Skip to main content

Full text of "Origine et formation de la langue française"

See other formats


CD 


=  CD 


■œi 


en 


iANGUES  iOÉHilES. 


Upsaia  Univ.  Bibiiotek 


ORIGINE  ET  FORMATION 


CE    LÀ 


LANGUE  FRANÇAISE. 


PARIS.   IMPRHIERIE    DE    J.-B.    GROS   ET    DONNAUD, 
RUECASSETTE,   9. 


•  Vt> 


ORIGINE  ET  FORMATION 

DE  LA 

LANGUE  FRANÇAISE, 

PAR 

A.   DE   CHEVALLET. 


Verùm  animo  satis  h'ic  vestigla  parva  sagaci 
Sunt,  per  quae  posait  cognoscere  caetera  tutè, 
(Ldcr.  lib.  I.) 


SECONDE  ÉDITION 

OUVRAGE  DONT  LA  PREMIÈRE  PARTIE  A  OBTENU,  A  L'INSTITUT, 

LE  PRIX  VOLNEY,  EN  \  850  ; 

ET  LA  SECONDE  PARTIE,  l'uN  DES  PRIX  GOBERT,  EN  1858. 


TOME    PREMIER. 


PARIS 

CHEZ^.-B.  DUMOULIN,  LIBRAIRE, 

QUAI  DES  AUGUSTINS,   \Z. 

CHEZ  L'AUTEUR,  RUE  DE  RENNES,  2. 
M  DCCC  LVIIl. 


vw 


v 


.^ 


y 


^^Y^ 


t;  I 


dL> 


TABLE   MÉTHODIQUE. 


p«g. 

Liste  des  principaux  textes  cités  et  des  abréviations  les  plus  nécessaires 

à  faire  connaître m 

Préface Xii 

Corrections  à  faire  dans  ce  volume xii 

PROLÉGOMÈNES. 

Aperçu  historique  sur  les  langues  qui  ont  été  parlées  successivement 
entre  le  Rhin  et  la  Loire i 

PREMIÈRE  PARTIE. 

ÉLÉMENTS  PRIMITIFS  DONT  s'eST  FORMÉE  LA  LAN&UE  FRANÇAISE. 


INTRODUCTION  A  LA.  PREMIERE  PARTIE. 

Considérations  générales  sur  la  nature,  les  proportions  et  la  fusion  des 
éléments  qui  constituèrent  la  langue  d'oïl  ;  moyen  d'utiliser  ces  don- 
nées pour  suppléer  à  l'insuffisance  des  documents  relatifs  aux  pre- 
mières époques  de  notre  histoire. 41 

CHAPITRE  PREMIER. 

ÉLÉMENT  LATIN. 

Sect.    I.  —  Observations  concernant  la  marche  suivie  dans  les  études 

qui  font  l'objet  de  ce  chapitre 7T 

Sect.  II.  —  Serments  de  [Louis  le  Germanique  et  des  soldats    de 

Charles  le  Chauve,  monument  du  ix'  siècle 78 

Texte  et  traduction  de  ces  serments 85 

Sect.  III.  —  Cantilène  en  l'honneur  de  sainte  Eulalie,  monument  du 

x«  siècle 86 

Texte  et  traduction  de  cette  cantilène 88 

Sect.  IV.  —  Lois  de  Guillaume  le  Conquérant,  monument  du  xi«  siècle.  90 

Texte  et  traduction  de  ces  lois 96 


vr  TABLE. 

Pag. 

Sect.  V.  —  Glossaire  étymologique  des  monuments  en  langue  d'oïl 
antérieurs  au  xii®  siècle,  savoir  :  les  Serments  de  842,  la  Cantilène 
en  l'honneur  de  sainte  Eulalie  et  les  lois  de  Guillaume  le  Conqué- 
rant  ' 123 

Sect.  VI.—  Statistique  des  mots  contenus  dans  les  trois  monuments 
antérieurs  au  xii®  siècle,  d'après  les  langues  auxquelles  ces  mots 
doivent  leur  origine 197 

CHAPITRE  II. 

ÉLÉMENT  CELTIQUE. 

Sect.  I.  —  Observations  concernant  la  marche  suivie  dans  les  re- 
cherches qui  font  l'objet  de  ce  chapitre 200 

Sect.  II. —  Recueil  des  mots  de  la  langue  d'oïl  qui  sont  d'origine 
celtique 203 

CHAPITRE  III. 

ÉLÉMENT  germanique. 

Sect.  I.  —  Observations  concernant  la  marche  suivie  dans  les  re- 
cherches qui  font  l'objet  de  ce  chapitre.    ...........  262 

Sect.  II.  —  Recueil  des  mots  de  la  langue  d'oïl  qui  sont  d'origine 
germanique. 266 

Sect.  III.—  Mots  de  la  langue  d'oïl  qui  se  trouvent  à  la  fois  dans  plu- 
sieurs idiomes  germaniques  et  dans  plusieurs  idiomes  celtiques .   .  470 


LISTE 
DES  PRINCIPAUX  TEXTES  CITÉS 

ET  DES  ABRÉVIATIONS 

LES  PLUS  NÉCESSAIRES  A  FAIRE  CONNAITRE. 


Acad.  —  Dictionnaire  de  l'Académie  française,  6«  édit.,.  Paris,  1835  ;  2  vol.  in-4o. 

Adam,  drame  anglo-normand  du  xii«  siècle,  publié  par  M.  Victor  Luzarche,  Tours, 
1854,  in-8o. 

Amyot,  Les  amours  pastorales  de  Daphnis  etChloé.  Bouillon,  1T74. 

Ane.  —  Ancien  ou  anciennement. 

Ass.  de  Jér.  —  Assises  de  Jérusalem,  publiées  par  M.  le  comte  Beugnot,  Paris, 
1843;2  vol.  in-fol. 
—  Les  mêmes,  publiées  par  M.  Victor  Foucher,  Rennes  1839,  in-S». 

Basse  lat.  —  (Basse  latinité.  Les  ouvTages  auxquels  on  doit  recourir  à  cet  égard 
sont  du  Gange  :  Glossarium  ad  scriptores  mediœ  et  infimœ  latinitatis,  éd.  des  Bé- 
nédictins de  Saint-Maur,  Paris,  1733-1736  ;  6  vol.  in-fol.  —  Nouvelle  édition, 
publiée  par  G.-A.-L.  Henschel.  Paris,  1840-1850;  7  vol.  in-40.  —  Carpentier: 
Glossarium  novumad  scriptores  medii  œvi.  Paris,  1766;  ^vol.  in-fol.) 

BoNivARD,  Adevis  et  devis  des  lengues,  traité  de  philologie  composé  en  1563  (pu- 
blié par  M.  Bordier) ,  Paris,  1 849,  in-  8". 

Branche  des  royaux  lignages,  chronique  métrique  de  Guillaume  Guiart,  insérée 
dans  les  tomes  VII  et  VIII  de  la  collection  des  Chroniques  nationales  françaises, 
publiée  par  J.-A.  Buchon.  Paris,  1828  in-8». 

Bret.  —  Breton  (Les  ouvrages  auxquels  on  doit  recourir  pour  cet  idiome  sont  :  Lé 
Gonidec,  dictionnaire  breton-français,  auquel  se  trouve  jointe  la  grammaire  bre- 
tonne du  même  auteur,  édition  de  M.  Ch.  Hersart  de  La  Villemarqué ,  Saint- 
Brieuc,  1847,  in-4°.  —  Dictionnaire  français-breton  du  même,  enrichi  d'addi- 
tions et  d'un  essai  sur  l'histoire  de  la  langue  bretonne,  par  Ch.  Hersart  de  La 
Villemarqué,  Saint-Brieuc,  1847,  in-4o.  —  Troude.  Dictionnaire  français  et 
celto-brcton,  Brest,  1843,  in-80.) 

Champollion-Figeac.  Mélanges  de  la  Collection  des  documents  historiques  pu- 
bliée par  le  Gouvernement,  in-4'',  Paris.  Le  tome  IV,  qui  a  paru  en  1849,.  con- 
tient la  Passion  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  et  la  Vie  et  Passion  de  saint 
Léger,  en  langue  d'oc  du  x«  siècle. 

Chans.  de  Roi.  —  Chanson  de  Roland  ou  de  Roncevaux,  du  xii»  siècle,  publiée 
pour  la  première  fois  par  Francisque  Michel,  Paris,  1837, in-8'.  —La  même, 
édit.  de  M.  F.  Génin,  Paris,  1850,  in-8°. 

Chansons  de  Thibault  IV,  comte  de  Champagne  et  de  Brie,  toi  de  Navarre,, Reims, 
1851,  in-8<>. 


VIII  LISTE  DES  OUVRAGES  CITÉS 

Chants  historiques  français  depuis  le  XII"  jusqu'au  XVIII»  siècle,  avec  des  noti- 
ces et  une  introduction,  par  Leroux  de  Lincy.  Paris,  4841,  2  vol.  in-12. 

Chastoiement  (le)  d'un  père  à  son  fils,  traduction  en  vers  français  de  l'ouvrage  de 
Pierre-Alphonse.  Paris,  1824,  petit  in-S". 

Chevalerie  (la)  Ogier  de  Danemarche,  par  Raimbert  de  Paris,  poëme  du  XII«  siè- 
cle, publié  par  M.  J.  Barrois.  Paris,  1842,  in-4". 

Chevalier  (le)  au  Cygne  et  Godefroid  de  Bouillon,  poëme  historique,  publié  par  le 
le  baron  de  Reiflenberg.  Bruxelles,  1846,  2  vol. 

Chroniques  anglo-normandes.  Recueil  d'extraits  et  d'écrits  relatifs  à  l'histoire  de 
Normandie  et  d'Angleterre  pendant  les  XI«  et  XII«  siècles,  publié  par  Francis- 
que Michel.  Rouen,  1836-1840,  3  vol.  in-8". 

Chron.  de  du  Guescl.  —  Chronique  de  Bertrand  du  Guesclin,  par  Cuvelier,  trou- 
vère du  xiv«  siècle,  publiée  par  E.  Charrière,  Paris,  1839;  2  vol.  in-4". 

Chron.  de  Jord.  Fanf.  —  Chronique  de  Jordan  Fantosme,  imprimée  à  la  suite 
de  la  Chronique  des  ducs  de  Normandie,  et  publiée  par  Francisque  Michel. 

Chron.  des  ducs  de  Norm.  —  Chronique  des  ducs  de  Normandie,  par  Benoît, 
publiée  par  Francisque  Michel,  Paris,  1844;  3  vol.  in-4". 

CoMMiNEs.  Mémoires  de  Philippe  de  Commines,  faisant  partie  du  Choix  des 
chroniques  et  mémoires  sur  l'histoire  de  France,  publié  par  J.  A.  C.  Buchon, 
Paris,  1836,  grand  in-S». 

Conseil  [le)  de  Pierre  de  Fontaines,  nouvelle  édition,  publiée  d'après  un  ma- 
nuscrit du  xni«  siècle,  etc.,  par  M.  A.-J.  Marnier,  Paris,  1846,  in-8». 

Corn.  —  Comique  ou  Cornouaillais,  idiome  anciennement  usité  dans  la  Cor- 
nouailles  anglaise.  (Recourir  pour  cet  idiome  au  dictionnaire  pubUé  par  Pryce 
dans  son  Archceologia  Cornu-Britannica,  Sherbone,  1790,  in-8°,  et  republié 
d'une  manière  plus  correcte  par  M.  Zeuss  dans  sa  Grammatica  Celtica.) 

Coutumes  [les)  du  Beauvoisis,  par  Philippe  de  Beaumanoir,  jurisconsulte  français 
du  xiii<=  siècle,  publié  par  M.,  le  comte  Beugnot,  Paris,  1842  ;  2  vol.  grand  in-S". 

Diplom.  cart.  —  Diplomata,  cartse,  epistolae,  leges,  etc.,  ad  res  gallo-francicas 
spectantia,  nunc  nova  ratione  ordinata  ;  éd.  de  M.  Pardessus,  1. 1  et  II,  Paris, 
1843-1849. 

Dolopathos.  (Voyez  li  Romans  de  Dolopathos.) 

Esp.  —  Espagnol. 

EsTiEKNE  (Henri).  Dialogues  du  langage  françois  italianisé,  Paris,  1579. 

Fables  inédites  des  xu%  xni=  et  xiv  sè^c/es,  publiées  par  M.  Robert,  Paris,  1826; 
2  vol.  in-S". 

Fabliaux  et  contes  des  poètes  françois...  publiés  par  Barbazan;  nouvelle  édition, 
augmentée  et  revue  sur  les  manuscrits  de  la  Bibliothèque  impériale,  par 
M.  Méon,  Paris,  1808;  4  vol.  in-S". 

Fell.  Rerum  anglicarum  scr^ptorum,  t.  I,  Oxonise,  1684,  in-fol. 

Flore  et  Blanceflor,  publié  Par  Immanuel  Bekker,  Berlin,  1844.  —  Floire  et 
Blancheflor,  pubUé  par  M.  Edelestand  Du  Méril  dans  la  collection  Jannet,. 
Paris,  1835,  in-12. 

Froissart.  Ses  Chroniques,  éd.  de  J.  A.  C.  Buchon,  Paris  1835;  3  vol.  grand 
in-8". 

Gall.  —  Gallois.  (Recourir  pour  cet  idiome  à  Owen.  Bictionary  of  the  welsh 
language  explained  in  english,  London,  1793-1803;  2  vol.  in-4",  seconde  édi- 
tion, Dembig,  1832.) 


ET  DES  ABRÉVIATIONS  EMPLOYÉES.  ix 

6ARLANDE.  Dictionnaire  de  Jean  de  Garlande,  imprimé  à  la  suite  de  Paris  sout 
Philippe  le  Bel.  (Voir  ce  dernier  ouvrage.) 

Galtier  d'Aupais.  Le  Chevalier  à  la  Corbeille,  fabliau  du  xiii"  siècle,  publié  par 
Francisque  Michel,  Paris,  1835. 

Gerars  de  Viane,  publié  par  Immanuel  Bekker,  dans  la  préface  de  der  Roman 
von  Fierabras,  Berlin,  1829. 

Holl.  —  Hollandais. 

Histoire  générale  et  particulière  de  Bourgogne,  etc.,  par  un  religieux  bénédictin, 
Dijon,  1739  ;  4  vol.  in-fol.  preuves. 

Histoire  de  Cambray  et  du  Cambrésis,  par  Jean  Le  Carpentier,  1664  ;  2  vol. 
preuves. 

Irland.  —  Irlandais.  (Les  ouvrages  auxquels  on  doit  recourir  pour  cet  idiome 
sont  :  O'Reilly.  An  irish-english  dictionary,  Dublin,  1817,  in-4° —  Mac-Curtin. 

The  english-irish  dictionary,  Paris,  1732,  in-8°.) 

Isidore  de  Séville.  Ses  œuvres  complètes,  éd.  de  Jacques  du  Breuil,  Paris, 
1601,  in-fol. 

JoiNviLLe.  La  vie  de  saint  Louis,  par  Jehan,  sire  de  Joinville,  Paris,  1761,  in-fol. 

L.  de  Guill.  —  Lois  de  Guillaume  le  Conquérant,  insérées  dans  cet  ouvrage, 
première  partie,  p.  94-121. 

Laid'Havelok,faT  Geoffroi  Gaimar,  publié  par  Francisque  Michel,  Paris,  1833. 

Lai  d'Ignaurès,  en  vers  du  xni»  siècle,  par  Renaut,  suivi  des  Lais  de  Melion  et 
du  Trot,  en  vers  du  xni'  siècle  ;  publié  par  L.  J.  N.  Monmerqué  et  Francisque 
Michel,  Paris,  1832. 

Lai  de  Mellon,  voy.  Lai  d'Ignaurès. 

Loi  du  Trot,  voyez  Lai  d'Ignaurès. 

Lais  inédits  des  xne  et  xin^  siècles,  publiés  par  Francisque  Michel,  Paris  et  Lon- 
dres, 1836,  in-8°. 

Lang.  d'oc. — Langue  d'oc.  (Recourir  pour  cet  idiome  au  Dictionnaire  de  la 
langue  romane  de  M.  Raynouard  et  au  Dictionnaire  provençal  français  ou  Dic- 
tionnaire de  la  langue  d'oc  ancienne  et  moderne  de  S.  J.  Honnorat,  Digne, 
1847,  3  vol.  in-i"). 

Lang.  d'oïl.  —  Langue  d'oïl.  (  Les  ouvrages  auxquels  on  doit  recourir  pour  cet 
idiome  sont  :  Rocquefort,  Glossaire  de  la  langue  romane,  Paris,  1808,  2  vol. 
in-8°.  Supplément  au  Glossaire,  1820;  1  vol.  in-8°.  —  Borel,  Dictionnaire 
des  termes  du  vieux  français,  Paris,  1730,  in-fol.,  se  trouvant  à  la  suite  du 
Dictionnaire  de  Ménage,  édition  de  Jault.  —  Carpentier,  Glossarium  novum  ad 
scriptores  medii  œvi,  Paris,  1766;  4  vol.  in-fol —  Sainte-Palaye.  Glossaire  des 
termes  du  vieux  français,  manuscrit  conservé  à  la  Bibliothèque  impériale,  dé- 
partement des  manuscrits,  10557,  G.). 

Lésine —  La  fameuse  Compagnie  de  la  Lésine,  Paris,  1604;  deux  tomes  en  un 
volume  petit  in-12. 

Livre  des  métiers.  —  Règlements  sur  les  arts  et  métiers  de  Paris,  rédigés  au 
xine  siècle,  et  connus  sous  le  nom  du  Livre  des  métiers  d'Etienne  Boileau,, 
publiés  par  M.  Depping,  Paris,  1837,  in-4°. 

Livre  des  Rois.  —  Les  quatre  livres  des  Rois  traduits  en  français  du  xii*  siècle, 
publiés  par  M.  Leroux  de  Lincy,  Paris,  Imprimerie  royale,  1841,  in-4''. 

Livre  de  Job,  publié  par  M.  Le  Roux  de  Lincy  et  imprimé  k  la  suite  du  Livre 
des  Rois,  (Voir  l'indication  de  ce  dernier  ouvrage.) 


X  LISTE  DES  OUVRAGES  CITÉS 

Le  Livre  du  roy  Modus  et  de  la  royne  Racio,  éd.  de  M.  Elzéar  Blaze,  Paris-, 

1839,  in-8°. 
Li  livres  de  jostice  et  de  plet,  public  pour  la  première  fois  par  Rappetti,  avec  un 

glossaire  par  P.  Chabaille;  Paris,  1830,  in-i». 
Mar.  de  France  —  Poésies  de  Marie  de  France,  publiées  par  B.  de  Roquefort, 

Paris,  1820;  2  vol.  in-8°. 
Marot.  OEuvres  complètes  de  Clément  Marot,  publiées  chez  Repilly,  Paris  1824; 

3  vol.  in-8°. 
Marcellus  Empiriccs.  De  medicamentis  empiricis,  etc.  inséré  dans  Medici  priti' 

cipes,  de  Henri  Estienne. 
Montaigne.  Les  Essais,  Paris,  1652,  in-fol.  . 

Mort  {la)  de  Garln  de  Loherain,  poème  du  xn«  siècle,  publié  par  M.  Edelestand 

du  Méril,  Paris,  1846,  in-8°. 
NicoT.  Dictionnaire  français-latin,  1606,  in-fol. 
Nouv.  rec.  de  contes. — Nouveau  recueil  de  contes,  dits,  fabliaux  et  autres  pièces 

inédites  des  xin=,  xiv«  et  xv«  siècles,  publié  par  Achille  Jubinal,  Paris  1839; 

2  vol.  in-8°. 
Nouveau  recueil  de  fabliaux  et  contes  inédits  des  poètes  français  des  xu,  xiii, 

XIV,  et  xv«  siècles,  publié  par  Méon,  Paris,  1823;  2  vol.  in-8°. 
Otfrid.  Traduction  des  Évangiles  en  langue  tudesque,  publiée  par  Schilter  dans 

son  Thésaurus  antiquitatum  teutonicarum,  t.  II.  (Voir  Schilter,  ci-après.) 
Paris  (Paulin).  Les  Manuscrits  français  de  la  Bibliothèque  du  roi,  Paris,  Té- 

chner,  1836-1842;  7  vol.  in-8°. 
Paris  sous  Philippe  le  Bel,  d'après  des  documents  originaux,  et  notamment 

d'après  un  manuscrit  contenant  le  rôle  de  la  taille  imposée  sur  les  habitants 

de  Paris  en  1292,  publié  pour  la  première  fois  par  H.  Géraud,  Paris,  1837,  in-4?. 
Parton.  de  Blois.  —  Partonopéus  de  Blois,  publié  par  M.  Crapelet,  Paris,  1834; 

2  vol.  in-8». 
Pasquier  (Est.).  Les  Recherches  de  la  France,  Paris  1611,  in-4''. 
Passion  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  en  langue  d'oc  du  x»  siècle,  publiée  par 

M.  Champollion-Figeac  dans  le  tome  IV  des  Mélanges  de  la  Collection  des 

documents  historiques. 
Prov.  —  Provençal. 
Rabelais.  OEuvres  de  F..  Rabelais,  Paris  1835;  chez  Ledentu,  libraire-éditeur, 

quai  des  Augustins,  n°  31  ;  grand  in-8°. 
Rom.  —  Roman.  Cette  ancienne  langue  de  la  France  se  subdivisait  en  deux 

idiomes,  celui  du  nord  ou  langue  d'oïl,  et  celui  du  midi  ou  langue  d'oc.  (Voir 

ces  expressions  chacune  k  sa  place.) 
Phil.  Mocskes.  Chronique  rimée  de  Philippe  Mouskes,  publiée  par  le  baron 

Reiffenberg,  Bruxelles,  1836-8.  2  vol.  supplément.  Bruxelles,  1843. 
Proverbes  et  Dictons  populaires,  avec  les  dits  du  Mercier  et  des  mardiands,  et 

les  crieries  de  Paris  aux  xiii«  et  xiv*  siècles,  publiés  par  G.  A.  Crapelet,, 

Paris,  1831,  grand  in-8<'. 
Reiffenberg.  Monuments  pour  servir  à  l'histoire  des  provinces  de  Namur,  de 

Hainaut  et  de  Luxembourg,  recueillis  et  publiés  pour  la  première  fois  par  le 

baron  de  Reiffenberg,  t.  I,  Bruxelles,  1844,  in-4°.  —  Ce  volume  comprend  : 

^°  le  Cartulaire  de  Notre-Dame  de  Namur  (1200-1328);  2"  Chartrier  de  Namur 

(1092-1323);  3"  Cartulaires  de  Hainaut  (1071-1347). 


ET  DES  ABRÉVIATIONS  EiMPLOYÉES.  xî 

Roman  [le)  du  comte  de  PoîtierSy  en  vers  du  xiii«  siècle,  publié  par  Francisque 

Michel,  Paris,  grand  in-8°. 
Romans  d'Alixandre  {Li)  par  Lambert  li  Tors  et  Alexandre  de  Bernay,  publié  par 

M.  Michelant,  Stuttgart,  1846. 
Romans  de  Raoul  de  Cambrai  et  de  Bernîer  {Li),  publiés  par  Edw.  Le  Glay,  Paris, 

1840,  in-8''. 
Roumans  {Li)  dou  cMstelain  de  Coucy  et  de  la  dame  de  Fayel,  publié  par  G.  A. 

Crapelet,  Paris,  1829. 
Roman  de  Horn,  publié  par  Francisque  Michel,  Paris,  1837,  in-S". 
Roman  de  la  Manekine  par  Philippe  de  Rcimes,  publié  par  Francisque  Michel, 

Paris,  1840,  in-4"'. 
Roman  de  Mahomet,  en  vers  du  xni«  siècle  par  Alexandre  Du  Pont,  et  livre  de 
la  Loi  au  Sarrazin,  en  prose  du  xiv«  siècle,  par  Raymond  LuUe,  publiés  par 
MM.  Reinaud  et  Francisque  Michel,  Paris,  1831,  grand  in-8». 
Roman  {le)  du  saint  Graal,  T^uhWé  par  Francisque  Michel,  Bordeaux,  1841,  in-8''. 
Roman  des  sept  Sages  de  Rome,  en  prose,  publié  par  Le  Roux  de  Lincy,  k  la 
,  suite  de  l'Essai  sur  les  fables  indiennes  et  sur  leur  introduction  en  Europe, 

par  A.  Loiseleur-Deslongschamps,  Paris,  1838,  in-S". 
Roman  de  la  Violette  ou  de  Gérard  de  Nevers,  en  vers  du  xni'  siècle,  par  Gibert 

de  Montreuil,  publié  par  Francisque  Michel,  Paris,  1834,  in-S". 
Rom.  de  Berte  —  Li  Romans  de  Berte  aus  grans  pies,  publié  par  M.  Paulin 

Paris,  de  la  Bibliothèque  du  roi,  Paris,  1836,  in-12. 
Rom.  de  Brut.  —-Le  Roman  de  Brut,  par  Wace,  publié  pour  la  première  fois 

par  M.  Le  Roux  de  Lincy,  Paris,  1836-,  2  vol.  in-8''. 
Romans  de  Garin  le  Lofierain   {Li),  publié  par  M.  P.  Paris;  Paris,  1833-1835, 

2  vol.  grand  in-12. 
Romans  {li)  de  Bolopathos,  publié  pow  la  première  fois  en  entier  par  MM.  Charles 

Brunet  et  Anatole  de  Montaiglon,  Paris,  1856. 
Roman  de  la  Rose  {Le),  publié  par  M.  Méon,  Paris,  1814;  4  vol.  in-S". 
Roman  de  Rou  (Le),  par  Robert  Wace,  poëte  normand  du  xu"  siècle,  publié  par 

M.  Frédéric  Pluquet,  Rouen,  1827;  2  vol.  in-8<'. 
Le  Roman  du  Renart,  publié  par  M;  D.  M.  Méon,  Paris,  1826;  4  vol.  in-S".  — 
Le  Roman  du  Renart,  supplément,  variantes  et  corrections,  publié  par  P.  Cha- 
baille,  Paris,  1835,  in-S». 
Romancero  françois,  par  M.  Paulin  Paris,  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres,  Paris,  Téchener,  1833,  in-S». 
RoMVART.  Notices  et  extraits  de  manuscrits  inédits  des  bibliothèques  de  Venise, 
de  Florence  et  de  Rome,  relatifs  à  riiistoire  littéraire  de  la  poésie  romane  du 
moyen  âge,fsir  M.  Adelbert  Relier,  Mannheimet  Paris,  1844,  in-8". 
RcTEBEUF.  CEuvres  complètes  de  Rutebeuf,  trouvère  du  xhi«  siècle,  recueillies  et 
mises  au  jour  pour  la  première  fois  par  Achille  Jubinal,  Paris,  1839  ;  2  vol.  in-S". 
Rymer  {Thomas).  Fœdera,  Conventiones,  Litterœ,  etc.,  MDCCXLV,  in-fol. 
Sainte-Eulal.  —  Cantilène  en  l'honneur  de  sainte  Eulaliè,  insérée  dans  cet  ou- 
vrage, première  partie,  p.  86-88. 

Selden.  Eadmeri  monachi  Cantuarensis  historiœ in  lucemexbïbliotheca  Cot- 

toniana  emisit  Joannes  Seldenus, Londres,  1633,  in-fol. 
Serm.  l.  —Serment  de  Louis  le  Germanique,  inséré  dans  cet  ouvrage,  première 
partie,  p.  83. 


xii    OUVRAGES  CITÉS  ET  ABRÉVIAT.  EMPLOYÉES. 

Serm.  IL  — Serment  des  soldats  de  Charles  le  Chauve,  inséré  dans  cet  ouvrage, 

première  partie,  p.  84. 
Serm.  de  S.  Bern.  —  Choix  de  sermons  de  saint  Bernard,  publié  par  M.  Le  Rouï 

de  Lincy  et  imprimé  à  la  suite  du  Livre  des  Rois.  (Voir  l'indication  de  ce  dernier 

ouvrage.) 
TATiA:i.  —  HarmoniœEvangeHorum,éàit.  Schnieller,  Viennse,  1841,  in4°,  p.  33. 
Th.  fr.  au  moyen  âge.—  Théâtre  français  au  moyen  âge,  publié  d'après  les  ma- 
nuscrits de  la  Bibliothèque  du  roi,  par  MM.  L.-J.-N.  Monmerqué  et  Francisque 

Michel,  Paris,  1839,  grand  in-8''. 
Trév.  —  Dictionnaire  universel  français  et  latin  de  Trévoux,  Paris,  1771  ;  8  vol. 

in-fol. 
Teistan.  —  Recueil  de  ce  qui  reste  des  poèmes  relatifs  à  ses  aventures,  publié 

par  Francisque  Michel,  Londres,  1835  ;  2  vol.  petit  in-S". 
Tournoiement  de  l'Antéchrist  (le),  par  Huon  deMery.  Reims,  1851,  in-8°. 
Tud.  —  Tudesque.  (Les  ouvrages  auxquels  on  doit  recourir  pour  cet  idiome  sont 

Graff.  Althochdeutscher  Sprachschatz  der  Worterbuch  der  althochdeutschen 

Sprache,  Berlin,  1834-1842;  7  vol.  in-4''.  —  Schilter,  Thésaurus  antlquitatum 

teutonicarum,  cum  notis  Georg.  Sceerzii,  Ulmœ,  1727-1728;  3  vol.  in-fol. 
Vers  sur  la  mort,  parThibauddeMarly,  seconde  édition,  Paris,  1833,  grand  in-8'. 
Vie  de  saint  Thomas  de  Conterbury,  publiée  par  Francisque  Michel  et  imprimée 

à  la  suite  de  la  Chronique  des  ducs  de  Normandie.  (Voir  l'indication  de  ce 

dernier  ouvrage.) 
Vie  et  Passion  de  saint  Léger,  en  langue  d'oc  du  x"  siècle,  publiées  par  M.Cham- 

pollion-Figeac  dans  le  tome  IV  des  Mélanges  de  la  Collection  des  documents 

historiques. 
ViLLEHARDouiN.  Conquêtc  de  Constantinople,  éd.  de  M.  P.  Paris»  de  l'Académie 

des  inscriptions  et  belles-lettres,  Paris,  1838,  in-8». 
Villon.  OEuvres  de  maistre  François  Villon,  corrigées  et  complétées  d'après 

plusieurs  manuscrits  qui  n'étaient  pas  connus,  etc.,  par  J.  H.  R.  Prompsault, 

Paris,  Téchener,  1832,  in-8<'. 
Voy.  de  Charlem.  à  Jér.  —  Roman  du  Voyage  de  Charlemagne  k  Jérusalem, 

publié  par  M.  Francisque  Michel,  Londres,  1836,  in-12. 
WiLKiNs.  Leges  anglo-saxonicœ  ecclesiasticœ  et  civiles,  accedunt  leges  Edwardi 

latinœ,  Guilielmi  Conquestoris  gallo-normanicœ...  éd.  David  Wilkins,  Londini, 

1721,  in-fol. 


CORRECTIONS  A  FAIRE  DANS  CE  VOLUME. 

Page  31 ,  ligne  9,  connaissancr  ;  lisez  connaissance. 
Page  54,  ligne  17,  supprimez  mitaine. 
Page  225,  ligne  30,  fiançais  ;  lisez  français. 
Page  232,  ligne  18,  Rutebonf;  lisez  Rutebeuf. 


PRÉFACE 


Le  siècle  dernier,  adonné  à  l'étude  des  spéculations  phi- 
losophiques, a  presque  épuisé  les  questions  de  langage 
qui  sont  du  domaine  de  la  logique  ;  le  nôtre,  éminemment 
doué  de  l'esprit  d'investigation  et  de  critique,  semble  s'être 
proposé  d'écrire  l'histoire  particulière  des  principales  lan- 
gues et  de  les  comparer  entre  elles.  Il  est  difficile  d'aller 
plus  loin  que  du  Marsais,  Condillac  et  Beauzée  dans  l'ana- 
lyse philosophique  de  la  parole.  Mais  on  ne  saurait  en  dire 
autant  des  historiens  du  langage  ;  bien  qu'on  doive  leur 
tenir  compte  des  heureuses  tentatives  qu'ils  ont  faites  de- 
puis un  certain  nombre  d'années,  il  faut  avouer  que  leur 
tâche  n'est  point  encore  suffisamment  remplie. 

Pour  ne  parler  ici  que  de  notre  langue  française,  le  haut 
degré  de  culture  où  elle  est  parvenue,  et  la  faveur  générale 
dont  elle  jouit  en  Europe,  lui  ont  justement  mérité  de  de- 
venir l'objet  des  études  rétrospectives  de  plusieurs  savants, 
non-seulement  en  France,  mais  encore  à  l'étranger  et  sur- 
tout en  Allemagne.  Malgré  ce  glorieux  privilège,  on  est 
obligé  de  reconnaitre  qu'il  reste  encore  bien  des  lacunes 
dans  son  histoire.  C'est  une  de  ces  lacunes  que  je  veux  es- 
sayer de  combler,  celle  qui  doit  principalement  attirer  l'at- 
tention, parce  qu'elle  se  présente  la  première  dans  l'ordre 
des  temps,  et  que  les  recherches  nécessaires  pour  la  remplir 
doivent  plus  particuhèrement  être  fécondes  en  résultats 
utiles  et  intéressants. 

Quelle  a  été  V origine  de  la  langue  française,  et  comment 
sa  formation  s'est-elle  opérée  ?  Cette  question  complexe  ne 


XIV  PRÉFACE. 

saurait  être  pleinement  résolue  que  par  la  solution  de  plu- 
sieurs questions  particulières  qu'elle  renferme.  On  peut, 
en  effet,  demander  quels  furent  les  divers  éléments  qui 
entrèrent  dans  la  compositon  de  notre  langue  ;  quelles  fu- 
rent les  circonstances  historiques  qui  mirent  ces  éléments 
en  présence  ;  en  quoi,  comment  et  dans  quelles  proportions 
chacun  d'eux  concourut  à  la  formation  du  nouvel  idiome  ; 
quelles  sont  les  lois  qui  présidèrent  à  leur  fusion  ;  quelles 
sont  enfin  les  transformations  qu'ils  eurent  à  subir,  et  par 
suite  desquelles  ils  en  vinrent  à  constituer  la  langue  de  nos 
pères. 

Je  ne  crois  pas  trop  présumer  démon  sujet  en  pensant 
qu'un  examen  satisfaisant  de  ces  différentes  questions  peut 
présenter  un  véritable  intérêt  à  tous  ceux  qui  s'occupent  de 
l'histoire  de  la  parole,  et  particulièrement  à  ces  esprits  dé- 
sireux de  percer  l'obscurité  des  siècles,  qui  demandent  au- 
jourd'hui à  l'étude  comparée  des  langues  la  clarté  néces- 
saire pour  pénétrer  dans  la  nuit  oh  se  dérobent  à  nos  yeux 
les  premières  époques  de  la  vie  des  nations  et  les  premiers 
débuts  de  la  civilisation  naissante. 

«  Tout  peuple  peut  s'analyser  par  sa  langue,  dit  avec 
raison  un  écrivain  de  nos  jours  \  Dans  une  étude  appro- 
fondie des  divers  idiomes,  on  retrouverait  toutes  les  his- 
toires. Si  Buffon  a  pu  dire,  le  style,  c'est  l'homme,  il  est 
vrai  d'ajouter  :  la  langue,  c'est  la  nation.  Oui,  si  les  con- 
temporains nous  avaient  laissé  ignorer  les  guerres  cruelles, 
les  migrations  des  peuples,  les  mélanges  et  les  confusions 
de  races  d'où  sont  à  la  fin  sorties  les  nations  modernes,  les 
philologues  découvriraient  la  trace  de  ces  vicissitudes 
dans  les  langues  qui  ont  conservé  la  trace  ineffaçable 
de  ces  inondations  et  de  ces  incendies  de  l'histoire.  De 

•  Les  Ruines  morales  et  intellectuelles ,  méditations  sur  la  philosophie  et 
l'histoire^  par  M.  A.  Nettement;  Paris,  1841,  in-8°,  p.  302. 


PRÉFACE.  XV 

même  que  les  naturalistes  reconnaissent  les  catastrophes 
du  globe  dans  les  différentes  couches  de  terre,  de  rochers 
et  d'argile  ;  de  même  un  esprit  analytique  parviendrait  à 
distinguer  dans  la  langue  d'un  peuple  les  Tlifférentes  cou- 
ches de  langues  étrangères  qui  constatent  les  catastrophes 
des  empires.  » 

Je  ne  me  bornerai  point  à  déterminer  d'une  manière 
générale  quelles  sont  ces  diverses  couches,  mais  j'exa- 
minerai en  détail  quels  sont  les  éléments  que  renferme 
chacune  d'elles,  c'est-à-dire  quels  sont  les  mots  que  nous 
devons  aux  Celtes,  aux  Romains,  aux  Francs,  et  quels  sont 
les  divers  ordres  d'idées  auxquels  se  rattachent  ces  diffé- 
rents mots . 

Peut-être  ces  données,  que  j'ai  tâché  de  rendre  aussi 
complètes  que  possible,  pourront-elles  servir  à  jeter  une 
lumière  nouvelle  sur  les  mœurs  de  ces  peuples,  sur  leurs 
usages,  sur  leurs  habitudes,  sur  leurs  occupations,  sur 
leur  caractère,  sur  leurs  idées  dominantes,  sur  leurs  rap- 
ports mutuels,  et  enfin  sur  l'influence  plus  ou  moins  consi- 
dérable que  chacun  d'eux  a  pu  exercer  sur  notre  esprit  na- 
tional . 

Par  suite  de  l'invasion  germanique,  la  Gaule  se  trouva 
replongée  dans  une  barbarie  peu  différente  de  celle  d'oti 
l'avait  retirée  le  génie  des  Romains;  mais  cette  barbarie  ne 
fut  heureusement  que  passagère.  Au  bout  de  quelques  siè- 
cles, la  nation,  dissipant  les  ténèbres  qui  l'entouraient,  en 
sortit  jeune^  vigoureuse  et  régénérée.  Si,  au  moment  du  ré- 
veil de  la  société,  on  observe  les  modifications  qui  se  sont 
accomplies  dans  le  langage  pendant  cette  période  de 
transformation,  on  y  remarque  une  rénovation  complète. 
Le  latin,  qui  était  devenu  la  langue  dominante  dans  les 
Gaules ,  a  laissé  pénétrer  dans  son  vocabulaire,  dans  sa 
grammaire  et  dans  sa  prononciation,  un  certain  nombre  de 


XVI  PRÉFACE. 

termes^  de  tournures  et  de  consonnances  provenant  de  l'i- 
diome des  Gaulois  et  de  celui  des  conquérants  germani- 
ques. Presque  tous  les  mots,  soit  latins,  soit  latinisés,  ont 
tellement  été  altérés  et  déformés  qu'ils  se  trouvent  trans- 
formés en  de  tout  autres  mots.  Beaucoup  d'entre  eux  ont 
passé  à  des  significations  fort  éloignées  de  celles  qu'ils 
avaient  autrefois.  Les  procédés  dont  se  servait  la  gram- 
maire latine  pour  marquer  les  genres,  les  nombres ,  les 
personnes,  les  temps,  les  modes  et  les  divers  rapports  qui 
existent  entre  les  idées,  ont  fait  place  à  des  procédés  tout 
nouveaux  et  fort  différents  de  ceux  qu'employait  la  langue 
de  Virgile  et  de  Cicéron. 

En  étudiant  avec  attention  ces  divers  changements,  il 
est  facile  de  se  convaincre  qu'ils  ne  sont  point  le  résultat 
du  hasard  ou  d'un  aveugle  caprice,  mais  que  tous  se  sont 
accomplis  en  vertu  de  certaines  lois  constantes,  et  qu'ils 
ont  suivi  une  marche  fixe  et  régulière.  La  linguistique  doit 
rechercher  quelles  sont  ces  lois  et  quelle  est  cette  marche, 
afin  d'en  déduire  des  conséquences  générales  propres  à 
nous  enseigner  comment  un  idiome  quelconque  peut  exer- 
cer certaines  influences  sur  un  autre  idiome  parlé  en  même 
temps  dans  la  même  contrée;  comment  et  par  quelles 
causes  une  langue  peut  s'altérer,  se  corrompre,  se  décom- 
poser, comment  enfin  sa  décomposition  peut  donner  nais- 
sance à  un  ou  plusieurs  idiomes  différents. 

Cet  ouvrage  comprendra  deux  parties  correspondant  aux 
deux  ordres  de  faits  que  je  viens  de  signaler.  La  première 
partie  aura  pour  objet  l'examen  des  éléments  primitifs  qui 
entrèrent  dans  la  composition  de  la  langue  française  ;  la 
seconde  partie  traitera  des  modifications  qu'éprouvèrent 
ces  éléments  pour  arriver  à  former  un  nouvel  idiome. 


ORIGINE  ET  FORMATION 


DE   L\ 


LANGUE  FRANÇAISE. 


PROLÉGOMÈNES. 


APERÇU  HISTORIQUE  SUR  LES  LANGUES  QUI  ONT  ÉTÉ  PARLÉES 
SUCCESSIVEMENT  ENTRE    LE  RHIN  ET  LA  LOIRE. 

Dans  les  siècles  les  plus  reculés  où  les  traditions  historiques 
puissent  nous  permettre  de  remonter,  nous  trouvons  deux 
races  distinctes  se  partageant  inégalement  la  vaste  étendue  de 
pays  comprise  entre  le  Rhin,  les  Alpes,  la  Méditerranée,  les 
Pyrénées  et  l'Océan.  La  première  de  ces  deux  races  était  la 
gauloise,  beaucoup  plus  nombreuse  que  l'autre  et  occupant 
presque  toute  la  contrée  j  la  seconde  était  composée  d'Ibères 
qui,  sous  le  nom  d'aquitains,  habitaient  la  portion  de  pays 
comprise  entre  la  Garonne  et  les  Pyrénées.  A  une  époque  pos- 
térieure, bien  que  fort  ancienne,  d'autres  /6è/'e^,  appelés  Ligu- 
res, sortirent  de  TEspagne,  envahirent  la  partie  méridionale 
du  territoire  des  Gaulois  et  s'étendirent  le  long  des  côtes  de 
la  Méditerranée,  où  ils  se  mêlèrent  avec  les  indigènes;  plus 
tard  encore  (600  avant  J.-C),  des  Grecs,  obligés  de  s'expa- 
trier pour  éviter  le  joug  des  Perses,  partirent  de  la  Phocide  et 
1*  I 


2  PROLÉGOMÈNES. 

vinrent  fonder  quelques  établissements  dans  le  pays  occupé 

parées  mêmes  Ligures. 

Lorsque  César  parut  dans  la  Gaule,  la  population  qui  l'ha- 
Litait  pouvait  être  considérée  comme  formant  trois  peuples 
différents.  Entre  les  Pyrénées  et  la  Garonne  étaient  les  Aqui- 
tains^ comme  nous  l'avons  dit;  entre  le  Rhin  au  nord,  la  Seine 
et  la  Marne  au  midi,  étaient  les  Belges  ;  au  centre  se  trouvaient 
les  Celtes,  dont  le  pays  s'étendait  entre  les  frontières  de  la  Bel- 
gique et  celles  de  l'Aquitaine'.  Nous  devons  toutefois  faire 
observer  qu'une  partie  des  Belges  s'étaient  répandus  dans  la 
Celtique,  entre  l'embouchure  de  la  Seine  et  celle  de  la  Loire, 
sur  toute  la  côte  de  l'Océan  à  laquelle  on  donna  le  nom  d'Ar- 
morique*.  Dans  cette  classification  ne  sont  comprises  ni  les 
colonies  grecques,  ni  la  Narbonnaise,  qui  appartenait  déjà 
aux  Romains,  ni  quelques  tribus  germaniques  qui  avaient  de- 
puis peu  franchi  le  Rhin,  et  s'étaient  établies  sur  la  rive  gauche 
de  ce  fleuve. 

*  Gallia  est  omnis  divisa  in  partes  très,  quarum  unam  incolunt  BeîgcB, 
aliam  Aquitani,  tertiam  qui  ipsorum  lingua  Celtœ^  nostra  Galli  appellantur. 
Hi  omnes  lingua,  institutis,  Icgibus  intcr  se  differunt.  Gallos  ab  Aquitanis 
Garumna  flumen,  a  Belgis  Matrona  et  Sequana  dividit.  (César,  De  bello 
Gallico,  lib.  I.) 

ci  [x.ir,)>  Zr),  Tpiyrj  Zi^pouv ,  Axoul'Tavoù;  xal  Bih/sii  xaAoûvTîj  xat   K^Araj.  (StrabOD, 

liv.  IV;  Recueil  des  historiens  de  France,  t.  I,  p.  4.) 
Celtarum  quae  pars  Galliœ  tertia  est.  (Tite-Live,  liv.  V,  ch.  xxxiv.) 
Temporibus  priscis  cum  laterent  hae  partes  ut  barbarae,  tripartitae  fuisse 
creduntur;  in  Celtas  eosdem  Gallos  divisae,  et  Aquitanos  et  Belgas.  (Am- 
mien  Marcellin,  liv.  XV,  ch.  xxvn;  Collect.  script,  lat.  vefer.,  t.  II,  p.  427.) 

*  Msrà  Se  tx  Xiy6é'/T<x  SOvyi  ,  rà  iomà  hûy&v  èsrh  êdvin ,  twv    Ttaptaxsuvn&v  •  Stv 

oùévszoï  //.sv  els'iv  oi  vKLi/ic<x>îffavT£î  irphi  Ksciaapx.  (Strabon,  liv.  IV;  Recueil  des 
historiens  de  France,  t.  I,  p.  27.) 

nayswxiavîTrî,  dans  ce  passage  de  Strabon,  paraît  être  la  traduction  du 
celtique  armorik,  adjectif  formé  de  ar,  sur,  auprès,  et  de  mor,  mer.  Ce  mot 
a  donné  Armorica,  l'Armorique. 

Voir,  sur  l'origine  et  les  migrations  des  Armoricains,  l'Histoire  des  Gau- 
lois de  M.  Amédéc  Thierry,  éd.  1844,  Introd,,  p.  Ixij. 


PROLÉGOMÈNES.  3 

Les  trois  peuples  avaient  chacun  un  idiome  particulier, 
mais  avec  cette  différence  que  ridiome  des  Aquitains  ressem- 
blaitbeaucoup  à  celui  des  Ibères  d'Espagne,  etnullement  à  ceux 
qui  étaient  usités  chez  les  Belges  et  chez  les  Celtes,  tandis  que 
les  idiomes  de  ces  deux  dernières  familles  différaient  assez 
peu  entre  eux,  et  pouvaient  être  considérés  comme  des  dia- 
lectes de  la  même  langue'.  C'est  cette  langue  à  laquelle  on 
donne  généralement  le  nom  de  celtique,  désignation  peu 
exacte,  puisqu'elle  semble  ne  s'appliquer  qu'à  une  seule  des 
deux  familles  gauloises.  Nous  l'adopterons  toutefois,  attendu 
que  l'usage  l'a  définitivement  consacrée. 

Le  celtique  fut  donc  la  première  langue  parlée  en  deçà  de  la 
Loire,  dans  cette  portion  de  pays  où  se  forma  plus  tard  la 
langue  d'oïl,  dont  l'un  des  dialectes,  celui  de  l'Ile-de-France, 
est  enfin  devenu  notre  langue  française.  Nous  aurons  à  exami- 
ner les  éléments  celtiques  qui  peuvent  se  trouver  dans  la 
langue  d'oïl;  mais  nous  n'aurons  à  nous  occuper  ni  de  la 
langue  grecque  des  Phocéens,  ni  de  la  langue  ibérienne  des 
Aquitains.  Les  uns  et  les  autres  étaient  trop  éloignés  des  pro- 
vinces du  nord,  où  la  langue  d'oïl  a  pris  naissance;  aussi  n'ont- 
ils  pu  fournir  que  quelques  mots  isolés  au  fonds  primitifs  de 
notre  vocabulaire*. 

*  Tôùî /ttèv  ÀxoiicT«v9Ù5,  TîJ^Wî  ifyjAAoy/tifvouî  OJ  tru  •/iw-rry)?  fiôvov,  àXXx  xoA  tîï; 
aéficiisi-i  ,  è/j.pîpiis  I&/ip7i  fiôiXXoj  /)  TalÛTxiç.  —  Âtt^wj  yyp  tlns'iv ,  ol  ÀxouïTKVoi 
Staesjsouert  Toû  yoAoTtxoû  fûiou,  xarà  tï  ràs  zûv  aa/iiivov  xaxaa)tsuài ,  xal  x«t«  ti^v 
yXuiTtctv  '  èoUudt  Si  fx&XXov  ïëripsiv.  —  Toùj  8è  Xonrovç ,  yaiaTixvjv  //.îv  zriv  o'piv , 
b/xoyXearrouî  S'  oj  TTavraj,  aAA'  èvtous  fttxpov  Trx/saAAecTTOVTaî  rcûi  yXùrrMi.  (StraboD^ 

liv.  IV;  Recueil  des  historiens  de  France,  t.  I,  p.  4  et  20.) 

'  Les  colonies  grecques  du  midi  de  la  Gaule  peuvent  nous  avoir  fourni 
golfe,àiQy.à).-noi\  ardillon,  diminutif  de  «/sotî  ;  osier,  de  obû«;  bourse,  àe 
^\jp<jy.  ;  colle,  de  ".àlXoL  ;  dour,  ancienne  mesure,  palme,  de  ôûpov  ;  et  quelq^ics 
autres.  Ce  n'est  point  que  notre  vocabulaire  primitif  ne  renferme  une  quantité 
considérable  de  mots  d'origine  grecque,  mais  ces  mots  avaient  passé  de  la 
langue  de  la  Grèce  dans  celle  de  Rome;  ils  nous  sont  arrivés  tout  latins 


4  PROLÉGOMÈNES. 

Les  Gaulois  transportèrent  le  celtique  dans  les  différent» 
pays  qu  ils  soumirent  à  leur  domination,  et  jusqu'en  Asie, 
dans  la  contrée  à  laquelle  ils  donnèrent  leur  nom.  C'est  ce 
que  nous  apprend  positivement  le  témoignage  de  saint  Jé- 


dans  les  Gaules,  et  nous  pourrions,  à  la  rigueur,  les  considérer  comme  de 
provenance  latine.  Tels  sont  -/.«pxëo;,  carabus,  crabe;  x»^?'-'»  chalare,  qui  est 
dans  Végèce,  ccUer  les  voiles;  hÙ7t«^  ,  myslax,  moustache;  xopm,  chorda, 
corde;  ^pv-'/y-fi,  aranca,  araignée;  axopirCoç ,  scorpius,  scorpion;  âùvjoi,  thyn- 
nus,  thon;  ptâ^vj,  phiala,  fiole;  xpxmih,  crapula,  crapule;  xpmiov,  cranium, 
crâne;  xù/sawo:,  tyrannus,  tyran;  ^piyoi,  thronus,  trône;  ^lauphi,  thésaurus, 
trésor. 

La  plus  grande  partie  des  mots  grecs  admis  dans  notre  ancienne  langue 
sont  dus  à  l'introduction  du  christianisme,  qui  prit  ses  premiers  développe- 
ments en  Orient  avant  de  se  répandre  dans  l'Europe  latine.  Les  propaga- 
teurs de  la  foi  y  apportèrent  les  mots  dont  ils  avaient  l'habitude  de  se  servir 
pour  exprimer  les  idées  chrétiennes,  et  les  Occidentaux  prirent  le  parti 
d'adopter  ces  mots,  attendu  que  leurs  idiomes  n'avaient  point  de  termes 
propres  pour  rendre  ces  idées  nouvelles.  C'est  ce  que  reconnaît  saint  Gré- 
goire de  Nazianze  :  ÀiA'  ob  Zu-jxus-joIs  Sià    azs-jÔTfivx  zf^  tik/s'  aùroïs  yAwTTuîî ,   xal 

ôvîaKTwv  Tisvixv.  (S.  Grég.,  Opéra,  éd.  Paris,  1630,  t.  I,  p.  395.) 

Les  monuments  en  langue  d'oïl  antérieurs  au  xii*  siècle  que  nous  aurons 
à  examiner  plus  loin  renferment  douze  mots  d'origine  grecque;  sur  ces 
douze  mots,  il  en  est  dix  que  l'on  peut  attribuer  aux  influences  religieuses. 
Ces  dix  mots  sont  arcevesque,  archevêque;  blasmet,  blâmé, accusé;  Christian, 
chrétien;  diavle,  diable;  evesque,  évêque;  evesqué,  évéché;  muster,  mo- 
nastère, église;  paroisse,  parole,  yglise,  église  :  les  deux  autres  mots  sont 
orphanin,  orphelin,  et  spede,  épée.  Pour  l'étymologie  de  tous  ces  mots, 
voir  le  glossaire  étymologique  qui  se  trouve  ch.  I,  sect.  v. 

Dans  la  suite,  quelques  autres  mots  grecs  passèrent  dans  notre  langue  au 
moyen  des  communications  que  nous  eûmes,  pendant  le  moyen  âge,  avec 
l'empire  d'Orient  par  les  croisades,  par  les  voyages  et  par  le  commerce; 
mais  un  nombre  de  mots  bien  plus  considérable  a  été  emprunté  à  la  langue 
grecque,  depuis  trois  siècles,  pour  exprimer  les  progrès  qui  ont  été  faits 
dans  les  arts,  dans  les  sciences  et  dans  l'industrie. 

Quant  aux  mots  que  la  langue  ibéricnne  a  pu  nous  fournir,  on  ne  peut 
guère  citer  avec  quelque  fondement  que  Us,  savate,  truffe,  anciennement 
tromperie,  moquerie;  graal,  anciennement  vase,  plat;  gouge,  ciseau  arrondi 
formant  un  canal  tranchant;  gourd,  qui  s'emploie  encore  au  féminin  [mains 
gourdes),  et  qui  a  donné  engourdir.  Le  basque,  qui  est  un  idiome  né  de 
l'ancien  ibérien,  a  conservé  biz,  noir,  noirâtre,  sombre;  zapata,  soulier; 


PROLÉGOMÈNES.  5 

rôme,  qui  visita  la  Gaule  et  la  Galatie^.  Mais  le  pays  dans  le- 
quel nous  sommes  le  plus  intéressés  à  constater  l'importation 
du  celtique  par  les  Gaulois,  c'est  la  Grande-Bretagne. 

Guillaume  le  Conquérant  ne  fut  point  le  premier  qui,  parti 
de  nos  rivages,  alla  prendre  pied  sur  la  terre  à! Albion  :  bien 
des  siècles  avant  lui,  des  Gaulois  débarquèrent  et  s'établirent 
dans  cette  île,  ainsi  que  dans  celle  d'/m,  aujourd'hui  F  Irlande. 
Aussi  voyons-nous  dans  Strabon  que  Hipparque  n'hésitait 
point  à  ranger  au  nombre  des  Gaulois  les  habitants  de  ces  con- 

tmfa,  moquerie;  grazal,  vase,  écuelle;  gubioa,  canal,  de  gubia,  courbure; 
qurd,  épais,  lourd,  au  figuré  qui  a  l'esprit  lourd,  borné,  qui  est  stupide.  Le 
témoignage  de  Quintilien  prouve  que  ce  dernier  mot  appartenait  à  l'ancienne 
langue  des  Ibères  d'Espagne  :  ((  Gurdos,  quos  pro  stolidis  accipit  vulgus, 
ex  Hispania  duxisse  originem  audivi.  »  {Institutions ^  liv.  I,  ch.  v.)  Les 
Espagnols  ont  encore  gordo,  signifiant  gros,  gras,  épais,  stupide,  niais, 
imbécile.  Le  français  gourd  avait  autrefois  l'acception  que  nous  lui  avons 
conservée  dans  mains  gourdes,  et,  do  plus,  toutes  celles  de  l'espagnol  gordo. 
Voyez  à  cet  égard  les  Études  de  philologie  comparée  sur  l'argot,  par 
M.  Francisque  Michel,  p.  193  et  194. 

Pour  compléter  la  liste  des  sources  auxquelles  notre  idiome  naissant  puisa 
les  mots  de  son  vocabulaire,  je  dois  dire  qu'il  en  emprunta  quelques-uns  à 
la  langue  des  Arabes,  soitau  vni%  au  ix«  et  aux"  siècle,  époque  de  l'inva- 
sion des  Sarrasins  dans  le  midi  de  la  France;  soit  plutôt  au  xi%  au  xn«  et 
au  xni«  siècle,  au  moyen  des  rapports  établis  avec  l'Orient  pendant  tout  le 
temps  que  durèrent  les  croisades;  soit  enfin  par  suite  des  relations  que  nous 
eûmes,  pendant  le  moyen  âge,  avec  les  Maures  établis  en  Espagne.  On  peut 
citer  parmi  ces  mots  amiral,  algèbre,  alcôve,  alcali,  chiffre,  chiffon,  cra- 
moisi, sirop  et  quelques  autres  en  petit  nombre.  Voir  à  cet  égard  Invasions 
des  Sarrasins  en  France,  par  M.  Reinaud,  Paris,  1836,  in-S",  p.  307,  et 
M.  Diez,  Grammatik  der  romanischen  Sprachen,  t.  I,  p.  58.  M.  Pihan  est 
loin  de  faire  aussi  bon  marché  de  l'influence  des  idiomes  orientaux  sur  la 
formation  de  notre  vocabulaire.  Voir  son  Glossaire  des  mots  français  tirés 
de  l'arabe,  du  persan  et  du  turc. 

*  Galatas,  excepte  sermone  graeco,  quo  omnis  Oriens  loquitur,  propriam 
linguam  eamdem  pêne  habere  quam  Trcviros;  nec  referre,  si  aliquaexinde 
corruperint,  cum  et  Afri  phœniciam  linguam  nonnuUa  ex  parte  mutarint,  et 
ipsa  latinitas  et  regionibus  quotidie  mutetur  et  tempore.  (Saint  Jérôme, 
Comm.  Epist.  ad  Galatas,  liv.  II,  Procem.) 


6  PROLÉGOMÈNES, 

trées'.  Longtemps  après,  d'autres  Gaulois,  appartenant  à  la 
famille  des  Belges,  envahirent  de  nouveau  l'île  d'Albion  et  en 
occupèrent  toute  la  partie  méridionale.  César,  qui  nous  a 
transmis  ce  fait  dans  ses  Commentaires,  ajoute  que  la  plupart 
de  ces  Belges  conservèrent  dans  Tîle  de  Bretagne  les  noms 
sous  lesquels  ils  étaient  connus  dans  la  Gaule*.  Aussi  Ptolé- 
mée,  dans  la  description  de  cette  île,  nomme-t-il  des  Belges, 
des  Atrébates  et  même  des  Parisii'. 

La  langue  des  Gaulois  des  îles  britanniques  était  peu  diffé- 
rente de  celle  des  Gaulois  de  la  mère  patrie;  Tacite  nous  le 
dit  positivement*,  et  Pline,  ayant  à  désigner  la  marne  par  le 
nom  qu'on  lui  donnait  dans  Tun  et  l'autre  pays,  ne  fait  pas  de 
distinction  entre  les  deux  idiomes^.  Enfin  nous  tenons  de  Cé- 


*  oui  ixslvoi  (^■miapyoï')  fiïv  ïri  Keirûùj  \mo)àiJ.€<ivu.  (Strabon,  liv.  II.) 
Gallos  vicinum  solum  (Britannicum)  occupasse  credibile  est;  eorum  sacra 

deprehendas.  (Tacite,  Agricolœ  vita,  c.  xi;  Collectio  scriptorum  latinorum 
veterum,  t.  II,  p.  273.) 

Imprimis  haec  insula  Britones  solum,  a  quibus  nomen  accepit,  incolas 
habuit,  qui  de  tractu  Armoricam,  ut  fertur,  Britanniam  advecti,  australes 
sibi  partes  illius  vindicarunt.  (Bède,  éd.  Colon.,  t.  III,  p.  2.) 

Voir  Prichard,  Ethnography  of  the  celtic  race. 

*  Britanniœ  pars  interior  ab  iis  incolitur  quos  natos  in  insula  ipsa  me- 
moria  proditum  dicuntj  maritima  pars  ab  iis  qui  praedae  ac  belli  inferendi 
causa  ex  Belgio  transierant,  qui  omnes  fere  iis  nominibus  civitatum  appel- 
lantur  quibus  orti  "ex  civitatibus  eo  pervenerunt,  et,  bello  illato,  ibi  reman- 
serunt,  atque  agros  colère  cœperunt.  (César,  De  beîl.  GalL,  lib.  V,  xni.) 

^  Vpbi  oU  Ttspl  fàv  tùXiiJ.svov  xôAtiov,  Xlctpît^ot ,  xsà  rtàhs  llsrovapix,..  ETra  kzpi- 
Sàerioi  xai  mXi;  N«Axoû«...  Xlôàiv  Totj  //èv  Arpeëxtloii  xat  toïs  Kavzioi;  bnôxsivTxi 
Pijyvot,  xKt  mit;  Noté/iKyoî,  zoii  lï  Lo^o-j-joii,  Beiyat.  {J^toUm.  Geographia, 
lib.  II,  c.  III.) 

*  Britanniam  qui  mortales  initie  coluerint,  indigenae  an  advecti,  ut  inter 
barbares,  parum  compertum...  In  universum  tamen  aestimanti,  Gallos  vici- 
num solum  occupasse  credibile  est;  eorum  sacra  deprehendas,  super stitio- 
num  persuasione;  sermo  haud  muUum  diversus.  (Tacite,  Agricolœ  vita, 
c.  xi;  Collect.  script,  lot.  'ceter..i,  II,  p.  273.) 

^  Alia  est  ratio  quam  Britannia  et  Gallia  invenere  alendi  eam  {terram) 
ipsa;  qaod  gcnus  vocant  margain.  Spissior  ubertas  in  ea  intelligitur;  est 


PROLÉGOMÈNES.  7 

sar  que  les  druides  gaulois  qui  désiraient  avoir  une  connais- 
sance plus  spéciale  du  druidisme  allaient  l'étudier  dans  l'ile 
de  Bretagne,  où  ils  apprenaient  par  cœuriin  grand  nombre  de 
vers  contenant  la  doctrine  des  druides  bretons  '. 

Il  ne  nous  est  parvenu  aucun  monument  de  Fancien  cel- 
tique; riiistoire  ne  fait  pas  même  mention  d'un  seul  ouvrage 
écrit  en  cette  langue.  Les  druides  étaient  les  seuls  qui  eussent 
été  capables  de  le  composer;  mais  la  religion  leur  défendait 
d'écrire  quoi  que  ce  fût  qui  touchât  au  druidisme^  et  le  drui- 
disme touchait  à  tout.  Les  seuls  restes  de  cette  langue  qui  soient 
arrivés  jusqu'à  nous  consistent  en  une  centaine  de  mots  isolés 
qui  nous  ontétéconservés  par  quelques  auteurs  grecs  ou  latins'. 

autem  quidam  terras  adeps,  ac  velut  glandia  in  corporibus,  ibi  densante  se 
pinguidinis  nucleo.  (Pline,  liv.  XVII,  4.) 

*  Disciplina  (druidum)  in  Britannia  reporta,  atque  inde  in  Galliam  trans- 
lata esse  existimatur;  et  nunc,  qui  diligentius  eam  rem  cognoscere  volunl, 
plerumque  illo,  discendi  causa,  proficiscuntur.  (  César,  Be  bello  Gallico, 
lib.  VI,  xni.) 

Magnum  ibi  numerum  versuum  ediscere  dicuntur  (druides).  Itaque  non- 
nulli  annos  vicenos  in  disciplina  permanent;  neque  fas  esse  existimant  ea 
litteris  mandare.  (César,  De  bello  Gallico,  lib.  VI,  xiv.) 

*  Dans  ces  derniers  temps,  M.  Jacob  Grimm  a  essayé  d'établir  que  l'on 
doit  considérer  comme  celtiques  deux  formules  superstitieuses  qui  se  trou- 
vent dans  Marcellus  Empiricus,  auteur  du  iv^  siècle,  natif  de  Bordeaux.  S'il 
est  vrai  que  ces  formules  soient  effectivement  celtiques,  elles  sont  les  seules 
phrases  de  l'ancienne  langue  de  nos  pères  qui  soient  parvenues  à  leurs  des 
cendants.  Marcellus,  dans  le  passage  en  question,  indique  certaines  conju- 
rations comme  propres  à  faire  sortir  de  l'œil  un  corps  étranger  qui  s'y  serait 
introduit.  Voici  ce  passage  en  entier  : 

«  Digitis  quinque  manus  ejusdem  cujus  partis  oculum  sordicula  aliqua 
fuerit  ingressa,  percurrens  et  pertractans  oculum,  ter  dices  :  Tetunc  resonco 
BREGAN  GRESso.  Ter  dcindo  spues,  terque  faciès.  Item  ipso  oculo  clauso  qui 
carminatus  erit,  patientem  perfricabis,  et  ter  carmen  hoc  dices,  et  loties 
spuens  :  In  mon  dercomarcos  axatison.  Scito  remedium  hoc  in  hujusmodi 
casibus  esse  mirificura.  Si  arista  vcl  quœlibet  sordicula  oculum  fuerit  in- 
gressa, occluso  alio  oculo,  ipsoque  qui  dolet  patefacto,  et  digitis  mcdicinali 
ac  poUice  leviter  pertracto,  ter  per  singula  despuens  dices  :  Os  Gorgom's 


8  PROLÉGOMÈNES. 

Heureusement  pour  nos  études,  nous  ne  serons  pas  réduits 
au  faible  secours  que  ce  petit  nombre  de  mots  pourra  nous 
offrir.  Le  celtique  survécut  à  la  conquête  des  Romains  et  à 
celle  des  barbares;  nous  le  retrouvons  encore  aujourd'hui 
dans  notre  basse  Bretagne,  dans  le  pays  de  Galles,  en  Angle- 
terre, dans  l'Ecosse  et  dans  l'Irlande.  Partout  il  se  trouve  ré- 
duit à  l'état  de  patois  et  plus  ou  moins  altéré  par  l'introduc- 
tion de  beaucoup  de  mots  appartenant  aux  diverses  langues 
qui  ont  successivement  dominé  dans  ces  différents  pays;  mais 
cette  altération  n'est  point  telle  que  l'on  ne  puisse  retrouver 
dans  ces  patois  la  plupart  des  mots  que  les  auteurs  grecs  et 
latins  nous  donnent  comme  appartenant  à  la  langue  des  Gau- 
lois. Nous  aurons  occasion  de  le  prouver,  pour  quelques-uns 
au  moins,  dans  le  chapitre  il  de  cet  ouvrage.  La  persistance 
de  ces  mots  dans  le  breton,  le  gallois,  l'écossais  et  l'irlandais» 
est  une  preuve  directe  et  suffisante  que  ces  idiomes  provien- 
nent effectivement  du  celtique.  Et  d'ailleurs  quel  serait  le 
peuple  ancien  dont  la  langue  se  serait  ainsi  perpétuée  dans 
ces  patois,  appartenant  tous  à  la  même  famille?  Depuis  l'épo- 
que la  plus  reculée,  ces  contrées  n'ont  été  possédées  que  par 
trois  races  différentes  :  d'abord   se  présentent  les  Gaulois; 
après  eux  viennent  les  Romains,  et  enfin  les  conquérants  bar- 
bares, sortis  des  forêts  de  la  Germanie.  Mais  les  patois  dont  il 

basio.n  (Marc.  Emp.  dans  Medici  principes  de  Henri  Estienne,  p.  278,  p.) 

M.  Griram  divise  ainsi  les  mots  qui  composent  les  deux  formules  : 

à°  Tet  un  cre  son  co  bregan  gresso. 

2"  Inmon  derc  omar  cos  ax  atison. 

Ce  qui  signifie,  d'après  le  savant  allemand  : 

^o  Fuisloi7i  de  nouSj  poussière^  chez  les  compagnons  du  mensonge. 

2°  Que  le  globe  de  l'œil  (soit)  douXj  que  la  doulure  et  l'enflure  (soient)  loin. 

Je  laisse  à  M.  Grimm  l'honneur  et  la  responsabilité  de  sa  traduction.  (Voir 
Abhandlwuj  der  Berhner  Acad.,  année  4 847,  p.  454, et  l'opuscule  intitulé  : 
Vbèr  Marcelhis  Burdigàlensis,  Berlin,  1849.) 


PROLÉGOMÈNES.  9 

s'agit,  n'appartenant  évidemment  ni  à  la  famille  des  langues 
romanes,  ni  à  la  famille  des  langues  germaniques,  ne  peuvent 
devoir  leur  origine  qu'à  la  langue  parlée  de  toute  antiquité 
par  les  différentes  peuplades  gauloises. 

L'irlandais  et  l'écossais  ont  beaucoup  plus  de  ressemblance 
entre  eux  qu'ils  n'en  ont  avec  le  gallois  et  le  bas  breton,  tan- 
dis que  ces  deux  derniers  sont  assez  voisins  l'un  de  l'autre, 
Ces  conformités  et  ces  différences  peuvent  être  attribuées  aux 
influences  climatériques  et  au  temps  plus  ou  moins  considé- 
rable qui  s'est  écoulé  depuis  la  séparation  des  diverses  fa- 
milles gauloises  qui  ont  continué  à  faire  usage  du  celtique. 
M.  Amédée  Thierry  résout  la  question  en  admettant  que  l'ir- 
landais et  l'écossais  proviennent  de  l'idiome  des  Celtes,  tandis 
que  le  bas-breton  et  le  gallois  proviendraient  de  l'idiome  des 
Belges.  Cette  opinion  peut  être  vraie,  mais  elle  ne  me  paraît 
pas  suffisamment  appuyée,  ni  par  les  données  de  l'histoire,  ni 
par  celles  de  la  linguistique. 

Ainsi  que  l'ont  fait  Davies,  Cambden  et  autres  auteurs,  on 
peut  comprendre  sous  la  désignation  commune  de  britannique 
le  bas-breton,  appelé  par  les  Bretons  brezonec,  et  le  gallois,  ap- 
pelé par  les  Gallois  cymra'ég  ;  on  devra  donner  le  nom  de  gaé- 
lique a  l'irlandais  et  à  l'écossais,  nommés  ga'èlic  dans  les  pays 
où  ils  sont  parlés.  Afin  que  le  lecteur  puisse  saisir  plus  facile- 
ment, et  pour  ainsi  dire  d'un  seul  coup  d'oeil,  cette.classifica- 
tion,  je  la  lui  présenterai  dans  le  tableau  suivant  : 

NÉO-CELTIQUE. 


GAÉLIQUE.  BRITANNIQUE. 

IRLANDAIS.   ÉCOSSAIS.  BAS-BRETON.   GALLOIS. 

Je  ne  discuterai  point  la  question  de  savoir  si  l'ancien 


40  PROLÉGOMÈNES, 

idiome  des  Armoricains  s'est  perpétué  dans  la  basse  Bretagne, 
ou  si  l'on  doit  admettre,  comme  le  prétendent  certains  écri- 
vains, que  le  bas-breton  n'est  qu'une  altération  de  la  langue 
galloise  transportée  en  Bretagne  par  les  Gallois  qui,  vers  le 
milieu  du  v*  siècle,  vinrent  s'y  réfugier  pour  échapper  à  la 
tyrannie  des  Saxons.  Je  me  range  entièrement  à  l'avis  de 
M,  Amédée  Thierry,  qui  a  établi  la  première  opinion  par  des 
raisons  solides  et  concluantes ^  A  la  fin  du  iv'  siècle,  le  cel- 
tique était  usité  parmi  le  peuple  dans  la  plupart  des  contrées 
de  la  Gaule  ^  au  v*  il  existait  encore,  au  moins  à  l'état  de  pa- 
tois, dans  les  montagnes  de  l'Auvergne,  ainsi  que  le  prouve 
implicitement  un  passage  d(3  Sidoine  Apollinaire  que  j'aurai 
bientôt  l'occasion  de  citer*.  Il  est  plus  que  probable  que,  dans 
le  même  siècle,  cette  langue  devait  également  être  parlée  sur 
les  côtes  reculées  de  l'Armorique,  qui  venait  de  se  soustraire  à 
la  domination  romaine.  Du  reste,  quoi  qu'il  en  soit  de  ces  hy- 
pothèses, toujours  est-il  que,  dans  un  cas  comme  dans  Tautre, 
on  doit  reconnaître  que  le  bas-breton,  aussi  bien  que  le  gallois, 
sont  des  restes  encore  subsistants  de  l'ancienne  langue  des 
Gaulois. 

Le  celtique  appartenait  à  cette  famille  de  langues  que  l'on 
a  nommées  indo-européennes.  Je  n'entreprendrai  pas  de  dé~ 
montrer  cette  proposition,  attendu  que  les  détails  dans  les- 
quels je  serais  obligé  d'entrer  m'entraîneraient  beaucoup  trop 
loin  de  mon  sujet  ;  je  vaé  bornerai  à  renvoyer  le  lecteur  au  tra- 
vail tout  spécial  que  nous  devons  aux  recherches  intéressantes 
de  M.  Adolphe  Pictet\ 

*  Amédée  Thierry,  Histoire  des  Gaulois j  Introduction. 

*  Voir  la  note  1  de  la  page  19. 

^  De  l'affinité  des  laiigws  celtiques  avec  le  sanscrit,  par  Adolphe  Pictel; 
Paris,  1837,  in-S». 


PROLÉGOMÈNES.  Ù 

La  colonie  grecque  de  Marseille,  trop  faible  pour  résister  à 
une  guerre  que  son  ambition  lui  avait  attirée  de  la  part  des 
Ligures,  sévit  contrainte  d'appeler  à  son  secours  les  Romains, 
ses  anciens  alliés.  Ceux-ci  saisirent  avidement  l'occasion  de 
mettre  le  pied  dans  la  Gaule  et  s'emparèrent  de  la  partie  sud- 
est,  à  laquelle  ils  donnèrent  le  nom  de  province  romaine  trans- 
alpine,  cent  cinquante-quatre  ans  avant  Jésus-Christ.  Un 
siècle  après,  Jules  César,  envoyé  dans  cette  province  pour  la 
gouverner  en  qualité  de  proconsul,  profite  d'un  prétexte  qui 
lui  est  offert  pour  attaquer  les  Gaulois  restés  indépendants  et 
soumet  la  Gaule  entière  à  la  domination  romaine,  après 
une  guerre  de  dix  ans.  Alors  l'ambitieux  César,  devenu  le 
rival  de  Pompée,  sentit  le  besoin  de  se  faire  des  partisans  de 
ces  mêmes  ennemis  auxquels  sa  bravoure  et  son  habileté 
avaient  fait  éprouver  de  si  nombreux  désastres.  Il  n'épargna 
pour  y  réussir  ni  faveurs  ni  promesses,  et,  quelques  années 
après,  on  put  voir  des  pères  conscrits  gaulois  déposer  leurs 
braies  et  s'affubler  du  laticlave  pour  entrer  dans  le  sénat,  ainsi 
que  le  chantaient  les  Romains,  selon  le  rapport  de  Suétone', 
Après  la  mort  de  César,  l'empereur  Auguste  fit  une  nouvelle 
division  de  la  Gaule,  lui  donna  une  administration  et  une  or- 
ganisation toutes  romaines. 

Dès  lors  le  latin  s'introduisit  et  se  répandit  insensiblement 
dans  les  Gaules  par  l'administration,  la  justice,  les  lois,  les 
institutions  politiques,  civiles  et  militaires,  la  religion,  le  com- 
merce, la  littérature,  le  théâtre  et  tous  les  autres  moyens  dont 
Rome  savait  si  habilement  se  servir  pour  imposer  sa  langue 
aux  nations,  comme  elle  leur  imposait  le  joug  de  sa  domina- 


'  Gallos  Cssar  in  triamphum  ducit;  idem  in  curiam. 
Galli  brseas  deposuerunt,  latum  clavum  sumpserunt. 

(SnétoDC,  Jui,  Cms;  c.  ixix,  i.) 


<2  PROLÉGOMÈNES, 

tion  '.  Déjà,  du  vivant  de  Cicéron,  ainsi  qu'il  nous  l'apprend 
lui-même^  la  Gaule  était  pleine  de  marchands  romains,  et  il  ne 
se  faisait  pas  une  affaire  que  quelque  Romain  n'y  participât*. 
Mais  ce  qui  dut  le  plus  puissamment  contribuer  a  la  pro- 
pagation de  la  langue  latine,  ce  fut  le  besoin  où  se  trouvèrent 
les  Gaulois  de  recourir  au  magistrat  romain  pour  obtenir  jus- 
tice: car  toutes  les  causes  se  plaidaient  en  latin,  et  une  loi 
expresse  défendait  au  préteur  de  promulguer  un  décret  en 
aucune  autre  langue  qu'en  langue  latine'. 

Claude ,  successeur  d'Auguste,  né  à  Lyon ,  élevé  dans  les 
Gaules,  affectionna  toujours  la  province  où  il  avait  passé  son 
enfance,  et  c'est  à  lui  que  toutes  les  villes  gauloises  durent  le 
droit  de  cité,  qui  rendait  leurs  citoyens  aptes  à  tous  les  em- 
plois et  à  toutes  les  dignités  de  l'empire.  Ainsi  l'ambition, 
l'intérêt,  la  nécessité  des  relations  journalières  avec  l'adminis- 
tration romaine,  tout  porta  les  Gaulois  à  se  livrer  à  l'étude  de 
la  langue  latine,  surtout  avec  un  protecteur  tel  que  Claude, 
qui  n'admettait  pas  qu'on  pût  être  citoyen  romain  si  l'onigno- 

'  Imperiosa  uimirum  civitas  {Roma)  non  solum  jugum,verura  etiamlin- 
guam  suam  domitis  genlibus  imponere  voluit.  (Saint  Augustin,  De  civitate 
Bei,  lib.  XIX,  c.  vu.) 

*  Referta  Gallia  negotiatorum  est,  plena  civium  Romanorum;  nemo  Gal- 
lorum,  sine  cive  Romano,  quidquam  negotii  gerit.  (Cic.  Orat.  pro  Fon- 
teio,  \ .) 

*  Décréta  apretoribus  latine  interponi  debent.  (L.  Décréta,  D.,  lib.  XLII, 
tit.  I,  De  re  judicata.) 

Magistratus  vero  prisci  quantopere  suam  populique  Romani  majestatem 
retinentes  se  gesserint,  bine  cognosci  potest,  quod,  inter  caetera  obtinendae 
gravitatis  indicia,  illud  quoque  magna  cum  perseverantia  custodiebant,  ne 
Grœcis  unquam  nisi  latine  responsa  darent.  Quin  etiam  ipsa  linguae  volubi- 
litate,  qua  plurimum  valet,  excussa,  per  interprétera  loqui  cogebant;  non 
in  urbe  tantum  nostra,  sed  etiam  in  Graecia  et  Asia;  quo  scilicet  latinœ 
vocis  honos  per  omnes  gentes  venerabilior  diffunderetur.  (Valère  Maxime, 
liV.  H,  ch.  î.) 


PROLÉGOMÈNES.  ^-IS 

mit  la  langue  des  Romains*;  au  point  qu'un  illustre  Grec, 
magistrat  dans  sa  province,  s'étant  présenté  devant  lui  et  ne 
pouvant  s'expliquer  en  latin,  non-seulement  Claude  le  fit  rayer 
de  la  liste  des  magistrats,  mais  il  lui  enleva  jusqu'à  son  droit 
de  citoyen  *.  A  partir  du  règne  de  ce  prince,  la  langue  latine 
fit  de  tels  progrès  dans  les  Gaules  que,  peu  d'années  après , 
Martial  se  félicitait  d'être  lu  à  Vienne,  même  par  les  enfants  '. 
Déjà,  dès  le  temps  de  Strabon,  les  Gaulois  n'étaient  plus  con- 
sidérés comme  des  barbares  ^  attendu  que  la  plupart  d'entre 
eux  avaient  adopté  la  langue  et  la  manière  de  vivre  des  Ro- 
mains *. 

Bientôt  des  écoles  de  grammaire  et  de  rhétorique  s'établirent 
de  toutes  parts.  Je  dois  citer  parmi  les  plus  célèbres  celles  de 
Toulouse,  de  Bordeaux,  d'Autun,  de  Trêves  et  de  Durocorto- 
rum  (Reims).  Ces  écoles  ne  tardèrent  pas  à  obtenir  une  répu- 
tation telle  que  des  empereurs  même  y  envoyèrent  étudier 
leurs  enfants.  Crispe,  fils  aîné  de  Constantin,  ainsi  que  Gra- 
tien,  firent  leurs  études  à  Trêves  ;  Dalmace  et  Annibalien, 
petits-fils  de  Constance  Chlore,  vinrent  suivre  un  cours  d'élo- 
quence à  Toulouse.  De  ces  académies  latines  sortirent  des 
écrivains  remarquables,  dont  purent  se  glorifier  à  la  fois  et  la 
Gaule  qui  les  avait  vus  naître,  et  Rome  dont  ils  enrichirent  la 
littérature.  Tels  furent  Cornélius  Gallus ,  Trogue-Pompée  , 
Pétrone,  Lactance,  Ausone ,  Sidoine  Apollinaire  et  Sulpice- 

*  M»)  Ssë  Vùt/ioûoT)  stvai  rbv  [ai  xal  rriv  Iv'ài.liv  9f&v  incni/tsvov. .  (Dion  CassiuS, 
lib.  LX,  xvn.) 

•  Splendidum  virum,  Graeciaeque  provînciaB  principera,  verum  latini  ser- 
monis  ignarum,  non  modo  albo  judicum  erasit,  sed  etiam  in  peregrinitatem 
redegit.  (Suétone,  Claude,  ch.xvi,  5.) 

*  Me  legit  ibi  senior,  juvenisque,  pueique, 
Et  corarn  tetrico  casia  puella  \iro. 

(Maniai,    liv.    VII,  éiiig.  87.) 

rÙTTov,  xal  T^  yAûiTT»!,  x«l  Toif  ^ioti.  (Strab.,  Uv.  IV,  édit.  de  Casaubon,  p.  186.) 


14  PROLÉGOMÈNES. 

Sévère,  auxquels  nous  pouvons  joindre,  bien  qu'ils  soient 
moins  connus,  Jules  Titien,  Exupère  et  Arbore,  qui  de- 
vinrent précepteurs  d'autant  de  césars. 

Les  lieux  où  un  peuple  nombreux  se  réunissait  pour  assister 
au^  représentations  de  la  scène  étaient  encore  autant  d'écoles 
où  les  Gaulois  venaient  se  familiariser  avec  la  langue  et  les 
chefs-d'œuvre  de  la  littérature  latine.  Partout  s'élevèrent  des 
théâtres,  des  cirques,  des  amphithéâtres,  dont  quelques-uns,  a 
moitié  détruits,  sont  encore  aujourd'hui  l'objet  de  notre  admi- 
ration . 

Enfin  l'établissement  du  christianisme  contribua  puissam- 
ment à  répandre  l'usage  du  latin;  la  religion  naissante  l'avait 
adopté  comme  étant  la  langue  littéraire  dominante  dans  tout 
l'Occident  5  elle  y  devint  l'interprète  naturel  des  nouvelles 
doctrines  et  un  moyen  efficace  d'assurer  leur  propagation. 
Aussi  l'invasion  des  barbares  n'arrêta  pas  la  diffusion  de  la 
langue  des  Romains;  ses  progrès  continuèrent  même  après  la 
chute  de  leur  empire,  et  Rome  chrétienne  acheva  par  les  pré- 
dications de  la  foi  ce  que  Rome  païenne  avait  commencé  par 
ses  lois,  par  ses  institutions,  par  la  puissante  influence  de  sa 
littérature  et  de  sa  civilisation. 

Tels  furent  les  moyens  par  lesquels  la  langue  latine  se  ré- 
pandit non-seulement  dans  l'Italie  et  dans  les  Gaules,  mais 
encore  en  Espagne,  en  Illyrie,  dans  le  nord  de  l'Afrique,  et, 
plus  ou  moins,  dans  toutes  les  provinces  de  l'empire  *.  Ce  ne 

*  Sparsa  congregaret  imperia,  ritusque  moUiret,  et  tôt  populorum  discordes 
ferasque  linguas^  sermonis  commercio  contraheret  ad  colloquia,  et  humani- 
tatem  homini  daret,  breviterque  una  cunctarum  gentium,  in  toto  orbe,  pa- 
tria  fieret.  (Pline  le  naturaliste,  liv.  III,  ch.  5.) 

Dans  cette  partie  de  l'Afrique  autrefois  occupée  par  les  Carthaginois,  le 
latin  était  devenu  d'un  usage  si  général  que,  vers  le  iV  siècle,  une  partie 
de  la  population  ne  parlait  pas  d'autre  langue,  et  ne  pouvait  même  plus 
comprendre  le  punique,  son  ancienne  langue  nationale.  Aussi  voyons-nous 


PROLÉGOMÈNES.  15 

furent  donc  point  quelques  troupes  romaines  qui  implantèrent 
le  latin  dans  notre  pays,  comme  certains  auteurs  se  le  sont 
imaginé.  Nous  devons  toutefois  reconnaître  que  Tincorpora- 
lion  des  soldats  gaulois  dans  les  légions  romaines  ne  dut  pas 
être,  à  cet  effet,  une  des  moins  heureuses  combinaisons  de  la 
politique  des  empereurs.  C'est,  du  reste,  par  de  semblables 
moyens  que  notre  langue  française  se  propage  chaque  jour  de 
plus  en  plus  dans  nos  provinces  méridionales,  dans  la  Bretf^gne 
et  dans  l'Alsace  ;  c'est  ainsi  qu'elle  se  neutralise  même  à 
l'étranger,  dans  la  Belgique,  dans  la  Savoie,  dans  le  comté  de 
Nice  et  dans  une  grande  partie  de  la  Suisse. 

Avant  la  fin  du  iv*  siècle,  le  latin  était,  surtout  dans  les  villes, 
la  langue  usuelle  des  hautes  classes  de  la  société,  et  des  femmes 
elles-mêmes.  C'est  en  latin  que  saint  Hilaire  de  Poitiers  en- 
tretenait correspondance  avec  Albra ,  sa  fille  ;  Sulpice-Sévère 
avec  Claudia,  sa  sœur,  et  Bassule,  sa  belle-mère;  c'est  égale- 
ment en  lalin  que  saint  Jérôme  correspondait  avec  deux  dames 
gauloises,  Hédébie  et  Algasie.  Ce  même  saint  Jérôme  nous 
donne  à  entendre  que  les  Gaulois  surpassaient  les  Romains 
eux-même  dans  leurs  propre  langue  par  la  fécondité  et  le 
brillant  du  style  '. 

Le  peuple,  et  particulièrement  celui  des  campagnes,  n'eut 
pas  d'abord  le  même  intérêt  que  les  classes  supérieures  à  re- 
chercher la  connaissance  du  latin  ;  il  lui  était  d'ailleurs  fort 

que  saint  Augustin,  prêchant  aux  habitants  d'Hippone,  fut  obligé  de  leur 
traduire  en  latin  un  proverbe  punique  : 

Proverbium  notiim  est  punimm,  quod  quidem  latine  vobis  dicam,  quia 
punice  non  omnes  nostis  ;  punimm  autem  proverbium  est  antiquum  :  nura- 
mum  quœrit  pestilentia,  duos  ilii  da,  et  ducat  se.  (S.  Aug.,  sermon  168, 
De  verbis  aj)ostol.) 

*  Ut  ubcrtatcm  gallici  nitorcmque  serraonis  gravitas  romana  condiref . 
(Saint  Jérôme,  epistola  XCV,  nd  Rmt.) 


16  PROLÉGOMÈNES, 

difficile  d'apprendre  une  langue  aussi  différente  de  la  sienne  ; 
pour  lui,  il  n'y  avait  ni  maîtres,  ni  écoles  de  grammaire  et  de 
rhétorique.  Ce  ne  fut  que  lorsqu'il  entendit  parler  de  toute 
part  autour  de  lui  la  langue  de  Rome,  qu'il  s'avisa  de  la  bé- 
gayer, stimulé  dans  cette  entreprise  par  ce  désir  vaniteux  qui 
pousse  toujours  les  gens  des  classes  inférieures  à  vouloir 
imiter  ceux  qu'ils  voient  au-dessus  d'eux;  à  ce  mobile  vint  s'en 
joindre  un  autre  encore  plus  puissant,  leur  intérêt,  qui  enfin 
se  trouvait  en  jeu,  par  la  nécessité  de  communiquer  journel- 
lement avec  les  puissants  et  les  riches  qui  avaient  laissé  le 
celtique  dans  un  dédaigneux  oubli ,  et  ne  connaissaient  plus 
d'autre  langue  que  celle  qui  convenait  à  un  citoyen  romain. 

Les  paysans  gaulois  firent  alors  pour  le  latin  ce  que  font 
aujourd'hui  pour  le  français  les  paysans  de  l'Alsace,  de  la 
Bretagne  et  ceux  de  nos  provinces  méridionales,  qui,  de  jour 
en  jour  et  de  plus  en  plus,  s'évertuent  à  comprendre  et  à  parler 
notre  langue  littéraire.  Tel  d'entre  eux  qui,  avec  ses  égaux, 
ne  fait  usage  que  du  patois  du  pays,  est  très  mortifié  et  se 
montre  parfois  très  piqué,  si  quelqu'un  d'une  classe  plus  éle- 
vée vient  à  lui  adresser  la  parole  en  ce  même  patois  5  c'est  en 
effet  lui  dire  tacitement  :  Je  juge  à  votre  air  et  à  vos  manières 
que  vous  ne  devez  pas  comprendre  le  langage  des  gens  bien 
élevés.  11  m'est  arrivé  plusieurs  fois  de  faire  une  demande  en 
patois  à  un  paysan,  qui,  à  ma  connaissance,  parlait  habituelle- 
ment cet  idiome,  et  d'obtenir  de  lui  une  réponse  en  français. 
Mon  interlocuteur  me  donnait  ainsi  à  entendre  que  je  m'étais 
mépris  sur  son  compte,  et  qu'il  n'était  pas  aussi  rustre  que  j'a- 
vais pu  nie  l'imaginer.  Sous  le  rapport  de  la  vanité,  comme 
sous  bien  d'autres,  les  hommes  se  sont  toujours  beaucoup 
ressemblé , 

Tant  ceux  du  temps  passé  que  du  temps  d'aujourd'hui. 


PROLÉGOMÈNES.  47 

L'histoire  vient  à  l'appui  des  inductions  tirées  de  la  nature 
des  circonstances,  Dan3  la  seconr-e  moitié  dun*  siècle,  saint 
Irénée  est  forcé  d'appi  endie  le  celique  pour  faire  entendre  la 
parole  évangélique  au  peuple  de  Lyon  '.  Dans  le  m*,  une  drui- 
desse,  voulant  adresser  à  Alexandre  Sévère  quelques  paroles 
prophétiques,  en  est  réduile  à  s'e::primer  en  celtique,  au 
risque  de  voir  sa  prédiction  frapper  inutilement  les  oreilles  de 
l'empereur,  s'il  ne  se  trouve  auprès  de  lui  quelque  Gaulois 
pour  la  lui  traduire  *.  Mais,  dès  la  fin  du.  iv*  siècle,  l'homme  du 
peuple  n'a  plus  besoin  d'iuterprèle,  il  parle  lui-même  le  latin, 
et  ce  qu'il  en  sait  lui  suffit  pour  se  faire  comprendre.  On  ne 
peut  exige»;  de  lui,  ni  uu  style  fort  correct,  ni  une  prononcia- 
tion bien  pure,  car  l'usage  fut  son  seul  précepteur,  et  chez  lui 
l'attention  a  continuellement  à  lulter  contre  les  habitudes  de 
sa  langue  maternelle^.  Sulpicc-Sévère,  qui  écrivait  à  cette 
époque,  introduit  dans  un  de  ses  dialogues,  un  homme  d'assez 
humble  condition,  né  dans  le  nord  de  la  Gaule;  cet  homme, 
interrogé  sur  les  vertus  de  saint  Martin,  hésite  à  parler  latin,  de 
crainte  que  son  langage  rustique  ne  blesse  les  oreilles  déli* 
cates  de  ses  auditeurs,  habitants  de  l'Aquitaine,  pays  où  la 
langue  latine  était  en  usage  depuis  plus  longtemps  qu'elle  ne 
l'était  dans  la  Ceh'que  ni  dans  la  Belgique.  Un  des  interlocu- 
teurs, nommé  Posthumianus,  impatienté  des  hésitations  du 

*  Orationis  artem  non  exquires  a  nobis  qui  apud  Celtas  commoramur,  et 
in  barbarum  sermonera  plerumque  avocaraur.  (Saint  Irénée,  Proem.  lïbri 
adversus  hœrcs.) 

'  Mulier  druias,  eunti  {Alexandro  Severo)  exclamavit  gallico  sermone  : 
«  Vadas,  nec  vic'coriam  speres,  nec  militi  tuo  credas.  »  (iElius  Lampridis , 
Vie  d'Alexandre  Sévère,  ch.  lx;  Colled.  script,  lot.  veter.,  i:  II,  p.  354.) 

*  Claudien  disait  au  iv®  siècle  :  «  Video  enim  os  romanurn  non  modo 
ncgligcnliae  sed  pudori  esse  Romanis,  gramnialicam  uti  quandam  barbaram 
barbarismi  et  solœcismi  pugno  et  calce  propelli.»  (Claudien,  dans  Baluze, 
Miscellanea,  t.  III,  p.  27.) 


