'ils comptent
faire apris ma mort sur ma mémoire ,l^cpiblable3
aux vils corbeaux qui s acharnent sur les cada-
vres. C'est alors qu'ils croiront n^avoir plus A
craindre le trait de lumière qui, de mon vivant,
ne -cesse de les Êiire trembler, et c'est alors que
l'on connaîtra peut-être le nrix de ma patience et
8 3d GOBKCSPONDAKCE j
de mon silence. Quoi qu'il en sbît, en quittant
Bourgoin j'ai quitté tous les soucis qui m'en ont
rendu le séjour aussi déplaisant que nuisible. L'é^
tat oii je suis a plus £iit pour ma tranquillité que
les leçons de la philosophie et de la raison. J'ai
vécu, monsieur; je suis content de l'emploi de ma
vie ; et du même œil que j'en vois les restes , je vois
aussi les événcmens qui les peuvent remplir. Je re-
nonce donc A savoir désormais rien de ce qui se
dit y de ce qui se iait^ de ce qui se passe par rapport
à moi : vous avez eu la discrétion de ne m eu ja-
mais rien dire. Je vous conjure de continuer. Je
ne me refuse pas aui soins que votre amitié, votre
équité, peuvent vous inspirer pour la vérité,
pour moi dans Poccasion, parce que, après les
sentimens que vous professez envers moi, ce se*
fait vous manquer à vous-même. Mais dans I état
où sont les choses , et dans le train que je leur
vois prendre, je ne veux plus m'occuper de rien
qui më rappelle hoi;^ de moi, de rien qui puisse
ôter à mon esprit la même tranquillité dont jouit
ma conscience.
Je vous écris, sans y penser, de longues lettres
qui font grand bien à mon cœur, et grand mh\ i
mon estomac. Je remets à xme autre fois le détail
de mon habitation. Madame Renou vous remer-
cie et vous salue: et moi, mon cher monsieur^ je
vous embrasse de tout mon coeur.
1765. IÎ3
Moii9iiis, le i4 iérxia 1769%
Je sois déloge, cW Moultou; j ai quitté Vaif
marécageux dç Bourgoin pour venir occuper sur
la haateur une maisofî^ vide et solitaire que la
dame à qui elle appartient m'a oâerte depuis long-
temps, et oh j*ai été reçu wec une hospitalité
très-noble, mais trop bien pour me &ire oublier
que 3e ne suis pas chez moi. Ayant pris ce parti^
Tétat où je suis ne me laisse plus penser à une
autre habitation; Hionnétetéméme ne me per-
mettrait pas de quitter si proonptement celle -ci
après avoir consenti quW l'arrangeât pour moi.
Ma situation, la nécessité, mon goàt, tout me
porte à borner mes désirs et mes soins à finir dans
eette sditude des jours dont, grâce au ciel, et
quoi que tous en puissiez dire j je ne crois pas le
terme biefi éloigné. Accablé des maux de la vie el
de l'injustice des honunes, f approche avec joie
d'un séjour où tout cela ne pénètre point; et en
attendant je ne veux plus m'occuper, si je puis,
qu'à me rapprocher de. moi-même, et à goûter ici
entre la comj[>agne de mes infortunes^ et mon
cœur^ et Dieu qid le voit^ quelques heures de
doiiceiir et de paix^ en attendant la demièpe»
Ainsi, mon bon aitii^ piaiies-moi de votre amitié
pour mbi, elle jne sera ioujours chère; mais ne
me p^^ez plus de projets, il n'en est pins pour
Correspondance* 5* ■ 1%
L
|34 CORRlSPOICDAirCE ,
moi d'autre en ce monde que celui d'en sortir
ivëc la même innocence que fy ai vécu.
^ Tai vu, mon ami,.dans quelques-unes de vos
lettres, notamment dans la dernière, que le tor-
rent de la mode vous gngne , et que vous commen-
cez à vaciller dans des sentimens où je vous
croyais inébranlable. Âhl cber ami, comment
avez-vous (ait? Vous en qui j'ai toujours cru voir
un cœur si sain, une âme si forte, cessez -vous
donc d'être 'content de vous-même? et le témoin
secret de vos sentimens commencerait- il à tous
devenir importun? Je sais que la foi n'est pas in«
dLspensable, que l'incrédulité sincère n'est point
un crime, et qu'on sera jugé sur ce qu'on aura
fait, et non sur ce qu'on aura cru; mais ^irenes
garde, je vous conjure, d'être bien de bonne foi
avec vous-même; car il est très^diflËrent de n'a-
voir pas cru ou de n'avoir pas voulu cnnre; et je
puis concevoir comment celui qui n'a jamais cru
ne croira jamais, mais non comment celui qui a
cru peut cesser de croire. Encore un coup, ce qne
je vous démande n'est pas tant la foi que la bonne
foL Voillez-vous rejeter l'intelligence universelle?
les causes finales vous crèvent les yeux* Voulez-
vous étouffer rinstînct moral? la voix interne s'é-
lève dans votre coeur, y foudroie les petits argn-
meus è la nkode, et tous crie qu'il n'est pas vrai ir^
que Thonnête homme et le scélérat^ le vice et la ^^
vertu, ne soient rien ; car vous êtes trop bon rat*
fonnenr pour ne pas voir à Imstâmt qu'en reîet^ol l $
AVH^B 1766. tSS
la cause première et le mouyemeiit,oii Ate toute
noralité à la yie humaine. Eh quoi, mon Dieu! le
juste infortuné en proie & tous les maux de cette
rie, sans en excepter même l'opprobre et le dés*
honneur, n'aurait nul dédommagement à atten-
dre après elle, et mourrait en bête après avoir
vécu en Dieu? Non, non , Moultouj Jésus que ce
siècle a méconnu, parce quîl est indigne de le
connaître; Jésus qui mourut pour avoir voulu
&ire un peuple illustre et vertueux de ses vils
compatriotes , le sublime Jésus ne mourut point
tout entier sur la cioix; et moi qui ne suis qu'un
chétif homme plein de faiblesses, mais qui me
sens un cœur dont un sentiment coupable n ap
procha jamais, c'en est assez pour qu'en sentant
approcher la dissolution de mon corps, je sente
en même temps la certitude de vivre. La nature
entière m'en est garante. Elle n est pas contradic-
toire avec elle-même; j'y vois régner un ordre phy-
sique admirable et qui ne se dément jamais.
L'oixlre moral y doit correspondre. II fut pourtant
renversé pour moi durant ma vie; il va donc
commencer à ma mort. Pardon , mon ami , je sens
que je rabâche; mais mon coeur, plein pour moi
d'espoir et de confiance, et pour vous d'intérêt
et d'attachement , ne pouvait se refuser à ce court
épanchement.
P. S. Je ne songe plus à Lavagnac, et proba-
blement mes voyages sont finis. J'ai pourtant reça
T 36 coraespondance ,
âerniërement une lettre du patron de la case^
aussi pleine de bonté et d amitié qu il m en ait ja-
mais écrit, et qui donne son approi>ation à une
autre proposition qui m avait été faites mais tou^
jours projeter ne me convient plus. Je veux jouir
entre la nature et moi du peu de jours qui me res-
tent ^ san9 plus me laisser promener, si je puis^
parmi les hommes qui mWt si mal traité et plus-
mal connUr^Quoique je ne puisse plus me baisser
pour herboriser, je ne puis renoncer aux pdautos^
jd les observe avec plus de pkisir que jamais. Je
ne vous dis point de m'envoyer les vôtres , parce
que j'espère que vous les apporterez. : ce moment ,
cher MouUou, me sera bien doux. Adieu, je vous
embrasse f partagez tous les senti meus de mon
cœur avec votre digne moitié, et recevez Tun et.
Fautre les respects de la mienne. Elle va rester k,
plaindre. C'est bien malgré elle, c est bien malgré
nous qu'elle et moi n avoués pu remplir de grands^
devoirs; mais elle en a rempli de bien respectaUes.
Que de choses qui devraient être sues vont être
ensevelies avec moi! et combien mes cruels enne-
mis tireront d'avantages de l'impossibilité oii ils^
m'ont mis de parler-
86i. — 'A M. Lalliaud.
A MonqniD , le a8 fiSvridr 1 7691
Je ne connais point M. de La Sale ; je sais seu-
lentenf que c'est un fabricant de hyon. U aoconi/t
kmis 1769, i37
pagaa cet automne le fils de madame. Boy de. La
Tour, mon amie , qui vint me voir ici. Me voyant
logé si tristement et dans un si mauvais air, il me
proposa une habitation en Dombes; je ne dis ni
oui ni non. Cet hiver, me voyant dépérir, il est
revenu à la charge; j ai refusé; il m'a pressé. Faute
d^autres bonnes raisons à lui dire , je lui ai déckiré
que je ne pouvais sortir de cette province sans Ta-
grément de M. le prince de Oonti. Il m'a pressé de
lui permettre de demander cet agrément*^ je ne
m'y suis pas opposé : voilà tout.
J'apprends, fut le plus grand hasard du monde ,
qu'on vient d'imprimer à Lausanne un. ancien
chiflfon de ma façons C'est un discours sur une
question proposée, en 1761 ,parM. Curzay, tan-
dis quil était en Corse. Quand il fut fait, je le
trouvai si mauvais, que je ne voulus ni l'envoyer
n! le faire imprimer. Je leremis , avec tout ce que
''fa vais en manuscrit, à M. du Peyrou, avant mqn
départ pour T Angleterre. Je ne l'ai pas revu de-
puis, et je n-y ai pas même pensé. Je ne puis me
rappeler avec certitude si ce barbouillage est ou
nVst point un des manuscrits inlisibles que M. du
Peyrou m envoya* à Wootton pour les transcrii?e ;
et que je lui renvoyai , copie et brouillon , par sou
ami M. de Ccrjat chez lequel , ou durant le trans-
port, le vol aura pu se faire; ce qu'il y a de sûr,
c'est que jen ai aucune part à cette impression y et
que si j'eusse été assez insensé pour vouloir mettre
encore quelque chose sons la presse, ce n'est pas
1 38 coMESPovDAircnB ^
un pareil' torche-col que j aurais choisi. JlgaoM
comment il est passé sous la presse; mais )e crob
M. du Peyrou par&itemeDt incapable d'une pa-
reille infidélité. En ce qui me regarde^yoîlà la vé-
rité, et il importe que cette vérité soit co&iiue.
Je vous embrasse et vous salue, mon cher moo-
sieur, de tout mon cœur.
86:^. -rr-' A M. ou Pbykou.
Monquin, le 28 février i769i.
Jb suis sur la montagne, mon obor bdte, oùmon
nouvel établissement et mon estomac me rendent
pénible d'eaire, sans quoi je n^aurais pas attendu
si long-temps à vous demander de fréquentes
nouvelles de madame la commandante, jùsqui
lentière guérison dont, sur votro pénultième let-
■ tre , Fespoir se joint au désir. Pour moi , mon état
^n'est pae empiré depuis que je suis ici; mais je
' sottifre toujours beaucoup. J^ai eu tort de ne vous
pas marquer le n' tahlissemcnt de madame Renou ,
qui n'a tenu le lit que peu de jours; mab imagi-
nez ce que c était que d être tous deux en même
temps presque à l'extrémité dans un mauvais ca-
' baret.
il n^ a pas eu moyen de tirer de Frérpn le aia-
nuscrit sur lequel le discours en question a été
imprimé ; mais je vois, par ce que vous me mar-
quez, que la copie furtivo en a été faite avant les
corrections, qui cependant sont assez anciepnesj
. AKViB 1769^ I^
0lles ii*empéchent pas que lonvrage, ainsi cor-
rigé, ne soit un misérable torche-cul; jugez de ce
qu'il doit être dans Fétat où ils Tont imprimé. Ce
qu'il y a 'de pis est cpie Rcy et les autres ne man*
qucront pas de Finsérer en cet état dans le recueil
de mes écrits. Qu y puis-je &ire? il n^y a point de
ma &ute. Dans Fétat où je suis , tout ce qull reste
à ùire, quand tous les maux sont sans remède ^
est de rester tranquille et de ne plus se tourmen-
ter de rien.
M. Séguier, célèbre par le Plantœ Veronenses
que vous ayez peut-être ou que tous devriez
avoir, vient de mVnvoyer des plantes qui m'ont
remis sur mon herbier et sui mes bouquins. Je
suis maintenant trop riche pour ne pas sentir la
privation de ce qui me manque. Si, parmi celles
que vous promet le Parolier , pouvaient se trouver
la grande Gentiane pourprée, le Thora valden--
stum, YEpimedium^ et quelques autres, le tout
bien conservé et en fleurs, je vous avoue que ce
cadeau me ferait le plus grand plaisir, car je sens
que, malgré tout, la botanique me domine. Jlier-
boriserai , mon cher hôte , jusqu'à la mort et au-
delà; car, s'il y a des fleurs aux champs élysées,
j'en formerai des couronnes pour les hommes
vrais, francs, 4roits, et tels quassurémentj avais
mérité d'en trouver sur la terre. Box^our, moa
très-cher hôte; mon estomac m avertit de finir
ayant que la morale me gagne; car cela me m^D^
l4d CORRBSPOimA^CE^
rait loin. Mon cœur tous suit aa pied du lit de h
bonne mamaUr J'embrasse le bon Jeanniu.
863, — A.M.DE*^*(0.
Hooqain t le ^5 mars i j<>9^
Lb voilà j monsieur , ce miséraUe radotage qair
mon amour-propre humilié vous a &it si loag«
temps attendre , &ute de sentir qa!nn amour-f ro*
pre beaucoup plus noble devait m'apprendre i
surmonter ceîui-iâ. Qu'importe que mon verbiage
vous parabse misérable , pourvu que* je sois coû-
tent du sentiment qui me Fa dicté. Sitôt que mon
meilleur état m'a rendu quelques forces ^ j^en ai
profité pour le relire et vous l'envoyer. Si vou»
avez le courage d aller jusqu'au bout , je vous prio
après cela de vouloir bien me le renvoyer, sans
me rien dire de ce que vous en aurez pefnsé, et
que je comprends de reste. Je vous salue, moo«
sieur, et vous embrasse de tout mon cœur.
864. — aM^db*^ •
Boorgoiq, le i5 juiTler 17^.
Je sens, monsieur, l'inutilité du devoir que je
remplis en répondant à votre dernière lettre ; mais
c est un devoir enfin que vpus m'imposez et que
(1) GeUe lettre scH (TeoToi à «lie ^ni mât, écif» ploidt
dlpcsmoM aeipanivaiii, coBMiie 00 U voii pu m dat».
Afndn 176g. i4'
je remplis de bon coeur quoique mal^ vu les dbs
ti-actions de 1 état où )c suis.
Mon dessein^ en vous disant ici mon opinion
sor les principaux points de yotre lettre, est de
TOUS la dire avec simplicité et sans clicfchcr à
TOUS la £iire adopter. Cela serait contiT mes priu^
cipes et même contre mon goût. CcU* je suis juste ;
et comme je n^aimepoint qu on cherche à me sub-
juguer, je ne cherche non plus à sub juger per-
sonne. Je sais qœ la raison commune est très-
4)omée \ qu'aussitôt qu^on sort de ses étroites limi-
tes ^ chacun a la sienne qui nest propre quà lui;
que les opinions se propagent, par les opinions,
non par la raison j «t que quiconque cède au rai-
sonnemenl diiu autre , chose déjà très-rare , cède
par préjugé, par autorité, far sîffection , par pa-
resse, rarement, jamais peut-être, par sou propre
jugements
Vous me maïquez, moflsieur, que le résulta^,
de vos recherches sur Fauteur des- choses est un
état de doute. Je ne pais juger de cet état, parce
qu il n'a jamais été le mien. J'ai cru dans mou cn^
£iiicc par autorité, dans ma jeunesse par senti-
ment, dans mon âge mûr par raison ; maintenant
je crois parce que j'ai toujours cru. Tandis que
ma mémoire éteinte ne me remet plus sur la trace
de mes raisonnemens, taudis que ma judiciaire
afiaiblie ne me permet plus do les rccommenceri
les opinions qui en ont résulté me restent dans
toute leur force) et sans que i'aie la volouté uL le
l4tl CÔIUa»PO!n>ANCE ,
eottcage de les mettre derechef en déIiI)ération , je
ta y tiens en confiance et en conscience, certain
d'avoir apporté dans la vigueur de mon jugement
à leurs discussions toute Tattention et la bonne
foi dont j'étais capable. Si je me suis trompé, œ
n'est pas ma &ute, c'est celle de la nature, qui
n'a pas donné à ma tète une plus grande mesure
d'intelligence et de raison. Je n'ai rien de plus au-
jourd'hui; j'ai beaucoup de moins. Sur quel fon-
dement recommencerais-je donc à délibérer? Le
moment presse; le départ approche. Je n aurais
jamais \e temps ni la force d'acheter le; grand tra-
vail d'une refonte* Permettez qu'à tout événe-
ment j'emporte avec moi la consistance et la fe^
fneté d'un homme, non içs doutes découFageaos
et timides d'un vieux radoteur.
A ce que je puis me rappeler de mes anciennes
idées , à ce que j'aperçois de la marche àes vAtres,
je vois que , n 'ajant pas suivi dans nos recherche»
ia même route, il est peu étonnant que nous ne
soyons pas arrivés à la même conclusion. Balan*
^ant les preuves de Texistence de Dieu avec les
difficultés, vous n'avez trouvé aucun des cÀtés
assez prépondérant pour vous décider, et tous
êtes resté dans le doute. Ce n^est pas comme cela
que je fis ; j examinai tous les systèmes sur la for-
mation do l'univers que jWais pu connaître; je
méditai sur ceux que je pouvais imaginer; je les
comparai tous de mon mieux ; et je me décidai,
non pour cdui qui ne mWcait pointde difficultés,
îb m*eii ofiraient tous , mai» pour celui qui me
paraissait en aroir le moins : je me dis que ces
dijfficnltés étaient dans la nature de la chose; cpie
la contemplation de Imfini passerait toujours les.
bornes de mon entendement; que, ne devant jcV
mais espérer de concevoir pleinement le système
de la nature, tout ce que je pouvais £eiire était de le
considérer par les côtés que je pouvais saisir ; qull
fiillait savoir ignorer en paix tout le reste; et jV
voue que, dans ces recherches, je pensai comme
lesgens dont vous parlez, qui ne rejettent pas une
vérité claire ou suffisamment prouvée pour les
difficultés qui l'accompagnent, et qu on ne saurait
lever. J'avais alors, je lavoue, une confiance si
téméraire, ou du moins une si forte persuasion,
que j aurais défié tout philosophe de proposer au*»-
cun autre système intelligible sur la nature, au^
quel je n'eusse opposé des objections plus fortes,
plus invincibles que celles qu'à pouvait m'opposer
sear le mien ; et alors il &llait me résoudre à rester
sans rien croire, cotbme vous faites , ce qui ne dé-
pendait pas de moi. ou mal raisQuner, eu croire*
comme j'ai fiiit
Une idée qui me vint il y a trente ans a peut«
être plus contribué qu aucune autre à me rendra
inébranlable : supposons, me disais -je, le geni^
huma'n vieilli jusqà'à ce jour dans le plus com[*!et.
matérialisme , sans que jamais idSe de divinité ni.
d'âme soit entrée dans aucun esprit humain ; sup*
posons gue l'athéisme pbilosophiquie ait épuM
f44 CORRÉSPOKDAirGEy
lous ses systèmes poar expKcjaer la fonnation tf
la marche de l'univers par le seul jeu de la ma*»
tière et du mouveioent nécessaire, mot auquel,
du reste, je u'ai jamais rien conçu : dans cet état,
monsieur, excusez ma firanchise, je supposais en-
core ce cjue j'ai toujours vu, et ce que je sentais
devoir être, qu au lieu de 5e reposer tranquille-
luent dpns ces systèmes , x^omme dans le seôn de la
vérité, leurs inquiets partisans cherchaient sans
cesse à parler de leur doctrine^ à Féclaircir, A l'é-
tendre, à Texpliquer, ia palMçr, la oorriger, ct^
comme celui qui sent trembler sous ses pieds la
liiaison qu^il habite, à Tétajer de nouveaux argu-
mens. Terminons enfin ces suppositions par celle
d W Platon , d'un Ckrke , qui , se levant tout d'un
coup au milieu deux», leur fedtdit^ Mes amis, si
vous eussiez commencé TalïaJyse. de cet xmycTS
par celle de vous^'mèmes , vous «ussiez trouvé
dans la nature de votre être la clef de la ebnstitu-
tien de ce même univers, que vous cherchez ea
vain sans cela; qù^'ensnite, leur expliquant la disf
tinction des deux substances^ îi leur eût prouvé
par les propriétés mêmes de la matière que, quoi
qu'en dise Locke*,. la m]{>pesition de la matière
pensante est une véritable absurdité; qu'il leur
eût fait voir qucUe est la natufe de l'être vraiment
ac-fif et pensant; et que, de l'établissement de cet
être qui juge, il fût enfin remonté aux notions
confuses, mais isûres, de TEtre suprême : qui peut
cbutçr que, frappés de l'éclat, de la5impUcité,dr
' 'AimÉE 1769. 145
lai vérité ^ de la t>èàuté de cette ravissante idée , les
mortels, jils^'alors aveugles, éclairés dès pre-
miers rayoïis'de'la Divinité,' ne lui eussent ofièrt
par acclamatibn leurs premiers hommages , et que
les penseur^ surtout et les philosophes n^eussent
rougî d'avoir contemplé si long-temps les dehors
de cette' mîièliitie immense, sans trouver, sans
soupçonner Jnême la clef de sa constitution ; et,
toujours grossièrement bornés par leurs sens-, de
n'avoir jamais su voir que matière où tout leur
montrait qu'une autre substance donnait la vie à
runlvers''et llntelligence à ITiomme. C est alors,
iSionsici#,*que la mode eût été pour cette nouvelle
pHilosoj)hie;^qne les jeunes gens et les sages se
ftjsscht trouvéis d'accord ; qu'une doctrine si belle^
si. i^littie, si douce et si consolante pour tout
homme ju^ste, eût réellement eicité tous les
hommes i la vertu; et que ce beau mot d'huma-
nité, rehattli maintenant jusqu'à Id' fadeur, jus-
qu'au ridicule, par tes gens du monde les moins
humains, eût été plus empreint dkns lès coèura
que dans les livres. 11 eût donc suffi d'une ^Aiple
transposition de tcfmps pour -fenre prendre tout 1^
contrc-pted "â la mode ]philosophiq[ue/ aVec cette
fiflêwnbe que Celle dnujourd'hui , malgré son
dinquant de paroléé , ne nous protaet pas une gé«
ttératioii bien estimable, ni des philosophes bien
Vertueux.
Vous objectez, monsieur,que si Dfeu éàï toutuf
obliger les hommes A le conxuittre,'ii eftt mis sou
I ^8 CORRESPONDANCE ,
jnode, tous tous ces vétemens divers on trouve
pourtant toujours Dieu. Le petit nombre d'élite
qui a de plus hautes prétentions de doctrine^ et
dont le génie ne se borne pas au sens commun,
en veut un plus transcendant , ce n est pas de quoi
je le blâme; mais qu'il parte de.là pour se mettre
à la place du genre humain , et dire que Dieu s*est
caché aux hommes, parce que lui, petit nombre,
ne le voit plus, je trouve en cela qu'il a tort. D
peut arriver, j^en conviens, que le torrent de la
mode et le jeu de Tintrigue étendent la secte phi-
losophique, et persuadent un moment à la multi-
tude qu'elle ne croit plus en Dieu; mais cette
mode passagère ne peut durer; et, comme qu od
s'y prenne, il faudra toujours à la longue un Dieu
à l'homme; enfin quand, forçant la nature des
choses, la Divinité augmenterait pour nous d évi-
dence, je ne doute pas que dans le nouveau lycée
on n augmentât en même raison de subtilité pour
la nier. La raison prend à la longue le pli que le
cœur lui donne ; et, quand on veut penser en tout
autrement que le peuple^ on en vient à bout tôt
ou tard.
Tout ceci, monsieur, ne vous paraît guère phi-
losophique, ni à moi non plus; mais, toujours de
bonne foi avec moi-même , je sens se joindre à mes
raisonnemens, quoique simples, le poids de Fav
sentiment intérieur. Vous voulez quW s en défie;
îe ne saurais penser comme vous sur ce point, et
je trouve, au contraire^dans ce jugement interao
AmfiE 1769» 149
une sauvegarde naturelle contre les sophismes de
ma raison* Je crains même qu^en cette occasion
vous ne confondiez les penchans secrets de notre
cœur qui nous égarent, avec ce dictamen plus se-
cret, plus interne encore, qui réclame et murmure
contre ces décisions intéressées, et nous ramène
en dépit de nous sur la route de la vérité. Ce sen^
timent intérieur est celui de la nature elle-même^
c'est un appel de sa part contre les sophismes dé
la raison ; et ce qui le prouve est qu'il ne parle ja«
mais |4us fort que quand notre volonté cède aveé
le plus de complaisance aux jngemens qu^il soUs^
tîne à rejeter. Loin de croire que qui juge d'après
lui soit sujet à se tromper, je crois qoe jamais il
ne nous trompe, et qu'il est la lumière de notre
ÛLïbie entendement, lorsque nous voulons allef
plus loin que ce que nous pouvons concevoir. '
Et apr^ tout, combien de fois la philosophie^
eile-méme, avec toute sa fierté, n'est-elle pas
forcée de recourir à ce jugement interne qu elle
affecte de mépriser? N etaif-ce pas lui seul qui fai*
sait marcher Diogène pour toute réponse devant
Zenon qui niait le mouvement? n'était-ce pas par
hii que toute 1 antiquité philosophique répondait
au pyrrfaoniens? N'allons pas si loin ; tandis que
toute la philosophie moderne rejette les espritsy
tout d'an coup Tévéque Berkley s élève et soutient
qu'il ny a point de corps. Comment estH)n venu
i bout de répondre à ce terriUe logicien? Otez le
sentiment intérieur^ et je défie tous les philoso*
r 50 GORRBSPO^DANCB y
phes moderneft ensemble de prottFer à BerUcj
qu'il y a des corps. Bon jeune homme ^ qui me pa-
raissez si bien né , de la bonne foi , je vous en con-
jure., et permettez que je y<His cite ici un auteur
qui ne vous sera pas suspect , celui des Pensées
fhilosophùjues {*). Qu^un homme vienne vous
dire que, projetant au hasard uue multitude de
caiactères d'imprimerie, il a vu l'Enéide tout ar-
rangée résulter de ce jet ; convenez qu^au lieu
d'aller vérifier cette merveille vous lui répondrez
froidement : Monsieur, cela n'est pas impossiUe,
mais vous mentez. En vertu de quoi , je vous prie ,
lui répondrez->vou$ ainsi?
Eh! qui ne sait que, sans le sentiment interne,
îl ne resterait bientôt plus de traces de vérité sur
ia terre, que nous serions .tous successivement le
jouet des opinions les plus monstrueuses, à me*
sure que ceux qui les soutiendraient auraient pins
de génie , d adresse et d'esprit -, et qu'enfin , réduits
à rougir de notre raison même, nous ne saurions
bientôt plus que croire ni que penser?
Mais les objections.... Sans doute il y en a dln-
solubles pour nous, et beaucoup, je le sas; mais
dncore un coup, donnez-moi un système oà il ny
en ait pas, ou dites-moi comment je dois me dé»
terminer. Bien plus, par la nature de mon sys*
tème, pourvu que meâ preuves directes soient
bien établies, les difficultés ne doivent pas m'ar-
* ' ' ' ■ ' ■ ■ n M m 1 1 ■ ■■ I 1 1 I I I M
nOifteroi.
Ainrés 176g. ifït
réter , tq l'impossibilité oii je suis , moi être mixte,
de raisonner exactement sur les esprits purs et
d'en observer suffisamment la nature. Mais vous,
matérialiste, qui me parlez dVine substance uni-
que, palpable, et soumise par sa nature à llns^
pection des sens, vous êtes obligé non-seulement
de ne me rien dire que de clair, de bien prouvé,
mais de résoudre toutes mes difficultés d'une Êiçon
pleinement satis&isante, parce que nous possé-
dons vous et moi tous les instrumens nécessaires
à cette solution. Et, par exemple, quand vous
iaites naître )a pensée des combinaisons delà ma-
dère, vous devez me montrer sensiblement ces
comlnnaisons et leur résultat par les seules lois de
b physique et de la m^écanique, puisque vou3
n'en admettez point d'autres. Vous, épicurien ,
Vous composez Vâme d^atomes subtils. Mais qu^ap^
pelez-vous subtils, je vous prie? vous savez que
nous ne connaissons point de dimensions abso-
lues, que rien n est petit ou grand que relative-
ment â l'œil qui le regarde. Je prends par suppo-
sition un microscope suffisant, et je regarde un
de vos atomes : je vois un grand quartier de rocber
crochu; de la danse et de Taccrochement de pa»
reils quartiers j'attends de voir résulter la pensée*
Vous, moderniste, vous me montrez une moIé*
cnle organique; je prends mon microscope, et je
vois un dragon grand comme la moitié de ma
chambre; j'attends de voir se mouler et s'entor-
tiller de pareils dragons jusqu^à ce que |c voie rér
1 5 2 CORRESPONDANCE ,
sulter du tout un être non -seulement oi^anlsé,
mais intelligent, c est-à-dire un être non agrégatif
et qui soit rigoureusement un-, etc. Vous me uxar-^
quiez, monsieur , que le monde s'était fortuite-
ment arrangé comme la république romaine c pour
que la parité fût juste , il faudrait que la républi-
que romaine n'eût pas été composée avec des
hommes, mais avec des morceaux de bois. Mon-.
ti*ez-moi clairement et sensiblement la génération
purement matérielle du premier être intelligent»
je ne tous demande rien de plus.
Mais si tout est l'œuvre a un être intelligent,
puissant, bienfaisant, doà vient le mal sur la
terre? Je vous avoue que cette difficulté si terrible
ne m'a jamais beaucoup frappé , soit que je ne Taie
pas bien conçue, soit qu'en effet elle n'ait pas
toute la solidité qu elle paraît avoir. Nos philoso-
phes se sont élevés contre les entités métaphysi-
ques, et je ne connais personne qui en tàsse tant,
Qu entendent-ils par le mal? qu'est-ce que le mal
on lui-même? ob est le mal relativement k la na-
ture et à son auteur? L'univers subsiste; Tordre y
règneet s^y conserve ; tout y péril successivement,
parce que telle est la loi des êtres matériels et mus;
mais tout s'y renouvelle, et rien n^ d^énère,
parce que tel est Tordre de son auteur, et cet ordre
ne se dément point. Je ne vois aucun mal à tout
cela; mais quand je souffre, n'est-ce pas un mal?
quand je meurs, n^est-çe pas un mal? Doucement;
je suis sujet i la mort, parce oue j'ai reçu la vie;
il tCy avait pour moi qu^uD moyen de iie point
mourir, cétait de ne jamais naître. La vie est un
bien positif, mais fini, dont le terme s^appelle
mort. Le terme du positif n est pas le négatif ;il
est zéro. La mort nous est terrible, et nous appe*
Ions cette terreur un mal. La douleur est encore
nn mal pour celui qui sou&e , j'en conviens ; mais
la douleur et le plaisir étaient les seuls moyens
d^attacher un être sensible et périssable à sa propre
conservation, et ces moyens sont ménagés avec
nne bonté digne de TEire suprême. Au moment
même que j'écris ceci , je viens encore d'éprouver
combien la cessation subite d'une douleur aiguë
est un plaisir vif et délicienx. M'oserait- on dire
que la cessation du plaisir le plus vif soit une dou^
leur aiguë? La douce jouissance de la vie est per*
manente; il suffit, pour la goûter, de ne pas
souftîr. La douleur n'est qu^un avertissement im-
portun, mais nécessaire, que ce bien qui nous est
d cher est en péril. Quand je regardais de près à
tout cela, je trouvai, je prouvai peut-^tre que le
sentiment de la mort et celui de la douleur est
presque nul dans Tordre de la nature. Ce sont les
hommes qui l'ont aiguisé; sans leurs raffinemens
insensés, sans leurs insatutions barbares, les
maux physiques ne nous atteindraient pas, ne
nous afibcteraient guère, et nous ne sentirions
point la mort.
Mais le mal moral! autre ouvrage de l'homme^
auquel Dieu n'4 d'autre part que de l'avoir fait
1 56 COKltESPOTOAKCE ,
lui de son lion naturel; il cède à ses penelians ev
pratiquant la justice, comme le méchant cède aux
siens en pratiquant Tiniquité. Contenter le goût
qui nous porte à bien faire est bonté ^ mais non
pas vertu.
Ce mot de vertu signifie force, U n'y a point
de vertu sails combat; il n y en a ppint sans vic-
toire. La vertu ne consiste pas seulement à être
juste , mais à Tétare en triomphant de ses passions ,
&i régnant sur son propre cœur. Titus, rendant
heureux le peuple romain, versant partout les
grâces et les biôifaits, pouvait ne pas perdre un
seul jour et n'être pas vertueux; il le fiit certaine-
ment en renvoyant Bérénice. Bmtus faisant mou-
rir ses enfans pouvait n'êtreque juste. Mais Bnifus
était un tendre père ;' pour faire* son devoir il dé*
chira ses entrailles, et Brutus fut vertueux.
' Vous voyez ici dWance la question remise â
son point. Ce divin simulacre dont vous me parlez
s*offire à moi sous une image qui n^est pas ignoble,
et je crois sentir à llmpression' que cette image
fiiit dans mon cœur la chaleur qu'elle est capable
de produire. Mais ce simulacre enfin n'est encore
qu^une Àe ces entiteVmétaphysiques dont vous ne
voulez pas que les hommes se &ssent des dieux;
c^est un pur objet de conteihplatiop. Jusqu'oft
portez -vous lleffet de bette contemplation su*
blime? Si vous ne voulez qu'en tirer un nouvel
encouragement pour bien Êiire, je suis d'accoid
p/fec vous; mais cq nest pa$ de cela qu il s'^it.
isniE 17G9. 157
Supposons votre cœpr hopûéte en proie aux p95<
sions les plus terribles, dont yous n'êtes pas k Ta-
bri , puisque enfin Tous^tes hpmme. Cette image ,
qui dans le calme s'y peint si ravissante, n'y per-
dra-t-elle rien de ses cbarmes, et ne s'y ternira^
t-elle point au milieu des flots? Ecartons 1^ sup-
position décourageante et terrible des périls qui
peuvent tenter 1^ vertu mise au désespoir; sup-
posons seulement qu un cœur trop sensible brûle
d un amour involontaire pour la fille ou la femme
de son ami; qu'il soit maître de jouir d'elle entre
le ciel qui n'en voit rien , et lui qui p'en veut rien
dire à penonne; que sa figure ch^urmante TatÛTe
ornée de tous les attraits de la beauté et de la vo-
lupté : au moment où ses sens enivrés sont prêta
à se livrer 4 leurs délices, cette image abstraite de
la vertu vicndra-t-elle disputer son cœur à l'objel
réel quile frappe? lui parailra-i-«lle en cet instant
la plus belle? rarracbera-t-elie des bras de celle
qu!îl aime pour se livrer i la yaine contemplation
dun &ntôme qu'il sait être sans réalité? finira-t-i)
comme Joseph , el laissera-t-il son manteau? Non^;
monsieur; il fermera les yeux^çt succombera. I^e
croyant, dires-vous, succombera, d^ même. Oui^
llionune faible; celui, par etei^pl^, qui vonv-
écrit ; mais donnez -leur à tou; dfiuoL lé mênm.
degré de force^ «t voyez la dîfi^ence du poLoi.
4'appuL
Le moyen , monsieur, de résister à des tentai
^ons viçlentes, quand on peut l^nr eéder sai^i
l58 'CORABSFOimÀVCE,
crainte en se disant : A quoi bon résister? Pour
être yertueux , le philosophe a besoin de Fétre aux
yeux des hommes, mais sons les yeux de Dieu le
juste est bien fort ; il compte cette vie, et ses biens,
et ses maux, et toute sa gloriole pour si peu de
chose! il aperçoit tant au-delà ! Force invincible
de la yertu, nul ne te connaili que celui qui sent
tout son être, et qui sait qull n est pas au pouvoir
des hommes d'en disposer? Lisez-vous quelque-
fois k République de Platon? voyez dans le se-
cond dialogue avec quelle én^gie Tami de So»
drate, dont jai oublié le nom, lui peint le juste
accablé des outrages de la fortune et des injustices
des hommes, diffamé, persécuté, tourmenté, en
proie à tout Topprobre du crime, et méritant tous
les prix de la vertu , voyant déjà la mort qui s ap-
proche, et sAr que la haine des méchans n épar-
gnera pas sa mémoire ,<piand ils ne pourront plus
rien sur sa personne. Quel tableau décourageant ,
si rien pouvait décourager la vertu 1 Socrate lui-
ittêine eflSrayé s'écrie , et croit devoir invoquer ks
dieux avant de répondre ; mais sans Tespoir d*une
autre vie, il aurait mal répondu pour celle-ci.
Toutefois, dût- il finir pour nous à la mort, ce
qui ne peut être si Dieu est juste, et par consé-
quent s il existe , l'idée seule de cette existence se-
rait encore pour Thomme un encouragement à la
vertu, et une consolation dans ses misères, dont
manque celui qui , se croyant isolé dans cet mû*
r^rs, ne sent au fond de son eceur aucun confident
. '
de ses pensées. C'est toujours une douceur dans
l'adversité d'avoir un témoin (ju'on ne Fa pas mé-
ritée; c'est un orgueil vraiment digne de la vertu
de pouvoir dire à Dieu : Toi qui lis dans mon
cœur, tu vois que j^use en âme forte et en homme
juste de la liberté que tu m'as donnée. Le vrai
crojanty qui se sent partout sous l'œil éternel,
aime à slionorer k la Ëtce du ciel d'avoir rempli
ses devoirs sur la terre.
Vous voyez que je ne vous ai point disputé ce
simulacre que vous m'avez présenté pour unique
objet des vertus du s^^e. Mais , mon cher mon-
sieur, revenez maintenant à vous, et voyez com-
bien cet objet est inalliable, incompatible avec
vos principes. Comment ne sentez-vous pas que
cette même loi de la nécessité qui seule règle, se-
lon vous, la marche du monde et tous les événe-
mens, règle aussi toutes les actions des hommes,
toutes les penséesde leurs tètes, tous les sentimens
de Jeurs cœurs; que rien n est libre, que tout est
forcé, nécessaire, inévitable; que tous les mou-
vemens de Thomme, dirigés par la matière aveu-
gle, ne dépendent de sa volonté que parce que sa
volonté même dépend de la nécessité; qu'il n'y a
par conséquent ni vertus, ni vices, ni mérite, ni
démérite, ni moralité dans les actions humaines;
et que ces mots d'honnête homme ou de scélérat
doivent être pour vous totalement vides de sens?
Us ne le sont pas toutefois, j'en suis très sûr;
votre honnête cœur, en d^it de vos argumenS|
1 6o coftRESPoiro AircE ,
léclame contre votre triste philosophie; le senti-
ment de la liberté 9 le charme de la vertu, se foiit
sentir à vous malgré vous. Et voilà comment de
. toutes parts cette forte et salutaire voix du senti-
ment intérieur rappelle au sein de la vérité et de
la vertu tout homme que sa raison mal conduite
égare. Bénissez, monsieur, cette sainte et bien-
disante voix qui vous ramène aux devoirs de
Ihomme, que la philosophie à la mode finirait
par vous faire oublier. Ne vous livrez à vos argur
mens que quand vous les sentez d'accord avec le
dictamen de votre conscience; et, toutes les fois
que vous y sentirez de la contradiction , soyez stf
que ce sont eux qui vous trompent
Quoique je ne veuille pas ergoter avec vous ni
suivre pied à pied vos deux lettres, je ne puis ce-
pendant me refuser un mot à dire sur le parallèle
du sage hébreu et du sage grec. Comme admira-
teur de Tun et de lautre , je ne puis guère être sus-
pect de préjugés en parlant d'eux. Je ne vous crois
pas dans le même cas : je suis peu surpris que
vous donniez au second tout l'avantage; vous
nWez pas assez &it connaissance avec 1 autre , et
vous nWez pas pris assez de soin pour dégager
ce qui est vraiment à lui de ce qui lui est étranger
et qui le défigure & vos yeux, comme à ceux de
bien d^autres gens qui, selon moi, n y ont pas re-
gardé de plus près que vous. Si Jésus fût né à
Athènes, et Socrate à Jérusalem, que Platon et
jSLénopbon eussent écrit la vie du premier, Luc et
▲KIviE 1769. 161
Matbien celle de Tautre, vous changeriez beau*
coup de langage; et ce qui lui fait tort dans votre
esprit est précisément ce qui rend son élévation
d'âme plus étonnante et plus admirable , savoir^
sa naissance en Judée, chez le plus vil peuple
qui peut -être existât alors; au lieu que Socrate,
né chez le pluif instruit et le plus aimable, trouva
tous les secours dont il avait besoin pour s'élever
aisément au ton quil prit 11 s-éleva contre les so-
phistes, comme Jésus contre les prêtres; avec cette
di£Ërence que Soorate imita souvent ses antago^
nistes, et que, si sa belle et douce mort n eût ho-
nwé sa vie, II eût passé pour un sophiste comme
eux. Pour Jésus , le vol sublime que prit sa grande
âme releva toujours au-dessus de tous les mortels;
et depuis Tâge de douze ans jusqu^au moment
qu'il expira dans la plus-cruelle ainsi que dans la
plus infâme de toutes les morts, il ne se démentit
pas un moment. Son noble projet était de relever
son peuple, d'en Êdre derechef un peuple libre et
digne de l'être; car c'était par lâ qu'il fellait com-
meticer. L'étude profonde qu'il fit de la loi de
Moise , ses effi>rts pour en réveiller lenthousiasme
et lamour dans les cœurs, montrèrent son but^
autant qu'il était possible, pour ne pas effarou-
cher les Romains». Mai» ses vils et lâches compa-
triotes, au lieu de Técouter, le prirent en haine
piécisément à cause de son génie et de sa vertu
qui leur reprochaient leur indignité. Enfin ce n$
fut qu'après avoir vu l'impossibilité d'exécuter son
14.
iGs CO&RESPOITDAVCE,
projet qu'il Fétendit dans sa tête , et que , ne pou*
Tant faire par lui-même une révolution chez son
peuple, il voulut ^i faire une par ses disciples
dans Tunivers. Ce qui Tempêcha de réussir dans
son premier plan , outre la bassesse de son peuple ,
incapable de toute vertu, fut la trop grande don-'
ceur de son propre caractère ; douceur qui tient
plus de lange et du Dieu que de l'homme , qui ne
l'abandonna pas un instant ^ même sur la croix,
et qui fait verser des torrens de larmes k qui sait
Ure sa vie comme U faut à travers les &tras dont
ces pauvres gens Fout défigurée. Heureusement ils
ont respecté et transcrit fidèlement ses discours
qu'ils n entendaient pas : ôtez quelques tours
orientaux ou mal rendus, on ny voit pas un mot
qui ne soit digne de lui ; et c^est là qu'on reconnaît
rhomme divin , qui, de si piètres disciples, a &it
pourtant, dans leur grossier, mais fier enthon-
riasme, des hommes éloquens et courageux.
Vous m'objectez qu'il a fait des miracles. Cette
objection serait terrible, si elle était juste; mais
vous savez, monsieur, ou du moins vous pour-
riez savoir que , selon moi , loin que Jésus ait fait
des miracles, il a déclaré très- positivement qull
n'en ferait point, et a marqué un très-grand mé-
pris pour ceux qui en demandaient.
Que de choses me resteraient à dire ! Mais cette
lettre eât énorme; il faut finir : voici la dernière
fois que je reviendrai sur ces matières. J'ai voulu
vous complaire y monsieur; je ne m'en repens
AimiE 1769. i63
point : an contraire, je vous remercie de m'avoir
fait reprendre un fil dldées presque effacées, mais
dont les restes peuvent avoir pour moi leur usage
dans l'état où je suis.
Adieu, monsieur; souvenez -vous quelquefois
d'un homme que vous auriez aimé , je m'en flatte,
quand vous Tauriez mieux connu , et-qui s'est oc-
cupé de vous dans des momens où Ton ne s'occupe
guère qae de soi-même*
865. — ▲ M. L1.U.UDP.
Sfooqam,, le 17 mars x^Op*
J'ai reçQ| monsieur i avec VQtre dernière lettre,
voire seconde rescriplion , dont je vous remercie,
et dont je n'ai pas encore fait usage , faute d'o&
casion.
Je me trouve beaucoup mieux depuis que je
suis ici j je respire et j'agis beaucoup plus libre-
ment, quoique Testomac ne soit pas désenflé :
outre i'eiTet de l'air et de Teau marécageuse, je
crois devoir attribuer en grande partie mon in-
commodité au vin du cabaret , dont j'ai apporté
avec moi une vingtaine de bouteilles, et dont j aï
senti le mauvais effet toutes les fois que j'en ai bu.
Tous les cabaretiers falsifient et firelatent ici leurs
vins avec de Talun; et rien n'est plus pernicieux ^
Mutout pour moi.
J'ai appris par M. du Pejrrou que le discoun en
question avait été absolument défiguré et mutilé
1 64 CORAESPONDAirCE ,
i rimpressioD; et que non-seulemest on n'avait
pas. suivi les corrections que ]j ai Eûtes ^ mais
qu on avait même retranché des morceaux de la
première composition. Cela me console en quel-
que sorte de ce larcin oii personne de bon sens ue
peut reconnaître mon ouvrage.
Permettez que je vous prie de donner cours i
la lettre ci- jointe.
J'oubliais de vous répondre au sujet des livres
dont vous oi&ez de me défaire. S'ils sont tolérés,
j'y consens; s'ils sont défendus , je m*y oppose.
Mais une chose qui me tient beaucoup plus au
cœur, et dont vous ne me parlezj>oint , est le por-
trait du roi d'Angleterre. Il est singulier que, de
quelque façon que je m'y prenne , il me soit im-
possible d'avoir ce portrait. Il est pourtant bien i
tnoi, ce me semble, et je ne suis dhumeur à le
céder â qui que ce soit , pas même à ^ous j & moins
quHl ne vous fit autant de plaisir qu'à moi.
Donnez -nous, monsieur, de vos nouvelles à
vos momens de loisir. Madame Renou vous sou-
haite; ainsi que moi, bonheur* çt santé, et nous
vous Élisons l'un et l'autre bien des salutations.
866» ▲ MADAM B LaTOUR*
*A Monquio, k a3 mars 1769.
liS changement d air m^a fiiit du bien , chère
Uarianne,et je me trouve beaucoup mieux, quant
à la santé^ que quand j'ai quitté Bourgoin.
AÎWÉE 176;. * 165
Cependant mon estomac nVst pas assez rétabli
pour que je puisse écrire sans peine j ce qui m*o-
bltge à ne faire que de courtes lettres autant que
je pub, et seulement pour le besoin. C'en sera
toujours un pour moi , mon aimable amie , d'en-
tretenir avec TOUS les liens d'une amitié mainte-
nant aussi chère à mon cœur qu'elle parut jadis
Tétre au vôtre.
867. — A M. DU Peyrou.
A Monquin , le 3i mars 1 769s .
VoTBE dernière lettre sans da^e, mon cher hôte,
a bien vivement irrité les inquiétudes où j étais
déjà sur Tétat tant de madame la commandante
:[ue sur le vôtre. Je vois que vous en êtes au point
de ne pas même craindre le retour de la goutte,
comme une diversion de la douleur du corps pour
celle de Pâme. Cela m'apprend ou me confirme
bien combien tous les systèmes philosophiques
sont faibles contre la douleur tant de l'un que de
Fautre, et combien la nature est toujours la plus
forte aussitôt quelle fait sentir son aiguillon. Il
uy a pas six mois que, pour m armer contre ma
faiblesse, vous me souteniez que, hors les remords
inconnus aux gens de votre espèce, les peines
morales n*étaient rien , qu'il n'y avait de réel que
le mal physique ; et vous voilà , feible mortel ainsi
que moi, appelant, pour ainsi dire , ce même mal
physique à votre aide contre celui que vous sou-
X66 CORRESPO^TDANCE)
teniez ne pas exister. Mon cher hôte, revenons-
en donc pour toujours, tous et moi, à cette ma-
xime naturelle et simple, de commencer par être
toujours bien avec soi, puis, au surplus y de crier
tout bonnement et bien fort , quand on souŒre, et
de se taire, quand on ne souffîe plus; car tel est
l'instinct de la nature et le lut de Tétre sensible
Faisons comme les enfans et les ivrognes, qui ne
se cassent jamais ni jambes ni bras quand ils tom-
I)ent, parce qu'ils ne se roidisseut point pour ne
pas tomber, et revenons à ma grande maxime de
laisser aller le cours des choses tant qu'il n'y a
point, de notre Ëiute, et de ne jamais regimbei
contre la nécessité»
838. — A M. Beauchateau.
Vous vous moquez de moi. monsieur, avec
votre médaille. Allez , je ne veux point d autre
médaille que cejle qui restera dans les cœurs des
honnêtes gens qut me survivront , et qui connaî-
tront mes sentimens et ma destinée. Je vous salue,
tnonsieur, très- humblement* *
869. — A M. DU Peyrou,
Moniutn, ai ■▼ni t^Gf^
Que votre situation , mon cher hôte, me navre!
Que je vous trouve à" plaindre, et que |e vous
plains ainsi que votre digne et infortunée mère!
kVVÉE 1769. l6j
Mais TOUS ïtes sans contredit le plus â plaindre
des deux; tant quelle voit son fils tendre et bien
portant auprès d^elle-, elle a dans 3e$ terribles
maux des consolations bien douces; mais vous,
TOUS n'en avez point. Elle peut encore aimer sa
rie, et vous^ tous devez soigner la vôtre, parce
cp'elle lui est nécessaire. Ce n'est pas une conso-
lation pour TOUS, mais c'est un devoir qui doit
vous rendre bien sacré le soin de vous-même.
Vous me demandez conseil sur ce que vous
devez lui dire au sujet du choix que vous vous
êtes (ait. Personne ne peut vous donner ce conseil
que vous-même , parce que personne ne peut pré
voir, comme vous, Teffet que cette déclaration
peut hm sur son esprit ; car, sans contredit , vous
ne devez rien lui dire dans son triste état que vous
ne sachiez devoir lui être agréable et consolant.
Vous êtes convaincQ , me dites-vous , que ce choix
lui fera plaisir; cela étant, je ne vois pas pourquoi
vous balanceriez. Biais vous n ayez pas le coït-
rage, ajontez-rous, de lui en parier de but en
blanc dans son état? Eh hier. I parlez-lui-en par
finme de consultation plutôt que de déclaration.
Cette déférence ne peut que hii plaire et la tou-
cher; et, dût-elle ne pas approuver votre choix,
vous n'en restez pas moins le maître de passer
OQtre sans la contrister, lorsque le ciel aura dis-
posé d'cDe. VoiU tout ce que la raison et le tendre
Mrtérêt que je prends k ïun et i, FàuCre pae preiCrit
di vous dire A ce sujet.
i68 coRREsp(nn)AxcE,
. J'ai le cœur si plein de vous et de votre cmelk
situai ion y que je nai pas le courage de voi^s parler
de moi; et tout ce que j ai de bon à vous en dire
est que ma santé continue d'aller assez bien. Faiîes
parler mon cœur avec le vôtre auprès de votre
bonne maman. Mille amitiés au bon Jeannin.
îjlons vous embrassons, madame Renou et moi,
de tout notre cœur.
870. ÂV HftuB.
Ce 19 mai 1760.
J'aptoewds votre perte, mon cher hôte , et je la
sens bien; mais ce n est pas une perte récente â
laquelle vous n,e fu^sif.z pas préparé, Je ne vou-
drais pour vous en copsoler que le détail que vous
me faites de l'état de }à défunte. Il 7 avait long-
temps qu'elle ava^t cessé de vivre , elle |i'a |ait que
cesser de souffi-ir^i et vous de partager ses souf-
frances, n n'y a pas là de, quoi s'affliger. Mais votrp
perte ^ pour être ancienne en quelque sorte, n'en
est pas moins, réelle et pas moins irréparable; et
voilà, spir quoi doivent tomber vos r^els; vous
avez un véritable aîni de moins, et un ami qui ne
se remplace ps. Puissiez-vous n avoir jamais plus
i le pleurer dans 1a suite que vous ne le pleurez
aujourd'hui I.IVIais telle est la loi 4^ )a nature ^ il
faut baisser la tête et s.e résigner.
. ,Li na^ture qui se ranime me ranime aussi. Je
«^prends des forces et j'herborise. Le pajs où je
. ÂimiB 1769» 169
SUIS serait très-^agréable ail afvait d^autres habî-
tans; jWab semé qaelques plantes dans le jardin,
on les a détruites. Cela ma déterminé à n'avoir
plus d'autre jardin que les prés et les bois. Tant
que j'aurai la force de m^y promener, je trouverai
du plaisir à vivre ; c'est un plaisir que les hommes
ne m'ôteront pas, parce qu'U a sa source en dedans
de moi.
871* — i^ M. IB PUmCE DE CONTI.
Bourgoin, k 3t nii 1769.
Monseigneur y
Puisque votre altesse sérénissime n'approuve
pas que je dispose de moi sans ses ordres , et puis-
que je, ne veux en rien lui déplaire, il laut qu elle
da^e endtuer les importunités que ma situation,
rend indispensables.
Je ne puis rester volontairement ici, ni choisir
ooQ habitation dans le lieu qu'il vous a plu , mon-
seigneur, de me désigner. Mes raisons ne peuvent
l'écrire. J'ai cent fois été tenté de partir à tout ris-
que pour porter i vos pieds les ^laircissemens
qu'il m'importe qui soient connus de vous, et de
vous seuL Avant de céder â cette tentation qui
devient plus forte de jour en jour, je crois devoir
vous en instruire. Daignez l'approuver, et n'avoir
pas plus d'égard k mes périls qiie je n'en veux
avoir moi-même, parce qu'il nW pas de la ma-
gnanimité de votre âme de voulok* ma sûreté aux
dépens de mon hannear.
873. — À Madame Latour*
A Mongnin , le 19 Jain 1 769.
Connaître mon cœur et lui rendre justice, c'est
en montrer un bien digne de son attachemenl. II
y a trois ligues dans votre dernière lettre, chère
Marianne, (jui m'ont encore plus touché que tout
ce que vous m'avez écrit jusqu'ici. Vous comptez
sîir mes sentimens ; vous avez d'autant plus rai-
son, que vous m'avez appris à compter sur les
vôtres, et que toute personne dont je serai sûr
d'être aimé , fût-elle bien moins aimable que vous,
aura toujours de ma part plus que du retour. Je
sens plus que vous, croyez -moi, notre éloîgue-
ment; mais quand vous pourriez mè venir voir
ici, je n'y consentirais pas; plus vous m'aimez,
plus vous seriez affligée. Nous étions amis sans
nous être jamais vus, nous le serons, et, s'il le
l'aut, sans nous revoir. J'étais négligent à écrire ; à
présent que vous ralniitcz un peu, je ne serai pas
plus exact; mais dusse- je ne vous plus voir et ne
vous plus écrire, le besoin de vous aimer et la
douceur de le satisfaire feront partie de mou éiro
aussi long-temps qu'il sera ce qu'il est
874. A LA BCÈMB*
•'
A Monquin, le 4 imllet 1769*
Rassumz vous, belle Marianne, j ai regi'et aox
inquiétudes que je vous ai données* Jai voula
mettre à répneuve votre sensibilité; le soecès a
passé mon attente; je tous promets de ne plnS'
£ûre avec yous de pareils essais. Adieu , belle Ma^
rianne; puissiez -vous ne voir jamais autour de
TOUS que bonheur et prospérité! Quand on s af-
fecte ainsi des peines de ses amis, ou n'en doit
avoir que dlieurenx.
875r — ▲ M* DU PBTaov.
Jl Neven , le 3 1 juillet 1 769*
Jb n'aurais pas tardé si long-temps, mon cher
hôte , à vous remercier du livre de M. Haller , et à
vous en accuser la réception , sans mon départ un
peu précipité, pour venir rendre mes devoirs à
mon ancien h6te de Trye, tandis qull se trouvait
capproehé de moi. Après huit jours de séjour ^
cette ville, je compte en repartir demain pouf
LjoDy et de là pour Monquin, où j'ai laissé ma-
dame Renon, et où j'espère trouver de vos nou*
velles, nVn ayant pas eu depuis votre mariage ,
au bonheur duquel vous ne doutez pas, je mVn
flatte, de Imtérêt vif et vrai que prend votre con*
citoyen. Je ne doute pas que Thabltatton de la
campagne ne tire en ce moment un nouveau
charme de celle avec qui voii« la partagez , et que
vous n'y repreniez même le goût de Therborisa-
tion, ne fût-ce que pour lui offiir des guirlandes
mieajc assorties. Jaurais bien voulu pouvoir y
joindre de très -jolies fleurs que j'ai trouvées sur
Ijâ COJBtaESPOUDAlCCE,
prendre que votre singulière opération vt)us a en
€^*et délivré d une attaqué de goulte, comme tous
l'avez espéré.
.Votre Hailer me ait tOQJoiik*S' grand plaisir,
mais je le trouve touiours plus rempli de &ate»
d^impression. La moitié des phi^ases de Linnaens
qu'il oite sont estropiées , et un trèsrgrand nombre
de cliiilires des tables et citations sont faux, de
sorte qu on né sait presque o& aller chercher tout
08 quil indique-; j'ai vu peu de livres aussi consi-
dérables imprimés si négligommânt Le catalogue
de M. Gagnebin est exact, net| mais sans ordre ,
de sorte qu'on ne sait comment j chercher la
plante dont oh a besoin. Au reste, l'un et l'autre
de ces deux ouvrages peut donner des instructions
utiles j dont je profite de mon mieux en pensant à
vous. Quand je serai revenu de Pila (si j'en re-
viens heureusement), je vous marquerai ce que
j y aurai trouvé de plus ou du moins que dans le
catalogue de M. Gagnebin.
877. — A MAP AVE Rousseau.
Moivjaln, ce samedi 12 août 1769^
Dbpitis vingt-six ans, ma chère amie, que
notre union dure , je n'ai cherché mon bonheur
que. dans le vôtre, je ne me suis occupé qu'à. tâ-
cher de vous rendre heureuse; et vous avez vu
par ce que j'ai fait en dernier lieu, sans m'y être
engagé jamais, que votre hooneor et votre bon-
ÀXtsiE 176g. 177
heor ne m'étaient pas moins chers lun que l'outre.
Je m'aperçois avec douleur que le succès iie vé^
pond pas à mes soins, et qu'ils ne vous sont pas
aussi doux à recevoir qu'il me lest de vous les
rendre. Je sais que les sentîmcns de droiture et
d'honneur avec lesquels vous êtes née ne s'altére-
ront jamab en vous; mais quant à ceux de ten-
dresse et d'attachement , qui jadis étaient récipro-
ques j je sens qu'ils n existent plus que de mon
côté. Ma chère amie, non- seulement vous avez
cessé de vous plaire avec moi, mais il Êittt que
vous prenies heaucoup sur vous pour y rester
quelques momens par complaisance. Vous êtes à'
votre aise avec tout le monde, hors avec moi ; tous
ceux qui vous entourent sont dans vos secrets,
excepté moi , et votre seul véritable ami est le seul
exclus de votre confidence. Je ne vous parle point
de beaucoup d'autres choses. H faut pendre nos
amis avec leurs défiiuts, et je dois vous passer les
vôtres comme vous me passez les miens. Si vous
élîcz heureuse avec moi, je serais content; mais
je vois clairement que vous ne letes pas , et voiIâ(
ce qui me déchire. Si je pouvais &irc mieux pour
y contribuer, je le ferais et je me tairais; mais cela
u'est pas possible. Je n^ai rien omis de ce que j'ai
cru panvoîr contribuer k votre félicité ; je ne sau^
rais &îre davantage, quelque ardent désir que
j'en sâeJLa nous/unissant, jai iaitmesxonditîoas;
vous y avez consenti, je les ai remplies. Il n'y
avait qumi tendre attachement de. votre part qui
t;^ CQlUtCSPOTCDANCE,
pût m*engager à les passer et à n'écouter qae notre
amour au péril de ma vie et de ma santé. CoiiTe-
nez, ma chère amie, que vous éloigner de moi
n'est pas le moyen de me rapprocher de voas :
c était pourtant mon intention , je vous le jure;
mais votre refroidissement m^a retenu, et des aga-
ceries ne suffisent pas pour m^attirer, lorsque le
cœur me repousse. En ce moment même où je
vous écris , navré de détresse et d'affliction , je n*ai
pas de désir plus vif et plus vrai que celui de finir
mes jours avec vous dans Tunion la plus parfiiile,
et de n'avoir plus qu'un lit , lorsque nous n'aurons
plus quWe âme«
Rien ne plaît, rien n'a^e de la part de qoel>
qu'un qu on n aime pas. Voilà pourquoi , de qnd*
que £içon que je m^ prenne, tous mes soins,
tous mes e/Forts auprès de vous sont insuffisaiis. Le
cœur, ma chère amie , ne se commande pas, et ce
mal est sans remède. Cependant, quelque passion
que j'aie de vous voir heureuse à quelque prix
que ce soit, je n'aurab jamais songé à m'éloigner
de vous pour cela , si vous n'eussiez été la pre-
mière à m'en &ire la proposition. Je sais bien qu'il
ne faut pas donner trop de poids à ce qui se dit
dans la chaleur d'une querelle ; mais vous êtes re-
venue trop souvent à celte idée pour qu'elle n'ait
pas fait sur vous quelque impre«on. Vous coo»
naissez mon sort, il est tel qu^on n'oserait pas
même le décrire, parce qu'on n'y samait ajouter
Coi. Je n'avais, ^hère amie, qu'une s^uie consola-
tton, mab bien doure, c'était d'épancher mon
cœur dans le tien; quand j^avais parlé de mes
peines avec toi ^ elles étaient soulagées; et quand
tn m'avais plaint, je ne me trouyais plus â plain-
dre, n est sûr que, ne trouyant plus que des cœurs
fermes ou faux, toute ma ressource, toute ma
confiance est en toi seule; le mien ne peut yiyre
sans s^épancher y et ne peut s'épancher quWec tôt.
Il est sûr que^ si tn me manques et que je sois ré-
duit à vivre absolument seul, cela m'est impos*
sible, et je suis un homme mort« Mais je mourrais
cent fois plus craellement encore, si nous conti-
nuions de yiyre ensemble en mésintelligence, et
que la confiance et Tamitié s'éteignissent entre
BOUS. Âfa, mon en£uitl à Dieu ne plaise que je
sois résefvé i ce comble de misère ! Il vaut mieux
cent fois cesser de se voir, s^aimer encore , et se
regretter quelquefois. Quelque sacrifice quHl faille
Je ma part pour te rendre heureuse ^ sois-le A
quelque prix que ce soit , et je suis content
Je te Conjure donc, ma chère femme, de bien
lentrer en toi-même , de bien sonder ton oocmf , et
de Inen examiner s il ne serait pas mieux pour
Fun et pour l'autre que tu suivisses Ion projet àff
le mettre en pension dans toie communauté pour
t épargner les désagrémens de mon hume«r, et 4
moi ceux de ta fit^ideitr^ caf, dans Tétai présent
des choses^ il est impossible qne nous trouvions
noire bonheur l'un avec Tantre : je né pms riei^
chanQfff en moi, et f ai peur que tn ne puisses rien
.i8d CùKXSspomxTfcty
changer en toi non plus. Je te laisse parfait emenf
libre de choisir ton asile et d'en changer sîl6l «jue
cela te conviendra. Tu n'y manqueras de rien ^
j'aurai soin de toi plus que de moi-même; et sitôt
que nos cœurs nous feront mieux sentir comineo
nous étions nés Fun pour lautre y et le vrai besoin
de nous réunir, ^lons le ferons pour yiyre en paix
et nous rendre heureux mutuellement jusqu'au
tombeau. Je n'endurerab pas Vidée d^une sépara-
tion étemelle; je Q*eu yeux qu'une qui nous serve
i tous deux de leçon; je ne l'exige point même,
je ne Timpose point; je crains seulement quVUe
ne soit devenue nécessaire. Je ten laisse le juge,
et je m en rapporte à ta décision. La seule chose
que j'exige, si nous en venons là, c'est que le
parti que tu jugeras à propos de prendre se prenne
de concert cntre.nous : je te promets de me prêter
lè-dessus eu tout à ta volonté, autant qu'elle sera
naisonnable et juste, sans humeur de ma part et
sans chicane. Mais quant au parti que tu voulais
prendre dans ta colère de me quitter et de t'édîp-
ser sans que je m en mélnsse et sans que je susse
même où tu voudrais aller, je n'y consentirai de
ma vie, parce qu'il serait honteux et déshonorant
pour l'un et pour lautre, et contraire k tous nos
engagemens.
Je vous laisse le temps de bien peser toutes
ehoses. Réfléchissez pendantmôn absence au sujet
de cette lettre. Pensez k ce que vous vous deves,
à c(9 que TOUS me devez, k ce cjne nous soaunes
ÂîfKiE 1763. «89
depnîs long-tcmp I nn à l'aatre , et & ce que nous
devons être jusqu^à la fin de nos jours, dont la
plus grande et la plus belle partie est passée , et
dont il ne nous reste que ce qu'il faut pour cou*
ronner une vie infortunée, mais innocente, hon-
nête et vertueuse, par une fin qui l'honore et
nous assure un bonheur durable. Nous avons
des fautes à pleurer et à expier; mais, grâces au
ciel, nous nWons à nous reprocher ni noirceurs
ni crimes : n'effaçons pas par Timprudence de nos
derniers jours la douceur et la pureté de ceux que
nous avons passés ensemble.
Je ne vais pas &ire un voyage bien long ni bien
périlleux; cependant la nature dispose de nous
au moment que nous y pensons le moins. Vons
connaissez trop mes vrais sentimens pour crain-
dre qu'à quelque degré que mes malheurs puissent
aller, je sois homme à disposer jamais de ma vie
avant le temps que la nature ou les hommes au-
ront marqué. Si quelque accident doit terminer
ma carrière, soyez bien sûre, quoi qu'on puisse
dire, que ma volonté n'y aura pas eu la moindre
part. J'espère me retrouver en bonne santé dans
vos bras, d'ici à quinze jours au plus tard; mais
s'il en était autrement, et que nous n'eussions pa$
le bonheur de nous revoir, souvenez-vous en pap
reil cas de l'homme dont vous êtes la veuve, et
d'honorer sa mémoire en vous honorant. Tinui>
vous d'ici le plus tôt que vous pourrez. Qu'aucun
moine ne se mêle de vous ni de vos affaires ptk
l6a tORlUSSPOin>ÀKCB ,
quelque façon que ce soit. Je ne vous dis point
ceci par jalousie, et je suis bien convaincu qu'ib
n'en veulent point à votre personne ; m^iis n'im-
porte, profitez de cet avis, ou soyez sûre de n\it-
tirer que déshonneur et calamité, sur le reste de
votre vie. Adressez-vous à M. de Saint-Germain
pour sortir d'ici; tâchez d^endurer Pair méprisant
de sa femme par la certitude que vous ne layez
paa mérité. Cherchez à Paris, k Orléans, ou à
Blds, une communauté qui vous convienne, et
tâchez d'y vivre plutôt que seule dans une cham-
bre. Ne comptez sur aucun ami; vous n'en avez
point ni moi non plus , soyez-en sûre ; mais comp-
tez sur les honnêtes gens, et soyez sûre que la
bonté de cœur et l'équité d^un honnête homme
vaut cent fois mieux que lamitié d'un coquin.
C'est à ce titre d'honuéte homme que vous pouvez
donner votre confiance au seul homme de lettres
qi)e vous savez que je tiens pour tel (i). Ce n'est
pas un ami chaud , mais c'est un homme droit qui
ne vous trompera pas, et qui ninsaltera pas ma
mémoire, parce qu'il ma bien connu et qu'il est
juste; mais il ne se compromettra pas, et je ne
désire pas qu il se compromette. Laissez tranqnil*
lement exécuter les complots faits contre votra
mari ; ne vous tourmentez point à justifier sa mé-
moire outragée; cont.entez-vous de rendre bon-*
neur à la vérité dans l'occasion , et laissez la Pro-
À5NÉE 17%- iS3
viJence et le temps Êiire leur oeuvre; cette œuvre
se fera tôt oa tard. Ne vous rapprochez plus des
grands; n'acceptez aucune de leurs oifres, encore
moins de celles des gens de lettres. J'exclus nom-
mément toutes les femmes qui se sont dkes mes
amies. «Texcepte madame Dupin et madame de
Chenonceaux; l'une et Paatre sont sûres a mon
^gard et incapables de trahison. Parlez-leur quel-
quefois de mes sentimens pour elles ; ils vous sont
connus. Vous aurez assez de quoi vivre Ludépcn-
danle avec les secours que M. du Pe)^rou a dessein
de vous donner, et quil vous doit, puisqu il en a
re^u Vargent. Si vous aimez mieux vivre seule
chez vous que chez des religieuses, yoiis le pou-
vez; mais ne vous laissez pas subjuguer, ne vous
livrez pas k vos voisines, et ne vous fiez pas aux
gens avant de les connaître. Je finis ma lettre si à
la bâte que je ne sais plus ce que je dis. Adieu ^
chère amie de mon cœur : k vous revoir; et, s*:
nous ne nous revoyons pas. souveue3&-vous tou«
jours du seul ami véritable que vous ayez eu et
fpie vous aurez jamais. Je ne me signerai pas ^-
non, puisque ce nom fut fatal à votre tendresse;
mais, pour ce moment, jen veux reprcndn; uu
^e votre cœur ne saurait oublier.
J. J. RoTissE\t;.
t^i CORRESrolTDÂirCB j
878. — * ▲ M. Làlliaud.
Moo^pia » le 27 tout 1 769. .
Un voyage de botankpe, monsieur, que fai
fait au mont Pila, presque en arrivant ic: ma
privé du plaisir de vous répondre aussitôt que je
laurais dû. Ce voyage a été désastreux, toujours
de la pluie ; j*ai trouvé peu de plantes, et j*ai perdu
fDOn chien , blessé par un autre et fugitif : je le
croyais mort dans les bois de sa blessure, quand â
mon retour je Fai trouvé ici bien portant, sans
que je puisse imaginer comment il a pu faire douze
lieues et repasser le Rhdne dans Tétat où il était*
Vous avez, monâeur, la douceur de revoir vos
pénates et de vivre au milieu de vos amis. Je preii>
drais part à ce bonheur en vous en voyant jouir,
mais je doute que le ciel me destine à ce partage.
J^ai trouvé madame Renou en assez bonne santé ;
elle vous remercie de votre souvenir, et vous salue
de tout son cœur. J'en &is de même, étant forcé
d'éti*e bref à cause du soin que demandent quel-
ques plantes que j'ai rapportées, et quelques
graines que je destinais à madame de Portlaud, le
tout étant arrivé ici à demi pouri par la pluie. Je
voudrais du moins eu sauver quelque chose , pour
n avoir pas perdu tout -à-fait mon voyage, et la
peine que jai prise à les recueillir. Adieu, mon
clier M. Làlliaud: conservez -vous, et vivez con-
tent.
r
k55£S Î769. l85
8^. — A ML MouiTov.
Uoo^m , U 8 septembre 1 ^(xs,
Satts une foulure à la main , cher Moultou , qui
me fait souffrir depuis plusieurs jours, je me Ht
vrerais à mon aise au plaisir de causer avec tous;
mais je ne désespère pas d'en retrouver une occa-
sion plus commode : en attendant, recevez moiK
remerciment de votre bon souvenir, et de celui de
madame Moultou, dont je me consolerai difficile-
ment d'avoir été si près sans la voir. Je veux croire
qu elle a quelque part au plaisir que vous m avez
fait de m'amener votre fils , et cela m*a rendu plus
touchante la vue de cet aimable enfant. Je suis
fort aise qull soit un peu jaloux , dans ce qu'il fait^
de mon approbation : il lui est toujours aisé de
s'en assurer par la vôtre; car sur ce point, comme
sur beaucoup d'auti^s , nous ne saurions penser
diffêremmeut vous et mot.
Je ne suis point surpris de ce que vous me mar*
quez des dispositions secrètes des gens qui vous
entourent : il y a long^temps qu^ik ont changé le
patriotisme en égoïsme, et Tamour prétendu du
bien public n'est plus dans leurs cœurs que la
haine des partb. Garantissez le vôtre, ô cher
Moultou, de ce sentiment pénible qui donne tou«»
jours plus de tourment que de jouissance , et gui j
lors même qu'il l'assouvit, venge dans le cœur
je celui qm l'éprouve le mal qu'il fait k son
16*
1 3G coiir»E5Po?rDA>XE ,
rctni. ParaJis aux bicnfaisans^ disait sans cesse
le bon abl)é de Saint-Pierre : voilà un paradis
que les médians ne peuvent ôter à personne , et
quils se donneraient^ s'ils en connaissaient le
prix.
Adieu, dier Moultou; je vous embrasse.
880. — A M. DU Peyrou.
Mbnq^nÎQ, le 16 septonbre 1769.
Je n'aurais pas attendu , mon cher hôte^ votre
lettre du 5 septembre pour repondre à celle du 6
août, si à mon retour du mont Pila je ne me fusse
foulé la main droite par une chute qui men a
pendant quelque temp gêné Ihisage. Je suis Lien
charmé de n apprendre votre accès de goutte qu'à
votre convalescence; c'est une grande consola-
tion, quand on souflfre, d'attendre ensuite de longs
intervalles durant lesquels on ne souffrira plus;
et je ne suis pas surpris que les tendres soins de
votre aimable Henriette fassent une assez grande
diversion à vos souIFrances pour vous les laisser
beaucoup moins sentir. Vous devez vous trouver
trop heureux de gt'^gner à son service des accès de
goutte dans lesquels vous êtes servi par ses mains.
Vous êtes assurément bien faits, lun pour donncr|
Pautre pour sentir tout le prix dessoins du plus pur
zèle et de la plus tendre amitié^ mais cependant ^
aux charmes près qu'elle seule y peut ajouter , des
soins de cette espèce ne doivent pas être absolu-
ÂvyÉB 176;). 187
ment nouveaux pour vous. Je suis plus que fl^itté,
]v suis touche qu'elle fe souvienne avec plaisir de
noire ancienne connaissance. J'aurais été trop
heureux de pouvoir la cultiver; mais les attache-
mens fondes sur 1 estime, tels i[ue celui que j'ai
conçu pour elle, n'ont pas J>esoin de l'habitude de
se voir pour s'entretenir et se renforcer. Fût-elle
beaucoup moins aimable , les respectables devoirs
qu'elle remplit si bien près de vous la rendent trop
estimable à tout le monde pour ne la pairlf^ndre
chère aux honnêtes gens, et surtout à vos amis.
A regard des échecs, malgré tout ce que vous me
dîtes de son habileté, vous me permettrez de
douter que ce soit le jeu auquel elle joue le mieux ;
cl, si jamais j ai le plaisir de faire une partie avec
elle, je lui dirai, et de bien bon cœur, ce que je
disais jadis k un grand prince (*) : « Je vous ho-
« nore trop pour ne pas gagner toujours. »
Vous aviez grande raison , mon cher hôte , d'atr
tendre la relation de mon herborisation de Pila;
car, parmi les plaisirs de la &ire, je comptais beau^
coup sur celui de vous la décrire. Mais les pre»
micrs ayant manqué me laissent peu de quoi
fournir à Tautre. Je partis à pied avec trois mes*
sieurs, dont un médecin, qui faisaient semblant
d'aimer la botanique, et qui , désirant me cajoler,
je ne sais pourquoi, s'imaginèrent qu'il n^ avait
rîeo de mieux pour cela que de me faire bien de$
(*) Xjè prince 4e Gonti.
iS8 CORRESPONDANCE,
&Ç0I1S. Jugez comment cela s assortit non seulo-
ment avec mon humeur, mais avec Taisance et !a
gaieté des voyages pédestres. Ils m'ont trouvé tri s-
maussade, je le crois bien; ils ne disent pas que
c est eux qui m'ont rendu tel. Il me semble que
malgré la pluie nous n^étions point maussades i
Brot ni les uns ni les autres. Premier article. I^
second est que nous avons eu mauvais temps
presque durant toute la route ; ce qui n amuse pas
quand on ne veut qu'herboriser^ et que, faute
dune certaine intimité , Ton n'a que cela pour
point de ralliement et pour ressource. Le troi>
sième est que nous avons trouvé sur la montagne
un tr^s-mauvais gîte; pour lit, du foin ressuant
et tout mouillé, hors un seul matelas rembourré
de puces, dont, comme étant le Sancho de la
troupe, j'ai été pompeusement gratifié. Le qua-
trième , des accidens de toute espèce : un de dos
messieurs a été mordu d un chien sur la montagne.
Sultan a été demr-massacré dVin autre chien ; il a
disparu, je lai cru mort de ses blessures ou mangé
du loup; et ce qui me confond est quà mon re-
tour ici je lai trouvé tranquille et parfaitement
guéri , sans que je puisse imaginer comment, dans
Tétat où il était, il a pu faire douze grandes lîeues
et surtout repasser le Rhône, qui n'est pas un petit
ruisseau, comme disait du Rhin M. Chazeron. Le
cinquième article , et le pire , est que nous n'ayons
presque rien trouvé, étant ailes trop tard pour les
fleurs^ trop tôt pour les graines^ et n^ayant eu nul
AirNÉE 1769. 18^
guide pour trouver les bons eodrolts. Ajoutez qus
la montagne est fort triste, incuite, déserte, et
n'a rien de Padmirable variété des montagnes de
Suisse. Si vous n étiez pas devenu un profane, je
vous ferais ici l'énumération de notre maigre col-
lection; je vous parlerais du méum, de ïoreille
i/oiirsj du doronic, de la historié, du napel, du
thymelœa, etc. Mais j'espère que quand M. d'Es-
chcniy , qui a appris la botanique eu trois jours,
sera près de vous, il vous expliquera tout cela.
Pamii toutes les plantes alpines très-communes,
l'en ai trouvé t^'ois plus cuiieuses qui m'ont fait
^and plaisir. L'une est Vonagra {œnothera bîen-
nis^ j <]ue j*ai trouvée aux bords du Rhône, et que
Tavais déjà trouvée à mon voyage de Nevers au
Lord de la Loire. La seconde est le laiteron bleu
des Alpes, sonchus alpinits, qui ma fait d'autant
plus de plaisir que fai eu peine à le déterminer,
ni'ol>stinant à le prendre pour une laitue; la troi-
sième est le lichen islandiciis,<i\ie j ai d'abord re-
connu aux poils courts qui I)ordcnt les feuilles. Jo
vous ennuie avec mon pédant étalage; mais si
votre Henriette prenait du fjoùt pour les plantes,
conuue mon foin se transformerait bien vite en
fleurs! II faudrait bien alors, malgré vous et vos
dents, que vous devinssiez botaniste.
t(]2 COTlTlESPOîrD A?f CE ^
suis pas au point d^aller, comme on vous Ta dit,
rh?rcher en Europe une plante qui empoisonne
par son odeur; et je pense y au contraire ^ quïl y a
beaucoup à rabattre des qualités prodigieuses,
tant en bien qu'en mal, que l'ignorance, la char-
latanerie, la crédulité et quelquefois la méchan-
ceté prêtent aux plantes, et qui, bien examinées,
se réduisent pour Fordinaire à très-peu de chose,
souvent tout-à-fait k rien J allais à Pila &ire ayoc
trois messieurs, qui faisaient semblant d'aimer la
botanique, une nerborisation dont le principal
objet était un commepcement d'herbier pour Yun
des trois, à qui j'avais tâché d'inspirer le goût de
cette douce et aimable étude. Tout en marchant^
M. le médecin M**^* m appela pour me montrer,
gisait-il 9 une très-belle ancolie. Comment, mon-
sieur, une ancolie! lui db-je en voyant sa plante;
c'est le napel. Là-dessus je leur racontai les £ibles
que le peuple débite en Suisse sur le napel; et j'a-
voue qu'en avançant et nous trouvant conmic
ensevelis dans une forêt de napels , je cra$ un ino-
ment sentir |iin peu de mal de tête , dont je recoiH
nus la chimère et ri^ aycc ces ijaessieurs presque
au même i^staqtl
Mais au lieu d une plante à laquelle Je n avais
pas songé, j'ai vraiment et vainement cherché â
Rila une fontaine glaçante, qui tuait, à ce qu on
nous dit, quiconque en buvait. Je déclarai qne
jeu voulais faire fessai sur moi-même , non pas
pour me tuer, je vous jurc^ mais pour désabuser
ANÎfÉE 1769. 193
ces pauvres gens sur la foi de ceux qn! se plaîseut
A calomnier la nature . craignant jusqu'au lait de
leur mère, et ne voyant partout que les périls et
la mort. J'aurais bu de l'eau de cette fontaine
comme M. Storck a mangé du napel. Mais au lieu
de cette fontaine homicide qui ne s est point trou-
vée, nous trouvâmes une fontaine très- bonne,
très-firaiche, dont nous bûjnes tous avec grand
plaisir, et qui ne tua personne.
Au reste, mes voyages pédestres ayant été jus-
qu'ici tous très- gais, faits avec des camarades
dl^aussi bonne humeiu' que moi , j avais espéré que
ce serait ici la même chose. Je voulus d'abord
bannir toutes les petites façons de ville *: pour
mettre en train ces messieurs, je leur dis des ca-
nons, je voulus leur en apprendre; je m'imaginais
que nous allions chanter, criailler, folâtrer toute
la journée*, je leur fis môme une chanson (l'ali;
s'entend) que je notai, tout en marchant par la
pluie, avec des chiffires de mon invention. Mais
quand ma chanson fut faite , il n en fut plus ques-
tion, ni damusemens, ni de gaieté, nJide âimi-
liarité; voulant être badin tout seul, je ne me
trouvais que grossier; toujours le grand cérémo-
oial, et toujours monsieur don Japhet. A la fin
|e me le tins pour dit; et, m'amusant avec mes
plantes, je laissai ces messieurs s*amuser à me faire
des fiiçons. Je ne sais pas trop si mes longues ra-
bâcheries vous aniusent ; je sais seulement que , si
je les polongeais encore, elles vous ennuirai«nt
19 { CORRESPONDANC?,
certamement à la fin. Voilà, monsieur, l'histoirB
exacte de ce tant célèbre pèlerinage, qui court
déjà les quatre coins de la France, et qui remplira
bientôt TEurope entière de son risiblc fracas^ J?
TOUS salue, monsieur, et vous embrasse de tout
mon cœur.
883. — - A HADAMB B.
Monquiii, le dd octobre ijCc^
Si je n avais été garde-malade, madame, et si
je ne Tétais encore, j^aurab été moins lent et je
serais moins bref à vous remercier du plaisir que
m*a fait votre lettre , et du désir que j'ai de mériter
et cultiver la correspondance que vous daignez
m^offi-ir. Votre caractère aimable et vos bons sen-
timens m étaient déjà assez connus pour me don-
ner du regret de n'avoir pu leur rendre mon hom*
mage en personne , lorsque je fus un instant votre
voisin. Maintenant vous m*offi:ez, madame, dans
la douceur de m^entretenir quelquefois avec tous,
u]|^ dédommagement dont je sens déjà le prix,
mais qui ne peut pourtant qu'à Faide d une ima-
gination qui vous cherche suppléer au charme de
voir animer vos yeux et vos traits par ces senti-
meqs vivifians et honnêtes dont votre coeur me
parait pénétré. Ne craignez point que le mien re-
pousse la confiance dont vous Toulez bien mlio-
uorer , et dont je ne suis pas indigne.
Adieu, madame; soyez sûre^ je vous suppfie,
ANN^E 1761. igS
qne mon cœur répond très-birn au ^-tôtre, et qu«
c'est pour cela que ma plume n ajoute rien.
883. — A M, DE SÀiin:-GERMAnf .
'A MonqaîD, le mardi 3i octobre 1769.
Il me reste ^ monsieur, un seul plaisir dans la
vie , et qui m est aussi doux que rare , celui de voir
la face dun honnête homme^ Jugez de leropres-
sèment avec lequel vous serez reçu quand vous
voudrez bien faire Tobligeante course que vous
me promettez. Les cadeaux que veut me faire
ML ont Tair d'une plaisanterie. Je vous prie do
vouloir lui &ire bien des salutations de ma part^
quand vous lui écrirez.
Permettez, monsieur, que j assure ici madame
àe Saint-Gennain de mon respect, que ie vous
salue et vous embrasse de tout mon cœur.
Restoit.
884. — A M. DU Pevrou.
Honqinny it i5 aovcmbre 1769.
Vous voflà , mon cher hôte . grike i la rechute
dont vous êtes délivré, dans un de ces intervalles
heureux 4uraiit lesquels , d entrevoyant que de
loin le retour des atteintes de goutte , vous pouvez
jouir de la santé, et même la prolonger; et je suis
bien sûr que le plus doux emploi que vous et}
pourrez faire sera de rendre la vie heureuse à cette
I g() CORRESPONDANCE ,
•limaBle Henriette qui verse tant de douceurs et
de consolations dans la vôtre. Les détails <p]e vous
me faites de la manière dont vous cultivez le fonds
de sentiment et de raison que vous avez trouvé
en elle, me font juger de Fagrément que vous de-
vez trouver dans une occupation si chérie , et me
font désirer bien des fois dans la journée d avoir
la douceur d'en être le témoin : mais, appelé par
de grands et tristes devoirs k des soins plus néces-
saires, je ne vois aucune apparence à me flatter
de finir mes jours auprès de vous. J'en sens le dé-
sir, je l'exécuterais même s'il ne tenait qu'à ma
volonté; la chose n'est peut-être pas absolument
impossible : mais je suis si accoutumé de voir tous
mes vœux éconduits en toute chose, que j'ai tout-
A -fait cessé d^en faire, et me borne à tlcher de
supporter le reste de mon sort en homme, tel qu*il
plaise au ciel de me l'envoyer.
Ne parlons plus de botanique, mon cher hôte;
quoique la passion que j'avais pour elle n'ait fait
qu'augmenter jusqu'ici; quoique cette innocente
et aimable distraction me fût bien nécessaire dans
mon état , je la quitte , il le faut; n'en parlons plus.
Depuis que j'ai commencé de m'en occuper, j'ai
fait une assez considérable collection de livres de
botanique, parmi lesquels il y en a de rares et do
recherchés par les botanophiles, qui peuvent don-
ner quelque prix à cette collection. Outre cela,
j'ai $Ht sur la plupart de ces livres un grand tra-
vail par rapport à la synonymie, en ajoutant à la
ATTNÉE 1769. içy
{dupart des descriptions et des figures le noia de
Linnxus. U £iut s'être essayé sur ces sortes de con-
cordances pour comprendre la peine qu elles coû*-
tent, et combien celle que j'ai prise peut en éviter
à ceux à qui passeront ces mêmes livres, s'ils en
veulent faire usage. Je cherche à me défaire de
cette collection , qui me devient inutile et difficile
à transporter. Je voudrais qu'elle pût vous con»
venir; et je ne désespère pas, quand vous aurez
un jardin de plantes, que vous ne repreniez le
goût de la botanique, qui, selon moi, vous serait
très-avantageux. En ce cas, vous auriez une col*
lectio^ toute Êiite, qui pourrait vous suffire, et
que vous formeriez difficilement aussi complète
en détail ; ainsi j'ai cru devoir vous la proposer
avant que d en parler à personne : j'en Ëiis faire
le catalogue^ voulez -vous que je vous le fasse
passer?
Je ne suis point surpris des soins, des Ion*
gueurs, des fiais inattendus, des embarras de
toute espèce que vous cause votre bâtiment : vous
avez dû vous y. attendre, et vous pouvez vous
rappeler ce que je vous ai écrit et dit à ce sujet
quand vous en avez formé Fentreprise. Cependant
vous devez être à la fin de la grosse besogne, et
ce qui vous reste i faire n^est qu un amusement
tn comparaison de ce qui est fait : à moins pour-
tan t que vous ne donniez dans la manie de dé^
£iire cl refiùre; car, en ce cas, vous en avez pour
la vie, et vous ne jouirez jamais. Refusez- vou9
17.
I gS CORRESPONDANCE y
totalement k cette tentation dangereuse, ou jf
TOUS prédis <pie tous vous en trouverez très^maL
885. — A M. Lalliauo.
Moaqaîtf, le 3o novembre 1769.
^APPRENDS avec plaisir, monsieur, que vous
jouissez, en bonne santé et avec agrément, du
beau climat que vous habitez, et que vous êtes
content à la fois de votre séjour et de votre ré-
colte. Vous avez deviné bien juste que, tandis que
l'ardeur du soleil vous forçait encore quelquefois
i chercher Tombre, j étais réduit à garder mes ti-
sons; et nous avions eu déjà de fortes gelées et des
neiges durables long-temps avant la réception de
votre lettre. Cela, monsieur, me chagrine en une
chose , c'est de ne pouvoir plus , pour cette année ,
exécuter votre petite commission des rosiers à
feuilles odorantes, puisque ayant depuis long-
temps perdu toutes leurs feuilles, ils seraient à
présent impossibles à distinguer, et difficiles même
à trouver. Je suis donc forcé de remettre cette re-
cherche à Tannée prochaine ; et je vous assure que
vous me fournissez Foccasion d une petite herbo-
risation très-agréable, en songeant. que je la fiiis
pour votre jardin.
Je vous dois et vous Êiis, monsieur, bien des
remercîmens des lauriers que vous avez la bonne
intention de m'envoyer pour mon herbier, quoi*
que je ne me rappelle point du tout qu'il en ait
AinrÉB 1769* ir^
été question entre nous : ils ne laisseront pas ctc
iTOQveT leur place, et de me rappeler votre obli-
geant souvenir aussi long-temps que je resterai
possesseur de mon herbier; car il pourrait dans
pu changer de maitre, ainsi que ntcs livres de
plantes, dont je cherche à me défaire , étant sur
le point de quitter totalement la botanique.
Jai fait votre commission auprès de madame
de Lessert, et je ne doute pas que , dans sa pre-
mière lettre, elle ne me charge de ses remerci-
mcns et salutations pour vous. Elle a eu la bonté
de me pourvoir d'une bonne épinctto pour cet
hiver; cet instrument me fait plaisir encore, et
me donne quelques momens d amusement; mais
il ne me fournit plus de nouucllcs idées de musi*
que, et je me suis vainement efforcé d^en jeter
quelques-unes sur le papier , rien n'est venu , et je
sens quîl faut renoncer désormais à la composi-
tion comme â tout le reste : cela n'est pas surpre*
nant.
Bonjour, monsieur; le beau soleil qu'il &it ici
dan5 ce moment me fait imaginer des promenades
délicieuses en cette saison dans le pays où vous
êtes-, et, si j^ étais aussi , j aimerais bien à les £iire
avec vous.
Bonjour derechef; portez-vous bien, amusez*
voQs^ et donnez-moi quelquefob de vos nouvelles
aOO CORRESPOXDANCB ,
886. A BfADAME B.
Monquîn , le ^décembre 1769.
Je piësume^ madame, que vous yoîlà heureu-
sement arrivée à Paris, et peut-être déjà dans le
tourbilloin de ces plaisirs bruyans dont vous prés-
entiez le yide, en vous proposant de les chercher.
Je ne crains pas que vous les trouviez , à l'épreuve,
plus substantiek pour un cœur tel que le vôtre me
paiait être, que vous ne les avez estimes : mais il
pourrait résulter de leur habitude une chose bien
cruelle, c'est qu ib devinssent pour vous des be
soins, sans être des alimt^ns; et vous voyez dans
quel état cruel cela jette quand on est foiicé de
chercher son existence là où l^on sent bien qu'on
De trouvera jamais le bonheur. Pour prévenir un
pareil malheur, quand on est dans le train den
courir le risque, je ne vois guère qu'une chose à
faire, c'est de veiller sévèrement sur soi-même , et
de rompre cette habitude, ou du moins de Tinter-
rompre avant de s'en laisser subjuguer. Le mal est
que, dans ce cas comme dans un autre plus grave,
on lie commence guère à craindre le joug que
quand on le porte et qu'il n^est plus temps de le
secouer; mais j avoue aussi que quiconque a pu
faire cet acte de vigueur dans le cas le plus diffi-
cile peut bien compter sur soi-même aussi dans
llaqtre; il suffit de prévoir qu'on en aura besoin.
La conclusion de ma morale sera donc moios ans-
'AinrÉE 1769. aoi
tère que le déliât. Je ne blâme assurémenf pas que
TOU5 vous livriez , avec la modération que vous y
voulez mettre, aux amusemens du grand monde
où vous vous trouvez : votre âge, madame, vos
sentimens, vos résolutions, vous donnent tout le
droit d'en goûter les innocens plaisirs sans alarmes;
et tout ce que je vois de plus à craindre dans les
sociétés où vous allez briller est que vous ne ren-
diez beaucoup plus difficile à suivre pour d'autres
Favis que je prends la liberté de vous donner.
Je crains bien , madame, que Tintérét peut-être
un peu trop vif que vous m'inspîrez ne m'ait fait
vous prendre un peu trop légèrement au mot sur
ce ton de pédagogue que vous m'invitez en quel-
que façon de prendre avec vous. Si vous trouvez
mon radotage impertinent ou maussade, ce sera
ma vengeance de la petite malice avec laquelle
vous êtes venue agacer un pauvre barbon qui se
dépêche d*être sermonneur, pour éviter la tenta-
tion d'être encore plus ridicule. Je suis même un
peu tenté, je vous lavoue, de m'en tenir là : Fétat
ou vous m apprenez que vous êtes actuellement,
et le vide du coeur, accompagné dune tristesse
habituelle que laisse dans le vôtre ce tumulte qu'on
appelle société, me donnent, madame, un vif dé-
sir de rechercher avec vous s il n^y aurait pas
mojen de faire servir une de ces deux choses de
remède à lautre; mais cela me mènerait à des dis-
cussions si déplacées dans le train d'amusemens
où je vous suppose^ et que le carnaval dont nous
aOl CORRESPOTTDAVCE ,
approchons ta probablement rendre plus vifs,
^'il me &udrait de votre part plus qu une per-
mission pour oser entamer cette matière dans on
moment aussi désavantageux. Si vous m entendex
d'avance^ comme je puis l'espérer ou le craindre,
dites<moi^ de grâce, si je dois parler ou me taire;
et soyez sûre, madame, que dans l'un ou Vautre
cas je vous obéirai, non pas avec le marne plaisir
peut-être, mais avec la même fidélité»
S87. — A M. Df Petroiï.
Blcnqaiii, 7 îaoTkr 1770.
Excusez, mon cher h6te, 1^ retard de ma ré-
ponse. Je ne vous ai jamais promis de l'exactitude,
encore moins de la diligence; et j'ai maintenaDt
une inertie plus grande qu'à l'ordinaire par la ri*
^eur de la saison et par le froid excessif de ma
diambre^ où, le nez sur un feu presque aussi a^
dent que ceux que vous faisiez faire àTiye, je oa
puis garantir mes doigts de l'onglée.
Jai prévu et je vous ai prédit tout ce qui arrive
au sujet de votre bâtiment, et dans le fond autant
vaut qu'il vous occupe qu'autre chose; si c'est un
tracas, c est aussi un amusement. C'est d ailleurs
la charge de votre état : il &ut opter dans la vie
entre être pauvre ou être affairé; trop heureux
d'éviter un troisième état que je connais bienj
c'est d'être à lafob l'un et l'autre.
Grand merci, mon cher hôte, de la subite vel-
léité qui tous prend de m'avoir auprès de vous.
Jai vu le temps que FezécutioD de ce projet eût
tait le bonhenr de ma vie; et si ce temps nVst plnSy
ce ù^est assurément pas ma &ute. Vous m exhortez
à vous traiter tout-à-lait en étranger ou tout-i-£iit
en ami; Taltemative me parait dure, car votre
exemple ne m'a pas laissé le choix, et votre cachet
m avertit sans cesse que nos deux sbnes ne sau-
raient jamais se monter au même ton. Vous voulez
que nous Êssions un saut en arrière de trois ou
quatre ans; vous voilà bien leste avec votre goutte:
pour moi , je ne me sens pas si dispos que cela ; et
quand je pourrais me résoudre à faire ce saut une
fois, je voudrais du moins être sûr de n^en avoir
pas dans trois on quatre ans un second à faire. Je
vous avoue nalarellement que si ce saut était en
mon pouvoir, je ne le ferais pas seulement de trois,
mais de huit.
Tout cela dit, Je ne vous dissimulerai point que
f effacerai difficilement de mes souvenirs la douce
idée que je m^étais faite dWhever paisiblement
mes jours près de vous. Tavoue même que laima-
ble hôtesse que vous m'avez donnée me rend cette
idée infiniment phis riante. Si je pouvais lui feire
ma cour au point de vous rendre jaloux du pauvre
barbon , cela me paraîtrait fort plaisant et surtout
fort agréable ; et crojez-moi , mon cher hôte , vous
aurez beau vous vanter d'en vouloir courir les ris-
ques, je vous connais, votre mine stoïque est ad-
ao4 (CORRESPOND AKCE,
mirable, mais seulement tant que vous êtes loin
du danger.
Votre conseil de ne point renoncer subitement
et absolument à la botanique me parait de fort
bon sens, et je prends le parti de le suivre. Il est
contre la nature de la cbose de se prescrire on de
s^interdire d'avance un choix dans sesamusemens.
Quand le dégoût viendra, je cesserai dlierboriser;
quand le goût reviendra, je recommencerai jus-
qu'à ce qull me quitte derechef. II est déjà revenu.
Des plantes qu'on ma envoyées et des correspon-
dances de botanique me Font rendu, et je doute
quil seteîgne jamais tout-à-&it. Cela n'empd-
chera pourtant pas que je ne me défasse de mes
livres et même de mon herbier; et , si vous voulez
tout de bon vous accommoder de Fun et de l'antre,
je serai charmé qu'ils tombent entre vos mains,
qui, quoi que vous en disiez, ne seront jamais
pour moi des mains tout-à-&it étrangères. Le désir
3ue j'avais de vous envoyer le catalogue est une
es causes qui ont retardé cette lettre. Le grand
froid ne me permet pas, quant à présent, ce bon-
quinage; et, puisque vous ne voulez pas encore
avoir ces livres , rien ne presse. Mais vous ne serez
pas oublié, et vous aurez la préférence que vous
avez Thonnéteté de me demander, et qui en de«
vient réellement une, car depuis ma deroièrt
lettre on m'a demandé cette collection.
t
888* — A M. MouLTouv
Moo^pûa, le to jaBv|i«r 1770.
Je comprends, mon cher Mooltoa, qu^une
caisse de confitures que j\ii reçue de Montpellier
est le cadeau que vous m'aviez annoncé cet été ^
et auquel je ne songeais plus quand il est venu me
surprendre en guet-apens. Que voulez-yous que
je fasse d'un si grand magasin? voulez-vous que
je me mette marchand de sucre? il me semble que
je n étais pas trop appelé à ce métier ; voulez-yous
que je le mange? il en faudrait beaucoup, je l'a-
voue, pour adoucir les fleuves d'amertume qu'on
me £iit avaler depuis tant d années ; maisc est une
amertume mielleuse et traîtresse , qui ne saurait
s'allier avec la franche douceur du sucre. Votre
envoi, cher Moult ou, n est raisonnable qu'au cas
que vous vouliez venir m'aider i le consommer;
j'en goûterais alors la douceur dans toute sa pu-,
reté. Il Êiudraiiattendre , il est vrai , que la saison
i&t plus doace elle-même; car, quant i présent^
la campagne n'est pas tenable; il y fait presque
aussi froid que dans ma chambre, où, près d\ia
grand feu, je gèle ei^ me rôtissant, et Tonglée m»
&it tomber la pluine des doigts.
Adieu , cher Moultou : me3 deux moitiés émir
brassent les diei^: vôtres^ et topt ce qui vous éfl
cEer*
. S. 18
808 CORRESPOKDAirCE ,
premier éclat. On croit que ce n*est pas à une
femme de votre âge qu'il faut dire ces choses-là;
et moi je crois, au contraire, que ce n'est qu'à
votre âge qu'elles sont utiles, et que le cœur s'y
peut ouvrir : plus tôt, il ne saurait les entendre;
plus tard , son habitude est déjà prise, il ne sau-
rait les goûter.
Gomment s'y prendre? me direz-vous ; que feîrc
pour cultiver et développer ce sens moral? Voilà,
madame , à quoi j'en voulais venir : le goût de la
vertu ne se prend point par des préceptes, il est
reffct d'une vie simple et saino : on parvient bien-
tôt à aimer ce qu'on fait , quand on ne fait que œ
qui est bien. Mais pour prendre cette habitude^
qu'on ne commence à goûterqu'aprèsPavoirprise,
fl faut un motif : je vous en offire un que votre
étdt me suggère; nourrissez votre en&nt. J'en-
tends les clameurs, les objections : tout haut, les
embarras, point de lait, un mari qu'on impor-
tune.... tout bas, une femme qui se gêne, l'ennui
de la vie domestique, les soins ignobles, Pabstî*
nence des plaisirs.... Des plaisirs? Je vous en pro-
mets, et qui rempliront vraiment votre âme. Ce
n'est point par des plaisirs entassés qu on est heu-
reux , mais par un état permanent qui n'est point
composé d'actes distincts : si le bonheur n'entre,
pour ainsi dire, en dissolution dans notre âme,
s'il ne fait que la toucher, l'effleurer par quel-
ques points, il n'est qu apparent , il n'e^ rien
pour elle*
*AKKiB 1770. â(K)
Lliabitude La plus douce qui puisse exister est
oelle de la vie domestique, qui nous tient plus près
de nous qu'aucune autre : rien ne s'identifie plus
fbrtement^plus constamment avec nous que notre
femille et nos en&ns, les seutimens que nous ac-
quérons ou que nous renforçons dans ce com-
merce intime sont les plus vrais, les plus durables,
les plus solides qui puissent nous attacher aux
êtres périssables ; puisque la mort seule peut les
éteindre; au lieu que Tamour et l'amitié vivent
rarement autant que nous : ils sont aussi les plu^
purs , puisqu'ils tiennent de plus près à la nature ,
à Tordre, et 9 par leur seule force, nous éloignent
du vice et des goûts dépravés. J'ai beau chercher
où l'on peut trouver le vrai bonheur, s^il en est
sur la terre, ma niison ne me le montre que lit...*
Les comtesses ne vont pas d^ordinaire Yy cher-
cher, je le sais; elles ne se font pas nourrices et
gouyemantes; mais il faufqu^elles sachent se pas-*
ser d'être heureuses; il faut^ue, substituant leurs
brajans plaisirs au vrai bonheur, elles usent leur
vie dans un travail de forçat pour échapper à
Pennui qui les étouffe aussitôt qu'elles respirent;
et il &ut que celles que la nature doua de ce divin
sens moral qui charme quand on s y livre, et qui
pèse quand on l'élude, se résolvent à sentir ince^
samment gémir et soupirer leur cœur j tandis qu^
leurs sem s amusent.
Mais nioî qui parle de famSIe, d'en&ns.... Ma*
dame, plaignes ceux ^u'oo sort de fer prive d'un
j3.
^IQ COR&ESPO{n>A!rCE|
pareil bonheur; plaignez4cs s'ils ne35nt<}ueiftat
heureux; plaignez -les beaucoup plus s'ils sont
coupables. Pour moi, jamais on ne me verra ^
prévaricateur de la vérité, plier dans mes égare-
mens mes maximes à ma conduite; jamais on ne
me verra falsifier les saintes lois de la nature et
du devoir pour exténuer mes fautes. J'aime mieux
)es expier que les excuser : quand ma raison me
dit que j'ai ait dans ma situation ce que j'ai dû
Élire, je l'en crob moins que mon coeur qui gémit
et qui la dément. Condamnez-moi donc, madame,
mais écoutez-moi : vous trouverez un homme ami
de la vérité jusque dans ses fautes , et qui ne craint
point d'en rappeler lui-même le souvenir, lors-
qu'il en peut résulter quelque bien. ISéanmoins je
rends grâces att ciel de n'avoir abreuvé que moi
des amertumes de ma vie, et d'en avoir garanti
mes enfàns : j'aime mieux qu ils vivent dans un
état obscur sans me connaître, que de les voir,
dans mes malheurs , bassement nourris par la traî*
tresse générosité de mes ennemis, ardens à les
instruire à hair, et peut-être à trahir leur père ; et
j'aime mieux cent fois être ce père infortuné qui
négligea son devoir par faiblesse , et qui pleure sa
&ute, que d'être l'ami perfide qui trahit la con-
fiance de son ami, et divulgue, pour le difiamer|
le secret qu'il a versé dons son sein.
Jeune femme, voulez -vous travailla à vouS
rendre heureuse? commencez d'abord par nourrir
votre enfant : ne mettez pas votre fille dans un
convent, élevez -la vous-même; votre mari est
jeuue, il est dun hou naturel; voilà ce qu'il nous
l'aut. Vous ne me dites point comment il vit avec
vous; n'importe : fut-il livré à tous les goûts dô
sou âge et de son temps ^ vous Ten attacherez par
les vôtres sans lui rien dire; vos en fans vous aide-
ront à le retenir par des liens aussi forts et plus
constans que ceux de Tamour : vous passerez la
vie la plus simple, il est vrai^ mais aussi la plus
douce et la plus heureuse dont j'aie l'idée. Mais
encore une fois , si celle d'un ménage bourgeois
vous dégoûte, et si l'opinion vous subjugue, gué-
rissez-vous de la soif du bonheur qui vous tour*
mente, car vous n« Tétancherez jamais*
Voilà mes idées : si elles sont fausses ou ridi*
cules, pardonnez Terreur à Fintention ; je mé
trompe peut-être, mais il est sûr que je ne veux
pas vous tromper. Bonjour, madame; 1 intérêt
que vous prenez à moi me touche , et je vous jure
que je vous le rends bien.
Toutes vos lettres sont ouvertes; la dernière Ta
été , celle-ci le sera ; rien i^* est plus certain. Je vous
en dirais bien la raison, mais ma lettre ne vous
par/iendrait pas ; comme ce n est pas à vous qu'on
en veut , et que ce ne sont pas vos secrets qu on y
cherche, je ne crois pas que ce que vous pour-
riez avoir à me dire fût exposé à beaucoup d'in-
discrétion; Eiais e&core faut- il que vous soyez
avertie.
El 2 COREESPONDANCE,
890. ▲ LA XÊMB.
llonqaîn,1e S fôvxîcr 1770.
Si votre dessein , madame , lorsque tous com-
mençâtes de m'écrire, était de me circonvenir et
de m abuser par des cajoleries , vous avez parfai-
tement réussi. Touché de vos avances, je prêtais
i votre âme la candeur de votre âge; dans fatten-
drissemcnt de mon cœur, je vous regardais déjà
comme Faimable consolatrice de mes malheurs et
de ma vieillesse, et^'lldée charmante <jue je me
taisais de vous effaçait Pidée horrible des auteurs
des trames dont je suis enlacé. Me voilà désabusé;
c^est louvrage de votre dernière lettre : son tortil-
lage ne peut être ni la réponse que U mieone a
dû naturellement vous suggérer, ni le langage ou-
l^ert et franc de la droiture. Pour moi, ce langage
ne cessera jamais d'être le mien : je vois que vous
avez respiré laîr de votre voisinage. Ehl mon
Dieu, madame, vous voilà, bien jeune, initiée â
des mystères bien noirs I J'en suis Ùiché pour moi,
j^en suis affligé pour vous.... à vingt-deux ans!....
Adieu, madame.
Rousseau.
P. S. En reprenant avec plus de sang-froid
votre lettre, je trouve la mienne dure et même in-
juste; car je vois que ce qui rend vos phrases em»
barrassées est quune involontaire sincénté s'}
ittéle à la dissimulation que tous voulez avoir. En
blâmant mon premier mouvement ^ je ne veut
pourtant pas vous le cacher; non /madame, vous
ne voulez pas me tromper, je le sens; c'est vous
quon trompe, et bien cruellement. Mais, cela
posé, il me reste une question à vous faire. Dans
le jugement que vous portez de moi, pourquoi
m éarire7poiirquoi me recherchcr?que me voulcz-
voos? recherche -t- on quelqu'un qu'on n'estime
pas? Eh! je fuirais jusqu'au bout du monde un
homme que je verrais comme vous paraissez me
voir. Je suis environné, je le sais, d'espions em-*
pressés et d^ardens satellites qui me flattent pour
me poignarder; mais ce sont des traîtres, ils font
leur métier. Mais vous, madame, que je veux ho-*
norer autant que je méprise ces misérables, de
grâce que me voulez-vous? Je vous demande. suif
ce point une réponse précise, et, pour Dieu, sui-
vez en la fiiisant le mouvement de votre cœur et
non pas limpulsion d autrui» Je veux i*épondre
en détail à votre lettre, et j'espère avoir long-
temps la douceur de vous parler de vous : mais|
pour ce moment^ commençons par moi; com^
mençons par nous mettre en règle sur ce que nous
devons penser l'un de Fautre. Quand nous sau«
rons bien à qui nous parlons, nous en saurons
mieux ce que nous aurons à nous dire.
Je TOUS prie , madame , de ne plus m'écrire sous
on autre nom que celui que je signe, et que je
n'aurais jamais dû quitter.
% 1 6 C02lR£SP0!?DiKCE ^
tête da petit bonhomme : il vous regarde Comme
un homme à ses gages , une espèce de domestique ,
fait pour lui obéir, pour complaire à ses caprices j
et, dans son petit jugement, il lui parait fort
étrange que ce soit vous qui prétendiez l'asservir
aux vôtres; car c'est ainsi qull voit tout ce que
vous lui prescrivez : toute sa conduite avec vous
Il est qu'une conséquence de cette maxime, qui
nest pas injuste, mais qu^il applique mal, que
c*est à celui qui paie de commander. Diaprés ceh
qu importe qu'il ait tort ou raison? C est lui qui
paip.
Essayez, chemin faisant, d'effacer cette opi-
nion par des opinions plus justes, de redresser ses
çrrçurs par des jugemens plus sensés : tâchez de
lui faire comprendre qu'il y a des choses plus es-
timables que la naissance et que les richesses; et
pour le lui faire comprendre il ne faut pas le lui
dire, il faut le lui faire sentir, forcez sa petite
flme' vaine à respecter la justice et le courage, à se
mettre à genoux devAUt la voi^^^ et n'allez ps
Sour cela lui chercher des livres, les hommes des
vres ne $eron( j^m^is pour lui que des hommes
d'un autre n^onde. Je ne sache quun seul modèle
qui puisse avoir à se^ yeux de la réalité ; et ce mo-
dèle , c^est vous , monsieur; le poste que vous rem-
plissez est à mes yeux le plu& noble et le plus
grand qui soit sur la terre. Que le vil peuple en
pense ce qu'il voudra, pour moi je vous vois à )a
flaire de Dieu, vous ^ites un hpnune. Si vfbs
TOUS voyez du même œil qae moi , que cette idée
doit vous élever en dedans de vous-même ! qu^elle
peut vous rendre grand en effist! et c'est ce quil
£iut; car, si vous ue Tétiez qu^en apparence, et
que vous ne fissiez que jouer la vertu, le petit bon*
homme vous pénétrerait infailliblement, et tout
serait perdu. Mais si cette image sublime du grand
et du beau le frappe une fois en vous^ si votre
désintéressement lui apprend que la richesse ne
peut pas tout; s'il voit en vous combien il est plus
grand de commander à soi-même qu'à des valets;
si vous le forcez, en un mot, à vous respecter^
dès cet instant vous Faurez subjugué, et je vou^
réponds que, quelque semblant qu'il fasse, il ne
trouvera plus égal que vous soyez d accord avec
lui ou non, surtout si, en le forçant de; vous ho-
norer dans le fond de son petit cœur, vous lui
marquez en même temps faire peu de cas de ce
quil pense lui-même, et ne vouloir plus vous fa-
tiguer à le &ire convenir de ses torts. Il me semble
qu'avec une certaine façon grave et soutenue
d'exercer sur lui votre autorité, vous parviendrez
à la fin à demander froidement à votre tour :
Qu est-ce que cela fait que nous soyons d'accord
ou non? et qu'il trouvera, lui, que cela fait quel-
que chose. Il faudra seulement éviter de joindre
à ce sang-fi<oid la dureté qui vous rendrait hais-*
sable. Sans enti;er en explication avec lui , V0113
pouirez dire à d'autres en sa présence : « J^aurais
•r frit mes délices de rendre son en&nce heureuse^
FO'é
^âO rORRESPOITDjlRCB,
892. -^ A M. MoULTOU.
Monquin , k 1 7 70.
Paittbbs aveugles que nous sommes ! etc.
Cher Moultou, quoique tous paraissiez moa*
hlier, je vous aime toujours, et je n'ai pas voulu
mcloigner de ce pays sans vous en donner avis et
vous dire encore un adieu. Je compte y rester
quinze jours ou trois semaines avant de me ren-
dre H Lyon : ces trois semaines me seraient bien
précieuses pour Therborisation des mousses et des
lichens, si la neige n'y portait obstacle; car pro-
bablement loccasion nen reviendra plus pour
moi. Le temps, qui parait vouloir se remettre,
peut permettre un essai ; et, après avoir été long-
temps bien malingre, je comptô tenter aujooF-
d'hui lanalyse de quelques troncs d'arbres. Faites
comme moi. Adieu; je vous embr^asise tendrement,
et je vous exhorte à m'aimer, car je le mérite.
J. J. ROVSSEAU.
Je reprends un nom que je n aurais Jamais dû
quitter : n en employez plus d'autre pour m^écrire.
893* A MADAME GoN€£RU|
«£e nouss&Au,
MiMiquUi)]6 17 701.
I^AUVBEs sTeuglea que nous sommes! ! etc.
Ma bonne, ma chère , ma respectable tante, né
mourant, je vous pardonne de m'avoir &it vivre,
'À3mJÈB 1770. !iii
et ]e m^afflîge de ne pouvoir vous rendre i la fin
de vos jours les tendres soins que vous m'avet
prodigués au commencement des miens« Â la pre»
nûèie lueur d une meilleure fortune, je songeai i
vous faire une petite part de ma subsistance qui
pût rendre la vôtre un peu plus commode : je vous
en fis aussitôt donner avis , et votre petite pension
commença de courir en même temps, savoir à la
fin de mars 1767 (^). 11 ny a pas encore de cela
trois ans révolus, et ces trois ans vous ont été
payés d avance, année par année : ainsi, quand
vous ne recevriez rien d^uit an dlci, tout serait
encore en règle, et il n'y aurait encore rien d'ar-
riéré. Mon intention est bien pourtant de conti-
nuer à vous payer d'avance et Tannée qui corn»
mencera bientôt de courir et les suivantes , autant
que mes moyens me le permettront; mais, ma
chère tante , je ne puis pas vous dissimuler que la
dureté présente et future de ma situation me met
dans la nécessité de compter avec moi-même,
sans quoi je ne me résoudrais jamais à compter
avec vous. Veuillez donc prendre un peu de pa»
tience dans la certitude de n'être pas oubliée^ et
s*ii arrivait dans la suite que votre pension tardais
k venir, ce qui ne sera pas, autant qu'il me sera
possible, dites -vous alors à vous-même : Je con-
fiait le ccmr de man neveu; et, sûre ip^il ne
m'oublie pas, je le plains de n'être pas en àkH de
'»-
i") Voyei U ktti« k dlTernoisy da 39 iaiiTÎer 1 7 66.
^
aia ïonzspontoiircx,
mieUx faire. Adieu, ma bonne et respectaUe
tante : je tous recommande à la Proyidence ; faitei
la mAme chose pour moi, car fen ai grand besoioi
et recevez avec bonté mes plus tendres et respec-
tueoses salntations.
894* — « A M. U MARQUIS DE CoKDORCET.
MonquÎD, le 17 7a
pÂum aTCngldr ^[ne ooai loiBinesi etc.
Je suis pënéiré, monrieur, de Honneur que
TOUS me fiâtes de mmvoyer vos Essais d'analyse,
et je m en sens digne )pas ma sensibilité, quoique
je le sois si peu par mon intelligence, trop bornée
pour me mettre en état de lire cet ouvrage, que
ma l&te affaiblie ne me permettrait même plus de
Sttiirre, quand j'aurais les connaissances néce»-
aaores pour cela. Que je tous envie de cultiver de
Erofondes études qui mènent à des vérités qunn
omme boié peut dire impunément à ses sem-
UaUes, sans avoir besoin de tenir à des partis et
de se donner des appuis! Si j avais i renaître, pe
ticberais d'être votre disciple poor mériter l%on-
nenr d'être un jour votre émule et votre ami; mais
ne pouvant, dans mon ignorance, être que votre
stopide admirateur, je vous remercie au moins
du moment de véritable dooceur que votre obli*
géante attention jette sur ma triste eadsteni». Je
vous salue , monsieur, et vous hon^ne de -tout mon
coeur.
AmntE 1770. iii
895. A M. DB BSLLOT.
Monqpio, par Bonigoio t le 17 70.
FAinrB« «reu^ei que nous tnnmiet! aie
Jlionorais vos talens , monsieur, encore plus le
digne usage que vous ea faites, et j admirais com«
ment le même esprit patriotique nous avait con •
duits par la même route à des destins si contraires,
vous à l'acquisition d'une nouvelle patrie et à des
honneurs distingués, moi à la perte de la mienne
et à des opprobres inouïs.
Vous m'avez ressemblé , dites-vous , par le mal-
henr; vous me feriez pleurer sur vous, si je pou-
vais vous en croire. Etes-vous seul en terre étran-
gère, isolé, séquestré, trompé, trahi, difiamé par
tout ce qui vous environne , enkcé de trames hor-
ribles dont vous sentiez Teifi^, sans pouvoir par-
venir i les connaître, A les démêler? Etes-vous i
la merci de la puissance, de la ruse, de l'iniquité ^
réanies^ pour vous traîner dans la fange, pour
élever autour de vous une impénétrable oeuvre de
ténèbres, pour vous enfermer tout vivant dans
wi cercueà? Si tel est ou fat votre sort, venez,
gémissons ensemble; mais, en tout autre cas, ne
vous vantez point de faire avec moi société dé
malheurs.
Je Usais votre Bayàrd , fier que vous eussiez
trouvé mofh Edouard digne de lui servir de mo-
dèlt en quelque choses et vous me fabiez vénérer
33.J ' CORRESPONDANCE,
ces antiques Français auxquels ceux d aujoardlmi
ressemblent si peu, mais que vous &ites trop bien
agir et parler pour ne pas leur ressembler vous-
même. Â ma seconde lecture , je suis tombé sur
un vers qui m^avait échappé dans la première, et
^ui par réflexion ma déchiré (*), J'y ai reconnu,
non y grâces au ciel, le cœur de Jean-JacqueS;
mais les gens à qui j'ai affaire, et que, pour mon
malheur, je connais trop bien. J'ai compris, j'ai
pensé du moins qu^on vous avait si^géré ce vers-
là : Misère humaine! me suis- je dit. Que les mé^
chans diffament les bons, ils font leur œuvre;
mais comment les trompent-ils les uns à légard
des autres? leurs âmte n'ont-eltes pas pour se r^
connaître des marques 'plus sûres que tous les
prestiges des imposteurs? J'ai pu douter quelques
instans, je l'avoue ^ si vous n'étiez point séduit
plutôt que trompé par mes ennemis.
Dans ce même temps, j'ai reçu voâre lettre et
votre Gabrielle, que j'ai lue et relue aussi, mais
avec un plaisir bien plus doux que celui que mV
vait donné le guerrier Bayard; car Ihéroisme de
la valeur m'a toujours moins touché que le charme
du sentiment dans les âmes bien nées. L'attache»
ment que cette pièce m'inspire pour son auteur
est un de ces moovemens, peut-être aveugles,
II- I I 11.11 *
(*} n est probable que ce vers ccait le Mccnd da oeardom-ôi
Que de Terta briUait dan» ton làiui vqiefitir !
Peu^on li biem la peindre, et ne Ia pM teolirS
mais auxquels mon cœnr n^a jamais résisté. Ceci
me mène à Tavea d une autre folle à laquelle il ne
résiste pas mieux, c'est de faire de mou Héloise le
critérium sur lequel je juge du rapport des autres
coeurs avec le mien. Je conviens volontiers qu'on
peut être plein d'honnêteté ^ de vertu , de sens , de
raison^ de goût, et trouver ce roman détestable :
quiconque ne laimera pas peut bien avoir part à
mon estime, mais jamais à mon amitié; quicon*
que n'idolâtre pas ma Julie, ne sent pas ce quil
&LUt aimer; quiconque n'est pas l'ami de Saint-
Preux, ne saurait être le mien : d'après cet entê-
tement, jugez du plaisir que j'ai pris en lisant
votre Gabrielle, d'y retrouver ma Julie un peu
plus héroïquement requinquée, mais gardant son
même naturel , animée peut4tre d'un peu plus de
chaleur, plus énergique dans les situations tragi»
ques, mais moins enivrante aussi, selon moi,
dans le calme. Frappé de voir dans des multitudes
de veri; â quel point il &ut que vous ayez contem*
plé cette image si tendre dont je suis le Pygma-
Ëon , j'ai cru , sur ma règle ou sur ma manie , que
la nature nous avait laits amis-, et, revenant avec
plus d'incertitude aux vers de votre Bayard, j'ai
résolu d'en parler avec ma franchise ordinaire |
sauf k vous de me répondre ce qu*il vous plaira.
M. de Belloy, je ne pense pas de rhonneur^
coimne tous de la vertu, qu^ soit possible d'ea
bien parler, &y revenir souvent par goût, par
choix, et d'en parler toujours d^un ton qui touche
aaB C0UL2SP051>AlfGE ,
^e Boai^oîn par le temps qu'il &it^ et je m'oppose
absolument à tout désir que vous pourriez avoir
de renouveler pour moi cette oeuvre de miséri-
corde; au lieu du plaisir que me donne toujours
votre présence, vous ne m'apporteriez que des
alarmes pour votre santé et pour votre retour.
Cependant , avan t de nous séparer vraisemblable-
ment pour toujours, que j'aie au moins, s'il m^est
possible, la douceur denûn*asser encore une fois
mon consolateur. Je compte, monsieur, sur ce
que vous me dites dernièrement , que vous aviez
encore au moins buit à dix jours à rester à Bour-
goin I et je tâcherai d^en prendre un , s'il m^est pos-
sible , pour me rendre auprès de vous. Si malben-
reusement votre départ était accéléré, je vous
prierais de vouloir bien ipe le faire direy a£n que
je ne fisse pas un voyage inutile.
Monsieur, veuille le ciel vous payer en prospé-
rités, tant sur vous que sur madame de Saint-Xîer
main et sur votre aimable et florissante famille, It
prix des boutés dont vous m avez comblé! Soi^
yenez-rvous quelquefois d*un infortuné qui ne m&
rite point ses malheurs, qui vous prouva sa véné-
ration pour vous par sa confiance, et qui, par le
.droit qu'il se sent à votre estime2 se gliorifiera toiP*
jours oy avoir part.
'ksmtE 1770. 23g
Monqnin, le 17 ^Ck
PAimES iTeu^les que nous sommet ! etc.
0& étes-vous, brave Saint -Germain 7 Quand
pcrarrai'je voos embrasser, et réchauffer au feu de
votre courage celui dont j ai besoin pour suppor-
ter les rigueurs de ma destinée? Qu il est cruel,
qu'il est déchirant pour le plus aimantdeshommes
de se voir devenir ïhorreur de ses semblables en
retour de son tendre attachement pour eux, et
sans pouvoir imaginer la cause de cette frénésie,
ni par conséquent la guérir! Quoil Timplacable
animosité des méchans peut -elle donc ainsi ren-
verser les tÂtes et changer les cœurs de toute une
nation, de toute une génération? lui montrer noir
ce tjuî est blanc; lui rendre odieux ce qu'elle doit
aimer; lui faire estimer Hniquité justice; la tra-
hison, généro^té? Ahl c'est aussi trop accorder
à la puissance que de lui soumettre ainsi le juge-
ment ^ le sentiment, la raison, et de se dépouiller
pour elle de tout ce qui nous fait hoippies.
Quels sont mes torts envers M. de Choiseuji?.
Un seul, mais grand, celui d^avoir pu lestimen
pans ma retraite , je ne connaissais de lut que S9n
mini5tère : son pacte de &mille me pévint en la»
veur de ses talens, Il av^t paru bien disposé pour
moi : cette bienveillance m en avait inspiré. Je ne
savais ri^n de son naturel, de se$ goûts, de s^
Ootntfonâêact» 5» 30
a3o coiiit£SPOia)ÀNCV,
inclinations, de son caractère; et, dans les ténè-
bres où je suis plongé depuis tant d'années, j^ai
long-temps ignoré tout cela. Jugeant du reste par
ce qui m'était connu, je lui donnai des louanges
quil méritait trop peu pour les prendre au pied
de la lettre. Il se crut insulté : de là, sa liaine et
tous mes malheurs. En me punissant de mon tort
il m'en a corrigé. S'il me punit maintenant de loi
rendre justice , il ne peut être trop sérëre; car as-
surément je la lui rends bien.
Pour mieux assouvir sa vengeance , il n'a roula
ni ma mort qui finissait mes malheurs, ni ma
captivité qui m'eût du moine donné le repos. D a
conçu que le plus grand supplice d une âme fiëre
et brûlante d amour pour k^gloire étaitle mépris et
l'o}:probre , et qu'il n'y avait pdint pour moi de pire
tourment que celui d'être haï ; c'est sur ce double
objet qu'il a dirigé son plan. Il s'est appli^é â me
travestir en monstre effi^oyable; il a concerté dans
te secret Fœuvre de ma diffamation; il m'a fait en-
lacer de toutes parts par ses satellites; il m'a fiùt
traîner par eux dans la fange ; il m'a rendu la fiide
du peuple et le jouet de la canaille. Pour m accabler
encore mieux de la baine publique, il a pris soin
de la Taire sortir par les moqueuses caresses des
fbnrbes dont il me disait entourer; et, pour der»
nier raffinement, il a fait en sorte que partout les
égards et les attentions parussent me suivre, afin
que , quand , trop sensible aux outrages, j esdbale-
rais quelques plaintei^^ j'eusse Pair d'un hontm»
Àjxviz 1770. 23 1
ijiiï n'est pas à son aise avec lui-mdme, et qui se
plaint des autres parce qu'il est mécontent de lui*
PoQT m'isoler et m'ôter tout appui, les moyens
étaient simples. Tout cède k la puissance, et près*
que tout à Tintrigue. On connaissait mes amis, on
a travaillé sur eux ; aucun n'a résiste. On a éventé
par la poste toutes les correspondances que je
pouvais avoir. On m'a détaché de temps en temps
de petits chercheurs de places, de petits implo*
reurs de recommandations, pour savoir par eux
sil ne restait personne qui eût pour moi de la
bienveillance, et travailler aussitôt à me rôter. Je
connais si bien ce manège, et j'en ai si bien senti
le succès, que je ne serais pas sans crainte pour
XL de Saint-Germain lui-même, si je le savais
moins clairvoyant, et que je connusse moins sà
sagesse et sa fermeté. Parmi les objets de tant de
vîgîlanoe, mes papiers nont pas été oubliés. J'^i
confié tous ceux que j'avais en des mains amies ^
ou que je crus telles : tous sont à la merci de mes
ennemis. Enfin on ma lié moi-même par des en*
gagemens dont j'ai cru vainemoit acheter mon
repos, et qui n'ont servi qu'à me livrer pieds et
poings liés au sort qu'on voulait me ùite. On ne
m'a laissé pour défense que le ciel, dont on ne
s'embarrasse guère, et mon innocence^ quon u'a
pu m'ôter.
Parvenu une Ibis à ce point, tout le reste va de
lui-même et sans la moindre difficulté. Les genà
ckiTgés de disposer de moi ne trouvent plus d'obs*
33a COIOIESPOVDàNCE,
tades. Les essaims despions maivèillans et yigi-
lans^ dont je suis entoaré, savent comment ils
ont à Élire leur cour. S il y a du bien , ils se garde-
ront de le dire, ou prendront soin de le travestir;
s'il y a du mal, ils Faggraveront; s'il n y en a pas,
ils l'inventeront. Ils peuvent me charger tout à
leur aise ; ils n^ont pas peur de me trouver là pour
les démentir. Chacun veut prendre part à la fête,
et présenter le plus beau boulet. Dès qu'il est
convenu cpie je suis un homme noir, c'est k qui
me controuvera le plus de crimes. Quiconque en
a fait un peut en faire cent, et vous verrez que
bientôt j'irai violant, brûlant, empoisonnant, as-
sassinant k droite et à gauche pour mes menus
plaisirs, sans m embarrasser des foules de surveil-
lans qui me guettent > sans songer que les plan-
chers sous lesquels je suis ont des yeux, que les
murs qui m'entourent ont des oreilles, que je ne
fais pas un pas qui ne soit compté, pas un mou-
vement de doigt qui ne soit noté , et sans que du-
rant tout ce temp-là personne ait la charité de
pou^Toir à la sûreté publique en m'empêcbant de
continuer toutes ces horreurs , dont ils se conten-
tent de tenir tranquillement le regbtre , tandis que
je les £aiis tout aussi tranquillement sous leurs
yeux , tant la haine est aveugle et béte dans sa mé»
chancetél Mais n'importe, dès qu'il s agira de
m'imputer des for&its , je vous réponds que le bon
M. de Choiseul sera coulant sur les preuves, et
gu après ma mort toutes ces inepties deviendront
▲imàt 1770* 333
aatant die faits mcontestaUes^parceque monsieur
rnn, et monsieur Tautre, et madame celle-ci^ et
mademoiselle celle-là , tous gens de la plus haute
probité , les auront attestés, et (jue je ne rejssusci*
terai pas pour y répondre^
Encore une fois, tout devient Êicile, et désor*
mais on va &ire de moi tout ce qu'on youdra de
mauvais. Si )e reste en repos, c'est que je médite
des dîmes, et peut-être le pire de tous, celui de
dire la vérité. Si , pour me distraire de mes maux,
je m^amuse à l'étude des plantes, cest pour y
chercher des poisons. Mon Dieul quand quelque
jour ceux qui sauront quel ftit mon caractèrei, et
qui liront mes écrits, apprendront qu'on a fait
de Jean-Jacques Rousseau un empoisonneur, ib
demanderont quelle sorte d'êtres existaient de sou
temps, et ne pourront croire que ce dissent des
homm'es.
Mais comment en est-on venu là? quel fut le
premier for&it qui rendit les autres croyables?
Voilàf ce qui me passe, voilà l'étonnante énigme^
C'est ce premier pas qu'il faut expliquer, et qui
n'oflSre à mes yeux qu'un abîme impénétrable.
M. de Saint-Germain , dans ce que vous connais*
sez de moi par vous-même, trouvcrez-vous de
IViofie ponr &ire un scélérat? Tel je parais à vos
yeux depuis plus d'un an , tel je fiis pendant, près
de soixante. Je n'eus jamais que des goûts hon-
nêtes, que des passions douces; je m'élevai, pour
ainsi dire, moi-même; je me livrai par choix aux
20.
%i\ coRXESPosria^rcE ,
nenienres études; je ne cultivai qne des talens
timables. J'aimai toujours la retraite , la vie palÂ-
ble et solitaire. J^ai passé la jeunesse et Tâge mûr,
cbëri de mes amis , bien touIu de mes connais-
sances , tranquille , heureux^ content de mon sort,
et sans avoir eu jamais qu^une seule querelle avec
un extravagant (^)^ laquelle tourna tout à ma
gloire. Malheureusement ayant déjà passé ïàge
mûr, je me Libsai tenter enfin de communiquer
au public, dans des livres qui ne respirent que b
vertu, des maximes que je crus utiles k mes sem*
Uables, ou de nouvelles idées pour le progrès des
beaux-arts. Me voilà de?enu depuis lors un homme
noir; de quelle Êtçon? je Tignore. EhJ quels sont
ces malheureux dont les âmes sombres et concen*
trées couvent le crime? Sont-ce des auteurs, des
gens de lettres dévoués à la paisible occupation
d^écrire des livres, des romans, de la musique, des
opéras? Ont-ils des cceurs ouverts, confians, fa-
ciles à s'épancher? Et où de pareils secrets se ca*
cheraient-îls un moment dans le mien, transpa-
rent comase le cristal , et qui porte à Tinstant dans
mes yeux -et sur mon visage chaque mouvement
dont il est affecté? Seul, étranger, sans parti, li-
vré dans ma retraite à de pareils goûts , quel avan-
tage , quel moyen , quelle tentation pouvais- je
avoir de mal faire? Quoi! lorsque famour, la rai-
ton , la vertu , prenaient sous ma plume leurs plus
(*^) Le «cua» âê Monniyi, ■iijbimihm à
'AKirîs 1770. a^
àorn, kars pins énergupcs accens; lorsqae je
menivrais à torrens des plus délicieux sentimioi
qui jamais soient entrés dans un oœnr d'homme,
lora^e je planais dans Fempirée au milîea de$
objets channans et presque angëliques dont je
m'étais entouré , c^était précisément alors , et pour
la première fois, que ma noire et j&rouche Ame
méditait, digérait, commettait les forfaiils atroces
dout on ne me voila Fimputation que pour n'6ter
les moyens de m'en défendre, et cela sans motif,
sans raison, sans sujet, sans autre intérêt que celui
de satis&ire la plus infernale férocité 1 Et Ion
peut.... Si jamais pareille contradiction , pareille
extravagance, pareille akurdité, pouvait réelle-
ment trouver foi dans i esprit d'un homme, om,
fose le dire sans crainte , il faudrait étouffibr ce!
homme-là«
Les passions qui portent au crîme sont analo-
gues â leurs noirs effets. Ob furent les miennes?
Je nU connu jamais les passions haineuses ; ja-
mais I envie, la méchanceté, la vengeance, n'oip
trèrent dans mon cceur. Je suis bouillant, em*
porté, quelquefois colère, jamais fouibe, ni ran-
cuoier; et quand je cesse d aimer quelqu'un, cela
5apcr;oit bien vite. Je hais Fennemi qui veut me
nuire ; mais , sitit que je ne le crains plus, je ne le
bais plus. Que Diderot, que Grimm surtout, ie
premier, le plus caché , le plus ardent , ie pins im*
placable, celui qui m'attira tous les autres, dise
pourquoi il ik^B hait. Est-ce pour k mol qu'il a*
]»36 COIUUSSPONDÀRCE,
reçu cle moi? Non , c'est pour celai qu'il m'a fait ,
car souTent Toffensë pardonne^ mais Tofifenseor
ne pardonne jamais. Dirai-je ines torts enTere loi?
jjVn sais deux : le premier, je Tai trop aime; le se-
cond, son cœur fut déchiré par la louange qw
n'était pas pour lui (i). Si lui, si Diderot, onl
quelque autre grief, qu'ils le disent. Us ont dé-
couvert, dira-t-on, que j^étais un monstre. Âh!
c'est une autre affaire; mais toujours est-il sus
que ce monstre ne leur fit jamais de mal.
Madame la comtesse de Boufflers me hait , et en
femme; c'est tout dire. Queis sont ses griefs? Les
voici.
Le premier. Jai dit dans VBéloïseqae la femme
d^on charbonnier était plus respectable que la
maîtresse d^un prince : mais, quand j'écrivis ce
passage, je ne soàgeaifs ni à elle ni à aucune femme
en particulier; je ne savais pas même alors qull
existât une comtesse de Boufilers « encore moins
qu elle pût s'offenser de ce trait, et je n'ai £iit que
long-temps après connaissance avec elle.
Le second. Madame de Boufflers me consulta
sur une tragédie en prose de sa &çon , c'est>à-dke
qu'elle me demanda des éloges. Je lui donnai ceux
que je crus lui être dus; mais je l'avertis que sa
pièce ressemblait beaucoup i une pièce anglaise
que je lui nommai : j^eus le sort de Gil Blas au-
près de Tévèque prédicateur.
— ■ -
(^} Passage remarquable cb Petit Trophète^ aninu^ ^
H Gcimni» «t dans Isqitei tl s'est pcinliiiii 7 mnfjm.
AKNÉB 1770, a37
Le troisième. Madame de Boufflers était aima>
ble alors ) ef jeune eocore. Les amitiés dont elle
mlionora me touchèrent plus quil n^eût fiillit
peut-être : elle s'en aperçut Quelque temps après^
f appris ses liaisons, (pie dans ma bêtise je ne sa-
vais pas encore. Je ne crus pas quil convint i
Jean-Jacques Rousseau d'aller sur les Inisées d'un
prince du sang, et je me retirai. Je ne sais, mon-
sieur, ce que vous penserez de ce crime; mats il
serait singulier que tous les malheurs de ma vie
fussent venus de rropdeprudence,dans un homme
qui en eut toujours si peu.
Madame la maréchale de Luxembourg me haït;
elle a raison. J'ai commis envers elle des balour-
dises, bien innocentes assurément dans mon coeur,
bien involontaires, mais que jamab femme ne
pardonne, quoiqu'on n'ait pas eu Tintention de
Tofienser. Cependant je ne puis la croire essen*
tiellement méchante, ni perdre le souvenir des
jours heureux que j ai passés près d'elle et de
M. de Luxembourg. De tous mes enuemb elle est
la seule que je croie capable de retour, mais non.
pas de mon vivant. Je désire ardemment qu'elle
me survive, sûr d'être regretté, peut-être pleuré
d elle après ma mort.
Ajoutez à cette courte liste M. de Cboiseul,
dont j'ai déjà parlé, et qui malheureusement à lui
seul en vaut mille ; le docteur Tronchin , avec qui
|e n'eus d autre tort que d'être. Genevois comme
loi 9 et d avoir autant de célébrité , quoique j'eus»
<$9pte : au bout de quinze jours lembarras, Fassii-
jettissement, Tinquiétude surtout de cette maa
dite caisse me font toini>cr malade. Je finis par
quitter la caisse , et me faire copiste de musique â
six sous la page. M. de Fraocueil , à qui je marque
ma résolution, me croit encore dans le transport
de la fièvre, vient me yoir, me parle, m'exhorte^
ne m'ébranle pas : il attend inutilement; et,Toyant
ma résolution bien prise et bien confirmée, il dl^
pose enfin de sa caisse, et me donne lui succes-
seur. Ce fatit seul pfbuye, ce me semble, que Ta-
Tidité de Targent n'est pas mon dëfaaut : et jen
pourrais donner des preuves récentes plus finrles
que celle-là. Et de quoi me servirait lopolence?
Je déteste le luxe, j'aime la retraite, je n^ai que
les goûts de la simplicité, je ne saurais souffiir au-
tour de moi des domestiques; et quand j'aurais
cent mille livres de rentes, je ne voudrais étfc ni
mieux vôtu, ni mieux logé, ni mieux nourri que
je ne le suis. Je ne voudrab être riche que pour
fiiire du bien , et Fon ne cherche pas à satis&irc dix
pareil goût par des crimes.
Le!( femmes! ... Oh! voici le grand article; car
assurément le violateur de la chaste Verber doit
être un terrible homme auprès délies, et le plus
difficile des travaux d'Hercule doit peu lui coûter
après celui-là. Il y a quinze ans quon eût été
étonné de mVn tendre accuser de pareille in&mie ;
mais laissez fiiire M. de Choiseul et madame de
Boufflers; ib ont bien opéré dai^tres mètamoir-
AvnfÉE 1770. !a4i
phoses^ et je les vois en train de ne s'anétei: plus
guère qae par Timpossibilîté d en . imaginer. Je
doute qu^aucun homme ait eu une jeunesse plu«
chaste que la mienne. J^avais trente ans passés
sans avoir eu qu'un seul attachement , ni fait à i^n
ohjet qu'une seule infidélité ('^) ; c^était là tout Le
reste de ma vie a doublé cette licence {**)} je «'ai
pas été plus loin. Je ne fais point honneur de cette
réserve à ma sagesse^ elle est bien plus. due à ma
timidité; et j'avoue avoir manqué par elle bien
des bonnes fortunes que j ai convoitées, et qui, si
j'en avais tenté l'aventure, ne m auraient peut*
être pas réduit au même crime auquel, ^lon la
Vertier, m'ont entraîné ses attraits*
Pour contenter les besoins de mon cœur encore
plus que cenz de mes sens , je me donnai tine com*
pagne honnête et fidèle, dont, après vingrcinq
ans d'épreuve et d'estime, jai fait mavfemme. Si
G^est li ce qu'on appelle de la débauche, je m'en
honore, et ce n'est pas du moins oelle^là iqui mémo
dans les lieux publics. L'exemple; la nécessité,
f honneur de celle qui m'était chère ^d'itutréa puis*
santés raisons me firent confier mes en&ns à Vér
tablissefment fait pour cela,^t m'empêchèrent de
remplir moi-même le premier, le jpîus saint des
devoirs de la nature. £n cela , loin de m'eKu^r»
■ fc «ll^l JB|| I « ^ .^il
(*) Son âTentnie trec nsdame de L«nige.
i**) ht fooper &it vn» Gpim elles GtapflU), tOM jpii fitt
étékrahe.
