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Full text of "Oeuvres diverses"

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BIBLIOTHÈQUE 


II  ÉGYPTOLOGIQUE 


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CONTENANT    LES 


■■-  ŒIVRES  DES  EGYPTOLOGUES  FRANÇAIS 


dispersées  dans  divers  Recueils 
et  qui  n'out  pa«  encoi  inies  jusqu'à  ce  jour 

PUBLIÉE    SOUS     LA     DIRECTION     DE 

G.    MASPERO 

Membre  de  l'Institut 

Directeur  d'éludés  a   l'Ecole  pratique  'les  Hautes  Études 

Professeur  au  Collège  de  France 


TOME    TRENTE-QUATRIÈME 
E.  LEFÉBURÉ 

ŒUVRES    DIVERSES 

TOME  PBEMIER 


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P  A  K I  S 

ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

28,    RUE    BONAPARTE,    23 

1910 


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BIBLIOTHÈQUE 

ÉGYPTOLOGIQUE 


TOME    TRENTE-QUATRIÈME 


CHALON-SUR-SAONE 

IMPRIMERIE   FRANÇAISE    KT   CtfUENTALE   DE   K.    BERTRAND 


BIBLIOTHÈQUE 

ÉGYPTOLOGIQUE 

CONTENANT    LES 

ŒUVRES  DES  ÉGYPTOLOGUES  ERANÇAIS 

dispersées  dans  divers  Recueils 
et  qui  n'ont  pas  encore  été  réunies  jusqu'à  ce  jour 


PUBLIEE    SOUS    LA     DIRECTION     DE 

G.    MASPERO 

Membre  de  l'Institut 

Directeur  il'étmles  à  l'École  pratique  des  Hautes  Études 

Professeur  au  Collège  île  France 


TOME     TRENTE-QUATRIÈME 

E.  LEFÉBURE 

ŒUVRES    DIVERSES 

TOME  PREMIER 


P  À  R I S 

ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR 

28,    RUE    BONAPARTE,    28 

1910 


ic 


APR  2  0 1965 


976030- 


SEEN  SY 
PRESERVATION 


TE. 





E.  LEFEBURE 


ŒUVRES  DIVERSES 


TOME    PREMIER 


(Il  \l  ON-SUR-SAONE 

IMPRIMERIE  PRANi    USI     II    ORIENTALE    DE    E.    BERTRAND 


E.  LEFÉBURE 


ŒUVRES    DIVERSES 


PUBLIEES    PAR 

G.    MASPERO 

Membre  de  l'Institut 

Directeur  d'études  à  l'École  pratique  des  Hautes  Etudes 

Professeur  au  Collège  de  France 


TOME   PREMIER 


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P  A  lt  I  S 

EHNEST     LEROUX.     ÉDITEUR 

28,    RUE    BONAPARTE,    28 

1910 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

D'EUGÈNE  LEFÉBURE 

Par    Philippe   VIREY 


Eugène- Jean-Baptiste-Louis- Joseph  Lefébure  naquit  le 
11  novembre  1838,  à  Prunoy1,  département  de  l'Yonne. 
Ses  parents2  avaient  dans  cette  région  des  propriétés  rurales; 
dans  une  lettre  à  Chabas3,  Lefébure  parle  d'une  pièce  de 
monnaie  antique  que  le  fils  d'un  fermier  de  son  père  venait 
de  trouver  en  labourant  une  terre.  Il  fit  d'excellentes  études 
classiques  aux  collèges  d'Auxerre  et  de  Sens.  Les  bulletins 
de  notes,  adressés  de  ces  collèges  à  sa  famille,  de  1850  à 
1854,  signalent  son  goût  précoce  pour  les  lettres  anciennes 
et  modernes.  Ses  essais  poétiques  attiraient  l'attention  de 

1.  J'emprunte  cette  indication  à  la  courte  notice  consacrée  par  Ernst 
Andersson  (Sphinx,  XII,  1)  à  Eugène  Lefébure,  d'après  des  renseigne- 
ments fournis  par  le  Dr  Maurice  Lefébure,  fils  du  savant  ég3rptologue. 

2.  La  famille  de  Lefébure  descend  du  médecin  Gui  Patin  (1601- 
1672),  qui  fut,  sous  Louis  XIV,  doyen  de  la  Faculté  de  Médecine  de 
Paris,  et  a  laissé  des  lettres  intéressantes  pour  l'histoire  de  son  temps. 
Charles  Patin  (1633-1693),  fils  de  Gui  Patin  et  professeur  de  médecine 
comme  son  père,  est  surtout  connu  comme  antiquaire,  et  a  laissé  de 
nombreux  mémoires  sur  des  sujets  de  numismatique.  Lefébure  avait 
fait  une  collection  des  ouvrages  où  il  est  question  de  ces  deux  ancêtres 
de  sa  famille  (indication  fournie  par  le  DT  Lefébure). 

3.  Datée  de  Charny,  Yonne,  10  juillet  1869. 

BlBL.   ÉGYPT.,  T.  XXXIV.  * 


II  NOTICE    BIOGRAPHIQUE 

ses  professeurs.  Il  s'intéressait  à  l'étude  des  mœurs  et  des 
religions  de  l'antiquité1.  Sa  correspondance  montre  com- 
bien la  littérature  latine  lui  était  familière;  les  lettres  qu'il 
m'écrivit  pendant  les  dernières  années  de  sa  vie  contiennent 
de  très  heureuses  citations,  empruntées  surtout  à  la  poésie 
latine.  Il  appréciait  le  charme  de  la  littérature  provençale; 
ainsi  le  déterminatif  -®~-,  qui  se  joint  quelquefois  au  groupe 

hiéroglyphique a~p  v\    t\    QA  avaler,  éveillait  en  lui  le 

souvenir  de  la  jolie  expression  du  poète  Aubanel,  mi  grands 
rue  bevèire,  «  mes  grands  yeux  buveurs  »\  Il  aimait 
non  seulement  les  poètes  provençaux,  mais  tous  les  bons 
poètes;  par  exemple,  Thomas  Moore,  dont  il  essaya  de 
rendre  en  vers  français  Quelques  Mélodies  Irlandaises3. 
Il  fut  très  lié  avec  Henri  Cazalis  et  Stéphane  Mallarmé'. 
Du  reste,  il  n'avait  pas  cessé,  depuis  le  collège,  de  s'exercer 
dans  la  poésie  française.  Il  avait  fait  paraître  quatre  ou  cinq 
pièces  de  vers  dans  le  Parnasse  contemporain,  en  1866";  le 
D'  Lefébure  a  bien  voulu  me  communiquer  le  manuscrit 
d'un  sonnet  intitulé  Le  Sphinx  de  Memphis,  daté  du  15 
juillet  1868.  Sans  indiquer  une  véritable  vocation  poétique, 
ces  essais  sont  intéressants  comme  témoignages  du  goût  de 
Lefébure  pour  les  belles-lettres.  Avec  ces  dispositions,  il 
fût  sans  doute  devenu  un  excellent  professeur  d'humanités; 

1.  Indications  fournies  par  M.  le  l)r  Lefébure. 

2.  Lettre  de  Lefébure  à  Chabas,  datée  de  Charny,  Yonne,  20  juin  18tJ8, 

Lefébure  y  parle  do  mot Vï$\    wk^V  °  ''U'  dU  SC"S  '"'"''''' 

aurait  passé  au  sens  s'assimiler,  connaître,  comme  nous  disons  s'assi- 
miler une  connaissance,  et  comme  les  Latins  disaient  bibere  aure,  pour 
écouter  avidement.  Le  déterminatif  -®^,  qui  accompagne  ce  mol  dans 
le  sens  d'examiner,  indiquerait  alors  que  ce  sont  les  yeux  qui  absorbent  : 
mi  grands  iue  beoèire  o  mes  grands  yeux  buveurs  >>.  dil  un  charmant 
poète  provençal,  Aubanel.  » 

3.  Brochure  imprimée  a  Lyon,  chez  Pitrat,  en  1879. 
■1.   Indication  fournie  par  M.  le  IV  Lefébure. 

.").    Voir  la  notice  d'Krnst  Andersson,  Sphinx,  XII,  p.  3. 


NOTICE    BIOGRAPHIQUE  III 

et  il  aurait  fallu,  pour  le  bonheur  de  sa  vie,  qu'il  se  fût, 
dès  le  commencement,  dirigé  dans  cette  voie,  qu'il  eût  choisi 
sans  hésitation  la  carrière  de  l'enseignement  qui  lui  conve- 
nait si  bien.  En  effet,  quand,  après  bien  des  tâtonnements 
et  des  vicissitudes,  il  fut  entré  clans  l'enseignement  supé- 
rieur, il  sut  se  faire  aimer  de  ses  élèves,  et  leur  communi- 
quer son  goût  et  son  zèle  pour  les  études  auxquelles  il  était 
si  sincèrement  dévoué.  Mais  il  n'avait  pas,  dit-on,  l'esprit 
pratique,  qu'il  aurait  fallu  pour  continuer  la  tradition  de  sa 
famille  en  cultivant  et  administrant  le  domaine  paternel'. 
Lefébure  s'était  marié  jeune;  mais  il  perdit  bientôt  sa 
femme.  Ce  fut  pour  se  distraire  de  son  chagrin,  en  occu- 
pant son  esprit,  qu'il  se  mit  à  l'étude  des  hiéroglyphes2.  Il 
était  alors  à  Cannes,  d'où  il  écrivit  à  Chabas  le  5  mai  1867, 
pour  lui  demander  quelques  conseils  et  le  mettre  au  cou- 
rant de  ses  premiers  essais  égyptologiques  : 

Monsieur, 

Je  pense  quitter  Cannes  le  15  courant  et  passer  à  Chalon  dans 
la  dernière  quinzaine  du  mois  ;  je  désirerais  beaucoup  avoir  l'hon- 
neur de  vous  y  rencontrer 

J'ai  terminé  l'analyse  de  presque  tous  les  ouvrages  que  j'ai  entre 


1.  M.  Maspero  m'écrivait  aussi,  le  12  mars  1910  :  «  Lefébure 

n'était  pas  fait  pour  la  vie  active,  et  j'ai  eu  tort  de  l'y  jeter.  Mon 
excuse  est  qu'au  moment  où  je  le  proposai  pour  le  Caire ,  je  ne  le  con- 
naissais que  par  correspondance.  » 

2.  Lettre  de  Lefébure  à  Chabas,  du  6  janvier  1869  :  «  Vous  seriez  bien 
aimable  de  me  donner  l'adresse  du  jeune  ingénieur  dont  vous  me  parlez, 
et  vers  lequel  je  me  sens  attiré  par  une  grande  conformité  de  situation. 
C'est  en  effet  dans  la  même  circonstance  douloureuse  que  j'ai  commencé 
l'étude  de  l'égyptien  ;  mais  je  me  trouve  peut-être  en  ce  moment,  malgré 
le  peu  de  désir  que  j'en  ai,  sur  le  point  de  me  remarier.  »  Lefébure  ne 
se  remaria  qu'en  1876  ;  ses  fils  sont  nés  de  ce  second  mariage. 

Le  jeune  ingénieur  dont  il  parle  était  M.  Guieysse,  qui  chercha  aussi 
dans  l'égyptologie  un  remède  à  une  peine  semblable,  et  fut,  comme 
Lefébure,  disciple  de  Chabas. 


IV  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

les  mains;  malheureusement  je  n'ai  pas  encore  reçu  le  Sharpe 

Je  n'ai  pas  reçu  non  plus  les  Acta  Apostolorum  ou  le  Psalterium 
coptice,  de  sorte  que  j'ai  dû  me  borner,  pour  l'étude  du  copte,  à 
lire  la  grammaire  de  Peyron.  Du  reste  je  l'aime  mieux  ainsi,  et  je 
préfère,  après  m'ètre  mis  au  courant  de  la  science,  étudier  le  copte 
par  simple  besoin  d'aller  en  avant;  quant  à  présent  c'est  une 
langue  qui,  par  elle-même,  me  paraît  assez  difficile  à  aborder. 

Les  ouvrages  que  j'ai  analysés  cet  hiver  sont  :  le  Voyage  d'un 
Égyptien  et  le  Papyrus  Harris\  d'où  j'ai  tiré  un  petit  catalogue 
de  signes  hiératiques,  les  Six  Dynasties  de  M.  de  Rougé,  l'His- 
toire de  Brugsch,  vos  premiers  Mélanges  et  le  Décret  de  Canope. 
J'ai  commencé  tous  mes  vocabulaires.  Je  compte  étudier  encore, 
avant  de  travailler  véritablement  par  moi-même,  la  Géographie 
et  le  Calendrier  de  Brugsch,  deux  ou  trois  mémoires  de  M.  de 
Rougé,  vos  seconds  Mélanges,  vos  traductions  de  l'anglais  ainsi 
que  vos  travaux  sur  les  papyrus  et  le  Journal  de  Berlin.  Je  me 
suis  abonné  à  partir  du  mois  de  janvier  à  cette  feuille  qui  parait 
quelquefois,  et  j'y  ai  trouvé  très  intéressant  le  travail  de  M.  Pleyte 
sur  les  noms  de  nombre. 

Je  ne  sais  si  vous  me  pardonnerez  l'imprudence  que  j'ai  com- 
mise en  traduisant  un  chapitre  du  Rituel.  En  me  faisant  admettre 

dans  la  Société  savante  de  mon  département ,  je  m'étais  engagé 

sans  réfléchir  à  donner  quelque  chose  pour  le  mois  de  juin  :  je 
comptais  m'en  tirer  p3r  quelques  généralités  sur  l'art  égyptien; 
mais  la  besogne  m'ayant  absorbé,  je  me  suis  trouvé  réduit  à 
détacher  des  dix-sept  premiers  chapitres  du  Rituel,  que  j'avais 
traduits  pour  moi,  tant  bien  que  mal,  le  quinzième  chapitre,  qui 
m'a  paru  le  plus  facile.  Je  prends  la  liberté  de  vous  envoyer  cette 
traduction  informe8  fine  je  reprendrai  à  mon  passage,  pour  que 
vous  avez  la  complaisance  de  me  dire,  en  gros,  si  elle  est  présen- 
table à  peu  près Le  texte  du  Todtenbuch  me  paraît  bien  fautif; 

aussi  j'ai  cessé,  jusqu'à  nouvel  ordre,  de  l'étudier,  craignant  de 
prendiv  des  erreurs  pour   des  mots  nouveaux.  Je  désire  prendre 

1.  Il  s'agil  'lu  Papyrus  magique  Harris,  publié  el  expliqué  par 
Chab 

2.  Ce  travail,  retouché  d'après  lea  indications  de  Chabas,  parai  ru 
1868;  nous  aurons  l'occasion  d'en  reparler. 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  V 

votre  avis  sur  ce  point  et  sur  beaucoup  d'autres,  quand  j'aurai 

l'honneur  de  vous  voir 

Y  a-t-il,  sur  la  ligne  de  Marseille  à  Paris,  et  de  Cannes  à  Mar- 
seille, des  musées  ou  des  collections  à  visiter? 

Une  blessure,  que  Lefébure  reçut  au  pied  au  moment  où 
il  se  disposait  à  quitter  Cannes1,  l'obligea  à  prolonger  un 
peu  son  séjour  dans  cette  ville  et  à  modifier  ses  projets  de 
voyage.  Le  14  juillet  1867  nous  le  retrouvons  à  Besancon, 
d'où  il  écrivait  à  Chabas  pour  lui  raconter  sa  visite  au 
musée  de  la  ville,  et  lui  soumettre  ses  observations  sur  le 
cercueil  de  Sar-Amen.  Il  avait  toujours  l'intention  d'aller 
à  Chalon-sur-Saône2.  Nous  ne  savons  pas  s'il  y  réussit 
alors  ;  dans  tous  les  cas,  il  obtint  les  appréciations  de  Chabas 
sur  le  mémoire  qu'il  lui  avait  envoyé.  Il  lui  écrivait  en 
effet  de  Cliarny  (Yonne),  le  19  septembre  1867  : 

Monsieur, 

Je  vous  envoie  ma  traduction  du  chapitre  xv  du  Todtenbuch, 
refaite  d'après  vos  indications,  et  d'après  quelques  fragments  de 
papyrus  très  mutilés  qui  m'ont  été  communiqués  par  M.  Devéria 
à  la  conservation  du  Louvre.  Il  parait  que  les  premiers  chapitres  du 
Rituel  manquent  presque  complètement.  Vous  trouverez  dans  le  petit 
cahier  de  notes  que  j'ai  mis  dans  le  carton  les  quelques  variantes 
de  sens  et  de  forme  que  j'ai  rencontrées.  J'ai  conservé  provisoire- 
ment pour  le  titre  du  Rituelle,  traduction  sortir  au  jour,  parce  que 
j'ai  remarqué  certaines  phrases  qui  me  semblent  confirmer  cette 
interprétation,  et  que  d'un  autre  côté  il  ne  me  paraît  pas  impossible 

que  la  préposition  ^j\    suive  le  verbe  J\  avec  d'autres  sens 

que  ex  ou  sicut Rien   n'empêche  de   considérer    C\ 

comme  une  locution  adverbiale  analogue  à  dans  le  jour,  au  jour, 
pendant  le  jour,  en  plein  jour,  que  nous  joignons  indifféremment 
à  tous  les  verbes 

1.  Lettre  de  Lefébure  à  Chabas,  datée  de  Cannes,  31  mai  18137. 

2.  Lettre  de  Lefébure  à  Chabas,  datée  de  Besançon,  17  juillet  1867. 


VI  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

Lefébure  citait  alors  un  très  grand  nombre  d'exemples 
bien  choisis,  accompagnés  de  bonnes  raisons,  à  l'appui  de  son 
interprétation  nouvelle,  qui  a  fini  par  prévaloir.  Cependant, 

avec  la  modestie  qui  convient  à  un  débutant,  il  ajoutait  : 

Je  ne  sais  si  j'ai  réussi  à  vous  convaincre;  peut-être  renverserez  - 
vous  d'un  mot  mon  petit  échafaudage  de  citations' 

Si  Chabas  ne  fut  pas  convaincu  tout  de  suite,  la  conviction 
devait  venir  un  peu  plus  tard2.  En  attendant  il  trouva  la 
dissertation  excellente,  et  laissa  voir  qu'il  était  flatté  d'avoir 
un  disciple  tel  que  Lefébure.  Celui-ci  refit  alors  la  partie 

de  son  travail  relative  au  A^.     en  prenant  pour  mo- 

dèle les  discussions  des  seconds  Mélanges  égyptologiques, 
et  l'envoya  à  Chabas  le  3  octobre  1867.  Le  7  octobre  il  lui 
écrivait  de  nouveau  pour  le  remercier  du  bon  accueil  fait  a 
son  mémoire  : 

Monsieur  et  cher  maître, 

Je  suis  bien  content  que  ma  dissertation  ne  vous  paraisse  pas 
indigne  d'être  publiée  :  c'est  la  joie  la  plus  vive  et  la  plus  inespérée 
que  j'aie  ressentie  dans  ma  petite  carrière  égyptologique,  et  je  suis 
bien  plus  fier  de  n'avoir  pas  déplu  à  un  juge  tel  que  vous,  que  vous 
n'aurez  à  l'être  (je  le  crains  bien)  d'un  élève  comme  moi.  Je  n'en 
continuerai  pas  moins  à  faire  tous  mes  efforts  pour  mériter  votre 
approbation 

Chabas  avait  renvoyé  le  manuscrit  avec  quelques  correc- 


1.  La  (in  de  la  lettre  est  relative  à  des  antiquités  égyptiennes  de  mé- 
diocre importance,  qui  se  trouvaient  au  Musée  d'Auxerre,  et  que  Lefé- 
bure  décrivait  à  Chabas. 

2.  Chabas  écrivait  â  Bru.useh,  le  28  décembre  1869  :  «  Je  crois  qu'un 
débutant,  au  bout  de  deux  années,  peut  déjà  me  donner  d'utiles  Leçons; 
tel  a  été  le  cas  de  mon  élève  M.  Lefébure,  à  propos  de  l'explication  du 

cr^ia      ra  fv  o  ...... 

<z^>  v\  v\    .Je  commence  a  croire  qu  il  a  raison.  » 


NOTICE    BIOGRAPHIQUE  VII 

tions  et  annotations  dont  Lefébure  le  remercia  dans  une 
lettre  du  18  octobre  1867.  Il  ajoutait  : 

J'ai  songé  à  grossir  mon  petit  ouvrage  d'une  dissertation  sur  le 
ïï,  que  je  crois  être,  d'après  le  chapitre  cli  du  Todtenbuch, 
l'échiné  d'Osiris,  adorée  comme  symbole  de  l'immolation  de  ce 
dieu,  de  même  que  nous  vénérons  la  Croix,  le  Sacré-Cœur,  les 
(  inq  Plaies,  etc.,  et  prise  pour  emblème  de  la  stabilité,  de  même 
que  nous  disons,  dans  un  sens  un  peu  différent,  le  fondement. 
Peut-être  y  a-t-il  un  rapport  étymologique  entre  le  mot  toi  et  les 

mots  ^Y\  1   statue,  stare,  --'6-/-, ;j.*.,  etc Mais  outre  que  c'est  très 

hasardeux  et  que  je  n'ai  pas  en  main  les  textes  nécessaires  pour 
une  recherche  sérieuse,  je  ne  pourrais  relier  par  aucune  transition 

cette  hypothèse  à  mon  livre 

Je  compte  porter  ma  traduction  à  Auxerre  vers  la  fin  de  ce  mois, 
et  je  partirai  le  plus  tôt  que  je  pourrai,  surtout  si  vous  me  conseillez 
d'étudier  Ser-Amen,  pour  Chalon  et  Besançon 

La  traduction  portée  à  Auxerre  fut  acceptée  pour  les 
Mémoires  de  la  Société  de  l'Yonne,  alors  présidée  par 
M.  Challe'.  Elle  devait  paraître  dans  le  premier  trimestre 
de  1868:  mais,  la  Société  n'ayant  pu  en  temps  utile  réunir 
les  matériaux  d'un  fascicule,  Lefébure  se  décida  un  peu 
plus  tard  à  la  publier  à  ses  frais. 

Au  mois  de  juin  1868,  il  lut  le  numéro  de  la  Zeitschrift 
qui  contient  l'article  de  Chabas  sur  l'inscription  de  Takel- 
lotis  II.  Son  imagination  s'excita  sur  ce  texte,  et  il  essaya 
de  préciser  la  nature  du  phénomène  cosmique  ou  atmosphé- 
rique signalé  par  l'inscription.  Il  en  résulta  une  assez  longue 
dissertation  qu'il  adressa  a  Chabas  *;  mais  il  ne  tarda  pas  à 
renoncer  lui-même1  à  l'explication  qu'il  avait  proposée.  Il  ne 


1.  Lettre  de  Lefébure  à  Chabas,  du  31  décembre  1867. 

2.  Lettre  de  Lefébure  à  Chabas,  du  20  juin  1868.  Lefébure  supposait 
qu'il  s'agissait  du  khamsin. 

3.  Lettre  de  Lefébure  à  Chabas,  du  3  août  1868. 


VIII  NOTICE    BIOGRAPHIQUE 

craignait  pas  alors  de  soumettre  à  Chabas  même  les  hypo- 
thèses dont  il  se  déliait,  comptant  sur  son  maître  pour 
L'avertir  de  ses  erreurs;  nous  trouvons  un  bon  exemple  de 
ces  interventions  de  Chabas,  dans  une  lettre  du  disciple,  du 
3  août  1868,  et  dans  la  réponse  du  maître,  du  5  août  1868. 
Lefébure  écrivait  à  Chabas1  : 

Monsieur  et  cher  maître, 

Je  termine  à  l'instant  l'analyse  du  chapitre  xv,  et  viens  vous 

demander  la  permission  de  vous  soumettre  mon  travail Je 

me  suis  un  peu  amusé  en  route  à  comparer  entre  eux  différents  pas- 
sages du  Rituel,  ce  qui  m'a  l'ait  faire  quelques  petites  découvertes, 
celle  du  rôle  de  Tanen,  par  exemple,  qui  signifie  évidemment  la 
terre,  et  n'est  que  la  personnification  du  mot  ^m,  t>,  qui  se  trouve  fré- 
quemment dans  des  phrases  comme  celle  du  papyrus  Harris  : 

La  terre  tend  ses  bras  pour  te  recevoir. 

Le  chapitre  xv  est  plus  précis  :  Ta  mère  Nu  et  ton  père  Tanen 
t'embrassent. 

Le  chapitre  cxl  nomme  un  dieu  :  la  terre  enfantant  éternelle- 
ment l'âme  et  le  corps  du  Soleil.  Mais  je  fais  peut-être  là  une  dé- 
couverte naïve,  que  tout  le  monde  a  faite  avant  moi.  Dans  tous  les 
cas  j'ai  réussi  à  m'intéresser  moi-même,  et  me  suis  familiarisé 
l'hiératique,  ce  qui  es1  un  grand  point.  J'ai  appris  aussi  à 
chercher  dans  les  vocabulaires,  de  sorte  que  si  mou  ouvrage  est 
détestable,  il  ne  m'en  aura  pas  moins  été  très  utile,  de  moine  que 
l'absurde  dissertation  que  je  vous  ai  envoyée  dernièrement5,  et  que 
je  vous  prie  d'oublier.  En  la  mettant  à  la  poste,  il  m'est  venu  une 
autre  idée,  car  je  ne  suis  malheureusement  jamais  à  bout  d'hypo- 
thèses sur  le  ciel  mangeant  la  lune,  c'est  que  cette  locution  pourrai! 
signifier  la  lune  dan-  son  plein,  la  lune  qui  n'est  pas  rongée  par  le 
ciel.  La  Fontaine,  dan-  une  de  se-  fables,  la  compare  à  un  fromage 
fait  par  la  vache  lo  pour  Jupiter,  et  dont  le  renard  a  déjà  mangé  la 
moitié,  ce  qui  en  a  fait  un  croissant.  D'un  autre  côté,  j'ai  trouvé 
an  Rituel  une  expression  qui  pourrait  confirmer  l'hypothèse  que 

1 .  Lett  re  datée  de  <  Jharnj .  3  aoûl  1868. 

2.  Sur  l'inscription  de  fakellotis  II;  voir  plus  haut.  p.  vu,  1.  24-28. 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  IX 

vous  semblez  émettre  dans  la  Zeitschrift  sur  l'absorption  produite 
par  le  ciel  et  les  astres  :  le  chapitre  cxxxm  dit  au  Soleil  :  *~~-\  \\  \\ 
1±J  J<-%    ?^=^  T^  ^  (1.  2)  tu  avales  les  souffles, 


mi  '  '  (çfTiï 

^w  absorbes  l'air,  ce  qui  exprime  d'une  manière  saisissante  la  cha- 
leur excessive  :  j'ai  remarqué  bien  des  fois,  en  plein  midi,  l'effet 
que  rend  la  phrase  égyptienne,  dans  la  légère  vibration  de  l'air  sur 
les  champs,  qui  semble  attiré  par  le  soleil,  et  faire  qu'ainsi  Ton 
suffoque. 

Cliabas  répondit  aussitôt,  le  5  août  1868  : 

Monsieur  et  cher  disciple, 

Il  est  au  mieux  que  vous  m'envoyiez  votre  nouveau  travail,  vous 
n'avez  pas  besoin  de  me  demander  d'autorisation  pour  cela.  Je 
serais  trop  charmé  de  former  un  égyptologue  de  valeur,  pour  qu'il 
ne  me  soit  pas  très  agréable  de  venir  en  aide  à  un  travailleur 
donnant  d'aussi  grandes  espérances  que  vous. 

On  a  déjà  reconnu  quelque  part  les  rapports  de  Tanen  avec  la 

terre ,  mais  je  ne  sais  trop  où  cela  se  trouve.  Vos  observations 

seront,  quoi  qu'il  en  soit,  excellentes  à  publier. 

Quant  au  ciel  mangeant  la  lune,  claudite  jam  rioos  !  Il  faut 
éviter  de  s'acharner  sur  de  pareils  problèmes;  il  y  a  un  véritable 
danger  à  s  habituer  à  créer  des  hypothèses  pour  expliquer  toutes 
les  malices  des  scribes  égyptiens Si  l'on  eût  rencontré  il  y  a 

quelques  années  la  phrase  T  „  (f-A-ff    Uum...4c//.  lemp.,  1, 

11  l  1  (5  I    III   llYj  r 

33,1),  on  aurait  pu  faire  de  belles  dissertations  sur  le  nombre  7,  sur 
la  septième  heure,  sur  les  sept  Esprits,  etc.  Aujourd'hui  nous  savons 

que  cette  curieuse  forme  n  est  qu  une  variante  de         x  V\ 

Je  connaissais  la  phrase  du  chapitre  cxxxm  duRituel,  dont  vous 
avez  bien  reconnu  l'importance  philologique.  Malheureusement  la 
traduction  qu'il  me  serait  possible  de  faire  du  contexte  ne  me  satis- 
fait pas.  C'est  pour  ce  motif  que  je  ne  l'ai  pas  citée.  Aussi  long- 
temps que  nous  n'aurons  pas  plusieurs  bonnes  éditions  du  Rituel 
à  consulter  comparativement,  nous  ne  pourrons  pas  arriver  au 
moindre  résultat  sérieux,  dans  l'étude  de  ce  livre  funéraire,  dans 


X  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

lequel  le  respect  traditionnel  du  texte  supposé  original  a  fini  par 
consacrer  de  nombreuses  erreurs. 

Les  lettres  suivantes  de  Lefébure  à  Chabas  nous  ap- 
prennent que,  pendant  les  derniers  mois  de  l'année  1868,  il 
étudia  sommairement  le  copte  et  l'hébreu1;  elles  nous  in- 
diquent aussi5  qu'il  s'occupait  activement  de  faire  paraître 
sa  Traduction  comparée  des  Hymne*  au  soleil  composant 
le  XVe  chapitre  du  Rituel  funéraire  égyptien.  Une  lettre 
qu'il  adressa  de  Charny  à  Chabas  le  23  décembre  1868  montre 
que  l'impression  de  ce  mémoire  à  Auxerre3  fut  assez  oné- 
reuse pour  lui  : 

Monsieur  et  cher  maître. 

Voulez-vous  me  donner  les  noms  et  adresses  des  égyptologues 
auxquels  je  dois  adresser  mon  livre?  Je  l'aurai  dans  quatre  ou  cinq 
jours;  il  n'y  a  plus  qu'à  le  brocher.  C'est  un  in~4°  de  125  pages, 
avec  trois  planches  donnant  le  texte  corrigé  du  Todtenbuch.  L'im- 
pression et  le  papier  en  sont  très  beaux,  trop  beaux  pour  ce  qu'il 
contient;  je  me  fais  l'effet  de  ces  vieux  propriétaires  égyptiens  qui 
confiaient  à  la  pierre  pour  l'éternité  le  nombre  de  leurs  ânes.- 
Aussi  je  sais  ce  qu'il  m'en  coûte  :  je  ne  serai  pas  quitte  des 
150  exemplaires  que  je  fais  tirer  à  moins  de  mille  francs,  somme 
que  j'aurais  beaucoup  plus  fructueusement  employée  à  l'achat  des 
textes  qui  me  manquent.  Mais  je  voulais  prendre  date,  et  prouver 
que  j'ai  appris  l'égyptien  sans  le  secours  des  livres  élémentaires 
qui  paraissent  en  ce  moment 

Quelques  jours  plus  tard,  il  revenait  sur  cette  question 
des  livres  élémentaires,  en  annonçant  à  Chabas  qu'il  lui 
envoyait  sou  livre,  et  en  lui  exprimant  encore  sa  recon- 
naissance '  : 


1.  Lettre  de  Lefébure  à  Chabas,  datée  de  Charny,  17  septembre  1868. 

2.  Lettres  du  6  et  du  17  septembre  1868. 

3.  L'ouvrage  Eut  mis  en  venteà  la  Librairie  Franck,  à  l'.-iris. 

4.  Lettre  de  Lel'ébure  à  Chabas,  datée  de  Charny,  6  janvier  1869. 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  XI 

Je  partage  votre  avis  sur  la  publication  des  ouvrages  élé- 
mentaires :  les  adeptes  ne  seront  plus  triés  par  les  difficultés  des 
commencements,  et  les  débutants,  mis  tout  à  coup  en  possession 
des  résultats  de  la  science,  ne  s'astreindront  plus  aux  analyses  sé- 
vères dont  vous  donnez  l'exemple  dans  tous  vos  travaux.  Nous 
allons  voir  venir  des  traductions  faites  à  coups  de  dictionnaires, 
sans  aucune  expérience  des  habitudes  de  la  langue  ni  des  acceptions 
variées  de  chaque  mot 

J'irai  à  Paris  vers  le  15  du  mois,  et  je  compte  y  voir  M.  de 

Horrack.  Vous  seriez  bien  aimable  de  me  donner  l'adresse  du  jeune 
ingénieur  dont  vous  me  parlez' 

Chabas  répondait  à  Lefébure,  le  7  janvier  1869  : 

Monsieur  et  cher  disciple, 

Je  ne  perds  pas  une  minute  pour  vous  complimenter.  Peu  de  nos 
collègues  ont  eu  le  bonheur  de  débutera  la  publicité  par  un  travail 
de  pareille  valeur.  Vous  voilà  bien  lié  à  la  science,  et  déjà  vous 
avez  un  titre  dont  on  pourra  dire,  j'en  suis  convaincu,  que  noblesse 
oblige;  la  science  a  donc  le  droit  d'attendre  de  vous  d'éclatants 
services 

Le  livre  de  Lefébure  fut  en  effet  bien  accueilli,  notamment 
par  Lepsius2,  Birch,  Leemans,  Rongé,  Prisse  d'Avennes. 
Mais  Lepsius  discuta  l'interprétation  du  <z=>f\  "v\    , 

et  Lefébure  fit  connaître  à  Chabas"  les  objections  du  profes- 
seur de  Berlin  : 

Il  ne  partage  pas  mon  opinion  sur  le  sens  des  groupes 


1.  M.  Guieysse;  voir  p.  m,  note  2. 

2.  Leemans  offrit  à  Lefébure  sa  belle  édition  d'HorapolIon,  et  Lepsius 
sa  grande  publication  des  Vieux  Textes  du  Todtenbuch.  M.  Guieysse 
apprit  aussi  à  Lefébure,  qu'il  vit  à  Paris  au  mois  de  janvier,  qu'E.  de 
Rougé  avait  à  son  cours  fait  l'éloge  du  nouveau  livre. 

3.  Lettre  de  Lefébure  à  Chabas,  datée  de  Charny,  18  mars  1869.  Le- 
fébure terminait  cette  lettre  en  parlant  de  son  voyage  à  Paris,  où  il 
avait  passé  une  soirée  avec  M.  de  Horrack,  qui  l'avait  reçu  de  la  manière 
la  plus  aimable. 


XII  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

<=X>  >wv  V     ^u  ^  a  traduits  de  nouveau  dans  sa  préface1  ; 

son  interprétation  se  rapproche  grammaticalement  de  la  mienne, 
......     m  f\  o 

mais  il  fait  de  Y\     un  jour  particulier,  comme  ceux  qui  sont 

<c— ->  -"■  '  rD   IV  o  D  w 

désignés  au  chapitre  xvm  par  la  formule  v\  ,  etc.  ;  et 

il  est  obligé,  par  conséquent,  de  voir  une  faute  dans  le  membre  de 

pnrase  <^>  ^~_  (ji  23),  qui  ne  se  trouve  pas  qu'au 

Todtenbuch,  car  je  l'ai  remarqué  au  papyrus  de  Leyde.  On  pourrait 
admettre,  en  effet,  que  la  phrase  devait  être  lue,  par  exemple, 

K^k  O  l1:  '  mais  je  trouve  un  peu 

hasardeux  d'appuyer  une  vue  sur  la  supposition  d'une  faute  de 
texte  que  rien  ne  démontre  encore. 

En  résumé,  il  me  semble  que  mon  livre  a  été  bien  vu  par  les 
plus  savants  égyptologues,  et  je  suis  heureux,  mon  cher  maître,  de 
vous  faire  part  d'un  succès  que  je  n'aurais  pas  obtenu  sans  vous,  et 
dont  la  meilleure  moitié  vous  revient 

L'impression  de  mon  livre  a  absorbé  la  somme  que  je  destinais 

l'an  passé  à  des  achats  de  recueils Je  voudrais  aussi  vous  faire 

part  de  mes  projets  d'avenir,  et  vous  exposer  leur  inconvénient  et 
leur  avantage  pour  mes  études 

Depuis  longtemps  la  famille  de  Lefébure  le  voyait  avec 
inquiétude  s'adonner  avec  tant  d'ardeur  à  des  études  qui 
coûtaienl  fort  cher  et  ne  rapportaienl  rien2.  On  lui  chercha 
donc  une  occupation  qui  lui  permîl  de  gagner  sa  vie  par 
son  travail  et  de  se  remarier.  Un  mariage  l'ut  projeté  entre 
lui  et  une  jeune  tille  des  environs  de  Charny ;  la  condition 


1 .  La  préface  des  Aeltcste  Texte. 

2.  Dès  le  31  décembre  1867,  Lefébure  écrivait  a  Chabas  :  «Ma  famille 

me  bl.'n !'•  mi'  livrer  à  une  occupation  qui,  suivant  elle,  ne  rapporte 

rien;  comme  si  une  plus  grande  connaissance  de  l'homme  n'était  pas 
plus  utile  que  le  droit  'I''  bâiller  à  des  soirées  préfectorales.  Je  \  :iis  donc 

m 'occuper  sérieusement  de  chercher   une  place qui   me  donne  à   la 

Cois  l'indépendance  et  le  loisir  dont  j'ai  besoin  pour  continuer  en  paix 
mes  études.  » 


NOTICE    BIOGRAPHIQUE  XIII 

fut  qu'il  entrerait  d'abord  dans  l'administration  des  Postes. 
On  lui  faisait  espérer,  grâce  aux  relations  de  sa  famille,  et 
après  les  délais  de  stage  nécessaires,  une  place  de  receveur 
qui  lui  laisserait  quelques  loisirs  pour  ses  études1.  Le  projet 
de  mariage  n'aboutit  pas;  mais  avant  la  rupture  des  négo- 
ciations Lefébure  avait  été  nommé,  au  mois  de  juillet  1869 2, 
employé  des  postes  à  Saint-Germain-en-Laye.  Avant  sa 
nomination,  il  avait  envoyé  à  Chabas  un  mémoire  sur  les 
chapitres  cxn  et  cxin  du  Tocltenbuch3  ;  il  refît  plus  tard  ce 
travail  et  le  publia,  beaucoup  plus  développé,  dans  son  grand 
ouvrage  sur  Le  Mythe  osirien*. 

Dans  ses  nouvelles  fonctions  d'employé  des  postes,  Lefé- 
bure n'avait  plus  beaucoup  de  temps  à  donner  à  l'étude. 
Il  lisait  cependant  les  Aelteste  Texte  qu'il  avait  reçus  de 
Lepsius,  et  remarquait,  à  la  planche  29,  «  un  nom  divin  extrê- 
mement curieux  »,  écrivait-il  à  Chabas  le  7  septembre  1809. 

C'était  n^^Srl];  qu'il  supposait  «  n'être  qu'une  variante 
développée  du  nom  d'Isis,  lequel  signifierait  alors  le  lieu 
de  l'œil  sacré,  c'est-à-dire  l'espace  céleste  où  se  trouve  le 
soleil  ».  Il  allait  travailler,  dans  les  rares  moments  dont  il 
disposait,  à  la  bibliothèque  du  Musée  de  Saint-Germain'. 
Il  transmettait  a  M.  Guieysse  les  préceptes  qu'il  avait  lui- 


1.  Lettre  de  Lefébure  à  Chabas,  du  18  mars  1869. 

2.  Lettre  de  Lefébure  à  Chabas,  datée  de  Saint-Germain-en-Laye. 
21  juillet  1869. 

3.  Lettres  de  Lefébure  à  Chabas,  datées  de  Charny,  29  avril,  24  juin 
et  10  juillet  1869.  C'est  dans  la  lettre  du  10  juillet  1869,  que  Lefébure 
parle  de  la  trouvaille  d'une  pièce  de  monnaie  antique  par  le  fils  d'un 
fermier  de  son  père.  Lefébure  porta  cette  pièce  à  M.  Ponton  d'Amécourt, 
qui  la  fit  acheter  par  M.  de  Saulcy,  et  proposa  à  Lefébure  de  le  pré- 
senter à  la  Société  de  Numismatique  et  d'Archéologie,  avec  M.  de 
Saulcy  comme  second  parrain.  Le  7  septembre  1869,  Lefébure  annonçait 
à  Chabas  son  admission  dans  la  Société. 

4.  Le  Mythe  osirien,  lre  partie,  p.  18  sqq. 

5.  Lettre  de  Lefébure  à  Chabas,  du  14  novembre  1869. 


XIV  NOTICE    BIOGRAPHIQUE 

même  reçus  de  Chabas1.  Il  voulait  aussi,  d'après  les  conseils 
de  son  maître,  étudier  le  papyrus  de  Soutimès,  qu'il  publia 
plus  tard  en  collaboration  avec  M.  Guieysse;  mais  il  n'en 
trouvait  pas  le  temps.  Sa  correspondance  avec  Chabas  fut 
donc  alors  moins  active  qu'elle  n'avait  été  depuis  l'année 
1867.  Nous  trouvons  cependant,  datée  de  Saint-Germain- 
en-Laye,  15  juillet  1870,  une  longue  lettre  où  l'on  voit  que 
Lefébure  avait  modifié  et  refondu  le  travail  soumis  à  Chabas 
l'année  précédente";  il  venait  de  recevoir  les  deux  premiers 
volumes  de  la  Bibliothèque  internationale,  contenant  sa 
traduction  du  chapitre  xv  du  Todtenbuch,  et  remerciait 
Chabas  de  lui  avoir  facilité  l'accès  de  cette  publication. 

La  guerre  de  1870  arrêta  complètement  pour  quelque 
temps  cette  correspondance.  Lefébure,  que  ses  fonctions  à 
Saint-Germain-en-Laye  avaient  retenu  dans  la  région 
envahie,  n'écrivit  à  Chabas  que  le  14  mars  1871  : 

Mon  agréable  métier  m'a  conduit  tout  droit  à  la  prison  prus- 
sienne de  Versailles,  où  j'ai  gelé  du  10  janvier  au  15  février.  J'en 
suis  sorti  assez  souffrant,  et  je  crois  que  notre  service  français,  qui 
est  rétabli,  a  repris  trop  tôt  pour  ma  santé.  Je  m'en  tirerai  avec  le 
temps,  lorsque  l'affreux  gâchis  des  lettres  et  des  affaires  attardées 
aura  cessé 

J'ai  beaucoup  travaillé  dans  ma  prison.  J'ai  ébauché,  entre 

autres  choses,  un  appendice  à  mon  mémoire  sur  le  nom  d'Isis,  où 
je  crois  pouvoir  prouver  que  le  dieu  Seb  est  la  terre,  considérée 
comme  s'ouvrant  pour  laisser  passer  le  soleil  :  c'est  la  porte  dont 
l'tah  est  le  portier. 

J'ai  appris  que  M.  Guieysse  a  été  décoré  pendant  le  siège 

M.  Guieysse  informa  un  peu  plus  tard  Lefébure  de  l'élec- 
tion de  Chabas  comme  correspondant  de  L'Institut.  Lefé- 


1.  Lettre  de  M.  Guieysse  à  Chabas,  du  10  Novembre  1869;  et  lettre 
de  Lefébure  à  Chabas,  du  22  mars  1870. 

2.  Voir  p.  xin,  1.  8-9. 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  XV 

bure  écrivit  à  son  maître  le  20  août  1871,  pour  le  féliciter. 
Il  lui  adressa  une  autre  lettre,  le  11  novembre  1871,  pour  le 
remercier  de  lui  avoir  envoyé  un  ouvrage  de  Lieblein,  par 
l'intermédiaire  de  Valdemar  Schmidt.  Il  ajoutait  : 

M.  Ancessi  m'écrit  qu'il  sera  dans  les  premiers  jours  de  no- 
vembre à  Paris  :  je  compte  avoir  le  plaisir,  si  j'ai  le  temps,  de  le 
voir  et  de  faire  sa  connaissance-  M.  Guieysse  est,  je  crois,  en  Bre- 
tagne, et  ne  reviendra  qu'en  décembre.  Pour  moi,  je  tâche  de  me 
faire  nommer  à  Paris,  où  je  serais  à  même  de  consulter  tous  les 
textes  possibles,  mais  je  ne  sais  si  je  réussirai,  et  si  j'aurai  beau- 
coup plus  de  temps  à  moi.  il  faudrait,  pour  que  je  puisse  vérita- 
blement travailler,  que  je  sois  nommé  à  l'administration  centrale, 
ce  qui  ne  me  paraît  pas  facile. 

Je  ne  puis  pas  dire  que  j'aie  travaillé  bien  sérieusement  depuis  la 
fin  de  la  guerre  ;  cependant  je  n'ai  pas  passé  une  journée  sans  ouvrir 
le  Todtenbuch  et  les  Anciens  Textes  publiés  par  Lepsius.  J'en  ai  re- 
tiré une  sorte  d'impression  générale  de  la  religion  égyptienne,  que 
je  crois  vraie,  et  que  je  tâcherai  d'expliquer  dans  mon  travail  sur 
une  variante  du  nom  d'Isis;  je  vous  demanderai  la  permission  de 
refondre  ce  travail,  qui  me  parait  pécher  en  ce  sens  que  j'y  assimile 
trop  Osirisau  ciel  :  ce  dieu  me  paraît  être,  au  contraire,  l'intérieur 
mystérieux  de  la  terre  dans  lequel  se  cachait  et  se  reformait  le 
soleil,  ce  qu'indiquent  les  momies  figurées  avec  le  globe  solaire 
inséré  dans  leur  poitrine.  L'Osiris  végétant  est  aussi  une  représen- 
tation de  la  terre,  et  je  comprends  maintenant  la  métaphore  égyp- 
tienne qui  faisait  de  l'Egypte  l'œil  même  d'Osiris,  et  de  l'aimant 
ses  os,  tandis  que  le  fer  était  l'os  de  Typhon,  suivant  Plutarque. 
Typhon,  le  frère  d'Osiris,  ne  doit  pas  être  autre  chose  que  la  terre 
dans  son  rôle  malfaisant,  lorsqu'elle  dévore,  comme  un  crocodile 
ouvrant  sa  gueule  à  l'Occident,  le  soleil,  la  lune  et  les  étoiles,  ou 
qu'elle  dissout  les  cadavres.  Au  Todtenbuch  il  est  presque  toujours 

nommé   l      ,  avec  le  déterminatif  de  la  pierre,  ou  de  la  terre  dure. 

I    EED  -j        Q 

qui  accompagne  aussi  le  mot  vg^     inna  (ch.  125,  59,  55).  M.  Pierret, 

dans  son  mémoire  sur  la  résurrection,  cite une  phrase   des 

Fouilles  d'Abydos,  qui  me  paraît  significative,  et  qui   contient  la 
métaphore  à  cause  de  laquelle,  sans  doute,  Set  est  devenu  un  ser- 


XVI  NOTICE    BIOGRAPHIQUE 

pent;  c'est  'JL~  jj   ^a   v&^ï'  ^^  41- 1\   ^^"^  \>  ■  Je 

trouve  dans  le  même  ouvrage  une  autre  phrase  bien  curieuse 
aussi :  Osiris  v  est  dit  Q  <=>  ^^  t\  °J)  ^  ^  I 

f]  0  |.  Osiris  serait,  d  après  ce  passage,  le  caput  mortuum  du  soleil, 

ce  qui  saccorde  à  merveille  avec  nos  théories  astronomiques  d'au- 
jourd'hui. Je  ne  sais  si  vous  donnerez  votre  approbation  à  cette 
manière  d'envisager  l'enfer  égyptien,  considéré  tantôt  comme  lieu, 
tantôt  comme  dieu,  de  même  que  le  Hadès  grec  et  l'Orcus  latin.  Je 
serais  bien  content  si  mes  idées  là-dessus  ne  contredisaient  pas  les 
vôtres,  et  si  elles  trouvaient  grâce,  lorsque  je  les  aurai  appuyées  de 
quelques  preuves,  devant  la  sévérité  sagace  de  votre  critique. 

Chabas  critiqua,  suivant  le  désir  exprimé  par  Lefébure, 
les  mémoires  soumis  à  son  examen.  Il  semble  aussi  qu'il  ait 
alors  manifesté  un  peu  d'inquiétude  de  voir  son  disciple 
s'adonner  trop  exclusivement  aux  études  mythologiques. 
Lefébure  lui  répondit  de  Saint-Germain-en-Laye,  le  22  no- 
vembre 1871  : 

Monsieur  et  cher  maitre. 

Vous  êtes  trop  aimable  d'avoir  songé  à  me  renvoyer  mes  deux 

mémoires  manuscrits J'aurai,  en  effet,  bien  des  corrections  à 

faire j'espère montrer  que  les  deux  chapitres  étudiés  du 

Rituel  se  rapportent  aux  éclipses  solaire  et  lunaire  :  pour  le  112e 
c'est  évident,  d'après  ce  que  les  auteurs  grecs  nous  ont  dit  du 
pourceau  dans  la  mythologie  égyptienne;  pour  le  113e,  j'ai  été 
longtemps  embarrassé  par  la  présence  du  corps  d'IIorus  dans  le 
pays  des  poissons,  c'est-à-dire  dans  l'eau  où  on  le  repèche.  Un 
passage  de  Diodore  (1,  2)  lève  toute  difficulté  :  Isis,  y  est-il  dit, 
rappela  à  la  vie  son  (ils  Horus  tué  par  les  Titans,  et  dont  le  corps 
fut  trouvé  dans  l'eau.  Je  crois  que  tout  le  chapitre  113  est  là,  car 
Horus,  dans  quelques  particularités  de  sa  légende,  rappelle  Osiris  : 
c'est  ainsi  que  les  Grecs  lavaient  assimilé,  sous  sa  forme  de  Khem, 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  XVII 

à  Persée,  fils  de  Danaé,  qui  fut  abandonné  à  l'eau  dans  un  coffre 
[Hérodote,  II.  91).  Le  chapitre  113  du  Todtenbuch,  d'après  les 
dates  qu'il  donne  et  la  mention  qu'il  fait  des  yeux  d'Horus,  rap- 
porte à  l'éclipsé  cet  épisode  de  la  vie  du  dieu  ;  mais  il  me  reste 
à  me  renseigner  sur  le  filet  de  Sebak,  que  je  retrouve  au  cha- 
pitre 148,  17,  où  il  est  dit  >5:;î>-  c==Tj)  des  hommes  et  des  dieux, 

t  ^  m  \ 

groupe  que  vous  traduisiez  autrefois  par  couper  la  parole,  mais 

auquel  il  me  semble  que  vous  donnez  maintenant  un  autre  sens. 
J'aurai  aussi  à  voir,  pour  le  rôle  bon  ou  funeste  de  ce  même  filet, 
le  chapitre  des  pêcheurs  (qui  est  illisible  dans  le  Todtenbuch)  dans 
les  variantes  du  Louvre. 

Xe  me  croyez  pas  noyé  pour  cela  à  tout  jamais  dans  les  textes 
mythologiques.  La  seule  raison  qui  m'a  fait  les  étudier,  c'est  que 
je  n'en  ai  pas  d'autres,  et  que,  de  toute  la  littérature  égyptienne,  je 
n'ai  entre  les  mains  que  le  Todtenbuch .  Ne  vous  effrayez  donc  pas, 
si  je  le  sais  par  cœur,  pour  mon  petit  avenir  d'égyptologue.  Je 
pense  avec  vous  que  ces  sortes  d'écrits  ne  doivent  pas  détourner 
de  l'étude  de  la  langue,  et  qu'il  faut,  si  l'on  s'en  occupe  quelque- 
fois, apporter  dans  leur  examen  la  plus  grande  prudence.  A  ce 
compte-là,  il  sera  possible  au  moins  de  mieux  comprendre  et  de 
mieux  traduire  certaines  allusions  qui  ne  font  que  présenter  d'une 
manière  fuyante  des  événements  inconnus.  Voulez-vous  me  per- 
mettre de  vous  donner  un  exemple  de  la  manière  dont  je  com- 
prends qu'on  peut  tirer  parti  des  textes  en  question  ?  Une  inscription 
d'Edfou,  citée  par  M.  Lepsius  dans  son  mémoire  sur  les  dieux  des 
quatre  éléments,  dit  de  Ra-hut  :  «  il  ouvre  la  nuit  par  le  jour, 
les  dieux   sortent   de  sa  bouche  et    les   hommes  de  ses   yeux  » 


.  Cette  phrase  est  claire,  et,  si  on  se 


la  rappelle,  on  traduit  sans  difficulté  d'autres  phrases  plus  concises, 
qu'on  ne  comprendrait  pas  sans  cela,  telles  que  celle-ci  (ch.  64,  25)  : 
«  donnez-moi  la  main,  enfants  qui  êtes  sortis  de  la  bouche,  et  vous 

êtes  élevés  hors  de  l'œil  de  Rà  »,  iïj  I  % 


S-    — *—  0      I 

/wvw\ 


a  ©  1 1 1 1  JÏ     I     -A     <=>  I fl  I    I    I 

.  C'est  faute  de  s'être  souvenus  de  cette  explication  d'une  partie 

de  la  création  que  les  égyptologues  qui  ont  voulu  tirer  quelques 
déductions  du  tableau  dit  des  quatre  races  au  tombeau  de  Séti  Ier 
se  sont  trompés.  M.  de  Rougé,  entre  autres,  fait  naître  les  Égyptiens 

BlBL.   ÉGYPT.,    T.   XXXIV.  ** 


XVIII  NOTICE    BIOGRAPHIQUE 

du  soleil  même  par  une  sorte  d'excellence,  tandis  que  la  race  asia- 
tique serait  seulement  sortie  de  Sekhet.  Le  texte  est  beaucoup  plus 

simple  ^__^  (  (  |  ^^J^i] 


ra       r\  r\  -<s>-  /$\       <^    <o  "czz>  g       s  /wwv\ 

AAAAAA    'C___> 
O     O  5^^ »      '      '       '  _(_r\J*    I     I    ô— — '        -I  _l         Oi    r    J  AA/VW\      I      I      I     g  > 

2±rîli .  vous,  vous  a  pleures  ma  khut,  sous  vos  noms  (Ou  dans  cas 
111 

personnes)  d'hommes,  et  il  n'y  a  ici  qu'un  retour  à  l'idée,  proba- 
blement familière  aux  Égyptiens,  de  la  création  des  hommes  par 
l'œil  d'Horus  ou  du  Soleil.  Khut,  comme  Sekhet,  est  un  des  noms 

de  cet  œil,  comme  le  montre  le  chapitre  140,  4  :  (I 

9,  <*>  H I 1  <TN,    A  1 


.ft 


□  ' 


n@ 


.    Quant    aux    larmes  fécondes    de 


I 

l'ut'a,  on  en  trouve  plusieurs  exemples  au  papyrus  magique  tra- 
duit par  M.  Birch  dans  la  Reçue  archéologique 

A  la  lin  de  l'année  1871,  on  fit  espérer  à  Lefébnre  qu'il 
pourrait  bientôt  être  nommé  à  Paris.  Ce  fut  en  etîet  de 
Paris,  191,  boulevard  Malesherbes,  qu'il  écrivit  à  Chabas 
le  18  juin  1872  : 

vous  me  faites  espérer  votre  arrivée  à  Paris,  où  vous  me 

trouverez  installé.  J'aurais  dû  vous  l'écrire;  mais  je  voulais,  en 
me  remettant  au  travail,  vous  demander  votre  avis  sur  quelques 
points,  et  malheureusement  j'ai  été  jusqu'à  ce  jour  empêché  de 
faire  quoi  que  ce  soit  par  mon  unique  collègue,  qui  s'est  avisé, 
dès  mon  arrivée,  de  prendre  un  congé  illimité.  J'avais  obtenu 
d'être  nommé  à  un  bureau  de  nouvelle  création,  qui  est  beaucoup 
moins  chargé  que  les  autres,  et  où  je  prévoyais  beaucoup  de  loisir. 
Il  n'en  ;i  pas  été  ainsi  jusqu'à  ce  jour;  mais  mon  collègue  absent 
sera  remplacé  ;'i  la  fin  de  ce  mois,  et  je  reprendrai  l'égyptien  avec 
d'autant  plus  d'ardeur  que  j'en  ai  été  plus  longtemps  éloigné. 

J'ai  pu  assister  un»!  l'ois  ou  deux  au  cours  du  Collège  de  France, 
el  j<'  suis  resté  en  relations  avec  M.  Guieysse.  qui  travaille  très 
consciencieusement,  et  qui  copie  en  ce  moment  au  Louvre  le 
curieux  manuscrit  des  choses  du  ciel  inférieur.  Je  lui  ai  emprunté 
les  textes  du  mi/thc  d'Horus  de  M.  Naville,  et  j'en  ai  copié  la 
moitié  dans  mes  rares  heures  inoccupées.  J'y  ai  trouvé  peu  d'allu- 
sions aux  symboles  primitifs,  et  j'aurais  préféré  de  beaucoup  une 
composition  plus  ancienne,  car  je  voulais  l'étudier  pour  le  com- 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  XIX 

parer  avec  les  conclusions  que  j'ai  tirées  de  mon  étude  sur  les 
chapitres  112  et  113  du  Rituel.  La  première  page,  cependant,  con- 
tient un  texte  curieux',  qui  me  semble  éclairer  certaines  locutions 
plus  concises 

Lefébure  ajoutait  qu'il  avait  vu  deux  fois  M.  Pierret,  en 
allant  au  Louvre  étudier  le  chapitre  des  pêcheurs.  Mais 
depuis  son  arrivée  à  Paris,  il  n'avait  eu  de  relations  suivies 
qu'avec  M.  Guieysse;  il  demandait  aussi  à  Chabas  l'adresse 
de  M.  de  Horrack.  Il  savait  l'adresse  de  M.  Maspero,  qui 
demeurait  alors  très  près  de  lui;  mais  il  s'abstint,  dit-il,  de 
l'aller  voir,  se  croyant  tenu  à  une  certaine  réserve5. 

1.  PI.  I,  1.3-6. 
"  2.  La  correspondance  de  Lefébure  à  cette  époque  ne  fait  pas  connaître 
avec  précision  les  causes  de  ce  sentiment  de  réserve.  Peut-être  Lefé- 
bure, très  dévoué  à  Chabas,  craignait-il  de  trouver  chez  M.  Maspero 
des  idées  un  peu  différentes  des  siennes,  d'autant  plus  que  Chabas  lui- 
même,  dans  une  lettre  à  Lefébure  du  7  janvier  1869,  supposait  que 
M.  Maspero  avait  dû  être  prévenu  contre  lui  (cf.  Notice  biographique 
de  F.-J.  Chabas,  p.  xci,  note  3).  D'ailleurs  Lefébure  avait  conscience  de 
sa  très  grande  valeur  égyptologique  ;  peut-être  éprouvait-il  un  peu  de 
malaise  à  voir  l'avenir  ouvert  à  M.  Maspero  dans  l'enseignement  de 
l'égyptien,  tandis  que  lui-même,  pour  gagner  sa  vie,  devait  donner  à 
son  service  postal  la  meilleure  part  de  son  temps,  au  détriment  de  ses 
études. 

M.  Maspero  avait  bien  remarqué  cette  réserve,  et  cherché  à  s'en  ex- 
pliquer la  cause.  «  En  1872  ou  1873,  dit-il,  au  moment  où  je  demeurais 
place  Wagram,  puis  rue  Jouffroy,  j'eus  un  jour  l'occasion  d'aller 
affranchir  moi-même,  au  bureau  de  poste  qui  avait  été  établi  récem- 
ment vers  l'espèce  de  carrefour  formé  par  la  rencontre  des  rues  Ampère 
et  Jouffroy  avec  le  boulevard  Malesherbes,  des  brochures  que  j'avais  à 
expédier  à  l'étranger.  L'employé  qui  les  reçut  se  fît  connaître  comme 
étant  Lefébure :  à  partir  de  ce  moment,  chaque  fois  que  je  me  pré- 
sentai au  bureau,  j'essayai  de  lui  parler,  mais  je  ne  tardai  pas  â  rn 'aper- 
cevoir que  cela  le  gênait ,  il  avait  déjà  un  peu  de  cette  répugnance 

au  monde  qui  caractérisa  sa  vieillesse.  Je  n'insistai  donc  pas,  et  d'ailleurs 
à  la  fin  de  1874  je  quittai  la  rue  Jouffroy  pour  aller  demeurer  64,  boule- 
vard Saint-Germain  ;  ces  relations  superficielles  furent  interrompues 
du  coup.  »  (Lettre  de  M.  Maspero  à  Ph.  Virey,  du  6  février  1910.) 


XX  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

Il  continuait  ses  études  sur  le  Mythe  osirien,  autant  que 
ses  occupations  le  lui  permettaient,  et  de  temps  en  temps 
soumettait  à  Chabas  les  résultats  de  ses  recherches',  mais 
en  s'excusant  toujours  de  s'adonner  ainsi  aux  études  mytho- 
logiques : 

Je  m'empresse  de  vous  adresser  mes  remerciements  pour  la 
bienveillance  avec  laquelle  vous  appréciez  mon  mémoire  :  rien  ne 
peut  m'ètre  plus  agréable  que  de  savoir  qu'il  ne  vous  a  pas  déplu, 
malgré  votre  prévention  contre  les  recherches  mythologiques.  Je 
tiens  à  vous  dire,  à  ce  sujet,  que  je  n'ai  pas  jeté  l'ancre  aussi  pro- 
fondément que  vous  pourriez  le  croire  dans  cet  océan  :  j'avais 

entre  les  mains  des  textes  exclusivement  mythologiques  ;  je  les 
ai  étudiés  faute  de  mieux,  et  je  me  débarrasse  maintenant  des 
réflexions  qu'ils  m'ont  fait  faire 

je  vous  enverrai  la  deuxième  partie  de  mon  travail  inces- 
samment ;  cette  partie  comprend  mes  remarques  sur  Osiris,  et  une 

conclusion  que  je  crois  curieuse Je  l'aurais  terminée  depuis 

longtemps,  sans  un  maudit  coup  d'air  que  j'ai  gagné  auprès  du 
sarcophage  de  T'a-ho*,  et  qui  m'a  donné  une  fièvre  qui  ne  m'a 
pas  quitté  depuis  quinze  jours.  Joignez  à  cela  les  nécessités  de  mon 
métier 

Me  ferez-vous  l'honneur  d'accepter  quelque  étude  de  moi  pour 
votre  série  de  Mélanges?  J'aurais  voulu  vous  présenter  mes 
recherches  sur  Isis  et  Osiris,  mait  elles  sont  liées  si  intimement  à 
la  conception  de  mon  livre,  que  je  ne  pourrais  les  en  séparer  sans 
dommage.  Je  ne  puis  pas  vous  offrir  davantage  des  recherches  sur 
les  dieux  portes  ou  portiers,  car  je  les  retranche  de  mon  mémoire 
comme  trop  conjecturales.  Une  étude  sur  le  per  m  hru  convien- 
drait peut-être  mieux,  mais  ce  que  je  voudrais  dire  sur  ce  sujet 
n'est  pas  écrit.  Je  n'ai  de  complètement  achevé  maintenant  que 
quelques  pages  sur  l'art  égyptien,  qui,  avec  un  titre  modeste 
comme  Un  moi  sur  l'art  égyptien  ou  Idée  il-  l'art  égyptien^  ne 
seraient  peut-être  pas  déplacées  dans  un  recueil  de  recherches  sur 
la  v  ie  ordinaire  ou  intime.  Je  vous  les  envoie  à  tout  hasard  ;  mais 

1.  Lettres  à  Cli;ib:is,  du  l.*>  novembre  et  du  2  décembre  1872. 

2.  Au  Musée  égyptien  du  Louvre. 


NOTICE    BIOGRAPHIQUE  XXI 

je  crains  que  vous  ne  trouviez  trop  sévère  mon  appréciation,  car 
j'admire  peu  les  artistes  pharaoniques. 

Je  tiens  à  dire  dans  la  deuxième  partie  de  mon  livre  que  c'est 
vous  qui  avez  le  plus  fait  pour  l'étude  de  la  mythologie,  par  l'im- 
portance des  documents  que  vous  avez  publiés,  et  la  précision  avec 
laquelle  vous  les  avez  traduits.  Une  seule  pièce  me  manque  pour 
juger  complètement  votre  travail  en  ce  sens  :  c'est  Y  Hymne  à  Osi- 
ris, que  je  ne  puis  trouver  que  chez  M.  Guieysse,  qui  est  absent, 
et  dont  j'attends  le  retour  avec  impatience1 

Chabas  indiqua  à  Lefébure  dans  quel  volume  de  la  Reçue 
archéologique  il  avait  publié  son  Hymne  à  Osiris  et  le  re- 
commanda à  M.  Zotenberg,  pour  qu'il  lui  fût  permis  d'obte- 
nir à  la  Bibliothèque  nationale  un  estampage  du  texte.  Lefé- 
bure le  remercia  le  13  décembre  1872  : 

Je  vous  remercie  infiniment  d'avoir  pensé  à  moi,  car  jusqu'ici 
je  n'avais  pu  me  procurer  votre  Hymne  à  Osiris,  que  j'ai  demandé 
à  tous  les  libraires  :  je  l'aurai  facilement  dans  les  bibliothèques 
publiques,  sachant  la  date  à  laquelle  il  a  paru  dans  la  Revue 
archéologique.  J'en  copierai  le  texte  qui  est  très  intéressant,  sans 
recourir  à  l'estampage:  mais  je  ne  vous  en  suis  pas  moins  recon- 
naissant de  la  recommandation  que  vous  me  donnez  pour  M.  Zoten- 
berg. Il  y  a  longtemps  que  je  désire  prendre  connaissance  des 
Notices  manuscrites  de  Champollion,et  je  pourrai  le  faire  mainte- 
nant grâce  à  lui,  et  par  conséquent  grâce  à  vous.  J'avais  demandé, 
étant  à  Saint-Germain,  une  carte  d'entrée  à  la  Bibliothèque  natio- 
nale; mais  on  s'est  borné  à  me  répondre  de  passer  au  secrétariat, 
et  là  un  imbécile  d'employé  m'a  fait  toutes  sortes  d'objections, 
tirées  de  ma  qualité  de  commis  des  postes  et  de  mon  éloignement 
de  Paris,  si  bien  que,  congédié  sans  avoir  de  carte,  je  n'ai  pas  fait 
de  nouvelle  tentative. 

J'ai  lu  la  traduction  dont  vous  me  parlez  dans  la  Bibliothèque 
internationale;  mais  ce  dont  j'ai  besoin,  c'est  surtout  du  résumé 
très  intéressant  que  vous  avez  fait  des  textes  classiques  se  rappor- 
tant  à   Osiris.    Comme    j'étudie   spécialement   ce  dieu   dans   la 

1.  Lettre  de  Lefébure  à  Chabas,  du  2  décembre  1872. 


XXII  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

deuxième  partie  de  mon  mémoire,  j'espère  trouver  dans  le  vôtre 
bon  nombre  de  renseignements  qui  me  seront  d'un  grand  secours, 
car  l'antique  momie  osiriaque  est  singulièrement  difficile  à  dérou- 
ler. Je  ne  désespère  pas  néanmoins  d'en  venir  à  bout,  et  je  crois 
que  la  mythologie  égyptienne,  qui  est  une  mythologie  comme  une 
autre,  ne  doit  pas  être  plus  inexplicable  que  les  autres,  au  moins 
dans  ses  grandes  lignes 

Le  18  janvier  1873,  Lefébure  adressait  à  Chabas  la  dernière 
partie  de  son  Mythe  osirien,  «  celle  »,  écrivait-il,  «  qui  traite 
d'Osiris  ».  Il  ajoutait  : 

Je  comptais  vous  l'envoyer  pour  le  15,  mais  je  l'ai  communiquée 
à  M.  Guieysse,  et  ne  l'ai  entre  les  mains  que  depuis  hier  soir. 
Puisque  vous  voulez  bien  la  lire,  je  vous  serai  obligé  de  me  faire 
part  des  points  qui  vous  sembleront  douteux  ou  faibles.  Il  n'en 
manque  certainement  pas,  le  sujet  étant  à  peu  près  neuf,  et  le 
mémoire  assez  long 

Je  n'ai  pas  encore  reçu  de  M.  Guieysse,  qui  me  le  communi- 
quera. Y  Hymne  à  Osiris,  une  des  pièces  les  plus  importantes  à 
consulter  pour  mon  travail.  Il  m'amènera  certainement  à  des 
retouches 

Lefébure  faisait  savoir  à  Chabas  que  M.  Zotenberg  l'avait 
parfaitement  reçu,  et  le  remerciait  de  la  recommandation 
à  laquelle  il  était  redevable  de  ce  bon  accueil.  Il  lui  de- 
mandait encore  s'il  conviendrait  de  lire  Le  Mythe  osirien  à 
l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres.  Chabas  lui 
offrit  alors  une  lettre  d'introduction  auprès  de  Maury'. 
Lefébure  répondit  le  24  janvier  1873  : 

Je  vous  remercie  du  temps  que  vous  avez  bien  voulu  consacrer 

1.  Lefébure  «accepta  la  Ici  lie  d'introduction  auprès  de  Maury  (lettres 
de  Lefébure  à  Chabas,  du  24  janvier  et  du  20  mars  1873).  Il  lut  reçu 
par  M;ihi'\  (lettre de  Lefébure  à  Chabas,  du  11  avril  1<S7:{);  mais  celui- 
ci  déclina  s;i  compétence  pour  apprécier  Le  Mythe  osirien,  cl  conseilla 
à  Lefébure  de  soumettre  son  mémoire  au  jugement  de  M.  Pierrot  (lettre 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  XXIII 

à  mon  mémoire, et  de  votre  bienveillance  à  l'apprécier.  J'y 

ferai  quelques  retouches, et  je  le  soumettrai,  lorsqu'il  sera 

remis  au  net,  à  M.  Maury,  comme  vous  me  le  conseillez.  J'accepte 
très  volontiers  la  lettre  d'introduction  que  vous  m'offrez.  Ma  meil- 
leure recommandation  auprès  de  M.  Maury  sera  d'être  votre  élève, 
si  vous  voulez  bien  me  donner  ce  titre 

Je  n'ai  eu  de  détails  sur  la  mort  de  M.  de  Rougé  que  par 
M.  Pierret.  Il  était  depuis  longtemps  souffrant,  et  son  voyage  en 
Egypte,  pendant  lequel  il  aurait  beaucoup  trop  travaillé,  lui  a  été 

fatal,  et  a  préparé  la  paralysie  du  cerveau  qui  l'a  emporté Le 

second  fascicule  de  la  Revue  qu'il  dirigeait  contiendra  une  notice 
nécrologique  par  M.  de  Saulcy.  La  mienne,  qui  aurait  été  beau- 
coup plus  courte,  a  failli  être  mise  à  l'ordre  du  jour  mercredi 
dernier.  En  sortant  du  Louvre,  et  en  plein  trottoir,  j'ai  reçu  le 

choc  d'une  voiture  trainée  par  un  cheval  emporté je  me  suis 

relevé  sans  grand  mal 

Cela  ne  m'empêchera  pas  de  vous  envoyer  de  nouveaux  textes 
de  la  rubrique  du  chapitre  64,  si  ceux  que  je  vous  ai  copiés  sont 
insuffisants,  comme  je  le  crains.  Les  trois  premiers  (de  Rougé, 
3091  et  5450)  ont  été  pris  par  moi  sur  les  papyrus.  Les  cinq  autres 
viennent  d'un  travail  de  M.  Devéria  sur  le  même  sujet,  qui  m'a 
été  communiqué  par  M.  Pierret.  Le  papyrus  de  Ptahmès  est  écrit 
en  colonnes 

Lefébure  s'était  décidé  à  rédiger  un  mémoire  sur  le  per 
m  hru,  pour  sa  contribution  a  la  troisième  série  des  Mé- 
langes de  Chabas'.  Le  20  mars  1873,  il  adressait  à  son 
maître  le  manuscrit  de  ce  mémoire,  en  lui  demandant  un 
tirage  à  part  ;  il  lui  écrivait  en  même  temps  : 

Je  vois  de  temps  en  temps  M.  Zotenberg  à  la  Bibliothèque,  où 

de  Lefébure  à  Chabas,  du  15  avril  1873).  Le  mémoire  fut  pourtant  re- 
tenu pour  être  lu  à  l'Académie.  Mais  la  lecture  ne  lut  jamais  faite. 
Lefébure  écrivit   à  Chabas,  le  17  mai  1873  :  «  J'ai   assisté  à  quelques 

séances  de  l'Institut  sans  avoir  pu  lire  encore  mon  mémoire »  ;  et  le 

24  juillet  1873,  il  annonçait  qu'il  y  avait  définitivement  renoncé,  son 
tour  se  faisant  trop  longtemps  attendre. 

1.  Lettre  de  Lefébure  à  Chabas,  du  6  mars  1873. 


XXIV  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

j'étudie  les  Notices  manuscrites  de  Champollion.  M.  Guieysse  se 
propose  de  publier  le  manuscrit  du  ciel  inférieur,  et  je  lui  donnerai 
peut-être  un  coup  de  main  ;  puis  je  me  mettrai  à  l'étude  des  papy- 
rus, que  j'ai  trop  longtemps  négligés,  forcément,  du  reste,  mais 
que  mon  séjour  à  Paris  me  met  à  même  de  consulter  maintenant  à 
la  conservation  du  Louvre 

Il  reçut  au  mois  de  mai  la  visite  de  M.  Rhône,  que  Chabas 
lui  avait  adressé.  En  rendant  compte  à  son  maître  de  cette 
visite,  il  lui  soumettait  de  nouvelles  observations  mytholo- 
giques1 : 

J'aurai  bientôt  recours,  je  le  crains,  à  votre  bienveillance, 

pour  élucider  un  texte  qui  me  parait  important,  en  ce  qu'il  précise 
la  doctrine  qui  fait  de  Râ  l'ùme  et  d'Osiris  le  corps  d'un  même 
dieu.  Je  crois  être  le  premier  à  signaler  cette  théorie,  et  je  tiens  à 
l'éclaircir.  Le  texte,  que  je  voudrais  étudier  et  publier  dans  le 
Journal  de  Pierret,  ouvre  le  bel  exemplaire  sans  nom  du  Rituel 
qui  est  au  Musée  du  Louvre.  Je  vous  en  adresserai  une  copie  avec 
une  traduction,  et  vous  demanderai  si  vous  n'en  connaissez  pas 
d'autres  semblables.  Je  ne  serais  pas  étonné  qu'il  fût  identique  à 
l'adoration  de  Râ  dans  l'Amenti,  par  laquelle  débutent  les  textes 
des  hypogées  royaux 

Il  revint  sur  ce  sujet,  dans  une  lettre  du  26  juin  1873  : 

Je  vais  prendre  à  partir  du  15  juillet  un  congé  de  quinze 

jours  :  j'en  profiterai  pour  faire  une  courte  étude  sur  un  texte  iné- 
dit, sorte  d'hymne  sur  la  réunion  du  soleil  couchant  à  Osiris,  dans 
le  inonde  souterrain.  Le  dédoublement  de  la  personne  divine  en 
deux  personnages,  dont  l'un  est  l'âme,  et  l'autre  le  corps,  me  semble 
bon  à  mettre  en  relief.  Les  textes  y  font  des  allusions  sans  nom- 
bre 

An  mois  de  juillet  1873,  Mariette  passait  par  Paris,  se 

1.  Lettre  de  Lefébure  à  Chabas,  du  L7mai  1873.  Lefébure  écrivit  aussi 
à  Chabas  le  22et  h;  2-\  juin  187:5,  puni-  lui  envoyer  plusieurs  dessins  de 
barques  représentées  au  Musée  Campana. 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  XXV 

rendant  à  Boulogne-sur-Mer.  Lefébure  pensa  à  se  présenter 
à  lui,  et  à  lui  demander  de  l'emmener  en  Egypte1.  Il  voulait, 
pour  lui  permettre  d'apprécier  ses  aptitudes  égyptologiques, 
lui  faire  lire  son  travail  sur  le  Mythe  d'Osiris.  N'ayant  pas 
réussi  à  rencontrer  Mariette  avant  son  départ  pour  Boulogne, 
il  lui  écrivit.  Mariette,  déjà  renseigné  sur  sa  valeur  scienti- 
fique, lui  répondit  de  ne  pas  lui  envoyer  son  mémoire.  Mais 
il  lui  demanda  un  article  pour  son  Recueil,  et  Lefébure  se 
mit  à  préparer  une  dissertation  sur  une  cérémonie  men- 
tionnée dans  les  Textes  du  Mythe  d' H  or  us,  publiés  par 
M.  Naville.  Il  voulut,  comme  d'habitude,  soumettre  à  Cha- 
bas  son  interprétation  de  cette  cérémonie,  et  lui  écrivit  le 
19  septembre  1873  : 

Si  j'ai  rencontré  juste,  j'aurai  fait  une  curieuse  trouvaille, 

celle  de  l'origine  d'une  fête  qui  se  célèbre  encore  en  Egypte  au 
solstice  d'été,  et  qui  s'appelle  la  nuit  de  la  goutte.  Voulez-vous  me 
permettre  de  vous  demander  votre  avis  sur  les  deux  ou  trois  points 
principaux  de  mon  argumentation,  au  point  de  vue  de  l'interpré- 
tation des  textes? 

Lefébure  citait  alors  le  passage  des  Textes  du  Mythe 
d' H  or  us  qui  se  trouve  à  la  planche  XIII,  1.  2  et  3\  qu'il 
proposait  de  traduire  ainsi  : 

Har-hut  vint,  au  corps :l  multicolore,  en  grand  disque  ailé,  sur 
la  barque  de  Râ-har-khuti.  Thoth  dit  à  Râ,  maître  des   dieux 


1 .  Lettre  de  Lefébure  àChabas,  du  24  juillet  1873.  Lefébure  demandait 
l'avis  de  Chabas.  Mais  soit  qu'il  ait  renoncé  à  son  désir,  soit  que 
Mariette  n'ait  pu  lui  donner  satisfaction,  il  ne  fut  plus  question  de  ce 
projet  dans  les  lettres  suivantes. 

2  C'est  au  début  de  la  campagne  des  dieux,  l'an  363  du  règne  d'Har- 
khuti,  pi.  XII. 

3.  ^^.  Ce  mot,  qu'on  lit  aujourd'hui  âkhem,  était  lu  shenebt  par 
Lefébure.  Chabas  doutait  que  le  mot  français  corps  fût  la  traduction 
tout  à  fait  exacte  du  mot  égyptien. 


XXVI  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

d'Edfou  :  est  venu  au  corps'  le  grand  disque Râ  s'unit  avec 

son  corps  et  dit  à  Har-hut  :  tu  as  jeté  des  gouttes2  sur  l'eau  sortie 

de  lui  (  ()  ) ,  rendant  par  là  ton  âme  satisfaite.  On  l'appelle  le  maitre 
de  l'eau  d'IIar-hut,  qui  est  appelé  (  ,*<j  ]  le  maitre  du 

\    Jf>9     AAAAAA   V y    I 

corps  multicolore  depuis  ce  jour. 

Pour  montrer  qu'il  s'agissait  de  la  fête  de  la  goutte,  dont 
l'origine  était  rapportée  au  temps  des  dieux,  Lefébure  faisait 
des  comparaisons  avec  d'autres  passages  des  Textes  du 
Mythe  d'Horus,  pi.  XIX,  1.  8-11,  et  pi.  XX  et  XXI. 

Sollicité  de  donner  son  avis,  Chabas  s'empressa  de  faire 
connaître  ses  cloutes  ou  ses  objections,  que  son  disciple  dis- 
cuta longuement,  dans  une  lettre  écrite  le  23  septembre  1873. 
Il  revint  encore  plus  tard  sur  l'interprétation  du  mot 
(1  o ,  qu'il  compara  au  mot  -c2>-^K  0°o  du  papyrus  d'Or- 

biney  :. 

Mais  le  commencement  de  l'année  1871  ne  fut  pas  favo- 
rable à  ses  études  égyptologiques.  Le  9  juin  1874  il  écrivait 
à  Chabas  : 

J'ai  eu  peu  de  loisirs  au  commencement  de  cette  année.  Le 

collègue  que  j'avais  alors  s'étantfait  renvoyer,  j'ai  eu  aie  remplacer 
seul  pendant  longtemps.  Depuis  je  me  suis  remis  à  l'ouvrage,  et 
j'achève  en  ce  moment  mon  mémoire  sur  Osiris,  que  j'ai  refondu 

1.  "~W^  / S^y-  Chabas  lul   d'avis  que  czz  devail  signifier  non 

pas  i).  mais  hors  de,  ex;  ce  qui  amena  Lefébure  à  traduire  venir  du 
corps,  sortir  du  corps  ou  de  la  monde. 

2.  (I  o .  La  traduction  gouttes  parut  discutable  à  Chabas;  Lefé- 
bure lui  présenta  des  arguments  à  l'appui  de  cette  interprétation,  dans 
sa  letl  re  du  23  septembre  1873. 

:}.  Lettre  de  Lefébure  à  Chabas,  datée  du  bureau  de  poste   de  Paris- 

Batignolles  2%  31  décembre  1873  :  « (I  0°0esl  bien  un  fruit,  tou! 

en  étanl  l'équivalenl  de  la  goutte.  C'esl  l'-<2>-  v\  0°0  du  papyrus  d'Or- 
biney,dans  lequel  Baïta  mel  son  cœur » 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  XXVII 

et  très  augmenté,  après  avoir  fait  le  recensement  de  presque  tous 

les  textes  se  rapportant  à  ce  mythe 

J'ai  parcouru  ces  jours-ci  à  la  Bibliothèque  nationale  le 

Rituel  de  Sutimès  que  vous  m'aviez  signalé,  et  j'y  ai  trouvé  la  con- 
firmation décisive  d'une  de  vos  vues,  dans  le  groupe  *è\  <^\  i 
remplaçant  ~"A~,r ,  que  vous  avez  lu  ati  et  non  anti.  J'ai  vu  un  ins- 
tant ces  jours-ci  M.  de  Horrack  à  la  Bibliothèque-  M.  Guieysse, 
depuis  son  mariage  et  sa  nouvelle  position  de  répétiteur  à  l'École 
polytechnique,  est  fort  occupé.  M.  Rhône,  qui  vous  avait  demandé 
autrefois  quelques  renseignements  pour  une  relation  de  voyage, 
paraît  s'adonner  à  l'égyptologie.  J'ai  eu.  l'an  passé,  quelques  rap- 
ports avec  M.  Grébaut,  un  élève  de  M.  Maspero,  qui  avait  fait  un 
article  dans  la  Bévue  archéologique,  mais  il  a  depuis  disparu  de 
la  scène,  et  je  ne  sais  ce  qu'il  est  devenu 

La  première  partie  du  travail  sur  le  Mythe  osr'rien,  dont 
la  lettre  du  9  juin  1874  annonçait  l'achèvement,  parut  en 
effet  en  1874  :  la  seconde  partie,  l'année  suivante.  Cette  se- 
conde partie  fut  envoyée  à  Chabas  le  25  mars  1875.  Un  peu 
plus  tard  Lefébure  écrivait  à  son  maître,  le  21  mai  1875  : 

Je  ne  fais  plus  grand  chose  depuis  quelque  temps;  j'ai  dé- 
ménagé pour  venir  habiter  dans  la  maison  de  M.  Zotenberg,  et 
j'ai  de  la  peine  à  me  remettre  au  travail.  Je  compte  commencer 
avec  M.  Guieysse,  en  juillet,  la  publication  en  fac-similé  du  Rituel 
de  Sutimès,  qui  sera  édité  par  Leroux. 

Je  ne  suis  pas  du  tout  au  courant  des  publications  nouvelles.  Je 
ne  sais  si  M.  Pierret  a  fait  paraître  son  Dictionnaire  d'Archéolo- 
gie égyptienne;  c'est  un  ouvrage  pour  les  gens  du  monde  :  il  a  en- 
trepris d'un  autre  côté  un  dictionnaire  égyptien  tenant  le  milieu 
entre  celui  de  Brugsch  et  le  vocabulaire  de  Birch.  M.  Grébaut  a 
édité  la  première  partie  d'un  énorme  travail  qui  aura  plus  de  mille 

pages M.  Maspero  fait  une  histoire  ancienne  de  l'Orient,  dans 

le  genre  de  celle  qu'a  publiée  F.  Lenormant 

J'ai  envoyé  à  M.  Birch  un  article  pour  le  Recueil  de  la  Société 
d'Archéologie  biblique  :  je  ne  sais  s'il  a  paru,  mais  j'en  ai  corrigé 
les  épreuves  il  y  a  plus  d'un  mois.  C'est  la  traduction  de  tous  les 


XXVIII  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

textes  du  pylône  infernal  contenant  le  tableau  des  quatre  races  au 
sarcophage  de  Séti  Ier  :  je  fais  remarquer  qu'il  y  a  là  une  confir- 
mation de  vos  idées  sur  le  jugement  dernier,  avec  les  justes  à  droite 
et  les  méchants  à  gauche,  etc Je  donne  une  interprétation  nou- 
velle du  texte  relatif  aux  quatre  races  humaines 

Lefébure  eut  alors  un  moment  l'espoir  d'obtenir  une 
situation  qui  lui  permettrait  de  consacrer  tout  son  temps  à 
l'égyptologie.  Il  rit  connaître  ses  espérances  à  Chabas,  dans 
une  lettre  du  27  mai  1875  : 

Je  viens  de  recevoir,  avec  un  volume  de  M.  Lieblein,  votre  très 
intéressant  mémoire  sur  les  bâtons  de  main. Vous  avez  très  bien  vu 
l'emploi  qu'on  devait  faire  des  baguettes  magiques,  et  je  crois  que 
ces  objets  sont  désignés,  au  sarcophage  de  Séti  Ier,  par  les  * — °  "f 
**"- "^  '  que  portent,  en  les  courbant  en  arc  avec  les  deux  mains,  cer- 
tains personnages  qui  charment  Apap  (  |[Jv\    i  ).  Au  tombeau 

Va        _û^  I  /      / c^^\(à 

du  même  roi,  d'autres  demi-dieux  frappent  avec  des  ~  v\ 

i  un  serpent  mythologique  qui  a  avalé  des  têtes  qu'on  veut  faire 

sortir.  Je  cite  de  mémoire,  mais  je  suis  sûr  de  la  prononciation. 

M.  Pierret m'a  offert,  sur  la  recommandation  de  M.  Zoten- 

berg,  et,  je  crois,  aussi  de  Mme  de  Ilorrack,  la  place  de  conserva- 
teur-adjoint au  Musée  du  Louvre.  On  devait  créer  un  conservateur 
au  commencement  de  l'année,  et  la  place  de  conservateur-adjoint 
eût  été  vacante.  Le  manque  de  fonds  a  fait  échouer  pour  cette  fois 
la  combinaison,  qui  reviendra  sur  l'eau  l'année  prochaine.  Je  ne 
vous  parle  de  ceci  qu'en  secret,  parce  que  M.  Pierret  m'avait  re- 
commandé de  ne  rien  en  dire,  mais  vous  le  savez  déjà,  puisqu'au 

jour  de  l'an  vous  m'avez  mis  en  garde  contre  l'espoir  du  succès 

M.  Guieysse  a  fait  une  étude  très  complète,  au  point  de  vue 
delà  comparaison  des  textes,  sur  le  chapitre  64  du  Rituel,  et  il 
se  propose  de  la  publier.  Nous  commencerons  le  Sutimès  en 
juillet.  Je  n'oublie  pas  que  c'est  vous  qui  m'avez  donné  l'idée  de 
l'éditer.  La  mère  de  M.  Guieysse  a  été  très  souffrante.  ...  Pour  lui, 

1  Ce  signe  ne  rend  qu'imparfaitement  la  l'orine  indiquée  par  Le- 
fébure. 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  XXIX 

il  est  en  voie  de  prospérité,  et  sur  le  point  de  devenir  père  une 
troisième  fois.  Je  ne  connais  pas  par  expérience,  comme  lui  et 
comme  vous,  les  agréments  et  les  désagréments  attachés  à  l'état  de 
père  de  famille  ;  aussi  ai-je  été  bien  tenté,  dans  ces  derniers  temps, 
de  me  mettre  sous  le  joug.  A  mon  âge  on  y  regarde  deux  fois,  mais 
je  ne  suis  cependant  pas  encore  hors  de  danger1 

Chabas  avertit  alors  Lefébure  de  sa  propre  candidature 
au  poste  de  conservateur  du  Musée  égyptien2.  Lefébure  lui 
répondit  le  3  juin  1875  : 

Vous  pouvez  compter  sur  ma  discrétion  au  sujet  de  votre  de- 
mande, qui  du  reste  ne  peut  manquer  de  réussir.  J'ai  fait  autrefois 
une  visite  à  M.  Reiset  pour  poser  ma  candidature  au  poste  d'atta- 
ché à  la  conservation,  en  cas  de  vacance,  et  M.  Reiset  m'a  dit  dans 
le  cours  de  la  conversation  que  la  place  de  conservateur  reviendrait 
de  droit  à  M.  Pierret,  à  moins  qu'une  candidature  hors  ligne  ne 
s'imposât.  Il  faisait  certainement  allusion  à  la  vôtre,  dont  le  se- 
cret me  parait  avoir  été  bien  gardé,  car  je  ne  sais  pas  si  M.  Pier- 
ret s'en  doute Les  fonds  ont  manqué  pour  remplacer  M.  De- 

véria;  mais  M.  Reiset  tient  à  ce  que  la  place  ne  demeure  pas 
vacante,  et  je  vois  par  les  journaux  qu'il  a  envoyé  aux  députés  une 
sorte  de  pétition  exposant  l'insuffisance  des  différents  services  du 
Louvre3 

1.  Lefébure  se  maria  en  effet  peu  de  temps  après;  dans  une  de  ses 
lettres  à  Chabas,  datée  du  21  juin  1876,  il  est  question  de  la  santé  de 
Mffi°  Lefébure. 

2.  Voir  la  Notice  biographique  de  François-Joseph  Chabas,  dans  la 
Bibliothèque  égyptologique,  t.  IX,  p.  cxxx,  note  1.  J'avais  indiqué 
que  la  demande  de  Chabas  datait  du  mois  de  juin  1875  ;  la  lettre  écrite 
par  Lefébure  le  3  juin  1875  fait  voir  que  cette  demande  était  un  peu 
plus  ancienne. 

3.  Lefébure  écrivait  encore  à  Chabas  le  10  juin  1875  :  «  J'ai  eu  avant- 
hier  quelques  nouvelles  de  la  conservation  du  Louvre,  par  M.  Zoten- 
berg,  qui  ne  m'a  pas  défendu  d'en  parle:'  :  c'est  pourquoi  je  vous  les 
transmets.  M.  Pierret  a  été  prévenu  par  M.  Reiset  que  sa  candidature 
à  la  place  de  conservateur  rencontrait  deux  obstacles,  l'un  consistant 
dans  une  candidature  plus  sérieuse  que  la  sienne,  l'autre  dans  la  fusion 


XXX  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

Lefébure  renonçait  donc  à  l'espoir  d'être  nommé  au  Musée 
du  Louvre.  Il  obtint  cependant  à  la  fin  de  l'année  1875  une 
petite  faveur  officielle  ;  le  Ministre  de  l'Instruction  publique 
lui  fit  don  d'un  exemplaire  des  Notices  de  Champollion1.  La 
Société  d'Archéologie  biblique  de  Londres  le  nomma  mem- 
bre honoraire5.  Il  voulut  justifier  cette  nomination,  et  nous 
voyons  que,  dès  L'année  suivante,  il  pensait  à  son  mémoire 
sur  l'Adam  égyptien3.  On  sait  que  ce  mémoire  ne  parut 
qu'en  1887,  sous  le  titre  Le  Cliam  et  l'Adam  égyptiens11. 
Mais  Lefébure  étudiait  aussi  d'autres  sujets  capables  d'inté- 
resser la  Société  d'Archéologie  biblique.  Nous  en  trouvons 
l'indication  dans  une  lettre  à  Chabas,  du  29  juillet  1873,  où  il 
annonçait  à  son  maître  l'envoi  d'un  mémoire  sur  le  texte  de 
la  Destruction  des  hommes  publié  par  M.  Naville.  Il  termi- 
nait cette  lettre  par  une  demande  à  Chabas.  Il  avait  appris 
qu'il  était  question  de  créer  une  chaire  d'égyptologie  dans 
une  ville  de  province,  et  il  priait  son  maître  d'intervenir 
auprès  du  Ministre  de  l'Instruction  publique,  pour  lui  faire 
obtenir  cette  chaire  : 

M.  Zotenberg  m'engage  vivement  à  faire  auprès  de  vous 

une  démarche  dont  il  m'a  dit  vous  avoir  entretenu  lors  de  votre  se  - 
jour  à  Paris.  Le  Ministre  de  l'Instruction  publique  ayant  décidé  la 
création  de  trois  Universités,  à  Nancy,  Lyon  et  Bordeaux,  je  crois, 

possible  du  Musée  égyptien  avec  le  Musée  des  Antiques.  Dans  ce  dernier 
cas  la  place  de  conservateur  serait  sans  doute  supprimée  ;  mais  le  Musée 
égyptien  me  semble  trop  important  pour  qu'on  s'arrête  définitivement  à 
cette  mesure.  » 

1.  Lettre  de  Lefébure  à  Chabas,  du  31  décembre  1875. 

2.  Lettre  de  Lefébure  à  Chabas,  du  19  juillet  1875. 

3.  Lettre  de  Lefébure  à  Chabas,  du   21  juin  1876  :  «  Pourrai-je 

vous  soumettre  un  petit  mémoire  destiné  à  la  Société  d'Archéologie  bi- 
blique, et  ayant  rapport  à  une  représentation  qui  m'a  fait  l'intituler 
l'Adm»  égyptien  '  Je  crains  d'y  avoir  traité  les  mêmes  sujets  que  vous 
dans  vus  Hebrœo  œgyptiaca.  » 

4.  Transactions  of  the  Society   of  Biblical  Archœology,  vol.    IX, 
1"  partie,  1887. 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  XXXI 

il  serait  assurément  désirable  que  la  science  égyptologique,  née  en 
France  où  ellea  toujours  été  florissante,  y  fût  représentée  au  moins 
dans  une  ville,  lorsqu'elle  l'est  dans  cinq  au  moins  en  Allemagne. 
Nulle  voix  n'aurait  l'autorité  de  la  vôtre  pour  provoquer  l'établis- 
sement d'un  cours  d'égyptien,  et  une  lettre  de  vous  au  ministre, 
coïncidant  avec  d'autres  recommandations  dont  je  pourrai  peut- 
être  user,  suffirait  assurément  pour  me  faire  nommer,  clans  le  cas 
où  l'on  nommerait  quelqu'un 

Chabas,  après  l'insuccès  de  sa  récente  démarche  pour  se 
faire  nommer  conservateur  du  Musée  égyptien  du  Louvre, 
était  beaucoup  moins  convaincu  que  Lefébure  de  son  crédit 
auprès  du  ministre.  Il  répondit  donc,  le  13  août  1876,  qu'il 
ne  voulait  pas  s'exposer  à  un  nouvel  échec  et  n'interviendrait 
pas  officiellement,  mais  se  bornerait  à  signaler  publique- 
ment le  mérite  de  Lefébure.  C'est  à  son  mérite  en  effet, 
nous  le  verrons  tout  à  l'heure,  que  celui-ci  dut  d'être  plus 
tard  désigné  au  choix  du  ministre  par  M.  Maspero,  et 
chargé,  au  commencement  de  1879,  d'enseigner  l'égyptologie 
à  l'Université  de  Lyon.  Mais  le  refus  de  Chabas  d'interve- 
nir en  sa  faveur  dès  l'année  1876  lui  causa  une  déception, 
qu'il  m'exprimait  encore  avec  un  peu  d'amertume  bien  des 
années  plus  tard'.  Une   petite  compensation  lui   vint    de 

1.  Lettre  de  Lefébure  à  Ph.  Virey,  du  6  août  1905  :  «  J'ai  relu  ces 

jours  passés,  non  sans  mélancolie,  votre  livre sur  la  vie  de  Chabas, 

et  j'y  ai  retrouvé  par  petits  indices  une  partie  de  la  mienne,  déjà  bien 

éloignée  maintenant J'ai  été  disciple  de  ses  ouvrages  plutôt  que  de 

lui-même.  C'est  l'égyptologue  que  j'ai  le  moins  vu,  de  tous  ceux  que  j'ai 
vus,  n'ayant  jamais  eu  avec  lui  que  trois  entretiens  de  moins  d'une 
heure  chacun.  Bien  que  son  chef-d'œuvre  soit  le  Papyrus  magique 
Harris,  il  avait  pris  en  grippe  mon  genre  d'études,  et  je  me  trouvais  par 
là  bénéficier  d'une  attitude  toute  spéciale  de  sa  part,  une  sorte  de  neu- 
tralité hostile.  Zotenberg  lui  ayant  demandé  un  jour,  non  sans  quelque 
malice  peut-être,  de  s'intéresser  à  moi,  il  se  fâcha,  et  jura  ses  grands 
dieux  qu'il  n'en  ferait  rien,  en  arguant  de  mes  insanités  sur  les  Yeux 
d'Horus.  Voilà  à  quoi  avait  abouti  pour  moi  l'amitié  de  Chabas,  et 
encore  j'aurais  mauvaise  grâce  à  m'en  plaindre,  car  j'ai  trouvé  bien  pis 


XXXII  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

l'administration  des  Postes.  Il  obtint  de  l'avancement,  et 
fut  nommé  receveur  à  Lille'.  C'est  de  là  qu'il  écrivait 
à  Chabas  le  27  mai  1877 ■  : 

L'égyptologie  est  comme  la  gloire,  qui  vend  tr*ès  cher  les 

plaisirs  qu'elle  donne,  et  c'est  ce  qui  la  perdra  chez  nous,  main- 
tenant que  les  hiéroglyphes  n'ont  plus  l'attrait  de  la  nouveauté. 
Les  gens  qui  peuvent  se  donner  quelque  luxe  ne  choisiront  pas 
celui-là. 

Je  ne  me  plains  pourtant  pas  trop  pour  mon  compte  :  il  y  a  ici  à 
la  Bibliothèque  quelques  recueils  de  textes  que  je  pourrai  facile- 
ment, je  pense,  emporter  chez  moi.  J'ai  en  outre  plus  de  loisirs  et 
de  tranquillité  qu'auparavant,  un  coin  de  jardin  avec  du  soleil,  et 
une  petite  maison  beaucoup  trop  grande  encore,  puisqu'elle  n'est 
pas  pleine  de  livres  égyptiens. 

J'ai  travaillé  un  peu  depuis  mon  installation,  et  j'ai  traduit  le 
papyrus  de  Sutimès,  que  M.  Guieysse  et  moi  publions.  J'ai  eu,  à 
l'occasion  du  chapitre  du  cœur,  à  examiner  l'idée  de  M.  Naville 

sur  le  V\  prohibitif,  et  je  crois  avoir  précisé  les  objections  que 
vous  lui  avez  déjà  faites,  en  remarquant  que  C\    gérondif  exige 

un  membre  de  phrase  correspondant  à  celui  où  il  figure  :  en  faisant 
telle  chose,  telle  autre  s'ensuit;  or  il  n'est  pas  possible  de  tourner 

ainsi  le  chapitre  du  cœur  et  plusieurs  autres  textes 

Je  pense  que  M.  Guieysse  vous  offrira  demain  un  exemplaire  du 

d'un  autre  côté.  D'ailleurs  a  mon  âge  les  choses  du  passé  affectent  de 
moins  en  moins  et  n'apparaissent  plus  qu'à  travers  un  nuage  :  il  faut 
s'occuper  du  grand  voyage.  » 

Lefébure  supposa  donc  qu'en  refusant  de  s'occuper  de  sa  demande, 
Chabas  avait  eu  l'intention  de  lui  l'aire  expier  sa  tendance  vers  les  re- 
cherches mythologiques.  La  raison  indiquée  par  Chabas  lui-même  nous 
paraît  beaucoup  plus  vraisemblable. 

1.  Lettres  de  Lefébure  à  Chabas,  datées  de  Paris,  31  décembre  1876  ; 
et  de  Lille,  111,  rue  d'Arras,  27  mai  1877. 

2.  A  cette  date  s'arrête  la  correspondance  de  Lefébure  avec  Chabas, 
qui  nous  a  été  si  utile  pour  la  première  partie  de  cette  notice.  A  la  fin 
de  1877,  Chabas  était  condamné  à  l'inaction  par  la  maladie  dont  il 
mourut  un  peu  plus  tard. 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  XXXIII 

texte  de  Sutimès,  et  je  vous  prie  de  vouloir  bien  l'accepter  comme 
un  bien  faible  témoignage  de  notre  reconnaissance 

Un  fils  naquit  à  Lefébure,  en  1878  ' .  Sa  vie  à  Lille  semble 
avoir  été  paisible  et  heureuse;  sans  doute  il  pensait  n'avoir 
plus  qu'à  suivre  sa  carrière  dans  le  service  des  postes,  bien 
que  cette  carrière  ne  fût  pas  celle  qu'il  aurait  préférée.  Mais 
alors  l'occasion  s'offrit  à  lui  d'entrer  dans  l'enseignement 
supérieur  ;  le  désir  qu'il  avait  exprimé  à  Chabas  en  1876  ! 
allait  donc  se  réaliser  moins  de  trois  ans  plus  tard. 

En  1878,  Armand  du  Mesnil,  directeur  de  l'Enseigne- 
ment supérieur  au  Ministère  de  l'Instruction  publique,  fit 
appel  aux  conseils  de  divers  savants,  Paris,  Berthelot, 
Renan,  Bréal,  etc.,  au  sujet  de  quelques  enseignements 
nouveaux  à  introduire  clans  les  Facultés  de  province3.  L'idée 
de  cette  diffusion  de  l'enseignement  supérieur  n'était  pas 
tout  à  fait  nouvelle,  puisque  Lefébure  en  avait  entendu 
parler  deux  années  auparavant  ;  mais  les  circonstances 
n'avaient  pas  été  jusqu'alors  propices  à  la  réalisation  de  cette 
idée.  Bréal,  consulté  par  Armand  du  Mesnil,  s'adressa  à 
M.  Maspero,  et  lui  demanda  son  avis  sur  l'opportunité  de 
créer  en  province  deux  ou  trois  chaires  d'égyptologïe  \ 
Mais  les  égyptologues  disponibles  pour  l'enseignement,  et 
disposés  à  enseigner  en  province,  étant  fort  peu  nombreux, 
il  parut  que  pour  commencer  il  suffirait  de  créer  une  seule 
chaire;  et  il  fut  reconnu  que  cette  chaire  devrait  être  d'abord 
offerte  à  Lefébure.  «  Il  fut  convenu  »,  écrit   M.  Maspero  " , 

1.  Son  fils  Edmond,  qui  mourut  à  Alger  en  1890.  C'est  aussi  en  1878 
que  Lefébure  publia  la  première  partie  de  son  mémoire  The  Book  of 
Hades  (j'rom  the  sarcophagus  of  Seul)  dans  les  Records  of  the  Past, 
lil  Séries,  1878,  t.  X,  p.  85-135.  La  seconde  partie  de  ce  mémoire  parut 
en  1881  (Records  of  the  Past,  t.  XII,  p.  3-35). 

2.  Voir  plus  haut.  p.  xxx-xxxi. 

3  et  4.  Indications  fournies  par  M.  Maspero;  lettre  à  Ph.  Virey,  du 
6  février  1910. 
5.  Lettre  â  Ph.  Virey,  du  6  février  1910. 

BlBL.   ÉGYPT.,   T.   XXXIV.  *** 


XXXIV  NOTICE    BIOGRAPHIQUE 

«que  nous  choisirions  Lyon,  où  il  était  question  de  la  chaire 
de  sanscrit  pour  Regnaud,  et  d'une  chaire  de  chinois  ou  de 
japonais  qui  ne  fut  créée  que  beaucoup  plus  tard,  et,  je  crois, 
aux  frais  de  la  Chambre  de  Commerce.  J'écrivis  à  Lefébure 
pour  lui  faire  part  des  intentions  de  Bréal,  et  pour  lui 
demander  si,  au  cas  où  la  chaire  serait  créée,  il  accepterait 
d'en  être  le  titulaire.  Après  quelques  hésitations1,  il  accepta, 
et  Bréal  se  mit  en  campagne  :  l'affaire  fut  enlevée  de  haute 
main,  et  dès  janvier  1879  elle  était  achevée.  »  L'arrêté  qui 
nomma  Lefébure  à  Lyon  comme  maître  de  conférences  est 
en  effet  du  27  janvier  1879  '.  11  ouvrit  son  cours  le  26  avril 
1879  par  une  leçon  qui  obtint  le  plus  grand  succès3,  et  fut 
imprimée  chez  Pitrat1.  Les  conférences  qui  suivirent  cette 
première  leçon  furent  consacrées  les  unes  à  l'enseignement 
de  la  grammaire  égyptienne,  les  autres  à  l'étude  des  peuples 
en  relations  avec  les  Égyptiens'.  Le  mémoire  que  Lefébure 

1.  Après  très  peu  d'hésitations;  presque  tout  de  suite  Lefébure  re- 
mercia chaleureusement  M.  Maspero  de  l'avoir  désigné  (lettres  de 
Lefébure  à  M.  Maspero,  du  14  décembre  1878,  du  5  janvier  et  du 
5  février  1879). 

2.  Indication  donnée  par  le  Secrétariat  de  l'Université  de  Lyon. 

3.  Lettre  de  M.  Maspero  à  Ph.  V'irey,  du  6  février  1910. 

4.  Sous  le  titre  L'Egypte  ancienne,  Discours  prononcé  à  l'ouverture 
des  conférences  d'archéologie  égyptienne  à  la  Faculté  des  Lettres  de 
Lyon,  le  'J<>  avril  1879.  Ce  fut  aussi  chez  Pitrat,  en  1879,  que  Lefébure 
lit  imprimer  sa  traduction  en  vers  français  de  Quelques  mélodies  irlan- 
daises de  Thomas  Moore  ;  mais  il  est  probable  que  cette  traduction  était 
écrite  a\  anl  son  arrn  ée  à  1  .\  on. 

5.  Indications  fournies  par  le  Secrétariat  de  l'Université  de  Lyon. 
I  efébure  écrivait  à  M.  Maspero  le  22  décembre  1879  :  «J'ai  à  faire  par 
semaine  dois  cours  dont  l'un  est  public;  je  comptais  retrouver  pour 
celui-là  mes  quelques  auditeurs  de  l'an  passé,  et  par  conséquent  me 
borner  à  des  explications  de  textes,  mais  j'ai  rencontré  au  contraire  un 
auditoire  aouveau,  el  qui  m'a  entre  parenthèse  fort  cm  barrasse',  parce 
qu'il  m'a  fallu  modifier  entièrement  ma  leçon  séance  tenante.  J'ai  pris 
pour  sujel  du  cours  public  les  relations  des  Égyptiens  avec  les  autres 
peupl  s,  el  il  lai it  naturellement  plus  d'un  ou\  rage  pour  traiter  ce  sujet, 
comme  pour  traiter  d'ailleurs  tout  sujet  concernant  l'Egypte.  » 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  XXXV 

fit  imprimer  en  1880  sous  le  titre  Les  races  connues  des 
Égyptiens'  est  sans  doute  un  résumé  de  ces  conférences. 
Le  monde  universitaire  de  Lyon  avait  jugé  très  favora- 
blement le  nouveau  professeur,  et  l'avait  fort  bien  accueilli. 
On  le  trouvait  un  peu  timide  et  réservé"  ;  mais  il  n'en  était 
pas  moins  estimé  de  ses  collègues,  et  aimé  de  ses  élèves3. 
Toutefois  n'ayant  pas  le  grade  cle  licencié,  il  ne  pouvait  ar- 
river au  doctorat  qui  seul  lui  aurait  permis  de  changer  sa 
maîtrise  en  chaire.  Il  s'adressa  donc  à  M.  Maspero  qui  obtint 
pour  lui  du  Ministère  et  de  la  Sorbonne  la  dispense  de  li- 
cence4, et  il  se  mit  aussitôt  à  l'œuvre.  Il  avait  pris  pour 

Or  la  bibliothèque  de  l'Université  de  Lyon  manquait  de  livres 
d'égyptologie.  Lefébure,  appuyé  par  M.  Maspero,  obtint  du  Ministère 
une  allocation  pour  l'achat  des  livres  les  plus  nécessaires  a  son  ensei- 
gnement (lettre  de  Lefébure  à  M.  Maspero,  du  10  octobre  1879,  relative 
à  la  demande  d'allocation;  lettres  du  libraire  Vieweg  à  M.  Maspero, 
du  20  décembre  1879,  et  de  Lefébure  à  M.  Maspero,  du  22  décembre  1879, 
relatives  à  l'envoi  à  Lefébure  d'un  exemplaire  des  Denkm&ler  de 
Lepsius). 

1.  Annales  du  Musée  Gui  met, t.  I.  Mne  Note  sur  les  chars  de  guerre, 
adressée  par  Lefébure  au  baron  Textor  de  Ravisi,  parut  aussi  en  1880, 
dans  le  Bulletin  du  Congrès  provincial  des  Orientalistes  français,  ses- 
sion de  Saint-Etienne,  t.  II. 

2.  «  Des  rapports  faits  alors  à  Bréal,  et  qui  me  furent  confirmés  par 
des  lettres  privées  venant  de  plusieurs  anciens  camarades,  alors  profes- 
seurs à  la  Faculté,  nous  le  montrent  on  peu  timide  et  réservé,  mais 
nullement  sauvage  à  ses  débuts.  »  (Lettre  de  M.  Maspero  à  Pli.  Virey,  du 
6  février  1910.) 

3.  Indication  donnée  par  M.  de  Milloué,  conservateur  du  Musée 
Guimet. 

4.  Dès  le  mois  de  février  1879,  Lefébure  cherchait  avec  M.  Maspero 
les  moyens  d'obtenir  cette  dispense.  Il  se  fit  inscrire  à  l'École  pratique 
des  Hautes  Études  dont  le  diplôme  aurait  pu  lui  fournir  un  titre  pour 
l'obtention  de  cette  faveur  (lettres  de  Lefébure  à  M.  Maspero,  du  20  fé- 
vrier et  du  21  août  1879,  et  du  30  août  1880);  mais  le  directeur  de  l'En- 
seignement supérieur,  Albert  Dumont,  consulté  par  M.  Maspero, 
trouva  plus  régulier  d'accorder  purement  et  simplement  la  dispense  de 
licence,  ce  qui  fut  fait  peu  de  temps  avant  le  départ  de  Lefébure  pour 
l'Egypte  (indications  fournies  par  M.  Maspero). 


XXXVI  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

sujet  de  thèse  L'ancienne  Egypte  chez  les  Grecs'.  M.  Mas- 
pero  se  chargea  de  présenter  à  M.  Himly,  doyen  de  la  Fa- 
culté des  Lettres  de  Paris,  la  demande  officielle  pour  que  le 
sujet  fût  inscrit;  Lefébure  lui  écrivait  de  Lyon,  le  31  dé- 
cembre 1880  : 

J'ai  tardé  à  vous  remercier  pour  ce  que  vous  voulez  bien  faire 
maintenant  en  ma  faveur;  c'est  que  j'ai  préparé  une  petite  thèse 
et  cela  m'a  mené  plus  loin  que  je  ne  pensais.  Je  vous  l'adresserai 
dans  le  courant  de  janvier  avec  une  demande  officielle  et  quelques 
notes  pour  le  Recueil. 

Mais  en  janvier  1881  M.  Maspero  n'était  plus  à  Paris.  Il 
était  en  Egypte,  et  Lefébure  lui-même  allait  bientôt  l'y 
rejoindre,  pour  prendre  la  direction  de  la  Mission  perma- 
nente, ou  Mission  archéologique  française  au  Caire. 

Cette  mission  permanente  n'existait  alors  que  depuis 
quelques  semaines.  Elle  avait  été  instituée  le  28  dé- 
cembre 1880,  avec  M.  Maspero  comme  directeur.  Mais  à 
peine  arrivé  en  Egypte,  M.  Maspero  fut  appelé  à  succéder 
à  Mariette-Pacha,  directeur  du  Service  des  Antiquités  de 
l'Egypte,  qui  venait  de  mourir  au  Caire2  ;  et  le  Gouverne- 
ment français  dut  chercher  pour  la  Mission  permanente  un 
autre  directeur.  «Mais  alors,  écrit  M.  Maspero,  il  n'y  avait 
personne  que  Lefébure  qui  fût  en  état  de  diriger  l'Ecole.  Je 
priai  Charmes3,  qui  avait  à  Paris  la  responsabilité  de  l'cn- 

1.  li  avail  pensé  d'abord  au  sujet  auquel  il  revint  ensuite,  aprèsavoir 
étudié  les  Tombeaux  des  Rois,  llécrivail  en  effel  à  M.  Maspero  le  10  octobre 
1879  :  ti  Je  désirerais  vous  demander  quelques  conseils  sur  le  choix  des 

js  :  j'avais  lait  un  travail  sur  le  sarcophage  de  Séti  Ier,  traduction 

mmentaire...  l'ensemble  de  mon  travail  pourraitil  servir  encore  de 

thèse?...  le  sujel   a'est-il  pas  trop  spécial  à  1  Egypte?  Puis-je  aussi, 

comme  thèse  latine  traiter  la  question  de  l'espèce  humaine  et  de  ses 

d'après  les  documents  égj  pi  iens  '.'...  » 

2.  Mariette  mourut  le  17  janvier  1881;  M.  Maspero  lui  nommé  à  sa 
place  le  *  fé^  rier. 

:;.  M.  Xavier  Charmes,  qui  était  alors  Directeur  du  Secrétariat  au 
Ministère  de  l'Instrucl  ton  publique. 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  XXXVII 

treprise,  de  demander  à  Albert  Dumont,  qui  avait  succédé 
à  Armand  du  Mesnil  dans  la  direction  de  l'Enseignement 

supérieur,  de  nous  prêter  Lefébure.  Dumont  y  consentit, 
et  fit  venir  Lefébure  à  Paris,  dans  les  premiers  jours 
février,  pour  lui  exposer  l'affaire1.  »  C'était  encore  un  des 
désirs  de  Lefébure  qui  se  réalisait  ;  on  se  rappelle  ses 
démarches  de  1873  pour  se  faire  emmener  en  Egypte  par 
Mariette2.  Il  accepta  tout  de  suite  et  écrivit  à  M.  Mas- 
pero  pour  le  remercier  de  l'avoir  désigné  : 

M.  Dumont  songe  à  m'envoyer  en  Egypte  sous  votre  direction, 
et  j'ai  accepté  avec  le  plus  grand  plaisir,  non  sans  quelques  ap- 
préhensions pour  la  santé  de  ma  femme  et  de  mon  enfant,  ni  sur- 
tout sans  quelques  doutes  sur  mon  aptitude  à  remplir  la  tache, 
encore  inconnue  de  moi,  que  j'aurai  à  remplir Je  crois  com- 
prendre que  je  dois  ma  nouvelle  nomination  à  votre  bienveillance, 
et  je  ne  puis  mieux  vous  témoigner  ma  gratitude  qu'en  me  mettant 
à  votre  disposition  de  la  manière  la  plus  complète,  et  en  vous  pro- 
mettant de  faire  tous  mes  efforts  pour  ne  pas  rester  trop  au-dessous 
de  ma  tâche. 

Cette  lettre  est  datée  de  Monplaisir  (Lyon),  J2  février 
1881.  Lefébure  écrivit  encore  de  Paris  le  20  février  a 
M.  Maspero,  pour  lui  annoncer  sa  prochaine  arrivée  en 
Egypte  : 

J'ai  vu  ces  jours-ci  M.  Dumont  et  M.  Charmes,  qui  m'envoient 
décidément  auprès  de  vous.  Nous  partirons  donc  de   Marseille  le 

jeudi  3  mars Je  crains  dans  tous  les  cas  qu'il  ne  vous  soit  pas 

facile  ou  possible  de  nous  loger  à  l'École,  et  je  compte  me  ca>er 
quelque  part  dans  le  voisinage  en  arrivant.  M.  Dumont  m'a  dit 
avoir  réservé  une  somme  de  8.000  francs  pour  la  bibliothèque  de 
l'Ecole;  j'ai  justement  entendu  dire,  d'une  manière  très  vague  il 

1.  Lettre  de  M.  Maspero  à  Ph.  Virey,  du  6  février  1910.  M.  Maspero 
ajoute  :  «  L'attitude  de  Lefébure  pendant  l'entrevue  fut  si  réservée  et  si 
silencieuse,  que  Dumont  m'écrivit  :  «  En  voilà  un  qui  ne  vous  causera 
))  pas  d'ennuis  par  des  excès  de  volonté!»  Lefébure  consentit  à  venir  en 
Egypte,  etc.  » 

2.  Voir  plus  haut,  p.  xxv. 


XXXVIII  NOTICE    BIOGRAPHIQUE 

est  vrai,  que  la  bibliothèque  de  M.  Chabas  est  à  vendre.  Je  vais 
me  renseigner  auprès  de  Maisonneuve,  qui  est  chargé  du  cata- 
logue, et  je  crois  que  8  ou  10.000  francs  au  plus  suffiraient  pour 
l'achat  de  cette  bibliothèque.  Si  l'affaire  est  possible,  j'en  référerai 
au  Ministère,  à  moins  de  contre-ordre  de  votre  part. 

Lefébure  était  au  Caire  le  mercredi  9  mars,  avec  Mme  Lefé- 
bure  et  son  fils  Edmond'. Il  descendit  àl'Hôtel  d'Orient,  M.  Mas- 
pero  n'ayant  pu  lui  céder  tout  de  suite  la  place5  dans  la  maison 
Zarifah 3,  qu'il  avait  louée  pour  la  Mission  permanente.  Mais 
M.  et  Mme  Lefébure  vinrent  dîner  presque  tous  les  soirs  à  la 
Mission,  et  M.  Maspero  en  profita  pour  mettre  Lefébure  au 
courant  de  la  situation  4.  Il  le  présenta  aux  principaux  per- 
sonnages officiels  de  la  colonie  française,  Blignières,  Liron 
d'Ayrolles,  Bellaigue  de  Bugas,  Bouteron,  directeur  français 
de  l'administration  des  Domaines,  Gay-Lussac,  de  la  Daïra- 
Sanieh,  Rochemonteix,  inspecteur  des  Domaines  ;  et  aussi 
à  Nubar-Pacha,  à  Tigrane-Bey,  à  Artin-Bey,  depuis  Artin- 
Pacha.  Lefébure  se  lia  sans  peine  avec  Rochemonteix,  qui 
le  connaissait  déjà,  étant  lui-même  égyptologue;  mais  son 
attitude  réservée  en  présence  des  personnages  officiels  ne 


1  «Mon  frère  aîné  Edmond  avait  été  emmené  en  Egypte.  Il  était  né 
en  1878...  »  (Lettre  du  Dr  Lefébure  à  Ph.  Virey,  du  29  avril  1910).  Le 
traitement  de  Lefébure,  d'après  une  lettre  écrite  en  février  1881  par 
M.  Charmes  à  M.  Maspero,  était  alors  de  10.000  francs,  dont  2.000  qu'il 
conservait  de  son  traitement  à  la  Faculté  des  Lettres  de  Lyon,  et  8.000 
prélevés  sur  le  fonds  des  Missions.  A  la  (in  de  1881,  l'indemnité  fournie 
par  le  fonds  des  Missions  lui.  à  la  demande  de  M.  Maspero,  portée  à 
l'i  000  francs,  ce  qui  éleva  à  12.000  francs  le  traitement  total  de  Le- 
fébure. 

2.  M  Maspero,  alors  souffrante,  avait  besoin  de  quelques  jours  de 
repos  avant  de  quitter  la  maison  de  la  Mission  permanente. 

3.  Ain^i  désignée  par  le  aom  de  sa  propriétaire,  M""  Zarifah,  sage 
femme  des  barems  khédiviaux,  cette  maison  était  située  dans  la  ville 
a  l'a  1rs  à  l'entrée  d'une'  ruelle  qui  s'embranche  sur  le  boulevard  Méhémel 
Ali. 

4.  Lettre  de  M.  Maspero  à  Ph.  Virey,  du  23  février  1010. 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  XXXIX 

fut  généralement  pas  jugée  avec  bienveillance1.  Il  réussit 
mieux  dans  les  milieux  non  officiels,  auprès  de  Baudry, 
Gambard,  Vassalli  et  Brugsch,  et  fut  bien  accueilli  par  les 
membres  de  la  Mission  permanente.  Ceux-ci  étaient  Alctor 
Loret  qui  succéda  plus  tard  à  Lefébure  comme  professeur 
d'égyptologie  à  l'Université  de  Lyon,  et  fut  pendant  quelques 
années  directeur  général  du  Service  des  Antiquités  de 
l'Egypte  ;  Boudant,  qui  fut  directeur  de  la  Mission,  de 
l'année  1886  à  l'année  1898  ;  Charles  Loret,  frère  de  Victor 
Loret;  l'arabisant  Dulac;  A.  Rhône,  que  Lefébure  con- 
naissait depuis  longtemps2  ;  l'architecte  Jules  Bourgoin, 
sous-directeur  de  la  Mission. 

Vers  le  milieu  de  mars,  M.  Maspero  partit  pour  visiter  la 
Haute  Egypte  comme  directeur  du  Service  des  Antiquités. 
Loret,  Bouriant  et  Bourgoin  partirent  avec  lui,  et  Lefébure 
resta  au  Caire  avec  l'arabisant  Dulac.  On  lui  reprocha  de 
s'être  alors  trop  renfermé  chez  lui  et  de  n'avoir  vu  personne; 
son  ardeur  au  travail  expliquerait  peut-être  cette  réclusion, 
qui  fut  attribuée  à  la  timidité  et  à  la  sauvagerie.  C'est  en 
effet  au  Caire,  et  précisément  à  cette  époque,  que  Lefébure 
écrivit  son  étude  Sur  différentes  formes  des  mots  dérives, 
qui  fut  imprimée  dans  le  Recueil  de  Travaux,  année  1883. 

M.  Maspero  revint  de  son  inspection  au  commencement 
du  mois  de  mai  1881,  et  repartit  pour  la  France  des  le  mois 
de  juin.  Quant  à  Lefébure,  il  ne  prit  pas  de  vacances  en  1881, 
ou  plutôt  il  prit  trois  semaines  de  vacances  sans  sortir  de 
l'Egypte,  au  commencement  de  l'automne,  en  voyageant 
trois  semaines  avec  Rochemonteix  sur  le  Nil  et  ses  canaux. 
Mais  auparavant  il  eut  le  privilège,  à  la  fin  de  juillet, 
d'avoir  à  reconnaître  les  momies  royales  que  Brugsch3 
ramenait  de  Déir-el-Bahari  à  Boulaq.  Avec  les  deux  égyp- 

1.  Lettre  de  M.  Maspero  à  Ph.  Virey,  du  23  février  1910. 

2.  Voir  plus  haut,  p.  xxiv,  1.  7. 

3.  Emile  Brugsch-Bey,  aujourd'hui  Brugsch-Pacha,  alors  conserva- 
teur-adjoint du  Musée  de  Boulaq. 


XL  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

tologues  de  la  Mission  permanente,  Victor  Loret  et  Urbain 
Boudant,  il  dressa  le  catalogue  de  ces  momies  royales,  et 
travailla  si  activement,  malgré  la  chaleur  de  la  saison,  que 
le  6  août  1881  il  avait  achevé  sa  notice  intitulée  Le  pu  ils 
de  Déir-el-Bahari.  Cette  notice,  qui  parut  presque  aussitôt 
dans  les  Annales  du  Musée  Guimet,  t.  IV  (1881),  donna 
en  France  les  premières  nouvelles  un  peu  détaillées  de  la 
fameuse  découverte. 

Aussi  Lefébure  ne  regrettait  pas  d'avoir  dû  passer  l'été 
en  Egypte,  et  supportait  fort  bien  les  chaleurs.  Au  com- 
mencement de  l'automne,  Rochemonteix  lui  proposa  de 
l'emmener  en  inspection  dans  les  Barari  ;  ce  furent  ses 
vacances.  Le  voyage  se  passa  très  gaiement  d'après  le  récit 
que  Rochemonteix  en  fit  à  M.  Maspero  : 

Il  avait  en  même  temps  sur  sa  dahabiéh  un  des  moufattiches 

de  l'administration  des  Domaines,  qui  avait  appris  un  peu  le 
français  et  qui  voulait  se  perfectionner  dans  la  langue.  Lefébure 
de  son  côté  ne  demandait  qua  parler  arabe  ;  ils  convinrent  de  se 
donner  des  leçons  au  pair,  et  Rochemonteix,  qui  était  farceur,  les 
aida  à  sa  façon.  La  veille  de  la  première  leçon  il  montra  à  son  Cir- 
eassien  la  conjugaison  du  verbe  aller,  qui  était,  assurait-il,  la  plus 
irrégulière  de  toutes  les  conjugaisons  françaises.  Le  lendemain  matin 
Lefébure,  interrogeant  son  compagnon,  entendit  que  l'arabe  anagaî 
signifiait  djimlakass.  Djimlakass  bétonna  un  peu,  puis  il  songea 
que  l'autre  était  Circassien,  et  il  lui  demanda  aimablement  si  djim- 
lakass était  le  tcherkess  pour  ana  gai.  <  le  l'ut  seulement  en  voyant 
Rochemonteix  se  tordre  de  rire  qu'il  flaira  une  plaisanterie  :  djim- 
lakass était  l'argot  je  me  la  casse,  et  tout  le  reste  de  la  conjugaison 
était  à  l'avenant.  Le  voyage  dura  trois  semaines,  partie  sur  le  Nil, 
partit'  sur  les  canaux,  et  Lefébure  m'en  parla  avec  enthousisasme  :  il 
avaiteu  enfin  une  première  vision  de  l'Egypte,  et  il  avait  deviné  par 
le  paysage  présent  la  réalité  des  paysages  fluviaux  représentés 
dans  Les  mastabas1. 

Quand  M.  Maspero  reparti  1  pour  son  inspection  en  Haute 

lv_<\  pi'',  I  .efébure  demeura  au  (  îaire,  où  il  avait  à  diriger  le 

1.  Lettre  de  M.  Maspero  à  l'h.  Virey,  du  23  février  1910. 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  XLI 

travail  des  membres  de  la  Mission  permanente.  Ceux-ci, 
qui  rendaient  justice  à  son  mérite  scientifique,  appréciaient 
aussi  sa  bienveillance.  Une  fois  cependant  son  autorité  fut 
méconnue,  un  des  membres  arrivés  avec  M.  Maspero  ayant 
eu  la  prétention  de  ne  recevoir  d'instructions  que  de 
M.  Maspero  lui-même;  celui-ci  dut  intervenir  à  son  retour 
au  Caire.  La  douceur  de  Lefébure  le  laissait  trop  désarmé 
en  présence  de  semblables  difficultés;  une  lettre  qu'il  écri- 
vit à  M.  Maspero  le  30  décembre  1881  montre  que,  malgré 
les  recommandations  de  M.  Xavier  Charmes,  il  hésitait  à 
commander  nettement  et  à  faire  sentir  son  autorité. 

M.  Charmes  m'a  écrit  aussi  de  surveiller  M.  Bourgoin  et 

de  lui  donner  des  ordres  précis  :  je  compte  m 'autoriser  de  cette 
recommandation  pour  proposer  à  M.  Bourgoin  différents  travaux, 
du  moins  au  cas  où  vous  n'y  verriez  pas  d'inconvénient  et  où  lui- 
même  n'aurait  pas  d'autres  occupations.  En  premier  lieu  je  dési- 
rerais qu'il  copiât  tout  le  tombeau  de  Séti  Ier,  de  manière  à  en 
soustraire  au  moins  les  textes  aux  ravages  inévitables  des  touristes 
et  des  Arabes M.  Bourgoin  songeait  à  faire  le  voyage  de  Ro- 
sette, mais  je  crois  qu'il  a  abandonné  ce  projet.  S'il  copiait  le  tom- 
beau de  Séti  Ier,  il  aurait  sans  doute  besoin  de  conseils,  et  en  con- 
séquence j'ai  demandé  à  tout  hasard  au  Ministère  l'autorisation  de 
passer  une  dizaine  de  jours  à  Thèbes,  où  j'ai  quelques  textes  à  re- 
lever, tant  à  Karnak  qu'aux  tombes  royales.  ■ —  M.  Charmes  espère 
qu'en  cas  d'épidémie  (on  craignait  le  choléra)  vous  voudrez  bien 
mettre  la  maison  de  Saqqarah  à  la  disposition  de  l'École,  et  je 
l'espère  comme  lui,  d'après  ce  que  vous  avez  eu  l'obligeance  de 
me  dire  à  ce  sujet. 

Il  semble  ressortir  de  cette  lettre  que  certaines  qualités 
d'initiative  faisaient  défaut  à  Lefébure.  Il  faut  dire  toutefois 
que  les  travaux  qu'il  n'osait  pas  ordonner,  les  déplacements 
qu'il  n'osait  pas  se  permettre  sans  en  référer  au  Ministère 
ou  à  M.  Maspero,  devaient  entraîner  des  dépenses  qu'il  lui 
était  peut-être  difficile  d'engager  sans  savoir  si  son  initia- 
tive serait  approuvée.  La  situation  financière  de  la  Mission 


XLII  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

était  encore  mal  définie  et  un  peu  précaire1  ;  il  en  résultait 
pour  le  directeur  des  inquiétudes  et  des  ennuis.  Ces  ennuis 
ne  l'empêchaient  pas  de  travailler  avec  courage.  Au  com- 
mencement de  l'année  1882,  il  crut  que  le  moment  était 
venu  de  présenter  ses  thèses  pour  le  doctorat  es  lettres, 
dont  la  présentation  avait  été  retardée  par  son  brusquedé- 
part  pour  l'Egypte  en  1881  \  M.  Maspero  s'occupa  de  nou- 
veau de  la  demande  officielle  qui  avait  dû  être  faite  l'année 
précédente;  et  Lefébure  le  remercia  de  ses  démarches  en 
lui  écrivant  du  Caire3  le  23  mars  1882  : 

Je  vous  remercie  de  l'aimable  lettre  que  vous  m'avez  écrite 
quoique  souffrant,  ainsi  que  de  la  nouvelle  que  vous  m'apprenez  : 
je  n'en  ai  pas  été  informé  officiellement,  et  mon  collègue  de  sans- 
crit m'en  avait  seulement  renouvelé  l'assurance. 

Il  voulut  alors  partir  en  congé  pour  la  présentation  de 
ses  thèses  à  Paris,  qui  devait  être  faite  avant  les  vacances. 
Le  15  mai  1882,  il  écrivit  du  Caire  au  Ministre  de  l'Instruc- 
tion publique  : 

Monsieur  le  Ministre, 

J'ai  l'honneur  de  vous  informer  que  conformément  à  l'avis  de 
M.  Maspero,  qui  regarde  comme  urgente  la  présentation  de  mes 
thèses,  je  compte  ne  pas  attendre  mon  autorisation  de  congé  et 
partir  par  le  bateau  du  16  courant.  M.  Maspero  veut  bien  se  char- 
ger de  la  comptabilité  de  l'École  à  partir  de  cette  date*. 

M.  Maspero  reçut  en  eiîet  du  Ministère,  dès  le  17  mai, 
l'annonce  d'un  crédit  de  16.000  francs  destiné  à  l'École. 

Le  27  mai  Lefébure  était  à  Monplaisir  près  de  Lyon, 
d'où  il  repartit  bientôt  pour  Paris  afin  de  présenter  ses 
thèses.  Nous  avons  vu5  que  le  sujet  de  sa  those  française 

1.  Lettre  de  M.  Ma<pero  à  Ph.  Virey,  du  23  février  1910. 

2.  Voir  plus  haut,  p.  xxxv-xxxvi. 

3.  M.  Maspero  était  alors  en  Haute  Egypte. 

4.  Texte  communiqué  par  M.  Maspero. 

5.  Voir  plus  haut,  p.  xxxvi. 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  XLIII 

était  L'ancienne  Egypte  chez  les  Grecs;  cette  thèse,  dé- 
posée à  la  Faculté  des  Lettres  de  Paris,  fut  renvoyée  pour 
examen  à  Egger,  le  22  juin  1882'.  De  retour  à  Mon  plaisir 
le  1er  juillet  1882,  Lefébure  écrivit  à  M.  Maspero,  pour  lui 
rendre  compte  de  ses  démarches  à  Paris  : 

J'arrive  de  Paris,  où  j'ai  vu  MM.  Himly,  Bouché-Leclercq  et 
Egger,  qui  ont  accepté  sans  trop  de  difficulté  mes  sujets  de  thèse, 
en  demandant  toutefois  que  les  documents  classiques  tiennent  au- 
tant de  place  dans  mes  recherches  que  les  documents  égyptiens.  Je 

tâcherai   de  les  satisfaire  autant  que  possible M.  Egger  m'a 

paru  un  bien  excellent  homme,  et  m'a  accueilli,  venant  de  votre 

part,  de  la  façon  la  plus  obligeante A  distance  les  affaires 

d'Egypte  ne  paraissent  pas  s'éclaircir  beaucoup;  j'espère  néan- 
moins que  vous  n'en  ressentez  pas  trop  d'ennuis  à  Boulaq2. 

Peu  de  temps  en  effet  après  le  retour  de  Lefébure  en 
France  pour  le  dépôt  de  ses  thèses  à  Paris,  l'agitation  poli- 
tique qui  troublait  l'Egypte  depuis  le  soulèvement  militaire 
du  8  septembre  1881  avait  pris  un  caractère  tout  à  fait 
violent.  Le  11  juin  1882   un  grand  nombre  d'Européens 

1.  M.  Bouché-Leclercq,  à  qui  nous  sommes  redevable  de  cette  indi- 
cation, découverte  dans  un  carnet  du  doyen  Himly,  ajoute  les  obser- 
vations suivantes  :  «J'ignore  si  la  mention,  écrite  sur  la  même  ligne 
que  le  titre  précédent  :  Apothéose  che~  les  Égyptiens,  est  un  sous-titre, 
ou  le  titre  traduit  d'une  thèse  latine  (langue  obligatoire  en  ce  temps-là) 
qui  a  été  renvoyée  à  M.  Bouché-Leclercq.  Les  deux  thèses  n'étant  pas 
nécessairement  déposées  en  même  temps,  il  se  peut  qu'il  s'agisse  de  la  thèse 
française,  laquelle  m'aurait  été  renvoyée  par  M.  Egger  (?)  pour  révision 
complémentaire.  Pour  quelle  raison  cette  première  tentative  de  M.  Le- 
fébure n'a  pas  abouti,  les  rapports  ayant  disparu,  on  ne  peut  plus  le 
savoir.  Peut-être  a-t-on  attendu,  pour  se  prononcer,  le  dépôt  de  la  thèse 

latine qui  n'est   pas   venue.»   (Communication    transmise   par    le 

R.  P.  Scheil,  de  la  part  de  M.  Bouché-Leclercq.)  11  est  possible  que 
Lefébure  ait  simplement  renoncé  à  ses  premiers  sujets  de  thèses,  parce 
que  les  hypogées  royaux  de  Thèbes,  qu'il  étudia  quelques  mois  plus  tard, 
lui  offrirent  un  autre  sujet,  qu'il  trouva  plus  original. 

2.  Lettre  de  Lefébure  à  M.  Maspero,  datée  de  Monplaisir,  1"  juillet 
1882. 


XLIV  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

furent  massacrés  dans  Alexandrie  par  la  populace.  Il  n'y 
eut  pas  cependant  de  massacres  au  Caire,  comme  il  y  en 
avait  eu  à  Alexandrie  et  sur  d'autres  points  de  la  Basse 
Egypte.  Mais  il  était  permis  de  craindre  que  l'ordre  n'y  pût 
être  maintenu  pendant  toute  la  durée  de  la  crise.  En  l'ab- 
sence de  Lefébure,  M.  Maspero  pourvut  à  la  sécurité  des 
membres  de  la  Mission  archéologique.  Il  licencia  l'École, 
et  envoya  Victor  Loret  au  Liban,  Urbain  Boudant  à  Port- 
Saïd,  et  Dulac  à  Salonique  '. 

Après  la  bataille  de  Tell-el-Kebir  et  le  rétablissement  de 
l'ordre  en  Egypte,  la  Mission  permanente  se  reconstitua  au 
Caire.  M.  Xavier  Charmes  aurait  désiré  pour  elle  un  direc- 
teur bien  pourvu  d'énergie  et  de  qualités  pratiques.  Il  jugeait 
que  ces  qualités  faisaient  un  peu  défaut  à  Lefébure.  Il  vou- 
lut pourtant  ménager  celui-ci,  et  lui  fit  pour  le  retenir  en 
France  des  propositions  qui  auraient  pu  le  séduire2.  Mais 
Lefébure  comptait  toujours  étudier  les  tombes  royales  de 
Thèbes.  11  insista  pour  être  envoyé  de  nouveau  en  Egypte, 
et  M.  Charmes,  espérant  de  lui  un  travail  qui  ferait  honneur 
à  la  Mission,  le  laissa  repartir.  Lefébure  reprit  donc  la  di- 
rection de  la  Mission  au  mois  d'octobre  1882,  et  s'occupa 
de  préparer  son  voyage  à  Thèbes.  Le  15  décembre  1882  il 
renouvela  le  bail  de  la  maison  Zarifah.  La  propriétaire  im- 
posa une  augmentation  de  loyer;  enfin  Lefébure  disposait 
encore  de  7.000  francs  pour  le  voyage  et  pour  le  séjour 
à  Thèbes3.  Il  partit  du  Caire  le  22  janvier  1883,  avec  Victor 
Loret  et  Urbain  Bouriant;  il  comptait  aussi  sur  le  concours 
de  l'architecte  J.  Bourgoin,  d'après  une  lettre  que  le  21  jan- 
vier, veille  de  son  départ,  il  écrivit  à  M.  Maspero  : 

1.  Lettre  de  M.  Maspero  à  Ph.  Virey,  du  23  février  1910. 

2.  Indications  données  par  M.  Maspero,  d'après  une  lettre  de 
M.  Xavier  Charmes,  du  mois  d'octobre  1882. 

3.  Une  lettre  de  M.  Charmes  à  M.  Maspero,  du  22  décembre  1882, 
indique  qu'une  soin  un-  de  10.000  francs  dut  être  mise  à  la  disposition  de 
Lefébure  au  commencement  du  mois  de  janvier  1883. 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  XLV 

Je  crois  que  M.  Bourgoin  viendra  à  Thèbes;  mais  il  ne  se  met- 
trait en  route  que  8  jours  après  nous,  qui  partons  demain  lundi. 
—  Vous  avez  fait  en  traduisant  les  textes  d'Unas  un  tour  de  force 
dont  personne  que  vous  n'était  peut-être  capable.  Permettez-moi 
de  vous  en  féliciter,  et  de  vous  en  remercier  personnellement  pour 
tous  les  secours  que  j'en  ai  tirés. 

Bourgoin  ne  vint  jamais1.  Lefébure  ressentit  sans  doute 
trop  de  satisfaction,  lorsqu'il  fut  arrivé  au  but  de  son 
voyage,  pour  regretter  beaucoup  l'absence  du  collaborateur 
qui  lui  échappait. 

On  ne  peut  guère  n'être  pas  sensible  au  charme  du  mer- 
veilleux paysage  de  Thèbes.  Lefébure  a  essayé  d'exprimer 
la  jouissance  qu'il  ressentit  en  se  rendant  de  Louqsor  à  la 
Vallée  des  Rois,  dans  une  fort  jolie  description  qui  se  trouve 
aux  pages  3-9  de  sa  publication  du  Tombeau  de  Séti  Ier. 
Mais  il  était  venu  pour  travailler  plutôt  que  pour  jouir  des 
beautés  de  la  nature.  Il  eût  été  fort  agréable  de  s'établir  à 
l'Hôtel  de  Louqsor,  alors  tranquille  et  construit  dans  un  site 
délicieux,  sur  la  rive  droite  du  Nil,  de  traverser  chaque 
matin  le  fleuve,  les  champs  parfumés  de  la  rive  gauche,  et 
les  gorges  sauvages  qui  conduisent  aux  tombes  royales,  et 
de  revenir  chaque  soir  à  Louqsor.  Ces  longues  promenades 
du  matin  et  du  soir,  à  travers  une  campagne  où  l'air  est  si 
pur,  auraient  reposé  l'archéologue  des  journées  passées  dans 
les  galeries  souterraines  et  mal  aérées  du  tombeau  de  Séti  Ier, 
qui  s'étendent  sous  la  montagne  jusqu'à  la  distance  de 
145  mètres,  et  descendent  à  56  mètres  au-dessous  du  niveau 
de  la  vallée.  Mais  de  telles  promenades  auraient  pris  plu- 
sieurs heures  chaque  jour,  et  en  présence  de  l'immensité  de 
la  tâche  le  temps  de  Lefébure  était  compté.  Il  fit  donc  comme 
avait  fait  Champollion,  et  s'installa  dans  une  des  tombes 
royales,  «  où  il  coucha  pendant  des  semaines  entières»,  écrit 
M.  Maspero,  «  sous  la  garde  des  ghafirs  du  Musée.  Cham- 
pollion avait  agi  de  même,  et  avait  pris  là  les  germes  de  la 

1.  Indication  donnée  par  M.  Maspero. 


XLVI  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

maladie  dont  il  mourut  à  son  retour  en  France.  M.  Lefébure 
a  été  plus  heureux  que  Champollion  :  il  a  pu  achever  son 
œuvre  sans  que  sa  santé  en  souffrît1.  » 

Lefébure  a  indiqué2  quelle  fut  dans  ce  travail  la  part  de 
Bouriant  et  de  Loret,  qui,  bien  qu'occupés  eux-mêmes  à 
d'autres  études,  lui  donnèrent  une  partie  de  leur  temps  et 
collaborèrent  à  son  œuvre.  Il  profita  aussi  des  travaux  de 
ses  devanciers  ',  et  du  concours  que  lui  offrirent  généreuse- 
ment MM.  Naville  et  Schiaparelli '.  Il  n'en  accomplit  pas 
moins  lui-même,  dans  les  mois  de  février3  et  mars  1883,  une 
œuvre  des  plus  considérables,  en  préparant  la  publication 
complète  du  Tombeau  de  Séti  Ier6. 

Les  autres  tombes  royales,  et  particulièrement  celle  de 
Ramsès  IV7,  furent  consciencieusement  étudiées  pendant 

1.  Maspero,  Les  hypogées  royaux  de  T/ièbcs,  dans  la  Bibliothèque 
ègyptologique,  t.  II,  p.  2.  M.  Maspero  écrit  encore  :  «Je  lui  rendis  visite 
à  plusieurs  reprises  pendant  mon  inspection,  et  je  le  trouvai  installé 
dans  un  tombeau,  assez  gai  et  très  bien  portant  :  j'ai  l'impression  que 
ce  fut  une  des  meilleures  années  de  sa  vie.  »  (Lettre  de  M.  Maspero  à 
Ph.  Virey,  du  12  mars  1910.) 

2.  Le  Tombeau  de  Sèti  /",  p.  15-16. 

3.  Champollion,  Rosellini,  Lepsius,  etc.  Voir  Le  Tombeau  de  Sèti  /", 
p.  15-16. 

4.  Ibid. 

5.  Lefébure  avait  presque  achevé,  le  24  février  1883,  son  travail  dans 
le  tombeau  de  Séti  Ier.  Il  écrivit  alors  de  Gournah  à  M.  Maspero  : 
«  J'aurai  terminé  dans  trois  jours  seulement  le  brouillon  complet  du 
tombeau  de  Séti  Ier;  le  relevé  de  tous  les  détails  est  assez  long  à  faire, 
surtout  sans  le  concours  de  M.  Bourgoin,  qui,  paraît-il,  ne  va  pas  bien 
du  tout.  » 

6.  E.  Lefébure,  Les  Hypogées  royaux  de  Thèbes.  Première  division  : 
Le  Tombeau  de  Sèti  T\  publié  in-extenso,  avec  la  collaboration  de 
MM.  U-  Bouriant  et  V.  Loret,  et  avec  le  concours  de  M.  Ed.  Naville 
'forme  !<■  tome  II  des  Mèmoit-rs  publiés  par  les  membres  de  la  Mission 
française  permanente  d'archéologie  au  (.'aire.  Paris,  Ernest  Leroux, 
1886). 

7.  Les  Hypogées  roi/aux  de  Thèbes,  par  E.  Lefébure  :  Seconde  divi- 
sion. Notices  des  Hypogées,  publiées  avec  la  collaboration  de  MM.  Ed. 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  XLVII 

cette  fructueuse  campagne,  par  laquelle  Lefébure  justifia 
amplement  les  espérances  de  M.  Charmes,  et  le  choix  que 
M.  Maspero  avait  fait  de  lui  pour  conduire  les  travaux  de 
la  Mission  permanente. 

Il  avait,  dès  le  mois  de  janvier  1883,  demandé  au  Minis- 
tère de  l'Instruction  publique  l'autorisation  de  retourner  en 
France  dès  le  mois  d'avril,  afin  d'y  ramener  Mrae  Lefé- 
bure. Celle-ci  attendait  pour  le  mois  de  juin  la  naissance 
de  son  second  enfant  '  et  le  Dr  Dacorogna  lui  conseillait  de 
rentrer  vers  le  quatrième  mois  de  sa  grossesse2.  L'autorisa- 
tion fut  accordée.  Cependant  M.  Xavier  Charmes  regretta 
que  Lefébure  demandât  si  souvent  des  congés,  et  le  5  mars 
1883  il  écrivit  à  M.  Maspero  : 

Il  est  déplorable  que  M.  Lefébure  manque  si  complètement 
d"énergie,  et  qu'il  se  soit  entêté  à  revenir  en  Egypte  pour  songer, 
à  peine  arrivé,  à  reprendre  le  chemin  de  la  France.  Nous  rappor- 
tera-t-il  au  moins  un  travail  qui  fasse  honneur  à  notre  Institut? 
La  lettre  que  j'ai  reçue  de  vous  hier  m'en  donne  l'espoir  !. 

Le  1er  avril  1883,  Lefébure  était  de  retour  au  Caire',  d'où 
il  annonça  à  M.  Maspero  son  prochain  départ  pour  la  France. 

Pardonnez-moi  si  je  n'ai  pu  vous  faire  une  visite  avant  votre 
départ  (de  Louqsor),  obligé  que  je  me  trouvais  d'achever  en  hâte, 
avant  l'arrivée  définitive  des  grandes  chaleurs,  ce  que  j'avais  com- 
mencé à  Biban-el-Molouk.  J'ai  espéré  un  moment  qu'il  me  serait 

Naville  et  Ern.  Schiaparelli.  —  Troisième  division.  Tombeau  de 
Ramsès  IV  (forment  le  premier  et  le  second  fascicule  du  tome  III  des 
Mémoires  publiés  par  les  membres  de  la  Mission  archéologique  fran- 
çaise au  Caire,  Paris,  Ernest  Leroux,  1889). 

1.  Cet  enfant,  qui  naquit  le  23  juin  1883,  est  devenu  le  Dr  Lefébure. 

2  et  3.  Communications  de  M.  Maspero. 

4.  Il  avait  donné  à  l'Institut  égyptien,  en  1883.  un  mémoire  sur  L'Art 
égyptien,  qui  parut  en  1884,  dans  le  Bulletin  de  l'Institut,  2e  série,  n°  4. 
Il  avait  aussi  envoyé  à  la  Zeitschrift  fur  âgt/ptischc  Sprache  und 
Altertumskunde  un  remarquable  mémoire,  intitulé  Un  chapitre  de  la 
chronique  solaire,  qui  fut  publié  en  1883. 


XLVIII  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

possible  de  vous  présenter  mes  excuses  à  Dendérah,  mais  notre 
bateau  ne  s'y  est  pas  arrêté,  et  aujourd'hui,  la  situation  de  ma 
femme  [tressant,  me  voici  sur  le  point  de  partir  pour  la  France  par 
le  prochain  bateau,  conformément  d'ailleurs  à  l'autorisation  qui 
m'a  été  donnée  par  le  Ministère'.  J'emploierai  les  deux  premières 
semaines  que  je  passerai  en  France  à  recopier  mon  travail  de 
Biban-el-Molouk,  et  je  l'adresserai  ensuite  soit  au  Ministère,  soit 
à  vous-même,  selon  les  instructions  qui  me  seront  données. 

Il  s'occupa  dès  son  retour  en  France  des  moyens  de  pu- 
blier ce  grand  travail. La  bienveillance  éclairée  de  M.Guimet 
lui  offrit  ces  moyens,  et  il  put  écrire  de  Lyon  à  M.  Maspero 
le  23  mai  1883  : 

J'ai  vu  avant-hier  M.  Charmes,  qui  venait  de  s'entendre  avec 
M.  Guimet  pour  publier  le  travail  de  la  Mission  à  Bab-el-Molouk. 
Il  m'a  chargé  d'écrire  à  MM.  Loret  et  Bouriant  pour  leur  deman- 
der leurs  copies,  et  à  M.  Bourgoin  pour  le  faire  venir  en  France 
aux  frais  de  la  Mission,  s'il  se  charge  des  planches  du  tombeau 
de  Séti  Ier.  L'entente  définitive  avec  M.  Guimet  a  eu  lieu  un  peu 
tard  :  M.  Guimet  se  proposait  de  voir  M.  Charmes  le  5  mai  et  me 
paraît  ne  l'avoir  pu  faire  avant  le  21,  d'où  une  certaine  perte  de 
temps  qui  ne  sera  pas  d'ailleurs  irréparable,  si  je  ne  me  trompe. 

Lefébure  exprima  sa  reconnaissance  envers  M.  Guimet 
dans  une  lettre  qu'il  écrivit  le3  juillel  a  M.  de  Milloué,con- 
servateur  au  Musée  Guimet,  et  où  il  annonçait  la  naissance 
de  son  second  fils.  Le  choléra  venail  alors  de  se  déclarer  en 
Egypte,  vers  la  tin  de  juin  1883.  La  mortalité  devint  presque 
aussitôt  très  forte  au  Caire.  M.  Maspero,  qui  veillait  sur  la 
Mission  pendant  l'absence  du  directeur,  sut  pourvoir  à  toutes 
les  nécessités  de  la  situation.  Il  avança  aux  membres  de  la 
Mission    les   sommes   dont    ils    axaient    besoin   pour  quitter 

1.  Cornu a  1.S.X2,  M.  Maspero  repril  alors  la  direction  de  la  Mission 

pendanl   l'absence  de  Lefébure.  Il  eut  à  faire  revenir  au  Caire  Victor 

que  Lefébure avail  laissée  Thèbes  pour  les  tr.-i\ aux  de  la  Mission, 

sans  avoir  pu  assurer  son  retour.  M.  Maspero  y  pourvut,  avec  le  con- 

■I"  M.  Pagno q,  directeur  de  l'agence  Cook  au  Caire,  el  <le  M"11'  Au- 

eur  de  M.  Pagnon,  et  propriétaire  de  l'Hôtel  de  Louxor. 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  XLIX 

l'Egypte,  et  les  renvoya  tous,  à  l'exception  de  Boudant  qui 
entrait  au  Musée  de  Boulaq1. 

On  ne  pouvait  accuser  Lefébure  d'avoir  fui  devant  le  dan- 
ger, puisqu'il  était  parti  en  congé  régulier  plus  de  deux 
mois  avant  l'apparition  du  fléau.  Mais  son  absence  à  ce 
moment  critique  fit  remarquer  la  fréquence  et  la  durée  des 
congés  qu'il  prenait.  Ses  pouvoirs  de  directeur  de  la  Mission 
expiraient  au  mois  d'octobre  1883.  Ils  ne  furent  pas  renou- 
velés2; peut-être  n'en  avait-il  pas  lui-même  demandé  le  re- 
nouvellement. Son  séjour  en  Egypte  avait  été  fructueux 
pour  la  science;  il  y  avait  affirmé  de  nouveau  ses  mérites  de 
savant  et  de  professeur;  mais,  avec  le  titre  de  directeur  de  la 
Mission,  il  n'avait  pas  joué  le  rôle  d'un  véritable  directeur; 
M.  Maspero  avait  dû  le  remplacer  chaque  fois  qu'une  auto- 
rité vigoureuse  avait  été  nécessaire. 