18  PROLÉGOMÈNES, 

personnage,  s'écrie  avec  humeur  :  «  Parle-nous  celtique  ou 
gaulois,  pourvu  que  tu  nous  parles  de  Martine  »  Ce  passage 
remarquable  nous  montre  un  homme  du  peuple  qui  parle  le 
latin;  mais  comme,  d'après  son  propre  aveu,  il  l'estropie  à  la 
façon  des  gens  de  la  campagne,  Posthumianus  est  porté  à 
penser  qu'il  s'expliquera  plus  aisément  en  se  servant  du  cel- 
tique qu'il  juge  devoir  être  sa  langue  habituelle. 

Le  même  passage  prouve  qu'au  iv°  siècle  le  celtique  était 
encore  en  usage  dans  certaines  contrées  de  la  Gaule,  du  moins 
parmi  le  peuple.  Le  témoignage  de  Sulpice-Sévère  se  trouve 
confirmé  par  ceux  d'Ausone',  de  Claudien*,  et  de  saint  Jé- 
rôme; ce  dernier  assure  avoir  trouvé  chez  les  Trévériens  à 
peu  près  la  même  langue  que  celle  qui  était  parlée  parmi  les 
Gaulois  établis  dans  la  Galatie*. 

Au  v'  siècle  nous  retrouvons  encore  la  vieille  langue  des 
Gaulois,  mais  c'est  dans  les  montagnes  de  l'Auvergne,  et,  là 
même,  elle  est  abandonnée  par  la  haute  classe  de  la  société,  et 
réduite  à  n'être  plus  qu'un  patois  populaire.  C'est  ce  qu'on  est 
en  droit  de  conclure    d'une  lettre    de   Sidoine   Apollinaire, 

*  Dum  cogito  me  hominem  gallum  inter  Aquitanos  verba  facturum,  ve- 
reor  ne  offendat  vestras  nimium  urbanas  aures  sermo  rusticior...  Tu  vero, 
inquit  Posthumianus,  vel  celtice,  aut  si  mavis  gallice  loquere,  dummodo 
jam  M^rtinum  loquaris.  (Sulpice-Sévère,  dialogue  P"",  ch.  xxvi,  vers  la  fin.) 
Au  V®  siècle,  Fortunat,  évêque  de  Poitiers,  félicitant  Bertechram  sur  le 
mérite  de  ses  poésies  latines,  lui  annonçait  que  ses  vers,  jouissant  de  la  fa- 
veur populaire,  circuleraient  bientôt  dans  tous  les  carrefours  : 
Per  loca,  per  populos,  per  compila  cuneta  videres 
Currere  versiculos,  plèbe  favenle,  luos. 

(  Venant.  Forluniui  opéra,  p.  89.) 

Salve  uibis  genius,  medico  potabilis  haustu 
Divona,  Cellarum  lingua,  foos  addite  divis. 

(AusoDB,  De  clarit  uriibus,  H  ;  Collect.  Ptsaur.,  I.  V,   123.) 

*  Miraris  si  voce  feras  pacaverit  Orpheus, 
Cum  prônas  pecudes  gallica  verba  regant. 

(Ulaudien,  rp'jr.  lie  muiiiui  gallicit,  id.  PancVoucks,  t.  II,  p.  118.) 

»  Voir  p.  G,  noté  < . 


PROLÉGOMÈNES.      ,  49 

évêque  de  Clermont'.  Je  suis  loin  de  prétendre  que  le  celtique 
eût  disparu  de  toutes  les  autres  contrées  de  la  Gaule,  mais  je 
pense  qu'à  cette  époque  il  se  trouvait  relégué  dans  les  pays 
montagneux  ou  dans  ceux  qui  étaient  éloignés  des  principaux 
centres  de  population  et  des  grandes  voies  de  communication 
établies  par  les  Romains. 

Tel  était  Tétat  du  langage  dans  la  Gaule,  lorsque,  de  toute 
part,  elle  fut  envahie  par  les  nations  germaniques  :  au  midi 
par  les  Visigoihs,  à  l'est  par  les  Burgondes  ei  au  nord  par  les 
Francs.  Ces  derniers,  les  seuls  dont  nous  ayons  à  nous  occuper, 
apportèrent  une  troisième  langue  dans  les  provinces  situées  en 
deçà  de  la  Loire.  Celte  langue  était  le  tudesque  ou  téotisque, 
mots  dérivés  de  teut^  feoJ,  dénomination  collective  par  laquelle 
se  désignaient  eux-mêmes  tous  les  peuples  de  races  germa- 
nique. On  devrait  donc  comprendre,  sous  le  nom  de  tudesque, 
tous  les  idiomes  de  la  Germanie;  mais  cette  désignation,  res- 
treinte par  un  usage  fort  ancien,  ne  s'applique  qu'aux  idiomes 
des  Teuts  occidentaux,  c'est-à-dire  axx  francique  usité  chez  les 
Francs,  à  V allémannique,  usité  chez  les  Allemanni  et  au  bavarois. 

Avant  de  passer  le  Rhin,  les  Francs  étaient  une  confédéra- 
tion de  diverses  tribus  occupant  le  territoire  compris  entre  le 
Weser,  le  Mein,  le  Rhin  et  la  mer  du  Nord.  Le  francique  de- 
vait se  composer  à  cette  époque  d'autant  de  dialectes  qu'il  y 
avait  de  tribus  confédérées;  mais,  dans  la  Gaule,  tous  ces  dia- 
lectes paraissent  s'être  fondus  dans  trois  dialectes  principaux, 
usités  parmi  les  conquérants  entre  le  Rhin  et  la  Loire.  Au 
nord  était  le  ripuaire,  à  l'est  le  neustrien  et  à  Y  oXxestY  ostrasien. 

Les  Ripuaires  et  les  Ostrasiens  se  trouvaient  sur  les  confins 

*  Dans  cette  lettre,  Sidoine  félicite  Ecdice  de  ce  que,  grâce  à  lui,  l'aris- 
tocratie de  l'Auvergne  se  débarrasse  enfin  delà  rudesse  du  langage  celtique  : 
«  Quod  sermonis  celtici  squamam  depositura  nobilitas,  nunc  oratorio  stylo, 
nunceiiamcamœnalibusmodisimbuebatur.»  (Sid.  Apollin.,lib.  III,  epist.3.) 


20  PROLÉGOMÈNES, 

de  la  Germanie,  dont  ils  n'étaient  séparés  que  par  le  Rhin,  et 
leur  population  se  grossissait  sans  cesse  de  nouvelles  bandes 
germaniques  qui  passaient  le  fleuve  pour  venir  s'associer  à 
leur  fortune.  Dans  l'un  et  Tautre  pays,  le  latin  disparut  entiè- 
rement comme  langue  usuelle,  soit  que  les  Gallo-Romains 
eussent  été  exterminés  en  grand  nombre  par  les  barbares,  soit, 
ce  qui  est  plus  probable,  qu'ils  eussent  été  refoulés  par  eux 
dans  l'ouest  et  dans  le  midi.  Au  latin  succéda  le  tudesque  qui, 
diversement  modifié,  s'est  perpétué  jusqu'à  nos  jours  dans  les 
patois  de  la  rive  gauche  du  Rhin,  chez  les  descendants  des  Ri 
puaires  et  des  Ostrasiens. 

Il  n'en  fut  pas  de  même  dans  la  Neustrie,  ou  du  moins  dans 
la  plus  grande  partie,  celle  qui  s'étendait  de  la  Scarpe  à  la 
Loire,  et  de  la  Meuse  à  l'Océan.  Les  Francs  Saliens  qui  s'éta- 
blirent dans  cette  contrée  étaient  les  plus  éloignés  du  Rhin, 
et  n'uvaient  que  peu  de  relations  avec  les  peuples  germaniques 
qui  habitaient  de  l'autre  côté  du  fleuve,  tandis  qu'ils  se  trou- 
vaient mêlés  aux  populations  gallo-romaines,  de  beaucoup 
supérieures  en  nombre,  aussi  bien  qu'en  civilisatioc  et  en  cul- 
•ture  intellectuelle  4e  tout  genre.  Aussi,  quoi  qu'il  pût  en 
;<;où;er  à  l'orgueil  et  à  l'insouciante  rudesse  des  vainqueurs, 
ils  se  virent  conuîfnts  par  la  force  des  circonstances  à  ap- 
prendre la  langue  deis  vaincus  dont  ils  adoptèrent  également  la 
religion  et;  ladminisUction.  Le  poète  Fortunat,  profitant  sans 
ddute  du  pri^ilc'ge  poétique  de  l'hyperbole,  loue  Charibert, 
de  Paris,  de  ce  qu'il  parle  le  latin  mieux  que  les  Romains 
^tx-mêmes,  et  il  s'émerveille  de  l'éloquence  qu'il  lui  suppose 
dans  sa  langue  matétnelle  '.  Le  même  poète  attribue  égale- 

»  Cum  sis  progeniius  clara  de  gente  Sygamber  (Skamber), 
Florel  ia  elojuio  lingua  laiina  tuo  ; 
Qualis  es  in  propria  docto  seimone  loquela! 
Qui  nos  Rcmanos  vincis  in  eloquio. 

n.«,  lib.  VI,   «itm.  <  ;  Hii;w.  V™».-.   wr>/.,  r,  U,  p.  566.; 


PROLÉGOMÈNES.  5< 

ment  à  Chilpéric  une  connaissance  toute  parliculière  de  la 
langue  latine  ';  mais  Grégoire  de  Tours  se  montre  moins  flat- 
teur à  son  égard.  Ce  prince  avait  composé  un  ouvrage  en  prose 
sur  la  Trinité  et  deux  livres  de  poésie.  L'évéque  historien 
condamne  sa  théologie  comme  hérétique  et  sa  poésie  comme 
transgressant  toutes  les  règles  de  la  versification  latine.  «  Ses 
vers,  dit-il,  ne  sauraient  se  tenir  sur  leurs  pieds-,  des  syllabes 
brèves  il  en  a  fait  des  longues ,  et  des  longues  il  en  a  fait  des 
brèves  *.  » 

Si  ce  roi  franc,  malgré  ses  prétentions  d'écrivain,  ne  fut 
point  un  habile  latiniste ,  on  peut  se  figurer  ce  que  devait  être 
le  gros  de  la  nation.  Les  Germains  avaient  conservé  dans  les 
Gaules  l'amour  de  la  vie  indépendante  qu'ils  menaient  en  Ger- 
manie; ils  se  trouvaient  mal  à  l'aise  dans  l'enceinte  des  villes 
et  préféraient  le  séjour  de  la  campagne.  Ils  construisirent  à  la 
façon  germanique,  et  principalement  sur  le  bord  des  forêts,  des 
espèces  de  hameaux  dont  les  uns  étaient  nommés  J- ara  et  les 
autres  étaient  appelés  ham^.  Avec  de  telles  habitations  et  une 

pareille  manière  de  vivre,  les  Francs  se  trouvèrent  nécessaire- 

-    ■  •  ♦  ♦ 

*  Discernens  varias  sub  nullo  mterprate  voces ,  . 

Et  generam  lingaas  unica  Wwé^i  refert.  A 

(Foriunai.  lib.  IX,  Ad  CJHI/jerkum  leyem;  Hiu  Franc,  icripi ,  t.  II,  p.  5Î0.)  f 

*  Confecitque  duos  libros,  quasi  Sedulium  meditatus,  quorum  versiculi 
débiles  nuUis  pedibus  subsistere  possunt,  in  quibus,  duip  non  intelligebat, 
pro  longis  syllabas  brèves  posuit,  et  pro  brevibus  longas  stati^ebat.  (Gré- 
goire de  Tours,  liv.  VI,  ch.  xlvi.)  ,       > 

'  De  fara  nous  sont  venus  les  noms  j|[e  tant  de  pays  appelés  laFare  dans 
le  midi  de  la  France  et  la  Fère  dans  le  nord.  De  ham  nous  avons  fait  le 
diminutif  hamel,  qui  est  devenu  hameau,  ainsi  que  certains  noms  propres 
de  pays  nommés  Ham^  Uames,  Ilan,  Hamel,  Hamelet,  et  bon  nombre  d'au- 
tres composés  de  ham  et  d'un  autre  mot  qui  peut  bien  être  un  nom  propre 
d'homme.  Tels  sont  Grignan,  anciennement  Greinhaniim;  Sérignan  (Serinha- . 
num),  Taulignan  (Taulinhanum).  (Voir  fara  dans  du  Cange  et  hameau  dans 
le  recueil  des  mots  d'origine  germanique,  ch.  ui,  sect.  u,  de  cet  ou- 
vrage.) 


22  PROLÉGOMÈNES, 

ment  dans  mi  contact  journalier  et  dans  des  relations  habi- 
tuelles avec  les  campagnards  gallo-romains.  Ceux-ci  furent  les 
seuls  professeurs  de  langue  qu'eurent  tous  ces  barbares  , 
bien  moins  amoureux  d'études  laborieuses  et  de  culture  intel- 
lectuelle que  de  pillage,  de  jeu,  de  chasse,  de  bonne  chère  et  de 
débauches  de  toute  sorte.  Ils  apprirent  de  pareils  maîtres  un 
latin  mêlé  de  celtique  que,  de  leur  côté,  ils  altérèrent  encore 
davantage  par  l'introduction  d'un  grand  nombre  de  mots  tu- 
desques.  Les  habitants  des  villes,  qui  se  piquaient  encore  de 
parler  le  latin  avec  quelque  pureté,  dédaignaient  ce  jargon  né 
dans  les  campagnes,  qu'ils  désignaient  sous  le  nom  de  langue 
rustique. 

Cependant  les  Francs  de  la  Neustrie  conservèrent  longtemps 
entre  eux  l'usage  du  francique  dans  leur  familles,  dans  les 
camps,  dans  les  armées,  dans  les  assemblées  où  les  vainqueurs 
décidaient  du  sort  des  vaincus.  Aussi  cette  langue  fut-elle 
parlée  non-seulement  par  Clovis  et  par  ses  fils  ' ,  mais  encore 
par  plusieurs  de  leurs  successeurs.  Les  passages  de  Fortunat, 
que  j'ai  cités  plus  haut,  prouvent  que  cet  idiome  était  la  langue 
maternelle  de  Çharibert  et  de  Chilpérie  '.  Ce  poète  nous  ap- 
prend implicitement  la  même  chose  touchant  Chlotaire  I^r, 
père  de  Chilpérie  '. 

Toutefois,  le  tudesque  disparut  peu  à  peu  de  la  Neustrie  par 

*  Saint  Rémi  nous  apprend  par  son  testament  que  Clovis  lui  donna  une 
maison  avec  quelques  terres  attenantes,  et  que  ce  prince  nommait  cette 
ferme  biscofesheim,  mot  composé  de  biscof,  évêque,  et  de  heim,  maison  : 
«  Quas  Ludovicus...  Biscofesheim  sua  lingua  vocatas  mihi  tradidit.  »  (Du- 
chesne,  Histor.  Franc,  script.,  t.  II,  p.  385.) 

*  Vo'.r  p.  21,  notes  1  et  2. 

'  Chilpérie  potens,  si  interpres  barbarus  extet , 
Adjutor  fortis,  hoc  quoque  nomen  habes. 
Non  fuit  in  vanum  sic  le  vocitare  parentes  ; 
Ptaesagium  hoc  totum  laudls  et  omen  erat. 

Fortastl.  lib.  IX,  Àd  Chilpeiicum  regtm  ;  Hist.  Fmnc.  urift.,  t.  U,  p.  55(^.) 


PROLÉGOMÈNES.  43 

la  fusion  des  Francs  avec  les  Gallo-Romains.  Les  ténèbres  qui 
couvrent  l'histoire  de  cette  époque  ne  me  permettent  guère  de 
préciser  le  temps  où  cette  fusion  s'est  opérée  ]  cependant  on 
peut  conjecturer  avec  assez  de  vraisemblance  qu'elle  était  déjà 
fort  avancée  dès  les  commencements  du  vil'  siècle.  Elle  se 
manifeste  dans  le  siècle  suivant  par  l'antagonisme  des  Ostra- 
siens  et  des  Neustriens  ;  les  premiers  représentaient  Télément 
germanique  ,  les  seconds  représentaient  l'élément  gallo-ro- 
main \  Les  Neustriens  eurent  d'abord  l'avantage  dans  cette 
lutte  ;  mais  les  Ostrasiens  ,  conduits  par  Charles-Martel  , 
l'emportèrent  enQn.  La  Neustrie  eut  à  subir  une  nouvelle  in- 
vasion germanique  qui  eut  pour  conséquence ,  quelques  an- 
nées après,  l'avènement  de  la  dynastie  ostrasienne  des  Caro- 
lingiens. 

Charlemagne,  le  héros  de  la  race  carolingienne,  avait  ap- 
pris plusieurs  langues  étrangères  et  parlait  le  latin  avec  facilité, 
ainsi  que  le  rapporte  son  historien  Eginhard  ^  mais  le  francique 
était  sa  langue  maternelle  '.  Il  eut  toujours  une  prédilection 
toute  particulière  pour  le  rude  mais  énergique  idiome  de  ses 
pères,  au  point  qu'il  entreprit  de  composer  lui-même  une 
grammaire  francique.  11  donna  des  noms  tudesques  aux  vents 
et  aux  mois,  et  voulut  qu'on  recueillît  soigneusement  tous  les 
chants  populaires  et  toutes  les  anciennes  poésies  qui  célébraient 
les  exploits  des  guerriers  germaniques  dans  leur  langue  natio- 
nale*. Le  francique  fut  également  la  langue  usuelle  de  son  fils 

*  Voir,  à  cet  égard,  la  page  29. 

*  Vestitu  patrio,  id  est  francisco,  utebatur...  Nec  patrio  tantum  sermone 
contentus,  etiam  peregrinis  linguis  ediscendis  operam  impendit;  in  quibus 
latinam  ita  didicit,  ut  aeque  illa  ac  patria  lingua  orare  esset  solitus.  (Eginhard, 
Vie  de  Charlemagne;  Recueil  des  historiens  de  France,  t.  V,  p.  98,  99.) 

*  Eginhard,  Vie  de  Charlemagne;  Hecueil  des  histor.  de  France,  t.  V, 
p.  103. 


<^h  PROLÉGOMÈNES. 

Louis  le  Débonnaire,  bien  qu'il  patlât  le  latin  avec  autant  de 
facilité  ^  II  ordonna  de  traduire  les  I^vangiles  en  tudesque,  et 
c'est  probablement  à  lui  que  nous  devons  la  version  du  moine 
Otfrld,  qui  est  parvenue  jusqu'à  nous. 

Le  latin  rustique^  ainsi  que  je  l'ai  dit,  était,  dans  la  Neuslrie, 
l'idiome  qui  servait  aux  relations  des  Gallo-Romains  avec  les 
Francs;  il  fut  un  moyen  de  rappiochement  entre  les  deux 
races,  et  devint  peu  à  peu  la  langue  générale  de  la  nation.  Son 
extension  se  trouva  favorisée  par  l'abandon  complet  où  étaient 
tombées  les  études,  et  par  l'iosouciance  des  esprits  pour  les 
chefs-d'œuvre  de  la  langue  latine  '.  Le  clergé  lui-même  con- 

*  Latinam  veio  sicut  naturalem  aequaliter  loqui  poterat.  (Theganus,  De 
gestis  Ludovici  Pu;  Recueil  des  histor.  de  France,  t.  VI,  p.  78.)  L'auteur 
anonyme  qui  a  écrit  la  vie  de  Louis  le  Débonnaire  vient  à  l'appui  de  ce 
passage  pour  prouver  que  le  tadesque  était  la  langue  usuelle  de  ce  prince; 
il  raconte  qu'à  son  lit  de  mort  l'empereur  vit  le  démon  s'approcher  de  lui, 
et  que,  voulant  le  Chasser,  il  s'écria  par  deux  fois  :  Huz!  huz!  ce  qui  si- 
gnifie en  tudesque  :  Dehors!  dehors! 

«  Conversa  facie  in  sinistram  partem,  indignando  quodammodo,  virtute 
quanta  potuit,  dixit  bis  :  Hvz!  huz!  quod  significat  :  Foras!  foras!  Unde 
patet  quia  malignum  spiritum  vidit,  cujus  societatem  nec  vivus,  nec  mo- 
riens  habere  voluit.  »  (Vita  Lud.  Pii,  ab  anonymo;  Recueil  des  histor.  de 
France,  t.  VI,  p.  4  25.) 

'  Philosophantem  rhetorem  intelligunt  pauci,  loqucn tem  ntsù'cum  multi. 
(Grégoire  de  Tours,  préface  de  son  histoire.) 

Le  style  de  ce  même  Gi-égoire  de  Tours  devait  être  assez  rustique,  si  noua 
en  jugeons  par  son  pvopre  témoignage  : 

«  Sed  timeo  ne  cum  scribere  cœpero,  qu^a  sum  sine  litieris  rhetoricis  et 
arte  grammatica,  dicat  rnibi  aliquis  :  Ausu  rustico  et  idiota,  ut  quid  nomen 
tuum  inter  scriptores  indi  aeslimas?  Aut  opus  hoc  a  peritis  accipi  putascui 
ingenium  artis  non  suppeditat,  nec  ulla  litterarum  scientia  subministrat! 
Qui  nuUum  argumentum  utile  in  litteris  habes,  qui  nomina  discernera 
nescis;  sepius  pro  masculinis  feminea,  pro  femineis  neutra  et  pro  neutris 
masculina,  commutas;  qui  ipsas  quoque  praepositiones  quas  nobilium  dicta- 
torum  observari  sanxit  auctoritas,  loco  debito  plerumque  non  locas;  nam 
pro  ablativis  accusativa,  et  rursum  pro  accusativis  ablativa  ponis.  »  (Gré^ 
goire  de  Tours,  De  glofia  confessorum,  prœfatio.) 

Malheureusement  p'dur  nos  étudèe,  la  rusticité  première  du  langage  de 


PROLÉGOMÈNES.  Î5 

tribua  puissamment  à  le  propager  •,  car  beaucoup  d'ecclé- 
siastiques ne  connaissaient  que  ce  lalin  vulgaire,  et  tous  étaient 
obligés  de  s'en  servir  pour  faire  entendre  leurs  instructions 
au  peuple  '.  Au  commencemeat  du  vil®  siècle  nous  trouvons 
le  latin  rustique  employé  à  composer  des  cbants  populaires  ]  il 

Grégoire  de  Tours  ne  se  retrouve  presque  plus  dans  les  textes  de  cet  auteur 
imprimés  jusqu'à  ce  jour,  parsuîte  du  soin  scrupuleux  que  les  habiles  d'au- 
trefois ont  pris  de  gratter  et  de  polir  le  style  du  père  de  notre  histoire. 
Toutefois,  des  recherches  nouvelles  ont  fait  découvrir  des  manuscrits  qui 
remontent,  dit-on,  au  vu"  siècle,  et  d'après  lesquels  M.  Bethman  prépare 
une  édition  qui  ne  peut  manquer  d'avoir  le  plus  grand  intérêt  pour  la  phi- 
lologie. 

*  Saint  Prosper,  qui  vivait  au  milieu  du  v*  siècle,  donne  à  cet  égard  les 
conseils  suivants  aux  prêtres  de  son  époque  : 

«  Tam  simplex  et  apertus,  etiam  miuus  latinus,  disciplinatus  tamen  et 
gravit  débet  esse  sermo  pontificis,  ut  ab  intelligentia  sui  nuUos,  quamvis 
imperitos,  ericlcdat;  sed  in  omnium  audientium  pectus  cum  quadam  delec- 
tatione  descendat.  Alia  enim  est  ratio  declamatorum,  et  alia  débet  esse 
doctorum.  111:  elucubratae  orationis  pompam  tot's  facundiae  viribus  concu- 
piscunt,  illi  rébus  inanibus  pretiosa  verborum  indicant  omaraenta;  isti  vera- 
cibus  sententiis  ornant  et  commendantverbasimplicia;  illi  affectant  suorum 
sensuum  deformitatem  tanquam  velamine  quodam  phalerati  sermonis 
abscondere;  isti  eloquiorum  sacronim  rusticitatem  pretiosis  sensibus  ve- 
nustare.  »  {De  vita  contemp.,  lib.  I,  cap.  xxni.) 

A  la  fin  du  vi*  siècle,  le  pape  Grégoire  le  Grand  s'excuse  ainsi  de  la  bar- 
barie de  son  style  : 

«  Unde  et  ipsam  artem  loquendi  quam  magisteria  disciplinse  exterioris 
insinuant,  servare  despexi.  Nam  sicut  quoque  hujus  epistolae  ténor  enun- 
ciat,  non  metatismi  coUisionem  fugio,  non  barbarismi  confusionem  devito, 
situs  motusque  prœpositionum,  casusque  servare  contemno;  quia  indignum 
vehementer  existimo  ut  verba  cœlescis  oraculi  reslringam-sub  regulis  Do- 
nati.  »  (S.  Grég.  le  Gr.,  Commmtaire''du  livre  de  Job,  ÉpUre  à  Léandre.) 

Au  vn*  siècle,  le  moine  Baudemond  écrit  la  vie  de  saint  Amand  en  langue 
'rustique  et  populaire  ; 

«  Rusiico  ac  plebeio  sermone,  propter  exemplum  tamen  vel  imitationem, 
memoriae,  conterapta  verecundia,  tradere  curabo.  »  (Baudemond,  Vie  de 
saint  Amand;  Acta  sanctor.  ordinis  S.  Benedicti,  sœculum  secundumj 
p.  711.) 

Les  textes  primitifs  de  ces  écrits  ont  été  postérieurement  remaniés,  comme 
l'a  été  le  style  de  Grégdirê  dô  Tours.  (Voir  p.  24,  note  î.) 


26  PROLÉGOMÈNES, 

nous  est  même  parvenu  quelques  vers  d'une  de  ces  chansons 
qui  célébrait  la  victoire  remportée  par  Chlotaire  II  sur  les 
Saxons.  Ce  latin  était  si  bien  devenu  la  langue  usuelle  du 
peuple,  que  cette  chanson  volait  de  bouche  en  bouche,  et  que 
les  femmes  s'en  servaient  pour  exécuter  des  danses  V 

Dans  l'origine,  le  latin  rustique  ne  différait  guère  du  latin 
littéraire  que  par  la  violation  de  quelques  règles  grammati- 
cales, par  quelques  vices  de  prononciation,  par  le  mélange 
d'un  certain  nombre  de  mots  et  de  tournures  celtiques  et  tu- 
desques.  Mais,  par  des  causes  que  j'examinerai  plus  tard,  des 
altérations  plus  profondes  et  plus  radicales  décomposèrent 
insensiblement  ce  latin  populaire,  au  point  qu'au  vu®  siècle  il 
put  être  considéré  comme  un  nouvel  idiome,  entièrement  dis- 
tinct de  l'ancienne  langue  latine  à  laquelle  il  devait  son  ori- 
gine. La  nouvelle  langue  fut  appelée  romane,  parce  qu'elle 
était  l'idiome  propre  des  vaincus,  à  qui  l'on  donnait  le  nom  de 
Romains  par  opposition  aux  conquérants  issus  de  la  noble 
race  des  Francs. 

La  première  mention  de  la  langue  romane  que  l'histoire 
nous  ait  conservée  remonte  au  milieu  du  vu®  siècle;  elle  nous 
a  été  transmise  par  l'auteur  anonyme  de  la  Vie  de  saint  Mum- 

*  Ex  qua  Victoria  carmen  publicum  juxta  rusticitatem  per  omnium  pœne 
volitabat  ora  ita  canentium,  feminaeque  choros  inde  plaudendo  compo- 
nebant  : 

De  Chlothario  est  canere,  rege  Francorum , 

Qui  ivit  pugnare  in  gentem  Saxonum. 

Quam  graviter  provenisset  missis  Saxonum , 

Si  non  fuisset  inclytus  Faro  de  gente  Burgundionum. 

Et  in  fine  hujus  carminis  : 

Quando  veniunt  missi  Saxonum  in  terram  Francorum 
Faro  ubi  erat  princeps , 
Instinclu  Dei  transeunt  per  urbem  Meldorum  , 
Ne  interfîciantur  a  rege  Francorum. 

(Bildegar.  Vie  de  saint  Fiiron,  évéque  de  Meaux;  MobilloD,  AcM  iane$.  ardinii 
S.  Bened.   imetilutn  ii,  p.  617.) 


PROLÉGOMÈNES.  27 

molin,  qui  succéda  à  saint  Éloi  comme  évêquede  Noyon,  hon- 
neur qu  il  dut  principalement  à  la  connaissance  toute  particu- 
lière qu'il  avait  de  la  langue  romane  et  de  la  langue  tudesque  ^ 
11  était  en  elTet  fort  important  à  cette  époque  qu'un  évéque  sût 
parler  l'un  et  l'autre  de  ces  idiomes,  afin  de  pouvoir  lui-même 
instruire,  dans  leur  propre  langue,  les  populations  appartenant 
aux  deux  races  différentes  qui  occupaient  les  Gaules,  ainsi  que 
le  prescrivit  formellement  plus  tard  le  troisième  concile  de 
Tours  ^.  Aussi  voyons-nous  que  plusieurs  ministres  de  la  reli- 
gion se  rendirent  capables  de  s'acquitter  de  ce  double  devoir. 
On  peut  citer  entre  autres  saint  Adalard,  abbé  de  Corbie,  qui 
vivait  vers  la  fin  du  viiie  siècle.  Gérard,  abbé  de  Sauve-Ma- 
jeure, qui  fut  son  disciple,  dit  en  parlant  de  lui  :  «  S'il  em- 
ployait la  langue  vulgaire,  c'est-à-dire  la  romane,  vous  eussiez 
cru  qu'il  n'en  savait  pas  d'autre  ;  si  c'était  le  tudesque  ,  son 
discours  avait  plus  d'éclat  •,  mais  dans  aucune  langue  sa  parole 
n'était  aussi  facile  que  lorsqu'il  s'exprimait  en  latin  ^. 

Il  nous  reste  quelques  vestiges  de  la  langue  romane  de  la  fin 
du  Vliie  siècle  ;  on  les  trouve  dans  les  litanies  qui  se  chantaient 

*  Interea  vir  Dei  Eligius,  Noviomensis  urbis  episcopus,  post  multa  parata 
miracula,  in  pace,  plenus  dierum,  migravit  ad  Dominum  [anno  659).  Cujus 
in  loco,  fama  bonorum  operum,  quia  «  praevalebat  non  tantum  in  teutonica, 
sed  etiam  in  romana  lingua,  »  Lotharii  régis  ad  aures  usque  perveniente, 
praefatus  Mummolinus  ad  pastoralis  regiminis  curam  subrogatus  est  epi- 
scopus. {Vita  S.  Mummolini,  dans  J.  Ghesquier;  Acta  sanctorum  Beîgii 
selecta,  t.  IV,  p.  403.) 

'  On  lit  à  la  fin  du  dix-septième  canon  du  concile  de  Tours  :  «  Easdem 
homilias  quisque  episcopus  aperte  transferre  studeat  in  romanam  rusticam 
lingnam  mit  theotiscam,  quo  facilius  cuncti  possint  intelligere  quœ  dicuntur.» 
(Labbe,  Concilia^  t.  IX,  p.  354 .) 

^  Qui  si  vulgari,  id  est  romana  lingua,  loqueretur,  omnium  aliarum  pu- 
tares  inscius  (nec  mirum,  erat  denique  in  omnibus  liberaliter  educatus),  si 
veroteutonica,  enitebat  perfectius;  si  latina,  in  nuUa  omnino  absolutius. 
{Vie  de  saint  Adalard,  par  S,  Gérard;  Acta  sanct.  ordinis  S.  Bemdidi, 
sœculo  quarto,  p.  355.) 


28  PROLÉGOMÈNES, 

à  cette  époque  dans  le  diocèse  de  Soissons  et  qui  ont  été  pu- 
bliées par  le  savant  Mabillon  '.  Le  milieu  du  siècle  suivant  nous 
offre  le  premier  monument  important  de  celte  langue  qui  soit 
parvenu  jusqu'à  nous  ;  c'est  le  serment  que  Louis  le  Germa- 
nique fit  à  Charles  le  Chauve  en  842.  La  langue  du  xe  siècle 
nous  est  connue  par  une  cantilène  en  Thonneur  de  sainte  Eu- 
lalie,  et  celle  du  xie,  par  les  lois  que  Guillaume  le  Conquérant 
donna  aux  Anglais  après  avoir  soumis  leur  pays.  J'aurai  plus 
tard  à  examiner  ces  trois  premiers  monuments  de  notre  an- 
cienne littérature  *.  Ce  n'est  qu'a  partir  du  xiie  siècle  que  les 
productions  littéraires  de  la  langue  romane  du  nord  devinrent 
assez  nombreuses  et  assez  considérables. 

Avant  de  prononcer  le  serment  dont  je  viens  de  parler, 
Louis  le  Germanique  et  Charles  le  Chauve  haranguèrent  leur 
armée,  chacun  dans  l'idiome  particulier  usité  chez  son  peuple, 

*  Après  avoir  récité  les  litanies,  le  chœur  invoquait  la  protection  du  ciel 
en  faveur  du  pape  Adrien  I*^  et  de  l'empereur  Charlemagne;  à  chaque  in- 
vocation,  le  peuple  qui  se  trouvait  dans  l'église  répondait  :  Tu  lo  jova, 
aide-le. 
Adriano  summo  pontifice  et  universale,  papae  vita, 
Redemptor  mundi,  Tu  lo  juva; 

Sancte  Petre,  Tu  lo  juva. 

Karolo  excellentissimo  et  a  Deo  coronato,  magno  et  pacifico  rege  Fran- 
corum  et  Langobardorum,  at  patricio  Romanorum,  vita  et  Victoria, 
Salvator  mundi,  Tu  lo  juva; 

Sancte  Johannis,  Tu  lo  juva. 

(Mabillon,  Analecta  vetera,  p.  170.) 
'  Voir  le  texte  du  serment  de  842,  celui  de  la  cantilène  en  l'honneur  de 
sainte  Eulalie  et  celui  des  lois  de  Guillaume  le  Conquérant,  ch.  1,  sect,  n, 
ni  et  IV. 

On  peut  joindre  à  ces  premiers  textes  de  notre  langue  naissante  quelques 
mots  et  même  quelques  lambeaux  de  phrases  disséminés  dans  une  homélie 
latine  du  x*  siècle,  qui  se  trouve  en  manuscrit  à  la  bibliothèque  de  Valen- 
ciennes,  et  qui  a  été  publiée  par  un  savant  allemand,  M.  Bethmann, 
Voyage  historique  dans  le  nord  de  la  France^  par  M.  de  Coussemaker,  dans 
sa  traduction  française  de  cet  ouvrage,  et  enfin  par  M.  Génin,  à  la  suite  de 
son  édition  de  la  chanson  de  Roland. 


PROLÉGOMÈNES.  29 

Louis  en  tudesque,  et  Charles  en  langue  romane  '.  Voilà  donc 
un  fi's  de  Louis  le  Débonnaire,  c'est-k-dire  un  peiit-fils  de 
Charlemagne,  obligé  de  parler  la  langue  des  vaincus  pour  se 
faire  entendre  de  ses  sujets.  C'est  que  la  position  dans  laquelle 
il  se  trouvait  était  bien  différente  de  celle  de  son  père  et  de 
son  aïeul.  Ces  deux  princes  commandant  à  la  Germanie,  à  la 
Gaule  et  a  l'Italie,  résidaient  sur  les  bords  du  Tihin,  au  milieu 
des  Germains  leurs  compatriotes  auxquels  leur  maison  devait 
son  élévation  et  sa  gloire.  Ainsi,  leur  origine,  le  pays  qu'ils 
habitaient,  les  gens  qui  les  entouraient,  tout  concourait  à  ce 
que  le  tudesque  fût  la  langue  usuelle  de  ces  empereurs.  Mais 
Charles  le  Chauve,  réduit  à  la  possession  de  la  Neustrie,  se 
trouva  jeté  au  milieu  de  populations  qui  ne  parlaient,  qui  ne 
comprenaient  que  le  roman,  et  qui  avaient  le  tudesque  en 
aversion  '  ;  aussi  fut-il  contraint  d'adopter  la  langue  romane, 
la  seule  qui  pût  le  mettre  en  rapport  avec  la  nation  à  laquelle 

*  Ante  sàcramenta,  circumfusam  plebem,  alter  teudisca,  alter  romana 
lingna  alloquuti  surit.  (Nithard,  Eistor.,  lib.  III;  dans  Duchesne,  Eist. 
Franc.  scripL,  t.  II,  p.  274.) 

'  Cette  aversion  était  telle  que  la  seule  différence  de  langage  occasion- 
nait des  rixes  sanglantes  entre  les  gens  de  langue  romane  et  ceux  de  langue 
tudesque.  Charles  le  Simple,  petit-fils  de  Charles  le  Chauve,  s'étant  rendu 
sur  les  bords  du  Rhin  pour  avoir  une  conférence  avec  Henri  l'Oiseleur,  des 
jeunes  gens  qui  étaient  à  la  suite  des  deux  princes  furent,  selon  l'habitude 
de  ceux  des  deux  pays,  tellement  choqués  de  s'entendre  parler  les  uns  roman, 
les  autres  tudesque,  qu'ils  commencèrent  à  s'insulter  de  la  manière  la  plus 
violente,  et  finirent  par  fondre  les  uns  sur  les  autres,  l'épée  à  la  main,  si 
bien  qu'il  y  en  eut  plusieurs  de  tués,  et  entre  autres  Erlebald,  comte  de 
Castricum. 

«  Germanorum  Gallorumque  juvenes  linguarum  idiomate  offensi,  ut 
eorum  mos  est,  cum  multa  aniraositate  malediciis  sese  lacessire  cœperunt, 
conseriique  gladios  cxcrunt,  ac  se  adorsi,  lethaliter  sauciant.  In  quo  tu- 
mullu,  cu^  ad  litem  sedandam  Erlehaldus  cornes  accederet,  a  furentibus 
occisus  est.  »  {Richeri  historiamm  libri  quatuor,  éd.  de  M.  J.  Guadet,  t.  I, 
p.  48.) 


30  PROLÉGOMÈNES. 

il  commandait.  A  plus  forte  raison  cette  langue  dût-elle  être 

parlée  par  les  rois  qui  lui  succédèrent  ^ 

Toutefois  le  tudesque  ne  disparut  pas  complètement  de  la 
cour;  les  Carolingiens  en  perpétuèrent  sinon  l'usage  habituel, 
du  moins  Tintelligence  parmi  les  principaux  officiers  de  leur 
maison.  Tout  semblait  leur  en  faire  à  la  fois  un  devoir  et  une 
nécessité,  les  traditions,  le  souvenir  de  leur  origine,  leurs 
mariages  fréquents  avec  des  princesses  de  sang  germanique, 
leur  résidence  habituelle  à  Laon,  ville  située  dans  le  voisinage 
des  pays  allemands  de  la  Lorraine  inférieure,  et  enfin  la  par- 
ticipation active  et  continuelle  que  les  princes  germaniques 
prirent  sous  cette  dynastie  à  tous  les  troubles,  à  tous  les  dé- 
mêlés, à  toutes  les  guerres,  à  tous  les  traités  qui  eurent  lieu 
dans  le  royaume.  Aussi,  ceux  qui  s'adonnaient  au  maniement 
des  affaires  publiques  attachaient-ils  une  grande  importance 
à  la  connaissance  du  tudesque.  Mais,  dès  le  milieu  du  ix^  siè- 
cle, les  personnes  qui  possédaient  pleinement  l'usage  de  cet 
idiome,  étaient  devenues  si  rares  dans  le  royaume,  que  Loup, 
abbé  de  Perrière,  l'un  des  principaux  ministres  de  Charles  le 
Chauve,  fut  obligé  d'envoyer  en  Allemagne  des  jeunes  gens  de 
son  monastère,  auxquels  il  jugeait  à  propos  de  faire  appren- 
dre la  langue  qui  étah  la  plus  nécessaires  aux  relations  poli- 
tiques ^. 

*  La  différence  de  langue  qui  existait  entre  les  Neustriens  et  les  Ostra- 
siens  était  tellement  marquée  au  ix«  siècle,  que  les  premiers  étaient  appelés 
Francs  latins  et  les  seconds  Francs  teutons.  «  Ejusdem  ArnuUû  tempore 
(anno  888)  Gallorum  populi  elegerunt  Odonem  ducem  sibi  in  regem.  Hinc 
divisio  facta  est  inter  teutones  Francos  et  latinos  Francos.  »  {Chronique 
anonyme,  dans  le  Recueil  des  historiens  de  France,  t.  VIII,  p.  231 .) 

*  Filium  Guagonis,  nepotem  meum,  vestrumque  propinquum,  et  cum  eo 
duos  alios  pueros  nobiles,  et  quandoque,  si  Deus  vult,  nostro  monasterio 
SUD  servicio  profuturos,  propter  germaniœ  linguœ  nanciscendam  scientiam, 
vestrae  sanctitati  mittere  cupio.  (Loup  de  Ferrière,  epist.  XII,  ad  Marcwar- 


PROLÉGOMÈNES.  3f 

On  ne  sera  donc  pas  étonné  de  voir  que,  dans  le  siècle  sui- 
vant, Louis  d'Outre-Mer  comprenait  le  tudesque  beaucoup 
mieux  que  le  latin.  Au  synode  d'Engelheim,  où  ce  roi  et  l'em- 
pereur Otlaon  1er  se  trouvaient  réunis,  on  produisit  une  lettre 
du  pape  Agapet,  relative  aux  disputes  qui  s'étaient  élevées 
entre  Arlalde,  arclievêque  de  Reims,  et  Hugues,  son  compéti- 
teur; comme  cette  lettre  était  écrite  en  langue  latine,  on  fut 
obligé  de  la  traduire  en  tudesque,  afin  d'en  donner  connais- 
sancr  aux  deux  princes  '. 

Mais  les  circonstances  qui  avaient  maintenu  l'intelligence 
de  l'idiome  des  Francs  dans  la  maison  royale  des  Carolingiens 
avaient  cessé  d'exister  sous  les  rois  de  la  troisième  race,  et 
Huguet-Capet,  le  premier  d'entre  eux,  bien  qu'issu  du  sang 
germanique',  était  tout  aussi  complètement  ignorant  du  lan- 
gage de  Cbarlemagne  qu'il  l'était  de  celui  d'Auguste  ^.  Les 

dum  abbatem^  anno  844;  Bec.  des  histor.  de  France  de  dom  Bouquet, 
t.  VII,  p.  488.) 

Dans  une  lettre  écrite  postérieurement  à  celle  que  je  viens  de  citer,  Loup 
de  Perrière  remercie  le  même  Marcward  d'avoir  bien  voulu  faire  apprendre 
le  tudesque  aux  jeunes  gens  qu'il  lui  avait  envoyés  : 

«  Siquidem  intcr  alia  quae  nobis  jam  plurima  praestitistis,  linguae  vestrae 
pueros  nostros  fecistis  participes,  cujus  linguae  usum  hoc  tempore  perneces- 
sarium  nemo,  nisi  nimis  tardus,  ignorât.  »  (Loup  de  Perrière,  epist.  LXX; 
dans  Duchesne,  Histor.  Franc,  script.,  t.  II,  p.  7j64.) 

*  Post  quarum  litterarum  recitationem  et  earum,  propter  reges,  juxta 
teotîscam  linguam  interpretationem...  {Frodoardi  Chron.,  dans  le  Recueil 
des  histor.  de  France,  t.  YIII,  p.  203.) 

'  Le  bisaïeul  de  Hugues  Capet,  Robert  le  Port,  eut  pour  père  le  Germain 
"Witichin,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  le  célèbre  chef  des  Saxons  du 
même  nom,  contemporain  de  Cbarlemagne.  <(  Hic  {Odo)  patrem  habuit  ex 
equestri  ordine  Rotbertum,  avum  vero  paternum,  Witichinum  advenam 
Germanum.  »  {Richeri  historiarum  libri  quatuor,  édit.  de  M.  J.  Guadet, 
t.  I,p.  46.) 

*  Othon  II,  empereur  d'Allemagne,  fils  d'Othon  P'',  dont  je  viens  de  faire 
mention,  invita  Hugues  Capet,  alors  duc  de  France,  à  une  conférence  par- 
ticulière. L'empereur  parlait  le  tudesque,  qui  était  sa  langue  maternelle;  il 


32  PROLÉGOMÈNES, 

gens  qui  l'entouraient  n'entendaient  pas  plus  que  lui  l'idiome 
de  la  Germanie.  Aussi,  à  partir  de  crtie  c'poque,  les  princes 
d'Allemagne,  qui  désiraient  entretenir  des  relal-ons  avec  la 
cour  de  Fiance,  furent  obligés  d'avoir  recours  k  des  ambassa- 
deurs qui  connussent  la  langue  romane  *. 

Ainsi  que  je  le  démontrerai  dans  la  deuxième  partie  de  cet 
ouvrage,  le  roman  dut  principalement  sa  formation  aux  alté- 
rations successives  que  le  peuple  fit  subir  à  la  langue  latine. 
Ces  altérations,  partout  les  mêmes,  quant  aux  procédés  géné- 
raux, durent  néanmoins,  dès  l'origine,  différer  par  certaines 
nuances^  selon  le  pays  où  se  forma  le  nouvel  idiome.  Dans  la 
suite,  ces  différences,  accrues  et  multipliées  par  le  temps,  en 
vinrent  à  se  dessiner  plus  nettement,  et  à  se  circonscrire  avec 
plus  de  précision,  à  la  faveur  du  fractionnement  que  le  système 
féodal  fit  éprouver  à  tout  le  territoire  du  royaume. 

Si  dans  le  xii®,  le  xiii®  et  le  xiv®  siècle,  on  eût  voulu  tenir 
compte  de  toutes  les  variétés  que  présentait  la  langue  d'oil*  y 

parlait  également  le  latin,  ainsi  que  le  témoigne  Richer.  Toutefois,  il  fallut 
qu'Arnulfe,  évêque  d'Orléans,  lui  servît  d'interprète  pour  qu'il  parvînt  à  se 
faire  entendre  du  prince  français  : 

«  Otto  gloriam  sibi  parare  cupiens,  ex  industria  egit  ut  omnibus  a  cubi- 
culo  regio  emissis...  dux  {Hugo)  etiam  solus  cam  solo  cpiscopo  (Arnulfo) 
introducereiur;  ut  rege  latiariter  loquenle,  episcopus  latinitaiis  interpres 
duci  quicquid  dicerelur  indicaret.  »  {Richeri  historianm  libri  IV,  éd.  de 
M.J.  Guadet,  t.  II,  p.  102.) 

Thierri,  qui  fut  duc  de  Lorraine  de  984  à  1 026,  se  servait  de  Nanter, 
abbé  de  Saint-Michel,  pour  ambassadeur  auprès  du  roi  de  France,  parce 
qu'il  le  savait  fort  habile  à  s'énoncer  en  langue  romane  : 

«  Dux  {Lotharingiœ)  Theodoricus  eum  (Nanterum)...  ad  quoscumque 
regni  principes  àirigebatlegatum,et  maxime  ad  consobrinum  suum,  regem 
Francorum,  quoniam  noverat  eum  in  responsis  acutissimum,  et  linguœ 
gallicœ  peritia  facundissimum.  »  {Chron.  monast.  S.  Michaelis;-  dans  le  P. 
Mabillon,  Te^era  analecta,  éd.  de  i723,  p.  391;  Bec.  des  histor.  de  France, 
t.  X,  p.  286,  note  a.) 

'  L'idiome  roman  du  nord  de  la  France  reçut  le  nom  de  langue  d'oïl,  et 
l'idiome  roman  du  midi  celui  de  langue  d'oc.  On  a  émis  diverses  opinions 


PROLÉGOMÈNES.  33 

selon  les  divers  pays  où  elle  était  en  usage,  on  eût  pu  diviser 
cette  langue  en  autant  de  dialectes  qu'il  y  avait  de  bailliages 
dans  la  France  septentrionale';  mais,  en  ne  tenant  compte 
que  des  caractères  généraux  les  plus  marqués,  on  arrivait  à 
reconnaître  autant  de  dialectes  différents  que  l'on  comptait 
de  provinces  en  deçà  de  la  Loire.  Chacune  des  capitales  de 
ces  provinces   devenait  un  centre  dont  l'influence  se  faisait 
sentir  sur  tout  le  pays  qui  en  dépendait,  et  les  habitants  delà 
même  province  se  piquaient  plus  ou  moins  de  modeler  leur 
langage  sur  celui  que  l'on   parlait  à  la  cour  du  duc  ou  du 
comte  qui  les  gouvernait.  De  la  sorte,  chaque  idiome  provin- 
cial tendait  à  une  certaine  uniformité,  et  la  langue  f/'oï/ pouvait 
se  diviser  en  dialecte  de  la  Picardie,  de  l'Artois,  delà  Flandre, 
de  la  Champagne,  de  la  Lorraine,  de  la  Franche-Comté,  de  la 
Bourgogne,  du  Nivernais,  de  l'Orléanais,  de  la  Touraine,  de 

sur  l'origine  de  ces  deux  désignations,  ainsi  qu'on  peut  le  voir  dans  les 
Recherches  de  Pasquier,  liv.  I,  ch.  xui;  dans  Ménage,  art.  Languedoc,  et 
dans  du  Cange,  art.  Lingua.  Ces  deux  derniers  se  déclarent  en  faveur  des 
auteurs  qui  pensent  que  la  langue  d'oïl  et  la  langue  d'oc  ont  été  ainsi  appe- 
lées de  la  manière  d'énoncer  l'affirmation.  En  efifet,  on  se  servait  pour  cela 
de  oïl  dans  le  Nord  et  de  oc  dans  le  Midi. 

*  On  lit  le  passage  suivant  dans  la  préface  d'un  psautier  traduit  en  langue 
romane  au  xiv«  siècle,  dont  le  manuscrit  se  trouve  à  la  bibliothèque  Maza- 
rine,  oii  il  est  coté  T,  798;  cette  préface  est  citée  par  M.  Leroux  do  Lincy 
dans  son  introduction  du  Livre  des  Rois  : 

«  Et  pour  ceu  que  nulz  ne  tient  en  son  parleir  ne  rigle  certenne,  mesure 
ne  raison,  est  laingue  romance  si  corrompue  qu'à  poinne  li  uns  entent  l'autre, 
et  à  poinne  peut-on  trouveir  à  jour  d'ieu  persone  qui  saiche  escrire,  anteir 
ne  prononcieir  en  une  meisme  semblant  menieire;  mais  escript,  ante  et  pro- 
nonce li  uns  en  une  guise,  et  li  aultre  en  une  aultre.  »  (Le  Livre  des  Rois, 
introduction,  p.  xui,  et  p.  lxxiv,  note  1 .) 

Il  en  sera  toujours  ainsi  de  tout  idiome  qui  ne  possédera  point  des  écri- 
vains d'un  mérite  supérieur  qui  puissent  faire  autorité.  Ce  que  le  traducteur 
du  psautier  dit  de  la  langue  d'oil  du  xiv^  siècle,  on  peut  le  dire  aujourd'hui 
des  nombreuses  variétés  de  patois  qui  sont  nées  de  la  langue  d'oc  dans  nos 
provinces  du  Midi. 


34  PROLÉGOMÈNES. 

l'Anjou,  du  Maine,  de  la  haute  Bietajjne,  de  la  Normandie  et 
de  rile-dc-France  \  Il  est  important  de  remarquer  que  celui- 
ci  était  spécialement  désigné  sous  le  nom  de  français,  par  op- 
position au  picard,  au  normand,  au  bourguignon,  au  champe- 
nois, etc.  ^. 

Par  l'avènement  de  la  maison  des  ducs  de  France  à  la  cou- 
ronne des  Carolingiens,  le  dialecte  français  partagea  la  for- 
tune de  cette  maison,  et  prit  de  jour  en  jour  une  supériorité 
marquée  sur  les  autres  dialectes,  comme  la  nouvelle  royauté 
ne  tarda  pas  à  établir  sa  suprématie  sur  tous  les  feudataires 
du  royaume.  La  cour  de  France  était  devenue,  pour  les  sei- 
gneurs du  Nord,  le  modèle  et  l'école  de  la  galanterie ,  de  la 
courtoisie  et  des  belles  manières  ;  la  langue  parlée  dans  la 
maison  royale  était  l'expression  naturelle  de  ces  débuts  de  la 
civilisation  et  de  la  politesse.  Aussi,  dès  le  xii^  siècle,  il  n'était 
plus  permis  à  un  seigneur  normand,  picard  ou  bourguignon, 
de  se  présenter  à  la  cour  de  France  sans  qu'il  sût  s'exprimer 
enfrajiçaîs  *,  non  plus  qu'à  un  trouvère,  désireux  de  quelque 

*  On  peut  certainement  réduire  tous  ces  dialectes  à  un  moins  grand  nom- 
bre en  prenant  pour  base  de  la  classification  des  caractères  plus  généraux. 
M.  Fallût  n'en  admet  que  trois  :  le  normand,  le  picard  et  le  bourguignon; 
mais  cette  division  me  paraît  trop  restreinte,  et  l'auteur  me  semble,  sur  ce 
point  comme  sur  plusieurs  autres,  avoir  sacrifié  la  vérité  à  des  considéra- 
tions purement  systématiques,  ainsi  qu'à  un  trop  grand  désir  de  simplifie  a 
tion,  (Voir  Recherches  sur  les  formes  grammaticales  de  la  langue  française 
et  de  ses  dialectes  au  xui«  s«ec/e^  par  G.  Fallot,p.  14,  15, 16  et  passim.) 

*  Voir  la  note  suivante  et  p.  35,  note  1 . 

^  Nous  en  trouvons  la  preuve  dans  l'accueil  peu  gracieux  qui  fut  fait  au 
tomte  Quènes  de  Béthune  par  Philippe- Auguste  et  par  toute  sa  cour.  Voici 
comment  le  fait  est  raconté  par  l'un  de  nos  plus  judicieux  critiques  et  de  nos 
plus  habiles  philologues,  M.  F.  Guessard,  professeur  à  l'école  des  chartes  : 

«  Vers  l'an  11 80,  il  {Quènes  de  Béthune)  vint  à  la  cour  de  France,  où  la 
régente,  Alix  de  Champagne,  et  le  jeune  prince  son  fils,  qui  régna  depuis 
sous  le  nom  de  Philippe-Auguste,  lui  exprimèrent  le  désir  d'entendre  quel- 
qu'une (le  ses  chansons.  Quènes  de  Béthune  récita  donc  des  vers,  très  intel- 


PROLÉGOMÈNES.  35 

célébrité,  de  composer  ses  ouvrages  en  un  autre  dialecte  '.  A 
partir  de  celte  époque,  Tidiome  de  l'Ile-de-France  se  propagea 
de  plus  en  plus,  à  Taide  des  circonstances  qui  ne  cessèrent  de 
lui  être  favorables,  et  des  moyens  puissants  que  surent  em- 
ployer les  rois  pour  fonder  Tunité  française.  Au  xiiie  siècle, 

ligibles  pour  ses  auditeurs,  mais  fortement  empreints  d'un  cachet  picard. 
Aussi  fut-il  raillé  par  les  seigneurs  de  France,  repris  par  la  reine  et  par  son 
fils,  blâmé  par  tout  le  monde,  et  notamment  par  une  certaine  comtesse  dont 
le  suffrage  lui  eût  été  cher,  à  ce  qu'il  paraît.  C'est  lui-même  qui  nous  a 
transmis  le  souvenir  de  sa  mésaventure  dans  une  chanson  où  il  s'exprime 

ainsi  : 

«  Mon  langage  ont  blasmé  li  François 

Et  mes  chançons,  oyant  les  Champenois, 

Et  la  contesse  «ncoir,  dont  plus  me  poise  (pèse).  l 

La  roïne  ne  fil  pas  que  courtoise,  / 

Qui  me  reprist,  elle  et  ses  flex  li  rois;  j 

i'   Encoir  ne  soit  ma  parole  française, 

-^  Si  la  puet-on  bien  entendre  en  français. 
Ne  cil  ne  sont  bien  appris  ne  courtois 

j    Qui  m'ont  repris,  si  j'ai  dit  mot  d'Artois, 

'\^  Car  je  ne  fus  pas  norriz  a  Ponloise.  » 

{Biblioïkèqiie  de  l'école  deicharlei,  3'  tërie,  t.  It,  p,  I9t  ;  Itomancero 
franfait,  p.  83  ;    Hiil.  lillér.  delà  France,  t.  XVIII,  p.  8i6.) 

*  Aymon  de  Varennes,  trouvère  du  xu*  siècle,  aima  mieux  écrire  son  roman 
de  Florimont  dans  le  dialecte  de  l'Ile-de-France  que  dans  celui  de  la  pro- 
vince qu'il  habitait,  et  où  il  composa  ce  poème  : 

Il  ne  fut  mie  fait  en  France, 

Mais  en  la  langue  des  Françoys;  "" 

Le  fist  Aimes  en  Leonès  (Lyonnais).  ... 

Aux  François  veult  de  tant  servir, 

(Car  ma  langue  leur  est  sauvage,) 

Que  j'ay  dit  en  leur  language 

Tout  au  mieux  que  je  ay  sceu  dire. 
Il  est  nécessaire  de  remarquer,  pour  l'intelligence  de  ces  vers  et  de  ceux 
de  la  note  précédente,  qu'autrefois  on  appelait  plus  spécialement  France,  "pays 
de  France,  la  contrée  qui  fut  nommée  plus  tard  Ile-de-France.  Nous  con- 
servons encore  un  reste  de  l'ancienne  appellation  dans  le  nom  de  la  ville  où 
se  trouve  la  sépulture  de  nos  rois.  Saint-Denis-en-Francc  {Sanctus  Dyoni- 
sius  in  Francia)  fut  ainsi  désigné  pour  le  distinguer  de  plusieurs  villes  ou 
villages  du  royaume  qui  portaient  également  le  nom  de  Saint-Denis.  Pour 
un  semblable  motif,  la  partie  du  Vexin  qui  avait  pour  capitale  Pontoise  fut 
nommée  Ycxin  français,  tandis  que  celle  dont  la  capitale  était  Gisors  fut 
appelée  Veodn  normand. 
Si  Aymon  de  Yarennes  se  sert  du  dialecte  français,  ce  n'est  point  qu'il 


36  PROLÉGOMÈNES, 

ce  fut  par  l'extension  du  domaine  de  la  couronne^  au  xive  par 
Faccroissement  de  lautorité  des  Capi^tiens,  l'organisation  de 
la  justi(  e  royale,  celle  du  parlement  de  Paris  et  de  la  grande 
chancellerie;  au  xv'',  par  rétablissement  d'une  administration 
fiscale,  d'une  organisation  militaire,  par  plusieurs  autres  insti- 
/   tutions,  ainsi  que  par  la  faveur  accordée  à  l'imprimerie  nais  • 

en  fasse  plus  de  cas  que  de  tout  autre;  il  donne,  au  contraire  une  préférence 
toute  naturelle  à  celui  qu'il  est  habitué  à  parler  : 
Mieux  ains  ma  lengue  que  l'altruy. 

Mais  il  a  choisi  ce  dialecte  pour  plaire  à  ceux  dont  il  lui  importait  de  mé- 
riter lc3  suffrages,  et  ceux-ci  n'aimaient  que  les  ouvrages  écrits  en  leur  propre 
langue  : 

Romans  ne  histoire  ne  plait 

Aux  Françoys,  se  ilz  ne  l'ont  fait. 

{Uist.  lillér.  de  la  France,  t.  XV,  p.  486-491  ;  Ut  Mamtcritl  fronçait  de  la  Billiolh.  du  Roi, 
t.  III,  p.  13  et  suiv.;  Biblioihétjue  de  l'école  det  charlet,  2*  série,  t.  U,  p.  195.) 

Les  trouvères  qui  ne  connaissaient  pas  suffisamment  le  dialecte  de  l'Ile- 
de-France  étaient  réduits  à  composer  leurs  ouvrages  dans  le  ramage  de  leur 
province,  selon  l'expression  de  Pasquier;  mais,  dans  ce  cas,  ils  jugeaient 
parfois  nécessaire  de  s'excuser  de  la  rudesse  et  de  l'étrangeté  de  leur  lan- 
gage. C'est  ce  que  fait  un  trouvère  natif  de  Meun,  que  quelques  savants  ont 
pris  à  tort  pour  Jehan  de  Meun,  continuateur  du  roman  de  la  Rose.  L'au- 
teur s'exprime  ainsi  dans  l'épilogue  de  sa  traduction  des  Consolations  de 
Boèce  : 

Adjouste  que  je  i  expose 

Tout  ce  que  Boece  suppose; 

Si  m'cscuse  de  mon  langage 

Rude,  maloslru  et  sauvage  ; 

Car  nés  ne  suis  pas  de  Paris, 

Ne  si  cointes  com  fu  Paris, 

Mais  me  raporie  et  me  compère 

Au  parler  que  m'aprist  ma  mère 

A  Meun,  quant  je  l'alaitoiel, 

Dont  mes  parlers  ne  s'en  dessoie  ; 

INe  n'ay  nul  parler  plus  habile 

Que  cellui  qui  keurt  a  no  ville  {à  notre  village). 

'Ç_Les  Matiuscritt français  de  lu  Bihliothèiiue  du  Roi,  par  M.PuuUa  Pari»,  t.  V,  p.  45.) 

Un  autre  trouvère,  Richard  de  Lison,  né  en  Normandie,  croit  devoir  pré- 
venir ses  lecteurs  : 

Qu'il  est  Normanz;  s'il  a  mépris, 
Il  n'en  doit  jà  estre  repris, 
Se  il  y  a  de  son  langage. 

^citation  de  M.  de  la  Rii«,  Biilolredif  hanlei,  t,  \,  p.  332.} 


PROLÉGOMÈNES,  37 

saute  ;  au  xvi®,  enfin,  par  des  ordonnances  formelles  prescri- 
vant l'usage  exclusif  du  français  dans  tous  les  actes  publics  ou 
privés,  de  quelque  nature  qu'ils  pussent  être  ^ 

Dès  lors  le  français  acquit  une  telle  importance  et  obtint 
une  telle  prééminence  sur  les  autres  dialectes  de  la  langue 
d'oïl,  que  ceux-ci,  réduits  à  Fétat  de  patois  dédaignés,  furent 
relégués  dans  les  campagnes,  où  ils  s'éteignent  de  nos  jours 
dans  les  derniers  rangs  de  la  population,  semblables  à  de  fai- 
bles rejetons  étouffés  par  les  vigoureuses  racines  d'un  arbre 
puissant  qui  naquit  avec  eux  au  pied  du  même  tronc  ^ 

Ce  ne  fut  point  seulement  dans  le  Nord  que  le  dialecte  de 
rile-de-France  étendit  sa  domination  ;  dès  le  Xïii®  siècle  il 
avait  passé  la  Loire  avec  les  croisés  marchant  contre  les  Albi- 
geois. Depuis,  la  réunion  successive  des  provinces  méridio- 
nales à  la  couronne  de  France  rendit  insensiblement  l'usage 
du  français  aussi  nécessaire  dans  ces  provinces  qu'il  l'était 
devenu  dans  celles  du  nord,  et  l'idiome  poétique  des  trouba- 
dours dut  se  résigner  à  subir  le  sort  du  picard  et  du  bourgui- 
gnon '. 

*  Louis  XII  et  François  I«'  prescrivirent  l'usage  exclusif  du  français  dans 
les  actes  publics  et  les  actes  privés,  par  trois  ordonnances  successives  datées 
de  i  51 2,  1529  et  1539. 

Ronsard  se  plaignait,  au  milieu  du  xvi«  siècle,  de  ce  qu'un  auteur  ne  pou- 
vait espérer  de  retirer  aucun  honneur  de  ses  écrits  s'ils  n'étaient  composés 
dans  la  langue  que  parlait  le  roi.  La  plainte  était  un  peu  tardive.  «  Aujour- 
d'hui, ditr-il,  parce  que  nostre  France  n'obéit  qu'à  un  seul  roy,  nous  sommes 
contraints,  si  nous  voulons  parvenir  à  quelque  honneur,  de  parler  son  lan- 
gage, aultrement  nostre  labeur,  tant  fustr-il  honorable  et  parfait,  seroit 
estimé  peu  de  chose  ou  peutrestre  totalement  mesprisé.  »  {Abrégé  de  l'Art 
poétique.) 

*  C'est  ainsi  que  le  castillan  a  fini  par  prévaloir  en  Espagne  et  le  toscan  en 
Italie.  Chacun  de  ces  deux  dialectes  est  devenu,  comme  le  français,  la  langue 
dominante  du  pays,  aux  dépens  des  autres  dialectes  de  la  contrée,  tombés  à 
l'état  de  patois  et  abandonnés  au  peuple. 

'  Les  habitants  de  nos  provinces  méridionales  conservèrent  l'usage  habi- 


38  PROLÉGOMÈNES. 

Pendant  le  cours  du  moyen  âge,  la  langue  française,  livrée 
à  la  merci  des  caprices  de  l'usage,  n'a  que  des  allures  indé- 
cises, qui  changent  presque  de  génération  en  génération.  Au 
XVI'  siècle  elle  fait,  pour  constituer  sa  grammaire,  des  tenta- 
tives répétées,  qui  n'ont  pas  toutes  des  résultats  heureux; 
elle  s'efforce  d'enrichir  son  vocabulaire  en  recourant  tour  à 
tour  au  latin,  au  grec  et  à  l'italien,  auxquels  elle  fait  des  em- 
prunts nombreux ,  mais  souvent  superflus  ou  contraires  au  • 
génie  pardcuher  de  notre  idiome.  Dans  le  siècle  suivant ,  le 
français  se  débarrasse  d'une  portion  peu  regrettable  de  ces 
nouvelles  acquisitions,  il  s'épure,  se  polit,  se  régularise; 
l'usage ,  jusqu'alors  incertain,  est  définitivement  fixé  par  la 
pratique  habituelle  des  gens  de  goût,  par  les  travaux  de 
plusieurs  grammairiens  ,  par  les  décisions  de  l'Académie 
naissante,  mais  surtout  par  les  immortels  chefs-d'œuvre  des 
hommes  supérieurs  qui  s'illustrent  dans  la  littérature ,  dans 
les  arts  et  dans  les  sciences.  L'Europe,  qui  depuis  plusieurs 
siècles  avait  su  apprécier  la  beauté  de  notre  idiome  *,  accueillit 

tuel  de  la  langue  d'oc,  que  le  peuple  parle  encore  aujourd'hui;  mais  à  partir 
du  xiv«  siècle,  plusieurs  auteurs  de  ces  provinces  se  servirent  préférablement 
de  la  langue  française.  C'est  en  français  que  Gaston  Phœbus,  comte  de  Foix^ 
composa  son  traité  de  chasse,  à  la  fin  duquel  il  implore  l'indulgence  du  lec- 
teur pour  son  ouvrage,  attendu,  dit-il,  qu'il  ne  possède  pas  aussi  bien  le 
français  que  sa  propre  langue  : 

«  Et  pour  ce  qu'il  ne  puet  estre  que  je  n'aye  failli  ou  lessié  trop  de  choses 
qui  appartienent  à  bon  veneur  par  moult  de  raysons;  l'une,  je  ne  suis  pas 
si  saiges  comme  il  me  serait  mestiers...  et  aussi  ma  lengue  n'est  si  bien 
duite  de  parler  le  françois  comme  mon  propre  lenguaige,  et  trop  d'autres 
raysons  qui  seroyent  longues  pour  escrire;  pour  ce  je  pri  et  suppli  au  très- 
haut,  très-honoré  et  très-puissant  seigneur  messires  Phelippes  de  France, 

par  la  grâce  de  Dieu  duc  de  Bourgoigne qu'il  li  playse  de  supplir  et 

amender  les  defautes.  »   (Gaston  Phœbus,  le  Livre  de  chasse,   ms.  Bibl. 
imper,  mss.  fr.  anc,  fonds,  n°  7098,  f  111  v",  col.  2,  et  f"  112  r",  col.  1.) 

*  Pendant  le  moyen  âge,  notre  langue  partagea  dans  toute  l'Europe  la 
glorieuse  destinée  de  nos  armes  et  de  notre  puissante  influence.  En  Angle- 


PROLÉGOMÈNES.  39 

avec  admiration  les  ouvrages  de  nos  grands  écrivains;  bientôt 
ils  circulèrent  de  toute  part  à  Fétranger  et  semèrent  dans  cha- 
que pays  le  goût  de  notre  langue  et  de  notre  littérature  '. 

Antérieurement  à  celte  époque,  le  français  avait  déjà  pé- 
nétré dans  une  partie  de  la  Suisse,  dans  la  Savoie,  dans  le 
comté  de  Nice,  dans  la  Belgique;  dans  chacune  de  ces  con. 

terre,  le  français,  transporté  par  les  Normands,  fut,  jusqu'au  milieu  du 
XIV®  siècle,  la  langue  de  la  cour,  de  la  noblesse  et  de  toute  la  haute  classe 
de  la  société;  il  servait  à  instruire  la  jeunesse,  à  rendre  la  justice,  à  admi- 
nistrer les  affaires  publiques;  depuis  lors,  il  n'a  cessé  d'être  cultivé  dans  ce 
pays.  Il  se  répandit  de  même  dans  le  royaume  des  Deux-Siciles  et  dans  la 
Grèce,  pendant  notre  domination  dans  l'une  et  l'autre  de  ces  contrées.  Des 
princes  d'origine  française,  devenus  rois  de  Hongrie,  de  Portugal  et  de  Po- 
logne, portèrent  également  notre  langue  dans  chacun  de  ces  royaumes.  (Du 
Cange,  Glossaire  de  la  basse  latinité,  préface,  p.  xix,  xx  et  xxi.)  En  Alle- 
magne, les  empereurs  Frédéric  II,  Maximilien  I",  Brunon,  archevêque  de 
Trêves,  et  tant  d'autres,  savaient  fort  bien  le  français.  {Hist.  litt.  de  la 
France,  t.  IX,  p.  473;  Bonivard,  Advis  et  devis  des  lengues,  p.  36.)  Des 
auteurs  italiens,  qui  en  firent  usage  dans  leurs  écrits,  lui  rendirent  le  glo- 
rieux témoignage  d'être  à  la  fois  l'idiome  le  plus  agréable  et  le  plus  géné- 
ralement répandu.  C'est  en  français  que  Martin  da  Canale  traduisit  une  chro- 
nique latine  relative  à  l'histoire  de  Venise,  «  parce  que  la  lengue  franceise 
cort  parmi  le  monde,  et  est  la  plus  delitable  à  lire  et  à  oïr  que  nulle  autre.  » 
Tiraboschi,  Storia  délia  letteratura  italiana,  t,  IV,  liv.  III,  ch.  1 .)  Brunetto 
Latini,  le  maître  de  Dante,  était  du  même  avis  :  «  Se  aucun  demandoit  pour 
quoy  cest  livre  est  escript  en  romans  selonc  le  parler  de  France,  pour  ce 
que  nous  sommes  Italiens,  je  diroie  que  ce  est  pour  deux  raisons,  l'une  que 
nous  sommes  en  France,  l'autre  pour  ce  que  la  parleure  est  plus  delitable 
et  plus  commune  à  tous  langages.  »  {Trésor  de  Brunetto  Latini,  ms.  Bibliot. 
imper,  mss.  fr.  anc.  fonds,  n"  7069,  f»  12  v°,  col.  \;  P.  Paris,  Manuscrits 
français,  t.  IV,  p.  356.) 

*  Voici  ce  qu'écrivait,  en  1 676,  l'auteur  de  la  Défense  de  la  langue  fran- 
çaise : 

«  Si  l'on  comptoit  tous  les  François  naturels  qui  entendent  la  langue 
françoise  et  tous  les  étrangers  qui  l'ont  apprise,  dont  il  y  a  si  grand  nombre 
dans  l'Allemagne,  dans  l'Angleterre,  dans  le  Danemark,  dans  la  Pologne, 
dans  la  Suède  et  dans  tous  les  pays  du  Nord,  je  doute  s'il  ne  se  trouveroit 
point  autant  d'hommes  sur  la  terre  qui  entendissent  le  françois  qu'il  s'en 
trouve  qui  entendent  le  latin.  »  (Charpentier,  Défense  de  la  langue  françoise 
pourVinscriftion  de  l'arc  de  triomphe;  Paris,  1676,  p.  173.) 


40  PROLÉGOMÈNES, 

trées  il  a  fini  par  remplacer,  comme  langue  littéraire  et  do- 
minante, les  anciens  idiomes  que  l'on  y  parlait  autrefois". 
Enfin  il  est  devenu  dans  TEurope  entière  la  langue  de  la  di- 
plomatie et  l'expression  exquise  de  la  politesse  dans  les  rangs 
les  plus  élevés  de  la  société;  en  sorte  que  Rivarol  a  pu  dire, 
non  sans  quelque  raison  :  «  Leibnitz  cherchait  une  langue 
universelle,  et  nous  l'établissions  autour  de  lui  '. 

^  Le  français  était  déjà  fort  répandu  dans  ces  différents  pays  vers  le  mi- 
lieu du  xvi^  siècle,  ainsi  qu'on  peut  l'inférer  du  témoignage  de  Scaliger  : 
«  A  Genève,  dit-il,  de  mon  temps,  celui-là  eust  payé  l'amende  qui  eust 
parlé  françois  au  sénat,  il  falloit  parler  savoyard;  comme  en  Bearn  tous 
leurs  plaidoyers  et  leurs  actes  se  font  en  bearnois,  pour  monstrer  qu'ils 
sont  libres  et  à  eux.  A  Chambery,  ils  parlent  françois  et  non  savoysien. 
L'Italien  meprisoit  fort  autrefois  le  françois,  mais  maintenant  ils  l'appren- 
nent; toutesfois,  ils  ne  sçauroient  jamais  l'apprendre  s'ils  ne  l'apprennent 
jeunes.  On  parle  plus  françois  en  ces  Pays-Bas  qu'en  Gascogne,  mais  non 

pas  si  bien On  parle  françois  jusqu'à  six  lieues  de  Bordeaux.  »  {Scalige- 

riana,  édit.  de  1666,  in-12,  p.  193.) —  «  Genevœ  in  senatu  loquuntur  sa- 
baudicè,  sed  acta  omnia  publica  gallicè  fiunt.  »  [Ibid.,  p.  1 40.) 

'  Rivarol,  De  l'universalité  de  la  langue  française;  Berlin,  4784,  in-S", 
p.  57. 


PREMIÈRE    PARTIE. 

ÉLÉMENTS  PRIMITIFS  DONT  S'EST  FORMÉE 
LA  LANGUE  FRANÇAISE. 


INTRODUCTION  A  LA  PREMIÈRE  PARTIE. 

CONSIDÉRATIONS  GÉNÉRALES  SUR  LA  NATURE,  LES  PROPORTIONS  ET  LA 
FUSION  DES  ÉLÉMENTS  QUI  CONSTITUÈRENT  LA  LANGUE  d'OIL  ;  MOYENS 
d'utiliser  ces  données  POUR  SUPPLÉER  A  l'INSUFFISANGE  DES  DOCU- 
MENTS RELATIFS  AUX  PREMIÈRES  ÉPOQUES  DE  NOTRE  HISTOIRE. 

Je  viens  d'établir  historiquement  que  le  latin  se  substitua 
insensiblement  à  la  langue  des  Gaulois  et  que,  plus  tard,  il 
prévalut  également  sur  l'idiome  national  des  conquérants 
barbares.  Vainqueur  ou  vaincu,  le  peuple  romain  semblait 
être  destiné  à  imposer  au  monde  sa  langue,  ses  idées,  ses  lois, 
ses  usages,  ses  mœurs,  sa  civilisation.  On  doit  donc  s'attendre 
à  ce  que  le  latin  fournisse  les  principaux  éléments  et,  pour 
ainsi  dire  ,  la  substance  propre  de  Tidiome  né  après  lui 
dans  le  nord  de  la  Gaule.  Cette  première  donnée  tirée  de 
l'histoire  se  trouvera  confirmée  et  complétée  par  celles  plus 
directes  et  plus  précises  que  la  linguistique  va  bientôt  nous 
offrir.  Celle-ci  nous  montrera  que  le  latin  constitua  le  fonds 
principal  de  la  langue  d'oïl,  bien  que  le  celtique  et  le  tudesque 
ne  soient  point  restés  étrangers  à  la  formation  du  voca])ulaire 
naissant  de  cette  langue. 


42  PREMIÈRE  PARTIE. 

Avant  d'entrer  sur  ce  sujet  dans  de  plus  amples  dévelop- 
pements, je  crois  devoir  présenter  au  lecteur  une  première 
preuve  du  fait  que  je  viens  de  lui  signaler,  et  un  premier 
aperçu  des  résultats  auxquels  doivent  nous  conduire  des 
recherches  ultérieures  ;  il  suffira  pour  cet  effet  de  lui  offrir  le 


RESURRECTION  DU  FILS  DE  LA  VEUVE  DE  NAÏM. 


TEXTE  CELTO-BRETON, 

emprunté  au  Testamant  novez  hon  Aotrou 
Jezuz-Krist-,  traduction  de  M.  Le  Gonidec, 
p.  86,  col.  1. 


I.  Ilôgen  pa  dùstéé  ouc'h  dor  kêarj 
chétu  é  tougcd  eiinn  dm  marô,  péhini 
a  oa  màb-pcnn-her  d'hé  vamm  :  hag 
houman  a  oa  intanvez;  hag  eul  lôd 
brâz  a  dûd  eûz  a  géar  a  oa  gant-M. 

n.  Ann  Aotrou  pa  wélaz  amzhi, 
en  doe  truez  out-hi,  hag  a  lavaraz 
d'ézhima  wél  két.  Hag  hén  a  dôstaaz 
hag  a  lékéaz  hé  zourn  war  ann  ar- 
ched. 

m.  Ar  ré  hé  dougé  a  arzaôaz; 
hag  é  lavaraz  :  den-iaouank^  mé  het 
lavar  d'id^  saô.  Hang  ann  dén  marô 
a  zavaz  enn  hé  goanzez,  hag  a  ze~ 
raouaz  komza;  ha  Jézuz  hé  rôaz 
d'hé  vamm. 

IV.  Hôgen  ar  ré  holl  a  oaénô  é 
krogaz  spount  enn-hô  ;  hag  e  veulent 
Doué,  ô  lavarout  :  eur  profed  brâz  a 
zô  savet  enn  hon  touez,  ha  Doué  a  zô 
deûed  da  icéloud  hé  holl. 

v.  Ar  vrûd  eûz  a  gément-sé  a  ré- 
daz  dré  ar  Judéa  holl,  ha  dré  ami 
holl  vrô  umr-drù. 


TEXTE  TUDESQUE, 

emprunté  a  la  traduetion  de  l'Harmonie 
des  Évangiles  de  Tatian,  se  trouvant 
dans  Ammonii  Alexandrini  qum  et  Taliani 
dicitur  Uarmonia  evsngeliorum ,  édit. 
Sehmeller,  Vienne,  1841,  in-4o,  p.  33. 

1.  SWit  tiiiu  Çcr  t^o  nciljîta  43Çijttu  t^ero 
aSuïgi,  fenu  «tliorbancr  uuag  gitvagan, 
einng  fun  fmero  3)îuotcr,  inti  tfiiu  uuaê 
uuituua  inti  mtniqi  t^cru  Surgi  mi^^it 
mit  iru. 

2.  îl^iamit  tfiiu  S-rufetin  gifat),  miUibu 
givuorit  ubar  fia  quab  iru  :  SRI  curi  »»u; 
ofenîSnti  gieng  juo,  inti  tiruorta  t^ia 
iata. 

3.  Xiiit  t6«r  tvuogun,  gifluontun,-  inti 
quab  :  Sungo  iî)  quibu  tbir,  2lr|lant  !  3nti 
gifaj  t^ie  tfjav  tôt  uuae,  inti  bigonba 
[:t5re^^an;  inti  ga5  inan  finero  3Jîuoter. 


4.  (Sificng  tijO  aile  for^fa,  inti  tn'iW- 
tofotun  @ob,  fu«  quebante  :  a3itf)iu  miti^it 
uuijago  acftuont  in  une,  inti  6itt;iu  (Scb 
ttuifota  iîuea  folïci. 

5.  Sntt  ujgieng  tî)o8  uuort  in  nlle  Suï 
bccu  fon  imo,  inti  umbi  alla  ttjia  Santfcaf. 


INTRODUCTION.  43 

même  morceau  écrit  en  français,  en  latin,  en  tudesque  et 
dans  l'un  des  quatre  idiomes  néo-celtiques.  J'ai  fait  choix, 
pour  cela,  d'un  passage  du  chapitre  vu  de  saint  Luc  dans  le- 
quel l'évangélisle  raconte  la  résurrection  du  fils  de  la  veuve 
de  Naïm. 


RESURRECTION  DU  FILS  DE  LA  VEUVE  DE  NAlM. 


TEXTE  LATIN, 

traduit  sur  l'original  grec  de  saint  Luc. 


TEXTE  FRANÇAIS, 

traduit  sur  l'original  grec  de  saint  Luc. 


I.  Quando  ille  appropinquavit  por- 
tée pagi,  vidit  mortuum  portari,  fi- 
lium  unicum  matris  quae  vidua  erat; 
et  turba  nuraerosa  hominum  pagi 
erat  cum  illa. 

II.  Dominus  illam  vidit,  ctplenus 
commiseratione  pro  illa,  illi  dixit: 
Ne  plores.  Appropinquavit,  et  tetigit 
feretrum. 

ni.  Et  qui  illum  portabant,  resti- 
terunt,  et  dixit  :  Juvenis  (homo),  ego 
tibi  illud  dico  :  Surge.  Et  mortuus 
resedit,  et  cœpit  loqui,  et  Jésus  il- 
lum reddidit  suae  matri. 

IV.  Et  omnes  fuerunt  affecti  for- 
midine;  et  glorificabant  Deum ,  di- 
centes  :  Certe  magnus  propheta  sur- 
rexit  in  medio  nostrûm,  et  Deus 
visitavit  suum  populura. 

V.  Et  ruraor  de  co  cucurrit  in  tota 
Judaea,  et  in  tota  vicinitate. 


I.  Quand  il  approcha  de  la  porte 
du  bouro,  il  vit  qu'on  portait  un  morl, 
fils  unique  d'une  mère  qui  était 
veuve,etune-.roiip  nombreuse  d'hom- 
mes du  bourg  était  avec  elle. 

II.  Le  Seigneur  *  la  vit,  et,  plein 
de  commisération  pour  elle,  il  lui 
dit  :  Ne  pleure  pas.  Il  approcha  et 
toucha  la  bicrf. 

III.  Et  ceux  qui  le  portaient  s'ar- 
rêtèrent, et  il  dit  :  Jeune  homme,  je 
te  le  dis  :  Lève-toi  (leva  te).  Et  le 
mort  se  rassit  et  se  mit  à  parler  *,• 
et  Jésus  le  rendit  à  sa  mère. 

IV.  Et  tous  (toti)  furent  scisis 
d'i-ffrot;  et  ils  glorifiaient  Dieu,  di- 
sant :  Certes,  un  grand  (grandis)  pro- 
phète a  surgi  au  milieu  de  nous,  et 
Dieu  a  visité  son  peuple. 

V.  Et  le  bruit  en  courut  dans  toute 
la  Judée  et  dans  tout  le  voisinage. 


^  Pour  l'origine  de  seigneur,  voir  Seignor,  dans  le  glossaire  étymolo- 
gique, ch.  I,  sect,  V.  '  ■ 

*  Pour  l'origine  de  mit  et  de  parler,  voir  Metirad  et  Parole,  dans  le 
glossaire  étymologique,  ch.  i,  sect.  v. 


44  PREMIÈRE  PARTIE. 

On  voit  qu'en  général  les  mots  du  texte  français  sont  formés 
de  ceux  qui  leur  coi  respondent  dans  le  texte  latin.  Cependant 
l'usage  qui  change,  (jui  diversifie  et  qui  réglemente  tout  en 
fait  de  langage,  n'a  pas  toujours  voulu  que  toute  expression 
française  fût  formée  directement  par  l'expression  latine  cor- 
respondante ;  beaucoup  de  nos  mots  proviennent  de  primitifs 
latins  n'ayant  avec  leurs  dérivés  français  qu'une  certaine  ana- 
logie d'idée  ou  tout  autre  rapport  de  signification  plus  ou 
moins  éloigné.  Ce  cas  est  assez  rare  dans  le  passage  de  saint 
Luc  ;  mais  toutes  les  fois  qu'il  se  présente  on  peut  recourir, 
pour  avoir  la  véritable  origine  du  mot,  au  glossaire  étymolo- 
gique des  monuments  antérieurs  au  xii®  siècle,  ch.  i,  sect.  v. 

Sur  soixante  et  onze  mots  différents  dont  se  compose  la 
traduction  française  du  passage  de  saint  Luc,  soixante-cinq 
dérivent  du  latin,  cinq  du  germanique  et  un  seul  du  celtique. 
Les  mots  provenant  du  germanique  sont  bourg,  troupe,  bière, 
saisir f  effroi,  on  peut  voir  leur  dérivation  dans  le  recueil  des 
mots  d'origine  germanique,  ch.  m,  sect.  ii.  Le  seul  dérivé  du 
celtique  est  le  mot  bruit,  dont  la  provenance  est  démontrée 
dans  le  recueil  des  mots  d'origine  celtique,  ch.  il,  sect.  il.  Si 
au  lieu  de  prendre  le  latin  pour  le  comparer  au  français , 
j'eusse  choisi  l'italien  ,  l'espagnol,  le  provençal  ou  tout  autre 
idiome  néo-latin,  le  texte  fourni  par  l'une  de  ces  langues  au- 
rait présenté  avec  le  texte  français  à  peu  près  la  même  res- 
semblance que  nous  a  offerte  la  traduction  latine  \  mais  si,  au 
lieu  du  breton  et  du  tudesque,  j'avais  eu  recours  à  deux  autres 
idiomes,  l'un  celtique  et  l'autre  germanique,  nous  ne  les  eus- 
sions pas  trouvés  plus  analogues  au  français  que  ceux  qui 
nous  ont  servi  de  terme  de  comparaison. 

Je  dois  faire  observer  que  je  n'entends  point  faire  d'un  texte 
aussi  court  la  base  d'une  statistique  rigoureuse;  je  ne  veux 


INTRODUCTION.  45 

que  donner  de  prime  abord  un  aperçu  des  rapports  qui  peu- 
vent exister  entre  notre  langue  et  les  trois  idiomes  qui  con- 
coururent a  sa  formation.  Du  reste  les  chapitres  suivants  nous 
fourniront  à  cet  égard  des  résultats  qui  nous  permettront  d'éta- 
blir nos  appréciations  sur  des  bases  beaucoup  plus  larges.  Je 
vais,  pour  le  moment,  anticiper  sur  ces  résultats  afin  de  pré- 
senter au  lecteur  certaines  considérations  générales  qui,  do- 
minant les  questions  de  détail,  pourront  jeter  quelque  lu- 
mière sur  la  formation  de  notre  vocabulaire  primitif,  et  sur  la 
fusion  des  trois  éléments  qui  le  constituèrent.  Ces  considé- 
rations m'offriront  en  même  temps  l'occasion  de  faire  entre- 
voir les  conséquences  que  l'histoire  pourra  tirer  des  données 
fournies  par  ces  recherches. 

Le  latin  qui  fut  d'abord  parlé  dans  les  Gaules  était  bien, 
au  fond,  le  même  que  celui  qui  se  parlait  à  Rome;  il  n'en 
différait  que  par  une  certaine  quantité  de  mots  empruntés  au 
celtique  et  au  germanique,  ainsi  que  par  un  certain  nombre 
d'altérations  que  lui  firent  subir  les  gens  des  classes  infé- 
rieures et  pariiculièrement  les  gens  de  la  campagne.  Les 
mots  celtiques  et  germaniques  qui  s'introduisirent  dans  le 
vocabulaire  du  latin  rustique  n'y  entrèrent  qu'à  la  condition  de 
revêtir  la  forme  latine,  et  de  suivre  les  lois  de  dérivation,  de 
composition,  de  formation  et  de  syntaxe  auxquelles  étaient 
assujettis  les  mots  appartenant  en  propre  au  vocabulaire  la- 
tin ,  c'est-à-dire  qu'ils  durent  se  latiniser  complètement  '.  Ces 

*  Beaucoup  de  nos  dérivés  germaniques  et  celtiques  conservent  encore 
aujourd'hui  des  traces  de  leur  incorporation  dans  la  langue  latine.  C'est 
ainsi  que  plusieurs  substantifs,  accommodés  aux  exigences  des  formes  de  la 
troisième  déclinaison,  reçurent,  dans  les  inflexions  des  cas  obliques,  une  «, 
qu'ils  ont  gardée  en  passant  dans  la  langue  d'oïl. 

Germanique  :  BACHE,  lat.  baco,  nis,  fr.  bacon  ^  anciennement  chair  de 
porcj  BAR,  baro,  nis,  baron;  bicce,  bicho,  nis,  bichon;  brand,  brando,  nis, 
brandon;   kant,  canto,  nis,  canton;  sire,  siro,  nis,  ciron;  sporo,  sporo, 


46  PREMIÈRE  PARTIE, 

vocables  d'origine  barbare  s'assimilèrent  si  entièrement  au 
latin ,  que  la  plupart  de  ceux  qui  s'en  servirent  usuellement 
dans  le  vi^  siècle  ne  durent  pas  même  se  douter  qu'il  em- 
ployaient des  termes  étrangers  à  la  langue  des  anciens  Ro- 
mains. A  considérer  le  fait  sous  ce  seul  rapport,  la  transfor- 
mation des  mots  celtiques  et  germaniques  en  mots  latins  est 
tout  à  fait  analogue  à  celle  qu'ont  subie  une  foule  de  termes 
étrangers  introduits  dans  notre  français  moderne.  La  plupart 
de  ces  termes ,  quelle  que  soit  leur  origine ,  grecs ,  arabes , 
allemands,  anglais,  italiens,  espagnols  ou  provençaux,  se  sont 
incorporés  et  naturalisés  dans  notre  langue  de  telle  façon 

nis,  esper on,  éperon;  TELLE,  Mo,  nis,  félon;  flascha,  flasco,  nis,  flacon; 
FANO,  fano,  nis,  fanon;  haver,  havero,  nis,  haveron,  avoine  sauvage,  etc. 

Celtique  :  BAS  ou  bat,  basto,  nis,  haston,  bâton;  houc'h,  coucho,  nis, 
cochon;  pikc,  pincio,  nis,  pmson;  mult,  multo,  nis,  anciennement  Wiu/ton^ 
aujourd'hui  mouton,  etc. 

Les  verbes  germaniques,  en  se  latinisant,  remplacèrent  leurs  flexions  an, 
en,  (m,  par  les  terminaisons  latines  are,  ère  ;  et  la  flexion  jan  par  la  termi- 
naison ire.  Bœtan,  bctare,  béter,  anciennement  faire  mordre;  krachôn, 
craquare,  craquer;  furbjan,  furbire,  fourbir;  warôn,  warare,  garare,  ga- 
rer; HAPPAN,  happare,  happer;  hasten,  hastare,  haster,  hâter;  sazjan, 
saisire,  saisir;  trinkan,  trinquare,  trinquer;  treffen,  treffare,  trovare, 
trouver,  etc. 

Les  verbes  celtiques  se  modifièrent  ^'une  manière  analogue.  Kolpa, 
v/colpare,  anciennement  colper,  aujourd'hui  couper;  germi,  germentare, 
guermenter;  luska,  luscare,  loscher,locher;  rebecha,  rebechare,  rabachare, 
rabâcher,  etc. 

Des  mots  germaniques  se  combinèrent  avec  des  prépositions  et  autres 
particules  latines  pour  former  des  composés.  La  préposition  de,  jointe  à 
SCYRIAN,  donna  desciriare,  deschirer,  déchirer;  la  préposition  e  ou  ex,  avec 
FREis,  forma  efi'reium,  effroi;  avec  krazô:s,  ecratiniare,  egratiniare,  égratù- 
gner;  la  particule  re,  avec  nûffeln,  renuflare,  reniflare,  renifler;  re  et 
ad,  avec  dotten,  radotare,  radoter,  etc. 

Le  celtique  gob,  bouche,  forma,  avec  de,  le  composé  degobilliarc,  dego- 
biller;  in,  joint  à  tama,  couper,  donna  intamarc,  entamer,  etc. 

Les  diminutifs,  les  fréquentatifs  et  autres  dérivés  furent  tous  formés 
d'après  l'analogie  latine,  ainsi  qu'on  pourra  s'en  convaincre  en  parcourant 
le  recueil  des  mots  dérivés  du  celtique,  ch.  n,  sect,  ii,  et  celui  des  dérivés 
du  germanique,  ch.  m,  sect.  u. 


INTRODUCTION.  47 

qu'il  n'est  pas  donné  à  tout  le  monde  de  reconnaître  ces 
intrus,  et  de  distinguer  sûrement  un  mot  francisé  d'avec  un 
mot  français. 

Du  reste,  les  mots  celtiques  et  germaniques  qui  reçurent 
ainsi  de  la  langue  latine  le  droit  de  naturalisation  restèrent 
toujours,  dans  le  vocabulaire  rustique,  en  nombre  bien  infé- 
rieur à  ceux  de  l'idiome  qui  les  avait  adoptés.  Si  l'on  en  ju- 
geait par  les  données  que  nous  fournissent  les  trois  monu- 
ments en  langue  d'oïl  antérieurs  au  xii®  siècle,  Télément  ger- 
manique ne  serait  entré  que  pour  un  quinzième  dans  la  for- 
mation de  notre  vocabulaire  primitif,  et  l'élément  celtique 
n'y  aurait  été  admis  que  pour  à  peu  près  un  quatre-vingt- 
deuxième,  tout  le  reste  aurait  appartenu  à  l'élément  latin. 
(Voir  à  cet  égard,  et  pour  plus  de  détails,  ch.  i,  sect.  VI.) 