• - - •
A
^a COR&ESPOKDAKCE,
je m*accase : et cpiand ma raison me dit que f ai
fint dans ma situation ce que j'ai dû &ire, je Teo
crois moins que mon coekor qui gémit et qui la dé-
ment. Je ne fis point un secret de ma conduite à
mes amis , ne voulant pas pas^r à leurs yeux pour
meilleur que je n'étais. Quel parti les barbares en
ont tiré! Avec quel art ils Font mise dans le jour
le plus odieux ! Comme ils se sont plu à me pein-
dre en père dénaturé, parce que j'étais à plaindre!
èomme ils ont cherché à tirer du fond de mon ca^
ractère une faute qui fut louvrage de mon mal-
heur? Comme si pécher n'était pas de Thomme,
et même de l'homme juste. Elle fut grave, sans
doute, elle fut impardonnable; mais aussi ce fut
la seule, et je Fai bien expiée. A cela pi^ës^ et des
vices qui n^ont jamais fiiit de mal qu'A moi, je
puis exposer à touÈ les yeux une vie irréprodia*
bledans tout le secret de mon cœur. Abl que ces
hommes si sévères aux Êiutcs d'autrui rentrent
dans le fond de leiir conscience, et que chacna
d eux so félicite s'il sent qu au jour où tout sans
eiception^sèra maûifesté^lui-même en sera quitte
à meilleurcowpteli
La Providence a veillé sur mes enfâna par le
péché même de leur père. Eh! Dien ! quelle eût été
leur destinée s'ils avaient eu la mienne à partager?
que seraient-ils devenus dans mes désastres? Ils
seront ouvriers ou paysans ; ils passeront dans
ToWcurité des Jours paisiUes; que n'ai-je eu la
même bonheur! Je j^uds au moins grAce au ciel
de n'avoir abreuvé que moi des amertumes de ma
vie, et de les eu avoir pr&ervés. Taime mieux
qu'ils vivent du travail de leurs mains sans me
connaître, que de les voir avilis et nourris par la
traîtresse générosité de mes ennemis, qui les ins-
truiraient à hair, peut-être à trahir leur père; et
j aime mieux cent fois être ce père infortuné qui
commit la £iute et qui la pleure, que d'être le mé*
chant qui la révèle, 1 étend, l'amplifie, Taggrave
avec la plus maligne joie, que d'être Tami perfide
qui trahit la confiance de son ami, et divulgue,
pour le diffamer, le secret qu'il a versé dans son
sein.
Mais des&utes,qnelquegrandes qu'elles soient,
n'en supposent pas de contradictoires. Les débau-
chés sont peu dans le cas d'en commettre de pa-
ifipttes , comme ceux qui s'occupent dans le port â
charger des vaisseaux, que bientôt ils perdent de
vue, ne songent guère 4 les assurer. Mes attache-
mcns me préservèrent du désordre; et toujours,
je le répète, je fus réglé dans mes mœurs. Je ne
doute pas même que celles de ma jeunesse n'aient
contribué dans la suite â répandre dans mes écrits
cette vive chaleur que les gens qui ne sentent rien
prennent pour de Fart, mais que Fart ne peut
contrefiiire, et que ne saurait fournir un sang ap
pauvri par la débauche. Pour répondre à ces
hommes vils qui m'osent accuser d'avoir gagné ,
dans des lieux que je ne connais point, des maux
que je connais encore moins ^ je ne voudrais que
A {4 CORRESPONDAME ,
la Nouvelle Hélohe. Est-ce ainsi qu on apprend
à parler dans la crapnle? Qu on prenne autant de
débauchés qxi'on voudra, tous doués d^autant
d'espiit qu^il est possible, et je les défie entre eux
tous de iaire une seule page à mettre à c6té d'une
des lettres brûlantes dont ce roman n'abonde que
trop. Non , non ; il est pour l'âme un prix aux
bonnes moeurs, c'est de fa yiyificr. L amour et la
débauche ne sauraient aller ensemble; il £iut
choisir. Ceux qui les confondent ne connaissent
que la dernière; c'est sur leur propre état qails
jugent du mien : mais ils se trompent; adorer les
femmes et les posséder sont deux choses très^flë^
rentes : ils ont fait l'une, et j'ai fait l'autre. Pai
connu quelquefois leurs plaisirs, mais ils n'ont ja*
mais connu les miens.
L*amour que je conçois, cdui que j'ai pu sentir,
s'enflamme à Timage illusoire de la perfection de
l'objet aimé ; et cette illusion même le porte à i'eo-
tliousiasme de la vertu, car cette idée entre tou-
jours dans celle dnne femme parfaite. Si cjnei-
quefois l'amour peut porter au crime, cest dans
Terreur d'un mauvais choix qui nous égare, on
dans les transports de la jalousie : mais ces deax
états, dont aucun n'a jamais été le mien, sont
momentanés et ne transforment point un oœar
noble en une âme noire. Si Tamour m'eût fait faire
on crime , il faudrait m'en punir et mW plaindre ;
mais il ne me rendrait pas l'horreur des honnêtes
gens.
'Àm££ 1770. 245
Voilà tout^ ce. me semble, à moinÈi ^'on ne
Teuille ajouter l'amour de la solitude; car cel
amour fut la pemière marque à laquelle Diderot
parut juger que j^étais un scélérat. Ses mysté-
rieuses trames avec Grimm étaient commencées
quand j'allai vivre à lliennitage. 11 publia quel-
que temps après le Fils naturel, dans lequel il in-
séra cette sentence : // n'y a que le méchant qui
soit seuL Je lui écrivis avec tendresse pour mo
plaindre qu'il n\tA ms à ce passage aucun adou-
cissement ; il me répondit durement et sans au-
cune explication. Pour moi, quoique cette sen-
tence ait quelque chose qui papillote à Poreille, io
n'y trouve qu^une absuriÛté; et il est si Êiux qu^il
n'y ait que le méchant qui soit seul, qu^au con-
traire il est impossible qu'un homme qui sait vivre
seul soit méchant , et qu'un méchant veuille vivre
seul; car à qui ferait-il du mal, et avec qui forme-
rait-il ses intrigues? La sentence en elle-même
exigeait donc tout au moins une explication : elle
l'exigeait bien plus encore, ce me semble, de la
part d'un auteur qui, lorsqu'il parlait de la sorte
au public, avait nu ami retiré depuis six mois
dans une solitude ; et il était également choquant
et malhonnête de refuser, du moins en maxime
générale, 1 honorable et juste exceptionj qu il de-
vait non-seulement à cet ami , mais à tant de sages
respectés, qui dans tous les temps ont cherché le
calme et la paix dans la retraite, et dont, pour la
première (bis depuis que le monde'eidste , un écri»
ai.
«46 CORUSPORDÀKCE y
vain Sàviae, avec un trait de plume, de fidre au-
tant de scélérats : mab Diderot avait ses vnes, et
ne s^embarrassait pas de déraisonner, poaim
qu'il préparât de loin les coups qu'il m'a portés
dans la suite.
Je vais &ire une remarque qui peut paraître
légère y mais qui me parait à moi des plus sâres
pour juger de Tétat interne et vrai d^un auteur.
On sent, dans les ouvrages que j'écrivais à Paris,
la bile d^un homme importuné du tracas de cette
grande ville , et aigri par le spectacle continuel de
ses vices ( i )• Ceui que j'écrivis depuis ma retraite
i IHermitage respirent une tendresse de coeur,
une douceur d'âme, qu'on ne trouve que dans les
bocages, et qui prouvent Tefl^t que faisaient sur
moi la retraite et la campagne, et quelles feront
toujours sur quiconque en saura sentir le charme
et y vivre aussi volontiers que moi. Les pensées
mâles de la vertu, dit le nerveux Young, les no-
bles élans du génie, les brtUans transports tfan
cœur sensible, sont perdus pour l'homme qui
croit qu'être seul est une solitude : le malheu'
i^ux s'est condamné à ne les jamais sentir* Dieu
et la raison! quelle immense société! que leurs
(i) Ajout» la BDpulaîoiu oontiinieUet de Dûl«n>l, qtti,
•oit qu*il ne pût oablier le donjoD de Vinoenne», soit sTec b
projet déjà foimé de me rtfodre odieax, m ailatt iazu oette odch
lADt et «tîmalant aux Mrcaaiiies. Skôt que je fiu à la campagne,
et que ces impubiom oeiiènDt» le caractère et I9 ton db 0«
dMogècent et^e nntni duie Bia0 a«ti«Ml
ÀNNiB 1770. 147
entretiens sont sublimes! que leur commerce est
plein de douceur! Voilà MM. Yoimg et Diderot
d'ayis un pea différens, sans ajouter celui de Vir-
gile. Pour moi, je me fais honneur d avoir imité le
scélérat Descartes, quand il s'en alla méchamment
philosopher dans sa solitude de Nord-Hollande.
Je viens de faire, ce me semble, une revue
exacte, et je n^ vois rien encore qui m'ait pu
donner despenchans pervers. Que reste-t-il donc
enfin 7 L'amour de la gloire. Quoi! ce noble sen-
timent qui élève Tâme aux sublimes contempla-
tions, qui l'élancé dans les régions éthérées, qui
l'ctend pour ainsi dire sur toute la postérité, pour-
rait lui dicter des fbr&its ! H prendrait , pour slio-
norer, la route de Imâtmie! Eh! qui ne sait que
rien n'avilit, ne resserre et ne concentre Tàme
conime le crime; que rien de grand et de généreux
ne peut partir dun intérieur corrompu? Non,
non ; cherchez des passions viles pour cause à des
actions viles. On peut être un malhonnête homme
et £iire un bon livre; mais jamais les divins élans
da génie n'honorèrent l'âme d'un malfaiteur; et si
les soupçons de quelqu'un que j estimerais pou-
vaient à ce point ravaler la mienne , je lui présen-
terais mon Discours sur l'Inégalité ( 1 ) pour toute
réponse, et je lui dirais : Lis, et rougis (2).
•(i)Eii retrindiaiit qnel^ei morceBUide la façon de Diderot,
qu'il m'y fit tiuérer presque maigri mol U en avait ajouté <U
pfaH 'don encore ; ma» je oe ptu me résoudre a les employer.
(3} Que sersii-oe ri je loi prtkeiitais ma Lettn à J^AUmbmi
a48 CORRESPONDAKCK,
Vous me citerez Erostrate. Â cela voici ma ré-
ponse. L'histoire d'Erostrate est une &ble : mais
sappos6ns*la vraie; Erostrate ^ sans génie et saos
talent, eut un moment la fantaisie de la célébrité,
à laquelle il n^avait aucun droit ; il prit la seuk et
courte voie que son mauvais cœur et son esprit
étroit pût lui suggérer : mais comptez que, s 3 se
fût senti capable de faire l^Emile, il n eût point
brùlé')e*temple d'Ephèse. Non, monsieur^ on udy
pire point par le crime au prix qu on peut obtenir
par te Vertu; et voilà ce qui rend plus ridicuk
Timpo^tUre dont je suis l'objet. Qu'avais-jebesob
de gloire et de célébrité? je 1 Wais déjà tout ac-
quise, non par des noirceurs et des actes abonn-
nables , mais par des .moyens vertueux , honnêtes,
par des talens distingués, par des livres utiles, pai
une conduite estimable, par tout le bien que j'a-
vais pu faire selon mon pouvoir : elle était belle,
elle était sans tache; quy pouvais-je ajouter dé-
sormais, si ce n'est la persévérance dans l'hono-
rable carrière dont je voyais déjà d^assez près le
terme? Que dis- je? je lavais atteint; je n'avais
plus qu'à me reposer, et jouir. Peut-on conceroir
%
'i»r kê Spectacles., ouvrage ou le plus tendra dâin peroeaf*'
vers la force du raitonnement', et rend cette leeturo ravûunK-
n u'y a poîut d'absurdité qu'on ne rende imaginable en suppo-
•■ut que des acélerats peuvent traiter ainsi de pareils to)^
Déxnocrite prouva aux Abdéritains qu'il n'était pas ibu ea kut
Usant une de ses pièces ; et moi , je défm tout bomme seniê qui
itira octOfi lettre de pouvoir çrm ^pM riuteur soit un coquin.
'ANNÉE 1770. ♦249
qae, de gaieté de cœur et par des forfaits, j'aie
cherché moi-même à ternir ma gloire , à la dé-
traire , à laisser échapper de mes mains ^ ou plutdt
à jeter, dans un transport de furie, le prix inesti-
mable que j^avais légitimement acquis? Quoi! le
sage, le braye Saint-Germain retournerait-il ex-
près à la guerre pour y flétrir par des lâchetés in-
fâmes les lauriers sous lesquels 'û a blanchi? Ne
sait-oa pas qu*une belle réputation est la plus
noble et la plus douce récompense de la vertu sur
la terre? Et Ton veut qu'un homme qui se Test di-
gnement procurée s aille exprès plonger dans le
crime pour la souiller! Non^ cela n'est pas, parce
que cela ne peut pas être; et il n'y a que des gens
sans honneur qui puissent ne pas sentir cette im-
possibilité.
Mais quels sont enfin ces forfaits dont je ma
suis avisé si tard de souiller une réputation déjà
tout acquise par mieux que des livres, par qua-
rante ans d'honneur et aintégrite? Oh! c'est ici
le mystère profond qu'il ne faut jamais que je sa-
che, et qui ne doit être ouvertement publié quV
près ma mort, quoiqu'on fasse en sorte, pendant
ma vie, que tout le monde en soit instruit, hors
moi seul. Pour me forcer, en attendant, de boire
la coupe amère de rignominie,on aura soin de la
faire circuler sans cesse autour de moi dans l'obs-
curité , de la faire dégoutter, ruisseler sur ma tête ,
afin qu'elle m'abreuve, m'inonde, me suffoque,
suais sans qu'aucun trait de lumière l'offire jamais
%io CORRJSSPOTTDAVCS,
i ma vue, et me laisse discerner ce qn elle contient
On me séquestrera du commerce des hommes,
même en vivant avec eux ; tout sera pour moi se-
cret, mystère et mensonge ; on me rendra étranger
à la société, sans paraître m'en chasser; on élè-
vera autour de moi un impénétrable édifice de té-
nèbres; on m'enscveiira tout vivant dans un cer-
cueil. C^est exactement ainsi que, sans prétexte
et sans droit , on traite en France un homme libre,
un étranger, qui n est point sujet du roi, qui ne
doit compte à personne de sa conduite, en conti-
nuant d^y respecter, comme il a toujours £tit, le
roi, les lois, les magistrats et la nation. QuesH
est coupable, quon l'accuse, quon le juge et
qu on le pimisse ; s'il ne l'est pas, qu^on le laisse
libre, non pas en apparence, mais réellement
Voilà, monsieur, ce qui est juste; tout ce qui est
hors de là, de quelque prétexte qu'on Ihabillei
est trahison, fourberie, iniquité.
Non, je ne serai point accusé, point arrêté,
point jugé, point puni, en apparence; mais on
s'attachera, sans quil y paraisse, à me rendre la
vie odieuse, insupportable, pire ceut fois que la
mort : on me fera garder à vue ; je ne ferai pas un
pas sans être suivi; on m^ôtera tous moyens de
rien savoir et de ce qui me regarde , et de ce qui
ne me regarde pas; les nouvelles publiques les
plus indifférentes, les gazettes même me seront
interdites ; on ne laissera courir mes lettres et pa-
quets que pour ceux qui me trahissent, onçoupera
ma correspondance avec tout autre; la réponse
universelle à toutes mes questions sera toujours
qu'on ne sait pas; tout se taira dans toute assenir
blée à mon arrivée; les femmes n'auront plus de
langue, les barbiers seront discrets et silencieux;
je vivrai dans le sein de la nation la plus loquace
comme cbez un peuple de muets. Si je voyage , on
préparera tout d avance pour disposer de moi par-
tout où je veux aller; on me consignera aux pas-
sagers, aux cochers, aux cabaretiers; à peine
trouvcrai-je à manger avec quelqu'un dans les au-
berges, à peine trouverai- je un logement qui ne
soit pas isolé; enf n Ton aura soin de répandre
une telle horreur de moi sur ma route, qu'à cha-
que pas que je ferai , à chaque objet que je verrai,
mon âme soit déchirée : ce qui n'empêchera pas
que, traité comme Sancho, je ne reçoive partout
cent courbettes moqueuses, avec autant de com-
pUmens de respect et d^admiration : ce sont de
ces politesses de tigres qui semblent vous sourire
au moment qnlls vont vous déchirer.
Imaginez, monsieur, s il est possible, un trai-
tement pins insultant, plus cruel, plus barbare,
et dont le concert incroyablement unanime laisse,
au sein d une nation tout entière , un infortuné ri-
goureusement seul et sans consolation. Tel est le
talent supérieur de M. de Ghoiseul pour les dé-
tails; tels sont les soins avec lesquels il est servi
quand il est question de nuire : mais s'il s'agissait
d une œuvre de bonté, de générosité, de justico»
a^a CORRESPONDANCE,
trouverait-il la même fidélité dans ses oéatoies?
j'en doute; aurait-il lui-même la même activité!
j'en doute encore plus.
J'ai beau chercher des cas où il soit permû
d'accuser, de juger, de diffiimer un homme àsoD
insu, sans vouloir Ten tendre, sans souflSnr qnll
réponde, et même qu'il parle; je ne trouve rien.
Je veux supposer toutes les preuves possibles :
mais quand, en plein midi, toute la ville verrait
un homme en assassiner un atttie sur la place por
blique , encore , en jugeant l'accusé , ne ^empécD^
rait-on pas de répondre; encore ne le jugerait-on
pas sans l'avoir interrogé. Â l'inquisition Ton ca-
che à laccusé son délateur, je I avoue; maisao
moins lui dit-on qu'il est accusé, au moins ne k
condamne-t-on pas sans l'entendre, au moins ne
l'empêche-t-on pas de parler. Un délateur secret
accuse, il ne prouve pas; il ne peut prouvera
aucun cas possible : car comment prouverait-il?
Par des témoins? mais Taccusé peut avoir contre
ces témoins des moyens de récusation qae les
juges ignorent. Par des écritures? mais Taccosé
peut y faire apercevoir des marques de £msseté
que d'autres n'ont pu connaître. Un délateur qoi
se cache est toujours un lâche : s'il prend dqs D^
sures pour que I accusé ne puisse répondre a l'ao
cusation, ni même en être instruit,il est un fourbe:
s'il prenait en même temps avec l'accusé le masi^tf
de l'amitié, il serait un traître. Or un traître qui
prouve ne prouve jamais assez , ou ne prouve ^
contre Im-miSme; et quiconque est un trattre peut
bien éUne encore un imposteur. Eh! quel serait,
grand Dieul le sort des particuliers s'il était per-
mis de leur &ire à leur insu leur procès, et puis
cle les aller prendre chez eux pour les mener tout
de suite au supplice, sous prétexte que les preuves
sont si claires qu'il leur est inutile d'être entendus?
Remarquez, monsieur, je tous supplie, com*
Inen cette première accusation dut paraître ex-
traordinaire, vu la réputation sans reproche dont
je jonissab, et que soutenaient ma conduite et
mes écrits. Assurément ceux qui vinrent appren-
dre pour la première fois aux chefs de la nation
que î^étais un scélérat durent les étonner beau-
coup, et lien ne devait manquer à la preuve d'une
pareille accusation pour être admise. Il y manqpa
jpourtant au moins une petite circonstance , savoir
Vaudition de Taccusé; on se cacha de lui très-soi-
gneusement, et il fut jugé: Messieurs I messieurs]
quand il serait généralement permis de juger un
.accusé sans Pouir, il y a du moins des homimes qui
mëritefaîent d'être exceptés, et Jean-Jacques pou-
▼ait espérer, ce me semble, d'être mis au nombse
de ces hommes*là.
On ne vous a pas jugé, diront-ils. £t qu'avezr
TOUS donc &it, misérables? En feignant d^épar-
gner ma personne, vous m'dtez Fhonneur, vous
m'accablez d'opprobres; vous me laissez la vie,
mais vous me la rendez odieuse en y joignant la
diSkmatioiL Vous, me traitez plus cmelLeipent
a54 CORRESPONDANCE,
mille (ois que si tous m^aviez fiiit mourir; et Tom
appelez cela ne m'avoir pas jugé! Les fourbes! il
ne manquait plus à leur barbatie que le yemis de
la générosité.
Non , jamais on ne vit des gens aussi fiers d*ttre
des traîtres : prudemment enfoncés dans leurs ta*
aières, ils s^applaudissent de leurs lâchetés, et
insultent à ma franchise en la redoutant Pour
m'ét^oufier sans que je crie, ils mWt auparavant
attaché un bâillon. A yoir enfin leur bénigne con-
tenance, on les prendrait pour les bourreaux œ
l'infortuné don Carlos , qui pétendâient quH leur
fût encore redevable de la peine qu'ils prenaient
de Tétrangler.
En vérité, monsieur, plus je médite sur cette
étrange conduite , plus j y trouve une complic»'
tion de lâcheté, d'iniquité, de fourberie, qui la
rend inimaginable. Ce qui me passe encore plus
est que tout cela parait se faire de Faveu de lana-
tioil entière; que non -seulement mes prétendus
amis, mais d'honnêtes gens réellement estimadiles^
j paraissent acquiescer; et que M. de Saint-Ger-
main lui-même ne m'en parait pas encore assez
scandalisé Cependant, fusse- je coupable^ fusséje.
en effet tout ce qu'on m accuse d'être, tant qn on
ne m*aura pas convaincu, cette conduite enyen
moi serait encore injuste, fiiusse, inexcusable.
Que doit elle me paraître à moi gui me sens in*
nocent?
Soyons équitables teuiours. Je i|e crois psqoe
AimiB 1770, a55
Il de CbioLseoI soit fauteur de rimposture; maïs
je ne doute point xfaW n'ait très-bien yu que c'en
était une, et que ce ne soit pour cela qull prend
tant de mesures pour m'empêcher d'en être ins«
tmit : car autrement, avec la haine envenimée
que tout décèle en lui contre moi, jamais il ne se
refuserait le plaisir de me convaincre et de me
confondre, dât-îl s ôter par là celui de me voir
souffrir plus long-temps.
Quoique nia pénétration, naturellement très*
mousse, mais aiguisée à force de s'exercer dans
les téntibres , me fasse deviner assez juste des mul-
titudes de choses qu'on s'applique à me cacher,
ce noir mystère est encore enveloppé pour moi
d'un voile impénétrable; mais à force d'indices
combinés , comparés ; à force de demi-mots échap-
pés, et saisis à la volée; à force de souvenirs effa*
ces, qui, par hasard, me reviennent, je présume
Grimm et Diderot les premiers auteurs de toute la
trame. Je leur ai vu commencer, il y a plus de
dix-huit ans, des menées auxquelles je ne corn*
prenais rien, mais que je voyais certainement
couvrir quelque mystère, dont je ne mlnquiétass
pas beaucoup, parce que , les aimant de tout mon
cœur, je comptais qu'ils m aimaient de même. Â
quoi ont abouli ces menées? autre énigme non
moins obscure. Tout ce que je puis supposer le
plus raisonnablement est qu'ils auront fabriqué
quelques écrits abominables qu ils m'auront attri*
bues. Cependant, comme il est peu naturel quW
t56 COIIRESPOin>AKC£,
les en ait crus sur leur parole, il aura &lla qu'ils
aient accumulé des vraisemblances, sans oublier
d'imiter le style et la main. Quant au style, uu
hqfflme qui possède supérieurement le talent (*)
d'écrire imite aisément jusqu'àcertainpointle style
d'un autre, quoique bien marqué : c'est ainsi que
Boileau imita le style de Voiture et celui de Balzac
k s y tromper; et cette imitation du mien peut être
surtout facile à Diderot, dont j'étudiais particuliè-
rement la diction quand je commençai d'ëcrire , et
qui même a mis dans mes premiers ouvrages plu-
rieurs morceaux qui ne tranchent point avec le
reste, et qu'on ne saurait distinguer, du moins
quant au style ( i ). H est certain que sa tournure et
la mienne, surtout dans mes premiers ouvrages,
dont la diction est, comme la sienne, un peu sau-
tante et sentencieuse, sont, parmi celles de nos
contemporains, les deux qui se ressemblent le
plus. D'ailleurs, U y a si peu de juges en état de
prononcer sur la différence ou l'identité des styles,
et ceux même qui le sont peuvent si aisément s*y
(*} Variante : Y Art et écrire,
(i} Quant aux pensées, caîfei qu'il i eu la lîonté 'âd ne
prêter., Pt que j'ui eu la bel ûe <f adopter, aont bien fadlet k <U0-
liiigaer des loii nnes, comme on peut le Toir dans oeHc du jplii-
loeoplie qui a'aufimente en enfonçant aon bonne^sor Mf oreiUei
{Discours sur V Inégalité)] car ce morcean est de lui tout entier.
U eet oertoin que M. Diderot abusa toujours de ma ooofiann
et de ma facilité pour donner h mes écrits un ton dun cft un aii
noir, qu'ils n'eurent phis sitôt qn Q oe«a dfl me dîxîs^ «^ H^
îe ht iivxé tout-A-6it à moi-mèoiBs
AimÉE 1770. ^ 267
Iromper, l^e chacun peut décider là^essns comme
il luiplaitySaos cramdred'étre convaincu d'erreur.
La main est plus difficile à contrefaire; je crois
même cela presque impossible dans un ouvrage
de longue haleine : cVst pourquoi je présume
qu'on aura préféré des lettres, qui n'ont pas la
même difficulté , et qui remplissent le même objet
Quant à l'écrivain chargé de cette contrefaction,
il aura été plus facile à trouver à Diderot quà
tout autre, parce que, étant chargé de la partie des
arts dans VEncyclopédie , il avait de grandes re-
lations avec les artistes dans tous les genres. Au
reste, quanti la puissance s'en mêle , beaucoup de
difficultés s^aplanissent; et quand il s'agirait, par
ezemjde, de décider si une écriture est ou n^est
pas contre&ite, je ne crois pas qu'on eût beaucoup
de peine à trouver des experts prêts à être de 1 avis
qu'il plairait à M. de Chobeul.
Si ce n'est pas cela , ou de faux témoins , je n'i-
magine rien. Je pencherais même un peu pour
cette dernière opinion, parce quassuiêment le
bénin Thevenin, quoi qu'on en dise, ne fut pas
aposté pour rien : et je ne puis imaginer d'autre
objet k la faUe de ce manant, et à l'adroite façon
dont ceux qui l'avaient aposté Font accréditée ( i},
— - ■ - -.
(t) Enfin ^ tant ont aj^éré les gens qxù disposent de mot,
qu'il reste cltir comiiie l« jour, k Grenoble et siDeun, j^ue le
gaUrieD Thevenin m'a prêté neuf francs ans Verrières, tandis
que l'étais à Montmoiend ; qu'il me les a prêtés parles mains du
calMvetier Jeanneti notre commun bute , cbes qui je n'ai /iomais
aa.
idS cokrespondakce ,
3ue de vouloir lâter d'ayance comme je soutien-
rais la confrontation d un faax témoin.
Les holbachiens, qui croyaient m avoir Aé\k
coulé à fond , furieux de me voir bien au château
de Montmorenci et chez M. le prince de Conti,
firent jouer leurs machines par d'Âlembert^ ei,
profitant des piques secrètes dont j'ai parlé, firent
passer, par le Temple , leur complot à l'hôtel de
Luxembourg. Il est aisé dlmaginer commentM.(]e
Choiseul s'associa pour cette afikire particuliérr.
avec la ligue, et s en fit le chef; ce qui rendît dès
lors le succès immanquable, au moyen des ma-
nœuvres souterraines dont Grimm avait proba-
blement fourni le plan. Ce complot a pu se tramer
de toute autre manière; mais voilà celle où les in-
dices, dans ce que j ai vu, se rapportent le micni.
Il fallait, avant de rien tenter du c^lé du public,
meloigner au préalable, sans quoi le complot ris-
quait à chaque instant d'être découvert, et sou
auteur confondu. VEmile en fournit les moyem,
et l'on disposa tout poiu* m'effrayer par un décrcl
comminatoire, auquel on n'en voulait cependant
venir que quand j'aurais pris le parti de fuir. Mais
voyant que, malgré tout le fracas dont on accom-
pagnait la menace de ce décret, je restais tran-
quille et ne voulais pas démarrer, on s avisa d'un
logé, et à qui je ne parlerai de ma vie $ et que je lai donnai , cb
reconaaissancei des lettres de reooiçinaiidation pour fOi. ^
Faugoc^ et Aldiman . qu^ je ne oo^AaiasaU pas.
expédient' tont poissant sur mon cœur. Madame
de Boufflers, avec une grande éloquence, me fit
voir l'alternatm inévitable de compromettre ma-
dame de Luxembourg y si fêtais interrogé, ou de
mentir, ce que fêtais bien résolu de ne pas £iire«
Sur ce motif, auquel je ne pus résister, je partis
enfin , et Ton ne lâcha le décret que quand ma ré*
soilution fut bien prise et qu'on put le savoir. H
paraît que dès lors le projet était arrangé entre
madame de Boufflers et M. Hume pour disposer
de moi. Elle n^épargna rien pour m'envoyer en
Angleterre. Je tins bon,et Voulus passer en Suisse^
Ce n'était pçis là le compte de la ligue, qui, par
ses roanjoeuvres, parvint avec peine à m'en chas*
scr. Nouvelles sollicitations plus vives pour l'An-
gleterre; nouvelle résistance de ma paît. Je pars
pour aller joindre milord Maréchal à Berlin. La
ligue vit llnstant où j'allais lui échapper. Soncom*
plot s^en allait peut-être en fumée, si Ton ne m^eût
tendu tant de pièges à Strasbourg, qu'enfin j'y
tombai, me laissai livrer à Hume, et partis avec
lui pour TÂngleterre, où j'étais attendu depuis si
long-temps. Dès ce moment ils m^ont tenu; je ne
leur échapperai plus.
Que je regrettai la France I avec quelle ardeur,
avec quelle constance je surmontai tous les obsta-
cles, tous les dangers même qu'on eut soin d op*
poser â mon retour; et cela, pour venir essuyer
dans ce pays si désiré des traitemens qui m ont
£iit r^retfter 1 Angleterre! Cependant les seize
a6o COlîRESPONSiÀNGS,
mois que \y passai ne furent pas perdas pour h
ligue : i mon retour, je trouvai la France et ÏEn-
rope totalement changées à mon égard; et ma
prévention, ma stupidité, furent telles, que, trop
nappé des manœuvres de David Hume et de ses
associés, je m'obstinais i chercher à Londres la
cause des indignités que j^essuyais à Tiye. Me
voilà bien désabusé depuis que je n y suis plus, et
je rends aux Anglais la justice qulb me refluent.
Néanmoins, s'ils étaient ce qu'on les suppose, ils
auraient dit : N'imitons pas la légèreté firânçaise;
défions-nous des preuves d accusation qu'on cache
si soigneusement à Taccusé, et gardons-nous de
juger, sans lentendre, un homme qu'on cajok
avec tant de &usseté, et qu'on charge avec tant
danimosité.
Enfin ce complot , conduit avec tant d'art et de
mystère, est en pleine exécution. Que dis-jc?il
est déjà consommé : me voilà devenu le mépris,
h dérision, l^horreur de cette même nation dont
j'avais, il y a dix ans, lestime, la bienveillance,
j'oserais dire la considération -, et ce changement
prodigieux, quoique opéré sut un homme da
peuple , sera pourtant la plus grande œuvre du
ministère de M. de Choiseul, celle qu'il a eoe le
plus à cœur, celle à laquelle il a consacré le phs
de temps et de soin. Elle prouvera, par un exem-
ple fiétrissan t pour l'espèce humaine ^ combien est
fiute l'union des méchans pour mal fiirei tandis
xTsnxÉB, 1770, a6i
qae celle des bons, quand elle existe , est si lâche ,
si faible, et toujours si Êicile à rompre..
Rien n^a été omb pour Texécution de cette no-
ble entreprbe : toute la puissance d'un grand
royaume, tous les talens d'un ministre intrigant,
toutes les ruses de ses satellites, toute la vigilance
de ses espions, la plume des auteurs, la langue
des clabaudeurs, la séduction de mes amis, l'eu-
couragement de mes ennemis, les malignes re-
cherches sur ma yie pour la souiller, sur mes pro-
pos pour les empoisonner, sur mes écrits pour les
falsifier ; l'art de dénaturer, si facile à la puissance,
celui de me rendre odieux à tous les ordres, de
me diâamer dans tous les pays. Les détails de
tous ces hits seraient presque incroyables, s'il
m'était possible d'exposer ici seulement ceux qui
me sont connus. On m'a lâché des espions dç
toutes les espèces, aventuriers, gens de lettres,
aJjbés. mih'taircs, courtisans; on a enyoyé des
émissaires en divers pays pour m'y peindre sons
les traits qu on leur a marq^iés. J'avais en Savoie
un témoin de ma jeunesse, un ami que j estimais,
et sur lequel je comptais; je vais le voir, je voj3
qu'il me trompe; je le trouve en correspondance
avec M. de Choiseul. Xavaîs à Paris un vieux com-
patriote, un ami, très-bon homme; on le met à la
Bastille , j'Ignore pourquoi , c'est-à-dire sous quel
prétexte. Le long temps qu'il y a resté lui fait hon-
neur; on Faura trouvé moins docile qu'on n avait
cru; je yeux espérer qu'on n'aura pas lassé sa pa*
!l62 COlaiESPO:TDÀKCE,
tience, et qu^au bout de seize mois II sera sorti de
la Bastille aussi honnête homme qu'il j est entré.
Je désire la même chose du libraire Guy, qu'on y
a mis de même, et détenu presque aussi long-
temps. On disait avoir trouvé dans les papiers du
premier un projet de moi pour I étc^Iissement
d une pure démocratie à Genève^ et j ai toujours
blâmé la pure démocratie à Genève et partout ail-
leurs : on disait y avoir trouvé des lettre^ par les-
quelles j^excitais les broullleries de Genève; cl
non- seulement j^aî toujours blàmé les brouillcries
de Genève, mais je n*ai rien épargné pour porter
les représentans à la paix. Mais qu'importe gu on
en impose et quon mente? un mensonge dit en
Tair fait toujours son effet, surtout quand il rient
des bureaux d'un ministre, et quand il tire sur
moi.
En songeant au libraire de Paris, avec lequel
j'eus si peu d'afiaires, M. de Choiseul, qui n'ou-
blia rieU) a-t-il oublié mon libraire de Hollande?
Je ne sais; mais dans un livre que celui-ci s^est
obstiné à vouloir me dédier, quoique l'y sois mal-
traité, et dont II n a pas voulu me communiquer
d'avance l'épîire dédicatoire, j'ai trouvé la tour-
nure de cette épitre si singulière et si peu natu-
i^elle, qu'il est diflScile de n'y pas supposer un but
caché qui tient à quelque fil de la grande trame.
Enfin nulle attention n^a été omise pour m j
défigurer de tout point, jusqu'à celle, qu'on ni-
maginerait pas, de Êiire disparaître les portraits
ASfviB 1770, a63
de moi ijoà me ressembleiity et d en répandre on
à très-grand bruit qui me donne un air &roacIie
et une mine de cjclope. Â ce gracieux portrait,
on a mis pour pendant celui de David Hume (i),
mii réellement a la tête d'un cyclope, et à qui l'on
donne un air charmant. Comme ils peignent nos
figures, ainsi peignent-ils nos flmes avec la même
fidélité. En un mot, les détails qu'embrasse Texé^
cution du plan qui me regarde sont immenses ,
inconceyaUes. Obi si je savais tous ceux que j'i-
gnore, si je voyais mieux ceux que je n^ai fait que
conjecturer, si je pouvais embrasser dW coup
d'oui tous cepx dont je sui$ Tobjet depuis dix an-
nées, ils pourraient me donner quelque orgueil,
si mon cœur en était moins déchiré. Si M- de
Choiseul eût employé à bien gouverner l'état la
moitié du temps, des talens, de l'argent et des
soins qu'il a mis à satisfaire sa haine, il eût été
Ton des plus grands minbtres qu'ait eus k Francç*
Ajoutez à tout cela l'expédition de la Corse,
cette inique et ridicule expédition, qui choque
toute justice, toute humanité, toute pplitique,
tomte raison; expédition que son succès rend en-
core plus ignominieuse, en ce que, n'ayant pu
conquérir ce peuple infortuné par le fer, il l'a fallu
conquérir par Tor. La France peut bien dire de
(ijf Quand il s'aTÛa de me fiaire peiodre à Londres, je ue pila
iinafpner quai élatt toa b«t , car f 'aitfivvoyaia dé)à de raiie qns
-ae jk'émà paa par «mit ié pour moi. Je vob ■^^iwlenanS ttr^lN^
m imty maii je ne me pardonnera» pu d^ l'arpû di^i^*
à64 cokR£SPom)ÀNCE,
<;ette inutile et coûteuse CQixjuête ce que disait
Pyrrhus de ses yictolres : Encore une, et nous
sommes perdus. Mab^ hélas! l'Europe n'offiin
plus à M. de Choiseul d'autre peuple naissante
détruire, ni d'aussi grand homme à noircir que
son illustre et vertueux éhef .
C'est ainsi que l'homme le pins fin se décèle en
écoutant trop son animosité. M. de Choiseul con-
naissait bien la plaie la plus cruelle pat laquelle il
pût déchirer mon cœur, et il ne me^apa5épa^
gnée : mais il n a pas vu combien cette barba»
vengeance le démasquait et devait éveuterson
complot. Je le défie de pallier jamais cette cif^
ditîon d'aucuqe raison ni d'aucun prétexte qui
puisse Contenter un honlme senséi On saura cp»
je sus voir le premier un peuple disciplinaUeel
libre où toute ITIurope ne voyait encore quVn las
de rebelles et de bandits; que je vis germer te
palmes de cette nalion naissante; qu'elle me choi-
sît pour les arroser, que ce choix fit son iofortuDe
et la mienne ; cjue ses premiers combats furent te
victoires; que , n'ayant pu la vaincre, il fillut Ta-
cheter. Quant à la conclusion qui meregaide,0B
présumera quelque jour, je l'espère, malgré tous
les artifices de M. de Choiseul^ qu'il ny anrt
qu'un homme estimabk qu'il pût hmr avec tant
j^e fiu'eur.
Voilà, monsieur^ ce qui me &it prendre ib0D
parti avec plus de courage que n en semblait an-
noncer Idccablement où vous m'avez vu; mais j^
ANNÉE 1770. a65
découvrab alors pour la première fois des bor*
reurs dont je n^avais pas la moindre idée, et aux*
quelles il n est pas même permis à un honnête
homme d'être préparé. Epouvanté des infernales
trames dont je me sentais enlacé, je donnais trop
de pouvoir à Timposture, j'en prolongeais trop
loin l'effet sur lavenir : j^ voyais mon nom, qui
doit me survivre, couvert par elle d'un opprolire
étemel, au lieu de la gloire «t des honneurs que
je sens dans mon cœur m'êtrc dus; je frémissais
de douleur et dlndignation à cette cruelle image.
Aujourdliuijque j'ai eu le temps de m^apprivoiser
avec des idées qui m'étaient si nouvelles, de les
peser, de les comparer, de mettre par ma raison
les iniques oeuvres des hommes à la coupelle du
temps et de la vérité, je ne crains plus que le Vil
alliage y résiste : le soufre et le plomb s en iront
eu fumée , et l'or pur demeurera t^t ou tard ,
quand mes ennemis , morts ainsi que moi, ne lai-
téreront plus. Il est impossible que, de tant de
trames ténébreuses, quoiqu'une au moins ne soit
pas enfin dévoilée au grand jour; et c'en est assez
pour juger des autres. Les bons ont horreur des
méchans et les fuient , mais ils ne brassent pas des
complots contre eux. Il est impossible que, reve-
nus de la haine aveugle quon leur inspire, mes
semblables ne reconnaissent pas un jour dans mes
ouvrages un homme qui parla d'après son cœur»
U est impossible qu^en blâmant et plaignant les
erreurs où j'ai pu tomber; ils ne louent pas mes
GorreipoBdaace. 5. 23
2GS CORRESPONDANCE,
cela qu'il s'agît : que je sache à tout prix de quoi
je suis coupable; que j'apprenne enfin quel est
mon crime, qu^on m'en montre le témoignage et
les preuves, ces invincibles preuves qui, bien
qu administrées si secrètement et par des mains si
suspectes, n'ont laissé le moindre doute à per-
sonne, et SUT lesquelles âme vivante n'a même
imaginé qu'il fût pourtant bon de savoir si je n'a-
vais rien k dire ; enfin qu on daigne je ne dis pas
me convaincre, maïs m accuser moi présent (i},
et je meurs content.
Eh ! que reste-t-il ici-bas pour me faire aîmer à
vivre? Déjà vieux, sonflrant, sans ami, sans ap
pui, sans consolation, sans ressource, voila la
pauvreté prête à me talonner; et quand on mau-
rait laissé même la liberté d'employer mes talens
à gagner mon pain , de quoi jouirais-;e en le man-
geant? Quoi! voir toujours des hommes faux,
haineux, malveiîlans! toujours des masques, tou-
jours des traîtres! et loin de vous, pas un seul vi-
sage dTiomme! plus d'épanchemens dans le sein
*- ■ -
(i) Je toîs persvndë qu'il y a bous tout cela quelque équi-
voque , quelque malentciidn , jqucique adroit menson^ , sur le-
quel un mot peut-être serait uu trait de lami(>re qui irappenit
tout le inonde , et démasquerait les imposteurs. Ils le seotcnt tx
le craignent sans doute ; aussi parait-il qu'ils ont mis toute l'a-
dresse j» tonte la nue , toute la sagacité de leur esprit ^ chercher
des raisons plausibles et spécieuses pour prévenir toute expU*
cation. Cependant comment ont-ib pu couvrir Tiniquité de
cette conduite jusqu'il gromper les çen^ de boo sens? Voilà ea
qui ine passe.
d'un ami, plus de ces^doux sentimens qaWe lon^
gue habitude rend délicieux! Ah! la vie à ce prix
m^est insupportable ; et quand sa fin ne serait que
celle de mes peines, je désirerais d'en sortir : mais
elle sera le comsnencement de cette félicité pour
laquelle je me sentais né, et que je cherchai vai-
nement sur la terre. Que j aspire i cette heureuse
épo^e, et que j^aimerai quiconque m'y fera par-
venir! Jetais homme, et j'ai péché; j'ai &it de
grandes fautes que j'ai bien expiées , mais le crime
jamais n approcha de mon cœur. Je me sens juste,
bon, vertueux, autant quliorome qui soit sur la
terre : voilà le motif de mon espérance et de ma
sécurité. Quoique je paraisse absolument oublié
de la Providence, je n'en désespérerai jamais. Que
ses i^ompenses pour les bons doivent être belles,
puisqu'elle les néglige à ce point ici-bas! Javoue
pourWJit qu^en la voyant dormir si long-temps, il
me prend des momensd'abattement :ilssontrares,
ils ne durent guère , «t ne changent rien à ma dis-
position. J'espère que la mort ne viendra pas dans
un de ces tt'isfes momens ; mais quand elle y vien«
draity elle me serait moins consolante, sans m'être
plus redoutable. Je me dirais : Je ne serai rien , ou
je serai bien; cela vaut toujours mieux pour moi
que cette vie.
La mort est douce aux malheureux ; la souf-
france est toujours cruelle : par là je reste ici-bas
à la merci des méchans. Mais enfin que me peu«
vent-îJs faire ? Ils ne me feront pas plus souffirîc
23.
que ne fit la néphrétique; et j'ai &it lit- dessus
lessai de mes forces. Si mes manz sont longs, ik
exerceront mon âme à la patience , à la constance,
au courage; ils lui feront mériter le prix destiné k
la yertu; et au jour de ma mort , quil Ëiudra bien
enfin qui yienoe , mes persécuteurs m'auront rendn
service en dépit d eux. Pour quiconque en est li,
les hommes ne sont plus guère i craindre. Ansâ
M. de Choiseul peut jouer de son reste avec tonte
sa puissance. Tant quil ne changera pas la na-
ture des choses, tant qu'il n'ôtera pas de ma poi-
trine le cœur de Jean-Jacques Rousseau pour j
mettre celui dun malhonnête homme, \e le mets
au pis.
Monsieur, j'ai vécu : jej^e vois plus rien , même
dans Tordre des possibles, qui pût me donner en-
core sur k t^re i;n moment de vrai plaisir. On
m'oflSrirait ici-bas le choix de ce que j'y venxétrdi
que je répondrais, mort. Rien de ce qui flattait
mon cœur ne peut plus exister pour moi. SU me
reste un intervalle encore jusqu'à ce moment si
lent à venir, je le dois à Ihonneur de ma mé-
moire. Je veux tâcher que la fin de ma vie honore
son cours et y réponde. JusquHci j'ai supporté le
malheur; il me reste â sayoir supporter la capd»
vite, la douleur, la mort : ce n'est pas le plus dif-
ficile; mais la dérision, le mépris, l'opprobre,
apanage ordinaire de la vertu parmi les méchans,
dans tous les points par où l'on pourra me les faire
sentir. J^espëre qu'un jour on jugera de ce que je
àhkée 1770. 371
fus par ce que j'ai su souffirir. Tout ce que vous
m'avez dit pour me détourner, quoique plein de
sens, de vérité, d'éloquence, n'a fait qu'enflammer
mon courage : c'est un effet qu'il est naturel d'é-
prouver près de vous; et je nai pas peur que
d autres m'ébranlent quand vous ne m'avez pas
ébranlé. Non , je ne trouve rien de si grand , de si
beau, que de souffrir pour la vérité. Jenvie la
gloire des martyrs. Si je n ai pas en tout la même
foi qu'eux, jai la même innocence et le même
ztle, et mon coeur se sent digne du même prix.
Adieu, monsieur. Ce n'est pas sans un vrai re-
gret que je me vois à la veille de m'éloigner de
vous. Avant de vous quitter j'ai voulu du moirs
goûter la douceur depancher mon cœur dans
celui dun homme vertueux. C'est, selon toute
apparence, un avantage que je ne retrouverai de
longtemps.
Rousseau.
■OTE OVïïUiM DAfIS MA ISTIBE A M. DS SAlUT-eESMAIH.
Je me souyiens d'avoir, <fiant Jeiane, employé le verasuîyaal
dn» nne comédie.
Cest eD le trabiisant qu'il £iut purar i^ troitre.
Mai» en outre que c'ëtait dans ub cas trèt-exàiaable , et oti â
ne s'bgiaMit |ioiiit d'une véritable trabisoiiy ce ven, échappé
dans la rapidité de la composition , dans une pièoe n(Mi pnbKqofi
et non oorrigée, ne prouve point que Tauteur pense ce qu'il ùAjL
dire k une femme jalouse, et ne fait aaiorité pour persomia.
S'il est permis de trahir les traîtres, « n'est qu'aux geos qui
leur rrsawnhifpti buûs jamais les armea des mécbaos v/i sooiW
2J2 'ÎOnilESPONDAirCE ,
Jèrent les maîns d'un liooD^ie bomme. Comme U n'est pM per-
mis de mentir à un menteur, il est encore moins permis de m-
hii un traître : sans cela, toute la moraJe serait subvertie, ctb
vertu ne serait plus qu un vain nom ; car le nombre des nttl-
Iionnétes gens étant malheurettsement lo plus grand de la terre,
si l'on se permettait d'adopter vis-à vit d'eux leurs propus
maximes, ofi serait le plus souvent malhonnête hasnme sni
mfmr, et l'on en viendrait iMcntôt ft supposer toujours que l'aii
a aâTaire à des coquins , afin de s'autoriser à l'èune.
898* A M. L ÂBBÉ ML
Monquin, 17 ^o.
PArvuES sreugies que nous sommes! etc.
Vptre précédente lettre, monsieur, m^en pro-
mettait si bien une seconde, et j étais si sur quelle
viendrait, que^ quoique je me crusse ohligé de
vous tirer de l'eiteur où je vous voyais , j annai
mieux tarder de remplir ce devoir qtie de tous
6ter ce plaisir si doux aux cœuins honnêtes de ré^
parer leurs torts de leur propre mouvement (*).
La bizarre man ière de dater qui vous a scanda-
lisé est une formule générale dont depuis quelque
temps j'use indifféremment avec tout le monde*
qui n'a ni ne peut avoir aucun trait aux personnes
à qui j écris, puisque ceux qu elle regarde ne sont
(*} Pour rintelltgence de cette plirase et de eeUes qui U
vent , il hni savoir que la personne à qui cette aeconde lettre
était adressée avait mis en tète de sa réponse 4 la première na
quatrain qui semblait annoncer qu'elle avait pris eu mauvaise
part celui de M. Kousseau , ce qui amendant n'était pas.
( Nott au iiiUun iê Gewèpe.)
xyndE 1770. 273
pas faits pour être honorés de mes lettres, et ne
le seront sûrement jamais. Comment m ayez-vous
pu croire assez brutal, assez féroce, pour vouloir
iusuiter ainsi de gaieté de cœur quelqu^un qne je
ne connaissais que par une lettre pleine de témoi-
gnages d'estime pour moi, et si propre à m'en
inspirer pour lui? Cette erreur est là-dessus tout
ce dont je peux me plaindre; car si ce nen eût
pas été une, votre ressentiment devenait très-lé-
gitime, et votre quatrain trës-mérité : si même
j'avais quelque autre reproche à vous faire, ce se-
rait sur le ton de votre lettre qui cadrait si mal
avec celui de votre quatrain. Quoique dans votre
opinion je vous en eusse donné lexemple, deviez*
vous jamais l'imiter? ne deviez-vous pas, au con-
traire, être encore plus indigné de l'ironie et dé
la fausseté détestable que cette contradiction met*
tait dans ma lettre? et la vertu doit- elle jamais
som'Iler ses mains innocentes avec les armes des
roéchans , même pour repousset leurs atteintes? Je
vous avoue franchement que je vous ai bien plus
aisément pardonné le quatrain que le corps de la
lettre; je passe les injures dans la colère , mais j'ai
peine à passer les cajoleries. Pardon , monsieur, à'
mon tour : j'use peut-être un peu durement des
droits de mon âge, mais je vous dois la vérité de-
puis que vous m^avez inspiré de Festime; c'est un
bien dont je &is trop de cas pour laisser passer en
silence rien de ce qui peut laltérer. A présent ou-
blions pour jamais ce petit démêlé , je vous en
2^4 COARSSPOimAIÏCB,
prie, et ne nous souvenons que cb ce qui peut
nous rendre plus intéressans Tun à Fautre parla
manière dont il a fini.
. Revenons à votre emploi. S'il est vrai que vous
ayez adopté le plan que j'ai tâché de tracer dans
VEmiley j admire votre courage; car vous avea
trop de lumières pour ne pas voir que, dans on
pareil système, il faut tout ou rien, et qu'il vau-
drait cent fois mieux reprendre le train des édu-
cations ordinaires, et Ëiire un petit talon ronge,
que de suivre à demi celle-là pour ne £aiire qu'as
homme manqué. Ce que j'appelle tout, n'est pas
de suivre servilement mes idées; au contraire^
c^est souvent de les corrige, mais de s'attacher
aux principes, et d'en suivre exactement les coq-
séquences avec les modifications qu'exige néces-
sairement toute application particulière. Vous ne
pouvez ignorer quelle tâclie immense vons vous
donnez : vous voUà pendant dix ans au moins noi
pour Vous-même et livré tout entier avec toutes
vos faculu^s à votre élève; vigilance, patience,
fermeté, voilà surtout trois qualités sur lesquelles
vous ne sauriez vous relâcher un seul instant sans
rbquer de tout perdre; oui, de tout perdre, en-
tièrement tout : un moment d'impatience, de né-
gligence ou d'ouhli^ peut vous ôter le fruit de âx
ans de travaux, sans qu'il vous en reste rien du
tout, pas même la possibilité de le recouvrer par
le travail de dix autres. Certainement, s'il y a quel-
que chose qui mérite le nom d'héroïque et de
ANirÉE 1770. »jS
grand parmi les hommes, cest le succès de;: en-
treprises pareilles à la vôtre ; car le succès est tou-
jours proportionné à la dépense de talens et de
vertus dont on Fa acheté : mais aussi quel don
vous aurez £iit à vos semblables^ et quel prix
pour vous-même de vos grands et pénibles tra^
vaux! Vous vous serez Ëiit un ami, car c^est là le
terme nécessaire du respect, de l estime et de la
reconnaissance dont vous Taurez pénétré. Voyez,
monsieur dix ans de travaux immenses, et
toutes les plus douces jouissances de la vie pour
le reste de vos jours et au-delà : voilà les avances
(fue vous avez &ites, et voilà le prix qui doit les
payer. Si vous avez besoin d^encouragement dans
cette entreprise^ vous me trouvère^ toujours prêt;
si vous avez besoin de conseils , ils sont désormais
au-dessus de mes forces. Je ne puis vous promet-
tre que de la bonne volonté; mais vous la trou-
verez toujours pleine et sincère : soit dit une fois
pour toutes, et, lorsque vous me croirez bon à
quelque chose, ne craignez pas de mlmportuner.
Je vous salue de tout mon coeur.
899. — A M. nE Saiîît-Germain .
MoiM|iiin, fe 17 70.
lUnviœi «reugles que doqs sommes ! etc.
Votre lettre, monsieur, m^attendrit et me tou-
che; je croyais n*étre phis susceptible de plaisir,
et vous venez de m'ei^ donner un moment bien
^y6 CORRËSPOVDAKCE ,
pur. Il n'est troublé que par le regret de ne pas
pouvoir me rendre à vos généreuses et obligeantes
sollicitations; mais mon parti est pris. Je connais
trop les gens à qui j'ai afiaire pour croire qu'ils me
laisseront exécuter mon projet; je m^attends da-
vance à ce qui doit m'arriyer : je ne me dois pas
le succès, il est dans les mains de la Providence;
mais je me dob la tentative et l'emploi de mes
forces : rien ne m'empécbera de remplir ce devoir.
Je ne suis point encore daus la situation que
vos oflres généreuses vous font prévenir , ni même
près d'y tomber; je prévois seulement que si j'a-
vançais dans la vieillesse, elle me deviendrait dure
à plus d'un égard, et c'est moins là pour moi mi
sujet d'alarme qu'une consolation de n'y pas pr-
venir. Je crois si bien connaître votre âme noUe,
que , dans la situation supposée , je vous aurais de
moi-même prouvé la vérité de messentimens pour
vous, en vous mettant dans le cas d'exercer les
vôtres.
Si la crainte de contrister votre bon cœur
m'empêche, monsieur, de suivre les mouvemcns
du mien daus les adieux que je désirais vous aller
faire, \c, sens ce que me coûtera cette déférence;
mais je sens aussi , dans la résolution que jai
prise , le danger de l'exposer à des attaques d'au-
tant plus redoutables, que mon penchant ne se-
conderait que trop bien vos efforts. Adien donc^
homme respectable; je partirai sans vous voir,
puisqu'il le faut^ inais vo^s laissant lameilleure
ÀJXviE 1770. 377
partie de moi-même dans les sentimens d'un cœur
toujours plein de Vous.
900. — A M, DU Pbyrou,
A Monquio ) le 1 7 70.
lUiTTtEs tcveoffa que nous sonames ! etc.
Vous me marquez, mon cher hôte^ que votire
r61e est passif vis-ii-yis dé moi^ que lliabitude a
dû Yous le rendre familier^ et que ma réponse
vous prouve cette vérité affligeante pour Vhuma-
nité, que les battus paient encore l'amende; ce
({ui veut dire que cest vous qui êtes le battu , et
que c*est vous qui fayez Tamende.
Qu entre nous votre rôle soit passif et le mien
actif, voilà , je vous avoue , ce qui me passe. Je ne
vous propose jamais rien , je ne vous demande ja-
mais rien , je ne fais jamais que vous répondre j je
ne me mêle en aucune sorte de vos affaires , je n'ai
avec personne aucune relation, ni secrète ni pu-
blique, qui vous regarde, je ne dispose de rien
qui vous apprltenne; enfin, excepté un senti-
ment d affection qui ne peut s'éteindre, je suis
pour vous comme n'existant pas. En quel sens
donc puis- je être actif vis-à-vis de vous? Je le fus
une fois, et bien vous en prit. Depuis lors je réj-
soiusde ne plus Tétre. Je crois avoir tenu jusqu'ici
cette résolution, et ne la tiendrai pas moins dans
la suite. ExpUquez-moi donc, je vous prie, cofl»>
GprretpoBiIajac«% 5. 2 4
UyS CORIŒSPOirDÀNCE ,
ment vous êtes passif vis-à-vis de moi ; car cela
me paraît curieux à savoir.
Dans votre précédente lettre, vous m'exhortez
à un épanchemeut de cœur, en me disant de vous
traiter tout-à-fait en ami ou tout-à-&ît en étran-
ger. Votre devise sur le cachet de cette même
lettre m^a^rlissait que vous vous faisiez gloire de
n'avoir vous même aucun de cesépanchemensde
cœur auxquels vous m'exhortiez. Or il me parais-
sait injuste d'exiger datas l'amitié des conditions
qu'on ny veut pîïis mettre soi-même; et me dire
que c est traiter un homme en étranger que de ne
pas s'ouvrir avec lui, c était me dire assez daire-
tueut, ce me semble, en quel rang fêtais auprès
de TOUS. Votre exemple à fait la règle de ma ré-
ponse. Si VOUS êtes le battu dans cette affiure,
convenez au moins que je n'ai fiiit que tous ren-
dre les coups que vous m aviez donnés le premier.
Je n'avais pas besoin, mon cher hôte, de b
note que vous m'avez envoyée pour être con-
vaincu de votre exactitude dans les comptes.
Cette note me fait plaisir, en ce que j'y vois ap-
procher le temps où noua serons tout-à-&itquittes,
et vous me faites désirer de vivre au moins jus-
que-là. 11 n'est pas temps encore de parler des
arrangemens ultérieurs , et. tant de prévoyance
u entre pas dans mon tour d'esprit, Alais , en at<
tendant, je suis sensible à vos ofEres, et il eotre
bien dans mon cœur, je vous assure, d'enélrere-
c<Minaissant.
V
AimÉB 1770. 27g
Comme je me propose de déloger d'ici dans
peu y mon dessein n'est pas d^ laisser après moi
mon herbier et mes livres de botanique ; je compte
prendre une charvette pour &ire conduire le tout
à Lyon 9 chez madame Boy de La Tour, où tout
cela sera plus à portée de vous parvenir sans em«
barras. En emballant lesdits livres, j en ferai le
catalogue, et vous TenTcrrai. Que ne puis- je les
suivre auprès de vous! Je vous jure quil n'y a
point de jour où Tidée d'aller être l'intendant de
votre jardin de plantes, et Thôtc de mou hôtesse,
ne vienne encore chatouiller mon coeur. Mais |e
suis pourtant un peu scandalisé de ne point voir
venir d^ petits hôtes qui lui aident un jour à me
&ire ses honneurs. Adieu, mon cher hôte, ma
femme et moi vous saluons, et embrassons Tun et
Vautre. Elle est presque percluse de rhumatismes.
Notre demeure est ouverte à tous les vents, nous
sommes presque ensevelis dans la neige, et nous
ne savons plus comment ni quand cela finira.
Adieu, derechef.
Je signe ^ afin que vous sachiez désormais sous
quel nom vous avez à m'écrire. Je n'ai pas besoin
de vous avertir que le quatrain joint à la date est
une formule générale qui n'a nul trait aux per-
sonnes à qui j écris.
38o CORRESPONDANCE,
901. «-^ ▲ M. DE Bellot.
pACvncs «veuf^let que nous wooÉmm ! «te.
Il faut, monsieur, yoos résoudre k bien de t'en-
nui, car j*ai grand'peur de vous écrire une longue
lettre.
Que TOUS m'ayez rafraîchi le sang^etcjue j'aime
voire colère! J'y vois bien le sceau de la vérité
dans une âme fière , que le patelinage des cens qui
m'entourent marqtie encore plus fortement à mes
yeux. Vous avez daigné me faire sentir mon tort;
c^est une indulgence dont je sens le prix, et que
je n'aurais peut-être pas eue à votre place : il ne
m'en reste que le désir de vous le faire oublier. Je
fus quarante ans le plus confiant des hommes,
sans que^ durant tout ce temp^, jamais une seule
fois cette confiance ait été trompée. Sitôt que j'eus
pris la plume , je me trouvai dans un autre uni-
vers, parmi de tout autres êtres, auxquels je con-
tinuai de donner la même confiance, et qui m'en
ont si terriblement corrigé quHs m'ont jeté dans
l'autre extrémité. Rien ne m'épouvanta jamais au
grand jour, mais tout m'effarouche dans les ténè-
bres qui m'environnent, et je ne vois que dunoid
dans Tobscurité. Jamais Tobjet le plus hideux ne
me fit peur dans mon enfance, mab une figure
cachée sous un drap blanc me donnait des con-
vulsions : sur ce point, comme sur beaucoup d'au-
ANÏfiB 1770. 261
treSj Je resterai enfant jusqu'à la mort. Ma dé-
fiance est d'autant plus déplorable que, presque
toujours fondée (et je n'ajoute presque qu'à cause
de tous), elle est toujours sans bornes, parce que
tout ce qui est hors de la nature n'en connaît plus.
Voilà, monsieur, non lexcuse, mab la cause de
ma faute, que d'autres circonstances ont amenée y
et même aggravée, et qu il faut bien que je vous
déclare pour ne pas vous tromper. Persuadé qu'un
homme puissant vous avait Êiit entrer dans ses
Tues à mon égard, je répondis selon cette idée à
quelqu'un qui m'avait parlé de vous, et je répon-
dis avec tant d'imprudence que je nommai même
l^omme en question. Né avec un c<iractère bouil-
lant dont rien na pu calmer TeiFervescence , mes
premiers mouvemens sont toujours marqués par
une étourderie audacieuse, que je prends alors
pour de lintrépidité, et que j'ai tout le temps de
pleurer dans la suite , surtout quand elle est in-
juste, comme dans cette occasion. Fiez-vous à
mes ennemis du soin de m'en punir. Mon repentir
anticipa même sur leurs soins à la réception de
votre lettre; un jour plus tôt elle m'eût épargné
beaucoup de sottises; mais puisqu'elles sont faites,
n ne me reste qu'à les expier et à tâcher d en ob-
tenir le pardon , que je vous demande par la com-^
misera tion due à mon état.
Ce que vous me dites des imputations dont
vous m'avez entendu charger, et du peu d'eifet
qu'elles ont fait sur vous^ ne m'étonne que par
î4.
a^l CORRESPOÎÎDAWCE ,
llmbèclllîlè de ceux qui pensaient vous surpren-
dre par cette voie. Ce n'est pas sur des hommes
tels que vous que des discours en lair ont quelque
prise, mais les frivoles clameurs de la calomnie,
qui n'excitent guère d attention, sont bien difle-
rentes, dans leurs eflèts, des complots tramés et
concertés durant longues années dans un profond
silence, et dont les développemens successifs se
font lentement, sourdement, et avec méthode.
Vous parlez d évidence : quand vous la verrez
contre moi, jugez-moi, c'est votre droit; mais
nWbliez pas de juger aussi mes accusateurs; exa-
minez quel motif leur inspire tant de zèle. J'ai
toujours vu que les médians inspiraient de Thor-
rcur, mais point d^animosité. On les punit, ou on
les fuit : mais on ne se tourmente pas d'eux sans
cesse; on ne s'occupe pas sans cesse à les circon-
venir, à les tromper, à les trahir; ce n*est point à
eux que Ton fait ces choses-là, ce sont eux qui les
font aux autres. Dites donc à ces honnêtes gens si
zélés, si vertueux, si fiers surtout d'être des traî-
tres, et qui se masquent avec tant de soin pour
me démasquer : « Messieurs, j'admire votre zèle,
« et vos preuves me paraissent sans réplique; mais
cf pourquoi donc craindre si fort que Faccusé ne
« les sache et n y réponde? Permettez que je len
K instruise et que je vous nomme. Il n est pas gé-
K néreux, il n est pas même juste de diffamer un
t homme, quel qu'il soit, en se cachant de lui.
(c Cest, dites-vous, par ménagement pour lui que
iXKEE Î770. a83
« vous ne voulez pas le confondi^e; maïs il serait
« moins crael , ce me semble , de le confondre que
« de le diffamer, et de lui ôter la yie que de la lui
« rendre insupportable. Tout hypocrite de vertu
« doit être publiquement confondu; c'est là son
« vrai châtiment; et l'évidence elle-même est sus-
« pecte quand elle élude la conviction de l'accusé. »
Eu leur pairlaut de la sorte ^ examinez leur conte*
nance, pesez leur réponse; suivez, en la jugeant,
les mouvemens de votre cœur et les lumières de
votre raison : voilà , monsieur, tout ce que je vous
demande, et je me tiens alors pour bien jugé.
Vous me tancez , avec grande raison , sur la
manière dont je vous parais juger votre nation :
ce n est pas ainsi que je la juge de sang-froid, et
je suis bien éloigné, je vous jure, de lui rendre
rinjivstlce dont elle use envers moi. Ce jugement
trop dur était Pouvrage d'un moment de dépit et
de colère, qui même ne se rapportait pas à moi ,
mais au grand homme qu^on vient de chasser de
sa naissante patrie, quHl illustrait déjà dans sou^
berceau, et dont on ose encore souiller les vertus
avec tant d'artifice et dln justice. SU restait, me
disais- je, de ces Français célébrés par de Belloy,
pourquoi leur indignation ne réclamerait - elle
point contre ces manœuvres si peu dignes d'eux?
C'est à cette occasion que Bayard me revint en
mémoire, bien sûr de ce qull dirait ou ferait s il
vivait aujourd'hui. Je ne sentais pas assez que
tous les honunes^ même vertueux , ne sont pas de$
a8î cditig:E5Fôinsrace,
Bayards ; qu*on peat être timide sans cesser Skn
juste; et ({uen pensant A ceux <ju\ machinent et
crient y j Wais Jort d'oublier ceux qui gémissent et
se taisent. J'ai toujours aimé votre nation , elle est
même celle de l'Europe cpe j'honore le plus; non
que j'y croie apercevoir plus de vertus que dans
les autres, mais par un précieux reste de leur
amour qui s'y est conservé, et que vous réveillez
quand il était prêt à s'éteindre. Il ne &ut jamais
désespérer d un peuple qui aime encore ce qui est
juste et honnête, quoiqu'il ne le pratkjue plus.
Les Français auront beau applaudir aux traits bé-
roiques que vous leur présentez , je doute qu^ils
les imitent; mais ils s en transporteront dans vos
pièces, et les aimeront dans les antres hommes^
quand on ne les empêchera pas de les y voir. On
est encore forcé de les tromper pour les rendit
injustes; précaution dont je n*ai pas vu qu'on eût
grand besoin pour d'autres peuples. Voilà, mon-
sieur, comment je pense constamment k l'égaie
des Français, quoique je n'attende plus de leur
part qu'injustice, outrages et persécution; nab
ce n'est pas à la nation que je les impute, et tout
cela n'empêche pas que plusieurs de ses membres
n'aient toute mon estime et ne la méritent , mèioe
dans Terreur où on les tient D'ailleurs, mon casxix
s'enflamme bien plus aux injustices dont je sat5
témoin qu à celles dont je suis la victime : il lui
manque, pour ces dernières, l'énergie et la vi*
gueur d'un généreux désintéressement. H me
ANNÉE 1770. a8j
ble que ce nVst pas la peine de m'échaufTer pour
une cause qui n'intéresse que moi. Je regarde mes
malheurs comme liés à mon état d'bomme et d'ami
de la vérité. Je vois le méchant qui me persécute
et me diffame comme je verrais un rocher se dé-
tacher d'une montagne et venir m'écrascr; je le
repousserais, si jen avais la force, mais sans co-
lère, et puis je le laisserais là sans y plus songer.
J^avoue pourtant que ces mêmes malheurs m'ont
d^ahord pris au dépourvu, parce qu'il en est aux-
quels il n'est pas même permis à un honnête
homme d'être préparé : j'en ai été cependant plus
abattu qu'irrité; et, maintenant que me voilà
prêt, j'espère me laisser un peu moins accabler,
mais pas plus émouvoir de ceux qui m'attendent.
 mon âge et dans mon état ce n est plus la pine
de s'en tourmenter, et j'en vois h terme de trop
près pour m'inquiéter beaucoup de l'espace qui
reste. Mais je n'entends rien à ce que vous rao
dites de ceux que vous avez essuyés : assurément
}e suis fait pour les plaindre; mais que peuvent-
ils avoir de commun avec les miens? Ma situation
est unique , elle est inouïe depuis que le monde
existe, et je ne puis présumer qu il s'en retrouvo
jamais de pareille. Je ne comprends donc point
quel rapport il peut y avoir dans nos destinées, et
j'aime à croire que vous vous abusez sur ce point.
Adieu, monsieur : vivez heureux, jouissez en
paix de votre gloire, et souvenez-vous quelque-
fois dW homme qui vous honorera toujours.
a88 CORRESPOÏTDANCE,
déshonneur, dont la perte, même injuste, en-
traine des malheurs civils pires cent fois qae la
mort. Sur ce chapitre de Ihonneur TinsuiSkance
dvs lois nous laisse toujours dans l'état de nature :
je» crois cela prouvé dans ma Lettre à Af . dAlem-
bert sur les Spectacles, Llionneur d'un homme
ne peut avoir de vrai défenseur ni de vrai vengeur
fjue lui-même. Loin qu'ici la clémence, quVn tout
autre cas prescrit la vertu, soit permise, die est
défendue; et laisser impuni son déshonneur^, c'<i;t
y consentir : on lui doit sa vengeance, on se la
doit à soi-même; on la doit même k la société et
aux autres gens d'honneur qui la composent : et
c^est ici Tune des fortes raisons qui rendent le duel
extravagant, moins parce qu'il expose rinnocent
à périr, que parce qu^il l'expose à périr sans ven-
geance et à laisser le coupable triomphant. Et
vous remarquerez que ce qui rend le trait du
major vraiment héroïque, est moins la mort qnll
se donne que la fière et noble vengeance qu'il sait
tirer de son roi. C'est son premier coup de pisto*
let qui fait valoir le second : quel sujet il lui âte,
et quels remords il lui laisse! Encore une fois, le
cas entre particuliers est tout diflërent. Cepen-
dant, si Thonneur prescrit la vengeance, il la prcs^
crit courageuse : celui qui se venge en lâche, au
lieu d'effacer son infamie, y met le comble; mais
celui qui se venge et meurt est bien réhabilité. iH
donc un homme indignement, injustement flétri
par un autre ^ va le chercher on pistolet à la main
AKK&£ 1770. 989
dans lamptuthéâtre ^e lX)pëi«, lui cdtte la t6to.
devant tout le laande; et pois, se laissant tnin-
quillement mener devant les juges ^ leur dit : Je^
viens de faire un acte de justice que je me devais,,
et qui n'appartenait qu'à moi; faites-^moi pendre,
si vous l'osez; il se pourra bien qu^ils le fiissent.
pendre en effet, parce qu'enfin quiconque a donné
la mort la mérite^ qu'il a dd même y compter;
mais je réponds qu'il ira au supplice avec l'estime
de tout homme équitable et sensé , comme avec la
mienne; et si cet exemple intimide un peu les tà-
tenrs dliommes, et fait marcher les gens dlioU'
neuf, qui ne ferraillent pas, la tSte un peu plus
levéc^ je dis que la mort de cet homme de courage
ne sera pas inutile à la société. La conclusion tant
de ce détail que de ce que j'ai dit à ce sujet dans
VEntile, et que je répétai souvent, quand ce livre
l^irut, à ceux qui me parlèrent de cet article, est
qu^on ne déshonore point un homme qui sait
mourir.Je ne diraipoint ici si j'ai tort;cela pourra
se discuter à loisir dans la suite : mais, tort ou
noQi si cette doctrine me trompe, vous permet-
lires néanmoins , n'en déplaise à votre illustre prA-
i)eur d'oracles^ que je ne me tienne pas pour dés-
honoré.
Je viens, monsieur, à la question que vous me
proposez sur votre élève. Mon sentiment est qu'on
ne doit forcer nn enfiint à manger de rien, il y a
des répugnances qui ont leur cause dans la cons^^
litntiou particulière de l'individai et celles-là.
^ C0RIIE5PCWD A!rCE y
de Testime sur mes écrite; roas m'en accorderiez
encore plus sur ma rie si elle vous était connue;
et darautage encore sur mon cœur, sli était ou-
vert & vos yeux : il n'en fiit jamais un plus tendre,
un meilleur, un plus juste; la méchanceté ni la
liaine n en approchèrent jamab. J*ai de grands
vices sans doute, mais qui n'ont jamais fait de
mal qu'à moi; et tous mes malheurs ne me vien-
nent que de mes vqrtus. Je n ai pu, malgré tous
mes effi)rts, percer le mystère afireûx des trames
dont je suis enlacé; elles sont si ténébreuses, on
me les cache avec tant de soin , que je n'en aper-
çois que la noirceur. Mais les maximes communes
que vous m'alléguez sur la calomnie et l'impos-
ture ne sauraient convenu à celle-là; et lesfirivoles
clameurs de la calomnie sont bien diflëren tes, dans
leurs etkts, des complots tramés et concertés du-
rant longues années dans un profotàl silence, et
dont les développemens successif, dirigés parla
ruse, opérés par la puissance, se font lentement,
sourdement, et avec méthode. Ma situation est
unique; mon cas est iuoui depuis que le mondf
existe. Selon toutes les règles de la prévoyance
humaine , je dois succomber; et toutes les mesures
sont tellement prises, qu'il n'y a qu'un miracle de
la Providence qui puisse confondre les impos-
teurs. Pourtant une certaine confiance soutient
encore mon courage. Jeune femme, écoutez-moi :
quoi qu'il arrive, et quelque sort qu'on me pré-
pare, quand on vous aiua Ait rénumératîon ds
ÀjmÉs 1770. agS
mes crimes, quand on vous en aura montré les
finappans témoignages, les preuves sans réplique,
la démonstration, révidence, sourenez-vous des
trois mots par lesquels ont fini mes adieux : n
SUIS iimocBirT. Rousseau.
Vous approchez dnn terme intéressant pour
mon cœur : je désire à en savoir llieureux évéoe*
ment aussitdt qu'il sera possible. Pour cela, si
TOUS n'ayez pas ayant ce temps- ià de mes nou-
velles , préparez d'avance un petit billet, que vous
ferez mettre à la poste aussitôt que vous serez dé-
livrée, sous une enveloppe à Tadresse suivante t'
A madame Boj de La Totir, néeKoguin, à Lyon.
904. ▲ M. MoULTOU*
Mondain, le 98 mais i77.o*
Jb tardais, cher Mou Itou, pour répondre 2
votre dernière lettre, de pouvoir vous donner
quelque avis certain de ma marche; mais les neiges
qui sont revenues m'assiéger rendent les chemins
de cette montagne tellement impraticables, que
}e ne sais plus quand j en pourrai partir. Ce sera ^
dans mon projet, pour me rendre à Lyon , d'où je
sais bien ce que je veux faire , mais j'ignore ce que
|e ferai.
Xavais eu le projet que vous me suggérez d*aller
m'etablir en Savoie; je demandai et obtins, du-
rant mon séjour à Bourgoin, ua passe-port poor^
sgS C01l1lESP0I!n)AKCE ,
<pill ne serait pas à PépreuTe. Entre antres rê
marques que jai faites sur cette édidon, fj ai
trouvé, avec autant d indignation que de sur
prise, trois ou quatre lettres de M. le comte de
Tressan, avec les réponses qui furent écrites il j
a une quinzaine d années au sujet d'une tracas-
série de Palissot. Je n'ai jamais communiqué ces
lettres qu'au seul Vemes, auquel javais alors, d
bien malheureusement, la même confiance qae
celle que j'ai maintenant en vous : dcpîuis lors f
ne les ai montrées à qui que ce soit , et ne me rap-
pelle pas même en avoir parlé; voilà pourtant Rej
qui les imprime : d'oii les a-t-il eues? ce n'est cfr
tainement pas de moi ; et il ne m'a pas dit un mot
de ces lettres, en me parlant de cette édition. Je
comprends aisément qu il n'a pas mieux rempli le
devoir d obtenir l'agrément de M. de Tressan^qni
probablement ne laurait pas donné non plus qoe
moi. Du cercueil ob Ton me tient enfermé tout ri-
vant , je ne puis pas écrire à M. de Tressan , dont je
ne sais pas l'adresse , et à qui ma lettre ne parvien-
drait certainement pas. Je vous prie de remplir et
devoir pour moi. Dites-lui que ce ne serait pas en-
vers lui, que j'honore, que j aurais enfineint un de-
voir dont j'ai porté l'observation jusqu'à un scn-
pulc peut-être inouï envers Voltaire, que j'ai laisse
ialsifier et défigurer mes lettres et taire les siennes,
sans que j'aie voulu jusqu'ici montrer ni les uses
ni les autres k personne. Ce n'est sûrement pas
pour me faire honneur qne cet lettres ont été m-
primées ; c'est nniquement pour m^atiirer rini
mitié de M. de Tressan.
a^ JTai ikit, il y a quelques mois, & madame la
duchesse douairière de Portland un envoi do
plantes que j'avais été herboriser pour elle au
mont Pila, et quef aval» préparées avec beaucoup
de soin, de même quun assortiment de graines
que j 7 avais joint. Jen ai aucune nouvelle de ma*
dame de Portland ni de cet enVoi, quoique jaic
écrit et à elle- et à son commissionnaire : mes leU
1res sont restées sans réponse; et je comprends
qu'elles ont été suppimées , ain^i que l envoi , par
des motifs qui ne vous seront pas difficiles â pé-
nétrer. Les manœuvres qu'on emploie sont très-
assorties à l'objet quon se propose. Ayez, cher
Moultou, la complaisance d'écrire à madame de
Portlandce que j'ai &it, et combien j'ai de regret
qu^on ne me laisse pas remplir les fonctions du
titre qu elle m'avait permis de prendre auprès
d'elle, et que je me faisais un honneur de mérvfef.
Vous sentez que je ne peux pas entretenir des Cor<
respondances malgré ceux qui les interceptent.
Ainsi là-dessus, comme sur foute chose où la né-
cessité commande , je me soumets. Je vbudrai^
seulement que mes anciens correspondaàs su^
sent qu'il n'y a pas de ma &ute, et que je ne les
ai pas négligés. La même chose m'est arrivée avec
M. Gaan, de Montpellier, à qui j'ai fait un envoi
sons 1 adresse de M. de Saint-Priest. La même
chose m'arriyeia peut ^tre avec vous« Accuses--
3oQ coiUL2sro:fi>A:(CB,
sais fidre à Motîcrs, surtout ({nanti Inerdce,
vous ne seriea point atteint dé cette crucUe ma-
bdie. Point de souper^, peu de cabinet, et beau-
coup de marche dan$ vos relâches; voilà ce ^*n
me reste k vous recommander.
Ce que vous m'apprenez qui s^est passé derniè-
rement dans votre ville me fôche encore^ mais se
me surprend plus. Comment! votre Conseil soif
verain se met à rendre des jugemens crinnneb!
Les rois, plus sages que lui, n'en rendent point
Voilà ces pauvres gens prenant à grands pas k
train des Athéniens , et courant chercher la meiDt
destinée, qu'ils trouveront, hélas! assez tôl suis
tant courir. Mais,
iQiiOf vuÈt jmrâgrt Japâcr ikiiieiitttf.
Je ne doute point que les nc^ti& ne missent I
leurs prétentions Tinsolence de gens qui se sen
tent soufflés et qui se croient soutenus; mais f
doute encore moins que, si ces pauvres citoyens
ne se laissaient aveugler par la prospérité, et sé-
duire par un vîl intérât, ib qpuçsenfcété les pre-
miers à leur offirir le partage, dans le fond très-
juste , très-raisonnablé, et très-avantageux à tons,
que les autres leur demandaient. Les voilà aussi
durs aristocrates avec les habitans que les magis-
trats furent jadis avec eux. De ces deux aristooa-
ties j'aimerais encore miieux la première.
Je suis setisible à la bonté que vous avez d«
vouloir bien écrire à madame de Portlaïul et à
AjmxiE 1770. 2oi
M. de Tressan : féquité, Taniitiéy dicteront vos
lettres; je ne suis pas en peine de ce que vous
direz. Ce que tous me dites de rantérieure im-'
pression des lettres du dernier disculpe al)solu«
ment Key sur cet article, mab ninfirme point ,
au reste , les fortes raisop^ que j'ai de le tenir tout
au moins pour suspect -, ejt, je connais trop bien les
gens à qui j'ai affaire, pour pouvoir croire que,
songeant à tant de monde et à tant de choses, ils
aient oublié cet honune-lâ. Ce que tous a dit
M. Garcin du bruit qu'il Êiit de son amitié pour
moi n'est pas propre à m'y donner plus de con-
fiance. Cette affectation est singulièrement dans le
Elan de ceux qui disposent de moi, Coindet y bril-
lit par excellence, et jamais il ne parlait de moi
sans verser des larmes de tendresse. Ceux qui
m'aiment véritablement se gardent bien, dans les
circonstances présentes, de se mettre en avant
avec tant d emphase; ils gémissent tout bas au
contraire, observent, et se taisent jusqu^à ce que
le temps soit venu de parier.
Voilà, cher Moultou, ce que je vous prie et
vous conseille de faire. Vous compromettre ne se*
cait pas me servir. Il y a quinze ans qu'on travaille
sous terre; les mains qui se prêtent à cette œuvre
de téaèbres la rendent trop redoutable pour qu'il
soit permis k nul honnête homme d!en approcher
pour Fexaminer. U faut , pour monter sur la mine^
attendre quelle ait iàit son explosion ; et ce n'est
plus ma personne qu'il faut songer à défendre,
5. :^6
3o4 COftRESPOND Aires,
de TOUS en marquer sa (rès-hnmble reconnais-
sance. Je vous prie anssi, monsieur, de youloir
témoigner la mienne à madame de Saînl-Ger-
main, en lui fiiisant agréer mon respect. Y ans
connaissez, monsieur, toute ma confiance en to-
tre bienveillance, et je me flatte que vous con-
naissek aussi combien j j suis sensible et disposé
ft m'en prévaloir en toute occasion , sans crainte
de vous déplaire. Des inconvéniens, que j'aurais
dû prévoir, retardent ma marche , sans rien chan-
ger à mes résolutions. Je prends la liberté de me
recommander i votre souvenir, et de vous assu-
rer que rien n'affaiblira jamais les sentimens im-
mortels que vous mWez inspirés.
908. -^ ▲ M. DE Gesàkoe^
MoiMinim, fin dWH I7J<»»
Je vous avoue , monsieur, que, vous connais-
sant pour un gentilhomme plein dhonnenr et de
probité, je n apprends pas sans sui;prise la tran-
quillité avec laquelle vous avez souffert en mon
absence les outrages atroces que ma femme a reçus
du bandit en cotillon auquel madame de Cesarges
a jugé k propos de nous livrer, après nous avoir
été les gens qu'elle nous avait tant vantés elle-
même, et avec qui nous vivions en pûx.
Je sais bien , monsieur, qu'on vous taxe d avoir
peu d'autorité chez vous, et que le capitaine Ver-
lier vous a subjugué, dit-on, comme les autres;
AWWÊE 1770. 3oD
fmais je ne tous aurais jamais cru dénué de crédit
dans votre propre maison, au point de n y pou-
voir procurer la sûreté aux hôtes que vous y avez
placés vous même. Puisqu'en cela toutefois je me
suis trompé, puisque vous ne pouvez vous déli-
vrer des mains des susdits bandits en cotillon, et
puisque madame de Cesarges elle-même ne voit
a autre remède aux mauvais traitemens que je
puis recevoir des gens qui dépendent d'elle que
d'en être désolée, ne trouvez pas mauvais, jus-
qu'à ce que je puisse me procurer une autre de-
meure, que, i^uit à moi seul pour toute res-
source, je tâche de me faire la justice que je ne
puis obtenir, etf pourvoyant de mon mieux à ma
propre défense et à k protection que je dois à ma
femme. Que s'il en arrive du scandale dans votre
maison , je vous prends vous-même à témoin qu'il
n y aura pas de ma faute, puisque, ne pouvant,
sans manquer k moi-même et à ma femme, éviter
d'en venir là, je ne Fai fait (^) cependant qu'à
la dernière extrémité, et après vous en avoir pré-
venu.
909.-— • A M. DJB SAnrr-GERMAlN.
Quoique je me sois résigné , monsieur, à la pri •
vation que vous m'avez imposée pour épargner A
votre bon cœur l'émotion d'un dernier adieu, je
, _ •
(^) Je ne Vai fait Tate eonfonne J ecJui de l'édition ori^
fHial» (reciisH dt do Ptjroft» 1 790'X
3o(5 COUlESFOirDAirCC,
sens ponrtaBt que si vous fussiez resté «joelqaei
jours de plus, je n'aurais pu résister au désir de
vous revoir encore une fois, et de vous commu-
niquer beaucoup de nouvelles idées qui m etaieut
venues à force de rêver au triste sujet dont vous
m'avez permis de vous parler, et qui toutes con*
firment mes conjectures sur les causes de mes mal-
heurs. Puisque la consolation de vous revoir ne
m'est pas donnée, je ne vous ennuierai pas de
nouveau de mes longues écritures, et je me flatte
que ce qui vous en est déjà connu suffira pour
mettre un jour, avec votre généreuse assbtance,
les amb de la justice sur la Vijie de la vérité.
Mon libraire de Hollande vient de Étire ane
édition générale de tous mes écrits imprimés,dont
il m'a envoyé deux exemplaires, qui malheureu-
fiement sont encore en feuilles : j'ai pris la liberté
de Élire porter le paquet diez vous. L'un de ces
exemplaires vous est destiné , et je me flatte, mon-
sieur, que vous ne dédaignerez pas cet homnu^e
de mon attachement et de ma reconnaissance.
L'autre est pour moi , et mon intention est de ne
vous offrir le vôtre qu'après les avoir £ût relier
tous les deux. Comme les embarras oii ie me trouve
ne me permettent pàs« quant à présent, de m'oc-
cuper de ce soin, je vous prie, en attendant que
je le remplisse, de vouloir bien permettre que le
paquet reste chez vous en dépét. &i les événemens
m'empêchent, dans la suite, d'exécuter là-dessus
mes intentions, je vous prie dy suppléer en dis-
Àniftfs 1770, 3o7
posant des deux exemplaires, de Êiçon que h
mien serre à payer la reliure du vôtre (*),
J'ai eu la curiosité de chercher dans les feuilles
de ce paquet un barbouillage dont M. Fréron a
«té le premier éditeur, et qui m'a été volé panni
mes papiers, je ne sais comment, ni par qui, et
d^où. Sur cette édition furtive, Rey a jugé à pro-
pos d'augmenter la sienne* C'est un discours sur
un sujet proposé par M. de Cursay ,.dans le temps
qu*il pacifiait la Corse, et quil y &dsait refleurir
les lettres. Le dépositaire de mes papiers, qui ne
mWait rien dit de ce larcin v voyant que j en étais
instruit, m'apprit que ce discours avait été mu-
tilé à Timpression , et qu on en avait retranché un
article tout entier, supposant que c^était une
omission dHoadvertance par la hâte où le voleur
avait transcrit le discours ; mais il ne voulut poinf
me dire quel était cet article oublié ou retranché.
J'ai donc vérifié la chose dans rédition de Rey, et
j'ai trouvé que cet article omis était un très-bel
éloge du peuple de Corse , et uii éloge encore plus
beau des troupes françaises et de leur général. Il
ncb m'en a pas £illu davantage pour comprendre
tout le reste. Si jamais vous prenez la peine de
parcourir ce recueil, vous connaîtrez à plus d'une
enseigne en quelles mains Tauteur e^t tombé.
■ I ■■ ■ ■ I I I ■ ■ I - m
(*1) L0 IflcteiTT doit liîeii crotra qM M. de Salnt-Geiinaîv «
4«i» êê rrfpome, en •l'erptent im exempUîre, n'a pu idhentft
«M telle fiopoMtJon.
3<>8 CORJISSPOVDAHCE,
En ce moment, monteur, il me revient sur les
matières dont j'ai eu l'honneur de vous entretenir
un petit fiiit bien minutieux en apparence, mais
que je ne puis m'empêcher de vous dire à caofe
de ses conséquences et de la facilité que vous avez
de le vérifier. Depuis notre dernière entrevue, je
parlai par hasard une fois de VEmile avec un offi-
cier de votre connaissance. D meditque^ causant
un jour avec M. Diderot, lorsqu'on parlait de ce
livre long-temps avant sa publication , M. Diderot
lui avaii dit qu'il le connaissait, que je le !ui avais
montré, que c'était un projet pour élever chaque
homme pour Tétat dans lequel il devait vivre.
Par exemple, ajoutait-il, s'il devaii vivre dan»
une monarchie, on lui apprendra de bonne heure
à être un fripon ^ etc Pourquoi M. Diderot
mentait'il avec tant d'impudence? Je ne lui avais
certainement pas montré ce livre , puisqu*il n*é-
tait pas encore commencé quand je rompis avec
hii, et que le plan qu'il me prétait est exactement
contraire au mien, comme il est aisé de le voir
dans l'ouvrage.
Je suis, monsieur, dans un cas embarrassant
vis-à-vis de M. de Tonnerre. Je voudrais, et de
tout mon cœur, lui témoigner combien je suispé*
nétré des bontés dont il m'a comblé durant mon
séjour dans cette province, mais c'est ce quie je
ne saurais faire sans laisser parler en même temps
mon indignation de Tastuce avec laquelle on la
(ait agir^ sans qu il s'en aperçût lui-même , daot
AVNÂB 1770, Sbg
la lidicitle aflaire du gdlérien Therenm, dîgiic
iDStniment des gens qui Tout employé. Je connae
et pionore la droiture de M. de Tonnerre ; ) ai au-
tant de respect pour sa-personne que pourson illus
tre naiss:)Dce : je te plains d élrequelquefbis^surpris
par des fourbes; mais quand cette surprise tombe
sur moi , je me manquerais à moi-même en la pas-
sant sous silence, et je trouve trop difficile, en lut
écrivant y de me &ire entendre sans roÛenser, ce
qu'assurément je serais au désespoir de £ifre. S'il
n'y avait pas trop d'indiscrétion, monsieur, à vous
supplier de vouloir être auprès de lui Torgane de
mes sentimens, vous les feriez si bien valoir, et
vous me tireriez d'un si grand embarras, que ce
serait une œuvre digne de votre bienfaisance.: Je
ne compte partir que dans quelques joiu^; ainsi
je puis recevoir encore ici de vos nouvelles,- si
vous voulez bien m'en donner. Je ne désire qu^un
mot. Adieu, monsieur; je ne vous parlerai phis
de mes sentimens pour vous; vous les voyez dans
ma confiance qui en est le finit; mais je finirai
ce dernier adieu par un mot que je vous prie de
graver dans votre âme vertueuse : Je suis in-
nocent.
910. — A M. DE La Tov&ette.
Lyoo , le a juin 1 770.
Japprehds, monsieur, qu on a formé le projet
d'élever une statue à M. de Voltaire , et qu'on per-
i&et à tous ceux qui sont connus par quelque on-
3 1 s COBJUBSFOKDARCE ,
oies existeni oa non : sus n'ezistelit pas, ftrâi
avec le plus vif empressement oontenter le besoio
de Vpus Yoir, que me doDaa la premike lettre
qae vous me fites Hioaneur de m*écrire y et qu'ont
augmenté toutes les autres. Un rendez-vous a«
spectacle ne saurait 01e convenir, parce que^ bien
éloigné de vouloir me cacher, je ne veui pas doo
plus me donner en spectacle moi-même^ mais
s'il arrivait que le hasard nous y conduisit eo
'même jour, et que je le susse, ne doutez pascpc
je ne profitasse avec transport du plaisir de yoib
y voir, et même que je ne me présentasse à votre
Loge , si j'étais sûr que cela ne vous déplût pas. J^
suis affligé d^appreadre votre prochain départ
EstrCf pour augmenter mon regret <|ue vous oc
proposez de vous suivre en Nivernais? Bonjour^
madame : donnez-moi de vos nouvelles et vos or-
dres durant le sé]our qui vous zeste à faire à Pa-
ris; donnez-moi votre adresse en province, ci
souvenez-vous de moi quelquefois.
Pas un mot du prétendu opéra qu'on dit que je
vais donner. «Tespère que de sa vie J.J. Rousseau
n'aura plus rien à démêler avec le puUic. Quaud
^elque bruit court de moi , croyez toujours exac-
tement le cfmtraire^ vous tous tromperez raiv-
ment.
^ AJTintfi 1770. 3i&
F)m, le t3 {allkt 1770^
Jb ne puis , madame , vous aller voir que la siv
maine pTOchaioe, puisque nous sommes à ia fin
de celle-ci : je tâcherai que ce soit mardi, osais je
De m'y engage pas, encore moins pour le diner; i}
fiiut que tout cela se prenne impromptu : car tous
les engagemens pris aayance m'ôtent tout le ptai*
sir de les remplir. Je déjeûne toujours en me le«
vant; mais cela ne ip'empéchera pas, si vous pre-
nez du cafê ou du chocolat, d'en prendre encore
avec vous. Ne m'envoyez point de voiture, j'aime
mieux aller à pied ;, et , si je ne suis pas chez Vous
1 dix heures^ ne m'attendez plus.
Je vous sais gré de me reprocher mon air gau«^
che et embarrassé; mais si vous voulez que je
m en dé&sse, il faut que ce soit votre ouvrage.
Avec une âme assez peu craintive, un naturel
d'une insupportable timidité, surtout auprès des
femmes, me rend toujours d^autant.plus maast
sade que je voudrais me rendre plus agréable : do
plus, je n ai jamais su parler, surtout quand j'au-
rais voulu bien dire ; et si vous avez lajpréférence
de tous mes embarras, vous n'avez pas trop à vous
en plaindre. Bonjour, madame : voilà votre la^
quais ; à mardi , s il fait beau , mais sans promesse*
Je sens qu'ayant à vous perdre si vite^ il &0 fyoX
pas me filtre un besoin de vous voir.
Ît4 GOKE^ÎPOltDAAfil^
Mif Tôioi i Paris y monsiénr. Depuis trob se-
mâmes , j'y ai repris tnoU ancientte habitatidn , fj
rcTois^mes anciennes connai^ncéSy f j Mis mon
ancienne manière de ^ivre , j^ exerce mon aneicn
métier de copiste, et jnsqu'i présent je in y re-
trouve à peu près dans la même situation ou fê-
tais avant de partir. Si on m'y laisse tranquille^
jy resterai ; si Ton m'y tracasse, je Tendurerai : ma
volonté n'est soumise (^'à la 1^ du devoir, mais
ma personne Test an joug de la nécessité, que j^
appf is â porter sans murmure. Les hommes peu-
vent sur ce point se satisfaire, je les mets bien à
la pœ^ée de s'en donner le plaisir. Je n'ai pu,
monsieur, vous écrire à mon arrivée, quelque
désir que j'en eusse, A cause de laffluénce des oi-
sifs et des embarras du débarcrnement. J'ai eu plu-
sieurs fois ce plaisir à Lyon , d'où l'on me mande
qu il m'est.venu plusieurs lettres depuis mou dé-
part. J-espère trouver dans quelqu'une de ces let-
tres des manji|es de votre souvenir, et de bonnes
nouvelle^' dç votre santé et de celle dé madame
de Saint-^rmain.
J^i eu le pbisir de parler-ici de vous avec des
personne^ de votre connaissance et cjui^ partagent
les senttnu^s que vous m'sivez inspirés. Je mcîls â
leur tète M. rarchcvêque»...- avec - lequel j*aî eu
▲mois 177^* 3k^3
lli^HMIPr 4le 4'im' il y a deux ycmn. ISpos part
lames aussi, mais di^emment, d*iui« yers^pq
doDt TOiis savez les procédés à mon égard et qu'il
connaît Vmu Ywsnvez fiât là oosquètexie trois
voyageurs très-aimables qui vous demandèrent de
mes nouvelles i Bourgoin et qui m ont ici beau-
MQp demandé des. v&ira^ Je «u> proposé aittsl-
tte qu'on niie Uu»MMiMi^iw ^^9f rappefeit k
IL D.... une oonnaMance.&il^spii^ vos aii^pjk^it
et lui demander de vos nouvettes^ en. attendaiH h
plaisir d'en recevoir directement Donneisrmen^
mmiÂeur, aussi promplement qu'il se, pourra, je
ks recevrai avec la joie que me donnent toojoms
tons les témoignages de vos bontés pour moi. Je
TOUS supplie de &îre agréer mon respect à ma-
dame de Saiat*Germain ; ma femme vous prie
d'agréer les sienSt
9t5. -^ A ViJDAIIE LaTOIA.
Pttif, 17 70.
Jb n accepte point , madaçue^ Tbonneur. quir
^oos voulez me fiiire. Je «e sois pas Iqgé de ma-^
niera i pouvoir recevoir des visites èe dam<)s^ et
les vôtres ne pounaieni m(tiM{uer d'être aussi, gê-
nantes poilr mafemineetpaucmf^iyqu'eanqjriQu;^
pour vous»
Llncottvénient que vous tionvei voui-méme Ik
eecevoir les nûennes suffirait poor m'eng^gcr à
oi'ea abstenir y et tout antre détail nsmt superflu^
3l6 CORMSPOirPAlICE,
Agréez, madame, je vous supplie, mes satttUtîcms
el noii respect.
«
gi6. — • A M. Ds SAiine«GBJiiuni.
«
• Pariii 17 70-
Jai bien reçu , monsieur, et votre denûèro let*
tfe du 5 septembre et la précédente réponse dont
vous m'avez bonoré, de même depuis quelque
temps celle que vous aviez eu la bovité de m'écnre
à Lyon au sujet du fermier de Monquia , et où j'ai
vu avec bâen de la reconnaissance les soins qae
vous avez bien voulu prendre pour confondre ce
misérable : je suis pénétré, monsieur, je vous as-
sure , de retrouver toujours en vous les mâmes
bonti§s ; et 1 assurance qu'elles sont à l'épreuve du
temps et de lëloignement, et de l'astuce des bom*
mes , me rendra toujours cher le séjour de Bout-
goin qui m'a valu un bonheur dont je ^ns Uen le
prix , et que je cultiverai autant qu'il dépendra de
moi. Il est vrai, monsieur, que je tâcbc insensi-
blement de reprendre la vie retirée et solitaire qui
convient & mon bumeur. Mais je n'ai pas été jus-
qulci assez heureux pour pouvoir souvent satis-
&ire au jardin du roi Tardeur qui ne s*est jamais
attiédie en moi d en connaître les richesses : je
n ai pu encore y aller que deux fois, tant k cause
du grand éloignement, que de mes occupations
qui me retiennent chez moi les matinées, à qucj
se joint depuis quelque temps une fluxion asfez
âouloureoM qui m'empêche absolument desortirf
ma femme en a eu dans le même temps une toute
semblable, et nous nous sommes gaj^és mutuel*
lement. EUe est mieux à présent, et nous réunis*
sons nos actions de grâces pour Tobligcant sou-
venir de madame de Saint-Germain , à qui nous
vous supplions l'un et l'autre de âiire a^éer noi
respects.
Vous connaissez , monsieur, les sentimens que
nous vous avonsTouésyils sont inaltérables comme
vos vertus , et je vondrab bien que vous me prou*
vasâe2 combien vous y comptez, en me donnant
ici quelque commission par laquelle je pusse vous
piDuver à mon tour mon zèle à vous obéir et vous
complaire.
*
917. ▲ MADAME DE CrÉQIJI.
Ce dimanche malin (fepMmbre 1 770) (*).
Vous m'affligez, madame, en désirant de moi
ttne chose qui m'est devenue impossible. Elle peut
un jour cesser de I être. Tous les obscurs complots
des hommes, leurs longs succès, leurs ténébreux
triomphes, ne me feront jamab désespérer de la
Providence: et* si son œuvre se fait de mon vi^
{*) J, J. R<Nu«eau parlaoi dans «Ue lettre de complola» ap*
^lant Thérèse sa femme , nom qu'il ne lui donne qu'en 1 768 ;:
enfin n'étant de reiour à Paria qu'en 1770, celte lectce dolil
Son de « tcm|M , et non de 1^66^ date qu'on lui a donné jue*
fiik pvéwnt, 0|iPiiMfD*i1 p««i« celle n^ m Apgl^lffvet
*7-
tint I je n'onUiarai pas votrs demande y ni le plai-
sir cpe j^anraî d'y aocpiiescer. Jusque-là, pomet»
lez, madame, 2^e jeveus conjure de ne m'en plm
reparler*
Ma fismme est comblée de llionnear que roua
lat faites de penser â elle, et de votre oÛigeante
inritation. Si elle éîM un peuplas allante, elle
en profiterait bien vite, moins pourvoir le jaidÎB
que pour 6ire sa lévérence à la maîtresse; mais
die est d'une paresse incroyaUe à sortir de sa
chambre, et j^ai toutes les peines du monde à ob-
tenir, cinq ou six fois Tannée, qu'elle veuille Imcq
venir promener avec moi; au reste, elle partage
tous mes sentiraens, madame, et surtout œax
de respect et d'attachement dont mon cœur est
et sera pénétré pour vous jusqu'à mou dernier
soupir.
Je me proposais de vous porter ma réponse
moi-même, mais des contrariétés me font prendra
le parti d*envoyer toujours ce mot devant.
918. A LA mAmIB.
Par», 1770 (•>.
Je reçois votre lettre, madame, en arrivant
... , ^i»^— — Il >■ 1 1 11 I ■
(*) Les préoédens èditeun ont daté cette lettra dn Temple, fe
S {uvier 1766. Or il fartait ee jour mèiii* pour rABgîetciTO
areo Darid Hume. Une autre dreoaitaiice déâoiHre rcrre«r4e
ta date. Il park de l'inâaliilirit^ de son bdntatioa , taodift ^H
étail log^ par le prinoe de Gonti li l*bd«sl Saial-SimOB,
f enolba <fai Teni|rie| et meabléi
AiçKtc i77«H 3ia
â'tiQe coiir€€^i^ >^ r^nd$ i la bftte^ en vepr*^
tanl pour une a.uti?9. L'air mal$«àn pour moi da
mou hahitatioB , et. rhqporiauîjDé des désœuvi^
dis tous lefi coins du monde, me forcent à chercher
le soiijifigeiae^l et la solitude dans des pélsiinage»
doiitîiraeis^
Ce vendredi nmùti ( Vuti» , f 7 7<> ).
Vous ne m7imposez pas, madame ^ une lâche
aisée eu m'oidonnant de vous montrer Eiçilç dans
eette Ue où Ton est vertueux sans, témoins^ et cou*
rageux sans ostentation» Tout ce qae j'ai pu sa-
voir^ cette tteétrajDgère^estqu^ayant 4y aborder
on ny voit jamais personne; cju'en y arrivant on
est encore fort sujet à s'y trouver seul; mais^qua-
lors on se console aussi sans peine du petit mal-^
heur de n'y être vu de qui que ce soit. En vérité ,
madame , je crois que ^ pour voir les habitantes de
cette fie y il £iut les cherchm^ soi-même, et ne s en
rapporter jamais qu'à soi. Je vous ai moi^tré n^on
Bmile en chemin pour y arriver; le reste de 1»
route vous sera bien moins difficile 4 faire seule ^
qu'à moi de vous y guider.
Je vous remercie, madame, de la chanson çie
vcMtf aves eu la boulé de m'envoyer, et je vous
daoïaiide pardon de ne l'avoir pas trouvée, à ma
inropue lecture, aussi jolie que quand, vous nous
la lisiez : la versification m'en paraît contrainte;
je n'y trouve ni douœiii ni chaleur; le pésttkième
3ao CouESPOimAÎiCEi
couplet est le seul où je trouve au naturel et du
sentiment; dans le premier couplet^ le premier
vers est gâté par le second ; les deux premiers yen
du quatrième couplet sont tout-à-&it louches; il
&Ilait dire : Si Von ne parle d*elle à tout moment,
on parle une langue qui m'est étrangère, S^ isA
être clair quand on parle^ il faut être luminein
quand on chante. La lenteur du chant eflhalej
liaisons du sen^^ à moins quelles ne soient tiis-
marquées. Je ne renonce jpourtant pas^à fairefair
que vous désirez; mais, madame, je voudrais (px
vous eussiez la bonté de faire faire quelques cor-
rections aux paroles , car pour moi cela m'est im-
possible; et même, si vous ne trouvez pas mes
observations justes, je les abandonne, et feiû
l'air sur la chanson telle qu^eQe est. Ordonoei,
fobéirai.
920. — A M. DtJSAUCX.
PHw(Poif Unckvtliur), 17 1^
ToirTBs vos bontés pour moi, monsiciir,w
trouveront toujours sensible et reconnaissant,
parce que je suis sûr de leur principe. QueJqœ
tentant que fût pour moi â bien des égards Tap
parlement auquel vous avez bien voulu songer,
je ne pévois ^s qu'il puisse me convenir, par»
quil me ûut chaàâbre garnie, et même d'un prix
modique, et que personne ne prendra le boo
marché dans sa poche dans toute affaire qui ne
régardera , et dont voudra bien se mêler IML I>^
▲moEs 1770. 3ai
flanlx : d'àffleors je sais en quelque sorte anang^
ici pour cette saison. J'irais arec empressement
manger votre soupe et ce que vous i^pelez votre
rogaton, si je n*allais diner chez madame de Che-
Donceaùx, qui est malade et cpd ma errhé de*
pais deux jours (**)• Le mauvais temps m'empé*
cha hier de sortir el d'aller rendre mes devoirs à
madame Duaaulz, comme je l'avais résolu. Mille'
trèa-humhles salutations.
gai« —A M. DuTBirs.
Fariti la 8 BOTembté f 77a
Poft îaiArta lux,
Sx suis aossi touché, monsieur, de vos soins
obligeans que surpris du singulier procédé de
M. le colonel Roguin. Comme il m avait mis plu-
sieurs fois sur le chapitre de la pension dont
mlionora le roi d'Angleterre, je lui racontai his-
toriquement les raisons qui m'avaient fait renon**
cer à cette pension. Il me parut disposé à agir
pour &ire cesser ces raisons, je m*y opposai ; il .
insista, je le refusai plus fortement, elj je lui dé-
clarai que, sll Élisait là-dessus la moindre démar-
che, soit en mon nom, soit au sien, il pouvait
être sûr d'être désavoué, comme le sera toujours
<*) On^ît arrher, et non errher. Diuatilz, qni le premier t
publie cette lettre, t touligné, eomne noue le ûisone id# le
9^ qun RoBMeaa D*e pu eioplojerque par iudvtrttix».
férence, selon toute apparence, ils no taidenwt
pas beaocoHp à vous revenir.
Si vous TOUS plaignez de mon peu d*exacti*
tude, fai à me plaindre de Fezcès de la Tttic.
Pourquoi voulez -yons prendre des anangemeDS
positif sur des suppositions, et m'euTojer nu
manddt sur vos. banquiers sans savoir si je sob
^quitablement dans le cas de m*en prévakirT At
tendez du moins que do retour chez vous tons
puissiez vérifier par vous-même Tétat des choses,
et ne m'exposiez pas à recevoir des paiemensaYast
Téchéance, à redevenir votre débiteur sans en ries
savoir. Il me semble aussi qu^ y aurait une sorte
de bienséance k énoncer dans lV>rdre i vos ban-
quiers d^où me vient la rente dont il m'assigne k
paiement j et qu'il ne suflEit pas qu'on sache de moi
quel est le donateur, si l'on ne le sait anssi de
vous-même. J'espère, mon cher hAte, que tooi
né verrez dans mes objections rien que de raison-
nable, et que vous ne m'accuserez pas de cbcr-
cher de mauvaises difficultés en vous renvoyant
votre billet. Ainsi, je le joins ici sans scrupule*
Je suis plus £lché que vous de n'être pas i
portée de profiter de la bienveillance et des bontés
de ma chère hôtesse; mon éloignement de vos
contrées n*est pas , comme vous le savez , une af-
fidre de choix , mais de nécessité ; et je ne la crob
pas assez injuste pour me fiiire, ainsi que vodi
un crime de mon malheur. Mais vous qui park^i
pourquoi, venant à Lyan^ ne 1^ avez-vous y»
amenée?, vous me mettez Ioîa de mon compte^
moi qu'on flattait de vous voir tous deux cet hiyer
à Paris. Avec tpel plaisir j'aurais renouvelé ma
connaissance avec elle, et peut-être mon amitié
avec vous 1 car,.quoi xpie vous en dUîez , elle n'est
poiut si bien éteinte qu'elle n'eût pu renaître en-
core^ et votre Henriette, sage et bonne , comme
.je me la représente, eût été bien digne détre le
médium junctionisn Ma femme vous remercie, *
vous saine et vous embrasse. Comme yotre sour
venir la rend contente délie, et que je suis dan^
le même cas, nous ne cesserons. jamais IW et
1 autre de penser à vous aviec plaisir.
ga3, — AM.LD. M.
JhAt U a3 novembre 1770.
.... Oui, le cruel moment où cette lettre fut
écrite fut celui où, pour la première et Tunique
fois, je crus percer le sombre voile du complot
iaouï dont je suis enveloppé; complot dont, mal-
gré mes efforts pour en pénétrer le mystère, il ne
m'était venu jusqu^alors la moindre idée, et dont
la trace sVfiaça bientôt dans mon esprit au milieu
des absurdités sans nombre dont je le vis envi-
ronné. La violence de mes idées, et le trouble où
jelles me plongèrent à cette découverte, m'ont plu-
tôt laissé le souvenir de leur impression que celui
de leur lissu. Pour ^n bien ji^cr , il faudrait avoir
présens à lesprit tous les détails de la situation^où
J9U CORRESfOMDA9CS,
l'étais pour iors^ et toutes les ctrconstanoes^ la
rendaient accablante : seul , sans appui , sans cou-
ieil, sans guide, à la merci des gens chargés de
disposer de moi, livré par leuis soins à la haine
publique cpie je voyais, que je sentais en ficémis*
sant, sans qu^U me fût possible den apercc^r,
d'en conjecturer au moins la.cause, pasniénie,€«
qui parait incroyable^ de savoir les nouvelles pa-
Ûiques et de lire les gazettes v environné des plos
noires ténèbres , à travers lesquelles je n'apert»-
vais que de sinistres objets; confiné pour tout
asile, aux approches de 1 hiver, dans un méchant
cabaret; et d'autant plus effirayé de ce qui venait
de m'arriver A Trye, que j'en voyais la suite et
leffet à Grenoble.
L^aventure de Thevenin , que j 'attribuais ani
intrigues des Anglais et des gens de lettres, m'ap-
prit que ces intrigues venaient de plus près et de
plus haut. J'avais cru ce Thevenin aposté ^eul^
ment par le sieur Bovier*; j'appris par hasard qnr
Bovier n'agissait dans cette affaire que par Tordre
de M. l'intendant; ce qui ne me donna pas peu à
penser. M« de Tonnerre, après m*avoir haute*
ment promis toute la protection dont j'avais b^
soin pour approfondir cette affiiire, me pressa de
(a suivre , et me proposa le voyage de Greuobie
~ pour m'aboucher avec ledit Thevenin. La propo
sition oie parut bizarre après les preuves péronp-
foires que favais données. J'y consentis néan-
moins. Quand feus fiiit ce voyage ,^et que; mal^
mon ineptie, son imposture fat paryfeQQe ao jAus
iiaut degré d'évidence, M. de Tonnerre , ouUiant
l'assarance qn'il m Wail donnée^ m'offrit de punir
ce malhecireox par quelques jouts de prison, a jou-
tant qu'il ne pouvait rien de piu5- Je n'acceptai
point cette offire^ et Taffaire en demeura li. Mais
il resta dair, par l'expérience, qu'un imposteur
adsroit pouit^H m embarrasser, et que je manquais
souvent du sang-^froid et de la présence d esprit
nécessaires pour me démêler de ses ruses. Je crus
atissi m'aperoevoir que c'était là ce qu'on avait
voulu savoir, et que cette connaissance influait
sur les intrigues dont j'étab Tobjet* Cette idée
m'en rappela d'autres auxquelles jusqu'alors j V
vais fait peu d'attention , et des multitudes d'ob-
servatiohs que j'avais rejetées comme les vaines
inquiétudes d'une imagiziation efiarouchée par
mes malheivs.
Pour remonter i un événement qui n'est pas
sans mystère, l'époque du décret ccmtre ma per»
sonne me parut avoir été-celle d'une sourde trame
contre ma réputation, qui, d'année ea année,
éleudit doucement ses menées, jusqu^à ce que
mon départ pour l'Angleterre , les manœuvres do
M. Hume, et la lettre de M. Walpole, les mirent
plus A découvert; jnsqli'à ce qu ayant écarté de
mot tout fe monde, hors les &uteurs;(jiu complot,
pn put me traîner dans la £inge ouvertement et
impunément.
C'est ainsi que peu à peu tout changeaitautoof
\
s a8 COK&ESPOKD AKCZ ,
de moi. Le langage même de mes connaisances
changeait très-^eiisiblement : il régnait jusque dans
leurs éiogfîs uûe affœtation de résenre, d'équivo-
que et d'obscurité) quils n'ayaient jamais eue au-
paravant; et M. de Mirabeaç, m^ayant écrit k
Wootton pour m'oflirir un asile en France, prit
un ton si bizarre , et se servait de tournures si sin-
gulières, qu'il me fallait toute la sécurité de Hn*
nocence et toute ma confiance en ses avances
d'amitié pour n'être pas choqué d'un pareil lan-
gage. J'y fis pour lors si peu d^attention que je
n'en vins pas moins en France à son invitation;
mais j^y trouvai un tel changement par rapport à
moi, et une telle impossibilité d'en découvrir la
cause, que ma tète, déji altérée par Tair sombre
de FAngleterre, s'affectait davantage de plus en
plus. Je m'aperçus qu'on cherchait à m'ôter la
connaissance de tout ce qui se passait autour de
mo*. U n'y avait pas là de quoi me tranquilliser;
encore moins dans les traitemens dont, à Tiusu
de M. le prince de Conti (du moins je le croyais
ainsi), Ion m'accablait au château de Trye. Le
bruit en étant parvenu jusqu'à S. A. S., elle né-
pargna rien pour y mettre ordre, quoique tou-
jours sans succès, sans doute parce que l'impul-
sion secrète en venait à la fob du dedans et du
dehors. Enfin ^ poussé à bout, je pris le parti de
m'adresser à madame de Luxembourg qui, pour
toute assistance, me fit faire de bouche une ré*
pouse assez sèche', très-peu consolante, et qui ne
Ainfii 1770. Sag
répondait guère aux bontés dont ce prince parai»'
sait m accabler.
Depuis très^long-temps , et long-temps même
ayant le décret, j'avais remarqué dans cette dame
un grand changement de ton et de manières en-
vers moi. JTen attribuab la cause à un refiroidisso-
ment assez naturel de la part d'une grande dame,
qui , d'abord s^étant trop engouée de moi sur mes
écrits y s'en était ensuite ennuyée par ma bêtise
dans la conversation , et par ma gaucherie dans la
société. Mais il 7 avait plus, et ) avais trop d'in-
dices de sa secrète haine pour pouvoir raisonna-
blement en douter. Je jugeais même que cette
haine était fondée sur des balourdises de ma part,
bien innoeentes assurément dans mon cœur, bien
involontaires, mais que jamais les femmes ne
pardonnent, quoiqu'on nait eu nulle intention
de les oâenser. Je flottais pourtant toujours dans
cette opinion, né pouvant me persuader qu'une
femme de ce rang, qui m avait si bien connu, qui
m*avait marqué tant de bienveillance et même
d empressement, la veuve d*un seigneur qui m'ho-
norait dune amitié particulière, pût jamais se ré-
soudre à me hair assez cruellement pour vouloir
travailler à ma perte. Une seule cliose m avait
paru toujours inexplicable. En partant de Mont-
morenci , j'avais laissé à M. de Luxembourg tons
mes papiers, les uns déjà triés, les autres qu'il se
chargea de trier iui^éme pour me les envoyer
avec les premiers^ et brûler ce qui m'était inutile.
S3a CORHESPOirBAirCE ,
I mes oreilles des propos si mystérieux ; BoVier
m'écrivait de Grenoble des lettres si inquiétantes,
qu'il fut clair qu'on cherchait à m'alarmer et me
trouUer tout-à-⁢ et Ton réussit. Ma tétes'aflfecta
de tant defirayans mystères, dont on seflforçait
d'augmenter l'horreur par lobscurité. Précisément
dans le même temps, on arrêta, dit-on, sur la fron-
tihrt du Daupfainé, un homme qu on disait com-
plice d'un attentat exécrable : on m'assura ^e cet
homme passait par Bourgoin (i)* La rumeur fut
grande, les propos mystérieux allèrent leur train,
avec Taffiîctation la plus marquée. Enfin , quand
on aurait formé le projet d^acfaever de me rendre
tout-à-&it firénétique, on n aurait pas pu mieux
s y prendre ; et si la plus noire fureur né s'empara
pas alors de mon âme, c'est que les mouvemens
de cette espèce ne sont pas dans sa nature. Vous
sentez du moins que, dans lemotion successive
qu'on m'avait donnée, il n'y avait pas \k de quoi
me tranquilliser, et que tant de noires idées,qu'on
avait SOI n de renouveler et d'entretenir sanâ cesse,
n'étaient pas propres à rendre aux miennes leur
sérénité. Continuant cependant à me disposer au
prochain départ pour 1 Angleterre, je vbitais 1
loisir les papiers qui m'étaient restés, et que j'a-
vab dessein de brûler, comme un embarras înn-
(i) Comme oo n*a plus enteodu parler, que je sache , de ce
prétendu prisonnier, je ne doute point que toot «la m
{en btdwirct di^M de m» penérâteank
▲NVEB 1770. 233
tile apte je traînais apràs moi. Je commençais cettô
opération sur un recncil transcrit de kttrcs, (jue
j'avais discontinué depuis long -temps, et feu
feuilletais mackinalement le premier volume ,-
quand |e tombai par hasard sur la lacune dont j'ai
parlé, et qui m'avait toujours paru difficile â com-
prendre* Que devins- je en resftarguant que cette
lacune tombait précisément sur le temps de l'épo-
que dont le pisonnier qui venait de passer mV
vait rappelé l'idée, et à laquelle, sans cet événe-
ment, je n aurais pas plus songé qu'auparavanti'
Cette découverte me bouleversa; j'y trouvai la
clef de tous les mystères qui m'environnaient. Je
compris que cet enlèvement de lettres avait cer-*
tainement raifort au temps ùk eltes^ avaient été
écrites , et que quelque -innocentes que fussent ces
lettres , ce n'était pas pour rien qu'on s'en était
emparé. Je conclus de là que depuis plus de six
ans ma perte était jurée, et que ces lettres, inu-
tiles k tout autre usage, servaient a fournir les
points fixes des temps et des lieux pour bâtir le
système d'impostures dont on voulait me rendre
la victime.
Dès l'instant même je renonçai au projet d aller
en Angleterre, et, sans balancer un moment, je
résolus de m exposer, armé de ma seule innocence^
à tous les complots que la puissance , la ruse et,
l'injustice pouvaient tramer contre elle (i). La
*— — ^-— i^— ^■^■.— ^— il— ^— ■— — ^— ■ I ■ Il ■ I ■■■ ■
(t)Cm fat'par «ne kûm de cette même itaoluiion que jeeoa-
V
à
i^iit ménm oà je fis cette afireuse décoorerte, je
«OPgeaU f sachant bieo qu0 toulea mei kuree
éiaie^t ouvertes it U poste ^ à profiler do retour
4e M« Pepîo. de Belleisie (x), fm^ mVtaat rei»
voir kl veille > m*accablait des plus pressantes of-
Ibes de service; et je lui remis le matin une ^trs
poiir madame de Bcionne^ qui en contenait une
antre p6ur M. le priaoe de Contî , Vlum et fantra
écrites si à la hi!0> quarani été cantcaiia d'en
transcrire une ^ j envoyai le. bronilloii wliea de la
copieik
Tels, sont, autant que je puis^me le^rappeler,
kit sujet et Toccasion desdites lettres : car, encore
une fois 9 ragitation od. j'étais en les éoriyaait ds
ma pas permis de gsidtt un souvenir bien distinct
de tout ce qui $^y rapporte.
4a9* — • A M
tait, le a4 eofcmbie 1770*
Çoyipz contint,, mon^ur,. tous et ceiu qoi
vpns dirigent II vous l^maiit alisolumont one lettre
de moi : vous m'avez voulu forcer à Técrire, et
VQi|s avez réussi ; car on sait bien que quand qnel-
<pi'un nous dit qfiil vent se tuer, on est obligéi
en consçiencst i Tea^horter de n'en rien fiûse»
strvai mon itcoeil d« lettrai, dont heareoMfiieiift |e
«orè déohM et iiràlé que qnéhjum firaffleti.
(i)lUcMÎt4'i
deGerigiMp.
. Atnxûz 1770. 333
Je ne tous connais point ^ monsienr^ et niri
nal désir de Tons connaître; mais je Toos (rouVt
très à plaindre y et bien plus encore qne Toua^ ne
pensez : néanmoins, dans tont le détail de'TOS
malheurs , je ne Tois^ pasdt quoi fonder bi terrible
résolurien que vons m'assurez avoir^prise. Jecon^
nais l'indigence et son -poids aussi bien ijne tons^^
tout an moins; mais jamais elle a*a suffi seule
pour dëtenniner un bomme de bon sens 6 s'ôter
la vie. Car enfin le pis qu'il puisse arriver est d«
mourir de fiiim y et Ton ne gagne pas grand'chose
t se tuer pour éviter la mort. H est ponmntdes
cas où la misère est terrible , insupportable ; tnai^
il en^ est où elle est moins dure i souIRtr : c'est le
TÔtre. Comment y monsieur, à yingt ans, seul,
sans £inrille, arec delà santé , de l'esprit , des bras
et un bon ami, tous ne voyez d'autre asilecontre
la misère que le tombeau? sAfemenrroosuy-tfvez
pas bien regardé.
Mais Yoppvohre. ... La mort est à pr^fisrer , j en
conviens; mais encore dut il commencer parsW
furer que cet opprobre est bien réel. Un homme
injuste et dur vous persécute; il menace d^tteii-
ter à votre liberté ; en bien 1 monsieur, je suppose
qu*il exécute sa bari)are menace, :seBne&-T9>u« dés*
honoré pour cela? Des fers déshonorent^ils fin^
nocent qui les porte? Socrate JUourut-il dans
ignominie 7 Et où est donc, monsieur^ cette su-
peribe morale que tous étalez si poolpeasenient
dans vos lettres? et comment, avac d^ maximes
3w6 CORHESPOICDAIICE j
ai suUiines, se reDd-ou ainsi Tesclave de fop«
lûoii? Ce nW pas -tout : on dirail, à Tons eulen«
dre^ que vous n'a^z d'autre alternative ^e de
mourir bu de vi^Te en captivité. Et point du loal,
vous, avez l'expédient tout simple de sortir de
Pari^ cela vaut encore mieux que de sortir de b
vie. Plus je relis votre lettre, plus j y trouve de co-
lère et d'animosîta Vous vouscomplaisez à limage
de votre sang jaillissant sur votre cruel parent,
vt)U8 vous tuez plutôt par vengeance que par des-
espoir', et vous sougez moins à vous tirer d'afikire
qu^à punir votre ennemî. Quand je lis les répri<
mandes plus que sévères dont il vous plait d'ac-
cabler fièrement le pauvre Saint-Preux, je ne pois
m'em pêcher de croirieque, s'il était là pour vous
répoudre , il pourrait, avec un peu plus de justice,
vous/en rendre quelques-unes à son tour.
. Je conviens pourtant, monsieur, que votn
lettre est très-bien faite, et je vous trouve fortdSseit
pour mu désespéré. Je voudrais vous pouvoir ^*
citer sur votre bonne foi comme sur vqtre élo-
quence-, mais la manière dont vous narres notit
entrevue ne me le permet pas trop. U est certais
que je me serais, il y a dix ans, jeté à votre télé,
que } aurais pris votre afiàire avec chaleur; et il
est probable que , comme dans tant d^affaires sem-
blables dont j'ai eu le malheur de me mêler, la
pétulance de mon zèle m'eût plus nui qu'elle ue
vous aurait scrvL Les plus temUes expérieuces
m ont rçi\du plus Té90rTé; j*ai appris à naccucillii
imûz 1770. 337
qo^aTec circonspection les nonveanx visages, et,
dans limpossibilîté de remplir à la fois tous les
nombreox devoirs qu'on m'impose , à ne me mêler
que des gens que je connais. Je ne vous ai pour^
tant point refusé le conseil que vous mWez de*
mandé. Je n^ai point approuvé le ton de votre
lettre à M. de M....; je vous ai dit ce que.fy trou-
vais à reprendre ^ et la preuve que vous entendîtes
bien ce que je vousdisais^estquevousy répondîtes
plusieurs fois. Cependant vous venez me dire au-
jourd'hui que le chagrin que je vous montrai ne
vous permit pas d'entendre ce que je vous dis,
et vous ajoutez qu'après de mûres déliLérations,
il vous sembla d'apercevoir que je vous blâmais de
vous être un peu trop abandonné à votre haine ;
mais vraiment il ne Êillait pas de bien mûres déli-
bérations pour apercevoir cela, car je yous Kavais
bien articulé , et je m'étais assuré que vous m'en'
tendiez fort bien. Vous m'avez demandé conseil^
je ne vous l'ai point refusé, j\ii feit plus : je vous
ai olTert, je vous offre encore d^alléger. en ce qui
dépend de moi , la dureté de votre situation. Je ne
vois pas, je vous lavoue, en quoi vous pouvez
vous plaindre de mon accueil ; et si je ne vous ^i
point accordé de confiance^ c'est que vous ne
m'en avez point inspiré.
You^ ne voulez point ^ monsieur, &m part de
l'état de votre âme et de votre dernière résolution
à votre bien&iteur, à votre consolateor^dans la^
crainte que , voulant prendre votre défense , il <:«
3C8 coRR£spbin)ÀNCfi,
se oompromit inattlement avec un ennemi pii»>
sant qui ne lui pardonnerait jamais; c^est à moi
que TOUS vous adressez pour cela, sans doute i
cause de mon grand crédit et des moyens que j'aî
de TOUS servir^ et qu un ennemi de plus ne vous
paraît pas une grande affaire pour quelqu'un dins
ma situation. Je tous suis obligé de la préfé-
rence, fen userais si fêtais sAr de pouvoir vous
servir; mais, certain que Tinférèt qu'on me voirait
jSrendre à vous ne ferait que vous nuire, je me
tiens dans les bornes que vous m^a vez demandées,
' A Tégard du jugement que je porterai de la ré-
solution que vous me marquez avoir prise , quand
j*en apprendrai lexécution , ce ne sera sûrement
jias de penser que (tétait là le but, la fin^ Vobjct
moral de la vie; mais au contraire que c'était le
comble ile l'égarement^ du délire et de la fureur.
SU était quel(|ue cas où Thomme eût le droit de
se délivrer de sa propre vie, ce serait pour des
maux intolérables et sans remède, mais non pas
pour dne situation dure, mais passagère, ni pour
des inaux qu une meilleure fortune peut finir dès
demain. La misère nçsl jamais un état sans res-
sources, éhrtout à votre âge; elle laisse toujours
Fespoir bien fondé de la voir finir quand on y tra-
vaille avec courage, et qu'on a des moyens pour
cela. Si vous craignez que votre ennemi n'exécute
sa mepace, et xjue vous ne vous senties pas Ut
Constance de supporter ce malheur,cédèz à l'orago
et quittez Patis; qur vous en empêche? Si vous
aimez mieux le brarer, vous le pouvez, aon sans
danger , mais sans opprobre. Crojez-you5 être le '
seul qui ait des ennemis puissans, qm soit en jfé-
ril dans Paris, et qui ne laisse pas dy vivre t^air-
quille, en mettant les hommes au pis, contçnt de
se dire k lui-même : Je reste au pouvoir de mes
ennemis dont je connais la ruse. et la puissance,
mais j'ai Ëiit en sorte qulls ne puissent jamais me
faire de mal justement/ Monsieur, celui qui se
parle ainsi peut vivre tranquille au milieu d'eux^
et Q^est point tenté de se tuer.
9^5. — A M. DusÀU];,Xv
PAvnttfl «Teuf^es qne nom tommèt ! etc.
Si M. Dosauly fiiisait quelquefois collation sur
le bout du banc, pour être au lit à dix heures, jp
lui proposerais aujpurdlui v^ petit souper, 90a
d'ApiciuSy mais d Epicure, et tel qu'on n ea fai)
guère â Paris. Ce souper, j'y ai pourvu, seraif
animé dWe bouteille de son via dl^ap^gne C)^
surtout de sa présence et d^ son entretien. S'il
consent, jp lui demande on petii oui, afin qi^ le
(*) U avjût envoyé demander eeUe baul^iHe cbet Ph9«."1x ;
naît aa lieu d'uqe on en'tppaita douze , ^énëiosité au mnimi
£irt maladroite , et qui dut paraître & Rouaieau d*auUnl phin
«^OBaiite, <|ae «on procédé était fram et ahnaUè. Roiuaeaii
^QC l'en ^KilMyetoemiinemttii il afaii raisoiij ofpciuiout b
^f«£xelle nVut m» de aniie.
plaisir ^e le voir soit précède Je celui de rattea-
dre^ à moins qu il n'aime mieux broire que ce soit
pour faire d^arance les pr^parati& du festin.
Les respects de ma femme et les miens à ma
dame DusAuIx.
Pawve» «reuslet qat uobs sommet I ete.
Monsieur,
Je suis toujours frappé de Tidée que tous avcs
eue de me mettre, dans le livre que vous faites,
en pendant avec un scélérat abominable qui fait
du masque de la vertu Tinstrument du crime, et
qui, selon vous, la rend aussi touchante dans ses
discours qu'elle l'est dans mes écritSr J'ai toujours
cru, je crois encore qu'il faut sincèrement aimrr
la vertu pour savoir la rendre aimable aux autres,
et que quiconque y croit de bonne foi distingue
aisément dans son cœur le langage de Iliypocnsif
d'avec celui que le cœur a dicté. Vous me dites
pour excuse que vous portiez ce jugement k Tâge
de dix-sept ans ; mais, monsieur , vous n*aviez pas
lu mes écrits : cW à l'âge oh vous êtes, c'est au
moment que vous écrivez que vous identifiez
Vimpreçsion que vous &it Icm* lecture avec celle
des discours du fourbe dont il s'agit. Si c'est U b
Seule ou la plus honorable mention que vous
faites dans votre ouvrage d'un homme à qui von»
iKsris 177t. 34â*
marquez , entre vou5 et lui , tant cPestime et d'em*
pressement , le tour, si c^est un éloge y est neuf et
bizarre ; si c'est un art employé pour appuyer
eouvertement l'imposture, il est infernal. Vous
paraissez disposé à changer dans le passage ce qui
peut m'y déplaire : je tous Tai déjà dit y monsieur,
n'y changez rien ; s'il a pu tou^ plaire un moment,
il ne me déplaira jamab. Je suis bien aise que tout
le monde sache quelle place tous donnez dans vos
écrits à un homme qu'en imème temps vous re-
cherchez SLytc tant de zèle, et à qui vous parais-
sez , du moins en parlant à lui , en donner tme si
belle dans votre estime et dans yotre cœur. Cette
remarque m en rappelle d'autres trop petites pour
être citées , mais sur Teffet desquelles je veux vous
ourrir le mien.
Après m avoir dit si souvent en si beaux termes
que vous me connaissiez, m*aimiez, m'estimiez,
mlonoriez parfaitement, il est constant, et je le
dis de tout mon cœur, que les prévenances et les
honnêtetés dont vous m'avez comblé, adressées,,
dans votre intention comme dans la vérité, à un
bomme de bien et d bonneur, ont à ma reconnais*
sance et à mon attachement un droit que je serai
toujours empressé d'acquitter.
Bfais, s il était possible, au contraire, que,
m'ayant pris pour un hypocrite et un scélérat,
rous m eussiez cependao t prodigué tant d'avances,
de caresses et de cajoleries de toute espèce, pour
capter ma confiance et mon amitié^ soii parce que-
M % COEILB5P05D17?C£ «
mom .caractère supposé conviendrait au TÔtre,
soit pour aller par astuce à des fins que vous me
cacheriez avec soin; dans ce cas, il nen est pas
moins sûr qu en tout état de choses possibles vous
ne seriez Yous*même qu un vil fourbe et un mal-
honnête homme, digne de tout le mépris que tous
auriez eu pour moi*
J'aurais bien quelque chose encore a tous dire;
mais je m'en tiens là quant à présent. Voilà , mon-
siçur, un doute que jai senti naître aTec doulenri^
et qui s augmente au point d'être intolérable. Je
vous le déclare aTec ma fianchise ordinaire , dont,
quelque mal qu elle m^ait fait et qu'elle me fasse,
je ne me départirai jamais. Je tous montre bien
mes sentimens : montrez -moi si bien les TÔtres
que je sache avec certitude ce que vous pensez de
moi. Je me souviens de tous aToir dit que si ja-
mais je me défiais de tous y ce serait Totre faute.
Vous Toilà dans le cas; c'est à tous dy pounroir,
au moins si tous donnez quelque prix à mon es-
time. En y pounroyant, nen faites pas à deux
fois, car je tous aTertis qu*à la seconde tous n'y
seriez plus à temps.
Jg me suis confié à tous, monsieur, et à d'an-
tres que je ne connaissais pas plus que vous. Le
témoignage intérieur de Finnocence et de la vé-
rité m'a Ëiit croire qu*il suffisait d'épancher mon
cœur dans des cœurs dliommes pour y verser le
sentiment dont il était plein. J'espère ne m'étre
ras trompé dans mon choix; mais quand cet e»-
f otr m'abuserait, je n'eu serais poîiit aLatTa. La
véritë, le temps, triompheront enfin de Jlmpos^
tore, et de mon yiyant même elle n'osera soutenir
mes regards. Son plus grand soin , son plus grand
art est de s'y dérober; mais cet art même la dé-
cèle. Jamais on n'a vu , jamais on ne verra le men-
songe marcher fièrement à la Ëice du soleil en in-
terpellant k grands cris la vérité, et celle-ci deve-
nir cauteleuse, craintive et traitr^sc, se masquer
devant lui , fuir sa présence , n'oser laccuser qu eu
Secret, et se cacher dans les ténèbres.
Je vous fais , monsieur , mes très-humbles sahi«
fations.
937. — AV utuB.
PAVfisf Vftoifim ffob noot foiBines! ele.
En lisant, monsieur, et relisant votre lettre, je
sens qaîl me £tut du temps pour y penser. Per-
mettez que j'attende le retour an sang-firoid. Un
bomme comme vous mérite bien qu'on délibère,
quand il s'agit de s'en détacher. Je vous salue très-
humblement Rousseau.
928. AU HiME.
J'ai Toulu, monsieur , mettre un intervalle en-
ire votre dernière lettie et celle-ci pQur laisser
calmer mes premiers mouvemeas et agir marals<»
seule. Votre lettre est bien plus employée à me
dire ce que je dois penser de tous que ce que tous
pensez de moi, quoique je vous eusse prérena
que de ce dernier jugement dépendait absolument
Fautre. 11 faut pourtant que je me décide et que
je vous juge en ce qui me regarde, quoique j'oie
renoncé, comme vous me le conseillez, à juger
des hommes, bien convaincu que Tobscur laby-
rinthe de leurs cœurs m*est impénétrable, à moi
dont le cœur transparent comme le cristal ne put
cacher aucun de ses mouTemens,et qui, jugeants!
long-temps des autres par moi, n ai cessé depnis
vingt ans d'être leur jouet et leur victime.
A force de m'environncr de ténèbres, on m*!
cependant rendu quelquefois jdus clairvoyant, et
l'expérience et la nécessité me font apercevoir
bien àes choses par le soin même qu^ou prend
pour me les cacher. JTai vu dans votre conduite
avec moi les honnêtetés les plus marquées, les at-
tentions les plus obligeantes, et des fins secrètes à
tout cela : j^y ai même démêlé des signes de peo
d'estime en bien des points, et surtout dans la
fréquens petits cadeaux auxquels vous m^avez ap-
paremment cru très-sensible, au lieu qu'ils me
sont indifiërens ou suspects : Timeo DanatJSj et
dona ferenies. C'est précisément par le peu de cas
que j'en Ëtis que je ne les refuse plus, laasë des
tracasseries et des ridicules que m'attirèrent long-
temps c^ iefu5, par la malignité des^ donneon
AÎTÎfÉE 177't. 345
qui araient lenrs vues^ et bien sttVy en recevant
tOQt et ouMiant tout, d^écarter enfin plus sûre-»
ment toutes ces petites amorces. Je cherchais un
logement; tous ayez voulu m^avoir pour voisin et
presque pour hôte : cela était bon et amical ; mais
) ai vu que vous vouliez trop, et que vous chcr-^
c1iie2 à m'attirer : vous avez &il tout le contraire.
Vous avez cru que j'aimais les dîners; vous avez
cm que j'aimab les louanges. Tout, & travers la
pompe de vos paroles, m*a prouvé que j*étais mal
connu de vous. Les je ne sais quoi , trop longs â
dire 9 mais frappans i remarquer, mont averti
qu'il j avait quelque mystère caché sous vos ca-
resses, et tout a confirmé mes premières observa-
tions.
L'article que vou5 m*avez lu a achevé de mM^
dairer. Plus j 7 ai réfléchi , moins je Tai trouvé na-*
tiirel, dans ma situation présente, de la part d\in
iHenveillant Vous me faites trop valoir le isoin
que vous avez pris de me lire cet article. Vous
avez prévu que je le verrais un jour, et vous sen-
tiez ce que j'en aurais pu penser et dire, si vous
me l'eussiez tu jusqu*a la publication. Vous avez
cm me leurrer par ce root d illustre. Ah ! vous êtes
trop loin de voir combien la réputation d homme
bon , juste et vrai , que je gardai quarante ans , et
que je n'ai jamais mérité de perdre, m'est plui
chère que vos glorioles littéraires, dont j^ai si bien
senti le néant. Ne changeons point, monsieur^
Fétat de I9 question. 11 ne s'agit pas de savoir corn*
346 co&AssForoijccv ,
ment tous yoos y êtes pris pour bit9 passer im
article aussi captieux, mais comment Û tous est
venu dans Tesprit de Técrire, de me mettre gra-
cieusement en parallèle avec un exécrable scélé-
rat, et cela précisément au moment où llmpos-
ture n'épargne aucune ruse ppur me noirdr. Mes
écrits respirent l'amour de la vertu dont le ooenr
de l'auteur étaîLembrasé. Quoi que mes ennemis
puissent £iii», cela se sent et les désole. Pite^
moi-si, pour énerver ce sentiment l^onoralile et
juste 9 aucun d^eux s'y pît plus adroitement qiis
vous.
Et maintenant) au lieu de me dire nettement
quel jugement vous portez de moi , de pies senti-
mens, de mes mœurs, de mon caractère, comme
vous Le deviez dans la circonstance, et comme je
vous en avais conjuré , tous me parlez de larmes
d'attendrissement et d*un intérêt de commîséca-
tion; comme si c'était assez poi^r moi d^excittf
votre pitié , sans prétendre à des sentimeas phs
honorables! Je vous estime encore , me dites-
vous, mais je vous plains. Moi, je vous réponds :
Quiconque ne m^estimera que par grâce Ironveia
difficilement en moi la même générosité.
Je voudrais, monsieur, entendre un pcaplm
clairement quel est ce graod intérêt que tous
dites prendre en moi. Le j»*emier, le plus grasd
intérêt d un homme est son honneur. Vous au-
riez , dites-vous , donné un bras pour m'en sauve
un! C'est beaucoup, çt c'e^t même trop : Je nW
* Avntz 1771, 347
rais pas donné mon bras pour saurer h vAtrej
mais je laurais donné, je le jure, pour h défense
de votre honneur. Entouré de tous ces preneurs
d Intérêt qui ne cherchent qu'à me donner, comme
faisait aux passans ce Romain, un écu et un souf-
flet à chaque rencontre, je ne preùds pas le change
sur cet intérêt prétendu : je sais qu'ils n'ont d'au*
tre but dans leur iausse bien?eillauce que d'ajouter
à leurs noirceurs, quand je m'en plains, le repro-
che d'ingratitude.