Lefébure  reprit  donc  ses  cours  à  la  Faculté  des  Lettres 
de  Lyon.  Il  lit  alors  paraître,  dans  l'Annuaire  de  cette  Fa- 
culté (année  1884),  une  étude  sur  V ancienneté  du  cheval  en 
Egypte".  Il  donna  aussi,  dans  une  conférence  municipale 
faite  à  Lyon  le  29  février  1884,  une  intéressante  étude  de 

1.  Lettre  de  M.  Maspero  à  Ph.  Virey,  du  12  mars  1910. 

2.  M.  Grébaut  fut  alors  nommé  directeur  de  la  Mission  permanente 
à  la  place  de  Lefébure;  mais  il  n'entra  effectivement  en  fonctions  qu'à 
la  fin  de  1884,  et  pendant  l'année  1883-1884  M.  Maspero  resta  directeur 
intérimaire. 

3.  Il  écrivait  à  M.  Maspero  le  20  Juillet  1884  :  «  Je  pense  que  vous 
devez  être  arrivé  à  Paris:  je  vous  y  adresse  donc  une  première  livraison 
du  Tombeau  de  Séti  Ier...  J'y  joins  une  note  sur  l'ancienneté  du  cheval 
en  Egypte  :  c'est  à  peu  près  là  tout  ce  que  j'ai  à  mon  actif  cette  année, 
la  mise  au  net  de  nos  matériaux,  le  travail  préliminaire  de  la  publica- 
tion du  Tombeau  de  Séti  Ier  et  la  confection  de  mes  deux  thèses  m'ayant 
pris  le  plus  clair  de  mon  temps.  —  Nous  avons  une  session  d'examens 
pour  le  baccalauréat  qui  est  très  chargée,  mais  je  pourrai  dans  tous  les 
cas  faire  le  voyage  de  Paris  vers  le  15  août  ou  quelques  jours  après. 
Je  dois  apporter  ma  thèse  latine  à  M.  Egger  pour  la  lui  lire...  quant  à 
ma  thèse  française,  elle  est  entre  les  mains  de  M.  Bouché-Leclercq.  » 
La  thèse  française  ayant  été  ajournée,  la  thèse  latine  ne  fut  remise  ni  à 
M.  Maspero  (indication  fournie  par  M.  Maspero),  ni  à  Egger. 

BlBL.    ÉGYPT.,    T.    XXXIV.  **** 


L  NOTICK    BIOGRAPHIQUE 

folklore,  qu'il  intitula  Le  Conte \  et  qui  fut  imprimée  chez 
Pitrat  (1885).  Il  y  parlait  de  la  revue  Mélusine,  où  pa- 
rurent ensuite  quelques-uns  de  ses  meilleurs  travaux. 

Il  avait  présenté  au  sixième  Congrès  international  des 
Orientalistes,  tenu  à  Leide  en  1883,  un  mémoire  Sur  quel- 
ques fouilles  et  déblaiements  à  faire  dans  la  Vallée  des  Rois''. 
Après  l'étude  si  consciencieuse  qu'il  avait  faite  des  tombes 
royales  de  Tlièbes,  aucun  savant  n'était  mieux  qualifié  que 
lui  pour  donner  sur  cette  question  des  indications  précises 
Il  préparait  en  même  temps  la  publication  des  résultats  de 
son  grand  travail.  Mais  son  goût  pour  cette  étude  lui 
lit  croire  trop  facilement  que  les  hypogées  royaux  de  Thè- 
bes  seraient  aussi  intéressants  pour  d'autres  que  pour  lui, 
et  qu'il  en  pouvait  tirer  le  sujet  d'une  thèse  pour  le  docto- 
rat es  lettres.  Il  laissa  donc  les  sujets  qu'il  avait  déjà  pré- 
parés1 ou  choisis  :  L'ancienne  Egypte  chez  les  Grecs,  Apo- 
théose ches  (es  Egyptiens,  et  prépara  une  nouvelle  thèse4, 

1.  C'est  le  29  décembre  1884  que  Lefébure  écrivit  pour  la  première  fois 
de  Paris,  41,  rue  Laugier,  à  M.  H.  Gaidoz,  directeur  de  Mélusine,  en 
lui  envoyant  sa  conférence  sur  Le  Conte. 

2.  Publié  dans  le  volume  II  des  travaux  de  la  6°  session  du  Congrès, 
international  des  Orientalistes  à  Leide.  —  Leide,  E.-J.  Biïll,  1884.  Le- 
fébure  écrivit  aussi  un  article  intitulé  Une  scène  de  harem  sous  l'ancien 
empire  égyptien,  pour  le  volume  des  Études  dédiées  à  M.  le  D1  Leemans. 

3.  Voir  p.  xxxvi  et  xliii. 

3.  «...  M.  Lefébure  choisit  alors  un  autre  sujet.  Le  9  mai  1884,  dépôt 
d'une  nouvelle  thèse,  intitulée  Biban-el-Molouk,  remise  à  M.  Bouché- 
Leclercq,  Lequel  L'a  communiquée  (évidemment  comme  se  reconnaissant 
upétent)  à  M.  Maspero.  Le  manuscrit  a  été  alors  retourné  à  l'au- 
teur, avec  demande  de  corrections,  le  22  décembre  1884.  Est-il  jamais 
revenu  à  la  Sorbonne?  je  l'ignore.  Je  ne  sais  pas  davantage  si  la  thèse 
mentionnée  à  La  date  du  29  mars  1887  sous  le  titre  Osymandias  de  Dio- 
d'/re,  thèse  renvoyée  à  \I.  Collignon,  était  une  thèse  latine,  qui  devait 
s'apparier  avec  La  thèse  précédente,  —  ou  avec  la  suivante,  —  peut-être  la 
même?  corrigée  el  représentée,  Le  9  février  1888,  sous  le  titre  :  Étude 
des  Hypogées  royau  c  [de  Thébes  ?].  Celle-ci  est  examinée  par  B.-L.,  qui, 
d'après  La  uote  'lu  doyen,  «hésite  et  renvoie  à  M.  Collignon».  Elle  est 
enfin  retournée  «à  correction  »,  sans  doute,  sur  avis  conforme  des  deux 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  LI 

«  qui  traitait  »,  dit  M.  Maspero1,  «  des  représentations  des 
Tombeaux  des  Rois.  C'était,  autant  qu'il  m'en  souvient  », 
ajoute  M.  Maspero,  «  après  l'introduction  qu'il  inséra  presque 
mot  pour  mot  comme  préface  en  tête  de  son  Séti  Ier,  une 
étude  sur  la  vie  de  l'autre  inonde  telle  qu'elle  est  décrite 
dans  les  livres  divers  insérés  aux  tombeaux  des  Rois.  Il  y 
étudiait  les  dieux  des  morts,  leur  rôle,  leur  parenté,  et  d'une 
manière  générale  la  façon  dont  les  Égyptiens  étaient  passés 
de  la  conception  d'une  vie  dans  la  tombe  à  celle  d'un  pa- 
radis osiriaque.  »  Ce  nouveau  sujet  n'était  pas  heureusement 
choisi,  à  cause  de  son  caractère  trop  spécial'",  et  Lefébure 

examinateurs,  le  9  août  1888.  Il  n'est  pas  question,  cette  fois,  de 
M.  Maspero La  Faculté,  qui  n'avait  pas  encore  pris  le  parti  de  re- 
courir aux  lumières  du  dehors,  n'aura  pas  voulu  se  laisser  entraîner  à 
une  discussion  sur  des  matières  totalement  étrangères  à  son  enseigne- 
ment. »  (Communication  transmise  par  le  R.  P.  Scheil,  de  la  part  de 
M.  Bouché-Leclercq.) 

1.  «...  Bouché-Leclercq  se  chargea  sur  ma  demande  d'examiner  sa 
thèse  française,  la  seule  qu'il  eût  faite,  et  qui  traitait  des  représentations 
des  Tombeaux  des  Rois.  L'introduction  de  ses  Hypogées  royaux  en  est 
un  extrait  presque  littéral.  Bouché-Leclercq  trouva  le  travail  assez  bon, 
mais  plein  de  références  inexactes  aux  auteurs  classiques,  et  il  renvoya 
le  manuscrit  à  Lefébure  avec  des  notes,  lui  demandant  de  revoir  le 
tout...  »  (Lettre  de  M.  Maspero  à  Ph.  Virey,  du  12  mars  1910.) 
M.  Maspero  ajoute  que  la  thèse  lui  avait  été  antérieurement  communi- 
quée directement  par  Lefébure,  et  qu'il  avait  donné  un  avis  favorable 
pour  l'égyptien. 

2.  Lefébure  lui-même  écrivait  de  Lyon  à  M.  Maspero  le  31  décembre 

1883  :  a  Permettez-moi  de  vous  adresser mes  vœux  du  jour  de  l'an 

les  plus  sincères  pour  vous  et  pour  M'"e  Maspero Un  de  ces  vœux 

serait  que  ma  thèse  ne  vous  arrivât  point,  car  elle  est  peu  récréative; 
pourtant  je  ne  puis  que  l'adresser  à  M.  Himly,qui  vous  la  transmettra 
sans  doute,  ou  que  vous  l'adresser  moi-même  directement  dans  le  cou- 
rant de  janvier,  au  cas  toutefois  où  vous  auriez  l'obligeance  de  consentir 
à  y  jeter  un  coup  d'œil.  »  —  Il  écrivait  encore  de  Lyon  le  14  avril  1884  : 
«  Je  vous  adresse  en  même  temps  que  cette  lettre  le  manuscrit  de  ma 
thèse  à  laquelle  il  manque  la  conclusion,  puisque  celle-ci  dépendra  de 
vos  observations;  du  reste,  en  ce  qui  concerne  l'enfer,  Râ,  et  Osiris, 
les   croyances   égyptiennes   ont   peu   de   rapport   avec    les   croyances 


LU  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

eût  été  sans  doute  mieux  inspiré  de  s'en  tenir  à  sa  thèse 
de  1882.  Le  nouveau  travail  fut  au  moins  rapidement  com- 
posé, puisqu'il  était  déposé  à  la  Sorbonne  le  9  mai  1884, 
après  avoir  été  communiqué  à  M.  Maspero.  Le  22  mai  1ns  1, 
Lefébure  avait  reçu  de  M.  Ilimly,  doyen  de  la  Faculté  des 
Lettres,  une  réponse  qu'il  transmit  encore  à  M.  Maspero, 
avec  la  lettre  suivante  : 

Je  vous  transmets  la  réponse  de  M.  Himlyà  la  réponse  que  vous 
avez  bien  voulu  me  faire.  —  Je  vous  serais  très  reconnaissant,  si 
en  dehors  de  la  communication  demandée  vous  aviez  la  bonté  de 
me  signaler  d'un  mot  les  points  particulièrement  faibles  de  ma 
thèse,  afin  que  je  tâche  dès  maintenant  de  les  retoucher.  J 'entrevois 
par  exemple  que  la  théorie  de  l'évolution  religieuse  que  j'ai  hasardée 
ne  ferait  pas  fortune  en  Sorbonne,  et  je  l'atténuerai;  mais  il  y  a 
bien  d'autres  cas  où  j'ai  dû  abonder  dans  mon  sens  en  ne  pré- 
voyant pas  les  objections.  —  Mon  autre  thèse  (sur  Diodore)  est  à 
peu  près  terminée,  et  je  l'adresserai  à  M.  Egger,  qui  a  consenti  à 
la  revoir  sans  autre  formalité  ' ,  J'espère  bien  pour  vous  qu'il  n'aura 
pas  changé  d'avis*. 

Nous  ne  pouvons  pas  parler  de  ces  thèses,  qui  n'ont  pas  été 
publiées3,  et  que  nous  n'avons  pas  connues.  Lefébure  soup- 

grecques,  qui  ne  comportaient  ni  la  descente  du  Soleil  aux  Enfers,  ni 
l'existence  d'un  dieu  personnifiant  les  Mânes.  La  partie  descriptive  de 
ma  thèse  est  bien  longue  :  il  faudrait  sans  doute  qu'elle  fût  reproduite 
en  petits  caractères  ou  rejetée  en  appendice.  J'ai  complété  la  partie 
explicative  par  quatre  petits  chapitres  portant  sur  des  points  de  détail. 
mai-  mon  copiste  est  fort  lent,  et  je  ne  les  joindrai  à  la  thèse  qu.>  si  j,. 
puis  vous  les  adresser  à  temps,  c'esl  a  dire  dans  une  dizaine  de  jours.  — 
La  bibliographie esl  incomplète  en  plusieurs  points:  je  n'ai  pu  consul 
terni  me  procurer  encore  ni  Rosellini,  ni  Le  Fétichisme  de  Pietschmann, 
ni  Belzoni,  ni  les  dernières  publications.  »  (Communications  de 
M.  Maspero.) 

1 .  C'est  sans  doute  cette  thèse  qui  fut  renvoyée  à  M.  Collignon  (voir 
plus  haut,  p.  l,  note  3)  après  la  mort  d'Egger. 

•J.  Communication  de  M.  Maspero. 

3.  A  l'exception  de  la  jolie  description  du  paysage  de  Thèbes  qui 
forme  l'introduction  de  la  publication  des  Hypogées  royaux  (indication 
de  M.  Maspero;  voir  la  noti-  1  de  la  page  li). 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  LUI 

çonna,  parait-il,  que  l'avis  de  M.  Maspero  ne  lui  avait  pas  été 
favorable,  et  attribua  à  cette  intervention  l'ajournement  de 
sa  thèse  principale.  On  sait  qu'il  se  défiait  de  M.  Maspero;  mais 
les  indications  dont  nous  sommes  redevables  à  M.  Bouché- 
Leclercq1  ne  nous  paraissent  pas  confirmer  ses  soupçons.  La 
cause  de  son  insuccès  dut  être  plutôt,  comme  M.  Bouché- 
Leclercq  l'indique,  le  choix  qu'il  avait  fait  d'un  sujet  tota- 
lement étranger  à  l'enseignement  de  la  Faculté.  M.  Maspero 
traita  lui-même  ce  sujet  en  1888  dans  la  Revue  de  l'His- 
toire des  religions  -  et  le  traita  de  telle  sorte  que  Lefébure 
ne  pouvait  plus  ensuite  y  revenir3.  Mais  il  semble  que  le 
travail  de  M.  Maspero,  si  bon  qu'il  soit,  n'aurait  pas  fait 
une  thèse  aisément  discutable  à  la  Faculté  des  Lettres.  Les 
examinateurs  devaient  donc  n'être  pas  favorablement  dis- 
posés pour  de  tels  travaux,  et  se  montrer  d'autant  plus 
sévères  pour  les  imperfections  qui  pouvaient  s'y  découvrir, 
comme  les  erreurs  de  références  signalées  par  M.  Maspero4. 
Les  leçons  de  Lefébure  à  la  Faculté  des  Lettres  de  Lyon 
ne  durèrent  que  jusqu'aux  grandes  vacances  de  1884. 
M.  Grébaut,  qui  faisait  le  cours  de  philologie  et  d'archéolo- 
gie égyptiennes  au  Collège  de  France  comme  suppléant  de 
M.  Maspero,  avait  été  nommé  directeur  de  la  Mission  per- 
manente du  Caire  à  la  place  de  Lefébure',  et  se  disposait 
à  partir  pour  l'Egypte.  Il  fallait  trouver  un  autre  suppléant 
de  M.  Maspero  pour  le  Collège  de  France.  La  place  fut  of- 
ferte à  Lefébure,  qui  accepta.  Agréé  par  l'assemblée  des 
professeurs,  sur  la  proposition  de  M.  Maspero,  il  fut  nommé 
suppléant  par  arrêté  du  14  novembre  1884. 

1 .  Voir  la  note  3  de  la  page  l. 

2.  Tome  XVII,  p.  251-310,  et  tome  XVIII,  p.  1-67  ;  mémoire  reproduit 
dans  le  tome  deuxième  de  la  Bibliothèque  ègyptologique,  p.  1-181. 

3.  A  moins  que  ce  ne  fût  pour  discuter  celles  des  idées  de  M.  Maspero 
qui  n'étaient  pas  tout  à  fait  conformes  aux  siennes. 

4.  Voir  p.  li,  note  1. 

5.  Voir  p.  xlix,  note  2. 


LIV  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

Mais  soit  qu'il  eût  besoin  d'un  peu  de  temps  pour  ordon- 
ner les  leçons  qu'il  allait  faire,  soit  plutôt  que  par  défaut 
d'esprit  pratique  il  ne  se  fût  pas  mis  au  courant  des  usages 
du  Collège  de  France,  il  ne  parut  pas  à  l'époque  où  il  aurait 
dû  commencer  ses  cours.  Le  Secrétariat  n'avait  même  pas 
son  adresse.  On  finit  cependant  par  le  trouver  et  le  convo- 
quer. Il  commença  donc  ses  cours  le  5  janvier  1885  \  quand 
les  autres  professeurs  avaient  déjà  donné  plusieurs  leçons. 
Il  continua  ensuite  fort  exactement.  Les  lundis  à  dix  heures 
c'était  l'Explication  du  texte  égyptien  du  rituel  de  l'ha- 
billement des  statues;  les  mercredis  à  dix  heures  c'était 
Y  Exposition  de  la  conception  du  monde  infernal  dans  l'an- 
cienne Egypte*. 

De  tels  sujets  n'étaient  pas  de  nature  à  attirer  de  nom- 
breux auditeurs.  Quelques-uns  cependant  vinrent  fidèlement 
entendre  les  leçons  de  Lefébure;  nous  devons  à  l'un  d'eux  3 
les  appréciations  suivantes  qui  donnent  une  idée  bien  pré- 
ci-.-  de  ceque  furent  ces  leçons, et  de  coque  furent  les  leçons 
faites  l'année  suivanteà  la  Section  des  sciences  religieuses 
de  l'Ecole  pratique  dos  Hautes  Etudes  : 

...Ce  cours ;  était  fortsérieux  et  intéressant.  Seulement  M.  Lefé- 
bure parlait  d'une  voix  bien  faible,  dans  cette  grande  salle  où  jadis 
nous  avons  écouté  ensemble  les  leçons  de  M.  Grébaut5.  L'incon- 
vénient, du  reste,  n'était  pas  grand,  les  auditeurs,  très  peu  nom- 
breux, occupant  le  premier  banc,  si  voisin,  comme  vous  le  savez, 
île  la  chaire  du  professeur... 

1.  M.  Picavet,  secrétaire  'lu  Collège  «le  France,  ;i  bien  voulu  nous 
indiquer  les  dates  d'ouverture  el  de  clôture  des  cours  de  Lefébure,  ci  les 
-h  >■!<  traités  dans  ces  cours. 

2.  En  iin' temps  Lefébure publiail  dans  la  Zeitschrift (année  1885) 

Remarques  sur  différentes  questions  historiques. 

:>.  M.  I).  Mallet,  qui  avait  suivi  avec  moi  pendant  les  années  précé- 
dent M.  Grébaut,  suivit  encore  à  Paris  les  leçons  de  Le 
fébure,  pendant  que  j'él  ii    en  Ég3  pte. 

1 .   I  /■  cours  du  <  Collège  de  France. 

5.   I  )e  l'a  nnée  L881  ;t  l'année  1884. 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  LV 

Je  me  rappelle  surtout  la  portion  du  cours  qui  traitait  du  monde 
infernal.  M.  Lefébure  se  servait  beaucoup  des  représentations  du 
Tombeau  de  Séti,  dont  il  préparait  alors,  je  crois,  la  publication. 
Et  il  commentait  textes  et  figures  avec  cette  abondance  d'érudition 
que  vous  lui  avez  connue.  (Abondance  qui  à  mon  sens  a  toujours 
été  chez  lui  un  peu  excessive.) 

Quant  au  cours  de  l'École  des  sciences  religieuses,  je  n'en  ai 
suivi  qu'une  partie,  avec  Amélineau1,  ce  me  semble.  M.  Lefébure 
nous  remettait  à  chacun  des  copies  faites  par  lui  de  textes  religieux, 
Livre  des  Morts,  Hymnes  aux  dieux  (transcriptions  de  l'hiérati- 
que); j'en  possède  encore  quelques  exemplaires.  Il  les  expliquait 
avec  une  aisance  qui  me  surprenait,  je  l'avoue.  On  le  sentait  là 
sur  son  terrain;  on  voyait  qu'il  avait  médité  profondément  ces 
questions  si  difficiles;  qu'il  possédait  une  connaissance  étonnante 
du  détail  des  cultes,  des  idées  philosophiques  dont  ils  s'inspiraient, 
et  aussi  de  la  langue  qui  avait  servi  à  les  exprimer2... 

On  peut  dire  en  effet  que  dans  la  connaissance  de  la  reli- 
gion égyptienne  Lefébure  ne  fut  surpassé  par  personne. 
Mais  l'observation  sur  l'abondance  excessive  de  son  érudi- 
tion est  aussi  très  juste  ;  cette  abondance  est  telle  que  par- 
fois on  s'égarerait  dans  la  documentation  accessoire,  au  ris- 
que de  perdre  de  vue  l'idée  principale. 

Aussi  nous  est-il  impossible  de  croire  que  Lefébure 
n'aurait  pas  été  capable  de  donner  à  son  enseignement 
l'ampleur  nécessaire  pour  tirer  de  son  programme  le  nombre 
de  quarante  leçons  que  l'usage  demande  annuellement  aux 
professeurs  du  Collège  de  France.  La  richesse  pour  ainsi 
dire  inépuisable  de  sa  documentation  lui  aurait  plutôt  per- 
mis, s'il  l'avait  voulu,  d'aller  bien  au  delà  du  nombre  régle- 
mentaire. 

Il  ne  fit  cependant  que  trente-cinq  leçons.  Nous  avons  dit 3 
qu'il  avait  commencé  son  cours  seulement  le  5  janvier  1885, 

1 .  Qui  remplaça  Lefébure  comme  directeur  de  ce  cours. 

2.  Lettre  de  M.  D.  Mallet  à  Ph.  Virey,  du  29  juin  1910. 

3.  Voir  plus  haut,  p.  liv. 


LVI  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

plus  d'un  mois  après  la  plupart  des  autres  professeurs.  Il  se 
trouva  ainsi  en  retard  de  plusieurs  leçons  à  la  fin  du  pre- 
mier semestre.  Pendant  le  second  semestre  il  donna  ses 
leçons  avec  exactitude.  Cependant  il  perdit  encore  un  lundi, 
car  le  jour  des  funérailles  de  Victor  Hugo  tous  les  cours 
publics  furent  obligatoirement  interrompus.  Au  commen- 
cement de  juin  presque  tous  les  professeurs  cessèrent  leurs 
cours,  ayant  donné  leurs  quarante  leçons.  Lefébure  s'arrêta 
aussi,  après  le  mercredi  3  juin  1885  ;  il  aurait  dû  faire  encore 
cinq  leçons.  Il  est  probable  qu'il  n'y  prit  pas  garde;  car  il 
lui  aurait  été  possible  de  compléter  le  nombre  d'usage  en 
continuant  ses  cours  jusqu'à  la  fin  de  juin. Renan, qui  adminis- 
trait alors  le  Collège  de  France,  ne  fut  pas  indulgent  pour 
cette  négligence.  Le  cours  de  Lefébure,  d'une  grande  valeur 
scientifique  pour  les  spécialistes,  n'avait  pas  dû  paraître 
brillant,  à  cause  de  la  faible  voix  du  professeur  et  du  petit 
nombre  des  auditeurs  1  ;  Renan  ne  put  le  juger  que  d'après 
les  apparences.  Au  mois  de  septembre  1885,  au  moment  où 
M.  Maspero  se  disposait  à  demander  à  Lefébure  de  rester 
son  suppléant  pour  l'année  1885-1886  \  une  lettre  de  Renan 
lui  fît  savoir  que  Lefébure  ne  serait  plus  agréé  par  l'assem- 
blée des  professeurs.  L'insuffisance  du  nombre  de  leçons 
était  ainsi  attribuée  à  l'insuffisance  du  suppléant.  C'était  un 
peu  désobligeant  pour  M.  Maspero,  qui,  en  proposant  lui- 
même  Lefébure  l'année  précédente,  s'était  implicitement 
porté  garant  de  sa  valeur.  C'était  surtout  cruel  pour  le  mal- 
heureux professeur,  si  durement  puni  d'une  négligence  dont 
un  simple  avertissement  eût  certainement  empêché  le 
retour  '.  On  a  reproché  plus  tard  à  Lefébure  sa  défiance  et  sa 

1 .   Voir  plus  haut,  p.  liv. 

'■t.  Lettre  de  M.  Maspero  à  Ph.  Vircy,  du  12  mars  1910. 

.''..  Il  étail  arrivé  àd'autres  professeurs  que  Lefébure  de  ne  pas  savoir 
exactement  le  nombre  des  leçons  qu'ils  avaienl  données;  en  1884,  Renan 
avail  adressé  un  avertissemenl  ;'i  M.  Grébaut,  qui  aes'arrêtail  pas  après 
avoir  dépassé  Le  nombre  de  quarante  leçons.  Il  p.-ii'aîi  d'ailleurs  (lettre 
de  M.  Maspero  à  Pli.  Virey,  du  23  juin   1010)  qu'il  n'avait  pas  eu 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  LVII 

misanthropie.  La  misanthropie  n'était  qu'apparente,  mais  la 
défiance  existait  bien,  Lefébure  se  croyait  persécuté,  et  il  eut 
en  elïet,  comme  nous  le  voyons, quelques  occasions  de  lecroire. 
M.  Maspcro  dut  alors  prier  M.  Guieysse  d'être  pendant 
une  année  son  suppléant  au  Collège  de  France1.  Quant  à 
Lefébure,  il  fut  désigné  pour  enseigner  la  religion  égyp- 
tienne à  l'École  pratique  des  Hautes  Etudes,  dans  la  Sec- 
tion nouvellement  créée  des  sciences  religieuses5.  Il  com- 
mença ses  conférences  dans  les  premiers  jours  du  mois  de 
mars  1886*.  Nous  avons  vu  tout  à  l'heure  ''  l'appréciation  d'un 
de  ses  auditeurs  sur  la  valeur  de  l'enseignement  qu'il  donna 
dans  cette  École.  Mais  il  cherchait  à  s'éloigner  de  Paris. 
Apprenant  qu'un  cours  d'égyptologie  venait  d'être  créé  à 
l'Ecole  supérieure  des  Lettres  d'Alger5,  il  demanda  et 
obtint  d'être  chargé  de  ce  cours6.  C'était  en  1887 7. 

d'abord  l'intention  de  sévir  rigoureusement  contre  Lefébure;  ce  serait, 
dit-on,  Berthelot  qui  l'aurait  poussé  à  la  sévérité,  parce  qu'il  aurait  pa- 
tronné un  candidat  désireux  de  remplacer  Lefébure  (indication  fournie 
par  M.  Maspero).  On  a  reproché  à  M.  Maspero  de  n'avoir  pas  défendu 
celui-ci;  on  ne  voit  pas  ce  qu'il  aurait  pu  faire,  donné  les  circonstances. 

1 .  M.  Maspero  revint  d'Egypte  l'année  suivante,  et  reprit  sa  chaire 
au  Collège  de  France. 

2.  Il  venait  de  publier  dans  la  Reoue  de  L'Histoire  des  religions  (an- 
née 1885)  un  mémoire  sur  Les  Fouilles  de  M.  Naoillc  à  Pithonx, 
L'Exode;  le  canal  de  la  Mer  Ronge.  Il  donna  à  la  même  Revue,  en 
1886,  un  article  sur  L'étude  de  la  religion  égyptienne;  c'était  sa  leçon 
d'ouverture  à  l'École  des  Hautes  Études. 

3.  Lettre  de  M.  Maspero  à  Ph.  Virey,  du'23  juin  1910. 

4.  Voir  plus  haut,  p.  lv. 

5.  Aujourd'hui  Faculté  des  Lettres  de  l'Université  d'Alger. 

b.  Ce  cours  avait  été  créé  pour  M.  Amélineau,  qui  fut  en  dédomma- 
gement nommé  à  la  place  de  Lefébure  à  la  Section  des  sciences  reli- 
gieuses de  l'École  pratique  des  Hautes  Études.  M.  Victor  Loret  fut 
chargé  des  conférences  d'égyptologie  à  la  Faculté  des  Lettres  de  Lyon. 

7.  M.  René  Basset,  aujourd'hui  doyen  de  la  Faculté  des  Lettres  de 
l'Université  d'Alger,  a  bien  voulu  me  donner  d'utiles  renseignements 
sur  l'arrivée  de  Lefébure  et  sur  sa  vie  à  Alger.  M.  Héricy,  professeur  au 
lycée  d'Alger,  qui  s'intéressait  à  l'enseignement  de  Lefébure  et  assista 
fidèlement  à  ses  leçons,  m'a  montré  aussi  par  des  détails  fort  intéres- 
sants, quel  attachement  existait  entre  le  maître  et  son  petit  auditoire 
d'élite. 


LVIII  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

Après  tant  de  vicissitudes,  il  avait  trouvé  la  place  où  il 
demeura  jusqu'à  sa  mort,  pendant  plus  de  vingt  années. 
Alger  aurait  pu  sembler  un  lieu  d'exil  pour  un  égyptologue 
qui  avait  été  à  la  tête  de  la  Mission  française  en  Egypte. 
Mais  le  zèle  fécond  des  maîtres  qui  représentaient  dans  cette 
ville  l'enseignement  supérieur  en  avait  fait  un  des  centres 
les  plus  intéressants  de  l'activité  scientifique  française.  Si 
Lefébure  n'y  était  plus  en  Egypte,  il  y  était  encore  en 
Afrique.  Pour  justifier  sa  présence  en  Algérie,  il  allait 
bientôt  élargir  le  champ  de  ses  études,  et  porter  son  atten- 
tion non  seulement  sur  l'Egypte,  mais  sur  toute  l'Afrique 
du  Nord,  et  même  sur  l'intérieur  de  l'Afrique.  Il  fut  ainsi 
un  des  initiateurs  du  mouvement  qui  nous  porte  maintenant 
à  chercher  dans  l'étude  générale  de  l'Afrique  l'explication 
au  moins  partielle  des  origines  de  la  civilisation  et  des 
croyances  égyptiennes.  Ses  relations  avec  son  confrère 
M.  Flamand,  le  savant  explorateur  du  sud  de  l'Algérie, 
furent  profitables  aux  études  africaines  en  général  ;  en  1907 
il  m'écrivait  combien  il  avait  été  heureux  de  recevoir  la 
visite  du  D1'  Schweinfurth,  le  célèbre  explorateur  de 
l'Afrique  intérieure,  et  de  profiter  de  son  intéressante  con- 
versation'. 

Mais  s'il  devait  trouver  à  Alger  un  lieu  propice  à  ses 
études,  il  aurait  pu  craindre  d'y  trouver  plus  difficilement 
des  disciples  tels  que  ceux  qui  avaient,  pendant  les  années 
précédentes,  suivi  ses  leçons  à  Paris.  Ses  disciples  à  Alger 
furent  assurément  assez  peu  nombreux;  et  il  valait  mieux 
pour  lui,  à  cause  de  la  faiblesse  de  sa  voix,  n'avoir  pas  un 
auditoire  trop  considérable.  En  revanche,  il  eut  encore  un 
auditoire  d'élite,  avec  lequel  il  travailla  fructueusement. 
Groff,  que  j'avais  connu  à  Paris,  se  trouva  à  Alger  en  même 
temps  que  lui,  et  suivit  longtemps  ses  leçons,  avant  de  se 

1.  Lettre  de  Lefébure  à  Pli.  Virey,  du  28  décembre  1907. 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  LIX 

rendre  au  Caire  ' .  Lefébure  fut  pour  lui  un  excellent  direc- 
teur d'études,  et  le  prépara  à  tirer  le  meilleur  parti  possible 
du  séjour  qu'il  devait  faire  en  Egypte2.  Si  Groff  ne  tarda 
pas  à  donner  de  bons  travaux,  qu'on  n'aurait  peut-être  pas 
d'abord  espérés  de  lui,  c'est,  je  crois,  que  l'influence  de 
Lefébure  avait  efficacement  contribué  à  la  mise  en  valeur 
des  qualités  de  son  disciple.  Je  vis  Groff  bien  souvent  à 
Gizeh  en  1892  ;  il  me  parlait  avec  complaisance  de  ce  qu'il 
avait  appris  auprès  de  Lefébure.  Le  maître  savait  en  effet 
captiver  ses  auditeurs;  et  l'un  de  ceux-ci  a  fort  bien 
exprimé  l'action  qu'il  exerçait  sur  eux  : 

Les  élèves  de  M.   Lefébure  pleurent  un  maître  aimant  et 

aimé1.  Sans  doute  ils  n'ont  jamais  été  très  nombreux;  mais  ce  petit 
groupe  n'a  cessé  d'être  d'une  ponctuelle  assiduité.  C'est  que  l'en- 
seignement du  maître  était  attachant  à  un  rare  degré.  D'une 
curiosité  sans  cesse  en  éveil,  étranger  à  tout  préjugé,  armé  d'une 
critique  pénétrante  et  sûre,  fidèle  à  une  méthode  rigoureusement 
scientifique,  M.  Lefébure,  grâce  à  des  rapprochements  ingénieux 
de  textes  et  de  monuments  figurés,  a  réussi  à  projeter  la  lumière 

sur  une  foule  de  points  jusqu'alors  obscurs Grand  était  le 

charme  de  ses  leçons,  lorsqu'il  nous  apportait  le  résultat  de  ses 
recherches,  et  nous  offrait  la  primeur  de  ses  trouvailles  délicates 
avant  de  les  communiquer  aux  revues  spéciales.  Alors  on  voyait 
sa  physionomie  si  fine  s'éclairer  d'un  rayon  de  joie,  lorsque  ses 

arguments  et   ses   conclusions   nous  avaient  convaincus En 

l'écoutant,  en  le  contemplant,  nous  devinions  tout  ce  qu'il  y  a  de 
délicieux,  d'exquis,  dans  la  joie  désintéressée  du  savant  qui  est 
parvenu  à  soulever  un  coin  du  voile  d'Isis  ou  à  arracher  au  Sphinx 
un  de  ses  secrets  qu'il  ne  consent  à  révéler  qu'aux  patients  et  aux 
opiniâtres1 

1.  Après  plusieurs  années  de  séjour  en  Egypte,  Groff  se  rendit  à 
Athènes,  où  il  mourut. 

2.  Il  demeura  longtemps  à  Gizeh,  près  de  la  route  conduisant  du 
palais  de  Gizeh  aux  grandes  pyramides. 

3.  Extraits  des  paroles  prononcées  par  M.  Héricy,  professeur  au 
lycée  d'Alger,  sur  la  tombe  de  Lefébure,  après  le  discours  d'adieux  de 
M.  René  Basset. 


LX  NOTICE    BIOGRAPHIQUE 

Avec  M.  Héricy  et  Groff,  on  peut  citer  parmi  les  audi- 
teurs de  Lefébure  E.  Galtier,  professeur  agrégé  de  l'Uni- 
versité, qui  devint  bibliothécaire  du  Musée  égyptien  du 
Caire',  et  qui  est  mort  en  Egypte  il  y  a  peu  de  temps; 
M.  l'abbé  Saint-Paul2,  alors  professeur  au  Séminaire  de 
Saint-Eugène  près  d'Alger,  et  qui  continue  maintenant  ses 
travaux  à  l'Institut  catholique  de  Paris;  Mlle  Bercher, 
licenciée  es  lettres,  qui  en  1907  alla  en  Norvège  et  rendit 
visite  àLieblein3,  etc.  Mais  de  plus  Lefébure  communiquait 
volontiers  les  résultats  de  ses  recherches  aux  nombreux 
égyptologues  qui  correspondaient  avec  lui;  on  savait  aussi 
qu'on  pouvait  toujours  avec  sécurité,  et  souvent  avec  profit, 
lui  confier  une  idée  nouvelle,  une  trouvaille  encore  inédite. 
L'influence  qu'il  exerça  ainsi  pendant  ses  dernières  années 
peut  être  comparée  à  celle  qu'avait  exercée  son  illustre 
maître  Chabas.  J'eus  le  bonheur  d'être  alors  un  de  ses  cor- 
respondants. Nous  avions  quelques  sujets  de  prédilection 
sur  lesquels  nous  aimions  à  échanger  nos  idées;  ces  dis- 
cussions paraissaient  l'intéresser  un  peu,  et  m'intéressaient 
beaucoup. 

En  1887,  au  temps  de  son  arrivée  à  Alger,  Lefébure  avait 
fait  paraître  dans  les  Transactions  of  the  Society  of  Bi- 
blical  Archœoloijy  son  remarquable  mémoire  sur  Le  C/iam 
et  l'Adam  égyptiens,  qu'il  avait  préparé  bien  longtemps 
auparavant4.  Il  achevait  le  second  fascicule  de  sa  grande 
publication  Les  hypogées  royaux  de  Tkcbes,  qui  parut  en 
188'J  '.  Mais  il  voulut  aussi  contribuer  aux  publications  de 

1.  Le  20  juin  1907,  Lefébure  m'écrivait  qu'il  comptait  sur  l'aide  de 
M.  Galtier  pour  préparer  la  réimpression  de  ses  œuvres  actuellement 
en  cours. 

2.  C'est  par  M.  l'abbé  Saint-Paul  que  je  lus  sans  retard  averti  de  la 
mort  'I''  Lefébure. 

:j.   Lettre  de  Lefébure  à  Ph.  Virey,  du  20  juin  1907. 
4.  Voir  plu-  haut,  p.  \.\.\,  Dotes  •'!  et  4. 

r>.  Ce  fut  aus-i  en  1889  que  Lefébure  écrivit  son  étude  sur  Le  bouc 
des  Lupercales,  longtemps  inédite,  que  son  ami  M.  H.  Gaidoz  recueillit 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  LXI 

l'École  supérieure  des  Lettres  d'Alger.  Il  composa  donc, 
sous  le  titre  Rites  égyptiens',  un  mémoire  fort  important, 
qui  parut  en  18902,  et  qui  est  certainement  un  de  ses  chefs- 
d'œuvre.  On  remarque  dans  cette  étude  non  seulement 
l'abondance  d'érudition  et  la  sagacité  qu'on  est  habitué  à 
admirer  dans  les  travaux  de  Lefébure,  mais  aussi  la  clarté 
de  l'exposition,  et  l'intérêt  du  récit.  C'est  un  travail  de  ce 
genre  que  Lefébure  aurait  dû  présenter  comme  sujet  de 
thèse  pour  le  doctorat  es  lettres;  un  tel  sujet  ainsi  traité 
eût  été  certainement  jugé  acceptable. 

Mais  un  grand  malheur  frappa  Lefébure  dans  l'année  1890. 
Son  fils  aine  Edmond,  alors  âgé  de  douze  ans,  mourut  à 
Alger.  Ce  fut  pour  ses  parents  une  bien  cruelle  douleur; 
ce  devait  être  bientôt  pour  Lefébure  la  fin  de  sa  vie  de 
famille.  Mme  Lefébure,  à  qui  le  climat  d'Alger  avait 
pris  son  premier  enfant, retourna  en  France  avec  le  second. 
Retenu  lui-même  à  Alger  par  les  exigences  de  sa  situation, 
Lefébure  ne  cessa  pas  de  veiller  avec  sollicitude  sur  sa 
famille,  et  pourvut  à  ses  dépenses  et  aux  frais  de  l'éduca- 
tion de  son  fils.  Mais  après  le  deuil  qui  venait  de  l'affliger, 
l'isolement  fut  encore  pour  lui  une  pénible  affliction. 
Ses  amis  remarquèrent  dès  lors  la  tristesse  qui  le  reprenait 
constamment,  malgré  ses  efforts  pour  s'y  dérober3.  L'étude 
seule  lui  permettait  de  s'en  distraire.  Il  usa  de  ce  remède 

après  sa  mort,  et  fit  paraître  en  1909  dans  la  Revue  de  l'Histoire  des 
religions. 

1.  Rites  égyptiens,  construction  et  protection  des  édifices  (Publi- 
cations de  l'École  des  Lettres  d'Alger,  Bulletin  de  correspondance 
africaine)  ;  in-8°,  104  pages,  Leroux,  1890. 

2.  Ce  fut  la  même  année  que  le  commencement  du  mémoire  de  Le- 
fébure Sur  différents  mots  et  noms  égyptiens  parut  dans  les  Pro- 
ceedings  of  the  Society  of  BiblicalArchœology,  juin  1890.  La  suite  fut 
publiée  en  février,  en  avril  et  en  juin  1891. 

3.  «  11  avait  dû  être  gai,  et  parfois  il  avait  le  rire  facile  et  franc, 
mais  la  tristesse  reprenait  bientôt  le  dessus.  »  (Lettre  de  M.  René 
Basset  à  Ph.  Virey,  du  5  juillet  1910.) 


LXII  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

avec  exagération1,  au  détriment  de  sa  santé,  mais  au  profit 
de  la  science.  Nous  avons  déjà  vu  qu'il  étudiait  non  seu- 
lement les  traditions  de  l'Egypte,  mais  les  traditions  de 
tous  les  pays  et  le  folklore2.  La  revue  fondée  en  1877  par 
M.  II.  Gaicloz3,  Mélusine,  profita  ainsi  de  sa  collaboration4. 
Il  dirigea  aussi  sa  curiosité  vers  les  sciences  psychiques,  si 
bien  qu'on  supposa  qu'il  inclinait  vers  le  spiritisme5;  mais 
il  s'en  défendit  auprès  de  moi  à  plusieurs  reprises,  tout  en 
me  déclarant  qu'il  s'intéressait  vivement  au  surnaturel  et 
aux  choses  de  l'autre  monde.  Ainsi  il  m'écrivait  peu  de 
jours  après  la  mort  de  M.  de  Horrack  : 

De  Horrack  était  spirite  et  membre  de  la  Société  anglaise 

For  Psyeliical  Research.  Vous  avez,  je  crois,  signalé  à  ce  propos 
ses  discussions  avec  Chabas,  peu  tendre  pour  les  idées  qui   ne 

1.  Lettre  de  M.  Héricy  àPh.  Viiey,  du  13  juillet  1910. 

2.  Voir  la  notice  d'Ernst  Andersson  sur  Eugène  Lefébure,  Sphinx, 
XII,  p.  6. 

3.  M.  Gaidoz  a  bien  voulu  me  communiquer  les  manuscrits  d'un 
certain  nombre  d'études  inédites  de  Lefébure  :  Le  double  psychique,  avec 
examen  des  idées  de  M.  de  Rochas  sur  le  double;  il  est  question  dans 

cette  étude  du  ka  égyptien  et  du  titre   1^;  —  L'aruspicine;  —  Le  chant 

du  cygne;  —  Saint-Paul  de  Londres  et  tes  sables  qui  chantent  ;  —  Le 
mirage  psychique  et  sa  nature;  —  Les  substitutions  de  personnes  ;  — 
Les  personnalités  illusoires  ;  —  La  réaction  de  l'animal  sur  l'homme  ;  — 
La  queue  du  Martichoras  ;  —  La  queue  du  loup  (Egypte);  —  L'emploi 
du  fer  et  du  feu  contre  les  sortilèges  ;  — ■  Théorie  du  bon  et  du  mauvais 
ange;  —  Le  vampirisme  et  la  possession;  —  L'œuf  de  serpent;  —  La 
télégraphie  sympathique,  etc. 

4.  11  donna  à  Mélusine  :  La  Jlèche  de  Nemrod  (1888)  ;  La  motte  de 
terre  (18'.)0-1891);  La  vertu  et  la  vie  dunom  (1896-1897);  Le  lièoredans 
la  mythologie;   —  Le  lièvre  de  la  lune  (1896-1897);  Les  origines   du 

fétichisme  (1896-1897),  etc.  A  partir  de  1896,  Lefébure,  sans  aban- 
donner Mélusine,  donna  la  plupart  de  ses  travaux  au  Sphinx,  revue 
égyptologique  alors  fondée  par  son  ami  Karl  l'iehl. 

5.  «  Je  crois  qu'au  fond  il  préférait  la  société  des  morts,  qu'il  invo- 
quait ou  plutôt  qu'il  évoquait,  à  celle  des  vivants.  »  (Lettre  de  M.  René 
Basset  a  l*li.  Virey,  du 5  juillet  1910.) 


NOTICE    BIOGRAPHIQUE  LXIII 

cadraient  pas  avec  les  siennes.  Aujourd'hui  de  Horrack  doit  savoir 
à  quoi  s'en  tenir,  et,  sans  être  spirite  le  moins  du  monde  \  je  vous 
avoue  que  j'éprouve  pour  les  choses  de  l'autre  monde  une  curio- 
sité, ou  une  attraction,  qui  me  fait  oublier  le  désagrément  du 
passage- 

Il  m'écrivait  encore,  au  sujet  des  faits  dits  surnatu- 
rels : 

En  faisant  des  recherches  sur  lacoupe  divinatoire  en  Egypte, 

je  trouve  mentionné,  dans  le  Mémoire  sur  la  faculté  de  prévision, 
de  Deleuze,  l'ouvrage  suivant  :  Virey,  L'art  de  perfectionner 
l'homme,  1808.  Peut-être  êtes-vous  de  la  même  famille quel'auteur  ? 
Il  admet  les  faits  dits  surnaturels,  que  les  encyclopédistes  d'autre- 
fois et  les  francs-maçons  d'aujourd'hui  rejettent  avec  tant  d'opi- 
niâtreté ;  je  crois  bien  qu'il  a  raison  (lui  et  bien  d'autres),  d'après 
les  faits  historiques  de  ce  genre  qui  sont  à  ma  connaissance.  Les 
documents  égyptiens  conduisent  à  la  même  conclusion;  seulement 
il  faut  y  regarder  d'un  peu  près  3 

Les  études  accessoires  *  entreprises  par  Lefébure  devaient 
ainsi, d'après  lui-même,  l'amener  à  mieux  deviner  les  secrets 
de  la  religion  égyptienne.  Nous  sommes  donc  tout  à  fait 
d'accord  avec  Ernest  Andersson,  lorsqu'il  écrit  :  «  Au  sujet 
de  ces  matières  Lefébure  a  publié  toute  une  série  d'articles 
d'un  grand  intérêt,  qui  sont  dispersés  dans  différentes 
revues,  telles  que  Mélusine,  l'Initiation,  l'Echo  du  Mer- 
veilleux. Ces  sujets,    notamment   les  traditions  et  le  folk- 

1.  Il  protestait  encore,  dans  une  lettre  qu'il  m'écrivit  le  8  mars  1903, 
contre  l'accusation  de  gnosticisme  et  de  spiritisme  dirigée  contre  lui, 
parce  qu'il  avait  écrit  huit  à  neuf  pages  sur  la  magie  égyptienne  dans 
les  cinq  premiers  volumes  du  Sphinx.  «  Je  ne  suis»,  affirmait-il,  «  ni 
gnostique,  ni  spirite.  » 

2.  Lettre  de  Lefébure  à  Ph.  Virey,  du  23  octobre  1902. 

3.  Lettre  de  Lefébure  à  Ph.  Virey,  du  7  février  1902. 

4.  Lefébure  excella  dans  ces  études  accessoires,  où  ses  qualités  de 
sagacité  et  sa  judicieuse  loyauté  furent  très  admirées,  et  lui  valurent 
d'abord  l'estime,  puis  l'amitié  de  spécialistes  tels  que  MM.  H.  Gaidoz, 
Andrew  Lang,  etc. 


LXIV  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

lore,    devaient   assurément  influencer  fortement  la  marche 
de  ses  recherches  sur  la  religion  égyptienne1.  » 

Nous  avons  vu  qu'il  avait  donné  d'assez  nombreux  articles 
égyptologiques  aux  Proceedings  de  la  Société  d'archéolo- 
gie biblique  de  Londres2.  Il  contribua  aussi  à  la  publication 
des  Mélanges  Charles  de  Harlez,  en  1896,  par  un  article 
intitulé  La  mention  des  Hébreux  par  les  Egyptiens  s'ac- 
corde-t-elle  arec  la  date  de  l'Exode?  Dans  cette  même 
année  1896  paraissait  le  premier  numéro  du  Sphinx,  nou- 
velle revue  d'égyptologie  fondée  par  le  professeur  suédois 
Karl  Piehl.  Celui-ci  était  grand  admirateur  des  travaux  de 
Lefébure.  Il  demanda  pour  sa  revue  la  collaboration  du 
savant  égyptologue  français,  et  obtint  de  lui  le  concours 
le  plus  assidu.  Le  Sphinx  était  surtout  consacré  aux  tra- 
vaux de  critique,  pour  lesquels  son  fondateur  avait  un 
goût  qu'on  a  généralement  trouvé  excessif.  Lefébure  y 
écrivit  un  seul  article  de  critique3,  uniquement,  disait-il, 
pour  se  défendre '.  Mais  il  donna  au  Sphinx  un  très  grand 
nombre  d'autres  mémoires  sur  divers  problèmes  égyptolo- 
giques. Nous  ne  voulons  énumérer  ici  que  les  principaux  de 
ces  mémoires  :  L'importance  du  nom  chez  les  Egyptiens 
(Sphinx,  I);  Le  sacrifice  humain  d'après  les  rites  de  Bu- 
siriset  d'Abydos (Sphinx, III)  :  Khem  et  Amon  (Sphinx,  IV); 
L'arbre  sacré  d 'Héliopolis  (Sphinx,  V)  ;  Osiris  à  liyblos 
(Sphinx,  VetVI);  La  certu  du  sacrifice  funéraire '(Sphinx, 
VII  et  VIII)  ;  Le  bucrâne  (Sphinx,  X)  ;  L'abeille  en  l''mjpte 
(Sphinx,  XI)  ;  Le  mot  neb  et  le  troyhdytisme  (Sphinx,  XI). 

1.  Sphina ,  XII,  p.  6. 

2.  '  Hitre  les  articles  que  nous  avons  déjà  cités,  il  donnaaux  Proceed- 
ings de  remarquables  études  intitulées  Abydos,  qui  parurent  en 
juin  1893,  et  en  rnar<  1895. 

:;.  L'Amtuat  et  son  texte,  à  propos  du  travail  de  Jéquier  Le  livre  de 
ce  qu'il  y  "  dans  l'Hadès. 

A.  «  Je  ne  lai-  jamais  de  critique»,  écrivit-il  à  Ernst  Andersson, 
h  pour  me  défendre  comme  il  m'est  arrivé  une  luis  ».  [Eugène  Le- 
fébure, par  Ernsl  Andersson,  Sphinx,  XII,  p.  8.) 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  LXV 

«C'est  dans  notre  revue»,  écrit  Ernst  Andersson,  aujour- 
d'hui directeur  du  Sphinx,  «  c'est  dans  notre  revue  que  les 
œuvres  les  plus  magistrales  de  Lefébure  ont  été  insérées... 
on  ne  saura  trop  apprécier  les  immenses  services  qu'il  lui  a 
rendus...  si  l'on  jette  un  coup  d'œil  en  arrière  sur  la  marche 
de  Sphinx  pendant  les  quatre  dernières  années,  on  verra 
que  les  ouvrages  de  Lefébure  y  constituent  l'élite  et  la  sub- 
stance même1.  » 

Le  mémoire  intitulé  Kliem  et  Amon  fournit  déjà  un  exem- 
ple intéressant  de  la  tendance  de  Lefébure  à  demander  aux 
études  africaines  la  solution  de  quelques-uns  des  problèmes 
que  lui  proposait  l'étude  de  l'antiquité  égyptienne2.  Mais 
en  1902  il  fit  paraître  dans  le  Bulletin  de  la  Société  de 
Géographie  d'Alger  et  de  l'Afrique  du  Nord  un  remarqua- 
ble mémoire  sur  La  politique  religieuse  des  Grecs  en  Libye, 
qui  l'amena  à  faire  connaître  le  résultat  de  ses  recherches 
sur  la  religion  libyenne  dans  la  Cyrénaïque  et  la  Mauritanie, 
et  à  dire  un  mot  des  fables  relatives  à  l'Atlantide.  Il  y 
avait  alors  un  peu  de  temps  qu'il  avait  bien  voulu  entrer 
en  relations  avec  moi  en  m'adressant  un  de  ses  mémoires. 
J'avais  répondu  avec  empressement,  et  une  correspondance 
assez  active  s'était  établie  entre  nous.  Dans  une  lettre  qu'il 
m'écrivit  le  27  octobre  1901',  il  avait  été  question  de  mes 
recherches  sur  l'épisode  d'Aristée.  Alors  déjà  il  m'exposait 
ses  raisons  de  croire  à  l'origine  africaine  de  la  tradition  que 
j'avais  étudiée  \ 

Le  taureau  de  Khem  ou  Men  m'a  fait  plus  d'une  fois  penser  au 
vôtre,  sur  lequel  vous  avez  émis  des  idées  si  curieuses  et  si  bien 

1.  Sphinx,  XII,  p.  8-9. 

2.  Cette  tendance  devait  se  manifester  ensuite  encore  plus  ouverte- 
ment dans  d'autres  mémoires,  tels  que  Le  bucrùne  (1906). 

3.  Il  habitait  alors  94,  rue  de  Lyon,  Alger-Mustapha. 

4.  Il  développa  ses  raisons  dans  son  mémoire  Les  abeilles  d'Aristée, 
tradition  d'origine  écjypto-berbère,  Bulletin  de  la  Société  de  géographie 
d'Alger,  1903.  Mais  il  publia  ensuite  plusieurs  autres  articles  sur  cette 
question  des  abeilles. 

BlBL.   ÉGYPT.,    T.   XXXIV.  *##*# 


LXVI  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

systématisées.  Voici  ce  qui  m'a  frappé  :  c'est  que,  dans  la  proces- 
sion thébaine  du  taureau  blanc  de  Khem,  certains  assistants  ou 
prêtres  sont  les  aftiu  ou  «  abeilles  »  du  dieu,  comme  à  Dendérah. 
Or  son  habitacle  a  la  forme  d'une  hutte  en  ruche,  avec  une  porte 
à  l'égyptienne  et  le  talisman  protecteur  des  deux  cornes,  comme 
dans  les  villages  africains  (Khem  avec  son  prêtre  noir  paraît  bien 
être  un  dieu  africain).  Il  y  a,  je  crois,  à  El-Khargeh  un  Khem 
couché  dans  sa  ruche. 

Je  crois  qu'il  y  aurait  encore  nombre  de  choses  à  trouver,  dans 
votre  sens,  en  examinant  le  rôle  assez  peu  connu  du  smam-ur,  le 
taureau  du  sacrifice' 

Il  revint  sur  cette  question  dans  une  autre  lettre  qu'il 
m'adressa  le  20  novembre  1901  : 

J'ai  l'impression  que  Khem  est  àdemi libyen,  comme  Aristée, 

opinion  que  j'ai  soutenue  autrefois  dans  le  Museon  (en  ce  qui 
concerne  Khem) Peut-être  connaissez-vous  le  nom  de  M.  Fla- 
mand, à  qui  l'on  doit  d'avoir  amorcé  la  question  marocaine  par 
la  conquête  d'In-Salah.  M.  Flamand  n'est  conquérant  qu'à  l'occa- 
sion; et  c'est,  à  l'ordinaire,  un  savant  très  consciencieux  et  très 
chercheur  qui  s'occupe  en  ce  moment  du  chameau  en  Egypte 

Lefébure  s'associa  aux  recherches  de  M.  Flamand;  l'un  et 
l'autre  devaient  exposer  plus  tard  les  résultats  de  leur  en- 
quête, lors  des  Congrès  d'Alger,  en  1905,  dans  une  savante 
discussion  avec  M.  René  Basset. 

M.  René  Basset  était  devenu  en  1894  directeur  de 
l'École  supérieure  des  Lettres  d'Alger5.  Il  m'a  dit  combien 
il  appréciait  la  valeur  scientifique  et  le  caractère  de  Lefé- 
bure, qu'il  aurait  voulu  l'aire  récompenser  par  des  distinc- 
tions honorifiques  : 

Je  n'ai  eu  que  de   bons   rapports  avec  lui;  et  depuis  ma 

direction  (1894)  je  me  suis  toujours  appliqué  à  le  proposer  pour 

1.  Leféburevtraita  lui-môme  ce  sujet  un  peu  plus  tard,  dans  son  mé- 
moire  sur  La  vertu  du  sacrifice  funéraire. 

2.  Aujourd'hui  Faculté  des  Lettres  de  l'i  université  d'Alger;  M.  René 
Bi     ''test  le  Doyen  de  cette  Faculté. 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  LXVII 

les  distinctions  qu'il  méritait,  et  à  défendre  son  cours  dont  on 
contestait  l'utilité.  J'ai  pu  le  faire  maintenir  jusqu'à  sa  mort1 

Les  Délégations  financières  algériennes  tendaient  en  effet 
à  réduire  les  dépenses  de  l'Enseignement  supérieur  par  la 
suppressiond'un  certain  nombre  de  cours.  Lefébure  était  un 
des  professeurs  les  plus  menacés  parce  projet2;  mais  les 
démarches  de  M.  Basset  amenèrent  le  Gouverneur  général  à 
s'intéresser  au  maintien  de  son  cours,  et  à  en  faire  ajourner 
la  suppression'. 

Malgré  les  soucis,  malgré  sa  mauvaise  santé  dont  il  se 
plaignait  quelquefois  parce  qu'elle  gênait  son  activité  scien- 
tifique, Lefébure  continuait  à  travailler  avec  une  ardeur 
excessive,  tant  pour  secouer  sa  tristesse  que  parce  qu'il 
sentait  qu'il  n'avait  plus  beaucoup  de  temps  à  dépenser  avant 
l'éternel  repos.  Il  m'écrivit  ainsi  le  4  décembre  1902  : 

Je  trouve  que  la  critique  est  un  peu  du  temps  perdu,  et  mainte- 
nant, à  mon  âge,  je  dois  tenir  compte  plus  que  personne  de  la  fuite 
des  jours,  pour  préserver  autant  que  possible 

Mon  traçait  taciturne  et  toujours  menacé*. 

A  l'occasion  de  son  mémoire  sur  Le  Vase  divinatoire'' , 
il  voulut  examiner  avec  moi6  la  valeur  des  recherches  de 

1.  Lettre  de  M.  René  Basset  à  Ph.  Virey,  du  5  juillet  1910.  Dès 
l'année  1896  il  avait  été  question  de  remplacer  le  cours  de  Lefébure  par 
un  cours  complémentaire  d'archéologie  arabe.  M.  Basset  n'accepta 
cette  idée  qu'à  condition  que  Lefébure  fût  d'abord  dédommagé  par  une 
situation  équivalente  à  celle  qu'il  aurait  quittée  ;  et  la  difficulté  de  lui 
trouver  cette  situation  fit  abandonner  le  projet  (lettres  de  M.  Maspero 
à  Ph.  Virey,  des  26  août,  10  septembre  et  13  septembre  1910). 

2.  Lettres  de  Lefébure  à  Ph.  Virey,  du  30  juillet  1902,  du  30  dé- 
cembre 1902,  du  2  juin  1903. 

3.  Le  cours  fut  supprimé  après  la  mort  de  Lefébure. 

4.  La  menace  venait  alors  précisément  du  projet  des  Délégations 
financières  de  réduire  les  dépenses  de  l'Enseignement  supérieur. 

5.  Sphinx,  vol.  VI. 

6.  Lettres  de  Lefébure  à  Ph.  Virey,  du  26  septembre  et  du  1er  no- 
vembre 1902. 


LXVIII  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

M.  de  Rochas,  dont  il  s'était  inspiré  en  composant  lui- 
même  son  article  sur  Les  origines  du  fétichisme*.  Il  me 
disait  en  même  temps  ce  qu'il  pensait  de  mes  tentatives  pour 
reconnaître  en  Egypte  l'origine  de  quelques  mythes  de  la 
Grèce  : 

Bien  qu'il  faille  se  méfier  des  coïncidences  dont  Tarde  lui- 
même  tient  compte  dans  ses  Lois  de  limitation,  j'approuve  en- 
tièrement votre  tentative  de  retrouver  des  idées  égyptiennes  chez 
les  Grecs,  dans  le  mythe  d'Hercule  comme  dans  d'autres,  il  peut 
y  avoir  des  divergences  d'opinion  en  pareilles  matières;  mais  je 
pense  qu'il  faut  avant  tout  épuiser  le  filon,  et,  s'y  l'on  n'y  met  pas 
la  main,  ne  pas  troubler  les  chercheurs  par  des  objections  hypo- 
thétiques'  

Loin  de  me  troubler  dans  mes  recherches,  Lefébure  cher- 
chait lui-même  tout  ce  qui  pouvait  m'encourager  à  soutenir 
mes  idées.  Je  lui  dus  ainsi  des  notes  intéressantes  au  sujet 
de  l'Orion  porteur  du  ciel:1  que  j'avais  signalé  dans  mon 
étude  Si//'  quelques  données  égyptiennes  introduites  par 
les  Grecs  dans  le  développement  de  leur  mythe  d'Hercule. 
Mais  il  revenait  de  préférence  au  sujet  des  abeilles  d'Aristôe 
et  du  sacrifice  du  taureau.  Dans  une  lettre  du  8  mars  1903, 
il  me  parlait  du  sacrifice  considéré  comme  condition  du 
maintien  de  l'ordre  dans  le  monde.  Le  19  mars  1903,  il 
était  question  de  l'âme-abeille1;  le  14  mai  1003,  d'Aristée, 
du  sacrifice  du  taureau,  et  de  l'abeille  égyptienne.  Lefébure 
ajoutait  : 

1.  Publié  dans  Mèlusine,  vol.  VIII. 

2.  Lettre  de  Lefébure  à  Ph.  Virey,  du  2G  septembre  1902. 

3.  Lettres  de  Lefébure  à  Ph.  Virey,  du  29  mai,  du  4  et  du  17  juin  1902. 
Dans  une  autre  lettre,  du  11  août  1902,  Lefébure  revenait  sur  la  ques- 
tion du  syncrétisme  gréco-romain. 

1.  Il  était  question  dans  la  même  lettre  du  symbolisme  de  la  pomme, 
Lefébure  s'était  intéressée  ce  sujet,  et  se  préparait  à  le  traiter,  quand 
M  Gaidoz,  qu'il  avail  informé  de  son  projet,  lui  fit  savoirqu'il  était  en 
train  de  traiter  lui-même  la  question. 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  LXIX 

Je  compte,  si  j'en  ai  la  possibilité,  étudier  séparément  le  tau- 
reau sacré  et  l'abeille  égyptienne.  Le  dernier  sujet,  en  l'étendant 

un  peu,  est  très  intéressant J'ai  parcouru  à  ce  propos  le  Prœ- 

dium  rusticum  du  P.  Vanière,  qui  m'a  paru  bien  plat  à  côté  de 
Virgile 

Le  2  juin  1903,  il  examinait  les  lectures  ®J ,  (1  J  et  1(1 
du  nom  de  l'abeille,  et  admettait  l'identité  d'origine  de  ces 
lectures.  Le  25  juillet  1903,  il  revenait  sur  le  nom  du  miel 
et  le  nom  de  la  guêpe,  et  cherchait  la  ruche  dans  l'ancienne 
Egypte  :  il  finit  plus  tard  par  retrouver  à  la  fois  la  ruche 
égyptienne  et  l'opération  de  l'enfumage  des  abeilles  clans 
une  scène  du  tombeau  de  Rekhmara,  où  j'avais  cru  recon- 
naître l'emmagasinement  du  miel1. 

Le  25  août  1903,  il  s'occupait  des  origines  de  la  danse  de 
l'abeille  : 

Je  serais  curieux  de  savoir  si  la  danse  de  l'abeille  est  d'origine 
ancienne.  Aux  temps  du  romantisme  cette  danse  était  célèbre; 
maintenant  on  n'en  parle  plus,  du  moins  à  ma  connaissance.  Je 
n'en  trouve  pas  trace  non  plus  dans  les  géographes  ou  les  historiens 
arabes,  ni  dans  les  Mille  et  une  Nuits,  ni  dans  nos  vieux  voyageurs, 
sauf  peut-être  dans  Savary,  quand  il  dit  des  aimées  :  «  à  me- 
sure qu'elles  se  mettent  en  mouvement,  les  formes,  les  contours  de 
leur  corps  semblent  se  détacher  successivement  »  (t.  1,  p.  151). 
Mais  c'est  bien  vague;  le  tableau  de  Sakountala,  dans  le  drame 
hindou,  rappelle  mieux  ce  genre  de  pantomime  (Sakountala  taqui- 
née par  une  abeille). 

Vous  intéressez-vous  aux  abeilles? Il  y  a  sur  elles  un  joli 

livre  moderne,  de  Maeterlinck,  presque  digne  de  Virgile,  et  très 
supérieur  à  ce  que  dit  le  P.  Vanière  dans  son  Prœdium  rusticum. 

Je  lui  indiquai  ce  que  je  savais  de  la  bibliographie  relative 
à  la  danse  de  l'abeille.  Je  lui  fis  savoir  aussi  que,  pendant 
mon  séjour  à  Louqsor  en  1885,  des  voyageurs  avaient  en 

1.  Lettre  de  Lefébure  à  Ph.  Virev,  du  25  mars  1905. 


LXX  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

vain  demandé  aux  danseuses  de  profession  qui  se  trouvaient 
dans  cette  ville  d'exécuter  la  danse  de  l'abeille.  Les  dan- 
seuses n'avaient  même  pas  compris  ce  qu'on  leur  deman- 
dait; cette  danse  paraissait  donc  tout  à  fait  oubliée  à 
Louqsor. 
Lefébure  me  répondit  le  30  septembre  1903  : 

Ce  que  vous  me  dites  de  la  danse  de  l'abeille  est  très  curieux,  et 
je  ne  vois  guère  qu'une  façon  d'expliquer  l'oubli  de  cette  danse. 
C'est  que  le  grand  art  des  aimées  se  sera  perdu  peu  à  peu  à  la 
suite  de  leur  exil  du  Caire,  de  sorte  que  le  ballet  de  l'abeille,  peut- 
être  d'importation  hindoue,  n'a  été  que  de  passage  en  Egypte.  Il 
a  dû  se  fondre  très  vite  à  Esneh  dans  la  grossière  danse  des 
Nauches Je  regrette  que  la  danse  de  l'abeille  n'ait  pas  été  na- 
tionale et  d'origine  ancienne  en  Egypte  :  si  elle  n'est  pas  poussée 
trop  loin,  l'idée  en  est  gracieuse 

Mais  s'il  ne  retrouva  pas  en  Egypte  l'origine  de  la  danse 
de  l'abeille,  il  put  établir  l'origine  égyptienne  de  la  tradi- 
tion qui  fait  renaître  les  abeilles  du  corps  d'un  taureeu 
sacrifié.  Il  m'informa  de  sa  découverte  par  une  lettre  du 
1G  novembre  1903  : 

J'ai  dû  sembler  peu  hardi  dans  mon  petit  mémoire  sur  Aristée, 
en  suppposant  que  les  Égyptiens  pouvaient  attribuer  la  naissance 
des  abeilles  aux  bœufs  enfouis  les  cornes  dépassant  (Hérodote,  II, 
41).  Et,  en  réalité,  je  ne  croyais  pas  si  bien  dire;  mais  voici  ce  que 
rapporte  Antigone  de  Caryste1,  23  :  «  En  Egypte,  si  l'on  ensevelit 
quelque  part  un  bœuf  les  cornes  hors  de  terre,  et  qu'ensuite  on 
les  scie,  il  sort  de  là  des  abeilles,  assure  t-on,  par  suite  de  la 
décomposition  de  l'animal.  »  'Ev  A \-/'j--.»k>  xov  Boôv  èàv  xaxop'j?7j<;  Iv 
-.■'-.'>:■  tialv,  i<rt~.i  Tj-.'y.  ~.y.  xépaxa  -/c]-  y/j;  fricepéy l'.'i ,  eTG'  ttaxepov  a-o-v!?/,;, 
/    y.j-'.    < xz /.'—.-.y.;    IxTrÉxeffôaij    crocrtévca   yàp    stùxov   e'iç    xoûxo   SiaXueaOai  xà 

1.  Antigone  de  Caryste,  écrivain  crée  du  IIP  siècle  avanl  notre 
ère,  vécul  à  la  cour  d'Alexandrie  auprès  des  deux  premiers  IMnlémëes. 

2.  Lefébure  avait  rencontré  ce  texte  dans  une  thèse  sur  les  abeilles. 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  LXXI 

Cela  veut  dire,  je  pense,  que  le  sacrifice  ou  la  mort  du  bœuf 
(consacré  au  dieu  des  moissons  et  des  abeilles,  Khem  ou  Osiris, 
l'Aristée  égyptien)  donnait  naissance  à  la  prospérité  agricole, 
symbolisée  par  les  abeilles.  Les  cornes  étaient  sciées,  donc  conser- 
vées, pour  l'emblème  |  ,  par  exemple.  En  résumé  nous  sommes 
tombés  juste  au  sujet  d'Aristée,  vous  et  moi,  mais  vous  avez  le 
mérite  d'avoir  le  premier  trouvé  la  voie. 

J'ai  bâclé  tant  bien  que  mal  pendant  les  vacances  un  long  mé- 
moire, trop  long,  sur  le  sacrifice,  sans  y  parler  néanmoins  des 
abeilles  et  du  taureau,  sujet  qui  mérite  bien  d'être  traité  à  part. 
Ce  que  j'y  ai  dit  du  ma-Kheru  ne  s'écarte  pas  de  votre  interpré- 
tation, mais  sur  la  déesse  Mat  mes  idées  ne  sont  peut  être  pas 
celles  qui  ont  cours,  car  je  traduis  généralement  Mat,  quand  il 
s'agit  des  mânes  et  du  jugement,  par  Justice  et  non  par  Vérité. 
Vérité  n'est  là  qu'un  sens  secondaire,  à  mon  avis. 

J'ai  eu  au  commencement  de  ce  mois  la  visite  d'un  ancien  ami 
de  Mariette,  qui  a  écrit  dans  le  temps  un  remarquable  voyage  en 
Egypte.  C'est  aussi  un  ami  ou  un  correspondant  de  Maspero 

Ces  indications  paraissent  désigner  M.  Arthur  Rhône1. 
Lefébure  avait  aussi  reçu  en  1903  la  visite  de  M.  Romieu, 
directeur  de  l'École  d'hydrographie  d'Alger,  qui  avait  en 
1864,  lorsqu'il  était  professeur  d'hydrographie  à  Agde, 
demandé  à  Chabas  quelques  conseils  égyptologiques \ 

Le  15  janvier  1904,  Lefébure  faisait,  contrairement  à  ses 
habitudes,  un  peu  de  critique,  au  sujet  de  l'ouvrage  de 
M.  Palanque  sur  le  Nil  ;  mais  c'était  pour  revenir  aussitôt  à 
la  question  du  taureau  sacré  et  du  sacrifice. 

Je  trouve  à  notre  bibliothèque  un  fascicule  de  l'École  des  Hautes 

publiée  quatre  ans  après  mon  mémoire  sur  l'épisode  d'Aristée.  Le  titre 
de  cette  thèse  est  :  De  Apium  Mellisque  apud  oeteres  Significatione  et 
Symbolica  et  Mytkologica  scripsit  Gualterus  Robert-Tornow,  Be- 
rolini  apud'W eidmannos,  1893. 

1.  Voir  plus  haut,  p.  xxivet  xxxix. 

2.  Voir  Bibliothèque  ègyptologique,  tome  neuvième,  p.  lviii. 


LXXII  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

Études  sur  le  Nil  ancien  par  Charles  Palanque;  c'est,  à  ce  qu'il 
me  semble,  dans  une  bonne  moyenne,...-  mais....  avec  ce  genre 
de  travaux  on  ne  sait  pas  encore  à  qui  l'on  a  affaire.  Sera-t-il  dieu, 
table  ou  cuvette? 

C'est  un  peu  l'inconvénient  de  la  haute  éducation  universitaire 
de  développer  surtout  la  tendance  à  la  vulgarisation,  chose 
excellente  pour  l'exposition  d'une  science  faite,  mais  défavorable 
au  progrès  d'une  science  incomplète.  Le  professeur  alors  se 
hâte  trop  de  présenter  un  système  d'ensemble,  modelé  sur  les 
idées  régnantes  et  documenté  presque  toujours  de  seconde  main  ; 
il  en  résulte  que  les  recherches  qui  devraientalimenter  son  enseigne- 
ment languissent  :  on  vit  trop  longtemps  ainsi  sur  l'acquis,  d'où 
une  sorte  de  stérilité. 

Une  des  erreurs  de  Palanque,  à  mon  avis,  est  de  croire  que 
les  taureaux  sacrés  sont  des  dieux  Nils  :  je  n'ai  jamais  vu  cela, 
pas  même  pour  Apis,  malgré  la  ressemblance  du  nom.  Le  bœuf 
Apis  est  Osiris  par  un  côté,  et  le  fleuve  Hapi  l'est  par  un  autre  : 
il  n'y  a  pas  équation. 

J'ai  cherché  dans  le  mémoire  que  je  prends  la  liberté  de  vous 
adresser,  et  dont  le  premier  tiers  m'arrive  à  l'instant,  quel  était  le 
rôle  des  taureaux  sacrés,  surtout  dans  leur  rapport  avec  le  sacrifice. 
Je  crains  d'exposer  des  idées  un  peu  singulières  dans  ce  travail, 
peut-être  trop  original.  Je  sens  bien  l'inconvénient,  et  je  me 
trouve  par  là  obligé  de  m'appuyer  sur  l'exacte  similitude  des 
théories,  symboles,  rites,  métaphores,  etc.,  concernant  le  sacrifice 
hindou.  Je  réserve  cette  comparaison  pour  la  troisième  et  dernière 
partie  de  mon  travail,  si  je  puis  la  faire  paraître.  J'espère  y  mon- 
trer que  votre  opinion  sur  le  rôle  de  la  peau  de  taureau  est  pleine- 
ment  justifiée  non  seulement  en  elle-même,  mais  encore  par  l'ana- 
logie védique. 

Je  ne  vois  guère  que  l'Inde  qui  ait  compris  le  sacrifice  comme 
l'Egypte  :  ni  les  peuples  sémitiques,  ni  la  Grèce,  ni  Home,  ni 
même  le  Mexique  n'ont  été  aussi  loin 

Ces  recherches  sur  les  religions  antiques  ne  lui  faisaient 
pas  perdre  de  vue  les  productions  de  la  littérature  moderne; 
il  m'écrivit  le  25  juin  190 1  : 

Je  ne  vous  apprendrai  sans  doute  pas  grand  chose  si  je  vous 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  LXXIII 

dis  que  L'enlèvement  innocent^  a  été  mis  au  théâtre  en  avril  der- 
nier :  Le  roi  galant,  jolie  comédie  dramatique  en  4  actes,  par 
L.  Marsolleau  et  Maurice  Soulié  (Odéon). 

Je  voudrais  être  l'auteur  d'un  enlèvement  non  moins  innocent, 
et  vous  décider  à  faire  le  voyage  d'Alger  l'année  prochaine  pour 
le  Congrès 

Son  projet  d'enlèvement  innocent  devait  en  effet  réussir  ; 
et  il  me  décida  à  me  rendre  à  Alger  l'année  suivante,  pour 
le  Congrès  international  des  Orientalistes  et  le  Congrès  des 
Sociétés  savantes.  Mais  auparavant  lui-même  vint  en  France. 
Ce  fut  de  Vichy  où  il  soignait  sa  santé  négligée  depuis  trop 
longtemps,  qu'il  m'écrivit,  d'abord  le  30  juillet  19042,  puis 
le  3  août  : 

Je  vous  suis  très  reconnaissant  de  vouloir  bien  vous  intéresser  à 

ma  santé,  et  d'avoir  songé  à  moi  pour  le  voyage  de  Prisse 

Après  ma  saison  à  Vichy,  je  compte  aller  passer  quelques  jours 
dans  la  Nièvre,  chez  mon  frère,  avec  mon  fils  qui  est  élève  à 
l'école  de  médecine  militaire  à  Lyon.  Mais  ce  n'est  qu'un  projet 
dont  ma  santé  décidera. 

Je  suis,  grâce  à  un  long  séjour  en  Algérie,  arthritique,  de  sorte 
que  les  eaux  de  Vichy  ne  me  conviendraient  guère  ;  mais  le  gou- 
vernement général  ne  nous  offrant  que  celles-là,  je  les  ai  préférées 
à  rien,  d'autant  plus  que  pour  un  demi  Algérien  souffrant  le  meil- 
leur traitement  est  encore  de  respirer  l'air  de  France.  Cela  m'au- 
rait fait  de  la  peine  de  mourir  avant  d'avoir  respiré  l'odeur  d'un 
champ  de  trèfle.  Vous  verrez  par  vous-même  combien  l'Afrique 

du  Nord  est  sèche  en  comparaison  de  l'Europe C'était  bien 

différent  il  y  a  quelques  milliers  d'années  :  l'éléphant,  la  girafe,  le 

1 .  a  L'enlèvement  innocent,  ou  La  retraite  clandestine  de  Monseigneur 
le  Prince  avec  Madame  la  Princesse  sa  femme,  hors  de  France,  1609-1610, 
vers  itinéraires  et  faits  en  chemin  par  Claude-Enoch  Virey,  secrétaire 
dudit  Seigneur  »,  publié  par  E.  Halphen,  m.  d.  ccc.  lix,  A.  Aubry, 
éditeur. 

2.  Au  sujet  de  la  belle  broderie  représentant  des  scènes  du  mythe  de 
Bacchus,  que  M.  Gayet  avait  rapportée  d'Antinoë. 


LXXIV  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

bubalus  antiquus  vivaient  dans  les  régions  les  plus  stériles  au- 
jourd'hui du  Sud-Oranais.  Je  ne  sais  si  vous  connaissez  les 
curieuses  découvertes  faites  par  les  explorateurs,  Flamand  en  par- 
ticulier. Ces  découvertes  portent  sur  des  dessins  rupestres  repré- 
sentant, à  côté  du  bubalus  antiquus,  animal  préhistorique,  des 
béliers  ammoniens,  avec  disque  et  urseus,  qui  ont  été  gravés  en 
même  temps  que  le  bubalus.  Il  y  a  aussi  des  taureaux  fort  sem- 
blables aux  taureaux  sacrés  de  l'Egypte,  notamment  celui  d'Er- 
ment;  ils  ont  quelque  chose  comme  les  deux  plumes  entre  les 
cornes.  Tout  ceci  milite  fort  en  faveur  d'une  vaste  extension  en 
Libye  de  la  civilisation  égyptienne.  Quant  à  la  date  préhistorique, 
il  est  fort  possible  que  le  bubalus  ait  prolongé  son  existence  en 
Libye  jusqu'à  une  époque  relativement  assez  récente.  La  tendance 
des  égyptologues  est  aujourd'hui  de  faire  habiter  l'Egypte  primi- 
tive par  un  fond  de  population  libyenne  dans  lequel  se  seraient 
immiscées  des  invasions  sémitiques. 

Voici,  en  faveur  d'un  sémitisme  égyptien  très  archaïque,  une 
observation  qui  n'a  pas  encore  été  faite,  à  ce  qu'il  me  semble.  Le 
syllabique  an  GsEE).  l'œil  dans  une  source,  suppose  l'existence  des 
deux  mots  œil  et  source  en  égyptien,  avec  la  prononciation  an,  à 
l'époque  où  le  système  graphique  a  été  constitué;  or,  dans  la 
langue  plus  récente,  celle  que  nous  connaissons,  ni  l'œil  ni  la 
source  ne  se  disent  an.  De  même,  au  moins  en  partie,  pour  la  va- 
leur atcn  de  l'oreille  comme  hiéroglyphe,  alors  que  l'oreille  se  dit 
généralement  medjer,  mot  berbère. 

Je  vous  remercie  beaucoup  de  votre  obligeance  à  vérifier  mon 
appréciation  hypothétique  des  noms  delà  broderie  Gayet.  Les  vers 
de  Virgile  que  vous  me  citez  m'ont  fait  beaucoup  de   plaisir 

Il  retourna  à  Alger  à  la  lin  de  septembre,  et  m'écrivit  le 
18  novembre  1901  comment  s'était  achevé  son  séjour  en 
France  et  comment  s'était  accompli  son  retour  en  Algérie. 
Il  m'exprimait  en  môme  temps  les  regrels  qu'il  ressentait 
de  la  morl  de  son  ami  Piehl,  directeur  du  Sphinx  : 

Je  ne  suis  guère  sorti  de  chez  moi'  plus  de  trois  fois  avant  la 

1.  94,  rue  de  Lyon,  Alger  Mustapha. 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  LXXV 

reprise  des  cours,  après  mon  retour  à  la  fin  de  septembre,  ayant 
gagné  en  France  une  forte  bronchite  qui  vient  seulement  de  me 
quitter.  Je  comptais  passer  15  jours  chez  mon  frère  près  de  Nevers 
après  une  saison  de  Vichy,  puis  repartir  ;  mais  la  malheureuse 
grève  de  Marseille  '  m'a  retenu  beaucoup  plus  longtemps  que  je 
n'aurais  voulu  sous  un  climat  froid  et  humide.  Après  cela,  la  tra- 
versée sur  le  fameux  transport  de  l'État,  le  Mytho*,  n'a  pas  contri- 
bué beaucoup  à  me  guérir.  Nous  étions  plus  de  mille  passagers 
entassés  les  uns  sur  les  autres,  par  une  mer  épouvantable,  un 
temps  pluvieux,  etc.  Je  suis  resté  deux  jours  et  deux  nuits  sans 
bouger  ni  manger,  sur  le  pont.  Aujourd'hui  que  ce  voyage  est  à 
l'état  de  souvenir,  je  le  considère  de  loin  avec  une  certaine  admi- 
ration, et  je  suis  fier  de  penser  que  ceux-là  détiennent  le  record  de 
la  plus  mauvaise  traversée  possible,  qui  ont  été  sur  le  Mytho. 
Mais  je  ne  suis  guère  en  humeur  de  plaisanter,  ayant  à  vous  parler 

de  Piehl,  dont  la  mort  m'a  beaucoup  affligé Piehl  n'avait  que 

53  ans  et  était  loin  d'avoir  donné  toute  sa  mesure.  Sa  revue  est 
continuée  par  son  élève,  Ernst  Andersson,  maître  de  conférences  à 
Upsala  :  remplacera-t-il  son  maître? 

J'ai  été  sur  le  point  de  revenir  de  la  Nièvre  par  Chagny  pour 
avoir  le  plaisir  de  vous  faire  une  petite  visite,  mais  je  n'ai  pas  osé 
prendre  le  chemin  le  plus  long,  dans  la  crainte  d'abuser  de  ma 
santé  :  je  pressentais  le  Mytho 

Lefébure  savait  que  son  ami  Piehl  m'avait  parfois  critiqué 
avec  quelque  âpreté;  il  m'expliquait,  dans  une  lettre  du 
29  novembre  1904,  la  cause  de  cette  disposition  de  Piehl  à 
mon  égard  : 

Ne  vous  étonnez  pas  que  Piehl  vous  ait  été  hostile  à  un  certain 
moment  :  il  Tétait  à  toute  l'école  française,  et  en  particulier  à  qui- 

1.  La  grève  des  équipages  de  la  C'c  Générale  Transatlantique,  com- 
mencée le  22  août  1904,  fut  suivie  de  la  grève  générale  de  tous  les  équi- 
pages de  Marseille,  et  dura  jusqu'au  11  octobre  1904. 

2.  Le  Mytho,  transport  de  l'État,  conduisit  en  Algérie  vers  la  fin  de 
septembre  les  voyageurs  que  la  grève  avait  empêchés  de  partir  de 
Marseille. 


LXXVI  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

conque  passait  à  tort  ou  à  raison  pour  protégé  de  Maspero.  Celui- 
ci,  après  avoir  laissé  passer  l'orage  sans  recourir  aux  moyens 
violents,  s'est  servi  du  procédé  de  la  Sibylle  : 

Melle  soporatam  et  ruedicatis  frugibus  offam 
Objicif 

Le  gâteau  c'était  un  lot  d'antiquités  égyptiennes  suffisant  pour 

former  un  musée Bien  que  Piehl  m'ait  offert  de  publier  mes 

travaux  et  que  je  lui  doive  en  retour  la  plus  grande  reconnais- 
sance,  jamais  il  n'a  rendu  compte  d'un  seul  de  mes  mémoires 

publiés  ailleurs  que  dans  sa  revue  :  il  est  vrai  que  je  ne  le  lui  ai 
jamais  demandé,  tout  en  lui  faisant  hommage  de  ces  mémoires 

Après  la  mort  de  Piehl,  Lefëbure  resta  l'ami  du  Sphinx 
et  de  son  nouveau  directeur  ;  il  aida  de  son  mieux  celui-ci 
de  ses  conseils2  et  la  revue  de  sa  collaboration.  Mais  lui- 
même  pensait  à  sa  mort  prochaine;  il  m'écrivait  le  29  dé- 
cembre 1904,  en  me  pressant  d'accepter  quelques  brochures 
qu'il  voulait  me  donner  : 

A  mon  âge  on  n'a  plus  besoin  de  beaucoup  de  papiers  autour  de 
soi  pour  se  préparer  à  quitter  ce  vilain  monde. 

Mais  tout  de  suite  sa  pensée  revenait  à  ses  études,  et  il 
continuait  ; 

Je  n'ai  pas  encore  reçu  la  fin  (qui  vient  de  paraître  aux  Pro- 
ceedings)  du  mémoire  de  Naville  sur  le  déluge.  Est-ce  le  déluge? 
Je  ne  sais  pas  trop,  d'abord  parce  que  Naville  soupçonne  son  texte 
d'avoir  été  copié  à  l'envers,  c'est-à-dire  à  l'inverse  de  l'ordre  des 
colonnes  ;  ensuite  parce  que  l'idée  de  la  légende  rentre  dans  celle 
de  la  Destruction  des  hommes,  laquelle  à  mon  avis  est  une  descrip- 
tion dramatisée  de  la  crue  du  Nil. 

L'œil   solaire,   c'est-à-dire   la  chaleur   estivale,  fait  périr  par 

1.  Virgile,  Enéide,  VI,  \.  120-121. 

2.  Cf.  Eugène  Lefèbure,  par  Ernst  Andersson,  Sphinx,  XII,  p.  9. 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  LXXVII 

l'aat  annuel  la  race  des  hommes,  dont  le  sang  forme  le  Nil  rouge, 
précurseur  de  la  crue  qui  annonce  la  fin  de  l'été  et  du  fléau.  La 
déesse  boit  la  liqueur,  s'enivre  et  ne  voit  plus  les  hommes,  c'est- 
à-dire  ne  leur  fait  plus  de  mal  :  Yaat  cesse  avec  la  chaleur.  C'est 
ainsi  du  moins  que  je  comprends  le  texte,  où  le  déluge  aurait  un 
effet  diamétralement  opposé  à  celui  du  cataclysme  biblique. 

A  propos  de  la  Bible,  j'ai  fait  pour  un  volume  que  notre  école 
prépare  à  l'occasion  du  Congrès  quelques  recherches  sur  les  noms 
divins  d'origine  sémitique  ou  autre  en  Egypte.  Le  sujet  serait  in- 
téressant si  l'on  pouvait  arriver  à  quelque  chose  de  précis,  mais 
c'est  bien  difficile 

La  préparation  des  Congrès,  Congrès  international  des 
Orientalistes  et  Congrès  des  Sociétés  savantes,  qui  devaient 
se  tenir  à  Alger  au  mois  d'avril  1905,  imposait  alors  à  Le- 
fébure  un  travail  supplémentaire  qu'il  accomplissait  vail- 
lamment, malgré  son  âge  et  la  faiblesse  de  sa  santé.  Aussi 
quand  le  Congrès  des  Orientalistes  ouvrit  ses  séances  le 
19  avril  1905,  Lefébure  était  parfaitement  préparé.  Il  était, 
dans  le  Comité  d'organisation  du  Congrès,  président  de  la 
IVe  section  (égvptologie,  langues  africaines  et  Madagascar), 
avec  M.  Héricy  pour  secrétaire.  Il  ne  voulut  cependant 
présider  aucune  des  séances  ;  mais  il  fut  par  son  activité 
l'âme  de  la  section.  La  première  séance  de  la  IVe  section 
fut  présidée  par  M.  Wiedemann.  Cette  séance  fut  très  bien 
remplie,  et  les  bonnes  dispositions  prises  par  Lefébure  con- 
tribuèrent à  ce  succès.  Le  lendemain  20  avril,  il  assista  à 
l'ouverture  de  la  deuxième  séance,  puis  se  rendit  au  Con- 
grès des  Sociétés  savantes1  pour  lire  quelques  passages  in- 
téressants d'un  mémoire  sur  les  abeilles2,  et,  sa  lecture  faite, 

1.  M.  Gazier,  professeur  de  littérature  française  à  la  Sorbonne,  pré- 
sidait la  séance  du  Congrès  des  Sociétés  savantes  où  Lefébure  fit  cette 
lecture. 

2.  Les  Abeilles  dans  l'Afrique  du  Nord  d'après  les  documents  anciens 
(Bulletin  historique  et  philologique). 


LXXVIII  NOTICE    BIOGRAPHIQUE 

retourna  à  la  séance  de  la  IVe  section  du  Congrès  des 
Orientalistes.  Le  21  avril  ce  fut  au  Musée  que  nous  enten- 
dîmes MM.  René  Basset,  Flamand  etLefébure  discuter  sur 
l'antiquité  du  chameau  clans  l'Afrique  occidentale  du  Nord'. 
Le  22  avril,  Lefébure  prit  encore  une  part  active  aux  tra- 
vaux de  la  quatrième  et  dernière  assemblée  de  la  Section 
d'égyptologie  et  langues  africaines,  et  lut  un  mémoire  sur 
La  plus  ancienne  date  sothiaque*.  Il  publia  le  compte 
rendu  des  travaux  de  la  IVe  section  du  Congrès  international 
des  Orientalistes  dans  la  Revue  africaine  publiée  par  la  So- 
ciété historique  algérienne,  année  1905,  p.  330-333.  On  peut 
faire  un  reproche  à  ce  compte  rendu  :  Lefébure  n'y  fait  pas 
assez  ressortir  l'importance  du  rôle  qu'il  joua  dans  le  Con- 
grès ;  mais  il  met  bien  en  valeur  les  travaux  des  autres  con- 
gressistes. 

En  quittant  Alger  j'étais  allé  visiter  Constantine,  Lam- 
bèse,  Timgad,  Biskra,  Sidi-Okba,  Tunis  et  Cartilage.  Le- 
fébure m'écrivit  le  12  juin  1905  qu'il  allait  aussi  se  rendre 
en  Tunisie  : 

Je  vais  faire  comme  vous,  dans  quelques  jours,  mais  dans  des 
conditions  moins  agréables,  le  voyage  de  Tunis.   C'est  pour  les 

1.  Le  mémoire  de  M.  Basset  est  intitulé  Le  Chameau  chez  les  Ber- 
bères; celui  de  M.  Flamand  Le  Chameau  préhistorique  en  Afrique; 
celui  de  Lefébure  Le  Chameau  en  Egypte  (Actes  du  XIVe  Congrès  in- 
ternational des  Orientalistes,  t.  II). 

2.  Actes  du  AI V'  ('nin/rès  international  des  Orientalistes,  t.  I.  Le- 
fébure donna  aussi  au  Congrès  une  étude  intitulée  Canope,  qui  parut 
aussi  dans  le  tome  I  des  Actes  du  Congrès.  Son  mémoire  sur  Les  Noms 
d'apparence  sémitique  ou  indigène  dans  le  Panthéon  égyptien  l'ait  partie 
du  Recueil  de  Mémoires  et  de  Textes  publié  par  l'Ecole  des  Lettres  et 
Les  Médersas  en  l'honneur  du  XIV  Congrès  des  Orientalistes  à  Alger, 
11M)5.  Dans  cette  même  année  1905,  Lefébure  (it  encore  paraître  dans  la 
R(  i  ue  africaine  son  étude  sur  Le  Miroir  dJ Encre  dans  la  Magie  arabe; 
et  dans  la  revue  AWi/t la  (l'Abeille),  juillet-août  1905,  un  article  intitulé 
L'Abeille  en  Libye. 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  LXXIX 

examens  du  baccalauréat.  Je  verrai  ce  que  vous  avez  vu,  en  sui- 
vant le  même  itinéraire  et  d'après  vos  indications  :  seulement  je 
n'aurai  pas  beaucoup  de  temps  pour  visiter  Carthage,  et  je  réser- 
verai Biskra,  etc.,  pour  un  autre  voyage,  quand  j'irai  à  Constan- 
tine  pour  d'autres  examens,  si  je  suis  encore  de  ce  monde 

Après  son  retour  à  Alger  il  me  raconta,  dans  une  lettre 
du  6  juillet  1905,  ce  qu'il  avait  vu  à  Tunis  et  à  Carthage  : 

J'ai  vu  Tunis  à  la  hâte  et  dans  une  sorte  de  tourbillon,  n'ayant 
eu  à  moi  qu'une  matinée  et  une  après-midi,  un  jour  en  somme. 
Les  examens  du  baccalauréat  m'ont  pris  le  reste  de  mon  temps,  et 
comme  de  plus  c'était  là  un  travail  pénible,  surtout  entre  deux 
voyages  d'aller  et  retour  aussi  longs,  par  cette  chaleur,  je  ne  suis 
pas  resté  à  Tunis  les  examens  finis.  Je  n'ai  donc  fait  qu'entre- 
voir la  ville,  les  souks,  les  grands  monuments,  Hammam-Lif,  le 
Belvédère,  Carthage  et  le  Bardo,  tout  cela  en  courant.  Ainsi  je 
n'ai  pu  consacrer  qu'une  demi-heure  au  Musée  Alaoui  où  l'on  n'a 
pas  voulu  m'ouvrir  un  peu  avant  l'heure,  de  sorte  que  j'ai  attendu 
dehors  par  un  orage  épouvantable.  Je  suis  resté  un  peu  plus  de 
temps  au  Musée  Lavigerie,  que  le  Père  Delattre  a  eu  l'obligeance, 
bien  que  ce  ne  fût  pas  l'heure,  de  me  faire  voir  dans  tous  ses  dé- 
tails. Je  lui  en  suis  très  reconnaissant,  et  j'ai  été  aussi  charmé  de 
sa  science  que  de  son  amabilité.  Je  lui  ai  envoyé  ces  jours-ci  quel- 
ques références  sur  la  divinité  du  palmier,  qu'il  a  trouvée  à  Car- 
thage, comme  vous  à  Thèbes1 Il  m'a  montré  le  petit  texte 

que  vous  avez  étudié  et  qui  m'a  paru  comme  à  vous  un  fragment 
d'Horus  sur  les  crocodiles  :  il  parait  d'ailleurs  que  les  crocodiles 
figurent  au  dos  de  l'objet.  J'ai  admiré  naturellement  la  belle  prê- 
tresse d'Astarté  entourée  d'ailes  égyptiennes,  et  aussi,  je  puis  dire, 
tout  le  Musée,  qui  est  très  beau  et  organisé  avec  amour 

J'avais  laissé  à  Lefébure,  après  le  Congrès  d'Alger,  quel- 
ques documents  que  j'avais  rapportés  d'Egypte.  Il  me  ren- 
voya ces  documents,  en  m'écrivant  le  6  août  1905  : 

1.  J'ai  publié  l'image  de  cette  déesse- palmier  de  Thèbes,  flg.  16, 
p.  243,  de  La  Religion  de  l'ancienne  Egypte,  Paris,  Beauchesne,  1910. 


LXXX  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

Voici  enfin  les  quatre  cahiers  et  les  calques  que  vous  avez  eu 

l'obligeance  de  me  confier  il  y  a  plus  de  trois  mois J'ai  trouvé 

des  choses  très   curieuses  dans  vos  notes Je  vous   remercie 

aussi  de  grand  cœur  pour  les  renseignements  que  vous  avez  bien 
voulu  me  fournir  sur  Khnoum.  Je  connaissais  par  Jablonski  la 
légende  de  Rufin,  relative  au  dieu  Canope  de  Canope,  légende  qui 
me  paraît  bien  concerner  Khnum.  Mon  impression  est  toujours 
qu'il  persistait  à  l'époque  grecque,  dans  la  ville  dont  il  s'agit,  des 
restes  d'un  vieux  culte  de  Khnum  à  demi  oublié,  ou  tout  au 
moins  primé  par  celui  de  Sérapis 

Il  m'indiqua,  dans  une  lettre  du  29  décembre  1905,  qu'il 
utilisait  mes  documents  pour  une  étude  sur  Le  bucràne  : 

J'ai  tiré  quelque  chose,  au  moins  je  le  pense,  des  bucrânes  dont 
vous  avez  eu  l'obligeance  de  me  communiquer  les  dessins  :  ce  sont 
des  représentations  exactement  semblables  aux  crânes  de  bœufs  et 
de  chèvres  ou  de  gazelles  trouvés  dans  des  puits  spéciaux  datant 

du  Moyen-Empire,  à  Diospolis  parva.  Pétrie  en  a  publié  deux' 

Les  crânes  en  question  n'ont  pas  de  mâchoires,  et  sont  semés  de 
taches  peintes  en  rouge  ou  en  noir.  Pétrie  attribue  la  coutume  de 
préparer  ainsi  les  bucrânes  à  une  branche  relativement  récente  de 
la  race  libyenne  qui  aurait  occupé  l'Egypte,  suivant  lui,  à  l'époque 
préhistorique.  Je  ne  sais  s'il  est  bien  dans  le  vrai.  En  tous  cas,  la 
présence  de  ces  bucrânes  à  Diospolis  parva,  la  ville  des  sistres, 
est  intéressante,  car  un  sistre  c'est  originairement  une  tête  de 
vache La  tète  bovine,  p-^— ,,  a  le  même  nom  que  le  sistre. 

Si  réellement  la  race  qui  peignait  les  bucrânes  est  africaine,  ce 
sera  un  fait  à  noter  à  côté  de  l'affichage  des  têtes  ou  cornes  de 

bu'iif  qui  caractérise  la  hutte  de  Khem, dieu  du  Haut  Nil,  et 

la  ville  de  Crocodilopolis  dans  le  Fayoum,  lequel  est  une  sorte 
d'oasis  libyenne,  m  m  . 

Si  j'ai  le  temps,  je  ferai  pour  la  Revue  d'Upsala,  celle  de  Piehl, 
un  mémoire  là-dessus  ;  mais  je  suis  obligé  de  dire  si  j'ai  le  temps, 

1.  Diospolis  pqrna,  pi.  39  et  p.  46. 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  LXXXI 

car  les  manœuvres  dont  mon  emploi  a  toujours  été  l'objet  recom- 
mencent de  plus  belle1 

Il  y  a  longtemps  qu'il  n'a  été  question  des  mémoires  du  Congrès. 
Tant  que  je  serai  ici,  j'aurai  naturellement  à  m'occuper  de  l'im- 
pression de  la  partie  égyptologique,  et  je  vous  enverrai  vos 
épreuves 

Il  semble  que  le  temps  de  Lefébure  eût  été  bien  employé 
pendant  l'année  1905  ;  et  pourtant  il  s'occupait  encore  de 
publier  un  volume  d'études  psychiques.  Le  volume  ne  parut 
pas  ;  mais  le  plan  préparé  par  Lefébure  nous  a  été  conservé 
dans  une  lettre  qu'il  écrivit  le  28  juin  1905  à  M.  Gaidoz2, 
directeur  de  Mélusine  : 

Monsieur  et  cher  Maître, 

J'accepte  avec  beaucoup  de  plaisir  et  de  reconnaissance  votre 
aimable  offre  de  parler  à  Alcan3,  sans  grand  espoir  peut-être 
d'aboutir  ;  mais  il  est  toujours  permis  d'essayer. 

Mes  mémoires  publiés  ou  inédits  sur  le  psychisme  peuvent  re- 
présenter un  volume  de  300  à  350  pages  in-8.  Ils  ne  composent  pas 
un  tout  bien  suivi  ;  ce  sont  plutôt  des  Études  psychiques  ou  méta- 
psychiques,  pour  employer  le  mot  proposé  par  Ch.  Richet.  La 
méthode  que  je  suis  n'est  pas  expérimentale,  mais  historique  :  je 
me  borne  à  recueillir  d'anciens  témoignages  montrant  que  les  faits 
vrais  ou  faux  qui  sont  mis  à  l'étude  aujourd'hui  ont  été  connus  de 
tous  temps. 

Voici  les  titres  de  12  mémoires,  les  inédits  marqués  +  et  ceux  à 
demi  inédits  marqués  —  : 
-f-    1.  L'orphisme  de  V.  Hugo  (à  refaire). 

1.  Il  s'agissait  d'une  nouvelle  tentative  pour  faire  supprimer  le  cours 
de  Lefébure. 

2.  M.  Gaidoz  a  bien  voulu  nous  communiquer  un  certain  nombre  de 
lettres  de  Lefébure,  et  nous  permettre  d'en  faire  usage  dans  cette  Notice. 

3.  «  J'ai  eu,  dit  M.  Gaidoz,  une  fin  de  non-recevoir  chez  Alcan,  parce 
qu'on  m'y  a  dit  ne  pas  publier  de  volumes  de  Mélanges,  mais  seulement 
des  ouvrages  inédits,  comme  si  l'inédit  était,  par  cela  seul,  original  !  » 

BlBL.   ÉGYPT.,  T.   XXXIV.  *#*#*# 


LXXXII  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

-(-    2.   La  coupe  et  la  couronne  (la  pomme  aurait  fait  une  trilogie, 
mais  elle  n'est  pas  seulement  psychique). 

3.  Les  petites  hantises,  tableaux,  tapisseries,  miroirs  et  hor- 

loges (à  terminer). 

4.  Le  nagal  (une  des  origines  possibles  du  totem). 
-4-    5.   L'aruspicine. 

6.  Le  miroir  d'encre  dans  la  magie  arabe  (moins  les  textes  en 

arabe). 

7.  (  La  vision  dans  le  cristal. 

8.  <  Madame  Piper  (Deux  chapitres   traduits  de  Lang,    The 
f     ma  km  g  of  Relig  io  n  ) . 

9.  Musset  sensitif. 

—  10.   La  télépathie  au  XVIIe  siècle  (d'après  Mme  de  Sévigné  et 

la  mère  du  Régent,  à  refaire). 
11 .   L'expérience  cruciale  de  la  force  psychique. 
-f-  12.  Les  mirages  psychiques  (à  faire;  ce  n'est  pas  la  même 

chose  que  les  Mirages  visuels  et  auditifs  dans  Mélu- 

sine  '). 

Je  pourrais  joindre  à  cela  les  Origines  du  Fétichisme  et  la  Vie 
du  nom,  si  Mélusine  le  permettait;  mais  je  crois  qu'à  la  mode  des 
fées  elle  garde  exclusivement  pour  elle  son  acquis,  comme  Viviane 
avec  Merlin 

Cette  lettre  nous  fournit  un  témoignage  de  plus  de  l'acti- 
vité de  Lefébure  et  de  la  variété  des  recherches  auxquelles 
l'entraînaient  ses  études.  Mais  s'il  ne  réussit  pas  a  l'aire  pu- 
blier par  Alcan  le  volume  d'Études  psychiques  dont  il  avait 
préparé  le  plan,  l'occasion  s'offrit  à  lui  un  peu  plus  tard  de 
publier  l'ensemble  de  ses  œuvres  diverses.  Il  m'en  informa 
dans  une  lettre  du  20  juin  11)07  : 

Maspero  m'a  fait  proposer de  republier  l'ensemble  de 

mes  mémoires- Si  ma  santé  ne  me  permet  pas  d'y  participer 

;i'-ti\  fuient,  je  pense  qui-  je  serai  aidé  par  un  de  mes  anciens  au- 

1.  Tome  X,  n°2,  mars-avril  1900,  col.  25-39. 

2.  Dans  la  Bibliothèque  ègyptologique. 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  LXXXIII 

diteurs  d'Alger,  M.  Galtier,  qui  est  en  ce  moment  bibliothécaire 
au  Musée  du  Caire. 

J'ai  un  autre  auditeur  qui  songerait  à  se  présenter  à  l'École  du 

Caire c'est  l'abbé  Saint-Paul1,  professeur  au  séminaire    de 

Saint-Eugène,  près  d'Alger.  Le  mérite  ne  lui  manque  pas,  mais 
sa  robe  serait  sans  doute  un  obstacle 

Vous  serez  bien  aimable  de  présenter  mes  amitiés  à  M.  Mallet 
si  vous  lui  écrivez,  et  aussi  de  me  donner  son  adresse  :  j'ai  à  lui 
envoyer  mes  mémoires  du  Congrès. 

Je  vous  félicite,  à  propos  de  Congrès,  d'être  membre  du  Con- 
grès préhistorique.  S'il  a  lieu  pendant  les  vacances,  peut-être  y 
rencontrerez- vous  un  de  mes  collègues  et  amis,  M.  Flamand,  qui 
étudie  la  préhistoire  africaine  d'après  les  dessins  rupestres  où  il  y 
a  pas  mal  de  béliers  ammoniens  d'époque  très  ancienne. 

J'ai  eu  des  nouvelles  de  M.  Lieblein,  toujours  très  alerte,  par 
une  de  mes  élèves,  qui  est  licenciée  ès-lettres  et  qui  a  passé  l'hiver 
en  Norvège,  Mlle  Bercher,  fille  d'un  médecin  militaire  d'Alger. 
Elle  a  un  frère  qui  est  au  Val-de-Grâce  avec  mon  fils 

Le  12  juillet  1U07,  il  m'écrivait  encore  au  sujet  de  la 
réimpression  de  ses  œuvres  : 

Je  comptais  partir  ces  jours-ci,  mais  je  ne  me  sens  pas  bien  en 
état  de  faire  le  voyage,  et  d'autre  part  je  vois  qu'il  ne  fait  pas 
chaud  du  tout  en  France,  de  sorte  que  je  me  décide  à  passer  l'été 
à  El-Biar.  village  plus  élevé  qu'Alger,  donc  plus  frais  et  plus  sain. 
Je  m'y  rendrai  vers  le  20  de  ce  mois. 

Je  viens  de  terminer  ma  propre  bibliographie,  et  je  vais  l'en- 
voyer au  bibliothécaire2  du  Musée,  au  Caire,  qui  me  paraît  chargé 
de  la  réimpression  de  mes  travaux.  On  la  commencera  quand  de 
Horrack  sera  terminé.  Je  pense  bien  qu'il  ne  s'agit  pas  de  repu- 
blier les  ouvrages  en  volume,  mais  simplement  les  articles  de 
Revue.  J'espère  aussi  qu'il  est  permis  de  rectifier  au  moins  en 
note  les  erreurs  reconnues,  et  d'ajouter  quelques  références  au  be- 
soin  

1.  Voir  plus  haut,  p.  lx. 

2.  Son  élève  Galtier;  voir  plus  haut,  p.  lx  et  lxxxiii. 


LXXXIV  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

Je  ne  pouvais  pas  me  refuser  à  ma  réimpression,  mais  j'aime- 
rais beaucoup  mieux  employer  le  temps  qu'elle  me  prendra  à  ter- 
miner les  travaux  que  j'avais  en  train  quand  je  suis  tombé  malade. 
On  ne  fait  pas  toujours  ce  qu'on  voudrait.  M.  Flamand'  ne  vien- 
dra pas  à  Solutré  :  il  devait  aller  à  Lyon  et  reste  à  Alger 

Nous  venons  de  voir  que  Lefébure,  se  sentant  trop  fatigué 
pour  se  rendre  en  France  pendant  les  vacances  de  1907, 
s'était  décidé  à  passer  une  partie  de  l'été  à  El-Biar,  village 
situé  au-dessus  d'Alger,  non  loin  de  la  porte  du  Sahel.  Il  me 
parla  brièvement  cle  ce  séjour  à  la  campagne,  dans  une  lettre 
qu'il  m'écrivit  le  3  septembre2,  après  son  retour  à  Alger  : 

J'ai  passé  deux  mois  à  El-Biar,  un  village  plus  élevé  qu'Al- 
ger, mais  non  moins  humide,  au  moins  cette  année Je  ne  m'en 

suis  pas  très  bien  trouvé  sous  ce  rapport.  A  un  autre  point  de  vue 
le  site  est  plutôt  agréable.  J'habitais  une  villa  au  milieu  des  vignes, 
de  sorte  que  j'ai  assisté  au  commencement  et  à  la  fin  des  ven- 
danges, qui  ont  été  assez  abondantes,  malgré  quelques  coups  de 
sirocco 

M.  Héricy,  professeur  au  Lycée  d'Alger,  et  auditeur  des 
leçons  de  Lefébure,  a  bien  voulu  nous  raconter1  comment 
celui-ci  se  reposa  à  El-Biar,  où  il  l'avait  lui-même  attiré  : 

1.  Voir  plus  haut.  p.  lxxxiii. 

2.  Dans  la  môme  lettre,  Lefébure  m'exposait  le  résultat  de  ses  re- 
cherches sur  les  habitants  des  '^:;::',:::^7  mentionnés  dans  la  stèle  triom- 

v -, 

phale  de  Thoutmès  III  ;  on  sait  que  son  article  sur  ce  sujet  parut  après 
sa  mort  dans  le  Sphinx  sous  le  titre  Le  moi  neb  cl  le  troglodi/tisme. 
Il  me  parlait  des  palettes  archaïques  étudiées  par  MM.  Capart  et  N'a- 
vilie, et  se  préoccupait  de  l'avenir  des  études  de  M.  l'abbé  Saint-Paul  : 
«  J'ai  vu  dans  l'Encyclique  du  pape  que  les  prêtres  ne  devront  plus 
suivre  les  cour<  des  I  fniversités  civiles,  et  je  le  regrette  beaucoup  pour 
l'abbé  Saint-Paul,  qui  ne  pourra  pas  non  plus  songer  maintenant  à 
l'Ecole  du  Caire,  et  que  d'autre  part  la  loi  de  séparation  appliquée  ;'i 
l'Algérie  va  obliger  à  s.'  chercher  uni'  situation.  Dans  ces  conditions  je 

ii'-  pense  pas  qu'il  ;iii  donné  suite  ,;i  son  intention  de  vous  écrire » 

:'..  Lettre  de  M.  Héricy  à  Ph.  Virey,  du  13  juillet  1910. 


NOTICE    BIOGRAPHIQUE  LXXXV 

En  1907  je  ne  suis  pas  allé  passer  mes  vacances  en  France. 
J'avais  loué  à  El-Biar,  à  7  kilomètres  d'Alger,  un  petit  apparte- 
ment, où  nous  nous  étions  déjà  bien  trouvés  en  1901.  Justement, 
dans  la  même  villa,  un  autre  petit  appartement  se  trouvait  vacant. 
J'en  informai  M.  Lefébure,  qui  s'empressa  d'en  profiter.  Mais  ce 
ne  devait  pas  être  pour  se  reposer.  Il  était  arrivé  avec  une  véri- 
table bibliothèque.  Au  lieu  de  faire  comme  moi,  de  vivre  constam- 
ment dehors,  sous  les  pins,  il  restait  à  sa  table  de  travail  le  jour 
et  une  grande  partie  de  la  nuit.  C'est  à  peine  si  je  pouvais  le  déci- 
der à  prendre  un  quart  d'heure  de  répit  dans  toute  la  journée.  Il 
venait  de  rester  au  lit  de  longs  mois,  échappant  à  une  maladie 
pour  devenir  la  proie  d'une  autre,  grippe  infectieuse,  phlébite, 
congestion  pulmonaire.  J'aurais  voulu  le  soustraire  à  cette  intensité 

de  vie  cérébrale  qui  le  consumait.  Je  n'ai  pu  y  réussir C'était 

le  moment  où  venait  de  paraître  l'ouvrage  de  Frazer  :  Adonis, 
Attis,  Osiris.  Lorsque  j'arrivais  à  le  décider  à  sortir  quelques  mi- 
nutes, il  ne  se  séparait  point  de  cet  ouvrage  et  l'emportait  sous  son 
bras.  Si  nous  nous  arrêtions  sur  un  banc,  il  ouvrait  Frazer,  et  en 
dévorait  à  la  hâte  quelques  fragments.  A  cette  occasion  je  lui 
adressai  un  sonnet  acrostiche  pour  l'amuser  : 

A  mon  cher  et  savant  maître  M.  Lefébure. 

Mst-il,  mon  savant  maître  en  Égyptologie, 

Gn  plus  grand  bien  que  Vie.  et  que  Force  et  Santé  ? 

Cardons-nous  d'oublier  que  tout  est  Vanité 

— t  pâture  de  vent,  tout,  Science  ou  Magie. 

négligez  Adonis,  Osiris,  pour  Hygie  ; 
Mt,  sans  prendre  souci  d'Attis  ressuscité, 
faissez-vous  griser  d'air,  de  gai  soleil,  d'été, 
Mt  brûlez-moi  ces  dieux  de  mort  en  effigie. 

*r]rêle  proie  arrachée  à  peine  à  VAmenti, 
—veillez-vous  au  prime  essor  d'Hor-em-Khouti  ; 
M uvez  à  ses  rayons  YAnkh  à  pleine  poitrine  ; 

Cdja  soit  avec  vous,  de  Senb  réconforté  ! 
pja  veuille  de  vos  maux  extirper  la  racine, 
Mt  vous  rendre  vigueur  pour  chercher  vérité  ! 

BlBL.   ÉGYPT.,   T.   XXXIV.  ##*###_ 


LXXXVI  NOTICE    BIOGRAPHIQUE 

Je  n'obtins  pas  plus  heureux  résultat  en  vers  qu'en  prose  ;  mais 

j'appris que  j'avais  porté  de  l'eau  à   la  fontaine1 Je  ne 

me  proposais  que  de  le  distraire;  mais  j'avais  touché,  sans  le  savoir, 

une  corde  sensible  qui  se  remit  à  vibrer Quelques  semaines 

après  mon  retour  à  Alger,  je  reçus  une  lettre  anonyme,  renfermant 
trois  quatrains  acrostiches 

>vez-vous  quelquefois  le  soupçon  du  mystère, 
lorsque,  par  les  soirs  vaporeux  des  lins  d'été, 
bdien  au-dessus  des  bruits  de  la  Blanche  Cité, 
Msprit  libre  et  hardi,  vous  songez,  solitaire"? 

£?epos,  calme,  inertie?  oh  !  non,  car  bien  souvent 
Hout  un  monde  endormi  dans  vos  pensers  s'éveille, 
— indou,  juif  ou  chrétien,  évoquant  la  merveille 
étrange  du  passé  toujours  mort  et  vivant. 

p:econnaissez-vous  là  l'esprit  Un  qu'on  devine 
—nnombrable  pourtant  dans  l'infini  de  l'ost 
Oosmique,  ce  Cosmos  dont  vous  êtes  le  Faust  ? 
kj  voyez-vous  combien  l'âme  humaine  est  divine  ? 

Pas  de  signature!!!  mais  j'avais  deviné  sans  peine Alors  je 

lui  adressai,  également  sans  signature,  les  distiques  suivants  : 

O  sphinx  !  absque  tuo  cur  nomine  carmina  mittis? 
Vere  auctor  patuit  callidus  arte  Faber  '-'. 


Iiaud  eadem  ratio  nobis  apparet  habenda 

Temporis;  hic  noctem  carpit,  at  ï  1  le  diem. 
Te  vigilem  assiduumque,  sopor  quando  occupât  uibem 

Mens  rerum  exagitat,  Vox  quoque  Praeteriti. 

1.  «  A  ce  moment,  ajoute  M.  Héricy,  je  fis  emplette  de  ['Anthologie 
des  Poètes  français  contemporains,  publiée  par  »i-  Walch,  chez  Delà- 
grave,  3  vol.  Dans  le  tome  I,  page  107,  Biographie  de  Louis-Xavier  de 
Ricard,  le  nom  d'Eugène  Lefébure  figure  parmi  les  trente-sept  collabo- 
rateurs du  /'iirnussr  contemporain  en  1866.  » 

2.  Faber  =  le  fèvre. 


NOTICE    BIOGRAPHIQUE  LXXXVII 

Intima  nox  tibi  fert  per  amœna  silentia  vulgi 

Manatque  ubertas  lactea  sideribus. 
Te  dudum  agnovi  Parnassi  rnontis  alumnum, 

Osque  animadverti  magna  sonare  tuum. 
Me  juvat  alternas  rerum  observare  vices,  et 

Nox  ubi  fit.  jaceo;  dormit  itemque  liber. 
Blanda  tegrum  recréât,  mœrentis  tsedia  mulcet, 

Interdum  infundit,  somnia  grata,  jocos, 
Cum  luce  hesternos  mens  matutina  labores 

Instaurât,  scriptis  imbuta  tota  tuis. 
Œdipus  Icosii  jubeo  salvere  poetam 

Faustus,  si  velles  Sole  fovente  frai  ! 

Il  me  répondit  par  une  lettre  aussi  aimable  que  gaie.  Mais  jamais 
il  ne  consentit  à  suivre  mes  conseils  bien  cordiaux  de  s'arracher  à 
ses  études  et  de  ménager  ses  forces 

La  mort  seule  devait  bientôt  arracher  Lefébure  à  son 
travail,  et  lui  procurer  le  repos.  Le  27  octobre  1907,  il  m'écri- 
vait de  nouveau  au  sujet  de  M.  l'abbé  Saint  Paul,  dont  la 
situation  l'intéressait.  Il  comptait  alors  le  revoir  à  son 
cours  ;  mais  ce  cours  devait  être  interrompu  avant  la  fin  de 
l'année  1907  ;  la  grippe  le  ressaisit  et  l'obligea  à  prendre 
un  congé.  Il  travaillait  chez  lui  ;  il  me  tenait  au  courant  de 
ses  recherches  sur  le  mot  ^~? ,  neb,  employé  avec  le  sens  de 
cuvette  ou  bas-fond  ;  enfin  il  se  préoccupait  de  la  réimpres- 
sion de  ses  œuvres  : 

Je  suis1  entraîné  bon  gré  mal  gré  (plutôt  mal  gré  à  cause  de  la 
fatigue  qui  en  résulte  pour  moi)  à  m'occuper  de  ma  réimpression. 
Maspero  m'a  déjà  fait  interviewer  de  6  à  7  côtés  différents  à  ce 
sujet.  J'ai  donné  à  Leroux  quelques  mémoires  pour  les  transmettre 
à  l'imprimeur 

Je  serais  fort  embarrassé  pour  entreprendre  ma  biographie,  sur 
laquelle  pèse  sans  interruption  l'hostilité  de  Maspero,  car  je  ne 

1.  Lettre  de  Lefébure  à  Ph.  Virey,  du  27  octobre  1907. 


LXXXVIII  NOTICE    BIOGRAPHIQUE 

saurais  guère  m'en  expliquer  dans  une  publication  à  lui 1 .  Je  ne  suis 
d'ailleurs  guère  en  état  pour  le  moment  d'entreprendre  un  pareil 
travail,  pour  lequel,  si  je  m'y  décidais,  je  tâcherais  de  prendre  le 
biais  de  me  borner  à  l'historique  de  mes  travaux  et  de  mes  idées. 
Je  vous  remercie  beaucoup  d'avoir  bien  voulu  me  renseigner 
sur  les  annotations  à  faire  aux  mémoires  republiés,  et  en  outre 
pour  le  volume  de  Horrack2.  J'ai  écrit  à  sa  veuve  pour  lui  adresser 
aussi  mes  remerciements-  Je  n'ai  pas  connu  beaucoup  de  Horrack, 

mais  dans  tous  les  cas  je  l'ai  vu  assez  pour  apprécier  sa  science 

et  son  amabilité.  Il  m'était  très  sympathique 

Le  12  novembre  1907,  Lefébure  m'exposait  ses  idées  sur 
les  palettes  archaïques  d'Egypte,  comparées  aux  churinga 
des  Australiens,  à  l'occasion  de  la  communication  faite  par 
M.  Capart  à  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres 
le  30  août  1907  : 

Je  vous  remercie  beaucoup  du  renseignement  que  vous  avez  bien 
voulu  me  donner,  et  qui  m'arrive  très  à  propos  pour  m'épargner  une 
petite  gaffe,  en  ce  sens  que  j'allais  probablement,  après  coup, 
donner  comme  mienne  l'opinion  de  Capart.  Voici  pourquoi  je  dis 
■probablement  :  en  m'occupant  des  palettes  archaïques  à  godet  cen- 

1.  Il  y  eut  entre  Lefébure  et  M.  Maspero  un  malentendu  presque  con- 
tinuel. Les  lettres  de  Lefébure,  antérieures  à  1878,  montrent  qu'il  avait 
fort  peu  de  sympathie  pour  M.  Maspero  (voir  plus  haut,  p.  xix,  note  2). 
Lorsque  celui-ci  l'eut  fait  nommer  maître  de  conférences  à  la  Faculté 
'!'•-  Lettres  de  Lyon,  el  ensuite  directeur  de  la  Mission  permanente  du 
Caire,  il  lui  en  fut  très  reconnaissant,  mais  il  semble  qu'il  n'ait  jamais 
cessé  de  le  craindre;  un  certain  malaise  exista  toujours  dans  leurs  re- 
lations, malgré  les  efforts  que  M.  Maspero  lit  d'abord  pour  y  remédier. 
L'insuccès  de  la  thèse  de  Lefébure  et  la  mesure  brutale  dont  il  fut 
victime  au  Collège  do  France  augmentèrent  encore  sa  défiance  à  l'égard 
de  M-  Maspero,  qu'il  rendit  responsable  de  ses  malheurs.  De  son  côté 
M.  Maspero  ne  semble  pas  avoh    eu  l'occasion  de  connaître  ce  qu'il  y 

t  d'aimable  dans  le  caractère  de  Lefébure,  sans  doute  parce  qu'il 
n'y  eut  jamais  entre  eux  assez  d'intimité. 

2.  .1"  Déméritais  pas  ces  remerciements;  je  m'étais  borné  à  indiquer 
L'adresse  de  Lefébure  à  M"' de  Horrack,  qui  voulait  lui  offrir  elle-même 
un  exemplaire  du  volume  de  son  mari. 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  LXXXIX 

tral  pour  répondre  à  Naville 1 ,  j'avais  comparé  ce  godet  aux  cupules 
préhistoriques  signalées  depuis  assez  longtemps  par  l'anthropolo- 
gie, et  comme  lesdites  cupules  ont  été  étudiées  par  A.  Lang  dans 
son  livre  intitulé  Magic  and  Religion,  je  me  proposais  de  revoir  le 
chapitre  spécial  où  il  en  parle.  Or  ce  chapitre,  que  je  me  rappelais 
d'une  manière  assez  vague,  contient  une  description  détaillée  des 
churinga  de  Capart,  assimilés  aux  cupules,  de  sorte  que  j'aurais 
été  conduit  à  peu  près  forcément  à  rapprocher  les  churinga  des 
palettes.  Ces  objets  bizarres  seraient,  pour  les  Australiens,  des 
réceptacles  d'àmes  d'ancêtres,  mais  je  n'oserais  pas  aller  jusque-là 
en  ce  qui  concerne  l'Egypte.  Je  ne  sais  si  Capart  l'a  fait.  Il  y  a, 
dans  tous  les  cas,  analogie  de  forme 

A  la  fin  de  l'année  1907,  Lefébure  reçut  la  visite  du 
Dr  Schweinfurth,  qui  était  venu  passer  l'hiver  à  Biskra.  La 
conversation  de  l'illustre  explorateur  l'intéressa  vivement, 
et  il  aurait  voulu  le  voir  davantage  ;  mais  il  était  alors  très 
malade  de  la  grippe,  et  condamné  à  rester  chez  lui2. 

Il  m'écrivit  pour  la  dernière  fois  le  1er  février  1908,  à  peu 
près  en  même  temps  qu'il  m'envoyait  son  mémoire  sur  La 
main  de  Fathma,  publié  dans  le  Bulletin  de  la  Société  de 
Géographie  d'Alger  et  de  l'Afrique  du  Nord.  Il  avait  appris 
avec  intérêt  que  je  devais  donner  des  conférences  sur  la 
religion  de  l'ancienne  Egypte  à  l'Institut  catholique  de 
Paris  ;  et  bien  qu'en  principe  il  ne  fit  pas  de  critique.,  il 
m'écrivait  qu'il  aurait  aimé  à  lire  ces  conférences  pour  en 
rendre  compte  dans  le  Sphinx. 

Mais  cette  lettre  du  1er  février  fut  la  dernière  que  je  reçus 
de  lui.  Ce  fut  son  disciple  M.  l'abbé  Saint  Paul  qui  m'écri- 
vit le  samedi  11  avril  1908  pour  m'annoncer  sa  mort  : 

Mon  excellent  maître  et  votre  ami  M.  Lefébure  est  mort  presque 

1.  11  s'agit  du  mémoire  de  M.  Naville  intitulé  Le  Dieu  de  l'Oasis  de 
Jupiter  Ammon,  et  publié  dans  les  comptes  rendus  de  V Académie  des 
Inscriptions  et  Belles-Lettres,  année  1906,  p.  25-32. 

2.  Lettre  de  Lefébure  à  Ph.  Virey,  du  28  décembre  1907. 


XC  NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

subitement  dans  la  nuit  de  jeudi  à  vendredi  ;  et  ses  obsèques  auront 
lieu  ce  soir  samedi  à  2  h.  1/2. 

C'est  un  long  martyre  qui  finit Depuis  trois  mois  il  ne  faisait 

plus  son  cours,  affaibli  aussi  par  le  travail  et  sa  vie  d'anachorète. 
Rien  cependant  ne  faisait  prévoir  le  coup  qui  nous  frappe  si  dou- 
loureusement. 

Son  fils  M.  Maurice  Lefébure,  aide-major  à  Grenoble,  ne  pourra 
guère  arriver  à  Alger  que  dimanche  dans  l'après-midi. 

La  famille  qui  accompagna  Lefébure  jusqu'à  sa  dernière 
demeure  terrestre  fut  sa  famille  universitaire,  composée  de 
ses  collègues  et  de  ses  disciples.  Sur  sa  tombe  M.  Basset  lui 
adressa  un  dernier  adieu  au  nom  de  l'École  des  Lettres,  et 
M.  Héricy  parla  au  nom  de  ses  anciens  élèves.  Nous  avons 
déjà  cité1  la  première  partie  de  son  discours,  relative  à  l'en- 
seignement du  maître  :  M.  Héricy  terminait  par  ces  paroles  : 

M.  Lefébure  était  un  laborieux,  un  infatigable.  Le  travail  était 
pour  lui  un  besoin,  jamais  assouvi.  Il  travaillait  le  jour,  mais  il 
prolongeait  sa  veille  fort  tard  dans  la  nuit,  et  disputait  au  sommeil 
des  heures  qui,  pourtant,  consacrées  au  repos,  eussent  été  répara- 
trices. 

Depuis  deux  ans  qu'il  était  en  butte  aux  assauts  répétés  de  la 
maladie,  il  ne  se  plaignait  point  de  ses  souffrances.  Cependant  un 
jour  je  le  trouvai  véritablement  triste  et  accablé,  ("était  lorsqu'une 
phlébite  le  condamna  à  l'immobilité  complète  pour  de  longues 
semaines.  Il  venait  de  constater  avec  douleur  que  sa  vue  se 
brouillait  et  que  toute  lecture  lui  devenait  impossible.  Mais  lorsque 
plus  tard  ses  yeux  reprirent  leurs  forées,  il  se  sentit  renaître.  Il  lui 
sembla  que  c'était  le  signe  du  retour  définitif  à  la  santé,  et  nous 
aussi  nous  nous  primes  à  espérer  que  c'était  la  convalescence  tant 
désirée. 

Hélas  1  notre  illusion  ue  devait  pas  être  de  longue  durée  !  Ce 
sommeil  qu'il  ne  s'accordait  qu'avec  tant  de  parcimonie,  il  y  est 
maintenant  plongé  pour  jamais.  Et  nous   pleurons  notre  excellent 

1.  Voir  plus  ii.nii .  p.  lix. 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE  XCI 

maître;  et  emportant  au  fond  de  nos  cœurs  les  traits  de  cette  figure 
si  expressive  et  pourtant  sereine,  reflet  d'une  âme  haute,  nous 
avons  conscience  de  conserver  la  vivante  image  d'un  sage. 

Lefébure  a  beaucoup  souffert  ;  mais  l'amour  de  ses  disciples 
a  dû  faire  sa  consolation  et  sa  gloire.  L'admiration  de  ses 
collègues  ne  lui  a  pas  non  plus  fait  défaut1  ;  elle  lui  a  été 
clairement  affirmée  lors  des  Congrès  de  1905  ;  et  il  a  pu  sans 
vanité  se  dire  dans  ses  dernières  années  que,  si  sa  vie  n'a  pas 
été  heureuse,  elle  n'a  pas  été  inutile. 

1.  On  ne  peut  en  effet,  comme  l'a  fait  observer  Ernst  Andersson,  con- 
sidérer sans  admiration  le  nombre  des  problèmes  égyptologiques  que 
Lefébure  a  définitivement  résolus. 


HYMNES  AU  SOLEIL1 


AVANT-PROPOS 


Les  hymnes  qui  suivent  sont  extraits  du  Livre  sacré  de 
l'antique  Egypte,  appelé  Rituel  funéraire  par  Champollion, 
et  Todtenbuch,  c'est-à-dire  Livre  des  Morts,  par  M.  Lep- 
sius.  Les  Égyptiens  le  nommaient  Chapitres  pour  sortir  le 
jour,  ou  du  moins  je  pense  qu'ils  le  nommaient  ainsi,  car 
son  titre  n'a  pas  encore  été  traduit  de  cette  manière. 

Ce  livre  est  un  recueil  de  formules  et  de  prières  que  le 
défunt,  pour  devenir  un  élu,  devait  savoir  par  cœur  sur  la 
terre,  ou  posséder  par  écrit  dans  l'hypogée.  Grâce  à  l'effi- 
cacité de  ces  chapitres,  il  repoussait  les  serpents,  les  croco- 
diles et  les  monstres  de  l'autre  monde,  il  pouvait  revenir 
sur  la  terre  et  prendre  les  formes  qui  lui  plaisaient,  il  deve- 
nait immortel,  il  recouvrait  son  cœur  et  sa  bouche,  son  âme 
et  son  corps  étaient  réunis,  il  montait  avec  les  dieux  dans  la 
barque  du  Soleil,  il  recevait  une  demeure,  des  champs  et 
beaucoup  de  nourriture  dans  les  plaines  arrosées  de  l'Aaur, 

1.  Publié  dans  la  Bibliothèque  internationale  universelle,  Paris, 
1870,  t.  II,  p.  189-193.  C'est,  avec  quelques  modifications  légères,  la 
traduction  que  Lel'ébure  avait  déjà  donnée,  en  même  temps  que  le  texte 
hiéroglyphique  et  un  commentaire  dans  son  ouvrage  intitulé  Traduc- 
tion comparer  des  Hymnes  au  Soleil  composant  le  XVe  chapitre  du 
Rituel  funéraire  éfjuptien,  Paris.  Vieweg,  1868,  in-4u.  —  G.  M. 

BlBL.  ÉGYPT.,  T.  XXXIV.  1 


2  HYMNES    AU   SOLEIL 

L'Elysée  égyptien,  il  franchissait  les  portes  de  ce  paradis, 
gardées  par  les  dieux  armés  dont  il  lui  fallait  connaître  les 
noms,  enfin  il  faisait  tout  ce  qu'il  voulait.  Mais,  pour  ob- 
tenir ces  avantages,  il  fallait  encore  que  le  défunt  fût  déclaré 
juste  par  Thoth,  après  avoir  été  pesé  dans  la  balance  de  la 
justice  devant  Osiris.  Sinon,  il  subissait  différents  supplices, 
qu'on  appelait  la  seconde  mort. 

Le  chapitre  xv,  le  plus  poétique  de  tous,  contient  les 
hymnes  au  Soleil  que  nous  publions.  Il  rend,  d'une  façon 
assez  complète  et  assez  claire  l'idée  que  les  Egyptiens  se 
faisaient  du  plus  grand  de  leurs  dieux,  et  l'explication  peut 
s'en  résumer  ainsi  : 

Le  dieu  Soleil,  Ra,  nommé  Horus  des  deux  horizons, 
Haremkhu  à  son  lever,  et  Tu  m  ou  Atum  à  son  coucher, 
est  le  dieu  suprême,  Khepra,  chef  des  dieux  et  père  de  dieux, 
qui  a  formé  lui-même  ses  membres,  qui  s'est  créé  et  qui  a 
créé  les  Paut-Neteru,  c'est-à-dire  la  société  des  dieux  qui 
raccompagnent.  11  s'engendre  lui-même  au  sein  de  sa  mère 
Nu,  le  Ciel,  que  les  Egyptiens  regardaient  comme  un  abîme 
d'eaux,  le  Non.  (Le  chapitre  xvn  fait  du  Nun  le  Soleil  lui- 
même,  créanl  ses  membres  pour  être  les  dieux  qui  le  sui- 
vent.) Sur  cette  mer  d'en  haut,  le  Soleil  vogue  dans  sa 
barque,  dirigée  par  les  Akhimu  Seku  et  les  Akhimu  Urtu, 
astres  dont  le  nom  est  d'un  sens  très  incertain.  Dans  son 
coins,  le  Soleil  triomphe  de  ses  adversaires  et  anéantit  le 
serpent  Apap,  une  des  personnifications  du  mal. 

Arrivé  a  la  montagne  occidentale,  sa  mère,  le  Ciel,  le  re- 
çoit dans  ses  bras;  son  poreTanon,  que  je  croisètre  la  Terre, 
le  soutient,  et  il  secouclie  dans  la  demeure  de  Sakar,  c'est-à- 
dire  d'Osiris  infernal,  qui  est  une  (\<^s  formes  solaires;  la 
contrée  mystique  du  couchant  rs\  Manun,  Aker,  Ta-ser,  le 
Kher-neter,  le  pays  ^\>-  la  Vie,  et  l'Amenti,  c'est-à-dire  l'oc- 
cident, lieu  où  résidenl  Osiris  et  les  âmes  ^\(^  morts,  les- 
quelles,  après  leur  justification,  s'identifient  avec  ce  dieu  et 
prennent  son  qoeq.  C'est,  pour  ce  motif  que  le  Rituel,  en 


HYMNES   AU    SOLEIL  6 

parlant  du  défunt,  dit  toujours  :  l'Osiris  un  tel  justifié. 
Les  lecteurs  qui  voudront  bien  parcourir  le  chapitre  que 
j'ai  traduit  jugeront  eux-mêmes  de  sa  beauté,  relative  ou 
réelle.  Je  ferai  remarquer  seulement,  au  sujet  de  la  forme 
de  ces  hymnes,  que  les  Égyptiens  songeaient  peu  à  composer 
leurs  poèmes  :  au  lieu  d'en  grouper  les  détails  de  manière  a 
produire  un  effet  voulu,  ils  ne  faisaient  guère  que  les  réunir, 
sans  beaucoup  d'ordre,  suivant  les  hasards  de  la  verve  ou 
de  la  mémoire.  Ils  ne  connaissaient  pas  non  plus,  à  propre- 
ment parler,  la  versification,  mais  ils  usaient- de  certains 
artifices  qui  la  rappellent,  et  dont  le  plus  important  est  le 
parallélisme,  c'est-à-dire  le  rapprochement  d'idées  sem- 
blables rendues  par  des  mots  différents  et  des  tournures 
analogues.  L'hymne  qui  commence  à  la  ligne  18,  par 
exemple,  se  compose,  surtout  vers  la  lin,  de  parallélismes 
serrés,  espèces  de  distiques  rimant,  non  par  le  son,  mais  par 
le  sens  : 

Toi,  le  grand  dominateur  dans  la  barque,  —  le  très  terrible  dans 

[l'arche, 
Rends  heureux  l'Osiris  justifié  dans  le  Kher-neter,  —  fais  qu'il 

[soit  dans  l'A  menti, 
Qu'il  maîtrise  le  mal,  —  qu'il  surveille  l'iniquité, 
Place-le  parmi  tes  saints  zélateurs,  —  réunis-le  aux  âmes  qui  sont 

[dans  le  Kher-neter, 
Qu'il  parcoure  la  campagne  de  l'Aaur,  —  et  qu'ensuite  il  voyage 

[en  triomphe  ! 

On  peut  voir  là  aussi,  comme  dans  les  versets  hébraïques, 
l'ébauche  d'un  vers  blanc  très  libre,  coupé  d'une  césure  à 
peu  près  régulière  et  animé  par  des  oppositions  qui,  dégé- 
nérant parfois  en  répétitions,  rappellent  alors  les  vers  inu- 
tiles ou  faibles  qu'amène  la  rime  dans  nos  poésies  modernes. 
Ces  phrases  cadencées,  qui  rendent  le  style  plus  saisissant 
et  plus  nombreux,  ne  sont  jamais  obligatoires  et  ne  se  pré- 
sentent que  dans  les  endroits  où  l'auteur  était  échauffé  par 


4  HYMNES   AU   SOLEIL 

son  sujet,  à  peu  près  comme  les  chants  ou  les  vers  dans  les 
pièces  théâtrales  de  l'Inde  ou  de  la  Chine,  et  les  alexandrins 
moins  brisés  dans  nos  drames  de  1830. 

Outre  le  verset,  les  Egyptiens  employaient  encore  les 
assonances,  rimes  immédiates  dont  le  chapitre  xv  offre 
quelques  exemples,  et  les  refrains,  surtout  en  tète  des 
phrases,  comme  dans  les  invocations  au  Soleil  couchant  de 
ce  même  chapitre,  et  dans  la  poésie  connue  sous  le  nom  de 
Stèle  de  Toutmès  III,  où,  pendant  une  dizaine  de  lignes, 
deux  refrains  différents  commencent  tour  à  tour  les  versets. 
Les  bis  sont  fréquents  aussi  dans  les  textes.  Ce  sont  bien  là, 
mais  épais,  sans  lien  ni  règle,  tous  les  éléments  du  système 
rythmique.  Le  rythme  a  pour  but  d'exprimer  le  retour 
d'une  impression  agréable,  et  la  véritable  versification, 
c'est-à-dire  le  raffinement  du  rythme,  n'apparaît  guère  dans 
l'extrême  antiquité  que  chez  les  peuples  à  imagination  déli- 
cate, comme  les  Indous  et  les  Chinois. 


HYMNES   AU    SOLEIL 


ADORATION    OE    RA    HAREMHKU 

lorsqu'il  sk  lève  à   l'horizon  ORIENTAL  DU  CIEL 

L'<  )>i ris  Aufankh  justifié  dit  :  «  0  Ra,  seigneur  du  rayon- 
nement, brille  sur  la  face  de  l'Osiris  Aufankh  justifié  !  Qu'il 
soit  adoré  au  matin  el  qu'il  se  couche  le  soir,  que  son  âme 
sorte  avec  toi  vers  le  ciel,  qu'il  vogue  dans  la  barque,  qu'il 
aborde  dan-  l'arche,  qu'il  s'élève  comme  les  Akhimu  Urtu 
dans  le  ciel.  » 


HYMNES   AU   SOLEIL  5 

L'Osiris  Aufankh  justifié  dit,  en  invoquant  le  Seigneur  de 
l'éternité  :  «  Salut  à  toi,  Ra-Haremkhu-Khepra,  qui  existes 
par  toi-même  !  Splendide  est  ton  lever  à  l'horizon,  les  deux 
mondes  s'illuminent  de  tes  rayons.  Tous  les  dieux  se  ré- 
jouissent en  voyant  le  roi  du  ciel.  La  déesse  Neb-Un  est 
établie  sur  ta  tête,  le  diadème  du  Midi  et  le  diadème  du 
Nord  sont  établis  sur  ton  front,  elle  se  place  devant  toi; 
voilà  qu'elle  est  attentive,  à  l'avant  de  la  barque,  à  châtier 
pour  toi  tous  tes  adversaires.  Ceux  qui  sont  dans  le  ciel  in- 
férieur viennent  au  devant  de  ta  sainteté  pour  voir  ce  bel 
emblème  qui  est  le  tien.  Je  viens  à  toi,  je  suis  avec  toi  pour 
voir  ton  disque  chaque  jour.  Je  ne  suis  pas  enfermé,  je  ne 
suis  pas  repoussé.  Mes  membres  se  renouvellent  à  l'éclat  de 
tes  beautés,  comme  tous  tes  fidèles,  car  je  suis  un  de  ceux 
qui  sont  tes  favoris  sur  la  terre.  J'arrive  à  la  terre  des  siècles, 
je  rejoins  la  terre  de  l'éternité;  toi,  voilà  que  tu  as  voulu 
pour  moi,  ô  Ra,  que  je  sois  ainsi  comme  chaque  dieu.  » 

L'Osiris  Aufankh  justifié  dit  :  «  Salut  à  toi,  qui  brilles  à 
l'horizon  le  jour,  et  qui  parcours  le  ciel  uni  à  la  déesse  Ma'  ! 
Tous  les  humains  se  réjouissent  de  te  voir  marchant  dans 
ton  mystère  vers  eux.  Toi  qui  leur  es  donné  au  matin  de 
chaque  jour,  ils  prospèrent,  ils  progressent  avec  ta  sainteté, 
ceux  qui  sont  éclairés  de  tes  rayons.  Or  inconnu  !  Incompa- 
rable est  ton  éclat  !  C'est  le  pays  des  dieux  !  On  y  voit  toutes 
les  couleurs  de  l'Arabie.  Dieu  apprécié  par  ceux  qui  ont  les 
mystères  devant  eux,  tu  étais  seul  formé  lorsque  tu  prenais 
naissance  sur  le  Nun.  Puissé-je  marcher  comme  tu  marches, 
et  ne  pas  m'arrêter,  pareil  à  ta  sainteté,  ô  Soleil,  qui  n'as 
pas  de  maitre  !  Grand  voyageur  par  les  millions  et  les  cen- 
taines de  mille  d'aturs,  en  un  petit  instant  tu  les  parcours; 
tu  te  couches  et  tu  subsistes.  Les  heures  ou  les  jours  comme 
les  nuits,  tu  les  multiplies;  tu  subsistes  suivant  la  règle  que 
tu  t'imposes,  te  faisant  toi-même  le  matin  Ra  qui  te  lèves 
à  l'horizon.  » 

1.  Déesse  de  la  Justice  et  de  la  Vérité, 


6  HYMNES    AU    SOLEIL 

L'Osiris  Aufankh  justifié  dit,  en  t'adorant  le  matin  quand 
tu  brilles,  il  te  dit  quand  tu  resplendis  :  «  Dieu  adoré  lorsque 
la  forme  s'élève.  Dieu  dominant  on  grand  par  cette  beauté 
qui  est  la  tienne,  toi  qui  as  formé  et  fondu  tes  membres,  qui 
t'enfantes  et  n'es  pas  enfanté  à  l'horizon,  toi  qui  brilles  du 
haut  des  cieux,  fais  que  je  parvienne  au-dessus  des  siècles, 
dans  la  demeure  de  tes  favoris,  que  je  sois  réuni  aux  Esprits 
augustes  et  parfaits  du  Kher-neter,  que  je  sorte  avec  eux 
pour  voir  tes  beautés  à  ton  lever  et  le  soir,  lorsque  tu  te 
réunis  à  ta  mère  Nu  et  que  tu  places  ta  face  vers  l'occident. 
Mes  bras  sont  en  adoration  à  ton  coucher  dans  le  pays  de  la 
Vie.  Toi,  en  effet,  auteur  des  siècles,  qui  es  adoré  à  ton 
coucher  dans  le  Nun,  celui  qui  te  place  clans  son  cœur  sans 
se  relâcher,  tu  le  divinises  plus  que  tous  les  dieux.  » 

L'Osiris  Aufankh  justifié,  fils  de  Sa-t-khem  justifiée,  dit  : 
«  Gloire  à  toi,  qui  brilles  dans  le  Nun,  qui  as  illuminé  les 
deux  mondes  le  jour  où  tu  es  né,  enfanté  par  ta  mère  de  sa 
propre  main!  Tu  les  illumines,  tu  les  divinises,  grand  illu- 
minateur  qui  brilles  dans  le  Nun  !  Toi  qui  organises  tes 
familles  par  l'irrigation,  toi  qui  mets  en  fête  les  nomes, 
toutes  les  villes  et  tous  les  temples,  bienfaisant  par  tes 
bontés  !  Toi  qui  prépares  les  aliments  el  la  nourriture  déli- 
cieuse, loi,  le  tics  redoutable,  le  maître  des  maîtres,  qui 
détruis  toul  refuge  pour  l'iniquité,  toi,  le  grand  dominateur 
dans  la  barque,  le  très  terrible  dans  l'arche!  Rends  heu- 
reux l'Osiris  Aufankh  justifié,  fils  do  Sa-t-khem  justifiée, 
dans  le  Kher-neter,  fais  qu'il  soit  dans  l'Amenti,  qu'il  maî- 
trise le  mal,  qu'il  surveille  l'iniquité,  plâce-le  parmi  tes 
saints  zélateurs,  qu'il  se  joigne  aux  Esprits  qui  sont  dans  le 
Kher  neter,  qu'il  parcoure  h  campagne  do  l'Aaur,  el  qu'en* 
suite  il  voyage  <'n  t riomphe.  » 

L'Osiris  Aufankh  justifié,  lils  d<-  Sa  t  khem  justifiée,  dit  : 
"  J'apparais  au  ciel,  }>-  traverse  le  in  marnent,  je  m'agenouille 
auprès  des  astres;  il  m'est  fait  appel  (\c  la  barque,  je  suis 
demandé  du  navire;  j<'  contemple  Ra  dans  son  sanctuaire, 


HYMNES   AU    SOLEIL  7 

je  fais  coucher  son  disque  chaque  jour;  j'aperçois  YAn\  eu 
sa  forme,  sur  le  courant  d'eau  sortant  semblable  au  métal 
Mafek,  j'aperçois  YAbet  à  son  instant.  Le  malfaiteur  est 
abattu  lorsqu'il  se  dispose  à  me  frapper  de  coups  sur  la 
nuque.  Je  t'ouvre,  ô  Ra,  avec  un  vent  favorable,  la  barque, 
et  elle  vogue,  elle  arrive  au  port.  Les  nochers  de  Ra  se  ré- 
jouissent en  le  voyant,  la  maîtresse  de  la  vie  a  le  cœur  dans 
les  délices,  elle  abat  les  ennemis  de  son  maître.  Je  vois  Horus 
au  gouvernail  et  Thoth  avec  ses  bras.  Tous  les  dieux  se  ré- 
jouissent de  voir  ce  dieu  venant  en  paix  et  béatifiant  les 
cœurs  des  mânes. 

II 

ADORATION    DE    RA 
QUAND    IL   SE   COUCHE    DANS    LE    PAYS    DE    LA    VIE 

L'Osiris  Aufankh  justifié,  fils  de  Sa-t-khem  justifiée,  est 
avec  eux  dans  l'Amenti,  son  cœur  est  dans  les  délices. 

L'Osiris  Aufankh  justifié,  (ils  de  Sa-t-khem  justifiée,  dit  : 

«  Salut  à  toi,  qui  es  venu  en  Tum,  et  as  été  le  créateur 
des  dieux  ! 

Salut  a  toi,  qui  es  venu  en  âme  des  âmes  saintes  dans 
l'Amenti! 

Salut  à  toi,  supérieur  des  dieux,  qui  illumines  le  ciel 
inférieur  par  tes  beautés  ! 

Salut  à  toi,  qui  viens  dans  les  splendeurs,  et  qui  voyages 
dans  ton  disque  ! 

Salut  à  toi,  plus  grand  que  tous  les  dieux,  dominant  au 
ciel  d'en  haut,  gouvernant  au  ciel  d'en  bas  ! 

Donne  les  souffles  délicieux  de  l'air  à  l'Osiris  Aufankh. 

Salut  â  toi,  qui  pénètres  au  ciel  inférieur  et  disposes  de 
toutes  les  portes  ! 

1.  L'An  et  YAbet  étaient  probablement  des  poissons  de  l'Océan 
céleste. 


8  HYMNES    AU    SOLEIL 

salut  à  toi,  parmi  les  dieux,  appréciateur  des  paroles  dans 
le  Kher-neter  ! 

Salut  à  toi,  qui  es  dans  ton  nid,  créateur  du  ciel  intérieur 
par  ta  vertu  ! 

Salut  a  toi,  dieu  grandi,  magnifié!  Tes  ennemis  tombent 
au  lieu  de  leur  supplice. 

Salut  à  toi,  tu  as  massacré  les  coupables,  tu  as  anéanti 
Apap! 

Donne  les  souilles  délicieux  de  l'air  a  1  Osiris  Aufankh 
pistil  ii''. 

Il  ouvre  l'Amenti,  Haroëris1  le  grand  dieu  qui  ouvre  la 
terre,  le  grand  dieu  qui  se  couche  dans  la  montagne  de  l'oc- 
cident, qui  illumine  le  ciel  d'en  bas,  par  ses  splendeurs,  et 
les  aines,  dans  leurs  demeures  secrètes,  en  éclairant  leurs 
sépulcres.  Lançant  le  mal  contre  le  coupable,  tu  anéantis 
l'ennemi.  » 

.  L'Osiris  Aufankh  justifié,  fils  de  Sa-t-khem  justifiée,  dit 
en  adorant  Ra-IIaremkliu,  quand  il  se  couche  dans  le  pays 
de  la  Vie  :  «  Gloire  a  toi,  Ka,  gloire  à  toi,  Tum,  quand  tu 
viens  redevenu  beau,  couronné,  puissant!  Tu  traverses  le 
ciel,  tu  passe-  sur  la  terre,  tu  arrives  au  haut  du  ciel  dans 
la  clarté.  Les  deux  régions  s'abaissent  devanl  toi  et  te  glo- 
rifient; les  dieux  de  l'Amenti  se  réjouissent  de  tes  beautés. 
Tu  es  adoré  par  les  demeures  mystérieuses,  cl  les  grands  te 
font  (\^>  offrandes,  eux  qui  ont  été  créés  par  toi.  le  salut  du 
inonde.  Tu  es  conduit  par  ceux  (pli  habitent  l'horizon,  tu  es 
mené  par  ceux  qui  sont  dans  l'arche  divine,  et  ils  disent  : 
Gloire  au  retour  de  Ta  Majesté!  Viens,  viens,  arrive  en 
paix  ! 

Honneur  a  toi,  acclamation  a  toi,  seigneur  du  ciel,  roi 
d'Aker!  Ta  mère  Nu  te  serre  dans  ses  bras,  voyanl  son  lils, 
•  ■il  toi,  en  seigneur  de  la  crainte,  très  terrible,  se  couchant 
la  nuit  dans  le  pays  de  la  Vie.  Ton  père  Tanen  te  porte,  il 

1.  Horus  L'alné,  I'1  Soleil. 


HYMNES   AU   SOLEIL  9 

étend  ses  bras  derrière  toi,  qui  es  devenu  divin  sur  la  terre. 
Tu  es  confié  par  lui  aux  zélateurs  de  l'Osiris  Aufankh  justi- 
fié, fils  de  Sa-t-khem  justifiée,  en  paix,  en  paix  :  c'est  Ra 
lui-même!  » 

On  dit  ces  paroles  lorsque  Ra  se  couche  dans  le  pays  de 
la  Vie,  en  abaissant  les  bras. 