Il  est  surtout  à  remarquer  que  nous  devons  à  des  primitifs 
latins  tous  ces  mots  qui  se  présentent  à  chaque  instant  dans  le 
discours,  et  qui  forment  pour  ainsi  dire  la  charpente  d'une 
langue;  tels  sont  :  les  pronoms,  les  adjectifs  possessifs,  dé- 
monstratifs et  numéraux,  l'article,  les  verbes  auxiliaires,  les 
prépositions,  les  conjonctions  et  les  principaux  adverbes.  Un 
idiome  quelconque  devra  toujours  reconnaître  pour  mère  la 
langue  qui  lui  aura  fourni  ces  différentes  espèces  de  mots, 
quel  que  soit,  du  reste,  le  nombre  des  termes  empruntés  qui 
soient  venus  grossir  son  vocabulaire.  C'est  ainsi  que  l'anglo- 
saxon  doit  être  considéré  comme  la  véritable  langue  mère  de 
l'anglais  moderne,  bien  qu'aujourd'hui  il  n'y  ait  tout  au  plus 
qu'un  tiers  des  mots  anglais  qui  soient  d'origine  anglo- 
saxonne,  les  deux  autres  tiers  étant  composés  presque  entiè- 
rement de  mots  provenus  directement  ou  indirectement  de 
la  langue  latine  '. 

1  Voir,  à  cet  égard,  un  travail  intéressant  fait  par  M.  Tommerel,  ayant 


m  PREMIÈRE  PARTIE. 

La  langue  d'oïl  doit  encore  au  latin  une  infinité  de  mots 
de  toute  sorte  servant  à  désigner  les  idées  les  plus  répandues, 
les  êtres  les  plus  connus,  les  objets  les  plus  usuels  et  les 
choses  les  plus  nécessaires  à  la  vie;  mais  il  lui  doit  surtout, 
et  à  peu  près  exclusivement,  les  mots  qui  ont  rapport  à  quel- 
qu'une des  facultés  supérieures  de  Tàme,  ceux  qui  repré- 
sentent les  nobles  sentiments  et  les  passions  généreuses,  les 
termes  d'art,  de  science,  de  littérature,  et  en  général  ceux 
qui  sont  l'expression  de  la  civilisation ,  de  la  culture  de 
l'esprit,  ou  qui  appartiennent  à  un  ordre  quelconque  d'idées 
relevées. 

Les  dérivés  du  celtique  offrent  généralement  un  contraste 
frappant  avec  la  dernière  espèce  de  mots  dont  je  viens  de 
parler;  car  ces  dérivés  n'expriment  pour  la  plupart  que  les 
idées  les  plus  communes,  les  plus  vulgaires,  et  quelquefois 
même  les  plus  triviales  et  les  plus  basses;  enfin  ce  «|bnt  les 
mots  que  l'on  trouve  le  plus  ordinairement  dans  la  ppuche 
du  peuple.  liCS  causes  d'où  résulte  ce  fait  doivent  êïi*e  attri- 
buées à  l'état  de  patois  oiî  était  tombée  la  langue  des  Gaulois, 
ainsi  que  je  l'ai  précédemment  démontré.  Toutes  les  fois 
qu'un  patois  se  trouve  parlé,  dans  un  pays,  concurremment 
avec  une  langue  littéraire  dominante,  si  les  gens  du  peuple, 
^  habitués  à  parler  ce  patois,  essayent  de  faire  usage  de  la  langue 
littéraire,  ils  mêlent  aux  mots  de  cette  langue  un  certain 
nombre  de  termes  usuels,  familiers,  vulgaires  et  souvent  gros- 
siers, qu'ils  empruntent  à  leur  idiome  habituel.  Comment 
pourrait-il  en  être  autrement?  D'un  côté,  ces  mots  patois  sont 
pour  eux  de  l'usage  le  plus  fréquent,  parce  qu'ils  répondent 
aux  nécessités  et  aux  habitudes  les  plus  constantes  de  leur 

pour  titre  Recherches  sur  la  fusion  du  franco-noimiand  et  de  l'anglo-saxon; 
Paris,  4844,  in-S". 


INTRODUCTION.  49 

genre.de  vie;  d'un  autre  côté,  ce  sont  précisément  les  ex- 
pressions dont  ils  connaissent  le  moins  les  équivalents  dans 
la  langue  dominante,  car  ce  sont  en  général  celles  qu'ils  en- 
tendent le  moins  souvent  sortir  de  la  bouche  des  gens  appar- 
tenant aux  classes  supérieures,  qui  font  un  usage  habituel  de 
cette  langue.  J'ajouterai,  pour  compléter  mon  observation, 
que  ces  derniers  eux-mêmes  ignorent  assez  ordinairement 
quels  sont,  dans  la  langue  littéraire,  les  équivalenîs  de  beau- 
coup de  termes  communs,  populaires,  triviaux  que  les  gens 
de  toute  classe  ne  se  font  pas  scrupule  d'emprunter  au  patois 
de  la  localité.  Leur  ignorance  à  cet  égard  provient  de  ce  que 
les  mots  de  cette  sorte  se  rencontrent  assez  rarement  dans 
les  auteurs,  dont  la  plupart  traitent  des  sujets  relevés;  et 
cependant  les  auteurs  sont  à  peu  près  les  uniques  maîtres 
chez  lesquels  on  puisse  apprendre  la  langue  littéraire  dans  des 
contrées  où  elle  est,  pour  ainsi  dire,  une  langue  étrangère. 

Les  faits  que  je  viens  d'avancer  ne  seront  certainement  pas 
contestés  par  le  voyageur  observateur  qui  aura  parcouru  nos 
diverses  provinces,  soit  celles  où  le  patois,  encore  en  usage, 
se  mêle  constamment  au  français,  soit  celles  où  le  patois, 
ayant  disparu  comme  idiome  particulier,  a  néanmoins  laissé 
des  preuves  manifestes  de  son  existence  passée  par  la  per- 
sistance de  certains  termes  qui  en  proviennent,  et  qui  ont 
été  conservés  dans  le  français  usité  parmi  les  gens  de  la 
même  province.  Quant  au  lecteur  qui  n'aurait  point  eu  l'oc- 
casion de  s'assurer  par  ses  propres  oreilles  de  l'exactitude 
de  mes  remarques,  il  pourrait  y  suppléer  en  parcourant 
quelques-uns  des  ouvrages  spéciaux  destinés  à  faire  con- 
naître aux  provinciaux  les  expressions  vicieuses  dont  ils  se 
servent,  et  principalement  à  leur  signaler  les  mots  provenant 
du  patois  dont  ils  font  usage  en  parlant  le  français.  Parmi  ces 


50  PREMIÈRE  PARTIE, 

ouvrages,  je  puis  indiquer  ici,  pour  le  Languedoc,  celui  de 
Desgrouais  ';  pour  la  basse  Provence,  celui  de  M.  Gabriéli^; 
pour  le  Dauphiné  et  la  haute  Provence ,  le  recueil  de 
M.  Rolland^;  pour  le  midi  de  la  France  en  général,  celui 
de  Sauger-Préneiif*\  pour  le  Lyonnais,  celui  de  Molard^\ 
pour  la  Lorraine  et  autres  provinces  du  nord-ouest,  celui 
de  Michel". 

Les  mots  patois  francisés  que  l'on  trouve  le  plus  fréquem- 
ment relevés  par  ces  auteurs  ont  généralement  rapport  aux 
occupations,  aux  habitudes  et  aux  idées  du  peuple,  à  ses 
sentiments,  à  ses  penchants,  à  ses  mœurs,  à  ses  divertisse- 
ments, à  son  genre  de  nourriture,  au  mode  d'habitation  qui 
lui  est  propre,  aux  vêtements  qui  lui  sont  particuliers  dans  les 
différentes  contrées,  aux  ustensiles  de  ménage  et  autres  d'un 
usage  commun,  à  l'agriculture,  aux  animaux,  surtout  aux  ani- 
maux domestiques,  aux  bêtes  de  somme  et  au  bétail;  aux  dif- 
férentes maladies,  et  spécialement  aux  maladies  de  la  peau 
que  la  malpropreté  engendre  si  communément  parmi  les  gens 
de  la  basse  classe,  aux  diverses  parties  du  corps  humain,  par- 
ticulièrement à  celles  que  la  décence  ne  permet  pas  de  laisser 
à  découvert,  et  que  souvent  elle  ne  permet  pas  même  de 

*  Les  Gasconismes  corrigés,  par  Desgrouais,  professeur  au  collège  royal; 
Toulouse,  1748,  in-S». 

^  Le  Manuel  des  Provençaux,  ou  les  Provençalismes  corrigés,  par  Ga- 
briel!; Marseille,  1836,  in-12. 

^  Dictionnaire  des  expressions  vicieuses  et  des  fautes  de  prononciation  les 
plus  communes  dans  les  Hautes  et  Basses-Alpes,  par  M.  Rolland;  Gap, 
1810,  in-S". 

*  Dictionnaire  des  locutions  vicieuses  usitées  dans  le  midi  de  la  France, 
par  Sauger-Préneuf;  Paris,  1827,  in-8°. 

*  Le  mauvais  langage  corrigé,  par  M.  Molard,  4^édit.  Lyon,  1810,  in-12. 
'  Dictionnaire  des  expressions  vicieuses  usitées  dans  un  grand  nombre 

de  départements,  et  notamment  dans  la  ci-devant  province  de  Lorraine,  par 
J.-F.  Michel;  Nancy,  1807,  in-8». 


INTRODUCTION.  51 

nommer;  enfin  aux  excréments,  soit  de  l'homme,  soit  des 
animaux. 

Un  fait  très  digne  de  remarque,  c'est  que  les  mots  cel- 
tiques qui  passèrent  dans  le  latin  rustique,  et  de  celui-ci  dans 
la  langue  d'oïl,  appartiennent  à  peu  près  exclusivement  à  ces 
mêmes  ordres  d'idées,  ont  trait  à  de  pareils  objets  et  à  de 
semblables  habitudes. 

Mots  d'origine  celtique. 

Termes  relatifs  à  l'agriculture,  à  la  terre,  à  l'état,  la  nature, 
la  configuration  et  les  divers  accidents  du  terrain,  aux  cours 
d'eau,  aux  substances  minérales  et  métalliques,  aux  végétaux; 
mots  servant  à  désigner  des  arbres,  des  arbustes,  des  niantes, 
leurs  fruits,  leurs  fleurs,  les  parties  qui  les  composent,  etc.  : 
aluine,  anciennement  absinthe;  arpent,  bar,  autrefois  fange; 
bétolne,  bille,  pièce  de  bois;  bouleau,  bran,  anciennement  son  ; 
brance,  sorte  de  froment;  branche,  bray,  autrefois  boue;  hroil, 
anciennement  taillis;  brout  et  broutille,  bruyère;  carrière,  cep, 
combe,  autrefois  vallée;  coquelicot,  drylle,  chêne  femelle; 
dune,  monticule  au  bord  de  la  mer;  fagot,  gaule,  glai,  ancien- 
nement verdure;  glane,  gloe,  autrefois  menu  bois,  menues 
branches;  glui,,  anciennement  javelle;  grès,  grève,  guède, 
plante  tinctoriale  ;  guéret,  guirlande,  feston  de  fleurs  •,jorroise, 
anciennement  sorte  de  prunelle;  larris ,  autrefois  lande; 
marne,  mine,  motte,  noe  ou  noue,  petit  cours  d'eau  ;  palet,  pan, 
autrefois  contrée;  peautre,  anciennement  étam;  penne  etpen- 
nette,  autrefois  colline;  pioche,  plâtre,  ratin,  anciennement 
fougère;  rigole,  roc,  ruche,  samole,  plante;  soc_,  lan,  écorce  de 
chêne;  tasse,  anciennement  touiîe  d'arbres;  turet,  autrefois 
monticule;  verne,  arbre  nommé  aujourd'hui  aune. 

Mots  servant  à  désigner  des  animaux  domestiques  et  autres; 


52  PREMIÈRE  PARTIE, 

termes  relatifs  au  bétail,  aux  troupeaux,  aux  bêtes  de 
somme,  aux  chevaux,  etc.  :  alouette,  brian,  anciennempnt 
ciron ;  canco//e,  autrefois  hanneton;  claie  de  \iarc  ;  clnvelée, 
cochon,  coq,  dia,  mot  dont  se  servent  les  charretiers  pour 
faire  déiourner  leurs  chevaux;  escache,  mors  de  cheval; 
e.ycoii^e,  anciennement  milan  ;  es  courgée,  fouet',  étalon,  freux, 
sorte  de  corneille;  furet,  geai,  goéland,  gourme,  gourmette, 
^ourna/,  anciennement  poisson  que  nous  nommons  aujourd'hui 
rouget  ;  graisset,  sorte  de  grenouille;  hobereau,  oiseau  de  proie; 
jars,  oie  mâle;  loche,  poisson;  mâtin,  gros  chien  ;  mouchet,  oi- 
seau de  proie  ;  mouton,  pinson^  trot,  truie,  turbot,  veltre,  an- 
ciennement lévrier. 

Mots  relatifs  au  corps  de  l'homme  et  des  animaux,  à  leurs 
membres,  aux  diverses  parties  dont  ils  sont  composés,  à  leurs 
divers  états,  àleur  âgr-,  à  leurs  actions  principales,  à  leurs  fonc- 
tions vitales,  à  leurs  sécrétions,  à  leurs  excréments,  à  leurs 
maladies,  à  leurs  infirmités,  à  leurs  incommodités,  etc.  :  ba- 
chelier, anciennement  jeune  garçon;  baillet,  autrefois  cheval 
ayant  une  tache  blanche  au  front;  bane,  anciennement  corne; 
bave,  bouse,  boyau,  braire,  breton,  autrefois  rot,  flatuosité  qui 
s'échappe  par  la  bouche;  cas,  mot  familier  signifiant  excré- 
ment; cheminer,  clavelée,  darne,  tranche  de  poisson;  dégohiller, 
échine,  escrache,  anciennement  gale,  maladie  de  la  peau  ;  es- 
craffe,  autrefois  coquille  ;  estalles,  anciennement  tesiicules  • 
fou,  gale,  maladie  de  la  peau  :  gazouiller,  gigot,  glaire,  ha- 
leine, jambe,  jarret,  lagagne,  anciennement  chassie;  longe, 
partie  du  veau  et  du  cerf;  y^au^/'e,  autrefois  gros  garçon;  rache, 
ancinnemenl  gale,  maladie  de  la  peau;  teigne,  maladie  de  la 
peau;  teton,  tic,  torche,  fiente  des  bétes  fauves  à  demi  formée  ; 
tripe,  valet,  autrefois  jeune  homme  ;  vit,  membre  viril. 

Mots  relatifs  aux  bonnes  et  aux  mauvaises  qualités  de  Tes- 


INTRODUCTION.  53 

prit  et  du  corps,  aux  impressions  produites  sur  l'âme,  aux 
sentiments,  aux  passions,  aux  penchants,  aux  goûts,  aux  habi- 
tudes, aux  mœurs,  aux  divertissements,  à  la  danse,  à  la  musi- 
que, etc.  :  abrivéj  autrefois  vif,  impétueux  ;  ar.  ogant,  atainey 
anciennement  querelle;  bade^  autrefois  discours  fiivole,  bali- 
verne; barat,  anciennement  tromperie  ;  barguigner^  autiefois 
marchander;  bourde,  anciennement  menterie;  brusque,  ca- 
vole,  ancienne  sorte  de  danse;  coint  ^  anciennement  gentil, 
aimable ,  agréable  ;  danse ,  dorloter^  dru ,  hardi ,  vif,  alerte  ; 
ébaubi,  e?iganer,  anciennement  tromper;  fringuer,  autrefois 
danser;  galant,  anciennement  gaillard;  gobe,  anciennement 
hâbleur ,  vantard  ;  gober,  gogue ,  autrefois  plaisanterie,  d'où 
goguenard  ;  gourmand,  grignoter,  guermenter,  anciennement 
se  lamenter;  hait^  anciennement  plaisir,  satisfaction;  hatir, 
autrefois  quereller;  hide,  anciennement  frayeur  ;  viiste,  an- 
ciennement gentil,    propret,  bien  mis;    moquerie,   morgue, 
orgueil,  rabâcher,  rabardel,  sorte  de  chant;  rogue,  rotle,  an- 
cien instrument  de  musique  à  cordes;  sale,  sorner,  ancien- 
nement railler;  souhait,  tabut,  autrefois  tapage,  vacarme,  que- 
relle; tache,  anciennement  bonne  ou  mauvaise  qualité;  talent, 
autrefois  propension  de  l'esprit;  te' Ion ,  ancienne  sorte   de 
harpe  ;  trimer,  marcher  vite  et  avec  fatigue  ;  trôler,  aller  çà  et 
là  ;  trompe  et  trompette . 

Mots  relatifs  aux  ustensiles,  aux  vases,  aux  outils,  aux 
instruments,  aux  armes  offensives  et  défensives,  ou  à  quel- 
ques-unes des  parties  qui  composent  ces  objets;  expressions 
qui  ont  trait  à  des  choses  serv;.nt  à  des  usages  domestiques  et 
habituels,  à  certaines  occupations  et  actions  manuelles,  à  des 
métiers, etc.  :  bahequin,  autrefois  soufflet  pour  allumer  le  feu; 
ballai,  baril,  bâton,  bene!,  anciennement  chariot;  bertauder, 
autrefois  tondre  ;  broche^  charrée,  claie,  coche,  couper,  drowne, 


54  PREMIÈRE  PARTIE, 

havresac  de  chaudronnier  de  campagne;  écheveau^  escache, 
mors  de  cheval  ;  escourcjée,  fouet;  gieser,  sorte  d'ancien  jave- 
lot; gùnblet,  anciennement  vrille;  gobelet,  goy^  autrefois  cou- 
peret; hanouar,  anciennement  porteur  de  sel  ;  hart,  autrefois 
Iien;ya/e,  anciennement  seau,  baquet;  lancCyinalras^  autrefois 
gros  trait  d'arbalète;  magnan,  anciennement  chaudronnier; 
mortaise j  pairol,  autrefois  chaudron  ;  pavois  et  pavesche,  sorte 
d'ancien  boucWer  ',  picotin,  ruche,  soc,  torche,  bouchon  de  paille 
à  Tusage  des  maçons;   tréteau ,  trieule ,  anciennement  poulie. 

Termes  relatifs  aux  vêtements  et  aux  parties  qui  les  com- 
posent, à  la  manière  de  s'habiller,  aux  ajustements,  à  la  pa- 
rure, etc.  :  bagage^  barrette,  bonnet  ;  bijou,  botte,  chaussure  ; 
bouge  et  bougette,  anciennement  bourse;  bragard,  autrefois 
bien  vêtu,  élégamment  paré;  braie,  casaque,  drille,  ancienne- 
ment haillon,  guenille, loque  ;  gone  et  gonelle,  sorte  d'ancienne 
casaque;  gousset,  mwfe,  anciennement  bien  mis,  bien  vêtu,  pro- 
pret; mitaine,  saie,  sorte  d'ancienne  casaque;  tacon,  autrefois 
pièce  que  l'on  met  a  un  soulier;  toque,  bonnet;  trousseau. 

Mots  relatifs  à  l'habitation,  à  la  demeure,  k  la  maison,  aux 
parties  qui  en  dépendent  ou  qui  entrent  dans  sa  construction, 
aux  voies  de  communication,  etc.  :  balet,  sorte  d'ancienne  ga- 
lerie couverte  ;  baraque,  brique,  cabane,  carrière,  lieue,  plâtre, 
route,  rue,  solive. 

Mots  relatifs  à  la  nourriture ,  aux  aliments ,  aux  bois- 
sons, etc.  :  boudin,  cervoise,  anciennement  bière;  darne,  tran- 
che de  poisson;  crêpe,  sorte  de  pâte  frite;  gâteau,  gigot,  gobelet, 
lèche,  lie,  longe,  partie  de  veau  ou  de  cerf;  mègue,  ancienne- 
ment petit-lait;  tourte,  tripe. 

Mots  servant  à  exprimer  diverses  idées,  lesquels  n'ont  pu 
trouver  place  dans  aucune  d^s  classifications  précédentes  :  bas, 
profond;  brouiller,  bruit,  chôme),  druge,  autrefois  tapage;  en- 


INTRODUCTION.  55 

tamer,  galerne,  vent  du  nord-ouest;  hâle  du  soleil  ;  hardée^ 
anciennement  paquet;  haret,  autrefois  bord;  /larf,  ancienne- 
ment gris;  locher,  pièce ^  plonger,  raie,  rang,  sorte,  suie,  tas, 
trou. 

Si  nous  examinons  avec  la  même  attention  les  mots  que 
nous  a  fournis  la  langue  germanique,  nous  trouverons  qu'un 
bon  nombre  d'entre  eux  révèlent  des  occupations,  des  liabi- 
tudes,  des  mœurs  et  des  usages  fort  (iiffér'nts  de  ceux  qui 
nous  ont  été  révélés  par  les  dérivés  celtiques.  On  s'aperçoit 
qu'il  ne  s'agit  plus  de  gens  relégués  dans  les  derniers  rangs  de 
la  société;  les  (iermains  étaient  des  barbares,  il  est  vrai,  mais 
c'étaient  des  barbares  victorieux,  conquérants  et  dominateurs. 
Avant  tout,  ces  fiers  enfants  du  Nord  étaient  des  hommes  de 
guerre,  avides  de  [àllage  et  de  butin.  Une  partie  d'entre  eux, 
non  cont(  nts  des  excursions  qu'ils  faisaient  chez  leurs  voisins, 
allaient  porter  au  loin  les  ravages  et  la  dévastation  au  moyen 
delà  piraterie  qu'ils  exerçaient,  soit  sur  les  côtes"  de  l'Océan, 
soit  le  long  du  rivage  des  fleuves.  Mais,  après  leur  établisse- 
ment dans  les  Gaules,  ce  fut  pour  eux  une  nécessité  de  mettre 
un  frein  à  leur  rapacité  et  à  leurs  brigandages;  ils  sentirent  le 
besoin  de  s'imposer  des  lois  à  euxrmêmes,  afin  de  donner 
quelque  garantie  d'ordre  et  de  stabiliié  à  leur  nouvelle  con- 
quête. Lorsque  la  guerre  cessa  d'être  pour  eux  un  moyen 
suffisant  d'existence  et  une  source  abondante  de  richesses, 
beaucoup  d'entre  eux  furent  obligés  de  s'adonner  à  l'agricul- 
ture et  au  soin  des  troupeaux;  mais  ce  ne  fut  qu'à  regret,  car, 
après  le  maniement  des  armes,  leurs  exercices  favoris  étaient 
les  courses  à  cheval,  la  chasse  et  'a  pêche.  Les  plaisirs  qui 
avaient  le  [dus  de  charme  pour  eux  étaient  h'  bonne  chère,  le 
vin,  les  femmes  et  les  débauches  de  toute  sorte.  Une  quantité 
considérable  de  mots  germaniques  qu'ils  firent  passer  dans  la 


56  PREMIÈRE  PARTIE, 

langue  latine,  el  qui  sont  arrivés  jusque  dans  la  nôtre,  confir- 
ment à  tous  cgards  les  rapports  que  nous  a  conserv«3S l'histoire. 
Ces  mots  sont  relatifs  à  la  guerre,  à  la  navigation  ',  a.  la  légis- 

*  Il  est  possible  que  plusieurs  de  ces  termes  nous  viennent  des  Francs, 
et  particulièrement  des  Francs  Ripuaires,  assez  adonnés  à  la  navigation; 
mais  je  suis  convaincu  que  la  plus  grande  partie  nous  ont  élé  fournis  par 
les  pirates  normands  qui,  dans  le  ix^  et  le  x^  siècle,  s'établirent  dans  le 
nord-ouest  de  la  Gaule.  Les  Normands  paraissent  avoir  conservé  pendant 
quelque  temps  l'usage  de  leur  langue  nationale,  principalement  ceux  qui, 
habitant  le  voisinage  de  l'Océan ,  pouvaient  avec  le  plus  de  facilité  se  livrer 
à  la  piraterie.  Du  temps  de  Guillaume  Longue-Épée,  le  danois,  qui  n'était 
plus  guère  parlé  à  Rouen,  était  la  langue  la  plus  généralement  usitée  à 
Bayeux.  Aussi  ce  duc  voulut-il  que  son  ûU  Richard  fût  élevé  dans  cette 
dernière  ville,  afin  que  le  jeune  prince  pût  facilement  apprendre  la  langue  de 
ses  ancêtres,  qui  était  encore  celle  d'un  grand  nombre  de  ses  futurs  sujets;  il 
pensait  d'ailleurs  que  cette  langue  pouvait  faciliter  à  son  fils  les  moyens  d'en- 
tretenir des  rapports  d'alliance  et  d'amitié  avec  les  princes  du  Danemark. 
Dudon  de  Saint-Quentin,  qui  nous  a  transmis  ce  fait,  met  les  paroles  sui- 
vantes dans  la  bouche  de  Guillaume  Longue-Épée  :  «  Quoniam  quidem  Ro- 
thomagensis  civitas  romana  potius  quam  dacisca  utitur  eloquentia,  et  Ba- 
jocaceiisis  fruitur  frequentius  dacisca  lingua  quam  romana;  volo  igitur  ut 
ad  Bajocacensia  deferatur  quantocius  mœnia,  et  ibi  volo  ut  sit,  Botho,  sub 
tua  custodia,  et  enutriatur  et  edocetur  cum  magna  diligentia,  fervens  lo- 
quaàtate  dacisca,  tamque  discens  tenaci  memoria,  ut  queat  sermocinari 
profusius  olim  contra  Dacigenas.  (Dudo  S.  Quantini,  apud  du  Chesne, 
412,  D.) 

Ce  passage  se  trouve  confirmé  par  Benoit  de  Sainte-Maure,  dans  la  Chro- 
nique des  ducs  de  Normandie  ; 

Si  a  Roem  le  faz  garder 

Et  norrir  gaires  longemeui, 

Il  ne  saura  parlier  neient 

Daneis,  kar  nul  ne  Vi  parole. 

Si  voil  qu'il  selt  a  tcle  escole 

Où  l'en  le  sache  endoctriner 

Que  as  Daneis  sache  parler. 

Ci  ne  sevent  riens  fors  romanz  ; 

Mais  à  Baiues  eu  a  tanz 

Qui  ne  sevent  si  duiieis  non; 

Et  pur  ceo,  sir  quens  Bolon, 

Voil  que  vos  Taiez  ensemble  od  vos; 

De  lui  enseigner  corius 

Garde  e  maistrc  sciez  de  lui. 

{Ckiv>t.  det  ducs  Je  Sorm.,  t.  !, p. 479  MO.) 

Le  moi  ilotte,  qui  nous  est  recté,  était  un  mot  de  la  langue  des  Nor 


INTRODUCTION.  57 

lation  barbare,  à  l'agriculture,  à  réquitation,  à  la  chasse,  à  la 
pêche,  k  la  bonne  chère,  aux  débauches  et  au  libertinage. 

Nous  remarquerons,  en  outre,  beaucoup  de  termes  qui  peu- 
vent fournir  quelques  clartés  sur  la  manière  dont  les  barbares 
étaient  habitués  à  se  vêiir  et  a  se  nourrir,  sur  leur  genre  d'ha- 
bitation, sur  leurs  meubles  et  leurs  ustensiles,  sur  leurs  délas- 
sements, sur  leurs  superstitions,  sur  leur  caractère,  leurs  pen- 
chants, leurs  bonnes  et  leurs  mauvaises  qualités,  leurs  défauts 
et  leurs  vices;  beaucoup  d'autres  expressions  ont  traitàFhomme 
et  aux  animaux,  à  leurs  facultés  et  à  leurs  fonctions  vitales,  aux 
végétaux  tt  aux  couleurs  ;  enfin,  un  grand  nombre  de  dérivés 
germaniques  s'appliquent  à  des  idées  de  toute  espèce  qui  ne 
se  prêtent  guère  à  la  classification.  On  doit  particulièrement 
remarquer,  parmi  ces  mots,  plusieurs  expressions  qui,  ayant 

mands,  ainsi  que  nous  l'apprend  l'historien  Glaber:  «Clam  egrediens  ad 
praedictam  Norraanorum  gentem,  illis  tantummodo  primitus  adhaesit  qui  assi- 
due raptui  servientes,  victum  caeteris  ministrabantquos  etiam  illi  communiter 
flottam  vocant.  »  (Liv.  I,  ch.  v.)  Glaber  parie  des  détachements  qui  allaient 
piller  le  pays  pour  fournir  des  subsistances  à  la  flotte  normande  qui  rava- 
geait les  côtes.  —  Ce  serait  une  erreur  de  croire,  avec  certains  auteurs,  que 
presque  tous  nos  termes  de  navigation  nous  ont  été  fournis  parles  Anglais. 
Je  ne  disconviens  pas  qu'ils  ne  nous  en  aient  fourni  quelques-uns;  mais  il 
est  à  remarquer  que  la  plupart  de  ces  termes  existaient  déjà  dans  notre 
langue  au  xn«  et  au  xni*  siècle,  ainsi  qu'on  peut  s'en  convaincre  en  par- 
courant nos  écrivains  de  cette  époque,  dont  j'ai  reproduit  quelques  passages 
dans  mon  recueil  des  mots  dérivés  du  germanique,  aux  articles  Est,  Ralin- 
gue, Esturman,  Gurdingue,  Hel,  Esnesque,  etc.  On  peut  encore,  à  cet  égard, 
consulter  avec  fruit  l'Archéologie  navale  de  M.  Jal.  La  marine  anglaise 
n'avait  pas,  avant  le  xu^  siècle,  l'extension  qu'elle  a  prise  plus  tard,  et  l'An- 
glais ne  pouvait  nullement  nous  imposer  ses  termes.  Je  serais,  au  contraire, 
assez  disposé  à  croire  que  plusieurs  de  nos  mots  relatifs  à  la  navigation  ont 
été,  comme  tant  d'autres,  importés  en  Angleterre  par  les  compagnons  de 
Guillaume  le  Conquérant.  Enfin  on  peut  observer  que  beaucoup  de  ces  mots 
se  rapprochent  bien  plus  du  danois  ou  du  suédois  que  de  l'anglais  ou  de 
l'anglo-saxon;  les  primitifs  de  plusieurs  d'entre  eux  manquent  complète- 
ment, .dans  ces  deux  dernières  langues,  tandis  qu'ils  se  retrouvent  dans  le? 
deux  premières. 


58  PREMIÈRE  PARTIE, 

dans  le  germanique  un  sens  indifférent, "ou  même  favorable, 
semblent  avoir  fourni  matière  à  la  malignité,  à  la  jalousie  et  à 
l'esprit  de  dénigrement  des  Gallo-Romains.  Ces  mots,  passés 
dans  le  latin  rustique  avec  une  acception  défavorable,  sont 
arrivés  jusqu'à  nous, qui  les  prenons  encore  en  mauvaise  part, 
ou  les  employons  par  dérision  ou  par  moquerie. 

Mots  d'origine  germanique. 

Termes  relatifs  à  la  guerre,  aux  combats,  aux  armes  et  a  leur 
maniement  :  adouber,  armer  quelqu'un  chevalier;  algier^  sorte 
d'ancien  javelot;   baate,  autrefois  garde;  bagarre,  bannière, 
bander  un  arc;  beffroi,  ancienne  espèce  de  tour  roulante; 
beourd,  autrefois  choc  de  lances  ;   blinde,  terme  de  fortifi- 
cation;   berme,    bouclier,  boulevard,  bouzon,  anciennement 
gros  trait;  brand,  ancienne  sorte  de  glaive  ;  brandir,  bretecque, 
autrefois   palissade;   bricole f   ancienne   machine  de  guerre; 
fcy'oi^ne,  ancienne  sorte  de  cuirasse  ;  butin,  ca/;/er,  anciennement 
tailler  en  pjèces  ;  car^M0i5,  cembel,  autrefois  combat  partiel; 
champ,  anciennement  guerre  ;  cible  coiffe,  autrefois  sorte  de 
casque;  crane^um,  ancien  instrument  servant  a  banderL  s  arba- 
lètes; cuire  ou  cuivre, autrefois  carquois;  dague,  dard,  désarroi, 
dolequin,  sorte  d'ancien  poignard  ;  drille,  anciennement  soldat 
exercé  aux  manœuvres;  échalgaile,  anciennement  compagnie  de 
gens  de  guerre  chargés  de  faire  le  guet;  ^/^/ew,  escAac,  ancienne- 
ment butin;  eschive,  anciennement  donjon;  escrime,  escarmou- 
che, escarpe, esch  é/e,anciennementbataillon;  e^/m^ue, autrefois 
fronde;  esparre,  ancienne  sorte  de  javelot,  pique;  espringarde, 
ancienne  machine  de  guerr»';  esioc,  estor,  anciennement  com- 
bat, mêlée;  estramaçm,  fanon,  flèche, fin,  pierre  pour  fourbir 
les  épées;/our6/r,  fuerre,  anciennement  fourreau  d'épée;  gain, 
autrefois  butin  remporté  sur  les  ennemis  (voir  ce  mot  dans  le 


INTRODUCTION.  59 

recueil  des  dérivés  germaniques,  chap.  m,  sect.  ii);  gamboison, 
ancienne  sorte  de  pourpoint  rembourré  servant  de  cuirasse; 
^we/t/f^anciennement  compagnie  de  gens  de  guerre  -,  guiche,cour. 
roie  servant  à  fixer  le  bouclier  au  bi  as  du  combattant  ;  gonfanon, 
autrefois  étendard;  guerre,  guefy  guimple,  anciennement  ban- 
derole, cornette;  hallebarde,  hampe,  hmcère,  autrefois  poignée 
d'une  épée;  hanac^,  anciennement  sorte  de  poignard;  hansart, 
anciennement  javelot;  hante,  autrefois  manche  d'uneballebarde; 
hardi,  anciennement  aguerri,  brave  dans  les  combats  (voir  ce 
mot  parmi  les  dérivés  germaniques,  chap.  m,  sect.ii);  haubert, 
heaume,  h  It,  anciennement  gai  de  d'épée  ;  héraut,  herberge, 
autrefois  campement  militaire;  hère,  anciennement  armée;  Ao- 
guema»,  anciennement  chef,  capitaine;  javeLt,  maréchal,  officier 
militaire;  pelfre,  autrefois  butin;  rapière j  renge,  autrefois  an- 
neau servant  à  supporter  l'épée;  rcse,  anciennement  expédi- 
tion militaire;  ribaud,  autrefois  soldat  d'avant-garde,  rundache, 
sorte  d'ancien  bouclier;  route,  anciennement  compagnie  de 
gens  de  guerre  ;  sac,  pillage  complet  d'une  ville  :  sahs,  ancien- 
nement coutelas;  saqueman,  autrefois  pillard;  targe,  sorte 
d'ancien  bouclier;  trêve,  wigre,  sorte  d'ancienne  pique. 

Termes  relatifs  à  la  navigation,  à  la  marine,  à  la  mer,  aux 
fleuves,  aux  rivières,  aux  cours  d'eau  en  général,  etc.  :  affalé, 
agrès,  amarre,  anspect,  avarie,  bâbord,  bac,  baie,  baille,  balast, 
balise,  baigue,  bateau,  bau,  baudequin,  beaupré,  bélandre,  bergue, 
berne,  bief,  autrefois  cours  d'eau  ;  bitte,  bomerie,  bord  d'un  na- 
vire; bosscman,  bouée,  bouline,  bout  employé  pour  proue; 
bressin,  brin,  anciennement  bord  d'une  rivière;  brise,  bru, 
autrefois  ruisseau;  biœe,  anciennement  petite  barque;  cale, 
canot,  câpre,  chaloupe,  cingler,  clamp^  coche,  crique,  crâne,  dérive, 
digue,  dogre^  drague,  drenc,  drosse ,  ébe,  écore,  écoupe ,  écoute, 
,  élingue,  épisser,   eschipre,  anciennement  matelot;  emesque, 


60  PREMIÈRE  PARTIE. 

espars,  esqxiif\  est,  estrope,  estière,  anciennement  gouvernail  ; 
eslurmariy  étambot,  étrain^  étrave,  falaise,  faubert,  foc,  frégate, 
flaque  d'eau, flotte,  fret,  gréer,  gurdingue,  anciennement  cargue  ; 
haler,  hamac,  haubans,  havre,  hel,  héler,  heus ,  ancien 
navire  de  transport;  hisser,  houle,  houpée,  hulot,  hune,  lama~ 
neur,  last,  lège,  lest,  lof,  louvoyer,  luzin,  mât,  merlin,  nord, 
ouest,  paise,  anciennement  baie;  pilote, pinque,  quèche,  quille 
de  navire;  rahans,  racage,  rade,  ragué,  ralingue,  ras  de  marée, 
récif t  rin,  autrefois  source;  ris,  semaque,  senauj  stangue,  sud, 
tarir,  tide,  anciennement  marée;  tillac,  tolet,  touer,  tribord, 
vague, varangue,varech,voguer.  Plusieurs  de  ces  mots  ne  sont 
plus  employés  aujourd'hui;  voir  pour  leur  signification  le 
recueil  des  mots  d'origine  germanique,  ch.  m,  sect.  ii. 

Mots  relatifs  à  la  législation,  à  la  condition  sociale  de 
rbomme,  à  la  constitution  de  la  famille,  à  la  justice,  aux  fonc- 
tions publiques,  à  l'état  politique  de  la  nation,  à  Tadministra- 
tion,  aux  monnaies,  aux  poids  et  mesures,  etc.  :  alleu,  ambas- 
sadeur, arban,  autrefois  corvée;  orramir,  anciennement  s'en- 
gager à  comparaître  en  justice;  fean,  èeJeflu,  autrefois  appa- 
riteur, huissier;  bers  ou  baron,  anciennement  homme  libre  et 
de  bonne  condition;  bigre,  anciennement  garde  forestier; 
bru,  bruman,  autrefois  gendre;  chopine,  deeme,  anciennement 
servante;  échevin,  édel,  noble;  échiquier,  autrefois  cour  de 
justice  où  Ton  jugeait  les  affaires  relatives  au  fisc;  empan, 
enheudé,  terme  de  coutume  [yoir  ce  mot  parmi  les  dérivés 
germaniques,  cbap.  m,  sect.  Il);  escalin,  ancienne  monnaie; 
esclate,  autrefois  race;  essoine ,  anciennement  empêche- 
ment de  comparaître  en  justice;  esteu,  ancienne  mesure  de 
capacité;  estrique,  anciennement  bâton  que  l'on  passait  sur  la 
mesure  pour  en  faire  tomber  le  grain  excédant  \  J'aide,  autre- 
fois droit  de  vengeance  exercé  sur  la  personne  d'un  meurtrier 


■^INTRODUCTION.  61 

parles  parents  de  sa  victime  ;/J?r/m,  ancienne  monnaie  ;/erfon, 
anciennement  la  quatrième  partie  du  marc;  fief,  frais,  dépense 
qu'entraîne  la  perte  d'un  procès; /ranc,  libre;  froiichine,  an- 
ciennement servante;  gabelle,  gage,  garant,  gazaillCf  autrefois 
association;  ^rome,  anciennement  valet;  Aanse,  autrefois  so- 
ciété de  marchands;  haro,  anciennement  cri,  clameur  pour 
appeler  au  secours  en  poursuivant  un  malfaiteur,  ou  bien 
pour  réclamer  justice;  havée,  ancien  droit  seigneurial; 
hovir,  anciennement  fermier;  leudes,  autrefois  vassaux;  ma- 
cagne ,  autrefois  puissant;  mainbour,  anciennement  tuteur, 
curateur;  marc,  poids;  marcAe, anciennement  frontière;  mar- 
quis, meutre,  nam,  anciennement  gage  donné  par  le  débiteur; 
opdalie,  épreuves  du  jugement  de  Dieu;  pinte, pleige,  autieiois 
caution;  racaille,  rhin,  anciennement  anneau  servant  à  don- 
ner l'investiture  ;  riche,  outre  l'acception  qu'il  a  aujourd'hui, 
ce  mot  signifiait  autrefois  puissant;  saisir,  anciennement 
mettre  quelqu'un  en  possession  de  quelque  chose;  scaphion, 
autrefois  voleur;  sénéchal,  utlage,  autrefois  proscrit. 

Mots  relatifs  à  l'agriculture,  au  sol,  aux.  troupeaux,  aux 

bêtes  de  somme,  etc.  :  badille,  anciennement  hoyau;  barde, 

autrefois  sorte  de  bât;  beser,  se  disait  autrefois  des  vaches 

qui,  piquées  par  les  mouches,  se  mettent  à  courir;  blé,  bois, 

borne,   bracque ,  anciennement  jachère;  drageon,   épeautre, 

esfowte/,  autrefois  aiguillon  pour  piquer  les  bœufs;  haie,  j'aide, 

anciennement  bercail;  yba/c,  autrefois   troupeau; /oM/rcr^e, 

jrésange,  anciennement  jeune  porc;  gain(vo\r  ce  mot  parmi  les 

dérivés  germaniques,  chap,  m,  sect.  ii)  ;  gaud,  anciennement 

forêt;  gazon,  gerbe,  glaise,  houe,  jardin,  javelle,  marais,  rase, 

autrefois  canal,  fossé;  rouir,  saper,  anciennement  piocher; 

tige,  troupeau. 

Termes  concernant  l'équilation,  et  expressions  relatives  au 


62  PREMIÈRE  PARTIE, 

cheval  :  bride,  croupe,  éperon,  eslrac,  ancien  terme  de  manège  ; 
étamper ,  étrier,  galop,  gulledin ,  cheval  hongre  ;  haguenée, 
housse,  maréchal  ferrant,  rosse,  train. 

Termes  relatifs  a  la  chasse,  à  la  fauconnerie  et  àToisellerie; 
mots  servant  à  désigner  divers  oiseaux,  divers  gibiers,  etc  : 
agasse,  autrefois  pie  ;  aigrette,  sorte  de  héron  ;  bauge,  lit  fan- 
geux du  sanglier;  berser,  anciennement  chasser  k  Tare;  biche, 
braquCf  sorte  de  chien  ;  caille,  chamois,  chouette,  clapier,  élan, 
émérillon,  épervier,  épois  ,  cors  pointus  des  perches  du  cerf; 
gans,  anciennement  oie  sauvage;  garenne,  gerfaut,  goire,  an- 
ciennement sorte  d'oiseau  de  proie;  grifau,  autrefois  oiseaux 
de  proie  en  général;  halbran,  anciennement  jeune  canard 
sauvf«ge;  harde,  troupe  de  bêtes  fauves;  hall,  autrefois  repaire; 
hase,  femelle  du  lièvre;  hibou,  hulotte,  trou  de  lapin;  leurre, 
mésange,  moineau,  mouette,  pimon,  trappe,  piège;  trâle,  sorte 
de  grive. 

Mots  relatifs  à  la  pêche,  ou  servant  à  désiguer  des  poissons, 
des  crustacés,  des  coquillages,  etc.  :  alose,  anchois,  brème, 
buckjol,  anciennement  hareng  ;  carpe,  dogre,  éperlan,  estur- 
geon, flet,  hareng,  homard,  lamproie,  plie,  welque,  autrefois 
sorte  de  coquillage. 

Mots  relatifs  à  la  nourriture,  aux  aliments,  aux  boissons,  à 
la  bonne  chère,  au  plaisir  de  la  table  et  à  celui  des  femmes, 
aux  débauches,  au  libertinage  :  bâfrer,  bacon,  an(  iennement 
chair  de  porc;  barnesse,  anciennement  femme  débauchée; 
bière,  bordel,  brais ,  autrefois  orge  préparée  pour  faire  la 
bière;  brandevin,  hrinde,  coup  bu  à  la  santé  de  quelqu'un  ; 
chanteau,  chinquer,  anciennement  boire  beaucoup;  godailler, 
faire  une  orgie;  drèche,  orge  fermentée  pour  faire  la  bière  ; 
échanson,  flan,  fiiche ,  anciennement  quaitier  de  pcîrc  salé; 
gaufre,  giest,  anciennement  levure  de  bière;  godale,  autrefois 


INTRODUCTION.  63 

hier e'j  goinfre j  gom'ne,  anciennement  prostituée;  gruger,  gruau, 
^lier,  anciennement  libertin,  débaucbé;  hore,  autrefois  pros- 
tituée; malt,  orge  préparée  pour  faire  la  bière;  maquereau ^ 
homme  qui  fait  métier  de  procurer  des  femmes;  maton,  an- 
ciennement caillebotte;  mets,  mies,  autrefois  sorte d'hypocras  ; 
ramequin,  rvjjîen,  autrefois  débaucbé,  libertin  ;  soupe,  trinquer. 
—  Voir  à  l'article  des  Mots  relatifs  aux  meubles,  etc.  les  noms 
de  plusieurs  sortes  de  vases  propres  à  contenir  de  la  boisson. 

Mots  relatifs  aux  vêtements  et  aux  parties  qui  les  compo- 
sent, à  rbabillement,  à  l'équipement,  à  la  parure,  aux  orne- 
ments, aux  bijoux,  etc.  :  bague,  bou,  espèce  d'ancien  bracelet; 
houracan,  coiffe,  cotte,  sorte  d'ancienne  casaque  ;  écharpe,  es- 
tival, sorte  d'ancienne  botte;  étoffe,  feutre,  froc ^  gamboison, 
espèce  d'ancien  pourpoint  rembourré  servant  de  cuirasse  aux 
gens  de  guerre;  gant,  guimple,  anciennement  voile  ;  guipure, 
haillon,  haire,  houses,  sor  e  d'  nc\en  es  guêtres;  hucque,  sorte 
d'ancienne  casaque  ;  huve,  ancienne  coiffure  de  femme  ;  jaque, 
es[)èce  d'ancienne  CiisaqucàTusage  des  gens  de  guerre;  loque, 
moufle,  sorte  de  gros  gmt;  nippes,  nusches,  anciennement  bra- 
celet, etc.', poche,  rocket,  sorte  d'ancien  sarrau;  rhin,  ancien- 
nement anneau;  sarreau,  tabart,  ancienne  sorte  de  casaque  ; 
tasque,  autrefois  poche;  tijfer,  anciennement  coiffer. 

Termes  concernant  l'habitation,  la  demeure,  la  maison  et 
les  parties  qui  en  dépendent,  les  villes  ou  les  villages,  les 
voies  de  communication,  etc.  :  borde,  anciennement  maison 
des  champs,  métairie;  bourg,  buron,  anciennement  sorte  de 
cabane;  cahute ,  clinche,  autrefois  loquet;  dalle ,  dore,  ancien- 
nement porte;  échoppe,  écraine,  anciennement  sorte  de  hutte; 
esteil,  autrefois  poteau;  estrée,  autrefois  chemin;  étape  ou 
e5/ûfyj/e, anciennement  marché  public;  ^aô/e, autrefois  pignon; 
guichet,  haie,  halle,  hameau,  hangar,  hourd,  anciennement  claie  ; 


64  PREMIÈRE  PARTIE. 

hutte,  loc,  autrefois  sorte  de  fermeture,  d'où  loquet;  salle,  seuil, 

stalle,  taudis. 

Mots  servant  à  désigner  des  meubles,  des  ustensiles,  des 
outils,  des  instruments,  des  vases  ou  quelques-unes  de  leurs 
parties,  et  enfin  diverses  choses  servant  à  des  usages  domes- 
tiques et  habituels  :  alêne,  attache,  bahuts  anciennement  sorte 
de  coflVe;  hanc,  lande,  bar,  ancienne  sorte  de  civière;  barde, 
autrefois  hache;  bardeau,  bassin,  bière,  cercueil;  bondon, 
botte,  sorte  de  tonneau;  boucle,  brequin,  brin  d'estoc,  huée, 
canapsa,  cane,  anciennement  cruche;  canif,  caque,  cercueil, 
chopine,  clapet,  clinche,  anciennement  loquet;  o'oc,  cione, 
machine  pour  charger  les  vaisseaux;  crosse,  dais,  dois,  autre- 
fois table;  échasse,  écran,  écrou,  épolet,  bobine  de  tisserand; 
eschelle,  anciennement  sonnette;  esclisse,  autrefois  traîneau; 
estachc,  anciennement  sorte  de  poteau  ;  estrique,  anciennement 
radoire;  estave,  autrefois  chandelle  de  cire;  es^ew,  ancien  vase 
servant  de  mesure  pour  les  liquides;  estroie,  aiiciennement 
attache;  étai,  étau,  étangiies,  grandes  tenailles;  étuve,  fauteuil, 
flacon,  guindre,  sorte  d'ancien  rouet;  hanap,  ancienne  sorte 
de  vase  à  boire,  coupe;  happe,  autrefois  crampon;  hasple, 
sorte  d'aïKÙen  dévidoir;  havet,  anciennement  crochet;  havre- 
sac,  hie,  hotte,  houe,  instrument  de  labourage;  housse,  huche, 
landier,  lajette,  caisse :.lisbette,  anciennement  sorte  de  petit 
lit;  manne,  sorte  de  corbeille  ;  picher,  sorte  d'ancienne  cruche  j 
pinte,  poulie,  ripe,  outil  de  maçon  ^  sahs,  anciennement  cou- 
teau ;  séran,  instrument  servant  à  peigner  le  lin  ;  tonneau, 
tondre,  anciennement  mèche,  amadou  ;  torche,  touaille,  autre- 
fois essuie-mains  ;  toupin,  instrument  de  cordier. 

Termes  relatifs  a  des  délassements,  à  des  divertissements, 
à  des  amusements,  à  des  jeux,  à  des  exercices  corporels,  à 
la  danse,  à  la  musique,  à  la  poésie,  etc.  :  balle  à  jouer;  brelan. 


INTRODUCTION.  65 

autrefois  table  à  jeu;  bricoler,  chouler,  anciennement  jouer  à 
divers  jeux  où  l'on  lance  un  corps  sphérique  ;  espringale^  sorte 
d'ancienne  danse;  gigue^  ancien  instrument  de  musique; 
harpCf  loure,  sorte  d'ancienne  musette;  luth,  quille  à  jouer; 
Tandon^  autrefois  course  rapide  ;  nme,  toupie,  tumer,  ancien- 
nement bondir, danser;  werbeler,  taire  des  roulades  en  chan- 
tant. 

Mots  relatifs  à  des  superstitions,  à  des  penchants  supersti- 
tieux :  bigoty  dévot  outré  et  superstitieux;  cauchemar  (voir 
l'article  qui  concerne  ce  mot  dans  le  recueil  des  mots  dérivés 
du  germanique,  chap.  m,  sect.  ii);  garou, gobelin,  lutin;  helle- 
guin,  fantôme  fameux  au  moyen  âge;  truiller,  ensorceler,  en- 
chanter. 

Mots  relatifs  au  caractère,  aux  bonnes  et  aux  mauvaises 
qualités  du  cœur  et  de  l'esprit,  aux  bons  et  aux  mauvais  pen- 
chants, aux  sentiments,  aux  passions,  aux  impressions  pro- 
duites sur  l'àmp,  etc.  :  affres,  babil,  bald,  anciennement  gail- 
lard, éveillé,  joyeux;  helhue,  autrefois  menterie,  tromperie; 
belitre,  boisdie,  anciennement  tromperie;  ^rai'^^,  ancienne- 
ment ardent;  bricon,  autrefois  scélérat;  buisnart,  autrefois 
sot;  cAe/me,  anciennement  scélérat;  </ru,  anciennement  ami, 
amant;  échars,  autrefois  avare;  effroi,  estout,  anciennement 
hardi;  étourdi, félon,  frayeur,  gab,  anciennement  raillerie; 
goinfre,  graims,  anciennement  triste,  chagrin  ;  gredin,  guille, 
anciennement  tromperie  ;  guischard  ou  guichard,  ancienne- 
ment rusé;  hagard,  haïr,  haire,  autrefois  angoisse;  hardi, 
hargnieux,  hoguineur,  anciennement  moqueur;  honte,  houle, 
autrefois  maison  de  prostitution  ;  lober,  anciennement  trom- 
per, mentir;  morne,  triste;  narguer,  radoter,  re'chin,  ancien- 
nement chagrin,  de  mauvaise  humeur  ;  ruffien,  anciennement 
libertin,  débauché  ;  safre,  autrefois  gourmand  ;  soros,  ancien- 


6€  PREMIÈRE  PARTIE. 

nement  douleur,  chagrin;  sot,  tricher,  tule,  autrefois  sot;  vise, 

anciennement  prudent,  rusé. 

Mots  relatifs  au  corps  de  Thomme  et  des  animaux,  à  leurs 
membres,  aux  parties  dont  ils  sont  composés,  à  leurs  divers 
états ,  à  leurs  fonctions  vitales ,  à  leurs  actions  principales  , 
à  leur  âge,  k  leurs  qualités  et  à  leurs  défauts  corporels,  à 
leurs  maladies,  a  leurs  infirmités,  à  leurs  incommodités,  etc.: 
beter,  anciennement  mordre;  blostre,  autrefois  tumeur;  pied 
botj  bourre^  bramer,  braon,  anciennement  mollet,  fesse;  bré- 
chet, os  delà  poitrine;  bréhaigne,  anciennement  stérile;  brus, 
autrefois  poitrine  ;  bue,  autrefois  buste;  clatir^  crampe,  cran- 
che,  anciennement  impotent  ;  dui>etf  éclanche,  e'dredon,  esca- 
lope, anciennement  coquille;  esclenche,  autrefois  gauche;  es- 
cors,  autrefois  sein,  giron;  étron,  flanc,  frisque,  anciennement 
vigoureux,  dispos  ;  garçon,  gamite,  autrefois  peau  de  chamois; 
glapir,  glèt  -,  anciennement  mucosité  ;  gorge,  goutte,  maladie  ; 
grimer,  gringalet,  grommeler,  guigner,  hanche ,  happer,  has- 
terel ,  anciennement  derrière  du  cou,  nuque;  hâi'e ,  heus , 
autrefois  peau  d*animal;  Ao^er, anciennement  sauter;  isnel,' 
autrefois  prompt,  rapide;  laid,  leste,  lippr,  anciennement 
grosse  lèvre;  loucher,  lorgner,  meschine ,  anciennement  jeune 
fille  ;  mine,  visage  ;  muffle,  nuque,  pe'pie,  pisser,  râler,  racher, 
autrefois  cracher;  randir,  anciennement  courir  vers  ;  ranc,  an- 
ciennement boiteux;  reluquer,  renifler,  roiffe,  autrefois  croûte 
qui  vientsurune  plaie  ;  roupie,  ronfler,  runer,  autrefois  murmu- 
rer; scorbut,  tâter,  trogne,  tuer,  i^amon,  anciennement  tumeur. 

Mots  servant  k  désigner  des  animaux  :  agasse,  anciennement 
pie;  aigrette,  sorte  de  héron;  alerion,  autrefois  aiglon;  an- 
chois, bardot,  petit  mulet;  belette,  bichon,  biche,  botter el,  an- 
ciennement sorte  de  crapaud  ;  brème,  buckjol,  anciennement 
hareng;  carpe,  chamois,  choucas,  chouette,  ciron,  cisemus,  au- 


INTRODUCTION.  67 

trefois  musaraigne  ;  crapaud,  dogue,  élan,  émeriUon,  épeîche, 
éperpier,  esturgeon,  Jletj  f résang e ,  anciennement  jeune  porc; 
furet,  gade,  autrefois  chèvre;  gans,  anciennement  oie  sau- 
vage ',  goirc,  autrefois  sorte  d'oiseau  de  proie  ;  grifau,  ancien- 
nement oiseau  de  proie  en  général  ;  halbran,  autrefois  jeune 
canard  sauvage  ;  hanneton,  hareng,  héron,  hibouj  homard,  hes- 
toudeau,  autrefois  poulet  :  marcassin,  mésange,  mit,  ancienne- 
ment chat  ;  mite,  moineau,  mouette,  mulot,  plie,  ran,  ancien- 
nement bélier  j  renne,  roguet,  petit  chien  ;  taisson,  blaireau  ; 
tigue,  insecte. 

Mots  relatifs  aux  végétaux,  servant  à  désigner  des  arbres, 
des  arbustes,  des  plantes,  leurs  fruits,  les  diverses  parties  qui 
les  composent,  etc.  :  alise,  hesi,  sorte  de  poire  j  blé,  bois,  cer- 
neau, cosse,  creguier,  anciennement  prunier  sauvage  ;  cresson, 
écale,  framboise,  gazon,  noix  gaugue,  autrefois  noix  de  Frise  ; 
glouteron,  grappe,  hanebane,  haveron,  anciennement  avoine 
sauvage  j  hêtre,  hovx,  laiche,  senelle,  séue,  tige,  touffe. 

Mots  relatifs  aux  minéraux,  aux  métaux,  aux  substances 
terreuses,  h  Tétat,  la  nature,  la  configuration  du  terrain  : 
hergue,  boue,  brin,  anciennement  bord  d'une  rivière;  bru- 
nir, polir  un  métal;  crotte,  boue;  émail,  falaise,  fange, 
flatir,  aplatir  un  métal  avec  le  marteau;  flin, fourbir,  glette, 
anciennement  litharge;  havre,  hogue,  anciennement  col- 
line ;  yefeicAe,  autrefois  métal  fondu  coulé  dans  un  moule; 
madré,  autrefois  sorte  de  substance  précieuse  ;  marestan,  an- 
ciennement pierre  de  touche;  plate,  autrefois  lame  de  métal; 
putel,  anciennement  bourbier;  rade,  river,  tai,  anciennement 
boue  ;  tourbe,  terre  combustible. 

Mots  qui  désignent  des  couleurs  ou  qui  sont  relatifs  aux 
couleurs  :  blafard,  blanc,  blême,  bleu,  blond,  brun,  fard,  gris, 
sor,  anciennement  roux-brun. 


68  PREMIÈRE  PARTIE. 

Mots  pris  en  mauvaise  part  ou  employés  par  dérision  et 
par  moquerie  :  bouquin ^  chinquer,  anciennement  godailler; 
hère,  un  malheureux,  un  pauvre  diable;  lande,  lippe,  ancien- 
nement lèvre  grosse  et  disgracieuse;  museau,  rapière,  rosse; 
ces  mois  proviennent  de  primitifs  germaniques  signifiant  : 
petit  livre,  verser  à  boire,  seigneur,  terre  en  général,  lèvre, 
bouche,  longue  épée,  cheval  de  prix  '. 

Mots  servant  à  exprimer  diverses  idées,  lesquels  n'ont  pu 
trouver  place  dans  aucune  des  classifications  précédentes  ; 
ahrander,  anciennement  prendre  feu;  ahoquer,  autrefois  ac- 
crocher; ahuge f  anciennement  grand,  énorme;  air,  appa- 
rences, extérieur  ;  aise,  ballot,  besoin,  biais,  billet,  bise,  blet, 
mou;  bluette,  bord,  bouffer^  autrefois  souffler;  boundel,  an- 
ciennement faisceau;  bout,  bouter,  fraise,  brander,  autrefois 
être  en  flammes  ;  brandon,  but,  canton,  causer,  chatouiller,  choc, 
choisir,  chopper,  clapoter,  clinquant,  craquer,  croisir,  ancien- 
nement briser;  déchirer,  drinchel,  ancien  terme  de  politesse 
dont  se  servait  celui  qui  faisait  raison  d'un  toast;  durfeus, 
autrefois  misérable;  éblouir,  écharde,  écotj  écraser,  écume, 
écurer,  égratigner,  épier,  escharnir,  autrefois  faire  affront  ; 
eschevi,  autrefois  bien  conformé  ;  eschier,  anciennement  s'é- 
loigner, se  séparer;  esclier,  autrefois  fendre,  briser;  escraper, 
autrefois  racler;  escriller,  anciennement  glisser;  eslider,  an- 
ciennement glisser;  espars,  autrefois  étincelle;  espréquer,  an- 
ciennement aiguillonner;  esproher,  asperger;  esquille,  estai, 
autrefois  place,  position;  ^sf/^Mer^  fustiger ;yaMWer,  ancien- 
nement plier;  yîn,  menu,  délié;  foule,  fourrer,  frais,  récent; 
frapper,  frelater,  frélore,  anciennement  perdu;  J-rimas,  fron- 
cer, gâcher,  gaif,  autrefois  égaré  ;  gandir,  anciennement  s'en- 

*  On  peut  remarquer  que,  par  contre,  le  latin  caballus,  rosse,  nous  a 
donné  cheval. 


INTRODUCTION.  69 

fuir  ;  garder^  garer,  garnir,  gaspiller,  gaucher,  autrefois  fouler 
les  draps;  gauchir,  glisser ,  gratter,  grincer ,  gros,  guéder,  soû- 
ler; guerdon,  anciennement  récompense;  guère,  guérir ,  guer- 
pir,  anciennement  quitter,  abandonner,  d'où  déguerpir;  gui- 
der, guinder,  guise,  hanter,  fréquenter;  harangue,  haschère, 
autrefois  peine,  souffrance,  punition  ;  hasle,  anciennement 
détestable,  hâter,  havir,  heurter,  hober,  autrefois  se  mouvoir; 
hocher,  holà  !  horion,  houspiller,  hucher,  anciennement  appeler 
à  haute  \o\Ti\jangler,  autrefois  bavarder;  jeAîV,  anciennement 
avouer;  laid,  autrefois  tort;  laisse,  lambeau,  lisière,  lopin,  los, 
anciennement  sort;  lot,  maint,  adjectif  indéfini;  manquer, 
marc,  résidu;  mat,  terne;  micmac,  moufette,  exhalaison  mé- 
phitique; mousse,  adjectif;  nique,  navrer,  autrefois  blesser; 
pincer,  piquer,  plaque,  plat,  adjectif;  raffler,  râper,  rijler,  ro- 
ber,  anciennement  voler,  dérober;  roi,  autrefois  préparatif, 
ordre  ;  sacer  ou  sacher,  autrefois  tirer  ;  sclaide,  autrefois  grêle  ; 
scraifi,  anciennement  effacé  ;  souiller,  tailler,  taper,  tarier,  au- 
trefois provoquer;  téhir,  accroître;  tomber,  troquer,  trouver, 
vacarme,  vilecomme,terme  de  civilité  dont  on  se  servait  autre- 
fois pour  saluer;  wessail,  terme  de  politesse  dont  se  servait 
anciennement  celui  qui  portait  un  toast. 

Je  laisse  à  l'historien  philosophe  le  soin  de  tirer  les  con 
séquences  des  données  que  je  lui  fournis,  pour  suppléer  eu 
plusieurs  points  au  silence  des  traditions  historiques,  qui  ne 
nous  donnent  sur  les  Gaulois  et  sur  les  Francs  que  des  notions 
fort  vagues  et  fort  incomplètes.  Pour  moi,  je  me  bornerai  à 
une  seule  observation,  qui  rentre  complètement  dans  mon 
sujet,  et  qui  confirme  un  fait  déjà  établi  par  les  témoignages 
de  l'histoire  dans  les  prolégomènes  qui  précèdent  cette  intro- 
duction, c'est  que  les  Francs  conservèrent  pendant  longtemps 
l'usage  de  leur  idiome  national,  mais  que,  tout  en  continuant 


7a  PREMIÈRE  PARTIE, 

à  parler  entre  eux  le  tudesque,  ils  se  mirent  à  parler  simulta- 
nément la  langue  latine.  Si  l'idiome  des  Francs  eût  disparu  aussi 
promptement  que  leur  religion,  ou  bien  encore  si  ces  barbares 
ne  se  fussent  pas  peu  à  peu  habitués  à  parler  la  langue  des 
Gallo-Romains  en  même  temps  qu'ils  conservaient  la  leur, 
on  ne  pourrait  concevoir  comment  ils  nous  auraient  trans- 
mis, non-seulement  un  nombre  considérable  de  termes  con- 
cernant leurs  mœurs  et  leur  genre  de  vie,  mais  encore  une 
bien  plus  grande  quantité  d'expressions  que  l'on  ne  saurait 
rattacher  à  des  circonstances  passagères  et  à  un  ordre  de  faits 
accidentels  :  telles  sont  celles  qui  sont  relatives  à  Thomme  en 
général,  considéré  moralement  et  physiquement,  aux  ani- 
maux et  à  leurs  fonctions  vitales,  aux  végétaux,  aux  couleurs, 
et  une  foule  d'autres  mots  qui  ne  se  prêtent  point  aux  clas- 
sifications. Cette  assertion  se  trouvera  encore  corroborée  et 
pleinement  justifiée,  dans  la  seconde  partie  de  cet  ouvrage, 
par  les  considérations  que  j'aurai  a  présenter  touchant  l'in- 
fluence exercée  par  le  tudesque  sur  la  prononciation  et  sur 
certaines  tournures  de  la  langue  latine,  influence  dont  on 
retrouve  encore  des  marques  très  manifestes  dans  notre 
langue  française. 

Les  mots  tudesques  qui,  par  le  fait  de  la  conquête  et  de  la 
domination  germaniques,  se  mêlèrent  au  latin  rustique,  y 
furent  introduits  dans  des  circonstances  et  dans  des  con- 
ditions assez  analogues  a  celles  qui  déterminèrent  l'introduc- 
tion d'une  grande  quantité  de  termes  arabes  dans  le  pehlvi, 
qui  donna  naissance  au  persan.  C'est  encore  dans  des  cir- 
constances et  des  conditions  à  peu  près  pareilles  que  le  franco- 
normand  fournit  à  l'anglo-saxon  un  si  grand  nombre  d'ex- 
pressions de  tout  genre,  qui  se  retrouvent  dans  l'anglais  mo- 
derne. Le  persan  doit  a  l'arabe  les  termes  rdatifs  à  la  religion, 


INTRODUCTION.  ''  . 

à  la  législation,  à  l'administration  et  une  foule  d'autres; 
l'anglais  doit  au  franco-normand  plus  de  la  moitié  de  son 
vocabulaire. 

J'ai  précédemment  établi  que  le  celtique  s'introduisit  dans 
le  latin  de  la  même  façon  que  les  patois  de  nos  provinces  s'in- 
troduisent dans  le  français  ;  je  pourrais  présenter  un  exposé 
de  l'effet  contraire,  c'est-à-dire  que  je  pourrais  montrer  com- 
ment s'opère  l'introduction  du  français  dans  nos  patois,  s'il 
était  nécessaire  d'expliquer  de  quelle  manière  l'idiome  des 
dominateurs  se  mêle  à  l'idiome  de  ceux  qui  subissent  la  domi- 
nation, et  comment  le  tudesque  pénétra  dans  le  latin,  l'arabe 
dans  le  pehlvi,  le  franco-normand  dans  l'anglo-saxon.  On 
verrait  que  les  termes  français  relatifs  à  la  législation,  à  l'ad- 
ministration, à  la  guerre,  a  l'industrie,  au  commerce,  aux 
sciences,  aux  arts,  au  luxe,  aux  modes,  k  la  toilette,  a  l'ameu- 
blement, etc.,  se  sont  glissés  en  grand  nombre  dans  tous  nos 
patois;  je  pourrais  même  citer  plus  d'un  exemple  analogue  à 
ceux  que  j'ai  signalés  pour  les  mots  germaniques  qui  passèrent 
dans  le  latin  avec  une  acception  défavorable.  Les  mots  fran- 
çais pris  en  mauvaise  part  dans  nos  patois  ne  sont  certaine- 
ment pas  rares,  et  il  est  tel  de  ces  idiomes  où  le  nom  de  Fran- 
çais lui-même  est  devenu  presque  une  injure  *. 

Si  le  peuple  dominateur  ne  parvient  pas  toujours  à  impo- 
ser sa  propre  langue  à  la  nation  qu'il  a  subjuguée,  du  moins 
il  parvient  ordinairement,  par  l'effet  de  sa  suprématie,  à  faire 
passer  un  certain  nombre  de  ses  termes  dans  la  langue  de  la 
nation  soumise.  Ces  termes  appartiennent  tantôt  k  un  ordre 
d'idées,  tantôt  k  un  autre,  selon  les  circonstances  dans  les- 
quelles se  trouvent  respectivement  les  deux  peuples;  selon 

*  En  provençal  on  appelle  franciot  un  beau  diseur,  un  homme  à  préten- 
tions, un  incroyable. 


78  PREMIÈRE  PARTIE, 

leurs  goûts,  leurs  mœurs,  leurs  usages,  leurs  habitudes;  selon 
le  développement  intellectuel  auquel  ils  sont  arrivés;  selon 
l'extension  qu'ils  ont  donnée  aux  arts,  aux  sciences,  à  l'indus- 
trie ou  à  certaines  institutions;  enfin  selon  le  degré  de  civi- 
lisation ou  de  barbarie  auquel  se  trouvent  les  deux  nations  qui 
tendent  à  se  fondre  pour  n'en  constituer  qu'une  seule. 

On  pourrait  s'étonner  de  ce  que  les  Gaulois  nous  ont  trans- 
mis beaucoup  moins  de  mots  que  ne  l'ont  fait  les  Francs.  Ce 
fait,  qui  est  incontestable,  doit  être  attribué  à  certaines  cir- 
constances particulières  dont  j'ai  fait  connaître  la  plupart 
séparément,  mais  sur  lesquelles  il  n'est  peut-être  pas  inutile 
de  revenir  en  les  présentant  dans  leur  ensemble. 

Ainsi  que  nous  l'avons  vu,  le  latin  fut  pendant  plusieurs 
siècles  la  langue  des  dominateurs  de  la  Gaule.  Durant  cette 
longue  période,  le  celtique  fut  de  plus  en  plus  relégué  dans 
les  derniers  rangs  de  la  société  et  disparut  à  peu  près  avant  la 
chute  de  la  puissance  romaine.  La  langue  latine  était  parlée  par 
les  hommes  investis  du  pouvoir,  jouissant  des  richesses  et  de 
la  considération  publique  ;  la  langue  des  Gaulois  n'était  qu'un 
patois  usité  parmi  des  gens  grossiers,  réduits  à  une  condition 
sociale  inférieure  et  méprisée.  En  pareil  cas  les  personnes  ap- 
partenant à  la  classe  supérieure  repoussent  toujours  avec  un 
certain  dédain  les  termes  de  l'idiome  populaire.  Si  elles  dai- 
gnent parfois  se  servir  de  quelques-uns,  ce  n'est  jamais  que 
fort  sobrement  ;  elles  ne  le  font  guère  que  pour  se  mettre  à  la 
portée  des  hommes  du  peuple,  et  pour  en  être  mieux  com- 
prises dans  les  relations  qu'elles  peuvent  avoir  avec  eux.  Voilà 
ce  qui  explique  à  la  fois  le  nombre  assez  réduit  des  expres- 
sions que  nous  a  fournies  le  celtique  et  la  nature  des  idées 
représentées  par  ces  expressions. 

Lorsque  les  Francs  arrivèrent  dans  les  Gaules,  ils  y  ap- 


INTRODUCTION.  73 

portèrent  une  nouvelle  langue,  rude  et  grossière,  il  est  vrai, 
mais  quelle  qu^elle  fût  elle  était  celle  des  vainqueurs.  Les 
conquérants  germaniques  avaient  hérité  de  la  puissance  des 
Romains.  Les  vaincus  pouvaient  bien  parfois  se  donner  le 
plaisir  de  critiquer  les  barbares  victorieux,  de  censurer  leurs 
manières  et  leur  genre  de  vie;  mais  ils  ne  pouvaient  abolir 
leurs  usages;  ils  étaient  au  contraire  fort  souvent  obligés  de 
s'y  soumettre  et  de  s'y  conformer.  De  là  vint  qu'une  foule 
de  termes  tudesques  de  toute  sorte  durent  passer  naturelle- 
ment dans  la  langue  latine  des  Gallo-Romains  comme  étant 
les  mots  les  plus  propres  à  exprimer  les  idées  relatives  aux 
institutions,  aux  mœurs  et  aux  habitudes  des  hommes  du 
Nord.  L'ascendant  dont  ceux-ci  jouissaient  et  le  besoin  où 
se  trouve  un  peuple  asservi  de  faire  la  cour  à  ses  maîtres, 
firent  même  accepter  un  certain  nombre  d'expressions  dont 
la  langue  latine  avait  les  équivalents  et  dont,  par  conséquent, 
elle  pouvait  parfaitement  se  passer. 

On  peut  encore  faire  valoir  des  considérations  d'un  ordre 
différent  pour  expliquer  le  fait  qui  nous  occupe.  Pendant  les 
siècles  011  le  celtique  était  parlé  dans  les  Gaules  en  même 
temps  que  le  latin,  celui-ci  avait  atteint  son  plus  haut  degré 
de  culture  et  son  plus  complet  développement;  il  présentait 
un  système  homogène  et  régulier,  une  véritable  unité,  en 
même  temps  qu'une  certaine  fixité.  Ces  conditions  sont  celles 
dans  lesquelles  un  idiome  offre  le  plus  de  résistance  à  l'action 
exercée  sur  lui  par  un  autre  idiome,  et  laisse  le  moins  facile- 
ment pénétrer  des  termes  étrangers  dans  son  vocabulaire.  Au 
contraire,  lorsque  le  tudesque  se  trouva  en  présence  de  la 
langue  latine,  celle-ci  était  arrivée  à  sa  décadence,  et  ne  tarda 
pas  a  se  trouver  dans  un  véritable  état  de  décomposition.  Les 
populations  ignorantes  qui  continuaient  à  s'en  servir  s'in- 


74  PREMIÈRE  PARTIE, 

quiétaient  fort  peu  de  lui  conserver  sa  pureté  et  son  intégrité 
par  le  maintien  de  l'ancien  usage.  C'est  dans  de  telles  cir- 
constances qu'une  langue  se  dénature  le  plus  prompteraent, 
subit  le  plus  aisément  toutes  les  influences  étrangères,  et  ad- 
met un  plus  grand  nombre  d'expressions  de  tout  genre  com- 
muniquées par  les  idiomes  qui  se  trouvent  en  contact  avec 
elle.  Ce  n'est  point  dans  d'autres  conditions,  je  le  répète, 
qu'une  quantité  considérable  de  mots  français  ont  pénétré 
dans  l'anglo-saxon  après  la  conquête  des  Normands,  a  l'épo- 
que où  cet  idiome  se  trouvait  en  pleine  dissolution.  C'est  au 
moment  où  1  or  est  en  fusion  que  se  fait  l'alliage,  et  non  point 
lorsque  le  métal  a  toute  sa  consistance  et  toute  sa  dureté. 

Remarquons  enfin  que  depuis  la  conquête  des  Romains 
jusqu'à  l'invasion  des  barbares,  ce  fut  la  langue  des  hautes 
classes  qui,  de  plus  en  plus,  tendit  à  dominer  dans  les  Gaules. 
Or  cette  langue  ne  dut  accepter  que  peu  de  mots  celtiques, 
ainsi  que  je  viens  de  l'établir.  Après  l'invasion,  au  contraire, 
ce  fut  le  latin  populaire  qui  prit  le  dessus.  Ce  latin,  ai-je  dit, 
avait  admis  un  bon  nombre  de  mots  germaniques,  et  il  les 
transmit  immédiatement  aux  diverses  langues  néo-latines 
auxquelles  il  ne  tarda  pas  à  donner  naissance.  (Voir  l'intro- 
duction à  la  11^  partie,  t.  II,  p.  20-28  et  passim.)  Telles  sont,  si 
je  ne  me  trompe,  les  véritables  raisons  de  l'infériorité  numé- 
rique des  dérivés  que  nous  devons  au  celtique  comparés  à 
ceux  qui  nous  ont  été  fournis  par  le  tudesque. 

Je  dois  faire  observer  avant  de  finir  cette  introduction,  que 
les  proportions  approximatives  que  j'essayerai  d'établir  entre 
les  dérivés  latins,  les  celtiques  et  les  germaniques,  concernent 
uniquement  notre  ancienne  langue,  et  qu'elles  ne  sont  aucu- 
nement applicables  k  notre  français  moderne;  car  le  nombre 
des  mots  provenus  du  celtique  et  du  germanique  est  toujours 


INTRODUCTION.  75 

allé  en  diminuant,  tandis  que  le  nombre  des  dérivés  latins  est 
constamment  allé  en  augmentant  ^  Ce  dernier  résultat  est  dû 
à  la  culture  et  à  la  faveur  dont  la  langue  et  la  littérature  la- 
tines n'ont  cessé  d'être  l'objet  dans  notre  pays  depuis  qu'il  est 
sorti  des  ténèbres  de  la  barbarie  dans  laquelle  il  fut  quelque 
temps  plongé  par  suite  de  l'invasion  germanique;  tandis  que 
les  idiomes  des  Gaulois  et  des  Francs  sont  depuis  longtemps 
ensevelis  dans  le  plus  profond  oubli.  Une  cause  toute  spéciale 
a  d'ailleurs  puissamment  contribué  à  faire  tomber  en  désué- 
tude les  dérivés  de  ces  deux  derniers  idiomes.  Il  est  à  remar- 
quer que,  dans  toutes  les  langues,  les  mots  persistent  en  gé- 
néral d'autant  plus  longtemps  qu'ils  ont  à  leur  suite  une  famille 
plus  nombreuse  de  dérivés  et  de  composés  auxquels  ils  ont 
donné  naissance.  Un  mot  qui  n'est  point  accompagné  d'un 
cortège  de  cette  sorte  semble,  pour  ainsi  dire,  manquer  de 
soutiens  et  d'appuis  suffisants  ;  il  se  trouve  comme  isolé  au 
milieu  des  autres  mots  de  la  langue,  et  il  est  toujours  le  plus 
exposé  à  l'inconstance  et  aux  caprices  de  l'usage.  C'est  le  cas 
où  se  sont  trouvés  beaucoup  de  dérivés  celtiques  et  germani- 
ques reçus  comme  des  étrangers  dans  notre  vocabulaire,  au 
milieu  des  familles  nombreuses  de  dérivés  latins  qui  se  sont 
accrues  de  siècle  en  siècle  par  les  emprunts  continuels  que 
nous  avons  faits  à  l'idiome  classique  de  Virgile  et  de  Cicéron, 

^  Afin  d'exposer  les  faits  avec  toute  l'exactitude  et  toute  la  fidélité  que  je 
désire  mettre  dans  ce  travail,  j'ajouterai  que  j'ai  cru  devoir  comprendre 
dans  la  liste  des  dérivés  germaniques  certains  mots  de  cette  sorte  relevés 
dans  des  ouvrages  anciens  écrits  en  langue  d'oïl,  soit  en  Angleterre,  soit 
dans  telle  ou  telle  de  nos  provinces  voisines  de  l'Allemagne  ou  des  Pays- 
Bas.  Or  les  dialectes  usités  au  moyen  âge  dans  ces  différentes  contrées 
étaient  naturellement  ceux  qui  présentaient  le  plus  de  mots  d'origine  ger- 
manique, et  les  expressions  recueillies  dans  les  ouvrages  dont  je  viens  de 
parler  peuvent  fort  bien  avoir  appartenu  exclusivement  à  l'un  ou  à  l'autre 
de  ces  dialectes. 


76  PREMIÈRE  PARTIE. 

Les  termes  de  législation  barbare  empruntés  à  la  langue  des 
Francs  ont  dû  disparaître  avec  cette  législation  et  avec  le 
système  féodal,  qui  lui  devait  en  partie  son  origine.  Les  termes 
de  guerre,  la  plupart  fournis  par  l'idiome  des  conquérants, 
ont  fait  place  a  de  nouvelles  désignations  par  suite  des  pré- 
cieuses modifications  et  des  perfectionnements  nombreux 
que  Fart  de  tuer  a  subis  cbez  toutes  les  nations  modernes.  On 
peut  faire  de  semblables  remarques  touchant  les  mots  relatifs 
à  l'ancienne  manière  de  se  vêtir,  de  se  loger,  de  se  meubler, 
de  se  nourrir,  etc.  Les  dérivés  celtiques  et  germaniques  qui 
ont  disparu  ont  été  assez  généralement  remplacés  par  des  ex- 
pressions empruntées  de  nouveau  à  la  langue  latinp  qui,  dans 
ces  derniers  siècles,  a  fourni,  en  outre,  une  prodigieuse  quan- 
tité de  termes  de  toute  sorte  pour  exprimer  les  progrès  inces- 
sants des  idées,  des  arts,  des  sciences,  de  l'industrie,  des 
institutions,  de  tous  les  éléments  dont  se  compose  notre  ci- 
vilisation. 


CHAPITRE   PREMIER. 
ÉLÉMENT    LATIN. 


I. 

OBSERVATIONS  CONCERNANT  LA  MARCHE  SUIVIE  DANS  LES  ÉTUDES 
QUI  FONT  l'objet  DE  CE  CHAPITRE. 

Je  tâcherai  de  donner,  dans  les  deux  derniers  chapitres  de  ce 
volume,  tous  les  mots  de  la  langue  d'oïI  qyi  peuvent  être  d'ori- 
gine celtique  ou  d'origine  germanique;  mais  on  sentira  qu'un 
travail  semblable  sur  les  mots  dérivés  de  la  langue  latine  ne 
saurait  entrer  dans  les  limites  resserrées  de  cet  ouvrage. Pour 
indiquer  tous  nos  dérivés  latins,  il  ne  faudrait  rien  moins  que 
donner  une  liste  de  la  très  grande  majorité  des  mots  qui  com- 
posent notre  langue.  Du  reste,  ce  travail  ne  serait  pas  seule- 
ment très  long  et  très  fastidieux;  il  serait  encore  complètement 
impropre  à  nous  apprendre  dans  quelles  proportions  les  mots 
latins  entrèrent  dans  le  fonds  primitif  de  notre  vocabulaire. 
En  effet,  ainsi  que  je  viens  de  le  faire  observer,  notre  idiome 
s'est  accru,  depuis  quelques  siècles,  d'un  nombre  prodigieux 
d'expressions  empruntées  à  sa  mère  la  langue  latine,  et  il  n'est 
pas  toujours  facile  de  distinguer  un  mot  de  l'époque  de  for- 
mation d'avec  un  autre  mot  d'une  acquisition  plus  récente. 
J'ai  donc  cru  devoir  me  borner  à  l'examen  des  trois  plus  an- 
ciens monum  nts  en  langue  d'oïl  que  j'ai  déjà  signalés  dans 
les  prolégomènes.  Ces  monuments,  tous  antérieurs  au  xii»  siè- 
cle, sont  les  Serments  de  84^,  la  Cantilène  de  sainte  Eulalie 
et  les  Lois  de  Guillaume  le  Conquérant.  La  réduction  de  tous 


78  PREMIÈRE  PARTIE, 

ces  textes  ayant  précédé  la  première  croisade,  on  est  a  peu 
près  assuré  d'avance  de  ne  point  y  rencontrer  rélément 
arabe,  qui  ne  pénétra  guère  dans  notre  langue  qu'à  partir  de 
cette  époque. 

Les  données  que  l'histoire  nous  a  fournies  se  trouveront 
pleinement  confirmées  par  ces  monuments,  dans  lesquels  nous 
ne  remarquerons  que  des  mots  provenus  du  latin,  du  celtique 
ou  du  germanique,  à  part  un  terme  syriaque  et  quelques  termes 
grecs  qui  furent  entraînés  dans  la  circulation  de  la  langue  la- 
tine, et  que  nous  pouvons  considérer  comme  latins,  eu  égard 
à  leur  provenance  immédiate. 

J'accompagnerai  chacun  de  ces  textes  d'une  traduction 
aussi  fidèle  qu'il  me  sera  possible,  de  plus,  je  les  ferai  suivre 
d'un  glossaire  étymologique  renfermant  tous  les  mots  qu'ils 
présentent,  et  rendant  compte  de  la  signification  ainsi  que  de 
l'origine  de  chacun  d'eux.  Indépendamment  des  appréciations 
dont  ces  textes  nous  fourniront  le  sujet,  relativement  à  la  pro- 
venance des  mots  qui  les  composent,  ils  nous  offriront  encore 
des  données  indispensables  pour  les  études  qui  doivent  faire 
l'objet  de  la  seconde  partie  de  cet  ouvrage;  enfin  ils  seront, 
pour  le  lecteur  désireux  de  connaître  nos  origines,  un  échan- 
tillon intéressant  et  curieux  des  premiers  essais  de  notre  lan- 
gue et  de  notre  littérature. 

II. 

SERMENTS    DE    LOUIS    LE    GERMANIQUE    ET   DES    SOLDATS    DE 
CHARLES   LE   CHAUVE,   MONUMENT  DU   IX«  SIÈCLE. 

Charles  le  Chauve  et  Louis  le  Germanique,  décidés  à  unir 
leurs  forces  pour  résister  à  l'ambition  de  leur  frère  l'empereur 
Lothaire,  s'avancèrent  à  Strasbourg,  suivis  l'un  et  l'autre  d'une 
armée  considérable.  Là  ils  jurèrent,  en  présence  de  leurs 


IX^  SIÈCLE  . 

fradrMKWAA.     ]  no  <,.«<(  J„,^fe., 
'^A»'U-  tn  c(a.mno  fcc  • 


^y^y/ie/i^cIsJ^^/Ja^  ^e  Ûia^/e,/.^^, 


'a/u^. 


lia 


utgf  Agrément  -entier  fonfradrekarlo 

Umpoif .  ncio  nmeulr  cui  eo  rerwnna»- 
itvrpovf.  vn  nufU  a  mlm  conmt  te  Ji,„ 
utv^  nuixU  u-vo^  . 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  L  79 

troupes,  de  se  prêter  une  assistance  mutuelle,  et  leurs  soldats 
jurèrent,  après  eux,  de  refuser  tout  appui  à  celui  des  deux 
rois  qui  viendrait  à  trahir  son  engagement.  Louis  le  Germa- 
nique prononça  son  serment  en  langue  romane,  afin  d'être  en 
tendu  des  soldats  de  Charles  le  Chauve,  et  Charles  prononça 
le  sien  en  tudesque,  afin  d'être  entendu  des  soldats  de  Louis'. 
Quant  aux  deux  armées,  chacune  se  servit  de  la  langue  qui 
lui  était  propre.  Les  Germains  de  Louis  firent  leur  serment 
en  tudesque,  et  les  Neustriens  de  Charles  firent  le  leur  en 
langue  romane.  La  conférence  de  Strasbourg  eut  lieu  en  842. 
Le  texte  des  serments,  qui  nous  a  été  conservé  par  l'historien 
Nithard,  nous  offre  le  plus  ancien  monument  qui  existe,  non- 
seulement  de  la  langue  d'oïl,  mais  encore  de  toutes  les  langues 
néo-latines. 

Plusieurs  savants,  induits  en  erreur  par  les  terminaisons  en 
a  qui  se  trouvent  dans  les  Serments,  ont  cru  devoir  les  attri- 
buer à  la  langue  romane  du  midi  de  la  France^;  mais  l'his- 
toire, ainsi  que  la  linguistique,  protestent  également  contre 
cette  prétention .  L'armée  de  Charles  le  Chauve  était  compo- 

*  «  Sacramenta  quae  subter  notata  sunt  Ludhwicus  romana,  Karolus  vero 
teudisca  lingua,  juraverunt;  ac  sic  ante  sacramenta  circumfusam  plebem, 
alter  teudisca,  aller  romana  alloquuti  sunt.»  (Nithard,  ms.  du  Vatican, 
n°  4964,  f  43,  r»;  Rht.  Franc,  script.,  dans  Duchesne,  t.  II,  p.  274.) 

^  «  Entre  les  difTérents  dialectes  qu'on  désignait  alors  par  ce  nom  (langue 
romane),  et  qui,  en  Gaule,  variaient,  surtout  du  sud  au  nord,  il  choisi* 
celui  qu'on  parlait  au  midi,  parce  que,  dans  ces  contrées  éloignées  du 
centre  de  la  domination  franke,  les  plus  grands  seigneurs  ignoraient  l'idiome 
des  conquérants  et  employaient  celui  du  peuple.  Il  n'en  était  pas  de  même 
au  nord  de  la  Loire,  oti  il  s'écoula  encore  près  d'un  siècle  avant  que  le  ro- 
man usité  dans  ce  pays,  et  d'où  provient  notre  langue  actuelle,  fût  élevé  au 
rang  de  langue  politique.  Lorsque  le  roi  des  Gallo-Francs  eut  cessé  de  par- 
ler, celui  des  Teutons,  élevant  la  voix,  prononça  le  serment  d'union  contre 
Lother,  non  dans  l'idiome  des  peuples  qu'il  gouvernait,  mais  dans  celui 
des  Gaulois,  qui  avaient  besoin  de  prendre  confiance  dans  la  bonne  foi  de 
leurs  nouveaux  alliés.  "Voici  la  formule  de  ce  serment,  dont  le  langage, 


80  PREMIÈRE  PARTIE, 

sée  de  Neustriens  parlant  la  langue  d'oïl  ;  les  Méridionaux 
parlant  la  langue  d'oc  ne  pouvaient  s'y  trouver  qu'en  bien  pe- 
tit nombre,  car  le  royaume  de  Bourgogne  faisait  partie  des 
éiats  de  Lothaire,  et  FAquitalne  était  alors  gouvernée  par 
Pépin,  implacable  ennemi  de  Charles  et  allié  contre  lui  avec 
l'empereur. 

La  terminaison  en  a,  ainsi  que  la  terminaison  en  o,  se  trouve 
dans  la  réponse  que  faisait  le  peuple  à  certaines  invocations 
des  litanies  récitées  dans  les  églises  du  diocèse  de  Soissons, 
sous  le  règne  de  Charlemagne.  (Voir,  à  cet  égard,  la  note  i  de 
la  page  28.)  Faudra- t-il  en  conclure  que  l'on  parlait  le  pro- 
vençal dans  le  Soissonnais,  vers  la  fin  du  vine  siècle?  Il  y  était 
parlé  de  la  même  manière  que  dans  l'armée  neustrienne  de  . 
Charles  le  Chauve,  au  milieu  du  siècle  suivant. 

Ces  terminaisons  en  a  et  en  o  sont  un  caractère  général  que 
tous  les  idiomes  romans  possédaient  dans  leur  première  pé- 
riode, et  qu'ils  devaient  tous  k  leur  commune  mère,  la  langue 
latine.  Aussi  n'a-t-on  pas  seulement  revendiqué  les  Serments 
en  faveur  de  la  Provence,mais  encore  en  faveur  de  l'Italie. 

pour  ne  pas  être  tout  à  fait  barbare,  doit  être  accentué  à  la  manière  des 
dialectes  méridionaux. . .  »  (Aug.  Thierry,  Lettres  sur  l'histoire  de  France, 
lettre  XI.) 

M.  Raynouard  prétendait  que  sous  Charles  le  Chauve  on  parlait  la  même 
langue  dans  la  plus  grande  partie  de  l'Europe  occidentale,  et  que  cette  lan- 
gue n'était  autre  que  celle  des  Serments.  Avec  cette  supposition,  il  se  tire 
plus  facilement  d'affaire  que  M.  Thierry.  Après  quelques  considérations,  il 
ajoute  :  «  La  langue  des  troubadours  fut  celle  qui  se  rapprocha  le  plus  des 
Serments  de  842.  »  (06s.  sur  le  roman  de  Rou,  p.  4.)  M.  Raynouard  aurait 
été  tout  à  fait  dans  le  vrai  s'il  eût  dit  qu'au  ix*  siècle  la  langue  d'oïl  diffé- 
rait extrêmement  peu  de  la  langue  d'oc,  et  que  celle-ci  conserva  davantage 
son  ancienne  forme  et  son  ancien  caractère,  soit  parce  qu'elle  fut  fixée  plus 
tôt,  soit  à  cause  d'influences  climatériques  dont  je  parlerai  dans  ma  seconde 
partie.  Aujourd'hui  encore,  quoique  fort  altéré,  le  provençal  conserve  bien 
mieux  que  le  français  les  voyelles  sonores  de  leur  mère  commune,  la  lan- 
gue latine. 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  IL  81 

Le  manuscrit  du  Vatican  auquel  j'emprunte  mon  texte  nous  en 
fournit  lui-même  la  preuve;  on  y  lit  ces  mots,  tracés  à  la  marge 
par  une  main  du  siècle  dernier  :  Giuramento  in  lingua  italïana. 
On  aurait  pu  tout  aussi  bien  adjuger  ce  monument  à  l'espagnol 
ou  au  portugais,  et  même,  si  l'on  veut  s'en  tenir  au  caractère 
qui  a  principalement  fixé  l'attention  de  mes  adversaires,  c'est- 
à-dire  à  la  présence  de  telle  ou  telle  voyelle  à  la  fin  des  mot', 
je  pousserai  leur  raisonnement  jusqu'au  bout  en  disant  que  les 
Serments  doivent  être  attribués  à  l'italien,  à  l'espagnol  ou  au 
portugais  avec  plus  de  raison  qu'on  ne  peut  les  attribuer  à  la 
langue  d'oc;  car  on  y  trouve  les  substantifs  masculins  Deo,  po- 
blo,  Karlo,  damno,  et  l'adjectif  ma  culin  nosfro, tous  terminés 
en  0  ;  mais  cette  terminaison  ne  se  présente  pas  plus  dans  les 
substantifs  ni  dans  les  adjectifs  masculins  de  la  langue  d'oc 
que  dans  ceux  de  la  langue  d'oïl,  postérieurement  au  x^  siècle'; 
tandis  que  l'italien,  l'espagnol  et  le  portugais  conservent  encore 
aujourd'hui  cette  désinence  dans  beaucoup  de  substantifs  et 
d'adjectifs  masculins. 