« Le généreux, le Vertueux Jean-JaoquesRous-
fc seau inquiet et méfiant comme un lâche crimi-
ce ncl ! » Monsieur Dusaulx , si , vous sentant poi-
gnarder par derrière par des assassins masqués ,
vous poussiez, en vous retournant, les cris de la
douleur et de llmlignatioa, que diriez -vous de
celui qui pour cela vous reprocherait froidèlnent
d*être inquiet et méfiant comme, un lâche cri-
minel?
Il n y aura jamais que des cœurs capables du
crime qui puissent en soupçonner le mien ; et
q^nant à la lâcheté | malgré tout leffiroi qu^on a
voulu me donnet*, me vwd dans Paris, seul,
étranger, sans appui, sans amis, sans parens,
safns conseil, armé de ma seule innocence et de
mon courage, à la merci des adroits et puissant
persécnte^Éfs qui me diffament en se cachant, lés
provtKTuant , et leur criant :Tarlez haut tae TUÎfâ,
Jbla foi, monsieur, ^srquclqu^un Êitlâchemcnt h
A
34B C0ft1lBSP0SiDA5CE,
plongeon dajis celte a&îre, il me semble qae es
n'est pas moi.
Je yeux être juste toujours. S'il n*y a contie
moi nulle œuvre de ténèbres, votre reproche est
fondé, j'en conviens^ mab s^il existe une pareille
œuvre, et qae vous le sachiez très-hien , convenes
aussi que ce même reproche est bien barbare. Je
prends là dessus votre conscience pour juge eotre
vous et moi.
* Vous me trônez , monsieur : jlgnore à qodle
finj mais vous me trompez. C'est assurément
tromper un homme à qui Ton marque la plus ten-
dre aiTectîon, que de lui cacher les choses qui le
regardent et qu'il lui importe le plus de savoir.
Encore une fois, j^gnore vos motOb; mais je sais
qu'on ne trompe personne pour son bien. Je n'at-
taque à tout autre égard ni votre droiture ni vos
vertus^ je n'explique point cette inconséquence.
Je ne sais qu'une seule chose, mais je la sais très-
bien, c^est que vous me trompez.
Je veux que tout le monde lise dans mon coeur,
et que ceux avec qui je vis sachent comme moi-
même ce que je pense d'eux, quoiqu'une malheo-
reuse honte, que je ne puis vaincre^ m*empêcfae
de le leur dire en fece. CVst afin que vous n igno-
riez pas mes sentimens que je vous écris. Da reste,
mon intention n'est de rompre avec vous ^'au-
tant que cela vous conviendra : je vous la&ae k
choix. Si je connaissais un seul homme A ma
portée dont le oœur f&t ouvert comme ie aien.
qui «ût autant eu horreur la dissimulation, h
Bieiisonge , qui dédaigntt, qm nefusâl de banteft
ceux auxquels il n'os^ait dire ce qu'il poised'eut.
j'irais à cet homme, et, très-sûr d'en &îre mou
ami , je renoncerais à tous les autres ; il serait pouxi
moi le genre hosnaiii : mais, après dix ans de re->
cfaerdies inutiles, je me lasse, et j'éteins ma lan«
terne. Environné de gens qui, sous un air d'inté-
rêt grossièrement aHecté^ me flattent pour me
surprendre , je les laisse &ire , parce qu^il &ut bien
Tiyre avec quelqu'un, et qu'en quittant ceux-là
pour d'autres, je ne trouverais pas mieux. Du .
reste, s'ib ne voient pas ce que je pense d'eux,
c'est assurément leur &ute. Je suis toujours sur-
pris, je l'avoue, de les voir m'étaler pompeuse-
ment et leurs vertus et leur amitié pour moi; je
cherche Inutilement comment on peut, être ver^
tneux et faux tout à la fois, comment on peut se
Élire un honneur de tromper les gens qu'on aime.
Von, je n'aurais jamais cru qu'on pût être aussi
fiers d'être des traiu*es.
livré depuis long*temps i ces gens-là , j'auraim
tort assurément d^étre difficile en liaisons, et bien
plus de me refuser'à la vôtre , puisque votre so-
ciété me parait très-agréable, et que, sans vous
confondre avec tous les empressés qui m'entou-
rent, je vous compte parmi ceux que j'estime le
plus. Ainsi je vous laisse le maître de me voir ou
de ne me pas voir, comme il vous conviendra.
Pour de Tintimité, je n'en veux plus avec per^, ^.
j35o C0Rfl£SlK>5DA9C£ j
sonne, à moins èfue, contre tonte apparence, je
trouve fortuitement lliomme jnste et vrai que j'ai
tfessë de chercher. Quiconque aspire à ma con-
fiance doit commencer par me donner ia sienne;
et du reste, malade ou non, pauvre ou riche, jé
trouverai toujours très mauvais que, sous préicste
d'un zèle que je n'accepte point, qui que ce soil
veuille malgré moi se mêler de mes afiàires.
Je viens de vous ouvrir mon cceur sans rés<ttw,
cest à vous maintenant de consulter le vAtre,€l
de prendre le parti qui vous conviendra (*)*
«te
r (*) Dtuattlx fit à cette lettre ttae r^wnee fc leqneUe R<
ne léptiqiaa patb «^e œ eacha |im, dit Dwaifai k ce anîet , ^
K depuis notre éternelle sepantioa il sdt torti de m botMclic on
I seul mot capable <le ni'oficoser : au cootraire , j*ai apprit arec
I recoDDaiwaDCe qu*fl t'était expliqué tuf mon compte tTue
<« maniir» trop honèrabte pour le répéter.... Je oê Vm
« rencontré qu'iui« foi» par baffrd.aus tnwni de rÊtode
« line det Cliampt Élytéea. Son premier mouTODent et le mien
o furent réciproquement de tomber dana les bras l'un de l'aiitreit
«i mais il s'arrêta au milieu de son élan. Qui Ta donc lelenu?
tt la méfiance dont un accès plus violent qu'à rordinaire le anî^
« tout à «oup. Situé sur le bord d'oAe inmdiie profonds , ci me
tt vojantà ses«ôlés, il craignit apparemment que Je a« Vj pv^
tt cifitasse ; tout , du moins , m'autoeisait à le croire. U trrmWwt
« de tous ses membres. Tantôt il élcTaît des bras supplÎMita >*«»
« le ciel; tamdt, camme s'il eût inroqué ma pîdé, il me mon-
a trait Vabime ouvert sous ses pas. Je ne oompôs fpm trop m
a langage mnet. M'^oâgnant de lui, je lAcbai de k rasaorer par
^ les phis tendres démonstratioos ; quoîqu*il en parut tosiciié, il
« pasaa son dbemin. a £(« met rapporti avec J. J. Rouamuu,
f âge kig.
AVnfo 1771 r . 33.1
939. — kMéBv Petko^.
JAHÂiSy mon cher hôte, un homme sage et ami
de la îi]3tice , quelque preuve qu'il croie avoir, 110
tondamne un autre homme sans l'entendre, ou
sans le mettre à portée d^être entendu. Sans cette
loi, la première et la plus sacrée de tout le droit
naturel, la société, sapée par ses fimdemens, ne
serait qu'un brigandage afifreux , oii llnnocenca et
la vérité sans défense seraient en proie à Terreur
et à l'imposture. Quoiqu en cette occasion le sujet
soit un peu moins grave, fai cependant à me
Êlaindre que , pour quelqu'un qui dit tant croire à
i vertu, vous me jugiez si légèrement à votre or-
dinaire.
i^ n n'y a que peu de jours que j*ai reçu votre
lettre du i5 novembre, avec le billet sur vos ban-
qnieis tpi*elle contenait Par une finaude des fac-
teuES squi s'entendaient avec je ne sais qui, mes
lettres ont resté plusieurs mois sans cours i la
poste, et ce n'est qu après un entretien avec un
de ces messieurs qui me vint voir, que Tafilûre fut
éclaircie, que le grief fut redressé, et qu'on me
promit que pareille chose n'arriverait plus à l'a*
venir. En conséquence de ce redressement, 09
m'apporta toutes mes lettres , dont , vu lénormité
des ports, je ne retirai qjae la vôtre seule que je
Toconiius à l'écriture et au cachet. Il eût été maJU
354 éû&lMPOCTMSCr,
^3o» «—4M. DK SAn!rr->GBaHAnr.
A paris, 17 7t.
C'siT aroe lÂent da regref , monsieur , «pie faî
domeuré si lon^Xemps privé de vos nouvelles^
une tracasserie qu'on m'avait &îte k la postf
m'avs^it fiit renoncer à recevoir ni écrire auoine
lettre par cette voie* Ce n'est cpie deppie quelques
jours qu'une visite d'uu de ces messieurs mVi
donné Téclaircissement de ce malenteado ; et
après la promesse qui m'a été fiilte que rien de
pareil n*arriverait à 1 avenir, je reprends la même
voie pour donner de mas nouvelle»! et en deaian*
der aux personnes qui m'intéressent 1 pamm Us-
quelles vous savez bien^ monsieur, que vous tenex
et tiendrez. toujours le premier rang» Vemlles,
monsieur, m*informer de Tétat présent àp voln
santé et de celle de madame de Saint^dreraiain, il
de toute votre brillante ÊunîUe. Je tous ooanais
trop invariable dans vos senti vens pour ^oiMr
que je ne retrouve toujours en votis les boules el
la bienveillance dont vous m^ayez honoré ci-de^
yant ; comme je ne cesserai jamais , non plus, d'a-
voir le cœur plein de I attachement et de la recoin
sance que je tous ai voués.
Je n'ai rien k vous dir» de nouveaû«ur mat si-
tuation, elle est la même que cî-devanl<: mes in-
oommodilés ordinaires m'oni retenu chez moi ime
partie de Thiver , sans pourtant m'avo^ ttfof mal-
ABTNix 1771 r . 255
traité. Ma femme a eu des rhumes et âes rliuro^«
tisses y et le froid qui cvutiuue avec beaucoup da
rigueur ne nous a pas encore rendu à Tun et
l'autre notre santé d été. Nous avons passé d'a<
gréaUes soirées au coin de nos tisons à parler des
avantages que nous a procurés Thonneur de vous
connaître, et des heures si douces* que vous nous
avex données : noos vous prions de vous rappel(^
quelquefois danciens voisins qui sentiront toute
leur vie le regret d'avoir été forcés de s éloigner de
vous.
Veuillez, monsieur, faire agréer nos respects
a madame de Saint-Germain , et recevoir avec
votre bonté accoutumée nos plus humbles salu-
latioos, ^ .
93l.— -▲ MlDÀlfS DB T.
Le Garni 1771.
Un violent rhume, madame, qui me met hors
detat de parler sans &tiguer extrêmement, me
fait prendre le parti de vous écrire mon sentiment
sur votre en£int ^ pourvue pas le laisser plus long-
temps dans Fétat de suspension où je sens bien
que vous le tenez avec peine, quoiqu'il n*y ait
poifl^, selon moi, d'inconvénient. Je vous avoue-
rai d'abord que plus je pense à l'exposition lumi-
neuse que vous m'av^ faite, moins je puis me
persuader quecette roideur de caractère qu'il ma-
nifeste dans un âge si tendre soit 1 ouvrage de la
natixiv. Cette mutinerie, ou, si vous voulez , ma-
?56 CORRESPONDANCE,
dame^ cette fermeté, n'est pas si rare que Toni
croyez parmi les enfans élevés comme lui dans
topulence; et f en sais dans ce moment même à
Paris ttn antre exemple fout semblable dont la
Conformité m*a beaucoup frappé, tandisque parmi
les autres enfans élevés avec moins de sc^Iîcitnde
'apparente /et à qui Ton â moins fait sentir parla
leur importance /je n'ai Vu de ma vie un exemple
pareil. Mais laitons, quant -ft présent, cette ob-
servation qui nous mènerait trop loin, et, qu<M
quil en soit de la cause du mal, parlons du re-
mède.
Vous voilà, madame, à mon avis, dans une
circonstance favorable dont vous pouvez tirer
grand parti : Ten&nt commence k s'impatienter
dans sa pension, il désire ardemment de revenir;
mais. sa âerté, qui ne lui permet jamais de 5V
baisser aux prières, l'empêche de vous manifester
pleinement son désir. Suivez cette indication pour
prendre sur lui un ascendant dont il ne lui soit
pas abé dans la suite d'éluder leffet. S'il n*y avait
pas un peu de cruauté d'augmenter ses larmes, je
voudrais quon commençât par lui faire la pe«
tout entière, et que^ sans que personne lui d^
précisément qu'il restera, ni qu'il reviendra, il
vit quelque espèce de préparatifs, comme pour
lui faire quitter tout-à-faît la maison paternelle,
et qu'on évitât de s'expliquer avec lui sur ces pré-
paratifs. Quand vous Feu verriez le plus inquiet,
vous prendriez alors votre momeiit pour loi par
In, et Cflia d^an air si sérieux bï â ferme (pill. fui
bien persuadé qoe c est tout de bon.
ex Mon filS) il. n'en coAlc tant de vous tenir
éloigné de moi y que^ si je n'écontais qnc mop pen-
chant, je TOUS retiendrais ici dès ce moment ; mais
c est ma trop grande tendresse ponr vous qui
iD^elnpâche de m^ livrer : tandis que vous ùyez
été ici j'ai vu avec la ^us vive douleur qu'au lieu
fie répondre à rattachement de votre mère , et de
lui rendre en toute chose la complaisance qu!eUe
aimait avoir pour vous, vous ne vous appliquiez
qu^à Ini&ire éprouver des contradictions, qui la
cléchifent tmp de votre part pour qu'elle les pui^e
endurer davantage , eit^
« J'ai donc pris la résolution de vous placer
loin de moi pour m^épargner laffliction d être. à
tout moment Fobjet et le témoin de votre déso*
béissance. Puisque vous ne voulez pas répondre
aux tendres soins que j'ai voulu prendre de votre
éducation «j^areie mieux que vous alliez devenir
un mauvais; sujet loip de mes yeux, que de voir
mon fils chéri manquer 4 chaque instant à ce qu^il
doit à sa mère ; et d'ailleurs je ne désespère pas
que des gens fermes et sensés , qui n'auront pds
pour vous le même faible que m3i , ne viennent a
bout de dompter vos mutineries par des traltc^-
Riens nécessaires que Votre mère n'aurait jamais
le courage de vous faîreendorcir; etc.
n Voilà, mon fils, les raisons du parti que j'ai
pris i votre égard 5 èl le seul q,ue tous me laissiez
«
ipFcndra pour ne pas vons livixr à îsnm vta ié"
£iuts et me rendre idat-à-fiitt malhenraBat. Je ne
VMé Imue point à Paris, pour ne ]Ma «voir i
oanibatire sans cesse, en tous vojanl €rop son-
^o&l, le désir de voiis rapprocher de m^i; mais je
^e TOUS tiendrai pas non pk» si él<Mgné que, si
Von est contenr de vous, je ne pdaso vous fm
venir ici quelquefois, etc. n
Je sois fort trompé, madame, si toute sa lian-
leur tient à ce coup inattendu « dont 'û antia
toute la conséquenee, yu amAaiit k àeodre aUa-
€iieitieBt que tous lui oonnaifles pour vous, et
qtti, dans ce moment; Ara tanre teDtr&ittie pr»
cliant. 11 pleurera , il gémira, il pooasera des crii*
Miqnds TOUS ne aètaz ni ne paraître» insensiUe;
fuiis, lui pariant towfonn die son départ oonine
dWe chose arrangée, tous lui montieiva du »>
pet qu'il ait laissé venir est ammgement aa poîst
m ne pouvoir plus être révoqué. Voilà ^ s^
moi, le route par laquelle veW l'amènerez sans
peine à une capitulation , qttll acceptera arvec ins
transports de joie« et dont vous réglerez tous les
articles san^ qu'il regimbe contre aucun : encorr
avec tout cela ne paraitrez-vous pas compter ei
trémement sur la solidité de ce traité; vous le re-
oevrez plutôt dans votre maison comme paF essa
que par une réunion constante^ et son voyage p^
rattra plutôt diffioré que mippai, rassurant œpes-
dant que, s'il tient xëellenieAt (W eogagemeos, C
AUSliB 1771. ^39
foa le bonheur de votre vie en vous dispensant de
rélotgncr de vous.
Il me semhle que voilà le moyen de fair&avec
lui raccord h plus solide qu*il soit possible défaire
avec un enfant ; et il aura des raisoi^s de^ tennr cet
accord si puissantes et teHement â sa portée, que ,
sdon toute apparence y il reviendra souple et ÛXf:
cile pour long-temps.
Voilà, madame, ce qui m'^a para le mieux à
fabe dans k circonstance. H y a une contipuilé
de régime à observer qu'on ne peut détaiUer dans
une lettre, el qui ne pent se déterminer que par'
Texameo du sujet: et d'ailleurs ce n'est ^s une
mère aussi len^ que vous , ce n^est pas un esprit
aussi clairvoya!it que le v6tre qu'il &ut guider
dans tous cm détails. Je vous Tai dit, tnadame, je
m'en suis } énétré dans notre unique coXIversa*
tîon } vous n'avez besoin des conseils de personne
dans la grande et respectable tlche dont vous êtes
chargée, et que vous rempiissee si bien. J'ai dû
cependant m acquitter de celle que votr^mddestie
m*a imposée -, je lai fait par obéissance ^ par de*
vdir , mais bien persuadé que pour savoir ce qull
y a de mieux à faire, il suffisait dbhierrér-'Otf^^
vottsferex.
^S0 OOaESSPpXDAKCÈ,
93a. — A HADAMS DB CrÉQUI,
Cemwdi 7.(1771.;
R^ussBAD peut assurer madame la maïquise de
Créqui que, tant qu'il croira trouver chez eUe In
scntimeùi ffa!i\ y porte , et dont le retour lui est
dû , loin de compter et regretter sçs pas pour avoir
l'honneur de la voir, il se croira bien dédommagé
de ceiit courses inutiles par le succès d'une seule.
Mais, en tout autre cas, il déclare qu'il regarde-
rait un seul pas comme indignement perdu, et ses
visite^ reçues comme une fraude et un roi, puis-
que T-estime rédproque est la condition sacrée et
indispensable sans. laquelle, hors la nécessité des
aSaires, il est bien déterminé & n^en jamais ho-
norer volontairement qui que ce soit.
Je reçois chez moi, j'en conviens, des gens
pour qui je n'ai nulle estime \ mais je les reçois par
force : je ne leur cache point mon dédain; e!
coraiùe ils sont accommodans, ib le supportent
pour aller à leurs fins. Pour moi, qui ne veui
tromper ni trahir personne , quand je fais tant que
d^aller c\us% quelqu^un, c'est pour rfaonorer et ea
être honoré. Je lui témoigne mon estime en y al-
lant; il me témoigne la sienne en me recevant : s il
a h malheur de me la refuser, et qull ait de k
droiture, il sera bientôt désabusé, ou délivré èi
moi. VoxU mes sentimens : s'ils s*accordeQt avec
ceux de madame la BEiamuise de Créqui, j*ca scrat
▲KNtJS I77X. 36i
.cooiklé de joie; slb en ^àSèreuijfes^e qu'elle
Tondra biep me dire en ^oi. Si elle aime mieux
ne me rien dire, ce .sera me parler très-clairement.
Je la supplie d agréer ici mes sentimens et mon
respect. RovssBAtr.
N. B, Ce billet fut écrit à la réception de celui
que madame la marquise deCréqui ma fait écrire;
mais ne voulant pas le confier à la petite poste,
fai attendu que je fusse en état de le porter moi-
même.
§33. — ▲ Mjldamb Latovr.
Je n'ai eu llionneut de vous voir, madame,
qu'une seule fois en ma vie, j^ai eu souvent celui
de vous répondre; et, sans prévoir que mes let*
très seraient un jour exposées à être imprimées , je
me suis livré pleinement aux diverses impressions
que me faisaient les vôtres. Vous avez pris ma dé-
fense contre les trames de mes persécuteurs du-
rant mon séjour en Angleterre : cette générosité
m'a (^fin$porté, vou» avpz d(!( voir combien j^y
étab fusible. Depuis lors, ma situation se dévoi-
lant davantage à mes yeux, j'ai trouvé qu'avec au-
tant de franchise et même d'étourderie, il ne me
convenait de rester en commerce avec personne
dont je ne connusse bien le caractère et les liai-
sons ; j'ai vu que Postentation des services qu'on
j empressait de me rendre n'était souvent quuii
36q CORRESPOltDAirCX,
piège plus on moins adroit pour më drconvenlr,
ou pour m'exposer au blâme , si je Tévitaîs. De
toutes mes correspondances vous étiez en même
temps la plus exigeante, celle que je connaissais
le moins, et celle qui m*éclairait le moins sor les
choses qu'il m^importait de savoir et que voici ni-
gnoriez pas. Cela m'a détermine à cesser un com-
merce qui me devenait onéreux j et dont le vrai
motif de votre part pouvait m'échapper. J'ai tou-
jours cru que rien n'était plus Kbre que les liai-
sons d'amitié, surtout des liaisons purement épis-
tolaires^etqull était toujours permis de les romprs
quand elles cessaient de nous convenir, pourvu
que cela se fit franchement, sans tracasserie, sans
malice et sans éclat, tant que cet édat n'était pas
indispensable. Tai voulu, madame, user avec vous
de ce droit, avec tous ces ménagemens. Vous m'en
avez Ëiît un crime exécrable, et, dans votre der*
nière lettre, vous appelez cela enfoncer d'une
main sûre un fer empoisonné dans le sein de Va-
miiié. Sans vous dire, madame, ce que je pense
de cette phrase, je vous dirai seulement que je
suis déterminé à n'avou: de mes jours de liaison
d'aucune espèce avec quiconque à pu l'employer
en pareille occasion..
1 •
AtlKiB 1771* 363
934. — ▲ ML DU Petrou.
A Pirif , a ipiUet I J7 1.
Jai été hief) mon cher hôte, chez vos ban-
quiers recevoir Tannée échue de ma pension de
milord Maréchal :. ce n'est pourtant pas unique-
ment po,ur vous donner cet avis que je vous écris
aujourd'hui^ mais pour vous dire qu'il j a long-
temps que je n'ai reçu directement de vos nou-
velles; heureusement le libraire Rey, qui vous a
vu à Neufehâtel, n^'en a donné de vous et de ma-'
dame du Peyrou^ d'assez honnes pour m'ôter
toute autre inquiétude que celle de votre oubli.
Etes-Tous enfin dans votre maison? Est-elle en-
tièrement achevée, et y étes-vous bien arrangé?
Si , comme je le désire^ son habitation vous donne
autant d'agrément que son bâtlmenl vous a causé
d'embarras, vous j devez mener une vie bien
douce. Je me suis logé aussi l'automne dernier,
moins au large et k un cinquième, mais asses
agréablement selon mon goût , et en grand et bon
air; ce qui n'est pas trop facile dans le axxa de
Paris. Si vous me donnez quelque signe de vie , je
serais bien aise que vous me donnassiez des nour
velles de M. Roguin, mon bon et ancien ami,
dont )e sais que les incommodités sont fort aug-
mentées depuis un an ou deux , et dont je n'ai au*
cunes nouvelles depuis long-temps. Nous vous
prions, ma femme et moi, de npus rappeler au
366 COKUSPOITDAliCS y
que oeux qoi ont prétenda vous mettre au ùii de
celte afiaire ne vous ont pas £iit un rappcnrt fidèle ,
et que la difficulté n'est pas où vous croyez la
voir.
Je vous réitère, monsieur^ mes actions de grâces
de Ilntérât que vous voulez bien prendre à moi,
et qui m'est plus précieux que toutes les pensions
du monde; mais comme j'ai pris mon parti sur
celle-U , je vous prie de ne m en reparla' jamais.
Agréez mes humbles salutations.
987. *-«▲%[. LiKics (*).
P«rii, k SI tqrtcmibre 1^71.
Recivsz avec bonté, monsieur, Iliommage
d'un très-ignare, mais très-zélé discif^ de vos dis-
ciples ; qui doit ^ en grande parUe , à la méditation
de vos écrits, la tranquillité dont il jouit, au mi-
lieu d une persécution d'autant plus cmellequ>lle
est plus cachée, et quelle couvre du masque de
la bienveillance et de Famitié la plus terrible haine
que Fenfer excita jamais. Seul , avec la nature et
vous, je passe dans mes promenades champêtres
des heures délldeuses , et je tire un profit plus réel
de votre philosophie botanique que de tous les
livres de morale. J'apprends avec joie que je ne
< ,
{*) Cette lettre fnt oammaDiquée â BL BraiuMliet ptr
M. &mth, de le Société lojale de Londrat, qoî e eequîe le coU
leetion et lei nuonicriu de Linné; il Va fini tnpiioMr àam fe
JounuA de VarU^ le 9 mai 1786.
kvviz 177a* 367
vous sois pas toat-è fait inconnu, et que vous
voulez bien me destiner quelques-unes de vos
productions. Soyez persuadé, monsieur, qu'elles
feront ma lecture chérie, et que ce plaisir devien*
dra plus vif encore par celui de le tenir de vous.
«Tamuse une vieille en&nce à &ire une petite col-
lection de fruits et de graines : si^ parmi vos tré-
sors en ce genre, il se trouvait quelques rebuts
dont vous voulussiez faire un heureux, daignez
songer à moi. Je les recevrais même avec recon-
naissance, seul retour que je puisse vous oi&ir,
mais que le cœur dont elle part ne rend pas indi-
gne de vous.
Adieu ^ monsieur; continuez d'ouvrir et d'in-
terpréter aux hommes le livre de la nature. Pour
moi^ content d'en déchiffrer quelques mots k
votre suite , dans le feuillet du règne végétal , je
vous Us, je vous étudie, je vous médite, \e vous
honore et je vous aime de tout mon cœur«
g38. — A M. DJB SAlirr-GERMAiN.
Moi, vous oublier, monsieur! pourriez -vous
penser ainsi de vous et d(^ moi! non, les senti-
mens que vous m'avez inspirés ne peuvent non
plus s^altérer que vos vertus, et dureront autant
que ma vie. Mes occupations, mon goût, ma pa-
resse, m'ont forcé de renoncer à toute correspon-
dance. Je m'étais pourtant proposé de vous faire
368 CO&AESPOITDAirCB ,
passer un petit signe de vie par M. le marqoîs
de^**j ^ m'a promis de me revenir Yoir ayant
son départ , et de vouloir bien s'en chaîner. Je sois
touché que votre bonté m ait forcé, pour ainsi
dire,' à prévenir cet arrangement.
Je ne puis, monsieur, vous promettre, en £ût
de lettres, une exactitude qui passe aies forces;
mais je vous promets, avec toute la confiance d*iiD
ooËur qui vous est dévoué^ un attachement inalté-
rable et digne de vous. Ainsi, quand je ne vous
écrirai point, daignez interpréter mon silence paz
tous les sentrmens que je vous ai fiiit connaitre,
et vous ne vous tromperez jamais.
Ma femme, pénétrée des attentions dont vous
rhonorez, me charge de vous témoigner combien
elle y est sensible, et c'est corijointement que noos
réunissons les vœux de nos cœurs pour vous,
monsieur , pour madame de Saint-Gènnain , â qui
nous vous prions de &ire agréer nos respects, et
pour tous vos aimables enfans, dont la brillante
espérance annonce de quel prix le ciel vent payer
les vertus de ceux qui leur ont donné Fétre.
gSg. --^ A M. DE Sartine (*).
Monsieur,
Je sais de quel prix sont vos momens, je sais
{*) Bl Leooir ne succéda à Bl de Sartine qa*eo 1 774* <^^
donc |)ar erreor quQo a, dans kt éditioqs pcMdentea» mmh
tfam du premier*
iNIfiE 1772. 369
qa'on les doit respecter; mais je sais aussi qae les
plus précieux sont ceux (jue vous consacrez! i pro-
téger les opprimes, et si j ose en réclamer quel-
ques-uns, ce n'est pas sans titre pour cela.
Après tant de vains elfi)rts pour faire percer
quelque rayon de lumière à travers les ténèbres
dont on mVnvironne depuis dix ans, j'y renonce.
J'ai de grands Vices, mais qui n'ont jamais &it de
mal qu'à moi; j'ai commis de grandes fautes , mais
^e je n*ai point tues à mes amis, et ce nW que
par moi qu elles sont connues, quoiqu'elles aient
été publiées par d'autres qui sont quelquefois plus
discrets. A cela près, si quelqu'un m'impute quel*
que sentiment vicieux, quelque discours blâma-
ble, ou quelque acte in jus le, qu'il se montre et
qu'il parle; je l'attends et ne me cache pas; mais
tant qu'il se cachera, lui, de moi, pour me diffa-
mer, il n'aura diffamé que lui-même aux yeux de
tout homme équitable et sensé. L'évidenee et les
ténèbres sont incompatibles : les preuves admi-
nistrées par de malhonnêtes gens sont toujours
suspectes, et celui qui, commençant par fouler
aux pieds la plus inviolable loi du droit naturel et
de la justice ,^ se déclare par là déjà lâche et mé-
chant, peut bien être encore imposteur et fourbe.
Et comment donnerait-il à son témoignage, et , si
l'on vent , à ses preuves , la force que Téquité n'ac-
corde même à nulle évidence, de disposer de
rhonneur d'un homme, plus précieux que la vie,
sans l'avoir uàs préaiablemeni en état de se dé^
3^ ' CORRESPOIIDAVCE ,
campagnes , oh, livré sans ressource aux manœu-
vres des gens qui disposent de m<H, je me voyais
en proie à leurs salelîites et à tontes les illusions
par lesquelles les gens puissans et inlrigans abii.
sent si aisément le public sur le compte êHun
étranger isolé i qui l'on est venu à bout de fiùre
un inviolable secret de tout ce qui le regarde, et
qui par conséquent n^a pas la moindre défense
contre les mensonges les plus extravagans.
J'ai donc peu besoin , monsieur, de vous dire
que cette opulence don t. on me gratifie si libéra-
lement dans les cercles , que toutes ces pensions si
fièrement spécifiées (i)^ cette édition qu'on me
pëte, sont autant de fictions; mais je n'ai pu
m^empêchef de. mettre sous vos yeux l'impudence
incroyable dudit Simon, que je ne vis de mes
joun$, que je sache, chez qui je n'ai jamais mis k
(t) CeUet en paitieuKer de madame Duchesne m réduisot
foutes à une rente de trMseeoU fiancs, ttîpiilée dana le mafcbé de
moD DMonncùre de Musiqui, J'en ai use de tix ceota frHaca, de
milord llaréebal, dont je ioois par Tattention de celui <{a*i] ca
a chargé ^ ma prière , mais sans a«itre aâreté que son bon plaisirf
n'ayant aucun acte Talable pour la réclamer de mon cbef. In
fine rente de di« lÎYies sterling, pour roea IWrei que î'û «bhIm
fn Angleterre, sur la tête de l'ackatsur et aur ki mîeaae, m
forte que cette rente doit s'éteindre au premier moniant. Toai
cela fidt ensemble onie cents francs de viager, dont il u*j a <{»
trois oeots de solides. Ajontei A cela quelque argent oomptaitL
Irienier Nste du petit eapîtal que J'ai ooaenme dana fMa ▼oyaçai.
êh que je m'dtaia céaenré yçm avoir jjueljne' ntanoe fo
iâ ma éubllasfinmt, ,
pied , dont je ne sais pas la demeure , et ^e j*igiiô*
rais même, avant ces bruits y avoir imprimé aucun
de mes écrits. Comme je n'attends plus aucune
justice de la part des^ommes, je m'épargne dé^
sonnais la peine inutile de la demander, et je ne
vous demande à vous-même cpie la patience de
me lire j quoique je fasse l'exception qui est due i
votre intégrité et à la générosité qui vous inté-
resse aux infortunés. Mais ne voyant plus rien
qui paisse me flatter dans cette vie , les restes m'en
sont devenus indiffîrens. La seule douceur qui
peut m y toucher encore est que Toeil clairvoyant
d'un homme juste pénètre au vrai ma situation,
qu^il la connaisse, et me plaigne en lui- même ,
sans se commettre pour ma défense avec mes dan-
gereujc ennemis. Je vous aurais choisi pour cela,,
monsieur, quand vous ne rempliriez point la place
oii vous êtes; mais j'y vob, je Tavoue, un avan-
tage de plus , puisque , par cette place même , vouj
aveas été à portée de vérifier assez d'impostures
pour en présumer beaucoup d'autres que vous
pouvez vérifier de même un jour. Peut-être vous
écrirai- je quelquefois encore, mais je ne vous de-
manderai jamais rien; et si ma confiance devient
importune à l'homme occupé, je réponds du moins
(pi elle ne sera jamais à charge au magistrat.
Veuillez ne la pas dédaigner; veuillez, monsieur,
vous rappeler qu'elle ne tient pas seulement au
respect que vous m'avez inspiré, mais encort
skWL témoignages de bonté dont vous m'avez ho-
"a
3^ cost^bspo5I3a:?ce,
iitfré quelquefois^ et que je veux mériter toute
ma vie.
A la suite de cette lettre, Vauieur a ajouté ^
êoit comme apostille j soit c(mitfiie simple obser-
potion, l'article qu'an va lire^
Il n est peut-être pas inutile d'oliserver que k
sieur Guy vient très-fréquemment chez moi sans
avoir rien k me dire , et sans que je puisse trouver
aucun motif à ses vbites, vu que toutes les afiàiics
que nous avons ensemble n'exigent qu'une entre-
vue de deux minutes par an, et qu'il n'y a point
de liaison d'amitié entre lui et moi. II m'a prié de
lui faire un triage de chansons dans les anciens
recueils pour en faire un nouveau. Je Tai prié, de
mon cAté, de me prêter quelques romans pour
amuser ma femme durant les soirées d'hiver. Il est
parti de là pour me Êiire apporter en pompe dHm-
menses paquets de brochures, qui, avec ses allées
et venues, lui donnent Tair d'avoir avec moi beau-
coup d'affaires. Tout cela , joint aux bruits dont
j^ai parlé, commence à me faire soupçonner que
ces fréquentes visites, que je ne prenais que pour
un petit espionnage assez commun aux gens qui
m entourent, et très-indifl^rent ponr moi, pour-
raient bien avoir un objet plus méthodique et di-
rigé de plus loin. 11 y a dans tout cela de petites
manœuvres adroites, dont le but me parattrait
pourtant facile à découvrir dans toute autre posi-
ûon que la mienne^ pour peu qu'on y mit de soin.
imiE 1773. 37a
^O. A lOLORD HARCOimT.
Pttbtle i6Jiiiii 1773.
Jai reçu 9 mllord, avec plaisir et reconnais-
sance, des témoignages de la continuation do
TOtre souvenir et de vos bontés par madame la
duchesse de Portland, et je suis encore plus sen-
sible k la peine que vous prenez de m en donner
par vous-même. Tavais espéré que l'ambassade
de milord Harcourt pourrait vous attirer dans ce
pays ) et c^eAt été pour moi une véritable douceur
de vous y voir. Je me dédommage autant qu'il se
peut de cette attente frustrée , en nourrissant dans
mon cœur et dans ma mémoire les sentimens que
roiis mWez inspirés, et qui sont par leur nature
à l'épreuve du temps, de Téloignement et de Tin-
terruption du commerce. Je n'entretiens plus de
correspondance , je n'écris plus que pour l'absolue
nécessité; mais je n'oublie point tout ce qui m'a
paru mériter mon estime et mon attachement; et
c^est dans cet asile de diflScile accès, mais par U
plus digne de vous, et où rien- n^entre sans le
passe-port de la vertu , que vous occuperez tou-
jours une pbce distinguée.
Je suis sensible y milord, à vos ofires obli-
geantes; et si j'étais dans le cas de m^en prévaloir,
je le ferais avec confiance, et même avec joie,
pour vous montrer combien je compte sur vos
bontés : mab^ grices au ciel^ je n'ai nulle afiaire^
iy6 CORKSSPOITOÀVCE ,
et toat sur la terre m'est devenu si indiifêrent, qne
je ne me donnerais pas même la peine de formet
un désir pour cette yie, quand cet acfe seul suffi-
rait pour l'accomplir. Ma femme tous prie d'a-
gréer ses remercîmens trës-humbles de uionneur
de votre souvenir, et nous vous ol&ons, miloid,
de tout notre cœur, l'un et l'autre , nos salutations
et nos respects.
g/^l é *— ▲ HÂDAME LaTOUR.
Voici, madame, votre partition; je vous de-
mande pardon de mon étourderie et du quipro-
quo, N^ayant pas en ce moment le temps d'exa-
miner la Reine fantasque ^ et ne voulant pas
abuser de la complaisance cpe vous avez de me U
laisser, je vous la renvoie, avec mes remercîmens^
Je vous en dois de plus grands pour Foffire cpe
vous ïsCavez bien voulu &ire de comparer avec
les bonnes éditions les éditions que 1 on fait ici de
mes écrits, et que je dois croire frauduleuses,
puisqu^on me les cache avec tant de soin. Je sens
le prix de cette offre, et j'y suis sensible; mais la
dépense et la peine que Vous coûterait son exécu*
lion ne me permettent pas d^ consentir.
Jai eu l'honneur, madame^ de vous voir hier
pour la troisième fois de ma vie; j^ai réfléchi sur
i entretien oii vous m'avez engagé et sur les choses
^ue vous m'y avez dites; le résultat de ces ré-
flexions est cle me confirmer pleinement dans la
résolution dont je vous ai ùîi part ci-devant , et À
laquelle vous vous devez, selon moi, de ne plus
porter d'obstacle, â moins que vous n'ajez pour
Cela des raisons particulières que je ne sais pas , et
auxquelles^ par cette raison , je suis dispensé de
céder.
C^2. *^ A MADAME LA MARQUISE DE MesMES.
Parts, 29 juillet 177s*
Je suis affligé, madame, que vous vous y pre-
niez un peu trop tard , car , en vérité , je vous an-
rais demandé de tout mon cœur lentrevue que
vous avez la bonté de m oflBrir, mais je ne vais plus
chez personne, ni à la ville ni à la campgne; la
résolution en est prise, et il faut bien qu'elle soit
sans exception, puisque je. ne la fais pas pour
vous. Jai même tant de confiance aux sentimens
que j'ai su vous connaître, que je ne refuserais
pas , madame , de discuter avec vous mes raisons ,
si j'étais à portée, quoique je sache bien que ce
serait me préparer de nouveaux regrets.
Adieu donc, madame; daignez penser quelque-
fois à un homme dont vous ne seriez jamais ou-
bliée, et qui se consolerait difficilement d'être si
mal connu de ses contemporains, si leurs senti-
mens sur son compte Tintéressaient autant que?
fo'ont toujours ceux de madame la maitjuisc de
«
3a.
3^9 C0MlB5P0tlDA9€B|
g43. A MADAME. ....
Paris, le i4 9oàî 1771.
Il est, madame 9 des situations auxquelles il
n^est pas priais à un honnête homme d'être pré-
paré, et celle oh je me trouve depuis dix ans est
h plus inconcevable et la plus étrange dont on
puisse avoir Fidée. JPen ai senti Thorreur sans
en pouvoir percer les ténèbres. J'ai provoqué
les imposteurs et les traîtres par tous les moyens
permis et justes qui pouvaient avoir prise sur des
coeurs humains : tout a été inutile; ils ont Eût le
plongeon; et, continuant leurs manœuvres sou-
terraines, ils se sont cachés de moi avec le plus
grand soin. Cela était naturel, et j'aurais dû m'y
attend'"e. Mais ce qui Test moins est qu'ils ont
rendu le public entier complice de leurs trames et
de leur &usseté; qu'avec un succès qui tient du
prodige on m'a ôté toute connaissance des corn*
plots dont je suis la victime, en m en JEiisant seiH
lement bien sentir 1 eflèt, et que tous ont marqué
le même empressement à me &ire boire la coupe
de Tignominie, et à me cacher la bénigne main
qui prit soin de la préparer. La colère et llndi-
gnatioD m^ont jeté d'abord dans des transports qui
m'ont Ëiit faire beaucoup de sottises, surlesqueUes
on avait comptée Comme je trouvais injuste d'en-
velopper tout mon siècle dans le mépris qu^on
doit à quiconque se cache d'un homme pour le
diffamer 9 j^aî cherché quelqu'un qui eût assez de
droiture et de justice pour m'éclairer sur ma si*
tuation , ou pour se refuser au moins aux intrigues
des fourbes : j'ai porté partout ma lanterne inuti-
lement, je n'ai point trouvé d'homme , ni d'âme
humaine. Xai vu avec dédain la grossière Ëmsseté
de ceux qui voulaient m'abuser par des caresses ^
si maladroites et si peu didtées par la bienveillance
et restime, qu'elles cachaient même, et assez mal,
une secrète animosité. Je pardonne Terreur; mais
non la trahison. Â peine, dans ce délire univer-
sel , ai-je trouvé dans tout Paris quelqu'un qui ne
s'avilit pas à cajoler fademcnt un homme qu'ils
I voulaient tromper, comme on cajole un oiseau
^ niais qu'on veut prendre. S'ils m'eussent fui, s'ils
m'eussent ouvertement maltraité, j'aurais pu, les
plaignant et me plaignant, du moins les estimer
^ encore : Us n'ont pas voulu me laisser cette con-
, solation. Cependant il est parmi eux des per-
, sonnes d'ailleurs si dignes d^estime, qu'il parait
injuste de les mépriser. Comment expliquer ces
. contradictions? J'ai &it mille efforts pour y par-
, venir; j'ai fait toutes les suppositions possibles;
^ j'ai supposé Timposture armée de tous les flam-
\ beaux de l'évidence : je me suis dit : Ils sont
trompés, leur erreur est invincible. Mais, me
suis^je répondu, non-seulement ils sont trompés,
.mais, loin de déplorer leur erreur, ils l'aiment,
'\ ils la chérissent. Tout leur plaisir est de me croire
. vil^ hypocrite et coupable; ils craindraient comme
38o COURSSPOHDA^CB ^
un malheur affieuz de me retrouver innocent et
digne d^estime. Coupable ou non , tous leurs soins
sont de m*6ter lezercice de ce droit si naturel, i
sacré, de la défense de soi-même. Helas! tonte leur
peur est d'être forcés de yoir leur inîustice, tout
leur désir est de laggrayer. Ils sont trompés! Eh
bien I supposons ; mais , trompés , doivent-ils se c<ui-
duire comme ils font? d honnêtes gens peuvent-ih
se conduire ainsi? me conduirais-je ainsi moi-fnéine
à leur place? Jamais, jamais : je fuirais le scélérat
ou confondrais l'hypocrite; mais le flatter pour k
circonvenir serait me mettre au-dessous de lui
Mon, si j'abordais jamais un coquin que je cn>i«
rais tel, ce ne serait ^e pour le confondre et loi
cracher au visage.
Après mille vains efforts inutiles pour eipt
qtier ce qui m'arrive dans toutes les suppositions^
j'ai donc cessé mes recherches, et je me suis dit :
Je vis dans une génération qui m'est inexpIicaUe.
La conduite de mes contemporains à mon égard
ne permet à ma raison de leur accorder aucune
estime. La haine n'entra jamais dans mon coeur.
Le mépris est encore un sentiment trop tourmen-
tant. Je ne les estime donc, ni ne les hais, ni ne
les méprise ; ils sont nuls à mes yeux ; ce sont poor
moi des habitans de la lune : je n'ai pas la moin-
dre idée de leur être moral; la seule chose que je
sais est qu'il n'a point de rapport au mien ^ et qot
nous ne sommes pas de la même espèce. J'ai dov
renoncé avec eux à cette seule société qui ponvaii
m*étre donce, et ^e j'ai si vainement cherchée^
savoir à celle des cœurs. Je ne les cherche ni ne
les fais. A moins d^afiaik'es, je n irai plus chez per-
sonne : mes visites sont nn honneur que je ne dois
plus à qui que ce soit désormais; un pareil témoi-
gnage dWime serait trompeur de ma part^ et je
ne suis pas homme à imiter ceux dont je me dé-
tache. A 1 égard des gens qui pleuvent chez mo! ,
je ferme autant que je puis ma porte aux quidams
et aux brutaux; mais ceux dont an moins le nom
iD*est connu, et qui peuvent s*abstenir de m^in-
5nlter chez moi, je les reçois avec indiflërencc,
mais sans dédain. Comme je n'ai plus ni humeur
ni dépit contre les pagodes au milieu desquelles
je VIS, je ne refuse pas même, quand Poccaston
5 en présente, de m'amu?er d'elles et avec elles
autant que cela leur convient et à tnoi aussi. Je
laisserai aller les choses comme elles s'arrangeront
delles-mëmes, mais je n'irai pas au-delà; et, à
moins que je ne retrouve enfin , contre toute at^
tente, ce que j'ai cessé de chercher, je ne ferai de
ma vie plus un seul pas sans nécessité pour re-
chercher qui que ce soit. J'ai du regret, madame,
à ne pouvoir Êiire exception pour vous , car vous
m'avez paru bien aimable; mais cela n empêche
pas que vous ne soyez de votre siècle, et qu'à ce
titre je ne puisse vous excepter. Je sens bien ma
perte en cette occasion , je sens même aussi la'
vôtre j du moins si, comme je dois le croire, vous
recherchez dans la société des choses d'un plus
384 C0RIl£S?a9n>AKCBy
par&itement rétablie^ et malheureusement la sai-
son où nous entrons n'est pas favoiaUe à Texer-
cice pédestre, que je crois aussi bon pour tous
que pour moi, Lliiyer a aussi , comme vous savez ,
monsieur, ses herborisations qui lui sont propres^
sayojr , les mousses et les lichens. U doit y aroir
dans vt>s parcs des choses curieuses en ce genre,
et je TOUS exhorte fort, quand le temps tous U
permettra, d'aller. exftminer cette partie sur les
lieux, et dans la saisQU.
Vos résolutions, monsieur, étant telles quf*
vpus ffl.e le marquez, je ne suis assurément pai
homme a les désapprouver; c'est s être procuré
bien honorablement des loisirs bien agréables.
Remplir de grands devoirs dans de grandes plaoeSi
c'est la tâche des hommes de votre état et doués
de vos talens : mais quand, après avoir offert k
son pays 1& trihut de son zèle, on le voit inutile,
il est bien permis.alors de vivre pour soi-mdme et
de se contenter d être heureux*
g4^' — 4. M. PB Saxtirs.
Jttk 1774-
H Ci^is remplir un devoir indispensable en
vous «nvoyaut la lettre ci- jointe, qui m'a été
adressée vraisemblablement par quiproquo , puis-
qu'elle répond à une le.ttre que je n'ai point eu
1 honneur de vous écrire ; non que j'acquiesce aux
£^Ucitations ^ue vous recevez, mais parce ^ue ce
AinrÉs 1775. 385
n'est pas mon usage d'écrire en pareil cas (i). Je
TOUS sapplie^ monsieur, d agréer moii respect.
g^$, A M. LE PRIVCB DB BELOSELSRI..
Paris, 97 mai tyySé
Je suis vraimeot bien aisé « monsieur le prince ,
d avoir yotre estime et votre confiance. Les cœurs
droits se sentent et se répondent; et j'ai dit en re-
lisant votre lettre de Genève : Peu dhomme$ m'en
inspireront autant.
Vous plaignez mes anciens compatriotes de
n'avoir pas pris ma défense, quand leurs ministres
assassinaient, pour ainsi dire, mon âme. Les lâ-
ches! je leur pardonne les injustices^ c^est à la
postérité peut-être à m'en venger.
 rheure qu'il est, je suis plus à plaindre
qu'eux : ils ont perdu , dites-vous , un citoyen qui
faisait leur gloire; mais qu'est-ce que I9 perte de
ce brillant &nt6me,en comparaison de celle qu'ils
— ii-i - - --- ' — ---
(1) La lettre <]i|e Jean-JTaoguea raoToyait ëtaît une r^nia
de M. àt ^artiâe à im Rouiaeaa qui le Kliehait de son pnttaga
dv laqpaiûe au mbiatère da la marine. M. da Saidna a^cxpritta
« Je lida iftokible à la' part qitf roui prepat 4 la grftce dont
«I le Roî vient de m'honore^. Recevea, je vçua prie, lei acau-
« ranoea da ma rcconnaisiattce, et toua lea temerdmeni qtia {•
«▼oa8doia.a
JLa lettre da Jeaa-Jabqnaa n'a point da data; «aata» A t'aide
der«vénemam A4«:caaion duquel' elle fat écrife, a( qui eut Uem
«D mai 177 4 1 <>B peut lui en donner une.
G»rrcsp«adaae«. 5 3^
38G CORRESPOyDAT^CE ,
mont forcé de faire? Je pleure quand |e pen^e que
je nVi plus ni parens, ni amis, ni patrie libre et
florissante.
O lac sur tes bords duquel j'ai passé les douces
heores de mon enfance! Charmant paysage où
j'ai vu pour la première fois le majestueux et tou-
chant lever (ïu soleil*, oU j'ai senti les premières
émotions du cœur, les premiers élans du génie
devenu depuis trop impérieux et trop célèbre,
hélas! je ne vous verrai plus! Ces clochers qui
s'élèvent au milieu des chênes et des sapins, ces
troupeaux bêlans, ces ateliers, ces fabriques, bi-
zarrement épars sur des torrens, dans des préci-
pices, au haut des rocbers; ces arbres vénérables,
ces sources, ces prairies, ces montagnes qui m'ont
vu naitre, elles ne me reverront plus.
Brûlez cette lettre, je vous supplie : on pour
ralt encore mal mterpréter mes sentimens.
Vous me demandez si je copie encore dé la mu-
sique. Et pourquoi non? Serait-il honleixx Am fa>
gner sa vie en travaillant? Vous voulez que je-
crive. encore; non , je ne le ferai plus. J'ai dit des
irérités aux hommes; ils les ont mal prises, je ne
dirai plus rien.
Vous voulez rire en me demandant des nou-
^.veljies de Paris'. Je ne sors que pour me promener,
et toujours du mèjne c6té. Quelques beaux esprits
Refont trop d'bonxkeur «n menvoyant leurs U-
•Wes : je ne fis phis. On m'a appcyrté ces jour»-ct
un noav<el opéra-comique ; la musique est de Gré*
try j que vous aîmez tant , et les pa!X)Ies sont assu-
rément d*un homme d'esprit , mais c'est encore des
grands seigneurs qu on vient de mettre sur la
scène lyrique. Je vous demande pardon , monsieur
le prince; mais ces gens-là n'ont pas d'accent ^ et
ce sont de bons paysans qu'il faut.
Ma femme est bien sensible à votre souvenir*
Mes disgrâces ne lui affectent pas moins le cœur
qu'à moi, mais ma tâte sWaiLIit davantage. Il ne
me reste de vie que pour souffrir, et je n'en ai pas
même assez pour sentir vos bontés comme je le
dois. Ne m'éarivez donc plus, monsieur le prince ,
il me serait impossible de vous répondre une se-
conde fois. Quand vous serez de retour à Parisii
venez me voir, et nous parlerons.
Agréez, monsieur le prince, je vous prie, les
assurances de mon respect (i).
(i) Cette lettre n'a jti9qa*a ce jour été comprise dans aucune
des édidoDf de U Gorreapondaooa de Jean^acques. Celle de
If. LeAvn ëtùt imprimée, lonqnt ton éditeur en eut eon-
oaîasaooe. A llntën dans le supplément : c'est le motir pour
leqitel nous la reproduisons textuel lenient Elle parut pour la
première ibis en 1 789 , dans les Poésies françaises d'*un jrince
étranger. Rousseau Vécrivrt h une époque où il ne correspondait
plus avec personne. Nons ignorons de guel opéra il vent parler*
Ceux dont Qtétxj fit la musiq*!» en 1775 sont la Fausse ma^ie
et Cèpkalû et ProcrU ; eneote cette dernière pièce avait-elle été
préo^iemmcnt jouée à Veikaillcs. Tontes deux sont de Mar-
âS8 CORRESPOND AKCB,
947* —^ BUDAMB LA COMTESSE DE SaIKT^^^.
Je suis fôclié de ne pouvoir complaire à ma-
dame la comtesse; mais je ne &is point les hoB«
neurs de l'homme quelle est curieuse de voir, et
jamais il n'a logé chez moi : le seul moyen dj
être admis de mon aveu^ pour quiconque m'est
inconnu, c^est une réponse catégorique i C6
billet (*).
q/^8. A LA MÈHB.
Jeadifidnai 1776.
J'ai eu d'autant plus de tort, madame, d^em-
ployer un mot qui vous était inconnu, que je
vob, par la réponse dont vous m'avez honore,
que, même à Taide d'un dictionnaire, vous na-
vez pas entendu ce mot. Il &nt tâcher de m^ex-
pliquer.
La phrase du billet à laquelle il sagit de ré*
pondre est celle-ci : « Mais ce que je veux, et ce
te qui m'est dû tout au moins apràs une condam*
c( nation si cruelle et si infamante, cest qu'on
« m'apprenne enfin quels sont mes crimes, etcom-
«t ment et par qui j ai été jug^. »
X*) Par la lettre à laquelle oélle^ aert de réponee,
'âfi Saint *** annonçait k Ronsaeaa qu'elle lui enTojaît de U
inuaîque k copier, en lui avouant en même tempa que ce ii*étah
fuun prétexte pour le roir. Quant au billet dont Roi»ae«a
parle, c'éuîi le biHet ctrcnlaii« porUnt pour adveoex A tout
Françaii aimant encore la justice et la «érifé.
amÉE 1776. 389
Tout ce que je désire ici est uue réponse à cet
article. C est mal à propos cjue je la demandais
catégorique , car telle qu'elle soit, elle le sera tou-
jours pour moi; ma demeure et mon 'cœur sont
ouverts pour le reste de ma vie à quiconque me
dévoilera ce mystère abominable. S^il mHmpose le
secret, je promets, je jure de le lui garder invio-
lablement jusqu'à la mort,et je me conduirai exac«
tement, s'il l'exige, comma s'il ne m'eût rien ap^
pris. Voilà la recense que j'attends, ou plutôt que
je désire I car depuis long- temps j'ai cessé de
Tespérer.
Celle que j*aurai vraisemblablement sera la
feinte dlgnorer un secret qui , par le plus éton-
nant prodige , n'en est un que pour moi seul dans
l'Europe entière. Cette réponse sera mpins fran-
che assurément, mais non moins claire que la pre-
mière; enfin le refus même de répondre naura
pas pour moi plus d'obscurité. De grâce, madame,
ne vous ofl^nsez pas de trouver ici quelques traces
de défiance : c'est bien à tort que le public m en
accuse ; car la défiance suppose du doute ^ et il ne
m^en reste plus à son égard. Vous voyez, par les
explications dans lesquelle j'ose entrer Ici, que je
procède au vôtre avec plus de réserve, et cette
difi^nce n'est pas désobligeante pour vous. Ce-
pendant vous avez commencé avec moi comme
tout le monde, et les louanges hyperbolùiues (i)
(i) Void flmrarB un mot pour k dictionnaire. BéUi! pooc
33.
3gO CORRESPOND A!^CE,
et outrées dont vos deux lettres sont remplies
semblent être le cacliet particulier de mes plus
ardens persécuteurs , mais, loin de sentir en les
lisant ces mouvemens de mépris et d indignation
({ue les leurs me causent, je nai pu me défendre
d'un vif désir que vousne leur ressemblassiez pas;
et^ malgré tant d'expériences cruelles, un désir
aussi vif entraine toujours un peu d'espérance.
Au reste, ce que vous me dites , madame, du prix
que je mets au bonheur de me voir, ne me fera
pas prendre le change : je serais touché de Thon*
neur de votre visite, faite avec les sentimensdont
je me sens digne ; mais quiconque ne veut voir
que le rhinocéros doit aller, s il veut, i la Foîrc,
et non pas chez moi; et tout le persiflage dont on
assaisonne cette insultante curiosité, n'est qana
outrage de plus qui n exige pas de ma part une
grande déférence. Voulez -vous donc, madame,
£tre distinguée de la foule : c'est k vous de faiire
ce qu'il faut pour cela.
11 est vrai que je copie de la musique : je ne re-
fuse point de copier la v6tre, si c'est tout de bon
que vous le dites; mais cette vieille musique a tout
l'air d'un prétexte, et je ne m'y prête pas volon^
tiers lànlessus. Néanmoins votre volonté soit faite.
Je vous supplie, madame la comtesse, d agréer
mon respect
pvler de ma destinée, il (aadreit uo ToCMboUîro tpvt iioiit«mi
qni ii'eût d(é campow ^ue pour rnoî*
i.I75ÉE 1777. 391
g49. ▲ M. LE COMTE DUPRAT (*).
Paris } k 3i décembre 1777.
Jaccepte, monsieur, avec empressement et
i)econnaissance,rasile paisible e t solitaire cpieyous
ayez la bonté de m offrir, dans la supposition que
?ous voudrez bien vous prêter aux arrangemeTis
que la raison demande et que peut permettre ma si-
tuation, qui vous est connue. L aménité dû sol et
les agrémens du paysage ne sont plus pour înoi
des objets à mettre en balance avec un séjour tran-
quille et la bienveillante hospitalité. Je suis tou-
ché des soins de M. le commandeur de Menbn ,
sans en être surpris; j'ai le plus grand regret de
n'en pouvoir profiter; mais on a pris tant de peine
& me rendre le séjour des villes insupportable?,
qu'on a pleinement réussi. J'étais trop fait pour
aimer les hommes pour pouvoir supporter le spec-
tacle de leur haine. Ce douloureux aspect me dé-
chire ici le cœur tous les jours; je ne dois pas aller
chercher à Lyon de nouvelles plaies. Ils m'ont ré-
duit i la triste alternative de les fuir ou de les
haïr. Je m'en tiens au premier parti pour éviter
l'autre. Quand je ne les verrai plus, j'oublierai
■ ■ I ■ »^— ^—1.^— — — .1,1,, .«.—y— ■ I
(^) Le oomte Daprat, Uentenaot-coloiiel aax régiment d^>'
léinSf eit mort tn 1793, oondamnë par le trihaBal réTobi<»
ticmnaiic. C'est liuit tes papiers qa'ont été tgoarém les trois
lecti«B qu'on va lire , d'amant plus précieuses qne^ à*9f^ leuj
4ste^ on doit les considérer conune le cbaot duç^goe.
393 CORRESPOTOATf CE ,
bieDtàt leur haine, et cet oubli m^est nécessaire
pour vivre et mourir en paix.
Je ne vois qu'un obstacle i Fexécution de votre
obligeant projet; cVst l'infirmité de ma femme et
la longueur du voyage, qull est douteux qu'elle
puisse supporter. Cette idée me &it trembler. Il
u^y faut pas songer durant la saison où noos
sommes. L'hiver, juscpi^ici, ne la pas affectée au-
tant que je l'aurais craint. Peut-être, aux appro-
ches d'un temps plus doux, sera-t-elle en état de
faire cette entreprise sans risque. Hélas! pourquoi
faut-il que j'aille ci loin chercher la paix, moi qui
ne troublai jamais celle de personne! Si ma femme
pouvait obtenir ici, du moins â prix d'argent, le
seilvice et les soins qu'on ne refuse â personne
parmi les humains, et que je suis hors d^étatde
lui rendre^ nous ne songerions point à nous trans-
planter; mais dans l'universel abandon tii Ton se
concerte pour la réduire, il faut bien qu elle ris-
que sa vie pour tâcher d'en conserver les restes i
l'aide des soins secourables que vous ayez la cha-
rité de lui procurer. Ahl monsieur le comte, e&
ne vous rebutant pas de mes misères et n'ahaih
donnant pas notre vieillesse, j'osp vous prédire
que vous vous ménagez de loin, pour la vôtre,
des souvenirs dont vous ne prévoyez pas eacoit
toute la douceur.
Jo souhaite ardemment que, sans noire 4 yu
affaires, tous puissiez en voir assez prompt emes;
la fin, jpour arriver ici avant celle de lliiver. S
'AWKÉE 1778. 393
TOUS aviez pour compagnon de voyage le digne
ami qui partage vos bontés pour moi, rien ne
manquerait à ma joie en vous voyant arriver. Ma
femme, qui partage ma reconnaissance, est très-
sensible à rhonneur de votre souvenir, et nous
vous supplions, Tun et l'antre, monsieur le comte,
d^agréer nos trè»-humbles salutations.
9S0. A UADAIIB DE C.
ritylapîtovier 1776,
Tai lu, madame, dans le numéro 5 des feuilles
que vous avez la bonté de m envoyer, que Tun de
messieurs vos correspondans, qui se nomme le
Jardinier d'Auteuilj avait élevé des hirondelles.
Je désirerais fort de savoir comment il s'y est pris ,
et quelle contenance ces hirondelles, qu'il a éle-
vées, ont fiiite chez lui pendant l'hiver*. Après des
peines Infinies, fêtais parvenu, à Monquin , à en
Élire nicher dans ma chambre. J'ai même eu sou-^
veut le plaisir de les voir s'y tenir, les fenêtres
fermées, assez trauquilles pour gazouiller, jouer
et foUtrer ensemble à leur aise , en attendant qu'il
me plût de leur ouvrir, bien sûres (0 ?^^ ^^^ ^^
(x) L^iiiiondeUe est taatarellaiiMit fianQîèr? et confiante;
mais c'est une sottise 4gnt on la punit trop bien pour ne Tea
pas corriger. Avec de la patience, on raccoutume encore a vivre
dans des appartemens fermes, tant qu'elle n'nperçoit pai 1* in-
tention de l'y tenir captive : mais sitôt qu'on abuse de cette
«mfioiioe (k quoi Tod né manque jamais} , elle la perd pour
3g\ CORRSSPO^DAKCE)
tarderait pas d'arriver. En effet, je me levais
même, pour cela, tous les jours ayant quatre
heures ; mais il ne m est jamais veau dans IVsprit,
je Tavoue, de tenter d'élever aucun de leurs p
tits, persuadé que la chose était non-seulemeiit
inutile , mais impossible. Je suis charmé d appren-
dre qu'elle ne Test pas , et je serai très-obligé, pour
ma pari, au jardinier d'Auteuîl, s'il veut bb
communiquer son secret au public. Agréez, m:)-
dame, je vous supplie, mes remcrcimeDS et mon
respect.
90 1 . xHLitE COMTB Dt PRAT.
Pwis, le 3 février 17:8.
Vous rallumez, monsieur, un lumignon pres^
que éteint; mais il n^ a plus d'huile à la lainpei
et le moindre air de vent peut l'éteindre sans re-
tour. Autant que je puis dérirer quelque chose
encore daus ce monde, je désire d^aller finir mes
jours dans Tasile aimable que vous voulez btfo
me destiner; tous les vœux de mon cœur sont potf
y être ; le mal est qu'il &ut s'y transporter. En ce
moment je suis demi-perclus de rhumatismes, in^
femme n'est pas en meilleur état que moi; Yi(^'
infirme, je sens à chaque instant le découra^^'
ment qui me gagne ; tout soin , toute peine i ^^^
toujours. Dès lors elle ne mange phu , elle ne cesse de « <^
battre , et Bttii par se toer. (iVote de Jcan^Acques.)
AyyiK 1778. 39 f)
ctre, toute fatigue à souteDir, eflàrouche mon în<
dolence; il Ëiudrait que tontes les choses dont j ai
besoin se rapprochassent; car ye ne me sens plus
assez de vigueur pour les aller chercher; et c'est
précisëment dans cet état d*anéantissementqiie,
privé de tout service et de toute assistance dans
tout ce qui m'entoure, je n'ai plus rien à espérer
que de moi. Vous, monsieur le comte, le seul qui
ne m'ayez pas délaissé dans ma misère, voyez , de
grâce, ce que votre générosité pourra fiiire peur
me rendre lactivité dont fai besoin. Vous m^of-
frcz quelqu'un de votre choix (*) pour veiller à
mes eflfets et prendre des soins dont je suis inca-
pable; oh! je l'accepte, et il n'en faut pas moins
pour m'évertuer un peu; car si, par moi-même,
je puis rassembler deux bonuets de nuit et cinq ou
six chemises, ce sera beaucoup.
n n'y a plus que ma femme et mon herbier
dans le monde qui puissent me rendre un peu
d'activité. Si nous nous embarquons seuls sous
notre propre conduite, au premier embarras, au
moindre obstack, je suis arrêté tout court, je
n'arriverai jamab. Xaime à me bercrr,dan5 mes
châteaux en Espagne, de Tidée que vous seriez
ici y monsieur, iivac ML le commandeur ; que vous
(^) Gi qntlqm'uB ékah M. de Keuvilla : et commtf il affecte
de ue m'en poiat parler, Je cratas qu'il u'y nit du froid, do
WU'^ i« soie trtMiabarrassë qui lui donner k ta place.
( ^^o;e iu comte Du^-aL )
3g6 COÀRESPONDAItCE,
daigneriez aiguillonner un peu ma paresse; (pe
mes petits arrangemens s eu feraient fias vite et
mieux sous vos yeux; que si vous poussiez l'œuvre
de miséricorde jusqu'à permettre ensuite que nooi
fissions route i la suite de l'un ou de Tautre, tX
peut-être de tous les deux; alors, comme tout se-
rait aplani! comme tout irait bien! Mab cest no
château en Espagne, et de tous ceux que j'ai âiib
en ma vie je n'en vis jamais réaliser aucun. Diea
Feuille qu il n'en soil pas ainsi de Tespoir d'arnTcr
au vôtre !
Au reste, je nVi nul éloignement pour les pré
cautions qui vous paraissent convenables pour
enter trop de sensation. Je n'ai nulle répugnance
à aller à la messe; au contraire, dans qudque re-
ligion que ce soit, je me croirai toujours avec mes
frères, parmi ceux qui s'assemblent pour servir
Dieu. Mais ce n est pas non plus un devoir que je
veuille m'imposer;, encore moins de laisser croire
danjs le pays que je sfuis catholique. Je déâre a»-
>surément fort de ne pas scandaliser les hommes,
mais je désire encore plus de ne jamais les trooh
per. Quant au changement dé nom, après av(»r
repris hautement le mien, malgré tout le monde,
pour revenir à Paris, et Vj ayoir porté huit an».
je puis bien maintenant le quitter pour en sortir.
et je ne m'y refuse pas; mais Texpérience du pas?<
m'apprend que c'est une précaution très-iiiiitiki
et même nuisible, par Tair du mystère qui s;
ioint, et que le peuple interprète toujours en mai.
ATO'LE 1778. Ziy
Vous déciderez de cela, connaissant le paj's
cornue vous faites; là-dessus comme sur tout le
reste, je m'en remets à votre prudence et à votre
amitié. Agréez, M. le comte, mes très «humbles
salutations.
gSa. ATJ MÊME.
Paris, le iS mtn 1778^
Je vois, monsieur, que malgré toutes vos
bontés, qui me sont chères et dont je voudrais
profiter, le seul vrai remède à mes maux , qui reste
À ma portée , est la patience. L'état de ma femme,
empiré depuis quel^fue temps , et qui rend le mien
de jour en jour plus embarrassant et plus triste,
m'ôte presque Tespoir d'achever et le courage de
tenter le long voyage qu'il famlrait fiiire pour at-
teindre l'arile que vous nous avez bien voulu des-
tiner. Ce qu'il y a du moins déj4 de bien sûr, est
qu'il nous est impossible de le faire seuls; ma
femme, abattue par son mal, se souvient, pour
surcroît, des gites ob l'on nous a fourrés, et des
traitemens qu on nous y a faits dans nos autres
voyages, lorsque plus jeunes et mieux portans,
nous avions plus de courage et de force pour sup
porter la fatigue et ie$ angoisses. Elle aime mieux
mourir ici, que de s exposer de nouveau à toutes
ces indignités; et nous croyons l'un et 1 autre que
a présenced'un tiers, ne fût-ce qu'un domestirjue,
aous en sauverait assez paur que nous puissions ^
C*rrMpoRdaBcc. 5. 3 S
3i)6 C0ARRSP01^DA5CK)
armés de donœur et de résijjDatioD, snpporter le
reste. Cette délibératioo, monsieur , sur laipidle
nous n'avons encore eu que des explications très-
vague», est la première et la plus importante, sans
quoi toutes les autres sont inutiles. Je sais <{ue
votre généreuse bienveillance prodiguera sessoins
. pour nous fiiciliter ce transport; mais il s^a^t en-
core de savoir ce qu'elle pourra faire pour nous le
rendre praticable, et cela consiste essentiellement
à trouver quelqu'un 'de connaissance , qui, ayant
le même voyage à Sûte^ veuiUe bim nous souSnr
à sa suite, nous fHrocurer des gites sttfq>ortabIes,
et nous garantir, autant que cela se pourra, <la
obstacles et des outrages qui, sous un &ax tf
d'attentions et de soins, nous attendront dass b
route. Si eette occasion ne se trouve pas, comme
fai lieu de le craindre, le seul parti qui me reste
A prendre est d'attendre ici votre arrivée oo ceik
de M. le commandeur, et de prendre palieucci
en attendant, comme j^espère fiùre jusqu'à la fia^
à moins qu'il ne se |u:ésente quelque ressomce
imprévue , sur laquelle j'aurais grand tort <k
compter.
Quant aux soins qui regardent ici les guenitks
que ]j puis laissa, c'est un article trop peuûft-
portant pour que vous daigniez vous en oocuptf
ainsi d avance; nous ne manquerons pas de gt^
empressés à recevoir ce petit dépôt. Mon silence
au sujet de M. de Neuville me paraissak une ré-
ponse tris-daire; mais vous en voulos une ex-
i»*fÉE 1778. 39:)
presse, il Êiut obéir. De l'humeiir dont je me con-
nais, il lui faudrait toujours i>ien moins de peiné
ponr me &ire oublier ses dispositions à mon égard,
qu'il nVn a pris à me les faire connaître; mais,
en attendant; prêt à liu rendre avec le plus vrai
zèle tous les services qui pourraient dépendre de
moi, je me sens peu porté à lui en demander, U
semblait, au tour de votre précédente lettre, que
\ eus aviez quelqu'un en vue pour cet effet; et je
puis vous assurer, à cet égard, d'une confiance
entière en quiconque viendra à moi de votre part«
A regard de la messe et de l'incognito, vous
connaissez là-dessus mes principes et mes senti-
mens; ils seront toujours les mêmes. L'expérience^
m'a ùài connaître Tinutilîté et les inconvéniens
de ces petits mystères qui ne sont qu^un jeu mal
joué. Vous dites, monsieur, qu'on ne m'interro-
gera pas; on saura donc qu'il ne faut pas mlnter-
roger : car d'ailleurs c'est un droit qu'avec peu
d'égard pour mon âge s'arrogent avec moi sans
&çon petits et grands. Je mettrai, je vous le pro«
teste, une grande partie de mon bonheur à vous
complaire en toute chose convenable et raison-
nable; mais je ne veux point là-dessus contracter
d'obligation. Adieu, monsieur; quel que soit le
succès des soins que vous daignez prendre pour
moi, j'en suis touché comme je dois l'être, et leur
5oavenir ne s'effacera jamais de mon cœur. Ma
femme partage ma reconnaissance, et sons von»
4oO COaHESPOtVDAlfCE, AXViE I778.
supplions Tun et Fautre d'agréer nosirès-hamblei
salutations {*),
(*) Let cliotet n'ont pu s'arrangitfr pour «jull fk le vojagi
|irojetë. Bieo peu de temps après il s^est décidé en &Tnir d'Ef*
lOfliionviUe où il est mort dans la même année.
(IVole du comff DupruC^
TIH ntf TOMB GINQTJliME ET OSaFUf
DE LA CORRESPOHDANGK.
^
œUVRES COMPLÈTES
DB
J. J. ROUSSEAU
2i.
é
4oo coRRESPO^ aucb , ÂXviE 1778.
supplionê Tun et Tautre d'agréer noairès-humUei
•alutatioas (*).
(*) Let cliotet n'ont pn s'amngar pour «ju'il fit le vojigi
projeté. Bieo peu de temps après il t*est décidé en IsTeiir d'Et'
lofibonville où il est mort dau la même année.
( IVole du comte Duprot*
TIH Dtf TOMB GINQUliME ET DBaFlKf
DE LA CORRESPONDANGB.
OEUVRES COMPLÈTES
DB
J. J. ROUSSEAU
2<.
» * * ♦
(
l.
PARIS, IMPRiMERIE DE DECOURCHANT,
Rue d'Eifarth, d. i, prêt de l'Abbajre.
ŒUVRES
DE
J.-J. ROUSSEAU
MELANGES.
A PARIS,
CHEZ DESENNE, LIBRAIRE,
KHB nAUTBPEnibLB, IfO 10.
1831
MÉLANGES.
PROJET
POUR. L'ÉDUCATION
DE M. de; sainte marie (*)
Vob-s m'ayez fait Thonneur, monsieur, de me
confier rinslruction de messieurs vos enfatis,:
cVsl à moi d'y répondre par tous mes soins et par
toute retondue des lumières que je puis avoir; et
fai cru que , pour cela , mon premier objet devait
être de Sien connaitre les sujets auxquels j'aurai
afi'aire. C'est à quoi j'àî principalement employé
le temps ïju'il y a que j'ai Thonneur d'être "àans
votre maison ; et je crois d'être suffisamment ftiî
(ait à cet égard j3our pouvoir régler lâ-dessus lé
plan de leur éducation. Il n'est pas n<^cessairoquo
fe vous fasse cî)ttipUfÉent, monsieur, sur ce i^dc
j'y ai remarque davantagpû'x, lalfectioh? que fat
conçue pour eux se déclarera par des mîarques
|>lus solides que des louanges, et ce n csfpas uu
(*) Ce petit écrit a dû ^tre fuit vcr3 Tanoc^c 1738 : Knmseaiï
•▼ait «lors vingt-six atfc. Il rat aàrttMé à M. de MaWy , grandr
pitfvôt de Lyon, et frèt^ diê oéUbrtft ibb^de. Mafedy et^iR
6 faojn
père aussi tendre et aussi éclairé que tous ritei
(jatt tktit instmtre dos bettes qmrlilés de ses eut-
fans.
II me reste à priseAt, moïKiêur , d'être édaiiti
par yous-môme des vaes particulières que voos
pouvesi avair sur chacun d'eux, da degré d auU>-
ritë que vous êtes dans le dessein de maccorderi
leur égard, et des* borûcs que vous donnerez â
mes droits pour les réconip?.nscs et les châtimens.
Il est probable 9 monsieur, que, m ayant fait la
fiiv=euK de m-^agpécr dans- votro maison avec ud
appointemeat booGrablc et des distinctions flat-
W9ufif6, voua avez aitendu.de moi àds eSètsqui
Qépoadi^sent à des.qoBditious si avantageuses; et
IW Vok bien qu'il ne.J^Uait pas tant de firab ri
40Ù^puB pour dojuier. à messieurs yos enfims os
Îiréqoptc^ur- opdiaaircqui leur apprit lerudiment,
'of (AiO{p:^pbe , et le catéckisme : je. me j^xnbdIs
liiieil'iai^si de justifier de tout mon* pouyoir k»
«ipari^ice» favdrablesque ¥ou& ayes pu coacevt»ir
su£ mcm compte ^.et,.tQut'pIcÂ& d ailleurs dé £itttes
«ilr doi faibLesses ^ , y<»u$ nd- i^e trouverez jamais à
lue démentir on instant sur le zèle et 1 attadie*
laenl^i^e. j0dois L mus élèsres*
. Mais, monsieur',, quek|^Q6 soînè^ et cpielquet
peines que je puisse prendre^ le succès est bi«i
éloigné de dépendre de moi seul. C!cst Tbarmonie
^èite* qui doit régler en Ue nous, ria confiaaoB
^ffm jttaB daiga«rcft<mfaGeoiifaf, fit liaufeorità^pw
TOUS me doQuerez 9ur mes é}èYes qui décidera de
l'effet de œoa travaiL Je crois, monsieur, qu'il
vous est tou'. numifeste qu'un homme qui n'a sur
des enÊms des droits de nulle esp^, soit pour
rendre ses iasli'uctloiis aimahies y soit pour leur
doAuer dupoiils^ ne prendra jaxaais d ascendant
sur dfis'e^rlts.^ui, dans le foq^, quelque pré-
coces qu'on les veuille supposer ^ règlent toujours
à certain âge, les trois quarts de leuis opérations
^ur les impressions des sens. Vous sentez aussi
qu un mditre obligé de porter ses plaintes sur tou-
tes les laules d'uu enfant se gardera Licu^ qiiaud
il le pourrait avec bicusiance .^ de se rendre iu>
supportable en. renouvelant sans cesse de vaines
lamentations ; et^ d'ailleitf^ , mille petites occa-
fiîons décisives de faire une correction, ou de
flaUer â propos^ s'échappent dans labsence d'un
|)ère et d'ime mère , ou dans des momens où il
serait messéaat de les i(iterrompc aussi désagréa-
blement; et Ton n'fôt plus à temps d'y revenir
dans un autile instant , où le changement de/s idées
d'un enfant lui rendrait pernicieux ce qui aurait
élé salutaire; enfin un eniaut qui neljsirde pas à
s'apercevoir de Timpuissance. d un mai^e à soyu
égaid en prend occasion de &ire \ku de cas de ses
défenses el; de ses préceptes, et de détnAure laui
retfNir Tascendant que lautre $^Sbr^\i ûg prei^
djw* Vous ne deyez pas croire ^ monsi^^ry-^u'ci^
|iariant sur ce tou4à je ^souhaite de me proçuncr U
divi( de maltraiter ^essieUffS .vos en^s par des
coups-) je me suis- toujours déclaré contre cette
8 PROJET
mc'lhodc r rîen tic tnc jparaîti'ait plas triste pour
M de Saiole-Marie que s'il ne restait que cette
voie de le réduire; et j*ose me promettre d'obîenir
désormais de lui tout ce qu on aura Keu d'en cii-
ger, par des roi^s mofus dures et plus convena-
bles, sï vous goi^ez le plan que fai l'honneur de
vous proposer. D'aillteut-s, à parler fipanrhement,
si voïts pensez, monsieur , qu'il y eût de l'igno-
minip k monsieur votre fils d être frappé par de5
mains étrangères , je trouve aussi de mon cbié
qu'un honnête homme ne saurait guère mettre les
sieniif*s à un usa^e plus honteux que de les em-
ployer k maltraiter un enfant : mais à Tégard de
M. dé Saintet-Marië, il ne manque pas die voies de
le châtier, dans le l^esoîn , par des raortificatioDS
qui hii feraient encore plus d'impression, et qui
produiraient de meilleurs cflfets , car , dans un
esprit aussi Vif que le sîén , Tidée des coups
s'eflaèera aussitôt que la donlenr , tandis que celle
d'un mépris maixjué , ou d'une privation sensiMc,
j' restera beaucoup plus long-temps.
• Uu maîlrti doit être craint; il faut pour cela
que I élève soit bien convaincu qull est en droit
de' le punir : mais il doit surtout étte .aimé ; et
quel moyen a un gouverneur Afi se fctre aimpf
d un eûfeht A qui il n*a jamais à prbpo^èi* que des
ot'cti^tions contraires à soi g<>Aty iî d'ailleurs il
na ie pouvoir de lui ôccofldw certaines petites
donceurs de détail qutue coûtent prc^ue iri dé-
penses ni pertes de temps, et qui ne lnisaeiit pas.
1)'£DVCATI0N. ^
étant ménagées h propos, d'être extrêmement 5cn«
sibles à un enfant , et de l'attacher beaucoup à son
maître ? J'appuierai peu sur cet article , parce
qu'un père peut, sans inconvénient, se conseryer
le droit exclusif daccorder des grâces à son fils y'
pourvu <pi'il y apporte les précautions suivantes ,
nécessaires surtout à M. de Sainte-Mnric,^ont la
vivacité et le pcnchnnt à la dissipation demandent
plus de dépendance, i^ Avant que de lui faire
quelque cadeau, savoir secrètement du gouver»
neur s'il a lieu d'être iatisfait de la conduite de
l'enfant. 2° Déclarer au jeune homme que quand
il a quelque grâce à de.nander, il doit le faire par
b bouAe de son gouverneur, et que, sïl lui ar-
rive de la demander de son chef, cela seul suffira'
pour Feu exciuxe. 3** Prendre de là occasion de.
reprocher quelquefois au gouverneur qu'il est trop
bon , que son trop de facilité nuira au progrès de
son élèvc^ et que c'est à sa prudence à lui de cor»
riger ce qui manque à la modération d'un enfant.
4^^ue si le maiCre croit avoir quelque raison dé
s'opposer à quelque cadeaux^n'on voudrait faire à
âon élève, refuser absolument de le lui accorder
jusqu'à ce quil ait trouvé le moyen de fléchir son
précepteuj>. Au reste, il ne sera point du tout né-
cessaire d'expliquer au jeune cn&nt, dans Tocca-
sîoB, qu'on lui accorde quelque faveur, précisé^'
ment parce qu'il a bien &it sou devoir ^ mais il
vaut mieux qu'il conçoive que les plaisirs et les*
douceurs sont les suites, naturelles do la sagesso;
14) FHOIKT
et de la bonne eonduke , qne sH les regaidatt
comme des récompenses arfaîiraires qui peuTcnt
dépendre do caprice, et qui, dans le fond, ue
doivent jitmais Otfe proposées pour iobjel et le
prix de Tétude et de la vertu.
VoilÀ tfut au moins, monneiv, les droits que
vous devez m'accorder sur monsieur votic fils, si
vous souhaitez de lui donner une heureuse tdu-
cation, st qui réponde aux l^cllcs qualités qull
montre à bien des égards, mais qui actuelleiueut
sont oITusquccs par beaucoup de loauvais phs qui
deatandent détre corrigés à bonno heure, ctavaiit
que le temps ait rendu la chose impossible. Oh
est si vrai qu'il s'en faudra beaucottp,par exemple,
que tant de précautions ne soient nécessaires en-
vers M. de Condirac; il a autant besoin d'c'.re
poussé que l'autre d'être retenu, et je saurai bien
isrendre de moi-même tout l'ascendant dont j au-
rai besoin sur lui : mais pour M. de Sainte-Marie,
cè^t un coup de partie pour son éducation, que
de lui donner une bride quHl sente , et qui soit ca-
pable de le rerouir;et,dansrétat oitsontleschoses,
les sentimens que vous souhaitez , monsieur, qu'il
ait sur mon compte , dépendent beaucoup plus de
vous que db moi-même.
Je suppose toujours, monûeor^ que vous n'an-
riez garde de confier l'éducation do messieurs tos
en&ns à un homme que^vous ne croiriez pas
digne de votre estime; et ne pensez punt ? \^ vous
prie, que, par le parti que jai pris de m'attachcr
D'ÉDUCATlOir^ 11
SdDS réserre k rotre maison daas nue oeçârioo dé-
lîeale, Vai pvétendo voib engager vous-méma en
ancMie maaière; Il j a bien de b difiereace entre
noms : en £kîsant nKon devoiv smtant queyoïismW
laisserez la liberté, je ne suis* responsable de rienj
et^dassileiiMidy comme TOUS êtes, monsieur, le
WBcitfe- et 1» supuricinr naUirel deinos en&ns, je ne
woùS' pas en.dffoit de Tonloir , à l'égard de leur édu^
tadoB y ftroer votare goût de se rapporter an mien :
aioA y après! Vous a^v &it les repréeentations qui
m ont rptfU' nécessairesy s'il arrivait que voUs n'es
jugeas^ies pas de même, usk conscience serait
quitte à cet égacd, eft il ne me resterait qu'à me
ce#£3ntier à rotif^ ift)iont!ë. Mais pour tous, mon^
sieur ,^ nufle aonsidératiou humaine né peut biH
iàocer ce queinrous devez aux mcsin^ et à fëdiicar
lâendé messieurs VoS)en£uis;.et je ne trouverais
imiieBient maovuisqu après m'avoîr découvert dep
défauts que veiis n^sÉuries peut-être pas d^abovd
^rpet^tks^ût qiitsei'mentd unecertaine conséquence
;pear«. Bries éfeves, voua von» pouivussieB aiUeUn
èxta meilleur sujet.
J^i doBcIti^ardé pen^r que tant que veusitië
seuffi'ozdans^otrelnaisoa, vous il avea pas trouvé
en môfide quoi efibcer'l-estime dont vous m'aviez
kenoré^ ILe^ vrai, monsieur, que je pou^ai^ me
plaindre que, dans- les occasions dbr jliipn oofli^
jBfettfe qnetque Êiute, voiis ne m^ayoE pas fiiit
inumiieiir de-ra^ea avertir tontumment : o'estune
«Adeqte je vou0 ai demakidée eA< entrant^, ch^t
sa PROJET
vous, et qai manpait damoînsMabonne Tolonté;
et si ce n'est en ma propre cODsidératioii, œ »
rait da moins pour celle de messiears vos enfuis
de qui lintérét serait que je devinsse on homme
parfait, sll était possible.
Dans ces suppositions , je crois , monsîenr , que
TOUS ne devez pas faire difficulté de oonununî^er
à monsieur votre fils les bons sendmens que vous
pouvez a voir sur mon compte, etque, comme il est
impossible que mes fiiutes et mes &iblesses édup-
pent k des ^eux aussi clairvojans que les vôtres,
vous ne sauriez trop éviter de vous en entretenir
en sa présence; car ce sont des impressions qui
portent coup, et, comme dit M. de La Bruyère,
le premier soin des en&ns est de chercher les en-
droits faibles ide. leurs maîtres, pour acquérir k
droit de les mépriser : or, je demande quelle im-
pression pourraient Êiire les leçons d'un homme
pour qui son écolier aurait du mépris.
Pour me flatter d un heureux succès dans l'édu-
cation de monsieur votre fik, je ne puis donc pas
moins exiger que d en être aimé, craint et estimé.
Que si Fou me répondait que tout cela devait être
mon ouvrage, et que c'est ma faute si je n^ ai pas
réussi, j'aurais à me plaindre d'un jugement si in-
juste. Vous n'avez jamais eu d'explication avec
moi sur Tautorité que vous me permettiez dt
prendre à son égara : ce qui était d autant plus
nécessaire, que je commence un métier tfae je
jiai jamais fiiit; que, lui ayant trouvé d'aboni aoe
l'éducation. i3
résistance parfaite i mes instructioii& et une né-
gligeoce excessive pour moi, je n ai su comment
le réduire; et qu'au moindre mécontentement il
courait chercher une asile inviolable auprès de son
papa, auquel peut-être il ne manquait pas ensuite
de conter les choses comme il lui plaisait.
Heureusement le mal n'est pas grand à Tâge où
iiest; nous avons eu le loisir de nous tâtonner,
.pour ainsi dire^réciproquement^sansque ce retard
ilit pu porter. encore un grand préjudice à ses pro«
grès, que d'ailleurs la délicatesse de sa santé p'au*
. rait.pas permis de pousser beaucoup (i); mais
comme les mauvaises habitudes, dangereuses à
tout âge, le sont infiniment plus à celui là, il est
temps d'y mettre. ordre sérieusement, non pour le
charger détudes et de devoirs, mais pour lui don-
ner à honue heure un pli d'obéissance et de doci-
lité qui se trouve tout« acquit quand il en sem
temps.
Nous approchons de Li fin de l'année : vous ne
saunez, monsjieur, prendre une occasion plusna-
rtureUc que le commencement de l'autre pour Caire
•un petit discours à monsieur votre fils , à la portée
de son âge, qui, lui mettant devajBkt les yeux les
avantages dune bonne éducation , et les inconvé-
niens d'une enfance négligée, le idispose à se prêter
de bonne grâce à ce que la connaissance de son
-**■
' • j[i} Il était Ibrt lânguitsaiit «piand )c su!s piUi dam k
. Np f ^i^oord'htû «a i aaltf t'afieiinit v^^>kDiei>i.
l6 PkOiET
ces, thème les plus spcculatiYCS et les plus éloi-
gnées en apparence de la société, ne laissent pas
d'exercer l'esprit cl de lui donner, en l'exerçant,
une force dont i! est facile d'abuser dans le com-
merce de h vie, quand on a le coçur mauvais.
Il y a plus à Tégard de M. de Sainte-Marie. II
a conçu un dégoût si fort contre tout ce qui porte
le nora d'étude et d'application j qu'il faudra ïianh
coup d'art et de temps pour le déti'uirc : cl il se-
rait fiUlieux que ce teoips-lA fût perJu pour lui;
car il y aurait trop diiicoiivcuieiis h le contraîn-
dro; et II vaudrait encore mieux qu^il igno al rn-
tièrejnent ce que ccst quVuwîcs et que scieur*^,
que de ne les connaître que pour les d^îli'sl<•r.
A regard de Li religion cl de la morale , rc
n'est T>oint parla miîi**»»î««»»*** *îp« '^ff**'*'*t'*? 'Vî'^îî
pouna parvenir à lui en iUvSpircr des princi[*es
solides qui servent de réglé à sa conduite pour le
reste de sa vie. Excepté les ék'mens A la portée de
son âge , on doit moins songer à fatiguiT sa mé-
moire d'un dciaii de loi* et de devoîi-s, qu'à dis-
poser son esprit et son cœur à les connaître e: à
les goûter, à mesure que l'occasion se présentera
de les lui développer; et c'est par lu mémo que ces
préparatifs sont tout-À-£iit à la portée de son âge
et de son esprit, parce qu'ils ne renferment que
des Sujets curieux et intércssans sur le commerce
civil, sur les arts et les métiers, et sur la manUre
variée dont la Providence arendu tous les hommes
utiles et nécessaires les uns aux ^vXfes. Ces sujets.
D'ÉDUCiiTlOK. ijl
qui sont pliitàt des matières de conversations et
de promenades que d'études réglées, auront en««
oore divers avantages dont VeBkt me parait in«
Êullible.
Premièrement , n*aiSsctant point désâ^éaUe^
ment son esprit par des idées de contrainte et
d'étude réglée , et n exigeant pas de.lui une atteu-i
lion péniUe et continue ^ ils n'auront rien de nui-
sible â sa santé. En second lieu , ils accoutumeront
k bonne heure son esprit à la réflexion et à consi-
dérer les choses par leurs suites et par leurs effets.
Troisièmement, ib le rendront curieux cl lui in-
spireront du goût pour les sciences naturelles
Je devrais ici aller au-devant d nne impression
qu'on pourrait recevoir de mon projet, en slma^
ginântqae'je ne cherche qu'à m'égayer moi^-mdme
et à me débanrasser de ce que les leçons out de seo
et d'ennuyeux, pour nieprocurcr une occupation
plus agréable. Je ne crois pas , monsieur j tqu'U
puisse vous tomber dans l'esprit de penser ainsi
sur mon compte, Peut-^étre jamais homnie ne se
fit une pfikire plus importante que celle que je mb
fais de Tédùcation de* messieurs vos enfans, pour
peu que von^ veuilKçz seconder mon zèle. Vous
n'avez pas eu lieu de vous apercevoir jusqu'à prêt
sent, que je cherche à fuir le travail : mais jejuo
crois point que, poulr se donner un air de zèle el
d'occupioion , un maitre doive* ftâeéten de sath
charger w« élèvesiifttB Uàvail rebûttotét sérieux^
de leur mointrcfloujonis ^m contenance sévère
l6 PftO^BT
M miellée , et de se fitâre ainsi à leurs dépefts la ic-
puiatMi <t bemnie exact et laborieux. Pour mot,
monsitiuri j^ le dédave une fois pour toutes; ja-
loux jusqu'au scrupule de raccomplissemcnt de
luoft deroir , )c suis iocapaUb de m'en reUcher
jamais; mon goât m mes principes ne nw portent
Bt k la paresse ni an nrlàchement : mais de deux
Yoics pour m^assurer le mène suooàs ^ je préférerai
toi^ours oolie qui coùteia le moins de peine et de
désagrément à mes élèves; et j'ose assurer, sans
vouloir passer pour tm honune Irès-occnpé, qoe
moins ils travailleront en apparence y et pins es
effet je travaiilerarponr eux.
• S'il j. a quelques occasions oà la sévérité soit
nécessaire i Tégard des enfans, c'est dans les cas
où les moenrs sont attaqiiées , ou quand il s^git de
corriger de mauvaises habiludes. Souvent plus un
enfant a d'esprit ^ et pins la connaissance de ses
(sropres avantages le rend indocile sur ceux qui
ttti restesKt à acqimir. De là le mépris des infé-
rieurs f la désobâssaace aux sDpcrioiirs , et 1 impo-
litesse avec les égfux : quand on se t:roit par&ît»
dans qads travers ne deainc^t**on pasi M. deSainle*
Marie ^ trop dmbelligenceponr ne pas soitir ses
belles qualités ; mais, si l'on n'y prend garde, il y
comptera tfap,«t négligera d^eii tirer tout le pmli
ipxH &udrak. Ces semences de vanité ont déjà pro*
duit en lui* bien des fntîts pcnchans nécsssaûnss k
corriger. CW i cet ^aid., noisieut, ^M BOUS no
sannoos agir j^ec trop db<Qi9re9poiMlmce; «t Q
\
D EDVCATlOir. ^9
9Bl tr&s4fliportaiit que , dans les occasions <rii ïmt
aura lieu déUre méoontent de lui, U ii<r trouve de
toutes parts qu'une appareuce de mépris et d'ifi-
diflirence, qui le nMHtrfiera d'autant plus que ces
marques de froideur Ae luiseront point ordinaires^
C'est punir roigueii parles propres armes et l'àX*
taquer dans sa soutce mènie;«t Ton peut s'assurer*
que M, de &iinle4larie est trop bien né pcffhr
n'être pas infiniment sensâile k restime des peN
sonnes qui lui simt diires.
La droiture du cœur, quand elle est idBbmie'
par k raisonnement) est la source de la {ustusse
de Feaprit : un honnête homme peiÀe presque •
toujours juste, et quand -on est accoutumé dèa
TenËuioe à ne pas s'étouidir sur la réflexion ^ et à
ne se livrer au ]^aisir présent qu après en avoir
pesé les suites et balancé les avantages avec les in«
convcniens, on a presque, avec xxji peU d'expé-
rience, tout Tacquis tî K^essaire pour fonner le ju-
gement. Il «emble en elTet que le bon sens dépend
encore plus des sentimcns du cœur que des lu-
mières de l'esprit, et Von éprouve qufe les gens les
plus savans et les phis éclairés ne sont pas toujours
ceux qui se conduisent le mieux dans les affaires
de la vie : ainsi, après avoir rempli M. de Sâlutô-
Marte de bons principes de morale , on pûufitiit le
regarder en un sens comité e^ses avancé daiH la
science du raisouMmeiot^ Mais 9^^«st qtieiqM;
point important dans son éducation, €'eâl MHS
contredit oekû-lè^ et Ion ne saurait tiiep bie^ Itti
î
"I
<^<r >ROJET
apprendre à connaître les hommes, à savoir ks
prendre par leurs vertus et même par leurs faibles,
pour les amener i son but, et à choisir toujours le
meilleur parti dans les occasions difficiles. Cela
dépend en partie de la manière dont on Texercent
à considérer les objets et à les retourner de toutes
leurr £ices, et en partie de l'usage du monde.
Quant au premier point, vous y pouvez contri-
buer beaucoup, monsieur, et avec un très-grand
succès , en feignant quelquefois de le consulter sur
la manière dont Vous devez vous conduire dans
les incidens ilHnventioii ; cela flattera sa vanité , et
il ne regaj^Aiia point comme un travail le temps
iqu^on mettra à délibérer sur nne affaire où sa voix
sera comptée pour quelque chose. C'est dans de
telles conversations qu'on peut lui donner le plus
de lumières sur la science du monde , et il appren-
dra plus dans deux heures de temps par ce moyen
qu'il ne ferait en un an pai'des instructions en
règle : mais il feut observer de ne lui présenter que
des matières proportionnées à son âge, et surtout
l^xercer long-temps sur des sujets ou le meilleur
parti se présente aisément, tant afin de l'amener
tellement à le trouver comme de lui-même , que
pour éviter de lui faire envisager les ailkires de la
vie comme une suite de proUèmes^ ou, les divers
partis paraissant égidemeat pvobables, il serait
presque indjfierent de se déterminer plulAt pour
IVui ^e ppuc Tautre; ce qui le mènerait à Tindo-
» :
d'éducatioic, at'
knce dans le laisonncment , et à rindifTérencc
dans la conduite.
L'usage du monde est aussi d'une nécessité ab-
solue, et d autant plus pour M. de Sainte-Marie,'
que, né timide, il a besoin de voir souvent com-
pagnie pour apprendre à s'y trouver en liberté , et
Il s'y conduire avec ces grâces et cette aisance qui
caiactérisent ITiorame du monde et lliomme ai-
n.ablc. Pour cela, monsieur, vous auriez la bonté
de iti'indiquer deux ou trois maisons où je poiîr-
raîs le mener quelquefois par forme de dt lasse-
ment et de récompense. 11 est xrtii qu'ayant à cor-
rlg.'^r en moi-m(}me les défauts que je clic.cbc à
prévenir en lui, je pourrais pai'Aître peu propre à
a ccît usage. C'est à vous, monsieur, et à madame
sa tn^Té, 4 voir ce qtii convient , et à vous donner
la peine de le conduire quelquefois avec a-ous si
vous jugez que ce!a lui soit plus avantageux. Il sera
]}on aussî que quand oh aura du monde on le re-
lîcnric dans la cliambre, et quen rîi?terrogeanl
quelquefois et h propos sur les matie res de la con-
versation, on lui donne lieu de s'y mêler insensi-
blement Mais il y a un point sm* leîjuel je crains
de ne me pas trouver tout-à-fait de votre sentiment.
Qumd M, de Sainte-Marie se trouve eu compa-
guie sous vos yeux, il badine et s'égaie autour do
VOII5, et n'a des yeux que pour son papa, tendresse
bien flatteuse et bien aimable; mais s'il' est con-»
train t d^iorder une autre personne ou de lui par-
ler, aussitôt il est décontenancé, il ne peut marcher ,
j4 paojbt
peuf souffrir quW len distraie an iii;^nt, et
qu'il prend en arersion tout ce qui produit cet
effet; car. d'ailleurs je me suis convaincu qu'il n'a
nulle haine pour 1 étude en elle-même , et qu'il y a
9iéme des dispositions dpot on peut se promettre
beaucoup. Pour remédier à cet inconvénient , il
faudrait lui procui^er d autres amusemens qui le
délacjiosseyu des niaiseries auxquelles il s'occupe ,
et pour cela le tenir un peu séparé de ses firëres et
de sa sœur ; c est ce qui ne se peut guère &ire dans
^u appartement comme le mien^ trop petit pour
les mouvemens d'un enfant aussi vif, et où même
il serait dangeneuz d altérer sa santé, si l'on vou-
lait le contraindre d'y rester trop renfermé. Il serait
plus important, monsieur, que vous ne pensez ,
d'avoir une chambre raisonnable pour y faire son
élude et son séjour ordinaire ; je tâcherais de la
\m rendre aimable par ce que je pourrais lui pré-
senter do plus riant, et ce serait déjà beaucoujp de
gagaé que d obtenir qu il se plûtdans Tendroit où
il doit étudier. Alors, pour le dtUicher iuseq$iUe-
meul^de ces badinagss puérilf^ je me mettrais de
Qloitié detous ses amusemens, et jq ^i en procu-
rerais dc$ plus propres à liiii plaire et à exciter sa
curiosité : de petits jeux, des découpures, un peu
de dessin, la musique, les iustrumens, un pcisrae
un microscope, un verre ardent y^t, mille ciulrcs
petites curiosités, me fourniraient des sujels de le
(li[verti]r et de Tatt^çhtur peu à peu à son apparte*
ment^ au point 4e fi y plaioç plus que partout 9JA*
D'ÉDUCATION. H
leurs. B'un^utre côté, on aurait soin de me IVn*
yoyer dès qu'il serait levé , sans qu'aucun prétexte
pût len dispenser ; Ton ne permettrait point qu'il
alMt dandinant par la maison , pi qu^l se réfugiât
près de yous aux heures de son travail, et afin de
lui faire regarder Tétude comme d'une importance
que rien ne pourrait balancer, on éviterait de
prendre ce temps pour le peigner, le friser, ou lui
donner quelque autre soin nécessaire. Voici, pat
rapport- à moi , comment je m y prendrais poqr
l'amener insensiblement à l'étude, de son propre
mouvement. Aux heures où je voudrais Toccuper,
)e lui retrancherais tonte espèce d^amusement, et
je lui proposerais le tiavail de cette heure-là; s^i}
ne s>y livrait pas de bonne grâce, je ne ferab pas
même semblant de m'en apercevoir, et je le laisse*
rais seul et sans amusement se morfondre jusqu'à
ce que l'ennui d'être absolument sans rien faire
leût ramené de lui-même à ce que j'exigeais do
lui; alors j affecterais de répandre un enjouement
et une gaité sur son travail, qui lui fit sentir l^i
difierence qu'il y a, même pour le plaisir, de la
fainéantise à une occupation honnête. Quand ce
moyen ne réussirait pas , je ne le maltraiterais
point; mais je lui retrancherais toute récréatioii
pour ce jour-là, en lui disant froidement que je
ne prétends point le faire étudier par force, mais
cpie le divertissement n'étant légitime que quan4
il est le délassement du travail ^ ceux qui ne foqt
jrien n*èn ont aucun Lesoin. De plus, vous aurie^
jr 1
26 PROJET
1^ bonté de convenir avec moi d un signe par
lequel, sans apparence dmtelligence, je pourrais
TOUS témoigner, de même qu^à madame sa mère,
quand je serais mécontent de lui. Alors la froideur
et Kndifférence qull trouverait de toutes parts,
sans cependant lui faire le moindre reproche, le
surprendrait d autant plus, qull ne s^aperccvratt
point que je me fusse plaint de lui; et il se porte-
rait à croire que comme la récompense naturelle
du devoir est l'amitié et les caresses de ses supé-
rieurs , de même la fainéantise et Toisiveté portent
avec elles un certain caractère méprisable qui se
fait d abord sentir, et qui refroidit tout le monde
à son égard.
J'ai connu un père tendre qui ne s'en fiait pas
tellement à un mercenaire sur Imstruction de ses
cnfans, qu'il ne voulût lui-même y avoir l'œil : le
bon père , pour ne rien négliger de tout ce qui
pouvait donner de 1 émulation à ses enfans, avait
adopté les mêmes moyeiî^ que j'expose ici. Quand
il revoyait ses enfans, il jetait, avant que de les
aborder un coup d œil sur leur gouverneur : lors-
que celui-ci touchait de la main droite le premier
bouton de son habit , c'était une marque qu'il était
content, et le père caressait son fib à son ordi-
naire : si le gouverneur touchait le second, alors
c'était marque dWe parfaite satisfaction , et le
père ne donnait point de bornes à la tendresse die
ses caresses, et y ajoutait ordinairement quelque
^eay; maj$ sans aQectation : quand le gouver-
D^ÉDUCATIOR. "37
neUT ne faisait aucun signe , cela Toulail dire qu'il »
était mal satisfait, et la froideur du père répondait
au mécontentement du maître; mais quand de la
main gauche celui-ci touchait sa première bou-
tonnière, le père faisait sortir son fils de sa pré-""
sence , et alors le gouverneur lui expliquait les
fautes de lenfant. J'ai vu ce jeune seigneur ac-
quérir en peu de temps de si gi*andes perfections ,
que je crois qu on ne peut trop bien augurer d une
méthode qui a produit de si bons effets : ce n'est
aussi qu'une harmonie et une correspondance par-
faite entre un père et un précepteur qui peut
assurer le succès d'une j)onnc éducation ; et comme
le meilleur père se donnerait vainement des mou-
vemcns pour bien élever son fils, si d'ailleurs il le
laissait entre les mains «! un précepteur inattentif,
de môme le plus intelligent et le plus zélé de tous
les maîtres prendrait des peines inutiles , si le
père , au lieu de le seconder , détruisait son ou-
vrage par (les démarches à contre-temps.
Pour que monsieiu* votre fils prenne ses études
à cœur, je crois, monsieur, que vous devez té-
moigner y prendre vous-même beaucoup de part :
pour cela vous auriez la bonté de Imterrogerquel-
quefois sur ses progrès, mais dans les temps seu«
lement et sur les matières où il aura le mieux fait,
afin de n'avoir que du contentement et de la
satisfaction à lui marquer, non pas cependant par
de trop grands éloges, propres à lui inspirer de
Torgueil et à le faire trop compter sur lui-mdme.
^ PROJET
Quelquefois aussi , mais plus rarement , votre exa-
men roulerait sur les matières où il se sera négligé:
iilors vous vous informeriez de sa santé et des
causes de son relâchement avec des marques d in-
ipiiétude qui lui en communiqueraient à lui-même.
Quand vous, monsieur, ou madame sa mère,
aurez quelque cadeau à lui faire, vous aurez la
bonté de choisir les temps o j il y aura le plus lieu
d'être coatent de lui , ou du moins de m^cn avertir
d'avance , afin que j évite dans ce temps-là de lex
poser à me donner sujet de m'en plaindre, car à
cet âge-l les moindres irrégularités portent coup.
Quant i l'ordre même de ses études, il sera
très-simple pendant les deux ou trois premières
années. Les élémcnsdu latin, de l'histoire et de la
géographie, paitageront son temps. Â l'égard du
latin , je n^ai point dessein de Texercer par une
étude trop méthodique, et moins encore par la
composition des thèmes. Les thèmes , suivant
M. RoIIin, sont la croix des enfans; et, dans lln-
tention où je suis de lui rendre ses études aimables,
je me garderai bien de le Êtirepasserparcette croix,
ni de lui mettre dans la tête les mauvais gallicismes
de mon latin au lieudeceluideTite-Live,de César
et de Cicéron : d'ailleurs un jeune homme, furtout
s^l est destiné à Fépée, étudie le latin pour Fen-
tendre et non pour Técrire, chose dont il ne lui
arrivera pas d avoir besoin une fois en sa vie.
Qu'il traduise donc les anciens auteurs, et qu*îl
prenne dans leur lecture le goût de la bonne lati-
d'éducatiok. ig
nité et de la belle littérature : c'est tout ce qae j'exi-
gerai de lui à cet égard.
Pour l'histoire et la géographie, il Ëiudra seule-
ment lui en donner d'abord une teinture aisée, do&
|e bannirai tout ce qui sent tropja sécheresse et Fé-
tude, réservant pour un âge plus avancé les diffi-
cultés les plus nécessaires de la chronologie et de
la sphère. Au reste, m^écartant uq peu du plan
ordmaire des études, je m'attacherai beaucoup
plus à rhistoire moderne qu'à l'ancienne , parce
que je la crois beaucoup plus convenable à un of-
ficier; et que d'ailleurs je suis convaincu sur 1 his-
toire moderne en général de ce que dit M. Tabbé
de... de celle de France en particulier, qu'elle nV
bonde pas moins en grands traits que l'histoire
ancienne, et qu'il n'a manqué que de meilleurs
historiens jpour les mettre dans un aussi beau jour.
Je sub d'avis de supprimeraM.de Sainte-Marie
toutes ces espèces d'études où, sans aucun usage
solide, on &it languir la jeunesse pendant nombre
d'années : la rhétorique, la logique, etlaphilo»
Sophie scolastique , sont à mon sens .toutes choses
très-superflues pour lui, et que d'ailleurs je serais
peu propre â lui enseigner. Seulement, quand il
en sera temps , je lui ferai lire la Logique de Port-
Royal, et, tout au plus, r^r/ de parler du P. Lami|
mab sans l'amuser d'un côté au détail des tropes
et des figures, ni de lautre aux vaines subtilités
de la dialectique : j ai dessein seulement de Tezer-
4xr a la précision et à la pureté dans le style,!
3.
3o PROJET
Tordre et i la méthode dans ses raisonnemcns, ei
à se faire un esprit de justesse qui lui serve à dé-
mêler le £aiux orné , de la vérité simple , toutes les
fois que l'occasion s'en présentera.
L'histoire naturelle peut passer aujourd'hui,
par la manière dont elle est traitée, pour la plus
intéressante de toutes les sciences que les hommes
cultivent, et celle qui nous ramène le plus natu-
rellement de Tadmiration des ouvrages à l'amour
de l'ouvrier : je ne négligerai pas de le rendre cu-
rieux sur les matières qui y ont rapport, et je me
propose de Yy introduire, dans deux ou trois ans
par la lecture du Spectacle de la nature, que je
ferai suivre de celle de Nieuwentit.
On ne va pas loin en physique sans le secours des
mathématiques; et je lui en ferai faire une année,
oe qui servira encore à lui apprendre à raisonner
conséquemment et às'appliquer avec un peu d at-
tention , exercice dont il aura grand besoin ; cela
le mettra aussi à portée de se faire mieux considérer
parmi les officiers, dont une teinture de mathéma-
tiques et de fortifications fait une partie dumétier.
Enfin , s'il arrive que mon élève reste assez long-
temps entre mes miains, je hasarderai de lui donner
quelque connaissance de la morale et du droit na-
turel par la lecture de PuiTendorf et de Grotios,
parce qu*il est digne d^un honnête homme et d un
homme raisonnable de connaître les principes du
bien et du mal, et les fbndemens sur lesquels la
sôâété dont il Ëiit partie est étabiie.
d'éducation. 3r
Ed Élisant succéder ainsi les sciences les unes
aux aulres, je ne perdrai point l'histoire de vue,
comme le principal objet de toutes ses études et
celui dont les branches s étendent le plus loiù sur
toutes les autres sciences : je le ramènerai, au bout
de quelques années, à ses premiers principes avec
plus de méthode et de détail; et je tâcherai de lui
en Élire tirer alors tout le profit qu ou peut espérer
de cette étude.
Je me propose aussi de lui faire une récréation
amusante de ce qu'on appelle proprement belle-
lettres^ comme la connaissance des livres et des
auteurs, la critique, la poésie,le style, l'éloquence,
le théâtre, et en un mot tout ce qui peut contri-
buer à lui former le goût et à lui présenter Vétude
sous une face riante.
Je ne m'arrêterai pas d avantage sur cet article ,
parce que après avoir donné une légère idée de la
route que je m'étais à peu près proposé de suivre
dans les études de mon élève, j'espère que M. votre
frère voudra bien vous tenir la promessequ^il vous
a faite de nous dresser un projet qui puisse me
Servir de guide dans un chemin aussi nouveau
pour moi. Je le supplie d'avance d'être assuré que
je m'y tiendrai attaché avec une exactitude et ud
soin qui le convaincra du profond respect que j'ai
pour ce qui vient de sa part ; et j'o^ vousiiépondre
qu'il ne tiendra pas & mon zèle et à mon attache-
ment qae messieurs ses neveux ae deviennent des
hommes parfaits.
MmnÊMtMmitÊtinyymmiiM^M&ÊmmMÊÊmm
RÉPONSE
AU MÉMOIRE ANONIME
istitulé'
SI XE MONDE QUE NOUS HABITORS EST UNE SPHÈRE, etC.
aêini oavs lb HEiciniB m mtuer, fagi i5f {.
Monsieur ,
Attiré par le titre de votre mémoire, |e Tailn
avec toate l'avidité d'un homme qai, depuis pla-
neurs années , attendait impatiemment avec touïe
l'Europe le résultat de ces fameux voyages entre-
pris par plusieurs membres de lacadémie rojak
des Sciences^ sous les auspicc^ du^lus magni&pie
de tous lesrois.'J avoueraifi^nchement, monsieur,
que j*ai eu quelque regret de voir que ce que j^avais
pris pour le précis des observiitions de ces grands
hommes n'était effectivement qu^une conjectnie
hasardée peut-être un peu hors de propos. Je ne
prétends pas pour cela avilir ce que votre mémoire
contient dmgénieux; mais vous permettrez, mon-
sieur, que je me prévale du même privilège q[M
vous vous êtes accordé , et dont, selon vous, tout
homme doit être en possession , qoi est de dire U-
bc^tt^t ta pensée sur le sujet dant il s'agit.
RÉPONSE AU MÉMOIRE ANONIME. 33
D'abord il me parait que vous avez choisi le
temps le moins convenable pour faire part au pu-
blic de votre sentiment. Vous nous assurez , mon*
sieur, que vous n'avez point eu en vue de ternir
la gloire de messieurs les académiciens observa-
teurs, ni de diminuer le prix de la générosité du
roi. Je suis assurément très-porté à justifier votre
oœur sur cet article ; et il parait aussi , par la
lecture de votre mémoire , qu'en efiet des senti-
mens si bas sont très-éloigués de votre pensée.
Cependant vous conviendrez, monsieur, que si
vous aviez en effet tranché la difficuité , et que
vous eussiez fait voir que la figure de la terre n'est
point cause de la variation qu'on a ti^ouvée dans
lii mesure de diiférens degrés de latitude, tout le
prix des soins et des fatigues de ces messieurs , les
firais qu'il en a coûté et la gloire qui en doit élre
le fruit , seraient bien près d'être anéantis dans
l'opinion puUique. Je ne prétends pas pour cela ,
monsieur, que vous ayez dû déguiser ou cacher
aux ho'mmes la vérité^ quand vous avez cru la
trouver, par des considérations particulières; je
parlerais contre mes principes les plus chers. La
vérité est si précieuse à mon cœur, que je ne fais
entrer nul autre avantage en comparaison avec
elle. Mais, monsieur, il n^éait ici question que de
retarder votre mémoire de quelques mois ^ ou
plutôt de l'avancer de quelques années. Alors
vous auriez pu avec bienséance user de la liberté
qu'ont tous les hommes de dire ce qu'ils pens^ot
34 KEPONSB
gur certaines matières ; et il eût sans donte été
bien doux pour vous, si vous eussiez rencontré
)uste, d'avoir évité au roi la dépense de deux si longs
voyages., et à ces messieurs les peines qu'ils ont
souffertes et les dangers qu'ils ont essuyés. IVIais
aujourd'hui que les voici de retour, ayant qu'être
au fait des observations qu'ils ont faites, des con<
séquences qu'ils en ont tirées; en un mot, avant
que d avoir vu leurs relations et leurs décoiivertes,
Û parait, monsieur, que vous deviez moins voos
hâter de proposer vos objections, qui, plus elles
auraient de force, plus aussi seraient propres à
ralentir Tempressement et la reconnaissance du
public, et à priver ces messieurs de la gloire légi-
timement due à leurs travaux.
Il est question de savoir si la terre est sphériqi^
ou non. Fondé sur quelques argumens , vous vous
décidez pour raffirmative. Autant que je suis ca-
pable de porter mon jugement sur ces matières,
vos raison uemens ont de la solidité ; la consr-
quence cependant ne m'en parait pas invincible-
ment nécessaire.
En premier lieu, Tautorité dont vous fortifiez
votre cause, en vous associant avec les anciens,
est bien faible, à mon avis. Je crois que la préé-
minence qu'ils ont très-justement conservée sur
les modernes en fait de poésie et d'éloquence ne
s étend pas jusqu'à la physique et à l'astronomtf \
et je doute qu'on osât mettre Aristote et Ptolê-
mée en comparaison avec le chevalier Newton ci
AU MEMOIRE AKONIME. 35
M. Cassini : ainsi, monsieur, ne vous flattez pas
de tirer un grand avantage de leur appui. On
peut croire, sans ofiénser la mémoire de ces grands
hommes, qu'il a échappé quelque chose à leurs
lumières. Destitués, comme ils ont été^ des expé-
riences et des instrumcns nécessaires , ils n ont
pas dû prétendre à la gloire d'avoir tout connu;
et si l'on met leur disette en comparaison avec les
secours dont nous jouissons aujouivlliui, on verra
que leur opinion ne doit pas être d'un grand poids
contre le sentiment des modernes : je dis des mo-
dernes en général, parce qu'en effet vous les ras-
semblez tous contre vous , en vous déclarant con-
tre les deux nations qui tiennent sans contredit le
premier rang dans les sciences dont il s agit; car
vous avez en tête les Français d'une part, et les
Anglais de Faulre, lesquels à la vérité ne s^accor-
dent pas entre eux sur la figure de la terre, mais
qui se réunissent en ce point, de nier sa sphéricité.
Eu vérité, monsieur, si la gloire de vaincre aug-
mente â proportion du nombre et de la valeur
des adversaires , votre victoire , si vous la rem-
portez , sera accompagnée d un triomphe bien
flatteur.
Votre première preuve , tirée de la tendancs
égale des eaux vers leur centre de gravité , me
parait avoir beaucoup de force , et j avoue de
bonne foi que je n^^ sais pas de réponse satis&i-
sante. En effet, s'il est vrai que la superficie de h.
tner soit sphérique^ il faudra nécessairement ou
35 rïponsb
que le globe entier suive la même figure, ou bien'
que les terres des rivages soient horriblement es-
carpées dans les lieux de leurs alongemens. D'ail-
leurs, et je m'étonne que ceci vous ait échappé,
on ne raurait concevoir que le cours des rivi&res
pût tendre de Téquateur vers les pôles, suivant
l'hypothèse de M. Cassini. Celle de M. Newton
serait aussi sujette aux mêmes inconvéniens, mais
dans un sens contraire; c'estnà-dire des lieux bas
vers les parties plus élevées^ principalement aoi^
environs des cercles polaires, et dans les régions
froides où Pélévation deviendrait plus sensible :
cependant Texpérience nous apprend qu'il j a
quantité de rivières qui suivent cette direction.
Que peut-on répondre à de si fortes instances!
Je n^cn sais rien du tout. Remarquez cependant,
monsieur, que votre démonstration , ou celle du
P. Tacquet, est fondée sur ce principe, que ton-
tes les parties de la masse terraquée tendent par
leur pesanteur vers un centre commun qui n'est
qu'un point et n'a par conséquent aucune lon-
gueur; et sans doute il n'était pas probable qu*an
axiome si évident , et qui fait le fondement de
deux parties considérables des mathématiques <,
pût devenir sujet à être contesté. Mais quand îl
s^agira de concilierMes démcustrations contraidic-
toires avec des faits assurés , que ne pourra-t-oii
point contester ? J'ai vu dans la pré&ce des Eté-
mens d'astronomie de M. Fizes, professeur es
luatbématiques de Montpellier ; un raisonnement
qui tend k montrer que dans lliypothdse de Co-
pernic, et suivant les principes de la pesanteur
étahlis par Descartes, il s'ensuivrait que le centre
de gravité de chaque partie de la terre devrait
fitre, non pas le centre commun du globe, mais
k portion de Taxe qui répondrait perpendiculai-
rement à cette partie , et que par conséquent la
figure de la terre se trouverait cylindrique. Je n^ai
garde assurément de vouloir soutenir un si éton-
nant paradoxe, lequel pris à la rigueur est évidemr
ment faux : mais qui qous répondra que, la terre
une fois démontrée oblongue par de constantes
observations , quelque physicien plus subtil et
plus hardi que moi n'adopterait pas quelque hy-
pothèse approchante? Car enfin , dirait-il, c'est
une nécessité en physique que ce qui doit être se
trouve d accord avec ce qui est.
Mais ne chicanons point; je veux accorder
votre premier argument. Vous avez démontré que
la superficie de la mer, et par conséquent celle de
la terre, doit être sphérique; si, par l'expérience,
je démontrais qu'elle ne fest point, tout votre rai-
sonnement pourrait-il détruire Li force de ma
conséquence? Supposons pour un moment que
cent épreuves exactes et réitérées vinssent à nom
convaincre quW degré de latitude a constam-
ment plus de longueur à mesure qu'on approdie
de réqjuateur, serais-je moins en droit d'en con-
<;Iure à mon tour. Donc la terre est efFectivemenf
plus courbée vers les pôles ^v^ ytTp Féquateuri
MiUsgei. 4
38 KÉPONSE
donc elle s^alonge en ce sens-là; donc cest un
sphéroïde? Ma démonstration, fondée sur les opé-
rations les plus fidèles de la géométrie, serait-elle
moins évidente que la vôtre établie sur on prin-
cipe universellement accordé? Où ks tàiis par-
lent, n^est-ce pas au raisonnement à se taire? Or,
c'est pour constater le fait en question que pln-
sîeurs membres' de Facadànie ont entreprb les
voyages du Nord et du Pérou : c est donc à Paca-
demie à en décider, et votre argument n^aora point
de force contre sa décision.
Pour éluder d'avance une conclusion dont vous
sentez la nécessité, vous tâchez de jeter de Yin-
certitude sur les opérations faites en divers lieux
et à plusieurs reprises par MM. Picart, de La Hire,
et Cassini, pour tracer la fameuse méridienne qui
traverse la France, lesquelles donnèrent lieu i
M. Cassini de soupçonner le premier de rirrégn-
larité dans la rondeur du globe, quand il se foi
assuré que les degl^s mesurés vers le Septentrion
avaient quelque lon^eur de moins que ceux qui
s'avançaient vers le Midi.
Vous distinguez deux manières de considérer la
surface de la terre. Vue de loin, comme par exem-
plo depuis la lune, vous l'établissez sfribérique:
mais regardée de près, elle ne vous paraît plus
telle, à cause de ses inégalités : car, dites-vous,
les rayons tirés du centre au sommet des phis
hautes montagnes ne seront pas égaux à ceux <pB
•eront bornés à la superficie de la mer. Ainsi ks
AU MEMOIRE ATONTME. Zg
arc5 de cercle, quoique proportionnels entre eux,
étant inégaux suivant 1 inégalité des rayons | il se
peut très-bien que les différences qu on a trouvées
entre les degrés mesurés,iquoique avec toute Texac-
titude et la précision dont l'attention humaine
est capable, viennent des différentes élévations
sur lesquelles ils ont été pris, lesquelles ont dû
donner des arcs inégaux en grandeur, quoique
égales portions de leurs cercles respectifs.
J ai deux choses à répondre à cela. En premier
lieu, monsieur, je ne crois point que la seule iné-
galité des hauteurs sur lesquelles on a fait les ob-
servations ait suffi pour donner des difiérences
bien sensibles dans Li mesure des degrés. Pour
s en convaincre, il faut considérer que, suivant
le sentiment commun des géographes, les plus hau-
tes montagnes ne sont non plus capables d^altérer
la figure de la terre, sphérique ou autre^ que quel-
ques grains de sable ou de gravier sur une boule
de deux ou trois pieds de diamètre. En effet, on
convient généralement aujourdhui qu'il ny a
point de montagne qui ait une lieue perpendicu-
laire sur la sunface de la terre ; une lieue cepen-
dant ne serait pas grand chose , en comparaison
d'un circuit de huit ou neuf mille. Quant â la
hauteur de la surface de la terre même par-dessus
ce!le de la mer, et derechef de la mer par-dessus
certaines terres, comme, par exemple, du Zny-
derzéc au-dessus de la Nord-Hollaude, on sait
qu elles sont peu considérables. Le cours modéré
4^ REPOlfSB
de la plupart des fleuves et des rivières ne peut
être qae leflfet d'une pente extrêmement douce.
Xavouerai cependant que ces différences prises à
la rigueur seraient bien capables d en apporter dans
les mesures : mais de bonne foi, serait-il raison-
nable de tirer avantage de toute la diflerence qui
se peut trouver ctitre la cime de la plus haute mon-
tagne et les terres inférieures à la mer? les obser-
vations qui ont donné lieu aux nouvelles conjec-
tures sur la figure de la terre ont-elles été prises à
des distances si énormes? Vous n'ignorez pas sans
doute, monsieur, qu on eut soin, dans la construc-
tion de la grande méridienne, d établir des s titions
sur les hauteurs les plus égales qu'il lEut possible :
ce fut même une occasion qui contribua beaucoup
à la perfection des niyeaux. "^
Ainsi, monsieur, en supposant avec vous, qne
la terre est sphérique. il me reste maintenant à
&irc Yoir que cette supposition, de la manière que
vous la prenez, est une pure pétition de principe.
Un moment d^attention , et je m'explique.
Tout votre raisonnement roule sur ce théo-
rème démontré eu géométrie, que deux cercles
étant concentriques, si Ion mène des rayons jus-
qu'à la circonférence du grand, les arcs coupés
par ces rayons seront inégaux et plus grands à
proportion qu'ils seront portions de plus grands
cercles. Jusqu'ici tout est bien ; votre principe est
incontestable : mais vous me paraissez moins heu-
reux dans l'application que vous en £iltes aux
AU MimOlRE ANOlfIME, 4'
degrés cle latitude. Qu'on divise un méridien ter*
resf re en trois cent soixante parties égales par des
rayons menés du centre, ces parties égales, selon
TOUS, seront des degrés par lesquels on mesurera
Féléyation du pôle. J^ose, monsieur, m'inscrire en
&UX contre un pareil sentiment, et je soutiens
Mpie ce n'est point là Tidée qu'on doit se faire des
degrés de latitude. Pour vous en convaincre d une
manière invincible, voyons ce qui résulterait de
là, en supposant pour un moment que la terre fût
tm sphéroïde obîong. Pour Ëiire la division des
degrés, j'inscris un cercle dans une ellipse repré-
sentant la figure de la terre. Le petit axe sera
l'éqnateur, et le grand sera Taxe même de la terre :
je divise le cercle en trois cent soixante degrés, de
sorte que les deux axes passent par quatre de ces
divisions; pat toutes les autres divisions je mène
des rayons que je pit)longe jusquài b circonfé*
rence de lellipse. Les arcs de cette courbe, com-
pris entre les extrémités des rayons, donneront
l'étendue des degrés, lesquels seront évidemment
inégaux (une figure rendrait tout ceci plus intel-
ligible^ je l'omets pour ne pas effrayer les yeux
des dames qui lisent ce journal), mais dans un
sens contraire à ce qui doit être ; car les degrés se-
ront plus longs vers les pôles, et plus courts vers
Téquateur, comme il est manifeste â quiconque a
quelque teinture de géométrie. Cependant il est
démontré que^ si la terre est oblongue,, les degrés
doiveut avoir plus de longueur yers Féquateut
4 a RiLP05S£
que vers les pôles. C^est à vous, monsieur â sau^
ver la contradiction.
Quelle est donc l'idée qu on se doit former des
degrés de latitude ? Le terme même d'élévati(m du
pôle vous rapprend. Des diffé/ens degrés de cette
élévation tirés de part et d'autre des tangentes à
la superficie de la terre; les intervalles compris
entre les points d attouchement donneront les de-
grés de latitude : or il est bien vrai que , si la terre
était sphérique, tous ces points correspondraieni
aux divisions qui marqueraient les degrés de la
circonférence de la terre, considérée comme àr-
culaire; mab si elle ne lest point, ce ne sera plus
la même chose. Tout au contraire de votre sj^
tème, les pôles étant plus élevés, les degrés y de*
vraient être plus grands; ici la terre étant plus
courbée vers les pôles, les degrés soni plus petits.
C est le plus ou moins de courbure, et non i'éloî*
gnementdu centre, qin influe sur la longueur des
degrés d élévation du pôle. Puis donc que votre
raisonnement n'a de justesse qu'autant que vous
supposez que la terre est sphérique , j ai été en
droit de dire que vous vous fondez sur une péti*
tion de principe; et, puisque ce n est pas du plus
grand ou moindre éloignement du centre que r&*
suite la longueur des degrés de latitude, je con*
durai derechef que votre argument n'a de solidité
en aucune de ses parties.
Il se peut que le terme de degré, éqahroque
dans le cas dont il s'agit, vous ait îndiiit eneneiis^
ÏU MÉMOIRE ANONIME. 4^
antre chose est un degré d^ la terre considéré
comme la trois cent soixantième partie dune cir-
conférence circulaire, et autre chose un degré de
latitude considéré comme la mesure de 1 élévation
du pôle par-dessus Thorizon; et, quok][u'on puisse
prendre Tun pour Tautre dans le cas que la terre
soit sphérique, il s'en faut beaucoup qu'on en
puisse faire de niême, si sa figure est irrégulière.
Prenez garde , monsieur , que quand j'ai dit
que la terre n'a pas de pente considérable, je l'ai
entendu, non par rapport à sa figure sphériquc;
mais par rapport à sa figure naturelle, oblongue
ou autre; figure que je regarde comme déterminée
dès le commencement par les lois de la pesanteur
et du mouvement, et à laquelle Téquilibre ou le
niveau des fluides peut très-bien être assujetti :
mais sur ces matières on ne peut hasarder aucun
raisonnement que le fait même ne nous soit mieux
connu.
Pour ce qui est de Finspection de la lùne, il est
lyien vrai qu elle nous parait sphérique, et elle Test
probablement; mais il ne sWsuit point du tout
que la terre le soit aussi. Par quelle règle sa figure
serait-elle assujettie à celle de la lune, plutôt par
exemple qu'à celle de Jupiter, planète d'une toute
autre importance, et qui pourtant n'est pas sphé*
rique? La raison que vous tirez de lombre de la
terre n'est guère plus forte : si le cercle se mon-
trait tout entier, elle serait sans réplique; mais
vous savez , monsieur, ^11 est difficile de distii;-
m aiPOFSB AU MI^MOI&E ANONIME.
gaer ane petite portion de courbe d'avec 1 arc d an
cercle plus ou moins grand. D ailleurs on ne croit
point que la terxe s'éloigne si fort de la figure sph^
rique, que cela doive occasioner sur la surface de
la lune une ombre sensiblement irrégulière; d'au-
tant plus que la terre étant considérablement plos
grande que la lune, il ne parait jamais sur celle-
ci qu^une bien petite partie de son circuit.
Je suis, etc.
RooasBAV.
dMonUiy» %QWBpuÊBln 17^9.
MÉMOIRE
4 S. B. MONSEIGNEUR
LE GOUVERNEUR DE SAVOIE.
ïxi rhonncur d exposer très-respectueusement
& son excellence le triste détail de la situation oii
je ire trouve, la suppliant de daigner écouter la
générosité de ses pieux sehtimeus pour y pour-
voir de la manière- qu^elle jugera convenable.
Je suif sorti très-jeune de Genève, ma patrie,
ayant abandonné mes droits pour entrer dans le
sein de Féglise, sans avoir cependant jamais fait
aucune démarche, jusque aujourdhui, pour im-
plorer des secours, doat jaurais toujours tâché de
me passer s il n'avait plu à la Providence de m'af-
fliger par des maux qui m'en ont àté le pouvoir.
J ai toujours eu du mépris et même de 1 indigna-
tion pour ceux qui ne rougissent point de faire un
trafic honteux de leur foi, et d'abuser des bienfaits
qu'on leur accorde. J'ose dire quHl a paru par ma
conduite que je suis bien éloigné de pareils senti-
mens. Tombé, encore enfant, entre les mains de
feu monseigneur l'éyâque de Genève, je tâchai de
répondre par Pardeur et l'assiduité de mes études,
aux vues flatteuses que ce respectable prélat avait
46 MSMOiRE
sur moi. Madame la baronne de Warens voulut
bien condescendre à la prière qull lui fit de pren-
dre soin de mon éducation, et il né dépendit pas
de moi de témoigner à cette dame j par mes pro-
grès, le désir passionné que j'avais de la rendre
satisfaite de 1 efiet de ses bontés et de ses soins.
Ce grand évêque ne borna pas là ses bontés; il
me recommanda encore a M. le marcpiîsde Bonac,
ambassadeur de France auprès du Corps helvéti-
que. Voilà les trois seuls protecteurs à qui j'aie eu
obligation du moindre secours; il est vrai qu ils
mont tenu lieu de tout autre , par la manière dost
ils ont daigné me Êiire éprouver leur générosité.
Ils ont envisagé en moi un jeuoe homme assez
bien né , rempli (Témulation , et qu'ils entre-
voyaient pourvu de quelques talens, et qu"î-.5 .v
proposaient de pousser. Il me serait glorieux di?
détailler à son exrePcnce ce que ces deux sei-
gneurs avaient eu la honte de concerter pour mon
plahlissement: mais la mort dt monseigneur iéTé-
que de Genève, et la maladie mortelle de M. lam-
bassadeur, ont éJé 'a fatale époque du commcn-
cernent de tous mes désastres.
Je commençai aussi moi-même d'être atlaqn-?
de la langueur qui me met aujourd hui au tom-
beau. Je retombai par conséquent à la charge c!c
madame de Warens , qu il faudrait ne pas con-
naître pour croire qu elle eût pu démentir sts
premiers bienfaits, en m abandonnant dans une
si trifite situation.
AU GOUVERNEUR DE SAVOIE. fyj
Malgré tout , je tâchai, tant qu'il me resta quel*
ques forces, de tirer parti de mes faibles talens :
mais de quoi servent les talens dans ce pays? Je le
dis dans Tamertame de mon cœur , il vaudrait
mille fois mieux n'en avoir aucun. Eh ! n'éprouvé-
je pas encore aujourd hui le retour plein d'Ingra-
titude et de dureté de gens pour lesquels j'ai achevé
de m'épuiser en leur enseignant , avec beaucoup
d'assiduité et d'application , ce qui m'avait coûté
bien des soins et des travaux à apprendre? Enfin ,
pour comble de disgrâces, me voilà tombé dans
une maladie affreuse, qui me défigure. Je suis dé-
sormais renfermé sans pouvoir presque sortir du
lit et de la chambre , jusqu a ce qull plaise à Dieu
de disposer de ma courte mais misérable vie.
Ma douleur est de voir que madame de Waren^
a déjà trop fait pour moi; je la trouve, pour le
reste de mes jours , accablée du fardeau de mes
infirmités, dont son extrême bonté ne lui laisse
pas sentir le poids , mais qui n'incommode pas
moins ses affaires, déjà trop resserrées par ses
abondantes charités, et par Tabus que les misera*
blés u'ont que trop souvent fait de sa confiance.
J'ose donc, sur le détail de tous ces faits, re-«
courir à son excellence, comme au père des affli-
gé:s. Je ne dissimulerai point qu'il est dur à un
homme de sentiment, et qui pense comme je fais,
d'être obligé , faute d'autre moyen , d'implorer des
assistances et des secours : mais tel est le décret
iJc Ja Providence. Il me suffit, en mon particulier|
4^ HIÈMOIRE
d'être hien assnté qne je n'ai donné, par ma £iate,
aucun Heu ni à la misère ni aux maux dont je sob
accablé. J ai toujours abhorré le libertinage et
Foisiveté ; et, tel que je suis , j'ose être assuré que
personne, de qui j'^aie l'honneur d'être connu,
n'aura, sur ma conduite, mes sentimens, et mes
mœurs , que de favorables témoignages à rendre.
Dans un état donc aussi déplorable que k
mien , et sur lequel je n'ai nul reproche à me faire,
je crois qu'il n'est pas honteux à moi dlmplorer
de son excellence la grâce d'être admis à partici-
per aux bienfaits établis par la piété des princes
pouf de pareils usages. Us sont destinés pour des
cas semblables aux miens , ou ne le sont pour
personne.
En conséquence de cet exposé , je supplie tr&s-
humblement son excellence de vouloir me pro-
curer une pension , telle qu elle jugera raisonna-
ble, sur la fondation que la piété du roi Victor a
établie à Annecy, ou de tel autre endroit qull loi
semblera bon, pour pouvoir subvenir aox néces-
sités du reste de ma triste carrière*
De plus, l'impossibilité où je me troare de
faire des voyages et de traiter aucune affaire civile,
m'engage à supplier encore son excellence qa^
lui plaise de faire régler les choses de manière qnp
laidite pension puisse être payée ici en droitore,
et remise entre mes mains, ou celles de madame
la baronne de Warens , qui voudra bien y â ma
très-humble sollicitation, se charger de Temployei
AV GOIJVfiRNBim DE SAVOIE. ^g
à mes besoins. Ainsi jouissant , pour le peu de
jours qu'il me reste, des secours nécessaires pour
le temporel y je recueillerai mon esprit et mes for-
ces pour mettre mon ^e et ma conscience eu
paix ayec Dieu; pour me préparer à commencer,
avec courage et résignatiou, le voyage de Féter-
nîté, et pour prier Dieu sincèrement et sans dis-
traction pour la par&ite prospérité et la très-pré-
cieuse conser\'ation de son excellence.
J. J. Rousseau.
ifiu«|M.
»»»»l>W>l%»<WW^*WmXM^^'»WMI%fcOH*^**W»
MÉMOIRE
^EMIS LE 19 ATBXL 174'.
A M. BOUDEt, ANtOKW,
Qui travaille k lliîstoire de (eu te. de ffcniiÊXi^Té^iie&Ciiièit
■' -ittirn
Daks l'intention t)ùi 1 on est de n'omettre daai
i histoire de M. de Bernex aucun des £dts confi-
déra])les qui peuvent servir à mettre ses vertus
chrétiennes dans tout leur jour^ on ne saurait
oublier la conversation de madame la baronne
de Warcns de La Tour, qui fut l'ouvrage de ce
prélat.
Au mois de juillet de Tannée 17^6, le roi de
Sardaigne étant à Evian , plusieurs personnes de
distinction du pays de Vaud s'y rendirent pour
voir la cour. Madame de Wareas fut du nombw',
et cette dame, qu'un pur motif de curiosité avait
amenée y fut retenu'; par des moti& d'un g^nre
supérieur, et qui n'en furent pas moins efficace
pour avoir été moins prévus. Ayant assisté pff
hasard à un des discours que ce prélat prononçait
avec ce zèle et cette onction qui portaient dans
les coeurs le feu de sa charité, madame de Warens
en fut émue au point , qu'on peut regarder cet in-
stant comme Tépoque die sa conversion. La choie
mëmoîrb a m. boudet. 5t
eepéndant deyaît paraitre d^autant plus difficile ^
qae cette daine, étant très-éclairée , se tenait en
garde contre les séductions de Fëloquence , et
n'était pas disposée à céder saas être pleinement
convaincue. JVIais quand on a l'esprit juste et le
cœur droit , que peut-il manquer pour goûter la
vérité j que le secours de la grâce ? et M. de Bcrnejc
n était -il pas accoutumé k la porter dans les
cœurs les plus endurci3? Madame de Warens vit
le prélat; ses préjugés furent détruits; ses doutes
furent dissipés; et pénétiée des grandes vérités
qui lui étaient annoncées , elle se détermina 4
rendre à la foi , par un sacrifice éclatant, le prix
des lumières dont elle venait de Téclairer.
Le bruit du dessein de madame de Warens ne
tarda pas à se répandre dans le pays de Vaud. Ce
fut un deuil et des alarmes universelles. Cette
dame y était adorép , et lamour qu on avait pour
elle se changea en foreur contre cequW appelait
ses séducteurs et ses ravisseurs. Les habitans dç
Ve vay ne parlaient pas moins que de mettre le feu
à Evian, et de l'enlever à main armée au milieu
même de la cour. Ce projet insensé, fruit ordi-
naire dun zèle fanatique, parvint aux oreilles de
sa majesté; et ce fut à cette occasion qu elle fit à
AL de Bernex cette espèce de reproche si glorieux,
qalX faisait des conversions bien bruyantes. Le
roi fit partir sur-le-champ madame de Warens
pour Annecy, escortée de quarante de ses gardes.
Ce. fut U ohy quelque temps après, sa majesté Tas-
5) MiMOTHE
5ura de sa |>roitectioii dans les ternies les jins flat-
teurs, et lai assigna une pension qui doit passer
pour une preuve éclatante de la piété et de la
générosité de ce prince, mais qui n'ôte point à
madame de Warens le mérite dVivoir abondoDué
de grands biens cl un rang brillant dans sa patrie,
pour suivi-e la voix du Seigneur , et se livrer s^ns
réserve à sa providence. Il eut même la bonté de
lui offrir d'augmenter cette pension de sortequ elle
pût figurer avec tout l'éclat qu'elle soubaiteniît«
el de lui procurer la situation la plus gracieuse, si
elle voulait se rendre à Turin, auprès de la rcioe.
Mais madame de Warens n'abusa point des bon-
tés du inonarque : elle allait acquérir les plus
grands biens en participant à ceux que l'Eglise
répand sur les fidèles ; et l'éda t des autres n'avait
désônnais plus rien qui pût la toucher. CVst ainsi
qu'elle s'en explique k M. de Bernex; et c'est sur
CQS maximes de détachement et de modération
qti 'on Va vue se conduire constamment depuis lors.
Enfin le jour arriva où M. de Bernex allait as-
surer à lEglise la conquête qu'il lui avait aoquise.
Il reçut publiquement Tabjuration de madame de
Warens, et lui administra le sacrement de con-
firmation le 8 septembre 17^6, jour de la Nativité
de Notre-Dame, dans l'église de la Visitation,
devant la relique de saint François de Sales. Cette
dame eut 1 honneur d'avoir pour marraine, dans
cette cérémonie, madame la princesse de Hesse,
sœur de la princesse de Piémont | depuis reiue de
À U. BOUSET. 53
Sardaigne. Ce fut un spectacle touchant de voir
une jeune dame dWe naissance illustre, favorisée
des grâces de la nature et enrichie des biens de la
fortune, et qui, peu de temps auparavant, faisait
les délices de sa patrie, s^arracher du sein de
Tahondance et des plaisirs, pour venir déposer au
pied de la croix du Christ Téclat et les voluptés
du monde, et y renoncer pour jamais. M. de Ber-
nex fit à ce sujet un discours très-touchant et t; ès-
pathétîqpie : l'ardeur de son zèle lui prêta ce jour-
là de nouvelles forces; toute cette nombreuse as-
semblée fondit en larmes; et les dames, baignées
de pleurs, vinrent embrasser madame de Warens,
la féliciter, et rendre grâces à Dieu avec elle de la
victoire qu'il lui faisait remporter. Au reste, on a
cherché inutilement, parmi tous les papiers de
£eu M. de Bemex, le discours qull prononça en
cette occasion, et qui, au témoignage de tous ceux
qui l'entendirent, est un chef-d'œuvre d éloquence;
et il y a lieu de croire que, quelque beau qu'il
soit, il a été composé sur-le-champ et sans prépa^
ration.