L'Osiris  Aufankh  justifié,  fils  de  Sa-t-khem  justifiée,  dit 
en  adorant  Tum  quand  il  se  couche  dans  le  pays  de  la  Vie  et 
envoie  ses  clartés  au  ciel  inférieur  :  «  Salut  à  toi,  qui  te 
couches  dans  le  pays  de  la  Vie,  père  des  dieux,  qui  rejoins 
ta  mère  dans  Manun  et  es  reçu  dans  ses  bras  chaque  jour, 
quand  ta  sainteté  renait  dans  la  demeure  de  Sakar,  joyeux 
d'amour.  Tu  ouvres  les  portes  à  l'horizon,  tu  te  couches 
dans  la  montagne  de  l'occident,  et  tes  lueurs  sillonnent  la 
terre  pour  illuminer  les  mânes  :  ceux  qui  sont  au  ciel  infé- 
rieur poussent  des  acclamations  et  prennent  confiance  en  te 
voyant  chaque  jour.  Tu  donnes  le  repos  aux  dieux  sur  la 
terre  :  ils  sont  tes  serviteurs  et  ta  suite,  âme  sainte,  toi  qui 
as  engendré  les  dieux  et  qui  es  investi  de  tes  facultés,  grand 
aine  inconnu  dans  son  mystère!  Que  ta  face  soit  favorable  à 
l'Osiris  Aufankh  justifié,  fils  de  Sa-t-khem  justifiée,  Khepra, 
père  des  dieux  !  »  —  On  ne  soutire  jamais,  grâce  à  ce  livre 
qui  me  donne  la  stabilité.  Celui  qui  écrit  cela  dit  :  «  Que  mon 
cœur  ait  le  repos  en  récompense,  qu'il  me  soit  donné  de 
disposer  des  pains  et  des  breuvages,  et  que  je  sois  réuni, 
après  la  durée  de  ma  vie,  a  ce  livre  écrit  pour  la  grande 
paix  du  cœur.  » 


LE   «  FER  M   HROU  » 

ÉTUDE  SUR  LA  VIE  FUTURE  CHEZ  LES  ÉGYPTIENS 


M.  Chabas  a  bien  voulu  m'engager  à  compléter  tes  expli- 
cations que  j'ai  déjà  présentées  sur  le  titre  du  Livre  des 
Morts.  Le  sujet  est  difficile,  et  demande  pour  être  bien  traité 
une  érudition  sérieuse  et  une  critique  sûre.  Si  j'y  reviens, 
malgré  le  sentiment  de  mon  insuffisance,  c'est  que  je  crois 
pouvoir,  par  le  groupement  des  textes,  poser  comme  elle 
doit  l'être  une  question  d'autant  inoins  claire  pour  nous 
qu'elle  l'était  plus  pour  les  Égyptiens.  Ceux-ci,  familiers 
avec  l'expression  per  ni  hrou,  ne  se  donnaient  guère  la  peine 
de  la  développer,  et  pourtant,  puisqu'elle  reste  obscure  par 
elle-même,  son  vrai  sens  ne  peut  apparaître  que  dans  les 
détails  accessoires  qu'elle  comporte  et  qui  l'accompagnent. 
De  pareils  indices,  en  montrant  l'ordre  d'idées  auquel  elle  se 
rapporte,  restreindront  le  nombre  des  interprétations  qu'on 
en  donne  ou  qu'on  en  peut  donner. 

1.  Extrait  des  Mélanges  ègyptologiques  de  Chabas,  IIP  série,  t.  II, 
p.  218-241.  Un  tirage  à  part  de  cinquante  exemplaires  en  a  été  publié 
à  Chalon-sur-Saône,  chez  Dejussieu,  1873,  in-8J,  24  p.  —  G.  M. 


12  LE    «  PER    M    HROU  » 


LA    SORTIE    ET    LA    RENTREE    DANS    LE    MONDE    SOUTERRAIN 

On  sait  que  le  Livre  des  Morts  ou  Todtenbuch,  d'après 
le  nom  donné  a  l'exemplaire  qu'en  a  publié  M.  Lepsius,  est 
un  recueil  de  textes  qu'on  plaçait  souvent  dans  les  tombeaux 
avec  les  momies,  et  qui  avait  pour  but  de  procurer  au  mort 
les  avantages  d'une  vie  heureuse  clans  l'autre  monde  :  ces 
avantages  sont  désignés  d'une  manière  générale  par  le  per 
m  /trou,  qui  est  le  résumé  du  livre,  puisqu'il  en  est  le  titre. 

La  sortie  m  hrou  se  rattache  certainement  à  la  résur- 
rection, car  l'entête  du  Todtenbuch  porte  :  Commencement 

des  chapitres  pour  sortir  m  hrou  et  relever  f  I         ~\  )  les 

élus  dans  la  Kher-neter,  et  le  titre  du  chapitre  17  :  Textes 
pour  releoer  les  élus,  faire  entrer  et  sortir  dans  la  Kher- 
neter,  et.-.  Le  chapitre  31  dit  que  le  défunt  sort  m  hrou  et 
marche  sur  la  terre  comme  un  vivant  (1.  11  et  12)  ;  le  cha- 
pitre 65,  qui  procurait  la  sortie  m  hrou,  fait  dire  je  me  tiens 
sur  mes  jambes  (1.  3)  à  l'élu  que  le  chapitre  68,  conçu  dans 
le  même  sens,  représente  comme  maître  de  son  cœur,  de  sa 
bouche,  de  ses  lu-os  et  rie  ses  jambes  (1.  7),  puis  comme  se 
levant  <'i  sa  droite ,  se  plaçant  à  sa  gauche,  et  réciproque- 
ment (1.  8).  Au  chapitre  68,  il  sort  m  hrou  et  marche  sur 
ses  jambes  (1.  6),  expression  que  répète  à  peu  près  le  titre 
du  chapitre  92,  qui  ajoute  dans  le  texte  :  Mon  pas  s'arque, 
mes  jambes  se  lèvent,  je  jais  le  grand  voyage  (1.  2).  Le  cha- 
pitre 142  esl  un  livre  pour  perfectionner  l'élu,  le  faire 
marcher,  élargir  ses  pas\  le  faire  sortir  m  hrou,  etc.  On 
lit  de  même  :  Chapitre  pour  faire  que  Velu  soit  maître  de 

1.  Élargir  ses  pas  es!  un  idiotisme  de  la  langue  égyptienne  qui  signiflç 
marcher  lil>rrni<>,u.  harâtimenU  —  (F.  Chabas.) 


LE    ((  PER   M    HROU  »  13 

ses  jambes  dans  la  Kher-neter,  aux  anciens  Textes  du  Livre 
des  Morts  (Lepsius,  pi.  43,  1),  où  cxovx  /Ç\ 


i 

i i  a       rn 

marcher  m  hrou  (pi.  34,  ligne  12),  varie  avec  <=>  ^|\ 

v  ou  vfck.  nt  sor^'r  m  nrou  c*u  m  ra  (pl-  21,  15,  et 
8,  58).  La  marche  symbolisait  la  vie  :  Tu  ne  marches  plus, 
tu  es  mort,  ô  intendant  Mentouhotep.  Lève-toi  avec  ta 
personne  (  )  ;  plus  loin,  un  texte  correspondant  à 

q     A/WW\    »     <  I 

9  ,  pi.  25  et  26  :  O  intendant  Mentouhotep,  marche 

e£  ws/  (anciens  Textes,  pi.  5,  12  et  13).  L'auteur  du  traité 
D'Isis  et  d'Osiris  (62)  cite  une  légende  qui  se  rapportait  sans 
aucun  doute  à  la  renaissance  du  Soleil,  le  seigneur  ressuscité 
sortant  de  la  nuit  (ch.  64,  2),  à  qui  l'on  rendait  la  possession 
de  ses  jambes  (ch.  145,  79),  et  d'après  laquelle  Isis  aurait 
décollé  les  jambes  de  Jupiter.  C'est  bien  là  ce  que  le  cha- 
pitre 74  appelle  ouvrir  les  jambes  et  sortir  de  terre  (titre). 
Le  dernier  exemple  montre,  avec  quelques-uns  de  ceux 
qui  précèdent,  le  défunt  ressuscité  quittant  la  région  sou- 
terraine :  la  sortie  m  hrou  n'était  pas  autre  chose.  Le  cha- 
pitre 17,  aux  anciens  Textes,  est  intitulé  :  Chapitre  pour 
sortir  m  hrou  de  la  Kher-neter.  Au  Todtenbuch,  les  cha- 
pitres 72  et  73  s'appellent  :  l'un,  Chapitre  pour  sortir  m 
hrou  et  traverser  A  mmah  (titre  qui  se  retrouve  dans  le  beau 
pnpyrus  sans  nom  de  la  salle  funéraire  au  Louvre)  ;  le  se- 
cond, Chapitre  pour  traverser  l'Amenti  m  hrou  et  traverser 
Ammah,  ce  qui  fait  de  per  m  hrou  et  de  uba  A  menti  m 
hrou  deux  manières  de  parler  très  voisines.  La  rubrique  du 
chapitre  86  {Todtenbuch  et  papyrus  sans  nom)  promet  que 
celui  qui  saura  le  chapitre  sortira  m  hrou  de  la  Kher-neter 
et  entrera  après  sa  sortie,  tandis  que  celui  qui  ne  le  saura 
pas  n'entrera  point  après  sa  sortie,  et  ne  pourra  pas  sortir 
m  hrou,  phrase  que  les  anciens  Textes  abrègent  ainsi  à  la 
suite  du  chapitre  17  :  (Celui  qui  sait)  ces  chapitres  entre 
dans  l'Amenti  après  qu'il  est  sorti,  celui  qui  ignore  ce 


14  LE    «  FER   M    HROU  » 

chapitre  n'entre  pas  (dans  l'A  menti )  et  ne  sort  pas,  car  il 
tie  le  peut  (pi.  19,  60  et  61). 

Cette  formule  prouve  que  la  sortie  m  hroa  n'était  pas  dé- 
linitive,  mais  temporaire  :  on  sortait  et  on  rentrait  dans  la 
demeure   infernale,  cette   demeure   que   Yâme   bâtit  dans 

Tattou  (eh.  124,  1),  c'est-à-dire  dans  la  terre,     |     -'-«=  Z, 

Un  U  ^^f 

comme  le  montre  le  chapitre  153  qui  lui  est  consacré  :  Les 
Savants,  /ils  de  leurs  pères  (les  Sesennou),  te  rendent 
hommage  quand  ils  voient  que  S  ho  a  t'a  livré  l'ennemi, 
et  A  nabis  acclame  l'Osiris  véridique,  qui  a  bâti  dans  la 
terre  sa  demeure  ayant  ses  fondations  dans  An  et  son 
enceinte  dans  Kherau.  Le  dieu  qui  est  dans  Sekhem  l'a 
/teinte  et  embellie.  Les  hommes  y  apportent  des  offrandes 
pour  elle  sur  leurs  épaules,  et  Osiris  dit  aux  dieux  qui 
sont  à  sa  suite  :  Venez  voir  ta  construction  de  ce  palais 

(/\    /WW\A    \ 
y         j  renouvelé 

parmi  vous,  etc.  ;  il  amène  du  bétail  par  la  porte  du  sud 
et  des  grains  par  celle  du  nord,  (1.  1  à  5).  Le  Siiaï  n  sinsin 
(édition  Brugsch,  p.  21)  dit  aussi  quel'élu  se  bâtit  un  pylône 
dans  la  Kher-neter,  et  le  chapitre  47,  qui  représente  en 

effet,  comme  le  132e,  la  résidence  du  défunt  f  jj  et  j 
sous  la  forme  d'un  pylône,  empêchait  qu'elle  ne  fût  ravie 
à  son  maître. 

Celui  qui  avait  appris  de  son  vivant,  ou  qui  possédait  par 
écrit  sur  son  cercueil,  les  chapitres  1  ou  72,  sortait  m  hrou 
de  celte  demeure  (  |  ),  de  même  qu'il  y  rentrait  sans 
être  repoussé.  La  demeure  est  distincte  du  tombeau,  puis- 
qu'elle est  bâtie  par  le  mort  ou  par  sou  âme,  mais  la  nuance 
n'esl  pas  toujours  marquée,  et  ailleurs  c'est  du  monument 
funèbre  (lift  I  )  qu'on  sort  m  hrou  (ch.  92,  titre).  Sur 
une  stèle  portant  le  nom  d'Achéri  (Musée  du  Louvre,  C  55), 
le  défunt  demande  la  faculté  de  sortir  et  d'entrer  dans  sa 
chapelle  funéraire }  a  a  /v  <=>  (1  j  [  I 


LE    «  PER   M    HROU  »  15 

La  sortie  m  /trou  était  donc  suivie  de  la  rentrée  soit  dans 
le  tombeau,  soit  dans  le  palais  de  l'élu,  ou  d'une  façon  plus 
générale  dans  la  région  souterraine;  aussi  faut-il  voir  une 
expression  abrégée  de   cette  doctrine   dans  les   titres  qui 
disent  :  Chapitre  pour  entrer  et  sortir,   ou  pour  entrer 
après  être  sorti,  ou  pour  entrer  après  être  sorti  dans   la 
Kher-neter  (cli.  120  à  122),  de  même  que  dans  les  phrases 
nombreuses  qui  mentionnent  l'entrée  et  la  sortie.  Ainsi  le 
chapitre  1  dit  :  Faire  sortir  m  hrou   et  ressusciter  les 
mânes  dans  la  Kher-neter,,  tandis  que  le  chapitre  17  a  : 
Ressusciter  les  mânes  et  faire  entrer  et  sortir  dans  la 
Kher-neter,  ce  que  rend  avec  plus  de  concision  le  chapitre  41  : 
J'entre  et  je  sors  en  ressuscitant,    ~p         ^  a  nft  (1.  2).  Le 
titre  sortir  m  hrou  et  être  maître  de  ses  ennemis  (ch.  65) 
ne  paraît  pas  différer  beaucoup  de  sortir  contre  ses  ennemis 
de  la  Kher-neter  (ch.  11,  titre),  et  le  parallélisme  traverser 
l'A  menti  m  hrou  et  traverser  Ammali  (une  des  parties  ou 
même  ici  un  des  noms  de  l'Hadès)  se  retrouve  sous  la  forme 
déjà   citée  :  sortir  m   hrou  et   traverser  Ammali,  comme 
dans  sortir  vers  le  ciel  et  traverser  Ammali  (ch.  115,  titre). 
Un  chapitre  pour  entrer  et  sortir  dans  la  Kher-neter,  au 
papyrus  sans  nom  du  Louvre,  dit  :  Son  âme  sort  avec  les 
vivants,  il  sort  m   hrou,  il  est  puissant,  etc.  Enfin,  une 
phrase  qui  représente,  au  chapitre  68,  l'Osiris  véridique 
sortant  vers  tous  les  endroits  où  son  cœur  désire  aller  (1.  3). 
a  pour    variante  aux  anciens  Textes  :  L'Osiris   véridique 
sort  m  hrou,  ou  marche  m  hrou  vers  tous  les  endroits,  etc. 
(pi.  21,  15,  et  8,  58).  Au  chapitre  99,  l'élu,  d'après  le  texte, 
sort  m  hrou  sous  toutes  les  formes  qu'il  veut  (1.  32),  et, 
d'après  la  rubrique,  sort  de  l'Elysée  sous  toutes  les  formes 
avec  lesquelles  il  veut  sortir  (1.  34). 

Rien  ne  montre,  au  surplus,  que  les  Égyptiens  aient  dis- 
tingué deux  manières  de  sortir,  et  l'idée  d'ouverture,  cor- 
rélative de  l'idée  de  sortie  avec  laquelle  elle  varie  dans  le 


16  LE    ((  PER   M    HROU  » 

s^5*  '  <==*  ) ,  figure  sans  ditîé- 

rence  appréciable  d'expression  dans  les  textes  qui  annoncent 
la  sortie  m  hrou,  comme  dans  ceux  qui  parlent  simplement 
de  sortir.  On  trouve,  par  exemple,  d'une  part  : 

a  Je    traverse   le   monde   souterrain,  je   vois  mon   père 

«  Osiris ,  j'ouvre  tous  les  chemins  qui  sont  au  ciel  et 

»  dans  la  terre ,  je  voyage  (ch.  73  et  9  pour  traverser 

»  l'Amenti  m  hrou  et  traverser  Ammah)  ;  ouvrez  à  moi  et 
»  à  la  déesse  qui  est  avec  moi  !  (ch.  122,  1-,  pour  entrer  et 
»  sortir  dans  la  Kher-neter).  Ouvre(-toi)  !  retraite  de  ceux 
»  qui  sont  dans  le  Noun  !  (ch.  67),  etc.  » 

Et  d'autre  part  : 

«  J'ouvre  le  monde  souterrain  et  je  sors  m  hrou  (ch.  2,  3)  ; 
»  ouvre-toi,  ouverture!  ferme-toi,  fermeture  de  la  mort! 

»  J'ai  ouvert  l'ouverture  à  mon  âme ;  j'ai  livré  passage 

»  à  mon  âme  (ch.  92,  1  et  3,  pour  ouvrira  l'âme  et  sortir 
»  m  hrou),  et  j'ai  ouvert  les  portes  du  ciel,  de  la  terre,  et 
))  les  verrous  de  Seb  (ch.  68,  1,  pour  sortir  m  hrou),  etc.  » 

Ce  dernier  début  est  analogue  à  celui  du  chapitre  130 
{ouvre  ciel!  ouvre  terre  !  etc.),  qui  faisait  descendre,  ,  dans 
la  barque  de  Ra.  La  descente  dans  la  barque  équivaudrait 
par  conséquent  à  la  sortie  m  hrou.  En  eiïet,  les  chapitres  qui 
se  rapportent  à.  la  barque  solaire  mentionnent  comme  les 
autres  l'ouverture  des  portes  :  J'ai  ouvert  les  portes  dans 
Sekhem  (ch.  98,  6  et  7)  :  ô  Ra,  en  ton  propre  nom  de  Ra! 
quand  tu  ouvres  la  retraite  mystérieuse  d'Ammah,  joie  du 
cœur  des  dieux,  oh!  donne-moi  mon  e<vur(o\\.  101,  4  et  5)  ! 
J'ai  ouvert  la  retraite  du  Nil  et  frayé  le  chemin  au  disque 
(ch.  100,  1)  ;  Isis  a  préparé  le  chemin  de  Ra  (ch.  133,  2). 

L'entrée  dans  la  barque  du  Soleil  était  une  ùo*  suites  de 
la  résurrection.  Thoth  comptait  l'élu  pour  sortir  (de  l'Hadès) 
et  entrer  dans  la  hurijiie  (ch.  129,  9).  Bien  qu'il  y  ait  là 
comme  une  nouvelle  doctrine,  qui  n'apparaît  d'une  manière 
assez  tranchée  que   vers  le  milieu  du  Livre  des  Morts,  on 


LE    ((  PER    M    HROU  »  17 

trouve  cependant  des  traces  de  la  même  croyance  dans  les 
autres  chapitres.  Ceux  qui  mentionnent  simplement  la  sortie 
ou  l'entrée  et  la  sortie  disent  :  J'ai  navigué  au  ciel,  j'ai 
franchi  la  terre  (ch.  48  et  10),  et  je  suis  sorti  et  je  suis 
descendu   dans  le   naos  qui  est  dans   la  barque   de  Ra 

(ch.  67,  2)  ;  au  chapitre  122,  le  défunt  qui  navigue,  J  ^£\  ^ç 
(1.  2),  donne  les  noms  mystiques  de  certaines  parties  de  la 
barque;  au  chapitre  119,  2,  il  s'écrie  :  Lève-toi,  Osiris, par- 
cours le  ciel  avec  Ra!  ce  qui  signifie  navigue  a  ver  Ra, 
comme  au  chapitre  131  la  phrase  du  titre  :  arriver  au  ciel 
près  de  Ra,  devient  dans  le  texte  descendre  dans  la  barque, 
et  naviguer  en  paix  vers  VAmenti  (1.  6  et  7).  Par  contre,  les 
chapitres  de  la  barque  mentionnent  quelquefois  le  per  m 
hrou  :  il  sort  m  hrou  comme  Horus  (ch.  136, 14),  et  on  sort 
m  hrou  sous  toutes  les  formes  qu'on  veut  (ch.  99,  32).  Les 
chapitres  du  per  m  hrou  parlent  aussi  de  la  navigation  du 
défunt  dans  la  bari  céleste  :  Ra  le  passe  en  barque  par  ses 
soins  (ch.  148,  21),  et  /'/  marche  à  la  barque  sans  que  son 
âme  soit  écartée  d'avec  son  maître  (ch.  1,  19  et  20). 

L'idée  de  ne  pas  être  repoussé  est  commune  aux  trois 
espèces  de  chapitres  étudiés  ici.  Le  chapitre  1,  18,  a  :  Je  ne 
suis  pas  repoussé  pour  voir  les  seigneurs  du  monde  souter- 
rain, et  le  chapitre  125  (pour  entrer  dans  la  grande  salle 
de   la  Justice)  :  on  nest  écarté  (  ~       Q  IO  v  )  d'aucune 

\  A/vwv\     I  —21    /       t  r*r\\ 

porte  de  VAmenti,  et  on  est  remorqué  avec  les  /vis  (1.  69). 
Le  défunt  demande,  au  chapitre  100,  à  n'être  pas  séparé 
(  '  ^j]  |0%)  de  la  barque  (1.  4),  et  au  chapitre  130  (pour 

V    /VWM     I  -Il     )  ,  A 

faire  entrer  dans  la  barque  de  Ra),  a  n  être  pas  repousse 
loin  de  Ra  et  d'Osiris  (1.  5  et  6),  à  n'être  pus  repoussé  de 
l'horizon  ou  de  Ra  (1.  13),  ci  n'être  pas  écarté,  à  n'être  pas 
repoussé  (1.  22,  etc.). 

Les  rapprochements  qui  précèdent  montrent  qu'il  n'y 
avait  en  réalité  qu'une  manière  de  sortir,  mais  qu'on  l'ex- 
primait de  différentes  façons.  Le  Livre  des  Morts  est  rempli 

BlBL.   ÉGYPT.,  T.   XXXIV.  2 


18  LE    «  PER   M   HROU  » 

d'allusions  à  la  sortie,  à  la  rentrée,  à  l'ouverture  des  portes, 
etc.,  allusions  qui  prouvent  jusqu'à  l'évidence  que  le  pèr  m 
hrou  consistait  à  quitter  l'Hadès.  On  sortait  de  la  Kher-neter, 
de  Rosta,  de  l'Amenti,  d'Ammah,  de  la  campagne  d'Aarou, 
du  monument  funèbre,  de  la  terre  (cli.  74),  de  la  contrée 
d'Apap  (ch.  99),  de  la  salle  de  la  Justice  (ch,  125,  pi.  50  du 
Todt.),  du  monde  souterrain,  d'avec  les  sujets  d'Osiris 
(ch.  2),  de  la  vallée  mystérieuse  (ch.  148),  etc.  On  entrait 
réciproquement  dans  la  Kher-neter,  dans  Rosta,  dans 
l'Amenti  et  le  bassin  d'Osiris  (ch.  122),  vers  les  magistrats 
d'Osiris  (ch.  124),  par  la  porte  des  Mânes  (ch.  107),  dans  la 
salle  de  la  Justice  (ch.  125),  dans  Sekhem  (ch.  64,  29),  dans 
la  campagne  d'Aarou  (anciens  Textes,  pi.  10,  31),  dans  la 
terre  (ici,  pi.  36.  37),  etc.  Cette  double  idée  est  développée 
au  chapitre  1  et  résumée  au  chapitre  125.  Le  chapitre  1 
dit  :  «  0  vous  qui  ouvrez  les  chemins,  ô  vous  qui  préparez 
»  les  voies  aux  âmes  accomplies  dans  la  demeure  d'Osiris, 
»  ouvrez  les  chemins,  préparez  les  voies  â  l'Osiris  véridique 
»  auprès  de  vous  !  Qu'il  entre  par  cette  porte  dans  la  demeure 
»  d'Osiris  !  lui  qui  entre  en  chancelant,  qu'il  sorte  en  paix, 
»  l'Osiris  véridique  !  qu'il  ne  soit  ni  repoussé  ni  écarté  ! 
»  qu'il  entre  favorisé,  qu'il  sorte  aimé  !  etc.  (1.  13,  14 
»  et  15).  » 

Le  second  texte  s'adresse  ainsi  à  Osiris  :  «  Accorde-moi 
»  de  traverser  le  chemin  de  la  nuit,  de  me  réunir  à  tes  ser- 
»  viteurs  qui  sont  dans  le  inonde  souterrain,  d'entrer  et  de 
o  sortir  dans  Rosta  et  dans  la  grande  salle  de  Ma-li,  ainsi 
»  que  d'ouvrir  Amman  et  le  monde  souterrain  (pi.  50  du 
»  Todt.).  »  Les  Égyptiens  avaient  inventé  à  ce  sujet  toute 
une  topographie  de  portes  et  d'enceintes  qu'on  peut  étudier 
à  la  fin  du  Todtenbuch,  dans  le  Livre  de  l'Hémisphère  in- 
férieur ou  sur  les  sarcophages,  et  qu'ils  reproduisaient  quel- 
quefois en  partie  dans  leurs  temples.  Plutarquc  (D'Js.  et 
d'Os.,  29)  cite  les  portes  du  Léthé  <il  du  Cocyte,  a  Memphis, 
qui  résonnaient  lugubrement  lorsqu'on  en  faisait  l'ouverture 


LE    «  PER   M    HROU  »  19 

aux  funérailles  d'Apis,  et  Diodore  (I,  96)  ajoute  qu'on  voyait 
près  de  là  ces  portes  de  la  Vérité  qui  se  retrouvent  au  cha- 
pitre 149,  48  :  J'ai  ouvert  la  porte  de  Ma-ti. 

La  rentrée  de  l'élu  s'explique  facilement,  car  on  sait  qu'il 
était  comparé  au  soleil,  et  que  le  soleil  était  supposé  des- 
cendre chaque  soir  dans  l'Hadès.  Voici  quelques  phrases  qui 
se  rapportent  à  cette  assimilation  :  Je  suis  Ra  sorti  de 
l'horizon  contre  ses  ennemis  (ch.  11,  pour  sortir  contre  ses 
ennemis  de  la  Kher-neter)  ;  Horus,  à  qui  son  œil  est  donné 
le  matin,  c'est  mon  nom,  son  nom  (ch.  64,  22,  pour  soriir 
m  hrou);  j'entre  en  épervier,  je  sors  en  bennou,  étoile  du 
matin  (ch.  13  et  121,  pour  entrer  après  être  sorti)  ;  l'urœus 
de  ma  couronne  est  avec  moi  chaque  jour;  je  suis  Ra 
(ch.  32,  10,  pour  repousser  les  crocodiles),  et  je  viens  chaque 

jour  avec  la  lumière,  je  traverse  l'obscurité ,  je  suis  Ra 

le  matin  (ch.  146,  24  et  30,  texte  des  pylônes  de  la  demeure 
d'Osiris  dans  l'Elysée). 

La  division  du  temps  en  journées  apparaît  ici,  et  il  n'est 
pas  inutile  de  faire  observer  qu'elle  existe  d'un  bout  à  l'autre 
du  Livre  des  Morts.  L'élu  volait  vers  le  ciel  et  se  posait 
sur  la  terre  chaque  jour  (ch.  64,  26);  il  descendait  dans  la 
barque  de  Ra  avec  le  jour  de  chaque  soleil  (ch.  100,  7  et  8, 
et  ch.  139,  5  et  6)  ;  il  moissonnait  et  rassemblait  des  pro- 
visions chaque  jour  dans  l'Elysée  (ch.  110, 10)  ;  il  /'epjoussait 
le  crocodile  loin  de  Ra  chaque  jour  (ch.  136,  9);  ses  ali- 
ments étaient  sur  l'autel  de  Ra  avec  le  jour  de  chaque  soleil 
(ch.  120,  30)  ;  il  mangeait  et  buvait  avec  Osiris  chaque 

jour et  sortait  le  jour  comme  Horus  (ch.  136,  13  et  14)  ; 

il  recommençait,  la  vie  après  la  mort  aujourd'hui  comme 
chaque  jour  (ch.  38,  4).  L'expression  sortir  m  hrou  et  vivre 
après  la  mort  (ch.  2)  est  évidemment  paraphrasée  dans  l'apo- 
strophe finale  du  chapitre  111  :  O  Osiris  véridique,  lève-toi 
à  ta  gauche,  vivifié,  renouvelé,  rajeuni,  aujourd'hui  comme 
chaque  jour!  C'est  là  précisément  ce  que  Plutarque,  au 
trente-deuxième  paragraphe   de   son  Traité,  dit  d'Osiris, 


20  LE    «  PEU    M    HROU  » 

qui,  d'après  les  hymnes,  naissait  à  gauche  pour  mourir  à 
droite,  et  ce  que  symbolisait,  au  chapitre  153,  9,  la  céré- 
monie faite  le  jour  de  la  naissance  d'Osiris,  dans  laquelle  on 
représentait  l'élu  entre  deux  barques,  la  sekti,  celle  de  l'oc- 
cident suivant  les  sarcophages,  à  sa  droite,  et  à  sa  gauche 
celle  de  l'orient,  la  maat,  barque  dans  lesquelles  montait 
aussi  Osiris,  qui  recevait,  au  chapitre  145,  7,  la  sekti  avec 

la  maat  pour  sortir  sur  -  -^^^^l  (celle  (jui  est  dans 

J      <^ 
/'étendue),  et  descendre  vers  les  pylônes.  Les  cynocéphales 

assis  à  l'avant  de  la  barque  de  Ra  disaient  au  mort  :  Entre 
dans  Rosta}  passe  par  les  portes  mystérieuses  de  l'Amenti, 
sors  et  entre  à  ton  gré,  comme  les  Khou,  appelé  chaque 
jour  du  fond  de  l'horizon  (ch.  12G,  5  et  6),  et  l'élu  qui  com- 
parait ses  années  à  celles  de  certains  personnages  infernaux 
(ch.  147,  9),  demandait  des  années  nombreuses,  des  jours 
nombreux  et  des  nuits  nombreuses,  en  outre  des  années,  des 
jours  et  des  nuits  de  sa  vie  (ch.  71,  13  et  14,  pour  sortir 
m  Iirou). 

La  rentrée  de  l'élu  pendant  la  nuit,  l'ait  qui  complétait 
son  identification  avec  le  soleil,  n'est  pas  oubliée  au  Livre 

des  Morts  :  Je  me  couche  (  =    !"  j  la  nuit  (ch.  149,  17),  je 

ferme  les  yeux  la  nuit  (ch.  64,  7),  et^'e  suis  enterré  pendant 
le  temps  de  la  nuit  dans  ce  canal  du  bassin  de  Maaa 
(ch.  125,  49).  Le  défunt,  qui  élevait  la  flamme,  illuminait 
lu  nuit  après  le  jour  (ch.  137,  titre  et  1.  2),  et  il  cherchait 
son  père  dans  la  nuit  (ch.  38,  3).  Il  est  à  remarquer  cepen- 
dant que  cette  partie  de  l'existence  extra-terrestre  était 
mentionnée  assez  rarement,  sans  doute  parce  que  la  nuit 
offre  l'image  la  plus  naturelle  du  deuil  et  de  la  mort.  Le 
soleil,  même  dans  l'hérésie  du  roi  Khounaten,  où  il  était 
considéré  comme  1<'  dieu  unique,  naissait  au  ciel  chaque 
jour  [Denkmàler,  III,  pi.  106),  et  par  conséquent  mourait 
chaque  soir  :  c'esl  pourquoi  le  Shaï  n  sinsin  donnait  au  dé- 
funt l'assurance  que  son  âme  vivrait  au  ciel  chaque  jour 


LE    ((  PEU    M    HROU  »  41 

(éd.  Brugsch,  p.  19).  On  disait  /' lie are  fâcheuse  de  la  nuit 
(ch.  21,  2),  la  nuit  triste  pour  les  morts  et  pour  Osiris 
(ch.  78,  22);  on  demandait  à  ne  pas  marcher  par  la  vallée  de 
l'ombre,  à  ne  pas  entrer  dans  le  bassin  des  égorgés,  à  ne 
pas  être  dans  la  nuit  (ch.  130,  6  et. 7),  et  le  chapitre  163, 
12,  contient  une  invocation  dans  ce  sens  :  Viens  à  V Osiris 
véridique,  qui  est  dans  ce  pays  de  la  Justice!  ne  le  laisse 
pas  seul  !  Il  est  dans  le  pays  où  l'on  n'y  voit  plus  !  Le  cha- 
pitre 32,  9  et  10,  nous  apprend  que,  dans  l'Amenti,  le  sei- 
gneur de  l'affaiblissement  ou  de  lafaiblesse  était  fort  chaque 
jour  :  aussi  le  défunt  préparait-il  la  barque,  dans  la  Kher- 
neter,  pour  sortir  de  cette  région  vide  (d'Apap,  les  domos 
Ditis  vacuas  et  inania  régna  de  Virgile),  où  les  étoile* 
tombaient  renversées  (ch.  99,  4)  ;  elles  s'y  relevaient  ensuite, 
et  reculaient  en  cheminant  dans  la  flamme  de  Ra  qui  en- 
toure et  dirige  la  terre  (id.),  comme  faisaient  les  mânes 
qui  sortaient  par  derrière  (ch.  67,  titre),  et  qui,  suivant  le 
chapitre  144,31  et  32,  quittaient  les  ténèbres  de  V Hadès  à 
une  heure  fixée  :  il  est  quatre  heures,  sors  m  hrou  ! 


II 

ORIGINE  ET  EFFETS  DE  LA  SORTIE  DES  ÉLUS 

Il  parait  maintenant  hors  de  cloute  qaeleper  m  /trou  avait 
le  caractère  d'une  sortie,  généralement  quotidienne,  hors 
du  monde  souterrain,  ce  qui  combat  les  interprétations  de 
MM.  Lepsius  et  Devéria,  voyant  dans  l'expression  étudiée, 
l'un  la  sortie  à  un  jour  spécial,  l'autre  la  sortie  du  jour, 
c'est-à-dire  l'entrée  dans  l'enfer,  malgré  la  vignette  du  pa- 
pyrus de  Neb-Khet  où  le  défunt  figure  sortant  à  mi-corps 
de  la  tombe  en  face  du  soleil  rayonnant,  avec  l'explication  : 
sortie  m  hrou  du  scribe  Neb-Khet.  Les  autres  traductions, 
sortir  au  jour  ou  comme  le  jour,  bien  que  plus  vraisem- 


22  LE    «  PER    M    HROU  » 

blables,  ont  aussi  contre  elles  que  hrou,  comme  MM.  Lepsius 
et  Devéria  l'ont  fait  observer,  signifie  durée  du  jour  et  non 
lumière  du  jour  ;  le  mot  vrai  dans  ce  dernier  sens  serait 
shou.  La  clarté  solaire  que  Thoth  avait  fait  briller  sur  le 

corps  d'Osiris  (ch.  101,  8)  :  R\>  J°     '  {Denkmâler,  VI, 


pi.  123,  passage  correspondant  à  la  ligne  G  du  chapitre  64) 

rr~\     ^\      /www  <; ;> 

était   l'éclat    cle  chaque   soleil,   et  v\  ^v37  ou 


J 


(anciens  Textes,  pi.  7,  40  et  2, 18),  la  journée  de 

chaque  soleil.  La  seule  interprétation  à  laquelle  il  ne  parait 
pas  qu'on  puisse  objecter  quelque  chose,  est  celle  que  j'avais 
proposée  en  1868,  et  que  M.  Brugsch  a  donnée  de  son  côté 
dans  la  Zeitschrijt  (1872,  juillet  et  août).  Elle  fait  sortir 
l'élu  pendant  le  jour,  et  s'accorde  avec  les  passages  où  le 
contexte  contredit  les  autres  traductions,  par  exemple  avec 
per  m  hrou  neb  (ch.  1,  23),  remplaçant per  m  /trou,  variante 
où  M.  Lepsius  veut  voir  une  faute  produite  par  tous  les 
textes,  et  qui  se  retrouve  implicitement  dans  Le  souhait 
exprimé  par  le  dédicateur  d'un  petit  monument  (Musée  du 
Louvre,  A  110),  d'entrer  et  de  sortir  dans  In  Kher-neter 
pour  voir  chaque  soleil,  y\/v  / —  o  |L  <^=>  *J^  .  La  fille 
de  Mycérinus,  peu  confiante  dans  la  protection  divine,  avait 
demandé  qu'on  la  sortit  de  son  tombeau  pour  voir  le  soleil 
une  fois  chaque  année  [Hérodote,  II,  132).  Le  Shaï  n  sinsin 
exprime  d'une  façon  moins  triste  l'idée  que  les  Egyptiens 
se  faisaient  de  l'autre  vie  dans  un  passage  qui  est  l'explication 
la  plus  claire  du  per  m  hrou  :  Tu  t'éveilles  chaque  jour,  tu 
rois  les  raijons  du  soleil;  A  m  mon  rient  n  loi  tirer  les 
souffles  de  la  vie  et  te  fait  respirer  dons  ton  cercueil;  tu 
sons  cens  la  terre  chaque  jour,  <=»  ^3^  (1  ^è\  <r^  '  (éd. 
Brugsch,  p.  17). 

Cette  dernière  phrase  montre  dans  la  sortie  vers  la  terre 
une  dos  faces  du  per  m  hrou,  dont  l'antre  mode  était,  comme 
on  l'a  \n,  la  sortie  vers  le  ciel  :  Tu  n'es  repoussé  ni  du  ciel 


LE    ((  PER    M    HROU   0  23 

ni  de  la  terre,  dit  encore  le  Shaï  n  sinsin  (éd.  Brugsch, 
p.  15).  Toute  la  doctrine  sur  les  effets  du  per  m  krou  est 
contenue  là,  et  il  ne  reste  plus,  avant  de  préciser  ces  effets 
par  quelques  exemples,  qu'à  dégager  le  principe  de  l'ex- 
pression pour  la  connaître  complètement. 

On  sait  que  la  sortie  le  jour  accompagnait  la  résurrection; 
mais  avant  tout  il  fallait  évidemment  que  l'élu  reprit  ses 
jambes,  et  par  conséquent  tous  ses  organes,  qu'il  fût  réta- 
bli comme  il  était  sur  terre  (ch.  1,  fin),  que  son  corps  ne 
se  corrompit  point  (ch.  45),  mais  redevint  vigoureux  dans 
la  Kher-neter  (ch.  101,  8),  que  ses  chairs  et  ses  os  fussent 
préservés  des  vers  (ch.  163,  titre),  et  sains  comme  ceux  de 
quelqu'un  qui  n'est  pas  mort  (ch.  164,  15)  ;  que  sa  tête,  son 
cœur,  ses  bras,  ses  yeux,  ses  oreilles,  sa  bouche,  son  élocu- 
tion  et  sa  force  lui  fussent  rendus  (Todt.,  passim),  bref 
qu'il  ressuscitât  dans  la  Kher-neter  (ch.  140, 13).  Son  retour 
à  la  vie  ramenait  pour  lui  toutes  les  conséquences  du  jeu  des 
organes  reconstitués  :  il  recevait  donc  des  pains,  des  breu- 
vages et  beaucoup  de  viandes  sur  l'autel  de  Ra  (ch.  1,  23), 
des  pains  shenes,  des  boissons,  des  pains  persen,  des 
grains,  etc.  (ch.  99,  32  et  33),  du  lait  (ch.  125,  68),  du 
blé  avec  de  Vonje  dans  la  campagne  d'Aarou  (ch.  156,  4), 
et  des  approvisionnements  dans  la  Kher-neter  (ch.  148,  19); 
il  buvait  l'eau  à  la  source  du  fleuve  (ch.  136,14;  ch.  164, 
15;  ch.  165,  15),  et  mangeait  auprès  d'Osiris  (ch.  135,  3). 
Ces  avantages  impliquent  une  existence  pareille  à  celle  que 
les  Grecs  donnaient  aux  mânes  dans  la  prairie  des  aspho- 
dèles, remplacée  ici  par  le  champ  d'aarou  ou  des  fleurs,  si 
aarou  est  une  variante,  avec  chute  de  l'aspiration  initiale, 

to^^*ouf^2(*»Wer,m,pl.l06), 

ou  Xjj  i  (anciens  Textes,  pi.  14,  45),  fleurs,  mot  repré- 

senté dans  aarou  par  le  premier  déterminatif  de  son  Tswi,  se 
rapportant  au  serpent,  ft<rr>WM.,  ou  à  l'imous,  arar,  et  par 
le  second  déterminatif  de  sens,  \J[. 


24  LE    «  PER    M    HROU  » 

Mais  l'élu  ne  restait  pas  enfermé  dans  la  région  occidentale, 
qui  rappelait  trop  la  nuit  et  la  mort  :  il  revenait  sur  la  terre, 
et  c'était  là  proprement  le  pcr  m  hrou.  Il  marchait  sur 
terre  comme  un  vivant  (ch.  31,  12),  ou  était  dans  le  lieu 
des  virants  (ch.  136, 12),  dont  il  pouvait  prendre  toutes  les 
formes,  j\  ^£  \M  (ch.  64,  30).  Il  avait  alors  atteint  la  plé- 
nitude de  la  puissance  ;  il  était  devenu  un  khou  parfait, 
0  <=>  ;  accompli,  ~w*w     »     ;  ou   muni  (de  ses   avantages) 

Q<  >,  et  formé  par  la  réunion  du  corps  avec  son  âme,  qui 
ne  l'abandonnait  plus  (ch.  89,  7).  Le  chapitre  110  appelle 
en  effet  une  des  divisions  de  l'Egypte  la  demeure  des  Khou 
de  sept  coudées  de  haut,  où  les  épis  ont  trois  coudées  pour 
les  momies  parfaites  qui  les  moissonnent  (ch.  110,  vignette). 
Le  khou,  opposé  ailleurs  à  X'ombrc  (ch.  149,  40),  varie  ici 
avec  la  momie,  et  on  trouve  partout  le  cœur  (ch.  148,  2), 
le  cou  (ch.  155,  156,  159,  160),  la  tête  (ch.  162,  titre),  la 
bouche,  le  ventre  (ch.  90,  1),  les  membres  (ch.  130,  28)  du 
khou,  ainsi  que  l'ombre  (ch.  64, 18  et  101,  7),  l'âme  (ch.  100, 
titre,  127,  0,  etc.),  et  même  le  ka  du  khou  (Denkmàler,  III, 
pi.  114).  Le  ka  parait  être  le  type  de  l'individu,  car  il  varie 
avec  ce  qui  représente  l'homme  delà  façon  la  plus  abstraite, 
le  nom.  Le  défunt,  au  Todtenbuch,  lui  dit  :  Salut  à  toi, 
mon  ka  pour  ma  durée  (ch.  105,  1),  et  les  monuments  mon- 
trent souvent  derrière  le  pharaon  son  ka  personnifié  qui  le 
protège  et  que  les  légendes  appellent  le  lai  royal  qui  est 
dans  l'i  tombe  (Denkmàler,  passim);  c'est  le  genius  des 
Latins.  <vhi;nil  au  khou,  le  mot  qui  le  désigne  se  rattache 
étymologiquemenl  au  radical  Lliou,  lumière,  et  par  suite 
honneur,  avantages,  etc.  Les  scribes  se  plaisaient  a  rap- 
procher du  khou,  par  assonance,  ses  avantages  ou  khou 
(ch.  1  18,  L2,  1  19,  20,  26,  etc.). 

La  faculté  Refaire  tout  cequ'on  roulait  (ch.  163,  titre), 
el  de  prendre,  en  sortant  le  jour ,  toutes  les  formes  qu'on 
voulait  (ch.  IN,  39  et  40,  ch.  72,  10,  etc.),  entraînait  la .  divi- 


LE    ((  PER    M    HROU  »  25 

irisation  des  élus,  qui  faisaient  tout  ce  qu'ils  coulaient 
comme  les  dieux  (ch.  72,  11),  et  qui  pouvaient  se  métamor- 
phoser soit  en  dieux,  comme  en  Ptkah  et  en  Osiris,  soit  en 
symboles  divins,  comme  en  bennou,  en  hirondelle,  en  shenti, 
en  lotus,  en  épervier,  etc.  (Toclt.,  ch.  76  à  88).  On  disait 
donc  du  mort  :  Ses  membres  à  lui  sont  comme  ceux  des  dieux 

(ch.  99,  34)  :  il  est  comme  les  neuf  dieux ,  il  est  un  dieu 

à  jamais  (ch.  101,  5  et  88);  il  est  comme  un  dieu  et  adoré 
par  les  vivants  comme  le  Soleil  (ch.  136,  15);  il  est  avec 
les  dieux  (ch.  141,  titre);  il  est  divin  dans  la  Kher-neter 
(ch.  162,  10);  il  se  réunit  aux  dieux  qui  sont  à  la  suite  de 
Ra  (ch.  100,  7,  etc.). 

Cette  divinisation  parait  avoir  eu  l'âme  pour  principe  : 
le  corps,  membres  divins  (du  Soleil,  ch.  133,  10),  était  di- 
vinise  par  son  ame,       |  ^zzx>  \  v\   ffe^<v3^  (ohai   n 

sinsin,  éd.  Brugsch,  p.  18).  L'àme,  qui  sortait  après  la 
mort  (ch.  154,  5),  rendait  en  effet  la  vie  au  cadavre  quand 
elle  revenait  se  poser  sur  lui,  ce  que  les  scènes  funéraires 
symbolisaient  par  l'oiseau  apportant  à  la  momie  l'hiéroglyphe 
ankh  (ch.  89,  vignette).  L'attention  extrême  que  l'on  mettait 
à  conserver  le  corps  par  l'embaumement  prouve  qu'on  le 
croyait  dans  le  principe  nécessaire  à  la  vie  d'outre-tombe, 
mais  on  fut  bien  vite  convaincu  qu'il  ne  quittait  pas  l'hypo- 
gée, et  son  rôle  actif  passa  à  l'àme  :  c'était  à  l'àme  qu'on 
ouvrait  la  chapelle  funéraire  pour  sortir  le  jour  et  être  maître 
de  ses  jambes  (ch.  92,  titre).  Le  Todlenbuck  dit  :  L'âme 
(du  khou)  sort  le  jour  avec  les  vivants  (ch.  148,4),  son 
ombre  est  un  dieu  avec  les  hommes  (ch.  101,  7)  ;  son  âme 
vit  à  jamais  et  ne  meurt  pas  de  nouveau  dans  la  Kher-neter 
(ch.  130,  29),  et  le  Shaï  n  sinsin,  dont  cette  doctrine  fait  le 
fond  :  Ton  âme  sort  au  ciel  chaque  jour  (éd.  Brugsch, 
p.  19),  et  marche  où  elle  veut  (?>/.,  p.  24).  Le  serpent  à  deux 
jambes  humaines  qui  illustre  le  chapitre  74,  pour  ouvrir 
les  jambes  et  sortir  de  terre,  est  ligure  au  chapitre  163 
avec  le  disque  solaire,  et  avec  les  cornes  de  bélier  qui  dési- 


26  LE    «  PEH    M    HROU  » 

gnaient  l'âme  :  c'était  l'emblème  de  la  sortie  du  soleil  noc- 
turne,  dont  la  marche  avait  sur  les  sarcophages  le  serpent 
pour  type. 

Ce  fut  sans  doute  cette  indépendance  de  l'âme  vis-à-vis 
du  corps  qui,  en  s'accentuant,  fut  cause  de  l'extension  prise 
par  les  textes  se  rapportant  au  passage  du  défunt  dans  la 
bari  solaire;  il  y  est  introduit  sous  le  nom  de  khou,  mais  le 
sens  du  mot  khou  dut  incliner  vers  celui  à' âme,  car  il  n'est 
pas  probable  qu'on  se  soit,  par  exemple,  représenté  comme 
une  momie  ce  khou  qui  hantait  la  fille  du  roi  de  Bakhten. 
C'était  en  effet  l'âme  et  non  le  corps  qui  accompagnait  le 
Soleil  ;  le  chapitre  130  (titre)  faisait  vivre  l'âme  à  jamais, 
et  la  faisait  entrer  dans  la  barque  de  Ra.  Inscris,  dit 
ailleurs  Ra  à  Thoth,  son  âme  pour  sortir  et  pour  entrer, 
dans  la  barque  de  Ra  ;  son  corps  /'estera  dans  sa  demeure 
(ch.  129,  9).  Si  la  terre  est  le  lieu  des  corps,  le  ciel  semble 
au  contraire  celui  des  âmes,  et  c'est  évidemment  pour  cette 
raison  qu'on  attribuait  quelquefois  à  chacun  des  élus  un 
astre  au  ciel  (ch.  101,  7,  et  104,  10). 

Une  théorie  finit  même  par  s'établir  sur  la  séparation  de 
l'âme  et  du  corps,  et  sur  l'assimilation  du  mort  au  Soleil  et 
;i  Osiris;  elle  avait  pour  formule  la  phrase  souvent  répétée 
et  appliquée  à  l'homme  comme  aux  dieux  :  Son  âme  est  au 
ciel,  son  corps  est  dans  ht  terre  L'âme  céleste  ou  Ra  reve- 
nait chaque  soir  se  coucher  dans  le  corps  terrestre  ou  Osiris 
i  rj<s=-,  le  séjour  de  V œil  d'Horus  ou  du  ciel),  ot  (h1  même 
l'âme  du  défunt,  s'élevanl  au  ciel  avec  l'astre,  quittait  et 
rejoignait  son  corps  tour  a  tour.  Cotte  doctrine  n'apparaît 
bien  nettement  qu'après  l'expulsion  des  Pasteurs,  niais  sur 
les] sarcophages  et  non  dans  les  compositions,  généralement 
antérieures,  du  Livre  des  Morts,  où  elle  ne  pénétra  qu'à 
peine.  I  n  texte  important,  qui  lui  est  consacré  en  tête  d'un 
exemplaire  de  la  bonne  époque  (le  papyrus  sans  nom  de  la 
salle  funéraire  au  Louvre),  n'a  pas  pris  place  dans  le  recueil, 
et,  a  part  le  chapitre  163  qui  appartient  a  un  supplément 


LE    «  PER    M    HROU  »  27 

peu  ancien,  on  la  retrouve  seulement  dans  quelques  cha- 
pitres, surtout  dans  ceux  qui  paraissent  avoir  été  retouchés 
ou  composés  à  une  date  assez  récente  ;  ce  sont  les  cha- 
pitres 83  et  127.  Le  premier,  où  figure  le  dieu  thébain 
Khons,  intitule  le  bennou  ces-  quatre  hier  (sans  doute  les 
quatre  âmes  divines),  les  sept  urœus,  et  le  cjrand  qui  brille 
dans  le  lie  a  de  son  corps  (1.  2)  :  le  second,  d'un  style  re- 
dondant, et  qui  joint  au  mot  ant,  vallée,  l'article  ta  (L  5), 
fait  dire  à  l'élu  :  Je  m'élève  en  âme  vivante  de  Ra  au  ciel 
(1.  11),  et  l'âme  d'Osiris  se  repose  en  lui  (1.  12).  Osiris,  le 
khou  par  excellence  (Asar  K/iou  neb  ankh,  ch.  149,  20), 
était  appelé  l'âme  du  Soleil  et  son  corps  même  (Chabas,  Un 
Hymne  à  Osiris),  et  le  nom  de  gabbaras  donné  aux  momies 
(Parthey,  Vocabulaire  copte,  p.  581)  pourrait  trouver  là 
son  explication,  Kha-ba-ra,  le  corps  et  l'âme  du  Soleil. 

L'ensemble  des  textes,  en  effet,  montre  une  certaine  ten- 
dance à  l'absorption  des  mânes  dans  la  divinité  sous  sa  double 
forme.  Les  momies,  dans  le  sein  destructeur  de  la  terre, 
souvent  alors  appelée  Set,  <=>  ,  s'identifiaient  avec  le  dieu 
mort  ou  Osiris  au  point  de  prendre  son  uom  et  de  recevoir 
comme  lui  le  Soleil  au  dedans  d'elles,  ce  qui  fut  sans  doute 
le  motif  pour  lequel  on  disait  assez  fréquemment,  en  parlant 
d'Osiris,  les  corps  mystérieux.  D'un  autre  côté,  les  âmes 
qui  accompagnaient  le  Soleil  diurne  pouvaient  également  se 
confondre  d'une  manière  plus  ou  moins  métaphorique  avec 
l'astre  lui-même,  ce  qui  ressort  de  plusieurs  passages  du 
Todtenbuc/t  cités  plus  haut.  L'espèce  de  fusion  indiquée  là 
était  surtout  affirmée  des  pharaons,  qui  occupaient  une 
place  d'honneur  clans  la  barque  divine  et  dans  la  mythologie 
égyptienne,  ainsi  qu'on  peut  le  voir  sur  les  sarcophages  et 
au  Todtenbuc/t  (ch.  17,  vignette,  et  ch.  125,  fin).  A  la  grande 
époque  de  leurs  conquêtes  notamment,  les  rois  d'I^gypte 
passaient  pour  couronner  leur  destinée  en  s'unissant  à  la 
divinité,  comme  plus  tard  les  empereurs  romains,  et  l'ex- 
pression la  plus  claire  de  cette  croyance  qui  a  laissé  sa  trace 


28  LE    «  PER    M    HROU  » 

jusque  dans  les  livres  hermétiques  (dernier  fragment),  se 
rencontre  dans  la  remarquable  inscription  de  Qournah  pu- 
bliée par  M.  Ebers.  M.  Chabas  a  eu  l'obligeance  de  me 
signaler  le  passage  qui  s'y  rapporte,  et  le  traduit  ainsi  : 
Il  (Thothmès  III)  s'éleva  au  ciel  et  s'unit  à  Aten,  suioant  le 
dieu  et  se  répandant  pour  sejaire  l'illumination  de  la  terre, 
devenu  Aten,  brillant  au  ciel  fécondé.  La  curieuse  apothéose 
du  nom  d'un  Ramsès  dans  le  disque  solaire,  copiée  à  Biban- 
el-Molouk  par  Champollion  (Notices  manuscrites),  illustre 
en  quelque  sorte  l'orgueilleuse  prétention  desjils  du  Soleil. 
Aménophis  IV,  sorti  des  rayons  du  disque,  avait  été  fa- 
briqué (par  le  dieu)  avec  ses  propres  rayons  pour  accomplir 
la  durée  du  disque  qui  navigue  au  ciel  (Denkmfder,  III, 
pi.  107).  Ramsès  II,  dans  la  stèle  des  Mines  d'or,  est  appelé 
l'image  virante  de  Ra,  surnom  du  reste  très  commun,  et 
le  sens  de  cette  désignation,  qui  faisait  du  roi  le  dieu  ma- 
nifesté temporairement  ici-bas,  apparaît  tout  entier  dans  le 
culte  qu'institua  de  son  vivant,  à  son  image  vivante  sur  la 
terre,  Aménophis  III,  dont  un  monument  du  Louvre  (C  54) 
montre  le  cartouche  ailé  remplaçant  le  Soleil  qui  figure 
presque  toujours  en  haut  des  stèles. 

L'analyse  duper  m  hrou  et  de  toutes  les  expressions  qui 
l'accompagnent  d'ordinaire  permet  d'entrevoir  maintenant 
la  marche  qu'a  dû  suivre  la  conception  égyptienne  de 
l'autre  vie.  D'abord  le  défunt,  grâce  à  l'efficacité  des  céré- 
monies accomplies  par  lui  ou  en  sa  faveur,  des  textes  sacrés 
qu'il  possède  et  du  jugement  qui  le  fait  véridique,  ressuscite, 
reprend  ses  organes,  et,  devenu  immortel,  jouit  de  la  béa- 
titude dans  le  monde  souterrain,  où  il  se  construit  une 
demeure.  Mais  l'Hadès,  séjour  des  mânes  pour  toutes  les 
mythologies  primitives,  était  aussi  le  royaume  désolé  des 
ténèbres,  et  l'on  finit  par  ramener  les  morts  sur  la  terre 
(per  m  hrou)  pour  y  recommencer  la  vie  diurne  avec  plus 
de  liberté  et  de  puissance,  et  même  avec  la  faculté  de 
prendre  toutes  les  formes  possibles.  Si  ce  n'était  pas  la  mé- 


LE    ((  PER    M    HROU  »  29 

tempsycose,  comme  l'ont  cru  les  Grecs,  c'était  du  moins  le 
passage  de  la  personne  humaine  dans  plusieurs  corps  en 
quelque  sorte  éphémères,  et  par  conséquent  l'abandon  l'ait 
momentanément  par  elle  de  son  corps  véritable.  Il  ne  pou- 
vait en  être  autrement,  puisqu'on  savait  que  les  momies, 
d'abord  regardées  comme  indispensables  à  la  résurrection, 
ne  quittaient  pas  le  monument  funèbre.  De  là  vint  une 
nouvelle  manière  de  voir  qui  fit  rester  le  corps  dans  la  tombe, 
tandis  que  l'âme,  plus  dégagée  de  la  terre  et  divinisée, 
s'élevait  au  ciel  pendant  le  jour  avec  le  Soleil,  pour  rentrer 
avec  lui  dans  l'Hadès.  Il  faut  remarquer  cependant  que  les 
mânes  n'étaient  pas  immatérielles,  puisqu'elles  bâtissaient 
(oh.  124,  1),  et  que,  d'après  le  tombeau  de  Séti  Ier,  elles 
vivaient  de  pains  et  de  végétaux  (Sharpe  et  Bonomi,  pi.  14, 
A).  Là  s'arrêtent,  au  moins  dans  le  Livre  des  Morts,  les 
théories  égyptiennes  sur  la  destinée  des  élus.  Si  je  n'ai  pas 
complètement  réussi  à  la  mettre  dans  un  jour  vrai  et  à  dé- 
gager le  sens  réel  de  l'expression  qui  les  résume,  j'espère  en 
avoir  rassemblé  et  résumé  les  éléments  principaux  et  avoir 
facilité  la  tâche  des  savants  qui  voudront  me  suivre  sur  ce 
terrain  difficile'. 

Paris,  le  20  mars  1873. 


1.  Cette  dernière  phrase  a  été  ajoutée  par  Chabas.  (Note  manuscrite 
de  Lefébure  dans  son  exemplaire. j 


LE 

CHAPITRE  CXV  DU  LIVRE  RES  MORTS 


M.  Goodwin,  à  qui  la  science  doit  tant  de  découvertes 
utiles,  semble  porter  son  attention  sur  les  textes  mytholo- 
giques :  après  avoir  interprété  le  chapitre  cxn  du  Livre  des 
Morts"1,  puis  une  ancienne  inscription  restaurée  par  Sha- 
baka3,  il  vient  de  publier,  dans  la  Zeitschrift  de  Berlin*, 
une  traduction  du  chapitre  cxv.  Si  M.  Goodwin  est  aussi 
heureux  sur  ce  terrain  que  sur  celui  de  la  philologie,  on  ne 
peut  que  souhaiter  de  le  voir  s'y  engager  de  plus  en  plus, 
car  les  croyances  religieuses  de  l'Egypte  restent  entourées 
pour  nous  d'une  obscurité  si  grande,  qu'il  serait  encore  im- 
possible de  commenter,  d'une  manière  complète,  le  plus 
petit  chapitre  du  Livre  des  Morts.  Cette  ignorance  justifie 
la  présente  communication,  dont  le  but  est  d'ajouter  au 
travail  de  M.  Goodwin,  qui  a  revu  le  texte  d'après  les  pa- 
pyrus du  British  Muséum,  quelques  matériaux  propres  à 
faciliter,  peut-être,  l'explication  future  de  la  doctrine  con- 
tenue dans  le  chapitre. 

La  première  remarque  qui  se  présente  à  l'esprit  quand  on 
aborde  l'étude  d'une  composition  de  ce  genre,  c'est  que  le 

1.  Publié,  en  1874,  dans  les  Mélanges  cl' Archéologie  égyptienne  et 
assyrienne,  t.  II,  p.  155-166. 

2.  Zeitschrift  fur  œgyptische  Sprac/ie,  1871,  p.  144. 

3.  Chabas,  Mélanges  éggptologiques,  3e  série,  t.  I,  p.  247. 

4.  Zeitschrift,  etc.,  1873,  p.  104. 


32  LE   CHAPITRE   CXV    DU   LIVRE   DES    MORTS 

sujet  en  est  supposé  connu,  de  sorte  de  l'auteur  l'indique  sans 
le  développer.  C'est  là  une  difficulté  qu'on  ne  peut  vaincre 
qu'en  cherchant  ailleurs  un  certain  nombre  de  textes  ana- 
logues, et  en  groupant  ainsi  des  détails  qui  s'éclairent  ou  se 
complètent  les  uns  les  autres.  Il  faut  tenir  compte  en  outre 
de  l'accord  du  texte  avec  lui-même,  et  ne  pas  croire  que  les 
Égyptiens,  si  réelle  que  paraisse  leur  infériorité  littéraire, 
aient  travaillé  suivant  un  procédé  spécial,  consistant  à  ras- 
sembler des  phrases  sans  lien  sous  un  même  titre.  L'expé- 
rience enseigne  au  contraire  qu'il  y  a  toujours  un  motif  à 
leurs  réunions  les  plus  disparates  d'idées  ou  de  symboles,  et 
que  ce  motif  gît  dans  un  point  de  doctrine  qui  forme  le 
centre  caché  des  divergences  apparentes. 


I 

Il  sera  donc  utile  de  rechercher  ici  les  concordances  ex- 
térieures et  intérieures  du  chapitre  cxv.  Ce  texte  appartient 
à  un  ensemble  de  chapitres  dont  les  plus  intéressants  n'ap- 
paraissent guère  qu'à  partir  de  l'époque  saïtique  au  Livre 
des  Morts,  et  seulement  dans  les  éditions  les  plus  complètes. 
Ceux-là  (les  chap.  cxn,  cxm  et  cxv)  sont  narratifs  et  ce  sont 
les  seuls  du  livre;  aussi  M.  Goodwin,  qui  leur  attribue  une 
haute  antiquité,  les  croit-il  extraits  de  quelque  ancien 
poème1.  Il  est  difficile  de  se  faire  une  opinion  sur  leur  âge, 
car  le  style  dans  lequel  ils  sont  écrits  emploie  les  mêmes 
procédés  de  dialogue  que  celui  des  textes  ptolémaïques  du 
mythe  d'IIorus,  recueillis  au  temple  d'Edfou  par  M.  Naville; 
toutefois,  étant  donnée  la  stabilité  bien  connue  des  coutumes 
et  des  croyances  égyptiennes,  on  peut  conjecturer  que,  s'ils 
axaient  été  composés  au  moment  de  leur  introduction  dans 
le  Livre  sacré,  ils  n'y  auraient  apporté  pour  cela  aucune 

1.  Zeitschrift,  1871,  p.  117.  et  1X7:',,  p.  101. 


LE    CHAPITRE    CXV    DU    LIVRE    DES    MOUTS  33 

doctrine  nouvelle.  Il  faut  ajouter  aussi  que,  parmi  les 
exemplaires  du  Musée  du  Louvre  qui,  au  nombre  d'une 
quinzaine,  contiennent  le  chapitre  cxv,  se  trouve  le  papyrus 
du  duc  de  Luynes,  regardé  par  M.  Devéria1  comme  l'un 
des  plus  anciens  textes  hiératiques. 

Le  groupe  complet  était  destiné  à  faire  connaître  les  âmes 
de  deux  régions,  l'Orient  et  l'Occident  ;  de  deux  sanctuaires, 
Pa  de  Bouto,  dans  la  Basse  Egypte,  et  Nekhen  d'Éléthya, 
dans  la  Haute;  enfin  de  deux  villes,  An  et  Sesennu,  ou 
Héliopolis  et  Hermopolis,  consacrées,  comme  l'indiquent 
leurs  noms  grecs,  au  Soleil  et  à  Thoth.  La  qualification 
d'âme  se  rattache  à  l'idée  d'un  dieu  créateur,  ou  nocturne, 
ou  mort  :  c'est  pour  ce  motif  que,  le  bélier  étant  l'un  des 
hiéroglyphes  de  l'âme,  le  dieu  fabricateur  par  excellence, 
ou  Num,  portait  la  tôte  du  bélier,  tandis  qu'Osiris,  la  vic- 
time légendaire,  était  adoré  comme  bélier  ou  comme  bouc  à 
Mendès,  et  que  le  soleil  souterrain,  aux  hypogées  royaux  de 
Thèbes,  était  un  criocéphale. 

Ici,  les  chapitres  des  âmes  font  tous  allusion  au  dieu  de 
la  lumière  vaincu,  puis  triomphant,  et,  ce  qui  leur  donne 
une  physionomie  spéciale,  représenté  souvent  sous  la  forme 
de  l'œil  ou  des  yeux  d'Horus  (le  soleil  et  la  lune),  variantes 
de  l'âme'. 

Le  chapitre  des  âmes  de  l'Occident  dit  qu'après  avoir 
enchaîné   Set,   on   lui  fait  vomir  tout  ce   qu'il  a  mangé, 

°°£>  ^¥\^=£aA         k^7',   et   l'an- 


J/ 


teur  du  traité  D'Isis  et  d'Osiris,  si  bien  informé  de  ce  qui  a 
rapport  à  la  légende  égyptienne,  raconte,  en  effet,  que  l'œil 
d'Horus  fut  avalé  par  Typhon,  qui  le  rendit  ensuite  au 
Soleil'.  Le  chapitre  des  âmes  de  l'Orient,  qui  représente  le 

1.  Catalogue  des  Manuscrits  égyptiens,  p.  87  et  52. 

2.  Todtenbueh,  ch.  xci,  1,  4  ;  Mariette,  Fouilh-s  d'Abr/dos,  p.  58. 

3.  Todtenbueh,  eh.  cvm,  5. 

4.  Plutarque,  D'Isis  et  d'Osiris,  55. 

BlIÎL.   ÉGYPT.,  T.  XXXIV.  3 


34  LE    CHAPITRE    CXV    DU    LIVRE    DES    MORTS 

soleil  navig uant  sous  des  vents  orageux',  montre  l'épervier 
divin  s'élevant  au  ciel  avec  l'œil  et  le  côté  gauche  noirs*. 

Au  chapitre  des  âmes  de  Pa,  il  s'agit  de  l'œil  d'Horus 
qu'attaque  Set  changé  en  un  pourceau  noir,   I      j\ ^è\  ^^^ 

Ë  Hfcî  il!  k  ^  W  M  ak^'  "  mbo1^ 

1  éclipse  lunaire,  puisque,  d'après  Hérodote'  et  Plutarque5, 
on  sacrifiait  le  porc  une  fois  par  an,  à  la  pleine  lune,  époque 
à  laquelle  ont  lieu  les  éclipses  de  cet  astre.  Le  chapitre 
suivant,  celui  des  âmes  de  Nekhen,  a  trait  à  la  délivrance 
des  yeux  d'Horus  (et  non  des  mains  d'Horus,  comme  le  dit  à 

tort  le  Todienbuch)  :  ils  sont  repêchés  avec  un  filet  le  2  et  le 

-,  -   i  •     Œ==-  i  ^  v^/ ,       in  .        ,    ,   .       ,    , , 

lo  du  mois,  -^^x  0       _  ,  H      ^5^ \  dates  de  1  apparition 

du  croissant  et  de  la  pleine  lune. 

Enfin,  le  chapitre  des  âmes  de  Sesennu,  qui  est  répété 
deux  fois,  mais  d'une  manière  bien  incorrecte,  au  Todten- 
buch  (chap.  cxiv  et  cxvi,  intitulés  à  tort  Chapitres  des  âmes 
d'Ari),  parle  aussi  de  l'œil  avalé.  -  -v\  £\7\  K,  ainsi  que 
de  l'œil  noir,  ?     i^X  '',  et  sa  seconde  version  peut  se 

traduire  ainsi  :  Que  la  lumière  soi/  dans  Mata,  et  que  Ma 
([)  J),  au  lieu  de  ^^  du  Todt.,  cf.  Papyrus  de  Taho)  soif 
a  meure  dans  les  bras  (du  dieu  à)  l'œil  dévoré,  par  celui  qui 
l'examine.  J'en  sors  (de  cet  œil?).  Si  j'entends  (quelque 
chose),  je  ne  le  dirai  pas  aux  hommes,  je  ne  le  répéterai 
pas  aux  dieux,  réciproquement,  -le  suis  entre  parmi  ceux 

1.  Todtenbuch,  ch.  cix,  3. 

2.  hi,  ibid.,L  8. 

3.  Papyrus  Cadet  el  Papyrus  du  Louvre. 

4.  II.  17. 

5.  D'Isis  et  d'Osiris,  8. 

6.  Papj  rus  du  Lom  re. 

7.  Todtenbuch,  chap.  cxm,  5. 

8.  Id.,  en.  (xvi,  1. 

9.  Papyrus  n°  3397  du   Louvre,  el  Papyrus  de  Neb-qed,  publié  par 
MM .  1  ><■ . éria  el  l 'ierrel ,  iv,  5. 


LE    CHAPITRE    CXV    DU    LIVRE    DES    MORTS  35 

que  je  ne  connaissais  pas  ;  je  n'avais  pas  vu  les  mystérieux. 
Salut  à  vous,  ces  dieux  d"  Hermopolis,  qui  grandissez  le 

2  du  mois  et  qui  frappez  le  15,  - — o  1\  ©     ^^ 

*â^^\  1 1    <=>    :  ce  sont  Thoth   le  mystérieux,  San  et 

Tum.  Thoth,  dans  son  rapport  avec  l'œil  sacré,  est  un  dieu 
lunaire,  et  on  le  voit  ' ,  ainsi  que  son  emblème  le  cynocéphale", 
frappant  le  pourceau  de  l'éclipsé  avec  un  glaive. 


II 

En  résumé,  l'on  rencontre  partout  les  yeux  d'Horus 
éclipsés  ou  avalés,  puis  revomis,  ou  repêchés,  ou  délivrés  par 
un  coup  frappé  pendant  le  mois;  allusions  au  démembre- 
ment d'Horus',  spécialement  indiqué  dans  les  chapitres  de 
Pa  et  de  Nekhen,  où  les  génies  des  canopes  sont  attribués 
à  ce  dieu  pour  ses  entrailles'',  ou  pour  gardiens  de  ses  en- 
trailles ■ ,  et  où  le  premier  sanctuaire  lui  est  donné  pour  lieu 

de  repos  \  et  le  second  pour  séjour  de  ses  membres' . 

Le  chapitre  cxv  se  rattache  au  même  ordre  d'idées,  car, 
dès  la  première  ligne,  l'élu  a  découvert  la  face  pour  /'mil 
de  l'Unique,  et  le  cercle  des  ténèbres  s'est  ouvert. 

L'expression  de  la  face  découverte  se  retrouve  au  cha- 
pitre cxin.  Ra  donne  à  Horus  l'ouverture  de  la  face  pour 


1.  Papyrus  n°  1420  de  la  Bibliothèque  nationale. 

2.  Sharpe  et  Bonomi.  le  sarcophage' de  Séti  Ier,  et  Musée  du  Louvre, 
sarcophage  de  Taho. 

3.  Plutarque,  De  la  création  de  l'âme,  et  D'Isis  et  d'Osiris,  20;  cf. 
Diodore,  I,  25. 

4.  Todtenbuch,  ch.  cxn,  7. 

5.  Id.,  ch.  cxin,  6. 

6.  Papyrus  Cadet  et  Papyrus  du  Louvre. 

7.  Todtenbuch,  ch.  cxin,  5. 


36  LE    CHAPITRE    CXV    DU    LIVRE    DES    MORTS 


^.        lllllllll    (3  ^i 

ses  yeux,  -^^  r 


*l^\  et  elle  est  expliquée 

I  ^s>-\\ 


doublement  au  sarcophage  de  Séti  Ier  :  une  scène  y  repré- 
sente la  face  elle-même  traînée  dans  une  barque  vers  la  bari 
solaire,  tandis  que  le  texte  dit  :  Empare-toi,  à  Ra,  de  ta 
face  (qui  est)  ta  vérité  (ou  l'air  ^7  2Z3  qui,  lumineux,  est 
vêridique  parce  qu'il  dévoile  tout),  unis-toi,  ô  Ra,  avec  ta 
face,  la  vérité.  La  face  de  Ra  (sans  doute  le  ciel,  ) 

est   découverte,  et  les  deux   yeux   de   Khuti   (y)  entrent, 


O  I  V. ■*    — û  V --0      I  V ^0    u  w     1      lllllllll       MAA«      I 

~|^ -<s=- — .  Un-her  varie  avec  ¥^v^    ^v>  dans  le  sens 

de  découvrir2,  et  il  est  probable  que  le  dernier  groupe  con- 
serve cette  signification  à  la  fin  du  chapitre,  de  même  que  les 

^v  @  (1  (j  _JS)  Jn  i  ''  doivent  être  analogues  aux   1         (](] 
'i  ■',  les  momies  dévoilées  (qui  voient  Seb).  Le  Soleil  est 

dit  kfa-n-tu  à  l'Orient  (Todt.,  chap.  cxlv,  3). 

L'œil  de  l'Unique  rappelle  un  passage  du  Todtenbuch  qui 
rentre  dans  les  données  des  chapitres  étudiés  ici,  et  où  l'élu, 
qui  s'intitule  le  second  de  Thoth,  ^  ,  demande  à  péné- 

trer  dans  la  deuxième  ari  d'Osiris  :  laisse-moi  passer  (et) 
délivrer  le  Vouant  unique  !  {L~n  X^^^^^<T^J6- 

Un  autre  chapitre  parle  du  grand  Voyant,  ^*  Z^J?  3  ,  qui 
voit  son  père1 ,  probablement  Horus,  qui  vient   pour  voir 

1.  Papyrus  n"  3071)  du  Louvre,  variante  de  la  ligne  5  du  Todtenbuch, 

ch.   (XIII. 

2.  Sharpe  et  Bonomi,  XI,  B. 

3.  Todtenbuch,  ch.  cxlix,  23;  Champollion,  Notices  publièes[,  t.  I], 

p.  77S,  7T0,  etc. 

4.  Todtenbuch,  ch.  cxlv,  79. 

5.  /(/.,  ch.  <  Lvm,  1. 

6.  /'/.,  ch.  cxlvii,  10. 

7.  ld.,  ch.  xciv,  1. 


LE    CHAPITRE    CXV    Dr    LIVRE    DES    MORTS  37 

son  père  Osiris\  ou  l'âme  qui  parle  avec  son  père  le  grand1. 
Une  qualification  analogue  figure  à  la  ligne  6  du  chapitre  cxv, 
dans  la  phrase  qui  dit  du  fils  divin  ^^0Jj^  t  grande 
est  sa  vue.  Ces  titres  s'appliquent  aux  dieux  de  la  lumière  : 
de  même  que  le  personnage  divin  du  chapitre  cxv  est, 
d'après  une  variante  citée  par  M.  Goodwin',  le  Voyant, 
Horus  était  le  Vouant,  V\  °JU7 M  ' >  0L1  Ie  Viyilont,\\j^-  , 
et  l'on  demandait  à  voir  ce  que  lui  et  le  Soleil  voyaient  à 
l'Orient".  La  grande  vue  du  fils  désigne  donc  le  lever  de 
l'astre  renaissant  et  victorieux. 

Uexiension  du  bras,  ï  n£\  (1.  2),  parait  avoir  ici  le 

même  sens,  mais  la  phrase  qui  la  mentionne  n'est  pas  claire  ; 
on  peut  la  traduire,  en  adoptant  le  sens  interrogatif  que 
propose  M.  Goodwin,  par  :  Je  connais  les  âmes  d' Héliopolis  : 
est-ce  que  le  Très-Vaillant  ne  naît  pas  (  1  M  ,  cf.  Décret 
de  Canope,  1.  13)  d'elle  (Héliopolis,  ou  d'elles,  les  âmes)  au 
passage  (hors  des  bandelettes  de  la  momie?)  de  l 'extension 
du  bras  de  celui  qui  est  là,  le  Voyant  ?  ™^(j  k\  °JJ?  [Pap. 

Hay,  cité  par  M.  Goodwin),  c'est-à-dire  quand  se  produit 
l'extension  du  bras,  qui  caractérisait  les  dieux  solaires  re- 
prenant leur  puissance.  Le  soleil  avait  étendu  le  bras  pour 
amener  à  lui  la  jambe  d'Hathor  et  s'en  faire  une  barque7; 
au  chapitre  xxxix,  dont  la  connaissance  permettait  de  re- 
pousser le  serpent  typhonien,  Nu  s'écrie  :  Allons!  repous- 
sons cet  ennemi  qui  s'approche  de  celui  qui  est  dans  son 
naos,    et    seul   ou    solitaire    étend    les    bras,    Xebert'er, 

1.  Todtenbuch.  cb.  xxxvn,  2. 

2.  Id.,  cb.  xxxii,  1. 

3.  Zeitschrift,  etc.,  1873.  p.  105. 

4.  Shai  n  sinsin,  éd.  Brugseh,  p.  19. 

5.  Naville,  Textes  relatifs  au  mythe  d'Horus,  vi,  1. 

6.  Mariette,  Fouilles  d'Abydos,  p.  71  ;  et  Champollion,  Notices  pu- 
bliées^ t.  I],  p.  775. 

7-  Todtenbuch,  cb.  xcix,  22. 


38  LE    CHAPITRE    CXV    DU    LIVRE    DES    MORTS 

J  <ks/  '  "^ô  (1.  12  et  13).  Les  dieux,  par- 

courant le  bassin  de  Mafek,  viennent  alors  à  celui  qui  est 
dans  son  naos,  celai  de  qui  sortent  les  dieux,  et  le  protègent. 
Le  bras  était,  en  effet,  comme  l'œil,  guetté  par  l'ennemi,  et 

il  avait  été  volé  par  le  crocodile  Maka,  fils  de  Set  :  (J£¥\ 
^|\  ^=.v  n  (1(1  y^|wpS^  o         vjv.    Horus- 

Khem,  dont  la  légende,  assimilée  par  les  Grecs  à  celle  de 
Persée2,  paraît  avoir  donné  naissance  au  conte  égyptien  des 
deux  voleurs',  lève,  en  ressuscitant,  un  bras  encore  momifié 
et  manchot.  Le  symbolisme  du  bras  était  si  bien  analogue  à 
celui  de  l'œil  qu'au  chapitre  cxm  les  bras  d'Horus,  1.  4, 
varient  avec  les  yeux  d'Horus.  Au  chapitre  cix,  1.  8,  l'éper- 

vier  divin  a  l'œil  gauche  noir  comme  le  côté,         9  ^K      q, 

et  le  porc,  que  le  chapitre  cxn  montre  attaquant  l'œil  d'Horus 

ou  la  lune,  est  appelé  le  décorateur  du  bras,  7 a,  dans 

la  scène  des  sarcophages  où  il  est  chassé  d'une  barque  par  le 
singe  lunaire1.  La  tête,  séjour  des  yeux  sacrés,  est  souvent 
citée  aussi  avec  les  bras. 

Un  des  passages  les  plus  importants  du  chapitre  cxv  est 
celui  qui  donne  la  date  de  la  victoire  divine  :  Ra  conversait 
avec  Amhauf;  voici  qu'un  fléau  (s'éleva)  contre  lui  :  c'est 
alors  que  le  coup  fut  frappé  le  2  du  mois.  Ra  dit  à  Amhauf: 
Prends  la  lance  (1.  3  et  4).  Le  chapitre  suivant  indique  le 
moine  jour,  quand  il  parle  dos  dieux  d'Hermopolis  qui 
grandissent  le  2  et  qui  frappent  le  15  (1.  3)  ;  c'étaient  là  les 
deux  époques  de  la  délivrance  de  l'œil  sacré  :  j'ai  délivré 
l'œil  d'Horus  de  son  éclipse  arrivant  à  la  Jeté  du  quinzième 


1.  Sharpe,  Eyyptian  Inscriptions,  I,  pi.  LVII,  31,  32,  et  pi.  LVIII,  22. 

2.  Hérodote,  Û,  91. 

3.  I<l.,  II,  121. 

4.  Sarcophage  de  Séti  I'\  publié  par  Sharpe  et  Bonomi,  V;  et  Musée 
du  Louvre,  sarcophage  de  Taho, 


LE    CHAPITRE    CXV    DU    LIVRE    DES    MORTS  39 

four.  ^  ^  v&^sk- $  ^-^^^         -  -  '  '  ' 


jour,        * — •'aa         wrfj]' M  U         n 

et  ce  filet  amène  à  Haras  ses  peux  et  l'ouverture  pour  sa 

face  le  2  et  le  lô  du  mois*.  On  peut  comparer  à  cette  derrière 

phrase  une  allusion  du  chapitre  cxlviii  -au  filet  ou  au  pêcheur 

dangereux,  oaJ-       ^¥l\  %s,  en  ce  jour,  en  cette  nuit , 

en  cette  fête  du  quinzième  jour,  en  cette  année",  et  une 
ënumération  analogue,  qui  figure  au  début  des  Te, îles  du 
mythe  d'Horus,  lorsque  Thoth  célèbre  le  triomphe  du  dieu, 
établit  d'une  manière  certaine  le  sens  qu'a  dans  ces  légendes 

le   mot  ©1      ouqpqbx,   variante   du    mot  *}>x,  deux 

termes  que  M.  Chabas  traduit,  ainsi  que  M.  Brugsch,  par 
frapper  :  un  jour  de  fête  à  Horus,  seigneur  de  cette  terre, 
fis  d'Isis,  aimable  et  chéri,  etc.,  un  jour  de  fête  en  ce  jour 
pendant  la  minute  duquel  on  a  frappé,  un  jour  de  fête  en 
cette  nuit  pendant  les  heures  de  laquelle  on  a  frappé,  un 
jour  de  fête  en  ce  mois  au  quinze  duquel  on  a  frappé,  un 
jour  de  fête  en  cette  année  pendant  les  mois  de  laquelle  on 
a  frappé,  un  jour  de  fête  en  ce  siècle  pendant  les  années 
duquel  on  a   frappé,  un   jour  de   fête  en  cette  éternité! 

0  O        AAAAAA     JS  «si 


i  6  o  ^  Jr  «2i  <=>©  É\  s  *_  o 

X 


D    dbcfcxfx    ^O*©IM0I^0    D 


AAA/WV 


«(iJ  «siJ  _Cr\>     AA/WNA     CS  *\^.  I      \J   '"^7-^  XAAAAA     V7   \7 


,vS7  I  0  _û*tf  /www  «=i    ^    / —   O    —h—  <=>  o  m 

nnn  ° 

La  lance  ou     p,    °  que  le  Soleil  fait  prendre  par  Amhauf 

Do1  ,  .  .     nnn   

ne  diffère  évidemment  point  de  larme  divine         ,  -, 

®  et  £3  >  portée  par  le  Ptolémée  des  Textes  du  mythe 

III  ooo 

1.  Todtenbuch,  cli.  lxxx.  4. 

2.  /</.,  cli.  cxiii,  4  et  5. 

3.  M,  t&i'd.,  1.  17  et  18. 

4-  Naville,  Textes  relatifs  au  mythe  d'Horus,  i,  3,  4  et  5. 


40  LE    CHAPITRE    CXY    DU    LIVRE    DES    MORTS 

d'Horus,  ainsi  que  par  le  dieu  lui-même.  Eusèbe'  rapporte 
qu'à  Edfou  cette  lance,  aux  mains  d'un  personnage  hiéraco- 
céphale  frappant  un  hippopotame,  était  la  lumière  de  la 
lune,  et  il  est  a  remarquer  que  les  dates  mentionnées  dans 
les  textes  réunis  ici  ne  concernent  que  les  phénomènes  lu- 
naires, même  lorsqu'il  s'agit,  comme  au  chapitre  cxm,  des 
deux  yeux  sacrés,  ou  uniquement  du  soleil,  comme  au  cha- 
pitre cxv.  On  entrevoit  là  une  trace  de  l'arrangement  pour 
ainsi  dire  littéraire  et  artificiel  qui,  dans  toutes  les  mytho- 
logies,  finit  par  coordonner  les  légendes  en  une  sorte  de 
récit  épique.  Horus  et  Ra,  dont  les  rôles  dépassent  de  beau- 
coup les  attributs  solaires,  représentent  le  dieu  suprême  ou 
le  Zeus  égyptien  en  guerre  avec  le  mauvais  principe,  qui, 
figurant  les  ténèbres,  cherche  à  détruire  les  deux  yeux  cé- 
lestes, dans  lesquels  se  personnifie  la  lumière.  Le  combat 
qui  s\  mbolisait  les  phases  de  la  lune  aurait  été  dans  le  cycle 
légendaire  la  dernière  tentative  de  l'ennemi,  car  il  est  suivi 
d'une  résurrection  divine  annonçant  un  nouvel  ordre  de 
choses. 

Magnus  ab  intepro  seclorum  nascitur  ordo. 

C'est  ainsi  qu'Adonis,  après  avoir  été  blessé  par  un  san- 
glier, non  pas  a  l'œil,  mais  à  la  cuisse,  autre  emblème  de  la 
vie,  renaissait  chaque  année  avec  la  végétation. 


1,"  chapitre  exil  montre  Horus,  après  sa  lutte  contre  le 
poiv,  prenant    une   forme  adolescente,  -:5^  C\  / —    © 


«^  il.ôet  fi>,  et  h>  chapitre  cxv,  lorsque  Ra  a  frappé  ou 
fait  frapper  avec  la  lance,  raconte  la  naissance  mystérieuse 

d'un  ''""  enfant<  k-^IsfîkVsflTH 

1.  Préparation  ècangèlique,  III,  12. 


LE    CHAPITRE    CXV    DU    LIVRE    DES    MORTS  41 

=^  (1.  7),  lequel, appelé  Très-Vaillant  comme  Horus, 

qui  était1  <x=>  f)f|,  doit  être  le  même  que  le  fils  ainéd'Osiris 
nommé  au  chapitre  lxiii,  2  :  Je  suis  Baba, /Ils  aîné  d'Osiris, 
le  purificateur  (t)  de  chaque  dieu  par  son  œil  dans  Hélio- 
polis; je  suis  l'aîné,  le  grand  dévoilé,  le  grand  qui  se  re- 
pose, la  propriété  d'Osiris,  voilà  son  nom  : 


O     O 


■*u>-  n  -9  d   /?>  v   y  -<2>-  a^_     ♦  n     o 


£ _JS) ^^ ^* <=^ (S\ <Z      ^  "h^S^ 


Cette  naissance  est  un  nouveau  point  à  éclaircir. 

Le  titre  indique  déjà  une  résurrection  assimilée  au  lever 
du  soleil  :  Chapitre  pour  sortir  vers  le  ciel  et  franchir 
Ammah ;  de  plus,  le  premier  mot  de  l'élu  est  celui-ci  '.j'ai 
grandi  hier  avec  les  grands  (les  personnages  divins),  et  je 
suis  né  dans  le  lieu  des  naissances  (cf.  sEltesteTexte,  x,  32). 
Le  papyrus  magique  Harris  parle  du  Souffle  (Shu),  rfils 
unique  conçu  hier  et  enfanté  aujourd'hui*.  A  la  ligne  6  du 
chapitre  cxv,  il  est  dit  du  fils  que  sa  vue  est  grande,  expres- 
sion qui  a  été  appréciée  plus  haut  comme  se  rapportant  aux 
dieux  de  la  lumière.  Si  cet  enfant  parait  nommé  lejils  de 

l'homme,  j£^         ?^         v&  i ,  à  la  ligne  4,  c'est  parce  qu'il 

est  créé  par  le  mâle  qui  se  change  en  femme  :  le  mot  homme 
est  une  variante  du  mot  mâle,  et  tous  deux  font  antithèse 
avec  la  métamorphose  en  femme  du  personnage  évidemment 
surnaturel  dont  il  s'agit.  Har-hut  avait  pris  la  forme  ado- 
lescente, très   vigoureuse,  ■^=>%^\,  d'un  homme  de   huit 

H AAAAA^    I    I    I    I 

coudées,  /ww«    ^s.  ';  le  Nekhta,  qui  figurait  Osiris, 

I  2Ï  ~-&  MM  i  & 

était,    au    papyrus    magique    Harris,    un   homme   de   sept 


1.  Champollion ,    Notices   manuscrites,   t.   I    (Panthéon    égyptien). 
p.  127;  Naville,  Textes  relatifs  ait  mythe  d'Horus,  xxm,  42,  etc. 

2.  Chabas,  Le  Papyrus  magique  Harris,  VII,  5,  et  p.  100. 

3.  Naville,  Textes  relatifs  au  mythe  d'Horus,  xxm,  42, 


42  LE    CHAPITRE    CXV    DU    LIVRE    DES    MORTS 

coudées,  ^    *ww       N        'et  un  dieu  accompagnant  Celui 


-I  -t-^   M- 

qui  clerc  le  bras  était  représenté  avec  une  figure  humaine, 

I  y'       f\  ^Vjt'2»    comme    la  déesse    mère    et 

hermaphrodite,  t\    ^  (]()     v&\  Un   des   textes   du 

groupe  montre  bien  que  le  héros  du  chapitre  cxv  n'est  pas 
un  homme,  mais  la  forme  ithyphallique  de  l'âme  céleste 
qu'Ammon-Ra,  âme  auguste  d'Osiris  rajeuni,  reçoit  dans 
une  représentation  de  basse  époque''  ;  l'élu,  pour  conjurer  le 
monstre  typhonien,  dit  :  Détourne-toi  de  l'Osiris  vêridique! 

AAAAAA     ^r\  r 

II  est  le  mâle  dans  le  ventre  de  sa  mère  ! 


AA/VW\ 

cache  ta  tète  !  que  ïabîme  te  reçoive!  Je  suis 
sauf,  (si)  tu  es  sauf.  Je  suis  Ur-liakau,  fils  de  Nu  .•  ou 
bien,  d'après  la  version  du  chapitre  cxlix  :  Le  Vogant  unique 
est  contre  toi  :  je  suis  complété,  je  suis  le  mâle,  cache  ta 
tète!  si  tu  es  sauf,  je  suis  sauf  réciproquement.  Je  suis 
Ur-hakau.  Ra  m'a  donné  mes  dewr  yeux  et  je  m'en  pare6. 
Le  chapitre  xcix  place  le  mâle  dans  la  barque  solaire  :  je 
viens  pour  voir  mon  père  Osiris.  O  seigneur  du  voile! 
maître  de  la  joie  du  cœur,  ou  du  retour  des  cœurs  ! 
O  seigneur  de  la  tempête  !  Mâle  qui  navigues!  O  toi  qui 
navigues  par  cette  contrée  d'Apap"  ! 

Les  attributions  terribles  données  au  mâle  dans  ces  textes 
le  rapprochent  du  phallus  de  Ra,  par  qui  tout  devient  dé- 
faillant  des  millions  île  lois  sons  sa  forme  de  Balxt*,  et  qui 
'■-l  accompagné,  peut-être  comme  variantes,  par  les  cornes 
de  Khepra  el  la  prunelle  de  l'œil  de  Tum  :  si  j'étais  passé, 

1.  /.'■  Papyrus  magique  II  unis.  IX,  8. 

2.  Todlenbuch,  ch.  clxv,  12. 

3.  J>l  .  ch.  i  liv,  12. 

4.  Denkmâler,  IV,  29  b. 

h.  Todtenbuch,  ch.  cvm,  7. 

6.  /a.,  ibid.,  I.  15  et  16. 

7.  Ut.,  ch.  (  vin,  2  el  3. 
8-  /'/.,  ch.  m  m,  1  el  2. 


LE    CHAPITRE    CXV    DU    LIVRE    DES    MORTS  43 

si  j'étais  amené  à  l'Orient,  si  je  connaissais  toutes  les  choses 
mauvaises  des  jetés  de  ceux  qui  sont  des  impies  pour  moi, 
(dignes)  d'être  frappés  par  les  cornes  de  Khepra,  oui!  il  me 
dévorerait,  ce  phallus  de  Ra,  tête  d'Osiris\  et  qu'elles  ne 
me  frappent  pas,  les  deux  cornes  de  Khepra!  oh!  qu'elle 
ne  soit  pas  contre  moi,  la  prunelle  de  l'œil  de  Tum*.!  que 
je  ne  sois  ni  détruit,  ni  violenté  !  que  je  ne  passe  pas  vers 
l'Orient  pour  célébrer  la  fête  de  ceux  qui  sont  des  impies 
pour  moi'  !  Au  chapitre  xvn,  le  phallus  d'Osiris  ou  de  Ra 
est  représenté,  dans  le  même  rôle,  sous  la  forme  d'un  lion 
étincelant  que  l'élu  conjure  ' .  La  partie  du  texte  clans  laquelle 
il  se  trouve  et  qui  existe  dans  les  anciens  exemplaires  sur 
papyrus  du  Livre  des  Morts',  mais  non  aux  Aelteste  Texte, 
a  les  plus  grands  rapports  avec  la  légende  du  chapitre  cxv. 
Elle  contient  quelques  mots  difficiles,  qui  ne  cachent  pour- 
tant pas  le  sens  général  clu  passage,  dans  lequel  l'élu  est 
identifié  avec  Isis,  puis  conçu  en  elle",  et  dont  la  glose  a  été 
traduite  ainsi  par  M.  de  Rougé7  :  Le  lion  lumineux  qui  est 
à  l'extrémité,  c'est  le  phallus  d'Osiris,  ou  bien  c'est  le  phallus 
de  Ra.  Celui  qui  a  déployé  ses  cheveux  sur  lui,  et  qui  a  ter- 
miné sa  route  (?)  C^ z  X/1<  >£5:î,  qui  hésite  à  l'entrée  de 
son  chemin,  cf.  Chabas,  Vouaqe,  vocabulaire,  n°  764),  c'est 
Isis,  lorsqu'elle  se  voile,  alors  elle  ramène,  — "— (J  r  -, 
ses  cheveux  sur  elle*.  On  reconnaîtra  dans  la  métamorphose 
de  l'Osiris  devenu  Isis,  puis  conçu  par  elle,  les  phases  de  la 
renaissance  solaire,  qu'exprime  la  vignette  en  montrant  une 
femme  (Isis)  penchée  vers  un  lion  (Osiris  ou  Ra),  et  ayant 

1.  Todtenbuch,  ch.  xcm,  2  et  3. 

2.  Cf.,  ch.  xxxn,  7. 

3.  Id.,  ch.  xcm,  7  et  8. 

4.  Id.,  ibid.,  1.85. 

5.  E.  de  Rougé,  Études  sur  le  Rituel,  p.  70. 

6.  Todtenbuch,  ch.  xvn,  86  et 87. 

7.  Études  sur  le  Rituel,  p.  6'). 

8.  Todtenbuch,  ch.  xvn,  94  et  95. 


44  LE    CHAPITRE    CXV    DU    LIVRE    DES    MORTS 

au-dessous  du  ventre  un  scarabée  (le  soleil  levant).  On  y  re- 
marquera aussi  une  grande  analogie  avec  la  légende  d' Hé- 
liopolis, dans  laquelle  le  mâle,  pareil  au  dieu  de  l'Amenti 
qui  jouit  de  lui-même*,  se  change  en  femme  chevelue  et 
donne  naissance  à  un  dieu,    |  Jj  (1.  7). 

Celui-ci  est  appelé  le  fîls  du  temple  (1.  6),  parce  que  la 
scène  se  passe  à  Héliopolis,  et  que  le  sanctuaire  de  cette  ville 
était  regardé  comme  un  des  lieux  de  la  résurrection  solaire  : 
le  Phénix  renaissant  de  ses  cendres,  emblème  de  l'aurore8, 
e<  par  extension  du  retour  de  certaines  périodes  astrono- 
miques, y  apportait  d'Arabie  l'œuf  de  myrrhe  dans  lequel 
il  avait  enfermé  son  père3.  La  présence  du  Bennu  (le  Phénix) 
à  Héliopolis,  où  Osiris  avait  été  enseveli  suivant  le  papyrus 
magique  Harris',  symbolisait  déjà,  au  chapitre  xvn,  a  le 
»  retour  d'Osiris  à  la  lumière  '  ».  Dans  les  textes  sacrés,  Hé- 
liopolis, ou  les  portes  du  Soleil",  était  souvent,  en  effet,  une 
des  localités  mystiques  habitées  par  l'astre  pendant  son  sé- 
jour souterrain;  l'élu,  dont  la  demeure  a  été  bâtie  par  Tum 
et  fondée  par  les  deux  lions1,  se  repose  dans  Héliopolis,  sa 
demeure  bâtie  par  Safekh  et  élevée  par  Num  sur  sa  mu- 
raille*. 

Le  chapitre  lxxviii  du  Livre  des  Morts,  pour  prendre 
la  forme  de  l'éperoier  divin,  réunit  encore  les  principaux 
traits  de  ces  traditions  :  ô  grand!  (ou  ô  épervier !  d'après  1<> 
papyrus  sans  nom  du  Louvre),  viens  à    Tattu!  place-moi 

^  ^      Q 

sur  le  chemin  que  j'ai  (déià)  parcouru,  (car)  j'hésite  )ffl. 
renouvelle-moi ,  élève-moi  donc!  (1.  1).  On  y  lit  que  l'Osiris 

1 .  Todtenbuch,  ch.  xvn.  !». 

2.  /</..<•),.  ,  XXI.  1. 
:î.  Hérodote,  II.  73. 

4.  VIII.  12. 

5.  I*'..  de  Uougé.  Études  sur  le  Rituel,  p.   16. 
ti    Diodon;  I,  '.Mi. 

7.   Todtenbuch,  ch.  xvn.  83. 
S.   ld„  ch.  i.vii.  1. 


LE    CHAPITRE    CXV    DU    LIVRE    DES    MORTS  45 

véridique,  affermi  sur  son  pavois  comme  le  seigneur  vivant 
du  ciel,  est  confondu  avec  la  divine  Isis,  tfw^         *c=^.  8 
("     J]   |         ;   (1.  7),  et  préservé  de  celui  qui  fait  son  mal 
(1.  8),  que  les  dieux  du  monde  souterrain  voient  lerenouvel- 

— w—  _ 

lement  de  la  pêche  (1.  9),  ou  la  fête  de  la  pêche,  °2J?  /WWA  g 

J„_  /s*  ni,,,       ,    .  ,  1. 1  i  X 

^£7  gVT  (d  après  le  papyrus  sans  nom),  qu  Osins,  ou 

suivant  ce  dernier  papyrus  Isis,  a  enfanté  H  or  us  et  prospère 

par  lui,  qu'Osiris  s'élève  en  un  épervier  divin,  qu'il  est  une 

momie  dont  Horus  est  l'âme  (1.  13  et  14),  que  les  deux  lions 

tirent  le  Seigneur  unique,  ainsi  que  l'élu  de  la  tombe  (1.  19 

et  20)  ;  qu'ils   remettent,  "Hk  •  ,  la  coiffure  divine  appelée 


Nemmes  (1.  19)  ;  qu'il  est,  pour  l'élu,  donné  sa  chevelure  (à 

Osiris),  û d(I(I  v&  ^/  ^^tCllXl         »  flue  ce  dieu  offermît 

pour  l'élu  sa  propre  tète  sur  son  dos  (1.  20);  et  enfin, 
qu'Horus  a  fabriqué  les  dieux  et  tiré  des  multitudes  de  son 
œil,  dont  l'Unique  est  le  maître,  Nebert'er,  c'est-à-dire 
Osiris. 

Les  deux  lions  sont  Shu  et  Tefnu,  qui,  sous  le  nom  du 
frère  et  de  la  sœur,  accompagnent  Ra  comme  âmes  d' Hé- 
liopolis, au  chapitre  cxv,  1.  5  et  7,  de  même  qu'ils  suivent 
Tum  (le  soleil  nocturne),  comme  magistrats  de  cette  ville 
au  chapitre  xvm,  le  jour  du  combat  et  du  massacre  des 
impies,  c'est-à-dire  des  ennemis  de  Nebert'er,  les  associés 
de  Set  (1.  3  et  4).  Apres  la  victoire,  Shu  et  Tefnu  instituent 
une  fête  (1.  5),  comme  après  l'éclipsé  Horus  établit  des  sa- 
crifices de  bœufs,  de  gazelles  et  de  porcs1. 

L'identité  de  ces  récits  apparaît  clairement  dans  un  papyrus 
de  la  XXVIe  dynastie,  dont  M.Pierretapubliéla  transcrip- 
tion hiéroglyphique.  Isis  y  dit  à  Osiris  :  Je  suis  ta  sœur  Isis. 
Il  n'y  a  ni  dieu  ni  déesse  ayant  fait  ce  que  j'ai  fait  :  j'ai  fait 
le  mâle,  étant  femme,  afin  défaire  revivre  ta  personne  sur 

1.  Todtenbuc/i,  ch.  cxn.  6. 


46  LE    CHAPITRE    CXV    DU    LIVRE    DES    MORTS 

*/WV\     /WW\A         I    i 1     <Z^Z>  <^_ 1^>    /WW 


AAAAAA     /WWV\         I    i I     "^ — ^>  "^ — 1^>    AW\M      1-J.         I  \J     A_i 

■  §         '.A  Héliopolis,  centre  du  culte  solaire,  le  per- 


sonnage principal  est  Ra  (le  mâle  qui  fait  la  femme),  et  c'est 
Isis  (la  femme  qui  fait  le  mâle),  quand  le  lieu  de  la  scène 
n'est  pas  précisé  ou  se  rapproche  de  Tattu  (Mendès),  ville 
osirienne;  mais  les  noms  seuls  sont  changés,  et  encore  la 
variante  du  chapitre  xvn  (1.  93),  assimilant  le  lion  à  Ra 
comme  à  Osiris,  fait-elle  rentrer  l'une  dans  l'autre  les  deux 
versions,  identiques  sous  des  noms  différents,  ce  qui  n'était 
pas  rare  dans  la  mythologie  égyptienne.  Osiris  était  d'ail- 
leurs la  forme  la  plus  ordinaire  du  soleil  nocturne,  ce  qui 
explique  pourquoi  l'on  a  vu  que,  par  un  mélange  d'idées 
facile  à  comprendre,  l'enterrement,  la  résurrection  et  le  fils 
d'Osiris  pouvaient  être  placés  à  Héliopolis,  tandis  que,  d'un 
autre  côté,  les  compagnons  de  Ra  ou  Shu  et  Tefnu  pouvaient 
servir  aussi  d'auxiliaires  au  dieu  de  Mendès  (cf.  Todt., 
eh.  xvn,  1.  03,  G4  et  05).  Osiris-Sahu  est  appelé,  au  cha- 
pitre xxiii,  3,  du  Todtenbuch,  Celui  qui  réside  dans  les 
âmes  d' Héliopolis. 

11  y  a  dans  la  légende  une  tendance  remarquable  à  une 
sorte  d'hermaphroditisme,  tendance  qu'on  retrouve  dès  la 
XVIIIe  dynastie  dans  l'hymne  à  Osiris,  traduit  par  M.  Cha- 
bas,  où  Jsis,  qui  extrait  l'eau  d'Osiris  et  fait  un  enfant 
(huis  l'isolement*,  agit  seule  pour  la  naissance  d'Horus.  On 
pourrait  être  tenté  de  rapporter  a  la  même  idée  le  sens  du 
chapitre  lxxx,  d'après  lequel  le  défunt,  qui  se  change  en 
dieu    lunaire,   est      Ji  ^ff-  0  ^x^;  mais  le  papyrus 

sans  nom  du  Louvre  prouve  que  le  groupe      Ji,  ou 

du  Todtenbuch  (1.  8),  est  une  altération  de        Jf)}  le  métal 

ooo  i_J 

1.  Études  ègyptologiques,  p.  22. 

2.  Reeue  archéologique,  1857;  Plutarque,  D'Isis  et  d'Osiris,  19. 


LE   CHAPITRE    CXV    DU    LIVRE    DES    MORTS  47 

lunaire  personnifié  éclairant  les  ténèbres.  Une  allusion 
certaine  à  cette  doctrine  est  visible,  au  contraire,  dans  une 
composition  de  basse  époque  ajoutée  au  Todtenbuch,  laquelle 
prescrit  de  faire  une  déesse  à  trois  têtes  :  l'une  de  lionne, 
l'autre  humaine  et  couronnée  du  double  diadème,  la,  dernière 
de  vautour  avec  la  double  plume,  et  ayant  un  phallus,  deux 
ailes  et  des  pattes  de  lion  ' .  Au  chapitre  précédent,  une  image 
du  dieu  qui  élève  le  bras  devait  avoir  la  tête  de  la  déesse 
Nit,  qui,  elle-même,  était  quelquefois  criocépliale". 

Plus  on  approche  de  l'ère  moderne,  plus  les  symboles  de 
ce  genre  se  multiplient,  accusant  ainsi  les  analogies  qui 
existent  entre  les  croyances  égyptiennes  et  les  cultes  de 
l'Asie,  dans  lesquels  le  sanglier  et  les  déesses  hermaphro- 
dites jouent,  de  même  qu'ici,  un  grand  rôle.  Isis,  aux  derniers 
temps  du  paganisme,  finit  par  devenir  la  divinité  suprême, 
comme  auparavant  Astarté  en  Phénicie,  Cybèle  en  Phrygie, 
ou  Anaïtis  en  Assyrie,  prédominance  du  type  féminin  qui 
semble  s'expliquer  par  ce  fait  qu'à  la  décadence  des  cultes 
les  femmes,  restées  presque  seules  fidèles  aux  anciens  dieux, 
accommodent  alors  la  religion  suivant  leurs  préférences  et 
leurs  goûts. 

Le  sens  allégorique  de  la  chevelure,  que  M.  de  Rougé 
croyait  destinée  à  «  couvrir  les  mystères  de  la  conception  '  », 
sera  étudié  dans  un  mémoire  sur  l'Arbre  sacré  en  Egypte. 
Il  a  pour  origine  probable  une  confusion  entre  les  idées 
de  chevelure,    *•       ^ ,  et  à' arbre,     *       A  :  les  rameaux 

/WWV\    VI  #  /WWV\    \£L    11 

de  l'arbre  sacré,  emblème  du  ciel  inférieur  abritant  les  mânes 
et  le  soleil,  devinrent  les  cheveux  de  la  déesse  ou  du  dieu 
dans  lesquels  se  personnifiaient  soit  le  séjour  infernal,  soit 
l'âme  céleste  unie  à  ce  séjour.  De  leur  côté,  les  dieux  effémi- 
nés de   l'Asie  naissaient  d'un    arbre  et  se  changeaient  en 

1.  Todtenbuch,  ch.  clxiv,  12  et  13. 

2.  Champollion,  Notices  manuscrites,  t.  II  (Panthéon  égyptien), 
p.  299. 

3.  Études  sur  le  Rituel,  p.  70. 


4S  LE    CHAPITRE    CXV    DU    LIVRE    DES    MORT? 

arbre.  Au   chapitre  cxv.  d'après  lequel  l'élu   a   été  conçu 

hier.  Celui  qui  est  sous  le  voile,  -  -^\  (j  /ww^    Il  ' 1 ,  et  qui 

remet  en  mémoire  L'Isis  voilée  du  chapitre  xvn,  pourrait  bien 
ne  pas  différer  non  plus  du  dieu  (//'and  dans  le  beau  tama- 

risque,  voile  de  Ra,  ou  sa  toison,  hier,  (I  awws    Jj         (l 

J^,  1    M I    111  \~~       1    /VWV\A 

0  v\^  (eh.  xlii  du   Toril.,  1.  2  et  3),  dieu  qui  est  intitulé 

ensuite  le  préparateur  divin  dans  le  sein  du  tamarisque 
(1.  3),  ou  le  grand  préparateur  dans  le  sein  d'hier  (1.  20)  : 
l'acte  est  préparé,  L.  a  ,  dans  le  creux  de  sa  main,  sans 
qu'on  le  sache  (1.  20).  La  mention  d'hier,  après  celle  du  voile 
de  Ra,  était  répétée  quatre  fois,  ce  qui  rapelle  les  quatre  hier 
dont  le  phénix  est  la  personnification  au  chapitre  lxxxiii,  2, 
et  les  quatre  jours  de  deuil  pendant  lesquels,  avant  de  retrou- 
ver Osiris,  on  couvrait  un  bœuf  d'or  avec  un  voile  noir,  à 
cause  du  deuil  d'Isis  (Plutarque,  D'Js.  et  d'Os.,  xxxix).  Au 
chapitre  Cix,  Ra,  avant  son  lever,  est  dans  un  svcomore  de 

il.  3),  tandis  qu'au  chapitre  \vn,  1.  45,  il  frappe  le  serpent, 

sous  la   forme   d'un   chat   ou  d'un  lion*,  auprès   do   l'arbre 

sacré  d'Héliopolis.  La  cheveluredu  Soleil  est  citée  dans  un 

ancien  papyrus  du   Louvre3,  el  dans  le  papyrus  magique 

étudié  par  M.  Birch*.  Le  même  texte  fait  entourer  le  cou 

d'Osiris  avec  une  couronne  de  fleurs  divines  (de  cèdre?)  par 

Tcl'nu,  et  avec  une  boucle  par  Shu  '.  Ailleurs  l'élu,  pour  dé- 
fi -Çsï-  ^ 
tourner  le  crocodile  du  Sud,  dit  qu'il  est  I'wwvn     (ce  qui  est 

l'acte  d'Isis  au  chap.  xvn,  i.  93),  et  changéen  végétal*.  Cer 


1.  Variante  du  Papyrus  Hat/,  Goodwin,  Zeitschrift,  18î:î,  p.  106. 

2.  E.  de  Rougé,  Etudes  sur  le  Rituel,  p.  r>7. 

3.  Devéria,  Catalogue,  p.  I. 

I.  Reçue  archéologique,  18'»:i,  p.  m,  I.  '.'>. 

5.  ht..  |»   vu.  I.  9;  i».  vin.  I.  1.  el  p.   129. 

6.  I  odtenbueh ,  ch.  \  \  xit,  <i. 


LE    CHAPITRE    CXV    DU    LIVRE    DES    MORTS  49 

tains  dieux  étaient  dans  la  chevelure,       9    vX  v^1,  et 

<^i     X,   /WWV\    H—  \\ 

le  chapitre  de  l'oiseau  Shenti,  emblème  du  temps,  semble 
débuter  par  une  allusion  à  ce  symbolisme  :  maître  de  ee 
qui  est,  bourreau  de  ceux  qui  subsistent  avec  leurs  tête* 
et  leurs  chevelures ,  et  qui  sont  dans  leur  (bassin?  ou  syco- 
more? de)  Mafek,  les  grands  et  les  élus,  préparateur  de 
l'instant,  je  suis  au  ciel  et  j'immole  sur  terre  tour  à  tour 
par  une  puissance ,  etc.2  Les  rois  d'Egypte,  suivant  Diodore, 
se  couvraient  la  tête,  entre  autres  ornements  allégoriques, 
de  masques  de  lions  et  de  branches  d'arbres1.  Une  divinité 
par  laquelle  le  chapitre  cvm,  1.  10,  remplace  Isis,  c'est-à- 
dire  Hathor,  qu'on  représentait  souvent  dans  l'arbre  sacré, 

n    /VSAAAA 

et  dont  la  coiffure  "b"  était  mise  en  rapport  de  Shu', 

avait,  comme  l'a  remarqué  M.  Goodwin  ',  le  surnom  de 
Henkesti,  ou  la  chevelue,  de  même  que  Déméter  était  pour 
les  Grecs  la  déesse  aux  belles  boucles,  Calliplocamos.  Au 
Calendrier  Sallier'',  Hathor  paraît  prendre  le  rôle  de  Ra,  le 
1er  d'Athyr,  et  ses  litanies  du  temple  de  Dendérah  l'ap- 
pellent celle  qui  a  des  cheoeux  couleur  de  mafek.  D'après 
Lucien,  on  conservait  à  Memphis  les  cheveux  bouclés  d'Isis7  : 
Y  Henkesti  du  mâle  à  Héliopolis  était  sans  doute  analogue. 
Les  reliques  sacrées  que  renfermaient  les  sanctuaires  de 
l'Egypte  passaient,  en  effet,  pour  être  certaines  parties  des 
corps  divins8.  La  vénération  pour  ces  objets  devait  être  fort 
grande  chez  un  peuple  qui  respectait  les  emblèmes  de  la 
divinité  au  point  de  rendre  un  culte  à  plusieurs  animaux,  et 

1.  Todtenbuch,  ch.  xxx,  '-\. 

2.  Id.,  ch.  lxxxiv,  1. 

3.  I,  62. 

4.  Todtenbuch,  ch.  xxxv,  1. 

5.  Zcitschrift,  etc.,  1873,  p.  106. 

6.  Chabas,  Le  Calendrier  Sallier,  p.  45. 

7.  Contre  un  ignorant  bibliomane,  14. 

8.  J.  de  Rougé,  Textes  géographiques  d'Edfou,  passim;  Plutarque, 
D'Isis  et  d'Osiris,  18,  et  Diodore,  I,  21. 

BlBL.   ÉGYPT.,  T.   XXXIV.  4 


50  LE    CHAPITRE    CXV    DU    LIVRE    DES    MORTS 

de  croire  que  les  dieux  habitaient  en  réalité  dans  leurs 
statues,  comme  le  prouve  l'ancienne  inscription  étudiée  par 
M.  Goodwin'.  Ptah,  qui  a  cillante  les  dieux,  fait  les  con- 
trées, etc.,  a  aussi  installé  les  coi'ps  des  dieu,/- pour  (y)  placer 
leurs  cœurs  :  il  fait  entrer  les  dieux  dons  leurs  corps  en 

r\  -rt\  O      AAAAAA 

toute  espèce  de  bois,  de  gemme  ou  de  pierre,    l^xK^ra 

^  z^m  z\\^  m  k  ^  f1  -k  r, 

K37^^  ^~'7  l^v  s '•  ^jn  PassaSe  des  Livres  hermé- 
tiques justifie  de  même  les  accusations  des  chrétiens  repro- 
chant- aux  gentils  le  culte  des  idoles  :  Oui,  les  statues, 
ô  Asclépios;  vois-tu  comme  tu  manques  de  foi  f  Les  statues 
animées,  pleines  de  sentiment  et  d'aspiration ,  qui  font  tant 
et  de  si  grandes  choses  ;  les  statues  prophétiques  qui  pré- 
disent l'avenir  par  les  songes  et  toutes  sortes  d'autres  voies, 
qui  nous  frappent  de  maladies  ou  guérissent  nos  douleurs 
selon  nos  mérites3. 

IV 

La  discussion  des  principaux  points  sur  lesquels  roule  le 
chapitre  cxv  permet  à  présent  de  proposer  pour  ce  texte 
une  traduction  en  rapport  avec  les  résultats  acquis.  Cette 
traduction  reste  conjecturale  en  plusieurs  endroits,  car  le 
texte  est  très  corrompu.  C'est  ainsi  que  la  phrase  incomplète, 
qui  est  rétablie  d'une  manière  fort  claire  au  Papyrus  Hay 
du  British  Muséum,  n  nti  (j  C\  °Z^ >  cs^  reproduite  dans 
les  papyrus  du  Louvre  comme  au  Todtenbuch  (vers  la  fin 
de  la  ligne  2).  La  variante  fournie  par  le  même  papyrus 
pour  le  mot  qui  précède  ânes  a  la  ligne  .*>,  -  -\^\  au  lieu  de 
.  ne  se  retrouve  pas  non  plus  ailleurs,  de  mémo  que 


1.  Cbabas,  Mélanges  ègyptologiques,  3'  série,  t.  I,  p.  247. 

Z.  Sharpe,  Egyptian  Inscriptions,  I,  pi.  XXXVIII. 

3.  Hermès  Trismègiste,  traduction  de  Louis  Ménard,  li\.  11,9. 


LE    CHAPITRE    CXV    DU    LIVRE    DES    MORTS  51 

celle  qui,  à  la  ligne  2,  fait  de  la  négation  tem  le  dieu  Tum  : 
T  um  y  démentie  Très-Vaillant. 

Les  papyrus  du  Louvre  ont  toutefois  des  variantes  qu'il 
ne  sera  pas  inutile  de  noter. 

Ligne  3  du  Todtenbuch  :  la  particule  v^m  de  la  phrase 
ta-a  n  t'et-t-u  neter-u  est  placée  entre  t'et-t-u  et  neter-u,  ce 
qui  donne  un  sens  possible,  aux  nos  3084,  3089,  3091,  et  au 
Papyrus  de  Taho.  Le  mot  Ra  est  suivi  de  rj^è\  aux  nos  3051 
et  3089,  et  au  Papyrus  de  Taho.  Le  Papyrus  de  Taho  écrit 
le  mot  hau,  qui  qualifie  le  compagnon  de  Ra,  comme 
ra  v\  T  7  0,  temps.  Pour  la  ligne  3  seulement,  le  nom  de 
ce  personnage  est  partout  écrit  (sauf  au  Papyrus  de  Luynes) 
suten-m-hau-f,  mauvaise  transcription  hiératique  dans 
laquelle  le  syllahique  am  a  été  confondu  avec  l'hiéroglyphe 
suten.  On  trouve  assez  souvent  des  noms  mythologiques  du 
même  genre  :  am-u-abt-u-sen  (Naville,  Textes  relatifs  au 
mythe  d' H  or  us,  xxi,  5)  ;  am-u-hru-u-sen  (  Todt.,  ch.  cxxv, 
63);  am-hru-f(id.,  ch.  cxxiv,  9).  Au  chap.  cxxv,  67,  Thoth 
est  am-unt-f,  et  il  s'agit  peut-être  aussi  de  lui  au  chap.  cxv. 

Liane  4 :  0  est  écrit  au  n"  3084, 

au  Papyrus  de  Taho  et  au  n°  3089. 

Ligne  5  :  Kheper-sen  heb  Ra  pu  semble  une  erreur,  car 
on  trouve  à  la  place  des  groupes  compris  entre  Kheper  et  pu  : 
(  Papyrus  de  I  aho),  ™w>  (n°  3091  ) ,  ou  ~WVNA 

MAAM         O  £!i  O  Ci       (2        O 

(n"s  3051  et  3089).  Le  sens  est  :  de  frère  et  la  sœur)  instituent 
la  fête  Sen  ou  .S'6v?f,  peut-être  la  fête  du  deux  du  mois,  qui 
se  nommait,  d'après  la  liste  publiée  par  M.  Brugsch  (Calen- 
drier égyptien,  pi.  IV).  la  lete  <  U  H  or  us  vengeur  de  son  père. 

— M —  \jls 
M.  Goodwin  a  signalé  la  variante  A/VVAAA 

Ligne  G  :  le  mot  henkesti  est  partout  écrit  deux  fois  après 
le  groupe  qui  veut  dire  femme,  sauf  au  n°  3129,  qui  a  une 


rande  ressemblance  avec  le  Todtenbuch .  - 
£ /i.  comme  l'a  lu  M.  Goodwin. 


£     t]  est  bien 


52  LE    CHAPITRE    CXV    DU  LIVRE    DES    MORTS 

Ligne  7  :  les  deux  groupes  pehti  sont  précédés  de   ur, 

Ci 

v^t     ,  dans  tous  les  papyrus,  même  au  n°  3129. 


CHAPITRE   POUR    SORTIR   VERS    LE   CIEL,    FRANCHIR    LA    TOMBE 
ET   CONNAÎTRE    LES    ÂMES    D'HELIOPOLIS 

L.  1  L'Osiris  véridique  dit  :  «  J'ai  grandi  hier  avec  les 
grands,  je  suis  né  dans  le  lieu  des  naissances,  j'ai  dé- 
couvert la  face  pour  l'œil  de  l'Unique, 

L.  2  et  le  cercle  des  ténèbres  s'est  ouvert,  je  suis  l'un  de 
vous  !  Je  connais  les  âmes  d'Héliopolis  :  est-ce  que 
le  Très- Vaillant  n'en  naît  pas,  quand  sort  le  bras 
étendu  de  celui  qui  est  (là,  le  Voyant)  ?  J'adresse 

L.  3  la  parole  aux  dieux  (?)  :  «  Que  ne  soit  pas  anéanti  l'en- 
fant d'Héliopolis  !  »  Je  sais  pourquoi  la  chevelure  du 
mâle  a  été  faite.  C'est  Ra  qui  conversait  avec  Amhauf  : 

L.  4  voilà  qu'un  fléau  (survint)  contre  lui.  C'est  (alors  que) 
le  coup  fut  frappé  le  2  du  mois,  Ra  dit  à  Amhauf  : 
«  Prends  la  lance  pour  le  fils  de  l'homme  !»  —  «  Voici 

L.  5  la  lance  »,  dit  Amhauf.  Le  frère  et  la  sœur  instituent 
la  fête  Sen  t.  Celui  qui  est  sous  le  voile,  son  bras  ne 
se  repose  pas,  voilà  qu'il  s'est  changé  en 

L.  6  femme  chevelue.  C'est  la  chevelure  dans  Héliopolis. 
Dévoilé  et  puissant  est  le  fils  de  ce  temple  :  c'est 
le  dévoilé  d'Héliopolis.  La  chair  de  sa  chair,  grande 
esl  sa  vue, 

L.  7    car  il  esl  en  un  1res   vaillanl  dieu,  en  un  fils  né  de 
son  père.  Ce  qui  lui  appartient,  c'est  d'être  le  Très 
Vaillant   d'Héliopolis.  Je  connais  les  âmes  d'Hélio- 
polis, c'est  Ra,  et  ce  -ont  Shu  et  Tcfllll.  » 

Le  Papyrus  de  Luynes,  qui  mérite  une  attention  spéciale 
a  cause  de  son  ancienneté,  suil  la  même  version  que  les 
autres,  mais  quelques  changements  dans  les  particules  lui 
prêtenl  parfois  des  sen    nouveaux  : 


LE    CHAPITRE    CXV    DU    LIVRE    DES    MORTS  53 

L.  1  J'ai  grandi  hier  avec  les  grands  et  je  suis  né  dans  le 
lieu  des  naissances;  j'ai  découvert  la  face  pour  l'œil 
de  l'Unique, 

L.  2  et  le  cercle  des  ténèbres  s'est  ouvert  :  je  suis  l'un  de 
vous  !  Je  connais  les  âmes  d'Héliopolis  :  est-ce  que  le 
Très-Vaillant  ne  naît  pas  d'elle  (  I),  quand  surgit 
le  bras  étendu  de  celui  qui  est  avec  moi  (  & û  ^) 

L.  3    à  dire  aux  dieux  (<ww^    "^  |)  :  «  Que  ne  soit 

pas  anéanti  l'enfant  d'Héliopolis  !  »  Je  sais  pourquoi 
la  chevelure  du  mâle  a  été  faite.  Ra  parlait 


_  \\2if' 
avec  Amhauf  : 

L.  4  voilà  qu'un  fléau  s'éleva  contre  lui  (  .  I)  :  c'est 
alors  que  le  coup  fut  frappé  le  2  du  mois.  Ra  dit  à 
Amhauf  :  «  Prends  la  la  lance,  fils  de  l'homme!  »  — 
«  Voici  la  lance  », 

L.  5     dit    Amhurf    ( — lb\  *^=^) .  Les   deux   frères 

(cf.  Todtenbuch,  chap.  xvir,  1.  43,  44  et  45),  c'est  Ra 
passant  dans  la  forme  (  M  <==:>  ^^  V\  1  □  \>^j\ 

O  )  de  Sotem-anes  (le  maître  de  la  robe,  d'après 
M.  Goodwin,  ou  Celui  au  voile  noir,  car  l'hiératique 
peut  avoir  été  d'abord  Kem-anes)  :  son  (II)  bras  ne  se 
repose  pas,  voici  qu'il  a  pris  sa  (*^=^)  forme 

L.  6  de  femme  chevelue  :  c'est  la  chevelue  An.  Dévoilé  est 
le  maître  du  temple  :  c'est  (  u  @)  le  dévoilé  d'Hélio- 
polis.  Son  (1^)  enfant,  grande  est  sa  vue  (^^^J- 


L.  7     car  i 


est  en  Très- Vaillant  (prodigieux?  J  (1  v\      ?), 

en  fils  né  de  son  père.  Ses  choses  (  (^  3  I)  sont 
celles  du  Très-Vaillant  d'Héliopolis.  Je  connais  les 
âmes  d'Héliopolis,  Ra,  Slm  et  Tefnu. 


54  LE    CHAPITRE    CXV    DE    LIVRE    DES    MORTS 

Le  chapitre  cxv  se  rapporterait  donc,  comme  le  groupe 
de  textes  dont  il  fait  partie,  à  la  guerre  des  dieux  égyptiens, 
et  la  légende  héliopolitaine  qu'il  raconte  aurait  eu  pour 
type  le  triomphe  de  la  clarté  solaire  et  lunaire,  qui  chasse 
quotidiennement  les  ténèbres  en  renaissant  du  sein  de 
l'étendue  souterraine  avec  laquelle  elle  semblait  s'être  con- 
fondue. Le  mythe  auquel  ce  phénomène  donna  naissance  en 
Egypte  y  avait  pris  une  importance  qui  l'étendit  au  mois, 
à  l'année,  aux  cycles  astronomiques,  à  la  vie  extra-terrestre, 
à  la  cosmogonie,  et  sans  doute  ici  à  l'épopée.  C'est  la  mise 
en  action  de  l'idée  qu'expriment  les  titres  bien  connus  faisant 
du  Soleil  celui  qui  s'enfante  ou  qui  s'engendre  lui-même. 
Il  y  a  une  différence  sensible  entre  la  traduction  d'après 
laquelle  on  peut  conclure  ainsi  et  celle  qu'on  doit  à 
M.  Goodwin,  qui  voit  une  épidémie  dans  ®  J  ,  ou  le  coup 
frappé  par  le  dieu,  comme  le  prouvent  les  Textes  publiés 
par  M.  Naville,  et  du  bronze  servant  à  la  reproduction  de 

l'espèce  humaine  dans         ^  ,  qui  n'est  autre  chose  que  la 

nriooo 
lance  divine.  Les  analogies  permettent  de  rectifier  pour  ces 

mots  l'interprétation  du  savant  anglais,  qui  n'en  est  pas  moins 
régulière  au  point  de  vue  grammatical.  Mais  la  mythologie 
égyptienne,  ainsi  que  les  autres  branches  de  la  civilisation, 
agriculture,  commerce,  comptabilité,  arts,  sciences,  etc., 
avaii  ses  expressions  particulières  qui  formaient  comme  une 
langue  dans  la  langue,  et  la  science  du  déchiffrement  se  re- 
trouve la,  bien  qu'elle  se  soit  rendue  presque  entièrement 
maîtresse  du  langage  ordinaire,  en  lace  d'une  phraséologie 
nouvelle  (Idiii  il  lui  faudra  chercher  la  clef.  Los  premiers  pas 
dans  une  voie  semblable  étant  toujours  hasardeux,  ce  serait 
déjà  beaucoup,  après  M.  Goodwin,  qui  s'est  attaché  à  donner 
un  texte  correct,  d'avoir  pu  indiquer  les  limitesel  entrevoir 
le  sens  du  sujet. 


LES 


QUATRE  BACES  VU  JUGEMENT  DERNIER' 


M.  Chabas  a  signalé'  l'analogie  remarquable  qui  existe 
entre  les  croyances  chrétiennes  et  les  idées  égyptiennes  au 
sujet  du  jugement  dernier;  des  deux  côtés,  les  justes  sont 
placés  à  droite,  et  les  méchants  (condamnés  au  feu  ou  à  a 
chaudière)  à  gauche.  La  même  disposition  se  retrouve  gé- 
néralement dans  les  tombes  royales,  où  le  soleil  nocturne 
traverse  en  barque  clés  scènes  de  béatitude  et  de  supplice-. 
Le  célèbre  tableau  des  quatre  races  fait  partie  dîme  de  ces 
représentations,  touchant  laquelle  on  peut  consulter  les  ATo- 
tices  de  Champollion  et  les  Denkmàler3.  La  traduction  qui 
va  suivre  a  été  faite  d'après  le  sarcophage  de  Séti  Ier,  pu- 
blié par  MM.  Sharpe  et  Bonomi  \  et  étudié  par  M.  Pierrot  '. 
L'interprétation   consciencieuse  de   M.    Pierrot   eût  rendu 

1.  Publié  da.ns  les  Transactions  of  the  Society  of  Biblical  Archçeo- 
logy,  vol.  IV.  part  1,  187");  tirage  à  part  in-8"  à  25  exemplaires.  — 
Lefébure  avait  inscrit  au  crayon,  dans  les  marges  de  sou  exemplaire, 
des  corrections  ou  des  observations  assez  nombreuses  :  on  les  trouvera 
en  notes,  au  bas  des  pages,  entre  crochets  [  ].  La  plupart  d'entre  elles 
contiennent  des  variantes  relevées  par  lui  dans  le  Tombeau  de  Sêti  T1, 
p.  770-775,  qu'il  publia  une  dizaine  d'années  après  ce  petit  mémoire. 

2.  Mélanges  ègyptologiques,  3e  série,  t.  II,  p.  1<>S-172. 

3.  Denkmàler,  III,  136 

4.  Cf.  Sharpe,  Egyptian  Inscriptions. 

5.  Reçue  archéologique,  mai  1870. 


56  LES    QUATRE    RACES    AU    JUGEMENT    DERNIER 

celle-ci  inutile,  s'il  ne  restait  à  mettre  en  lumière  un  point 
important,  celui  de  la  création  des  hommes,  dont  la  légende 
ne  parait  pas  encore  avoir  été  expliquée  d'une  manière  sa- 
tisfaisante bien  qu'elle  ait  attiré  depuis  longtemps  l'atten- 
tion des  égyptologuos  '. 

La  scène  entière  se  divise  en  trois  séries  superposée-, 
mais  il  n'y  a  là,  comme  dans  les  dessins  chinois,  qu'un  ar- 
tifice de  perspective  échelonnant  le  milieu,  la  droite  et  la 
gauche,  qui  ne  pouvaient,  en  effet,  figurer  sur  le  même 
plan,  puisque  les  tableaux  égyptiens  ne  montrent  les  per- 
sonnages que  de  profil.  A  la  droite  de  Ra,  on  mesure  des 
champs  pour  les  élus,  et  à  sa  gauche  on  amène  le  troupeau 
des  humains  pour  y  choisir  les  âmes  qui  seront  détruites.  La 
création  des  quatre  races  composant  l'espèce  humaine  est 
attribuée,  saut  pour  les  Nègres,  aux  pleurs  d'Horus  et  à  la 
déesse  Sekhet,  une  des  personnifications  de  l'œil  d'Horus, 
le  soleil.  Les  textes  disent  que  les  hommes  étaient  nés  de 
l'œil  et  les  dieux  de  la  bouche  de  Ra  ou  d'Horus,  et  l'on  re- 
trouvera un  symbolisme  analogue,  Taisant  venir  les  plantes 
et  les  bêtes  d'une  émanation  divine,  dans  un  papyrus  ma- 
gique traduit  par  M.  Birch  \ 

Au  sarcophage  de  Séti  I"1',  en  C,  la  barque  solaire  sort 
pai'  la  porte  que  garde  le  serpent  Tek-her,  oujace  étince- 
lante ;  le  dieu  est  représenté  sous  la  forme  d'un  criocéphale 
debout  dans  un  naos  qu'entoure  de  ses  replis  le  serpent 
Mehen.  San  est  a  la  proue,  Hakau  à  la  poupe,  et  quatre 
personnages  nommés  les  infernaux  remorquent  la  barque 
avec  une  corde  vers  la  porte  Neb-t-Hau,  /es  maîtresses  de 
In  durée.  Devanl  eux,  neuf  dieux  en  gaine  tiennent  un  long 
serpent,  les  pointeurs  du  serpent  Nenut'i,  précédés  par  douze 

1.  Chainpollion,  Lettres  écrites  d'Egypte  et  de  Xuhi<\  \:v  '  loiliv;  K.de 
Itou.L'i'.  Mémoire  sur  h-s  si. r  premières  dynasties,  p.  !';  Chabas,  Études 
sur  l'Antiquité  historique,  p.  98,  etc. 

2.  Revue  archéologique,  1 863. 
:;.  PL  7,  6  et  5. 


LES    QUATRE    RACES    AU    JUGEMENT    DERNIER  57 

hommes,  les  âmes  humaines  qui  sont  dans  l'enfer,  en 
marche  vers  un  dieu  à  sceptre  qui  leur  fait  face,  celui  qui 
est  sur  son  angle. 

A  droite,  en  B,  douze  hommes,  dans  une  posture  d'ado- 
ration, les  adorateurs  qui  sont  dans  l'enfer,  et  douze  por- 
teurs de  corde  dans  (l'enfer),  se  dirigent  vers  quatre  per- 
sonnages à  sceptres,  tournés  en  face  d'eux. 

On  voit  à  gauche,  en  D,  Horus  hiéracocéphale,  appuyé 
sur  un  long  bâton,  seize  hommes,  appelés  les  Hommes,  les 
Amu,  les  Nahesu,  les  Tamehu  (les  Égyptiens,  les  Asia- 
tiques, les  Nègres  et  les  Libyens),  douze  personnages  por- 
tant comme  une  corde  un  long  serpent  (symbole  probable 
de  la  marche  du  temps),  que  surmonte  derrière  chacun 
d'eux,  sauf  le  dernier,  l'hiéroglyphe  de  la  durée,  les  por- 
teurs de  l'emblème  de  la  durée  dans  l'occident,  et  enfin 
huit  dieux,  les  divins  magistrats  de  l'enfer. 

B.  Ils  rendent  hommage  à  Ra  dans  l'occident1  et  récon- 
fortent2 Har-Khuti;  ils  ont  connu  Ra  sur  la  terre  et  ont 
fait  des  oblations  pour  lui  ;  leurs  offrandes  sont  à  leurs 
places,  et  leurs  honneurs  dans  le  lieu  saint  de  l'occident.  Us 
disent  à  Ra  :  «  Viens.  Ra  !  Remonte  l'enfer!  Hommage  à 
toi  !  Entre  dans  les  chapelles  (qui  sont)  dans  le  serpent 
Mehen'!  »  Ra  leur  dit  :  «  Offrandes  pour  vous,  Bienheu- 
reux !  J'ai  été  satisfait  de  ce  que  vous  faites  pour  moi,  (soit 
que)  je  brille  à  l'orient  du  ciel,  (soit  que)  je  me  couche  dans 
le  sanctuaire  de  mon  œil.  »  Leurs  aliments  sont  faits  des 
pains  de  Ra,  et  leurs  breuvages  de  sa  liqueur  T'eser;  leur 
rafraîchissement  est  de  l'eau,  il  y  a  des  oblations  pour  eux, 
à  terre,  à  cause  de  l'hommage  (qu'ils  rendent)  à  Ra  dans 
l'occident. 

Les  porteurs  de  corde,  ceux  qui  préparent  les  champs  des 
Elus,  —  «  prenez  la  corde,   tirez,  mesurez  les  champs  des 

1.  [L'Amenti.] 

2.  [Exaltent.] 

3.  [Entre  parmi  les  choses  saintes  sous  le  serpent  Mehen. J 


58  LES   QUATRE   RACES   AU   JUGEMENT    DERNIER 

Mânes,  qui  sont  des  élus  dans  vos  demeures,  des  dieux  en 
vos  résidences,  Elus  divinisés  dans  la  campagne  de  la  Paix, 
Élus  vérifiés  pour  être  dans  (l'enceinte)  de  la  corde;  la  jus- 
tification est  pour  ceux  qui  (y)  sont1,  et  il  n'y  a  pas  de 
justification  pour  ceux  qui  n'(y)  sont  pas".  Ra  leur  dit  : 
a  C'est  la  justice,  la  corde  dans  l'occident.  Ra  est  satisfait 
par  le  mesurage  en  coudées  des  possessions  de  ceux  qui  sont 
des  dieux  et  des  domaines  de  ceux  qui  sont  des  Élus3.  Ra 
crée  vos  champs,  et  désigne  pour  vous  vos  aliments,  qui 
sont  avec  vous  '.  » 

«  Oh  !  navigue,  Khuti  !  Les  dieux  sont  satisfaits  de  leurs 
possessions,  les  Élus  sont  satisfaits  de  leurs  demeures.  » 
Leurs  aliments  sont  dans  la  campagne  d'Aru  et  leurs  of- 
frandes sont  (faites)  de  ce  qu'elle  produit.  Il  y  a  des  obla- 
tions  pour  eux  dans  les  champs  de  la  campagne  d'Aru.  Ra 
leur  dit  :  «  Sainteté  à  vous,  cultivateurs  qui  êtes  les  maîtres 
de  la  corde  dans  l'occident.  » 

C.  Le  dieu  grand  est  remorqué  par  les  dieux  infernaux, 
qui  le  font  circuler  dans  le  lieu  mystérieux.  «  Remorquez 
pour  moi,  infernaux  !  Rendez-moi  hommage,  vous  qui  êtes 
dans  les  enfers  !  Force  à  vos  cordes,  avec  lesquelles  vous 
me  remorquez!  Fermeté  à  vos  bras",  vitesse  à  vos  jambes, 
protection  a  vos  âmes,  acclamation  à  vos  cœurs  !  Ouvrez  le 
bon  chemin  vois  les  cavernes  clés  choses  mystérieuses  !  » 

Ceux  qui  sont  clans  ce  tableau,  porteurs  de  ce  serpent, 
tirent  et  (le)  font  apparaître  devant  Ra  et  devant  eux,  pour 
qu'il  (Ra)  se  place  dans  (la  porte)  Neb-t-Hau.  Ce  serpent 

1.  [Ceux  qui  existent.] 

2.  (Ceux  qui  n'existeront  plus.] 

■S.  [Raest  satisfait  du  mesurage.  Vos  possessions  à  vous,  dieux,  et  vos 
domaines  à  vous  Élus,  sont  ;ï  vous.] 

4.  [Vos  aliments,  mangez.] 

5.  | hommage,  vous  qui  êtes  dans  les  étoiles  pour  que  soient  fortes 

vos  cordes,  avec   lesquelles ,  et  fermes  vos  bras,  etc.  Les  plafonds 

a  tronomiques  des  tombes  royales  représentent  la  barque  divine 
i  rainée  par  des  utoiks.J 


LES   QUATRE    RACES   AU   JUGEMENT    DERNIER  59 

s'élève  vers  elle,  sans  la  dépasser.  Ra  leur  dit  :  «  Tirez 
Nenut'i  !  Ne  lui  laissez  pas  d'issue,  aiin  que  je  m'élève  au- 
dessus  de  vous  !  Enveloppement  à  vos  bras,  destruction  à  ce 
que  vous  gardez,  vous  qui  gardez  ce  que  deviennent  mes 
formes,  vous  qui  emmaillottez  ce  que  deviennent  mes  splen- 
deurs. »  Leur  nourriture  est  d'entendre  la  parole  de  ce  dieu  ; 
c'est  une  oblation,  pour  eux,  d'entendre  la  parole  de  Ra  dans 
l'enfer. 

Ceux  qui  ont  dit  la  vérité  sur  la  terre  et  ont  magnifié  les 
formes  de  Dieu.  Ra  leur  dit  :  «  Acclamation  à  vos  âmes, 
souffles  à  vos  narines,  et  végétaux  pour  vous  de  votre  cam- 
pagne d'Aru.  Vous,  vous  êtes  d'entre  les  justes.  Vos  de- 
meures sont,  pour  vous,  à  l'angle  où  l'on  examine  ceux  qui 
sont  dans  la  flamme,  en  lui.  »  Leurs  aliments  sont  faits  de 
pain,  et  leurs  breuvages  de  la  liqueur  T'eser;  leur  rafraî- 
chissement est  de  l'eau.  Il  y  a  des  oblations  à  terre,  pour 
eux,  comme  bienheureux,  selon  ce  qui  leur  appartient. 

Ra  dit  à  ce  dieu  :  «  Que  le  grand  qui  est  sur  son  angle 
appelle  les  âmes  des  justes  et  les  fasse  se  placer  dans  leurs 
demeures,  auprès  de  l'angle,  ceux  qui  sont  avec  moi- 
même  !  » 

D.  Horus  dit  aux  troupeaux  de  Ra,  qui  sont  dans  l'enfer 
de  l'Egypte  et  du  désert  :  a  Protection  à  vous,  troupeaux 
de  Ra  nés  du  grand  qui  est  dans  le  ciel,  souffles  à  vos  na- 
rines, renversement  â  vos  cercueils  !  Vous  qui  avez  été 
pleures  par  mon  œil,  en  vos  personnes  d'hommes  supérieurs, 
vous  que  j'ai  créés  en  vos  personnes  d'Amu  :  Sekhet  les  a 
créés,  et  c'est  elle  qui  défend'  leurs  âmes.  Vous,  j'ai  ré- 
pandu ma  semence*  pour  vous,  et  je  me  suis  soulagé  par 
une  multitude  sortie  de  moi  en  vos  personnes  de  Nègres  : 
Horus  les  a  créés  et  c'est  lui  qui  défend  leurs  âmes.  (Vous), 

1.  Le  mot  propre  est  manustuprarc.  —  [Lactance  t'ait  allusion  à  une 
croyance  analogue  :  «  Nunc  Vulcanus  in  terrain  semen  effudit  et  inde 
homo  tanquam  i'ungus  enatus  est  »  (Epitomc,  p.  542).] 

2.  [Nef  :  M.  Naville  pense  que  ce  mot  signifie  créer,  Litanie,  p.  23.] 


60      LES  QUATRE  RACES  AU  JUGEMENT  DERNIER 

j'ai  cherché  mon  œil,  et  je  vous  ai  créés  en  vos  personnes  de 
Tamehu  :  Sekhet  les  a  créés,  et  c'est  elle  qui  défend  leurs 
âmes.  » 

Ceux  qui  installent  l'emblème  de  la  durée1  font  lever  les 
jours  des  âmes  qui  sont  dans  l'occident,  et  désignent  pour 
le  lieu  de  la  destruction.  Ra  leur  dit  :  «  Etant  les  dieux2, 
habitants  de  l'enfer,  qui  portez  la  (corde-)Équité  pour 
traîner  l'emblème  de  la  durée,  tirez  l'emblème  de  la  durée, 
tirez  la  (corde-)Équité,  traînez  l'emblème  de  la  durée  par 
elle3,  des  âmes  qui  sont  dans  l'occident,  et  désignez  pour  le 
lieu  de  destruction  !  Qu'ils  ne  voient  pas  la  retraite  mysté- 
rieuse !  »  Ce  sont  les  divins  magistrats  qui  détruisent  les 
ennemis.  Leurs  aliments  sont  faits  de  parole  véridique.  Il 
y  a  une  oblation  pour  eux  à  terre,  faite  de  parole  véridique 
auprès  d'eux  \ 

Ceux  qui  ordonnent3  la  destruction  et  son  enregistre- 
ment pour  la  durée  des  âmes  dans  l'occident,  —  «  que  vos 
destructions  soient  pour  les  ennemis  et  vos  enregistrements 
pour  le  lieu  de  la  destruction  !  Je  suis  venu,  (moi)  le  grand, 
Horus,  pour  examiner  mon  corps,  et  pour  lancer  des  fléaux 
contre  mes  ennemis.  »  Leurs  aliments  sont  (faits)  de  pain, 
leur  breuvage  est  de  liqueur  T  eser,  leur  rafraîchissement 
est  de  l'eau  ". 

1.  [Ceux  qui  fixent  la  durée  | 

2.  [j\  ô  dieux  (Séti  rr)-j 

•*i.  [ Équité  pour  mesurer  La  durée,  mesurez  la  durée,  tirez  la  (corde-) 

Équité,  mesurez  la  durée  par  elle ] 

4.  [Il  leur  est  fait  des  offrandes  sur  terre,  parce  que  la  parole  véridique 
est  en  eux.] 

4.  [Ils  ordonnent j 

ô.  [De  l'eau.  Il  leur  est  fait  des  offrandes  sur  terre  (comme  à  qui) 
n'entre  pas  au  lieu  de  la  d>'-iruction.J 


THE  BOOK  OF   HADES 

(FROM  THE  SARCOPHAGUS  OF  SETI  i)1 


When  Belzoni  discovered,  in  1819,  the  tomb  of  Seti  I.  at 
Biban-el-Molouk,  he  found  there  the  empty  sarcophagus  of 
the  king,  with  the  cover  broken8.  The  figures  and  the  hie- 
roglyphics  which  adorn  this  sarcophagus,  upon  which  they 
are  carved  and  filled  in  with  blue  colour,  hâve  been  pu- 
blished  in  1864,  with  descriptions  by  Messrs.  Bonomi  and 
Sharpe3,  under  the  title  of  The  Sarcophagus  of  Oime- 
neptah  I.  In  1870,  M.  Pierret  gave,  in  the  Revue  archéo- 
logique, an  analysis  of  the  pictures  and  the  legends  which 
cover  the  exterior  of  the  coffin;  and  later  Messrs.  Goodvvin4 
and  Le  Page  Renouf  '  hâve  examinée!  the  secret  writings 
which  are  found  on  a  part  of  the  sarcophagus.  Thèse  en- 
deavours  are  only  partial,  and  a  study  of  the  whole  lias  not 
been  madeon  the  sarcophagus  of  Seti  I.  before  the  présent 
translation,  which  is  complète  and  comprises  ail  the  frag- 
ments. The  principal  subject  of  the  inscriptions  on  the  sar- 
cophagus is  the  navigation  of  the  sun  nightly  in  the  infernal 
régions.  Twelve  gâtes  enclose  there,  successively,  twelve 
sections  of  space,  from  which  the  god  passes,  having  gene- 

1.  Publié  dans  les  Records  ofthe  Past,  lsl  Séries,  1878,  t.  X,  p.  85- 
134,  et  1881,  t.  XII,  p.  3-35.  -  G.  M. 

2.  The  sarcophagus  is  of  arragonite,  and  is  now  in  the  Soane  Mu- 
séum, London. 

3.  Cf.  Sharpe,  Eyi/ptian  Inscriptions,  pi.  61-67. 

4.  Zeitschrift,  1873,  p.  138. 

5.  Zeitschrift,  1874,  p.  101. 


62  THE    BOOK    OF    HADES 

rally  at  his  right  hand  tlie  blessed,  and  at  his  left  the 
damned.  who  are  represented,  according  to  the  Egyptian 
mie  of  perspective,  above  and  below.  The  gâtes  correspond 
probably  to  the  hours  of  the  night,  as  do  the  infernal  py- 
lons  to  the  astronomical  ceilings  at  Biban-el-Molouk  ' .  The 
order  in  which  thèse  gâtes  follow  one  another  lias  been 
pointed  ont  by  Champollion*,  and  they  again  occur  in  the 
like  manner  in  the  tomb  of  Rameses  VI.  The  same  com- 
position ligures  in  en'ect  in  the  royal  tombs,  and  covers 
there,  generally  to  the  left,  the  sides  of  certain  rooms  and 
corridors.  We  see  by  the  royal  tombs  that  the  Egyptian 
artist  connected  the  nightly  divisions  to  the  gâtes  which 
preceded;  and  Champollion  himself  is  the  aiithority  for  de- 
signating,  by  an  abridged  form,  every  division  of  Hades  by 
the  name  of  the  serpent  which  guarded  the  gâte.  There  is 
;is  a  due  to  its  arrangement,  thennmber,  and  the  succession 
of  thèse  gâtes  which  comprise  tins  species  of  the  Book  of 
Ilades,  itself  a  variant  of  the  Book  of  the  Lower  Hémi- 
sphère : 

lst   division  without  a  gâte 

2nd  »  door  of  the  serpent  Saa-sel 

3rd  »  »  Akebi 

4th  »  »  T'etbi 

5th  »  »  Tek-her 

Glh  »  n  Set-m-ar-f 

Tth  )>  »  Akhen-ar 

sth  »  »  Set-lier 

9th  »  »  Ab-ta 

lOth  »  »  Stu 

1 1 1 1 1  o  »  Am-netu-f 

L2th  "  doors  of  the  serpents  SebiandReri. 

1.  Champollion,  Notices,  t.  II,  p.  630-684;  cî.Todtenbuch,  ch.  cxlv- 

l   KLVI. 

2.  Lettre.  .  ae\n  édition,  i».  189-192. 


THE   BOOK   OF   HADES  63 

It  is  noticeable  that  the  first  division  lias  not  a  door,  and 
that  the  last  bas  two.  Further,  in  the  tombs  of  Seti  I.  and 
of  Merenptah  I.  the  pictures  and  the  legends  relating  to  the 
door  of  Set-m-ar-f  differ  entirely  from  those  which  are 
attached  to  the  same  gâte  in  the  other  tombs,  and  on  the 
sarcophagus  of  Seti  I.  According  to  Champollion  '  the  tomb 
of  Amenophis  III.,  when  it  was  complète,  contained  the 
book  which  he  there  describes,  but  only  a  few  fragments  of 
it  now  remain  in  the  chief  chamber.  The  Notices  of  the 
same  scholar  attribute  the  8th,  9th,  and  lOth  divisions  to 
the  tomb  of  Ta-user-t,  thèse  are  found  in  the  chief  cham- 
ber; the  3rd  and  4th  are  seen  in  the  tomb  of  Rameses  I.a 
in  the  chamber  which  follows  the  2nd  corridor:  the  2nd  and 
3rd  occur  in  the  chamber  having  six  pillars;  the  4th,  5th, 
6th  in  the  chamber  of  the  well,  and  7th  on  the  principal 
chamber  having  six  pillars,  in  the  tomb  of  Seti  I.  :  the  4th, 
5th,  and  6tli  in  the  principal  chamber  of  the  tomb  of  Me- 
renptah I.  ;  the  5th  (in  the  3rd  chamber),  6th  (other  cham- 
ber), 3rd,  8th,  9th  and  llth  (in  the  principal  chamber)  of 
the  tomb  of  Rameses  III.  ;  the  2nd,  3rd,  4th,  and  5th  in  the 
tomb  of  Rameses  IV.  in  the  principal  chamber;  the  lst  and 
2nd  are  found  in  the  tomb  of  Rameses  VII.  on  the  iïrst  cor- 
ridor. The  tomb  of  Rameses  VI.  contains  the  composition 
entirely  complète  on  the  commencement  of  the  first  corri- 
dor. The  other  tombs  are  more  or  less  damaged,  or  thev 
would  hâve  been  able  otherwise  to  hâve  restored  for  us 
wholly  or  in  part  those  divisions  which  appear  to  be  want- 
ingfrom  the  sometimes  incomplète  notices  of  Champollion. 
On  the  sarcophagus  of  Seti  I.  the  beginniug  of  the  text  is 
found  on  the  outside  at  the  foot  of  the  chest;  the  2nd  and 
3rd  divisions  follow  to  the  right;  the  4th  is  at  the  headand 
on  a  part  of  the  left  side,  at  which  the  5th  joins  the  lst. 

1.  Lettres,  new  édition,  p.  202-203. 

2.  Cf.  Egyptian  Muséum,  Paris. 


64  THE    BOOK    OF    HADES 

The  (ith  and  the  7th  divisions,  of  which  only  fragments  re- 
main,  occupy  the  two  exterior  sides  of  the  lid;  the  6th  at 
the  right,  the  7th  at  the  let't  side  of  the  head.  In  the  inte- 
rior  and  adjoining  the  head,  at  the  left  side  the  8th  and 
9th  divisions;  thelOth  commences  at  the  foot;  and  the  llth, 
which  extends  to  the  right,  finishes  at  the  head,  where  is 
the  12th.  There  the  great  composition  stops.  Other  texts, 
qow  incomplète,  covered  the  interior  part  of  the  lid;  thèse 
generally  belong  to  the  Book  of  the  Dead.  Finally,  the 
bottom  of  the  ehest,  which  is  intact,  shows  the  goddess  Nu 
surrounded  with  prayers  and  chapters  from  the  Book  of  the 
Dead.  The  gênerai  sensé  of  the  great  composition  (the 
scènes  of  which  hâve  no  other  relation  than  to  présent  the 
variants  of  a  saine  idea)  is  that  the  sun  and  thegods,  or  the 
soûls  w  ho  accompany  him,  arc  swallowed  up  by  theearth' 
in  the  West,  and  that  they  arise  at  the  East.  The  earth  is 
dëscribed  in  certain  passages  as  a  twoheaded  bull',  or  a 
two-headed  serpent';  and  sometimes  the  Egyptians,  to 
symbolize  the  résurrection,  represented  coming  forth  from 
the  serpent  the  heads  which  lie  had  swallowed',  and  intro- 
duced  his  face  '  to  the  sun  to  appoint  the  dawn.  The  noc- 
turna!  sun  wasa  soûl'  and  had  consequently  the  head  of  a 
maie  sheep;  the  earth,  being  more  material,  after  the  final 
scène  formed  the  bodyofOsiris  who  surrounded  Hades.  The 
earth  had  been  created  by  the  sun  or  Ra,  seeing  that  the 
legend  of  the  two-headed  bull  said,  that  the  god  rested  in 
that  which  lie  had  created7.  Il;  niusl  be  remarked  on  the 
subject  of  the  création,  thaï  this  act  is  represented  in  seve- 

1.  PI.  IV.  I.  11».  18;  PI.  III.  C,  27. 

2.  PI.  II;  III.   C. 

::.   IM.  XII.  ri.  TheBooh  of  the  Lovoer  Hémisphère,  8th  hour. 
1.   PI.  XII.  A.  -i  Champollion,  Notices, t.  II.  p.  770-775. 
."..  PI.  XI.  I'.. 