Les  divers  idiomes  néo -latins,  tous  sortis  de  la  même 
source,  mais  s'éloignant  insensiblement  les  uns  des  autres  de 
siècle  en  siècle,  en  sont  venus  à  présenter  des  différences  assez 
considérables.  Mais  si  l'on  remonte  le  cours  des  temps,  on  les 
verra  se  rapprocher  de  plus  en  plus  et  presque  se  toucher,  si 

*  On  ne  trouve  pas  même  la  terminaison  en  o  dans  les  substantifs  ni  les 
adjectifs  masculins  singuliers  des  plus  anciens  monuments  de  la  langue  d'oc, 
qui  sont  la  Passion  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  la  Passion  de  saint 
Léger,  publiées  par  M.  Champollion-Figeac,  et  le  Poème  sur  Boèce,  publié 
par  M.  Raynouard,  tandis  que  dans  la  Cantilène  de  sainte  Eulalie,  qui  est 
en  langue  d'oïl  du  x*  siècle,  on  retrouve  encore  Beo  constamment  écrit 
comme  dans  les  Serments.  (Voir  ci-après  p.  88,  vers  3,  6  et  1 0.)  La  termi- 
naison 0  persista  beaucoup  plus  longtemps  dans  les  pronoms  30,  je,  ço,  ce, 
cela,  ainsi  que  dans  le  pronom  et  l'article  lo.  Ces  mots  sont  écrits  ainsi 
dans  nos  auteurs  du  xii*  et  du  xni*  siècle. 

1*  6 


82  PREMIÈRE  PARTIE, 

bien  que,  s'il  nous  était  possible  de  les  suivre  jusqu'à  leur  ori- 
gine, nous  les  verrions  se  confondre  dans  la  langue  latine, 
comme  des  ruisseaux  qui  ont  creusé  leurs  lits  dans  diverses  di- 
rections se  trouvent  confondus  dans  la  source  commune  qui 
leur  donna  naissance.  On  ne  doit  donc  pas  s'étonner  de  trou- 
ver aux  premières  époques  de  ces  idiomes  des  caractères  géné- 
raux qui  leur  appartiennent  à  tous. 

Toutefois,  je  ne  veux  pas  me  prévaloir  de  cette  vérité,  qui 
est  bors  de  doute,  pour  réfuter  l'opinion  des  savants  que  j'es- 
saye de  combattre.  Si  l'on  examine  attentivement  le  texte  des 
Serments,  on  se  convaincra  que  plusieurs  traits  caractéristi- 
ques de  la  langue  d'oïl  commencent  à  s'y  montrer  fort  visible- 
ment. Pour  ce  qui  est,  en  particulier,  des  terminaisons  dont 
j'ai  déjà  parlé,  on  doit  remarquer  que  les  lettres  finales  a,o,  e 
s'échangent  entre  elles.  On  trouve,  en  effet,  Jradra  etfradre, 
Karlo  et  Karle  ;  sendra  est  mis  pour  sendre,  dérivé  de  senior 
(voirie  Glossaire  étymologique,  cb.i,  sect.  v)  ;  suo,  se  rappor- 
tant au  féminin  pai^t,  devrait  être  écrit  sua  ou  sue.  Ce  dernier 
se  trouve  fréquemment  au  xii^  siècle  j  on  le  voit  dans  le 
Voyagé  de  Charlemagne  à  Jérusalem,  v.  88,  363,  669,  810, 
817  ;  dans  la  Chanson  de  Roland,  st.  ccxLVii,  v.  i  et  passim. 
Ainsi,  fl,  o,  e  finals  n'avaient  déjà  plus  le  son  qui  leur  est  pro- 
pre j  mais  ils  devaient  avoir  un  son  sourd  et  indécis  qui  par- 
ticipait encore  quelque  peu  de  leur  prononciation  primitive. 
Ces  voyelles  finales,  s'assourdissant  de  plus  en  plu?,  finirent, 
au  X*  siècle,  par  s'éttindre  dans  le  son  presque  insensible  de 
notre  emuet'.  C'est  ce  qu'on  est  en  droit  de  conclure  en 


*  L'a  final  latin  nous  est  resté  dans  la,  ma,  ta,  sa,  dérivés  de  illa,  mea, 
tua,  sua;  on  le  trouve  encore  à  la  fin  de  quelques  substantifs  féminins  dans 
le  Livre  des  Rois.  On  y  lit  la  causa  à  la  première  ligne  de  la  page  37. 
(Voir  les  observations  faites  t.  II,  p.  173  et  174.) 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SEGT.  IL  83 

examinant  la  Cantilène  de  sainte  Eulalie.  L'auteur  de  ce  petit 
morceau  de  poésie,  pour  faire  montre  d'érudition,  affecte  de 
donner  la  désinence  latine  a  aux  substantifs  féminins  de  ses 
deux  premiers  vers  et  de  son  dernier,  bien  que,  dans  tout  le 
reste  de  la  pièce,  il  se  serve  constamment  de  Te  muet,  qui  était 
déjà  devenu  un  caractère  particulier  aux  terminaisons  de  la 
langue  d'oïl.  Ce  qui  n'était  qu'une  espèce  d'archaïsme  or- 
thographique du  temps  de  cet  auteur,  paraît  avoir  été 
l'usage  le  plus  ordinaire  à  l'époque  où  vivait  l'historien  Ni- 
thard. 

Observons  encore  que  le  pronom  personnel  accompafgne 
toujours  le  verbe  dont  il  est  le  sujet  :  salvarai-eo^  io  .  .  .  pois, 
10  .  .  .  er,  il .  .  .  fazet.  C'est  encore  un  trait  caractéristique  de 
la  langue  d'oïl,  qui  est  obligée  d'admettre  cet  attirail  de  pro- 
noms pour  suppléer  à  l'insuffisance  des  inflexions  des  verbes, 
lesquelles,  en  général,  n'indiquent  les  pc  rsoniies  que  d'une 
manière  fort  imparfaite.  Mais ,  la  même  raison  n'existant 
point  pour  la  langue  d'oc,  l'italien,  l'espagnol  ni  le  portugais, 
ces  idiomes  ne  se  soumettent  pas  à  celte  sujétion,  et  n'ad- 
mettent le  pronom  personnel  sujet  que  d'une  façon  tout 
exceptionnelle. 

Enfin,  sans  entrer  dans  des  détails  qui  nous  conduiraient 
trop  loin,  remarquons,  en  finissant,  le  mot  savir,  déjà  modifié 
à  la  façon  de  la  langue  d'oïl,  qui  convertit  fort  souvent  la 
forte  p  du  latin  en  aspirée  i»,  tandis  que,  le  plus  ordinaire- 
ment, les  autres  idiomes  néo-latins  conservent  le  p  ou  le 
changent  en  sa  douce  b.  De  sapere  la  langue  d'oïl  a  fait  savir, 
saveir,  savoir;  la  langue  d'oc,  l'espagnol  et  le  portugais,  saber; 
l'italien,  sapere.  C'est  d'après  la  même  loi  de  mutation  que  du 
latin  cabra,  lepus,  —  cris,  râpa,  sapa,  —  nis,  opéra,  ont  été 
formés  en  langue  d'oïl  chèvre,  lièvre,   rave,    savon,    œuvre; 


84  PREMIÈRE  PARTIE, 

en  langue  d'oc  cabra j   lebre,  raha^   saboun,    obra  ;  en   ita 
lien  capray  lèpre,  râpa,   sapone,  opéra;  en  espagnol  cabra, 
liebre,  rabano,jabon,  obra;  en  portugais,  cabra,  lebre,  rabanete, 
sabcco,  obra. 

On  peut  dire  que  tout  ce  qui  est  commun  à  plusieurs 
idiomes  néo-latins,  dans  le  texte  des  Serments,  appartient  au 
fonds  primitif  de  ces  idiomes,  c'est-a-dire  à  la  langue  latine, 
tandis  qu'on  doit  attribuer  au  génie  propre  de  la  langue  d'oïl 
toutes  les  formes  particulières,  tous  les  caractères  distinctifs 
et  spéciaux  qui  commencent  à  s'y  dessiner. 

Les  Serments  de  84^  ont  déjà  été  publiés  et  traduits  bien 
des  fois  \  plusieurs  savants  en  ont  même  fait  le  sujet  d'une 
étude  spéciale.  Mais,  malgré  ces  tentatives  répétées,  quel- 
ques passages  ont  été  fort  mal  interprétés,  ainsi  que  le  lecteur 
pourra,  j'espère,  s'en  convaincre  lui-même,  en  comparant  ma 
traduction  aux  autres,  et  en  recourant,  pour  certains  éclair- 
cissements, au  glossaire  étymologique  placé  à  la  suite  des 
monuments  antérieurs  au  xn*  siècle,  ch.  i,  sect.  v. 

J'ai  fait  faire  avec  grand  soin,  il  y  a  plusieurs  années,  un 
fac-similé  des  Serments,  d'après  un  manuscrit  de  Niihard 
provenant  de  la  bibloilièque  du  Vatican,  apporté  de  Rome 
pendant  nos  guerres  de  l'Empire  et  déposé  à  la  Bibliothèque 
nationale.  C'est  un  volume  en  vélin,  petit  in-folio,  à  deux  co- 
lonnes, d'une  belle  écriture  du  ix'  siècle  ou  du  commence- 
ment du  xe;  il  est  coté  Vatic,  n»  1964  Depuis  lors  ce  ma- 
nuscrit est  retourné  à  Rome  et  doit  avoir  été  réintégré  dans  la 
bibliothèque  du  Vatican.  Je  place  ea  regard  du  texte  imprimé 
le  fac-similé  dont  je  viens  de  parler.  Si  on  le  compare  a  celui 
que  Roquefort  a  donné  dans  son  glossaire,  d'après  le  même 
manuscrit,  on  y  trouvera  quelques  légères  différences  dans  la 
forme  de  certains  caractères,  qui  ont  été  peu  fidèlement  re- 


GHAP.  l,  ÉLÉxMENT  LATIN.  SEGT.  II.  85 

produits  dans  celui  de  cet  auteur,  et  que  je  me  suis  appliqué 
à  faire  représenter  dans  le  mien  avec  toute  l'exactitude  a 
laquelle  ait  pu  arriver  le  litliographe. 

I.  —  SERMENT  DE  LOUIS  LE  GERMANIQUE. 


TRADUCTION. 

Pour  l'amour  de  Dieu,  et  pour  no- 
tre commun  salut  et  celui  du  peuple 
chrétien,  dorénavant,  autant  que 
Dieu  me  donnera  savoir  et  pouvoir, 
je  préserverai  mon  frère  Karle  que 
voilà,  et  par  aide  et  par  toute  chose, 
ainsi  qu'on  doit,  par  devoir,  préser- 
ver son  frère,  pourvu  qu'il  en  fasse 
de  même  pour  moi;  et  ne  prendrai 
jamais  avec  Ludher  aucun  accom- 
modement qui,  par  ma  volonté,  soit 
au  préjudice  de  mon  frère  Karle  ici 
présent. 

n.  —  SERMENT  DES  SOLDATS  DE  CHARLES  LE  CHAUVE. 

TRADUCTION. 


Pro  Deo  amur  et  pro  Christian  po- 
blo  *  et  nostro  commun  salvament, 
d'ist  di  in  '  avant,  in  quant  Deus  sa- 
vir  et  podir  me  dunat,  si  salvarai-eo 
cist  meon  fradre  Karlo,  et  in  ad- 
judha,  et  in  cadhuna  cosa,  si  cum 
om  per  dreit  son  fradra  salvar  dist, 
in  0  quid  il  mi  altresi  fazet;  et  ab 
Ludher  nul  plaid  nunquam  prindrai 
qui,  meon  vol,  cist  meon  fradre  Karle 
in  damno  sit. 


TEXTE. 

Si  Lodhwigs  sagrament  quae  son 
fradre  Karlo  jurât  ^,  conservât,  et 
Karlus,  meos  scndra,  de  suo  part, 
non  lo  stanit,  si  io  returnar  non  Tint 
pois  *,  ne  io,  ne  neuls  cui  eo  retur- 


Si  Ludhwig  garde  le  serment  qu'il 
jure  à  son  frère  Karle,  et  si  Karle, 
mon  seigneur,  de  son  côté  ne  le  tient 
pas,  si  je  ne  puis  le  détourner  de 
cette  violation,  ni  moi  ni  aucun  que 


*  Christian  poblo  est  le  complément  de  salvament j  comme  Deo  est  le 
complément  de  amur. 

*  Le  copiste  avait  commencé  d'écrire  en,  ainsi  qu'on  peut  en  juger  par 
le  fac-similé;  mais  il  s'est  corrigé  pour  mettre  in.  (Voir  in,  prép.  dans  le 
glossaire  étymologique,  sect.  v  de  ce  chapitre.) 

'  Fradre  Karlo  est  le  complément  indirect  de  jurât,  comme  dans  diavle 
servir  de  la  Cantilène  de  sainte  Eulalie,  p.  88,  v.  4,  diavle  est  le  complé- 
ment indirect  de  servir.  Pour  la  position  de  ces  compléments,  voir  une  re- 
marque à  l'article  Servir  du  glossaire  étymologique,  ch.  I,  sect.  v. 

*  Si  io  returnar  non  Vint  pois,  littéralement  si  je  ne  puis  Ven  détourner, 
c'est-à-dire  si  je  puis  le  détourner  de  violer  son  serment,  qui  lui  défend 
d'entreprendre  ou  de  laisser  entreprendre  quoi  que  ce  soit  contre  les  inté- 
rêts de  son  frère.  (Voir  l'article  Returnar  et  l'article  Int  dans  le  glossaire 
étymologique,  sect,  v  de  ce  chapitre.) 


86  PREMIÈRE  PARTIE. 

nar  int  pois,  in  nuUa  ajudha  contra      je  puisse  en  détourner,  nous  ne  lui 
Lodhuwig  nun  li  vi  er  *.  serons  en  cela  d'aucun  aide  contre 

Ludhwig. 

ÏII. 


GANTILENE    EN  L  HONNEUR  DE    SAINTE  EULALIE,    MONUMENT 
DU  X®  SIÈCLE. 

La  cantilène  en  l'honneur  de  sainte  Euîalie  a  été  décou- 
verte dans  un  manuscrit  de  la  bibliotlièque  de  Valenciennes, 
en  1837,  par  M.  Hoffmann  de  Fallersleben.  Il  en  fit  une  trans- 
cription qui  a  été  publiée  la  même  année,  avec  une  traduc- 
tion et  des  remarques,  par  M.  J.-F.  Willems  '.  La  lecture  de 
M.  Hoffmann  de  Fallersleben  n'est  pas  exempte  de  reproche, 
et  la  traduction  de  M.  Willems  contient  un  certain  nombre 
d'erreurs  et  de  contre-sens  qui  n'ont  été  corrigés  qu'en  partie 
dans  la  seconde  édition  qu'il  nous  a  donnée  en  i845. 

Le  manuscrit  qui  renferme  ce  monument  provient  de  la 
bibliothèque  de  l'ancienne  abbaye  de  Saint- Amand,  d'où  il  a  été 
transporté  à  la  bibliothèque  de  Valenciennes.  C'est  un  volume 
in-quarto,  recouvert  en  peau  de  buffle  et  coté  B,  5,  i5;  il  a 
pour  titre  :  In  hoc  corpore  continentur  lihri  octo  Gregorii  Na- 
zianzeni  episcopi...  A  la  suite  des  huit  livres  de  Grégoire  de 
Nazianze  se  trouvent  plusieurs  pièces  détachées,  et,  entre 
autres,  la  cantilène  de  sainte  Eulalie,  qui  est  au  feuillet  14 1  ^ 

M.  Willems  donne  cette  cantilène  comme  appartenant  au 

*  La  traduction  littérale  est  ni  je,  ni  nul  que  je  puis  en  détourner ,  en 
nulle  aide  contre  Lodhwig  ne  l'y  serai.  (Voir  quelques  observations  à  l'ar- 
ticle Est  et  à  l'article  Vi,  dans  le  glossaire  étymologique,  sect.  v  de  ce 
chapitre.) 

^  Elnonensia.  Monuments  de  la  langue  romane  et  de  la  langue  tudesque 
du  ix«  siècle. . .  découverts  par  Hoffmann  de  Fallersleben,  et  publiés,  avec 
une  traduction  et  des  remarques,  par  J.-F.  Willems;  Gand,  1837,  in-8°. 
Une  seconde  édition  a  paru  en  4  R45.    . 


X?  SIECLE. 

1) 

NJT  ttu,«~  co]Tg'    non  Lc>. pou rf-tr  ou^cj^  PHH*v-<  L«vj>« lie- f>itvp»>*'  i^KmA.lV  M  4 

^  Lleiif  cve/u-ueTT '«  Ai«n  e-Uhi^crr' •  AA,^tx   fof  D*ni-clrfrie-r"   l*^r  <?f9|»e-4eiu 
f    lA-u    er^ifo^t    (.«torc-^T<*r^n■cr  rtJJM  a.»-cl^  to/t^  j.  Ile- col|^^-f   n"  <>.u/-tfc  jj 

[    n/iff-tirc  afr<*>lcnb    cto/ati   oLCv«b-L-i.  n(-c:r' orc-m  ««^vô" po •'-no f  ci e^»"»»!- 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SEGT.  IIL  87 

ixe  siècle  ;  mais  je  suis  persuadé  qu'elle  ne  remonte  pas  au  delà 
du  xe.  La  langue  dans  laquelle  elle  est  composée  tient  le 
milieu  entre  celle  des  Serments  de  842  et  celle  des  lois  de 
Guillaume  le  Conquérant  ;  on  peut  y  remarquer  les  transi- 
tions qui  ont  conduit  de  la  première  à  la  dernière.  Ce  texte  n'en 
est  pas  moins,  après  celui  des  Serments,  le  plus  précieux  qui 
nous  soit  parvenu  pour  l'étude  des  premiers  développements 
de  notre  langue.  L'écriture  du  manuscrit  qui  nous  l'a  con- 
servé porte  le  caractère  du  x^  siècle.  M.  Edouard  Le  Glay, 
paléographe  distingué,  qui  s'est  occupé  de  ce  monument,  et 
qui  a  eu,  comme  moi,  l'original  entre  les  mains,  m'a  con- 
firmé dans  cette  opinion,  en  m'assurant  qu'il  la  partage.  Du 
reste,  afin  de  mettre  le  public  à  même  déjuger  la  question, 
j'ai  fait  faire  avec  le  plus  grand  soin  \xn  fac-similé  de  la  ran- 
tilène,  et  je  le  place  en  regard  du  texte  imprimé.  Les  lecteurs 
pourront,  s'il  en  est  besoin,  s'aider  dans  leur  appréciation  des 
excellentes  remarques  faites  par  les  Bénédictins  dans  le  iVioM- 
ueau  traité  de  diplomatique^  t.  II,  p.  4o4,  et  par  M.  de  Wailly, 
dans  les  Eléments  de  -paléographie^  1. 1,  p.  624  et  suivantes. 

Cette  pièce  de  vers,  la  plus  ancienne  que  nous  connaissions  || 
en  langue  d'oïl,  ne  présente  guère  que  celte  espèce  de  rimes  | 
fort  imparfaites  auxquelles  on  a  donné  le  nom  de  rimes  par 
assonance;  telles  sont  con^e/Ziers  rimant  avec  «e/,  chielt  avec 
christien,  test  avec  coist,  pagiens  avec  chiejl  cielaxecpreier,  etc. 
On  peut  voir,  sur  les  vers  rimes  par  assonance,  un  article  de 
M.  Raynouard  inséré  dans  le  Journal  des  Sat^ants,  année  i833, 
p.  385. 

Dans  les  deux  premiers  vers  et  dans  le  dernier,  les  sub- 
stantifs et  les  adjectifs  féminins  sont  terminés  en  a»  comme     ^ 
en  latin.  Je  ne  reviendrai  point  sur  cette  dérogation  à  l'usage, 
dont  j'ai  déjà  indiqué  le  motif  à  l'article  des  Serments  de  842, 


88  '"•>■•'"  PREMIÈRE  PARTIE, 

p.  83  ;  quant  à  toutes  les  autres  observations  de  détail  que 
l'on  peut  faire  sur  ce  texte,  je  les  réserve  pour  le  glossaire 
étymologique,  section  v  de  ce  chapitre,  et  pour  la  seconde 
partie  de  l'ouvrage. 

CANTILÈNE  EN  l'HONNEUR  DE  SAINTE  EULALIE. 


TEXTE. 

1 .  Buona  pulcella  fut  Eulalia; 

2.  Bel  avretcorps,bellezour  anima. 

3.  Voldrentla  veintre  li  Deo  inimi, 

4.  Voldrent  la  faire  diavle  servir. 

5.  Elle  n'out  eskoltet  les  mais  con- 


TRADUCTION. 

1.  Eulalie  fut  une  bonne  jeune 
fille; 

2.  Elle  avait  beau  corps  et  plus 
belle  âme. 

3.  Les  ennemis  de  Dieu  voulurent 
triompher  d'elle, 

4.  Voulurent  lui    faire  servir  le 
diable. 

5.  Elle  n'eût  écouté  les  mauvais 


selliers,  conseillers 

6.  Qu'elle   Deo  raneiet  chi  maent  6.  De  façon  à  ce  qu'elle  reniât 

sus  en  ciel.  Dieu  qui  habite  là-haut  dans  le 
ciel  ', 

7.  Ne  por  or,  ned  argent,  ne  para-  7.  Ni  pour  or,  ni  pour  argent,  ni 

menz,  pour  parures; 

8.  Pormanatceregielnepreiemen;  8.  Parmenace  de  roi,  ni  par  prière; 

9.  Ne  ule  cose  non  lapouret  omque  9.  Et  aucune  chose  ne  la  put  ja- 

pleier,  mais  faire  fléchir, 

iO.  La  polie,  sempre  non  amast  lo  40.  La  jeune  fille,  de  telle  softe 


Deo  menestier  *  ; 

4 1 .  E  por  0  fut  presentede  Maxi- 
miien, 

4  2.  Chi  rex  eret  a  cels  dis  sovre  pa- 
giens. 

43.  El  li  enortet  dont  lei  nonque 
chielt. 


que  elle  n'aimât  pas  toujours  le  ser- 
vice de  Dieu; 

1 1 .  Aussi  fut-elle  traduite  devant 
Maximien, 

1 2.  Qui  était  roi  des  païens  à  cette 
époque  {à  ces  jours), 

13.  Il  l'exhorte  à  ce  dont  elle  ne 
se  soucie  jamais, 


*  Pour  la  tournure  et  le  sens  de  cette  phrase,  voyez  les  observations 
faites  à  l'article  Polle^  dans  le  glossaire  étymologique,  sect.  v  de  ce  cha- 
pitre. 

'  C'est-à-dire  :  Elle  ne  se  fût  laissé  persuader  de  renier  Dieu  par  les 
mauvais  conseillers,  ni  pour  or,  etc. 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SEGT.  IIL 

4  4.  Qued  elle  fuiet  lo  nom  christien. 


89 


i  5.  Eli'  ent  adunet  lo  suon  élément, 

46.  Melz  sostendreiet  les  empede- 

mentz, 

47.  Qu'elle  perdesse  sa  virginitet  *; 

4  8.  P or  0  s'  furet  morte  a  grand  ho- 

nestet. 

49.  Enz  en  1'  fou  la  getterent  cora 

arde  tost. 

20.  Elle  colpes  non  avret,  por  o  no 

s'  coist. 

24 .  A  czo  no  s'  voldret  concreidre  li 
rex  pagiens  ; 

22.  Ad  une  spede  li  roveret  tolir  lo 

chief. 

23.  La  domnizelle  celle  kose   non 

contredist; 

24.  Volt  lo  seule  lazsier  si  ruovet 

Krist. 

25.  In  figure  de  colomb  volât  a  ciel, 

26.  Tuit  oram  que  por  nos  degnet 

prcier, 

27.  Qued  avuisset  de  nos  Christus 

mercit 

28.  Post  la  mort,  et  a  lui  nos  laist 

venir, 

29.  Par  souue  clementia. 


44.  Savoir j  qu'elle  abandonne  le 
nom  chrétien  (le  christianisme)  '. 

45.  Avant  que  d'abandonner  ses 
principes, 

46.  Elle  souffrirait  plutôt  les  tor- 
tures, 

47.  Elle  souffrirait  plutôt  àe  per- 
dre {qu'elle  perdit)  sa  virginité. 

48.  Pour  cela  (pour  ses  principes) 
elle  est  morte  avec  grand  honneur. 

49.  Ils  la  jetèrent  dans  le  feu,  de 
façon  à  ce  qu'elle  brûlât  bientôt  {quo 
modo  ardeat  cito). 

20.  Elle  n'avait  pas  de  faute  à  se 
reprocher;  c'est  pourquoi  elle  ne 
brûla  pas. 

21 .  Le  roi  païen  ne  se  voulut  fier 
à  cela; 

22.  Il  commanda  de  lui  enlever  la 
tête  avec  une  épée. 

23.  La  demoiselle  ne  s'opposa 
point  à  la  chose; 

24.  Elle  veut  quitter  le  monde  si 
Christ  l'ordonne. 

25.  Elle  s'envola  au  ciel  sous  la 
forme  d'une  colombe. 

26.  Tous  nous  prions  qu'elle  dai- 
gne prier  pour  nous. 

27.  Afin  que  Christ  ait  pitié  de 
nous 

28.  Après  la  mort,  et  nous  laisse 
venir  à  lui, 

29.  Par  sa  clémence. 


*  Sostendreiet  a  pour  premier  complément  un  substantif  {les  empede- 
mentz),  et  pour  second  complément  une  proposition  incidente  {qu'elle  per- 
desse sa  virginitet).  Le  peuple  fait  assez  souvent  usage  de  pareilles  con- 
structions :  Je  désire  autant  que  vous  votre  mariage  avec  ma  cousine  et  que, 
tous  deux,  vous  puissiez  être  heureux  ensemble.  Pour  l'interprétation  du  sens 
que  présente  ce  passage,  voir  Virginitet  dans  le  glossaire  étymologique. 

*  Nom  chrétien  se  prend  encore  aujourd'hui  pour  christianisme  dans  cer- 
tains cas  :  Ce  sultan  fut  le  plus  redoutable  ennemi  du  nom  chrétien. 


90  PREMIÈRE  PARTIE. 

IV. 

LOIS  DE  GUILLAUME  LE  CONQUÉRANT,  MONUMENT  DU  XI^  SIÈCLE. 

Après  les  Serments  et  laCantilène  de  sainte  Eulalie,  le  plus 
ancien  texte  qui  nous  soit  parvenu  £n  langue  d'oïl  est  celui 
des  Lois  de  Guillaume  le  Conquérant,  quifurent  promulguées, 
en  Angleterre,  vers  l'année  1069^  Ce  document  est,  par  son 
ancienneté,  un  des  plus  importants  et  des  plus  intéressants, 
sous  le  triple  rapport  de  la  linguistique,  de  l'histoire  et  de 
l'étude  de  la  jurisprudence  du  moyen  âge;  mais  il  est  en  même 
temps  un  de  ceux  dont  l'interprétation  est  la  plus  difficile, 
ainsi  que  le  lecteur  aura  lieu  de  s'en  convaincre  ^.  Je  n'ai  rien 
négligé,  ni  pour  me  procurer  un  texte  correct,  ni  pour  parve- 
nir à  la  solution  des  difficultés  de  tout  genre  dont  ces  lois  se 
trouvent  hérissées. 

Avant  de  commencer  mon  travail,  j'ai  pensé  qu'il  m'était 
indispensable  d'aller  faire  des  recherches  en  Angleterre  dans 
les  bibliothèques  et  dans  les  dépôts  d'archives,  pour  tâcher 
de  retrouver  quelques  manuscrits  des  lois  de  Guillaume.  Ces 
recherches  n'ont  point  eu,  à  mon  grand  regret,  tout  le  succès 
que  j'eusse  désiré.  Je  n'ai  pu  me  procurer  qu'un  seul  manu- 
scrit :  c'est  celui  qui  est  connu  sous  le  nom  de  manuscrit 
Holkhara  ;  il  appartient  à  M.  le  comte  de  Leicester.  Malheu- 
reusement ce  manuscrit  ne  contient  qu'une  partie  des  lois, 
correspondant  aux  trente-deux  premiers  paragraphes  de  l'édi- 
tion que  je  publie.  En  outre,  le  texte  en  est  visiblement  ra- 

*  Voir  l'Histoire  littéraire  des  Bénédictins,  t.  VII,  p.  lx. 

^  «  Texte  fort  ancien,  dit  Fallot,  sujet  à  de  grandes  difficultés  et  digne 
»  d'être  l'objet  d'un  travail  spécial;  ce  travail  est  promis  par  M.  Ray- 
»  nouard.  »  (Rech.  sur  les  formes  gramm.,  p.  465.)  La  mort  n'a  pas  laissé 
à  l'illustre  linguiste  le  temps  de  tenir  cette  promesse.  Puisse -je  ne  pas 
trop  faire  regretter  que  cette  tâche  ait  été  léguée  à  un  autre  ! 


GHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  IV.  9< 

jeuni;  il  ne  faut,  pour  s'en  convaincre,  que  le  comparer  aux 
éditions  publiées  dans  les  deux  derniers  siècles,  d'après  des 
manuscrits  fort  anciens  qui  sont  aujourd'hui  perdus  ^  Sans 
entrer  ici  dans  des  détails  qui  m'entraîneraient  trop  loin,  je 
ferai  observer  que  certaines  notations  de  l'ancienne  pronon- 
ciation, qui  se  trouvent  dans  les  éditions  dont  je  viens  de 
parler,  aussi  bien  que  dans  les  Serments  et  dans  la  Cantilène 
de  sainte  Eulalie,  ont  presque  disparu  dans  le  texte  du  ma- 
nuscrit Holkham.  Ainsi,  les  notations  primitives  et  étymolo- 
giques al  et  ol  des  mots  altre^  altresi,  altrui,  alcun,  colper,  etc., 
ont  été  généralement  remplacées  dans  ce  manuscrit  par  les 
notations  plus  modernes  au  et  ou;  le  t  ouïe  d  ont  été  le  plus 
souvent  retranchés  dans  les  participes  passés  terminés  en  et 
ou  en  ed,  tels  que  dereinet,  appeled,  nomed^  hlamed,  amèn- 
ded,  etc.  Toutefois,  le  manuscrit  Holkham  ne  m'a  point  été 
inutile,  car  il  m'a  fourni  plusieurs  variantes  qui  m'ont  beau- 
coup servi  pour  le  rétablissement  du  véritable  texte. 

Ayant  dû  renoncer  à  me  servir  du  seul  manuscrit  aujour- 
d'hui connu,  j'en  ai  été  réduit  à  choisir  parmi  les  éditions 
précédemment  publiées  celle  d'entre  elles  qui  m'a  semblé 
préférable.  Ces  éditions  se  trouvent  assez  nombreuses,  mais 
la  plupart  ne  sont  que  des  réimpressions;  il  n'en  est  que  six 
qui  aient  été  faites  sur  des  manuscrits  :  ce  sont  celles  de  Sel- 
den,  de  Spelman,  de  Fell,  de  Wilkins,  de  M.  Palgrave  et  de 
la  Commission  of  the  public  records  ^  On  ne  trouve  dans  Tou- 

^  Voir,  sur  ces  manuscrits,  la  préface  de  Spelman,  Concilia  orbis  Britan- 
nid;  celle  de  Selden,  Eadmerij  monachi  Cantuariensis,  historiœ...  Ubri  VI; 
celle  de  Vilkins,  Leges  anglo-saxonicœ  ecclesiasticœ  et  civiles,,  et  enfin  celle 
de  TeW,  Eistoria  Ingiîlphi,  dans  Rerum  anglicarum  scriptores,  t.  L 

*  Voici  l'indication  de  ces  six  éditions  et  de  l'endroit  de  ces  ouvrages  où 
se  trouvent  les  lois  de  Guillaume  le  Conquérant  : 

Eadmeri,  monachi  Cantuanensis,  historiœ  novorunij  sive  sut  sœctdi  libri 


92  PRExMIÈRE  PARTIE, 

vrage  de  Spelman  que  cinq  paragraphes  des  lois.  M.  Palgrave 
et  la  Commission  ofthe  public  records  se  sont  servis  du  manu- 
scrit Holkham.  Mon  choix  ne  pouvait  donc  plus  porter  que 
sur  trois  de  ces  éditions;  après  quelques  hésitations,  je  me 
suis  déterminé  à  suivre  le  texte  de  Fell,  comme  le  moins  in- 
correct et  comme  étant  celui  qui  offre  les  plus  nombreux  ca- 
ractères d'ancienneté.  Quoique  ce  texte  soit  le  meilleur  de 

VI....  in  lucem  ex  bibliotheca  Cottoniana  emisit  Joannes  Seldenus  ;  Londini, 
1623,  in-fol.,  p.  173. 

Concilia  orbis  Britanici,  éd.  Henr.  Spelman;  Lond.  1639,  2  vol.  in-fol., 
t.  I,  p.  624. 

'Rerum  angîicarum  scriptorum  tomus  I  (éd.  J.  Fell.);  Oxoniae,  1684,  in- 
fol.,  p.  88. 

Leges  angîo-saxonicœ  ecdesiasticœ  et  civiles;  accedunt  leges  Edvardi  la- 
tinœ,  Guilielmi  Conquestoris  gallo-n'ormanicœ  et  HenridI latinœ . . .  éd. 
David  Vilkins;  Londini,  1721,  in-fol.,  p.  29. 

The  Rise  and  Progress  of  the  English  Commonwealth . . .  by  Francis 
Palgrave;  London,  1832,  in-4°,  2  part.  Les  lois  de  Guillaume  sont  dans  la 
seconde  partie,  p.  Ixxxviij. 

Ancient  Laws  and  Institutes  of  England...  printed  under  the  direction 
of  the  commissioners  of  the  public  records  of  the  kingdom,  1840,  in-fol., 
p.  201. 

Les  principales  réimpressions  de  ces  lois,  faites  sur  une  des  éditions  pré- 
cédentes, sont  : 

'AçX'^iow\>.ia ,  sive  de  prisds  Anglorum  legibus...  Guil.  Lambardo  inter- 
prète; Cantabrigiae,  1644,  in-fol.,  p.  159. 

Collectio  Conàliorum exacta  studio  Philippi  Labbei  et  Gabrielis  Cos- 

sartii  S.  /.  Parisiis,  1672,  18  voL  in-fol.,  t.  IX,  1024. 

Sancti  Anselmi  ex  Becensi  abbate  Cantuariensis  archiepiscopi  opéra;  nec- 
non  Eadmerij  monachi  Cantuariensis,  historia  novorum,  et  alia  opuscula; 
labore  et  studio  D.  Gabrielis  Gerberon;  Lutetise  Parisiorum,  1721 ,  in-fol. 
2*  part,,  p.  116. 

Anciennes  lois  des  François...  par  David  Hoiiard;  Rouen,  1764,  2  vol. 
in-4'',  t.  II,  p.  76. 

The  Laws  of  Villiam  the  Conqueror,  with  notes  and  références ......  by 

Robert  Kelham;  London,  1779,  in-8°.  Cet  ouvrage  se  trouve  ordinairement 
réuni  à  un  autre  du  même  auteur ,  intitulé  A  Dictionary  of  the  norifnan  or 
old  french  language;  London,  1779,  in-8°. 

Lie  Gesetze  der  Angelsachsen herausgegeben  ion  D^  Reinhold 

Schemid;  Leipzig,  1832,  in-8'',  p.  174. 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  IV.  93 

tous,  il  présente  encore  bien  des  omissions  et  bien  des  incor- 
rections. J'ai  dû,  pour  le  rendre  intelligible,  le  compléter  et 
le  rectifier  d'après  les  variantes  qui  m'étaient  offertes  par  les 
autres  éditions  et  par  le  manuscrit  Holkham;  mais  je  ne  me 
suis  jamais  permis  de  faire  une  seule  addition  sans  la  mettre 
entre  crochets,  ni  de  faire  aucune  modification  au  texte  de 
Fell  sans  écrire  en  italique  les  mots  modifiés.  Du  reste,  dans 
l'un  et  dans  l'autre  cas,  j'ai  constamment  indiqué  et  motivé 
l'addition  ou  la  correction  par  une  note  explicative  mise  au 
bas  de  la  page  5  en  sorte  que  le  lecteur  sera  toujours  à  même 
déjuger. 

M.  Palgrave  a  cherché  à  élever  des  doutes  sur  l'authenti- 
cité du  texte  roman  des  lois  de  Guillaume  *;  et  il  a  été,  par 
cela  même,  entraîné  à  suspecter  en  même  temps  l'incontes- 
table authenticité  de  l'histoire  d'Ingulphe  qui  donne  le  texte 
de  ces  lois  en  langue  romane,  qui  témoigne  formellement 
qu  elles  furent  publiées  dans  cette  même  langue,  et  qui  prend 
soin  de  nous  informer  des  motifs  pour  lesquels  les  Normands 
se  servirent  de  leur  propre  idiome  et  non  point  de  l'anglo- 
saxon  ^.  M.  Palgrave  se  fonde  sur  l'invraisemblance  qu'il  y 

*  Voir  F.  Palgrave;  The  Rise  and  Progress,  etc.  P^  part.,  p.  55  et  suiv. 
'  (S  Tantum  tune  Anglicos  abominati  sunt  {Normanni),  ut  quantocunque 
merito  poUereut,  de  dignitatibus  repellerentur  ;  et  multo  minus  habiles 
alienigenœ,  de  quacunque  alla  natione  quae  sub  cœlo  est,  exti tissent,  gratan- 
ter  assumerentur.  Ipsum  etiam  idioma  tantum  abhorrebantquod Zeges^errœ^ 
statutaqueanglicorwmregumlingua  gallica  tradarentiir ;  et  pueris  etiam  in 
scholis  principia  litterarum  grammatica  gallice ,  ac  non  anglice,  tractaren- 
tur;  modus  etiam  scribendi  anglicus  omitteretur,  et  modus  gallicus  in 
chartis  et  in  libris  omnibus  admitteren  ur.  »  {Historia  Ingulphi j  dans  Be- 
rum  anglicarum  scriptores,  éd.  de  J.  Fell,  t.  I,  p.  70.) 

Quelques  pages  plus  loin ,  Ingulphe  donne  le  texte  roman  des  lois  de 
Guillaume,  en  le  faisant  précéder  de  cet  avertissement  : 

«  Attuli  eadem  vice  mecum  de  Londoniis  in  meum  monasterium  leges 
a>quissimi  régis  Edwardi  quas  dominus  meus  inclytus  rex  Wilhelmus  au- 


94  PREMIÈRE  PARTIE, 

aurait,  selon  lui,  à  admettre  que,  dans  le  xie  siècle,  on  se  soit 
servi  de  la  langue  vulgaire  pour  la  rédaction  d'une  loi  ou  d'un 
acte  public  quelconque.  Il  prétend  que  le  roman  n'a  été  em- 
ployé à  cet  usage  qu  à  dater  du  xiiie  siècle.  Mais  les  faits  sont 
en  opposition  formelle  avec  une  pareille  assertion,  A  la  fin  de 
ce  même  Xi^  siècle,  et  une  trentaine  d'années  seulement  après 
la  promulgation  des  lois  du  conquérant  de  l'Angleterre,  un 
autre  conquérant  français,  Godefroi  de  Bouillon,  qui  se  trou- 
vait dans  une  situation  assez  analogue  à  celle  du  bâtard  de 
Normandie,  eut,  comme  lui,  recours  a  notre  langue  d'oïl  pour 
la  rédaction  des  lois  qu'il  entreprit  de  donner  à  son  nouveau 
royaume.  Ces  lois,  qui  servirent  de  base  aux  Assises  de  Jéru- 
salentf  reçurent  le  nom  de  Lettres  du  Saint-Sépulax  '.  Entre 
1116  et  ii3o,  Tbomas  de  Coucy  publia  les  lois  et  coutumes 
de  Vervins^  En  fait  d'acte  public,  on  peut  citer  une  charte 
de  Renauld,  comte  de  Bar  et  de  Mousson,  datée  de  1 1 18,  qui 
est  conservée  aux  Archives  de  l'empire,  section  domaniale, 
série  T.  201,  n**  70  ^  Une  autre  charte  de  1 122,  qui  se  trouve 
dans  l'Histoire  de  Cambrai,  par  Le  Carpentier,  tom.  II,  preu- 
ves, p.  17  ;  une  autre  de  1 135,  dans  le  même  ouvrage,  tom.  II, 
preuves,  p.  185  une  de  ii47  rapportée  par  Loisel  dans  ses 

thenticas  esse  et  perpétuas,  per  totum  regnum  Angliae  inviolabiliter  tenen- 
das  sub  pœnis  gravissimis ,  proclamarat,  et  suis  justiciariis  commendarat, 
eodemidiomate  quo  editœ  sunt;  ne  per  ignorantiam  contingat,  nos  vel  nos- 
tros  aliquando,  in  nostram  grave  periculum,  contraire,  et  offendere  ausu 
temerario,  regiam  majestatem,  ac  in  ejus  censuras  rigidissimas  impro- 
vidum  pedem  ferre  contentas  {sic,  contemptas)  sœpius  in  eisdem,  hoc 
modo...  »  Suit  le  texte  en  langue  romane.  {Historia  Ingul-pM,  ibid.,p.  88.) 

^  Le  recueil  des  lois  désigné  sous  le  nom  de  Lettres  du  Saint-Sépulcre, 
ne  nous  est  point  parvenu,  mais  on  sait  qu'il  fut  rédigé  en  langue  romane 
et  publié  en  1099.  (Voir  l'Histoire  littéraire  deg  Bénédictins,  t.  VII,  p.  Ixi.) 

^Eist.  litt.,  i.mi,^.  Ixi. 

3  Cette  charte  a  été  publiée  par  M.  de  "Wailly  dans  ses  Éléments  de  pa- 
léographie, t.  I,  p.  159. 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  IV.  95 

Mémoires  de  Beauvoisis,  p.  266  ;  une  de  1 1 7 1  et  une  de  1  igS 
publiées  par  M.  de  Reiffenberg  dans  les  Monuments  pour  servir 
à  l'histoire  des  provinces  de  Namur,  de  Hainaut  et  de  Luxem- 
bourg. Enfin,  trois  chartes  de  11 33,  1168  et  11 83  sont  men- 
tionnées par  les  Bénédictins  dans  leur  Nouveau  Traité  de  di- 
plomatique, t.  IV,  p.  619. 

M.  Palgrave  fait,  en  outre,  plusieurs  remarques  critiques 
sur  le  texte  même  des  lois  de  Guillaume,  tel  qu'il  nous  a  été 
conservé  par  l'historien  Ingulplie;  mais  ces  remarques  sont 
encore  moins  admissibles  que  l'opinion  qui  vient  d'être  réfu- 
tée; je  n'en  donnerai  qu'un  exemple.  Le  savant  anglais  pré- 
tend que  la  copie  de  ces  lois  a  dû  être  faite  par  un  Gascon,  et 
cela,  sans  doute,  parce  qu'on  y  rencontre  fréquemment  les 
terminaisons  oun,  our.  Mais,  à  une  époque  reculée,  ces  ter- 
minaisons étaient  précisément  un  caractère  particulier  au  dia- 
lecte normand,  ainsi  que  l'a  fort  bien  remarqué  M.  Fallot  *. 
Oun  et  our  étaient  également  représentés  par  un  et  ur  dans  ce 
même  dialecte,  parce  que  les  Normands  donnaient  sans  doute 
à  Vu  de  ces  finales  un  son  sourd  à  peu  près  semblable  à  celui 
que  nous  donnons  à  ou. 

Quant  au  texte  latin  des  lois  de  Guillaume ,  publié  par 
M.  Palgrave,  d'après  un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  har- 
léienne,  la  moindre  attention  suffît  pour  reconnaître  que  ce 
n'est  point  le  texte  original  de  ces  lois,  ainsi  que  le  présume 
cet  auteur  ;  non  -  seulement  ce  n'est  qu'une  traduction,  mais 
encore  c'est  une  traduction  fort  infidèle.  Le  lecteur  pourra 
facilement  s'en  convaincre,  pour  peu  qu'il  ait  l'habitude  de 
comparer  le  style  plus  ou  moins  serré,  plus  ou  moins  concis 
d'un  original  avec  celui  d'une  traduction,nécessairement  plus 

*  Recherches  sur  les  formes  grammaticales  de  la  langue  française  et  de 
ses  dialectes^  au  xm'  siècle,  par  Gustave  Fallot,  p.  27  et  30. 


96  PREMIÈRE  PARTIE, 

prolixe  et  plus  abondante  en  circonlocutions  •.  Enfin,  je  ».. 
crois  pas  trop  présumer  de  mon  travail  en  espérant  que  la 
comparaison  de  cette  traduction  avec  la  mienne  fera  aperce- 
voir un  certain  nombre  de  contre-sens  et  même  de  non-sens 
qui  existent  dans  ce  texte  latin,  ainsi  que  plusieurs  omissions 
provenant  visiblement  de  l'embarras  où  s'est  trouvé  le  tra- 
ducteur pour  comprendre  les  expressions  d'une  langue  qui 
n'était  plus  celle  de  l'époque  a  laquelle  il  vivait  f . 

LOIS  DE  GUILLAUME  LE  CONQUÉRANT. 
TEXTE.    '  TRADUCTION. 

Ces  sount  les  leis  et  les  custumes         Ce  sont  les  lois  et  les  coutumes  que 

que  le  rei  Willams  grentat  a  tut  le  le  roi  Guillaume  assura  à  tout  le 

puple  de  Engleterre  après  le  conquest  peuple  d'Angleterre,  après  la  conquê- 

de  la  terre,  iceles  mesmes  que  li  reis  te  du  pays,  celles-là  mêmes  que  le  roi 

Edward  sun  cosin  tint  devant  lui  ^.  Edouard,  son  cousin,  maintint  avant 

Ço  est  a  saveir  :  ^ui. 

C'est  à  savoir  : 

*  Voir,  entre  autres,  dans  le  texte  latin,  la  traduction  de  certaines  expres- 
sions romanes  qui  se  trouvent  dans  l'édition  de  F€Îl,^ux  paragraphes  i,  iv, 

VII,  X,  XII,  XIII,  XVIII,  XX,  XXIV,  XXVII,  XXXI,  XXXILy-SïXVII ,  XXXIX,  XL,  XLI, 
XLIV,  XLVI,  XLVIII. 

'  A  cet  égard,  j'appellerai  l'attention  du  lecteur  sur  quelques  passages  de 
la  traduction  latine  répondant,  dans  le  texte  roman ,  aux  paragraphes  vi, 

VII,  X,  XIV,  XV,  XXV,  XXXVIII,  XXXIX,  XLI,  XLIII. 

'  Voici  ce  que  dit  Benoît  de  Sainte-More  sur  la  manière  dont  Edouard  le 
Confesseur  remit  en  vigueur  les  anciennes  lois  anglo-saxonnes  et  les  décrets 
des  conciles  ; 

Huit  ama  Deu  e  saint  Iglise, 

E  mult  fist  biens  en  mainte  guise  ; 

Ententis  fu  a  povres  genz  ; 

Les  leis  e  les  viez  testamenz 

Del  ancien  accostomance 

Mist  en  novele  remembrance. 

{Chron.  des  ditot  de  Nerm.,  L  III,  p.  S4.) 

Dans  ce  passage,  testament  signifie  les  décrets  des  conciles,  les  lois  ca- 
noniques. (Voir,  à  cet  égard,  le  glossaire  de  du  Gange,  art.  Testamentum.) 
Tenir  les  leis  et  les  custumes  signifie  maintenir  les  lois  et  les  coutumes  : 
»«  Car  le  bailly  est  tenus  par  son  sairement  de  bonnes  coustumes  tenir  et 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  IV. 


97 


I. 

Pais  à  saint  Yglise  *.  —  De  quel 
forfait  que  home  out  fait  en  cel  tens, 
e  il  pout  venir  a  sainte  yglise,  out  pais 
de  vie  e  de  membre  ;  e  se  alquons 
meist  main  en  celui  qui  la  mère  Yglise 
requireit,  se  ceo  fust  u  evesqué,  u 
abbeïe,  u  yglise  de  religiun,  rendist 
ceo  que  il  i  avereitpris,  e  cent  solz  de 
forfait;  e  de  mère  yglise  de  paroisse, 
XX  solz  ;  e.  de  chapele,  x  solz. 


E  qui  enfraint  la  pais  le  rei  en 
Merchenelae  ®,  cent  solz  les  amen- 
des; altresi  de  hemfare  ^e  de  aweit 
prepensed. 

II. 

Icez  'plaiz  *  afierent  a  la  coroune 
le  rei. 

Et  se  alquens,  u  quens,  u  provost 
mesfeist  as  homes  de  sa  baillie,  e 


I. 


Immunité  de  la  sainte  Église.  — 
Quelque  crime  qu'un  homme  ait  fait 
en  ce  temps,  s'il  peut  se  réfugier  en 
sainte  église,  qu'il  ait  sûreté  pour  sa 
vie  et  pour  la  conservation  de  ses 
membres;  et  si  quelqu'un  mit  la  main 
sur  celui  qui  aurait  eu  recours  à  notre 
mère  l'Église,  que  ce  fût  dans  une  ca- 
thédrale, ou  dans  une  abbaye,  ou  dans 
une  église  de  communauté,qu'il  rende 
ce  qu'il  y  aura  pris,  et  qu'il  paye  cent 
sous  d'amende;  si  ce  fut  dans  la  prin- 
cipale église  d'une  paroisse,  vingt 
sous,  et  dans  une  chapelle,  dix  sous. 

Et  qui  enfreint  la  ipaix  du  roi  est 
passible,  dans  la  loi  des  Merciens, 
de  cent  sous  d'amende;  de  même 
pour  HEMFARE  et  pour  guet-apens. 

II. 

Ces  causes  appartiennent  à  la  cou- 
ronne royale. 

Et  si  quelqu'un,  ou  comte,  ou  pré- 
vôt, préjudicia  aux  hommes  de  sa 


«  essaucer,  et  les  maies  coustumcs  destruire  et  aviler,  por  l'ennour  de  Dieu 
«  et  por  le  proufit  de  la  terre,  et  por  le  sauvement  de  s'arme.  «  (Assises  de 
Jérusalem,  t.  II,  p.  23.) 

^  Pour  l'expression  'pais  a  saint  Yglise  et  pour  celle  de  pais  le  rei,  qui  se 
trouve  plus  bas,  dans  le  même  paragraphe,  voir  le  glossaire  étymologique, 
ch.  I,  sect.  v,  art.  Pais. 

*  Merchenelae,  mot  anglo-saxon  composé  de  Merma,  Mercien,  et  de  lah, 
loi.  (Voir,  sur  la  loi  des  Merciens,  le  glossaire  de  du  Gange,  Lex  Mercio- 
rurtij  à  la  suite  de  l'article  Lea?.) 

^  Hemfare,  mot  anglo-saxon;  attaque  dirigée  contre  une  maison,  agres- 
sion contre  les  habitants  d'une  maison.  Hemfare  est  composé  de  ham,  heim, 
hem,  maison,  demeure,  d'où  nous  avons  fait  hameau,  et  de  fare,  marche, 
agression,  expédition,  dérivé  du  verbe  faran,  aller,  s'avancer,  marcher 
vers  ou  contre.  Ce  mot  est  expliquécomme  il  suit  dans  les  lois  de  Henri  I", 
§  80  :  Hamsocna  est  vel  Hamfare  si  quis  prœmeditate  ad  domum  eat  uU 
suum  hostem  esse  sdt,  et  ibi  eum  invadat. 

*  Fell  écrit  plaiy;  c'est  une  erreur  de  copiste.  Selden  et  Wilkins  pnt 
plaiz,  le  manuscrit  Holkham  plait. 

r  T 


98  PREMIÈRE  Px\RTIE. 

de  ço  fuist  atint  delà  justice  lu  roi,  juridiction,  et  que  de  ce  il  fût  con- 
forfait  fust  u  duble  de  ce  que  altre  vaincu  par  la  justice  du  roi,  il  fût 
fust  forfait,  puni  au  double  de  ce  qu'un  autre  au- 

rait été  puni. 

III.  III. 

E  qui  en  Danelae  ^  fruisse  la  pais  Et  dans  la  loi  des  Danois,  qui  en- 

le  roi,  VII  vinz  liverez  e  iiii   les  freint  la  faix  du  roi  est  passible  de 

amendez;    e  lez  forvaiz  [le   roi]  ^  cent  quarante-quatre  livres  d'araen- 

qui  afierent  al    vescunte  xl  solz  de;  et  pour  les  cas  royaux  qui  ap- 

en  Merchenelae     et    l    solz    en  partiennent  au  vicomte,   quarante 

Westsexenelae  *.  E  cil  frans  hoem  sous  dans  la  loi  des  Merciens,  et  cin- 

qui  aveit  sac  *,  e  soc",  e  tol^,  e  quante  sous  dans  la  loi  de  Westsex. 

*  Danelae,  mot  anglo-saxon  composé  de  Dane,  Danois,  et  de  lah,  loi. 
(Voir,  sur  la  loi  des  Danois,  le  glossaire  de  du  Cange,  Lex  Banoram,  à  la 
suite  de  l'article  Lex.) 

*  Le  texte  de  Fell  ne  porte  pas  le  roi,  mais  ces  mots  se  trouvent  dans 
Selden  et  dans  Wilkins.  Le  manuscrit  Holkham  a  le  rei. 

^  Westsexenelae,  mot  anglo-Saxon  composé  de  lah,  loi  et  de  WestSeaxe, 
Saxon  de  l'Ouest,  Saxon  habitant  la  partie  occidentale  de  l'Angleterre 
connue  sous  le  nom  de  Westsex.  (Voir,  sur  la  loi  de  Westsex,  le  glossaire 
de  du  Cange,  Lex  Westsaxonum,  à  la  suite  de  l'article  Lex.) 

*  Sac,  mot  anglo-saxon  qui  servait  à  désigner  le  droit  qu'avait  le  seigneur 
d'une  terre  d'évoquer  à  lui  les  causes  de  ses  hommes  et  de  les  condamner 
à  l'amende,  s'il  y  avait  lieu.  Sac,  sace,  sache  signifiaient  proprement  chose, 
affaire,  cause,  procès;  en  allemand  sache. 

'  Soc,  mot  anglo-saxon  signifiant  proprement  poursuite  ;  il  est  dérivé  de 
sokan,  suivre,  poursuivre.  Le  droit  de  soc,  ou  soca,  soce,  soche,  était  celui 
.qu'avait  le  seigneur  justicier  de  poursuivre  un  coupable  et  de  le  traduire 
devant  son  propre  tribunal.  Soc  est  secta  de  hominibus  in  curia  domini,  se- 
cundum  consuetudinemregni.  (Ane.  ms.  cité  dans  le  glossaire  de  Spelmann.) 
Soca  est  quod  si  aliquis  quœrit  aliquid  in  terra  sua,  etiam  furtum  ;  sua  est 
justicia,  siinventum  an  non.  (Lois  d'Edouard  le  Confesseur,  ch.  xxiii.) 

"  Toi,  privilège  dont  un  seigneur  jouissait  dans  l'étendue  de  sa  terre,  et 
qui  consistait  à  être  exempt  de  toute  taxe  et  de  tous  droits  pour  le  transport, 
l'achat  et  la  vente  des  marchandises  et  denrées.  Thol,  quod  nos  dicimus 
tolonium,  est  sciUcet  quod  habeat  libertatem  vendendi  et  emendi  in  terra 
sua.  (Lois  d'Edouard  le  Confesseur,  ch.  xxiv.)  Toll,  estre  quitte  de  tur- 
nus;  c'est  costume  de  marché.  (Formules  angl.  de  Thom.  Madox,  p.  47.) 
Cette  signification  n'est  pas  la  primitive,  car  toll,  toi  signifia  d'abord  taxe 
6ur  les  denrées  et  les  marchandises,  en  langue  d'oïl  tonlieu,  en  basse  lati- 
nité tolonium,  qui  se  trouve  dans  la  Vulgate  et  dans  Isidore  de  Séville.  Ces 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  IV.             99 

TEM  *,  e  INFANGENETHEOF*,  sc  il  est  in-  Et  l'homme  libre  qui  a  sac,  et  soc,  et 
plaidé  eseit  mis  en  forfait  en  le  counté,  tol,  etiEM,  et  infangenetheof,  s'il 
afiert  al  forfait  a  ocs  le  vescuntc  est  accusé  et  mis  à  l'amende  en  cour 
XL  ORES^  en  Denelae,  e  de  altre  comtale,  il  appartient,  pour  amen- 
home  qui  ceste  franchise  wen*  ad  de,  quarante  ores  au  vicomte,  dans 
xxxn  ORES.  De  ces  xxxii  ores,  avrat  la  loi  des  Danois,  et  pour  tout  autre 
le  vescunte  a  oes  le  roi  x  ores,  e  cil  *  homme  qui  n'a  point  cette  franchise, 
qui  li  plait  avrat  dereined^  vers  trente-deux  ores.  Sur  ces  trente- 
lui  XII  ORES,  et  le  seignur  en  M  fiu''  deux  ores,  le  vicomte  retiendra  dix 


mots  me  paraissent  dériver  de  tollere,  qui  donna  en  basse  latinité  tolta,  en 
langue  d'oïl  tolte,  taxe,  impôt,  d'où  malatolta  ou  maletolta,  maltôte,  tribvr- 
tum  quod  injuste  et  maie  tollitur.  Dans  la  suite,  toi  se  prit,  dans  un  sens 
détourné,  pour  le  privilège  qui  exemptait  de  la  taxe. 

*  Tenij  mot  anglo-saxon  désignant  le  droit  qu'avait  un  homme  libre  sur 
tous  les  enfants  qui  naissaient  de  ses  serfs  sur  sa  terre.  Ces  enfants  étaient 
appelés  serfs  natifs ^  en  basse  latinité  nativi  ;  ils  devaient  à  leur  tour  don- 
ner naissance  à  une  race  malheureuse  de  serfs  qui  se  perpétuaient  au  profit 
du  même  maître.  (Voir  le  paragraphe  xxxiii.)  On  trouve  également  them_, 
theam,  team  avec  la  même  signification.  Theam  est  regale  privilegiiim  quo 
qui  fruitur  habet  villam  et  propagincm;  id  est  potestatem  hahendi  natives, 
bondos  et  villanos  in  feudo  aut  manerio  suo.  (Rastall,  art.  Theam.)  Tem, 
team,  theam  signifient  proprement,  en  anglo-saxon,  progéniture,  race  ;  ils 
sont  dérivés  de  tyman,  engendrer,  procréer. 

'  Infangenetheof  ou  infangenthef,  mots  anglo-saxons  qui  signifiaient  le 
droit  qu'avait  un  seigneur  de  juger  et  de  punir  un  voleur  arrêté  sur  sa  terre, 
lorsque  le  vol  était  manifeste,  et  principalement  lorsque  le  voleur  était 
trouvé  en  possession  de  l'objet  volé.  (Voir  le  paragraphe  xxxi.)  Un  com- 
mentateur anglais  interprète  ainsi  ce  mot  :  Infangentef  hoc  est,  latrones 
capti  in  dominio,  vel  in  feodo  vestro,  et  de  suo  latrocinio  convidi,  in  curia 
vestra  judicentur.  (Will.  Thorn,  p.  2030.)  Infangenetheof  est  composé  de 
in,  dans,  de  fangen,  prendre,  saisir,  et  de  theof,  voleur,  en  anglais  thief. 

^  Ore,  mot  anglo-saxon  ;  on  appelait  ainsi  en  Angleterre  une  sorte  de 
monnaie  qui  valait  un  douzième  de  la  livre  sterling.  La  signification  pre- 
mière de  ore  est  celle  de  bronze,  airain  ;  en  allemand  erz. 

*  Fell,  neu;  Seld.  et  Wilk,  non;  ms.  Holk.  nen. 
»  Fell,  til;  Seld.,  Wilk.  et  ms.  Holk.  cil. 

'  Feil,  de  remued;  Seld.  et  Wilk.  deremied;  ms.  Holk.  derednê.  L'origi- 
nal devait  porter  dereined.  Selden  et  Wilkins  ont,  au  paragraphe  xliii,  de- 
reinet,  et  l'on  trouve  derained  dans  Fell,  au  paragraphe  xxv, 

'  Fell,  Seld.  et  Wilk.  fin-,  ms.  Holk.  /Îm.  '  ^ 


100 


PREiMIÈRE  PARTIE. 


il  maindra  x  ores,   Ço  est  en  De- 

NELAE. 


IV. 

Ço  'st  la  custume  en  Merchene- 
LAE,  se  alquens  est  apeled  de  larecin 
u  de  roberie,  e  seit  plevi  de  venir  a 
justice,  et  il  seit  fuie  dedenz;  son 
plege  si  averad  ^  un  ^  mois  e  i  jour 
de  querle;  s'il  le  pot  truver  [dedenz 
le  terme,  si  1'  merra  a  la  justice^  e 
s'il  ne  r  pot  truver]  ^,  si  jurad  sei 
dudzime  main  que,  al  ure  que  il  le 
plevi,  laroun  ne  1'  sot,  ne  per  lui  ne 
s'en  *  est  fui,  ne  aveir  ne  1'  pot. 
Dune  rendrad  le  chatel,  e  xx  solz 
pur  la  teste,  e  iv  deners  al  ceper,  e 
une  "  maille  pur  la  besche  ^,  e  xx  sok 
al  rei.  En  Westsexenelae  cent  solz 
al  clamur  pur  la  teste  e  iv  liveres  al 
rei.  E  en  Danelae  le  forfait  viii  livres, 
les  XX  solz  pur  lateste,  e  les  vu  livres 


ORES  pour  le  roi;  celui  qui  aura  sou- 
tenu l'accusation  contre  le  coupable 
aura  douze  ores,  et  le  seigneur  dans 
le  fief  de  qui  demeurera  le  coupable, 
dix  ORES.  Ceci  est  dans  la  loi  des 
Danois. 

IV. 

C'est  la  coutume,  dans  la  loi  des 
Merciens,  que  si  quelqu'un  appelé 
devant  les  tribunaux,  pour  larcin  ou 
pour  rapine,  a  donne  caution  de  se 
présenter  en  justice,  et  que,  dans  le 
délai,  il  se  soit  enfui,  son  répondant 
aura  un  mois  et  un  jour  pour  le 
chercher;  s'il  le  peut  trouver  dans 
ce  délai,  il  le  mènera  à  la  justice, 
et  s'il  ne  le  peut  trouver,  il  jurera, 
lui  douzième,  que,  lorsqu'il  le  cau- 
tionna, il  ne  le  savait  pas  voleur, 
que  ce  n'est  point  par  son  moyen 
qu'il  s'est  soustrait,  et  qu'il  ne  peut 
l'avoir;  ensuite  il  rendra  le  chatel, 
et  payera  vingt  sous  pour  la  tête  de 
l'accusé,  quatre  deniers  pour  le  geô- 
lier, une  maille  pour  le  bourreau  et 


*  Fell,  Seld.  et  Wilk.  avéra  de  ;  ms.  Holk.  averad. 

*  Fell  et  Wilk.  iv;  Seld.  un;  ms.  Holk. wn.  L'orignal  devait  porter mtt, 
comme  le  manuscrit  Holkham.  Les  copistes  auront  pris  les  quatre  jambages 
qui  forment  les  deux  lettres  de  ce  mot  pour  autant  de  chiffres  romains,  et 
les  auront  représentés  par  un,  comme  dans  Selden;  Fell  et  Wilkins  auront 
écrit  IV,  en  se  servant  de  la  notation  usitée  aujourd'hui.  La  même  erreur  se 
retrouve,  quelques  lignes  plus  bas,  dans  ce  même  paragraphe,  et  nous 
aurons  encore  occasion  de  la  remarquer  page  \  02,  notes  5  et  7,  et  page  1 08, 
note  6. 

'  Les  mots  entre  crochets  ne  sont  ni  dans  Fell,  ni  dans  Selden,  ni  dans 
Wilkins,  mais  ils  se  trouvent  dans  le  manuscrit  Holkham. 

*  Fell,  seu;  Seld.  seut;  Wilk.  sent;  ms.  Holk.  sen. 

*  Fell,  un  ;  Seld.  Wilk.  et  ms.  Holk.  une. 

*  Pour  l'interprétation  de  ce  mot,  voir  ci-après,  sect.  v  de  ce  chapitre,  le 
glossaire  étymologique,  art.  Besche. 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  IV.  <0f 

al  rei.  E  s' il  pot  decLenz  un  an  e  wn*  vingt  sous  pour  le  roi.  Dans  la  loi 
jurs  trover  le  larun,  e  amener  à  la  de  Westsex,  il  est  dû  cent  sous  au 
justice,  si  li  rendra  les  vint  solz  ki  's  réclamant  pour  la  tôte  du  voleur,  et 
averad  oud,  e  sin  ert  faite  ^  la  justice  quatre  livres  au  roi;  et  dans  la  loi 
de  larun.  des  Danois  l'amende  est  de  huit  li- 

vres, dont  vingt  sous  pour  la  tête  et 
sept  livres  appartenant  au  roi.  Et  si 
le  répondant  peut,  dans  un  an  et  un 
jour,  trouver  le  voleur  et  l'amener 
à  la  justice,  celui  qui  aura  eu  les 
vingt  sous  les  lui  rendra,  et  il  sera 
fait  justice  du  voleur. 

V.  V. 

Cil  ki  prendra  larun  sanz  suite  e  Si  l'on  prend  un  voleur  sans  que 

cri,  que  cil  enleist  a  qui  il  avrad  le  le  volé  le  poursuive  et  crie   après 

damage  fait,  et  vienge  pois  après,  si  lui,  et  que  celui  à  qui  le  dommage 

est  raisun  que  il  dunge  x  solz  de  aura  été  fait  le  laisse  ainsi  échapper, 

HENGwiTE  ^,  e  si  'n  *  face  la  justice  s'il  survient  après  coup,  il  est  rai- 

a  la  pnmere"  devise;  e  s'il  passe  la  sonnable  qu'il  donne  dix  sous  de 

*  Fell,  IV  ;  Seld.  iiii;  Wilk.  et  ms.  Holk.  un.  Voir  une  erreur  semblable 
relevée  dans  ce  même  paragraphe,  p.  1 00,  note  2. 

*  Fell  et  Seld.  fainte  ;  ms.  Holk.  feite  ;  Wilk.  faite. 

^  Hengwite,  mot  anglo-saxon  composé  de  hangian,  pendre,  et  de  wite, 
amende.  On  appelait  hengwite  ou  hangwite  l'amende  à  laquelle  était  con- 
damné celui  qui  avait  laissé  évader  un  voleur  sans  tâcher  de  l'arrêter  ou  de 
le  faire  arrêter.  Cette  amende  était  ainsi  nommée  parce  qu'elle  était  censée 
tenir  lieu  de  la  peine  encourue  par  le  voleur^  qui  devait  être  pendu,  d'après 
les  anciennes  lois  anglo-saxonnes.  (Voir,  au  sujet  de  cette  amende,  le  re- 
cueil des  lois  anglaises  connu  sous  le  nom  de  Fleta,  liv.  I,  ch.  xlvii,  §  1 7.) 

Celui  qui  était  volé  se  devait  à  lui-même  et  devait  à  la  société  de  chercher 
à  s'emparer  du  voleur  ou  à  le  faire  arrêter,  en  réclamant  secours,  en  cas  de 
besoin,  afin  qu'on  lui  prêtât  main-forte.  Nous  crions  aujourd'hui  au  voleur! 
au  voleur  !  Les  Anglo-Normands  criaient  haro^,  haro  !  «  Au  cri  de  hareu 
»  doivent  issir  tous  ceus  qui  l'oirent,  et  il  se  voient  meffet  où  il  aet  péril  de 
»  mort  ou  de  larrecin,  par  quoy  le  malfeteur  doit  perdre  vie  ou  membre, 
»  il  le  doit  prendre  et  retenir  et  crier  hareu  après  lui,  outrement  seront-ils 
»  tenus  à  amender  le  au  prince.  »  (Coutumes  de  Normandie,  citées  par 
du  Cange,  art.  Haro.) 

*  Fell,  Seld.  et  Wilk.  fin;  ms.  Holk.  si.  L'original  devait  porter  sm,  que 
je  représente  par  si  'n,  attendu  qu'il  est  pour  si  on.  (Voir,  ci-après,  l'article 
Sij  adv,,  dans  le  glossaire  étymologique,  sect.  v  de  ce  chapitre.) 

'  Fell  et  Seld.  primerme;  Wilk.  et  ms.  Holk.  iirimere. 


102  PREMIÈRE  PARTIE. 

devise  sans  le  congé  a  la  justice,  si      hengwite  et  que  l'on  fasse  justice  à 
est  forfait  de  xl  solz,  la  première  audience;  et  s'il  laisse 

passer  cette  audience  sans  l'autori- 
sation de  la  justice,  l'amende  est  de 
quarante  sous. 

VI.  VI. 

Cil  ki  aveir  escut,  u  chivalz,  u  Si  l'on  retire  de  fourrière  du  bé- 
buefs,  u  vachez,  u  porcs,  u  berbiz,  tail,  soit  cheval,  bœuf,  vache  ou 
qe  est  forfeng  *  en  engleis  apeled,  brebis ,  ce  qui  est  appelé  forfeng 
cil  qi  r  clamed  durad  al  gros  aveir  en  anglais,  celui  qui  le  réclame  dou- 
ai provost^  pur  Vescussiun^  vin  de-  nera,  pour  du  gros  bétail,  huit  de- 
ners;  [ja  tant  'n  i  ait,  meis  qu'il  i  niers  au  prévôt  pour  le  recouvre- 
out  cent  almaillc,  ne  durrad  que  ment;  quelque  nombre  qu'il  y  en 
VIII  deners]  *,  e  pur  un  porc  un  "  ait,  y  eût-il  cent  têtes  de  gros  bé- 
deners,  et  pur  un*  berbiz  i  dener;  c  tail,  il  ne  donnera  jamais  que  huit 
isi  tresque''  uit;  pur  chascun  un  *  deniers,  et  pour  un  porc  un  denier, 
deners,  ne  ja  tant  'n  i  ^  avrad,  ne  et  pour  une  brebis  un  denier,  et 
durrad  que  oit  deners;  edurrawage,  ainsi  jusqu'à  huit  pour  chacun  un 

•  Forfeng,  mot  anglo-saxon;  action  de  prendre,  de  saisir  ;  action  de  ressai- 
sir, de  récupérer,  de  recouvrer  ce  qu'on  a  perdu;  recouvrement.  Forfeng,  for- 
fang,  forefeng,  mots  de  même  signification,  sont  composés  de  fore,  avant, 
devant,  et  de  fe7ig,  fang,  action  de  prendre,  dérivé  de  fengan,  fangan,  pren- 
dre, saisir. 

^  Fell  et  Selden,  al  gros  s.  al  provost  aveir;  Wilkins,  al  gross  al  provost 
aveir.  Les  textes  publiés  par  les  trois  auteurs  anglais  paraissent  avoir  été 
fournis  par  des  copies  qui  avaient  probablement  été  faites  sur  le  môme  ma- 
nuscrit. Celui-ci  devait  présenter  dans  cet  endroit  une  fausse  leçon  prove- 
nant d'une  transposition.  Il  faut:  al  gros  aveir  al  provost.  L'expression  gros 
aveir  aussi  bien  qu'almaille  désigne  le  gros  bétail  par  opposition  au  petit 
bétail  tels  que  porcs  et  brebis  dont  il  est  question  immédiatement  après.Voyez 
pour  d'autres  observations  l'article  Aveir  dans  le  glossaire  étymologique. 

^  Fell,  Seld.  et  Wilk.  escussum  ;  ms.  Holk.  rescussiun.  Le  même  porte  résout, 
au  lieu  de  esmt,  que  l'on  trouve  dans  le  texte  de  Fell,  à  la  première  ligne 
de  ce  paragraphe.  L'original  devait  avoir  escussiun. 

'*  Les  mots  mis  entre  crochets  ne  sont  point  dans  Fell,  mais  ils  se  trouvent 
dans  Selden,  dans  Wilkins  et  dans  le  manuscrit  de  Holkham.  (Voir,  ci-après, 
n  pour  en,  dans  le  glossaire  étymologique,  sect.  v  de  ce  chapitre.) 

»  Fell  et  Wilk.  iv;  Seld.  iiii;  ms.  Holk.  i.  (Voir  p.  100,  note  2.) 

®  Pour  un  berbiz,  voir  l'art.  Berbiz  dans  le  glossaire  étymologique. 

''  Fell,  isistre  que;  ms.  Holk.  issi  tresque;  Seld.  et  Wilk.  isi  tresque. 

«  Fell  et  Wilk.  iv;  Seld.  un;  ms.  Holk.  i.  (Voir  p.  100,  note  2.) 

'  Fell,  in;  Seld.,  Wilk.  et  ms.  Holk.  ni. 


CHAP.  l,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  IV.  103 

denier;  et  quel  que  soit  le  nombre 
qu'il  y  en  ait,  il  ne  donnera  jamais 
que  huit  deniers  ;  et  donnera  gage, 
et  trouvera  répondant,  afin  que  si 
un  autre  vient  ensuite,  dans  l'inter- 
valle d'un  an  et  un  jour,  pour  de- 
mander le  bétail,  celui-ci  ait  recours 
en  cour  contre  celui  des  mains  du- 
quel on  l'a  retiré. 

VII. 
De  même  pour  bétail  égaré  et 
autre  chose  trouvée,  :  que  cela  soit 
montré  en  trois  endroits  du  voisi- 
nage, afin  qu'il  y  ait  témoins  de  la 
chose  trouvée;  si  quelqu'un  vient 
ensuite  pour  réclamer  la  chose,  qu'il 
donne  gage  et  trouve  répondants, 
afin  que  si  un  autre  réclame  l'objet 
dans  l'intervalle  d'un  an  et  un  jour, 
il  ait  recours  en  cour  contre  celui 
qui  l'aura  trouvé. 

VIII. 


e  truverad  plege,  que  si  alter  vein- 
ged  a  pref,  dedenz  l'an  e  un  jour, 
pur  l'aveir  demander,  q'il  i  ait  a 
droit  en  la  curt  celui  de  qe  il  aveit 
escus. 


VII. 

Altersi  de  aver  endirez  e  de  altre 
treveure  :  seit  mustred  de  treis  pars 
del  veisined  *,  que  il  eit  testimonie 
de  la  troveure;  si  alquens  vienge^  a 
pref  pur  clamer  la  jose  duist  ^  wage 
e  troisse  pièges,  que  si  alter  claimid 
l'aveir  dedenz  l'an  e  un  jour  que  ill 
ait  a  dreit  en  la  curt  celui  qui  l' ave- 
rat  troved. 


VIII. 

Si  home  occit  alter,  et  il  seit  co- 
nusaunt,  e  il  deive  *  faire  les  amen- 
des, durrad  de  sa  mainbote'  al  sei- 
gnor,  pur  le  franc  home  x  solz,  et 
pur  le  serf  xx  solz.  La  were*  del 


Si  un  homme  en  tue  un  autre,  et 
qu'il  reconnaisse  le  fait,  et  doive 
payer  les  amendes,  il  donnera  pour 
sa  MAiNBOTE  auscigncur,  pour  l'hom- 
me libre  dix  sous  et  pour  le  serf 


*  Pour  l'interprétation  de  veisined,  voir  ce  mot  dans  le  glossaire  étymolo- 
gique, sect.  V  de  ce  chapitre. 

*  Fell,  vieuge;  ms.  Holk.  vienged;  Seld.  et  Vf'ûk.vienge. 
'  Fell,  diust  ;  ms.  Holk.  duinst;  Seld.  et  Wilk.  duist. 

*  Fell,  Seld.  et  Wilk.  dénie;  ms.  Holk.  deive. 

'  Mainbote  ou  manbote,  comme  on  lit  dans  Selden;  composition  à  la- 
quelle était  tenu  un  meurtrier.  Il  devait  payer  au  seigneur  une  somme  plus 
considérable  si  l'homme  qu'il  avait  tué  était  serf  que  s'il  était  libre,  attendu 
que,  dans  le  premier  cas,  cet  homme  était  la  propriété  particulière  du  sei- 
gneur, et  que  le  préjudice  occasionné  à  celui-ci  était  plus  grand  que  si  l'on 
eût  tué  un  homme  libre,  sur  lequel  il  n'avait  que  de  simples  droits  sei- 
gneuriaux. Mainbote,  manbote  sont  composés  des  mots  anglo-saxons  man, 
homme,  et  bote  ou  bode,  compensation,  composition,  dérivés  de  bettan, 
compenser,  composej". 

*  Were,  mot  anglo-saxon  ;  amende  qu'un  meurtrier  devait  payer  aux  pa- 


404  PREMIÈRE  PARTIE. 

THEiN  '  XX  livres  en  Merchenelae,  e      vingt  sous.  La  were  du  thain  est 

XXV  livres  en  Westsaxenelae  [e  la      de  vingt  livres  dans  la  loi  des  Mer- 
WERE  del  vilain  c  solz  en  Mercheke-      ciens  et  de  vingt-cicq  livres  dans  la 
LAE  e  ensement  en  "Westsaxenelae]'^.      loi  de  Westsex,  et  la  were  du  vi- 
lain est  de  cent  sous  dans  la  loi  des 
Merciens  ainsi  que  dans  la  loi  de 
Westsex. 

IX.  IX. 

De  la  were.  —  Primerament  ren-  De  la  were.  —  D'abord  on  paye- 
drat  l'um  de  halsfanc  ^,  a  la  vedue  ra,  pour  le  halsfanc,  à  la  veuve  et 
e  as  orphanins  x  sols,  et  le  surplus  aux  orphelins,  dix  sous,  et,  pour  le 
les  orphanins  et  les  parens  dépar-  surplus,  que  les  orphelins  et  les  pa- 
tent entr'els.  rents  partagent  entre  eux. 

X.  X. 

En  la  were  purra  il  rendre  chival         Pour  la  were,  il  pourra  donner 

rents  de  sa  victime.  Cette  amende  était  plus  considérable  pour  le  meurtre 
d'un  homme  d'une  condition  élevée  que  pour  celui  d'un  homme  d'une  con- 
dition inférieure,  ainsi  qu'on  peut  en  juger  par  les  dernières  lignes  de  ce 
paragraphe.  Were  a  été  dit  par  abréviation  pour  weregeld,  veregeld^  en  tu- 
desque  werigelt;  mots  composés  de  ver_,  wer,  homme,  et  de  geld,  gelt, 
prix,  HOMiîSis  pretium.  On  trouve  avec  la  même  signification  en  irlandais 
manngialdj  en  anglo-saxon  leodgeld  et  par  abréviation  leode  ;  mots  formés 
de  mann^  homme,  leod,  gens,  en  gothique  lauths,  homme.  (Voyez  le  Dic- 
tionnaire de  Graff,  t.  1,  p.  931,  et  comparez  les  composés  que  nous  venons 
de  voir  avec  manhote,  mamboie  expliqués  dans  la  note  précédente.)  Par 
extension,  on  donna  le  nom  de  were  à  des  amendes  encourues  pour  cer- 
tains crimes  ou  certains  délits  qui  n'avaient  rien  de  commun  avec  l'homi- 
cide. 

*■  Thein  ou  thain,  thayn,  than,  thane,  seigneur  anglo-saxon  qui  avait 
rang  après  le  comte  ;  ainsi  le  titre  de  thain  répondait  à  peu  près  à  celui  de 
baron.  (Voir  le  glossaire  de  du  Gange,  art.  Thainus,  celui  de  Somner,  art. 
Theyen,  et  Selden,  De  titulis  honor.,  part,  ii,  ch.  v,  §§  2  et  4.) 

'  Les  mots  entre  crochets  ne  sont  point  dans  Fell,  mais  on  les  trouve 
dans  Selden,  dans  Wilkins,  et  dans  le  manuscrit  Holkham. 

3  Fell,  hait  sanc  ;  Seld,  et  Wilk.  hait  saine.  On  doit  lire  hais  fane,  mot 
qui  signifiait  en  anglo-saxon  une  sorte  de  carcan  servant  à  serrer  le  cou 
d'un  criminel  exposé  au  pilori,  et,  par  extension,  la  somme  que  celui-ci 
devait  payer  pour  s'exempter  de  l'exposition.  C'est  dans  cette  dernière  ac- 
ception qu'il  est  pris  ici.  Halsfanc  ou  halsfang,  healsfang,  helfeng,  etc.  tous 
mots  de  même  signification,  sont  composés  de  hais,  coti,  et  de  fangan. 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  IV. 


105 


qui  ad  la  cuille  pur  xx  solz,  et  tor 
pur  X  solz,  et  ver^  pur  v  solz. 


un  cheval  entier  pour  vingt  sous,  un 
taureau  'pour  dix  sous  et  un  verrat 
pour  cinq  sous. 


XL 

Si  home  fait  plaie  a  altre,  e  il 
deive  *  otrei  faire  les  amendes,  pri- 
marement  li  rende  sun  lechefe^;  e 
li  plaiez  jurra^  sur  seintz^  que  pur 
mes  ne  l'pot  faire,  ne  pur  haur  si 
chier  ne  l'fist. 


XL 

Si  un  homme  fait  une  blessure  à 
un  autre,  et  qu'il  doive  lui  payer  les 
amendes,  premièrement  il  lui  rendra 
son  lechefe;  et  le  blessé  jurera  sur 
reliques  qu'il  ne  le  put  faire  pour 
moins,  et  que  ce  n'est  point  par  ran- 
cune qu'il  le  fit  si  cher  (c'est-à-dire, 
qu'il  ne  put  se  faire  guérir  pour  moins, 
et  que  ce  n'est  point  par  rancune  qu'il 
paya  si  cher  pour  sa  guérison). 


XIL 

De  SARBOTE  ^  cho  est  de  la  dulor. 
—  Si  la  plaie  lui  vient  avis  en  des- 
cuvert,  al  polz,  tote  veie  iv  deners  ; 
c  de  tg,nz  os  cum  hom  trarad  de  la 
plaie,  al  os  tote  veie  iv  deners  ;  pois 
acordcment  si  li  mettrad  avant  ho- 
nours  que  si  il  li  out  fait  ço  q'il  ad 
fait  a  lui,  se  son  queur  li  purportast. 


XIL 

De  la  SARBOTE,  c'est-à-dire  de  la 
douleur.  —  Si  la  blessure  lui  est  faite 
au  visage,  qu'elle  soit  à  découvert, 
ou  au  pouce,  dans  chacun  de  ces  cas, 
le  coupable  payera  quatre  deniers  ; 
et  il  payera  pour  autant  d'os  qu'on 
en  tirera  de  la  plaie,  à  chaque  fois, 
pour  l'os  retiré,  quatre  deniers;  puis 


fangen,  saisir.  (Voir  le  glossaire  anglo-saxon  de  Ed.  Lye  et  celui  de  du 
Cange,  art.  Ealsfang.) 

*  Fell  et  Seld.  iter  ;  Wilk.  afer  ;  ms.  Holk.  ver. 
'  Fell,  Seld.  et  Wilk.  dénie  ;  ms.  Holk.  deive. 

'  Lechefe,  mot  anglo-saxon  signifiant  salaire  donné  à  un  médecin  pour  le 
traitement  d'une  maladie  ,•  il  est  composé  de  leach,  lœce,  lece,  médecin,  et 
de  feh,  fea,  récompense,  salaire. 

*  Fell,  Seld.  et  Wilk.  jurraz;  ms.  Holk.  jurra. 

»  Fell,  seinte;  Seld.  et  Wilk.  seintez;  ms.  Holk.  seinz.  Le  texte  de  Fell 
porte  saintz,  au  paragraphe  xv. 

Sarbote,  mot  anglo-saxon  ;  amende  que  l'on  était  obligé  de  payer  à  ce- 
lui à  qui  on  avait  fait  des  blessures,  en  réparation  du  mal  qu'on  lui  avait 
cause.  Sarbote  vient  de  sar,  douleur,  en  anglais  sorrow,  et  de  bote,  bode, 
compensation,  composition,  dérivés  de  bettan,  compenser,  composer.  (Voir 
Mainbote,  p.  103,  note  5.) 


106 


PREMIÈRE  PARTIE. 


e  soun  conseil  li  donast,  prendreit 
de  lui  ce  qu'il  offre  a  lui. 


XIII. 

Si  ço  avent  *  que  alquen  colpe  le 
poin  a  altre  u  le  pied,  si  li  rendra 
demi  were,  suluc  ceo  que  il  est  nez; 
del  pochier  rendrad  la  meité  de  la 
mein  ;  del  dei  après  le  polcier,  xv  solz, 
de  soit  engleis,  ço  est  querdeners^ ; 
de  lune  dei,  xvi  solz  ;  del  altre  qui 
ported  l'anel,  xvii  solz  ;  del  petit  dei, 
V  solz,  delungle,  si  il  colpe,  decas- 
cun  V  solz,  de  soit  engleis  ;  al  ungle 
de  petit  dei,  iv  deners. 


XIV. 

Ki  altri  espouse  purgist,  si  forfait 
la  WERE  vers  sun  seignor. 

XV. 

Altresi,  quy  faus  jugement  fait 


il  lui  fera  cordialement  amende  ho- 
norable, lui  assurant  que  s'il  lui  eût 
fait  ce  qu'il  lui  afait,  s'il  lui  proposait 
son  affection  et  qu'il  lui  donnât  con- 
seil, il  recevrait  de  lui  ce  qu'il  lui 
offre  (c'est-à-dire  :  Si  les  rôles  étaient 
intervertis,  que  B  eût  fait  à  C  ce  que 
C  a  fait  à  B,  et  que  B  proposât  à  C 
son  affection  en  lui  donnant  le  con- 
seil d'accepter  des  réparations,  C  ao- 
cepterait,  dans  ce  cas,  ce  que  lui- 
même  offre  à  B  en  ce  moment). 

XIII. 

S'il  avient  que  quelqu'un  coupe  le 
poing  ou  le  pied  à  un  autre,  il  lui 
payera  demi  were,  selon  sa  nais- 
sance. Pour  le  pouce,  il  payera  la 
moitié  de  ce  qu'il  eût  payé  pour  la 
main  ;  pour  le  doigt  après  le  pouce, 
quinze  sous,  sous  anglais,  c'est>-à;- 
dire  de  quatre  deniers  ;  pour  le  long 
doigt,  seize  sous  ;  pour  l'autre  qui 
porte  l'anneau,  dix-sçpt  sous  ;  pour 
le  petit  doigt,  cinq  sous  ,•  quant  à 
l'ongle,  s'il  le  coupe,  pour  chacun,  - 
cinq  sous,  sous  anglais;  pour  l'on- 
gle du  petit  doigt,  quatre  deniers. 

XIV. 

Qui  abuse  de  l'épouse  d' autrui  est 
passible  de  la  were  au  profit  du 
mari. 

XV. 

De  même,  qui  rend  un  faux  juge- 


*  Fell,  aveut;  Seld.,  Wilk.  et  ms.  Holk.  avent. 

*  Le  texte  de  Fell  porte  soit  engleis,  co  est  quer  bener  deners.  Le  copiste, 
après  avoir  écrit  bener  pour  dener,  s'est  corrigé  en  écrivant  le  mot  tel  qu'il 
doit  l'être  ;  mais  il  a  oublié  de  raturer  bener.  Selden  et  Wilkins  ont  soit 
engleis,  ço  est  quer  deners.  On  lit  dans  le  manuscrit  Holkham  solz  engleis 
que  est-apelé  quaerdenier.  (Voir  Querdeners,  dans  le  glossaire  étymologique, 
sect,  V  de  ce  chapitre.)  Pour  l'interprétation  du  commencement  de  ce  para- 
graphe, voir  p.  103,  note  6. 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  IV.  107 

ment  perd  sa  were,  s'il  ne  peut  prou- 
ver, par  serment  fait  sur  reliques, 
qu'il  ne  sut  mieux  juger. 


perl  sa  were,  si  il  ne  pot  prover  sor 
saintz  que  mels  ne  sot  juger. 


XVI. 

Si  home  apeled  altrc  de  larcin,  e 
il  seit  *  francz  home,  et  il  ait  oud  en 
arere  *  testimoine  de  lealté,  s'en  es- 
condirad  per  plein  serment,  et  altre 
qui  blasmed  ait  *  ested  per  serment 
nomed*,  ço  est  a  savoir,  quatorze 
homes  leals  per  noun,  si  il  aver  les 
pot,  si  s'en  escondirad,  sei  dudzime 
main";  et  si  avoir  nc's  pot,  si  se  dé- 
fende per  juise.  E  li  apeleur  jurra 
surluijpar®  set  homes  nomes  que 
pur  haur  ne  l'fist,  ne  pur  altre  chose 
si  pur  soun  dreit  noun  purchacer. 


XVII. 

E  si  alcons  est  apelez  de  mustcr 
fruisser  u  de  chambre,  e  il  n'eit 
ested  blamed  en  arere,  s'en  escondie 
per  xini  ^  leals  homes  només,  sei 


XVI. 

Si  un  homme  en  appelle  un  autre 
en  justice  pour  larcin,  et  que  celui- 
ci  soit  homme  libre  et  qu'il  y  ait  eu 
précédemment  témoignage  de  loyau- 
té sur  son  compte,  il  s'en  justifiera 
par  le  serment  simple  ;  mais  un  au- 
tre qui  a  déjà  été  accusé  s'en  justi- 
fiera par  serment  à  lui  désigné,  c'esl^ 
à-dire  en  se  faisant  assister  de  qua- 
torze hommes  réputés  loyaux,  s'il 
peut  les  avoir,  et  s'en  disculpera  en 
jurant  lui  douzième  ;  et  s'il  ne  peut 
les  avoir,  qu'il  s'en  défende  par  le 
jugement  de  Dieu.  Et  l'accusateur, 
assisté  de  sept  hommes  à  lui  dési- 
gnés, jurera  après  lui  qu'il  ne  le  fit 
pas  par  haine  ni  pour  autre  chose, 
sinon  pour  poursuivre  son  droit. 

XVII. 

Et  si  quelqu'un  est  appelé  en  jus- 
tice pour  avoir  forcé  une  église  ou 
le  trésor  d'une  église,  et  qu'il  n'ait 
point  été  accusé  précédemment,  qu'il 


*  Fell,  Seld.  et  Wilk.  sot;  ms.  Holk.  seit. 

*  Fell,  ait  cauere  ;  Wilk.  ait  ondea  verre  ;  Seld.  ait  ond  cavene.  La  cor- 
rection que  j'ai  faite  se  trouve  justifiée  par  ces  mots  du  paragraphe  suivant: 
E  il  n'eit  ested  blamed  en  arere....  e  s'il  ad  en  arere  larcin  amended. 

^  Fell,  an  ;  Seld.  et  Wilk.  ait. 

'*  Pour  l'interprétation  de  serment nomed^  voir,  ci-après,  Sagrawen^^  dans 
le  glossaire  étymologique,  sect.  v  de  ce  chapitre. 

'  Pour  l'interprétation  de  sei  dudzime  main  et  de  homes  només,  voir  l'ar- 
ticle Nomer,  dans  le  glossaire  étymologique,  sect.  v  de  ce  chapitre. 

*  Fell,  jur  ;  Seld.  et  Wilk.  iur;  ms.  Holk.  par. 

'  FeU,  xiij  Seld.  et  Wilk.  xlii;  ms.  Holk.  xiiii.  Pour  l'interprétation  de 
ce  passage,  voir,  ci-après,  l'article  Nomer,  dans  le  glossaire  étymologique, 
sect.  V  de  ce  chapitre. 


108 


PREMIÈRE  PARTIE. 


dudzime  main;  et  s'il  eit^  altre  fiée 
ested  blamed,  s'en  escondied  a  treis 
dubles,  ceo  a  savoir  per  xlii  ^  homes 
leals  només,  sei  trente  siste  mein, 
e  s'il  aveir  ne's  pot,  [aut]  ^  a  la  juise 
a  treis  dublez,  si  com  il  deust  *  a 
treis  "  dublein  serment;  et  s'il  ad 
en  arere  larcin  amended,  ait  al  ewe. 


Li  arcevesqe  averad  de  forfaiture 
XL  solz  enMERCHENELAE,  etlui  evesqes 
XX  solz,  e  lui  quenz  xx  solz,  e  le  ba- 
roun  X  solz,  et  le  vilain  xl  deners. 


XVIII. 

Franc  home  qi  ad  aver  champester 
trente  deners  vailaunt,  deit  doner  le 
denerseint  Père.  Le  seignurpur  un® 
deners  que  il  donrad,si  eruntquites 
ses  bordiers,  e  ses  boverz  e  ses  ser- 
janz.  Li  burgeis  qi  ad  en  soun  propre 
chatel  demi  marc  vailant,  deit  doner 


s'en  justifie  au  moyen  de  quatorze 
hommes  loyaux,  à  lui  désignés,  en 
jurant  lui  douzième;  et  s'il  a  été 
accusé  autrefois,  qu'il  s'en  justifie 
par  un  nombre  triple ,  à  savoir  par 
quarante-deux  hommes  loyaux,  à 
lui  désignés,  en  jurant  lui  trente- 
sixième;  et  s'il  ne  peut  les  avoir, 
qu'il  vienne  à  une  épreuve  du  juge- 
ment de  Dieu  trois  fois  plus  forte, 
ainsi  qu'il  dut  être  tenu  au  triple 
serment;  et  s'il  a  précédemment 
subi  une  condamnation  pour  larcin, 
qu'il  vienne  à  l'épreuve  de  l'eau. 