Depuis ce jour-Iâ, M. de Bemex n appela plus
madame de Warens que sa fille, et elle l'appelait
son père. II a en effet toujours conservé pour elle
les bontés d'un père; et il ne £aiut pas s'étonner
qu'il regardât avec une sorte de complaisance
Touvrage de ses soins apostoliques, puisque cette
dame s'est toujours efforcée de suivre^ d^aussi près
gn*il loi a été possible, les saints exem{4es de Ce
5.
Hitrmmnrtm rwanririnfifrvin^iifinrii— * 'ir¥T^firifirwrinrinfiTr¥Mfit*"~*f*"'*^**^***
NOTES
M nfro^ATio* os L*ow«AOE D'BELyfnus, tiTRini:
DE L ESPRIT.
AVIS DE L'ÉDITEUR-
Rousseau, prêt k quitter l'Angleterre, et TOuhotM
défaire de ses livres , avait prié son hôte, M. Dafenport,
de lui trourer un acheteur, a Parmi ces libres, luiécn-
« vait>il en février 17657 , il j a le livre de tEprit, inV.
« première édition , qui est rare , et où j'ai fait qoelqvs
« notes aux marges; je voudrais bien que ce livre neloa-
W bât qu'entre des mains amies. » A cet égard son àhiti
ctc pleinement satisfait. H traita directement de ses lÎTTti
avec un Français nommé Dutent, établi depuis long^empi
& Londres, connu en France par quelques écrits, et ittc
lequel Rousseau a été quelcpie temps en correspondaiK^
Dutens nous apprend lui-même, dans une brochaient
il sera ci-après parlé, qu'il acheta tous ces livres, subos-
bre d'environ mille volumes , mojcnnant une rente v
dix livres sterling, et que ce fut cet «xemplaire de l ou-
vrage d'Helvétiusqui le détermina principalement à cdf
acquisition; mais Rousseau, dit-il, a ne consentit is^
« les vendre qu'à condition que, pendant sa vie, je ne p
M blierais point les notes que je pourrais trouver lar I ■
Cl livres qu'il me vendait, et qne, lut vivant, TexempU'^-
K du livre de fEspril ne sX>rtirait point de mes mains. *
(c II parait, dit encore Dutens, qu'il avait entrcpci)^
A réfuter cet ouvrage de M. Helvétins, mais qu'il st»'
<r abandonné cette idée dès qu'il l'avait vu persécuté^'
11^— ^«—^^^^—^— ■ ■ '*'
l*) Cette conjecture de Dutens est confit uirfc pir A«nf>^
ftlFUTATioîsr DU LIVRE bç l'esprit. ^y
«M. Helvétius, ajant appris que jeta» en possession
M de cet exemplaire , me fit proposer de le lui envoyer,
tf J'étais lié par ma promesse : je le représentai k M. Bel-
<t vétius; il approuva ma délicatesse, et se ré<luisit h me
fc prier de lui extraire quelques-unes des remarques qui
« portaient le plus coup contre ses principes , et de
c les lui communiquer ; ce que je fis. Il fut tellement
u alarmé du danger que courait un édifice qu'il avait
ce pris tant de plaisir à élever, qu'il me répondit sur4e«.
(« champ, afin d'effacer les impressions qu'il no doutait
u pas que ces notes n'eussent faites sur moa esprit. Il
cr m'annonçait une autre lettre par le courrier suivant,
u mais la mort l'enleva huit ou dix jours aprè». »
Après la mort de Rousseau , Dntens, dégagé de sa pro«
messe envers lui , sorgea à faire jouir le public des notes
dont il était possesseur; il en a fait l'objet d'une bro«
chure publiée h Paris sous le titre de Lettre à M, D. B,
( De Bure, alors libraire à Paris) , 1779» in-i a. Il j rap-
porte les passages du livre de tEsprit auxquels \cn notes
de Rousseau s'appliquent, puis transcrit immédiatement
celles-ci , en y joignant au besoin quelques éclaircisse-
mens. A la fin de la même brochure se trouvent les dcnx
lettre? d'flelvétiusàDtitens, dont il vient d'être parlé (*).
C'est cette brochure de Dutens que nous- allons repro-
d«iire ici presque tout entière, ce qui lui appartient en
propre dans ce petit ouvrage ne pouvant guère être sé-
paré des notes de Rousseau dont il facilite l'intelligence.
Quant k l'exemplaire qui contient celles-ci en original , il
est maintenant en la possession de M. De Bure.
lui-même, qui s*en explique formellement dans une note des
ItCttres de la "Montagne, Lettre première.
^*) La Lettre àM.D.B,,tx les deux lettres d'Helvétiat qui
y fiant suite , ont été réimprimées dans l'édition de Génère ,
tii'8^1 toms III du premier Supplément.
S8 RÉFirr^Tioty
Le grand but de M. Helvélius dans son ouvrage
est de i^éduirc toutes les facultés de rkpmme à une
existence purement matérielle. Il débute par avan-
cer, tom« I,disc. I ,chap.i, p. 190 (*)^ v que noui
•t avons en nous deux fiicultës, ou, s'il Tose dîrr ,
« deitx puissances passives; la sensibilité phv^l-
« que et la mémoire; et il définit la mémoire une
« sensation continuée, mala affaiblie. » A quoi
Rousseau répond : « Il me semble quîl iàudntit
« distinguer les impressions purement organiques
«et locales, des impressions qui afiecteni tout
« rindividu; les premières ne sont que de simples
« sensations; les autres sont des sentimens. » El
«un peu plus bas il ajoute : a Non pas, la mé-
« moire et la £iculté dç se rappeler la sensation,
tt maïs la sensation , mémo afl^blie; ne dure fb
« continuellement. »
te La mémoire, continue Helvétius, tom. l,
« dise. I , chap. i , p. îio3 , ne peut être qu'un dei
K organes de la sensibilité physique : le principe qui
cr sent en nous doit être uécessairemcnt Iç principe
« qui se ressouvient , puisque se ressouvenir^
« comme je vais le prouver^ n'est proprement que
« sentir, » «r Je ne sais pas encore, dit Rousseau.
« comme il va prouver cela, mais je sais bien que
- - — r- - ^ . I _ É
{*) Lf* reoToif 4e cet p*§ei et de ces rqliunee 9e npportcni
ft l'éditMo CD 1 4 volume» ia- 18, mjpmbt |p«r P. Dîdoi maà.
DU LIYRE DE L'ESPRIT. Sg
« sehûr Tobjet pr&cnt, et sentir l'objet absent^
ce 8(Hit deux opérations dont la différence mérite
« biien d'étfe examinée. »
a Lors(pie, par une suite de mes idées, ajoute
« l'auteur, tom. I^ dise, i , p. soS, ouparFébran-
tc leméut que certains sons causent dans l'organe
f( de mon oreille , je me rappelle Fimage d'un
(c éhéne; alors mes organes intérieurs doivent né-
a cessairement se trouver à peu près dans la même
«situation bii ils étaient à la vue de ce cbéne : or,
il cette situation des organes doit incontestable-
<c ment produire une sensation ; il est donc évi-
te déni que se ressouvenir , c est sentir. »
« Oui, dit Rousseau, vos organes intérieurs se
c( trouvent à la vérité dans la même situation où
tr ils étaient è la vue du chêne, mais par Vefiet
ce d'uûe opération très-différente. » Et quant à ce
fjue vous dites que cette situation doit produire
une sensation, ft Qu appelez-vous sensation?dit-il.
f4 Si une sensation 'est l'impression transmise par
« l'organe extérieur à Torgane intérieur, la situa-
<r tit>A de Torgane intérieur «a beau être supposée
<r b même, ceHe de Forgane extérieur manquant,
a ce défaut seul suffit pour distinguer le souvenir
a de !a sensation. D ailleurs, il n'est pas vtai qua
« la ftituation de Forgane intérieur soit la même
cr dans la mémoire et dans la sensation ; âutroménl
f^ 41 Gérait sliâpôs^bte de distinguer le souvenir de
te là Sensation d'^vecla sensation. Aussi l'auteur se
m aanv^-t^l pàrr tin *i i^Bt fuis y tnais une siluàtiofl
6o &£FirrATios(
« d'organes qui n^est qu'à peu près la même na
« doit pas produire exactement le même effets
« Il est donc évident, dit Helvétios, tom. I,
fc dise. I , chap. i , p. 207 , qnt ce ressouvenir c'est
« sentir. » « 11 y a cette diffîrence, répond 11005-
«( seau, que la mémoire produit une sensation
« semblable et non pas le sentiment, et cette
ce autre différence encore, que la cause n'est pai
« la même. »
L'auteur, tom. I, dise, i , chap. i , p. 207, ayant
posé son principe, se croil en droit de conchue
ainsi : u Je dis encore que c est dans la capacité
« que nous avons d'apeicevoir les ressemblances
fc ou les di^ences, les convenances on les (&
fc convenances qu'ont entre eux les objets 4i^)
ce que consistent toutes les opérations de Tespl
« Or, cette capacité n'est que la sensibilité phj-
« siquc même : tout se réduit donc à sentir. 1
« Voici qui est plaisant! s^écrie son adversaire,
« après avoir légèrement affirmé qu apercevoir et
« comparer sont la même chose, fauteur conchl
« en grand appareil que juger c'est sentir. La cod-
« clusion me parait claire ^ mais c'est de rantécé*
« dent qu'il s agit. » ,
L'auteur répète sa conclusion d'une antre ma-
nière, tom. I, dise. I, chap. i, p. 20g ^ et dît : «I^
« conclusion de ce que je viens de dire, c'est ({tf
« si tous les mots des diverses langues nedésigoo^
« jamais que des objets , ou les rapports de ces ol^*
t jets avec nous et entre eux , toi^t l'espnt p^
ru LiVRE DB fESPKlT. 6l
•r consécpient consiste à comparer et nos sensa*
« tions et nos idées, c est-à-dirc, à voir les ressem«*
« fcbaces et iesdi^r^nces, les convenances et les
«( disconvenances quelles ont entre elles. Or^
« comme le jugement n'est que ce^e aperoeyance
« elle-même, ou du moiujf' que le prononcé de
« cette apercevance, il s'ensuit que toutes les opé*
if rations de l'esprit se réduisent à juger. » Rous*
seau oppose à cette conclusion une distinction lu*
mineuse : Apercevoir ies objets, dit-il, c'est
&ËmiR, apercevoir les rapports, c'est juger (*),
« La question renfermée dans ces bornes , coi><
« tinue lauteur de VEsprh, tom. I , dise, i , ch. i*,
« p. 21 o, j^examinerai maintenant si juger n'est
« pas sentir. Quand je juge de la grandeur ou de
« la couleur des objets qu'on me présente, il est
« évident que le fugemént porté sur les difierentes
« impressions que ces objets ont Êiites sur mes
(*) Ontens notu apprend que cette objection fut celle qui
alarma le plus Helvétius, lonqu'il la lui commtmiqua , et c'est
Il wtie occasion cpi'il *>t crut obligé de publier la lettre que lui
écrivit HeUétios à œ sujet, leUre par laquelle «iioii-seulffDaïf «
« dit-il I Htlvëtius n^ btoiBÎt poîjit de l'esprit les dfmtes que
et Rousseau y introduit, mais dont il appréhende lui-même te
« peu d'effet, puisqu'il en annonce une autre sur le même sujct^
« ^a^û edt écrite sans doute sH eue yécu. » CeUc lettre dUelTé*
csas, rébiiirim^, comme il a'ëlrf dit phis haot, dans l'édîlîoii
kle Geoèvr, est eu effet aussi ftûbic de raisonnemeot que de sfcytej
et quoiqu'il eût pu paraître intéressant de voir aux prises Tatt-
à'Èmilt et Celui âeTÉsprit^ elle nous a pa» paru mvriMf
6s K&rUTATidN
« 9ens n'est propreeieat qu'une sensation; que ^
« piùs dire également , Je juge ou je sens qne^ de
« deux oUetSy Tun, que fdpj^lk toise, &it sur
« moi ulie isafiression différente de<;elui que jap-
« peUe piW; que la couleur que je nomme rouge
ff agit sur mes yeux diffîremment de celle que je
« nomme garnie; et j'en conclus qu'ea pareil cas
« \iujer n^est jaraab que sentir. » a II y a ici oo
« ^oplnsme Itès-subtil et très*importanl à bieo it-
« marquer, reprend Rousaeau : autre chose est
M sentir une diffmrnce entre -une toise et un fkà,
jt et autre chose mesurer cette diffîreace. Dans la
V pi^mîèrc opération Tesprit est purement passif,
MX mais dans 1 autre il est actif. Celui qui a j^usdo
fc justesse dans Tesprii peur transporter par ta
ta pensée le {ned sur la toise, et voir combien de
4< ibis il y est contenu , est celui qui en ce pomt a
-4v respril le phis juste et juge le mieux, m Et quant
« à la conclusion j a quen pareil cas juger n'est
« jamais que sentir » , Rousseau soutient que ,
*A c est autre cliose, parce que la comparaison du
\w jaune et du rouge n'est pas la ^nsation du jaune
*«iii cdile du rouge. »
L^litefur Se fait ensuite celte objection , tome I,
disCit j f cliap. I , p. 'III : c< Mais^ dira-t-on, sup-
n posons qu'on veuille sarvoir si la Ibrce mt préfé-
'« MiUe^i la grandeut Ai-oorps^ pcut^on a2»onr
«f qti*bters jugisf soilsî mit?Otti. répmidtaî-jc; car,
« pour porter un jugement sur ce ^ujcl, ma tné
K uioircdoitinetriicorsuccessivemcntles t-'^HftaOT
DU LTTRB DE L^CSPRlt. 63
«K cbes situaiions diflëreutes où je puis me trouTeo
ff le plus communément dans le coûts de ma yic. n
cr Comment! réplique à cela Rousseau; la compa-
« raison successive de milleidées est aussi un sen^
« timent! Une faut pas disputer des mots, mais
« fauteur se fiiit U un étrange dictionnaire* »
Enfin Helrétlus finît ainsi, tom. I, dise, i-,
chap. t, p. a 17 : « Mais, dira-t^on, comment jus-
« qu à ce jour a-t-on supposé en nous une faculté
a de juger distincte de la faculté de sentir? L'oa
cr ne doit cette supposition, répondrais- je, qu'à
fc l'impossibilité où I on s est cru jusqu'à préseni
f( d'expliquer d'aucune autre manière certaines
« erreurs de l'esprit. » « Point dli tout, reprend
ff Rousseau. Cest qu'il est trës«^mple de suppo-
«r ser que deux opérations d'espècos diflférentes se
ce font par deux différentes acuités. »
A la fin du premier discours, tom. I^ dise, i ,
eh. 4, p- 28f. ML Helrétius, revenant à sou grand
principe, dit : «Rien ne m'empêche maintenanl
« d'avancer que juger ^ comme je l'ai déjà prouvé,
«c n'est propremenlqneitfit(£r.^«VousQ'c'^ye7ri^o
« prouvésiircepoint,répondRousseau,$inonquo
« vous, ajoutez au sens du mot sentir le sens que
flc nousdonnonsaumotJUGBaivousréunissezsQUS
« un mot commun deux facultés essentidlement
« d^rentes. » Et sur ce que Helvétius dit encore,
lom. I , dise. I , chap. 4, p. 28 que « Pesprit peut
« être considéré comme la faculté productrice de
« nos pensées, et ixest^ en ce sens, que seusibilit^
64 htèfita tcx
« et mémoire », Ronsscsii >.iti tx note : Seitsibi«
UTÉ ) Mémoire , Jugement (* ).
Dans son second^iscours, ^11 î li Ivètîus avance,
tom. n, dise, n, cHap. 4? P- ^^-^ « qnc nous ne
ce concevons que des idées analogues aux nAtres,
<t que nous n'avons A' estime sentie que pour celle
cr espère d^idécs ; et de lA cette haute opinion qne
it chacun est, pour ainsi dire, forcé d'avoir de
t€ soi-même, et qull appelle la nécessité où nous
fr sommes de nous estimer préférablemcut anx
cr autres. Mais , ajoute-t-il , tom. 11 , dise, n ,
« chap. 4 7 p. 57, on me dira que Ton voit quel-
k ques gens reconnatlre dans les autres p!ns des-
flt prit qu en eux. Oui,Tépondrai-je, on voit'deshooi-
«r mes en faire l'aveu; et cetaveu est d une belle Ame.
r Cependant ils n'ont, pour celui quiis avouent
(c leur supérieur, quune estime sur parole : ils ne
c( font que donner à Popinion publique la préfé^
« rence sur la leur, et convenir que ces personnes
«sont plus estimées, sans être intérieurement
cr convaincus qu'elles soient plus estimables. »
« Cela n*eBt pas vrai, reprend brusquemeat Rons-
« seau. J'ai long- temps médité sur un sujet , et f en
ft ai tiré quelques viies avec toute ^attention que
{*) Les notes qu'on vient de lire ont toutes pour objet àt
«ombattre la proposition principale qui sert de htam k l'onrf»^
à*Heïwéiu>â, et Dutens observe avec raison que cet ouvrage
D'étant composé que de chapitres sans liaison, d'idées dikoo-
auei , de petits contes , et de bons mots^ les notes qui suivent ue
•qui anasi que des sorttea «iv des acnttmens paiiirBUera.
DtJ LIVRE DE t*ESParr. 65
f< j^étais capable cTy mettre. Je communkpie ce
tv même sujet à un autre homme; et, durant notre
«c entretien, je vois sortir du cerveau de cet homme
R des foules d'idées neuves et de grandes vues sur
a ce même sujet qui m en avait fourni si peu. Je
R ne suis pas assez stupide pour ne pas sentir
« l'avantage de ses vues et de ses idées sur les mien*
<c nés : je suis donc forcé de sentir intérieurement
ft que cet homme a plus d esprit que moi, et de lui
n accorder dans mon cœur une estime sentie^
ce supérieure à celle que j'ai pour moi. Tel fiit le
V jugement que Philippe second porta de Tesprit
c< d'Alonzo Ferez 9 et qui fit que celui-ci s'estima
ce perdu. »
Helvéiius vent appuyer son sentiment d'un
exemple, et dit, tom. II, dise, n, ch. 4 9 p* ^7,^
1.0 te : « En poésie, Fontenelle serait sans peine
ce convenu de la supériorité du génie de Corneille
c< sur le sien , mais il ne l'aurait pas sentie. Je sup-
€< pose, pour s en convaincre, qu'on eût prié ce
a même Fontenelle de donner, en fait de poésie ^
<c l'idée qu il s'était formée de la perfection ; il est
ce certain qu'il n'aurait en ce genre proposé d au*
ce très règles fines que celles qu'il avait lui-même
(K aussi-bien observées que Corneille. » Mais Rous-
seau objecte à cela : ce II ne s^agit pas de règles; il
cr s'agit du génie qui trouve les grandes images et
<v les grands sentimens. Fontenelle aurait pà^se
fc croire meilleur juge de tout cela que Corneille,
m fliaia non pa^ aussi bon inventeur : il était iail
6.
66 RÉfXTÀTlOV
« pour sentir le gckiie de Corneille , et non pour
fc régaler. Si Tauteur ne croit pas qu*iiD homme
u puisse sentir la supcrioritë d'un autre dans son
« propre genre , assurément il se trompe beau-
« coup : moi-même je sens la sienne, quoique je
a ne sois pas de son se^iûment. Je sens qu'il se
<r trompe en homme qui a plus d esprit que moi :
« il a plus de vues et plus lumineuses, mais ks
« miennes sont plus saines, Fénélon remportait
a sur moi k tous égards : cela est certain, i» A ce
sujet Helvétius ayant laissé échapper TexpressioQ
du poids importun de V estime , Rousseau le re-
lève en s'écriant : <c Le poids importun de Tes-
ff time! Eh dieu! rien nest si doux que Testime,
« même pour ceux qu on croit supérieurs à soi »
tt Ce n'est peut-être qu'en vivant loin des so-
« ciétés,)) dit Helvétius, tom. II, dise, ii, chap. 6^
p. yj^ «qu'on peut se défendre des illusions qui
« les séduisent. Il est du moins certain que, dam
a ces mômes sociétés, on ne peut conserver une
« vertu toujours forte et pure sans avoir hafai-
« tuellemcnt présent à l'esprit le principe de fnti-
<c lité publique; sans avoir une coonaissajuce pro-
« fonde des véritables intérêts de oe public , et,
« par conséqiu^nt, de la morale ci de la poUti|ue. •
fc A ce compte, répond Rousseau, il n'y a de vé*
«,ritable probité que chez les philosophes. Ma fiû|
« ils font bien de sen faire complimeiU les uns
c aux autres, n
Consé^jnemment au principe gue Tenait dV
DU LIVKS DB L^ESPRIT. 6;;
vanœr rauteur , il dit , tom. II , dise, n, cb« 6|
p. 78, note, ce que Fontenelie définissait la meo:*
K songe, taire une vérité oq'oii doit. Up/bommo
a sort du lit d^une femme , 3 en rencontre le mari :
ce D'où venez-vous 7 lui dit celui-ci. Que Ini ré-
€€ pondre? Loi doit^on alors la vérité ? Non y dil
ce Fontenelie^ parce qu*alors la vérité n'e^t utile i
€€ personne. » fx Plaisant ezemple I s écrie Rous-
a seau : comme si celui qui ne se £iit pas un sera-
«r pule de coucher avec la femme d'autrui s'en
cr faisait un de dire on mensonge 1 U se peut qu'u9
c( adultère soit obligé de mentir, mais lliomme de
ce bien ne veut être ni menteur ni adultère (^).
Lors(}uildit,tom. Ilydisc.ii^chap. ia,p« 168,
a Qu un poète dramatique ùs^ une bonne tragé-
a die sur un plan déjà connu , c'est , dit-on , un
ce plagiaire méprisable; mais qu un général se serve
a dans une campagne de Tordre de bataille et des
ce stratagèmes d'un autra général , il n en parait
<c souvent que plus estimable n : l'autre le relève
C31 disant; « Vraiment, je le crois bien!, le premier
-.T-
C*) Hcirélius a dit : ce Tout derlent légîume, «t mèigt T«r«
«c tueuz , pour le salut public. » Rousseau a mis en note, à cdté :
Lit êobtt puhiic n^est rien , ti tout le$ jHirticuliers ne $ont en
^reté, -— Cette note ée lUiiuaeatt ne iâîi point parité ^e eellea
q|ue Dvteot a pnbliéee; noifa Ifi devons à 1 éditeur de i8o)i fipiï
l'a irçnYét ttm» dimle ^jwb l'exemplaire que ^ua aV9M d$t plfit
}}attt être encore en la posaession^ Af. De Bure. Dutens a pu .la
ftager digne de peu d'aitention , et l'omettre comme Mt d^ia té
farodiaM j mais Jrn évdnemept aurreniif depuis donnent i œttt
ajtcupyiaiiliiiliiiMblf etijMiiaciKotipartoMsktlaoi^Mfc
66 RÉrUTATIOW
« se donne pour Fauteur d'une pièce nouvelle, le
ic second ne se donne pour rien; son objet est de
« battre rennemi. S'il faisait un livre sur les la-
ce tailles, on ne lui pardonnerait pas plus le plagiat
ce qu^à l'auteur dramatique.» Rousseau n'est pas
plus indulgent envers M. Helvétius lorsque celui-
ci altère les faits pour autoriser ses principes. Par
exemple, lorsque, voulantprouverque, « danstoos
c< les siècles et dans tous les pays, la probité n'est
tt que 1 habitude des actions utiles à sa nation , il
((sJlègue^ tom. II, dise ii, chap. i3, p. 190,
« Texemple des Lacédémoniens qui permettaient
« le volj et conclut ensuite , tome II , dise, n,
« chap. i3, p. 193, que le vol, nuisible à tout
« peuple riche, mais utile à Sparte , y devait être
« honoré >? j Rousseau remarque que le vol nétaù
permis quaux en fans, et qu'il n'est dit nulle j^art
que les hommes volassent y ce qui est vrai. Et scr
le même sujet Fauteur dans une note, a jant dit
« qvCnn jeune Lacédémonien, plutôt que d'ai*ori^r
ce son larcin, se laissa, sans crier, dévorer le venti^î
« par un jeune renard qu il avait volé et caclv
p. sous sa robe » ; r.on critique le reprend aîibi
c^ avec raison : ce II n est dit nulle part que FenÈst
ce fiit questionné : il ne s agissait que de ne pas
« déceler son vol ^ et non de le nier. Mais lauteur
« est bien aise de mettre adroitement le menson^
ce an nombre des vertus lacédémoniennes. st.
M. Helvétius , tome H , dise, u , ckap. iS,
p.^3y ùisànt lapologie du luxe , porte Teqih^
DU livue de l'esprit. 69
du paradoxe jusqu^à dire que les femmes galantes,
dans un sens politique, sont plus utiles à Tétat
que les femmes sages. Mais Rousseau répond :
et L'une soulage ces gens qui souffrent;, l'autre fa-
<r vorise des gens qui veulent s'enrichir : en exci-
te tant Findustrie des artisans du luxe , elle ert
K augmente le nombre ; en faisant la fortune de
cr deux ou trois, elle en excite vingt à prendre un
ce ét\{ où \h resteront misérables ; elle raulliplîe
ff les sujets dans les professions inutiles , et les
ir fiMl ni:in'[ucr dans les professions né ressnircr.. »
Drus une autre occasion, tom. III, dise, ii,
cil. 5, p. 1^6, note, M. Hclvétius, remarquant
que « l'envie permet à chacun d'être le panégy-
ce riste^dè sa probité , et non de son esprit » ,
Rousseau, loin d'être de son avis, dit : « Ce n'est
ce point cela', mais c'est qu'en premier lieu la pro*
« bile est indispensable, et non lesprit, et qu en
« second lieu il dépend de nous d'être honnêtes
<r gens, et non pas gens d'esprit. »
Enfin , dans le premier chapitre du troisième
discours , tom. IH, p. i(>3, fauteur entre dans la
question de l'éducation et de l'égalité naturelle des
esprits. Voici le sentiment de Rousseau là-dessus,
exprimé dans une de ses notes : ce Le principe
<c duquel l'auteur déduit, dans les chapitres sui-
<f vans , f égalité naturelle des esprits , et qu'il a
ce tâché d'établir au commencement de cet ou-
a vrage, est que les jugemens humains sont pure*
n, ment paâ8i&< Ce principe a .été établi et discuté
^ RËk^iATION DU LIVEB DE LBSntlT.
«E avec beaucoup de pbilosopliie et de profondeur
« dasis [Encjclopédie, article Eyu)£nce. J'ignore
c( quel est lauteur de cet article; oiaU c'est certai-
ce neiueut un très>graad métaphysicien, je soop-
f< çonne labbé de CondiUac ou M. de Bufi^o.
tt Quoi qu'il en soit, j'ai tâché do conubaUre ce
K principe et d établir lactivité de nos jogemeos
ff dans les notes , que j ai écrites au comBleDc^
t< ment de ce livre , et surtout dans ia prefflièn
fc partie de la Protession de foi do yicaire saToyard.
« Si j'ai raison, et que le fn-indpe de M. Ilehétios
ce et de lauteur susdit soit faux , les raisoooemens
f< des chapitres Sûivans , qui n'en sont qœ dn
ce conséquences , tunbcnt , et il n^est pas yrai q«
c( Tinégaiité des eiprits soit Feffet de Li seule «dor
K c*ation , qu'elle j puisse influer beaucoup. »
tmMmnMimnnmivttuMwwlymm
LE PERSIFLEUR (*).
qu'on ma appris que les écTÎTains qui s'é*
taieut chargés cl examiner les ouvrages nouveaux
acvaient , par divers aocidens j successîvegieD t résl«
gaë karsempims ^ je me suis mis en teteque je pour*
mis fort Inen ies.remplacer; et, comme je n'ai pas
bi mauvaise vamté de vouloir être modeste aveo
le public, jiavoue franchement que fe nveu suift
trouvé très'Kapahle; je soutiens même qu'on »a
doit jamais parler autrement de soi , que quand ou
est lûen sâr de nV^n pas être la dupe. Si j'étais un
auteur connu, j!aifecterais peut-être de débiter des
contre-vérités à mon désavantage, potu* tâcher, à
leur faveur^ d^amener adroitement dans la même
eiasse les défauts que je serais contraint davxmer :
mais actuellement le stratagème serait trop dau«
gereiix.; le lecteur, pr provision , me jou^rai-t in-
iasmUement le tour de tout prendre au pied de la
Icttce : .or, je le demande k mes chers ccmfinèreiiy
e^-^oe )à le compte d'«n auteur qui parle mal. do
'i '
f* ■ * ■ I ■ ■ < II— — — ^*»**— — *— ^MW»— ■■a^w^^i— ^»4i
r*) BbOBsetB, cintt m» Con^iom, Livre VU, iiouf ap»
7ppea4 que et vuuùwa 4eTaift éts^M ftaù^t fiiniUa d'i» éeril
périoâîgne projeté pour être fait ahenjativeraeDt «nue Dîdfro^
et Jui «Des évéïzeinens hnprevDe, dit-iL, Doqs bau^rent, n 1^
« projet iitt àemttbaà U. »
7? UB PERSIFLEUR.
Je sens bien qu^il ne suffit pas tont-à-fait que je
sois convaincu de ma grande capacité, et quHI se-
rait assez nécessaire que le public fût de moitié
dans cette conviction : mais il m est ais^i de mon-
trer que cette réflexion, même prise comme il &m,
tourne presque toute k mon profit. Car remarquez,
je vous prie , que , si le public n'a point de preores
que je sois pourvu des talcns convenables pour
réussir dans iouvrage que j^entreprends, od ne
peut pas dire non plus qu'il en ait du oontraire.
Voilà donc déjà pour moi an avantage couadëiaUe
sur la plupart de mes concurrens; j'ai réellemeot
vis-à-vis d eux une avance relative de toat lecki-
min qu'ils ont fait en arrière.
Je pais ainsi d'un préjugé favorable, et }• b
confirme par les raisons suivantes, très-capables,
à moti avis^j de dissiper pour jamais tôate espèu
de doute désavantageux sur mon compte.
i^ On a publié depuis un grand nombre d'ai^
néeà, une infinité de journaux, feniUe et auHe»
ouvrages périodiques, en tous pays et en lonfte
langue, çt j'ai irpporté la plus scnipaleiise allco-
tion à ne jamais rien lire de tout cda. D où jecett-
dus que , n'ayant point la tète fercie de^ce jai^goe,
je suis en état d en tirer des productions meillevRS
beaucoup en elles-mêmes, quoique peut-être es
moindre quantité. Cette raison est bonne pour k
public ; mais j'ai été ceintraint de la retoomcr
ipo:i libraire, en lui disant que k jugemcnf
P^dre plus de choses à mesiire que la n^éiiioîii
LB FBaifllFLEVR.' y^
en est moins chargée, et qq'ainsi les fnatdnaux
ne nous manqueraient pas.
a^ Je n^ai pas non plus trouvé à propos , et k
peu près par la même raison , de perdre beaucoup
de temps à Tétude des sciences ni A celle des aur
teurs anciens. La physique systématique est de-
puis long-temps reléguée dans le pys des romans;
la physique expérimontale ne me parait plus que
Fartdarranger agréablement de jolis brimborions;
et la géométrie, celai de sepasserdq raisonnement
â Faide de quelques formules.
Quant aux anciens j il m'a semblé que y dans les
jugemens que j aurais à porter, ta probité ne you->
lait pas que je donnasse le change à mes lecteurs,
ainsi que disaient jadis nos sayans^en substituant
£:auduleusement, à mon avis qu ils attendraient,
celui d'Âristote ou de Ciccron dont ils n'ont que
faire : grâce à l'esprit de nos modernes , il y ^
long- temps que ce scandale a cessé, et je me gar.-.
clorai bien d en ramener la pénible mode. Je me
suis seulement appliqué à la lecture des diction^
naires; et j^y ai fait un tel pro^t, qu'en moins dç
trois mois je me suis vu en état de décider de tout
avec autant d'assurance et d autorité que si j'uvaîî;
eu doux ans d'éiiide., J ai de plus acquis un petit
recueil de passages latins tirés de divers poëte^, où
je trouverai de quoi broder et enjoliver mes feuil-
Jes, en les ménageant avec économie afin qu'ils
durent longtemps. Je sais combien les vers latins,
cités àpropos, donaentde rejief Jun philoçophq;
éiy parla ïnfiiiie raisob , je me suis fourni de ({nt-
tité d'axiomes et de sentences piûlosophiquespoiir
orner ihés disserta tiûtis, quand il sera question ds
^ésîe. Car je n^ignoré pas que c'est un devoir in-
dispensable^ peur quiconque aspire à larépota-
tion d'àufeuf célèln^, de parler pertinemment de
toutes lès sciences, hors celle dont il se mêle.
D'arileurs, je ne sens point du tout la néceasité
d'être fort savant pour juger les ouvrages qu'oo
nous donne aujourd'hui. Ne dirait -oU pas qull
faut avoir lu le père Pétan, Montfitucon, etc., et
être "profond dans les mathématiques, etc. , pour .
juger Tonzaï , Grigri Angola , Misaponf , et autres
suUimes productions de ce siècle?
Ma dernière raison, et, dans le fond la seuk
dont j avais besoin , est tirée de mon objet même.
Le but que je me propose dans le travail médité
est do fîHre Faniilyse des ouvrages nouveaux qm
paraîtront , d'y joindre mon sen timent , et de ooim-
hiuniqiiér lun et l'autre au public; or , dans tout
2:cla j je ne vois pas la moindre nécessité d'é^e sa-
vant. Juger Sainement et impartialet^ent , lûen
écrire , savoir sa langue ; ce sont là, ce me s^nUe^
toutes les connaissances nécessaires en pareil cas :
mais ces connaissances, qiii est-ce qui se vantée
les posséder mieux que moi et à un plus hamâ.
degré? A la vérité je ne saurais pas bieo^émoatm-
que cela soit réellemé&t tdut-à^&it comne )e le
'dis, mais c'est justement à cause de cela que je le
uih)i9 encore pltis'foxt : ^on ne pâut trop sôitu-
même oe quon ^eqt -pemaaàae aux autres. Sôraia-
yi dtM3c le premier qui , à foroe.de se croire ua fort
hiihûe homme , Taurait aussi fait croire au puhUc?
et si je parvins à lui donner de moi une semblable
opimon^ qu'olie soit bien ou mal fondée, n'est-œ
pas, pour ce qui me regarde, à peu près la même
chose dans le cas dont il s'agit?
On ne peut donc nier que je ne sois très-fimdé
â m ériger en Âristarquc, on juge souvoirain des
ouvrages nouveaux, louant, blâmant, critiquante
ma £intaisie, sans que pers<mne soit en droit de
me taxer de témérité ^ sauf à tous et un chacun de
âe prévaloir contre moi du droit de représailles,
que je leur accorde de très^grand cûeur, désirant
seulement qu il leur prenne en gré.de dire du mal
de moi de la mdme manière et dans le même sens
que je m avise d'en dire du bien.
C est par ui^e suite de ce principe d'équité quc^
n'étant point connu de ceux qui pourraient deye^
nir mes adversaires, je déclare que toute critique
<fu observation personnelle siorapourtoujours ban-
nie de mon journal. Ce ne sont que des livres que
je vais examiner; le mot d'auteur ne sera pour
moi que l'esprit du livre même, il ne s'étendra
point au-delà; et j avertis positivement que je ne
m'en servirai jamais dans un autre seuf : de sorte
que si, dans mes jour&de mauvaise humeur, il
m'arrive quelquefois de dire : Voilà un sot, un im-
pertinent écrivain, c'est l'ouvrage seul qui scr|i
taxé d'impcrtineoce et de sottise , et je a entende
^ LB PERSIFLEUR.
Dullement que l'auteur en soit moins au génie du
premier ordre , et peut-être même un digne acadé-,
micien. Que sais-jé, par exemple, si Pon ne s'avi-
sera point de régaler mes feuilles des épithètes
clobt je viens de parler? or, on voit bien d*abord
Tjue je ne cesserai pas pour cela d^être un homme
de beaucoup de mérite.
Comoie tout ce que j'ai dit jusqu'à présent
paraiti'âit un peu vague ^ si je n ajoutais rien pour
t^xposer plus nettement mon projet et la manière
dont je me propose de l'exécuter, je vais Revenir
. mon lecteur sur certaines particularités de mon
caractère, qui le mettront au &it de ce qu'il peut
s'attendre à trouver dans mes écrits.
Quand Boileau a dit de l'homme en géné?ul
qu'il changeait du blanc au noir, il a croqué mon
portrait eu dçux mots, en qualité d'individu. Il
Peut rendu plus précis, s'il y eût ajouté toutes ks
autres couleurs avec les nuances intermédiaires.
Rien n'est si dissemblable à. moi que moi-même;
c'est pourquoi il serait inutile de tenter de me dé-
finir autrement que par cette variété singulière;
«lie est teUe dans mon espri t,, qu'elle influe de temps
à autre jusque sur mes sentiment Quelquefob je
suis un dur et féroce misanthrope; en dTaatres
momens, j entre en extase au milieu des charmes
de la société et des délices de l'amour. Tant6| ft
suis austère et dévot , et, pour le bien de mon ime^
|e £ùs tous mes efforts pour rendre durables
saintes dispositions : mais je deviens bientôt
LE PBRSIFLEim. jj
fianc libertin; et, comme je mWcupe alors beau-
coup plus de mes sens que de md raison , je m'abs*
tiens constamment d'écrire dans ces momens-lL
C est sur quoi il est bon que mes lecteurs soient
saflisamment prévenus; de peur qu'ils ne s'atten-
dent à trouver dans mes feuilles des choses que
certainement ils n'y verront jamais. En un mot
on Protée, un caméléon, une femme, sont des
êtres moins changeans que moi : ce qui doit dès
Tabord ôter aux curieux toute espérance de me
reconnaître quelque jour à mon caractère; car ils
me trouveront toujours sous quelque forme parti-
culière , qui ne sera la mienne que pendant ce mo-
ment-là. £t ils ne peuvent pas même espérer de
me reconnaître à ces changemen<:; car, comme 11$
n'ont point de période fixe, ils se feront quelque-
fois d'un instant à lautre, et, d^autres fois, je de-
meurerai des mois entiers dans le même état. C'est
cette irrégularité même qui fait le fond de ma
constitution. Bien plus, le retour des mômes ob-
jets renouvelle ordinairement en moi des disposi-
tions semblables à celles ou je me suis trouvé la
première fois que je les ai vus; c^est pourquoi je
suis assez constamment de la même humeur avec
les mêmes personnes. De sorte qu^à entendre sépa-
rément tous ceux qui me connaissent, rien ne
paraîtrait moins varié que mon caractère : mais*
allez aux derniers éclaircissemcns, l'un vous dira
^e je suis badin; Fautre, grave; celui-ci me pren-
dra pour un ignorant ^ Uautre'pour un homme £brt
jS tE raiNn.Bim«
docte ; m un mol , autant de titcs autant d'avis. Je
me trouve ai bizarrement disposé à cet égard ,
qn^étant un jour abordé par deux personnes k la
fois, avec Fune desquelles j avais accoutumé délre
^i jusquà. la folie, et plus ténébreux qu'Heraclite
avec l'autre 7 je me sentis si puissamment agité^
que je fus contraint de les quitter brusquement,
de peur que le contraste des passions opposées ne
me fit tomber en syncope.
Avec tout cela> à force de m examiner, je nai
pas laissé que de démêler en moi certaines disp^
sitious dommautes et certains retours presqne pé-
riodiques qui seraient difficUes à remarquer à tout
autre qu*i Tobservatenrie plus attentif, en on mot
qu'à moi-même : c est à peu près ainsi que toutes
les vicis»itydes et les irr^ularités de Tair n'empè-
dktni pas que les marins et les habitans de la catn*
pagne n'y aient remarqué quelques circonstances
annuelles et quelques phénomènes^ qu^ils ont ré-
duits ea règle pour pi^ire à peu près le temps
qu il fera daiis certaines sabons. Je suis sujet, par
exemple y à deux dispositions principales, <pii
changent asse? coiiî^lammcnt de huit en huit
jours, et que j appelle tncs âmes hebdo:nadatres :
par lunô , je n^, trouve sagement fou ; par Tautrc,
follement sage; mais de telle manière pourtant
que, la folie remportant sur la sagesse dans l'un
et dans l'auti^ cas, elle a surtout manifestement
le dessus dans la semaine où jd m appelle sage;
<sr alors le fond de toutes les oalièros que f
LE PCMIfXEim, ^
tnite^ opiel^e raisonnable qu'il puisse être en
loi, se trouve^ presque entièrement absorbe par
les futBitéa et les extravagances août j ai toujours
soin de rha])illcr. Ponr mou àme folle, ci le est
bien pimsi sage que cela; car, bien qu'elle tire ton*
jours de son propre fonds le texte sur lequel elle
argumente, elle met t^nt dWt, tant d'ordre, et
tant de force dans ses raisonnemcns et dans ses
preuves, qu*uae folie ainsi déguisée ne diffère
preque en rien de la sagesse. Sur ces idées , que je
garantis justes, ou k peu près, je trouve un petit
problème h proposer à mes lecteurs, et je les prie
de vouloir bien décider laquelle c'est de mes deux
Ames qui a dicté cette fouille.
Qu'on ne s attende doue point è ne voir ici qu^
de sages et graves dissertations : on v en verra
sans doute; et où serait la variété? Mais je ne ga-
rantis point du tout qu au 'milieu de la plus pro-
fonde métaphysique il ne me prenne tout d'un
coup une saillie extravagante , et qu emboîtant
mon lecteur dans llcosaëdre de Bei^erac , je ne
le transporte tout dm coup dans la lune, tout
comme, à propos de rArioste et de l'Hippocriffe,
|e pourrais fort bien lui citer Platon , Locàe ou
Malebrauche.
Au reste y>toutes matières seront de ma compor
tence : j'étends ma juridiction indistinctement sur
tout ce qui sortira de la presse ; je m'arrogeriii
mfinie , quand le cas j écherra, le droit de révision
fiir les jugemetts de mes couirères ; et , mm non-
8o LE PERSIFLEUR.
lent de me soumettre toutes les impiimmes da
France, je me propose aussi de faire, de temps en
temps, de bonnes excursions hors du royamne, et
de me rendre tributaires dltalie, la Hollande, et
môme FAngleterre, chacune à son tour, promet-
tant, foi de voyageur, la véracité la plus eiacte
dans les actes qiie j^en rapporterai.
Quoique le lecteur se soucie sans doute àssti
peu des détails que je lui fais ici de moi et de moa
caractère, j'ai résçlu de ne pas lui en &ire grâo;
d'une seule ligne ; c^est autant pour son profit qne
pour ma commodité que j'en agis ainsi. Après
avoir commencé par me persifler moi-même,
j aurai tout le temps dé persifler les autres ; j'oo-
vrirai les yeux , jécrirai ce que je vois , et Fod
trouvera que je me serai assez bien acquitté de
ma tâche.
Il me reste à faire excuse d'avance aax autenn
que je pourrais maltraiter k tort, et au public.de
tous les éloges injustes que je pourrais donner aui
ouvrages qu on lui présente ; ce ne sera jamab
volontairement que je commettrai de pareilles
erreurs. Je sais que Hmpartialité dans un îoum.^*
liste ne sert qu'à lui faire des ennemis de tdtis les
auteurs, pour n'avoir pas dit, au gré de chacun
d'eux , assez^dé bien de lui , ni assez de mal de se?
confirèrcs^ ccst pour cela que je veux tou)oiin
rester inconnu. Ma grande folie est de Touloir ix
consulter que la raison et de ne dire que la vériie.
dfi sorte que, suivant l'étendue de mes lomière»
LE PERSIFLEUR. 8l
et la disposition de mon esprit , on pourra trouver
en moi, tantôt un critique plaisant et badin, tan-<
tôt un ceaseur sévère et bouiru, non pas un sati-
rique amer ni un puéril adulateur. Les jugemens
peuvent être faux^ mais le juge ne sera jamais
inique.
Là REINE FANTASQUE.
CONTE.
tm
Il y avait autrefois nn roi qui aimait son peu-
ple.... Cela commence comme un conte de fée ,
interrompit le druide. C en est un aussi y répondit
Jalamir. II y avait donc un roi qui aimait son peu-
ple, et qui, par conséquent, en était adoré. Il
avait fait tous ses efforts pour trouver des mi-
nistres aussi bien inlealî^Bnés que lui ; mais ,
ayant enfin reconnu la folie d*nne pareille recher-
che , il avait pris le pard de faire par lui-même
toutes les choses qu^il pouvait dcrolier à leur mal-
faisante activité. Comme il était fort entête du
bizarre projet de rendre ses sujets heureux , il
agissait en conséquence; et une conduite si sinpi-
iière lui donnait parmi les grands un ridicule
ineffaçable. Le peuple le bénissait; mais, à la
cour, il passait pour un fou. Â cela près, il ne
manquait pas démérite : aussi s\appelait-il Phénix,
Si ce prince était extraordinaire, il avait une
femme qui l'était moins. Vive , étourdie, capri-
cieuse, folle par la tétc, sage par le cœur, honne
par tempérament, méchante par caprice; voifâ,
en quatre mots, le portrait de la reine. Fauttisque
était son nom ; nom célèbre qu^ellc avait reçu de
L4 REmE FAtrrASQlTE. 83
ses ancfitres en ligne féminine, et dont elle soute-
naît dignement 1 honneur. Cette personne si illus-
tt*e et si raisonnable était le charme et le supplice
de son cher ëpoux ; car elle Taimait aussi fort sinr
cèrement, peut-être â cause de la facilité quelle
avait & le tourmenter. Malgré ramour réciproque
qui régnait entre cux^ ils passèrent plusieurs an-
nées sans pouvoir obtenir aucun fruit de leur
union. Le roi en éi^ut péuéU^ de chagrin, et la
reine s'en mellak dans des impatiences dont ce
bon .prince ne se ressentait pas tout seul : elle s'en
prenait à tout le monde de ce qu'elle n^avait point
d'eu fans. H n'y avait pas un courtisan à qui elle
ne demandât ctourdiineut quelque secret pour
en avoir, et qu cHc ne rendit responsable du mau-
vais succès.
Les médecins ne furent point oubliés; car la
rrine avait pour eux une docilité peu commune^
3l ils n'ordonnaient pas une drogue qu'elle ne fit
jréparer très-soigneus.?meDt . pour avoir le plaisir
le la leur jeter au ne^ à linstant qu'il la fallait
>rendre. Les derviches eurent leur tour; il £illut
ccourir aux neuvaines^ aux vœux , surtout aux
•flrând<es. Et malheur aux desservans des temples
il sa tnajcslé allait en pèlerinage ! elle fourrageait
out; et, sous prétexte d aller respirer un air pro-
!fiquc y elle ne manquait jamais de mettre sens
ùssus dessous toutes les cellules des moines. Elle
oxtah aussi leuts reliques, et s'affublait alterner*
Vetnen't de tous leurs différens équipages : tânl6|
84 l'A HEINE FANTASQUE.
c était an cordon blanc , tantôt une cantate de
cuir, tantôt un capnchon, tantôt un scapulaire;
il ny avait sorte de mascarade monastique dont
sa dévotion ne s'avisât ; el comme elle avait on
petit air éveille qui la rendait charmante sous ces
déguisemens, elle n'en quittait aucun sans avoir
eu soin de s'y faire peindre.
Enfin, à force de dévotions si bien faîtes, à fora
de médecines si sagement employées, le ciel et k
terre exaucèrent les vœux de la reine; elle devint
grosse au moment qu'on commençait à en déses-
pérer. Je laisse à deviner la joie du roi et ceQe da
peuple. Pour la sienne , elle alla, comme toutes ses
passions, jusqu'à l'extravagance : dans ses trans-
ports, elle cassait et brisait tout; elle embrassait
indifféremment tout ce qu'elle rencontrait, hom-
mes, femmes, courtisans, valets : c'était risqua
de se faire étouflfer que se trouver sur son passage.
Elle ne connaissait point, disait-«lle, de ravisse-
ment pareil à celui davoîr un enfant à qui e!!e
pût donner le fouet tout à son aise daqs ses mo-
jncns de mauvaise humeur.
Comme la grossesse de la reine ayalt été lon^
temps inutilomcnt attendue , elle p^sâ^ait pour un
de ces événemcus extraordinaires dont tout k
monde veut avoir riionneur. Les médecins Tatth-
huaient à leurs drogues , tc$ moines à leurs reli-
ques, le peuple à ses jirières, ctle roi à son amour.
Chacun s'intéressait a Fenfant qui devait naître^
comme si c'eût été le sien , et tous Cuisaient dû
lA RBIirE FANTASQVS. 85
i^oeux sincères pour l'heureuse naissance du prince,
Ccir on eu voulait un; et le peuple, les grands et
le roi, réunissaient leurs désirs sur ce point. La
reine trouva fort mauvais qu'on s avisât de lui
presaire de qui elle devait accoucher, et déclara
qu elle prétendait avoir urc fille, ajoutant qu^l lui
paraissait* assez singulier que quelqu'un osât lui
disputer le droit de disposer d^un bien qui n'ap*
parteuait incontestablement qu'à elle seule.
Phénix voulut en vain lui faire entendre raison :
elle lui dit nettement que ce n'était point là ses
affaires, et s'enferma dans son cabinet pour bou-
der; occupcVion chérie à laquelle elle employait
ré^lièrement au moins six mois de l'année. Je dis
SIX mois, non de suite, c'eût été autant de repos
pour son mari, mais pris dans des intervalles pro«
près à le chagriner.
Le roi comprenait fort bien que les caprices de
hx mère ne détermineraient pas le sexe de Fenfiint ;
mais il était au désespoir qu elle donnât ainsi ses
travers en spectacle à toute la cour. Il eût sacrifié
tout au monde pour que Tcstime universelle eût
justifié lamour qu-il avait pour elle; et le bruit
qu'il fit mal à propos en cette occasion ne fut pas
la seule folie que lui eût fait &irc le ridicule espoix
de rendre sa femme raisonnable.
Ne sachant plus à quel saint se vouer, il eut
recours à la fée Discrète son amie, et la protectrice
de son royaume. La fée lui conseilla de prendx»
les voies de la douceur^ c'cstrà-dire , de dcmandev
/
86 £A rams fa^tasqvs.
excuse & ia reine. Le seul but, lui dH-dle, d»
toutes les fiintaisies des femmes est de désorienter
OD pou la morgue masculine , et d'accontamer lei
hommes à Tobéissance qui leur coDTÎent. Le meil-
ieur moyen que vous ayez de guérir les extravah
igances de yot^ femme est d'extrayaguer arec elk.
Dès le moment que vous cesserez de contrarier ses
caprices, assurez-vous qu'elle cessera d'en aToir, .
et qu elle n'attend, pour devenir sage, que de vous
avoir rendu bien compiétemeot fou. Faites dont
tes choses de bonne grâce, et tâchez de céder en
cette occasion, pour obtenir tout ce que vous vou-
drez dans une autre. Le roi crut la fée; et, pour
se conformer à son avis, s'étant rendu au cercle
de h. reine, il ia prit à part, lui dit tout bas qu'à
était fiché d'avoir contesté contre elle mal à pro>
pos, et qu'il tâcherait de la dédommager à ravenîr,
par sa comp'0isance, de l'humeur qu'il pouvait
avoir mise dans ses discours en disputant impoli-
ment contre elle.
Fantasque , qui craignit que la douceur de
Phénix ne la couvrit seule de tout le ridicule de
cette aiTaire, se hâta de lui fépondre que sous cette
excuse ironique elle voyait encore plus d^oi^ueS
que dans les disputes précédentes; mais'que, puî^
que les torts d un mari n^autorisaient point ceux
d'une femme , die se hâtait de céder en cette oo
casion comme elle avait toujours fait. Mod prince
et mon époux, ajout a-t-dle tout haut, m'ordon
d'accoucher d'un garçon, et je sais trop bien
tk RBIHE WÂVTAsqVZ, 8jr
dervoir pour manquer d obéir. Je nlgnore pas ^qa
^piand sa majesté m'honore des marques de sa ten-
dresse, cest moins pour l'amour de moi que pour
odui de son puple, dont Fintérét ne Toccupe
guère moins la nuit que le jour; je dob imiter un
fii noble désintéressement^ et je vais demandée
au divan un mémoire instructif du nombre et du
sexedesenÊinsqui conviennent à la&mille royale;
mémoire important au bonheur de l'état , et sut
lequel toute reine doit apprendre à régler sa con-
duite pendant la nuit.
Ce beau soliloque fut écouté de tout le cercle
avec beaucoup d'attention, et je vous laisse à pen-
ser combien d'éclats de rire furent assez maladjx)!-
tement étouÛës. Âh! dit tristement le roi en sor-
tant et haussant les épaules , je vois bien que|
quand on a une femme foUe, on. ne peut éviter
d^ètre un sot
La fée Discrète j dont le sexe et le nom contras-
taient quelquefois plaisamment dans son carao
tère, trouva cette querelle si réjouissante, quelle
résolut de s'en amuser jusqu'au bout Elle dit pu-
bliquement au roi qu'elle avait consulté les co-
mètes qui président à la naissance des princes , ef
^'elle pouvait lui répondre que Icn&nt qui naK
trait de lui serait un garçon ; mais en seocet elle
assura la reine qu'elle aurait une fiUc.
Cet avis rendit tout à coup Fantasque aussi
raisonnable qu elle avait été capricieuse jusqaar
lors. Ce fut avec une douceur et une complaisance
83 t\ REITTE FANTASQUE.
infinies quelle prit toutes les mesures possibles
poiur désoler le roi et toute Li cour. Elle se hâta
de faire faire une layette des plus superbes, affec-
tant de la rendre si propre à un garçon, qu'elle
devint ridicule à une lillc; il fallut, dans ce des-
i$ein, chan;;er plusieurs modes; mais tout cela ne
lui coûtait rien. Elle fit préparer un beau collier
de Tordre, tout brillant de pierreries, et voufut
absolument que le roi nommlt dWance le gou-
verneur et le préccptem* du jeune prince.
Sitôt qu^elIe fut sûre d avoir uae fille, elle ne
parla que de son fils, et n^omit aucune des précau-
tions inutiles qui pouvaient faire oublier celles
qu'on aurait dû prendre. Elle riait aux éclats en
se peignant la contenance éi^onnée et béte qu*au-
raient les grands et les magistrats qui devaient or-
ner ses couches de leur présence. 11 me semUe,
disait-elle i la fée , voir d'un côté notre vénérable
chancelier arborer de grandes lunettes pour véri-
fier le sexe de Teufant ; et de lautre , sa sacrée ma-
jesté baisser les yeux et dire en balbutiant : « Je
c( croyais.... la fée m'avait pourtant dit.... Mes-
c( sieurs, ce n'est pas ma faute ; » et d'autres apoph-
thegmes aussi spirituels, recueillis par les savans
de la cour, et bientôt portés jusqu aux extrémités
des Indes.
Elle se représentait avec un plaisir malin k
désordre et la concision que ce merveilleux évé-
nement allait jeter dans toute l'assemblée. Elle se
figurait d'avance les disputes, Tagitation de toute»
LA REIKE FAlfTASQVE. 8g
tes dames du palais, pour réclamer, ajuster , con-
cilier en ce moment imprévu, les droits de leurs
importantes charges, et toutq la cour en mouye-
ment pour un béguin.
Ce fat aussi dans cette occasion qu'elle inventa
le décent et spirituel usage de faire haranguer par
les magistrats en robe le prince nouveau né. Phé-
nix voulut lui représenter que c'était avilir la ma-
gistrature à pure perte, et jeter un comique ex-
travagant sur tout le cérémonial de la cour, que
d^aller en grand appareil étaler du phébus à un
petit marmot avant qu il le pût entendre, ou du
moins y répondre.
Eh ! tant mieux ! reprit vivement la reme, tant
mieux pour votre fils! Ne serait-il pas trop heu-
reux que toutes les bêtises qu'ils ont à lui dire fus-
sent épuisées avant qu'il les entendît? et voudricz-
vous qu on lui gardât pour Tâge de raison des dis-
cours propres à le rendre fou? Pour Dieu, laissez^
les haranguer tout leur bien-aise, tandis qu on est
sûr qu'il n'y comprend rien , et qu'il en a l'ennui
de moins : vous devez savoir de reste qu on n'en
est pas toujours quitte à si bon marché. 11 eu fal-
lut passer parla*, et, de Tordre exprèsdesa majesté,
tes présidons du sénat et des académies commen-
cèrent à composer, étudier, raturer, et feuilleter
leur Vaumorière et leur Démosthèue^' pour ap-
prendre à parler à un embryon.
Enfin le moment critique arriva. La reine sen-
tît les premières douleurs avec des transports de
».
91 la: reine fAîTTASQUB.
diaide; je ne les cônnaitrai que trop parleurs ac-
tions : &is-les donc agir si ton histoire a besoin
d eax, et n'en dis mot s'ils sont inutiles : je ne rem
point d'autres portraits que les £iits. Puisqu'il d^
a pas moyen , dit Jalamir , d égayer mon récit pr
on peu de métaphysique, j'en vais tout bêtemeot
reprendre le fil. Mais conter pour conter est dan
ennui. . . Vous ne sayez pas combien de belles cho-
3es you5 allez perdre. Âidez>moi, je tous pîe, à
me retrouver, car lessentiel m'a tellement em-
porté, que je ne sais plus à quoi j'en étais du
conte.
A cette reine, dit le druide impatienté, que tu
as tant de peine à faire'accouchèr , et avec laquelle
tu me tiens depuis une heure en travail. Oh! oh!
reprit Jalamir , croyez* vous que les enËins des rois
se pondent comme des œu& de grives? Vous allez
voir si ce n'était pas bien la peine de pérorer. La
reine donc , après bien des cris et d^ ris , lira eu-
fin les curieux de peine et la fée d'intrigue^ eo
miettant au jour une fille et un garçon plus beaui
que la lune et le soleil , et qui se ressemblaient à
fort qu'on avait pcinj à les distinguer, ce qui fit
que dans leur eniance on se plaisait à les habilkr
de même. Dans ce moment si désiré, ic roi, sor-
tant de la majesté pour se rendre à la natare « fit
des extravagances qu'en d'autres temps il n'eût pa?
laissé Élire à la reine ; et le plaisir d'avoir des en-
fans le rendait si enfant lui-même, qu'il conmt
fOr son balcon crier à pleine tète : « Mes amis*
LA REnrE FANTASQUE. q3
k rëjouissez-^vous toas; il vient de me naître nn
ce fils, et à vous un pere , et une fille à ma femme. »
La reine , qui se ttouyait pour la première fois de
sa vie à pareille fête, ne s^aperçut pas de tout lou*
vrage qu elle avait fait, et la fée, qui connaissait
son esprit fantasque, se contenta, conformément
à ce qu'elle avait désiré, de lui annoncer d'ahord
une fille. La reine se la fit apporter, et, ce qui
surprit fort les spectateurs, elle l'embrassa tendie-
tocnt à la vérilf , mais les larmes aux yeux, et avec
Un air de tristesse qui cadrait mal avec celui qu^ello
avait eu jusqu'alors. J'ai déjà dit qu'elle aimait
sincèrement son époux : elle avait été touchée de
l'inquiétude et de l'attendrissement qu'elle avait
lu dans ses regards durant ses souffrances. E4e
avait fait, dans un temps,à la véritésingulièremeot
choisi, des réflexions sur la cruauté qu il y avait à
désoler un ûiari si bon; et, quand on lui présenta
sa fille , elle ne songea qu au regret qu'aurait le roi
de n'avoir pas un fils. Discrète, à qui l'esprit de
son sexe et le don de féerie apprenait à lire facile-
ment dans les cœurs, pénétra sur-le-champ ce qui
se passait dans celui de la reine; et, n'ayant plus
de rabon pour lui déguiser la vérité, elle fit ap-
porter le jeune prince. La reine, revenue de sa
surprise, trouva Icxpédient si plaisant qu elle eu
.fit des éclats de riie dangereux dans Fétat où elle
était. Elle se trouva mal. On eut beaucoup de
peine à la &ire revenir; et , si la fée n eût répomlu
de sa vie, la douleur la plus vive allait succède
&K
V
1)4 XX REIKE VÀlïTA^US.
aux transports de joie dans le coeur da roi et sur
les visages des courtisans. ,
Mais voici ce ^'il y eut de plus slngidier 4âiis
toute cette avealure : le regret sincère qu'avak la
rcme d'avoir tourmentié son mari lui fit prenore
une affection plus vive pour le jeune prince que
pour sa sœur; et le roî, de sou côté, qui adorait
la reine^ marc^ua ki même préférence k h fille
(ju elle avait souhaitée. Les caresses indirectes que
ces deux uniques époux se Ëûsaicnt ainsi l'un i
1 autre devinrent bientôt un goût très-décidé, et
la reine ne pçuvait non plus se passer de son fiU
quç le roi de sa^lc.
Ce dotible cvénemenl fit un grand plaisir à
tout h peuple, et le rassura du moins pour on
temps sur la frayeur de manquer de maîtres. Les
esprits forts qui,'s^étaient moiqués des promesses
de la fée, furent moqués à leur tour ; mais ils ne
se tinrent pas pour battus, disant qu'ils n accor-
daient pas même à b fée rinfiullibilité du men-
songe, ni à ses prédictions la vertu de rendre in»-
possibles les choses qu'elle annonçait : daatres«
Fondés siu* la prédilection qui commençait à se
déclarer ^ poussèrent l'impudence jusqu'à sou-
tenir qu en donnant un fils à Liureine et uue fille
au roi , Tévénemcnt avait de tout point démenù
la prophétie.
Tan Ais que tout se disposait pour la pompe du
baptême des deux nouveaux-nés , et que Torgoeii
humain se préparait à briller humblemeni aux
IiA HfiffiE FAIVTASQirE, g$
autels des dieux. ^. Un moment, interroiapit 1q
druide; tu me brouilles dune terrible £içon. Ap*
prends-moi , je te prie , en quoi lie u nous sommes^
D*cd)ord , pour rendre la reine enceinte , tu la pri^h
menais parmi des reliques et des capuchons; après
cela tu nous as tout à coup fait passer aux Indea;
à présent tu viens me jparlcr du baptême, et pois
des ant(^}s des dieux. Par le grand Thamiris! je ne
sais phis si , dans la cërcmonic (pie tu prépares,
nous allons adorer Jupiter, la bonne vierge, on
Mahomet. Ce n'est pas qu'à moi, druide, il m'im-
porte Ijcaucoup que tes deux l)amkins soient bap-
tisés ou circoncis; mais encore £iutril observer le
costume , et ne pas m'exposer à prendre un éyé-
que pour Je muphti, et le iVIissèl pour rAlcoran.
Le grand malheur! lui dit Jalamir : d'aussi fins
que vous s^y tromperaient bien. Dieu garde de
mal tous les prélats qui ont des sérails et prennent
pour de Tarabe le latin du bréviaire! Dieu fasse
paix à tous les honnêtes cafards qui suivent l'in-
tolérance du prophète de la Mecque , toujours
prêts à massacrer saintement le genre humain
pour la plus grande gloire du Créateur! Mais vous
devez vous ressouvenir que nous sooiniçs dans
un pays de fée , oii l'on n'envoie personqe en
eniêr pour le bien de son dme, où Ton ne s'avisi)
point de regarder au prépuce des gens pour les
damner on les absoudre , et oix la mitre et le tur-
han vert couvrent également les tètes sacrées^
g6 LA K^IVE FAIVTASQUB.
pour servir de signalement aux yeux des sages et
do parure à ceux des sots.
Je sais bien que les lois de la géographie, qui
règlent toutes les religions du monde, veulent que
les deux nouveaux-nés soient musulmans; mais
on ne circoncit que les mâles , et j'ai besoin qm
mes jumeaux soient adminbtrés tous deux; ainsi
trouvez bon que je les baptise. Fais, fais, dit le
druide; voilà , foi de prêtre , un choix le mieux
motivé dont j'aie entendu parler de ma vie.
La reine , qui se plaisait à bouleverser toQlc
étiquette, voulut se levci au bout de six jours, et
sortir le septième, sous prétexte qu'elle se porUÀ
bien. En effet, elle nourrissait ses en&ns : exemple
odieux , dont toutes les femmes lui représentèrent
très-fortement les conséquences. Mais Fantasqur,
qui craignait les ravages du lait répandu, soutbl
qu'il u y a point de temps plus perdu pour le plai-
sir de la vie que celui qui vient après la mort , <pe
le sein d'une femme moi le ne se flétrit pas moins
que celui d'une nourrice , ajoutant d'un ton it
duègne qu'il uy a point de si belle gorge aux yeai
d un mari que celle d une mère qui nourrit se
enfans. Cette intervention des maris dans de
soins qui les regardent si peu fit beaucoup rire Ws
dames; et la reine, trop jolie pour Tétre impuni
ment , leur parut dès-lors , malgré ses càpric».
presque aussi ridicule que son époux , qu'elles ap
pelaient par dérision le bourgeois de Vamgirar^
Je te vois venir , dit aussitôt le druide^ ta yob
'£A RBIKE FANTASQUE, ^
drais me donner insensiblement le rAIe de Schah*
Bahan , et me faire demander sll y a aussi uti
Vaugirard aux Indes comme un Madrid au bois
de Boulogne, un Opéra dans Paris, et un philo-
sophe à la cour. Mais poursuis ta rapsodie, et ne
me tends plus de ces pièges; car n étant ni marié,
uî sultan , ce nW pas la peine d'être un sot.
Enfin, dit Jalamir sans répondre au druide,
tout étant prêt , le jour ftit pris pour ouvrir les
portes du ciel aux deux nouveaux-nés. La fée se
lendit de bon matin au palais, et déclara aux
augustes époux quelle allait faire à chacun dp
leurs enfans un présent digne de leur naissance et
de son pouvoir. Je veux, dit-elle, avant que l'eau
magique les dérobe à ma protection , les enrichir
de mes dons et leur donner des noms plus effica-
ces que ceux de tous les pieds-plats du calendrier ,
puisqu'ils exprimeront les perfections dont j'aurai
soin de les douer en même temps; mais, comme
vous devez connaître mieux que moi les qualités
qui conviennent au bonheur de votre famille et
de vos peuples, choisissez vous-mêmes, et faites
ainsi d'un seul acte de volonté sur chacun de vos
deux enfans ce que vingt ans d'éducation font
rarement dans la jeunesse , et que la raison ne Ëiit
plus dans un .'}ge avancé.
Aussitôt grande altrTcation entre les deux
époux. La reine prétendait seule régler à sa ikh»
taisie le caractère d^ toute sa famille; et le bon
prince, qui srptatt toute 1 importance d'po pareil
M-'i*»::''!. ^ Q
TOO Z.A RBimS FAifTASQUE.
bon roi, partage qui ne paraissait pas des mienx
«nteadus, mais sur lequel on ne pouvait plus r^
venir. Le plaisant fut que l'amour mutuel des
deux époux agissant en cet instant avec toute la
force que lui rendaient toujours, mais souvent
trop tard , les occasions essentielles, et la prédilec-
tion ne cessant d'agir^ chacun trouva celui de ses
c^nËins qui devait lui ressembler le plus mal par-
tagé des deux, et songea moins â le felid^rqu'àle
plaindre. Le roi prit sa fille dans ses bras et la ser-
rant tendrement ; Hélas ! lui dit-il , que te servirait
la beauté même de ta mère sans son talent pour la
Élire valoir? Tu seras trop raisonnable pour £ûre
tourner la tcte à personne. Fantasque, plus cir-
conspecte sur ces propres vérités, ne dît pas tout
ce qu^elle pensait de la sagesse du roi futur; mais
il était aisé de douter, à l'air triste dont elle le ca-
ressait, qu'elle eût au fond du cœur une grandf
opinion de son partage. Cependant le roi, la re-
gardant avec une sorte de confusion , lui fit quel-
ques reproches sur ce qui s^était passé. Je sens mes
torts, lui dit-il, mais ils sont votre ouvrage; ncs
enfans auraient valu beaucoup mieux que nous.
vous êtes cause qu^ils ne feront que nous ressem-
bler. Au moins, dit-^Ue aussitôt ^ en sautant au
cou de son mari, je suis sûr qu'ils s^aimeront au-
tant qu^il est possible. Phénix, touché de ce qu'il
f avait de tendre dans cette saillie , se consola p«
cette réflexion qu'il avait si souvent oocasioii dt
LA MSINB FÂSrrXSQUC. lOf
fiire^ qn en effet la bonté naturelle et un ooeur sen*
fthle suffisent pour tout réparer.
Je devine si bien tout le reste, dit le druide à
Jalamir en Tinterrompac t, que j achèverais le coûte
pour toi. Ton prince Caprice fera tourner la tête à
tout le monde y et sera trop bien Timitateur de sa
mèrepour n enpasétrele tourment. Il bouleversera
le royaume en voulant le réformer. Pour rendre
ses sujets heureux, il les mettra au désespoir, s en
prenant toujours aux autres de ses propres torts :
injuste pour avoir été imprudent, le regret de ses
fautes lui en fera commettre de nouvelles. Comme
la sagesse ne le conduira jamais , le bien qu'il vou-
dra £kire augmentera le mal qu'il aura hiu En ua
mot, quoique au fond il soit bon, sensible et gêné--
reux, ses vertus mêmes lui tourneront à préju-
dice; et sa seule étourderie, unie à tout son pou-
voir, le fera plus haïr que n'aurait fait une mé-
chanceté raîsounée. D un autre côté, ta princesse
Raison, nouvelle héroïne du pays des fées, dé-
pendra un prodige de sagesse et de prudence; et,
tans avoir d adorateurs, se fera tellement adorer
lu peuple, que chacun fera des vœux pour être
gouverné par elle : sa bonne conduite', avanta-
geuse à tout le monde et à elle-même, ne fera du
x}n qu'à son frère, dont on opposera sans cesse
es traveis à ses vertus , et à qui la prévention pu-
blique donnera tous les dé&uts quVUe n aura paS|
[iiand même jl ne les aurait pas lui-même. Il sera
nestion d Intervertir l'ordre de la succession au
9-
lai LA ftcnns fautasque*
trAae, d'atseiw la marotte à la ipvnoaiUe, et la
fortune à la raison. Les docteurs exposeront am
etnpliase les conséquences â*an tel exemple, et
prouveront qu'il vaut mieux que le peuple obéîsie
aveuglement aux enragés que le hasard peut hi
donner pour mattres, que'de se choisir lui^éme
descheé raisonnables; que, quoiqu'on interdise
i un fou le gouvernement à& son propre bien, il
est bon de lui laisser la su{Ȏme disposition de nos
biens et de nos vies ; que le plus insensé des homm:^
est encore préférable à la plus sage des femmes; et
que le mâle ou le premier né, fùt-il un singe on
un loup, il faudrait en bonne poliliquo qu'une
héroïne ou un ange , naissant après lui , obéît k ses
volontés. Objections et répliques de la paît des
séditieux , dan^ lesquels Dieu sait comme on verra
briller ta sophistique éloquence ; car je te connaît,
c'est surtout à médire de ce qui se fait que ta bile
a*exhale avec volupté ; et ton amère fiandii e
semble se réjouir de la méchanceté des hommes
par le plaisir qu'elle prend à la leur reprocher.
Tublcul père druide, comme vous y ailes! dit
JaLimir tout surpris; quel flux de paroles I Oh
diaUe aves*vous prb de si belles tirades? Vous ne
prêchâtes de votre vie aussi bien dans le bois sacré,
quoique vous n'y parliez pas plus vrai. Si je vous
laissais feire, vous changeriez bientôt un conte
de fëes en un traité de politique , et l'on tronve-
lait quelque jour, dans Ifis cabinets des priaces,
Barbô^-Bleue ou Peàu-d'iBe, an lien 4elIadiav«L
Mais ne tous mettez point tant en firais pour Aevi*
ner la fin de mon cqûlg.
Pbttr ¥0U5 raontiar que les.<iénoaemens ne nt
manquent pas au besoin, j*en vais dans quatre
mots expédier un , non pas e^isû savant que le
vAtre, mais peut-être aussi naturel, et à coup sûr
plus imprévu.
Vous saurez donc que les deux enÊins jumeaujl
étant, comme je lai remarqué , fort semblables de
figure, et de plus habillés de même, le roi, croyant
avoir pris son fils, tenait sa fille entre ses hra5 au
moment de Tinfluence; et que la reine, trompée
par le choix de son mari , ayant aussi pris son fils
pour sa fille, la fce profita de cette erreur pour
douer les deux enfans de la manière qui leur con-
venait le mieux. Caprice fut donc le nom de la
princesse. Raison celui du prince son frère; et,
en dépit des bizarreries de la reine, tout se trouva
dans Tordre naturel. Parvenu au trône après la
mort du roi , Raison fit beaucoup de bien et fort
peu de bruit, cherchant plutôt à remplir ses de-
voirs qu^à s acquérir de la réputation ; il ne fit ni
guerre aux étrangers, ni violence à ses sujets, et
reçut plus de bénédictions que d'éloges. Tous les
projets formés sous le précédent règne furent exé»
cutés sous celui-ci ; et en passant de la domination
du père sous celle du fils, les peuples deux fois
heureux crurent n avoir pas changé de maître. La
princesse Caprice, après avoir fait perdre la vie
ou la raison à des multitudes d'amans tendres et
104 I^ RZmE FANTASQUE.
aimables^ fat enfin mariée à on roi voisb, qu'elle
préféra parce qu'il portait la plus longue mousta-
che et sautait le mieux à cloche-pied. Poqt Fas-
Casque , elle mourut d*une indigestion de pieds de
perdrix en ragoût qu'elle voulut manger ayanlde
se mettre au lit, où le roi se morfondait à htteo-
dre, un soir qu'à force d agaceries elle l'avait en-
gagé à venir coucher avec elle.
TRADUCTION
DD PREMIER LITRE
DE L'HISTOIRE DE TACITE.
AVERTISSEMENT.
QuAHD j'eas le malheur de vouloir parler au public,
ft sentis le besoin d'apprendre à écrire, et j'osai m'es-
lajer sur Tacite. Dans cette tuc , entendant médiocre-
ment le latin, ctsouTetit n entendant point nioii autenr,
j'ai dû faire bien des contre-sens particnlic-rs sur ses
pensées : mais, si je n'en ai point fait un'général sur sod
esprit, j'ai rempli mon but; car fs ne cherchais pas à
rendre les phrases de Tacite , mais son stjle ; ni de dire
œ qu'il a dit en latin , maia ce qu'il eut dit en français.
Ce n'est ^n« ici qu'un travail d'écolier ; j'en con-
viens , et je ne le donne que pour tel. Ce n'est de pins
qu'un simple fragment , un essai ; j'en conviens eneorr :
un si rude jouteur m'a bientôt lassé. M'iis ici les essais
peuvent être admis en attendant mieux ; et , avant qo*
d'avoir une bonne traduction complète , il faut snppor-
ter encore bien des thèmes. C'est une grande entreprise
qu'une pareille traduction : quiconque en sent asses la
difficulté pour pouvoir la vaincre pçrfévérera difficile-
ment. Tout homme en état de%uivre Tacite est hicnièt
tenté d'aller seul.
TRADUCTION
DU PREMIER LIVRB
DE L'HISTOIRE DE TACITE.'
Jb commencerai cet ouvrage par le second con-
sulat de Galbli et ruoiqtie de Vînius. Les y*ÀO pro*
mières années de Rome ont été décrites par divers
auteurs avec réloquence et la liberté dont elles
étaient dignes. Mais^ après la bataille d'Actium,
qutl'&liut se donner un maître pour avoir la
paix, ces grands génies disparurent Llgnoranoe
des aiTaires d'une république devenue étrangère à
ses citoyens, le goût effiéné de la flatterie, h
haine contre les chefs , altérèrent la vérité de milb
manières; tout Ait loué ou blâmé par passion,
sans égard pour la postérité : mais, en démêlant
les vues de ces écrivains, elle se prêtera plus vo-
lontiers aux traits de Tenvie et de la satire, qui
flattent la malignité par un £iux air d'indépen»
dance, qu'à la basse adulation, qui maïque la
servitude et rebute par sa lâcheté. Quant à moi,
Oalba, Vitellius, Othon , ne m'ont fait ni bien ni
mal : Vespasien commença ma fortune, Tite Tau-
gmenta, Domitien 1 acheva, j^en conviens; mat
un bi^torien qui se cobsacre à la vérité doit parier
io8 ntwiKh LiymB
sans amour et sans haine. Que s1l me reste assex
de yie, je réserve pour ma yieillesse la riche et
l>aisiUe matière des règnes de Nerra et de Trajas^
rares et heureux temps où Ton peut penser lilxv-
ment et dire ce que 1 on pense.
J entreprends une hbtoîre pleine de catastro-
phes , de combats , de séditions , terrible même
durant la paix : quatre empereurs égorgés^ trois
guerres civiles , plusieurs étrangères , et la plupart
mixtes : des succès en Orient^ des revers en Occi-
dent, des troubles en 111} rie; la Gaule ébraolée,
TAngleterre conquise et d abord abandonnée; les
Sarmates et les Suèves commençant k se montrer;
les Daces illustrés par de mutuelles défaites; les
Partlies , joués par un faux Néron, tout prêts i
prendre les annes : lltabe^ après les malheurs de
tant de siècles^ en proie à de nouveaux désastres
dans celui-ci; des villes écrasées ou consumées
dans les fertiles répons de la Campanie; Rome
dévastée par le feu , les plus anciens temples brû-
lés; le Capitole même Ûvré aux flammes par les
mains des citoycDs; le culte profané, des adultères
publics, les mers couvertes d exilés, les iles pleines
de meurtres ; des cruautés plus atroces dans la ca-
pitale, où les biens, le rang, la vie privée ou pu-
blique, tout était également impulé à crime, et
où le plus irrémissible était la vertu : les délateurs
non moins odieux par leurs fortunes que par
leurs forfaits; les uns faisaient trophée du sacer-
doce et du consulat, dépouilles de leurs victimes .
DE TÂcm:. 109
if autres, toat paissant tant ao-dedans quau-^e^
hors, portant partent le trouble ^ la hahie et l'ef-
froi : les maîtres trahis par leurs esclaves, les
patrons par leurs affranchis; et^ pour comble en-
fin , ceax qui manquaient d^ennemis j opprimés
par leurs amis mêmes.
Ce siècle, si fertile en crimes , ne fut pourtant
pas sans vertu : on vit des mères accompagner
leurs en&ns dans leur fuite , des femmes suivte
leurs maris en e\ih, des pareus intrépides, des
gendres inébranlables, des esclaves même à Tc-
pre.uvc des tourmens^ On vit de grands hommes^
fermes dans toutes les adversités, porter et quitter
la vie avec une constance digne de nos pères. A
CCS muhiludes d'événemens humains se joignirent
les prodiges du ciel et de la terre, les signes tirés
de la foudre, les présages'de toute espèce, obscurs
ou manifestes, sinistres ou favorables : jamais les
plus tristes calamités du peuple romain, jamais
es plus justes jugemens du ciel ne montrèrent
ivec tant d'évidence que si les dieux songent k
tous, c'est moins pour nous conserver que pouf.
ious punir.
Mais, avant que d^entrer en matière, pour d^
elopper les causes des événemens qui semblent
DUTent VeSei du hasard, il convient d^exposer
état de Rome, le génie des années, les mœura.
S5 provinces, et ce qu'il y avait de sain et de cor-
»nipn dans toutes les régions du monde.
Après les premiers transports excités par la
1 10 PHEHIER LTTRB
mort 3e Ncron, il s'était élevé des moim&ieDS
divers Don-seulozneat au sénat, parmi le peuple
et hs bandes prétoriennes^ mais entre tons les
cheË» et dans toutes les légions : le secret de l'enh
pire était enfin dévoil^^ et Ton voyait <jiie le priacB
pouvait s élire ailleurs que dans la capitale. Mail
le sénat, ivre de joie, se pressait, sous un nou-
veau prince encore éloigné, d abuser de la liberté
qu'il venait d^usurper : les principaux de Tordre
équestre n'étaient guère moins contens; la plus
saine partie du peuple qui tenait aux grandes
maisons , les clients , les aâranchis des proscrits et
des exilés, se livraient à Fespérance. La vile po-
f)ulace , qui ne bougeait du cirque et des tbéitres,
es esclaves perfides, ou ceux qui, à la honte de
Néron , vivaient des dépouilles des gens de bien,
s affligeaient et ne cherchaient ^e des troubles.
La milice de Rome, de tout temps attadiée aux
césars , et qui s'était laissé porter 4 déposer Néron
lus à force d'art et de sollicitations que de son
n gré, ne recevant point le donatif promis a»
nom de Galba , jugeant de plus que les services et
les récompenses militaires auraient moins liea do-
rant la paix , et se voyant prévenue d .ns la fiiTeur
du prince par les légions qui lavaient éla, se li-
vraîent à son penchant pour les nouveautés, ex-
citée par la trahbon de son préfet Nyosphidios
qni aspirait A Fempire. Njmphidius périt dbn»
cette entreprise; mais, apràs avoir perdu le dwf
de la sédition , ses complices ne Tava'eut pas «m-
t
Dk TACITB. I ( I
Miée, et glosaient sur la yieillesse et l'avarice de
Galba. Le bruit de sa sérérité militaire, autrefois
si louée, alarmait ceux qui ne pouvaient souttir
lanciemie discipline; et quatorze ans de relâche^
ment sous Ncron leur faisaient autant aimer les
vices de leurs princes, que jadis ils respectaient
leurs vertus. On répandait aussi ce mot de Galba,
q!ii e&t &it honneur à un prioce plus libéral, maî&
qu on interprétait par son humeur : Je sais dioisir
mes soldats, et non les acheter.
Vinius et Lacon, l'un le plus vîl, et Fautre le
plus méchant des hommes, le décriaient par leur
conduit/e; et la haine de leurs forfaits retombait
sur son indolence. Cependant Galba venait lente-
ment, et ensanglantait sa route : il fit mourir Var-
ron, consul désigné, comme complice de Nym-
phidius, et Turpilien, consulaire, comme général
de Néron. Tous deux, exécutés sans avoir été en-
tendus, et sans forme de procès, passèrent pour
inaocens* A son arrivée il fit égorger par milliers
les soldats désarmés, présage funeste pour son
règne, et de mauvais augure même aux meur-
triers. La légion qu'il amenait d'Espagne, jointe &
celle que Néron avait levée, remplirent la ville
de nouvelles troupes qu augmentaient encore le)
nombreux détachemens d'Allemagne , d'Angle*
4erre et dlUyrie, choisis et envoyés par Néroo
aux Portes-Caspiennes, où il préparait la guerra
d'Albanie, et qu'il avait rappelées pour répimer
les mouvcmens de Vindex, tous gens à beaucoup
1 1 1 FRÊM IBR LlVftB
entreprendre, sans chef encore, mais prftts à ser«
Vtr le premier audacieux. ^
Par hasard on apprit dans ce même temps les
meurtres de Macer et de Capiton. Galba fit mettre
à mort le premier par Fintendant Gamcianns, sur
lavis certain de ses mouyemens en Afrique; et
Tautre, commençant aussi k remuer en AUe>
magne, fut traité de même avant Tordre du prince
par Aquinus et Valens, lieutenaus-généraux. Piu-
sieurs crurent que Capiton , quoique décric pour
son avarice et pour sa débauche, était innoceat
des trames qu'on lui imputait, mais que ses lieu-
tenans , s étant vainement efforcés de îezciter à k
guerre, avaient ainsi couvert leur crime; et que
Galba, soit par légèreté, soit de peur d'en trop
apprendre, prit le parti d approuver une conduite
qii'il ne pouvait plus réparer. Quoi qu'il en soit,
ces assassinats firent un mauvais etkt; car, soos
on prince une fois odieux, tout ce qu'il fait, biea
ùa mal, lui attire le même blâme. Les affiranchis,
tout puissans k la cour, y vendaient tout : les es-
daves, ardens à profiter d^une occasion passagère,
se hâtaient sous un vieillard d^assouvir leur avi-
dité. On éprouvait toutes les calamités du règne
précédent, sans les excussr de même : il ny avait
pas jusqu'à Tâge de Galba qui n'excitât la risée et
le mépris du peuple, accoutumé à la jeunesse de
Néron , et à ne juger des princes que sur la figure.
Telle était à Rome la disposition d'esprit la plus
générale chez une si grande multitude. Dans les
DE TACITE. I { 3
provinces, Rufus, beau parleur -et bon chef en
temps de paix, mais ^ns expérience militaire,
commandait en Espagne. Les Gaules conservaient
le souvenir de Vindex et des faveurs de Galba,
qui venait de leur accorder le droit de bourgeoisie
romaine, et, de plus, la suppression des impôts.
On excepta pourtant de cet honneur les villes
voisines des armées d^ÂUemagne, et Ton en priva
même plusieurs de leur territoire; ce qui leur fit
supporteravecundoubledépitleurs propres pertes
et les grâces Êiites à autrui. Mais ou le danger était
grand & proportion des forces c'était dans les ar-
mées d'Allemagne, fières de leur récente victoire^
et craignant le blâme d'avoir favorisé d autres par-
tis; car elles n'avaient abandonné Néron qu'avec
peine, Verginius ne s'était pas d'abord déclaré pour
Galba; et s'il était douteux qu il eût aspiré à l'em-
pire, il était sûr que Tarmée le lui avait offert :
ceux même qui ne prenaient smcun intérêt à Ca-
piton ne laissaient pas de murmurer de sa mort
Enfin Verginius ayant été rappelé sous un faux
semblant d amitié, les troupes, privées de leur
chef, le voyant retenu et accusé, s'en oiTonsaieni
comme dWe accusation tacite contre elles-mêmes.
Dans la Haute-Allemagne, Flaccus, vieillard
infirme qui pouvait à peine se soutenir, et qui
ii*avait ni autorité ni fermeté, était méprisé de
farméo qu'il commandait; et ses soldats, qu'il ne
pouvait contenirmême en plein repos, animés par
Ba £iibl^^, ne connaissaient plus de firein. l^e
lO..
ii4 pKEuiER Lrra£
légions de la Basse-Âllemagûe restèrent long-temps
sans chef consulaire. Enfin Galba leur donna Vitt^I-
Uns y dont le père avait été censeur et trois fois
consul; ce (jui parut suffisant. Le calme régnait
dans larmée d'Angleterre ; et, parmi tous cesmon*
vemens de guerres civiles, les légions qui la coiii-
posaientfurentcelles qui se comportèrent le mieux^
Eoit à cause de leur éloignement et de la mer qui
lesenfermait^ soit que leurs fréquentesexpédittons
leur apprissent à ne haïr que Tennemi. LlUjri*
n'était pas moins paisible, quoique ses légions,
appelées par Néron, eussent, durant leur séjour
en Italie, envoyé des députés à Verginius : mais
c^ armées , trop séparées pour unir leurs forces et
mêler leurs vices, furent par ce salutaire oiojeB
mainteuues dans leur devoir.
Rien ne remuait encore en Orient. Mucianos,
honuuc également célèbre dans les succès et dans
les révers, tenait la Syrie avec quatre légions. Am-
bitieux dès sa jeunesse, il s était lié aux grands;
mais bientôt, voyant sa fortune dissipée, sa per-
sonne en danger, et suspectant la colère du princre,
il s'alla cacher en Asie, aussi près de lexil qull fut
ensuite du rang supi'éme. Unissant la mollesse i
Tactivité, la douceur et rarrogance, les talens bons
et mauvais, outrant la débauche dans loisâFeté,
mais ferme et courageux dans Toccasion; estima-
ble en public, blâmé dans sa vie privée; exifin si
déduisant, que ses inférieurs, ses poches , xû
jégiuXj no pouvaicut lui résister; U lui était pi
D£ TACITS. 1 1 {r
aise de donner l'empire que de Tusui^per. Vç^pa-
sien , choisi par Néron , faisait la guerre en Judée
ayec trois légions , et se montra si peu contraire à
Galba 9 qu'il lui envoya Tite son fils pour lui rcn*
dre hommage et cultiver ses bonnes grâces, comme
nous dirons ci-après. Mais leur destin se cachait
encore, et ce nest qu'après Tévénement qu^on a
remarqué les signes et les oracles qui promettaient
1 empire à Vespasien et à ses cnfans.
En Egypte, c'était aux chevaliers romains an
lieu des rois qu'Âftguste/avait confié le comman-
dement de la province et des troupes; précaution
qui parut nécessaire dans un pays abondant en
blé, d^un abord difficile, et dont le peuple chaq-
géant et superstitieiix nerespiîcte ni magistrats ni
luis. Alexandre , Egyptien , gouvernait alors ce
royaume. L'Âfirique et ses légions, après la mort
de Macer, ayant soufl*ert la domination particu*
lière , étaient prêtes à se donner au pemier venu :
les deux Mauritanies, la Rhétie, la Norique, la
Thrace, et toutes les nations qui n'obéissaient
qu'à des intendans , se tournaient pour ou contre ^
selon le voisinage des armées et lïmpulsion des
plus puissans : les provinces sans défense, et sur-
tout [Italie, Q avaient pas même le choix de leurs
fers, et n étaient que le prix des vainqueurs. Tel
était Tétat de Tempire romain quand Galba , cou*
sul pour la deuxième fois, et Vinius son collègue^
commencèrent leur dernière année et presque
celle de la r^ubli^ue*
1 16 PREUIfiA LI711E
Au commencement de janvier on reçut avis de
Propinquns, intendant de la Belgique, que les lé-
gions de la Germanie supérieure , sans respect
pour leur serment, demandaient un autre empe-
reur, et que, pour rendre leur révolte moins
odieuse, elles consentaient qu'il fdt élu par le se-
nat et le peuple romain. Ces nouvelles accélé-
rèrent Fadoption dont Galba délibérait aupra-
vaut en lui-même et avec ses amis, et dont le brait
était grand depuis quelque temps dans toute U
ville, tant par la licence des nouvellistes qu'à cause
de Tâge avancé de Galba. La raison , Famour de li
patrie, 'dictaient les voeux du petit nombre; maù
la multitude passioanée, nommant tant6t Tim,
tantôt Tautre ,-chacun son protecteur ou son ami,
consultait uniquement ses désirs secrets ou !»a
haine pour Vinius , qui , devenant de jour en jour
plus puissant, devenait plus odieux en même me-
sure : car, comme sous un maître Infirme et cré-
dule les fraudes sont plus profitables et moins dstjk-
gereuscs, la facilité de Galba augmentait ravidité
des parvenus, qui mesuraient leur aminltion sor
leur fortune.
Le pouvoir du prince était partagé entre k
consul Vinius et Lacon, préfet du prétoire : mai
Icelus, affranchi de Galba, et qui, ayant reçu Tach
neau, portait dans Tordre équestre le nom de
Marcian, ne leur cédait point en crédit. Ces i^
^orisy toujours en discorde, et jusque dans k$
laoiiidires. choses ne consultant cha«in <jae sob
DE TACITE. îty
intérêt, formaient deux factions pour le choix du
successeur à lempire : Vinius était pour Othon ;
Icelus et Lacon s unissaient pour le rejeter, sans
0n préférer un autre. Le public , qui ne sait rien
taire , ne laissait pas ignorer à Galba Famiti^
d'Othon et de Vinius, ni Talliance qu'ils proje-
taient entre eux par le mariage de là fiUe de Vinius
et d'Othon , Tune veuve et Fautre garçon; mais je
crois qu^occupé du bien de l'état, Galba jugeait
qn*autant eût valu laisser à Néron lempire que de
le donner à Othon. En elTet , Othon , négligé dans
son enfance, emporté dans sa jeunesse, se rendit
si agréable à Néron par l'imitation de son hixr,
que ce fut à lui, comme associé à ses dchauciios,
qu'il confia Poppée, la principale de ses court i*
sanes, jusqu'à ce qu^il se filt défait de sa femme
Octavic; mais, le soupçonnant d abuser de son
dépôt, il le relégua en Lusitanie sous le nom d
gouverneur, Othon, ayant administré sa 'province
•avec douceur, passa des premiers dans le parti
contraire, y montra de I activité; et tant que la
guerre dura, s'étant distingué par sa magnifi-
cence, il conçut tout d'un coup Fcspoir de se fatre
adopter; espoir qui devenait chaque jour plus ar-
dent, tant par la faveur des gens de guerre que
par celle de la cour de Néron, qui comptait le re-
trouver en lui.
Mais, sur les première*» nouvelles de la sédition
d'Allemagne , et avant que d'avoir rien d assuré du
côté de Vitellius , Fincertttude de Galba sur Jcs
1 18 PRBMmi LtVKB
lieux ok tomberait XeBbri des armdes, et h dé-
fiance (les troupes mâiacs qui étaient à &ome, W
détenninèreiU à se donner un collègue i Vcni^iTe,
comme k Tunique parti qu'il crut lui rester i pren-
dfe. ÂjanI donc assemblé, avec Vinius et Lacan,
Celsus, coosul désigné^ et Gémius, préfet de Rome,
après quelques discours sur sa vieillesse , il fit ap-
peler Pison, soit de son prope mouycment, soit,
selon quelques-uns, à i'instigatiou de LacoA, ^,
par le moyen de Plautos, avait lié amitié avec
Pison, et le portant adroitement sans paialtre j
prendre intérêt, était secondé par la bonne opi-
nion publique. Pisou, fils de Crassus et de Soi-
})ou)a, tous deux d^Ulustres maisons, suivait les
mœurs antiques « homme austère, à le juger éqni-
tablciBcnt, triste et dur selon ceux qui louiiàen!
tout en mal ,• et dont l'adoption plaisait à Gaibi
par le côté même qui cboquait les autres.
Prenant donc Pison par k main, Galba loi
parla , dit-on , de celte manière : rc Si , comme par-
ie ticulier, je vous adoptais, selon rusage,p<ur de>
Il vant lespoutifcs, il nou9 serait honorable,imoi.
ff d admettre dans ma famille un descendant it
« Pompée et de Crassus; à vons , d'ajouter k votrr
ce noblesse celle des maisons Lutatienne et Suipi-
« cienne. Maintenant, appelé à Tempire du cou-
Cl seulement des dieux et des hommes, lamour de
ce la patrie et votre beuseux naturel me portent à
«r vous offiîr, au sein de la paix, ce pouvoir s«-
jc-préme que la guerre m'a donné et que nos an-
DE TACITE- nrig
« cêtres se sont disputé par les armes, t^'est amsi
m que le grand Auguste mit au premier rang après
a lui, (l'abord son neveu Marcellus^ ensuite Agrippa
fc son gendre, puis ses petlls-fils, et enfin Tibère,
« fils de sa femme; mais Auguste choisit son suc-
« cesscur dans sa maison; je choisis le mien dans
« la république, non que je manque de proches
ce ou de compagnons d armea : mais je nW point
« moi-même brigué Tempire; et vous préférer à
« mes parens et aux vôtres, c'est montrer assez
m mes vrais sentimens. Vous avez un fi'ère illustre
M ainsi que vous, votre aîné, et digne du rang où
«vous montez, si vous ne Tétiez encore plus,
c Vous avez passé sans reproche l'âge de la jeu-
à nesse et des passions : mais vous n'ave? soutenu
« jusqu^ci que la mauvaise fortune; il vous reste
fc une épreuve plus dangereuse à faire en résistant
« à la bonne; car Tadversité déchire Tâme^ mai»
« lebonheurlacorrompt.Vousaurezbeancultiver
H toujours avec la même constance Tamitié , la foi^
« la Uherté, qui sont les premiers biens de rbomme,
« un vain respect les écartera malgré vous; les flaU
« teurs vous accableront de leur £&usses caresses,
« poison de la vraie amitié, et chacun ne songera
m qu'à son intérêt. Vous et moi nous parlons au-
« jourd'hui IHin à 1 autre avec simplicité; mais
€€ tous- s'adresseront à notre fortune plutàt qu'^
« nous, car on risque beaucoup à montrer leur
« devoir aui princes, et rienà leur persuader qu'il»
m h font.
I3CI PREMIER LITRB
« Si la masse immense de cet empiré eAt pa
« garder d^cUe-mdme son équilibre, j'étais di^
<c de rétablir la républi(jue; mais depuis long-temps
ce les choses en sont à tel point, que tout ce qui
a reste à faire en &vcur du peuple romain, cVt
(( pour moi , d employer mes derniers jours i lui
(c choisir un bon maître, et, pour vous, d'être tel
« duraut tous le cours des vôtres. Sous les empe-
« reurs précédens, l'état n'était l'héritage que d'une
« seule famille ; par nous le choix de ses chefs loi
« tiendra lieu de Hberté; après Textinctiou des
« Jules et des Claudes , Tadoption reste ouverte an
« plus digne. Le droit du sang et de la naissance ne
ce mérite aucune estime, et fait un prince au ba-
« sard ; mais l'adoption permet le choix , et la voix
4c publique l'indique. Ayez toujours aous les yeux
« le sort de Néron , fier d'une longue suite de
« césars; ce n'est ni le pays désarmé de Vindex,
Il ni l'unique légioji de Galba , mais son luxe et ses
« cruautés qui nous ont délivrés de son joug,
n quoique un empereur proscrit fut alors un évc-
K nement sans exemple. Pour nous que la guerre
fc et lestimc publique ont élevés, sans mériler
ftd ennemis, n^espérons pas nen point avoir;
« mais, après ces grands mouvemens de tout Tu-
« nivers, deux légions émues doivent peu vous
« ei&ayer. Ma propre élévation ne fut pas tran-
m quille; et ma vieÛlesse, la seule chose qu'on me
4K reproche, disparaîtra devant celui qu'ona cboîsi
» pour l^, soutenu*. Je sabque Néron sera toujoaj;^
DE TAÇrKB^ 121
V regretté des mécbans; c'est à vous et à moi d'em-
a pécher qu^il ne le soit aussi des gen« de bien. Il
tt n'est pas temps d'en dire ici davantage, et cela
c( serait superflu si j ai £iit en vous un bon choix*
« La plus simple et la meilleure règle à suivre dans
te votre conduite, c'est de chercher ce que vous
« aiu'iez approuvé ou blâmé sous un autre prince.
« Songez qu'il n'en est pas ici comme des monar-
cx chics, où une seule famille commande, et tout
« le reste obéit, et que vous allez gouverner un
«r peuple qui ne peut supporter ni une servitude
« exti^me ni une entière liberté. » Ainsi parlait
Galba en homme qui &it un souverain, tandis quq
tous les autres prenaient d'avance le ton qu on
prend avec un souverain déjà fait.
On (lit que toute l'assemblée qui tourna les
yeux sur Pison , même de ceux qui l'observaient à
dessein , nul ne put remarquer en lui la moindre
émotion de plaisir ou de trouble. Sa réponse fut
respectueuse envers son empereur et son père,mo-'
deste à Tégard de lui-même j rien ne parut changé
dans 3on air et dans ses manières; on y voyait
plutôt le pouvoir que la volonté de commander.
On délibéra ensuite si la cérémonie de l'adoption
se ferait devant le peuple, au sénat, ou dans le
camp. On préféra le camp, pour faire honneur
aux troupes, comme ne voulant point acheter leur
laveur par la flatterie ou à prix d'argetit, ni dédai-
gner de l'acquérir par les moyens honnêtes. Ce-r
pendant le peuple environnait le palais, impatient
Ida PREMIER LIVRE
d'apprendre Timportante affaire qui s'y traitait en
secret , et dont le bruit s'augmentait encore par les
vains efforts qu'on faisait pour Tétouffer.
Le dix de janvier, le jour fut obscurci pr de
grandes pluies, accompagnées d'éclairs, de ton-
nerres, et de signes extraordinaires du courroux
céleste. Ces présages, qui jadis eussent rompu les
comices, ne dctournèreut point Galba d'aller an
camp; soit ^u'il les méprisât comme des choses
fortuites, soit que, les prenant j)our des signes
réels , il en jugea levènement inévitable. Les gens
de guerre étant donc assemblés en grand nombre ,
il leur dit, dans un discours grave et concis, qui!
adoptait Pison, à Fexemple d'Auguste, et suivant
l'usage militaire., qui laisse aux généraux le choix
de IcursJieutenans. Puis, de peur que son silence
au sujet de la sédition ne la lit croire plus dange-
reuse, il assura fort que, n'ayant été formée dans
la quatrième et la dix-huitième légion que par un
petit nombre de gens, elle sëtait bornée à des
murmures et des paroles, et que dans pca tout
serait pacifié. Il ne mêla dans son dbcours ni flat-
teries ni promesses. Les tribune, les centurions, et
quelques soldats voisins, applaudirent; mais tout
le reste gardait un mome silence , se voyant privés
dans la guerre du donatif qu'ils avaient même
exigé durant la paix. U parait que la moindre li-
béralité arrachée à l'austère parcimonie de ce vieil-
lard eût pu lui concilier les écrits. Sa perte vijAi
DE TACITE. I2r3
•de cette antique roideur et de cet excès de sévérité
qui ne convieut plus à notre faiblesse.
De là s'étant rendu au sénat, il n'y parla ni
moins simplement ni plus longuement qu'aux sol-
dats. La harangue de Pison fut gracieuse et bien
reçue; plusieurs le félicitaient de bon cœur; ceux
qui Taimaient le moins, avec plus d'aflectation ,
et le plus grand nombre , par intérêt pour eux-
mêmes, sans aucun souci de celui de Tétat. Durant
les quatre jours suivans, qui furent l'intervalle
entre Tadoption et la mort de Pison , il ne fit ni
ne dit plus rien en public. Cependant les fréquens
avis du progrès de la défection en Allemagne, et
la facilité avec laquelle les mauvaises nouvelles
s accréditaient â Rome, engagèrent le sénat à en-
voyer une députation aux légions révoltées; et il
fut mis se( rètement en délibération si Pison, ne
s'y joindrait point lui-même , pour lui donner
plus de poids, en ajoutant la majesté impériale S
l'autorité du sénnt. On voulait que Lacon, préfet
du prétoire , fût aussi du voyage ; mais il s'en
excusa. Quant aux députés , le sénat en ayant
laissé le choix k Galba, on vit, par la plus hon-
teuse inconstance , des nominations , des refus , ""
des substitutions, des brigues pour aller ou pour
demeurer, selon Tespoir ou la crainte dontchacun
était agité.
Ensuite il &llut chercher de largent; et, tout
bien pesé, il parut très-juste que letat eAf recours
i ceux qui l'avaient appauvri. Les dons terséi
ta! PRfiMtBR LIVRE
par Nëroti montaient à fias de soixante millions,
il fit donc citer tous les donataires, leur redeman-
dant les neuf dixièmes de ce qu'ils avaient reçu,
et dont à peine leur restait- il Tautre dixième par-
tie $ car également avides et dissipateurs, et dod
moins prodigues du bien d^autrui que du leiir,ik
n'avaient conservé, au lieu de terres et de revenus,
que les instrumens ou les vices qui avaient acquis
«t consumé tout cela. Trente chevaliers romains
furent préposés au recouvrement; nouvelle ma-
Îistrature onéreuse par les brigues et par le nom-
re« On ne voyait que ventes, huissiers; et le
peuple, tourmenté par ces vexations, ne laissait
pas de se réjouir de voir ceux que Néron avait
enrichb aussi pauvres que ceux qu'il avait dé-
pouillés. £n ce même temps, Taurus etNason,tn-
buns prétoriens; Pacenis, tribun des milices boor-
geoises;etFronto^tribunduguet,ayantétécassés,
cet exemple servit moins à contenir les officien
ffaA les effirajer, et leur fit craindre qu étant tous
Suspects, on ne voulût les chasser l'un après
l'autre.
Cependant Othon , qui n'attendait rien d un
^uvemement tranquille , ne cherchait qne 3e
nouveaux troubles. Son indigence, qui eût été à
oharge même à des particuliers, son luxe, <{ui
leût été même à des princes, son ressentiment
tontre Galba , sa haine pour Pison , tout Texcitait
à remuer. U se forgeait même des craintes pour
irriter ses désirs. N'ai»it-il pas été suspect à
DE TAGltB. 12 S
Néron lai-méme? Fallait-il attendre encore llion-
neur duu second exil en Lusitanie ou ailleurs?
Les souverains ne voient-ils pas toujours avec àé*
fiance et de mauvais œil ceux qui peuvent leur
succéder? Si cette idée lui avait nui près d'un
vieux prince, combien pins lui nuirait-elle auprès
d'un jeune homme naturellement cruel, aigri par
un long exil! Que s^ils étaient tentés ds se déâdre
de lui , pounpioi ne les préviendrait-il pas/ tandis
que Galba chancelait encore, et avant que Pison
fût affermi? Les temps de crise sont ceux où con-
viennent les grands effi>rts; et c'est une erreur de
temporiser, quand les délais sont plus dangereux
que l'audace. Tous les hommes meurent égale*
ment, c^est la loi de la nature j mais la postérité
les distingue par la gloire ou Toubli. Que si le
même sort attend l'innocent et le coupable, il est
plus digne d'un homme de courage de ne pas périr
sans sujet.
Othon avait le cœur moins efféminé que le
corps. Ses plus familiers esclaves et ai&anchis ,
accoutumés à une vie trop licencieuse pour une
maison privée, en rappelant la magnificence du
palais de Néron , les adultères , les fêtes nup-
tiales, et toutes les débauches des princes, à un
homme ardent après tout cela, le lui montraient
en proie k d autres par son indolence, et à lui s'il
osait s'en emparer. Les astrologues l'animaient
encore, en publiant que d'extraordinaires mouve-
mens dans Içs cicux lui annonçaient une annc«
ia6 PltEMlER LIVRE
^orieuse : genre d'hommes fait pour leurrer les
grands, abuser les simples, qu'on chassera sans
cesse de notre ville, et qui s'y maintiendra ton-
jours. Poppée en avait secrètement employé pin-
sieurs qui furent Tinstrument funesie de son ma-
riage avec Tempereur. Ptolomée, un dentre eu
qui avait accompagné Othon , lui avait promis
qu'il survivrait à Néron; et l'événement, joint â
la vieillesse de Galba , à la jeunesse d'Othon^ au
conjectures et aux bruits publics, lui fit ajontcr
qu'il parviendrait â Tempire. Othon , suivant le
penchant qu'a l'esprit humain de saffectionner
aux opinions par leur obscurité même , prenait
tout cela potu* de la science et pour des avis dn
diestin ; et Ptolomée ne manqua pas , selon la con-
unie , d'être l'instigateur du crime dont il avait
été le prophète.
Soit quOthoQ eût ou non formé ce projetai!
est certain qu'il cultivait depuis long-temps les
gens de guerre, comme espérant succéder i rem-
pire ou Tusurper. En route , en bataille , au camp,
nommant les vieux soldats par leur nom , et,
comme ayant servi avec eux sous Néron , les ap-
pelant camarades , il reconnaissait les uns, s m-
formait des autres, et les aidait tous de sa bourse
ou de son crédit. 11 entremêlait tout cela de fipé-
quentes plaintes , de discours équivoques sur
Galba , et de ce qu'il y a* de plus propre à émoa-
voir le peuple. Les fiitigues des marches , la rareté
disa vivres, la dareێ du commandement, il enve*
L
DBTACïTH. ' *'-7
nîmàit tout , comparant les anciennes et agréables
navigations de la Campanie et des vîUes greoq[iies
avec les longs et rudes trajets des Pyrénées et des
Alpes , où Ton pouvait à peine soutenir le poids
de ses armes.
Pudens , un des confidens de Ti^Ilinus , sé-
duisant diversement les plus remuans , les plus
obérés, les plus crédules, achevai*, d'allumer les es-^
prits déjà échauiles des soldats. 11 en vint au point
que, chaque fois que Galba mangeait chez Othon ,
Ton distribuait cent sesterces par tète â la cohorte
qui était de garde , comme pour sa part du festin ;
distribution que, sous lair d'u le largesse polJi-
que, Othon soutenait encore par d autres dons
particuliers. Il était même si ardent à les corrom-
pre, et k stupidité du préfet qu on trompait jus-
que sous ses yeux ftit si grande , que , sur une
dispute de Proculus, lanci'er c'e la garde, avec un
voisin pour quelque borne commune , Othon
icheta tout le champ du voisin et le donna à
Proculus.
Ensuite il choisit pour chef de l'entreprise qui!
naëditait Onomastus, un de ses ai&anchis, qui lui
lyant amené Barbitis et Veturius, tous deux ba5
officiers des gardes , après les avoir trouvés â
['examen rusés et courageux , il les chargea de
ions y de promesses, d'argent pour en gagner
Tautres; et l'on vit ainsi deux manipulaires en-
reprcndre et venir à bout de disposer de 1 empire
'onyiiBL. Us mirent peu de gens dkûs It secret } et
1 a8 PR£3aER LIVRE
tenant les fufres en suspens , ils les excitaient par
divers moyens ; les che&y comme suspects par les
bien£iits de Nymphidius; les soldats, par le dépit
de se voir frustrés du donatif si long-temps at-
tendu. Rappelant A qae^[ues-uns le souvenir de
Néron, ils rallumaient en eux le désir de IW
cienne licence : enfin ils les effrayaient tous par k
peur d'un changement dans la milice.
Sitôt qu^on sut la défection de l'armée d ADf-
magne, le venin gagna les esprits déjà émus des
légions et des auxiliaires. Bientôt les malinteo-
tionnés se trouvèrent si disposés à la sédition, et
les l)ons si tièdes à la réprimer, que, le quatorze
de janvier, Othon revenan'^ de souper eût été e&-
levé, si l'on n'eût craint les erreurs de la nuit, Ie$
troupes cantonnées par toute la ville, et le pe«
d'accord qui règne dans la chaleur du vin. Ce ne
fut pas Tinterai de Tétat qui retint ceux qui médî-
laient à jeun de souiller leurs mains dans le sao^
de leur prince, mais le danger quW autre ne fol
pris dans Tofascurité pour Othon par les soldâU
des armées de Hongrie et d'ÂUeuiagne qiû ne k
connaissaient pas. Les conjurés étoufE^rent plu-
sieurs indices de la sédition naissante ; et ce qu 0
en parvint aux oreilles de Galba fut éludé par
Lacon, homme incapable de lire dans l'esprit des
soldats, ennemi de tout bon conseil qull n'ava^*
pas donné , et toujours résistant à l'avis des sagfs.
Le quinze de janvier, (ynune Galba sacrifiai:
•au temple d'ÂpoUon^ Tanispice (Jmfaricins^ sur k
DE Tacite. lag
triste aspect des entrailles, lui dénonça d'actuel-
les embûches et un ennemi domestique , tandis
qu'Othon , qui était présent , se réjouissait de ces
mauvaises augures et les interprétait favorable^
ment pour ses desseins. Un moment après, Ono-
mastus vint lui dire que rarchitecte et les experts
lattendaient ; mot convenu pour lui annoncer
rassemblée des soldats et les apprêts de la conju-
ration. Othon fit croire à ceux qui demandaient
ôii il allait , que , prêt d'acheter une vieille mai-
son de campagne , il voulait auparavant la Êiire
examiner; puis, suivant laffiranchi à travers le
palais de Tibère au Velabre, et de là vers la co-
lonne*dorée sous le temple de Saturne, il fut salué
empereur par vingt-trois soldats, qui le placèrent
aussitôt sur une chaire curule, tout*%onstemé de
leur petkt nombre, etlenvironnèrcnt Tépée à U
main. Chemin £aiisant, ils furent joints par un
nombre â peu près égal de leurs camarades. Les
uns, instruits du complot, Faocompagnaient à
grands cris avec leurs armes ; d'autres , frappés do
spectacle , se disposaient en silence à prendre
conseil de Févénement
Le tribun Martialis , qui était de garde aucamp,
effrayé d'une si prompte et si grande entreprise,
ou craignant que la sédition n eût gagné ses sol-
dats et qull ne fût tué en s^y opposant, (ut soup-
çonné par plusieurs d en être complice. Tous les
autres tribuns et centurions préférèrent aussi le
parti le pins sûr au plus honnête. £i^ Jtel bt
\?ù PRBHIEB UVtlE
Tétat des espits , qu'an petit nombre ayant entm
pris an forait détestaUe , plusieors FapprouT^
rent et toos le souffrirent.
Cependant Galba , tranquillement occupé de
son sacrifice , importunait les dieux pour un enh
pire qui n^était plus à lui , quand tout à coup qd
bruit s éleva que les troupes enlevaient un séna-
teur qu^on ne nommait pas, mais quoo sntfD
suite être Othon. Aussitôt on vit acconrir des
gens de tous les quartiers; et & mesure qu'on 1»
rencontrait , plusieurs augmentaient le mal et
d'autres Pexténuaient, ne pouvant en cet instant
même renoncer à la flatterie. On tint conseil. ^t
il fut résolu que Pison sonderait la disposibocâ?
la cohorte qui était de garde au palais, résem"'
Fautorité encore entière de Galba pour de piu:
pressans besoins. Ayant donc assemblé les sokl^'
devant les degrés du palais, Pison leur parla aio^*
« Compagnons, il y a six jours que je hs noouKf
:« césar sans prévoir l'avenir, et sans savoir si ^^
« choix me serait utile ou funeste; c'est à vo(]>
« d'en fixer le sort pour la république et p<^^ -
« nous. Ce n'est pas que je craigne pour m^*
fc même , trop instruit par mes malheurs à *^<
« point compter sur la pospérité : mais je pki <
ft mon |>èrc, le sénat et 1 empire, en nous ^oy
or réduits à recevoir la movt ou i la donner, e\trt
K mité non moins cruelle pour des gens de \k^
«c tandis qu'après les derniers mouremens on i
• félicitait que Rome eût été exempte de viokiM
BSTACm* l3l
« et dé meartres , et qu W espérait avoir pourvu ,
ce par i'adoptioD , à prévenir toute cause de guerre
tt après la mort de Galba.
(c Je ne vous parlerai ni de mon nom ni de
tt mes mœurs, on a peu besoin.de vertus pour se
V comprer à Othon. Ses vices, dont il fait toute
« sa gloire, ont miné l'état quand il était ami du
cv prince. Est-ce par son air, par sa démarche, par
Cl sa parui^ efiëminée, qu il se croit digne de Tem-
« pire? On se trompe beaucoup si Ion prend son
r< luxe pour de la libéralité. Plus il saura perdre,
a et moins il saura donner. Débauches, festins,
€t attroupcmens de femmes, voilà les projets qu'il
et médite, et, selon lui, les droits de l'empire, dont
a la volupté sera pour lui seul, la honte et le dés-
ce lionneor pour jms -, car jamais souverain pou-
u voir acrjuis par le crime ne fut vertueusement
fc exercé. Galba fut nommé césar par le genre hu-
tt main , et je lai été par Galba de votre consente-
a ment. Compagnons, j'ignore s'il vous est indiffé-
Cl rent que la république, le sénat et le peuple ne
(( soient que de vains noms; mais je sais au moins
(c qu'il vous importe que des scélérats ne vous
« donnent pas un chef.
« On a vu quelquefois des légions se révcdter
ic contre leurs tribuns. JusquHci vo:re gloire et
i< votre fidélité n ont reçu nulle atteinte, et NàroD
€t lui*méme vous abandonna plutôt qu il ne fut
« abandonné de vous. Quoil veirons-nous une
m trentaine au plus de déserteurs et de trs^isfiigeSj^
i3a vunsa iiniE
« à qui Ton ne pennettiait pas de se choiâr aeo-
« kinent un officier, faire an empereur? Si toos
«c soulErez un tel exemple , si vous partagez le
« crime en le laissant commettre , cette liocnoe
« p 'Ssera dans les proyinces; nous périrons par
Il les meurtres, et vous par les combats, sans qv
« la solde en soit plus grande pour aToirégorgeson
« prince, que pour ayoûr £iit son deroir : mais k
« donatif n'en vaudra pas moins, reçu de noo
« pour le prix de la fidélité, que d*un autre pour k
a prix de la trahison. »
Les lanciers de la garde ayant disparu , le resH
de !a cohorte, sans paraître mépriser le discoiss
de Pison , se mit en devoir de préparer ses ensei-
gnes plutôt par hasard, et, comme il arrive en oo
momcns de trouhie, sans trop savoir ce quco
faisait, que par une Ceinte insidieuse, comme oi
Ta cru dans la suite. Celsus fut envoyé aa détacha
ment de Tannée d'IUyrie vers le portique de \~ip-
sanius. On ordonna aux primipilaires Serenns et
Sabinus d'amener les soldats geimains dn tempk
de la Liberté. On se défiait de la légion marine,
aigrie parle meurtre de ses soldats que Galba avait
Ëiit tuer à son arrivée. Les tribuns Certas, Sobr-
nus, et LoDginus, allèrent au camp piétorîei
pour tâcher d étoulTer la sédition naissante avact
qu elle eût éclaté. Les soldats menacèrent lesdesx
premiers; mais Longin fut maltraité et dësannc .
parce qu il n'avait pas passé par les grades nDlilttd^
res^ et qu^étant dans la confiance cie Galba il r^
DE tACITE. l33
étmt plus suspect aux rebelles. La légion de la mer
ne balança pas à se joindre aux prétoriens : ceux
du détachement dlUyrie, présentant i Ceisus ^a
pointe des armes, ne youlurent point l'écouter;
mais les troupes d'Allemagne hésitèrent long-
temps, n'ayant pas encore recouvré leurs forces,
et ayant perdu toute mauvaise volonté depuis
que, revenues malades de la longue navigation
d'Alexandrie où Néron les avait envoyés, Galba
n'épargnait ni soin ni dépense pour les rétablir.
La foule du peuple et des esclaves, qui durant ce
temps remplissait le palais, demandait à cris per^-
çansla mort d'Olhon et l'exil des conjurés, comme
ils auraient demandé quelque scène dans les jeux
publics; non que le jugement ou le zèle excitât
des clameurs qui changèrent d'objet dès le même
jour, mais par lusage établi d'enivrer chaque prftice
d'acclamations efiirénées et de vaines flatteries.
Cependant Galba flottaitentre deux avis. Celui
de ,Vinius était qu'il fiillait armer les csclares, res^
ter dans le palais, et en barricader les avenues;^
qu'au lieu de s^ofErir k des gens échauflfés on devait
laisser le temps aux révoltés de se repentir et aux
fidèles de se rassurer; que si la promptitude con-
fient aux for&its, le temps Ëivorise les bons des-
seins-^qu enfin l'on aurait toujours la même liberti
d'aller s'il était nécessaire^ mais qu'on n'était pas
sûr d'avobr celle du retour au besoin.
Les autres jugeaient qu'en se hâtant de préve-
siir le progrès d'"ue sédition faible encore et peo
\3\ niZISXBk UVRE
nombreuse, on épouyanterait Othon mâiM, qui,
l'étant Hyré furtivement à des inconnus^ profite^
rait, pour apprendre à représenter , de tout k
temps qu'on perdrait dans une lâche indolence.
Fallait<>il a!t ndre qu^ayant pacifié U camp il Tint
s'emparer de la place ^ et monter an Capîtole anx
yeux mêmes de Galba , tandis qu'un si grand capi>
taine et ses braves amis, renfermés dans les por*
tes et le seuil du palais, Tinviteraient pour ainsi
dire à les assiéger? Quel secours pouvait-on se
promettre des esclaves, si on laissait refiroidir la
faveur de la multitude, et sa première indignation
plus puissante que tout le reste? D ailleurs,
disaient-ils, le parti le moins honnête est aussi le
moins sûr; et, dût-on succomber au péril, il vaut
encore mieux l'aller chercher; Othon en sera i^os
odieux, et nous en aurons plus d'honneur. Vinius
résistant à cet avis fut menacé par Lacon â Hn-
stigation dicelus, toujours prêt à servir sa haine
particulière aux dépens de l'état.
Galba , sans hésiter plus long-temps, cboisil le
parti le plus spécieux. On envoya Pison le jn-
mier au camp, appuyé du crédit que devaient ha
donner sa naissance, le rang auquel il venait de
monter, et sa colère contre Vinius, vérifaUe oa
supposée telle par ceux dont Vinius était hai et
que leur haine rendait crédule. A peine Pison fel
parti, qu il s'éleva un bruit, d abord vague et îd-
certain , qu^Othon avait été tué dans le camp :
pois, comme il arrive aux mensonges important,
DETACITB. l35
i! se trouva bientôt des témoins oculaires du t»ii,j
^ persuadèrent aisément tous ceux qui s^cn
réjouissaient ou qui s en souciaient peu; mais plu»
$ieurs crurent que ce bruit était répandu et fo-
menté par les amis d'Othon, pour attirer G^lba
par le leurre d^une bonne nouvelle.
Ce fut alors que, les applaudissemens et Tem*
E ressèment outré gagnant plus haut qu'une popu-
ce imprudente, la plupart des chevaliers et des
sénateurs, rassurés et sans précaution, forcèieat
les portes du palais, et, courant au-devant de
Galba, se plaignaient que llioDueur de le venger
leur eût été ravie. Les plus lAchcs, et, comme 1 ef i-
fet le prouva, les moins capables d^afironter le
danger, téméraires en paroles et braves de la lan-
gue, a&maient tellement ce qulls savaient le
moins, que, faute davis certain, et vaincu par
ces clameurs , Galba prit une cuirasse , et , n'étant
ni d âge ni de force à soutenir le choc de la foule,
se fit porter dans sa chaise. Il rencontra, sortant
du palais, un gendarme nommé Julius Âtticus,
^ui, montrant son glaive tout sanglant, s écria
qu il avait tué Othon. Camarade , lui dit Galba ,
qui vous Va commandé? Vigueur singulière d'un
homme attentif à réprimer la licence militaire, et
qui ne se laissait pas plus amorcer par les flatto-
ries qa'effirayer par les menaces!
Dans le camp les scntimens n étaient plus dou-
teux ni partagés, et le zèle des soldats était tel,
que, non contens denvircHiner Othon de leurs
\
r36 PREMIER LIVRE
corps et de leurs bataillons, ils le placèrent an mi-
lîeu des en^ignes et des drapeaux, dans Tenceinte
où était peu auparavant la statue d'or de Galba.
Ni tribuns ni centurions ne pouvaient approcher,
et les simples soldats criaient qu^on prit.garde aux
officiers. On n'entendait que clameurs, tumultes,
exhortations mutuelles. Ce n'étaient pas les tièdes
et les discordantes acclamations d'une populace
qui flatte son maître; mais tous les soldats quon
voyait accourir en foule étaient pris par la main ,
embrassés tout armés , amenés devant lui , et , après
leur avoir dicté le serment, ils recommandaient
Tempercur aux troupes et les» troupes i 1 empereur.
Othon, de son côté, tendant les bras, salua:nt la
multitude, envoyant des baisers, n'omettait rieo
de servile pour commander. ,
Enfin , après que toute h lé^îon de mer lui eut
prêté le serment, se coit^ant en ses forces et vou-
lant animer en commun tous ceux qu il avait ex-
cites en particulier, il monta sur le rempart du
camp, et leur tint ce discours :
ce Compagnons , j'ai peine à dire sous^piiel titre
« je -me présente en ce lieu : car, élevé par vous à
K Tempire, je ne puis me regarder comme parti-
« culicr, ni comme empereur tandis quun autre
«commande; et l'on ne peut savoir quel nom
a vous convient k vous-mêmes qu'en décidant si
« celui que vous protégez est le chef ou l'enDemi
ce du peuple romain. Vous entendez que nul ne
£ demande ma punition qu'il ne demande aussi
R la vôtre , tant il est certain que nous ne pouvons
« nous sauver ou pérû* quVnsemble; et vous de^
ce vez juger de la fiicilité avec laquelle le clément
a Galba a peut-être déjà promis votre mort par le
a meurtre de tant de milliers de soldats innocens
tt que personne ne lui demandait. Je frémis en me
ce rappelant Thorreur de son entrée et de son
ce unique victoire, lorsqu'aux yeux de toute la
(c ville il fit décimer les prisonniers supplians qu'il
(c avait reçus en grâce. Entré dans Rome sous de
(c tels auspices, quelle gloire a-t-il acquise dans le
ce gouvernement, si ce nest dWoir fait mourir
ce Sabinus et Marcellus en Espagne, Cbilon dans
a les Gaules, Capiton en Allemagne, Macer en
c( Afrique, Cingonius en route, Turpilien dans
«c Rome, et Nymphidius au camp? Quelle armée
et ou quelle province si reculée sa cruauté n'a-t-elle
ce point souillée et déshonorée, ou, selon lui,lavée
(C et purifiée avec du sang? car, traitant les crimes
<c de remèdes et donnant de faux noms aux choses,
ce il appelle la barbarie sévérité, Tavarice écono-
cc mie^ et discipline tous les maux qu'il vous friit
ce souffrir. Il n y a pas sept mois que Néron est
ce mort, et Icelus a déjà plus volé que n^ont Ëiit
et Élius, Polyclèle et Vatinius. Si Vînius lui-même
a eût été empereur, il eût gouverné avec moins
a d avarice et de licence; mais il nous commande
ce comme à ses sujets , et nous dédaigne comme
ce ceux d'un. autre. Ses richesses seules suffiseni
l38 PREMIER IIVRB
« pour ce donatif qu on vous vante sans cesec el
ce qu'oB ne yoas donue iamais.
et Afin de ne pas même laisser d'espoir i son
c successeur, Galba a rappelé d'exil on homme
K qu'il jugeait avare et dur comme lui. Les dieui
« vous ont avertis par les signes les plus évidens,
« qu'ils désapprouvaient cette élection. Le sénat et
« le peuple romain ne loisont pas plus fiivorables :
«c mais leur confiance est tout en votre courage;
« car vous avez la force en main pour exécuter ks
« choses honnêtes, et sans vous les meilleurs des-
« seins ne peuvent avoir d effet* Ne croyez pas
ctqu^il soit ici question de guerres ni de périb,
(T puisque toutes les troupes sont pour nous, que
« Galba n a qu'une cohorte en toge dont il n*est
« pas le chef, mais le prispnnier, et dont le seul
« combat à votre aspect et à mon premier signe va
a être à qui m'aura le plus tôt reconnu. Elnfin et
« n'est pas le cas de temporiser dans une entrt;
« prise quon ne peut louer qu après lexécution. •
Aussitôt, ayant Ciit ouvrir l'ai^senal, tous cou-
rurent aux armes sans ordre « sans règl«, sans
distinction des enseignes prétoriennes et des lé-
gionnaires, de Fécu des auxiliaires et du bouclier
romain; et, sans que ni tribun ni centurion seo
mêlât, chaque soldat, devenu son propre ofScier,
s animait et s'excitait lui-même à mal fiiire par k
plaisir d-affliger les gens de bien.
Déjà Pison, efl&uyé du frémissement de la sé£-
tàao. croissante et. àa hriiit des dâ^euis ^ retca-
DE TACiTB. r3g
tissait ji jsqne dans la ville , s était mis à la suite de
Galba-qoi s'acheminait vers la place. Déjà, sur les
manvabes nouveites apportées par Celsus , les uûs
parlaient de retourner au palais, d^aufresd aller air
Capitole, le plus grand nombre d'occuper les
rostres. Plusieurs se contentaient de contredire
lavb des autres ', et , comme il arrive dans les mau-
vais succès, le parti quil nétait plus temps de
prendre semblait alors le meilleur. On dit que
Lacon méditait à YirSsn de Galba de faire tuer
Vinius ; soit qu'iLespéràt adoucir les soldats par ce
châtiment, soit qu'il le crût complice d'Othon,
soit enfin par un mouvement de haine. Mais le
temps et le lieu l'ayant fait balancer par la crainte
de ne pouvoir plus arrêter le sang après avoir com-
mencé d'en répandre, Teffiroi dessurvenans,la dis-
persion du cortège, et le trouble de ceux qui s'é*
taient d'abord montrés si pleins dezèleetd'ardeur,
achevèrent de Ten détourner.
Cependant, entraîné çâ et (à, Galba cédait à
l'impulsion des flots de la multitude, qui, remplis-
sant de toutes parts les temples et les basiliques,
a ofl^ait qu'un aspect lugubre. Le peuple et les ci-
toyens, Tair morne et l'oreille attentive, ne pous-
saient point de cris ; il ne régnait ni tranquiUité ni
tumulte, mais un silence qui marquait à la fois la
firajreor et Tindignation. On dit pourtant à Otfaon
que le peuple prenait les armes : sur quoi il ordonna
de forcer les passages et d'occuper les postes ivOf-
l^ortans. Alors ^ comme 5 il eût été jpiestion ooado
l4o PRESnER UVKE
massacrer dans leur prince un vieillard désarmé|
mais de renverser Pacore oiiVologèse du trdne des
ÂrsacideS; on vit les soldats romains écrasant le
peuple, foulant aux pieds les sénateurs , pénétiti
dans la place à la course de leurs chevaux et â U
pointe de leurs armes, sans respecter le Capitole
ni les temples des dieux, sans craindre les princes
présens et à venir, vengeurs de ceux qui les ont
précédés.
A peine aperçut-on les troupes dX)thon , qps
renseigne de l'escorte de Galba, appelé^ dit^Hi,
Vergilio, arracha Timage de 1 empereur et la jeta
par terre. A Tinstant tous les soldats se dédartnt,
le peuple fuit, quiconque hésite voit le £sr prêt ï
le percer. Près du lac de Curtius, Galba toinbaik
sa chaise par Teffiroi de ceux qui le portaient, et
fut d'abord enveloppé. On' a rapporté diversement
ses dernières paroles selon la haine ou l'admira-
tion qu'on avait pour lui : quelques-uns disent
qu'il demanda d'un ton suppliant quel mal il avak
. Élit, priant qu on lui laissât quelques jours pour
payer le donatif ; mais plusieurs assurent que,
présentant hardiment la gorge aux soldats, 0 leur
dit de frapper s'ils croyaient sa mort utile à 1 état
Les meurtriers écoutèrent peu ce qu^il pouraiC
dire. On n'a pas bien su qui lavait tué : les uns
nomment Terentius, d'autres Lecanius ; mais le
bruit commun est que Camurius , soldat de b
quinzième légion, lui coupa la gorge. Les autres
lui déchiquetèrent cruellement les bras et les jam-
DB TAcrrr. 14^
bes, car la cuirasse couvrait la poitrine ; et leur
barbare férocité chargeait encore de blessures un
corps déjà mutilé.
On Tint ensuite à Vinius, dont il est pareille-
ment douteux si le subit ef&oi lui coupa la voix^
ou s'il s'écria qu^Otbon n'avait point ordonné sa
mort; paroles qui pouvaient être YeSki de sa
crainte, ou plutôt Tayeu de sa trahison, sa vie et
sa réputation portant à le croire complice dun
crime dont il était cause.
On vit ce jour-là dans Sempronius Densns un
exemple mémorable pour notre temps. C'était un
centurion de la cohorte prétorienne , chargé par
Galba de la garde de Pison : il se jeta le poignard
à la main au^evant des soldats en leur reprochant
leur crime; et, du geste et de la voix attirant les
30ups sur lui, il donna le temps à Pison de se
:happcr quoique blessé. Pison se sauva dans le
:einp!e de Vesta, où il reçut asile par la piété d'un
;sclave qui le cacha dans sa chambre ;r, précaution
>lus propre à différer sa mort que la religion ni le
aspect des autels. Mais florus, soldat des cohor^
es britanniques, qui depuis long-temp avait été
ait citoyen par Galba , et Statius Murcus , lancier
le la garde, tous deux particulièrement altérés du
ang de Fison , vinrent de l^f part d'Othon le tirer
e son asile, et le tuèrent à la porte du temple.
Cette mort fut celle qui fit le plus de plaisir à
Khon ; et Ion dit que ses regards avides ne pou-
iieot se lasser de considérer cette tfite^ soit que.
î ;a PREMIER LIVRE
délivré de toute inquiétude, il commençât alorsl
se livrer à la joie, soit que, son ancien respect
pour Galba et son amitié pour Vinius mêlant à sa
cruauté quelque image de tristesse , il se crût plus
permis de prendre plaisir à la mort d'un concur-
rent et d'uu ennemi. Les têtes furent mises cha-
cune au bout d une pique et portées parmi les
enseignes des cohortes et autour de Faigle de Ll
légion : c'était k qui ferait parade de ses maLis
sanglantes, à qui, faussement ou non, se vanterait
d^avoir commis ou vu ces assassinats , comme
d exploits gloriçux et mémorables. Vitellius troava
dans la suite plus de cent viogt placets de gens
qui demandaient récompense pour quelque ilât
notable de ce jour-là : il les fit tous chercher et
m^'ttre à mort, non pour honorer Galba , ma»
selon la maxime des princes de pourvoir à lear
sûreté présente par la crainte des châtimensfiituis.
Vous eussiez cru voir un autre sénat et un
(lutre peuple. Tout accourait au camp : chacun
s empressait à devancer les autres, à maudîp
Galba, à vanter le bon choix des troupes, à bai-
ser les mains d'Othon ; moins le zèle était dîncèn^
plus ou aOectait d!en montrer. Othon de son ci^L
ne rebutait personne, mais des yeux et de la vca
^chait d adoucir Tavide férocité des soldats. L
ne cessaient de demander le supplice de Cebu5
consul désigné, et, jusqu à 1 extrémité, fidèle am
de Galba : son innocence et ses services étaîen
des crimes qui les irritaient On vojait ^lls u
DE TACITE. 143
chcrcîiaieiit qu'à Ésiire périr tout hcmmc de bien ,
et commencer les meurtres et le pillage : mais
QthoTi ,qui pouvait commander les assassinats^ n'a-
vait pas encore assez d'autorité pour les défendre.
Il fit donc lier Celsus , affectant une grande colère,
et le sauva d'une mort présente en feignant de le
réserver à des tourmens plus cruels.
Alofô tout se fit au gré des soldats. Les préto-^
riens se choisirent eux-mêmes leurs préfets. A
Firmus, jadis manipulalre, puis commandant du
guet , et qui , du vivant même de Galba , s'était
attaché à Othon , :1s joignirent LiciniusProculus,
que son étroite familiarité avec Othon fit soup-
çonner d'avoir favorisé ses desseins. En donnant
à Sabinus la préfecture de Rome, ils suivirent le
sentiment de Néron sous lequel il avait eu le même
emploi ; mais le plus grand nombre ne voyait en
lui que Vespasien son frère : ils sollicitèrent l'af-
franchissement des tributs annuels que, sous lo
nom de congés à temps ^hs simples soldats payaient
aux centurions. Le quart des m'anipulaires était
aux vivres ou dispersé dans le camp ; et pourvu
que le droit du centurion ne fut pas oublié, il n'y
avait sorte de vexation dont ils s'abstinssent, ni
sorte de métiers dont ils rougissent. Du profit
de leurs voleries et des plus servils emplois ils
payaient l'exemption du service militaire ; et
quand ils s'étaient enrichis, les officiers, les acca-«
blant de travaux et de peine, les forçaient d'achc**
ter de nouveaux congés. Euliu , épuisés de dépensa
s
X $4 PREMIER LIVRE
et perdus cle mollesse^ ils revenaient aa manipule
pauvres et fainéans y de laborieux qu^Is en étaient
partis et de riches qu'ils y devaient retourner.
Voilà cpmment, également corrompus tour à tonr
par la licence et par la misère, ils ne cherchaient
que mutineries , révoltes et guerres civiles. De
ur d'irriter les centurions en gratifiant les sol-
ts à leurs dépens, Othon promit de payer du
fisc les congés annuels ; établissement udle , et
depuis confirmé par tous les bons princes pour k
maintien de la discipline. Le préfet de Lacon,
qu on feignit de reléguer dans une ile , fut tué par
qn garde envoyé pour cela par Othon : Icelus fut
puni publiquement en qualité d'ailranchi.
Le comble des maux dans un jour si rempli de
crimes fut Tallégresse qui le termina. Le préteur
de Rome convoqua le sénat ; et , tandis que les
autres magistrats outraient i Tenvi radulation,!»
sénateurs accourent; décernent à Othon la pub-
sance tribunitienne , le nom d'Auguste , et tnn$
les honneurs des empereurs précèdens y tàchact
dVifacer ainsi les injures dont ik venaient de k
cbarger, et auxquelles il ne parut point sensiKf
Que ce fût clémence ou délai de sa part , c'est cc
que le peu de temps qu'il a régné n^a pas pemii:
de savoir.
S'étant fait conduire au Capitole , puis ai
palais, il trouva la place ensan^ntée des morb
qui y étaient encore étendus, et permit qu^ils fo^
i^nt brûlé^ et enterrést Yerania, femme de Pisosj
DE TACITE. 145
Scribonlanussonfirère, et Crispine, fille de Vinius,
rccueîllîrent leurs corps, et, ayant cherché les
têtes, les rachetèrent des meurtriers <juiles ayaieut
gardées pour les vendre.^
Pisou finit ainsi la trente-unième année dune
vie passée avec moins de bonheur que d'honneur.
Deux de ses frères avaient été mi» à mort. Ma-
guus par Claude, et Crassus par Néron : lui-même,
après un long exil, fut six jours césar, et, par une
adoption précipitée, sembla n'avoir clé préféré à
son aîné que pour être mis à mort avant lui. Vi-
uius vécut quarante-sept ans avec des mœurs in-
constantes : son père était de famille prétorienne-,
son aïeul maternel fut au nombre des proscrits. Il
fit avec infamie ses premières armes sous Calvi-
sius Sa])inus, lieutenant-général, dont la femme
indécemment curieuse de voir Tordre du camp y
entra de nuit en habit d'homme, et, avec la même
impudence, parcourut les gardes et tous les postes,
après avoir commencé par souiller le lit conjugal ;
crime dont on taxa Vinius d'être complice. 11 fut
donc chargé de chaînes par ordre de Caligula :
mais bientôt y les révolutions des temps Payant fait
délivrer, il monta sans reproche de grade en grade.
Après sa préture, il obtint avec applaudissement
le commandement d'une légion ; mais se déshono-
rant derechef par la plus sen'ilc bassesse, U vola
une coupe dW dans un festin de Claude, qui or-
donna le lendemain que de tous les convives on
servît le seul Vinius en vaisselle de terre. Il n«
l46 I^REHIBIL UTKE
laissa pas de gouverner ensuite la Gaule narbcm-
naise, en qualité de proconsul , avec la plus sé?ère
intégrité. Enfin, devenu tout à coup ami de Galba,
il se montra prompt, hardi, rusé, méchant, ba*
bile selon ses desseins, et toujours avec la même
vigueur. On n'eut point d'égard à son testament
à cause de ses grandes richesses; mais la pauvreté
de Pison fit respecter ses dernières volontés.
Le corps de Galba , négligé long - temps , et
chargé de mille outrages dans la licence des té-
nèbres , reçut une humble sépulture dans ses jar*
dins particuliers, par les soins d'Argius, son in-
tendant et Tun de ses plus anciens domestiques.
Sa t^*tc, plantée au bout d^une lance, et défigurée
par les valets et goujats, fut trouvée le jour sol-
vant devant le tombeau de Patrobe, aflSranchi de
Néron,qu il avait fait punir, et mise avec son corps
cL^'^jà brûlé. Telle fut la fin de Sergiu3 Galba , apcs
soixante et treize ans de vie et de prospérité sous
cinq princes, et plus heureux sujet que souverain.
Sa noblesse était ancienne, et sa fortune inuucnse.
11 avait im génie médiocre, point de vices , et peu
de vertus. 11 ne fuyait ni ne cherchait la réputa-
tion : sans convoiter les richesses d autrui , il était
ménagé des siennes, avare de celles de l'état. Sub-
jugué par ses amis et ses af&ancnis, et juste ou
méchant par leur caractère, il laissait faire égale-
ment le bien et le mal, approuvant l'un et igoo-
ont Fautre ; mais un grand nom et le malheur des
^^ )ps lui iîùsaieut imputer à vertu ce ^i n'était
DE TACITE. l47
qu'indolence. 11 avait servi dans sa jeunesse en
Germanie avec honneur, et s'était bien comporté
dans le proconsulat d'Afrique : devenu vieux, il
gouverna ITlspagne citérieure avec la même équité.
En un mot, tant quil fîit homme privé, il parut
au-dessus de son étdt, et tout le monde 1 eût jugé
digne de l'empire , s'il n y fût jamais parvenu.