6.  IM.  III,  C,  26-27. 

7.  PI.  III.  (J.  28;  n.  pi,  W  E,  II. 


THE   BOOK   OF   HADES  65 

rai  places  as  an  émanation  :  tlius  the  gods  go  out  from  Ra1 
or  from  his  eye2  ;  the  Egyptians  are  the  tears  of  the  eye  of 
Horusa  and  the  eatable  plants  come  from  the  divine  mouth4. 
This  pantheistic  doctrine  existed  to  the  XVIIIth  dynasty; 
indeed  the  composition,  which  contains  it,  is  found  in  the 
tomb  of  Amenophis  III.  and  of  Ta-user-t;  and  M.  Naville 
has  shown  that  it  is  also  the  foundation  of  the  Litany  of 
the  Sun',  with  which  the  royal  tombs  begin.  The  Egyp- 
tian  theology  allowed,  besicles  the  responsibility  of  man,  the 
immortality  of  the  soûl  ;  and  the  subterranean  world,  on  the 
sarcophagus  of  Seti  I.,  is,  therefore,  represented  in  a  moral, 
as  well  as  a  physical  point  of  view.  The  underworld  was 
the  place  of  the  chastisement  of  Apap,  the  symbol  of  evil, 
and  the  dwelling  of  the  good  as  well  as  of  the  wicked, 
which  were  there  judged  to  be  recompensed  by  Ra  or  pu- 
nished  by  Tu  m  and  bv  Horus. 


EXTERIOR    OF    THE    COFFIN 
Horizontal  Inscription 

This  inscription  runs  in  a  single  Une  along  the  five  first 
plates  of  the  Booli  of  Hades;  it  is  divided  into  two  halves  : 
the  first  (pi.  II. -V.)  cornes  from  the  door  of  Akebi  to  the 
commencement  of  the  first  scène;  the  second  (pi.  VIII. -V.) 
adjoins  the  first  in  going  from  the  head,  to  the  place  where 
the  fold  of  the  door  of  T'etbi  begins. 

1.  PI.  IV,  F,  G. 

2.  PI.  IV,  III,  E. 

3.  PI.  VII,  VI,  D. 

4.  PL  XIII,  C. 

5.  See  Records  of  the  Past[,  V1  Séries],  vol.  VI. 

BlBL.   KGYPT.,  T.   XXXIV.  5 


66  THE    BOOK    OF    HADES 


Plate  2 


u  A.  Words  of  Mesta  :  I  am  Mesta,  I  am  thy  son, 
Osiris,  king,  Lord  of  the  Two  Lands,  Ramenma,  veracious, 
son  of  Ra,  Seti-Mkrknptah,  veracious,  I  come,  behold  me 
to  protect  thee.  I  make  to  prosper  thy  dwelling,  firmly, 
firmly,  according  to  the  order  of  Ptah,  according  to  the 
order  of  Ra  himself.  Words  of  Anubis,  who  is  with  the 
coffin  :  I  am  Anubis  who  is  with  the  coffin.  It  is  said  : 
'■  Descend  m  y  mother  Isis "  » 

Plate  3 

«  5,  on  me,  the  Osiris,  king,  Ramenma,  veracious, 

(dcliver  the  son  of  Ra,  Seti-Merenptah),  veracious,  from 

liim  who  arts  against   me.   Words  of  Tuaumatef  :  I  am 

Ti  AiMATEF,  I  am  thy  son,  Horus,  I  love  thee,  I  come  to 

défend  Osiris  from  him  who  causes  his  evil,  and  I  place 

him  iimler  thy  feet  for  ever,  Osiris,  king,  Lord  of  the  Two 

Lands,  Ramenma, 

Plate  4 

Son  of  Ra.  of  his  loins  who  loves  him,  Lord  of  Diadems, 
Seti-Merenptah,  veracious.  close  to  the  great  god.  Ile 
says  :  Let  the sun live,  death  to  the  tortoise  !  Let  thein  turn 
themselves  in  the  tomb  the  ûesh  winch  Kebsenuf  keeps8, 
the  <  >smis,  king,  Ramenma,  veracious.  Let  the  Sun 
live,  death  to  the  tortoise!  Let  him  be  safe  lie  \\  ho  is  in  the 
tomb,  the  tomb  of  the  son  of  Ra,  Seti-Merenptah. 
Words  of  Nu  the  great 

Plate  5 

and  of  Seb  :  Osiris,  king,  Lord  of  Two  Lands,  Ramenma, 

1 .  Thèse  références  are  to  the  plates  in  Bonomi'sbook,  and  the  letters 
A.  1',.  c.  to  the  three  horizontal  sections  into  which  each  plate  of  text 
i-  divided,  according  i"  il-  position  on  the  sarcophagus. 

2.  Lacunae. 

3.  Cf.  ]-l.  XVII,  35 


THE    BOOK   OF    HADES  67 

veridical,  who  loves  me,  I  give  thee  purity  on  earth,  and 
power  in  heaven. 

))  I  give  thee  thy  head  for  ever.  » 

Plate  8 

«  Words  of  Nu  who  is  on  the  dwelling  of  the  bark  Hen- 

nu  :  This  my  son  the  Osiris,  king,  Ramenma,  veridical,  his 

father  Shu  loves  him,  and  his  mother  Nu  loves  him,  the 

Osmis   son  of  Ra,   Seti-Merenptah.     Words  of  Hapi  : 

I  am  Hapi,  I  corne,  (behold  me)  to  protect  thee,   I  bring 

thee  thy  head '  » 

Plate  7 

«  '  thy  head,  Osiris,  king,  Ramenma,  veridical,  son 

of  Ra  who  art  Seti-Merenptah,  veridical.  Words  of 
Anubis  who  inhabits  the  Divine  chapel  :  I  am  Anubis  who 
inhabits  the Divinechapel,  Osiris,  king,  Lordof  TwoLands, 
Ramenma,  veracious,  son  of  Ra,  from  his  womb,  Lord  of 
Diadems,  Seti-Merenptah.  The  great  ones  circulate 
behind  (thee)  and  thèse  members  of  thee  are  no  more  en- 
feebled,  Osiris,  king,  Ramenma, 

Plate  6 

ever  veracious.  Words  of  Kebsenuf  :  I  am  thy  son,  I  corne, 
behold  me  to  protect  thee,  I  join  together  thy  bones  for 
thee,  I  revive  thy  members  for  thee,  I  bring  thee  thy  heart, 
I  put  it  into  its  place  witliin  thee,  I  make  thy  house  to 
prosper,  behind  thee  who  lives  for  ever.  It  issaid  :  Let  the 
Sun  live,  death  to  the  tortoise  !  Let  the  bones  of  the  Osiris, 
king,  Ramenma, 

Plate  5 

veracious,  of  the  son  of  Ra,  Seti-Merenptah,  veracious, 
move,  and  let  those  move  who  are  in  their  funereal  founda- 
tions.     Pure  is  the  body  which  is  in  the  earth,  let  be  pure 

1.  Laeunse. 


68  THE    BOOK    OF    HADES 

the  bones  of  the  Osihis,  king,  who  is  Ramenma,  veracious 
as  Ra.  » 


THE    BOOK    OF    HADES 
First  Division.  —  Plates  5  and  4 

Pi  et  ares 

E.  12  g ocl s  qf  the  Earth  marching  towards  a  mountaiu 
representecl  turned  upside  down. 

F.  Two  persons,  turned  upside  down,  kneeling  before  the 
head  of  a  jacal  on  a  stick  which  is  the  hieroglyphic  of  the 
word  neck  ;  they  cast  down  the  hands,  that  is,  striking  the 
Earth.  Underneath  is  the  boat  of  the  solar  disk,  enclosing 
a  scarabaeus  :  the  disk  is  itself  surrounded  by  an  urseus 
with  long  folds,  who  bites  lier  tail.  Hu  is  at  the  prow  and 
Hak  at  the  poop. 

G.  A  head  of  a  ram  on  a  high  stick  surrounded  by  two 
persons  kneeling,  who  cast  down  the  hands,  that  is,  again 
striking  the  Earth. 

II.  12  gods  qf  the  Earth  qf  the  Amenti  marching 
towardsa  mountaiu.  Tins  second  mountaiu  formswith  the 
rirsl  a  sorl  of  gorge,  défile,  towards  which  the  divine  boal 
passes.     Tins  is  the  entrance  of  lladcs. 

Legends 

«  E.  Those  who  are  boni  of  1\a,  of  lus  substance,  and 
whicb  proceed  l'rom  bis  cye.  He  places  l'or  them  a  hidden 
dwelling,  the  Earth,  which  sacrifices  mon  and  gods,  ail 
the  quadrupeds,  and  ail  the  reptiles  created  by  tins  great 
god.  The  god  prescribes  the  things  when  he  rises  in  the 
Earth  which  he  has  created. 

u  F.  Ra  says  to  the  Earth:  Lel  the  Earth  be  bright, 
shine  on  whal  has  swallowed  me,  the  murderer  of  man,  w  ho 


THE    BOOK    OF    HADES  69 

has  been  filled  by  the  massacre  of  thc  gods.  Breath  to  you, 
who  arc  in  thc  light,  and  dwellings  for  you.  My  beueiits 
are  for  you.  I  bave  commanded  that  they  should  massacre, 
and  they  hâve  massacred  ail  bcings.  I  haye  liiddcn  you  for 
those  who  are  in  the  world'  :  let  those  who  aie  in  the 
Earth  replace  (my)  crown  !  The  god  says  :  Let  tins  neck 
put  forth  the  words  of  the  great  god  who  distinguishes  his 
members.  Come  to  us,  thon  from  whom  we  go  forth. 
Praise  to  him  who  is  in  his  disk,  the  great  god  of  numerous 
forms!  Their  food  is  (made)  of  bread,  and  their  beverage 
(of  the  liquor  t'eser). 

»  G'\  By  (the  organ)  which  sends  forth  the  words  of  the 
great  god  who  distinguishes  his  members,  Ra  said  to  the 
god  :  Let  those  who  are  in  the  Earth  place  my  crown.  I 
hâve  hidden  you  for  those  who  are  in  the  world.  I  hâve 
commanded  that  they  should  massacre,  and  they  hâve  mas- 
sacred the  beings.  My  benefits  are  for  you  who  are  in  the 
light.     To  you  be  a  dwelling! 

»  The  gods  who  are  in  the  Earth  say  to  Ra  :  Oh  !  thou  who 
hast  hidden  us,  come  to  us,  Ra,  thou  from  whom  we  pro- 
ceed  !  Praise  to  him  who  is  in  his  disk,  the  great  god  of 
numerous  forms  !  Their  food  is  (made)  of  bread,  their  bever- 
age of  the  liquor  t'eser,  their  refreshment  is  of  water.  It 
is  made  oft'ering  to  the  Earth  to  give  food  to  those  who  are 
in  it,  to  every  one  of  those  who  are  in  it. 

»  H.  The  hidden  dwelling  and  those  who  bave  massa- 
cred men  and  gods,  ail  the  quadrupeds  and  ail  the  reptiles 
created  by  this  great  god.  The  god  prescribes  to  them  the 
things  when  he  rises  in  the  Earth,  which  lie  has  created, 
to  the  West  which  lie  lias  made.  » 

1.  The  world  of  the  living.  On  the  contrary,  the  earth,  or  «  Set  »  is 
in  the  vvhole  of  this  passage  synonymous  to  the  tomb,  and  Hades. 

2.  This  text  is  the  saine  as  that  which  is  registered  F,  but  incomplète 
and  disordered. 


<()  THE    BOOK    OF    HADES 

Second  Division.  —  Tablets  4  and  3 

Door 

One  half  of  the  door  is  open  (on  the  side  of  the  first  di- 
vision). On  tins  half  is  a  long  serpent,  Saat-Set,  or  the 
Guardian  of  the  Earth,  surrounded  by  tins  legend'  : 

«  He  who  is  upon  this  door  opens  to  Ra.  Sau  says  to  Saa- 
Set  :  open  1 1 1  y  door  to  Ra,  throw  aside  the  leaf  of  the  door 
for  Khuti.  The  secret  dwelling  is  in  darkness,  in  order 
that  the  transformation  of  this  god  may  take  place.  The 
door  is  closed  after  the  entrance  of  this  god,  and  the  dwell- 
ers  of  the  Earth  cry  Qut  when  they  hear  the  door  shut.  » 

Scènes 

B.  Twelve  personages  called  the  blessed  worshippers 
qf  Ra;  and  twehve  more,  the  righteous  who  arc  in  Hades. 

C.  Ra's  bark,  with  Sau,  the  god  of  the  intellect,  at  the 
prow,  and  in  the  stern  Haï, an,  who  personifies  the  magie 
power  of  speech.  Ra,  represented  with  ;i  ram's  head,  is  in 
a  chape!  enveloped  in  the  coils  of  the  serpenl  Mehen;  an- 
other  serpent  rears  itself  upright  beforehim;  four  infernal 
ones  are  towing  the  bark,  towards  which  advance  seven 
gods,  Enpemah,  Nenha}  Ba*,  Horus,  Ua-ab,  Num,  and 
Se  t'eti ï  then  six  personages,  the  gods  a-/u>  arc  ai  the  en- 
trance;  behind  them  cornes  a  godearrying  a  stick. 

1).  Tnin  leaning  upon  ;i  stick,  and  four  men  reversed, 
the  dead;  then  twenty  others  walking  with  their  hands 
tied  behind  them,  the  criminals  in  Ra's  great  hall  (the 
world),    those  a- ha  hâve  insulted  Ra  on  the  earth,  those 

1    Cf.  Champollion,  Notices,  vol.  I.  p.  7"i<i;  vol.  II,  p.  191. 
:.'.  Cf.  Champollion,  Notices,  vol.    I,  |>.  434;  and   Denkmâler,  III. 
pi.  282. 


THE    BOOK    OF    HADES  71 

who  hâve  cursed  t/tat  which  is  in  the  Egg,  those  who  hâve 
frustrated  justice,    those  who  hâve  uttered   blasphemies 
against  KhutV. 

Legends 2 

«  B.  Thèse  arc  they  who  worshipped  Ra  on  the  earth, 
who  fascinated  Apap,  who  ofïered  their  oblations  and  pre- 
sented  incense  to  their  gods,  for  them,  after  their  oblations. 
They  are  mastcrs  of  their  refreshments,  they  take  their 
méats,  they  seize  their  ofïerings  in  the  porch  of  him,  whose 
being  is  mysterious'.  Their  méats  are  near  this  porch, 
and  their  ofïerings  near  him  who  is  within.  Ra  says  to 
them  :  Your  ofïerings  are  yours,  take  your  refreshment, 
your  soûls  shall  not  be  massacred,  your  méats  shall  not 
putrify,  faithful  ones,  who  hâve  destroyed  '  Apap  for  me. 

»  Thèse  are  they  who  spoke  the  truth  on  earth,  and  did  not 
rise  to  (prohibited)  adorations".  They  pray  in  this  porch, 
live  on  justice,  and  bathe  in  their  basin.  I\.\  says  to  them  : 
Justice  is  for  you,  live  on  your  food  !  Ye  are  the  righteous. 
They  are  the  masters  of  thèse  their  own  basins,  the  water 
in  which  is  on  fi re  against  ail  crime  and  iniquity. 

»  The  gods  say  to  Ra  :  Stability,  Ra,  to  thy1'  disk  !  Pos- 
session of  the  naos  to  him  who  is  contained  therein,  under 
the  guard  of  the  serpent7  !  May  the  tires  of  Khuti,  which 
are  in  the  porches  of  the  retreat,  increase8  !  They  hâve 
received  food  as  having  taken  their  place  in  their  cavern. 

»  C.     The  great  god  travels  by  the  road  of  Hades.     The 

1.  Cf.  Herodotus,  IV,  184,  and  Diodoras,  III,  8. 

2.  Champollion,  Notices,  vol.  I,  p.  433-435,  17(3,  792-796,  804. 

3.  Osiris. 

4.  Rera,  a  niistake  for  ter. 

5.  Viz.  :  «  hérésies  ». 

6.  Lit.  :  ((  bis  ». 

7.  Mehen. 

8.  Cf.    for  this  worcl,  Chabas,   Voyaqe  d'un   Égyptien,   p.  93;  it  is 
read  ua  by  M.  Brugsch,  Zeitschrift,  1872,  p.  10. 


72  THE    BOOK    OF    HADES 

god  is  drawn  by  thc  infernal  gods  to  make  the  divisions 
which  take  place  in  thc  earth,  to  arrange  the  things  that 
happen  there,  to  examine  the  words  in  the  Amenti,  toe.xalt 
the  great  over  the  little  amongst  the  gods  who  are  in  Hades, 
to  put  the  elect  in  their  places,  and  the  dead'  in  their 
dwellings,  and  to  destroy  the  bodies  of  the  impious  by  sup- 
pression of  blood.  Ra  says  :  Oh  !  allow  that  I  may  replace 
the  crown,  that  I  may  be  master  of  the  naos,  which  is  in 
the  earth,  that  Sau  and  Hakau  may  join  me  for  acting  ac- 
cording  to  your  interests,  and  making  their  forms  and  yours 
exist.  For  you  Isis  :l  lias  calmed  m  y  *  breath,  and  ofïerings 
re  there.  I  '  do  not  shut  to  you,  and  the  dead  do  not  enter 
after  you.  Your  own  particular  office,  gods".  The  gods 
say  to  Ra  :  Darkness  envelops  the  road  of  Hades.  Let 
the  closed  doors  open  !  Let  the  earth  open  !  He  is  drawn 
by  the  gods,  he  who  lias  created  them. 

»  Their  food  is  composedof  présents,  their  clrink  is  made 
of  their  refreshment;  nourishment  is  given  to  them,  be- 
cause  they  are  perfeet  in  Amenti. 

»  D.  What  Tuni  does  for  Ra  protecting  the  god,  wor- 
shipping  his  soûl,  and  injuring  lus  enemies  :  true  is  the 
word  of  my  father  \l\  against  you,  true  is  my  word  against 
you,  I  ara  a  son  begotten  of  liis  father,  I  ara  a  father  be- 
gotten of  bis  son.  You  are  bound,  you  are  tied  by  strong 
cords.  I  bave  ordained  your  détention.  You  will  not  free 
your  anus  again.  Powerfu]  is  Ra  against  you,  his  soûl  is 
fortified  againsl  you.  My  father  prevails  against  you,  liis 
soûl   is  invoked  against  you,  your  misdeeds  are   for  you, 

1.  Thc  condemoed. 

2.  Klien  (?). 

:'..  Se,  ;i  sbortened  form  oJ  the  Dame  oi  Isis;  cf.  the  naine  of  Osirls, 
VIII,  C,  10  ;  cf.  p.  80  du  présent  volume]. 
1.   Lit.  :  "  his  ». 
.").  Lit.  ■  «  lie 
<i.  The  sentence  ia  qoI  Qnished, 


THE   BOOK    OF   HADES  73 

your  purposes  are  against  you,  your  outrages  are  uponyou, 
your  curses  are  judged  against  you  before  Ra.  Your  con- 
tempt  for  justice  is  upon  you,  the  wickedness  of  your  bla- 
spliemies  is  upon  you.  Bad  for  you  is  the  judgment  of  my 
father.  You  are  those  who  hâve  done  evil,  who  hâve  com- 
mitted  crimes  in  the  great  hall  (of  Ra)  :  your  bodies  are 
destinée!  to  punishment  and  your  soûls  to  annihilation. 
You  will  not  see  Ra  any  more  in  his  forms  as  lie  passes  into 
the  retreat.  0  Ra  !  praise  be  to  Ra  !  Thy  enemies  are  in 
the  place  of  destruction.  » 


Third  Division.  —  Tablets  3  and  2 

Door 

«  The  god  arrives  at  this  porch  and  enters  this  porch  : 
the  gods  who  are  there  magnify  this  great  god.  » 

Ail  the  porches  or  cloors  are  made  on  the  same  plan,  and 
ail  contain  a  passage,  horizontal  above,  that  afterwards 
descends  vertically,  each  side  having  a  row  of  the  objects 
named  Khahcr-u,  or  «  ornaments  »,  which  often  surmounts 
the  doors.  At  the  two  angles  of  the  place  where  the  pas- 
sage eiirves,  rise  two  ursei  turned  towards  the  exit  :  they 
émit  balls  of  lire,  which  form  a  single  united  track  extending 
from  one  urseus  to  the  other,  and  surrounding  the  exterior 
of  the  passage,  which  does  not  descend  like  the  other  to  the 
bottom  of  the  picture.  It  is  said  of  each  unens,  itsjiame  is 
for  Ra.  At  both  entrance  and  exit,  with  his  face  towards 
the  place  where  the  bark  passes,  stands  a  personage  enve- 
loped,  whose  elbows  project,  and  of  whom  it  is  said  :  he 
opens  kis  amis  for  Ra. 

ITere  the  porch  is  called  Sapt-uaua-u,  meaning  «  enve- 
loped  in  fiâmes»;  the  guardian  of  the  upper  part,  or  the 
entrance,  is  Am-ua-u,  and  of  the  lower  or  exit  Sekhbesne- 
/'unen.     Behind  the  interior  side  of  the  passage  nine  mum- 


74  THE    BOOK    OF    HADES 

mies  are  leaning  against  the  wall,  one  above  the  other,  the 

second  Ennemi  ;  opposite  them  is  written  : 

«  May  the  porch  open  for  Khuti,  may  the  door  be  thrown 
back  for  the  inhabitant  of  heaven  !  Corne!  May  he  who 
travels  in  the  Amenti  arise  !  » 

Door  of  the  serpent  AkebV  :  the  serpent  is  turned  towards 
the  preceding  division,  and  the  leaf  of  the  door  is  open 
towards  the  division  next  following  : 

«  He  who  is  on  this  door  opens  to  Ra.  Sau  says  to 
Akebi  :  Open  thy  door  to  Ra,  throw  aside  the  leaf  of  thy  door 
for  Khuti.  He  shall  illuminate  the  darkness  of  the  night 
and  he  shall  introduce  the  light  into  the  hidden  dwelling. 
The  door  is  closed  after  the  entrance  of  this  god,  and  they 
who  are  in  their  porch  cry  oui  when  they  hear  the  door 
shut.  » 

Scènes  - 

13.  Twelwe  mummies  standing  upright,  each  in  a  chape] 
with  open  doors,  the  holy  gods  who  are  in  Hades;  above 
stretches  a  long  serpent.  A  basin  from  which  lises  the 
busl  of  twelve  personages  in  sheaths,  the  gods  who  are  in 
the  basin  ol'  liée  ;  before  each  of  them  an  enormous  car  of 
corn. 

C.  The  bark  of  Ra  .drawn  by  the  four  infernal  ones  to- 
wards a  kind  of  long,  straight  beam,  with  a  bull's  head  at 
either  end.  This  object,  called  his  bark,  is  borne  upon  the 
shoulders  of  eighl  mummies  standing  upright,  thebearers; 
upon  the  beam  seven  mummies  aie  seated,  the  gods  who 
are  within,  and  a  I >i 1 1 1  is  near  each  bull's  head.  The  cord 
of  the  solar  bark  is  attached  to  each  of  thèse  heads,  and 
i-  further  held  back  by  the  four  infernal  ones,  marching 
towards  four  opposite  personages,  whose  elbows  protrude 
under  the  garments  in  which  thej  are  enveloped. 

1.  <"f.  Cham pollion,  Notices,  vol.  I,  p.  798. 

;'.  (  I.  Cbampollion,  Notices,  vol,  I.  p.  138;  vol.  II.  p.  192, 


THE   BOOK   OF    HADES  75 

D.  Tum  leaning  upon  a  stick  opposite  to  the  serpent 
Apap,  togetlier  with  nine  personages  called  the  divine chiefs 
who  repuise  Apap.  Tum  in  the  same  position,  opposite 
nine  gods  with  sceptres,  the  masters  of  things. 

Legends' 

«  B.  Those  who  are  in  their  chapels,  the  divine  members 
whose  chapels  the  serpent  guards.  Ra  says  to  them  :  Open- 
ing  to  your  chapels  !  My  rays  shall  come  in  your  dark- 
ness,  you  whom  I  found  mourning,  with  your  chapels  closed 
upon  you  !  Breath  is  given  to  your  nostrils  :  I  decree  your 
favours  for  you.  They  say  to  Ra  :  0  Ra  !  Come  according 
to  our  wish.  The  great  god,  lie  does  not  perish  who  is  in 
his  présence  or  his  train,  and  the  great  salute  him.  Ra  re- 
joices  in  getting  back  to  the  earth;  the  great  god  rises  into 
the  retreat.  Their  food  is  (composed)  of  bread,  their  drink 
of  liquor  lever,  their  refreshment  is  water.  The  flame 
which  is  there  is  given  to  them  that  they  may  live.  The 
leaf  of  their  door  shuts  upon  them  when  the  god  rises. 
They  cry  out  when  they  hear  their  door  close  upon  them. 

»  This  is  the  basin  which  is  in  Hades.  It  is  laden  with 
thèse  gods  who  are  covered,  and  whose  heads  are  bare.  The 
basin  is  l'ull  of  vegetables.  The  water  of  this  basin  is  on 
lire.  The  birds  il  y  away  w  lien  they  see  its  water  and  when 
they  smell  the  water  it  einits.  Ra  says  to  them  :  Coneern- 
ing  you,  gods  who  aie  amongst  the  vegetables  of  your 
basin,  is  that  your  heads  sliould  be  uncovered,  that  mystery 
should  be  to  your  members  and  breath  tu  your  nostrils. 
Your  own  particular  food  is  (composed)  of  vegetables  : 
there  are  méats  for  you  froni  your  basin,  and  its  water  is 
for  you,  without  its  lire  being  against  you,  or  its  flame  being 
against  your  bodies.  They  say  to  R\  :  Come  to  us  thon 
who  traversest2  the  earth  in  thy  bark. 

1.  Cf.  Champollion,  Notices,  vol.  I,  p.  796; 

2.  Lit.  :  a  he  who  traverses  ». 


76  THE    BOOK    OF    HADES 

0  C.  Tin-  great  god  is  drawn  by  the  infernal  gods ;  this 
great  god  reaches  the  terrestrial  bark,  the  beat  of  the  gods. 
Ra  says  to  them  :  O  gods  who  bear  the  terrestrial  bark, 
who  carry  the  boat  of  Hades,  uprightness  to  your  forms, 
light  to  your  bark.  Holy  is  lie  who  is  in  it,  the  terrestrial 
bark.  I  trample1  down  the  boat  of  Iïades  which  bears  mv 
forms  :  I  rise  into  the  retreat  to  arrange  the  things  which 
take  place  there.  Nexerbesta'  says  :  Honour  to  the  soûl 
which  was  swallowed  by  the  double  bull  !  The  god  rest 
in  what  lie  as  created.  The  god  says  to  Ra  :  Praise  be  to 
Ra  !  his  soûl  is  provided  for  as  well  as  the  earth,  the  gods 
of  which  bail  Ra.  who  is  resting.  The  boat  of  Hades  re- 
joices,  this  bark.  They  cry  out  when  Ra  rises  above  them. 
Their  ofïerings  (are  composed  of)  vegetables  :  their  offer- 
ings  are  given  them  because  they  obey  the  words  again. 

»  The  great  god  is  drawn  by  the  infernal  ones  of  the  bark. 
The  holy  one  who  is  in  the  earth  speaks  to  the  Uta-u3, 
vvhose  arms  aie  hidden  :  Your  particular  office,  ("ta  u  of 
the  earth,  is  to  roar  in  my  father's  dwelling1.  Your  heads 
are  to  be  uncovered,  and  your  arms  hidden.  Breath  to 
your  nostrils,  overthrow  to  your  coffins  !  Be  masters  of 
your  food,  and  unité  yourselves  to  what  1  hâve  created. 
Their  food  is  (composed)  of  bread,  (hoir  drink  is  of  liquor 
t'eser,  their  refreshment  is  water.  Food  is  given  to  them 
because  of  the  light  which  onvelops  them  in  Iïades  . 

»  D.  Donc  by  Tum  for  Ra,  which  protects  thegod,  and 
throws  the criminal  :  Fall!  never  rise  again!  lie  fascinat- 
ed  !     Thon  shall   uever  be  found  again.     Sure  is  the  word 

1.  Hem;  cl.  Chabas, Voyage  'l'ait  Égyptien,  p.  262. 

2.  The  person  who  is  al  the  entrance  of  the  nexl  porch. 
:'..  The  terrestrial  ones  (?). 

1  Men 

5.  Thej  are  clothed  in  white  in  the  tomb  ol  Rameses  I. 

6.  Tum  onlj  acts  by  raeans  "I  bis  word,  but  bis  word  N  intallible; 
ii  ii.i  l  :i  sorl  "i  magical  povs fi-. 


THE   BOOK    OF   HADES  77 

of  m  y  fat  lier  against  thee,  and  sure  my  word  against  thee, 
destroyed  by  Ra,  punished  by  Khuti  !  They  say,  the  gods 
of  Ra's  cycle  who  repuise  Apap  from  Ra  :  May  thy  head 
be  eut,  Apap!  thy  coils  be  eut!  Thou  shalt  approach1 
Ra's  bark  no  more,  never  again  shalt  thou  descend  towards 
the  divine  boat.  Fire  issues  from  the  retreat  against  thee. 
Wehavejudged  thee  :  Perish  !  They  live  on  Ra's  food 
and  on  the  méats  belonging  to  the  inhabitant  of  the 
Amenti.  Offerings  are  made  to  them  upon  the  earth, 
and  libations  are  poured  out  to  them  as  Lords  of  the  road 
near  Ra. 

»  Tum  says  to  thèse  gods  :  As  you  are  the  gods  who  bear 
life  and  sceptre,  and  who  lean  upon  your  sceptres,  repuise 
Apap  from  Khuti.  direct  blows  at  the  serpent,  the  male- 
factor.  They  say,  the  gods  who  fascinate  Apap  :  The  earth 
is  open  to  Ra,  the  earth  is  closed  to  Apap  !  The  infernal 
ones,  the  inhabitant  of  the  Amenti,  and  those  who  are  in 
the  retreat  worship  Ra,  destroy  his  enemies  and  défend  the 
great  one  against  the  noxious  serpent.  Ho  !  conquered  by 
Ra,  enemy  of  Ra  !  They  live  on  Ra's  food  and  the  méats 
belonging  to  the  inhabitant  of  the  Amenti.  Offerings  are 
made  to  them  on  earth,  and  libations  are  poured  out  to 
them  as  being  veridical  in  the  Amenti.  Holy  is  that  which 
they  carry  into  the  dwelling,  where  they  are  hidden.  They 
cry  to  Ra,  they  lament  to  the  great  god  when  he  rises 
above  them  and  passes.  A  shadow  envelops  them,  and 
their  cavern  is  shut  upon  them.  » 


Fourth  Division.  —  Tablets  2,  8  and  7 

Door 

«  The  god  reaches  this  porch  and  enters  this  porch.     The 
gods  who  are  there  magnify  this  great  god.  » 

1.  Tekennu  (?). 


78  THE    BOOK   OF    HADES 

The  porch  or  Door,  Neb-t-s-t'efa-u,  or  the  mistress  of 
copiousness.  The  person  placée!  at  the  entrance  of  the  pas- 
sage is  Nenerbesta;  lie  bears  the  ureeus  on  his  forehead. 
The  person  placed  at  the  exit  is  Sta-ta.  Inside,  nine  mum- 
mies  as  in  the  preceding  porch,  the  third  Enncad  of  the 
terrestriaV  great  (jod.     Opposite  them  : 

«  Open  the  earth  !  Traverse  Hades  and  sky  !  Dissipate 
our  darkness  !     0  Ra,  corne  to  us  !  » 

Door  of  the  serpent  T'etbi  : 

«  He  who  is  upon  this  door  opens  to  Ra.  Sau  says  to 
T'etbi  :  Open  the  door  to  Ra,  throw  aside  the  leaf  of  thy 
door  for  Khuti.  Ile  shall  illuminate  the  darkness  of  the 
nigiit,  and  he  shall  place  lightin  the  hiddendwelling.  The 
door  closes  after  the  entrance  of  tins  great  god,  and  those 
who  are  in  this  porch  cry  ont  vvhen  they  hear  this  door 
shut.  » 

Scènes  s 

B.  Twelwe  persons,  called  the  conductors  of  their  es- 
sences. Twelwe  ligures  vvith  jackal's  heads  walking  over 
the  basin  oj  life,  called  the  jackals  which  are  in  the  basin 
qflife.     Ten  ursei  upright  in  thebasin  of  the  urœi. 

C.  The  bark  of  Ra,  drawn  by  the  four  infernal  ones 
towards  a  long  low  chapel,  in  which  rest,  each  in  his  ow.n 
compartment,  nine  mummies,  the  good  followers  oj  Osiris, 
who  arc  in  their  tombs.  Twelwe  wonien,  the  liours  thaï 
are  in  //m/es,  divided  into  two  groups  of  six,  between 
which  a  serpent  with  long  coils,  Herer-t,  of  whom  it  is 
said  :  the  serpent  begets  twelwe  Utile  ones  to  eat  by  the 
hours.  Each  group  of  hours  advances  towards  the  serpent, 
walking  over  ;i  mountain  which  ends  in  a  basin  under  the 
three  hours  nearest  to  i he  reptile. 

h.     1  [unis  leaning upon  a  stick,  and  eleven  gods  walking 

1.  Uta  (?). 

2.  Cf.  Champollion,  Notices,  vol.  I.  p.  826. 


THE   BOOK   OF   HADES  79 

towards  Osiris,  the  inhabitant  oj  the  Amenti,  upright  upon 
a  serpent,  and  slmt  into  a  naos  with  a  cover.  In  the  naos 
a  mountain  is  pictured  from  which  the  god's  head  émerges. 
Before  Osiris,  an  urseus,  thejïame,  and  beliind  him  twelwe 
gods  who  are  beliind  the  naos;  four  masters  of  their  pits 
(or  snares  dug  in  the  earth),  turning  towards  a  god  with  a 
sceptre,  the  master  qfthe  destruction. 

Legends 

«  B.  The  conductors  of  their  essences,  who  bathe  in  the 
deliciousness  of  the  blood  '  of  massacres  with  their  dura- 
tion*  :  they  bring  olïerings  to  their  dwelling  '.  Ra  says  to 
them  :  Your  particular  duties,  gods,  amongst  your  oft'er- 
ings,  are  to  bring  your  essences.  Your  ofïerings  are 
yours  ;  your  enemies  are  destroyed,  they  no  longer  exist. 
Your  spirits  are  in  their  dwellings,  and  (your)  soûls  in  the 
place  of  passage'.  They  say  to  Ra  :  Glory  to  thee,  Ra- 
Khuti  !  Glory  to  thee,  soûl  enveloped  by  the  earth  ! 
Glory  to  thee  for  ever,  Lord  of  the  years  and  of  the  eter- 
nity,  which  never  ends  '  !  Their  food  is  (made)  of  olïerings, 
their  drink  is  water.  They  cry  out,  when  they  hear  their 
doors  shut  upon  them.  Their  food  is  given  to  them  be- 
cause  they  draw  towards  the  porch  Teser-t-ba-u. 

»  They  are  in  the  circuit  of  this  basin,  towards  which  the 
soûls  of  the  dead  do  not  rise,  on  account  of  the  holiness 
which  is  in  it.     Ra  says  to  them  :  Your  particular  duties, 

1.  Uter  ;  cf.  Naville,  Textes  relatifs  au  mythe  d'Horus,  v,  and 
xvin,  2. 

2.  The  «  duration  »  was  used  to  designate  the  «  essence  »  or  the 
human  «  genius  »;  cf.  Todtenbuch,  ch.  cvm.  1. 

3.  Lit.  :  «  his  dwelling  ». 

1.  Cf.  «  the  retreat  of  the  passage  »,  Todtenbuch,  eh.  cxxv-cxxvin, 
and  Maspero,  Mémoire  sur  quelques  papyrus  du  Louvre,  p.  23;  it  is 
one  of  the  names  used  to  desiguate  Ilades. 

5.  Cf.  Chabas,  Réponse  à  la  critique,  p.  40. 


80  THE    BOOK   OF   HADES 

gods,  in  this  basin,  are  to  keep  your  lives  in  your  basin. 
Your  offerings  are  under  (your)  care,  jackals  who  place 
yourselves  upon1  your  basin.  They  say  to  Ra  :  Bathe,  Ra, 
in  tliy  sacred  basin,  where  the  Master  of  the  gods  bathes, 
and  towards  which  the  soûls  of  the  dead  do  not  rise  ;  thou 
hast  ordained  it  thyself,  Kiiuti.  Their  food  is  (eomposed) 
of  bread,  their  drink  of  liquor  t'eser,  their  refreshment  is 
wine.  They  cry  ont  when  they  hear  their  doors  shut  upon 
them.  Their  food  is  given  to  them  as  being  masters  of  the 
dwelling  of  the  passage,  to  them,  in  the  circuit  of  this 
basin. 

o  They  speak  when  Ra  cornes  towards  them  ;  the  soûls  are 
îvpulsed.  the  shades  are  destroyed  on  hearing  the  word  of 
the  Ursei.  Ra  says  to  them  :  Your  particular  duties,  Ursei, 
in  this  basin,  are  to  keep  your  fiâmes  and  your  lires  for 
my'  enemies,  and  your  braziers  for  wicked  mouths.  Glory 
be  to  you,  ô  Ursei  !  They  say  to  Ra  :  Corne  to  us  !  Re- 
join  Tan  en  '  ! 

»  C  The  great  god  is  drawn  by  the  infernal  gods,  lie 
advances  into  the  retreat  and  ad  s  according  to  the  things 
which  are  in  it.  Draw  me,  internai  ones  !  Look  at  me! 
I  hâve  created  you.  Heaviness  to  your  arms  by  means  of 
which  you  draw  me!  Retient'  towards  the  eastern  hea- 
vens,  towards  the  dwellings  which  support  Sar5,  that  my- 
sterious  mountain,  (where)  that  light  spreads  amongst  the 
gods  who  receive  me,  when  I  go  l'orth  l'rom  amongst  you 
and  from  the  retreat.  Draw  me,  l  aet  according  to  your 
things,  in  the  porcli  which  hides  the  infernal  ones. 

o  Ra  says  tothem  :  Lo,  behold  me,  gods  !     I  strikethose 

1.  Ter,  Literaly  «  by  ».  Cf.  Chabas,  Papyrus  magique  Harris,VHI,  13. 

2.  Lit.  :  «  liis  ». 

3.  The  earth  personified. 

4.  This  word  generall}  bas  the  sensé  of  «  causing  to  retreat  ». 

5.  Osiris;  cf.  the  name  ol   I-i-,  Tablet  I\'.  c[;  cf.  p.  12  du  présenl 
\  olume]. 


THE   BOOK   OF   HADES  81 

who  are  in  their  tombs.  Rise,  gods  !  I  give  you  your 
instructions  :  you  who  are  in  your  tombs,  guarcl  the  soûls, 
live  on  their  nlth,  feed  on  their  dirt1,  rise  before  my  disk, 
comfort  yourselves  by  my  liglit  !  Your  particular  office  in 
Hades  is  in  accordance  with  what  I  ordained  for  you. 
Their  food  is  (composed)  of  flesh,  their  drink  of  liquor 
t'eser,  their  refreshment  is  water.  They  cry  ont,  when 
they  hear  their  doors  close  upon  them. 

»  They  stand  upon  their  basins  to  guide  Ra  with  their 
hands.  Ra  says  to  them  :  Listen,  hours  !  I  call  you,  eat* 
your  repast,  and  take  your  places  in  your  porches,  your 
laces  in  shadow,  and  your  backs  in  the  light.  Rise  !  The 
gnake9  lives  on  what  cornes  forth  from  it.  Your  office  in 
Hades  is  to  eat  what  the  snake  brings  forth,  and  to  destroy 
what  cornes  forth  from  it.  Lead  me  !  I  hâve  begotten 
you,  and  I  hâve  done  it  in  order  tliat  homage  may  be  ren- 
dered  (to  me).  Rest,  hours  !  Their  food  is  (composed)  of 
bread,  their  drink  of  liquor  t'eser,  their  refreshment  is 
water.  Their  food  is  given  to  them  (made)  of  what  ap- 
pears  amongst  the  elect. 

»  D.  What  Honus  does  for  his  fathcr  Osiris,  protecting 
him,  and  giving  liim  back  the  crown  :  My  heart  returns4 
to  thee,  my  father,  (thee  whom)  I  vindicate  against  those 
who  act  in  opposition  to  thee,  and  (who  art)  protected  ;by 
me)  in  thy  things.  Rule,  Osiris  !  Culminate,  inhabitant 
of  the  Amenti  !  Thy  particular  office  is  to  rule  Hades,  su- 
blime form  in  the  retreat.  The  elect  dread  thee,  the  dead 
fear  thee.  I  hâve  replaced  thy  crown.  I  hâve  examined 
hère  (thy)  feebleness. 

1.  Aua-u  ;  cf.  the  verb  aua  meaning  «  to  decay  »,  Pierret,  Études 
ègyptologiques,  t.  II,  p.  126. 

2.  Lit.  :  «  make  ». 

3.  Herer-t,  this  word,  which  is  féminine,  bas  the  gênerai  sensé  of 
«  reptile  »  ;  cf.  Planche  V,  E,  and  H.        > 

4.  Lit.  :  «  remounts  »  (the  river  in  a  bark). 

BlBL.   ÉQYPT.,  T.   XXXIV.  6 


82  THE   BOOK   OF   HADES 

))  The  gods  say  to  the  inhabitant  of  the  Amenti  :  Exal- 
tation to  the  infernal  one,  acclamation  to  the  inhabitant  of 
Amenti!  Thy  son  Horus  has  replaced  thy  crown;  he  pro- 
teets  thee,  lie  massacres  thy  enemies,  lie  brings  for  thee  the 
joy  in  thy  members,  Osiris  inhabitant  of  the  Amenti. 

»  The  inhabitant  of  the  Amenti  says  :  Corne  to  me,  my  son 
Horus  !  Défend  me  from  those  who  act  in  opposition  to 
me  :  throw  '  them  to  the  Master  of  destruction  who  is  the 
guardian  of  the  pits. 

»  Horus  says  to  the  gods  who  arc  bchind  the  naos  :  Exa- 
mine forme,  gods,  into  what  is  behind  the  inhabitant  of  the 
Amenti.  Rise  !  do  not  retreat  !  Be  strong  !  Corne  ! 
Feed2  on  the  bread  of  Hu  and  the  drink  of  Ma.  Live  on 
what  my  l'ather  lives  on.  (Your)  office  in  the  retreat  is  for 
you  to  be  behind  the  naos,  in  accordancc  with  Ra's  com- 
inand.  I  call  you,  and  beliold  I  act  according  to  your 
things.  Their  food  is  (composed)  of  bread,  their  drink  of 
liquor  léser,  their  refreshment  is  water.  Their  food  is 
given  to  them  as  guardians  of  the  things  in  the  naos. 

»  Horus  says  to  thèse  gods  :  Strike  the  enemies  of  my 
l'ather,  chastise  in  your  pits3  for  the  evil  they  hâve  donc  to 
the  greatone  who  lias  been  found  (to  be)  my  father.  Your 
particular  duties  in  Hades  are  to  keep  the  pits  of  lire,  in 
accordance  with  Ra's  command,  which  J  make  known  to 
you,  behold,  acting  according  to  your  things. 

»  This  god  stands  opposite  to  the  pits.  » 

Fiftii   Division.  —  Tablets  7.  (i  and  5 
Door 

«  The  great  god  reaches  this  porch,  and  enters  this  porch, 
this  great  god  is  worshipped  by  the  gods  who  are  there.  » 

1.  Ut  (?). 

2.  Terp. 

3.  On  this  word,  cf,  Naville,  La  Litanie  du  Soleil,  p.  78. 


THE    BOOK    OF    HADES.  83 

The  porch  Arit.  The  guardians  of  the  passage  hâve 
jackal's  heads  and  are  clothed  in  white  :  the  one  at  the  en- 
trance  is  Aau\  and  the  one  at  the  exit  Tekemi.  Inside 
nine  mummies,  thefourth  Ennead,  and  opposite  tliem  : 

«  Let  our  doors  be  thrown  aside,  let  our  porches  open  for 
Ra-Har-Khuti.  0  Ra,  corne  to  us.  great  god,  mysterious 
image"  !  » 

Door  of  the  serpent  Tek-her. 

«  He  who  is  on  this  door  opens  to  Ra.  Sau  says  to  Tek- 
her  :  Open  thy  door  to  Ra,  throw  aside  the  leaf  of  thy  door 
for  Khuti.  He  shall  illuminate  the  darkness  of  the  night, 
and  lie  shall  bring  light  into  the  hidden  dwelling.  The 
door  closes  after  the  ëntrance  of  this  great  god,  and  those 
who  are  in  this  porch  cry  ont,  when  they  hear  this  door 
shut.   M 

Scènes 

B.  Twelve  menin  an  attitude  of  adoration,  the  worship- 
pers  who  are  in  Hacles.  Twelwe  bearers  qfcord  in  du' 
infernal  régions)3.     Opposite,  four  gods  with  sceptres. 

C.  The  bark  and  the  infernal  ones.  Nine  persons  en- 
veloped  with  protruding  elbows,  holding  a  long  serpent, 
the  bearers  qfNenut-i.  Twelwe  mon  walking,  the  human 
soûls  which  are  in  Hades.  Opposite,  a  god  with  a  sceptre, 
he  who  is  at  Iiis  angle. 

D.  Horuswith  a  hawk's  head,  leanibgupona  long  stick, 
and  sixteen  men  called  the  M  en,  the  An  mu,  t/ie  Nahesu, 
the  Tarnehu*.  Twelwe  personages  carrying  a  long  serpent, 
above  which  and  behind  each  of  them  except  the  last,  is 

1.  Amu,  after  thetomb  of  Seti  L,  Champollion.  Notices,  vol.  I,  p.  770. 

2.  «  Masterof  mysteries  »  ;  idem,  ibid. 

3.  Cf.  Champollion.  Notices,  vol.  I,  Tomb  of  Seti  L.  p.  772. 

4.  The  Egyptians,  the  Asiatics,  the  Negroes,  and  the  Libyans[;  cf. 
plus  haut.  p.  55  du  présent  volume,  le  mémoire  intitulé  Les  quatre 
races  au  jugement  dernier]. 


84  THE   BOOK   OF    HADES 

the  hieroglyph  of  the  duration,  the  bearers  ofthe  duration 
in  the  Amenti.     Kiglit  persons,  the  divine  chiefs  qfHades. 

Legends  1 

«  B.  They  do  homage  to  Ra  in  the  Amenti,  and  exalt 
Har-Khuti;  they  hâve  known  Ra  on  the  earth,  and  hâve 
made  oblations  to  him  ;  their  otïerings  are  in  their  place,  and 
their  honours  in  the  holy  place  of  the  Amenti.  They  say 
to  Ra  :  Corne  Ra  !  remount  Hades  !  Glory  to  thee  !  Enter 
amongst  the  holy  things  under  the  serpent  Mehen  !  Ra 
says  to  them  :  Ofterings"2  for  you,  blessed  ones  !  I  am  sa- 
tisfied  with  what  you  did  for  me,  whether  I  was  shining 
in  the  Eastern  heavens,  or  whether  I  was  setting  in  the 
sanctuary  of  my  Eve.  Their  food  is  (composed)  of  Ra's 
bread,  their  drink  of  his  liquor  t'eser;  their  refreshment  is 
water.  Oiïering  is  made  to  them  on  earth,  on  account  of 
the  homage  (which  they  render)  to  Ra  in  the  Amenti. 

»  The  bearers  of  cord  in  the  Amenti,  those  who  prépare 
the  fields of  the  elect.  Take  the  cord,  draw,  measure3  the 
fields  of  the  Mânes,  who  are  elect  in  your  dwellings,  gods 
in  your  résidences,  deified  elect  in  order  to  rejoin  the  coun- 
try,  proved  elect,  in  order  to  be  within  (the  boundary  of 
the  cord;  justification  is  for  those  who  are  (there),  andthere 
is  no  justification  for  those  who  are  not  there.  Ra  says  to 
them  :  Jt  is  justice,  the  cord  in  the  Amenti.  Ra  is  satis- 
fied  with  the  measurement.  Your  own  possessions,  gods. 
and  your  own  domains,  elect,  are  y  ours*.  Ra  créâtes  your 
fields  and  appoints  you  your  food  :  eat. 

1.  In  the  Notices  ol  Champollionf,  t.  I],  this  division  is  l'ound  entire- 
ly.  aller  the  tomb  of  Seti  I.  (p.  77"»  to  772),  which  allowa  some  corree- 
tioîia  and  additions  to  texl  oi  the  sarcophaguâ  ;  cf.  Dcnkrnàler,  III,  136. 

2.  In  Ra's  discourse,  the  textplays  apon  the  différent  meanings  ofthe 
w  ord  hatap. 

3.  Sta. 

4.  Ci.  Champollion,  Notices,  vol.  I,  p.  77^. 


THE    BOOK    OF    HADES  85 

»  Oh  !  advance,  Khuti  !  thc  gods  are  satisfied  with  their 
possessions,  the  elect  are  satisfied  with  their  dwellings. 
Their  food  is  from  the  country  of  Aalu  and  their  nou- 
rishment  is  (composed)  of  what  it  produces.  Offerings 
are  made  to  them  on  earth,  for  the  fields  of  the  country  of 
Aalu. 

»  Ra  says  to  them  :  Holiness  to  you,  cultivators,  who  are 
the  Lords  of  the  cord  in  the  Amenti  !  (Oh  !  settle  some 
iields,  and  give  to  the  gods  and  the  elect,  ail  of  them,  what 
lias  been  measured  in  the  country  of  Aalu.  They  give  field 
and  méat  to  the  gods  and  to  the  soûls  tliat  are  in  Hades. 
Their  nourishment  is  from  the  country  of  Aalu,  and  their 
food  is  (composed)  of  what  it  produces'.) 

»  C.  The  great  god  is  clrawn  by  the  infernal  gods  and 
advances  into  the  retreat.  Draw  for  me,  infernal  ones  ! 
Do  me  homage,  you  who  are  in  the  stars2,  in  order  (to  hâve) 
strength  in  your  cords  with  which  you  draw  me,  firmness 
in  your  arms,  swiftness  in  your  legs,  protection  for  your 
soûls,  praise  for  your  hearts.  Open  the  good  way  to  the 
caverns  of  mysterious  things  ! 

»  Those  who  are  in  tins  picture,  bearers  of  tins  serpent, 
draw,  and  Ra3  reaches  them  to  place  himself  in  the  porch 
Neb-t-Hau*.  The  serpent  goes  towards  it  without  passing 
beyond.  Ra  says  to  them  :  Draw  Nenut'i  !  Do  not  leave 
him  any  outlet  that  I  may  rise  above  you.  Covering  to 
your  arms,  destruction  to  what  you  guard,  you  who  guard 
what  my  forms  become,  you  who  wrap  up  what  my  splen- 
dours  become  !  Their  food  is  to  hear  the  word  of  tins  god. 
Offerings  are  made  to  them,  because  they  hear  the  word  of 
Ra  in  Hades. 

1.  Cf.  Châmpollion,  Notices,  vol.  I,  p.  772. 

2.  The  astronomical  ceilings  of  the  royal  tombs  represent  the  divine 
barkas  drawn  by  stars  personified  in  Hades. 

3.  Cf.  Châmpollion,  Notices,  vol.  I,  p.  770. 

4.  The  next  porch.  This  naine  means  «  the  mistress  of  duration  ». 


86  THE    BOOK    OF    HADES 

»  Those  avIio  hâve  spoken  thc  trutli  on  oarth,  and  magni- 
fiée! the  forms  of  god.  Ra  says  to  them  :  Fraise  be  to  your 
soûls,  breath  to  your  nostrils,  and  vegetables  for  you  from 
yourcountry  of  Aalu  !  You  are  from  amongsttherighteous. 
Your  dwellings  are  for  you,  at  the  angle  where  those  who 
are  with  me  examine  words1  in  it.  Their  food  is  (compo- 
sée!) of  bread,  and  their  drink  of  liquor  t'eser;  their  refresh- 
ment  is  water.  Ofîerings  are  made  to  them  on  earth  as 
blessed  ones,  according  to  what  belongs  to  them.  Ra  says 
to  thisgod  :  Let  the  great  one  who  is  at  bis  angle  call  the 
soûls  of  the  righteous  and  put  them  in  their  dwellings,  near 
the  angle  of  those  who  are  with  me  myself. 

»  D.  Horus  says  to  Ra's  flocks,  which  are  in  the  Hades 
of  Egypt  and  the  Désert  :  Protection  for  you,  flocks  of  Ra, 
born  of  the  great  one  who  is  in  the  heavens,  breath  to  your 
nostrils,  overthrow  to  your  coffins  !  You  yourselves  are 
tears  of  my  Eve,  in  your  persons  of  superior  Men*.  You, 
I  hâve  created  you  in  your  persons  of  Aamu3  :  Sekhet  lias 
created  them,  and  she  défends  ;  their  soûls.  You.  I  hâve 
shed  abroad  my  seed  for  you,  and  1  hâve  comforted  myself 
with  a  multitude  corne  forth  from  me  in  your  persons  of 
Xcgroes  :  IIorus  lias  created  them,  and  ho  défends  their 
soûls.  (You),  I  hâve  sought  my  Eye  and  1  hâve  created  you 
in  your  persons  of  Tahennu  '  :  Sekhet  lias  created  them,  and 
she  défends  their  soûls.  Those  who  sottie  the  duration, 
make  the  days  of  the  s. mis  who  are  in  the  Amenti  dawn, 
and  appoinl  for  the  place  of  destruction.  Ra  says  to  them  : 
Being  the  gods,  inhabitants  of  i  fades,  who  carry  Meterui 

1.  Cf.  Champollion,  Notices,  vol.  I.  p.  772. 

2.  Rut,  Egj  pi  ians. 

3.  Asiatics. 

I.  M.  Naville  thinks  thia  word  means  here  «  to  create  »  ;  cf.  La  Li- 
tanie du  Soleil,  |).  2'A. 

.").   Libyans. 

6  Name  of  the  Berpent  thaï  serves  as  a  cord  for  thèse  gods  ;  the  naine 
means  «  cquity  ». 


THE    BOOK    OF    HADES  87 

to  measure  the  duration,  draw  Meterui,  measure  the  du- 
ration, by  him,  of  the  soûls  that  are  in  the  Amenti  appoin- 
ted  for  the  place  of  destruction,  destroy  the  soûls  of  enemies, 
appoint  them  for  the  place  of  destruction  !  Let  them  not 
see  the  mysterious  retreat  !  There  are  the  divine  magis- 
trates  who  destroy  the  enemies.  Their  food  is  that  of  the 
veridical  ones.  Offerings  are  made  to  them  on  earth,  be- 
cause  the  true  word  is  in  them.  They  order  destruction 
and  its  registering  for  the  duration  of  the  soûls  in  the 
Amenti.  Let  your  destructions  be  for  the  enemies,  and 
your  registry  for  the  place  of  destruction!  I  am  corne, 
(I),  the  great  one,  Horus,  to  examine  m y  body  and  to  send 
scourges  upon  my  enemies.  Their  food  is  (composed)  of 
bread,  their  drink  of  liquor  t'eser,  their  refreshment  is  wa- 
ter.  (Offerings  are  made  to  them  on  earth,  (as  being  those 
who)  do  not  enter  the  place  of  destruction').  » 


Sixth  Division.  —  Plates  5,  18  and  19 

Door 

»  The  god  arrives  at  tins  pylon,  and  enters  this  pylon  : 
this  great  god  is  glorifiée!  by  those  who  are  there.  » 

The  pylon  Neb-t-hau.  At  the  entrance  Ma-ab  (the  just 
heart),  and  at  the  outside  Sheta-ab  (the  mysterious  heart)  ; 
in  the  interior,  twelwe  mummies,  the  gods  and  the  god- 
desses  who  are  in  this  pylon.     Opposite  them  : 

»  Come  to  us,  thou  who  art  on  the  horizon,  great  god, 
who  openest  the  retreat  !  open  the  holy  gâtes,  draw  back 
the  mysterious  doors.  » 

Between  this  portion  of  the  pylon  and  the  door  occurs  a 
scène  which  is  accompanied  by  legends  in  secret  writing. 

\.  Cf.  Champollion,  Notices,  vol.  I,  p.  772. 


88  THE    BOOK    OF    HADES 

Scène 

Overhead  appears  the  inscription  :  Ser  her  tuau  set  tenu, 
(Osîris,  master  of  Hades,  Earth  and  Tanen).  A  sort  of  eeil- 
ing  is  then  placed  over  the  scène  :  it  bears  in  the  npper 
portion  a  row  of  ornaments  like  tliose  of  the  alleys,  and  in 
the  lower  part  four  heads  upside  down,  which  Champollion  ' 
and  Mr.  Goodwin"  hâve  taken  l'or  heads  of  gazelles,  and 
which  are  named  ha  hi-u  (perhaps  oxen). 

Osiris,  or  Ser,  is  seated  on  a  throne  at  the  top  of  a  stair- 
ease,  the  nine  steps  of  which  bear  eacli  a  personage  :  the 
nine  persons  compose  the  Enncod  which  accompanies  Sev. 
Before  the  god  is  a  mummy  supporting  on  its  shoulder  a 
pair  of  scales,  in  one  of  the  scales  of  which  is  the  bird  of 
evil. 

Behind  the  mummy  a  boat  is  moving  away  which  con- 
tains  a  monkey  which  is  driving  a  pig,  the  devourer  oj  the 
arm,  symbol  of  Typhon,  as  author  of  the  éclipses  or  of  the 
phases  of  the  moon'.  The  sarcophagus  of  T'aho1  lias  fur- 
ther,  on  the  same  level  as  the  boat,  and  behind  the  mummy, 
a  person  raising  a  hatchet  towards  Osiris. 

Jn  the  npper  part,  and  tnrned  towards  Osiris,  is  Anubis, 
who  lias  nourished  his  Jather  (Osiris).  Below,  under  the 
throne,  are  the  enemies  of  Ser. 

Legends 

Mr.  Goodwin8  lias  translated  a  portion  of  the  legends 
whidi  accompany  this  scène,  availing himself ,  with  regard 

1.  Notices,  I    II.  p.   1  '.'-. 

2.  Zcilschrift,  1873,  p.  139. 

:;.  Cf.  Todtenbuch,  ch.  112;  Plutarch,  Ists  and  Osiris,  8,  18,  \2,  55, 
and  Herodotus,  II.  47,  48.  (isii'is  w;ts  represented  in  nue  of  his  eba- 
racters  as  ;i  lunar  ^rod. 

■4.   Musciim  ni  t  Ne  Loin  v<\ 

5.  Zeitschriftj  1873,  p.  138. 


THE    BOOK    OF    HADES  89 

to  the  enemies  of  Osiris,  of  the  sarcophagus  of  T'aho,  on 
which  the  same  passage  is  written  in  ordinary  hierogly- 
phics.  Mr.  Le  Page  Renouf  lias  modifiée!  the  interpréta- 
tions of  Mr.  Goodwin  in  some  points,  from  the  tomb  of 
Rameses  VI.2,  which  furnishes  some  usefiri  variants. 

The  two  scholars  could  not  understand  the  portion  of 
the  inscription  which  proceeds  from  Osiris  to  Anubis,  be- 
cause  they  hâve  not  remarked  that  it  is  divided  into  two 
parts,  one  of  which  refers  to  Osiris,  and  the  other  to  the 
animais.  The  first  appears  to  be  blended  with  the  second, 
which  is  placed  over  it  without  any  separating  space,  on 
the  sarcophagus  of  Seti  I.,  although  their  columns  do  not 
correspond  the  one  with  the  other;  but  the  distinction  of 
the  two  texts  appears  on  the  tomb  of  Rameses  VI.,  in  their 
gênerai  order,  as  well  as  in  their  interior  arrangement.  It 
would  be  easy  to  divide  them  on  the  version  of  the  sarco- 
phagus by  drawing  a  horizontal  line  from  the  feet  of 
Anubis. 

The  first  text  is  written  in  the  usual  order,  and  the  se- 
cond in  a  rétrograde  order3.  The  texts  of  the  tomb  and  of 
the  sarcophagus  are  very  incorrect  hère,  but  on  comparing 
them  their  faults  appear.  Thus,  the  first  two  columns  of 
the  legend  of  animais  ought  to  be  read,  according  to  the' 
tomb,  au  ntesen  sheta  nti-u  Kliu-u,  while  on  the  sarcopha- 
gus the  word  Khu-u  terminâtes  the  first  line  instead  of  ter- 
minating  the  second,  and  the  sh  of  sheta  has  been  carried 
back  to  the  beginning  of  the  third  line  where  it  is  wrongly 
followed  by  the  marks  of  the  plural.  In  the  legend  of  Osi- 
ris, the  order  of  the  first  two  lines  is  inverted  on  the  sarco- 
phagus, and  the  final  groups  of  the  two  versions,  which 
follow  the  words  neter  kha-f  repeatecl  in  a  confused  man- 

1.  Zeîtschrift,  1874,  p.  101-105. 

2.  Champollion,  Notices,  t.  II,  p.  495-496. 

3.  The  same  order  occurs  in  the  two  legends  which  are  under  the 
throne  of  Oairis. 


90  THE   BOOK   OF   HADES 

ner.  appear  as  if  they  ought   to  be   read    :   ar-f  tua-u-f 
tennu. 

Now,  the  following  is  an  interprétation  of  ail  the  legends, 
an  interprétation  supported  by  several  remarks  made  by 
Mr.  Goodwin  and  Mr.  Le  Page  Renouf,  but  necessarily 
remaining  conjectural  in  certain  parts. 

Legend  of  the  enemies  : 

«  His  enemies  (are)  beneath  liis  feet  ;  the  gods  and  the  eleet 
(are)  bel'orc  him  ;  enemy  of  the  infernal  dead,  lie  keeps 
back  the  enemies,  he  destroys  them,  he  accomplishes  their 
massacre.  » 

Legend  of  the  bearers  of  the  hatchet  and  of  the  scales  : 

«  The  bearers  of  the  hatchet  and  the  bearer  of  the  scales 
protect  the  inhabitant  of  the  Amcnti,  (who)  takes  his  re- 
pose in  Hades,  and  traverses  the  darknessand  the  shadows. 
Happiness  (is)  above,  and  justice  below.  The  god  reposes, 
and  sheds  light  produced  by  truth  which  he  has  pro- 
duce cl.  » 

Legend  of  the  monkey  : 

a  The  diver,  (when)  this  god  rises,  lie  gives  up  (the  pig) 
to  the  plagues.  » 

Legend  of  Anubis  : 

«  (  )  ye  who  bring  the  word  just  or  false  to  me,  he,  Thoth, 
examines  (lie  words.  » 

Legend  of  the  animais  : 

«  They,  they  hidethose  which  are  in  thestate  of  the  elect. 
They,  the  country  (belonging)  to  them,  is  Ameh  in  the 
land.  Behold,  thèse  are  they  whose  heads  issue.  What 
a  mystery  is  their  appearance,  (the  appearance)  of  your 
images  !  » 

I  ,egend  of  <  >siris  : 

a  The examination  of  the  words  takes  place,  and  hestrikes 
down  wickedness,  he  who  has  a  just  heart,  be  who  bears 
the  words  in  the  scales,  in  the  divine  place  of  the  exami- 
oation  of  the  mystery  of  mysteries  of  the  spirits.    The 


THE    BOOK    OF    HADES  91 

god  who  rises  lias  made  his  infernal  (companions)  ail1.  » 
Door  of  the  serpent  Set-m-ar-f  (lie  who  has    lire   in 
his  eye)  : 

«  He  who  is  on  tins  door  opens  to  Ra.  Sau  says  to  Set- 
m-ar-f  :  Open  thy  gâte  to  Ha,  put  back  thy  door  for  Khuti. 
He  will  illuminate  the  darkness  and  the  shades,  and  place 
light  in  the  hidden  abode.  The  door  is  closed  after  the  en- 
trance  of  this  great  god,  and  those  who  are  in  this  pylon  cry 
out,  when  they  hear  tins  door  closing.  » 


EXTERIOR   SIDES    OF    THE    LID 

Scènes 

There  remains  only  one  fragment  of  the  scènes  and  of  the 
legends  of  this  division,  but  Champollion  has  given  an  ana- 
lysis  of  it  after  the  tomb  of  Rameses  VI.2  and  his  ATotices 
will  fill  up  some  gaps  hère. 

A.  Five  persons  bearing  on  their  head  a  loaf ,  or  a  bread- 
basket  according  to  Champollion.  Six  other  persons  bear- 
ing on  their  heads  an  ostrich  feather.  The  first,  (the  happy 
ones,  bearers)  of  food,  ought  to  be  twelve  in  number  as 
well  as  the  second,  the  just  ones  (bearers  qf  the  emblem  of 
justice*). 

B.  Two  of  the  four  infernal  ones.  Tum  and  a  séries  of 
six  posts  with  the  head  of  a  jackal,  to  each  of  which  are 
attached  two  prisoners,  called,  with  the  exception  of  the 
second  and  sixth  posts,  the  enemies.  By  the  side  of  the 
first  post,  the  post  qf  Ra,  are  two  sacred  eyes,  called  hère 
neter,  after  what  is  in  the  tomb  of  Rameses  III.,  quoted  by 
Champollion;  by  the  side  of  the  second  post,  Tum,  a  person 
in  a  mummy  shape  and  with  prominent  elbows,  A  fat;  by 

1.  Oneof  the  infernal  abodes. 

2.  Notices,  t.  II,  p.  501-504. 

3.  Idem,  t.  I,  p.  415,  tomb  of  Rameses  II J. 


92  THE   BOOK   OF   HADES 

the  side  of  the  tliird.  which  ought  to  be  Kheper,  according 
to  the  tomb  of  Rameses  III.,  tlie  person  in  a  mummy  shape 
isnot  Ankh,  as  in  this  tomb,  but  its  namc  begiris  witha  t 
and  ends  with  an  a  ;  by  the  side  of  the  fourth  post,  or  Shu, 
a  person  in  a  mummy  shape,  Sent-u;  by  the  side  of  the 
fifth,  or  Seb,  a  person  in  a  mummy  shape,  Aka-se;  from  the 
tombs  of  Rameses  III.  and  of  Rameses  VI.,  the  sixth  post 
ought  to  be  Ser,  vvho  had  as  an  attendant  Aaker;  a  se- 
venth  post,  which  is  wanting  hère,  is  Shaf-her  (tomb  of 
Rameses  VI.)  or  Her-shqf-her^  (tomb  of  Rameses  III.).  A 
gocl  with  a  sceptre  stood  before  this  scène  (tomb  of  Ra- 
meses VI.). 

C.  Five  persons  who  bend  towards  an  enormous  ear  of 
corn  \  those  who  labourai  theharvest  in  the  infernal  plains). 
A  bearer  of  a  sickle  with  this  inscription  :  thèse  {are  the 
reapers);  On  the  tomb  of  Rameses  VI.,  the  fïrst  persons 
arc  preceded  by  a  god  leaning  on  a  staff,  the  masterofjoy  ; 
they  arc  twelwe  in  number,  and  there  are  seven  reapers. 

Legends 

«  A.  (Those  who  hâve  olïercd  incensc  to  their  gods,  the 
purifiers  of  their  persons !) 

»  The  jusl  ones,  their  justice  is  verified,  for  them,  in  pré- 
sence of  the  great  god  destroyer  of  wickedness.  Osihis 
says  to  them  :  You  arc  jiist,  truly.  Be  happy,  thanks*  to 
whal  \ -ou  hâve  donc,  in  the  (saine)  state  as  those  who  follow 
me,  and  vvho  dwelî  in  the  abode  of  him  whose  spirits  are 

lioly.     Live  on  your  food  and  on  t  hoirs !  be  masters  of 

i  he  waters  of  your  lake 2 

i)  IS.     The  great  god  is  pulled  along  by  the  infernal  gods, 

and  those  who  pull  Ra  along,  say  :  Lel  the  disk  arise!) ' 

(The  greal  god  arrives  al   the  posts  of  Seb,  by  which  the 

1.  Surname  oi  Horus,  assimilated  in  K  lions.  Ci.  Denkniâler,  III,  274, 

2.  Lacunae. 


THE   BOOK   OF   HADES  93 

enemies  are  counted  after  the  examination  of  the  words  in 
the  Amenti.  Sau  says  to  this  god  arriving  at  the  posts  of 
Seb,  place  of  reckoning1  :  Ra,  fchou  arrivest  at  the  post  of 
Seb.  Tum  says  to  the  posts  :  Guard  the  enemies,  punisli 
the  wicked  !  Gods  who  are  behind  the  posts  and  who  are 
behind  Seb,  Igrant  you  permission  to  strike  the  prisoners, 
and  to  guard  the  wicked.  Let  them  not  escape  from  your 
hands,  let  them  not  fly  from  your  fîngers,  being  enemies. 
Watch  over  the  massacre,  according  to  the  orders  you  hâve 

received  from   the  Founder ~  of  his  body  who  created 

Hades,  by  his  limbs1.  He  lias  marked  you  ont  to  strike, 
he  examines  you  with  regard  to  what  you  do - 

»  C.  (They  labour  at  the  harvest,  they  collect  the  Corn  ' 
and  the  nutritious  grain.  Their  seeds  are  favoured  in  the 
land  by  the  light  of  Ra,  when  he  appears,  warms  (them) 
again,  and  rises  abovethem.  The  lord  of  joy  says  to  them  : 
May  your  seeds  be  favoured,  that  your  shoots  may  grow 

green,  that  your  offerings  may  be  for  Ra) -,     that  the 

Corn  may  grow,  that  Ser  may  become  the  nourisher  of 

the  infernal  ones,  at  the  sight  of *     It  is  lie  who  is  in 

the  fields  of  Hades.  They  collect  their  harvest,  and  they 
say  to  Ra  :  May  prosperity  be  in  the  infernal  fields!  That 
Ra  may  shine  on  the  limbs  of  Sefi  !  When  thon  shinest 
forth,  végétation  springs  up,  great  god,  creator  of  the 
grain!  Their  food  is  (made  of  grain,  their  drink  of  the 
liquor  t'eser,  their  refreshment  is  of  water.  Oblations  are 
madeto  them  for  the  harvests  of  the  infernal  fields. 

»  Thebearersof  sickles  reap  the  grain  in  their  fields.     Ra 

1.  Heseb,  according  to  the  totnb  of  Rameses  VI. 

2.  Laeunse. 

3.  Sent-u.  Cf.  on  this  word,  Naville,  La  Litanie  du  Soleil,  p.  34,  44 
55. 

4.  This  word  has  the  divine  determinative.  The  Corn-god  is  named 
in  t  he  «  Instructions  of  Amenemha  I.  »,  Heeords  of  the  Past  [,  1"  Sé- 
ries], vol.  II,  p.  9,  second  édition. 


94  THE   BOOK   OF    HADES 

says  to  them  :  Take  your  sickles!     (Reap  your  grain.     It 

is  granted  you '  your  abodes  that  you  mav  unité  your- 

selves  to  me  in  the  cavern  of  the  most  mysterious  of  forms. 
Honour  to  you,  reapers  !  Their  food  is  (made)  of  bread, 
their  drink  of  the  liquor  t'eser,  their  refreshment  is  of  wa- 
ter.  Ofîerings  are  made  to  them,  on  earth,  as  bearers  of 
sickles  in  the  fields)  of  Hades.  » 


Seventh  Division.  —  Plate  lJi 

What  remains  of  tins  division  includes  five  fragments, 
the  second  of  which  wrongly  occupies  the  third  place  on 
Plate  19*.  Champollion  lias  given  an  «iccount  of  the  scènes 
and  legends  from  the  tomb  of  Rameses  VI.3 

Door 

«  '  this  god  (is  glorified)  by  the  gods  that  are  there.  » 

The  guardian  of  the  egrcss  is  Shepi;  inside  nine  nuini- 
mies,  and  opposite  them  : 

a  1  god  vvho  openest  theretreat,  open  the  holy  pylons, 

put  back  the  mysterious  door.  » 

Door  of  the  serpent  A khen-ar-ti  (closed  eyes). 

«  Ile  who  is  on  this  door  opens  to  Ra;  Sau  says  :  1 

Ile  will  drive  away  the  darkness  and  the  shades,  and  place 

light  in  the  concealed  abode.     The  door  closes 1     The 

soûls  who  are  in  this  pylon  cry  out  w  lien  they   hear  the 
door  closing.  » 

Scènes 

A.     Three  complète  bcarers  of  rope4,  and  seven  others, 

1.  Lacunse. 

2.  Cf.  pi.  I. 

.'..  Notices,  t.  II,  p.  504,505. 

4.  Thèse  figures  are  entire,  those  on  the  other  fragment  are  portions 
only. 


THE   BOOK    OF    HADES  95 

the  lower  part  of  the  body  of  which  alone  remains,  the 
bearers  of  the  rope  (who  bring  fort  h  the  mysteries,  the 
bearers  of  the  decourer,  who  bring  forth  the  infernal 
ones).  On  the  tomb  of  Rameses  VI.,  the  rope  lias  the  head 
of  a  serpent. 

B.  The  solar  bark.  Seven  gods  carrying  a  sceptre  in 
their  hand,  the  masters  of  the  (things  in  the  Amenti). 
Two  mummies,  the  maie  gods.  On  the  tomb  ol  Rameses  VI, 
there  are  twelwe  of  the  former  and  four  of  the  latter. 

C.  A  god  leaningon  a  staff,  he  who  conceals  the  myste- 
ries.    Six    mummies    stretched  ont  flat,   and   their  arms 

pushed  forward  on  infernal  couches,  the  elect '  benefi- 

cent.  According  to  Cliampollion,  they  would  hâve  been 
named  the  divine  chiefs  on  the  tomb  of  Rameses  XI. 

Le  g  ends 

a  A.  Those  who  hold  the  rope  and  earry  it.  Ra  rises, 
and  the  heads  issue  which  are  in  the  rope.  They  pull  along 
Ra  towards  their  pylon,  while  they  pull  back  towardsthe 
gâte  of  Nun.     They  examine ' 

»  B.  This  great  godis  pulled along by  the  infernal  gods. 
They  say,  those  who  pull  along  Ra  :  Let  those  who  are  in 
Hades  shout  aloud  to  Ra  who  is  in  the  mysteries  !  Let 
him    examine   your    words,    and    destroy    the    enemy   for 

you '     Mystery  to  your  forms,  stability  to  your  forms. 

Pay  homage  to  him  in  your  transformations '  (masters) 

of  the  things  in  Amenti.  Examine  me  in  your  examina- 
tions,  order  punishment  for  my  enemies,  as  I  hâve  granted 

it    to  you  (in)   my  justice,   order '   to   défend  his  son. 

What  belongs  to  thee  in  Tanen,  is  that  thy  sacred*  body 
ma  y  hâve  peace  in  Amenti  :  what  belongs  to  thee  in  Nu,  it  is 


1.  Lacune. 

2.  Ter-t  instead  of  Tesw-t.  Cf.,  pi.  VIII,  A,  and  pi.  IX. 


96  THE   BOOK   OF    HADES 

that  thy  soûl  should  govern  heaven.     Their  food  is  (made) 

of  bread,  and  their  drink  of  the  li(|uor  t'eser ' 

»  C.     lie  who  conceals  the  mysteries  says  to  them  :  Oh, 
elect  !     Oh,  infernal  ones  !  unveiling  of  your  faces  !     Disap- 

pearance  of  your  darkness  ! '     Proceed,  corne,  seize  the 

source,  invoke  the  soûls,  be  provided,  seize  the  food,  feed 

yourselves '  draw  up  for  yourselves  fresh  water  in  the 

lakes  of  the  angles  of  Hades '   » 


INSIDE  OF  THE  SARCOPHAGUS 

Eighth    Division.    —     Plates    15,    14,    13 

Door 

«  The  great  god  arrives  at  this  pylon,  and  enters  this  py- 
Ion  :  this  great  god  is  adored  by  the  gods  who  are  there.  » 

The  pylon  Bekhekhi.  At  the  outrance  Benen,  andat  (lie 
inside  Hèpti.  In  the  inner  part,  nine  mummies,  the  En- 
nead.  Opposite  them  : 

«  Coine  to  us,  thou  who  art  on  the  horizon,  great  god,  who 
openest  the  retreat  !  open  the  holy  pylons,  draw  back  the 
mysterious  door.  » 

Door  of  the  serpent  Set-her  (face  of  lire)  : 

«  lie  who  is  on  this  dooropens  to  Ra.  Sau  says  to  Set- 
her  :  Open  thy  gâte  to  Ra,  draw  back  thy  door  for  Khuti. 
He  will  illuminate  the  darkness  and  the  shades,  and  place 
light  in  the  concealed  abode.  The  door  closes  after  the  ou- 
trance of  this  great  god,  and  the  soûls  who  are'  in  this  pylon 
ci\  out,  when  they  hear  the  door  closing.  » 

1.  Lacune. 


THE   BOOK   OF   HADES  97 

Scènes 1 

A.  Twelve  persons  proceeding,  the  divine  chiefs  who 
give  bread  and  offer  vegetables  to  the  soûls  in  the  lake  of 
flame;  nine  birds,  with  a  human  head  and  two  arms  in  ado- 
ration, the  sou/s  ic/io  arc  in  the  lake  qf flame;  opposite,  a 
god  carrying  a  sceptre. 

B.  The  boat  and  the  infernal  oncs.  A  god  leaning  on 
a  staff,  he  who  is  in  the  Nun;  a  long  tank  containing,  in 
groups  of  four,  according  to  the  différent  positions  of  swim- 
ming,  sixteen  persons,  those  who  batlie,  those  who  float, 
those  who  swim,  and  those  who  dive*. 

C.  Horus  leaning  on  a  staff  and  twelve  men,  the  burnt 

enemies  qfOsiris,  having  their  arms  tied  in  différent  ways, 

in  groups  of  four.     Opposite  the  first  and  flinging  lire  in  Iris 

face,   the   enormous  serpent   Kheti,  or  fi re,    the  body   of 

which  forms  seven  folds,  and  supports  between  each  fold  a 

raummified  god.      The  gods  who  arc  upon  Kheti  are  seven 

in  number. 

Legends 

«  A.     They  lead  the  soûls  over  the  vegetables  in  the  lake 

of   flame.     Ra  says  to  them  :   3      Magistrates   of   the 

gods,  great  ones*  of  the  lake  of  flame,  who  place  the  soûls 
over  their  vegetables,  let  them  possess  their  bread  for  them- 
selves  !  offer  your  loaves,  bring  your  vegetables  to  the  soûls 
marked  ont  for  nourishment  in  the  lake  of  flame.  They 
say  to  Ra  :  The  loaves  aregiven,  the  vegetables  are  brought 
to  the  soûls  whom  thou  hast  marked  out  (l'or)  nourishment 
in  the  lake  of  flame.     Oh!  the  way  is  good !     He  invokes 

1.  For  the  scènes  and  legends,  cf.  Chain pollion,  Notices,  t.  II,  p. 516- 
510,  tomb  of  Rameses  VI. 

2.  Chabas,  Antiquité  historique^  p.  75;  cf.  Booh  of  the  Inferior  He- 
misp/iere,  lOth  hour. 

3.  A  word  wanting. 

4.  Shenn-u. 

BlBL.  ÉGYPT.,   T.  XXXIV.  7 


98  THE    BOOK    OF    HADES 

thee,  lie  who  is  in  Amenti',  and  they  invoke  thee,  who  are 
in  Tatnen\  Their  t'ood  is  (made)  of  bread,  their  drink  is 
of  the  liquor  t'eser.  Ofïerings  are  made  to  them  on  earth 
as  called  from  among  the  divine  magistrates. 

))  They  are  in  the  country  offlame;  they  receive  their 
bread  and  are  in  possession  of  this  tank.  They  cry  out  to 
this  great  god.  Ra  says  to  them  :  Eat  your  vegetables,  feed 
on  your  bread.  Repletion  to  your  stomachs,  glory  to  your 
hearts  !  Your  vegetables  are  from  the  tank3  of  (lame  : 
inaccessible  is  your  tank.  Cry  out  to  me,  invoke  me  :  I  am 
the  great  one,  the  body  of  Hades'.  They  say  to  Ra  : 
Glory  to  thee,  the  greatest  of  masters.  Praise  to  thee, 
greatness  !  Hades  is  thine  at  thy  will  :  thou  hast  made  it 
secret  for  those  who  are  in  its  caverns;  heaven  is  thine,  at 
thy  will  :  thou  hast  made  it  mysterious  for  those  who  are 
in  it.  The  earth  belongs  to  thy  mummy,  heaven  belongs 
to  thy  soûl;  place  thyself,  Ra,  in  what  thou  hast  created. 
Their  food  is  (made)  of  bread,  and  their  vegetables  of  an- 
imal plants';  their  refreshment  is  of  water.  Offerings  are 
made  to  them  on  earth  as  soûls11  from  the  lake  of  flame. 

))  B.  The  great  god  is  towed  along  by  the  infernal  gods, 
and  they,  those  who  tow  along  Ra,  say  :  Praise  in  heaven 
to  the  soûl  of  Ra,  adoration7  on  earth  to  his  body  !  for  hea- 
ven is  renewed  with  his  soûl,  for  the  earth  is  renewed  with 
his  body.  Oh,  we  open  to  thee  the  retreat,  we  prépare  for 
thee  the  ways  of  Aker-t.     Unité  thyself,  Ra,  to  what  thou 

1.  Osiris. 

2.  The  earth.  Cf.,  pi.  VII,  B.  The  word  is  équivalent  hère  to  Amenti  : 
elsewhere  (pi.  XIX,  H),  it  is  opposed  to  heaven. 

3.  Littéral)'  «  his  tank  ». 

4.  Cf.,  pi.  XVIII,  B. 

5.  Ci',  the  word  \\  liieli  M.  Chabas  has  translated  «  iïesh  vegetables  », 
Mélanges  ègyptologiques,  3rd  séries,  vol.  11.  p.  128. 

6.  Cf.  tomb  of  Rameses  VI. 

7.  Saa-u.  This  word  has  the  determinative  of  land,  through  confu- 
sion wil h  another  \\ ord. 


THE   BOOK   OF   HADES  99 

hast  made  mysterious  :  tlie  mysteries  are  adored  in  thy 
forms.  Oh,  \ve  pull  thee  along,  Ra,  \ve  guide  thee,  great 
one  who dwellest  in  heaven.  Approach  the  submerged  who 
are  in  the  water,  and  advance  over  them. 

»  The  dweller  in  Nun  says  to  the  submerged  who  are  in 
(the  water),  to  the  swimmers  who  are  in  the  water  :  See 
Ra  who  rises  in  lus  boat,  the  greatest  of  mysteries  !  He 
orders  the  things  of  thegods,  he  acts  according  to  the  things 
of  the  elect.  Oh  arise,  Mânes  !  Corne,  Ra  orders  your 
things.  Ra  says  to  them  :  Lift  up  to  your  heads,  bathers, 
movement  to  your  arms,  y  ou  who  float,  swiftness  to  your 
legs,  swimmers,  breath  into  your  nostrils,  divers  !  Be  mas- 
ters  of  your  waters,  repose  yourselves  in  your  tank,  walk 
into  the  Nun,  move  onwards  in  the  water.  Your  soûls  are 
on  land  :  they  eat  their  food  without  being  destroyed. 
Their  food  is  (made)  of  oiïerings  of  the  land.  Oblations 
are  made  to  them  on  earth  as  to  liim  who  is  in  possession 
of  his  otïerings  in  the  wide  earth,  and  as  to  him  whose 
soûl  is  not  in  the  earth.  Their  food  is  (made)  of  bread, 
their  drink  of  the  liquor  t'eser,  their  refreshment  is  water. 

»  C.  What  Horus  does  for  his  fatlier  Osiris.  The  ene- 
mies  who  are  in  this  scène,  Horus  adjudges  to  them  their 
punishment.  Horus  says  to  them  :  Ties  '  to  your  arms, 
enemies  of  my  father,  l)e  deprived  of  power  from  your  arms 
to  your  heads,  powerless  !  You  are  bound  behind,  wicked 
ones2.  Ra3  will  sacrifice  you,  you  shall  be  no  longer  in 
existence,  your  soûls  shall  be  destroyed.  They  shall  live 
no  longer,  on  account  of  what  you  hâve  donc  against  my 
father  Osiris4  :  you  hâve  despisecl  the  mysteries,  you  hâve 
torn  the  image  from  the  sanctuary.  Powerful  is  the  word 
of  my   father  Osiris  against   you,   powerful  is  my   word 

1.  Senehu,  cf.  tomb  of  Ranieses  VI, 

2.  Cf.  tomb  of  Rameses  VI. 

3.  The  word  is  not  on  the  tomb  of  Rameses  VI. 

4.  Ser,  on  the  tomb  of  Rameses  VI. 


100  TUE   BOOK   OF    HADES 

against  you.  You  hâve  rejected  tlie  mysteries  for  the  re- 
pose of  the  great  one  who  has  begotten  me  in  Hades  :  Oh, 
be  no  longer  in  existence,  destroyed  ! 

»  Hokus  says  :  My  Kheti,  great  lire,  of  which  tins  flame 
which  is  in  my  Eve  is  the  émission,  and  of  which  my  child- 
ren  guard  the  folds,  open  thy  mouth,  draw  wide  thy  jaws, 
laiinch  thy  flame  against  the  enemies  of  my  father,  burn 
tlieir  bodies,  consume  their  soûls,  by  this  tire  from  thy 
mouth,  by  this  flame  which  is  in  thy  belly.  My  children 
are  against  them  :  they.  destroy  (their)  soûls1  ;  those  who 
hâve  issued  from  (me)2,  are  against  them  :  they  exist  no 
longer!  The  fire  which  is  in  this  serpent  bursts  forth,  a 
scourge  against  the  enemies,  when  Horus  calls  him. 

»  He  whocan  charm  this  serpent  is  as  one  who  goes  not  to 
his  fire,  (and  as  one  whose  soûl  is  not  in  the  earth.  Their 
food  is  made  of  bread,  their  drink  of  the  liquor  t'eser,  their 
refreshment  is  of  water3.)  Offerings  are  made  to  those  who 
are  upon  this  great  serpent.  » 


Ninth  Division.  —  Plates   13  and  12 

Door 

«  The  great  god  arrives  at  this  pylon  and  entefs  this 
pylon;  this  great  god  is  adored  by  the  gods  who  are 
there.  » 

The  pylon  Aa-t shefsheft-u.  At  the  outrance  Aneh-f-ta, 
and  at  the  inside  Ramen-ta.  In  the  interior  nine  mummies, 
the  Ennead.  <  Ipposite  them  : 

«  Corne  tu  ns,  dweller  on  the  horizon,  great  god,  \\  li<»  ope- 

1.  Ba-u,  on  the  tonib  of  Rameses  VI. 

2.  Tomb  ol  Rameses  VI. 

3.  It  seema  a--  il  there  was  some  confusion  betweea  the  end  of  this 
legend,  and  the  end  of  the  former  legend. 


THE    BOOK   OF   HADES  101 

nest  the  retreat  !  open  tlie  holy1  pylons,  draw  back  the 
mysterious  door.  » 

Door  of  the  serpent  ^4  b-ta  : 

«  He  who  is  on  tins  door  opens  to  Ra  :  Sau  says  to  Ab- 
ta  :  Open  thy  gâte  to  Ra,  draw  back  thy  door  for  Khuti. 
He  will  illuminate  the  darkness  and  the  shades  in  the  con- 
cealed  abode.  This  door  closes  after  the  entrance  of  this 
god,  and  the  soûls  which  are  in  this  pylon  cry  ont  when 
they  hear  this  door  closing.  » 

Scènes  ' 

A.  Four  gods  oft  the  south,  bearing  instead  of  a  head  the 
crown  of  the  south  and  the  urœus,  pull  a  rope  which  ap- 
pears  to  bring  towards  them  a  stafï  surmounted  by  a  head 
bearing  the  crown  of  the  south  :  the  rope  is  held  opposite 
them  by  a  person  named  the  master  of  the  prou: .  This  scène 
lias  a  corresponding  one,  an  analogous  group,  in  which  the 
crowns  of  the  south  are  replaced  by  those  of  the  north, 
and  in  which  the  person  who  is  opposite  the  four  gods  of 
the  north  is  the  master  of  the  stem.  Between  the  two 
groups,  a  hawk-headed  sphinx  bearing  the  crown  of  the 
south,  Horus  who  is  in  the  boat,  lias  on  its  back  a  human 
head,  Ana,  bearing  hère  the  crown  of  the  south,  and  on  the 
tomb  of  Rameses  VI.,  the  complète  crown";  this  head  be- 
longs  to  a  second  sphinx  on  the  tomb  of  Rameses  IIP.  On 
the  hawk-headed  sphinx,  a  god  with  the  head  of  Horus  and 
of  Set,  double-Iieaded' ,  stretches  its  arms  towards  the  two 
heads  of  the  sphinx;  the  head  of  Horus  is  turned  towards 

1.  Ser,  this  word  is  hère  in  secret  writing. 

2.  Cf.  for  the  scènes  and  legends,  Champollion,  Notices,  t.  II,  p.  519- 
522,  tomb  of  Rameses  VI. 

3.  That  is,  composed  of  that  of  the  South   and  that  of  the  Xorth  of 

Egypt. 

4.  Champollion,  Notices,  t.  I,  p.  420. 

5.  Cf.  pi.  X,  B. 


102  THE   BOOK   OF    HADES 

the  hawk's  hcad,  and  thc  gods  of  the  south;  the  head  of 
Set  tpwards  the  human  head  and  the  gods  of  the  north  ! 
Horus  consequently  appears  to  represent  the  god  of  the 
south,  and  Set  the  god  of  the  north  '  :  hère  the  human  head 
which  is  on  the  side  of  Set  lias  nevertheless  the  crown  of 
the  south,  but  this  crown  belongs  àlso  to  Set'2.  A  double 
serpent  having  on  each  side  four  heads  and  four  pairs  of 
legs,  Shemti  :  between  it  and  in  front,  aperson  named  Apu . 
Another  double  serpent,  Bâta,  each  head  of  which  bears 
the  crown  of  the  south  :  over  it  is  a  sort  of  double  reptile, 
Tepi3,  having  on  each  side  four  pairs  of  legs  and  four  hu- 
man heads,  the  first  of  which  raises  two  arms  in  adoration  : 
between  it,  Abt;  opposite,  two  persons  holding  by  the  two 
ends  a  bent  object,  which  on  the  tomb  of  Rameses  VI.  is 
a  net. 

B.  The  boat  and  the  four  infernal  ones.  Six  persons 
holding  the  same  object  in  the  form  of  a  wand,  as  the  two 
persons  of  the  former  scène,  the  masters  of  irords  which 
fascinate ;  four  monkeys,  the  protectors  of  Ra,  also  hol- 
ding a  net;  three  pikemen,  holding  in  one  hand  a  lance, 
and  in  the  other  a  rope,  which  terminâtes  in  the  hand  of  a 
person  stretched  out  on  the  ground,  Aai  or  the  Assi  :  he 
lias  on  lus  head  the  solar  disk,  by  the  sides  of  which  are  the 
two  ears  <>('  an  ass,  and  he  seems  to  raise  himself  by  the 
means  of  the  rope.  Opposite  him  the  serpent  Apap,  over 
which  is  the  serpent  Shes-shes,  which  forms  the  end  of  the 
tail  of  a  crocodile. 

C.  Four    persons    with    a    human    head,    the   soufs    qf 

1.  Cf.  the  Sallier  Calendar,  29th  of  Atliyr. 

2.  Cf.  Tablet  oj  400  years,  in  Records  o)  the  Past[,  lsl  Séries], 
vol.  IV,  p.  33. 

3.  Cf.  Champollion,  Notices,  t.  II,  p,  525,  612,  (322,  tomb  of  Rame- 
ses VI. 

4.  Cf.  Diodorus,  I,  97,  Champollion,  Notices,  t.  I,  p.  428,  429,  755; 
Lepsius,  Denkmâler,  III,  303;  Naville,  /."  Litaniedu  Soleil,  p.  49,  50, 
55,  55,  and  Tudlcnbuch,  ch-  125,  1.  40. 


THE    BOOK    OF    HADES  103 

Amenti,  four  with  the  head  of  the  Ibis,  those  ta  ho  accom- 
pany  Thoth,  four  hawk-headed  personages,  those  who  ac- 
company  Horus,  and  four  ram-headed,  those  who  accom- 
pany  Ra,  holding  a  rope  which  terminâtes  at  the  body  of 
a  double  serpent,  having  two  heads  and  two  pairs  of  legs, 
Khepri.  On  a  coil  which  appears  to  belong  to  this  serpent,  is 
perched  a  hawk  with  thepschent  on  its  head,  Har-tuau-ti, 
with  an  urseus  on  each  side'.  Opposite,  the  rope  issues 
from  beneath  the  serpent  and  is  carried  by  eight  persons, 
the  masters. 

Legends 

«A.  Those  who  are  in  this  scène  rise  for  Ra.  RAsaysto 
them  :  Take  your  heads,  gods  !  Pull  forward  with  your 
rope  of  the  prow  !  Oh,  be  born,  gods  !  Oh,  shine  forth, 
gods  !  Be  born,  gods!  Shine  forth,  gods,  at  my  birth  in 
the  retreat,  at  my  shillings  in  the  place  of  concealed  things! 
This  god  arises  for  Ra;  the  two  headed,  this  double  god, 
enters  when  Ra  rises  above  him.  Ra  says  to  them  :  Let 
your  heads  be  yours,  gods  !  Oh,  take  your  crowns  of  the 
North,  pull  with  the  rope  of  the  stem  of  the  boat,  of  him 
who  is  born  of  me'2.  It  is  Horus  with  the  royal  counte- 
nance. 

»  He  who  is  in  tins  scène  traverses  the  refuge  :  he  retreats 
towards  Ka-Temt,  the  gâte3  of  Amenti.  Those  who  are  in 
it  are  the  Eaten  Heads  :  they  breathe  the  odour  of  Shemti, 
of  whom  Apu  is  the  guardian. 

»  He  who  is  in  this  scène  rises  for  Ser4.  He  has  struck 
down5  the  soûls  of  the  impious  which  are  in  Hades.     He 

1.  Cf.  Boule  of  the  Inferior  Hémisphère,  lOth  liour. 

2.  Horus  is  considered  hère  as  the  son  of  Ra,  assimilated  to  Osiris. 

3.  Ari-t.  In  the  Todtenbuch  the  Ari-t  is  determined  and   figured  as 
the  pylon,  eh.  144. 

4.  Cf.  tomb  of  Rameses  VI  ;  it  refers  to  Osiris  assimilated  to  Ra. 

5.  Asp  :  cf.    aspu,   Todtenbuch,  en.   9,  1.  3  ;  73,  1.   2.   Perhaps  we 
ought  to  read  hère  sap,  «  to  count  ». 


104  THE    BOOK    OF   HADES 

traverses  the  refuge  and  retreats  towards  the  pylon  Teser- 
t-ba-u,  towards  the  gâte  of  Amenti.  Tepi  enters  Bâta. 
Those  who  are  in  it  are  the  Eaten  Heads.  They  breathe 
the  odour  of  Ba-ta,  of  whom  Abt  is  the  guardian. 

»  Thèse  are  the  gods  who  charm  for ,  Har-Khuti  in 
Amenti.  They,  the  masters  of  their  nets,  charm  those  who 
are  in  the  nets  which  are  in  their  hands  :  (they  are  veridi- 
cal  in  Hades'). 

»  B.  This  great  god  is  towed  along  by  the  infernal  gods. 
They,  those  who  tow  along  Ra,  say  :  The  god  cornes  to  his 
body,  the  god  is  towed  along  towards  his  mummy2.  Coin- 
fort  thy  body,  we  tow  thee3  along,  safe  in  thy!  retreat. 
Corne,  Ra,  comfort  thy  body',  defended  by  the  masters  of 
the  net. 

»  Those  who  are  in  this  scène  walk  before  Ra  :  they  charm 
for  him  Apap,  and  retreat  towards  the  gâte  of  the  horizon. 
They  rise  with  him  towards  heaven;  they  are,  for  him, 
in  the  two  sanctuaries,  and  they  makc  him  rise  in  Nu. 
They,  the  charniers,  say  :  Oh  impious,  cruel  one,  Apap 
who  spreadest  thy  wickedness  !  Thy  face  shall  be  des- 
troyed,  Apap  !  Approach  the  place  of  tonnent.  The 
Nem-u  are  against  thee  :  thou  shalt  be  struck  down.  The 
Aai-u*  are  against  thee  :  thou  shalt  be  destroyed.  The 
pikemen  strike  thee  :  thou  art  charmed  by  us  through  the 

1.  Cf.  tomb  of  Rameses  VI. 

2.  The  hieroglyph  is  thaï  oi  a  shade  »  :  the  word  «  shade  »  and 
a  soûl  »  are  often  employed  the  one  for  the  other,  but  the  «  shade  o 
characterisea  also  tlie  mummy  in  the  représentations  in  which  the  dc- 
ceased  receives  its  heart.  its  essence,  and  ils  mummy. The  analogy  in- 
dicates  hère  the  meaning  which  must  be  seiected. 

3.  Cf.  tomb  of  Rameses  VI. 

4.  Lit.  :  «  his  )>. 

5.  This  body  appears  to  be  god  Aai,  represented  mummifled  on  tlie 
tomb  of  Rameses  VI. 

G.  Persons  named  Nem-u  and  Aai-u,  appear  on  the  last  division  but 
one;  cf.  pi.  X,  C,  and  Champollion,  Notices,  t.  II,  p.  539. 


THE   BOOK   OF   HADES  105 

means  of  what  is  in  our  hands.  Oh  !  tliou  art  destroyed, 
crushed,  punished,  (serpent)  Sessi1. 

»  Those  who  are  in  this  scène  with  their  spears,  guard  the 
rope  of  Aai,  and  do  not  allow  this  serpent  to  mount  towards 
the  boat  of  the  great  god.  They  rise  behind  this  god  to 
heaven.     They  say,  those  who  Hght  for  this  god  in  Nu2. 

»  C.  Those  who  are  in  this  scène  hold  in  their  hands  the 
rope  which  is  attachée!  to  the  leg  of  Khepri,  who  retreats 
towards  the  gâte  of  the  horizon.  They  bear  this  rope  near 
this  god  towards  the  horizon  and  tow  him  along  in  Nu. 
They  live  on  things  from  the  South,  they  feed  on  things 
from  the  Nortli,  on  their  issuing  from  the  mouth  of  Ra. 
The  outery  of  this  Khepri  is  borne  into  the  retreat  when 
Ra  enters  heaven.  They  say  to  Ra  :  Come,  corne,  after 
thy  transformations  !  Corne,  Ra,  after  thy  transformations  ! 
Come  forth,  come  forth,  after  thy  transformations,  come 
forth,  Ra,  after  thy  transformations,  towards  heaven, 
towards  the  great  heaven  !  Oh,  we  point  thee  out  for  thy 
abodes,  by  the  virtue  which  is  in  our  words,  (thou  who  art) 
the  greatest  of  forms  in  the  retreat. 

»  He  who  is  in  this  scène,  the  infernal  Horus  raises  his 
head  from  him,  and  the  forms  issue  from  (his)  coils.  Ra 
calls  this  god  which  his  two  urœi  join  together.  Now 
Horus  having  entered  Khepri  hears  when  Ra  calls  him. 

»  They  hold  in  their  hands  the  rope  which  is  attachée!  to 
the  leg  of  Khepri;  they  say  to  Ra  :  The  paths  of  the  retreat 
are  cleared  for  thee,  (the  gâtes)  '  which  are  in  the  earth  arc 
open  for  thee,  for  the  soûl  which  Nu  ''  loves.  We  guide  thee 
in  thy  flight  in  the  land.  Oh  !  enter  the  East.  Come  forth 
from  the  belly  of  thy  mother.  » 

1.  This  serpent  is  doubtless  the  one  who  lollows  Apap  in  the  scène, 
where  he  is  named  Shes-shes. 

2.  The  words  of  thèse  gods  are  wanting. 

3.  Cf.  tomb  of  Rameses  VI. 

4.  «  For  thy  soûl  which  is  joined  again  to  Nu  »,  tomb  of  Rameses  VL 


106  THE    BOOK    OF    HADES 

Tenth  Division.  —  Plates  12,  11  and  10 

Dooi' 

«  Thegreat  god  arrives  at  tins  pylon,  and  enters  this  py- 
lon;  this  great  god  is  adored  by  the  gods  who  are  there.  » 

The  pylon  Seri-L,  or  the  chapel.  At  the  entrance  Nemi, 
holding  a  knife,  and  at  the  inside  Ke/f,  robed  in  white.  In 
the  interior,  sixteen  ursei.  Opposite  them  : 

«  Come  to  us,  dweller  on  the  horizon,  great  god,  who 
opened  the  refuge  !  Open  the  holy  gâtes,  draw  back  the 
mysterious  door.  » 

Door  oi  the  serpent  Stu  : 

a  He  who  is  on  this  door  opens  to  Ra.  Sau  says  to  Stu  : 
Open  thy  gâte,  draw  back  thy  door.  He  will  illuminate  the 
darkness  and  the  shades,  and  (will  place)  light  in  the  con- 
cealed  abocle.  This  door  closes  aller  the  entrance  of  this 
great  god,  and  the  ursei  which  are  in  this  pylon  cry  out 
when  they  hear  this  door  close.  » 

Scènes  ' 

A.  Four  persons,  the  Anti-u,  or  thosewhojîx,  holding 
with  one  hand  a  knife  and  with  the  other  a  kind  of  liook  of 
rope  or  a  club;  four  other  persons  armed  with  the  same,  but 
having  each  four  ursei  for  a  head,  the  Hati-u'1  or  bearers  of 
the  club.  Opposite,  the  serpent  Apap,  of  which  it  is  said  : 
His  cry  is  wq/'tedmto  hell,  He  is  tied  by  the  neck  with  a 
chain  on  which  the  goddess  Serk3,  one  of  the  forms  of  Jsis, 
is  drawn  out.     The  chain  is  hcld   by  four  men,  Stefi-u,  or 


1.  Cf.,  for  the  scènes  ;unl  the  legends,  Champollion,  Notices,  t.  II, 
p.  532  t"  536,  tomb  of  Rameses. 

2.  Cf.  tombof  \i; sses  VI.,  .■nul  Chabas,  Egyptologie,  187(5.  p.  20. 

'■'>.  Cf.  Sarcophagus  ol'  T'a-ho,  Muséum  of  tlie  Louvre, 


THE    BOOK    OF    HADES  107 

those  whojîre,  placed  opposite  the  Anti-u  and  the  Hati-u. 
Twelve  gods,  T'atiu  with  the  strong  arm,  holding  also  the 
chain  and  turning  their  back  to  the  Steji-u.  Aq  enormous 
hand,  the  concealed  body  drawing  towards  it  the  chain, 
which  then  rises  over  five  serpents  (the  first  of  which  is 
Uammeti)  eaeh  attachée!  by  the  means  of  a  small  chain  to 
the  larger  one  by  Sel),  Mesta,  Hapi,  Kebhsenuf  and  Tiiau- 
matef,  armed  with  hooks  and  clubs;  thèse  five  gods  issue 
by  half  from  the  great  chain,  and  face  the  preceding  gods. 
The  chain  ends  at  the  feet  of  Osiris,  Inhabitant  of  Amenti. 

B.  The  boat  of  Ra  and  the  infernal  ones,  aperson,  Unti, 
who  with  one  hand  raises  a  star  and  with  the  other  hand 
raises  another  star.  Four  gods  squatted,  bearing  on  their 
head  an  urseus  with  a  long  tail.  Horus  (hawk-headed), 
Serek,  Abesh,  and  Sekhet  (lion-headed).  Three  persons, 
the  stars,  each  raising  a  star  with  one  hand,  and  with  the 
other  hand  drawing  by  a  rope  towards  the  solar  bari  a  small 
boat  in  which  is,  half-surrounded  by  an  urseus,  a  human 
head,  the  head  of  the  disk,  a  winged  serpent  which  rises 
up,  Se  mi  ;  a  person,  Besi,  pouring  flame  on  the  head  of  a 
bull  placed  at  the  end  of  a  stick  struck  with  a  sword.  An 
uneus  standing  up,  Ankhi,  with  its  head  flanked  by  two 
human  heads.  Four  women,  the  Invocators,  in  a  posture 
of  adoration.  Two  bows  supporting  each  three  ursei,  the 
diadem  qfthe  urœi.  In  the  middle,  with  one  foot  placed 
on  each  bow,  the  Double-headed,  with  the  head  of  Set  and 
of  Horus,  with  four  arms  in  adoration. 

C.  Twelve  bearers  of  oars,  the  gods  Akhem-u  Sek-u\ 
Twelve  women  holding  a  rope,  the  hours  which  tow  along. 
Four  gods  with  a  sceptre  :  Banti,  or  the  monkey,  with  an 
animal's  head,  Seshesha,  who  lias  a  star  over  his  head,  the 
Bull  of  Amenti,  with  the  head  of  a  bull,  and  He  who  names 

1.  «  The  unknown  who  row  »,  thesé  are  the  cireumpolar  stars;  the 
other  stars,  having  a  rising  and  setting,  are  tlie  Akhem-u  Urt-u,  or 
«  the  unknown  who  repose  themselves  ». 


108  THE    BOOK   OF    HADES 

the  star*  with  a  star  over  his  liead.  Opposite,  on  a  brackét, 
and  over  his  head  a  star,  a  monkey  namecl  the  god  of  Ruten 
(Syria).  On  another  bracket  a  large  sacred  eye.  A  god 
with  a  sceptre,  the  master  of  his  lioase,  advancing  towards 
the  sacred  eye. 

Legends 

«  A.  Those  who  are  in  this  scène  rise  for  Ra,  whoarises1 
and  approaches  them.  (They  say  to  Ra2)  :  Arise,  Ra  ; 
Rule,  Khuti.  They  beat  down  Apap  in  his  bonds'.  Do 
not  ascend,  Ra.  towards  thy  enemy;  thy  enemy  does  not  as- 
cend,  Ra.  May  thy  holy  things  which  hâve  a  place  in 
Mehen  be  brought  forth.  Apap  is  stricken  with  his  sword  : 
lie  is  sacrified  !  Ra  rises  at  the  finishing  hour  :  the  great 
god  ascends  when  his  chain  is  tixed. 

»  The  serpent  which  is  in  this  scène,  Serek  flings  away 
his  chain.  The  boat  of  this  great  god  advances  towards  the 
narrow  pass  of  Apap.  The  great  god  cornes  when  his  chain 
is  lixed. 

»  Those  who  are  in  this  scène  drag  the  chains  of  this  evil- 
doer.  They  say  to  Ra  :  Come  Ra;  advance,  Khuti!  The 
chain  is  placed  on  Neha-her,  and  Apap  is  in  his  bonds. 

»  Those  who  are  in  this  scène  as  guardians  of  the  Fomen- 
ters  of  trouble,  watch  over  the  murderous  chain  which  is  in 
the  hand  of  the  Concealed  Body,  in  the  compass  of  which 
aie  placed  the  dead  at  the  pylons  of  the  Inhabitant  of 
Amenli.  The  god  says  :  Darkness  to  thy  countenance, 
Uammeti!  Destruction  to  von,  Fomenters  of  trouble,  (by) 
the  concealed  hand,  which  causes  (you)  evil  by  themeansof 
the  deadly  chain  which  is  in  it  !  Seb  guards  your  bonds, 
and  the  threads  of  the  chain  place  the  murderous  chain  on 

1.  Autl-n,  M.  Naville. 

2.  Tomb  ot  Rameses  VI, 

:{.  The  words  «  for  R-i  »  .*"  re  wron.irly  l'cpoatcil  hero  ;  cl.  fomb  i»f 
Rameses  \'l. 


THE   BOOK   OF   HADES  109 

you.     Watch    uncler  the  inspection  of  thc   Inhabitant  of 
Amenti. 

»  Those  who  are  in  this  scène  load  the  chains  of  the  Fo- 
menters  of  trouble,  and  the  boat  of  the  good  gocl  advances. 

))  B.  The  great  god  is  towed  along  by  the  gods  of  Hell, 
and  they  say,  those  who  tow  along  Ra  :  Let  us  tow  along 
towards  heaven.  Let  us  tow  along  towards  heaven,  Ser- 
vants1 of  Ra  and  of  Nu.  Take  possession,  Ra,  of  thy 
countenance,  thy  truth.  Unité  thyself,  Ra,  to  thy  counte- 
nance,  thy  truth  \  Let  the  countenance  of  Ra  open,  and  let 
the  eyes  of  Klwti  enter  !  Let  him  drive  away  the  darkness 
of  Amenti,  let  him  shed  light  where  lie  had  sent  shade. 

»  He  rises  for  Ra,  placing3  himself  over  Unti  :  this  god 
guides  him4,  and  the  hour  fulfils  its  duties. 

»  Those  who  are  in  this  scène,  the  inhabitants  of  the  earth  ' 
guard  them.  They  rise  for  Ra.  They  are  seatcd  (on)1  a 
large  image  which  is  under  them,  and  they  raise  themselves 
behind  Ra  with  the  mysterious  image  which  is  under 
them. 

»  Those  who  are  in  this  scène  invoke  with  their  stars. 
They  drag  the  rope,  before  this  boat,  and  they  enter  Nu. 

»  This  countenance  of  Ra  glides  along  and  advances  in 
the  land  :  those  who  are  in  hell  invoke  him. 

»  It  rises  for  Ra;  it  guides  the  god  through  hell  towards 
the  eastern  horizon. 

»  He  rises  for  Ra  :  he  throws  flame  on  the  head,  and  the 


1.  Tomb  of  Rameses  VI. 

2.  Tomb  of  Rameses  VI  :  «  Take  possession,  Ra,  of  thy  countenance. 
Arise  higher  !  Unité  thyself,  Ra,  to  thy  mysterious  head  !  »  The  mean- 
ing  of  this  symbolism  is  that  the  sun,  having  become  by  night  ram- 
headed  (pi.  5,  C),  i.  e,  «  soûl  »,  as  if  he  was  dead,  résumes  in  the  morn- 
ing  a  luminous  countenance. 

3.  Xa/tap,  tomb  of  Rameses  VI. 
'    4.  Su,  idem. 

5.  The  serpents. 


110  THE   BOOK   OF    HADES 

weapon  ("?)'  which  is  in  the  hand  of  t lie  warrior  servant  of 
this  god  appears. 

))  It  rises  for  Ra  :  the  lengtli  of  time  marked  out  in  years 
is  established  by  this  urseus,  who  makes  it  ascend  with  him 
towards  heaven. 

»  Tliey  say  those  who  eall  Ra  :  Corne,  Ra  !  Oh!  corne, 
son  of  liell  !     Corne,  child2  of  heaven.     Oh  !  arise,  Ra. 

»  It  is  the  diadem  of  the  ursei;  lie  traverses"  hell. 

»  The  bows''  bear  the  Donble-headed  in  his  mystery. 
They  direct  Ra  to  the  eastern  horizon  of  the  heavens,  and 
they  advance  on  high  with  him. 

»  C.  Those  who  are  in  this  seene  rise  for  Ra  and  take 
their  oars  in  this  cavern  of  Unti.  Their  appearance,  to  them, 
is  for  the  births  of  Ra  in  Nu;  their  appearances  are  for 
the  births  of  Ra  :  they  issue  from  Nun  with  him.  They 
navigate  for  this  great  god  when  lie  places  himself  on  the 
eastern  horizon  of  the  heavens.  Ra  says  to  them  :  Take 
your  oars,  unité  yourselves  to  your  stars''  !  Your  manifes- 
tations are  (my)  manifestations,  your  births  are  my  births. 
Oh,  my  pilots,  you  shall  not  perish,  gods  Akhemu  Seku. 

»  Those  who  arc  in  this  scène  take  the  rope  to  tow  along 
Ra  in  Nu  :  they  tow  along  Ra  and  prépare  the  pathwavs 
in  Nu.  Thèse  are  the  goddesses  who  guide  this  great  god 
in  Nu;  Ra  says  to  them  :  take  the  rope,  take  your  places, 
pull  towards  you,  my  followers  to  heaven,  guide  (me)'  in 
the  pathways.     My  births  are"  your  births,  my  manifesta- 

1.  Or  «  the  gift  »,  /",  according  to  the  tomb  of  Rameses  VI.  The  gift, 
perhaps  called  Unis  through  irony,  is  the  blow  of  a  kuife.  Is  tliere  any 
allusion  hère  to  the  sacrifice  of  the  bull? 

~'.  Atu, cf.  Naville,  /.''/"//y  o/Sun,  p.  85. 

3.  Mehp.n  is  masculine,  cf.  Book  oj  ihr  Lou  er Hemisphere,llth.  hour. 

1.  The  two  bows  of  hell  are  mentioned  on  the  tomb  of  Rameses  III.; 
cf.  Champollion,  Notices,  vol.  I,  p.  716. 

5.  Cf.  tomb  of  Rameses  VI. 

6.  S,  and  on  tin1  tomb  of  Rameses  VI,  su;  in  the  corresponding  part 


THE    BOOK    OF    HADES  111 

tions  are  your  manifestations.  Oh  !  establish  tbe  length  of 
the  years  (for)'  him  who  is  with  us. 

»  The  gocl  in  tins  scène  calls  out  that  the  gâtes  of  Ra  be 
opened  :  he  rises  with  him. 

»  The  god  in  tins  scène  calls  on  the  stars  for  the  births  of 
tins  great  god  :  he  lises  with  him. 

»  The  god  in  this  scène  calls  on  the  gods  of  the  boat  of 
Ra,  and  rises  with  him''. 

»  The  god  in  tins  scène  places  the  stars  in  their  dwelling, 
and  rises  with  him,  this  great  god. 

»  It  is  the  Ut  a'  of  Ra  :  this  god  imites  it  to  him,  and  it 
rejoices  in  its  place  in  the  boat. 

»  He  opens  the  gâte  of  this  cavern  :  lie  remains  in  his 
place,  and  does  not  lise  with  Ra1.  » 


Eleve.ntii  Division.  —  Plates  10  and  9 

Door* 

«  The  god  arrives  at  this  pylon  ;  this  great  god  enters  this 
pylon;  this  god  is  adored  by  the  gods  who  are  there.  » 

The  pylon  Sheta-bes-u  or  the  most  mysterious  q)  pas- 
sages. At  the  entrance,  Mates,  or  the  eœecutioner ;  and 
inside,  Shetau, —  each  holding  an  enormuus  knife.  In  the 
interior,  two  sceptres  over  which  are  two  crowns  of  the 
South.  By  the  side  of  one,  Ser;  by  the  side  of  the  other, 
Horus,  and  between  the  two  sceptres  : 

«  They  sa  y  '  to  Ra  :  (Corne)  in  peace  (twice),  in  peace 

of  the  sentence  there  is  sut,  which  varies  in  other  texts  with  !  ut-as,  an 
expression  very  fréquent  in  the  solar  Litany. 

1.  Cf.  tomb  of  Ramses  VI. 

2.  Kher-f,  tomb  of  Rameses  VI. 

3.  The  sacred  eye. 

4.  Cf.  Champollion,  Notices,  vol.  II.  p.  530,  tomb  of  Rameses  VI. 

5.  Tomb  of  Rameses  VI. 


112  THE   BOOK    OF    HADES 

(twice).     Many-shaped  !  t  h  y  soûl  is  in  heaven  and  thy  body 
on  the  earth;  thou  hast  willed  it,  o  great  one  !  thyself1.  » 

Gâte  of  the  serpent  Am-net-u-f. 

«  Ile  who  is  on  this  gâte  opens  to  Ra.  Sau  says  to  Am- 
net-u-f  :  Open  thy  gâte  to  Ra,  draw  back  thy  door  for 
Khuti  :  ho  will  illuminate  the  darkness  and  the  shacles, 
and  will  place  light  in  the  concealed  abode.  The  door 
closes  al'ter  the  entrance  of  this  great  god,  and  the  gods 
who  are  in  this  pylon  cry  ont  (when)  they  hear  this  door 
closing.  » 

Scènes s 

A .  Four  persons  each  holding  a  disk,  the  bearers  qf  light. 
Four  bearers  of  stars.  Four  persons  with  a  sceptre  in  their 
hands,  those  who  go  ont.  Four  ram-headed  persons  with 
a  sceptre,  Ba,  ATtun,  Pente/',  Tent.  Four  hawk-headed 
persons  with  a  sceptre,  Horus,  Shenebt,  Sapt,  and  he  who 
is  in  his  double  boat.  Eight  women  seated  on  unei,  and 
each  holding  a  star  with  one  hand,  the  protecting  hou rs. 
A  crocodile-headed  pcrson  with  a  sceptre  (Sebek-ra)3, 
holding  behing  him  a  serpent  in  an  erect  position. 

B.  The  boat  and  the  infernal  ones.  Nine  persons,  four 
of  which  arc  wolf-headed,  each  holding  a  large  staff  with  a 
liook,  and  a  knife,  the  nine  who  slay  Apap.  Apap  tied  by 
chains  attached  to  five  objects  like  the  hieroglyph  Senb, 
the  cord  of  Horus.  Foui'  monkeys,  each  holding  an  enor- 
mous  hand.  Two  women  wearing  on  their  heads  the  dia- 
dems  of  Qpper  and  Lower  Egypt,  Amenti.  A  person  with 
a  sceptre  in  his  hand,  Sebekh-ti. 

C.  Four  men  with  the  crown  of  the  South,  the  Royal 


1.  Tomb  of  Rameses  VI.  The  text  of  the  saccopliagus  would  Iead  us 
t<>  understand  «  the  land  united  for  thee  ». 

2.  For  the  seenes  and  legenda,  cf.  Champollion,  Notices,  vol.  II, 
p.  536  to  539,  tomb  of  Rameses  VI. 

'à.  Tomb  "i  Rameses  VI. 


THE   BOOK   OF    HADES  113 

Heads.  Four  men  bare-headed,  the  Afflicted.  Four  men 
with  the  crown  of  the  North,  the  Nem-u.  Four  men  bare- 
headed,  the  Remua.  Four  women  with  the  crown  of  the 
North  (the  Nemtu)\  Four  women  without  a  crown  (the 
Afflicted)'.  Four  men  liait'  bent,  the  Aaui-u\  A  cat- 
headedgod,  Mati3,  holding  behind  him  a  serpent  in  an  erect 
position. 

Legends 

«  A.  Those  who  are  in  this  scène  bear  the  disk  of  Ra. 
They  guide  (in)2  lioll  and  in  heaven  by  this''  shape  which  is 
in  theirhands.  Thèse  are  they  who  (?) 5  speak  to  the  pylon 
of  Aker-t'2  that  Ra  may  place  himself  in  the  bosom  of 
Nu. 

»  Those  who  are  in  this  scène  carry  stars.  When  the 
arms  of  Nun  receive  Ra,  they  shout  with  their  stars,  they 
raise  themselves  with  him  towards  heaven,  and  they  place 
themselves  in  the  bosom  of  Nu. 

»  Those  who  are  in  this  scène,  their  sceptres  in  their 
hands,  settle  the  possessions  of  this  god  in  heaven,  and  in 
return  Ra  points  out  their  abodes. 

»  Those  who  are  in  this  scène,  their  sceptres  in  their 
hands,  furnish  (?)  the  food  of  the  gods  who  are  in  heaven, 
and  pass  over  (?) 6  the  water,  Ra  not  having  (as  yet)  arrived 
at  Nun. 

»  Those  who  are  in  this  scène,  their  sceptres  in  their 
hands,  place  the  naos,  put  their  hands  to  the  side  of  the 
double  boat  of  the  god,  when  lie  issues  from.te  gâte  of  Sam7, 

1.  Tomb  of  Ranieses  VI.  Three  of  them  bave  complète  crown  there. 

2.  Tombof  Rameses  VI. 

3.  Mautij  on  the  tombof  Rameses  VI. 

4.  Peu  on  the  tomb  of  Rameses  VI. 

5.  A/i  ;  there  is  ba,  or  «  the  soûl  »  on  the  tomb  of  Rameses  VI. 

6.  Xu(i.  This  word  seerna  an  altération  of  skat. 

7.  Cf.  tomb  of  Rameses  VI.  It  is  the  country  of  the  reunion,  Hades. 

BlBL.    ÉGYPT.,    T.   XXXIV.  3 


114  THE   BOOK    OF   HADF.S 

and  place  the  oars  in  Nu  (when  the  présent)  hour  is  boni 
in  it,  and  (when  the  preceding)  hour  reposes  in  it. 

»  Those  who  are  in  tins  scène,  their  uraei  under  them  and 
their  hands  holding  stars,  issue  from  the  double  sanctuary  of 
this  great  god,  four  to  the  east  and  four  to  the  west.  They 
call  the  soûls  of  the  east,  they  invoke  this  god,  and  adore 
him  on  his  going  out  (when)  Setti  issues  in  his  shapes1  ;  they 
direct  the  navigation  of  the  pilots  of  the  boat  of  this  great 
god. 

»  B.  The  gods  of  hell  say  :  Issuing  from  Amenti,  in- 
stallation in  the  double  extent  of  Nun,  and  accomplishment 
of  the  transformations  in  the  arms  of  Nun  !  The  god  does 
not  enter  heaven,  lie  opens  hell  to  heaven,  in  his  shapes 
whicli  are  in  Nun.  What  opens  hell  for  Nu  are  the  arms 
of  Amen-ran-j"1  ;  lie  is  in  the  black  night,  whence  light 
issues  from  the  shade. 

»  Those  who  are  in  this  scène,  their  staves  in  their  hands, 
take  their  weapons  and  strike  Apap  :  they  accomplish  his 
sacrifice,  and  inflict  blows  on  (his)  coils,  which  are  in  hea- 
ven. The  chains3  of  this  wicked  one  are  in  the  hands  of 
the  children  of  Horus  :  they  raise  themselves  towards  this 
god,  their  ropes  in  their  fmgers.  The  god  counts*  his 
members,  when  lie  whose  arms  are  concealed  opens  to  make 
a  way  for  Ra*. 

»  The  serpent  who  is  in  this  scène,  the  sons  of  Horus 
strike  him.  They  are  placed  in  Nu  in  this  scène.  They 
weigh  down  his  chains,  and  if  his  coils  are  in  heaven,  his 
venom  falls  into  Amenti. 

»  Those  who  are  in  this  scène  direct  Ra  to  the  easterri 
horizon  of  heaven.  They  direct  this  god,  their  Creator; 
with  their  hands,  two  to  the  east  and  two  to  the  west,  in 

1.  Tho  going  «ml  retors  to  the  scène  of  the  Twelfth  Division. 

2.  The  «  m.vsterious  being  »,  Osiris. 

3.  Kha-u  ;  cf.  totub  of  ltameses  VI.,  where  this  word  lias  the  deter- 
nainative  oi  iope. 


THE   BOOK   OF    HADES  115 

the  two  sanctuaries  of  this  god.  They  issue  behind  him, 
and  give  praise  to  his  soûl  when  it  sees  them. 

»  Those  who  are  in  this  scène  turn  away  Set'  from  this 
pylon  (of  Tuau-ti)  :  they  open  the  cavern  and  fortify  the 
mysterious  (?)  pylon.     Their  soûls  arise  behind  Ra*. 

»  C.  Those  who  are  in  this  scène  place  the  white  crown 
of  the  gods  who  follow  Ra.  They  remain  in  hell  :  their 
soûls  arise  and  remain  in  the  pylon. 

»  Those  who  are  in  this  scène  in  this  pylon  lament  over 
Osiris3,  when  Ra  issues  from  Amenti  :  (their)"  soûls  rise 
after  him.     They  are  behind  Osiris2. 

»  Those  who  are  in  this  scène  join  Ra,  producing  his 
births  on  earth.  Their  soûls  rise  behind  him,  and  their 
bodies  remain  in  their  places. 

))  Those  who  are  in  this  scène  name  Ra,  and  magnify  the 
names  of  ail  his  shapes.  Their  soûls  rise  behind  him,  and 
their  bodies  remain  in  their  places2. 

»  Those  who  are  in  this  scène  raise  Truth  and  place  it  in 
the  naos  of  Ra,  when  Ra  places  himself  in  Nu.  Their 
soûls  ascend  behind  him,  and  their  bodies  remain  in  their 
places. 

»  Those  who  are  in  this  scène  lix  the  length  of  time,  and 
cause  the  existence  of  years  for  the  guardians  of  the  damned 
in  hell  and  for  the  living  in  heaven.  They  follow  this 
god. 

»  Those  who  are  in  the  scène  in  (this)  pylon  -  in  their  wail- 
ing  lament  over  themselves  in  présence  of  the  great  god  in 
Amenti.  They  drive  away  Set  from  this  pylon,  and  do  not 
enter2  heaven. 

»  Those  who  are  in  this  scène  adore  Ra,  and  invoke  him. 


1.  Set,  as  in  the  lines  following  this,  has  no  determinative.  The  Booh 
ofthe  Louer  Hémisphère  places  Set-Nehes  to  the  east  (lOtli.  liour). 

2.  Tomb  of  Rame<es  VI. 

3.  Ser  on  the  tomb  of  Ratneses  VI. 


116  THE    BOOK    OF    HADES 

They  give  praise  to  the  gods  who  are  in  hell,  guardians  of 
the  gâte  of  the  refuge  (they  remain  in  their  places)1. 
»  The  porter  of  the  cavern  remains  in  his  place1.  » 


Twelfth  Division.  —  Plates  9  and  15 

Gâte' 

«  This  great  god  arrives  at  this  pylon  :  tins  great  god  is 
adored  by  the  gods  who  are  in  it.  » 

The  pylon  Teser-t  ba-u,  or  the  most  holy  of  soûls.  At 
the  entrance  Pi  or  perhaps  Ba,  and  in  the  inside  Akhekki. 
In  the  interior,  two  heads  at  the  end  of  two  long  pôles  ;  over 
one  is  the  scarabaîus,  hieroglyph  of  the  god  Khepra,  over 
the  other  the  solar  disk,  and  the  word  Tant.  Between  the 
two  pôles  : 

«  They  hold  themselves  on  their  heads,  they  are  on  their 
pôles  in  this  pylon.     The  heads  rise  in  this  pylon.  » 

Door  of  the  serpent  Sehi  : 

«  He  who  is  on  this  door  opens  to  Ra.  Sau  says  to 
Sebi  :  Open  thy  gâte  to  Ra,  draw  back  thy  door  for  Khuti  : 
he  will  leave  the  refuge  and  will  place  himself  in  the  bosom 
of  A7u.  The  door  closes,  and  the  soûls  which  are  in  Amenti 
cry  out  when  they  hear  this  door  elosing.  » 

Doorof  the  serpent  lleri ,  almost  touchingthe  former  one. 

«  Ile  who  is  on  this  door  opens  to  Ra.  Sau  says  to 
Reri  :  Open  thy  gâte  to  Ra,  draw  back  thy  door  to  Khuti  ; 
he  will  leave  the  refuge  and  will  place  himself  in  the  bo- 
som of  Nu.  This  door  closes,  and  the  soûls  in  Amenti  cry 
ont  when  they  hear  this  door  elosing.  » 

By  the  side  of  this  door  two  uriei,  Isis  and  Neplithys, 
the  lirst  above  and  the  second  below. 

1.  Tomb  of  Rameses  VI. 

'Z.  Cf.  Champollion,  Satires,  t.  II,  p.  510,  tomb  of  Rameaes  VI. 


THE   BOOK   OF   HADES  117 

«  They  guard  this  mysterious  door  of  Amenti,  and  raise 
themselves  behind  this  god.  » 

Scènes  and  Legends* 

Above,  Osikis  forms  a  circle  with  his  body  :  it  is  Osîris 
who  surrounds  hell.  He  raises  his  arms  towards  the  god- 
dess  Nu,  standing  on  his  head  :  it  is  Nu  who  receives  this 
god  places  himself  in  t/ie  boat\  Around  the  scarabseus 
are  the  rjods  who  are  in  it  (the  boat).  Thèse  are  beginning 
at  the  side  of  the  door  and  at  the  stern,  San,  Hu,  Hak, 
Shu,  and  Seb  :  then  Isis  and  Nephthys  stretching  out  their 
hands  under  the  scarabaeus,  then  Seba-u  (gâtes  or  door)  going 
forward.  The  boat  is  supported  by  Nun,  whose  bust  and 
arms  only  are  to  be  seen  :  thèse  arms  issue  from  the  water 
and  bear  up  this  god.  The  entire  scène  is  surrounded  by 
the  waves  of  Nun,  which  shows  that  the  Egyptians  looked 
upon  the  earth  (or  Osiris),  as  a  spherical  body  floating 
through  the  waves  towards  a  spot  where  a  disk  is  repre- 
sented  on  a  band.  This  band,  studded  with  dots,  indicates 
the  earth',  from  which  the  sun  is  about  to  issue,  and 
it  completely  frames  in  the  divisions  of  the  Book  of  Hades, 
which  is  contained  in  the  inside  of  the  sarcophagus.  The 
divisions  of  the  outside  of  the  sarcophagus  were  framed  in 
the  same  way,  and  the  dotted  band  appears  also  under  the 
divisions  of  the  cover. 

1.  Cf.  Champollion,  Notices,  t.  II,  p.  541,  tomb  of  Rameses  VI. 

2.  Aat. 

3.  Cf.  Préface,  p.  64  [du  présent  volume]. 


118  THE  BOOK  OF  HADES 


END  OF  THE  BOOK  OF  HADES 

OUTER    SIDE    OF   THE    COVER 
Horizontal  Inscriptions 

Under  the  dotted  band  which  sùrrounds  the  6th:  and 
7th.  divisions  of  the  Book  of  Hades,  on  the  outside  of  the 
cover,  tliere  are  fragments  of  a  horizontal  inscription  divi- 
ded  into  two  halves  :  the  first  is  on  the  right  side  (pi.  18), 
the  second  beginsat  the  edge  and  is  continuée!  on  the  left 
side  (pi.  18  and  19).  We  inust  remark  that  the  second 
fragment  of  pi.  19  ought  to  be  the  third. 

Plate  18 

«  D.  Nu  the  great  says  :  I  hâve  made  him  great,  I  hâve 
made  him  a  soûl,  I  hâve  made  him  powerful,  I  hâve  made 
him  master  in  the  bosom  of  his  mother  Tefnu,  I  who  never 
bring  forth,  I  corne,  I  unité  myself  to  Osims,  King.  » 

Plates  18  and  19 

«  D.     Tiiotii  says  :  M  y  son,  Master  of  the  Two  Lancls, 

RA(menma) Osiris,  King,  Master  of  the  Two  Lands, 

KA(menma),  the  son  of  Ra,  master  in  cloing  things,  who 
is  Seti-rnerenptah,  truthful,  his  soûl  lives  for  ever 

d  The  son  of  Ra,  Master   of  the  Diadems,  who  is 

Seti-Merenptah in  this  naine  of  mine   from  Nu.     I  do 

not  départ  from  (him).  » 


[NNER  side  of  THE  (OVER 
Right  side.  —  Plate  18 
F.     Thoth  between  two  fragments  of  wings,  remains  of 


THE   BOOK   OF    HADES  119 

the  gênerai  décoration  of  the  inside  cover,  pulls  with  both 
his  hands  a  rope  attached  to  heaven,  as  in  certain  portions 
of  chapter  161  of  the  Todtenbuch. 

«  of  the  gods  by  him.     He  is  like with  the  great 

breath,  the  great  one  of  heaven,  the  great  Sahu,  who  is  in 
the  middle  of  the  spirits  of  Heliopolis1 . 

»  H in  Memphis.     He  lias  made  the  things  of  the 

altar  (?)  of  the  lord  of  Sekhem to  breathe.     He  has  led 

the  men  to  Nemti to  raise  on  the  partition2.  » 

Below,  a  horizontal  line  gives  the  beginning  of  the  72nd. 
chapter  of  the  Todtenbuch. 

«  F.  (Health)  to  you,  lords  of  justice,  who  are  free  from 
iniquity,  you  who  live  for  ever,  for  the  double  periods  of 
eternity  !  Let  pass  the  Osmis  (King),  RA(menma),  truth- 
ful,  towards  earth;  powerful  in  qualities,  Master » 

Left  Side.  —  Plate  19 

L.  Thoth  and  the  hieroglyph  of  niglit  as  on  the  right 
side. 

«   in  the  tank  of  flame;  he  extinguishes  the  fire3.  » 

Below,  a  horizontal  line,  which  is  continued  on  the  frag- 
ments N  and  M,  contains  the  continuation  of  the  text,  which 
begins  at  the  corresponding  line  of  the  right  side. 

«   (do  not  close)  the  door  against  me,  because 

(my)  drinks  are  in  Tep.  My  arms  are  joined  in  the  divine 
abode  which  (my  father)  has  gïven  me. 

»   (there  is  corn  and)  barley  in  them,  no  one  knows 

how  much.     There  is  prepared  for  me,  (there  a  festival) 

»   by  the  son  of  my  body.     Give  me  funeral  oft'erings 

of  incense,  of  oil » 

In  N,  M,  0  and  P,  fragments  of  a  text  which  accompanies 

1.  Chap.  xxin  of  tbe  Todtenbuch. 

2.  Text  foreign  to  the  Todtenbuch. 

3.  Cf.  Todtenbuch,  ch.  22,  1.  3. 


120  THE   BOOK    OF    HADES 

the  Litanij  of the  Sun,  in  the  royal  tombs',  and  which  also 
occurs  in  some  Books  of  the  Dead  of  the  good  period2. 

«  N The  master  of  the  two  Lands,  who  is  Ramenma, 

truthful,  in   hell,  lie lie  cornes  ont  of  it.     The  arms  of 

Tatnen  receive  (him) Stretch  ont  your  arms  to  me! 

I  know  the  gâtes,  lead  (me) invoke,  be  ye  glad  for  my 

sake he  lias  (placed)  food  for  you,  be  ye  masters 

I  ara  his  son  on  earth.     I  hâve  macle  the  way 

))  M (let)    him   pass The  headdress  of  Amen- 

ran-f.....  (gods)  who  cross  through  hell,  order  that de- 

liver  the  Osmis,  King,  Master  of  the  Two  Lands'. 

»  0 with  perishable  shapes  :  open raise  yourselves 

on  your  funeral  couches  ;  order  it  so  that  he  reposes  himself 

in (draw  back)  for  him  your  doors;  open  for  him  (your) 

locks (it  is  the  guide)  of  the  soûls,  it  is''  the  conductor 

of  the  gods  in  their  abodes the  companion  of  the  hus- 

bandmen I  hâve  made  my  ofïerings 

»  P friends  of  Ra  who  follow  his  soûl truthful, 

by  your  towing  (it  is  the  image)  of  Ra  !     Towers the 

Osiris,  son  of  Ra,  Master  of  the  Diadems,  Seti-(ineren-) 

ptah in  Amen ti.     He  says  '  :  Hail  to  thee thy  splen- 

dour,  in  making  transformations » 

1.  Cf.  Naville,  Litany  oflhe  Sun,  p.  98,  and  pi.  15,  21,  31  and  40. 

2.  Cf.  Pierret,  Études  ègyptologiques,  fasc.  I.,  p..  8'.)  to  92  and  papy- 
rus without  a  name  from  the  Louvre  n°  3073. 

3.  This  arrangement  of  the  text  does  not  correspond  with  that  of  the 
royal  tombs,  but  it  is  round  in  the  papyrus  without  a  name  in  the 
Louvre. 

4.  Tut,  as  in  the  papyrus  without  a  name  in  the  Louvre;  the  royal 
tomb  hâve  Sut,  which  is  a  variantof  su  as  may  be  scen  in  pi.  IL  c. 

~).  Beginning  of  a  new  text. 


THE   BOOK   OF   HADES  121 


LOWER  PORTION  OF  THE  UPPER  PART 
OF  THE  COVER 

Plate  18 

«  E.  Runners  of   the    divine    hall Seti-meren( ptah) 

truthful,  in  every  place  where  lie  is to  lead  this  soûl  to 

me (Ra)menma,  truthful.     Thou  wilt  find   the  eye  of 

Horus  taking  part  against  thee the  watchers  :  does  lie 

rest,  those  who  rest  in of  eities  in   him.     If  lie  were 

carried  away '  » 


BOTTOM  OF  THE  SARCOPHAGUS 
Plates  16  and  17 

The  goddess  Nun,  lier  arms  hanging  down,  and  lier  body 
wrapped  round  with  folcled  wings,  is  surrounded  with  texts. 
She  lias  over  her  head  the  hieroglyphs  of  lier  naine,  the  last 
of  which,  that  of  heaven,  is  studded  with  stars. 

«  Words  of  Osiris,  King,  Master  of  the  Two  Lands, 
who  is  Ramenma,  truthful,  of  the  son  of  Ra  who  is  Seti- 
merenptah,  truthful.  He  says  :  Nu,  support  me!  I  am 
thy  son.     Separate2  my  weakness  from  what  makes  it  so. 

»  Nu,  inhabiting  of  the  Hennu,  says  :  (0)  this  son,  the 
Osiris,  King,  Master  of  the  Two  Lands,  who  is  Ramenma, 
truthful,  the  son  of  Ra,  of  this  loins,  who  loves  him,  Master 
of  the  Diadems,  the  Osiris  who  is  Seti-merenptah  ! 

»  Seb  says  :  This  chosen  one,  who  is  Ramenma,  and 
who  loves  me,  I  hâve  given  him  purity  on  earth,  and  power 
in  heaven,  to  the  Osiris,  King,  Master  of  the  Two  Lands, 

1.  Chap.  lxxxix  of  the  Todtenbuch ;  cf.  pi.  17,  where  the  same  text 
occurs  with  some  différences  in  the  beginning. 

2.  Lit.  :  «  destroy  »  ;  i.  e.,  destroy  my  weakness  (by  separating  it) 
from  what  makes  it  so. 


122  THE  BOOK  OF  HADES 

who  is  Ra-men-ma,  truthful,  to  the  son  of  Ra,  who  loves 
Nu,  and  who  is  Seti-nierenptak,  truthful,  in  the  présence 
of  the  lords  of  hell. 

»  Speech.  (O)  Osiris,  King,  Master  of  the  Two  Lands, 
who  art  Ramenma,  son  of  Ra,  of  his  loins,  who  art  Seti- 
merenptah,  truthful  !  Thy  mother  Nu  stretches  for  thee 
lier  arms  over  thee,  Osiris,  King,  Master  of  the  Two  Lands, 
who  art  Ramenma  truthful,  son  of  Ra,  who  loves  him, 
Master  of  the  Diadems,  Seti-merenptah,  truthful.  Thy 
mother  Nu  lias  given  thee  the  health  which  is  in  lier  for  thy 
safety.  Thou  art  in  her  arms.  Thou  shalt  never  die.  Re- 
in» >ved  and  discarded  are  the  evils  which  remainecl  for  thee. 
That  will  corne  no  more  to  thee,  that  will  ascend  no  more 
to  thee,  Osiris,  King,  Master  of  the  Two  Lands,  who  art 
Ramenma,  truthful  :  Horus  stands  behind  thee,  Osiris,  son 
of  Ra,  Master  of  the  Diadems,  Seti-merenptali,  truthful, 
sincc  thy  mother  Nu  is  corne  to  thee  :  she  purifies  thee, 
she  unités  herself  to  thee,  sherenews1  thee  as  a  god,  vivified, 
establislied  among  the  god. 

»  Nu,  the  very  great,  says  :  I  hâve  made  him  a  soûl, 
I  hâve  made  him  powerful,  I  hâve  made  him  master  in  the 
bosom  of  l lis  mother  Tefnu,  I  who  never  bring  forth.  I  hâve 
united  him,  the  Osihis,  King,  Master  of  the  Two  Lands, 
Ramenma,  truthful,  son  of  Ra,  the  Master  of  the  Diadems, 
who  is  Seti-merenptfxh,  truthful,  with  life,  stability,  and 
happiness.  Ile  shall  no  longer  die.  1  am  Nu  with  the 
powerful  heart.  I  hâve  placed  a  sced  in  the  bosom  of  his 
mother  Tefnu,  m  this  name  of  mine,  Nu,  of  the  mother  of 
whom  no  one  is  master.  I  hâve  entirely  fullilled  ail  m y 
splendours  :  The  entireearth,  I  hâve  taken  possession  of  it, 
I  bave  taken  possession  of  the  south  and  of  the  north,  and 
I  hâve  surrounded  ;ill  things  in  my  arms  to  restore  the  life, 
the  life  of  the  Osiris,  King,  Master  of  the  Two  Lands,  who 

1 .  Lit.  :  «  destroys  ». 


THE   BOOK   OF   HADES  123 

is  Ramenma,  the  son  of  Ra,  of  his  loins,  loving  Sakar,  the 
Master  of  the  Diadems,  the  Sovereign  with  joyous  heart, 
Seti-merenptah ,  truthful.     His  soûl  will  live  for  ever. 

))  Nu,  says  the  Osmis,  King,  who  is  Seti-merenptah, 
truthful,  support  me  !  I  am  thy  son.  Separate  my  weak- 
ness  from  what  m  a  de  it  exist. 

))  The  sovereign  of  the  two  parts  of  Egypt,  who  is 
Ramenma,  truthful,  the  son  of  Ra,  who  is  Seti-merenptah, 
truthful.  » 

Chapter  to  bring  out  the  day  and  to  pass  through  .4  mmah  ' . 

«  Speech  of  Osiris,  King,  Master  of  the  Two  Lands,  who 
is  Ramenma,  truthful,  of  the  son  of  Ra,  of  his  loins,  who 
loves  him,  Master  of  Diadems,  who  is  Seti-merenptah, 
truthful.  Hesays  :  Health  to  you,  lords  of  justice,  who  are 
free  from  iniquity,  and  who  are  living  for  ever,  for  the 
double  period  of  eternity  !  (The  Osiris,  King,  Master  of 
theTwo  Lands)  who  is  Ramenma,  truthful,  the  son  of  Ra,  of 
his  loins,  who  loves  him,  the  Master  of  the  Diadems,  who 
is  Seti-merenptah,  he  cornes  to  us;  lie  is  powerful  by  his 
qualities  ;  lie  is  master  of  his  (magical)  virtues,  he  is  endowed 
with  protective  (formulse).  Deliver  the  Osiris,  King,  Mas- 
ter of  the  Two  Lands,  who  is  Ramenma,  truthful,  the  son 
of  Ra,  Master  of  the  Diadems,  who  is  Seti-merenptah ,  from 
the  crocodile  of  this  tank  of  the  just.  His  mouth  is  his,  he 
speaks  by  it.  Let  him  be  granted  liberty  to  act  in  your 
présence,  because  I  know  you  :  I  know  your  naines:  1  know 
this  great  god  to  whose  nostrils  you  présent  exquisite 
things,  Rekem  is  his  name  :  lie  passes  to  the  eastern  hori- 
zon of  heaven  ;  Rekem,  he  départs,  I  départ;  he  is  safe,  I  am 
safe.  May  I  not  be  destroyed  on  the  Mesak  !  May  the 
impious  not  take  possession  of  me  !  Do  not  drive  me  from 
your  doors,  do  not  close  your  arms  for  the  Osiris,  King, 
Master  of  the  Two  Lands,  who  is  Ramenma,  truthful,  for 

1.  Chap.  lxxii  of  the  Todtcnbuch . 


124  THE   BOOK   OF   HADES 

the  son  of  Ra,  of  his  loins,  who  loves  him,  the  Master  of 
the  Diadems,  who  is  Seti-merenptah,  truthful,  because  (my) 
bread  is  in  Pa,  and  my  drink  is  in  Tep.  M  y  arms  are 
united  in  the  divine  house  which  my  father  has  given  me. 
Ile  lias  established  for  me  a  dwelling  above  the  earth  ;  there 
are  corn  and  barley  in  it,  the  quantity  of  which  no  one 
knows.  A  festival  is  celebrated  there  for  me  by  my  son, 
of  my  body.  Give  me  funeral  offerings,  incense,  oil,  and 
ail  good  and  pore  things,  upon  which  the  god  feeds.  The 
Osiris,  King,  Ramenma,  truthful,  the  son  of  Ra,  of  his 
loins,  who  loves  him,  the  Master  of  the  Diadems,  the  So- 
vereign  with  the  joyous  heart,  Seti-merenptah,  truthful, 
exists  for  ever  in  ail  shapes  which  please  him,  lie  navigates 
in  ascending  and  in  descending  the  plain  of  Aaru,  he  is 
united  to  life  for  ever  in  the  plains  of  offerings.  It  is  I,  the 
double  lion. 

»  Said  by  Osiris,  King,  Master  of  the  Two  Lands,  Ra- 
menma, truthful,  by  the  son  of  Ra,  who  loves  him,  Seti- 
merenptah,  truthful  :  Oh  !  keep  that  destroyer  of  my  father 
for  me,  the  Osiris,  King,  Master  of  the  Two  Lands,  Ra- 
menma, truthful,  for  he  is  my  father,  who  is  under  my  legs 
which  ri>c,  (  Isiris,  son  of  Ra,  Master  of  the  Diadems.  Seti- 
merenptah,  truthful,  strike  him  with  thy  liand  !  Search 
him,  for  ho  is  taken  bv  thy  liand  !  Osiris,  Kinar,  Master 
of  the  Two  Lands,  Ramenma,  truthful,  thon  shalt  not  grow 
weak  !  Nu  cornes  to  thee,  she  protects  thy  weakness,  she 
collects  thy  limbs,  she  imites  thy  heart  to  thy  bowels,  she 
lias  placed  thee  among  living  essences.  Osiris,  King, 
Master  of  the  Two  Lands,  Ramenma,  truthful,  before  the 
good  god,  Lord  of  Taser-t. 

n  Said  by  Osiris,  King,  Master  of  the  Two  Lands,  Ra- 
\ii.\  ma,  truhful,  soiioI'Ra,  of  his  loins,  and  who  loves  him, 
the  Master  of  fche  Diadems,  Seti-merenptah,  truthful1  :  O 

1.  Chap.  lxxxix  of  the  Todtenbuch, 


THE   BOOK   OF   HADES  125 

ravishers  !  (0)  runners  !  Oh  !  do  not  seize  me1,  great  god  ; 
grant  that  this  soûl  of  mine  may  come  to  me  in  every  place 
where  I  shall  be.  If  thou  delayest  in  leading  this  soûl  to 
me  in  every  place  where  I  shall  be,  thou  wilt  find  the  eye 
of  Horus  placing  itself  against  thee  in  the  same  way  as  the 
watchers.  Is  it  that  lie  lies  down  of  those  who  lie  down 
in  Heliopolis,  a  country  where  there  are  thousands  of 
towns  ?  If  my  soûl,  with  which  is  m y  state  of  elect".  is 
brought  to  me  in  every  place  where  I  shall  be,  thou  shalt 
hâve  laboured,  guardian  of  heaven  and  earth,  for  this  soûl 
of  mine:  (yet)  if  thou  delayest  in  making  my  body  see  its 
sonl,  thou  wilt  find  the  eye  of  Horus  placing  itself  against 
thee  in  the  same  way  (as  the  watchers).  O  (you),  thèse 
gods  who  tow  theboat  of  the  Lord  of  Multitudes,  who  lead 
heaven  to  hell,  who  clear  (the  path)3  of  Nu,  who  make  the 
soûl  approach  the  mummy,  its  hands  full  of  bonds,  seize 
and  grasp  with  chains,  destroy  the  enemy.  The  boat  re- 
joices,  the  great  god  passes  in  peace;  behold,  you  hâve 
granted  that  this  soûl  may  issue  from  Osiris,  King  Ra- 
men-ma,  trutliful,  with  his  legs,  on  the  eastern  horizon  of 
heaven,  for  ever,  for  ever. 

»  Words  of  Osiris,  King,  Master  of  the  Two  Lands, 
who  is  Ra-men-ma-aat-ra,  trutliful,  of  the  son  of  Ra, 
loving  Ptah-Sakar,  of  the  Master  of  Diadems,  who  is 
Seti-merenptah,  trutliful.  Ile  says  :  Let  the  great  ones 
pass  behind  me.  May  thèse  limbs  of  mine  never  grow 
weak  ! 

The  Osiris,  King,  Master  of  the  Two  Lands,  who  is  Ra- 
men-ma-ra,  trutliful,  the  son  of  Ra,  of  his  loins,  v\  ho  loves 
him,  the  Master  of  Diadems  who  is  Seti-merenptah,  trutli- 
ful, says  :  Nu,  support  me  !     I  am  thy  son.     Separate  (my) 


1.  Lit.  :  «  him  ». 

2.  Khu. 

'ù.  Cf.  Todtenbuch.  ebap.  lxxxix,  5. 


126  THE   BOOK    OF    HADES 

weakness  from  what  makes  it  exist.  Osiris,  King,  Master 
of  the  Two  Lands,  who  art  Ra-men-ma-ra,  truthful,  son  of 

Ra,  of  his  loins,  and  who  loves  him,  Master  of  the  Diadems, 
who  art  Seti-merenptah,  truthful,  I  hâve  given  thee  thy 
head  of  thy  bocly,  there  shall  not  grow  weak  any  of  those 
limbs  of  the  Master  of  Diadems,  who  is  Seti-merenptah, 
truthful.  » 

End  of  the  Sarcophagus  of  Seti   I. 

Appendix 

It  lias  beensaid  that  the  tombsof  Seti  I.'  and  Merenptahl.4 
gïve  a  différent  version  of  the  Book  of  Hades,  completely 
différent  from  that  which  the  other  tombs  and  the  sarco- 
phagus  of  Seti  I.  présent.  The  following  is  the  version 
from  the  tomb  of  Seti  I. 

Gâte 

«  The  god  arrives  at  tins  pylon,  and  enters  tins  pylon  : 
this  great  god  is  adored  by  the  gods  who  are  there1.  » 

The  pylon  Neb-hau',  the  lower  part  of  which  is  injured. 

«  At  the  entrance  Ma-ab,  in  the  interior  six  maie  mum- 
mies,  the  gods  and  goddesses  also  are  in opposite  them. 

))  Corne  to  us,  Inhabitant  of  the  Horizon,  great  god,  who 
opened  the  refuge!     Open.  » 

In  Champollion's  copy  the  représentation  of  the  pylon  is 
accompanied  by  a  large  scène  which,  perhaps,  takes  the 
place  of  the  Psychostasis,  and  which  is  described  thus  : 

«  The  god  IIorus  presenting  the  Pharaoh-Osiris  to  his 
father  Osiris,  assisted  by  the  goddess  of  Amenti.  » 

1.  Champollion,  Notices,  t.  I,  p.  132  ami  770  to  77.'). 

L\  A/.,  p.  827  and  829. 

3.  /'./.,  p.  772. 

4.  Id.,  p.  773. 


THE   BOOK   OF   HADES  127 

Door  of  the  serpent  Set-m-ar-f\ 

«  He  who  is  on  this  door  opens  to  Ra.  Sau  says  to  Set- 
m-ar-f:  Open  tby  gâte  to  Ra;  draw  back  thy  door  for  Khuti. 
Hewill  illuminate  the  darkness  and  theshades  andwill  place 
light  in  the  concealed  dwelling.  The  door  closes  ai' ter  the 
entrance  of  this  great  god,  and  those  who  are  in  this  pylon 
cry  out  when  tliey  hear  this  door  closing.  » 

Scènes 

First  Lim: 

A.  Twelve  bearers  offorked  sticks.  Twelve  bearers  of 
the  Devourer  ofthe  coilsfrom  which  heads  issue.  Twelve 
bearers  ofthe  ropefrom  which  the  /tours  issue.  The  De- 
vourer is  a  serpent  which  lias  twelve  human  heads  on  his 
back.  The  rope  is  double,  and  over  it  twelve  stars;  it 
terminâtes  at  a  standing  mummy,  Kena,  which  is  opposite 
the  other  persons. 