L'archevêque  aura  quarante  sous 
d'amende  pour  forfaiture,  dans  la 
loi  des  Merciens,  et  l'évêque  vingt 
sous,  et  le  comte  vingt  sous,  et  le 
baron  dix  sous,  et  le  vilain  quarante 
deniers. 

XYIII. 

L'homme  libre  qui  a  une  pro- 
priété rurale  valant  trente  deniers 
doit  donner  le  denier  de  saint  Pierre. 
Pour  un  denier  que  donnera  le  pro- 
priétaire, ses  fermiers,  ses  bouviers 
et  ses  serviteurs  seront  exempts. 
L'habitant  d'une  ville  qui  a  en  pro- 


*  Fell,  ert;  Seld.  et  Wilk,  eit;  ms.  Holk.  ait.    * 
2  Fell,  Seld.  et  Wilk.  xlviii;  Holk.  xui. 

'  Aut  n'est  pas  dans  Fell,  mais  il  se  trouve  dans  Spelman,  Selden, 
Wilkins  et  dans  le  manuscrit  Holkham.  C'est  le  même  que  ait,  qui  se 
trouve  à  la  dernière  ligne  de  cet  alinéa. 

*  Fell,  Seld.  et  Wilk.  œil  doust;  Spelm.  co  il  doust.  Les  copistes  n'ont  pas 
fait  attention  àun  signe  d'abréviation  qui,  dans  l'original,'  devait,  selon  l'or- 
dinaire, se  trouver  sur  l'o  de  co.  Le  manuscrit  Holkham  porte  cum  il  deust. 

"  Fell,  tris  ;  Seld.,  Wilk.,  Spelm.,  ms.  Holk.  treis. 

«  Fell  et  Wilk.  iv;  Seld.,  Spelm.  et  ms.  Holk.  un.  Il  faut  lire  un.  La 
traduction  latine  de  la  Bibliothèque  harléienne,  publiée  par  M.  Palgrave, 
porte  dans  cet  endroit  pro  uno  denario.  Des  erreurs  semblables  ont  été  rele- 
vées dans  les  paragraphes  iv  et  vi.  (Voir  p.  100,  note  %,  p.  101,  note  1 ,  et 
p.  102,  notes  Set  7.) 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  IV. 


109 


le  dener  seint  Père.  Qui  en  Dene- 
LA.E  francz  home  est,  e  il  averad 
demi  marc  en  argent  vailant  de 
aveir  champester,  si  devrad  duner  le 
dener  seint  Père.  E  per  le  dener  que 
le  seignur  durrad,  si  erent  quites 
ceals  qui  meinent  en  soun  demainne. 


XIX. 

Ki  purgist  femme  per  forze  '  for- 
fait ad  les  membres;  ki  abate  femme 
a  terre  pur  faire  lui  force,  la  multe 
al  seignur  x  solz;  si  la  purgist,  for- 
fait est  de  membres  ^. 


XX". 

Ki  retient  le  dener  seint  Père ,  le 
dener  rendra  per  la  justice  de  seinte 
Eglise,  e  xxx  deners  forfait;  e  si  il  en 
est  plaidé  de  la  justise  le  rei,  le  for- 
fait al  evesque  xxx  deners,  e  al  rei 
XL  solz. 


XXL 

Si  alcuns  crieve  l'oil  a  l'altre  per 
aventure  quel  qe  seit,  si  amendrad 
Lxx  solz,  del  solz  engleis,  e  si  la 
fumele'*  i  est  remis,  si  ne  rendra 
lui  que  la  meité. 


pre  un  bien  valant  un  demi-marc 
doit  donner  le  denier  de  saint  Pierre. 
dans  la  loi  des  Danois,  celui  qui 
est  homme  libre  et  qui  a  demi-marc 
d'argent  vaillant  en  propriété  rurale 
devra  aussi  donner  le  denier  de  saint 
Pierre  ;  et,  pour  le  denier  que  don- 
nera le  propriétaire ,  ceux  qui  de- 
meurent dans  sa  propriété  seront 
exempts. 

XIX. 

Qui  abuse  d'une  femme  par  vio- 
lence est  passible  de  mutilation  des 
membres.  Qui  jette  une  femme  par 
terre  pour  lui  faire  violence,  l'a- 
mende au  profit  du  mari  est  de  dix 
sous;  s'il  en  abuse,  il  est  passible 
de  mutilation  des  membres. 

XX. 

Qui  ne  paye  point  le  denier  de 
saint  Pierre  sera  contraint  de  payer 
ce  denier  par  la  justice  de  la  sainte 
Église,  et  aura  trente  deniers  d'a- 
mende; et  si,  pour  cela,  il  est  ac- 
tionné par  la  justice  du  roi,  l'amende 
au  profit  de  l'évoque  est  de  trente 
deniers,  et  celle  au  profit  du  roi  de 
quarante  sous. 

XXI. 

Si  quelqu'un  crève  l'œil  à  un  au- 
tre, par  quelque  circonstance  que  ce 
soit,  il  lui  payera,  pour  dommages- 
intérêts,  soixante  et  dix  sous,  sous 
anglais  ;  et  si  la  prunelle  y  est  restée, 
il  ne  lui  donnera  que  la  moitié. 


*  Fell,  M  purgist  femme  a  per  forze.  J'ai  supprimé  a,  qui  est  inutile  et 
qui  ne  se  trouve  ni  dans  Selden  ni  dans  Wilkins. 

'  Voir  un  exemple  de  cette  peine  dans  le  glossaire  étymologique,  ar- 
ticle Cuille. 
^  Ce  paragraphe  devrait  se  trouver  après  le  xviii«,  auquel  il  fait  suite. 

*  Fell  et  Wilk.  purvele;  Seld.  puniele;  vas.  Holk.  pumele. 


110 


PREMIÈRE  PARTIE. 


XXII. 

De  relief  al  cunte  que  al  rei  afiert. 
—  VIII  chivals,  selezetenfrenezlesiv, 
e  IV  halbers,  e  iv  baumes,  e  iv  escuz, 
e  IV  launces,  e  iv  espés;  les  al  très 
IV  chaceurs  e  palefreiz  a  feins  e  a 
chevestres. 


XXIII. 

De  relief  a  barun. — iv  chivalz,  en- 
selez  e  enfrenez  [les  ii]  S  e  ii  hal- 
berz ,  e  II  baumes ,  e  ii  escuz ,  e 
II  launces,  e  ii  espés;  e  les  altres  ii, 
un  cbasseur  e  un  palefrei,  a  freins  e 
a  chevestres. 


XXIV. 

De  relief  [a]  ^  vavasour  a  soun 
lige  signur.  —  Deit^  estre  qui  te  per 
le  chival  soun  père  *  tel  qu'il  aveit  a 


XXII. 

Du  relief  du  comte  qui  revient  au 
roi.  —  Huit  cbevaux,  dont  quatre 
sellés  et  bridés;  quatre  bauberts, 
quatre  beaumes,  quatre  boucliers, 
quatre  lances  et  quatre  épées  :  les 
autres  quatre  chevaux  seront  che- 
vaux de  chasse  et  palefrois,  avec 
frein  et  licou. 

XXIII. 

Du  relief  du  baron. — Quatre  che- 
vaux, dont  deux  sellés  et  bridés; 
deux  hauberts,  deux  heaumes,  deux 
boucliers,  deux  lances  et  deux  épées  : 
les  autres  deux  chevaux  seront  un 
cheval  de  chasse  et  un  palefroi,  avec 
frein  et  licou. 

XXIV. 

Du  relief  du  vavasseur  à  son  sei- 
gneur lige.  —  Il  doit  être  quitte  pour 
le  cheval  de  son  père,  tel  qu'il  l'avait 


*  Ce  que  j'ai  renfermé  entre  crochets  n'est  ni  dans  Fell,  ni  dans  Selden, 
ni  dans  Wilkins;  mais  on  le  trouve  dans  le  manuscrit  Holkbam. 

*  Le  texte  de  Fell  ne  porte  pas  a^  mais  il  se  trouve  dans  Selden,  dans 
Wilkins  et  dans  le  manuscrit  Holkham. 

3  Fell,  Seld.  et  Wilk.  deite  ;  ms.  Holk.  deit. 

*  Fell,  pethe  ;  Seld.  et  Wilk.  peipe  ;  ms.  Holk.  père.  La  confusion  de  let- 
tres que  présente  ce  mot  dans  les  trois  premiers  textes  me  porte  à  croire  que 
le  manuscrit  qui  les  a  fournis  médiatement  ou  immédiatement  était  écrit  en 
caractères  anglo-saxons.  Ceux  de  ces  caractères  qui  représentent  le  th,  le  p 
et  Vr  peuvent  assez  facilement  être  pris  l'un  pour  l'autre.  C'est  ce  qui  est 
arrivé  à  Montesquieu  dans  le  passage  suivant  de  son  Esprit  des  lois,  liv. 
XXX,  cb.  XVII  :  «Aussi  le  glossaire  des  lois  anglaises  nous  dit-il  que  ceux 
»  que  les  Saxons  appeloient  copies  furent  nommés  par  les  Normands  comtes, 
»  compagnons,  parce  qu'ils parlageoient  avec  le  roi  les  amendes  judiciaires.» 
L'auteur  avertit,  en  note,  que  la  glose  à  laquelle  il  fait  allusion  se  trouve 
dans  Guillaume  Lambard.  On  voit,  en  effet,  cette  glose  dans  l'ouvrage  de 
ce  savant  intitulé  'Apy.aiovojjLîa,  swe  de  prisas  Anglorum  legibus,  dans  un 
index  placé  à  la  tête  du  livre,  art.  Satrapas;  mais,  au  lieu  de  copies,  on  y 
lit  très  distinctement  eorles,  écrit  en  caractères  anglo-saxons.  Montesquieu 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  IV. 


111 


jour^  de  sa  mort,  e  per  soun  hal- 
bert,  e  per  soun  haume,  e  per  soun 
escud,  e  per  salaunce,  e  per  s'  espé; 
e  s'il  fust  desapereilé,  que  il  ne  out  ^ 
ne  chival  ne  les  armes,  per  c  solz. 
XXV. 
De  entercement  de  vip  aveir.  —  Ki 
r  voldrad  clamer  emblet,  e  il  volge 
doner  wage  e  trover  plege  a  persuir 
soun  apel  ;  dune  li  stuverad  a  celui  qui 
l'awerad  entre  meins  nomer  suon 
guarant,  si  il  l'ad  ;  e  si  il  ne  l'ad,  dune 
nomerad  soun  hewetborh  *  et  ses  tes- 
timoines  ;  e  ait  les  a  jur  e  a  terme,  s'il 
les  ad  u  s'il  les  pot  aver;  e  li  enterceur 
Vaverat  '  en  guage,  si  siste  main,  e  li 
altre  le  mettrad  en  la  main  soun  wa- 
ramt  u  a  soun  hewetborh;  e  il  ait 
testimoines  que  il  l'achatad  al  mar- 
chied  lu  rei,  e  qu'il  ne  set  soun  wa- 
rant  ne  le  plege  vif  ne  mort,  ceo  ju- 
rad  od  ses  testimoines  per  plein  ser- 
ment ®  ;  si  perdra  soun  chatel ,  si  il 


au  jour  de  sa  mort,  et  pour  son  hau- 
bert, son  heaume,  son  bouclier,  sa 
lance  et  son  épée;  et  s'il  en  fût  dé- 
pourAm,  qu'il  n'eût  ni  le  cheval  ni  les 
armes,  il  sera  quitte  pour  cent  sous. 
XXV. 
De  la  revendication  du  bétail  vi- 
vant. —  Si  celui  qui  le  voudra  récla- 
mer comme  lui  ayant  été  enlevé  veut 
donner  gage  et  trouver  répondant 
pour  poursuivre  son  appel,  il  con- 
viendra alors  que  celui  qui  l'aura  en- 
tre les  mains  nomme  son  garant,  s'il 
l'a  ;  et  s'il  ne  l'a  pas,  il  nommera 
son  HEWETBORH  et  ses  témoins;  et 
qu'il  les  ait  à  jour  et  à  époque  fixe, 
s'il  les  a  ou  s'il  les  peut  avoir.  Le 
réclamant  aura  le  bétail  en  gage,  lui 
sixième,  et  l'autre  le  mettra  entre  les 
mains  de  son  garant  ou  de  son  he- 
wetborh. Si  le  défenseur  a  des  té- 
moins comme  quoi  il  l'acheta  au  mar- 
ché royal,  et  qu'il  ne  sache  pas  si 


ou  son  secrétaire  a  pris  l'e  pour  un  c  et  l'r"  pour  un  p.  L'anglo-saxon  eorle 
est  le  même  que  l'anglais  earl,  comte. 

*  FcWfjaur;  ms.  Holk.  jwr;  Seld.  et  Wûk.jour. 

*  Fell  et  Wilk.  ont;  ms.  Holk.  oust;  Seld.  out. 

^  Fell,  enierzdejus;  Seld.  eivers  dems;  Wilk.  entremeins  ;  ms.  Holk.  en- 
tercement de  vif.  Le  copiste  ou  l'éditeur  de  la  Vie  de  saint  Thomas  de  Can- 
terbury,  p.  502,  v.  1 222,  a  également  écrit  jus  pour  vif,  ainsi  que  le  prou- 
vent les  variantes  de  cet  ouvrage,  p.  629,  col.  1,  v.  1222. 

*  Fell,  heunel  borh.  Le  même  auteur  écrit  hennel  borh  dans  ce  même  pa- 
ragraphe. Seld,  et  Wilk.  heuvcllorh;  ms.  Holk.  heimelborch.  Le  manuscrit 
original  devait  certainement  porter  heuuetborh,  que  je  représente  par  hewet- 
borh. Ce  mot  signifie,  en  anglo-saxon,  principal  répondant,  caution  princi- 
pale, composé  de  hewet,  hevet,hevod,  heafod ,  heafd,  tête,  qui,  en  com- 
position, équivalent  à  capital,  principal,  et  de  borh  ou  borch,  borg,  borgh, 
répondant,  caution,  garant.  (Voir  le  glossaire  d'Edouard  Lye,  celui  de  Spel- 
man  et  celui  de  du  Cange,  art.  Headborow.) 

"  Fell,  luneral;  Seld.  et  Wilk.  liveriad.  Il  faut  lire  ï avérât  ou  l'averad, 
qui  sont  deux  formes  du  même  mot.  Le  i  a  été  pris  pour  une  l,  tomme 
dans  le  mot  qui  fait  le  sujet  de  la  note  précédente  et  dans  plusieurs  autres. 

•  Fell,  sercient  ;  Seld.,  Wilk.  et  ms.  Holk.  serment. 


412 


PREMIERE  PARTIE. 


testimoinent  que  il  hewetborh  ne 
prist  ^;  e  s'il  ne  pot  aveir  guarant 
ne  testimoine,  si  perdrad  e  pursol- 
drad,  e  pert  sa  were  vers  soun  sei- 
gnur;  ço  est  en  Merchenelae,  e  en 
Denelae  ,  e  en  Westsexenelae  .  Ne 
vocherad  mie  *  soun  '  warant  [  de- 
vant] *  iceo  que  seitmis  en  guage;  e 
en  Denelae  mettrad  en  iiele  [main]  ", 
d'issi  la  que  il  seit  derained.  E  s'il 
pot  prover  que  ceo  soit  de  sa  nur- 
ture  per  treis  partz  soun  vigned,  se 
ilaverad  deraignet;  kar  puisque  ser- 
ment li  est  jugied,  ne  l'en  pot  pas 
puis  lever  per  le  jugement  de  En- 
gleterre. 


XXVI. 

De  murdre.  —  Ki  Freceis  occist, 
e  les  homes  del  hundred  ®  ne  l' pren- 


son  garant  ni  son  répondant  sent 
vifs  ou  morts,  il  le  jurera  avec  ses 
témoins  par  le  serment  simple;  mais 
il  perdra  son  chatel  s'ils  témoignent 
qu'il  ne  prit  pas  de  hewetborh  ;  et 
s'il  ne  peut  avoir  garant  ni  témoins, 
il  perdra  et  payera;  et  dans  ce  cas 
il  perd  sa  were,  adjugée  à  son  sei- 
gneur. Ceci  est  dans  la  loi  des  Mer- 
ciens,  dans  la  loi  des  Danois  et  dans 
la  loi  de  Westsex.  Le  défendeur  n'ap- 
pellera point  son  garant  en  témoi- 
gnage jusqu'à  ce  que  le  bétail  soit 
mis  en  gage,  et,  dans  la  loi  des  Da- 
nois, on  le  mettra  en  bonnes  mains, 
jusqu'à  ce  que  le  droit  soit  établi.  Si 
le  défendeur  peut  prouver  que  ce  bé- 
tail soit  de  son  nourrissage,  par  des 
habitants  de  trois  différents  endroits 
de  son  voisinage,  il  aura  établi  son 
droit  ;  car,  dès  que  leur  serment  a  dé- 
cidé en  sa  faveur,  on  ne  peut  plus  le 
déposséder  par  le  droit  anglais. 

XXVI. 

Du  meurtre.  —  Quant  à  celui  qui 
tue  un  Français,  si  les  hommes  de 


*  Fell  et  ms.  Holk.  enprist;  Seld.  enpust;  "Wilk.  empus'd.  On  doit  lire  ne 
prist.  Les  copistes  ont  plusieurs  fois  écrit  en  pour  ne;  ce  même  paragraphe 
XXV  nous  en  offre  la  preuve.  En  effet,  tous  les  textes,  excepté  celui  de  Fell, 
portent  en  le  plege  vif,  au  lieu  de  ne  le  plege  vif. 

^  Fell  et  Wilk.  une;  Seld.  et  ms.  Holk.  mie. 

'  Après  soun  on  lit  seignour  dans  Fell ,  Wilkins  et  Selden  ;  mais  ce  mot 
ne  se  trouve  pas  dans  le  manuscrit  Holkham. 

*  Devant  est  dans  le  manuscrit  Holkham ,  mais  il  n'est  ni  dans  Fell,  ni 
dans  Selden,  ni  dans  "Wilkins. 

"  Fell,  mettre  en  vêle  ;  Seld.  meitre  en  vêle;  Wilk.  mettred  en  vêle.  Tous 
ces  textes  présentent,  non-seulement  une  mauvaise  lecture,  mais  encore  une 
omission^  celle  du  mot  main.  Le  manuscrit  Holkham  nous  fournit  la  véri- 
table leçon,  mettrad  en  uele  main.  Pour  l'interprétation  de  ce  passage,  voir 
ci-après  l'article  Uwel  dans  le  glossaire  eivmologique,  section  v  de  ce  cha- 
pitre. 

*  Hundred.  (Voir,  sur  ce  mot,  la  note  5  de  la  page  il 5.) 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  IV.  US 

I'hundred  ne  le  prcnaent  et  ne  l'a- 
mènent à  la  justice  dans  les  huit 
jours,  pour  déclarer  pourquoi  il  l'a 
fait,  ils  payeront  pour  le  meurtre 
quarante-sept  marcs. 

XXVII. 

Si  un  homme  veut  contester  au 
sujet  d'un  contrat  de  tenure  de  terre 
contre  son  seigneur,  il  conviendra 
qu'il  le  fasse  par  ses  pairs  de  la  te- 
nure eux-mêmes,  qu'il  appellera  pour 
témoins,  car  il  ne  pourra  le  faire 
par  des  étrangers. 

XXVIII. 

Si  un  homme  plaide  en  cour,  en 
la  cour  de  qui  que  ce  soit,  excepté 
celle  où  est  la  personne  du  roi,  et 
qu'on  lui  impute  d'avoir  dit  une 
chose  qu'il  ne  veut  reconnaître,  s'il 
ne  peut  prouver  qu'il  ne  l'a  pas  dite 
par  deux  hommes  du  plaid  dignes 
de  foi,  témoins  oculaires  et  auricu- 
laires, qu'il  retire  son  dire. 

XXIX. 

Du  relief  au  vilain.  —  Il  donnera 


gcnt  et  amènent  a  la  justise  dedenz 
les  oit  jours  pur  mustrer  pur  qui  il 
l'a  fait,  sin  rendront  le  murdre  xlvii 
mars. 

XXVII. 

Si  home  volt  derainer  covenantde 
terre  vers  soun  seignor,  per  se  pers 
de  la  tenure  meimes  que  il  apelerad 
a  testimoines  l'estuverad  derainer  ; 
kar  per  estrangesne  1'  purrapas  de- 
reiner. 

XXVIII. 

Home  qui  plaide  en  curt,  a  qui  curt 
que  çoseit*,  fors  la  ^  ou  le  cors  le  rei 
est,  e  home  li  metted  sur  qu'il  ait 
dit  chose  queilnevoille  conustre,  se 
il  ne  pot  derainer  per  ii  entendable 
home  del  plaid,  oant^  et  veant,  que 
il  ne  l'avrad  dit,  recovered  *  sa  pa- 
role. 

XXIX. 

De  relief  a  vilain.  —  Le  meillur 


*  A  qui  curt  que  ço  seit,  en  la  cour  de  qui  que  ce  soit,  tournure  analogue 
à  d'autres  que  présente  le  même  texte  :  JEn  M  fiu  il  maindra,  dans  le  fief 
de  qui  il  demeurera  (§  iv)  ;  En  ki  poesté  il  seit  trové,  en  puissance  de  qui 
il  soit  trouvé  (§  xlv).  Dans  les  constructions  de  ce  genre  on  écrivait  plus 
habituellement  et  plus  régulièrement  cui.  Voyez  à  cet  égard  t.  III,  p.  167, 
468  et  rapprochez  ce  que  je  dis  sur  cette  tournure  des  observations  faites 
sur  autrui  dans  ce  même  tome  III,  p.  141  et  142. 

'  L'artice  la  rappelle  le  substantif  curt  qui  précède.  Voyez  au  sujet  de 
cette  tournure,  t.  III,  p.  412-415. 

*  Fell,  plaidant;  Seld.  et  Wilk.  pleidant.  Il  y  avait  certainement  dans 
l'original  plaid  oant.  Le  manuscrit  Holkham  porte  plait  oans,  leçon  équi- 
valente. La  traduction  littérale  de  ce  membre  de  phrase  est  :  S'il  ne  peut 
prouver  par  deux  hommes  du  plaid  dignes  d'être  entendus,  entendant  (oïant) 
et  voyant. 

*  Fell  porte  recovered  a,  mais  cet  a  n'est  point  dans  le  manuscrit  Hclk- 
ham. 


fU 


PREMIÈRE  PARTIE. 


aveir  qu'il  avéra,  u  chival,  u  buf,  u 
vache  dourad  a  soun  seignour  de  re- 
lief; e  puis  si  seront  tuz  *  les  vilains 
en  franc  plege. 

XXX. 

De  m  chemins,  ço  est  a  saveir  : 
Wetleingstrete,  et  Ermingestrete, 
et  Fos  *.  —  Ki  en  alcun  de  ces  che- 


à  son  seigneur,  pourre/it;/,  la  naeil- 
leure  bête  qu'il  aura,  ou  cheval,  ou 
bœuf,  ou  vache  ;  du  reste,  tous  les 
vilains  seront  en  frano^leige. 

XXX. 

De  trois  chemins,  savoir  :  Wet- 

LEINGSTRETE,  ErMINGESTRETE  et  FoS. 

— Celui  qui  tue  sur  quelqu'un  de  ces 


*  Fell,  serait  cuz;  Seld.  seront  cuz;  ms.  Holk.  sient  tuz;  Vf i\k.  seront 
touz. 

*  'Wetleingstrete,  Ermingestrete  et  Tos  étaient  trois  routes  romaines  qui 
servaient  encore  de  principale  voie  de  communication  lors  de  la  conquête 
des  Normands.  On  en  voit  aujourd'hui  des  traces  sur  divers  point  de  l'An- 
gleterre. Les  savants  ne  sont  point  d'accord  sur  la  direction  précise  de  ces 
trois  chemins.  Selon  l'opinion  des  géographes  anglais  les  plus  accrédités, 
Wetleingstrete  ou  Watling-Street  allait  de  Douvres  à  Chester;  Erminges- 
trete ou  Ermine-Street  allait  de  Southampton  à  Saint^David,  dans  la  prin- 
cipauté de  Galles;  Fos  ou  Foss-Way  traversait  toute  l'Angleterre,  depuis  le 
Devonshire,  au  sud-ouest,  jusqu'à  l'extrémité  nord-est.  Cette  dernière  route 
est  mentionnée  par  le  manuscrit  du  Roman  de  Brut,  qui  se  trouve  à  la 
bibliothèque  de  l'Arsenal,  on  y  lit  : 

Foi  l'appelent  !i  palsant  (babitants  du  pays) 
Qui  commence  en  Coteneis 
Et  si  fenist  en  Hauteneis. 

(Ml.  del'Artenal,  171,  B.-L,  cité  par  M.  Le  Roux  de  Lincy  dnnt  le  Roman  de  Brut,  1. 1,  p.  1)7,  oou  ».) 

Le  même  roman  attribue  au  roi  fabuleux  Belin  toutes  ces  routes  romaines, 
ainsi  que  les  règlements  de  police  concernant  la  voirie  qui  sont  compris 
sous  la  désignation  de  pais  le  rei,  dans  ce  paragraphe  des  Lois  de  Guil- 
aume. 


Belins  tint  s'onor  vivement, 

Et  mult  se  contint  sagement 

Par  vax,  par  mares  et  par  mons 
Fist  faire  cauciès  et  pons  ; 
Bons  pons  fist  faire,  chemin  baus 
De  piere,  de  sablon,  de  caus. 
Prime  fist  faire  une  caucié 
Qui  encor  puet  estre  ensagné, 
Del  long  de  la  terre  mult  grant; 
Fort  la  firent  li  païsant. 
Elle  commence  en  Cotenois 
Et  si  fenist  en  Catenois; 
Vers  Cornuaille  commença 
Et  dedans  Escoce  fina. 


Del  port  de  Haustone  sor  mer 
Fist  un  chemin  chaucié  mener 
Jusqu'en  Gales  a  Saint-Davi 
Et  la  oltre  la  mer  fini. 
De  cité  en  cité  ala 
Tant  comme  li  tere  dura. 
Den\  cbauciées  refist  del  lé 
Qui  le  païs  ont  traversé. 
Quant  li  rois  ot  ses  chemins  fais 
Commanda  lors  q'eussent  pais, 
Tote  pais  et  franchise  eussent. 
Et  ens  en  son  demaine  fussent. 
Et  qui  la  pais  enfrainderoit 
Ses  demaines  forfais  seroit. 

I Roman  de  Brut,  t.  I,  p.  ÎSti.  597,  Î13.) 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  IV. 


415 


mins  occit  home  qui  seit  errant  per 
le  païs^  u  asalt,  si  enfreit  la  pais  le 
rei. 

XXXI. 
Si  larecin  est  troved  en  qui  terre 
que  ceo  seit  *,  et  le  laroun  ovesque, 
le  seignour  de  la  terre  et  la  famme 
averunt  la  metted  del  aveir  a  la- 
roun, e  les  chalenjurs  ^  lor  chatel,  se 
il  le  trovent,  e  l'altre  metted;  s'il  est 
trové  dedenz  sache  et  soche  %  si  1' 
perdra  la  femme,  et  le  seignour  l'a- 
verad. 

XXXII. 

De  STREWARDE  *.  —  De  chescon 
des  *  HiDES  del  hundred  ®,  un  home 
dedenz  la  feste  seint  Michiel  e  le 
seint  Martin.  E  [li]  '^  wardireue  si 
avrad  xxx  hides  quites  pur  son  tra- 
vail ;  et  si  *  aveir  trespassent  per  iloc 
u  il  deivent  '  waiter,  e  il  ne  pussent 


chemins  un  homme  qui  voyage  dans 
le  pays,  ou  qui  l'attaque,  enfreint  la 
paix  du  roi. 

XXXI. 

Si  un  objet  dérobé  est  trouvé  en 
la  terre  de  qui  que  ce  soit,  et  le  lar- 
ron avec,  le  seigneur  de  la  terre  et 
la  femme  du  coupable  auront  la 
moitié  de  l'avoir  du  larron,  et  les 
plaignants  leur  bien,  s'ils  le  trou- 
vent, et  l'autre  moitié.  Si  larron  est 
trouvé  dans  une  terre  ayant  droit  de 
SAC  et  de  soc,  la  femme  perdra  sa 
part,  et  le  seigneur  l'aura. 

XXXII. 

De  la  STREWARDE.  —  Il  sera  four- 
ni un  homme  par  chaque  hide  de 
I'hundred,  depuis  la  fête  de  saint  Mi- 
chel jusqu'à  la  Saint-Martin.  L'ins- 
pecteur des  chemins  aura  pour  sa 
charge  la  garde  de  trente  hides  ;  et 
si  des  bestiaux  passent  par  le  lieu  où 


'  Pour  l'interprétation  de  ce  passage,  voir  p.  4 1 3,  note  1 . 

'  Fell,  chalenuirs;  Seld.  chaleiurs;  Wilk.  chalenurs;  ms.  Holk.  chalenjurs. 

'  Sache  et  soche  sont  les  mêmes  que  sac  et  soc.  (Voir  p.  98,  notes  4  et  5.) 

*  Strewarde,  mot  anglo-saxon;  surveillance  exercée  sur  les  routes,  po- 
lice de  la  voirie.  Strewarde  ou  stretward^  streteward,  sont  composés  de 
stret,  route,  chemin,  et  de  ward.,  garde,  dérivé  de  wardian,  garder. 

»  Fell,  dis;  Seld.,  Wilk.  et  ms.  Holk.  des. 

•  On  appelait  hide  ou  hyd,  en  anglo-saxon,  une  portion  de  terre  cultivée 
et  habitée  par  une  ou  deux  familles;  elle  répondait  à  peu  près  à  ce  qu'on 
nommait  autrefois  en  France  une  charruée^  c'estr-à-dire  qu'elle  contenait 
l'étendue  de  terrain  qu'une  charrue  peut  labourer  chaque  année.  Le  hundred 
était  une  étendue  de  pays  comprenant  cent  hides  ;  de  là  son  nom,  car,  en 
anglo-saxon,  hundred  signifie  proprement  cent,  centaine.  (Voir  Hida  et 
RundreduSj  dans  le  glossaire  de  Spelman  et  dans  celui  de  du  Gange,) 

"  H  ne  se  trouve  ni  dans  Fell,  ni  dans  Selden,  ni  dans  Wilkins  ;  mais  il 
est  dans  le  manuscrit  Holkham. 

"  Fell,  fi;  Seld.,  Wilk.  et  ms.  Holk.  si. 

'  Fell,  dément;  Seld  et  Wilk.  dénient  ;  ms,  Holk.  deivent.  Cette  leçon 
est  la  dernière  que  nous  fournira  le  manuscrit  Holkham,  car  il  s'arrête  à  ce 
paragraphe. 


ne 


PKEMIÈUE  PARTIE. 


mustrer  ne  cri,  ue  force  que  lour 
fust  faite,  si  rendissent  l'aveir. 


XXXIII. 

Cil  qui  custivent  *  la  terre  ne  deit 
l'um  travailer  se  de  lour  droite  censé 
noun.  Ne  *  leist  a  seignurage  dépar- 
tir les  cultivurs  de  lur  terre  pur  tant 
cum  il  pussent  le  dreit  seirvise  faire. 


Les  naïfs  ki  départent  de  lur  * 
terre  ne  deivent  *  cartre  faire,  n'on 
juirie  '  quere  que  il  ne  facent  lur 
dreit  servise  que  apend  a  lour  terre. 
Li  naïfs  qui  departet  de  sa  terre  dunt 
il  est  nez  e  vent  a  autri  terre,  nuls 
ne  r  retenget,  ne  li  ne  se  chatels, 
enz  le  facet  venir  arere  a  faire  soun 
servise  tel  cum  a  li  apend.  Si  *  les 
seignurages  ne  facent  altri  gainurs 
venir  a  lour  terre,  la  justise  le  facet. 


les  gardes  doivent  exercer  leur  sur- 
veillance, et  qu'ils  ne  puissent  prou- 
ver ni  cris  qu'ils  aient  fait  entendre, 
ni  violence  qui  leur  fût  faite,  ils  ren- 
dront le  bétail. 

XXXIII. 

On  ne  doit  point  inquiéter  ceux 
qui  cultivent  la  terre,  si  ce  n'est 
pour  le  payement  de  leur  cens  légi- 
time. Il  n'est  pas  permis  au  pouvoir 
seigneurial  d'éloigner  les  colons  de 
leur  terre,  tant  qu'ils  peuvent  faire 
leur  légitime  service. 

Les  serfs  natifs  qui  abandonnent 
leur  terre  ne  doivent  faire  aucun 
écrit  ni  requérir  aide  dans  le  but  de 
ne  pas  faire  le  légitime  service  qui 
appartient  à  leur  terre.  Si  un  serf 
natif  abandonne  la  terre  où  il  est 
né  et  vient  sur  la  terre  d' autrui,  que 
nul  ne  le  retienne,  ni  lui  ni  ses  biens, 
mais  qu'on  le  fasse  retourner  pour 
faire  le  service  auquel  il  est  tenu.  Si 
ceux  auxquels  appartient  le  pouvoir 
seigneurial  ne  font  revenir  les  colons 
d'autrui  dans  leur  terre,  que  la  jus- 
tice le  fasse. 


*  Fell,  Seld.  et  Wilk.  custinent.  On  doit  lire  custivent. 
»  Fell,  le  ;  Seld.  et  Wilk.  m. 

'  Fell,  Seld  et  "Wilk.  departet  de  sa.  Ainsi  que  je  l'ai  déjà  remarqué,  les 
divers  manuscrits  dont  se  sont  servis  ces  auteurs  paraissent  n'avoir  été  que  des 
copies  faites  elles-mêmes  sur  une  autre  copie  qui  était  fautive  en  certains 
endroits,  car  les  trois  textes  reproduisent  plusieurs  fois  les  mêmes  fautes. 
Dans  cette  phrase  le  pluriel  est  indispensable,  et  l'original  devait  porter 
départent  de  lur;  mais  les  regards  du  copiste  se  sont  portés  par  mégarde 
quelque  mots  plus  loin,  où  il  a  trouvé  departet  de  sa.  L'auteur  de  la  copie 
première  dont  je  viens  de  parler  n'est  autre  peut-être  que  le  copiste  employé 
par  Ingulphe  pour  transcrire  son  histoire. 

*  Fell,  Seld.  et  Wilk.  devient.  Lisez  deivent,  comme  au  paragraphe  pré- 
cédent. 

"  Fell,  nauvrie  ;  Seld.  et  Wilk.  najuirie. 

*  Le  texte  de  Fell  ne  porte  que  s^  mais  on  trouve  si  dans  Selden  et  dans 
Wilkins. 


CHAP.  I,  ÉLÉiMENT  LATIN.  SECT.  IV. 


M7 


XXXIV. 

Nului  ne  toille  a  souu  seinoursun 
(Ireit  servise  pur  nul  relais  que  il  li  ait 
fait  en  arere. 

XXXV. 

Si  famine  est  jugée  a  mort  u  a 
defanun  ^  des  membres,  ki  seit  en- 
ceintée,  ne  faced  l'um  justice  des- 
qu'cle  seit  delivere. 

XXXVI. 

Si  home  mort  senz  devise,  si  de- 
partent  *  les  enfans  l'erité  entre  sei 
per  uwel. 

XXXVIÏ. 

Si  le  père  truvet  sa  file  en  avul- 
terie  en  samaisoun,  u  en  la  maisoun 
soun  gendre,  ben  li  laist  ocire  la 
avultere. 

XXXVIII. 

Si  home  enpuissuned  altre,  seit 
[occis]  3,  u  permanablement  eis- 
silled. 

Jo  jettai  voz  choses  de  la  nef  pur 
pour  de  mort,  et  de  ço  ne  me  poez 
enplaider,  kar  leist  a  faire  damage  a 
altre  pur  pour  de  mort,  quant  per 
ele  ne  pot  eschaper;  e  si  de  ço  me 
viescez  que  pur  pour  de  mort  ne  1' 
feisse,  de  ço  m'espurjerai  *.  E  les 
choses  qui  sunt  resmises  en  la  nef 
seient  départis  *  en  commun,  e  su- 
lun  les  chatels.  E  si  alcun  jethed  les 


XXXIV. 

Que  nul  ne  prive  son  seigneur  de 
son  légitime  service  pour  aucune  ré- 
mission que  celui-ci  lui  ait  faite  pré- 
cédemment. 

XXXV. 

Si  une  femme  est  condamnée  à 
mort  ou  à  la  mutilation  des  mem- 
bres, et  qu'elle  soit  enceinte,  que 
l'on  ne  fasse  pas  justice  jusqu'à  ce 
qu'elle  soit  délivrée. 

XXVI. 

Si  un  homme  meurt  sans  testa- 
ment, les  enfants  partagent  entre 
eux  l'héritage  par  égale  part. 

XXXVII. 

Si  le  père  trouve  sa  fille  en  adul- 
tère en  sa  maison,  ou  en  la  maison 
dé  son  gendre,  il  lui  est  bien  permis 
de  tuer  Tadultèfe. 

XXVIII. 

Si  un  homme  en  empoisonne  un 
autre,  qu'il  soit  mis  à  mort  ou  exilé, 
à  perpétuité. 

Si  je  jetais  vos  effets  hors  du  na- 
vire par  crainte  de  la  mort,  vous  ne 
me  pouvez  actionner  pour  cela,  car 
il  est  permis  de  faire  tort  à  autrui 
par  crainte  de  la  mort,  quand  on  ne 
peut  échapper  par  autre  moyen  ;  et, 
si  vous  m'inquiétez  sous  prétexte 
que  ce  n'est  pas  par  crainte  de  la 
mort  que  je  le  fis,  je  m'en  justifie- 
rai. Que  les  choses  qui  sont  restées 


*  Fell,  Selden  et  "Wilkins  ont  lu  defacum  pour  defaciun,  comme  ils  ont 
lu  escussum  pour  esmssiun,  au  paragraphe  vi. 
'  Fell,  depertent;  Spelm.,  Seld  et  Wilk.  départent. 
^  Occis  n'est  pas  dans  Fell,  mais  il  se  trouve  dans  Selden  et  dans  Wilkins. 

Fell,  Seld.  et  Wilk.  mespriorai.  U  faut  lire  mespurjerai. 
»  Fell,  depertiz  ;  Seld.  et  Wilk.  départis. 


118 


PREiMIÈRE  PARTIE. 


chatels  fors  de  la  nef  senz  busun, 
s'il  rendet. 


XXXIX. 

Dous  sunt  perceners  de  un  erithet, 
e  est  l'un  enplaidé  senz  l'altre,  et, 
per  sa  folie,  si  pert;  ne  dit  pur  ço 
l'altre  estre  perdant  qui  présent  ne 
fvd^,  kar  jose  jugé  entre  ens^  ne 
forsjuge  pas  les  altres  qui  ne  sont  a 
présent. 

XL. 

Cil  qui  tenent  lur  terre  a  censé, 
soit  '  lur  dreit  relief  a  tan  cum  la 
censé  est  de  un  an. 

XLI. 

Ententivement  se  purpensent  cil 
qui  les  jugementz  unt  a  faire  que  si 
jugent  cum  si  désirent,  quand  il 
dient  :  «  Dimitte  nobis  débita  nos- 

TRA.  » 

E  nous  defendun  que  l'un  chris- 
tien  fors  de  la  terre  ne  vende,  n'en- 
surchetut  en  paisinime  *.  Wart  l'un 
que  l'un  l'anme  "  ne  perde  que  Deu 
rachatat  de  sa  vie. 

Ki  tort^  eslevera  u  faus  jugement 
fra,  pur  curruz,  ne  pur  hange,  u  pur 
avQir,  seit  en  la  forfaiture  le  rei  de 
XL  solz,  s'il  ne  pot  alejer  que  plus 


dans  le  navire  soient  réparties  entre 
tous,  selon  les  effets  de  chacun.  Et 
si  quelqu'un  jette  les  effets  hors  du 
navire  sans  nécessité,  qu'il  les  paye. 

XXXIX. 

Si  deux  hommes  sont  coparta- 
geants  d'un  héritage,  et  que  l'un  soit 
actionné  sans  l'autre  et  perde  par  sa 
faute,  celui  qui  ne  comparaît  pas  ne 
doit  point  perdre  pour  cela  ;  car  chose 
jugée  pour  les  uns  ne  dépossède  pas 
les  autres  qui  ne  comparaissent  pas. 

XL. 

Que  le  relief  de  ceux  qui  tiennent 
leur  terre  à  cens  soit  d'autant  que 
le  cens  est  pour  une  année. 

XLI. 

Que  ceux  qui  ont  à  rendre  les  ju- 
gements s'appliquent  soigneusement 
à  juger  comme  ils  désirent  qu'il  soit 
fait  pour  eux  quand  ils  disent  :  «Di- 
mitte KOBIS  DEBITA  NOSTRA.  » 

Et  nous  défendons  que  l'on  vende 
un  chrétien  hors  du  pays,  et  surtout 
en  pays  infidèle.  Que  l'on  se  garde 
de  perdre  l'âme  que  Dieu  racheta  de 
sa  vie. 

Qui  commettra  une  prévarication 
ou  rendra  un  faux  jugement,  par 
ressentiment,  ou  par  haine,  ou  en 
vue  de  quelque  profit,  qu'il  soit,  pour 


*  Fell,  Seld.  et  Wilk.  sud.  On  doit  lire  fud. 

*  Fell,  Seld.  et  Wilk.  eus.  Lisez  ens.  Pour  l'interprétation  de  ce  passage, 
voir  l'article  Un,  adjec.indéf.,  dans  le  glossaire  étymologique,  sect.  vde  ce 
chapitre. 

«  Fell  et  Seld.  sort;  Wilk.  seit. 

*  Fell,  paismune  ;  Seld.  et  Wilk.  paisumne.  Il  faut  lire  paisinime.  (Voir 
ce  mot  dans  le  glossaire  étymologique,  sect.  v  de  ce  chapitre.) 

'  Fell,  laume;  Seld.  et  Wilk.  lamne.  Lisez  l'anme. 

*  Fell,  fozt;  Seld.  et  Wilk.  tort. 


CHAP.  I,  ÉLÉMEiNT  LAÏIiN.  SECT.  IV.  H9 


dreil  faire  ne  1'  sout^;  si  perde  sa 
franchise  si  al  rei  ne  1'  pot  reachater 
a  soun  pleisir  ;  et  s'il  est  en  Denelae, 
seit  forfait  de  sa  laxlite  *,  s'il  ala- 
jer  ne  se  pot  que  il  melz  faire  ne 
soit.  E  qui  droite  lei  e  dreit  ^  juge- 
ment refuserad,  seit  forfait  envers 
celi  ki  dreit  ço  est  a  aveir;  si  ço  est 
envers  li  rei,  vi  livers;  si  ço  est  en- 
vers cunte,  XL  solz;  si  ço  est  en 
HUNDRED,  XXX  solz;  e  euvers  touz 
içous  ki  curt  unt  en  Engleterre,  ço 
ert  al  solz  engleis.  E  en  Denelae, 
qui  dreit  jugement  refuserad  seit  en 
la  mercie  de  sa  laxlite.  E  ne  face 
hun  *  pleinte  a  roi  d'ici  que  l'un  li 
seit  defaili  el  hundred  u  el  conté. 


XLII. 

Ne  prenge  hun  nam  nul  •  en  conté 
ne  defors,  d'ici  qu'il  eit  très  foiz  de- 


forfaiture  envers  le  roi,  passible  de 
quarante  sous  d'amende,  s'il  ne  peut 
se  justifier  en  établissant  qu'il  ne 
sût  faire  meilleure  justice;  qu'il  per- 
de sa  prérogative,  s'il  ne  peut  la  ra- 
cheter du  roi  selon  son  bon  plaisir  ; 
et  s'il  est  dans  la  loi  des  Danois, 
qu'il  soit  passible  de  l'amende  de  sa 
LAXLITE,  s'il  ne  peut  se  justifier  en 
établissant  qu'il  ne  sût  mieux  faire. 
Et  qui  refusera  de  rendre  justice 
équitable  et  équitable  jugement, 
qu'il  soit  passible  d'amende  au  pro- 
fit de  qui  de  droit.  Si  c'est  au  profit 
du  roi,  l'amende  sera  de  six  livres  ; 
si  c'est  au  profit  d'un  comte,  qua- 
rante sous;  si  c'est  à  la  cour  de 
I'hundred,  trente  sous.  Au  profit 
de  qui  que  ce  soit  qui  ait  cour 
de  justice  en  Angleterre  l'amende 
sera  payée  en  sous  anglais.  Et  dans 
la  loi  des  Danois,  qui  refusera  de 
rendre  équitable  jugement,  que  ce 
soit  au  prix  de  sa  laxlite.  Qu'un 
homme  n'adresse  point  sa  plainte  au 
roi  jusqu'à  ce  qu'on  lui  ait  dénié 
justice  à  la  cour  de  I'iiundred  ou  à 
celle  du  comte. 

XLII. 

Qu'un  homme  ne  s'approprie  ajx- 
cun  gage  à  la  cour  du  comte  ni  au 


*  Fell,  Seld.  et  Wilk.  sont.  Lisez  sont,  le  même  que  soit,  qui  est  un  peu 
plus  loin.  On  trouve  sont  au  §  xlviii.  Au  sujetde  ces  formes,  voir  p.  1 24,  col.  1 . 

'  Laxlite,  mot  anglo-saxon;  infraction  de  la  loi,  et,  par  extension,  amende 
ou  peine  dont  était  passible  celui  qui  avait  enfreint  la  loi.  Laxlite,  ordinai- 
rement écrit  lahslite,  est  composé  de  lah,  loi,  et  de  slit,  rupture,  infraction, 
dérivé  de  slian,  rompre,  enfreindre. 

'  Fell,  Seld.  et  W^k.  dreite.  Lisez  dreit.  Sans  doute  le  féminin  dreite, 
qui  se  trouve  deux  mots  avant,  a  été  cause  de  l'erreur  du  copiste. 

*  Fell,  bun;  Seld.  et  Wilk.  bon.  On  doit  lire  hun,  comme  au  commence- 
ment du  paragraphe  suivant. 

*  Fell,  nam  mil;  Seld.  et  Wilk.,  nammil.  Il  faut  lire  nam  nul. 


120 


PREMIÈRE  PARTIE. 


mandé  dreit  el  hundred  u  el  conté; 
e  s'il  a  la  terce  liée  ne  pot  dreit  aver, 
ait  a  conté,  c  le  conté  l'en  asete  le 
quart  jurn;  e  se  cil  i  défait  de  ki  il 
se  claime,  dunt  prenge  cungé  que  il 
pusse  nam  prendre  pur  le  son,  luin  * 
e  pref. 


XLIII. 

Ne  nul  achat  le  vaillant  de  iv  de- 
ners  ne  mort  ne  vif,  sans  teste- 
moine  ad  IV  hommes  u  de  burt  u  de 
vile;  e  le  hum  le  chalange,  e  il  nen 
ait  testemonie,  si  n'ad  nul  warant, 
rende  l'un  al  hum  soun  chatel  e  le 
forfait  eit  qui  aver  le  deit;  e  si  testi- 
monie  ad,  si  cum  nous  einz  desimes, 
voest  les  treis  faiz,  e  a  la  quart  feiz  le 
dereinet  ^  u  il  le  rende. 


XLIV. 

Nus  ne  semble  pas  raisoun  que 
l'un  face  pruvance  sur  testimonie  ki 
conussent  ço  que  entercé  est,  e  que 
nul  ne  1'  prust  devant  le  terme  de 
VI  meis  après  iço  que  l'aveir  fu* 
emblé. 


XLV. 

E  cil  qui  est  redté  e  testemoniet  de 
deleauté,  e  le  plait  très  foiz  eschuit, 
e  al  quart  munstrent  li  sumenour  de 


dehors,  jusqu'à  ce  qu'il  ait  trois  fois 
demandé  justice  à  la  cour  de  I'hun- 
DRED  ou  à  celle  du  comte;  et  si,  à  la 
troisième  fois,  il  ne  peut  avoir  jus- 
tice, qu'il  aille  en  cour  comtale,  et 
que  la  cour  comtale  lui  assigne  le 
quatrième  jour;  et  si  celui  à  qui  il 
reclame  son  dû  fait  défaut,  qu'il  ob- 
tienne autorisation  de  pouvoir  s'ap- 
proprier le  gage,  soit  loin,  soit  près. 

XLIII. 

Que  nul  n'achète  rien  d'animé  ou 
d'inanimé,  valant  quatre  deniers, 
sans  qu'il  ait  pour  témoins  quatre 
hommes  de  la  ville  ou  de  la  cam- 
pagne; et  si  l'on  l'accuse  et  qu'il 
n'ait  pas  de  témoins,  ou  s'il  n'a  au- 
cun garant,  que  l'on  rende  son  bien 
à  l'homme  qui  le  réclame ,  et  que 
celui-là  ait  l'amende  qui  la  doit  avoir; 
et  s'il  a  des  témoins,  ainsi  que  nous 
l'avons  dit  ci-devant,  qu'il  les  ap- 
pelle trois  fois  en  témoignage,  et  qu'à 
la  quatrième  fois  il  justifie  de  son 
droit  sur  la  chose,  ou  qu'il  la  rende. 

XLIV. 

II  ne  nous  semble  pas  raisonnable 
que  l'on  fournisse  des  preuves  supé- 
rieures au  témoignage  de  ceux  qui 
connaissent  ce  qui  est  revendiqué, 
ni  que  nul  soit  admis  à  prouver  son 
droit  avant  l'expiration  d'un  délai  de 
six  mois  à  dater  du  jour  que  l'objet 
a  été  enlevé. 

XLV. 

Si  celui  qui  est  accusé  (pour  vol)  est 
taxé  de  déloyauté  par  des  témoins,  et 
qu'il  évite  trois  fois  le  plaid,  à  la  qua- 


*  Fell,  Seld.  et  Wilk.  lum.  Lisez  luin. 
^  Fell,  deremet;  Seld.  et  Wilk.  dereinet. 
'  Fell,  Seld.  et  Wilk.  su.  Lisez  fu. 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  IV. 


121 


se  treis  defautes,  uncore  le  mande 
l'un  que  il  plege  truse,  e  vienge  a 
dreit;  e  s'il  ne  volt,  s'ilne  vist,  l'un 
vif  u  mort,  si  pregne  l'un  quanque 
il  ad ,  e  si  rende  l'un  al  chalangeur 
Sun  chatel,  e  li  sire  ait  le  meité  del 
remenant,  e  le  hundred  la  meité.  E 
si  nul  parent  n'  ami  ceste  justise  de- 
forcent,  seient  [forfeit]  ^  envers  li  rei 
de  VI  livres  ;  e  quergent  le  larun  ; 
nen  en  ki  poesté  il  seit  trové ,  n'eit 
warant  de  sa  vie,  ne  per  défense,  de 
plait  n'ait  mes  recoverer. 


XLVL 

Nuls  ne  receit  hom  ultre  m  nuis, 
si  cil  '  ne  li  comand  od  qui  il  fust 
ainz  ^. 

xLvn. 

Ne  nuls  ne  lait  sun  hum  de  li  par- 
tir pusque  il  est  reté. 

XLVIIL 

E  ki  larun  encontre,  e  sanz  cri,  a 
acient,  li  leit  aler,  si  l'amend  a  la 
vailaunce  de  larun,  u  s'en  espurge 
per  plener  *  lei  que  il  laroun  ne  1' 
sout.  E  qui  le  cri  orat  e  sursera,  la 


Irième  que  les  sergents  lui  fassent  re- 
montrances sur  les  trois  fois  qu'il  a 
fait  défaut,  et  qu'on  le  somme  encore 
de  trouver  caution  et  de  venir  en  jus- 
tice; et  s'il  ne  le  veut  pas,  ou  s'il  ne 
vit  plus ,  que  l'homme  soit  vif  ou 
mort,  qu'on  lui  prenne  tout  ce  qu'il 
a,  qu'on  rende  au  plaignant  son  cha- 
tel,  et  que  le  seigneur  ait  la  moitié 
du  restant,  et  I'hundred  l'autre  moi- 
tié. Et  si  quelque  parent  ou  ami  s'op- 
pose de  force  à  cette  justice,  qu'il 
soit  passible  d'une  amende  de  six  li- 
vres au  profit  du  roi  ;  que  l'on  cher- 
che le  larron ,  et  que ,  en  la  puis- 
sance de  quelque  homme  qu'il  soit 
trouvé,  il  n'ait  personne  pour  proté- 
ger sa  vie,  ni  pour  jamais  le  sous- 
traire au  plaid  en  prenant  sa  défense. 

XLVL 

Que  nul  ne  recueille  un  homme 
pour  plus  de  trois  nuits,  si  celui  avec 
lequel  il  fut  précédemment  ne  le  lui 
recommande. 

XLVIL 

Que  nul  ne  laisse  partir  son  homme 
d'auprès  de  soi,  dès  qu'il  est  accusé. 

XLVIIL 

Qui  rencontre  un  voleur,  et  sciem- 
ment le  laisse  aller  sans  cri  de  haro, 
qu'il  répare  ce  manquement  par  une 
amende  proportionnée  à  la  force  du 
voleur,  ou  qu'il  se  justifie  par  le  ser- 


*  Forfeit  n'est  pas  dans  Fell,  mais  ilse  trouve  dans  Selden  et  dans  Wilkins. 
'  Fell,  Seld.  et  "Wilk.  til.  Lisez  cil.  Nous  avons  vu  que  la  même  faute  se 

trouve,  au  paragraphe  m,  dans  le  texte  de  Fell,  mais  non  pas  dans  Selden 
ni  dans  Wilkins,  qui  portent  tous  deux  cil  dans  cet  endroit. 

^  Fell,  amz;  Seld.  aniz;  Wilk.  amy.  Lisez  ainz.  La  traduction  latine  de 
la  Bibliothèque  harléienne  porte  :  Nisi  ille  cum  quoprius  fuit  hoc  ci  man- 
daverit. 

*  Fell,  plevcr;  Seld.  et  Wilk,  plener. 


152 


PREMIÈRE  PARTIE. 


sursise  li  rei  amend ,  u  s'en  espur- 
get. 


ment  juridique  simple,  en  jursmt 
qu'il  ne  le  sut  pas  voleur;  et  qui  en- 
tendra le  cri  de  haro  et  négligera  de 
prêter  secours,  qu'il  répare  par  une 
amende  le  manquement  dont  il  est 
coupable  envers  le  roi,  ou  qu'il  s'en 
justifie. 

XLIX. 

Que  chaque  maître  prenne  son  ser- 
viteur sous  sa  responsabilité,  afin 
que,  si  on  l'accuse,  on  ait  recours  en 
justice  à  la  cour  de  I'hundred. 

L. 

Et  s'il  est  quelque  serviteur  qui 
soit  accusé  dans  la  cour  de  I'hun- 
dred, et  que  quatre  hommes  le  char- 
gent, qu'il  se  justifie  par  un  serment 
qu'il  fera  lui  douzième  ;  et  s'il  s'en- 
fuit pendant  l'accusation,  que  le  maî- 
tre paye  sa  were  ;  et  si  l'on  accuse 
le  maître  de  ce  que  c'est  par  son  fait 
qu'il  s'est  enfui,  qu'il  s'en  disculpe 
par  un  serment  qu'il  fera  lui  sixiè- 
me; s'il  ne  peut,  qu'il  paye  une 
amende  au  profit  du  roi ,  et  que  le 
fugitif  soit  proscrit. 

*  Fell,  Seld  et  "Wilk.  u.  Lisez  n,  que  je  représente  par  'w,  parce  qu'il  est 
pour  en,  comme  dans  le  paragraphe  vi. 

'  Fell  et  Wilk.  nele;  Seld.  nel.  On  doit  lire  un  le.  Le  sens  est  :  si  l'on  ac- 
cuse un  serviteur,  il  faut  qu'à  son  défaut  on  puisse  avoir  recours  contre  son 
maître,  qui  doit  en  répondre.  (Voir  le  paragraphe  suivant.) 


XLIX. 

E  chascun  seniour  eit  soun  ser- 
jant  'n  ^  sun  plege  ;  que  si  un  le  * 
rete  que  ait  a  dreit  el  hundred. 


Si  est  ascons  qui  blamet  seit  de- 
denz  le  hundred,  e  iv  hume  le  re- 
tent,  si  xii«  main  s'espurget;  e  si  il 
s'en  fuist  dedenz  la  chalange,  li  sire 
rende  sun  were;  e  si  l'un  chalange  le 
seignour  que  per  li  s'en  seit  aie,  si 
s'escundie  sei  vi«  main,  e  s'il  ne  pot, 
envers  li  rei  l'ament  ;  e  s'il  soit 
utlage. 


CHAP.  1,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  V. 


123 


GLOSSAIRE  ETYMOLOGIQUE  DES  MONUMENTS  EN  LANGUE  D  OÏL  ANTÉRIEURS 
AU  Xn*  SIÈCLE,  SAVOIR  !  LES  SERMENTS  DE  84'2,  LA  CANTILÈNE  EN 
l'honneur  DE  SAINTE  EULALIE  ET  LES  LOIS  DE  GUILLAUME  LE  CON- 
QUÉRANT. 


A,  prép.  S"Eulal.  v.  12,  21,  25; 
L.  de  Guill.  §§  i,  ii,  etc.  Cette  pré- 
position dérive  tantôt  de  a^  ah,  tan- 
tôt de  ad.  (Voir  t.  III,  p.  348.) 

A,  prép.  signifiant  avec.  L.  de 
Guill.  §§  xxii,xxiii;  S'«Eulal.v.18. 
Ad,  item,  ibid.  v.  22.  (Voir  Avec, 
t.  III,  p.  353-361 .) 

Ab,  prép.  Serm.  i,  avec,  de  apud. 
(Voir  t.  III,  p.  354  et  355.) 

Abate,  3*  pers.  sing.  prés  de  l'ind. 
L.  de  Guill.  §  xix.  Du  verbe  abattre, 
formé  de  ad  et  de  batuere,  battre. 

Abbeïe,  L.  de  Guill.  §  i,  abbaye, 
de  abbatia,  dérivé  de  dbbas,  qui 
vient  lui-même  du  syriaque  abba, 
père,  en  hébreu  ab. 

Achat,  3*  pers.  sing.  prés,  de  l'ind. 
L.  de  Guill.  §  xliii.  Achatad,  3*  pers. 
sing.  du  passé  défini,  ibid.  xxv. 
Formes  du  verbe  achater,  acheter, 
italien  accattare,  anc.  portugais  acha- 
tar,  anc.  espagnol  acabdar,  dérivés 
de  accaptare {ad captare).  Ces  verbes 
ont  une  origine  analogue  à  celle  de 
l'italien  comprare,  prov.  croumpar, 
acheter,  de  comparare.  Voir  Acca- 
ptare  dans  le  glossaire  de  du  Gange. 
Ces  mots  ont  passé  de  la  significa- 
tion générale  acquérir  à  la  signifi- 
cation particulière  acquérir  à  prix 
d'argent. 

AciENT,  L.  de  Guill.  §  xlviu,  es- 
cient ;  o  a/yient,  à  bon  escient,  sciem- 
ment, dérivé  de  ad  sdentem. 


AcORDEMENT,  adv.  L.  de  Guill. 
§  XII,  cordialement,  de  ad  et  de  cors, 
cor  dis. 

Adjudha,  Serm.  i  et  ii,  aide.  Ce 
mot  devint  ajyde,  aide,  ajue  ou  aiue, 
aie  : 

Tut  abat  mort  el  pied  sur  l'erbe  drue, 
AprÈs  li  dist:  Culvert,  mari  moiistes, 
De  Mahumet  ja  n'i  aurez  ajude, 

CChans.  de  Roland,  on,  IG.) 

Car  de  ciel  vos  est  venue  li  aiue.  (Ser- 
mons de  saint  Bernard,  p.  546.) 

En  prov.  ajuda,  en  ital.  aiuta. 
Tous  ces  substantifs  dérivent  du  ver- 
be adjuvare.  On  trouve  adju^ws  avec 
le  sens  de  aide  dans  Macrobe,  Sa- 
tur.  VII,  7. 

Adunet,  3^  pers.  sing.  prés,  du 
subjonctif.  Ste  Eulal.  v.  1 5.  Du  ver- 
be aduner,  adonner,  livrer,  abandon- 
ner, de  ad  donare.  La  forme  simple 
duner  pour  donner  est  fréquente  dans 
les  anciens  auteurs.  (Voir  L.  de  Guil. 
§§  VI,  VII,  VIII,  etc.  Chron.  des  ducs 
de  Norm.  t.  I,  p.  370,  v.  8312;  p. 
247,  v.  4749  ;  p.  253,  v.  4921 ,  etc. 
Livre  des  Rois,  p.  8  etpassim;  Ma- 
rie de  France,  t.  I,p.  504  etpassim.) 
Parduner,  autre  composé  de  duner, 
se  prenait  également  dans  le  sens 
d'abandonner. 

Li  reis  maudad  les  Gabaonites,  si  lur 
dist  :  Que  volez  que  jo  vus  face,  et  par 
que»  vus  purrai  apaier  que  vus  duinsez  be- 


124 


PREMIÈRE  PARTIE. 


neicbun  al  Lerilage  ÎSoslie  Seigneur,  e 
pardunei  vostre  maltalent. (Liire  des  Rois, 
}).  201.) 

Afiert  ,  3®  pors.  sing.  prés,  de 

l'ind.  L.  de  Giiill.  §  m.  Afierent, 

3°  pers.  plur.  prés,  de  l'ind.  ibid.  §§ 

II,  III.  Du  verbe  afiere,  se  rapporter 

à ,  être  relatif  à,,  appartenir  à ,  de 

afferre  ; 

Item,  nus  ne  puet  ouvrer  ou  mestier 
dessus  dit  se  il  n'en  a  fet  le  service  tel 
come  il  i  afiert  ,  et  come  il  est  devisé 
dessus.  (Livre  des  métiers,  p.  407.) 

AiNZ,  L.  de  Guill.  §  xlvi,  avant. 
Ainz  fait  office  d'adverbe  dans  cet 
endroit.  Dérivé  de  ante  ou  de  antea. 

Ajuirie,  L.  de  Guill.  §  xxxni, 
aide,  substantif  dérivé  du  verbe  ad- 
juvare.  (Voir  Adjudha.) 

Al,  L.  de  Guill.  §  iv,  etc.  pour  à 
le  et  à  la.  (Voir  ces  mots.) 

Alcuns,  pron.  indéf.  L.  de  Guill. 
§  XXI.  Alcun  ,  ibid.  §  xxxviii.  Al- 
QUENS,  ibid.  §  II,  etc.  Alqtjen,  ibid. 
§  XIII.  Alquons,  ibid.  §  i.  Ascons, 
ibid.  §  L.  Aucun,  de  aliquis  unus. 

Dans  alcuns,  alquons,  ascons,  la 
première  syllabe  ne  se  prononçait  ni 
al  ni  as,  mais  au,  comme  nous  le  pro- 
nonçons aujourd'hui  dans  aucMn. C'est 
ce  que  nous  apprennent  deux  anciens 
auteurs  anglais  cités  par  M.  Génin. 

«  Quandocunque  hec  litera  l  po- 
«  nitur  post  a,  e  et  o,  si  aliquod  con- 
«  sonans  post  l  sequitur,  l  quasi  u 
«  débet  pronunciari ,  verbi  gratiâ  : 
«  m'  aime ,  loialment ,  bel  compai- 
«  gneoun.  »  (Texte  du  manuscrit  ]  88 
du  collège  de  la  Madeleine  d'Oxford 
cité  par  M.  Génin  dans  son  introduc- 
tion à  Palsgrave,  p.  30,  note.)  — 
«  Aliquando  s  scribitur  et  u  sona- 
«  bitur,  ni  ascun,  sonabitur  attCMn.» 
{Idem,  ibid.  p.  32,  note.) 


u  Et  alefoich  escriveretz  s  en  lieu 
«  de  M,  comme  ascun  et  sera  sonné 
«  aucun.»  (Texte  du  manuscrit  497 1 
du  British  Muséum,  cité  ibid.  p.  34.) 

Ainsi  al  et  as  étaient  deux  nota- 
tions différentes  représentant  l'une 
et  l'autre  le  même  son  au.  La  pre- 
mière était  due  à  l'étymologie  et  la 
seconde  à  un  abus  provenant  de  quel- 
que fausse  analogie.  On  aura  cru  pro- 
bablement pouvoir  remplacer  Vu  par 
un  s  dans  auxnn  parce  que  la  consonne 
faisait  office  de  la  voyelle  dans  cer- 
tains mots  tels  que  coShtme,  dérivé 
de  conSutudinem ,  que  l'on  pronon- 
çait coiitume  comme  nous  faisons 
aujourd'hui.  «  Les  costumes  enque- 
u  rant.  »  {Dolopathos,  p.  182.) 

De  même  on  se  servait  de  ol  à  la 
place  de  la  notation  ou.  On  lit  soit 
pour  sout,  sut,  dans  le  §  xli  des  lois 
de  Guillaume. 

Alejer,  Alajek,  prés,  de  l'inf.  L. 
de  Guill.  §  xli,  se  disculper,  se  pur- 
ger d'une  accusation,  justifier  de  son 
innocence  selon  les  prescriptions  por- 
tées par  la  loi.  C'était  ordinairement 
au  moyen  d'un  serment  fait  pari' ac- 
busé  et  confirmé  par  un  certain  nom- 
bre de  témoins.  En  basse  lat.  adle- 
giare,  allegiare,  composé  de  od  et  de 
lex^  legis  ; 

Et  si  Ânglicus  bellam  notit,  Fraucigena 
compellatus  adlegiet  se  in  juramento 
contra  eum  per  suos  testes,  secundum  le- 
gem  Normannotum.  (Lois  latines  de  Guil- 
laume le  Conquérant,  ch.  lxviii.) 

Vel  ita  se  allegiet  :  nominentur  el  14 
et  acquirat  ex  eis  uudecim.(Lois  de  Henri  l", 
roi  d'Angleterre,  ch.  lxvi.) 

Ue  mort  d'homme  soit  allégé  devant 
quiconque  justice.  (Statut  de  Richard  II, 
an  1387.) 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  Ï.ATIN.  SEGT.  V. 


125 


Jlejer  est  déclarer  par  serment. 
lûmes  d'Acs,  lit.  XI[,  art.  3.) 


(Con- 


(Voir,  plus  loin,  Homes  només,  à 
la  suite  de  l'article  Nomer,  et,  dans 
le  glossaire  de  du  Gange,  l'article 
Adlegiare.) 

Aler,  prés,  de  l'inf.  L.  de  GuilL, 
§  xvii.  Allé,  part,  passé,  iUd.  §  l. 
Alt,  3*  pers.  sing.  impérat.,  ibid. 
§§  XVII,  xLii,AuT,  item,ibid.  §xvii. 
De  ambulare,  employé  pour  aller  dans 
Plaute  et  dans  les  auteurs  de  la  basse 
latinité.  (Voir  du  Gange.)  On  se  ser- 
vit longtemps  de  la  forme  moins  syn- 
copée amblerj  que  nous  avons  con- 
servée en  parlant  d'une  certaine  allure 
des  chevaux,  des  mulets,  etc.  Rute- 
beuf  dit  en  parlant  de  sainte  Eli- 
sabeth : 

Jà  ne  qerroit  de  la  cliapele 
Yssir;  j'a  ne  querroit  qu'orer 
Et  en  oroison  demorer. 
Mult  murmurent  ses  charaberieres 
Que  jamès  ne  querroit  arriéres 
Venir  du  moustier,  ce  lor  samble; 
Mes  coiement  d'cntr'elles  s'emble 
Et  va  Dieu  proler  en  ambiant. 

(Ruiebeuf,  t.  II,  p,  169.) 

Ambulare,  par  une  syncope  toute 
différente,  a  également  donné  le  pro- 
vençal anar^  aller,  dans  lequel  Ym 
s'est  changée  en  n.  L'italien  et  l'es- 
pagnol andar  ont  la  même  origine  et 
la  même  signification.  Le  d  est  venu 
se  joindre  à  Vn  comme  dans  tendre 
de  tener,  gendre  de  gêner,  etc.  (Voir 
t.  II,  p.  141.) 

Almaille,  L.  de  Guill.  §  vi.  Ce 
mot  se  prenait  tantôt  collectivement 
pour  signifier  le  gros  bétail,  tantôt 
individuellement  pour  désigner  une 
bête  de  gros  bétail ,  un  bœuf,  une 
vache,  un  cheval,  un  âne.  Volaille, 
de  volatilia,  et  canaille,  dérivé  de 


canis,  ont  de  même  le  sens  collectif 
et  le  sens  individuel. 

Respundi  Samuel  :  E  dunt  vienenl  ces 
berbiz  e  Yalmaille  dont  jo  o!  la  noise. 
[Livre  des  Rois,  p   55.) 

Dixitque  Samuel  :  E  quœ  est  hœc  vox  gre- 
gum  qu(s  resonat  in  auribus  meis,  et  armen- 
torum  quam  ego  audïo, 

E  par  tut  le  pople  alez,  si  lur  dites 
chaschuns  meint  cha  Valmaille  e  le  multun 
qu'il  volt  tuer,  e  sur  ceste  pierre  l'ociez. 
{Livre  des  Rois,  p.  50.) 

Dispergimini  in  vulgus,  e  dicite  eis,  ut 
adducat  ad  me  unusquisque  bovem  suum  et 
arietem,  et  occidite  super  istud. 

Almaille  vient  de  animalia,  plur. 
de  l'adj .  animalis,  sous-entendu  bona, 
comme  volaille  vient  de  volatilia, 
plur.  de  volatilis,  sous-entendu  pe- 
cora.  (Voyez,  à  cet  égard,  t.  III, 
p.  66,  note.) 

Bétail  dérive  de  l'adj.  sing.  bestia- 
lis,  avec  lequel  on  sous-entendait  un 
mot  signifiant  richesse,  bien,  avoir. 
On  trouve  en  ce  sens,  dans  Ulpien, 
r es  animales.  (Voir  ci-après  AiJeer^ 
subst.) 

Le  nde  animalia  s'est  changé  en  l 
dans  almaille,  comme  dans  licorne  de 
unicomis;  orphelin  d'orphaninus  pour 
orphanus,  etc.  (Voir  t.  II,  p,  113.) 

Dans  les  auteurs  postérieurs  au 
XII*  siècle,  almaille  est  généralement 
écrit  aumaille,  selon  l'analogie  de 
transformation  des  mots  latins  com- 
mençant par  al  :  alter,  autre;  al- 
TAR,  autel,  etc. 

Les  éditeurs  ou  les  copistes  des 
Lois  de  Guillaume  ont  lu  en  deux 
mots  al  maille,  ce  qui  ne  présente 
aucun  sens  dans  cet  endroit. 

Alter,  adj.  indéf.  L.  de  Guill. 
§  VIII,  Altre,  item,ibid.  §§  m,  vu, 
XI,  etc.  Altri,  item,  ibid.  §  xiv. 


126 


PKEMIÈRE  PARTIE. 


AuTRi,  item,  ibid.  §  xxxiii.  Otrei, 
item,  ibid.,  §  xi.  Autre,  de  alter. 
Souvent  homme  est  sous-entendu; 
on  doit  alors  traduire  par  un  autre, 
l'autre.  Altri,  autri,  otrei,  servent 
de  complément  à  un  substantif  ou  de 
complément  indirect  à  un  verbe;  ils 
signifient  d'un  autre,  de  l'autre,  à 
un  autre,  à  l'autre. 

Altresi,  adv.  Serm.i;  L.  de  Guill. 
§§  1,  XV,  de  même.  Ce  mot  est  com- 
posé de  alterum  et  de  sic.  On  trouve 
fréquemment,  au  xii^  et  au  xiii*  siè- 
cle, l'adverbe  analogue  altretant, 
autant,  de  alterum  tantum.  Plante 
emploie  alter  avec  tantum  adverbe  : 
Alterum  tantum  auri,  autant  d'or. 
(Voyez  t.  III,  p.  293-294.) 

Quant  Brennes  sa  mère  entendi, 
Pitié  en  ot,  si  la  créi. 
S'espée  et  puis  son  hiaume  osta, 
Et  de  l'auberc  se  despoilla. 
Devant  sa  gent  el  camp  sali, 
Et  Belins  reûst  altresi. 

{Rom.  de  Brut,  t.  1,  p.  136.) 

Ot  dit  a  Renier  des  Grimaus 
Qu'a  Calais  plus  ne  sejournast... 
A  Jehan  Pedogre  aulresi... 

{Brandie  det  roi/aux  lignages,  I.  II,  p.  3t9.) 

Amast,  3*  pers.  sing.  du  passé  du 
subj.  S^Eulal.  V.  10,  du  verbe  amer, 
aimer,  en  latin  amare. 

Amende,  L.  de  Guill.  §  i,  etc. 
Amende,  de  ad  et  de  menda. 

Amenderad,  3»  pers.  sing.  fut. 
L.  de  Guill.  §  xxi.  Amend,  3e  pers. 
sing.  imp.  ibid.  §  xlvii.  Ament,  item, 
ibid.  §  L.  Amended,  part,  passé  pas- 
sif, ibid.  §  XVII.  Du  verbe  amender, 
payer  une  amende,  réparer  un  tort, 
un  dommage,  etc.,  au  moyen  d'une 
somme  d'argent;  réparer  un  dom- 
mage en  général,  expier  un  crime, 
une  faute;  subir  une  condamnation 


pour  un  crime,  uu  délit.  Dérivé  de 
ad  et  de  menda. 

S'aucuns  hom  de  quinze  ans  u  de  plus 
claime  aucun  laron  u  mourdreuru  reubeur/ 
u  met  sus  laidoeure  que  il  ne  puist  prou- 
ver, il  l'amende  par  le  loy  de  quinze  sols. 
(Cartulaires  de  HainatU  publiés  par  M.  Je 
Reiffenberg,  p.  346.) 

Uns  qui  avoit  fet  discorde  en  une  vile, 
quant  il  eu  cest  crime  amande,  relorna  ar- 
rière en  la  vile,  et  se  mist  en  la  commune. 
(Livre  de  Joslice,  p.  29.) 

Amener,  prés,  de  l'inf.  L.  de  Guill. 
§  IV.  Amènent,  3e  pers.  plur.  prés, 
de  l'ind.  ibid.  §  xxvi.  De  ad  et  de 
minare,  dont  les  Latins  se  sont  ser- 
vis dans  le  sens  de  wener  ;  <(  Nos 
duos  asinos  minantes,  baculis  exi- 
gunt.  »  (  Apulée ,  Métamorphose , 
liv.  III.)  Le  même  verbe  se  trouve 
avec  la  même  signification  dans 
Ausone  et  dans  Paul  Diacre,  abré- 
viateur  de  Sextus  Pompéius  Festus. 

Ami,  L.  de  Guill.  §  xlv,  de  arnicas. 

Amur,  Serm.  i,  amour,  de  amor. 
On  trouve  ce  mot  écrit  comme  dans 
le  Serment  dans  beaucoup  d'auteurs 
du  xiie  et  du  xiii^  siècle  :  «  Pur 
amur  Diu,  »  pour  l'amour  de  Dieu. 
(Marie  de  France,  1. 1,  p.  240.) 

An,  L.  de  Guill.  §  iv,  an,  année, 
de  annus. 

Anel,  L.  de  Guill.  §  xiii,  anneau, 
de  annelus  pour  annulus. 

Anima,  S'*  Eulal.  v.  2.  Anme, 
L.  de  Guill.  §  xli.  Ame,  du  latin 
anima.  On  trouve  aneme  et  anme,  à 
quelques  lignes  de  distance,  dans  le 
Livre  des  Rois,  p.  100. 

Apel,  L.  de  Guill.,  §  xxv,  subst. 
dérivé  du  verbe  appellare. 

Apeled,  part,  passé  pass.  L.  de 
Guill.  §  IV.  Apelerad,  3" pers.  sing. 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.   SECT.  V.  127 


fut.  ibid.  §  xxvii.  Du  verbe  appeler, 
dérivé  de  appellare. 

Apeleur,  L.  de  Guilll.  §  xvi,  ce- 
lui qui  appelle  en  justice,  le  deman- 
deur, appelîator. 

Apend,  L.  de  Guill.  §  xxxiii,  du 
verbe  apendre,  dépendre  de,  employé 
avec  le  même  sens  dans  le  Livre 
des  Rois,  p.  19,  332,  377,  et  dans 
la  Chronique  des  ducs  de  Norman- 
die 1. 1,  p.  47.  Dérivé  àeappendere. 

Après,  prép.  L.  de  Guill.  §  v,etc. 
De  ad  prope. 

Arcevesqe,  L.'de  Guill.  §  xvn, 
archevêque,  de  archiepiscopus,  dé- 
rivé du  grec  &^y}tmav.oTioii. 

ARDE,3*pers.sing.  prés,  du  subj. 
S"  Eulal.  V.  19.  Du  verbe  ardoir, 
brûler;  ardere. 

Arere,  adv.  L.  de  Guill.  §§  xvi, 
xvn,  arrière,  de  ad  rétro.  L'expres- 
sion adverbiale  en  arere  marque  un 
temps  qui  est  derrière  nous  dans  le 
passé;  elle  signifie  précédemment, 
jadis,  autrefois. 

Seigneur,  il  fa  ça  en  arrière 
I.  riches  rois  de  granl  vaillance, 
Oui  son  valoir  et  sa  puissance 
Metoit  en  avoir  amasser. 

[Dolopalhos,  p.  1S3.) 

Argent,  S"  Eulal.  v,  7,  de  ar- 
gentum. 

Armes,  L.  de  Guill.  §  xxiv,  de 
arma. 

As,  L.  de  Guill.  §  ix,  etc.,  pour  à 
les.  (Voir  ces  mots.) 

AsALT,  3«  pers.  sing.  prés,  de 
l'ind.  L.  de  Guill.  §  xxx.  Du  verbe 
assaillir,  formé  de  ad  et  de  salire. 

AscoNS.  (Voir  Alcuns.) 

Asete,  3'  pers.  sing.  prés,  de 
l'ind.  L.  de  Guill.  §  xlii.  Du  verbe 
aseter,  établir,  fixer,  assigner;  dé- 


rivé de  assidere  pris  activement, 
dont  nous  avons  fait  asseoir,  qui  est 
également  actif  :  (c  Jurs  asis,  »  jour 
fixé.  {Livre  des  Rois,  p.  2.)  «Terme 
asis,  »  terme  fixé.  (Ibid.  p.  197.) 

Atint,  part,  passé  pass.  L.  de 
Guill.  §  II.  Convaincu  de  crime  ou 
de  délit.  De  attinctus,  participe  de 
attingere.  En  basse  latinité  attinctus, 
attaintus,  atintus  se  prenaient  dans 
la  même  signification  : 

Si  dominus  feodi  negat  liaeredibus  de- 
funcli  saisinam  ejnsmodi  feudi...  et  inde 
attinlus  fuerit,  remaneat  in  misericordia 
régis.  (Roger  Hoveden,  cité  par  du  Cange 
art.  Attaintus.) 

Vidit  quemdam  hominem  ex  hominibus, 
S.  Pétri  qui  erat  conviclus,  id  est  attains, 
in  castello  liberari  per  ecclesiam  S.  Pétri. 
(Charte  de  1212,  citée  par  du  Cange,  art. 
Attaintus.) 

Se  aucuns  sires  est  appelle  de  son 
homme  de  défaut  de  droit,  e  il  est  atains, 
il  pert  l'omage,  et  pers  aussi  respons  en 
cort.  (  Pierre  de  Fontaines  ,  Conseils , 
ch.  XIII.) 

Tels  me  soloit  dire,  «  Biaus  sire,  » 
Qui  me  dit  :  «  Traîtres  atains." 
Or  ne  me  prent  talent  de  rire; 
De  dolor  sui  noircis  et  tains. 

{Théâtre  français  au  mo^en  ât/e,  p.  209.) 

Ainsi,  Pierres ,  a  tort  te  plains. 
Et  je  croi  bien  qu'ele  dit  voir; 
De  tes  mauvestiez  es  atains, 
Ce  peut  chascuns  moult  bien  veoir. 

(IbiJ.,  p.  215.) 

Nous  disons  aujourd'hui  atteint 
et  convaincu  par  une  sorte  de  pléo- 
nasme. 

Aut,  aille.  (Voir  l'article  Aler.) 
Tant  ai  esperonné  que  sul  venu  au  saut. 
Se  ne  di  mon  pensé,  trestot  ce  que  me  vall; 
Ge  l'd  irai  totes  voies  comment  que  li  plet  ou/. 
Qu'assez  a  gent  el  monde  don  gaire  ne  me 
[chaut. 

(Cha)lie-M»tart,  dsm   le»  œuTre»   de  Raiabauf, 
t.U,p.*T8.) 


128 


PUEMIÈUE  PARTIE. 


Et  estroitetnent  lui  commande 
Qu'ele  aut  avant,  et  qu'ele  porvoie 
L«  bel  chemin,  la  bele  voie. 

{Tormiementde  PAnléehriit,  p.  103.) 

AuTRi.  (Voir  Alter.) 

Avant,  prép.  Serm.  i.  L.  de  Guill. 
§  xn.  De  ab  ante.  (Voir,  dans  la  se- 
conde partie,  l'article  concernant  les 
prépositions,  tome  III,  pages  350- 
353.) 

AvEiR,  prés,  de  l'inf.  L.  de  Guill. 
§§  m,  XVI,  etc.  Avoir.  Ad,  3*  pers. 
sing.  prés,  de  l'ind.,  ibid.  §  m,  etc. 
Unt,  3*  pers.  plur.  prés,  de  l'ind., 
ibid.  §  XLi,  etc.  Aveit,  3*  pers.  sing. 
imp.  de  l'ind.,  ibid.  §§  m,  vi,  Avrat, 
3«  pers.  sing.  fut.,  ibid.  §  m,  etc. 
Averad,  item,,  ibid.  §  iv.  Avret, 
3"  pers.  sing.  d'une  forme  perdue 
qui   marquait  un    passé   de   l'ind. 
S'*  Eulal.  V.  2,  20.  Cette  forme  était 
dérivée  du  plus-que-parfait  habue- 
ram.  Avereit,  3*  pers.  sing.  prés, 
du  cond.   L.  de  Guill.  §  i.  Ait, 
3*  pers.  sing.  prés,  du  subj.,  ibid. 
§  VI.  EiT,  item,  ibid.  §§  vu,  xvi, 
XLii,  XLiii,  etc.  AvuissET,  3"  pers. 
sing.  de  l'imp.  du  subj.  mis  pour  le 
prés,   ou  fut.  S"  Eulal.  v.  27.  OuT, 
3e  pers.  sing.  passé  du  subj.  L.  de 
Guill.  §  i,  etc.  Ste  Eulal.  v.  5.  Oud, 
part,  passé.  L.  de  Guill.  §§  iv,  xvi. 
Toutes  ces  formes  du  même  verbe 
sont  dérivées  de  diverses  formes  du 
verbe  habere.  (Voir  t.  III,  p.  255-262.) 
AvEiR,  subst.  masc.  L.  de  Guill. 
§§  VI,  XXV,  XLi,  XLiv.  AvER,  item, 
ibid.  §§vii,  XVIII.  Ces  mots  signifient 
tantôt  bien,  richesse,  propriété,  l'a- 
voir de  quelqu'un  en  général,  comme 
dans  les  paragraphes  xli  et  lxiv;  tan- 
tôt ils  désignent  en  particulier  la 
richesse  consistant  en  troupeaux, 


l'avoir  en  bestiaux,  le  bétail,  comme 
dans  les  paragraphes  vi  et  vu.  Dan. 
le  paragraphe  xxv,  le  bétail  est  dé- 
signé par  vif  aveir,  et  dans  le  para- 
graphe XVIII,  la  propriété  rurale  est 
appelée  aver  champester.  En  Pro- 
vence, aver  signifie  encore  aujour- 
d'hui bétail,  et  gros  aver,  gros  bé- 
tail, comme  dans  paragraphe  vi  des 
Lois  de  Guillaume  le  Conquérant. 
En  Normandie,  aver  se  prend  pour 
les  biens  meubles,  la  fortune  mobi- 
lière. 

Ce  mot  n'est  autre  que  le  verbe 
aveir  pris  substantivement;  il  vient 
donc  de  habere. 

AvENT,  3» pers.  sing.  prés,  de  l'ind. 
L.  de  Guill.  §  xiii.  Du  verbe  ave- 
nir, dérivé  de  advenire. 

Aventure,  L.  de  Guill.  §  xxi. 
Substantif  dérivé  du  verbe  advenire, 
res  quœ  adventura  est. 

Avultere,  L.  de  Guill.  §  xxxvii, 
adultère,  femme  qui  viole  la  foi 
conjugale.  De  adultéra. 

Avulterie,  L.  de  Guill.  §xxxvn, 
adultère,  violement  de  la  foi  conju- 
gale. De  adulterium  : 

Jugiez  est  jà,  n'i  a  que  dire, 
Par  l'ovraigne  del  avoUire. 

{Chron.  des  ducs  de  Norm.,  t.  II,  p.  353,) 

AwEiT,  L.  de  Guill.  §  i,  guet, 
aguet,  composé  de  la  préposition  la- 
tine ad  et  du  tudesque  wahta,%mi. 
(Voir  Guet,  parmi  les  mots  d'origine 
germanique,  ch.  m,  sect.  ii.) 

Aweit  prepensed,  qui  se  trouve 
au  paragraphe  i,  est  l'équivalent  de 
guet-apens,  expression  altérée  de 
guet  appensé.  (Voyez  Prepensed.) 

Ele  li  a  tendu  aguez  ou  en  repost  ou 
apertement.(C(»fl*«7  de  Pierre  de  Fontaines, 
p.  404.) 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  V. 


<29 


Murdres  si  est  quant  aucuns  tue  ou  fat 
tuer  autrui  en  agait  apensé.  (Beaumanoir, 
Coutumes  ùtt.  Beauvoisis,  I,  412.) 

Baillie,  L.  de  Guill.  §  ii,  pou- 
voir, puissance,  domination,  admi- 
nistration, juridiction.  Ponce  Pilate 
dit,  en  parlant  du  motif  qui  l'a  porté 
à  condamner  Jésus-Christ  : 

Li  Jeu  (Juifs),  par  lur  grant  envie, 
Enpristrent  grant  félonie  ; 
Je  r  consenti  par  veisdie 
Que  ne  perdisse  ma  bailtie  ; 
Encusé  m'eussent  en  Romanie. 

[Théâtre français  au  moyen  âge,  p.    IS.) 

Ki  tient  Kartagene  al  frère  Margalie, 
E  Ethiope,  une  tere  maldite, 
La  neire  gent  en  ad  en  sa  baillie. 

(Chanton  de  Roi,  c.xli,  5.) 

Baillie  est  pris  dans  le  sens  de 
juridiction,  ressort,  dans  les  Assises 
de  Jérusalem j  t.  II,  p.  377,  et  dans 
le  sens  de  garde,  à  la  page  135.  Ce 
mot  est  un  dérivé  de  bailli^  qui  vient 
lui-même  de  bajulus  ;  celui-ci  ne  si- 
gnifia d'abord  qu'un  père  nourricier, 
un  homme  dont  une  des  principales 
fonctions  était  de    porter  l'enfant 
confié  à  ses  soins,  de  bajulare.  La 
nourrice  était  pareillement  appelée 
geraria  et  gerula_,  de  gerere.  «  Hic 
incunabula  tua  fovimus,  hic  vagien- 
tis  infantiae  lactantia  membra  for- 
mavimus,  hic  civicarum  bajulabare 
pondus  ulnarum.  »  (Sidoine  Apolli- 
naire, liv.  IV,  épitre  xxi.)   «Quam 
necessarius  paedagogus,  immo  etiam 
bajulus,  praesertim  parvulo  inter  haec 
gradienti!  in  manibus ,  inquit,  por- 
tabunt  te  ;  in  tuis  quidem  viis  custo- 
dient  te  et  deducent  parvulum  qua 
potest  parvulus  ambulare.  »   (Saint 
Bernard,  sermon  xii,  sur  le  psaume 
Qui  habitat.) 


En  langue  d'oïl  bailli  signifiait 
homme  qui  a  soin  d'un  petit  enfant; 
baille,  se  disait  d'une  femme,  dans 
le  même  sens;  en  Languedoc,  ce 
mot  signifie  encore  aujourd'hui  une 
nourrice,  en  italien  balia.  Dans  le 
Roman  de  la  Bible,  un  ange  dit  à 
saint  Joseph  qu'il  sera  le  bailli  de 
l'enfant  Jésus  dès  qu'il  sera  né. 
Quand  sera  nés  li  enfes  tu  seras  si  baillis. 

(lUrmann  de  Valeneiennes  cild   par   CatsencuTe,  «ri. 
Bailli/.) 

Chacun  jor  plus  grosse  devint 
Jusc'à  jor  ke  li  termes  vint 
D'enfanter  ceu  dont  grosse  estoit. 
Sa  sevré  (sucrus),  ki  s'antremetoit 
De  li  servir  par  traïson, 
Ne  vot  k'ele  aiist  se  li  non 
De  bailles  a  l'enfantement. 

{Dolopalhos,  iàil.  Jannet,  p.  333.) 

Par  extension,  bajulus  se  prit  pour 
le  précepteur  d'un  enfant  et  particu- 
lièrement pour  le  gouverneur  d'un 
jeune  prince  :  «  Juvenibus  fidelibus 
filiis  vestris  maturos  ac  prudentes 
atque  sobrios  bajulos  singulis  cons- 
titutio,  qui  oderint  avaritiam;  ut 
eos  verbo  et  exemplo  justiciam  dili- 
genter  diligere  doceant.  »  (Hincmar, 
épitre  xi,  à  Charles  le  Gros,  édit.  de 
Sirmond.)  «  Ne  admittantur  a  vobis 
monilores  quos  bajulos  vulgus  ap- 
pellat,  ne  gloriam  vestram  inter  se 
ipsi  partiantur.  »  (  Loup  de  Perrière, 
épitre,  lxiv.) 

Bajulus,  balius,  en  basse  latinité, 
baile,  bail,  bailli,  en  français  s'em- 
ployèrent aussi  pour  signifier  tuteur, 
curateur,  celui  qui  est  chargé  de  veil- 
ler sur  la  personne  et  les  biens  d'un 
mineur,  pour  l'administrateur  du  fief 
d'un  pupille,  le  régent  auquel  était 
confié  les  affaires  d'un  royaume  pen- 
dant la  minorité  d'un  roi.  «  BajuH 


«30 


PREMIÈUE  PARTIE. 


respondeanl,  si  voluerint,  pro  pupil- 
lis.  »  (Coutumes  de  Barcelonne, 
ch.  X.)  Du  Cange,  auquel  j'emprunte 
l'exemple  que  je  viens  de  citer,  re- 
marque que  Baudoin  V,  comte  de 
Flandre,  tuteur  du  roi  de  France 
Philippe  I",  et  régent  du  royaume, 
s'intitule  dans  les  actes  publics  : 
«  Philippi  Francorum  régis  ejusque 
regni  procurator  et  bajulus.  »  (Glos- 
saire, art.  Bajulus^  3.) 

D'après  les  Assises  de  Jérusalem 
le  bail  ou  bailli  qui  avait  l'adminis- 
tration du  fief  d'un  mineur  ne  pou- 
vait avoir  la  garde  de  l'enfant  de 
peur  que  celui-ci  ne  tût  pas  toujours 
en  sûreté  entre  les  mains  d'un  hom- 
me intéressé.  «  Le  bail  n'a  point  la 
garde  de  l'enfant  qui  est  seigneur 
de  terre,  de  crainte  que  la  convoi- 
tise lui  fit  faire  la  garde  du  loup; 
mais  il  doit  estre  gardé  par  accord 
du  commun  de  ses  hommes.  »  {As- 
sises de  Jérus.,  ch.  clxix;  citation 
de  du  Cange,  art.  BujiduSj  3.) 

Bailli  se  prit  ensuite  dans  un  sens 
général  pour  un  administrateur.  On 
le  trouve  employé  pour  désigner  l'ad- 
ministrateur d'une  province,  d'une 
ville,  d'une  communauté.  Les  baillis 
royaux  furent  des  magistrats  dont 
les  attributions  ont  fort  varié  depuis 
Je  xii*  siècle;  ils  furent  principalc- 
meftt  des  officiers  chargés  d'admi- 
nistrer la  justice  au  nom  du  roi. 
(Voyez,  à  cet  égard,  le  président 
Fauchet,  dans  ses  Antiquités  fran- 
çoises,  liv.  ix,  ch.  v;  Pasquier,  dans 
ses  Recherches  de  la  France,  liv.  iv, 
ch.  XV ;  La  Mare,  dans  son  Traité 
de  la  Police,  liv.  i,  p,  30,  et  du 
Cange,  dans  son  Glossaire,  art.  Ba- 
julus.) 


Baroun,  L.  de  Guiil.  §  xvu.  Ba- 
RtN,  ibid.j  §  xxiii.  Baron.  (Voir 
Bers,  parmi  les  mots  d'origine  ger- 
manique, ch.  III,  sect.  II.) 

Bel,  S'«  Eulal.  v.  2,  beau,  de 
bellus. 

Bellezour,  S'«  Eulal.  v.  2,  com- 
paratif de  bel,,  beau,  de  bellus  : 

Eslire  i  doit  la  èielleisour 
Et  la  plus  fine  et  la  mellour. 

(Gaulier  d'Arrn»,  Eraclei,  t.  2679.) 