A la consternation que jeta dans Rome l'atro-
cité de ces récentes exécutions , et à la crainte qu y
causaient les anciennes mœurs (VOthon, se joignît
un nouvel effroi par la défection de VitelJius,
qu'on avait cachée du vivant de Galba, en lais-
sant croire qu'il n'y avait de révolte que dans l'ar-
•née de la Haute-Allemagne. C'est alors qu'avec le
sénat et Tordre équestre , qui prenaient quelque
part aux affaires publiques , le peuple mémo dé-
plorait ouvertement la fatalité du sort , qui snm-
olait avoir suscité pour la perte de Pcmpiie deux
hommes, les plus corrompus des mortels par la
mollesse, la débauche, l'impudicité. On ne voyait
pas seulement renaître les cruautés commises du;
rant la paix, mais Iborrcur des guerres civiles où
Rome avait été si souvent prise par ses propres
troupes, ritcdie dévastée, les provinces ruinées.
Pharsale, Philippes, Pérouse et Modène, ces noms
célèbres par la désolation publique , revenaient
sans cesse à la bouche. Le monde avait été presque
bouleversé quand des hommes dignes du souve-
rain pouvoir se le disputèrent. Jules et Auguste
vainqueurs avaient souftenu l'empire, Pompée et
I (8 1>REMIRR LIVRE
Brutus eussent relevé la république. Mais était-ce
pour Vitellius ou pour Oihoa qu'il fallait invo-
quer les dieux? et quelque parti qu on prît entre
de tels compétiteurs, comment éviter de faire des
vœux Impies et des prières sacrilèges, quand lé-
véncment de la guerre ne pouvait dans le vain-
queur montrer que le plus méchant? Il y en avait
qui songeaient à Vespasien et à larméc d*0ricnl;
mais quoiqu'ils préférassent Vespasien aux deux
autres, ils ne laissaient pas de craindre cette non-
velle guerre comme une source de nouveaux m:tl-
heurs : outre que la réputa'ion de Vespasien était
encore équivoque ; car il est le seul parmi tant
de princes que le rang suprême ait changé en
mieux.
Il faut maintenant exposer Toriglne et les cau-
ses des mouvemens de Vitellius. Après la défaite
et la mort de Vindex, Farmée, qu'une viiloirt
sans danger et sans peine venait d'enrichir, fier?
de sa gloire et de son butin , et préférant le ptl
lage à la paie, ne cherchait que guerres et que
tx»mbats. Long-temps le service avait été infiroc-
tueux et dur, soit par la rigueur du dimat et dt^
saisons, soit par la sévérité de la discipline, tou-
jours inflexible durant la paix, mais que les flat-
teries des séducteurs et l'impunité des traitn^
énervent dans les guerres civiles. Hommes, armeN
chevaux, tout s'offirait à qui saurait s en servir et
^S*en illustrer; et, au lieu qu'avant la guerre les
armées étant éparses sur les frontières^ chacun ne
DE TACITE. l49
connaissait que sa compagnie et son bataillon ,
alors les légions rassemblées contre Vindex, ayant
comparé leur force à celles des Gaules, n'atten-
daient cju^un nouveau prétexte pour chercher que-
relle à des peuples qu'elles ne traitaient plus d'amis
et de compagnons, mais de rebelles et de vaincus.
Elles comptaient sur la partie des Gaules qui con-
fine au Rhin, et dont les habitans ayant pris le
même parti les excitaient alors puissamment con-
trc les galbiens , nom que par mépris pour Vindex
ils avaient donné à ses partisans. Le soldat, animé
contre les Eduens et les S^quanais, et mesurant
sa colère sur leur opulence, dévorait déjà dans son
cœur le pillage des villes et des champs et les dé«
pouilles des citoyens. Son arrogance et son avi^
dilé, vices communs à qui se sent le plus fort, s'ir^
ritaient encore par les bravades des Gaulois, qui,
pour faire dépit aux troupes, se vantaient de la
remise du quart des tributs , et du droit qu'ils
avaient reçu de Galba.
A tout cela se joignait un bruit adroitement
répandu cl inconsidérément adopté, que les lé-
gions seraient décimées et les plus braves centu-
rioni cassés. De toutes parts venaient des nou-
velles fâcheuses ; rien de Rome que de sinistre :
la mauvaise volonté de la colonie lyonnaise et son
opiniâtre attachement pour Néron était la source
de mille &ux bruits. Mais la haine et la crainte
particulière jointe 4 la sécurité générale qu'in^i-
raient tant de force réunies, fournissaient dans 1$
1^2 mzZU^^ UVKE
Galba avait dîiDÎnaé le territoire et qu'il avait
maltraitées pr de rigoureux édits, mêlés dans les
quartiers des légions, les excitaient par des dis-
cours séditieux; et les soldats, corrompos par It>
habitans, n'attendaient qu'un homme qui toqIù:
profiter de l'offre qu'ils avaient faite à Verginios.
La cité de Langres avait, selon l'ancien U5a;^
envoyé aux légions le présent des mains enlacr v'^.
en signe d'hospitalité. Les députés, aflectant un:
contenance afBigéc, commencèrent à raconter d'
chambrée en chambrée les injures qulls recevaitrt
et les grâces qu'on faisait aux cités voisines; po:..
se voyant écoutés, ils échaufTaicnt les es|HÎt5 p*
rénumération des mécontentemens donnés âl *
méc et de ceux qu'elle avait encore à craindre.
Enfin tout se préparant à la sédition , HonJ' .^
nius renvoya les députés et les fit sortir de du
pour cacher leur départ. Mais cette précaui
réussit mal, plusieurs assurant qu'ils avaient :
massacrés, et que si Ton ne prenait gardeâ^^^^
les plus braves soldats qui avaient osé murmorf-
de ce qui se passait seraient ainsi tués de niû>
l'insu des autres. Là -dessus les légions sVt'
liguées par un engagement secret, on fit venir r>
auxiliaires, qui d'abord donnèrent de l'inquiétu^
aux cohortes et à la cavalerie qu'ils environ naît^:
et qui craignirent d'en être attaqués. Mais bien
tous avec la même ardeur prirent le même paf
fnutins plus d'accord dans la révolte jju^Us ne t«
rea( dans leur devoir,
DE TACITE. iSl
Cepeiulant le premier janvier les légions de la
Germanie inférieure prêtèrent solennellement le
serment de fidélité à Galba ^ mais à contre-cœur
et seulement par la voix de quelques-uns dans les
premiers rangs ; tous les autres gardaient le si-
lence, chacun n'attendant que l'exemple de sou
voisin, selon la disposition naturelle aux hommes
de seconder avec courage les entreprises qu'ils
n^osent commencer. Mais Témotion n'était pas la
mcme dans toutes les légions. Il régnait un si
grand trouble dans la première et dans la cin-
quième, que quelques-uns jetèrent des pierres aux
images de Galba. La quinzième et la seizième,
sans aller au-delà du murmure et des menaces,
cherchaient le moment de commencer la révolte.
Dans 1 armée supérieure, la quatrième et la vingt-
deuxième légion, albnt occuper les mêmes quar-
tiers, brisèrent les images de Galba ce même pre-
mier de janvier; la quatrième sans balancer, la
vingt-deuxième ayant d'abord hésité , se déter-
mina de même : mais pour ne pas paraître avilir
la majesté de Fcmpire elles jurèrent au nom du
sénat et du peuple romain , mots surannés depuis
long-temps. On ne vit ni généraux ni officiers
faire le moindre mouvement en faveur de Galba ;
plusieurs même dans le tumulte cherchaient A
l'augmenter, quoique jamais de dessus le tribunal
ni par de publiques harangues; de sorte que jus-
que-là on n'aurait su à qui s'en prendre.
Le proconsul Hordeonius, simple spectateur
lS4 PREBnER uniE
de la révolte, n^osa faire le m- imlre eflEbrt pnar
réprimer les séditiecu, contenir ceux qui flot-
taient, ou ranimer les fidèles : ncgligent et mm-
tif , il fut clément par licheté. Nonius Receptus.
Donatins Valens, Romillins Marcellus, Calpor
nias Repenânns, tous quatre centurions de la
vingt-deuxième légion^ ayant tou}u défendre lc5
images de Galha, les soldats se jetèrent sm* eu\ ft
les lièrent. Après cela il ne fût pAus question Àe L
foi promise ni du serment prêté; et, comme il ar-
rive dans les séditions, tout fut bientôt du c&tè da
plus grand nombre. La même nuit, VitcUiusétâTi'
à table à Cologne, Icnseigne de la quatrième k-
gion le vint avertir que les deux légions, apî
avoir renversé lés images de Galba, avaient jtiTè
fidélité au sénat et au peuple romain ; serment
qui fut trouvé ridicule. Vitellius, voyant rocta-
sion favorable , et résolu de s oflSrir pour chef, ta-
voya des députés annoncer aux légions que bo-
rnée supérieure s était révoltée contre Galba , qu li
fallait se préparer à laire la guerre aux rebclk^^
oà, si Ion aimait mieux la paix, à reconn-iltr
un autre empereur, et qu'ils couraient moins ûc
risque à Félire qu à lattendre.
Les quartiers de la première légion étaient I^
plus voisins. Fabius Valens, lifutenant-généni.
fut le plus diligent, et vint le lendemain , à la tt'^
de la cavalerie de la légion et des auxiliaires, sa-
luer Vitellius empereur. Aussitôt ce fut parmi W^
légions de la province à qui prévi^idrait les as-
DE TACITS. 't55
Ires'j et l'année supérieure, laissant ces mots spè*
deux de sénat et de peapte romain, reconnut
aussi Vitellius, le 3 de janvier, après s^étre jouée
durant deux jours du nom de la républic^ue. Ceux
de Trêves, de Langres et de Cologne, non moins
ardens, que les gens de guerre, offiaicnt à lenvi^
selon leurs moyens, troupes, chevaux, armes ;
argci^t. Ce zèle ne se bornait pas aux chefs des
colonies et des quartiers, animés par le concours
présent et par les avantages que leur promettait
la victoire; mais les manipules, et même les sim -
pies soldats, transportés par instinct, et prodigues
par avarice, venaient, faute d'autres biens, offrir
leur paie, leur équipage, et jusqu aux ornemens
d'argent dont leurs armes étaient garnies.
Vitellius, ayant remercié les troupes de leur
zèle, commit aux chevaliers romains le service
auprès du prince , que les aâranchis faisaient au-
paravant. 11 acquitta du fisc les droits dus aux
centurions par les manipulaires. Il abandonna
beaucoup de gens à la fureur des soldats, et en
sauva quelques-uns en feignant de les envoyer en
prison. Propinquus, intendant de la Belgique, fut
tué sur-le-champ; mais Vitellius sut adroitement
soustraire aux troupes irritées Julius Burdo, com-
mandant de Farmée navale , taxé dWoir intenté
des accusations et ensuite tendu des pièges à Fon«
téius Capiton. Capiton était regretté; et parmi ces
furieux on pouvait tuer impunément, mais non
pas éps^rgner sans ruse. Burdo fut donc mis en
l56 PREMIER UYRE
prison, et relâché bientôt après la victoire^ qoaiui
ks soldats furent apaisés. Quant au centurion
Oispinus, qui s'était souillé du sang de Capiton,
et dont le crime n'était pas équivoque à leoR
yeux, ni la personne regrettable à ceux de Vhel-
lius, il fut livré pour victime k leur vengeance,
Julius Civilis, puissant chez les Bataves, échapp
au péril par la crainte qu^ou eut que son sup|di(t
u'aliénât un peuple si féroce; d'autant plus qull
y avait dans Langres huit cohortes bataves auxi-
liaires de la quatorzièine légion , lesquelles s'en
étaient séparées par lesprit de discoïde «rai ré-
gnait en ce temps-là, et qui pouvaient produis
un grand effet en se déclarant pour ou contre. Le^
centurions Nonius, Donatius, Romilius, Calptir-
uius, dont nous avons parlé, furent tués par Tor-
dre de Vitellius, comme coupables de ficiélitt.
crime irrémissible chez des rebelles. Valérii^
Asiaticus, commandant de la Belgique, et doi*.
peu après Vitellius épousa la fille, se joignit â In:-
Jplius Blaesus, gouverneur du Lyonnais, eu fitoe
luéme avec les troupes qui venaient â Lyon: sr
voir, la légion d Italie et 1 escadron de Turin
telles de la Rhétique ne tardèrent point à suivr
cet exemple.
Il u y eut pas plus dincertitude en Angletent
Trebellius Maximus qui y commandait s'était !»:•
haïr et mépriser de Tarmée par ses vices et se-:
avarice*, haine que fomentait Roscius Casilii^.
cpmmaiulaut de la vingtième légion, brouillé de-
DS TACITE. iSy
pais long-temps avec lui, mais à Toccasion clés
guares ciyiles devenu son ennemi déclaré. Tre«
bellius traitait Cœlius de séditieux, de perturba*
tf^ur de la discipline; Cxlius Taccusait à son tour
de piller et miner les légions. Tandis que les gé-
néraux se déshonoraient par ces opprobres mu*
tueisy les troupes perdant tout respect en vinrent
à tel excès de licence que les cohortes et la cava*
lerie se joignirent à Cœlius, et que Trcbellius^
aliandonné de tous et chargé d^in jures, fut con-
traint de se réfugier auprès de Vitellius. Cepenr
dant, sans chef consulaire, la province ne laissa
pas de rester tranquille, gouvernée par les corn-
mandans des légions que le droit rendait tous
ëgaux, mais que 1 audace de Ca^lius tenait en
respect.
Après l'accession de larmée britannique y Vi-
tellius, bien pourvu d armes et d'argent, résolut
de faire marcher ses troupes par deux chemins et
sous deux généraux. Il chargea Fabius Valens
dattirer à son parti les Gaules, ou, sur leur rpfus,
de les ravager, et de déboucher en Italie par les
Alpes cottiemies; il ordonna à Cécina de gagner
la Crète des Pennines par le plus court chemin,
Valens eut Félite de larmée inférieure avec Paîgle
de la cinquième légion, et assez de cohortes et de
cavalerie pour lui faire une armée de quarante
mille hommes. Cécina en conduisit trente mille
fie l'armée supérieure, dont la vingt-unième lé '
g^on faisait la principale force. On joignit à Tctuf
I r>8 PUSMUBE UVKB
et à l'autre année des Germains auxiliaires dont
Vitellius recruta aussi la sienne , avec latpielle il
se préparait à suivre le sort de la guerre.
II y avait entre rarmée et Tempereur une op>
position bien étrange. Lrs soldats, pleins d'ar-
deur, sans se soucier de lliiver ni d'une paix
prolongée par indolence, ne demandaient qui
combattre; et, persuadés que la diligence est sur-
tout essentielle dans les guerres civiles ^ où il est
pins question d'agir que de consulter, ils voukieDt
profiter de TelEroi des Gaules et des lenteurs de
PEspagne , pour envahir lltalie et marcher i
Rome. Vitellius , engourdi et dès le milieu du
jour surchargé d indigestion et de vin , consumait
(Icivance les revenus de Fempire dans tin vain
luxe et des festins immenses; tandis que le zèle
et Tactivité des troupes suppléaient au devoir du
chef, comme si, présent lui-même, il eût encou-
ragé les braves et menacé les lâches.
Tout étant pêt pour le départ, elles en deman-
dèrent Tordre, et sur-le-champ donnèrent à Vitel-
lius le surnom de Germanique; mais, même après
la victoire, il défendit qu'on le nommât césar.
Valens et son armée eurent un favoraUc augure
pour la guerre quils allaient faire; car, le jour
même du départ, un aigle planant doucement i
la tête des bataillons, sembla leur servir de guide.
et, durant un long espace de temps, les solda *o
poussèrent tant de cris de joie et Faigle s'en eflOra \ a
DE TACITE. 169
si peu y qu'on ne douta pas sur ces présages d'un
grand et heureux succès.
L'armée vint à Trêves en toute sécurité^ comme
chez des alliés. Mais , quoiqu'elle reçût toutes
sortes de bons traitem( us à Divodure, ville de la
province de Metz, une terreur panique fit pren-
dre sans sujet les armes aux soldats pour la dé-
truire. Ce n'était point Fardeur du pillage qui les
animait , mais une fureur, une rage, d'autant plus
difficile à calmer qu on en ignorait la cause. Eniin,
après bien des prières et le meurtre de quatre mille
homme', le général sauva le reste de la ville. Cela
répandit un telle terreur dans les Gaules, que de
toutes les provinces où passait 1 armée on voyait
accourir le peuple et les magistrats supplians,, les
chemins se couvrir de femmes, d enfans, de tous
les objets les plus propres à ilécliir un ennemi
même, et qui, sans avoir de guerre, imploraient
la paix.
A Toul, Valens apprit la mort de Galba et lé-
lection d'Othon. Celte nouvelle, sans eflrayer ni
réjouir les troupes, ne changea rien à leurs des-
seins; mais eRp détermina les Gaulois qui, haïs-
sant également Othon et Vitellius , craignaient
de plus celui-ci. Ou vint ensuite à Langres, pro*
vince voisine , et du parti de Tarmée ; elle y fui
bien reçue, et s y comporta honnêtement. Mais
cette tranquillité fut troublée par les excès des
cohortes détachées de la quatorzième légion , dont
j ai parié ci-devant, et que Valens avait jointes à
|60 PKEMIBR UTRE
son armée. Une querelle , qni deTÎnt émeute , s*é-
leva entre les Balayes et les légionnaires; et les
ans et les autres ayant ameuté leurs camarades,
on était sur le point den Yenir aux mains, si, par
le châtiment de quelques Batayes, Valens n'eût
rappelé les autres à leur devoir. On s'en prit mal
à propos aux Eduens du sujet de la querelle. Il
leur fut ordonné de fournir de l'argent, des armes
et des vivres, gratuitement. Ce que les Eduecs
firent par force , les Lyonnais le firent volontiers :
aussi furent-ils délivrés de la légion italique et de
lescadron de^uriu qu'on emmenait, et on ne
laissa que la dix-huiiième cohorte à Lyon , son
quartier ordinaire. Quoique Manlîus Valens, com-
mandant de la légion Italique, eût bien mérité de
Vitellius, il nen reçut aucun honneur. Fabius
lavait desservi secrètement; et, pour mieux te
tromper, il aiKx:tait de le louer en public.
11 régnait entre Vienne et Lyon d'anciennes
discordes que la dernière guerre avait ranimées :
il y avait eu beaucoup de sang versé de part et
d'autre, et des combats plus firéquens et pins opi-
niâtres que s'il n eût été question que des intérêts
de Galba ou de Néron. Les revenus publics de la
province de Lyon avaient été confisqués par
Galba sous le nom d'amende. II fit, au contraire,
toutes sortes d'honneurs aux Viennois, ajoutant
ainsi Fenvie â la haine de ces deux peuples, sépa-
rés^ seulement par un fleuve, qui n'anétait pas
leur animosité. Les Lyonnab, animant donc le
DE TACITE. l6l
soldat, l'excitaient à détruire Vienne, qu'il accu-
saient de tenir leur colonie assiégée; de s être dé-
clarée pour Viudex, et d'avoir ci-devanl fourni
des troupes pour le service de Galba. En leur
montrant ensuite la grandeur du butin , ils ani-
maient la colère par la convoitise; et, non con-
tens de les exciter en secret : « Soyee, leur di-
ce saient-ils hautement, nos vengeurs et les vôtres,
ce en détruisant la source de toutes les guerres des
c( Gaules : là, tout vous est étranger ou ennemi;
<c ici vous voyez une colonie romaine et une por-
« tion de Tarmée toujours fidèle à partager avec
<c vous les bons et les mauvais succès : la fortune
ce peut nous être contraire, ne nous abandonnez
t< pas à des ennemis irrités. » Par de semblables
discours ils échauffèrent tellement Fespri^ des
soldats, que les officiers et les généraux désespé-
raient de les contenir. Les Viennob, qui n'igno-
raient pas le péril, vinrent au-devant de l'armée
avec des voiles et des bandelettes, et, se proster-
nant devant les soldats, baisant leurs pas, em-
brassant leurs genoux et leurs armes, ik calmè-
rent leur fureur. Alors Valens leur ayant fait
distribuer trois cents sesterces par tête, on eut
égard à l'ancienneté et à la dignité de la colonie;
et ce qu*il dit pour le salut et la conservation des
habitans fut écouté Êivorablement. On désarma
pourtant la province , et les particuliers furent
obligés de fournir à discrétion des vivres au 8ol«
dat; mais on ne douta point qu'ils n'eussent à
14.
l6a PHEXIER LIVRE
grand prix acheté le général. Enrîclii tOQt à coup,
après avoir long- temps sordidemout vécu, il ca-
chait mal le changement de sa fortone; et, se
livrant sans mesure à tous ses désirs irrités par
une longue abstinence, il devint un vieillard pro-
digue, d'un jeune homme iud^gent qu'il avait été.
En poursuivant lentement sa route ^ il con-
duisit l'armée sur les confins des AUobrogcs et des
Voconccs, et, par le plus infâme commerce, il
réglait les séjours et les marches sur Targent qu'on
lui payait pour s'en délivrer. Il imposait les pro-
priétaires des terres et les magistrats des vilks
avec une telle dureté , qu'il fut prêt à mettre le bn
au Luc , ville des Voconccs , qui Tadoucirent avec
de Targent. Ceux qui n en avaient point l'api-
saient en lui livrant leurs femmes et leurs filles.
C est ainsi qu'il marcha jusqu'aux Alpes.
Cociua fut plus sanguinaire et plus âpre au
butin. Les^uisscs , nation gauloise , illustre au-
trefois par ses armes et ses soldats, et maintenant
})ar ses ancêtres, ne sachant rien de la mort de
Galba et refusant d'obéir à Yitellius, irritèrent
Tesprit brouillon de son général. La vingt-unième
légion , ayant enlevé la paie destinée à la garnison
d'un fort où les Suisses entretenaient depuis long-
temps des milices du pays, fut cause, par sa pé-
tulance et son avarice, du commencement de la
guerre. Les Suisses irrités interceptèrent des let-
tres que Farmée d'Allemagne écrivait k œlle de
itODgrie, et retinrent prisonniers un cenUuioQ et
DE TACITE. l61
quelques soldats. Céchia, qui ne cherchait que U
guerre, prévenait toujours la réparation par la
vengeance , lève aussitôt son camp et dévaste le
pays, n détruisit un lieu que 2$es eaux minérales
faisaient fréquenter , et qui , durant une longue
paix, s'était embelli comme une ville. Il envoya
ordre aux auxiliaires de la Rhetique de charger
en queue les Suisses qui faisaient face à la légion*
Ceux-ci, féroces loin du péril et Uches devant len*
nemi , élurent bien au premier tumulte Claude
Sévère pour leur général; mais, ne sachant ni
s accorder dans leurs délibérations, ni garder leurs
rangs, ni se servir de leurs armes, ils se laissaient
défaire , tuer par nos vieux soldats , forcer dans
leurs places, dont tous les murs tombaient en
ruines. Cécina d'un côté avec une bonne armée,
de Fautre les escadrons et les cohortes rhétiques
composées d'une jeunesse exercée aux armes et
bien disciplinée , mettaient tout à feu et à sang.
Les Suisses, dispersés entre deux, jetant leurs
annes, et la plupart épars ou blessés, se réfugié-»
rent sur les montagnes, d'où chassés par une
cohorte thracc qu^on détacha après eux , et pour-
suivis par l'armée des Rhétiens , on les massacrait
dans les forêts et jusque dans leurs cavernes. Onf
en tua pr milliers, et Ton en Tendit un grand
nombre. Quand on eut fait le dégât, on marcha
en bataille à Avanche, capitale du pays. Ils en-
voyèrent des députés pour se rendre, et furent
re^gus à discrétion. Cécina fit punir Julius Upiau^ ^
l64 PREMIER LIVRE
un de leurs che&, comme auteui* de la gaore,
laissant au jugement de Vitellkis la grâce oa le
chAfiment des autres.
On aurait peine à dire qui , du soldat ou de
Tempereur , se montra le plus implacable aux dé-
putés helvétiens. Tous, les menaçant des armes
et de la main, criaient qu'il fallait détruire leur
ville; etVitellius même ne pouvait modérer ^a
fureur. Cependant Claudius Cossus, un des dé-
putés, connu par son éloquence, sut Templov^r
avec tant de force et la cacher avec tant d adresse
sous un air d'ef&oi, qu'il adoucit lesprit des sol-
dats, et, selon Tinconstance ordinaire au penpk,
les rendit aussi portés à la clémence qu'ils l'étaient
d'abord à la cruauté; de sorte qu'après beaucoup
de pleurs, ayant imploré grâce d'un ton plusra^
sis, ik obtinrent le salut et l'impunité de I^t
ville.
Cécina , s'étant arrêté quelques jours en Suisi^e
pour attendre les ordres de Yitellius et se jM'épara
au passage des Alpes, y reçut Tagréable nouvelle
que la cavalerie syllanienne, qui bordait le Pô.
s'était soumise à Yitellius. Elle avait senri sf^
lui dans son proconsulat d'Afrique; puis Hénxi,
l'ayant rappelée pour l'envoyer en Egypte , 2
retint pour la grterre de Viudex. Elle ^ait ams-
demeurée en Italie, où ses décurions, à qui Othoc
était inconnu et qui se trouvaient liés à Vitelliu-.
vantant la force des légions qui s'approchaient «l
ne parlant que des armées d'Allemagne^i rature*
i
DE TACItE. iTS
rent dans son parti. Pour ne point s*ofIrir lés
maîns vides , ces troupes déclarèrent à Cécina
quVlLes joignaient aux possessions de leur nou-
veau prince les forteresses d^au-delà du Pô : savoir,
Milan, Novarre, Ivrée et Verceil; et comme une
seule brigade de cavalerie ne suffisait pas pour
garder une si grande partie de 1 Italie, il y envoya
les cohortes des Gaules , de Lusitanie et de Breta-
gne, auxquelles il joignit les enseignes allemandes
et lescadron de Sicile. Quant à lui, il hésita
quelque temps s'il ne trai erserait point les monts
Rhéliens pour marcher dans la Norique contre
l'intendant Petronius, qui, ayant rassemble les
auxiliaires et tait couper es ponts, semblait vou-
loir ôfre fidèle à Othon. Mais, craignant de perdre
les troupes qu il avait envoyées devant lui, trou-
vant aussi plus de gloire à conserver Fltalie ,^ et
jugeant qu'en quelque lieu que l'on combattit, la
Nori^jue ne pouvait échapper au vainqueur, il fit
pa^se^ les troupes des alliés, et même les pesans
bataillons légionnaires par les Alpes Pennines,
quoiqu'elles fussent encore couvertes de neige.
Cependant, au lieu de s'abandonner aux plai-
sirs et à la mollesse, Othon, renvoyant à d'autres
temps le luxe et la volupté, siu'prit tout le monde
en s appliquant à rétablir la gloire de l'empire.
Mais ces fausses vertus ne faisaient prévoir qu'a-
vec plus d'effroi le moment où ses vices repren-
draient le dessus. Il fit conduire au Capitole Ma-
rius Celsus^ consul désigné^ qu'il av2Ùt feint do
l68 PREMIER LIVRE
grands moyens de crédit dans tous les temps, booi
et mauvais.'
Cependant Othon écrivait à Vitellios lettres
sur lettres, qui! souillait de cajoleries de femmes,
lui Oifiant argent, grâces, et tel asile qaïL voudrait
choisir pour y vivre dans les plaisirs ; Vitellius Im
réponJait sur le même ton. Mais ces ofEres m^r
tuelles, d'abord sobrement ménagées et couverta
des deux côtés d une sotte et honteuse dissimuL-
tion, dégénérèrent bientôt en querelles, châcuo
reprochant à l'autre avec la même vérité ses ^ices
et sa débauche. Othon rappela les député de
Galba, et en envoya d autres, au nom du sénat,
aux deux armées d'Allemagne, aux troupes qm
étaient à Lyon, et à la légion d Italie. Les déptè5
restèrent auprès de Vitellius, mais trop aisément
pour qu'on crût que c était pr force. Quant am
prétoriens qu'Othon avait joints comme par hoc
iicur à ces députés, on se hâta de les renvovr
avant qu'ils se mêlassent parmi les légions. Fabiu
Valens leur remit des lettres au nom des sawsvs
d'Allemagne pour les cohortes de la ville et ds
prétoire, par lesquelles, parlant pompeusement
du parti de Vitellius, on les pressait de s*y réuiir
On leur reprochait vivement d'avoir transfêré -
Othon lempire décerné long- temps auparav^r*
à Vitellius. Enfin, usant pour les gagner de pr>
wicsscs et de menaces, on leur parlait comme .
d^s gens à ^ui la paix n'ôtait rieû; et qui ne po&
»£ TACITE. l6€|
vaient soutenir la gueiTc : mais tout ce^ n'ébranla
point la fidélité des prétoriens.
Alors Othon et Vitellius prireni le parti d'en-
voyer des assassins; l'un en Allemagne et l'autre à
Rome, tous deux inutilement. Ceux de Vitellius ,
niêl/s (bns une si grande multitude dliommes In-?
connus Tua à Tautre, ne furent pas découverts;
mais ceux d'Olhon furent bientôt trahis par la
nouveauté de leurs visages parmi des gens qui se
connaissaient tous. Vitellius écrivit à Titien, frèro
d'Othon , qr.e sa vie et celle de ses fils lui répon-
Ji^aientdc sa mën* et de ses cnfans. L'une et lautre
famille fut conservée. On douta du motif de la
clémence dOthon \ mais Vitellius, vainqueur, eut
tout 1 honneur de la sienne.
La première nouvelle qui doniia de la coqt
fiance à Otlion lui vint dlllyrie, d'où il apprit
que les légions de Dalmatic, de Pannonio et de la
IVIa'sie, avaient prêté serment en son nom. Il re-
çut d'Espagne un semblable avis, et donna par
édit des louanges à Cluvius Rufîis; mais on sut,
bientôt après, que TEspagne s'était retournée du
c6lé de Vitellius. L'A:[uitaIne que Julius Covdus
avait aussi fait déclarer pour Othou ne lui resta
pas plus fidèle. Comme U u était pas question de
foi ni d'attachement , chacun se laissait entrair
ner çà et là selon sa crainte ou ses espérances.
L cfiGroi fit déclarer de même la province narbon-
naise en faveur de Vitellius, qui, le plus prochç
et le plus puissant, parut aisément le plus ié^ir
M«laagirti I S
I jfO (REXIER LITHB
lime. Léft provinoes les pliu Soignées et celles que
la mer séparait des troupes resteront k Othoo,
mottis poar Famour de lui, qu'à cause du graud
l^oids que donnaient i sou parti le nom de Rome
et Tautoritë du sénat, outre quW penchait natii-
peilement pour le premier reconnu (i). L'arméo
de Judée, par les soins de Vespasien, et les lé-
gions de Syrie, par ceux de Mucianus, prêtèrent
serment à Othon. L'Elgypte et toutes les provinces
d'Orient reconnaissaient son autorité. L'Afrique
lui rendait la même obéissance, à lexemjJe de
Cartbage, où, sans attendre les ordres du pro-
coujtul Vipsanius Apronianus, Crcscens, aÂan*
dhi de Néron, se mêlant, comme ses pareils, des
aiTaires de la république dans les temps de cala-
mités, ayait, en réjouissance de !a nouyelle élec-
tion, donné des fêtes au peuple, qui se Urraic
étourdiraent à tout. Les autiTs villes imitèrent
Cartbage. Ainsi les armées et les provinces se
trouvaient tellement partagées,queyitelliiis avaii
bissoin des succès d^ la guerre pour se oiettre en
possession de l'empire.
Pour Othon, il ârisait comme en pleine faii
les fonctions d'empereur, quelquefois soutenant
la dignité de la république , mais piuS souvent
ravilissani en se bâtant de régner. 11 désigna scA
(i) L'élection de V^telUus ayait précédé celle d*Od>«n ; iMÎi,
«U-del^ deé mers, ié htvlt dé oetl»-ti «Tah préveno le hnàt àk
DE TACITE. ' 171
frère; Titianus consul avec lui , juscju^au premier
de mars; et, cherchant à se concilier lamiée d'Al-
lemagne ^ il destina les deu: mois snivans à Ver-
ginius, auquel il donna Poppoeus yopiscus pour
collègue, sous prétexte dune ancienne amitié;
mais plutAt, selon plusieurs, pour feirc honneur
aux Viennois. Il n'y eut rien de changé pour les
autres consulats aux nominations de Néron el do
Galba. Deux Sabinus, Cœlius et Flavc, restèrent
désignés pour mai et juin; Arius Antonius et Ma-
rins CelsHs, pour juillet et août; honneur dont
Vitellius même ne les priva pas après sa victoire.
Othon m(t le cpmble aux dignités des plus iHus-
ti*e8 vieiltards, en y ajoutant celles d'augures et
de pontifes, et consola la jeune noblesse récem-
ment rappelée dVxii en lui rendant le sacerdoce
dont avaient joui ses ancêtres. Il rétablit dans I^
sénat Cadius Rufus., ^dius Bloesus, et Sevinus
Piomptinus , qui eu avaient été chassés sous
Claude pour crime de concussion. L'on s'avisa,
pour leur pardonner, de changer le n^ot de ra-
pine en celui de lêse-majesté ; mot odieax en ccç
tcraps-là et dont l'abus faisait tort aux meilleures
lois.
Il étendit aussi ses grâces sur les villes et les
provinces. 11 ajouti de nouvelles familles aux co-
lonies d'Hispalis et d^Emerita : il donna le droit
de bourgeoisie romaine à toute la \ rovince de
Langres; à celle de la Bétique, les villes de la
Mauritanie; à celle d'Afrir|ue et de Cappadoce,
ÎJI PREMIER LlfKB
de nouveaux droits trop biillans pour être don-
Wes. Tous ces soins et les besoins pressons qui les
exigeaient ne lui firent point oublier ses amour»;
et il fit rétablir, par décTet du sénat, les statues
de Poppée. Quelques-uns relevèrent aussi celles
de Néron ; l'on dit même qu il délibéra s'il ne lui
ferait point une oraison funèbre pour plaire à !a
populace. Enfin le peuple et les soldats, orovant
Lieu lui faire honneur, crièrent durant quelques
joui's^ i^vfe Néron Othon : acclamations quH ki-
gnil d ignorer, n'osant les défendre, et rougû^ut
de les permettre.
Cependant, uniquement occupés de leurs pacr-
res civiles, les Romains abandonnaient les affaire
de dehors. Cette négligence inspira tant d audace
aux Roxolans, peuple sarmate, que, dès llÛTcf
pi*écédent, après avoir défait deux cohortes, i'S
firent avec beaucoup de confiance une irruption
dans la Mœsie au nombre de neuf niille chevaui.
I^ succès, joint à leur avidité, leur faisant plutôt
songer à piller qu^à combattre, la troisième légi<H:
jointe aux auxiliaii*es les surprit épars et sans di5-
cipline. Attaqués par les Romains en bataiUeî, k^
Sannates dispersés au pillage ou déjà choreés t^"
butin, et ne pouvant dans des chemins gliss^ir*
s aider de la vitesse de leurs chevaux, se laissaîcL
tuer sans résistance. Tel est le caractère de c »
étranges peuples, que leur valeur semble net-
pas en eux. S ils donnent en escadrons, à fcuv
une armée peut-elle soutenir leur choc*, s'ils
DE TACITE. 173
battent k pied, c est la lâciieté même. Le dégel et
rhumidité, qui faisaient alors glisser et tomber
leurs chevaux, leur ôtaicnt Tusage de leurs piques
et de leurs longues épées à deux mains. Le poids
des cataphractes, sorte d'armure iaite de lames de
fer ou d'un cuir très-dur qui rend les che& et les
officiers impénétrables aux coups, les empêchait
de se relever quand le choc des ennemis les avait
renversés; et ils étaient étouffés dans la neige, qui
était molle et haute. Les soldats romains, couverts
d'une cuirasse légère, les renversaient à coups de
traits ou de lances, selon l'occasion, et les per-
çaient d'autant plus aisément de leurs courtes
ûpées, qu'ils u ont point la défense du bouclier.
Un petit nombre échappèrent et se sauvèrent
dans les marais, où la rigueur de Thiver et leurs
blessures les firent périr. Sur ces nouvelles , on
donna à Rome une statue triomphale à Marcus
Âpronianus, qui commandait en Mœsie, et les
ornemens consulaires àFulviusÂurelius,Julianus
Titius, et Numisius Lupus, colonels des légions.
OthoB fut charmé d un succès dont il s attribuait
1 honneur, comme d'une guerre conduite sous ses
auspices et par ses officiers, au profit de Tctat.
Tout à coup il s'éleva sur le plus léger sujet, et
du càté dont on se défiait le moins, une sédition
qui mit Rome à deux doigts de sa ruine. Othon,
ayant ordonné qu on fit venii* dans la ville la dix-
septième cohorte qui était à Ostie, avait châffgé
Varius Crispinus^ tribun prétorien, du soin dç U
i5.
t74 PRSMIBIt LTVRS
fiiire armer. Crispinus, pour péTORir Teaibams,
diQÎftt le temps ou le camp était tranqiuUe et le
ioldat retiré y et, ajant fait oaTnr larsenal , com
meoça, dès lentrée de la nuit, à faire chaîner les
fourgons de la cohorte. L'heure rendit le motif
iUspect; et ce ^en ayait fiiit pour empêcher le
désordre en produisit un trè»^aod. JLa Tue des
armée donna A des gens pris de vin la tentation
de sVa seryir. Les soldats s'emportent, et, traitant
de traîtres leurs officiers et tribnns, les accusent
de vouloir armer le sénat conlre Othon. Les uns,
déjà ivres, ne savaient ce qu'ils faisaient; les plus
méchans ne cherchaient <pie l'occasion de piller :
la foj^e se laissait e&tniner par son goût ordinaire
pour les nouveautés, et la nuit empédiait qu'oi
ne pût tirer parti de robéiasance des sages. Le
triimn , voulant réprimer la sédition , fut tué . de
même que les [dus sévères centurions; après quoi ,
s'étant saisis des armes, ces emportes montèrent
à cheval, et, Tépée i. la main, prirent le chemin
de la viBe et du palais.
Othon donnait un fostin ce jour-4à à ce qu il j
arrait de plus |;Tand à Homs dans les deux sexes.
Les convives, redoutant également la fureur des
soldats et la trahison de Tempereur, ne savaient
œ qu'ils devaient craindre le plus, d'être pris s'ils
demeuraient, ou d'être poursuivis dans leur laite;
tantôt aâectimt de la :fin-meté, tasAàt décelant leur
effiroi, tous observaient le visage d'Othon, et,
OMime on était porté à la défianee^ la crainte
N
D« TACITE. ' IjS
qa'il témoignaU augmentait celle qu^on avait dn
Inr. Non moins ellrayé du péril du sénat que du
sien propre, Olhon chargea d'abord les préfets du
prétoire d^aller apaiser les soldats, et se hâta de
renvoyer tout le monde. Les magistrats fuyaient
çà et là. jetant les marques de leurs dignités; les
vieillards et les femmes, dispersés par les rues
dans les ténèbres, se dérobaient au.\ gens de leur
suite. Peu rentrèrent dans leurs maisons; presque
tous cherchèrent chez leurs amis et les plus pau-
vres de leurs clients des retraites mal assurées.
Les soldats arrivèrent avec une telle impétuo-
sité, qu ayant forcé Tentrée du palais, ils blessè-
rent le tribun Julius Martialis et Vitellius Satur-
iiius qui tâchaient de les retenir, et pénétrèrent
jusque dans la salle du festin, demandant à voir
Otlion. Partout ils menaçaient des armes et de la
Voix, tantôt leurs tribuns et centurions, tantôt le
corps entier jdu sénat : furieux et troublés d'une
aveugle terreur, faute de savoir à qui s'en prendre,
ils en voulaient à tout le monde. IlfstUutqu Othon,
sans égard pour la majesté de son rang, montât
siir un sofa, d'où, à force de larmes et de prières,
les ayimt contenus avec peine, il les renvoya au
camp, coupables et mal apaisés. Le lendemain
les maisons étaient fermées, les rues désertes , le
peuple consterné, comme dans «ne ville prise ; et
les soldats baissaient les yeux moins de repentir
qne en hoijte. Les deux préfets, Proculus et Fir-
mus, pariant avec douceur ou dureié, chacun
1^6 PREMIER LtVUE
selon son génie, firent à chaque manipule (ks
exhortations qu'ils conclurent par annoncer ane
distribution de cinq mille sesterces par tête. Alors
Othon, ayant hasardé d'entrer dans le camp, (iit
environné des tribuns et des centurions, qui, je-
tant leurs omemens militaires, lui demandaient
congé et sûreté. Les soldats sentirent le reproche,
et , rentrant dans leur devoir, criaient qu on mecil
au supplice les auteurs de la révolte.
Au milieu de tous ces troubles et de ces mouTc
mens divers , Othon voyait bien que tout homme
sage désirait un frein à tant de licence; il nl^o-
rait pas non plus que les attroupemens et les ra
pines mènent aisément à la guerre civile uoe
multitude avide des séditions qui forcent le goa-
vernement à la flatter. Alarmé du danger ou i
voyait Rome et le sénat, mais jugeant impossiU^
d^exercer tout d'un coup avec la dignité conven.^
ble un pouvoir acquis par le crime, il tint eo^
le discours suivant :
(c Compagnons , je ne viens ici ni laniiiir
<c votre zèle en ma faveur, ni réchaufièr vo&t
ce courage; je sais que Tun et l'autre ont toaioii:^
« la même vigueur : je viens vous exhorter «:
c( contraire à les contenir dans de justes bonsr<
*< Ce n'est ni lavarice ou la ha\ne, causes de tait
€c de troubles dans les armées, ni k calomiùe w
« quelque vaine terreur, cest lexcès seul die votr
K .affection pour moi qui a produit avec plusit
« chaleur que de raison le tumulte de la nuit der
VE TACITE. 177
« nièrc; mais, avec les motifs les plus honnêtes,
ir une conduite inconsidérée peut avoir les plus
« funestes effets. Dans la guerre que nous allons
« commencer, est-ce le temps de communiquer à
K tous chaque avis qu'on reçoit, et faut-il dëli-
c( bérer de chaque chose devant tout le monde?
Cl L'ordre des affaires ni la rapidité de l'occasion
fc ne le permettraient pas; et comme il y a des
<K choses que le soldat doit savoir, il y en a d'au-
fc très qu il doit ignorer. L'autorité des chefs et la
«c rigueur de la discipline demandent qu'en plu*
«c sieurs occasions les centurions et les tribuns
«( eux-mêmes ne sachent qu'obéir. Si chacun veut
« qu'on lui rende raison des oixlres qu'il reçoit ,
« c'en est fait de Fobéissance, et par conséquent
« de Fempire. Que sera-ce lorsqu'on osera coiuîr
« aux armes dans le temps de la retraite et de la
ce nuit ; lorsqu'un ou deux hommes perdus et pris
a de vin, car je ne puis croire qu'une telle fré-
c< ncsie eii ait saisi davantage, tremperont lears
€c mains dans le sang de leurs oiUcicrs, lorsqu'ils
«c oseront forcer l'appartement de leur empereur?
a Vous agissez pour moi, j'en conviens; n*iis
<€ combien Tafflueuce dans les ténèbres et la con-
u fusion de toutes choses foumifsaient-clles une
<c occasion Êicile de s en prévaloir contre moi-
« même! S'il était au pouvoir de Viteilius et de
«c ses satellites de diriger nos inclinations et nos
«c e.'^prits, que voudraient-ils de plus que de nous
m inspirer la di^ordaet la sédition, qu'exciter à
1^8 pRjnnsi UFRK
« la révolte le soldat contre Ie*ceiifarimi>le ot&r
« turioa contre le tribon , ei, gens de chevaldde
« pied , nous enlrainer ainsi tons pèk-nék i
m notre perte? Compagnons, c'est en exàniUct
« les ordres des cheiiii çt non en les controkct
« qu'on fait heureusement la guerre; et les tronp)
« les p'us tcrriUcs dans la mêlée sont ks plu
« trauipiilles bois du combat. Les armes et U ?>
« leur s nt votiT partage ^ laîssez-moi le soio 3c
« les diinger. Que deux conpables sculemclU ex-
« picnt le crime d un petit nombre : que Icf aii-^^
« s'cITorceut densevelir dans un éi^ei oubii 1^
ff bonté de cette nuit, et que de pareils di&CMP
« contre ie sénat ne s'entendent jamais duisao-
«cune armée. Non, les Germains mêmes, qn
« Yitellius s'eiK>rcc d*exciter contre nous, oo^
« raient menacer ce corfs res^ieclable, le chef e(
« ronieuicDt de l'empire. Quels suaient dont \^
« ^Tciis enfans de Rome ou de Tltalie qni Toir
ff draicQt le sang et la mort des membres de i^
K ordre, dont la splendeur et la gloire jnoutK^
« et redoublent 1 opprobre et Tobscurité du |^«'
« de VitcUius? S'Û occupe quelques provino^-
<t s'il traîne api-ès lui quelque simulacre d^tm
a ie sénat est avec nous; ccst par lui que no»
te sommes la république , et que nos ennemis ^
u sont aussi de 1 état. Penser-vous que la mâf^
« de cette viilc consiste dans des amas de pierre^
« de maisons, monumcns sans ijoe el sans r(HX«
c qu'on jieut dctruire ou rétablir à son gré? Le
0£ TACite. tyg
« ternilé de îeinpire, la paix des nàfîoiu, mon
ff salut et le ràtrc^ tout dépend de la conservation
K du sénat. Institué solennellement par le premier
K père et le fondateur de cette ville pour être im-
€( mortel comme eUe, et continué sans interrupr
ir tioD depuis les rois jusqu'aux empereurs, Fin-
ir tcrèt commun veut que nous le transmettions à
tr nos descendans tel que nous Favons reçu de nos
Il aïeux : car c est du sénat que naissent les suc-
H cessent^ à lemp&e » comme de vous les séna-
« tcurs. n
Ayant ainsi tiché dadoucir et contenir la foq-
giie des soldats, Othon se contenta d^en faire
punir deux; sévérité tempérée, qui n'ôta rien au
hon efSft da discours. C'est ainsi qu'il apaisa ,
pour le moment, ceux qu'il ne pouvait réprimer.
Mais lo calme n était pas pour cela rétabli dans
la ville. Le bruit des armes y retentissait encore,
et l'on y voyait l'image de la guerre. Les soldats
tiVftaicnt pas attroupés en tumulte; mais, déguî*
c^s et dispersés par les maisons, ib épiaient, avec
tinc attention maligne, tous ceux que leur rang,
'eiir richesse ou leur gloire exposaient aux dis-
cours publics. On crnt même qu'il s'était glissé
ian» Reme des soldats de Vitelîius pour sonder
^s dispositions des esprits. Ainsi la défiance était
t^iverscHe, et Ton se croyait à peine en sûreté
4^xifermé chez soi. Mais c'était encore pis en pp*
JiCj où chacun y craignant de paraître incertain
iatrw les nouvelles douteuses ou peu joyeux d nt
l8o PRBMISB. LITRB
les favorables, courait avec une avidité marqnh
au-devant de tous les bruits. Le sénat assemblé m
savait que feîre , et trouvait partout des iifr
cultes : se taire était d un rebelle, parier était d%i
flatteur; et le manège de 1 adulation n'était pas
ignoré d Otlion, qui s en était servi si long-temp
Ainsi j flottant d^avis en avis sans s'arrêter à au-
cun, l^on ne s^accordait qu^â traiter Yiiellios (k
parricide et d ennemi de Tëtat-les plus prévorau
se contentaient de l'accaUer d'injures sans consé-
quence, tandis que d'autres n'épargnaient pas»
vérités , mais à grands cris , et dans une telle coo-
fusion de voix , que chacun profitait da M
pour raugrocnter sans être entendu.
Des prodiges attestés par diveirs témoins asf
mentaient encore l'épouvante. Dans le vestiboi^
du capitole les rênes du char de la Victoiredi^
nirent. Un spectre de grandeur gigantestjue f-i
vu dans la chapelle de Junon. La statue de i^\
-César dans l'ile du Tibre se tourna , par un tec^
calme et serein , d^occident en orient. Cn b^-
parla dans l^trurie. Plusieurs bétes firent c^
monstres. Enfin Ton remarqua mille autres pan-^
phénomènes qu on observait en pleine paii^
les siècles grossiers, et qu'on ne voit plus anj^
d hui que quand on a peur. Mais ce qui joi^^^
d'solation présente à TefiBroi pour l'avenir /J
une sul)ife inondation du Tibne, qui crûti^'
point; qu'ayant rompu le pont SubUcius, les v'
briâ doi.t son lit fut rempli le firent refluer;^
V
DE TACITE. l8l
foute la Yille, mène dans les lieux que leur hau-
teur semblait garantir dun pareil danger. Plu-
sieurs furent surplis dans les rues, d'autres dam
les boutiques et dans lesr chambres. A ce désastre
se joignit la famine chez le peuple par la disette
des vivres et le défaut d^argent. Enfin , le Tibre,
en reprenant son cours, emporta des îles dont le
séjour des eaux avait ruiné les fondemens. Mais à
peine le péril passé «laissa-t-il songer à d'autres
choses, quou remarqua que la voie Flaminienne
,et le champ de Mars , par où devait passer Othon ,
étaient comblés. Aussitôt, sans soùger si la cause
en était fortuite ou naturelle, ce fut un nouveau
pjodige qui présageait tous les malheurs dont oq
était menacé.
Ayant purifié la ville , Othon se livra aux soins
dr la guerre; et voyant que les Alpes Pennines,
les Cotiennes , et toutes les autres avenues des
(îaules , étaient bouchées par les trotipes de Vilel-
lius , il résolut d attaquer la Gaule narbonnoise
avec une bonne flotte dont il était sûr : car il avait
rétabli en légion ceux qui avaient échappé au
massacre du pont Milvius, et que Galba avait (ait
emprisonner; et il promit aux autres légionnaires
de les avancer dans la suite. U joignit à la mêniA
flotte avec les cohortes urbaines plusieurs préto-
riens, Télite des troupes, lesquels servaient en
xnéme temps de conseils et de garde aux chefs. 11
âloona le commandement de cette expédition aus
prîxnipilaiies Antouius Novellus et Suedius Çfhr
^8a pRCMiBR Liras
«len^, &nique!$ il joignit Emilius P<icensis, e&U .
rendant le tribunat que Galba Ini avait 6té»I^
flotte fut laissée aux foins d'Oscus, affiandû,
qu*Otlion chargea d'avoir Tœil éur la fidélité des
généraux. Â Tëgard des troupes de terre, il mi
à !eîLr tétc Suétonius Paulinus, Marius Celsos, et
Annius Gallus*, mais il donna sa plus grande coo»
fiance à Licinios Proculus.. préfet du prétoire. Cet
botnnie , officier vigilant cbns Rome , mais sans
expérience k la guerre y Uâmant l'autorité de P^b-
lin j la vigueur de Celsus, la maturile de Gaifais,
tournait en mal tons les caractères, et, ce qui
n^est pas fiirt surprenant y remportait ainsi par
son adroite méchanceté sur des gens meillems €l
plus modestes que lui.
Environ ce temps-U, Comelluâ Dolaliefla &l
relégué dans la ville d'Aqnin, et gardé moins tv
goureusement que sûrement, sans qu'on eût anm j
choâe k lui reprocher quWe illustre naissance <(
1 amitié de Galba. Plusieurs magistrats et la pb
part des consulaires suivirent Othon par s»
ordre, plutôt sous le prétexte de Paccoupagaer.
que pour partager les soins de la guerre. De c
nombre était Lucius Viteliius, qui ne fiit
ni comme ennemi ni comme fi^re dm ei
Cest alors que, les soncis changeant d'objet , iu
o dre ne fut exenmpt Je péril on de crainte. Lfl
premiers du s^at , chai^ d'années <;t acÊÊoà
par une longue p^ix, une noblesse teerrée etqi
arait oublié Tosage des. aimes, des cfaeratiess si
DE TACIT£. I ?i
e^ercé^i ne £usai nt tous que mieux déceler leur
firayeur par leurs efforts pour la cacher. Husieuri
cependant , guerriers à prix dVgent et hraves de
leurs richesses, étalaient par uae imbécile vanité
des armes brillantes, de supeibes chevaux, de
pompeux équipages, et tous les apprôts du luxA
et de la volupté pour ceux de la guerre. Tandis
que les sages veillaieut au repos de la république ,
mille étourdis , sans prévoyance , s'enorgueillis-
saient d un vain espoir ; plusieurs , qui s'étaient
mal conduits durant la paix , se réjouissaient de
tout ce désordre , et tiraient du danger présent
Uur sûreté personnelle.
Cependant le peuple, dont tant de soins pas^
salent la portée, voyant augmenter le prix dos
denrées, et tout Tai^geut servir à l'entretien des
troupes, commença de sentir les maux qu'il n'avait
fait que craindre après la révolte de Y index, tempe
oà la guerre allumée entre les Gaules et les légions,
laissant Rome et l'Italie en paix, pouvait passer
pour externe. Car depuis qu'Auguste eut assuré
Icrapire aux césars, le peuple romain avait tou*
jours porté ses armes au loin , et seulement pour
la gloire et 1 inté^t d*un seul. Les règnes de Tibère
et de Caligula n'avaient été que menacés de guer-
res civiles. Sous Claude les premiers mouvemeos
de Scribonianus furent aussitôt réprimés que con*
DUS-, et Néron même fut expulsé par des rumeurs
et d<^ bruits plutôt que par la force des armes.
Hais ici Ton avait sous les yeux des légions^ des
t8| * PREUIBR LIVRE
flottes, et, ce qi^î était plus rare encore, les mOi-
ces de Rome et les prétoriens en armes. L'Orient
et rOccidcnt, avec toutes les forces qu'on laissait
derrière soi, eussent tburni 1 dlimcnt d'une longae
guerre à de meilleurs généraux. Plusieurs, saron-
sant aux présages ^ voulaient qu'Othon difféiât
son départ jusqu'à ce que les boucliers sacrés fus-
sent prêts. Mais, cxcilé par la diligence de Cécina
qui avait déjà passé ies Alpes, il méprisa de valus
délais dont Néron s'était mal trouvé.
Le quatorze de mars il chargea le sénat du soin
de la république, et rendit aux proscrits rappel»^
tout ce qui n'avait point encore été dénaturé de
leurs biens confisqués par Néron; don très-juste
et très-magnifique en apprarence, mais qui se ré-
duisait presque à rien par la promptitude quon
avait mise à tout vendre. Ensuite dans une ha-
rangue publique il fit valoir en sa faveur la ma-
jesté de Rome^le consentement du peuple et du
S:-nat, et parla modestement du parti contraire,
accusant plutôt les légions d'erreu'* que d'audacr,
sans faire aucune mention de Vitellius, soi( mé-
nagement de sa part, soit précaution de la part
de l'auteur du discours : car, comme Othon con-
sultait Suétone Paulin et Marins Ceisus sur la
guerre , on crut qu'il se servait de Galerius Tra-
chalus dans les allaires civiles. Quehpi«^s-uns dé-
mêlèrent même le genre de cet orateur, couiiu
par ses fréquens plaidoyers et par son style am-
poulé^ propre à remplir les oreÛies du peuple. L)
DE TACll E. i8j
harangue fut reçue avec ces cris , ces applaudis-
flcmens faux et outrés qui sont l'adulatioa de la
multitude. Tous s'efforçaient à l'envi d'étaler un
zèle et des vœux dignes de la dictature de César
ou de lempire d'Auguste; ils ne suivaient même
en cela ni 1 amour ni la crainte, mais un penchant
bas et service; et comme il n'était plus question
d honnêteté publique^ les citoyens n'étaient que
de vils esclaves flattant leur maître par intérêt.
Othon y en partant, remit à Salvius Titianus, son
frère , le gouvernement de Rome et le soin de
l'empire.
.i ,.
i5.
TRADUCTION
DE L'APOCOLOKINTOSIS
DESENËQUE,
SVn IJI MORT DE L'EMPEREUR CXACIK.
r
Je veux racootfff aux hommes Ge qui s'est passé
dans les cieux le treize octohre, sous le cofu-^kt
d'Asiniu^ Marcellus et dÂcirius Âyiola, dans U
nouvelle année qui commence cet. heureux siè-
cle (i). Je ne ferai ni tort ni gi'âce. Mais si Toa
demande comment je suis si hien instruit; pre-
roiôrement je ne répondrai rien , s'il me plaît, car
qui m'y pourra contraindre? ne sais-je pas que
me voilà devenu libre par la mort de ce ga'ant
homme qui avait très-bîen vérifié le proverbe,
qu'il faut naître ou monarque ou sot.
Que si je veux répondre y je dirai comme an
( I ) Quoique les jeux séculaires eussent été célëbrcs par Au-
guste, Claude, prëtendaut qu'il avait mal calculé, las fit erie-
hrer aussi; ce qui donnait à rire au peuple, quand le cncw
public anconça, dans la forme ordinaire, dis |euz «|iie bC
homme vivant n'avait vus , ni ne reverrait. Car, nnn irnifmi i
plusieurs personnes encore vivantes avaient vu ceux d'Angosu.
mais même il y eut des histrions qui jouèrent aux uns et an
autres; et Vitdlius n'avait pas hont« de dire h Qaodlft,
Il prodafioatîoni Sct^sé façiM^
TRADUCTION DB L APOCOLOKIÎTTOSIS. jBy
autre tout ce qui me Tiendra dans la tête. De*
manda-t-on jamais caution 4 un historien juré?
Cependant si j^en voulais une , je n'ai qu*à cit^
celui qui a tu Drusille monter au âel ] il vous dira
qu'il a vu Claude y monter aussi tout clochant.
Ne £iut-il pas que cet homme voie, bon gré mal
gré, tout ce qui se Eut là-haiit? n'est -il pas in-
specteur de la vok Appienne par laquelle on sait
qu^Âguste et Tibère sont allés se Ëiire dieux? Mais
ne l'interrogez que tête & tête : il ne dira rien en
public; car apI^ès avoir juré dans le sénat qu'il
avait vu l'ascension de Drusille, indigné, qu'au
mépris d'une si bonne nouvelle personne ne vou-
lût croire à ce qu^il avait vu , il protesta en bonne
forme qu'il verrait tuer un homme en pleine rus
qu'il n'en dirait ^ien. Pour moi, je peux jurer,
par le bien que je lui souhaite, qu^il m'a dit ce
que je vais publier. Déjà
Par on plusomt dhesoin Taslre tfuà nous oclaira
Dirigeait à nos yeux aa eouxae JoiimUi«e;
Le dieu iànta^que et hrao qui préâde au repof
A de plus longues nuils prodigunit ses pavoU :
t«a blafarde Cjrntliie, eux dépens de son frère.
De aa triste kieur ëcbirait Vliémisplière ,
Et le difionae biver obtenait les konoeura
De la saison des fruits et du dieu des bu^caîf ;
Le vendangeur tardif, d'une main engourdie,
IHait enoor du cep quelque grappe flétrie.
Mais peut-être parlerai-je aussi daircmeat en
disant que c'était le tr-eiùème d'ectobre. Â Tégacd
de rheure^ je ne puis vous la dire eiiactemeatj
:a
.l88 TBADUCnON
mais il est à croire ^uc là-dessus les philosophes
8 accorderont mieux que les horloges (a). Quoi
qu'il en soit^ supposons qu'il était entre six et
sept; et puisque , non contens de décrire le com-
mencement et la fin du jour, les poètes, plus ac-
tifs que des manœuvres^ n en peuvent laisser en
paix le milieu, voici comment dans leur langue
j'exprimerais cette heure fortunée :
Déjà da haut des dauc \t diea de la lumière
Avait en deux moittct partagé lliémisphice »
Et pressant de la main ses coursiers déjà las ,
Vers rhesphérique bord aocélénit leurs pas;
quand Mercure ; que la folie de Claude avait tou-
jours amusé, voyant son âme obstruée de toutes
parts chercher vainement une issue, prit i paît
une des trois Parques, et lui dit : Comment une
femme a-t-elle assez de cruauté pour voir un mi-
sérable dans des tourmens si longs et si pea mé-
rités? Voilà bientàt soixante-quatre ans quil est
en querelle avec son âme. Qu^attends-tu donc en-
core? souffire que les astrologues, qui depuis scq
avènement annoncent tous les ans et tous les mcj
son trépas, disent vrai du moins une fois. Ce n'est
pas merveille, jen conviens, s ils se trompent a.
cette occasion : car qui trouva jamais son heurr'
(a) La mort 'de Claude fut long -temps cacKae «a pcvpSr.
fusqu'à oe qu'Agrippine eût pris ses mesures pour ôter TeaipA
à Briurj&icus et Tassurer k Nëton ; ce qui Q| 4Juq le poJbl^ • «■
itrait exaccemeot ni le jour m l'hettii.
DE l'APocoLORnrrosis. 189
et qui sait commeut il peut rendre 1 esprit? Mais
n'importe; fais toujours ta charge qu'il meure, et
cède Fempire au plus digne.
Vraiment, répondit Clotho, je voulais lui lais-
ser quelques jours pour faire citoyens romains ce
peu de gens qui sont encore à l'être, puisque
c'était son plaisir de voir Grecs, Gaulois, Espa-
gnols, Bretons, et tout le monde en toge. Cepen-
dant, comme il est bon de»laisser quelques étran^
gers pour graine, soit fait selon votre volonté.
Alors elle ouvre une boîte et en tire trois fuseaux •
Tun pour Âugurinus, Tautre pour Babe, et lo
troisième pour Claude : ce sont, dit-elle , trois
personnages que j'expédierai dans lespace d un
an à peu d'intervalle entre eux,, afin que celui-ci
limaille pas tout seul. Sortant de se voir environné
de tant de milliers d'hommes, que deviendrait-il
abandonné tout d'un coup à lui-même? Mais ces
deux camarades lui suffiront
Elle dit : et d'un tour lait sur un vil fiMeau,
Du !itupiJe mortel abiégetint l'agonie,
Elle tranche le cour» de «a royate Yie.
A l'iûsfant Lacbëais, une de ses deux sœurs,
Dans im hal it paré de festons et de fleurs,
Kt le fiont couronne des lauriers du Ptrnusse,
D'une toison d'urgent prend une blanche tresM
I^out son adroite niaiu fbnne un 61 délicat.
Le fil sur le fuseau prend un nouvel éclat.
Pe sa rare beauté les soeurs sont étonnées;
Et toutes à l'envi de guirlandes ornées,
Voyant briller lem* laine et s'enricliir encofi.
Avec tto fil doré filent le siècle d*or.
190 TRAOUCnOtf
De la blanche toîsoo la laine détachai ,
Et de leurs doigU légers rapîdmiect toachée ,
Gotlle k l'hKUot sans peine » et file et s'enbeflîc ;
De mille et mille tours le foseau se muf^L
Ç«*U passe ks kogs ioats et U trame fenîle
Du rirai de Gépkale et dci vieux roi de P\lel
Plioelius, d'un chant de joie annonçant rarenir, *
De fuseaux toujours' neufii s'empresse k les serrir,
£t eherdtant sur sa lyre un ton ifui les scduke.
Les trompe heureus ment sur W tenpa qui s é(.râ
Puisse uo si doux travail, dit-il, 6lic ëterod !
Les i >urs que vous files ne sont pss d'un mortel :
Il me sera semblaiile et d*air et de visage.
De la voix et des chants i! aura Tavantage
Dus dèdcs p!us heureux renaiinMit k sa vqis ;
Sa loi icra cesser le âikaoe des Ims.
Comme cm voit du matin r«Hoile radieuse
Annoncer le départ de la nuit iénélircme ;
Ou tel que le soleil , dissipant Ls vapeurs ,
Read la lumen an monde et falUgresse «nz
Tel Cé&iax va paraître 5 et la terre ëfalooie
A ses premiers rayons est déjà réjouie.
Ainsi dit Apollon } et la Parque, honorant '>
grande âme de Néron, ajoute encore de son cL
plusieurs années à celles qu'elle lui file à pleit^
mains. Pour Claude y tous ayant opiné que <
trame pourie fût €oupée, aussitôt il cracha ^
âme et cessa de paraître en vie. Au moment t{-
expira, il écoutait des comédiens ; jiar où Ton v
cjue si je les crains, ceii'est pas sans cause. A»
un son fort bruyant de l'organe dont il parb'i ^
plus aisément , son dernier mot fat : Fain ! je r \
suis embrene. Je ne sais au vrai ce qull fit de b^
mais ainsi faisait-il toutes choses.
^
I
DE L^APocoLOKnrrosis. 191
11 serait superflu d« dire ce qui sVst passé de*
pais sur la terre. Vous le savez tous, et il nest
pas à craindre que le public eu perde la mémoire.
Oublia-t-on jamais son bonheur? Quant à ce qui
s'est passé au ciel, je vais vous le rapporter; et
vous devez, s il vous plait, m'en croire. D abord
on annonça à Jupiter un quidam d'assez bonne
(aille, blanc comme une chèvre, branlant la tête
et tiainant le pied droit d un air fort extravagant,
liitcrrogé d'où il était, il avait murmuré entre ses
dents je ne sais quoi qu'on ne put entendre, et
qui xrétait ni grec ni ktin ni dans aucune langue
connue.
Alors Jupiter, s'adressant à IIerctilc,qui ayant
couru toute la terre en devait connaître tous les
p uplcs, le chargea d'aller examiner de quel pays
ëlait cet homme. Hercule, aguorri contiT tant de
inonstres, ne laissa pas de se troubler en abordant
4;clui-ci : frappé de cette étrange &ce, de ce mar«
cher inusité, de ce beuglement rauque fit sotu'd,
xuoins semblable à la voix d'un animal terrestre
qu^au mugissement d'un monstre marin : ÂhJ
dit-il, voici m(« treizième travail. Cependant,
en regardant mieux, il crut démêler quelques
traits d'un homme. Il larrète^ et lui dit aisément
en grec bien tourner :
D'oà tietii-ltt? çid rt^tp ? île quel pap et-^o?
A ce mot, Qaude, voyant qu'il y avait là der ^
ibesuu écrits, espéra que V^m d eux écrirxut $011
tôs nADVcnoR
histoire; et s'annonçant pour César par an ven
d^Homëre,iidit :
Les Tcnts m'ont amené det rivages trojcnsb
Mais le vers suivant eût été plus Traf ,
Dont î*ai détruit les sian, tué les citoyens.
Cependant il en aurait imposé à Hercule, qn:
est un assez hon-homme de.dieu, sans la Fièvre,
qui, laissant toutes les autres divinités à Rome,
seule avait quitté son temple pour le suivre. Ap-
prenez, lui dit-elle, qu'il ne fait que mentir; je
puis le savoir, moi qui ai demeuré tant d'années
avec lui : c'est un bourgeob de Lyon ; il est né
dans les Gaules â dix-sept milles de Vienne; il
nVst pas Romain, vous dis- je, c'est un firancGan-
luL";, et il a traite Rome à la gauloise. C'est un &it
qu'il (Si de Lyon, oi\ Licinius a commandé si
long-temps. Vous qui avez couru plus de pa\s
qiiuii vieux muletier, devez savoir ce que ce*
que F^yon , et qu'il y a loin du Rhône au Xantbe.
Ici Claude, enflammé de colère, se mit à gro-
gner le plus haut qu'il put. Voyant qu^on ne l'en-
tendait point', il fil signe qu'on arrêtât la Fîè^ir.
et du geste dont il Élisait décoUer les cens (seiL
mouvement que ses deux mains sussent faire }^ 'i
ordonna quon lui coupât la tète. M«'iis il nVuii
non plus écouté que s'il eût parlé encore à ses âf
franchis (3^.
»- *
(^ ^>a ^aif couLtîrD «et imb^pile vn^ P^^
bE L*APocoLoiœrrosi$. ig3
Oh ! oh ! Tami , lui dit Hercule , ne ya pas faire
ici le sot. Te voici dans un séjour oU les rats ron^
gent le fei .; déclare promptem^nt la vérité ayant
que je te l'arrache. Puis prenant un ton tragique
pour lui en mieux imposer, il continua ainsi ;
Kommc à l'instaiit les lieux où tu reçus le jouTt
Ou ta race avec toi va pcrir mds vetour.
De grands rois ont senti cette lourde massue ,
Et ma main dans ses c . npe ne .s*est jamais d^e {
Tremble de l'éprouver encore à tes dépens.
Quel murmure coufus enteods-^je eulre tes dents ?•
Patle , et ne me liens pas plus long-temps ei) attente |
QueU» clùrats ont produit cette tète branlante?
Jadis, dans l'Hespéne, ou triple Gëryop,
J'allai porter la guerre , et , par oocasioB ,
De ses nobles troupeaux , ruvb dans son ctable,
Kaonenai d;.ns Argos le trophée honorable. <
En route, aux pieds d'un moût doré par l'çriept^
Je vis se léiuiir dans un séjotir riant
Is rapide courant de l'impétueux Rbôna
£.t le cours incertain de la paisible Saône :
Est-ce là h pays où ta reçus le jour?
Hercule, en parlant de la sorte, aflfectah plus
d'Intrépidité qu'il n^en avc>it dans l'âme, «t no
laissait pas de craindra' la main d'un fou. Mats
Claude, lui voyant i'air d'un homme résolu qui
n entendait pas raillerie , jugea qu'il notait pas là
comme à Rome, ou nul n'osait s'égcikr à lai, et
■ ' ' '■ - I » Il l»^ ■ . I ■ » MW ■■ _ I III I ■ !■ «M I*
Stnté M mataen : 4 peine te maître du monde avait-il on valcf
^u'i hij daignât obéir. U est é|onnaut que Sénèoue ait osé dirv
tout cela, lui qui ttiit si coiuttsan j xuais A^rippiae avait b^soi||
de lui , et il le savait bieu.
Ig^ TBÀÙUCTION
que partout le coç[ est niaîlfe sur son fiimiei;. Use
remit donc à grogner; et autant ^'on put IW
tondre , il sembla parlée ainsi.
J*e$pérais y 6 le plus fort de tous les dièox! que
vous me protégeriez auprès des autres, et que, si
jWais eu à me renommer de quelqu'un, c'eût été
de vous qui me connaissez si bien : car, sonvenez-
vous-eu, s'il vous pTait, quel autre que moi tenait
audicncc.devont votre temple durant les mois de
juillet et d août? Vons saye£ ee que j'ai souffert là
de misères , jour et nnit à la merci des avocats.
Soyez sûr, tout robuste que vous êtes, qull vous
a mieux valu purger les étables d'Âug;ia5 que d'es-
suyer leurs crîaiUeeies j vous avez avalé moins
d^orduros (f).
Or dites nous quel dieu nous ferons de cet
homme-ci. En ferons-nous un dieu dEpîcore,
parce qu'il ne se soucie, dâ persoBiie , ni personne
de lui? un dieu stoïcien, qui, dit Vairon, ne
pîp5B ni n'engendre? PTayant ni cœnrni têt», il
s»eoiUéaflsez propre à le devenir. EhJ mesàeQrs,
SLii eût demandé Cit honneur à Satiumc raéshc^
iknt^ présidant i. ae^ jéu]i , il fit d^rer lo mois
Coûta Tannée , iLuA Te^t pas obtenu. L'obtiendra-
b-il de Jbfiiter, ^'il a condamné pouv cause dTiB-
oestc^ atttant q^'il était en lui, en faisant mourir
Silanus, son gendre? et cela,, pourquoi? parce qof
(4} Q j « ici tr5»*év)dë!nxRCot ont Uq»M« ^^ y» «•
DE L'APOCOLOUntroSIS. 1^5
âjant une sœur dWe humeur charmante, et que
tout le mond * appelait Vénus, il aima mieux l'ap-
peler Junon. Quel si grand crime est-ce donc,
dircz^ous, de fêter discrètement sa sœur? La loî
nelepcrmct-ellepas à demi dans Athènes, et dan5
l'Egypte en plein (5)?,... A Rome..., Oh! à Rome!
ignorez-vous que les rats mangent le fer? Noire
sage Louleverse tout. Quant à lui , j'ignore ce
quil faisait dans sa chamhre; mais le voilà main-
iyant furetant le ciel pour se faire dieu , non
content d'avoir en Angleterre un temple oii les
barbares le servent comme tel.
 la fin Jupiter s^avisa qu il fallait arrêter les
longues disputes , et faire opiner cliacun à son
rang. Pères conscrits, dil-il à ses collègues, au
lieu des interrogations que je vous avais permises,
vous ne faitis que battre !a campagne ; j entends
que la cour reprenne ses formes ordinaires : que
penserait de nous ce postulant , Ici qu il soit?
L'ayant donc fait sortir, il alla aux voix, en
commençant parle père JanuS. Celui-ci, consul
d'un aprcs-dincr, désigné le premier ji^Uet, ne
Liissait pas d'ôlre homme a deux envers, regar-
dant à la fois devant et derrière. En vrai pilier de
barreau, il se mît à débiter fortdiscTtemeni beau-
coup de belles choses que le scribe ne put suhrre ,
(5) On sait qu'il était permis en Egypte d'epousçr sa sœur de
plkrt et de mère ; et cela était aussi pcnnU à Athènes, mais pour
U saur de mère s«u1ement. Le mariage d'£lpioice et de Ciinoa
^ Ibmmit on exemple.
ig8 TRADUCTtOW
Je n*!ai que trop à parier dés miens (7). Ce "gAstù,
homme que Toas yùftt , protégé par mon nom
durant tant d'années, me maitjt» sa reconnais-
sance en faisant mourir Lucius Sibnus, un de
mt$ arriftre-pêtîts-neveQX , et ^Ktix JuHcs mes ar-
ridre-petites-nîèces, Tune par le fer ^ l'autre parla
frim. Grand Jupiter, si tous Tadmcttez parmi
noQS) 4 tort on non, ce sera sAreraent à votre
Mâme. Car, db-moi, je te prie, d divin Clandc!
pourquoi tu fis tant tuer de gens sans les entendra,
sans mèn^e tiuformer de leurs crimes. — - C'étiù
ma coutume? — Ta coutume? On ne la connaît
pas ici. Jupiter, qui r^ié depuis tant d années,
a*t-il jamais rien fait de semblable? Quand II es-
tmpia son fils, le tna-t-il? Quand il pendit sa
Semme, rétiangia-t-il ? Mats toi, n as-tu pas mis i
B«rt Messaline, dont j étais le grand-onde ainsi
que le tien (8)? Je Tignore, dis-tu? Miséralilel ne
aai»-tu pas qu'il l'est plus honteux de rignorcr
que de ravoir faitl
Enfin Gaïus 'Galigula s^est ressuscité dans son
successeur. L'un fait tuer spu beau-père (o), et
\rarxre
(7) 7e ii*«i point UadiiH ttn moU, elîaMsi Phormea f
•ttstfit. e^o tcick SMTIKONTONTlHMilfHS renesch m» :t
fieictC, parce «pte je n^j enteods rien du toau Peut«^u«
|e tiikurë qubl jue éclaircissement dans letada^ea d'É
je ne mU pas k portée de les cotualter.
• (a)FirradapiioiidenrfB«if Att^asieMftl'àiMiiaeGlMa^
nuit U était «imIjod gE«od>v0dtf p^ U jeiuM Jjitoti «y
de Claiide et nièce d'Au^u^ta,
DE l'aPOCOLOKÏOTOSIS. l()j)
l'autre «on gendre (lo). L'tin déîetià qti on donne
au fils de Crassus le surnom de "Grand; Tautre le
lui rend et lui fait ciDilper la tête. Sans rcspcd
pour ub sang illustre , il fait périr dans une mémo
maison Scribouic, Tristonie, Âssarion, et même
Crassus le Grand, ce pauvre Crassus si complète-
ment Sot qu'il eût miJrité de régner. Songez j pères
conscrits, quel monstre ose aspirer à siéger parmi
nous. Voyez comment déifier une tdUe figure, vil
ouvrage des dieux irrités? A quel culte, à quelle
foi pourra-t-^l prétendre? qu'il répondq, et je me
rends. Messieurs, messieurs, si vous donnez la
divinité à de telles-gens, qui diable reconnaîtra
la vôtre? Eu un mot, pères conscrits, je vous de-
mande, pour prix de ma complaisance et de ma
discrétion, de venger mes injures/ Voilà mes rai-
sons , et voici mon avis : .
Comme ainsi soit que le divin Claude a tué
son beau-père Âppius Silanus, ses deux gendre??,
Pompeîus Magnus et Lucianus Silanus, Crassus
hctiu-père de sa fille, cet homme si sobre (ii) et
m tout si semblable à lui, Scrîbonie belle-mère
de sa fille, Messalîne sa propre femme, et mille
(i o) Pompeios Magnus.
(il) Je n'ai guère besoin, je crois, d'oTertir que" ce mot est
pris iri^iiqtieniêDl. SaStôrie, iprèràYdtr dtl*qu>B tomtraipi,
en t^ut lien, Claude .était toujours pr^ k mander et boire,
ft joute, qn'ua jour, ayant aenti de son tribunal l'odeur du dlnet
ies salîens , H piailla ta toute l'audience , et oottnit se mettte à
ua>4c avec eux.
aop TRADUCTIOÎT
autres dont les noms ne fiuiraient point; jopbe
qu'il soit sévèrement puni^ qu on ne lui permettf
plus de siéger en justice , qu'enfin banni sans re-
tard il ait à vider TOlympe en trois jours, ci le
ciel en un mois.
Cet avis fut suivi tout d'une voix. A l'insUot
le CjUénien (la) lui tordant le cou, le tire au
séjour
D*oÀ nn! , dit-on , ne reUmint jamait
En descendant par la voie sacrée ils trouvent
un grand concours dont Mercure demande la
^ause. Pcirions, dit-il, que c^est sa pompe funèbre:
et en effet, la beauté du convoi, oà Targent n'^
vait pas été épargné, annonçait bien Tentenr-
ment d'un dieu. Le bruit des trompettes, des corF.
des instrumeiis de toute espèce, et surtout de !
fo^le , était si grand que Claude lui-même ponva :
Tcu tendre. Tout le monde était dans Fallégres^ .
le peuple romain marchait légèrement comc
ayant secoué ses fers. Âgathon et quelques chick
tmurs pleuraient tous bas dans le fond du cocu:
Les juriaconsult^es, maigres, exténués C^^)? cor^r
mençaient à respirer et semblaient sortir da toc
beau. Un d'entre eux, voyant les avocats la tti
basse déplorer leur perte, leur dit en s^approchao:
f^nm
( I a) Bleicure.
(i3} Un juge qui n'avait d*«nlre loi ^piff n
d'oiivFBge à oes moisieun-ià.
DE L'APOcoL6K.iirro5is. aoi
Ne vous le disais-je pas, que les saturnales ne du**
Feraient pas toujours?
Claude en voyant ses funérailles comprit enfin
qu'il était mort. On lui beuglait à pleine tâtc co
chant funèbre en jolis vers hepsasyllabes.
O cris ! ô perte ! 6 doulean!
De DOê funèbres ckoenn
Faisons retentir U place ?
X}iie chacun se Goo'jne6sse :
Crions d'un commun accord ^
Ciel ! oe fprand homme est doue noct X
Il est donc mort M grand homme !
Hâas ! TOUS sares tous commet
Sous la iôroe de son braa,
n mit tout le monde à bas.
FaUaii-il raincre à la course ;
Fallait-U , jusque sous roorse »
Des Bretons presque ignorés.
Du Cauoe aux cheveux dores
Mettre l'orgueil à la chaîne,
Et aons la hache ropiaÎQe
Faire trembler l'Ooéan ;
FaOaitril en moins d'un an
Dompter le Parthe lebeUe ;
FaDait-il d'un bras fidèle
Bander Tare , lancer des traits
Sur des ennemis défaite,
fit d'une audace guerrière
Blesser le Mèdc an derrière ;
Hotre homme était prêt à tout^
De tout il venait à bout.
Pienroos oe nouvel oracle ,
Ce grand p^ononceur d'arrèu»
Ce Minos que par miracle
Le «el fonos tout csp|4ab
M% TRâ&ucrrcm
Ce {iliénk des beaat §éniet
VépmsaH point les {tadet
En plaidojen superlliu ;
Tour ftt^ sans se mépreodM
Il kû snflkau d'entendre
Une des deox lont m plus.
Qnel ftutre tonte l'année
y ondn sMfBT désonuui ,
£t n*«Toir, dans ia jettraitei
De pUûsîr ^m les proete?
Mînoe, oédefe-Ini U pbee;
Déjà son mabte votosdttwe
Ct Ts fMfser AïK flttfefs.
PtecwM^ •Faem i Tcndw^
Vo9 oÉneit sont ddwvts.
Rimeun qnVl daignait encendie^
A q-.iî Ht»- wns ^os tcrs ?
El Tont , ^ comptiez d W4>M
Des ootneit ei de la diMee
Tirer nn «mple f^dsor,
PLures^ brdmdicv céMteev
Bientâc ott bdclier fiioèlm
Va consumer todii Vdin <ir.
Claude se délectait a eotendre ses )ouaTi::>'.
aurait bien voulu s^aitêter plus long-^emps; u
le héraut des dieux, lui mettant la main au co!i
et lui enveloppant la tète de peur qu'il ne ttit
connu, Tentraina par le ckamp de Mars, et 1-
descendre aux enfers entre le T'ûxte et la ^
couverte
Narcisse, ayant coupe par le plus court t
min y vint frais, sortant du Jbain, au-devant de -
maître, et lui dit : Goouneni! les diemx che^
hommes! Allons, aDons, dit Mercure, ^'asi
DE l'àvocolourtosis. ao3
dépêche ie nous annoncer. L'autre Tonlant s^a«
moscr à cajoler son maito , il le hâta d'aller â
coups cle cadacée, et Narcisse partit sor-le-champ.
ia pente est si glissante, el Ton descend si fiiciie-
ment qne, tout goutteux qu^l était, il atriye en
un moment à la porte des enlers. A sa Tue, la
ni'.»iistre aux cent têtes dont parle Horace s^agite,
hérisse ses horribles crina; et Narcisse, accoutumé
aux caresses de sa jolie levrette blanche, éprouya
quelque surprise à laspect d'un grand yilain chien
noir à long poil, peu agréable à rencontrer dans
L'obscarité. Il ne laissa pas pourtant de s'écrier à
liante yoîx : Voica Claude César. Aussitôt une
ibule s<ayance en poussant des cris de joie et
chantant :
n Tient I ré)oiiiflsoii*-lkmi.
Parmi eux étalent Gains Silius, consul désigné^
Jku^tiu» Pnetorius, Sextius Trallns, Helyius, Tro«
gtt^-, Cotta Tectufl, Valens,. Fabius, cheraUera
Tomàioô que Narcisse avait tous expédiés. An mi-
lieu de la troupe dianfanle était le pantomiam
IVlbiester, à qui sa beauté »rait coûté h vie* Bkor
tàt le bruit que Gande arrivait parvint jusqu'à
Me$6allii€; et Ton vit accourir les premiers ai»*
devant de lui ses afBraiu:his Polybe, Myron, Har*
pocrate, Amphxus el Phcronacte , qu'il avait en-
voyés devant pour préparer sa maison. Suivaient
lé$ dciAc préfets Jbstns Calonius, et Rufus, filàde
i^ompée; puis ses amis Saturnins Lucius, ptPeda
â<4 ' TRADUCTICm
PompeiùSy et Lupus, et Celer Âsinius, coiisii-
liaîres; enfin la fille de son fi^ère, la filie de sa soeur,
son gendre , son beau-père, sa beUe-mère, et po-
que tous ses parens. Toute cette troupe accourt
au-devant de Claude, qui les voyant s^écria:Boii!
je trouve partout des amis! Par quel hasard été-
vous ici?
Comment, scélérat I dit Pedo Pompéios, pir
quel hasard? et qui nous y enyoja que loi-mèiM^
bourreau de tous tes amis? Yiens, viens, defaoC
le juge ; ici je t'en montrerai le chemin. 11 le mène
au tribunal d'Eaque , lequel précisément se 6isait
tendre compte de la loi Cornélia sur les meur-
triers. Pedo fait inscrire son homme, et présente
une liste de trente sénateurs, trois cent quinic
c*::evaliers romains p deux cent vingt-un citoyens,
et d'autres en nombre infini, tous tués par ses
ordres.
- Claude, efErayé, tournait les yeux de tous oAté
four chercher un défenseur; niais aucun nesepié*
sentait. Enfin, P. Petronius, son ancien convîn
et beau parleur comme lui, requit vivement d'éCn
admis à le défendre. Pedo l'accuse à grands cris,
Pétrone tâcbe de répondre; mais le juste Eaqne k
fait taire, et, après avoir entendu seuleuaent Puce
des parties, condamne laccusc en disant :
11 &n Iroité comme U traita la «utrei.
t
4
A ces mots il se fit un graind silence. Tout k
monde, étonné de cette étrange forme ^ la soot»-
Hait sans exemple; mais Claude la troura plus
inique que nouvelle. On disputa long-temps sur
la pine qui lui serait imposée. Quelques-uns di*
paient qull &]lait faire un échange; que Tantale
mourrait de soif sHl n'était secouru; qulxion avait
besoin d^enrayer, et Sisyphe de reprendre ha-
leine : mais comme relâcher un vétéran, c^eût été
laisser à Claude l'espoir d'obtenir un jour la même
grâce, on aima mieux imaginer quelque nouveau
supplice qui, l'assujettissant A un vain travail,
irritât incessamment sa cupidité par une espé-
rance illusoire. Eaque ordonna donc qu'il jouât
aux dés avec un cornet percé, et d^abord on le vi
se tourmenter inutilement àcounV après ses dés<
Car k peioe autant le mobik cornet
Aia dét prèts.ii partir il demande sonnet (*) ,'
Que, nudgré sous ses soins, t|itre ses doigts aTÎdBs^
Du cornet dëfionoé, panier des Danaides,
Il sent couler les dés } ils tombent, et souTcnl
Sur la table , entraîné par se» gestes rigides,
Son bras avec eflôrt jette un cornet de. yent.
Ainsi pour terrasser son adroit adTcrsaire (t4),
Sur Tarène un atblète, enflammé de colère ,
Du ceste qu'il élève espère le frapper }
L*autre gauchit, esquive, a le temps d*dchiipper$
Et le coup , frappant l'air avec toute sa force ,
Au bras qui Ta porte donur une rude entorse.
Là dessus, Caligula paraissant tout à coup, se
{^) 5onnet est ici pour la rime ; il faut ionnez.
( i4} J'ai pris U liberté de substituer celte comparaison ai cel^
Sisyphe, employée par S^nèque, et trop rebattus depi»i» ^
^ur.
%0& TRADUCSnOR DB L^AFOGOLOUTTOSIS.
«lit à le réckmer comme son esdaye. U prodqîsit
des téoMHiis qui TaFaîent. vu le charger de soufflets
e|d*étriTÎëre9. Aissifeôt il lui fut adjugé par Eaqoq
et Caligula le donna à Slénandrei son affianchii
fom en iaîre ui| de set gens»
Wt^— WO— )Wl»**»OWK»»mnfc*»^^%M»M)tWW
TRADUCTION
DE L'ODE DE JEAN PUTHOD (♦),
)$ur le flkftrîtge tie CHAa£ia4SBniAVOU , roi de Sardlûgst
et duc de Saroie , arec U prmcef le Éliiaistm m
LOIBAISE.
Muss, TOUS exigez de mai que je consacre an
noi de nouream diaots; iospires-moi donc des
vers dignes d'un si grand monarqueé
I e tcrrlUe dieu des combals avait semé là dis-
corde et!tre les peuples de FEurope : toute Fltalie
retentissait du bruit des armes , pendant que la
triste paix entendait du fond d un antre obscur
(*) n noua a paru lAiztile d'imprimer le leiic loiiu ou iulicQ
pour les moneauz traduîu de Tacite, de SéiiA4uc et du Tasse
qui font partie de ce volUme , parce que cet antt'urii sont entre
les maÎDs de tout le monde. Le ni^e motif n'existant pas pour
Tode latine de J. Putliod , nous avons cru convenable d'en îoiii-
dre ici le texte à la traduction.
in nufliat Cahou Bmumzui înWefiar/Mi SârAiniœ re^U^
dueii SabauàÙB, elc;, H re^inm vuiptHmimm ELaAÊEtUM
A LOTBAiaoïA.
Kfyè mhte «efem, mea nmth , rtjt
Pléetra juatigii nova âeâieartl
£r^d d« magnum eeMiran éUjno
Carminé re^em.
9o8 niotrcnoif
les tumultes forieiiz excités par les faumaiiis, et
Toyaît les campagnes inondées de nouveaux flots
de sang. Elledîistingue de loin un héros enflammé
par sa valeur ; c^est Charles qu'elle reconnaît ,
chaîné de glorieuses dépouilles. La déesse Fa-
borde en soupirant^ et tftche de le fléchir par ses
larmes.
Prince, lui dit-elle, quels charmes troarez-TOQs
dans Thorreur du carnage? Épargnez des ennemis
vaincus ; épargnez-vous vous-même, et n^exposez
plus votre tête sacrée i de si grands périk; k
cruel Mars vous a trop long-temps occupé. Vous
êtes chai^ d^une ample moisson de palmes ; il est
temps désormais que la paix ait part à vos' soins,
et que vous livriez votre cœur k des sentimens
-^
Info- Europe papmloi furwem
Imphu hdli Dau txâldrgl ;
OmnU armormm ttnpitm fremAai
Itaia tefltts.
Intérim eteeo httîLau nh antro
Monta pax diro* hominum tumultta
ÂuiU , unâavUa^pÊe vida reccMi
Sanguine e«npoc
Cemii Acrvem pt>ciil tntuaniem;
Cûrolum ûpumeii «poliû oiwstiuii;
Diva Mspinns mià , «f^ue mmta»
Flectere tentât
Te ^uid annoraim /uval, inquà^ %omr?
Verce jam victU, tAi parce y frine^f
Ntcafmtsaarumperap^rtahM
Mitif peridtii
DE t'oDS DE JEAN PVTHOD. âO^
plusdoui. Pour le prix de cette paix , les dieux
vous ont destiné une jeune et diyine princesse du
sang des rois, illustre par tant de héros que Tau •
guste maison de Lorraine a produits, et quelle
compte parmi ses ancêtres. Un si digne présent
est la récompense de vos vertus royales, de votre
amour pour 1 équité, de la sainteté de vos mœurs,
et de cette douce humanité si naturelle à votre
âme pure.
Le monarque acquiesce aux exhortations des
dieux. Hâtez-vous, généreuse princesse-, ne vous
laissez point retarder pai les larmes dWe sœur et
d^une mère affligées. Que ces monts couverts de
neige, dont le sommet se perd dans les cieux, ne
vous eflraient point : leurs cimes élevées s'abais*
seront pour favoriser votre passage.
■ '■'■' Il ' I ■ Il ■— ^fcii^^»^^— — ^
Te iiù Mavon fènu oecupaviij
Teque palmarum uget ampla diMj
Hune piu» pacem eok^ miiioru
Concipe tensut.
Eeet iivînam super pudlam,
Prœmium pactf , iihi iettindrunt
Sanguinem re^m, Lothaygque cUrûni
Stemmate ^.Aû.
SeîUdet tantum motUre munuë
Regim êotu, amer unua tequi^
Sanctitas marum^ pietoMque ca»UÊ,
Hoipita mentis.
Paruit prineeps monitU iecirum,
Erq6 festina^ gena-osa virqo^
Hec soroTf nec te lacr^mis iBorttir
Anxia ifuUr,
49.
aïo TiADucnosr
Vojet ctrec<|<iel cortège liriflant marche celle
charmante épcnue; les grâces envirotmenl sqq
char, et soa vitoge modeste est lait poar jdaire.
C!e|>endaBt le roi ëconte ayec empressement
ton? les éloges que répand la renommée. II part,
accompagtié d'une coor pompeuse. Il vole cnir
porté par i Impatience de son amour. Tel tpé
Pédalant Pheebus efface dans le ciel, par la TÎTa-
cité de 5es rayons, la lumière des autres astres;
ainsi farille œl auguste prince an milîea de tous
sescourtisaiis.
Clnrlcs , généreux sang des héros , quels ac-
cords assez suhKmes, quels vers assez majestueux
pourrai - je employer pour chanter dignement les
vertus de ta grande âme et Fhiitrépidîlé de ta ya-
■^ — I - - ^ I ,
Mvnitum lîee te nivt canêidomm
Ttrreat surjens super aàtra moles:
Se mn sensim juqa eeîsa vrono
Culm me sûtenf .
Cemts? 6 quanta speciosa Pomf4
Amhulat! eurrum lenert lepore$
Ambiuntf tponsœ tedet et moâesto
Oralia vuUu,
Rex ut attenta hibit aure famam:
SfAendiâd lalè comitatus auld,
Ecec eonjestîm volât înquieto
l^aptu» amoie.
Qualii in cobIq radiîs eonuçani
VuH^Mt astrorum tenehrîs rec^ndit
PAœèitf , augusto mtcat iitl«c 9^^
leur? Ce sera, grand prince, en médiUià Bat )<«
bauts Êiits de tes magnanimes aïeux que leur veitil
a consacrés : car lu coiuis à la gloire parle mAmt
chemin qu'ils ont pris pour y panneiiBr.
Soit que tu remportes de la gueiro les plus
glorieux trophées , ou quVn paix tn cultives idi
beanx-^irts, mille monumens illustres témotgnenl
la grandeur de ton règne*
Mais redoublez vos chants d'allégresse; je rois
arriver cette reine divine qoe le ciel accorde à nos
vœux. Elle vient; c'est elle qui a ramené de doux
oisirs parmi les peuples. A son abord 1 hiver fuit;
outes les routes se parent d'uûe herbe tendre; les
hamps brillent de verdure et se couvrent de
CaroU , hergvm yenerou iamyuii ,
Quâ lyrd vel quo «fltw onpoisim
dlentis exccUœ tituloi et inqtnê
Ditere pecfus.
Nempè ma^norum mcâitans avorum
Fada y i\uo9 vtrtui $ua contecravii^
Arte iptâ cœlum meruiref calum
Scandere UndU,
Clara §eu héllù nferat irophaa,'
Sou eoia$ arîet piadAu ijuitÈaSf
MiUeU mensirant inoRiimeiifK Wd^hiila
Inclyia re^eak
iVenct, 6! fèaiù9 ^tminaU ptaHrtii^'
%^€mii optanii d^ dwa Urrm^
BUmâa ^110 îamdtm p^ptik twmni
OtMi. vente, .
^
%i% hlàdvctioii'
fleurs. ÂOflsitÂt les maitres et les seiriteurs quit*
tent leuf labourage ^ et accourent pleins de joie.
Rojale épouse, les coeurs yolent de toutes puts
auhdevant.de vous.
Voyez comment, au milieu des torrens d'une
flamme bruyante , le feu prend tontes sortes de
figures ; voyez fiiir la nuit ; voyez cette ploie d'as-
tres qui semblent se détacher du ciel.
Le bruit se &it entendre dans les montagnes,
et patoe bien loin au-dessus de leurs cimes mas-
nves ; les sapins d'alentour étonnés en frémIsseLt ^
et les échos des Alpes en redoublent le retentis-
sement.
Hujiu adventu, ptqienU hnand^
OmnU aptili via riiet herbâ;
Floribui spiranî, vîriii^ lucemt
Gramine campî.
Protinùipa^ù htnè fèriatU
Exeunt lœti procert* , coloni;
Ohviàm passim tibi coda cwrrunt^
Regia conjux*
UipîcU? Crébrd crépitante fiammi^
I^nit ut duncîai simulât p^uroê^
tjt filial noctem^riguû ut mthfr
Depiuit astrU^
\AudiuMt coUegf et opaca lan^
CiMa iathmittuntf trepidœtpte dreùm
Contremuni pim^a^ iteratgue vocm
AlgihHfËcl»* •• '
DE LODÉ DE JEAW PUTHOD. 2X3
Vivez, bon roi; parcourez la plus longue car-
rière. Vivez de même , digne épouse. Que votre
postérité vive éternellement ^ et donne ses lois i
la Savoie.
. Vive ter eentum, hone rex, per anno$;
Sic thori eontort hona^ vive; veatnun
Vivat etternàm genus^el Sabaudi»
Imperet arvis»
OLINDE
ET SOPHRONIE,
ÉPISODE
Tirée du teooiié d»«t de k ttûvuxxm «éuTftit , da T.
TuicMS ffÊtt le tp9M m firapare & la guerre ,
Ismène un jour se présente à lui ; Ismène^ «jm à-
dessous la tombe peut faire sortir un corps m^rt.
et lui rendre le sentiment et la parole; Ismèn-'
qui peut, au son des paroles magiques, efliayr
Pluton jusqu^en son pabis; qui cominande ëJ.
démons en maître, les emploie à ses œuTresiiu
pies, et les enchaîne ou délie à son gré.
Chrétien jadis, aujourd'hui mahomëtan , il :
pu quitter tout-à-Ëiit ses anciens rites , et /.
proÊinant à des criminels usages, mêle et con*
ainsi les deux lois qu'il connaît mal. Mai^iten.:.
du fond des antres oà il exerce ses arts ténèbre -
il vient à son seigneur dans le danger public i
mauvais roi, pire conseiller.
Sire, dit-il, la formidable et victorieuse an:
arrive, Mais nous remplissons nos devoirs ; le l i
et la terre seconderont notre courage. Doue i
toutes les ^alités d'un capitaine et d'un zt>i^ t^
OLINDE ET SOniRONlE. acS
«
ttrn de loui tout prévu y tous avearpouiro k tout;
et si chacun s acquitte aiBst de sai charge^ cette
terre sera le twanbeau de tos enaemis.
Quant & moi, je viens de mon côté partager *
TM périls et vos travaux; J y mettrai pou« ma part
les conseils de la vieilles^ et ks farces de Fart. :
magique. Je contraindrai les anges bannis du ctei
à conconrîr à mes soins* Je vcn\ cotnmeiicer mes
cnchantemens par un opéra dont il fimt voue
rendre compte.
Dons le temple des chrétiens^ sur un autel sou-
terrain, e&t une image.de celle qu'ils-adorent, et
que leur peuple ignorant fiiit la mère de leur dieu,
1^, mort^ et enseveli. Lesimniacve, devait lequel
une lampe bràle sausi cesse , est enveloppé d'un
voile , et entouré d'un grand nombre de tobuksus^
pendus en ordre, et que les crëdules dévots y por«
tciit de toutes parts,
11 s'a^ d^cnlever de h\ cette effigie , et Je la
transporte/ de vos propres mains dans votremos^
quée ; 14 jy' attacherai > un charme si fort, qu'elle
sera , tarit qu'on ly gardtera ^ ta sauve-gafde de vos
pores; et^par reQbt.d^uiinouveaun{ystère,veus
conscrveiez dans, vos inurs un-empiie inezpu^
gnahle.
9
A ces mots, le roi persuadé court impatient à la
maison de Dieu, force les prêtres, enlève sans res«
peci le chaste simulacre, et la porte à ce temp-e
Sl6 OÛHDE
impie oii im culte insensé ne £iit qa^iiriterkcVL
C'est là, c'est dans ce lien proâne et sur cette
sainte image j que le magicien mmniure ses bU-
phèmes.
^ Mais» le matin du jonr suivant, le g^rdienda
tétaiple immonde ne yit plus Timage oàelieéuil
la Teille, et, lajant cherchée en yain de toos
cAtés, courut avertir le roi, qui, ne doatanl pas
que les chrétiens ne Teussent enlevée, en bt
transporté de colère.
Soit qu'en effet ce fût un coup d'adresse dose
main pieuse, ou un prodige du ciel indigné ({K
l'image de sa souveraine soit prostituée en un
lieu souillé, il est édifiant, il est juste de &iit
céder le zèle et la piété des hommes, et de croiff
que le coup est venu d'en4iaul.
Le roi fit faire dans chaque église et dans clo-
que maison la plus importune recherche, et d^
cerna de grands prix et de grandes peines aqvi
révélerait ou recèlerait le vol. Le magidoa de m
côté déploya sans succès toutes les forces de sa
art pour en découvrir l'auteur : )e ciel, au mépà
de ses enchantemens et de lui, tintrœuvresecittc
de quelque part qu'elle pût venir.
Mais le tyran , furieux de se voir cacher le icl^
^uil attribue toujours aux fidèles, se livre oontit
h la plus ardente rage. Oubliant toute pns-
>^ *out respect humain, il veut, à oueiic*
ew . .
dcoce^ ^
ET SOPBRONIE. 217
prix que ce ^oit, assouvir sa vengeance. « Non,
a non, s'écriait-il y la menace ne sera pas vaine;
a le coupable a beau se cacher, il faut qu'il meure;
c< ils mourront tou^, et lui avec eux,
« Pourvu qu'il n'échappe pas, que le juste, que
« Tinnocent périsse : qu importe? Mais qu'ai* je
«dit? l'innocent! Nul ne Test; et dans cette
ce odieuse race en est- il un seul qui ne soit notre
f( ennemi? Oui, s'il en est d'exempts de ce délit,
a qu'ils portent la peine due W tous pour leur
ce haine; que tous périssent; l'un comme voleur,
u et les autres comme chrétiens. Venez , mes
ce loyaux, apportez la flamme et le fer; tuez et
fc brûlez sans miséricorde. »
C'est ainsi qu il parle à son peuple. Le bruit de
ce danger parvient bientôt aux chrétiens. Saisis,
glacés d'eflfroi par l'aspect de la mort prochaine,
nul ne songe à fuir ni à se défendre; nul n ose
tenter les excuses ni les prières. Timides, irréso*.
fus, ils attendaient leur destinée, quand ils virent
arriver leur salut d'où ils l'espéraient le moins,
Parmi eux était une vierge déjà nubile, d'une
âxtie sublime, dune beauté d'ange, quelle néglige
ovk dont elle ne prend que les soins dont Ihon*
riùteié se pare; et ce qui ajoute au prix de sei
irliânnes, dans les murs d'une étroite enceinte elle
>^3 soustrait aux yeux et aux vœux des amans.
Biais est T il des miurs que ne perce quelque
AI 8 OUNDE
rayon d'une béante digne de fariQer aux yeux et
d enflammer les cœurs? Amour, le souffiirais^?
Non ; tu Tas révélée aux jeunes désirs d'an adoles-
cent. Amour qui, tantôt Argus et tantÂt ayeagle,
éclaires les yeux de ton flambeau ou les Yoilesde
ton bandean, malgré tous les gardiens, toates les
clôtures , jusque dans les plus chastes asiles ta sus
porter un regard étranger.
Elle s'appelle Sophronie; Olinde est le nom Ja
jeune homme : tous deux ont la même patrie rtia
même foi. Comme il est modeste autant qn elle est
belle, il désire beaucoup, espère peu, ne demande
rien , et ne sait ou n'ose se découvrir. Elle, de son
côté, ne le voit ps, ou n^ pense pas, ou le dé-
daigne; et le malheureux perd ainsi ses soins
ignorés, mal connus, ou mal reçus.
I
Cependant on entend lliorrible proclamalioB.
et le moment du massacre approche. Sophronie,
aussi généreuse qu'honnête, forme le projet k
sauver son peuple. Si «a modestie Tarréte, son
courage Fanime et triomphe, ou plutôt ces deui
vertus s accordent et s'illustrent mutuellement.
La jeune vierge sort seule au milieu du peupt
Sans exposer ni cacher ses charmes, en marcliaivi
elle recueille ses yeux, resserre son voile, et ci
impose pr la réserve de son maintien. Soll arloi
hasard, soit négligence on parure, tout concoui^
à^jrendre sa beauté touchante. Le ciel^ la uaVote
\
ETSOPHKONIE . 2tfg
et l'nniour, qui la favorisent, donnent i ses né-
gligences reflet de l'art.
Sans daigner voir les regards qu^elle attire â
son passage, et sans détourner les siens, elle se
présente devant le roi, ne tremble point envoyant
sa colère, et soutient avec fermeté son féroce as-
pect. Seigneur, lui dit-elle, daignez suspendre
votre vengeance et contenir votre peuple. Je viens
vous découvrir et vous livrer le coupable que vous
cherchez , et qui vous a si fort offensé.
A rhonnète assurance de cet abord, à Téclat
subit de ces chastes et fières grâces, le roi, confus
et subjugué, calme sa colère et adoucit son visage
irrité. Avec moins de sévérité, lui dans Tàme, elle
sur le visage, il en devenait amoureux. Mais une
beauté revéchc ne prend point un cœur farouche,
et les douces manières sont les amorces de Famour.
Soit surprise, attrait, ou volupté, plutôt qu'at-
tendrissement, le baïkire se sentit ému. Déclare-
moi tout, lui dit-il; voilà que j'ordonne cpi'on
épargne ton peuple. Le coupable , reprit-elle , est
devant vos yeux; voilà la main dont ce vol est
Toeuvre. Ne cherchez personne autre; c'est moi
qui ai ravi l'imnge, et je suis celle que vous devez
punir.
Cest aiosi que, se dévouant pour le salut de
son peuple, elle détourne courageusement le mal-
heur public sur elle seule. Le tyran^ quelque temps
]|^0 OUTOE
ÛTésolo, ne se Ihrre pas si tôt à sa fiirie accoatn-
mée. U Imterroge. Il £iat, dit-tl, que ta medéclaivs
qui t^a donné ce conseil, et qui t'a aidée à Fezé-
cnler.
Jalouse de ma gloire , je n^ai touIu, répond^lk^
en &ire part à personne. Le projet, TexécutioD.
tout vient de moi seule, et seule j'ai su mon se
cret. Cest donc sur toi seule, lui dit le roi, que
doit tomber ma Tengeanoe. Cela est juste, re-
prend-eUe, je dois subir toute la peine, comme
j^ai remporté tout llionnenr.
Ici le courroux du tyran commence à se rallu-
mer. II lui demande où elle a caché limage. Elle
répond : Je ne l'ai point cachée, je Tai brûlée . et
j'ai cru faire une œuvre louable de la garantir aiji<î
des outrages des mécréans. Seigneur, est-ce le
voleurquc vous cherchez? ilesten votre présen e.
Est-ce le voll vous ne le reverrez jamais.
Quoique au reste ces ncms de voleur et de v<«i
ne conviennent ni à moi ni à ce que j'ai falt^ rien
n'est plus juste que de reprendre ce qui fut prL>
injustement A ces mots, le tyran pousse un tr
menaçant , sa colère n^a plus de frein. Vertu .
beauté, courage , n espérez plus trouver grâce de-
vant lui. G est en vain que , pour la défendre d'un
barbare dépit, l'amour lui fait un bouclier de
charmes.
On la saisit. Rendu A toute sa cruauté^ le
ET 80PHR0KIE. 211
la condamne à périr sur un bûcher. Son voile, sa
chaste mante, lui sont arrachés; ses bras délicats
soift meurtris de rudes chaînes. Elle se tait; sont
Ame forte, sans être abattue, n'est pas sans émo*-
tion , et les roses éteintes sur son visage y laissent
la candeur de Finnocence plutôt que la pâleur do
la mort.
Cet acte héroïque aussitôt se divulgue. Déjà le
peuple accourt en foule. Olinde accourt aussi
tout alarmé. Le fait était sûr, la personne encore
douteuse : ce pouvait être la maîtresse de son
coeur. Mais sitôt qu'il aperçoit la belle prisonnière
en cet état , sitôt qu'il voit les ministres de sa
mort occupés à leur dur office^ il s'élance, il
heurte la foule.
Et crie au roi : Non , non : ce vol n'est point d<d
son fait; c'est par folie qu'elle s'en ose vantoa
Comment une jeune fille sans expérience poiûr-
rait-elle exécuter, tenter, concevoir même une
pareille entreprise? comment a-t-eJe trompé les
gardes 7 comment s y est-elle prise pour enlever la
sainte image ? Si elle la &it , qu elle s'explique.
C'est moi , Sire , qui ai fait le coup. Tel fut , tel fut
l^amour dont même sans retour il brûla pour elleii
11 reprend ensuite : Je suis monté de nuit jus-
qu'à l'ouverture par où l'air et le jour entrent dans
votre mosquée , et , tenant des routes presque
inaccessibtesy jy suis entré par un passage étroite
%2i oLnmE
Que cdle-cl cesse d'usurper la peine qui m'esl
due : fai seul mérité Hionueur de la mort; c est i
moi qu'appartiennent ces chaînes, ce bûcher, ces
flammes; tout cela n'est destiné que pour moi.
Sophronie 1ère sur lui les yeux : k douceur, b
pitié, sont peintes dans ses regards. Innocent in-
fortuné, lui dit-elle, que yiens*tu £iire ici? Quel
conseil t'y conduit? quelle fureur t^ traîne?
Crains-tu que sans toi mon âme ne puisse sup-
porter la colère d'un homme irrité ? Non , pour
une seule mort je me suffis à moi seule , et je n'ai
pas besoin d'exemple pour apprendre à la soufiru*.
Ce discours qu'elle tint à son amant ne le (ait
point rétracter ni renoncer à son dessein. Digne
et grand spectacle où l'amour entre en Fce arec
la vertu magnanime, oh la mort est le prix du
vainqueur^ et la vie la peine du vaincu! Mais,
loin d'être touché de ce combat de constance et
de générosité, le roi s'en irrite.
Et s^en croit insulté, comme si ce mépris du
supplice retombait sur lui. O*oyons-€n , dit-il , à
tous deux; qu'ils triomphent Tun et Tautre, et
partagent la palme qui leur est due. Puis 11 fait
signe aux sergens, et dans Finstant Olinde e^t
dans les fers. Tous deux, liés et adossés au ménie
pieu^ ne peuvent se voir en face.
On arrange autour d'eux le bûcher; et déji
Ton excite la flamme^ quand le jeune homme ^
ETSOPHRdîWEr "" 223
(^datant en gémîssemens, dit à celle avec laquelle
il est attaché : C'est donc là le lien duquel j'espé-
rais munir à toi pour la vie! C est donc là ce feu
dont nos cœurs devaient brûler ensemble!
O flammes! 6 nœuds qu'un sort cruel nous
destine! hélas! vous n'êtes pas ceux que l'amour
m'avait promis! Sort cruel, qui nous sépara du-
rant la vie , et nous joint plus durement encore à
la mort! Âb ! puisque tu dois la subir aussi fu-
neste, je me console, en la partageant avec toi,
de t'être uni sur ce bûcher, n'ayant pu l'être à la
couche nuptiale. Je pleure, mais sur ta triste des*
tinée, et non sur la mienne^ puisque je meurs à
tes côtés.
O que la mort me sera douce , que les tour-
mens me seront délicieux, si j'obtiens qu^au der-
nier moment, tombant l'un sur lautre, nos bou-
ches se joignent pour exhaler et recevoir au même
instant nos derniers soupirs! Il parle, et ses pleurs
étouflent ses paroies. Elle le tance avec douceur,
et le remontre en ces termes :
Âmi,ie moment où nous sommes exige d autres
soins et d'autres regrets. Âh! pense, pense à tes
fautes et au digne prix (pie Dieu promet aux fi-
dèles : souflSre en son nom, les tourmens te seront
doux. Aspire avec joie au sdjour céleste : vois le
ciel comme il est beau, vois le soleU, dont il
semble que Taspect riant nous appelle €t nou«
console.
124 OLmDB
A ces mots, toat le peuple païen éclate en san-
glotSy tandis que le fidèle o^e à peme gémir à plus
basse voix. Le roi même) le roi sent au fond je
^n Ame dure je ne sais quelle émotion prête i
l'attendrir : mais^ en la pressentant, il s'indigne,
éy refuse , détourne les yeux , et part sans Tooloir
se laisser fléchir. Toi seule , ô Sophronie! oac-
compagnes point le deuil géoéral; et, quand tout
pleure sur toi, toi seule ne pleures pas.
En ce péril pressant survient un guerrier, «
paraissant tel , d'une haute et belle apparence,
dont Tarmurc et Thabillemcnt étraugef anoo:
çaient qu'il venait de loin : le tigre, &meuse ty
seigne qui couvre son casque, attira tooslesjeui.
et fit juger avec raison que c'était Clorinde.
Dès Tâge le plus tendre elle méprisa les isku
dises de son sexe : jamais ses courageuses m ■
ne daignèrent toucher le fuseau, l'aiguille, et -
travaux d'Ârachné; elle ne voulut ni s'amollirf-
des vétemens délicats, ni s environner timidoiit ^
de clôtures. Dans les camps mêmes, la vraie b
nêteté se fait respecter, et partout sa force 6^
vertu fut sa sauve-garde : elle arma de fierté >
visage, et se plut à le rendre sévère; o^^
charme, tout sévère qu il est.
DWe main encore enfantLoe, elle spp-
gouverper le mors d'un coursier, i manier la piçi
6t Tépéej^ elle endurcit son corps sur l'arèoej!
ET SOPHRONIE. AaS
rendit légère à la course; sur les rochers, à travers
les bois, suivit à la piste les bétes féroces; se fit
guerrière enfin, et, après avoir fait la guerre en
homme aux lions dans les forêts , combattit en.
lion dans les camps parmi les hommes.
Elle venait des contrées persanes pour résister
de toute sa force aux chrétiens : ce n'était pas la
première fois qu ils éprouvaient son courage; sou-
vent elle avdit dispersé leurs membres sur la pous-
sière et rougi les eaux de leur sang. L'appareil de
mort qu'elle aperçoit en arrivant la frappe : elle
pousse son cheval , et veut savoir quel crime attire
un tel châtiment.
La foule s'écarte; et Clorinde, en considérant
de près les deux vicllmes attachées ensemble, re-
marque le silence de Tune et les gemissemens de
Taulre. Le sexe le plus faible montre en cette oc-
casion plus de fermeté; et, tandis quOlinde pleure
de pitié plutôt que de crainte, Sophronie se tait,
et, les yeux fixés vers le ciel, semble avoir déjà
quitté le séjour terrestre.
Clorinde, encore plus touchée du tranquille
sQence de lune que des douloureuses plaintes de
Vautre, s^attendrit sur leur sort jusqu^aux larmes;
puis, se tournant vers un vieillard qu elle aperçut
auprès délie : Dites -moi, je vous prie, lui de-
manda-t-elle, qui sont ces jeunes gens, et pour
quel crime ou par quel malheur ils souBBrent uo
pareQ supplice? ^
226 OLnrDS
Le Tieîllaid en pea de mots ayant ^mcmpDt
satis&ità sa demande, elle fut frappée détODne
ment, et, jugeant bien que ions deux étaieol h-
nocens, die réscdut, autant que le pomraieMt ^
prier v^ ou ses armes, de les garantir de la nu-.
EUe s'approche , en fiusant retirer la flamme pr
à les atteindre : elle parle ainsi à ceux qni lui-
saient :
Qu aucun de tous n'ait l'audace de poursc .^^
celte cruelle œuvre justpi'â ce que j'aie prie 3!
roi : je tous promets qu'O ne vous saura pas ic:>
vais gré de ce retard. Frappés de son air gnci ■
noble, les sergens obéirent : alors elle sachcn'
vers le roi, et le rencontra qui venait auder^.-
delle.
Seignenr, lui dît-elle, je suis Clorinde; v
m avez peut-être oui nommer quelquefok '
viens m offrir pour défendre avec vous la foi c '
mune et votre trône : ordonnez, soit en pV
campagne ou dans lenceinte des murs,qut ;
emploi qu'il vous plabe mWigner, je l acce]
feras craindre les plus périlleux ni dédaigner-
plus humbles.
Quel pajs , lui répond le roi , est si loit •
TAsie et de la route du soleil , ob llllustre 000 *
Clorinde ne vole pas sur les ailes de la çl«> '
Non , vaillante guerrière , avec vous je n ai pi
ni doute ni crainte ; et {aurais moins de confias:
BT SOPHKONIE. 2iay
en nne armée entière venue A mon secours qu'en
votre seule assb tance.
Oh! queGodefroi n'arrive-t-ilàrinstant mémel
Il vient trop lentement à mon gré. Vous me de-
mandez un emploi ? Les entreprises difficiles et
grandes sont les seules dignes de vous; comman*
dez à nos guerriers; je vous nomme leur général.
La modeste Clorinde lui rend grâce, et reprend
ensuite :
Cest une chose bien nouvelle sans doute que
le salaire précède les services; mi^is ma confiance
en vos bontés me £.it demander , pour prix de
ceux que j'aspire k vous rendre, la grâce de ces
deux condamnés. Je les demande en pur don, sans
examiner si le crime est bien avéré , si le châti-
ment n'est point trop sévère , et sans m'arréter
aux signes sur lesquels je préjuge leur innocence.
Je dirai seulement que , quoiqu'on accuse ici
les chrétiens d'avoir enlevé Tîmage, j'ai quelque
raison de penser autrement : cette œuvre du ma^
gicien fut une profanation de notre loi; qui n'ad-
met point d'idoles dans nos temples, et moins
encore celle des dieux étrangers.
C est donc à Mahomet que j'aime à rapporter
le miracle; et sans doute il Fa fait pour nous ap-
prendre à ne pas souiller ses temples par d'autres
cultes. Qulsmène fasse à son gré ses enchanto-
temens, lui dont les exploits sont des maléfices;
aoS OIINDE ET S0PHm05IE.
pour nous, gaerriers, manions le glaive; cW là
notre défense, et nous ne devons espérer ^ en loi*
Elle se tait : et, qnoique l'âme colère du roi ne
s^apaisc pas sans peine, il voulut néannyins Im
complaire , plutôt fléchi par sa prière et par la
raison d'état que par la pitié. QuHls aient, dit-il,
la vie et la liberté : un tel intercesseur pat-il
éprouver des refus? Soit pardon, soit justice, in-
nocens je les absous^ coupables je leur Êiis grâce.
Ils furent ainsi délivrés, et la fut couronné le
sort vraiment aventureux de l'amant de Sophro*
nie. Eh ! comment refuserait-elle de vivre avec
cehii qui voulut mourir pour elle? Du bûcher ils
vont à la noce ; diamant dédaigné , de patient
même, il devient heureux époux, et montre ainsi
dans un mémorable exemple que les preuves d'un
amour véritable ne laissent point insensible un
cœur généreux.
*fM>tiM^ift>»'yy»n^^ttmt6tMmMi0iifii»0fiitiiiÊiÊtmiyiim/y^
LE LÉVITE D'ÉPHRAiM H.
CHANT PREMIER.
Sainte colère de la vertu , viens animer ma
voix : je dirai les crimes de Benjamin et les yen -
geancesdlsraël; je dirai des forfaits inouïs, et des
cliâtimens encore plus terribles. Mortels, respec-
tez ia beauté, les mœurs, Thospitalité : soyez jus-
tes saiis cruauté, miséricordieux sans faiblesse;
et sachez pardonner au coupable plutôt que de
punir Imnocent. *
O vous , hommes débonnaires , ennemis de
toute inhumanité; vous qui, de peur d'envisager
les crimes de vos frères, aimez mieux les laisser
impunis, quel tableau viens- je offrir à vos yeux?
Le corps d une femme coupé par pièces; ses mem-*
bres déchirés et palpitans envoyés aux douze
tribus ; tout le peuple , saisi d horreiu* , élevant
îusqu^au ciel une clameur unanime , et s^écriant
de concert : Non, jamais rien de pareil ne s'est
fait en Israël depuis le jour où nos pères sortirent
d'Egypte jusqu^à ce jour. Peuple saint, rassemble-
toi : prononce sur cet acte horrible , et décerne le
prix qu'il a mérité. À de tels forfaits , celui qui
C) yojet dant U lObfe les eluiiMUcf XIX, XX et 2LXI a«
a3o XB LÉVITK d'^phraîm.
détourne ses regards est un lâche, un déseitenr
de la justice; la véritable humanité les envisage
pour les connaître , pour les juger, pour les dé
tester. Osons entrer dans ces détails, et remontons
à la source des guerres civiles qui firent périr odo
des tribus, et coûtèrent tant de sang aux autres.
Benjamin, triste enfant de douleur, qui donnas
la mort à ta mère, c^e^ de ton sein qu^est sorti k
crime qui t'a perdu; c'est ta race impie qui put h
commettre, et qui devait trop Pexpier.
Dans les jours de liberté, où nul ne régnait sur
le peuple du Seigneur, il fut un temps de licence
où chacun, sans reconnaître ni magistrat ni juge,
était seul son propre maître et faisait tout ce qui
lui semblait bon. Israël , alors épars dans les
champs, avait peu de grandes villes, et la sim-
plicité de ses mœups rendait superflu l'empire des
lois. Mais tous les cœurs n'étaient pas également
purs, et les méchans trouvaient Timpunité da
vice dans la sécurité de la vertu.
Durant un de ces courts intervalles de calme el
d'égalité qui restent dans l'oubli, parce qae nul
n y commande aux autres et qu^on n'yùài point
de mal, un Lévite des monts d'Ephraïm vit dans
Bethléem une jeune fille qui lui pluL II lui dit :
Fille de Juda, tu n^es pas de ma tribu, tu n'as
point de fi-ère; tu es comme les filles de Salphaad,
et ie ne puis fépouser selon la loi du Seigneur (i).
•^
(tj NoDiircs, chap. XXXFI, ▼. 8, Jt laîi jot Ici
CHANT PREUIEK. a3(
Mais mon cœur est â toi; viens avec moi, vivons
ensemble ; nous serons unis et libres ; tu feras mon
bonheur, et je ferai le tien. Le Lévite était jeune
et beau; la jeune fille sourit; ils sWirent, puis il
remmena dans ses montagnes.
Li, coulant une douce vie, si chère aux cœurs
tendres et simples, il goûtait dans sa retraite les
charmes d'un amour partagé; là, sur un sistre d or
fait pour chanter les louanges du Très-Haut, il
chantait souvent les charmes de sa jeune épouse.
Cpmbien de fois les coteaux du mont Hcbal reten-
tirent de ses aimables chansons! Combien de fois
il la mena sous rom}>rage, dans les vallons de Si-
chcm, cueillir des roses champêtres et goûter le
frais au bord des ruisseaux! Tantôt il cherchait
dans les creux des rochers des rayons d'un miel
doré dont elle faisait ses délices; tantôt dans le
feuillage des oliviers il tendait aux oiseaux des
pièges trompeurs, et lui apportait une tourterelle
craintive quelle baisait en la flattant; puis, len-
fcrnoant dans son sein, elle tressaillait d aise en la
sentant se débattre et palpiter. Fille de Bethléem,
lui disait-il, pourquoi pleures-tu toujours ta fa-
mille et ton pays? Les enfans dÉphraïm n'ont-ils
point aussi des fêtes? les filles de la riante Sichem
sont-elles sans grâce et sans gaieté? les habitans
de Fan tique Atharot manquent -ils de force et
d adresse? Viens voir leurs jeux et les embellir.
- —
Lévî pouvaient se marier dans toutes les tribus • nuis non d«Di
le cas supposa.
S3l LE tÉVtTÈ D*ÉPBlUÎsr.
Donne-moi des plaisirs; 6 ma bien^aimée! en estr
il pour moi d'autres que les tiens?
Toutefois la jeune fiUe s ennuya du Lévite,
peut-être parce qu'il ne lui laissait rien à désirer.
Elle se dérobe et s'enfuit vers son père, vers sa
tendre mère, vers sez folâtres sœurs. Elle y croit
retrouYcr les plaisirs innocens de son enfance,
comme si elle y portait le même âge et le même
coeur.
Mais le Lévite abandonné ne pouvait oublier
sa volage épouse. Tout lui rappelait dans sa soli-
tude les jours heureux qu'il avait passés auprès
délie, leurs jeux, leurs plaisirs, leurs querelles,
et leurs tendres raccommodemens. Soit que le so-
leil levant dorât la cime des montagnes de Gelboé^
soit qu au soir un vent de mer vint rafraîchir leurs
roches brûlantes, il errait en soupirant dans les
lieux qu'avait aimés Tinfidèle*, et la nuit, seul
dans sa coiiche nuptiale, il abreuvait son chevet
de ses pleurs.
Après avoir flotté quatre mois entre le r^gr«t
et le dépit, comme un enfant chassé du jeu pai
les autres feint n'en vouloir plus en brûlant de s t
remettre, puis enfin demande en pleurant dv
rentrer, le Lévite, entraîné par son amour, prend
sa monture; et, suivi de son serviteur avec deux
fines d'Épha chargés de ses provisions et de dons
pour les paréos de la jeune fille-, il retourne à
Bethléem pour «e réconcilier avec elle, et tâcher
de la ramener.
4
CaAKT PREMIER. a.l3
La jeune femme, lapercevant de loin, tres-
saille, court au-devant de lui, et, l'accueillant
avec caresses, Fintroduit dans la maison de son
père, lequel apprenant son arrivée accourt aussi
plein de joie, Fembrasse, le reçoit, lui, son servi-
teur, son équipage, et s'empresse à le bien traiter.
Mais le Lévite ayant le cœur serré ne pouvait par-
ler; néanmoins, ému par le bon accueil de la fa-
mille, il leva les yeux sur sa jeune épouse, et lui
dit : Fille d'Israël, pourquoi me fub-tu? quel mal
t'ai-je Ëiit? La jeune fille se mit à pleurer en se
couvrant le visage. Puis il dit au père : Rendez-
moi ma compagne; rendez-la-moi pour lamour
d'elle; pourquoi vivrait-elle seule et délaissée?
Quel autreque moi peut honorer comme sa femme
celle que j'ai reçue vierge?
Le père regarda sa fille, et la fiUe avait le cœur
attendri du retour de son mari. Le père dit donc
â son gendre : Mon fils, donnez-moi trois jours;
passons ces trois jours dans la joie, el le quatrième
jour, vous et ma fille partirez en paix. Le Lévite
resta donc trois jours avec son beau-père et toute
sa fitmille, mangeant et buvant familièrement
avec eux : et la nuit du quatrième jour, se levant
avant le soleil, il voulut partir. Mais son beau-
père l'arrêtant par la main lui dit : Quoi! voulez-
vous partir à jeun? Venez fortiCer votre estomac,
et puis vous partirez. Us se mirent donc à table;
et , après avoir mangé et bu , le père lui dit : Mon
fils, je TOUS supplie de vous réjouir avec nous
ao.
a34 LE téyrTE d'éphraiat.
«ncore aujourd'hui. Toutefois le Lévite se levant
voulait partir ; il croyait ravir à rameur le temp^
qu'il passait loin de sa retraite, livré à d'autres
qu'à sa bien-aimée. Mais le père, ne pouvant se
résoudre à s'en séparer, engagea sa fille d obtenir
encore cette journée ; et la fille, caressant sod
mari, le fit rester jusqu'au lendemain.
Dès le matin , comme il était prât k partir, il
fut encore arrêté par son beau-père , qui le for.;a
de se mettre à table en attendant le grand jour;
t\ le temps sécoulait sans qu ils s'en aperçussent.
Alors le jeune homme s'étant levé pour partir avec
sa femme et son serviteur, cl- ayant préparé toute
chose : O mon fils , lui dit le père, vous voyez que
le jour s'avance et que le soleil est sur son déclin :
ne vous mettez pis si lard en route; de grâce, ré-
jouissez mon copur encore le reste de cette jour-
née; demain dès le point du jour vous partirez
sans retard. Et, en disant ainsi, le bon vieillard
était tout saisi ; ses yeux paternels se remplis-
saient de larmes. Mais le Lévite ne se rendit point,
et voulut partir à Tinstant.
Que de regrets coûta cette séparation funeste!
Que de touchans adieux furent dits et r«ïcooi'
mencés! Que de pleurs les sœurs de la jeune filk
versèrent sur son visage! Combien de fois elles b
reprirent tour à tour dans leurs bras! Combien de
fois sa mère éplorée, en la serrant derechef dans
les siens, sentit les douleurs d'une nouvelle sépa-
TftUQO i Mais son père^ en Fcmbrassant, ne pleo-
cflAirr sficoi^D. 23'!
rait pas : ses muettes étreintes étaient mornes et
coDvulsives; des soupirs tranchans soulevaient ^
poitrine. Hélas! il semblait prévoir Thorrible sort
de Tinfortunée. Oh ! s'il eût su qu elle ne reverrail
jamais l'aurore; s'il eût su que ce jour était le der-
nier de ses jours!... Ils partent enfin, suivis des
tendres bénédictions de toute leur &mille, et de
vœux qui méritaient d'être exaucés. Heureuse fa-
mille, qui, dans Tun ion la plus pure, coiile au sein
de l'amitié ses paisibles jours, et semble nWoir
qu'un cœut à tous ses membres ! O innocence des
moeurs, douceur d'âme, antique simplicité, que
vous êtes aimables! Comment la brutalité du vice
a-t-elle pu trouver place au milieu de vous? Com-
ment les fureurs de la barbarie n'ont-ellcs pas re$«
pecté vos plaisirs?
m«n^MnA«nA«tM««wMr
CHANT SECOND.
Le jeune Lévite suivait sa route avec sa femme,
son serviteur et son bagage, transporté de joie de
ramener l'amie de son cœur, et inquiet du soleil
et de la poussière, comme une mère qui ramène
son enfant chez la nourrice et craint pour lui les
injures de Tair. Déjà Ton découvrait la ^nlle de
Jëbus k main droite, et ses murs, aussi vieux que
les siècles, leur ofiraient uu asile aux approches
de la nuit. Le serviteur dit donc à son maître :
2l3S LB LÉYITE D^CPHILUM.
Vous voyez le jour prêt à Jinir; avant que les té-
nèbres nous surprennent, entrons dam la ville
des Jéboséens y nous y chercherons un asile; d
demain, poursuivant notre voyage, nous poiu"
rons arriver à Géba.
A Dieu ne plaise, dit le Lévite, que je loge chfi
un peuple infidèle , et qu'un Cananéen donne V
couvert au ministre du Seigneur! non : mais alloos
jusques à Gabaa chercher Thospitalité chez m
frères. Ils laissèrent donc Jérusalem derrière m;
ils arrivèrent après le coucher du soleil k la hau-
teur de Gabaa, qui est as la tribu de Benjamin.
Us se détournèrent pour y passer la nuit : et j
étant entrés ils allèrent sWeoir dans la place p
blique; mais nul ne leur oi&rit un asile, et il5(!^
meuraient à découvert. |
Hommes de nos jours, ne calomniez pas ks
mœurs de vos pères. Ces premiers temps, il t^
vrai, n abondaient pas comme les vôtres en coic-
moditésde la vie; de vils métaux n^y suffisaicc:
pas à tout : mais lliomme avait des entrailles f
Élisaient le reste ; l'hospitalité n^était pas à vendr
et l'on n'y trafiquait pas des vertus, l^s fils de Jr
mini n'étaient pas les seuls, sans doute, dont 1^
cœurs de fer fussent endurcis; mais cette duret
n'était pas conunune. Partout avec la patience o:
trouvait des frères; le voyageur dépourvu de toi
ne manquait de rien.
Après avoir attendu long-temps inutilement, l<
Lévite allait détacher son bagage gour en £ûrc ^
CHAîTT SECOirU. zZy
la jeune fille im lit moins dur que la terre nue ,
quand il aperçut un homme vieux revenant sur le
tard de ses champs et de ses travaux rustiques .
Cet homme é^ait comme lui des monts d'Éj^raïm,
et il était venu s'établir autrefois dans cette ville
parmi les enfans de Benjamin.
Le vieillard, élevant les yeux, vit un homme
et une femme assise au milieu de la place, avec
un serviteur, des bétes de sommes, et du bagage.
Alors, s'approchant, il dit au Lévite : Etranger,
d'où êtes-vous? et où allez-vous? Lequel lui ré-
pondit : Nous venons de Bethléem, viUe de Juda ;
nous retournons dans notre demeure sur le peu-'
chant du mont d'Ephraïm,d'oùnousétionsvenus :
et mamtenant nous cherchons l'hospice du Sei-
gneur;- mais nul n'a voulu nous loger. Nous avoiis
du grain pour nos animaux , du pain, du vin peur
moi, pour votre servante, et pour le garçon qui
nous suit ; nous avons tout ce qui nous est néces-
saire, il nous manque seulement le couvert. Le
vieillard lui répondit : Paix vous soit mon frère !
vous ne resterez point dans la place : si quelque
chose vous manque, que le crime en soit sur moi.
Ensuite il les mena dans sa maison , fit décharge^
leur équipage, garnir le râtelier pour leurs bêtes ;
et ayant fait laver les pieds à ses hôtes, i{ leur fit
un festin de patriarches, simple et sans faste,
fuais al)ondant.
Tandis qu'ib étaient à table avec leur bote et
a3S LE L£TIT£ D^^PHRàÎBT.
sa fille (i), promise à un jeune homme du pa}$.
et que, dans la gaieté d^un repas offert avec joie,
ils se délassaient agréahlemeut , les hommes de
cette ville, cnfans de Bélial, sans joug, sansfitio,
sans retenue, et bravant le ciel comme les Cvclo-
pcs du mont Etna, vinrent environner la maison,
frappant rudement à la porte, et criant au vieil-
lard d'un ton menaçant : Livre -nous ce jeune
étranger que sans congé tu reçois dans nos mors;
que sa beauté nous paie le prix de cet asile , et
qu'il expie ta témérité. Car ils avaient vu le Lé\-iu
sur la place, et, par un reste de respect pour le
plus sacré de tous les droits, n'avaient pas vouln
le loger dans leurs maisons poiur lui (aire violencf .
mais ils avaient comploté de revenir le surprendra-
nu milieu de la nuit; et ayant su que le ri illar!
lui avait donné retraite, ils accouraient sans \v
tice et sans honte pour l'arracher de sa maison.
Le vieillard, entendant ces forcenés, se troub''
s cllraie, et dit au Lévite : Nous sommes perdu-
ces médians ne sont pas des gens que la raisr
ramène, et qui reviennent jamais de ce qu^ih t»'.:
résolu. Toutefois il sort au-devant d'eux pour t.
cher de les fléchir. U se prosterne, et, levant r
ciel ^ts mains pures de toute rapine, il leur di'
O mes frères] quels d scours avez-vous pronoc
(i) Dans rusa^ antique, les femmes de la maison m
taient pas k uble avec leurs h6tes quand c'étaient des
mais loisqu'il ^ avait des |emmçS| elles s'j metuicnt stoc cl^
CHANT SECO?r0. 2ik)
césl Àh! ne faites pas ce mal derant le Seigneur;
nWtragez pas ainsi la nature , ue violez pas la
sainte hospitalité. Mais voyant qu'ils ne l'écou-
taient point, et que, prêts aie maltraiter lui-même,
ils allaient forcer la maison, le vieillard, au dés*
espoir, prit à Tinstant son parti; et, faisant signe
de la main pour se faire entendre au milieu du
tumulte, il reprit d une voix plus forte : Non, moi
vivant, un tel forfait ne déshonorera point mon
hôte et ne souillera point ma maison : mais écou-
tez , hommes cruels , les supplications d'un mal-
heureux père. J'ai une fille, encore vierge, promise
à Tun d'entre vous; je vais l'amener pour vous
être immolée, mais seulement que vos mains sa-
crilèges sab>tiennent de toucher au Lévite du
Seigneur. Alors, sans attendre leur réponse, il
court chercher sa fille pour racheter son hôte aux
j dépens de son poprc sang.
Mais le Lévite, que jusqu'à cet instant la terreur
rendait immobile, se réveillant à ce déplorable
, aspect, prévient le généreux vieillard, s'élance au-
devant de hii, le force à rentrer avec sa fille, et
prenant lui-même sa compagne bion-airaéc sans
lui dire un seul mot, sans lever les yeux sur elle,
Tcntraîne jusquà la porte, et la livre k ces mau-
,. dits. Aussitôt ils entourent la jeune fille à demi-
morte, la saisissent, se Tarrachent sans pitié; tels
^ dans leur brutale furie qu'au \ îcd fîr s Alpes gla-
' cées on troupeau de loups affamés surprend une
faible génisse, se jette sur elle et la déchire, au
d40 I^ LJYITE d'ÉPHRAIK.
retour de l'abreuyoir. O misérables! qui détmisex
votre espèce par les plaisirs destinés à la repro-
duire^ comment cette beauté mourante ne glace-
t-elle point vos féroces désirs? Voyez sur ^es jau
déjà fermés à la lumière, ses traits effacés, soo
visage éteint; la pâleur de la mort a couvert ses
joues, les violettes livides en ont chassé les roses;
elle n^a plus de voix pour gémir : ses mains n ont
plus de force pour repousser vos outrages. Hélas!
elle est déjà morte ! Barbares , indignes du nom
d'hommes , vos hurlemens ressemblent aux cris de
llioiTiblc hyène, et comme elle vous dévorez les
cadavres.
Lés approches du jour qui rechasse les bétia
farouches dans leurs tannièrcs ayant dispersé ces
brigands, l'infortunée use le reste de sa force à se
traîner jusqu'au logis du vieillard; elle tombe à U
porte la face contre terre et les bras étendus sur k
seuil. Cependant, après avoir passé la nuit à renh
plir la maison de son hôte d'imprécations et de
pleurs, le Lévite prêt à sortir ouvre la porte rt
trouve dans cet état celle qu'il a tant aimée. Qut'
spectacle pour son coeur déchiré! Il élève un m
plaintif Vers le ciel vengeur du crime; puis, adres-
sant la parole à la jeune fille : Lève-toi, lui dit-îl
fuyons la malédiction qui couvre cette terre
viens, à ma compagne! je suis cause de la pert^.
je serai ta consolation ; périsse l'homme injuste r
vil qui jamais te reprochera ta misère ! tu ma
plus respectable qu'avant nos malheurs. La jeu»%
'cnAVI TROISliMB. 94 ft
lUle ne répond point : il se trouble; son cœur saisi
d^efEroi commence à craindre de plus grands maux;
' 0 rappelle derechef, il la regarde , H la touche;
elle n'était plus. O fille trop aimable et trop aimée !
c'est donc pour cela ^e je t^ai tirée de la maison
de ton père! Voilà donc le sort que' te péparait
mon amour! Il acheva ces mots prêt k la suivre,
et ne lui survéquit que pour la venger.
Dès cet instant, occupé du seul projet dont son
âme était remplie, il fyi sourd à tout autre senti-
ment; Famour, les regrets, la pitié, tout en lui se
diange en fureur; Taspect même de ce corps, qui
devrait le faire fondre en larmes, ne lui arrache
plus ni plaintes ni pleurs : il le contemple d un
œil sec et sombre; il n^ voit plus qu'un objet de
rage et de désespoir. Aidé de son serviteur, il le
charge sur sa monture et l'emporte dans sa mai-
son. Là, sans hésiter, sans trembler, le barbare
ose couper ce corps en douze pièces; d^une main
ferme et sûre il fi*appe sans crainte, il coupe la
chair et les os, il sépare la tête et les membres; et
après avoir fait aux tribus ces envois effroyables
il les précède à Maspha, déchire ses vêtemens,
couvre sa tête de cendres, se prosterne à;nesure
€jitS\s arrivent, et réclame à grands cris la justice
du Dieu d Israël.
M^ladj«fl. ai
a fa IB liviTB D'jipHBAin.
«MMMAWMAIWMMMMMM
CHANT TROISIEME.
Cependant vous eussiez vu tout le peuple de
Diçu s'émouvoir, s^assembler, sortir de ses de-
Qitiures, accourir de toutes les tribus à Maspha
devant le Seigneur, comme un nombreux essaim
d abeilles se rassemble en bourdonnant autour de
leur roi. Us vinrent tous, ils vinrent de toutes
parts, de tous les cantons, tous d'accord comme
uu seul homme, depuis Dan jusqu'à Bersabée, et
depuis Galaad jusqu'à .Maspha.
. Alors le Lévite s'étant présenté dans un appa-
reil lugubre, fut interrogé par les anciens devant
l-assemblée sur le meurtre de la jeune fille, et il
leur pai'la ainsi : « Je suis entré dans Gabaa, ville
« de Benjamin, avec ma femme pour j passer la
« nuit; et tes gens du pays ont entouré la maison
n où j'étais logé, voulant m^outrager et me faire
(( périr. J'ai été forcé de livrer ma femme à leur
(1 débauche, et elle est morto en sortant de leurs
« mains. Alors j'ai pris son corps, je Ta! mis en
« pièces, et je vous les ai envoyées à chacun dans
« vos limites. Peuple du Seigneur, j'ai dit la ve-
« rite; faites ce qui vous semblera juste devant le
fc Très-Haut. »
A rinstant il s'éleva dans tout Israël un seul
cri, mais éclatant, mais unanime : Que le sang A<
JU jeune &mme retombe sur ses loeortrieRf. Vive
CHAirr TitoKiÈMB. a {3
Interne! 1 nous ne ren rerons point dans nos de-
meures , et nul de nous ne retournera sous son
toitf que Gabaa ne soit exterminé. Alors le Lévite
s*écria d'une voix forte : Béni soit Israël qui punît
Tinfamie et venge le sang innocent ! Fille de Beth-
léem 5 je te porte une bonne nouvelle ; ta mé-
moire ne restera point sans honneur. En disant
ces mots, il tomba sur sa face, et mourut. Son
corps fut honoré de fiinérailles publiques. Les
membres de la jeune femme furent rassemblés et
mis dans le même sépulcre, et tout Israël pleura
sur eux.