Second  Lixe 

B.  The  boat  and  the  infernal  ones.  Two  persons,  stand- 
ing, their  arms  wrapped  up  in  yellow,  blue  or  red  mantles, 
concealed  arms,  bearers  of  mysteries.  Eiglit  gods  ofthe 
the  temples.     Four  gods  who  dwell  there. 

Third  Line 

C.  Tuauti,  the  Infernal  Horus,  standing,  and  leaningon 
a  staff,  before  a  funeral  couch  made  of  the  serpent  Nëhap, 
which  supports  twelve  mummies,  those  who  accompany 
Osiris,  the  sleepers  who  are  in  repose.  Four  persons, 
between  whom  is  wiïtten  the  word  Khasit,  lowering  their 
arms  in  sign  of  adoration. 

1.  Champollion,  Notices. 


128  THE   BOOK   OF   HADES 

Le  g  ends 

First  Line 

«  A.  Ra  says  to  them  :  Take  your  staves  and  strike. 
Go,  o  y  ou,  against  the  Devourer  !  Oh  !  strike  on  him. 
Let  the  heads  corne  out  of  him,  and  let  him  draw  back. 
They  say  to  Ra  :  Our  staves  are  for  Ra.  We  strike  the 
evildoing  serpent,  o  Ra,  because  lie  has  eaten  the  heads. 
They  issue  from  his  coils  ;  lie  draws  back.  Thèse  are  the 
gods  who  are  in  the  boat.  They  drive  Apap  from  Nu,  and 
they  raise  themselves  in  hell.  They  drive  avvay  Apap,  far 
from  Ra,  in  Amenti,  (where)  the  Infernal  guide  this  god. 
Their  food  is  (made)  of  breacl,  their  drink  of  the  liquor 
t'eser,  their  refreshment  is  of  water.  Offerings  are  made 
to  them  on  earth,  because  they  drive  away  the  impious  far 
from  Ra  in  Amenti. 

»  Thèse  are  the  gods  who  sacrifice  the  evil-doers  to  over- 
tlirow  the  enemies  of  Ra.  They  strike  the  wicked  one 
and  make  the  heads  which  were  in  him  corne  forth.  (Ra) 
says  to  them  :  Make  the  wicked  one  retreat  ;  make  Apap 
draw  back.  Let  the  heads  which  were  in  him  corne  forth. 
Let  him  perish.  lie  calls  them  :  He  is  destroyed,  oh  eaten 
heads;  you  that  were  eaten,  you  that  were  devoured,  corne 
out  of  him.  (Ra)  calls  them  and  they  corne  out  of  him, 
whose  coils  had  absorbed  them  to  raise  himself  over  them. 
Now  the  heads  had  entered  their  coils,  because  this  serpent 
does  not  see,  does  not  feel,  does  not  hear;  he  feeds  on  their 
crics,  he  lives  on  calling  on  himself.  Their  food  is  of  offer- 
ings (made)  on  earth,  when  Ra  issues  from  hell.  Oblations 
are  made  to  them  as  they  remain  under  trees.  (Ra  says)  : 
Pull  the  rope,  tear  (it)  from  the  mouth  of  Ken!  Make 
your  hours  corne  forth.  Take  your  opportunity  for  your- 
selves,  by  them,  and  place  yourselves  in  your  dwellings. 
(When)  the  rope  which  has  entered  Aken  cornes  out,  the 


THE    BOOK   OF    HADES  129 

hour  is  not  (yet)  born  :  Ra  calls  it,  and  it  puts  itself  in  its 
place,  for  Akn  swallows  the  rope\  They  say  to  Ra  :  The 
rope  i>  with  AK,  and  the  hours  are  with  thy  divine  (soûl  ?), 
Ra,  when  thou  shinest,  thou  whose  bo  Iy  is  the  most  mys- 
terious  of  things.  Their  fond  is  (made)  of  bread,  and  their 
drink  of  liquor  t'eser,  their  refreshment is  of  water.'  Offer- 
ings  are  made  to  thera  on  earth,  because  they  make(?)  the 
rope  rise  i?)  out  of  him.  » 

Second  Like 

«  B.  Thegrcatgod  is  tovved  by  the  Infernal.  The}-  say 
to  Ra  :  Towing  for  thee,  great  god,  the  Master  ùf  the  Hours, 
aeting  according  to  vvhat  is  in  the  earth  :  The  gods  live  by 
hispowers,  and  the  elect  (by)  the  sightof  his  shapes.  Ra 
says  to  them  :  Power  to  you,  towers;  holiness  to  you, 
towers!  I  come  for  the  things  of  hell.  Tow  me  towards 
the  dwelling  of  stable  things.  Free  yourselves  on  this 
mysterious  mountain  of  the  horizon. 

»  They  possess  the  mystery  of  the  great  god,  the  danger- 
ous  (?),  (when)  those  who  are  in  hell  see  him,  and  (when) 
the  dead  who  burn  in  Ha-ben-ben*  sec  him,  on  the  spot 
where  the  body  of  this  god  is.  Ra  says  to  them  :  Let  us 
take,  o  you,  m y  image,  embrace  your  mysteries  in  Ha- 
ben-ben,  in  the  place  where  mv  body  is,  which  is  with  me. 
Mystery  to  what  is  in  thee  !  The  mystery  of  hell  is  what 
your  arms  conceal.  They  say  to  Ra  :  That  your  soûl  may 
be  in  heaven,  Inhabitant  of  the  Horizon,  let  thy  shadow 
ascend  to  the  refuge.  May  thy  body  be  on  earth,  thou 
who  dwellest  in  heaven;  we  give  him  Ra  in  him.  Ra  (?), 
feed  thyself  and  unité  thvself  to  thy  body,  which  is  in 
hell.     Their  food  is  (made)  of  the  nutriment  of  Temet3,  in 

1.  Cf.  the  Oknos  of  Mie  Greeks  (Pausanias.  X.  24)  and  the  Festival 
of  the  Ass  at  Acanthopolis  (Diodorus,  I,  97;. 

2.  Ha-ben-ben  was  the  naine  of  the  great  temple  of  Heliopolis. 

3.  Foi-m  of  Ra;  cf.  the  Litany  of  the  Sun. 

BlBL.  ÉQYPT.,  T.  XXXIV.  9 


130  THE   BOOK   OF    HADES 

which  the  soûls  repose.  Ofïerings  are  made  to  them  on 
earth  because  they  see  the  liglit  in  hell. 

»  They  are  at  the  gâte  of  Ha-ben-ben;  they  see  what  Ra 
sees,  enter  witli  his  mysterious  image  and  examine  what  the 
great  ones  bring.  Ra  says  to  them  :  My  food  is  your  food, 
my  nutriment  is  your  nutriment.  You  are  those  who  are 
with  my  mysteries.  Hère  I  ara  to  protect  my  mysteries 
which  are  in  Ha-ben-ben.  Glory  to  you!  tliat  your  soûls 
may  live.     Their  nutriment  is  the  nutriment  of  Khuti. 

))  Tuauti  says  to  them1  :  0  gods,  who  dwell  in  hell,  who 
are  with  us  and  the  sovereign  of  Amenti,  you  who  cheer 
yourselves  in  your  places  and  who  recline  on  your  beds, 
rai.se  up  your  flesh,  unité  your  boues,  close  together  your 
limbs,  collect  together  your  flesh,  that  the  agreeable  breath 
be  wafted  to  (your  nostrils).  » 

Third  Line 

«  C.  Tuauti  says  to  them  :  0  gods  who  dwell  in  hell, 
who  are  with  the  sovereign  of  Amenti,  who  cheer  yourselves 
in  your  places  and  who  are  reposing  on  your  beds,  mise  up 
your  flesh,  unité  your  bones,  close  together  yourlimbs,  bring 
together  your  llesh,  that  the  agreeable  breath  be  wafted 
to  your  nostrils.  Uverturning  to  your  collins,  carrying  off 
to  your  headdresses'  that  your  divine  ey es  may  glisten.  See 
the  liglit  by  them.  Arouse  yourselves  from  your  swoon  ! 
Reçoive  for  yourselves  your  fields  in  theplaiu  Neb-hatap-u, 
Fields  are  yours  of  this  plain,  and  its  water  is  yours.  Unité, 
thanks  tome,  fields  in  Neb-hatap-u.  Their  refreshment  is 
of  water.  Xi. n  \i'  is  lie  who  places  their  bodies;  their  soûls 
arise  there  towards  the  plain  of  Aaru,  which  is  given  (to 
them)   to  refresh   themselves   there.     Tins  land   produces 

1.  'J'hi--  end  is  tho  beginning  —  mit  of  ils  place  —  oi  the  following 

line. 

2.  Ant,  instead  "i  Afent. 


THE    BOOK    OF    HADES  131 

their  food  and  their  méat,  their  refreshment  is  of  water. 
Oft'erings  hâve  been  made  to  them  on  earth  as  to  the  mum- 
my  which  reposes  on  its  bed. 

»  They  are  in  the  circuit  of  tins  Khaset,  there  is  an 
urseus  erect  in  tins  Khaset.  The  water  of  tins  Khaset  is 
of  fire.  The  gods  of  the  earth  and  the  soûls  of  the  land 
do  not  descend  towards  tins  Khaset,  on  account  of  the 
flame  of  this  uraeus.  This  great  god  who  is  in  hell  lives 
on  the  water  of  this  Khaset.  Ra  says  to  them  :  Oh  !  return 
to  gods  and  soûls  of  the  holy  Khaset  given  for  the  water 
which  is  in  Auker  !  The  water  of  this  Khaset  is  Osiris1, 
and  this  tank  the  inhabitant  of  hell.  Thy  fire  being  bur- 
ning,  be  devouring  for  the  mouth  of  the  soûls,  which  rise 
towards  thee.  0  Osiris,  thou  dost  not  perish  !  0  Khaset, 
thou  dost  not  perish.  The  gods  do  not  take  possession  of 
it  and  take  care  of  his  water.  Their  food  is  (made)  of  bread, 
and  their  drink  of  the  liquor  t'eser,  their  refreshment  is 
of  water.  Ofïerings  are  made  to  them  on  earth  as  to 
the  destroyer  in  Amenti.  Neb-hatap-u2 ,  there  are  fields 
of  this  plain  for  you,  and  its  water  is  yours.  Return 
thanks  to  me,  to  fields  in  Neb-hatap-u.  Their  refreshment 
is  of  water,  Nehap  is  lie  who  places  their  bodies.  Their 
soûls  rise  towards  the  plains  of  Aaru  to  take  possession  of 
(their  tanks).  » 

1.  The  assimilation  of  Osiris  to  water  is  known  by  other  texts. 

2.  Thèse  last  sentences,  which  hâve  already  been  given.  are  wrongly 
repeated  hère. 


13*2  THE   BOOK    OF   HADES 


NOTE 

D'après  des  notes  que  l'auteur  ajouta  à  son  exemplaire,  les  divi- 
sions du  Book  of  Hades  doivent  être  remaniées  de  la  façon  sui- 
vante : 

lre  Division,  qui  comprendrait  les   lre  et  2e  Div.  du  texte  publié. 
2e        —  —  la    3°  Division  — 

3«         —  —  la    4-       —  — 

4«        —  —  la    5e      —  — 

5«        —  —  la    6«      —  — 

6e        —  «  Exterior  side  of  the  lid  »,  non 

numéroté  dans  le  texte  publié. 

7e        —  —  la    7e  Division  du  texte  publié. 

8-  la    8»      -  — 

9°        —  —  la    9"      —  - 

10«        —  —  la  10«      —  — 

11-  —  la  lie       —  — 

La  version  donnée  à  VAppendix,  d'après  le  tombeau  de  Séti  Ier, 
serait  à  rapprocher  de  la  5e  division  (6e  du  texte  publié),  Osiris  et  le 
porc. 

Nous  axons  introduit  dans  le  texte  publié  aux  Records  of  the 
Past  les  corrections  notées  par  Lefébure  en  marge  de  son  exem- 
plaire. 


DISCOURS 

Prononcé  à  1  "ouverture  des 

CONFÉRENCES  D'ARCHÉOLOGIE  ÉGYPTIENNE 

A  LA  FACULTÉ  DES  LETTRES  DE  LYON 

Le  26  avril  1879* 


Messieurs, 

L'étude  de  l'Egypte  ancienne  sollicite  votre  intérêt  à  plu- 
sieurs titres,  et  ce  sont  ces  titres  qu'il  faut  avant  tout  vous 
soumettre,  afin  d'expliquer,  s'il  est  nécessaire,  la  portée  de 
l'enseignement  qui  vous  est  proposé.  La  meilleure  manière 
d'y  réussir  sera  sans  doute  d'exposer  simplement  à  votre 
bienveillante  attention  l'origine,  le  développement  et  les 
résultats  de  la  science  égyptologique.  Ce  résumé  va  être 
tenté  d'une  façon  bien  insuffisante  :  puisse  la  cause  triom- 
pher de  son  défenseur!  Il  n'y  a  pas  de  fausse  modestie  à 
vous  mettre  en  garde  contre  lui,  Messieurs,  et  à  vous 
demander  une  indulgence  trop  nécessaire,  en  présence  des 
maîtres  qui  représentent  ici  l'éclat  de  la  parole  et  l'honneur 
des  lettres. 

1.  Publié  en  brochure  séparée,  aux  frais  de  la  Faculté  des  Lettres 
de  Lyon,  sous  forme  de  brochure  in-8°,  Lyon,  Pitrat,  1879,  22  pages. 
-  G.  M. 


134  DISCOURS   PRONONCÉ   A   L'OUVERTURE 

Un  esprit  d'analyse  et  de  critique,  correspondant  au  be- 
soin de  précision  qui  caractérise  les  sciences,  renouvelle 
depuis  près  d'un  siècle  l'étude  de  l'antiquité.  A  côté  de 
l'histoire  des  historiens,  souvent  défigurée  par  la  passion  et 
l'ignorance,  on  a  reconnu  d'autres  témoignages,  moins  liés 
mais  plus  authentiques,  qui  subsistent  épars  dans  les  ins- 
criptions, les  temples,  les  tombeaux,  les  armes,  les  instru- 
ments, bref,  dans  tous  les  débris  matériels  des  peuples  morts 
ou  des  siècles  écoulés.  C'est  au  milieu  de  semblables  docu- 
ments, sans  cesse  augmentés  par  les  trouvailles  ou  les 
fouilles,  que  grandit  l'archéologie,  qui  reconstruit  le  passé 
avec  ses  propres  ruines,  et  qui  recule  parfois  les  bornes  de 
nos  connaissances  jusqu'aux  questions  d'origine.  Unie  et 
parfois  confondue  avec  la  linguistique,  elle  suit  les  traces 
des  Phéniciens  et  des  Celtes,  jette  un  jour  nouveau  sur 
l'Italie  comme  sur  la  Grèce,  et  pénètre  au  cœur  du  monde 
assyrien,  pour  ne  citer  que  quelques  exemples  de  ses  pro- 
grès. Mais  nulle  part  elle  ne  trouve  un  champ  plus  fécond 
et  plus  vaste  que  dans  la  civilisation  pharaonique,  où  l'abon- 
dance des  matériaux  ne  le  cède  point  à  la  nouveauté  du 
sujet. 

L'Egypte  est  le  pays  des  ruines  :  on  peut  dire  que  l'his- 
toire de  plusieurs  milliers  d'années  s'y  lit  sur  des  pierres 
sans  nombre.  Ses  anciens  habitants  se  flattaient  d'élever  des 
temples  et  de  creuser  des  tombeaux  pour  l'éternité,  préten- 
tion vraiment  à  demi  justifiée,  car  les  pyramides  de  Gi/eli 
et  la  forêt  de  tours  de  Karnak  subsisteront  peut-être  aussi 
longtemps  que  la  terre  même  qui  les  porte:  les  ressources  de 
la  mécanique  moderne  s'épuiseraient  à  les  détruire.  D'autres 
monuments  son!  moins  durables,  mais  leur  nombre  com- 
pense leur  fragilité  relative.  La  haine  dos  Pasteurs]  la  folie 
de  Cambyse,  la  barbarie  des  Turcs  et  l'avidité  des  fellahs 
ont  promené  en  vain  leurs  ravages  aux  bords  du  Nil  :  elles 
n'ont  pu  appauvrir  cette  prodigieuse  mine  historique  dont 
les  couches  successives  s'enfoncent  au  delà  des  âges  connus. 


DES  CONFÉRENCES  D' ARCHÉOLOGIE  ÉGYPTIENNE    135 

Les  membres  de  la  Commission  d'Egypte  commencèrent  a 
exploiter  ces  richesses,  que  depuis  Champollion  les  savants 
européens  n'ont  pas  cessé  de  recueillir,  et  pourtant  les 
fouilles  heureuses  de  M.  Mariette  continuent  d'arracher  des 
monuments  nouveaux  aux  sables  et  à  l'oubli. 

Une  telle  abondance  de  documents  est  d'autant  plus  pré- 
cieuse que  l'Egypte  resta  peu  ou  mal  connue  des  anciens, 
qui  ne  s'éloignaient  guère  par  l'esprit  des  centres  grec  el 
romain.  Plusieurs  ont  visité  le  pays  des  Pharaons,  comme 
Hérodote,  Diodore,  Strabon,  et  peut-être  Solon,  Pythagore 
et  Platon,  d'autres  l'ont  habité,  comme  Théocrite  et  Juvé- 
nal,  d'autres  y  sont  nés,  comme  Plotin.  La  civilisation 
grecque  s'y  est  même  transportée  presque  tout  entière  avec 
les  Ptolémées;  Rome  y  a  emprunté  des  cultes  qui  ne  de- 
mandaient qu'à  se  produire,  nosci  volentes,  suivant  l'ex- 
pression de  Lucain  :  aucun  écrivain  de  l'antiquité  n'a  compris 
et  utilisé  de  première  main,  cependant,  la  langue  et  la 
littérature  d'une  nation  regardée  alors  comme  l'institutrice 
des  autres.  Les  touristes  et  les  fonctionnaires  se  bornaient 
de  leur  côté  à  voir  les  Pyramides,  à  écouter  Memnon,  à 
disserter  sur  les  sources  du  Nil,  et  ils  semblent  avoir  mis  les 
vins  du  Delta  au-dessus  de  cette  vieille  sagesse  égyptienne 
qu'ils  admiraient  sur  parole. 

Les  récits  d'un  voyageur  souvent  crédule,  Hérodote,  d'un 
compilateur  sans  beaucoup  de  critique  peut-être,  Diodore, 
d'un  géographe  consciencieux,  mais  ici  trop  bref,  Strabon, 
les  renseignements  plus  directs  sur  les  dynasties,  le  cycle 
osirien  et  quelques  symboles,  recueillis  principalement  par 
Eusèbe,  Plutarque  et  Horapollon,  nombre  de  détails  épars 
dans  les  poètes,  les  philosophes,  les  polygraphes  et  les 
Pères  de  l'Église,  tout  cela  formait  encore,  à  la  lin  du 
XVIIIe  siccle,  un  amas  confus  de  vérités  et  d'erreurs  sur 
lequel  la  critique  moderne  avait  à  peine  prise,  et  d'où  elle 
n'avait  su  tirer  qu'une  compilation  estimable,  le  Panthéon 
de  Jablonski.  Seule,  entre  les  mains  de  quelques  savants, 


136  DISCOURS    PRONONCÉ   A   L'OUVERTURE 

l'étude  du  copte  préparait  dans  sa  mesure  la  découverte  qui 
allait,  grâce  à  notre  expédition  en  Egypte,  percer  comme  un 
trait  de  lumière  le  secret  du  vieux  sphinx. 

Le  général  Bonaparte  ne  se  doutait  guère,  quand  il  lit 
décréter  l'expédition  d'Egypte  par  le  Directoire,  que  le 
résultat  le  plus  réel  du  vaste  déploiement  de  forces  provoqué 
par  lui  serait  la  lecture  des  hiéroglyphes.  C'est  pourtant 
ce  qui  arriva.  La  guerre  aboutit  véritablement  à  la  conquête, 
non  de  l'Egypte  moderne,  mais  de  l'Egypte  ancienne,  vic- 
toire qui  vaut  celle  des  Pyramides,  et  à  laquelle  le  patrio- 
tisme trouve  son  compte  aussi  bien  que  la  science,  car  un 
Français  la  remporta  avec  des  armes  françaises,  c'est-à- 
dire  avec  l'aide  des  matériaux  réunis  par  les  savants  de 
l'expédition. 

On  a  raconté  bien  des  fois  comment  la  découverte  d'un 
texte  bilingue,  la  pierre  de  Rosette,  permit  à  Champollion 
de  comparer  quelques  noms  royaux  écrits  en  caractères 
grecs  et  égyptiens,  puis  comment  les  signes  alphabétiques 
lus  ainsi  l'amenèrent  à  retrouver  dans  les  hiéroglyphes  une 
langue  analogue  au  copte,  que  parlait  l'Egypte  chrétienne. 
Telle  fut,  en  effet,  la  marche  de  la  découverte,  mécanisme 
fort  simple  quand  on  l<i  connaît,  et  que  plusieurs  érudits 
avaient  d'ailleurs  soupçonné  comme  Champollion;  mais  là 
n'est  pas  le  mérite  du  maître.  Son  mérite  consiste  dans  le 
parti  qu'il  sut  tirer  de  ces  premières  données,  c'est-à-dire, 
en  somme,  dans  l'étendue  du  savoir  et  la  sagacité  de  l'es- 
prit portées  au  point  où  leur  réunion  devient  du  génie.  Il 
ne  fallut  rien  moins  que  du  génie,  en  effet,  pour  pénétrer 
dans  le  dédale  des  écritures  égyptiennes,  et  en  tirer  cette 
admirable  Grammaire  que  Champollion  nommait  sa  carte 
de  visite  à  la  postérité.  Si  l'on  en  juge  par  les  lents  débuts 
du  déchiffrement  des  cunéiformes,  aucun  savant  n'aurait 
osé  rêver  un  pareil  résultai  :  de  même  qu'il  fallait  Ulysse 
pour  tendre  l'arc  d'Ulysse,  Champollion  seul  pouvait  peut- 
être  accomplir  l'œuvre  de  Champollion.  C'est  donc  justice 


DES   CONFÉRENCES   d' ARCHÉOLOGIE   ÉGYPTIENNE        137 

de  commencer  par  son  éloge,  quand  on  parle  de  la  science 
qu'il  a  créée  :  ses  successeurs  eurent  assurément  beaucoup 
à  taire,  mais  ils  ne  l'ont  dépassé  qu'en  l'imitant,  et  c'est 
en  définitive  à  lui,  se  survivant  dans  sa  méthode,  qu'on  doit 
toutes  les  découvertes  accomplies  jusqu'à  ce  jour. 

Le  principe  de  ces  découvertes  a  été  l'explication  du  sys- 
tème graphique,  et  l'on  peut  apprécier  ici  la  grandeur  de 
l'effort  qui  a  conduit  Champollion  à  la  tombe  et  à  la  gloire. 
Il  est  souvent  difficile,  parfois  même  impossible,  de  lire  une 
dépèche  habilement  chiffrée  dont  on  n'a  pas  la  clef,  et 
cependant  les  clefs  diplomatiques  ne  comportent  guère 
d'autres  éléments  que  des  chiffres  et  des  lettres  exprimant 
quelque  langue  connue  par  des  combinaisons  restreintes. 
Mais  que  dire  d'un  immense  cryptogramme  à  milliers  de 
signes,  où  un  seul  caractère  pourrait  être  une  lettre,  une 
syllabe,  un  polyphone,  un  mot  et  un  déterminatif,  où  le 
même  son  se  rendrait  souvent  et  successivement  cle  plusieurs 
manières,  où  les  textes  recevraient  presque  toutes  les  direc- 
tions possibles,  où  les  voyelles  seraient  tantôt  écrites,  tan- 
tôt supprimées,  dont  chaque  élément  se  détonnerait  au 
point  que  le  tracé  le  plus  cursif  ne  rappellerait  [tas  plus  son 
type  que  notre  a  ne  rappelle  un  aigle,  et  dont  entin  la 
langue  même  resterait  à  reconstruire,  car  l'égyptien  ne  res- 
semble guère  plus  au  copte  que  l'espagnol  au  latin  !  Main- 
tenant que  toutes  les  difficultés  sont  aplanies ,  le  chaos 
hiéroglyphique  ne  nous  offre  plus,  au  lieu  d'un  tel  aspect, 
qu'un  tout  harmonieux,  dans  lequel  l'alphabet  se  joue,  avec 
une  sorte  de  grâce,  autour  de  signes  syllabiques  rappelant  le 
son  ou  le  sens  d'une  foule  de  mots,  tandis  que  les  mots  eux- 
mêmes  sont  distribués  en  catégories  ingénieuses  par  des 
caractères  qui  les  déterminent,  et  que  chaque  anomalie  est 
une  élégance  qui  s'explique  par  son  contexte.  De  plus,  on 
se  trouve  en  présence  d'une  langue  claire  et  logique,  aussi 
simple  que  sa  représentation  est  compliquée. 

Une  barrière,  qu'on  s'étonne  de  ne  plus  trouver  insurmon- 


138  DISCOURS    PRONONCÉ   A   L'OUVERTURE 

table,  se  dressait  devant  les  recherches  :  un  seul  homme  l'a 
renversée,  et  dès  lors  il  a  suffi  d'une  génération  de  savants 
pour  porter  la  connaissance  des  hiéroglyphes  à  un  tel  point, 
qu'au  bout  de  quarante  ans  la  découverte  du  décret  bilingue 
de  Canope  n'a  pu  rien  apporter  à  la  science,  si  ce  n'est  une 
éclatante  justification  de  la  méthode  suivie.  D'illustres  sa- 
vants, qui  n'ont  pas  tous  dit  leur  dernier  mot,  MM.  de 
Rougé  et  C  ha  bas,  en  France,  Lepsius  et  Brugsch,  en  Alle- 
magne, Birch  et  Goodwin,  en  Angleterre,  ont  avancé  à  la 
fois  l'étude  de  la  grammaire,  du  dictionnaire,  de  la  chrono- 
logie, de  la  géographie  et  de  l'histoire,  facilitant,  par  leurs 
admirables  ouvrages,  la  tâche  des  travailleurs  qui  se  mul- 
tiplient dans  toute  l'Europe.  Ceux-ci,  parmi  lesquels  il 
serait  difficile  de  choisir  sans  injustice  quelques  noms,  per- 
fectionnent à  leur  tour  l'œuvre  collective  qu'ils  ne  termine- 
ront sans  doute  pas.  Les  grandes  publications  du  British 
Muséum,  de  la  Commission  prussienne,  du  Musée  de  Leyde 
et  du  vice-roi  d'Egypte,  sans  parler  des  recueils  à  venir, 
accumulent  trop  de  ressources  pour  que  l'égyptologie  ne 
reste  pas  longtemps  encore  une  science  progressive,  c'est-à- 
dire  inachevée,  mais  certaine,  et  digne  d'attention  par  les 
problèmes  qu'elle  résout  comme  par  les  questions  qu'elle 
pose. 

Telle  qu'elle  existe  ainsi,  l'archéologie  égyptienne  pré- 
sente une  physionomie  toute  spéciale.  Jeune  encore,  elle 
n'apporte  pas  lentement  des  résultats  secondaires,  mais  elle 
découvre  rapidement  les  faits  capitaux  de  l'histoire  qu'elle 
recompose  :  elle  est,  dans  sa  sphère,  maîtresse  et  non  ser- 
vante, c'est-à-dire  qu'elle  est  aidée  et  non  dominée  par  les 
documents  classiques,  qui  n'ont  de  valeur  que  s'ils  con- 
firment les  siens.  De  plus,  elle  trouve  sans  cesse  à  s'exercer 
sur  «les  matériaux  inexplorés,  qui  presque  Ions  offrent  des 
gages  de  certitude.  Beaucoup  de  monuments,  en  effet, 
portenl  soil  une  date  de  règne,  soit  un  nom  de  roi.  cir- 
constance qui  a  permis  de  discerner  d'après  (\r*  règles  fixes 


DES    CONFÉRENCES    D'ARCHÉOLOGIE    ÉGYPTIENNE         139 

les  caractères  appartenant,  selon  les  époques,  aux  diffé- 
rentes œuvres  d'art  ou  de  littérature.  Enfin,  les  traits  les 
plus  généraux,  comme  les  détails  les  plus  ténus,  ne  sau- 
raient échapper  longtemps  à  la  connaissance  de  la  langue, 
due  à  un  système  d'analyse  qui  a  fait  ses  preuves,  et  qui  ne 
demande  le  sens  des  mots  qu'à  la  comparaison  des  textes. 
Ici,  la  fécondité  du  sujet,  l'appât  des  découvertes  et  l'ingé- 
niosité de  l'écriture  peuvent  attirer  l'esprit  sans  grand  péril  : 
les  faux  systèmes  sont  vite  renversés,  et  il  n'y  a  plus  place 
pour  les  hypothèses  qui  viennent  troubler  les  science-  à 
leur  début. 

Il  existe  sans  doute  bon  nombre  de  lacunes  dans  les  con- 
naissances acquises,  et,  sur  beaucoup  de  points,  on  ne  saurait 
porter  encore  un  jugement  général.  Certaines  nuances  de 
l'épigraphie  ptolémaïque  nous  échappent,  le  fil  de  la  chro- 
nologie reste  brisé  en  maints  endroits,  l'économie  politique, 
l'organisation  administrative,  la  géographie,  le  calendrier  et 
le  vocabulaire  présentent  plus  d'une  incertitude,  la  mytho- 
logie garde  presque  tout  son  mystère,  mais  ces  difficultés 
sont  le  charme  et  non  l'écueil  d'une  science  qui  a  trop  de 
solidité,  maintenant,  pour  attendre  d'un  obstacle  autre  chose 
que  le  plaisir  de  le  vaincre. 

D'ailleurs,  bien  des  résultats  importants  sont  déjà  obte- 
nus. D'un  côté,  les  liens  qui  unissaient  plus  ou  moins  direc- 
tement l'Egypte  aux  autres  peuples  se  révèlent  ou  se  con- 
firment :  d'un  autre  côté,  l'aspect  individuel  de  la  race  se 
dégage  assez  nettement  pour  qu'on  puisse  le  suivre  dans  ses 
grandes  lignes.  C'est  en  se  plaçant  à  ce  double  point  de  vue 
qu'on  appréciera  le  mieux  les  fruits  d'une  méthode  qui,  dès 
à  présent,  permet  de  marquer  la  place  de  l'Egypte  dans 
l'histoire  du  monde. 

Et  d'abord,  les  documents  élucidés  intéressent  l'histoire 
classique  comme  l'histoire  juive,  pour  ne  parler  que  de 
celles  qui  nous  touchent  de  plus  près  :  ils  se  rattachent  par 
là  aux  annales  des  peuples  qui  ont  fait  l'Europe  ce  qu'elle 


140  DISCOURS    PRONONCÉ    A    L'OUVERTURE 

est  aujourd'hui.  Objet  d'une  lointaine  admiration  pour  les 
contemporains  d'Homère,  but  do  voyage  pour  Abraham 
et  Jacob,  tantôt  alliée  et  tantôt  ennemie  des  rois  hébreux 
ou  des  confédérations  helléniques,  l'Egypte  fut  mêlée  aux 
deux  races  par  l'invasion  des  Pasteurs  sémitiques  et  l'in- 
troduction des  mercenaires  grecs,  jusqu'à  ce  qu'enfin, 
réunissant  après  sa  conquête  par  Alexandre  les  doctrines 
platoniciennes  et  les  croyances  juives  avec  les  siennes  pro- 
pres, elle  devint  le  centre  du  singulier  mouvement  d'exal- 
tation religieuse  qu'on  nomme  le  gnosticisme.  Les  monu- 
ments qu'elle  a  élevés  pendant  une  aussi  longue  suite  de 
siècles  ne  peuvent  manquer  de  jeter  sur  ses  voisins  quel- 
ques lumières  nouvelles.  Tout  en  prouvant  qu'il  faut  rece- 
voir parfois  avec  défiance  le  témoignage  de  l'antiquité 
classique,  souvent  rectifié  par  eux,  ces  monuments  montrent 
encore,  dans  les  Grecs,  un  peuple  plus  ancien  qu'il  ne  le 
croyait  lui-même.  Bien  avant  l'époque  assignée  à  la  guerre 
de  Troie,  et  vers  le  temps  de  Moïse,  certaines  populations 
ioniennes  et  italo-grecques,  taisant  déjà  le  métier  de  pirates, 
se  coalisaient  pour  attaquer  l'Egypte  par  mer.  C'est  ce  que 
nous  apprennent,  avec  de  curieux  détails  sur  les  armes,  les 
costumes  et  les  mœurs,  quelques  inscriptions  de  Karnak  et 
de  Médinet-Habou,  confirmées  par  le  grand  papyrus  Harris. 
Les  Sardiniens  étaient  dès  lors  à  la  solde  des  Pharaons,  et 
les  Celles  eux-mêmes  paraissent  avoir  laissé  leur  trace,  an- 
térieurement a  Moïse,  dans  l'hypogée  de  Séti  Ier  où  les 
liommes  du  Nord  figurent,  avec  la  barbe  blonde  et  les  yeux 
bleus,  parmi  les  quatre  divisions  de  l'espèce  humaine. 

Mais  les  Égyptiens  connaissaient  mieux  les  races  sémi- 
tiques (pie  les  races  indo-européennes,  séparées  d'eux  par  la 
Méditerranée.  Au  temps  de  leurs  conquêtes,  alors  qu'ils  oc- 
cupaienl  militairement  la  Syrieet  la  Palestine,  ils  poussaient 
la  manie  «lu  sémitisme  jusqu'à  emprunter  des  mots  ou  des 
nom-  à  leurs  voisins  immédiats,  dont  ils  visitaient  les  villes 
dans  des  voyages  spéciaux  :  il  reste  encore  les  notes  d'un 


DES   CONFÉRENCES    d' ARCHÉOLOGIE    ÉGYPTIENNE        111 

scribe  sur  ce  dernier  sujet.  De  leur  côté,  les  populations 
limitrophes  affluaient  souvent  vers  la  Basse  Egypte,  et  une 
scène  d'un  hypogée  de  Béni-Hassan  figure,  avant  Joseph, 
l'arrivée  d'une  troupe  d'Asiatiques  accompagnés  de  leurs 
ânes.  Les  papyrus  nous  ont  même  conservé  le  nom  des 
Hébreux,  qu'ils  représentent  comme  traînant  la  pierre  pour 
les  constructions  de  Ramsès.  L'histoire  de  Moïse  et  celle  de 
Joseph,  toutes  deux  d'une  couleur  locale  si  vraie,  s'encadrent 
parfaitement  dans  les  données  égyptiennes.  On  admet  que 
Moïse  naquit  sous  Ramsès  II,  pharaon  dont  les  filles  sont 
représentées  sur  des  monuments  où  se  trouve  ainsi,  sans 
doute,  le  portrait  de  la  princesse  qui  recueillit  l'enfant 
sauvé  des  eaux.  Il  existait  encore  entre  les  Égyptiens  et  les 
Hébreux  d'autres  rapports  plus  intimes,  que  les  monuments 
l'ont  ressortir,  et  qui  consistent  en  une  certaine  communauté 
d'idées  ou  de  coutumes  religieuses,  telles  que  la  pratique  de 
la  circoncision,  l'emploi  du  lin  pour  les  vêtements  sacer- 
dotaux, l'horreur  du  porc,  la  croyance  à  une  ancienne  des- 
truction de  l'humanité  corrompue,  et  une  conception  parfois 
analogue  de  Dieu  comme  auteur  et  maître  du  monde. 

On  trouve  la  l'indice  d'une  parenté  à  l'appui  de  laquelle 
viennent  en  outre  d'incontestables  analogies  linguistiques, 
surtout  dans  les  procédés  grammaticaux.  D'autres  ressem- 
blances ont  été  signalées  entre  le  vocabulaire  égyptien  et 
celui  des  racines  aryennes,  de  sorte  que  les  études  égypto- 
logiques  apportent  leur  part  de  renseignements  sur  une 
question  encore  obscure,  celle  de  savoir  si  les  langues  carac- 
térisant les  deux  grandes  divisions  de  la  race  blanche  ont 
ou  n'ont  pas  une  souche  commune. 

Bien  que  pressée  de  différents  côtés,  comme  on  vient  de  le 
voir,  par  des  populations  sémitiques  ou  aryennes,  et  malgré 
des  relations  nombreuses  avec  la  race  noire,  l'Egypte  a  su 
pourtant  rester  elle-même  jusqu'à  la  naissance  du  christia- 
nisme, c'est-à-dire  pendant  toute  la  première  moitié  de 
l'histoire  du  monde.  Sous  plusieurs  dominations  étrangères, 


142  DISCOURS   PRONONCÉ   A   L'OUVERTURE 

elle  a  vécu  pendant  des  siècles  de  sa  vie  propre,  en  main- 
tenant son  organisation,  sa  religion,  son  art  et  sa  littérature, 
toutes  choses  qui  sont  nées  de  son  caractère  ou  qui  l'expri- 
ment. Ce  sera  terminer  le  tableau  des  conquêtes  de  la  science 
que  de  retracer  autant  que  possible,  dans  son  principe  et 
ses  manifestations,  ce  caractère  profondément  original. 

Les  Égyptiens  sont,  d'après  leur  type  et  leur  langue, 
un  peuple  de  la  race  blanche  établi  depuis  un  temps  immé- 
morial dans  la  longue  vallée  étroite  qui  suit  le  Nil  jusqu'aux 
cataractes.  Isolés  sur  cette  mince  bande  de  terre  que  deux 
déserts  bornent,  ils  durent,  pour  vivre,  s'y  livrer  à  des  tra- 
vaux d'agriculture  qu'heureusement  la  fertilité  du  sol  fa- 
vorisa. Ils  furent  avant  tout  des  laboureurs,  mais,  comme 
on  s'adonne  volontiers  à  ce  qui  réussit,  des  laboureurs  in- 
dustrieux et  riches.  Dès  les  premières  dynasties,  les  pein- 
tures de  leurs  tombeaux  montrent  que  la  culture  du  blé,  du 
lin.  delà  vigne  et  des  jardins,  l'arrosage,  l'élève  des  bestiaux, 
le  soin  de  la  basse-cour,  du  cellier  et  du  ménage,  en  un  mot, 
que  la  maison  rustique  égyptienne  valait  la  maison  rustique 
européenne,  avant  du  moins  l'invention  des  machines  qui 
renouvellent  celle-ci.  Do  plus,  les  métiers  et  les  arts  d'uti- 
lité et  de  luxe  en  usage  chez  les  anciens  apportaient  déjà 
leur  concours  au  bien-être  commun. 

Mais  cette  prospérité  tenait  au  Nil,  père  et  nourricier  du 
sol,  qui,  après  l'avoir  formé  de  son  limon,  le  fertilisait  ou 
le  stérilisait  suivant  la  hauteur  de  sa  crue  périodique. 
Visités  tour  à  tour  par  l'abondance  et  la  disette,  les  premiers 
Égyptiens  songèrent  à  assurer  l'une  en  prévenant  l'autre,  et 
s'associèrent  pour  gouverner  leur  fleuve.  Leurs  petites  peu- 
plades primitives,  dont  quelques  traces  paraissent  dans  la 
persistance  des  religions  et  des  querelles  locales,  se  grou- 
pèrent peu  à  peu  sous  un  pouvoir  unique,  maître  de  toutes 
les  forces  de  la  société  par  le  sacrifice  qu'on  lui  lit  de  l'indé- 
pendance ou  de  la  propriété  personnelles.  Une  direction 
forte,  active,  vigilante,  éleva  partout  des  terrassements  et 


DES   CONFÉRENCES   D' ARCHÉOLOGIE   ÉGYPTIENNE        143 

des  chaussées  pour  placer  et  relier  les  villes,  couvrit  le  pays 
de  canaux,  de  digues  et  de  réservoirs  destinés  à  recevoir  ou 
à  distribuer  l'eau  selon  l'année,  et  occupa  à  mouvoir  ce  vaste 
système  de  prévoyance  toute  une  aristocratie  hiérarchisée 
d'administrateurs. 

Ainsi  le  besoin  d'agir  en  masse,  centralisant  une  popu- 
lation» agricole,  devint  le  support  où  s'appuya  l'énorme 
puissance  des  Pharaons.  Une  autre  cause,  en  même  temps, 
contribuait  à  fonder  et  à  fortifier  cette  puissance.  Certaines 
inscriptions  sépulcrales,  l'invasion  des  Hycsos  et  l'histoire 
de  Joseph  prouvent  que  la  vallée  du  Nil  offrait,  par  sa 
position,  un  lieu  de  refuge  ou  un  but  de  conquête  aux  Asia- 
tiques, guidés  par  l'isthme  de  Péluse  comme  par  un  chemin. 
Il  fallut  prévenir  l'encombrement  ou  le  danger  de  ces 
arrivées,  et  entourer  les  paisibles  travaux  champêtres  d'un 
cercle  de  soldats,  placés  sous  les  ordres  immédiats  des  rois 
pour  la  promptitude  et  l'unité  de  l'action.  Aussi,  les  titres 
sculptés  dans  les  tombeaux  voisins  et  contemporains  des 
pyramides  indiquent-ils,  déjà,  la  complication  savante  des 
rouages  par  lesquels  le  Pharaon  dirigeait  l'administration 
militaire  et  civile,  l'entretien  du  fleuve  et  le  service  de  sa 
maison. 

En  s'organisant  dans  le  inonde  pour  vivre,  les  Egyptiens 
avaient  songé  à  expliquer  le  monde  ainsi  qu'à  recommencer 
la  vie,  et  leur  religion  s'était  développée  à  travers  leur 
société  suivant  ce  besoin,  naturel  à  l'homme,  de  demander 
au  Dieu  qu'il  devine  dans  l'univers  l'achèvement  du  bonheur 
pour  lequel  il  se  sent  né.  Au  contraire  des  Bouddhistes, 
pour  qui  l'action  est  vaine  puisqu'elle  passe,  les  Egyptiens, 
heureux  d'un  travail  prospère,  d'un  climat  sain  et  d'une 
constitution  vigoureuse,  fondèrent  leur  foi  sur  leur  tendance 
à  agir  et  leur  amour  de  vivre. 

Ils  crurent  à  la  persistance  de  l'énergie  vitale  chez 
l'homme,  et  ils  adorèrent  la  bienfaisance  de  la  force  créatrice 
dans  la  nature.   Cette  force  se  manifestait,  aux  bords  du 


144  DISCOURS    PRONONCÉ    A    L'OUVERTURE 

Nil,  (Tune  façon  trop  éclatante  sous  les  formes  de  l'humidité 
et  de  la  chaleur,  pour  que  le  soleil  et  l'eau  n'y  fussent  pas  sur- 
tout divinisés.  Assimilée  au  ciel  qui  lui  ressemble,  l'eau  fut 
généralement  prise,  à  cause  de  sa  passivité,  pour  la  mère  et 
l'épouse  du  soleil.  De  son  côté,  le  soleil,  ce  roi  de  la  vie  qui 
s'engendre  lui-même  au  firmament  par  son  activité  propre, 
devint  une  sorte  de  pharaon  céleste  adoré  partout,  et  en 
conséquence  le  Dieu  suprême,  âme  de  l'univers,  dont  les 
autres  dieux,  ciel,  air,  terre,  lune  ou  étoiles,  n'étaient  que 
les  dérivations,  ou,  pour  employer  une  expression  égyp- 
tienne, les  personnes. 

Toutes  ces  divinités,  qui  peuplèrent  le  panthéon  égyptien 
par  triades  de  pères,  de  mères  et  de  fils,  veillaient  sur  les 
vivants,  mais  surtout  protégeaient  les  morts.  La  croyance 
à  l'immortalité  de  l'homme,  regardé  comme  une  image  du 
soleil  nocturne  ou  Osiris,  forma  en  effet  la  partie  vive,  le 
cœur  de  la  religion  nationale,  dans  ce  pays  où  le  jeu  des 
phénomènes  naturels  imite  si  bien  une  résurrection  inces- 
sante par  sa  régularité  nue  et  fixe.  Au  milieu  du  prompt 
renouvellement  des  choses,  qui  jamais  ne  s'y  lasse,  ne  s'y 
arrête  ou  ne  s'y  varie  d'un  accident  qui  le  voile,  il  était 
difficile  de  croire  que  l'homme,  cette  puissance  aussi  active 
que  les  autres,  perdrait  seul,  en  un  instant  et  pour  toujours, 
le  bonheur  d'être. 

11  est  vrai  qu'après  la  mort  l'âme  quitte  le  corps  qui  se 
dissout,  niais  cette  dissolution  l'ut  combattue  et  ce  départ 
expliqué.  On  regarda  la  putréfaction  comme  l'œuvre  d'une 
force  ennemie,  d'un  Dieu  malfaisant  qui  cherchait,  comme 
Typhon  dans  la  légende  d'Osiris,  a  disperser  le  corps  pour 
le  détruire,  et  on  immobilisa  la  fuite  de  la  forme  humaine 
par  des  aromates,  des  bandelettes,  des  cercueils  triples  ou 
des  tombeaux  murés.  Quant  a  l'âme,  puisque  le  sentiment 
du  bien  et  du  mal  enseigne  qu'il  faut  mériter  pour  obtenir, 
on  pensa  qu'un  jugement  du  tribunal  divin  la  réunissait  au 
corps,  ou  bien  la  condamnait  à  une  mort  nouvelle,  suivant 


DES   CONFÉRENCES    D' ARCHÉOLOGIE    ÉGYPTIENNE        145 

la  somme  et  le  poids  de  ses  vertus  et  de  ses  vices.  Un  tel 
soin  de  la  momie  exagéra  certainement  le  pouvoir  des  prê- 
tres, mais  une  telle  sanction  de  la  justice  contint  peut-être 
le  despotisme  des  Pharaons,  tout  en  valant  à  l'Egypte  des 
lois  que  l'antiquité  admira. 

De  même  que  la  société,  la  religion  était  constituée  d'une 
manière  définitive  dès  les  premiers  rois  :  c'est  sous  cette 
forme  ancienne  qu'elles  ont  laissé  leur  empreinte  dans  la 
littérature  qui,  à  travers  les  changements  partiels  qu'une 
race  ne  saurait  éviter,  exprime  dans  son  ensemble  un  état 
d'esprit  antérieur  à  Mènes,  on  tout  au  moins  contemporain 
des  pyramides. 

Si  l'on  est  loin  de  posséder  tous  les  livres  qui  devaient 
remplir  la  bibliothèque  d'un  lettré  ou  d'un  prêtre,  on  a  du 
moins  retrouvé  et  interprété  bien  des  textes  et  bien  des 
papyrus  contenant  des  traités  de  morale,  de  mathématiques 
ou  de  médecine,  des  lettres  familières,  des  pièces  de  comp- 
tabilité, des  dossiers  judiciaires,  des  compositions  mytho- 
logiques, des  exercices  littéraires,  des  hymnes,  des  poèmes, 
des  contes  et  des  récits  historiques  :  pourtant,  dans  cet  en- 
semble qui  embrasse  a  peu  près  tous  les  objets  de  la  pensée, 
rien  ne  révèle  des  tendances  spéculatives  ou  progressives. 
Vers  le  début  de  la  période  historique,  lorsque  toutes  les 
inventions  nécessaires  au  bien-être  furent  connues,  l'esprit 
égyptien  semble  s'être  fermé  à  toute  réflexion  et  à  toute 
impression  nouvelles,  pour  s'appuyer  sur  les  données,  les 
axiomes  et  les  procédés  acquis.  La  composition  ou  la  révé- 
lation des  textes  les  plus  vénérés  de  la  religion,  de  la  morale 
ou  de  la  médecine,  étaient  rapportées  aux  règnes  des  pre- 
mières dynasties. 

En  conséquence  de  tels  principes,  la  partie  utile  des 
sciences  connues,  assez  avancée  d'abord  et  fondée  sur  quel- 
ques découvertes  empiriques,  ne  progressa  point  :  la  partie 
théorique  resta  dans  l'enfance.  L'astronomie,  par  exemple, 
malgré  de  bonnes  observations,  ne  présente  jamais  dans  les 

BlBL.  ÉGYPT.,   T.  XXXIV.  10 


146  DISCOURS   PRONONCÉ   A   L'OUVERTURE 

textes  ptolémaïques  comme  dans  les  hiéroglyphes  anciens, 
d'autre  système  que  celui-ci  :  sur  une  mer  sans  fin  que  l'air 
soutient  au-dessus  du  globe  terrestre,  le  soleil  tourne  le  jour 
autour  de  la  terre  qu'il  traverse  la  nuit,  tiré  dans  son  cours 
par  le  mouvement  des  étoiles  agissant  à  la  façon  d'une  sorte 
de  contre-poids.  En  toutes  choses  on  regardait  la  civilisation, 
établie  au  temps  où  les  dieux  régnaient  ici-bas,  comme  une 
œuvre  plus  qu'humaine  à  laquelle  il  ne  fallait  rien  changer, 
et  dont  il  restait  simplement  à  tirer  le  meilleur  parti 
possible. 

C'est  ce  qu'indiquent  bien  les  livres  de  maximes,  qui  re- 
commandent l'obéissance  aux  dieux,  aux  rois  et  aux  parents, 
le  respect  de  la  hiérarchie,  l'esprit  de  famille,  l'affabilité  et 
la  prudence  dans  les  rapports  sociaux,  en  un  mot,  tout  ce 
qui  peut  rendre  la  vie  agréable  dans  un  État  constitué  : 
il  n'y  a  point  là  de  déductions  philosophiques,  mais,  outre 
une  morale  pure  et  une  vraie  bonté,  le  fonds  d'expérience 
nécessaire  pour  devenir  habile  en  restant  honnête.  Quelques 
exercices  épistolaires  décèlent  aussi,  dans  la  comparaison 
des  différents  métiers,  ce  sens  pratique  qui  n'a  jamais  fait 
défaut  aux  Égyptiens,  et  qui  se  rencontre  là  même  où  on  le 
soupçonnerait  le  moins  :  les  textes  funéraires  et  religieux, 
comme  les  recettes  médicales,  contiennent  en  effet  un  très 
grand  nombre  de  prières  ou  d'hymnes  ayant  pour  seul  but 
de  mettre  les  fidèles,  les  défunts  ou  les  malades,  hors  de 
toute  atteinte  malfaisante  sous  la  protection  des  dieux  in- 
voqués. La  grande  compilation  qu'on  nomme  le  Livre  des 
Morts  n'est,  entre  autres,  qu'un  recueil  de  formules  magi- 
ques destinées  à  procurer  des  avantages  spéciaux. 

Le  sens  pratique  est  le  contraire  du  génie  poétique; 
néanmoins,  comme  aucun  sentiment  naturel  ne  peut  manquer 
totalement  à  L'âme  d'une  race,  l'esprit  positif  n'exclut  pas 
la  poésie,  mais  il  la  limite,  et,  en  l'enfermant  dans  la  sphère 
où  il  se  complait  lui-même,  il  lui  ôte  à  la  fois  les  ailes  et 
l'horizon,  c'est-à-dire  l'élan   qui  l'emporte   vers   les  objets 


DES   CONFÉRENCES  D'ARCHÉOLOGIE   ÉGYPTIENNE         147 

qu'elle  préfère.  La  poésie  se  rencontre  donc  peu  dans  la 
littérature  de  l'Egypte,  et  moins  qu'ailleurs  peut-être  dans 
les  œuvres  d'apparat  faites  à  la  louange  des  rois  ou  des  dieux, 
malgré  le  rythme  des  versets  et  le  cliquetis  des  assonances, 
contrastant  avec  l'allure  si  simple  des  récits  ou  des  contes. 
Ce  genre  officiel,  où  les  épithètes  banales  comme  les  titres 
connus  tiennent  trop  de  place  et  où  l'emphase  ne  corrige 
pas  la  froideur,  a  pour  type  une  composition  très  admirée 
sous  Ramsès  II  qu'elle  célébrait  :  c'est  le  poème  de  Pen- 
taour,  dont  le  principal  mérite  est  de  marquer  le  niveau  lit- 
téraire du  peuple  qui,  à  son  plus  beau  siècle,  l'a  jugé  un 
chef-d'œuvre.  La  verve  n'anime  guère  que  les  sujets  ana- 
créontiques,  comme  le  montrent  certains  papyrus  récemment 
étudiés  :  dans  ces  chants  de  la  rose  et  de  l'œillet  qui  se 
disaient  à  table  avec  accompagnement  de  cithare,  et  dans 
quelques  épitres  satiriques  qui  pour  nous  les  commentent,  la 
crudité  des  détails  compose  une  peinture  grossière  mais 
vivante,  qui  révèle  la  nature  de  talent  propre  aux  Égyptiens, 
et  qui  présente  l'aspect  de  la  réalité,  mais  n'éveille  pas 
l'idée  de  la  beauté. 

Si,  quittant  le  domaine  de  l'archéologie  pour  celui  de 
l'esthétique,  on  cherchait  le  beau  égyptien,  c'est  à  l'art  et 
non  à  la  littérature  qu'il  le  faudrait  demander.  Là,  bien  que 
le  manque  habituel  d'initiative  ait  conservé  d'anciennes  im- 
perfections et  changé  les  renaissances  en  retour  vers  le 
passé,  la  recherche  du  réel  fît  produire  au  moins  à  la  sculp- 
ture des  œuvres  dignes  de  tout  éloge  :  l'architecture  sur- 
tout, alliant  le  simple  au  grand,  grâce  au  défaut  d'imagi- 
nation et  à  l'appui  du  despotisme,  parvint  à  une  incompa- 
rable puissance  d'effet.  Mais  l'égyptologie  n'a  pas  à  juger 
un  art  qui  peut  être  apprécié  en  dehors  d'elle,  qui  l'a  été, 
et  à  qui  elle  demande,  pour  sa  part,  des  renseignements 
plutôt  que  des  impressions  :  il  n'y  a  donc  pas  à  insister  sur 
ce  point. 

Ainsi,  l'étude  des  hiéroglyphes  révèle  avec  certitude  dans 


148  DISCOURS    PRONONCÉ    A    L'OUVERTURE 

les  Égyptiens  un  peuple  arrivé,  dès  le  début  de  sa  vie  his- 
torique, à  une  civilisation  avancée  qu'il  a  maintenue  sans 
la  dépasser  ou  la  changer,  et  dont  la  partie  matérielle  l'em- 
portait sur  le  côté  intellectuel.  Plus  apte  aux  jouissances  du 
bien-être  qu'aux  spéculations  de  l'esprit,  l'Egypte  s'est 
longuement  immobilisée,  sous  le  despotisme  protecteur  de 
ses  rois,  dans  un  profond  attachement  à  la  vie,  présente  et 
future.  Pendant  toute  la  période  de  l'antiquité  qui  précéda 
le  christianisme,  elle  a  subsisté  de  même,  utilitaire  et 
stationnaire  à  la  fois,  avec  la  solidité  grandiose  des  monu- 
ments qu'elle  élevait,  soit  que  la  nécessité  du  travail  et  de 
la  règle  ait  fait  d'elle  le  peuple  pratique  et  docile  que  mon- 
trent son  manque  de  poésie  et  son  attachement  aux  vieilles 
coutumes,  soit  qu'une  réelle  infériorité  de  race  l'ait  retenue 
dans  le  culte  d'un  passé  dont  elle  ne  pouvait  renouveler 
l'effort,  soit  que,  dans  un  sens  plus  large,  son  état  repré- 
sente une  des  haltes  nécessaires  de  l'humanité  sur  la  route 
du  progrès,  halte  prolongée  ici  par  la  plus  heureuse  situation 
géographique  de  la  terre. 

Quelle  que  soit  sa  cause,  cet  arrêt  tant  de  fois  séculaire 
nous  a  légué  des  bienfaits  dont  les  sciences  dites  préhis- 
toriques nous  enseigneront  peut-être  toute  l'étendue.  Si 
nous  ne  connaissons  pas  entièrement  la  part  de  l'Egypte 
dans  l'invention  ou  la  transmission  des  industries  et  des 
arts,  au  moins  savons-nous  déjà  que  sa  longue  durée  inities 
races  voisines  à  même  de  lui  emprunter,  à  leurs  heures,  des 
découvertes  qui  lui  sont  propres  :  on  lui  doit  ainsi  non 
seulement  le  papier,  mais  encore  l'alphabet,  c'est-à-dire  en 
somme  le  livre,  qui  a  doté  l'esprit  d'un  si  puissant  moyen 
de  progrès,  et  qui  a  aidé  a  la  mémoire  autant  que  l'impri- 
merie  supplée  a  l'écriture  on  la  vapeur  à  la  marche. 

Mais  l'Egypte  a  lait  pins  que  nous  laisser  l'outillage  ma- 
tériel de  la  pensée,  puisque,  en  retraçant  par  lui  toute  la 
partie  du  passé  qu'elle  a  reflété  ou  vécu,  elle  nous  donne  mi 
nous  promet  (et  c'est  i'i  le  grand  intérêt   de  son  étude)  les 


DES    CONFÉRENCES    D'ARCHÉOLOGIE    ÉGYPTIENNE        149 

plus  anciens  renseignements  qu'on  possède  et  qu'on  puisse 
espérer  peut-être  sur  l'état  de  la  flore  et  de  la  faune  antiques,, 
comme  sur  celui  des  races  humaines  aux  débuts  de  la  civi- 
lisation. Par  là,  l'Egypte  a  permis  de  la  placer  elle-même 
au  seuil  de  L'histoire,  et  maintenant  sa  ligure  imposante, 
mais  incomplète  encore,  apparaît  au  premier  rang  dans 
cette  famille  de  types,  ressuscites  par  l'étude,  auxquels 
l'humanité  présente  demande  la  conscience  de  son  passé 
comme  l'intuition  de  son  avenir. 

C'est  à  la  génération  actuelle  qu'il  appartient,  Messieurs, 
de  mettre  dans  une  lumière  de  plus  en  plus  éclatante  une 
race  vénérable  entre  toutes,  puisqu'elle  se  montre  à  nous 
comme  l'aïeule  des  nations  civilisées.  Peut-être  même  le 
siècle  qui  s'achève  saura-t-il  déjà  rétablir  dans  ses  parties 
essentielles  et  comme  redresser  sur  sa  base  ce  grand  mono- 
lithe de  l'histoire.  La  France,  pour  sa  part,  n'a  point  failli 
jusqu'à  ce  jour  à  la  tâche  que  lui  impose  l'honneur  des  pre- 
mières découvertes.  La  chaire  de  Champollion,  par  exemple, 
a  trouvé  des  successeurs  clignes  du  maître  en  M.  de  Rougé, 
qui  a  laissé  partout  l'empreinte  définitive  d'une  critique 
presque  infaillible,  et  en  M.  Maspero,  pour  qui  les  nuances 
les  plus  délicates  de  la  langue  n'ont  plus  de  secrets.  D'un 
autre  côté,  la  région  même  de  notre  pays  dont  Lyon  est  le 
centre  a  contribué,  dans  une  large  mesure,  aux  progrès  de 
l'archéologie  égyptienne.  N'est-ce  pas  à  Grenoble  que  les 
entretiens  de  Fourier  ont  déterminé  la  vocation  de  Cham- 
pollion, et  n'est-ce  pas  à  Chalon-sur-Saône  que  M.  Chabas  a 
pris  rang  parmi  les  égyptologues  les  plus  éminents  de 
l'Europe  ?  N'est-ce  pas  enfin  dans  Lyon  même  que  l'un  des 
habitants  de  cette  ville,  avec  une  magnificence  éclairée  digne 
des  grands  citoyens  de  l'Italie  au  temps  de  la  Renaissance, 
vient  d'offrir  une  place  à  l'Egypte  ancienne  dans  le  palais 
qu'il  destine  aux  arts  de  l'Orient'.'  Rien  n'empêche  d'espérer 
que  d'aussi  nobles  exemples  seront  suivis  dans  les  limites  du 
possible,  car,  il  ne  faut  pas  l'oublier,  si  l'archéologie  égyp- 


150  CONFÉRENCES    D'ARCHÉOLOGIE   ÉGYPTIENNE 

tienne  exige  dans  tous  les  détails  qu'elle  comporte  les  pré- 
cautions patientes  d'une  analyse  minutieuse,  la  découverte 
y  est  parfois  plus  grande  que  la  peine  :  in  tenui  labor,  at 
tenuis  non  gloi'ia. 


LES 

ni 


RACES  CONNUES  DES  EGYPTIENS 


Aucune  nation  ne  remonte  aussi  loin  que  l'Egypte  dans 
le  passé  :  nous  ne  saurions,  par  conséquent,  attacher  trop 
d'importance  à  ce  qu'elle  nous  apprend  sur  nous-mêmes, 
c'est-à-dire  sur  l'ancienneté,  la  filiation  ou  la  parenté  des 
grandes  races  historiques.  Jusqu'à  l'avènement  de  l'Assyrie 
et  de  la  Grèce,  elle  a  été  comme  le  centre  involontaire  du 
monde  civilisé,  attirant  toutes  les  curiosités  et  toutes  les 
cupidités  qui  venaient  lui  ravir,  chez  elle,  la  jouissance  de 
ses  richesses  ou  la  connaissance  de  ses  secrets.  Presque  tou- 
jours inurée,  comme  une  Chine  africaine,  elle  n'a  cédé  que 
conquise  son  alphabet  aux  Sémites,  et,  pour  la  rendre  à 
l'histoire  avec  ses  innombrables  monuments,  il  a  fallu 
toute  la  science  des  temps  modernes.  Mais  la  grande  dé- 
couverte de  Champollion  a  été  heureusement  aussi  fruc- 
tueuse qu'éclatante;  nous  pouvons  enfin  interroger  l'Egypte, 
et,  dans  des  documents  qui  datent  presque  tous  de  la  grande 
époque  du  Nouvel  Empire,  c'est-à-dire  au  moins  du  temps 
de  Moïse,  elle  nous  a  déjà  révélé  sa  durée,  ses  affinités 
ethnographiques,  ses  différentes  conceptions  de  l'espèce 
humaine,  et  une  grande  partie  de  ce  qu'elle  savait  sur  les 

1.  Publié  dans  les  Annales  du  Musée  Guinxet,  1880,  t.  I,  p.  61-76; 
tirage  à  part  de  cinquante  exemplaires,  grand  in-8",  chez  Pitrat,  1880, 
20  pages.  —  G.  M. 


152        LES  RACES  CONNUES  DES  ÉGYPTIENS 

peuples  qui  furent  ses  contemporains.  Ce  sont  là  des  ren- 
seignements qui  méritent  d'être  analysés. 


I 

La  chronologie  égyptienne  fournit  peu  de  dates,  mais  le 
•  aïeul  approximatif  et  le  calcul  rigoureux  s'accordent, 
d'après  des  éléments  divers,  pour  donner  à  la  monarchie 
fondée  par  Mènes  une  durée  d'au  moins  4.000  ans  avant  l'ère 
chrétienne.  On  sait  même,  par  la  mention  d'un  lever  de 
Sirius,  que  l'an  3010  avant  Jésus-Christ  coïncide  avec  l'an  9 
du  règne  de  Menkhérès,  quatrième  pharaon  de  la  IVe  dy- 
nastie, et  auteur  de  la  plus  petite  des  grandes  pyramides. 

Il  serait  impossible  de  dater  avec  la  même  précision  les 
faits  concernant  les  races,  mais  il  est  utile  néanmoins  de 
rappeler  ici  les  grandes  divisions  chronologiques  de  l'histoire 
égyptienne,  c'est-à-dire  l'Ancien  Empire,  comprenant  les 
six  premières  dynasties,  le  Moyen  Empire  allant  jusqu'à 
la  fin  de  la  XVIIe  dynastie,  au  moment  de  l'expulsion  des 
Pasteurs,  et  le  Nouvel  Empire  allant  jusqu'à  la  fin  de  la 
XXXIe   dynastie,   que   remplacèrent   les   souverains  grecs. 

La  plus  brillante  époque  de  cette  histoire  est  celle  des 
XVIIIe,  XIX0  et  XX  dynasties,  les  premières  du  Nouvel 
Empire  :  c'est  aux  tableaux  dont  les  Pharaons  d'alors  ont 
couverl  les  murs  immenses  des  hypogées  et  dc^  sanctuaires 
thèbains  que  sont  empruntés  surtout  les  documents  qui  vont 
être  utilisés.  Les  rois  dont  les  hauts  laits  revivent  dansées 
antiques  peintures  sont  les  Thotmès  et  les  Aménophis  de  la 
XVIIIe  dynastie,  avec  les  Ramsès  de  la  XIX"  et  de  la  XX"  : 
les  pins  illustres  sont  Thotmès  III,  Séti  Ier,  père  de  Ram- 
II,  Ramsès  II,  le  Sésostris  des  Grecs,  sons  lequel  vécul 
Moïse  comme  nous  l'indiquent  les  textes  égyptiens,  Mé 
neptah  Ier,  fils  de  Ramsès  II,  el  enfin  Ramsès  III,  le 
deuxième  pharaon  de  la  XX"  dynastie, 


LES  RACES  CONNUES  DES  ÉGYPTIENS        153 


II 

L'Egypte  est  appelée  Mitsraïm  dans  la  Bible,  et  Mudraya 
dans  les  cunéiformes,  désignation  qui  ne  se  retrouve  mal- 
heureusement pas  dans  les  hiéroglyphes,  où  le  pays  est  dit 
simplement  Kémi,  la  terre  noire,  tandis  que  le  désert  envi- 
ronnant est  Tesher,  la  terre  rouge.  Le  nom  de  la  contrée  ne 
nous  apprend  donc  rien  sur  l'origine  de  ses  habitants;  mais 
leur  religion,  comme  leur  langue,  montre  qu'ils  sont  venus 
de  l'Asie  et  non  de  l'Afrique. 

L'antiquité  classique  les  croyait  descendus  des  Ethiopiens, 
sur  la  foi  des  Ethiopiens  eux-mêmes.  On  en  donnait  pour 
preuve,  et  la  civilisation  commune  aux  deux  peuples,  et  la 
formation  du  Delta,  sans  songer,  ou  plutôt  sans  savoir  que 
l'Ethiopie  s'était  modelée  sur  l'Egypte  a  une  époque  peu 
ancienne,  tandis  que  l'âge  du  Delta  comportait  au  contraire 
des  siècles  nombreux.  Du  reste,  les  plus  anciens  monuments 
apparaissent  dans  la  Basse  Egypte,  vers  la  pointe  du  Delta, 
et  le  premier  des  Pharaons  passait  pour  avoir  bâti  Memphis. 
Les  prêtres  disaient  même  encore  du  temps  d'Hérodote,  et 
conformément  à  leur  opinion  constante,  que  le  Nil  sortait 
de  deux  grottes  situées  dans  le  voisinage  d'Éléphantine, 
idée  qui  n'a  pu  naître  que  chez  des  riverains  du  bas  Nil,  et 
qui  ne  serait  pas  venue  à  des  voisins  de  la  Nubie,  puisque 
l'inondation  commence  plus  haut  que  la  Nubie.  Enfin,  à  en 
croire  les  Égyptiens  eux-mêmes,  leurs  divinités  seraient 
originaires  d'une  contrée  orientale  comprenant,  sous  les 
noms  de  Terre  sainte  et  de  Pays  des  dieux,  l'Arabie  à  l'est 
et  la  Phénicîe  au  nord. 

La  valeur  de  cette  tradition  pourrait  être  confirmée  par 
des  faits  nombreux,  reliant  les  croyances  et  les  rites  des 
Egyptiens  à  ceux  des  Sémites.  Il  suffira  d'indiquer  la  pra- 
tique de  la  mutilation  ou  de  la  circoncision,  et  l'impureté 
du  pourceau. 


154         LES  RACES  CONNUES  DES  ÉGYPTIENS 

Un  monument  contemporain  de  Ramsès  II,  et  par  consé- 
quent de  Moïse,  figure  la  cérémonie  de  la  circoncision.  Le 
héros  du  Conte  des  Deux  Frères,  sorte  de  mythe  analogue  à 
ceux  qui  se  rattachaient  à  la  déesse  syrienne  et  à  l'Adonis 
phénicien,  se  mutile  lui-même.  Le  Soleil  avait  voulu 
s'émasculer,  d'après  un  chapitre  du  Livre  des  Morts.  De 
plus,  un  roi  de  la  XVIIIe  dynastie,  Khounaten,  qui  essaya 
d'imposer  à  l'Egypte  le  culte  unique  du  globe  solaire,  était 
(Va  près  ses  portraits  devenu  eunuque,  après  avoir  eu  d'ail- 
leurs un  certain  nombre  d'enfants.  On  a  remarqué,  en  étu- 
diant les  cérémonies  de  la  nouvelle  religion,  que  la  reine 
mère  prit  alors  une  grande  importance,  que  les  princesses 
eurent  le  pas  sur  les  princes,  et  que  les  courtisans  imi- 
tèrent le  pharaon,  particularités  qui  font  de  Khounaten, 
ou  la  splendeur  du  disque,  un  véritable  Héliogabale  égyp- 
tien. 

Quant  à  l'impureté  du  pourceau,  elle  est  attestée  par  les 
écrivains  grecs,  cl  surtout  par  une  légende  mythologique 
du  Livre  des  Morts.  Horus  avait  été  attaqué  par  Typhon 
qui,  changé  en  un  pourceau  noir,  cherchait  à  dévorer  l'œil 
d'Horus,  c'est-à-dire  le  soleil  ou  la  lune.  Horus  brûla  son 
ennemi,  emblème  des  ténèbres  ou  des  éclipses,  et  institua 
en  commémoration  de  sa  victoire  le  sacrifice  du  porc. 

L'ancienneté  de  «'elle  légende  se  trouve  contestée,  d'une 
manière  indirecte,  par  l'opinion  1res  répandue  aujourd'hui 
que  le  pourceau  aurait  été  introduit  en  Egypte  vers  le  temps 
des  Pasteurs.  Il  n'existe  en  effet  de  cet  animal  qu'une  seule 
représentation,  si  confuse  qu'elle  est  douteuse,  dans  les 
texte-  publiés  <h'  l'Ancien  Empire,  mais  la  question  est  tran- 
chée par  une  peinture  de  la  magnifique  collection  apparte- 
nant ;i  M.  Guimet.  Cette  peinture  fait  partie  d'une  série  de 
tableaux  qui  ont  figuré  ;i  l'Exposition  universelle  de  1 S78  et 
(pii  ont  été  copiés  dans  la  tombe  d'un  haul  fonctionnaire  de 
la  Ve  dynastie,  nommé  Ti  :  on  y  voit  les  domaines  du  mort, 
personnifiés  par  des  femmes,  apportant  diverses  offrandes 


LES  RACES  CONNUES  DES  ÉGYPTIENS        155 

funéraires  parmi  lesquelles  se  trouve  un  petit  cochon  de  lait 
dans  une  cage. 

L'Egypte  se  rapprochait  du  groupe  sémitique  non  seule- 
ment par  sa  religion,  mais  encore  par  sa  langue,  et  c'est  là 
un  fait  sur  lequel  il  est  inutile  d'insister,  puisque  tous  les 
savants  l'admettent.  Un  autre  indice  reporterait  même  au 
delà  des  pays  sémitiques  le  point  de  départ  des  Egyptiens, 
car  leur  vocabulaire  paraît  renfermer  un  certain  nombre  de 
racines  aryennes  appartenant  aux  catégories  d'idées  les 
plus  importantes  et  les  plus  usuelles. 

Au  point  de  vue  linguistique,  les  riverains  du  Nil,  consi- 
dérés comme  chamites  par  certains  savants,  et  comme 
proto-sémites  par  d'autres,  seraient  donc  de  la  race  blanche; 
l'anatomie  confirme  cette  donnée,  mais  montre  en  eux, 
néanmoins,  des  caractères  assez  tranchés  pour  qu'on  ait  pu 
y  voir  les  indices  d'un  véritable  type,  que  personne  du  reste 
ne  songe  à  séparer  de  la  race  blanche. 

Aux  particularités  de  structure  révélées  par  les  momies, 
s'ajoute  encore  la  couleur  rouge  que  les  Égyptiens  s'attri- 
buaient sur  les  monuments,  mais  cette  couleur  rouge,  qui 
n'existait  plus  du  temps  d'Hérodote,  n'avait  rien  d'absolu, 
car  on  l'attribuait  rarement  aux  femmes,  soustraites  parleur 
genre  de  vie  à  l'action  prolongée  du  soleil.  Les  femmes 
étaient  caractérisées,  dans  les  peintures,  par  la  nuance  jaune 
clair,  ce  qui  trahit  sans  doute  une  sorte  de  retour  vers  l'état 
primitif  du  teint. 

III 

Si  l'on  interroge  maintenant  les  Égyptiens  eux-mêmes 
sur  ce  qu'ils  savaient  ou  pensaient  de  l'espèce  humaine,  on 
trouvera  qu'ils  la  divisaient  tantôt  arbitrairement  d'après 
les  quatre  points  cardinaux,  tantôt  logiquement  d'après  ses 
différentes  variétés. 

La  première  classification,   qui  place  l'Egypte  au  centre 


156        LES  RACES  CONNUES  DES  ÉGYPTIENS 

du  monde,  se  rencontre  dans  des  textes  de  toutes  les 
époques,  et  particulièrement  dans  une  inscription  religieuse 
du  temple  ptolémaïque  d'Edfou.  Les  peuples  étrangers  sont 
représentés  là  comme  produits  par  les  alliés  du  mauvais 
principe,  qui  se  dispersèrent  après  leur  défaite,  de  sorte 
i|u'/7  en  alla  au  sud,  ce  fui  la  race  éthiopienne,  au  nord; 
ce  furent  les  Sémites,  à  l'occident,  ce  furent  les  Européens, 
et  à  l'orient,  ce  lurent  les  Bédouins.  Les  Égyptiens,  au 
contraire,  avaient  été  les  serviteurs  de  Dieu,  et,  si  une  lé- 
gende du  tombeau  de  Séti  Ier  leur  attribue  une  antique 
rébellion  contre  l'autorité  du  roi  divin  Ra  ou  le  Soleil,  on 
voit  dans  le  même  texte  qu'ils  redevinrent  promptement  les 
alliés  du  dieu. 

La  seconde  énumération,  plus  scientifique,  existait  au 
temps  de  la  XVIIIe  dynastie  :  elle  faisait  partie  d'un  en- 
semble de  textes  décrivant  les  douze  divisions  de  l'enfer 
que  parcourait  le  Soleil  pendant  les  douze  heures  de  la  nuit. 
A  la  cinquième  division,  Horus  conduit  les  Égyptiens,  les 
Asiatiques,  les  Nègres  et  les  Septentrionaux,  vers  le  dieu 
Osiris,  qui  va  les  juger.  Le  texte  est  ainsi  conçu  : 

«  Horus  dit  aux  troupeaux  du  -Soleil,  qui  sont  dans  l'en- 
fer de  l'Egypte  et  du  désert  :  1  humeur  à  vous,  troupeaux  du 
Soleil,  nés  du  grand  qui  est  dans  le  ciel  !  Air  a  vos  narines, 
renversement  ;i  vos  cercueils  !  Vous,  vous  êtes  les  pleurs  de 
mon  Œil  (le  Soleil),  en  vos  personnes  d'hommes  supérieurs 
I  i  dire  d'Égyptiens).  Vous,  je  vous  ai  créés  en  vos 
personnes  d'Asiatiques;  Sekhel  (la  couronne  ou  la  radiation 
solaire)  les  a  i-irri^:  ("Ile  a  produit  leurs  âmes.  Vous,  j'ai 
répandu  ma  semence  pour  vous,  et  je  me  suis  soulagé  par 
une  multitude  sortie  de  moi  en  vos  personnes  de  Nègres; 
Horus  les  a  créées  ;  il  .1  produit  leurs  âmes.  Vous,  j'ai  cher- 
mon  Œil  et  je  vous  ai  créés  en  vos  personnes  de  Septen- 
trionaux :  Sekhel  les  a  créées,  el  e'esl  elle  (pli  a  prodllil 
leur-  aine-.    » 

Ces  paroles  décrivent  la  créai  toi]  panthéistique  de  l'huma- 


LES  RACES  CONNUES  DES  ÉGYPTIENS         157 

nité,  dont  trois  types  sur  quatre  émanent  de  la  lumière.  Le 
type  nègre  sort  d'une  forme  spéciale  d'Horus  représenté 
dans  son  rôle  nocturne  de  Khem  (sans  doute  le  Cham  bi- 
blique), ce  qui  expliquait  la  nuance  sombre  des  Nègres  : 
par  une  antithèse  facile  à  comprendre,  la  naissance  des 
blancs  purs  était  opposée  à  celle  des  vrais  noirs,  et  le  dieu 
cherchant  son  œil  produisait  les  uns  aussitôt  après  les  autres. 

On  voit  que  les  Égyptiens  distinguaient  nettement  la  race 
noire,  née  de  la  nuit,  de  la  race  blanche,  issue  de  la  lu- 
mière, et  qu'ils  avaient  aussi  une  idée  juste  de  la  ditïérence 
comme  de  l'unité  des  trois  types  les  plus  importants  pour 
eux  de  la  race  blanche,  c'est-à-dire  des  Sémites,  qu'ils 
peignaient  en  jaune,  des  Européens,  auxquels  ils  donnaient 
une  teinte  rosée,  et  d'eux-mêmes,  qu'ils  représentaient 
comme  rouges. 

Dans  une  autre  scène  des  tombes  royales,  on  retrouve 
une  classification  analogue  de  l'espèce  humaine,  mais  l'in- 
tolérance de  la  légende  ptolémaïque  y  apparaît  dans  un  dé- 
tail significatif  où  se  trahit  l'orgueil  de  race  :  c'est  que  les 
Égyptiens  sont  debout,  avec  les  bras  libres,  tandis  que  les 
autres  hommes  sont  à  genoux,  dans  la  posture  des  captifs. 

Du  reste,  les  Egyptiens  considérèrent  d'abord  leurs  voi- 
sins comme  des  ennemis,  car  ils  les  désignèrent  par  plusieurs 
mots  qui  signifient  les  archers  :  le  nom  de  Neuf-Arcs  s'ap- 
pliquant  à  l'ensemble  des  barbares,  celui  de  Terre  de  l'Arc 
à  la  Nubie,  celui  de  Sagittaires  (ou  Sati)  aux  Asiatiques,  et 
celui  d'Archers  (ou  An,  peut-être  les  Anamim  de  la  Bible), 
à  une  population  qui  habita  d'abord  l'Egypte,  puis  les  en- 
virons du  pays,  la  Libye,  le  Sinaï  et  la  Nubie,  et  qui  com- 
prenait des  tribus  noires. 

IV 

L'examen  des  textes  et  des  monuments  nous  révèle,  avec 
assez  de  détails,  ce  qu'étaient  les  races  connues  de  l'Egypte 


158        LES  RACES  CONNUES  DES  ÉGYPTIENS 

depuis  les  premières  dynasties  jusqu'à  la  fin  de  la  grande 
époque  pharaonique. 

Pour  les  Égyptiens,  un  type  rouge  ayant  quelque  ressem- 
blance avec  le  leur  existait  au  pays  des  Somalis,  qui  faisait 
partie  alors  d'une  vaste  zone  géographique  comprenant  les 
côtes  de  l'Arabie  et  de  l'Afrique  situées  au  nord,  à  l'est  et 
au  midi  de  l'Egypte.  Les  Égyptiens,  qui  appelaient  cette 
région  Poun  et  Terre  sainte,  en  tiraient  surtout  des  aro- 
mates pour  les  besoins  du  culte  :  ils  en  regardaient  l'orient 
comme  le  pays  des  dieux.  Les  Pharaons  envoyèrent  des 
troupes  à  Poun  pour  l'achat  des  parfums,  au  moins  de  la 
XIe  dynastie  à  la  XXe. 

L'expédition  la  plus  connue  remonte  au  temps  d'une 
reine  de  la  XVIIIe  dynastie,  qui  fit  partir  cinq  vaisseaux  à 
trente  rames,  montés  chacun  par  une  quarantaine  de  ma- 
rins, afin  d'échanger  pour  les  gommes  odoriférantes  des  bra- 
celets, des  colliers,  des  poignards  et  des  haches.  Les  pro- 
duits et  les  arbres  du  pays  où  ils  abordèrent  le  placent  sur 
la  côte  africaine  ;  les  Egyptiens  y  achetèrent  de  l'ébène,  de 
l'ivoire,  de  l'or,  du  cosmétique  pour  les  yeux,  des  lévriers, 
des  bois  précieux,  des  ouvriers  du  pays,  des  boeufs,  des 
singes,  des  peaux  de  panthères  du  Midi,  une  panthère  vi- 
vante, une  girafe,  et  trente  et  un  arbres  à  parfums,  ainsi 
que  des  gommes  dont  la  reine  se  lit  un  cosmétique,  but 
peut-être  de  l'expédition,  qui  lui  rendit  la  peau  brillante 
comme  /es  étoiles. 

Les  naturels  habitaient  des  cabanes  rondes  dans  lesquelles 
<»n  montait  au  moyen  d'échelles,  et  leur  bétail  se  reposait 
sous  des  dattiers;  ils  avaient  le  profil  des  Sémites,  avec  la 
peau  rouge  des  Égyptiens,  et  la  femme  d'un  chef,  qui  vint 
-m  -mu  âne  au  devant  des  envoyés,  semble  atteinte  de  cette 
difformité  qui  existe  chez  les  Hottentots  comme  chez  les 
Somalis,  h  qu'on  aomme  stéatopygie. 

D'autres  habitants  de  Poun,  qui  visitèrent  l'Egypte  sous 
le  dernier  Pharaon  de  la  XYIIE  dynastie,  se  rapprochent 


LES  RACES  CONNUES  DES  ÉGYPTIENS         159 

plutôt  du  type  nègre.  Il  y  avait  en  effet  des  Nègres  à  Poun; 
mais  le  type  rouge  y  dominait,  s'il  faut  admettre  la  réalité 
d'un  semblable  type,  que  plusieurs  indices  signalent.  Les 
Phéniciens  venus,  suivant  Hérodote,  des  bords  de  la  mer 
Rouge,  portaient  un  nom  qui  parait  signifier  rouge;  il  en 
était  de  même  des  Himyarites,  qui  rappellent  les  El-Akhmar 
des  plaines  du  Sennaar.  La  nuance  qui  caractérisait,  d'après 
les  Égyptiens,  les  habitants  de  Poun,  persiste  en  Afrique, 
où  on  la  retrouve  de  la  mer  Rouge  au  Sénégal,  en  passant 
par  le  Soudan,  chez  les  Barabras  du  haut  Nil,  les  nègres 
Danakils,  les  nègres  Tibbous,  les  Touaregs  méridionaux,  et 
surtout  chez  les  Foulahs,  qui,  venus  de  l'Orient,  ont  ré- 
pandu l'islamisme  dans  la  plus  grande  partie  du  Soudan. 


V 

Les  Nègres  habitaient  surtout  la  Nubie  et  l'Ethiopie, 
mêlés  à  une  population  sémitique  et  rouge.  Ils  fournissaient, 
sous  la  VIe  dynastie,  des  soldats  aux  Pharaons.  Les  nom- 
breuses tribus  de  la  Nubie  et  de  l'Ethiopie  faisaient  aussi 
de  fréquentes  incursions  en  Egypte,  de  sorte  qu'on  voit  les 
Pharaons  de  la  XIIe  dynastie  veiller  avec  soin  à  leur  fron- 
tière méridionale,  et  ceux  du  Nouvel  Empire  installer  en 
Ethiopie  une  sorte  de  gouverneur  militaire  et  civil  appelé 
le  fils  royal  d'Ethiopie.  La  civilisation  égyptienne  s'intro- 
duisit ainsi  parmi  les  noirs,  comme  le  montre  une  curieuse 
ambassade  représentée  sur  un  monument  thébain  de  la 
XVIIIe  dynastie. 

On  recrutait  parmi  les  Nègres  des  esclaves  et  des  domes- 
tiques, tels  que  des  cochers,  des  écuyers  et  des  porte-om- 
brelles. Leur  aptitude  à  servir  était  connue,  ainsi  que  la 
facilité  avec  laquelle  ils  apprenaient  «  les  langues  des 
Égyptiens,  des  Syriens  et  de  toutes  les  nations  étran- 
gères ». 


160        LES  RACES  CONNUES  DES  ÉGYPTIENS 

Les  Nègres  amenaient  de  plus  en  Egypte  du  bétail,  bœufs, 
chèvres  et  moutons,  du  bois,  des  pierres,  des  gemmes,  de 
l'or,  de  l'ivoire,  de  l'ébène,  des  peaux,  et  des  animaux 
rares. 

VI 

Les  Nègres  sont  représentés  avec  le  nez  épaté,  les  grosses 
lèvres  et  la  chevelure  crépue  qui  les  caractérisent;  les  Sé- 
mites ont  de  leur  côté  le  profil  fin,  le  nez  arqué,  la  barbe  en 
pointe  et  la  chair  peinte  en  jaune.  Sous  les  noms  généraux 
d'Archers  et  de  Peuples,  ils  se  divisaient  principalement  en 
Shasou,  Kharou,  Routen,  et  Khétas,  c'est-à-dire  en  Bé- 
douins, Syriens,  Lydiens  (d'après  Champollion)  et  Héthiens. 

Les  Shasou,  comparables  aux  Bédouins  d'Arabie  et  de 
Syrie,  habitaient  depuis  les  confins  de  l'Egypte  jusqu'au 
nord  du  Liban,  et  leurs  bandes  pillardes,  cachées  dans  les 
bois  ou  les  défilés,  infestaient  la  Palestine;  elles  fournirent 
des  espions  aux  Khétas  dans  une  guerre  contre  Ramsès  II, 
près  d'Alep. 

Le  nom  général  de  Shasou  n'apparaît  qu'au  début  du 
Nouvel  Empire;  un  roi  de  la  VI"  dynastie  envoya  cependant 
contre  la  tribu  des  Herousha,  ou  maîtres  (/es  sables,  une 
expédition  qui  détruisit  leurs  récoltes,  coupa  leurs  arbres  et 
ramena  de  nombreux  captifs.  Au  Moyen  Empire,  un  pha- 
raon bâtit  une  grande  muraille  pour  arrêter  les  nomades. 
Les  Bédouins  étaient  donc  bien  connus  à  ces  époques  recu- 
lées. La  première  année  de  son  règne,  Séti  Ier  les  poursuivit 
de  la  frontière  de  l'Egypte  au  haut  Liban.  Les  Shasou  con- 
duisaient leur  bétail  avec  eux  jusque  sur  les  domaines  des 
Pharaons,  ci  l'on  a  cru  retrouver  dans  leur  nom  celui  des 
Pasteurs,  ou  Eïycsos,  hikshasou,  les  dominateurs  Shasou. 
Us  durent  dans  tous  les  cas  l'aire  partie  de  ces  derniers,  dont 
les  traits  ajoutent,  d'après  certaines  représentations,  une 
rudesse  singulière  au  type  sémitique. 


LES  RACES  CONNUES  DES  ÉGYPTIENS        161 

Les  Kharou,  ou  Syriens,  occupaient  le  même  territoire 
que  les  Shasou,  c'est-à-dire  la  Syrie,  la  Phénicie  et  la  Pa- 
lestine. Ils  en  formaient  la  population  stable,  plus  spéciale- 
ment désignée  sous  l'Ancien  Empire  par  le  nom  de  Menti  ou 
Sédentaires,  au  moins  pour  les  Sémites  du  Sinaï.  Séti  Ier, 
qui  battit  les  Syriens  avec  les  Bédouins,  reçut  de  l'une  de 
leurs  villes  un  tribut  d'or  et  de  vases.  Parmi  les  objets  de 
toute  nature  qu'ils  exportaient  par  mer  en  Egypte,  on  re- 
marque le  bois,  par  exemple  les  bâtons  pour  les  esclaves, 
les  fouets  pour  les  chars,  et  surtout  le  cèdre  pour  les  con- 
structions. 

Le  mot  de  Khar,  d'où  vient  celui  de  Syrie,  n'est  qu'un 
terme  général  qui  n'exclut  pas  les  désignations  particu- 
lières. 

Kefat,  habituellement  associée  à  l'île  de  Chypre  ou  Masi,  • 
est  laPhénicie,  dont  les  habitants,  soumis  par  Aménophis  II, 
trafiquaient  avec  les  peuples  du  Nord  dès  le  début  du  Nou- 
vel Empire  :  dans  un  tableau  d'un  hypogée  thébain,  ils  se 
présentent  ensemble  devant  Thotmès  III,  à  qui  ils  apportent 
des  pierreries,  des  vases  élégants  et  riches,  des  monnaies 
d'or  en  forme  d'anneaux,  des  colliers,  des  parfums,  des 
liqueurs  et  même  une  dent  d'éléphant.  Sidon  et  Tyr  dans 
la  mer  existaient  au  temps  de  Ramsès  II,  ainsi  que  plusieurs 
autres  villes  célèbres  de  la  Syrie  et  de  la  Palestine,  comme 
Alep,  Damas,  Asealon,  Beyrouth,  Gaza  et  Joppé  :  c'est  à 
Mageddo  que  se  concentrèrent  les  Routen  coalisés  contre 
Thotmès  III,  et  c'est  à  Qodesh  sur  l'Oronte  que  se  groupa 
contre  Ramsès  II  une  confédération  dirigée  par  les  Khétas. 

il  reste  à  étudier  ce  qu'étaient  ces  deux  derniers  peuples, 
les  Routen  et  les  Khétas. 

Les  Routen  habitaient  un  pays  ordinairement  divisé  en 
supérieur  et  en  inférieur;  il  comprenait  la  Syrie,  la  Mésopo- 
tamie et  l'Assyrie. 

Les  peuples  de  Routen  furent  battus  par  Thotmès  Ier,  en 
Mésopotamie;  par  Aménophis  Ier,  qui  fit  pendre  au  retour 

BlBL.  ÉGYPT.,   T.  XXXIV.  11 


162        LES  RACES  CONNUES  DES  ÉGYPTIENS 

sept  de  leurs  chefs  à  Thèbes  et  à  Napata  ;  par  Aménophis  II, 
qui  soumit  Ninive  et  Accad;  par  Thotmès  III,  qui,  vain- 
queur à  Mageddo  en  Palestine,  poussa  jusqu'à  Ninive,  où  il 
prit  à  la  chasse  cent  vingt  éléphants;  enfin  par  Séti  Ier,  qui 
s'empara  des  princes  du  Routen  inférieur,  et  dont  les  in- 
scriptions assimilent  les  chefs  de  Routen  à  ceux  de  Reme- 
nen,  peut-être  l'Arménie.  On  voit  par  là  que  les  Routen 
occupaient  de  vastes  contrées  qui  indiquent  l'étendue  de 
leurs  conquêtes  et  de  leurs  alliances  à  l'époque  la  plus  bril- 
lante de  leur  histoire.  C'est  grâce  à  eux  que  l'Assyrie  fut 
connue  de  l'Egypte  sous  les  XVIIIe  et  XIXe  dynasties, 
époque  où  ils  entraînaient  dans  leur  ligue  les  princes  de 
Babylone  et  d'Assur;  l'un  de  ces  derniers  était  resté  célèbre 
en  Palestine  au  temps  de  Ram  ses  IL 

Les  tributs  qu'Assur  remit  à  Thotmès  III  consistaient  en 
vases  et  en  lapis-lazuli.  Les  tributs  des  Routen  consistaient 
surtout  en  bois,  en  métaux,  en  gemmes,  en  bétail,  en  grains, 
en  liqueurs  et  en  fruits,  ainsi  qu'en  différents  ouvrages  de 
luxe,  tels  que  chars,  vases,  harnais  et  cuirasses,  incrustés 
d'or  et  de  pierreries. 

Vers  le  commencement  de  la  XIXe  dynastie,  la  puissance 
des  Routen  passa  aux  Khétas,  dont  le  pays  était  situé  vers 
la  haute  Syrie,  au  voisinage  d'Alep,  et  où  l'on  pouvait  aller 
pai'  mer.  Battus,  mais  non  pas  écrasés,  par  Séti  Ier  et  par 
Ramsès  il,  les  Khétas  conclurent  avec  ce  dernier  un  traité 
d'alliance  défensive  qui  montre  en  eux  les  égaux  des  égyp- 
tiens ;  mais  ils  déclinent  dès  le  règne  du  successeur  de 
Ramscs  II.  Ce  Pharaon  les  secourut  dans  une  disette,  et 
leur  lit  conduire  des  vaisseaux  chargés  de  blé  par  un  peuple 
voisin  du  Sinaï.  Sous  Ramsès  III,  ils  fuient  dispersés  et 
déracinés,  ainsi  que  les  populations  de  la  Palestine,  par 
une  grande  invasion,  <■!  le  même  pharaon,  qui  les  vainquit 
aussi,  ne  fait  mention  de  ce  triomphe  sans  gloire  que  dans 
un  tableau  où  il  a  rassemblé  les  chefs  de  presque  tous  ses 
ennemis. 


LES  RACES  CONNUES  DES  ÉGYPTIENS        163 

L'ensemble  des  documents  montre  que  la  civilisation  des 
Sémites  ne  le  cédait  guère  à  celle  des  Égyptiens  :  les  trente- 
sept  Asiatiques  du  Sinaï  représentés  émigrant  en  Egypte, 
dans  une  tombe  du  Moyen  Empire,  c'est-à-dire  vers  le  temps 
d'Abraham,  révèlent  par  leur  costume,  leurs  armes  et  leur 
équipement,  des  industries  et  des  arts  parvenus  à  un  état 
voisin  de  la  perfection.  Plus  tard,  les  Pasteurs  adoptèrent 
les  coutumes  égyptiennes,  adorèrent  un  dieu  égyptien  et 
connurent  l'écriture  hiéroglyphique,  à  laquelle  ils  emprun- 
tèrent (si  l'emprunt  n'avait  pas  encore  été  fait)  l'alphabet 
que  les  Phéniciens  répandirent  sur  tout  le  littoral  de  la 
Méditerranée  ;  les  rois  Khétas  étaient  accompagnés  de 
scribes.  La  coiffure  habituelle  des  Sémites  (Ascaloniens, 
Amorites,  Routen,  etc.)  était  une  sorte  de  bonnet  rond 
ressemblant  à  celui  des  Égyptiens,  mais,  en  temps  de 
guerre  au  moins,  les  Khétas,  les  Bédouins  et  les  Syriens, 
portaient  aussi  un  bonnet  pointu  ou  à  aigrette.  Le  progrès 
de  l'art  militaire,  et,  par  suite,  de  la  centralisation  adminis- 
trative, chez  différentes  nations  de  l'Asie  occidentale,  se 
reconnaît  à  l'emploi  constant  de  la  cavalerie.  Les  chevaux 
et  les  chars  de  la  Mésopotamie  sont  mentionnés  sous  Thot- 
mès  Ier;  Thotmès  III  prit  à  Mageddo  plus  de  deux  mille 
chevaux  et  neuf  cent  vingt-quatre  chars  de  guerre.  Un 
autre  Pharaon  recevait  des  chevaux  blancs  du  pays  de  Rou- 
ten, d'où  l'on  tirait  aussi  des  chars;  les  cavaliers  khétas 
figurent  souvent  sur  les  monuments. 

Les  religions  syro-phéniciennes  existaient  dans  leurs  traits 
essentiels  aux  mêmes  époques.  Les  principaux  dieux  de  leur 
panthéon,  Baal,  Baalis,  Astarté,  Anaïtis,  etc.,  se  rencon- 
trent après  l'invasion  des  Pasteurs  :  Baal  est  même  nommé 
avant.  Le  culte  spécial  des  déesses  se  révèle  en  différents 
endroits,  et  le  Conte  des  Deux  Frères,  roman  qui  ne  peut 
être  postérieur  a  la  XIX0  dynastie,  place  dans  la  vallée  du 
Cèdre,  c'est-à-dire  en  Phénicie,  un  personnage  qui  n'est  pas 
sans  ressemblance  avec  Adonis. 


164        LES  RACES  CONNUES  DES  ÉGYPTIENS 


VII 

Si  les  Pasteurs  sémitiques  firent  une  fois  la  conquête  de 
l'Egypte,  les  pirates  aryens  la  tentèrent  souvent  :  ils  guer- 
royaient avec  les  Pharaons  dès  la  XIe  dynastie,  et  ils  for- 
mèrent en  tout  ou  en  partie  quatre  grandes  coalitions  au 
inoins  contre  le  Nouvel  Empire.  Au  nord,  les  habitants 
d'Ilion,  les  Dardaniens,  les  Mysiens  et  les  Lyciens,  prirent 
part  à  la  ligue  des  Khétas  contre  Ramsès  II  ;  les  Pélestas, 
les  Troyens,  les  Sicules,  les  Dauniens,  les  Osques,  et  sans 
doute  les  Étrusques,  attaquèrent  l'Egypte  par  la  Syrie  au 
temps  de  Ramsès  III;  à  l'occident,  les  Libyens  et  les 
Mashouashas,  avec  les  Sardiniens,  les  Sicules,  les  Achéens, 
et  les  Étrusques  sous  Méneptah  Ier,  ainsi  que  les  Mashoua- 
shas joints  à  d'autres  peuplades  libyennes  sous  Ramsès  III, 
assaillirent  deux  fois  l'Egypte  par  mer. 

Tous  ces  peuples  forment  quatre  divisions  importantes. 
Les  habitants  d'Ilion,  les  Dardaniens,  les  Mysiens,  les  Ly- 
ciens, les  Pélestas  et  les  Teucriens  appartiennent  à  l'Asie 
Mineure,  comme  les  Achéens  à  la  Grèce;  les  Sardiniens, 
les  Sicules,  les  Dauniens,  les  Etrusques  et  les  Osques  se 
rattachent  à  l'Italie,  et  les  Libyens  avec  les  Mashouashas  à 
la  côte  septentrionale  de  l'Afrique. 

Les  Pélestas  et  les  Teucriens  portaient  des  toques  rayées. 
Les  Dauniens  et  les  Osques  avaient  les  mêmes  toques,  mais 
la  coi  Hure  des  Étrusques  était  un  bonnet  pointu;  celle  des 
Sicules  un  casque  ayant  deux  cornes,  et  celle  des  Sardi- 
niens auxiliaires  de  l'armée  égyptienne  un  casque  sem- 
blable, surmonté  en  outre  d'une  boule.  Tous,  sauf  peut-être 
les  derniers,  sont  caractérisés  par  une  courte  tunique  à 
franges  et  quadrillée;  ils  ont  en  général  le  profil  aquilin  ou 
le  nez  droit.  Les  vaisseaux  des  alliés  rappellent  les  navires 
égyptiens,  mais  leur  carène  se  relève  à  angle  droit  et  se  ter- 
mine ;ui\  deux  bouts  en  tête  de  cygne.  Les  armes  sont  une 


LES  RACES  CONNUES  DES  ÉGYPTIENS        165 

courte  épéeà  deux  tranchants,  avec  un  bouclier,  et  en  outre 
une  pique  pour  les  Sicules  et  les  Sardiniens  auxiliaires.  Les 
confédérés,  qui  n'avaient  ni  arcs  ni  flèches,  possédaient  des 
chars  de  guerre  ;  ils  étaient  suivis  aussi  par  des  chariots 
de  transport  en  osier  ou  en  bois,  à  roues  pleines,  attelés  de 
bœufs  et  renfermant  les  enfants  et  les  femmes.  On  a  signalé 
la  ressemblance  des  chariots,  des  épées  et  des  vaisseaux, 
avec  les  chariots  germains  de  la  colonne  Antonine,  avec  les 
épées  gauloises  d'avant  Jules  César,  et  avec  les  barques  de 
certaines  monnaies  celtiques. 

Il  vient  d'être  dit  que  des  Sardiniens  servaient  dans  l'ar- 
mée de  Ramsès  III,  où  ils  étaient  même  accompagnés 
d'Étrusques;  Ramsès  II  avait  déjà  gardé  à  sa  solde  des 
Sardiniens  prisonniers.  Ces  auxiliaires  sont  quelquefois  ap- 
pelés Sardiniens  de  la  mer. 

Le  peuple  qui  a  laissé  son  nom  au  groupe  du  Nord  de 
l'Afrique,  les  Libyens,  est  nommé  pour  la  première  fois 
sous  Ramsès  II;  il  tint,  sous  la  conduite  d'un  roi,  la  tête  de 
la  vaste  confédération  dirigée  contre  Méneptah  Ier.  Ils  avaient 
des  chevaux,  des  arcs,  des  monnaies  d'argent  et  d'or,  des 
vases,  et  du  bétail  composé  de  bœufs,  de  chèvres  et  d'ânes. 
La  tribu  des  Mashouashas  domine  dans  l'armée  libyenne 
qui  envahit  l'Egypte  sous  Ramsès  III.  Entraînés  par  leurs 
voisins  contre  l'Egypte,  ils  avaient  emmené  leurs  femmes; 
on  leur  prit  des  épées  de  trois  et  de  cinq  coudées,  des  arcs, 
des  chars,  des  carquois,  des  piques,  des  chevaux  et  des  ânes. 
Ils  n'en  continuèrent  pas  moins  à  fournir  des  auxiliaires  à 
l'Egypte,  avec  une  autre  peuplade  libyenne  qui  servait 
surtout  de  corps  de  police. 

Les  peuples  d'Asie  Mineure,  de  Grèce,  d'Italie  et  d'Afrique 
énumérés  jusqu'à  présent  appartiennent  en  général  au  type 
brun  de  la  race  blanche;  le  type  blond  apparaît  chez  les 
Libyens.  Ceux-ci  comptaient  parmi  les  Tahennou,  ou 
hommes  blancs  d'Afrique,  et  les  Tamehou,  ou  hommes 
blonds  du  Nord.  Il  est  facile  de  voir  que  ces  deux  appella- 


166        LES  RACES  CONNUES  DES  ÉGYPTIENS 

tiens,  sans  doute  identiques  au  fond,  sont  des  noms  ap- 
proximatifs donnés  par  les  Egyptiens  à  une  population  qui, 
pendant  un  certain  temps,  leur  apparut  comme  blanche  ou 
blonde.  On  ne  saurait  conclure  de  là  que  tous  les  Libyens 
étaient  blancs  ou  blonds,  mais  seulement  qu'une  invasion, 
venue  du  Nord,  s'était  répandue  sur  la  côte  africaine  qui 
fait  face  à  l'Europe. 

Le  costume  des  émigrants  se  distinguait  par  une  riche 
tunique,  ainsi  que  par  une  coiffure  propre  aux  Tahennou, 
aux  Tamehou  et  aux  Libyens  :  c'est  une  coupe  en  rond  des 
cheveux  avec  deux  longues  tresses  pendantes  en  avant,  ou 
bien  une  imitation  du  môme  arrangement  au  moyen  d'un 
couvre-chef  particulier. 

La  date  de  l'arrivée  des  Tamehou,  ou  Septentrionaux, 
est  fort  ancienne.  La  division  de  l'humanité  en  quatre 
branches  dont  ils  forment  la  dernière  existait  à  la  XVIIIe  dy- 
nastie. Sous  Thotmès  III,  les  habitants  des  îles  du  milieu 
de  la  mer,  qui  viennent  avec  les  Phéniciens  offrir  des  tri- 
buts au  roi,  ont  avec  la  tunique  des  Italo-Grecs  la  coiffure 
des  Septentrionaux.  On  a  signalé  certaines  représentations 
d'hommes  blonds  à  yeux  bleus  dans  les  tombes  de  la  XIIe  dy- 
nastie. Enfin,  un  Pharaon  du  Moyen  Empire,  Sankhara, 
avait  battu  les  peuples  du  Nord  ou  Hanebou,  et  ce  dernier 
nom,  qui  désigne  les  nations  européennes  en  général,  se 
rencontre  dans  un  texte,  malheureusement  fragmenté,  ap- 
partenant aux  premières  dynasties.  On  voit  qu'il  est  possible 
que  l'arrivée  des  Septentrionaux  remonte  aux  débuts  de 
l'empire  pharaonique.  Ils  ont  laissé  des  traces  de  leur  pas- 
sage dans  les  constructions  mégalithiques  de  l'Algérie,  en- 
core en  usage  chez  les  Kabyles  du  Djurjura,  et  dans  la  per- 
sistance du  type  blond  sur  toute  la  ligne  de  l'Ai  las,  parmi 
les  Berbers,  qui  touchent  d'un  côté  à  l'Europe  par  ce  type, 
d'un  autre  côté  à  l'Egypte  par  leur  langue. 


LES  RACES  CONNUES  DES  ÉGYPTIENS        167 


VIII 

Si  l'on  cherche  maintenant  à  tirer  la  conclusion  de  ce  qui 
précède,  on  remarquera  que  les  documents  égyptiens,  si 
loin  qu'ils  remontent  dans  le  passé,  nous  mettent  partout  en 
présence  de  races  dont  le  type  n'a  pas  varié.  Sous  l'Ancien 
et  le  Moyen  Empire,  l'Egypte  connaissait  peu  ses  voisins, 
mais  plus  tard,  quand  se  produisit  le  grand  mouvement  as- 
syrien qui  jeta  les  Pasteurs  sur  elle,  et  quand  une  suite  de 
ce  mouvement  ramena  vers  le  Nil  les  Routen,  puis  les  peuples 
de  l'Asie  Mineure,  puis  les  habitants  de  la  Méditerranée, 
l'Egypte  ne  put  ignorer  alors  ce  qu'étaient  tous  ces  Archers, 
qu'elle  attirait  comme  Rome  attira  les  Barbares  :  si  elle  fut 
vaincue  par  eux,  elle  les  battit  à  son  tour,  et  c'est  grâce  à 
leurs  défaites  qu'elle  nous  a  conservé  leurs  noms,  leurs 
figures  et  leurs  costumes,  leur  physionomie  enfin,  avec  une 
précision  et  une  authenticité  incontestables.  Le  Sémite 
d'Asie,  le  blanc  d'Europe  et  le  Nègre  d'Afrique,  ressuscites 
pour  nous  sur  les  murs  des  temples  et  des  hypogées  thé- 
bains,  diffèrent  peu  de  leurs  descendants  qui  foulent  au- 
jourd'hui le  même  sol  qu'eux.  Les  grandes  cités  de  l'Asie, 
énumérées  dans  les  récits  de  conquêtes,  sont  bien  aussi 
celles  qui  existent  encore  ou  que  l'antiquité  classique  a 
connues  :  leurs  noms  subsistaient  dans  la  réalité  ou  dans  le 
souvenir,  quand  on  les  a  déchiffrés  dans  des  hiéroglyphes 
antérieurs  à  Moïse.  Les  peuples  durent  moins  que  les  villes; 
mais  leur  persistance,  plus  grande  qu'il  n'eût  semblé  avant 
la  découverte  de  Champollion,  est  démontrée  par  les  textes, 
qui  reculent  l'existence  de  certaines  nations  indo-euro- 
péennes jusqu'à  une  date  qu'on  ne  soupçonnait  même  pas. 

Et  ce  n'est  point  seulement  l'ancienneté  des  types,  des 
villes  et  des  peuples,  qui  ressort  pour  nous  des  monuments 
pharaoniques  :  c'est  encore  l'ancienneté  de  la  civilisation 
elle-même, 


168        LES  RACES  CONNUES  DES  ÉGYPTIENS 

Si  l'on  rencontre  quelques  vestiges  de  la  fusion  des  deux 
grandes  provinces  de  la  Thébaïde  et  du  Delta,  sous  les  pre- 
mières dynasties,  ou  quelques  traces  d'emprunt  à  l'Egypte 
chez  les  Pasteurs,  ce  genre  d'indices  est  loin  d'attester  l'en- 
fance des  industries  et  des  arts  :  sauf  pour  l'écriture, 
l'Egypte  ne  nous  en  montre  l'origine  ni  chez  elle  ni  chez 
ses  voisins.  Elle  et  eux  nous  apparaissent  munis,  dès  le  dé- 
but, de  toutes  les  ressources  dont  l'homme  a  disposé  jus- 
qu'aux grandes  découvertes  modernes  :  la  domestication  des 
espèces  animales,  la  culture  des  espèces  végétales,  le  tra- 
vail des  métaux,  la  connaissance  des  outils,  la  confection 
des  ustensiles,  le  tissage  des  étoffes,  l'usage  des  armes  et  la 
construction  des  demeures,  rien  de  tout  cela  ne  manquait  à 
l'Egypte  ou  à  son  entourage  de  Sémites,  de  Nègres  et  d'Eu- 
ropéens. En  outre,  partout  où  les  documents  sont  assez  ex- 
plicites pour  jeter  quelque  jour  sur  la  vie  intime  ou  collective 
des  différents  peuples,  on  voit  ceux-ci  en  possession  de  cer- 
tains arts  raffinés,  comme  l'orfèvrerie,  qui  suppose  l'élé- 
gance, et  la  musique,  qui  suppose  la  poésie;  on  reconnaît 
aussi  l'existence  de  véritables  institutions  militaires,  poli- 
tiques et  religieuses,  ou  même  littéraires  comme  chez  les 
Khétas.  Est-ce  à  dire  pourtant  que  tout  était  fait,  et  que  le 
cercle  de  la  civilisation  antique  avait  été  parcouru?  Assu- 
rément non  :  après  la  conquête  du  bien-être,  il  restait  à  ac- 
complir cet  entier  développement  de  la  pensée  humaine  qui 
s'acheva  en  Grèce  et  qui  avorta  en  Egypte.  Homère  sans 
doute  pouvait  naître,  mais  le  monde  n'était  mûr  ni  pour 
Aristote  ni  pour  Platon. 


NOTE 


LES   CHARS  DE   GUERRE 


La  question  que  vous  soulevez  au  sujet  de  la  courroie  des- 
tinée à  retenir  le  combattant  est  difficile.  Je  viens  de  l'exa- 
miner et  voici  ce  que  j'y  vois,  sauf  erreur  : 

1°  «  Quand  la  courroie  est  représentée ,  les  rênes  ne  le  sont 
pas  )).  Le  char  des  Denkmâler  est  dégradé,  et  le  char  de  la 
Description  de  l'Egypte  est  confus  :  mais,  si  mauvaise  que 
soit  cette  dernière  copie,  il  est  certain  pour  moi;  néanmoins, 
que  l'ennemi  ne  saisit  pas  les  rênes  du  pharaon,  mais  lève 
en  l'air  son  arc  ou  son  fouet,  et  peut-être  même  encore  une 
corde  symbolique  liant  un  groupe  d'ennemis  (comme  aux 
Denkm.,  III,  128  et  130). 

2°  Le  point  d'appui   de  la  courroie  n'est  pas  la  grosse 

1.  Publiée  dans  le  Bulletin  du  Congrès  provincial  des  Orientalistes 
français,  Session  de  St-Étienne,  t.  II,  1880,  p.  471-472.  Elle  est  insérée 
dans  le  Bulletin  à  la  suite  de  l'Étude  sur  les  chars  de  guerre  égyp- 
tiens, par  le  baron  Textor  de  Ravisi,  et  précédée  de  ces  quelques  lignes  : 
«  M.  E.  Lelebure.  ayant  pris  connaissance  de  ce  mémoire  lorsqu'il 
était  sous  presse,  a  bien  voulu  nous  adresser  des  observations  sur  un 
point  de  détail  sur  lequel  il  lui  semble  qu'on  peut  faire  des  réserves. 
Nous  nous  empressons  de  publier  les  notes  critiques  de  ce  savant  égyp- 
tologue,  comme  complément  utile  de  notre  Étude  sur  les  chars  de 
guerre  égyptiens,  » 


170  NOTE  SUR  LES  CHARS  DE  GUERRE 

boule  qui  figure  à  peu  prés  toujours  au-dessus  de  la  croupe 
du  cheval  pour  les  chars  royaux,  et  quelquefois  pour  les 
chars  princiers,  ou  même  pour  les  chars  des  chefs  ennemis 
[Denkm. }  III,  130).  La  courroie  passe  tantôt  au-dessus,  tantôt 
au-dessous  de  la  boule,  tantôt  même  dessus,  indifféremment, 
mais  plutôt  au-dessous. 

Je  vois  dans  la  boule  soit  un  objet  d'ornement,  soit  un 
point  de  mire  séparant  pour  l'œil  la  place  des  deux  che- 
vaux et  ayant  son  utilité  au  moment  d'atteler,  par  exemple, 
ou  dans  les  cas  de  confusion.  Cette  boule  ne  figure  ni  au 
char  de  Florence,  ni  au  char  du  temps  de  Thotmès  III,  qui 
ne  sont  pas  royaux. 

Je  ne  la  trouve  bien  expliquée  que  par  un  char  africain  de 
la  XVIIIe  dynastie  {Denkm.,  III,  117  et  US). 

Les  deux  moins  du  joug,  qui  s'évasent  de  chaque  côté  en 
se  recourbant  pour  retenir  les  harnais  de  la  tête  et  du  cou, 
forment  une  disposition  que  Wilkinson  a  mal  comprise,  car 
son  dessin  place  la  boule  et  les  deux  branches  sur  le  dos 
d'un  seul  cheval  (II,  10),  tandis  que  la  boule  devait  être 
entre  les  deux  chevaux,  dont  chacun  portait  une  des  moitiés 
du  joug. 

3°  Si  les  rênes  ne  sont  pas  représentées  quand  la  courroie 
l'est,  et  si  la  courroie  ne  s'appuie  pas  sur  la  boule,  il  y  a 
chance  pour  que  rênes  et  courroie  soient  une  même  chose. 
En  effet,  la  courroie  se  continue  toujours  jusqu'au  mors  des 
chevaux,  sauf  dans  le  dessin  tiré  des  Denkmàler  que  vous 
avez  publié  et  où  le  tracé  est  interrompu  par  une  lacune. 
Pour  le  grand  attelage  de  la  planche  II,  figure  9,  il  y  a  deux 

c roies;  celle  de  droite  aboutit  visiblement  au  mors,  mais 

•  ■elle  de  gauche  disparaîl  derrière  le  corps  du  cheval.  Ce 
sonl  bien  la  deux  rênes. 

Los  ennemis  combattaient,  quelquefois,  avec  la  courroie 
liée  au  corps  de  l'archer  par  un  nœud  d'attache  visible 
[Denkm.,  III,  130).  La  courroie  se  bifurque,  et  l'homme  y 
porte  la  main  comme  pour  conduire.  Quand  il  n'y  a  dans  le 


NOTE  SUR  LES  CHARS  DE  GUERRE         171 

char  qu'un  porteur  de  bouclier  et  qu'un  porteur  d'arc,  c'est 
ce  dernier  qui  a  la  courroie. 

L'exemple  que  je  connais  d'une  disposition  du  même 
genre  sur  les  chars  égyptiens  n'est  pas  concluant,  car  le 
porteur  du  bouclier  paraît  tenir  les  rênes  avec  celle  de  ses 
mains  qui  est  cachée  :  ce  serait  autour  de  lui,  et  non  autour 
de  l'autre  combattant,  que  la  courroie  serait  passée,  dans  le 
cas  où  elle  aurait  été  attachée  (Denkm.,  III,  1(30). 


LE 

PUITS   DU  DEIR-EL-BAHARI* 


Depuis  quelque  temps  les  découvertes  se  multiplient  en 
Egypte  et  inaugurent  ainsi,  d'une  manière  brillante,  la  nou- 
velle administration  de  M.  Maspero,  le  digne  successeur  de 
Mariette.  La  trouvaille  du  puits  de  Deir-el-Bahari,  en  par- 
ticulier, fera  véritablement  époque  pour  l'égyptologie. 

M.  Maspero,  dont  l'attention  était  éveillée  par  un  certain 
nombre  d'objets  funéraires  mis  en  vente,  soupçonnait  les 
Arabes  d'avoir  fait  main  basse  sur  un  tombeau  qu'on  jugeait 
être  celui  du  roi  Pinedjem,  d'après  quelques  indices.  Lors 
de  son  premier  voyage  dans  la  Haute  Egypte,  en  mars  et 
avril  1881,  il  fit  saisir  et  emprisonner  un  des  délinquants, 
afin  d'obtenir  quelques  révélations,  et  se  livra  en  outre  à  des 
recherches  qui,  pour  le  moment,  restèrent  infructueuses. 
C'est  seulement  à  la  fin  du  mois  de  juin  suivant,  qu'un 
autre,  mécontent  de  ses  complices,  se  décida  à  parler,  et 
révéla  l'existence,  non  d'un  simple  hypogée,  mais  de  tout 
un  puits  de  Pharaons,  découverte  inattendue  et  merveil- 
leuse, qui  rappelle  celles  du  Sérapéum  et  du  tombeau  de 
Séti  Ier. 


1.  Publié  dans  les  Annales  du  Musée  Guiinet,  1881,  t.  IV,  p.  3-17; 
tirage  à  part  de  cinquante  exemplaires,  grand  in-8°,  chez  Pitrat,  Lyon, 
1881,  15  pages.  —  G.  M. 


174  LE   PUITS   DE    DEIR-EL-BAHARI 


I 

La  cachette  de  Deir-el-Bahari,  sorte  de  souterrain  creusé 
en  pente  douce  dans  la  montagne,  non  loin  de  Biban-el-Mo- 
louk,  à  Thèbes,  contenait,  entassées  pêle-mêle,  vingt-cinq 
momies  royales  ou  princières  (sans  compter  cinq  momies  de 
grands  personnages)  et  une  partie  du  matériel  funéraire 
(coffrets,  offrandes,  statuettes  innombrables)  ayant  accom- 
pagné ceux  des  cercueils  de  la  XXIe  dynastie  qui  se  trou- 
vaient là. 

Le  tout  avait  appartenu,  en  effet,  aux  grands  prêtres  de 
la  XXIe  dynastie,  qui  furent  obligés,  à  une  certaine  époque, 
de  s'exiler  en  Ethiopie,  et  qui,  peut-être  au  moment  de 
leur  départ,  cachèrent  à  Deir-el-Bahari  ce  qu'ils  ne  pou- 
vaient emporter,  en  scellant  le  puits  de  sceaux  aux  titres  de 
leur  dieu,  dont  les  empreintes  subsistent  encore  dans  l'ar- 
gile. 

Il  est  difficile  de  savoir  pourquoi  et  comment  les  grands 
prêtres  d'Ammon,  qui  remplacèrent  à  Thèbes  les  Rames- 
sides,  s'étaient  approprié  les  momies  des  plus  grands  Pha- 
raons de  l'Egypte  :  peut-être,  à  l'époque  de  troubles  où  ils 
vécurent,  s'en  faisaient-ils  des  titres  à  la  légitimité. 

Quoi  qu'il  en  soit,  la  saisie  et  le  transfert  des  cercueils 
royaux  n'allaient  pas  sans  de  certaines  formalités  légales,  et 
plusieurs  sarcophages  portent  des  inscriptions  hiératiques 
mentionnant  les  grands  prêtres  qui  ordonnèrent  leur  enlè- 
vement, ainsi  que  les  fonctionnaires  qui  l'accomplirent.  Les 
plus  anciennes  inscriptions  révèlent  même  une  sorte  de 
crainte  religieuse,  par  une  attestation,  faite  à  la  face  du  ciel 
personnifié,  qu'il  n'y  a  aucune  mauvaise  intention  contre  la 
momie  dans  son  transport. 

Les  momies  déplacées  ne  séjournaient  pas  toujours  dans 
le   même  endroit    :    la  tombe   de  Séti  Ier   et    la  pyramide 


LE   PUITS   DE   DEIR-EL-BAHARI  175 

d'une  reine,  dont  on  a  le  corps,  avaient,  entre  autres,  servi 
d'entrepôts,  d'après  les  textes  qui  viennent  d'être  men- 
tionnés. 

La  cachette  contenait,  en  outre,  sur  une  assez  grande 
planche  et  sur  un  beau  papyrus,  un  autre  texte  hiératique, 
reproduisant  un  décret  du  dieu  Ammon  qui  permettait 
d'ensevelir,  avec  les  honneurs  divins,  une  princesse  du 
temps  de  la  XXIe  dynastie,  Nesi-Khonsu,  dont  la  momie 
s'est  trouvée  dans  le  puits.  Cette  princesse  est  dite  avoir 
vécu  en  bonne  intelligence  avec  Pinedjem  III,  le  dernier 
grand  prêtre  de  la  dynastie,  et  l'espèce  de  certificat  qui  lui 
est  délivré  ainsi  montre  quelle  inquisition  exerçait  alors  lu 
parti  sacerdotal. 

II 

En  laissant  de  côté  les  menus  objets,  parmi  lesquels  on 
remarque  un  coffret  au  nom  de  la  célèbre  reine  Hatasu, 
de  la  XVIIIe  dynastie,  et  un  autre  coffret  au  nom  de 
Ramsès  IX,  de  la  XX",  voici,  dans  l'ordre  chronologique 
et  en  trois  groupes,  la  liste  des  momies  de  famille  royale 
trouvées  dans  le  puits  de  Deir-el-Bahari,  d'après  un  cata- 
logue général  dressé  par  les  soins  de  M.  Emile  Brugsch, 
conservateur-adjoint  au  Musée  de  Boulaq,  et  de  l'École 
française  d'archéologie  au  Caire,  pour  être  transmis  à 
M.  Maspero. 

Au  premier  groupe,  qui  est  du  commencement  de  la 
XVIIIe  dynastie,  se  rattachent  : 

1°  Le  roi  Seken-en-Ra-Taaten,  nouveau  Pharaon,  qui 
prend  place  après  Taa  II  vers  la  fin  de  la  XVIIe  dynastie; 

2°  Le  roi  Ahmès  ou  Amosis,  qui  chassa  les  Pasteurs  et 
fonda  la  XVIIIe  dynastie; 

3°  La  reine  Ahmès-Nefertari,  femme  d'Ahmès,  qu'on 
croit  depuis  longtemps,  d'après  certains  indices,  avoir  été 
de  race  noire; 


176  LE   PUITS   DE   DEIR-EL-BAHARI 

4°  La  reine  Ah-hotep,  fille  des  deux  précédents,  et  femme 
de  son  frère  Aménophis  Ier; 

5°  Aménophis  Ier  ; 

6°  Thotmès  II; 

7°  Thotmès  III,  le  plus  grand  Pharaon  de  la  XVIIIe  dy- 
nastie ; 

Puis  un  prince  et  plusieurs  princesses  ou  reines,  encore 
mal  classées  ou  inconnues,  de  la  même  époque.  Ce  sont  : 

8°  Le  prince  Se-Amen,  qui  mourut  très  jeune,  et  qu'on 
peut  dire  fils  d'Ahmès,  tant  son  cercueil  est  semblable  à 
celui  du  roi  ; 

9°  La  princesse  Se-t-Amen  ; 

10°  La  princesse  Meri-t-Amen: 

11°  La  reine  Hen-t-Taméhu,  peut-être  fille  d'Améno- 
phis  Ier; 

12°  La  reine  Se-t-Ka,  qui  est  dite  clairement  avoir 
épousé  son  frère,  car  ses  titres  sont  :  «  la  fille  royale,  la 
sœur  du  roi  et  sa  principale  épouse  »  ; 

13"  Enfin,  la  reine  inconnue  dont  la  pyramide  reçut  pen- 
dant quelque  temps  les  Pharaons  arrachés  à  leurs  tombes. 
Cette  reine,  dont  le  nom  rappelle  celui  des  Antef  de  la 
XIe  dynastie,  était  d'une  taille  remarquable,  lm  85,  si  l'on 
peut  s'en  rapporter  à  un  premier  mesurage. 

Le  second  groupe  de  la  XIXe  dynastie  se  compose  des 
deux  plus  illustres  Pharaons  de  l'Egypte  : 

1°  fSÉTi  I"'  ; 

2°  Ramsès  II. 

Le  dernier  groupe  de  la  XXIe  dynastie  thébaine  des 
grands  piètres  d'Ammon,  dont  il  permet  de  retrouver  la 
série,  comprend  : 

1"  La  reine  Ned.iem-t,  femme  du  grand  prêtre  Her-hor, 
ihrl'  de  la  dynastie; 

2°  Le  grand  prêtre  Pinedjem  Ier,  petit-fils  de  Her-hor; 

3°  et  4"  Une  reine  contemporaine  de  Pinedjem  Ier, 
Ra-ma-ka,  qui  mourut   sans  doute  en  couches,  car  elle  a 


LE   PUITS    DE    DEIR-EL-BAHARÏ  177 

dans  son  cercueil  la  petite  momie  de  sa  fille  Mau-t-em- 
ha-t  ; 

5°  Le  roi  Pinedjem  II,  qui  s'était  approprié  le  cercueil  de 
Thotmès  Ier,  de  la  XVIII"  dynastie; 

G0  Une  reine  contemporaine  de  Pinedjem  II,  Tua-t-Hat- 

HOR-HEN-T-TA-UI  ; 

7°  Le  (ils  de  Pinedjem  II,  le  grand  prêtre  Masaharota, 
personnage  au  nom  d'apparence  sémitique,  qu'on  ne  con- 
naissait pas  encore,  et  qui  mourut  vers  l'an  24  ou  ^5  du 
règne  de  son  père  ; 

8°  La  fille  de  Masaharota,  qui  fut  la  femme  du  grand 
prêtre  Ra-men-Kheper,  frère  de  Masaharota,  la  reine  As- 
t-em-Kheb  ; 

9°  Une  princesse  nouvelle,  Nesi-Khonsu,  fille  d'un  roi 
ou  d'un  prétendant  qui  n'est  pas  nommé; 

10°  Un  prince  de  la  famille  des  Ramessides,  qui  n'était 
pas  éteinte  sous  la  domination  des  grands  prêtres,  et  qui 
conservait  des  prétentions  à  la  royauté,  Djet-Ptah-au-f- 

ANKH. 

En  résumé,  il  y  a  là  vingt-cinq  momies  de  différentes 
époques,  sur  lesquelles,  si  on  les  déroule,  on  pourra  faire 
des  observations  de  toutes  sortes  qui  ne  manqueront  point 
d'intérêt. 

La  reine  Ahmès-Nefertari,  à  qui  son  cercueil  donne  le 
teint  jaune  des  Égyptiennes  et  le  profil  aquilin  des  Sémites, 
était-elle  ou  non  de  race  noire?  Séti  Ier  et  Ramsès  II étaient- 
ils  d'origine  syrienne?  Le  maximum  de  la  taille  avait-il 
baissé  après  les  grandes  guerres  dans  les  familles  royales  qui 
ne  s'alliaient  qu'entre  elles  ? 

Il  n'est  permis,  pour  le  moment,  de  fournir  des  indica- 
tions que  sur  ce  dernier  point,  et  encore  d'après  des  mesures 
prises  à  la  hâte,  en  petit  nombre,  et  sur  des  corps  envelop- 
pés de  bandelettes,  avec  la  supposition  arbitraire  que  l'agran- 
dissement causé  par  les  bandelettes  est  compensé  par  le 
rétrécissement  qu'a  produit  la  momification. 

BlBL.   ÉGYPT.,   T.    XXXIV.  12 


178  Le  puits  de  deir-el-bahari 

L'ancienne  reine  dont  il  a  déjà  été  parlé  avait.  ...  lm  85 

Ahmès lm  80 

La  reine  Se-t-Ka lm  70 

Thotmès  III lm  55 

Séti  Ier lm  75 

Ramsès  II lm  80 

La  reine  Nedjem-t lm  65 

Pinedjem  Ier l,n  75 

Pinedjem  II lm  00 


III 

On  sait  depuis  longtemps  que  les  momies  étaient  maintes 
fois  accompagnées  de  papyrus  funéraires  (ou  Livre  des 
Morts)  à  leur  nom,  renfermés  dans  des  statuettes  d'Osiris, 
et  destinés  à  fournir  au  défunt,  dans  l'autre  monde,  les  for- 
mules de  prières  ou  d'imprécations  dont  la  magie  toute- 
puissante  soumettait  jusqu'aux  dieux.  On  n'a  cependant  re- 
trouvé ici,  grâce  aux  vols  antérieurs  des  Arabes,  que  trois 
papyrus  de  ce  genre,  qui  ne  sont  pas  encore  déroulés  :  un 
au  nom  de  la  princesse  Ncsi-Khonsu,  un  autre  au  nom  de  la 
reine  As-t-em-Kheb,  et  un  dernier,  donl  le  début  frappe 
par  la  beauté  des  couleurs  et  la  netteté  des  hiéroglyphes, 
au  double  nom  de  Ra-ma-ka  et  de  Maut-em-ha-t,  sa  fille. 
Exceptionnellement,  un  Livre  des  Morts,  appartenant  à 
Thotmès  III,  était  écrit  sur  des  morceaux  de  toile  qui  ont 
été  retrouvés  parmi  les  bandelettes  de  la  mmiiie. 

Si  presque  tous  les  papyrus  sur  lesquels  on  pouvait 
compter  manquent,  il  a  été  découvert,  par  contre,  tassé 
dans  un  coin,  un  objet  remarquable,  qu'on  ne  s'attendait 
guèreà  voir  au  milieu  de  l'attirail  funèbre  contenu  dans  le 
puits  :  c'est  une  belle  tente,  en  cuir  de  différentes  nuances, 
au  dais  seméd'étoiles  roses,  jaunes  ou  blanches,  sur  un  ciel 
1  i las  clair,  et  aux  quatre  pan-  décorés  de  scarabées,  d'urseus 


LE   PUITS    DR   DEIR-EL-BAHARI  179 

ou  de  cartouches  au  nom  de  Pinedjem  II,  le  tout  bordé 
d'inscriptions  finement  découpées  dans  un  fond  vert  cousu 
sur  un  fond  jaune.  Cette  tente,  d'après  les  hiéroglyphes  qui 
l'ornent,  appartenait  à  la  princesse  As-t-em-Kheb,  fille  du 
grand  prêtre  Masaharota,  petite-fille  du  roi  Pinedjem  II,  et 
plus  tard  femme  de  son  oncle,  le  grand  prêtre  Ra-men- 
kheper. 

Par  une  liaison  d'idées  assez  naturelle  en  Egypte,  le  re- 
pos qu'As-t-em-Kheb  pouvait  goûter  sous  sa  tente  avait 
rappelé  celui  de  la  tombe,  et,  en  conséquence,  une  des  in- 
scriptions souhaite  à  la  jeune  princesse  la  paix  dans  les  bras 
des  dieux,  aux  jours  des  cérémonies  funèbres: 

«  Qu'elle  repose  doucement  en  son  asile  suprême,  enve- 
loppé de  parfums  et  d'encens,  rayonnant  de  fleurs  de  toute 
espèce  et  embaumé  comme  l'Arabie  !  » 

«  Qu'elle  repose  doucement  dans  les  bras  de  Khons  : 
c'est  lui  qui  est  le  maître  de  la  Thébaïde  !  Il  sauve  ceux 
qu'il  aime,  fussent-ils  en  enfer,  et  il  livre  les  autres  à  la 
géhenne.  » 

IV 

Les  cercueils  trouvés  à  Deir-el-Bahari  sont  tous  en  bois,  à 
figure  humaine  et  en  forme  de  momie  :  on  les  classera  suffi- 
samment, au  moins  d'une  manière  générale,  en  disant  que 
les  plus  anciens  sont  recouverts  d'un  entoilage  peint  en 
blanc,  et  que  les  plus  récents,  ceux  de  la  XXIe  dynastie, 
sont  enduits  d'un  vernis  jaune. 

Pourtant  cette  distinction  ne  doit  pas  être  acceptée  sans 
réserve,  quant  à  l'âge  de  la  momie  renfermée  dans  un  sar- 
cophage, car  ici  apparaissent  des  fraudes  nombreuses.  On 
s'emparait  souvent  des  plus  riches  cercueils,  et  on  exilait 
leurs  possesseurs  dans  des  caisses  moins  belles.  Huit  mo- 
mies au  moins,  sur  vingt-cinq,  c'est-à-dire  le  tiers,  reposent 
dans  d'autres  cercueils  que  les  leurs,  et  on  ne  les  reconnaît 


180  LE   PUITS    DE   DEIR-EL-BAHAÏtI 

qu'à  leur  nom  écrit  en  hiératique  sur  leur  poitrine,  ou  peint 
en  surcharge  sur  leur  caisse. 

L'ancienne  reine,  dont  la  taille  était  si  élevée,  a  été  mise 
dans  le  cercueil  de  Raa,  nourrice  d'Ah mès-Nefer tari.  La 
princesse  Méri-t-Amen,  dans  le  cercueil  d'un  scribe  nommé 
Sennu,  et  la  reine  Se-t-Ka,  dans  un  mauvais  cercueil  de  la 
XXI''  dynastie.  Le  roi  Ramsès  Ie1',  dont  la  momie  manque, 
avait  eu  le  même  sort,  car  les  débris  d'un  cercueil  à  enduit 
jaune  portent  son  nom  en  surcharge.  Le  roi  Pinedjem  II 
avait,  pour  sa  part,  usurpé  le  cercueil  de  Thotmès  Ier,  qu'il 
lit  sans  doute  orner  à  nouveau  et  dont  la  cuve  fut  couverte 
de  prières  a  son  nom.  Enfin,  la  princesse  Nesi-Khonsu  et  le 
prince  Djet-Ptah-au-f-ankh  avaient  aussi  usurpé  leurs  cer- 
cueils. 

Une  princesse  de  la  XVIIIe  dynastie,  Mes-hen-t-Taméhu, 
probablement  fille  de  la  reine  Hen-t-Taméhu,  car  son  nom 
a  justement  ce  sens,  fut  dépossédée  comme  bien  d'autres, 
mais  son  sarcophage  a  révélé  de  plus  une  tromperie  d'un 
autre  genre  et  tout  à  l'ait  inattendue  :  il  contient  ma1  fausse 
momie,  sorte  de  poupée  faite  de  chiffons  qui  entourent  un 
morceau  de  cercueil  destiné  a  imiter  le  corps  et  datant  de 
la  XXIe  dynastie,  ou  à  peu  pics,  car  il  est  à  enduit  jaune. 
L'extérieur  d'une  momie  est  parfaitement  imité,  et  même 
un  manche  de  miroir  s'est  trouvé,  comme  d'habitude,  sous 
les  premières  toiles.  On  songe  involontairement  à  ces  prin- 
cesses des  Miller!  une  Nuits  qui  se  faisaient  passer  pour 
mortes  et  si'  sauvaient  du  harem,  pendant  qu'on  enterrait 
un  morceau  de  bois  a  leur  place. 


V 

Ces  réserves  faites  au  sujet  des  erreurs  que  peut  suggérer 
;i  première  vue  l'extérieur  d'un  sarcophage,  il  faut  remar- 
quer  encore   qu'il  n'y  a  pas  conformité  absolue  de  couleur 


LE    PUITS    DE    DEIR-EL-BAHARI  181 

ou  do  facture  dans  chacune  des  séries  de  cercueils  qui  ont 
été  distinguées  tout  à  l'heure.  Chaque  série  offre  des  variétés 
intéressantes,  et,  en  dehors  des  grandes  lignes  au  moins, 
l'uniformité  apparente  se  résout  en  différences  réelles. 

Le  sarcophage  de  Taaten  est  blanc,  comme  ceux  de  son 
groupe;  mais  il  garde,  particulièrement  sur  le  contour  de  la 
poitrine,  des  traces  de  dorure  prouvant  qu'il  avait  été  doré 
partout,  comme  les  cercueils  des  rois  Autel,  de  la  XI"  dy- 
nastie. Les  hiéroglyphes,  qui  s'étenclenl  des  pieds  à  la  tête 
en  une  bande  verticale,  ont  été  peints  en  brun  sur  l'entoi- 
lage et  repassés  a  la  pointe  sur  la  dorure. 

Le  cercueil  est  d'une  grande  taille,  et,  a  cote,  les  caisses 
d'Ahmès  et  de  son  fils  paraissent  exiguës.  Celle  d'Ahmès  est 
pour  ainsi  dire  collante,  au  point  que  le  corps  y  semble  à 
l'étroit.  Toutes  deux  sont  peintes  en  jaune,  contrairement  à 
l'habitude,  et  sans  ornements.  Il  est  possible,  du  reste,  qu  • 
r<^  petits  cercueils  aient  été  mis  dans  de  plus  grands,  comme 
c'est  le  cas  pour  la  reine  Ahmès-Nefertari,  qui  a  deux  sarco- 
phages, l'un  de  taille  ordinaire,  peint  en  brun,  et  renfermant 
la  momie,  l'autre  énorme,  dont  le  buste  s'ouvre  comme  un 
coffre,  et  qui  contient  le  premier.  La  reine  Ah-hotep  a  un 
grand  sarcophage  tout  à  l'ait  semblable  à  celui  de  sa  mère. 
Dressés,  les  deux  monuments  feraient  deux  colosses,  surtout 
avec  la  couronne  ronde  et  les  plumes  droites,  qui  surmon- 
taient primitivement  leur  tète,  et  dont  il  subsiste  quelques 
parties.  Leurs  figures,  peintes  en  jaune  et  un  peu  communes 
d'expression,  ont  une  bonhomie  de  géantes  qui  ne  leur 
messied  pas. 

Les  autres  cercueils  de  la  même  dynastie  sont  de  dimen- 
sions moindres,  quoique  raisonnables.  L'enduit  blanc  qui  les 
couvre  est  coup*'  de  bandes  jaunes  croisées,  sur  lesquelles 
les  noms  et  de  courtes  prières  sont  peints  en  noir.  Le  de- 
dans de  la  cuve  est  souvent  noir,  la  figure  est  jaune  et  la 
coiffure  noire  ou  bleue. 

La  coiffure  de  Thotmès  III  parait  néanmoins  avoir  été  do- 


182  LE    PUITS    DE    DEIR-EL-BAHARI 

rée;  mais  le  coffre  est  tellement  gratté  et  tailladé  partout, 
qu'on  ne  peut  guère  se  figurer  ce  qu'il  a  pu  être.  Celui  de 
Thotmès  Ier,  qui  présente  des  traces  de  dorure  et  d'émaux, 
peut  avoir  été  orné  ainsi  par  son  usurpateur,  Pinedjem  II,  à 
l'époque  duquel  ce  genre  de  décoration  était  usité. 

Le  cercueil  de  Séti  Ier  est  blanc,  assez  long,  sans  autres 
inscriptions  que  les  noms  du  roi,  écrits  à  l'encre  au-dessus 
de  deux  textes  hiératiques  de  la  XXIe  dynastie,  et  il  ne  pré- 
sente rien  d'original  ou  de  frappant,  tandis  que  celui  de 
Ramsès  II,  fils  de  Séti  Ier,  n'a  pas  son  pareil  dans  la  trou- 
vaille (pi.  I  et  II). 

C'est  un  simple  coffre  en  bois  de  grandeur  ordinaire,  en 
forme  de  momie,  c'est-à-dire  de  corps  enveloppé,  et  n'ayant 
guère  quelques  linéaments  depeinturequ'à  la  tète  et  aux  mains. 
La  sévérité  inattendue  de  ce  bois  nu  ne  fait  que  mieux  ressor- 
tir l'apparence  humaine  et  vivante  de  la  sculpture.  Le  héros 
semble  couché  dans  son  manteau  de  guerre,  prêt  à  se  lever 
au  premier  coup  de  clairon.  L'effet  serait  autre,  mais  plus 
grand  peut-être,  si,  acceptant  l'idée  de  résurrection  que 
suggère  le  monument,  on  redressait  cette  simple  statue  de 
bois  qui  contient  Sésostris  sur  un  haut  piédestal  où  il  appa- 
raîtrait comme  le  génie  de  l'Egypte  guerrière. 

Les  doubles  et  triples  coffres  de  la  XXL  dynastie,  aux 
masques  dorés  ou  bronzés,  sont  tout  l'opposé  de  ce  chef- 
d' œuvre,  et  l'ornementation  les  surcharge.  Là,  au  dedans  et 
au  dehors,  sur  un  vernis  jaune  qui  sert  de  fond,  papillotent 
toutes  les  couleurs  de  la  palette  égyptienne,  en  hiéroglyphes 
«•t  eu  divinités  innombrables.  Seuls,  quelques  cercueils  à 
incrustations  età  émaux,  comme  celui  de  la  reine  Nedjem-t, 
varient  l'impression  par  l'espèce  de  miroitement  glacé  qui 
les  revêt. 

VI 

Aucun  peuple  n'a  embelli  ou  du  moins  part'  la  mort 
comme  les  Egyptiens,  et  par  suite  on  se  sent  presque  ton- 


BlBL.  ÉGYPTOL.,  T.  XXXIV 


PL.  I. 


COUVERCLE  DU  SARCOPHAGE  DE  RAMSÈS  II 

D'après  une  photographie  du  Musée  de  Boulaq. 


BlBL.    ÉGYPTOL.,    T.     XXXIV. 


Pl.    Il 


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LE    PUITS    DE    DEIR-EL-BAHARI  183 

jours  tenté,  en  présence  d'un  sarcophage,  de  voir  à  nu  la 
momie  qui  est  dedans. 

C'est  un  désir  qu'il  faut  perdre.  Les  têtes  de  la  reine 
Nedjem-t  et  du  roi  Pinedjem  II,  ainsi  que  le  corps  tout  en- 
tier de  Thotmès  III,  déroulés  par  M.  E.  Brugsch  en  présence 
de  l'école  française,  sont  maintenant  visibles,  et  montrent 
que  la  mort  est  toujours  la  mort,  quoi  qu'on  fasse.  Le  vieux 
conquérant  surtout,  cassé  en  trois  morceaux  noirâtres,  ap- 
paraît dans  ses  langes,  comme  un  cadavre  défiguré  par 
quelque  horrible  maladie. 

Mariette  ;i  beau  dire  :  il  n'y  a  pas  de  belles  momies,  ou, 
en  d'autres  termes,  plus  une  momie  est  belle  dans  son  genre, 
plus  elle  est  laide  en  réalité.  Le  mauvais  embaumement  ne 
donne  qu'un  bloc  informe,  tandis  (pie  l'embaumement  par- 
fait accentue  d<->  détails  repoussants.  Le  nez  ouvre  deux 
trous  sans  fond,  la  bouche  tire  la  langue  de  travers,  les  yeux 
sont  crevés,  les  mains  noires  semblent  des  pattes,  et  l'en- 
semble a  une  apparence  misérable,  diminuée,  desséchée,  qui 
n'est  ni  d'un  corps  ni  d'un  squelette,  mais  qui  représente 
quelque  chose  de  hideusement  intermédiaire,  un  corps  ou 
un  squelette  contre  nature,  et,  si  l'on  veut,  une  variété  de 
l'un  et  de  l'autre,  le  corps  sans  la  chair  et  le  squelette  avec 
la  peau.  Ce  qu'il  y  a  de  touchant  clans  la  lutte  inutile  tentée 
contre  la  mort  en  Egypte  no  saurait  pallier  l'horreur  défi- 
nitive du  résultat. 

La  science,  qui  dissèque  les  cadavres,  ouvrira  les  momies. 
C'est  son  droit  de  rechercher,  dans  le  passé  aussi  bien  que 
dans  le  présent,  tout  ce  que  l'hérédité,  les  passions  et  les 
circonstances  font  du  corps  humain;  mais,  pour  qui  ne  dé- 
roule pas  les  Pharaons,  il  y  a  quelque  chose  de  plus  agréable 
à  voir  que  leur  dépouille,  c'est  leur  toilette. 

Rien  de  joli  comme  cette  enveloppe  faite  d'une  toile  un 
peu  jaunie  (de  la  nuance  nommée  aujourd'hui  couleur  crème), 
sous  un  entrecroisement  coquet  de  bandelettes  roses.  L'en- 
semble rappelle,  si  l'on   peut  dire,  ces  boîtes  de  bonbons 


184  LE    PUITS   DE    DEIR-EL-BAHARI 

nouées  de  rubans  qui  s'offrent  après  un  baptême,  ou  mieux, 
ces  fiancées  arabes  que  l'on  promène  encore  clans  les  rues  du 
Caire,  et  «pie  l'on  conduit  à  leurs  fiancés  entièrement  voilées 
et  masquées. 

Presque  toutes  les  momies  ainsi  parées  sont  couvertes  de 
guirlandes  sèches  et  de  lotus  fanés  qui  ont  traversé  intacts 
des  milliers  d'années,  et  nulle  part  la  suspension  du  temps, 
l'arrêt  de  la  destruction  ne  sauraient  se  comprendre  mieux 
qu'à  la  vue  de  ces  fleurs  immortelles  sur  ces  corps  éternisés. 
C'est  bien  là  l'image  d'un  sommeil  sans  lin.  Une  momie 
pointant,  celle  d'Aménophis  Ier,  dont  un  masque  jaune  aux 
yeux  d'émail  moule  la  ligure  adolescente,  semble,  comme 
lasse  du  repos,  s'éveiller  en  souriant  dans  son  lit  de  fleurs. 

Ce  gracieux  tableau  résume  l'impression  que  laisse,  au 
fond,  la  trouvaille  de  Deir-el-Baliari.  A  part  quelques  docu- 
ments précieux  pour  l'histoire  de  la  XXIe  dynastie  et 
quelques  prières  sur  toile  qu'on  a  chance  de  trouver  avec 
les  momies  de  la  XVIII'',  il  n'y  a  peut-être  la  matière  nia 
de  longues  recherches  ni  à  de  grands  résultats.  L'intérêt  de 
la  découverte  est  ailleurs.  Il  est  dans  le  coup  de  théâtre  qui 
ramone  suintement  à  la  lumière  nue  assemblée  de  rois  et 
<|iii  nous  l'ait  toucher  de  si  près  des  choses  que  Ion  croyail 
si  loin.  Jl  est  aussi  dans  l'apparition  de  ce  poétique  entou- 
rage que  l'Egypte  savait  donner  a  la  mort,  ci  dans  lequel 
s'encadrent  encore,  sons  nos  yeux,  quelques-unes  des  traces 
ou  des  reliques  les  plus  fugitivesde  la  vie,  depuis  le  chasse- 
mouches  de  ThotmèSj  trouvé  dans  son  cercueil,  jusqu'au 
sourire  d'Aménophis. 

Le  Caire,  6  août  1881. 


SUR 

DIFFERENTES  FORMES  DES  MOTS  DÉRIVÉS' 


Les  textes  thebains  dos  tombes  royales  présentent  cer- 
taines particularités,  entre  autres  l'habitude  de  mentionner 
souvent  deux  fois,  et  avec  variantes,  les  noms  ou  les  sur- 
noms des  personnages  divins.  En  réunissant  à  ces  exemple 
d'autres  variantes  moins  directes  que  fournissent  les  mêmes 
textes,  on  peut  grouper  des  renseignements  assez  nombreux 
sur  les  suffixes  qui  servent  à  tirer  des  substantifs  ou  des 
verbes,  des  noms  d'agent,  des  ethniques  ou  des  adjectifs,  et 
qui  n'ont  le  sens  passif  qu'en  des  cas  assez  rares,  comme 
dans  8  (l^QfK    variante  de  8  fi  ^\\  :l   et  \\  \   mas- 


culin, ',  féminin,  avec  la  signification  de  «  l'immolé, 

_ û  c^ 

le  supplicié,  la  suppliciée  ». 

Quelques-uns  des  noms  ou  surnoms,  dont  il  s'agit,  sont 
figurés  en  écriture  secrète  :  i=Fp  y  a  la  valeur  — *—  ,  \T^  la  va- 
leur (1 ,   K^  la   valeur  <=z>,  et  Igs^  ainsi  que  \\   la   valeur 
vY  Ces  valeurs  ont  déjà  été  signalées  par  MM.  Goodwin, 
Le    Page    Renouf   et    Maspero.    En    dehors    de    l'écriture 

1.  Publié  clans  le  Recueil  de  Travaux,  1883,  t.  IV,  p.  5-11.  —  G.  M. 

2.  Chain pollion,  Notices,  t.  II,  p.  510, 

3.  Ici.,  p.  593. 

4.  Ici.,  p.  593. 

5.  Id.,  p.  510. 


186         SUR    DIFFÉRENTES    FORMES    DES    MOTS    DÉRIVÉS 

secrète,  il  sera  encore  utile  de  noter  les  variantes  s=>  pour 

pour  "t"  1 ,  et  A  pour  ^  ou  s=>, 

w   *        1   #  w        0  ' 

comme  dans  A         ~  pour  "™*  ou  A/Ws™  et  ~1  i  )L3  pour 

(Jim     ■  iii         iii        NDq  oKA    ' 

Dn  .  L'équivalence  de  fi  et  de  ^  ou  s=>  se  retrouve 
dans  des  textes  analogues  à  ceux  des  tombes  royales,  ainsi 
le  mot  Q  •=$=•  ~      ,  du  tombeau  de  Séti  Ier  \  est  écrit  R  *=$=* s=s  | 
dans    le    passage    correspondant,    au    papyrus    publié    par 
M.  Lanzone. 

Il  y  a  quatre   divisions   à    faire  parmi  les   variantes  des 
noms  dérivés  que  fournissent  les  textes  des  tombes  royales  : 

Ou  le  suffixe  est  supprimé, 

Ou  il  est  exprimé  par  la  lettre  t, 

Ou  il  est  exprimé  par  la  lettre  i  pouvant  se  réunir  au  t, 

Ou  il  est  exprimé  par  diverses  combinaisons  que  caracté- 
rise la  présence  de  la  voyelle  u. 


Suppression  du  suffixe 


A   S 


Quelquefois  le  suffixe  ne  s'écrit  pas,  comme  dans  (I 

i 


pour  \\  S  (m  ^  i ",  dans  <==> 31  pour  i\[\\  dan 


j\  vu  ■       <=^>  in  j\ 


'■  =nii'' d;,,,s  lui |"""'  ^jim  ■*•""" 


1.  Champollion,  Notices,  t.  I.  p.  767. 

2.  A/.,  t.  II.  ]».  526  et  597. 

3.  /'/..  p.  594. 

1.  Id.,  t.  I,  p.  782. 

5.  Lanzone,  Le  Domicile  il<,s  Esprits,  pi.  II,  2r  registre. 

6.  Champollion,  Notices,  t.  I,  p.  782. 

7.  Denkmâler,  III.  203,  b,  I.  23. 

8.  Champollion,  Notices.  I .  I.  p.  75  I. 

9.  Id.,  i,  II,  p.  585. 

10.  Denkmâler,  III.  p.  79. 


SUR   DIFFÉRENTES    FORMES    DES    MOTS   DÉRIVÉS        187 

analogue  à  <=^>  <^\      \  et  dans         0  pour  ^w-,  (1  (r  analogue 

à  Q  ^wvna  (l(j^\  etc.  On  remarquera  dans  les  deux  derniers 

exemples  le  redoublement  de  la  consonne  finale  et  l'on  ren- 
contrera encore  d'autres  exemples  du  même  genre,  recon- 
naissables  malgré  l'absence  de  variantes  immédiates  comme 

AAAAAA    AAAAAA   ^  WWM     p,    r\  ^ 

\\  '',  le  frappeur,  au  féminin  (1(1  <=>  \\  '. 