Le  comparatif  qui  termine  le  se- 
cond de  ces  vers  nous  est  resté  sous 
la  forme  meilleur;  mais  bellezour, 
bielleisour  ont  disparu.  Le  compa- 
ratif correspondant  en  langue  d'oc 
était  bellazor  : 

E  am  del  mon  la  bellazor 
Domna  e  la  plus  prezada. 

(ïlambaud  d'Orange,  Mon  ckanl.) 

Et  j'aime  du  monde  la  plus  belle  dame 
et  la  plus  prisée. 

Bellazor,  bellezour  proviennent 
du  comparatif  bellatior  dont  le  po- 
sitif est  bellatus,  dérivé  formé  de 
bellus  au  moyen  du  suffixe  atus. 
(Voyez  t.  II,  p.  343,  344,  393  et 
394.)  On  trouve  le  diminutif  bella- 
tidus  ddins  Plante,  Casina,  acte  iv, 
scène  iv,  dernier  vers.  Roquefort  et 
Lévêque  de  la  Ravalière ,  dans  son 
glossaire  de  Thibault  de  Champagne, 
nous  donne  la  forme  bêlé,  fém.  bélée, 
bellée  qui  paraissent  provenir  de  bel- 
latus, ata,  comme  ailé  provient  de 
alatus  et  lettré  de  litteratus.  (  Pour 
les  comparatifs  qui  consistent  en  un 
seul  mot,  voir  t.  III^  p.  i20,  122.) 

Ben,  adv.  L.  de  Guill.  §xxxvn, 
bien,  de  bene. 

Berbiz,  L.  de  Guill.  §vi,  brebis. 
On  pourrait  penser  que  ce  mot  dé- 
signe un  mouton,  et  non  pas  une 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  V. 


brebis,  daus  ce  paragraphe,  car  il  y 
est  employé  avec  l'adjectif  indéfini 
masculin  un;  et  d'ailleurs  son  pri- 
mitif vervex  signifie  mouton.  Tou- 
tefois ,  il  est  probable  qu'un  copiste 
peu  instruit  a  remplacé  le  chiffre  i, 
qui  pouvait  se  trouver  dans  le  ma- 
nuscrit original,  par  l'adjectif  nu- 
méral un,  écrit  en  toutes  lettres.  On 
trouve,  en  efiTct,  i  berbis  dans  le 
manuscrit  Holkham.  Enfin,  il  est  à 
remarquer  que  dans  le  Livre  des 
Rois  berbis  est  féminin  et  corres- 
pond au  latin  ovis,  p.  158,  265  et 
ailleurs.  On  trouve  déjà  fier 6ea;  pour 
vervex,  dans  Pétrone  et  dans  Vo- 
piscus. 

Besche,  L.  de  Guill.  §  iv,  bêche. 
(Voir  celui-ci  parmi  les  mots  d'ori- 
gine celtique,  ch.  ii,  sect.  ii.) 

Les  anciennes  lois  anglo-saxon- 
nes, comme  les  lois  barbares  en  gé- 
néral, ne  condamnaient  le  meurtrier 
qu'à  de  simples  amendes,  tandis  que 
souvent  elles  punissaient  de  mort  le 
voleur.  (Voir  les  paragraphes  viii,ix 
et  la  fin  du  paragraphe  xlv.)  Parmi 
les  différentes  manières  de  mettre  à 
mort  un  criminel,  une  des  plus 
anciennes,  pratiquée  surtout  en 
Angleterre,  consistait  à  l'enterrer 
tout  vivant.  Ce  genre  de  supplice 
était  encore  usité  sous  Richard  I", 
ainsi  que  le  prouve  le  passage  sui- 
vant, extrait  d'une  charte  de  ce  prince. 


Qui  hominem  in  navi  interfecerit ,  cum 
morluo  ligatusprojiciatur  in  mare;  si  au- 
tem  eum  ad  terrain  interfecerit ,  cum 
morluo  ligatus  in  terra  infodiatur  (Rymer, 
Fœdera,  1. 1,  p.  65.) 

Les  Assises  de  Jérusalem  con- 
damnent au  même  supplice  ceux 
qui,  après  avoir  tué  un  homme,  au- 
raient enterré  le  corps  dans  leur 
maison. 

Et  se  hom  counnt  par  dit  de  gens,  qu'il 
aient  ocis,  si  comaude  la  raison  c'en  dée 
celuy  desouterer  por  counoistre  cornent  il 
fu  mors.  Et  s'en  voit  et  counuih  que  ce- 
luy mort  ait  esté  eslranglé  ou  ocis  par 
force...  la  raison  juge  que  tuit  qui  furent 
a  ce  maufaire  devcnt  estre  plantés  tous 
vis  desous  terre,  la  teste  d'aval  et  les  pies 
contre  mont,  sans  autre  mal  aver.  (Ass.  de 
Jér.  t.  II,  p.  216.) 

La  formule  de  condamnation  dont 
on  se  servait  pour  désigner  cet  atroce 
supplice  était  sus  besche  (sur  bêche), 
c'est-à-dire  sur  peine  de  bêche ^  ou, 
comme  nous  dirions  aujourd'hui, 
sous  peine  de  bêche  ^,  à  cause  de 
l'instrument  employé  pour  creuser 
la  fosse  : 

L'an  de  grâce  1383,  Marote  la  Fla- 
menge,  Mehalot  de  Gisors...  furent  banies 
de  la  terre  sus  la  besche,  pour  ce  que  elles 
estoient  foies  de  leurs  cors.  (Citation  de 
Carpentier  dans  le  supplément  du  glos- 
saire de  du  Cange,  art.  Becca.) 

On  disait  de  même  sur  la  kart, 
sus  la  kart,  sous  peine  du  hart,  sous 
peine  d'être  pendu  : 


'  Li  princes  fist  mander  par  dedens  l'ost  Bertrant 
Tous  chevaliers  anglois ,  que  tost  et  incontinent 
Hz  lassassentHenry  etBertran  le  vaillant. 
Sur  paine  d'estre   hors  de   trestout  leur  vaillant, 

(Chronique  de  du  Gueiclin,  t.  1,  p.  378,  Variante!.) 

Et  promet  par  foi  et  par  sairement,  et  seur  paine  de  soissante  mile  livres  de  parlsis 
ke  je  a  nul  jour  droit  ne  escheance  ne  reclamerai.  iChartrier  de  Namur  publié  par 
M.  de  Reiffenberg,  p.  155.), 


132 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Et  en  une  fosse  a  Corbi, 
En  refait  bien,  ce  dit  la  lettre. 
Quarante  des  plus  riches  mettre. 
.    Aux  gardes,  sus  la  hart,  commande 
Qne  nus  homs  ne  leur  baut  viande. 

[Branches  des  rot/aux  tii/nages,  t,  I)    p>  137.) 

Qui  recelé  (recueille)  le  bani  de  son 
segneur  sor  le  hart,  il  désert  c'on  abate 
sa  maison.  (Beaumanoir,  Coutumes  du 
Beauvoisis,  I,  42S.) 

On  trouve  souvent  dans  Froissart 
défendre  sur  la  hart. 

Une  partie  des  dépouilles  du  sup- 
plicié appartenait  au  bourreau  et  une 
autre  partie  au  geôlier;  aussi  le  pa- 
ragraphe IV  fixe,  comme  une  sorte 
d'indemnité,  ce  que  devrait  payer  à 
l'un  et  à  l'autre  celui  qui  servirait 
de  caution  à  un  voleur,  dans  le  cas 
où  celui-ci  viendrait  à  se  soustraire 
aux  rigueurs  de  la  justice  :  «  un  de- 
ners  al  ceper,  e  une  maille  pur  la 
besche.  »  Le  bourreau  est  désigné 
indirectement  par  le  nom  de  l'ins- 
trument dont  il  se  servait  pour  en- 
fouir le  condamné- 

Blasmet,  part,  passé  pass.  L.  de 
Guill.  §  L,  Blasmed,  itenij  ibid. 
§§  XVI,  XVII.  Du  verbe  blasmer,  ac- 
user,  dérivé  de  blas'phemare ,  qui 
vient  lui-même  du  grec  p>,acr;r,!X£w, 
injurier,  calomnier,  médire. 

BoRDiERS,  L.  de  Guill.  §  xviii, 
pluriel  de  hordier,  fermier,  métayer, 
dérivé  de  borde,  maison  des  champs, 
ferme.  (Voir  Borde  parmi  les  mots 
d'origine  germanique  ,  chap.  m  , 
sect.  II.) 

BovERZ,  L.  de  Guill.  §  xviii,  plu- 
riel de  6oreî%  bouvier  dérivé  de  ftcew/'^ 
qui  vient  lui-même  de  bos,  bovis. 

BuEFS,  L.  de  Guill.  §  vi.  Buf, 
ibid.  §  XXIX.  Bœuf,  de  bos,  bovis. 

BuoNA,  adj.  fém.  S'«Eulal.  v.  1, 


bonne,  de  bona.  Notre  ancienne  forme 
buona  (prononcez  bouoiia)  s'est  con- 
servée en  italien  et  en  provençal. 

BuRGEis,  L.  de  Guill.  §  xviii.  Ce 
mot  signifia  d'abord  unhabitant  d'un 
bourg,  d'une  cité,  d'une  ville,  comme 
vilain  ne  désigna  primitivement 
qu'un  habitant  de  la  campagne  [mlla) . 
(Voir  Marie  de  France,  t.  I,  p.  124, 
408,  498,  et,  plus  loin,  l'art.  Ville.) 

Au  commencement  duxiii^  siècle, 
la  qualification  de  bourgeois  ne  com- 
portait encore  aucune  idée  de  privi- 
lège ni  de  droit.  Deux  chartes  manus- 
crites de  cette  époque  prouvent  qu'un 
bourgeois  pouvait  être  serf.  L'une 
est  une  donation  du  sire  de  Choiseul 
au  sire  de  Bourbonne,  faite  en  1 227; 
elle  appartient  au  cabinet  des  titres 
de  la  Bibliothèque  impériale ,  dos- 
sier Choiseul.  L'autre  est  une  dona- 
tion de  1201  ,  faite  par  Adelicie, 
comtesse  de  Blôis,  aux  moines  du 
Breuil,  près  de  Dreux,  auxquels  elle 
donne  un  bourgeois  de  Chartres. 
Cette  pièce  se  trouve  à  la  Biblio- 
thèque impériale,  dans  le  fonds  Ba- 
luze. 

Burgeis  est  dérivé  de  bourg.  (Voir 
ce  dernier  parmi  les  mots  d'origine 
germanique,  ch.  m,  sect.  ii.) 

BtJRT,  L.  de  Guill.  §  xliii^  bourg, 
cité,  ville.  (V.  Bourg  parmi  les  mots 
d'origine  germanique,  ch.  m,  sect. 

BusuN,  L.  de  Guill.  §  xxxviii,  be- 
soin. (Voir  ce  dernier  parmi  les  mots 
d'origine  germanique,  eh.  m,  sect. 
II.) 

Cadhuna,  adj.  indéf.  fém.  Serm. 
I,  chacune.  Le  masculin  devait  être 
cadhun;  en  anc.  ital.  catuno,  caduno, 
cadauno;  en  langue  d'oc  cadim;  dé- 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SEGT.  V. 


133 


rivés  de  qiiot  unus.  On  sait  que  quot, 
en  composition,  avait  le  sens  de 
chaque  :  quotannis,  chaque  année; 
quotidie ,  quotidiebus,  quotdiebus , 
chaque  jour.  On  trouve  quotmensi- 
bus,  chaque  mois,  dans  Vitruve,  liv. 
X,  ch.  VIT,  et  quotcalendis ,  chaque  ■ 
calende,  dans  le  Stichus  de  Plante, 
act.  I,  sect.  II,  V.  3. 

Calangeur,  L.  de  Guill.  §  xxxi. 
Chalenjurs,  ibid.  §  xlv.  Accusa- 
teur, plaignant,  de  calumniator,  faux 
accusateur,  calomniateur. 

Cartre,  L.  de  Guill.  §  xxxiii.  Ce 
mot  signifiait  tout  acte  public  ou 
privé,  un  écrit,  un  titre,  un  contrat, 
un  traité,  un  accord,  une  conven- 
tion, une  donation,  un  acte  de  vente, 
de  ratification,  etc.;  il  est  dérivé 
de  charta,  papier,  parchemin,  qui 
vient  lui-raâme  du  grec  xàpTYi;,  mot 
de  même  signification.  Nous  em- 
ployons aujourd'hui  papier  avec  une 
acception  analogue  à  celle  que  le 
mot  charte  avait  anciennement  :  «  Il 
m'a  vendu  sa  propriété  et  m'en  a 
remis  tous  les  papiers.))  (Acad.) 

Gel,  adj.  dém.  L.  de  Guill.  §  i. 
Celle,  S'"  Eulal.  v.  23.  Gels,  ibid. 
V.  12.  Ces,  L.  de  Guill.  §  m.  Ce, 
cette,  ces.  (Voir,  pour  l'origine  la- 
tine de  ces  adjectifs,  t.  III,  p.  186, 
193  et  194.) 

Celui,  adj.  dém.  L.  de  Guill.  §  i. 
(Voir,  pour  l'origine  latine  de  cet 
adjectif,  t.  III,  p.  189-192.) 

Censé,  L.  de  Guill.  §§  xxxiii  et 
XL,  cens,  redevance  que  le  tenancier 
devait  payer  au  seigneur  du  fief,  ou 
le  serf  colon  au  propriétaire  de  la 
terre .  Dérivé  de  census. 

Cent,  adj.  num.  L.  de  Guill.  §  i. 
De  centvm. 


Ceper,  L.  de  Guill.  §  iv,  geôlier. 
On  disait  également  cepier,  chepier  : 

Item,  l'abbé  est  juslichiers  de  Cor- 
bie,  etc.,  et  a  en  le  dite  vile  ses  serjans 
qui  prendent  et  arrestent,  et  mainent  en  le 
prison  mons.  l'abbé  les  arrestés,  iequelle 
est  en  le  vile  devant  dite,  et  les  warde 
uns  siens  serjans  c'en  appelle  le  chepier 
de  l'église,  et  a  mesires  li  abbés  se  droi- 
ture de  cascune  personne  arrestée,  et  ses 
chepiers  en  a  aussy  se  droiture.  (Grand 
cartulaire  de  Corbie,  cité  dans  le  glossaire 
de  du  Gange,  art.  Cipparius,  sous  Cippus.) 

On  voit  par  cette  citation  que  le 
geôlier  percevait  un  droit  pour  cha- 
que prisonnier.  Ce  droit  était  de 
quatre  deniers,  en  Angleterre,  sous 
Guillame  le  Conquérant ,  ainsi 
qu'on  peut  en  juger  par  le  paragra- 
phe IV  des  lois  de  ce  prince. 

Ceper  dérive  de  cep;  en  basse  la- 
tinité ceppus,  cippus  ;  en  italien  cep- 
po;  en  espagnol  cepo.  Ces  mots  dé- 
signaient une  sorte  d'instrument 
consistant  en  deux  pièces  de  bois 
disposées  de  manière  qu'en  se  rap- 
prochant elles  serraient  les  pieds 
du  condamné,  soit  pour  le  tortu- 
rer, soit  pour  l'empêcer  de  s'éva- 
der. Comme  on  employait  cet  instru- 
ment pour  se  rendre  maître  des  pri- 
sonniers mutins  ou  de  ceux  qui 
pouvaient  faire  des  tentatives  pour 
s'échapper,  on  en  vint  à  dire  mettre 
au  cep,  pour  signifier  mettre  en  pri 
son.  Nous  disons  dans  le  même  sen 
jeter  dans  les  fers.  C'est  ainsi  que 
cep  devint  synomyme  de  prison, 
geôle,  comme  on  peut  le  voir  dans 
du  Gange,  art.  Cippus  Le  dérivé  ce- 
per ou  cepier  signifia  celui  qui  a  la 
garde  d'un  cep,  d'une  geôle,  le  geô- 
lier. 

Se  li  crieurs  mesprcnt  es  choses  de  leur 


134 


PREMIÈRE  PARTIE. 


meslier,  le  prevost  des  marchandz  le  fet 
mètre  el  cep  tant  qu'il  ait  le  meffet  bien 
espeni.  {Livre  des  Métiers,  p.  27.) 

(Pour  l'origine  de  cep,  voir  ce  mot 
parmi  ceux  qui  sont  dérivés  du  cel- 
tique, ch.  II,  sect.  II.) 

Chaceur,  L.  de  Guill.  §  xxiii. 
Chaceurs,  plur.  ibid.  §  xxii.  Cheval 
pour  la  chasse.  En  basse  latinité 
cassa,  caca,  cacea,  chasse,  pour 
captio  ou  captatio,  dérivés  de  cape- 
re,  captare.  (Voir  Ménage,  art. 
Chasser.) 

Il  sist  sor  I.  grant  chaceor. 
Le  cor  a  coi,  l'espée  çainte 
Dont  mainte  beste  ot  atainte. 

[Dûlopalhos,  p.  318.) 

Sor  son  chaceor  l'ait  levée, 
A  son  chastel  l'en  ait  portée. 

{lùid.,  p.  321.) 

Son  chaceor  forment  seraont, 
Et  de  verge  et  d'esperon. 

[Parlonopeus  de  Btoit,  t.  686.) 

Chalange,  3«  pers.  sing."  prés,  de 
l'ind.  L.  de  Guill.  §§  xliii  et  l.  Du 
verbe  chalanger,  accuser;  en  basse 
latinité  calengare,  calumpnizare,  ca- 
lumniare,  du  latin  calumniari,  accu- 
ser faussement,  calomnier  : 

Si  nus  ço  ne  munslrums  devant  le  jur. 
de  felenie  purrum  estre  chalemjiez.  [Livre 
des  Rois,  p.  372.) 

Si  tacuerimus ,  et  noluerimus  nuntiare 
usque  mane,  sceleris  arguemur. 

Chalange,  subst.  L.  de  Guill.  §  L, 
accusation  ',  en  basse  latinité  calan- 
gia,  callengia,  calonia,  calumnia, 
dérivé  du  latin  calumnia,  fausse  ac- 
cusation, calomnie.  (Voir  l'article 
précédent.) 

En  tel  meniere  que  tu  t'an  puisses  aidier 
se  l'an  meist  sor  toi  aucune  chalonge. 
(Livre  de  Justice,  p.  350.) 

Chambre,  L.  de  Guill.  §  xvii.  Ce 


mot  désignait  la  chambre  dans  la 
quelle  on  gardait  le  trésor  d'un 
prince,  d'une  église,  d'une  commu- 
nauté; de  caméra.  Le  trésorier  ou 
gardien  de  la  chambre  se  nommait 
chambrier  ,  chamarier  ,  camérier. 
(Voir  du  Cange,  Caméra  3  et  Came- 
rarius.) 

Champester,  L.  de  Guill.  §  xviii. 
champêtre,  de  campester. 

Chapelle,  L.  de  Guill.  §i,  chapelle. 
Enbasse  latinité  capsa^capa,cappoel 
leurs  diminutifs  capsella,  capella  si- 
gnifiaient une  châsse  à  mettre  les 
reliques.  Du  latin  capsa,  cofiFre,  cas- 
sette. On  trouve  capsella  et  capella 
avec  cette  signification  dans  le  même 
passage  d'une  lettre  des  légats  du 
siège  apostolique  comprise  parmi  les 
lettres  du  pape  Hormisdas  :  u  Hic 
voluerunt  capellas  argenteas  facere 
et  dirigere....  singulas  autem  cap- 
sellas  per  singulorum  apostolorum 
reliquias  fieri  debere  suggerimus.  — 
Idem  ille  apud  très  et  alios  très,  sua 
manu  septima,  tune  in  palatio  nos- 
tro  super  cape/iamdomini  Martini,  ubi 
reliqua  sacramenta  pcrcurrunt  {sic, 
pour  percurant)  debeant  conjurare.  » 
(Formules  de  Marculfe,  liv.  I,  form. 
38.  — Voir  du  Cange,  Capsa  et  Ca- 
pella. )  Par  métonymie,  on  appela 
capella  un  petit  sanctuaire  compris 
dans  une  église  ou  dans  un  palais, 
et  destiné  à  renfermer  une  châsse 
contenant  des  reliques.  C'est  ainsi 
que  nous  appelons  bureau  la  cham- 
bre ou  la  maison  dans  laquelle  se 
trouve  le  bureau  d'un  employé.  La 
châsse  qui  était  conservée  dans  la 
demeure  de  nos  premiers  rois  ren- 
fermait les  reliques  de  saint  Martin, 
et  le  moine  anonyme  de  Saint-Gall 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SEGT.   V. 


dit  formellemeat  que  la  chapelle  du 
palais  (capeîla)  fut  ainsi  nommée  du 
nom  de  cette  châsse  (capa)  :  «  De 
pauperibus  supradictis  quendam  op- 
timum dictatorem  et  scriptorcm  in 
capellam  suam  assumpsit^  quo  no- 
mine  Francorum  reges,  propter  ca- 
pam  sancti  Martini  quam  secum,  ob 
sui  tuitionem  et  hostium  oppressio- 
nem ,  jugiter  ad  bella  portabant , 
sancta  sua  appellare  solebant.  »  {Vie 
de  Charlemagne,  liv.  L)  C'est  à  tort 
que  du  Gange,  art.  Capa  S.  Martini, 
a  cru  que  capa,  dans  ce  passage,  dé- 
signait le  fameux  manteau  de  saint 
Martin  :  en  comparant  cette  citation 
avec  celle  de  Marculfe,  il  est  facile 
de  juger  qu'il  s'agit  d'une  châsse. 

Chascun,  adj.  ind.  L.  de  Guill. 
§§  VI  et  XLix.  Ghescon,  item,  ibid. 
§  XXXII.  Ghacun,  de  quisque  unus , 
que  l'on  trouve  avec  le  même  sens 
dans  les  auteurs  de  bonne  latinité, 
bien  que  unusquisque  soit  le  plus 
usité. 

Chatel,  L.  de  Guill.  §§  iv,  xviii, 
XXXI,  xxxviii,  xLiii,  XLv,  de  capitale, 
qui,  en  basse  latinité ,  signifiait  ar- 
gent prêté  rapportant  intérêt,  la 
somme  principale  d'une  dette,  que 
Papias  définit  pecuniœ  caput.  G'est 
ce  que  nous  appelons  encore  au- 
jourd'hui le  capital.  Le  mot  prin- 
cipal, dont  nous  nous  servons  éga- 
lement dans  le  même  sens,  rappelle 
la  même  idée. 

Par  extension  capitale,  ou  plutôt 
ses  dérivés  captale,  catallum,  catel- 
lum,  catelum,  en  langue  d'oïl  chap- 
tel,  chatel ,  catel,  signifièrent  tout 
bien  meuble,  immeuble  ou  bestiaux 
donnant  un  revenu,  ensuite  bien, 
propriété  en  général.  Chatel  est  pris 


135 

dans  ce  dernier  sens  aux  paragra- 
phes xviii,  XXXI,  XXXVIII  et  xliii. 

Enfin  capitale  passa  de  cette  signi- 
fication à  une  autre  tout  à  fait  spé- 
ciale, colle  de  valeur  en  argent  d'un 
objet  volé.  D'après  la  loi  des  Ri- 
puaires,  tit,  XVIII,  §  i,  la  loi  des 
Angles,  tit.  VII,  §  vu,  la  loi  Salique 
et  autres  lois  barbares,  celui  qui 
était  convaincu  de  vol  devait  payer 
au  propriétaire  de  l'objet  volé  le  prix 
auquel  cet  objet  était  évalué.  (Voir 
du  Gange,  Capitale.)  G'est  dans  cette 
acception  que  chatel  est  employé  aux 
paragraphes  iv,  xxv  et  xlv  des  Lois 
de  Guillaume  le  Conquérant. 

Ghe.  (Voir  Ezo.) 

Gremins,  L.  de  Guill.  §  xxx,  plu- 
riel de  chemin.  (Voir  Cheminer  par- 
mi les  mots  d'origine  celtique,  ch.  ii, 
sect.  II.) 

Ghevestres,  L.  de  Guill.  §§  xxn 
et  XXIII,  pluriel  de  chevestre,  licou, 
de  capistrum. 

Ghief,  S'"  Eulal.,  v.  22,  chef, 
tête,  de  caput.  Le  manuscrit  porte 
chieefj  mais  le  copiste  s'est  aperçu 
de  la  faute  qu'il  a  faite  et  a  mis  un 
point  sous  le  second  e.  On  sait  que, 
dans  les  anciens  manuscrits,  le  point 
placé  sous  une  lettre  indique  la  sup- 
pression de  cette  lettre. 

La  forme  chief  se  trouve  assez 
fréquemment  dans  les  auteurs  du 
XII®  siècle. 

David  sait  al  espée  Golie  ;  nient  ne  tar- 
dad  ;  de  s'espée  meisme  le  chief  \i  colpad. 
(Livre  des  Rois,  p.  68.) 

El  a  Jérusalem  le  chief  Goliath  portad. 
{Ibid.  p.  70.) 

Voir  d'autres  exemples  dans  le 
même  ouvrage,  p.  75,  80,  181  et 
passim. 


136 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Chielt,  3*  pers.  sing.  prés,  de 
l'ind.  S*»  Eulal.  v.  43,  du  verbe 
unipersonnel  chieleir,  chaloir  : 

De  ço  qui  chelt  quant  nul  n'en  respundiet, 
«  Deus  !  dist  li  reis,  tant  me  pois  esmaer 
Que  jo  ne  fui  al  estur  cumencer!  » 

{Chant.  Je  Roland,  tt.  clxxiii,  t.  37.) 

Chieleir^  il  chielt  sont  des  formes 
grêles  appartenant  au  dialecte  de  la 
Flandre;  dans  le  dialecte  de  l'Ile- 
de-France,  c'était  chaloir,  il  chalt, 
et  plus  tard  il  chaut. 

Chaloir  répond  à  l'italien  calere, 
à  l'espagnol  caler,  qui  se  trouve  éga- 
lement en  langue  d'oc,  notamment 
dans  la  Chronique  des  Albigeois. 
Ces  verbes  dérivent  du  latin  calere, 
qui,  de  sa  signification  propre,  être 
chaud,  être  enflammé,  être  brûlant, 
est  passé  à  la  signification  figurée 
être  cuisant,  en  parlant  d'un  souci; 
être  inquiétant,  inquiéter,  soucier. 

Chier,  L.  de  Guill.  §  xi,  cher,  de 
carus.  Chier  est  une  forme  grêle  du 
dialecte  de  Flandre.  (Voir  les  re- 
marques faites  à  l'article  Chielt,  qui 
précède.) 

Chival,  L.  de  Guill.  §  x.  Chivalz, 
plur.  ibid.  §vi.  Cheval, de  caftaWus^ 
cheval  de  peu  de  prix,  rosse. 

Cho,  Che.  (Voir  Ezo.) 

Chose.  (Voir  Cosa.) 

Christian,  Serm.  i.  Christien, 
S"  Eulal.  V.  U;  L.  de  Guill. 
§  XLi.  Chrétien,  de  christianus,  dé- 
rivé de  Christus,  qui  vient  lui-même 
du  grec  xp.'?''^o; ,  oint. 

Ciel,  S'"  Eulal.  v.  6  et  25,  de 
eœlum. 

Cil,  démonstratif,  L.  de  Guill. 
§§  m,  XLvi.  Celui.  Pour  l'origine 
latine  de  ce  mot,  voyez  tome  III, 
p.  <86. 


CiST,adj,dém.  Serm.  i.  PourTori- 
gine  latine  de  cet  adjectif,  voir  t.  III, 
p.  186,  193  et  494. 

Clamer,  prés,  de  l'inf.  L.  de  Guill. 
§§  vu,  XXV,  etc.  Clamed,  3®  pers. 
sing.  prés,  de  l'ind.  ibid.  §  vi. 
CtAiyiE,  item,  ibid.%xui.  Ce  verbe 
signifie  tantôt  réclamer,  comme  au 
paragraphe  vi;  tantôt  en  appeler  en 
justice,  porter  plainte,  se  plaindre  de. 
Dérivé  de  clamare. 

S'il  avient  que  un  nestorin  se  clame  en 
la  cort  d'un  jacobin,  de  quelque  chose 
qu'il  se  clame  que  dette  soit,  et  le  nestorin 
qui  c'est  clamés  n'en  a  jacobins  à  garens, 
autres  garens  ne  li  sont  sufûsables,  se  l'en- 
prest  n'en  estoit  fait  en  la  cort;  car  le 
nestorin  ne  peut  porter  garentie  contre  le 
jacobin  par  dreit  ne  par  l'asise  de  Jéru- 
salem. {Ass.  de  Jérusalem,  t.  II,  p.  55.) 

Clamùr,  L.  de  Guill.  §  iv,  celui 
qui  réclame,  le  réclamant,  de  clama- 
tor.  Le  manuscrit  Holkham  porte 
clamif,  dont  le  féminin  clamive  se 
trouve  avec  la  même  signification 
dans  le  Livre  des  Rois,  p.  237. 

Clemeïstia,  S'"  Eulal.  v.  29,  clé- 
mence. C'est  le  latin  clementia  con- 
servé sans  altératton. 

Ço.  Voir  (Ezo.) 

CoiST,  3*  pers.  sing.  prés,  de  l'ind. 
S"«  Eulal.  V.  20,  du  verbe  coire, 
cuire,  brûler,  de  coquere.  Le  mot 
cuire  était  souvent  employé  pour 
brûler,  en  parlant  d'un  homme  con- 
damné au  supplice  du  feu.  On  lit  en 
tête  d'un  mystère  inédit  du  xiv«  siècle  : 

Cy  comence  un  miracle  de  Nostre- 
Dame  et  de  sainte  Bautbeuch,  femme 
du  roy  «Clodoveus,  qui  pour  la  rébel- 
lion de  ses  deux  enfans  leur  flst  cuire  les 
jambes,  dont  depuis  se  revertirent  et  de- 
vinrent religieux. 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.   V 

Clovis  dit  à  l'exécuteur  : 


137 


A  ces  II.  si  poar  leur  meffait 
Vueil  que  d'un  fer  chaut  te  déduises 
Si  que  touz  les  jarrais  leur  cuises. 

(Blbl.  impér.  fonda  de  CangtS,  n"  14,  f  187,  r»,  col.  «.) 

Que  fas-je  donc?  Sanz  plus  parler, 
Je  vueil  qu'il  y  voit  tout  nu  picz, 
Si  que  les  plantes  li  cuises 
Et  ardez  toutes. 

{MIrach  de  laitit  Ignac*,   inséra  dant  le  Thé&Crs 
français  au  moyen  âge,  p.  373.) 

On  peut  voir  d'autres  exemples  de 
l'emploi  de  cette  expression  avec  le 
môme  sens  dans  le  Roman  de  Rou, 
V.  6189;  dans  les  œuvres  de  Rute- 
beuf,  t.  II,  p.  2,  et  dans  les  Chro- 
niques des  ducs  de  Normandie,  t.  II, 
p.  395,  V.  26825. 

Colomb,  S'*  Eulal.  v.  25,  colombe, 
pigeon,  de  columbus,  columba. 

CoLPE,  Supers,  sing.  prés,  de  l'ind. 
L.  de  Guill.  §  xiii,  du  verbe  colper, 
couper.  (Voir  Couper,  parmi  les  mots 
d'origine  celtique,  ch.  ii,  sect.  ii.) 

CoLPES,  S'-  Eulal.  V.  20,  pluriel 
de  colpe,  coulpe,  faute,  mlpa. 

Ma  culpe  est  grant,  mespecctaiez  me  debaite. 

{AUam,  drame,  p. 43.) 

CoM.  (Voir  Cum.) 

CoMAND,  3*  pers.  sing.  prés,  de 
l'ind.  L.  de  Guill.  §  xlvi,  du  verbe 
comander,  recommander,  de  com- 
mendare : 

De  vous  prenrons  congié  a  tant 
Et  a  Dieu  vous  commanderons; 
Une  autre  foiz  vous  reverrons 

Plus  à  loisir.  .  . 
Riens  plus  ore  ne  vous  diray, 
Mais  h  Dieu  vous  commanderay 

Et  a  sa  garde. 

(  Théâtre  françaii  au  moyen  âge,  p.  JT9.  ) 

Commun  ,  Serm.  i.  Comun,  L.  de 


Guill.  §  xxxviii.  Commun,  de  com- 
munis. 

CoNCREiDRE,  prés.  de  l'inf.  S"  Eu- 
lalie,  V,  21 ,  fier,  confier,  de  concre- 
dere.  Dans  ce  passage,  se  concreidre 
signifie  se  fier.  On  trouve  plus  ordi- 
nairement le  simple  se  creire,  ainsi 
employé  pronominalement  : 

Ensorquetot  n'est  mie  né, 
Ne  je  n'ai  ami  si  privé 
Qui  '  je  cest  ovre  conereisse, 
Ke  sai  home  qui  la  deisse. 

(  Chrott.  des  duce  de  Iform.,  t.  Il,  p.  97.) 

Sa  traïsun  e  sa  merveille 
Lor  dit,  e  concreit  e  conseille 
Eisi  cum  il  a  esgardée 
Et  purveue  et  purpensée. 

{llid.,  t.  I,  p.  58.) 

Après  si  est  paisivle,  car  ele  nen  haban- 
donnet  mies  en  son  sen,  ainz  se  croit  plus 
el  consoil  et  el  jugement  d'altruy.  {Serm. 
de  S.  Bern.,  p.  538.) 

Se  ne  m'i  creusse  et  Baisse, 
En  nul  sens  ne  li  envoiasse. 

(Dohpalhoi,  p.  47.) 

Pintain  apele  où  moult  se  croit. 

(Tiom.  du  Reuart.  T.  1430.) 

Les  Latins  employaient  se  credere 
dans  le  même  sens  : 

Non  ideo  débet  pelage  se  credere,  si  quaî 
Audet  in  exiguo  ludere  cymba  lacu. 

(Ovide,  Trisles,Viv.  Il,  ^iég.  1.) 

Congé,  L.  de  Guill.  §§  v  et  xui, 
congé,  permission,  autorisation,  de 
commeatus,  qui,  chez  les  Latins,  si- 
gnifiait l'action  d'aller,  de  venir,  de 
passer,  et,  en  même  temps,  permis- 
sion d'aller,  passe-port,  sauf-conduit, 
congé  d'un  soldat.  Dans  la  basse  la- 
tinité, commeatus  et  comiatus  pri- 
rent un  sens  plus  étendu  et  signifiè- 
rent permission  en  général.  (Voir  ces 
mots  dans  du  Gange.) 


*  Qui,  à  qui,  plus  ordinairement  écrit  cui.  Voyez,  t.  III,  167. 


f38 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Maisties  Viigiles  sejornait 
Tant  com  li  plot,  puis  s'aii  tornait 
Par  le  congiet  del  novel  roi. 

{Dolopalhos,  p.  383.) 

Li  patriarclics  ad  Karleiuaiue  apclei; 
Vostre  cungé,  si  vus  plaist  me  douez. 

(  Yogage  de  Charkmagne  à  Jiru).,  r.  350.) 

CoNQtEST,  L.  de  Guill.  dans  le 
titre,  conquête,  substantif  dérivé  du 
verbe  conquirere. 

Conseil,  L.  de  Guill.  §  xii,  de 
consilium. 

Conseillers,  S'*  Eulal.  v.  5,  plu- 
riel de  conseiller,  substantif  dérivé 
du  verbe  consiliare. 

Conservât,  3^  pers.  sing.  prés,  de 
l'ind.  Serm.  ii,  du  verbe  conserver. 
Sagrament  conservar,  garder,  tenir 
le  serment.  On  trouve  dans  Cicéron, 
avec  le  même  sens,  conservdre  jusjur 
randum.  (De  Offidis,  lib.  III.) 

Contra,  prép.  Serm.  ii,  contre,  du 
latin  contra. 

CoNTREDisT,  3®  pcrs.  siug.  passé 
défini.  S'^  Eulal.  v.  23.  Du  verbe 
contredire,  s'opposera,  refuser,  c'est- 
à-dire  contredire  une  personne  au 
sujet  de  quelque  chose  qu'elle  pro- 
pose, de  contradicere  : 

Sovignet-te  que  eeste  parolle  dist  Nostre 
Sires  encontre  les  ypocrytes  :  Wardeiz, 
dist-il,  que  vous  ne  devignez  si  cum  li 
triste  ypocrite.  Il  ne  nos  contredist  mies 
del  tôt  la  tristecc,  mais  ke  celei  ki  en  la 
fazoa  est  davant  les  hommes.  {Serm.  de 
S.  Bern.,  p.  563.) 


La  forme  de  la  3*  pers.  du  passé 
défini  contredist  (contradixit),  est 
analogue  à  celle  de  coist  (coxit),  qui 
se  trouve  trois  vers  plus  haut,  dans 
la  cantilène  de  sainte  Eulalie.  (Voyez, 
àrégarddecesformes,t.  IIl,p.227.) 

CoNusTRE,  prés,  de  l'inf.  L.  de 
Guill.  §  XXVII.  CONUSAUNT,  part.  prés. 
ibid.  §  VIII.  CoNussENT,  3®  pers.  plur. 
prés,  de  l'ind.  ibid.  §  xliv.  Connaî- 
tre, de  cognoscere. 

CoROUNE,  L.  de  Guill.  §  ii,  cou- 
ronne, de  corona. 

Corps,  Sif  Eulal.  v.  2,  corps.  Cors, 
L.  de  Guill.  §  xxviii,  personne.  De 
corpus.  Le  cors  le  rei,  la  personne  du 
roi.  M.  Diez,  Grammatih  der  roma- 
nischen  Sprachen,  t.  III,  p.  S9,  cite, 
dans  les  diverses  langues  romanes, 
plusieurs  exemples  où  corps  est  pris 
dans  le  sens  de  personne,  et  d'autres 
exemples  où  ce  mot  joint  aux  adjectifs 
possessifs  mon,  ton,  son  remplace  les 
pronoms  personnels  je,  tu,  il.  Je  ren- 
verrai le  lecteur  à  cet  ouvrage,  en 
me  bornant  à  ajouter  les  exemples 
suivants  à  ceux  donnés  par  le  savant 
allemand  : 

Nous  trouvasmes  dam  Piètre,  que  le  coriis 

Dieu  *  cravent, 
Qui  la  roynne  avoit  fait  morir  faussement. 

(CkroH.  de  du   Ouesclin.  t.  II,   p.  ,9.) 

Chieus  arbres  l'a  endroitjvoir,  je  ne  l'ainme 

mie. 

Car  le  fruit  qui  fut  sus  nous  a  mis  en  has- 
quie, 


*  Corps  Dieu,  personne  de  Dieu,  équivaut  à  Dieu,  tout  simplement.  Cette 
expression  fournit  à  nos  pères  le  juron  cordieu,  que  l'on  a  transformé  en 
corbieu,  puis  en  corbleu,  de  crainte  de  prononcer  un  blasphème.  De  par 
Dieu,  mort  Dieu,  maugré  Dieu  nous  avons  fait  de  même  parbleu,  morbleu, 
maugrebleu.  (Voyez,  t.  III,  p.  375.)  Les  Italiens  disent  corpo  di  Bacco  .' 
par  Bacchus  !  comme  nous  disions  autrefois  corps  Dieu  que  l'on  a  écrit 
cordieu. 


CHAP.  I,  ÉLÉMliNT  LATIN.  SECT.  V.  139 

aliam  causam,  etc.  »  (Capitulaire  de 
Willis,  chaT^.  m.)  En  allemand  soc/ie 
signifie  affaire,  cause  et  chose. 

Il  est  à  remarquer  que  le  mol 
effet,  corrélatif  de  cause  (causa) ,  en 
est  venu  à  prendre  en  français  une 
signification  très  voisine  de  chose  : 
Effets  mobiliers.  Il  a  perdu  tous  ses 
effets. 

CosiN,  L.  de  Guill.  dans  le  titre, 
cousin,  en  italien  cugino,  de  consan- 
guineus. 

CouNTÉ,  L.  de  Guil.  §  m.  Conté, 
ibid.  §§  XLi  et  XLii .  Tribunal  du  comte, 
cour  comtale,  dérivé  de  comte,  qui 
vient  lui-même  de  cornes ,  comitis. 
(Voir  dans  du  Gange  Cornes  2,) 

CovENANT,  L.  de  Guill,  §  xxvii , 
convention^  accord,  traité,  contrat, 
substantif  dérivé  du  verbe  convenire, 
convenir,  être  d'accord  : 


En  paine  et  en  labour;  li  corjss  Dieu  le  mau- 

die  : 

(Baudoin  de  Sebourg,  cbap.  xT  ,  p.  53.) 

S'esmut  od  joie  e  od  honor 
Eu  servise  Nostre  Seignor, 
Où  il  out  puis  si  grant  mestier 
Cunc  n'i  out  cors  de  chevalier 
Nul  plus  del  suen  i  fust  preisiez 
Ne  honorez  ne  essauciez. 

(CAroK.  des  duct  de  Nortn.,  t.  III,  p.  316.) 

Ysabel,  alez  un  po  hors. 
De  conseil  vueil  a  ce  bon  corps 
Un  po  parler. 

(Ihéâirt  français  au  moyen  âge,  p.  617.) 

Durant,  met  le  preudome  hors. 
II  n'a  mais  garde  de  ton  cors  (toi), 
Que  vaurroit  ore  li  chelers? 

(Théâtre  français  au  moyen  âge,  p.  162.) 

Nous  disons  encore  aujourd'hui 
c'est  un  drôle  de  corps  pour  c'est  une 
drôle  de  personne ,  gardes  du  corps, 
pour  gardes  de  la  personne  du  roi. 
On  trouve  dans  les  Quatre  livres  des 
Rois  :  (■  E  Banaias  le  fiz  Joïade 
esteit  sur  la  privée  maisnée  ki  gar- 
doiient  le  cors  le  roi.  »  (P.  149.) 

CosA,  Serm.  i.  Cose,  S,e  Eulal. 
v,  9  et  23.  Chose,  L.  de  Guill.  §xvi. 
José,  ibid.  §§  vu  et  xxxix.  Chose,  de 
causa ,  que  les  Latins  prenaient 
quelquefois  dans  le  sens  d'affaire; 
le  mot  cause  a  souvent  le  même  sens 
dans  notre  langue  :  «  Velim  tibi  per- 
suadeas  te  in  hac  causa  nihil  habere 
quod  timendum  sit,  prœter  commu- 
nem  casum  civitatis.  »  (Cic.  Ep.  ad 
famil.  lib.  VI,  ep.  21.) 

Causa  avait  déjà  le  sens  de  chose 
en  basse  latinité  ;  du  Cange  en  cite 
plusieurs  exemples  et  entre  autres 
les  suivants  :  «  NuUus  ei  imperavit 
talem  causam  facere.  »  {Lois  des 
Lombards,  liv.  II,  titre  xxii,  §xxn.) 
M  Non  porcellum,  non  agnellum,  nec 


Si  faimes  aliance  estable 
E  covenant  ferm  e  entier 
De  nos  securre  e  entr'aidier. 

(Chron.det  ducs  de  Norm.,  t.  1,  p.  393.) 

Ne  poent  aver  nul  guarant 

Ne  vers  seinur,  ne  vers  serjant  ; 

Ne  lur  tienent  nul  covenant. 

{Rom.  de  Hou,  y.  6103.) 

CrIjL.  de  Guill.  §v,  îxxnetXLViii; 
dérivé  du  verbe  cner^  en  langue  d'oc 
cridar,  en  italien,  gridare,  en  espa- 
gnol et  en  portugais  gritar.  Ces  mots 
proviennent  du  latin  quiritare,  crier 
au  secours.  Selon  Varron  et  Nonius, 
quiritare  signifia  primitivement  im- 
plorer par  des  cris  l'assistance  des 
Quirites^  c'est-à-dire  du  peuple  ro- 
main. «  Quiritare  est  claraare,  trac- 
tum  ab  iis  qui  Quirites  invocant.  » 
(Nonius  cité  par  Calpin  et  par  du 
Cange,  art.  Quiritare.)  «  Quiritare 
dicitur  qui  Quiritium  fidem  damans 


4i 


PREMIÈRE  PARTIE. 


implorât.  »  Varron,D<;  lingua  latina, 
liv.  V,  chap,  VII.)  On  lit  dans  Cicé- 
ron  :  «  Cum  illi  misero  quiritanti, 
civis  romanus  sum ,  responderet  ; 
abi  nunc,  populi  fidem  implora.  » 
{Epistolœ  ad  famil.  lib.  X ,  epist. 

XXXII.) 

Il  est  à  remarquer  que  quiritare 
se  prenait  cubasse  latinité  pour  crier 
en  parlant  du  porc  :  verris  quiritare 
{mox  est).  Voyez  du  Gange,  art, 
Quiritare  et  art.  Baulare. 

CRiEVE,'3*pers.  sing.prés.del'ind. 
L.  de  Guill.  §  xxi.  De  criever ,  ..cre- 
ver; en  prov.  crebar ,  en  ital.  cre- 
pare,  en  esp.  quebrar;  du  latin  cre- 
pare,  qui  signifie  proprement  rendre 
un  son  éclatant,  craquer,  claquer,  et 
au  figuré  se  rompre  avec  bruit,  cre- 
ver. Dans  notre  langue,  craquer  et 
claquer  sont  employés  populairement 
avec  cette  dernière  signification. 

CuiLLE,  L.  de  Guill.  §  x,  testi- 
cule :  «  Il  deit  aveir  copé  le  vit  o 
toutes  les  coilles,  et  deit  estre  chacé 
hors  de  la  terre  oiî  il  a  fait  celé  mal- 
faite un  an  et  unjor.»  {Ass.  de  Jér. 
t.  II,  p.  92.)  «  Torel  a  couilles,  » 
taureau  entier.  {Livire  des  métiers 
d'Ét.  Boileau,  p.  317.)  De  coleus, 
testicule. 

CuLTivuRS,  L.  de  Guill.  §  xxxiii, 
pluriel  de  cultivur,  cultivateur,  colon 
qui  était  serf  de  la  glèbe.  Substan- 
tif dérivé  du  verbe  cultiver,  qui  a  été 
formé  de  cultus,  culture. 

Cum,  conj.  Serm.  i.  Com,  S'*  Eulal. 
v.  19,  L.  de  Guill.  §  xvii.  Comme, 
de  façon  que,  dételle  sorte  que,  que. 
Dérivé  de  quo  modo. 

CuNTE.  (Voir  Quens.) 

CuRRUZ,  L.  de  Guill.  §xu,  cour- 
roux, colère,  ressentiment,  animo- 


sité;  ce  mot  provient  de  cor,  cœur, 
comme  animosité  vient  à'animus.  Le 
cœur  a  été  considéré  comme  le  siège 
des  passions  et  des  sentiments;  aussi 
cor  nous  a-t-il  fourni  plusieurs  mots 
exprimant  divers  états  et  diverses 
qualités  de  l'âme  sensible  :  courage, 
cordialité,  concorde.  Les  Latins  ont 
dit  cor  tumidum  habere, àvoirle  cœur 
gros  de  colère. 

CuRT,  L.  de  Guill.  §§  vi  et  xxviii, 
cour  de  justice,  tribunal,  de  cors  ou 
chors,  génit.  cortis  ou  chortis,  cour, 
basse-cour.  L'habitude  où  étaient  les 
gens  de  justice  de  se  réunir  dans  la 
cour  du  bâtiment  où  se  tenaient  leurs 
séances  fit  donner  par  extension  le 
nom  de  cour  au  tribunal  lui-même. 
La  cour  du  palais  d'un  prince  servait 
aussi  de  lieu  de  réunion  aux  per- 
sonnes de  sa  suite,  de  là  le  palais  fut 
également  appelé  cour.  Nous  don- 
nons une  extension  analogue  aux 
mots  chambre ,  cabinet,  en  disant  la 
chambre  des  députés,  la  chambre  des 
requêtes,  etc.,  le  cabinet  de  Londres, 
de  Vienne,  de  Saint-Pétersbourg.  Les 
Turcs  sont  allés  encore  bien  plus 
loin  que  nous  en  fait  de  semblable 
extension  d'idée  ;  ils  ont  appelé  Porte 
la  demeure  du  sultan^  en  considéra- 
tion de  la  porte  sacrée  du  palais  de 
ce  prince.  Du  reste,  le  mot  porte 
pris  dans  le  sens  de  palais ,  cour,  a 
été  fort  anciennement  et  fort  géné- 
ralement en  usage  dans  l'Orient. 
Nous  trouvons  dans  la  Bible  portœ 
m/fen'pour  signifier  la  cour  infernale> 
les  puissances  de  Fenfer.  <c  Tu  es 
Petrus,  et  super  banc  petram  aedifi- 
cabo  ecclesiam  meam ,  et  portœ  in- 
feri  non  prœvalebuntadversuseam.» 
(Saint  Matthieu,  chap.  xvi,  18.) 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SEGT.  V. 


U1 


Cdstivent,  3®  pers.  plur.  prés,  de 
l'ind.  L.  de  Guill.§  xxxiii.  Du  verbe 
ciistiver  pour  cultiver,  VI  ayant  fait 
place  à  Ys,  comme  àansascons  pour 
akonSj  §  l.  (Voir  p.  1 24,  col.  1  .)Verbc 
formé  du  substantif  culius,  culture. 

CusTUMES,  L.  de  Guill.  dans  le 
titre,  coutumes,  de  consuetudo,  con- 
suetudinis.  L'n  a  été  changée  en  m, 
comme  dans  amertume  à'amaritu- 
dinem;  dans  enclume  à'incudinem 
pour  incudem,  en  italien  incudine  et 
ancudine.  (Voyez  t.  II,  p.  113,  365  et 
366.) 

Damage,  L.  de  Guill.  §  v,  dom- 
mage ,  en  basse  latinité  damagium, 
forme  allongée  dérivée  de  damnum. 
La  forme  primitive  est  damno  qui 
suit. 

Damno,  Serm.  i,  dommage,  de 
damnum. 

Danelae,  mot  anglo-saxon.  (Voir 
L.  de  Guillaume,  §  m,  p.  98,  note  1 .) 

De^  prép.  Serm.  i  et  ii,  S'°  Eulal. 
v.  25  et  27.  L.  de  Guill.  §§  i,n,  etc. 
De  la  préposition  latine  de. 

Décimes.  (Voir  Dit.) 

Dedenz,  prép.  L.  de  Guill.  §  l. 
Dedenz,  adv.  ibid.  §  iv.  Dans^  de- 
dans. Ces  mots  sont  composés  de  de 
et  de  denz,  dans  ;  celui-ci  est  formé 
lui-même  de  de  intus.  (Voir  t.  III, 
p.  362  et  363.) 

Defaciun  ,  L.  de  Guill.  §  laxv , 
mutilation ,  substantif  formé  du 
verbe  défaire  ou  desfaire,  qui  signi- 
fie exécuter  un  condamné,  dans  le 
Livre  des  Rois,  p.  88.  En  basse  la- 
tinité disfacere,  diffacere,  composés 
du  préfixe  dis  et  de  façere. 

Défailli,  part,  passé.  L.  de  Guill. 
§  XLi.  Du  verbe  défaillir,  composé 


de  de  et  de  faillir.  Dérivé  du  latin 
fallere. 

Défait.  3®  pcrs.  sing.  prés,  de 
l'ind.  L.  de  Guill.  §  xlii.  Du  verbe 
défaire,  manquer,  faire  défaut,  ne 
pas  comparaître.  De  defacere  pour 
deficere,  employé  avec  la  même  si- 
gnification en  basse  latinité  :  «.  Nec 
tamen  ex  defectu  facto  post  visio- 
nem,  in  hujusmodi  querela,  absens 
vel  deficiens  teneatur  saisinam  amit- 
tere.  »  (Lois  normandes  citées  par 
du  Gange,  art.  Defectus,  4.) 

Defautes.  L.  de  Guill.  §  xlv,  dé- 
faut, manquement  à  l'assignation 
donnée;  en  basse  latinité  defalta. 
Dérivé  du  verbe  défaillir.  {\oirV art. 
Be failli  ci-dessus.) 

Défende,  3^  pers.  sing.  prés,  du 
subj.  L.  de  Guill.  §  xvi.  Defendun, 
l^'^pers.  plur.  prés,  de  l'ind.  ibid. 
§  xli.  Du  verbe  défendre,  dérivé  de 
defendere. 

Défense,  L.  de  Guill.  §  xlv,  dé- 
fense, protection,  de  defema  pour 
de/ensio  que  l'on  trouve  dans  Tertul- 
lien,  liv.  II,  Adversus  Marc.  chap. 

XVIII. 

Deforcent, Supers,  plur.  prés,  de 
l'ind.  L.  de  Guill.  §  xlv.  Du  verbe 
deforcer,  s'opposer  de  force.  En  basse 
latinité  disfortiare,  disforciare,  dif- 
forciare,  defordare,  composés  de  dis 
et  de  fortiare,  dérivés  de  l'adjectif 
fortis. 

Defors,  adv.  L.  de  Guill.  §  xlii, 
dehors,  de  de  foras. 

Degnet,  3®  pers.  sing.  prés,  du 
subj.  S'«  Eutal.  V.  26.  Du  verbe  de- 
gner,  daigner,  dérivé  de  dignare  ou 
dignari. 

Dei,  L.  de  Guill.  §  xni,  doigt,  de 
digitus. 


U2 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Deive,  Deiven't  (Voir  Dit.) 

Del,  L.  de  Guill.  §  vu,  pour  de 
le.  (Voir  ces  mots.) 

Deleauté,  L.  de  Guill.  §  xlv,  dé- 
loyauté, substantif  formé  de  l'adjec- 
tif déléal,  qui  agit  contrairement  à 
la  loi,  à  sa  parole,  à  son  engage- 
ment, déloyal.  De  de  et  de  legalis, 
formé  de  lex,  legis. 

Delivere,  L.  de  Guill.  §  xxxv,  dé- 
livrée, en  parlant  d'une  femme  en- 
ceinte, accouchée.  Adjectif  dérivé  du 
verbe  deliberare.  On  trouve  délivre 
pour  délivré  dans  Dolopathos,  p.  179 
et  480. 

Demainne.  L.  de  Guill.  §  xviii^ 
domaine,  propriété.  Ce  mot  fut  d'a- 
bord adjectif  et  s'employa  pour  mar- 
quer la  possession  d'une  chose  dont 
on  est  maître,  qui  appartient  en 
propre.  De  dominas,  maître  : 

E  Saûl  de  ses  demeines  vestemenz  fist 
David  revestir,  le  helme  lascier  e  le  hal- 
bert  vestir.  (Livre  des  Rois,  p.  66.) 

Et  induit  Saul  David  veslimentis  suis,  et 
posuit  galeam  œream  super  caput  ejus,  et 
vestivil  eum  lorica. 

Li  reis  esteit  entré  en  sa  chambre  demeine 
Quant  le  message  vint;  suSert  ot  mult 
grant  peine. 

(  Chron,  de  Jordan  Fanloime^  p.  608.) 

On  a  passé  de  l'adjectif  au  subs- 
tantif, comme  deproprms  on  a  formé 
proprietas^  propriété. 

Demander,  prés,  de  l'inf.  L.  de 
Guill.  §  VI.  Demandé,  part,  passé 
passif^  ibid.  §  xlii.  De  demandare^ 
donner  ordre,  ordonner,  commander. 
Ce  verbe  a  pris  un  sens  bien  moins 
impératif  en  passant  dans  notre  lan- 
gue. Le  contraire  est  arrivé  pour  le 
verbe  rogare,  demander,  s'informer, 
demander  avec  prière^  qui  fournit  à 


la  langue  à'o\\rover,roiiver,ruov&r, 
signifiant  ordonner ,  commander. 
(Voir  ci-après^  Buovet.)  Tels  sont  les 
caprices  de  l'usage. 

DemIj  L.  de  Guill.  §  xiii^  de  di- 
midius. 

Deners,  L.  de  Guill.  §§  iv  et  v. 
Denier,  ibid.  §  v.  Denier,  de  dena- 
rius.  (Pour  le  dener  saint  Ferre,  le 
denier  de  saint  Pierre,  voir  le  glos- 
saire de  du  Gange,  Denarium  S.  Pé- 
tri.) 

Départent,  3*  pers.plur.  del'imp. 
L.  de  Guill.  §  ix.  Départis,  part, 
passé  passif,  i6î(i.§  xxxviii.  Du  verbe 
départir,  partager,  diviser^  de  dds- 
partire,  qui  a  le  même  sens. 

Départir,  prés,  de  l'inf.  L.  Guill. 
§  xxxiii.  Departet,  3^  pers.  sing. 
prés,  de  YinA.ibid.  §  xxxiii.  Dépar- 
tent, 3^  pers.  plur.  prés,  de  l'ind. 
ibid.  §  XXXIII.  Ce  verbe  est  pris  tan- 
tôt dans  le  sens  actif  d'éloigner, 
tantôt  dan?  le  sens  neutre  pour  s'é- 
loigner, partir.  Dérivé  de  departire, 
diviser,  séparer,  d'où  l'on  a  passé  à 
la  signification  de  séparer  quelqu'un 
de  quelque  chose,  l'en  éloigner,  puis 
à  la  signification  de  s'éloigner,  par- 
tir. Voyez  t.  III,  p.  490,  note  2. 

Derainer,  prés,  de  l'inf.  L.  de 
Guill,  §§  xxvii  et  xxvin.  Dereinet, 
3*  pers.  sing,  prés,  de  l'ind.  ibid. 
§  xLiii.  Dereined,  part,  passé  passif, 
ibid.  §  m.  Derained,  Deraignet, 
item,  ibid.  §  xxv.  Établir  une  accu- 
sation contre  quelqu'un  par  des  rai- 
sons et  des  preuves  valables,  justi- 
fier du  droit  que  l'on  a  sur  une  chose 
contestée,  prouver  la  vérité  ou  la 
fausseté  d'un  fait.  Se  derainer,  se 
justifier.  En  basse  latinité  disra- 
tionare,    dirationare,    derationare, 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SEGT.  V 


U3 


ont  la  même  signification.  Ces  verbes 
sont  formés  du  préfixe  dis  et  du  subs- 
tantif ratio  rationis  : 

Ni  a  un  seul  qui  n'ait  jugié 
Que  Lanvax  a  tout  desraisnié; 
Délivrez  est  par  lor  esgart. 

(Marie  de  Fronce,  1. 1,   p.  34P.) 

Or  en  aluns  devant  le  rei  ; 
Si  soiez  tult  ensamble  od  mei 
Ge  me  desrenerai  très-bien 
Qu'il  ne  m'en  meskrera  de  rien. 
Dunt  s'en'vunt  devant  le  liun, 
Si  li  mustrtrent  leur  resun. 

(BW._t.,n,    p.  261.) 

S'il  avient  que  un  home  se  claime  en  la 
cort  d'un  autre  home,  et  celai  de  cui  U  se 
claime  demande  jor  a  la  cort,  la  cort  lor 
deit  donner  a  andeus  ensemble,  ce  est 
quinzaine.  Ou  ee  seluy  qui  se  clama  ne 
vient  à  son  jor  a  la  cort,  et  l'autre  il  vient, 
celuy  qui  vient  a  son  jor  si  avéra  derainé 
tout  ce  dont  il  c'est  clamés  ;  et  celuy  qui 
ne  vient  a  son  jor  a  perdue  sa  clamour  et 
sa  raison  par  droit.  {Ass.  de  Jérusalem, 
t.  II,  p.  86.) 

Des,  L.  de  GuiU.  §  xxxii  et  pas- 
sim,  pour  de  les.  (Voir  ces  mots.) 

Désapereilé,  L.  de  GuiU.  §  xxiv, 
non  pourvu,dépourvu,qui  n'apas  tout 
l'appareil,  tout  l'attirail,  tout  l'arme- 
ment qu'il  devrait  avoir.  Composé  du 
9    préfixe  dis  et  de  apparatus,  appareil. 

Descuvert,  part,  passé  pass.  L.  de 
Guill.  §  XII.  Du  verhe  descuvrir,  dé- 
couvrir, de  discooperire,  qui  se  trouve 
dans  la  Vulgate,  composé  du  préfixe 
dis  et  de  cooperire,  couvrir. 

Désirent,  3^  pers.  plur.  prés,  de 
l'ind.  L.  de  Guill.  §  xli.  Du  verbe 
désirer,  de  desiderare. 

Desque,  conj.  L.  de  Guill.  §  xxxv, 
jusqu'à  ce  que.  Pour  l'origine  latine 
de  cette  conjonction,  voir  jusque, 
t.  m,  p.  370. 

Deus,   Serm.    i.    Dec,  ibid.   et 


S'"  Eulal.  V.  3  et  10.  Deu,  L.  de 
Guill.  §  XLI,  Dieu,  de  Deus. 

Devant,  prép.  L.  de  Guill.  titre. 
Composé  de  de  abante.  (Voir  t.  III, 
p.  352.) 

Devise,  L.  de  Guill.  §v,  entretien, 
conférence  ,  plaidoirie ,  audience , 
séance  d'une  cour  de  justice.  Subs- 
tantif dérivé  du  verbe  deviser,  s'en- 
tretenir, parler,  discourir,  s'expli- 
quer. De  dividere,  divisum^  diviser, 
détailler.  Deviser,  c'est  proprement  , 
détailler  ce  qui  fait  le  sujet  de  l'en- 
tretien. Le  verbe  disputare  a  deux 
acceptions  analogues  :  au  figuré  il  se 
prend  pour  discourir^  discuter,  et  au 
propre  il  signifie  découper,  diviser, 
détailler. 

Devise,  L.  de  Guill.  §  xxxvi.  Par- 
tage qu'un  testateur  fait  de  ses  biens 
entre  tous  ses  héritiers,  dernières 
dispositions,  testament.  En  basse  la- 
tinité divisia,  devisia,  employés 
pour  divisio. 

S'il  avient,  par  aucune  maladie,  ou  par 
aucun  mau  ,  que  aucuns  hom  ou  aucune 
feme  meurt  déconfés,  et  sans  devise  faire , 
et  celuy  home  ou  celé  feme  qui  est  morte 
desconfés ,  n'a  nul  parent  ni  parente  en 
toute  la  terre ,  mais  dehors ,  la  raison 
comande  et  juge  que  la  seigneurie  deit 
prendre  tout  canque  celuy  ou  celé  avet. 
{Assises  de  Jérus.  t.  Il,  p.  131.) 

Li  laisse  ce  que  est  escrit  ea  ma  devise, 
por  son  douaire.  (Ibid.  t.  II,  p.  135.) 

Di,  Serm.  i;  Dis,  plur.  S"  Eulal. 
V.  12.  Jour  ;  de  dies.  On  peut  voir 
des  exemples  de  ce  mot.  Livre  des 
Rois,  p.  438  ;  Marie  de  France,  1. 1, 
p.  200;  t.  II,  p.  434;  Chron.  des  dms 
de  Normandie,  t.  II,  p.  1 32,  v.  1 9232; 
t.  I,  p.  162,  V.  2292;  p.  223,  v. 
4037;  p.  424,  v.  9880;   Chron.  de 


U4 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Jord.  Fantosme,  p.  595;  Théâtre 
français  au  moyen  âge,  p.  20. 

DuvLE,  S"  Eulal.  V.  4.  Diable, 
de  diabolus ,  dérivé  lui-même  du 
grec  3iix6o).o;,  calomniateur.  M.  Le 
Roux  de  Lincy  et  autres  éditeurs  de 
textes  romans  n'auraient  pas  dû 
écrire  diaule,  mais  diavle;  le  b 
s'étant  changé  en  v,  comme  dans 
l'italien  diavolo.  Plusieurs  autres 
mots ,  et  particulièrement  plusieurs 
adjectifs  qui  finissent  aujourd'hui  en 
able^  finissaient  en auZe  dans  certains 
dialectes  de  la  langue  d'oïl. 

Dis,  adj.  num,  L.  de  Guill.  §  xxxii. 
Dix;  de  decem. 

Dit,  3«  pers.  sing.  prés,  de  l'ind. 
L.  de  Guill.  §  xxxix;  Dist,  item, 
Serm.  i;  Deivent,  3«  pers.  plur. 
prés,  de  l'ind.  L.  de  Guill.  §  xxxiii; 
Deive,  3«  pers.  sing.  prés,  du  subj. 
ibid.  §  vni;  Deust,  3«  pers.  sing. 
passé  défini,  ibid.  §  xvii.  Du  verbe 
deveir  devoir,  dérivé  de  debere.  Au 
sujet  de  la  forme  deust,  voyez  t.  III, 
p.  227  et  228. 

Dit,  part,  passé  pass.  L.  de  Guill. 
§xxvm;  Dient,  3«  pers.  plur.  prés, 
de  l'ind.  ibid.  §  xli;  Desimes^  l'^^pers. 
plur.  passé  défini,  ibid.  %  xliii.  Du 
verbe  dire,  dérivé  de  dicere. 

DoMNizELLE,  S^c  Eulal.  V.  23.  De- 
moiselle, jeune  fille  de  qualité;  di- 
minutif formé  de  domina. 

DoNER,  prés,  de  l'inf.  L.  de  Guill. 
§  xviii;  DoNRAD,  3^  pers.  sing.  fut. 
ibid.  §  XXIX  ;  Dourad  ,  item ,  ibid. 
§  XVII ;  Durrad,  item,  ibid.%  vi  et 
passim;  Dunat,  3^  pers.  sing.  prés. 
de  l'indicat.  Serm.  i;  Dunge,  3® 
pers.  sing.  prés,  du  subj.  L.  de 
Guill.  §  v;  DuiST,  item,  ibid.  §  vu. 
Donner,  dérivé  de  donflre. 


Dont.  (Voir  Bunt.) 

Dous ,  adj.  num.  L.  de  Guill. 
§  xxxix.  Deux,  de  duo. 

Dreit,  adj.  masc.  L.  de  Guill. 
§  xxxiii.  Droite,  fémin.  ibid.  Droit, 
droite;  de  directus. 

Dreit,  subst.  Serm.  i  ;  L.  de  Guill. 
§  XIV  ;  Droit,  ibid.  §  vi.  Droit,  ibid. 
Dérivé  de  directum ,  employé  par 
Cicéron  dans  la  même  signification. 
«  ^quitatis  autem  vis  est  duplex, 
cujus  altéra  directi,  et  veri  et  justi^ 
et,  ut  dicitur,  sequi  et  boni  ratione 
defenditur.  »  (Cicer.  in  Part.)  Le 
simple  rectum  était  plus  usité  que  le 
composé  directum. 

DuBLE,  L.  de  Guill.  §  ii;  Dublein, 
ibid.  §  XVII.  Double;  de  duplex. Du- 
blein  est  une  forme  allongée  de 
duble;  on  trouve  deblekin  avec  le 
même  sens  dans  la  Chronique  des 
ducs  de  Normandie,  1. 1,  p.  M]. On 
voit  encore  dans  le  même  ouvrage 
en^erm^  entier,  t.  I,  p.  53,  et  t.  III, 
p.  275;  premerain,  premier,  t.  I, 
p.  36,  45,  1 24.  Il  nous  est  resté  de 
ces  doubles  formes  haut  et  hautain, 
tous  deux  dérivés  à'altus. 

Dudzime,  adj.  num.  ordin.  L.  de    « 
Guill.  §  IV,  XVI.  Douzième;  de  duo- 
decimus. 

DuLOR,  L.  de  Guill.  §  xii.  Dou- 
leur; de  dolor. 

Dunat,  Dunge,  Durrad.  (Voir 
Doner.) 

DuNC,  conj.  L.  de  Guill.  §  iv; 
DuNT,  item,  ibid.  %  lxii.  Donc;  de 
<Mnc.  (Voyez  t.  III,  p.  392.) 

DuNC,  adv.  L.  de  Guill.  §  xxv. 
Alors,  de  tun£  (voir  des  exemples  de 
ce  mot,  avec  le  même  sens,  dans 
Marie  de  France,  t.  I,  p.  332  et  dans 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SEGT.  V. 


la  vie  de  saint  Léger,  st.  3,  6,  2*, 
22,  etc. 

DuNT,  pron.  relat.  L.  de  Guill. 
§  XXXIII.  Dont,  item,  S'^Eulal.  v.i3. 
Dérivé  de  de  unde.  (Voir  t.  III,  p. 
468.) 

E.  (Voir  Et.) 

Emz  (Voir  Ent.) 

EissiLLED,  part,  passé  pass.  L.  de 
Guill.  §  xxxviii.  Du  verbe  eissiller, 
exiler,  dérivé  du  substantif  exsilium 
ou  eociliunij  exil. 

EiT  (Voir  l'art.  Aveir,  verbe.) 

El,  Elle,  Ell,  Els.  (Voir  II, 
pron.)  El,  Els,  pour  en  le^  en  les. 
(Voir  ces  mots.) 

Ele,  adj.indéf.  L.  deGuill.  §xxxviii. 
Autre,  autre  chose  ;  per  ele  par  autre 
chose,  par  autre  moyen.  Ele  dérive 
du  latin  alivid.  Ce  mot  est  ordinaire- 
ment écrit  el  au  xii^  et  au  xiii«  siècle. 
(Voir  un  exemple  de  ce  mot  ci- 
après,  art.  'N  pour  en.) 

Un  grant  tumbel  vi  quant  Joab  cha 
m'enveiad,  e  el  ne  sai.  (Livre  des  Rots, 
p.  189.) 

Yidi  tumulum  magnum  cum  mitteret  Joab 
sersus  tuui;  nescio  aliud. 

Del  vin  e  de  el  assez  nus  eu  donastes. 

(  Yoy.  de  Charl.  à  Jéru$.,  y.    653.) 

Molt  aves  ore  el  à  ordir 
Que  parlemens  ci  a  tenir. 

{PattoHopeus  de  Bhis,,  t.  8717.^ 

Elément,  S'*  Eul.  v.  1 5.  Élément, 
principe  ;  de  elementum.  C'est  dans 
les  anciens  auteurs  ecclésiastiques 
qu'il  faut  chercher  le  sens  des  ex- 
pressions qui  ont  trait  à  la  religion. 
Dans  les  écrits  des  apôtres  et  dans 
ceux  des  premiers  Pères  de  l'Église, 
elementa  signifiait  les  principes  fon- 
damentaux des  croyances  du  chré- 
tien, les  éléments  de  la  foi  chré- 


U5 

tienne.  Saint  Paul  dit  aux  Hébreux  : 

Etenim  cum  deberelismagistri  esse,  prop- 
ter  tempus,  rursum  indigetis  ut  vos  docea- 
mini  quœ  sint  elementa  exordii  sermonum 
Dei  ;  et  facti  estis  quibus  lacté  opus  sit, 
non  solido  cibo.  (Êpître  de  saint  Paul  aux 
Hébreux,  ch.  v,  v.  12-) 

Emblet,  L.  de  Guill.  §  xxv;  Em- 
blé,  ibid.  §  xLiv.  Enlevé;  participe 
passé  du  verbe  embler  dérivé  de  in- 
volare,  en  italien  involare,  en  basse 
latinité  imhulare.  Pour  la  permuta- 
tion du  V  en  6,  voir  t.  II,  p,  95. 

Rent  le  ;  ge  sai  bien  ke  tu  l'as  ; 
Mauvaisement  emblé  le  m'as. 

{Dolofiolhot,  p.  205.) 

Car  bien  est  reson,  ce  me  semble, 
Qu'apercevanz  soit  bons  ki  emble; 
Je  sais  bien  ke  lerres  set  fère. 

(«W.,  p.  193.) 

Empedementz,  S'*  Eulal.  v.  46. 
Plur.  de  empedement,  cep,  instru- 
ment de  supplice  consistant  en  deux 
pièces  de  bois  disposées  de  manière 
(ju'en  se  rapprochant  elles  serraient 
les  pieds  du  patient  que  l'on  sou- 
mettait à  la  torture.  Dans  ce  pas- 
sage, empedement  se  prend,  par  ex- 
tension, pour  torture  en  général.  Ce 
mot  dérive  de  impedimentum  em- 
ployé pour  compedes;  l'un  et  l'autre 
sont  composés  àepes,pedis,Qt  d'une 
préposition. 

Emplaider,  prés,  de  l'infin.  L.  de 
Guill.  §  xxxviii;  Emplaidé,  part, 
passé  pass.  ibid.  §  m;  Enplaidé, 
item,  ibid.  §  xxxix.  Mettre  en  cause, 
traduire  en  justice,  poursuivre  de- 
vant les  tribunaux,  accuser.  En  basse 
latinité  implacitare ,  composé  de  in 
et  de  placitare.  (Voir Ptoï  ci-après.) 

Moines  qui  ont  choses  devisées  des  chose 
l'abé,    il,    non  pas  l'abé,  devent  estre 


10 


l/iG 


PREMIÈRE  PARTIE. 


einpledié.  {Livre  de  Justice,  p.  19.)  — 
Plusors  autres  puevent  esire  semons  et 
enpledié.  (Uid.  p.  16.) 

Se  tu  pledes,  ou  se  tu  es  enplaidiez.  {Le 
Conseil  de  Pierre  de  Fontaines,  p.  28.) 

En,  prép.  (Voir  In.)  En,  adv.  (Voir 
Int.) 

Enceintée,  part,  passé.  L.  de 
Guill.  §  XXXV.  Du  verbe  enceinter , 
être  ou  devenir  enceinte',  concevoir, 
être  grosse;  de  inciens,  tis  que  l'on 
trouve  dans  Pline  et  dans  Festus 
avec  le  sens  d'enceinte ,  grosse.  Cet 
adjectif  latin  paraît  avoir  du  rapport 
avec  le  grec  èyxOwv. 

La  dame  qu'isi  mesparla, 
Eo  l'an  meisme  enceinla  ; 
De  deux  enfanz  est  enceintié. 

{Marie  de  France,  1. 1,  |>.  142.) 

Encontre,  3"  pers.  sing.  prés,  de 
l'ind.  L.  de  Guill.  §  xlviii.  Du  verbe 
encontrer ,  rencontrer,  formé  des 
deux  prépositions  in  et  contra. 

Endirez,  L.  de  Guill.  §  vu.  Égaré, 
fourvoyé.  Le  manuscrit  Holkham 
nous  offre  adirez,  qui  se  trouve  plus 
fréquemment  dans  les  auteurs.  La 
dernière  édition  du  dictionnaire  de 
l'Académie  porte  encore  :  «  adirer, 
égarer,  terme  de  jurisprudence  peu 
usité.  » 

A  Cis  le  père  Saiil  furent  adnes  adirez. 
{Livre  des  Rois,  p.  29.) 
Perierant  autem  asinx  Cis,  patris  Saiil. 

Loons  tuit,  et  clerc  et  prestre, 
La  douce  mère  au  roi  celestre 
Qui  tant  par  est  de  doçour  plaine, 
Qui  nostte  frère  nos  ramaine 
Qui  perdaz  iert  et  adirés. 

(OEuTrM  de  Rulebeuf,  t.  Il,  p.  314.) 

De  rechief,  quand  il  avoient  vendue  ou 
engagié  ichele  soie  que  l'en  leur  avait 
baillé  pour  labourer  et  pour  filer,  et  cil 
qui  la  leur  avoit  baillée  venoit  à  eus,  et 


leur  demandoit  sa  soie,  il.s  disoient  qu'ils 
l'avaient  perdue  et  adirée.  {Livre  des  mé- 
tiers, p.  377.) 

Ce  mot  vient  du  verbe  aderrare, 
errer ,  aller  ç,à  et  là  sans  savoir  où 
l'on  va.  Dans  les  formes  moins  usi- 
tées andiret,  endirez,  Vn  est  venu  se 
placer  devant  le  d  par  attraction, 
comme  dans  rendre,  de  reddere. 
(Voir  t.  II,  p.  142.) 

Enfans,  L.  de  Guill.  §xxxvi.  Plu- 
riel de  enfant,  dérivé  de  infans,  in- 
fantis. 

Enfraint,  3®  pers.  sing.  prés,  de 
l'ind.  L.  de  Guill.  §  i;  Enfreit, 
item,  ibid.  §  xxx.  Du  verbe  en- 
fraindre ,  enfreindre,  de  infringere. 

Enfrenez,  L.  de  Guill.  §  xxii. 
Plur.  de  enfrené,  qui  a  un  frein  dans 
la  bouche,  bridé;  composé  de  in  et 
de  frenum. 

Enleist,  3^  pers.  sing.  prés,  de 
l'ind.  L.  de  Guill.  §  v.  Du  verbe  en- 
leiser,  laisser  aller,  laisser  échapper; 
composé  de  in  et  de  laxare. 

Enortet  ,  3^  pers.  sing.  prés,  de 
l'ind.  S'"  Eulal.  v.  43.  Du  verbe 
enorter ,  exhorter,  dérivé  de  inhor- 
tari. 

Tant  li  a  sa  feme  enorté.  (Fabliaux  el 
contes,  ,  t.  II,  p.  350.) 

Enplaidé.  (Voir  Emplaider.) 
Enpdissuned,  3«  pers.  sing.  prés, 
de  l'ind.  L.  de  Guill.  §  xxxvm.  Du 
verbe  empuissuner,  empoisonner; 
composé  de  in  et  de  potio,  qui  si- 
gnifie proprement  breuvage,  mais 
qui  est  pris  quelquefois  pour  un  breu- 
vage mortel,  un  poison.  Le  peuple 
conserve  encore  à  ce  mot  le  genre  de 
son  primitif  et  dit  une  poison.  On 
trouve  dans  la  vie  de  Caligula,  par 
Suétone,  Potionatus  ab  uxore,  era- 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  V. 


147 


poisonné  par  sa  femme  au  moyen 
d'un  breuvage.  Les  Grecs  se  sont 
également  servis  de  <fxpfj.axo-j  pour 
désigner  une  potion  médicinale  et  un 
poison.  Les  Italiens  disent^  dare  il 
boccone,  donner  le  morceau,  pour  si- 
gnifier empoisonner. 

Foison  se  trouve  fréquemment 
dans  nos  anciens  auteurs  pour  signi- 
fier une  potion  médicinale,  un  breu- 
vage enchanté,  un  philtre,  etc.  (Voyez 
t.  II,  p.  206,  note  1 .) 

Trop  grief  m'est  cesle  maladie, 
Quant  nulz  ne  truis  qui  ne  me  die 
Que  n'en  puis  avoir  garison 
Pour  mecine  ne  pour  poison. 
Que  puisse  prendre. 

{Vn  miracle  de  Noire-Dame,  iit^rëe  daiu  le  Tbëâtre 
fraoçaii  aa  mojiD  âg«,   p.  404.) 

D'un  buen  mire  fisicien 
De  gf ant  valor  e  de  grant  sen 
Oui  pris  puison ;  mais  mal  es'.a 
Quant  une  de  lui  se  dessevra. 

(CAroM.  des  duci  de  Norm,,  t.  III,  p.  146.) 

Mais  se  tant  vos  soduit  diables, 
U  par  boires,  u  ])iT  puisons. 
Que  de  moi  soit  demonstrisons 
Alns  que  soit  a  ma  volenté, 
Bscarni  somes  et  gabé. 

(PafAMOp.  de  Blois,  I.  I,  p.  143.) 

Ens.  Voir.  (Un.) 

Enselez,  part,  passé  pass.  L.  de 
Guill.  §  xxin,  sellé;  du  verbe  ense- 
ler,  mettre  une  selle,  seller;  com- 
posé du  préfixe  en  et  de  seller  pro- 
venant du  substantif  selle.  Celui-ci 
dérivé  de  sella,  siège.  (Voyez  à  cet 
égard  t.  II,  p.  203.) 

Molt  bien  fus  la  nuit  ostelez. 
Et  li  chevaux  fu  enselez. 

(Tournoiement  de  FAnleckrisl,  p.  181.) 

Ensement,  adv.  L.  de  Guill.  §yiii. 
Mêmement,  pareillement.  (Voir  des 
exemples  de  cet  adverbe  Livre  des 


Rois,  p.  5,  180  et  433;  Chron.  des 
ducs  de  Norm.  1. 1,  p.  58.)  Dérivé  de 
in  ipsa  mente.  (Voyez  t.  III,  p.  284, 
285  et  446.) 

Ensurchetot,  adv.  L.  de  Guill. 
§  XLi.  Surtout;  littéralement,  en  sur 
ce  toiit.  (Voir,  pour  l'origine,  chacun 
de  ces  mots  en  particulier.)  On 
trouve  ensurquetut,  avec  le  même 
sens,  dans  la  Chanson  de  Roland, 
str.  xxiii,  V.  2.  M.  Orelli,  p.  322, 
mentionne  ensurhetut,  ensorqmtot, 
ensurquetout. 

Ent,  adv.  et  conj.  S'"  EulaJ.  v. 
45;  Emz,  L.  de  Guill.  §xLin.  Avant, 
avant  que,  auparavant  ;  de  antea. 

Einz  que  jo  vienge  as  maistresporz  de  Sizer, 
L'anme  del  cors  me  seit  oi  départie. 

(  Chans.  de  Roland,  édit.  Gënin,  p.  S45.) 

Si  's  guierat  Hermans,  li  dux  de  Trace; 
Einz  i  murrat  que  cuardise  facet. 

{Ibid.,  p.  354.) 

Entendable,  L.de  Guill.  §  xxviu. 
Qui  mérite  d'être  entendu ,  qui  est 
digne  de  confiance  dans  ce  qu'il  dit, 
digne  de  foi,  adjectif  dérivé  duverbe 
entendre.  En  basse  latinité  intendere 
signifiait  plutôt  écouter  qu'entendre. 
Écouter  marque  une  tension  de  la 
volonté  pour  entendre,  comme  re- 
garder, une  tension  de  la  volonté 
pour  voir;  aussi  Ovide  a-t-il  dit, 
intendere  aures  ad  verba,  tendre  ses 
oreilles  aux  paroles,  écouter  les  pa- 
roles; et  Justin,  intendere  oculosad 
vultum,  tendre  ses  yeux  vers  le  vi- 
sage, regarder  au  visage. 

Ententivement,  adv.  L.  de  Guill. 
§xLi.  Avec  attention,  avec  applica- 
tion d'esprit,  soigneusement. 

Tu  m'as  servie  suvenierement  et  enten' 
tivemeni,  (L.  des  Rois,  p.  357.) 
Sedule  in  omnibus  tninistrasti  nobis. 


48 


PREMIÈRE  PARTIE. 


On  peut  voir  d'autres  exemples  de 
l'emploi  de  cet  adverbe  dans  le  même 
ouvrage,  p.  92  et  383.  Ententive- 
ment  est  formé  de  l'adjectif  ententif, 
iive^  attentif,  tive,  dérivé  de  inten- 
tiviis,  forme  allongée  de  intentus, 
qui  a  la  même  signification.  Enten- 
tivement  équivaut  hintentiva  mente, 
(Voir  les  adverbes  en  ment  dans  le 
t.  m,  p.  284.) 

Entercé,  part,  passé  pass.  L.  de 
Guill.  §  xLiv.  Du  verbe  en^ercer^  con- 
tester la  propriété  d'une  chose  à 
quelqu'un ,  la  revendiquer,  la  récla- 
mer. En  basse  latinité  interdarej  in- 
tertiare, dérivés  de  iyitercedere,  s'op- 
poser, former  opposition,  contester. 
Du  Cange  donne  une  toute  autre 
origine  à  intertiare  ;  mais  sa  con- 
jecture ne  me  paraît  reposer  que 
sur  un  rapprochement  de  mots  tout 
à  fait  fortuit. 

Se  aucun  frepier  achate  aucun  garne- 
ment, quel  que  il  soit ,  en  foire  voisine 
séant,  c'est  a  savoir,  a  Saint-Germain-des- 
Prez,  a  la  Saint-Ladre,  au  lendit  et  à  la 
Saint-Denis,  et  li  garnemement ,  quel  qu'il 
fust  (hors  mis  le  garnement  de  service  de 
sainte  iglise),  fust  eniercÊs  e  prouvez,  H  en- 
lercierres  r'auroit  son  garnement,  et  li  fre- 
pier r'auroit  son  argent,  pour  tant  que  il 
peust  prouver  que  il  eust  acbaté  en  une  des 
foires  devant  dites.  (Livre  des  méliers 
p.  201.) 

Entercement,  L.  de  Guill.  §  xxv. 
Revendication,  réclamation.  (Voir, 
pour  l'origine,  l'article  précédent.) 

Enterceur,  L.  de  Guill.  §  xxv. 
Celui  qui  revendiqne,  qui  réclame,  le 
réclamant.  En  basse  latinité ,  inter- 
ciator.  (Voir  Entercé.) 

Entre,  prép.  L.  de  Guill.  §  ix. 
De  inter. 

Envers,  prép.  L.  de  Guill.  §§  xli. 


XLv,  L.  Composé  de  in  et  de  versus, 
Enz,  conj.  L.  de  Guill.  §  xxxni. 
Mais,  au  contraire;  de  antea. 

Eisz,  adv.  S"  Eulal.  v.  19.  De- 
dans; dérivé  de  intus.  Les  mots  enz 
en  (dedans  dans),  qui  se  trouvent 
dans  ce  passage  de  S,e  Eulal,,  of- 
frent un  pléonasme  qui  est  très 
fréquent  dans  nos  anciens  auteurs. 

Cil  sunt  muntez  ki  le  message  firent, 
Enz  en  fur  mains  portent  branches  d'olive. 

[Chaïu.  de  Roi.,  il.  vi\,  ».   4.) 

E  Mahnmel  em  en  un  fosset  butent. 

{lùid.,  a.  CLXXXIII,  T.  SI.) 

Ens  en  la  cited.  {Livre  des  Rois^  p.  327.) 
Enz  en  l'eve.  (Il/id.  p.  3o4.) 

On  peut  en  voir  encore  d'autres 
exemples  dans  la  Chronique  de  Jor- 
dan Fantosme,  p.  538,  549,  569, 
595  ;  et  dans  le  Livre  de  Job , 
p.  480. 

Eo,  pron.  pers.  1"^  pers.  sing. 
Serm.  i  et  ii;  lo,  item^ibid.  n;  Jd, 
item^  L.  de  Guill.  §  xxxvin.  Je;  de 
ego.  (Voyez  t.  III,  p.  155-457.) 

Dans  les  Serments,  on  doit  lire 
io  et  non  jo  ;  car  la  voyelle  i  est 
changée  en  la  voyelle  e  lorsque  ce 
pronom  est  précédé  d'un  mot  finis- 
sant en  i  :  salvarai  eo,  cui  eo  retur- 
nar;  ce  changement  est  naturel 
entre  les  deux  voyelles,  et  il  sert, 
dans  ces  cas,  à  empêcher  la  ren- 
contre des  deux  i  ;  il  n'aurait  pas  eu 
lieu  si,  dès  cette  époque,  bn  eût 
prononcé  jo,  comme  on  le  fit  plus 
tard. 

Er,  Ert,  Erunt.  (Voir  des  re- 
marques sur  ces  mots  à  la  suite  de 
l'article  Est.) 

Erité,  L.  de  Guill.  §  xxxvi;  Eri- 
THET,  ibid.  §  XXXIX.  Héritage;  de 
hœreditm,  hœreditatis. 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  V.  149 


Ebbant,  pari.  prés.  L.  de  Guill. 
§  XXX.  Du  verbe  errer,,  voyager;  de 
iterare  que  l'on  trouve  avec  le  sens 
de  facere  iter  dans  Fortunat,  Vie  de 
S.  Paterne,  chap.  vi,  ainsi  que 
dans  plusieurs  autres  auteurs  de  la 
moyenne  et  de  la  basse  latinité.  On 
a  dit  eu  langue  d'oc  edrar  qui  est 
dans  la  Vie  de  saint  Léger  :  «  11 
edrat  par  mala  fid.  »  (St.  19.)  Nous 
nommons  encore  juif  errant  le  juif 
que  les  traditions  populaires  nous 
donnent  comme  devant  voyager  jus- 
qu'à la  fin  du  monde,  en  punition 
de  ce  qu'il  empêcha  Jésus-Christ  de 
se  reposer,  lorsque,  portant  sa  croix, 
il  s'arrêta  épuisé  de  fatigue.  Marie 
de  France  dit,  en  parlant  de  plu- 
sieurs chevaliers  qui  voyageaient 
avec  la  reine  Yseult  et  lui  servaient 
de  cortège  : 

Les  chevaliers  qui  la  menoent, 
Qui  ensemble  od  li  erroent, 
Si  cumanda  tuz  arester  ; 
Descendre  vot  et  reposer. 

(Maria  du  Franc*,   t.  1,  p.  39t  ) 

Usque  li  reis  déus  errer, 
R  aveit  la  tere  a  garder. 

{Ibid.,  p.  403.) 

J«  vois  par  le  païs  errant , 
El  les  costumes  enquerant. 

{Dolopatiwi,   p.   183.) 

On  appelait  chevaliers  errants  les 
chevaliers  qui  voyageaient  pour  ré- 
parer les  torts,  pour  protéger  les 
dames,  les  faibles,  les  opprimés,  ou, 
seulement,  pour  chercher  aventure. 

Ne  savoit 

Le  ternie  puisqu'il  avoit 
Herbergié  chevalier  errant. 
Qui  aventure  alast  querant. 

[Le  Chevalier  au  Lion  k  la  tuile  du  Tournoiement 
de  PAaléchnsl.f.l^l.) 

EscHAPER,  prés,   de   l'inf.  L.  de 


Guill.  §  xxxviii.  On  trouve  ^assez 
souvent  escamper  pour  échapper 
dans  nos  anciens  auteurs,  et  notam- 
ment dans  Villehardouin.  En  ita- 
lien, scampare.  Ces  verbes  signifient 
proprement  se  sauver  du  champ  de 
bataille;  ils  ont  été  formés  de  ex 
campo,  comme  décamper  a  été  fait 
de  de  campo. 

EscHUiT,  3*  pers.  sing.  prés,  de 
l'ind.  L.  de  Guill.  §  xlv.  Du  verbe 
eschuir,  esquiver,  éviter. 

Warde  por  ce  k'il  puist  eschuir  lo  pc- 
cfiiet.  (Saint  Bernard,  cité  dans  Roquefort, 
art.  Eschuir.) 

Cnstodiamquidem,  ut  possit  cavere  pec- 
catum. 

(Voir  Esquiver  parmi  les  mots 
d'origine  germanique ,  chap.  m , 
sect.  II.) 

EscoNDiRAD,  3^  pers.  sing.  fut. 
L.  de  Guill.  §  xvi;  Escondie,  3°  pers. 
sing.  prés,  du  subj.  ibid.  §§  xvii, 
L.  Du  verbe  escondirj  disculper, 
justifier,  excuser;  en  basse  latinité, 
excondicere,  excondire,  escondire; 
composés  de  ex,  de  cum  et  de  dicere. 
On  trouve  également  exdicere,  avec 
le  même  sens,  dans  du  Cange.  La 
signification  première  de  ces  verbes 
est  celle  de  dife  quelque  chose  pour 
pallier  une  faute,  pour  détruire  une 
fausse  inculpation,  pour  réfuter  une 
fausse  accusation.  (Voir  ci-après  un 
exemple,  art.  Juise.) 

Se  un  home  se  clame  d'un  autre  home 
de  couvent  qu'il  11  a  fait,  et  il  en  a  deus 
guarens  qui  li  garenlissent  ce  qu'il  li  de- 
mande, celui  est  tenus  par  dreit  de  rendre 
li  ce  qu'il  li  ot  en  couvent;  et  se  celuy  qui 
se  clama  n'en  a  garens ,  celui  de  cui  il 
c'est  clamés  s'en  deit  eseondire  de  couvent 
par  un  sairemcnt.  {Atsises  de  lérus.  t.  If, 
p.  83.) 


150 


PREMIÈKE  PARTIE. 


Li  chevaliers  s'en  e-icondit. 
Et  dist  ke  néant  n'en  savoit. 

{Dolopalhos,  p.  SI7.) 

Escus,  L.  de  Guill.  §  xxn.  Bou- 
clier, écu;  de  scutum. 

Escus,  part.  (Voir  Escut.) 

EscussiuN,  L.  de  Guill.  §  vi.  Ré- 
cupération ,  recouvrement.  (  Voir, 
pour  l'origine,  l'article  Escut  qui 
suit.)  Escussiun,  dans  le  pasage  dont 
il  s'agit,  signifie  le  recouvrement  du 
bétail  qui  a  été  mis  en  fourrière  par 
suite  des  dégâts  qu'il  faisait  dans  la 
campagne. 

EsccT,  3«  pers.  sing.  prés,  de  l'ind. 
L.  de  Guill.  §  vi  ;  Escus,  part,  passé 
pass.  ibid.  §  vi.  Du  verbe  escarre, 
retirer  quelque  chose  des  mains  de 
quelqu'un,  récupérer,  recouvrer. 

Ces  ki  aled  furent  a  escurre  la  preiè  od 
David.  {Livre  des  Rois,  p.  117.) 

David  el  jur  escust  la  preie,  e  quanque 
li  Amalechite  en  ourent  ported.  (Ibid. 
p.  116.; 

Ben  le  quiderent  aver  escuz. 
Si  corerent  fermer  les  us 
Et  els  desturber. 

(  Vie  de  S.  T/um.  de  Cant.,  p.  495.) 

En  basse  latinité,  excutere,  excus- 
sare  avaient  la  même  signification. 
On  trouve  dons  la  bonne  latinité 
excutere^oxir  arracher  quelque  chose 
des  mains  de  quelqu'un,  retirer  avec 
violence. 

Calidumque  trientem 
Excutil  e  manibus. 

(Perte,   sat.   ti.) 

Au  xiii^  siècle  on  employait  plus 
souvent  rescurre,  rescourre^  rescore, 
d'où  le  substantif  rescoiwse.  En  basse 
latinité  rescutere,  rescourre,  rescus- 
sa,  rescousse. 