Les apprêts de la guerre qu'on allait entrepren-
dre commencèrent par un serment solennel de
mettre à mort quiconque négligerait de s'y trou-
ver. Ensuite on fit le dénombrement de tous les
Hébreux portant armes, et Ton choisit dix de cent,
cent de mille, et mille de dix mille, la dixième
partie du peuple entier, dont on fit une armée de
quarante mille hommes qui devait agir contre
Gabaa , tandis qu un pareil nombre était chargé
des convois de munitions et de vivres pour l'ap-
provisionnement de l'armée. Ensuite le peuple
vint à Silo devant l'arche du Seigneur, en disant:
Quelle tribu commandera les autres contre les
enfans de Benjamin? Et le Seigneur répondit:
C'est le sang de Juda qui crie vengeance; que
Juda soit votre chef.
Mais, avant de tirer le glaive contre leurs
firèreS; îLs envoyèrent à la tribu de Benjamin deH
9^4 U LEVITE D ÉPHRAÎM.
hérauts, lesquels dirent aux Benjamites : Pour-
quoi cette horreur se trouve-t-elle au milieu de
vous? Livrez-nous ceux qui l'ont commise, afia
qu'ils meurent, et que le mal soit ôté du sm
dlsraël.
Les Êœouches enfans de lémini, qui n^avaient
pas ignoré l'assemblée de Maspha, ni la résoIutioD
qu on y avait prise, s'ëtant préparés de leur coté^
crurent que leur valeur les dispensait d'être justes.
Ils n'écoutèrent point Texhortation de leurs finères;
et, loin de leur accorder la satis&ction qu'ils lear
devaient, ils sortirent en armes de toutes les villes
de leur partage, et accoururent ài.la défense de
Gabaa, sans se laisser effrayer par le nomiire, et
résqlus de combattre seuls tout le peuple réuiû
L'armée de Benjamin se trouva de vingt -cii^
mille hommes tirant lepée, outre les habitans u^
Gabaa^ au nombre de sept cents hommes biec
aguerris; maniant les armes des deux mains av< «^
la môme adresse, et tous si excellens tireurs df
frondes qu'ils pouvaient atteindre un cherec.
sans que la pierre déclinât de côté ni d'autre.
L'armée d'Israël s'étant assemblée, et aj^ant e!u
ses chefs, vint camper devant Gabaa, complaD:
emporter aisément cette place. Mais les Benja
mites, étant sortis en bon ordre, l'attaquent, l?
rompent, la poursuivent avec furie; la terreur le-
précède et la mort les suit. On voyait des fbrb
dlsiaël en déroute tomber par milliers sous leur
épée, et les champs de Rama se couvrir de cada-
CHAIfT TROISIÈME. ' d}b'
vres, comme les sables d'Élath se couvrent des
nuées de sauterelles qu'un vent brûlant apporte
et tue en un jour. Vingt-deux mille hommes de
l'armée d'Israël périrent dans ce combat : mais
leurs fipères ne se découragèrent point; et se fiant
à leur force et à leur grand nombre encore plus
quà la justice d^ leur cause, ils vinrent le lende*
main se ranger en bataille dans le même lieu.
Toutefois, avant que de risquer un nouveau
combat, ils étaient montés la veille devant le Sei*
gneur, et pleurant jusqu^au soir en sa présence ils
lavaient consulté sur le sort de cette guerre. Mais
il leur dit : Allez, et combattez ; votre devoir dé-
pend-il de l'événement?
Comme ils marchaient donc vers Gabaa, les
Benjamites firent une sortie par toutes les portes f
et , tombant sur eux avec plus de fureur que la
veille , ils les défirent et les poursuivirent avec un
tel acharnement que dix-huit mille hommes de
guerre périrent encore ce jour- là dans larmée
d Israël. Alors tout le peuple vint derechef se
prosterner et pleurer devant le Seigneur; et, jeû-
nant jusqu'au soir, ils of&irent des oblations et
des sacrifices. Dieu d'Abraham, disaient- ils «m
gémissant, ton peuple, épargné tant de fois dans
ta juste colère , périra-t-il pour vouloir ôter le mal
de son sein? Puis, s'étaut présentés devant Farche
redoutable , et consultant derechef le Seigneur
par la bouche de Phinées, fils d'Éléazar, ils lui
dirent ; Marcherons-nous encore contre nos firèreS|
;»'i
^46 LE LÉVITE D^ÉPHEiÎM.
OU laisserotis-noos en paix Benjamin? La ^oix dn
Toat-Puissant daigna lea^^ répondre : Marchez, et
ne vons fiez plus en votre nombre , mais au Sei-
gneur, qui donne et ôte le courage comme il lai
plaît; demain je livrerai Benjamin cntpe vos mains
A l'instant ib sentent déjà dans leurs coeun
Fefiet de cette promesse. Lne valeur froide et sûre^
succédant à leur brutale impéluoslté, les éclaire
et les conduit. Ils s'apprêtent posément an com-
bat, et ne sy présentent plus en forcenés^ mais
en hommes sages et braves qui savent vainrir
sans fureur, et mourir sans désespoir. Ils cachent
des troupes derrière le coteau de Gabaa , et se ran-
gent en bataille avec le reste de leur armée; ib
attirent loin de la ville les Benjamites , qui , snr
leurs premiers succès , pleins d'une confiance
trompeuse, sortent plutôt pour les tuer que pour
les combattre ; ils poursuivent avec impétuosité
larmée qui cède et recule à dessein devant eux:
ils arrivent après elle jusqu'où se joignent les che-
mins de Béthel et de Gabaa, et crient en s ani-
mant au carnage : Ils tombent devant nous comme
lès premières fois. Aveugles qui, dans léblouisse-
ment d'un vain sucoès, ne voient pas lange de b
vengeance qui vole déjà sur leurs rangs, armé da
glaive exterminateur!
Cependant le corps de troupes caché derrière
le coteau sort de son embuscade en bon ordre an
nombre de dix mille hommes, et s étendant au-
tour de la ville ^ Tattaque^ la force ^ en passe tous
CHATTT TROISIÈME. 24?
les habitans au fil de Fépée; puis, élevant une
grande fumée, il donne à Tarinée le signal conve*
nu, tandis que le Benjamite achluné s^excite à
poursuivre sa victoire.
Mais les forts d'Israël, ayant aperçu le signal,
firent face à fennemi en Baal-Thamar. Les Ben-
jamitcs, surpris de voir les bataillons d Israël se
former, se développer, s^étendrc, fondre sur eux j
commencèrent à perdre courage; et, tournant le
dos , ils virent avec effroi les tourbillons de famée
qui leur annonçaient h désastre de Gabaa. Alors ,
frappés de terreur à leur tour, ils connurent que
k hnis du Seigneur les avait atteints; et, fuyant
en déroule vers le désert, ils furent environnés,
poursuivis, tues, foulés aux pieds, tandis que di-
vers détachcmens, entrant dans les villes y met-
taient à mort chacun dans son habitation.
En ce joiu* de colère et de meurtre, presque
toiife la tribu de Benjamin, au nombre de vingt-
six mille hommes, périt sous IVpée d Israël; sa-
voir, dix-huit mille hommes dans leur première
retniite depuis Menuha jusqu'à l'est du coteau ^
cinq mille dans la déroute vers le désert, deux
mille qu'on atteignit près de Guidhon, et le reste
dans les places qui furent brûlées , et dont tous les
habitans, hommes et femmes, jeunes et vieux,
grands et petits, jusqu'aux bètes, furent mis à
mort, sans qu'on fit grdce à aucun ; en sorte que
ce beau pays, auparavant si vivant, si peuplé, si
ferlilei et maintenant moissonné par la flamme et
248 LE LÉTITE D^ÉPHRAÎM.
par le fer, n*ofirait plus qu'une affreuse soUtudf
couverte de. cendres et d'ossemens.
Six cents hommes seulement, dernier resU de
cette malheureuse tribu, échappèrent au gUhe
d'Israël, et se réfugièrent au rocher de Rhimmoo,
où ils restèrent cachés quatre mois, pleurant trop
tard le forfait de leurs frères et la misère oùil k^
avait réduits.
Mais les tribus victorieuses voyant le ssn^
qu'elles avaient versé , sentirent la plaie qa'elks
s'étaient faite. Le peuple vint, et se rassembknt
devant la maison du Dieu fort, éleva un autel sur
lequel il lui rendit ses hommages, lui olErant dt^
holocaustes et des actions de grâces; puis, ek
vant sa voix, il pleura; il pleura sa victoire apr
avoir pleuré sa défaite. Dieu d'Abraham , s.-
criaient-ils dans leur affliction, ah! où sont t
promesses? et comment ce mal est-il arrivé à t
peuple, qu'une tribu soit éteinte en Israël? \L
heiu'cux humains, qui ne savez ce qui vous (^
bon, vous avez beau vouloir sanctifier tos p *
sions, elles vous punissent toujours des c^-
qu elles vous font commettre; et c'est en exau> :
vos vœux injustes «pe le ciel vous les fait exp
CHANT QUATRIÈME.
Après avoir gémi du mal qu'ib avaient £
dans leur colère j les en&ns d^braêl j cfaercbèfci
€Hàivt quatrième. 34q
quelque remède qui pût rétablir en son entier la
race de Jacob mutilée. Emus de compassion pour
les six cents hommes réftigiés au rocher de Rhînf-
mon, ils dirent : Que ferons-nous pour conserver
ce dernier et précieux reste dWe de nos tribus
presque éteinte? Car ils avaient juré par le Sei-
gneur, disant : Si jamais aucun d entre nous donne
sa fille au fils d'un enfant de Jémini , et mêle son
sang au sang de Benjamin. Alors, pour éluder un
serment si cruel , méditant de nouveaux carnages,
ils firent le dénombrement de Farmée pour voir,
si, malgré rengagement solennel, quclquun d'eux
avait manqué de s y rendre, et il ne s y trouva nul
des habitans de Jabës et Galaad. Cette branche
des enfans de Manassès , regardant moins à la pu-
nition du crime qu'à leSusion du sang firaternel,
s'était refusée à des vengeances plus atroces que
le for&it, sans considérer que le parjure et la dé-
sertion de la cause commune sont pires que la
cruauté. Hélas! la mort, la mort barbare fut le
prix de leur injuste pitié. Dix mille hommes déta-
cbés de l'armée d'Israël reçurent et exécutèrent
cet ordre efiiroyable : Allez, exterminez Jabés de
Galaab et tous ses habitans, hommes, femmes,
enfans, excepté les seules filles vierges , que vous
amènerez au camp, afin quelles soient données
en mariage aux enfans de Benjamin. Ainsi, pour
réparer la désolation de tant de meurtres, ce
peuple Êirouche en commit de plus grands; sem*
blable en sa furie à ces globes de fer lancée par
aSo LE lÉVlTE d'ePBRAÎM.
nos macbincs embrasées , lesquels , tomliés à tenl
après leur premier effet, se relèvent avec une id
pétuosité nouvelle, et dans leurs bonds înalteDiid
renversent et détruisent des rangs entiers. i
Pendant cette exécution funeste, Israël envon
des paroles de paix aux six cents de Benj< ma
réfugiés au rocher de Rhimmon; et ils rrvii]:>
parmi leurs frères. Leur retour ne fut poi?il
retour de joie : ils avaient la contenance aLt
et les yeux baissés; la honte et le remoids cvi
vraient leurs TÎsages ; et tout Israël consler
poussa des lamentations en voyant ces tlv.
restes A^nne de ses tribus bénites, de \ir\v. .
Jacob avait dit : ce Benjamin est un loup dévora:
« au matin il déchirera sa proie, et le soir il p.:
« tagera le butin. »
Après que le; dix mille hommes envo\r>
Jabès furent de retour, et qu'on eût dénombit
filles qu ils amenaient, il ne s'en trouva que q^.. '
cents, et on les donna à autant de Benjamii
comme une proie qu on venait de ravir pour rz
Quelles noces pour de jeunes vierges timides d
on vient d'égorger les frères, les pères, les mer
devant leurs yeux, et qui reçoivent des liens cl
tachemcnt et d amour par des mains dégoutta: *
du sang de leurs proches! Sexe toujours esd •
ou tyran, que 1 homme opprime ou qu*il adf i
et qu'il ne peut pourtant rendre heureux ni lèir'
qu'en le laissant égal à lui.
Malgré ce terrible expédient, fl restait de:::
CUAKS QVATiaiME. a5ii
ce&ts hodiines à pourvoir; et ce peuple cruel dans
sa pitié même, et à qui le sang de ses frères coû-
tait si peu, songeait peut-être à faire pour eux de
• nouvelles veuve», lorsqu'un vieillard de Lébona
parlant aux anciens, leur dit : Hommes israélites,
écoutez l'avis d un de vos frères. Quand vos mains
se lasscront-cIles du meurtre des innocens? Voici
les jours de la solennité de l'Étemel en Silo. Dites
cilrisl aux enfans de Benjamin : Allez, et mettez
des embûches aux vignes; puis quand vous verrez
, que les filles de Silo sortiront pour danser avec
des flûtes, alors vous les envelopperez, et ravis-
sant chacun sa femme , vous retournerez vou$
; établir avec elles au pays de Benjamin.
Et quand les pères ou les frères des jeunes filles
^ viendront se plaindre à nous, nous leur dirons :
Ayez pitié d'eux pour l'amour de nous et de vous*
, mêmes qui êtes leurs frères, puisque n'ayant pu
les pourvoir après cette guerre et ne pouvant leur
, donner nos filles contre le serment, nous serons
coupables de leur perte si nous les laissons périr
sans desceudans.
Les enfans donc de Benjamin firent ainsi qu*il
, leur fut dit; et, lorsque les jeunes filles sortirent
de Silo pour danser , ils s'élancèrent et les envi*
ronnèrenU La craintive troupe fuit, se disperse;
la terreur succède à leur innocente gaieté; char
^ cune appelle à grands cris ses compagnes , et
^ .coart de toutes ses forces. Les ceps déchirent
'^ kurs voiles « la. terre est joncbée de leurs paru^a*
1 '
l5a LE LÉTITE d'£pHRAÎH.
la course anime leur teint et Tardear des ravis-
seurs. Jeunes beautéb, où courez-vous? En fujant
l'oppresseur qui vous poursuit, vous tombez dans
des bras qui vous enchaînent. Chacun ravit la
sienne 9 et, s'efForçant de Tapaiser, TefiSraie encore
plus par ses caresses que par sa violence. Au tu-
multe qui s'élève, aux cris qui se font entendre au
loin , tout le peuple accourt : les pères et mères
écartent la foule et veulent dégager leurs filles; les
ravisseurs autorisés défendent leur proie; enfin
les anciens font entendre leiu* voix*: et le peuple
ému de compassion pour les Benjamites^ s mté-
resse en leur faveur.
Mais les pères, indignés de l'outrage fait à leurs
filles, ne cessaient point leurs clameurs. Quoi!
secriaient-ils avec véhémence, ides filles d'Israël
seront-elles asservies et traitées en esclaves sous
ks yeux du Seigneur? Benjamin nous sera-t-il
comme le Moabite et lldumcen? Où est la Uberté
du peuple de Dieu? Partagée entre la justice et la
pitié y rassemblée prononce enfin que les captives
seront remises en liberté et décideront elles-mêmes
de leur sort. Les ravisseurs, forcés de céder à ce
jugement, les relâchent à regret, et tâchent de
suljstituçr à la force des moyens plus puissans sur
leurs jeimcs cœurs. Aussitôt elles s'échappent et
iiiient toutes ensemble; ils les suivent, leur ten-
dent les bras , et leur crient : FiUes de Silo, serez-
vous plus heiu^uses avec d autres? Les restes do
Benjamin sont-ils indignes de vous fléchir?
CHANT QUATRIÈME.' a53
plusieurs d entre elles, déjà liées par des attache*
mens secrets, palpitaient d'aise d'échapper à leurs
ravisseurs. Axa^ la tendre Axa parmi les autres,
en s'élançant dans les bras de sa mère qu elle voit
accourir, jette furtivement les yeux sur le jeune
Élmacin auquel eOe était promise, et qui venait
plein de douleur et de rage la dégager au prix de
son sang. Elmacin la levoit, tend les bras, s'écrie
et ne peut parler-, la course et l'émotion Font mis
jors dlialeine. Le Bcnjamite aperçoit ce trans-
port, ce coup d'oeil; il devine tout, il gémit; et,
prêt à se retirer, il voit arriver le père d'Axa.
C'était le même vieillard auteur du conseil
donné aux Benjamites. 11 avait choisi lui-même
Elmacin pour son gendre ; mais sa probité Pavait
empêché d'avertir sa fille du ristjue auquel il ex-
posait celles d^autrui.
Il arrive ; et la prenant par la main : Axa , lui
dit- il , tu connai.<: mon cœur : j^aime Elmacin ; il
eût été la consolation de mes vieux jours; mais la
salut de ton peuple et 1 honneur de ton père doi^
vent l'emporter sur lui. Fais ton devoir, ma fille,
et sauve-moi de l'opprobre parmi mes frères; car
j'ai conseillé tout ce qui s'est fait. Axa baisse la
tête, et soupire sans répondre; mais enfin levant
les yeux elle rencontre ceux de son vénérable
père. Ils ont plus dit que sa bouche. Elle prend
son parti. Sa voix faible et tremblante prononce
à peine dans un faible et dernier adieu le nom
d*Elmacin, qu'elle n'ose regarder; et,. se retour^
lf.lan|«s. 22
a54 U ifviTE D^iPHRAÎM, etC.
liant à rînstant demi-morte, eUe tombe dans les
bras du Benjamite.
Un bruit s excite dans rassemblée. Mais Elma-
cin s avance et fait signe de la main. Puis élevant
la voix : Écoute, 6 Axa} lui dit-il, mon vœu so-
lennel. Puisque je ne puis être à toi , je ne serai
jamais à nulle autre : le seul souvenir de nos
jeunes ans, que Tinnocence et Famour ont em-
bellis, me suffit. Jamais k fer n'a passé sur ma
tête, jamais le vin na mouillé mes lèvres; mon
corps est aussi pur que mon cœur : prêtres da
Dieu vivant, je me voue à son service; recevei le
Nazaréen du Seigneur.
Aussi t6t, comme par une inspiration subite,
toutes les filles, entraînées par 1 exemple d Axa,
imitent son sacrifice; et, renonçante leurs pre-
mières amours, se livrent aux Benjamitesqui les
suivaient. A ce touchant aspect il s'élève un cri
de joie au milieu du peuple : Vierges d'Éphraîm,
par vous Benjamin va renaître. Béni soit le Dieu
de nos pères ! il est encore des vertus en Israël.
LETTRES A SARA.
Jom iMc tpet animi eredula mutuî,
(Hoi.,lilkiy,od. I.)
AVERTISSEMENT.
O* comprendra tanj peine comment nne espèce àà
défi a pu faire écrire ces quatre lettres. On demandait a
an amant d'un demi-siècle pourait ne pas liaire rire. IL
m'a semblé qu'on pourait se laisser surprendre 3i toat
âge ; qu'un barbon pouvait même écrire jusqu*^ «piatre
lettres d'amour, et intéresser encore les honnêtes gens,
mais qu'il ne pourait aller jusqu'à six sans se déshono-
rer. Je n'ai pas besoin de dire ici mes raisons ^- on peut
les sentir en lisant ces lettres : après leur lecture , on es
jugera.
LETTRES A SARA.
PREMIERE LETTRE.
Tu lis dans mon cœur , jeune Sara ; tu m'as
pénétré , je le sais , je le sens. Cent fois le jour ton
oeil curieux vient épier refiet de tes charmes. A
ton air satisfait , à tes cruelles bontés, à tes mépri-
santes agaceries j je vois que tu jouis en secret de
ma misère ; tu t'applaudis avec un souris moqueur
du désespoir où tu plonges un malheureux , pour
qui lamour ^n est plus qu^un opprobre. Tu te
trompes 9 Sara; je suis à plaindre, mais je ne suis
point à railler : je ne suis point digne de mépris,
mais de pitié, parce que je ne m'en impose ni sur
ma figure ni sur mon âge , qu'en aimant je me
srns indigne de plaire , et que la fatale illusion qui
mY»g;u*e m'empêche de te voir telle que tu es, sans
ra 'empêcher de me voir tel que je suis. Tu peux
m'abuser sur tout, hormis sur moi-même; tu peux
me persuader tout au monde , excepté que tu
puisses partager mes feux insensés. C'est le pire
de mes supplices de me voir comme tu me vois;
tes trompeuses caresses ne sont pour moi qu une
humiliation de plus , et j aime avec la certitude
ai&euse de ne pouvoir être aimé^
Sois donc contente. Hé bien oui, je t*adore}
oui , je briUe pour toi de la plus cruelle des pas-
sa;
a38 LETTRES
sions. Mais tente, si tu Foscs^de m'enchainer è
ion char , comme un soupirant à cheveux gris,
comme un amanl barbon qui veut faire l'agréable .
et dans son extravagant délire , s imagine avoif
des droits sur un jeune objet. Tu n auras pas cette
gloire, ô Sara! ne t'en flatte pas : tu ne me verras
Soint à tes pieds vouloir t'amuser avec le jargon
e La galanterie , ou t'attendrir avec des propos
langoureux. Tu peux m'arracher des pleurs, mais
ils sont moins d amour que de rage. Bis, si tu
veux, de ma faiblesse; tu ne riras pas au moins
de ma crédulité.
Je te parle avec emportement de ma passion,
parce que Thumiliation est toujours cruelle , et
que le dédain est dur à supporler; mais ma pas-
sipn, toute folle qu'elle est , n'est point emportée j
elle est à la fois vive et douce comme toi. Privé de
tout espoir, je suis mort au bonheur, et ne vis
que de ta vie. Tes plaisirs sont mes seuls plaisiis \
je ne puis avoir d'autres jouissances que les tien-
nes, ni former d'autres vœux que tes vœux. J'ai-
merais mon rival mémo si tu 1 aimais : si tu ne
Taimais pas , je voudrais qu'il pût mériter ton
amour; quil eût mon coeur pour taimer plus
dignement , et te rendre pins heureuse. C'est le
seul désir permis à quiconque ose aimer sans ôtre
aimable. Aime , et sois aimée, 6 Sara I Vis con-
tente, et je mourrai content.
a sktuù i5g
SECONDE LETTRE.
Puisque je vous ai écrit , je veux vous écrire
encore : ma première faute en attire une autre.
Mais je saurai mWêter , soyez-en sûre ; et c'est la
manière dont vous m'avez traité durant mon dé-
lire , qui décidera de mes sentimens à votre égard
({uand j'en serai revenu. Vous avez beau feindre
(le n avoir pas lu ma lettre, vous mentez; je le
sais, vous Tavez lue. Oui, vous mentez sans me
rien dire, par Fair égal avec lequel vous croyez
ni Vn imposer. Si vous êtes la même qu'aupara-
va n t , c'est parce que vous avez été toujours fausse ;
et la simplicité que vous affectez avec moi me
prouve que vous nen avez jamais eu. Vous ne
dissimulez ma folie que pour l'augmenter; vous
n'êtes pas contente que je vous écrive, si vous ne
me voyez encore à vos pieds ; vous voulez me
rendre aussi ridicule que je peux Fêtre; vous vou-
lez me donner en spectacle à vous-même, peut-
être à dautres; et vous ne vous croyez pas assez
triomphante si je ne suis déshonoré.
Je v^is tout cela, fille artificieuse, dans cette
feinte modestie par laquelle vous espérez m'en
imposer, dans cette feinte égalité par laquelle
(TOUS me semblez vouloir me tenter d oublier ma
Eauiej ^^ paraissant vous-même n'en rien savoir.
!k60 LETTRDS
Encore ane fois, vous avez lu ma lettre; je le
sais, je l'ai vu. Je vous ai yue , quand j^entnis
dans votre chambre, poser précipitanunent le li-
vre où je lavais mise ; je vous ai vue rougir, cl
marijuer un moment de trouble. Trouble sédoc-
ieur et cruel, qui peut-être est encore un de vos
pièges, et qui m'a fait plus de mal que tous vos
regards. Que devins- je à cet aspect, qui m'a^te
encore? Cent fois, en un instant.^ prêt à me pré-
cipiter aux pieds de l'orgueilleuse, que de com-
bats , que d efforts pour me retenir! Je sortis pour-
tant , je sortis palpitant de joie d'échapper à lin-
digne bassesse que j^allais faire. Ce seul moment
me venge de tes outrages. Sois moins fière, ô San !
d^un penchant quci je peux vaincre , puisqu'une
fois eu ma vie j'ai déjà triomphé de toi.
Infortuné! j'impute k ta vanité des fictions èe
mon amoux-propre. Que nai-je le bonheur Ae
pouvoir croire que tu tWcupes de moi , ne fùt-oe
que pour me tyranniser! Mais daigner tyranniser
un amant grisou serait lui &ire trop d honneur
encore. Non, tu n'as point d'autre art que ton in-
différence : ton dédain fait toute ta coquetterie,
tu me désoles sans songer à moi. Je suis malheo-
reux jusqu à ne pouvoir t'occuper au moins i"
mes ridicules , et tu méprises ma folie jusqu'à n
daigner pas même t en moquer. Tu as lu ma le v
tre, et tu 1 as oubliée; tu ne m'as point parlé «i.*
mes maux, parce que tu n'y songeais plus. Quoi'
je suis donc nul pour toi ! Mes Aireurs^ mes tour-
À SARA. afll
mens , loin d exciter ta pitié , ii*excitent pas même
ton attention ! Âh ! où est celte douceur que tes
veux promettent? où est ce sentiment si tendre
qui parti it les animer?... Barbare! insensible à
mon état, tu dois l'être à tout sentiment honnête.
Ta figure j>romet une âme; elle ment, tu n as que
de la férocité... Ah, Sara! j aurais attendu de ton
bon cœur quelque consolation dans ma misère.
fcl>(»»W»>»l^lWWI^m»
TROISIÈME LETTRE.
Enfin rien ne manque plus i. ma honte, et je
suis aussi humilié que tu l'as Voulu. Voilà donc à
quoi ont abouti mon dépit , Aies combats , mes
résolutions, ma constance! Je serais moins avili si
j Wais moins résisté. Qui , moi! [ai fait l'amour en
jeune homme? j'ai passé deux heures aux genoux
d*un enfant? j'ai versé sur ses mains des torrens de
larmes? j*ai souffert qu'elle me consolât, qu'elle me
plaignit, qu'elle essuyât mesyrux ternis par les ans?
j'ai reçu d elledes leçons de raison, de courage? Jai
liien profité de ma longue expérience et de mes tris-
tes réflexions! Combien defois j ai rougi d avoir été
h vingt ans ce que je redeviens à cinquante! Ah ! je
11. 'ai donc vécu que pour me déshonorer ! Si du
1X1 ois un vrai repentir me ramenait à des sentimens
plus honnêtes! Mais non; je me complais, malgré
xxioi J dans ceux que tu m'inspires, dans le 4élii'e
a64 LETTRES
chaimes; il y a six mois que tu m^occupes seuk ,
et que je ne vis que pour tci : mais ce n*est qae
d'hier que j'ai appris à t aimer. Tandis que ta me
parlais, et que des discours dignes du ciel sor-
taient de ta bouche, je croyais voir chauger (es
traits, ton air. ton port, ta figiu-e; je ne sais quel
feu surnaturel luisait dans tes yeux, des rayons de
lumière semblaient t entourer. Ah! Sara! si réel-
lement tu n'es pas une mortelle, si tu es l'ange
envoyé du ciel pour ramener un coeur qui s égare,
dis-le-moi , peut-être il est temps encore. Ne hisse
plus profaner ton image par des désirs formés
malgré moi. Hélas! si je m'abuse dans mes yopui,
dans mes transports, dans mes téméraires hom-
mages, guéris-moi d'une erreur qui t^ofibnse, ap
prends-moi comment 9 faut t'adorer.
Vous m'ayez subjugué , Sara , de toutes les ma-
nières; et si vous me faites aimer ma folie, tou^
me la faites cruellement sentir. Quand je compait
votre conduite à la mienne, je trouve un sac^
dans une jeune fille, et je ne sens en moi qu'oz.
vieux enfant. Votre douceur, si pleine de dignité.
de raison, de bienséance, m'a dit tout ce <pie m
m'eût pas dit un accueil plus sévère; elle m'a h*
plus rougir de moi que n'eussent fait vos repro-
ches; et Taccent un peu plus grave que vous avez
mis hier dans vos discours m'a fait aisément con
•paître que je p'aurab pas dû vous exposer k om
A SARA. 365
les feair deux fois. Je vous entends, Sara; et j es*
père vous prouver aussi que si je ne suis pas digne
de vous plaire par mon amour, je le suis par les
' sentimens qui TaccompagnenL Mon égarement
sera aussi court qu'il a été grand; vous me lavez
montré, cela suffit, j*en saurai sortir, soyez-en
sûre : quelque aliéné que je puisse être, si j'cu
avais vu toute l'étendue , jamais je n aurais fait le
premier pas. Quand je méritais des censures,
vous ne m'avez donné que des avis, et vous avez
bien voulu ne me voir que faible lorsque j'étais
criminel. Ce que vous ne m'avez pas dit, je sais
me le dire; je sais donner à ma conduite auprès
de vous le nom que vous ne lui avez pas donné;
et si j'ai pu faire une bassesse sans la connaître,
je vous ferai voir que je ne porte point un cœur
bas. Sans doute c*est moins mon âge que le vôtre
qui me rend coupable. Mon méprb pour moi
m'empêchait de voir toute Tindignité de ma dé*
marche. Trente ans de dilTérence ne me mon-
traient que ma honte, et me cachaient vos dan-
gers. Hélas J quels dangers! Je n'étais pas assez
vam pour ea supposer : je n'imaginab pas pou-
voir tendre un piège à votre innocence; et si vous
eussiez été moins vertueuse , i'étab un suborneur
•ans en rien savoir.
O Saral ta vertu est à des épreuves plus dan-
gereuses, et tes charmes ont mieux à choisir. Mais
^66 LETTRES
mon devoir ne dépend ni de ta vertu ni de tes
charmes; sa voix me park, et je la suivrai. QaW
éternel oubli ne peut-il te cacher mes erreurs!
Que ne les puis- je oublier moi-même! Mais non,
je le sens, j en ai pour la vie, et le trait s'enfonce
par mes efforts pour Farracher. C'est mon sort de
brûler, jusqu'à mon dernier soupir, d un feu que
rien ne peut éteindre , et auquel chaque jour Âte
un degré d espérance, et en ajoute un de dérai
son. Voilà ce qui ne dépend pas de moi; mais
voici;. Sara, ce qui en dépend. Je vous donne ma
foi d'homme qu'il ne la faussera jamais, que je ne
vous reparlerai de mes jours de cette passion ridi-
cule et malheureuse que j^ai pu peut-être empê-
cher de naitre, mais que je ne puis plus étou£kr.
jQuand je dis que je ne vous en parlerai pas, j'en-
tends que rien en lùoi ne vous dira ce que je dois
taire. J impose à mes yeux le même silence qa à
ma bouche : mais, de grâce, imposez aux vôtres
de ne plus m'arracher ce triste secret. Je suis à
Tépreuve de tout, hors de vos regards : vous saves
trop combien il vous est aisé de me rendre par-
jure. Un triomphe est si sûr pour vous, et si flé-
trissant pour moi, pourrait-il flatter votre belle
âme? Non, divine Sara, ne profanes pas le ten»-
ple oh tu es adorée, et laisse au moins quelques
vertus dans ce pœur à qui tu as tout Até,
Je ne puis ni ne veux reprendre le malheoreiur
A. SARA. 267
tfecret qui Aest 'échappé; il est trop tard, il faut
qu!il TOUS reste ; et il est si peu iutéressant pour
;irou4^ qu'il serait bientôt oublié si Fayeu ne s^en
xenouyelait sans cesse. Ah I je serais trop à plain-
dre dans ma misère, si jamais je ne pouvais me
-4ire que vous la plaignez*, el vous devez d'autant
plus me plaludrC) que vous n'aurez j'amais à m*en
consoler. Vous me verrez toujours tel que je dois
être, mais connaissez-moi toujours tel que je suisy
TOUS n'aurez plus à censurer mes discours, mais
souffrez mes lettres : c'est tout ce que je vous de*
mande. J« n'approcherai de vous que comme dunc-
dîvinité devant laquelle on impose silence à svs'
pasMons. Vos vertus^ suspendront l'effet de vos;
charmes; votre présence purifiera mon eœur^y jir
\\e craindrai point d'être un séducteur en ne vous:
disant rien qu'il ne vous convienne d'entendi^ey ]«•
cesserai de me croire ridicule quand vous ne me*
verrez jamais tel , et je voudrais n^étre plus cou-
pable, quand je ne pourrai Fétre que loin de
vous.
Mes lettres! Non. Je ne dois pas même désirer
de vous écrire , et vous ne devez le souffrir jamais^
Je vous en estimerais moins si vous en étiez ca*
pable. Sara, je te donne cette arme, pour t'en
servir contre moi. Tu peux être dépositaire de
mon Étal secret, tu n'en peux être la confidente.
C'est assez pour moi que tu le saches, ce serait
^68 LETTRES A SÀRÀ.
trop pour toi de l'entendre répéter. Je me tairai :
qu'aurals-je de plus à te dire? Bannis-moi, mé-
prise-moi désormais, si ta reyob jamais toD
amant dans Fami que tu t'es choisi. Sans ponroir
te fuir, je te dis adieu pour la vie. Ce sacrifice était
le dernier qui me restait à te &ire; c'était le sed
qui fût digne de tes yetiUS et de mon cœur.
POESIES.
A.
AVERTISSEMENT.
J'ai eu le meilleur autrefois dç refuser des Ten à des pcr-
•ODoes que j'iiouorais et que je respectais înfinixneiit, pam qoi
je m'étais désormais interdit d'en £ïire. J'oae espérer oependiol
que ceux que je public aujourdMiui ne les offèoseront points d
je crois pouvoir dire, sins trop de raffinement, qu'ils sont Toa-
rrage de mon cœur, et non de mon esprit. Il est même aké éi
f'aperceroir que c'est un enthousiasme imjn-omptii, si je paii
parier ainsi, dans lequel je ii'ai guère songé à briller. De fré-
quentes répétitions dans les pensées et même dans Ir» tonn, d
beaucoup de négli;;ence dans la diction , n'annoncent pas u
bomme fort emprcss j de la gloire d'être un bon poêle. Je décUn
de plus que , si l'on me tixHtve jamaiB 2i faire des vers galam, er
de ces sortes de bcllf s choses qu'on appelle des jeux d'e$prk<, jt
m'abandonne volontiers à tcute Tin ]ignation que j'auiat mcriiée.
Il faudrait m'excuser auprès de certaines gi.iis d «voir loai
OUI bienfaitrice; et, auprès d.s peisonnrs de mérite ^ de n'es
avoir pas assez dit de bien. Le silence que je garde â l'yard des
premiers n'est pas sans fondement ; quant aux autre», j'ai l'bo»'
neur de lis assurer que je serai toujours infiniment satisiiHl da
m'eniendre faire le même r.proche.
Il est vrai qu'en félicitant madame de Warens sur i
diant à faire du bien je pouvais m'étendre sur beaucoup d*i
vérités non moins honorables pour elle. Je n'ai point piétcada
être id un panégyriste , mais simplement un homme feiisible H
reconnaissant qui s'amuse à décrire ses plaisirt.
On ne manquera pas de s'écrier r Un malade tairt âem vcisl
an homme à deux doigts du tombeau ! C'est pttécîaém
cela que j'ai fait des vers. Si je me portais moins mal , je
croirais comptable de mes occupations au bien de la
l'état où je suis ne me permet de travailler qu'à mat pnufae a»^
tjuÊiction. Combien de gens qui regorgent de biens et de wnÊà
ne passent pas autrement leur vie entière l II fiindrait «itan w^
▼oir si ceux qui me feront ce reproche sont disposés kk ^*€1»
plojer à quelque chose de mieaxi
i-E VERGER
DES CHAllMETTES.
Rmra àomui tMuem no$ atpernatur «mtcunu* I
Jlara4|ue ROI» humilem calcat./cutara slîenlem.
VsKGEm cher ii mon cœur, séjoar de l'innocence i
Honneur des plus beaux jours ^ue le ciel me dispenBe^
Solitude charmante, asile de la paix,
Ynissé-je, heureux verger, ne vous quitter jamais)
O jours délicieux , coulés sous vos ombrages 1
De Philomèle en pleurs les languissaas ramages.
D'un ruisseau fugitif le murmure flatteur,
Excitent dans mon Ame un chaime séducteur*
J'apprends âur votre émail à jouir de la vie t
J'appreod» k méditer sans regret, sans envies-
Sur les frivoles goûts des mortels insensés ;
Leurs jours tumultueux., l'un par l'autre pousséf^
N'enflamqient point mon cœur du désir de les suivre*
A de plus grands plaisirs je mets le prix de vivre.
Plaisirs toujours charmans, toujours doux, toujours putf
A mon coeur enchanté vous êtes toujours sûrs.
Soit qii*au premier aspect d'un beau jour prés d'éelor»
J'aille voir ces coteaux qu'un soleil levant dorCj
Soit que vers le midi , chassé par son ardeur,
Sont un arbre touffu je cherche la fraîcheur;
Là, portant avec moi Montaigne ou La Brujère,
Je ris tranquillement de l'humaine misère }
Ou bien , avec Socrate et le divin Platon .
Je m'exerce & marcher sur les pas de Caton c
Soit qu'une nuit brillante , en étendant ses voilef , /^^^ *^
Découvre à mes rçgards la lune et les étoiles}.
Alors , suivant de lojn La Hire et Cassini p
Je c^cule^ jlobMire, et , prés de l'infini.
^7^ LE YERGU
8ur ces mondes âÎTert qne Tetlier nous recèle^
Je pousse, en raisonnant, Hajghenf et Fontenellt r
Soit enfin que, furpris d*an orage impréra.
Je rassure , en courant, le berger éperdu »
Qu epourantent les Tents quisifllent fur ta tète.
Les tourbillona, leelair, la foudre, la tempête.
Toujours également heureux et satisfiit,
Je ne désire point un bonheur plus parfiùt*
O vous , sage Warens , élèye de Minerre ,
Pardonnez ces transporta d*ùne fndiscrète Tcrrr}
Quoique j'eusse promis de ne rtmer jamais.
J'ose chanter ici les fruits de vos bienfaits..
Oui , si mon cœur jouit du sort le plus tran^pille.
Si je suis la vertu dans un chemin facile ,
Si je goûte en ces li;eux on repos innocent »
Je ne dois qu'à vous seule un si rare présent*
Vainement des cœun bas, des ftmés mercenairet»
Par des avis cruels plutôt que salutaires.
Cent fois ont essajré de m'ôter vos bontéi r
lis ne connaissent pas le bien que vous goiîtrs
En faisant des heureux , en essujant des larmes :
Ces plaisirs délicats pour eux n'ont point de chanac
De Tite et de^Trajan les libérales mains
N'excitent dans leurs coeurs que des ris lahumalns»
Pourquoi faire du bien dans ht siècle où noua soaaai
Se trouve-t-îl quelqu'un , dans la race des hoiuiea^
Digne d'être tiré du rang des indigens ?
Peut-il dans la misère étra d honnêtes gens ?
Et ne vaut-i^ pas mieux emplojrer ses richesse»
A jouir des plaisirs qu'à faire des largesses?
Qu'ils suivent à lair gré ces sentimens allreiix^
Je me garderai bien de rien exiger d'eux. *'
2o n'irai pas ramper, ni chercher à leu» plain;
Mon cœur sait , s'il le faut , aflh>nter la misèreii
Et ^ plu» délicat qu>ux , plus sensible à l*hoft«c«*^
DES CHARMETTES. SljS
Regarde de plus près au choix d'un bîen&iteur.
Oui, j'en donne aujourd'hui l'assurance publique,
Cet écrit en sera le témoin authentique ,
Que, si jamais le sort m'arrache à tus bienfaits,
Mes besoins jusqu'aux leurs ne recourront jamais.
Laissez des envieux la troupe méprisable
Attaquer des yertu» dont l'éclat les accable.
Dédaignez leurs complots, leur haine, leur fureur:
La paix n'en est pas moins au fond de votre cœiir,
Tandis que , vils jouets de leurs propres ftfries ,
Alimens des serpens dont elles sont nourries.
Le crime et les remords portent au fond des icpv»
Le triste châtiment de leurs noires horreurs.
Semblables en leur rage ii la guêpe maligne.
De trarail incapable , et de secours indigne ,.
Qui ne vit que de vols , et dont enfin le sott
Est de faire du mftl en se donnant la mort ,
Qu'ils exhalent en yain leur colère impuissante;
Leurs menaces pour yous n'ont rien qui m'épouvante.
Ils voudraient d'un ]grand roi vous 6ter les bienfaits ;
Mais de plus nobles soins illustrent ses prpjets :
Lieur basse jalousie et leur fureur injuste
N'arriveront jamais jusqu'à son tr^ne aMuste^
Xît le monstre qui règne en leurs coenrs apattu»
N'est pas fait pour braver l'éclat de ses- vertus
G*eBt ainsi qu'un bon roi rend son empire aimable t
Il soutient la vertu que l'infortune accable .
Quand il doit menacer, la foudre est en tes mains.
Tout roi , sans s'élever au-dessus des hiimains ,
Contre les criminels peut lancer le tonnerre ;
Biais, s'il fait des heureux, c'est un dieu sur la terre.
Charles , on reconnaît ton empire 2i c«s traits ;
Ta xnain porte en toas lieux la joie ef. les bienfait^ «
Tea sujets égalés éprcMtvent ta justi^j
On ne réclame plus , par «n hootett^ caprice j^
iji LE YEHGEft
L'u piincipe odieux , proscrit par l'équité,
Qui , bUssant tous les d.oits de la société,
Brise les nœuds sacrés dont elle était unie,
Refuse à ses besoins la meilleure partie.,
Et prétend affranchir de ses plus justes lois
Ceux qu'elle iait jouir de ses plus riches droitt*
Ah! s'il trayait stlfil de te rendre terrible.
Quel autre, plus que toi , pouvait être inTÎncibUi
Quand l'Europe t'a yu, guidant te» étendard^
Seul entre tous ses rois briller aux champs de Hais?
Mais ceji'est pas assez d'épouvanter la terre;
Il est d 'autres devoirs que les soins de la gucm;
Et c'est par eux, grand roi, que ton- peu pie aajonivB*
Trouve en tot^son vengeur, son père et son appoi*
Et vous , sage Warens , que ce héros protège,
En vain la calomnie en secret vous assiège.
Craignez peu ses effets, brAves son vain c^rroion
La vertu vous défend , et c'est assez pour vous i
Ce grand roi vous estime^ £1 connaU vetoe-«èUr
Toujours à sa parole il sait ^re lidéle;
Et, pour tout dire enfin , garant de ses bontés,
Votre cœur vous répond (j[ue vous les méritct.
On me connaît assez , et ma muse sévère
l^e sait point dispenser un encens meroenaiic;
Jamais d'un vil flatteur le langage affecté
N'a souillé dans mes vers l'auguste vérité.
Vous mépri&ez vous-même un èloge insipide.
Vos sincèi*«s vertus n'ont point l'orgueil pooxguiés.
Avec vos ennemis convenons, s'il le faut.
Que la sagesse en vous n'exclut point tout dé&nt*
Sur cette terre , hélas ! telle* est notre misère ,
Que la perfection n'est qu'erreur et chimère.
Connaître mes travers est mon premier souhait*
Et je fais peu de ch» de tout homnM parfait.
La haine quelquefois donne un ti^u utile :
DES CBARMBTTBS ÙIji
BUmex cette bonté trop donce et trop fiictle
Qui souvent à leurs jeux • causé vos maJhenrt.
Reconnaitset en vous les faibles des bous cœurs :
Mais lacbez qu'en secret l'étemelle sagesse
Hait leurs fausses vertus plus que votre faiblesse ,
Et qu'il vaut mieux cent fois se montrer à ses jeus
Imparfait comme vous , que vertueux comme eux.
Vous donc des mon enfance attacbée à m*instrait»|
A travers ma misère , bêlas ! qui crûtes lire
Que de quelques talens le ciel m'avait pourvu ,
Qui daignâtes former mon coeur i la vertu ,
Vous, que j'ose appeler du tendre nom de mèt««
Acceptex aujourd'bui cet bommage sincère,
Le tribut légitime , et trop bien mérité ,
Que ma reconnaissance offre h la vérité.'
Oui , si quelques douceurs assaisonnent ma vie;
Si j'ai pu jusqu'ici me soustraire à l'envie ;
Sif le cœur plus sensible, et l'esprit moins grossit
Au-dessus du vulgaire on m'a vu m'élever;
Enfin f si chaque jour je jouis de moi-même ,
Tantôt en m'élançant-juscpi'à l'Être suprême «
Tantôt en méditant , < ans un profond repos ,
Les erreurs des bumains, et leurs biens, et leurs pa«S|
Tantôt^ philosophant sur les lois naturelles ^
J'entre dans le secret des causes éternelles ,
7e cherche k pénétrer tons les ressorts divers.
Les principes cachés qui meuvent l'univers ;
Si , di»-je, en mon pouvoir j'ai tous ces avautagct^
le le répète eneor, ce sont là vos ouvrages ,
Vertueuse 'Warcns : c'est de vous que je tiens
Le Tni bonheur de l'homme et les solides biens»
Sans craintes, sans désirs, dans cette solitude,
le laisse aller mes jours exempts d'inquiétude s
P que non cœur touché ne pmt-ii k son gré
W^kaûf tur ce papier, dana un jtutt degré ,
91^6 U VERGBB
Des plaisirs qu'il ressent la-yolupté parfaite 1
Piésent dont je joois^ passé que je regrette.
Temps précieux , hélas ! je ne vous pevdrai plm
En bizarres projets , en soucis superftus.
Dans ce verger charma^it j'en partage l'espace.
Sous un ombrage frais tantôt je me délasse ;
Tantôt avec Leibnitz, Maiebranche et Newton,
Je monte ma raison sur un sublime ton y
J'examine les lois des corps et des penséesf
Avec Locke je fais l'histoire des idées;
Avec Kepler, Wallis , Barrow , Rajrnaad , Pascal,
Je devance Archiméde, et je suis L'Hospital ^i).
Tantôt , à la physique appliquant mes probièma,
J'e me laisse entraîner à l'esprit des sjrstèmei : j
Je tâtonne Descarte et ses égaremens ,
Sublimes , il est vrai^ mais iri voles romans.
J'abandonne bientôt l'bjrpothèse infidèle.
Content d'étudier l'histoire naturelle.
Là , Pline et Nieuwentit , m'aiUant de leur asTotr,
M'apprennent à penser, ouvrir les jeux, et Toir.
Quelquefois, descendant de ces vastes lumièxet.
Des différens mortels je suis les caractères.
Quelquefois , m'amusant jusqu'à la fiction ,
^élémaque et Séthos me donnent leur leçon ;
On bien dans Gléveland j'observe la nature /
Qui se montre à mes jeux louchante et toujona
Tantôt aussi , de Spon parcourant les cahiers ,
De ma patrie en pleurs je relis les dangers.
Genève , jadis sage , ô ma chère patrie ! ,
Quel démon dans ton sein produit la frénésie 7
Souviens-toi qu'autrefois tu donnas des héros ,
Pont le sang t'acheta les douceurs du repos.
|t) Le marquis de L'Hospital, aateur de T^nal^fsc
MMnf psti'M» et de pluiieiin autres ouvrages de asatbé^tifaa
N
DES charhettjss. ^jy
Transportés aujourd'hui d une soudaine rage,
ÂTcugles citojcns, cherchez-yous l'esclayage?
Trop tôt peut-être , hélas ! pourrei-vous le trouver :
Mais , s'il est encor temps , c'est à vous d j songer»
Jouissez des bienfaits que Louis tous accorde.
Rappelez dans vos murs cette antique concorde.
Heureux si , icprenant la foi de yos aïeux,
Vous n'oubliez jamais d'ôtre libres comme euxf
O TOUS , tendre Racine ! ô tous , aimable Horace I
Dans mes loisirs aussi vous trouvez votre place;
Claville , Saint-Âubin , Platarque , Mézerai ,
Despréaux , Cicéron , Pope , Rollin , Bardai ,
£t vous, trop doui La Mothe, et toi, touchant Yoltaii^j
Ta lecture k mon cœur restera toujours chère.
Mais mon goût se refuse à tout frivole écrit
Dont l'auteur n'a pour but que d'amuser l'esprit :
II a beau prodiguer la bri!Unte antitlièse ,
Semer partout des fleurs , chercher un tour qui plaise
Le cœur, plus que l'esprit, a chez moi des besoins,
Et, s'il n'est attendri , rebute tous ces soins.
C'est ainsique mes jours s'écoulent sans alarmes.
Mes jeux sur mes malheurs ne versent point de larmen-
Si des pleurs quelquefois altèrent mon repos ,
C'est pour d'autres sujets que pour mes propres mtiix j
Vainement la douleur, lis craintes, la misère.
Veulent décourager la fin de ma carrière:
D'Êpictète asservi la stoîrjue fierté
M'apprend à supporter les maux, la pauvreté;
Je vois, sans m'aflliger, la langueur qui m'accable;
L'approche du trépas ne m'est point effroyable»
Et le mal dont mon corps se sent presque abattu
H est pour moi qu*un sujet d'affermir ma verto/
M
J
ÉPiTRE
A M. BOROE&
Toi qu'am jeux du Parnasse Apollon mêiàe gùidi,
Tu daignes exciter une muse timide;
De mes faibles essais jugé trop iudnlgent,
Ton goût à ta bonté cède en m'enconrageant
Mais , hélas ! je n'ai point, pour tenter la carriéfe*
D'un athlète anime l'assurance guerrière;
Et , dès les premiers pas , inquiet et surpris »
L'haleine m'abandonne , et je renonce au prii.
.Bordes, daigne juger de toutes mes alarmes;
Vois quels sont les combats, et qifeds sont les ifiaei;
Ces lauriers sont bien doux, sans doute, à remporte^
Mais quelle audace à moi d'oser les disputer l
Quoi ! j'irais , sur le ton de ma Ijre rustique,
Faire jurer en vers une muse helvétique {*) :
Et , prêchant durement de triâtes vérités ,
Révolter contre moi les lecteurs irrités !
Plus heureux, si tu veux, encor que téméraire;
Quand mes faibles talens trouveraient l'art de plaiiCf
Quand, des sifflets publics par bonheur préserrés,
Mes vers des gens de goût pourraient être approotéSi
Dît-moi , sur quel sujet s'exercera ma muse?
C) Ce vera manque & réditton do Généra Dihbs TédiMi^
pMDÇot, en 3B vol. ia-S**, on lit :
^oi ! j'înis , mr k ton de ma lyre critiqMi
Faka la gucne an vioe en st jls teatdéaoipf^
iPlTRE A U. CORDES. a^S
Tout poctc est menteur, et le métier lezcuse ,
Il Mit en mots pompeux faire , d'un riche fat ,
Un nouveau Mécénas , un pilier de 1 état.
Mais moi, qui connais peu les usages de France «
Moi , fier républicain que blesse l'arrogance ^
Du riche impertinent je dédaigne l'appui ,
S'il le faut mendier en rampant devant lui ;
Et ne sais applaudir qu*à toi, qu'au vrai mérite i
La sotte vanité me révolte et m'irrite.
Le riche me méprise ; et , malgré son orgueil ,
ffons nous voyons souvent à peu près de même œîL
(Mais, quelque haine en moi que le travers inspire,
Mon coeur sincère et franc abhorre la satire :
Trop découvert peut-être , et jamais criminel ,
Je dis la vérité sans l'abreuver de fîel.
Ainsi toujours ma piume, implacable ennemie
Et de la flatterie et de la calomnie ,
Ne sait point en ses vers trahir la vérité;
Et, toujours accordant un tribut mérité.
Toujours prête à donner des louanges acquises ,
Jamais d'un vil Crésus n'encensa les sottises.
O vous qui dans le sein d'une humble obscurité'
Nourrisscx les vertus avec la pauvreté ,
Dont les désirs bornés dans la sage indigence
Méprisent sans orgueil une vaine abondance ,
Restes trop précieux de ces antiques ti-mps
Où des moindres apprêts nos ancêtres contrns ,
Recherchés dans leurs mœurs, simples dans leur parure,
Ne sentaient de besoins que ceux de la nature ; ^
Illustre^ malheureux, quels lieux habitezp-vous ?
Dites , quels sont vos noms ? 11 me sera trop doux
b'exercer mes talens à chanter votre gloire;
'A vous éterniser au temple de mémoire;
Et quand me? faibles ver» n'y pourraient arriver,
Ces noms' si respectés sauront les coxuervcr*
a8o ÉPltRB
Mais pourquoi m'occup r d nue raine cLunèrè?
Il n'est plus de sagesse où règne la misère ;
Sous le poids de la faim le mérite abattu
Laisse eu un triste cœur éteindre la vertu.
Tant de pompeux discours sur l'heureuse indigence
M'ont bien l'air d'être nés du sein de l'abondance t
Philosophe commode , on a touj[ours grand soin
De prêcher des vertus dont on n'a pas besoii».
Bqrdes, cherchons ailleurs des sujets ponmimasci
De la pitié qu'il fait souvent le pauvre abuse»
Et , décorant du nom de sainte charité
Les dpns dont on nourrit sa vile oisiveté ,
Sous l'aspect des vertus que l'infortune opprime
Cache l'amour du vice et le penchant au crime.
J'honore le mérite aux rangs les plus abjects;
Mais je trouve & louer peu de parefls sujets.
Non y célébrons plutôt l 'innocente industrie
Qui sait multiplier les douceurs de la vie ,
Qt^ salutaire à tous dans ses utiles soins »
Par la foute du luxe apaise les besoins..
(}'est pfir cet art charmant que sans cesse enrichis
Qn voit briller au loin ton heureuse patris (i).
Ouvrage précieux , superbes omemens ,
pn dirait que Minerve» en ses amusemens,
làvec l'or et la soie a d'une main savante
■
^ormé de tos dessins la tissure élégante.
Turin » Londres ,. en vain , pour le disputer*
Par de jaloux efforts veulent vous imiter :.
Vos mélanges charmans » assortis par les grâces ,
Les laissent de bien loin s'épuiser sur vos traces.
Le bon goût les dédaigne, et triomphe chez voas(
Et tauflis qu'entraînés par leuv dépit Jaloux
(i}|> viUede Ljoii«.
A Ué BORDES. aS j
Dans leurs on'vrages froids iis forcent la natore,
Votre vivacité , toujours brillant» et puie,
Donne à ce qu'Ole pare un œil plus délicat^.
Et même à la beauté prête encore de ieclat*.
Ville. heureuse, qui fais lonicment de la France»,
Trésor de 1 univers , source de l'abondance ,
LjoD , séjour charmant des enfiins de Plutus,
Dans tes tranquilles murs tous les arls sont reçut fe
D'un sage protecteur le goût les y rassemble\
Apollon et Plutus , étonnés d'être ensemble ,
De leurs longs différens ont peine à revenir.
Et demandent quel.dicu les a pu réunir.
On reconnaît tes soins, Pallu (2) : tu nous rarniue»
Les «iècles renommés et de Tjr et d'Athènes :
De mille éclats divers Ljon brille à la fois ,
Et sou peuple opulent semble un peuple de rois.
Toi, dijgne citojen de cette ville illustre,^
Tu peux contribuer à lui donner du lustre.
Far tes heureux talens tu peux la décorer,'
Et c'est lui faire un vol que de plus différer.
Comment oses-tu bien me proposer d'écrire.
Toi , que Minerve môme avait pris soin d'instruire^ .
Toi , de ses- dons divins possesseur négligent,
Qui viens parler pour elle encore en l'outrageaut?
Ah ! si du feu divin qui brille en ton ouvrage
Une étincelle au moins eût été m4m partage ,
Ma muse quelque jour, attendrissant les cœurs.
Peut-être sur la scène eût fait couler des pleurs.
Mais je te parle en vaiu : insensible à mes plaintee^,
]^r de cruels refus tu confirmes mes craintes»
(ft) Imestdant dtf Lyon..
ai-
2||64 épÎTKE
Né dans lobscuritc , j'ai fait dès mon enfaoc»
pes caprices du sort la triste expérience;
Et s*il est quelque bien qu'il ne m'ait point ôté,
lUéme par ses faveurs il m'a persécuté.
|1 m'a fait naitre libre , hélas ! pour quel usage?
Qu'il m'a vendu bien cber un sf varn arantage!
Je suis libre en effet ; mais de ce bien cruel
J'ai reçu ] lus d'ennuis que d'un malheur réel»
Ah ! s'il fa lait un jour, absent de ma patrie ,
Traîner chez l'étranger ma laufpiissante vie ,
S'il fallait bassement ramper auprès des grands ^
Que n*en ai<je appris l'art dès mes plUs jeunes aaftl
Mais sur d'autres leçons on fbrma ma jeunesse*
On me dît de remplir mes devoirs sans bassesse ,
De respecter les grands les magistrats , lès roîi .
De chérir les humains , et d'obéir aux lois :
Mais on m'apprit aussi qu*a^ant par ma naissance
Le droit de partager là suprême puissance ,
Tout petit que j'étais , faible , obscur citoven *
Je faisais cependant membre du souverain ;
Qu'il fallait soutenir un sî noble avantage
Par le cœur d'un héros , par tes vertus d'un sag« ,
Qu'enfin la liberté , ce cher présent des eicux ,
N'est qu'un fléau fatal pour les coeurs vicieux.
Avec le lait , chex nous , on suce ces maximes ,
Moins pour s'enorgueillir de nos droits légitimes
Que pour savoir un J6uf se donne^ à ta §û)\t
Les meilleurs magfstrats et tes pl^s sages loii.
Vois-tu, me disait-on, ces nations puissantes
Fournir rapidement teurs carn'ères btillantes ?~
Tout oe vain appareil qurt«mplH l'uni van
R'est qu'uiv/rivole éclat qui kitf cache leurs fers.
For leur propre valeur ils forgent lènrt entraves r
lia font les conquçrans ,*et sont de vils esclaves x
Kikttr i[aate pouvoir , quie Tart avait prodoit.^
A m. PARESOT. ^
Par le luxe bieatôt se retrouTe déttaif^
Un soiabien différent kI nous^mrërcsse.
Notre plus grantle force est dans notre ftibleste r
Nous vivons sans regret dans Ibumble obscurité^
Mais du moins dans nos murs on est en liberté.
Nous n*^ connaissons point la superbe arrogance,
Nuls titres fastueux , nulle injuste puissanèe.
De sages magietratS', établis pa» nos voix ^
Jugent nos différends, font observer nos lois.
Lart n'est point le soutien de notre république ^ ^
Être juste est ches nous l'unique politique;.
Tous les ordres diveM, sans inégalité,
Gardent chacun le niag qni leur est affecté.
No- chefs, nos magistrats, simples dan» kur parusr,.
Sans étaler ici le luxe et la dorurt,.
Parmi nous cependant nr sont point confondus v
Ils en sont distingués . mais c'estpa» leur» v«rttis..
Puisse durer toujonre cette union charmante l
llclas ! on voit siipeu de probité constante !:
11 n'est rien que le temps ne corrompe à la fin ;:
Tout , jusqu'à la sagesse, est sujet au décli»^
Par ces réflexions ma raison exercée
M'apprit k mépriser cette pompe insensée
Par qui l'orgueil des grands brille de toutes parts ,,
Kt du peuple imbécile attire les regards.
Mais qwil m'en coûta cher quand, pour toute ma vie
La foi meut éloigné eu sein de ma patrie ;
Quand je me vis enfin , sans appui^ sans secour»,.
A ces mômes grandeurs contraint d'avoir recours!
I«on, je ne puie penser, sans répandre des larmes^
A ce» momens.affreux, pleins de trouble et d'alarme».
Où j'éprouvai qu'enfin tous ces beaux sentiment ,
Loin dadoucir,iiMMi sort, irritaient mes teonneas^
Sans doute à tous les jeux U misère esth^nible; '
Mais.pour qiii.f ait pcâier ^e m bi«ii plus MnsibU^
>8S ipfT&B
épîctite et Zenon , dans lenr fierté stol^e,
Me faisaient admirer ee courage béroiqoe
Qui , faisant des faux biens nn mépris généieax,
Par la seule vertu prétend nous rendre heureux.
Long-temps de cette erreur la brillante chimère
Séduisit mon esprit, roidit mon caractère;
Mais , malgré tant d'efforts , ces raines fictionf
Ont-elles de mon cceur banni les passions?
Il n'est permis qu'à Dieu , qu'à l'essence suprême,
D'être toujours heureuse, et seule par soi-mèn*'*
Pour l'homme, tel qu'il est pour l'esprit etlccœut,
Otez les passions , il n*est plus de bonheur.
C'est toi, cher Parîsot, c est ton commerce aimtbk,
De gi'ossier que j'étais, qui me rendit traittbie:
Je reconnus alors combien il est ehafmant
De joindre à la sagesse un peu d'amusement.
Deé amis plus polis, un climat moins sauvage
Des plaisirs innocens m'enseignèrent l'usage :
le vis avec transport ce spectacle enchantent
Par la route des sens qui sait aller an cœur*,
Le mien, qui jusqu'alors avait été paisible»
Pour la première fois enfin devînt sensible:
L'amour, malgré mes soins, heureux à m'egarer,
'Auprès de deux beaux jeux m'apprit à soupiitr.
Bons mots , vers élcganSy conversations riTei,
Un repas égayé par d'aimables convives ,
Petits jeux de commerce et d'où le chagrin fiuti
Où , sans ilsquer la bourse , on délasse 1 esprit?
En un mot , les attratts d'une vie opulente.
Qu'aux VŒUX de l'étranger sa richesse présente,
Tous les plaisirs du goût, le charme des beaux-artf,
'A mes yeux enchantés brillaient de toutes parti.
Ce n'est pas cependant que mon âme égarée
bonnât dans les travers d'une mollesse o'itrée :
L'innocence est le bien le plus cher i a«a cœn;
'A- M. PARISOT. 289
t^ débauche et Tezcès sont des objets ^'horrenr t
Les coupables plabirs sont les touimens de Vàme ;
Ils sont trop achetés s'ils sont dignes de blâme.
Sans doute le plaisir, pour être un bien réel ,
Doit rendre l'homme heureux et non pas criminel i
Mais il n'est pas moins yrai que de notre carrière
Le ciel ne défend pas d'adoucir la misère ;
Et , pour finir ce point trop long-temps délucttu ;
Rien ne doit être outré , pas même 11 Terta.
Yoilà de mes erreurs un abrégé fidèle :
C'est k toi de juger, ami , sur ce module ,
Si je puis , près des grands implorant de i*appQS .
A la fortune encor recourir aujourd'hui.
De la gloire est-il temps de rechercher le lustre?
Me yoici presque au bout de mon sixième lustre s
La moitié de mes jours dans l'oubli sOnt passés* '
Et déjà du travail mes esprits sont lassés.
Avide de science , ayide de sagesse,
Je n'ai point aux plaisirs prodigué ma jeunesse :
J'osai d'un temps si cher faire un meilleur emploi |
L'étude et la vertu furent la seule loi
Que je me proposai pour régler ma conduite ,**
Mais ce n est point par art qu'on acquiert du mérite f
Que sert un vain travail par le ciel dédaigné ,
Si de son but toujours on se voit éloigné ?
Comptant par mes talens d'assurer ma fortune.
Je négligeai ces soins, cette brigue importune ,
Ce manège subtil , par qui cent ignbrans
Ravissent la faveur et les bienfaits des grands.
Le succès cependant trompe ma confiance :
ï>e mes faibles progrès je sens peu d'espérance;
Mt je vois qu'à juger par des effets si lents ,
Pour briller dans le monde il faut d'autres talenf ;
Et , qu'j ferais-je^ moi , de qui l'abord timide
Il« sait point affecter cette audace intrépide ,
^0 ipÎTRB •
Cet air content de soi , ce ton fier et joli
Qui du rang det badands sanve rbomme poli ?
Faut-il donc aujourd'hui m'en aller dans le mond*
Vanter impudemment ma science profonde ,
Et, toujours en secret. démenti par mon cœur.
Me prodiguer l'encens et les degrés d'honneur
Faudra-t^U, d'un dévot afi^ctant la grimace^
Faire serrir le ciel à gagner une place ^
Et , par l'hypocrisie assurant mes projets.
Grossir l'heureux ossaim de ces hommes parfàio,
De ces humhl«s dévots, de qui la modestie
Compte par leunr vertus tous les jours de leur vie?
Pour gku'iiier Dieu leur bouche a tour à tout
Quelque nouvelle grâce à rendre chaque jour.
Mais l'orgueiUeu}^ çn -vain, d'une adresse chiédenBC,
Sous la gloire de Dieu veut étaler la sienne :
L*bomme vraiment sensé (ait le mépris qu'il doit
Des mensonges du fat , et du sot qui les croit»
Non , je ne puis forcer mon esprit, né sincère,
A déguiser ainsi mon propre caractère ;
Il en coûterait trop de contrainte à mon cœur s
A cet indigne prix je renonce an bonhenr*
!D*ailleurs il faudrait donc, fils lâche et meroenikire^
Trahir indignement les bontés d'une mère.
Et, payant en iagraf tant de bienfaits re^ns^
Laisser à d'autres mains les soins qui lui sont dok
'Ah! ces soins sont trop cLers à ma reconnaissniiee i
8i le ciel n*a rien mis de plus en ma puissance ,
Dn moins d'un xèle pur les vœux trop mérites
Par mon cœur chaque jour lui seront présenté».
Je sais trop , il est vrai , que oe zèle inutile
Ife peut lui procurer un destin plus tranquille s
En vain dans sa langueur je veux la soulager^
Ce n*est pas les guérir que de les partager.
Ulas .* de ses tounnens le spectacle fiuieste
▲ HL PAHSOT. ^1
Bientôt de mon courage étouffera le reste :
€'««i trop lui Voir porter, par d'éternels efforts
Et les peines de l'âme et les douleurs du corps.
Que lui sert de chercher dans cette solitude
A fuir l'éclat du monde et sou inquiétude ,
Si jusqu'en ce désert , à la paix destiné ,
I^ sort lui donne encore , à lui nuire acharné ,
D'un affreux procureur le voisinage horrible ,
Nourri d'encre et de ùei , dont la griffe terrible
De êeê ti'istes voishis est plus crainte cent lois
Que le hussard cruel du pauvre Bavarois ?
Hais c'est trop t'aceabler àv récit de nos peine»;
Daigne me pardonner, ami , ces plaintes vaines ;
C'est le dernier des biens permis aux maihcurenx
De voir plaindre leurs maux par les cœurs génercat.
Telle est de met malheurs la peinture naïve»
Juge de Ta venir sur cette perspective ;
Vois SI je doM eneor, par des soins impuisstn».
Offrir à lé fortune un inutile encens»
Non ^ la gloxr» n est point l'idole de mon âme ;
Je n'j sens point brûler cette divine Uamne
Qui f d'un génie heureux animant le» ressort»
Le force k s'élever par de nobles efforts.
Que m'importe, après tout, ce que pensent les hommes?
Leurs honneurs, leursmépriSyfont-ils ceque nous sommes^
£t qui ne sait pas l'art de s'en faire admiver
A la félicité ne peut-il aspirer ?
L'ardente ambition a l'éclat en partage.
Mais les plaisirs du cœur font le bonheur du sage.
Que les plaisirs sont doux à qui sait les goûter!
Heureux qui les connaît et sait s'en contenter l
Jouir de leurs douceurs dans un état paisible ,
C'est le plus cher désir auquel je suis sensible.
Un bon livre , un ami , la liberté , la paix,
Fant-il poi|T vivre heureux former d*antref f onbâtts^
^91 iptTKB A M. PHUSOT.
Les grandes pastiops sont des sources de petiM i
J'érlte les ^ngers oâ leur penchant entrmine;
Dans lenrs pièges adroits si Ton me Toît tomber;
Du moins je ne fiùs pas gloire d*^ succomber.
De mes égarcmens mon coeur n'est point complice^
Sam» être vertueux je déteste le TÎce }
Et le bonbeur en rain s'obstine à se cacbrr/
Poisqu'enfin je connais où je dois le cbercbcr.
mSimititHM»fimii^SMfiaiy»MtMéilBlimÊ^
ÈPÎTRE
A M, DE L'ÉTANG^
yxcahb muiconm.
m.
KR^dépit an destia jaloux
'Cher abbé , nom irons cliez YOns^
Dans TOtre franche politesse ,
Dans votre gaité sans rudesse ,
Parmi yos bois et vos coteaux
^ous irons chercher le repos ;
Nous irons chercher le remède
Au triste ennui qui nous possède,
A ces affi'euz chaiivaris ,
'A tout ce fracas de Paris.
O ville où règne Tarrogance/
Où les plus grands fripons.de France
Régentent les honnêtes gens.
Où les yertueux indigeUs
Sont des objets de raillerie;
.Ville où là charlatanerie ,
Le ton haut, les airs insolent,
Écrasent les humbles talent
Et tjrannisent la fortune;
Tille où l'auteur de Rodognoê
A' rampé devant Chapelain ;
'Où dun petit magot vilain
L'amour fit le héros des belles ;
Où tout les roquets des ruelles
Deviennent dct hommes d'étatï
Où le jeooo et beun mapttnt
•S.
2^4 I&FÎIILB
Ëtftle , avec les tirs d un fat;
Ba pcnuque pour tout mérite;
Où le sayant , bas parasite ,
Chez Aspasie ou chez Phrjvé ,
Vend de l'esprit pour un diné :
Paris , malheureux qui t'habite !>
Mais plus malheureux mille fois
Qui t*habite de son par choix /
Et dans un climat plus tranquille
Ne sait point se faire nn asile
Inabordable aux noirs soncis,'
Tel qu'à mes jeux est Marcoussis!
Marcoussis qui sait tint nous plaire |
Marco ussis dont pourtant j'espère
Vous voir partir nn beau matin
Sans YOus en pendre de chagrin !
Accordez donc , mon cher vicaire ,
Votre demeure hospitalière
A gens dont le soin le plus doo^
Est d'aller passer près de vous
Les momens dont ils sont les malttea*
Nous connaissons déjk les êtres
Du pays et de la maison ;
Nou^ en chérissons le patron ,
Et désirons, s'il est possible,
Qu'à tous autres inaccessible ,
Il destine en notre <ave«r
Son loisir et sa bonne humeur*
De plus , prière^ des plus rivet
D'éloigner tous^cheui conTÎTet^
Taciturnes , mauvais phiisans ,
Ou beaux parleurs , ou médtsamS."
Point de ces gens que Dieu eonfeBd»^
De ces sots dont Paris lâNmde ,
£t qu'on j nomme bewia-tfpritf.
A M. DS t'iTANG. 0^5
Vendeurs de famée & tout prix
Au riche famûn qui les géte ,
Vils flaUfiir^ de qui les empâte,
Plus yils détracteun du bon sens
De qui méprise leur encens.
Point de ces fades petits-maîtres ; .
Point de ces hobereaux champêtres
Tout fiers de quelques vains aïeux . ,
Presque aussi méprisables qu eux.
Point de grondeuses pigriècheè ^
Voix aigre , teint noir, et mains sèches^
Toujours syndiquant les appai
Et les plaisirs qu'elles n'ont pas ,
{)énigrant le prochain par zèle ,
Se donnant à tous pour modèle ,
Médisantes par charité ^
Et sages par nécessité*
Point de Crésus , point de canaille }
Point surtout de cette, racaille
Que l'on appelle grands seierneur».
Fripons sans probité , sans mOBj^rs ,
Se raillant du pauvre vulgaire
Dont la vertu fait la chimère i
Mangeant fièrement notre bien $
Exigeant tout , n'accordant rien ;
-Et dont la fausse politesse ,
Rusant , patelinant s^ns cesse,
N*est qu*un piège adroit pour dupet
Le sot qui s j laisse attraper.
Point de ces fendans militaires
A Tair rogue, aux mines alcières/
Fiers de commander des goujats ,
Traitant chacun du haut en bas ,
Donnant la loi , tranchant du maître ,
Bit tailleurs , fanfarons peut-être ,
196 iirifù
ToujouTt priti ï. battre on taer.
Toujours parlant de leur nétierV
Et cent fois plus pédans , me lemiilef
Que tous les ergoteurs ensembU.'
Loin de nous tons ces ennujeuz.
Mais si , par un sort plus heureux p
Il se rencontre un honnête homma
Qui d'aucun grand ne se renomnisj
Qui soit aimable comme touSi
,Qui sache rire ayec les fi>us',
£t raisonner aypc le sage ,
Qui n'affecte point de langage^
Qui ne dise point de bon mot.
Qui ne soit pas non plus un sot^
Qui aoit gai sans chercher à rétro ,
^Qni soit instruit sans le paraître.
Qui ne rie que par gaicé ,
flSt jamais par malignité ,
.De mœurs droites sans être austire* j
Qui soit simple dans ses manières ,
'Qui Teuille Tirre pour autrui ,
Afin qu'on vive aussi pour lui ;
Qui sache assaisonner la table
D'appétit , d'humeur agréable ;
fie voulant point être admiré,
nie voulant point être ignoré,'
ITenant son coin comme les autrefg
Mêlant ses folies aux nôtres ,'
Raillant sans jamais insulterV
Haillé sans jamais s'emporter,
Aimant le plaisir sans crapule f
Ennemi dA petit scrupule,
BuT^Ipt sans risquer sa raison V
Point philosophe hors de saison;
En un mot d'un tel caractèra
Qu'arec lui nous puissions nous plaire,
Qu'arec nous il se plaise aussi s
S'il est un homme fait ainsi ,
Donne»*le-nous , je tous supplie ,
Mettez^le en notre compagnie ;
Je brûle déjà de le roir,
Et de l'aimer, c'est mon deroit;
Hais c'est le rdtre , il faut le dlr«|
Avant que de nous le pioduiie ,
De le connaître. C'est «s«et|
Moiitreirlt-noiia il tqui
FRAGMENT D'UNE ÉPÎTRE
A M. BORDES.
ApiiÊ9 un carême enniTfvaflK,
Grâce à Dieu , voîd U tenuiàr
Des divertissemeiM pieux*.-
On va de neuvaine en nenyalne ,
Dans chaque église on se promène;
Chaque autel y charme les jeux;
Le luxe et la pompe mondaine
Y brillent à l'honneur des cienx.
Là , maint agile énergiÀnène
Sert d*Arlec|uin darts ctis seiati lieuxf
Le moine ignorant »'j démène ,^
Ses oremus mystérieux,
Kt criant d'un ton furieux,
Fora , fora , par saint Eugène !
Rarement la semonce est vaine ;
Diable et frà s'entendent bien mieux»
L'un à l'autre obéit sans peine.
Sur des objets plus gracieux
La diversité me ramène.
Dans ce temple délicieux
Où ma dévotion m'entraîne ,
Quelle agitation soudaine
Me rend tous mes sens précieux?
Illumination brillante ,
Peintures d'une main savante,
Parfums destinés pour les dieux «
Mais dont la roiuptc divine
Délecte rhumaine narine
A Tant de le porter aux cieoz! '
Et tôt, musique rayissante,
Du Carcani chef-d'œuvre harmonieux ,
Que tu plaie quand Catine chante!
Elle rharme à la fois notre oreille et nos jeux^
Beaux sons , que votre effet est tendre l
Heareux l'amant qui peut s*attendi«
D'occuper en d'autres momens
La bouche qui vous fait entendre,
A des soins encor plus charmans !
Mais ce qui plus ici m'enchante ^
C'est mainte dévote piquante ,
Au teint frais , à l'œil tendre et doux^
Qui , pour éloigner tout scrupule ,
Vient à la Vierge . à deux genoux ,
Offrir, dans l'ardeur qui la brûle.
Tous les vœux qu'elle attend de no«i»'
Tels sont les familiers eotloquet«
^ Tek sont les ardens soliloques
Des gens dévots en ee saint lieu.
Ma loi , je ne m'étonne guéres ,
Quand on fait ainsi set prières ,
Qu'on ait du goût à prier Dien.
IMITATION LIBRE
DUNE CHANSON ITALIENNE
DE METASTASE.
Gaacz k tant de tromperie»;
Oràce à tes coqnetterief ,
Nice , je respire epfiD.
Mon cœur, libre de sa cb^«|;
Ne déguise plus sa peine;
Ce n'est plus un songe vain.
Toute ma flamme est éteinte >
80QS une colère feinte
L*amour ne se cache plus.
Qu'on te nomme en ton absence ,
Qu'on t'adore en ma présence.
Mes sens n'en sont point émns.
En paix sans toi je sommeille |
Tn n es plus , quand je m'éreille^
Le premier de mes désirs.
Rien de ta part ne m'agites
Je t'aborde et je te quitta
Sans regrets et sans plaisiraj
iLe souTenir de tes cliaineȔ
Le souTcnir de mes larmes i^
Ne fait nul effet sur moi.
luge enfin comme je t^aimaj
Avec mon rival lui-même
le pourrais parler de tioL
iMiTATioif , etc. 3di
Soi* fiète , sois inhumaine ,
Ta fierté n'est pas moins Taina
Que le serait ta douceur.
Sans être ému je t'écoute,
Et tes jeux n*ont plus de route
Ponr pénétrer dans mon cœur.
S>*un mépris , d*une caresse ,
Mes plaisirs ou ma tristesse
Ne reçoirent plus la loi.
Sans toi j'aime les bocages-,
L'horreur des entres sauyagea
Peut me déplaire avec toi.
Tn me parais enoor belle;
Mais , Nice , tu n'es plus ceUe
Dont mes sens sont enchantés.
Je Tois , derenu sage ,
Des défauts sur ton visage
Qui me semblaient de» beautés.
Ix>rsque je brisai ma chaine ,
B>ieux ! que j'éprouvai de peine i
Hélas ! je crus en mourir :
Mais , quand on a du courage ,
Pour se tirer d'esclavage
Que ne peut-on point souHrir?
Ainsi du piège perfide
Un oiseau simple et timide
Avec effort échappé ,
Aux prix des plumes qu'il laisse •
Prend des leçons de sagesse
Pour n'être plus attrapé.
3oa nmATios
Tu croîs que mon cœur t'adowi
Yojant que je parle cncow
Des soupirs que j'ai poussés*,
Mais tel , au port qu'il désire.
Le nocher aime à redire
Les périls qu'il a passés.
Le guerrier couvert.de gloire
Se plait, après la yictoîre,
A raconter ses exploits ;
Et l'esclave , exempt de peîneî
Montre avec plaisir la chaîne
Qu'il a traînée autrefois.
Je m'exprime sans contrainte;
Je ne parie point par feinte «
Pour que tu m'ajoutes loi ;
Et, quoi que tu puisse dire,
Je ne daigne pas m'instruira
Gomment tu parles da moi.
Tes appas , beauté trop Taintj
Ne te rendront paa sans pttiM
Un aussi fidèle amanU
Ma perte est moins dangerenief
Je sait qu*nne autre trompeoat
Se trouve plu* aM«iB«Bt*
D'un CHAHSOIf DE MÉTAST.ISB. 3o3
VARIANTES
■■TU l'ismcm de ouivs et ceus bb ■iic-socHn m.
I
!
Moo oœnr, libre de sa chatne,
£dL de Gen. { Ne dëgaite phM ta paioe;*
Ce n'est ploa uo songe vain.
Non , non , «a n*ast point an songn;
9t. 'M. Rey, ^ Mon oœur, libre, sans menacnigey
Ne trioniphe ploa en YaÛL
]^i, de Gen, Qu'on t'adoie en ma présence.
il/.-.V. Kcy, ^u'on te lergne en ma préseaoe.
t^d. de Gen. Joge eu fin eomme je t'aime.
ilf.-A/. Rey. Juge enfin comment je taime.
i'?<2. de G en. Sois fière, sois înbnmaine.
Af .-M. Rey, Sois tendre , sois inhumaine.
hd, de Gen, Mes plaiftirs ou ma tristesse.
^I,~M, Rey, Ma gaîté ni ma tnstesse.
pj j r / ^'^^'^^^^ ^^ antres sauvaget
' y Peut me déplaire aTec toi.
£b bien! des déserts sauTaget
Me déplairaient avec toi.
Ed. de Gen, Bêlas ! je crus en mourir
M.'-M. Rey^ Hélas ! je crus d'en mouxv.
Éd, de Gen. Un oiseau simple et rimidc*
K.-]IT. Rey, Ot ois'an jeune et timide.
rd. de Gen. Voyant que je parle encont
"M.^M. Rey. Parce que je parle encore.
iV. B. Nous croyons que l'éditeur qnl a nonailli naa ▼«ianiea
s'est trompé. Nous n'avona point l'édition, de Ut-M. Rey ; mais
tout ce qu'il dit appartenir à eetie édition «iCcoii&mrbic ^ l'édi*
tion de Genire. C îfcêe oogumini^és; )
M.'M. Rey. /
l^aMAwilMlMMlMl
L'ALLÉE DE SYLVIE.
Qu'a m'^arer dans ces boetgct
Mon coeur goûte de ToioptésS
Que je ne plais sons cet ombrages !
Qiu- j'aime ces flots argentés 1
Douce et charmante rêverie,
Solitude aimable et chérie,
Fuissiesr-votts toujours me channerl
De ma triste et lente carriéie
Rien n'adoucirait la misère.
Si je cessais de tous aimer.
Fujrt de cet heureux asile,'
Fuyez de mon âme tranquille,
•Vains et tumultueux projeu ;
.Vous pouTcx promettre sans cest«
Et le bonheur et la sagesse ,
Mais TOUS ne les donnes jamais.
Quoi ! l'homme ne pourra^-il rirw ,
'A moins que son coeur ne se lino
'Aux soins d'un douteux STcnir?
Et si le temps coule si rite.
Au lieu de retarder sa fitite.
Faut-il encor la prévenir?
Oh ! qu'avec moins de ptéro/anco
La vertu, la simple innocence,
Font des heureux à peu de frais!
Si peu de bien suffit an sage,
.Qn'aTcc le plus léger parUge
•Tous ses désirs sont satisfaits^
Tant de soins, tant de pi^ojanee ,
Sont moins des fruits de la pnideoce
l'allée db stltib. 3oS
Que det fruits de l'ambition.
L'homme content du nécessaire
Craint peu la fortune contraire ,
Quand son coeur est sans passion.
Passions , source de délices ,
Passions , source de supplices ;
Cruels tjrrans , doux séducteurs ;
Sans Tos fureurs impétueuses ,
Sans Yos amorces dangereuses ^
La paix serait dans tous les coeurs.
Malheur au mortel méprisable
Qui dans son àme insatiable
fîourrit l'ardente soif de l'or f
Que du vil penchant qui l'entrain*
Chaque instant il trouve la peine
'Au fond même de son trésor!
■Malheur à l'âme ambitieuse
De qui l'insolence odieuse
Veut assetvir tous les humains l
Qu'à ses riyaux toujours en butte i
L'abime apprêté pour sa chute
Soit creusé de ses propres mains f
Malheur à tout homme farouche,
'A tout mortel que rien ne touche
Que sa propre félicité !
Qu'il éprouye dans sa misère ,'
De la part de son propre frère*
La mcme insensibilité !
Saoi doute un cœur né pour k CtbùM
Est fait pour être la victime
De ces affivuses passions ;
Mais jamais du ciel condamnée
On ne vit une Ame bien née
Céder à leurs séductions.
Il .en est de plus dangerentes ^1
a6.
3o6 l'allés de SYtTK.
De qui les amorces flAtteuses
Dcguisent bien mieux le poison/
Et qui toujours , dans un comr ten&««
Commencent à se faire entendre
En faisant taire la raison :
Mais du moins leurs le^tks chflrmantei
N'imposent que d*aîmables lois;
La haine et ses fiireurs sanglantes
SVn dorment h leur douce toîx.
Des sentimens si légitimes
Seront-ils toujours combattus?
Nous les mettons an rang des crimes ;
lU devraient être des yertua.
Pourquoi de ces p'enchacs aimaUes
Le ciel nous fiut-il un tourment?
11 en est tant de plus coupables
Qu'il traite moins sévèrement!:
O discours trop remplis de cbarmet',
(Est-ce & moi de vous écouter?
Je fais avec mes propres armes
L^R maux que je veux éviter.
Une langueur enchanteresse
Mn poursuit jusqu'en ce séjour ;
y y veux moraliser sans cesse ,
Et toujours ]j songe h. Tamour.
Je sens qu une âme plus tranquiOs,
Plus exempte de tendres soins ,
Plus libre en oe charmant asile ,
Philosopherait beaucoup moins.
'Ainsi du feu qui me dévore
Tout seit à fomenter l'ardeur :
Bêlas ! u*est-il pas tempv encoiv
Que la paix règne dans mon cœur I
Déjà de mon septième lustra
Je vois le terme s'avancer;
l'allée DB STLYXB. 3€7
■
Dejh la jeunesM et son lustre
Chez moi commence à s'effacer.
La triste et sévère sagesse
Fera bientôt fuir les amours ,'
Bientôt la pesante yieillesse
Ta succéder k mes beaux jours.
'Alors les ennuis de la vie
Chassant laimable volupté ,
On verra la philosophie
Naître de la nécessité ;
On me verra , par iaiousfe,
Prêcher mes caduques vertus.
Et souvent blâmer pax envie
Les plaisirs que je n'aurai plus.
Hais malgré les glaces de l'âge ,
Raison , malgré ton vain effort ,
!Le sage a souvent fait nanfrage
Quand il crojait toucher au port.
O sagesse , aimable chimère ,
Douce illusion de nos cœurs ,
C'est sous ton divin caractère
Que nous encensons nos erreurs.
Cha<{ue homme t'habille à sa mode|
Sous le masque le plus commode
'A leur propre félicité
Ils déguisent tous leur faiblesse.
Et donnent le nom de sagesse
An penchant qu'ils ont adopté.
Tel , chez la jeunesse étourdi««
Le vice instruit par la folie , *
Et d'un faux titre revêtu ,
Sous le nom de philosophie ,
Tend des pièges à la vertu
Tel , dans une route contraire ,
On voit le fanatique austère
i
3o8 L'AtliE DE SnviB.
Ea guerre arec toas les dénn ,
Peignant Dieu ton jours en colère ,
Et ne «'attachant , pour lui plaire ,
Qu'à fiiir la joie et les plaisirs.
Ah! s'il existait un rrai sage.
Que , différent en son langage ,
Et plus différent en ses mœurs ,
Ennemi des vils séducteurs ,
D'une sagesse plus aimable,
D'une Tertu plus sociable.
Il joindrait le juste milieu
A cet hommage pur et tendre
Que tous les coeurs auraient dû rendre
Aux grandeurs , ans bienfait! de
FO&IBS J>iySBSBS. 3o^
imimmitmttitittmtÊitmmimttMmmMtmmtim
ÉNIGME.
EvrAVT de l'art , enfant de 1» nature ',
îans prolonger lef jours j'enipêclie de monttr t
Plus je suif yrai , plus je fais d'imposture;
\t je devient trop jeune k force de yieilJir.
■WWWHWmWW*» WWWWiWI!»
VIRELAI
A MADAME LA EARONRE DE WARKMb;
M ASAMi „ apprenez îa noniF«Ue-
De la prise de quatre rats ;
Quatre rats n*est pas bagatelk l
'Aussi n'en badin^-je pas :
Et je TOUS mande avec grand zAle
Ces Tert qui tous diront tout baa^
Madame , apprenea la nouvelle
De la prise de quatre rats«
A l'odeur d'un firiand appas (*) p
Rata sont sortis de leur caselle ;
Maia ma trappe , arrêtant leurs pat ^
Les a , par une mort cruelle «
Fait passer de rie k trépas»
Madame , appenez la nouvell* .
De la prise (**) de quatre ratsJ
'^} "^ppas est ici pour la rime. Il
^'') Daaa rùition de X^enèrey on Ul s^
De la moit ifi quaUe lala.
•«
l
} 1 6 POÉSIES DITEBSES.
Mieux qne moi saTci qii*icî-b«t
WtL pas qui veut fortune telle;
€'est triomphe qii*Mi ^«il«cis :
Le fait n'est pas d'une alnmelle.
Ainsi donc a;roe gtÊod soûlas ,
Madame , i^pprram la nouvcU*
De la prise Àê^qpmtn rats.
«WMMAMMMWMMMWMn
yERS
POUR MADAME DE FLEIT&IBO,
Qui, m'aytot TU Sus une aMfmKMe sans gué feoneîVoir
d'ètn connu d'elle, dit 4M» ITolSBdapt de Lyou^r»
raîssats sToir de l'^rilt et qu'elle le pfRMl wmmi0
physionomie.
DipiicA par le sorf , trahi par la tendreté».
Mes maux-sout comptés par mes }o«n v
Imprudent qnelquefob,. persécuté tonionet.
Souvent le châtiment surpasse la fiihlreee>
O fortune l h ton gré comblo^iMi de rtg««mi»^
Mon cœur regretta pèn tes frivoles grsosdcms ,
De tes hiens incoastmesaos peine il t« tieaft tfmx^
Un seul dont je jouis ne dépend point ^ «oi s
La divine Fucvxixv m'a jugé du
Ma gloire est assuré«^el e'«et
FOiSIBS DIYSR$BS» 3lX
mmimmiitM»ÊtftM¥tMtii^imm
.VERS
A MADEMOISBLbB THéoOOKB {*)i
Sapbo , j'entends ta yoTx brillante
Pousser des sons jusques aux cienz;
Ton chant nous ravit, nous enchante^
Le Maure ne chante pas mieux.
Mais quoi! toujours des chants! crois>tu que rharmoDie
Seule ait droit de borner tes soins et tes plaisirs f
Ta voix, en déployant sa'douceur infime.
Veut en vain sur ta bouche arrêter nos désfr|,
Tes jeux cbarmans en inspirent miUo «utret^
Qui méritaient bien mieux d'occuper tes loiifftv
Mais tu u*es point , dis-in , sensible à nos Muplity
Et tes goûts ne sont point les nôtiei^^
Quel goût trouvea-tu donc à de frîvcJles sonf f
Ah ! sans tes ^rs mépris , sans tes rebuts sauTtigii^
Cette l^oucbe charmante aurait d'autres usager
Bien plus délicieux que de vaines chanaons.
Trop sensible au plaisir^ quoi que tu puisse dtfei^
Parmi de froids accords tu sens peu de donoeifr|
Mais, entre tous les biens que ton Ame déaire,
En est-il de plus doux que les plaisirs du covnr?.
(^} Ces vers ont été imprimés pour la première 6M eu 1 770t
'dans le même volnme qui a Cût connaîtra fp^i^j la DéammiU
dm Nouv€a»^Mçnêe^ fto. .
3ia lK>isiES DIVEBSES.
Lt mien est délicat, tendre, cmpietié, fidile7
Fait pour aimer jusqu'au tombeau.
8î dn parfait bonhevr tu cherches le modèle»
'Aimo-moi lenlement . et laisse U Rameau.
ÉPITAPHE
m MDX ÀMàm QOI SB SOEIT TUis A SHai^il'lEW n
AV MOIS DB tVa 1^2^ (*)•
Ci-gisent deux amans : I*nn pour l'autre ils récurent,
I«*an pour l'antre ils sont morts, et les lois en murmnvcntk
La simple piété nj trouve qn*un forfait ;
Le senûment admire , et la raison se tait.
(*) Cette wrentnn a fourni ft Léonard le faiei d^
intitalé : Lettres de dswx Atnan» habiîûn» de Lyon^ 1783,
3 voLiD*ia.LB tGjnia 181a ^ on repréienusnr le ihéÂncdi
ttMéon, CèUnine et Faldoni^ on les Amant de Lyon, dnm
hSstoriqae en trob actes et en prose,' par M. Augustin ^**
(Hapdé}| imprima la même année. Yoltaire a parlé des dcns
amans de Lyon dans Tarlide Caton de son Dictionnaire philo-
•ophiqne. Le jeune homme s'appelait FeUonîj la jeune ps*
foniie, T^créieVonier.
I»
POisiES DIVERSES. 3l3
m/ttiitMtMu»ni¥miiHmmÊMymMn^i*Ê
STROPHES
à ceDci dont se compote le SiàQui PAftOBU, idjtk
de Gbemit (*}.
Mais qui nons eût transmis Thistoire
De ces temps de simplicité ?
Était-ce au temple de mémoire
Qu'ils grayaient leur félicité ?
{*) Rousseau a mis cette idjlle en musique; elle iàit'partît
<lu recueil de ses romances gravëes. Les trois strophes' qu'il y* a
ajoutées ont été évidemment composées pour faire suite ï TâTant^
dernière des strophes de Gresset, et remplacer la demtèfe qni
présentait A rimagination de notre philos^^phe uii^ Ma trop
chagrine. Voici ces deux strophes :
Ne pems-]e point une chîmèift?
Ce charmant siècle »-t-iI été?
D*iin auteur témoin oculaire
En sait-on la réalité?.
J*onTre les fastes : sur cet Aga
Partout je trouTe des re^srets ;
Tons ceux qui m'en oflîcnt l'ima^
6e plaignent d'étie nés agrès.
Tj lis que la terre fut teinte
Du saiig de son premier herger;
Depnis ce jour, de maux attetntd«
Elle s*arma pour le Tenger;
Ce n'est donc qu'une belle fable f
n'envions rien 2i nos aïeux.
Ed tout temps l'homme fut coapaSWt
En tout temps il tat malheufou;
' 3 1 6 POÉSIES DITfiBSES.
QUATRAIN
Jtfis ptr lùinnême ra-idesioiu d*an de cet nombreux pormi»
. qiii portarênt ton nom, et dont il eus ti méoontent (*).
HoMMis MTaa9 dans Tart de feindre ,
Qui me prêtez des traits si doux ,
^Vons aurez beau vouloir me peindre »
Vous ne peindrez jamais que yous« -
{*) Yo^es le secood Dialogue 9s Routteo» Ju^€ it Jui^
Jacqu€$^ touL XIX de Tédition.
ria Azs FOLIES.
2V. B. •«> A en croire Fréron, rendant compta & sa manitn
de la Lettre tur la musique française , Bonsaeau « a daigné o^
« ricbîr anciennement le Mercure d'un grand nombre de pièoa
« de poésie , imprimées sous son nom ,' auxquelles le pobUc, ia-
M scDsible aux bonnes choses, n'a pas fait la plus petite altea-
« tioD. {Lettres sur queUiues écrits àe ce temps, t. IX, p. 33 1.)"
-^ FréroM ëcrtvait oec. en juin i ^53. Ce n'eai pas sor b fin
d'un pareil témoignage que nous poufioos être tentés de £ur à
cet égard des recherches dont le résultat, au moins aoos la rap-
port littéraire , eût été certainement de très-peu d'inféré pool
les lecteurs. D'ailleurs la fausseté du £ftit leur sera sana dooic
suffisamment prouvée par ce passage d'une lettre a Vabbé Raj«
nal, du a 5 jaillct i^So : «Une chose singuU^, c'est qu'ajaat
<t autrefois publié un seul oiiTrage ( la Dissertation sur là mm-
« sitfue moderne), où certainement il n*est point question de
tt poésie , on me &sae aujourd'hui poète mal^ moi ; ou Tsesi
« tous les jours me faire compliment sur des piéœs de yets que
« je n'ai point faites et que je ne suis point capable de fiûre.
«t C'rst l'identité du nom de l'auteur et du mien qui m'aïUr^ cei
« houucur. J'en serais flatté |^ sans doutai etc» »^
LETTRES ÉLÉMENTAIRES
SUR LA BOTANIQUE.
Lettre P. A madame Delesseitt (♦>. •
Du 23 août 177*'
VoTKE idée d'amuser un peu la vivacité do
votre fille , et de rcxcrcer à l'attention sur des ob-
iets agréables et variés comme les plantes , me pa-
rait excellente, mais je n'aurais ose vous la pro-
poser, de peur de faire le monsieur Jossc. Puisque
elle vient de vous, je lapprouvcde lont mon cœur^
et j'y concourrai de môme , persuadé qu a tout
âge l'étude de la nature émousse le goût des amu-
semens frivoles, 'prévient le tumulte dos passions,
et porte à Tâme une nourriture qui lui profile en
(♦) Ce» Lettr«» , nu nombre de huit, et fonn.n» le con.n.ei>-
cement duo cou« .b«gé de bo.«.iTie. <^\i^ ^"^^^^ ■
ment go«té« en Angleterre, et Ion y . bientôt «.nt. le b«.«a
qu'elles fusjent contùiu<!es sur le même pUn. C est ce qn • »
.vec mcd, M. Martyu, profcMéui de botanique à 1 »■»»«« *
d. Cambridge. Il . public vingt- quatre Lettre. ^'''*^» 1"'
font suiu à celles d<- notre auteur, et qui ont ete irad"!"» «°
frsnçaU par M. de La Montagne. Cette traduclK.n . été .n^
tout entière dans l'édition de Poinçot , et fonne, arec le* Levt»»
, 4» IU»u»ow , Je* tome» y « V» de celte «liiisn.
3l8 LETTRES Él£mENTAIII£S
la remplissant du plus digne objet de ses contem»
plations.
Vous ayez commencé par apprendre à la petite
les noms d^autant de plantes c|ue vous en aviei
de communes sous les jeux : c'était précisément
ce qu'il fallait faire. Ce petit nombre de plantes
qu^elle connaît de yue sont les pièces de compa-
raison pour étendre ses connaissances : mais eUes
ne suffisent pas. Vous me demandez un petit ca-
talogue des plantes les plus connues ayec des
marques pour les reconnaître. Je trouye à cela
quelque embarras : c'est de yous donner par écrit
ces marques ou caractères d une manière claire et
cependant peu difluse. Cela me parait impossible
sans employer la langue de la cbose ; et les termes
de cette langue forment un i^ocabulaire A part que
yous ne sauriez entendre^ s'il ne yous est préala-
blement expliqué.
D'ailleurs, ne connaître simplement les plantes
que de yue, et ne sayoir que leuils noms, ne peut
être qu un& étude trop insipide pour des esprits
comme les yôtres ; et il est à présumer que yotre
fille ne s'en amuserait pas long-temps. Je yous
propose de prendre quelques notions prélimi-
naires de la structure yégétale ou désorganisation
des plantes, afin , dussiez-yous ne faire que quel-
ques pas dans le plus beau , dans le plus ricbe des
trois règnes de la nature, d'y marcher du moins
ayec quelques lumières. 11 ne s^agit donc pas en*
core de la nomenclature , qui n'est qu'un sayoîi
sua LA BOTAïaQUE. 3*1 9
d'herboriste. Xai toujours cru qu'on pouvait étm
un très-grand botanbte sans connaître une seule
plante par son nom, et, sans vouloir ûiire de votre
fille un très-grand botaniste, je crois néanmoins
qu^il lui sera toujours utile d'apprendre à bien
voir ce qu'elle regarde. Ne vous effarouchez pas
au reste de l'entreprise. Vous connaîtrez bientôt
qu^elle n*esi pas grande. 11 n^y a rien de compli-
qué ni de difficile à suivre dans ce que j'ai à vous
proposer. Il ne s agit que d'avoir la patience de
commencer par le commencement. Après cela on
n'avance qu autant qu on veut
Nous touchons à Farrière-saison , et les plantes
dont la structure a le plus de simplicité sont déjà
passées. D'ailleurs je vous demande quelque temps
pour mettre un peu d'ordre dans vos observations-
Mais, en attendant que le printemps nous mette
à portée de commencer et de suivre le cours de la
nature , je vais toujours vons donner quelques-
mots du vocabulaire à retenir.
Une plante par&iite est composée de racine, de
tige , de branches , de feuilles, de fleurs et de fruits
(car on appelle fruits en botanique, tant dans les
herbes que dans les arbres, toute la fabrique de
la semence). Vous connaissez déjà tout cela, du
moins assez pour entendre le mot : mais il y a une
partie principale qui demande un plus grand exa-
men ; c'est la fructification , c'est«Â^re, la fleur et
le fruit. Commençons par la flei^r, qui vient la
première. C'est dans cette partie que la nature a
3aO lETTRES ÉIÉMBSTAIMS
renfermé le sommaire de son ouvrage: c'est p
eUe mi'eUe le perpétue, et c'est aussi deloatef
parties du yégétal la plus éclatante pour lotc
naJrc, toujours la moins sujette aoxwnatioœ
Prenez un lis. Je pense que vousentiMW
encore aisément en pleine fleoi. Avant f
s'ouvre , tous voyez à rextrémité de 1» te-
bouton oblong, verdàtre, qui blanchit i"»"
qu'il est prêt à s'épanouir; et, quand il«i»^
feit ouvert , vous voyei son enreloRi* «^
prendre la forme d'un vase divisé en pl»^
segmens. Cette pardc enveloppante et col»*;'
est blanche dans le lis , s'appelle la corolk-i'
pas la fleur comme chez le vulgaire, paiwT-
fleur et un composé de plusieurs parues*^
corolle est seulement la principale.
La corolle du lis n'esr pas d'une seok;
comme U est facîle à voir. Quand elle « I'
tombe, elle tombe en siï pièces bien s^'J
s'appeUent des pétales. Ainsi la cofo"' y
composée de six pétales. Toute coroUe*
qui est ainsi de ploâieurs pièces s'appeU» <
poUpétde. Si la- corolle nëtait que duf'^
pièce , comme par exemple dans le foero»
lé clochette des champs, elle s'appeUeraii
pétale . Revenons à notre Bs. , .^
Dans la corolle vous trouverez , pf«e
au milieu , une espèce de petite oAonnO^--^
tout au fond et qui pointe directemeiK ^
ka«^ Cette colonne éprise dans soa entiO'
SUR Là botanique. 3a I
pelle le pistil i prise dans ses pirtics, elle se divise
en trob : i *- sa base renflée en cylindre avec trois
angles arrondis tout aatour; cette base s'appelle
le germe : a"» un filet posé sur le germe; ce filet
s^appelle style : 3®- le style est couronné par une
espèce de chapiteau avec trois échancrures : ce
chapiteau s'appelle le stigmate. Voilà en quoi
consistent le pistil et ses trois parties.
Entre le pistil et la corolle vous trouvez six
autres corps bien distincts, qui s'appellent les
etamines. Chaque étamine est composée de deux
paities; savoir, une plus mince par laquelle Téta-
mine tient au fond de là corolle , et qui s'appelle
le filet', une plus grosse qui tient à l'extrémité su-
périeure du filet, et qui s'appelle anthère. Chaque
anthère est une boite qui s'ouvre quand elle est
mûre , et verse une poussière jaune très-odorante,
dont nous parlerons dans la suite. Cette poussière
jusqu'ici n'a point de nom français ; chez les bo-
tanistes on l'appelle le pollen ^ mot aui signifie
poussière.
Voilà l'analyse grossière des parties de la fleur.
A mesure que la corolle se fane et tombe, le germe
grossit, et devient une capsule triangulaire alon-
gée, dont l'intérieur contient des semences plates
distribuées en trois loges. Cette capsule , considé-
rée comme l'enveloppe des graines, prend le nom
de péricarpe. Mais je n'entreprendrai pas id
l'analyse du finit. Ce sera le sujet d'une autrt
lettre.
3aa LETTRES ÉLÉIIEIITAIEES
Les parties que je Tiens de vous nommer st
trouvent également dans les fleurs de la plij^
des autres plantes, mais & divers degrés de jn-
portion, de situation, et de nombre. Cest p
l'analogie de ces parties , et par leurs divoseï
combinaisons , que se déterminent les diroscs
fiimilles du règne végétal ; et ces analogies da
parties de la fleur se lient avec d autres analqgiis
des parties de la plante qui semldent n avoir an»
cun rapport i ceUes-là. Par exemple , ce noolie
de six étamines, quelquefob seulement tnùs, in
six pétales ou divisions de la corolle , et celte
forme triangulaire à trois loges de lovaire, déitr-
minent toute la famille des liliacées ; et dans \OBk
cette même famille , qui est très-nombreuse, k
racines sont toutes des oignons ou bulbes y pb
ou moins marquées, et variées quant i lenrfips*
ou composition. L^oignon du lis est composé
d'écaillés en recouvrement; dans Taspbod^'
c'est une liasse de navets alongés; dans le safixi
ce sont deux bulbes lune sur Tautre; dans leccr
chique, à côté l'une de l'autre, mais tonjonrs c&
bulbes.
Le lis, que j'ai choisi parce qu^il est de la saîsr
et aussi à cause de la grandeur de sa fleur et des:
parties qui les rend plus sensibles, manque cr
pendant d'une des parties constitutives dnx
fleur par&ite, savoir le calice. Le ooiice est c^
partie verte et divisée communément en cîli:!
folioles , qui soutient et embrasse par ie bas U
SUR LA BOTANIQUE. 3^3
corolle, et qui l'enveloppe tout entière avant son
épanouissement, comme vous aurez pu le remar-
quer dans la rose. La calice, qui accompagne
presque toutes les autres fleurs, manque à la plu-
part des liliacées, comme la tulipe, la jacinthe, le
narcisse, la tubéreuse, etc., et même Foignon, le
poireau, lail, qui sont aussi de véritables liliacëe5|
quoiqu'elles paraissent fort différentes au premier
coup dœil. Vous verrez encore que, dans toute
cette même famille, les tiges sont simples et peu
rameuses, les feuilles entières et jamais découpées;
observations qui confirment, dans cette &mille,
l'analogie de la fleur et du fruit par celle des autres
parties de la plante. Si vous suivez ces détails avec
quelque attention, et que vous vous les rendiez
Ëimiliers par des observations fréquentes, vous
Yoili déjà en état de déterminer par Finsj^ection
attentive et suivie dune plante, si elle est ou
non de la famille des liliacées, et cela, sans savoir
le nom de cette plante. Vous voyez que ce n'est
plus ici un simple travail de la mémoire , mab une
étude d'observations et de &ita vraiment digne
A\xn naturaliste. Vous ne commencerez pas par
dire tout cela à votre fille, et encore moins dans
la suite, quand vous serez initiée dans les mystères
de la végétation; mais vous ne lut développeres
par degrés que cequi peut convenir à son âge el
à son sexe, en la guidant pour trouver les choses
par elle-même plutôt qu'en les lui appreuanl.
324 LETTRES ELEMENTAIRES
BoDJoor, chère cousine; si tout ce filtras toqs
convient, je suis à vos ordres.
Lettre II. A la même,
Da 1 8 octobre i^^i.
Puisque VOUS saisissez ai bien, chère cousÎQf,
les premiers linéamens â^s plantes , quoique s
légèrement marqués, que votre oeil clairvovàEi
sait déjà distinguer un air de famille dbns leslilb-
cées, et que notre chère petite botaniste samcv
de corolles et de pétales, je vais vous propos
une autre famille sur laquelle elle pourra dc«i btf
exercer son petit savoir; avec un peu plus dedii
ficultés pourtant, je l'avoue, à cause des ftn^
beaucoup plus petites, du feuillage plus vanf
mais avec le même plaisir de sa part et de lavt:^
du moins si vous en prenez autant à suivre cc:t
route fleurie que j'en trouve à vous la traoer.
Quand les premiers rayons du printemps s>
font éclairé vos progrès en vous montrant è^
les jardins les jacinthes , les tulipes, les naxciss^
lee jonquilles et les muguets, dont l'analyse t^
est déjà connue , d'autres fleurs arrêteront bîet*
vos regards, et vous demanderont un nouvel er
men. Telles seront les giroflées ou violiers; U^
les juliennes ou girardes. Tant que vous les tr -
verez doubles, ne vous attachez pas à leur r.'
men; elles seront défigurées, ou, si vous TOi&k*
paréçs à notre mode; la nature ne s^ troof^
SUR LA BOTANIQTJE. 3a5
plus : elle refuse de se reproduire par des mons-
tres ainsi mutilés; car si la partie la plus brillante,
savoir la corolle, s'y multiplie ^c^est aux dépens
des parties plus essentielles qui disparaissent sous
cet éclat.
Prenez donc une giroflée simple, e( procédez
â Panalyse de sa fleur. Vous y trouverez d'abord
une partie extérieure qui manque dans les lilia-
cées, savoir le calice. Ce calice est de quatre piè-
ces, qu il faut biel> appeler feuilles ou folioles ^
puisque nous n^avons point de mot propre pour
les exprimer, comme le mot pétales pcmr les pièces
de la corolle. Ces quatre pièces, pour lordinaire,
sont inégales de deux en deux, c est-à-dire, deux
folioles opposées l'une à Tautre, égales entre elles,
plus petites ; et les deux autres , aussi égales entre
elles et opposées, plus grandes, et surtout par le
bas où leur arrondissement fait en dehors une
bosse assez sensible.
Dans ce calice vous trouverez une coroUe com«
posée de quatre pétales dont je laisse à part la
couleur, parce qu'elle ne fait point caractère.
Chacun de ces pétales est attaché au réceptacle
ou fond du calice par une partie étroite et pâle
q[u^on appelle Yonglc^t , et déborde le calice par
une partie plus large et plus colorée, qu^on ap-
pelle la lame.
Au centre de la corolle, est un pistil alongé,
cylindrique ou à peu près, terminé pai ^n style
très-court, lequel est terminé lui-même paruD
a8
Sa6 LETTRES ÉLÉMENTAIRES
Îtigmate oblong, bifide, c'est-i-dire, partagé lA
[eux parties qui se réfléchissent de part et d aotie.
Si vous examinez avec soin la position respec-
tive du calice et de la corolle, vous verrez que
chaque pétale^ au lieu de correspondre exacte-
ment à chaque foliole du calice, est posé an con-
traire entre les deux , de sorte qu 'il répond à Tovi-
verture qui les sépare, et cette position altematite
a lieu dans toutes les espèces de fleurs qui ont ua
nombre égal de pétales à la corolle ^t de folioks
au calice.
Il nous reste à parler des ëtamines. Vous ks
trouverez dans la giroflée au non^I»re de si,
comme dans les liliacées, mais non pas de même
égales entre elles, ou alternativement inégaks;
car vous en verrez seulement deux en opposiàoB
l'une de l'autre, sensiblement plus courtes que les
jjuatre autres qui les séparent, et qui en sont ansà
séparées de deux en deux.
Je n'entrerai pas ici dans le détail de leur stra^
tore et de leur position ; mais je vous préviens que,
st vous y regardez bien , vous trouverez la laisoB
pourquoi ces deux étamines sont {dus courtes qoe
les autres, et pourquoi deux folioles du calice soal
plus bossues, ou, pour parler en termes de bota-
nique, plus gibbcuses, et les deux autres pbs
aplaties.
Pour achever Histoire de notre giroflée , 3 m
fiiut pas l'abandonner après avoir analysé sa fleur,
mais il £aiut attendre que la corolle se flétrisse «l
SVK LA BOTANIQUE. 3a;
tombe, co (ju'elle fait assez promptement, et re^
marquer alors ce que devient le pistil^ composé^
comme nous lavons dit ci-devant, de lovaire ou
péricarpe, du style et du stigmate. Uovaire s'al-
longe beaucoup et s'élargit un peu à mesure que
le fruit mûrit : quand il est mûr, cet ovaire ou
fruit devient une espèce de gousse plate appelée
silii/ue.
Cette silique est composée de deux valvules
posées lune sur Vautre, et séparées par une cloi*
son fort mince appelée médiastin.
Quand la semence est toiit-à-faî£ mûre, les val-
vules s^ouvrent de bas en haut pour lui donner
passage, et restent attachées au stigmate par leur
partie supérieure.
Alors on voit des graines plates et circulaire»
posées sur les deux faces du médiastin ; et si l'on
regarde avec soin comment elles y tiennent, on
trouve que c'est par un court pédicule qui attache
chaque graine alternativement à droite et à gau«
che aux sutures du médiastin, cVst-i-dire, à ses
deux bords, par lesquels il était comme coûta
avec les valvules avant leur séparation.
Je crains fort, chère cousine, de vous avoir un
peu fatiguée par cette longue description , mais
elle était nécessaire pour vous donner le caractère
essentiel de la nombreuse Eimille des crucifêreê
ou fleurs en croix, laquelle compose une classe
entière dans presque* tous les systèmes des bota*
nistcs} et cette description, diflb:ile à entendre
3a8 LETTRES ÉLÉHEirTAIRES
ici sans figure, vous deviendra plus claire, foso
lespérer^ quand vous la suivrez avec quelque at-
tention , ayant Fobjet sous les yeux.
Le grand nombre d'espèces qui composent U
famille des crucifères a déterminé les botanistes i
la diviser en deux sections qui, quant à la fleur,
sont parfaitement semblables, mais différent sen-
siblement quant au fruit.
La première section comprend les crucifères à
silique, comme la giroflée dont je viens de parier,
la julienne, le cresson de fontaine, les choux^les
raves, les navets, la moutarde, etc.
La seconde section comprend les crucifcresi
silicule, cest-à-dirc, dont la silique en diminutif
est extrêmement courte, presque aussi large que
longue, et autrement divisée en dedans; comme
entre autres le cresson alenois , dit nasiiixrt ou no-
tou, le thlaspi, appelé taraspi par les jardiniers, le
cochléaria, la lunaire, qui, quoique la gousse en
soit fort grande, nest pourtant quune siltcule,
parce que sa longueur excède peu sa largeur. Si
vous ne connaissez ni le cresson alenois, ni le co*
chléaria, ni le tblaspi, ni la lunaire, vous con-
naissez, du moins je le présume, la bourse-à-pa!<-
teur, si commune parmi les mauvaises bcrhes des
jardins. Hé bien, cousine, la bourse-à-pasteur eâ
une crucifère à silicule, dont la silicule est trian-
gulaire. Sur celle-là vous pouvez vous former une
idée des autres, jusqu'à ce qu'elles vous tambenX
sous la main.
5UR LA BOTANIQUE. 829
n est temps de yous laisser respirer, d^autaiit
plusqae cette. lettre , avant que la saison vous
permette d'en &ire usage, sera, j espère, suivie
de plusieurs autres, où je pourrai ajouter ce qui
reste à dire de nécessaire sur les crucifères, et que
je n'ai pas dit dans celle-ci. Mais il est bon peut-
être de vous prévenir dès à présent que dans cette
famille, et dans beaucoup d autres, vous trouve-
rez souveut des fleurs beaucoup plus petites que
la giroflée, et quelquefois si petites, que vous ne
pourrez guère examiner leurs parties qu à la fa-
veur dune loupe, instrument dont un botaniste
ne peut se passer, non plus que d'une pointe,
d une lancette, et dune paire de bons ciseaux fins
à découper. En pensant que votre zèle maierucl
peut vous mener jusque-là, je me fais un Ublcau
cbarmant de ma belle cousine empressée avec
son verre à éplucher des monceaux de fleurs,
cent fois moins fleuries, moins fraîches et moins
agréables qu'elle. Bonjour, cousine, jusqu'au cha-
pitre suivant».
Letthb III. A la même.
Je suppose, chère cousine, que vous avez bien
reçu ma précédente réponse, quoique vous ne
m'en parliez point dans votre seconde lettre. Ré-
pondant maintenant à celle-ci, j'espère, sur ce-
^Qie YOUS WLj marquez, que la maman, bien téia^
a8.
OU"
Z2o LBTniEfi ELÉmnrTÀniBs
Uîe, est parde en bon état pour la Suina, et je
compte que vous n'oublierez pas de me domiff
avis de l'effet de ce voyage et des eaux qn'cDe ta
prendre. Comme tante Julie a dû partir avec eOe,
f ai cbargé M. Gu , «jui retourne au Val-de-Trafcn,
du petit herbier qui lui est destiné y él je lai mis i
votre adresse, aân quVh son absence vous puis-
siez le recevoir et vous en servir , si tant est 9e
panjû ces échantillons informes il se tronveipei-
e chose à votre usage. Au reste, ]e n'acrâde
as que vous ayez des droits sur ce chiffim. Vos
en avez sur celui qui Ta fait, les plus forts et ks
plus chers que je connaisse; mais pour llicriiier,
il fut promis à votre saur, lorsqu elle herborisa!!
avec moi dans nos ^omenades à la Croix è
Vague, et que vous ne songiez à rien moins dans
celles oii mon cœur et mes pieds vous suivaies'
avec grand'maman en Vaise. Je rougis de lui avo:
tenu parole si tard et si mal; mais enfin elle ara.:
sur vous, à cet égard, ma parole et Taniérioitu.
Pour vous, chère icousine, si je ne vous proofc
pas un herbier de ma main, cest pour vous et
procurer un plu^ précieux de la main de vot?
fiUe, si vous continuez à suivre avec elle cta
douce et charmante étude qui remplit d*iDlèK^
santés observations sur la nature ces vides k
temps que les autres consacrent à roisiveté osi
Îis. Quant à présent, reprenons le ffl hitefronp
e nos fiimilles végétales.
. Mon intontion est de vous décrîm dVdbocd six
Stm Lk BOTANIQUE. 33 f
àt ces familles pour tous familiariser avec la stmc*
ture générale des parties caractéristiques desplan-
tes. Vous en avez déjà deux; rcsle à quatre qu'il
Eut encore avoir la patience de suivre : après
quoi, laissant poui* un temps les autres branches
de cette nombreuse lignée, et passant à l'examen
des parties di£&entes de la fructification , nous
ferons en sorte que, sans peut-être connaître
beaucoup de plantes , vous ne serez du moins
jamais en terre étrangère parmi les productions
du règne végétal.
Mais je vous préviens que si vous vouiez pren»
dre des livres et suivre la nomenclature ordinaire,
avec beaucoup de noms vous aurez peudldées^
celles que vous aurez se brouilleront, et vous no
suivrez bien ni ma warche ni celle des autres, et
n'aurez tout au plus qu'une connaissance de mots.
Chère cousine, je suis jaloux d être. votre seul
guide dans cette partie. Quand il en sera temps ,
je vous indiquerai les livres que vous pourrez
consulter. En attendant, ayez la patience de ne
lire que dans celui de la nature et de vous en tenir
i mes lettres.
Les pois sont à présent en pleine fructification.
Saisissons ce moment pour observer leur carac-
tère. Il est un des plus curieux que puisse offrir la
botanique. Toutes les fleurs se divisent générale*
ment en régulières et irrégulières. Les première»
sont celles dont toutes les parties s écartent uni-
fonnément du centre de la fleur, et aboutiraient
33a LETTRES ELÉMERTAIMS
ainsi par leurs extrémités extérieiurcs à la cirwp
férence d'un cercle. Cette uniformité fait qut^
présentant à l'oeil les fleurs de cette espèce, il' '
distingue n i dessus ni dessous, ni droite ni pufi '
telles sont les deux fiimilles ci-devant cxamifl^
Mais, au premier coup d'oeil, vous vcrreKpû'
fleur de poi§ est im gulière , qu'on y &^^'
aisément dans la corolle la partie plus lo^r'
qui doit être en haut, de la plus courte, f-i'
être en bas, et qu'on connaît fort bien, en p-
tint la fleur vis-à-vîs de l'œil, si on la tiaiu '
sa situation naturelle ou si on la renversa. ^
toutes les fois qu'examinant une fleur inr:»
on parle du haut et du bas , cest en la f^
daus sa situation naturelle.
Comme les fleurs de cette famille sodI '^'
construction fort particulière , non-sculcr
faut avoir plusieurs feuilles de pois et k»
quer successivement, pour observer louU^
parties luue après Taulrc, il faut même 5uî' '
progrès de la fructification depuis la p^"'
floraison jusqu'à la maturité du unit.
Vous trouverez d abord un calice mono '
c'est-à-dire, d'une seule pièce terminée cd^
pointes bien distinctes, dont deux unp^^*'
larges sont en haut , et les trois plus étroit
bas. Ce calice est recourbé vers le bas, ài'[
que le pédicule qui le soutient, lequel p^-^
«i trèsniélié^.très-aiohilei en sorte qo^ ^^
\
I
- SUR LA BOTANIQUE. 333
suit aisément le courant de l'air, et présenteordi*
uairement son dos au veut et à la pluie.
Le calice examiné, on Tote, en le déchirant
délicatement de manière que le reste de la fleur
demeure entier , et alors vous voyez clairement
que la corolle est polypétale.
Sa première pièce est un grand et large pétale
qui couvre les autres, et occupe la partie supé-
rieure de la corolle, à cause de quoi ce grand pt^
taie a pris le nom de pavillon. On Tappelle aussi
{'étendard. II faudrait se bouclier les yeux et les-
prit pour ne pas voir que ce pétale est là comme
un parapluie pour garantir ceux qu'il couvre des
principales injures de lair.
Eu enlevant le pavillon comme^vous avez fuit
le calice , vous remarquerez qu il e^ emboîte de
chaque côté par une petite oreillette dans Ie5>
pièces^ latérales^, de méuiicre que sa situation n«
puisse être dérangée par lèvent.
Le pavillon 6té laisse à découvert ces deux
pièces latérales auxquelles il était adhérent par ses
oreillettes : ces pièces latérales s'appellent les ailes.
Vous trouverez en les détachant qu^emboitées
encore plus fortement avec celle qui reste , elles
n en peuvent être séparées sans quelque effort
Aussi les ailes ne sont guère moins utiles pour
garantir les côtés de la fleur que le pavillon-pour
la couvrir.
Les ailes ôtées vous laissent voir la dernière
pièce de la coroUe; pièce qui couvre et dé&od U
534 LBTniES iLÉnRTAIUS
centre de le fleur, et l'enTrioroe, sortonlp
dessous y aussi soigneusemeniipe les trobat
pétales enyeloppeiit le dessus et les c^tés. Cd
dernière pièce , qu'A cause de sa forme on appe!
la nacelle, est comme le coffie-fortdaDsIeipc
oature k vois son trésor à Tabri des atteistai
l'air et de Teau.
A]»è5 aroir bien examiné ce pétale, tin»
doucement par-dessous en le pinçant \if^
par la quille^ c'est-è-dire, par la prise nios^-
TOUS présente, de penr d'enleyer avecIoictf-
enTeloppe : je suis sûr quau momeDtoècfu^
nier pétale sera forcé de làciier prise etde^
le mystère qu^il cache, vous ne poarreic&>>?*
cevant vous abstenir de fiiire un cri desnrp'
d*admiration.
Le jeune fruit qn'enyeloppait la aacA
construit de cette manière : Une membnDc^
drique terminée par dix filets bien distinct!'
toure Povaire, c'est-A-dire, Tembiyondebr*
Ces dix filets sont autant d^étaminesqû^'
nissent par le bas autour du germe, et se ^
nent par le haut en autant d'anthères jaaD«i^
la poussière va féconder le stigmate (fi \^
le pistil , et qui , quoique jaune aussi par la }
sière fécondante qui s'y attache^ se distis^
sèment des examines par sa figure et par j^l
seur. Ainsi ces dix étamines forment eoccf^
leur de Tovaire une dernière coinnse p^
préferrer des injures du dehors.
SUR LA BOTANIQUE. 33&
Si VOUS y regardez de bien près, vous trouve- *
rez que ces dix étamînes ne font par leur base un
seul corps qu'en apparence : car, dans la partio
supérieure de ce cylindie, il y a une pièce ou ét»-
mine qui d'abord paraît adhérente aux autres ^
mais qui , à mesure que la fleur se fane et que le
fruit grossit, se détache et laisse une ouverture en
dessus par laquelle ce 5ruit grossissant peut s'é-
tendre en entr ouvrant et écartant de plus en plus
le. cylindre qui, sans cela, le comprimant et
l'étranglant tout autour, l'empêcherait de giossir
et de profiler. Si la fleur n*est pas assez avancée ^
vous ne verrez pas cette étamine détachée du cy-
lindre-, mais passez un camion dans deux petits
trous que vous trouverez près du réceptacle â la
base de cette étamine, et bientôt vous verrez
l'étaminc avec son anthère suivre l'épingle et se
détacher des neuf autres qui continueront tou-
jours de faire ensemble un seul corps, jusqu^à ce
qu elles se flétrissent et dessèchent quand le genUg.
fécondé devient gousse et qu il n'a plus besoin
délies.
Octte gousse j dans laquelle lovaire se change
en mûrissant, se distingue de la sîlique des cru*
ctfères, en ce que dans la sUique les graine^
sont attachées alternativement aux deux sutures |
au lieu que dans la gousse elles ne sont attachées
que dun côté, c est-à-dire, i une seulement de^
deux sutures, tenant alternativement k la vérité
aux deux valves qui la composent^ mais toujours
?
336 I£TTIl£S ELÉUEUTAnLES
du même côté. Vous saisiriez parfaitement «tl
différence si TOUS ouvrez en même temps la ^ci^m
dun pois et la silique d'une giroflée , ajanUtt^i
tion de ne les prendre ni Tune ni l'autre en pii> i
maturité, afin qu après l'ouverture du fruit.
graiaes restent attachées par leurs ligamensàki
sutures et à leurs valvules.
Si je me suis bien fait entendre, Touscocfr-
drez, chère cousine, quelles étonnantes p'
tions ont été cumulées par la nature pour ait :^
Tembryon du pois à matiurité , et le garantir >^
tout, au milieu des plus grandes pluies, fie I >
midité qui lui est funeste, sans cependant IV'
mer dans une coque dure qui en eût &it nùt --
sorte de fruit. Le suprême ouvrier, altcnti: 1
conservation de tous les êtres , a mis de r *
soins à garantir la fructification des planttr i
atteintes qui lui peuvent nuire ; mab il \ '
avoir redoublé d'attention pour celles qui ser i
i la nourriture de Ihommc et des animaoi r* ^'
la plupart des légumineuses. L^appareil de k i
tification du pois est^ en diverses proportio:
même dans toute cette fa mille. Les fleurs y p^''
le nom de papilionacées y ^nrce qu'on a cm; i
quelque chose de semblable à la figure dun \ I
Ion : elles ont généralement un pat^illon^ >
ailes , une nacelle , ce qui fait commui.H
quatre pétales irré^ulières. Mais il y a des ; l
oh la nacelle so divise dans sa longueur en i
pièces presque adhérentes par la quille, rt
SUR Ui BOTAinQ|IB« 38^'<'
flem-là ont réellement cinq pétales y Jâatres^i
comme le treffle des prés, ont tontes leun partîei
attachées en nne seule pèce, el^ «jaoiqne papiliQ^
nacées, ne laissent pas d'être monopélàles.
Les papiUonacées ou légumineuses sont une
des ftmilles des jdantqs letf plus nDttd>reuses et le^'i
plus utiles. On y trouve les fêres, les genêts, les'
luzernes, sainfoins, lentilles, Tesces, gesses, les
haricots, dont le caractère est d'ayoir la nacelle
contournée en spirale , ce cpi'on prendrait d^abord
pour un accident; il y ades arbres, entre autves ,
celui qu'on appelle vulgairement aeaciay et qui
n'est paé le véritable acacia ; Tindiga, la réglisse ,
en sont aussi : mais nous parlerons de tout cela
plus en détail dans la suite. Bonjour, cousine,
J'embrasse tout ce que vous aimes,
LsTTES TV.. A U même.
Du igfItt!iii77S.
•Vous m'aves tiré de peine, chère cousine, vàtàs '
il me reste encore de Tinquiétude sur ces nau
d'estomac appelés maux de cœur, dont votne:-
mamsui sent les retours dans Tattitude d^écrite*'
Si c'éât seulement l'effet d'une plénitude de bile y
le Voyage et les, eaux suffiront pour Tévacner^^
oiais je' crains bien qu'il n'y ait à ces acoidens r
quelque cause locale qui ne sera pas si facik à dé- *
truire, et qui demandera toujours d^elle un grand*
ménagement, mémo sgpiès son ffétabliseemesal.'
aamtM que yiHUi.cn ««rat; nKés jV^xige «yae it
mddiap Ae flonge ii ,iiy^Qnre.qttfi poucniAppMHlre
aoa entiire^uiiwm.
• ie Ml puis ocHBfûrfiodrQ pourquoi vous navet
paa feça lÏMdbîffii Daifs.Ui pcfsiMista» que taote
Jttlie. «fait dé)à pavde, jWitts nemi» le. paqvet à
M* G^ pourviMsiaKpédler lea passumi à Diion-Je
n/apprands d'aacua. côté qa'il soit pairei» ai
dans Yûs main»4 ni.daw celles, dé toItq scmr, a
j^ n'inagine ploi-oe.fju'il peut être devenu.
JRarlona de-ypkmt»^ tandis.qde la aaiaoD de ks
e|3Mri^er.'noii5c]e iavâte. Votre solntioo de laqaes^
tiobjqae.je Vous* aYaî» faite sur ks8:él«Diîiiesd<s
cnifiiâEes estvpat&iteffleutijufiley et me fnmt
biea que tous .m'axez entendu ^ ou phitit ^
vous mWes écouté; car ^ous navez besoin <[bc
d'écouter pour eu tendre; Vous mWes bien irndb
raison de la ^bbosité de deux folioles du calice,
et de la brièveté relative de deux étamines, das
iargin>|kii9i^pa9 la.Q6urbm9^4^iqe^dettx étaoûacs.
GefendiiiH,'. wpas deplo» V9u« eût MOfgoét jay
^paià la c»nlB€,jKfimèM^ dft ce|te»stniql|ire : car^
VfNUi rif<^ercbe» < 4nMre« pwrquoi çe^. ^eux eu-
mînW soutiaitoi reQ9n?lbé^ «It.^par conségaff*'
reooMicies, iroi^ tronirwiz wie^petî te f lande in
plantée suk leràceplacle^ enlre. l'étaiiMi^e et >
gerkna^ et cfcst cette glande <qui^ él<MgaaiH réi«-
nline» et;la lorçaut éprendre leconlonr^ la la^
cammtmécttssàirenttnil^ll^ ^em^tm awr h mimm,
tteeftàdt éeox autres flaiMies , une ftu pied de
âhaqtie paire des grandes étapaines; nais foe leur
ftisatit point faire de contour, dles ne les rac-
courcissent pas parce que ces glandes de sont pas y
comme lesdeuxpreimère9|en dedans , c^est-^-^i^,
entre l*étafnine et le germe, sais en dehors, cW-àr
'dire entre la paire d*étamines et le calice.Âinsi cfes
quatre éfamines^ sotfteiraes et dirigées Vèitkdie»
neùt en' droite ligne ^ débordent celles qui* s<Ail
recourbées, et sembleiitpliivkxtf gaes pafxset^u^lies
sont plus drotties. Ces quatxe gbtfldies-se* tr ouventr
àa du moins \en»s Testiges j plusovttioitts'irisriil^-
mentdsms presque* toutes bs fleurs cFncifêres^,iet
dans quelques-unes bien plus dfedncfes que dans
la gfroflée. Si vous demandez encore poucqaoi ces-
ghasàes^jéwoxa répondrai qu'elfes sont mtdesr in-
strumensdestinësparla natureft unir le Wfgne végi^
cal tfu règne aiiitpal , et les hire cinulet Ïxlù daHs"
ratttre;mais,laissantcésreehesciiesinipeùlropaf]'-
ticip^ds, revenons, qoallit à préisent, à nos iamlU^s..
Les fleuis que j^ Vous ai dédritos 'ju^'à p)^-
sent sont tout^ ^pO'typétates. J'i^Urais dû Com-
mencer peut-être par les mondiales régulières
dont la sti'ofGture est beaucoup^ plUs simple : oetle
^ande siti^lieilé ^mi^nfè est ce ^q^ Wen a ein -
péeiié. Les mdtiit^pétales ïég«d«<^r«s cdustkuétet
mojn^ Uëe fiimtllè qu'une granilé ^itniàn dans k-
qaelle on compte plusieurs familles 'bieto'distinc-
JMs>, iBh Batte que, pètlr les* C5omprendre téules
^é069 utie 4tadté2«lfa)n eèmiilitqey fl &M'Éasf\ëféi
\
\
34^ LETTUBS elemeutairbs
:Si TOUS airachez la corolle, vous arracherei
ave<reUe les étamines qui y tiennent par leurs fi-
lets, et non pas au réceptacle, où le style restera
seul attaché. En examinant comment les étamiiies
tiennent à d'autres fleurs, on les trouve génénk-
ment attachées à la corolle quand elle est monopé-
tale, et au réceptacle ou au calice quand la corolk
est polypétale : en sorte quW peut, en ce dentier
cas, arracher lies pétales sans arracher les éta-
mines. De cette observation Fon tire one rè^
belle, facile, et même assez sûre, pour saroir si
une corolle est d'une seule pièce ou de plusieurSi
lorsqu'il est difficile^ comme fl Test quelquefcii,
de s'en assurer immédiatement.
La corolle arrachée reste percée à son fbiKi.
parce qu'elle était attachée au réceptacle, hissan
une ouverture circulaire par laquelle le pistil et c;
qui Tentoure pénétrait au-dedans du tube et de b
corolle. Ce qui entoure ce pistil dans le lamicr ci
dans toutes les labiées ,, ce sont quatre embijoEf
qui deviennent quatre graines nues, c'est-è-dirr.
sans aucune enveloppe; en sorte que ces graim^
quand elles sont mûres, se détachent , et tomber :
a terre séparément. Voilà le caractère des labin<
L^autre lignée ou section, qui est celle despr-
^sonnées y se distingue des labiées; premiîremr^
par sa corolle, dont les deux lèvres ne sont p-*
ordinairement ouvertes, et béantes, mais fenn^-»
et jointes ) comme vous le pourrez voir dans 1:
fleur de jardin appelée muflaude ou mufle «2«
BtSR LA BOTAHIQUIS. 343^
vèàUf on bien, à son déÊitit, dans la lltiaire, cette
flbiii* jatine à éperon , si commune en cette saison
dâiàs la campagne. Mais un caractère plus précis
&t pkis sûr est qu au lieu d aVoit quatre graines
nuesaU fb^d du -calice , comme les labiées, les
personnëes y ont toutes une capsule qui renferme
les graines, et ne sWVre qu'^àleur maturité pour
les répandre. J^ajoute à ces cardctères qu'un grand
nombre dé labiées sont ou des pkntésodbin&tes
él aromatiques , telles que loirigsfn , la rÉiarjoliiin^,
le tbyth, le serpolet, le basilic, b tiientbe^^ I1iy-
sope, la lavande, etc., ou dés plantés odorantes
«t jpùantes , telles que diverses espèces d'orties
mortes , stfl^uîs, crapaiidines, marrtibé; qifekjtt^s-
unes seulement, telles que le^bnglé, h hrûHdltj
la toque , n'ont pas d'odeur, au lieu que les per^
sonnées sont pour la plupatt des plantes sans
odeur, comme la muflaude, lalinaire, l'euphraise,
la pédiculaire, la crête de coq, Torobanche, la
cimbalaire, la velvote, la digitale; je. ne connais
guère déodorantes dans cettp branche que la scrp-
phulairç^qi^i sente et qui pue^ sans être aromati-
que. Je ne puis guère vous citer ici que des plantes
qui vraisemblablement ne vous sont pias côniiuqs,
mais que peu ^ peu vo.us apprendrez a côûnûilfe^
et dônl au moins à* leur rencoûtre Vous poûrrca
jpar vous^m'êine détermîtier la fefmîfle; JH vbtidrais
même due Vdns tik:ha^z d^ déifèrmiïiér ta
Vlgrièe ou sèctîôii par laphj^ohbmSlf,Wqtté tous
• 344 urrraEs sitiJCBnTAi&ss
bhfleur en gueule que tous vojez est une la^
ou uQ,e peraonuée. La figure extérieure de b ov
rûlle pec^t suffire pouc vous guider dans ce choix,
-^e TOUS pourrez vérifier ensuite en étant k
Corolle» et regardant au fond du calice: car, si
vous ayez bien jugé , la fleur que vous ^fmi
nosunée labiée vous montrera quatre giames
nues, et celle que vous aurez nommée f^mmuée
vous montseiis^ un péricarpe : le contraiie von
prouverait que vous vous êtes trompée; etparoa
âecond examen de la même plante , vous piéTie&-
drez tine erreur semblable pour une autre fok^
Voilà y chère cousine, de Toccupation pour qui*
ques promenades. Je ne tarderai pas à vous es
^piirer pour cefte^ qui suivront.
l/Ê^fXMV.Alaméme^
Db 16 foiUcs 177s.
Je vous remercie, chdre cousine, des bonnes
nouvelle» que vous m'avez données de la mamaft
Savais espéré le bon effet du changement daL*.
et je tHea attends pas moins des eaux, et surtoc'
du régime austère prescrit durant leur usage. «^
5tûs tQupbddu souvenir de cette bonne amle.i
je vo(iJS prie de l'en remercier pour moi. Mais ^
! nejven^p^.absolument: quelle m'écrive dura:-
, 909 «^jofif ^eA Suisse ; et^ si eU^ veut ncip doiûitr^
• àiimitiBiafMtt dç fm wmYfile»^ fAUt a près «Telle ^
^r
SVK LÀ SOTANIQVE. ^45
bon secrétaire (*) qui s'en acquittera fort bien. Je
suis plus charmé que surpris qu'elle réussisse en
Suisse : indépendamment des grâces de son âge,
et de sa gaieté vive et caressante, elle a dans le
caractère un fonds de douceur et d égalité dont je
Tai vue donner quelquefois à la grand «maman
Texemple charmant qu elle a reçu de vous. Si
votre sœnr s'établit en Suisse, vous perdrez lune
et lautre une grande douceur dans la vie, et elle
surtout des avantages difficiles à remplacer. Mais
votre pauvre maman qui, porte à porte, sentait
pourtant si cruellement sa séparation d'avec vous,
comment supportera- 1- elle la sienne à une si
grande distance ? C'est de vous encore qu elle
tiendra ses dédommagemens et ses ressources.
Vous lui en ménagez une bien précieuse en as-
souplissant dans vos douces mains la bonne et
forte étoflfe de votre favorite^ <{niy je n*en doute
point, deviendra par vos soins aussi pleine de
grandes qualités que de charmes. Ah! cousine,
fheureuse mère que la vôtre !
Savez-vous que je commence â être en peine
du petit herbier? Je n'en ai d^aucune part aucune
nouvelle , quoique j'en aie eu de M. G. depuis son
retour, par sa femme, qui ne me dit pas dô sa part
un seul mot sur cet herbier. Je lui en ai demandé
des nouvelles; j attends sa réponse. J'ai grand*
(*) La woBW de madame Dclesteit , qam Rousseau a
!t4() LETTRES ÉLÉMElfTàULES
peur que y ne passant pas à L^OQ, il ait confié k
paquet ù qucltjue quidam qui /sachant que c était I
des herbes sèches, aura pris tout cela pour do |
foin. Cependant, si, comme je Tespère encore, il
parvient -enfin à votre sœur Julie ou à vous, vont
trouverez que je n ai pas laisse d y prendre quel-
que soin. C^est une perÇe qui, quoique petite, ne
me serait pas facile à réparer promptement, sur-
tout à cause du catalogue, accompagné de diveA
petits éclaircissemens écrits sur-le-champ, et dont
)e n ai gardé aucun douUe.
Consolez-vous, bonne cousine, de n avoir ps
vu les glandes des crucifères. De grands botanistes
très-bien oculés ne les ont pas mieux vues. Toiir-
nefort lui-même n'en fait aucuRe menlion. Elles
<ont bien claires dans peu de genres ^ «jpoiqaos
en trouve des vestiges presque dans tous , et c est
i force d^analyser des fleurs en croix y et iy voir
toujours des inégalités au réceptacle , qu en la
examinant eu particulier on a trouvé que ces
glandes appartenaient au plus grand nomore des
genres, et qu'on les suppose, par analogie, daiH
ceux même où on ne les distingue pas.
Je comprends qu^on est fâché de prendre tant
de peine sans apprendre les ùoms des plante
qu'on examine. Mais je vous avoue de bonne Ci
qu'il n'est pas entré dans mon plan de vous épar-
gner ce petit chagrin. X)n prétend que la bota-
nique n'est quVine science de mots qui n'exerc^
que la mémoire^ et n'apprend qu'à nommer àa
SUR LA BOTAIVIQTIB. 34?
plantes: pour moi, je ne connais point d'étude
raisonnable qui ne soit qu'une science de mots jet
auquel des deux, je vous prie, accorderai-je le
nom de botaniste, de celui qui sait cracher un
nom ou une phrase à Faspect d une plante, sans
rien connaître à sa structure, ou de celui qui,
cdnnaissanttrè5-bien cette structure, ignore néan-
moins le nom très -arbitraire qu on donne â cette
plante en tel ou en tel pays? Si nous ne donnons
à vos en&ns qu'une occupation amusante, nous
manquons la meilleure moitié de notre but, qui
^, en les amusant, d'exercer leur intelligence, et
de les accoutupier à l'attention. Avant de leur ap-
prendre à nommer ce qu'ils voient, commençons
par leur apprendre à le voir. Cette science, ou-
bliée dans toutes les éducations, doit faire la plus
importante partie de la leur. Je ne le redirai ja-
mais a^cz ; apprenez-leur à ne jamais se payer dQ
^ots , et à ne croire ne rien savoir de ce qui n'est
cxitré que dans leur mémoire.