Ces  cas  de  redoublement  ne  sont  ni  assez  nombreux,  ni 
assez  concluants  pour  qu'on  puisse  y  voir  avec  certitude 
une  manière  d'exprimer  le  suffixe  qui  serait  propre  surtout 
aux  mots  en  n,  et  qui  se  rapprocherait  ainsi  d'une  termi- 
naison n  entrevue  par  M.  Maspero  pour  le  suffixe  des  par- 
ticipes.   On    trouve   au    tombeau    de   Ramsès   IV    le    mot 

~*§^cz^(|(]     J)i\  ceux  du  pays  de  Mafek  (l'Orient), 

pour  j^  u   l^âîM7'    et'  au   sarc°Phage  de  Séti  Ier- 

I  If  ^frv1*'  ^es  contempteurs,  ceux   qui  mettent 

derrière  eux  (         / l 'W  *|\  <©  ,  d'après  une  phrase  du 

contexte)  :  malheureusement  le  passage  qui  parle  des  Orien- 
taux est  bien  incorrect,  et,  sur  le  sarcophage  de  Séti  Ier,  le 

0  doit  être  une  erreur  pour  o,  variante  de  *^%  et  de  O1',  qui 


détermine  dans  le  même  texte  les  noms  donnés  aux  ennemis 
ou   aux   mânes,   comme  (1(1^ V>  i ,   c±3^è\(l(]  (sic), 


1.  Champollion,  Notices,  t.  II,  p.  42^. 

2.  Id.,  t.  I,  p.  760. 

3.  Id.,  t.  II,  p.  600. 

4.  Id.,  t.  I,  p.  78.~i . 

5.  Id.,  p.  789. 

6.  Id.,  t.  II,  p.  641. 

7.  Id.,  p.  639. 

8.  Shai'pe  et  Bonomi,  Le  Sarcophage  de  Sèti  I",  14,  ç. 

9.  Champollion,  Notices,  t.  II,  p.  518. 


188         SUR   DIFFÉRENTES    FORMES    DES   MOTS   DÉRIVÉS 


y^i'>   "li^oVl'.    variante  de  U^ 

I,    .,  ,.  ,  .  ®      O     .  •       o    . 

i   :  il  y  a  encore  la  la  variante  *^=^_         '  pour^_ 

I         '  û   i  m    '  ^    i  i  i 


Emploi  du   T 

Quand  le  suffixe  n'est  pas  vocalisé,  tantôt  il  s'écrit  par  un 
simple  tj  au  féminin,  comme  dans  jj  I  pour fr    \  orientale, 

et  mémo  au  masculin,  comme  dans  ^_      <=>  pour  ,  dans 


ra^|\  ra€\  Qyf  pour       _  v\        (sic)7,   le   rugissant,  mot 

analogue  à  _t|(]s;  et  dans  :    J    Jl  pour  ,J  (cf.  la 

forme  ,  e/^-  c^u  Pronom  relatif,  au   pluriel10,   et  ^=^_ 

pour  ^  °~,  — »—  pour  J^o,  etc.)  ;  tantôt  les  deux  i  remplacent 
la  terminaison  it  pour  le  féminin  et  la  terminaison  U  pour 
les  deux  genres  comme  dans    r\      ^c ,  l'adoratrice 1 1 ,  mot 

écrit    ailleurs  ^  (1(1  ^u;  dans  P<wwv\  Il         ,   nom   d'un    dieu 

dont  la  forme  féminine  est  |^ww>  J  0(]Q,:l  5  dans 


5  co^, 


1.  Sarcophage  de  Sêti  I",  1*1,  c. 

2.  /'/..  b. 

3.  Charapollion,  Notices,  t.  II.  p,  518. 

4.  /'/.,  '/"'/. 

5.  Sarcophage  de  Sèti  1",  15,  c. 

fi.  Champollion,  Notices,  t.  II.  p.   l~s. 

7.  /^/..t.  I,  p.  440. 

8.  /'/..  t.  II.  p.  600. 

ï).  Denkmâler, III,  113; cf. Notices,  t. 1.  p.  138, el  Sarcophage deTaho 

10.  Champollion,  Notices,  t.  II.  p.  645,  653  el  657;  Lepsius,  Denk- 
màler,Vl,  115,  b,  1.  1  à  4. 

11.  Champollion,  Notices,  l.  II.  p.  568. 

12.  /'/.,  }».  588. 

13.  Jtf.,  p.  574  et  575. 
11.  Id.,  p.  510. 


SUR   DIFFÉRENTES    FORMES   DES   MOTS    DÉRIVÉS        189 


û 


1,  au  sarcophage  de  T'aho  0 


cl 


w 


,  le  divin  ;  et 


,  qui  esl  la  transcription  en  écriture  secrète 

du  nom   féminin  ^û^|r,   nesu-t,   écrit  ailleurs    *— *  © 

)  i\  ',  lignée  ;  on  trou 


jjl 3,  l'ignée  ;  on  trouve  aussi  le  nom  de  déesse 
qui  équivaut  à  ^       j^'. 


Emploi  de  lV 


Tantôt  le  suffixe  se  présente  dans  ce  cas  sous  sa  forme  la 
plus  simple  (1,  par  exemple  dans  (1  *u^_  (K  variantes  (]k^.\\ 

et  (j  k^=_1k\  \  au  sarcophage  de  T'alio  (1    r>    ;  dans 

celui  delà  flèche,  mot  qui  équivaut  pour  le  sens  à 
'•',  l'archer,  le  sagittaire,  etc. 


izxa 

U    s 


W 


ou 


W 


Tantôt  i  varie  avec  il  au  féminin,  et  avec  itl ,  comme  dans  : 
(](]'u,  nom  de  criocéphale,  écrit  ailleurs  (£    11  dans 


Denhmâler,  III,  113. 

Champollion,  Notices,  t.  II,  p.  529. 

Id.,  p.  591. 

Sarcophage  de  Sèti  I",  9,  a. 

Champollion,  Notices,  t.  I,  p.  828. 

W.,  p.  438. 

Denkmàler,  III,  113. 

Champollion,  Notices,  t.  I,p.  784;  cf.  Brugsch,  Zeitsclœift,  1880, 


Champollion.  Notices,  t.  I, 

.  /</.,  t.  II,  p.  542. 

.  A/.,  p.  506. 

.  Ztf.,  p.  527. 

.  7t/.,  t.  I,  p.  799. 


r86. 


190         SUR    DIFFÉRENTES   FORMES   DES   MOTS   DÉRIVÉS 

pour  ^  (]()~'   et  [l]*iy(l  pour  (IJ^-. 

noms    féminins;  dans  £3%(l(|  I1  pour  £4^  °111^jf' 
et  dans       >|\  ûfl  ^  '  pour  <=>|\  SC^g  J';,  le  pieu- 


$* 


reur,    mot    dans    lequel,    comme    dans     J      J 


/wwv\  /www 


w 
7,  apparaît   une   forme    en    iti,   née    sans    doute  du 

besoin  de  distinguer  le  suffixe  en  i  des  terminaisons  qui, 
féminines  ou  non,  ont  persisté  dans  certaines  finales  en  e  ou 
en  i  du  copte. 

Tantôt,  dans  les  noms  pouvant  s'écrire  par  un  seul  syl la- 
bique,  la  réduplication  du  signe  remplace  la  finale  ti\ 
comme  dans  1  II  pour     I    hfr,  celui  qui  parle,  plutôt  que  la 

double  parole;  dans  I  pour  J ,0,  celui  du  vête- 

À  À  À  À  /WVW\  r>  ÀA 

ment,  plutôt  que  le  double  vêtement,  <$  au  sarcophage 


cwww  c^ 


de  T'aho  ;  dans  pour         ",  le  dominant,  plutôt  que  le 

double   maître:  dans  r  r    [  c^t:  H  H  ,   pour  r     nm  |  et 


CTZ1 


•elui  du  séjour  du  dieu  ou  des  dieux  plutôt  que 
le  double  séjour  du  dieu  ou  des  dieux  (on  remarquera  que 
le  déterminât!  f  crm  n'est  pas  redoublé);  dans  i]ni||]  [)})l|  pour 


1.  Champollion,  Notices,  t.  I.  p.  800. 

2.  Id.,  p.  800. 

:!.  Sarcophage  de  Sèti  I",  1 I,  c. 

4.  Champollion,  Notices,  t.  II,  ]).  518. 

5.  Id.,  t.  I,  p.  754. 

6.  Denkmaler,  III,  203,  h.  1.  29. 

7.  Id.,  III,  204,  1.  72. 

8.  Cf.  K.  Piebl,  Zeitschrift,  1879,  p.  145,  et  Naville,  id.,  1880,  p.  21 
-i  25. 

9.  Champollion,  Notices,  t.  I.  p.  439. 
Kl.  /(/..  p.  777. 

11.  />/.,  ibid. 

12.  /</.,  p.  777  et  778. 


SUR    DIFFÉRENTES    FORMES    DES    MOTS    DÉRIVÉS         191 

000        i  (avec  un  seul  déterminatif  aussi),  celui  de  la  cam- 


\\  I 


pagne  plutôt  que  la  double  campagne,  et  dans  "ç^^^,   le 

guide,  plutôt  que  le  double  guide"  :  (dans    |     pour    | 
ouï]        ',  MM.  Naville  et  Piehl  voient  de  même  le  dieu 
local  et  non  le  dieu  des  deux  régions).  Le  redoublement  du 
déterminatif  parait  avoir  eu,  au  moins  quelquefois,  la  même 
valeur    que  le   redoublement  du  syllabique,  comme   dans 

^ o  ^"^1=  ^  pour  ^  ^  "  j^  ,  le  vipérin,  plutôt 

que  la  double  vipère*. 

Tantôt  enfin,  it  varie  avec  ti,  au  féminin,  comme  dans 
^^^tP^X^J  2=  pour  —*—  (1(15  ;  et  ti  varie  avec  iti,  comme 

d,ms  .Mil-*  p°ur  i!uCâ  '  "  "' oubien  avec 


ti-i,  comme  dans  :  -J-JnT  Pour  '  (1LU  équivaut  à 

-'■^iL.l.lr.  La  forme  merti-i  au  masculin  n'a  rien  d'invrai- 
semblable, car  il  existe  un  féminin  qui  pourrait  lui  corres- 
pondre, ïï  y^UO  u'>  l'Infernale,  si  l'on  veut  lire  ce  mot 
ament-i-it.  On  remarquera  toutefois  que,  dans  ces  deux 
derniers  cas,  Mil  pouvait  n'être  aussi  qu'un  simple  redouble- 
ment graphique,  analogue  à  d'autres  phénomènes  de  redou- 
blement signalés  par  M.  de  Rougé.  Bai  ce  qui  concerne  la 
combinaison  \\  0(1 ,  M  de  Rougé  lit  haiet  non  hai-i  '  '  le  groupe 

1.  Champollion,  Notices,  t.  I,  p.  77'.'. 

2.  Ici.,  p.  788. 

3.  Zeitsehrift,lS80,  p.25-26et  05;  cf.  Champollion,  Notices,  1. 1.  p.  440. 

4.  Champollion,  Notices,  t.  II.  p.  5*27. 

5.  Ici,  p.  529. 

6.  Ici.,  t.  I,  p.  406. 

7.  Ici,  t.  II,  p.  628. 

8.  Ici.,  p.  614. 

9.  Ici.,  p.  629. 

10.  Sarcophage  de  Sèti  /"r,  pi.  9,.b,  et  Champollion,  Not.,  t.  II.  p.  537. 

11.  Chrestomathie,  3"  fascicule,  p.  84. 


192         SUR   DIFFÉRENTES    FORMES    DES   MOTS   DÉRIVÉS 

ra"v\  (](]     ,   ai  et  non  ail  le  groupe  0(1(1     \  etc.,  et  de 

même  ^,  %  M  '  2  ou  ri  °  (] (j  ffl  ' ,  variantes  de  -^      '  ou 

de  V  Iflûfl  i  \  suggèrent  les  lectures  semlti  et  nebuî,  plutôt 
que  les  lectures  semuiiet  nebuii.  D'un  autre  côté,  quand  le 
syllabique  "Î^X  ou  *K\  ,  ti,  intervient  comme  marque  du 
suffixe,  il  peut  être  accompagné  soit  par  l'un  de  ses  complé- 
ments phonétiques,  le  t  ou  17,  soit  par  tous  les  deux;  on 

/WW\A     I 

trouve  en  conséquence  le  t  complémentaire  dans  %=>  i\  ceux 

qui    sont,  ^    \\  ^tvi7,    les   iustes,   variante  ^       Jr  !'\ 
1  o  .m  ÎLÏ  i  '  o  \\  vil  i 

f  J^\'''  variante  f  J"'"'  les  0rientaux>  etft^j"-  les 
Occidentaux,  mot  analogue  à  fî^.  J),â-  On  trouve  17'  com- 
plémentaire, par  contre,  des  \\         ^H^^)"011  H 


AAfflM 


(](](£>  J)14  ;  et  enfin  on  trouve  les  deux  lettres  dans  (1         e>(](| 
\^i".flQ  ^.l'habitant",  pour  (ffl)      ^".^ 


1.  Chrestomathie,  2e  fascicule,  p.  101). 

2.  Champollion,  Notices,  t.  II.  p.  583. 

3.  /t/.,  p.  028. 

4.  /</..  p.  583. 

5.  /t/..  p.  614. 

(i.  Sarcophage  de  Sèti  /",  14,  a. 

7.  W.,  6,  c. 

-s.  /(/.,  ibid. 

9.  Champollion,  Notices,  t.  Il,  p.  5IÎ8. 

lu.  Sarcophage  de  Sèti  I",  9,  a. 

11.  /t/.,  6,  B. 

12.  Champollion,  Notices,  t.  II,  p.  641. 

13.  /</..  p.  499. 
l  I.  /</.,  p.  500. 

15.  Denkmàler,  111.  303,  b,  1.  5. 

16.  Champollion,  Notices,  t.  I,  p.  784. 

17.  A/.,  p.  ti07,  etc. 


SUR   DIFFÉRENTES    FORMES   DES   MOTS   DÉRIVÉS        193 

i  ' ,  *~     V\  Mes  ennemis,  etc.  Dans  le  Papyrus  de 

i       <=>    j^  iii 

Turin  qui  reproduit  l'un  des  textes  des  tombes  royales,  le  nom 
de  l'Amenti  est  écrit  ft*%\  ',  et  \    ^  f^^'.  Ces  obser- 

vations montrent  qu'il  faut  lire  ti  et  non  ai  le  suffixe  ^fc^Ul] 
signalé  par  M.  de  Rougé\  et  qu'il  n'est  pas  nécessaire  de 
chercher  une  distinction  entre  des  mots,  comme  (J  S  (1 0  V\  y> » 

°c^  8  U  û  ^  y  "^  >  Par  exemple,  et  leurs  variantes  :  (I  S  OU 

vè\  aw^  |  et  ««s  R  l\l\  X>  2S£S\  L'on  conclura  donc,  en  der- 
-H  /www  i  Ail  _ZT  I  I  I  *v-~\_  oy    ^ 

nier  lieu,  qu'il  y  a  beaucoup  de  chances  pour  que  (I  (I 

soit  mer-ti,  et  ft^\  (](]      Amen-Ut. 


Emploi  de  l'U 

Quand  les  noms  d'agent  prennent  la  finale  u  dans  laquelle 
M.  de  Rougé7  a  déjà  vu  un  véritable  suffixe  du  participe, 
d'après  un  exemple  à  la  vérité  peu  concluant,  il  se  présente 
des  cas  assez  variés. 

Tantôt  Vu  est  seul,  comme  dans  le  nom  d'un  ibiocéphale, 
V>  s=^  [)  \>^  "',  mot  analogue  à  "y\~"      (l(l  *1  ",  le  porteur, 

dans   v\cr^=v\,  le  lanceur,  — *-  y>1°>  l*3  repousseur,  etc., 
noms  qui,  au  nombre  de  six,  en  accompagnent  six  autres  du 

1.  Charupollion,  Notices,  t.  I,  p.  592. 

2.  Id.,  p.  787. 

3.  Lanzone,  Le  Domicile  des  Esprits,  pi.  9,  1.  52. 

4.  Id.,  pi.  10,  1.  68. 

5.  Chrestomathie,  2e  fascicule,  p.  35. 

6.  Lanzone,  Le  Domicile  des  Esprits,  pi.  2,  3e  registre. 

7.  Chrestomathie,  2e  fascicule,  p.  83. 

8.  Champollion,  Notices,  t.  I,  p.  767. 

9.  Id.,  t.  II,  p.  621. 

10.  Id.,  t.  I,  p.  784  et  785. 

BlBL.  ÉGYPT.,  T.  XXXIV.  13 


194         SUR    DIFFÉRENTES    FORMES   DES    MOTS    DÉRIVÉS 

même  genre,  dont  un  sans  suffixe,  deux  avec  suffixe  en  a, 
deux  avec  suffixe  en  ti,  et  un  avec  redoublement  de  la 
dernière  consonne   radicale,  ,   le    frappeur1.   Une 

série  analogue2,  composée  de  treize  noms,  en  a  deux  sans 
suffixe,  un  avec  suffixe  en  a,  un  avec  suffixe  en  ti,  rendu 
par  le  redoublement  du  syllabique,  un  avec  suffixe  en  ti  (au 

moins  à  ce  qu'il  semble),  rendu  par  l'hiéroglyphe  *gv  ,  un 
avec  redoublement  du  o  final,  et  quatre  avec  finale  en  \\, 
parmi  lesquels  ^E=  %,  le  preneur  (cf.  *™  M,  l'éclaireur3). 
Tantôt  le  suffixe  i  ou  ti  est  précédé  par  la  lettre  u,  comme 
dans  ^^  t\    \\    \  celui   du   sceptre,  mot  dont  la  forme 

a — D\_B^_zr\\    k\\\\ 

féminine  paraît  être  ]U(JQ'>  et  dont  la  racine  est  djam-t, 

au  pluriel  ""1  v\  ^^w\  116;  comme  dans  ser-uti,  variante  de 
ser-i,  déjà  cité7,  et  comme  dans  <z=>y|\  y>(j(I  yC>*  pour 
rem-i9  ou  rem-i-ti 1  °,  au  féminin  rem-it  " ,  de  la  racine 


laquelle,  sans  le  suffixe,  suffit  à  rendre  l'idée  de  pleureur. 
Tantôt  Vu   figure  après  le  suffixe  en  i  ou  en  ti,  comme 

dans  "kllS^Th  mot  analogue  a  S£  Vfch 


1.  Cbampollion,  Notices,  t.  I.  p.  785. 

2.  A/.,  p.  788  à  790. 

3.  Id.,  p.  429. 

I.  Id.,  p.  780. 
5.  Id.,  p.  784. 
G.  Id.,  p.  778. 

7.  Id.,  t.  II.  |».  506  et  542. 

8.  Id.,  t.  I.  p.  755. 

9.  Id.,  p.  754. 

10.  Denkmâler,  III,  203,  b,  1.  29. 

II.  Id.,  III.  79. 

12.  Champollion,  Notices,  t.  II.  p.  678. 

13.  Id.,  i.  I.  p.  753. 

1  1.  Sarcophage  </<■  Sèti  1  ",  4,  i  . 


SUR    DIFFÉRENTES    FORMES    DES    MOTS    DÉRIVÉS         195 

les  morts,   dans  : o  jj  J  \\  %l^s  w)  '''  va"ante  a  J]  j 

i2,  de  la  racine  abeb-t,  pique,  au  pluriel- a  ] 


\\ 


Î^SIIi 


ÛÛ^X3,  dans  :  \\>    Q6,  variante  probable  de  S  S  M  °  J57, 

dans  :  ^J(](j^^s,  pluriel  a  J  (j  (j     j \  etc. 

On  remarquera  l'analogie  des  désinences  u,  ui  et  iu,  qui 
sont  masculines,  avec  les  désinences  plurielles  du  masculin, 
lesquelles  ne  sont  pas  toujours  accompagnées  du  détermi- 
natif  i ,   par  exemple  dans  s=>  ^è\  du  papyrus  publié  par 

M.  Lanzone 10,  variante  de  — » 


i  du  tombeau 

deSétiIer1\dans^(j(j^,'2)variantede^(](j^|1,.etdaiis 

>k  ll[l  yV  *,  variante  de  ic  [1(1 11%  pour  le  pluriel  en  u  et  en  m; 

enfin  dans  ^-^  ^o  (](]     1\  les  guides,  dans  -  L-    ,7,  habitants, 
(accompagnant,  il  est  vrai,  un  substantif),  mot  écrit  aussi 


1.  Champollion,  Notices,  t.  II,  p.  521. 

2.  Sarcophage  de  Séti  I'\  12,  b. 

3.  Id.,  12,  b,  et  Champollion,  Notices,  t.  II,  p.  522. 

4.  /rf.,  t.  I,  p.  755. 

5.  Id.,  p.  428. 

6.  Id.,  p.  428. 

7.  Denkmàler,  III,  203,  6,  74. 

8.  Champollion,  Notices,  t.  II,  p.  515. 

9.  Id.,  p.  515. 

10.  PL  2,  3e  registre. 

11.  Champollion.  Notices,  t.  I,  p.  785. 

12.  Id.,  t.  II,  p.  517. 

13.  Sarcophage  de  Sèti  I",  14,  a. 

14.  Champollion,  Notices,  t.  II,  p.  534. 

15.  Sarcophage  de  Sètil",  11,  b. 

16.  Champollion,  Notices,  t.  Il,  p.  583. 

17.  Id.,  p.  513. 


190         SUR    DIFFÉRENTES   FORMES    DES   MOTS    DÉRIVÉS 

i,         n  n  tk  i,   .  -,        en  d 


(]  -  -^n  w  V\  i  '  pour  \\  -  -v\  i  '  et  dans  (j  h  ,  variante  de 

Dgll^Kr',    pour    le   pluriel   en   wï   correspondant  aux 

pluriels  coptes  en  otti  et  o-ye. 

L'expression  du  pluriel  est   moins  visible  encore  dans 
v\  i ,  les  ennemis,  dans  -f^  \  ceux  qui  sont,  et  dans 

ïï  ïSk''''  ^es  Occidentaux,  ce  qui  pourrait  expliquer  pourquoi 
le  surnom  de  Khen-ament  d'Osiris,  sous  sa  forme  habituelle 
de  Khent-amenti  ou  Khenti-amenti,  est  écrit  tantôt  avec  la 

marque  du  pluriel  \\\\\     (I  i  i  i 


/WWV\    \\     1    /WW\A  [j£j*J  /WW»     _C£\S      lO      O  P^  I 

pour     TT ^ '  e^  flTh         f  ^  10,  tantôt  sans  la  marque  du  pluriel 

*WW\A    o      ^n      O  /WWW    (\    .uiniini,       cj  .-. 

1.  J^"'  il  »  IZ^ïfh  "*«•  éprise 
comme  un  singulier,  l'expression  Khenti-Amenti  paraît  avoir 
donné  naissance  à  deux  personnages  divins  du  tombeau  de 

-<2>-      m        Ql]     f"™^  ^ 

RamsèsVI,  rv     riïh     (I  ,  Osiris  qui  est  dans  l'Ament, 

— u— u—  \  \      I    AA/WV\   1 1 

e^  ^J  ir  <N->  '  l'Amenti  qui  est  avec  Osiris13. 

L'absence  assez  fréquente  de  la  marque  déterminative  du 
pluriel  fera  reconnaître  des  pluriels  véritables  dans  certains 
singuliers  des   tombes    royales.  Ainsi,  dans   la  Litanie  du 

1.  Lanzone,  Le  Domicile  des  Esprits,  pi.  1.  3e  registre. 

2.  Champollion,  Notices,  t.  I,  p.  7~(.'. 
:!.  Sarcophage  de  Sèti  I",  14,  b. 

I.  Champollion,  Notices,  t.  II,  p.  41)1)  et  545;  cf.  Grébaut,  Hymne  à 
A  mmon-Ra,  p.  2G. 

5.  Champollion,  Notices,  t.  II,  p.  500. 

ii.  ld.,  p.  646. 

7.  ld.,  p.  601. 

8.  ld..  p.  533. 

9.  Sarcophage  de  Sèti  /",  11.  a. 

10.  Papyrus  sans  nom  du  Louvre,  1"  texte. 

II.  Champollion,  Notices,  t.  II.  p.   193. 

12.  ld.,  500;  cf.  Denkmaler,  II,  81,  98,  etc. 

13.  Champollion,  Notices,  t.  II,  p.  514. 


SUR    DIFFÉRENTES    FORMES    DES    MOTS    DÉRIVÉS         197 

Soleil,  où  soixante-quinze  formes  de  Ra  sont  successivement 
adorées,  quelques-unes  d'entre  elles  représentent  des  groupes 
de  personnages  réunis  sous  une  seule  dénomination,  laquelle 
correspond  à  l'un  des  aspects  du  dieu  :  trois  momies,  par 

exemple,  les  Aat,  sont  appelées  - — û(](]  vV  dans  le  tableau, 

et  dans  la  légende  \\  <^>  v\  <&<  7)  -  ou  V\  <:=^:, 

y  <^*ï  J|-  Dans  le  dernier  exemple,  le  nom  des  Aat-u 
n'éveille  plus  que  l'idée  d'un  personnage  unique  et  la  voyelle 
u  y  est  le  seul  reste  du  pluriel  primitif.  On  remarquera 
encore  l'unification  des  Veilleurs,  trois  momies  allongées  dont 
les  pieds  touchent  à  un  disque,  et  dont  le  nom  est  ^^  on 

dans  le  tableau4  :  le  texte  en  fait  Yurshi-u  ^^r-rc-i 

Jn\  On  retrouvera  de  même  les  suppliciés  dans  le 

mot  ^aaa(1  r^^nnv^^  déterminé  par  un  seul  personnage", 

et  les  pleureurs  dans  le  mot  [j'vx^z^  J(](j  "y^^J)7-  Les 

urshi-u  et  les  aakebi-u  sont  représentés  par  groupes  de 
quatre  personnages  isolés  au  tombeau  de  Ramsès  VF  :  il  y  a 
même  là  quatre   aakebi-u,  hommes,  et   quatre   akebi-t-u, 

femmes.  Quant  aux  neki-u,   leur  séjour,  r  /ww«  (1  ^3^ 

SS  V^à1"  est  menti°nné  sur  un  texte  appartenant  aux 
tombes  royales.  En  dehors  des  Litanies  solaires,  un  des 
noms  cités  plus  haut,  Kebi-u,  accompagne  un  groupe  de 

1.  Champollion,  Notices,  t.  I,  p.  428. 

2.  Ici.,  p.  754. 

3.  Dcnkrnàler,  III,  203,  b,  1.  23. 

4.  Champollion,  Notices,  t.  I,  p.  779. 

5.  Denkmâler,  III,  203,  b,  1.  67. 

6.  Champollion,  Notices,  t.  I,  p.  429. 

7.  Ici.,  p.  755. 

8.  Ici.,  t.  II,  p.  623  et  629;  cf.  Sarcophage  de  Sèti  Ier,  10,  c,  et  9,  c. 

9.  Cf.  Papyrus  sans  nom  du  Louvre,  premier  chapitre,  1.  22. 


198         SUR    DIFFÉRENTES   FORMES   DES   MOTS   DÉRIVÉS 

quatre  hommes  renversés,  \qa  \  (111^^,  le  (1  ^,s==>  (1  (] @ >  Ie 
@  et  le  <=>  (1(1  <5 1  :  l'analogie  donne  à  penser  qu'il  y  a 


là  encore  des  collectifs,  d'autant  plus  que,  dans  un  autre 
groupe  de  quatre  personnages,  chacun  d'eux  est  dit  .  J 
\\\[  au  pluriel. 

Faut-il  voir  aussi  des  pluriels  dans  certains  des  autres 
noms  d'agent  en  u,  déjà  mentionnés,  comme  utes-u,  khesef- 
u,  shep-u,  etc.  ?  11  est  difficile  de  le  dire,  et  de  savoir  jus- 
qu'à quel  point  les  observations  précédentes  peuvent  être 
étendues  dans  le  domaine  des  textes  appartenant  aux  tombes 
royales,  ou  dans  le  domaine  des  autres  testes.  Il  suffira,  pour 
le  moment,  d'avoir  noté  plusieurs  points  qui  ne  sont  pas 
douteux. 

Les  noms  cités  jusqu'ici  dans  ce  paragraphe  sont  mas- 
culins :  au  féminin  Vu  ne  parait  subsister  ni  pour  le  singulier, 
car  on  n'en  trouve  pas  d'exemples,  ni  pour  le  pluriel,  car  on 

a  alors  seulement  des  formes  comme°w°  (1(1         ,  féminin  de 
passage  du    Papyrus   sans   nom   du   Louvre4),  féminin   de 


-m\ 


/WAW    , W_ 


"  «ai  \  fé- 

i   i   i  s=>     ^     III 


mininde  8  ou  s=>  \\        9  et 

<2       I    I    I  A/WWV  Ji   i    i    i 


i  i  i 


I.  Champollion,  Notices,  t.  II,  p.  515. 
■2.  Id.,  p.  500  et  501. 

:!.   Sarcophage  de  Sètil",  12,  b,  et  13,  c. 

4.  Premier  chapitre,  1.  9. 

5.  Champollion,  Notices,  t.  II,   p.  5:>0. 
fi.  /ri.,  ibid. 

7.  Sarcophage  de  Sèti  /",  9,  c 

8.  Champollion,  Notices,  t.  I.  p.  538. 

9.  Sarcophage  de  Sèti  I",  10,  c 

10.  Id.,  7,  c' 

I I.  Champollion,  Notices,  f.  II,  p.  640. 


SUR    DIFFÉRENTES    FORMES    DES    MOTS    DÉRIVÉS         199 

s) 


(celles)  qui  sont  dans,  etc.  Dans  le  mot  féminin  ^k  ^4 

',  remorqueuses,  le  signe  (?  est  un  déterminatif  et  non 

la  lettre  u.  Quant  aux  mots  sem-u  et  sem-ui2,  qui  ont  été 
cités  plus  haut  et  qui  désignent  des  déesses,  leur  apparence 
masculine  parait  avoir  sa  raison  d'être  dans  ce  fait,  que  les 
personnages  indiqués  sont  appelés  Akhemu-Seku  par  un 
papyrus  du  Louvre  qui  reproduit  la  même  série1  :  les 
Akhemu-Seku,  qui,  partout  ailleurs,  sont  des  dieux,  auront 
été  remplacés  par  des  déesses  sans  qu'on  ait  songé  à  modi- 
fier complètement,  dans  ce  sens,  la  légende  explicative.  Au 


féminin  pluriel,  le  mot  guide  est  en  égyptien  ^^^         '  et 
au  féminin  singulier  _^  fl  <]  »  ^.     (1  (]  (1  ^  ^  "'  • 


Récapitulation 

En  ajoutant  à  ces  exemples  les  formes  pour  lesquelles  il 
n'existe  pas  de  variantes,  comme  »  M  z=>  3  "  (cf.  w  (](r) 
pour  le  masculin,  et  Â  J  s=>s  pour  le  féminin,  on  obtien- 
dra le  tableau  suivant,  dont  la  composition  montre  que  les 
différentes  expressions  du  suffixe  n'ont  aucune  répugnance 
à  s'échanger  entre  elles,  puisqu'on  a,  pour  le  mot  pleureur, 
par  exemple,  (rem),  rem-i,  rem-i-ti,  rem-u-i-ti,  etc. 


1.  Sarcophage  de  Sàti  I",  11,  c. 

2.  Champollion,  Notices,  t.  II,  p.  583. 

3.  Dëvéria,  Catalogue  des  mss,  égyptiens  du  Musée  du  Louvre,  p.  41. 

4.  Sarcophage  de  Sêti  I",  11,  c. 

5.  Id.,  11,  b,  et  Champollion,  Notices,  t.  II,  p.  578. 

6.  Champollion,  Notices,  t.  II,  p.  578  et  ô87. 

7.  Id.,  t.  I,  p.  429. 

8.  Id.,  t.  II,  p.  595. 


200         SUR    DIFFÉRENTES    FORMES    DES    MOTS    DÉRIVÉS 


MASCULIN 

FEMININ 

t 

t 

tt 

U 

a 

» 

i 

i 

u 

u 

u-i 

Li-i-i 

i-u 

)) 

a 

\  tu 

i-ti 

n 

ti-i 

ti-it 

u-i- 

■ti 

)) 

i-u- 

■ti 

» 

Dans  ce  tableau,  le  t  simple  ou  double  du  masculin  est  une 
abréviation  évidente  pour  ti,  comme  l'indiquent  les  variantes, 
ce  qui  montre  que  it  masculin  équivaut  à  iti;  le  t  et  Xi  du 
féminin  sont  de  même  des  expressions  régulièrement  in- 
complètes de  la  syllabe  it;  enfin  les  formes  ti-i  pour  le 
masculin  et  ti-it,  u,  ui-i  pour  le  féminin  sont  douteuses.  Si 
l'on  considère,  de  plus,  le  rôle  de  Vu  comme  n'ayant  pas  été 
analysé  encore  d'une  manière  suffisante,  il  restera  seulement  : 


MASCULIN 

FÉMININ 

a,  i 

it 

ti 

iti 

(  ti 
j  tt 

(  tit. 

Et  maintenant,  puisque  plusieurs  variantes  sonl  purement 
graphiques,  il  reste  encore  à  savoir  si,  dans  le  tableau  final, 
les  formes  ti  <•(  tit  ne  sont  pas  de  ce  genre,  l'une  avec  la 
valeur  U  que  lui  attribue  M.  Piehl1,  l'autre  avec  la  valeur 

1.  Zeitsckrift,  1879,  p.  143. 


SUR    DIFFÉRENTES   FORMES    DES   MOTS    DÉRIVÉS        201 

tit  que  M.  Maspero'  penche  à  lui  donner.  De  plus,  le  rôle  du 
t  dans  ti  n'étant  pas  précisé,  et  la  fonction  de  Yi  dans  i-ti  ne 
paraissant  pas  mieux  déterminée  que  celle  de  Yu  en  général 
(car  i  et  u  peuvent  ne  figurer,  dans  certains  cas  du  moins, 
que  comme  allongement  du  radical  ou  comme  voyelle  de 
liaison),  on  se  retrouve  ainsi,  au  point  de  vue  de  la  certitude, 
en  présence  des  deux  suffixes  fondamentaux,  i  pour  le  mas- 
culin et  it  pour  le  féminin,  tandis  que  les  autres  suffixes 
offrent  des  problèmes  qui  demeurent  difficiles  à  résoudre, 
dans  l'état  actuel  de  la  science.  Pour  difficiles  que  soient  ces 
problèmes,  il  ne  faut  pas  moins  chercher  à  en  réunir  les 
éléments  d'après  les  différents  groupes  de  textes,  car  c'est  là 
le  point  de  départ  d'une  solution,  et  ceci  justifiera  jusqu'à 
un  certain  point  la  méthode  employée  dans  le  présent  tra- 
vail, qui  a  pour  but  de  décrire,  plutôt  que  d'expliquer. 

Le  Caire,  mai  1881. 
1.  Zeitschrift,  1880,  p.  44. 


UN 

CHAPITRE  DE  LA  CHRONIQUE  SOLAIRE1 


i 

La  légende  dont  la  traduction  suit  occupe  une  partie  de 
l'un  des  papyrus  de  Turin  fac-similés  par  M.  Rossi,  et  pu- 
bliés par  M.  Pleyte,  àLeide,  de  1869  à  1876  (pi.  31,  77  et 
131-138.) 

L'écriture  du  papyrus  présente  le  type  de  la  bonne 
époque,  et  M.  Pleyte  le  croit  de  la  XXe  dynastie.  L'écri- 
ture du  verso  semble  d'un  autre  scribe  que  celle  du  recto  : 
de  plus,  le  commencement  et  la  fin  du  recto  manquent, 
tandis  que  le  verso,  qui  n'a  pas  son  commencement  non 
plus,  a  conservé  sa  fin,  comme  l'indique  la  formule,  c'est 
bien  fini,  heureusement.  Les  deux  côtés  contiennent  chacun 
quatre  pages  entières  et  une  moitié  de  page  :  c'est  leur  der- 
nière page  qui  est  fragmentée. 

Le  papyrus  est  une  collection  de  formules  magiques, 
ayant  pour  but  de  conjurer  l'effet  de  la  morsure  des  ser- 
pents. La  légende  étudiée  ici  en  forme  de  beaucoup  la  par- 
tie la  plus  considérable,  car  elle  occupe  tout  le  recto,  depuis 
la  12e  ligne  de  la  lre  page  jusqu'à  la  5e  ligne  de  la  4"  page  : 
elle  ne  présente  pas  de  lacunes  réelles. 

I.  Publié  dans  la  Zeitschrift  fur  œgyptische  Sprache,  1883,  p.  27-33. 


204  UN    CHAPITRE    DE    LA    CHRONIQUE    SOLAIRE 

Le  fac-similé  parait  suffisamment  exact,  bien  que  quelques 
mots  soient  peut-être  moins  distincts  dans  la  publication 
qu'ils  ne  l'étaient  sur  la  copie  de  M.  Rossi,  suivantM.  Pleyte 
(p.  180).  Il  y  a  lieu  d'accorder,  pour  les  passages  difficiles, 
une  certaine  confiance  aux  lectures  de  M.  Pleyte,  qui  avait 
sous  les  yeux  la  copie  de  M.  Rossi,  et  dont  la  sagacité  de 
déchiffrement  a  été  d'ailleurs  remarquée  par  M.  Chabas. 

M.  Pleyte  a  transcrit  et  traduit  les  textes  publiés  par  lui, 
mais,  pour  être  mené  à  bonne  fin,  ce  travail  ne  pouvait  être 
que  sommaire,  eu  égard  au  nombre  et  à  l'état  des  papyrus. 
L'essai  de  M.  Pleyte  donne  à  peu  près  l'impression  que  pro- 
duit une  première  lecture,  et,  sous  ce  rapport,  son  utilité 
est  grande:  il  épargne  bien  des  tâtonnements  qui  seraient 
inévitables  en  présence  de  textes  hiératiques,  pour  la  plu- 
part fragmentés,  dont  il  faudrait  déterminer  la  nature  et  le 
sens. 

Telle  qu'elle  est,  néanmoins,  cette  sorte'd'ébauche  ne 
saurait  dispenser  d'études  plus  complètes,  ce  que  l'on  com- 
prendra sans  peine  si  l'on  compare,  pour  le  Conte  du  Jardin 
des  Fleurs,  par  exemple,  la  traduction  de  M.  Chabas  à  celle 
de  M.  Pleyte. 

La  légende  du  papyrus  magique  demandait  aussi  à  être 
interprétée  de  nouveau,  car  le  vrai  sens  en  avait  échappé  au 
savant  éditeur. 

Il 

PI.  CXXXl 

L.  12-13    Chapitre  du  dieu  divin,  existant  par  lui-même, 

auteur  du  ciel,  de  la  terre,  de  l'air  vital,  du  feu, 
des  dieux,  des  hommes,  des  fauves,  des  troupeaux, 
des  reptiles,  des  oiseaux  et  des  poissons, 
le  roi  des  hommes  et  des  dieux  réunis, 

L.  14       dont  les  siècles  sont  les  années, 

aux  nombreux  noms,  qui  ne  sont  pas  connus 
et  que  ne  connaissent  pas  les  dieux. 


UN  CHAPITRE  DE  LA  CHRONIQUE  SOLAIRE      205 

Or,  Isis  était  une  femme 
pi.  cxxxn   habile  (en)  paroles,  son  cœur  était  dégoûté 
L.  1         du  monde  des  hommes,  elle  préférait  le  monde  des 

[dieux, 

elle  estimait  (mieux)  le  monde  des  esprits. 

Ne  pouvait-elle  pas,  au  ciel  et  sur  la   terre,  de 

même  que  Ra, 

posséder  la  terre  et  (être)  déesse, 

pensait-elle  en  son  cœur, 
L.  2        par  le  moyen  du  nom  du  dieu  auguste? 

Or,  Ra  venait  chaque  jour 

.à  la  tête  de  ses  nochers, 

installé  sur  le  trône  du  double  horizon. 

Le  dieu  avait  vieilli  ;  la  bouche  lui  gouttait, 
L.  3        la  salive  lui  coulait  vers  la  terre, 

et  ce  qu'il  bavait  tombait  sur  le  sol. 

Isis  pétrit  cela  de  sa  main  : 

avec  de  la  terre  et  ce  qui  était  dessus, 
L.  4        elle  en  composa  un  serpent  sacré; 

elle  le  fit  en  forme  de  dard. 

Il  ne  marcha  pas  dressé  devant  elle  : 

elle  le  laissa  couché  sur  la  route 

par  laquelle  le  dieu  grand  passait, 
L.  5         suivant  le  désir  de  son   cœur,   dans  son   double 

[royaume. 

Le  dieu  auguste  parut  au  dehors 

Les  dieux  compagnons  de  (ce)  pharaon,  V.  S.  F., 

[à  sa  suite  : 

il  se  traînait  comme  chaque  jour. 

Le  serpent  sacré  le  mordit  : 

la  flamme  de  vie  sortie  de  lui-même 
L.  6        dompta  celui  qui  réside  dans  la  (forêt  de)  cèdres. 

Le  dieu  divin  ouvrit  la  bouche, 

et  le  cri  de  sa  Majesté,  V.  S.  F.,  monta  jusqu'au 

[ciel. 


206      UN  CHAPITRE  DE  LA  CHRONIQUE  SOLAIRE 

Son  cycle  divin  de  (dire)  :  «  Qu'est-ce  que  c'est  ?  » 

et  ses  dieux  de  (dire)  :  a  Quoi  donc?  » 
L.  7         II  ne  trouva  pas  (la  possibilité)  de  répondre  sur  cela. 

Ses  mâchoires  claquaient, 

tous  ses  membres  frissonnaient  ; 

le  venin  s'emparait  de  sa  chair 
L.  8        comme  le  Nil  s'empare  de  son  domaine. 

Le  dieu  grand  raffermit  son  cœur, 

il  cria  à  ses  compagnons  : 

«  Allons,  à  moi  !  enfants  de  mes  membres, 

dieux  sortis  de  moi  ! 

Expliquez  cela  à  Khepra. 
L.  9        Quelque  chose  de  douloureux  m'a  transpercé; 

mon  cœur  a  perçu  cela,  et  mes  yeux  ne  l'ont  pas  vu, 

ma  main  ne  l'a  pas  causé  ; 

je  n'ai  connaissance  de  personne  qui  me  l'a  fait. 

Je  n'ai  pas  senti  de  douleur  comme  celle-là  : 
L.  10      il  n'y  a  pas  de  mal  au-dessus. 

Je  suis  le  chef,  fils  du  chef, 

l'émanation  issue  de  Dieu; 

je  suis  le  grand,  fils  du  grand, 

mon  père  a  médité  mon  nom  ; 

je  suis  le  myrionyme, 

le  multiforme, 
L.  11       mon  être  existe  en  chaque  dieu. 

Acclamé  par  Tum  et  Horus  les  Nomenclateurs, 

mon  nom  a  été  dit  par  mon  père  et  par  ma  mère, 

(puis)  il  a  été  caché  dans  mon  sein  par  qui  m'a  en- 
gendré, 
L.  12      afin  de  ne  pas  laisser  être  le  maître  l'enchanteur 

[qui  m'enchanterait. 

j'étais  sorti  dehors  pour  voir  ce  que  j'ai  créé, 

j'allais  par  les  deux  royaumes  que  j'ai  faits, 
L.  13      quand  quelque  chose  (m')a  piqué  que  je  ne  con- 
fiais pas  : 


UN  CHAPITRE  DE  LA  CHRONIQUE  SOLAIRE      207 

Est-ce  du  feu? 
Est-ce  de  l'eau  ? 
Mon  cœur  est  un  brasier, 
Mes  chairs  tremblent, 
L.   14       tous  mus  membres  éprouvent  les  elîets  d'un  frisson 

[terrible. 
Qu'on  m'amène  les  fils  des  dieux, 
aux  paroles  bienfaisantes, 
qui  connaissent  leur  bouche, 
et  dont  l'influence  atteint  le  ciel.  » 

PI.  CXXXIII 

L.  1         Chaque  fils  divin  vint  à  lui  en  se  lamentant  ; 

Isis  vint  avec  ses  sortilèges, 

sa  bouche  (pleine)  de  souffles  de  vie, 

ses  formules  pour  détruire  les  maux, 
L.  2         et  ses  paroles  vivifiant  les  gosiers  morts. 

Elle  dit  :  «  Qu'est-ce  que  c'est,  père  divin? 

Quoi  donc?  Un  serpent  a  répandu  les  maux  en  toi, 

un  que  tu  as  créé  a  dressé  sa  tête  contre  toi  ? 
L.  3        Oh  !  il  sera  renversé  par  des  charmes  efficaces, 

je  le  ferai  reculer  à  la  vue  de  tes  rayons.  » 

Le  dieu  saint  ouvrit  la  bouche  : 

«  Moi,  je  passais  sur  le  chemin, 

j'allais  par  les  deux  royaumes  de  ma  terre, 
L.  4         selon  le  désir  de  mon  cœur,  pour  voir  ce  que  j'ai 

[créé  : 

je  fus  piqué  par  un  serpent,  sans  l'avoir  vu. 

Est-ce  du  feu  ? 

Est-ce  de  l'eau  ? 

Je  suis  plus  froid  que  l'eau, 

Je  suis  plus  brûlant  que  le  feu. 
L.  5         Tous  mes  membres  sont  en  sueur, 

je  suis  tremblant,  mon  œil  est  sans  force, 

je  ne  distingue  plus  le  ciel, 


208  UN   CHAPITRE   DE   LA   CHRONIQUE   SOLAIRE 

l'eau  monte  à  ma  face  comme  dans  la  saison  de  l'été.  » 
L.  6        Isis  dit  à  Ra  : 

«  Oh  !  dis-moi  ton  nom,  père  divin. 

Celui-là  vivra  qui  sera  délivré  par  son  nom.  » 

«  J'ai  fait  le  ciel  et  la  terre,  arrangé  les  montagnes, 

et  créé  les  êtres  qui  sont  dessus  ; 
L.  7        j'ai  fait  l'eau,  créé  le  grand  abîme, 

et  fait  le  Taureau-de-sa-mère, 

auteur  de  la  jouissance  ; 

j'ai  fait  le  ciel,  et  voilé  les  deux  horizons, 
L.  8        j'ai  placé  l'âme  des  dieux  dedans; 

je  suis  celui  qui,  s'il  ouvre  les  yeux,  produit  la  lu- 

[mière, 

et  qui,  s'il  ferme  les  yeux,  produit  les  ténèbres; 

l'eau  du  Nil  monte  quand  il  l'ordonne, 
L.  9        et  les  dieux  ne  connaissent  pas  son  nom  ; 

je  fais  les  heures  et  produis  les  jours, 

j'envoie  les  fêtes  de  l'année  et  crée  les  inondations, 

je  produis  le  feu  vivant 
L.  10      pour  purifier  les  maisons. 

Je  suis  Khepra  le  matin,  Ra  à  midi, 

et  Tum  le  soir.  » 

Le  venin  n'était  pas  chassé,  il  progressait, 
L.  11       et  le  dieu  grand  ne  marchait  plus. 

Isis  dit  à  Ra  : 

«  Ce  n'est  pas  ton  nom,  rénumération  que  tu  m'as 

[faite; 

oh  !  dis-le-moi,  et  le  venin  sortira. 

Celui-là  vivra  dont  le  nom  sera  révélé.  » 
L.  12      Le  venin  brûlait  comme  du  feu  ; 

il  était  plus  fort  que  flamme  et  que  fournaise. 

La  Majesté  de  Ra  dit  : 

«  Je  consens  à  être  fouillé  par  Isis, 

(et  à  ce  que)  mon  nom  passe  de  mon  sein  dans  son 

[sein.  » 


UN   CHAPITRE   DE   LA   CHRONIQUE    SOLAIRE  209 

L.  13      Le  dieu  se  cacha  pour  les  dieux  : 

large  était  la  place  dans  la  barque  des  millions 

[d'années. 

Quand  vint  le  moment  de  la  sortie  du  cœur, 

elle  dit  à  (son)  fils  Horus  : 

«  Qu'il  s'engage  par  un  serment  divin 
L.  14       (à)  livrer  ses  deux  yeux  ». 

Le  dieu  grand  son  nom  lui  fut  enlevé, 

et  Isis,  la  grande  magicienne,  (dit)  : 

«  Coulez,  poisons,  sortez  de  Ra  ! 

PI.  XXI,  LXXVII 

L.   1         Œil  d'Horus,  sors  du  dieu  !  Resplendis  hors  de  sa 

[bouche  ! 

Moi,  j'agis, 

Moi,  j'envoie  tomber  sur  la  terre  le  venin  dompté, 

car  le  nom  du  dieu  grand  lui  a  été  enlevé. 

Ra,  qu'il  vive  ! 

Que  le  venin  meure,  au  contraire  ! 
L.  2        Un  tel,  fils  d'une  telle,  qu'il  vive! 

Que  le  venin  meure,  au  contraire  !  » 

(C'est)  ce  qu'a  dit  Isis,  la  grande,   la  régente  des 

[dieux, 

Celle  qui  connaît  Ra  (par)  son  propre  nom. 

Paroles  à  dire  sur 

L.  3        une  image  de  Tum  et  d'Horus  les  Nomenclateurs, 
sur  une  représentation  d'Isis 
et  sur  une  image  d'Horus. 
Ecrit  à  mettre  dans  (une  dissolution)  avalée  par  la 

L.  4  personne.  On  le  fait  pareillement  sur  un  morceau 
de  vrai  lin  mis  à  son  cou.  C'est  un  remède  efficace. 
On  fait  une  potion  avec  de  la  bière  ou  du  vin  (pour 
être)  bue  par  la  personne  que  le  mal  (tient).  C'est 

L.  5  la  destruction  du  venin,  parfaitement,  et  pour  tou- 
jours. 

BlBL.  ÉGYPT.,  T.  XXXIV.  14 


210  UN    CHAPITRE   DE   LA   CHRONIQUE   SOLAIRE 


III 

Cette  légende  reflète  avec  une  fidélité  remarquable  les  dif- 
férents aspects  du  développement  religieux,  indiquant  ainsi, 
dans  sa  mesure,  que  les  mythes  égyptiens  ont  obéi  aux 
mêmes  lois  que  ceux  des  autres  peuples. 

Le  vieux  fond  naturaliste  s'accuse  dans  le  nom  et  le  rôle 
delà  divinité  principale,  Ra,  c'est-à-dire  le  soleil.  Déplus, 
les  titres  de  Ra  révèlent  une  tendance  prononcée  à  établir 
l'unité  dans  le  polythéisme,  puisque  le  dieu  est  représenté 
comme  le  créateur  des  choses  et  même  des  dieux,  mais  cette 
unité  est  panthéistique  :  Ra  existe  en  chaque  dieu  et  crée 
par  voie  d'émanation,  comme  le  montre  la  naissance  du  ser- 
pent tiré  de  sa  salive  par  Isis.  Ce  dernier  épisode  repose  sur 
une  allégorie  symbolisant  l'effet  pernicieux  de  la  chaleur 
solaire,  preuve  que  les  phénomènes  physiques  avaient  con- 
servé en  partie  leur  signification,  au  dernier  temps  de  la 
croissance  des  mythes. 

C'est  bien  à  une  période  de  ce  genre  que  nous  reporte 
l'idée  toute  évhémériste  de  la  légende,  qui  change  en  une 
simple  femme  Isis,  l'une  des  principales  figures  du  Pan- 
théon. Tandis  qu'Horus,  au  moins  dans  son  rôle  et  sa  forme 
de  Nomenclateur,  reste  encore  dieu,  Isis  n'est  plus  qu'une 
sorte  d'Eve,  qui  cherche,  avec  l'aide  du  serpent,  à  obtenir 
la  divinisation  en  s'emparant  de  la  science  suprême. 


IV 

Les  monuments  et  les  papyrus  ne  nous  ont  conservé  qu'un 
petit  nombre  de  légendes.  Le  Livre  des  Morts  on  contient 
deux  ou  trois,  qui  sont  plutôt  effleurées  que  racontées.  Les 
textes  du  mythe  d'Horus  et  de  la  destruction  des  hommes, 


UN  CHAPITRE  DE  LA  CHRONIQUE  SOLAIRE      211 

publiés  par  M.  Naville,  sont  plus  précis.  Les  recueils  de  ma- 
gie, comme  le  Papyrus  Harris,  prennent  quelquefois  aussi 
une  allure  narrative,  mais  on  peut  dire  qu'en  général  les 
compositions  religieuses  sont  plus  riches  d'allusions  que  de 
faits,  ce  qui  les  rend  fort  obscures  :  on  ne  réussira  bien  à  les 
comprendre  que  si  l'on  parvient  à  connaître  suffisamment 
le.  vaste  cycle  des  fables  qui  leur  servait  de  support.  Plu- 
tarque  a  donné  jusqu'à  un  certain  point  la  clef  de  ce  qui 
concerne  Osiris,  mais  l'existence  d'une  histoire  de  Ra  n'était 
même  pas  soupçonnée  quand  le  récit  de  la  destruction  des 
hommes  a  divulgué,  il  y  a  quelques  années,  un  des  épisodes 
de  la  chronique  solaire. 

La  légende  qu'on  vient  de  lire  est  un  morceau  du  même 
genre,  à  peu  près  du  même  temps,  tiré  peut-être  du  même 
livre,  et  se  rapportant,  par  un  heureux  hasard,  à  une  même 
période  de  la  vie  du  dieu  suprême,  c'est-à-dire  à  la  fin  de 
son  règne  terrestre. 

Les  deux  incidents  se  relient  d'autant  plus  étroitement 
qu'ils  ont  trait  aux  causes  qui  déterminent  le  dieu  à  quitter 
la  terre.  La  destruction  des  hommes  décide  entièrement  Ra, 
que  le  repentir  ronge  et  qui  reconnaît  que  son  mal  vient 
d'avoir  été  avec  eux,  car  leur  massacre,  dit-il,  est  la  cause 
de  ma  faiblesse;  mais  au  moment  de  son  départ  il  n'oublie 
pas  l'aventure  du  serpent,  il  admoneste  sévèrement  le  dieu 
de  la  terre,  Seb,  l'engage  à  veiller  sur  ses  reptiles  et  l'aver- 
tit que  des  psylles  le  charmeront  à  son  tour.  Voici  le  pas- 
sage (pi.  e,  1.  56  à  62)  : 

L.  56  La  majesté  de  ce  dieu  dit  à  Thoth  :  «  Crie  un  : 

viens  à  moi  !  à  la  Majesté  de  Seb,  en  disant  : 
Viens  vite,  sur-le-champ.  »  La  Majesté  de  Seb 
vint,  et  la  Majesté  de  ce  dieu  lui  dit  :  «  Sois  ré- 
primandé 

L.  57  pour  tes  serpents  qui  sont  en  toi,  car  ils  m'ont  fait 
craindre  pour  mon  existence.  Connais  donc  leur 


212      UN  CHAPITRE  DE  LA  CHRONIQUE  SOLAIRE 

bien  :  va-t-en  vers  le  lieu  où  est  mon  père  Nun, 
et  dis  lui  :  Garde 

L.  58  les  reptiles  de  la  terre  et  de  l'eau.  »  Fais  aussi  un 
écriteau  pour  chacun  des  trous  où  sont  les  serpents, 
savoir  :  «  défense  absolue  de  nuire  ».  Qu'ils  sachent 
que  je  m'éloigne, 

L.  59  mais  que  je  luirai  sur  eux.  Or,  leur  soin  concerne 
leur  père,  car  tu  es  un  père  pour  cette  terre,  à  ja- 
mais. Qu'on  prenne  donc  garde  à  cela. 

L.  60  Des  enchanteurs  les  charmeront,  avec  mon  propre 
charme  magique.  Je  m'en  dépouillerai,  mais  ce  ne 
sera  pas  pour  ceux  que  j'en  aurai  privés,  par  la 
grandeur  de 

L.  61  l'Ancien  !  Je  les  désignerai  à  ton  fils  Osiris  :  leurs 
enfants  périront,  et  le  cœur  de  leurs  chefs  sera 
découragé.  Ceux-là  (seuls)  prospéreront  qui  fe- 
ront ce 

L.  62  qu'ils  voudront  sur  la  terre  entière,,  en  charmant 
les  reptiles.  » 

Ce  souci  des  reptiles  n'est  pas  justifié  par  le  récit  du  mas- 
sacre de  l'humanité,  et  il  ne  trouve  son  explication  que  dans 
un  fait  antérieur,  c'est-à-dire  dans  l'événement  que  rap- 
porte le  papyrus  magique  de  Turin. 

On  remarquera  que  les  deux  textes,  avec  une  irrévérence 
qui  les  date,  en  quelque  sorte,  font  du  soleil  une  espèce  de 
vieux  roi  de  comédie,  bafoué  par  les  hommes  et  trompé  par 
une  femme.  Les  aventures  sont  complaisamment  détaillées, 
surtout  dans  la  dernière  légende,  qui  confine  ainsi  au  conte, 
en  laissant  voir  par  quelle  dégradation  de  nuances  les 
mythes  primitifs  ont  passé  pour  devenir  des  romans, 
comme  ceux  de  Bâta,  du  prince  prédestiné,  de  Setna,  et 
de  Rampsinit. 

On  peut  espérer  que  de  nouvelles  recherches  révéleront, 
parmi  les  textes  publiés  ou  inédits,  d'autres  documents  de 


UN  CHAPITRE  DE  LA  CHRONIQUE  SOLAIRE      213 

même  nature  :  il  y  a  dans  ces  écrits  une  source  d'informa- 
tions qui  n'est  pas  à  dédaigner,  car  ils  font  suivre  la  marche 
totale  des  mythes,  de  leur  point  de  départ  à  leur  point 
d'arrivée.  L'histoire  des  religions  en  tirera  certainement 
profit. 


L'ART    EGYPTIEN1 


Si  l'on  réfléchit  que  les  arts,  malgré  des  décadences  par- 
tielles, bénéficient  pourtant  dans  leur  ensemble  de  1  expé- 
rience si  lentement  et  si  péniblement  acquise  par  1  humanité, 
on  éprouvera  plus  de  gratitude  que  de  dédain  pour  les  essais, 
d'abord  inhabiles,  qui  dégrossirent  peu  à  peu  le  bloc  in- 
forme d'où  la  beauté  est  enfin  sortie  :  on  comprendra,  en 
outre,  que  l'analyse  de  l'un  de  ces  débuts  a  par  elle-même 
son  intérêt,  puisqu'elle  met  forcément  en  lumière  la  grandeur 
des  difficultés  qu'il  a  fallu  vaincre  d'âge  en  âge,  depuis  le 
moment  où  cette  âme  collective  qui  apparaît  dans  1  histoire 
s'éveilla  non  plus  à  la  vie,  mais  à  l'idée. 

L'art  égyptien  est,  en  effet,  l'un  des  plus  antiques  de  a 
terre  et  ce  n'est  pas  sans  étonnement  que  l'on  contemple 
aujourd'hui,  dans  les  musées,  ces  formes  plusieurs  fois  mil- 
lénaires par  lesquelles  la  pensée  primitive  s'exprima  si  ener- 
giquement,  que  le  temps  n'a  pas  toujours  depoh  1  epiderme 
granitique  des  sphinx,  ni  parfois  défraîchi  les  peintures  des 

hypafquel  prodige  de  durée,  et  quel  effort  vers  l'éternel 
cet  art  nous  est-il  parvenu?  Quelles  causes  aussi  1  ont  fait 
ce  qu'il  fut,  puissant  et  minutieux,  mais  emprisonne  comme 
une  momie  dans  une  gaine  étroite  de  conventions  ou  d  ha- 

1  Publié  dans  le  Bulletin  de  l'Institut  égyptien,  2;  série  t.  IV,  1883, 
p.  90-99.  Tirage  à  part  à  cinquante  exemplaires  in-8  ,  Caire,  IBM, 
vingt  pages.  —  G.  M. 


216  l'art  égyptien 

bitudes  qui  maintenaient  la  raideur  jusque  dans  la  grâce,  et 
déparaient  les  plus  belles  œuvres  par  des  miracles  de  ma- 
ladresse ?  Un  coup  d'œil  jeté  sur  ce  qu'il  en  reste  révélera 
le  secret  de  ces  surprenantes  antithèses  en  montrant  les  ten- 
dances et  les  limites  du  génie  égyptien,  qui,  dénué  d'ima- 
gination, s'exprima  d'une  manière  évidente  par  la  pauvreté 
dans  l'invention  comme  par  la  patience  dans  le  faire. 

Cette  forme  d'esprit  parait  dans  le  peu  d'efforts  (pie  lit 
l'art  pharaonique  pour  se  dégager  d'une  circonstance  qui  lui 
donna  son  aspect  particulier,  et  qui  fut  l'abondance  des 
pierres  dans  les  montagnes  voisines  du  Nil.  La  conquête 
facile  des  blocs  granitiques  ou  calcaires  inclina  d'abord  les 
Égyptiens  vers  l'architecture  et  la  sculpture,  et  ils  n'en 
sortirent  point.  Chez  eux  les  bas-reliefs  abrègent  avec  quel- 
ques variantes  de  convention  les  statues  coloriées,  les  pein- 
tures abrègent  les  bas-reliefs  et  les  dessins  abrègent  les 
peintures  :  toutes  les  vignettes  du  Livre  des  Morts  semblent 
des  copies  de  tableaux  sculptés.  Les  innombrables  signes, 
simplifiés  peu  à  peu,  de  l'écriture  sur  papyrus,  réduisent 
les  hiéroglyphes  monumentaux,  et  une  partie  de  ces  derniers 
reparaissent  d'une  manière  exacte  dans  les  couvres  purement 
artistiques.  C'est  ainsi  que  le  petit  signe  qui  suit  en  démo- 
tique les  noms  des  statues  se  trouve  la  minuscule  des  plus 
gigantesques  colosses.  L'art  égyptien  n'est  au  fond  que  de 
la  pierre  travaillée,  et  l'habitude  de  ce  travail  forma  des 
ouvriers  et  des  maîtres  d'une  habileté  surprenante  dans  le 
maniement  ou  la  taille  des  blocs. 

Soutenus  par  les  immenses  ressources  que  leur  prodi- 
guaient les  Pharaons,  ils  ont  élevé  ainsi  en  architecture  des 
œuvres,  temples,  obélisques  et  pyramides,  véritablement 
saisissantes,  et  qui  laissent  à  l'esprit  une  impression  aussi 
nette  que  celle  de  leurs  lignes  sur  le  ciel.  Mais  la  beauté 
architecturale  n'esl  pas  ton  juins  pure  :  elle  dépend,  en 
quelques  parties,  de  la  qualité  des  matériaux,  et  de  la  des- 
tination ou  de  l'étendue  des  édifices,  choses  auxquelles  le 


l'art  égyptien  217 

génie  d'un  architecte  ou  d'un  peuple  peut  ajouter  son  em- 
preinte. L'Inde,  entassant   par  piles  innombrables  et  sans 
raison  apparente  les  étages  de  ses  pagodes,  a  symbolisé  la 
richesse  d'une  imagination  remplie  par  le  foisonnement  des 
formes.  L'Europe  chrétienne,  à  qui  la  flèche  des  cathédrales 
fut    imposée,   parait-il,    par    l'impossibilité   où    l'on   était 
d'abord,   d'employer  d'autres   matériaux  que   le  bois,  sut 
faire  de  ce  premier  type  l'expression  magnifique  ou  tour- 
mentée de  son  élan  vers   le  ciel.  L'Egypte  au  contraire, 
n'ajouta   aux   nécessités  architecturales  que  la  sûreté  pra- 
tique de  ses  constructeurs.  La  forme  légèrement  pyramidale 
du  temple  égyptien,  qui  lui  prête  une  sorte  de  grâce,  a  pour 
but  unique  de  le  mieux  asseoir.  Le  temple  lui-même,  pla- 
fond couché  sur  des  colonnes,  est  resté  dans  son  ensemble 
la  maison  plate  d'un  pays  sans  pluie  :  l'obélisque  est  une 
pierre  commémorative  bien  taillée,  et  la  pyramide,  un  tu- 
mulus    régularisé  par    des   architectes.   Ces   travaux   nous 
étonnent  jusqu'à  l'admiration,  mais  seulement  par  la  simpli- 
cité et  par  la  masse.  Leur  énormité  me  rend  d'un  seul  coup 
et  comme  d'un  bloc,  sans  surcharges,  la  puissance  exagérée 
qui  les  a  faits.  Réduits,  ils  perdent,  comme  les  lacs  ou  les 
rochers,  la  moitié  cle  leur  beauté  d'emprunt,  la  grandeur. 
Les  petites   pyramides  en  brique  que  l'on   voit  encore  en 
Nubie,  les  obélisques  d'un  quart  de  mètre  que  l'industrie 
fabrique   aujourd'hui,   et    les   naos,    qui   sont  des    temples 
diminués,  ne  nous  frappent  guère  à  côté  des  obélisques  de 
cent  pieds  de  haut,  des  montagnes  évidées  en  tombeaux  ou 
en  temples,  des  énormes  sanctuaires  de  Karnak  et  des  pyra- 
mides de  Gizéh,  subites  apparitions  du  despotisme. 

La  statuaire  n'est  pas  plus  variée  que  l'architecture,  parce 
que  des  artistes  qui  ne  sentent  pas  vivre  dans  leur  esprit  la 
forme  mobile,  c'est-à-dire  l'homme  ou  l'animal,  se  contentent 
de  la  figurer  sous  son  aspect  le  plus  ordinaire  et  le  plus 
simple.  Au  commencement  il  fallut  prendre  modèle  sur  la 
nature,  et  l'on  tira  ainsi  de  la  pierre,  avec  la  scrupuleuse 


218  l'art  égyptien 

persévérance  égyptienne,  des  copies  parfaitement  exactes, 
telles  que  la  statue  de  Khafra,  celle  de  l'hiérogrammate  qui 
est  au  Louvre  et  quelques  autres,  en  sorte  que  les  plus  belles 
œuvres  se  rencontrent,  dès  les  premières  dynasties,  à  côté 
d'essais  grossiers  qui  semblent  marquer  l'enfance  de  l'art 
par  la  rudesse  du  ciseau  et  la  grosseur  des  têtes.  Mais,  peu 
à  peu,  lorsqu'on  fut  parvenu  à  des  représentations  satisfai- 
santes, on  se  borna  à  copier  ces  copies,  et  à  y  choisir  les  deux 
ou  trois  poses  les  plus  faciles  à  rendre  de  l'homme  assis  ou 
debout,  pour  les  conserver  toujours  les  mêmes,  avec  des 
jambes  et  des  bras  raides. 

Cette  docilité  d'une  imagination  paresseuse  eut  dans  les 
bas-reliefs,  où  la  vie  s'exprime  avec  plus  de  variété  que  dans 
les  statues,  l'inconvénient  de  perpétuer  une  attitude  impos- 
sible du  corps  humain,  représenté  de  profil  avec  le  buste  de 
face.  La  cause  d'une  pareille  faute,  qu'on  retrouve  en  Assyrie 
et  ailleurs,  tient  à  une  sorte  de  convention  particulière  aux 
époques  primitives  de  l'art.  On  admet  alors  pour  les  bas- 
reliefs  le  profil  qui  est  aisé  à  imiter,  qui  supprime  la  per- 
spective el  (pii  pose  également  bienles  personnages  vis-a-vis 
les  uns  (\ci<  autres.  Mais,  comme  le  profil  exactement  rendu 
masque  l'un  des  bras  dans  les  poses  calmes  qu'on  préfère,  on 
tache  d'y  remédier  en  ramenant  de  face  l'épaule  cachée.  On 
arrive  ainsi  à  une  sorte  de  vérité  relative,  car  l'être  vivant, 
avec  la  gesticulation  habituelle  dont  il  s'entoure,  ne  semble 
pas  manchot  comme  le  paraîtrait  un  bas-relief  fixant  le 
profil  réel  d'un  homme  en  marche.  On  est  encore  amené  à 
supprimer  l'opposition  des  deux  mains  qu'on  place  dans  le 
même  sens  cl  non  en  sens  contraire,  ce  qui  donnerait  trop 
au  personnage  l'air  de  quelqu'un  de  face  qui  détournerait 
la  tète.  En  Egypte,  on  alla  plus  loin,  et,  par  une  sorte  de 
logique,  on  négligea  presque  toujours  l'opposition  des  deux 
pieds.  Mu  m  ;ms<i  l'œil  de  face,  comme  en  Assyrie,  afin  de 
ne  pas  dis  simuler  l'organe  qui  résume  le  mieux  la  vie,  et  l'on 
donna   de   même   aux    bœufs   passants   des   cornes  de  face, 


l'art  égyptien  219 

petites  ruses  qui  ne  déplaisent  pas  parce  qu'on  les  remarque 
peu.  Rien  ne  choque  plus,  au  contraire,  que  les  autres  sub- 
terfuges. Un  peuple  comme  les  Grecs  s'en  dégage  vite  par 
des  attitudes  et  des  gestes  variés  :  au  moyen  âge,  même, 
par  un  artifice  assez  ingénieux,  les  faces  sont  souvent  tour- 
nées vers  le  spectateur,  dans  les  bas-reliefs,  comme  celles 
d'acteurs  en  scène.  Les  Égyptiens,  peu  artistes,  ne  sentirent 
pas  le  besoin  du  mieux  et  s'en  tinrent  à  la  gaucherie  primi- 
tive, sans  y  être  obligés,  comme  on  le  dit  souvent,  par  des 
lois  sacerdotales.  Rien  ne  prouve  en  effet  que  de  telles  règles 
aient  existé  :  elles  n'eussent  pas  alors  été  violées  dans  cer- 
taines oeuvres  de  choix,  où  des  Égyptiens  mieux  doués  que 
les  autres  sont  sortis  de  l'ordinaire,  comme  dans  le  groupe 
connu  des  deux  prêtres  harpistes,  qui  touchent  leurs  instru- 
ments avec  des  mains  vraisemblables.  L'obligation  hiéra- 
tique ne  fut  autre  chose,  à  ce  qu'il  semble,  qu'une  habitude 
prise.  Les  scribes  finirent  certainement  par  avoir  des  cahiers 
complets  de  modèles  tout  faits,  qui  leur  épargnaient  la  peine 
d'observer  ou  de  réfléchir,  et  les  images,  apprises  dès  l'enfance, 
leur  venaient  aux  doigts  d'instinct,  avec  une  aisance  qu'égale 
la  dextérité  du  ciseau  qui  suivait  leurs  esquisses  dans  la 
pierre.  Ainsi  s'explique  l'uniformité  qui,  à  travers  les  siècles, 
perpétua  les  mêmes  images  dans  les  scènes  les  plus  diverses, 
et  remplit  l'art  de  signes  graphiques.  Tel  oiseau  qui  marche 
dans  une  basse-cour  est  une  lettre,  tel  quadrupède  une 
syllabe,  le  sphinx  de  Gizéh  lui-même  est  un  mot.  Les  ta- 
bleaux religieux  sont  littéralement  envahis  par  des  hiéro- 
glyphes, dont  quelques-uns,  animés,  reçoivent  des  yeux,  des 
bras  ou  des  jambes.  Pareils  aux  signes  de  l'écriture  figura- 
tive, les  personnages  sont  presque  toujours  des  calques 
abstraits,  qui  montrent  l'aspect  d'une  race  et  non  le  carac- 
tère d'un  homme,  en  marquant  seulement  la  différence  des 
époques  :  ils  sont  même  précieux  pour  ce  motif,  parce  qu'ils 
donnent  de  fidèles  tableaux  ethnographiques,  où  l'on  aperçoit 
nettement  les  têtes  sévères  et  lourdes  du  premier  Empire, 


220  l'art  égyptien 

la  grâce  élancée  du  temps  des  Ramessides,  et  la  bonhomie 
souriante  de  l'époque  Saïte,  ainsi  que  le  profil  sérieux  et 
lin  des  peuples  sémitiques,  et  la  démarche  dégingandée  des 
nègres.  La  beauté  un  peu  grêle  delà  femme  égyptienne  est 
aussi  parfaitement  rendue,  parfois  même  avec  un  soin  ou 
des  détails,  comme  celui  des  danseuses  vues  de  dos,  où  l'on 
reconnaît  des  artistes  qui  n'étaient  pas  toujours  insensibles 
à  la  grâce  des  poses.  Mais  tous  ces  types,  découpés  avec 
une  sûreté  qui  arriva  à  l'élégance,  ne  changent  pas  pendant 
des  siècles,  et  figurent  presque  toujours  les  mêmes  person- 
nages, sans  différence  d'âge  ou  de  traits,  dans  des  scènes 
identiques.  A  plus  forte  raison,  la  figure,  quel  que  soit  l'acte 
accompli,  reste-t-elle  étrangère  à  tout  sentiment;  c'est  à 
peine  si  l'on  remarque  parfois,  dans  ces  masques  immobiles, 
l'ouverture  d'une  bouche  qui  chante,  ou  la  rondeur  d'une 
joue  qui  souffle  dans  une  flûte.  On  sent  des  artistes  qui 
fuyaient  l'inconnu  pour  se  borner  à  ce  qu'ils  savaient,  c'est- 
à-dire  aux  offrandes  faites  ou  reçues  par  les  défunts  ou  les 
rois,  et  à  la  marche  des  personnages  divins  au  ciel  ou  dans 
la  nuit.  Ils  ont  vite  quitté  pour  les  représentations  funéraires 
et  religieuses  la  vie  agricole  et  la  vie  guerrière  tentées,  les 
unes  sous  les  premières  dynasties  memphites,  les  autres  au 
temps  glorieux  des  Thotmès  et  des  Ramsès.  Ces  essais, 
intéressants  pour  la  connaissance  des  mœurs,  trahissent 
l'embarras  d<^  habitudes  quittées.  Lorsqu'il  s'agit  de  gestes 
inusités,  les  corps  se  contournent  disgracieusement,  les  bras 
et  les  jambes  se  cassent  plutôt  qu'ils  ne  se  plient.  La  com- 
position des  groupes,  par  exemple  dans  les  combats  de  terre 
et  de  mer,  est  d'une  gaucherie  enfantine.  Les  animaux  sont 
manques  comme  les  hommes,  dans  les  mouvements  brusques 
ou  un  pou  extraordinaires.  Mais  les  types  des  races  animales 
ressortenl  avec  une  clarté  d'autanl  plus  grande  néanmoins, 
que  l'âme  pou  compliquée  dos  bêtes  s'exprime  souvent  tout 
entière  et  d'une  façon  toute  spéciale  dans  la  saillie  de  cer- 
tain.>    membres.   Ici,  l'exactitude   générale  des   Égyptiens 


l'art  égyptien  221 

suffit,  et  leurs  animaux,  dont  la  marche  dégage  naturelle- 
ment les  quatre  membres,  et  que  ne  défigure  aucune  con- 
vention voyante,  ne  dépareraient  pas  un  traité  de  zoologie. 
Le  bec  gourmand  des  canards,  le  museau  des  chiens  qui  les 
tire  en  avant,  odora  canum  vis,  la  marche  rampante  et  douce 
des  félins,  le  cou  patiemment  enfoncé  dans  les  plumes  des 
palmipèdes  qui  attendent  la  proie,  la  légèreté  au  vol  et  au 
poser  des  petits  oiseaux,  tous  ces  traits  sont  frappants. 

Quant  aux  couleurs  appliquées  sur  les  bas-reliefs  et  sur  les 
esquisses  de  bas-reliefs  qu'on  appelle  peintures  égyptiennes, 
elles  sont  uniformes,  toujours  blanches,  noires,  vertes, 
bleues,  rouges  ou  jaunes,  à  peu  près  sans  mélanges  ni 
nuances.  Sauf  de  rares  essais  vagues,  par  exemple  le  sol 
imité  au  moyen  de  bandes  brunes  croisées  sur  un  fond  rose, 
ou  les  feuilles  vertes  de  quelques  arbres  reliées  entre  elles 
par  une  teinte  plus  pâle,  le  reste  appartient  moins  à  la  pein- 
ture qu'à  l'ornementation  qui  réussit,  en  Egypte,  par  la 
même  raison  que  l'architecture  ;  pour  orner,  comme  pour 
bâtir,  il  n'est  pas  nécessaire  d'inventer.  Trois  ou  quatre 
formes  naturelles  ou  géométriques,  comme  la  ligne  droite 
ou  brisée,  le  lotus,  le  scarabée,  et  d'autres  emblèmes,  suf- 
fisent par  leur  agencement  et  leur  répétition,  la  vivacité  de 
leurs  couleurs,  le  choix  de  la  matière  et  la  régularité  du  tra- 
vail, pour  donner  le  fini  de  la  perfection  à  des  vases,  à  des 
plafonds,  à  des  bijoux.  Les  meubles  ou  les  ustensiles,  dont 
chaque  forme  est  moulée  sur  un  besoin  et  sur  l'objet  naturel 
qui,  d'abord,  y  correspondit  le  mieux,  comme  la  calebasse 
pour  la  coupe,  les  instruments,  qui  ne  sont  d'ordinaire  que 
des  mains,  des  doigts  ou  des  bras  supplémentaires,  présentent 
comme  autant  de  sujets  tout  trouvés  qu'un  peu  de  légèreté 
et  de  richesse  doue  aisément  de  la  beauté  qui  leur  convient, 
l'élégance.  Depuis  les  colonnes  des  temples,  les  murs  des 
tombeaux  et  les  coffres  des  momies  qu'il  bariola  d'hiéro- 
glyphes, jusqu'aux  gemmes  les  plus  fines  qu'il  émiettait  on 
petites  merveilles,  le  génie  égyptien  développa  surtout  cette 


222  l'art  égyptien 

branche   inférieure  de   l'art,  ainsi   qu'il  est   généralement 
arrivé  aux  races  encore  voisines  de  l'état  sauvage. 

Les  races  dites  primitives,  en  effet,  lorsqu'elles  profitèrent 
de  leur  groupement  en  sociétés  plus  ou  moins  unies  ou 
nombreuses  pour  tendre  à  une  existence  facile  et  agréable, 
ne  durent  avoir  pour  première  tâche  qu'un  perfectionnement 
de  l'outillage  nécessaire  aux  progrès  futurs,  et  leurs  cons- 
tructions comme  leurs  bijoux  montrent  que  les  produits 
artistiques  de  ces  essais  n'atteignirent  d'abord  que  le  gigan- 
tesque et  le  joli.  Le  développement  de  chacune  d'elles  ayant 
de  plus  ses  limites,  comme  toutes  choses,  leur  invention 
put  s'user  à  la  découverte  des  arts,  et  celles  qui  s'arrêtèrent 
ainsi  dès  les  premiers  pas  continuèrent  à  mettre,  par  une 
contradiction  apparente,  des  procédés  déjà  supérieurs  au 
service  d'idées  encore  grossières.  Il  eût  fallu,  pour  s'élever 
plus  haut,  une  sorte  de  génie  natif  ou  une  certaine  culture 
reçue  que  ne  paraît  pas  avoir  eues  l'Egypte,  d'ailleurs  tout 
entière,  lors  de  son  début  et  dans  son  isolement,  au  travail 
que  lui  coûtèrent  le  fleuve  et  le  sol  dont  elle  vécut.  Peu 
douée  ou  mal  préparée,  elle  lit  peut-être  plus  d'efforts 
qu'elle  n'obtint  de  résultats,  et  on  peut  dire  qu'elle  repré- 
sente, avec  la  Chine  et  le  Mexique,  les  premières  civilisations 
barbares.  Son  goût  pour  l'architecture  colossale  et  la  dé- 
coration minutieuse,  œuvres  de  force  et  de  patience  où 
excellent  les  peuples  à  demi-policés,  marque,  avec  son  im- 
puissance à  donner  la  flamme  de  vie  aux  contours  humains, 
le  point  d'arrêt  où  elle  se  fixa  dans  une  perfection  relative. 
L'emblème  le  plus  exact  de  son  art  qui  cherche  toujours  le 
simple  et  le  facile,  et  n'a  guère  qu'un  caractère  graphique, 
est  l'hiéroglyphe,  copie  soignée  qui  sculpte  l'écriture,  mais 
écrit  la  sculpture,  et  qui  suffit  à  dire,  mais  non  à  exprimer 
les  choses. 


SUR 

L'ANCIENNETÉ   DU   CHEVAL 

EN    EGYPTE' 


I 

M.  Guimet  a  t'ait  récemment  l'acquisition,  pour  son 
Musée,  d'un  petit  cylindre  gravé  dont  il  veut  bien  autoriser 
et  faciliter  la  publication  dans  l'un  des  prochains  numéros 
de  ce  Recueil,  au  cours  d'une  étude  sur  quelques  monu- 
ments du  Musée  Guimet. 

C'est  une  sorte  d'amulette  en  terre  cuite,  percée  dans  le 
sens  de  sa  longueur,  et  couverte  de  petites  figures  semées 
un  peu  au  hasard,  comme  dans  certaines  imitations  assy- 
riennes. On  y  remarque  l'obélisque,  le  signe  de  l'or,  le 
sphinx  ailé,  les  deux  déesses  ailées  et  affrontées  comme  les 
Chéroubim,  le  cartouche  de  Thotmès  III,  et  surtout  un  roi  en 
char  poussant  ses  chevaux  empanachés  vers  des  Asiatiques. 

Ce  sont  bien  là  les  images  qui  devaient  hanter  l'esprit 
des  scribes  et  des  artistes,  au  temps  des  dynasties  conqué- 
rantes, alors  que  s'élevaient  les  grands  temples  aux  longues 
avenues,  et  que  la  maison  militaire  des  Thotmès  ou  des 
Ramsès  passait  au  galop  dans  les   villes   syriennes.  Au- 

1.  Publié  dans  l'Annuaire  de  la  Faculté  des  Lettres  de  Lyon, 
2*  année,  n°  1,  1884,  p.  1-11;  tirage  à  part  de  cinquante  exemplaires. 
—  G.  M. 


224         sur  l'ancienneté  du  cheval  en  Egypte 

jourd'hui  encore,  quiconque  a  feuilleté  les  atlas  égyptolo- 
giques,  ne  se  représente  guère  un  pharaon  autrement  que 
debout  sur  son  char,  dans  l'attitude  de  la  lutte  ou  du  triom- 
phe, et  on  aurait  quelque  peine  à  se  figurer  les  grands  rois 
de  l'Ancien  Empire,  Chéops,  par  exemple,  partant  en  guerre 
à  pied  ou  sur  le  dos  d'un  âne. 

Il  faut  pourtant  reconnaître,  à  ce  propos,  qu'on  n'a  pas 
encore  signalé  sur  les  monuments  de  l'Ancien  Empire,  c'est- 
à-dire  dans  les  nombreux  tombeaux  de  Gizéh  et  de  Saqqa- 
rali,  quelque  tableau  ou  quelque  titre  permettant  d'admettre 
l'existence  ou  de  la  cavalerie  dans  l'armée  égyptienne,  ou 
du  cheval  en  Egypte,  sous  les  premières  dynasties. 

On  a  même  l'habitude  de  dire  que  le  cheval  n'a  pas  été 
connu  en  Egypte  avant  l'invasion  des  Hyskos,  parce  qu'on 
ne  le  trouve  pas  représenté  aux  époques  antérieures,  tandis 
que  la  mention  des  chars  et  des  chevaux  est  fréquente  à 
partir  d'Ahmès  Ier,  qui  chassa  les  Pasteurs. 

M.  Lenormant  a  appuyé  cette  opinion  de  son  autorité1, 
et  il  a  induit,  du  double  fait  qui  la  motive,  que  le  cheval  est 
arrivé  en  Egypte  avec  les  Pasteurs.  Depuis,  M.  Piètrement, 
qui  a  étudié  particulièrement  l'histoire  du  cheval,  est  allé 
plus  loin,  en  affirmant  que  ce  sont  des  «  chevaux  du  type 
»  dongolâwi  ou  mieux  touranien,  à  front  bombé,  que  les 
»  Hyksos  conduisirent  incontestablement  en  Egypte,  et 
»  sans  doute  dans  les  états  barbaresques'2  ». 

Ces  assertions  sont  trop  précises  pour  ne  pas  mettre  en 
défiance.  Quand  d'ailleurs  M.  Lenormant  nie  l'existence  du 
porc  en  Egypte  dans  la  haute  antiquité,  malgré  une  repré- 
sentation  des  Denkmâler3 ,  où   il  veut  voir   une  erreur  de 

1.  Compte  rendu  de  l'Académie  des  Sciences,  t.  LXX.  1870,  p.  1(15; 
et  Les  premières  civilisations »1874,  t.  I,  ch.  2,  /-'■  cheval  dans  le  Nou 

i  el  Empire  égyptien. 

2.  Ethnographie  des  Tamahu,  dans  la  Reoue  archéologique,  1875, 
p.  321. 

3.  III,  pi.  3. 


sur  l'ancienneté  du  cheval  en  Egypte         225 

copie1,  et  qui  est  corroborée  par  un  texte  du  Moyen  Empire*, 
ou  bien  quand  M.  Piètrement  affirme  que  les  Aryens  avaient 
domestiqué  le  cheval  «  à  une  époque  antérieure  à  l'an  1937 
»  avant  Jésus-Christ"  »,  on  ne  peut  s'empêcher  de  faire  la 
remarque  que  ces  deux  savants  ont  cédé  parfois  trop  vite 
au  désir  de  conclure. 

Tout  autre  a  été  la  réserve  de  M.  Chabas,  qui  s'est  occupé 
aussi  du  cheval  dans  son  ouvrage  sur  Y  Antiquité  historique. 
Si  les  monuments  et  les  textes,  dit-il  au  sujet  des  animaux 
domestiques  en  Egypte,  sont  restés  muets  «  sur  un  fait 
quelconque,  ce  n'est  point  une  preuve  suffisante  que  ce  fait 
n'a  point  existé.  Cette  règle  doit  être  observée  dans  tous  les 
ordres  de  recherches,  mais  elle  est  surtout  indispensable 
quand  il  s'agit  des  choses  de  l'Egypte,  parce  que  le  nombre 
des  monuments  inexpliqués,  inaccessibles  ou  restant  encore 
à  découvrir  est  extrêmement  considérable,  et  qu'il  faut 
s'attendre  à  des  révélations  nouvelles '.  » 

Il  y  aurait  même  lieu  d'ajouter  ici  que  les  monuments 
ou  les  textes  peuvent  parler  sans  qu'on  les  entende,  et  que 
des  renseignements  publiés  peuvent  passer  inaperçus,  ce 
qui  n'a  rien  d'extraordinaire,  en  présence  delà  quantité  de 
faits  qui  restent  à  cataloguer. 

Ainsi,  dans  la  page  même  de  M.  Chabas  qui  vient  d'être 
citée,  et  dans  celle  qui  la  précède,  il  est  dit  que  ni  le  chat, 
ni  la  poule  ne  se  rencontrent  dans  les  scènes  des  monuments 
égyptiens;  pourtant,  il  y  a  longtemps  que  Champollion 
avait  signalé  deux  poules  dans  un  tombeau  du  Moyen  Em- 
pire, celui  de  Nehera-si-Numhotep  à  Béni-Hassan",  et  une 

1.  Les  premières  civilisations,  t.  I,  1874,  p.  331. 

2.  Cf.  Maspero,  Du  genre  èpistolaire,  p.  52. 

3.  Trutat  et  Cartailhac,  Matériaux  pour  seroir  à  l'histoire  positive 
de  l'homme,  1870,  p.  280. 

4.  P.  407. 

5.  Notices,  t.  II,  p.  387. 

BlBL.   KC.YPT.,   T.   XXXIV.  15 


226         sur  l'ancienneté  du  cheval  en  Egypte 

chatte  guettant  un  rat  dans  un  tombeau  voisin,  celui  de 
Menhotep1. 

Le  genre  d'omission  dont  il  s'agit  a  eu  lieu  justement 
au  sujet  du  cheval.  Antérieurement  à  la  plupart  des  travaux 
de  MM.  Lenormant,  Piètrement  et  Chabas,  M.  Liehlein 
avait  publié  en  1871  son  Dictionnaire  des  noms  hiérogly- 
phiques, où  l'on  aurait  pu  trouver  nombre  de  renseignements 
sur  la  question.  M.  Chabas  s'en  aperçut  sans  doute  par  la 
suite,  car  il  signala  le  premier,  dans  son  journal  l'Égypto- 
loyie*  l'existence  du  cheval  sous  les  anciennes  dynasties. 
M.  Pierret  lit  de  son  côté  la  même  constatation,  d'après 
un  des  monuments  utilisés  par  M.  Lieblein'  :  «  la  stèle  de 
Boulaq,  datée  de  l'an  XXX  d'Amenemha  Ier  et  de  l'an  X 
d'Ousertesen  Ier,  porte  un  nom  propre  formé  par  le  nom  du 
cheval,  hedjer,  variante  de  heter  (j.  de  Rougé,  Inscript., 
pi.  VIII)  \  »  La  variante  hedjer  pour  heter  a  été  notée  par 
M.  Mariette,  d'après  un  texte  du  Ramesséum  '. 

M.  Chabas  n'a  pas  cité  d'exemples,  et  M.  Pierret  n'en  a 
cité  qu'un,  ce  qui  ne  suffit  pas  pour  asseoir  une  preuve, 
car,  d'un  côté,  une  assertion  ne  vaut  pas  un  fait,  et,  d'un 
autre  côté,  un  fait  isolé  n'a  pas  la  valeur  d'un  groupe  de 
faits  :  on  peut  même  toujours,  en  matière  hiéroglyphique, 
supposer  une  erreur  de  copie  dans  une  citation  unique, 
comme  l'a  fait  M.  Lenormant  au  sujet  du  porc.  Il  sera  donc 
permis  de  revenir  sur  la  question,  et  d'extraire  du  Recueil 
de  M.  Lieblein  les  exemples  suivants,  qui  appartiennent 
tous  à  des  monuments  du  Moyen  Empire  : 

Hedjer  /,  n°  112,  strie  du  British  Muséum,  datant  d'Usertesen  Ier. 
Heter,  n°  146,  stèle  de  Florence  n°  2506,  datant  d'Amenemha  III. 

1.  Notices,  t.  II.  p.  181  ;  cf.  Lepsius,  Denhnxalor,  II.  pi.  130. 

2.  1877,  p.  191. 

:i.  Dictionnaire  des  noms  hiéroglyphiques,  n°99. 
1.  ZeitschriJ't  fur  Mgyptische  Sprache,  1S7'.>.  p.  lit*». 
5.  Revue  archéologique,  18G7,  p.  291. 


sur  l'ancienneté  du  cheval  en  Egypte    227 

Hedjev,  n°  218.  stèle  de  Boulaq,  famille  d'un  Mentuhotep. 

Hedjera,  n°  300,  stèle  de  Boulaq,  nom  de  femme. 

Heter,    n°  380.  stèle  du  British  Muséum  n°  248. 

Heter,  n°  433.  stèle  du  Musée  de  Turin,  nom  de  femme,  famille 

d'un  Ameni. 
heter,  nù  533,  bas-relief  du  Musée  de  Turin  ;  même  personnage 

qu'au  n°  433. 
Heteru,  n°  500,  stèle  de  Boulaq  n°  86. 
Heter,  n°  549,  stèle  du  Musée  du  Louvre  C  39,  nom  de  femme'. 

Ainsi,  voilà  huit  personnages  du  Moyen  Empire,  hommes 
et  femmes,  qui  s'appellent  le  cher  ni  ou  la  cavale. 

Deux  observations  incidentes  s'offrent  ici  d'elles-mêmes, 
l'une,  que  le  signe  des  pays  étrangers  (si,  à  la  vérité,  il  ne 
figure  pas  abusivement  aux  nos  433  et  533  pour  le  syllabique 
te/-)  aurait  pu  terminer  le  mot  cheval,  l'autre  que  le  nom 
de  Cheval  ou  de  Cavale  aurait,  d'après  YOnomasticon  de 
M.  Lieblein,  été  porté  par  des  Egyptiens  seulement  sous  le 
Moyen  Empire.  Ces  deux  ordres  de  faits  semblent  indiquer 
que  le  commerce  et  l'usage  du  cheval  eurent  alors  une  cer- 
taine importance. 

II 

D'autres  documents,  moins  précis  mais  significatifs  à  leur 
manière,  s'ajoutent  à  ceux-ci,  et  font  au  moins  entrevoir  un 
des  emplois  du  cheval  sous  le  Moyen  Empire. 

M.  Chabas  a  déjà  cité5  une  tradition  rapportée  par  Plu- 
tarque1,  d'après  laquelle  Horus  aurait  déclaré  à  Osiris  que 
l'animal  le  plus  utile  à  la  guerre  est  le  cheval,  parce  qu'avec 
son  aide  on  disperse  et  on  détruit  l'ennemi  :  c'est  évidem- 
ment en  souvenir  de  cette  tradition  qu'a  été  sculpté  le  mo- 

1.  Cf.  Stèle  du  Louvre  C  19?  ;  E.  de  Rougé,  Notices.  3'  édit.,  p.  150; 
et  Pierret,  Études  ègyptologiques.  8e  livraison,  p.  tiT. 

2.  Études  sur  l'antiquité  historique,  p.  423. 

3.  Traité  d'Isis  et  d'Osiris,  19. 


22S         sur  l'ancienneté  du  cheval  en  Egypte 

miment  de  basse  époque  qui  représente  Horus,  en  cavalier 
romain,  perçant  un  crocodile  de  sa  lance'. 

Plutarque  était  donc  bien  renseigné  sur  le  rôle  mythique 
du  cheval,  au  moins  aux  derniers  temps  ;  mais  ce  rôle  datait 
<\e  plus  loin.  Une  inscription  monumentale  de  Karnak  dit 
Séti  Ier  cavalier  comme  le  fils  d'Isis  (Horus)  et  archer  au 
bras  fort  comme  Mentu*. 

Le  texte  dit  proprement  que  le  roi  monte  à  cavale,  «  le 
»  mot  cavale  étant  une  des  dénominations  poétiques  du 
»  cheval3  ». 

On  voit  (ju'il  s'agit  du  roi  partant  en  guerre  comme  Horus, 
et  comme  le  Mars  égyptien  Mentu  :  cet  indice  nous  per- 
mettra de  faire  un  nouveau  pas.  Si  le  cheval  d'Horus  sym- 
bolisait l'attaque  et  la  poursuite  de  l'ennemi,  il  en  était  de 
même  d'un  monstre  mythologique  souvent  cité  à  la  bonne 
époque,  et  composé  avec  certaines  parties  des  animaux  réels 
dont  les  qualités  correspondaient  à  ses  attributions.  Cet 
animal,  dans  lequel  on  reconnaît  sans  peine  une  des  per- 
sonnifications de  l'orage,  comme  dans  les  Harpies  et  les 
Centaures,  était  le  griffon,  sorte  de  quadrupède  ailé,  à  queue 
t\  phonienne,  à  tête  d'aile  (cf.  l'aquilon)  et  quelquefois  à 
pieds  faits  comme  ceux  du  cheval  :  c'est  ainsi  qu'on  l'avait 
sculpté  à  Karnak',  dans  l'attitude  fringante  du  cheval  qui 
se  ramasse  '. 

Son  nom  égyptien,  akhekh,  est  en  rapport  étymologique 
visible  avec  le  mot  akhekh,  signifiant  planer  et  voler. 
Ramsès  II,  dans  le  poème  de  Pentaour,  poursuit  les  Khétas 
sur  son  char  comme  un  griffon8,  et  les  Tameliu  vaincus 
disent  de  Ramscs  III,  dans  le  grand  texte  de  Médinet-Abou  : 

1.  Clermont-Ganneau,  Revue  archéologique,,  1X7G. 

2.  Champollion,  Notices,  t.  II,  \>.  Tii. 

\i.  Cliabas,  Études  sur  l'antiquité  historique,  )>.  438. 

4.  Champollion,  Notices,  II,  p.  124. 

5.  Cf.  Denkinàler,  III,  '.•:<. 

6.  ld.;  cf.  E.  de  liougé.  Recueil  de  Travaux,  vol.  I,  liv.  1.  \>.  '<■ 


sur  l'ancienneté  du  cheval  en  Egypte         229 

comme  un  griffon  il  nous  poursuit  pour  nous  égorger'1. 

Or,  une  variante  au  moins  très  probable  du  griffon  est 
le  Seka  (cf.  le  mot  seka,  aller).  Le  Seka  avait  les  mamelles 
de  la  truie,  la  queue  de  l'animal  typhonien,  la  tête  et  l'aile 
de  l'épervier,  les  pattes  de  devant  comme  celles  du  lion,  et 
les  jambes  de  derrière  comme  celles  du  cheval. 

On  sait  que  le  porc,  symbole  très  répandu  et  parfois  ailé 
des  fléaux  atmosphériques  (cf.  le  sanglier  d'Adonis,  la  laie 
de  Crommyon,  etc.),  était  une  des  formes  du  Typhon  égyp- 
tien, l'orage  par  excellence,  puisque  les  Grecs  lui  ont  donné 
le  nom  qui,  dans  leur  langue,  désignait  l'orage.  On  sait,  de 
plus,  que  l'épervier  comme  le  lion2  étaient  des  emblèmes 
d'Horus,  et  que  l'épervier  comme  le  lion  se  comparaient  au 
cheval,  dans  les  textes  hiéroglyphiques,  par  exemple  dans 
l'inscription  déjà  citée  de  Médinet-Abou,  1.  24-25. 

On  retrouve  ainsi  dans  le  Seka  le  caractère  bellii pieux  et 
turbulent  qui  convient  au  griffon  comme  au  cheval,  mais  il 
reste  à  décider  si  l'on  doit  bien  assimiler  aux  sabots  du 
cheval  les  pieds  toujours  représentés  d'une  façon  trop  som- 
maire de  ces  monstres  à  demi  typhoniens  et  à  demi  divins, 
comme  le  personnage  mythique  qui  a  la  tète  d'Horus  et  la 
tète  de  Set  sur  les  épaules.  L'allure  du  griffon  ne  convient 
ni  au  bœuf,  ni  à  l'âne,  mais  seulement  a  la  gazelle  et  au  cheval  ; 
quant  au  Seka,  ses  jambes  sont  trop  massives  pour  appar- 
tenir à  la  gazelle,  et  ne  rappellent  que  celles  du  bœuf,  de 
l'âne,  ou  du  cheval. 

Toutefois,  la  gazelle  n'éveillant  point  l'idée  de  férocité,  et 
ni  le  bœuf  ni  l'àne  celle  d'agilité,  il  demeure  au  moins  vrai- 
semblable que  les  pieds  du  griffon  et  du  Seka  sont  plutôt 
ceux  du  quadrupède  de  guerre  et   de  course  choisi  par 


1.  L.  46;  cf.  Diimichen,  Historische  Inschrlften,  pi.  47. 

2.  Cf.  Xaville,  Te. nés  relatifs  nu  mythe  d'Horus,  XVIII,  2;  J.  de 
Rougé,  Monnaies  des  nomes  d'Egypte,  p.  47-48;  E.  de  Rougé,  Notices, 
3e  édition,  p.  192,  etc. 


230         sur  l'ancienneté  du  cheval  en  Egypte 

Horus,  le  cheval  plus  prompt  que  le  vent'  et  Jlawant  les 
batailles*-.  La  férocité  et  l'agilité  sont  aussi  les  caractères 
distinctifs  des  autres  monstres  du  même  genre  que  le  Seka 
et  le  griffon,  c'est-à-dire  du  sedja  «  à  tête  et  cou  de  serpent, 
»  corps  tigré  fauve  »,  du  sefer,  «  espèce  de  griffon  ailé  blanc  » 
ou  d'oiseau  Roch',  du  s/ta  ou  lévrier  du  Typhon,  portant 
ici  l'un  des  noms  ordinaires  du  chien1,  et  de  l'once  ayant  une 
tête  humaine  ailée  sur  le  dos  '.  Sur  les  coupes  phéniciennes, 
ces  animaux  sont  résumés  dans  le  lion  ailé,  à  tête  d'homme 
ou  d'épervier6. 

On  remarquera,  maintenant,  que  le  Seka  est  figuré  sous 
la  forme  qui  vient  d'être  décrite,  dans  un  tombeau  du  Moyen 
Empire  à  Béni-Hassan,  celui  de  Menhotep7,  parmi  les  autres 
bêtes  mythologiques  que  le  défunt  rencontrait  dans  l'autre 
monde,  quand  il  se  livrait  au  plaisir  de  la  chasse,  comme 
l'Orion  d'Homère"  ou  comme  les  personnages  des  coupes 
phéniciennes,  visiblement  inspirées  par  quelques  tableaux 
égyptiens.  Cette  ancienne  peinture  d'une  sorte  de  griffon  à 
pieds  de  cheval,  qui  nous  ramène  toujours  au  cavalier  Horus 
poursuivant  ses  ennemis,  nous  permettra,  non  pas  assuré- 
ment de  conclure,  mais  au  moins  d'induire  qu'avant  l'inva- 
sion des  Pasteurs,  le  cheval  pouvait  fort  bien  être  utilisé 
pour  la  guerre  au  bord  du  Nil,  où  il  était  déjà  connu. 

1.  Zeitschrift,  1876,  p.  89. 

2.  Job,  30,  25. 

3.  Cf.  Revilloul,  Transactions  of  the  Society  oj  Biblical  Archœology, 
vol.  VIII,  parti,  p.  14. 

4.  Champollion,  Notices,  I.  II,  p.  ;160  et  337. 

5.  Denkmàler,  II,  pi.  128. 

ii.  ./mimai  asiatique,  1880,  n"  2,  I.  2,  3,  4  el  6. 
~.  Champollion,  Monuments,  t.  IV,  pi.  382. 
x.  Odyssée,  chant  XI- 


sur  l'ancienneté  du  cheval  en  Egypte         231 


III 

Si  le  cheval  était  connu  sous  le  Moyen  Empire,  Tétait-il 
sous  l'Ancien  ? 

Les  renseignements  qui  précèdent,  depuis  le  récit  de 
Plutarque  jusqu'à  la  représentation  du  Seka,  conduisent  à 
le  conjecturer,  parce  qu'ils  peuvent  se  rattacher,  comme 
c'est  généralement  le  cas  pour  les  mythes,  à  des  conceptions 
préhistoriques,  mais  il  faut  reconnaître  qu'il  n'y  a  plus  là 
qu'une  vraisemblance. 

Cette  vraisemblance,  qui  se  rapporte  à  des  époques  si 
éloignées  de  nous,  pourra  être  fortifiée  par  un  fait  qui  a  sa 
valeur  si  on  le  prend  pour  ce  qu'il  vaut,  c'est-à-dire  à  titre 
d'indice  et  non  de  preuve.  Il  consiste  dans  une  forme  fau- 
tive', hedjer-t  (la  cavale),  du  nom  de  l'hyène  het-t\  qui 
existe  dans  un  des  tombeaux  de  l'Ancien  Empire  :  l'un  des 
domaines  destinés  alors  à  fournir  les  offrandes  funéraires 
s'appelait  parfois  du  nom  de  l'hyène,  peut-être  parce  qu'il 
désignait  les  fermes  situées  dans  le  voisinage  du  désert. 

Dans  le  cas  où  l'erreur  signalée  ici  ne  serait  pas  imputable 
au  copiste  moderne,  il  deviendrait  clair  que  le  scribe  égvp- 
tien  a  confondu,  en  la  commettant,  deux  noms  d'animaux 
qui  lui  étaient  familiers. 

Enfin,  une  considération  générale,  mise  en  avant  par 
M.  Chabas,  ne  doit  pas  être  omise  parce  qu'elle  a  son  poids  : 
c'est  que  le  cheval  existait  en  Palestine  à  l'âge  de  pierre, 
d'après  une  observation  de  l'abbé  Morétain,  recueillie  par 
M.  Arcelin'.  «  Le  cheval  syrien,  fait  observer  M.  Chabas, 
»  n'a  pas  dû  abandonner  la  Palestine  depuis  l'âge  dit  de 

1.  Lepsius,  Denkmàler,  II,  pi.  28. 

2.  Cî.ld.,  pi.  15  et  21. 

3.  L'Industrie  primitive  en  Egypte  et  en  Syrie. 


232    sur  l'ancienneté  du  cheval  en  Egypte 

»  pierre'.  »  D'après  M.  de  Mortillet,  l'aire  d'habitation  du 
cheval  quaternaire  traversait  l'Europe  et  l'Asie2. 

S'il  en  a  été  ainsi,  l'Egypte  a  pu  d'autant  mieux  connaître 
le  cheval  syrien,  sous  l'Ancien  Empire,  que  son  horizon 
géographique  était  déjà  assez  vaste.  Les  plus  anciens  monu- 
ments historiques  nous  montrent,  sur  les  rochers  de  la  pé- 
ninsule Sinaïtique,  quatre  rois  des  IIIe,  IVe,  Ve  et  VIe  dy- 
nasties terrassant  les  Asiatiques.  La  grande  stèle  d'Una, 
datée  de  la  VIe  dynastie,  mentionne  une  guerre  avec  cer- 
tains peuples  sémitiques,  qui  eut  assez  d'importance  pour 
nécessiter,  outre  l'enrôlement  d'auxiliaires  nègres,  une  levée 
en  masse  depuis  la  frontière  de  la  Nubie  jusqu'il  celle  du 
Delta".  Les  iles  mêmes  de  la  Grèce,  et  peut-être  les  pays 
situés  au  delà,  n'étaient  pas  non  plus  ignorés  de  l'Egypte  : 
dès  la  IVe  dynastie,  un  texte  religieux  parle  du  circuit  de 
la  Méditerranée  sous  le  nom  de  cercle  des  Hanebu  ',  peuples 
assimilés  plus  tard  aux  Grecs  dans  les  hiéroglyphes. 

Il  serait  étonnant  que,  dans  ses  relations  ou  ses  échanges 
avec  toutes  ces  nations  voisines,  l'Egypte  n'ait  pas  songé  à 
s'approprier  le  cheval,  qui  vivait  depuis  si  longtemps  en 
Europe  et  en  Asie,  s'il  n'habitait  pas  déjà  en  Egypte. 

Mais  il  est  temps  de  quitter  ce  terrain,  où  les  hypothèses 
tiendraient  trop  de  place,  pour  récapituler  les  résultats 
obtenus,  ce  qui  peut  se  faire  en  deux  mots,  de  la  manière 
suivante.  Sous  le  Moyen  Empire,  le  cheval  existait  certai- 
nement en  Egypte,  où  on  l'employait  probablement  à  la 
guerre,  et  il  en  était  peut-être  de  même  clans  l'Ancien 
Empire. 

Voilà  ce  que  l'on  doit  conclure  des  documents  aujourd'hui 
connus. 

1.  Etudes  sur  l'antiquité  historique,  p.  449. 

2.  Sur  l'origine  des  animaux  domestiques,  extrait  du  Bulletin  <!<'  In 
Société  d'Anthropologie  de  Paris,  1879,  p.  •  >. 

3.  E.de  Rougé,  Mémoires  sur  les  six  premières  dynasties,  \>.  122  à  124. 

4.  Dcn/.mulcr,  II,  pi.  '.»'.),  << 


sur  l'ancienneté  du  cheval  en  Egypte         233 

Ceci  admis,  il  reste  certain  qu'en  tout  cas  la  cavalerie 
égyptienne  ne  prit  un  véritable  développement  qu'à  partir 
de  la  XVJIIe  dynastie.  Jusque-là,  les  titres  militaires  men- 
tionnés dans  les  tombeaux  n'ont  trait  qu'à  l'infanterie,  dont 
le  nom  sous  l'Ancien  Empire  est  significatif,  le  fantassin 
s'appelant  masha,  c'est-à-dire  marcheur.  Assurément  l'art 
militaire  existait  déjà,  puisque  l'armée  ou  le  régiment 
portait  alors  le  nom  de  tes,  qui  veut  dire  ordre  de  bataille, 
comme  le  mot  grec  -i^,  et  qu'elle  avait  des  recrues,  des 
coureurs,  des  chefs,  des  intendants,  et  même  des  ministres 
de  la  guerre. 

Mais  si  l'armée  avait  une  certaine  consistance,  elle  était 
loin  de  la  perfection.  On  ne  voit  pas,  clans  les  textes  ou  sur 
les  monuments,  qu'elle  ait  possédé  une  existence  régulière, 
en  dehors  peut-être  de  quelques  réserves  plus  ou  moins 
locales  et  d'un  noyau  d'instructeurs.  L'instruction  d'Una, 
qui  nous  fait  assister  à  l'enrôlement,  à  l'instruction,  et  aux 
razzias  des  troupes,  sous  la  VIe  dynastie,  prouve  qu'on  ne 
rassemblait  les  soldats  qu'en  cas  de  guerre  déclarée,  ce  qui 
est  assurément  l'enfance  de  l'art'.  Le  même  texte  est  assez 
développé  pour  qu'on  puisse  conclure  de  son  silence  au 
sujet  de  la  cavalerie  que  cette  arme  n'était  pas  encore  uti- 
lisée sérieusement. 

Elle  n'apparaît  ainsi  qu'au  Nouvel  Empire;  lorsque  la 
continuité  des  guerres  de  défense  ou  de  conquête  imposa 
la  création  d'armées  permanentes,  la  cavalerie  devint  le 
nerf  de  la  guerre,  et  sa  rapidité  lui  donna  une  importance 
égale  à  celle  qu'a  maintenant  l'artillerie. 

Auparavant,  les  Égyptiens  ne  songèrent  sans  doute  pas  à 
tirer  du  cheval  tous  les  services  qu'il  pouvait  rendre,  et  on 
voit  dans  la  Bible  que  les  choses  se  passèrent  à  peu  près 
de  même  pour  les  Juifs.  Ceux-ci,  dans  le  principe,  ne 
voulaient  point  faire  usage  de  chevaux,  pour  ne  pas  favoriser 

1,  Cf.  La  Fontaine,  L'Armée  romaine,  p.  14  et  15, 


234         sur  l'ancienneté  nu  cheval  en  Egypte 

rétablissement  de  la  tyrannie  chez  eux,  et  ils  brûlaient  les 
chars  ou  coupaient  le  jarret  des  chevaux  pris  à  l'ennemi. 
Mais  cette  politique  ne  put  tenir  devant  la  nécessité.  Les 
Juifs  allèrent  bientôt  jusqu'en  Egypte  chercher  des  chevaux 
et  des  chars,  trop  heureux  de  posséder  aussi,  contre  l'étran- 
ger, cette  arme  jugée  par  eux  si  terrible  qu'on  entend  re- 
tentir encore,  dans  les  livres  de  leurs  prophètes,  le  galop 
redouté  des  escadrons  de  Chaldée  et  d'Assour. 


SUR   QUELQUES 

FOUILLES  ET  DÊBLAYEMENTS 


A    FAIRE    DANS    LA 


VALLÉE  DES  ROIS  À  THÈBES' 


I 

Le  site  thébain  de  la  Vallée  des  Rois,  exploré  surtout  par 
Champollion,  le  Dr  Lepsius  et  M.  Naville,  n'est  pas  plus 
épuisé  que  les  autres  groupes  de  ruines  qui  existent  en 
Egypte  :  là,  comme  ailleurs,  différents  points  restent  à 
fouiller,  et  partout  où  l'on  peut  fouiller,  on  peut  trouver. 

Les  obstacles  qui  s'opposent  à  la  connaissance  complète 
des  monuments  de  Bab-el-Molouk  sont  de  quatre  sortes  : 
la  présence  de  pierres  laissées  dans  les  tombes  au  moment 
de  leur  fermeture  définitive,  les  engorgements  produits  par 
l'action  des  eaux,  les  éboulements  survenus  dans  certaines 
parties  des  excavations,  et  les  amas  de  décombres  entassés 
jadis  à  l'entrée  ou  plutôt  sur  l'entrée  des  sépultures,  pour 
les  cacher. 

Le  premier  obstacle  se  rencontre  aux  tombes  nos  6.  9,  11, 
15  et  19,  sans  parler  du  n°  14  (Taoser  et  Setnekht),  dans 

1.  Publié  dans  les  Actes  du  sixième  Congrès  international  des  Orien- 
talistes tenu  en  1883  à  Leyde,  1884,  p.  183-196;  tirage  à  part  de  cin- 
quante exemplaires.  —  G.  M. 


Col»  SUR    QUELQUES    FOUILLES    ET    DÉBLAYEMENTS 

lequel  les  éclats  du  roc  qui  encombrent  les  grandes  salles 
funéraires  et  quelques  chambres  ne  gênent  pas  d'une  ma- 
nière absolue  l'examen  des  scènes  ou  des  textes. 

Au  n"  G  (Ramsès  IX),  il  y  aurait  à  déblayer  le  premier 
et  le  deuxième  corridor,  où  sont  en  partie  masqués,  et  les 
deux  scènes  initiales  de  droite  et  de  gauche,  et  le  début  de 
l;i  composition  que  plusieurs  égyptologues  nomment  le 
Livre  noir,  et  la  Litanie  du  Soleil,  et  les  chapitres  125 
et  139  du  Livre  'les  Morts.  La  salle  du  sarcophage,  au  n°  6, 
est  aussi  remplie  de  pierres,  mais  tout  le  stuc  qui  se  trou- 
vait derrière  ces  pierres  est  tombé,  et  leur  enlèvement 
n'aurait  pas  d'intérêt. 

Au  n"  9  (Ramsès  VI),  plusieurs  passages  d'un  précieux 
exemplaire  du  Livre  de  l'Hémisphère  inférieur  restent  à 
déblayer  clans  les  cinquième  et  sixième  couloirs  à  droite  et 
à  gauche. 

Aux  n"s  11  et  15  (Ramsès  III  et  Séti  II),  le  bas  des  lignes 
de  la  Litanie  solaire  qui  se  trouvent  dans  le  premier  corridor 
est  caché  :  de  plus,  au  n°  15,  divers  fragments  sculptés, 
comme  il  en  existe  près  de  la  porte,  en  dehors,  gisent  sans 
doute  dans  lamas  qui  encombre  le  corridor. 

Au  n"  Jî)  (le  prince  Ramsès  Mentouherkhepeshef),  un 
énorme  las  de  pierres,  déplacé  depuis  Chanipollion,  obstrue 
au  milieu  e1  a  la  lin  du  couloir  plusieurs  scènes,  ainsi  (pie  le 
bas  des  jambages  de  la  porte,  où  sont  les  titres  et  les  (''loges 
du  prince. 

L'ensablement  produit  parleseauxa  plus  d'inconvénients 
que  l'embarras  causé  par  les  pierres.  En  ell'et,  sauf  au  n"  17 
(Séti  Ier)  el  ;iu  début  d<^  nos  7  (Ramsès  II)  et  8  (Ménép- 
tah  I"j,  ainsi  que  de  quelques  autres  tombes,  l'ornementa- 
tion des  parois  est  creusée  dans  un  stuc  (pie  l'eau  détériore 
quand  elle  l'atteint.  La  sculpture  ne  résiste  guère  que  dans 
les  endroits  où,  par  hasard,  le  ciseau  a  laissé  dans  le  roc,  a 
travers  le  stuc,  des  traces  en  qui  persiste,  si  faibles  ou  si 
ées  qu'elles  -oient,  comme  une  sorte  d'ébauche  des  dé- 


A  FAIRE  DANS  LA  VALLÉE  DES  ROIS  A  THÈBES   237 

cotations  endommagées.  On  pourrait  mettre  en  cloute  les 
ravages  de  l'eau,  si  l'on  s'en  rapportait  au  dire  des  voyageurs 
affirmant,  d'Hérodote  à  la  Commission  d'Egypte,  qu'il  ne 
pleut  jamais  dans  la  Thébaïde;  mais  la  vérité  est  qu'il 
tombe  à  Bab-el-Molouk,  une  ou  deux  t'ois  par  an,  dos  pluies 
d'orages  que  le  roc  calcaire  dont  la  vallée  est  faite  ne  saurait 
absorber,  et  qui  forment  ainsi  de  vrais  torrents  coulant  sur 
une  pente  rapide  et  entraînant  tout  ce  qu'ils  rencontrent 
dans  la  montagne,  c'est-à-dire  des  pierres,  des  graviers  et 
du  sable  :  ces  matières,  poussées  dans  les  creux  où  l'eau 
pénètre,  s'y  déposent  en  lits  plus  ou  moins  réguliers,  et 
détruisent  presque  toujours  les  sculptures  qu'elles  effleurent 
ou  qu'elles  masquent.  L'effet  de  l'eau  seule  est  presque  le 
même,  comme  on  peut  le  voir  au  n°  S  (Ménéptah  Ier),  où 
il  y  avait  encore,  en  mars  dernier,  des  traces  d'humidité 
très  apparentes  :  là,  l'ancien  niveau  de  l'eau  est  marqué  sur 
les  murs  de  la  salle  à  quatre  piliers,  au-dessus  des  lits  de 
sable,  par  une  ligne  nettement  horizontale. 

Les  tombes  plus  ou  moins  obstruées  par  l'action  des  eaux 
sont  les  n0s  5,  7,  8,  10,12,  13,  20  et  21,  ainsi  que  diverses 
excavations,  sans  sculptures  apparentes,  qui  n'ont  pas  (Hé 
numérotées  par  Wilkinson;  aux  nos  T>,  7,  12.  13  et  20, 
d'anciens  trous  de  fouilleurs  serpentent  encore  visiblement, 
mais  à  demi  obstrués,  à  travers  les  couches  de  sable. 

Le  n°  5  (anonyme)  est  comblé  jusqu'à  l'entrée.  C'était 
sans  doute  une  tombe  royale,  car  on  y  distingue,  au  jam- 
bage gauche  de  la  porte,  les  traces  de  la  déesse  ailée  qui 
figure  au  même  endroit  dans  les  autres  tombeaux  des  rois, 
surtout  jusqu'à  Ramsès  III  inclusivement. 

Le  n°  7  (Ramsès  II)  qui  était  comme  fermé  quand  la 
Commission  d'Egypte  visita  Thèbes  en  1799,  n'a  encore  de 
vraiment  accessible  que  le  côté  gauche  du  premier  corridor, 
déblayé  en  1829  par  Champollion. 

Les  nos  8  et  10  (Ménéptah  Iec  et  Amenmésès)  sont  ensa- 
blés d'une  manière  plus   ou  moins  incomplète  avant  leur 


238  SUR    QUELQUES    FOUILLES    ET    DÉBLAYEMENTS 

deuxième  salle,  et  d'une  manière  complète  après  cette  salle. 

Le  n°  12,  sépulture  anonyme,  dont  le  plan  ne  rappelle  en 
aucune  façon  celui  des  tombes  royales,  est  à  peu  près  obstrué 
à  partir  de  l'escalier  qui  suit  la  salle  d'entrée. 

Le  n"  13,  découvert  par  Belmore  et  Corry,  est  la  tombe 
d'un  grand  chancelier  dans  lequel  on  peut  voir,  avec  une 
quasi-certitude,  le  grand  chancelier  Baï,  qui  se  vante  sur 
quelques  monuments  d'avoir  fait  régner  Siptah  :  cette 
tombe,  inachevée  et  ensablée,  touche  presque,  en  effet,  à 
celle  de  Taoser,  où  Siptah  (dont  la  sépulture  manque)  figure 
comme  pharaon  et  sans  doute  comme  époux  de  la  reine. 

Le  n"  ïQ  (anonyme)  est  une  succession  de  couloirs  qui 
décrivent  en  plongeant  une  sorte  de  grand  demi-cercle  dans 
la  montagne.  Il  a  été  vu  par  la  Commission  d'Egypte,  et  le 
1)'  Lepsius  en  a  relevé  le  plan  dans  sa  partie  la  plus  acces- 
sible, sur  une  longueur  d'environ  soixante-dix-sept  mètres  ; 
il  sciait  difficile  aujourd'hui  d'en  franchir  le  second  couloir. 

Le  ir'  21  (anonyme)  reste  enfoui  même  à  l'entrée,  et  les 
pierres  amenées  par  les  eaux  occupent  encore  la  moitié  de 
la  porte. 

Quant  aux  autres  excavations  plus  ou  moins  ensablées  et 
non  numérotées,  elles  se  composent  de  cinq  puits  et  de  trois 
hypogées  dans  lesquels,  comme  aux  n"s  20  et  21,  on  ne  re- 
marque aucune  trace  de  décoration. 

Le  troisième  obstacle,  ou  l'éboulement,  n'existe  qu'au 
commencement  du  n°  16  (Ramsès  Ier)  et  à  la  lin  du  n"  17 
(Séti  Ier)  :  l'entrée  du  n"  16  est  depuis  peu  recouverte  par 
suite  d'un  accident  de  ce  genre,  tandis  que  l'espèce  de  sou- 
terrain creusé,  sans  doute  en  vue  du  sarcophage,  dans  la 
granch,'  salle  de  Séti  Ier,  est  interrompu  de  la  même  façon 
depuis  un  temps  immémorial. 

La  dernière  des  dillicultés  à  vaincre,  et  assurément  la  plus 
grande,  est  celle  qui  résulte  de  l'enfouissement  (1rs  tombes 
par  les  Égyptiens  eux-mêmes. 

On  n'a  pas  encore  exploré  complètement  la  partie  du  site 


A  FAIRE  DANS  LA  VALLÉE  DES  ROIS  A  THÈBES   239 

que  les  Arabes  appellent  l'Ouadi-ên,  c'est-à-dire  l'embran- 
chement qui  contient  deux  tombes  de  la  XVIIIe  dynastie, 
celles  d'Aménophis  III  et  d'Aï,  avec  deux  autres  petites 
tombes  anonymes  et  nues.  L'opinion  générale  est  «pic  la 
plupart  des  Pharaons  de  la  XVIIIe  dynastie  avaient  là  leurs 
sépultures,  et,  en  effet,  le  nombre  de  graffiti  hiératiques, 
d'enceintes  en  pierre  ayant  abrité  les  ouvriers,  et  de  tas  de 
décombres  qu'on  y  remarque  en  différents  endroits,  indique 
un  travail  plus  considérable  que  celui  de  quatre  tombes 
dont  une  seule  a  de  l'importance.  Dès  maintenant,  on  peut 
remarquer,  dans  l'espèce  de  cirque  où  s'ouvre  la  tombe 
d'Aménophis  III,  à  droite,  une  grande  cavité,  soit  naturelle, 
soit  artificielle  comme  celle  qui  a  déjà  trompé  Rhind  :  elle 
est  imparfaitement  bouchée  par  de  grosses  pierres  que  quel- 
ques hommes  écarteraient  sans  beaucoup  de  peine. 

Une  autre  excavation  facile  à  retrouver  existe  de  l'autre 
côté  de  la  montagne.  C'est  une  tombe  composée  de  deux 
corridors  et  de  quatre  chambres,  qui  a  rencontré  le  plafond 
du  quatrième  corridor  au  n°  9  (Ramsès  VI),  et  dont  les 
travaux  ont  été  interrompus  pour  ce  motif  :  les  murs  en 
sont  nus,  au  moins  dans  leur  partie  visible,  mais  la  porte 
d'entrée  demeure  enfouie  tout  entière. 


II 

Telle  est,  en  peu  de  mots,  la  liste  des  fouilles  ou  déblaye- 
ments  à  entreprendre  dans  la  Vallée  des  Rois  :  il  convient 
d'examiner  maintenant  dans  quelle  mesure  ces  travaux 
seraient  utiles  et  possibles. 

On  ne  saurait  se  dissimuler  que  certaines  opérations 
pourraient  être  dangereuses,  ou  du  moins  qu'il  ne  faudrait 
toucher  sans  précautions  ni  au  souterrain  du  n°  17,  ni  aux 
couloirs  du  n°  20,  à  cause  des  éboulements  à  craindre  dans 
des  excavations  aussi  profondes  et  aussi  étroites.  Dans  ces 


240  SUR   QUELQUES    FOUILLES    ET   DÉBLAYEMENTS 

doux  numéros,  il  serait  intéressant  de  vérifier  l'état  des 
lieux,  en  recherchant  si  le  souterrain  du  n°  17  s'arrête  avec 
la  couche  de  calcaire,  comme  le  pensait  Mariette,  et  si  le 
n°  20,  contrairement  à  l'idée  exprimée  dans  le  Guide  Murray, 
est  bien  une  tombe  analogue  aux  autres,  avec  des  différences 
qui  tiendraient  à  son  ancienneté. 

Quoi  qu'il  en  soit,  deux  détails  montrent  que  ces  deux 
excavations  étaient  bien  destinées  au  transport  des  sarco- 
phages :  d'une  part  les  parois  du  n°  20  ont  de  place  en  place 
des  encoches  ou  entailles  comme  il  en  existe  dans  presque 
toutes  les  tombes,  et,  d'autre  part,  le  souterrain  du  n°  17 
commence  par  un  escalier  dont  le  milieu  se  compose  d'un 
plan  incliné  lisse,  dispositions  qui  s'expliquent,  si  on  les 
suppose  destinées  à  faciliter  un  travail  de  traction. 

Ce  sont  les  fouilles  de  pure  recherche  qui  promettent  le 
plus  de  résultats,  et  qui  présentent  le  plus  de  difficultés, 
surtout  dans  l'Ouadi-ên. 

Les  deux  bifurcations  de  l'Ouadi-ên,  encombrées  d'énormes 
rocs,  se  prêtent  peu  aux  investigations;  y  creuser  un  fossé 
continu  au  long  de  la  montagne,  comme  on  l'a  proposé, 
serait  impraticable.  Avant  de  travailler  là,  il  serait  bon  de 
s'éclairer,  par  tous  les  moyens  possibles,  aussi  bien  en  se 
livrant  à  de  patientes  observations  personnelles  qu'en  utili- 
sant le  flair  et  l'expérience  des  fouilleurs  arabes  qui  habitent 
dans  le  voisinage  à  Gournah.  Ils  savent  depuis  longtemps 
que  la  Vallée  des  Rois  ne  contient  ni  momies,  ni  trésors,  de 
sorte  qu'ils  verraient  sans  trop  de  jalousie  des  fouilles  dirir 
gées  de  ce  côté  :  ils  les  aideraient  même,  s'ils  en  bénéficiaient. 
L'un  des  plus  intelligents  et  des  plus  relativement  honnêtes 
affirmait,  cet  hiver,  connaître  une  dizaine  de  tombes  nou- 
velles à  Bab-el-Molouk  et  dans  l'Ouadi-ên  :  c'est  là  une 
parole  d'Arabe,  mais  peut-être,  au  lieu  de  dix  tombes,  en 
connaît-il  une. 

L'hypogée,  qui  a  rejoint  celui  de  Ramsès  VI  et  dont 
l'entrée  est  inconnue',  aurait  ici,  à  ce  qu'il  semble,  l'avantage 


A    FAIRE    DANS    LA    VALLÉE    DES    ROIS    A    THÈBES        241 

de  renseigner  exactement  sur  la  manière  dont  on  fermait  et 
cachait  les  sépultures  :  de  plus,  il  est  extrêmement  pro- 
bable qu'on  trouverait  là  le  nom  d'un  des  derniers  Rames- 
sides,  car  il  n'y  a  point  à  Bab-el-Molouk  un  seul  hypogée, 
taillé  sur  le  plan  royal,  qui  n'ait  eu  sa  porte  sculptée  aux 
noms  et  aux  titres  d'un  pharaon. 

L'enlèvement  ou  le  déplacement  des  éclats  de  pierres 
oubliés  dans  les  tombes  serait  plus  aisé  que  le  reste,  s'il 
était  moins  fructueux. 

En  ce  qui  concerne  la  Litanie  du  Soleil,  bien  connue 
depuis  la  belle  publication  de  M.  Naville,  on  ne  pourrait 
retrouver  que  des  variantes  ;  il  en  serait  de  même  pour  les 
scènes  du  Livre  noir,  mais  non  pour  un  de  ses  textes, 
presque  entièrement  inédit,  qui  occupe  les  vingt-trois  co- 
lonnes terminant  la  paroi  droite  du  premier  corridor  au 
n°  6  (Ramsès  IX).  Une  partie,  inédite  aussi,  du  Livre  de 
l'Hémisphère  inférieur  reste  cachée  au  cinquième  corridor 
du  n°  9  (Ramsès  VI). 

Les  décombres  du  premier  couloir,  au  n°  15  (Séti  II),  re- 
cèlent, à  ce  qu'il  semble,  des  documents  d'un  autre  genre, 
qui  pourraient  renseigner  sur  le  roi  Amenmésès,  dont  la 
tombe  (n°  10)  est  cependant  assez  éloignée  de  celle-ci.  Un 
morceau  de  beau  calcaire  blanc,  qui  se  trouve  à  quelques  pas 
de  ces  débris,  en  dehors,  a  l'un  des  cartouches  d' Amenmésès, 
et  deux  lignes  fragmentées  d'hiéroglyphes,  peints  en  bleu  : 
la  disposition  de  ces  lignes  sur  deux  parties  de  la  pierre  qui 
se  rejoignent  à  angle  droit  indique  la  quelque  chose  comme 
un  couvercle  de  sarcophage.  Les  autres  morceaux  du  mo- 
nument, quel  qu'il  soit,  ne  sauraient  se  trouver  bien  loin, 
et  leur  réunion  aurait  sans  doute  un  intérêt  historique 
d'autant  plus  grand,  que  la  place  d' Amenmésès  dans  la 
XIXe  dynastie  est  encore  peu  connue. 

Les  dernières  opérations,  c'est-à-dire  les  déblayements  à 
l'aire  dans  les  cavités  remplies  par  le  sable,  seraient  moins 
longues  et  moins  pénibles  qu'il  ne  semblerait  au  premier 

BlBL.   ÉGYPT.,  T.  XXXIV.  16 


242  SUR    QUELQUES    FOUILLES   ET    DÉBLAYEMENTS 

abord.  Les  matières  poussées  par  l'eau  s'entassent  surtout 
dans  les  parties  étroites  et  engorgent  ainsi  les  portes  plutôt 
que  les  salles.  Si  l'on  tient  compte  de  cette  remarque,  on 
verra  que  la  dépense  de  temps  et  d'argent  serait  relative- 
ment minime  aux  nos5,7,  8  et  10  :  mais,  — quoique  minime, 
—  serait-elle  productive?  Il  est  permis  de  l'espérer. 

On  courrait  d'abord  la  chance  de  trouver  quelque  sarco- 
phage, en  mauvais  état  à  la  vérité,  tous  les  sarcophages 
royaux  ayant  été  endommagés,  notamment  celui  du  n°  8, 
dont  quelques  fragments  en  granit  rose  se  voient  sur  le 
chemin  même  du  tombeau.  Au  n°  10,  creusé  pour  Amen- 
mésès  et  attribué  successivement  à  deux  reines,  à  Takhat 
dans  la  première  salle  et  à  Baktournour  dans  la  seconde,  la 
fin  du  tombeau  pourrait  révéler  en  outre  quel  fut  en  réalité 
le  dernier  occupant  ou  la  dernière  occupante. 

A  un  autre  point  de  vue,  la  connaissance  complète  des 
nos  8  et  10  fixerait  le  moment  précis  d'une  modification 
capitale  dans  le  plan  des  hypogées  royaux,  c'est-à-dire  le 
moment  où  leur  axe  ne  varie  plus. 

A  la  fin  de  la  XVIIIe  dynastie  et  au  commencement  de 
la  XIXe,  les  tombes  complètes  (celles  d'Aménophis  III,  de 
Séti  Ier  et  de  Ramsés  II)  ne  suivent  pas  la  même  direction 
dans  toute  leur  longueur.  La  tombe  d'Aménophis  III  dévie 
deux  fois,  a  ses  deux  grandes  salles,  c'est-à-dire  à  la  salle 
qui  précède  les  corridors  de  YAp-ro,  et  à  la  salle  du  sarco- 
phage. La  tombe  de  Séti  Ier  dévie  à  la  salle  qui  précède  les 
corridors  de  YAp-ro,  et  celle  de  Ramsôs  II  à  la  salle  du  sar- 
cophage, chacune  de  ces  deux  dernières  sépultures  retenant 
et  perdant  ainsi  quelque  chose  du  plan  antérieur. 

Depuis  Ramsès  II,  au  contraire,  toutes  les  parties  connues 
des  U unîtes  royales  de  Bab-el-Molouk  s'enfoncent  en  ligne 
droite  dans  la  montagne,  excepté  au  tombeau  de  Ramsès  III 
qui  fait  un  coude  entre  ses  deuxième  et  troisième  corridors, 
mais  pour  un  motif  accidentel,  la  rencontre  du  tombeau 
d'Amenmésès. 


A   FAIRE   DANS    LA   VALLÉE   DES    ROIS   A    THÈBES        243 

C'est  seulement  au  n°  14  (Taoser)  que  s'observe  pour  la 
première  fois  la  véritable  rectification  du  plan,  qui  devient 
dès  lors  définitive.  Les  tombes  des  souverains  compris  entre 
Taoser  et  Ramsès  II,  celles  de  Ménéptah  Ier  (n°  8),  de  Séti  II 
(n°  15)  et  d'Amenmésès  (n°  10),  s'arrêtent,  soit  en  réalité, 
soit  en  apparence,  à  l'endroit  où  pourrait  commencer  leur 
première  déviation,  c'est-à-dire  aux  corridors  de  YAp-ro, 
lesquels  manquent  certainement  au  n°  15  :  manquent-ils  aux 
nos  8  et  10?  C'est  là  ce  qu'il  importerait  de  savoir  et  ce 
qu'un  déblayement  nous  apprendrait  ;  les  deux  hypogées, 
enfouis  au  point  précis  où  leurs  corridors  de  \'Ap-ro  devaient 
s'ouvrir,  semblent  se  prolonger  à  partir  de  là  d'une  manière 
rectiligne  et  ne  pourraient,  s'il  en  est  ainsi,  ressembler  au 
n°  17  (Séti  Ier),  mais  ils  pourraient  ressembler  au  n°  7 
(Ramsès  II),  dont  la  grande  salle  dévie,  en  admettant  toute- 
fois qu'ils  aient  une  grande  salle,  fait  douteux  pour  la  tombe 
d'Amenmésès,  roi  peu  important,  et  possible  pour  celle  de 
Ménéptah  Ier,  l'un  des  derniers  grands  pharaons.  Quoi  qu'il 
en  soit,  on  saurait  d'une  manière  certaine,  en  explorant  ces 
deux  hypogées,  à  quelle  époque  remonte  l'abandon  de  tra- 
dition qu'il  s'agit  de  dater. 

Le  roi  Siptah  n'a  pas  été  mis  ici  en  ligne  de  compte,  bien 
qu'il  ait  perdu  la  couronne  ou  la  vie  avant  Taoser  :  c'est 
que  sa  tombe,  encore  inconnue,  ne  saurait  avoir  été  consi- 
dérable, vu  le  peu  de  durée  de  son  règne,  dont  la  date  la 
plus  élevée  est  l'an  III.  Siptah  accompagne  Taoser  dans  le 
premier  corridor  du  tombeau  de  cette  reine  (n°  14)  avec  ses 
cartouches  surchargeant  ceux  de  Séti  II,  puis  il  disparaît 
complètement,  et  Taoser  cesse  d'être  traitée  comme  une 
reine  pour  tenir  le  rôle  d'un  véritable  roi  dans  le  tombeau, 
décoré  dès  lors  comme  celui  d'un  roi  et  non  plus  comme 
celui  d'une  reine.  Siptah  n'a  donc  participé  au  long  règne 
de  Taoser  que  juste  le  temps  de  faire  remplacer  dans  un 
corridor  les  cartouches  du  premier  associé  de  la  reine  par 
les  siens,  et  cela  est  assurément  l'indice  d'une  domination 


244  SUR    QUELQUES   FOUILLES    ET   DÉBLAYEMENTS 

éphémère.  On  pourrait  à  la  rigueur  lui  attribuer  le  n°  5, 
qui  est  enfoui,  ou  le  n°  18,  qui  est  surchargé,  parce  que  ces 
deux  petites  tombes  ont  à  leur  porte  une  déesse  ailée  qui  ne 
figure  plus  guère  dans  la  décoration  après  Ramsès  III,  mais 
ce  seraient  là  des  conjectures  qu'il  n'est  pas  besoin  d'émettre 
pour  montrer  le  peu  de  place  que  Siptah  doit  tenir  dans 
l'histoire. 

Il  ne  reste  plus  qu'a  mettre  en  relief  l'importance  d'un 
dernier  déblayement,  celui  du  n°  7  (Ramsès  II).  Fort  peu 
connu  encore,  sauf  dans  son  plan  général  publié  par  le 
D1'  Lepsius,  le  n°  7  ne  semble  guère  ensablé  qu'à  l'entrée 
ou  dans  sa  première  moitié,  et  il  serait  vite  mis  à  la  dispo- 
sition de  la  science,  qui  y  trouverait  un  profit  certain.  Si 
endommagé  qu'on  le  suppose,  en  effet,  il  est  difficile  de  le 
croire  entièrement  dénué  de  scènes  et  de  textes  :  or,  les 
moindres  indices,  comme  un  reste  de  figure  ou  d'hiéroglyphe, 
suffiraient  pour  jalonner  les  recherches  à  faire  sur  les  com- 
positions, nouvelles  ou  non,  qui  pouvaient  orner  l'hypogée 
du  conquérant. 

On  peut  bien  restituer,  a  priori,  par  analogie,  plus  de  la 
moitié  de  ce  tombeau.  Ainsi,  le  premier  corridor  devait  être 
consacré,  comme  le  second,  à  la  Litanie  du  Soleil,  le  troi- 
sième, a  deux  heures  du  Livre  de  l'Hémisphère  inférieur, 
la  première  salle  à  la  réception  du  roi  par  différents  dieux 
infernaux,  les  trois  salles  suivantes  à  deux  divisions  du 
Livre  de  V Enfer,  à  trois  heures  du  Livre  de  V Hémisphère 
inférieur  et  au  culte  de  Sôti  Ier,  les  quatrième  et  cinquième 
corridors  au  Livre  de  l'Ap-ro  (l'ouverture  de  la  bouche  des 
statues  royales),  et  enfin  la  salle  où  aboutissent  ces  deux 
corridors  à  une  nouvelle  réception  du  roi  par  certaines 
divinités. 

Mais  la  grand*.1  salle  sépulcrale  vient  ensuite,  et  différentes 
questions  se  posent,  auxquelles,  pour  le  moment,  on  ne 
-aurait  répondre. 

En  premier  lieu,  la  grande  salle  de  Ramsès  II  étant  plus 


A  FAIRE  DANS  LA  VALLÉE  DES  ROIS  A  THÈBES   245 

conforme,  par  la  disposition  de  ses  huit  colonnes  et  de  ses 
quatre  chambres  annexes,  aux  grandes  salles  de  Taoser  et 
de  Ramsès  III  qu'à  celles  de  Séti  Ier  et  d'Aménophis  III, 
faut-il  en  conclure  qu'on  avait  adopté  là  une  décoration 
semblable  a  celle  des  nos  14  et  11  (Taoser  et  Ramsès  III),  et 
qu'ainsi  le  Licrc  noir,  qui  rend  si  confuses  par  son  manque 
de  cohérence  les  parties  des  tombes  où  il  domine,  aurait  fait 
sa  première  apparition  sous  le  règne  de  Ramsès  II  ?  Si,  au 
contraire,  la  ressemblance  avec  les  tombes  plus  récentes 
devait  se  borner  au  plan,  la  grande  salle  de  Ramsès  II 
était-elle  ornée  comme  les  monuments  plus  anciens,  et 
avait-elle  comme  le  n°  17  un  souterrain?  Enfin,  où  était 
placé  le  sarcophage  ? 

En  second  lieu,  cette  salle  a  une  chambre  annexe  de  plus 
que  la  grande  salle  d'Aménophis  III,  laquelle  en  a  deux  de 
plus  que  la  grande  salle  de  Séti  Ier,  preuve  qu'on  pouvait 
alors  ajouter  indéfiniment  de  nouvelles  chambres  à  un  tom- 
beau dont  le  développement  régulier  était  accompli,  ce  qui 
n'a  plus  lieu  dès  le  règne  de  Taoser,  époque  à  laquelle  le 
plan  des  tombeaux  est  systématisé.  Inférerons-nous  de  là 
qui'  l'excavation  ajoutée  ainsi  à  la  grande  salle,  en  dehors 
de  l'analogie,  avait  sa  décoration  particulière,  et  quelle 
pouvait  être  ici  cette  décoration?  Y  entrait-il  des  textes 
nouveaux,  et  lesquels  ? 

Voilà  une  série  de  problèmes  qui  ne  seront  résolus  que 
sur  les  lieux,  et  dont  l'énoncé  montrera,  peut-être,  que  rien 
n'esta  négliger  en  matière  de  documents,  surtout  lorsqu'il 
s'agit  de  ce  qu'on  faisait,  on  pensait,  au  plus  beau  siècle  et 
sous  le  plus  grand  roi  d'un  pays. 

Que  les  considérations  qui  précèdent  atteignent  on  non 
leur  but,  et  reportent  ou  non  l'attention  soit  sur  toute  la 
Vallée  des  Rois,  soit  sur  l'un  de  ses  hypogées  les  plus  impor- 
tants, il  n'en  est  pas  moins  légitime  de  les  présenter.  Thèbes 
est  trop  riche  en   ruines   pour  que  le  grand  nombre  n'en 


246  SUR   QUELQUES    FOUILLES    ET    DÉBLAYEMENTS 

fasse  pas  négliger  quelques-unes  :  l'imagination  se  fatigue 
ou  se  blase  parmi  tant  de  souvenirs,  et  c'est  ainsi  qu'il  est 
devenu  nécessaire  de  rappeler  la  tombe  oubliée  d'un  Sésos- 
tris.  Laisserait-on  ailleurs  les  sépultures  d'Alexandre  ou  de 
César,  si  elles  existaient  encore,  accessibles  seulement  aux 
vipères  et  aux  chauves-souris,  quand  il  suffirait  de  quelques 
centaines  de  francs,  à  peine,  pour  les  rendre  à  l'examen  des 
savants  et  à  la  curiosité  des  voyageurs? 


UNE    SCÈNE    DE    HAREM 


L'ANCIEN    EMPIRE    EGYPTIEN' 


Les  représentations  de  l'Ancien  Empire  ne  nous  montrent 
guère  que  des  scènes,  soit  de  funérailles,  soit  d'offrandes  ou 
de  préparations  d'offrandes,  qui  se  passent  dans  la  tombe, 
sur  le  fleuve,  ou  dans  la  campagne.  Un  des  tombeaux  de 
Saqqarah,  le  n°  31  de  Lepsius,  nous  introduit  par  exception 
dans  l'intérieur  d'un  harem  :  c'est  le  tombeau,  publié  en 
partie  dans  les  Denkmâler*,  du  scribe  en  chef  Ptahhotep. 

Là,  le  harem  reçoit  le  nom  assez  rare  de  n  J]  (la  maison 
des  femmes,  le  gynécée),  mot  caractérisé  par  l'absence  de  la 
marque  du  pluriel,  assez  souvent  omise  sous  l'Ancien  Em- 
pire3, et  par  une  pose  des  jambes  du  personnage  assis  qui 
appartenait  plus  particulièrement  à  l'homme  W,  mais  qu'on 
donnait  aussi  à  la  femme ;  :  l'hiéroglyphe  manque  au  type 
de  Berlin.  D'autres  recueils  nous  fourniraient  sans  doute 
d'autres  exemples  du  même  mot  à  la  même  époque,  mais 
on  ne  le  retrouve  aux  Denkmâler,  pour  l'Ancien  Empire, 
qu'au  tombeau  n°24  de  Gizéh,  où  sont  représentés  plusieurs 

1.  Publiée  dans  les  Études  dédiées  à  M.  le  D1  C.  Leemans,  p.  69-72; 
tirage  à  part  à  vingt-cinq  exemplaires  in-4°.  —  G.  M. 

2.  Mariette,  Description  du  parc  égyptien,  1867,  p.  29-34. 

3.  Cf.  Denkmâler,  II,  3,  13,  43,  d,  148  ;  etc. 

4.  Id.,  II,  47  et  143,  2;  cf.  Prisse  d'Avennes,  L'Art  égyptien,  texie, 
p.  82. 


248  UNE   SCÈNE   DE   HAREM 

hommes  devant  le  défunt  avec  la  mention  *J^         J)  V  vue 

•<s>-  n  SU 
de  l'administration  du  gynécée.  A  une  époque  plus  récente, 

l'expression   reparait  sous    la  forme  Jj '"   et       _n3   : 

elle  ne  doit  pas  être  confondue  avec  (1(1  Jj  %  femme  de 
maison.  Le  tombeau  n°  31  occupe  les  planches  101-104  des 
Denkmâler,  II.  A  la  planche  101,  on  voit  s'éloigner  du 
gynécée',  dont  un  homme  ferme  la  porte,  le  cortège  funèbre 
de  Ptahhotep,  c'est-à-dire  la  vache  traînant  ou  précédant 
la  momie,  le  prêtre  en  costume,  les  danseuses,  ou  recluses 
du   kiosque  <       (J      ,  les   chanteuses",  Q   I         ,  et  les 

A/WvAA    /WWV\     11    I I  /\  I       /rz—U 

personnages  de  marque.  Vient  ensuite  la  navigation  de  la 
momie  et  du  matériel  funéraire  en  deux  pavillons  clos  que 
supportent  deux  barques  remorquées7  :  c'est  le  dernier 
voyage,  la  traversée  d'Orient  en  Occident,  le  passage  du 
fleuve,  l'acheminement  depuis  le  gynécée  jusqu'au  (bon)  ci- 
metière vers  le  dieu  grand,  1 1"%\  l\  nJ  <ow| 
_  &  I  ^J^>  A_S^     £1  t  m.   a, 

©   ca  ♦  a. 

A .  L  opposition  marquée  par  les  prépositions  ^\    et 

<==>  entre  le  point  de  départ  et  le  point  d'arrivée  prouve 
bien  que  lenJ]  est  le  contraire  de  la  tombe,  n^l,  ou 


°    u  n,„ 

1.  Denkmâler,  II,  20. 

2.  Stèle  de  Piankhi,  1.  34. 

::.  Stèle  Métier nich,  Brugsch,  Zeitschrift,  1879,  p.  2. 

4.  Mariette,  Abydos,  t.  I,  pi.  6,  1.  47. 

5.  Cf.  Denkmâler,  II,  43. 

6.  Trémaux,   Egypte   et    Ethiopie,  p.   190,  et  Cailliaud,  Voyage  à 

de  Thèbes,  p.  103,  1. 

7.  Cf.  Champollion,  Notices,  I,  p.  836. 

8.  Dûmichen,  Historische  Inschriften,  II,  40,  a. 

9.  Denkmâler,  II.  50,  a. 

10.  Zeitschrift,  1872,  p.  31. 


j  I 1        »  I 

bien     U  \\    o    ^vLJ©",  et  même,  d'après  M.  Goodwin, 

D 


sous  l'ancien  empire  égyptien  249 

La  planche  102  montre  une  arrivée  de  bœufs  et  de  gazelles 
devant  le  défunt,  sous  la  conduite  d'un  préposé  de  l'étable, 
tandis  que  la  planche  103  nous  ramène  au  gynécée,  où  se 
passent,  sous  la  présidence  en  quelque  sorte  idéale  du  défunt, 
assis  avec  sa  femme  accroupie  devant  lui,  deux  genres  de 
scènes  connexes,  figurant  la  livraison  des  objets  de  toilette, 
par  le  gynécée  ou  les  gynécées,  pour  le  défunt1.  Les  détails 
de  ces  scènes  s'entremêlent  dans  les  trois  registres  qui 
subsistent  du  tableau. 

Au  registre  supérieur,  devant  les  jambes  du  défunt,  deux 
hommes  reçoivent  deux  colliers,  qui  paraissent  offerts  par 
deux  femmes,  dont  l'une  dit  :  «  Qu'Hathor  octroie  la  vie  à 
mon  surveillant  »  A  ^\    ■¥•  aaaa^(1  -  (];  un  autre  homme  dit  à 

'huile  douce  » 


une  femme  :  «  Donne  de 
une  autre  femme  dit  en  remettant  à  un  homme  un  objet  co 
nique,   sans  doute  un  gâteau   :   «  (En)  voici  à  souhait  », 
(I  ^è\  aaama  o  \j  — «— .  Le  verbe  (l  >h  s'employait  assez  souvent 
alors  avec  le  sens  de  voici,  ou  c'est,  comme   dans  (I  v>   U 
«  c'est  pour  ton  génie  »,  phrase  adressée  à  la  Suten  rekh-t 
Nepher-s,  dont  la  tombe  est  à  Gizéh2. 

Au  deuxième  registre, -deux  préposés  du  coffre  et  un 
3  réposé  de  sac  se  tiennent  debout  entre  un  chancelier 
U^V)'  et  un  scribe  du  don  du  coffre,  pQi  f\  À  3  :  ils 
attendent  les  offrandes,  dont  plusieurs  petites  scènes  figu- 
rent l'apport  d'une  manière  en  quelque  sorte  anecdotique. 
«  Donne  une  étoffe  vraiment  bonne  »,  ^\  '  1 1    î  S^7 ,  dit  un 

homme  à  un  préposé  du  gynécée,    5k  nJ;  «  donne  une 

ki"'""i  ri      ^  <d^>        Ll 

M    (I         ,  dit  un  autre  collecteur  à  une 

femme  qui  répond  :  «  Qu'Hathor  octroie  la  vie  à  mon  sur- 

1.  Cf.  Denkmâler,  III,  pi.  21. 

2.  Denkmâler,  II,  90. 

3.  Cf.  Denkmâler,  II,  96. 


250  UNE   SCÈNE    DE   HAREM 

veillant,  le  maître  ».  Une  nouvelle  transmission  du  même 
genre  se  fait  en  silence,  mais  les  conversations  recommen- 
cent avec  deux  femmes  portant  des  paquets  ;  l'une  d'elles 
se  retourne  vers  l'autre  :  «  charmante,  la  vue  de  ton  étoffe  », 
|\   — ^     1 1   £=*.   Un  préposé   et   un   directeur   du 

gynécée,  ^  n  3  et  y  n  3  ,  portent  chacun  un  paquet  et 
une  bande  d'étoffe,  de  même  qu'un  personnage  marchant 
devant  eux,  qui  arrive  auprès  d'un  tas  de  ligues  qu'on  me- 
sure au  boisseau  :  «  Allons,  maître  des  figues  »,  dit-il  à  un 
scribe  du  gvnécée  qui  tient  une  figue,  «  voici  un  vêtement 

(que)jelivre»  Ajy  ^J^()^f  jpy^]; 
Au   troisième   registre,  on   mesure  devant  des  greniers 

deux  tas  de  grains  extraits  d'épis  et  de  gousses  (du  blé  et 
des  pois)  ;  ces  grains  proviennent  des  gynécées,  du  don  de 
quantité    (grande)    des    gynécées    |X  ft    fl    fl  • 

_Hr^  /www  I  i    w    i  £ii    îil     îli 

«  Ferme,  cache  le  grenier  »,  crie  un  surveillant  à  l'homme 
qui  tient  le  boisseau  pour  le  blé5.  Après  les  greniers  figurent 
les  pains,  comptés  par  un  scribe  du  pain  :  «  donne  du  pain  », 
dit  un  homme  à  une  femme  avec  laquelle  il  échange  un 
paquet,  1\  rvflvN^w^    a    ,  «  voici  de  l'or,  livre  »,  ou  : 

o  voici  de  l'or  (que  je)  livre  ».  Le  dernier  verbe  n'a  malheu- 
reusement pas  de  pronom,  ce  qui  empêche  de  savoir  si  la 
livraison  (\^  pains  se  fait  sur  paiement,  en  échange  de 
quelques  objets  en  or,  ou  bien  si,  d'après  l'analogie  du 
deuxième  registre,  l'on  a  voulu  dire  simplement  :  «  Je 
donne  de  l'or,  tu  peux  bien  donner  du  pain.  » 

Dans  tous  ces  petits  discours,  1\  équivaut  à  -|s^,  forme 
ordinaire  du  mot  donner,  livrer.  Cette  valeur  est  suffisam- 
ment indiquée  par  le  contexte,  ainsi  que  par  les  pronoms 
s=5  et  <^z^.  L'espèce  de  marché  public  reproduit  aux  Denk- 


1.  Cf.  Lieblein,  Dictionnaire  des  noms  propres,  n"  124. 

2.  Cf.  Champollion.  Notices,  II,  p.  317,  S". 


sous  l'ancien  empire  égyptien  251 

mâler\  d'après  la  tombe  n°  1  de  Saqqarab,  fournit  plusieurs 
exemples  du  même  genre  :  fe*-  "         (j),  .Jk-  *l^_  j,  «donne 


une  sandale,  donne  un  éventail  ».  etc.;  au  tombeau  de 
Ptahhotep,  la  phrase  :  «  Donne  du  pain  » ,  est  écrite  €\  A 
en   parlant  à   une   femme2  et,  en   parlant  à  un   homme, 

Le  dernier  tombeau,  pour  l'ensemble  duquel  on  peut  con- 
sulter une  notice  de  M.  Mariette1,  se  termine  aux  Denk- 
mâler par  le  transport  à  la  nécropole  des  meubles  et  des 
comestibles,  en  dix-huit  barques,  dont  quelques-unes  ont 
une  femme  au  gouvernail.  Le  Dr  Lepsius  a  ajouté  à  cette 
scène  trois  petits  tableaux  détachés,  qui  montrent  une  statue 
de  Ptahhotep  qu'on  traîne  à  la  corde,  ainsi  que  des  bœufs  et 
des  gazelles  qu'on  amène3. 