EsKOLTET,  part,  passé,  S"*  Eulal. 


v.  5.  Du  verbe  eskolter,  écouter;  de 
auscultare. 

Messe  e  matines  ad  li  reis  escuitet. 

{Cians.  de  Roland,  xi,  t. 8.) 

Li  emperere  s'estut,  si  VescuUat. 

{lild.,  «t.  CMT,T.7.) 

EsLEVERA,  3«  pers.  sing.  fut.  L. 
de  Guill.  §  xLi.  Du  verbe  eslever, 
élever,  de  elevare ,  exlevare.  Esle- 
ver  tort,  porter  tort. 

EspÉ.  (Voir  Spede.) 

EspoDSE,  L.  de  Guill.  §  xiv. 
Épouse,  de  sponsa. 

EspcRJERAi,  1""«pers.  sing.  du  fut. 
L.  de  Guill.  §  xxxviii.  Espurge,  3« 
pers.  sing.  prés,  du  subj.  ibid.  § 
XLvin.  Espurget,  item.  ibid.  §  l. 
Du  verbe  espurger,  purger,  purifier. 
S'espurger  signifie  se  purger  d'une 
accusation,  d'un  crime,  se  justifier, 
se  disculper,  de  expurgare,  dont  les 
Latins  se  sont  servis  dans  la  même 
acception. 

Li  baillis  de  Boorges  feis  inquisicion  sur 
la  vile  de  Boorges  ;  il  prist  les  choses  à 
deux  borgois  qu'il  trova  mal  renomez,  por 
ce  qu'il  ne  se  voudrent  espurger  droite-  ' 
ment.  (Livre  de  Joslice,  p.  21.) 

Et  s'il  i  purreit  demurer 
Un  jur  e  une  nuit  entière, 
E  par  ci  revenir  arere. 
Tut  serreit  netz  de  ses  péchiez. 
Et  de  ses  meffaiz  espurgiez. 

(Marie  de  France,  t.  II,  p.  434.) 

Est,  3«  pers.  sing.  prés,  de  l'ind. 
L.  de  Guill.  §  iv  ;  Sunt,  Sont,  3« 
pers.  plur.  prés,  de  l'ind.  ibid.  § 
xxxix;  Eret,  3^  pers.  sing.  imparf. 
de  l'ind.  S'*  Eulal.  v.  12;  Er,  r« 
pers.  sing.  fut.  Serm.  ii;  Ert,  3« 
pers.  sing.  fut.  L.  de  Guill.  §  iv; 
Erum,  3«  pers.  plur.  fut.  iUd.  § 
XIII  ;  Fut,  3*  pers.  sing.  passé  défini 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  V. 


15J 


de  l'ind.  S*"  Eulal.  v.  1,11;  FuiST. 
item,  L.  de  Guill.  §  n;  Sit,  Supers, 
sing.  prés,  du  subj.  Scrm.  i;  Seit, 
tient, L.  de  Guill.  §  m;  Fust,  3»pers. 
sing.  imparf.  du  subj.  ibid.  §  i. 
Furet,  3^  pers.  sing.  passé  de  l'ind. 
forme  que  notre  langue  a  perdue, 
S'*  Eulal.  V.  18.  Dérivés  de  est, 
sxmt,  eratj  ero,  erit,  erunt,  fuit,  sit, 
fuisset,fuerat,  qui  sont  les  formes 
correspondantes  du  verbe  esse.  (Voir 
l'origine  des  formes  du  verbe  être 
dans  le  tome  III  de  cet  ouvrage, 
p.  247-255.) 

Le  dernier  mot  du  second  Ser- 
ment a  fort  embarrassé  les  éditeurs, 
les  traducteurs  et  les  commentateurs. 
Ils  auraient  pu  être  mis  sur  la  voie 
s'ils  avaient  fait  attention  que,  dans 
le  serment  correspondant  fait  en 
langue  tudesque,  ce  dernier  mot  se 
trouve  rendu  par  wirdhic,  mis  pour 
toirdhe  ic  {  Ero  ego  )  ;  en  allemand 
werde  ich.  Quant  à  la  forme  er,  on 
la  retrouve  encore  au  xii®  siècle,  et 
l'on  peut  en  voir  un  exemple  dans  la 
Chronique  des  ducs  de  Normandie , 
parmi  les  variantes  de  cette  chroni- 
que tirées  d'un  manuscrit  de  la  bi'- 
bliothèque  de  Tours. 
Amis  me  seiez  e  aidables. 
El  j'os  {sic,  je  vos)  fer  par  tut  socurabtes; 
Seum  mais  un  en  amor  fine, 
Leiaus,  durable  et  enterrine. 

(CAroM.  det  ducs  du  Norm.,  t.  1,  p.  U9.  Pour  lu 
variante  qu'offre  la  ceconj  v«r<,  voir  t,  Ilf, 
p.  406,  col.  3,  I.  3.) 

Du  reste,  er  vient  régulièrement 
de  ero,  comme  ert,  erunt,  qui  sont 
dans  les  lois  de  Guillaume,  viennent 
de  erit,  erunt. 

(Voir  Vi  pour  d'autres  éclaircisse- 
ments sur  le  passage  en  question.) 

EsTED,  part,  passé,  L.  do  Guill. 


§  XVI,  Seront,  3«  pers.  plur.  fut. 
Formes  du  verbe  être,  dérivées  de 
stare.  (Voir  tom.  III,  p,  445-455.) 

EsTRANGES,  L.  de  Guill.  §  xxvii. 
Pluriel  de  estrange,  étranger;  de  ex~ 
traneus. 

EsTUVERAD,  L.  de  Guill.  §  xxvii. 
Le  môme  que  Stuverad.  (  Voir  ce 
mot.) 

Et,  conj.  Serm  i,  ii  ;  9**  Eu- 
lal. v.  28;  L.  de  Guill.  tÛre;  E, 
item,  S'«  Eulal.  v.  11  ;  L.  de  Guill. 
§§  I,  II ,  m,  et  passim.  Et,  du  la- 
tin et. 

EvESQUE,  L.  de  Guill.  §  xx,  Évé- 
que  ;  de  episcopus,  qui  lui-même  est 
dérivé  du  grec  éutuxoTtoç ,  qui  (veille 
sur,  gardien^  inspecteur,  évêque. 

EvESQuÉ,  L.  de  Guill.  §  i.  Église 
qui  est  le  siège  d'un  évêché,  cathé- 
drale; de  episcopatus ,  dérivé  de 
episcopus.  (Voir  l'article  précédent.) 

EwE,  L.  de  Guill.  §  xvii.  Eau; de 
aqua.  On  trouve  dans  nos  anciens 
auteurs  les  formes  suivantes  déri- 
vées toutes  de  ce  même  primitif  latin: 
aiqm,  aiguë,  egue ,  awç,  ave,  orne, 
ewe,  eve,  eawe,  eauwe,  iawe,  iave, 
aau,eau.  (Voir  ces  mots  dans  le  glos- 
saire de  Roquefort.)  On  peut  suivre 
la  route  qu'a  parcourue  aqfita  pour  ar- 
river, par  des  altérations  successives, 
à  notre  substantif  français  eau. 
Trois  de  ces  anciennes  formes  nous 
ont  laissé,  comme  souvenir  de  leur 
passage  dans  notre  langue,  des  dé- 
rivés qui  sont  encore  actuellement 
en  usage.  Aiguë  nous  a  donné  ai- 
guière ;  ÈvE,  évier,  et  auve  auvent, 
(Voyez  t.  II,  p.  118.) 

Et  si  cvesque  les  eves  beneissent, 
Moincnl  païen  entresqu'al  bapiisterir. 

(Chntis.  dt    notnnd,   5t.  rx.Lxiiii.) 


15^2 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Froide  eve  et  chaude  a  demandée. 

[Dolopothos,  p.  68.) 

Ezo,  adject.  démonst.  masc.sing. 
S'*  Eulal.  V.  21  ;  Iceo,  item,  L.  de 
Guill.  §  XXV  ;  Iço,  item,  ihid.  §xliv; 
Geo,  item,  ihid.  §§  i,  xxv;  Ç,o,item, 
§§  II,  xLiv;  Cho,  item,  ibid.  §  xii; 
Che,  item,  ihid.  §  xli;  Ce,  item  , 
idib.  §  II.  Ce,  cela.  Pour  l'origine 
latine  de  ces  adjectifs,  voir  t.  III, 
p.  48^194. 

On  doit  lire  dans  S'*  Eulalie  :  «  A 
ezo  no  s'voldret  concreidre  li  rex  pa- 
giens.  »  Le  roi  païen  ne  voulut 
point  se  fier  à  cela.  C'est  a  tort  que 
M.  Willeras  a  lu  mzo  en  un  seul 
mot.  Les  formes  aezo,  aizo,  aisso, 
appartenaient  à  la  langue  d'oc,  mais 
elles  n'étaient  point  en  usage  dans 
la  langue  d'oïl.  Ezo  n'est  autre  que 
iço,  qui  est  dans  les  lois  de  Guill. 
§  XLiv,  et  que  l'on  trouve  dans  la 
Chanson  de  Roland,  st.  ix,  v.  4,  et 
dans  le  Livre  des  Rois,  p.  3,  37, 
1 29,  i  33  et  passim.  (Voir  plus  haut 
l'article  Concreidre.) 

Faire, prés,  de  l'inf.  S'*  Eulal.  v. 
4;  L.  de  Guill.  §§  viii,  xxxiii;  Fist, 
3"^  pers.  sing.  passé  défini  de  l'ind. 
ihid.  §  XI  ;  Fra,  3^  pers.  sing,  fut. 
ibid.  §  xLi;  Facet,  3^  pers,  sing. 
prés,  du  subj.  ibid.  §  xxxiii;  Fazet^ 
item,  Serra,  i  ;  Faced,  item,  L.  de 
Guill.  §  xxxv  ;  Face,  item,  ibid.  §  v; 
Facent,  3"  pers.  piur.  prés,  du  subj, 
ibid.%  xxxiii;  Feisse,  1"pers.  sing. 
imparf.  du  subj.  ibid.  §  xxxviii; 
Fait,  part,  passé  passif^  ibid.  §§  i, 
v.  Dérivés  de  facere. 

La  forme  fazet,  qui  se  trouve  dans 
le  premier  Serment,  est  la  même 
que  facet,  que  Ton  voit  dans  les  lois 
de  Guillaume,  §  xxxm.  Le  z  était 


fort  souvent  substitué  au  c  doux, 
prononcé  s.  Un  même  paragraphe 
nous  offre  force  et  forze  avec  la 
même  signification,  lois  de  Guil- 
laume^ §  XIX  ;  on  trouve  rezoit  pour 
reçoit  dans  le  Livre  de  Job,  p.  449. 

Faus,  L.  de  Guill.  §§xv,  xli.  Faux; 
de  falsus. 

Femme,  L.  de  Guill.  §|  xix,  xxxi; 
Feme,  ibid.  §  xxxi  ;  Famme,  ihid.  % 
xxxv.  Defemina. 

Feste,  L.  de  Guill.  |§  xxxii.  Fête  ; 
de  festum. 

Fiée,  L.  de  Guill.  §§  xvii^  xui  ; 
Foiz,  ibid.  §§  xlii,  xliii  ;  Feis,  ibid. 
§  XLIII.  Ces  mots  ont  la  même  si- 
gnification que  veie.  (Voir  ce  der- 
nier.) 

Figure,  S'«  Eulal.  v.  25.  De  ^- 
gura. 

File,  L.  de  Guill.  §  xxxvii.  Fille  ; 
de  filia. 

Fiu,  L.  de  Guill.  §  m.  Fief.  On 
trouve  écrit  fiu  dans  plusieurs  en- 
droits de  la  Chronique  des  ducs  de 
Normandie,  et,  entre  autres,  t.  1, 
p.  37.  (Voir  Fief,  parmi  les  mots 
d'origine  germanique ,  chant  m , 
sect.  Il,) 

Folie,  L.  de  Guill.  §  xxxix.  Folie, 
sottise,  extravagance,  action  dérai- 
sonnable, faute.  (Voir  Fou,  parmi 
les  mots  d'origine  celtique,  ch.  ii , 
sect.  II.) 

Force.  (Voir  forze.) 

Forfait,  subst.  L,  de  Guill,  §§  i, 
IV,  XX,  XLIII.  FoRVAiz,  plur.  ibid. 
§  m.  Ces  mots  signifiaient  crime, 
délit,  et,  par  extension ,  condamna- 
tion encourue  pour  un  crime  ou  un 
délit;  dans  un  sens  particulier,  ils 
se  prenaient  pour  amende  pécu- 
niaire. Eu  basse  latinité  :  forisfac- 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SEGT.  V. 


tumj  forifactum,  forefactum,  ont 
également  ces  mêmes  acceptions. 
Ces  mots  sont  composés  de  foris^ 
ou  foras,  et  de  factum  ;  le  forfait 
est  une  action  qui  est  faite  en  dehors 
des  lois  de  la  justice,  de  la  morale. 

Forfait^  part,  passé,  L.  de  Guill. 
§§  II,  XIX,  xLi.  Du  verbe  for  faire, 
qui  signifia  d'abord  commettre  un 
crime,  un  délit,  et  ensuite  être  pas- 
sible d'une  peine,  d'une  amende, 
pour  un  crime,  un  délit,  être  con- 
damné ;  dans  ce  sens,  il  dérive  im- 
médiatement de  /'or/'mY,  condamna- 
tion, amende.  (Voir  ce  mot  à  l'arti- 
cle précédent.)  En  basse  latinité, 
forisfacere  a  également  les  deux  si- 
gnifications. Ce  verbe  est  composé 
de  foris  ou  foras  et  de  facere  ;  c'est 
faire  quelque  chose  en  dehors  des 
lois  de  la  justice,  de  la  morale. 

Forfaiture,  L.  de  Guill.  §§  xvii , 
xLi.  Forfaiture,  crime  commis  par 
un  vassal  centre  son  seigneur,  pré- 
varication d'un  officier  public,  et 
principalement  d'un  juge ,  contre  le 
devoir  de  leurs  charges.  Ce  mot  si- 
gnifiait également  l'amende  à  la- 
quelle était  condamné  celui  qui  s'était 
rendu  coupable  de  forfaiture;  c'est 
le  sens  qu'il  a  dans  le  §  xvii.  En 
basse  latinité,  forifactura  a  ces  deux 
mêmes  acceptions.  (Pour  l'origine, 
voir  les  deux  articles  précédents.) 

FoRJUGE,  3®  pers.  sing.  prés,  de 
l'ind.  L.  de  Guill.  §  xxxix.  Du  verbe 
forjuger,  dépouiller  quelqu'un  d'un 
droit,  d'une  propriété,  par  sentence 
judiciaire,  déposséder.  En  basse  la- 
tinité forisjudicare,  forjudicare,  dé- 
rivés de  foris  ou  foras  et  de  judi- 
rare;  c'est  juger  qu'une  personne 
doit  être  mise  hors  de  la  propriété 


153 

dont  elle  en  possession.  (  Voir  du 
Cange,  Forisj'udicare.) 

A  toz  (Deus)  pramet  e  si  fall  don, 
(Kar  issi  est  dreiz  e  raison), 
Que  tuit  li  bien  seront  meri, 
E  tuit  ii  mal  espanoï  ; 
Del  bien  aura  cist  son  luer, 
Ne  l'vout  mie  Deus  forsjugier. 

{Chron.  des  duct  de  Norm,,  I.  II,  fi.  359.) 

Povres  persones,  povre  gent, 
Por  lor  povre  conlenement 
iS'esteieint  de  lui  raespreisié, 
Ne  à  tort  mené  ne  forsjugié. 

{Ibid.t.  II,  p.  193.) 

Fors,  adv.  et  prép.  L.  de  Guill. 
§§  xxviii,  xxxviii.  Hors;  de  foras. 

FoRZE,  L.  de  Guill.  §  xix.  Force, 
ibid.  Force,  substantif  formé  de  l'ad- 
jectif fort,  qui  dérive  de  fortis. 

Fou ,  S'"  Eulal.  V.  19.  Feu;  de  fo- 
cus,  foyer,  âtre.  Feitr  a  dû  cette  dé- 
rivation à  une  métonymie  du  conte- 
nant pour  le  contenu  ;  on  a  pris  Ten- 
droit  où  l'on  fait  le  feu  pour  le  feu 
lui-même.  Par  une  métonymie  toute 
contraire ,  celle  du  contenu  pour  le 
contenant,  nous  nous  servons  aujour- 
d'hui de  feu  pour  signifier  l'endroit 
où  l'on  fait  le  feu,  le  foyer,  la  che- 
minée. Plaque  de  feu.  Garniture  de 
feu.  Je  cherche  un  appartement  où 
il  y  ait  trois  feux.  (Voir  t.  II,  p. 
229.) 

Fbadre,   Fradra,  Serm.    i,   ii. 
Frère;  de  frater.  fratris. 
-    Franc  plege.  (Voir  Plege.) 

Franchise,  L.  de  Guill.  §§  iii,xli. 
Franchise,  prérogative,  privilège. 
Substantif  dérivé  de  l'adjectif  franc. 
(Voir  celui-ci  parmi  les  mots  d'ori- 
gine germanique,  chap.  m,  sect.  ii.) 

Frans,  L.  de  Guill.  §  m.  Franc, 
libre.  (Voir  Franc  parmi  les  mots 


154 


PUEMIÈIIE  PARTIE. 


d'origine  germanique,  ch.  m,  sec- 
lion  II.) 

Freceis,  L.  de  Guill.Sxxvi.  Fran- 
çais. Il  n'est  pas  rare  de  trouver  dans 
nos  anciens  auteurs  les  formes  fra- 
ceis,  freœis,  dans  lesquels  l'n  a  été 
supprimé.  On  trouve  de  même  en- 
freit,  %  XXX,  tandis  qu'on  lit  cnfraint, 
au  paragraphe  i. 
Fraceis  sunt  luz  verset,  ne  se  poent  tenir. 

(  Vog.  de  Chartem.  à  Jér.,  v.  S88.) 

Le  même  mot  est  écrit  deux  fois 
franceis  quelques  vers  plus  bas. 
Beaucoup  de  consonnes  étaient  fai- 
blement prononcées,  ou  ne  l'étaient 
point  du  tout,  lorsqu'elles  étaient 
suivies  d'autres  consonnes  d'un  or- 
dre différent. 

(Pour  l'étymologie  de  français, 
voir  Franc  parmi  les  mots  d'origine 
germanique,  chap.  m,  section  ii.) 

Freiks,  L.  de  Guill.§§xxH,  xxiii. 
Pluriel  de  frein ,  dérivé  de  frenum. 

Fruissier,  prés,  de  l'inf.  L.  de 
Guill.  §  XVII.  Fruisse,  3"  pers.  sing. 
prés,  de  l'ind.  ibid.  §  m.  Briser, 
rompre,  faire  effraction,  forcer,  en- 
freindre. 

Vas  11  avez  tuz  ses  chastels  toluz, 

Od  voz  caables  avez  fruiset  ses  murs, 

Ses  citez  arses  e  ses  humes  vencuz. 

{CAanj.  de  Roi.,  si.  XTI,  7.) 

Si  r  fiert  en  l'elme  ki  gemmet  fut  ad  or, 
Fruisset  l'acer  e  la  teste  e  les  os. 

{Ibid,,  «t.  CLxriu) 

Ce  verbe  àénveàefrendere,  fren- 
do,  fresmm,  dont  le  composé  infren- 
dere  nous  a  donné  enfreindre. 

FuiST,  3^  pers,  sing.  prés,  de  l'ind. 
L.  de  Guill.  §  l.  Fuiet,  3*=  pers. 
sing.  prés,  du  suhj.  Ste  Eulal.  v.  14. 
Fui,  part,  passé,  L.  de  Guill.  §  iv. 
Fuie,  item,  ibid.  Du  verbe  fair,  dé- 
rivé de  fv{jerc. 


Fut,  Fust  ,  Fuist.  Furet.  (Voir 
Est.) 

Gainurs,  L.  de  "Guill.  §  xxxiii. 
Pluriel  de  gainur,  colon,  cultivateur, 
serf  de  la  glèbe.  (Pour  l'étymologie, 
voir  Gain,  Gagner,  parmi  les  mots 
d'origine  germanique,  ch .  in^  sect.  n .  ) 

Garant,  L.  de  Guill.  §  xxv.  \Va- 
RANT,  item,  ibid.  Garant.  Substan- 
tif, formé  du  verbe  garantir.  (Voir 
Guérir  parmi  les  mots  d'origine  ger- 
manique, chap.  m,  sect.  ii.)  Dans 
les  S  XLV  des  Lois  de  Guillaume 
warant  signifie  protecteur,  défen- 
seur, celui  qui  garantit;  guarant  a 
le  môme  sens  dans  les  vers  suivants  : 

Franceis  sunt  bon,  si  fcrrunt  vassalment  ; 
J'acil  d'Espaigne  n'averunt  de  mort  guarani. 

{ChaHS.  de  Roland,  si.  Lxxxiii.) 

Gendre,  L.  de  Guill.  §  xxxvii;  de 
gêner. 

Gettèrent.  (Voir  Jethed.) 

Grand,  S"  Eulal.  v.  18;  de  gran- 
dis. 

Grentat,  3^  pers.  sing.  passé  dé- 
fini de  l'ind.  L.  de  Guill.  titre.  Du 
verbe  grenier  ou  granter,  garantes, 
garandir,  cranter,  craanter,  crean- 
ter;  en  basse  latinité  creantare,  cran- 
tare,  grantare,  formés  du  part,  pré- 
sent credens,  entis.  Le  verbe  latin  et 
le  verbe  français  signifient  égale- 
ment donner  créance,  confiance,  as- 
surance; assurer  à  quelqu'un  le 
maintien,  la  conservation,  la  pro- 
priété ou  l'exécution  de  quelque 
chose. 

Nous  evesques  et  dus  devant  dis  devons 
jurer  seur  sains,  on  creanteir  par  nous 
fois  (notre  foi)  ke  nous  prcnderons  preu- 
(lomnies  et  loiaus.  (Chron.  de  Jan  Va>i 
H«7?<,  publiée  par  M.  Willems,  p.  424.1 
Robert  fu  en  la  Sainte  Terre. 
U  mult  so  pena  de  bien  fere  ; 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SEGT.  V.  V, 


E,  par  ceo  k'il  fu  pruz  e  sage, 
Dex  li  granla  son  héritage. 

{Chron.   atiglo-normandt,  i.J,  p.  |00.) 

Seignors,  uncore  vos  preiereie.... 
Que  vos  granteisseis  ceste  palz  ; 
Ne  voll  que  la  guerre  durt  mais. 

(  Cknn.  de$  duct  de  Normandie,  t.  II,  p.  305.) 

Gros,  L.  de  Guill.  §  vi.  (Voir  Gros 
parmi  les  mots  d'origine  germa- 
nique, ch.  III,  sect.  n.) 

Halbert,  L.  de  Guill.  §  rxiv,  Hal- 
BERS,  plur.  ibid.  §  xxii.  Haubert. 
(Voir  celui-ci  parmi  les  mots  d'ori- 
gine germanique,  ch.  m,  sect.  n.) 

Hange,  L.  de  Guill.  §  xn.  Haine. 
Pour  l'étymologie,  voir  haïr,  haine, 
parmi  les  mots  d'origine  germa- 
nique, ch.  III,  sect.  II. 

Hange  était   probablement    pro- 
noncé avec  le  son  gn  mouillé;  nous 
l'écririons  aujourd'hui  hagne. 
Pieça,  dit-il,  que  commença 
La  discorde  qui  mult  dura, 
L'ire  mortex  et  li  haange  ; 
Comment  q'à  la  parfin  en  prange 
Encontre  nous  Bretons,  Englois 
De  guerroier  somes  tôt  frois. 

(Rom.  de  Brut.,  t.  II,  p.  386.) 

Haume,  L.  de  Guill.  §  xxiv.  Hau- 
MES,  plur.itîrf.  §  XXII.  Heaume.  (Voir 
Helme  parmi  les  mots  d'origine 
germanique,  ch.  m,  sect.  ii.) 

Haur,  subst.  masc.  L.  de  Guill. 
§§  XI,  XVI.  Haine,  rancune.  Dérivé  du 
verbe  haïr.  (Voir  celui-ci  parmi  les 
mots  d'origine  germanique,  ch.  m, 
sect.  II.) 

Seignors,  jo  fui  en  l'ost  avoec  l'empereur; 
Serveie  le  par  feid  et  par  amur  ; 
RoUans  sis  nies  me  coillit  en  haur, 
Si  me  jugat  a  mort  e  a  dolur. 

{CluiHi.  de  RM.,  «t.  cciixi».') 

Hemfare,  mot  anglo-saxon.  (Voir 
les  Lois  de  Guillaume,  p.  97,  §  i  et 
note  3.) 


HoM,  HoN,  HoM,  signifiant  on 
(Voir  Ora.) 

Home,  L.  de  Guill.  §§  i  et  n. 
Hoem  ,  ibid.  §  m.  Hom  ,  ibid. 
§  XLVi.  Homme;  de  homo. 

HoNouRS,  L.  de  Guill.  §  xii.  Plur. 
de  honour,  honneur;  dérivé  de 
honor. 

HuNDRED,  mot  anglo-saxon.  (Voir 
les  Lois  de  Guillaume,  p.  415, 
note  6.) 

IcELLES,  adj.  démonst.  fém.  sing. 
L.  de  Guill.,  titre.  Içous,  adj.  dém. 
masc.  plur.  ibid.  §  xli.  (Pour  l'ori- 
gine latine  de  ces  adjectifs,    voir 
tome  III,  p.  185-489.) 
IcEO,  Iço.  (Voir  Ezo.) 
IcEZ,  adj.  démonst.   masc.  plur. 
L.  de  Guill.  §  ii,  (Pour  l'origine 
de  cet  adjectif,  voir  t.  III,  p.  186- 
190.) 

Ici.  (Voir  Issi.) 

Il,  pron.  pers.  de  la  3«pers.  masc. 
sing.  sujet,  Serm.  i;  L.  de  Guill.  §  i, 
et  passim.  Ill,  item,  ibid.  §  vu. 
El,  item,  S'*  Eulal.  v.  13.  Lo,  item, 
compl.  Serm.  ii.  Lv:,item,  L.  de  Guill. 
§  IV,  et  passim.  Li,  item,  Serm.  ii; 
L.  de  Guill.  §§  xlvi,  xlviii,  l,  et 
passim.   Lui,  item,  ibid.  dans   le 
titre  et  passim;  S"'  Eulal.  v.  28. 
Elle,  pron.  pers.  de  la  3»  pers.  fém. 
sing.  sujet,  S"  Eulal.  v.  5,  6, 17,  etc. 
Ell,  item,  ibid.  v.  1 5.  La,  item, 
comi^Ubid.  v.  3, 4,  etc.  ;  L.  de  Guill. 
§  XIX.  Li,  item.  S'"  Eulal.  v.  13,  22. 
Lei,  item,  ibid.  v.  13.  Lui,  item, 
L.dc  Guill.  §  XIX.  Il,  pron.  pers.  de  la 
3« pers.  plur.  sujet,  L.  de  Guill.  §  xxxii. 
Les,  compl.  item,  ibid.  §  xvi.  Els, 
item,  ibid.  §  ix.  Parmi  ces  pronoms, 
les  uns  sont  sujets,  les  autres  sont 
compléments.  De  ille,  illa,  ilhm,illi. 


156 


PREMIÈRE  PARTIE. 


illos.  (Voir  l'arlicle  des  prenons  dans 
le  tome  III,  p.  156  et  suivantes. 

Le  manuscrit  de  S'*  Eulalie,  v.  1 3, 
porte  el  ;  M.  Willems  a  eu  tort  de 
substituer  un  i  à  la  place  de  Ve. 
C'est  de  cette  forme  el  qu'est  venu 
le  féminin  elle  et  le  pluriel  els ,  qui 
se  trouve  dans  les  Lois  de  Guillaume, 
§  IX.  Cet  els  est  devenu  exvx,  que 
nous  avons  conservé.  Le  glossaire 
de  Roquefort  fait  mention  de  el 
pour  n. 

Iloc,  adv.  L.  de  Guill.  §  xxxii. 
Là  ;  de  illm,  pour  lequel  on  trouve 
illoc  dans  les  comiques  latins. 

In,  prép.  Serm.  i;  S'*  Eulal. 
v.  25.  En,  Hem,  ibid.  v.  6,  19; 
L.  de  Guill.  §§  i,  ii,  in,  xu  et  pas- 
sim.  En,  dans;  du  latin  in. 

Le  copiste,  à  qui  nous  devons  le 
manuscrit  de  Nitard,  a  écrit  partout 
in  dans  les  serments  ;  seulement  il 
est  à  remarquer  que,  la  première 
fois  que  cette  proposition  s'est  pré- 
sentée sous  sa  plume,  il  a  été  tenté 
d'écrire  en  avant;  il  y  a  eu  même 
de  sa  part  un  commencement  d'exé- 
cution; mais,  s'apercevant  sans 
doute  que  l'original  qu'il  copiait 
portait  in,  il  a  transformé  en  i  son  e 
inachevé  en  le  traversant  d'un  trait 
vertical,  ainsi  qu'on  peut  le  voir 
dans  le  fa^  simile. 

Inimi,  S'*'  Eulal.  v.  3.  Ennemi; 
de  inimicus. 

Int,  adv.   Serm.  u.  En,  item, 
L.  de  Guill.  §§  iv,  l.  En,  de  inde. 
On  écrivait  souvent  ent  au  xii?  siècle. 
(Voir  t.  III,  p.  302.) 
lo.  (Voir  £o.) 

Isi,  adv.  L.  de  Guill.  §  vr.  Ainsi, 
de  in  sic. 
Ço  respunt  Guenes:  issi  seit  cum  vos  plaisi 

[Cfiant.  de  Rot.,  xlv,  »  I,  ) 


Issi,  adv.  L.  de  Guill.  §xxv.  la, 
ibid.  §§  XLi,  XLU.  Ici.  (Pour  l'ori- 
gine latine  de  cet  adverbe,  voir  t.  III^ 
p.  306. 

IsT,  adj.  démonsl.  masc.  sing. 
Serm.  i.  Ce,  cet;  de  iste.  (Voir  1. 111, 
p.  185-190.) 

Ja,  adv.  L.  de  Guill.  §  vi.  Déjà; 
de  jam. 

Jethed,  3«  pers.  sing.  .prés,  de 
l'ind.  L.  de  Guill.  §  xxxviii.  Jettai, 
I"'®  pers.  sing.  passé  défini,  ibid. 
Getterent,  3®  pers.  plur.  passé  dé- 
fini, S'*  Eulal.,  v.  1 9.  Du  verbe  je- 
ter; dérivé  àù  jactare,  fréquentatif 
de  jacere. 

Jo.  (Voir  Eo.) 

José,  L.  de  Guill.  §  vu.  Chose. 
(Voir  Cosa.) 

Jugement,  L.  de  Guill.  §§  xv,  xxv. 
Jugement,  loi,  législation,  droit.  En 
basse  latinité  judicium  avait  les 
mêmes  acceptions.  (Voir  celui-ci 
dans  le  glossaire  de  du  Cange.)  Ju- 
gement est  formé  du  verbe  juger , 
dérivé  de  judicare.  Dans  le  §  xxv 
des  Lois  de  Guillaume  le  jugement 
de  Engleterre  signifie  la  législation 
d'Angleterre,  le  droit  anglais,  comme 
dans  les  vers  suivants  le  jugement 
de  Rome  signifie  la  législation  dé 
Rome,  le  droit  romain  : 

Morir  doit  à  tel  dehonor 
Qui  traist  son  loial  signor, 
Selonc  le  jugement  de  Rome. 

(Dolopolhohp.  31.) 

Juger,  prés,  de  l'inf.  L.  de  Guill. 
§  xv;  JucENT,  3^  pers.  plur.  prés,  de 
l'ind.  ibid.  §xli;  Jugied,  part,  passé 
pass.mase.  sing.  ibid.  §xxv;  Jugée, 
part,  passé  pass.  fém.  sing.  ibid. 
§  xxxv.  De  judicare. 

JuiSE,  L.  de  Guill.  §§  xvi,  xvir. 


GHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.   V. 


loi 


Jugement  de  Dieu,  épreuve  à  la- 
quelle on  soumettait  l'accusé,  et  qui 
avait  lieu  au  moyen  du  duel,  de 
l'eau,  du  fer  rouge,  etc.  En  basse 
latinité  juisium,  dérivé  de  judicium. 

Est-il  voir  de  ce  qu'il  dient  de  toi,  que  tu 
l'aies  enci  ocis  sur  ton  corps  défendant  ? 
Et  celuy  respond  bien  :  «  Voirs  est-il  enci 
comme  il  dient,  et  encore  le  dis-ge  ;  et 
de  ce  en  trais-je  Dieu  a  garant.  »  La  rai- 
son juge  et  coumande  ensl  »  juger  que , 
puisqu'il  en  traist  Dieu  a  garant,  qu'il  en 
doit  porter  le  juise;  et  se  il  est  sauf  dou 
juise,  si  det  estre  quite,  par  dreit,  de  celuy 
murtre,  sans  mais  respondre  nient  a  nuluy 
qui  de  ce  le  voisist  appeller.  Mais  c'il  n'en 
est  quite  dou  juise,  la  raison  juge  qu'il  doit 
estre  tantost  pendus,  sans  nul  délai.  Quia 
homo  in  examine  divini  judicii  positus  aut 
liberaluT  aut  condcmnalur  nutu  Dei.  {Ass, 
de  Jérusalem,  t.  II,  p.  217.) 

Dans  le  voyage  de  Charlemagne  à 
Jérusalem,  la  reine  sa  femme  laisse 
échapper  quelques  paroles  inconsi- 
dérées, dont  elle  ne  tarde  pas  à  se 
repentir;  et,  pour  prouver  qu'elle 
n'a  point  eu  l'intention  d'offenser 
l'empereur,  elle  propose  de  s'en  re- 
mettre au  jugement  de  Dieu  en  se 
précipitant  de  la  plus  haute  tour  de 
Paris. 

Je  m'escundirai  jà,  se  vus  le  cumandez, 
A  jurer  serement  u  juise  a  porter  : 
De  la  plus  haulte  tur  de  Paris  la  citez 
Me  lerrai  cuntreval  par  créance  dévaler. 
Que  pur  vostre  hunte  ne  fud  dit  ne  pensed. 

(  Yoy.  de  Charlem.  à  Jér.,  t.  34.) 

Voyez  un  autre  exemple  dans  Do- 
lopathos,  p.  158.  Le  jugement  der- 
nier est  appelé  le  Deu  juise  dans  la 
Chanson  de  Roland,  st.  cxxix  et  le 
jor  du  juyse ,  dans  Rutebeuf,  t.  I, 
p.  96. 

Juise  à  treis  duhles,  L.  de  Guill. 
§   xvn.    Épreuve   du  jugement   de 


Dieu  trois  fois  plus  forte  que  celle 
à  laquelle  on  soumettait  ordinaire- 
ment l'accusé.  Si,  par  exemple,  l'é- 
preuve simple  consistait  à  porter  un 
fer  rouge  pesant  une  livre,  l'accusé 
soumis  au  triple  juise  devait  en  por- 
ter un  pesant  trois  livres.  (Voir,  à 
cet  égard,  le  glossaire  de  du  Gange, 
art.  Lada.) 

Jurât,  3®  pers.  sing.  prés,  de  l'ind. 
Serm.  ii;  Jurra,  3^  pers.  sing.  du 
futur;  L.  de  Guill.  §  xvi.  Du  verbe 
jurer,  dérivé  de  jurare. 

Karlo  jurât,  voir  ci-après  l'article 
Servir. 

JuRN,  L.  de  Guill.  §  xui;  Jur, 
ibid.  §  iv;  Jours,  pluriel,  ibid.  §  iv. 
Jour,  journée;  dérivé  de  l'adjectif 
diurnum ,  sous  -  entendu  tempus  , 
comme  hiver,  matin  ont  été  fait  do 
hibemum,  matutinum  (tempus). 
(Pour  le  changement  de  d  enj,  voir 
t.  II,  p.  97.) 

Justice,  L.  de  Guill.  §§  ii,  iv,  etc. 
De  justiàa. 

Kar,  conj.  L.  de  Guill.  §§  xxv, 
xxvii.  Car,  àequare.  (Voir  t.  III, 
p.  389.) 

La,  Lo,  Li,  Lui,  Lu,  Les,  art. 
(Voir  Le.) 

La,  pron.  (Voir  II,  pron.) 

Laist.  (Voir  Leist.) 

Laist,  Lait.  (Voir  Lazsier.) 

La,  adv.  L.  de  Guill.  §  xxv.  (Pour 
l'origine  latine,  voir  t.  III,  p.  295.) 

Larecin,  L.  de  Guill.  §§  iv,  xxxi,  etc. 
Larcin;  de  latrocinium. 

Laroun,  L.  de  Guill.  §§  iv,  xxxi. 
Larun,  ibid.  §§  iv,  v.  Larron;  de 
latro,  latronis. 

Launces,    L.   de   Guill.   §  xxii. 
Lance.  (Voir  celui-ci  parmi  les  mots' 
d'origine  celtique,  ch.  u,  sect.  u.) 


158 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Lazsier^  prés,  (le  l'inf.  S"-'  Eulal. 
V.  24;  Laist,  3«  pers.  sing.  prés,  de 
l'ind.  ibid.  v.  28  ;  Leit,  item,  L.  de 
Guill:  §  XLVin;  LmY,  3^  pers.  sing.  du 
près,  du  subj.  iUd.  §xlvii.  Laisser; 
de  laxare,  lâcher,  relâcher,  laisser 
aller. 

Le,  art.  masc.  sing.  L.  de  Guill. 
§§  ut,  IV,  V,  et  passim  ;  Li,  item, 
S'«  Eulal.  V.  21  ;  L.  de  Guill.  §§xxv, 
XLV  ;  Lui,  item,  ibid.  §  xvii  ;  Lo, 
item,  S'e  Eulal.  v.  40,  14,  15,  etc. 
Lu,  L.  de  Guill,  §§  ii,  xxv  ;  La,  art. 
fém.  sing.  S'"  Eulal.  v.  10,  23;  L. 
de  Guill.  §§  1,  Ti,  IV,  v,  et  passim  ; 
LE,item,  ibid.  §§  m,  xxxii,  xlv;  Li, 
art.  plur.  S'"  Eulal.  v.  3  ;  L.  de 
Guill.  §  XLV  ;  Les,  S'«  Eulal,  v.  5  ; 
L.  de  Guill.  §§  i,  m,  iv,  et  passim  ; 
Dérivés  de  ille,iUa,illum,illi,  illos. 
(Voir,  pour  plus  de  détails,  le  passage 
relatif  à  l'article,  t.  III,  p.  95-1 01 .) 

Parmi  ces  différentes  formes  de 
l'article,  on  doit  remarquer  les  sui- 
vantes : 

Lui.  (Voir  un  exemple  dans  le 
Voyage  de  Charlemagne  à  Jérusa- 
lem, V.  778.) 

Lu.  Exemples  de  cette  forme  dans 
la  Chronique  de  Jord.  Fantosme,  p. 
587,  st.  cxLvi;  dans  le  Voyage  de 
Charlemagne  à  Jérusalem,  v.  235. 

Le,  art.  fem.  Exemples  de  l'em- 
ploi de  cette  forme  :  Marie  de  Fran- 
ce, t.  I,  p.  564;  Roman  de  la  Vio- 
lette, p.  76;  Théâtre  français  au 
moyen  âge,  p.  124, 125  et  passim; 
Fallût,  Recherches,  p,  39. 

Le,  Lei  ,  Les,  pron.  (Voir  J/ ^ 
pron.) 

Leals,  L.  de  Guill.  §  xvi.  Pluriel 
de  îeal,  loyal,  qui  agit  conformé- 
ment à  la  loi,  à  sa  parole,  à  son  en- 


gagement. De  legalis,  formé  de  lex, 
legis. 

Lealté,  L.  de  Guill.  §  xvi.  Loyau- 
té, substantif  formé  de  l'adjectif 
leal.  (Voir  Leals.) 

Lei,  L.  de  Guill.  §  xli;  Leis,  plu- 
riel, ibid.  dans  le  titre.  Loi,  justice, 
droit;  de  lex. 

Plenerlei,  serment  que  l'on  pronon- 
çait en  se  servant  d'une  formule 
simple  prescrite  par  la  loi.  (Voir  ci- 
après  l'article  Plener.) 

Leist,  3«  pers.  sing.  prés,  de  l'ind. 
L.  de  Guill.  §  xxiii.  Laist,  item, 
ibid.%xsx\\\.  Il  est  permis,  il  est  loi- 
sible ;  de  licet. 

Leit.  (Voir  Lazsier.) 

Lever,  prés,  de  l'infin.  L.  de 
Guill.  §  xxv.  Lever,  enlever,  de  le- 
vare. 

Li,  pron.  (Voir  II,  pron.) 

Lige,  L.  de  Guill.  §  xxiv.  L'homme 
lige  ou  vassal  lige  était  celui  qui 
s'était  obligé,  par  serment,  d'aider 
et  de  servir  son  seigneur  envers  et 
contre  tous.  De  son  côté  le  seigneur 
jurait  de  protéger  et  de  défendre 
son  vassal  contre  quiconque  entre- 
prendrait de  l'attaquer  ou  de  le  mo- 
lester, et  il  était  appelé  seigneur 
lige,  comme  ce  passage  des  lois 
de  Guillaume  nous  en  fournit  un 
exemple. 

Lige  vient  de  ligius  adjectif  de 
basse  latinité,  qui  avait  la  même  si- 
gnification. Il  est  probable  que  le  g 
de  ligius  fut  d'abord  prononcé  dure- 
ment (^itms).  Ce  mot  est  formé  de 
ligare,  dont  on  fit  égalementle  subs- 
tantif liga .  Celui-ci  nous  a  donné 
ligue,  traité  par  lequel  deux  ou  plu- 
sieurs personnes  se  lient  entre  elles 
pour  arriver  à  un  but  qu'elles  se 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  V 


proposent  en  commun.  Le  seigueur 
et  le  vassal  liges  étaient  liés  l'un 
envers  l'autre  par  la  foi  qu'il  s'é- 
taient mutuellement  jurée. 

Esse  tenebatur  liomo  ligius  atque  fidelis, 
El  tanqnara  domino  jurande  jure  ligarl, 

{Ga'iW.  le  Bntoa,  Philippide.  Ht.  II.) 

Ipsis  nnllius  fondi  ratione  ligatus. 

(Uid.,  Ut.  m.; 

L'idée  exprimée  en  latin  par  Guil- 
laume le  Breton  est  également  ren- 
due en  français  par  Guillaume 
Guiart  : 

Puis  après  envolèrent  querre 

Le  fllz  au  roi  cil  d'Engleterre.... 

Qui  en  celui  reaume  furent, 

A  seigneur  lige  le  reçurent  ; 

Par  leur  foiz  a  lui  se  lacierent. 

{Branche  des  royaux  lignages,  t.  I,  p.  314.) 

Du  verbe  ligare  on  forma  égale- 
ment UGANTiA^  LiGENTiA,  en  français 
ligance,  ligence  ;  comme  de  movere 
on  fit  MOVENTiA^  mouvence ,  autre 
terme  de  droit  féodal. 

S'il  vaint,  il  aura  la  ligance 
De  tôt  le  roiaume  de  France. 

{PartOHOpeus  de  Bloii,  T.  2811.) 

Voyez  Guy-Pape,  décis.  309;  Ni- 
colas Upton,  De  militan  offlcio , 
chap.  xviii,  et  le  glossaire  de  du 
Gange,  art.  Ligius,  ligantia,  liga. 

Livre,  L.  de  Guill.  §  iv,viu;  Live- 
RE,  ibid.  §§  m,  iv.  Livre,  unité  moné- 
taire ;  de  libra,  unité  de  poids  chez 
les  Romains.  Pendant  le  moyen  âge 
,  on  régla  l'unité  de  monnaie  sur  l'u- 
nité de  poids,  de  façon  qu'un  cer- 
tain nombre  de  sous  pesant  une  li- 
vre formaient  la  monnaie  du  compte, 
que  l'on  appela  également  livre. 

LouR,  adj.  poss.  de  la  3^  pers. 
plur.  L.  de  Guill.  §  xxxvm;  Lur, 
itenij  ibid.  Lor,  itenij,  ibid.  Leur;  de 
illùmm.  (Voir  t.  ÏU,  p.  181-184.) 


159 

LouR,  pron,  pers^  de  la  3«  pers. 
du  plur.  L.  de  Guill.  §  xxxii.  Leurj 
deillorum.  (Voir  t.  III,  p.  161.) 

Lui,  pron.  (Voir  II,  pron.) 

LuiN,  adv.  L.  de  Guill.  §  xlii. 
Loin,"  de  longe. 

LuNC,  L.  de  Guill.  §  xiii.  Long; 
de  longus. 

Maent,  3«pers.  sing.prés.  dcl'ind. 
S'«  Eulal.  V.  6.  Meinent,  3«  pers. 
plur.  prés,  de  l'ind.  L.  de  Guill.  § 
XIII.  Maindra,  3*=  pers.  sing.  fut. 
ibid.^  m.  Du  verbe  niaemr,mai7ier.. 
meiner,  demeurer,  de  manere. 

Maille,  L.  de  Guill.  §  iv.  An- 
cienne petite  monnaie  qui  valait  or- 
dinairement un  demi -denier.  La 
maille  était  de  forme  quadrangu- 
laire,  et  ressemblait  assez  à  une 
maille  de  filet,  en  latin  macula;  de 
là  le  nom  qui  fut  donné  à  cette  es- 
pèce de  monnaie,  selon  l'opinion  de 
Clérac,  de  Ménage,  de  Borel  et  du 
P.  Labbe. 

Main,  L.  de  Guill.  §§  i,  iv;  Mein, 
ibid.  §  xiii.  Mains,  pluriel,  i6id.§  IV. 
Main,  de  manus. 

Lorsque  la  justice  déférait  le  ser- 
ment à  un  accusé  pour  quelque  cas 
grave,  il  n'était  point  admis  à  jurer 
seul,  ce  qu'on  appelait  jurer  avec  sa 
seule  main  ;  mais  il  fallait  que  un 
ou  plusieurs  hommes  vinssent  con- 
firmer son  serment  par  un  autre  ser- 
ment. Ceux-ci  juraient  tous  ensem- 
ble qu'ils  étaient  convaincus  que 
l'accusé  était  digne  de  foi  et  que, 
par  conséquent,  son  témoignage  de- 
vait être  conforme  à  la  vérité.  C'est 
ce  qu'on  appelait  jurer  avec  sa  main 
et  une  autre  main;  jurer  avec  sa 
main  troisième,  quatrième,  cinquiè- 
me, sixième,  etc.  (Voir  les   lois  de 


160 


Guillaume,  §§  iv,  xvi,  xvii,  l;  la  loi 
des  Alemanni,  ch.  vi;  la  loi  des 
Lombards,  liv.  II,  tit.  LV,  §  ix;  les 
lois  de  Henri  I«r,  roi  d'Angleterre, 
ch.  Lxiv,  Lxvi,  Lxvii;  et  le  glossaire 
de  du  Gange ,  articles  Juramentum 
et  Adramire.) 

Maisoun,  L.  de  Guill.  §  xxxvii. 
Maison;  de  mansio,  mansionis. 

Mals,  S''  Eulal.  V.  5.  Pluriel  de 
mal  mauvais,  méchant;  de  malus. 

Manatce,  S'«  Eulal.  v.  8.  Menace. 
(Voir  des  exemples  de  manace  dans 
le  Roman  de  Rou,  v.  9306;  dans  le 
Livre  des  Rois,  p.  290,  et  dans  la 
Ghronique  des  ducs  de  Normandie, 
t.  I,  p.  200;  t.  III,  p.  231  et  277.) 
Ce  mot  dérive  de  minatiœ,  que  l'on 
trouve  employé  pour  wimo?  dans  plu- 
sieurs passages  de  Plante,  et,  entre 
autres,  dans  Miles  gloriosus,  act.  IV, 
se.  II,  V.  2.  Gicéron  s'est  servi  de 
minatio  pour  menace,  action  de  me- 
nacer. 

Mande,  3«  pers.  sing.  impér.  L. 
de  Guill.  §  xLv.  Du  verbe  mander, 
donner  ordre,  donner  avis,  sommer 
quelqu'un  de  faire  quelque  chose,  de 
mandare. 

Marc,  L.  de  Guill.  §xviii;  Mars, 
pluriel;  ibid.  §xxvi.  Marc,  monnaie 
de  compte.  Le  marc  n'était  primiti- 
vement  qu'un  poids  de  la  valeur 
d'une  demi-livre;    comme  on  s'en 
servait  pour  peser  l'or  et  l'argent, 
marc  fut  employé  pour  désigner  une 
certaine  somme  égale  d'abord  à  la 
valeur  d'une  demi-livre  de  métal- 
mais,  dans  la  suite,  la  valeur  nomi- 
nale du  marc,  devenu  monnaie  de 
compte,  varia  selon  les  temps  et  se- 
lon les  pays.   (Voir  ci-dessus  l'ar- 


PREMIÈRE  PARTIE. 


ticle  Livre,  ainsi  que  le  glossaire 
de  du  Gange,  article  Marca.) 

(Pour  l'étymologie,  voir  Marc, 
poids,  parmi  les  mots  d'origine  ger- 
manique, ch.  III,  sect.  II.) 

Marchied,  L.  de  Guill.  §  xxv. 
Marché;  de  mercatus,  place  où  l'on 
vend,  marché. 

Me,  pron.  pers.  de  la  3«  pers. 
sing.  Serm.  i;  Mi,  item,  ibid.  Me, 
moi,  servant  de  complément  indi- 
rect. Me,  pour  le  datif  mihi,  était 
déjà  usité  chez  les  Latins.  «  Si  quid 
me  fuerit  humanius.  -•>  (Ennius, 
liv.  II.)  «  Quid  fiât  me  nescio.  » 
(Plante,  Miles  glor.  act.  II,  se.  m.) 
On  peut  voir  encore  plusieurs  autres 
exemples  dans  cet  auteur,  entre  au- 
tres Merc.  act.  II,  se.  ii;  Capt. 
act.  III,  se.  iv;  Aul.  act,  IV.  se.  vi; 
Cure.  act.  III,  se.  i. 

Meillur,  adj.  au  comparât.  L.  de 
Guill.  §  XXIX.  Meilleur;  de  melior. 

Meis,  L.  de  Guill.  §§  iv,  xliv.  Mois  ; 
de  mensis. 

Melz,  adv.  S'"  Eulal.  v.  1 6.  Mieux, 
plutôt;  de  melius. 

Melz  voeill  mûrir  que  huntage  me  venget. 

{CImns.  de  Roland,   «t.  Lxxiiv.) 

Membre,  L.  de  Guill.  §  i.  De 
membmm.  Dans  ce  paragraphe  des 
Lois  de  Guillaume,  ainsi  que  dans 
les  citations  suivantes,  le  raoimembre 
a  trait  à  la  mutilation,  c'est-à-dire 
au  supplice  par  lequel  on  coupait  au 
condamné  un  ou  plusieurs  membres. 

Se  il  avenoit  ke  personne  seculers  mef- 
fesit  meffait  ou  il  afferist  paine  de  mon  ou 
de  menbre,  li  couviers  de  le  court  devant 
dite  le  delivreroit ,  fuers  de  la  court  vint 
pies,  au  conte  ou  à  siergans  pour  faire  jus- 
tice. (Cartulaires  de  Hainaut,  publiés  par 
M.  de  Reiffenberg,  p.  420.) 


CHAP.  I,  ÉLÉiMENT  LATIN.  SEGT.  V. 


161 


De  tous  cas  de  mordre,  de  rath  et  Je 
arsin,  et  de  tous  autres  cas  desquels  exé- 
cutions de  mort  ou  de  membre  perdre  se 
doit  ensivre....  (/iîi.,  p.  408.) 

Menestier,  S"  Eulal.  v.  4  0.  Ser- 
vice; Beo  menesf  ter,  service  de  Dieu, 
De  rninisterium ,  qui  se  disait  de 
tout  travail  fait  pour  servir  ou  aider 
quelqu'un,  office,  emploi,  service. 
Au  XII*  et  au  xm^  siècle.  Dm  mestier 
s'employait  pour  désigner  le  service 
divin,  la  messe . 

Puis  sont  aie  aj.  moustier 
Si  oïrent  le  Diu  mestier. 

(Roman  de  la  YiuletU,  p.  86,  «.  1730.) 

Meos,  adj.  possess.  Serm.  ii; 
Meon,  iterrij,  Serm.  i.  Mon.  Le  pre- 
mier est  dérivé  du  nominatif  meus, 
et  le  second  de  l'accusatif  meum. 
(Voir  t.  TU,  p.  173-176.) 

Merchenelae,  mot  anglo-saxon. 
(Voir  les  Lois  de  Guillaume,  p.  97, 
1 1  et  note  2.) 

Mercit,  S'®  Eulal.  v.  27;  Mercie, 
L.  de  Guill.  §  xu.  De  merceSj  mer- 
cedis,  prix.  Le  paragraphe  des  Lois 
de  Guillaume  que  je  viens  de  men- 
tionner porte  :  «  Qui  droit  jugement 
refuserad,  seit  en  la  mercie  de  sa 
laxlite.  »  Ce  passage  nous  met  sur 
la  voie  pour  découvrir  l'origine  des 
expressions  être  à  la  merci  du  vain- 
queur ,  avoir  merci  du  vaincu.  Pour 
les  conquérants  germaniques,  être 
à  la  merci  du  vainqueur  signifiait 
en  être  réduit  à  subir  la  loi  du  vain- 
queur qui,  pour  prix  du  rachat,  im- 
posait à  son  ennemi  le  payement  du 
wergeld  ou  were,  ainsi  qu'on  lit 
dans  les  Lois  de  Guillaume.  Avoir 
merci  du  vaincu,  c'était  recevoir  du 
vaincu  le  prix  de  son  rachat.  Dans 


les  siècles  suivants,  nous  retrouvons 
encore  des  traces  de  l'origine  de  ces 
expressions  dans  le  nom  des  reli- 
gieux qui  se  consacraient  au  rachat 
des  captifs,  et  que  l'on  appelait  frères  ■ 
de  la  Merci. 

Mère,  L.  de  Guill.  §  i.  Mère;  de 
mater. 

Merra,  3"  pers.  sing.  fut.  L.  de 
Guill.  §  IV.  Forme  syncopée  pour 
mènera,  du  verbe  mener,  dérivé  de 
minare,  que  les  Latins  ont  employé 
dans  la  même  signification  :  «  Nos 
duos  asinos  minantes,  baculis  exi- 
gunt.»  {Apulée, Métamorph. liv. IIL) 
Ce  verbe  se  trouve  avec  la  même 
signification  dans  Ausone  et  dans 
Paul  Diacre,  abréviateur  de  Festus. 
(Voir  Ménage,  article  Mener.) 

Mes,  adv.  L.  de  Guill.  §xi.  Moins; 
de  minus. 

Mes,  adv.  L.  de  Guill.  §  xlv.  Mes, 
joint  à  la  négation  ne,  équivaut  à 
ne. . .  jamais  ;  il  vient  de  magis. 
(Voir  Jamais,  t.  III,  p.  308.) 

Mes,  adv.  L.  de  Guill.-  §  vi.  Dans 
cet  endroit,  mes  que  signifie  bien 
que,  encore  que,  quand  même; 
quelquefois  le  que  est  sous-entendu, 
comme  dans  les  vers  suivants  : 

Dune  dist  Henris  :  De  cest  trésor 
Mais  11  denier  en  fussent  d'or, 
Cum  le  dei-je  aveir  ne  prendre. 
Si  je  n'en  ai  o(i  jeu  despende, 

i^Chron.  de»  ducs  de  Norm.,  t.  III,  p.  386.) 

En  provençal  on  dit  encore  mai 
que  dans  le  même  sens,  et  les  mots 
mes  qu'il  i  oui  cent  almaille  seraient 
rendus  par  mai  que  l'i  agessé  cent 
grosses  bestis.  Cet  adverbe,  en  pro- 
vençal comme  en  ancien  français, 
est  dérivé  de  magis.  Mes  que  était 
une  expression  elliptique  équiva- 


r 


11 


462 


PREMIÈRE  PARTIE. 


lent  à  supposa  de  plus  que,  ou 
autre  semblable. 

Mesfeist,  3^  pers.  sing.  passé  déf. 
L.  de  Guill.  §  n.  Du  verbe  mesfaire, 
faire  du  mal,  faire  du  tort,  méfaire  ; 
composé  du  latin  facere  et  du  pré- 
fixe mes,  dérivé  de  la  langue  des 
Francs,  ainsi  qu'on  peut  le  voir 
dans  la  liste  des  mots  d'origine 
germanique,  ch.  m,  sect.  n.  (Voyez 
un  exemple  de  mefaire  ci-dessus, 
art.  Membre.) 

Mesmes,  adj.  indéf.  plur,  L.  de 
Guill.  dans  le  titre;  Meimes,  item, 
ibid.  §  xxvii.  Mêmes.  (Pour  l'ori- 
gine latine  de  cet  adjectif,  voir 
t.  III,  p.  144.) 

Metted,  L. de  Guill.  §  xxxi.  Meité, 
ibid.  §  XIII.  Moitié;  de  medietas. 

Mettrad,  3«  pers.  sing.  du  futur; 
L.  de  Guill.  §§  xii  et  xxv;  Mist, 
3®  pers.  sing.  passé  déf.  ibid.  §  i  ; 
Metted,  3=  pers.  sing.  prés,  du  sub- 
jonctif, ibid.  §  xxviii;  Mis,  part, 
passé  passif,  ibid.  §  m.  Du  verbe 
mettre,  dérivé  de  mittere,  que  l'on 
trouve  avec  une  signification  ana- 
logue  dans   quelques    auteurs   des 
derniers  siècles  de  la  latinité.  Lac- 
tance  se  sert  de  mittere  dans  le  sens 
de  poser,   synonyme  de   mettre  : 
«  Per  omnes  provincias  et  civitates 
jEcclesiae  fundamenta  miserunt.  » 
(De  mortibus  perseeutor.  II.)  Le 
même  auteur  se  sert  du  verbe  po- 
nere  dans  une  autre  phrase  toute 
semblable  :  «  Discipuli   vero   per 
provincias  dispersi  fundamenta  JEc- 
clesiae  ubique  posuerunt.  »   {Instit. 
liv.  IV,  ch.  XX.)  César  et  Ovide  ont 
employé  mittere  sub  pour  mettre 
sous,  soumettre. 
Mie,  subst.  formant  avec  ne  une 


locution  adverbiale  négative.  L.  de 
Guill.  §  xxv.  Dérivé  de  mica.  (Pour 
l'origine  de  cette  locution  et  d'autres 
semblables,  voir  t.  III,  p.  340- 
342.) 

Mort,  subst.  S"  Eulal.  v.  28. 
L.  de  Guill.  §  xxiv.  Dérivé  de  mors, 
mortis. 

Mort,  3*  pers.  sing.  prés,  de 
l'ind.  L.  de  Guill.  §  xxxv.  Du  verbe 
morir,  mourir;  dérivé  de  mori,  au- 
quel on  a  ajouté  un  r  final  pour  ren- 
dre la  terminaison  analogue  à  celle 
de  tous  les  verbes  de  notre  seconde 
conjugaison.  (Voir  ci-après  Persuir.) 
Mort,  adj.  masc.  L.  de  Guill. 
§  xxv.  De  mortuus. 

Morte,  part,  passé  fém.  sing. 
S"  Eulal.  V.  18.  De  mortua. 

Dans  ce  passage  de  la  cantilène, 
mourir  est  un  verbe  pronominal  : 
s'  furet  morte  est  pour  se  furet 
morte.  Plusieurs  verbes  neutres 
devinrent  pronominaux  dans  notre 
langue;  on  disait  se  dormir  {Livre 
des  Rois,  p.  34),  se  douloir,  se  ror 
mentevoir,  se  penser,  se  cuider,  etc. 
Nous  disons  encore  se  taire,  se  la- 
m£iiter,  se  douter,  se  rire,  s'en  aller, 
s'en  venir,  s'enfuir,  etc.  Ce  même 
verbe  mourir  a  conservé  sa  forme 
pronominale  dans  une  acception 
particulière  :  nous  disons  se  mourir 
pour  être  sur  le  point  de  mourir. 
Chacun  connaît  ces  paroles  de  l'o- 
raison funèbre  de  la  duchesse  d'Or- 
léans :  «  Madame  se  meurt.  Madame 
est  morte.  »  Ce  verbe  est  également 
employé  pronominalement  en  langue 
d'oc  et  en  espagnol.  (Voyez  t.  III, 
p.  490.) 

Qaandios  visquet  ciel  reis  Lotbier 
Bien  tiouorez  fut  sancz  Lethgicrs. 


CHAP.  I,  ÉLÉMEiNT  LATIN.  SECT.  V. 


Il  se  fut  mors;  damz  I  fud  graiiz, 
Cio  controverent  baron  franc. 

(  Vie  de  saint  Léger,  atropbo  ix.) 

MuLTE,  L.  de  Guill.  §  xix.  Amen- 
de; de  multa. 

MuRDRE,  L.  de  Guill.  §  XXVI.  Meur- 
tre. (Voir  celui-ci  parmi  les  mots  d'o- 
rigine germanique,  ch.  m,  sect.  ii.) 

MuSTER,  L.  de  Guill.  §§xvn  et  xxvi. 
Ce  mot  signifia  d'abord  un  monas- 
tère, puis  une  église.  Les  grands 
monastères  avaient  une  église  ou- 
verte à  tous  les  fidèles,  et  ceux-ci, 
donnant  à  la  partie  le  nom  du  tout, 
appelèrent  moustier  l'endroit  du 
moustier  où  ils  avaient  l'habitude 
d'aller  remplir  leurs  devoirs  reli- 
gieux. Ce  mot  est  dérivé  de  monaste- 
rium,  qui  vient  lui-même  du  grec 
|jiovaffT:^pt&v,  solitude,  formé  de  \lo- 
vadxf,;  solitaire,  dérivé  de  (jovdÇw, 
vivre  seul,  racine  [aovo;,  seul,  qui  a 
également  donné  (jiovaxô;,  solitaire, 
moine,  monachus. 

MusTRED,  part,  passé  passif,  L.  de 
Guill.  §  vu;  MusTRENT,  3«  pers.  plur. 
prés,  de  l'ind.  ibid.  §  xlv.  Du  verbe 
mustrerj  montrer;  de  monstrare. 

'N  pour  on.  (Voir  l'article  Si,  adv.) 

'N  pour  en,  L.  de  Guill.  §§  vi  et 
XLix.  (Voir  un  exemple  ci-après  à 
l'article  Oram  et  une  observation 
art.  Ne.  Pour  l'origine,  voir  En,  ci- 
dessus.) 

Car  mult  i  a  de  el  a  parler  ; 
'  Mais  qui  *re  voidra  saveir  la  fln , 
Si  lise  Pline  u  Augustin. 

(C/iron.  dei  duci  de  Nom.,  t.  1,  p.  9.) 

Cette  aphérèse  de  en  est  plus  com- 
mune dans  la  langue  d'oc  que  dans 
la  langue  d'oïl.  (Voir  M.  Raynouard, 
Grammaire  romane,  p.  133.)  Ces 
mots  du  paragraphe  vi,  tant  'n  i  ait. 


463 

mes  qu'il  i  ont  cent  almaille,  seraient 
rendus  en  provençal  tant  que  'n  i 
agué,  mai  que  l'i  agesse  cent  grosses 
bestis. 

La  même  tournure  de  phrase  se 
retrouve  dans  le  Livre  des  métiers  : 

Ilom  de  dehors  Paris  qui  vient  a  Paris 
porter  harenc,  si  doivent  du  harenc  a  col 
j.  harenc ;■«  tant  n'en  i  ara;  mais  de  mains 
d'un  cent  ne  doit  noiant.  [^Livre  des  mé- 
tiers., p.  286.) 

Naïf^  L.  de  Guill.  §  xxxtii.  Natif; 
de  nativus.  On  appela  serf  naïf  ou 
bien  serf  natif  celui  qui  était  né 
serf,  qui  était  attaché  à  la  glèbe  pour 
le  distinguer  de  celui  qui  avait  perdu 
sa  liberté  ou  qui  l'avait  aliénée  vo- 
lontairement. (Voir,  à  cet  égard,  les 
Lois  anglo-normandes  de  Houard, 
t.  II,  p.  93.) 

Si  pensa  ke  muez  li  venoit.... 
Soufrir  honte  en  autre  paîs 
Q'en  celui  dont  il  iert  naïs. 

(DolofM'hut,  p.  170.) 

I.  moult  riche  home  ot  el  pals, 
Etcilestoit  ces  (ses)  serf  nais. 

(Ibid.,  p.  S49.) 

Nam,  L.  de  Guill.  §  xlii.  Gage 
déposé  par  le  débiteur  dans  une  cour 
de  justice  ou  bien  entre  les  mains 
d'un  tiers.  (Voir  Nam  parmi  les  mots 
d'origine  germanique,  ch.  m,  sect.  ii.) 

Ne,  adv.  nég.  Serm.  n;  S'*  Eulal. 
V.  5  et  7;  L.  de  Guill.  §  iv  et  <pas- 
sim;  Ned,  S'*  Eulal.  v.  7;  Nen,  L. 
de  Guill.  §§  m ,  XLiii  et  xlv.  Dérivé 
de  nec. 

Dans  les  §§  xliu  et  xlvii  des  Lois 
de  Guillaume,  ne  est  est  explétif  de 
l'adjectif  nul.  (Voir,  à  cet  égard, 
t.  III,  p.  145,  note.) 

On  doit  remarquer  les  formes  ned 
et  nen  employées  devant  un  mot  qui 
commence  par  une  voyelle;  c'est  ne 


464 


PKEMIÈKE  PAUTIE. 


auquel  on  a  ajouté  un  d  ou  un  « 
euphonique.  Je  ne  connais  pas  d'au- 
tre exemple  du  premier,  mais  on 
peut  en  citer  beaucoup  du  second  : 

Il  nen  ad  joie  en  cest  mund, 
Qui  nen  ot  le  laustic  chanter. 

(Marie  de  France,  t.  1,  p.  3iO.) 

Karles  l'entant,  ne  dist  nen  o  ne  non- 

(Geran  de  Viane,  r.  1596.) 

Nerij  dans  les  manuscrits,  est  sou- 
vent pour  ne  en,  et  l'on  doit  alors  le 
représenter  par  ne  'n,  ainsi  que  le 
font  les  éditeurs  des  textes  romans. 
Mais  il  leur  arrive  généralement  de 
se  servir  de  cette  môme  notation 
lorsque  nen  est  pour  ne  avec  un  n 
euphonique.  C'est  avoir  mal  inter- 
prété le  texte.  Je  trouve  mon  obser- 
vation confirmée  par  Falot,  p.  533, 
art.  En  pour  ne. 

On  ajoutait  de  même  un  n  eupho- 
nique à  si  et  à  aussi,  pour  en  faire 
sin,  aussin.  (Voir,  plus  loin,  l'ar- 
ticle Si,  adverbe.) 

Nef,  L.  de  Guill.  §  xxxvin.  Na- 
vire; de  Navis. 

Nen.  Voir  Ne. 

Nez,  part,  passé  passif,  L.  de  Guill. 
§  xiii.  Né;  de  natus. 

Swittc  ceo  que  il  est  nez,  selon  la 
condition  dont  il  est  d'après  sa  nais- 
sance. 

Nom,  S"  Eulal.  v.  U;  Noun,  L. 
de  Guill.  §  XVI.  De  nomen. 

NoMER,  prés,  de  l'inf.  L.  de  Guill. 
§  XXV ;  NoMERAD,  3®  pcrs.  sing.  fut. 
ibid.  §  xxv;  Nomed,  part,  passé  pas- 
sif sing.  ibid.  §  xvi;  Només,  part, 
passé  passif  plur.  ibid.  §§  xvi  et  xvii. 
De  nominare, 

Homes  només.  Si  le  serment  était 
déféré  à  une  personne  pour  quelque 
cas  grave,  il  fallait  que  un  ou  plusieurs 


hommes  vinssent  confirmer  son  ser- 
ment par  un  autre  serment.  Tantôt 
ces  hommes  devaient  être  choisis 
par  celui  auquel  le  serment  était  dé- 
féré, et  alors  ils  étaient  appelés  ho- 
mines  advocati;  tantôt  ils  devaient 
être  désignés  par  la  partie  adverse, 
et  dans  ce  cas  ils  étaient  appelés  ho- 
mines  nominati.  Ce  sont  les  homes 
només  mentionnés  dans  les  paragra- 
phes XVI  et  XVII  des  Lois  de  Guil- 
laume. 

Et  cum  XII  sacramenlalibus  juret,  cum 
V  nominatis  et  vu  advocatis.  (Lex  Alaraan- 
norum,  tit,  LUI.) 

Cum  XII  nominatis  juret  et  aliis  tantis 
advocatis,  {Ibid.  tit.  XXIV.) 

Cum  XXIV  sacramentalibus  nominatis  ju- 
ret in  altari.  (Lex  Bajwariorum ,  tit.  VI, 
§  n.) 

On  appelait  de  même  terme  nomé 
un  terme  désigné,  une  époque  dé- 
terminée d'avance  : 

Se  uu  home  prent  une  maison  en  guage 
d'un  autre  liome  on  d'une  feme  por  xx.  be- 
sans  ou  por  c.  besans  ou  por  m.  besans  , 
jusque  à  un  terme  noumé^  par  devant  la 

cort et  puis,  quant  vient  an  terme,  il 

ne  le  veut  paier {Ass.  de  Jérusalem, 

t.  H,  p.  37.) 

Il  était  ordinairement  nécessaire 
de  présenter  un  plus  grand  nombre 
d'hommes  qu'il  ne  devrait  en  être 
admis  à  jurer,  parce  que  la  partie 
adverse  avait  le  droit  d'en  récuser 
plusieurs.  Dans  une  charte  de 
Waldemar,  roi  de  Danemarck,  de 
4163,  rapportée  par  Resenius  dans 
Jusaulimm  Canuti  II régis,  p.  642, 
on  lit  :  «  De  homicidio  autem  istud 
statuimus^  ut  reus  in  generali  pla- 
cito  trahatur  in  causam,  et  in  se- 
cundo placito  actor  nominet  xv  de 
provincia  rei,  de  quibus  illi  conce- 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  V. 


165 


dihius  très  excipere .  »  Dans  ce  cas, 
l'accusateur  devait  en  nommer 
quinze,  sur  lesquels  l'accusé  pouvait 
en  récuser  trois,  ce  qui  réduisait  le 
nombre  à  douze.  Le  chapitre  lxvi 
des  lois  de  Henri  I",  roi  d'Angle- 
terre, porte  :  «  Vel  ita  se  allegiet  : 
nominentur  ei  xiv  et  acquirat  ex  eis 
undecim,  »  c'est-à-dire  que  l'accu- 
sateur en  nommait  quatorze ,  parmi 
lesquels  l'accusé  en  choisissait  onze . 
Dans  les  paragraphes  xvi  et  xvii  des 
Lois  de  Guillaume,  c'est  l'accusé 
qui  doit  présenter  quatorze  hommes, 
parmi  lesquels  onze  seulement 
doivent  être  admis  à  jurer  avec  lui, 
qui  fait  le  douzième  :  «  s'en  escon- 
dirad  sei  dudzime  main.  »  Sans 
doute  c'était  l'accusateur  qui,  dans 
ce  cas,  avait  le  droit  de  récuser 
trois  hommes  sur  les  quatorze  pré- 
sentés par  l'accusé. 

(Voir  plus  haut  l'article  Main,  et 
dans  le  glossaire  de  du  Gange  l'arti- 
cle Juramentum.) 

Serment  nomed.  (Voir  ci-après 
l'article  Sagrament .) 

NoN,adv.nég.Serm.  ii;  S'^Eulal. 
V.  9,  10,  20,  etc.  NuN,  Serm.  ii; 

NouN,  L.  de  Guill.  |  xvi,  etc.  No, 

S'«  Eulal.  V.  20  et  21.   Du  latin 

non. 
NoNQUE.  (Voir  Nunquam.) 
Nos,   pron.   pers.   de  la  Impers. 

plur.  Ste  Eulal.  v.  26  et  28  ;  Nous, 

item,  L.  de  Guill.  §  xli  ;  Nus,  ibid. 

S  XLiv.  Nous;  du  latin  nos. 

NosTRo,    Serm.    i.    Notre;    de 

noster. 

Nuis,  L.  de  Guill.  §  xlvi.  Nuit;  de 

nox,  noctis. 

Nuls,  adj.  indéf.  masc.  sing.  L. 

de  Guill.  §  xxxiii  ;  Nul,  item. ,  ibid. 


§§  XXXIV  et  XLV,  NuLui;  item,  ibid. 
§  xxxiv;  NuLLA,  adj.  indéf.  fém. 
sing.  Serm.  ii.Nul,  nulle;  de  nullus, 
nulla. 

Dans  les  paragraphes  xxxiv  et 
XLV,  nul  n'est  pas  employé  dans  un 
sens  négatif,  mais,  au  contraire,  il 
l'est  dans  un  sens  positif,  et  signifie 
quelque,  quelqu'un.  (Voir  t.  III, 
p.  1 45,  note.)  Saint  Bernard  fait  un 
fréquent  usage  de  nul  dans  le  môme 
sens. 

Et  qui  seroit  nuls  ki  osast  dire  k'ele  por 
ceste  imperfection  ne  duist  venir  a  salve- 
teil  ?  {Choix  de  serm.  p.  544.) 

Nunquam,  adv.  Serm.  i;  Nonque, 
S"  Eulal.  v.  13.  Jamais,  accompa- 
gné d'une  négation;  de  nunquam. 
M.  Hoffmann  de  Fallersleben  n'au- 
rait pas  dû  lire  nonqi  dans  la 
Cantilène  de  sainte  S'«  Eulalie  ;  le 
q  est  suivi  d'un  signe  d'abréviation, 
et  non  pas  d'un  i. 

NuRTURE,  L.  de  Guill.  §  xxv. 
Nourriture;  substantif  formé  du 
verbe  nourrir  ,  dérivé  de  nutrire. 

0,  adj.  dém.  sing.  Serm.  i, 
S'*  Eulal.  V.  11,  18  et  20.  Ce,  cela; 
dérivé  de  hoc  : 

Si  0  vent  a  etau,  sel  deners  l'an.  {Coût, 
de  Berry,  éd.  de  la  Thaumassière,  p.  99.) 

S'il  ofassct.  {Ibid.  p.  101.) 

Oant.  (Voir  Orat). 

OciRE,  prés,  de  l'inf.  L.  de  Guill. 
§  xxxvii;  OcciT,  part.  pass.  passif, 
ibid.  §  XXXVIII ;  OcciT,  Supers,  sing. 
prés,  de  l'ind.  L.  de  Guill.  §  viii; 
OcciST, item,  ibid.  §  xxvi.  Tuer;  de 
occidere. 

Od.  préîw  L.  de  Guill.  |  xlvi. 
Avec.  (Pour  l'origine  latine  de  cette 
préposition,  voir  t.  lïï,  p.  350.) 


466 


PREMIÈHE  PARTIE. 


Oes,  L.  de  Guille,  §  m.  Ce  mot 
signifiait  œuvre,  ouvrage,  affaire; 
de  opus. 

Se  li  cuers  n'est  bon  par  nature , 
Li  cors,  por  nulle  créature , 
Ne  puet  d'armes  soffrir  grand  fès  ; 
Car  il  n'est  mis  à  tel  oes  fès. 

{Nouveau  recueilde  contes,  t.  I,  p.  329.) 

La  locution  adverdiale  à  oes  vient 
du  latin  ad  opus,  pour  l'affaire  de, 
pour  le  besoin  de.  En  basse  lati- 
nité, ad  opus  passa  de  cette  signi- 
fication à  la  significatioli  voisine 
pour  le  profit  de,  au  profit  de.  Ou 
lit  dans  la  loi  des  Lomb^irds  :  «  De 
debito  quod  ad  nosîrum  opus  fuerit 
wadiatum.  »  (Liv.  I,  tit.  II,  §  xi.) 
«  nie  terliam  partem  ad  ejm  recipiat 
opus,  duas  vero  ad  palatium.  »  {Ibid. 
§  X.)  (  Voyez  deux  autres  exemples 
de  ad  opus  employé  de  la  mêïne 
manière,  t,  III,  p.  477,  note  2.) 

Ad  oes,  à  oes  em^ent  le  même  sens 
en  langue  d'oïl  : 

Vers  Engletere  passal-il  la  mer  salse, 

Ad  oes  seint  Père  en  cunquist  le  chevage. 

(Cliaiuoa  de  Roi,  it.  zxiii,  v.  7.) 

Meillors  vassals  de  vos  unkes  ne  vi , 
Si  lunguement  tuz  tcns  m'avez  servit, 
A  oes  Carlon  si  granz  pais  cunquist. 

(  I>iid.  st.  cxxxTiii,  T.  7.) 

Engleterre  à  son  oez  coveit 
K'il  en  fust  rei,  s'eslre  poeit. 

{Rom.  de  Roii,  t.  II,  p.  394.) 

On  peut  voir  d'autres  exemples 
de  cette  expression  dîins  le  Livre  des 
Rois,  p.  2,  54,  55,  437 ,  et  dans  la 
Chronique  des  ducs  de  Normandie, 
t.  I,  p.  429,  494;  t.  III,  p.  285, 
note,  col.  1. 

La  signification  primitive  de  a  oes 
{ad  opus)  se  généralisa  au  point  que 
cette  locution  en  vint  à  représenter 


le  rapport  exprimé  par  notre  prépo- 
sition pour  : 

Fai  a  mun  oes  tut  premièrement  un  tur- 
tellet  de  celé  farine ,  si  le  me  porte ,  e 
puis  fras  a  tun  oes  e  al  oes  tun  fiz.  {Livre 
des  Rois,  p.  311.) 

Mihi  primum  fae  de  ipsa  farinula  suhcine- 
ricinm  panem  parvulum,  et  a/fer  ad  me;  tibi 
aulem  el  fdio  luo  faciès  poslea. 

E  l'um  asist  une  chaere  al  oes  la  dame, 
a  dextre  del  rei.  {Ibid.  p   229.) 

Posilusqne  est  thronus  malri  régis,  quœ 
sedit  ad  dexteram  ejus. 

Un  ancien  grammairien  prescrit 
d'écrire  œps  au  lieu  de  oes,  afin  de 
se  rapprocher  davantage  du  latin 
opus.  «  Item  pro  majori  parte  scri- 
betis  gallicum  secundum  quod  scri- 
bitur  in  latinis ,  ut  computum  , 
compte;  septem,  sept;  pilebenda, 
prebendre  (sic);  opus,  œps,  etc. 
(Extrait  du  manuscrit  488  du  col- 
lège de  la  Madeleine  d'Oxford,  repro- 
duit par  M.  Génin,  dans  son  intro- 
duction à  la  grammaire  de  Palsgrave, 
p.  32,  note,  col.  2). 

On  disait  ops  en  langue  d'oc  : 
«  Relener  algun  a  sos  ops.  »  (Fau- 
riel.  Histoire  de  la  poésie  proven- 
çale, t.  III,  p,  305.)  En  italien MOf)o; 
en  valaque  op;  en  ancien  espagnol 
huovos. 

Offre,  3*  pcrs.  sing.  prés,  de 
l'ind.  L.  de  Guill.  §  xii.  Du  verbe 
offrir,  dérivé  de  offerre. 

OïL,  L.  de  Guill.  §  xxi.  Œil;  de 
oculus. 

0\i,  adj.  num.  L.  de  Guill.  §§  vi 
et  xxvi  ;  UiT,  item,  ibid.  §  vi.  Huit; 
de  oc^o. 

Om,  pron.  indéf.  Serm.  i;  Dm, 
item,  L.  de  Guill.  §§  ixetxu;  Hom, 
item,  ibid.  §  xii;  Un,  item,  ibid. 
§§  XII  et  xLiii ;  Hun,  item,  ibid. 


CHAP.  I,  ÉLÉiMENT  LATIN.  SECT.  V. 


§  xLii.  On,  dérivé  de  homo.  Ces 
mots  sont  de  véritables  substantifs; 
si  je  les  désigne  sous  le  nom  de  pro- 
noms indéfinis,  ce  n'est  que  pour 
me  conformera  l'usage  reçu.  Voir  à 
cet  égard  t.  III,  p.  153,  note  2. 

Omque,  adv.  S'*  Eulal.  v.  9.  Ja- 
mais; de  unquam.  C'est  à  tort  que 
M.  Hoffmann  de  Fallersleben  a  lu 
omqi;  il  a  pris  pour  un  i  le  signe 
d'abréviation  qui  se  trouve  après 
le  q. 

Le  jor  fui-ge  molt  non-sachaDt 
Que  j'amai  onques  vostre  bien. 

{Floin  et  Bluncefior,  édit.  du  Méril,  p.  140.  ) 

Dolans  suis  kant  je  la  vi  onkes. 

(Uolopalhos,  p.  373.) 

Dime  (loner  ne  me  vint  onches  à  gré- 

(Ai/um,  dratae,  édit  Luurche,  p.  45.) 

Or,  S"  Eulal.  v.  7  De  aurum. 

Oram,  l'f'pers.  plur.  prés,  de  l'ind. 
S'*  Eulal.  V.  26,  Du  verbe  orer , 
prier,  dérivé  de  orare: 

Cum  ad  oret,  si  se  drecet  en  estant, 
Seignat  sun  chef  de  la  vertut  poisant. 

{Chana.  rie  Roland,  tl.   ccxxr,  y.  l.) 

Le  pronom  sujet  nos  est  sous- 
entendu  devant  oram.  Cette  ellipse 
est  assez  fréquente  avec  les  pre- 
mières personnes  plurielles  des  ver- 
bes ;  leurs  terminaisons,  plus  carac- 
térisées que  celles  des  autres  per- 
sonnes, indiquaient  suffisamment  la 
forme  : 

Or  si  te  faimes  asaveir. 

(Citron,  det  duct  de  Norm.,  1. 1,  p.  367.) 

Ne  (rairion  'a  un  acort, 

Si  'n  serrion  destruil  ei  mort, 

N'ottnoM  prince  ne  rhadel. 

{lùU..  t.  I,  p.  36S.) 

Orat,  3*  pers.  sing.  fut.  L.  de 
Guill.  §  XLViii;  Oant,  part,  prés.  L. 
de  Guill.  § XXVI II,  Du  verbe  oer,  on, 


<67 

ouïr,  entendre;  dérivés  du  latin  au- 
dire. 

Mais  en  la  nuit  sivant  de  celé  meismes 
sépulture,  omit  le  costoz,  comenzat  ses  es- 
pirs  a  crieir  :  ge  ard,  ge  ard.  (Dial.  de 
S.  Grég.  cité  par  M.  Orell ,  Grommaiik  , 
1"éilit.,  p.  178.) 

Sequenti  autem  nocte  ex  eadem  sepuUuro, 
audienle  custode,  ejus  spiritus  cœpit  cla- 
mare .-  ardeo.,  ardeo. 

Orphanins,  L.  de  Guill.  §  ix.  Plu- 
riel de  orphanin,,  orphelin  ;  de  or~ 
phanius  pour  orphanus,  qui  est  lui- 
même  dérivé  du  grec  opçavàî. 

Os.  (Voir  0.) 

Os,  L.  de  Guill.  §  xii.  De  ossum. 

Otrei.  (Voir  Alter.) 

Ou,  adv.  L.  de  Guill.  §  xxviii.  De 
ubi. 

OuD,  OuT.  (Voir  Aveir,  verbe.) 

OvESQUE,  L.  de  Guill.  §  xxxi.  Dans 
cet  endroit,  ovesque  fait  l'office  d'ad- 
verbe; il  signifie  avec,  préposition 
que  nous  employons  aussi  quelque- 
fois comme  adverbe.  (Voir  t.  III,  p. 
351-361. 

Pagiens,  S'«  Eulal,  v,  12  et  21. 
Pluriel  de  pagien,  païen  ;  de  paga- 
nus. 

Pais,  L.  de  Guill.  §  xxx.  Pays; 
àe'pagus. 

Pais,  L.  de  Guill,  §§  i,  ni  et  xxx. 
Paix,  tranquillité,  sûreté;  de  pax. 

Pais  a  sainte  Yglise,  en  basse  la- 
tinité pax  sanctœ  Ecclesiœ.  On  en- 
tendait primitivement  par  ces  mots 
la  sûreté  qu'offrait  l'Église  aux  cou- 
pables qui  venaient  chercher  un  re- 
fuge au  pied  des  autels;  ensuite  pax 
Ecclesiœ  se  prit  pour  l'immunité ,  le 
privilège  accordé  par  les  rois  à  l'É- 
glise de  donner  asile  aux  criminels 
poursuivis  par  la  justice. 

La  pais  le  rei,  la  paix  du  roi,  était 


169 


PREMIÈRE  PARTIE. 


proprement  la  siÀreté,  la  tranquillité 
qui  résultaient  de  la  protection  exer- 
cée par  l'autorité  royale;  ensuite  on 
prit  l'effet  pour  la  cause,  et  la  paix 
du  roiint  la  protection  du  roi  elle- 
même,  la  sauvegarde  royale,  les 
lois,  les  règlements  qui  maintenaient 
l'ordre  et  la  tranquillité.  Les  An- 
glais disent  encore  aujourd'hui  the 
king's  peace ,  pour  signifier  l'ordre 
public.  (  Voir  du  Gange,  Fax  régis, 
à  la  suite  de  l'article  Fax.) 

Paisiisime,  L.  deGuill.  §  xli.  Pays 
habité  par  les  infidèles  ;  dérivé  de 
paganus,  païen.  On  désignait,  au 
moyen  âge,  sous  le  nom  de  païens 
tous  les  peuples  qui  n'étaient  pas 
chrétiens^  et  particulièrement  les 
musulmans. 

Se  ilavient  que  un  averou  une  bestesoii 
à  aucun  home  emblée,  et  celui  aver  est 
porté,  ou  la  beste  menée  en  terre  de  Sara- 
zius la  raison  juge  et  coumande  a  ju- 
ger enci  que  celuy  qui  a  perdue  la  besteou 
l'aveir  n'i  a  puis  nui  dreit  en  l'aver,  ne  en 
la  beste,  puisque  la  chose  &  estée  mené  en 
paînime.  (Ass.  de  Jérùs.  t.  II,  p.  161.) 

Palefrei,  L.  deGuill.  §xxiii; 
Palefreis,  plur.  ibid.  §  xxii.  Pale- 
froi, cheval  de  main  : 

II  y  a  chevaux  de  plusieurs  manières,  a 
ce  que  li  uns  sont  destrier  grant  pour  le 
combat;  li  autre  sont  palefroi  pour  che- 
vaucher S  l'aise  de  son  cors;  li  autre  sont 
roucis  pour  sommes  porter.  (Bruneto  La- 
tini,  Thesaur.  I'»  part.  ch.  clv.) 

Gnnz  palefraiz,  coranz  destreiz, 
Ghasçurz  bonz  et  bon  somerz. 

(Vie  de  s.  Thom.  de  Cimt.  p.  466.1 

En  basse  latinité  paraveredus^pa- 
rafredus,  parefredus ,  palefredus. 
Chez  les  Romains,  veredus  était  un 
cheval  de  poste,  et  Ton  appelait  ve- 
redarii  les  courriers,  les  estafettes 


qui  se  servaient  de  chevaux  de  poste. 
Les  chevaux  que  l'on  devait  livrer 
aux  premiers  courriers  qui  allaient 
passer  étaient  toujours  harnachés  et 
prêts  à  partir,  ainsi  que  le  remarque 
un  ancien  glossaire  latin  cité  par 
du  Gange,  à  l'article  Veredarii ,  qui 
fait  suite  à  Veredi  : 

Veredarii...  qui  festinanter  in  equis  cur- 
runt ,  non  descendunt  de  equo  antequam 
libérant  responsa  sua  ;  habent  in  capite 
pinnas,  ut  inde  intelligatur  fe»tiaatio  iti- 
neris  ;  dalur  semper  iis  equus  paratus,  nec 
mandacant,  nisi  super  equo,  antequam  per- 
fecerunt. 

D'où  l'on  peut  conclure  que  para- 
veredus  n'est  qu'une  syncope  de  pa- 
ratus veredus. 

Paramenz,  S'«  Eulal.  v.  7.  Pluriel 
de  parament ,  parure  ,  ornement  : 
substantif  formé  du  verbe  parer,  qui 
dérive  de  parare,  préparer,  disposer, 
ajuster.  Il  est  à  remarquer  qu'en 
français  ajuster,  ajustement  ont  éga- 
lement passé  à  la  signification  d'or- 
ner, orneinent. 

Parceners,  L.  de  Guill.  §  xxxix. 
Pluriel  àeparcener,  participant,  co- 
partageant. 

Ne  nul  de  ce  dont  il  est  parsonier,  ne 
serf  ne  peut  porter  garentie  en  la  haute 
court.  {Ass.  de  Jérusal.  t.  I,  p.  114.) 
De  ma  perte  estes  parçonier 
Et  del  gaaing,  quant  je  l'conquier. 

[liom.  de  Brut,  t.  II,  p.  133.) 

Cil  qui  done  est  parçoner  de  la  tricherie. 
{Livre  de  Jostice,  p.  109.) 

Ele  ne  soit  pas  parçonière  do  péchié. 
[Ibid.  p.  203.) 

Le  peuple  a  retenu  le  féminin 
parçonière,  qui  se  trouve  dans  la 
dernière  de  ces  citations,  et  il  s'en 
sert  pour  signifier  celle  qui  parti- 
cipe au  même  sort,  associée,  corn- 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  V. 


<69 


pagne .  Parçonier,  parçoner,  parce- 
ner  a  été  formé  de  parçon,  portion, 
dérivé  du  verbe  partiri,  partager. 

Mes  chiers  oncles  doit  avoir  et  tenir 

pour  parçon  de  terre la  ville  de  Dour- 

leis.  (Cartulaires  de  Uainaut  publiés  par 
M.  de  Reiffenberg,  p.  363.) 

Et  s'avonsconquestezdes  avoirs  et  desdons, 
Onques  n'en  fu  de  vous  demandée  parçons. 

{Chron.  de  du   Guesclin.  t.  I,  p.  381.) 

Parent,  L.  de  G.  §  xlv  ;  Parens, 
plur.  ibid.  §  ix.  De  parens,  paren- 
tis.  Les  Latins  ne  se  servirent  d'a- 
bord de  ce  mot  que  pour  désigner 
un  parent  en  ligne  directe,  celui 
dont  on  tire  son  origine,  père,  mère, 
aïeul,  bisaïeul,  etc.  ;  mais,  pendant 
le  Bas-Empire,  parens  prit  par  ex- 
tension la  signification  plus  géné- 
rale qu'a  conservée  le  français  pa- 
rent, l'italien  parente  et  l'espagnol 
patiente.  (Voir  t.  III,  p.  212.) 

Paroisse,  L.deGuill.§i.  En  basse 
latinité  parœcia,  parochia,  dérivés 
du  grec  vrapotx'.a,  demeure  voisine, 
qui  vient  lui-même  de  r.apo'.xéw, 
être  voisin,  demeurer  dans  le  voisi- 
nage. Les  premiers  chrétiens,  pour 
soustraire  aux  yeux  des  païens  la 
célébration  des  mystères  de  leur  re- 
ligion ,  avaient  coutume  de  tenir 
leurs  assemblées  ou  églises  dans  des 
lieux  écartés,  voisins  des  villes  qu'ils 
habitaient  :  'H  èxx/iricrta  :?;  Tcaçoixoûca 
£v  S^ûpvr).  (Eusèbe,  IV,  chap.  xvii.) 
"Ev.xXYjfftcf  Se  1^  TîapO'.y.ovav)  FopTÛvav. 
{Id.  liv.  IV,  ch.  XXIII.)  'H  'Exx>r,cîa 
toù  0eoO  :?i  Tiapotxoùffa  Ptôfiriv.  (S.Clém . 
Ep.  aux  Corinth.) 

(Voir,  pour  plus  de  détails,  le 
Glossarium  med.  grœcit.  de  du 
Gange,  art.  Tlapoixia.) 

Parole,  L.  de  Guill.  §xxvin.  En 


italien  et  en  provençal  parola,  en 
portugais  palavra,  en  espagnol  pa- 
labra; dérivés  de  parabola,  para- 
bole, discours  parabolique,  qui,  dans 
la  basse  latinité,  se  prit  pour  dis- 
cours en  général  et  pour  parole  : 
«  Assumpta  parabola  sua,  respondit 
episcopus  (Hesso  scoliasticus)  :  Non 
dicam  ïi\a.s  parabolas  quas  vos  dixe- 
ritis  ad  me,  et  mandaveritis  mihi, 
ut  celem  cas.  »  (Charte  rapportée 
dans  l'Histoire  des  comtes  de  Bar- 
celone^ par  Diego,  liv.  II,  ch.  L.)De 
parabola  on  forma  parabolare,  dis- 
courir^ dont  nous  fîmes  d'abord  pa- 
roler,  et  ensuite  parler  :  «  Ki  de  la 
naissance  de  Crist  parolent.  »  (S. 
Bern.  p.  548.) 
Pargrant  sa.\e\T  parolet  li  uns  al  altre. 

{Chans.  de  Roland,  U.  XXTU.) 

Parabola  est  dérivé  du  grec  îrapa- 
êoX^,  comparaison,  allégorie.  (Voir 
t.  II,  p.  21 3  et  du  Gange,  art,  Para- 
bola. 