Âu.re^te, pour ne pas trotp &ire le méchant, je
y.ous nomme pourtant des plantes. sur lesquelles,
en vous lesikisant mo^trer, vous pouvez aisément
yérifier mes descriptions. Vous n aviez pas, je
le suppose, sous vos yeux, une ortie blanche en
H^nt; r^nalysA des labiées ; mais vous n'aviei
qa'à: envpyçr chez Therboriste du coin cherchex
4ç liortîe bl«mche iraichement cueillie, vous ap-
pliquiez à sa fleur ma description, et ensuite ,
examinant, les. autres parties de la plante de b^
34s LBTmES iLtuEtrrxiRts
manière dont nous traiterons ci-après, vous coih
naissiez Tortie blanche infiniment mieux que Ille^
Boriste qui la fournit ne la connaîtra de ses joais;
encore trouverons-nous dans peu le moyen ât
nous passer d her}>oriste : mais il faut premîm-
ment achever l'examen de nos Êmnilies. Ainsi js
viens à la cinquième, qui, dans ce moment, est
en pleine fructification.
Représeutez-vous une longue tige assez droite^
garnie alternativement de feuilles pour lordinaiie
découpées assez menu, lesquelles embrassent par
leur base des branches qui sortent de leurs ais-
selles. De lextrémité supérieure de cette tige pai^
tent, conime dun centre, plusieurs pédicules on
rayons, qui, s 'écartant circulairement et r^olîè*
rement comme les côtes d'un parasol, couronnent
cette tige en forme d'un vase plus ou moins oo-
vert. Quelquefois ces rayons laissent un espce
vide dans leur milieu, et représentent alors phs
exactement le creux du vase; quelquefois anssi
ce milieu est fourni d'autres rayons plus courts,
qui, montant moins obliquement, garnissent k
vase , et forment conjointement avec les premiei?,
la figure à peu près d'un demi-globe^ dont la
(lartie convexe est tournée en dessus.
Chacun de ces rayons ou pédicules est tenniaf
i son extrémité non pas encore par une fleur,
mais par un autre ordre de rayons plus petits <]ti
couronnent chacun des premiers, prédsémcDI
comme ces premiers couronnent la tige.
SUR LA' BOTANIQUE* 34g
Ainsi, voilà deux ordres pareils et successifs ;
lun, de grands rayons qui terminent la tige;
l'autre , de petits rayons semblables qui terminent
chacun des grands.
Les rayons des petits parasols ne se subdivisent
plus, mais chacun deux est le pédicule dVme
petite fleur dont nous parlerons tout a llieure.
Si vous pouvez vous former l'idée de la figure
]ue je viens de vous décrire, vous aurdz celle de
la disposition des fleurs dans la famille des ombel^
liferes ou porte-parasols, car le mot latin un^
bella signifie un parasol.
Quoique cette disposition régulière de la firuc-
âfication soit fi*appante, et assez constante dans
toutes les ombelliferes, ce n'est pourtant pas elle
|ui constitue le caractère de la famille : ce carao-
[ère se tire de là structure même de la fleur, qu'il
àut maintenant vous décrire.
Mais il convient, pour plus de clarté, de vous
lonner ici une distinction générale sur la disposi-
îon relative de la fleur et du bmi dans toutes les
liantes, distinction qui facilite extrêmement leur
irrangement méthodique, quelque système qu'on
'euille choisir pour cela.
11 y a des plantes, et c'est le plus grand nom-
wrc, par exemjple rôeillet dont l'ovaire est évi-
lemmeiit enfermé dans lar corolle. Nous donn»-
ons à celles-là le nom de fleurs infères, parce
[ue les pétales embrassant Tovaire prennent leoi
laissance au-dessous de luL
QaBS dautrcs plantes en assez gnmd noinlve,
r^oyatre se. trouve placé, noa dans les pétaks,
maUau-desspus d'eux : ce que tous pouyes Toir
dans la rose; car le gnitte-cul, qui en. est le finît,
«t ce cûrps vert, et renflé que vous yoyez an
dessous du calice, par conséqueut aussi an-des-
sousr de la corolle, qui, de cette manière, cou-
ronne cet. ovaire et ne Fenveloppe pas. Xapp^
lerai celles-ci fleurs supères, parce que la corolle
est au-dessus du fruit On pourrait faire des mots
plus francisés, mais il me parait arantageux de
vous tenir toujours le plus près qu*il se pouna des
termes admis dans la botanique, afin qne,saiis
avoir Lesoîn d'Apprendre ni latin ni grec, vo«
puissiez néanmoins entendre passablement le to-
cabulaire de cette science,, pédantescjuement tire
d^ oçs deux langues, comme si, pour connaître
les plantes, il fallait commencer par être un sa*
van^ gi^ammaîrieo.
TowTQefort exprimait la même distinction ei
d'dutn9& termes : dans le cas de la fleur infère, 2
âis«|it que le pbti l deveimit fruit ; dans le cas de b
4«nr supêre , il disait que le calice devenait bwl
Cette manière de sexprimer pouvait être anss.
clmv^% T^oAis elle n'était certainement pas avs^
)tKMe4 Quoi qu'il en soit, voici une .occasion d'exe
ocTi. quand il en sera temps, vos jeunes élèves.
«Avoir démêler les mêmes idées, rendues par d.^-
Ifjra^es tout di/Térens.
J^ vous dirai maintenaut.qoe.Ies. plantes on
svK LA b:>ta?cqtte. 35i
bellifères oat la fleur supêre, ou posée stir le finit.
La corolle de cette fleur est à cinq pétales appebfe
réguliers, quoique souyent les deux pétales, qui
sont tournés en dehors dans les fleurs qui bor-
dent l'ombelle, soient pius.grauds que les trois
autres.
La figure de ces pétales varie selon les genres,
muis le plus communément elle est en €Cdur ; l'on-
glet qui porte sur l'ovaire est fort minoe; la lame
va en s^éîargissant; son bord est émarginé (légè-
rement échancré), ou bien il se termine tn une
pointe qui se repliant en dessus^ donne encore
au pétale Tair d'être émarginé, quoiqu^on le vit
pointa s'il était déplié.
Entre chaque pétale est une étamine doiit Fan*
thère, débordant ordinairement la corolle, rend
les cinq étamines plus visibles que les cinq pé-
tales. Je ne fais pas ici mention du calice, parce
que les ombelliféres n'en ont aucun bien distinct.
Du centre de la fleur partent deux styles garnis
chacun de leur stigmate, et assez apparens Aossi^
Icsqueb, après la chute des pétales et des éUf
mines, restent pour couronner le finit.
La figure la plus commune de ce finit est un
ovale un peu alongé , qui , dans sa maturité, s'ou*
yre par la moitié , et se partage en deux semences
nues attachées au pédicule, lequel, pAr un ^Êfi
admirable, se divise en deux, ainsi que le finit, et
tient les graines séparément suspndues, jusqilVl
leur chute*
3&3 L£TTIŒS BLÉHEVTAJllES
Toutes ces proportions varicntsclon Icsgenre*«^
inab en voilà Tordre le plus coiBmun. Il &ut, ;:
Tayoue^ avoir Fœil très-atteutif pour bien distÎD-
guer sans loupe de si petits objets; mais ils sont si
dignes d attention, ipi'on n a pas regret à sa peiaf.
Voici donc le caractère propre de la ^miiie
des omhellifères. Corolle supère à cinq pébdes.
cinq étamines, deux styles portés sur un fruit ns
disperme, c'est-4-dire^ composé de deux gramo
accolées.
Toutes les fois que vous trouverez ces cani&
lères réunis dans une fructificatioD^ comptez (pt
la plante est une CHubelIifere, quand même eT.^
n aurait d ailleurs , dans son arrangement, ria
de Tordre ci-devant marqué. Et quand vous trou-
veriez tout cet ordre de parasols conforme à ma
description, comptez qu^il vous trompe, s'il es!
démenti par Texamen de la fleur.
S'il anivait, par exemple, qu'en sortant de L-t
ma lettre vous trouvassiez, en vous promenant
un sureau encore en fleur, je suis presque assu:.
qu'au premier aspect vods diriez. Voilà une oc
bcllifèrc. En y regardant, vous trouveriez granit
ombelle, petite ombelle, petites fleurs blancbr.-
corolle supère, cinq étamines : cest une ombel.
fêre assurément; mais voyons encore : je prenc
une fleur.
D abord , au lien de cinq pétales , je trouve utK
corolle 4 cinq divisions, Û est vrai, mais ncntt
moios dWe seule pièce : or, les fleurs des omLci
ST7R LA BOTANIQUE. 353
^feres ne sont pas monopëtales. Voilà bien cinq
élamines; mais je ne vois point de styles^ et je
vois plus souvent trois stigmates que deux j plus
souvent trois graines que deux : or, les ombelli-
fêres n^ont jamais ni plus ni moins de deux stig«
mates, ni plus ni moins de deux graines poux
chaque fleur. Enfin , le fruit du sureau est una
baie molle; et celui des onibelliieres et sec est nik
Le sureau n est donc pas une ombellifere.
Si vous revenez maintenant sur vos pas en re-
gardant de plus près à la disposition des fleurs ,
vous verrez que cette disposition n'est qu en appa*
reuce celle des ombelliferes. Los grands rayons,
au lieu de partir exactement du même èentre,
prennent leur naissance les uns plus baut^ les
autres plus bas ; les petits naissent encore moins
rogulîèrtment : tout cela n'a point l'ordre inva-
riable des ombelliferes. L^arrangem^nt des fleurs
du sureau est en corymbe, ou bouquet, plutôt
qu'en ombelles. Voilà comment, cr nous trom-
pant quelquefois 3 nous finissons par apprendie â
mieux voie
Le chardon-rolanct , au contraire, n'a guère le
port Junc ombellifere, et néanmoins c'en est une,
puisqu'il en a tous les caractères dans sa fructifi-
cation. Où trouver, me direz-vous, le chardon-
roland? par toute la campagne; tous hs grand»
chemins en sont tapissés à droite et à gauche; le-
premier paysan peut vous le montrer, et vous le
reconnaîtrez presque vous-même 2 la couleof
356 « LETTRES KLiUfiirrAniES
lA-desdos plus que nous avec toute notre Jo*
Vous avez raison. Mais cependant, si no&i
mençons par les observations de déUils, l^
accablés par le nombre , la mémoire noas
donnera , et nous nous perdrons dès le p
p^s dans ce règne immense : an lien que, !
commençons par bien reconnaître les ;
routes , nous nous égarerons rarement è
sentiers, et nous nous retrouverons paitH
Ijeaucoup de.peine. Dtonnons cependant <[
exception k Tutilité de l'objet^ et oe noe
sons pas , tout en analysant le règne vé.t
manger par ignorance une omelette khat
La petite ciguë des jardins est une oiski
ainsi que le persil et le cerfeuil. Elle a li
blanche comme Tun et l'autre (i); elle est 2
dernier dans la section qui a la petite eor<
et qui n'a pas la grande ; elle leur ressent
par son feuillage , pour qu'il ne soit psi
vous en marquer par écrit les difl&cnccs.
voici des caractères suffisans pour ne roQ$
trpmper.
U £iut commencer par voir en fleoi^ ^
verses plantes; car c^cst en cet état que la c
son caractère prope. Cest d'avoir son5 1^
petite ombelle un petit involucre composé»
-" — • — -^ '
(i) La fleur da prnil est un peu jaonitt*» »*** F
•oiiri 4'oiiibellilâros pjniMent jaiwet, à cne»^^^'^^^
■admises et lia taitfem po d'ttov kf pAd0 U«^
SUR LA BOTANIQUE. 35^
petites folioles pointues, assez longues, et toutes
jois tournées en dehors -, au lieu que les folioles
les petites ombelles du cerfeuil l'enveloppent tout
tutour y et sont tournées également de tous les
:ôtés. A regard du persil, à peine at-il quelques
iourtes folioles, fines comme de» cbe veux, et dis*
ribuées indifl*éremment, tant dans la gi^ande om-
iclle que dans les petites, qui toutes sont claires
X maigres.
Quand vous vous serez bien assurée de la ciguë
m fleiu's , vous vous confirmerez dans votre juge-
nent en froissant légèrement et fl^airant son feuil-
ngc-, car son odeur puante et vireuse. ne tous la
lissera pas confondre avec Te persil ni avec le
jrfeuil, qui, tousdeux, ont des odeurs agréables..
;Ien sûre enfin de ne pas faire de quiproquo, voiis
xaminerez ensemble et séparément cesfroisplnit^
as dans tons leurs états et par toutes Feurs parties^
urtout par le feuillage, qui les accompagne plus
oustamment que la fleur; et par cet examen,
omparé et répété jusgu à ce que vous ayez acquis
i certitude du coup d'oeil , vous parviendrez 2
îstinguer et connaître imperturbablement la ci-
Lie. L'étude nous mène ainsi jusqu'à la porte de
L pratique*, après quoi ccllc-;ci &it la facilité du
ivoîr.
Prenez haleine, obère cousine, car voilà uno
•tire excédante; je n'ose même vous promettre
lus de discrétion dans celle qui doit la suivrOi
kais après cela nous u atirons devant nous qu'un
3So LETTRES ÉLlÎMEinrAniES
ferment comme une couronne aolour de h ei^
guérite, et qui ne vous paraissent tout anf'j
^u autant de petits pétales, sont réellement aos
de Yéri tables fleurs*, et chacun de ces petits t-'
jaunes que vous voyez dans le ccnlrt^elc:
d'abord vous n avez peut-être pris que poors
étamines, sont autant de véritables fleais.Sr'-
aviez déjà les doigts exercés aux dissectiousK
niques, que vous vous armassiez dunebK"
loupe et de beaucoup de palicnce, je jwr
vous convaincre de cette vérité par vos j^;
jeux; mais, pour le présent, il faut comiD^'i:
s'il vous plaît, par m'en croire sur mapa^'
peur de fatiguer votre attention sur desatet
Cependant, poifr vous mettre au moins ^^
voie, arrachez une des folioles* blanches ff
couronne; vous croirez d abord cette foliok>
dW bout à l'autre; mais regardez -la bien[>
bout qui était attaché à la fleur, vous Tcrro'
ce bout n'est pas plat, mais rond et crto
forme de tube , et que de ce tube sort un peu
à deux cornes : ce filet est le style fourchu dt^
fleur , qui , comme vous voyez , n^est plate 58
le haut.
Regardez maintenant les brins jaunes qt
au milieu de la fleur , et que je vous ai dit et
tant de fleurs eux-mêmes : si la fleur est
avancée, vous en verrez plusieurs toutaii
lesquels sont ouverts dans le milieu^ et mcfl
coupés en plusieurs parties. Ce sont des CA
SUR I.A BOTAmQVE. SCl.
monopétales qui s'épanouissent, et dans lesquelles
la loupe vous ferait aisément distinguer le pistil et
même les anthères dont il est entouré : ordinaire-
ment les fleurons jaunes, qu'on voit au centre,
sont encore arrondis et non percés; ce sont des
fleurs comme les autres , mais qui ne sont pas en-
core épanouies; car elles ne s'épanouissent que
successivement en avançant des bords vers le
centre. En voilà assez pour vous montrer à Toeil
la possibilité que tous ces brins, tant blancs que
jaunes, soient réellement autant de fleurs par-
faites; et c'est un fait très-constant : vous voyez
néanmoins que toutes ces petites fleurs sont pres-
sées et renfermées dans un calice qui leur est
commun, et qui est celui de la marguerite. En
considérant toute la marguerite comme une seule
fleur, ce sera donc lui donner un nom très-coxive-
nable que de l'appeler une fleur composée ; or il y
a un grand nombre d'espèces et de genres de fleurs
formées conune la marguerite d'un assemblage
d autres fleurs plus petites, contenues dans un
calice commun. Voilà ce qui constitue la sixième
fiinûlle dont j'avais à vous parler, savoir celle des
fleurs composées.
Commençons par ôter ici Féquivoque du mot
de fleur y en restreignant ce nom dans la présente
Ëiinille à la fleur composée, et donnant celui de
fleurons aux petites fleurs qui la composent ; mais
n'oublions pas que, dans la précision du mot^
36a UTTHES ÉLÉHEïrrAI&ES
ces fleurons eux-mêmes sont autant de yérilullr!
fleurs.
Vous avez vu dans la marguerite deux sorl^
de fleurons, savoir, ceux de coulcor jaune (ji:
remplissent le milieu de la fleur, et les petit'
languettes blanches ^ui les entourent : les p
miers sont, dans leur petitesse, assez sembU '
de figure aux fleurs du muguet on de la jac}Dt
et les seconds ont quelque rapport aux fieors-
chèvrefeuille. Nous laisserons aux premicn^
nom de fleurons^ et, pour distinguer les auln
nous les appellerons demi- fleurons ; car,caec
ils ont assez Tair^e fleurs monopétales quoQ-^
rait rognées par un côté en n'y laissant qu'J
languette qui ferait à peine la moitié de la cor^^
Ces deux sortes de fleurons se combinenU
les fleurs composées de manière à diviser lott
famille en trois sections bien distinctes.
La première section est formée de celles qu
sont composées que de languettes ou deoûi
rons, tant an milieu qu'à la circonférence; o:
appelle fleurs demi-fleuronnées; et la flcui
tière dans cette section est toujours d'une $
couleur, le plus souvent jaune. Telle est Ul
apj^lée dent-de-lipn ou pissenlit; telles son
fleurs de laitues, de chicorée ( celle-ci est blc
de scorsonère, de saisifis, etc.
lajseconde section: comprend les fleurs
Tonnées^ c'est-à-dTre, qui ne sont composée:
de fleurons , lOus pour l'ordinaire aussi <
SUR Là botanique. 353
8 ulë couleur : telles sont les fleurs d'immortelle ,
de bardane, d^absynthe, d^armoise, de chardon ,
d*artichaut, qui est un chardon lui-même, dont
on mange le calice et le réceptacle encore en bou^
ton avant que la fleur soit ëclose^ et môme formée
Cette bourre y qu^on ôte du milieu de l'artichaut y
n'est autre chose que l'assemblage dez fieuronj
qui commencent à se former, et qui sont séparés
les uns des autres par de longs poils implantés sur
le réceptacle.
La troisième section est celle des fleurs qui ras-
semblent les deux sortes de fleurons. Cela se fait
toujours de manière que les fleurons entiers oc<
cupcnt le centre de la fleur, et les demi-flcuro::5
forment le contour ou la circonférence, comme
vous avez vu dans la pâquerette. Les fleurs de
cette section s'appellent radiées^ les botanistes
ayant donné le nom de rajon au contour d'une
fleur composée, qnand il est formé de languettes
ou demi -fleurons. A l'égard de Taire ou du centre
de la fleiH* occupé par les fleurons, on l'appelle le
disque, et on donne aussi quelquefois ce même
nom de disque à la surface du réceptacle où sont
plantés tous les fleurons et demi-fleiu'ons. Dans
les fleurs radiées , le disque est souvent d'une cou-
leur et le rayon d une autre : cependant il y a auasi
des genres et des espèces où tous les deux sont de
la même couleur.
Tâchons à présent de bien déterminer dans
votre esprit Tidce d'une fleur composée. Le trefflQ
554 LETTRES iLÉMEîrrAJRES
ordinaire fleurit en cette saison ; sa fleur est pour-
pre : s'il vous en tombait une sous la maio , tous
pourriez^ en voyant tant de petites fleurs rassem-
blées , être tenté de prendre le tout pour une flear
coo^posée* Vous vous tromperiez ; en quoi 7 en ce
que, pour constituer une fleur composée, il De
suffît pas d'une agrégation de plusieurs peûcn
fleurs, mais qn'il faut de plus qu'une ou deux des
parties de la fiructification leur soient communes,
de manière que toutes aient part à la mésie , et
qu'aucune n'ait la sienne séparément Ces deux
parties communes sont le calice et le réceptacle,
n est vrai que la fleur de treffle, ou plutàt h
groupe de fleurs qui nVn semblent quune parait
d'abord portée sur une espèce de calice; mas
écartez un peu ce prétendu calice et vous verrt:
qu^il ne tient point à la fleur, mais qu^il est attaché
au-dessous d^elle au pédicule qui la porte. Ainsi
ce calice apparent n en est point un ; il appartient
au feuillage et non pas à la fleur; et cette préten-
due fleur n'est en effet qu'un assemblage de fleun
légumineuses ibrt petites, dont chacune a son ca-
lice particulier, et qui n'ont absolument rien àt
commun entre elles que leur altache au même
pédicule. L'usage est pourtant de prendre tooit
cela pour une seule fleur; mais c^est une &ns5«
idée , ou , si Ton veut absolument regarder comme
une fleur un bouquet de cette espèce , il ne &at
pas du moins Fappeler une fleur composée, mais
une fleur agrégée ou une tête {flos aggregatus.
sur' la botanique. 365
flo^capîtatus , capîtulum). Et ces dénominations
sont en effet quelquefois employées en ce sens
par les botanistes.
Voilà 9 ma chère cousine ^ la notion la plus
simple et la plus naturelle que je puisse vous
donner de la famille, ou plutôt de la nombreuse
classr des composées, et des trois sections ou fa-
milles dans lesquelles elles se subdivisent. Il faut
maintenant vous parler de la structure des fructi-
fications particulières à cette classe, et cela nous
mènera peut-être à en déterminer le caractère
avec plus de précision.
La partie la plus essentielle d'une fleur compo-
sée est le réceptacle sur lequel sont plantés ,
d'abord les fleurons et demî-fleurons, et ensuite
les graines qui leur succèdent. Ce réceptacle» qui
forme un disque d'une certaine étendue, fait le
centre du calice, comme vous pouvez voir dans
le pissenlit, que nous prendrons ici pour exemple.
Le calice, dans toute cette faimille, est ordinaire-
ment découpé jusqu'à la base en plusieurs pièces,
afin qu'il puisse se fermer, se rouvrir et se ren-
verser , comme il arrive dans le progrès de la
fructification , sans y causer de déchirure. Le ca-
lice du pissenlit est formé de deux rangs de folio-
les insérés luu dans Vautre , et les folioles du rang
extérieur qui soutient Tautre qui se recourbent et
replient en bas vers le pédicule , tandis que les
folioles du rang intérieur restent droites pour en«
3i.
366 lETniBS ÉlilCElfTAIRES
toorer et contenir les demi-fleurons gui compo*
sent la fleur.
Une forme encore des plus communes aux ca^
lices de cette classe est d^étre imbriqués^ c^est-i-
dir^, formés de plusieurs rangs de folioles en re-
couvrement, les unes sur les joints des autres,
comme les tuiles d'un toit. L'artichaut, le bluet^
la jacée, la scorsonère, vous o£Brent des exemples
de calices imbriqués.
Les fleurons et demi-fleurons enfermés dans le
calice sont plantés fort dru sur son disque ou ré-
ceptacle en quinconce, ou comme les cases d'un
damier. Quelquefob ils s'entretouchent à nu sans
rien d'intermédiaire, que!quefois ils sont séparés
par des cloisons de poils ou de petites écailles qui
restent attachées au réceptacle quand les graines
sont tombées. Vous voUà sur la voie d'observer
les diflërences de calices et do réceptacles; parlons
à présent de la structure des fleurons et demi-
fleurons, en conunençant par les pemiers.
Un fleuron est une fleur monopétale, régulière,
pour lordiuaire, dont la corolle se fond dans le
haut en quatre ou cinq parties. Dans cette corolle
sont attachés, à son tube, les filets des étamines
au nombre de cinq : ces cinq filets se réunissent
par le haut en un petit tube rond qui entoure le
pistil, et ce tube n'est autre chose que les cinq
anthères ou étamines réunies circufoirement en
un seul corps. Cette réunion des étamines forme,
aux yeux des botanistes, le caractère essentiel des
SUR I.À BOTANIQUE. 367
fleuts composées, et n'appartient qu^à leurs fleu*
rons exclusivement à toutes sortes de fleurs. Ainsi
vous aurez beau trouver plusieurs fleurs portées
sur un même disque ^ comme dans les scabieuses
et le charck)n à foulon , si les anthères ne se réu-
nissent pas en un tube autour du pistil, et si la
corolle ne porte pas sur une seule graine nue, ces
fleurs.ne^ntpasdes fleurons et qo forment pas
une fleur composée. Au contraire, quand vous
trouveriez dans une fleur unique les antbères
ainsi réunies en un seul corps , et la corolle supèrc
posée sur une seule graine, cette fleur, quoique
seule, serait un vrai fleuron, et appartiendrait à
la famille des composées , dont il vaut mieux tirer
ainsi le caractère dune structure précise <pie
cTunc apparence trompeuse.
Le pistil porte un stj^le plus long d'ordinaire'
qne le fleuron au-dessus duquel on le voit sV^ever
à travers le tube formé par les anthères. Il se ter-
cnine le plus souvent, dans le haut, par un stig-
mate fourchu dont on voit aisément les deux
petites cornes. Par son pied, le pistil ne porte pas
immédiatement sur le réceptacle, non plus que le
fleuron : mais lun et Tautre y tiennent par le
rerme qui leur sert de base , lequel croit et
Rallonge à mesure que le fleuron se dessèche et
levient enfin une graine longuette qui reste atta-
Jxée au réceptacle jusqu'à ce qu'elle soit mûre.
^lors elle tombe si elle est nue, ou bien le vent
'emporté au loin si elle est couronnée dWe ai-
C6i LETTRES ÉLÉMEIfTAIIlCS
grette de plumes , et le réceptacle reste à décoc*
yen tout nu dans des genres ou garni d'écaili^i
ou de poils dans d'autres.
La structure des demi-fleurons est semUaUf i
celle des fleurons: les étamines, le pistil etla gnbe
y sont arrangés à peu près de même : seulenifi!!
dans les fleurs radiées il y a plusieurs genres cà
les demi-fleurons du contour sont sujets à avorta.
soit parce qu'ils manquent d'étamines, soit psa
que celles qu'ils ont sont stériles , et n''ont psL
force de féconder le germe ; alors la fleur ne graioe
que par les fleurons du milieu.
Dans toute la classe des composées^ la grsict
est toujours sessile^ c'est-à-dire qu'elle porte la-
médiatemeut sur le réceptacle sans aucun p^i
cule intermédiaire. Mais il y a des graines doru
sommet est cotnronné par une aigrette quelque! '
sessilcy et quelquefois attachée à la graine psrr
pédicule. Vous comprenez que IVsage de et'
aigrette est d'éparpiller au loin les semcnce5. f »
donnant plus de prise à Pair pour K s emporiei
semer à distance. ,
A ees descriptions informes et tronqnèf*
dois ajouter que les calices ont, pour Toitlini
la propriété de s'ouvrir quand la fleur sYpan -
de se refermer quand les fleurons se sèmet: j
tombent , afin de contenir la jeune graine el 1 '
pêcher de se répandre ayant sa maturité ; cntli "
se rouviùr et de se renverser tout-è-6ît pour c
dans leur centre une aire plus large aux pà,J
SUR lA BOTANIQUE. ^69
qui grossissent en mûrissant. Vous avez dû sou-
vent yoir le pissenlit dans cet état quand les en-
fans le cueillent pour souffler dans ses aigrettes,
q\ii forment un globe autour du calice renversé.
Pour bien connaître cette classe , il faut en
suivre les fleurs dès avant leur épanouissement
jusqu'à la pleine maturité du iruity et c'est dans
cette succession qu'on ^oit des métamorphoses et
un çnchainement de merveilles qui tiennent tout
esprit sain qui les observe dans ,ane continuelle
admiration. Une fleur conunode pour ces obser-
vations est celle des soleils, qu'on rencontre fré-
quemment dans les vignes et dans les jardins. Le
soleil, comme rous voyez, est une radiée. Là
reine-marguerite, qui, dans lautomne, fait Tor-
nement des parterr: s, en est une aussi. Les char-
dons (i) sont des fleuronnées : j'ai déjà dit que la
scorsonère et le pissenlit sont des demi-fleuron-
nées. Toutes ces fleurs sont assez grosses pour
pouvoir être disséquées et étudiées à Toeil nu sans
le fatiguer beaucoup.
Je ne vous en dirai pa3 davantage aujourd'hui
sur la famille ou classe des composées. Je tremble
déjà d'avoir trop abusé de votre patience par des
détails que j'aurais rendus plus clairs si j'avais su
les rendre plus courts, mais il m est impossible de
sauver la difficulté qui naît de la petitesse des ob-
jets. Bonjour^ chère cousine.
■ *
( I ) Il faut prendre garde de n'j pas mêler le chardon-à-lbttloa
4iu àes bonuetien , <\m uW pas uo vni chardon.
Sra LETTRES ÉLâMETCTAIKES
des monstres dépourvus de la faculté de produiit
leur semblable, dont la nature a doué toos les
êtres organisés. Les arbres firuîtiers sont i pea
près dans le même cas par la greffe : tous aoiez
beau planter des pépins de poires et de pommes
des meilleures espèces, il n en naîtra jamais que
des sauvageons. Ainsi, pour connaître la poire et
la pomme de la nature, il faut les chercber, non
dans les potagers, mais dans les forêts: La cbâir
nen est pas si grosse et si succulente, mais ks
semences en mûrissent mieux, en multiplient da-
vantage, et lés arbres en sont infiniment plm
grands et plus vigoureux. Mais j entame ici on
article qui me mènerait trop loin : revenons à nos
potagers.
Nos arbres fixdtiers, quoique grefl^, gardent
dans leur fructification tous les caractères bota-
niques qui les distinguent; et c'est par Tétade at-
tentive de ces caractères, aussi-bien que par les
transformations de la greffe, qu on s'assure qa'i
n!y a, par exemple, qu'une seule espèce de poire
sous miUe noms divers, par lesquels la forme et la
saveur de leurs fiuits les a fait distinguer en au-
tant de prétendues espèces qui ne sont, au fend,
que des rariétés. Bien plus, la poire et la pomnt
ne sont que deux espèces du même genre , et leur
unique différence bien caractéristique est <jne le
pédicule de la pomme entre dans un enfoncemeiil
du finit, et celui de la poire tient d un prolonge*
ment du fi:xiit un peu alongé. De même toutes les
SUR LA BOTANIQUE. 3y3
sortes de cerises , guignes ^ griottes , bigaireanx , ne
sont que des variétés d^une même espèce : toutes
les prunes ne s8nt qu'une espèce de prunes; le
genre de la prune contient trois espèces princi-
pales, savoir : la prune proprement dite, la cerise
et l'abricot, qui n^est aussi qu une espèce de prune^
Ainsi, quand le savant Linnœus, divisant le genre
dans ses espèces, a dénommé la prune prune, la
prune cerise, et la prune abricot ^ les ignorans se
sont moqués de lui ; mais les observateurs ont ad-
miré la justesse de ses réductions^ etc. Il faut cou-
rir, je me bâte.
Les arbres fruitiers entrent presque tous dans
une &mille nombreuse, dont le caractère est fa^
cile à saisir, en ce que ies étamines , en grand
nombre, au lieu d'être attachées au réceptacle,
sont attachées au calice par les intervalles que
laissent 4es pétales entre eux ; toutes les fleurs sont
polypétales et 4 cinq communément. Voici les
principaux caractères génériques.
Le genre de la poire, qui comprend aussi
la pomme et le coin. Calice monopbjlle à cinq
pointes. Corolle à cinq pétales attachées au ca-
lice, une vingtaine d'étamines toutes attachées
au calice. Germe ou ovaire infère, c'est-à-dire au-
dessous de la corolle, cinq styles. Fruits charnus
â cinq logettes , contenant des graines, etc.
Le genre de la prune^ qui comprend l'abricot,
la cerise et le laurier-cerise. Calice, corolles et
anthères à peu près comme la poire ; mais le germe
274 LBTTRES ÉLÉMENTAIRES
est supère, c'ost-à-dîre, dans la corolle, et il n'y a
qu'un style. Fruit plus aqueux que charnu, con-
tenant un noyau y etc.
Le genre de l'amande, qui comprend aussi la
pêche. Presque comme la prune, si ce n'est que le
germe est yelu, et que le firuit , mou dans la pêche,
sec dans l'amande, contient un noyau dur, rabo-
teux, parsemé de cavités^ etc.
Tout ceci n'est que bien grossièrement ébau-
ché, mais C'en est assez pour yous amuser cette
année. Bonjour, chère cousine.
Lettre YIII. A la mime»
Sar les Herbiers..
Du 11 aTTil 1772.
Grâce au ciel , chère cousine , tous voilà réta-
blie. Mais ce n'est pas sans que votre silence et
celui de M. 6. ^ que j'avais instamment prié de
m'écrire un mot à son arrivée ne m'ait causé bien
des alarmes. Dans les inquiétudes de cette espèce,
rien n'est plus cruel que le silence, parce qnîl
fait tout porter au pis; mais tout cela est déjà ou-
blié, et je ne sens plus que le plai^r de votre ré-
tablissement. Le retour de la belle saison , la vîe
moins sédentaire de Fourrière, et le plaisir de
remplir avec succès la plus douce ainsi que k
plus respectable des fonctions, achèveront bien-
tôt de l'aB^rmir, et vous en sentirez moins triste-
SUR LA BOTAMQUE. SjS
ment Tabsence passagère de votre mari, au milieu
des chers gages de son attachement, et des soins
continuels qu'ils vous demandent.
La terre commence à verdir, les arbres à bour-
geonner, les fleurs à s'épanouir : il y en a déjà de
passées; un moment de retard pour la botanique
nous reculerait d'une année entière : ainsi \y
passe sans autre préambule.
Je crains que nous ne layons traitée jusqu'ici
dune manière trop abstraite, en n'appliquant
point nos idées sur des objets déterminés; c e3t le
défaut dans lequel je suis tombé, principalement
à regard des ombelliféres. Si j'avais commencé
par vous en mettre une sous les yeux, je vous au-
rais épargné une appliottiou très-fatigante sur un
objet imaginaire, et à moi des descriptions diffi-
ciles, auxquelles un simple coup d'œil aurait sup-
pléé. Malheureusement, à la distance où la loi de
la nécessité me tient de vous, je ne suis pas à
portée de vous montrer du doigt les objets; mais
si , chacun de notre côté, nous en pouvons avoir
sous les yeux de semblables , nous nous enten-
drons très-bien l'un l'autre en parlant de ce que
nous voyons. Toute la difficulté est qu'il faut que
l'indication vienne de vous; car vous envoyer
d'ici des plantes sèches serait ne rien faire. Pour
bien connaître une plante, il &ut commencer par
la voir sur pied. Les herbiers servent de mcmora-
tifs pour celles qu'on a déjà connues, mais ils font
axai connaître celles qu'on i/vi [.iis vues aupara-
376 lETTRES ÉLÉMEÏH'AIIŒS
vanL C'est donc à vous de m envoyer des plante»
-^e V0U5 voudrez connaitre et eue vous aorei
cueillies sur pied; et c est k moi de vous les noo-
mer, de les classer, de les décrire, jusquà ceque^
par des idées comparatives , devenues {amllièri
à vos yeux et à votre esprit, vous parveniez i
classer, ranger et nommer vous-même celles (p^
vous verrez pour la première fois; science (p
seule distingue le vrai botaniste de llierborisUos
nomenclateur. Il s^agit donc ici d'apprendre i pré-
parer, dessécher et conserver les plantes, 03
échantillons de plantes, de manière à les rcnb
faciles à reconnaître et à déterminer; c'est, «bb»
mot, un herhîer que |e vous propose de comoKS^
cer. Voici une grande occupation qui, de loin. î^
prépare pour notre petite amatrice; car, quan^*
présent, et pour quelque temps encore, il &u()n
que Fadresse de vos dcigts supplée à la ÊûblesK
des siens.
. Il y a d*abord une prpvision à taire; saro::.
cinq ou six mains de papier gris, et à peu pK^
autant de papier blanc , de même grandeur, as» ^
fort et bien collé, sans quoi les plantes se poorrr
raient dans le papier gris, ou du moins les fleu>'i
y perdraient leur couleur; ce qui est une despa:
ties qui les re(ndent reconnaissables, et par h
quelles un herbier est agréable à voir. D sera;'*
encore à désirer que vous eussiez une presse de t:
grandeur de votre papier, ou du moins df»^
bouts de planches bien unies, de manière que;}
SUR LA BOTANIQUE. 877
plaçant vos feuilles entre deux, vous les y pui.i-
siez tenir pressées par les pierres ou autres corps
pesans dont vous chargerez la planche supérieure.
Ces préparatifs faits, voici ce qu'il faut observer
pour préparer vos plantes de manière à les con-
server et les reconnaître.
Le moment à choisir pour cela est celui où Xd
plante est en pleine fleur, et où même quelques
fleurs commencent k tomber pour faire place £ u
fruit qui commence à paraître. C^est dans ce point
où toutes les parties de la fructification sont sen-
sibles, qu il faut tâcher de prendre la plante pour
la dessécher dans cet état.
Les petites plantes se prennent tout entières
avec leurs racines, qu'on a soin de bien nettoyer
avec une brosse, afin qu^il n y reste point de terre.
Si la terre est mouillée, on la laisse sécher pour
la brosser, ou bien on lave la racine; mais il faut
avoir la plus grande attention de la bien essuyer
et dessécher avant de la mettre entre les papiers,
sans quoi elle s^y pourirait infailliblement, et
communiquerait sa pouriture aux autres plantes
voisines, il ne faut cependant s obstiner à con-
server les racines qu'autant quelles ont quelques
singularités remarquables; car, dans le plus grand
nombre, les racines ramifiées et fibreuses ont des
formes si semblables, que ce n'est pas la peine de
les conserver. La nature, qui a tant fait pour Té-
légance et l'ornement dans la figure et la couleur
d^ plantes en ce qui. frappe les yeux , a destiné
3a.
rSo LKTTILES ÉLEMEKTAIRES
moins de papier gris, sur lesquelles tous places
une feuille de papier blanc, et sur cette feu*Ue
vous arrangez votre plante, prenant grand soin
que toutes ses parties, surtout les feuilles et les
fleurs, soient bien ouvertes et bien étendues dans
leur situation naturelle. La plante un peu flétrie,
mais sans l'être trop, se prête mieux pour l'ordi-
naire à Tarrangement qu^on lui donne sur le papier
avec le pouce et les doigts. Mais il y en a de re-
belles qui se grippent dun côté, pendant quoa
les arrange de 1 autre. Pour prévenir cet înconTé-
nient, j'ai des plombs, des gros sous, des liaids,
avec lesquels j'assujettis les parties que je viens
dWanger, tandis que j'arrange les antres, de
façon que, quand j'ai fini, ma plante se troure
presque toute couverte de ces pièces qui la tien-
nent en état. Après cela on pose une seconde
feuille blanche sur la première, et on la presse
avec la main , afin de tenir la plante assujettie
dans la situation qu'on lui a donnée, avançant
ainsi la main gauche qui presse à mesure qu'on
retire avec la droite les plombs et les gros sons
qui sont entre les papiers : on met ensuite deox
autres feuilles de papier gris sur la seconde f^iilk
blanche, sans cesser un seul moment de tenir !a
plante assujettie , de peur qu'elle ne perde la situa-
tion qu'on lui a donnée. Sur ce papier gris on met
une autre feuille blanche; sur cette feuille une
plante qu'on arrange et recouvre comme ci-de-
vant, jusqu'à ce qu on ait çlacé toute la moissoo
SUR LA BOTAICIQUE. 38i:
qu^on a apportée, et qui ne doit pas être nom-
breuse pour chaque ibis, tant pour éviter la lon^
gueur du travail, que de peur que, durant la
dessiccation des plantes ; le papier ne contracte
quelque humidité par leur grand nombre; ce qui
gâterait infailliblement vos plantes^ si vous ne
vous hâtiez de les changer de papier avec les
mômes attentions; et c^est même ce qu'il faut faire
de temps en temps, jusqu'à ce qu^elies aient bien
pris leur pli, et quVlles soient toutes assez sèche&
Votre pile de plantes et de papiers ainsi arrau
gée doit être mise en presse, sans quoi les plantes
se gripperaient : il y en a qui veulent être plus
pressées, d'autres moins; i'expéiience vous ap-
prendra cela, ainsi qu^à les changer de papier à
propos, et aussi souvent qu^il &ut, sans vous doiK
ner un travail inutile» Enfin,, quand vos plantes
seront bien sèches , vous hs mettrez bien propre-
ment chacune duns une feuille de papier, Ic5
unes sur tes autres, sans avoir besoin de papiers
intermédiaires, et vous aurez ainsi un herbier
commencé, qiri s'augmentera sans cesse avec vos
connaissances, et conliemîra enfin llristoîfe de
toute la végétation du pays : an reste il faut to*u«
jours tenir un herbier bien serré et un peu en
presse; sans quoi les plantes, quelque sèches
qu'elles fassent, attireraient lliumidité de Tair et
se gripperaient encore*
Voici maintenant l'usage de tout ce travail
pour parvenir a la connaissance particulière de$
38 f LETTiuss itiuEirrAiiiEs
« cet ; à cliaque pas De yoos oflriront de nouvelles SStà^ '
« ne TOUS apprendront rien.... fie toos attendet point in^>'
« Ter une plante dans tout son ëclai : ceUes qui m iea^: i
« mieux, perdent encore beaucoup de kenr fraidiear.... Ik:'
« les moyens employés à la dessûcation des planta, kp^^c
c pie, cdui de la pression, est le préfihable pou no W^*"- ''■
« cx>uleurs peuvent être conserva aussi bien que pir li (S
» cation au sable, et les plantes desséchées y sont iom^('=^
« neuses et moins fragiles.... Ayes une bonne prorînoa^ : *
« tre sortes de papiers ; i* du papier gris, épais d ps c
«r a<* du papier gris, épais et ooRé; 3« du gros papierUi"^
n lequel on puisse écrire ; et 4* ^ papier bloc m f
«vous fixerez vos plantes, ]or8q[oe la dessiceabos m ^^
« plète.... Lorsque vous voudrez dessécher me pbB*< ^ '
« la cueillir par un beau tempe ; et lorsque ses êemti^"
u nouics, laisaet'la quelques heures se làner â rorlilit
« que ses parties srront amollies, étendes-la avte Mis^-
c feuille de papier gris de la première esp^ doit ]i '
« mettes dessous cette feuille une feuille de s«tDO,« ^
« douze à quinse doubles de papier de la premitR ts^'
« tes le tout entre deux ais de boîs, ou deûphacbcslr.' I
« que vous chargerez d'abord médiocrement, et dont tc« ^
« menteres peu 4 peu la prcsaioa , k mesure qoe la à»*- ^
« ^'opérera. U est plus avantageux de ae aemr de c» p"^
a presses de brocheuses, parce que Ion senc sîp«<i'''
« qu'on le veut^ au bout dune heun ou deux, soio-b ^
u tage , et laissez-la ainsi vin^t-quatrô heuces aa pl<tfi '^'-^
« ensuite; cfaangez^Ia de panier, et mettez desioai a» -
« feuille de carton bien sèche, ainsi que ks feoilks depp
« vous ailes mettre dessus; lemetiffs le tout en presse.»'^
• plus que la première fois; laisses ainsi dein jours rom i
« sans y toucber; changsz-la encore une troisième kè^fj-^
« mais pcene* du papier gris collé ; sevrés enooie diTac^'
• presse, et ne mettez dësus que trob ou quatre doi^
a papiers, ou seulement une feuille de csiion dessos et lu^
's sousç laiasez-la ainsi eo presse deux o« trois feis riost^'
a boues; si, lorsque vont retimcs votre pbnir, elle x '
1 ';
SUR UL BOTANIQUE. 385
« parait pas aun privée de son humidité, tous la'diangerac
M encore plusieurs fois de papiers. ( U y ? des plantes <{n'il siiflît
« de chanf;er deux fois de papiers, et d'autres qu*il faut chan^
f< jusqu'h six fois: celles qui sont de nature aqueuse eiioent qu'on
ce en accélère la dessiccation). Maïs si, au contraire, les parties
H qui la composent ont déjà perdu de leur flexibilité, il faut b
«c mettre dans une feuille de gros papier Uanc, où on la laissera
u en presse jusqu'à ce que la dessiccation soit parfaitement acbe-
« Tëe ; ce sera alors qu'il faudra songer à assurer pour long-
•c temps la conservation de votre plante ^ elle pourra être employée
« à la formation de votre herbier; il ne s'agit plus que de la fixev,^
« de la nommer et de la mettre en place.... Pour garantir votre
ce herbier des ravages qu'y feraient les insectes, il faut tremper
« le papier sur lequel vous voulei fixer vos plantes, dans une
K forte dissolution d'alun , le faire bien sécher , et y attacher vos
te plantes avec de petites bandelettes de papier, que (vous colle"
M rez avec de la colle à bouche ; c'est avec cette colle que youa
<( pourrez aussi assujettir les organes de la fructification des plan*
M tes, lorsque vous anrex eu la patience de les dessécher à
«I part.... U serait bon d'avoir plusieurs échantillons de la mènsi
« plante, surtout si elle est sujette à yarier.... Il faut ren&nncr
« y os plantes dans des boites de tilleul que tous étk}iiete|$ï[ 3
m faut qu'elle^ soient en un lieu ieC| Ito. ^
M^Uaiai.: 3S
.>
386 LETTRES
Mtmmivtiaiwtmyt/timiyvm
'1-
Letthe p. a m. de Malesherbes.
Sur le format des Herbiers et sur la SjBon/mi(<
Si j'ai tardé si long-temps, monsMur^irej'i
dre en détail à la lettre que vous jnrez culabf i
de m'écrire le 3 janvier, c'a été d'abord dâibl^-^
du voyage dont vous m aviez prévenu, et as
je a^ai appris que dans la suite que voos ari^^
nonce, et ensuite par mon travail joarnafe.^^
m'estvenutoutd'uncoupen si grande abonà:
que , pour ne rebuter personne , j'ai été oHi: *
m y livrer tout entier; ce qui a fait à la l)oUa
une diversion de plusieurs mois. Mais enfio
la saison revenue, et je me prépre à recoœC'
cer mes courses champêtres, devcDueSjp:'-^
longue habitude, nécessaires à mon bani^'°^^
ma santé.
En parcourant ce qui me restait en P' ■
sèches , je n'ai guère trouvé hors de mon bff^ '
auquel je ne veux pas toucher, que quelques ^
blés de ce que vous avez déjà reçu; et cela nt
lant pas la peine d'être rassemblé pour un prf^
envoi, je trouverais convenable de me feii**
rant cet été, de bonnes fournitures, de Icspr^
rer, coller et ranger durant l'hiver; après qu^
pourrais continuer de même, d'année en ân^
jusqu'à cç que j'eusse épuisé tout ce que je p^
!T
I
SXm LA BOTANIQUE. 38^
rais fournir. Si cet arrangement vous convient,
monsieur, je m y conformerai ave^ exactitude; et
dès â présent je commencerai mes collections. Je
désirerais seulement savoir quelle forme vous pré-
férez. Mon idée serait de faire le fond de chaque
herbier sur du papier à lettre tel que celui-ci ; c'est
ainsi que jen ai commencé un pour mon usage,
et |e sens chaque jour mieux que la commodité
de ce format compense amplement l'avantage
qu'ont de plus les grands herbiers. Le papier sur
le' {uel sont les plantes que je vous ai envoyées
\audrait encore mieux , mais je ne puis retrouvrr
du mJme; et l'impôt sur les papiers a tellement de-
nature leur fabrication, que je nen puis plus trou-
ver pour noter qui ne perce pas. J'ai le projet aussi
d'une forme de petits herbiers à mettre dans lar
poche pour les plantes en miniature, qui ne sont
pas les moins curieuses, et je n'y iSgraisentrerncan-^
moins que des plantes qui pourraient y tenir en-
tières, racine et tout; entre autres, la plupart des
mousses, les glaux, peplis, montia, sagina, passo^
pierre, etc. Il me semble que ces herbiers mignons
pourraient devenir charmans et précieux en même
temps. Enfin , il y a des plantes d'une certaine
grandeur qui ne peuvent conserver leur port dans
un petit espace, et des échantillons si parfaits,
q le ce serait dommage de les mutiler. Je destine
à ces belles plantes du papier grand et fort; et
j'en ai déjà quelques-unes qui font un fort bel ef-
fet dans cette forme.
388 tirmiEs
n y a long-temps ^e j'éprouve les ^culié^
de la nomenclature , et j'ai souvent été tenk
d'abandonner tout-à-fait cette partie3I^ ili^i:
drait en même temps renoncer aux livres et i
profiter des observations d'autrui; et il mekoil'
ç[U un des plus grands charmes de la botan^^:
est 5 après celui de voir par soi-même, celui i^^
vérifier ce qu'ont vu les autres : donner, sdtj
témoignage de mes propres yeux , mon ass^-'
ment aux observations fines et justes dun aciu*
me paraît une véritable jouissance; an lien fi
quand je ne trouve pas ce qu'il dit, je soislK
jours eu inquiétude si ce n^est point moi qoi^
mal. D'ailleurs, ne pouvant voir parmoi-n-
que si peu de chose, il faut bien sur le rester
fier à ce que d'autres 'ont vu 5 et leurs diffirt: >
nomenclatures me forcent pour cela de percera
mon mieux le chaos de la synonymie. Il a i^ -
pour ne pas m y perdre, tout rapportera ud^e
menclature particulière*, et j'ai choisi celle d«l-
nœus, tant par la préférence que j'ai donDt^*
son système , que parce que ses noms, comp^
seulemcntde deux mots, me délivrent des loor
phrases des autres. Pour y rapporter sans pf '
celles de Toumefort, il me faut très-souvenir
courir à l'auteur commun que tous deux cit' !
assez constamment^ savoir Gaspard Bauhin. C<^
dans son Pinax que je cherche leur concordao''
car Linnœus me parait faire une chose convro!
ble et juste, quand Toumefort n a &it qoe P^
SUR 14 BOTANIQUE. 889
.dre la phrase de Bauhin, de citer Fauteur origi-
nal, et non pas celui qui Ta transcrit, comme on
fait très-injustement en France. De sorte que,
quoique presque toute la nomenclature de Tour-
nefort soit tirée mot à mot du pinax^ on croirait,
à lire les botanistes français , f^ill n^a jamais
existé ni Bauliin uipinax^ au monde ; et, pour
comble, ils font encore un crime à Linnaeus de
n avoir pas imité leur partialité. A IVgard dos
plantes dont ïournefort n'a pas tiré les noms du
pinax^ on en trouve aisément la concordance
dans les auteurs français linn^çistes, tels que Sau-
vages, Gouan , Gérard, Guétard, et d'Alibard,
qui l'a prcs(|uc toujours suivi.
J^ai fait cet hiver une seule herborisation dans
le bois de Boulogne, et j'en ai rapporté quelque»
mousses. Mais il ne faut pas s'attendre qu on
puisse complctter tous les genres, même par une
espèce unique. Il y en a de bien difficiles à' mettre
dans un herbier, et il y en a de si rares, quib
n'ont jairais passé et vraisemblement nepasseront
jamais sous mes yeux. Je crois que, dans cette fa-
mille et celles des algues, il faut se tenir aux gen-
res , dont on rencoiilre assez souvent des espèces^
pour avoir le plaisir de s'y reconnaître, et négliger
cvnx dont la vue no nous reprochera jamais notre
ignorance, ou dont la figure extraordinaire nous
fera faire effort pour la vaincre. J'ai la vue fort
courte, mes yeux deviennent mauvais, et je ne
puis plus espérer de recueillir que ce qui se pro-
33.
3cfO LETTRES
sentera fortuitement dans les lieux à peu près o&
je saurai qu'est ce que je cherche. Â l'égard de la
manière de chercher, j'ai suivi M. de Jussieu dans
sa dernière herborisation , et je la trouvai si tumul*
tueuse et si peu utile pour moi, que, quand il en
aurait encore fait, j'aurais renoncé à l'y suiTre.
Jai accompagné son neveu Tannée dernière, moi
vingtième, à Montmorency, et j'en ai ra^wrté
quelques jolies plantes, entre autres la Ij-simachia
tenellaj que je crois vous avoir envoyée. Mais j'ai
trouvé dans cette herborisation que les indications
de Tournefort et de Vaillant sont très-fautives, on
que, depuis eux, bien des plantes ont changé de
sol. Jai cherché entre autres, et jai engagé toat
le monde à chercher avec soin le plantago monan-
ihos à la queue de l'étang de Montmorency, et
dans tous les endroits oti Tournefort et VaîlUnt
rindiquent, et nous n en avons pu trouver un seul
pied : en revanche, j'ai trouvé plusieurs plantes
de remarque, et même tout près de Paris, dans
des lieux où elles ne sont point indiquées. En gé-
néral j'ai toujours été malheureux eo cherchant
d'après les autres. Je trouve encore mieux mon
compte à chercher de mon chef.
J'oubliais, monsieur, de vous parler de vos li-
vres. Je n'ai &it encore qu y jeter les yeux ; eC
comme ils ne sont pas de taille à porter dans la
poche, et que je ne lis guère l'été dans la chambre,
{e tarderai peut-être jusqu^à la fin de l'hiver pro-
chain à vous rendre ceux dont vous n'aurez pat
SUR LA BOTANIQUE. Sgi
à faire avant ce temps-là. J'ai commencé de lire
ÏAnthologie de Pontedera , et fy trouve coDlre
le système sexuel des objections qui me parais-
sent bien fortes, et dont je ne sais pas comment
Linnseus s'est tiré. Je suis souvent tenté d'écrire
dans cet auteur et dans les autres les noms do
Linnxus à côté des leurs pour me reconnaître.
J ai déjà même cédé à cette tentation pour quel-
ques-unes, n'imaginant à cela rien que d'avanta-
geux pour l'exemplaire. Je sens pourtant que c'est
une liberté que je n\iurais pas dû prendre sans
votre agrément, et je lattendrai pour continuer.
Je vous dois des remercîmens, monsieur, pour
l'emplacement que vous avez la bonté de m'offrir
pour la dessiccation des plantes : mais, quoique
ce soit un avantage dont je sens bien de la priva-
tion , la nécessité de les visiter souvent, et Téloi-
gnement des lieux, qui me ferait consumer beau-
coup de temps en courses , m'empêchent de me
prévaloir de cette offre.
La fantaisie m'a pris de faire une collection de
fruits et de graines de toute espèce, qui de\Taient,
avec un herbier, faire la troisième partie d'un
cabinet d'histoire naturelle. Quoique j'aie encore
acquis très-peu de chose, et que je ne puisse espé*
rer de rien acquérir que très -lentement et par
hasard, je sens déjà pour cet objet le défaut de
place : mais le plaisir de parcourir et visiter inces-
samment ma petite collection peut seul me payer
la peine de la ùire *, et si je la tenais loin de mes
3qsi lettres
yeux, je ccsserab d*en jouir. Si, par hasard, t^
gardes et jardiniers trouyaient ^elquefois $f j
leurs pa5 des faînes de hêtres, des fruits daui-'
d'érables , de bouleau , et généralement de totk ;
fruits secs des arbres de forêts ou d'autres, q?
en ramassassent, en passant, quelques-anse
leurs poches , et que vous voulussiez bien l
faire paivenir quelques échantillons par occasi
j'aurais un double plaisir d'en omerma colîea
naissante.
Excepté l'Histoire des Mousses par Eîifarlv
j'ai à moi les autres livres de botanique donl\ u
m envoyez la note : mais , quand je n'en â '
aucun, je me garderais assurément de conse':
vous priver, pour mon agrément , du moladr
amusemens qui sont k voire portée. Je vous;
monsieur, d'agréer mon respct.
LstTRE II. Au même»
Sur les Mousses.
.= I
A Paris, le 19 déctmbrt 17*1
Voici, monsieur, quelques échantillo:
mousses que j^ai rassemblés à la hâte y pour ^1
mettre à portée au moins de distinguer les ['i
paux genres avant que la saison de les ob- <
soit passée. C est une étude à laquelle j'emp i
délicieusement Ibiver que j'ai passé à W'o^l
où je me trouvais environné de montagne.^
SUR LA BOTANIQUE. 3,, 3
bois et de rochers tapissés de capillaires et de
mousses des plus curieuses. Mais, depuis lors, j'ai
si bien perdu cette famille de vue, que ma mé-
moire éteinte ne me ibumit presque plus rien de
ce que j avais acquis en ce genre ; et n'ayant point
I ouvrage de Dilleuius, guide indispensable dans
ces recherches , je ne suis paiTenu qu'avec beau-
coup d effort, et souvent avec doute^ à déterminer
les espèces que je vous envoie. Plus je m'opiniàtre
à vaincre les difficultés par moi-même et sans le
secours de personne , plus je me confirme dans
lopinion que la botanique , telle qu'on la cultive,
est une science qui ne s'acquiert que par tradition :
on montre la plante, on la nomme; sa figure et
son nom se gravent ensemble dans la mémoire. Il
y a peu de peine à retenir ainsi la nomenclature
d^un grand nombre de plantes : mais , quand on
se croit pour cela botaniste , on se trompe , on
n'est qu'herboriste; et quand il s'agit de détermi-
ner par soi-même et sans guide les plantes qu on
n'a jamais vujss, c est alors qu on se trouve arrêté
tout court, et qu^on est au bout de sa doctrine. Je
suis resté plus ignorant encore en prenant la route
contraire. Toujours seul et sans autre maître qUe
la nature , j'ai mis des efforts incroyables à de
très-faibles progrès. Je suis parvenu à pouvoir,
en bien travaillant, déterminer à peu près les
genres ; mais pour les espèces, dont les diÛërences
sont souvent très-peu marquées par la nature, et
plus mal énoncées par les aulems, je n'ai pu par-
3
gS LETTRES
plantes indigènes. Il n'y a que les jardins et pn
ductions exotiques où je me trouve en payspenii
En6n ce que je naurai pu déterminer sera p:<
vous, monsieur, un objet de recherche et de :\
riosité qui rendra vos amusemens plus ptqu>'î:
Si cet arrangement vous plaît , je suis à vos onlr i
et vous pouvez être sûr de me procurer un &zi
sèment très-intéressant pour moi.
^attends la noteque vous m'avez promise t< .i
travailler à la remplir autant qu'il dépendra j
moi. L'occupation de travailler k- des krK-r
remplira très-agréablement mes beaux îoiBsd/.(.i
Cependant je ne prévois pas d'être jamais
riche eD plantes étrangères; et, selon moi, It
grand agrément de la botanique est de p^»^ J
étudier et connaître la nature autour de soi ; i
tôt qu aux Indes. J'ai été pourtant assez hec i
pour pouvoir insérer dans le petit recueil qu-
eu l'honneur de vous envoyer quelques pk' i
curieu .es, et entre autres le vrai papier, qui i
guici notait point connu en France, pas cki
de M. de Jussieu. Il est vrai que je n'ai pu ^ i
envoyer qu'un brin bien misérable , mais c'en i
assez pour distinguer ce rare et précieux sooci
Voilà bien du bavardage; mais la botanique n j
trahie , et j'ai le plaisir d en parler avec tous : i
cordez-moi, monsieur, un peu d'indulgence.
Je ne vous envoie que de vieilles mousses ; |
ai vainement cherché de nouvelles dans la c^
pagae II n'y en aura guère qu au mois de &ft
sua LA BOTANIQUE. 397
pirce que lautomne a été trop sec^ encore fau-
dra-t-il les chercher au loin. On n'en trouve guère
autour de Paris que les mêmes répétées.
Lettre F^. A madame la duchesse de Portland.
A Wootton, le 20 octobre 1766.
Vousi ayez raison, madame la duchesse, de
commencer la correspondance, que vous me faites
rhohneur de me proposer, par m'envoycr des li-
vres pour me mettre en état de la soutenir : mais
je crains que ce ne soit peiné perdue ; je ne retiens
plus rien de ce que je lis; je n'ai plus de imémoire
pour les livres, il ne m'en reste que pour les per-
sonnes, pour les bontés qu'on a pour moi-, et j'es-
père à ce titre profiter plus avec vos lettres qu'avec
tous les livres de l'univers. 11 en est un , madame,
où VOU6 savez si bien lire, et où je voudrais bien
apprendre i épeler quelques mots après vous«
Heureux qui sait prendre assez de goût à cette
intéressante lecture pour n avoir besoin d'aucune
autre, et qui, méprisant les instructions des hom-
mes, qui sont menteurs, s'attache à celle&.,de la
nature, qui ne ment point! Vous letudiez avec
autant de plaisir que de succès; vous la suivez
dans tous ses règnes ; aucune de ses productions
ne vous est étrangère; vous savez assortir les fos-
filles,^ les minéraux^ les coquillag^esi cultiver le*
SgS LETTRES
plantes, apprivoiser les oiseaux : clqQCB'app'
voiseriez-vous pas? Je connais un animal un p
sauvage qui vivrait avec grand plaisir dans \o:'
ménagerie, en attendant rbonneur dèlrc adi-
un jour en momie dans votre cabinet.
J'aurais bien les mêmes goûts si jeUÎsenr-
de les satisfaire ; mais un solitaire et un comni
rant de mon âge doit rétrécir beaucoup 1 unh ^
s'il veut le connaître: et moi, qui me perds cop
un insecte parmi les herbes d'un pré, je n'ai; '
d'aller escalader les palmiers de l'Afrique u
cèdres du Liban. Le temps presse, et, loind.N
rer à savoir un jour la botanique, j*ose i ^
espérer d'herboriser aussi bien que les, mou* J
qui paissent sous ma fenêtre ^ et de savoir coaJ
eux trier mon foin.
J'avoue pourtant, comme les hommes ne î>
guère conséquens, et que les tentations vien--
par la facilité d'y succomber, que le jardin dec
excellent voisin, M. de Granvillc, ma donm
projet ambitieux d eu connaître les rickessi
mais voilà précisément ce qui prouve que, ne
chant rieh, je ne suis &it pour rien apprew
Je vois les plantes, il me les nomme, je les onU
je lè^îevois, il me les renomme, je les oublie
core; et il ne résulte de tout cela que l'éprei
que nous faisons sans cesse, moi de sa comp
sance, et lui de mon incapacité. Ainsi, dac
de la botanique, peu d'avantage; mais un ti
grand pour le bonheur de la vie, dan; celui
SUR LA BOTANIQUE. 3f)g
cultiver la société d'un voisin bienfaisant, obli
géant, aimable, et, pour dire encore plus, sll est
possible, à qui je dois Thonneur d'être connu
de vous.
Voyez donc, madame la duchesse, ^el ignare
con^cspondant vous vous choisissez , et ce qu'il
pourra mettre du sien contre vos lumières. Je suis
en conscience obligé de vous avertir de la mesurcj
des miennes; après cela^ si vous daignez vous eu
contenter, à la bonne heure; je n'ai garde de re-
fuser un accord si avantageux pour moi. Je vous
rendrai de l'herbe pour vos plantes, des rêveries
pour vos observations; je m instruirai cependant
par vos bontés : et puisse -je un jour, devenir
meilleur herboriste , orner de quelques fleurs la
couronne que vous doit la botanique pour l'hon-
neur que vous lui faites de la cultiver!
Javais apporté de Suisse quelques plantes
sèches qui se sont pouries en chemin : c'est un
herbier à recommencer, et je n'ai plus pour cela
les mêmes ressources. Je détacherai toutefois de
ce qui me reste quelques échantillons des moins
gâtés, auxquels jen joindrai quelques-uns de ce
pays en fort petit nombre , selon lëtendue de mon
savoir, et je prierai M. Granville de vous les faire
passer quand il en aura Toccasion; mais il faut
auparavant les trier, les démoîsir, et surtout re-
trouver les noms à moitié perdus, ce qui u'cst pas
pour moi une petite affaire. Et, à propos des
noms, comment pai viendrons -nous, madame, à
400 LETTRES
nous entendre? Je ne connais point les noms îq-
glais; ceux qae je connais sont tous du Pinox^
Gaspard Bauhin on du Species plantarum c?
M. Linnœus , et je ne puis en faire la s}'noD}ip>
avec Gérard, qui leur est antérieur à lun eii
Tautre, ni avec le Synopsis^ qui est antérieur yj
second, et qui cite rarement le premier-, en s* r
que mon Species me devient «lutile pour>oû^
nommer l'espèce de plante que fy connais
pour y rapporter celle que vous pouvez mek"
connaître. Si par hasard y madame la daclic>^
vous aviez aussi le Species plantarum ou le P
naXj ce point de réunion nous serait très-commf-
pour nous entendre , sans quoi je ne sais pas tri
comment nous ferons.
J'avais écrit à milord Maréchal deux joc
avant de recevoir la lettre dont vous m'avez b
noré. Je lui en écrirai bientôt une autre p*^^
m'acquitter de votre commission , et pour Iui<i^
mander ses félicitations sur Favantage que sc^
nom m'a procuré près de vous* J'ai renoncé i to^
commerce de letb^s, hors avec lui seul et ui
autre ami. Vous serez la troisième, madame I
duchesse, et vous me ferez chérir toujours plusl
botanique à qui je dois cet honneur. Passé cela
la porte est fermée aux correspondances. Je à
viens de jour en jour plus paresseux; il ni«
coûte beaucoup d'écrire à cause de mes incoronM
dîtes; et content d'un si bon choix je m'y bon»''
5tR LA BOTANIQUE. ifoi
bien sûr que^ si je Tétendais davantage, le même
bonheur ne m'y suivrait pas.
Je vous supplie, madame la duchesse, d agréer,
mon profond respect.
Lettre II. A la même.
A Wooton, le la fiéTrier 17G7. ^
Je n'aurais pas^ madame la duchesse, tardé uni
seul instant de calmer, si je lavais pu , vos inquiÀ<>
tudes sur la santé de milord Maréchal; mais je
craignis de ne faire, en vous écrivant, qu'augmen-
ter ces inquiétudes , qui devinrent pour moi des
alarmes. La seule chose qui me rassurât était que
j avais de lui 'une lettre du .22 novembre; et je
présumais que ce qu'en disaient les papiers pu-
blics ne pouvait guère être plus récent que ccla..
Je raisonnai là - dessus avec M. Granville , qui
devait partir dans peu de jours, et qui se chargea
de A'^ous rendre compte de ce que nous avions
pensé , en attendant que je pusse , madame , vous-
marquer quelque chose de plus positif : dans
cette lettre du 32 novembre, milord Maréchal me
marquait qu'il se sentait vieillir et affaiblir, qu'il
n'écrivait plus qu'avec peine, qu'il avait cessé
d'écrire à ses parens et amis, et qu'il m'écrirait
désorma^'s fort rarement à moi-même. Cette réso-
lution, qui put -être était déjà leffet de sa mala-
die, fait que son silence depuis ce temps -là me
forprend moins ^ mais il me chagrine extrême
34.-
4oa LETTRES
ment. Xattendaisquelcpie réponse aux lettres qoi
je lui ai écrites; je la demandais incessammeD'.
et j'espérais vous en faire part aussitôt; U nV:
rien venu. J ai aussi écrit à son banquier ï
Londres, qui ne savait rien non plus, mais qr.
ayant fait des informations, m^a marqué qu .
cITet milord Maréchal avait été fort malade, œ::
qu il était beaucoup mieux. Voilà tout ce que ]0
sais, madame la duchesse. Probablement vousrQ
savez davantage à présent vous-même; et, a \
supposé, j oserais vous supplier de vouloir biei
me faire écrire un mot pour me tirer du troul i
oh je suis. A moins que les amis charitables :i
m^instruisent de ce qu'il mimporte de savoir.]
ne suis pas en position de pouvoir l'appreadre : i
moi-même.
Je n'ose presque plus vous parler deplani!
depuis que, vous ayant trop annoncé les chiâ
que j avais apportés de Suisse, je n'ai pu cdi :
vous rien envoyer. U faut, madame, vous avoj
toute ma misère : outre que ces débris valdM
^)eu la peine de vous être oflèrts, j'ai été rcta:
par la difficult'é den trouver les noms, qui ipi
quaient à la plupart ; et cette difficulté mai TaiL>!
m'a Élit sentir que j'avais fait une entreprise t:
pénible à mon âge, en voulant m obstiner à ci
naître les plantes tout seul. Il Ëiut, en botank^
cominencei par être guidé; il faut da moins
prendre empiriquement les noms d'un cen
nombre de plantes avant de vouloir ieft étu<
SUR LA BOTANIQUE. 4^^
méthodiquement : il &ut premièrement être her-
boriste y et puis devenir botaniste après , si Ton
peut. J'ai voulu faire le contraire, et je m'en suis
mal trouvé. Les livres des botanistes modernes
n'instruisent que les botanistes ; ils sont inutiles
aux ignorans. U nous manque un livre vraiment
élémentaire, avec lequel un homme qui n^aurait
.jamais vu de plantes pût paiTenir à les étudier
seul. Voilà le livre qu il me faudrait au défaut d'in-
structions verbales i car, où les trouver? Il n y a
point autour de ma demeure d'autres herboristes
que les moutons. Une difficulté plus grande est
que j'ai de très-mauvais yeux pour analyser les
piaules par les parties de la fructification. Je voir
drais étudier les mousses et les gramens qui sont
à ma portée; je m'éborgne, et je ne vois rien. Il
scmijle , madame la duchesse , que vous ayez exac-
tement deviné mes besoins en m envoyant les
deux livres qui me sont le plus utiles. Le Synopsis
comprend des descriptions à ma portée et que je
suis en état de suivre sans m^arracher les yeux, nt
le Petiver m'aide beaucoup par ses figures, qui
prêtent à mon imagination autant qu'un objet
sans couleur peut y prêter. C'est encore un grand
défaut des botanistes modernes de lavoir négligée
entièrement. Quand j'ai vu dans mon Linnacus la
classe et Tordre dune plante qui m'est inconnue ^
je voudrais me figurer cette plante, savoir si elle
est grande ou petite , si la fleur est bleue ou rouge,
me représenter son port. Rien. Je lis une descrip*
4oî LETTRES
ti(m caiactéristîquc, d'après laquelle \e ncpé
rien me représenter^ Cela n'esl-il pas désolant?
Cependant, madame la duchesse, je suisasv:
fou pour m'obsliner, ou plutôt je suis assez sa:^
tMr ce goût est pour moi une affaire de raison. J^
(juekpie fois besoin dart pour me conserverie
ce cal ne précieux au milieu des agitations f
troul)lent ma vie, pour tenir au loin ces pass.
haineuses que vous ne connaissez pas, que je : i
guère connues que dans les autres , et que je n
peux pas laisser approcher de moi. Je ne vr^
pas , s'il est possible , que de tiistes somn !
viennent troubler la paix de ma solitude. Je u:
oublier les hommes et leurs injustices. Je v i
m attendrir' chaque jour sur les merveilles de û i
qui les fit pour être bous, et dont ils ont si ici
giicmcnt dégradé l'ouvrage. Les végétaux c
nos bois et dans nos montagnes sont encore t
quils sortirent originairement de ses mains,
c'est là que j'aime à étudier la nature; car je \>
avoue que je ne sens plus le même charme h !j
boriser dans un jardin. Je trouve qu elle n'^
plus la mémo; elle y a plus d éclat, mais elle
est pa si touchante. Les hommes disent q i
rembcllisscnt, et moi je trouve qu'ils la dO:
rent. Pardon, madame la duchesse; en pan
des jardins j'ai peut-être un peu médit du vi 1
mais, si j étais à portée, je lui ferais bien répi
tion. Que n'y puis-je faire seulement cinq ou
herborisations à votre suite ^ sous M. le docl
SUR LA BOTANIQUE. ^oi
Solanderl II me semble que le petits fonds de
connaissances que je tâcherais de rapporter de ses
instructions et des vôtres sufiirait pour ranimer
mon courage, souvent prêt à succomber sous le
poids de mon ignorance. Je vous annonçais du
bavardage et des rêveries; en voilà beaucoup trop.
Ce sont des herborisicions d'hiver; quand il n y a
plus rien sur la lerrc, j'herborise dans ma tête, et
^lalheureusement je n'y trouve que de mauvaise
lerbe. Tout ce que j*ai de bon s'est réfugié dios
non cœur, madame la duchesse, et il est plein de»
,entiniens qui vous sont dus.
Mes chiffons de plantes sont prêts ou a peu
nrès ; mais, faute de savoir les occasions pour les
mvoyer, j'attendrai le retour de M. GEraBvUle
pour le prier de vous les Ëiire parvenir*
Lettre IIL A la mémem
VTooltcn, 28 térûa 1757,
SIadame la duchesse 7
Pardonnez mon împortunîté : je suis trop touh
ché de la bonté que vous avez eue de me tirer de
peine sur la santé de milord Maréchal , pour diffé-
rer à vous en remercier. Je suis peu sensible i
mille bons offices où ceux qui veulent me les
rendre à toute force consultent plus leur goût que
le mien. Mais les soins pareils à celui que vous
avez bien voulu prendre en cette occasion m'afr
4o8 LETTRBS
tremisc, parvenir à savoir si mes lettres Imi^
viennent? Je fis partir^ le 1 6 de ce mob, k ci
trième que je lui ai écrite depuis sa dermén
ne demande point qu'il y réponde, je iésirr
seulement d'apprendre sll les reçoit Je pn
bien toutes les précautions qui sont en moB f
voir pour quelles lui parviennent; mais lai
cautions qui sont en mon pouvoir à at à
comme à beaucoup d'autres y sont Uen p"»
chose dans la situation où je suis.
Je vous supplie, madame la duchesse.cap
avec bonté mon profond respect.
Lbttre V. a la même.
Ce lojuiaeti:^
Permettez, madame la duchesse, que]
gue habitant hors de rÂngleterre, jepre^^
liberté de me rappeler à votre souvenir. G^i
Tos bontés m'a suivi dasos mes voyages et ci
bue à embellir ma retraite. Ty ai apporté i«
nier livre Xjue vous m'avez envoyé; et je n^J
i faire la coQiparaison des plantes de ce a
avec celles de votre île. Si j'osais me flatter
dame la duchesse, que mes observations p
avoir pour vous le moindre intérêt, Icd^
70US plaire me les rendrait plus importai'
taoïbition de vous appartenir me fait aspi'
ûtre de votre herboriste ^ comme si j'avais le
ix^ai2|3anc;es qui me rendraient digne de le |
SUK LA BOTANIQUE. 499
Accordez-moi, madame, je vous en suppUe, la
permission de joindre ce titre au nouveau non»
gue je substitue à celui sous lequel j^ai yécu st
malheureux. Je dois cesser de Tétre sous vos aus-
pices; et l'herboriste de madame la duchesse de
Portland se consolera sans peine de la mort de
J. J. Rousseau. Au reste, je tâcherai bien que ce
ne soit pas là un titre purement honoraire; je sou-
halte qu'il m'attire aussi Thonneur de vos ordres,
et je le mériterai du moins par mon zèle à les
remplira
Je ne signe point ici mon noii^veau noih, et je
ne date point du lieu de ma retraite (*), n ayant
pu demander encore la permission que j'ai besoin
d'obtenir pour cela. S'il vous plaît, en attendant,
m'honorer dune réponse , vous pourrez , madame
la duchesse , l'adresser sous mon ancien nom ,
à Mess..., qui me la feront parvenir. Je finb par
remplir un devoir qui m'est bien {ffédeux, en
vous suppliant, madame la duchesse, dagréer ma
très-humble reconnaissance et les assurances de
mon profond respect.
(*) Le chàtctu de Trje^ où Rooteeeu était bous le nom de
RlHOV.
l|cUa|U.' 35
4lO LETTHES
Lbttu VI. A la méme^
Je suis d*aatant plus toucbé , madame b do-
chesse , des nouveaux témoignages de bon tés doLt
ilvousaplumlionorer^que j avais quel(jue craiiite
que Féloignement ne m eût fait oublier de ynm.
Je tâcherai de mériter toujours par mes sentimens
les mêmes grâces , et les mêmes souvenirs par moo
assiduité à vous les rappeler. Je suis comblé de b
permission que vous voulez bien m'accoider, et
très-fier de Thonneur de Vous appartenir en quel-
que chose. Pour commencer, madame, à rempfi:
des fonctions que vous me rendez préciensef. ^
vous envoie ci-joints deux petits échantillons de
plantes que j ai trouvées à mon voisinage, parmi
les bruyères qui bordent un parc , dans un terraiii
assez humide, où croissent aussi la camomille
odorante , le Sagina procumbens , VHiercunum
umbellotum de Linnœus, et d'autres plantes qce
je ne puis vous nommer exactement, n avant
point encore ici mes livres de botanique, excrpJ^
le Flora Britannica , qui ne m'a pas quitté us
seul moment.
De ces deux plantes, lune, n^ a, me paraît
être une petite gentiane , appelée , dans leSynopsis^
Centaurium palustre luteum minimum nosiras,
Flor. Brit. i3i.
Pour 1 autre n^ i , je ne saurais dire ce ^pie
SUR LA BOTANIQUE. /^If
c'est, à moins que ce ne soit peut-être une élatine
de Linnseus, appelée par YàjîiiaxLX Abinastnun
serpyllifolium , etc. La phrase s^j rapporte asseï
bien ; mais Vélatine doit avoir huit étamines , et je
n'en ai jamais pu découvrir que quatre. La fleur
est très-petite; et mes yeux, déjà Ëiibles naturel-
lement, ont tant pleuré, que je les perds avant le
temps : ainsi je ne me fie plus à eux. Dites-moi de
grâce ce qu^il en est, madame la duchesse; c*est
moi qui devrais, en vertu de mon emploi, vous
instruire ^ et c^est vous qui m'înstnusez. Ne dé«
daignez pas de continuer, ^e vous en supplie; eC
permettez que je vous rappelle la plante à fleivr
jaune que vous envoyâtes Tannée dernière ik
M. Granvillc,» et dont je vous ai renvoyé uo
exemplaire pour en apprendre le nom*
Et à propos de M* GranvIUe, mon bon voisér,
permettez^ madame^ que je tous témoigne ïia-
quiétude qiûî son silence me cause. Je lui aiécrit^
et il ne ma point répondu, lui qui est si exact.
Serait-il malade? J'en suis vérîtalilement en peine.
Mais je le suis .plus encore de milord Maréchal,
mon ami, mon protecteur, mon père, qui m*a to-
talement oublié. Non, madame, cela ne saurait
être. Quoi qu'on ait pu faire, je puis être dans sat
disgrâce, mais je suis sûr qu'U m aime toujours.
Ce qui m'afilige de it:a position, c est qu elle m'ôte
les moyens de lui écrire. J'espère pourtant en avoir
dans peu l'occasion , et je n'ai pas besoin de vous<
dire avec quel empressement je la saisirai. En ai*
4l2 LETTRES
tendant, f Implore vos bontés pour ayoir ie«
nouToUes, et, si j'ose ajouter, pour Im faire &
UB mot de moi.
J'ai l'honneur d'être avec un profond rcspccl
Madame la duchesse,
YotR trtf-Iminiae et ttèHitfi
•crricenry
Herboaistb.
p. s. Tavais dit au jardinier de M. Davespfi
que je lui montrerais les rochers où croissait
petit adiantunij pour que vous pus«c2,inai'^
eu emporter des plantes. Je ne me pardonne p'
de l'avoir ouhtié. Ces rochers sont au mii {
maison et regardent le nord. 11 est tr&s-auv c
détacher des plantes , parce qu'il y en a çn f''
sent sur des racines d'arhres.
Le long retard, madame, du départ de(^
lettre , causé par des difficultés qui tiennent i
situation, me metàportée de rectificravanlf
parte ma balourdise sur la plante ci-jointe i
Car ayant dans Fintervalle reçu mes livres i
tanique, jy ai trouvé, à ïsààe des figure?'
Michelius avait fait un genre de cette planU
le nom de Linocarpon^ et que Lînnaras 1^
mise parmi les espèces du lin. Elle est aussi
le Synopsis sous le nom de Radiolcj et feu i
trouvé la figure dans le Flora Britannica (p
vais avec moi, mais précbément la plaoch
I
SUR LA BOTANIQUE. ^i3
oh est cette figure, se trouve omisp dans mon
eicemplaire et n^est que dans le Synopsis, que je
n avais pas. Ce long verbiage a pour but, madame
la duchesse, de vous expliquer comment ma bévue
tient à mon ignorance, à la vérité, mais non pas
à ma négligence. Je n'en mettrai jamais dans la
correspondance que vous me permettez d'avoir
avec vous, ni dans mes efforts pour mériter un
titre dont je m'honore : mais , tant que dureront
les incommodités de ma position présente, Vexac^
titude de mes lettres en souffirira, et je prends le
parti de fermer celle-ci sans être sûr encore du
jour où je la pourrai faire partir*
Lettre VII. A la méme^
Ce 4 ]an^î<^r 17 68.
Je n'aurais pas tardé si long-temps, madame la
duchesse , à vous faire mes très-hambles remerci-
mens pour la peine que vous avez prise d'écrire en
ma fiivcur à milord Maréchal et 4 M. Gran ville,
si je n avais été détenu près de trois mois dans la
chambre dun ami qui est tombé malade chez moi,
et dont je n ai pas quitté le chevet durant tout ce
temps, sans pouvoir donner un moment à nul
autre soin. Enfin la Providence a béni mon zèle:
je lai guéri presque malgré lui. 11 est parti h er
bien rétabli; et le premier moment que son départ
mo lai^ est emjloyéf madame^ & remplir auprès
35.
4lS LETTRES
Lettre VIII. A la niéme.
ALyon,ks}uUeti;6S.
S*iL étalten mon pouvoir, madame ladoct
lïc mettre de rexactilude dans quclpiccontsi
dance, ce serait assurément dans celle donn
m'honorez; maïs, outre l'Indolence et le déc
gement qui me subjuguent chatjae jour à
tagc^ les tracas secrets dont on me tourme!!:'
sorbcnt malgré moi le peu d'activité qui mc^
et me voilà maintenant embarqué dans uof
voyage, qui seul serait une terrible affai"!
un prcsseux tel que moi. Cependant, coin
botanique en est le principal objet, je tâck
l'approprier à Thonneur que j'ai de vousa[f
nir, eu vous rendant compte de mes hert
tions, au risque de vous ennuyer, mada'
détails triviaux qui n'ont rien de nouTt^i
vous. Je pourrais vous en faire d'inléress^'
le jardin de l'École vétérinaire de cette vill*'
les directeurs, naturalistes, botanistes, et J
très-aimables, sont en m^me temps très<«
uicatifs; mais les richesses exotiques de et
m'accablent, me troublent, par leur moll
' et, à force de voir à la, fob trop de choses
discerne et ne retiens rien du tout. Jesp
trouver un peu plus à Taise dans les moi
de la grande Chartreuse, où je compte aii
borîser la semaine prochaine avec deax
SUR LA BOTANIQUE. 4^7
messieurs, qui veulent bien &ire cette course , et
dont les lumières me la rendront très-utile. Sî
j'eusse été à portée de consulter plus souvent les
vôtres, madame la duchesse, je serais plus avancé
C[ue je ne suis.
Quelque riche que soit le j<urdin de FÉcole vé-
térinaire, je n'ai (pendant pu y trouver le ffeu'p
tiana campestris ni le swertia perennU; et comme
le gentiana filiformis n^était pas même encore
sorti de terre avant mon départ de Trye, il m'a
par conséquent été impossible d'en recueillir de
la graine, e( il se trouve qu'avec le plus grand zèle
pour faire les commissions dont vous avez bien
voulu mlonorer, je n'ai pu encore en exécuter
aucune. J^espère être à l'avenir moins malheu-
reux, et pouvoir porter avec pins de succès un
titre dont je me glorifie.
J'ai commencé le catalogue d'un 'herbier dont
on m'a fait présent, et que je compte augmenter
clans mes courses. «Tai pensé, madame la duchesse,
qu'en vous envoyant ce catalogue, ou du moins
celui des plantes que je puis avoir i double, si
vous preniez la peine d'y marquer celles qui vous
manquent, je pourrais avoir Thonneur de vous les
envoyer fraîches ou sèches, selon la manière que
vous le voudriez, pour l'augmentation de votre jar-
din ou de votre herbier. Donnez-moi vos ordres,
madame, pour les Âlpes, dont je vais parcourir
quelques-unes ; je vous demande en grâce de pou-
voir ajouter au plaisir que. je trouve à mes herbo-
4!8 lETTUBS
r'sations celai d^en SiireqaelqpfiimespovrTQt;
seryice. Mon adresse fix^i durant mes coom
sera celle-ci :
A monsieur Renous chez Mess^
JTose vous supplier, madame bt dachest.i
vouloir bien me donner des nouTeDesde mi i
Maréchal , tontes les fois que vous me fenz ili
ncur de m'écnre. Je crains bien qoetoutceq:
passe à Neufchâtei n^afflige saa excelleotcT^
car je sais qu*il aime toujours ce pays-U.ia^
l'iiigratitude de ses habitans. Je snâs affli^^^
(4C n'avoir plus de nouvelles, de M. GranviL
lui .' erai toute ma vie attaché.
Je vous supplie^ madame la duchesse, i^
avec bonté mon profond respect.
Lettre IX. A la même*
AB«argoiiicnD«ipbin6*kii tMtij
Madame la duchesse y
Deux voyages consécutifs immédiatementi
la réception de la lettre dont vous m'avez U
le 5 juin dernier, Vkout empêché de voos li
gner plus tôt ma joie, tant pour la conseit
de votre santé que pour le rétablissement if
du cher fils dont vous étiez en alarmes, et id^
titude pour les marques de souvenir qu'il v
plu m'accôrder. Le second de ces voyages
SUR LA BOTANIQUE* 4<9
fait h votre intenûon; et, yoyant passer la saison
de l^herborisation que j avais en vue, fai préféré
dans cette occasion le plaisir de vous servir 4
llionneur de vous répondre. Je suis donc parti
avec quelques amateurs pour aller sur le mont
Pila, à douze ou quinze lieues d'ici, dans l'espoir,
madame la duchesse, d'y trouver quelques plantes
ou quel [i es graines qui méritassent de trouver
place dans votre herbier ou dans vos jardins : je
n'ai pas eu le bonheur de remplir à mon gré mon
attente. 11 était trop tard pour les fleurs et pour
les graines ; la pluie et d'autres accidens nous
ayant sans cesse contrariés , m'ont fait faire un
voyage aussi peu utile qu'agréable ; et je n'ai pres-
que rien rapporté. Voici pourtant, madame la
duchesse, une note des débris de ma chétive col-
lecte. C'est une courte liste des plantes dont j'ai
pu conserver quelque chose en nature , et j'ai
ajouté une étoile à chacune de celles dont j'ai re-
cueilli quelques graines, la plupart en bien petite
quantité. Si parmi les plantes ou parmi les graines
il se trouve quelque chose ou le tout qui puisse
vous agréer, daignez, madame, m'honorer de vos
ordres, et me marquer à qui je pourrais envoyer
le paquet, soit à Lyon, soit à Paris, pour vous le
faire parvenir. Je tiens prêt le tout pour partir
immédiatement après la réception de votre note;
mais je crains bien qu'il ne se trouve rien là digne
d'y entrer, et que je ne continue d'être à votre
égard un serviteur inutile malgré son zèle.
4aO LETTRES
J'ai la mortification de ne pouvoir i<;<^
présent, vous envoyer , madame la docbe^
la graine de gentiana filifarmiSf la fbnU
très -petite , très-fîi§itive , difficile à rmi
pour les yeux qui ne sont pas botanistes, m
à qui j Wais compté m adresser pour ceb
mort diins TintervâUe , et ne eonnaissai
sonne dans le pays à quh pouYcir doo!
commission.
' Une foulure que je me sois &ite ï t
^oite par une chute, ne me permettaDl
qu'avec beaucoup de peine, me force &i
lettre plus tôt que je n'aurais désiré. Dair-
dame la duchesse , a^éer avec bontë le i^
profond respect de votre très-humble et w
sant serviteur,
liETTiut X. A la même.
A Monquia, le ai déccalfti:
Cbst , madame la duchesse , ayec h
honte et du regret que je m'acquitte si
petit envoi que j'avais eu Honneur de y
noncer, et qui ne valait assurément pas
d'être attendu. Enfin , puisque mieux t
que jamais , je fis partir jeudi dernier, poc
une botte à ladresse de M. le chevalier L
contenant les plantes et graines dont je
la note. Je désire extrêmement que le to
Sun LA BOTANIQUE. /^^t
parvienne en bon état; mais comme je n'ose es-
pérer que la boite ne. soit pas ouverte en route, et
mâme plusieurs fois, je crains fort que ces herbes,
fragiles et déjà gâtées par Thumidité, ne vous ar-
rivent absolument détruites ou méconnaissables.
Les graines au moins pourraient, madame la du-
chesse, vous dédommager des plantes, si elles
étaient plus abondantes; mais vous pardonnerez
leur misère aux divers accidens qui ont, 14-^essus,
contrarié mes soins. Quelques uns de ces accidens
ne laissent pas d'être risibles, quoiqu'ils m'aient
donné bien du chagrin. Par exemple, les rats ont
manège ^ur ma table presque toute la graine de bi-
sorte que j'y avais étendue pour la faire sécher;
et , ayant mis d'autres graines sur ma fenêtre pour
le même effet, un coup de veut a &it voler dans
la chambre tous mes papiers, et j'ai été condamné
ft la pénitence de Psyché; mais il a fiillu la faire
moi-m£me, et les fourmis ne sont point venues
m'aider. Toutes ces contrariétés m^ont d'autant
plus fâché, que j'aurais bien voulu qu'il pût aller
jusqu'à Calwich un peu du superflu de Bullstrode;
mais je tâcherai détre mieux fourni une autre
fols ; car, quoique les honnêtes gens qui disposent
de moi, fâchés de me voir trouver des douceurs
dans la botanique , cherchent à me rebuter de cet
innocent amusement en y versant le poison de
leurs viles âmes, ils ne me forceront jamais à y
renoncer volontairement. Ainsi, madame la du-
chesse, veuillez bien m'honorer de vos ordres et
4a^ LETTRES
me filîre mcriter le tître que vous maycï itrnà
de prendre; je tâcherai de suppléer à mon i^o-
rance à force de zèle pour exécuter yos coq-
ntissions*.
Vbus rrouyerez , madame, une ombeDifii^*
laquelle j'ai pris la liberté de donner le Bosià'
seseti Hallerij feule de savoir la trouver dans»
Speciesy au lieu qu'elle est bien décrite dam!^
dernière édition des plantes de Suisse de M.Hi.
1er, n° 76a. C'est une très-belle plante, qœ^
plus belle encore en ce pays que dans les con!i^
plus méridionales , parce que les premières atte:
tes du froid lavent son verd foncé d^an W^
pourpre, et surtout la couronne des graines,^
elle ne fleurit que dans Tarrière-saisonjCeqni*^
aussi que les graines ont peine à mûrir et qn'tl^
difficile d'en recueillir. «Tai cependant troaTi<
moyen d^en ramasser quelques-unes qoeîti
trouverez, madame la duchesse, avec les aati^
Vou9 aurez la bonté de les recommander â t^
jardinier, car, encore un coup, la plante est k^
et si peu commune, qu'elle n a pas même end
un nom parmi les botanistes. Malheureosesi
le spécimen que j'ai rhonnenr de vous enTC!|
est mesquin et en fort mauvais état, mais les ^
nés y suppléeront.
Je vous suis extrêmement obligé, madaoe
la bonté que tous avez eue de me donner
nouvelles de mon excellent voisin M. Granvi
«t des témoignages du souvenir de son aim
StJR LA BOTANIQUE. 4^3
niice miss Dewes. inespéré qu elle se rappelle as-
sez les traits de son yieax berger pour conyenir
qu'il ne ressemble guère k la figure de cyclopc
qu'il a plu à M. Hume de Ëdre graver sous mou
nom. Son graveur a peint mon visage comme sa
plume a peint mon caractère. Il n a pas vu que la
seule chose que tout cela peint fidèlement est lui-
même.
Je vous supplie , madame la duchesse , d'agrëer
avec bonté mon profond respect
Lettre XI. A la méme^
A Pkris, I0 17 tmL 177s.
Jai reçu, madame la duchesse, avec bien de la
reconnaissance, et la lettre dont vous mWez ho-
noré le 17 mars, et le nombreux envoi de graines
dont vous avez bien voulu enrichir ma petite
collection. Cet envoi en fera de toutes manières
la plus considérable partie, et réveille déjà fnon
zèle pour la compiéter autant qu'il se peut. Je suis
bien sensible aussi à la bonté qu'a M. le docteur
Solander dy vouloir contribuer pour quelque
chose; mais comme je n'ai rien trouvé, dans le
paquet, qui mlndiquàt ce qui pouvait venir de
lui , je reste en doute si le petit nombre de graines
ou firuits que vous me marquez qu il m'envoie
était joint au même paquet, ou s'il en a fait un
autre à part qui^ cela supposé^ ne m^est pas en-
core parvenu.
4^4 LETTRES
Je VOUS remercie aussi, madame la ducbersf.
de la bonté que vous avez de m'apprendre IlMti
reux mariage de miss Dewes et de M. Sparow:;<
m'en réjouis de tout mon cœur, et pour elle s
bien &ite pour rendre un honnête homme bri
reux et pour Fétre, et pour son digne onde f
l'heureux succès de ce mariage comUeia dej> -
dans ses vieux jours.
Je suis bien sensible au souvenir de mil
Nuncham; j'espère (pi'il ne doutera jamaisâea^
sentimens, comme je ne doute point de ses bo£S
Je me serais flatté durant l'aml^assade de m'
Harcourt du plaisir de le voir à Paris , mai5 '
m'assure qu'il ny est point venu, et ce nest['
une mortification pour moi seuh
Âvez-vous pu douter un instant, mâdani^^
duchesse^ que je n eusse reçu avec anUnldc
prcssement que de respect le livre des jan!
anglais que vous avez bien voulu penser à m ^
voyer? Quoique son plus grand prix fût vci
pour moi de la main dont je l'aurais rpçn-
n ignore pas celui qu'il a par lui-même, puisf-
est estimé et traduit dans ce pays; et dailt<^
j'en dois aimer le sujet, ayant été le premifT'
terre ferme à célébrer et Êiire connaître ces m^
jardins. Mais celui de BuUstrode , où toutes
richesses de la nature sont rassemblées et assoit
avec autant de savoir que de goût , mérites
bien un chantre particulier.
Pour Élire une diversion de mon goût à fl
SUR LA BOTANIQUE. 4^^
occupations, j[e me suis proposé de faire dés her-
biers pour les naturalistes et amateurs qui vou-
dront en acquérir. Le règne végétaL le plus riant
des trois, et peut être le plus riche, est très-né-
gligé et presque oublié dans les cabinets d'histoire
naturelle , où il devrait briller par préférence. J'ai
pensé que de petits herbiers, bien choisis et faits
avec soin , pourraient Ëivoriser le goût de Li
botanique, et je vais travailler cet été à des col-
Irctions que je mettrai , j^espère , en état d'être
distribuées dans un an d'ici. Si par hasard il se
trouvait parmi vos connaissances quelqu'un qui
voulût acquérir de pareils herbiers , je les servirais
de mon mieux , cft je cotitinuerai de même s'ils
sont contens de mes essais. Mais je souhaiterais
particulièrement, madame la duchesse, que vous
m'honorassiez quelquefois de vos ordres, et de
mériter toujours, par des actes de mon zèle^.
ilionneiïr que j'ai de vous appartenir.
Letrre XII. A ta, même.
A Parit, le ig mai 1771>
Je dois, madame la duchesse , le principal plai-
sir que m'ait fait le poème sur les jardins anglais,
que vous avez eu la bonté de m'envoyer, & la
main dont il me vient. Car mon ignprance dans
la langue anglaise, qui m'empêche d'en entendra
la poésie, ne me laisse pas partager le plaisir q':e
1 on prend à le lire. Je crojrais avoir eu Honneur
36.
4^6 tBTTilES
de voiis marquer , madame , qae nous aroos c
ouvrage traduit ici ; vous avez supposé <p
préférais rorigiDal, et cela serait très-yrai u j'e.^
eu état de le lire, mais je n eq comprends tou'j
plus que les notes, qui ue sont pas, & ce qui! :
semble, la partie la plus intéressante de foau:.
Si mon étourderie m'a Êiit oublier mon iiKi:
cité y j en sub puni par mes Tains efforts pos:
surmonter. Ce qui n empêche pas que cet »
ne me soit précieux comme un nouyeau Xtv
gnage de vos bontés et une nouvelle manpf
votre souvenir. Je vous supplie , madame k c
ch sse, d'agréer mon remerciment et mon rcs •^
Je reçois en ce moment, madame , la lettre i
vous me âtes Honneur de m'écnre Tannée u
nière en date du a5 mars 1771. Celui qui
l'envoie de Genève (M. Moultou) ne dit poii*
raisons de ce long retard : il me marque s^ »
ment qu'il n'y a pas de sa faute ; voilà tout ce ]
f en sais.
Lettre XŒ. A la même,
Parif , le 19 juillet i77^<
CesT, madame la duchesse, par nn quipro
b^n inexcusable , mais bien involontaire , que
si tard Ihonneur de vous remercier des fruits n
que vous avez eu la bonté de m envoyer de .a ]
de M. le docteur Solander, et de la lettre àa
juin, par laquelle vous avez bien voulu me i
SUR LA BOTAMQITE. 4^
ner avis de cet envol. Je dois aussi à ce savant
naturaliste des remcrcimcns, qui seront accueillis
bien plus favorablement , si vous daignez , ma-
dame la duchesse, vous en charger comme vous
avez fait l'envoi , que venant directement d'un
homme qui n'a point Thonneur d'être connu de
lui. Pour comble de grâce, vous voulez bien en-
core me promettre les noms des nouveaux genres
lorsqu'il leur en aura donné : ce qui suppose
aussi la description du genre , car les noms dé-
pouiTUS d'idées ne sont que des mots, qui ser-
vent moins à orner la mémoire qu'à la charger,
A tant de bontés de votre part, je ne puis vous
offrir, madame, en signe de reconnaissance, que
le plaisir que j'ai de vous être obligé.
Ce n'est point sans un vrai déplaisir que j ap-
prends que ce grand voyage, sur lequel toute
TEurope savante avait les yeux, naura pas lieu.
C'est une grande perte pour la cosmographie,
poiu* la navigation et pour Thistoii^ natureUe en
général, et c'est, j'en suis très-sûr, un chagrin
pour cet homme illustre que le zèle de Tinstruc*
tion publique rendait insensible aux périls et aux
fatigues dont l'expérience l'avait déjà si parÊiite^
ment instruit. Mais je vois chaque jour mieux que
les hommes sont partout les mêmes, et que le
progrès de l'envie et de la jalousie fait plus de mil]
aux âmes, que celui des lumières, qui en est la
cause y ne peut faire de bien aux esprits.
Je n'ai certainement pas oublié^ madame la
i'iS LETTRES
duchesse, que vous aviez désiré de la graine .1
gentiana filiformis ; mais ce souvenir n'a Lu
quaugmenter mon regret d*avoir perdu ctti
plante, sans me fournir aucun moyen de hr
couvrer. Sur le lieu même où je la trouvai, qj
est i Trye, je la cherchai vainement Tannée 51
vante, et soit que je n'eusse pas Lien retenu J
place ou le temps de sa florcscence , soit ({u t j
n'eût pas grcné, et quelle ne se fût pas res.
vclée , il me fut impossible d en retrouver t
moindre vestige. Jai éprouvé souvent la zkz\
mortification au sujet dautres plantes qie \
trouvées disparues des lieux où auparavant ce i
rencontrait abondamment; par exemple, le ^
tago uniflora, qui jadis bordait 1 étang de M.i
morency et dont j'ai fait en vain Tannée den.
la recherche avec de meilleures botanistes el \
avaient de meilleurs jeux que moi; je Toosyi
teste, mc(dame la duchesse, que je ferais de j
mon cœur te voyage de Trye pour y caeillir ci
petite gentiane et sa graine , et vous faire panri
lune et Tautre, si j avais le moindre espcc
succès. Mais ne Tayant pas trouvée Tannét
vante, étant encore sur les lieux, quelle j\
rence qu au bout de plusieurs années, où tod
renseignemens qui me restaient encore se
effacés, je puisse retrouver la trace de cette p
et fugace plante? Elle n'est point ici au Jard 1
Roi, ni, que je sache, en aucun autre |an£t
tirès-peu de gens même la connaissent. A I^
SUR LA BOTATaQUE. ^^
j carthamus lanatus, j'en joindrai de la graine
uk échantillons d herbiers que-f espère tous ea^
}yeT à la fin de Thiyer.
J'a^renâs^ madame la duchesse, avec une
en douce joie, le parfiiit rétablissement de mon
cien et bon voisin, M. GranviHe. Je suis très-
aché de la peine que vous avez prise de m«n
>truirey et vous avez par là redoublé le prix
me si bonne nouvelle.
Je vous supplie, madame la duchesse^d^igréei ,'
?c mon respect, mes vi& et vrais remercimens
toutes vos bontés*
Letthb Xiy. U ta même.
A Pttit, le Al ocCobiv Z773t
Fai reçu, dans son temps, la lettre dont n/a
loré madame la duchesse, le 7 octobre; qnan^
elle dont il y est &it mentton, écrite quinze
ts auparavant, je ne Tai point reçue : la qnan-
de sottes lettres qui me venaient de toutes
ts par la poste me force à rebuter toutes celle»
il récriture ne m^est pas connue, et il se pemt
*n mon absence la lettre de mad^ime la du«
55e n'ait pas été distinguée des autres. Jirais la
amer à la poste, si Fezpérience ne m'avait ap>
que mes lettres disparaissaient alissitôtqu^ellcs
i rendues, et qu'il ne m^est plus possible de les
>ir. C'est ainsi que j'en ai perdu une de M. Lin*
ts c[ue je n'ai jamais pu ravoir, après avoir.
43il LBTniBS
W»<11^>1IM>W)WW|
LXTTEB A M. DU PbTIOV.
10 oeiolit i;6^
-^ Traité historique des plantes fd croii
dans la Lorraine et les Trois -Evim,
M, P. J. Buchoz, avocat au parlemetukï
docteur en médecine y ete.
Cet ouvrage, dont deux Tolumcs ontiéjà^
en aura vingt in-8^, avec des planches gn^^
J'en étais ici, monsieur, quand j'atreçti
docle lettre; je suis ckarraé de vcs prof!
vous exhorte àcontinuer; vous serez iiotiti
et VOU& aurez tout l'honneur de potre l^^
voir. Je vous conseille pourtant de cos
M. Marais sur les noms des plantes, plos^
leur étymologie; car asphodelos^ et noDpi
fhodeiloi , n'a pour racine aucun iDOt qoi^
ni mort ni herbe , mais tout au pins on yà
signifie je tue , parce que les pétales de Fas)»
ont quelque ressemblance à des fers de pif
reste, j'ai connu des asphodèles qui avai^
longues tiges et des feuilles semblables i cei
lis. Peut-être faut-il dire correctement à
des asphodèles. La plante aquatique estb»
zmphar , autrement nymphœa , comme je di
faut redresser ma Êiute sur le calament, <
(^appelle pas en latin caUunentumj maïs cd
tha^ comme qui dirait belle menthe*
SCK lA BOTAinQTTB. 433
Le temps ni mou état présent ne m^en laissent
pas dire davantage. Puisque mon silence doit par-
ler pour moi| vous sayez^ monsieur, combien foi
à me taire.
IKWWWMM«WW«MnM«W
LeItâb a m. LioTARn, u vmv^
■EBBOmSTB A OUDIOUJL
BouTgom, le 7 novembra 1767.
y Al reçu, monsieur, les deux lettres ffie vous
m^vez fait 1 amitié de m'écrire. Je n'ai point fait
de réponse à la première, parce qu'elle était une
réponse elle-même, et qu'elle n'en exigeait pas. Je
vous envoie ci-joint le catalogue qui était avec la
seconde , et sur lequel j'ai marqué les plantes que
je serais bien aise d'avoir. Les dénominations de
plusieurs d'entre elles ne sont pas exactes, ou du
moiâs ne soat pas dans mon Speeies de l'édition
de IJ62». Vous m^oMigerez de vouloir Uen Jles j
rapporter, avec le secours de M. Cbappter, qu* 'e
remercie, et que je salue. J'accepte Toifire de quel-
ques mousses que vous voulez bien y joindre,
pourvu que vous ayez la bonté d y mettre aus${
très- exactement les noms; car je serais peut-être
fort emban'assé pour les déterminer sans le se-
cours de mon Dilleniusy que je n'ai plus. À Tégard
du prix, je le réglerais de bon cœur si je pouvais
n^écouter que la libéralité que j y voudrais mettre;
mais, ma situation me forçant de me borner en
43} LETTRES
toa tes. choses aux prix communs, je yotis prie d^*
vouloir bien régler celui-là de façon que tobst
trouviez honnêtement votre compte, sans oublk
de joindre à cette note celle des ports, et aatm
menus frais qui doivent vous être remboorsés; et
comme je n'ai aucune correspondance â Grenob^,
je vous enverrai le montant par le courrier, i
moins que vous ne m*indiquiez quelque êntn
voie. Votbe de venir vous-même est obligeant^;
mais je ne laccepte pas , attendu que je n'en pour-
rais profiter, qu'il ne fait plus le temps dlerfaori-
ser, et que je ne suis pas en état de sortir pour
cela. Portez-vous bien, mon cher M. Liot»d; je
vous salue de tout mon cœur.
REîfor.
PQprriez-vous me dire, si le pisiaeia f&ercièh
thus et iosiris alba croissent auprès de GrenoUe?
Je crois avoir trouvé Fun et l'autre au-dessus d»
la Bastille (i), mais je n^en mis pas sûr.
•<^
M ><BDtW)e u»)^ de li^ttdl» Gienobk cit fitiié.
SUR tA BOTANIQUE. /^iSt
%W1^W«WW^W«W««M«««
Letrre P*. a m. de ia Touhbttb,
OOHSBILLZB EH LA COVl DZS MOnAIZS DE ITOST (*},
ABIoiiqwii,lerlJ69r*^
J'ai dilËré, monsienr, de quelques jours a vous
accuser la réception du liinre que yous ayez eu la
bonté de m enyoyer de la part de tJL Gouan , et à
yous remercier, pour me débarrasser auparayant
d'un enyoi que j^ayais à faire, et me ménager le
plaisir de m'entretenir un peu plus loug-tcmps^
ayec yous*
Je ne suis pas surpris qûe\yous. soyez reycno
dltalie plus satb£aJt de la nature que desbcmunes^
c'est ce qui arriye généralement aux .bons obser-
yateurs^ même dans les cCm^ats o4 elle est motus
belle. Je sais qu^on trouye peu de penseurs dans
ce pays-là; mais je ne conyiendrais pas tout-à-Êût
qu'on n'y trouye à satisfaire que les yeux, j'y yo'>-
drab ajouter les oreilles. Au reste, quand j appris
yotre yoyage, je craignis, monsieiu*, que lesautres
parties de l'Ëistoire naturelle ne fissent quelque
{*) Il ëtait en outre Mcréuire de racadémio de» flcicnoes et
belL*»-*ctlics de c. tte viJle.
(**) Pour l'explication de cette manière de dater, comme
pour connaitre k motif dû quatrain placé en tête de cbacuoe
des lettres qui todI mivre , Toyez dana la Coi'responianee la
note qui se rappoite k la lettre à l'a! bé M**| du 9 février ly^oi»
436 LETTRES
tort à la botanîqae, et que votis ne rapports
de ce pays-li plus de raretés pourTOlztQk
que de plantes pour votre herbier. Je pèm^
ion de votre lettre, que je ne me subpssl^
coup trompa Âh! monsieur, tous feriexp
tort à la botanique de Fabandonner après loi'
si bien montré, par le bien que tous luiaTtii
fait, celui que vous pouvez encore loi faire
Vous me &ites bien sentir et déplorer 82*
sère, en me demandant compte de mon i)^*
sation de Pila. Ty allai dans une mauvaise si
par un très-mauvais temps, comme tooss"
avec^de très-mauvais yeux, et avccd«c^^^
gnons de voyage encore plus ignorant ^w^
et privé par conséquent de la ressource pf^
suppléer que j'avais à la grande Chartreu»^ j
terai qu'il n'y a point, selon moi, dccomprJ
à faire entre les deux herborisations, et go^''
de Pila me parait aussi pauvre que celle i
Chartreuse est abondante et riche. Je nap^
pas une astrantia , pas une pirola^ pas une k^-
nelle, pas une ombellifére, excepté le mem!
une saxifrage, pas une gentiane, pas une ]i^
ûéuse, pas une belle didyname, excepte la dK;
à grandes fleurs. J'avoue aussi que nous eij
sans guides, et sans savoir où chercher les p*^
riches, et je ne suis pas étonné qu'avec lo»
avant^es qui me manquaient, vous aye«^
dans cette triste et vilaine montogn**'^".
que je ny ai ps vues. Quoi qu'il en soitj j«^^
SUR LA BOTANIQUE. 4^7
envole, monsieur, la courte liste de ce que jy ai
Vu, plutôt que de ce que j'en ai rapporté; car la
pluie et ma maladresse ont fait que presque tout
ce que j avais recueilli s'est trouvé gâté et pouri à
mon arrivée ici. Il n'y a dans tout cela que deux
ou trois plantes qui maient fait un grand plaisir.
Je mets à leur tête le sonchus alpinus^ plante de
cinq pieds de haut, dont le feuillage et le port
sont admirables, et k qui ses grandes et belles
fleurs bleues donnent un éclat qui la rendrait
digne d'entrer dans votre jardin. J'aurais voulu,
pour tout au monde, en avoir des graines; mais
cela ne me fut pas possible , le seul pied que nous
trouvâmes étant tout nouvellement en fleurs; et,
vu la grandeur de la plante, et qu elle est extrê-
mement aqueuse, à peine en ai- je pu conserver
quelques débris à demi-pôuiîs. Comme j'ai trouvé
en route quelques autres plantes assez jolies, j'en
ai ajouté séparément la note , pour ne pas la con-
fondre avec ce que j'ai trouvé sur la montagne.
Quant à la désignation particulière des lieux, il
m'est impossible de vous la donner; car, outre la
difficulté do la faire intelligiblement, je ne m'en
ressouviens pas moi-même; ma mauvaise vue et
mon étourderie font que je ne sais presque jamais
où je suis; je ne puis venir à bout de m'orienter,
et je me perds à chaque instant quand je suis seuji|
sitêt que je perds mon renseignement de vue.
Vous souvenez -vous, monsieur, dun pelif
soucbet que nous trouvâmes en assez g;raiidQ
37.
438 LBTniES
abondance auprès de la grande Chartraise,^*:
je crus d*aI)ord être le cjpenis fuscus^ li
n'esl point lui, et il n'en est fait aucune wî-
qiie je sache, ni dans le Species^ ni dansât
auteur de bolaniqu-^, hors le seul MiAelk--
voici la phrase : Cjperus radice repent(,f^^
hcustis imciam longis et lineam latii,Tà
f, I. Si vous avez, monsienr, quelque icds^.:
ment plus précis ou plus sûr dudit sonck
vous serais très-obligé de vouloir bicnmca-
part.
La botaniquedevient un tracas si eoAarr^
et si dispendieux quand on s'en occupe avï-
taut de passion , que pour y mettre de la nel '
je suis tenté de me délire de mes livres ae p-
La nomenclature et la synonymie formfBî'
élude immense et pénible : quand oo ne ^^
qu observer, s'instruire, et s'amuser entre lî^
ture et soi, Ton n'a pas besoin de tant de r
Il en faut peut-être pour prendre quelque w -^
système végétal, et apprendre A observer; ^^
quand une fois on a les yeux ouverts, qu^
ignorant d ailleurs qu on puisse être, on na ;
besoin de livres pour voir et admirer sans c^^
Pour moî, du moins, en qui l'ofiniitrclei;'
suppléé À la mémoire, et qui n'ai &it ^^^^
peu de progrès, je sens néanmoins qua^^'
gramens d'une cour ou d'un pré f aurais de f
m'occuper tout le reste de ma vie, sans f^
m'ennuyer un moment Pardon,, ©ons»*"^»
SUR LA BOTANIQUE. 4%
v'out ce long bavardage. Le sujet fera mon excuse
t uprès de vous. Agréez j je vous supplie ^ mes très-
lumbles salutations.
Lettre IL Au même.
Moiiqnin,k i72Jl;o.
PauTiet aveugles ^^ac nous sommet !
- Ciel , démasque les irvposieurs ,
; Et force leurs barbares oœnis ^
A s*ouvrir aux regards dea hommes.
C'EN est fait, monsieur, pour moi de la bota^
lique^ il n'en est plus question quant à présent,
t il y a peu d'apparence que je sois dans le cas
l y revenir. D'ailleurs je. vieillis, je ne suis plus
ngambe pour herboriser; et des incommodités.
[ui m'avaient laissé d assez longs relâches mena-
it nt de me faire payer cette trêve. C est bieu assez
[csonoais pour mes forces des courses de néccs-
ité; je dois renoncer à celles d'agrément, ou les
>onieT à des promenades qui ne satisfont pas 1 avi-
lité d un botanophile. Mais, en renonçant à un«
tude charmante, qui pour moi s'était U'ansfor-
liée en passion, je ne renonce pas aux avantagea
[u'clle m'a procurés, el surtout, «nonsieur, à cul-
ivcr votre connaissance et vos bontés, dont j e^
tère aller dans peu vous remercier en personne.
Test à vous qu U Ëiut renvoyer toutes les exhor-
ations que. vous me faites sur l'entreprise d'un
tictioiiuaire de botanique, dont il est étonnant
4to LETTRES
^e ceux qui cHltlyent cette science scnlects]
la nécessité. Votre âge, monsieur, vos uleos,
connaissances, vous donnent les moyens dt
iner, diiiger et exécuter supérieurement cctt
treprise; et les applaudissemens areclesip'
premiers essab ont été reçus du pubiicTOci!
garans de ceux avec lesquels il accueill^-
travail plus considérable. Pour moi, qui i^
dans cette étude, ainsi que dans beancoof
trcs s qu'un écolier radoteur, j'ai songé pli'
herborisant,, à me distraire et mamaser({ti^^
struîre, et n^aî point eu, dans mesokefr-
tardives, la sotte idée d*enseigner an poUk '
je ne savais pas n^oi-mème. Monsieur, j.
quarante ans heureux sans Êiire des line^ *
suis laissé entraîner dans cette carrièitC
malgré moi : j'en suis sorti de bonne ber
ne retrouve pas, après lavoir quittée, Ki'
dont je jouissais avant d^ entrer, je reL-
moins assez de bon sens pour sentir ((C
étais pas propre , et pour perdre i JMwij^
tation d'y rentrer.
J'avoue pourtant que les difficultés ^
trouvées dans Tétude des plantes moot
quelques idées Sur le moyen de la £&cilitff'
rendre utile aux autres, en suivant le fil'
tèmn végétal par une méthode plus grai
moins a]>straite que celle de Toomeibrtct
ses successeurs, sans en excepter Lm'^
même. Peut-^tre mon idée est-elk imp^
SUR LA BOTANIQUE. 44 1
ans en causerons, si vous voulez , quand j aura!
lonncur de yous voir. SI vous la trouviez digne
être adoptée, et qu'elle vous tentât d entrepren*
re sur ce plan des institutions botaniques, je
'oirais avoir beaucoup pkis fait en vous excitant
ce travail, que si je l'avais entrepris moi-même.
Je yous dois des remcrcime.is, monsieur, pour
s plantes que vous avez eu la bonté de mVn-
oyer dans votre lettre, et bien plus encore pour
s éclairdssemens dont vous les ayez accompa-
nées. Le papyrus m'a fait grand plaisir, et je Tai
lis bien précieusement dans mon herbier. Votre
ntirrhinutn purpureum m'a bien prouvé que le
lien n'était pas Iç vrai , quoiqu'il y ressemble
eaucoup; je penche à croire avec vous que ccst
nt; variété de l'arvense ; et je vous avoue que j en
rouve plusieurs dans le Species, dont les phrases
le suffisent point pour me donner des diilërences
pécifiques bien claires. Voilà, ce me semble, un
éfaut que n aurait jamais la méthode que j^ima-
ine , parce qu'on aurait toujours un objet fixe et
éel de comparaison, sur lequel on pourrait aisé*-
aent assigner les diQërences.
Parmi les plantes dont je vous ai précédem-
ment envoyé la liste, j'en ai omis une dont Lin«
laeus n'a pas marqué la patrie, et que j'ai trouvée
k Pila, c'est le rubia peregrina ; je ne sais si vouo
fave2 aussi remarquée-, elle n'est pas absolument
rare dans la Savoie et dans le Dauphiné.
Je suis ici dans un grand embarras pour le
44^ LETTRSS
transport de mon bagage, conàstant, eo p
partie, dans un attirail de botani({Qe.Iai^
tout, dans des papiers épars, on grand ficd
de plantes sèches en assez manYaisordre^ei:!
munes pour la plupart , mab dont cepe:i
quelques-unes sont plus curieuses : mais|i
ni le temps ni le courage de les trier, polf
travail me devient désormais inutile. krX
jeter, au feu tout ce fatras de paperasses, faii^
prendre la liberté de vous en parler à tout b^
et si vous étiez tenté de parcourir ce foio'-
rîtablement n^en vaut pas la peine, jcn p-^
faire jone liasse qui vous parviendrait parV
quet ; car, pour moi, je ne sais commenter'^
tout cck, ni qu'en faire. Je crois me rappel'
exemple, qu'il s'y trouve quelques fougèreJ
autres le poly podium fragraus, que jai k
sées en Angleterre, et qui ne sont pas cob^
partout. Si même la revue de mon herfc'
mes livres de botanique pouvait tous ^i
quelques momens, le tout pourrait étiti^
chez vous , et vous le visiteriez à votre al<
doute pas que vous nayez la plupart <v
livres. Il peut cependant s'en trouver dt^
comme Parkinson, et le Gérard èmaoùi
peut-être n^javez-vous pas. Le Valefws il
est assez rare; j'avais aussi Tragus, id^\
donné k M, Clappier.
Je suis surpris de n'avoir ancune nou\ i
8tm LA BOTANIQUE. 44^
/T . Gouan , à qui j'ai envoyé les carex (i) de ce
ys qu'il paraissait désirer, et quelques autres
tites plantes 9 le tout à l'adresse de M. de Sainte
^riest, qu'il m'ayait donnée. Peut-être le paquet
1.^ lui est-il pas parvenu : cVst ce que je ne sau-
rai is vérifier, vu que jamais un seul moi de vérité
ne pénètre à travers Fédifice de ténèbres qu os a
^ris soin d'élever autour de moi. Heureusement
Les ouvrages des hommes sont périssables comme
sux, mais la vérité est étemelle : post tenebras
Agréez, monsieur, je vous supplie, mes plus
sincères salutations.
Lettre III. Au même.
Monquin , le 17^^01.
PftQTRs aTenglei que nom tomnet , elc;
Ne &ites, monsieur, aucune attention i la bi-
zarrerie de ma date; c'est une formule générale
q[ui n'a nul trait à ceux à qui j'écris, mais seule-
ment aux honnêtes gens qui disposent de moi
avec autant d'équité que de bonté. C'est, pour
ceux qui se laissent séduire par la puissance et
tromper par l'imposture , un avis qui les rendra
plus inexcusables, si, jugeant sur des choses que
tout devrait leur rendre suspectes, ils s'obstinent
» I ■ ■ ■ ■ I- ■■ . — ■ I M ■»
(1) Je me souviens d'sToir mis par mégarde un nom poai
«q «ttUe , cùTtx enilpinâ , pour cartx kpotina.
444 LETTRES
A se refuser aux moyens «jac présent U jasà
poar s'assurer de la vérité.
C'est avec regret que je vois recukr^parr
état et fMur la mauvaise saison, le moment i 5
rapprocker de vous. Xespère cependant i^f
tarder beaucoup encore. Si j'ava'iscpclqaef-*-
qui valussent la peine de vous être pàcnlfc «
prendrais le parti de vous les envoyer im^'
pour ne ps laisser passer le temps de les sf^f.
maïs jWais fort p«u de chose, et je le yi^^'^
des plantes de Pila, dans un envoi ΰ«J^^J^
quelques mois à madame la duchesse dePorti^
et qui n'a pas été plus heureux, selon toot^aïf
rence, que celui que j'ai fait à M. Gi^^f
que je n'ai aucune nouvelle ni de rrainidei^G^'
Comme celui de madame de Portland etaIl^
considérable , et que j'jr avais mis pîus de s«^
de twps, je le regrette davantage, mau J^ ^
tien que j apprenne à me consoler de m^
pourt«mt encore quelques grames ^'"°. j^j^
seseli de ce pays, que j appelle seseh ;^
parce que je ne le trouve pas dans uMi^*^
ai aussi dune plante d'Amérique, çne j^^
semer dans ce pays avec d'autres F?^°^^^^
m'avait données, et qui seule a réussi. W^;.
pelle gombaut dans les îles, et J ai i»" ^ ^^
c'était Yhibiscus esculentus; il a bien 1^^^:
fleuri; et j'en ai tiré dune capsule (f^fP^^^
' nés bien mûres, que je vous porterai av
hU, si vous ne les avez pas. Comme i^
Sun lA BOTANIQVB. 44^
plantes est des pays chauds, et que l'autre grëne
fort tard dans nos campagnes, je présume que
rien ne presse pour les mettre en terre, sans quoi
)e prendrais le parti de vous les envoyer.
Votre gaïium roîundifolium , monsieur, est
bien lui-même à mon avis, quoiqu'il doive avoir
la fleur blanche, et que le vôtre lait flave; mais
comme il a rive à beaucoup de fleurs blanches de
jaunir en séchant, je pense que les siennes sont
dans le même cas. Ce n'est point du tout mon
rubia peregrinay plante beaucoup plus grande |
plus rigide, plus âpre, et de la consistance tout
au moins de la garance ordinaire, outre que je
suis certain d'y avoir vu des baies que n'a pas
votre galium^ et qui sont le caractère générique
des rubia. Cependant je suis, je vous l'avoue,
hors d'état de vous en envoyer un échantilloOi
Voici, là-dessus, mon histoire.
Savais souvent vu en Savoie et en Danphiné
la garance sauvage, et. jeu avais pris quelques
échantillons. L'année dernière, à PQa, j'en vis
encore; mais elle me parut diflërente des autres^
et il me semble que j en mis un spécimen dans
mon porte-feuille. Depuis mon retour, lisant par
hasard, dans 1 article nihia peregrina^ que sa
feuille n'a point de nervure en dessus, je me rap-
pelai ou crus me rappeler que mon rubia de Pila
n^en avoit point non plus^ de là je conclus qua
. c'était le rubia peregrina. En m'échauffant sur
cette idée, je vins à conclure la même chose des
ttéUagcc. 38
44^ ^ LETTIIES
autres garances que j'avais trouvées danscesr
parce qu'elles n'avaient Jonlinaipc qoc (fi
feuilles; pour que cette conclusion fit lai^r
ble, il aurait iallu chercher les plantes et t^;:
voilà ce que ma paresse ne me permit por
faire, vu le désordre de mes paperasses. e
temps qu il aurait fellu mettre k cette rtchr
Depuis la réception , monsieur, de votre ! *
j'ai mis plus de huit jou s à feuilleter toŒ
livres et papiers l'un après l'autre , sanspc
retrouver ma plante de Pila , que fai p«î !
jetée avec tout ce qui est arrivé pouri. J'f'-
trouvé quelques-unes des^autles; mabjaf
mortffication d y trouver la nervure bieniwr
qui ma désabusé, du moins sur cellcs-Ia. C ;
dant ma mémoire , qui me tromp si souret"
retrace si bien celle de Pila , que j'ai peine •^*
à en démordre, et je ne d&espèrc pasquf
se trouve dans mes papiers ou dans mes i^
Quoi qu'il en soit, figurez-vous dans l'éclu-
* ci- joint les feuilles un peu jJus larges et sai'
vure ; voilà ma plante de Pila.
Quelqu'un de ma connaissaoce a sonhaite*
quérir mes livres de botanique en entier.^
demande même la préférence; ainsi je ne tf
vaudrais point sur cet article de vos oHifj
offi-es. Quant au fourrage épars dans des chï
risque vous ne dédaignez pas de le parc(Hîr
ferai remettre à M. Pasquct; mais il 6»^^
ravant que je feuillette et vide mes V^
SUR LA BOTANIQUE. 44?
ssquels jai Ja mauvaise liaLiUide de fourrer, en
XI i va nt , les plantes que j'apporte , parce que cela
ist plus tôt fait J'ai trouvé le secret de gâter, d !
:ett€' façon , presque tous mes livres, et de perdre
:>resque toutes mes plantes, parce qu^elles tombent
3t se hrisent sans que jy fasse attention, tandis
[jue je feuillette et parcours le livre^ uniquement
occupé de ce que jy cherche.
Je vous prie, monsieur, de faire agréer mes re-
mcrcimens et salutations à monsieur votre frère.
Persuadé de ses boutés et des vôtres , je me pré-
vaudj'ai volontiers de vos ofll es dans Toccasion. Je
finis, sans façon, en vous saluant, monsieur ^ de
tout mon cœur.
Lettre IV. Au même.
Monqoîo , le 1 7^70.
Pauvres avengles que nous toiiuna ! etc.
VoiCT, monsieur, mes misérables herbailles,
où fai bien peur que vous ne trouviez rien qui
mérite d'être ramassé, si ce nVst des plantes que
vous m'avez données vous-même, dont j avais
quelques-unes à double, et dont, après en avoir
mis plusieurs dans mon herbier , je n^ai pas eu le
temps de tirer le même parti des autres. Tout
lusage que je vous, conseille àen faire est de
mettre le toiit au feu. Cependant, si vous avez la
patience de feuilleter ce fatras, vous y trouverez.
T- a
CJ
448 LETTKES
je croîs, quelques plantes qu^un officier obligr::*
a eu la bonté de m'apporter de Corse^ et que j(:«
connais pas.
Voici aussi quelques graines du sesetiHall"^
U y en a peu, et je ne l'ai recueilli qu'avec her.
coup de peine, parce qu'il grène fort tard et cl
rit difficilement en ce pays : mais il y deviest.':
revanche , une trèsrbelle plante , tant par son b. :
port que par la teinte de pourpre que fcs pr
mières atteintes du firoid donnent i ses ombe.
et à ses tiges. Je hasarde aussi d'y joindre que'
graines de gomhciut^ quoique vous ne m es 4;
rien dit, et que peut- être vous favez oti ne v
en souciez pas, et quelques graines de lAfp:
phîllon, quon ne s'avise guère de ramasserai
qui peut-être ne lève pas dans les jardins, crj
ne me souviens pas dy en avoir jamais m.
Pardon, monsieur, de la hâte extrême avec'^
quelle je vous écris ces deux mots, et qui ma ù
presque oublier de vous remercier de Vaspen
taurina, qui ma fait bien grand plaisir. Si n
chemins étaient praticables pour les 'toitures*
serais déjà près de vous. Je vous porterai le cJ
logue de mes livres , nous y marquerons ceux :{
peuvent vous convenir ; et si racquércur Teul 5 1
défaire, j'aurai soin de vous les procurer. Je 1
demande pas mieux, monsieur, je tous assun
que de cultiver vos bontés; et si jamais j'a:
bonheur d*étre un peu mieux connu de tous q
de monsiiîur **j qui dit si bien me connailr
SUR l»A\BOTtârNIQUE. 4 fÇ
'espère que vous ne m'en lreu.v:erei pa^ indigne.
le YOiis salue de tout mon cœur. '
Avez-vous le dianthus mperbus? Je Y0tt3 lenr
^oie à tottt hasard. C'est i*i^Ueiiient up bien I>ei
Deillct , et d'une odeur bien 'suave ^Quoique feible.
l'ai pu recueillir de la graine bien aisément, car il
croit eu aboudfince daus un pci^ qni est sous mes
ienétres. U ne deyrait^ine permis qu^ux chevaux
du soleil de se nourrir d'un pareil ibin.
, Lext&e V. Au même.
À Pari», le i^lj70.
PiraTrci areagles qat nons aoinnies ! ete.
t '
Je voulais, monsieur, vous rendi:e' comptq de
: mon voyage en arrivant à Paris; mais il npia fal^i
I quelques jours pour m'arranger et meireïi^t(,rcau
: courant avec mes anciennes çonnaîssancesw Fatl-
! gué d'un voyage de deux jours, j'en séjournai tr<»l6
ou quatre à Dijon, doù, par la mémâ raison,
, j'allai &ire un pareil séjour à Âuxerre, après a^voir
eu le jJaisir de voir en passant M. de Builbn ,\qui
me fit l'accueil le plus obligeant. Je vis aussi à
Montbart M. Dau})enton le subdélégué, lequel ,
après une heure ou deux de prom^nî^de ensembljQ
dans le jardin , me dit que j avais déjà des com-
mencemens, etqu^en cpptinuant de travaillais
pourrab devenir un peu botaniste. Mais, le len-
demain l'étant aUé voir av«Moit mon départ, je pa^-
38.
4 jO ^ tBTniïS
coanw avec lui sa pépinière, malpt la pli
tkous incommodait fort; et n'y connaBantp^
■que rien, je démentis si bien la boute op
<lù'il avait eue de moi ia veille, qn'il Hum v
ék'^e et ne me dit plos rien dn loaL Malert
nmuvais succès, je n'ai pas laissé dlerbonw-
peu durant ma route, cl de me tiowereu:-^
J^ connaissance dans la campagne et diLv^
lK)is. Dans presque toute la BouiçogDejâiïi-
terre couverte, à droite et àgaàchc,decetl£&^
grande gentiane jaune que je nsvais ^ti^^i
Pila. Les champs, entre Alontkrd cl(U-
sont pleins de bulbocasianumj maiskiât
est beaucoup plus âcrc quen AnglelcntjCtp
que inunangeajjlc ; Vœnaiitc fistulm et la c?^
lourde (pulmtilla) y sont aussi en quantité ;^
^»ajant traversé la foret de FonfaincUcauf
ti^s à la hâte, je ny ai rien vu du tont Je n
qtiable que le geraniurà gvandiflorm.f
•trouvai sons mes pieds jxff hasard une scA ^
. Xftllaî hier toir >L Daubenlon au Ja*
Roi ; fy rencontrai eh me promenantjM.Ric! -
jardiWer de Trianon, avec lequel je m'empn?^;
comme vous jugez bien, de faire connaissacce
me promit de me faire voir sou jardin, f ^
beaucoup plus' riche que celui du roi i ftr-
ainsi me vôihi à portée de faire, danslanetà^
ïautrcj quelqui? connaissance avccks p'^^'*'
pxotiques, sur leâ^uelles , comme yousarei?
yoify je suis pi*fcifeûiebt ignarant. Jep»**
r
2- SUR hk BOTANIQUE. /^jt
.our voir Tiianon plus à moo aise^ quelque mo-
,,iciit oà la cour ne sera pas à Versailles, et je
. . icherai de me fournir à double de toul ce quou
le pei;jettia de prendre, a&n de pouvoir vous
iivoyer ce que vous pourriez ne pas avoir. Jai
ussi vu le jardin de M. Cocliin , qui ma paru fort
•eau 9 mais , en Tabsence du maître , je n^ai ose
ouclier à rien. Je suis, depuis moii arrivée, tcUo-
iieut accaLlé de visites et de dîners, que, si ceci
lure, il est impossible que j^j tienne, et malheu-
cment je manque de ibrce pour me défendre.
Li^pcndant , si je ne prends bien vite un autre
.raiu de vie, mon estomac et ma botanique sont
m grand péril. Tout ceci n'est pas le moyen de
'ivpreiidre la copie de musique d une façon bien
'hirralive; et j ai peur qui force de diner en ville
; je ne finisse par mourir de faim chez moi. Mou
aine navrée avait besoin de quelque dissipation,
; je le sens; mais je crains de n'en pouvoir ici régler
la mesure , et j'aimerais encore mieux être tout en
^' moi que tout boTs.de moi. Je n'ai point trouvé,
^ monsieur , de société mieux tempérée et qui me
^ convînt mieux que la vùtre ; point d'accueil plus
selon mon cœur que celui que, sous vos auspices,
j'ai reçu de FadoralJe Mélanie. S il m'était donné
dis me 4:boisir une vie égale et douce, je voud.ais,
tous les jouis de la mieime, passer la matinée au
travail, soit à ma copie, soit sur mon herbier^
riner avec vous et Mélanie; nourrir ensuite, |uie
heure ou deux, mon oreille ci mon cœur, des sons
^Sa LETTRES
de sa YO» et de ceux de sa faarpe ; puis me prorae
lier tète à tête avec vous le reste de la journée, ea
herborisant et philosophant selon noire tautai^ic.
L} on m'a laissé des regrets qui m'en rapproche-
ront quelque iour peut-être : si cela m'arrive,
vous ne serez pas o:.bIié, moufieur, dans isfs
projets : puîssiez-vous concourir L leur exécaCioa!
Je suis fôché de ne savoir pas ici Tadresse de
monsieur votre frère , s'il y est encore : je n'au-
rais pas tardé si long - temps à l'aller voir ^ m
rappeler à son souvenir , et le prier de vouloir
bien n)e rappeler quelquefois au vôtre et à celai
de M. ♦*.
Si mon papier ne finissait pas, si la poste n'al-
lait pas partir^ je ne saurais pas finir moi-mênie.
Mon bavardage n'est pas m>eux ordonné sur i«
papier que dans la conversation. Veuillez sap-
porter lun comme vous avez supporté l'autre.
Vale^etmtama.
Lbttrb VI. Au même.
PauTret aveugles que doua tomnies ! etc.
Je ne voulais , monsieur , m*accttser de mes
torts qu'après les avoir réparés; mais le maaTâs
temps qu'il fait et la isaison qui se gâte me puni^
se^t d'avoir négligé le Jardin du Roi tandis qnli
feisait beau, et me mettent hors d'état de voos
^ SLa UL BOTANIQUE. 4^3
raud^e compte , quant à présent y da plantago
uniflora , et des autres plantes, curieuses dont
j'aurais pu vous parler si j'avais su mieux profiter
dea bontés de M de Jussîeu. Je ne désespère pas
pourlant de profiter encore de quelque heau jour
d automne pour faire ce pèlerinai^, et alle^* rcce-.
voir, pour cette année, les adieux de la syngéné*
sie : mais, en attendant ce moment, permettez.,
monsieur, que je ptenne celui-ci pour vo«is re-
mercier, quoigue tard, de la continuation de Vos
bontés et dffVbs lettres,, qui me feront toujôul*s le
plu » >Tal plaisir , quoique je sois peu ezi^ct à y
répondre. J'ai encore à m accuser de beaucoup
d'autres omissions pour lesqiidlesi jeu'ai pas moins
besoin de pardon. Je voulais ailer remercier mon-
sieur votre £rère de 1 honneur de son souvenir, et
lui rendre sa visite; j'ai tardé d'abord, et puis: j ai
oublié sou adresse. Je le revis une fois à la Corné-
die italieiuie ; mais no«3 éùqm dfiBS^.de& loges
éloignées , je ne pus Taborder , et m^nt^riant
j'ignore même sil est encore à Paris. Au^re tort
inexcusable; je me suis rappelé de ne vous avoir
point remercié de la connaissance de M. Robinet,'
et de laccueîl obligeant que vous m^^vez attiré de
lui. Si vous copïptéz avec votre serviteur, il rcs»
tera trop.in{&Qlv«^bl<^.; mab puisque nous sommes
en usage, moi de faillir, vou,s.de pardonner, cou^
vrez.ençtMre cette fois mes fauîe^ de votre indulr
gpnce , et je tâcherai d'en avoir moins besoin dans
U suite, pourvu toutefois que vous n'exigiez pas
456 LBTTHBS
d^uB coup. JPaî parlé â- M. de Jussiea dn puptra
que Vous avez rapporté de Naples; ildootetpe^i
soit le vrai papier niloiioL, Si vous poomloiG
envoyer, soit plante, soit grùnes, soit par w'\
soit pair d antres, j'ai va qfoe cela lui fei^t^
plaisir, et ce serait peat-étre on exceUentiDojii
d'obtenir de Ini beanconp de choses cp'aloRo^
aurio^ bonne grâce à demander, qucnqiKK^
che bien par opérience qn^l est charmé d'oiiii^^
gratuitement; mais fai besoin de qadped:)
ponrtn'enhardir , quand il Êiut demander.
Je remets avec cette lettre à BfM.
Tour qui s en retournent, une bdte coatru
une araignée de mer, qui vient de bien loin: i
on me Ta envoyée du golfe du Mexique. Co^i
cepe|i<la]it ce nêst pas une pièce biea rar'
qu^elle a été fort endommagée dans le trajet, i
sitais à vous lenvoyer; mais mi me dit f^
peut se raccommoder et trouver place encore iJ
un cabinets cela supposé, je vous prie de h
donner une daAs . le vôtre , en consdéiatioii c
bomme qui vous sera toute sa vie bien sic^ <
jnent attaché. J ai mis dans la même boite ks ^
ou trois semences de doronic et antres que \J
sous la main. Je compte Tété prochain me reo^
au courant de la boûnique pour tâcher de ic^
un peu du mien dans une correspimdaoct
m'est précl^^ise , et dont j'ai eu josquici scé^
le profit. Je crains d'avoir poussé 'éloohlai^
.point.de ne vous. avoir p^ remercié tde b ci
SUR LA BOTAMQtJIS* 4^7
plaisance de M. Robiuet, et 'des honnêtetés dont
U m'a comblé. J'ai aussi laissé repartir d'ici M. de
Fleurieu sans aller lui rendre mes devoirs^ comme
je le devais et voulais faire. Ma volonté, monsieur^
n'aura jamais de tort auprès de vous ni des vôtres^
mais ma négligence m'en donne souvent de bien
inexcusables, que je vous prie toutefois d'excuser
dans votre miséricorde. Ma femme a été très-sen-
sible à rhonneur de votre souvenir, et nous vous
prions Tun et Tautre d'agréer nos très-humblé^
salutations.
Lettrb VIII. Au même.
P Autres ayengles que nous aonmiflil etc.
J'ai reçu, monsieur, avec grand plaisir, de vof
nouvelles, des témoignages de votre souvenir, et
des détails de vos intéressantes occupations. Mais
vous me parlez d'un envoi de plantes paTM.rabbé^
Rosier, que je n'ai point reçu. Je me souviens bieiï
d'en avoir reçu un de votre part, et de vous en
avoir remercié^ quoiqu'un peu tard, avant votre
voyage de Paris; mais depuis votre retour à Lyoi^
votre lettre a été pour moi votre premier signe de
vie; et j'en ai été d'autant plus charmé^ que javais
presque cessé de m'y attendre.
En apprenant les changemens survenus à Lyon,
f avais si bien préjugé que vous vous regarderiez
««langes. 39
458 LETTRES
comme affranchi d*iin dur esclavage, etqIle,d^
gagé de devoirs, respectables assurément, mù
quW homme de goût mettra difficîIemeDt as
nombre de ses plaisirs, vous en goûteriez on très-
vif à vons livrer tout entier A l'étude de la naton*
que j'avais résolu de vous en féliciter. Je sois bri
aise de pouvoir du moins exécuter après conp.ri
sur votre propre témoignage, une résolution qc?
ma paresse ne ma pas permis d^exéculer d'avance.
quoique très-sûr que cetU: félicita tion ne yksdiû
pas mal â propos.