En  ce  qui  concerne  la  vie  intime  d'un  grand  seigneur 
égyptien,  les  scènes  du  tombeau  de  Ptahhotep  rappellent 
assez  les  curieuses  Lamentations  d'Isis  et  de  Nephtys,  les 
invocations  efficaces  faites  par  les  deux  sœurs  de  la  maison 
d'Osiris  roJr',  pour  ramener  à  la  vie  et  au  gynécée 
Osiris  mort,  qualifié  là  de  taureau  fécondant,  ami  du  harem  ' , 
QA        (I      .  Voici  le  début  des  deux  discours  d'Isis  et 

<^ >  d  rV  aa/ww    I  I I 

de  Nephtys. 

o  Appel  d'Isis.  Elle  dit  :  «  Viens  à  ta  maison  !  »  (bis) 
.  Ani.  viens  a  ta  maison  !  les  ennemis  ne 
sont  plus.  O  beau  lévite,  viens  à  ta  maison!  Regarde-moi, 
je  suis  ta  sœur  qui  t'aime.  Ne  te  détourne  pas  de  moi. 

1.  Denkmâler,  II,  96. 

2.  ld.,  103. 

3.  Ici.,  104,  b. 

4.  Description  du  parc  égyptien,  1867,  p.  29-34. 

5.  Denkmâler,  II,  104. 

6.  J.  de  Horrack,  Les  Lamentations  d'Isis  et  de  Nephtys,  p.  1,  1.  2. 

7.  ld.,  p.  5,  1.  4. 


252  UNE   SCÈNE   DE   HAREM 

0  beau  jeune  homme,  viens  à  ta  maison,  vite,  vite  !  Je  ne 
te  vois  plus  et  mon  désir  est  de  t'embrasser.  Mes  veux  te 
cherchent.  Je  te  cherche  pour  te  voir.  Est-ce  que  cela  n'est 
pas  ma  chose  de  te  voir.  1  4^f  "ik  (](]  J)  — ^ '^z*  (bis)  ? 
Beau  seigneur,  est-ce  que  cela  n'est  pas  ma  chose  de  te  voir 
(bis)'l  C'est  bon  de  te  voir  (bis).  Ani,  c'est  bon  de  te  voir. 
Mens  à  ton  amie,  Unnefer  véridique  !  Viens  à  ta  sœur, 
Urt-al)  !  Viens  à  la  maîtresse  de  ta  maison!  Je  suis  ta  sœur 
de  mère  ' .  » 

«  Appel  de  Nephtys.  Elle  dit  :  «  O  beau  seigneur,  viens 
à  ta  maison!  Calme  ton  cœur,  tes  ennemis  ont  péri,  tous! 
Tes  deux  sœurs  sont  auprès  de  toi,  pour  la  garde  de  ton  lit, 
à  t'appeler  en  pleurant.  Tu  es  renversé  sur  ton  lit.  Vois  les 
belles,  I  J||2>  cilu'    parlent  avec    nous,   seigneur   notre 

maître.  Détruis  tous  les  chagrins  qui  sont  dans  nos  cœurs. 
Tes  compagnes,  il  (1(1  3  i,  d'entre  les  dieux  et  les  hommes 
sont  à  te  regarder.  A  elles  ta  face,  seigneur  notre  maître3.  » 

Bien  que  les  Lamentations  d'Isis  et  de  Nephtys  soient  de 
beaucoup  postérieures  au  tombeau  de  Ptahhotep,  néanmoins 
le  papyrus  ptolémaïque  et  le  vieux  monument  donnent  tous 
deux  une  même  idée  générale  du  harem.  Voici  ce  que  la 
tombe  de  Ptahhotep  nous  apprend  du  harem,  ou  plus  exacte- 
ment du  harem  des  hauts  fonctionnaires  sous  l'Ancien  Em- 
pire. 11  était  la  résidence  intime  de  la  Camille,  et  la  momie 
partait  de  là  pour  aller  au  puits  funéraire.  Ses  habitants 
étaient  la  femme  en  titre  (souvent  sans  doute  sœur  aînée 
•  lu  maître,  suivant  la  coutume  que  rappellent  les  Lamen- 
tations d'Isis  et  de  Nephtys),  les  concubines'',  ou  tout  au 

1.  J.  de  Ilorrack,  Les  Lamentations  d'Isis,  p.  2,  1.  1  et  suiv. 

2.  Cf.  Mariette,  Ab'ydos,  t.  I,  pi.  6,  1.  17;  Champollion,  Notices,  I, 
p.  546;  Dumicben,  Tempel  Inschriften,  I,  32,  etc. 

3.  .1.  M-  Horrack,  Les  Lamentations  d'Isis,  p.  3,  1.  1  et  suiv. 

4.  Cf.  Denkmâler,  II,  143,  et  Reinisch,  /Egyptische  <  'hrestoniaihie,  I, 
pi.  21,  1.  12. 


sous  l'ancien  empire  égyptien  253 

moins  les  recluses1,  chanteuses  et  danseuses  (les  nefer-t-u 
ou  «  jeunes  belles  »  des  époques  postérieures),  et  tout  un 
personnel  administratif,  préposés  ou  intendants,  scribes  et 
directeur,  sans  parier  des  domestiques  mâles  et  femelles.  Les 
dépendances  comprenaient  des  fruitiers,  des  greniers,  des 
boulangeries  et  des  parterres  ou  parcs  avec  pavillons  de 
plaisance,  qu'égayaient  les  danseuses.  La  grande  quantité 
d'étoffes  fournies  par  les  femmes  suggère  l'idée  qu'on  fabri- 
quait du  linge  à  domicile  :  la  confection  complète  des  habits 
de  la  famille  était,  en  effet,  un  des  travaux  d'intérieur  les 
plus  habituels  dans  les  temps  anciens.  Il  est  inutile  d'ajouter 
que,  malgré  cette  abondance  de  ressources,  le  harem  ne 
pouvait  pas  toujours  se  suffire  à  lui-même,  comme  le  prou- 
vent les  scènes  d'achat  en  place  publique  dont  il  a  été  parlé 
plus  haut.  Enfin  on  remarquera  que  la  même  famille  se  divi- 
sait ici  en  plusieurs  gynécées,  prenant  part  au  deuil,  d'après 
le  tableau  où  sont  mentionnés  les  dons  en  grains  des  harems, 
soit  qu'il  s'agisse  de  la  mère,  des  filles  ou  des  sœurs  du 
défunt,  qui  pouvaient  avoir  leurs  maisons  particulières, 
surtout  en  qualité  de  femmes  mariées'2,  soit  que  le  défunt 
lui-même,  comme  ce  roi  de  Sparte  qui  avait  deux  maisons 
parce  qu'il  avait  deux  femmes",  possédât  plusieurs  gynécées, 
rattachés  plus  ou  moins  directement  à  une  maison  principale. 

.1.  Cf.  Dévéria,  Le  Papyrus  judiciaire  de  Turin,  col.  4,  pi.  2,  1.  2,  et 
col.  5,  pi.  3,  1.  1. 

2.  Cf.  Mariette,  Abydos,  t.  III,  p.  281,  n°  844. 

3.  Hérodote,  V,  40. 


LETTRE  A  M.  DE  MILLOUÉ 

SUR   UN 

MONUMENT  DE  THOTMÈS  III 


Monplaisir,  le  3  juillet  1883. 

Cher  Monsieur, 

Le  sens  de  la  petite  inscription  gravée  sur  le  Nou  r- — ,  de 
Déir-el-Bahari  est  :  le  dieu  bon  Ra-men-kheper  (c'est  le  pré- 
nom de  Thotmès  III),  fondation  pour  Amenserk hou,  c'est- 
à-dire  souvenir'  de  Thotmès  III  et  de  lafondation  du  temple 
Amenserkhou.  C'est  un  objet  commémorant  la  construction 
d'un  édifice  religieux,  édifice  déjà  identifié,  mais  sur  lequel 
je  ne  pourrais  vous  renseigner  en  ce  moment  plus  au  long, 
n'ayant  pas  sous  la  main  le  Dictionnaire  géographique  de 
Brugsch.  Ce  n'est  pas  là  d'ailleurs  un  point  essentiel.  Ce 
qu'il  importe,  c'est  de  déterminer  le  sens  de  l'inscription, 
qui  se  retrouve  sur  différents  objets  funéraires  trouvés  à 
l'Assasif,  comme  on  peut  le  voir  au  catalogue  du  Musée  de 
Boulaq,  que  je  vous  envoie  (cf.  p.  202-3).  Malgré  l'embarras 
de  Mariette  devant  ce  texte,  je  le  crois  d'un  sens  assez  clair. 
La  fondation  de  Y  Amenserkhou  ayant  été  une  œuvre  pie, 

1.  Inédit.  Cette  lettre  a  été  communiquée  par  M.  de  Miiloué,  con- 
servateur du  Musée  Guimet,  à  M.  Virey,  qui  a  bien  voulu  me  la  com- 
muniquer à  son  tour.  —  G.  M. 


256  LETTRE   A   M.   DE   MILLOUÉ 

les  objets  consacrés  en  cette  circonstance  avaient  bénéficié 
cl'  la  bénédiction  générale  répandue  sur  l'œuvre  par  le  dieu 
et  le  roi.  <  >n  les  avait  donc  placés  dans  les  tombes  comme 
amulettes  douées  d'une  efficacité  spéciale,  de  sorte  qu'ils  rap- 
pellent à  la  fois  nos  médailles  commémoratives  et  nos  chape- 
lets bénis. 

Le  Nou  avait  pour  but  d'ouvrir  magiquement  la  bouche 
et  les  yeux  des  momies  comme  des  statues  divines  et  hu- 
maines, afin  de  permettre  à  l'esprit  qui  devait  les  animer  de 
s'y  introduire.  C'est  le  pendant  exact  de  l'idée  qui  a  inspiré 
la  cérémonie  japonaise  que  M.  Guimet  a  eu  l'obligeance  de 
me  signaler.  Trois  tombes  royales  à  Bab-el-Molouk  con- 
tiennent, avec  variantes,  le  Livre  de  l'ouverture  de  la  bouclie, 
publié  par  Schiaparelli  d'après  l'hypogée  de  Séti  Ior.  Le  livre 
montre  que  l'on  consacrait  une  statue  du  mort  en  la  touchant 
aux  yeux  et  à  la  bouche  avec  différents  instruments,  et  qu'en- 
suite l'ombre  du  mort  revenait  habiter  la  statue,  croyait-on. 
L'ombre  était  préalablement  reprise  en  rêve  dans  la  tombe 
par  un  prêtre  représentant  le  fils;  il  la  ressaisissait  dans  un 
tilet  sous  la  l'orme  d'un  insecte,  scarabée,  mante  religieuse, 
ou  guêpe.  Schiaparelli  n'a  pas  compris  cette  partie  infini- 
ment curieuse  du  Livre,  faute  de  comparaisons  faites  par 
lui  avec  les  croyances  des  peuples  peu  civilisés  ou  très 
anciens. 

En  résumé,  le  Nou  de  Thotmès  111  était  un  bon  Nou, 
dûment  béni  dans  une  circonstance  solennelle.  11  ne  se  trou- 
\  ai t  certainement  pas  dans  le  sarcophage  du  Pharaon,  car  il 
aurait  été  imprégné  en  ce  cas  de  l'odeur  de  momie  qu'exhalent 
les  petits  objets  ci-joints,  que  je  prends  la  liberté  d'offrir  à 
M.  Guimet1.  Ils  viennent  de  la  momie  même  de  Thotmès  111, 

1.  Les  objets  auxquels  il  est  lait  allusion  se  trouvent  au  Musée 
Guimet,  dan-  la  vitrine  royale  de  la  Salle  égyptienne,  sauf  le  morceau 
'!•■  chasse  mouches,  qui  a  dû  être  égaré,  ou  peut-être  déplace  sans  indi- 
cation, luis  du  transfert  du  Musée  de  Lyon  à  Paris.  —  Note  de  M. Virey, 
i  après  des  indications  fournies  par  M.  de  Milloué. 


SUR   UN   MONUMENT    DE   THOTMÈS    III  257 

au  déroulement  de  laquelle  j'ai  assisté,  et  se  composent  de 
deux  morceaux  de  la  toile  entourant  le  cadavre,  de  quelques 
parties  de  guirlandes  composées  d'une  petite  fleur  qui  sem- 
ble être  celle  du  Sant  ou  acacia  égyptien,  analogue,  sauf 
l'odeur,  à  la  fleur  de  cassier,  puis  d'un  fragment  de  chasse- 
mouches  posé  sur  la  momie  avec  les  guirlandes,  et  d'un 
morceau  d'une  des  trois  petites  rames  qui  flanquaient  le 
corps,  sans  doute  pour  aider  à  la  navigation  d'outre- 
tombe 

Ma  femme  est  heureusement  accouchée  d'un  garçon  le 
23  juin.  Sans  être  malade  elle  est  encore  souffrante,  ce  qui 
m'empêche  de  venir  vous  apporter  moi-même  les  renseigne- 
ments sur  le  Non,  comme  j'aurais  désiré  le  faire,  afin  de 
pouvoir  présenter  à  M.  Guimet  l'expression  de  ma  recon- 
naissance la  plus  vive  pour  le  précieux  concours  qu'il  veut 
bien  apporter  à  l'Ecole  du  Caire ' 

1.  Ce  passage  fait  allusion  aux  négociations  alors  engagées  par 
M.  Lefébure  pour  publier,  dans  les  Annales  du  Musée  Guimet,  les 
inscriptions  des  hypogées  royaux  tbébains,  qu'il  avait  copiées  l'hiver 
précédent.  —  G.  M. 


BlBL.   ÉGYPT.,  T.   XXXIV.  17 


^  tM 


LE    CONTE 


Personne  n'ignore  qu'il  a  existé  dans  l'antiquité  et  qu'il 
existe  encore  aujourd'hui  une  littérature  enfantine  et  popu- 
laire, celle  des  contes,  qui  durant  de  longs  siècles  n'a  jamais 
eu  rien  à  souffrir  ni  à  craindre  des  révolutions  du  goût,  des 
différentes  conceptions  de  l'art,  et  même  des  grands  dépla- 
cements d'idées  qui  ont  bouleversé  la  face  du  monde.  L'hu- 
manité a  passé  de  l'antiquité  au  moyen  âge,  et  du  moyen 
âge  à  l'ère  moderne,  les  civilisations  grecque  et  romaine,  le 
paganisme,  la  féodalité  et  bien  d'autres  choses  ont  vécu,  mais 
ni  le  Petit  Poucet  ni  le  Petit  Chaperon  rouge  ne  sont  morts, 
et  ils  sont  pourtant  plus  vieux  que  tout  cela. 

Quelle  est,  au  fond,  cette  littérature  d'une  vitalité  assez 
puissante  pour  assurer  à  des  récits  de  nourrice  l'immortalité 
qu'obtiennent  si  difficilement  les  chefs-d'œuvre  ?  Peut-on, 
malgré  son  ancienneté  et  son  étendue,  l'apprécier  avec 
connaissance  de  cause  ?■  Peut-on  déterminer  ses  caractères, 
ses  origines  et  ses  limites  ? 

11  ne  paraît  pas  que  ce  soit  impossible. 

1.  Conférence  municipale  du  29  février  1884.  Le  texte  en  fut  publié 
dès  1885,  à  Lyon,  chez  Pitrat,  en  une  brochure  in-8°  de  18  pages.  — 
G.  M. 


260  LE   CONTE 


I.  —  Caractères 

Un  des  principaux  caractères  du  conte  est  assurément  celui 
qui  vient  d'être  signalé,  sa  durée,  et  sa  durée  tient  à  son 
public,  les  enfants  grands  et  petits  dont  l'humanité  est  en 
partie  composée. 

Voici  à  peu  près  comment  et  pourquoi. 

Un  conte,  comme  on  le  verra  tout  à  l'heure,  est  généra- 
lement un  ancien  mythe,  et  un  exemple  suffira  pour  montrer 
ce  qu'est  un  mythe.  Quand  on  disait,  en  Grèce,  Persée  est 
le  libérateur  d'Andromède,  c'est-à-dire  le  Ravageur  délivre 
la  Bienfaitrice,  c'est-à-dire  les  luttes  atmosphériques  de 
l'aurore  et  du  printemps  ramènent  la  lumière  et  la  chaleur, 
les  Grecs  personnifiaient  ainsi  des  phénomènes  naturels 
en  leur  donnant  une  apparence  humaine  :  ils  créaient  un 
mythe. 

On  voit  que  le  mythe,  possibilité  future  du  conte,  est  une 
fable  tirant  ses  héros  des  phénomènes.  A  ce  titre,  il  ne  peut 
manquer  d'attribuer  aux  personnages  qu'il  met  en  jeu  des 
facilités  particulières  de  locomotion  et  de  transformation  ; 
c'est  ce  qu'on  appelle  le  merveilleux.  Les  scènes  du  merveil- 
leux ressemblent  parfaitement  à  celles  du  rêve,  et  l'on  sait 
que  l'enfant  est  un  rêveur  éveillé,  toujours  en  train,  dans 
ses  jeux,  d'animer  les  choses  d'une  vie  factice,  momentanée 
et  changeante.  Un  besoin  en  quelque  sorte  prophétique  le 
pousse  a  prendre  possession,  grâce  à  la  mimique  plus  ou  moins 
habile  c|  ;ni  décor  plus  ou  moins  ressemblant  qu'il  crée,  des 
rôles  d'homme  ou  de  femme  auxquels  il  se  sent  prédestiné. 
11  est  le  dramaturge  et  l'acteur  par  excellence,  puisqu'il  passe 
son  temps  a  jouer  lui-même  et  à  faire  jouer  aux  choses  le 
drame  ou  la  comédie  aux  cent  actes  de  la  vie.  C'est  cette 
aptitude  à  l'illusion  plus  ou  moins  clairvoyante,  lui  faisant 
prendre  pour  autanl  d'  temps  qu'il  le  veut  un  bâton  pour  un 


LE   CONTE  261 

cheval,  par  exemple,  qui  le  rend  éminemment  propre  à  goûter 
le  conte,  image  exacte  de  son  esprit  :  le  conte  est  une  féerie 
dramatique  et  l'enfant  est  un  auteur  dramatique,  il  y  a 
donc  de  l'un  à  l'autre  une  convenance  et  une  adaptation 
parfaites. 

Mais  il  n'y  a  pas  en  ce  monde  d'enfants  que  les  enfants. 
Sans  parler  du  bon  La  Fontaine,  le  plus  grand  enfant  qui  ait 
jamais  existé,  il  y  a  toujours  eu,  clans  les  classes  populaires 
surtout,  des  hommes  et  des  femmes  à  l'imagination  neuve  et 
jeune.  Il  y  a  eu  chez  les  anciens  des  peuples  et  il  y  a  chez  les 
sauvages  des  tribus  d'une  tournure  d'esprit  analogue;  il  y  a 
au  désert  les  Arabes,  il  y  a  partout  les  nourrices,  tous  gens 
qui  font  d'une  manière  imaginative  ce  que  l'enfant  fait  d'une 
manière  scénique,  c'est-à-dire  qui  aiment  à  déplacer  le  pos- 
sible et  à  supprimer  l'impossible,  pour  voir  eux  et  les  choses 
autres  qu'ils  ne  sont  en  réalité,  par  un  besoin  de  déguisement 
et  de  renouvellement  analogue  à  celui  qui  fait  encore  aujour- 
d'hui la  fortune  du  Mardi  gras.  Ce  sont  là  autant  d'auditeurs 
ou  de  narrateurs  composant  le  public  habituel  des  contes. 

On  remarquera  maintenant  que,  pour  l'enfant,  la  nourrice, 
le  sauvage,  l'Oriental,  etc.,  ce  monde-ci  n'a  pas  d'histoire,  ou 
plutôt  n'en  a  qu'une,  variée  d  incidents  et  de  fond  identique, 
le  cercle  de  la  vie.  Pour  eux,  le  développement  de  l'humanité, 
qui  modifie  sans  cesse  les  événements  comme  les  croyances, 
n'existe  pas  :  ils  l'ignorent.  Ils  voient  les  choses  rouler  sans 
tin  dans  la  carrière  bornée  de  l'existence  pour  l'homme  et  de 
l'année  pour  la  nature.  La  marche  de  la  civilisation  passe 
au-dessus  ou  à  côté  de  ces  esprits  naïfs,  dont  l'activité  intel- 
lectuelle se  dépense  dans  le  même  rêve  d'une  vie  métamor- 
phosée, et  métamorphosée  à  peu  près  de  la  même  manière 
pour  tous,  parce  qu'ici  toute  variation  historique  est  absente. 
La  même  littérature  leur  suffit  donc  éternellement,  en  offrant 
à  des  besoins  toujours  semblables  des  satisfactions  toujours 
les  mêmes. 

Ainsi,  l'une  des  particularités  du  conte  est  la  durée. 


262  LE   CONTE 

A  côté  de  cette  caractéristique  il  en  existe  une  autre,  qui 
est,  si  l'on  peut  dire,  l'universalité. 

Dans  la  naïve  littérature  dont  le  recueil  de  Perrault  ne  nous 
représente  qu'une  bien  faible  partie,  la  même  donnée  se  re- 
trouve souvent  presque  sous  les  mêmes  formes  chez  un  grand 
nombre  de  peuples,  et  de  peuples  très  éloignés  ou  très  diffé- 
rents les  uns  des  autres.  Quand  on  ne  sort  pas  d'une  même 
famille  de  peuples,  ou  tout  au  moins  de  langues,  le  fait 
s'explique  :  dans  l'intérieur  du  groupe  indo-européen,  par 
exemple,  dont  la  langue  s'est  développée  et  ramifiée  d'une 
façon  régulière  et  connue  depuis  la  période  qui  a  précédé  la 
civilisation  hindoue,  les  contes  ont  pu  et  ont  dû  se  trans- 
mettre de  peuple  à  peuple,  avec  la  langue  et  avec  tout  un 
bagage  commun  de  croyances,  d'idées  et  de  coutumes.  Il  n'y 
a  par  suite  rien  d'étonnant  si  l'on  rencontre  la  même  fable  dans 
l'Inde,  la  Grèce,  l'Allemagne,  etc. 

Mais  les  contes  ne  sont  pas  seulemcment  manifestés  de 
cette  manière  relativement  simple  :  ils  semblent  encore,  au 
moins  à  première  vue,  avoir  passé  d'une  race  à  une  autre, 
sans  qu'on  aperçoive  aujourd'hui  quels  chemins  ils  auraient 
pu  prendre,  et  de  quels  intermédiaires  ils  auraient  pu  se 
servir.  Ainsi,  la  fable  des  Sirènes  était  commune  à  la  Grèce,  à 
l'Irlande  et  à  l'Allemagne,  ce  qui  n'est  pas  surprenant  ;  mais 
que  dire  quand  on  constate  que  la  ballade  où  Goethe  dépeint, 
si  poétiquement,  le  pouvoir  fatal  de  l'Ondine,  n'aurait  rien 
appris  aux  indigènes  de  Madagascar?  Que  dire  quand  on 
voit  l'histoire  de  Cendrillon  aussi  familière  aux  Égyptiens 
qu'aux  Hindous?  Faut-il  simplement  reconnaître  son  igno- 
rance et  l'impossibilité  actuelle  où  l'on  est  d'adapter  une 
explication  plausible  à  des  singularités  de  ce  genre?  Car  il 
semble  vraimenl  que  la  littérature  des  contes  ait  eu  sa  Tour 
de  Babel  et  sa  dispersion  miraculeuse  sur  toute  la  surface 
du  globe. 

Il  y  a  la  sans  doute  une  difficulté,  mais  elle  n'est  point 
insoluble,  et  l'on  a  déjà  mis  en  avant  plusieurs  causes  pour 


LE   CONTE  263 

le  fait  à  éclaircir,  par  exemple,  l'existence  possible  de  tra- 
ductions littéraires,  servant  de  véhicules  à  certains  contes, 
ou  bien  l'esclavage  transportant  un  peu  partout,  grâce  aux 
femmes,  les  récits  enfantins  des  différentes  races  ;  toutefois, 
de  semblables  explications,  valables  en  certains  cas,  n'ont 
point  l'ampleur  nécessaire  pour  rendre  compte  du  remarquable 
phénomène  dont  il  s'agit,  l'ubiquité  des  contes,  et  elles. lais- 
sent subsister  une  interprétation  plus  compréhensive,  fondée 
sur  l'analogie. 

Dans  le  domaine  des  mythes,  très  voisin  de  celui  des  contes, 
on  a  déjà  remarqué  chez  différents  peuples  des  coïncidences 
singulières  au  premier  abord,  mais  explicables  à  la  réflexion 
par  le  motif  que  voici  :  le  fond  d'un  mythe  est  généralement 
une  métaphore  suscitée  par  un  fait,  et  le  fait  générateur  du 
mythe  suggérera  plutôt,  chez  les  spectateurs,  la  même  image 
que  des  images  différentes. 

C'est  ainsi  que,  presque  partout,  les  nuages  et  les  ténèbres 
ont  été  considérés  comme  des  monstres  engloutissant  la 
lumière  ;  que,  par  suite  de  cette  idée,  les  éclipses  de  lune 
ou  de  soleil  ont  passé  presque  partout  pour  être  produites 
par  un  monstre  en  train  d'avaler  l'astre,  et  que,  presque  par- 
tout aussi,  on  a  cherché  à  effrayer  ce  monstre  en  lui  faisant 
un  charivari.  Ces  conceptions  sont  assez  naturelles  pour  qu'on 
n'ait  pas  besoin  de  supposer  une  entente  entre  les  peuples 
qui  les  possèdent.  L'exemple  ici  n'a  rien  d'embarrassant,  mais 
en  voici  un  autre  où  la  rencontre  est  plus  singulière. 

La  constellation  de  la  Grande  Ourse,  que  nous  appelons 
aussi  le  Chariot  ou  le  Chariot  de  David,  a  été  souvent  re- 
gardée par  les  anciens  comme  un  attelage  de  bœufs,  conduit 
par  un  personnage  stellaire  nommé  Bootès  ou  le  Bouvier  par 
les  Grecs,  tandis  que  la  constellation  elle-même  a  été  appelée 
par  les  Latins  le  Septentrion,  c'est-à-dire  les  sept  bœufs,  du 
mot  triones,  qui  désignait  les  bœufs  dans  la  langue  des 
paysans  du  Latium.  En  Egypte,  la  Grande  Ourse  est  aussi 
un  bœuf,  et,  si  l'on  demande  d'où  viennent  de  semblables 


264  LE    CONTE 

assimilations,  on  reconnaîtra  que  la  Grande  Ourse  tournant 
très  visiblement  autour  du  pôle  Nord,  c'est-à-dire  autour  de 
l'axe  du  ciel,  elle  semble  par  suite  le  faire  tourner,  d'où  son 
nom  d'Hélice  en  grec.  Or,  l'animal  que  les  anciens  em- 
ployaient d'habitude  pour  faire  tourner  l'axe  des  pressoirs  ou 
des  machines  à  eau  était  le  bœuf  ;  c'est  donc  le  bœuf  qu'on 
a  choisi  instinctivement  pour  représenter  le  moteur  supposé 
de  l'axe  céleste,  c'est-à-dire  la  Grande  Ourse. 

Un  troisième  exemple  révélera  une  nouvelle  coïncidence 
plus  difficile  peut-être  à  comprendre,  mais  encore  possible  à 
éclaircir.  En  Egypte,  en  Grèce  et  à  Sumatra,  dans  la  Malaisie, 
le  Temps  a  eu  pour  emblème  une  corde  tressée  par  un  homme 
et  mangée  par  un  animal.  Pourquoi?  C'est  que  le  Temps, 
avec  son  alternance  de  jours  et  de  nuits,  éveille  aisément 
l'idée  d'une  trame  toujours  faite  et  toujours  défaite,  comme 
la  toile  de  Pénélope.  L'auteur  du  Temps  est  un  dieu  bon, 
représenté  comme  tel  sous  la  forme  humaine  ;  le  destructeur 
du  Temps  est  un  dieu  mauvais  représenté  comme  tel  sous  la 
forme  bestiale,  et  nous  retrouvons  ainsi,  sans  trop  d'efforts, 
tous  les  éléments  du  mythe,  conçu  de  la  même  manière  en 
Egypte,  en  Grèce  et  à  Sumatra. 

11  serait  facile  de  multiplier  les  comparaisons  de  ce  genre; 
mais  les  trois  exemples  cités  montrent  assez  que  ce  qui  a  eu 
lieu  pour  les  mythes  a  pu  et  a  dû  avoir  lieu  aussi  pour  les 
contes,  qui  ne  sont  à  l'origine  que  la  mise  en  œuvre,  par  le 
narrateur  ou  l'aède,  de  mythes  déjà  combinés  par  le  sorcier 
ou  le  prêtre.  Voici,  en  conséquence,  le  critérium  à  adopter: 
lorsqu'un  sujet  de  conte  se  retrouve  chez  les  peuples  d'une 
même  race,  il  peut  dériver,  par  emprunt,  d'une  souche  com- 
mune ;  lorsqu'un  sujet  de  conte  se  retrouve  chez  (les  peuples 
de  race  différente,  il  peut  provenir,  sans  emprunt,  d'une 
conception  identique. 


LE   CONTE  265 


II.  —  Origines 

Nous  venons  de  constater  deux  traits  importants  de  la  lit- 
térature des  contes,  c'est-à-dire  son  extension  et  sa  vitalité; 
en  négligeant  ses  attributs  littéraires,  tels  que  la  simplicité, 
la  candeur,  l'enfantillage,  attributs  qui  sont  trop  connus 
pour  qu'on  les  rappelle  et  qui  tiennent  à  l'état  d'esprit  déjà 
analysé  de  son  public,  il  reste  à  déterminer  son  origine  et  à 
présenter  sa  définition. 

Si  le  conte  est  très  souvent  un  ancien  mythe,  comme  il  a 
été  dit  plus  haut,  en  quoi  est-il  un  mythe,  et  comme  quoi 
est-il  un  ancien  mythe?  La  réponse  à  ces  deux  questions  ne 
saurait  être  douteuse  aujourd'hui. 

En  premier  lieu,  la  littérature  dont  nous  parlons  doit  être 
regardée  comme  mythique  par  la  raison  fort  simple  qu'on 
ne  pourrait  expliquer  autrement  ni  sa  naissance,  ni  sa  nature. 
Rien  ne  vient  de  rien,  et  comme  c'est  dans  la  mythologie 
seule  qu'on  trouve  l'analogie  de  l'absurde  et  du  merveilleux 
qui  sont  le  propre  du  conte,  il  est  naturel  et  nécessaire  d'ex- 
pliquer le  conte  par  la  mythologie.  Voici  un  exemple  qui 
fera  comprendre  la  corrélation  signalée. 

Il  n'est  personne  qui  ne  connaisse,  de  nom  bien  entendu, 
le  chapeau  de  Fortunatus,  qui  a  la  propriété  de  rendre  in- 
visible d'après  nos  contes  européens.  Ce  chapeau  a-t-il  été 
inventé  de  but  en  blanc,  par  un  pur  caprice  d'imagination, 
qui  en  aurait  fait  une  sorte  de  création  ex  nihilo?  Il  n'y  a 
guère  apparence  :  tout  a  sa  cause  en  ce  monde,  le  caprice 
comme  le  reste  et  le  chapeau  de  Fortunatus  comme  le  caprice. 
Cette  merveilleuse  coilîure  n'a  pas  tellement  de  pouvoir 
qu'elle  rende  invisible  jusqu'à  son  origine,  qui  n'a  rien  d'ex- 
traordinaire. Il  existait  en  elïet,  dans  la  mythologie  grecque, 
un  certain  casque  de  Pluton  qui  rendait  invisible  :  Pluton 
peut  se  traduire  par  riche,  et  c'est  ainsi  l'équivalent  exact  de 


266  LE   CONTE 

Fortunatus.  Son  casque  rendait  invisible  pour  une  raison 
bien  simple;  c'est  qu'il  symbolisait  ce  voile  de  plomb  qui 
s'étend  sur  la  vue  et  la  pensée  quand  on  meurt  et  qu'on  va 
disparaître  de  ce  monde,  ou,  en  d'autres  termes,  devenir  in- 
visible pour  les  vivants.  Le  casque  de  Pluton  a  donc  sa  raison 
d'être  dans  une  métaphore  très  naturelle,  que  nous  employons 
aussi  dans  notre  langue  quand  nous  disons  un  voile  de  mort 
ou  le  voile  du  trépas.  Peut-être  se  rappellera-t-on  ici  un 
poème  de  V.  Hugo,  le  Voile,  dans  lequel  une  femme  arabe 
qui  a  levé  son  voile  est  tuée  par  ses  frères  pour  ce  motif.  Elle 
dit  en  mourant  : 

Sur  mes  regards  qui  s'éteignent 
S"étend  un  voile  de  trépas, 

et  ses  frères  lui  répondent  : 

C'en  est  un  que  du  moins  tu  ne  lèveras  pas. 

Voila,  sous  la  forme  la  plus  simple,  le  casque  de  Pluton 
des  m\  fches  et  le  chapeau  de  Fortunatus  des  contes. 

La  jolie  non  voile  allemande  de  l'Homme  qui  a  perdu  son 
ombre  trouve  de  môme  son  explication  dans  une  croyance 
ancienne.  Cette  croyance  était  qu'un  homme  mort  n'a  plus 
d'ombre,  et,  en  effet,  un  corps  couché  et  immobile  ne  pro- 
jette plus,  comme  le  l'ait  un  corps  debout  et  en  marche,  ce 
simulacre  animé  de  lui-même  que  les  hommes  primitifs 
confondaient  avec  l'âme.  D'après  les  Grecs,  tout  homme  ou 
tout  animal  qui  entrait  dans  le  temple  du  Jupiter  arcadien, 
sur  le  mont  Lycée,  perdait  son  ombre  et  mourait  dans  l'année, 
ce  qui  veut  «lire,  sans  doute,  qu'à  uni;  certaine  époque  on 
sacrifiait  la  tout  être  vivant  qui  pénétrait  dans  l'enceinte  du 
temple  :  pour  qui  commit  le  sens  de  la  croyance,  en  effet,  ce 
n'est  pus  la  perle  de  l'ombre  qui  causait  la  mort,  mais  c'est 
la  mort  qui  entraînait  la  perte  de  l'ombre.  Voilà  sur  quels 


LE   CONTE  267 

fondements,  peut-être  inconnus  de  lui,  Adalbert  de  Chamisso 
a  composé  une  des  œuvres  les  plus  agréables  de  la  littérature 
allemande. 

Nous  venons  de  remonter  jusqu'aux  temps  homériques 
pour  expliquer  une  nouvelle  du  commencement  de  ce  siècle. 
Il  faut  aller  encore  plus  loin  et  recourir  au  plus  ancien  livre 
de  l'Inde,  le  Rig-Véda,  si  l'on  veut  savoir  ce  que  signifie  le 
Petit  Chaperon  rouge. 

L'héroïne  du  conte  est  une  petite  fille  à  coiffure  rouge,  qui 
s'attarde  à  cueillir  des  fleurs  dans  les  bois  et  qui  est  mangée 
par  un  loup.  Les  hymnes  du  Rig-Véda  parlent  aussi  d'une 
jeune  fille  mangée  par  un  loup  et  personnifiant  l'Aurore.  Le 
Petit  Chaperon  rouge  est  donc  quelque  chose  comme  l'aube 
du  jour,  ou  si  l'on  veut  la  lumière  du  jour,  à  chapeau  d'au- 
rore, que  le  loup,  c'est-à-dire  la  nuit,  mange  comme  sa 
grand'mère,  la  vieille  aurore  de  la  veille. 

Ainsi  le  conte  a  été  un  mythe  à  l'origine,  mais  à  quel  signe 
reconnaît-on  qu'il  n'est  plus  un  mythe? 

Simplement  à  ceci  qu'il  n'est  plus  religieux,  c'est-à-dire  à 
ce  qu'il  s'est  détaché  de  l'ensemble  mythologique  pour  des- 
cendre dans  une  région  inférieure,  où  s'atténuent  de  plus  en 
plus  ses  anciennes  relations  avec  les  grands  phénomènes 
naturels.  C'est  dès  lors  un  mythe  déchu,  qui  se  souvient  des 
cieux  sans  doute,  mais  qui  en  est  tombé,  et  qui  a  par  là  même 
conquis  une  liberté  d'allure  favorable  et  indispensable  à  sa 
transformation  ou  à  sa  déformation,  si  l'on  veut,  dans  le  sens 
du  roman  :  il  est  le  roman  primitif  et  rudimentaire. 

Il  ne  devient  pas  le  roman  proprement  dit,  sans  doute,  car 
il  est  trop  alourdi  par  ses  origines  pour  rejeter  l'absurde  et 
le  merveilleux  qui  le  caractérisent;  mais  il  cesse  clairement 
d'être  le  mythe,  puisqu'il  oublie  dans  ses  héros  le  phénomène 
pour  l'homme,  et  qu'il  est  entraîné  ainsi  à  refondre  ses  élé- 
ments constitutifs  pour  donnera  leur  combinaison  une  appa- 
rence plus  humaine  et  plus  romanesque,  mieux  appropriée, 
en  un  mot,  à  un  désir  bien  naturel,  celui  de  tirer  d'une 


268  LE   CONTE 

situation  dramatique  toute  la  somme  d'émotions  agréables 
qu'elle  peut  donner. 

Il  suit  de  là  un  fait  nouveau  et  remarquable;  c'est  qu'il  se 
forme,  pour  les  besoins  de  ces  nouveaux  arrangements,  une 
réserve  d'incidents,  de  personnages  ou  même  d'instruments, 
séparés  désormais  de  tout  support,  et  servant  simplement  de 
lieux  communs  à  la  littérature  populaire  ou  enfantine  dont 
ils  font  partie. 

Ainsi,  les  coiffures  qui  rendent  invisible,  et  les  bottes  de 
.sept  lieues,  composent,  avec  bien  d'autres  objets,  l'outillage 
des  contes.  Quant  au  personnel,  si  l'on  peut  employer  ce  mot, 
il  comprend  principalement,  en  Europe,  d'abord  les  jeunes 
princesses  ou  endormies  comme  la  Belle  au  bois  dormant,  ou 
persécutées  comme  la  princesse  Aurore,  ou  déguisées  comme 
Peau-d'Ane,  toutes  héroïnes  qui  sont  les  images  de  la  lumière 
ou  de  l'aurore  cachées  sous  le  nuage,  sous  l'horizon  ou  dans 
la  nuit  ;  viennent  ensuite  les  princes  libérateurs,  reflets  des 
héros  atmosphériques  ou  solaires  qui  chassent  tous  les 
monstres  et  lèvent  tous  les  voiles  de  l'obscurité;  les  petits 
héros  habiles  et  industrieux  qui  se  glissent  partout  comme  le 
Petit  Poucet,  et  comme  le  vent  dont  il  semble  l'image,  s'il 
est,  ainsi  qu'on  l'a  dit,  analogue  au  Mercure  grec,  une  des 
formes  du  vont  ;  l'Ogre,  toujours  affamé  comme  l'enfer  qu'il 
personnifiait  jadis  en  Italie  sous  le  nom  presque  identique 
d'Omis;  enfin  les  fées  bonnes  ou  mauvaises  qui  président 
aux  incidents  et  aux  métamorphoses,  parce  qu'elles  repré- 
sentent à,  la  l'ois  et  les  Parques,  auteurs  de  la  destinée 
humaine,  et  les  sorcières  d'origine  plus  ancienne  encore  que 
les  Parques,  car  elles  remontenl  elles  el  leurs  baguettes  jus- 
qu'à la  période  du  fétichisme.  Tous  ces  personnages  à  noms 
européens  se  retrouvenl  ailleurs  sous  des  qualifications  di- 
verses, bien  entendu,  par  exemple  dans  le  magicien,  le 
djinn,  la  ghoule,  l'Avisé,  le  sultan  el  la  favorite  des  coules 
arabes. 

Un  épisode  emprunté  au  Roland  furieux  de  l'Ariostc,  et 


LE   CONTE  269 

comparé  à  quelques  mythes  grecs,  montrera  avec  netteté 
quelle  est  la  part  d'indépendance  conquise  par  le  conte. 

L'Arioste,  érudit  comme  l'étaient  les  poètes  de  la  Renais- 
sance, avait  puisé  beaucoup  plus  aux  sources  de  l'antiquité 
classique  qu'à  celles  du  moyen  âge,  tout  en  choisissant  ses 
emprunts  avec  un  tact  que  bien  d'autres  poètes  n'ont  pas  eu. 
Il  s'est  approprié  de  la  sorte  une  foule  d'éléments  mythiques 
qui  font  de  son  poème  un  conte  ancien  autant  qu'un  roman 
de  chevalerie. 

C'est  aux  8e,  9e  et  10e  chants  du  Roland  furieux  que  se 
trouve  l'épisode  dont  il  s'agit.  L/Arioste  y  représente  une  de 
ses  héroïnes  préférées,  Angélique,  prisonnière  dans  une  île 
du  Nord,  où  existait  la  coutume  d'offrir  tous  les  jours  une 
jeune  fille  en  pâture  à  un  monstre  marin.  Angélique  est  en- 
chaînée au  bord  de  la  mer  et  le  monstre  s'avance  pour  la 
dévorer  quand  survient  un  paladin,  Roger,  monté  sur  un 
hippogriffe  et  armé  d'un  bouclier  magique  dont  la  splendeur 
aveugle  et  stupéfie.  Grâce  à  son  bouclier  et  à  sa  monture,  le 
chevalier  délivre  la  jeune  fille.  Nous  n'avons  pas  de  peine  à 
retrouver  ici  le  mythe  grec  de  Persée  et  d'Andromède, 
introduit  dans  le  poème  comme  hors-d'œuvre  ou  comme 
simple  incident  ;  mais  que  de  changements  apportés  à  l'ancien 
fond  !  Roger  a  une  monture  ailée  et  Persée  n'en  a  pas  :  c'est 
Bellérophon,  héros  de  Corinthe  analogue  au  Persée  d'Argos, 
qui  monte  Pégase  pour  combattre  la  Chimère,  mais  Pégase 
est  un  cheval,  tandis  que  l'hippogriffe  tel  que  le  conçoit 
l'Arioste  n'a  du  cheval  que  le  fait  de  servir  de  monture,  et 
appartient  à  la  race  des  griffons  septentrionaux  à  tête  d'aigle, 
qui  représentaient  les  vents  du  Nord,  les  aquilons. 

Roger  a  un  bouclier  à  l'éclat  magique,  tandis  que  Persée 
porte  simplement  la  tête  de  la  Gorgone,  de  Méduse,  image  de 
l'éclair  qui  aveugle  et  de  la  foudre  qui  pétrifie.  La  tête  de  la 
Gorgone  ne  se  fixe  sur  un  bouclier  qu'avec  la  Pallas  athé- 
nienne, déesse  qui  a  parmi  ses  attributs  celui  de  personnifier 
aussi  la  foudre  et  l'éclair.  Enfin,  Andromède  est  exposée  à 


270  LE   CONTE 

Joppé,  c'est-à-dire  au  midi,  tandis  qu'Angélique  est  exposée 
au  nord,  à  l'imitation  d'une  autre  héroïne  des  mythes  grecs, 
l'Hésione  troyenne,  et  la  cause  de  la  condamnation  est  em- 
pruntée aussi,  non  à  la  légende  d'Andromède,  mais  à  celle 
d'Hésione,  avec  des  différences  qui  tiennent,  d'une  part  au 
caractère  un  peu  léger  donné  par  l'Arioste  à  son  poème, 
d'autre  part,  à  la  nécessité  de  relier  l'aventure  d'Angélique 
aux  aventures  environnantes,  et  notamment  aux  récits  con- 
cernant la  cour  de  Charlemagne. 

Si  nous  examinions  de  même  la  propre  légende  de  Persée, 
nous  verrions  qu'elle  avait  commencé  aussi  à  se  rappro- 
cher du  conte  chez  les  Grecs,  dès  le  temps  d'Hésiode,  et 
qu'elle  s'était  grossie  d'éléments  disparates  étrangers  à  la 
conception  primitive.  Persée  avait  par  exemple  le  casque  de 
Pluton,  qui  le  rendait  invisible,  et  les  talonnières  d'Hermès, 
qui  lui  permettaient  de  voler.  Ces  talonnières,  analogues  à 
nos  bottes  de  sept  lieues,  symbolisaient  la  course  rapide  du 
vent.  Ni  les  talonnières  ni  le  casque  n'appartenaient  à  Persée  : 
on  les  lui  avait  donnés  sans  qu'il  en  eût  besoin,  lui  qui  était 
un  des  demi-dieux  de  l'ouragan,  pour  expliquer  ou  pour 
s'expliquer  comment  un  homme  avait  pu  se  soutenir  dans 
l'air,  puis  aborder  Méduse  sans  être  aperçu  par  le  regard  du 
monstre,  qui  l'eût  pétrifié. 

On  avait  commencé  à  retoucher  le  mythe,  signe  qu'il  était 
entré  en  dégénérescence. 

Si  le  mythe  de  Persée  tourne  au  conte  et  le  conte  de 
l'Arioste  au  roman,  on  vient  de  voir  que,  dans  l'Arioste,  le 
conte  tourne  aussi  à  l'histoire,  ou  du  moins  qu'il  comporte 
une  donnée  vaguement  historique,  ayant  le  nom  de  Charle- 
magne pour  centre. 

Le  caractère  mixte  du  conte  lui  permet  en  etïet  de  confiner 
à  L'histoire,  mais  il  ne  le  fait  naturellement  que  dans  sa  me- 
sure; comme  il  ignore  profondément  les  faits  réels,  il  ne 
leur  prend  que  ce  qu'ils  lui  imposent,  c'est-à-dire  quelques 
situations  assez  éclatantes  pour  pénétrer  jusque  dans  son 


LE   CONTE  271 

domaine  et  assez  romanesques  pour  s'identifier  avec  les 
siennes,  comme  celle  de  la  chevalerie.  Quant  aux  rois  ou  aux 
empereurs  dont  il  finit  par  adopter,  non  pas  les  exploits,  mais 
les  noms,  il  faut  aussi  que  ces  personnages,  Salomon,  Alexan- 
dre, Charlemagne  ou  Barberousse,  soient  assez  illustres  pour 
se  confondre,  dans  l'imagination  populaire,  avec  les  héros 
ou  avec  les  dieux. 

Ainsi,  pour  résumer  ce  qui  précède,  le  conte,  cher  aux 
enfants  de  tous  les  âges  et  aussi  ancien  que  répandu,  est  d'or- 
dinaire un  mythe  humanisé,  ou  une  combinaison  de  mythes 
humanisés.  En  d'autres  termes,  c'est  une  donnée  roma- 
nesque extraite  d'éléments  mythiques  dont  le  sens  est  perdu 
et  dont  la  forme  est  restée. 


III.  —  Limites 

Au  fond,  et  en  définitive,  la  véritable  place  du  conte  est 
entre  le  mythe  et  le  roman.  Presque  aussi  merveilleux  que 
le  premier,  presque  aussi  humain  que  le  second,  il  tire  sa  forme 
et  son  charme  de  cet  état  intermédiaire,  entre  ciel  et  terre, 
si  l'on  peut  dire,  qui  le  relie  à  deux  de  nos  sentiments  les 
plus  puissants,  la  religion  et  la  sympathie,  et  qui  lui  permet 
de  toucher  à  la  fois  à  presque  tous  les  genres,  sans  s'attacher 
à  aucun. 

Dès  qu'il  admet  un  nouveau  degré  de  développement,  il 
perd  son  mobile  équilibre  et  se  transforme,  ce  qui  lui  arrive 
souvent,  en  vertu  de  sa  nature  un  peu  flottante.  Mais  cette 
facilité  de  transformation  va  nous  révéler  toute  la  puissance 
du  conte,  qui  a  par  là  donné  naissance  aux  œuvres  les  plus 
diverses  dans  les  littératures  de  tous  les  temps. 

Renfermé  en  lui-même,  il  s'est  montré,  tour  à  tour,  simple 
et  naïf  dans  les  différents  patois  populaires,  plus  raffiné  dans 
les  vastes  recueils  de  l'Orient,  comme  les  Mille  et  une  Nuits, 
digne  de  La  Fontaine  dans  le  livre  immortel  de  Perrault,  et 


272  LE    CONTE 

aussi  précieux  pour  les  enfants  que  pour  les  archéologues 
dans  le  recueil  des  frères  Grimm. 

Dosé  de  façons  différentes,  il  a  produit  ou  abordé  presque 
tous  les  genres  littéraires  qui  relèvent  de  l'imagination.  Avec 
l'addition  de  l'élément  poétique,  il  est  devenu  une  épopée  sur 
la  lyre  d'Homère,  Y  Odyssée,  et  il  s'est  transformé  en  fantai- 
sies exquises  dans  La  Tempête  de  Shakespeare,  par  exemple, 
YObéron  de  Wieland,  le  Lai  la  Rookh  de  Moore  et  la  Fée 
aux  Miettes  de  Nodier.  Avec  l'addition  de  l'élément  poétique 
et  de  l'élément  superstitieux,  il  est  devenu  un  cauchemar 
dramatique  ou  grandiose  sous  la  plume  d'Hoffmann  et 
d'Edgar  Poe.  Avec  l'addition  de  l'élément  historique  et 
héroïque,  il  est  devenu  le  roman  de  chevalerie,  depuis  la 
Chanson  de  Roland  jusqu'à  YAmadis  de  Gaule.  Avec  l'élé- 
ment licencieux,  il  est  devenu  Y  Ane  d'or  d'Apulée  et  toutes 
les  œuvres  plus  ou  moins  avouables  qui  s'en  inspirent.  Avec 
l'élément  moral,  il  est  devenu  la  fable  hindoue,  grecque, 
latine  et  française,  qui  a  immortalisé  Ésope  et  La  Fontaine. 
Avec  l'élément  satirique,  si  cher  à  notre  caractère  gaulois,  il 
est  devenu  le  fabliau  des  vieux  trouvères.  Avec  l'élément 
satirique  assaisonné  d'érudition,  il  est  devenu  le  Gargantua 
et  le  Pantagruel,  ces  débauches  de  savoir  et  de  génie,  où  la 
Renaissance  a  donné  la  mesure  du  dévergondage  de  ses  mœurs 
et  de  la  profondeur  de  ses  vues.  Avec  l'élément  satirique  et 
philosophique,  il  est  devenu  le  conte  du  dix-huitième  siècle, 
qui  a  mis  en  circulation  tant  d'idées  puissantes  sous  des 
dehors  frivoles.  Aujourd'hui,  enfin,  où  l'élément  scientilique 
le  pénètre,  le  conte  subit  encore  une  nouvelle  transformation, 
qui  indique  à  la  vérité  l'arrêl  définitif  de  son  développement, 
parce  que  le  point  de  vue  scientifique  s'impose  de  plus  en 
plus  et  que  la  science,  n'admettanl  pas  le  merveilleux,  ne 
peut  le  remplacer  que  par  l'extraordinaire,  ce  qui  n'est  pas  du 
tout  la  même  chose. 

I  ).uis  ees  conditions,  levéritable  conte,  enfantin  et  primitif, 
ne  sera  bientôl  plus  qu'un  objet  d'étude,  une  partie  de  l'ar- 


LE   CONTE  273 

chéologie  scrutée  avec  d'autant  plus  d'intérêt  qu'elle  reste  dès 
maintenant  le  seul  témoin  et  le  seul  dépositaire  de  choses  à 
jamais  disparues. 

En  effet,  les  différentes  rédactions  d'un  même  conte  ren- 
ferment, suivant  les  temps  ou  les  lieux,  et  nonobstant  l'im- 
mutabilité du  fond,  des  détails  très  variés,  très  curieux,  très 
intimes,  très  locaux  et  souvent  uniques,  sur  les  mœurs,  les 
caractères,  les  croyances  et  les  superstitions,  tous  détails 
dont  la  vérité  naïve  était  comme  exigée  par  l'auditoire 
spécial  du  conte.  La  chevillette  et  la  bobinette  fermant  la 
porte  de  la  mère  grand,  dans  le  Chaperon  rouge,  offrent  un 
bon  exemple  des  humbles  particularités  que  l'on  recueille 
dans  le  conte  et  que  l'on  ne  trouve  pas  dans  l'histoire.  C'est 
grâce  à  cette  richesse  de  détritus  qu'il  roule  dans  son  sein  que 
le  conte  fournit  maintenant  à  l'étude  un  sujet  fécond  et  vaste, 
dont  les  principales  lignes  seulement  sont  arrêtées,  mais  qui 
attire  de  plus  en  plus  l'attention  et  les  recherches.  L'exemple 
des  frères  Grimm  a  été  suivi  dans  toutes  les  directions  et 
surtout  dans  le  champ  indo-européen,  qui  nous  est  plus 
accessible  que  les  autres.  Sous  le  nom  spécial  de  Folk-lore, 
ou  tradition  populaire,  le  conte  en  est  arrivé  à  former  le  centre 
d'un  véritable  mouvement  archéologique,  ayant  ses  recueils 
et  ses  journaux,  par  exemple,  en  France,  la  Mélusine. 

Cette  curiosité  empressée  est  assurément  de  mauvais 
augure  pour  le  conte.  On  se  hâte,  parce  qu'il  va  disparaître; 
mais  du  moins,  avant  de  céder  ainsi  aux  envahissements  de 
la  science  partout  où  pénétrera  la  civilisation  européenne,  il 
nous  aura  laissé  le  meilleur  de  lui-même,  qu'il  contenait  en 
germe  dès  le  principe.  Ce  meilleur  de  lui-même  est  le  roman, 
qui,  dans  le  livre  ou  sur  le  théâtre,  représente  depuis  long- 
temps l'élément  humain  du  conte  purifié  de  tout  alliage, 
et  qui  est  capable  d'exprimer  dans  tous  leurs  détails  toutes 
les  possibilités  de  la  vie,  sans  plus  les  faire,  malheureu- 
sement peut-être,  autres  qu'elles  ne  sont.  Si  l'on  peut  et 
si  Ton  doit  dire  tout  le  mal  possible  du  roman  quand  il  est 

BlBL.   ÉGYPT.,  T.   XXXIV.  18 


274  LE   CONTE 

mauvais,  il  a  du  moins  le  rare  mérite,  quand  il  est  bon,  de 
relever  un  peu  notre  âme  trop  souvent  écrasée  ou  rabaissée 
sous  les  exigences  et  les  compromis  de  tous  les  jours.  N'est-ce 
pas  en  effet  le  roman  qui  sait,  mieux  que  toute  autre  œuvre, 
ramasser  et  éclairer,  en  quelques  types  saisissants  et  en  quel- 
ques situations  dramatiques,  les  traits  épars  ou  cachés  de 
vertu,  de  grandeur  et  d'héroïsme,  dont  nos  sociétés  modernes 
sont  moins  dépourvues  qu'on  ne  pourrait  le  croire? 


REMARQUES 


DIFFERENTES  QUESTIONS   HISTORIQUES 


y  1 


M.  le  docteur  Eisenlohr  consacre  aux  tombes  royales  de 
Tkèbes,  dans  l'avant-dernier  fascicule  de  la  Zeitschrift,  une 
page  du  récit  de  son  récent  voyage  en  Egypte5. 

Il  a  visité  le  puits  de  Deir-el-Bahari,  et  il  le  croit  en  com- 
munication avec  le  n°  20  de  la  Vallée  des  Rois.  Il  a  vu  les 
Arabes  mettre  en  vente  différents  objets  qui  lui  semblent 
provenir  d'une  tombe  royale,  entre  autres  le  portrait  d'un 
prince  Mentu/.opesef,  et  il  se  refuse  à  voir  dans  cette  tombe, 
qu'il  croit  nouvelle,  le  n°  19,  regardé  par  lui  comme  l'hypo- 
gée du  sixième  fils  de  Ramsès  III,  le  prince  Mentu/.opesef. 
Enfin,  il  a  cherché  au  tombeau  de  Tauser  le  cartouche  de 
Séti  II,  que  Champollion  y  a  copié,  mais,  ne  l'ayant  pas  vu, 
il  conclut  que  Champollion  a  pris  pour  le  prénom  de  Séti  II 
celui  de  l'usurpateur  du  tombeau,  Setne/t.  M.  Eisenlohr 
soulève  ainsi  des  questions  qui  ont  leur  intérêt,  et  qui  peu- 
vent être  ou  résolues,  ou  tout  au  moins  traitées  dès  main- 
tenant :  leur  examen  fait  l'objet  du  présent  mémoire. 

1.  Publié  dans  la  Zeitschrift  fur  àgyptische  Sprache  und  Alter- 
thumskunde,  1885,  t.  XXIII,  p.  121-127.  —  G.  M. 

2.  Zeitschrift,  1885,  t.  XXIII,  p.  54-55.  —  G.  M. 


276  SUR    DIFFÉRENTES   QUESTIONS   HISTORIQUES 

I 

Séti  II  était-il  contemporain  de  Tauser? 

M.  Eisenlohr  a  passé  ici  à  côté  de  la  solution  qu'il  cher- 
chait. Le  cartouche-prénom  de  Séti  II,  Râuser/eperumer- 
amen,  ne  se  trouve  pas,  ou  ne  se  trouve  plus,  au  tombeau 
de  Tauser,  mais  on  voit  encore  là  quelques  traces  du  car- 
touche-nom de  Séti  II,  Sétimerenptah. 

A  la  troisième  scène  de  la  paroi  gauche  du  premier  cor- 
ridor, le  roi  Siptah  offre  Ma-t  à  Isis,  et  dans  son  cartouche- 
nom  propre,  écrit  Ptahmerensiptah,  on  distingue  en  outre 
les  signes  (I  et  ™™  disposés  ainsi  : 

^n^\  Le  docteur  Lepsius  '  a  même  vu,  à  la  suite  du  signe 
( ,  un  second  (1  presque  confondu  avec  le  déterminatif 
du  premier  nom  de  Ptah  appartenant  au  cartouche 
de  Siptah.  Le  môme  savant  a  noté  sur  la  paroi  d'en 
face  (2e  scène),  une  lettre  U  engagée  dans  les  dernières 
lettres  du  cartouche-nom  propre  de  Siptah2.  Or,  à  la 
lin  de  la  XIXe  dynastie,  c'est  dans  le  nom  de  Set/meivqttah 
seul  que  figurent,  à  la  même  place,  les  lettres  dont  il  s'agit. 
On  ne  peut  donc  voir  là  que  Séti  II. 

Cette  constatation  et  celle  de  Champollion  se  confirment 
et  se  fortifient  mutuellement.  Si  l'un  des  cartouches  de 
Séti  II  se,  trouvait  deux  fois  au  premier  corridor  de  Tauser, 
à  côté  des  deux  seules  représentations  de  Siptah  qui  existent 
dans  le  tombeau,  il  n'y  a  rien  d'étonnant  à  ce  que  Cham- 
pollion ait  copié  l'autre  cartouche  de  Séti  II  au  second  cor- 
ridor '.  11  est  inutile  de  supposer  ici,  comme  l'a  fait  M.  Chabas 
<l;ms  ses  Recherches  sur  la  XIXe  dynastie,  une  erreur  de 

1.  Denkmâler,  III,  206. 

2.  Denkmâler,  III,  201  bis. 

3.  Champollion,  Notices,  t.  I,  p.  451. 


ISM^I 


SUR    DIFFÉRENTES    QUESTIONS    HISTORIQUES  277 

gravure  remplaçant  /.a-u  du  cartouche-prénom  de  Setne/.t 
par  /eper-u  du  cartouche-prénom  de  Séti  II.  Le  cartouche- 
prénom  de  Setne/.t  est  partout  écrit  dans  le  tombeau 
Rauser/ausetepenrameramen,  tandis  que  le  prénom  relevé 
par  Champollion  est  beaucoup  plus  court  :  Rauser/eperu- 
meramen. 

La  destruction  va  vite  aux  tombes  royales,  et  il  est  im- 
possible qu'un  corridor  presque  entièrement  dégradé  du 
temps  de  Champollion'  ne  soit  pas  en  plus  mauvais  état  au 
bout  de  55  ans.  Dans  ce  corridor,  aujourd'hui  ruiné,  figu- 
raient le  roi  adorant  Anubis,  et  les  gardiens  des  l1",  2e,  3e, 
4e  et  6e  portes  du  chapitre  145  du  Todtenbuch.  Chacune  des 
portes  était  accompagnée  d'un  texte  où  entrait  le  nom  du 
roi  :  c'est  là  sans  doute,  au  début  de  la  paroi  de  droite,  que 
Champollion  a  lu  le  cartouche  qu'il  donne. 

Si  l'on  veut  savoir  maintenant  qui  a  régné  le  premier  de 
Séti  II  ou  de  Siptah,  il  n'y  a  qu'à  examiner  sur  place  quel 
est  le  cartouche  qui  a  été  surchargé  a  la  troisième  scène  du 
premier  corridor  (paroi  gauche).  La  vérification  à  faire  et  la 
conclusion  à  tirer  sont  aussi  simples  l'une  que  l'autre. 

Le  groupe  d'hypogées  auquel  appartient  la  tombe  de 
Tauser,  c'est-à-dire  les  nos  13,  14  et  15,  est  véritablement 
très  curieux  au  point  de  vue  historique.  Le  n°  13,  qui  n'a 
pas  été  poussé  loin,  appartenait  sans  aucun  doute  au  grand 
chancelier  Bai,  un  Ramesside,  protecteur  de  Siptah.  Le 
n°  14,  usurpé  postérieurement  par  Setne/.t  et  creusé  pour 
Tauser,  porte  au  début  les  cartouches  de  Siptah  et  de  Séti  II, 
comme  on  vient  de  le  voir,  tandis  qu'à  la  fin  Tauser,  régnant 
seule,  prend  le  titre  royal  complet,  et  ajoute  à  son  premier 
cartouche  celui  que  Lepsius  a  découvert  sur  la  paroi  gauche 
de  la  première  salle  à  huit  piliers,  avant  la  voûte'.  Enfin, 
le  n°  14,  qui  appartenait  à  Séti  II,  Sétimerenptah,  présente 

1.  Champollion,  Notices,  t.  I,  p.  450. 

2.  Denk/nàler,  III,  206,  b. 


278  SUR    DIFFÉRENTES    QUESTIONS    HISTORIQUES 

au  début  des  traces  incontestables  de  surcharge  dans  les 
cartouches  du  Pharaon,  qui  sont  superposés  à  d'autres  car- 
touches où  se  lisait  aussi  le  nom  de  Ptah. 


II 

Le  quartier  des  Memnonia  était-il  en  communication 
souterraine  avec  la  Vallée  des  Rois  ? 

L'hypothèse  de  M.  Eisenlohr  relative  à  une  jonction  entre 
le  puits  de  Deir-el-Bahari  et  le  n°  20  de  Bab-el-Molouk  est 
très  vraisemblable.  Le  prolongement  en  souterrain  du  tom- 
beau de  Séti  Ier  et  le  long  développement  en  demi-cercle 
des  corridors  du  n°  20  ne  s'expliquent  guère  que  si  l'on 
suppose  aux  anciens  Égyptiens  l'intention,  plus  ou  moins 
bien  réalisée,  de  mettre  le  quartier  des  Memnonia  en  rapport 
direct  avec  la  Vallée  des  Rois. 

On  sait  de  bonne  source  que  plusieurs  tombes  royales 
avaient  des  souterrains,  entre  autres  les  quatre  pyramides 
qui  communiquaient  ainsi,  d'après  Hérodote1,  avec  les  quatre 
angles  du  Labyrinthe,  monument  dans  lequel  se  trouvaient 
sans  doute  les  temples  funéraires  des  rois  de  la  XIIe  dynastie. 

Le  témoignage  du  Papyrus  Abbott,  au  sujet  de  la  tombe 
d'Aménophis  Ier  est  aussi  précis  que  celui  d'Hérodote  au 
sujet  des  pyramides  du  Fayoum  : 

«  L'horizon  éternel  du  roi  Sorka,  fils  du  Soleil,  Amen- 
»  hotep,  qui  a  120  coudées  de  profondeur  à  sa  chambre 
»  principale  ;  le  long  corridor  qui  en  dépend  est  au  nord 
o  de  l'Aménophium  du  vignoble"  »  : 


1.  Hérodote,  II,  148. 

2.  Traduction   de  M.  Cliabas,   Troisièmes    Mélanges,  t.   II,  p.  60; 
cf.  Maspero,  Une  Enquête  judiciaire,  p.  13. 


SUR   DIFFÉRENTES   QUESTIONS   HISTORIQUES  279 

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Le  fait  que  le  couloir  du  tombeau  d'Aménophis  débou- 
chait vers  un  Aménophium  conduit  à  penser  que  cet  Amé- 
nophium  n'était  autre  chose  que  le  temple  funéraire  du 
tombeau,  tous  les  grands  édifices  de  la  rive  gauche,  à  Thèbes, 
étant  des  temples  funéraires.  L'hypogée  d'Aménophis  Ier, 
creusé  dans  la  montagne  puisque  sa  grande  salle  avait 
120  coudées  de  profondeur,  n'était  donc  pas  trop  éloigné  du 
quartier  des  temples,  et  il  n'y  aurait  pas  grande  hardiesse 
à  induire  de  là  qu'il  pourrait  bien  ne  pas  différer  du  n°  20  : 
il  avait  servi  pour  un  temps  de  cachette  aux  principales 
momies  royales  de  Deir-el-Bahari,  ce  qui  conviendrait  bien 
à  un  endroit  situé  entre  la  Vallée  des  Rois  et  le  puits  de 
Deir-el-Bahari,  comme  le  n°  20. 

L'excavation  numérotée  ainsi  est  creusée  en  effet  d'après 
le  plan  des  tombes  royales,  qui  se  divisent,  lorsqu'elles  sont 
un  peu  développées,  en  deux  parties  bien  distinctes,  formant 
comme  un  tombeau  faux  et  un  tombeau  vrai.  La  première 
partie  se  compose  de  corridors  qui  aboutissent  à  une 
chambre  originairement  à  puits  (Aménophis  III  et  Séti  Ier), 
et  assez  souvent  accompagnée  d'une  ou  de  plusieurs  salles 
à  colonnes  ;  la  deuxième  partie  s'ajuste  à  la  première  avec 
une  déviation  de  l'axe  du  tombeau  dans  les  anciennes  tombes 
(Aménophis  III  et  Séti  Ier),  et  se  compose  aussi  de  couloirs 
aboutissant  à  une  ou  à  plusieurs  salles. 

Dans  ce  qu'il  a  de  connu,  le  n°  20  reproduit  cette  dispo- 
sition. Il  comprend  deux  couloirs  de  début,  une  salle  à  puits, 

1.  Papyrus  Abbott,  p.  2,  1.  2,  3  et  4. 


280  SUR    DIFFÉRENTES    QUESTIONS    HISTORIQUES 

et  un  nouveau  couloir  s'embranchant  à  droite  d'après  le  plan 
de  Lepsius1  :  la  suite  reste  enfouie. 

On  remarquera  que  l'excavation  présente,  comme  les 
autres  tombes,  dans  les  murs  de  son  premier  corridor,  des 
trous  carrés  faits  évidemment  pour  aider  au  transport  du 
sarcophage;  si  elle  n'a  pas  d'inscriptions,  la  tombe  d'Amé- 
nophis  III,  jadis  décorée  sur  stuc,  n'en  a  pas  non  plus,  au- 
jourd'hui, dans  sa  partie  correspondante. 

Enfin,  les  différences  qu'on  peut  remarquer  entre  le  n°20 
et  les  autres  tombes,  plus  développées  en  largeur  qu'en 
longueur,  s'expliqueraient  bien  par  le  fait  que  la  tombe 
d'Aménophis  Ier  est  sinon  la  première,  au  moins  l'une  des 
premières  qui  aient  été  creusées  dans  la  montagne  par  les 
Pharaons  :  de  là  des  tâtonnements,  avant  d'arriver  à  la  con- 
ception complète  d'un  plan,  qui  fut  d'ailleurs  aussitôt  mo- 
difié qu'obtenu. 

La  preuve  qu'avant  Aménophis  Ier  les  rois  n'étaient  pas 
ensevelis  dans  des  grottes  se  poursuit  jusqu'à  la  XIIe  dy- 
nastie, avec  la  longue  chaîne  de  pyramides  qui  va  de  Mem- 
phis  au  Fayoum,  tandis  que,  de  la  XIIIe  à  la  XVIIe  dynastie, 
toutes  les  tombes  royales  mentionnées  au  Papyrus  Abbott 

sont  aussi  dites  pyramidales,  Y  ^S^  /\  czrzi".   L'hypogée 

d'Aménophis  Ier,  bien  que  compris  dans  le  total  cle  ces 
tombes,  y  reçoit  soûl  le  nom  de  Montagne  de  l'horizon  éter- 
nel, l'une  des  désignations  cle  Bab-el-Molouk  d'après  les 
graffiti  de  la  vallée.  Le  changement  dans  le  mode  de  sépul- 
ture remonterait  donc  au  règne  de  ce  Pharaon  ou  tout  au 
plus  au  règne  de  son  père,  le  fondateur  de  la  XVIIIe  dy- 
nastie, car  les  Taaet  Kamès,  qui  terminèrent  la  XVIIe  dy- 
nastie, avaient  des  pyramides,  construites  sans  aucun  doute 


1.  Denkmàler,  I,  96. 

2.  Papyrus  Abbott,  p.  2,  1.  1. 


SUR   DIFFÉRENTES   QUESTIONS    HISTORIQUES  281 

clans  le  quartier  des  Memnonia  au  milieu  des  tombeaux  des 
particuliers,  comme  celles  de  la  XIIIe  dynastie'. 

Quand  Aménophis  Ier,  par  une  conception  hardie,  prit  la 
montagne  elle-même  pour  pyramide,  il  ne  voulut  sans  doute 
pas  séparer  son  hypogée  de  son  temple,  la  tombe  égyptienne 
se  composant  essentiellement  d'un  puits  et  d'une  chapelle, 
de  sorte  qu'il  unit  par  un  long  souterrain  le  temple  à  l'hypo- 
gée, ce  qui  pourrait  être  aussi  le  cas  pour  l'édifice  funéraire 
d'Hatsepsu,  reine  dont  la  tombe  ne  serait  alors  que  le  pro- 
longement du  temple  de  Deir-el-Bahari. 

L'extension  en  longueur  qu'Aménophis  Ier  dut  donner  à 
son  tombeau  concorde  bien  avec  l'idée  qu'on  se  faisait  de 
l'hypogée  royal,  conçu  comme  un  passage.  Le  Papgrus 
Mayer  A  du  Musée  de  Liverpool,  étudié  par  M.  Goodwin2, 

donne  le  nom  général  de     ,_  i ,  the  corridor-houseSj 

I       .A    i 

aux  tombes  de  Ramsès  II  et  de  Séti  Ier,  tout  en  désignant 

la  dernière  d'après  son  nom  particulier  de  tombe  Quarante, 

d'après  M.  Goodwin,  à  peu  près  comme  on  l'appelle  au- 

L_ i  — <j>— 

jourd'hui  le  n°  17.  M.  Goodwin  rapproche  le  du 

cq  — (D—  .       .       ^\ 

,  couloir  sacré,  et,  en  effet,  un  des  grafliti  hiératiques 

du  tombeau  de  Ramsès  IX  donne,  pour  désigner  l'extraction 
hors  de  la  tombe,  l'expression  de  mise  hors  du  sacré  cou- 

loir,          v     @         y\^\        v    uru. 

En  somme,  que  le  n°  20  soit  ou  non  l'hypogée  d' Améno- 
phis Ier,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  cet  hypogée  très  pro- 
fond, et  prolongé  en  souterrain  vers  les  temples  de  la  rive 
gauche  du  Nil,  ressemblait  fort  au  n°  20,  ce  qui  appuie 
l'opinion  de  M.  Eisenlohr  qu'une  communication  cachée 
existait  entre  la  montagne  et  la  plaine. 


1.  Pap;/rus  Abbott,  p.  3. 

2.  Zeitschrift,  1873,  p.  39,  et  1874,  p.  (31-65. 


282  SUR    DIFFÉRENTES    QUESTIONS   HISTORIQUES 


III 

Le  prince  Ramsès  Mentalier/epesef  était-il  Jîls 
de  Ramsès  III  ? 

M.  Eisenlohr  pense  que  les  Arabes  exploitent  en  ce  mo- 
ment une  nouvelle  tombe  royale  appartenant  à  l'un  des 
Ramessides.  Il  n'y  a  la  rien  d'impossible.  On  ne  connaît  pas 
tous  les  hypogées  royaux  de  la  XX-  dynastie,  et,  de  plus, 
quelques  excavations  de  Bab-el-Molouk  restent  inexplorées, 
entre  autres  les  nos  5,  12  et  21  :  à  la  place  de  cette  dernière, 
dont  la  porte  même  est  ensablée  aujourd'hui,  Belzoni  indique 
sur  son  plan  et  dans  son  livre  une  excavation  étendue  et 
décorée 1 . 

On  remarquera  toutefois,  au  sujet  de  la  figure  qui  porte 
le  nom  de  Mentu/.opesef,  qu'il  y  a  plusieurs  raisons  pour 
qu'elle  ne  vienne  pas  d'une  nouvelle  tombe  de  Bab-el-Mo- 
louk. En  premier  lieu,  ce  personnage  n'a  pas  le  cartouche, 
et  c'est  par  une  exception  rare,  ainsi  que  pour  des  motifs 
particuliers,  qu'un  prince  pouvait  être  enseveli  au  milieu  des 
rois.  Ensuite,  la  ligure  dont  parle  M.  Eisenlohr  (elle  serait 
,i  examiner)  peut  tort  bien  provenir  du  tombeau  n°  19,  où 
plusieurs  portraits  du  possesseur,  Ramsès  Mentuherxepesef, 
sont  masqués  par  un  énorme  tas  de  décombres  qui  a  été  dé- 
placé, sans  doute  par  Lepsius,  depuis  la  visite  de  Cham- 
pollion. 

Une  dernière  observation  à  ce  propos,  mais  assez  impor- 
tante, est  que  le  prince  du  n°  19  ne  peut  être  identifié, 
comme  on  le  croit  pourtant  et  comme  le  dit  M.  Eisenlohr, 
avec  un  de  ces  fils  de  Ramsès  III  qui  sont  représentés  à 
Médinel  Abou,  tenant  le  flabellum  à  plume  d'autruche  qui 

1.  Narratioe  o)  the  Opérations  andrecent  Discoveries  in  Egypt  <m<l 
Nubia,  pi.  39. 


SUR   DIFFÉRENTES    QUESTIONS    HISTORIQUES  283 

a  fait  prendre  par  Hécatée,  au  Ramesséum,  les  fils  royaux 
pour  des  juges'. 

Ici,  deux  objections  se  présentent. 

Et  d'abord,  un  simple  coup  d'œil  jeté  sur  le  portrait  du 
prince  figuré  au  n°  19,  et  sur  le  portrait  de  Ramsès  III  d'après 
son  tombeau2,  montrera  que  ces  deux  œuvres  d'art  appar- 
tiennent à  des  époques  bien  différentes.  Si  au  contraire  on 
compare  le  profil  tout  sémitique  du  prince  avec  celui  de 
Ramsès  IX',  on  sera  frappé  de  la  ressemblance;  mais  les 
analogies  ne  se  bornent  pas  là  quand  on  examine  les  tom- 
beaux de  ces  deux  derniers  personnages,  les  nos  6  et  19. 

Leur  entrée  a  été  conçue  clans  de  vastes  proportions,  le 
stuc  qui  revêt  leurs  murs  est  d'une  blancheur  et  d'une  finesse 
remarquables,  les  dieux  thébains  Ammon  et  Khons  y 
figurent,  on  y  remarque  une  même  tendance,  dans  les  textes 
ordinaires,  à  un  remaniement  du  système  graphique,  ten- 
dance visible  seulement,  aux  tombes  antérieures,  dans  cer- 
taines compositions  d'origine  ou  d'allure  archaïques,  qui 
donnent  les  curieuses  variantes  i — n  pour  Osiris,  pour 


Isis,  ©^  pour  H  ,   ^^   pour  0  n   ^ 

_32r  mi1         1<=r>  i  i  i  r  Q 

pour  Atum,  etc.  Puis,  ce  qui  est  encore  plus  caractéris- 
tique, l'entrée  de  deux  couloirs  est  flanquée,  dans  ces  deux 
tombes  seulement,  de  portes  non  décorées  peintes  sur  les 
parois,  et  il  se  trouve  sur  ces  portes  des  inscriptions  en 
hiératique,  ou  analogues,  c'est-à-dire  le  chapitre  123  du 
Livre  des  Morts  (n°  19)  et  le  début  du  chapitre  130  (n°  6), 
ou  identiques,  c'est-à-dire  le  texte  des  quatre  Qàsi-u, 

mis==*(J  i   gai. 


1.  Diodore  de  Sicile,  I,  48. 

2.  Denlanàler,  III,  215  et  216  ;  cf.  Prisse  d'Avennes,  L'Art  égyptien, 
planches. 

3.  Rosellini,  /  Monumenti  dcll'  Egitto  e  delta  Nubia,  t.  I,  pi.  8, 
n°31. 


284  SUR    DIFFÉRENTES   QUESTIONS    HISTORIQUES 

Rien  de  cela  ne  se  voit  au  tombeau  de  Ramsès  III  ;  or,  la 
décoration  et  le  plan  des  tombes  royales  s'étant  modifiés  de 
règne  en  règne,  une  certaine  concordance  d'ensemble  et 
surtout  de  détails  ne  peut  appartenir  là  qu'à  des  monuments 
contemporains  l'un  de  l'autre.  C'est  évidemment  pour  ce 
motif  que  le  docteur  Lepsius  rattachait  avec  toute  raison  à 
l'époque  de  Ramsès  III  cette  reine  Titi  que  plusieurs  savants 
se  sont  obstinés  à  confondre  avec  la  reine  Taia  de  la 
XVIIIe  dynastie.  Champollion  avait  bien  remarqué  aussi, 
dans  la  Vallée  des  Reines,  l'analogie  de  style  qu'ont  entre 
elles  et  avec  Médinet-Abou  les  tombes  de  certaines  prin- 
cesses ' . 

Ramsès  IX  serait  un  des  lils  de  Ramsès  III,  comme  le 
croit  M.  Ermaiv,  que  l'hypogée  du  premier  n'en  manifes- 
terait pas  moins  une  autre  époque  de  l'art  que  l'hypogée  du 
second.  Or,  si  Ramsès  Mentuher/epesef  était  encore  un 
fils  du  fondateur  de  la  XXe  dynastie,  mort  du  vivant  de 
son  père,  son  tombeau  ressemblerait  certainement  à  celui 
de  Ramsès  III  et  non  à  celui  de  Ramsès  IX. 

Arguer  maintenant  que  le  prince  aurait  pu  mourir  au 
temps  de  Ramsès  IX,  tout  en  étant  le  lils  do  Ramsès  III, 
serait  se  heurter  directement  à  la  seconde  objection,  plus 
forte  encore  que  la  première  :  c'est  qu'il  est  impossible  que 
le  prince  soit  lils  de  Ramsès  III. 

Le  Mentuxppesef  de  Médinet-Abou  était  au  moins  le 
sixième  lils  du  Pharaon',  tandis  que  le  prince  Mentu- 
herxepesef  du  n°  19  était  le  lils  aîné  et  l'héritier  présomptif 
d'un  r<»i,  ce  <pii  explique  pourquoi  il  a  pu  se  préparer  une 
sépulture  dans  la  Vallée  des  Rois,  en  prévision  de  son  pro- 
pre règne.  Les  inscriptions  de  son  hypogée,  qui  le  nomment 

I  "'II1'!"       /*v      <^, 

Ion  jours  Jj  iïj    l     /vw  /*  '"  h*^^,  le  disent  : 

1.  Notices,  t.  I,  p.  395  et  396. 

2.  Die  Sohne  Ramsès  III,  dans  la  Zeitschrift,  1883,  p.  60-61. 

3.  Erman,  Die  Sohne  Ramsès  III,  ibid.,  p.  00-01. 


SUR   DIFFÉRENTES   QUESTIONS   HISTORIQUES  285 


D 


M 


®==f_£r|j^       \n        qK 


AA/WV\ 


— — U     1      _-/_i         A/VWV\    A 

Dira-t-on  que  1"^^  est  un  titre  qui  ne  désigne  pas  néces- 
sairement le  fils  d'un  roi,  comme  l'a  montré  M.  Wiede- 
mann 2  ?  Mais  ce  n'est  pas  le  cas  ici,  puisque  la  filiation  est 
nettement  indiquée  par  les  mots  *"ww  y  |  *R  *^    et  *wwvs  a,  1 1 . 

Dira-t-on  aussi  que  I  <%\      ne  signifie  pas  nécessairement 

le  fils  aîné  d'un  roi,  en  s'autorisant  de  ce  fait  que,  dans  la  tombe 
d'une  reine  anonyme,  les  textes  appellent  premier  fils  du 

roi,  1         ,  le  prince  AK        fî  ,  qui  était  le  cinquième 

fils  de  Ramsès  III  d'après  la  liste  de  Médinet-Abou  ?  Mais 
ici  l'explication  se  présente  d'elle-même.  C'est  qu'il  s'agit, 
non  d'un  aîné  de  tous  les  fils  royaux,  car  le  prince  n'est  ni 
semés,  ni  erpâ,  mais  seulement  du  premier  fils  que  le  roi  a 
eu  de  la  reine  dans  le  tombeau  de  laquelle  ce  fils  et  ce  roi 
figurent.  Au  contraire,  le  n°  19,  où  il  n'est  pas  question  de 
reine,  concerne  bien  l'aîné  de  la  famille,  i¥\  — *— ,  l'héritier 
de  la  couronne,     □    ,  et  par  conséquent  le  véritable  premier 

nè>  iN^*n'  ^e  tous  ^es  en*ants  du  rcn  sans  distinction  de 
mères. 

L'identification  adoptée  jusqu'à  présent  pour  Ramsès 
Mentuher/.epesef  ne  saurait  donc  être  maintenue. 

1.  Cf.  Champollion,  Notices,  t.  I,  p.  464,  809  et  813,  et  Lepsius, 
Denkmàler,  III,  217,  a-d. 

2.  Zeitschrift,  1885,  p.  79  et  80. 

3.  Champollion,  Notices,  t.  I,  p.  395-6;  et  Lepsius,  Denkmàler,  III, 
217,  /et  g. 


286  SUR    DIFFÉRENTES   QUESTIONS^HISTORIQUES 

Ainsi,  sur  la  parenté  du  prince  jadis  enseveli  au  n°  19 
comme  sur  l'absence  du  cartouche  de  Séti  II  dans  l'hypogée 
de  Tauser,  il  est  impossible  de  partager  l'opinion  de  M.  Ei- 
senlohr;  mais,  relativement  à  l'existence  d'une  ancienne 
communication  entre  Bab-el-Molouk  et  les  Memnonia,  les 
conjectures  du  savant  égyptologue  sont  par  contre  fort 
acceptables. 

Paris,  le  30  octobre  1885. 


LES  FOUILLES  DE  M.  NAVILLE  A  PITHOM 


L'EXODE,  LE  CANAL  DE  LA  MER  ROUGE 


M.  Naville  devait  exposer  le  résultat  de  ses  fouilles  en 
Egypte  dans  la  Revue  de  ï Histoire  des  Religions,  mais 
d'importants  travaux  l'ont  empêché  de  donner  suite  à  ce 
projet,  et  maintenant  l'ouvrage  où  il  présente  le  tableau 
détaillé  de  ses  découvertes  en  1883  vient  de  paraître  ;  il 
devient  donc  possible,  comme  l'a  pensé  M.  le  Directeur  de 
la  Revue,  de  suppléer  au  compte  rendu  de  M.  Naville  par 
l'analyse  de  son  livre,  The  Store-City  of  Pithom  and  the 
Route  qfthe  Exodus. 

I 

La  Société  anglaise  The  Egypt  Exploration  Fund  a 
entrepris  la  grande  tâche  d'explorer  l'orient  du  Delta,  avec 
le  désir  de  résoudre  le  problème  de  l'Exode  ;  elle  a  chargé 
des  fouilles  à  faire  le  savant  égyptologue  genevois,  et  il  est 
inutile  d'ajouter  qu'elle  ne  pouvait  choisir  mieux. 

M.  Naville  n'a  pas  seulement  le  goût  des  recherches,  il  a 
l'instinct  des  découvertes  ;  à  ce  point  de  vue,  c'est  assuré- 
ment Tégyptologue  qui  aura  rendu  de  son  propre  chef,  et 

1.  Publié  dans  la  Revue  de  l'Histoire  des  Religions,  1885,  p.  302- 
326.  Tirage  à  part  de  cinquante  exemplaires.  —  G.  M. 


288  LES   FOUILLES    DE   M.    NA VILLE   A   PITHOM 

sans  secours  étrangers,  le  plus  de  services  à  la  science  des 
religions.  On  lui  doit,  aussi  les  Textes  du  temple  d'Edjbu, 
relatifs  au  Mythe  d'Horus,  composition  rassemblant  une 
foule  de  légendes  locales  dans  le  cadre  à  demi  épique  d'un 
voyage  divin;  la  Litanie  du  Soleil,  où  s'affirme  de  la  façon 
la  plus  nette  le  panthéisme  officiel  du  Nouvel  Empire  ; 
enfin  le  Conte  déjà  célèbre  de  la  destruction  des  hommes 
par  les  dieux,  extrait,  comme  la  Litanie  solaire,  des  hypo- 
gées royaux,  et  montrant,  par  un  exemple  qui  s'ajoute  à 
bien  d'autres,  avec  quelle  persistance  s'imposait  aux  pre- 
miers peuples  civilisés  l'idée  d'un  grand  cataclysme  ancien, 
placé  sur  les  limites  de  l'histoire  et  de  la  préhistoire. 

En  dehors  de  ces  publications  d'initiative  privée,  M.  Na- 
ville  a  entrepris  en  1875,  conformément  au  désir  exprimé 
par  le  Congrès  des  orientalistes,  une  édition  du  Livre  des 
Morts,  destinée  à  réunir  les  différentes  versions  ou  va- 
riantes que  présente  le  grand  recueil  funéraire  de  l'Egypte 
à  l'époque  thébaine.  Cette  œuvre  immense,  qui  a  nécessité 
de  longues  recherches  dans  les  principaux  musées,  va  bien- 
tôt paraître  et  apporter,  par  conséquent,  une  foule  de  révé- 
lations sur  l'écriture,  la  langue,  les  idées  et  les  croyances 
du  peuple  égyptien. 

Préparé  de  la  sorte  à  l'examen  et  à  la  comparaison  des 
documents  et  des  monuments,  M.  Naville  pouvait  accepter 
avec  une  entière  compétence  la  difficile  mission  qui  lui  était 
proposée. 

II 

Les  nouvelles  fouilles  dans  le  Delta  eurent  lieu  pendant 
l'hiver  de  1883,  à  partir  du  mois  de  février,  vers  le  point 
central  de  l'isthme  ut  du  canal  de  Suez,  c'est-à-dire  à  quelque 
distance  d'Ismaïliah.  De  Tell-el-Kébir  à  cette  dernière  ville 
s'étend  l'Ouadi-Toumilat,  vallée  que  suivent  côte  à  côte  non 
seulement  le  chemin  de  1er  et  le  canal  d'eau  douce  allant 


l'exode,  le  canal  de  la  mer  rouge  289 

de  Zagazig  vers  Ismaïliah  et  Suez,  mais  encore  les  deux 
anciens  canaux,  toujours  reconnaissables,  qu'on  appelle  le 
canal  de  l'Ouadi  et  le  canal  des  Pharaons;  c'est  dans  l'Ouadi- 
Toumilat,  entre  les  anciens  canaux  et  le  nouveau,  que  s'élève, 
à  plusieurs  kilomètres  d'Ismaïliah,  la  butte  de  décombres 
qui  était  comme  désignée  d'avance  aux  premières  fouilles. 
En  effet,  le  monolithe  d'où  elle  tire  son  nom  actuel  de  Tell- 
el-Maskhoutah,  la  colline  de  la  Statue,  représente  Ramsès  II 
entre  deux  divinités,  Toum  et  Ra,  et  le  Dr  Lepsius  avait  vu 
là  l'indice  d'un  temple  dédié  au  Pharaon,  de  sorte  que  la 
ville  ruinée  n'aurait  été  autre  que  la  ville  de  Ramsès  bâtie 
avec  Pithom  par  les  Hébreux,  d'après  Y  Exode.  Corroborée 
en  apparence  par  la  découverte   faite  en  1876,   au  même 
endroit,  de  quelques  monuments   au  nom  de  Ramsès  II, 
l'opinion  du  Dr  Lepsius  avait  été  adoptée  par  la  majorité, 
mais  non  par  la  totalité  des  savants;  M.  Brugsch,  auteur 
ou  plutôt  rénovateur  d'une  théorie  de  l'Exode,  plaçait  au 
contraire  Ramsès  à  Tanis,  et  M.  Chabas  l'identifiait  avec 
Péluse. 

Il  y  avait  donc  là  une  vérification  d'autant  plus  intéres- 
sante à  tenter  qu'on  était  sur  le  terrain  de  l'Exode,  et  que 
le  site  paraissait  assez  riche  en  ruines  pour  suggérer  quel- 
ques conclusions  instructives. 

Outre  le  monolithe  de  Ramsès  II,  les  membres  de  la 
Commission  d'Egypte  avaient  déjà  signalé  à  Tell-el-Mas- 
khoutah,  alors  Tell-Abou-Keyched,  plusieurs  blocs  de  grès 
et  de  granit  couverts  d'hiéroglyphes.  Plus  tard,  en  creu- 
sant le  canal  d'eau  douce,  on  avait  déterré  là  des  momies 
contenues  dans  des  jarres  et  un  grand  nombre  de  sarco- 
phages en  calcaire,  dont  quelques-uns  étaient  sculptés  en 
forme  de  momies.  De  plus,  en  1876,  pendant  les  derniers 
travaux  nécessités  par  le  percement  de  l'isthme,  on  avait 
mis  à  jour,  près  du  monolithe,  les  monuments  dont  il  a  été 
parlé  plus  haut,  c'est-à-dire  un  monolithe  semblable  au 
premier,   deux  sphinx  en  granit  noir  aux   cartouches  de 

BlBL.    ÉGYPT.,   T.   XXXIV.  19 


290  LES    FOUILLES    DE    M.   NAVILLE    A    PITHOM 

Ramsès  II,  un  naos  en  grès  rouge  du  même  règne,  conte- 
nant une  sorte  de  sphinx  à  tête  humaine,  une  stèle  de 
Ramsès  II  en  granit  rouge,  couverte  d'un  texte  malheureu- 
sement banal,  et  pareille  à  une  autre  stèle  trouvée  près  de 
là  depuis  longtemps,  enfin,  deux  fragments  de  statuettes  en 
granit  noir,  l'une  d'un  personnage  dont  il  ne  reste  que  le 
surnom,  qui  la  date,  Raneferab-nebpehti  (Raneferab  est  le 
prénom  de  Psammétik  II),  l'autre  d'un  prêtre  de  l'endroit, 
VAnhaou  qui  habite  l'horizon  de  Toum  de  Thoukou,  le 
nourricier  de  Harsamtaoui  (le  jeune  dieu  du  temple). 

M.  Naville  reprit  les  fouilles  du  côté  où  avaient  eu  lieu 
celles  de  1876,  à  l'angle  sud-ouest  d'une  vaste  enceinte 
rectangulaire  encore  visible  par  places,  faite  de  briques 
crues,  et  contenant  le  Tell  ou  butte  des  décombres  que  si- 
gnale le  nom  de  l'endroit.  Il  constata  que  les  monolithes  et 
les  sphinx  déjà  connus  marquaient  l'avenue  d'un  temple  à 
l'entrée  de  l'enceinte,  que  le  naos  trouvé  plus  loin  corres- 
pondait au  sanctuaire  du  temple,  et  que  l'édifice  tout  entier 
n'occupait  qu'une  faible  partie  du  rectangle.  Cet  édifice, 
d'ailleurs,  n'avait  pas  été  achevé,  à  en  juger  par  les  pierres 
à  demi  taillées,  l'une  par  exemple  en  stèle,  l'autre  en  statue, 
qui  jonchaient  encore  le  voisinage  du  sanctuaire.  Il  formait, 
comme  la  grande  enceinte  qui  l'enveloppe,  un  rectangle 
entouré  de  murs  extérieurs  en  briques.  Ses  murs  intérieurs 
étaient  laits  d'un  calcaire  friable  dont  il  ne  reste  plus  que 
de  menus  débris,  où  apparaissent  çà  et  là  des  traces  d'hié- 
roglyphes ;  ses  parties  conservées,  comme  le  naos,  les  sphinx, 
etc.,  et  quelques  blocs  transformés  plus  tard  en  meules  ou 
en  mortiers,  ont  généralement  pour  matière  soit  le  granit 
rouge  ou  noir,  soit  une  sorte  de  grès  rouge. 

Le  temple  une  fois  reconnu  et  délimité,  M.  Naville  diri- 
gea les  recherches  vers  l'angle  nord-est  du  grand  carré,  et 
rencontra  ainsi  un  groupe  étendu  de  singulières  construc- 
tions, entièrement  recouvertes  par  le  sable.  Ce  sont  de 
Qombreuses  chambres  rectangulaires,  sans  communication 


l'exode,  le  canal  de  la  mer  rouge  291 

les  unes  avec  les  autres,  destinées  à  n'être  accessibles  que 
par  le  haut,  et  formées  de  murs  épais  solidement  construits 
en  briques  crues,  qu'un  peu  de  mortier  relie  entre  elles. 
M.  Naville,  ayant  désensablé  deux  de  ces  chambres,  observa 
qu'un  peu  au-dessus  du  fond  chaque  mur  était  percé  de  trous 
correspondants  où  l'on  avait  enfoncé  des  poutres,  que  chaque 
chambre  avait  une  niche  à  égale  hauteur,  et  que  les  murs 
avaient  été  enduits  de  plâtre  blanc  à  leur  partie  supérieure. 
A  la  basse  époque,  pour  niveler  le  sol  et  asseoir  un  camp, 
les  Romains  remplirent  toutes  les  chambres  avec  .des  briques, 
du  sable,  de  la  terre,  des  débris  de  calcaire,  etc.  M.  Naville 
y  trouva  la  tète  et  le  buste  d'une  belle  statue  en  granit  noir, 
représentant  un  roi  assis ,  probablement  un  Bubastite 
(XXIIe  dynastie),  et  un  fragment  de  pilier  en  calcaire  du 
règne  de  Nectanébo  Ier  (XXXe  dynastie),  orné  de  scènes 
d'offrande  au  dieu  Toum,  et  entièrement  doré  sur  une  de  ses 
faces.  Cet  assemblage  de  chambres  était  évidemment  un 
groupe  de  magasins  ou  de  greniers,  renfermés  avec  le 
temple  dans  la  grande  enceinte  comme  dans  une  forteresse. 

Les  magasins  ont  été  envahis  autrefois,  du  côté  de  l'est, 
par  les  maisons  de  la  ville  romaine  qui  s'étendait  autour  de 
la  grande  enceinte.  M.  Naville,  qui  a  poussé  ses  fouilles 
jusqu'au  nouveau  canal  d'eau  douce  dans  l'espoir  de  ren- 
contrer la  nécropole,  n'a  trouvé  là  que  de  petites  briques 
crues,  des  monnaies  de  cuivre,  des  fragments  de  pierre  dure 
convertis  en  mortiers,  des  poteries  brisées  ou  intactes, 
coupes,  cruches  ou  grandes  amphores,  enfin  une  sorte  d'édi- 
fice d'un  genre  à  part,  consistant  en  deux  masses  de  briques 
qui  imitent  à  peu  près  un  pignon  et  qui  recouvrent  un  puits 
où  des  os  d'homme,  des  os  de  chien  et  des  arêtes  de  pois- 
son étaient  mêlés  à  quelques  amulettes  de  petite  dimension. 

En  négligeant  divers  objets  de  médiocre  importance, 
parmi  lesquels  se  trouve  toutefois  une  base  de  statue  aux 
deux  cartouches  d'Arsinoé  Philadelphe,  et  des  fragments 
de  corniches  en  calcaire  où  le  nom  d'Osorkon  II  a  été  peint 


292  LES    FOUILLES    DE    M.   NAVILLE    A    PITHOM 

en  rouge,  les  principaux  monuments  découverts  en  1883 
dans  l'emplacement  ou  le  voisinage  du  temple  sont,  d'après 
l'ordre  chronologique  suggéré  par  M.  Naville  : 

1.  Un  épervier  de  granit  noir  (emblème  d'Horus)  avec  le 
cartouche  de  Ramsès  II. 

2.  Un  fragment  de  grès  rouge  appartenant  au  naos,  déjà 
connu,  du  temple  :  on  y  lit  les  cartouches  de  Ramsès  II,  le 
nom  géographique  de  Thoukou  et  le  titre  divin  de  Maître 
de  Thoukou. 

3.  Une  pierre  calcaire  à  trois  faces  gravées,  où  figure  un 
roi  adorant  un  Horus  à  pschent  dont  la  figure  est  dé- 
truite, —  tenant  l'arc  et  la  massue,  —  et  traînant  un  pri- 
sonnier par  les  cheveux;  le  bas  des  cartouches  royaux  existe 
encore,  mais  semble  indéchiffrable  à  M.  Naville,  qui  con- 
jecture que  le  monument  pourrait  être  de  la  XXe  dynastie. 

4.  Un  petit  fragment  de  stèle  en  granit  noir,  où  deux 
déesses  reçoivent  les  offrandes  du  roi  Sheshonk  Ier,  de  la 
XXIIe  dynastie. 

5.  Une  statue  en  granit  rouge,  représentant  un  homme 
assis,  le  lieutenant  d'Osorkon  11  (XXIIe  dynastie),  le  lieute- 
nant de  Thoukou,  le  grand  inspecteur  du  palais,  le  bon  com- 
mémorateur  de  Pa-Toum-neb-An  (c'est-à-dire  du  temple 
de  Toum,  Le  maître  d'An-),  Ankh-renp-nefer. 

6  <'t  7.  Un  fragment  d'une  slatue  d'homme  et  un  fragment 
d'une  stator  de  femme,  qui  avaient  été  érigées  ensemble, 
comme  leur  ressemblance  générale  l'indique,  et  que  M.  Na- 
ville croit  de  la  XXVIe  dynastie.  L'homme  est  dit  l'Anhaou, 
le  supérieur  de  la  production  de  L'offrande  (mesuten),  l'in- 
tendant du  magasin  (nier  ai),  lo  scribe  du  temple  de  Toum 
de  Thoukou,  le  prophète  d'Hator  dame  d'An,  le  prophète 
Pe  mes-hes-t.  Le  nom  et  !<■  titre  de  la  femme  manquent, 
mai-  les  quelques  hiéroglyphes  qui  restent  sur  la  statue 
montrenl  qu'elle  appartient  à  une  famille  d'Anhaou  (classe 
de  prêtres  locaux),  <•(  mentionnenl  Horsamtaoui,  l'un  des 
dieux  de  la  ville. 


L  EXODE,  LE  CANAL  DE  LA  MER  ROUGE       293 

8.  Une  statue  en  granit  noir,  représentant  un  homme 
assis  qui  tient  un  Osiris  clans  un  naos,  ie  noble  héritier  de 
Sapt,  maitre  de  l'Orient  (Horus,  dieu  du  nome  Arabique), 
le  chef  des  prophètes  de  Tum,  le  prophète  supérieur  de 
Thoukou,  le  Keb-aa  (ou  Ma-aa,  titre  inconnu,  peut-être  la 
grande  confiance,  d'après  une  interprétation  de  M.  Chabas1) 
de  Pa-Toum  et  de  Bast  ou  Bubaste,  Aak,  contemporains 
peut-être  de  Nectanébo  Ier  (XXXe  dynastie).  Ce  monument 
donne,  dans  une  prière  adressée  à  la  classe  sacerdotale  par 
le  défunt,  le  titre  complet  de  certains  prêtres  locaux,  An- 
iment ounti  (probablement  le  portier*  géant,  par  allusion  à 
quelque  légende). 

9.  Une  stèle  ptolémaïque,  de  quatre  pieds  de  haut  sur 
trois  de  large,  qui  a  été  trouvée  près  de  l'endroit  où  était 
le  naos,  et  qui  est  la  pièce  capitale  de  la  découverte.  Ptolé- 
mée  II  Philadelphe,  son  auteur,  y  est  représenté  trois  fois  en 
adoration,  d'abord  devant  Toum,  le  grand  dieu  de  Thoukou-t, 
Osiris,  le  maitre  de  Ro-Ab  (l'Arabie?)  qui  habite  Pi-Kehe- 
ret,  Horus,  Hator  ou  Isis,  et  la  reine  Arsinoé  en  déesse,  avec 
deux  cartouches,  —  ensuite  devant  Toum,  Hator  et  Arsinoé, 
—  enfin  devant  un  roi  divinisé,  qui  est  évidemment  Ptolé- 
mée  Ier,  le  chef  de  la  dynastie.  Le  texte,  malheureusement 
peu  lisible  et  peu  clair,  mentionne  l'achèvement  et  la  dédi- 
cace de  Pi-Keheret,  du  temps  de  Toum,  le  grand  dieu 
immortel  de  Thoukou  ;  il  parle  aussi  de  chevaux  amenés  de 
To-neter  (l'Arabie),  de  Pa-Toum,  des  bienfaits  du  roi  qui 
a  arrosé  les  sables  au  moyen  du  grand  canal  oriental  de 
l'Egypte,  et  d'un  voyage  du  roi  en  compagnie  d' Arsinoé, 
l'an  XII,  voyage  pendant  lequel  furent  fixés  certains  reve- 
nus du  temple,  en  nature  et  en  argent  ;  puis  il  ajoute  que  le 
roi  vint  au  port  de  Kemour-ma  ;  qu'il  fonda  (?)  une  grande 
ville  au  nom  de  sa  sœur  ;  qu'un  sanctuaire  contenant  les 
statues  des  dieux  Philadelphes  fut  élevé  en  l'honneur  de  la 

1.  Chabas,  Troisièmes  Mélanges,  t.  II,  p.  282. 


294  LES    FOUILLES    DE    M.    NA VILLE    A    PITHOM 

reine  et  que  la  dédicace  en  fut  faite  par  les  prêtres  de 
Touin;  que  le  roi  envoya  son  premier  général  de  Kemour- 
ma  au  pays  des  Nègres  par  la  mer  Rouge  :  que  le  général 
franchit  le  lac  du  Scorpion  (dans  le  8e  nome)  et  fonda  (en 
Ethiopie)  une  ville  au  nom  du  roi,  sans  doute  Ptolémaïs 
Thérôn,  et  ramena  un  grand  nombre  d'éléphants  qui  furent 
transportés  par  le  canal  de  l'Orient  ;  en  outre,  qu'après  ces 
choses,  le  roi  honora  Apis  et  Mnévis,  les  taureaux  sacrés,  et 
les  réunit  pendant  quelque  temps.  La  stèle  se  termine  par 
l'indication  d'un  revenu  annuel  de  '.'50  argentei,  alloué  au 
sanctuaire  de  Pi-Keheret,  sur  les  impôts  de  la  ville  (par 
maison  comme  par  habitant),  par  la  mention  des  revenus 
de  même  provenance  alloués  à  tous  les  temples  de  l'Egypte, 
la  vingtième  année  du  règne,  sur  le  pied  de  90.000  uten 
d'argent,  taxe  des  maisons,  et  de  660.000  argentei,  taxe  des 
habitants,  enfin,  par  ce  renseignement,  que  le  roi  fit  la 
dédicace  du  temple  de  Toum  le  jour  anniversaire  de  son 
couronnement,  qui  devint  le  jour  de  fête  de  la  ville. 

10  et  11.  —  Deux  inscriptions  latines.  La  première,  gra- 
vée sur  un  fragment  de  porte  voisin  du  monolithe,  linit. 
après  cinq  signes  peu  lisibles,  par  : 

POLIS 

ERO 

CASTRA. 

L'autre,  qui  porte  les  noms  de  Maximien  et  de  Severus,  em- 
pereurs, ainsi  que  do  Maximin  et  de  Constantin,  Césars. 
indique  une  distance  de  neuf  milles  entre  llero  et  Clusma  : 

ABEROINCLVSMA 
M     VIII     0 


l'exode,  le  canal  de  la  mer  rouge  295 


III 

Lorsqu'on  ne  connaissait  encore  d'Abou-Keyched  ou  Tell- 
el-Maskhoutah  que  le  monolithe  de  Ramsès  II,  assis  entre 
Ra  et  Toum,  M.  Chabas,  dans  un  remarquable  mémoire  sur 
lequel  il  eut  le  tort  de  revenir,  avait  conclu,  de  ce  que  Toum 
est  le  dieu  principal  du  groupe,  qu'il  était  le  dieu  principal 
du  temple  :  il  y  avait  là  un  Pa-Toum,  et  il  ne  fallait  pas 
chercher  Pithom  ailleurs.  Avant  les  fouilles,  M.  Naville 
avait  conclu  de  même  sur  le  simple  vu  des  objets  décou- 
verts en  1876.  Depuis  les  fouilles,  le  doute  n'est  plus  permis. 

Des  neuf  monuments  pharaoniques  qui  viennent  d'être 
énumérés  d'après  l'ouvrage  de  M.  Naville,  cinq,  c'est-à- 
dire  tous  ceux  qui  contiennent  quelques  indications  géogra- 
phiques, mentionnent  la  région  de  Thoukou-t;  de  ces  cinq 
derniers,  deux  mentionnent  la  localité  de  Pa-Toum,  et  quatre 
le  dieu  Toum,  qui  était  la  grande  divinité  de  Thoukou-t, 
d'après  les  monuments  d'Aak,  de  Pe-mes-hes-t  et  de  Phi- 
ladelphe.  Il  s'agit  donc  bien  de  Thoukou  ou  Thoukou-t,  ainsi 
que  du  culte  de  Toum,  et  l'on  sait  depuis  longtemps  que  le 
mot  Thoukou-t,  qui  s'emploie  tantôt  comme  nom  de  con- 
trée, tantôt  comme  nom  de  ville,  a  pour  variante,  dans  le 
dernier  cas,  le  mot  Pa-Toum. 

Thoukou-t  était  le  nom  vulgaire,  et  Pa-Toum,  ou  quelque- 
fois Ha-Toum,  le  nom  sacré  de  la  capitale  du  huitième  nome, 
dans  la  Basse  Egypte.  On  avait  déjà,  par  les  listes  géogra- 
phiques, plusieurs  renseignements  sur  le  huitième  nome, 
sur  sa  capitale,  ses  sanctuaires  Pa-Toum  et  As-Keheret  ou 
Pi-Keheret,  sa  consécration  au  dieu  Toum,  ses  prêtresses, 
ses  arbres  et  ses  serpents  sacrés,  son  port  Kharma,  son  lac 
Sha-serek  (l'étang  du  Scorpion),  son  territoire  d'An  ou  An-t, 
et  sa  proximité  de  la  frontière;  un  des  papyrus  Anastasi 
relate  la  permission  donnée  aux  chefs  arabes  d'Atouma, 


296  LES    FOUILLES    DE    M.    NAVILLE    A    PITHOM 

l'an  VIII  de  Ménéptah  Ier,  de  venir  au  fort  du  roi,  à  Thoukou, 
vers  les  étangs  de  Pa-Tum  de  Ménéptah  de  Thuku,  pour 
nourrir  leurs  troupeaux  à  la  grande  ferme  du  Pharaon1.  On 
possédait  ainsi  la  description,  mais  on  ignorait  la  situation 
du  huitième  nome  (et  il  en  est  encore  ainsi  pour  plusieurs 
nomes  de  la  Basse  Egypte).  Tout  change,  grâce  aux  fouilles 
de  M.  Naville.  Le  huitième  nome  ne  peut  plus  côtoyer  le 
lac  Menzaléh,  comme  le  croyait  M.  Brugsch,  et  une  grande 
découpure  de  la  topographie  encore  flottante  du  Delta  se 
fixe  et  se  précise  immédiatement,  autour  du  site  de  Tell- 
el-Maskhoutah. 

Voici  les  conséquences  que  M.  Naville  tire  de  sa  décou- 
verte : 

Au  point  de  vue  de  la  géographie,  —  Thoukou-t  est  Souc- 
coth  de  la  Bible,  comme  l'avait  déjà  constaté  M.  Brugsch. 
Pa-Toum  est  Pithom  de  la  Bible,  le  Patoumos  arabe  d'Héro- 
dote, et  non  le  Thou,  Tohu,  Tlioum,  etc.,  de  l'itinéraire 
d'Antonin.  Pi-Keheret,  le  sanctuaire  osirien  ou  le  Séra- 
péum  do  la  capitale,  est  Pi-Hahiroth  de  la  Bible.  Ero  ou 
Héroopolis  (la  ville  des  magasins,  en  égyptien  ar-u)  est  le 
nom  grec  de  Pithom.  Kemour-ma  est  un  port  de  Kemour, 
qui  est  le  lac  Timsah.  Atouma,  pays  voisin  d'un  étang  salé 
nommé  Kemour  d'après  le  Papyrus  n°  1  de  Berlin  (XII0  dy- 
nastie), n'es)  pas  Edom,  mais  la  lisière  arabe  du  lac  Timsah 
(encore  fréquentée  aujourd'hui  par  la  tribu  des  Éthamis)'. 
Les  Tennu,  qui,  d'après  le  Papyrus  n°  1  de  Berlin ,  formaient 
une  tribu  d' Atouma,  sont  les  Daneon  de  Pline,  dont  le  port 
était  joint  aux  lacs  Amers  par  un  canal.  An-t  est  le  Aent  ou 
golfe  Eïéroopolite  du  même  auteur.  Enfin,  Arsinoé,  appe- 
lée aussi  Cléopatris,  est  Clusma,  l'ancien  port  de  la  mer 
Rouge,  et,  comme  Clusma  se  trouvait  à  neuï  milles  d'IIé- 
roopolis,   d'après    la   deuxième    inscription   latine,  la   mer 

1.  Papyrus  Anastasi  Vf,  4. 

2.  F.  de  Le    eps,  dan    P.  Merruau,  L'Egypte  contemporaine,  p.  312. 


l'exode,  le  canal  de  la  mer  rouge  297 

Rouge  se  serait  étendue,  au  temps  de  la  domination  romaine, 
jusqu'aux  environs  de  Tell-el-Maskhoutah,  c'est-à-dire  jus- 
qu'à Ismaïliah  et  au  lac  Timsah.  Au  point  de  vue  de  l'Exode, 
—  tout  le  début  de  l'itinéraire  des  Hébreux  s'explique 
maintenant,  bien  qu'on  ne  sache  pas  encore  avec  certitude 
où  placer  la  contrée  de  Ramsès,  que  la  Genèse'  assimile  à 
Gessen,  c'est-à-dire  à  Héroopolis  clans  le  pays  de  Ramsès, 
d'après  la  version  grecque,  et,  d'après  la  version  copte,  à 
Pithom,  dans  le  pays  de  Ramsès.  Les  Hébreux  partirent  de 
Ramsès,  ville  et  région  assez  rapprochée  de  Pithom,  comme 
on  vient  de  le  voir,  et  située  peut-être  à  l'un  des  bouts  du 
canal  dont  Pithom  occupait  l'autre  bout2.  Leur  deuxième 
station  est  à  Succoth,  c'est-à-dire  à  Pithom;  leur  troisième 
à  Etham,  dans  le  désert,  c'est-à-dire  au  pays  d'Atouma,  et 
leur  quatrième,  à  la  suite  d'un  retour  en  arrière,  devant 
Pi-Hahiroth,  entre  Migdol  et  la  mer,  en  face  de  Baal-Tsé- 
phon,  c'est-à-dire  près  du  quartier  ou  faubourg  de  Pithom 
nommé  Pi-Kaheret,  dans  le  voisinage  d'un  sanctuaire  arabe 
(Baal-Tséphon)  et  d'une  citadelle  égyptienne,  Migdol,  nom 
donné  souvent  aux  forteresses  pharaoniques  de  l'isthme. 

Au  point  de  vue  de  l'histoire,  —  le  fondateur  de  Pithom 
est  Ramsès  II,  conformément  au  récit  biblique,  d'après 
lequel  les  Hébreux  bâtirent  Ramsès  en  même  temps  que 
Pithom,  et  par  conséquent  Ramsès  II  est  le  Pharaon  de 
l'oppression,  ce  qui  maintient  l'Exode  sous  Ménéptah  Ier. 
Après  Ramsès  II,  les  Bubastites  de  la  XXIIe  dynastie, 
notamment  Sheshonk  Ier  et  Osorkon  II,  embellirent  ou  for- 
tifièrent Pithom,  ainsi  que  le  premier  Pharaon  de  la  dernière 
dynastie  nationale,  Nectanébo  Ier.  Il  est  à  remarquer  que 
ce  sont  les  mêmes  noms  royaux  qu'on  retrouve  vers  l'autre 
extrémité  du  canal,  dans  les  ruines  de  Bubaste.  Ptolémée  II 
fit  pour  le  huitième  nome  presque  autant  que  Ramsès  II 

1.  Genèse,  xlvi,  28,  et  xlvii,  6  et  11. 

2.  Lepsius,  Chronologie  der  /E<jyptei\  p.  358. 


298  LES    FOUILLES   DE    M.   NAVILLE    A    PITHOM 

lui-même;  il  y  vint  plusieurs  fois,  il  y  rétablit  le  canal  de  la 
mer  Rouge,  il  y  fonda  la  ville  d'Arsinoé  pour  favoriser  le 
commerce  avec  les  régions  les  plus  lointaines  de  l'Ethiopie 
et  de  l'Arabie,  il  y  institua  le  culte  de  sa  sœur  Arsinoé 
(considérée  sans  doute  comme  une  divinité  égyptienne  légi- 
timant les  droits  des  Ptolémées  à  la  couronne),  et  il  y 
acheva  le  temple  de  Pi-Kaheret.  Moins  soucieux  du  culte, 
les  Romains  ne  songèrent  qu'à  fortifier  Pithom  et  en  firent 
un  camp,  Ero  castra,  pour  l'installation  duquel  ils  détrui- 
sirent le  temple  de  Toum  et  ensablèrent  les  greniers  des 
Pharaons. 

IV 

Tel  est  le  résultat  des  recherches  de  M.  Naville.  Plein  de 
faits  groupés  avec  une  clarté  parfaite,  et  discutés  avec  une 
haute  compétence,  le  livre  The  Store-City  qf'  Pithom  and 
the  Route  qf  the  Exodus  atteint  complètement  son  but, 
puisqu'il  détermine,  avec  autant  de  précision  que  faire  se 
peut,  et  le  début  de  l'itinéraire  et  l'emplacement  de  la 
ville. 

Mais  ces  deux  points  ne  sont  pas  les  seuls  que  l'ouvrage 
de  M.  Naville  signale  a  l'attention.  On  a  vu  qu'il  touche 
aussi  d'une  manière  plus  ou  moins  directe,  suivant  les 
hasards  (\r*  fouilles  el  des  trouvailles,  à  différentes  questions 
-m  lesquelles  il  fournil  presque  toujours  de  précieux  ren- 
seignements.  Il  sciait  difficile  autant  que  délicat  de  revenir 
ici  sur  l'étude  serrée  que  M.  Naville  a  t'ait  de  toutes  ces 
questions;  toutefois  deux  sujets,  en  quelque  sorte  centraux, 
auxquels  ramènenl  les  déductions  et  les  documents  du  livre, 
on!  hop  d'importance  pour  qu'on  ne  les  examine  pas  de 
nouveau  à  la  lumière  des  récentes  découvertes.  Il  s'agit, 
en  effet,  du  synchronisme  égyptien  de  l'Exode  et  du  per- 
cemenj  ancien  de  l'isthme. 


l'exode,  le  canal  de  la  mer  rougk  299 


V 

Relativement  à  l'époque  de  l'Exode,  deux  opinions  sont 
en  présence,  la  plus  ancienne  rapportant  le  fait  au  règne  de 
Ménéptah  I",  et  la  plus  récente  à  des  règnes  postérieurs. 
La  première  théorie  invoque  la  construction  de  Pithom  et 
de  Ramsès  sous  un  Pharaon  qui  ne  peut  être  qu'un  Ramsès, 
■ —  le  très  long  règne  de  ce  souverain  qui  ne  peut  être  que 
Ramsès  II,  père  du  Pharaon  de  l'Exode,  puisque  c'est  le 
seul  Ramesside  ayant  régné  très  longtemps  ;  -  -  enfin  le 
témoignage  de  Manéthon,  qui  place  l'Exode  sous  le  fils  de 
Ramsès  II.  M.  Chabas,  à  la  vérité,  n'a  pas  tenu  compte  du 
récit  de  Manéthon',  accepté  par  MM.  Lepsius  et  de  Rougé, 
mais  il  a  signalé  d'autre  part  quelques  textes  égyptiens, 
d'après  lesquels  certains  étrangers,  nommés  Aperi-ou,  tra- 
vaillaient aux  constructions  de  Ramsès  II. 

La  seconde  théorie,  qui  a  obtenu  assez  de  vogue  pour 
pénétrer  jusque  dans  les  ouvrages  anglais  de  vulgarisation", 
s'appuie  sur  ce  fait  que  l'affaiblissement  de  l'Egypte  s'accen- 
tua surtout  vers  la  fin  de  la  XIXe  dynastie,  époque  à 
laquelle  eut  lieu  une  invasion  syrienne. 

La  découverte  de  Pithom  donne  un  poids  nouveau  à  la 
première  théorie,  en  faveur  de  laquelle  il  ne  semble  pas, 
d'ailleurs,  qu'on  ait  épuisé  tous  les  arguments  à  fournir  : 
ces  deux  considérations  rendent  possible  de  revenir  sur  le 
sujet. 

Ramsès  II  fut  le  grand  Pharaon  de  l'Egypte,  mais  on  sait 
ce  que  coûtent  les  règnes  glorieux,  et  Ménéptah  pourrait 
bien  avoir  reçu  de  son  prédécesseur  une  armée  déjà  affai- 
blie et  un  trésor  déjà  amoindri. 

1.  Chabas,  Recherches  sur  la  XIX"  dynastie,  p.  111-113  et  158;  cf. 
Robiou,  Le  Système  chronoloyique  de  M.  Lieblein,  p.  20-22. 

2,  Watkins,  Popular  History  o/Egtjpt,  p.  269-270. 


300  LES    FOUILLES    DE    M.   NAVILLE    A    PITHOM 

En  effet,  l'invasion  de  Libyens  et  d'insulaires  qui  assaillit 
l'Egypte  l'an  V  de  Ménéptah  I1'1  désorganisa  certainement 
le  pays  jusqu'au  sud  du  Delta,  où  les  Barbares  avaient 
atteint  Prosopis.  La  grande  inscription  hiéroglyphique  qui 
raconte  leur  défaite  montre  et  dit  que  l'Egypte  fut  éprou- 
vée alors  comme  au  temps  des  Pasteurs2  : 

«  L'abattement  s'était  fait  dans  les  terres  arrosées  par  le 
Nil  ;  elles  voulaient  se  soumettre  à  l'ennemi  qui  avait  violé 
toutes  les  frontières  du  pays,  les  armes  à  la  main. 

»  (Mais  le  roi prit  des  mesures)  pour  protéger  Hélio- 
polis, la  ville  de  Toum,  pour  défendre  Memphis,  la  forte- 
resse de  Tonen,  et  pour  remettre  en  état  ce  qui  était 
désorganisé. 

»  (Il  établit  des  postes)  devant  Pa-Baris,  aux  environs 

du  canal  Shakana,  au  nord  de  l'étang  d'Horus  (d'après 
M.  Brugsch3,  le  canal  Miti,  du  nome  Héliopolite), 

»  (sur  un  terrain)  non  cultivé  qu'on  avait  laissé  en 

pâturages  à  cause  des  Barbares.  Cet  endroit  était  infesté 
dès  le  temps  des  ancêtres 

»  Vous  tremblez  comme  des  oies,  dit  le  roi  à  ses  offi- 
ciers, et  vous  ne  savez  pas  ce  qu'il  est  bon  de  faire;  on  ne 
répond  pas 

»  (a  l'ennemi,  et  l'Egypte)  désolée  est  abandonnée  aux 
incursions  de  toutes  les  nations:  les  Barbares  dévastent  ses 
frontières;  dos  révoltés  la  violent  chaque  jour;  tout  le 
inonde  pille. 

»  Les  ennemis  dévastent  nos  havres  mêmes;  ils  pénètrent 
dans  les  campagnes  do  l'Egypte;  le  Nil  les  arrêtera-t-il ? 
Ils  demeurent  des  jours  et  des  mois;  ils  s'établissent 

»  (dans  le  pays).  Qesl  arrivé  qu'ils  sont  parvenus  jusqu'aux 
montagnes  du   pays  d'Outi,  qu'ils  ont   ravagé  h1  pays  de 


1.  Cl.  Maspero,  Zeitschrift  fur  œgyptische  Sprache,  1883,  p.  65. 

2.  Chabas,  Recherches  sur  In  XIX  dynastie,  p.  84-89, 
:;.  Histoire  d'Egypte,  2'  édition,  [>.  141. 


l'exode,  le  canal  de  la  mer  rouge  301 

To-ahou  (il  s'agit  des  oasis)  en  exacte  analogie  (de  ce  qui 
s'est  passé)  dès  les  rois  appartenant  à  d'autres  temps,  aux 
époques  inconnues 

»  On  n'avait  pas  vu  cela  au  temps  des  rois  de  la  Basse 
Egypte,  lorsque  le  pays  d'Egypte  leur  appartenait  et  que 
le  fléau  se  tenait  debout, 

»  à  l'époque  des  rois  de  la  Haute  Egypte.  On  n'avait  pas 
pu  les  repousser  alors.  Cet  état  de  choses  dura  (jusqu'à  ce 
que  les  dieux  fussent  touchés)  de  l'amour  de  leur  fils  et 
qu'ils  voulussent  que  l'Egypte  fût  gouvernée  par  son  sei- 
gneur, afin  de  restaurer  les  temples  de  l'Egypte  selon  les 
prescriptions  de  la  valeur  divine  pour  la  suite  des  an- 
nées'. » 

Cette  dernière  phrase,  dont  on  n'a  peut-être  pas  signalé 
l'importance,  rattache  indirectement  l'invasion  des  Libyens 
à  la  sortie  d'Egypte,  telle  qu'elle  est  racontée  dans  la  ver- 
sion indigène  qui  fut  connue  d'Hécatée  d'Abdère2,  recueillie 
par  Manéthon,  et  imitée  plus  tard,  d'une  manière  fautive 
ou  burlesque,  par  Chérémon  et  Lysimaque. 

Le  fils  de  Ramsès  II,  Aménophis  (c'est-à-dire  Méné- 
ptah  Ier,  appelé  dans  les  listes  Aménophis,  Aménoptah, 
Aménéphthis,  etc.),  voulut  voir  les  dieux  comme  l'avait  fait 
un  de  ses  prédécesseurs,  Horus,  et  consulta,  à  ce  sujet,  un 
sage  nommé  Aménophis,  fils  de  Paapios.  Le  sage  conseilla 
au  roi  de  purifier  d'abord  le  pays  en  chassant  tous  les  lépreux 
et  tous  les  impurs,  de  sorte  que  le  roi  les  envoya  aux 
carrières,  mais  il  se  trouvait  parmi  eux  des  prêtres,  et  le 
fils  de  Paapios  comprit  que  les  dieux  s'irriteraient  de  cette 
violence  faite  à  des  prêtres  ;  il  devina  en  outre  qu'un  secours 
viendrait  aux  Impurs,  qui  domineraient  l'Egypte  pendant 
treize  ans.  Ce  secours  fut  une  nouvelle  invasion  des  Pasteurs, 


1.  Traduction  de  M.  Chabas. 

2.  Fragia.    Hist.   grœc,  édit.   Didot.  t.   II,  p.   391-2;   cf.  Diodore, 
XXXIV,  1. 


302  LES    FOUILLES    DE    M.    NAVILLE    A    PITHOM 

qui  s'établirent  à  Avaris  avec  les  Impurs,  sous  la  conduite  du 
prêtre  héliopolitain  Osarsiph,  ou  Moïse.  Aménophis  quitta 
le  pays  avec  les  animaux  sacrés  (qui  pouvaient  en  effet 
voyager'),  mit  en  sûreté  son  (ils  Séthon,  âgé  de  cinq  ans 
(Séti  II),  et  se  réfugia  en  Ethiopie  ;  il  revint  au  bout  de 
treize  ans  et  chassa  les  Impurs,  ainsi  que  les  Pasteurs,  avec 
l'aide  de  son  fils2. 

Telle  est  la  version  égyptienne  de  l'Exode.  Elle  ajoute  aux 
détails  fournis  par  la  Bible  la  mention  d'un  retour  offensif 
des  Pasteurs,  ce  qui  ne  doit  pas  surprendre  :  puisque 
l'Egypte  fut  envahie  sous  Ménéptah  Ier  par  les  peuples  de 
la  Méditerranée,  elle  a  pu  l'être  aussi  par  ceux  de  la  Syrie, 
qui,  sous  Ramsês  II  lui-même,  gardaient,  sans  aucun  doute, 
un  pied  en  Egypte.  En  effet,  la  stèle  de  l'an  400,  trouvée  à 
Tanis,  est  datée  rétrospectivement  du  régne  de  l'un  des 
rois  pasteurs,  et  dédiée  à  Set,  le  dieu  des  Pasteurs,  «  nou- 
velle preuve,  d'après  M.  Mariette,  que,  sous  Ramsès  II.  la 
Basse  Egypte  nourrissait  un  fond  dépopulations  étrangères 
auxquelles  la  civilisation  égyptienne  n'avait  pas  enlevé  leur 
complète  autonomie.  N'oublions  pas,  ajoute  le  même  savant, 
que,  parmi  ces  populations,  vivaient,  confondus  avec  les 
descendants  des  Hycsos,  ces  mêmes  Israélites  (pie,  quelques 
années  plus  tard,  Moïse  devait  ont  rainer  à  sa  suite,  et  qui, 
eux  aussi,  avaient  conservé  sans  doute  une  partie  de  leurs 
institutions  nationales  :.  » 

La  visite  aux  dieux  entreprise  par  le  roi  est  une  sorte 
d'inspection  dos  temples,  comme  celle  (pie  lit  l'Ethiopien 
Piankhi4.  Lorsque  Ramsès  III  rétablit  l'ordre  en  Egypte, 
il  lit  aussi  inspecter  et  purifier  les  temple  '.  Le  roi  Ilorus, 
qui  aurait  lait  une  visite  aux  dieux  avant  Ménéptah  Ier,  est 

1.  Ci.  Naville,  The  Store-City,  etc.,  p.  18  et  19. 

2.  Josèphe,  Contre  A-pion,  I,  26-27. 

3.  Catalogue  '/"  Musée  de  Boulaq,  3e  édit.,  p.  279-280. 

1.  Stèle  de  Piankhi,  1.  *.)7  et  105  ;  cf.  Stèle  du  Son<jr,  1.  15  et  10. 
5.  Papyrus  Harris  n"  /,  pi.  25,  1.  8  et  10. 


l'exode,  le  canal  de  la  mer  rouge  303 

l'Horemheb  de  la  XVIIIe  dynastie,  qui  succéda  aux  rois 
hérétiques  et  à  qui  il  était  naturel,  par  conséquent,  que  le 
désir  vînt  de  purifier  le  pays  ;  il  restaura  les  temples  des 
gouffres  d'Ateh  à  To-Kens,  c'est-à-dire  du  Delta  à  la  Nubie'. 
Manéthon  ne  nous  dit  pas  pourquoi  Ménéptah  Ier  eut  le 
même  désir,  mais  la  grande  inscription  de  Karnak  nous 
l'apprend  :  ce  fut  à  l'occasion  de  sa  victoire  sur  les  envahis- 
seurs libyens. 

On  peut  jusqu'ici  admettre  sans  difficulté  le  récit  de 
Manéthon  :  toutefois,  l'intervention  d'Aménophis,  fils  de 
Paapios,  ne  supporte  pas  l'examen.  Ce  personnage  fabuleux, 
cité  sur  les  monuments  égyptiens  depuis  l'époque  d'Amé- 
nophis III,  avait  à  Thèbes  le  même  rôle  de  savant  légendaire 
qu'Imhotep,  fils  de  Ptah,  a  Memphis,  avec  cette  différence 
qu'Imhotep,  le  Dédale  égyptien,  était  un  dieu. 

Si  l'on  passe  sur  ce  détail,  d'ailleurs  profondément  égyp- 
tien, le  reste  de  l'histoire  reprend  sa  vraisemblance  et  se 
réduit  à  ceci  :  une  persécution  des  Sémites  restés  en  Egypte, 
un  retour  offensif  des  Sémites  de  Syrie  faisant  reculer  le 
vieux  roi,  peu  belliqueux  de  son  naturel  2,  et  l'expulsion  finale 
des  Impurs,  parmi  lesquels  se  trouvait  Moïse.  Quoi  qu'en 
dise  Josèphe,  le  témoignage  de  Manéthon  n'est  pas  en  con- 
tradiction ici  avec  celui  de  la  Bible,  tel  que  l'ont  compris 
la  plupart  des  égyptologues.  Les  monuments  égyptiens,  il 
est  vrai,  ne  mentionnent  pas  la  défaite  de  Ménéptah,  mais 
on  sait  qu'ils  ne  mentionnent  que  les  victoires.  Il  existe 
d'ailleurs  un  moyen  de  savoir  si  Ménéptah  a  été  heureux 
jusqu'au  bout  :  en  déblayant  l'hypogée  du  Pharaon,  acces- 
sible aujourd'hui  jusqu'à  sa  deuxième  salle  seulement,  on 
verrait  si  son  plan  et  sa  décoration  indiquent,  comme  c'est 
le  cas  pour  les  autres  tombes,  une  lin  de  règne  troublée  ou 

1,  Zeitsehrift  fur  œyyptisclic  Sprachc,  1879,  p.  169. 

2.  Cf.  Diodore,  I,  59,  et  Chabas,  Reclicrclws  sur  la  XIXe  dynastie, 
p.  87. 


304  LES    FOUILLES    DE    M.   NAVILLE    A    PITHOM 

tranquille.  On  peut  déjà  remarquer,  en  attendant,  et  que 
la  deuxième  salle  du  monument  a  été  sculptée  avec  négli- 
gence, et  que  la  grande  chambre  annexée  à  cette  salle  est 
restée  presque  entièrement  nue. 

Malerré  le  silence  des  monuments,  les  malheurs  du  Plia- 
raon  de  l'Exode  ont  trouvé  place  jusque  dans  les  récits  des 
historiens  grecs,  et  l'on  reconnaît  certaines  concordances 
avec  ce  que  disent  ManéthoD  et  la  Bible,  dans  une  légende 
racontée  par  Hérodote  et  Diodore  au  sujet  du  fils  de  Sésos- 
tris1.  Irrité  contre  le  Nil  qui  ravageait  le  pays,  le  Pharaon  lui 
lança  des  flèches,  et  fut  frappé  d'aveuglement  en  punition 
de  son  impiété.  La  cécité  du  roi,  qui  dura  plus  de  dix  ans, 
d'après  Hérodote,  l'appelle  assez  bien  son  exil  de  treize  ans 
dans  Manéthon,  et  les  dégâts  causés  par  le  Nil  débordé  ne 
sont  pas  sans  analogie  avec  les  plaies  d'Egypte,  eaux  rouges, 
sauterelles,  rats,  grenouilles,  mort  des  bestiaux  et  des  pre- 
miers-nés. On  sait  qu'aux  époques  de  troubles  la  canalisation 
du  Nil  n'étant  plus  surveillée  ni  maintenue,  la  répartition 
des  eaux  se  fait  mal,  de  sorte  qu'il  s'ensuit  d'ordinaire  toute 
une  série  de  calamités. 

L'hymne  au  Nil  des  Papyrus  Sallier  II  et  Anastasi  VII, 
datés  du  lils  de  Ménéptah  Ier,  Séti  II,  donne  quelques  dé- 
tails sur  les  fléaux  d'Egypte,  qui  étaient  au  nombre  de  sept, 
d'après  un  autre  papyrus'  : 

«  S'il  y  a  un  fléau  venu  du  ciel,  les  dieux  (tombent)  sur 
la  face,  les  hommes  périssent,  la  terre  tout  entière  se  fend 
pour  les  bestiaux,  les  grands  et  les  petits  sont  sur  le  lit 
funèbre  »  ; 

El  : 

«  Quand  ou  demande  l'eau  annuelle,  on  voit  les  gens  de 
la  Thébaïde  et  du  Nord,  on  voit  tout  porteur  d'outils,  pas 
un  ne  rejoignant  l'autre;  plus  d'habits  pour  habiller,  plus 

1.  Hérodote,  IF,  1 II.  el  Diodore,  I,  59. 

2.  Chabas,  /.<■  Calendrier  Sallier,  p.  79. 


l'exode,  le  canal  de  la  mer  rouge  305 

ne  se  parent  les  filles  de  la  noblesse  ;  plus  de  dieux  dans  la 
nuit.  » 

Les  calamités  de  ce  genre  qui  eurent  lieu  sous  Méné- 
ptah  Ier  durent  être  terribles,  puisqu'elles  ont  laissé  un  écho 
retentissant  dans  la  mémoire  des  Egyptiens  aussi  bien  que 
dans  celle  des  Hébreux.  Un  exemple  semblable  d'une  tradi- 
tion commune  aux  deux  peuples  se  retrouve  dans  Hérodote1 
et  dans  la  Bible"  au  sujet  de  l'invasion  de  Sennachérib,  ra- 
contée de  même  des  deux  côtés  pour  le  fond,  mais  avec  des 
détails  différents. 

Ainsi  l'antiquité  tout  entière  avait  conservé  ou  recueilli 
le  souvenir,  confus  et  profond,  des  grands  désastres  surve- 
nus sous  le  règne  du  fils  de  Ramsès  II.  Ce  sont  là  des  événe- 
ments qui  ont  accompagné  et  facilité  l'Exode.  Les  fouilles 
de  Pithom  confirment  cette  conclusion  d'une  manière  inat- 
tendue, en  montrant,  selon  M.  Naville,  que  la  ville  de 
Pithom  a  été  construite  par  Ramsès  II  et  non  par  un  autre 
roi  :  la  Bible  plaçant  l'Exode  sous  le  règne  qui  suivit  celui 
du  fondateur  de  Pithom,  on  se  trouve  encore  ramené  au 
temps  de  Ménéptah  Ier. 

M.  Naville  pense  que  Pithom  date  de  Ramsès  II,  non 
seulement  parce  qu'il  n'a  trouvé  dans  ses  fouilles  aucun 
monument  qui  lui  paraisse  antérieur  à  ce  Pharaon,  mais 
encore  parce  que,  à  Tell-el-Maskhoutah,  le  naos  et  les  co- 
losses du  temple  sont  de  Ramsès  II,  qui  aurait  ainsi  élevé 
le  temple  à  lui  seul  :  les  colosses  correspondent,  en  effet, 
au  commencement,  et  le  naos,  à  la  fin  de  l'édifice.  Présentée 
ainsi,  l'opinion  de  M.  Naville  est  un  peu  exclusive. 

Le  huitième  nome  de  la  Basse  Egypte,  qui  avait  Pithom 
pour  capitale,  n'était  pas  de  création  récente,  et  il  semble 
bien  mentionné  sur  un  monument  de  l'Ancien  Empire'.  En 
tout  cas,  il  était  antérieur  à  Ramsès  II,  car  il  figure  au  temple 

1.  Hérodote,  II,  141. 

2.  Ezùchiel,ch.  xxxvu  ;  Rois,  liv.  II,  xix;  Clivonv[iws,  liv.  II,  xxxn. 

3.  Lepsius,  Denkmdler,  II,  p.  3. 

BlBL.   ÉGYPT.,  T.   XXXIV.  20 


306  LES   FOUILLES    DE    M.   NA VILLE   A   PITHOM 

de  Séti  Ier  à  Abvdos  dans  une  salle  construite  et  décorée 
sous  ce  dernier  roi.  M.  Maspero,  qui  a  publié  dans  la  Revue 
archéologique  un  des  deux  sphinx  découverts  en  1876,  doute 
qu'il  soit  de  Ramsès  II  malgré  les  cartouches  qu'il  porte,  et 
se  montre  disposé  à  y  voir  un  monument  de  la  XIIe  dynastie  : 
le  sphinx  aurait  pu  alors  être  amené  d'ailleurs,  mais  il  aurait 
pu  aussi  être  usurpé  sur  place,  et  emprunté  à  un  vieux  sanc- 
tuaire local. 

Du  reste,  la  pierre  sculptée  de  trois  côtés,  que  M.  Naville 
croit  de  la  XXe  dynastie,  porte  deux  cartouches  mutilés, 
dont  les  parties  visibles  correspondent  aux  cartouches  de 
Séti  Ier  et  ne  correspondent  qu'à  ceux-là.  Si  la  sculpture  était 
mauvaise,  il  ne  faudrait  pas  rejeter  pour  cela  L'assimilation, 
car  on  connaît  de  mauvaises  sculptures  du  temps  de  Séti  Ier, 
même  au  temple  d'Abydos'.  De  plus,  le  roi  représenté  sur 
cette  pierre  est  deux  fois  accompagné  par  un  personnage 
allant  de  pair  avec  lui,  en  qualité  d'égal  ou  d'associé.  Or, 
Ramsès  II  fut  associé  dès  l'enfance  à  Séti  Ier,  son  père,  dont 
les  travaux  de  fortification  et  de  canalisation  de  l'isthme  sont 
bien  connus.  Il  est  donc  vraisemblable  que  la  construction 
ou  la  reconstruction  de  Pithom  fut  commencée  sous  le 
double  règne  de  Séti  Ier  et  de  Ramsès  II,  ce  qui  modilie  un 
peu  la  proposition  de  M.  Naville  discutée  ici.  Toutefois,  la 
(•(inclusion  de  ce  savant  sur  la  date  de  l'Exode  ne  saurait 
die  ébranlée  par  la.  Que  Ramsès  ait  commencé  seul  ou  non 
a  bâtir  on  à  rebâtir  la  ville,  il  n'en  reste  pas  moins  vrai  que 
les  premiers  grands  travaux  connus  y  sont  de  lui,  confor- 
mémenl  au  texte  biblique.  Il  est  même  certain  que  ces  tra- 
vaux, continués  un  moment  sous  les  Bubastites,  n'avaient  pas 
été  replis  avec  activité  par  les  Ramessidcs  qui  succédèrent 
;i  Ramsès  II,  puisqu'aucun  de  leurs  cartouches  ne  se  trouve 
dans  les  ruines  et  que  le  temple  demeura  inachevé.  Ramsès  II, 
construisant   Pithom,  correspond   bien  au  puissant  roi  de 

1.  Mariette,  Abydos,  t.  I,  p.  24,  cour  A. 


l'exode,  le  canal  de  la  mer  rouge  307 

l'oppression,  tandis  que  Ménéptah  Ier,  négligeant  Pitliom, 
rappelle  bien  le  Pharaon  malheureux  de  la  fuite. 

Si  l'on  ajoute  ces  faits  à  ceux  qui  viennent  d'être  étudiés 
ou  cités,  on  reconnaîtra  qu'il  existe,  en  faveur  de  l'ancienne 
théorie  sur  l'Exode,  tout  un  faisceau  de  concordances  dont 
il  faut  tenir  compte.  On  s'apercevra,  de  plus,  que  l'impres- 
sion laissée  par  le  règne  de  Ménéptah  n'est  pas  entièrement 
favorable  au  système  qui  se  fonde  sur  elle  pour  rajeunir 
l'Exode,  car  on  peut  la  résumer  maintenant  dans  la  question 
que  voici  :  l'Egypte  réduite  à  un  état  d'  «  abattement  que 
signalent  les  inscriptions  »  avait-elle  conservé  trop  de  co- 
hésion et  de  force  néanmoins,  sous  un  vieillard  faible  et 
inactif,  pour  rendre  possible  «  la  fuite  d'une  bande  d'es- 
claves1 »  cantonnés  à  la  frontière?  En  admettant  que  les 
deux  systèmes  rivaux  aient  pu  se  faire  équilibre,  l'équilibre 
sera  vraisemblablement  dérangé  par  les  constatations  de 
M.  Naville. 

VI 

Il  reste  à  rechercher  l'idée  que  l'on  doit  se  former,  d'après 
les  récentes  découvertes,  sur  l'isthme  et  son  canal  dans 
l'antiquité. 

A  la  faveur  de  l'inscription  latine  qui  place  un  Klusma 
près  d'Héroopolis,  tandis  que  les  auteurs  anciens  parlent  d'un 
Klusma  situé  sur  le  golfe,  M.  Naville  ramène  jusqu'à  Hé- 
roopolis  la  pointe  du  golfe  avec  ses  villes  riveraines,  Klus- 
ma et  Arsinoé.  Il  réduit  ainsi  la  longueur  du  canal  au  par- 
cours de  l'Ouadi-Toumilat,  mais  cette  conclusion  ne  saurait 
être  acceptée  que  dans  une  mesure  très  restreinte. 

Assurément  c'est  la  mer  Rouge  qui  a  formé  les  lacs  Amers 
en  se  retirant,  et  le  fait  peut  être  d'une  époque  relativement 
récente,  comme  l'a  pensé  Linant-Bey  ;  on  peut  même,  dans 
le  silence  des  textes,  le  croire  postérieur  à  Ramsès  II,  mais 

1.  Cf.  Maspero,  Histoire  ancienne  de  l'Orient,  1"  édition,  p.  253-259. 


308  LES    FOUILLES   DE   M.   NAVILLE   A   PITHOM 

dès  qu'on  se  trouve  en  présence  des  premiers  documents 
écrits  relatifs  au  canal,  c'est-à-dire  des  Histoires  d'Héro- 
dote, le  doute  n'est  plus  possible. 

M.  Naville  s'appuie  pourtant  sur  le  texte  même  d'Héro- 
dote', qu'il  juge  fautif  et  qu'il  corrige  d'après  Larcher,  dont 
la  traduction  est  ainsi  conçue  :  «  le  canal  a  de  longueur 
quatre  journées  de  navigation,  et  assez  de  largeur  pour  que 
deux  trirèmes  puissent  y  voguer  de  front.  L'eau  dont  il  est 
rempli  vient  du  Nil,  et  y  entre  un  peu  au-dessus  de  Bu- 
bastis.  Le  canal  aboutit  à  la  mer  Erythrée,  près  de  Patoumos, 
ville  de  l'Arabie.  » 

Les  éditions  ordinaires  coupent  le  texte  d'une  manière 
bien  différente,  et  font  dire  à  Hérodote  que  le  canal  aboutit 
à  la  mer  Rouge  après  s'être  embranché  près  de  Patoumos 
(traduction  de  Lepsius)  ou  après  s'être  dirigé  vers  Patoumos 
(traduction  deGuiget),  suivant  le  sens  qu'on  donne  à  la  pré- 
position -t'A  (tJxtoh  8s  xaxuirepôe  ôXi'^ov  Boubàdrioç  TtôXioç  irapà  flaTOOfJLOV 

-:>;,  'Apa6(T,v  -)•./.  Dans  le  premier  cas,  il  y  aurait  eu  au  com- 
mencement du  canal  une  ville  arabe  de  Patoumos  qui  serait 
identique  à  Thumde  l'itinéraire  d'Antonin,  comme  l'a  pensé 
M.  Lepsius,  et  qui  serait  distincte  de  Pithom  ;  dans  le  se- 
cond cas,  la  ville  de  Patoumos,  située  sur  le  parcours  et 
non  an  commencement  du  canal,  serait  la  même  ville  que 
Pithom. 

Mais,  qu'on  puisse  l'entendre  ou  non  des  deux  manières, 
le  texte  d'Hérodote  est  correct,  et  la  modification  adoptée 
par  M.  Naville  devient  impossible  à  maintenir  quand  on 
considère  la  suite  du  chapitre  :  «  On  commença  à  le  creuser 
dans  cette  partie  de  la  plaine  d'Egypte  qui  est  du  côté  de 
l'Arabie.  La  montagne  qui  s'étend  vers  Memphis,  et  dans 
laquelle  sont  les  carrières,  est  au-dessus  de  cette  plaine,  et 
lui  est  contiguë.  Le  canal  commence  donc  au  pied  delà  mon- 
tagne; il  va  d'abord,  pendant  un  long  espace,  d'Occident  en 

1.  Hérodote,  II.  loS. 


l'exode,  le  canal  de  la  mer  rougk  309 

Orient,  à-'  li-àor,;  -poç  ~.i,-*  f^,  il  passe  ensuite  par  les  gorges 
de  cette  montagne  et  se  porte  au  Midi  dans  le  golfe  d'Ara- 
bie1 »,  mot  à  mot  à  partir  de  la  montagne  du  coté  du 
Midi  et  du  Notos,  vers  le  golfe  Arabique,  obrà  toû  oupeoç  irpôç 

[XE(Ta|xëpi7)V  te  scat  vôxov  àvE'jiov.  ï;  xôv  v.'.i-.'yi  xàv  'Apaêiov. 

La  signification  du  passage  et  l'intention  de  l'auteur  sont 
visibles  :  Hérodote  décrit  les  deux  directions  du  canal,  l'une 
de  l'ouest  à  l'est  dans  le  sens  de  l'Ouadi-Toumilat,  l'autre 
de  l'est  au  sud,  dans  le  sens  des  lacs  Amer.-;.  La  montagne 
dont  il  parle  est  le  versant  méridional  de  la  chaîne  qui  longe 
l'Ouadi,  et  la  gorge  de  cette  montagne  correspond  à  l'ouver- 
ture septentrionale  du  bassin  qui  contient  les  lacs  Amers. 
La  topographie  de  l'historien  ne  s'accorde  en  aucune  façon 
avec  la  carte  de  M.  Naville,  qui  place  l'ancien  rivage  de  la 
mer  Rouge  entre  Pi-Keheret  et  le  lac  Timsah,  ne  laissant 
ainsi  aucun  moyen  de  .tracer  le  coude  décrit  par  le  canal 
de  l'est  au  sud,  ni  de  comprendre,  en  outre,  comment  les 
vingt  lieues  de  l'Ouadi-Toumilat  auraient  exigé  quatre  jours 
de  voyage,  quand  la  journée  de  navigation,  en  Egypte,  était 
de  treize  à  quatorze  lieues. 

On  remarquera  que  la  description  d'Hérodote  est  confirmée 
de  plusieurs  manières,  et  notamment  par  les  traces  du  ca- 
nal creusé  ou  recreusé  par  les  Perses,  depuis  les  lacs  Amers 
jusqu'aux  environs  de  Suez.  Entre  ces  deux  points,  la  Com- 
mission d'Egypte  a  découvert  des  ruines  et  des  inscriptions 
du  temps  de  Darius,  surtout  dans  le  voisinage  de  Chalouf, 
près  de  l'ancien  canal,  appelé  aujourd'hui  canal  des  Pharaons, 
qui  fut  retrouvé  par  le  général  Bonaparte. 

Les  ruines  de  Tell-Kolzoum,  à  quelques  minutes  de  Suez, 
conservent  encore  le  nom,  et  sans  doute  marquent  encore 
l'emplacement  de  Klusma,  le  vieux  port  du  golfe. 

Enfin,  les  passages  où  Pline  et  Strabon  parlent  du  canal 
le  montrent  clairement,  malgré  des  inexactitudes  de  détail, 

1.  Traduction  de  Larcner. 


310  LES    FOUILLES   DE   M.   NAVILLE    A   PITHOM 

ou  franchissant  les  lacs  Amers  (Strabon),  ou  aboutissant  aux 
lacs  Amers  en  partant  de  la  mer  Rouge  (Pline).  Il  traverse 

les  laCS   Amers,   v.a^sEl  8è  xat  Stà  xtov  7tœp5>v  xaXou[jiÉvu>v  Xtjxvîôv,  dit 

Strabon  ',  qui  représente  ces  lacs  comme  dessalés  par  le  canal, 
soit  qu'il  prenne  quelque  partie  pour  le  tout,  soit  qu'il  con- 
fonde les  lacs  avec  le  canal  lui-même,  qui  était  large2  et  pois- 
sonneux3. 

Pline,  qui,  selon  sa  coutume,  a  compilé  ici  sans  réfléchir, 
supprime  la  partie  du  canal  comprise  entre  Bubastis  et 
Pithom,  et  croit,  ou  plutôt  dit,  que  le  canal  de  Sésostris,  de 
Darius  et  de  Ptolémée,  partait  de  la  mer  Rouge,  et  s'arrêtait 
aux  lacs  Amers.  Daneon  portas,  ex  quo  naur'gabilem  aheum 
perducere  in  Nilum,  qua  parte  ad  Delta  dictum  decurrit, 
—  primus  omnium  Sésostris  JEcjypti  rex  cogitavit,  mox 
Darius  Persarum,  dcinde  Pto/emeus  sequens,  qui  et  duxit 
Jossam,  —  usque  ad  Fontes  amaros.  Ultra  deterruit  i non- 
dation  is  metusk. 

.Les  lacs  Amers  de  Pline  et  de  Strabon  ne  peuvent  se 
placer  ailleurs  qu'entre  le  canal  de  Darius  et  le  Patoumos 
d'Hérodote,  c'est-à-dire  dans  le  site  actuel  des  lacs  du 
même  nom.  On  ne  saurait  donc  accorder  à  M.  Navillc  qu'il 
n'a  pas  existé  de  canal  entre  le  lac  Timsali  et  la  mer  Rouge. 
Par  conséquent,  les  textes,  en  apparence  contradictoires,  qui 
groupent  Klusma,  Héroopolis,  et  Arsinoc  au  bord  de  la  mer 
Rouge,  demandent  à  être  expliqués,  si  possible. 

Une  première  solution  est  suggérée  au  sujet  de  Klusma 
par  l'énorme  différence  qui  existe  entre  les  distances  de 
Héro  à  Klusma,  signalées  dans  ['Itinéraire  d'Antoninet  sur 
la  pierre  de  Pithom.  La  pierre  indique  neuf  milles  de  Héro 
;i  Klusma,  tandis  que  ['Itinéraire  dit  que  Héro  étail  à  vingt- 
quatre  milles  d'une  ville  de  Thoum,  et  à  dix-huit  milles  de 

1.  Strabon,  liv.  XVII. 

2.  lit.,  et  Hérodote,  II,  158. 
:'..  Élien,  Anim.,  XII,  29. 
4.  Pline,  VI,  2!». 


l'exode,  le  canal  de  la  mer  rouge  311 

Serapiu  qui  était  à  cinquante  milles  de  Klusma.  Le  mot 
Klusma,  qui  signifie  port,  pouvait  désigner  bien  des  localités 
différentes,  comme  les  mots  Migdol  ou  forteresse,  Serapiu, 
Sérapéum,  etc.;  il  y  avait  donc  deux  Klusma  dans  l'isthme, 
l'un  sur  la  mer  Rouge,  l'autre  sur  le  lac  Timsah,  qui  est  un 
véritable  port  intérieur,  suivant  l'expression  de  M.  de 
Lesseps. 

La  solution  qui  convient  pour  Klusma  ne  convient  pas 
pour  Arsinoé,  parce  qu'aucun  texte  ne  motiverait  un  dé- 
doublement de  cette  ville,  dont  le  site  reste  douteux.  Quant 
à  Héroopolis,  la  ville  des  magasins,  qui  était  située  à  Tell- 
el-Maskhoutah  et  qui  avait  néanmoins  donné  son  nom  au 
golfe,  l'absence  de  documents  formels  ne  permet  guère  non 
plus  de  la  dédoubler.  Or,  si  l'on  n'admet  pas  deux  Héroo- 
polis, il  n'y  a  plus  qu'une  explication  possible  :  c'est  que  les 
anciens,  qui  appelaient  mer  toute  grande  étendue  d'eau,  ont 
regardé  les  lacs  Amers  et  leur  canal  tantôt  comme  faisant 
partie  et  tantôt  comme  ne  faisant  pas  partie  de  la  mer 
Rouge.  On  ne  peut  même  comprendre  autrement  le  passage 
où  Aristote  dit  que  Sésostris,  le  premier,  essaya  de  canaliser 
la  mer  Rouge,  xr(v  Ipuepàv  eaXaxtav  —  ï-nziSh,  Siopu-c-eeiv  (Métêo- 
rolog.,  I,  14).  Les  lacs  Amers  étaient  une  sorte  de  mer  inté- 
rieure à  peine  séparée  de  l'autre,  si  bien  qu'on  pouvait  les 
réunir  toutes  deux  sous  un  même  nom,  quand  le  sujet 
n'exigeait  pas  une  précision  d'ailleurs  peu  conforme  aux 
habitudes  de  l'antiquité.  On  voit  que  Strabon,  par  exemple, 
décrit  les  choses  grosso  modo,  quand  il  dit  qu' Arsinoé  a 
dans  son  voisinage,  à  la  pointe  du  golfe,  Héroopolis,  Cléo- 
patris  (ville  qu'il  vient  pourtant  d'identifier  avec  Arsinoé), 
et  des  ports,  des  villages,  des  canaux  et  des  lacs  (liv.  XVII). 
Ces  détails  conviennent  mieux  aux  environs  de  Pithom  qu'à 
ceux  de  Suez. 

En  définitive,  les  fouilles  de  Pithom  ne  modifient  pas  les 
indications  fournies  par  les  anciens  sur  le  canal  qu'a  connu 
Hérodote,  et  qu'ont  creusé  ou  déblayé  tour  à  tour  les  Égyp- 


312  LES    FOUILLES    DE    M.   NAVILLE    A    PITHOM 

tiens  avec  Néchao,  les  Perses  avec  Darius,  et  les  Grecs  avec 
Philadelphe;  par  conséquent,  l'isthme,  le  canal,  les  lacs  et 
la  mer  Rouge  différaient  peu  de  ce  qu'ils  sont  aujour- 
d'hui. 

Le  canal  partait  des  environs  de  Bubastis,  suivait  la  vallée 
ouverte  devant  lui,  aboutissait  à  Pithom,  Patoumos  ou  Hé- 
roopolis,  traversait  les  lacs  et  finissait  à  Klusma,  absolu- 
ment comme  le  canal  d'eau  douce  qui  va  de  Zagazig  à 
Ismaïliah,  d'une  part,  et,  d'autre  part,  comme  le  canal  ma- 
ritime qui  va  d'Ismaïliah  à  Suez.  Héroopolis,  avec  son  port, 
correspond  à  Ismaïliah  sur  le  lac  Timsah.  Le  Klusma  des 
Grecs  correspond  à  Suez,  et  il  n'est  pas  jusqu'au  canal  d'eau 
douce  partant  du  Caire,  qui  n'ait  son  prototype  dans  le 
canal  de  Trajan  creusé  entre  Babylone  et  Héroopolis1. 

La  configuration  du  sol  a  indiqué  d'elle-même  le  tracé 
des  canaux  comme  l'emplacement  des  villes,  et  puisque  ces 
canaux,  comme  ces  villes,  gardent  à  peu  de  chose  près  leur 
ancien  site,  c'est  que  la  configuration  du  sol  n'a  guère 
changé. 

Ces  conclusions  ne  sont  valables  qu'à  dater  de  Darius. 
Nous  ne  savons  pas.  en  effet,  à  quelle  époque  le  Nil  a  été 
mis  en  communication  avec  la  mer,  et  les  fouilles  de  Tcll- 
el-Maskhoutah  nous  laissent  ignorer  si,  contrairement  à 
l'opinion  de  Letronne,  mais  conformément  au  dire  des  an- 
ciens, Ramsès  II  avait  songé  au  canal  de  la  mer  Rouge. 

La  découverte  de  Pithom  ne  nous  apporte  ici  qu'une  sug- 
gestion, mais  une  suggestion  qui  a  son  importance.  C'est 
que  le  canal  arrosant  l'Ouadi-Toumilat,  ou  Gessen,  allait, 
sous  Ramsès  II,  jusqu'à  Pithom,  qui  n'aurait  pu  subsister 
s;ins  eau  ;  que  !'•  canal,  arrivé  à  Pithom,  touchait  presque  au 
lac  Timsah,  qui  lui  oiïrait  un  débouché  naturel;  que  le  lac 
Timsah  était  facile  à  mettre  en  communication  avec  la  mer 
Rouge,  si  même  il  n'en  faisait  pas  partie  alors,  et  qu'ainsi  le 

1.  Ptolémée,  IV,  5,  54. 


l'exode,  le  canal  de  la  mer  rouge  313 

problème  du  percement  de  l'isthme  devait  être  déjà  posé, 
ou  résolu. 

En  somme,  M.  Naville  aura  retrouvé  la  ville  la  plus  im- 
portante de  l'Exode,  fixé  les  premières  stations  des  Hébreux, 
apporté  certains  renseignements  sur  l'époque  de  leur  fuite, 
comme  sur  l'état  de  l'isthme  à  la  même  date,  et  mis  au  jour, 
par  suite  des  constatations,  une  foule  de  documents  géo- 
graphiques ou  historiques  d'un  haut  intérêt.  Peu  de  travaux 
auront  porté  plus  de  fruits.  De  quelque  manière  qu'on  en- 
visage à  présent  l'ouvrage  qui  les  résume,  la  découverte  de 
Pithom  demeure  inattaquable,  et  c'est  seulement  du  côté 
des  conclusions  secondaires  que  la  critique  fait  ou  fera  quel- 
ques réserves  :  personne  en  effet  ne  saurait,  avec  des  ma- 
tériaux aussi  contradictoires  parfois  que  ceux  qui  se  trouvent 
ici  en  présence,  atteindre  du  premier  coup  toute  la  vérité. 
Comme  toutes  les  œuvres  de  ce  genre,  le  livre  de  M.  Naville 
peut  donc  avoir  ses  parties  faibles  ou  obscures,  mais  cette 
espèce  de  pénombre  ne  fait  que  mieux  ressortir  le  point  cen- 
tral qui  projette,  sur  une  scène  ou  sur  un  sujet  chers  à  tant 
de  peuples,  une  des  plus  vives  lumières  que  l'archéologie 
ait  apportée  à  l'histoire. 


Depuis  l'impression  de  cet  article,  il  a  paru  à  Londres, 
dans  le  journal  The  Academy,  du  20  juin,  une  notice  de 
M.  Naville  sur  ses  fouilles  les  plus  récentes,  celles  de  l'hiver 
dernier. 

Le  résultat  le  plus  important  de  cette  nouvelle  campagne, 
a  été  «  ce  que  je  considère  comme  la  solution,  dit  M.  Na- 
ville, d'une  question  géographique,  le  site  du  pays  de 
Goshen  »,  la  résidence  habituelle  des  Hébreux  en  Egypte. 
Le  nom  de  Goshen,  Gessen  ou  Gesem,  en  grec  Phacousa 
(avec  l'article  égyptien),  se  retrouve  dans  le  mot  Kes  ou 
Kesem  qui  désignait  une  des  villes  et  même  la  capitale  du 


314  LES    FOUILLES    DE    M.  NAVILLE   A    PITHOM 

nome  arabique  :  la  version  des  Septante  appelle  le  pays  de 
Goshen  Gesem  d'Arabie. 

M.  Na ville  a  découvert  les  ruines  de  Kes  au  village  de 
Saft-el-Henneh,  dans  le  voisinage  de  la  station  d'Abou- 
Hammed,  et  non  loin  cle  Zagazig.  Ce  village,  où  se  tient 
chaque  semaine  un  des  marchés  les  plus  importants  de 
rOuadi-Toumilat,  a  pour  place  publique  un  Tell,  sorte  de 
butte  de  décombres,  où  se  voient  encore  les  traces  d'un  de 
ces- murs  en  briques  qui  entouraient  les  constructions  reli- 
gieuses des  Pharaons. 

Il  y  a  une  vingtaine  d'années,  les  paysans  trouvèrent  là 
un  naos  monolithe  en  granit  noir,  qu'un  pacha  fit  briser 
pour  voir  s'il  contenait  de  l'or.  Les  fragments  furent  dis- 
persés :  deux  restèrent  sur  place,  et  deux  autres  allèrent  au 
Musée  de  Boulaq. 

L'examen  de  ceux-ci  montra  que  le  monument  datait  de 
Nectanébo  II,  le  dernier  Pharaon  indigène,  qui  l'avait  dédié 
au  dieu  du  nome  arabique,  Sopt.  Les  autres  fragments, 
recueillis  par  M.  Navillc,  donnent  le  nom  de  la  localité  : 
le  roi  vint  à  Kes  pour  faire  des  offrandes  au  vénérable 
dieu  Sopt  sur  son  trône,  et  les  images  des  dieux  de  Kes, 
avec  celle  chapelle,  ont  été  faites  sous  le  règne  du  roi,  etc. 

Le  site  contient  d'autres  monuments  de  Ramsès  II,  de 
Nectanébo  Ier,  et  de  Ptolémée-Philadelphe,  ainsi  qu'une 
grande  quantité  de  fragments  en  pierres  dures,  granit, 
diorite  et  porphyre,  sans  parler  d'un  certain  nombre  d'ins- 
criptions qui  ont  été  endommagées  depuis  par  les  habitants. 

Le  nom  du  village  moderne,  Saft-el-Henneh,  a  retenu 
celui  du  dieu  ancien  Sopt.  On  identifiait  généralement 
Goshen,  Kes,  Phacousa,  avec  une  localité  située  au  nord  de 
Tell-el-Kébir,  et  appelée  Fakous  :  M.  Naville  promet  de 
réfuter  cette  identification  dans  le  mémoire  qu'il  va  publier 
sur  les  monuments  de  Saft-el-Henneh. 


LE 

NOM  ÉGYPTIEN  DE  L'ICHNEUMON* 


Les  communications  faites  en  mars  1885  à  la  Société 
d' Archéologie  biblique  contiennent,  entre  autres  mémoires 
d'un  grand  intérêt,  une  notice  du  Rév.  A.  Lôwy  sur  la 
belette  et  le  chat,  d'après  le  Dr  Placzek,  et  cette  notice 
peut  donner  lieu  à  quelques  remarques  additionnelles. 

Si  la  belette,  chez  les  Sémites,  a  précédé  le  chat  comme 
animal  domestique,  sous  le  nom  de  choled  ou  chulda,  et  si 
le  chat  l'a  remplacée  sous  le  nom  de  shurra  ou  de  chat/ml, 
nous  retrouvons  la  même  désignation  appliquée  en  Egypte 
à  un  animal  qui  ne  parait  pas  à  la  vérité  avoir  supplanté  le 
chat,  mais  qui  du  moins  a  rendu  et  rend  encore  quelquefois 
les  mêmes  services  :  cet  animal  est  l'ichneumon  ou  rat  de 
Pharaon,  en  copte  uj^-&ot'à,  en  égyptien  ®T  \         yciïru  ou 

-/aOur}  mot  qui  n'a  pas  encore  été  signalé  dans  les  hiéro- 
glyphes. 

Au  tombeau  de  Ramsès  VI  (Champollion,  Xotices,  t.  II, 
p.  512-513),  le  nom  de  yaftur  est  donné  à  un  ichneumon  qui 
est   là   une    forme   d'Horus  em   /eut   mer-ti,  5=£5_J|£= 
,  dieu  adoré  particulèrementàOmbos,  et  cer- 


11111  q    \\<2>- 

tainement  aussi  à  Héracléopolis,  centre  du  culte  de  l'ichneu 

1.  Publié  dans  les  Proceedings  of  the  Socleti/  of  Biblicaî  Archœo- 
loqy,  1885,  p.  93-94,  —  G.  M. 


316  LE   NOM    ÉGYPTIEN   DE   L'iCHNEUMON 

mon  (Strabon,  liv.  xvn).  On  trouve  le  personnage  ichneu- 
monien,  Khatri,  T  <è\  (1(1 ,  associé  avec  un  personnage  à 

tête  de  rat,  A(fi,  (j  *~*~N\  <X  {Denkmàler,  III,  224,  A), 
sans  doute  la  musaraigne  d'eau  (cf.  le  mot  copte  g^feAcAe)  : 
la  musaraigne  était  consacrée  aussi  à  Horus  (Maspero, 
Guide  au  Musée  de  Boulaq,  p.  159). 

Le  culte  de  l'iehneumon  paraît  fort  ancien  :  dès  la  XIIe  dy- 
nastie, Aménemhat  III  est  dit,  au  Labyrinthe,  l'ami  du  dieu 
Khatru,  T^X  °  \\^\  {Denkmàler,  II,  140).  La  domes- 
tication de  l'animal,  qui  a  certainement  favorisé  son  apo- 
théose (cf.  Plutarque,  D'Isis  et  d'Osiris,  74),  n'a  donc  pas 
été  précédée,  au  moins  d'après  les  textes  connus,  par  celle 
du  chat  qui  n'est  nommé  qu'à  partir  de  la  XIIe  dynastie 
(Champollion,  Notices,  t.  II,  p.  381),  tandis  que  l'iehneu- 
mon semble  déjà  représenté  dans  quelques  tableaux  de  l'An- 
cien Empire  (Denkmàler,  II,  pi.  12,  60,  77,  etc.,  et  Mariette, 
La  Gâterie  de  l'Egypte  ancienne,  1878,  p.  26).  Le  chat 
était,  comme  l'iehneumon,  divinisé  sous  le  Moyen  Empire 
(Lepsius,  Aelteste  Texte,  pi.  3,  1.  35,  etc.;  et  Zeitschrift, 
1885,  p.  9).  Il  est  clair  que  le  point  de  départ  de  ces  divini- 
sations doit  être  reporté  à  une  époque  encore  antérieure. 

On  voit  que  l'observation  du  Rév.  A.  Lowy  sur  l'emploi 
d'un  même  nom  pour  désigner  différents  animaux  se  trouve 
confirmée  ici,  car  il  n'y  a  pas  de  doute  que  la  racine  du 
nom  égyptien  de  l'iehneumon  ne  soit  la  même  que  celle  du 
nom  sémitique  de  la  belette  et  du  chat. 


SUR   UN   SYLLABIQUE1 


i 

M.  Le  Page  Renouf  lit  aines  ou  amesi'1  le  syllabique  qui 
représente  le  nom  du  dieu  que  les  égyptologues  appellent 
habituellement  Khem. 

Cette  lecture,  si  elle  était  juste,  ne  donnerait  pas  un  mau- 
vais sens;  ^è\  ^<  ou  <  ¥^v  '  étant  le  nom  d'un  sceptre 
attaché  à  un  fouet,  et  le  dieu  ayant  d'ordinaire  un  fouet  à 
la  main,  ames-i  signifierait  alors  le  fouetteur,  fia<rctYo<popo;, 
et  c'est  à  peu  près  ainsi  que  se  le  représentait  Suidas', 
quand  il  le  dépeignait  comme  fouettant  la  lune.  Mais  la 
lecture  âmes  est-elle  acceptable? 

Tout  d'abord,  il  faut  écarter  la  forme  (1  ~~  JH,  que 
M.  W.  Budge6  a  cru  rencontrer  sur  une  stèle  publiée  aux 
Denkmâler,  mais  où  il  est  clair  que  àm-s  signifie  celui  qui 
est  en  elle,  c'est-à-dire  dans  le  ciel. 

La  difficulté  se  trouve  ailleurs  :  elle  gît  tout  entière  dans 
un  passage  du  Livre  des  Morts,  chap.  xvn,  1.  11  et  12,  où 

1.  Publié  dans  les  Proceedings  of  the  Society  of  Biblical  Archœo- 
loc/y,  1886,  p.  192-201. 

2.  Transactions,  t.  VIII,  part  2,  p.  204,  et  Zeitschrift,  1877,  p.  98. 

3.  Todtenbuch,  chap.  cxlix,  passim. 

4.  Lepsius,  JEltestc  Texte,  pi.  38. 

5.  S.  v.  Priapos. 

6.  Transactions,  t.  VIII,  part  3,  p.  305  et  318. 


318 


SUR   UN   SYLLABIQUE 


certains  textes  anciens  que  vient  de  réunir  M.  Naville  dans 
son  édition  du  Todtenbuch  thébain  ont  f^-Hw  Jj  et  -O-Hw  Jj 

au  lieu  de  ^p  Jr .  M.  Le  Page  Renouf  admet  que  f^  est  là 


pour  -  -,  et  fonde  sa  lecture  sur  cette  assimilation. 

Pourtant,  les  deux  signes  ne  sont  pas  des  variantes  l'un 

de  l'autre.  Ils  ont  été  quelquefois  confondus,  comme  dans 

un  texte  où  le  tombeau  de  Séti  Ier  a  cizd  ^^         n  .n. 

^  U  i  i  i  i  i  i  <r=>  1  '  ' 

¥\    >2  et  le  sarcophage  du  même  roi  ^~~lkk,         *> 

leurs  offrandes  sont  auprès  de  celui  qui  est  en  elle.  Mais  le 
fait  est  rare,  et  on  remarquera  que  les  papyrus  qui  donnent 
la  variante  ■fH'W  n'ont  pas  f\  pour  la  syllabe  àm  -  -,  non 
plus  que  le  sarcophage  de  Mentuhotep4  et  un  texte  qui  est 
aux  Denkmàler*  :  ils  distinguent  les  deux  signes  -(-.  Donc, 

n  u 

f-j-  n'est  pas  -  -. 

Les  deux  signes  ont  été  confondus  dans  un  seul  papyrus 
pour  le  nom  du  dieu,  qui  est  là  Hh\\  J)  et  (1  —  Jj)*, 
mais  que  faut-il  conclure  a  priori  de  ce  fait  isolé,  sinon  que 
le  scribe  du  papyrus  a  été  seul  ici  à  prendre  un  hiéroglyphe 
pour  un  autre?  Pareille  confusion  avait  lieu  de  temps  en 
temps  entre  des  signes  qui  se  ressemblent  :  on  trouve  encore, 
dans  Les  belles  publications  de  M.  Naville,  des  cas  de  mé- 
prise entre  y  et  -  -  ou  A7,  ce  qui  ne  veut  certainement  pas 

dire  que  -  -  ou  A  puissent  se  lire  yem  ou  se/em. 

1.  Naville,  Das  JEgyptische  Todtenbuch,  t.  II,  p.  41. 

2.  Champollion,  Notices,  t.  I,  p.  792,  1.  26-29. 

'A.  Sharpe  et  Bonomi,  T/w  Alabaster  Sarcophagus,  4,  B. 

4.  Lepsius.  Mlteste  Texte,  7,  32,  et  8,  67  et  76. 

5.  Denkmàler,  III,  38,  e. 

6.  Naville.  Todtenbuch,  t.  II,  p.  41. 

7.  ld.,  \>.  73,  71,  et  441;  cf.  Naville,  Transactions,  t.  VIII,  part  3, 
I».  416,  et  Denkmàler,  III,  262.  a  4. 


SUR   UN   SYLLABIQUE  319 

On  pourrait  répondre  que  c'est  le  papyrus  unique  dont  il 
s'agit  qui  possède  la  vraie  leçon,  bien  que  l'argument  ait 
contre  lui  toute  vraisemblance,  mais  il  ne  saurait  tenir,  en 
outre,  devant  les  considérations  suivantes  : 

Un  surnom  du  dieu  Khem  est  bien  certainement  [  Q  1\\\ 
titre  que  M.  de  Rougé  a  signalé  depuis  longtemps',  et  dont 
M.  Pierret  a  cité  les  variantes  |s  I  et  Q         (r.  Or,  on 

trouve  le  groupe   M-pj-  I,   (a  If^NV,  aux  textes  d'Edfou', 

où  il  désigne,  dans  le  second  cas,  un  dieu  de  la  pêche, 

o 


^b^^te.  ^v"^^      maître  des  oiseaux  et  des  poissons, 
aux  provisions  nombreuses,  9         -R-  \j)  \  w         (m 

Ce  type  divin,  auquel  on  peut  rattacher  un  ra  in- 

fernal5, n'est  autre  évidemment  que  le  dieu  Khem,  signalé 
comme  dieu  pêcheur  dans  ses  deux  nomes,  par  différents 
noms  géographiques. 

Le  pehu  du  nome  Panopolite  était  v^~~  savII     ,  la  pêche  de 


ra         Q  <S=d 

Khem,  le  canal  du  nome  Coptite  était  w««|\  ,  et  le 

mouillage  de  la  barque  sacrée  à  Coptos,  a5\  .  On 

remarquera  que  les  caravanes  ou  les  troupes  qui  allaient  de 
Coptos  à  la  mer  Rouge  devaient  être  accompagnées  de 
pêcheurs,  comme  l'indique  une  stèle  de  Ramsès  IV  \  D'après 
les  textes  du  Mythe  d'Horus1,  Khem  possédait  un  ^=œ, 


1.  Naville,  Todtenbuch,  t.  II,  p.  41. 

2.  Études  sur  le  Rituel,  p.  47,  et  Mélanges  d'Archéologie,  3e  fasci- 
cule, p.  104. 

3.  Vocabulaire  hiéroglyphique,  p.  381. 

4.  J.  de  Rougé,  Edfou,'t.  I,  pi.  40,  14,  et  t.  II,  pi.  102,  19. 

5.  Tombeau  de  Ramsès  VI,  troisième  corridor,  paroi  gauche. 

6.  Stèle  de  Hamamat,  1.  16. 

7.  2,  1,  et  7,  1. 


320  SUR   UN   SYLLABIQUE 

\\  8  ^rr-n-  typique,  et  le  mot  àh,  qui  pourrait  désigner 
le  collier  §§|  \  a  certainement  aussi  le  sens  de  filet*, 
comme  le  montre  le  texte  d'une  scène  de  Karnak3.  Ram- 
sès  II,  précédé  par  Num  et  suivi  par  Horus,  tire  avec  eux 
la  corde  d'un  filet  devant  Tlioth,  qui  dit  :  Tire  ta  nasse,  tes 
mains  sur  la  corde  du  filet  uftH,  avec  tes  deux  frères 

filet',  et  n  S  (1(1  ',  tresse).  Le  ^nnr  de  Khem  est  probablement 
l'objet  de  forme  analogue  parfois  représenté"  en  combinaison 
ou  non  avec  y,  derrière  le  dieu,  qui  en  est  dit  le  maître7. 
Le  y,  devenu  une  sorte  de  mât  de  cocagne,  (J^, v-^7^  dans 
les  jeux  gymniques8  exécutés  devant  Khem9,  serait  le  pieu 
auquel  on  attachait  le  filet,  et  auquel  on  donnait  des  formes 
très  variées10. 

Mais  quand  même  le  dieu  Khem  n'aurait  pas  été  le  pê- 
cheur Heqes,  il  n'en  resterait  pas  moins  vrai,  d'après  les 
deux  exemples  cités  plus  haut,  que  le  groupe  heqes  pouvait 
recevoir  le  f\  pour  déterminatif,  et  par  suite  pour  sylla- 
bique,  conformément  aux  lois  de  l'écriture.  C'est  ce  qui  est 
arrivé  au  chapitre  xvn  du  Todtenbuch,  où  l'on  trouve  dans 


1.  Denkmàler,  IV,  90,  d. 

2.  Cf.  Pierret,  Vocabulaire,  p.  11. 

'À.  Champollion,  Monuments,  t.  III,  pi.  287,  et  Notices,  t.  II,  p.  42. 

4.  Brugsch,  Dictionnaire,  p.  922. 

5.  Brugsch,  Dictionnaire,  p.  128. 

6.  Denkmàler,  II,  149,  c,  151,  k;  III,  275,  c,  etc.;  Champollion,  Mo 
numents,  t.  III,  pi.  211  et  288;  Prisse  d'Avennes,  Monuments  égyptiens, 
pi.  ')  et  8,  etc. 

7.  Denkmàler,  III,  283. 

8.  Cf.  Hérodote,  II,  91. 

9.  Denkmàler,  IV,  42,  b. 

10.  Cf.  Champollion,   Notices,  t.  II,  p.  380,  et  E.  de  Hougé.  Études 
sur  />■  Rituel  funéraire,  pi.  4  et  5. 


SUR   UN'SYLLABIQUE  321 

le  même  papyrus  j  ?  |1\\  et  fl-Ow'.  La  valeur  heqes  de 
l'hiéroglyphe  f\  a  été  signalée  depuis  longtemps  par 
M.  J.  de  Rougé  dans  le  nom  d'un  Pehu,  celui  du  huitième 
nome  de  la  Haute  Egypte,  lequel  touchait  au  nome  Pano- 
polite  :  les  variantes  donnent  f\  et  ^   ^f\  ou     Ni*. 

Puis  donc  qu'on  trouve  au  Livre  des  Morts  f\  accom- 
pagné de  son  complément  phonétique  I  et  même  remplacé 
par  |  §  jl\\,  on  est  forcé  de  conclure  que  f^  vaut  bien  là 
heqes,  phonétique  déjà  connu  du  signe,  et  surnom  déjà  connu 
du  dieu.  La  lecture  heqes  étant  fondée,  la  lecture  contra- 
dictoire iimes,  fournie  par  un  seul  texte,  ne  saurait  plus  être 
défendue. 

II 

Il  se  peut  que  -p|-,  qui  détermine  tant  de  mots  différents3, 
entre  autres  un  nom  d'habit1,  représente  ici  quelque  engin 
de  pêche,  un  filet,  par  exemple,  puisqu'il  accompagne  les 

mots  ^'^  -ft-     et  ^"tx  c^z>  ft   ,    signifiant  filet   et 

pêcher ! . 

Si  le  heqes  était  un  filet,  il  serait  possible  de  rapprocher 
ce   mot   de   la  racine   henkes,   hensek,   henk,   Q   Ml  , 

q     „Yv     — M —        0    /VA/WVS  ^  a/vwsa  — h — 

Q   \U  ,  q  •    qui  veut  dire  tresse  de  cheveux,   de 

même  que  Senun  signifiant  à  la  fois  chevelure  etjilet.  Henkes 
serait  une  forme  nasalisée  de  heqes,  comme  8  r  est 
une  forme  nasalisée  de  <w  "èx  r       T. 

1.  Naville,  Todtenbuch,  II,  41. 

2.  Reçue  archéologique,  1867,  p.  335,  336;  cf.  Edfou,  pi.  20  et  51. 

3.  Cf.  Grand  Papyrus  Harris,  passirn. 

4.  Schiaparelli,  77  Libro  del  Funerali,  t.  I,  p.  68. 

5.  Todtenbuch,  chap.  cxm;  cf.  Naville,  Todtenbuch,  II,  74  et  433. 

6.  Naville,  Todtenbuch,  II,  150  et  222. 

7.  Brugsch,  Dictionnaire,  p.  971,  et  Pierret,  Vocabulaire,  p.  365. 

BlBL.   ÉGYPT.,   T.   XXXIV.  il 


322  SUR   UN   SYLLABIQUE 

On  remarquera  ici  que,  dans  les  deux  cas,  la  lettre  s  ne 

semble  pas  faire  partie  de  la  racine1,  puisqu'il  y  a  une  forme 

(]  pour  le  titre  du  dieu,  qui  se  rattache  ainsi  à  plu- 

sieurs  noms  de  l'Ancien  Empire',  et  une  forme  fi   pour 

le  nom  de  la  tresse,  qui  se  rattache  ainsi  à  une  des  désigna- 

^     I  |     ooo\ 

Strabon  dit  qu'autrefois  la  population  de  Panopolis  se 
composait  en  partie  de  tisserands.  Ainsi  Khem  aurait  été, 
dans  ses  deux  nomes,  le  dieu  des  tisserands  comme  des  pê- 
cheurs. Si  l'on  se  rappelle  que  seyet  signifie  à  la  fois  filet 
et  tissage,  on  ne  s'étonnera  pas  de  la  relation  signalée  ici 
entre  les  idées  de  filet,  de  tissage  et  même  de  chevelure  : 
au  fond,  c'est  la  notion  de  tresse  qui  est  en  jeu. 

La  disparition  de  Ys,  dont  il  vient  d'être  parlé,  explique 
deux  mots  cités  par  M.  Brugsch  dans  le  Supplément  de  son 
Dictionnaire1,  fi  A ,  qui  signifie  pêcher,  et  fi  fi  v^'  l11* 

est  en  rapport  avec  la  chevelure.  Le  dernier  mot  explique 
lui-même  une  expression  de  la  Litanie  solaire,  où  on  lit  à 
la  53e  invocation  : 

Salut  à  toi,  Ra,  à  la  liante  puissance,  corne  étincelante, 


croissant  des  étoiles,  a^w^IK     jy^--^^ 

boucle  <le  la  coiffure  (cf.  la  boucle  en  demi-cercle  y^ens,  et 
le  dieu  lunaire  Khons). 

1);iiis  la  forme  keha,  le  déplacement  de  la  première  lettre 
n'aurait  rien  que  d'ordinaire  :  ainsi,  l'on  trouve,  pour  le  nom 
de  la  chèvre  sauvage,  les  variantes  heqes  et  kehes,  fi    ^  4y?t 

1.  Cl'.  Brugscb,  Dictionnaire,  p.  971. 

2.  Cf.  Lieblein,  Dictionnaire  des  noms  propres,  n0*  248,  371,  383, 
551,  552,  etc. 

3.  Champollion,  Notices,  t.  II.  p.  310  et  361. 

4.  1'.  N57  el  859. 

5.  Naville,  /."  Litanie  du  Soleil,  p.  60. 

•  '».   Pierret,  Vocabulaire  hiéroglyphique,    p.    381,    et    Lieblein,    Die 
Mgyptische  Denknxàler,  pi.  3:'.,  n   50. 


SUR    UN   SYLLABIQUE  323 

et  s|  l^a,  mots  qui  nous  ramènent  directement  au  sur- 
nom heqsi  du  dieu  Khem. 

On  vénérait,  en  effet,  dans  une  des  deux  villes  du  dieu,  à 
Coptos,  la  dorcas  femelle,  suivant  le  témoignage  d'Élien1, 
confirmé  par  les  médailles  des  nomes'.  Or,  le  copte  s^ci, 
(S'ooce,  (î'ooc,  caprea,  dama,  gemella,  dérivé  de  heqes  ou 
kehes  comme  <s^£  de  S8  W»  damula3,  est  féminin,  et  c'est 
très  vraisemblablement  par  suite  d'un  jeu  de  mots  sur  le 
nom  du  dieu  et  le  nom  de  l'animal  que  la  (-lièvre  a  été  con- 
sacrée à  Heqes. 

Elien  ajoute  que  la  dorcas  était  chère  à  Isis.  Elle  repré- 
sentait sans  doute  la  sœur  jumelle  de  la  déesse,  Nephtliys, 
femme  du  dieu  Set  à  tête  de  gazelle4;  il  y  a,  au  Livre  de 
l'Hémisphère  inférieur,  à  la  première  division,  une  Ne- 
phtliys, TT,  appelée  la  chèvre  sauvage,  <rr>  <C-v  '. 

III 

Si  l'on  examine  maintenant  les  variantes  du  nom  même 
de  Khem,  une  nouvelle  question  se  présente.  Faut-il  ra- 
mener à  la  lecture  heqes  ou  heqs-i,  comme  l'a  fait  dans  un 

cas  M.  de  Rougé,  les  formes  (h  "  du  sarcophage  de  Mentu- 
hotep6,  ^=  du  Ramesséum7,  b=^\  ^",  et  ^z'°  des  pa- 

1.  Hist.  Anim.,  X,  23. 

2.  J.  de  Rougé,  Monnaies  des  Nomes,  p.  12-14. 

3.  Brugscb,  Supplément  au  Dictionnaire,  p.  1305. 

4.  Cf.  Langlois,  Numismatique  des  Nomes,  Nome  Coptite. 

5.  Denkmâler,  III,  224,  1  ;  cf.  Description  de  l'Egypte,  Atlas,  t.  V. 
p.  41. 

6.  Lepsius,  sEUcstc  Texte,  1,  7. 

7.  E.  de  Rougé,  Mélanges  d'Archéologie,  fascicule  3,  p.  104. 

8.  Naville,  Todtenbuch,  t.  II,  p.  329.' 

9.  Id.,  p.  381,  et  Lepsius,  JEltcste  Texte,  p.  35. 

10.  Naville,  Todtenbuch,  t.  II,  p.  381. 


324  SUR    UN   SYLLABIQUE 

pyrus  funéraires?  Cela  n'est  pas  probable  a  priori,  puisqu'il 
faudrait  alors  attribuer  au  syllabique  -**-  la  valeur  lièges 
et  rejeter  la  lecture  yem. 

De  ces  formes,  la  première  se  réduit  à  v  "  ,  yem  (ou  plu- 
tôt yem-i),  comme  l'a  compris  le  Dr  Lepsius',  car  Yà  appar- 
tient là  au  groupe  précédent,    ,  écrit   (1  pour         [|, 

avec  la  suppression  du  petit  trait  qui  est  fréquente  dans  ce 
texte  quand  les  lettres  sont  serrées2.  Le  groupe  Ç\  fl'^T'3 
doit  se  lire  aussi  Horù-Kliem-ti,  et  non  Hor-Akhem-ti. 

En  second  lieu,  la  forme  ~»~  est  une  fausse  lecture  de 

M.  de  Rougé,  réunissant  le  déterminatif  d'un  mot  avec  le 
syllabique  d'un  autre.  Le  texte,  reproduit  au  Ramesséum 

et  à  Médinet-Abou,  est  i)  "^flll  \^?  i== 'QQ  — 4,  d'où 

^in\<rz>ll     >     '       f  ilooo 

il  suit  (jue  ooo  ne  représente  là  que  le  déterminatif  bien 
connu  du  mot  meri,  qui  désigne  une  espèce  d'arbre  ou  de 
bois.  Quant  à  0^3,  qui  visiblement  est  pour  -*»=-,  il  ne  fait 
que  fournir  un  exemple  de  la  confusion  des  signes  allongés. 


— =JOC^ 


Enfin,  ~~*~  et  ^z,  dont  il  existe  une  curieuse  variante 
au  Papyrus  de  Neb-qed  \  ne  représentent  qu'un  redouble- 
ment graphique  du  syllabique  :  en  ciïet,  le  mot  Khem,  sou- 
vent écrit  ^?,!,  se  rendait  par  — *—  aussi  bien  que  par  -«a-, 
autre  forme  de  l'objet. 

Jamais  on  n'a  trouvé  le  surnom  |  8  l\\  ou  f\  l\\  accom- 
pagné du  support  ^f~,  qui,  au  contraire,   accompagne  si 

1.  Mlteste  Texte,  pi.  9,  1.  7,  p.  32. 

2.  Cf.  id.,  pi.  1,  1.28. 

3.  Lieblein,  Dictionnaire  des  noms  propres,  n"  106"). 

1.  Cf.  Charapollion,  Monuments,  t.  III,  pi.  213;  Rosellini,  /  Monu- 
menti  dell'  Ecjitto,  t.  III,  pi.  75  et  85,  et  Denkmâler,  III,  163  et  212. 

5.   Pi.  '■».  1.  7. 

(5.  Cf.  Lepsius,  /Elteste  Texte,  p.  52;  Naville,  Todtenbuch,  t.  II, 
|,    il  et  381;  Grand  Papyrus  Harris,  61,  a,  12,  etc. 


SUR    UN    SYLLABIQUE  325 

souvent  le  nom  ^°^-}  qu'il  y  a  des  cas  où  le  simple  mot 
support  s  écrit  (I  ^\<=iVT_w[  •  Heqsi  n  est  donc  pas  une 
variante  phonétique  du  syllabique,  mais  une  variante  my- 
thologique du  dieu,  au  même  titre  qu'Horus  et  Ammoir 
dans  le  rôle  obscène  où  se  réunissaient  quelquefois  ces  trois 
types  divins,  comme  à  Edfou  :  vs,  / -=&*>-  (1         '.   Baba 

_illi\5  I    /W\AAA 

aurait  pu  aussi  alterner  avec  Khem,   d'après  la  variante 

SB--  On  trouve  fréquemment  l'échange  entre  eux  des  noms 

ou  des  épithètes  d'un  dieu  dans  les  exemplaires  du  Livre 
des  Morts,  par  exemple  :  Unnefer  pour  Osiris5,  Anubis 
pour  Ap-ua-t-u6,  Ra  pour  Tum7,  Horus  pour  Bak\  etc. 

Il  ne  reste  plus  à  expliquer  que  la  forme  indiquée  par  le 
redoublement  du  syllabique  ou  bien  par  la  finale  ti,  dans 

-dOt=-  M H 


Ici,  l'emploi  simultané  de  deux  représentations  un  peu 
différentes  du  même  signe  n'a  rien  de  contraire  aux  lois  du 
système  graphique;    c'est   ce  qu'on   remarque  dans   CJ  ©, 


accom- 

pagnant  différents  mots,  (I  x    quand  ce  groupe  est  déter- 

miné ou  exprimé  par  une  ligure  spéciale  pour  chaque  cha- 
pelle10, etc. 

î.  Naville,  Todtenbuch,  t.  II,  p.  113  et  193. 

2.  Le  Page  Renouf,  Transactions,  t.  VIII,  part  2,  p.  201. 

3.  J.  de  Rougé,  Edfou,  t.  II,  pi.  103. 

4.  Tombeau  de  Rainsès  IX,  troisième  Corridor,  Paroi  droite. 

5.  Naville,  Todtenbuch,  t.  II,  p.  29. 
G.  Id.,  p.  114. 

7.  Id.,  p.  23  et  63. 

8.  Id.,  p.  198. 

9.  Todtenbuch,  chap.  cxlv,  4. 

10.  Naville,  Todtenbuch,  t.  Il,  p.  83;  Textes  relatifs  au  mythe  d'Ho- 
rus,  19,  3;  J.  de  Rougé,  Edfou,  pi.  101,  15,  et  102,  lb\  etc. 


326  SUR    IN    SYLLABIQUE 

Mais  cette  répétition  du  signe,  et  la  finale  ^  dont  les  va- 

H H 

riantes  „  "  '  et  v-^k-2  ont  retenu  chacune  une  lettre,  indi- 
quent-elles un  suffixe,  ou  bien  un  redoublement  du  mot, 
/cm/cm  ou  yymcnr!  Les  deux  explications  peuvent  se  sou- 
tenir. Voici,  toutefois,  quelques  remarques  à  l'appui  de  la 
seconde. 

Une  forme  redoublée  yjemem  parait  s'être  conservée  dans 
la  prononciation  grecque  ^éfifjiiç3,  du  nom  de  Panopolis  (ori- 
ginairement distincte  de  yepê  pour  yeb),  dans  la  prononcia- 
tion  copte  ^xiijul,  ujjuiu  ,  du  même  nom,  en  égyptien  v^r~ ~, 
dans  la  prononciation  arabe  du  même  nom  encore  Akhmim, 
Akhmin,  et  dans  la  dernière  prononciation  égyptienne  du 
nom  de  Khem,  Min,  le  Pamulès  de  Plutarque  d'après 
M.  Ebers5.  La  forme  Min,  qui  semble  un  archaïsme",  rap- 
pelle peut-être  moins  le  nom  d'Ammon  qu'une  forme  y/ni  m , 
/.min,  avec  chute  de  la  gutturale  aspirée. 

Cette  chute  s'observe  dans  Num  pour  /nain,  nom  du 
dieu  d'Éléphantine,  à  l'époque  pharaonique7,  et  à  l'époque 
grecque  dans  Armaios8  pour  Armakhis,  nom  du  sphinx  de 
Gi/eh  (cf.,  dans  Ératosthène9,  yyoùëoç  pour  nub,  «l'or))). 

Plutarque  aussi  donne  a   Horus  le  surnom   de  Kaimin, 

avec  le  sens  (le  ce  qui  est   visible,   Kai'fjuv,   07cep  ècmv  ôpa>|xevov10, 

1.  Lepsius,  Mltcste  Texte,  1.7;  Licblein,  Dictionnaire  (1rs  noms 
propres,  n"  1304  el  |>-  170;  Maspero,  Sur  quelques  Papyrus  du  Louvre, 
p.  88.  et  Zeitschrift,  1885,  p.  5. 

2.  Naville,  Todtenbuch,  t.  II.  p.  381. 

:{.  Hérodote,  II,  Dl,  el  Plutarque,  D'Is.  et  d'Os.,  11;  cf.  Diodore, 
I,  18. 

1.  Champollion,  L'Egypte  sous  les  Pharaons,  I.  I,  p.  05. 

5.  Zeitschrift,  1868,  |>.  10. 

6.  Cf.  Maspero,  Zeitschrift,  1882,  p.  129. 

7.  ('i.  E.  de  Rougé,  Chrestomathie,  t.  I.  p.  '.15. 

8.  Diodore,  I.  64. 

9.  Dana  le  Syncelle,  I.  190. 

10.  Traité  d'Isis  et  d'Osiris,  56, 


SUR   UN    SYLLABIQUE  327 

par  allusion  sans  doute  aux  apparitions  du  dieu  que  signa- 
lent  le  nom  de  sa  fête  <=>  vy  «  l'Apparition  »,  et  le  témoi- 

gliage  d'Hérodote,  tÔv  ïlzoïii  çaîveaGai,  ô  Bepa&b<;  iirKpaîveffeat1.  S'il 

faut  accepter  le  rapprochement  fait  entre  Kaimin  et  Min 
par  le  Dr  Lepsius*  (qui  lit  xa>  Mîv),  cette  transcription  indi- 
quera encore  un  redoublement.  On  remarque  une  semblable 
tendance  au  redoublement  dans  les  mots  égyptiens,  coptes, 
hébreux  et  arabes,  ayant  une  même  racine  yem  et  dési- 
gnant la  chaleur. 

Ainsi,  le  Pan  égyptien  avait  pour  surnom  l'épithëte  de 
Heqs-i,  signifiant  sans  doute  le  Pécheur,  et  c'est  là  tout  ce 
qu'on  peut  conclure  des  variantes  qui  ont  été  discutées.  Rien 
ne  porte  atteinte  à  la  prononciation  yem  de  son  véritable 
nom,  démontrée,  non  pas  assurément  par  la  variante  $  3\ 
d'un  papyrus  peu  correct3,  mais  par  deux  preuves  qu'on 
peut  dire  irréfutables  :  d'abord  les  milliers  d'exemples  qui 
prouvent  la  valeur  yem  du  syllabique  -=><*=-  (cf.  JEL^^p)1, 
syllabique  qu'on  n'a  aucune  raison  pour  regarder  comme  un 
polyphone;  ensuite,  la  transcription  grecque  xé^fiiç  et  Xejxuio 
de  v^-@.  Panopolis,  ville  éponyme  de  Khem  :  tcôXiv  iTttivufiov, 

v.%-%  -t(v  6T,oa(oa  xaXoujiéviiv  alv  înzb  :ôjv  i-r/iozlio-i  XefifAU),  fxeGsofxiriveoo- 
;i.ivT,v  8è  [lavât;  itôXiv5. 

En  soumettant  cette  discussion  à  la  sagacité  de  M.  Le 
Page  Renouf,  qui  rend  de  si  grands  services  à  l'étude  de  la 
religion  égyptienne,  sera-t-il  permis  de  le  féliciter  incidem- 
ment sur  son  curieux  article  relatif  à  l'expression  Unnefer, 
et  de  lui  demander,  à  ce  sujet,  si  le  lièvre  Osiris*  ne  serait 

1.  Hérodote,  II,  91. 

2.  Lepsius,  /Elteste  Texte,  p.  34. 

3.  Id.,  ibid. 

4.  Brugsch,  Géographie,  t.  I,  n"  977;  cf.  Champollion,  Notices,  t.  I, 
p.  233. 

5.  Diodore,  I,  18. 

6.  Cf.  Maspero,  Guide  au  Musée  de  Boulaq,  p.  273. 


328  SUR   UN   SYLLABIQUE 

pas,  dans  certains  cas,  par  allusion  au  rôle  lunaire  du  dieu 
(cf.  ■^a    ),  ce  lièvre  que  tant  de  mythologies  voient  dans 

AAAAAA   ©  .  .  .  -, 

la  lune,  qui  a  l'air,  en  eftet,  de  dormir  la  nuit  comme  le 
lièvre,  les  yeux  ouverts 1  ? 

1.  Cf.  Plutarque,  Quœstionum  Concivalium,  IV,  5,  2. 


L'ÉTUDE  DE  LA  RELIGION  ÉGYPTIENNE 

SON  ÉTAT  ACTUEL  ET  SES  CONDITIONS' 


Introduction  à  un  cours  sur  la  religion  de  ïÉgr/pte 
à  l'École  des  Hautes  Études  (Section  des  Sciences  religieuses) 


Quand  on  aborde  un  sujet  d'étude,  la  première  chose  à 
faire  est  évidemment  de  le  déterminer  avec  précision,  c'est- 
à-dire  de  rechercher  quels  sont  ses  éléments  propres,  ses 
parties  connues  et  inconnues,  ses  sources,  ses  limites,  et  sa 
philosophie  générale.  Il  y  a  là  un  état  de  situation  à  dresser, 
ou,  si  l'on  veut,  un  plan  de  campagne  à  établir,  condition 
préalable  sans  laquelle  on  risquerait  fort  de  marcher  à 
tâtons  et  de  piétiner  sur  place.  Cette  précaution  est  peut- 
être  plus  utile  que  partout  ailleurs,  si  c'est  possible,  quand 
il  s'agit  de  la  religion  égyptienne,  encore  si  obscure  et  toute 
hérissée  de  difficultés,  aussi  bien  extérieures  qu'intérieures. 
Les  quelques  explications  qui  vont  suivre  donneront  peut- 
être  une  idée  de  la  question. 

1.  Publié  dans  la  Reoue  de  l'Histoire  des  Religions,  1886,  t.  XIV, 
p.  26-48.  -  G.  M. 


330  l'étude  de  la  religion  égyptienne 


I 

Les  auteurs  anciens,  d'accord  en  ceci  avec  les  représen- 
tations monumentales,  nous  dépeignent  l'Égyptien  comme 
presque  noir,  avec  de  fortes  lèvres,  un  gros  corps  sur  des 
jambes  grêles,  et  un  parler  guttural  ;  ils  nous  signalent  là 
un  type  qui  n'a  certainement  rien  de  caucasique.  Lorsque 
de  plus,  et  d'accord  avec  les  textes  originaux,  ils  nous 
montrent  encore  dans  l'Égyptien  une  nature  indolente,  sen- 
suelle, superstitieuse,  insolente  et  poltronne  à  la  fois,  ne 
reconnaît-on  pas  là  aussi  une  race  qu'on  ne  saurait  considérer 
comme  réellement  supérieure,  quelle  qu'ait  pu  être  sa 
parenté  ethnographique,  encore  douteuse  aujourd'hui  ? 

Vraies  ou  fausses,  ces  considérations  s'accordent  en  tous 
cas  avec  le  caractère  de  la  religion  égyptienne,  dont  les 
côtés  élevés  existent  avec  des  parties  grossières  qui  ne  se 
retrouvent  plus,  ou  qui  s'accusent  à  peine,  chez  les  nations 
sémitiques  et  aryennes  telles  que  nous  les  voyons  dans 
l'histoire. 

Un  peuple  sauvage  garde  sans  les  dépasser  ses  supers- 
titions barbares;  un  peuple  affiné,  comme  les  Grecs  ouïes 
[ndous,  en  vient  promptement  à  des  schismes  qui  trans- 
forment ses  croyances  ou  à  des  philpsophies  qui  les  sup- 
priment. Mais  les  Égyptiens,  qu'ils  doivent  ou  non  leurs 
conceptions  les  plus  hautes  à  une  conquête,  se  sont  trouvés 
dans  une  sorte  de  juste  milieu  entre  le  manque  et  l'excès 
d'activité  intellectuelle,  si  bien  qu'ils  ont  poussé  sans  entrave 
leur  religion  jusqu'au  développement  le  plus  complet  qu'elle 
pouvait  atteindre. 

C'est  ce  développement,  auquel  ne  manque  ni  une  cer- 
taine grandeur  ni  une  certaine  harmonie,  qu'il  faudrait 
d'abord  examiner  sous  ses  différents  aspects,  c'est-à-dire 
dans  les  conceptions  relatives  aux  ancêtres,  aux  choses  et 


SON  ÉTAT  ACTUEL  ET  SES  CONDITIONS       331 

aux  animaux,  aux  dieux  d'en  haut,  aux  dieux  d'en  bas,  et 
au  dieu  suprême. 

II 

Les  premiers  monuments  que  nous  connaissons  de  l'Egypte 
sont  des  tombeaux,  conçus  d'une  manière  gigantesque  et 
hors  de  proportion  avec  l'idée  qu'on  se  fait  aujourd'hui  de  la 
sépulture.  C'est  qu'autrefois,  et  à  peu  près  partout,  le  culte 
des  morts  gardait  une  importance  particulière  dans  la 
société,  que  plusieurs  savants  ont  pu  croire  fondée  sur  lui. 
Les  anciens  s'imaginaient  que  les  relations  n'étaient  pas 
interrompues  entre  les  morts,  qui  avaient  besoin  d'être 
honorés  par  les  vivants,  et  les  vivants,  qui  avaient  besoin 
d'être  protégés  par  les  morts. 

Ces  derniers  habitaient  le  grand  sépulcre  collectif  de 
l'enfer,  et  communiquaient  avec  leurs  familles  par  la  voie 
des  tombeaux  particuliers.  Mais  en  Egypte,  plus  qu'ailleurs, 
cette  opinion  était  remplie  ou  entourée  de  ce  qu'on  appelle 
aujourd'hui  des  survivances.  Ainsi,  on  momifiait  le  cadavre 
parce  que  la  conservation  du  corps  est  indispensable  à 
l'existence  de  l'âme,  on  offrait  â  date  lixe  des  libations  et 
des  repas  au  mort,  parce  que  l'âme  endure  la  faim  comme 
la  soif,  et  on  consacrait  des  statues  à  l'âme  parce  qu'il  lui 
faut  des  supports  pour  assister  dans  sa  chapelle  aux  ban- 
quets funèbres. 

Malgré  cela,  on  admettait  très  bien,  dès  l'Ancien  Empire, 
que  les  esprits  s'en  allaient  à  l'Occident  comme  le  soleil, 
dans  le  pays  de  la  Justice,  où  des  dieux  spéciaux  proté- 
geaient les  dévots  et  punissaient  les  impies;  on  assimilait 
aussi  les  mânes  aux  étoiles,  et  surtout  aux  étoiles  circumpo- 
laires, qui  symbolisaient  l'immortalité  parce  qu'elles  ne  se 
couchent  pas. 

Du  reste,  et  dès  une  époque  immémoriale,  l'âme  avait 
été  dédoublée  en  deux  parties  dont  la  plus  ancienne,  ou  le 


332  l'étude  de  la  religion  égyptienne 

génie,  habitait  plutôt  les  statues,  et  dont  la  plus  récente,  ou 
l'esprit,  habitait  plutôt  les  espaces,  —  le  ka  et  le  ba. 

Ce  fut  la  conception  de  l'esprit,  indépendant  et  puissant, 
qui  domina  à  l'époque  historique,  bien  que  les  scènes  des 
vieux  mastabas,  à  Sakkarah  et  à  Gizeh,  paraissent  se  rap- 
porter encore,  en  partie,  au  séjour  de  l'âme  dans  la  tombe. 

Le  côté  fétichiste  de  la  religion  égyptienne  ne  prit  pas  et 
ne  garda  pas  une  moindre  importance  que  le  culte  des 
mânes.  L'emploi  des  formules  et  des  conjurations  soumet- 
tant les  esprits  et  les  dieux,  l'espèce  de  vie  ou  de  force  mys- 
térieuse attribuée  aux  sistres,  aux  sceptres,  à  la  plume  d'au- 
truche, aux  amulettes  de  tout  genre,  aux  statues,  à  certaines 
plantes,  à  certains  objets  et  même  aux  noms,  la  conviction 
que  les  malades  étaient  des  possédés  et  que  par  conséquent 
la  magie  faisait  partie  de  la  médecine,  toutes  ces  idées  se 
font  jour  dans  les  livres  religieux,  aussi  bien  que  dans  les 
inscriptions  monumentales.  Mais  c'est  surtout  dans  le  culte 
des  animaux  que  s'accentue  le  fétichisme  égyptien,  à  prendre 
le  mot  fétichisme  dans  le  sens  qu'on  lui  donne  le  plus 
souvent. 

Ce  culte  apparaît  dès  le  début  de  l'histoire,  dans  la  men- 
tion du  bœuf  Apis,  et  il  conserve  sa  durée  comme  sa  vigueur 
aussi  longtemps  que  subsiste  la  civilisation  pharaonique. 
Chaque  nome  vénérait  uneespèce  animale  dont  on  s'abstenait 
de  manger.  D'ordinaire,  un  représentant  de  cette  espèce 
était  logé  dans  le  temple  du  dieu  local  ;  mais  quelques  bêtes, 
en  vertu  d'une  sorte  de  hiérarchie,  possédaient  des  sanc- 
tuaires et  même,  s'il  faut  en  croire  les  Grecs,  des  harems. 
De  plus  chaque  temple  parait  avoir  eu  comme  protecteur 
un  serpent  sacré. 

Deux  explications  se  présentent  au  sujet  de  l'adoration  des 
animaux  par  les  Égyptiens.  Ou  bien,  comme  dans  le  toté- 
misme des  sauvages,  les  animaux  sacrés  étaient  à  l'origine 
des  protecteurs  ou  des  ancêtres  choisis  par  les  différentes 
tribus,  grâce  à  des  rapports  obscurément  établis  entre  cer- 


SON  ÉTAT  ACTUEL  ET  SES  CONDITIONS       333 

tains  animaux  et  les  âmes  humaines  ou  les  forces  naturelles  ; 
ou  bien,  au  contraire,  les  animaux  sacrés  n'étaient  que  les 
emblèmes  ou  les  hiéroglyphes  des  dieux  auxquels  ils  ont  été 
rattachés.  Cette  dernière  explication  peut  être  vraie  dans 
certains  cas;  toutefois  la  plupart  du  temps,  le  point  de  con- 
tact entre  le  dieu  et  l'animal  n'apparaît  guère.  Comment 
par  exemple  retrouver  Ptah  dans  le  bœuf  Apis  à  Memphis, 
Ra  dans  le  taureau  Mnévis  à  Héliopolis,  Osiris  dans  le  bouc 
à  Mendès,  Horus  dans  l'ichneumon  à  Héracléopolis,  et 
Uadji  dans  la  musaraigne  à  Bouto?  N'y  a-t-il  pas  eu,  dans 
les  villes  qui  viennent  d'être  citées,  une  juxtaposition  de 
cultes,  au  moins  à  l'origine? 


III 

Cette  juxtaposition,  que  les  prêtres  expliquaient  en  disant 
que  les  âmes  des  dieux  sont  clans  les  animaux,  nous  révèle 
un  autre  aspect  de  la  religion  égyptienne,  c'est-à-dire  son 
côté  polythéiste,  ou,  si  l'on  veut,  son  côté  mythologique; 
qui  dit  l'un  dit  l'autre,  une  mythologie  n'ayant  pour  but, 
ou  plutôt  pour  effet,  que  de  personnifier  sous  des  formes 
multiples  les  grandes  forces  ou  les  grands  corps  naturels 
sous  la  dépendance  desquels  l'homme  se  sent  si  intimement 
placé.  Les  personnages  divins  obtenus  de  la  sorte  sont  essen- 
tiellement agissants,  puisqu'ils  représentent  des  actions  et 
des  réactions,  d'où  il  suit  que  la  succession,  le  conflit  et 
l'union  des  phénomènes  physiques,  transposés,  deviennent 
des  naissances,  des  guerres,  des  mariages,  etc.,  bref  des 
mythes. 

En  Egypte,  tous  les  aspects  bienfaisants  ou  malfaisants 
de  la  nature  étaient  divinisés  dès  l'Ancien  Empire,  l'air,  la 
rosée,  le  vent,  l'eau,  la  terre,  le  Nil,  le  ciel,  la  chaleur,  la 
sécheresse,  l'humidité,  le  nuage,  la  tempête,  la  lune,  les 
étoiles  et  le  soleil.  Ici,  comme  ailleurs,  s'était  formée  toute 


334  l'étude  de  la  religion  égyptienne 

une  couche  de  récits  en  apparence  historiques,  mêlés  de 
détails  de  mœurs  et  compliqués  par  ce  genre  d'explications 
sui  generis  qui  fait  de  la  science  primitive  une  chronique 
romanesque. 

Toutefois  il  ne  faudrait  pas  croire  qu'il  y  ait  là  un  fouillis 
inextricable  de  fables  et  de  dieux.  Malgré  l'introduction  de 
quelques  cultes  étrangers  dans  le  panthéon  national,  une 
certaine  unité  de  conception,  la  conception  égyptienne  en 
somme,  avait  produit  dans  les  différents  nomes  (\i^  divinités 
et  des  mythes  qui  n'étaient  souvent  que  des  variantes  les 
uns  des  autres.  On  peut  ainsi  ramener  à  quelques  tètes  de 
ligne  ces  myriades  de  milliers  de  dieux  dont  parlent  les 
textes. 

En  général  les  principaux  dieux  mythologiques  sont 
célestes  ou  infernaux.  Ici  les  types  célestes  furent  les  dieux 
et  les  déesses  de  l'espace  et  de  la  lumière,  en  lutte  avec  les 
monstres  de  la  terre,  de  l'orage  ou  de  l'obscurité. 

La  déesse  égyptienne  avait,  à  ce  point  de  vue.  deux 
formes  distinctes,  qui  pouvaient  d'ailleurs  exister  sous  le 
même  nom.  Comme  divinité  de  l'espace,  elle  était  la  mère 
du  soleil,  c'est-à-dire  la  vache  (ou  même  le  troupeau  de 
vaches),  qui,  dans  l'Inde,  figura  la  nuée  (Isis,  Hathor,  Nut). 
Comme  déesse  de  la  lumière,  elleétait  fille  du  soleil,  c'est-à- 
dire  la  lionne,  la  chatte  ou  cet  urœus  dont  nous  avons  fait 
le  basilic,  qui  personnifiait  la  couronne  brûlante  ou  l'œil 
étincelant  du  soleil,  en  d'autres  termes  la  chaleur  et  la, 
clarté;  on  la  dédoublait  parfois,  comme  le  diadème  pharao- 
nique, suivant  les  deux  divisions  méridionale  et  septentrio- 
nale de  l'Egypte  et  du  monde  (Nekheb,  Qadji,  Tefnut, 
Sekhel  ci  Bast).  Les  dieux  célestes  personnifiaienl  aussi 
l'espace  et  la  lumière.  Dans  le  premier  cas,  ils  ne  repré- 
sentaient guère  que  la  matière  humide  ou  éthérée,  répandue 
autour  du  monde  (Num,  Klinum,  et  peut-être  Ammon.) 
Dans  h' second  cas,  ils  étaient  atmosphériques  on  solaires; 
mais  ces  deux  aspects,  dont  le  premier  correspond  a  Eïorus 


SON  ÉTAT  ACTUEL  ET  SES  CONDITIONS       335 

et  le  second  à  Ra,  se  sont  intimement  confondus,  et  ce  qu'on 
discerne  le  mieux  maintenant  dans  le  type  unifié,  c'est  sa 
forme  naissante,  sa  forme  belliqueuse  ou  sa  forme  vieillis- 
sante. Le  dieu  était  donc  l'enfant,  ou  le  héros,  ou  le  vieil- 
lard en  barque,  l'épervier  et  le  scarabée  essorant,  planant 
ou  descendant,  selon  qu'il  sortait  des  ténèbres  à  l'aurore, 
après  l'orage,  et  après  l'hiver  (Horus,-Nefer-Tum,  Khepra), 
ou  qu'il  régnait  au  ciel  pendant  le  jour  et  pendant  l'été 
(Har-Khuti,  Shu,  Ra,  Month),  ou  qu'il  rentrait  dans  l'ombre 
du  soir,  du  nuage,  ou  de  l'hiver  (Ra,  Tum). 

Les  divinités  célestes  avaient  pour  antagonistes  les  nuages, 
les  orages,  les  vents,  et  même  la  terre  ou  l'enfer  qui  semble 
leur  donner  naissance  ;  c'est-à-dire  le  serpent  dont  le  siffle- 
ment et  les  torsions  rappellent  le  vent  et  le  nuage  (Apap), 
puis  le  crocodile,  l'hippopotame,  l'âne  et  le  porc,  dont  la 
voracité  ou  la  grossièreté  symbolisaient  les  grands  fléaux 
naturels  (Set).  De  là  vient  sans  doute  l'idée,  ou  plutôt  le 
renforcement  de  l'idée  d'impureté,  attachée  dans  presque 
toute  l'Egypte  aux  bêtes  typhoniennes,  qu'on  immolait  dans 
les  sacrifices,  tandis  que  d'autres  animaux,  comme  l'éper- 
vier, l'urceus,  le  lion  et  le  chat,  bénéficiaient  de  leur  asso- 
ciation avec  les  personnages  atmosphériques  et  solaires. 

Il  va  sans  dire  que  le  culte  était  l'image  du  mythe  :  on 
élevait  en  conséquence  aux  divinités  de  cette  classe  des 
temples  figurant  l'espace,  d'où  la  lumière  émerge  pour 
triompher,  et  on  les  honorait  par  des  fêtes  en  rapport  avec 
la  naissance  ou  la  victoire  des  héros  du  firmament. 

Le  type  qui  domine  parmi  les  dieux  célestes  est  donc 
celui  d'un  personnage  actif  ;  au  contraire,  le  type  qui  do- 
mine parmi  les  dieux  infernaux  est  celui  d'un  personnage 
mort,  confiné  dans  l'autre  monde  au  milieu  de  monstres 
ténébreux,  serpents  et  crocodiles,  dont  l'enfer  est  la  retraite 
ou  qui  sont  l'image  de  l'enfer.  Avec  les  mânes  dont  il  est 
le  roi,  il  habite  la  vaste  tombe  souterraine,  et  sa  famille, 
c'est-à-dire  son  fils  Horus,  le  dieu  belliqueux  qui  le  vengera, 


336  l'étude  de  la  religion  égyptienne 

et  sa  femme  ainsi  que  sa  sœur,  Isis  et  Nephthys,  les  déesses 
de  l'espace  qui  l'ont  enseveli,  avait  institué  en  son  honneur 
toutes  les  cérémonies  des  funérailles  humaines.  Ce  dieu  est 
Osiris,  la  momie  ou  la  mort  par  excellence,  bien  plus  com- 
plet dans  ce  rôle  que  ses  variantes  (en  quelques  points)  de 
Memphis  et  de  Coptos,  Sakar  et  Khem. 

Il  est  aussi  l'astre  qui  pendant  le  jour  reste  dans  l'ombre 
et  ne  montre  que  la  nuit  sa  face  morte,  la  lune  ;  il  est  enfin 
le  soleil  vaincu  à  son  coucher  par  les  puissances  malfaisantes, 
car  toutes  les  idées  que  peut  suggérer  la  disparition  d'un 
être  bon  se  groupent  autour  de  la  personne  osirienne,  qui 
représente  encore  la  végétation  flétrie  comme  le  Nil  tari. 
Néanmoins,  il  semble  bien  au  fond  copié  sur  l'homme,  et 
non  par  exemple  sur  le  soleil,  avec  lequel  il  ne  se  confond 
pas.  Ce  dernier  persiste  à  côté  d'Osiris.  Il  n'habite  pas 
l'enfer,  il  le  traverse  (Ra,  Tum  et  Af)  ;  s'il  y  rentre  chaque 
soir,  c'est  comme  une  âme  qui  revient  visiter  sa  tombe  ou  sa 
momie,  en  conséquence  de  quoi  il  prend  à  l'Occident  la  tête 
de  bélier  qui  symbolise  l'âme.  Or,  cette  tombe  ou  cette 
momie,  c'est  dans  bien  des  cas  Osiris  lui-même,  confondu 
alors  avec  l'enfer  et  par  suite  avec  la  terre,  car  les  dieux 
terrestres,  ainsi  que  les  déesses  célestes,  tendaient  à  deve- 
nir infernaux,  comme  pères  et  mères  des  choses,  des  dieux, 
et  du  soleil  ou  de  ses  variantes, 

Mais  l'Egypte  ne  voyait  pas  que  la  mort  dans  le  type  in- 
fernal, elle  y  voyait  aussi  la  résurrection.  Tous  les  jours,  le 
soleil  se  couche,  puis  il  se  lève,  tous  les  mois  la  lune 
s'échancre,  puis  elle  se  remplit,  tous  les  ans  la  végétation 
reparaît  et  le  Nil  remonte.  Et  si  Osiris,  Nil,  végétation,  lune 
et  soleil,  renaît  chaque  jour,  chaque  mois  et  chaque  année, 
pourquoi  l'homme,  dont  il  est  aussi  l'image,  ne  renaîtrait- 
il  pas? 

Partout,  dans  l'éclosion  d'un  insecte  connu,  dans  la  réap- 
parition (rime  «''toile,  l'Égyptien  trouvait  autour  de  lui  des 
images  et  des  promesses  de  résurrection  et  d'immortalité: 


SON  ÉTAT  ACTUEL  ET  SES  CONDITIONS       337 

il  en  trouvait  aussi  en  lui,  dans  les  figures  ou  les  voix  des 
esprits  qu'il  pensait  voir  ou  entendre,  et  dans  sa  conviction 
si  fermement  établie  que  la  mort  ne  faisait  que  séparer  le 
corps  de  l'âme. 

Toutefois,  la  difficulté  était  de  revivre  heureux,  ce  que 
l'on  visait  à  obtenir  par  différents  moyens  :  en  se  munissant, 
contre  les  mauvais  génies,  de  talismans  et  de  formules,  en 
s'associant  au  sort  d'Osiris  par  la  connaissance  ou  la  repro- 
duction des  différentes  scènes  de  son  existence,  et  en  prati- 
quant la  justice.  On  chargeait  donc  les  momies  de  textes 
et  d'amulettes  :  on  gravait  et  on  mimait,  dans  des  sanc- 
tuaires construits  à  l'image  du  tombeau,  les  mystères 
osiriens,  et,  par  exemple,  suivant  un  rite  qui  rappelle  les 
Jardins  d'Adonis,  on  faisait  tous  les  ans  une  statue  d'Osiris 
sur  laquelle  on  semait  du  blé;  enfin  on  cherchait  à  gagner 
la  faveur  et  à  éviter  la  colère  des  dieux  et  des  monstres  in- 
fernaux, par  une  stricte  obéissance  aux  lois  morales  et  re- 
ligieuses, de  manière  à  devenir  un  personnage  à  la  voix  ou 
à  la  parole  toute-puissante  dans  l'autre  monde,  un  ma- 
kheru. 

Ici  apparaît  un  sentiment  supérieur,  qui  introduisit  dans 
l'enfer  une  personnification  nouvelle,  la  déesse  de  la  Justice, 
Ma,  aussi  ancienne  que  l'Empire  égyptien,  car  dès  les  pre- 
mières dynasties,  l'enfer  est  représenté  comme  le  pays  de 
cette  divinité.  Qu'elle  ait  pris  naissance  ou  non  au  milieu 
des  mythes  infernaux,  en  tout  cas  elle  y  a  une  place  impor- 
tante; c'est  devant  elle  et  devant  sa  balance  qu'Osiris,  de- 
venu le  juge  des  enfers,  examinait  les  morts  avec  l'assistance 
de  son  greffier  Thoth,  et  de  quarante-deux  assesseurs  en 
rapport  de  nombre  avec  les  quarante-deux  péchés  qu'il  ne 
fallait  pas  commettre. 

En  dépit  ou  à  côté  des  divinités  du  sort  bon  ou  mauvais, 
Shai  et  Renen,  l'homme  trouvait  ainsi  dans  la  Justice  une 
règle  et  un  appui  :  la  vie  avait  un  sens,  une  logique,  un  but. 
Et  le  rôle  de  la  Justice  ne  se  limitait  pas  à  l'enfer  :  fille  ou 

BlBL.  ÉGYPT.,  T.   XXXIV.  22 


338  l'étude  de  la  religion  égyptienne 

substance  du  soleil,  elle  l'accompagnait  au  ciel  dans  son  ins- 
pection journalière,  et,  en  définitive,  elle  gouvernait  le  inonde 
comme  une  loi,  mais,  il  faut  le  remarquer,  comme  une  loi 
subordonnée  à  une  volonté  divine. 


IV 

L'idée  d'un  dieu  supérieur  aux  autres  s'imposait  en  effet  à 
l'Egypte.  Cette  idée  s'indique  dans  le  système  des  Ennéades, 
d'après  lequel  chaque  grand  dieu  pouvait  présider  comme 
chef  à  d'autres  divinités,  prises  clans  son  groupe  religieux 
ou  simplement  dans  son  voisinage  géographique.  Elle  s'ac- 
centue dans  le  système  des  Triades,  d'après  lequel  les  prin- 
cipaux sanctuaires  étaient  le  plus  ordinairement  dédiés  à 
un  dieu  père,  accompagné  d'une  déesse  mère  et  d'un  dieu 
fils.  Ces  deux  genres  de  cycles,  suggérés  sans  doute  par  les 
renaissances  successives  et  les  aspects  multiples  d'Horus,  de 
Ra  et  d'Osiris,  étaient  pleinement  artificiels,  car  ils  juxta- 
posaient souvent  des  mythes  sans  liaison  entre  eux  ;  mais 
par  cela  même  qu'ils  étaient  artificiels,  ils  montrent  bien 
avec  quelle  puissance  le  besoin  de  l'unité  divine  se  produisit 
ou  se  renforça  en  dépit  des  obstacles. 

Aussi  les  prêtres,  bien  qu'ils  ne  fussent  guère  fixés  sur  le 
nom,  la  nature  et  les  attributs  du  dieu  suprême,  Font-ils 
toujours  adoré  pendant  l'époque  historique,  au  moins  à  ce 
qu'il  semble  :  dans  chaque  grande  ville  ils  le  reconnaissaient 
sous  un  nom  local,  avec  cette  tendance  d'ailleurs  naturelle 
au  polythéisme  de  combler  de  perfections  le  dieu  qu'on 
adore  au  moment  où  on  l'adore.  Aux  pyramides  royales,  on 
rencontre  déjà  la  trace,  relativement  aux  dieux  élémentaires, 
des  plus  hautes  abstractions  de  la  théologie. 

On  concevait  ordinairement  le  dieu  suprême  comme  un 
être  unique,  organisateur  de  l'univers  et  auteur  des  dieux 
qui  n'étaient  que  ses  formes,  ou,  selon  l'expression  égyp- 


SON  ÉTAT  ACTUEL  ET  SES  CONDITIONS       339 

tienne,  ses  membres.  Mais  les  dieux  personnifiant  les  diffé- 
rentes parties  du  monde,  l'être  collectif  qu'ils  composaient 
ne  pouvait  se  distinguer  entièrement  du  monde,  à  ce  qu'il 
semble  ;  le  monothéisme  égyptien  aurait  donc  été  panthéis- 
tique.  Bien  des  hymnes  et  bien  des  textes  confirment  cette 
appréciation  :  d'autres  documents  laissent  la  question  indé- 
cise, en  ne  s'expliquant  pas  sur  un  problème  que  nous  nous 
posons  à  présent,  mais  qui  n'existait  peut-être  pas  pour  les 
Égyptiens. 

Dans  tous  les  cas,  l'être  unique  était  au  fond  une  âme 
composée  d'éléments  matériels  et  immatériels.  Les  prêtres, 
en  spéculant  là-dessus,  s'étaient  arrêtés  à  deux  théories 
principales,  l'une  particulière  à  Mendès,  où  l'on  adorait  un 
bélier,  hiéroglyphe  de  l'âme,  l'autre  propre  à  Hermopolis, 
où  l'on  adorait  non  seulement  le  dieu  lunaire  Thot,  régula- 
teur du  temps,  puis  par  suite  calculateur  et  inventeur  par 
excellence,  mais  encore  quatre  couples  de  singes,  person- 
nifiant les  quatre  grands  aspects  de  la  divinité. 

A  Mendès,  l'âme  divine,  ou  le  bélier  à  quatre  têtes,  était 
la  réunion  des  quatre  principes  élémentaires,  le  feu  ou  Ra, 
l'eau  ou  Osiris,  la  terre  ou  Seb,  et  l'air  ou  Shu.  A  Hermo- 
polis, par  une  conception  plus  raffinée,  on  divisait  la  divi- 
nité en  quatre  couples  mâles  et  femelles,  Nun  ou  l'humide, 
c'est-à-dire  la  matière,  Heh,  ou  le  temps,  c'est-à-dire  le 
mouvement,  Keku  ou  l'obscurité,  c'est-à-dire  le  vide,  et 
Nen  ou  le  repos,  c'est-à-dire  l'inertie.  L'école  d'Hermopolis 
avait  entrevu  ainsi  les  deux  principes  fondamentaux  de  la 
philosophie  hégélienne,  d'un  côté  l'être,  c'est-à-dire  la  ma- 
tière et  le  mouvement,  de  l'autre  le  néant,  c'est-à-dire  le 
vide  et  l'inertie.  Là  est,  à  ce  qu'il  semble  bien,  le  suprême 
degré  de  la  spéculation  égyptienne. 

Il  était  difficile,  pour  les  prêtres,  de  dégager  complète- 
ment l'être  unique  qu'ils  entrevoyaient  dans  la  pluralité 
des  dieux.  Trop  d'éléments  divers,  avec  lesquels  il  fallait 
compter,  existaient  dans  la  religion  comme  dans  la  nation. 


340  l'étude  de  la  religion  égyptienne 

La  classe  supérieure  pouvait  bien  grouper  le  panthéon 
sous  quelques  types  principaux  qu'elle  tendait  à  identifier, 
mais  la  classe  inférieure  n'en  était  pas  là.  Le  sentiment  re- 
ligieux a  des  degrés.  Entre  le  pontife  qui  connaissait  les 
quatre  hypostases  de  la  divinité,  et  le  paysan  qui  adorait 
les  serpents  de  sa  hutte,  sa  vaisselle  de  terre  et  les  parties 
gauche  ou  droite  de  la  tète  ou  des  épaules,  il  y  avait  toute 
une  série  de  conditions  sociales  et  d'aptitudes  intellectuelles. 
Sans  doute  le  porcher,  le  marin,  le  marchand,  le  tailleur  de 
pierres,  le  tisserand,  le  fellah  et  même  l'homme  du  bas 
clergé,  c'est-à-dire  en  somme  la  presque  totalité  du  peuple, 
les  impurs,  les  vils  et  les  humbles,  ceux-là  ne  nous  ont  guère 
laissé  de  monuments  religieux,  et  pour  cause  ;  néanmoins 
il  est  impossible  de  ne  pas  admettre  qu'ils  s'étaient  fait  des 
croyances  à  leur  niveau,  empruntées  au  fétichisme  ou  tout 
au  plus  à  la  mythologie.  Ces  esprits  étroits  pour  qui  le  dieu 
du  voisin  restait  un  ennemi,  à  preuve  les  guerres  des 
nomes,  étaient  loin  de  s'élever  à  la  hauteur  d'un  monothéisme 
devant  l'expression  définitive  duquel  la  pensée  sacerdotale 
elle-même  hésita  toujours. 

Comment  n'aurait-elle  pas  hésité?  Si  les  dieux  de  chaque 
groupe  entrevu  différaient  peu  dans  l'ensemble,  ils  diffé- 
raient beaucoup  dans  le  détail.  Chacun  d'eux  avait  une 
existence,  un  passé,  une  histoire,  un  culte,  un  rôle  et  une 
place  trop  distincts  pour  qu'on  les  fît  disparaître  du  pan- 
théon et  du  sol  :  il  eût  fallu  raser  les  temples. 

Et,  en  dernière  analyse,  c'étaient  les  principaux  types 
<li\  ins  qui  résistaient  le  plus  au  syncrétisme.  Le  type  solaire, 
par  exemple,  l'emportait  dans  la  conception  du  personnage 
qui  gouverne  le  monde,  mais  non  dans  la  conception  du 
personnage  qui  crée  le  monde,  de  sorte  qu'on  pouvait  tou- 
jours, et  qu'on  peut  encore  se  demander,  qui  était  et  où 
était  le  véritable  dieu  égyptien. 

Était-ce  le  Ptah  de  Memphis,  dieu  momifié,  c'est-à-dire 
père  et  primordial,  qu'on  assimilait   a   la  terre  ou  à  l'eau 


SON  ÉTAT  ACTUEL  ET  SES  CONDITIONS       341 

sous  les  titres  de  Ptah-Nun  ou  de  Ptah  Tan  en  ?  Etait-ce 
l'Ammon  de  Thèbes,  que  les  Grecs  assimilaient  à  l'air  ou  à 
Zeus,  tandis  que  les  Égyptiens  le  représentaient  criocé- 
phale  comme  l'âme,  et  bleu  comme  le  ciel  ?  Était-ce  le 
Khnum  d'Éléphantine,  dieu  des  cataractes  et  par  extension 
des  eaux,  puis  par  extension  encore  de  la  création  sortie 
des  eaux  ?  Était-ce  le  dieu  Ra  d'Héliopolis,  ou  le  soleil  dans 
toute  l'étendue  de  son  rôle,  de  son  symbolisme  et  de  son 
indépendance,  lorsqu'il  en  arrive,  lui  qui  naît  tous  les  jours, 
à  supprimer  son  père  et  à  devenir  le  dieu  qui  se  donne 
naissance  à  lui-même,  Klieper  djesej  ? 

Au  point  de  vue  théologique  comme  au  point  de  vue  po- 
litique, le  problème  restait  difficile  à  résoudre,  car  adopter 
un  dieu  local  c'était  théologiquement  et  politiquement 
amoindrir  les  autres  dieux.  Tout  ce  qu'on  put  faire,  pour 
donner  satisfaction  aux  deux  parties  du  pays,  ce  fut  d'unir 
les  deux  principales  divinités  de  la  Haute  et  de  la  Basse 
Egypte,  Ra  d'Héliopolis  et  Ammon  de  Thèbes,  en  un  seul 
type,  Ammon-Ra. 

Mais  la  part  n'était  pas  égale  entre  les  deux  dieux  :  si 
le  criocéphale  Ammon  avait  un  rôle  plus  philosophique, 
l'hiéracocéphale  Ra  avait  un  rôle  plus  actif,  et  le  rôle  actif 
l'emporta  presque  toujours.  Les  tendances  envahissantes  du 
culte  solaire  sont  sensibles  dans  l'histoire  de  la  religion 
égyptienne,  comme  M.  de  Rougé  l'a  fait  remarquer  depuis 
longtemps.  Soit  que  la  pureté  particulière  du  ciel  égyp- 
tien, où  le  soleil  règne  en  maître,  ait  favorisé  ces  tendances, 
soit  qu'elles  existent  en  général  dans  les  religions  poly- 
théistes, tout  le  inonde  sait  que  le  type  solaire  s'est,  en 
Egypte,  mêlé  et  souvent  substitué  aux  autres. 

Cette  prééminence  se  marque  bien  dans  le  fait  que  le 
Pharaon  passait  pour  le  fils  et  l'image  non  d' Ammon  ou  de 
Ptah,  par  exemple,  mais  du  soleil,  dont  il  était  pour  ainsi 
dire  le  fétiche,  de  sorte  qu'il  y  avait  deux  soleils,  l'un  au 


342  l'étude  de  la  religion  égyptienne 

ciel,  l'autre  en  Egypte,  chacun  d'eux  prêtant  et  empruntant 
à  l'autre  une  partie  de  sa  puissance. 

Il  s'ensuivit  que  l'union  de  Ra  et  d'Ammon  fut  plus  ap- 
parente que  réelle,  puisque  le  premier  l'emportait  en  un 
sens  sur  le  second.  On  vit  donc,  au  plus  haut  point  de  la 
grandeur  pharaonique,  et  sous  la  pression  peut-être  de  ri- 
valités sacerdotales  ou  gouvernementales,  se  produire  le 
seul  schisme  qui  ait  déchiré  l'Egypte,  c'est-à-dire  la  religion 
exclusivement  solaire  de  Khunaten,  le  quatrième  Améno- 
phis  de  la  XVIIIe  dynastie.  Mais  la  tentative  était  trop 
hardie  et  trop  brusque  pour  réussir.  Il  eût  fallu  sauver  au 
moins  les  apparences,  comme  on  l'avait  fait  avec  le  symbo- 
lisme osirien  qui  fut  atténué,  mais  non  supprimé,  dans  les 
livres  royaux  des  hypogées  pharaoniques.  L'hérésie  était  si 
peu  viable,  qu'aussitôt  après  la  mort  de  Khunaten  Ammon- 
Ra  reparut  comme  si  rien  de  nouveau  ne  s'était  produit. 
La  décadence  de  l'Empire,  au  reste,  vint  briser  l'unité  du 
culte]  avec  l'unité  du  gouvernement,  et  le  dieu  national 
perdit  ce  que  perdait  le  souverain  national.  Aussi  quand 
l'Egypte  fut  définitivement  soumise  à  l'étranger,  le  soleil 
qui  n'avait  pas  su  la  défendre  fut-il  négligé,  puis  délaissé 
(au  moins  comme  divinité,  car  son  symbolisme  avait  laissé 
partout  une  empreinte  trop  profonde  pour  disparaître).  Les 
Ptolémées  ne  songèrent  pas  à  lui,  mais  à  Osiris  et  à  Apis, 
lorsqu'ils  instituèrent  pour  les  Grecs  et  les  Egyptiens  le 
culte  mixte  de  Sérapis.  Sous  Auguste,  le  service  même  avait 
cessé  dans  le  temple  déjà  ruiné  d'Héliopolis,  la  ville  solaire 
par  excellence,  tandis  que  d'autres  cultes  restaient  en  pleine 
vigueur,  ceux,  par  exemple,  d'Hator,  de  Thoth  et  d'IIorus, 
mais  surtout  ceux  d'Isis  et  d'Osiris,  dieux  funéraires  à  qui 
la  promesse  d'immortalité,  que  leur  mythe  offrait  aux 
fidèles,  fit.  faire  le  tour  et  presque  la  conquête  du  monde 
romain. 


SON  ÉTAT  ACTUEL  ET  SES  CONDITIONS       343 


V 

Voilà,  bien  suffisamment  tracé,  le  tableau  général  de  la 
religion  égyptienne  :  avant  d'aborder  la  philosophie  du 
sujet,  il  reste  à  indiquer  les  sources  d'étude,  et  à  préciser 
les  points  déjà  éclaircis  comme  les  points  encore  à  éclaircir. 

Le  culte  des  mânes  nous  est  connu  par  les  textes  ou  les 
scènes  des  tombeaux  memphitiques  et  thébains  de  l'An- 
cien et  du  Nouvel  Empire,  par  le  livre  de  YAp-Ro  ou  de 
l'ouverture  de  la  bouche  des  statues,  et  par  le  Rituel  de 
l'Embaumement.  Il  serait  intéressant  de  rechercher  d'après 
ces  documents,  qu'ont  étudiés  en  grande  partie  MM.  Schia- 
parelli,  Maspero,  Le  Page  Renouf  et  Dùmichen,  dans  quelle 
mesure  ont  pu  se  développer  et  s'accorder  en  coexistant  les 
croyances  à  l'âme  habitant  la  tombe  et  à  l'âme  habitant 
l'enfer. 

Les  superstitions  fétichistes  ont  laissé  des  traces  dans  les 
traités  de  médecine,  tels  que  le  papyrus  Ebers,  dans  la 
stèle  de  Bakhtan,  dans  le  calendrier  Sallier,  dans  les  re- 
cueils de  conjurations  guérissant  ou  préservant  de  la  mor- 
sure des  animaux  dangereux  tels  que  certains  papyrus  ma- 
giques publiés  par  MM.  Pleyte,  Rossi  et  Chabas,  dans  les 
innombrables  amulettes  des  différents  musées,  dans  les 
stèles  du  Sérapéum  relatives  au  bœuf  Apis,  dans  la  stèle  de 
Mendès,  dans  les  temples  d'Edfou  et  de  Dendérah,  où  les 
principaux  animaux  sacrés  concourent  à  certaines  céré- 
monies, dans  les  monnaies  des  nomes,  et  dans  les  récits 
d'Hérodote,  de  Diodore,  de  Plutarque,  de  fStrabon  et 
d'Élien,  où  se  révèle  l'étonnement  que  l'adoration  des 
animaux  causait  aux  Grecs  ;  enfin  dans  l'immense  collection 
des  Pères  de  l'Eglise,  qui  n'a  pas  encore  été  complètement 
dépouillée  en  ce  qui  concerne  les  croyances  égyptiennes. 
Bien  que  signalé  au  XVIIIe  siècle  par  de  Brosses  dans  un 


344  l'étude  de  la  religion  égyptienne 

livre  aujourd'hui  célèbre,  le  sujet  n'a  guère  été  étudié  de 
nos  jours  que  par  M.  Pietschmann.  Il  faudrait  déterminer 
maintenant  l'analogie  que  les  croyances  des  Égyptiens  pré- 
sentent avec  les  superstitions  des  sauvages,  notamment  avec 
le  totémisme,  et  dresser  le  tableau  des  animaux  adorés  ou 
abhorrés  dans  les  différents  nomes;  l'histoire  du  bœuf  Apis, 
notamment,  serait  à  faire. 

Sur  les  dieux  du  ciel  et  de  la  lumière,  on  rencontre  des 
renseignements  un  peu  partout  :  dans  les  tableaux  des 
temples  qui  sont  reproduits  aux  recueils  de  Champollion, 
Rosellini,  Lepsius  et  Mariette,  ainsi  qu'au  grand  ouvrage 
de  la  Commission  d'Egypte,  dans  les  papyrus  de  Londres, 
de  Turin  et  de  Leyde,  dans  le  Papyrus  magique  Harris, 
dans  la  Stèle  Metternich,  clans  les  différents  exemplaires 
du  Livre  des  Morts  et  dans  les  recueils  analogues,  dans  le 
Livre  des  heures  du  jour,  dans  la  Léyeride  de  la  destruetion 
des  hommes,  dans  les  Textes  relatifs  au  mythe  d'Horus,  et 
dans  les  auteurs  anciens  déjà  cités,  en  y  ajoutant  quelques 
Pires  de  l'Église,  comme  Clément  d'Alexandrie  et  Eusèbe. 
Ces  documents  ont  été  étudiés  dans  le  Panthéon  de  Cham- 
pollion, dans  l'ouvrage  deWilkinson,  dans  les  notices  de 
MM.  Bircli  et  de  Rougé  sur  les  musées  égyptiens  de  Londres 
et  de  Paris,  enfin  dans  les  différents  mémoires  de  MM.  Lep- 
sius, Birch,  Pleyte,  Chabas,  Goodwin,  Naville,  Golénischeff, 
Pierret  et  Brugsch.  Dès  le  siècle  dernier,  Jablonski  avait 
très  bien  résumé  les  renseignements  contenus  dans  les 
auteurs  anciens.  Ici,  le  travail  à  faire  consisterait  dans  la 
monographie  de  chaque  dieu  et  dans  le  classement  des 
dieux  par  cycles,  par  époques  et  par  nomes;  toutes  ces  di- 
vinités  se  son!  on  elïet  partagé  l'Egypte  et  le  mythe  de 
l'une  n'est  pas  toujours  celui  de  l'autre,  malgré  certains 
points  de  contact  :  il  y  a  en  particulier  une  grande  quantité 
d'Horus  dissemblables  qu'il  serait  utile  de  distinguer  dans 
une  histoire  d'1  [orus.  Les  travaux  de  MM.  Pleyte  et  Meyer 
sur  le  dieu  Sel  foui  nira  ien  t  d'excellents  guides  pour  lamé- 


SON  ÉTAT  ACTUEL  ET  SES  CONDITIONS       345 

thode  à  suivre.  Quant  au  principal  secours  pour  ces  classi- 
fications, il  se  trouverait  dans  le  Dictionnaire  géographique 
de  Brugsch,  d'où  il  serait  facile  d'extraire  la  liste  par 
nomes  des  dieux  locaux,  ainsi  que  la  nomenclature  des 
prêtres,  des  prêtresses,  des  barques,  des  arbres  sacrés,  et 
des  fêtes  de  ces  dieux.  M.  J.  de  Rougé  a  donné  un  aperçu 
de  la  matière  dans  ses  mémoires  sur  la  géographie  des 
nomes. 

Pour  l'ensemble  du  culte,  encore  peu  étudié,  si  ce  n'est 
par  MM.  Brugsch,  E.  de  Rougé  et  Dûmichen,  dans  leurs 
recherches  sur  les  calendriers  de  fêtes,  on  rencontrera  aux 
grands  recueils  la  représentation  d'une  foule  de  cérémonies. 
L'Abydos  et  le  Dendérah  de  Mariette,  entre  autres,  con- 
tiennent l'un  le  rituel  de  l'habillement  des  statuettes  di- 
vines, valable  pour  les  morts  comme  pour  toutes  les  classes 
de  dieux,  l'autre  les  détails  les  plus  circonstanciés  sur  tout 
ce  qui  se  pratiquait  dans  un  grand  temple.  L'étude  de  M.  de 
Rochemonteix  sur  le  temple  d'Apet  montrera  par  contre  ce 
qu'était  un  petit  temple.  De  plus  le  Papyrus  Harris  n°  1 , 
mis  à  profit  par  MM.  Birch,  Eisenlohr  et  Piehl,  est  rempli 
de  renseignements  sur  le  personnel  et  le  matériel  des  sanc- 
tuaires. Chaque  culte  local  avait  sans  doute  ses  rites  parti- 
culiers, mais,  de  même  qu'il  existait  certains  cultes  princi- 
paux, n'y  avait-il  pas  certains  rites  principaux,  sur  lesquels 
on  se  réglait  dans  les  différents  nomes?  Voilà  encore  un 
problème  à  résoudre. 

Les  matériaux  relatifs  au  monde  infernal  et  à  ses  dieux 
abondent.  Ce  sont  surtout  les  Textes  des  Pyramides  royales, 
le  Livre  des  Morts,  le  Livre  des  Soujfles,  les  Papyrus  Rhind, 
les  Hypocéphales,  V Hymne  à  Osiris  de  la  Bibliothèque 
nationale,  le  Livre  d'honorer  Osiris,  les  Lamentations  d'Isis 
et  de  Nephthys,  le  Livre  de  l 'Hémisphère  inférieur,  le  Livre 
de  VEnfér,  le  Livre  des  Heures  de  la  nuit,  le  Livre  des 
Cavernes,  qui  ont  été  résumés  ou  utilisés  dans  la  décoration 
de  certains  sarcophages,  comme  celui  de  T'aho,  les  cercueils 


346  l'étude  de  la  religion  égyptienne 

du  temps  des  Ramessides  et  des  Saïtes,  le  Conte  de  l'Ile  du 
Ka,  le  temple  de  Séti  Ier  à  Abydos,  les  chambres  d'Osiris 
à  Dendérah,  et  le  traité  de  Plutarque  sur  Isis  et  Osiris. 
Ces  différents  matériaux  ont  été  publiés  ou  étudiés  par 
MM.  Maspero,  Lepsius,  Naville,  Dévéria,  Pierret,  Brugsch, 
de  Horrack,  Szedlo,  Rossi,  Birch,  Guieysse,  Pleyte,  Golé- 
nischeff,  Leemans,  Chabas,  Mariette,  Dumichen,Loret,  Lan- 
zone  et  de  Bergmann,  mais  il  reste  encore  beaucoup  à  faire  : 
par  exemple,  les  Textes  des  Pyramides  et  du  Livre  des 
Morts  à  commenter,  le  culte  ainsi  que  le  mythe  d'Osiris  à 
décrire  dans  l'infinie  variété  de  leurs  détails,  et  une  édition 
comparée  à  donner  des  Livres  relatifs  au  monde  infernal. 

Les  personnifications  plus  ou  moins  abstraites,  comme  la 
déesse  de  la  Justice,  les  dieux  des  sens,  les  dieux  génies,  les 
dieux  du  sort  et  les  élémentaires,  sont  connus  seulement  par 
des  textes  disséminés  et  relativement  rares.  Le  mythe  de 
la  Justice  a  été  étudié  par  MM.  Grébaut,  Pierret,  Stern  et 
Wiedemann,  tandis  que  le  groupement  des  dieux  élémen- 
taires a  été  déterminé  par  MM.  Lepsius,  Dumichen  et 
Brugsch.  Il  y  aurait  là  matière  à  quelques  monographies  in- 
téressantes. 

Bien  plus  nombreux  sont  les  textes  relatifs  au  dieu  su- 
prême, sous  ses  noms  de  Ptah,  d'Ammon  et  de  Ra.  Ce  sont 
surtout  les  beaux  hymnes  du  Livre  des  Morts,  de  la  Litanie 
du  Soleil,  du  temple  d'El-Khargéh  et  des  papyrus  de  Leyde, 
de  Berlin  et  de  Boulaq,  traduits  par  MM.  Chabas,  Goodwin, 
Birch,  Grébaut,  Pierret,  Brugsch  et  Naville.  Ici  il  y  aurait 
;i  l'aire,  pour  chaque  type  divin,  le  départ  de  ce  qui  lui  ap- 
partient en  propre,  de  ee  qui  lui  appartient  comme  person- 
nage plus  ou  moins  assimilé  au  soleil,  et  de  ee  qui  lui  appar- 
tient comme  dieu  suprême. 

Les  documents  relatifs  à  L'hérésie  de  la  XVIIIe  dynastie 
sont  au\  Denkmàler  de  Lepsius;  ils  ont  été  appréciés  dans 
les  différentes  histoires  de  l'Egypte,  et,  récemment,  par 
M.  Bouriant.  On  pourrait  dégager  en  outre,  à  ce  propos, 


SON   ÉTAT    ACTUEL    ET   SES   CONDITIONS  347 

les  concordances  qui  ont  dû  exister  entre  la  divinisation  du 
Pharaon  et  celle  du  soleil,  car  les  deux  cultes  semblent  bien 
avoir  progressé  ensemble.  L'adoration  des  rois  est  très  ap- 
parente sous  les  XVIIIe  et  XIXe  dynasties,  et  cela  dans  les 
temples  comme  dans  les  tombes,  où  elle  a  surtout  pour 
objet  Aménophis  Ier  et  sa  mère,  Thotmès  III,  Aménophis  III 
et  Ramsès  II.  Elle  s'atténue  dès  les  premiers  revers  subis 
par  les  Ramessides,  pour  reparaître  un  instant  sous  les  pre- 
miers Ptolémées;  plus  tard,  les  livres  hermétiques  la  men- 
tionnent encore. 

VI 

On  voit  qu'il  a  été  beaucoup  fait  et  qu'il  reste  beaucoup 
à  faire  dans  le  vaste  champ  de  la  religion  égyptienne.  Une 
étude  d'ensemble  aujourd'hui  serait  assurément  prématurée  : 
on  doit  s'en  tenir  aux  remarquables  travaux  de  vulgarisation 
qui  ont  été  publiés  dans  ces  derniers  temps  par  MM.  Tiele, 
Le  Page  Renouf,  Pierret,  Lanzone,  Brugsch  et  Lieblein. 
Ces  travaux  indiquent  avec  netteté  le  point  d'arrêt  de  la 
science,  et  on  peut  les  considérer  dans  une  certaine  mesure 
comme  définitifs  en  ce  qui  concerne  la  religion  officielle,  qui 
a  livré  son  secret. 

Il  subsiste  seulement  quelques  réserves  à  faire  sur  les 
tendances  de  M.  Tiele  à  trop  subordonner  les  changements 
religieux  aux  changements  politiques,  comme  si  chaque 
groupe  de  dynasties  eût  renouvelé  le  culte,  et  sur  les  ten- 
dances de  M.  Pierret  à  trop  voir  la  clef  du  symbolisme 
solaire  dans  la  division  du  monde  en  sud  et  nord  par  les 
deux  yeux  du  soleil  levant  :  les  Égyptiens  auraient  alors 
regardé  l'œil  droit  du  soleil  comme  celui  du  nord  et  son 
œil  gauche  comme  celui  du  sud,  tandis  que  c'est  le  contraire 
qui  a  eu  lieu,  comme  le  prouvent,  entre  autres  documents, 
les  textes  du  mythe  d'Horus.  D'autre  part,  M.  Le  Page 
Renouf,  d'un  esprit  pourtant  si  fin  et  si  perspicace,  semble 


348  L'ÉTUDE   DE   LA    RELIGION   ÉGYPTIENNE 

peut-être  un  peu  trop  enclin  à  retrouver  l'aurore  dans  les 
mythes  égyptiens. 

D'aussi  légères  taches,  si  elles  existent,  n'infirment  en 
rien  la  valeur  des  ouvrages  qui  viennent  d'être  cités  ;  désor- 
mais l'extérieur,  ou,  si  l'on  peut  dire,  le  revêtement  de  la 
religion  égyptienne,  nous  est  connu,  et  il  faut  déjà  songer  à 
mieux,  c'est-à-dire  à  pénétrer  plus  avant  dans  le  détail 
comme  dans  l'ensemble. 

Le  détail,  c'est  l'œuvre  de  demain;  quant  à  l'ensemble, 
rien  n'empêche  d'examiner  dès  maintenant  les  quelques 
théories,  applicables  ici,  dont  la  philosophie  religieuse  dis- 
pose. Peut-être  n'y  aura-t-il  pas  lieu  d'en  choisir  une,  mais 
ce  sera  déjà  quelque  chose  que  d'envisager  le  sujet  clans  son 
ampleur  et  que  de  considérer,  même  à  distance,  les  trois 
ou  quatre  hypothèses  parmi  lesquelles  gît  sans  doute  l'ex- 
plication cherchée. 

Nul  ne  conteste  qu'en  général  un  système  religieux, 
comme  tout  autre  groupe  de  faits  historiques,  obéit  à  une 
loi  d'évolution  qui  règle  sa  marche.  Mais  cette  marche  est- 
elle  toujours  la  même?  Quel  est  son  point  de  départ,  quel 
est  son  point  d'arrivée,  et  quels  sont  ses  stages  intermé- 
diaires? D'où  vient-elle,  comment  se  dirige-t-elle,  et  où 
aboutit-elle  ? 

On  a  fait,  depuis  le  commencement  du  siècle,  plusieurs 
réponses  bien  connues  à  la  principale  de  ces  questions,  celle 
du  point  de  départ,  qui  contient  implicitement  toutes  les 
autres. 

La  première  réponse  a  été  fournie  par  Creuzer,  pour  qui 
l'Orient  avait  maintenu  et  propagé,  sous  des  formes  symbo- 
liques, la  profonde  philosophie  monothéiste  dont  le  Plato- 
nisme dégagea  lentement  la  formule.  L'opinion  de  Creuzer, 
abandonnée  presque  partout  aujourd'hui,  a  encore  sa  place 
dans  !<•  domaine  égyptologique,  où  plusieurs  savants  ad- 
mettent, après  MM.deRougé  et  Chabas,  que  lepolythéisme 
égyptien  eut  pour  fond  un  monothéisme  primitif  :  le  dieu 


SON  ÉTAT  ACTUEL  ET  SES  CONDITIONS       349 

unique,  symbolisé  par  le  soleil,  aurait  été  fractionné  en  di- 
vinités secondaires. 

Sous  le  coup  des  grands  découvertes  philologiques  de  ce 
siècle,  la  doctrine  du  symbolisme  a  été  généralement  rem- 
placée par  une  théorie  bien  différente,  celle  de  la  maladie 
du  langage,  à  laquelle  Max  Mùller  a  attaché  son  nom  et 
qu'on  peut  résumer  ainsi  :  d'une  part,  l'animation  apparente 
que  les  mots  prêtent  aux  choses  aurait  entraîné  la  person- 
nification des  phénomènes  ;  d'autre  part,  chaque  dieu  aurait 
reflété  dans  ses  formes  et  ses  légendes  les  divers  sens  des 
mots  qui  lui  auraient  donné  naissance.  D'après  certains 
savants,  ce  travail  du  langage  aurait  principalement  porté 
sui  les  phénomènes  solaires,  et,  d'après  d'autres,  sur  les 
phénomènes  atmosphériques.  Parmi  les  égyptologues, 
MM.  Brugsch  et  Le  Page  Renouf  semblent  adopter  en 
grande  partie  les  théories  de  Max  Mùller.  Aucun  système 
n'a  obtenu  plus  de  faveur  et  de  défaveur  que  celui-là.  Un 
de  ses  grands  torts  est  qu'il  a  régné,  et  que  de  hautes  ré- 
putations scientifiques  se  sont  échafaudées  sur  lui  :  on  s'est 
lassé  de  l'entendre  appeler  juste,  et  l'on  a  appris  à  ses  dé- 
fenseurs, un  peu  durement  peut-être,  qu'une  hypothèse  a 
le  droit  de  se  proposer,  mais  non  de  s'imposer. 

L'opinion  qui  lui  fait  échec  aujourd'hui  est  que,  dans  le 
principe,  l'homme  regardait  les  phénomènes  comme  pro- 
duits par  des  personnes,  humaines  ou  bestiales,  ce  qui  sup- 
prime l'intervention  du  langage.  Les  partisans  du  nouveau 
système  attachent  tous  une  grande  importance  au  culte  des 
fétiches,  qui  seraient,  soit  l'un  et  l'autre,  soit  l'un  ou  l'autre, 
suivant  les  auteurs,  les  deux  sources  du  polythéisme.  Ils 
insistent  en  outre,  et  particulièrement  M.  Lang,  sur  certains 
développements  mythiques  et  légendaires  qui  seraient  dus, 
non  aux  aspects  de  l'orage  ou  du  soleil,  mais  à  de  grossières 
tentatives  pour  expliquer  les  choses  de  la  vie  et  du  monde, 
d'après  l'analogie  de  coutumes  ou  d'idées  plus  ou  moins 
barbares.  Les   égyptologues  ont  fait  aussi  quelques  em- 


350  l'étude  de  la  religion  égyptienne 

prunts  à  cette  école,  comme  MM.  Le  Page  Renouf ,  Maspero 
et  Dùmichen  relativement  aux  mânes,  et  comme  M.  Pietsch- 
mann  relativement  aux  fétiches. 


VII 

Telles  sont  les  trois  grandes  théories  qu'on  pourrait  ap- 
pliquer en  ce  moment  à  l'étude  de  la  religion  égyptienne, 
religion  qui  serait  le  produit,  ou  du  monothéisme  ancien,  ou 
du  langage  mythologique,  ou  de  la  pensée  sauvage.  En 
outre,  il  faudrait  se  prononcer  dans  le  détail  sur  la  préémi- 
mence  à  donner  aux  mythes  du  soleil  ou  aux  mythes  de 
l'orage,  et  au  culte  des  ancêtres  ou  au  culte  des  fétiches. 

Malheureusement  aucune  des  trois  théories  n'est  encore 
acceptée  ni  rejetée  d'une  manière  définitive  pour  TKgypte, 
de  sorte  qu'il  serait  prématuré  de  se  régler  sur  l'une  d'elles, 
au  moins  dès  l'abord,  et  avant  un  examen  complet.  Chacune 
a  ici  sa  part  de  vérité. 

Rien  ne  prouve,  par  exemple,  qu'avant  l'époque  histo- 
rique la  religion  égyptienne  ne  s'est  pas  constituée  grâce  à 
une  sorte  d'accord,  ou  de  compromis,  entre  les  croyances 
plus  élevées  d'un  peuple  conquérant  et  les  superstitions 
plus  grossières  d'un  peuple  conquis,  comme  le  pense  dans 
une  certaine  mesure  M.  Flinders  Pétrie.  Rien  ne  prouve 
aussi  que  l'animisme  et  le  fétichisme  n'ont  point  prospéré 
pendant  toute  la  durée  de  la  civilisation  pharaonique,  car  la 
momification  des  cadavres  et  l'adoration  des  animaux  ne 
sauraient  s'expliquer  autrement.  Quant  aux  mythes  nés  du 
langage  ou  rattachés  aux  phénomènes  solaires  et  atmosphé- 
riques, on  reconnaît  aisément  la  trace  des  premiers  dans  les 
calembours  des  textes  religieux,  et  la  trace  des  seconds 
dans  la  légende  du  soleil,  d'Horus  et  d'Osiris. 

D'ailleurs,  une  difficulté  spéciale  et  qu'on  a  déjà  dû  en- 
trevoir se  présente  :  c'est  que  nous  ne  pouvons  fournir  la 


SON  ÉTAT  ACTUEL  ET  SES  CONDITIONS       351 

chronologie  d'une  évolution  qui  paraît  s'être  produite  avant 
l'époque  historique.  Pour  l'Inde,  on  connaît  par  le  RigVéda 
une  période  pendant  laquelle  les  dieux  naturistes  existaient 
à  peu  près  seuls  ;  pour  la  Grèce,  on  sait  que  l'institution 
des  mystères,  qui  prépara  la  philosophie,  est  postérieure  à 
Homère  et  même  à  Hésiode;  mais  en  Egypte  il  semble  que 
tout  était  fait  avant  Menés.  On  ne  voit  plus  ensuite  que  des 
changements  de  détail,  comme  ceux  qui  ont  été  signalés 
plus  haut  à  propos  d'Ammon,  de  Ra  et  d'Osiris,  et,  si  l'on 
cherche  le  pourquoi  des  grandes  modifications  fondamen- 
tales, on  est  obligé  de  sortir  du  sujet,  en  invoquant  soit  des 
conquêtes  et  des  diversités  de  races,  soit  des  explications 
purement  théoriques. 

Il  y  a  donc  là  des  éléments  dont  la  coordination  s'est  faite 
suivant  une  loi  qui  nous  échappe.  Rien  ne  nous  oblige  pour 
le  moment  à  remplacer  cette  loi  par  une  hypothèse.  Les 
tronçons  que  nous  ne  pouvons  rapprocher  encore  se  prêtent 
à  des  recherches  spéciales  dont  les  résultats  suffisent,  et 
au  delà,  pour  payer  les  travailleurs  de  leur  peine  aussi  bien 
que  de  leur  attente. 

En  définitive,  l'Egypte  a  développé  et  maintenu,  comme 
nul  autre  peuple  ne  l'a  fait,  toutes  les  parties  qu'un  système 
religieux  peut  comporter  :  l'animisme,  le  fétichisme,  le  po- 
lythéisme et  le  monothéisme.  De  ces  parties,  nous  connais- 
sons mieux  les  dernières  (et  surtout  la  dernière),  que  des 
sources  plus  abondantes  nous  révèlent  et  que  notre  culture 
intellectuelle  et  morale  nous  rend  plus  aptes  à  comprendre. 
Ce  qui  nous  manque,  c'est  de  savoir  quand,  comment  et 
pourquoi  des  matériaux  en  apparence  aussi  dissemblables 
se  sont  groupés  puisque  la  religion  de  l'Egypte  s'offre  à 
nous  toute  formée.  Nous  assistons  à  sa  longue  maturité  et 
à  son  lent  déclin,  mais  sa  jeunesse  nous  reste  aussi  cachée 
que  les  sources  du  Nil.  Les  choses  étant  ainsi,  nous  ne 
pouvons  demander  plus  de  lumière  qu'aux  nouveaux  progrès 


352  l'étude  de  la  religion  égyptienne 

de  la  science  égyptologique  en  particulier,  et  de  la  science 
religieuse  en  général,  avec  le  ferme  espoir  que  le  succès  ne 
se  fera  pas  attendre.  Si  en  effet  l'égyptologie  ne  peut  ré- 
soudre à  elle  seule  les  problèmes  qui  la  sollicitent,  comme 
c'est  encore  le  cas  aujourd'hui,  le  flux  toujours  montant  des 
conquêtes  intellectuelles  ne  manquera  point  de  lui  donner 
quelque  jour  une  impulsion  décisive,  à  peu  près  comme  la 
marée  soulevant  les  barques  restées  à  sec  sur  la  plage  : 
l'essentiel,  ici,  sera  de  ne  pas  laisser  la  barque  hors  de  la 
portée  du  flot. 


UN  DES  PROCÉDÉS 

DU 

DÉMIURGE    ÉGYPTIEN 


i 

Dans  son  mémoire  sur  le  texte  qui  concerne  les  quatre 
races  humaines  au  Livre  de  V Enfer,  M.  Lieblein  a  atteint 
le  but  qu'il  se  proposait,  et  a  très  bien  mis  en  lumière  un 
fait  que  personne  n'avait  remarqué,  l'allitération  portant 
sur  les  noms  de  races.  On  peut  même  dire  que  le  savant  nor- 
végien n'a  pas  été  assez  loin  en  n'admettant  point  d'allitéra- 
tion pour  le  nom  de  la  quatrième  race,  celle  des  Temeh-u; 
l'assonance  du  mot  Temeh  avec  le  hek  est  aussi  prononcée 
que  celles  de 

Ret-u  avec  remi-t, 

Aam-u  avec  aa-ten , 
et  Nehes-u  avec  nenuh. 

Ces  jeux  de  mots  ne  sont  guère  que  ce  que  nous  appelons 
des  calembours  par  à  peu  près,  et  M.  Lieblein  s'est  proba- 
blement trompé  en  voyant  un  calembour  complet  dans  la 
phrase  qui  concerne  la  deuxième  race.  Il  en  lit  le  début 
aa-mou,  c'est-à-dire  grande  essence,  d'après  le  sarcophage 
de  Séti  Ier,  mais  le  texte  est  corrompu  et  par  conséquent 

1.  Publié  dans  les  Annales  du  Musée  Guimet,  1887,  t.  X,  p.  553-558. 

BlBL.   ÉGYPT.,  T.   XXXIY.  23 


354     UN  DES  PROCÉDÉS  DU  DÉMIURGE  ÉGYPTIEN 

douteux.  La  version  que  donne  le  tombeau  du  même  roi' 
porte  aa-ten,  c'est-à-dire  :  «  Soyez  grands,  parce  que  je 
»  vous  ai  créés,  en  votre  nom  d'Aam-u!  »  Ce  début  est 
analogue  au  commencement  du  discours  précédent,  adressé 
aux  Égyptiens  :  «  Honneur  à  vous,  troupes  de  Ra  !  » 


II 

Ici,  l'erreur  de  M.  Lieblein  n'est  pas  grande,  si  elle  existe, 
mais  il  y  a  un  autre  point,  la  création  des  noirs,  sur  lequel 
il  est  plus  important  d'insister. 

Le  texte  dit  clairement  :  Vois,  je  me  suis  masturbé  pour 
vous,  et  je  me  suis  soulagé  par  une  multitude  sortie  de 
moi  sous  votre  nom  de  Nègres.  Le  mot  saillant,  dans  cette 
phrase,  est  nenuh,  que  M.  Lieblein  rapproche  du  verbe 
copte  signifiant  excutere,  agitari,  concuti,  «  de  qui,  pense- 
t— il,  on  peut  facilement  dériver  le  sens  de  travailler  ».  — 
a  J'ai  préparé  pour  vous  ma  paix  de  millions  d'années.  » 

Le  sens  de  nenuh  serait  nouveau  et  donnerait  une  alliance 
d'idées  peu  satisfaisantes  :  secouer  une  paix,  pour  dire  la 
préparer.  Mais  le  verbe  nenuh,  sans  lui  chercher  un  nou- 
veau sens,  en  possède  un  qui  est  bien  connu  par  la  confes- 
sion négative  du  Livre  des  Morts,  où  il  désigne  d'une 
manière  certaine  la  masturbation,  dans  une  déclaration  faite 
à  un  dieu  de  la  ville  de  Memphis,  où  l'obscénité  était  parti- 
culièrement prohibée4.  C'est  ainsi  qu'on  a  toujours  compris 
le  mot  nenuh  de  la  confession  négative3,  et  les  variantes 
réunies  par  M.  Naville  lui  donnent  presque  toutes  le  phallus 
pour  déterminatif  :  «  Je  ne  me  suis  pas  masturbé  (nenuh 
et  nenu).  »  —  «  Je  ne  me  suis  pas  souillé  (nek  et  nenek)  '.  » 

1.  Annales  du  Musée  Guimet,  t.  IX.  partie  II,  pi.  IV. 

2.  J.  de  Rougé,  Edfou,  t.  II,  pi.  143. 

3.  Brugsch,  Dictionnaire  hiéroglyphique,  p.  782. 

4.  Todtenbuch,  ctiap.  cxxv,  1.  25,  et  Naville,  Todt.,  t.  II,  p.  302. 


UN  DES  PROCÉDÉS  DU  DÉMIURGE  ÉGYPTIEN     355 

Le  même  mot  se  retrouve  sous  la  forme  nenu  au  début  du 
chapitre  xcm'  :  O  ce  phallus  de  Ra  qui  s'agite  (nenu)  dans 
la  tempête!  et  sous  sa  forme  plus  usitée,  nenuh,  dans  un 
papyrus  inédit  du  British  Muséum,  étudié  par  M.  Pleyte  : 
tes  membres  sont  délassés,  y  est-il  dit  à  Osiris,  par  l'agi- 
tation amoureuse  ou  nenuh2 .  Il  est  probable  que  ie  délasse- 
ment est  exprimé  là  par  le  mot  hetep,  comme  dans  le  texte 
d'El-Khargéh  relatif  à  la  création  des  dieux1,  et  comme 
dans  le  texte  du  Livre  de  l'Enfer,  relatif  à  la  création  des 
noirs  par  Horus. 

L'acte  obscène  d'Horus  était  plus  spécialement  attribué  à 
sa  forme  d'Horus-Khem.  C'est  à  cause  de  cela  qu'au  tom- 
beau de  Ramsès  VI,  dans  une  description  de  l'enfer,  les  races 
ont  pour  gardien  Horus-Khem  (surnommé  dans  le  texte 
khent  an  merti,  parce  que  sous  ce  nom  il  représente  un 
animal  consacré  à  Khem").  Dans  le  tableau,  Horus-Khem  est 
précédé  immédiatement  par  les  Nègres5,  dont  il  était  d'ail- 
leurs le  dieu  spécial  en  Egypte,  puisqu'un  prêtre  noir  était 
attaché  à  son  culte". 

Les  Egyptiens  figuraient  assez  souvent  la  masturbation 
de  Khem  sur  les  murs  des  temples7,  c'était  un  symbole  de 
création  et  de  fécondation. 


III 

Les  textes  qui  ont  trait  à  la  cosmogonie  employaient  la 
même  image  pour  exprimer  l'acte  du  démiurge  agissant  seul. 

1.  Naville,  Todtenbuch,  t.  II,  p.  24. 

2.  Recueil  de  Travaux,  t.  III,  p.  59. 

3.  Ligne  29. 

4.  Cf.  J.  de  Rougé,  Monnaies  des  Nomes,  p.  18,  et  Maspero,  Guide 
au  Musée  de  Boulaq,  p.  159. 

5.  Champollion,  Notices,  t.  II,  p.  671. 

6.  Ramesséum  et  Médinet-Abou. 

7.  Champollion,  Notices,  t.  I,  p.  70,  et  t.  II,  p.  81. 


356     UN  DES  PROCÉDÉS  DU  DÉMIURGE  ÉGYPTIEN 

M.  de  Rougé  a  signalé  depuis  longtemps  la  curieuse  défi- 
nition du  dieu  de  l'Amenti,  donnée  par  le  chapitre  xvn  du 
Todtenbuch  :  C'est  l'âme  de  Ra,  ee  lui  qui  jouit  en  lui-même 
(nek-f  am-f  t'es-f),  qui  mœchatur  in  se  ipso\ 

La  phrase  manque  dans  les  textes  correspondants  de  la 
XIIe  dynastie,  mais  l'idée,  par  contre,  se  trouve  d'une  ma- 
nière plus  développée  et  plus  énergique  dans  les  vieilles 
formules  des  pyramides  royales,  à  la  VIe  dynastie. 

C'est  Tiun  Kheper  qui  vient  se  masturbe?^  dans  Hélio- 
polis  (le  déterminatif  représente  l'acte).  //  met  son  phallus 
dans  son  poing  et  il  jouit  par  là,  et  il  enfante  deux  ju- 
meaux, le  couple  de  Shu  et  TefnuV. 

Le  papyrus  du  British  Muséum,  qui  a  été  cité  plus  haut 
et  qui  date  du  commencement  de  l'époque  ptolémaïque, 
raffine  et  renchérit  sur  cette  conception  dans  un  passage  où 
il  fait  parler  le  créateur  Khepra  : 

C'est  moi  qui  ai  été  mon  mari  avec  mon  poing ,  j' ai  for- 
niqué dans  mon  ombre.  Je  suis  sorti  de  ma  propre  bouche 
(autre  allusion  à  l'émanation),  je  me  suis  vomi  en  forme  de 
S/m  (l'air),  et  j'ai  dégoutté  de  Tefnut  (l'eau)3. 


IV 

Quand  ce  sont  les  déesses  qui  créent,  elles  peuvent  prendre 
un  rôle  analogue,  Isis  en  particulier. 

Le  papyrus  du  British  Muséum  rappelle  cette  particu- 
larité du  mythe  d'isis  dans  une  sorte  d'éloquente  lamenta- 
tion : 

.I/o//  cœur  se  consume,  dit  la  déesse  à  Osiris,  de  ce  que 
tu  es  renversé  <nt  milieu  de  cela  (les  ténèbres).  Moncwur 
se  co nsume,  (car)  //'  m'as  tourné  le  dos.  Jamais  tu  n'avais 

1.  Ligne  !•.  et  E.  de  Rougé,  Étude  sur  le  Rituel,  p.  45. 

2.  Recueil  <!•■  Travaux,  t.  VII,  p.  70. 

::    Proceedings,  novembre  1886,  p.  21-25. 


UN  DES  PROCÉDÉS  DU  DÉMIURGE  ÉGYPTIEN     357 

imaginé  cela  contre  moi.  Le  danger  est  de  chaque  coté  :  les 
chemins  sont  perdus.  Je  cherche  à  cause  de  mon  désir  de 
te  voir.  Me  voici  dans  la  ville  aux  immenses  remparts  ;  je 
suis  inquiète  au  sujet  de  ton  amour  pour  moi.  Viens  seul, 
ne  t'éloigne  pas.  Ton  fils  j'era  reculer  l'ennemi  vers  son 
égorgeoir.  Je  me  suis  dérobée  dans  les  roseaux  pour  cacher 
tonjils,  afin  qu'il  réponde  [jour  toi.  J'ai  cheminé  seule.  J'ai 
erré  dans  les  roseaux  pour  écarter  le  monstre  de  tonjils. 
Une  femme  par  la  figure,  un  mâle  (en  réalité)'/ 

La  virilité  d'Isis  est  mentionnée  plus  longuement  au  Livre 
d'honorer  Osiris,  où  on  lit  : 

Je  suis  ta  sœur  Isis.  Il  n'y  a  ni  dieux  ni  déesses,  ayant 
fait  ce  que  j'ai  fait.  J'ai  fait  le  mâle,  étant  femme,  afin  de 
faire  vivre  ton  nom  sur  la  terre* . 

Dans  X Hymne  à  Osiris,  traduit  par  M.  Chabas,  il  est  dit 
seulement  que  la  déesse  aspira  la  semence  du  dieu  et  fit  un 
enfant  qu'elle  allaita  toute  seule'';  Plutarque  rappelle  cette 
atténuation  du  symbolisme  quand  il  rapporte  qu'Isis  eut 
commerce  avec  Osiris  mort,  après  quoi  elle  mit  au  monde 
avant  terme  un  Horus  boiteux  '. 

La  légende  à  laquelle  Plutarque  l'ait  allusion  est  figurée 
et  décrite  au  chapitre  xxn  du  Livre  des  Morts',  où  l'on  voit 
Isis  penchée  au-dessus  d'un  lion  qui  est  le  phallus  d'Osiris 
(cf.  les  phallus  divins  à  tète  de  lion)"  : 

Celui  qui  a  déployé  ses  cheveux  sur  lui  et  qui  hésite 
à  l'entrée  de  son  chemin,  c'est  Isis  qui  se  cache.  Voilà 
qu'elle  a  ramené  ses  cheveux  sur  elle  (comme  une  veuve7, 

1.  Proceedings,  novembre  1886,  p.  16-17. 

2.  Pierret,  Études  ègyptologiques,  fasc.  1,  p.  22;  cf.  Chabas,  L'Ègyp- 
tologie,  t.  I,  p.  21. 

3.  Ligne  16. 

4.  D'Isis  et  d'Osiris,  19. 

5.  Lignes  86-93. 

6.  Mariette,  Dendêrah,  t.  IL  pi.  LXXVI. 

7.  Cf.  Hérodote,  IL  36. 


358     UN  DES  PROCÉDÉS  DU  DÉMIURGE  ÉGYPTIEN 

sans  doute.  La  chevelure  d'Isis  était  d'ailleurs  célèbre'). 

Au  chapitre  cxv  du  Livre  des  Morts,  qui  a  pour  but  d'ex- 
pliquer l'origine  des  différents  sacerdoces  héliopolitains*, 
entre  autres  celui  de  Yur-maa,  l'institution  de  la  prêtresse- 
nommée  Henkesti  vient  de  ce  que  le  grand  dieu  solaire,  pour 
engendrer  son  fils  Ur-maa,  à  ce  qu'il  semble,  s'était  changé 
eu  une  femme,  henkesti,  c'est-à-dire  chevelue. 

Aux  basses  époques,  apparaissent  les  dieux  phalliques  à- 
tête  de  déesses  et  les  déesses  à  phallus',  toujours  en  vertu 
de  la  croyance  que  le  dieu  père  ou  la  déesse  mère  avaient  pu 
créer  seuls. 

Cette  conception  passa  dans  l'histoire  naturelle  des  Egyp- 
tiens et  même  des  Grecs,  puis  des  Romains.  Pour  les  Égyp- 
tiens, tous  les  scarabées  étaient  mâles*  et  tous  les  vautours 
femelles5,  de  sorte  que  les  premiers  engendraient  sans 
femelles  et  les  seconds  sans  mâles,  le  tout  parce  que  le  sca- 
rabée était  l'hiéroglyphe  du  mot  et  du  dieu  Khepra,  créa- 
teur et  père,  et  le  vautour,  l'hiéroglyphe  du  mot  et  de  la 
déesse  Maut ,  ou  créatrice,  comme  le  savait  encore  Hora- 
pollon  r'. 

1.  Plutarque,  Questions  naturelles,  2r>,  et  Lucien,  Contre  un  igno-- 
rant  bibliomane,  14;  cf.  N'avilie,  Un  Ostracon  égyptien  (Annales  du 
Musée  Guimet,  t.  I,  p.  51-60). 

2.  Naville,  Un  Ostracon  égyptien  (Annales  du  Musée  Guimet,  t.  I, 
p.  51-60). 

3.  Todtenbuch,  chap.  clxiii  et  clxiv. 

1.  Plutarque,  D'Isis  et  d'Osiris,  74;  Horapollon,  I,  10;  A  ris  to  te, 
Histoire  des  Animaux,  V,  19;  Elien,  De  la  nature  des  animaux,  X, 
15,  etc. 

5.  Plutarque,  Questions  romaines,  93;  Horapollon,  I,  11;  Elien,  De 
la  nature  des  animaux,  II,  16;  Ammien  Marcellin,  XVII,  etc. 

6.  I,  10  et  11. 


UN  DES  PROCÉDÉS  DU  DÉMIURGE  ÉGYPTIEN     359 


V 

Au  papyrus  du  British  Muséum,  le  dieu  créateur  ajoute 
ceci  à  sa  description  de  la  création  primitive  : 

«  J'ai  rassemblé  mes  membres  et  j'ai  pleuré  sur  eux  :  les 
hommes  naquirent  des  pleurs  sortis  de  mon  œil  »  (p.  26). 

Cette  forme  de  l'émanation,  par  les  pleurs,  est  celle  qu'in- 
dique le  texte  des  quatre  races  relativement  à  la  naissance 
des  Égyptiens  et  des  Tameh-u  :  il  n'y  a  donc  rien  d'étonnant 
si  l'émanation  par  la  semence  figure  aussi  dans  les  deux 
textes. 


L'ŒUF  DANS  LA  RELIGION  ÉGYPTIENNE1 


i 

Deux  partis  se  faisaient  une  guerre  acharnée,  au  royaume 
de  Lilliput,  parce  que  les  uns  cassaient  les  œufs  par  le  gros 
bout  et  les  autres  par  le  petit  bout.  Il  ne  paraît  pas  que, 
dans  le  monde  réel,  l'œuf  ait  causé  de  telles  discordes  : 
toutefois,  les  superstitions  qui  le  concernent  ont  été  et  sont 
encore  très  répandues.  On  comprend  qu'à  un  certain  point 
de  vue,  pour  un  sauvage,  par  exemple,  l'œuf  ait  quelque 
chose  de  mystérieux  et  d'inquiétant  :  son  contenu  n'est 
d'abord  qu'une  matière  informe,  et  voilà  qu'il  en  sort  un 
être  vivant,  un  oiseau,  un  crocodile  ou  un  serpent  : 

Quatenus  in  pullos  animales  vertier  ova 

Cernimus  alituum 

Scire  licet  gigni posse  ex  non  sensibu'  sensus*. 

Ne  semble-t-il  pas  que  le  sauvage  doit  voir  là  un  effet  sur- 
naturel, un  sortilège  analogue  à  celui  qu'il  soupçonne  dans 
le  fusil,  la  montre  ou  la  boussole  de  l'Européen?  L'œuf  ne 
sera-t-il  pas  toujours,  pour  lui,  le  domicile  d'un  esprit3? 

Même  aujourd'hui,  l'usage  persiste  chez  nous  de  briser 

1.  Publié  dans  la  Reçue  de  l'Histoire  des  Religions,  8e  année,  t.  XVI, 
p.  16  25.  —  G.  M. 

2.  Lucrèce,  II,  927-930. 

3.  Tylor,  Civilisation  primitive,  trad.  française,  t.  II,  p.  199. 


362  l'œuf  dans  la  religion  égyptienne 

sur  son  assiette  les  coquilles  des  œufs  qu'on  a  mangés,  et  le 
fait  s'explique  par  une  survivance,  au  même  titre  que  les 
souhaits  adressés  à  une  personne  qui  éternue. 

Puisque  nous  agissons  ainsi,  nous  ne  nous  étonnerons  pas 
si,  de  nos  jours,  les  Touaregs  s'abstiennent  de  manger  des 
œufs',  et  si,  d'autre  part,  dans  l'antiquité,  quelques  super- 
stitieux regardaient  comme  un  malheur  de  casser  un  œuf, 

Ocoque  pericula  rvpto*, 

soit  par  hasard,  soit  dans  quelque  pratique  de  l'ooscopie, 
comme  celle  que  mit  en  usage  Livie,  quand  elle  couva  un 
œuf  pour  savoir  si  elle  aurait  un  fils  ou  une  fille3. 

Par  suite,  sans  doute,  de  ces  idées  superstitieuses,  l'œuf, 
avait  pris  dans  certaines  religions  de  l'antiquité  une  véri- 
table importance  symbolique,  indépendamment  de  son  em- 
ploi dans  les  lustrations.  Les  Pythagoriciens  et  les  Orphi-, 
ques  s'abstenaient  de  manger  des  œufs,  des  cœurs  et  des 
cervelles,  qu'ils  regardaient  comme  des  principes  de  vie*; 
dans  ses  Propos  de  table,  Plutarque  parle  d'un  songe  ayant, 
provoqué  la  même  abstinence  pour  le  même  motif,  au  sujet 
de  l'œuf.  Macrobe,  dans  les  Saturnales*,  dit  que  les  initiés 
aux  mystères  de  Bacchus  vénéraient  l'œuf,  et  l'appelaient, 
à  cause  de  sa  rondeur,  le  simulacre  du  monde,  mundi  sitnu- 
lacrum.  On  attribuait  ces  conceptions  à  Orphée6. 

1.  Henri  Duveyrier,  Les  Touarc</s. 

2.  IVr<o,  Hist.  Nat.,  V,  185. 

3.  Pline,  X.  76. 

4.  Plutarque,  Quœst.  Conmoalium,  II,  3. 

5.  VII,  46. 

6.  Cf.  Athdnagore,  Legatio  pro  Christianis;  Damascius,  Quœst.  de 
prim.  principe  55  et  122;  Proclus,  In  Platon.  Tint.,  II,  130. 


l'œuf  dans  la  religion  égyptienne  363 


II 

On  doit  s'attendre  à  retrouver  des  croyances  analogues  en 
Egypte,  où  le  plus  haut  point  du  développement  religieux 
correspond  assez  exactement  à  la  période  des  mystères  chez' 
les  Anciens.  En  effet,  les  Égyptiens,  comme  les  Grecs,  les 
Assyriens1,  les  Perses2,  leslndous3,  etc.,  voyaient  dans  l'œuf 
le  principe  de  certaines  naissances  divines,  sans  compter  que 
l'œuf,  dans  leur  écriture,  servait  à  désigner  le  mot  fils  et  à 
déterminer  le  genre  féminin. 

Une  tradition  bien  connue  sur  le  démiurge  est  celle  que 
rapporte  Eusèbe  au  sujet  de  Kneph  :  le  dieu  avait  émis  par 
la  bouche  un  œuf  d'où  était  sorti  Ptah,  et  cet  œuf  était  le 
monde,  èpfzeveôeiv  8s  xô  ojôv  xôv  x6<r{jiov\  Kneph,  c'est-à-dire 
Khnum  ou  Num,  le  principe  humide,  «  est  quelquefois  re- 
présenté façonnant  sur  un  tour  à  potier  une  figure  d'homme 
ou  l'œuf  mystérieux  d'où  la  légende  fait  sortir  le  genre 
humain  et  la  nature  entière'  ».  Un  texte  d'Edfou  dit  du 
démiurge  :  «  Tu  es  le  dieu  unique  qui  est  devenu  deux 
dieux,  tu  es  le  créateur  de  l'œuf,  et  le  générateur  de  tes 
jumeaux".  ».  Ces  jumeaux,  figurés  hiéroglyphiquement  par 
deux  oiseaux7,  sont  le  dieu  Shu  et  la  déesse  Tefnut,  sans 
doute  l'Arès  et  l'Aphrodite  d'Horapollon,  qui  semble  bien 
les  dire  nés  de  deux  œufs  de  corneille.  La  corneille,  ici, 
serait  le  nycticorax  (en  copte,  A*ï),  hiéroglyphe  de  lame 
divine  et  humaine  (en  égyptien,  ba)  :  d'après  le  chap.  lxxxv 

1.  Hygin,  Fab.,  197. 

2.  Plutarque,  De  Is.  et  Os.,  47. 

3.  Lois  de  Manou,  début. 

4.  Préparation  êoangèlique,  m,  11. 

5.  E.  de  Rougé,  Notice  sommaire,  4e  édit.,  p.  106. 

6.  J.  de  Rougé,  Edfou,  t.  I,  pi.  59. 

7.  Cf.  Todtenbuch,  chap.  xvii,  44. 


364  l'œuf  dans  la  religion  égyptienne 

du  Todtenbuch  (1.  10),  lame  divine  se  faisait  un  nid,  et  une 
scène  ptolémaïque  représente  l'offrande  de  l'œuf  à  Shu  et  à 
Tefnut'.  Il  y  a,  à  Dendérah,  une  divinité  ayant  l'œuf  pour 
hiéroglyphe2. 

La  ville  de  Thèbes  était  surnommée  l'œuf  qui  a  produit 
les  dieux3,  et  c'est  peut-être  là  la  ville  de  l'Œuf  des  pyra- 
mides royales*. 

Ptah  est  «  figuré  quelquefois  portant  l'œuf  humain  comme 
Noum  3  ».  M.  de  Rougé,  qui  donne  ce  détail  dans  sa  Notice 
sommaire,  ajoute  que  c'est  sans  doute  à  l'œuf  de  Ptah  que 
fait  allusion  l'une  des  formes  du  dieu,  «  calquée  sur  celle  de 
l'embryon"  »,  parfois  en  môme  temps  sur  celle  du  scarabée7, 
et,  d'après  Mariette8,  couvée  par  les  déesses.  Il  semble  bien, 
du  moins,  qu'on  ait  songé  à  représenter  ainsi  ou  un  état  du 
fœtus,  ou,  en  tout  cas,  quelque  chose  d'approchant,  comme 
l'a  pensé  le  Dr  Parrot\  L'idée  de  l'œuf  et  celle  de  l'embryon 
se  reliaient,  pour  les  Egyptiens,  qui  louaient  souvent  le 
Pharaon  d'avoir  remporté  des  victoires  lorsqu'il  était  encore 
dans  l'œuf,  c'est-à-dire  dans  le  sein  maternel.  Dans  un  sens 
très  général,  nous  disons  de  même,  quoiqu'en  partant  d'une 
;i utre  idée,  ah  ooo.  On  remarquera  qu'Osiris,  à  la  basse 
époque,  reçoit  parfois  une  forme  ovoïde"'  qui  rappelle  l'em- 
bryon de  Ptah. 

En  général,  les  dieux  égyptiens  ayant  forme  d'oiseaux 
(épervier,  ibis  ou  phénix)  pouvaient  être  dits  nés  d'un  œuf, 


1  Champollion,  Notices,  t.  I,  p.  37'.». 

2.  Mariette,  Dendérah,  III,  12. 

3.  Brugsch,  Dictionnaire  géographique,  Supplément,  p.  123;}. 
1.  Recueil  de  Traoaux,  t.  V,  p.  54,  et  t.  VII,  |>.  140. 

h.  K.  île  Rougé,  Notice  sommaire,  p.  108. 

6.  Id.,  ibid.,  p.  108-10'). 

7.  H.,  ibid.,  p.  129. 

8.  Catalogue  du  Musée  de  Bonite/,  3e  édit.,  p.  114-115. 

9.  Recueil  de  Travaux,  t.  II.  p.  129-133. 

10.  E.  de  Rougé,  Notice  sommaine,  p.  120. 


l'œuf  dans  la  religion  égyptienne  365 

comme  l'Éros,  les  Dioscures  et  les  Molionides  des  Grecs1. 
Différents  textes  parlent  des  nids  d'Osiris  à  Sais1,  et 
d'Horus  aux  marais  de  Bouto]3.  Les  papyrus  hiératiques 
mentionnent  aussi  le  nid  de  l'ibis  sacré  du  dieu  Thot4. 
D'après  un  papyrus  grec  interprété  par  M.  Goodwin,  le 
magicien  disait,  en  consacrant  la  bague  d'Hermès  et  son 
scarabée  :  «  Je  suis  l'œuf  de  l'ibis,  l'œuf  de  l'épervier,  le 
petit  du  phénix".  »  Les  anciens  parlent  assez  souvent  du  nid 
et  de  l'œuf  du  phénix"  : 

Seque  ovi  teretis  colligit  in  speciem  7. 

Enfin,  le  chapitre  de  l'Épervier  d'or,  au  Todtenbuch, 
commence  ainsi  :  «  Je  m'élève  sous  la  forme  d'un  grand 
épervier  d'or  sortant  de  son  œuf8.  » 


III 

Le  soleil  avait  aussi  son  œuf,  qui  était  son  disque9  : 
«  O  Soleil,  qui  es  dans  ton  œuf  et  qui  brilles  dans  ton  dis- 
que10! »  lit-on  au  chapitre  xvn  du  Livre  des  Morts  dans 
un  passage  qui  existait  déjà  à  la  XIIe  dynastie11.  Ptah  avait 

1.  Cf.  Athénée,  II,  50. 

2.  Brugsch,  Dictionnaire  géographique,  p.  755  et  572,  et  Inscription 
d'El-Khargeh,  1.  32;  cf.  Hérodote,  II.  170,  et  Strabon,  XVII,  1,  23. 

3.  Brugsch,  Zeitschrift,  1879,  p.  6  et  13  (stèle  Metternich),  et  Dic- 
tionnaire géographique,  Supplément,  p.  1140. 

4.  Pierret,  Études  ègypto logiques,  t.  I,  p.  55. 

5.  Chabas,  Le  Papyrus  magique  Harris,  183. 

6.  Hérodote,  II,  73;  Tacite,  Annales,  VI,  28;  Pline,  X,  2.  etc. 

7.  Lactance,  Carmen  de  Phœnice,  104. 

8.  Todtenbuch,  chap.  lxxvii,  1. 

9.  Cf.  Todtenbuch,  chap.  c,  5. 

10.  Todtenbuch,  chap.  xvn,  50. 

11.  Lepsius,  atteste  Texte,  III,  1.  41;  XVIII,  1.  38,  et  XXXIII, 
1.  58-59. 


366  l'œuf  dans  la  religion  égyptienne 

créé  l'œuf  du  soleil  et  de  la  lune1;  mais  l'œuf  du  soleil 
avait  encore  un  autre  auteur,  l'oie  du  dieu  de  la  terre,  sorte 
de  poule  aux  œufs  d'or  des  mythes  égyptiens. 

Le  dieu  de  la  terre,  dont  le  nom  a  été  lu  jusqu'à  présent 
Seb  et  qui  pourrait  bien  s'être  appelé  Keb,  d'après  les  obser- 
vations de  M.  Brugsch2,  avait  pour  hiéroglyphes  une  oie 
(l'un  des  noms  de  l'oie  était  Keb3),  et  un  œuf  (l'un  des  noms 
de  l'œuf,  suh,  devait  être  aussi  keb\  d'où  le  jeu  de  mot 
suh  se-keb',  c'est-à-dire  un  œuf  brillant  ;  cf.  les  radicaux 
sémitiques  signifiant  boule  et  peloton,  cf.  aussi  les  noms 
sémitiques  de  l'étoile,  qui  varie  quelquefois  dans  les  hiéro- 
glyphes avec  l'oie  et  l'œuf  pour  désigner  le  dieu). 

En  mythologie,  c'était  cette  oie  qui  avait  pondu  cet  œuf" 
en  gloussant  dans  la  nuit7.  Le  fait  est  mentionné  au  Livre 
des  Morts,  avec  des  détails  assez  instructifs  qui  montrent 
bien  quelles  étaient  la  part  et  l'importance  du  calembour 
dans  les  conjurations  magiques.  Il  s'agissait  de  rendre  l'air 
ou  le  souille  au  défunt,  et,  comme  le  mot  suh,  qui  signifie 
œuf,  signifiait  aussi  air,  l'idée  de  l'œuf  intervenait  par  là 
dans  la  conjuration  :  «  0  Tum  (le  dieu  ancêtre,  l'Adam  ou 
le  héros  égyptien,  le  Héron  des  Grecs),  donne-moi  l'air  dé- 
licieux qui  est  dans  tes  narines.  Je  suis  cet  œuf  de  la  grande 
glousseuse.  Je  veille  sur  ce  grand  œuf  qu'envoie  Seb  (ou 
Keb)  pour  la  terre.  Je  prospère,  il  prospère,  réciproque- 
ment. Je  vis,  il  vit8.  »  Le  texte  d'un  des  chapitres  suivants" 

1.  Mariette,  Catalogue  du  Musée  de  Boulaq,  p.  114. 

2.  Zeitschrift,  1886,  p.  1-5. 
:{.  Denkmàler,  II,  61. 

4.  Cf.  Brugsch,  Zeitschrift,  1N<SG,  p.  2,  et  Dictionnaire  géographique, 
p.  904. 

5.  Denkmàler,  III,  29,  a  :  Cbampollion,  Notices,  t.  II,  p.  628;  etc. 

0.  Cl.  Le  Page  Renouf,  Transactions  qfthe  Soc  ofBibl.  Archœol., 
t.  VIII,  part  2,  p.  217. 

7.  Chabas,  Le  Papyrus  magique  Harris,  VII,  6  et  7. 

8.  Todtenbuch,  chap.  llv,  1  et  2. 

9.  îd.,  chap.  lvi,  2. 


l'œuf  dans  la  religion  égyptienne  367 

ajoute  :  «  Je  respire  l'air,  il  respire  l'air  »  (sans  que  les 
Égyptiens  aient  su  pour  cela  que  le  poussin  respire  dans 
sa  coquille,  assurément). 

C'est  aussi  à  l'œuf  de  Seb  ou  Keb  que  fait  allusion  ce  texte 
égyptien,  cité  par  Diodore1,  dans  lequel  Osiris  dit  :  «  Je 
suis  l'aîné  de  Kronos  (Seb  ou  Keb),  je  suis  sorti  d'un  œuf 
beau  et  noble,  et  je  suis  devenu  la  semence  de  même  ori- 
gine que  le  jour  »,  ix  /.aÀo^  -e  /.aï  eÙYsvoùç  ûoù,  etc.,  d'après  la 
leçon  généralement  adoptée. 

Si  ce  que  les  anciens  croyaient  de  la  belette  est  bien 
égyptien,  comme  ils  semblent  le  dire2,  qu'elle  pondait  un 
œuf  par  la  bouche  et  qu'elle  avalait  ses  petits3,  cette  fable 
pourrait  avoir  été,  à  une  certaine  époque,  une  variante  du 
mythe  de  la  terre  enfantant  le  soleil  le  matin  et  l'englou- 
tissant le  soir. 

L'œuf  solaire  ou  lunaire  est  encore  mentionné  dans  une 
conjuration  ayant  pour  but  de  charmer  l'eau,  qu'on  pronon- 
çait à  l'avant  des  barques  royales,  un  œuf  d'argile  à  la 
main4  :  «  Œuf  de  l'eau5  (céleste),  émanation  de  la  terre, 
essence  des  Huit  (dieux  élémentaires),  grand  au  ciel  d'en 
haut,  grand  au  ciel  d'en  bas,  toi  qui  résides  dans  les  nids 
qui  sont  à  Aatestes"  (l'oasis  de  Dakhleh,  considérée  comme 
l'occident  ou  l'enfer)  !  Je  sors  avec  toi  de  l'eau,  je  passe 
avec  toi  hors  de  ton  nid,  je  suis  Khem  de  Keb-t  »,  Coptos. 
Il  est  probable  que  Khem  de  Coptos  intervient  ici  à  cause 
de  la  prononciation  Keb  de  l'un  des  noms  de  l'œuf. 

1.  Diodore,  I,  27. 

2.  Cf.  Plutarque,  De  Is.  et  Os.,  74,  et  Horapollon,  II,  110. 

3.  Plutarque,  De  Solert.  anim.,  33. 

4.  Chabas,  Le  Papyrus  magique  Harris,  VI,  11,  13. 

5.  Cf.  Champollion,  Notices,  t.  I,  p.  906,  et  Brugscb,  Dictionnaire 
géographique,  Supplément,  p.  1066. 

6.  Cf.  Inscriptions  d'El-Kliargéh,  1.  27. 


368  l'œuf  dans  la  religion  égyptienne 


IV 

La  divinité  de  l'œuf  ne  pouvait  manquer  d'avoir  quelque 
effet  et  de  laisser  quelque  trace  dans  les  prescriptions  reli- 
gieuses. 

Ainsi,  c'était  une  grande  impiété  que  de  blasphémer 
contre  l'œuf  ou  son  contenu,  comme  le  montrent  les  quali- 
fications des  damnés  à  la  première  division  du  Livre  de 
l'Enfer  :  «  les  fléaux  de  la  grande  salle  du  Soleil  (le  monde), 
ceux  qui  ont  négligé  le  Soleil  sur  terre,  qui  ont  maudit 
celui  qui  est  dans  l'œuf,  qui  ont  repoussé  la  justice,  et  pro- 
féré des  menaces  contre  Armacliis'  ». 

Les  prêtres  égyptiens,  d'après  Chérémon,  cité  par  Por- 
phyre'2, s'abstenaient  dans  les  purifications  de  toute  nour- 
riture animale,  et  même  d'œufs,  soit  que  leur  abstinence  ait 
eu  réellement  pour  cause  l'impureté  de  la  nourriture  ani- 
male, soit  qu'elle  ait  été  motivée  par  la  sainteté  de  l'œuf 
divin,  comme  chez  les  Orphiques. 

Une  autre  prescription  défendait  même  de  casser  des 
œufs,  non  pas  sans  doute  aux  cuisiniers  qui  en  servaient  sur 
la  table  des  Pharaons  ',  mais,  en  tout  cas,  aux  Pharaons  eux- 
mêmes,  tenus  à  une  pureté  particulière  et  astreints  à  des 
pratiques  innombrables1.  Le  jeune  dieu,  appelé  l'enfant 
dans  son  nid",  comme  le  dernier  jour  épagomène,  le  jeune 
(/ni  est  (huis  son  nid'',  ne  dit-il  pas,  au  chapitre  lxxxv  du 
Todtenbuch  :  «  Que  mon  nid  ne  soit  pas  vu,  que  mon  œuf 
ne  soit  pas  brisé  »?  ce  qui  rappelle  incidemment  les  dan- 

1.  Bonomi  et  Xharpe,  Le  Sarcophage  de  Sèti  /'''.  4  et  3.  D. 

2.  De  Abstinentia,  IV,  (>  et  7. 

3.  Cf.  Papyrus  Anastasi  II l. 

4.  Cf.  Diodore,  I,  70  et  71. 

5.  Todtenbuch,  chap.  liv,  3. 

6.  Chabas,  Le  Calendrier  des  jours  fastes  et  néfastes,  p.  106. 


l'œuf  dans  la  religion  égyptienne  369 

gers  encourus  dans  les  contes  arabes  par  ceux  qui  brisent 
l'œuf  fabuleux  de  l'oiseau  Rokh1. 

Un  roi  égyptien  se  glorifie  de  n'avoir  pas  enfreint  la  dé- 
fense dont  il  est  question  ici.  C'est  Ramsès  IV,  qui  fait 
montre  d'une  piété  un  peu  exagérée  dans  ses  deux  stèles 
d'Abydos,  soit  qu'il  ait  ressenti  le  besoin  d'une  protection 
divine  plus  grande,  dans  la  décadence  de  l'empire,  soit  qu'il 
n'ait  pas  eu  la  conscience  très  nette  au  sujet  de  la  mort  de 
son  père  :  celui-ci,  qui  eut  certainement  à  se  défendre  contre 
les  complots  de  son  harem2,  passait  pour  s'être  suicidé3 
(d'après  Diodore,  qui  l'avait  confondu  avec  Ramsès  II),  et 
son  testament,  le  grand  Papyrus  Harris,  semble  bien  une 
pièce  forgée  pour  les  besoins  d'une  cause.  Quoi  qu'il  en  soit, 
voici  l'espèce  de  confession  négative  que  fait  Ramsès  IV 
sur  la  plus  grande  des  stèles  : 

«  Je  n'ai  pas  repoussé  mon  père,  je  n'ai  pas  écarté  ma 
mère.  Je  n'ai  pas  repoussé  le  Nil  (du  lieu)  où  il  vient.  Je 
n'ai  pas  marché  à  l'encontre  d'un  dieu  en  face  de  lui  dans 
son  temple.  J'en  jure  par  mon  amour  pour  le  dieu  au  jour 
de  sa  naissance  dans  le  lac  enflammé  !  Je  n'ai  pas  fait  de  con- 
juration contre  un  dieu.  Je  n'ai  pas  offensé  de  déesse.  Je  n'ai 
pas  cassé  d' œuf  pondu.  Je  n'ai  pas  mangé  de  ce  qui  est  im- 
pur pour  moi.  Je  n'ai  pas  tourmenté  le  faible  pour  ses  biens. 
Je  n'ai  pas  massacré  le  malheureux.  Je  n'ai  pas  enlevé  les 
poissons  du  vivier  d'un  dieu.  Je  n'ai  pas  jeté  le  filet,  je  n'ai 
pas  lancé  la  flèche  contre  le  lion  fascinateur  à  la  fête  de  Bu- 
bastis.  Je  n'ai  pas  juré  par  le  bouc  de  Mendès  dans  le  temple 
des  dieux.  Je  n'ai  pas  proféré  le  nom  de  Tanen  (le  dieu  de 
la  terre)  et  n'ai  pas  diminué  ses  pains''.  » 


1.  Cf.  Lane,   The  Thousand  and  One  Nights,  chap.  xx,  note  62  : 
«  the  Egg  of  the  Rukh,  and  the  conséquence  of  breaking  it  ». 

2.  Papyrus  judiciaire  de  Turin. 

3.  Diodore,  I,  58. 

4.  Piehl,  Zeitschrift,  1884,  p.  39,  1.  15-17,  et  1885,  15  et  16. 

BlBL.   ÉGYPT.,   T.   XXXIV.  24 


370  l'œuf  dans  la  religion  égyptienne 

Dans  ce  texte,  les  restrictions  apportées  aux  défenses  ne 
manquent  point  d'intérêt. 

On  pouvait  chasser  le  lion  (qui  devait  son  antique1  sur- 
nom de  /oscillateur  à  ses  yeux  brillants  et  perçants2), 
excepté  le  jour  de  la  fête  de  Bubastis,  déesse  dont  le  fils 
se  nommait  le  Lion  fascinateur,  Ma-hes3. 

Il  était  permis  aussi  de  casser  un  œuf,  pourvu  qu'il  ne 
fût  né  (kheper-tu),  c'est-à-dire  pondu.  Ici,  la  restriction, 
qui  est  très  étroite,  montre  qu'on  s'était  posé  un  curieux 
problème  de  casuistique  :  celui  qui  casse  un  œuf  dans  des 
circonstances  ordinaires  est  coupable  ou  souillé,  puisqu'il 
commet  une  contravention  évidente,  mais  le  chasseur,  par 
exemple,  dont  la  flèche  brise  un  œuf  dans  le  ventre  d'un 
oiseau?  Dans  des  cas  de  ce  genre,  où  la  responsabilité  ne 
saurait  être  mise  en  cause,  la  règle  avait  dû  fléchir.  Le 
pharaon  pouvait  donc  casser  un  œuf  avant  la  ponte.  Telle 
est  la  loi  qui  ressort  de  la  confession  de  Ramsès  IV,  con- 
firmant, s'il  en  est  encore  besoin,  la  remarque  d'Hérodote 
que  les  Égyptiens  étaient  les  plus  religieux,  c'est-à-dire  les 
plus  superstitieux  de  tous  les  hommes. 

1.  Cf.  Recueil  de  Travaux,  t.  MI.  p.  loi. 

2.  Plutarque,  Moral.,  t.  II,  édit.  Didot,  p.  814;  Quœst.  Convioal., 
Manéthon,  Fragm.  Ilist.  Grœc.,  t.  II,  p.  616;  Ëlien,  Anim.,  xn,  7,  et 
Horapollon,  I,  17. 

3.  Brugsch,  Dictionnaire  (jèograpJiiniie,  p.  177. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


Pages 

Notice  biographique,  par  Ph.  Virey i-xci 

Hymnes  au  Soleil 1-9 

<=>1\  \\    ,  le  Per  m  hrou.   Étude  sur  la  vie 

future  chez  les  Égyptiens 11-29 

Le  chapitre  cxv  du  Livre  des  Morts 31-54 

Les  quatre  races  au  jugement  dernier 55-60 

The  Book  of  Hades  (from  the  Sarcophagus  of  Seti  I.)  . .  61-132 
Discours  prononcé  à  l'ouverture  des  Conférences  d'ar- 
chéologie égyptienne,  à  la   Faculté  des  Lettres   de 

Lyon,  le  26  avril  1879 133-150 

Les  races  connues  des  Égyptiens 151-168 

Note  sur  les  chars  de  guerre 169-171 

Le  puits  de  Deir-el-Bahari 173-184 

Sur  différentes  formes  des  mots  dérivés 185-201 

Un  chapitre  de  la  Chronique  solaire 203-213 

L'art  égyptien 215-222 

Sur  l'ancienneté  du  cheval  en  Egypte 223-234 

Sur  quelques  fouilles  et  déblayements  à  faire  dans  la 

Vallée  des  Rois  à  Thèbes 235-246 

Une  scène  de  harem  sous  l'Ancien  Empire 247-253 

Lettre  à  M.  de   Milloué,  sur  un  monument  de  Thot- 

mès  III 255-257 


372  TABLE   DES   MATIERES 

Le  conte 259-074 

Remarques  sur  différentes  questions  historiques 275-286 

Le<  fouilles  de  M.  Xaville  à  Pithom.  L'Exode,  le  canal 

de  la  mer  Rouge 287-316 

Le  nom  égyptien  de  l'ichneumon 315-316 

Sur  un  syllabique 317-328 

L'étude  de  la  religion  égyptienne,  son  état  actuel  et  ses 
conditions.  —  Introduction  à  un  cours  sur  la  religion 
de  l'Egypte  à  l'École  des  Hautes  Études,  section  des 

Sciences  religieuses 329-352 

Un  des  procédés  du  démiurge  égyptien 353-359 

L'œuf  dans  la  religion  égyptienne 361-370 


CHALON-SUR-SAONK,    IMP.    FRANÇAISE    ET    ORIENTALE    E.    BERTRAND.    55Ï 


pj  Lefébure,  Eugène  Jean 

1027  Baptiste  Louis  Joseph 
L4         Oeuvres  diverses 

t.l 


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