Les détails de vos herborisations et de vos ^
couvertes m'ont fait battre le cœur d'aise. D wt
semblait que jMtais à votre suite, et que je pu1^
geais vos plaisirs; ces plaisirs si purs, si doux, ap
si peu d'hommes savent goûter, et dont, parai >t
peu-là, moins encore sont dign?s, puisque je vcï^
avec autant de surprbe que de chagrin, que b
botanique elle-même n est pas exempte de ces ja-
lousies, de ces haines couvertes et cruelles qui em-
poisonnent et déshonorent tous les autres genre
d'études. Ne me soupçonnez point, nionsitnr.
d'avoir abandonné ce goût délicieux; il jette sa
charme toujours nouveau sur ma vie solitaire. Je
m'y livre pour moi seul, sans succès, sans progr^
presque sans communication, mais chaque jour
plus convaincu que les loisi*^ livrés à la contea-
plation de la nature sont les momcns de la vie oà
Ion jouit le plus délicieusement de soL ravom
pourtant que, depuis votre départ, j'ai joint m
^ SUR LA BOTAraQUE. 4^9
petit objet d'amour-propre à celui dT amuser inno-
cemment et agréablement mon oisiveté. Quelques
fruits étrangers, quelques graines qui me sont par
hasard tombées entre les mains ^ m'ont inspiré la
fantaisie de commencer une très-petite collection
en ce genre. Je dis commencer, car je serais bien
fâché de tenter de 1 achever, quand la chose me
serait possible, nignorant pas que, tandis qu^on
est pauvre, on ne sent que le plaisir d^acquérir^
et que, quand on est riche, au contraire, on ne
sent que la privation de ce qui nous manque, et
rînquiétnde inséparable du désir de compléter ce
qu on a. Vous devez depuis long-temps en être à
cette inquiétude, vous, monsieur, dont la riche
collection rassemble en petit presque toutes les
productions de la nature, et prouve, par son Bel
assortiment, combien M. Tabbé Rosier a eu raison
de dire qu eUe est l'ouvrage du choix et non du
hasard. Pour moi, qui ne vais que tâtonnant dans
un petit coin de cet immense labyrinthe, je ras-
semble fortuitement et précieusement tout ce qui
me tombe sous la main, et non-seulement j'accepte
avec ardeur et reconnaissance les plantesque vous
voulez bien m'of&ir; mais, si vous vous trouviez
avec cela quelques fruits ou graines surnuméraires
et de rebut dont vous voulussiez bien m^enrichir,
j'en ferais la gloire de ma petite collection nais-
sante. Je suis confus de ne pouvoir, dans ma mi-
sère, rien vous offrir en échange, au moins pour
[e moment. Car, quoique j'eusse rassemblé quelr
46o LETTRES
qucs plantes depuis mon arrivée i Pans, ma Q";?
gcnce et l'humidité de la chambre qae judal^d
habitée ont tout laissé pourir. Peut-être seni-x
plus heureux cette année, ajanlrésolud'eiD[i!cyi
plus de soin dans la dessiccation de mesplani'}
et surtout de les coller k mesure qu'elles son; ^
ches; moyen qui m'a paru le meilleur pvir ^
conserver. J'aurai mauvaise grâce, ayant fait >
recherche vaine, de vous faire valoir une If :
risation que j ai faite à Montmo"«icy ielécrr
avec La Caterve du Jardin du Roi ; mais il e$> '
(ain qu elle ne fut entreprise de ma part (p ■'
trouver le plantago monanthos^ que jea^l'
grin dy chercher inutilement. M. de Jussk'^
jeune , qui vous a vu sans doute â Lyon, aor/
vous dire avec quelle ardeur je priai tous w-
sieurs, sit6t que nous approchâmes de la ([^
de Tétang, de m'aîder à la recherche dec
plante; ce qu'ils firent^ et entre autres M. Tbo:
avec une complaisance et un soin qui nériL
nn meilleur succès.
Nous ne trouvâmes rien ; et après deux b ^
d une recherche inutile, au fort de la cbalcu
le jour le plus chaud de Tannée , nous fûmes
pirer et faire la halte sous des arbres, qui net
pas loin, concluant unanimement que le /'L?*
uniflora , indiqué par Toumefort et M. de Ju5^
aux environs de Tétang de Montmorency, en a-
absolument disparu. L'herborisation au surp
fut assez riche en plantes communes} w^ ^'
BUR LA BOTAinQUE. ^6x
ce qui vaut la peine d'être mentionné se réduit à
ïosmonde royale ^ le lythrum hjssopifolia j le /j-
simachia tenella^ le peplis portula^ le drosera
rotundifolia j le cjperus fusais , le schœnus nigri'
cans^ et Vhjdrocotjle ^ naissantes avec quelques
feuilles petites et rares, sans aucune fleur.
Le papier me manque pour prolonger ma
lettre. Je ne vous parle point de moi y parce que
je n'ai plus rien de nouveau à vous en dire, et que
je nei^rends plus aucun intérêt à ce que disent ,
publient 9 impriment, inventent ^ assurent, et
prouvent, à ce qu'ils prétendent, mes contempo-
rains, de Têtre imaginaire et fantastique auquel il
leur a plu de donner mon nom. Je fiçis donc mon
bavardage avec ma feuille, vous priant d excuser
le désordre et le griffonnage d un homme qui a
p;:rdu toute habitude d'écrire, et qui ne la reprend
presque que pour vous. Je vous salue , monsieur ,
de tout mon cœur, et vous prie* de ne pas m'ou-
blier auprès de monsieur et madame de Fleuriea.
Lettrb IX. Au même.
A Paris, le 17773.
Pauvres avêngles que nous sommes! Qtc.
Votre seconde lettre, monsieur, m'a fait sen-
tir bien vivement le tort d'avoir tardé si long-
temps à répondre à la précédente, et à vous re-
mercier des plantes c^ui raccompagnaient» Ce
Vpo^
'
462 ' LETTRES
Il est pas que je n'aie été bien sensible i toM
souvenir et k votre envoi ; mais la nëcesâté d'uoe
vie trop sédentaire et l'inhabitude d^écrire des
lettres en augmentent journellement la difficulté,
et je sens qu'il faudra renoncer bieDtôt i tout
commerce épistolairc , même avec les posoiuiej
qui, comme vous, monsieur , me l'ont toujonR
rendu instructif et agréable.
Mon occupation principale et la dimiDQtioooe
mes forces ont ralenti mon goût pour b botofl>
que, au point de craindre de le perdre tout-i-Bit
Vos lettres et vos envois sont bien propres i»
ranimer. Le retour de la belle saison y contre
buera peut-être : mais je doute qu'en auaintflBp
ma paresse s'accommode long-temps delà tnUi-
sic des collections. Celle de graines qn a ^
M. Thouin avait excité mon émulation, et ja^
tenté de rassembler en ptit autant de divff»^
semences et de fruits, soit indigènes, soit «^
tiques, qu'il en pourrait tomber sous ma id^'
j^ai fait bien des courses dans cette intcnlion.J«fl
suis revenu avec des moissons assez raisonnai»^'
et beaucoup de personnes obligeantes ayant con-
tribué à les augmenter, je me sub KenlôlseDD,
dans ma pauvreté, l'enibarras des richesses; caf)
quoique je n aie pas en tout un millier d'cspec«>
leffi-oi m'a pris en tentant de ranger tout cela;«
la place d'ailleurs me manquant pour y ^^^
une espèce d'ordre, j'ai presque renoncé icj
•ntreprise j et j'ai des paquets de graines gui » '
celte
SUR LA BOTANIQUE. 4^3
i envoyés d'Angleterre et daiUeurs, depuis ^sez
ig-temps, sans que j'aie encore été tenté de les
vrir. Ainsi, à moins que cette fantaisie ne se
lime, elle est, quant à présent, à peu près éteinte.
Ce qui pourra contribuer avec le goût de la
»menade qui ne me quittera jamais, à me con^
ver celui a un peu d herborisation , c'est l'entf e-
>e des petits herbiers en miniature que je me
> chargé de faire pour quelques personnes , et
, quoique uniquement composés de plantes
environs de Paris, me tiendront toujours un
en haleine pour les ramasser et les dessécher,
Juoi qu'il arrive de ce |joût attiédi , il me lai^
i toujours des souvenirs agréables des prome-
es champêtres dans lesquelles j'ai eu l'honneur
rous suivre, et dont la botanique a été le su-
et , s il me reste de tout cela quelque part dans
e bienveillance , je ne croirai pas avoir cul-
sans fruit la botanique, même quand elle
1 perdu pour moi ses attraits. Quant à Tadmi-
>ii dont vous me parlez, méritée ou non, je
ous en remercie pas, parce que c'est un séa-
nt qui n'a jamais flatté mon coeur. JTai promis
. de Châteaubourg que je vous remercierais
l'avoir procuré le plaisir d'apprendre par lui
js nouvelles , et je m'acquitte avec plaisir de
promesse. Ma femme est très-sensible à llion-
de votre souvenir, et nous vous prions,
sieur , Fun et Tautre ^ d'agréer nos remerci-
s et tios salutations.
464 VSTTBXS
Lettre a. M. l*abbé db Peamoitt.
N. B. — L abbé de Prunont avait eonfié ï Rc9«
uoe collection de planche» grarécs lepitsentit:
plantes , et accompagnées d'un texte explic^'i: p
chaque plante. Rousseau les a rangées siiirant.]i
thodo de Linnée , et a joint au texte des notes cc *«
grand nombre. Ce recueil , en deux yolunes ^
foiio contenant 898 planches , et ajant pem ^"^
Botanique mite à la portée de tout le monde, p»'^'- •'
dame Regnault, Paris, 1774 (^)> ^st actocUeiBet' -- *
à la bibliothèque de la Chambre des Député» "^
est, avec Toiiginal de la lettre qu'on va Iire,BQ'' '
raisonnéc et méthodique faite par Roassesa i^cc J
coup de soin^
A Paris, k iSanfliTT^
Vos planches gravées, moDsiear, sont:^
et arrangées comme vous l'avez désiré. ^ 0-
prié de vouloir Lien les faire relirer. Ell^ '
raient se gâter dans ma chambre, et nvf'
plus qu un embarras, parce ({ue la peine ç
eue à les arranger me fait craindre d'y t
derechef. Je dois vous prévenir, monsifur*
y a quelques feuilles du discours extrèni
barbouillées et presque inlisibles; di$cilc$â
à relier sans rogner de lécriture que j^aî qc I
(*) Il fo^e maintenant trois toIiudcs; nuis a Tipl
Rousseau l'eut entre les mains , on n'^axt encore pibi-^ j
deux premicfs..
StIR LA BOTAmQUE. 4^5
fois prolongée étourdiment sur la mai^e. Quoique
j'aie assez rarement succombé à la tentation de
faire des remarques, Famour de la botanique et le
désir de vous complaire m'ont quelquefois em-
porté. Je ne puis écrire lisiblement que quand je
copie , et j avoue que je n'ai pas eu le courage de
doubler mon travail eu faisant des brouillons. Si
ce griffonnage vous dégoûtait de votre exemplaire
après l'avoir parcouru^ je voas offre , monsieur, le
]?emboursement, avec l'assurance qu'il ne restera
pas à ma charge. Agréez^ mouMeur, mes très-
humbles salutations.
La Table méthodique dont il yient d'être parlé, est
précédée d'un court préliminaire et terminée par cette
observation :
(( La méthode de Linnaeus n est pas, à la vérité,
ce parfaitement naturelle. 11 est impossible de ré-
cc duire en un ordre méthodique et en même temps
c( vrai et exact les productions de la nature, qui
ce sont si variées et qui ne se rapprochent que par
rc des gradations insensibles. Mais un système de
rc botanique nW point une histoire naturelle :
<( c'est une table , une méthode qui , à l'aide de
c< quelques caractères remapquables et à peu près
ce constans , apprend à rassembler les végétaux
ce connus et à y ramener les nouveaux individus
<c qu'on découvre. Ce moyen est nécessaire pour
ce en faciliter Tétude et fixer la mémoire. Ainsi
« aucun système botanique n'est véritablement
« naturel. Le meilleur est celui qui se trouve fondé
466 LETTRES SUR LA BOTAïaQUE.
« sur les caractères les plus fixes et lesilosai^o
« oonnaitre. n
Quant anx notes qu*on trooTe presse va cb;
feuille du Recueil en question , elles proorcot bk f
fonde connaissance de la matière, et sont i^^'*
rédigées d une manière piquante. En Toid deu['^
ail bâtard.
Sw la grande capucine, u^ 128.
ce Madame de Linnée a remarqué qoc s» E^^
tt rayonnent et jettent une sorte de heorau
« crépuscule. Ce que^'e vois de plus sûr (fait ^
<« observation, c'est que les dames dans ce p;^
c< se lèvent plus matin que dans celui d. >
Sur la mélisse ou citronelU, n^ ^4
cr Chaque auteur la gratifie d'une vertu f'
a comme les fées marraines, doûtchacnned '
(c la filleule de quelque beauté ou qualité pa^^
« lière. »
FRAGMENS
UN DICTIONNAIRE
DES TERMES
D^USAGE EN BOTANIQUE
ITEG DES ARTICLES SUPPLÊMEHTAIRSIL
(Yojn k jMNe an Ttno da etn» ptfB.
N. B. — On la senti qu'il faudrait ajooter pn
chose k ces Fragmens pour en fermer, sinon ra ft^'
naire, au moins un Voèabulaire encore fertibrf)''^
doute , mais assez complet dans son ensemble po^: ^t
fire aux personnes qui ne font de letade ds la boti: \
qu'un objet de distraction et d'amnsenentD»!'^
Tue, on a, dans une petite collection publisa-^
sous le titre de B^anitfut JeJ^J. Rottsseu,^'
forme de supplément aux Fracmens nae suite c:>
articles pour lesquels on a annoncé s'Itre senieip
partie du Dictionnaire de'Bulliard^ reractio^
par Richard.
Nous ayons p<uisé que tous ces articles inin^ ^'
leur ordre et incorporés aux Fragmens enx-iKa^^
draient ceux-ci dun usage plus général, ctcff^
draient à la plus grande partie des lecteuis. Ce v
se distingueront facilement de^cenz de RouM*!'
•igné ^ qui les précède»
■AAWNMMMMAMMfM^WWMMlMMI
INTRODUCTION.
L>£ premier malTienr de la botanique est 'd'ayoïr été
regardée dès sa naissance comme une partie de la méde*
ci ne. Cela fit qu*on ne s'attacha qu'à trouver ou supposer
des vertus aux plantes, et quon négligea la connais-
sancer des plantes mêmes; car comment se liyrer aux
courses immenses et continuelles qu'exige cette recher-
, elle , et en même temps aux travaux sédentaires du labo<
, rntoire , et aux traitemcns des malades, par lesquels on
parvient à s'assurer de la nature des^ubstances végétales,
et de leurs effets dans le corps humain? Cette fausse
manière d'envisager la botanique en a long-temps rétréci
l'ctude, au point de la borner presque aux plantes usuel-
les , et de réduire la chaîne végétale à un petit nombre
de chaînons interrompus; encore ces chaînons mêmes
ont-ils été très-mal étudiés , parce qu'on y regardait seu-
lement la matière , et non pas l'organisation. Comment
se serait-on beaucoup occupé de la structure organique
d'une substance, ou plutôt d'une masse/ramifiée, qu'on
ne songeait qu'à piler dans un mortier. On ne cherchait
pas des plantes , mais des simples. C'était fort bien fait ,
îdira-t-on ; soit : mais il n'en a pas moins résulté que , si
l'on connaissait fort bien les remèdes , on ne laissait pas
de connaître fort mal les plantes ; et c'est tout ce que
j'avance ici.'
La betanique n'était rien ; il n'j avait point d'étude
^es plantes que pour trouver des remèdes ; on ne cherchait
de la botanique, et ceux qui se piquaient le plus de coiv
naître les plantes n'avaient aucun'c idée, ni de leur stmc-'
tore , ni de l'économie végétale. Chacun connaissait d«
vue cinq ou six plantes de ton canton, auxquelles il
■rUafff. ^Q
/jyo lîmioDucnoîï.
donnait des notas au hasard, eorichis de vertus ntn^'
ïeusef qu'il lui plaisait de leur supposer-, et cbac
ces plantes changée en panacée universelle wfisaiik
pour immortaliser tout le genre humain. Ces pliLi
transformées en baume et en emplâtres, dispariijja
promptement, et faisaient bientôt place à dauUtsJ
quelles de nouveaux venus, pour se disûoÇTitr,^
buaient les mcmes effets. Tantôt c'était ane pUtt i
velle qu'on décorait d'anciennes vertus, et twiôt i
ciennes plantes proposées sous de nou?«u »
suffisaient pour enrichir de nouveaux charlaîiiiî
plantes avaient des noms vulgaires, diffcrensdj^j^^^
canton ; et ceux qui les indiquaient pour lenn - ."^
ne leur donnaient que des noms connus tout asp^-^
le lieu qu'ils habitaient^ et, quand leurs récip«o>a-
dans d'autres pays , on ne savait plus de quelle fl:^
y était parlé ; chacun en substituait une i $J ^^^ ^
tans autre soin que de lui donner le même non»
tout l'art que les Myrepsus, les Hildegardcs, Ko
dus , les Yillanova , et les autres docteurs de ce hi
U , mettaient à l'étude des plantes dont iU oo: j
dans leurs livres; et il serait difficile peut-être wp
d'en reconnaître une seule sur leurs noms ou jw
descriptions^
'À la renaissance des lettres tout dîspanit for
place aux anciens livres : il n'y eut plu* o^" ** '
I de vrai que ce qui était dans Aristote et dans u
Au lieu d'étudier les plantes sur la terre , on ne k^
! diait plus que dans Pline et Dioscoride; et il n T * "■
! tî fréquent dans les auteurs de ces temp»-l4 çw .'
nier l'existence d'une plante par l'unique ra»»^^
Dioscoride n'en a pas parlé. Mais ces doctes p'««'
fallait pourtant les trouver en nature po«T
plo/er selon les préceptes dn maître. Alors on »f^'
ÏNTRODUCTIOÎf. 4?'
l'on se mit à chercher, k obseryer, k conjecturer; et cha-
cun ne manqua pas de faire tous ses efforts pour trouyer
dans la plante qu'il ayait choisie, les caractères décrit!
dans son auteur; et, comme les traducteurs, les com-
mentateurs , les praticiens , s'accordaient rarement sur le
choix , on donnait yingt noms à la même plante , et à
vingt plantes le même nom, chacun soutenant que U
sienne était la véritable, et que toutes les autres, n'étant
pas celles dont Dioscoride ayait parlé, devaient êtr^
proscrites de dessus la terre. De ce conflit résultèrent en-
fin des recherches, à la vérité plus attentives, et quel-
ques bonnes observations qui méritèrent d'être conser-
vées, mais en même temps un tel chaos de nomenclature,
que les médecins et les herboristes avaient absolument
cessé de s'entendre entre eux. Il ne pouvait plus j avoir
communication de lumières, il aj ayait plus que des
disputes de mots et de noms , et même toutes les recheiw
ohes et descriptions utiles étaient perdues, faute de
pouvoir décider de quelle plante chaque auteur avait
parlé»
Il commença pourtant Vse former de vrais botanistes,
tels que Clusius , Cordus , Césalpin, Gesner, et à se faire
'de bons livres, et instructifs, sur cette matière, dans les-
quels même on trouve déjà quelques traces de méthode
Et c'était certainement une perte que ces pièces devins-
sent inutiles et inintelligibles par la seule discordance
des noms. Mais de cela même que les auteurs commen-
çaient à réunir les espèces , et k séparer les genres , cha«
cun selon sa manière d'observer le port et la structure
apparente , il résulta de nouveaux inconvéniens et une
nouvelle obscurité , parce que chaque auteur , réglant sa
nomenclature sur sa méthode , créait de nouveaux gen-
res , ou séparait les anciens , selon que le requ<$rait le
caractère des siens : de s?rte qu'espèces et grnres, tout
/\y2 I?ÇTRODUCTIOÎf-
ctaii tcllt ment mclc, qu'il n'y avait presque pasdt {b" •
ftii n'eût autant de noms diffcrcns qu'il j avait d\ui t >
qui i'araient décrite; ce qui rendait l'étude de la t
cordance aussi longue et souYCUt plus diflk:iic que o -
des plantes mêmes.
Enfin parurent ces deux illustres frère», qui oc» ] -
fait eux seuls pour le progrès de la liotaiiique q« '
les autres ensem'ble qui les ont précédés et mcme »t: ..-
jusqu'à Tournefort : hommes rares , dont le sarotr .s
mense, et les solides travaux , consacrés & la botarh *
les rendent dignes de l'immortalité qu'ils leur ontarq «
car, tant que cette science naturelle ne tombera pa^.-?
l'oubli , les noms de Jean et de Gaspar Bauiûn ti<- "
avec elle dans la mémoire des hiMumcs.
Ces deux hommes entreprirent, chacun de soc f<
une histoire universelle des plantes ; et , ce qmi sc rr
poite plus immédiatement à cet article, ils entrcpr :
l'un et l'autre d'y joindre une sjnon^mie , c cst-*-.
une liste exacte des noms que chacune d'elles p'f
dans tous les auteurs qui les avaient précédés. (>r "
vail devenait absolument nécessaire pour qu'on pût !-
fitei des observations de chacun d'eux; car, sans rr.:
devenait presque impossible de suivre et déaiclercU;<
plante à travers tant de noms différens.
"L'aine a exécuté 2i peu près cette entreprise dan^ '
trois volumes in-folio qu'on a imprimés après sa k*
et il }r a joint une critique si juste , qu'il s'est raz^K-i
trompé dans ses sjnonjrmies.
Le plan de son frère était encore plus vaste, coibb'
parait par le premier volume qu'il eo a donné, «*: ^■
peut faire juger de l'immensité de tout l'ouvrage, » ii '•
en le temps de l'exécuter ; mais , au volume prés du-: i
INTRODUCTION. . 47^
▼lens de parler, nous n'avons que les titres du reste dans
son pinax; et ce pinax , frui' de quarante ans de travail,
est encore aujourd'hui le guide de toUi» ceux qui veulent
travailler sur cette matière , et consulter les anciens
auteurs.
Gomme la nomenclature des Bauhin n'était formée
que des titres de leurs chapitres, et que ces titres com-
prenaient ordinairement plusieurs mots, de là vient
l'habitude de n'employer pour noms de plantes que des
phrases louches assez longues , ce qui rendait cette
nomenclature non-seulement trainant«> et embarrassante;
mais pédaniesquc et ridicule. Il y aurait k cela, je l'avoue,
quelque avantage, si ces phrases avaient été mieux faites;
mais, composées indilTércmment des noms des lieux d'où
venaient ces plantes , des noms des gens qui les avaient
envoyées , et même des noms d'autres plantes avec les-
quelles on leur trouvait quelque similitude , ces phrases
étaient des sources de nouveaux embarras, et de nou-
veaux doutes, puisque la connaissance d'une seule plante
exigeait celle de plusieurs autres , auxquelles sa phrase
renvoyait, et dont les noms n'étaient pas plus déteiminés
que le sien.
Cependant les voyages de long cours enrichissaient
incessamment la botanique de nouveaux trésors; et tan-
dis que les anciens noms accablaient déjà la mémoire, il
en fallait inventer de nouveaux sans cesse pour les plan-
tes nouvelles qu'on découvrait. Perdus dans ce labyrin-
the immense, les botanistes, forcés de chercher un fîi
pour s'en tirer, s'attachèrent enfin sérieusement à la mé-
thode. Herman , Rivin , Rny , proposèrent chacun la
sienne; mais l'immortel Tournefort l'emporta sur eux
tous : il rangea le premier , systématiquement , tout le
règne végétal; et réformant eh partie la nomenclature.
la combina par ses nouveaux genres avec celle <fll«OaA.
4o.
47 î HTTRODUCnOîT,
par BauLin. Mais loin de la débamsaerdc tttkar«
phTa£(^9 , on il en ajouta de nourelles, ou il cbaiçr* k
ancrcnnes des additions que sa méthode k foi^t :
iatrf^. Alors s'introduisit l'usage barbare de lier k« b^
veaux noms aux anciens par un qui «fum ^md cootr>:i
toii*!* , qui d'une même plante faisait deux geonî t?
diffc-rcns.
Dens leonU qui pUotella folio mdntu vUtosô : Jkrlt^
jacoùcta orientalU iimomU folio : Tiiano'keraUtph^h* r^i
ûlofhylon marinum albicans,
'Ainsi la nomenclature se chargeait; les noms ^^''^
tes derenaient non -seulement des phrases, bi-^
périodes. Je n'en citerai qu'un seul de Plukecr. i
prouvera que je n'exagère pas. a Gramen auftoicef-yi
«< carotinianum , seu gramen aLissimum, pamiaUt ■^•'
« speciosa , e spieis majoribus comprestirnscMlii i/^'
c pinnatit blattam moleàdariam quodamittâ>do re^rttti'i
« composilap fbliit convolulits mucrotuUis pmm^eetJ*
Almag. i3y*
C'en était fait de la botanique si ces pratiguei f "'*'
été suivies. Devenue absolument insupportable, li^
menclature ne pouvait plus subsister dans cet érat,*
fallait de tonte nécessité qu'il s'jr fit une réforme, nu]
la plfis riche, la plus aimable, la plus 6cile des tiob ;<
lies d«. rhi&toire naturelle fiit abandonnée.
Enfin M. Lînnasus, p!ein de son sjrstème kii^î.
â^es vastes idées qu'il lui avait suggérées , fbnna le p' *
d'une refonte générale, dont tout le monde seot^*
'iWaoin , mais dont nul n'osait tenter l'entraprise. i*
plus , il l'exécuta ; et , après avoir préparé , «Itas i^^^
iica boianica , les règles sur lesquelles ce traraii den
fttratffbnduit , il détennina, dans son Geacra pi«ur>J
WTRODUCTIOX. 47^
;c9 genres des plantes , ensuite les espèces dans son Spe-
'ics ; de sorte que, gardant tous les anciens noms qui
>ouy aient s'accorder avec ces nouvelles règles , et refou-
lant tous les autres, il établit enûn une nomenclature
éclairée, fondée sur les vrais principes de l'art, qu'il avait
uî-mcme exposés. Il conserva tous ceux des anciens gen-
res qui étaient vraiment naturels; il corrigea, simplifia ,
réunit , ou divisa les autres , selon que le requéraient les
irrais caractères ; et , dans la confection des noms, il sui-
vait, quelquefois même un peu trop sévèrement, ses pro-
pres règles.
\ A l'égard des espèces , il fallait bien , pour les détrr.
ruiner, des descriptions et des différences; ainsi les phra>
fica restaient toujours indispensables, mais s'^ bornant à
pn petit nombre de mots techniques bien choisis et bien
adaptés , il s'attacha à faire de bonnes et brèves défini-
(tions tirées des vrais caractères de la plante, bannissant
^rigoureusement tout ce qui lui était étranger. 11 fallut
pour cela créer , pour ainsi dire , à la botanique une nou-
velle langue qui épargnâtce long circuit de paroles qu'on
voit dans les anciennes descriptions. On s'est plaint que
i\ea mots de cette langue n'étaient pas tons dans Cicéron.
r Cette plante aurait un sens raisonnable, si Cicéron eût
fai: un traité complet de botanique. Ces mots cependant
f sont tous grecs ou latins , expressifs , courts , sonores, et
forment même des constructions élégantes par leur ex-
trême précision. C'est dans la pratique» journalière de
l'art qu'on sent tout l'avantage de cette nouvelle langue,
' aussi commode et nécessa'ire aux botanistes qu'est celle
' de l'algèbre aux géomètres*
} Jusque là M. Linnxus avait déterminé le plus grand
t nombre àeï plantes connues, mais il ne les avait pas
I uommées ; car ce n'est pas nommer une chose que de i«
473 nrTRODucTiox.
idéânii' : une plirase ne sera jamais nn rni not '* i
n'en saurait avoir l'usage. Il pourvut à ce défaut p»r 3
Tention des noms triviaux qu'il joignit à ceax<ic> f^
rcs pour distinguer les espèces. De cette maniw V .1
de chaque plante n'est composé jamais que àt <■■'
mots ; et ces deux mots seuls , choisis avec discorr^^
et appliqués avec justesse, font souvent mieux c^:::^^
la plante que ne faisaient les longues phrases àt y.. 1
et de Plukenet. Pour la connaître mieux cncorr >. i
régulièrement , on a la phrase qu'il fant »t). j ^
doute , mais qu'on n'a plus besoin de répéter a ic--i
p09 lorsqu'il ne faut que nommer l'objet
Rien n'était plus maussade et plus n^ïcn. '
qu'une femme ou quelqu'un de ces hommes qui >>
semblent , vous demandait le nom d'une herbe i
fleur dans un jardin , que la nécessité de ct^ '
réponse une longue enfiladede mots latins, qui --^
blaient à des évocations magiques ; iDconvénicni ^-|
pour rebuter ces personnes frivoles d'une ciu<it 1
mante offerte avec un appareil aussi pédante^qot.
Quelque nécessaire , quelque avantageuse v^
cette réforme, il ne fallait pas moins que le [ '
savoir de M. Linnaeus pour la faire avec succè^.r' \
célébrité de ce grand naturaliste pour la faire ui. >
lement adopter. Elle a d'abord éprouvé de U i^ '
elle en éprouve encore; cela ne saurait être ao*'' J
tes rivaux dans la même carrière regardent ctv '
tion comme un aveu d'infériorité qu'ils n'ont 1 '
faire; sa nomenclature paraît tenir tellement à -^
(*) Cette leçon est confonne à rédîtion de Gf\c\t, "I
à rëdition de Paris, en 38 vol. in- 8^. Dans quelques *'^
Ht : Une phrase ne âcra jamais un trai 90ML
HTTRODirCTIOll. 477
1^ qu'on ne s avise guère de len séparer ; et les botiU
Ces du premier ordre, qui se croient obligés, par hau-
r , de n'adopter le système de personne , et d*aToir
cun le sien, n'iront pas- sacrifier leurs prétentions
' progrès d'un art dont l'amour dans ceux qui le prot.
ent est rarement désintéressé.
Les jalousies nationales s'opposent encore li l'admi»-
i d'un système étranger. On se croit obligé de soute-
les illustres de son pajs, surtout lorsqu'ils ont cessé
nyre ; car même Tamour-propre , qui faisait souffrir
6 peine leur supériorité durant leur -vie, s'honore d*
' jgloire après leur mort«
lalgré tout cela , ta grande comaiodité de cette nau^
e nomenclature, et son utilité, que l'usage a fait conf-
ire , l'ont fait adoptes presque unirerseUcment dans
te l'Europe , plus t4t ou plu» tavd'à la vérité ,' aaai«>
n à peu près , partout, et même à PariS'. llf. de Jus^
vient de l'établir au Jardin du Roi, préférant amsii
ilité publique à la gloire d'une nouvelle Eefui»tc,.qur
blait demander la méthode des famille» naturelles^
t son illustre oncle est l'auteur. Ce n'est pas que cette*
enclatUire linnéenne n'ait encore ses défauts-, et n»
c de grandes prises h la critique; mais, en attendant
n eu trouve une plus parfaite ,. à qui rien ne man»
il vaut cent foi» mieux adopter celle-là que de n'en
r aucune, ou de retomber dans les phrase» de Tous-
rt et de Gaspar Bauhin.J'ai même peine à croire
Dc meilleure nomenclature pût avoir désormais assez
iccés pour proscrire celle-ci , Il laquelle les botanis-
e l'Europe sont déjà tout accoutumés; et c'est par
uble chaîne dc l'habitude et de la commodité qu'ils
lonceraient avec plu» de peine encore qu'ils n'en
3t à l'adopter. Il faudrait, pour opérer ce change»
; , un auteur donc le crédit efiaçât celui de M. Lii^
48o nmottucno».
tades a répandues dana la masse dn genn Imbëi. ^
eela xi*est pas , et qne la troisième et pins aimiUe pL'<
^e rhistoire naturelle mérite Tettentioa des csurz
qn'on me due comment on %'j prendra ponr fm ik
des connaissances «i-derant ncqnises, si l'en acc-r
menoe par apprendre la langue des avtenrs, et pnv
à qnels objets se rapportent les noms enploycs pu •
«nn d'eux. Admettre l'étnde de la botanique, et ^■'
celle de la nomenclature . c'est donc tomber dsas Uu
absurde contradiction*
PRAGMENS
POUR
UN DICTIONNAIRE
DES TERMES
D'USAGE EW BOTANIQUE,
* Aboutif. Qui ne purvient point k sa perfection.
Abrupte. Od donne l'épithéte d' abrupte aux feuilles poncet,
au ftonimcl desquelles manque la foliole impaii-e terminale quVUcs
ont ordinairement.
AanErvoiBs, ou gouttières. Trous qui se forment dans leboia
pouri des chicots, et qui, retenant l'eau des pluies, pounsaeol
«nfin le reste du tronc.
AcAULis. snns tige.
* AcOTYLÉDv)5E, SOUS cotyJé(lon$. La plante ne d<*veloppe
p<iini dans sa germination la feuille primordiale nommée co-
tyledon,
* Agamie. au lieu de Cryptogam'e. Sans ctamines ni pîstîlf.
■* AonÉGKEs. Pctiicillées naissantes; plusieurs ensemble d'u«
même point de In ti.4;e.
AiCKETTE. Touffe de filamens simples ou p!umcux qui cou-*
tonnent les semcmes dans plusieurs »< nrcs de coin posées et d'au-
tres flnirs. L'aiffrette est ou w^ssile , c'e$l-h-dire inim^'diateroent
attachée nutour de l'embryon qui la porte, ou pédicnU?e, c'est-
^ dire portée pnr un pied appelé m latin stipes, qui la tient
éUt^^t au-dessus de l'eiahryon. L'ai^^rette sert d'abord de calioa
au fieurou , ensuite elle le pousse et le chesye il mceore qu'il m
M.-laagei. il
48a APH
ûiDC poarqull ne reste pas tous U Mnenoe et MToftàe^
de mârir ; eik garantit œlte même aeaocnoe aatàtXtma
pluie qui pourrait la pourir ; et lorsque la saaeaa ti u:
•Ue lui sert d'aile pour eue portée et dtssàninëe ain pf r"
Tentau
ÀiLtx. Une feuille composée de deux lbliolacppiénc>
même pétiole s'appelle feuille ailée.
Aisselle. Angle aigu on droit, formé par use hnAi v
une autre branche, ou sur la tig^ , ou par ujm leaPk sr a
brancbe.
* Al^bé. Fait en alêne.
* Alterhss. Feuilles qui se trouvent sur «fircn poiiti à
tige à des distances à peu près égales.
Ama!ide. Scmeoce enfermée dans un noyau.
* ABn£!<TAc£E. Plante dont les fleurs scotdispo«ic>(Br^-'
*■ Amplexicaule, dont la base embrasse la tigs.
* AmciTïxi. Ayant deux bords oppoeés plu» o« w^ ~
cbaos.
AnonocTin!. ^li porte des fleun mâles et des finn ^'^
sur le même pied. Ces mots anêrc^yne et awnoîfM x:^
abaolument la mém*' chose : excqpûf que dans le preauff <== '
plus d'attention au difiërent sexe drs fleurs ; et dans le m*-'-
)eur assemblage sur le même indivichi.
AiioxosPERME, à semences enveloppées. Ce terne d^-'
•perroe convient égalemenf aux fruits 4 capsule et aux&ub' - <
Ahtbère. Capsule ou boîte portée par le dkt de 1 1^^ '
et qui, ^'ouvrant au moment de la f^oondadoo, réfMc^ >> :"'
sière prolifique
■*' AnTHtsE. Le temps où tous les oigaoet d'ans Sof*^
4aQS leur partit accroissement.
AsTHOLOGiE, Discours sur les fleurs. C'est le titre J^» ^^
de Pomedera, dans lequel il combat de tonte sa tee ki^^
aeittel^ qu'il eût sans doute adopte luî-mtoe, ■ k* «^
Vaillant et de Linnaeus avaient précédé le sien.
A^nnoniTEB. M. Adanson donne oe nom A dei sniw^ **
#à>^«tf individii tepodoit «on tonUal^B par b fêaa^
maU Mns aucun acte extérieur de copulation on de fécondation,
tels que quelques pucerons, les conques, la plupart des vers
sans sexe , les insectes qui se reproduisent sans génération , mais
par la section d'une partie de leur corps;. En ce si ns, les pUbites
qui se multiplient par hontnres. et par caîcux peuvent élre appe-
lées aussi apbrodites. Cette irrt^hrité, si concraire à la marche
ordinaire de la nature, offre bien des difficultés à la définition de
l'espèce : est-ce qu'à propremenl parler il n'exislerait point d'es-
pèces dans la nature, mais seulement des individus? Mais on
peut douter, je crois, s'il est des plantes absolument aphrodittWj
c'rst-^-dire qui n'ont rérllcment point de sexe et ne peuvent se
ir.ultiplier par copulation. Au reste i il y a celte différence entre
' c. s deux roots aphrodite et asexe, que le premier s appli<pie aux
plantes qui , n'ayant point de sexe, ne laissent pas de multiplier,
< au lieu que l'autre ne convient qu'à celles qui sont neutres ou
I stériles , et incapables de ivproduu'e leur semblable.
> Aphtlle. On pourrait dire c0èuillé; mab efftuillé signifie
) dont on a ôtc les feuilles, et aphylle, qui n'en a poioL
* AppE^mCE. Toute partie qui, 6xée à on os^gane quelconque,
I parait additionnelle à la structure ordinaire ds cet organe.
Absbe. Plante d'une grandeur considémUe, qui n'a qu'un senl
et principal tronc divisé en maîtresses branches.
ARBOissEAr. Plante ligneuse de n^oîndrt taille que l'arbre,
laquelle se divise ordinairement dès la racine en plusienn tigri.
Les arbres et les arbrisseaux poussent, en automne, des bontooi
<iius les aisselles des feuilles , qui se développent dans le pria<-
temps et s'épanouissent en fleurs et en fruits : diffiérenoe qui les
distingue des sous-arbrisseaux.
*A«iixz. Partie charnue qu'on rencontre dans qudqucp
fruits, et qui n'est qu'une expansion du cordoit omfri/ical Yojes
œ mol.
Articijl£. Tige, racines, feuilles, siliqtie : se dit lorsque qael^
qu'une de ces parties de la plante se trouve coupée par des «oeudi
distribués de distance m distance.
* AuBiZR. Nouveau bois qui se fbtme ch'iqué année sur k
corps ligneux.
48i nti.
AxitAnE. Qaî «ort d'une aitseUc.
f^ BÀGCiFiu , dont le fruit est ime baie.
Baib. Fruit cfaaniu on snocolent à ooe oa phawifen
Bali:.b. Calice dans les gramiuëes.
* Bifide. Diviaé longitndinalciiient en ôeux pam» irr^
par angle rentrant aigu.
* Bifde diffîie de hUM, en ce qn'^n Heu d'na aç> «r
•Blui-«i a un sinus obtns plus ou moins airoadl
* BioiMisiEs. Au nombre de quatre, dm 1 dna.»'
pédoncule commua,
BoCLOH. Groupe de fleurettes amassées m tète
BonnGEOV. Germe des iSeulUes et des brandies
Boinov. Germe des fleurs.
* BovTOir. 1® A bois ou à feuilles appelé volgairPB*" '
geon , est celui qui ne doit produire que des leuiUei «t ' '
2** Bouton à fleur et fruits produit Tnne et lantn- 3" ^ >
donne des fleurs , des feuilles et du bois. Lrs bontoiHJ* - '
plus gros, plus courts, <inoins unis, moins poiatus qof ^* ^
et leurs écailles sont plus velues eu dedans.
Bouture. Est une jeune brancbe que Ton cmçe ^ '^'
arbres moelleux, tels que le figuier, le saule, Uc^P"^
laquelle reprend en terre sans racine. Le réussite dn ^^'
dépend plutôt de leur Êicilité à produire des ndce. f^
l'abondance de la moelle des branches; car rorao^. " ^'
l'if et la Sabine, qui ont peu de moelle , rcpreoncnt Ik '^
de bouture.
* BaACTÉEs ou Feuxues plobaus. Petites feailies ç '
■ent avec les fleurs, et qui difi&rent toajcors des km^ ^
plante.
Bràiiches. Bras plians et élastiques du corpi de f*^-'
sont elles qui lui donnent la figure; elles sont ou altm*
opposées , ou TerticUlôes. Le bourgeon s'étend pea ^ i '
brandies posées colJaléralcment ei composées des w^ K '
He la tige : et Ton prétend que ragiutioo des bnucbn «
par le vent est aux arbres ce qu'est auT animaux l'ipf*^
Usuï. On 4utingue,
/
CA? 485
t * Let maitri SMS brancbes , qui tiennent ininédiatement an
tronc , et d'où partent toutes les autres.
a** Les l>ranches & bots . qui , étant les plus grosses et pleioes-
de boutons plats , dounrnt la forme à un arbre fruitier , et doi*
▼ont le conserver eu partie.
3** Les brancbes à fruit sont plus faibles et ont des boulont
rond)
4^ Les chiffonnes sont courtes et menues*
5** Les gourmandes sont grosses , droites et longues.
6** Les T.ules sont longues et ne promettent aucune fécondité.
y** 1^9 branche yoûtée est celle qui, après le mois d'août, a
pris naissance , s'endurcit , et devient noirâtre.
8" Enfin, la branche de faux-bois est grosse à l'endroit où
elle devrait être menue, et ne donne aucune marque de rioondité.
Bi LBE. Est une racine orbiculaire composée de plusieurs peaux
ou tuniques emboîtées les unes dans les auti«s. Les bulbjs sont
plutôt des boutons sous terre que des racines , ils en oni eux-
mêmes de véritables, généralement presque cylindriques et
rameuses.
Calice. Enveloppe extérieure, ou soutien des autres parties
de la fleur, etc. Comme il j. a d(S plant' s qui n'ont point dt
calice , il y en a aussi dont le calice se métamorphose peu à peu
en feuilles de la plante, (trtciproqiiement il y en a dont les feuil-
les de !a plante se ckan^eni en calice : c'est ce qui se voit dans la
£in)ille de quelques renoncules, comme l'auémone, la puisa*
tille , etc.
* Caucltz. Petites bractées environnant immëdiatemcot le
base externe d'un calice. . *
CAMPA9IFOBMB, OU CaMPAHULÉE. (V. GLOCHS.)
Capiujiikxs. On appelle feuilles capillaires, dans la iàmill«
des mousses , celles qui sont délices comme des cheveux. C'est
ce qu'on trouve souvent exprimé dans le Sinopsy* de Ray, et
dans l'histoire des mousses de Dillen, par le mot grec de trn
chodes.
On donne aussi le nom de capillaires à une branche de la (à«
mille des fougères, qui porte comme elle sa fructification sur le
dfti de» feuilles et ne s'en distingue que par la suture des planM
486 C4P
qui la eomposcot, betnconp plus petite dus la of^èe ^
dans les fougères. ^
CAPntriCATiov. Fécondation des ficon feiMflcsiFsv yrv«
6gaier dioique par la poussière des étamines de ruMfiù'.s ai
appelé caprifi^ier. Au mojen de oedc opération de u b.^
aiJée eu cela de Imdustrie bumaiue , ks figues uns (nt' >fl
grossissent, mûrissent , et donnent une récolte oiciileiatfi p
abondante qu'on ne Tobtiendrait sans cela.
La merveille de cette opération consiste en ee<]«.i»i
genre du figuier, les fleurs étant encJoaes dans le frait. -^i)
que celles qui sont hermaplirodites on androgjnes qni yr-^fl
pouvoir être fécondées ; car, quand les sexes sont UMA-'é'J:^
parés , on ne voit pas comment la poussière des flnl^ i'
pourrait pénétrer sa propre enveloppe et celle du fruit v'
jusqu'aux pistils qu'elle doit féconder. C'est on inataf 7-^
charge de ce transport : une aorte de moucheron partie: '^ ** *
eapnfignicr y pond, j éclôt, s'j oonvre de U poassihtc^' '
mines , la porte par Tœil de la figtie à travers les écaille» - -
garnissent l'entrée, jusque dans Tintérieur du firoît, et u. *
poussière, ne trouvant plus d'obstacle, ae âépaèftal'^^
destiné à la recevoir.
L'histoire de cette opération a été détaillée Hi pifaô^ >
par Tfaéopbraste, le premier, le pins savant, ou, pocrr*
dire, l'unique et vrai botaniste de l'aotiqinté; et, apr^ !* '
Pline chez les anciens ; cbet les modernes par Jean Bau) '
par Toumefort sur les lieux mêmes ; après lui, par Pootnr*
par tous les compilateurs de botaniqae et d'bisïoiie sAtv
qui n'ont &it que transcrire la relation de Tonmdbrt.
CÀnULAïuL Les pUntrv capcuiaircs sont relies dont k '
est à capsules. Kàj a faut de oetic dirîsioo sa db-ara^v
classe, Herha vaaeulifera,
CA.KI7LE. Piâicaipe see d'an fevit sec; caroiin«doaDef«
par exemple , le nom de capsule à Técorce de la grenad- .
que aussi sèche et dure que beaucoup d'aatt«a eapsxiks, p
qu'elle enveloppe un firuit mou.
Capucbor (Calyfitra.) Coiflfe pointne qui roorre onf"*
ueiit ruQe des noosses. Le cipachoo est d*abord ad-^-r*'
CIM 4^7
irne, mais ensuite 3 se dëuche et tombe quanl? elle approche
; la mainrité.
I ^CABAcri'.nes des plautïs. Parties par lesquelles les végétaux
I rassemblent ou difierent entre eux. Ils sont elauiques , gêné-
ffues et gpéciptiuesj quand ils forment les classes, les genres et
^ espèces, linnëe a pris dans les étamines les caractères des
fisses, les pistils pour les ordres,' l'exanien de toutes les parties
'S organes reproductifs de la plante pour les genres , et toutes
^ pnrtics visibles et palpables pour les espèces.
i Cartophyll^e. Fleur <)^yopli) liée ou en œillet.
r ^Casque. Lèvre supérieure des comlles labiées.
•' ^CAULiNAinE. Ce qui naît immédiatement sur là tige.
' CATFrx. Eulbes par lesquelles plusieurs liliacées et autres
lontcs se reproduisent.
^ ^CiiATicissoBE. Assemblage de petits filamens produits par du
^u)Ier de mauvaise nature, ou par les racines de quelques
^lute8 malades.
' CiiAi 05. Assemblages de fleurs mâles ou (èmelles spiralement
tat btScs 4 un axe , ou réceptacle commun , autour duquel ces
Vurs prennent la figure d'une queue de chaL II y a plus d'ar-
es à cliatoDS m&les qu'il n'y en a qui aient aussi des chatons
t)i elles.
Chaume. (Cuimus). Nom particulier dont on distingue la tige
?s graminées de celles des autres plantes, et à qui l'on donne
DUT caractère propre d'être géniculée et fistuleuse, quoique
aitcoup d'autres plantes aient ce même caractère, et que Les
liciies et divers gramens des Indes ne l'aient pas. On ajoute que
! Ci.uumc n'est jamais rameux, ce qui néanmoins sonore encore
sception dans Varundo calamaqrotis , et dans d'autres.
*CniiVAuCHASTi:s. Feuilles pliéi s comme une gouttière aiguë,
t appliquées les unes sur les autres, disposées de même que
:ins l'imbrication; elles sont convexes au lieu d*étra an^nlëeS
tar le dos.
* Cheyeiub. Racine chargée d'un grand nombre de fibres dé«
iées.
*CiaiE (en). Les pëdoncoks cotnmones parunt d*tm mèoift
'.
488 coir
point ont kiin deniîira divisions paiivtiHft d* yaiep I: ^
Les fletin sont élevces ordinairemeDt sor an wim ^ i
fàreaa.)
*CiiiiiBE. Filament au moyen duquel ostaiacifilaei»^
dient à d'autres corps. (La vigne.)
^CoiFrE. Enveloppe mince et membmme qà r.i
l'ai ne dans laquelle sont renfennés les oi|giBei de h éï-'J
tîoo des mousses.
Cloche. Fleurs en clocbe, ou campanilMoei
*CoiXEDETTC ou ISVOLUCHE. Eimilloppe CtHEIinY ^ I
tiell? des ombelliftr^s , placée à une certaine diftaacr^: l >
sont insérés les pétales des fleurs.
^Collet. Petite couronne qai tigratMy loténeoTcisfr .i
des ièoilles des graminées.
Coron é. Les calices^ les balles, Vs écailles, lr«^ '
les parties extérieures des plantes qui sont verle» oa r-^ '
muncnient sout dites colorées lors7vi*elles ont ooe '<* '
éclatante et plus vive que leurs se nnblables ; tds sost -^ ^
de la cîicée, de la moutarde, de i« carline ^ la rsTc i
l'astrantia : la corolle des oraitlio^ales blancs et jacbc- '
au-dossous, et colorées en dessus; les ëcaiiles da xm^'^ -'
si colorées qu'on les prendrait poar des p/t«tei; etir J
polvgala, d'abord très-coloré « perd sa co-iloff pea< ^
prend enfin celle d'un calice ordinaire.
^Com-LÈTE. (Fleur} Quand elle a calice, corol.^
et pistil.
^CoMPniMÉ. Quand la largeur des côtés eioêde l«f^'
^Co^oiabiE. Qui est du même genre.
^CosoLOBÉss. Feuilles ou fleurs ramassées eo bcul*
^CoHiFines. Fleurs ou fruits en ibime deoùof.r'*
fc6ne est un assemblage, arrondi ou ovcâdal , d ec«i «'^ '
ou ligneuses, imbriquées en tout sens d'une Bunk«J
moins serrée autour d'un axe oommnn caché par elle-
*CovtVGViM&. Deux folioles fixées au sonmct d^l
flOmiBani ou sur deux points opposés da isémepeM^
COB 489
s. Roalée en dedans par uo c^ ; la leuille 6k
ors IVnlonooir.
Conoon ombiJtcal dans les capill«ires et fougères.
^CoEDOsi ouBiLicAL. La saîlUe que forme le réceptacle d'one
'aine qu'elle porte ou enveloppe en s'j attodiant par un point
t'on nomme hile.
CoitHET. Sorte de nectaire infiindibuliformc.
^ConoLLK. Partie de fleur qui embrasse immédiatement lei
iftirs sexuelles de la plante. C'est un organe en lance, ou e*i
ibe (suivant que la corolle est monopëtale ou poljrpétale) , qui ,
lant placé en dedans du calice, naît immédiatement en dehors
la p;>int ou de la ligne d'insertion des étamincs, ou bien les
3rte attachées parleurs bases à sa paroi intrrne. Lexjstenca
une corolle exige , suivant plusieurs botanisles, celle d'un calice,
a corol!e n'est jamais continue au bord même du calice.
^CoBTXCAL. Qui appartirnt A l'écorce.
CoATMBE. Disposition de fltur qui tient le milieu entre l'om-;
•cil > et la panicule ; les pédicules sont graduées le long de la tige
omme dans la panicule, et arrivent tous à la môme hauteur
brniant à leur sommet une surface plane.
Ijc corjmbe diffère de l'ombelle eu ce que les pédicules qui
e forment, au lieu de partir du même centre, partent, h diifi-
«ntes hauteurs , de divers points sur le même axe.
CopTMBiFiiiEs. Ce mot semblerait devoir désigner les plantes
I fleurs en coryinbe, comme celui d'omteI(ifere5 di'signe les
>lantes â fleurs en parasol. Mais Tus 'ge n'a pas aiUorisé cette
malogîe; l'acception dont je vais parler n'est pox même fort
isitée ; mais comme elle a été employée par Ray et par d'autres
XYtanistcs , il la (àut reconnaître pour les entendre.
Les plantes eorymhifera sont donc dans la classe des compo*
}ées f et dans la section des discoïdes celles qui portent leurs se-
oieuces nues, c'est-à-dire sans aigrettes ni filets qui les couron-
nent; tels sont les bidens, les armoises, la tanaisie, eie. On
dbserrera que les demi-flenronnées , A semences nœs , comme la
lanipsane, l'hjoseris, la catanance, etc., ne s'appellent pas cc«
peudant corfmbiArts , paice qu elles ne sont pas du nombre d«i
discoïdes.
490 CRV
* GoME. Péiic#.^ 3rs fruits légvaiîiienx. la eme f« *-
•Âe onlnutiremcnt de denx valTvles , et ^ocVjirfcia ■ n i -
lenle.
Tosaoïr. ffoaTetu unnent qui croît ni b viçoc sf^ * '
•st taiUée.
CotilÉdoii. Foliole, ou partie de rembrjoa.da,''^ •
f élaborent tt te préparent les sucs nutriùisdcla gsol;'
Les cotylédons , autrement appelés feuiUes séss^*
les premières parties de la plaote qui pcraiueiA l''
loi squ elle coromenee à régéter. Ces preaûères fêuiiie *
60uiient d'une autre ibnne que celles qui les snireit e
les véritables feuilles de la plante. Car, pour l'oriit '
tylédons ne 1 aident pas à se flétrir et à tomber pcn f '■
plante est levée . et qu'elle reçoit par d'autres par'i^
ritiire plus aLondante qu'! celle qu'elle tirait psr m ^
si ;nrc céme de la semence.
Il y a des plantes qui n'ont qu'un cotj lédoo . f^ '
cela, s'z-'ppellent monocotylédones, tels sont lr« pif
lîacérs, les graminées, et dautrei plantes; le phu;'- ^ '
en ont deux, et s'appellent dicotylédones; si dAt:'*"
da\-nnta{;e, elles s'appelleront poiycolylédoDei. Lo> '
sont celles qui n'ont pas de cotjlcdonS( telles que ^*
les mou ses , les c^'ampignons , et toutes les crrp'o; r ^
Ces difTcrcnces de la germination ont Ibomi i Ka> .• '
botanistes, ot en dernier lieu à messieurs de Ju»y • '>
U première ou plus grande division naturelle du r^o- i
Mais, pour classer les plantes solvant cette VBtih<>
les examiner soi tant de terre dans leur premièie gtrr
jusque dans la semenoe même ; œ qui est souvent U <
surtout pour les plantes marines et aquatiques. V^ "^
et plantes étrangères ou alpines qui icfoseDl ôc gnw< ^
dani nos jardins.
*Gocnomii. FVuît qui, proTeaint d'un o^aiit ii*^
■finre i son sommet uns pwiie on ia totalité do \i^ *
CstCtriiis , ou GavciroiiMC, disposé en fetw ^ ^
donne spédalement le nom de cmcifère à use ba^ 'l
BEH 491
ont le caractère est d'avoir dea fleura eompôi^ea 3c qnat^j
étales disposés en croix, sur an calice composé d'autant dfl
>IioU's, et, autour du pistil, six élamines, dont deux, égales
ntre elles, sont plus courtes que les quatre autres» et les divisent
g lenient.
*C]iYiTocAai£, dont les organes sexuels sont cachés, douteux,
)ii dîflScile h counaître. On ferait mieux d'appeler les plantes de
e genre axâmes, puisqu'elles n'ont ni éuniines ni pistils.
*Cui MiFinE. Plante dont la tige est un chaume. (Les graminées.)
* CxivhiFOfME. Rétréci de haut en bas en angle aigu.
CtPi'ij^s. Sortes de petites calottes ou coupes qui naissent le
}1us souvent sur plusieurs lichens et algues, et dans le creux
le>c|iiclles on voit les semences naiire et se fermer, surtout dans
e genre appelé jadis hépatique des fontaines, et aujourd'hui
jiarcliaiilia.
*CYLiicDai<j(LE. Ce qui est d'une forme allongée, de même
vrosseur dans sa longueur , et sans angles.
C\ME , on CYMisa. Sorte d'ombrelle , qui n*a rien de régulier,
quoique tous ses rayons partent du même œntre, telles sont les
lli^uio de l'obiei, du chèvre-feuille, etc.
*■ DKCOLr ARTB. FeuiUc dont les deus bords se prolongent avee
saillit sur la tige au dessous de son point détaché.
* DÉiiiscLacx. Manière dout une partie close de toutes parts
«'ouvre.
Duf i-FLEUBOB. C*ett le nom donné par Tournefort , dans let
fleurs composes, aux fleurons éch ancrés, qui garnissent lo
dis(]uc des Lnctucées, et à ceux qui forment le contour dse
radiées. Quoique ces deux sortes de df-mi-fleurons soient exacte-
ment de même figure, et ponr cela confondues sous le même
nom par les botai.istes , ils dificrent pourtant essentiellement en
ce que 1rs premiers ont toujours des étamines , et que les autree
ii'tn ont jamais. Les demi-ficurons, de même q^ie les fleurons.
sont toujours su pères, et portés par la semence, qui est portée
à son tour par le disque, ou réceptacle de la fleur. JLe demi41eiiroi|
est formé de deux parties , l'inférieure , qui est an tube ou cj*
Un'Jie Irùs-^ourt, et la aupérieure , qui est plane , taillée en bu:'*
luette, rt à qui ou donne le nom. (Yojes Fleubo* , Furoa. }
49^ 0^0
^Dcvri. Ce dont lei bords
^DiADELPHKs. Eumines réonirt es dan cacps|tr]aBfe
«D de ceax-ci pouvant être solitaire.
*DiADELPiiis, signifie denx frères. Voya Utfémà
•jrstème.
Difcix , ou DioéciE , balnudon s^aiee. Où éonat ieasi
Ùiecie à uoe classe de plantes composées de louiaorlbf
portent leurs fleurs mAles sur un pied, et Iran fiembefa
sur un autre pied.
Dioiri. Une feuille^ est digitée lorsque ses foliola psat
toutes du sommet de son pétiole comme d'anceaorciv&â
Telle est , par exemple , la feuille du nnronnier dU
^'DiGTVC . Fleur ayant deux pistils, ou deux Afa.m èa
stigmates sessiles.
DioiQUE. Toutes les plantes de la diccîesoDtdioi^vi
* Diptère. Ayant deux ailes.
*DisPEBMX. Fruit leufeiiuant deux gninci} tartoi^^
l'unr à côté de l'antre, ou sicr|iosMs Tune an-dantderm
DisQn. Corps îoiermëdiaire qui tient la ftmr ooqo^ *
unes de ses parties élevées au-dessus du vr»* rkeptck-
Quelquefois on appelle disque le réceptacle inAw. n*^
dans les composées ; alors on dislingne la rarûce do iterpt^'
ea ie disque , du contour qui le borde, et qu'on ooaiae n'>-
Disque est aussi un corps cliamu qui se troaTcdatfipv
genres de pUnie au fond du calice, dessous rembrjWi^^
qucfois les ëtamines sont attachées autour de ce disque
^DrvEBOEHs. Pédoncules qui ont un point d*iDsrrooo<^
nun ( t s'4caitent ensuite.
*DoD£GÂOT9E. Fleur ayant douae pistils, stjlo«>tti3>^'
sessiles.
*DonsiFXaBs. Feuilles qui portent sur leur dos b («^
la fructification. (Les fougères.)
DiAoBORs. Branches enradoées qui tienoeDl «> ^
arhte, ou au tronc, dont on ne peut les arracher tf»^*^*^
Vf
^DaoLf 1. Fruit chanu «cniSanaat wie nsis. (Oa*'< ^
*I>cxiE OM TLAnm exprimée ptr les tignet foirani.
® Aimuelk. Tj: Yivace. ^
5 Bisaoïiuelle. 1^ Ligneuse.
ÉCAILLES, ou PAiLLZTTEf. Petîtcs lauguettet palêacées, *pif
îdaiis plusieurs genres de fleurs composëes, implantées sur k
rcccplacle , distinguent et séparent les fleurons ; quand les pail-
Ictte: sent de simples filets, on les appelle des poils ; mais (piand
elles ont quelque largeur, eUes prennent le nom d'écaillés.
11 est singulier dans le béranthème à fleur double , que les
écailles autour du disque s'alongent, se Q>lorent, et prennent
l'appaierce de viais demi-fleurons , au point détromper & Ta*-
pect quiconque n'y regarderait pas di^ bien prfes.
Ou donne liès-sou vent le nom d'éeailles aux calices des chatons
«t des cônes : on le donne aussi aax folioles des calices imbriquée
des fleurs en tète, teb que les chardons, les jacées, et à celles
des calices de substance sèdie et scarieuse du zeranthème et df
la catananche.
La ti^e des plantes dans quelques «opères est aussi chargée
d'ccaillcs : ce sont des rudimens coriaces de feuilk squi quelque?
fois en tiennent lieu, comme dans l'orabanche et le tussilage.
Enfin on appelle encore écailles ks enveloppes imbriquées des
halles de plusieurs liliacees,.et les balles ou calices aplatis 'dea
schœnus , et d'autres graminacées.
* ÉcHANcni. Dont le sonunet a un petit sinus on angle rentrani.
ÈconcK. Yêtemeot ou partie enveloppante du tronc et def
branches d'un arbre. L'ccorce est moyenne entre Vépiderme à
l'extérieur, et le liber h l'intcrieur; ces trois enveloppes se réo-
ni:sent souvent dans l'usage vulgaire, sous le nom commun
d'i-corce.
* l^cisscH. Petits tubercules ou petites coDcavités des lichen^
'dins le temps de leur fructification.
Éri7L£ (£<ifi/i5t),bonà manger. Ce mot est du nombre à$
4umx qu'il est à dé«>irer qu'on fasse passer du laûn dans lalaagn*
HoivascUe de la botanique.
* Eh^xtor. Le jeune fruit qui renferme en petit b plante. Q
•st oo droit , ou courbé , ou loulé tu tpink. L'une de ses QdH^^
4g6 TLE
4ia» nn Jardîn ont un aîr trop caVoe, y pitM^ajl
gouvent languissent et dégénèrent.
^FiBBEUX. Dont la cbair ou ks péricarpe est tuofXi de 'iy
nens plus ou nwios tenaces.
Filet. Pédicule qui soutient l'étamine. OndcmneaosùW 3
de filets aux poils qu'on voit sur U surface des tiges, des ki» 3
et mènàe des fleurs de plusieurs pbntes.
*FzLiyEin>ULE. Qui pend comme nn fît
*FnTUL£Ux. Alongé cylindrique et creoz, mais dos pr i
deux bouts.
Fleua. Si je livrais mon ima^nation aux ifcnces fti^-- i
que ce mot semble appeler, je po:*frais £ùre un article ac -i
peut-^tre aux bergers , mais fort mauTats pour les IxtU': >
écartons donc un moment les vives couleurs , les odeur» ^u i
les fomei élégantes , pour chercher premièrement à Lït. i
naître l'être organisé qui les rassemble. Rien ne parait è ^j
plus iigiciie : qui est-ce qui croit avoir besoin qu'on lui apt"!
œ qtie c'est qu'une fleur ? Quand on ne me demande p3< " i
c'est que le temps, disait saint Augustin, je le s:«is fcrt ïr
ne le sais plus quand on me le demand*?. On en poum ' i
autant de la fleur et peut-être de la beauté mênie , qui . n i
elle, est 1» rapide proie dv temps. En cflèt, tous les l^t i
qui ont voulu donner jusqu'ici des définitions de la fin.'
échoué dans cette entreprise, et les plus tllnstres, irU
MAI. limueus, HaUer, Adansnn, qui sentaient mieux la tli ' !
que les autres, n'ont pas même tecté de la lurmcmter, r
laissé la fletir à définir. Le premier a bien donné dans sa Fi- I
phie hotanitiue les définitions de Jungins. deKaj, de Tourx
de Pontedera, de Ludwig, mais sans en adopter aucune et
en proposer de son chef.
Avant lui Pontedera avait bien senti (t bien exposi' i
diflScttlté ; mais il ne piU rrâister 2i la tentation de la vaincrr
lecteur pourra bientôt juger du suoc^ Disons noaintroa*!
quoi cette diffcnlté consiste, sans néanmoiitt compter, i
lente à mon tour de lutter contre elle^ de réussir mieux ^i
D*a fiiit jusqu'ici.
On me présente une rose, et l'on me dit : YoUà uik 2
C'est BHf U montrer, je l'aroue, mais œ nVst pas la di'finir, et
cette iuspection ne me sufiira pas pour décider sur toute nn're
plaute si ce que je vois est on nVst pas la f!eur; car il j a une
multitude de végétaux qui n ont, dans aucune de leurs parties ,
la couleur apparente que Raj, Toornefort, Juogins, ft>nt entrer
dous la définition de la flf'ur , et qui pourtant portent des fleurs
non moins réelles que celles du rosier , quoique bien moins ap-
parentes.
On prend généralement pour la flenr la partie coloréf de la
fleur qui est la corolle , mais on s'y trompe aisément : il j a des
bractées et d'autres oi^anes autant et plu« colorés que la fleur
même et qui n'en (ont point partie , comme on le voit dans l'or-
min , dan* le blé-de-Yache, dans plusieurs amarantbes it chcno-
podium ; il y a des multitudes de fleurs qni n'ont point du tout
de corolle, d'autres qui l'ont sans couleur, si petite et si |>eu
appnrente, qu'il n'y a qu'une recherche bien soigneuse qui puiAse
l'y faire trouver. Ior8<{ue les blé» sont en fleur, y voit-on des
pétales colorés? en voit-on dans les mousses, dans les graminéf s?
en \ oit-on dans les chatons du noyer, du hêtre et du chêne,
dans l'aune, dans le noisetier, dans le pin, et dans ces multitu^
des d'nrbres et d'Iierbes qui n'ont que des fleurs & étamines? Os
fl('iii-s néanmoins n'en portent pas moins le nom de fletv : l'es-
sence de la fleur n'est donc pas dans la corolle.
Klle n'est pas non plus séparément dans aucune des antres
partie» constituantes de la fleur, puisqu'il n'y a aucune de ces
parties qui ne manque à quelqufs espèces de fleurs : le calice
man'iue, par 'exemple, à presque toute la £aimille des liliacécs, et
l'on ne dira pas qu'une tulipe ou un lis ne sont pas luie fleur.
S'il y a quelques parties plus essentielles que d'antres à une fleur,
ce sont ceruinement le pistil et les étamines : or , dans toute la
fisimille des cucurbitacées , et même dans toute la classe des mo-
noiquet , la moitié des fleurs sont sans pistil , l'autre moitié sans
étamines , et eette privation n'empêche pas qu'on ne les nomme
et qu'elles ne soient les unes et les autr. s de véritables fleurs.
L'essence de la fleur ne consiste donc ni séparément dans quel*
qu( s-unes de ses parties dites constituantes , ni même daus l'a»-
semblage de touves ces parties. En ^uoi donc coniiite propre
498 VtB
iwDt cetle eascaos? Voi& 1» qoestitiaf ro^i^ h ££ruv. <
▼oici la solution par laquelle PoutedCTa a Uhcbc 6e ien ûr-
La fleur, dit -U, est une partie dam b ^ote, iàSivzHi
autres par sa namre et par sa ibnne , toaîonn adhocate << ^
à l'emliryon) si la llenr a an piatil ; et, si lo pîAil naof{^ 1
tenant à nul eoubryon.
Cett? dëfinitîon pèche, ce me s^v&ble, en « qa'elk «iiifani»'~i
car, loisquelepis Jl manque, la fleur n ajant plnsd'autm .i
lères que detctiffàrer des antrrs parties de la planieptr uu ^1
par sa forme, oa pootra donner oe nom aux Ixraclées, an atJ
aux ncctarium,aiuidpines, et àlontcequi o'eslnifieui^t 1
elles; et quand la corolle est tombée et que le fruit appndir 1
maturité, on pourrait encore donner k- 00m de fieurvac^ >
«éccptaclc, quoique rédlemeot il n'y ait akMS pki^ de âsur " >
cette dcfiniliou eontrient omni, elle ne oooTÎ'nt pas Wu ^^
que par U d'une des deux principales conditions rcqav>
laisse d'ailleurs un ride dans Tesprit» qui csst V plus v*^ '
qu'une di^fimtion'puissc avoir; car, aprè» aroîi assi^v i
de la fleur au profit de l'embryon quand elle y ad)kèT« . -
sapposcrtotalement inutile celle q'JÎ n'y adhère pas. a c '
plit mal l'idée que le botaniste doit r.v(Mr du conconn» '
tics et de leur emploi dans le jeu de la madiixae orgatà-f -^
Je crois que ie définH gëoérai vient ici d avoir tn^ >v 4
la fleur comme une snbstmce absolue, tandt» qu'elle l i
me semble , qu'un être collertif et relatif ; et d'avoir m f t
sur les idées, tanriis qilCil fallait se borner à œlfe qui » :t
tait naturellement. Selon cette idée, la fl ur ne x^t p»-i
que l'état passager des partie» de U lructific:ttioa duraU - *
dation durgerme : de là suit que , quand toute» les pattr-
finictification s- ront réonies, il n'y aora qu'usse fleur, «pu i
aeront séparées, il y es aura autant qu'il y a de partie» nff^
k la fécondation; et, comme ces parties efaenii. JJe» ne«i 1
n«nibre de deux, savoir, le pistil et les étamine», il d j ^t
conséquent que deux fleurs, luac mule et l'autre itur 1
•oient B xxssair. s à la fmctification. On en peut oef>eiKi'
poser une troisième qui ivuniraii les sexes séparés dan» <*
«Ubesc mai» aiorsi ai tomca 01» fleur» ctiicia é^kneot J
FLE 499
troisième rendrait Ira denx autres superflues et pounait seul*
flSre k 1 œuvre , ou bien il y aurait réellement deux fôaonda*
08, et nous n'examinons id la fleur que dans une.
La fleur n'est donc que le Ibjer et l'insirumnit de la iecoiH
ion : une seule suffit quand elle est hermaphrodite; quand elle'
st que mâle ou ièmelle, il en faut deux : savoir, «ne de cba-
5 sexe ; et si l'on £dt entrer d'autres parties , cosune le calic»
[a corolle, dans la composition de la fleur, ce ne peut être
tune essentielles, mais seulement ctMmme nutriiires et coniter-
rices de celles qui le sont. U j a des JQenn sans calice ; il j en
ins corolle ; il j en a même sans l'un et sans l'autre : mais il
en a point et il n'y en saurait a voir qui soient en mémcigfsmpa
s pistil et sans étamines.
I^ fleur est une partie locale et )>aBsagèrB de la plante qui
cède la fécondation du germe, et <kns laquelle on par laquelle
! s'opère.
Je ne m'e'tendnii pas à justifier ici tous les termes d4 cette
îniiion qui peut-être n'en vaut pas la peine; ye dirai seule-
nf que le mot précède m'y paraît easensiel, parce que k plus
veut la corolle s'ouvre et s'épanouit avant que les anthères
ivrciit à leur tour ; et, dans ce cas, il est iooontestafale que la
1 prë( xiste à l'oeuvre de la fécondation. J'ajoute que celte
mdation s'opère dans elle ou par elle, parce que, dans les fleurs
es d s plantes androgyoes et dioiques , il ne s'opère aucune
;iification, et qu'elles n'en sont pas moins des fleurs pour cela.
VoiU, ce me semble, la notion la plus juste qu'on puisse se
e de la fleur, et la seule qui ne laisse aucune prise anxobjec-
is qui renversent toutes les autres définitions qu'on a tenté
I donner jusqu'ici : il iâut seulement ne pas piendre trop
:tcnient le mot durant^ que j'ai employé dans la mienne; car
ue avant que la ieccmdaiioo du germe soit commencée, on
t dire que la fleur existe aussitôt que les organes sexuels sont
Ivideuce, c'est-à-dire aussitôt que la corolle est épanouie; et
(iinaire les anthères ne s'ouvrent pas à la poussière séminale^
l'instant que la corolle s'ouvre aux anihères. Cependant k
•odation ne peut commencer avant que les anthères soient
ertes s ds in^ioe l'ççaTxe de la ficondation s'achève sonveii^
rr»
SOO VLB
■nnt que U coioUe se flétrîsM et tombe; or. jufii'^ oiir^
(Al peut dire xpat la fleur existe eaoore. B Cutt doec ô-^
aécessaiiemcnt un pea d'exteiuioii au mot êaraxit . f^r
voir dire que U fleur et VceuTie de la lecoodatian cunrr:
tt finissent ensemble.
Gomme génënlement la fleur te ùh rsmaz^orr par «?
partie bien plus apparente que ks antres par U wr^-^r i- -i
eottfeurs, c'est dans cette corolle aussi qu'on ÙA madtiju.':.!
Cûnsbtsr ressente de la fleur, et ls3 botantsies cm-Mcr^j
sont pas toujours exempts de cette petite illnsk» , car «:>. i
îb emploient le mot de fleur pour celui de corolk; c-.- 1
petites impropriëtëcs d'inadvertanse importent peu (fan. i
ne changent rien aux idées qu'on a des choses quand on t ^ ^
De là ces mois de fl«ii9 moacpëcales , poljpêtala ,étn
labiées, personnées, de fleun régulières, irrfgnlkTes, etc. . i
trouTC fréquemment dans les livres même d lnstirDti4i& !
petite impropriété était non-seulement pardonnaUe. bb^* i
que Ibroée à Tonmelbrt et fc «es contemporains, qui l:- i
pas encore h mot de corolle , et l'usage s'en est ocmarm *^i
eux par l'habitude, sans grand inconvénient; mais il ri^^i
pas permis à moi qui remarque cette incorrectioo de Ina.*'' i
ainsi je renroîe au mot Coboixe k parler de ses Ibeme» d^ i
et de ses divisions.
Mais je dois parler ici des fleurs composées et sxDf^, f^
que c'est la fleur même et non la corolk qui se conpcar. o i
on le va voir aplk^ l'exposition des parfîrs de la fleur sic r*
On divise cette fleur en complète et incomp!èie: I^ 1
complète est celle qui contient toutes les parties csseotid;^
concourantes à la fructification, et ces parties sont au nonur :
quatre : deux essentielles, savoir, le ptstil et l'étaminr, -.«
dtamines ; et deux accessoires ou concourantes, saToir, i> r t
et le calice ; à quoi Ton doit ajouter le disque ou réoept^I*
porte le tout.
La fleur est complète quand elle est composée de leo^
parties ; quand il lui en manque quelqu'une , elle eat i^ i
plète. Or, la fleur incomplète peut manquer non-seuleiw '
0Offolk et de calice | mais même de paiùk ou dénminrs ; tf , -^
FtB. 50l
«Ismier cas , il y a toujours une autre fleur, aoît sur le m&iM
individu , soit sur un difierent , qui porte Tautre partie essen-
tielle qui maoque â celle-ci ; de 1^ la division en fleurs lierma-^
pkrodites, qui peuvent être complètes ou ne l'être pas, en flcun
puremeot mâles ou femelles, qui sont touionrs incomplète s.
La fleur hermaphrodite incomplète n'en est pas moins p-ir-
iuite pour cela , puisqu'elle se suffit à elle-même pour opérer la
fécondation; mais elle ne peut cire appelée complète, puisqu'elle
m&nque de quelqu'une des parties de celles qu'on appelle ainsi.
Une rose, un oeillet, sont, par exemple, «les fleurs parfaites et
complètes , parce qu'elles sont pourvue* de toutes ers parti' s.
Mais une tulipe, un lis, ne &cmt point des fleurs compiètr:»,
qiioique parfaites, parce qu'iûcs n'ont point de calice; dcn.èmc
la jolie petite fleur appelée paronichia est parfaite comme her-
maphrodite; mais elle est icccmplète, parce que, maigre sa
riaiile couleur, il lui manque uns corolle.
Je pourrais , sans sortir encore de la section des fleurs sim-
ples , parler ici des fleurs i cgulières , et des fleurs appelées li rr-
giilières. Miiis, comme ceci se rapporte principalement Ix U
coiolle^ il vaut mieux sur cet article renvoyer le Itclcur à ce mot.
Reste donc à parler des oppositions que peut soufliir ce mot de
Heur simple.
Toute fleur d'où résulte une seule fiiicliGcation est une fleur
simple. Mais si d'une seule fleur rt^sultent plusieurs fruits, alte
fleur s'appelU'ra composée, et cette pluralité n'a jamais lieu dans
les fleurs qui n'ont qu'une corolle. Ainsi toute fleur composée a
nrcessairement non seulement plusieurs pétales, mais plusieurs
corolles; et, pour que la fleur soit réellement composée, et non
pas une seule a^ii^ation de plusieurs fleurs simples, il faut que
quelqu'une des parties de la fructification soit commune à tous
les fleurons composans, et niauqtie à chacun d'eux en pariiculier.
Je prends, par exemple, une fleur de l'aitroo, la voyant rem-
plie de plusieurs petites fleurettes, et je me demande si c'est une
fleur composée. Pour savoir cela, j'examine toutes les parties
de la fructification l'une après l'autre , et je trouve que chaque
fleurette a des étamines , un pistil, une corolle, mais qu'il
b'j a ^u'un seul réceptade en forme de dit^e (pu les reçoit
Zen TXB
toutes, et qu'il n'j a qu'on leal pvad calice qui W nrr
d*ou je coDclus que la fleur est composce , puisqne dm '^-
de la IriiclificalîoQ, savoir le calice et le rôoepudc, vta ■
muoes k toutes et manquent à chacune en puticafiR.
Je pKDdjt ensuite une fleur de srâbieuse où ft disiiar.-
plusieurs fleuiettes ; je rexamlne et mène, cl je trx
chacune d'elles est pourvue eu son panîcalicr lîc toc:.« >
ties de la fructification, sans en exc^ptPt le calicr r. r*:
réceptacle, paîjqu'on peut regarder oonunr tel k item:
qui sert de base à la semence. Je couc!as doiK que b s.^
n'est point une fleur oomposëe, quoi^ja'elle rassorU- ' :
elles plusieui% fleurettes sur un même disque ei daai «r i
cïlice.
Conrnie ceci pourtant est sujet à diapiite , soitaut a "^
réceptacle f on tire des fleuretres mêmes un carad^T^ p
qui con\ ient à toutes celles qui constituent propteaKc: :
composa et qui ne convient qn'^ elles; c'est d'a^or .
mines réunies en tube ou cylindre par Jrurs aotbèr>^ >■ >
stjle , et divisées par leurs cinq filets au b^ de la m*
fleur dont les fleurettes ont leurs anthères ainsi fW."'
donc une fleur composée, et toute fleur où 1 on ne ^ t i
fleurette de cette c«k;^e n'est point une fleur conpf^ '
]K>Tte même au singulier qu*improprenieiit le nom d- '■' =
qu'elle est réellement une agn^atiun de plusieurs fl-'ius
Ces fleurettes partielles qui ont ainsi leurs antlnrrt r i
et dont rasseniiilage Ibrrae udc fleur véritab'emrol cv i
sont de deux espèces : les unes , qui sont rcgulières et tr i
t'appellent proprement fleurons ; les autres» qui sont rr. '
et ne présentent par le haut qu'une languette plane t\ f
souTtnt den elëe, s'appellent demi-Apiirons; etdr»cncù'C
de ces deux espèces dans la fleur'tolale résultent irot»fc<t«
cipales de fleurs composées, savoir, celles qui ne sont ^»' "^
de fleurons, celles qui ne sont garnies que de denu-â'' ^'
celles qui sont mélëes des uns et des autres.
Les fleurs à fleurons ou fleurs fleuronnées se dinafr*. r
en deux espèces, relativement à leur fonne rxtcneuie. ( «^
préscDtctit une figure arrondie en manière çk tic i ^ "^
alîoe approclie de la lonne hérnupL^rique, l'appellciit fleurs en
étc, c<ipitati : tels sont) par exemple, let chardons, les artn
-^auf s , la chauMsetrape.
Celles dont le réceptacle est plus aplati, en sotte que leurs
leuroDS forment avec le calice une âgurehpcupit^cyliudrique^
.'appellent fleurs en disque , discoïdei : la «antoltne, par ex«m-
>1e , et Veupatoire , nfirent des (leurs en disque ou discoïdes.
Lesfli>ursà demi-fleurons s'appellent demi- flruronnées , et
eur 6gure extérieure ne Tarie paaassex régulicrrment pourofltir
ine division srnrblable à la précédente. Le saUifîs^ \n scorsonère,
le pissenlit , la chicorée , ont des fleurs demi-fleuronnî'es.
A Fégxrd des fleurs mixtes, les demi-ilcnrons ne s'y mêlent
pas parmi les fleurons en confiision , sans ordre ; nais les fl- u-
rons occupent le centre du disque, les demi-fleuron» en garnis^
^eut la circonfcrence et forment une couronne h la fleur, et ces
fleurs a'nsi couitmnces portent le nom de fleurs radiées. I.es
reines-'mar faites et tous les asCers, lescuri,lessc^ei7s,la;K>(re«
de-terre, portent tous des fleurs radiées.
ToutM ces sections forment encore dons les fleurs coroposëès,
et relatif cment au sexe des fleurons, d'autres divisions dont il
sera parlé dans l'artic'e Fleuron.
Les fleurs simples ont une autre sorte d'oppositioi dans otl*
les qu'on appelle fleurs doubles ou pleines.
La fleur double est celle dont quelqu'une dis parties est mol*
tipliée au-dil'i de son nombre naturel, irais sans que cette mul«
tiplicatiott nuise à la fecon Jatioo du t^eruiC.
Les fleurs se 'doublent rarement p ir le calice, presque jamais
par les étimiues. Leur multiplication la plus commune se fait paf
la corolle. Les exemple» lespla<; frétjuens en sont d^us les fleurs»
poly pétales, comme «illets, anémones, renoncules; l>s fleurs
monopelales doublent moins communoment. Op< ndant on voit
ussci ouvent des campanules , des priincvères, d^s auricules, et
surtout des jaciutbes à fleur double.
Ce mot de fleur double ne mircjue pas dans le nombre dtt
pétales une simple duplication , mai:» uue multiplication quel*
eonqne. Soit que le nombre des {xltales devienne double, tiiple,
quadroftle, etc. , tant qu'ils ne multiplient pas au point d'ciooSùt
t
Si ce4
^ur rr d'ca nî ïmn m X
et ce a'ca m
Ce a
II
«lie son eirbryon. Aîi.»î cette multiplicité o'eiiipèdie pat le nynn
pbëft jaune d'^ôire une fleur simple.
I^ constitution cmmnune au plus fgjnnd nombie àt* fletm
est d'èlre bermaplirodites ; et cette «x>nstHution parait en effet la
phi» convenable an règne végétal y où les individus dépourvus
de tout mouvement progrcsif et spontané ne peuvent s'aller
chercher Tun Tautre quand les sexes sont séprj-és. Dans les ar-
bre» et les plantes où ils le sont, la nature , qui sait varier ses
moyens, a pourvu i cet obstacle : mais il n'en est pas moins
vrai géucralement que des êtres immobiles doivent , pour per-
pétuer leur espèce, avoir en eux -niâmes tous les instrumen*
propres à cette fin.
l'*i.cuR MirmiB. Est celle qui , pour l'ordinaire, par défaut d«
chaleur , perd ou ne pro<luit point la corolle qu'elle devrait na-
lurrllement avoir. Quoique cette mutilation ne doive point faire
espace, les plantes où elle a lieu se diâtinguent néanmoins dans
kl nomenclature de celles de même espèce qui sont complètes,
oon me on peut le voir dans plusieurs espèces de (fuamoolity d«
cucul^ulfs, de lursilaejesj de campunules^ etc.
Fl£lii£Tte. Petite fleur complète (|ui entre dans la structure
d'une fleur agrûgce.
Flelbok. Petite fleur incomplète qui entre dans la stnicturi
d une fleur composée. (Voyez Fleuh.)
Voici quelle est la structure naturelle des fleurons csom«
posons.
1. Corolle monopéiale tuhuléc à cinq dents, suprre.
2. Pistil alongé, termine par deux sii«miLtes réfléchis.
3. Cinq étamiucs dont les filets sont sépares ptr le bas, mais
formant, par Tadhérence de leurs antLcres, un tube autoiu' du
pistil
4. .Semence nue, alongée, ayant pour îase le réceptacle
eonimnn, et servaul elle-même, par son sommet, de réceptacle
à la corolle.
5. Aigrette de poils ou d'écaillcs couronnant la S'-meoce, ec
figrrant un calice k la base de la corolle. Cette aigrette pousse de
baa en bout la corolle, b détache et U &xt tomber lorsqu'ellf
aat flétrie , e: que le semence accrue approcbe de sa maturité.
5ot> TKV
Getic siioetttre conoiaiie et f^éoéiale des fleonBWtfit^
exceptions dans plusieurs genres de c«BBpocBa,tta9Q£sna
omnâcncht nièiiaB des sections <|ai tatmeal «AMI ^ kuos
dam celte noralffease famille.-
GeUes de ces dUKieiMes qui tiennent i b svnCDBcnr»»
fleurons ont été ci'derttst ei^liqiiées an irot |kv. J'iibb.'
BSnt 4 parler de celles qni ont rapport 4 k ftoonditMe.
L'ordre commun des fleurons dont jeTÎnisdepnkreii'^
Irernisphrodites , et ils se iëcoodcnt par cnz-iBfeBB> Va» : •
t d'&utres qui tyant des étunines et B^sjntpoatàtn
poriciH le nom de mflAes', d'anties qui ont m gn^-'
point d'ëtanines s'appellent flearooslêmelks ; d'aafici»-*'
ni gbrnie ni ëtamines^ ou dont te gcnne napaiiait »ntii^'
portant le nom de. neutres.
Ces «Kverses espèces de flcnnms ne sont pss wëS^
énfremé!<^ dans les Aenis ooaipmoes ; mais kaav^' '
métbodiqnes et régulières sont tou|6an relsiircs «a.*-'
sure ficondation , ou à la fins ■boudante frncnficsnos. ^
plus pleine msturification des graines.
* FoixiOLZ. FeuiUe pwàeUe de la fenilfe tomfaià.ùt
pièce d'un calice poljplijlle est nommée foliofe.
* FoLuctiLE. FJruit gërtiné, prorenaot d'unied pstl'cn
tible jusqu'à la base. Il n'appartient qn'anx «pJcyWo
* FftAnai. Ayant à ses bords des dMnpnxts trisrbe
FancriricATKW, Ce mot se prend toujours dan na «*'
lectif , et comprend non^seulement l'oeurre de Is Ccos^
germe et de la maturtGcation du fruit, mais Tassenfal^'' '
les inslrumcos naturels destinés à cette opcrstioB.
Fnurr. Dernier produit de la vé^ution dam lifl<!^«^^
tenant Us semences qui doivent U renouTcferpsrd'ti^'
dîvidus. La semence n'est ce dernier proJnit qœ ^pusJ ' '
seule et nue. Quand elle ne l'est pas, elle n^eat qv f^
fruit
Fauir. Ce mot m, <ktQs la bctfanique, on sens besaon? I
éttpdn que dans l'usa jq «idicaife. Dans les arbres, « '^
4a9s d'autres plants», toutes k* asscncei. on les* «"tH
^
GER Soy
honne* à manger, portent en g^éra] le nom de frnlt. Mnis, en
IsotATiiqae, ce ir^me noin s'applique pins {généralement encore
à tout ce qui résulte, àp^^8 la flrur, âe Ta fécondation du pcrm?.
Ainsi le fruit n'est proprement antre chose que lov aire fécondé,
et cela , soit qu'il se nian;;e ou ne se mange pas , soit que U
MBincnce soit déj& mûre on qu'elle ne le soit pas encore.
* FusiroKBfi:. En forme de fiiscau.
* G KÎyz. Expansion de la pm-tic infcricnrc d'une feuille, par
laquelle celle' ci enveloppe la li.je.
*- Of.r.ATiNEUX. De la consistance d*une jgelée.
* GiMisÉEs. Naissans deux ensemble du même lieu, ou lap-
pTocliés deux à deux.
* Gembiation. Tout ce qui concerne le bourgeonnement des
plantes vivaces et ligneuses.
Geheb. Bëunioa de pluai^rs «spècet sout un cxe^cttn
commun qui les distingue de toutes les autres plantes*
Germe, embryon, ovaire, firuitCes termes sont si pris d être
synocy mes, qu'avant d'en parler séparément dans leurs articles
je c&ois devoir les unir îql
Le germe est le prcif ier rudimeni de la nouvel!'* pl.inte , il
devient cn.bryon ou ovaire au moment de la fécou.ialiin , et ce
même embryon devient fruit eu mûrissant : voilà les diQc'rcnces
exactes. Mais on n'y fait pas toujours attention dans l'usage , et
l'on prend souvent ces mots luu pour l'autre iodifiiiremn:cnt.
n y a deux sortes de germes bien distincts, l'un contenu dans
la semence, lequel eu se dévtloppaqt devient plante , et l'autre
contenu dans la fleur, lequel par la fécondation devient fruit.
On voit par quelle alternative perpétuelle chacun de ces d.uz
genties se pioduit , et en est produit.
On peut encore donner le nom de germe aux rudimens des
feuilles enfermés d<ins les bourgeons , et h ceux 'des fleurs ci|-
femiées dans les boutons.
^ Gemovàtion. Premier développement des parties de la plante
oontenne en petit dans le germe.
* Quand on examine ce que devient une graine après qu'elle
nité semée, on la voit se gonfler, augmenter de volume : se
ImiqiBe propre se ^écbtre, ses lobes m oocjléZcairrrj r
lenn bcrocMix , s*écartenty livrent pattage k la pkasik. f.. '.
dit alorr q[ae U plaote est dans l'état de ^amudica. U fr
luicT degré s'anoooceordiQaireineatparVappaxÀiiAifGaer;»
de petit bec nnminé radicule. Ce petit bec se touroeTcnU: *
produit de droite et de gauche des fiilinlles lanénks {fa^<*-
£)niier k cbereln ou les ramiâcations dt? la radae doot ^ *
rule est tou)oui8 le pivot. Après le développemeBtdrlj' >-
on Toît paraître la pluma le qui tient aux k>bc» de b «ry
juscpia ce qu'elle puisse recevoir des suc* par le Buycîi'
I seines. La plumulo s'élève, quille ses cotvledoos, ce r *
cons<>rv-e que sous la forme de feuilles sémiiules; eTt^
toutes les parties de U pbmtule augmenlereD ksotecrv *
longrment des lames qui les composent , cic^uérir too> • -
un diamètre plus grand par l'cpatssiscmentdifCâinéK'^-'*
'et toutes ces parties prendre suocessiveascnt U fooK a 1<^
tion qui lenr coBvîemient.
^ Si de la pmne que vous avec scms les yem i 4a£B ^
une berbe , vous ne verrei point de boutoos aoy aîscE*^ y >
feuilles : s'il doit naître un arbre on ail»risseaB , h pliBU J
viendra une tige dont la consistance sera ligncasii
* Clabui. Lisse , sans duvet nî poils.
Oi,A5DE9. Organes qui serrent à la sécnHioe dci las •
plante.
* Glqvtme. Elle est formée pnr les ccatDes oa paiDn^ '
environnent les qrganes sexueb des eraminê.:s.
* GoxMïs. Excrétions qui suintent uaturdknBC p^
fibres destinés h cet nsa^b
Gousse. Fruit dune plante légruniDCOse. La pooam
s'appelle aussi légume , est ordinal ^ ent compowe <i> '
jiauneaux nommés cosses , aplatis ou convexes , colks - e
l'autre par deux sutures longitudinales , et qui rmfersr
semences attacbces, alternativement par la suture Mi ^
cosses , lesquelles se séparent par U maturité.
* GaAiSK. Partie du fhiit renfermant l'eirlirTUB d'a^ ^
Telle plante* La graiiie est récrite coioBic Tcu^ «ê^t^ii.
HiL bog
iitiÀJt¥Ey raamut. Sorte depi dans lequel Ici ûtah ne font
ni seisiles ni toutes attadiëes à la rûpe, mais à des pédiçalcs
partiels dans lesquels les pédicules prineipauz se dÎTisen!. La
f^ppe n'est autre chose qu'une panicule dont les rameaux sont
plus serrés , plus courts , et souvent plus gros que la panieolo
proprement dite.
Lor8({ue laie d'une panicule ou d'un épi pend en bas an
lieu de s'élever vers le ciel, on lui donne alors le nom de grappe;
telle est l'épi du groseiller , telle est la grappe de la vigne.
Greffe. Opération par laquelle on force les sucs d'un arbre
h passer par les couloirs d'un autre arbre ; d'où il résulte que 1 S
couloirs de ces deux plantes n'ctaot pas de même figure et dl^
snriision, ni placés exactement les uns vis-2i-vis des autres. le«
sucs forcés de se subtiliser, en se divisant, donnent eysuite des
i'ruits meilleurs et plus savoureux.
GsEFFEn. Est eng^'tger l'œil ou le bourgeon d'une saiiia
branche d'arbre dans t'ccorce d'un autre arhre, avec les pré-
cautions nécessaires et dans la saison ^vorahle , en sorte que ce
lionrgeon reçoive le suc du second arbre , et s'en nourrisse
comme il aurait fait de celui dont il a été détaché. On donne
le nom de qrcffe à la poition qui s'unit, et de sujet h l'arbi-C
auquel il s'unit
Il y a diverses manières de grrfl'er. La greffe par approche,
en fente , en couronne , en flAte , en ccusson.
GiMsoîPEaME. A s'^mence* nuis. *
Hampe. lir,e sans feuillâs, destinée uniquement à tenir la
fructification clcvcc nu-drssus de la racine.
*■ Heliotbope. Qui tourne le disque de sa fleur vers le soleil
et le suit dans son cours.
*■ Herbes. Plantes qyl perdent leurs lig€^ tous Ira hivers^
* HiTÉnopBTLLE. Qul portent des icuiUes disseniblablas las
ufses des autres.
* HEXAaTHiE. Six pistils.
* HiXÀvrtBZ. A six ailesb
* Hble. Point par leqoel une graino tient k la oavitil d«
péricarpe.
^ 43.
* BvmoTE, Garai de poîU durs.
f^ HoHOiiAiJLBt. Vixvghes d*uu ■ii'iai cfité.
<^ Hsmmic. Étalrfe ïen tout mu mr la tcnv^
* HTwniB. FUate qui doit cob onpqe k dem
* BfTVOcnATiwosxE. En ferme de ooope.
* iMvnQCÉ. diargé de partie» appliquées eo
)fê tmes sur les autres oomme les tuiles d'un toit.
* IiiCisE. A bord découpé par des indsioi» si^Uv<
* ImxKESCXVCZ. Priration de îa iacaUé de s^nurrir.
* IvDictBiE. Qui croît nalareOeznent dsns le p^^
birisE , ScrisE. Quoîqae ces mots soient pomaeiît i^*
on est obligé de les employer en français dans le îss^ç * <
botanique, sous peioe d'âire diffus, lâche et lovscbc, f»^"k
loir parler purement. La même n<$ce>sité doit être sngfess*
la même excuse répétée dans tous les mots lalim que ]e f
forcé de franciser ; car c*c»t ce qoe je ne ierai jamais ^ ve
^re ce que je ne pourrais aussi bien fûre mteudre daas os za
çais plus correct.
Il y a dans lei fleurs deux dispositions diS«imttes du ctV "i
de la corolle, par rapport au genue, dont leipuaa^u irnr^ ^
souvent , qu'il faut absolument créer un n:ot pour eUc. Ço-ii
le calice et la corolle portent sur le (;^me, la fleur est d> '
pèi'e. Quand le germe porte sur le caliœ et la corolle, U Srrr ^
di|e tn^re. Quand de la corolle on transporte le mot an ^cr-
n faut prendre toujours Topposé.Si la corolle est inCre, le §• ^ i
est supère ; si la coroOe est snpère , le germe est in^ie : «= i
Ton a le choix de ces deux manières d'exprimer la iMuie c'
Comme il y a beaucoup plus de plantes où la fleur est ir -i
qtie de celles où elle est supère , quand 'Vette dispc»tioa i: i
point exprimée, on doit toujours aoTi»-eniiendre le prenîer re-
parte qu'il est le plus ordinaire ; et si b desrripCMa ue p '<
point de la disposition relative de la ooiulle et du|^iiii , S ^
supposer la corolle infire .* car si eU«iftait mpn^ twmum st t
AflKiriplioii iaurut^zpBMéuMDl dit
^ lartnronuuroiiHB. En entonooir.
LOB b l I
* Labi^. "Dont le limbe a dcnx icc'sions Intcnlet |>rindpiift
qui la partogent en êmx lam'M npposécs, inégal s, l'une ttipé-
ricure, et l'autre inférieure.
** LAcniiâ. Di^oupé iscgalcmeuteo Uoières/^longéef.
* LACuâTiiAL. Qui croit autour de» laa.
* Lame, partie snpciieure d uu iMîtale ongukulé.
* Làrc^olé. En fci de lance.
LrLGCME. Sorte de péricarpe conlposé de d(*nx panneaux ,
BqoI les bnrdft sont r^nnia par étmz sniiiroi> lon^itodîaialcs. Lea
éeinmcea lont attacbëea aUcmatÎTeniont à /xt deux valves par
la auturc s^prieure, rinforicuic «àt mfnt^^fL'oa appcUs de et
xiona CD géoéral le fi-uil des pliuucs U^unûueuss.
LlcltmIXEushs. ( Voy. Fleirs, Plamt£S.)
* Liiituintmrs, Plantes qui ont pour frak une gouase.
Liber (le). Est con)pos<5 de pellicules qui rcpresenlent les
feuilleta d'un livre; elles toucl-ent inin^cdiat' ment au liois. Le
llhcr se dï'iarhc ions les ans d'S deux autres parties de l'ecorce,
et, s'uiiiss*nt avec Tanhier, il pro.luît sur la cîrconrcreiice de
l'arhrc une nouvelle coudie qui en nu;^niente le diamètre.
I ivSEUx. Qui a U consislaice de boL«.
LnjACKES. Fleurs qui portent le caractère du lis.
Ltmbe. Quand tuic corolle monopëlale rt'^ulièrc sVvase et
s\'l.tr^îl par le liant, la partie qui forme cet ëvasement s'nppelle
{<* limbe, et se découpe ordinairement en qnatrc, cinq, ou plu-
sieurs «"gnicna. Diverses campûïiuÎM, pri»fiem*e$, frwron», et
autres fleurs monopctales, offrent des exemples de ce liniLe,
qui est y à IVgard de la corolle , h peu près c<? qu'est , â l'é^^ard
d'une cloebe, la partie qu'wa nomme le favtllon : fce diflifrent
degré de l'angte, que forme le limbe »rec le tube, est a qui fait
donner k la corolle le nom d' in fundUmii forme ^ de etfii^ni-
(armet pn d'hypocratéri forme,
LoBXt des semenoet. Sont deux corps r6ints, sfylaôi d'u^
c'ité , ooBTOBis d* rauttt : ils aoot diaCtacts <Uiis les acmcDoes
Ic^umineusea.
Loues des
5lA IflT
LocE. CavUé mtêrieare da fiait : îl c« î ifasBii «9
fuand il est partagé par des doisom.
* JjCïïUvL En fiKine de croisMot
Maout. Bruielie de Taimée à laqiM3koiiln9KpiMr.:i
planter deux diioaU du TÎeax bois caittam des denxffiifi.ti
aorte de boutnie ae pratique senfemeot sur U t^k ci a'i
MASQCt. Fleoren masque est âne fleor monopru/
* Les flearsen]ni9q«eiiiiiicniiuiiBafl(àdaxkr&
M05Éc lE oa MosKECŒ. Habitation coniDiiiK toi ^ *^
Ou donne le nom de meROwie à une cla^e de pb!*»f '
de toutes oellek qui portent des fleais oUks txi^^
meUcs sur le même pied.
MoRoÏQ^Es. Toutes le» fdaalcs de la moooRX «^ '
ques. On appelle platties monoï^oes celles doai ks tJf-' '
pas licnuaphrodilrs , mais séparément nLlks cl ^- *
mrme individu : ce mot , Ibrmé de cetni de laoi»':'-
grer, et signifie ici que les deux s>t*xrs orcupent Ihtbu :i
iogis , mais sans habiter la même chambre. La c^^^ ^
n:eIon , et toutes les cucurbitaocos, sont des pUotc» e-- '
MurLE ( fleur en }. ( To j. Bf asque. )
* ynCTAaz. Suirint Unnée, c'est une paitinfe k-I
ou comme aiuutée, adnëc à un drs quatre ptt:^p*ax 1
floraux; c'est un appendice de la corolle.
* Z^EJtTCRES. Élévation filamenteuse i qu'on ceocacc*. ^
fiïuilles et les pétales.
* Nbctbe. Sans étamine et sans pistil.
NORiDt. Sont les «rtkulatioiis dç» tiges et des ntmt*^
Noix. Enveloppe Upieuse» ou omffwfide f^f^'^
de leur aégumeat pcopie,
NoMEBKXATOiix. Ari de joindre aux noms qa'oa ^
plantes Itdée de leur stnietnn et ^ Um dassificatiaB.
NOTAD. Sfmenrr osseuae qni renfi tsuii lute biii»^
K u. Dcpourva des vétemens ordinaires à ses sok^
ppi appelle graine$ niiss.oeUes qui a'oqi peârtdtf^
I
0V& 5 1 3
mtMiès nueéj cvUei <pû n'ont point d'iiiTolaere; tigeê nuet,
œlles qui ne sont point garnies de feuilles ,-elc.
NuiTs-DE-FEB. Noctts fejTeœ. Ce sont , en Suède , cellet dont
la froide température, arrêtant la Tégétation de pIusieurB plan-
tes, produit lenr dépëris^ment inaensâUe, leur ponriture, et
' enfin leur mort. Leun premières atteintes avertissent de rentrer
dians les terres les plantes étrangères qui périiiBtent pat ces sortes
de froids.
(C'est aux premiers gds asseï communs au mois d'août dans
les pa js pays froids qu'on donne ce nom , qui , dans des climats
tempérés, ne peut pas être employé pour les mêmes jours.} 11.
* Obculte. En massue lenvcrsée.
* Obovalb. En orale renTcrsé.
OFiL. (Yoy. Ombilic.) Petite cavité qu se. trouve en certaine
fruits à l 'extrémité oppose^ au pédicule : dans les fruits infixés
ce sont les divisions du calice qui forment Tombilic, comme le
coin , la poire , la pomme y etc. ; dons ceux qui sont supères ,
l'ombilic est la cic^ttrice laissée par l'insertion du pistil.
QEiLL£TO:fs. Boiu'geons qui sont k côté des racines des arti-
c' auu et d'autns plantes , et qu'on détache afin de multiplier
ces phutes.
* Offici!ial. Qui se vend dons les boutiques comme étant
d^usage dans les arts.
0.vBfc'U.E. Assembla.'^e de rayons qni, partant d'un même
cr:jtrc, diveig'nU comme ceux d'un parasol. 1/ombelIe univer-
selle porte sur la ti^e ou sur une branche ; lombellc partidle
soit d'un rayon de ron:be11e universelle.
Ombilic. C'est , dans les baies et autres fruits mous inftrrs , It
réceptacle de la fleur dont, après qu'elle est tombée, la acatrioe
r ste sur le fruit comme on peut le voir dans les airelle». Sou-
vent le calice reste et couronne l'ombilic, qui s'a|^lle alors
Tul;;aiTrment ceil .* ainsi l'œil des poires et des pommes n'est
autre chose que l'ombilic autour duquel le calice persistant s'est
desséché.
Orole. Sorte de tache sur les pétales ou sur les feuilles » qui
a souvent la figuie fl'uo ongle ^ it d'autres figures dilTéreiUet,
5l4 ^AF
comme on penf le voir aux flcors desparote.âisviin. dsa^
mones, des cistes, et aaz fruilks des icBMcaks, es pn^
cems, etc.
OiintKT. Espèce de point; rrocbie par bijoelk k pi '' J
quelques coroHed est fixé sur le caTicc ou sur !e nxcfudie. . j
gilet de» œilleis est plus long que oeliii des roscL
* OrmccLE. Petit eourercle qui fènae les uns èi ^*
espèces de moassesi.
Opfo«ïes. Les lèaîlles oppoaëes sont fasut n vdr t
deux, placées, l'aiie vis-îh-Tis de l'aalre, des dem f'*^^
life oa des brancbes. Les iènilles opposées prvmn <^ **
culéee ou sessiles; sll y erût plœ de deux lèinllo tf»^
nième hauteur autour de la tige, alon cmt plnrablr r*'*
rait l'opposition, et cette dispoehion des fanUcs pRsn
nom diÛlen ut. ( Voj. VmnnMiT». )
Otaiie. C'est le nom qu'os donne k rembrjoa & K^^
c'est le fruit mtese «Tant la ficoadation. AprH la fe"-'
l'oTaire perd oe nom , et s'appdk aimplencnt /rm^i n '^ P'
ticulier pmcoipe, tî la plante est angiospenne; «w*- '
yraittCy n la plante est ^rmnospenDe.
Pajxxsttc i'jGaille membraneuse, sèche, dreHée, ^ '
hase d'une fleur qa elle enveloppe oa recoune. (Les pr i
* PALÉACé. Garni de paillettes, ou de la natmc del^ i'-^
* Palmé. Ressemblant k une main onrerte.
PauisX. Une lênUle est palmée lorsquau lien d^-t ^
poaée de plnsieuis folioles, ecmme la feuile dîgîice, r
seulement déoonpëe en plusieurs lobes din§o ea n^''^* '
le sommet du pétiole, maii se rénnissant avant qoe à}-'^
Pavicolb. Épi lamenx et pjtamidaL Cette f^wr ^ ^"^
«!* que les rameaux du bas, étant les pins Wjcs, §xaP-' ^
eux un plua large espaee, qui se rénécit en mootaat. 1 ^
que ces rameaux derienneat plus eonrU, moina naaiti^ I
aoite qu'une panicnle parfaitement n^ulière se lonîasa»'^
par une fleur sessiie.
* pAnu<niACis. CnroDe sr^ïîâte à éa^ pétales. U -^
«knr, pin» grand, s'appelle iUném-à : les dbn lad^ ^
*v
M» 5i5
1rs dèax inférieurs fonnoit une petite oaoeRe qtk'ùA appelb
t arène. Vojes la trobième deè LeUres élémentaire nn Rnimntf
décrit d'tttie manière précise les fleura de ce genre. ,
* PAPTBAci. Mil ce et lec comme du papier.
pAAAsrrss. Plantée qui unissent on croiaaent sur d'autictf
plantes , et se nourrissent de leur substance. La ooaeute, le gui,
plusieurs mousses et licbens, sont des plantes parasitesu
pAAF.rrcHTMZ. Substauce pulpeuse, ou tîssu cellulaire, qui
forme le ct^rps de la feuille ou du pétale : il est couvert dam
Vune et dans Tautrc d'un épidenne.
Partielle. ( Vo) ez Osibeile. )
PAIITIES DE LA FnUCTlFlCATIOI». (Voj. ÉTAHIHES, PISTIL,)
i
* Pai'Ciiudi£X. Fleur ayant peu de rayons.
PÉDiCELLE. Petit pédoncule propre de diaque fleur.
PAVILL05. Synonyme d'ëtendard.
Pf.i)ictLE. Base alon2;ce, qui porte le firuiL On dit peâuneuhi»
en luûn, mais je crois qu'il £iut dire pèdicuie en français : e^esl
l ujcien usngc, et il n'y a aucune bonne raison pour le dianger*
Pcdnnculus sonue mieux en Utin» et il évite Tëquivoquedunom
yn:dicuhui y x&ais le mot fcdicuU est net, et plus doux en firan-
ç.iiÀ ; 4 1, dans le clioix des mois, il convient Je consulter rorcille^
et d'avo'r <^ard ^ l'acoeot de la langue.
L'udjrrttf pédicule me parait nécessaire par opposition à l'ao-
tre adirctif sessile. La botani<|ue est^ si embarrassée de termes,
qti'dntu- sauraK'^trop s'attachera rendre clairs et courts ceux qui
lui août spécialement consacrés.
I^ pëdiinile est le llrn qui aftscbe la fleur ou le fruit À k
Hrvncbe, ou a la fige. Sa substattceest d'ordinaire plus solide qu*
te fie du fruit qu'il poru: par un de ses bouts, et moins que oell«
du bois auquel il est atuciic par l'autre. Pour l'ordinaire, quand
le fruh est mûr, il se détache, et tombe avec son péùiculc. Mait
(fuelquetob, et surtout dans les pbntes herbacées, le fruit tombt
H le pédicule r ste, comme on peut le voir dans le genre des
Yumex. Cn y peu! remarquer encore une autre particularité;
t'est que fcs p6dicu!es, qui tous sont vertîcIlléB autour delatig^
iont Qn;si tous articuL*s vers leur ikdli^ii. Il IcieMs qu^o M e«i
5l6 PET -^
1» froit devrait wiSutha à TartiaihùaB, MÈàa met»
Boiûé àa pédicule, et liûsacr l'autre moitié «uIcibcdi iUcm
A la plaote. YmSk n^nmoiiis oe qui n urin fiLUhài
déuche, et tombe leul. Le pédicaie tout esbcr iesie,rt û b.
une action expresse pour le diviser en deux an pomt <k Fctt:-
lation.
* PiDOBCVLB. Snppoit oomimm 6t phukiin fleanw i>>
fleur solitaire. En terme Tul^ire , la qucoe d'aac kv « «' ^
fruit.
* PÉKiciLLÉ. Glandes déliées, rapprocbécs ^ pen pèo*
les crins d'un pinceau.
* Pehtaptèae. a cinq aîlea«
*■ PEKTAsmaiE. A dnq graines.
* Pepiv. Semence couverte d'une Inmqœ cpsaK <> (^
^i se trouTe au centre de certains finiiu.
PiBPOuiE. La feuille peribtiée est ceDe que la hmàt^
et qui entoure cdle-ci de tous o&tés.
PÉBIANT1IC. Sorte de ciliœ qui tondM iHiiart»*"'" '
fleur ou le fruit
*■ PÉniCAB?E. Partie du fruit. Tout fiuit psrfâl ce «a"&^
lement composé de deux parties , le péricarpe n u f^''- '
ce qui nest point partie ir:tégnuile àtcàk-d^p^
ceUe>U.
. 'Pemuqtts. Kom donné par YaiDanC aux laÔBngsàai
chevelu touflii de filnillcs cntreiacëes cowmt àa ^^
emmêlés.
PéTAU:. On donne le nom de pétale ^ cLaqoe piètt m
as la corolle. Quand la cotoUe n'est qae d'une KuJr K
n'y n suÂsi qu'un pétale; le pétale^ et la covDlk De«^-'
qu'une seule et même chose , et celte sorte de ctwolk v H
par l'épiihite de monopc.ale. Quand la corolle est ife p^
pièces, ces piccea sont autant de pétales , et UcorolJc.i
aomppsent se désigne par leur nombre tirédugFRtp^^
le mot de pétale en vient aussi, et qu'il conviefli.r^'
reut ix>niposer uamot, de tirer deux racines de hmèst* <
Aipsé, les mots d» nonupéuk^ de dîpÀak , dt tnffr' '
m 5i7
Utnpétale, âe peatcpiftaleV et enfin' de poiypÂale, indiquent
«ne corolle d'une seule pièce, ou de deux, de trdlB, de quatre,
de cinq , elc ; enfin , d'one multitude indétenninée de pièces.
PiTATOÏDE. Qui a des pétales. Ainsi la fleor pétatoitU en
l'opposé de la fleur apétale,
Quek|aefois ce mot entre comme seconda racine dans U com-
position d UD autre mot, dont la pirmièce lacin^st un nom ^
nombre : alors il signifie une corolle monopétaie profondément
divisée en autant de sections qu'en indique la première raduo.
Ainsi la corolle tripétatoide est divist'C en trois ««gw]^n* ou
demi-pétales, la pentapétatoîde en dnq, etc.
PÉTIOLE. Base alongce qui porte la feuille. Le mot pétiole est
opposé k iessHe,à l'égard des feuilles, comme le mot pédicuU
l'est à l 'égard des fleurs et des fruits. ( Vojes Péiucuic ,
Sessile.)
* PiMÀTiPiSE. Dont les c6tés sont divisés en plusieuisU»
nières ou lobes par les incluons profonde» qui n'atteignent
point le milieu longitudinal, ou la nervure médiaire.
* PiH9£x, Une feuille ailée à plusieurs rangs s'appelle fisuills
pinnée.
Pistou Organe femelle de la fleur qui sunnonte le germe , ei
par lequel celui-ci reçoit l'iotromission fécondante de la pous-
sière des aoth^pes : le pintil se prolonge ordinairement par un
ou plusieurs styles j quelquefois aussi il est} couronné 'immédia-
tement par un ou plusieurs stigmates, sans aucun style intdr-
médiaire. Le stigmate reçoit la poussière prolifique du sommel
des étamiaes ret k transmet par le pistil dans l'intëiieur du
germe, pour féconder l'ovaire. Suivant le système sexuel, la fé-
condation des plantes ne peut s'opérer que par le concours doi
deux sexes ; et l'acte de^ la fructification n^est plus que celui ds
la génération. Les filets des ëtamines sont les vaisseaux sperma-:
tiques, les anthères sont les testicules , la poutuière qu'elles ré-
pandent est la liqueur sâninale , le stigmate devient la vulve , Is
style est la trompe ou le vagin , et le gtnne fait l'office d'ntéru»
ou de matrice.
* PiyoTASTE. Racine qui a on tronc priodpal enfonoë pas*
^sndicnlairement dans la tens.
5i8 WH
•Ifeft sont immédiAeiBeot attacbéo. M. lianam a afait fR«
ce D«iB de Ploemla, «l emploie UMijoanAlui^rJorpudtCa
Mots rendent ponrlHl det iddcB ftnt difl^TWies. Un»;bi
est U partie par où le fruit dent à U plmit : k pkenu f si h
pettîepMroù lesermnioet t»iieiitrapénoKpe.tt««mi^
fttand lee um^pa» flonc naei , il ii*j«poi&id'aiitR pfanaa
b réoeptade; mus telce les km qw» lo fivt est afi^aK,
W réceptacle et le plseeate «mt difluwe.
Les cJoÎMMis (diasepmcHta) de tontes les oipaDlu ï piisn
loges eoDt de véritables pbeentas, «t dans des capnlBi«to
il ne laisse pas d'y avoir sowent dos plaosMa aMAfs^FÎ
licarpe.
VhJomL Ptodniction v^iétale compoeëe de deux pertv^
cipalesy sarob , la racine par laquelle elle est attadiée 1 ke«
ou a'<ttn antre corps dont e8e tire sa nourrilure, et rMc^
hK{neUf die inspire et respire l'ëlémeiit dam kqndciievâ >
bous les v^étaux connus, la tnA est pRSi|ns k aeiil^«
puisse dire n*êiR pas phnte.
Plastes. Végétaux dissâninés sur b snriacr de U Mff.p^
b vêtir et b^parer. Iln'j a pohit d'aspeet aussi tnStt^«^
de la t ire nue ; il n^ en a point d aussi riast qar eefai ^**
tagnes conronnées d'arfafees , des rivières iMidécs de haoff^ ds
^^aines tapissées de verdme, et des vairons émMBêi dr Aon
On ne peut disconveDir que les plantes ne seiot es (W
oi^anlsés et vivons, qui se nourrissent et uuiaseï par îmm^
ceptioD , et dont chaîne partie possède en eUe^-BêaseaBeviù
isolée et indépendante des antres, pnis'.|tt*elles ont b 6ca}» <
se reproduire (♦).
Poils ou Som. FUets phts ou moins solides et tamn ^
naissent sur certaines parties des pbntes ; ib sont carrii «^T
t*')<Sct artîds ne parait pas aefaevé , ocm pfcos qm ls«r^
d^autres, quoiqu'on ait rassemblé dans les troU pan^nf^^
dsBsnSy qui eompownt celuî-d, tsoisjwisvttmi de ïasiiVi*'
s«r autant Je diilTciis. (NoU des Èiàgun Jk G^nm,)
^
pot tî^g
findriqu»* droits ou couchés, fourdbés oo simples ^ subulés oa
ea hanieçoos; et ces dÎTene» figures sont des caractères aasec
CMistans poiur pcuToir servir k classer ces plantes. Yoye* l'ou-
▼ragr de M. Gnettard , intitulé : Ohservatioiu sur Ub planies,
* Poufs. ( Yoyes Poussiias. >
PoiteAsaE. Phiralité d'iialntation. Une dasae de pUmteS
porte le nom de pol} garnie , et renfenne toutes celles qui ont des
fleurs licrmapliTodites sur un pied , et des fleurs d'un seul sexe«
nUles ou femelles y sur tin autre pied.
O mot de pol) garnie s'applique encore h plusieurs ordre* de
la classe des fleurs composées ; et alors on y attache une idée un
peu diflcrentc.
Les fleurs composées penvent toutes être regardées comme
poly.';sDics , puisqu'elles renfnrmeQt toutes plusieurs fleurons qui
fructifient séparcmenl, et qui par conséquent ont chacun sa
propre habitation, et pour ainsi dire sa propre lignée. Toutes
ces htabilations séparées se roujoig.ieut de différentes manièreSi
et pctr Vk forment plu «ieurs sortes de combinaisons.
Qunnd tous 1 s fleurons d'une fleur c^typoriSe sunl hemia>
pbrodifes, l'ordre qu'ils forment porte le nom de polygamie
é^;a»c.
Çuand tous c?s fleurons compo':an^ ne sont pas hcrmaj^iro*
dites, ils forment entre eux, pour ainsi dire, une polygamie
bâtarde , et cela de plusieurs façons.
i<*. Polytjamie superflue^ lorsque les fleurons du disque étant
tous hermaphrodites fructifient , et que les fleurons du contour
étant femelles fiuctifient aussi.
a**. Polygamie inutile, quand les fleurons du disque étant
hermaphrodites fiuctifient, et que ceux ducontour sont neutrea
et ne fhiaifient point.
3*. Polygamie nécessair«,quand les fleurons du disque étant
ifi&les, et ceux du contour étant femelles, ils ont besoin les usa
dbes auties pour fructifier.
4®. Polygamie aéparée, lorsque U» fleurons composai» «Mf
divisés entre eux , soit k un , soit plusieurs ensemble , par «afinic
de calices partiels veoftinés daoa celui de ioule la fleur.
On poaiTÛt imftgiiier encore de ooavcDei
vnpposut , par rxempfe , des fleurons mâles a«
fleorons beanaphrodites on femeUes aa diaqiic;
rive point
* PoLTfFEBMB. Renfbnnaiit phisiean graîoeL
PorsBifeBB nounQux. C'est une moîticiide de peûsOT
•pkmqnes enfinmés dans chaque anth^iv , et qui, knsfae»^
ci s*oum et les Teise dans lestî^pociate, s'oo'VTentàksKr
imbibent œ même stigmate d*ane bumrar qui, pénànot j3»>
.veis ie pistil, ts féconder Tembryon du Irait.
** PrOLiFims.Du disque de laquelle naiaeent niieoop»'*
fleurs. Si c*est unlramean feuillu, la fkitr est Su. fr9midmi.i
pKOVnr. Braocbe de TÎgne coocLée et coadt*c ca ttr- '.
pousse des cLevelus par les nœuds qui se trouTent cmer?^
â>upe ensuite le bois qui deut au œp, et le bout agy^ ;•
sort de terre derioat un nouveau cep.
* PUBESCEUCE. Existence de poils.
PciPi. Substance moUe et chamne de plusîenn ùti « '
B-ACiVE. Pattie de la plante par laquelle eQe tient i la : -*
ou an ooips qui la nourrit. Les plantes ainsi aftarh>Vs |àj
raciDe k leur matrice ne peuvent aToir de nkouTemeiA k»* .
sentiment Irur sffait inutile, puisqu'elle ne pruTcm cbi:r^
ce qui leur convient, ni fuir ce qui leur nuit : or la iianct -
fait rien en vain.
Radicales. Se dit des feuilles qui sont ks phts près ^
racine. Ce mot s'étend aussi aiu tiges dans le méoie neas.
Radicule. Racine naissaote.
Radiée. ( Voje* Flecr.)
RicEPTACLE. Celle des parties de li fleur et dvi fiuh qs ^
de siège à toutes les antres, et par ou leur sont tnfBOSB é «
plante les sucs nutritifi qu'elles en doirent tirer.
Il se divise le plus généralement en réeeptneie pf«^. '
ne soutient qu'une seule fleur et on seul fimit, et ^ui fm c-
idquent n'appartient qu'aux plus simples, ec •■
muauDi qui porte cnreçoii pHuiewi fleuri.
SEM 5'AX
QoBiiH ta fleur est infôre, c'est le même rëoeptacle qui porte
toute la fructificatico. Mais quand la fleur est supère , le rt^ccp-
tacle propre est double ; et celui qui porte la fleur n'est pas le
même que celui qui porte le fruit. Ceci s'entend de la consiruc-
lion la plus commune ; mais on peut propos. r k ce sujet le pxo-
blême suivant, dans la solution duquel la nature a mis une de
•es plus iogénieuses inventions.
Quand la fleur est sur le mût , comment se peut-il faire que
la fleur et le fruit n'aient cependant qu'un seul et même rcccp<
tacle?
Le réceptacle commun n'appartient proprement qu'aux fleurs
composées, dosit il porte st unit lous Us fleurons en une fleur
régulière ; en sorte qife le retranchement de quelqucs-UQs cau-
serait l'irrégularité de tous; mais, outre les fleurs agrégées dont
on peut dire à peu pxès la même chose, il y a d'autres sortes de
réci pia les communs qui mérita nt encore le même nom, comme
ajant le même usage : tels sont Vombclle, Tépt , la paniculej tt^
thyr$e, la cyme, le spadix, dont on trouvera les artid.s chacun
à sa place.
* Recomposée. Feuilles composées deux fois: elles ont, x^ un
pétiole commun; a** des pétioles immédiats; 3^ des pétioka
propres.
RKcrLiÈnEs (Flonrs). "Elles sont symétriques dans toutes les
pirties, comme les c/'uci/erej, les h'/iace'es, etc.
RÉNiton^iE. De la figure d'un reia.
^ R^snES. Excrétions épaisses, visqueuses, inflaromaLbs»
qui suintent par des filtres destinés à cet usage. Les gommes ne
iont pas susceptibles de s'enflammer.
* RsTicuLi. Marqué de nervures en réseau.
RosAcm Polypétale régulière comme est hi rose.
Rosette. Fleur en n>5ette est une fleur monopétalc dont U
tube est nul ou très-court , et ks limbe très-aplaû.
* Saoitté. En fer de flèche.
* Saxatilb. Qui croit sur les pierres à nu.
Seiiz9C£. Germe ou rudiment simple d'une nouvelle pla tt«
tfni à un« fubstanoe propre à sa conservation avant qp*eUt
44.
fenue, et qui la itourrit dartnt U ptcmiïre f/Bsmaséea jsr/t
OB qu'cUe puisse tirer ton aliment immpitiiaicicqn de li tct
ScsuLZ. Cet adjectif niaise privatkm de réc^tack u £■
di<iue que la ieuilk, la fleur ou le frait «œn|Dcls oo ï*^y
tiennent immédiatement à la plante, sans reatRoàse iscz
pétiole ou pédicule.
* Skvz. Liqueur Umpide, sans conleBr* lani rnnsr. a
odeur , qui ne sert qu*à rarcroïseeKoit du vé^^iîtaL
Sriz. Ce mot a ébé éteadu an F&gne Testai, et y mèrr:
iamilicr depuis rétabUssement du sj^ènse aexucL
SiLiQUE. Fruit composé de deux pannemux reteoss p à.-
sutures longitudinales aux^cUes les gtatn'!» soot ai&db^ ^
di-ux côtrs.
1m sitique est ordiiaîrement Inloculaire , et porea^ p*:
cloison à laquelle e«t altadiée une partie d-s grain -s. Cry-'
C3ltt' cloison ne lui étant pis essentielle ne doit pas esr* >'
SI définition, comme on peut le rotr dmxs* le cl.ioae.«:<.- J
c^lflidoine, etc.
*■ Sisui. Qui a on sinus ou nne ëdiaccrure arraB£e.
Soirs. ( Voye* Poils.)
l^oarAinE. Une (leur Folit^ire est seul* svr son pé«& s>
5ous-AiiBBissEAii. Plante ligneuse , ou petit hnissoa r - i
que l'arl risscan , n ah qui ne pousse point en autcanne «i' i
tons à fleiU'S ou ù fruits : tels ront le thym , le roj«arÙ8. ',
seiVlîcr, les bruyères, etc.
Spaoix y ou RÉci^fK. C'est le rameau floral d^ns b ^n
des palmiers ; 21 est le ttw réceptsde de la !
d'un spathc qui lui sert de voile.
Spaths. Sorte de calice membranenr qui
aux fleurs avant kar ^noaissemeui, et
O'iTrir le passage aux appPoc!:at de la Cfeondatioa.
I^ spathc est cnraetënatiqiie dans la &
dans celle des liliacécs.
SpxnALE. Ligne qui fiât plosieurs
. ifcutiv , #11 m ft'cn apprachaiiU
*.6TirHiXBVS. Dont kl ctawaai toal tr^
SYM 523
9n»iftàTB. Smunet du pistil , qui sliamecte «a nanrat ds
la fêcoodation f pour que la poussière prolifique s' j attache.
Stifvle. Sorte de foliole ou d'écaillés, qui naît h la baie du
pédole, du pédicule , ou de la branche. Les stipules sont ordi*
ttaûeiMot extérieures a la partie qu'elles aecompaçoent , et leur
•ervent en quelque manière de console : nais quelqiicfws aussi
eDet naissent k côté, Ti»-li-Tis, ou au-dedana même àù f angla
d'insertion.
M. Adatton dit qu'il n'y a de tî aies stipules que ceUes qui
Aont attachées aux tiges, comme dans les air^es, ks apoeiiis.
Us iujobtefff , les tityaafes, les cbàtaif niera, les liMeulsi les
nauves^ les cAprien : elles tienBent lieu de feuilles 4ans lea
plantes qui ne les ont pas verticillëes. Dans les plantes liigunii-
neuses la siliuation des stipules varit. Les rosiers «'en ont pas
de vraies, mais seulement un prolongement ou appendice da
fisuille, ou une extension du pétiole. H y m aussi des stipules
membraneuses comme dans l'o^aigoutte.
* SvoLoviriiUE. Dont la tige pousse du pied comme de petites
figes latérales, ^sêks et stérilesj
Style. Partie du pistil qui tient le stigmate ëleré au-dessu«
du germe.
* SiBULi^. Fn alêne.
Suc tfounniasn. Partie de la sève qui est propre & nountr la
]~ bnte.
Snpf AE. ( Voyet InrtnE. )
Sui>por.Ts. Fula-a. Dix espèces, saToôr, la stipule, ta bractée,
la vriile, l'épine, l'aiguillon, le pédicule « le pétiole, la hampe,
la glande , et 1 ecaîtle.
Slugeosi, Swculus, ITom donné aux jeunes brandies de
rœiilct , etc. , auxquelles on fait prendre racine en les buttant
en tene lorsqu'elles .tiennent encore il la tige : cette opéraûoa
est une espèce de Marcotte.
* SruvixAtiquEa, Étamin^ qui réunissent les pétales àm
manière il donner il une corolle polypéftale lappaiencs df \m
nonopétal^té. ( Les malYaoées. )
. %
5a4 ^*
Stvobtiiii. Concordance de divers Bom èaeak pv ât-
cens auteurs aux mdmea plantes.
La synonymie n*eat point une ëtude oiseuv d imâc
Taloh. Oreillette qui se tnmye à la base des ksaSa i^m-
gars. Cest aussi Tendroit où tient rcnlieton qo os dosk * 4
pied d*anichaut , et cet endroit a un peu de rseiae.
TfeKMniAi.. Flenr tenmnak est celle qarneat aa «bb^ ir
U tige ou d'nne branche.
Tebséz. Une fienille temëe esc composée de txwf Mtfbs ifi-
chées au même pétiole.
TÊTK. Fleur en tète ou capitée est une fleur agrégs n >«
posée, 'dont les flenroos sont disposés spbâcK|neBm « 2 m
pris.
Tétvsb. £pi rameux et cjliadrîqne : ce terne a'et sfi*
trèmement nsitë, parce que le» exnnples n'en sons pu ^ "*
(TroE. Tronc de la plante d'où sortent toutes lesntm?-
ties qui sont bon de tenne ; elle a du lappmt avec h ete a *
que celle-ci est quelquefois unique, et se ramiiie ooaS' '-'
par exemple , dans la fougère : elle s'en distii^ae akk '- '
qu'unifbnne déns son contour elle n*a ni Ëire, ai des.::^*
déterminés , au lieu que tout cela se trouve daus U rôtt.
Plusieurs plantes n'ont point de tige, d'aunes n'est ^1: -
lige nue et sans feuilles, qui pour cela disn^ de noc \ • 1
Kaufe.)
La tige se ramifie en brancbes de diflërcntes so^iiéres.
ToQrE. Figure de bonoet cylindrique avec nae nirtf "
levée en forme de chapeau. Le fruit du palîuxus a la ixai, v J
toque.
TnACEB. Courir horizontalement entre deux tares, or ''i
fait le chiendent. Ainsi te mot tracer ne convient qn'HU nri -
Quand on dit donc que le mûrier (race, on di: mal; L nr;
et c'est autre cliose.
Tbacbées ues rLAiTTEs. Sout/selou Ma^igbi, cnta^ *-'
seaux formés par les contours spiraux d'une lame miarr. j
01 'assez large, qui se roulant et contournant ainsi es tr
bourre, (bime un tuyau étranglé, et omnow dirisé tm»'^
gneur en phisiean cellules , etc.
TkaIïhamk ou Tr.Ai!<^:E. Longs fikts qui , dans eertaines plan-
tes , rampent sur la terrp , et qui , d'espace en espace » ont de*
•rticiilDtions par lesquelles elles jettent en terre des radicules
qui produisent de nouvrlles plantes.
* TiîEfLiE. Feuille composée de trois folioles,
* TuLTFE. Genre de plantes qui naissent , vivent , se rrpro-
'duis^nt et nr-eiirent sous terre. Quelques botanistes voudraient
qu*on fît de ce mot le substantif de ce qu'on appelle racine tu-
bèreuse*
* TcBi BCiLE. ExcroUsancc en forme de bosse ou de grains
Hc cbrpelcts qa'on trou Te sur les feuilles, les tiges et lis racinrs.
* TuBÉREUss. Bacine manifestement renilce et plus ou moins
c!ianiue.
TuKtQrEs. Ce sont les peaux ou enveloppes conccntrîc^ues
des ogrons.
* TcnioH. Bourgeon radic:d des pla&tes viraces. L*aspcrg«
qu: l'on mange est le turion de la plaote.
* Uliciheux. Marécageux , spongieux.
* UncéoLÉ. Renflé comme une petite outm.
* VnvK ou PvxiDrLE. Petite capsule des moussrs.
* Vai V£. Segment d'un péricarpe déliiscent.
* Vabiété. Plante qui ne diûh-e de î :*cpèc6 que par cer-
taines notes variables.
VÉGixAL. Corps organisé , doué de vie ei prive de senti*
ment.
On ne me passera pas celte définition , je le sais. On Tcut qne
l«8 mirër»ux vivent, que les végt^iaux sentent, et qne la ma-
tière même informe soit douée de s?ntiment. Quoi qu'il eo soit
de cette nouvelle physique, j imais je n'ai pu , je ne pourrai ja>
mais parler d'après les idées d'autrui, quand ces idées ne sont
pas les niiennei. J ai souvent vu mort un arbre que je voyais
•upai avant plein de vie ; maij la mort d'une pierre est une idée
qui ne saurait m'entrer dan$ l'esprit. Je vois un sentiment ex-
quis dans mon cliien, mais je n'en aperçois aucun dans uocLou.
Les paradoxes de Jean-Jacnjues sont fort oëlébies. J'ose deman<
^ s'il en avança jamaia d'«aasi (bu que oelui que j'aurais 4
SiG VIT
cotabattre h l'enfr»» ià cbus celte lËKiiBioB, et qui pemani
ne c^'or^ue personne. Mail je m'arrête , et itnue <iiai umn
Puisque les végétaux naissant et ▼ÎTcnt, ik sed^tiùmlrt
nieareiit ; c'est ]*îrrcrocabIe loi k lacprllc toat cDipt tM ^xxl\s
par conscqnent Us se reproduisent ; nuU ronniient m fùi ttt*
reproduction? En tout ce qui est soumis k Dossensddoslcrcpe
•x ?^clal , nou? la voyrns se (aire ppT 1 1 voie d« la fractificaîwi .
rt l'on peut pfésumf r que cette loi de la natnrf est égatee»!
suivie dans les parties du même lé ;ne dont l'orgamsatioa tcLafpe
à nos ymx. Je ne vnis ni fleurs ni fruits dans In l^tnu.és»
les eonfèrva^ dans les intffet; mais je vois ces xé^jkmx m per-
p:^uer , et raDalo!;ie sur laqnell** je me Ibn^SepoarlcsrianLtter
L's mêmes moyens qu'aux autre > de tendre à U mtme b. mit
anato'pe, dis- je , me patahsi nlre, qtie je ne pnishipfEVT
mon assentiment.
II est vrai qon la piupait des pUntet ont dauittt wni'm
da se reproduire , comme par csicux, parbontiiivs.}Hr<lr«roai
rnricinés. Mais ces mojeos aont biîen plutôt drs sapplrcirv
que des priiicipea d*în9tîtali<»i; ils ne sont point coanaass^
toutes ; il n'y a que la finictifiratioD qui le soit, et qui. ne m»'-
frant aurnne exception dans celles qui nous soat liai conn^.
n'en lac^se point supposer dans les autres subsuucei Tctu^i
qui le sont moins.
VET.C. Suiface tapissée de poi1$.
Verticillk. Attache circulaire sur le même plan » et es oo»
hte de plus de deux autour d'un axe commun.
VivACB. Qui vit plusieun années ; ks arbres, k«srf»>«W»
Jes sous>arbiisseaux, sont tous vÎTsces. Plusieurs ke^ «^
le sont, maia^ulemeni par leurs racines. Ainsi le chènefcauc
et \c houblon , tous deux TÎvaœs , le sont difieremneot : le p>^
mier conserve pendant l'iiiver ses tig», en sorte qu'eU» m*"-
geonnent et fleuiisseul le printemps suivant; maif k itnhm
p"rd les siennes à la fin de chaque automne^et recttnnflW***
«ours chaque tLiméo à en pousser de son pied de aouvcUsk
Les plantes transposcées hors de kur dimataseti
^arior aux cet article. Plusieim planM TÎraoes daw l^P*?*
«hauîds de>?i€niieBt pami non» amu&eHefs', et ee Q*eal>pas laaoalo
«Itération qu'eDes sabiuent iaos no» jaadtas.
De iMte «pit la bctuii^ue exaùjae éludiét «a Enuaçm
donne aosvcDC de bien lÎMHaet observationa,
* VoLTE. Enveloppe radicale de toutes kt eapèces de chani*
pignons.
VrOlzs ou MAi!t9. Esp^e defiets qui ttnnineni irs brancTiee
dans certaines plantes, et leur fournissent tes moyens de s*etta>
ci) r â d'autres eorps. Les rrîllcs son; sîmplrs ou rameuses; eHea
prennent , étant libres, toutes sortej de directions, et lorsrpi'elle^
s'accroc)i( nt A un corps étranger, ellee Tcnibrasscat en spirale.
VuLGAine. On désigne ordinairement ainsi l'esp<Vii principale
de cliaque genre la plus anciennement ci^nnue dont il a tiré sou
nom, et qu'on regunlait d'abord comme une es])<H:e unique.
UnsF. Boîte ou capsule remplie de poussièie, que portent la
plupart des mousses en ileur. La construction la plus commune
(le cts urnes est d'être élevées au-dessus de la plaute pi<r un pé-
di( ulc plus ou nio'ns !on^ ; de portir à leur sommet une espèce
de coifFc ou de capuchon pointu qui les cou\re, adhcrent d a-
l>ord À lurne, mais qui s'en détache ensuite, et ton.be lors-
qu'elle e^t prHe à s'ouvrir, de s'ouvrir ensuite uu:x deux tiirsdo
leur hauteur, comme une boite h savonnette, par un couvercle
qui s'en dctache et tombe A son toiu* après la chute de la colSè :
d'être doublement ciliée autoiu* de sa jointure, afin que l'humi-
dité ne puisse pénétrer dans l'iiitcrieur ne l'urne tout qu'iUe est
ouverte ; cnfl;i , de pencher et se courber en en - bas aux appro-
ches de la matuiité pour vefser à lene lu pou.ssiire qu elle cai-
tient.
L'opinion gés.crale des botanistes sxur cet article est que cette
unie avec sou pédicule est une et a ni ne dont le pédicule est la
flct, dont l'uinc est l'anthère, et dont b poudre qu'elle contient
e. qu'elle verse est la poussière féeou Jante qui va fertiliser la
([f.MT femelle : en conajqueiire de ce f) striée on donne commu-
nément le nom d'anthère ù la c. psule dont nous parlons. Cepen-
dant, comme la fructification des mousrcs n'est pas jusqu'ici
parfaitement connue, et qu'il n'est pas d'une certitude invinci'
ble que l'antI1^re dent nous parlons soit véiitablement une ai^
Sao vTÊi
thère, je erob qu'en atiaiâaiii me plot pank énkut.m
ut presser d'adopter on Don si dédeif , qve àtjkm^mès i
mièRt pottTTwent foicer ensiiite d^abandoaDcr, il wt s.^
couserver celai d'urne donné par TaiUaat , et ^. ^v^«ir i
tème qu'on adopte , peut subsister san» iaoofivéaieat.
Utbicules. £ortes de petites outres peroéespa-kidenyt
et conuDumjpiaBt successÎTaneut de ToDe i laafet pr î!
ouvertures, comme les aludels d'un aUnnliir. CeiTÛicac h
ordinairement pleins de sère. lis occupent Va tBfwn «anJ
«uTertes qui te trouTcnt entre les films loaçtofiMbc
boîa«
tcnàtaoÊ M ao*
■ ■ ' ' *
TABLE DES PIÈCES
GONTENUBS DAl^S CE YOLIJMB.
f .
PROJET pour TÀhieMioB de M. de Samtê^Bfine. .' . Pttgt '5
RÉPONSE an BféBX>ire anonîme intitoW, Sx lx mohdb
<^B nous HABiToas m vue s^Hiu 3s'
MEMOIRE & moDse^neur le goQTemear de Savoie 4^
MÉMOIRE temia à Bl Bondet 5o
NOTES en réihutioo du Livre de VEsprii, d*Helvétiiia . . 56
LE PERSIFLEUR , 71
LA REINE FANTASQUE, eaou. ; « . .. 8a
TRADUCTION «tn piemier Livre de THisTOnB m Tacite. 1 65
XRADUCllON DE L'APOGOLOKITOSIS de SénèqUe,
• sur la mort de rcmpereor Claude. «. x86
TRADUCTION DE L'ODE DF JEAN PUTHOD, Mir la
. mariage de Cbarles-Emmanuel, loi de Sardaigne, et:
, d'Elisabeth de Lorraine .•........•.•••••..'••• 207
OLINDE ET SOPHRONIE. ... ^ ......... ^ «i4
LE LÉVITE D'ÉPHRAIM .^. : . aiQ
Tbaït pbemizb ,• V. îbid,
' C11AST SECOND. .: . .-. , , a35
•• Cbajit TBoisiiMB. .;....; • 241
USVmSS A.SARA. . . , , ' «55
. LkTTBE PREfUtlX. «..♦■. • . . . iS^
. • Lettiib n '. ,, , aS?
I .... '
.^Lettre ÎV /*.-•.? ?^^
VpJ^WÀ,............,...../..,,.^^^^
MiUa^i, 4 '
V k
ÈptTU A M. BdiDU ^ H
Êpins ▲ IL f ArtUt > *X
Értm A BL DK l Étasg k
FmAGMEBr d*aM £pitie à M» B«nki » .i « « . . > «.'
buTATiov LiBBE d'ane Cbamoa iflieimt de Miiiai >
L'Allée de Stlyis. ..••«••••» w
ËmoMB J-
" VlMLAf A MA^AMUit fctfiOWK «â WJBIII % .% . . . «t
T'M pour madiie dk FicnuEii» •• ••«••«...... i
Vem à madfmoûeUie Tmmmmui. •««'.•••••-•«.• ^
ËnrAVBE de d.iui tmans <pil m sont cnéi à Sô»-
ÉtMDoe en Foret , au mois ie jain i ^^o '»
ajoutées au Siicil pastokal , tÂjtt 9
Bou^VBT d'oa CB&Bt à m nèrei
tHscBvnoH BÎM m baftd'MÉ ^«rwail ds twêéiÊk t.
j(^AnAtf lt.aHidmn Ddhé. •
>••*«••««»«*••
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ÇuAx»AHi.p»uruadt«Mportniii»« t
iMtrbs êlémeutairs^ cent ia wmAsWfn.^ '
lisnài F^ Atfttditte Del ètOIL •%..«.««
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i^RTu y. . . * • 4 I
Uettbc \1 ......>
; LcrTBEyiLSur lesariyceifruitLn «...
'^.BRU Vin. SW Wi beriiicn. . *
|[^m»F*M A M> dt mcAeiiiM* . . . ^ t . « * "^
tcTxa&IL Sur.ka mounoi ;»« ^
IkrtmrF*. A uMam h*d«)iâiie df FMtlâitil . ... 1
'^ILkTtn: H. .•....•.•.•. .• .1
^ttmzlXî.' .•.;.•..-...; *
IfeTtftrlT ...;.;......... '^
1At?»V.-.-.-. w. . .'^.•.•.•. .♦..♦.. .• *
VI ,• «• ,' ,• .♦ ,' ,••.• .•.,•.•,,•,',•,••,.,,...... "^
FII.....w,./........■^ - W
i *
Table. 53 i
T^ITTBI Tin Page 4 16
LbttbsIX 418
LETTmi X. 4^0
Ijettrk XI 4^3
ÏJBTTtJL Xn k 4^5
letthe xni 4^^
LvmiE XrV 4^9
Lettbk XV • . . 4^0
Lettie ▲ M. su P&TVOU 43^
Lettbe a. m. Liotakd, berborîste à Grenoble 4^^
Lettee l**. A M. de La Tourelle, conseiller en U cour
des monnaies de Lyon 4^^
IJCTTEE II 4^9
IMITEE m ^ ....... . 44^
I^TTEE IV 447
Lettee V 449
Lettee VI 4^2
Letthe vil 4^4
Lcrrik VIII 457
Lettee IX • 4^1
Lettee a M. l'abe^ de Peakovt 4^4
FRAGMENS POUR UN DICTIOIINAÏRE ses teexee
d'usage eh botavique •..;........ 4^7
iHTEODUCnOH ...«••.... » 4^
Feagmess du DiCTiOEBAiEB ovec des AriieUs suppU^
mentairu • .......••• 4^*
»«■ OB LA TAttI ntt MfalEftM.
\
y
è