Part,  Serm.  ii;  Pars,  L.  de  Guill. 
§  VII,  De  pars,  partis. 

Partir,  prés,  de  l'inf.  L.de  Guill. 
§  XLVii.  Dans  nos  anciens  auteurs, 
ce  verbe  est  ordinairement  employé 
pronominalement  :  se  partir;  il  est 
dérivé  de  partire,  séparer,  diviser. 
Se  partir  signifia  d'abord  se  séparer 
de  quelqu'un  ou  de  quelque  chose, 
s'en  éloigner,  puis  s'éloigner  d'un 
lieu,  partir.  Ce  verbe,  comme  plu- 
sieurs autres,  a  passé  de  l'état  pro- 
nominal se  partira  l'état  neutre  par- 
tir.  (Voir  t.  III,  p.  400.) 

Pas,  substantif  formant  avec  ne 
une  locution  adverbiale  négative. 
L.  de_Guill.§xxv.  Dérivé  àcpassus. 
(Voir\lII,p.  337et342). 

Passe,   3*   pers.  sing.    pré?,   de 


470 


PIIEMIÊRE  PARTIE. 


l'ind.  L.  de  Guill.  §  v.  Du  verbe 
passer,  formé  du  substantif  pas, 
dérivé  de  passus. 

Fer,  prép.  Serm.  i;  L.  de  Guill. 
§  IV  elpassim;  Par,  S'^Eulal.  v.  29; 
L.  de  Guill.  §  xvi.  Par;  du  latin  per. 

Père,  L.  de  Guill.  §§  xxiv  et 
xxvii.  Bepater. 

Permanablement^  adv.  L.  de 
Guill.  I  xxxviii.  A  perpétuité,  pour 
toujours;  formé  de  l'adjectif  per- 
manable,  dérivé  du  verbe  perma- 
nere. 

Pers,  L.  de  Guill.  §  xxvii.  Pairs^ 
égaux.  Les  pers  de  la  temre  étaient 
les  vassaux  d'un  même  suzerain.  De 
pares.  {Voir,  à  cet  égard,  les  Assises 
de  Jérusalem,  1. 1,  p.  290.) 

Persuir,  prés,  de  l'inf,  L.  de 
Guill.  §  XXV.  Poursuivre;  depersequi. 
Le  simple  était  suir,  formé  par  syn- 
cope de  seçm",  auquel  on  ajouta  un  r 
final  pour  rendre  la  terminaison 
analogue  à  celle  de  tous  les  autres 
verbes  de  notre  seconde  conjugai- 
son. Suir  donnaswire,  par  la  simple 
addition  d'un  e  muet.  (Voir  suire, 
nuire  dans  Roquefort.)  Enfin,  suire 
se  changea  en  suivre,  par  l'introduc- 
tion d'un  V  devant  le  r.  (Voir  t.  II, 
p.  440.) 

Pert  ,  3®  pers.  sing.  prés,  de 
l'ind.  L.  de  Guill.  §§  xv,  xxxix; 
Perde,  3*  pers.  sing.  prés,  du  subj. 
ibid.  §  XLi;  Perdesse,  3*  pers.  sing. 
imparf.  du  subj.  Ste  Eulal.  v,  17; 
Perdant,  part.  prés,  actif;  L.  de 
Guill.  §  XXXIX.  Du  verbe  perdre,  dé- 
rivé de  perdere. 

Petit,  L.  de  Guill.  §  xiii.  De 
petiletus,  diminutif  barbare  de  pe- 
iilus,  mince,  menu,  petit,  qui  se 
trouve  dans  Plaute;  en  ancien  ita- 


lien petitto,  pitteto.  C'est  ainsi  que, 
du  diminutif  flagelletum,  formé  de 
flagellum,  nous  avons  fait,  par  syn- 
cope, notre  mot  fouet.  Il  est  à  re- 
marquer qu'un  certain  nombre  de 
mots  latins,  ayant  déjà  une  termi- 
naison de  diminutif  en  llus  ou  en 
llum,  reçurent,  par  surcroît,  eu 
basse  latinité,  la  terminaison  etus  : 
agnelluSj  agnelletus,  agnelet;  an- 
nellus,  annelletus,  annelet;  cere- 
hellum,  cercbelletum,  cervelet  ;  cas- 
tellum,  castelletum,  châtelet,  etc. 
(Voir  t.  II,  p.  407).  De  petit  notre 
ancienne  langue  fit  petitet,  dimi- 
nutif élevé  à  la  troisième  puissance. 

Pied,  L.  de  Guill.  §  xiii.  De  pes, 
pedis. 

Plaid,  Serm.  i.  Accord,  accomo- 
dement^  transaction;  en  basse  la 
tinité,  placitum  du  verbe  placere; 
accommodement  qui  se  fait  avec 
l'assentiment  des  deux  parties  con- 
tractantes, quod  placet  consentien- 
iibus.  On  disait  .prendre  plaid, 
comme  nous  disons  prendre  un  ar- 
rangement. 

Adonc  s'en  torna  H  dus  a  son  pavillon, 
et  ii  baron  avec  lui  pour  plait  prendre,  et 
troverent  Ii  messages  en  allés.  (Villehar- 
douin,  édit.  de  M.  P.  Paris,  xlviii.) 

Plaid.  (Voir  Plait.) 

Plaidé,  part,  passé  pass.  L.  de 
Guill.  §  xx;  Plaide,  3^  pers.  sing. 
prés,  deïind.ibid.  §  xxvni.  Du  verbe 
plaider  ;  en  basse  latinité,  placitare, 
formé  du  latin  placitum.  (Voir 
Plait.) 

Plaie,  L.  de  Guill.  §  xi  De  plaga. 

Plaiez,  part,  passé  pass.  L.  de 
Guill.  §  XI.  Du  verbe  plaier  faire 
une  plaie,  blesser.  (Voir  des  exem- 
ples de  ce  verbe  dans  la  Chronique 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SEGT.  V. 


des  ducs  de  Normandie^  t.  l,  p.  53, 
64,  110,  167,  et  la  Chronique  de 
Jordan  Fantosme,  p.  579.)  Plaier 
est  formé  de  plaie,  dérivé  de  plaga. 

Plainte,  L.  de  Guill.  §  xu. 
Substantif  formé  du  verbe  plaindrey 
dérivé  de  pJangere. 

Plaît,  L.  de  Guill.  §§  m,  xlv; 
Plaid,  ibid.  §  xxviii;  Plaiz,  plu- 
riel, ibid.  §  II.  Procès,  accusation, 
cause,  audience^  plaid.  En  latin, 
placitwm  signifiait  un  décret,  un 
arrêt,  une  ordonnance,  une  sentence  ; 
«  quod  senatui,  aut  principi,  aut  ju- 
dicibus  placuit.  »  En  basse  latinité, 
plaàtum  ne  signifia  plus  la  décision 
d'une  cause,  mais  l'assemblée  des 
juges  auxquels  la  décision  était  ré- 
servée, le  temps  et  le  lieu  où  se  te- 
nait cette  assemblée,  etc.  De  là  le 
verbe  placitare,  défendre  son  droit 
en  justice,  plaider. 

Plege,  L.  de  Guill.  §§  iv,  vu. 
Caution,  répondant;  signifie  aussi 
l'obligation  contractée  par  celui  qui 
se  porte  caution,  la  responsabilité 
du  répondant,  comme  au  §  xlix. 
(Voir  pleige  parmi  les  mots  d'ori- 
gine germanique,  ch.  m,  sect.  ii.) 

On  appelait  franc-pleige  (§  xxix) 
l'association  de  dix  hommes  qui  ré- 
pondaient les  uns  pour  les  autres,  et 
se  portaient  mutuellement  caution 
pour  la  réparation  des  délits  que 
chacun  d'eux  pourrait  commettre. 
(Voir  du  Cange,  Francum  plegium, 
sous  l'article  Plegium. 

Pleier,  S'«  Eulal.  v.  9.  Ployer, 
fléchir,  faire  fléèhir;  de  plicare. 

Plein,  L.  de  Guill.  §§  xvi,  xxv. 
Uni,  plain,  simple;  de  p/anws. (Pour 
l'expression  plem  serment _,  voir  Sa- 
grament.) 


Pleisir,  L.  de  Guill.  §  xli.  Bon 
plaisir,  volonté,  décision.  Substantif 
formé  du  verbe  placere.  Le  c  est  de- 
venu s  comme  dans  loisir  de  licere , 
dans  raisin  de  racemus,  etc.  (Voir 
l'art,  Vlait. 

Plener,  L.  de  Guill.  §  xlviii.  Uni, 
plain,  simple;  forme  allongée  do 
plain,  plen,  plein,  dérivés  deplanus. 
(Voir  plein  un  peu  plus  haut.)  Plener 
lei,  simple  prescription  de  la  loi. 
Cette  prescription  consistait  dans  le 
serment  juridique  simple  {plein  ser- 
ment) dont  il  est  question  dans  les 
paragraphes  xvi  et  xxv.  (Voir  cit- 
après  l'article  Sagrament.)\)\i  Cango 
n'est  point  d'accord  avec  lui-même 
dans  ce  qu'il  dit  à  ce  sujet.  (Voir 
dans  son  Glossaire  Lex  sacramentu- 
lis  et  Lexplenaria  à  la  suite  de  l'a;- 
ticle  Lex;  de  plus  Planum  juramen- 
tum  et  Sacramentum  fractum,  l'un 
et  l'autre  sous  l'article  Juramentum; 
enfin,  voir  particulièrement  l'article 
Lada.) 

Plevi,  part,  passé  passif;  L.  de 
Guill.  §  IV.  Du  verbe  plevir,  se  por- 
ter pleige  ou  caution  pour  une  per- 
sonne, être  son  répondant,  la  cau- 
tionner. On  disait  aussi  plegir,  pié- 
ger, pleiger,  tous  dérivés  de  pleige. 
(Voir  ce  dernier  parmi  les  mots  d'o- 
rigine germanique,  ch.  m,  sect.  ii.) 

Plus,  adv.  L.  de  Guill.  §  xli.  Du 
latin  plus. 

PoBLO,  Serm.  i;  Puple,  L.  de 
Guill.  titre.  Peuple,  de  populus.  Le 
peuple,  à  Rome,  disait  poplus,  par 
une  syncope  semblable  à  celle  qui  a 
eu  lieu  dans  la  langue  d'oïl.  Prœsi- 
dium  popli.  (Plante,  Cas.  act.  III, 
se.  II.  )  Auritum  poplum.  (  Idem, 
Asin.  prol.  v.  4.  )  On  trouve  éga- 


172 


PREMIÈRE  PARTIE. 


lement  pophis  sur  la  colone  rostrale 
de  Duilius,  le  plus  ancien  monument 
romain.  (Voir  Gruter,  404,  n"  i.) 
Enfin  cette  syncope  et  le  change- 
ment du  p  en  b,  comme  dans  poblo, 
existaient  déjà  dans  le  nom  propre 
Publicola,  pour  lequel  on  trouve  Po- 
blicola  et  Poplicola. 

PocHiER,  L.  de  Guill.§xni.  Pouce; 
de  pollex,  polKcis. 

PoDiR,  prés,  de  l'inf.  Serm.  i; 
Pois,  3^  pers.  sing.  prés,  de  l'ind. 
ibid.   II ;  Pot,  item;  L.  de  Guill.§§ 

IV,  XVI  ;  PoEz,  2*  pers.  plur.  prés,  de 
rind.  i6id.  §  xxxvui;  Pout, Supers, 
sing.  passé  défini,  ibid.  §  i  ;  Pourex, 
3e  pers.  sing.  d'une  forme  de  passé 
que  nous  n'avons  plus;  il  était  dé- 
rivé du  latin  potiieram  ;   S"  Eulal . 

V.  9.  L'infinitif  podir,  pouvoir;  l'i- 
talien potere_,  l'espagnol  poder,  le 
provençal  pouder,  paraissent  dérivés 
de  potere,  qui  a  dû  être  employé 
pour  potesse  j,  comme  fuere  pour 
fuisse.  (Voir  t.  III,  p.  245.)  Quant 
à  la  forme  potesse  pour  passe,  elle 
était  conservée  chez  le  peuple;  on  la 
trouve  dans  Plaute  et  dans  Térence. 
C'est  cette  forme  qui  a  fourni  potes^ 
potest,pQtuit,  etc.  L'homélie  sur  Jo- 
uas nous  offre  en  langue  d'oïl  le  pas- 
sé défini  podist. 

Un  edre  (lierre)  sore  sen  clieve  quant 
umbre  li  fesist  e  repauser  se  podist.  {Frag- 
ment de  Valenciennes  a  la  suite  de  la  Chan- 
son de  Roland,  cdit.  Gécin,  p.  468, 1.  21.) 

PoESTÉ,  L,  de  Guill.  §  xlv.  Pou- 
voir, puissance  ;  de  poteslas,  atis. 

Se  aucuns  se  consint  à  eslecciun  fête 
de  soi  par  poesté  de  cleis,  se  eslection 
doit  estre  quassée.  {Livre  de  Jostice , 
p.  46.) 

PoiN,  L.  de  Guill.  §  xiii.  Poing; 
de  pugmis. 


Pois,  adv.  L.  de  Guill.  §  v  ;  Puis, 
item,  ibid.  §  xxv;  Pus,  item,  ibid. 
§  XLVii.  Puis,  ensuite;  àeppst. 

POLLE,  S"  Eulal.  V,  10.  Jeune 
fille;  de  puella,  dont  le  diminutif 
barbare  puekella  nous  donna  pul- 
celle,  pucelle.  (Voir  ci-après  p .  1 74, 
art.  Pulcella.)  C'est  ainsi  que  domina 
nous  a  fourni  dame  et  dominicella 
demoiselle. 

Bêles  dames,  simples,  bonnestes, 
IN'alcz  mie  suiant  les  testes 
Comme  les  musardps  et  foies. 
Dedenz  vos  ostiex  coies  estes, 
Privées  as  bons  et  demestes; 
Nesambiéspas  ces  pôles  voles  [frivoles) 
Qui  vont  bruiant  par  ces  caroles. 

[Nouveau  recueildt  coniet,  dits,  etc.,  publié  par  H.  Ju- 
binal,  t.  I,  p.  391  392.) 

La  cantilène  de  sainte  Eulalie 
porte  : 

Ne  ule  cose  non  la  pouret  omqne  pleier 
Lapo/?e,semprenonamastloDeomenestier. 

On  doit  remarquer,  dans  ce  pas- 
sage, que  le  complément  du  verbe 
pleier,  après  avoir  été  énoncé  une 
première  fois  par  le  pronom  la,  est 
encore  exprimé  une  seconde  fois  par 
le  substantif  polie.  Cette  construc- 
tion négligée  et  désordonnée  est 
d'accord  avec  plusieurs  autres  que 
nous  offre  ce  même  texte.  On  s'a- 
perçoit aisément  que  l'auteur  se  sert 
d'une  langue  qui  en  est  encore  à 
ses  premiers  essais  et  qu'il  s'in- 
quiète assez  peu  de  la  netteté,  de  la 
précision  et  de  la  correction  de  son 
style.  Du  reste,  le  peuple  fait  encore 
aujourd'hui  fréquemment  usage  de 
pareilles  tournures,  et  nos  meilleurs 
écrivains  ne  se  font  pas  scrupule  de 
s'en  servir  quelquefois  pour  donner 
de  la  clarté   à  l'expression  de  leur 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT 

pensée; les  vers  suivants  de  Molière 
nous  en  fournissent  la  preuve  : 

L'une  de  son  galant,  en  adroite  Temelle, 
Fait  fausse  confidence  a  son  époux  Qdèle , 
Qui  dort  en  sûreté  sur  un  pareil  appas, 
El  le  plaint ,  ce  galant ,  des  soins  qu'il  ne 
[prend  pas. 

[l.' Ecole  dtsftmmes,  acte  l.ic.  1.) 

Dans  ces  vers,  le  double  complé- 
ment donné  au  verbe  'plaindre  n'a 
rien  de  choquant;  c'est  un  heureux 
effet  de  style  et  non  point  une  incor- 
rection; mais  on  ne  peut  en  dire  au- 
tant de  beaucoup  de  passages  de  nos 
anciens  auteurs,  tels  que  le  sui- 
vant. 

Un  houme  vient  en  la  court,  et  se  claime 

de  un  autre  houme  qui  l'ait  naffré et 

puis  avient  que  il  en  meurt  de  selle  naffre, 
{Assises  de  Jérusalem,  édit.  de  M.  Foueher, 
p.  710.) 

On  doit  encore  observer,  dans  le 
passage  qui  nous  occupe,  la  suppres- 
sion de  la  conjonction  que  ;  la  cons- 
truction pleine  serait  :  «  Non  lapou- 
ret  omque  pleier  que  sempre  non 
amast  lo  Deo  menestier.  »  L'ellipse 
de  que  est  assez  fréquente  en  pareil 
cas  dans  les  plus  anciens  monuments 
de  notre  langue;  en  voici  des  exem- 
ples : 

Quant  l'empereres  vait  querrc  son  nevold... 
Pitet  en  ad,  ne  poet  muer  n'en  plurt. 

{Cnans.  de  Roland,  >t.  cciiO 

Goardez  de  noz  no  turnez  le  curage. 

flbid.  »l.  Li.) 

Ses  maris  voit  la  folour  entreprise  ; 
Pour  voir,  cuida  la  dame  morte  gise 
Lès  son  ami 

(L*  Ront  (le  Uocy,  Clumu  hitloriijutt,  I.  1,  p.  99.) 

Garde  plus  ne  ii  faces  mal. 

(Chron.  de»  duci  de  Nont.,  I.  II,  p.  353.) 

PoLZ,  L.  de  Guill.  §  xn.  Pouce; 
de  pollex. 


LATIN.  SEGT.  V.  173 

Porc,  L.  ae  Guill.  §  vi  ;  Porcs, 
plur.  ibid.  De  porcus. 

PoRTED,  3^per.sing.prés.  de  l'ind. 
L.  de  Guill.  §xin.  Du  verbe  |3or(er, 
dérivé  de  portare. 

PosT,  prép.  S'»EulaI.  v.  28.  Après; 
du  latin  post. 

Pour,  L.de  Guill.  §  xxxviii.  Peur; 
de  pavor. 

Pref,  adv.  L.  de  Guill.  §§  vi,  vu, 
XLii.  Près;  a  pref j,  après.  Dérivé  de 
prope,  qui  donna  d'abord  prop^  men- 
tionné dans  le  glossaire  de  Roque- 
fort ;  puis  prof,  proef,  pref,  et  enfin 
prés. 

L'arcevesque  est  amiable. 

En  sa  parole  mult  eslabie 

E  prof  et  loin. 

{Vie de  S.  Thom.  d»  CmI.,  p.48T.) 

De  Patras  fu  née, 
Nobl'»  et  riches  d'antiquité  ; 
Mes  puis  est  la  chose  empeiré. 
Et  ben  proef  laie  amenusé. 

fit  livres  de  saint  Niehotay,  M,  de  M.  Monmerqu» 
p.  303.) 

Preiemen,  S"  Eulal.  v.  8.  Prière. 
Substantif  formé  du  verbe  joner,  dé- 
rivé de  precari. 

Preier,  prés,  de  l'inf.  S"  Eulal. 
V.  26.  Prier;  de  precari. 

Prendre,  prés,  de  l'inf.L.  de  Guill. 
§XLii;  Prengent;  .3«pers.plur.  prés, 
de  l'ind.  ibid.  §  xxvi;  Prindrai, 
l'^pers.  sing.  fut.  Serm.  i;  Prist, 
3*  pers.  sing.  passé  défini,  L.  de 
Guill.  §  XXV  ;  Prendreit,  3«  pers. 
sing.  prés,  du  cond.  ibid.  §  xn; 
Prenge,  Supers,  sing. prés,  dusubj. 
ibid.  §  XLii;  Pris,  part,  passé  passif, 
ibid.  §  I.  Dérivé  de  prehendere. 

Prepensed,  part,  passé  passif.  L. 
de  Guill.  §  1.  Du  verbe  prépenser, 
penser  à  l'avance,  préméditer;  com- 
posé du  préfixe  pré  marquant  l'anté- 


474 


PREMIÈRE  PARTIE. 


riorité,  et  de  penser  formé,  de  pen- 
sarCj  peser^  examiner,  considérer; 
employé  pour  penser  dans  la  basse  la- 
tinité par  Grégoire  le  Grand,  par 
Ives  de  Chartres,  etc.  (Voir  du 
Gange,  Pensare.) 

Aweit  prepensed  (Voir  plus  haut 
l'article  Aweit.) 

Présent,  L.  de  Guill.  §  xxxix.  De 
prœscns ,  prœsentis. 

Presentede,  part,  passé  passif, 
S""  Eulal.  V.  1 1 .  Du  verbe  présenter. 

Il  y  a  dans  cet  endroit  le  sens  de 
présenter  quelqu'un  malgré  lui,  ame- 
ner en  présence  de,  traduire  devant; 
dérivé  de  prœsentare. 

Car  se  dit  l'Escripture  et  la  lei  :  «  Tous 
»  ceaus  qui  ociront  l'ennemi  de  Dieu,  »  (ce 
sont  les  maufaitors)  «  si  sont  amis  de  Dieu.» 
Mais  nul  home  par  sa  anctorilé  ne  deitocire 
l'omecide,  ni  le  traiteur,  ni  l'erege  ,  ni  le 
larron,  mais  le  det  présenter  a  la  justise; 
et  la  justise  est  puis  tenue  de  celuy  juger 
et  deffaire,  segon  son  maufait.  (Ass.  de 
J^ras.  t.II,  p.  210.) 

Primerament,  adv.  L.  de  Guill. 
§  IX.  Premièrement.  Cet  adverbe  est 
formé  de  l'adjectif  primer"^  dérivé  de 
primarius.  (Voir  l'article  suivant.) 

Primere,  L.  de  Guill.  §  v.  Fémi- 
nin de  pnmer^  premier;  dérivé  de 
primarius. 

Pro,  prép.  Serm.  i;  PoR,  S'« Eulal. 
v.  7,  8,  20,  26;  Plr,  L.  de  Guill. 
§§iv,xxxvin,XLi.  Pour;  du  latin  pro. 

Propre,  L.  de  Guill.  §  xviii.  De 
propriuSj  propre,  qui  appartient  à, 
qui  est  particulier  à. 

Prover,  prés,  de  l'infin.  L.  de 
Guill.  §§  XV,  XXV ;  Prust,  3^  pers. 
sing.prés.  dusubj.  iUd.^xuv.  Prou- 
ver; de  probare. 

Provost,  L.  de  Guill. §  ii.  Prévôt, 
àeprœpositus. 


Pruvence,  L.  de  Guill.  §  xuv. 
Preuve.  Substantif  formé  du  verbe 
pruver,  prouver;  dérivé  àeprohare. 

Puisque,  conj.  L.  de  Guill.  §  xxv. 
Après  que,  dès  que;  de  postquam. 

PuLCELLA ,  S'*  Eulal .  V.  1 .  Jeune 
fille,  pucelle;  en  italien  pulcelîa;  en 
langue  d'oc  pulceïla,  pueella.  On  di- 
sait pulcéle,  au  xn«  siècle,  en  langue 
d'oïl. 

E  uns  laruncels  furent  eissnd  de  Syrie,  et 
pris  eurent  en  terre  de  Israël  une  putcele 
petite,  et  celé  esleit  chamberiere  la  femme 
Naaman.  Geste  pulcele  parlad  a  sa  dame,  si 
li  dist.  .  .  .  {Livre  des  Rois,  p.  361.) 

Porro  de  Syria  egressi  fuerant  lalrunculi, 
et  captivant  duxerant  de  terra  Israël  puel- 
lam  parvulam  quœ  erat  in  obsequio  uxoris 
Naaman  ;  qum  ait  ad  dominam  suant. .  .  . 

(Voir  d'autres  exemples  de  ce  mot 
dans  le  même  ouvrage,  p.  162  et 
163.) 

Pulcelîa,  pulcéle  dérivent  de  puel- 
cella,  diminutif  barbare  de  puella, 
qui  est  lui-même  un  diminutif  de 
puer.  (Pour  ces  diminutifs  de  dimi- 
nutifs, voir  plus  haut  l'article  Petit, 
et  t.  II,  p.  407.)  La  terminaison  cel- 
la,  ajoutée  à  un  primitif,  forma  de 
même  juvencella,  jouvencelle,  de 
juvenis  ;  parcella  ,  parcelle  ,  de 
pars,  etc. 

PuRCHASSER,  prés.  de  l'inf.  L.  de 
Guill.  §  XVI.  Au  propre,  ce  verbe  était 
un  terme  de  chasse  qui  signifiait 
poursuivre  un  gibier  avec  ardeur  et 
opiniâtreté  jusqu'à  ce  qu'on  l'eût 
pris  ou  qu'on  l'eût  tué;  au  figuré, 
poursuivre  quelque  avantage  avec 
ténacité  jusqu'à  ce  qu'on  l'eût  obte- 
nu. Dérivé  de  pro  et  de  captore.  (Voir 
sur  cette  dérivation  l'article  Chaceur, 
qui  se  trouve  ci-dessus.) 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  V. 


Ore  pri-jeo  seinie  Agace, 
Ke  en  ceste  vie  nos purrhaee 
De  nos  peclipz  rémission. 

(yi*  tU  Mainte  Agathe  dans  les  Happons  à  M.  le  ministre 

de  l'Instruction  pulditiue,  p.  261.) 

PuRGiST,  3®  pers.  sing.  prés,  de 
l'ind.  L.  de  Guill.  §§  xiv,  xix.  Du 
verbe  purgir,  purgesir,  abuser  d'une 
femme;  purgir per  for ze,  violer. 
Li  mostiers  alumeint,  li  austels  abateient, 
Li  palzans  tuieient,  li  famés  porgeseient. 

(K'im.  de  Hou,  v.  4938.) 

Porgiessent  li  dames  joste  lor  maris. 

Ciy,J.  r.  1813.) 

Li  gaians  me  lisl  ci  reniaindre, 
Por  sa  luxure  en  moi  refiaindre; 
Par  force  m'a  ci  retenue, 
Et  par  force  m'a  porjeue, 

(Rom.  de  Biut,\.  II,  p.  150.) 

Purgir,  purgesir  signifiait  ordi- 
nairement se  coucher  tout  de  son 
long.  Ces  verbes  sont  composés  de 
pro  et  de  jacere.  Celui-ci  a  fourni  à 
notre  ancienne  langue  le  simple 
gésir,  dont  quelques  formes  nous 
sont  restées  :  il  git,  nous  gisons, 
vous  gisez,  ils  gisent,  je  gisais, 
gisant,  etc.  Outre  le  composé  pur- 
gesir, on  en  trouve  encore  d'autres, 
tels  que  :  agesir  ou  ajesir,  accou- 
cher; de  ad  jacere  ;  maugesir,  être 
mal  couché;  de  maie  jacere:  re- 
GESiR^  se  coucher  de  nouveau  ;  de 
re  jacere.  (Voir  des  exemples  de  ces 
verbes  dans  M.  Orelli,  2*  édit. 
p.  286.) 

Purgesir  passa  du  sens  neutre^  se 
coucher  tout  de  son  long,  au  sens  actif 
coucher  une  personne  tout  de  son 
long;  il  finit  enfin  par  ne  plus  s'em- 
ployer que  dans  une  acceptation  peu 
honnête,  en  parlant  des  femmes.  Plu- 
sieurs verbes  neutres  latins  ont  passé, 
en  français,  avec  le  sens  actif  dans 
des  conditions  semblables;  c'estainsi 


que  cubare  nous  a  donné  couver. 
Nous  avons  même  un  certain  nombre 
de  verbes,  qui  ont  à  la  fois  le  sens 
neutre  et  le  sens  actif,  tels  que 
monter,  descendre,  entrer,  sortir,  etc. 

PURNELLE,    L.     de    Guill.    §    XXI. 

Prunelle  de  l'œil,  pupille.  De  pru- 
nella,  diminutif  barbare  de  prunum, 
prune.  Au  moyen  âge,  prunella  et 
prunellum  signifiaient  une  prune 
sauvage,  que  nous  nommons  encore 
prunelle;  de  plus,  prunella  se  disait 
pour  la  prunelle  de  l'œil,  à  cause 
de  sa  ressemblance  avec  une  petite 
prune  sauvage.  (Voir  le  glossaire  de 
du  Cange,  Prunellum  et  Prunella.) 

(Pour  la  transposition  de  lettres 
qu'offre  le  mot  purnele,  voir  t.  II, 
p.  420.) 

PuRPENSENT,  3«  pers.  plur.  impér. 
L.  de  Guill.  §  xli.  Du  verbe  pur- 
penser,  réfléchir,  penser,  se  préoc- 
cuper, s'appliquer.  Composé  de  pro 
et  de  pensare,  peser,  examiner,  con- 
sidérer; employé  dans  la  basse  la- 
tinité pour  penser.  (Voir  Prepensed, 
ci-dessus.)  ■ 

Quant  11  quens  Gènes  se  fut  ben  purpenset , 
Par  grant  sa  ver  cumencel  a  parler. 

(.Chans,  de  Roland,   st.  xxxii,  T.  t.) 

PuRPORTAST,  3«  pers.  sing.  imp. 
du  subj.  L.de  Guill.  §  xii.  Du  verbe 
purporter  ,  apporter  ,  présenter  , 
offrir,  proposer;  dérivé  de  pro  et  de 
portare. 

PuRSOLDRAD,  3*  pers.  sing.  fut. 
L.  de  Guill.  §  xxv.  Du  verbe  pur- 
solder,  solder,  payer;  dérivé  de  pro 
et  de  solidare,  soldare,  en  basse 
latinité  donner  un  salaire,  une  solde^ 
de  solidus,  soldus,  sou.  (Voir  ci- 
après  l'article  Soit.) 

QuANQfE.pron.  indof.  L.  de  Guill. 


-ne 


PREMIÈRE  PARTIE. 


§  XLV.   Tout  ce   que,  tout  autant 
que;  àe quantumcunque. 

Quant,  conj.  L.  de  Guil.  §§  xxxviii, 
XLi.  Quand,  lorsque;  de  quando. 

Quant,  adv.  Serm.  i.  Autant  que, 
aussi  nombreux  que  ;  de  quantum. 

Quart,  adject.  numér.  ordinal.  L. 
de  Guill.  §  XLii.  Quatrième;  de 
qvartus. 

Quatorze,  adj.  numér.  L.  de 
Guill.  §  XVI.  De  quartodecim. 

Quatre^  adj.  numér.  L.  de  Guill. 
§  IV.  De  quatuor. 

QuED,  conj.  Ste  Eulal.  v.  14,  27; 
Que,  item,  ibid.  v.  6,  26;  L.  de 
Guill.  §§  V,  VI,  VII,  xviii,  L,  etc. 
Que ,  afin  que  ;  de  quod.  Dans 
Ste  Eulal.  qued  conserve  le  d  étymo- 
logique lorsqu'il  est  devant  une 
voyelle.  On  voit  de  même,  dans  les 
Serments,  quid,  qui  n'est  autre  que 
le  pronom  neutre  latin  quid. 

Quel,  adj.  indéf.  L.  de  Guill.  §  i. 
Dequalis. 

QuENS,  L.  de  Guill,  §  ii  ;  Cunte, 
ibid,  §§  xxii,  XLi.  Comte.  De  cornas, 
comitis.  (Voir  tome  III^  p.  20.) 

QUERDENERS,  L.  de  Guill.  §  xiii.  ■" 
Pièce  de  monnaie  valant  quatre  de- 
niers; composé  de  quatuor  et  de 
denarii.  En  France,  cette  monnaie 
était  généralement  appelée  quart. 
(Voir  ce  mot  dans  Roquefort,  et 
quartarius,  quatrenus,  dans  le  glos- 
saire de  don  Carpentier.)  L'ancienne 
traduction  latine  des  lois  de  Guil- 
laume, publiée  par  M.  Palgrave, 
porte  en  cet  endroit:  solidum  an- 
glicum  quatuor  denarii  consti- 
tuunt. 

QuERE,  prés,  de  l'inf.  L.  de  Guill. 
§  XXXIII  ;  QuER,  item,  ibid.,  g  iv  ; 
QuERGENT,  3'  pers.  plur.  de  l'im- 


pérat.  ibid.  §  xlv.  Quérir,  chercher, 
rechercher;  de  quœrere. 

QuEUR,  L.  de  Guill.  §  xii.  Cœur; 
de  cor. 

Qm,  pron.  relat.  Serm.  i  ;  L.  de 
Guill.  §§  i,  m,  X,  etc.  Qi,  item, 
ibid.  §§  VI,  xvm  ;  Ki,  item,  ibid. 
|i§  m,  iv^  etc.  ;  Cui,  item,  Serm.  ii  ; 
Chi,  item.  S"  Eulal.  v.  6,  42;  Quid, 
item,  Serm.  i;  Qu^,  item,  Serm.  n  ; 
Que,  L.  de  Guill.  §§  vi,  xxii,xxxiii; 
Qe,  item,  ibid.  §  vi.  Qui,  que;  dé- 
rivés de  qui,  quœ,  quod,  quid,  quem, 
quam.  (Voir  tome  III,  p.  162-168.) 

Parmi  ces  formes,  on  doit  remar- 
quer dans  Stc  Eulal.  chi,  qui  est 
propre  au  dialecte  de  Flandre  et  de 
Picardie;  dans  les  lois  de  Guil- 
laume, que  mis  pour  qui  sujet,  au 
§  VI  et  ailleurs.  (Voir  à  cet  égard, 
et  pour  plusieurs  autres  observa- 
tions touchant  ces  pronoms,  l'ou- 
vrage de  M.  Fallot,  p.  312  et  sui- 
vantes.) 

On  peut  encore  remarquer  le 
pronom  relatif  régime  qui  est  écrit 
quœ  dans  le  second  serment;  la 
même  orthographe  se  retrouve  dans 
la  Vie  de  saint  Léger  : 

Ne  |iol  inlrer  en  la  ciutat, 
Defors  la  flst  sifrir  gran  miel. 
Et  sanct  Lethgier  mul  en  fud  trist 
Po  ciel  tiel  miel  qucs  defors  vid. 

(  Vil!  <le  saiul  Léger,  st.  xxit.) 

Les  copistes  des  deux  manus- 
crits, au  lieu  d'écrire  que  par  un 
e  simple,  l'ont  écrit  par  un  e  à 
cédille  qui  représente  un  œ.  C'est 
une  irrégularité  que  l'on  trouve 
souvent  dans  les  anciens  textes, 
ainsi  que  le  fait  remarquer  M.  de 
Wailly  dans  ses  Éléments  de  paJéo- 
graphie,  t.  I,  p.  514. 


CIIAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SEGT.  V. 


n? 


Qdite,  L.  de  Guill.  §§  x\in, 
xxxii.  Daus  le  premier  de  ces  para- 
graphes ,  quite  signifie  affranchi 
d'un  droit,  exempt  j  dans  le  second, 
sûr,  assuré,  rendu  sûr. 

Quite  vient  de  quietïis.  Dans  le 
premier  sens  estre  quite,  c'est  être 
laissé  tranquille  par  celui  envers  qui 
on  a  quelque  obligation,  ne  pas  être 
inquiété  par  lui. 

•  Li  talemelicr  qui  sont  hau- 
banier  sont  quites  du  tonlieu  {sorte 
de  droit)  des  pors  qu'il  achètent  et 
de  ceus  qu'il  revendent^  por  tant 
qu'il  aient  une  fois  mangié  de  leur 
bren  {son),  et  si  sont  quites  li  tale- 
melicr du  tonlieu  de  tout  le  blé  qu'il 
achètent  por  leur  cuire,  et  du  pain 
qui  vendent,  fors  que  trois  demies 
de  pain  que  chascun  talemelier  no- 
viax  et  viez  doit  chascune  semaine 
au  Roy  de  tonlieu.  »  {Livre  des 
métiers,  p.  6.) 

Vos  clain  quite  vostre  tréa 
Qne  chascun  an  m'avez  déu  ; 
A  toz  jors  quites  en  seroiz, 
Que  jamès  Jors  ne  l'paierois. 

[Dolofalhot,  p.  39.) 

Dans  le  second  sens,  estre  quite, 
en  parlant  d'un  pays,  c'est  être 
tranquille,  n'être  pas  troublé  par 
les  désordres,  par  les  entreprises 
contre  les  personnes,  contre  la  pro- 
priété, contre  la  sûreté  générale. 

Kar  Deus,  par  sa  sainte  doçur, 

Nos  gardera  pais  e  honor 

E  nos  tendra  le  règne  {royaume)  quite, 

Non  pas  par  la  nostre  mérite, 

HaU  par  sa  miseration. 

(Chrm.detductdaliorm.l.WXtf.  lOT.) 

RxisuN,  L.  de  Guill.  §  v;  Rai- 
souN,  ihid.  §  XLiv.  Raison;  de  ra- 
tio,  rationis. 

Raneiet,  3«  pers.  sing.  prés,  du 


subj.  Ste  Eulal.  v.  6.  Du  verbe 
ramier,  renier;  dérivé  de  re  et  de 
negare. 

Reaciiater,  prés,  de  l'inf.  L.  de 
Guill.  §  XLi;  Rachatat,  3*  pers. 
sing.  passé  défini,  ihid.  §  xu.  Ra- 
cheter ;  verbe  composé  du  préfixe  re 
et  de  achater.  (Voir,  pour  l'origine, 
l'article  Achat.) 

Receit,  3^  pers.  sing,  de  l'im- 
pérat.  L.  de  Guill.  §  xlvi.  Du  verbe 
recevoir,  dérivé  de  recipere. 

Recovered,  3®  pers.  sing.  de 
l'impérat.  L.  de  Guill.  §  xxviii.  Du 
verbe  recoverer,  recouvrer,  repren- 
dre, retirer;  de  recuperare.  (Voir 
l'article  suivant.)  Recoverer  sa  par 
rôle,  retirer  sa  parole,  son  dire,  sa 
prétention,  ce  que  l'on  soutient. 

Recoverer,  L.  de  Guill.  §  xlv. 
Celui  qui  donne  refuge,  celui  qui 
soustrait  quelqu'un  au  danger  qui 
le  menace. 

Cui  fortune  serreit  averse, 
Laide,  e  oscure,  e  pale,  e  perse, 
Conforz  li  fust,  e  recovrers, 
Amis  verais,  Uns  e  entiers 

{C*ro».  des  duc$  de  Norm.  t.  I,  p.  331.) 

Ce  substantif  dérive  du  verbe 
recuperare,  qui,  en  latin,  signifiait 
recouvrer,  ravoir,  recevoir  quelque 
chose  dont  on  était  privé,  mais  que 
l'on  avait  eu  précédemment;  en 
basse  latinité,  recuperare  prit  le 
sens  de  recevoir  quelqu'un  chez  soi, 
lui  donner  asile,  lui  offrir  un  refuge; 
se  recuperare  signifiait  se  réfugier, 
se  soustraire  au  danger.  (Voir  du 
Cange,  Recuperare,  7.) 

Refuserad,  3*  pers.  sing.  fut.  L. 
de  Guill.  §  XLi.  Du  verbe  refuser, 
en  italien  ripitare  ;  dérivés  de  re- 
future,  qui,  en  latin,  signifiait  re- 

11 


m 


PREMIÈRE  PARTIE. 


jeter,  repousser,  soit  par  des  paroles, 
soit  par  des  actes.  Dans  la  basse 
latinité,  refutare  passa  de  cette  ac- 
ception générale  à  l'acception  parti- 
culière de  rejeter  une  offre  ou  une 
demande,  refuser.  (Voir  le  glossaire 
de  du  Cange,  article  Refutare.) 

Régies,  S'»  Eulal.  v.  8,  Royal; 
de  regalis.  Manatce  regiel,  menace 
royale,  menace  de  roi. 

Relais,  L.  de  Guill.  §  xxxiv.  Re- 
mission, indulgence  dont  on  use  en- 
vers une  personne  en  se  relâchant  du 
droit  que  l'on  a  sur  quelque  chose 
qu'elle  doit.  En  basse  latinité  re- 
laxatio,  dérivé  du  verbe  relaxare. 
(Voir  l'un  et  l'autre  dans  du  Cange.) 

Relief,  L.  de  Guill.  §§  xxii,  xxiii, 
XXIV,  XXIX.  Relief,  terme  de  jurispru- 
dence féodale.  Par  la  mort  du  tenan- 
cier ou  du  feudataire,  la  terre  tenue 
en  censive  ou  en  fief  était  censée  re- 
tomber entre  les  mains  du  seigneur 
suzerain,  et  il  fallait  que  l'héritier 
du  défunt  la  relevât,  en  payant  le 
droit  de  relief.  (Voir  dans  le  glos- 
saire de  du  Cange ,  Relevare  et  Re- 
levium.) 

Relief  signifie  tantôt  le  fait  même 
par  lequel  on  relève  un  fief  après  la 
mort  de  celui  qui  le  possédait,  tantôt 
le  droit  que  l'héritier  du  tenancier 
ou  du  feudataire  décédé  devait  au 
seigneur  qui  lui  donnait  une  nou- 
velle investiture. 

Uns  dameiseaos ,  uns  genz  mescbins, 
Blois,  freis  et  colorez  le  vis. 
S'est  humlement  a  genoilz  mis 
Devant  le  duc  et  si  ii  dit  : 
»  Beau  sire,  entendez  un  petit. 
Mis  pères  est  morz,  ce  m'est  damages; 
Mais  teus  cnm  est  mes  eritages, 
Relief  de  vos  prt,  cri  merciz, 
Qut  vestaz  en  seie  e  saisiz. 


Je  vos  aport  an  petit  trésor, 
Une  mult  riche  juste  d'or 
Requiz  e  esmerez  e  fins , 
Qui  assez  vaut  mars  d'esterlins  ; 
S'a  en  l'ovre  de  bones  perres 
Qui  assez  sunt  vaillanz  e  cberes.  » 

[Chron,  du  duel  de  iVarm.  I.  II,  p.  51T.) 

Juste,  que  l'on  trouve  dans  cette 
citation,  signifie  une  sorte  de  vase 
destiné  à  contenir  des  liquides,  une 
urne.  Le  fait,  raconté  dans  ce  pas- 
sage de  Benoît  de  Sainte-More,  est 
également  rapporté  par  Wace^  dans 
le  roman  de  Rou. 

Es-vous  illeac  on  damoisel. 
Une  juste  sous  son  mantel, 
Mort  est  son  père  nouvelment. 
Relever  volt  son  tenement. 
Sa  juste  esteit  mult  bonne  e  ehere, 
Tut  esteit  d'or  noblement  faite, 
Cil  qui  la  tint ,  l'a  avant  traite, 
A  présent  au  duc  la  tendi. . . . 

[Rom.  de  Rou,  U  I,  p.  375.) 

Religion,  L.  de  Guill.  §  i.  Com- 
munauté religieuse;  de  religiOf  re- 
ligionis. 

A  cens  des  maisons  besoignoses, 
As  religions  sofiraitoses 
Enveiez  voz  dons  e  voz  biens; 
Qu'eissi  serreiz  veirs  crestiens. 

(CAnM.  dei  due$  de  Horm.  t.  III,  p.  381.) 

Nous  disons  encore,  dans  un  sens 
fort  voisin  :  mettre  une  fille  en  reli' 
gion;  entrer  en  religion. 

Remenant,  L.  de  Guill.  §  xlv. 
Reste,  restant.  Substantif  formé  du 
verbe  remener,  rester,  demeurer,  de 
remanere.  La  Fontaine  dit  le  demeu- 
rant des  rafs^'pour  le  reste  des  rats. 
(Liv.  II,  fable  ii.) 

Desquex  ij  sols  vj  den.  H  mestres  des  mo- 
lins  a  vj  deuiers  pour  s'amende,  et  Ii  cha- 
pitres le  remanant.  [Livre  des  Métiers,  p. 
19.) 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  V,  479 


REMIS)  part,  passé  pass.  L.  de 
Guill.§xxi;  Remises, t^ew^  fém.plur. 
ibid.  §  XXXVIII.  Resté ,  demeuré ,  de 
remans'us,  participe  de  remanere. 

Ne  nos  est  remis  qairs  es  mains 
Del  angoisse  de  traire  as  reins  {rames). 

{Chrcm.  dt$  duet  da  Korm.  t.  l,  p.  54.) 

Rendre,  prés,  de  l'inf.  L.  de 
Guill.  §  x;  Rendrad,  3«  pers.  sing. 
fut.  ibid.  %  IV ;  Rendra,  item,  ibid. 
%  XIII  ;  Rendrunt,  3«  pers.  plur.  du 
fut.  ibid.  §  XXVI  ;  Rendist,  3»  pers. 
sing.  passé  défini,  ibid.  §  i  ;  Ren- 
DET,  3^  pers.  sing.  prés,  du  subj. 
lôzd.  §  xxxviii ;  Rende,  item,  ibid. 
gxLiii;  Rendissent,  3«  pers.  plur. 
imparf.  du  subj.  ibid.  §  xxxii.  Dé- 
rivé de  reddere. 

Requireit,  3«  pers.  sing.  du  passé 
défini  de  l'ind.  L.  de  Guill.  §  i.  Du 
verbe  requirir,  avoir  recours,  re- 
courir à,  requérir  l'assistance  de; 
dérivé  de  requirere. 

Rete,  3«  pers.  sing.  prés,  de  l'ind. 
L.  de  Guill.  §XLix;  Retent,  3"  pers. 
plur.  prés,  de  l'ind.  ibid.  §  l;  Reté, 
part,  passé  pass.  ibid.  §§  xlv,  xlvii. 
Du  verbe  reter,  traduire  quelqu'un 
en  justice  pour  demander  droit  contre 
lui,  accuser,  incriminer;  en  langue 
d'oc  et  en  ancien  espagnol  reptar,  en 
espagnol  actuel  retar,  en  portugais 
reptar  et  retar.  Tous  ces  mots  dé- 
rivent de  reputare,  qui  était  employé 
en  basse  latinité  pour  imputare,  im- 
puter, inculper,  incriminer,  accuser. 
M.  Diez  en  cite  les  exemples  suivants 
dans  son  Lexique,  p.  286  :  «  Si  quis 
alteri  reputaverit  quod  scutumsuum 
jactasset.  »  (Loi  salique,  tit.  xxx.) 
«  Quia  nulli  de  ista  causa  volet  re- 
putare. »  {Capitidmre  de  Charles  le 


Chauve,  dans  Baluze,  t.  II,  p.  M .) 
«  Contra  quod  sacramentum  si  qui- 
libet  fecisse  reputatus  fuerit.  {Ibid. 
p.  179.) 

Riens  ne  li  dei,  n'nnc  ne  li  fis 
Chose  dunt  j'a  seie  retes. 

(CAro».  defduct  dt  Nom.  t.  III,  p<  IM.) 

Cil  puent  bien  de  fl  savoir.... 
Que  ge  's  ferai  encore  pendre 
Qui  la  referont  de  folie. 

(ïïi»«>i,t.!,  p.  19T.) 

J'otroie  que  je  soie  de  tralson  retes 
Se  li  princes  ne  c'est  en  fuiant  retour- 
[nez. 

[Chronique  de  du  Ciuiclin,  1. 1,  p.  398.) 

Retient,  3«  pers.  sing.  prés,  de 
l'ind.  L.  de  Guill.  §  xx;  Retenget, 
3*  pers.  sing.  prés,  du  subj.  ibid.  § 
xxxiii.  du  verbe  retenir;  dérivé  de 
retinere. 

Returnar,  prés,  de  l'inf.  Serm.  ii. 
Détourner  ;  du  préfixe  re  et  de  toma- 
re,  tourner.  Dans  les  composés  latins 
re  se  trouve  généralement  employé 
avec  deux  sens  différents  :  1  •>  avec  le 
sens  de  rursus,  de  nouveau;  reficere, 
faire  de  nouveau,  refaire  ;  relegere, 
lire  de  nouveau,  relire,  etc.  2°  avec 
le  sens  rétro,  en  arrière,  en  sens 
contraire  d'une  direction  précédente: 
refluere,  fluer  en  arrière,  fluer  dans 
une  autre  direction,  refluer;  repeir 
1ère,  pousser  en  arrière,  repousser; 
renudare,  mettre  à  nu  en  retirant  les 
habits,  dépouiller;  retexere,  retirer 
les  fils  d'un  tissu,  désourdir;  rete- 
gere,  retirer  ce  qui  sert  à  couvrir,  dé- 
couvrir, etc.  C'est  à  ce  dernier  sens 
qu'appartient  le  re  de  returnar,  tour- 
ner dans  une  direction  contraire, 
détourner.  Dans  le  serment  tudes- 
que,  le  verbe  correspondant  est  tr  • 
winden,  composé  de  ir  o\xer,  préfixe 


<80 


PREMIÈRE  PARTIE. 


qui  marque  éloignement,  et  winden, 
tourner. 

Rex,  s»  Eulal.  V.  12,  21  ;  Rei.  L. 
de  Guill.  §§  I,  II,  etc.  Roi,  ibid.  §§ 
II,  III.  Roi;  du  latin  rex. 

RoBERiE,  L.  de  Guill.  §  iv.  Vol  fait 
avec  violence,  rapine,  pillage.  Subs- 
tantif formé  du  verbe  rober.  (Voir  ce 
dernier  parmi  les  mots  d'origine 
germanique,  ch.  m,  sect.  ii.) 

RuovET,  3*  pers.  sing.  prés,  de 
l'ind.  S'*  Eulal.  v,  24;  Roveret,  3" 
pers.  sing.  d'une  forme  du  passé  que 
nous  avons  perdue.  S'*  Eulal.  v.  22. 
Du  verbe  roverj  ordonner,  comman- 
der; dérivé  de  rogare  demander. 
(Pour  la  différence  de  signification 
que  présente  le  verbe  latin  et  le 
verbe  roman,  voir  la  remarque  faite 
précédemment,  à  l'article  Deman- 
der.) 

Et  il  al  roi  le  remanda. 
Qui  tous  a  pendre  les  rouva. 

{Chrott.  d*  Ph.ifoulket,t.  II.p.  617.) 

Souvent  voveryTOuver,  ruever,  est 
employé  pour  demander,  comme  son 
primitif  rogare  : 

Vers  ramirail  regardé  ont; 
Boinemeiit  li  ruevent  congé. 

{Floirt  et  Blaneeflar,  Alit.  du  Mëril,  p.  ISO.) 

Les  rogations  se  nommaient  au- 
trefois les  rovaisons;  voir  la  Chanson 
des  Sajcons,  t.  I,  p.  109. 

La  forme  roveret  est  la  3*  per- 
sonne d'un  passé  que  notre  langue 
ne  possède  plus;  il  était  formé  du 
plus-que-parfait  latin  rogaram ,  as, 
atj  pour  rogaveram,  as,  at.  L'espa- 
gnol et  le  portugais  ont  conservé  une 
forme  correspondante. 

Sagrament.  Serm.ii;  L.  de  Guill. 
§§  XVI  et  XXV.  Serment  ;  de  sacra- 
tnentum.   On  trouve  encore  sagre- 


ment  ^  en  1 275,  dans  une  confirma- 
tion des  coutumes  de  la  Perouse , 
par  Roger  de  Broce  : 

Il  doit  jurer  sure  sainct  que  il  et  li  sen 
li  ont  portés  dis  ans,  ou  plus,  sans  beance 
de  droit,  et  doet  en  être  crut  par  son  sa- 
grement.  (Coutumes  locales  deBerry  et  celles 
de  Lorris,  par  la  Thaumassière,  p.  97.) 

Désagrément  on  fit  sarement,]}\iï5 
serement.  (Voir  ces  mots  dans  le 
glossaire  de  Roquefort.) 

Plein  serment,  L.  de  Guill.  §§  xvi 
et  XXV  ;  Serment  nomed,  ibid.  §  xvi. 
On  appelait  plein  serment,  en  basse 
latinité,  planum  saeramentum,  le 
serment  qui,  étant  déféré  par  le  juge, 
se  faisait  d'après  une  formule  sim- 
ple et  sommaire  prescrite  par  la  loi; 
le  serment  nomed,  qui  lui  est  oppo- 
sé dans  le  paragraphe  xvi,  était  un 
serment  plus  explicite,  dont  la  for- 
mule était  probablement  désignée 
par  le  juge,  qui  se  conformait  pour 
cela  à  certains  usages  reçus.  (Voir 
Homes  només  à  l'article  Nom^r  ;  voir, 
de  plus,  du  Gange,  Juramentum. 

Saint,  L.  de  Guill.  §  i;  Saintz, 
masc.  plur.  ibid.  §§  xi  et  xv;  Sainte, 
fém.  sing.  ibid.  §  i.  De  sandus. 

Saintz,  dans  les  paragraphes  xi  et 
XV,  signifie  reliques  des  saints. 

On  aporta  les  sains  pour  eulz  faire  jurer. 

Cil  qui  out  droit  s'alla  a  genouillons  geler; 

Tan  tost  qu'il  vit  les  sains  il  prist  liaut  a 
parier, 

El  dlst:  Seigneurs,  je  jure  par  les  sains  qui 
sont  ci, 

Et  partrestouz  les  autres  de  quoy  Dieu  est 
servi, 

Que  eest  mauves  glouton  ,  qui  ci  est,  m'a 
tray, 

Et  forfaite  la  dame  a  qui  je  sni  mari... 

Lors  l'autre  chevalier  dist  haut  en  son  lan- 
gage : 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SEGT.  V. 


181 


Seigneurs,  or  entendez  pour  Dieu,  pranz  et 

peliz; 
Je  jure  sur  les  sains  qu'avez  en  preeenlmis 
Et  sus  tretouz  les  sains  qui  sont  en  paradis, 
Onques  de  \ilanie  la  dame  ne  requis, 
Ancois  me  requeroit  et  menu  et  souvent. 

(Noueeau  recueil  de  contet,%.  I,  p.  12  et  13.) 

Je  vi  un  chevalier  qui  avoit  non  mon 
seigneur  Gyeffroy  de  Rançon. ...  et  avoit 
Juré  sur  sains  que  il  ne  seroit  jamez  roin- 
gnez  en  guise  de  chevalier,  mes  porteroit 
grève ,  aussi  comme  les  femmes  fcsoient , 
jusques  a  tant  que  il  se  verroit  vengié  du 
conte  de  la  Marche.  (Joinville,  p.  23.) 

Le  mot  corps  est  ordinairement 
sous-entendu  avec  saints  ;  on  le 
trouve  néanmoins  exprimé  dans 
l'exemple  suivant  : 

A  Biex,  ceu  souloient  dire, 
Fist  assembler  un  grant  concile; 
Tous  les  corps  saint 2  fist  demander. 
Et  en  un  lieu  touz  assembler, 
Toute  une  cuve  en  fist  emplir. 

(Rom  de  Rou.) 

Cet  exemple  est  cité  dans  du  Cange, 
art.  Juramenti  ad  sanctorum  reli- 
quias,  qui  fait  suite  à  l'article  Jura- 
mentum.  (Voir,  en  cet  endroit ,  les 
remarques  du  célèbre  lexicographe, 
ainsi  que  son  article  Sanda,  n°  %) 

Salvament,  Serm.  i .  Salut;  subs- 
tantif dérivé  du  verbe  salvare,  sau- 
ver. 

E  ceo  que  duleement  manjoent 
Hustre  que  del  saint  sacrement 
Par  quei  l'om  vent  a  salvement. 
C'est  le  veir  cors  de  Jesu-Crist. 

(CAron.  dêi  ducs  de  Norm.  t.  1,  p.  137.) 

Salvar,  prés,  de  l'inf.  Serm.  i;. 
Salvarai,  4"pers.  du  fut.  ibid.  Sau- 
ver, préserver;  de  salvare. 

Sanz,  prép.  L.  de  Guill.  §  v;  Senz 
item,  ibid.  §  xxxvi.  Sans;  de  sine. 

Savir,  prés,  de  l'inf.  Serm.  i  ;  Sa- 
VEiR,  item,  L.  de  Guill.  dans  le  titre; 


Savoir,  item,  ibid.  §  xvt;  Set,  3* 
pers.  sing.prés.del'ind.  ibid.^xw; 
Sot,  3«  pers.  sing.  passé  déf.  ibid. 
§§  IV  et  XV  ;  SouT,  item,  ibid.  §  xli; 
SoLT,  item,  ibid.  Savoir;  de  sapere, 
'dont  les  Romains  ont  fait  usage  dans 
le  sens  de  sentir,  avoir  le  sentiment 
de,  comprendre,  connaître.  Pour 
passer  de  ce  sens  à  celui  que  nous 
donnons  aujourd'hui  à  savoir,  nous 
n'avons  eu  qu'à  prendre  l'antécédent 
pour  le  conséquent.  Cicéron,  dana 
son  premier  livre  de  la  Divination, 
cite  ces  mots  d'un  ancien  auteur  : 
«  Qui  sibi  semitam  non  sapiunt, 
alteri  monstrant  viam.  »  On  lit  dans 
Plante  : 

Désiste;  recte  ego  rem  meam  sapio,  Cal- 
lipho. 

(Plinle,  Pseudolut,  acte  1,  icéo*  t.) 

Se  ,  pron.  réfléchi ,  L.  de  Guill. 
§xvi;  Si,  item,  ibid.  §  xli;  Sei, 
item,  ibid.  xli;  S' pour  se,  S^Eulal. 
v.  4  8,  20  et  21 .  Du  latin  se. 

Seignor,  L.  de  Guill.  §  viu  et  xiv; 
Seignur,  ibid.  §§  m  et  xviii;  Sei- 
GNOUR,  ibid.  §  xxv;  Sendra,  Serm. 
II ;  Sire,  L.  de  Guill.  §§  xlv  et  l. 
Seigneur,  maître,  propriétaire.  Dans 
le  paragraphe  xiv,  seignor  signifie 
mari  ;  c'est  une  signification  que  ce 
mot  a  fort  souvent  dans  notre  an- 
cienne langue.  La  Vulgate  emploie 
fréquemment  dominus  dans  le  même 
sens. 

La  dame  haitée  s'en  parti,  la  chère  puis 
ne  li  chaï  ;  od  sun  seignur,  le  matin,  Deu 
aiirat,  puis  a  sa  maisun  returnad.  (.Livré 
des  Rois,  p.  4.) 

Mainte  dame  essaie 
E  cerche  la  maneie 
De  soun  seignour  sovent. 

{livre  dei  proterbet  françait,  i-ul.li.:  p,r  M.  La  Roux  da 
1  Lincj,  t.  Il,  [i.  3«0,  col.  l.) 


182 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Seignor  dérive  de  senior,  plus  âgé, 
plus  vieux.  Les  conquérants  germa- 
niques traduisirent  en  latin  l'idée 
"enfermée  dans  leur  mot  alderman, 
homme  plus  âgé;  ils  nommaient  ainsi 
un  homme  revêtu  de  quelque  charge, 
de  quelque  pouvoir,  de  quelque  di- 
gnité, parce  que,  dans  le  principe, 
les  charges,  et  surtout  celle  déjuge, 
étaient  chez  eux  le  partage  des  vieil- 
lards les  plus  âgés  dans  chaque  tri- 
bu. Cette  étymologie  de  senior,  sei- 
gneur, est  formellement  rapportée 
dans  un  passage  des  lois  d'Edouard 
le  Confesseur ,  qui  n'a  point  été  re- 
marqué jusqu'ici  :  a  Et  sicut  modo 
vocantur  greoe  qui  super  alios  prae- 
fecturas  habent,  ita  apud  Angles  gal- 
dormen  (sic,  aldormen)  quasi  senio- 
res,  nonproptersenectutem,  cumqui- 
dem  adolescentes  essent,  sed  propter 
sapientiam  ;  et  similiter  olim  apud 
Britones ,  temporibus  Romanorum , 
in  regno  isto  Britanniae  vocabantur 
senafores  qui  postealemporibusSaxo- 
num,  ut  prœdictum  est,  vocabantur 
aldermani.  »  (Lois  d'Édouardle  Con- 
fesseur, dans  les  Coutumes  anglo- 
normandes  de  Houard,  1. 1,  p.  175.) 

Vrètre  dérive  d'un  comparatif  grec 
ayant  la  même  signification  que  le 
comparatif  latin  auquel  seigneur  doit 
son  origine,  n/sî^eûrspo,-,  le  plus  vieux, 
et,  par  extension,  respectable  par  son 
âge,  signifia  dès  les  premiers  siècles 
de  l'Église  un  vieillard  que  les  chré- 
tiens se  donnaientpour  chef  spirituel, 
puis  un  interprète  de  la  foi,  un  mi- 
nistre du  culte.  Ce  mot  devint  en 
latin  presbyter,  en  français  présure, 
prêtre. 

Le  mot  clieikh ,  qui  veut  dire  un 
chef  de  tribu  chez  les  Arabes,  signifie 


aussi  un  vieillard  dans  leur  langue. 

Sendra  vient  de  senior,  dans  le- 
quel on  a  introduit  un  d  entre  le  n 
et  le  r.  La  même  lettre  a  été  intro- 
duite dans  TENDRE  de  tener;  cendre 
de  ùiniSj  ceneris;  gendre  de  gêner; 
VENDREDI  de  Veneris  dies  ;  moindre 
de  minor;  joindre,  plus  jeune  (voir 
le  glossaire  de  Roquefort) ,  de  ju- 
nior, etc.  (Voyez  t.  II,  p.  4  41  et  1 42.) 

L'a  qui  termine  sendra  représente 
un  son  sourd ,  comme  dans  fradra, 
mis  dans  le  Serment  i  pour  fradre. 
Sendra,  sendre,  ou,  sans  le  d  inter- 
calé, senre,  donnèrent  postérieure- 
ment, par  syncope,  notre  mot  sire. 

Seinurage,  L.  de  Guill.  §  xxxiii. 
Pouvoir  seigneurial ,  puissance  sei- 
gneuriale, droits  du  seigneur;  ce  mot 
se  prend  assez  souvent  pour  celui  ou 
celle  à  qui  appartenait  le  pouvoir  sei- 
gneurial, le  seigneur  ou  la  dame 
d'une  terre.  Seignurage  a  été  formé 
de  seignur.  (Voir  pour  l'origine  de  ce 
dernier  l'article  Seignor  qui  précède.) 

Dame,  fait-U,  ce  vos  puet  moult  grever 
Que  vos  flés  en  vostre  signorage. 

(Le  Roux  A»  Liocy,  Chann  hUlortques,  t.  I,  p.  S9.) 

Et  $e  ce  qa'il  auront  retenu  dou  laron 
vaut  plus  que  le  damage,  si  deit  estre  don 
seignorage.  (Assises  de  Jérus,  t.  II,  p.  1 86.) 

Et  tuit  iquil  home  et  equelles  femes  qui 
lor  aver  meterint,  necomanderanl  a  laPae- 
rose  par  paez  ne  par  gerre  que  li  sires  ait 
à  eaus,  neob  lotsegnorage,  ne  lo  perdrant, 
que  san  et  quitte  l'enporterant.  (Coutumes 
de  la  Perouse  insérées  dans  les  Nouvelles 
coutumes  locales  de  Berry,  commentées  par 
LaThaumassière,  p.  98.) 

Selez,  part,  passé  passif,  L.  de 
Guill.  §  XXII.  Du  verbe  seller,  dérivé 
du  substantif  sella,  siège.  (Voyez 
t.  II,  p.  203.) 

Semble,  3*  pers.  sing.  prés,  de 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  V.  <83 

Dans  les  premiers  temps  de  notre 
langue,  le  complément  indirect  cor- 
respondant au  datif  latin  se  plaçait 
assez  souvent  devant  le  verbe,  sans 
préposition.  On  trouve  dans  les 
Serments  :  «  Si  Ludwigs  sagra- 
ment  que  son  fradre  Karlo  jurât, 
conservât;  »  Si  Louis  garde  le  ser- 
ment qu'il  jure  à  son  frère  Karle; 
et  dans  le  Livre  des  Rois  :  «  La 
firent  venir  pur  le  rei  servir,  n 
(P.  220.)   (Voyez  t.  III,  p.  483.) 

Servise,  L.  de  Guill.  §§  xxxiii 
et  xxxiv;  Service,  ibid.  §  xxxiii. 
Service.  Dans  le  paragraphe  xxxiv, 
servise  signifie  obligation  du  vassal 
envers  son  suzerain;  il  est  fréquem- 
ment pris  en  ce  sens  dans  les  As- 
sises de  Jérusalem.  Dérivé  de  ser- 
vitium. 

Set,  adj.  num.  L.  de  Guill. 
§  XVI.  Sept;  de  septem. 

Seule,  S'«  Eulal.  v.  24.  Le  monde 
d'ici-bas,  le  séjour  terrestre;  de 
sœculum,  siècle.  Nous  disons  en- 
core aujourd'hui,  dans  un  sens  rap- 
proché, en  style  ascétique,  se  retirer 
du  siècle,  demeurer  dans  le  siècle, 
vivre  selon  les  maximes  du  siècle. 
Nous  appelons  séculiers  les  hommes 
qui  vivent  dans  le  monde,  par  op- 
position à  ceux  qui  ont  embrassé 
la  vie  religieuse. 

(Voir  le  glossaire  de  Roquefort, 
art.  Siècle.) 

Dans  le  Purgatoire  de  saint  Pa- 
trice, siècle  est  très  souvent  employé 
pour  le  monde  d'ici-bas,  par  oppo- 
sition à  l'autre  monde,  celui  dans 
lequel  vont  les  âmes  lorsqu'elles  se 
sont  séparées  du  corps. 

Seint  Gregoires  testimonle, 
Qui  parole  de  celé  vie, 


l'ind.  L.  de  Guill.  §  xliv.  Du  verbe 
sembler,  dérivé  de  simulare.  (Pour 
l'introduction  du  6  entre  m  et  l,  voir 
t.  II,  p.  439.) 

Sempre,  S'«  Eulal.  v.  10.  Tou- 
jours; de  semper. 

Jo  vos  otri  quanque  m'avez  ci  quis  ; 
Cuntre  Franceis  sempres  irczferir. 

(Chatii.  d»  Rot.  it.  ccxxxi,  ▼.  l.) 

Sendra.  (Voir  Seignw.) 

Serf  L.  de  Guill.  §  viii.  De  «cr- 
vus. 

Serjant,  L.  de  Guill.  §  xlix; 
Serjanz,  plur.  iUd.  §  xviii.  Servi- 
teur; de  servims,  servientis,  par  la 
substitution  de  la  consonne  j  à  la 
voyelle  t  cette  substitution,  t.  II, 
(Voir,  pour  416.) 

Dans  le  Livre  des  Rois,  Giezi, 
serviteur  d'Elisée,  est  tantôt  appelé 
servant,  tantôt  serjant  : 

Si  apelad  Giezi  sun  servant.  (P.  356.) 
Dune  apelad  Helyseu  Giezi  sun  serjant. 
(P.  359.) 

Serment.  (VoirSagmmen*.) 
Servir,  prés,  de  l'inf.  S'«  Eulal. 
V.  4.  De  servire.  Dans  les  mots 
diavle  servir,  le  substantif  diavle 
représente  un  complément  indirect. 
On  disait  autrefois  servir  à  quel- 
qu'un, en  latin  servire  dicui.  On 
trouve  servir  al  diable,  servir  au 
diable,  pour  servir  le  diable. 
Rogier  d'Estuleville  en  lud  le  cunestable, 
Ki  unkes  n'ama  traïsun  ne  servir  al  diable. 

(Chron.  de  Jordan  FaïUome,  p.  650.) 

Mais  ore  vus  haitez,  e  seiez  forz  cham- 
piuns,  Philistiim,  que  vus  ne  servez  as  He- 
breus,  si  cume  il  unt  tervis  a  vus.  {Livre 
des  Rots,  p.  15.) 

Confortamini  et  estote  viri,  Philistiim, 
lerviatis  Hebrœis  ^  sicut  et  illi  tervierunt 
vobii. 


184 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Que  cil  qui  de  cest  siècle  vunt 
E  en  l'espurgatoire  sunt. 
Qu'il  sunt  alegcs  par  iceus 
Qui  almosne  c  bien  funt  pur  eus. 

(Marie  d«  France,  t.  II,  p.  467.) 

Si  cum  11  chaitif  en  turment 
Sunt  travaillé  plus  longemeut 
Pur  les  granz  péchiez  ke  ils  firent 
Tant  cum  il  el  siècle  vesquirent, 
Si  sunt  li  autre  meins  peneit 
Qui  meijjs  firent  d'iniquiteit. 

(/*»■</.  p.  179.) 

La  forme  seule  que  nous  trou- 
vons dans  Sainte  Eulalie  est  cons- 
tamment employée  par  saint  Ber- 
nard, tantôt  pour  signifier  siècle, 
tantôt  pour  signifier  monde  : 

Ke  nos  mansuetume  et  humilitelt  apre- 
gnens  à  Nostre  Signor  Jhesu-Crist  à  cuy  est 
Lonors  et  gloire  ens  seules  (siècles)  des 
seules.  Amen.  (Serm,  de  S.  Bern.  p.  560.) 

Car  molt  est  griés  chose  d'eschevir  l'abys- 
me  des  vices  et  les  fossés  des  criminals pé- 
chiez entre  les  ondes  de  cest  seule  (monde), 
nomeyement  or  en  ces  tens  ie  li  malices  est 
si  enforciez.  {Ibid,  p.  567,) 

L'auteur  de  la  cantilène  sur  sainte 
Eulalie  dit  lazsier  lo  seule,  laisser 
le  siècle,  pour  signifier  mourir  ;  on 
disait  dans  le  même  sens  aller  du 
siècle  et  venir  du  siècle. 

Et  quant  tu  serras  del  siècle  aled,  beaus 
sire  reis,  si  cunreid  n'en  prens,  jo  e  Salo- 
mun  tes  flz  serrums  chaitifs  e  descunseil- 
lez.  {Livre  des  Ruis,  p.  223.) 

Erilque  cum  dormierit  dominus  meus  rex 
cum  patrilms  suis,  erimus  ego  et  plius  meus 
Salomon  peccatores. 

Grâces  rent  a  son  Creator 

Quant  ele  a  si  bien  son  ator. 

Dont  disl  la  dame  :  «  Biaus  douz  père, 

Toi  pri  que  ta  bontez  me  père  ; 

XL  et  IX  ans  t'ai  servi, 

A  toi  ai  mon  cors  aservi. 

Fai  de  ta  fille  ton  voloir, 

îles  que  ne  t'en  dnie»  doloir; 


Du  siècle  voudroie  venir. 
Et  voudroie  a  toi  parvenir. 

(Rutebœnr,  t.  II.  p.  143.) 

Si.  (Voir  Se.) 

Si,  conj.  Serm.  n;  S'»  Eulal. 
V.  24;  L.  de  GuiU.  §  xxxii;  Se, 
item,  ihid.  §§  i  et  xn.  Si;  du  la- 
tin si. 

Si,  adv.  Serm.  i;  L.  de  GuiU. 
§§  IV  et  xu;  SiN,  item,  ibid.  §§  iv 
et  XXVI.  Ainsi.  Cet  adverbe  est  sou- 
vent explétif;  il  dérive  du  latin  sic. 

On  doit  remarquer  la  forijae  sin, 
dans  laquelle  le  n  est  euphonique, 
le  mot  suivant  commençant  par  une 
voyelle  :  sin  ert.  Ce  cas  est  assez 
fréquent.  Quelquefois  le  n  devient 
une  lettre  parasite,  qui  se  met  même 
devant  une  consonne  : 

Or  prenget  11  rei  Hugnn  de  plum  quatre 

sûmes, 
Sin  facet  en  calderes  tûtes  ensemble  fundre. 

(  Vogage  de  Charlemagne  à  Jérut.,  v.  567.) 

Il  en  était  de  même  de  l'adverbe 
aussi,  que  l'on  trouve  écrit  aussin, 
et  de  l'adverhe  ne,  pour  lequel  on 
trouve  nen.  (Voir,  ci-dessus,  l'ar- 
ticle Ne,  et  le  tome  III,  p.  326, 
note .  ) 

Le  plus  souvent,  sin  que  l'on 
trouve  dans  les  manuscrits  est  pour 
si  en,  et  doit  être  représenté,  dans 
les  éditions  imprimées,  par  si  'n  ; 
mais,  dans  le  paragraphe  v,  si  'n 
est  pour  si  on. 

L'élision  de  l'o  dans  on  précédé 
d'une  voyelle  se  trouve  très  fré- 
quemment dans  le  manuscrit  de 
Froissart,  conservé  à  la  bibliothèque 
de  Valencicnnes.  J'en  trouve  les 
exemples  suivants  dans  l'édition  des 
Chroniques  de  cet  historien  publiée 
par  M.  Buchon. 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  V. 


*  Puis  se  disna  chascun  de  ce  qu'il  put 
avoir,  puis  sonna  V»  les  trompettes  et  monta 
'«  à  cheval,  (Froiss.  t.  III.  p.  478.) 

Me  laira  'n  de  soif  mourir  ? 

(Froiss.  I.  m,  p.  «8.) 

A  la  parole  s'accorda  *«, 
Et  le  desjun  là  destoursa  'n. 

flilem,  ibidem.) 

SiSTE,  adj.  num.  ordin.  L.  de 
Guill.  §  xvii.  Sixième;  àesextus. 
SiT,  Seit,  Sont.  (Voir  Est.) 
SoLT,  L.  de  Guill.  §  xni;  Solz, 
plur.  ihid.  §  I.  Sou;  de  solidus  ou 
soldus,  sorte  de  pièce  de  monnaie 
servant  d'unité  monétaire.  (Voir 
Lampridius^  dans  la  Vie  d'Alexan- 
dre Sévère.) 

SoN^  adj.poss.  masc.  sing.  Serm.  i 
et  ii;  Suo.N,  item,  S'^  Eulal.  v.  15; 
Sun,  item,  L.  de  Guill.  dans  le 
titre;  Soun,  item,  ihid.  §§  xii  et 
XXIV ;  Sa,  adj.  poss.  fém.  sing. 
S'"  Eulal.  V.  17;  L.  de  Guill.  §§  n 
et  XLi;  Suo,  item,  Serm.  ii;  Souue, 
item,  S"  Eulal.  v.  29;  Ses,  adj. 
poss.  plur.  L.  de  Guill.  §  xviii  ; 
Se,  item,  ihid.  §§  xxxiii  et  xlv.  Dé- 
rivés de  suus,  sua,  suum,  suos,  suas. 
(Voir  t.  III,  p.  17  et  175.) 

Sostendreiet,  3*  pers.  sing.  prés. 
du  cond.  S'*  Eulal.  v.  16.  Du  verbe 
sostenir,  soutenir,  supporter,  en- 
durer; de  sustinere. 

SovRE,prép.S'« Eulal.  v.  12;  Soit, 
item;  L.  de  Guill.  §  xv;  Sur,  item, 
ihid.  §  XVI.  Sur;  en  ital.  sovra,  en 
esp.  sobre,  en  prov.  suhré.  Dérivés 
de  super. 

Spede,  Ste  Eulal.  v.22;  Espé,  L. 
de  Guill.  §  XXIV.  Épée;  de  spatha, 
qui  était  un  glaive  long  et  tranchant 
des  deux  côtés.  (Voir  le  glossaire 
de  du  Gange.)  Spatha  vient  lui- 
môme   du    grec  cTiâOTi,    désignant 


185 

toutes  sortes  d'objets  et  d'instruments 
allongés  dont  les  bords  sont  minces 
et  aigus,  tels  que  des  espèces  d'écail- 
lés longues  qui  servent  d'enveloppe 
à  la  fleur  du  palmier;  les  os  des 
côtes;  un  instrument  de  tisserand 
propre  à  serrer  les  fils  du  tissus  ;  une 
spatule,  instrument  de  pharmacien 
et  de  chirurgien;  enfin  une  épée 
longue  et  tranchante  des  deux 
côtés. 

Ménage,  à  l'article  Épée,  prétend 
que  spatha  était  un  mot  celtique; 
mais  les  preuves  qu'il  en  donne  et 
les  citations  sur  lesquelles  il  s'ap- 
puie sont  loin  d'être  concluantes. 

'St  mis  pour  est  par  aphérèse,  L. 
de  Guill.  §  IV.  On  lit  à  la  tète  d'une 
traduction  de  la  Bible  dont  le  ma- 
nuscrit se  trouve  à  la  Bibliothèque 
impériale:  «  Ço'sfli livres  ki primes 
fut  nomé.  »  (Voir,  plus  haut,  l'arti- 
cle Est.) 

Mais  a  la  chambre  failli  ont  ; 

La  (chambre)  Blanceflor  laissent  à  destre, 

En  l'autre  entrent  qui  ^st  à  senestre. 

{Floire  et  Blanceflor,  ëdit.  du  Méril,  p.  8S.) 

Stanit,  3=  pers.  sing.  prés,  de 
l'ind.  Serm.  n.  Du  verbe  stanir,  te- 
nir; dérivé  de  extenere,  dont  Ve 
initial  a  été  retranché,  comme,  il 
l'est  ordinairement  en  italien.  On 
trouve  dans  le  glossaire  de,  du 
Gange  le  verbe  stentari,  passif  de 
stoitare,  fréquentatif  de  stenere  pour 
extenere.  De  même,  extraneus  four- 
nit à  la  basse  latinité  straneus,  stra- 
niiis;  à  l'italien  straniere;  à  notre 
ancien  français  strange.  (Voir  ce 
mot  dans  Roquefort.)  On  pourrait 
citer  bien  d'autres  exemples  ana- 
logues. 

Le  passé  défini  du  verbe  stanir  sq 


<86 


PREMIÈRE  PARTIE. 


retrouve  dans  la  Vio  de  saint  Lé- 
ger, publiée  par  M.  ChampoUion- 
Figeac  : 

Didun  l'ebisque  de  Peilieus 

Lui  l'comandat  ciel  reis  Lotbiers. . . 

li  lo  reciut,  bien  lo  nourit, 

Cio  fud  loDX  tiemps  ob  se  lo  tting. 

{  Vit  de  S .  Léi/er,  tU  IT  M  T.) 

C'est  ainsi  qu'il  faut  lire,  et  non 
pas  los  ting,  comme  a  fait  M.  Cham- 
poUion.  Los  représenterait  un  plu- 
riel, et  il  ne  s'agit  que  de  saint 
Léger.  * 

On  trouve  le  présent  stene,  en 
ancien  italien,  dans  Poeti  del  primo 
secolo,  t.  l,  p.  152.  Salvini  a  tort  de 
croire  que  ce  soit  une  aphérèse  de 
réstiene;  ce  mot  dérive  de  extenere, 
comme  ses  analogues  en  langue 
d'oïl,  et  en  langue  d'oc. 

Stuvçrad,  3«  pers.  sing.  fut.  L. 
de  Guill.  §  xxv;  Estuverad,  item, 
ibid.  §  xxvii.  Du  verbe  uniperson- 
nel  stuveVj  estuver,  estuer,  qui,  à  la 
troisième  personne  singulière  du 
présent  de  l'indicatif,  fait  stiuoet, 
estuvet,  estuet,  il  convient,  il  sied, 
il  est  convenable,  il  est  séant,  il  est 
nécessaire,  il  faut  : 

Or  m'estuvrat  issi  suffrir, 
Lassel  quant  jeo  ne  puis  mûrir. 

(Morie  4e  Franee,  t.  I,  p.  338.}] 

Cl  venez  pur  vus  espurgier 
De  vos  pecliiez  e  alegier  ; 
Barnilment  Vestuet  cuntenir 
Ou  ici  Vestuvrat  périr. 

{Uem,  t.  II,  p.  440.] 

Vostre  cunget,  bael  sire,  si  vus  plaist,  me 
donet; 

En  Franee  k  mon  realme  m'en  estut  retur- 
ner. 

(  Voyag»  dà  Ckartemagna  à  Jim .  t.  116.) 

Nous  trouvons  dans  la  dernière 
des  citations  qui  précèdent  la  forme 


estut.  Cette  forme  qui  signifiait  il 
faut,  il  convient,  il  importe ,  il  est 
nécessaire,  signifiait  également  il  se 
tint  debout,  il  fut  debout;  c'était  la 
3«  personne  d'un  passé  défini.  Ce 
mot  employé  dans  ce  dernier  sens  se 
rattache  évidemment  au  latin  stare. 
On  peut  seulement  observer  que  cette 
3«  personne  n'a  point  été  tirée  de  la 
3*  personne  latine  correspondante , 
stetit  ;  elle  a  été  formée  irrégulière- 
ment, par  une  fausse  analogie,  d'après 
le  mode  de  dérivation  de  nos  passés 
définis,  provenus  des  parfaits  latins 
en  ui,  uis,  uit  :  \AL-uit, val-ut;  par- 
uitj  par-M^  (Voyez  t.  III,  p.  275.) 

Saiil  estul  en  mi  le  pople,  e  sur  els  tuz 
plus  balt  parut  dei  espalde  en  amant. 
(Livre  des  Rois,  p.  36.) 

Sletit  (Saiil)  in  medio  populi,  et  altiorifuit 
universo  populo  ab  humero  et  sursum. 
Li  emperere  s'estut,  si  l'escultat. 

{Chant,  ta  Roland,  (t.  clit.) 

Devant  le  rel  la  s'estut  Guenelun. 

(Ibid.  It.  CCLXXIT.) 

Ce  passé  défini  estut,  employé 
comme  verbe  unipersonnel,  en  vint  à 
signifier  il  fut  séant ,  il  fut  conve- 
nable, il  fut  nécessaire,  il  importa, 
il  fallut. 

Par  mer  folia  longement  ; 
Maint  graut  péril,  maint  grant  tourment 
Et  maint  travail  li  estut  traire  ; 
Après  lonc  tans  vint  en  Ytaire. 

(AaiR.  dt  Brut,  t.  1,  p.  t.) 

Qui  qu'en  mangast,  Ybers  l'estut  laistler. 

[Rom.  dt  RamU  dt  Cambrai,  p.  76.) 

En  espagnol  et  en  portugais  estar, 
employé  également  comme  verbe 
unipersonnel ,  a  un  sens  analogue  à 
celui  que  je  viens  de  signaler  dans 
le  verbe  français.  De  la  signification 
être  debout  qu'avait  le  latin  stare , 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  V. 


187 


on  a  passé  à  la  signification  être 
séant,  être  convenable,  puis  à  celle 
d'être  important,  être  nécessaire.  En 
latin  même  on  trouve  illuid  melius 
stat,  cela  est  plus  séant,  plus  conve- 
nable. 

La  forme  estut,  qui  était  primitive- 
ment un  passé  défini,  ainsi  que  je 
viens  de  l'établir,  fut  employée  pour 
marquer  le  présent,  comme  dans  le 
passage  du  Voyage  de  Charlemagne 
que  j'ai  cité  ci-dessus.  Peut-être 
a-t-on  pris  un  temps  pour  un  autre, 
peu1>-être  aussi  a-t-on  passé  du  par- 
fait au  présent,  par  une  métonymie 
de  l'antécédent  pour  le  conséquent, 
ainsi  qu'il  arrive  fréquemment  dans 
toutes  les  langues  et  particulière- 
ment dans  la  nôtre.  (Voir  à  cet  égard 
t.  III,  p.  277,  et  444,  note  2;  t.  II, 
p.  240.)  Quoi  qu'il  en  soit,  après  que 
estut  fut  devenu  une  3*  personne  du 
présent  de  l'indicatif,  on  partit  de 
cette  forme  pour  fabriquer  par  ana- 
logie un  présent  de  l'infinitif  estuer, 
estuoir ,  T^nis  estuver,  esfwroîV,  par 
l'intcrcalation  d'un  v,  comme  dans 
•pleuvoir,  de  pluere.  Cet  infinitif  une 
fois  composé  donna  naissance  à  une 
nouvelle  3®  personne  du  présent  de 
l'indicatif  estuet^  estuvet,  et  aux 
autres  troisièmes  personnes  des  dif- 
férents temps  de  ce  verbe  uniperson- 
nel  :  imparfait,  estuoit,  estuvoit; 
futur,  estuvera;  conditionnel,  estu- 
veroit,  etc. 

Suite,  L.  de  Guill.  §  v.  Substan- 
tif formé  du  verbe  suivre,  dérivé  de 
sequi.  (Voir,  plus  haut,  l'article  Per- 
suir.) 

SuLUN,  adv.  L.  de  Guill.  §  xxxviii; 
SuLUC,  item,  ibid.  §  xiii.  Selon;  de 
secundum.  (Voir  t.  III,  p.  382.) 


SuMENOUR,  L.  de  Guill.  §  xlv. 
Huissier,  sergent;  de  suhmonitor, 
celui  qui  donne  des  avertissements; 
formé  du  verbe  submonere.  La  fonc- 
tion de  ces  officiers  de  justice  con- 
sistait à  sommer  {submonere)  les  par- 
ties à  comparaître  devant  le  tribu- 
nal. Le  titre  à'huissier  était  autrefois 
réservé  à  ceux  de  ces  officiers  qui 
étaient  attachés  au  parlement  ;  ceux 
des  cours  inférieures ,  qui  souvent 
usurpaient  ce  titre,  ne  devaient  por- 
ter que  celui  de  sergent.  (Voir  Semo- 
neor,  avec  cette  même  signification, 
dans  les  Assises  de  Jérusalem ,  t.  I, 
p.  338.) 

Surplus,  L.  de  Guill.  §  ix.  Subs- 
tantif composé  de  la  préposition  sur 
et  de  l'adverbe  p/ws,  dérivés  de  super 
et  de  j)lus. 

Sursera,  3*  pers.  sing.  fut.  L.  de 
Guill.  §  XLVui.  Du  verbe  surseoir, 
s'abstenir  de ,  omettre,  négliger  de 
faire.  En  basse  latinité,  supersedere 
avait  le  mêm<î  sens  ;  mais  dans  la 
bonne  latinité,  ce  verbe  ne  signifia 
que  surseoir,  retarder  de  faire  une 
chose.  (Voir  l'article  suivant.) 

Sursise,  L.  de  Guill.  §  xlviii.  Omis- 
sion, manquement  de  celui  qui  s'abs- 
tient ou  qui  néglige  de  faire  ce  qu'il 
devrait;  en  basse  latinité  supersisa, 
sursisa.  (Voir  ces  mots  dans  du 
Gange,  à  la  suite  de  Supersedere.) 
Le  substantif  sursise  est  formé  du 
verbe  surseoir,  dont  l'origine  est  in- 
diquée à  l'article  précédent. 

Sus,  adv.  S'e  Eulal.  v.  6.  Au- 
dessus,  en  haut;  du  latin  sus,  susum, 
qui  se  trouvent  dans  les  auteurs 
pour  sursum.  (Voir  t.  III,  p.  385.) 

Tant,  adv.  L.  de  Guill.  §  vi.  De 
tantum. 


188 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Tanz,  adj.  indéf.  L.  de  Guill.  §  xn. 
Quelque  nombreux  que;  dérivé  de 
tantus,  qui  d'une  idée  de  grandeur 
comparative  a  passé  à  une  idée  de 
quantité.  (Comparez  quanz  qui  se 
trouve  t.  III,  p.  150.) 

Tel,  adj.  indéf.  L.  de  Guill.  §  xxiv. 
De  talis. 

Tenent,  3°  pers.  plur.  prés,  de 
l'ind.  L.  de  Guill.  §  xl;  Tint,  3«  pers. 
sing.  passé  déf.  ibid.  dans  le  titre. 
Du  verbe  tenir,  dérivé  de  tenere. 

Tens,  L.  de  Guill.  §  i.  Temps;  de 
tempus. 

Tendre,  L.  de  Guill.  §  xxvii. 
Mouvance  d'un  fief.  Les  terres  d'une 
tenure  étaient  toutes  celles  qui  dé- 
pendaient d'un  même  fief,  celles  que 
tous  les  vassaiix  tenaient  à  foi  et 
hommage  du  seigneur  suzerain  du 
fief.  Tenure  est  formé  du  verbe 
tenir,  dérivé  de  tenere. 

Terme,  L.  de  Guill.  §§  iv  et  xxv. 
De  terminus. 

Terre,  L.  de  Guill.  titre  et§  xxxm. 
De  terra. 

Teste,  L.  de  Guill.  §  iv.  Tête;  de 
testa,  qui  signifiait  proprement  têt 
de  pot,  tesson,  et,  par  extension, 
beaucoup  d'objets  convexes  d'un 
côté  et  concaves  de  l'autre,  comme 
l'est  un  tesson  ;  il  se  prenait  pour 
coque,  coquille,  écaille,  castagnette, 
carapace  de  tortue ,  crâne.  Je  ne 
donnerai  des  exemples  que  de  cette 
dernière  signification  : 

Abjecta  in  triviis  inhumati  glabra  jacebat 
T«s/ahominis,nadamiaiu  cute  calvitium. 

(AusoDe,  épigr,  xvii.) 

Vel  in  capite  testa  apareat. . .  (Lex  Baj- 
wariorum,  tit.  III,  ch.  1 ,  §  3. 

Plus  tard  on  prit  la  partie  pour  le 
tout,  et  testa  ne  signifia  plus  seule- 


ment le  crâne,  mais  la  tête  elle- 
même.  (Voir  Testa  dans  le  glossaire 
de  du  Gange.)  En  espagnol  et  en 
portugais,  testa  ne  signifie  propre- 
ment que  le  haut  de  la  tête,  la  par- 
tie antérieure  du  crâne,  le  front; 
pour  désigner  la  tête  entière,  la 
première  de  ces  langues  se  sert  de 
caheza,  et  la  seconde  de  cabeça,  tous 
deux  dérivés  de  caput.  L'italien  se 
sert  indifféremment  de  testa  et  de 
capo,  pour  signifier  tête. 

Testimonie,  L.  de  Guill.  §§  vu, 
XLiii  et  XLiv;  Testemonie,  Teste- 
moine,  ibid.  %  XLiii;  Testimoine, 
ibid.  §  XVI  ;  Testimoines,  plur.  ibid. 
§§  xxv  et  xxvii.  Ces  mots  sont  tous 
dérivés  de  testimonium;  ils  signi- 
fient tantôt  témoignage,  déclaration 
des  témoins,  preuve  qui  résulte  de 
cette  déclaration,  tantôt  un  témoin 
lui-même,  comme  aux  paragraphes 
xxv,  xxvu  et  XLiv . 

Testimonient,  3®  pers.  plur.  prés, 
de  l'ind.  L.  de  Guill.  §  xxv  ;  Teste- 
MONiET,  part,  passé  passif,  ibid. 
§  XLV.  Du  verbe  testimonier ,  t«s- 
temonier,  témoigner,  formé  du  sub- 
stantif testimoine ,  qui  se  trouve  à 
l'article  précédent. 

Tierce,  adj.  num.  ordinal,  L.  de 
Guill.  §  XLii.  Troisième;  de  tertius. 

ToLiR.  prés,  de  l'inf.  S'«  Eulal. 
V.  22;  ToiLLE,  3^  pers.  sing.  impér. 
L.  de  Guill.  §  xxxiv.  Enlever;  de 
tollere. 

ToR,  L.  de  Guill.  §  x.  Taureau  ; 
de  taurus . 

A  la  guise  dou  tor  qui  s'est  combattuz,  \ 
cui  sa  fierté  double  quant  il  a  esté  défoulez 
et  gitiez  dou  fouc  (troupeau)  des  vaches  par 
les  autres  tors.  (Chron.  de  Saint-Denis,  dms 
le  Recueil  des  historiens  de  France,  t.  XII, 
p.  160.)   . 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.   V. 


Seinglier,  bugle,  asne  salvaige, 
Tors,  dragons  et  serpant  volage... 
Me  venoient  trop  a  l'ancontre. 

(Dolopal/ios,  p.  Î96.) 

Tort,  L.  de  Guill.  §  xli.  En  basse 
latinité,  tortum.  De  même  que  di- 
rectum_,  le  droit,  a  été  formé  de 
l'adjectif  directus,  droit,  qui  est  en 
ligne  droite,  de  même  tortum,  son 
opposé,  a  été  fait  de  l'adjectif  tortus, 
tortueux.  (Voir,  plus  haut,  l'article 
Droit.) 

TosT,  adv.  S'^Eulal.  v.  19.  (Pour 
l'origine  latine  de  cet  adverbe,  voir 
t.  III,  p.  321.) 

Trarad,  3*  pers.  sing.  du  fut. 
L.  de  Guill.  §  xii.  Du  verbe  traer, 
tirer;  de  trahere. 

Travail,  L.  de  Guill.  §  xxxii. 
Peine  que  l'on  se  donne  pour  s'ac- 
quitter d'un  devoir,  pour  remplir 
une  fonction;  travail  qui  est  la  con- 
séquence d'une  charge,  d'un  emploi, 
occupation. 

Ce  mot  a  d'abord  été  employé 
dans  un  sens  que  nous  lui  donnons 
encore  lorsque  nous  nous  en  ser- 
vons pour  désigner  un  assemblage 
formé  de  quatre  fortes  pièces  de 
bois,  dans  lequel  on  enferme  les 
chevaux  vicieux,  pour  gêner  leurs 
mouvements  pendant  qu'on  est  oc- 
cupé à  les  ferrer  ou  à  les  panser.  En 
italien  travaglio  et  en  basse  latinité 
travallum  ont  la  même  significa- 
tion. Ce  dernier  est  pour  tràballum, 
formé  de  trahs.  Le  français  travail 
et  l'italien  travaglio  ont  ensuite  été 
employés  figurément,  pour  signifier 
ce  qui  nous  cause  de  la  gêne,  de 
l'inquiétude,  de  la  souffrance;  ils 
ont  été  pris  dans  le  sens  de  peine, 
fatigue,  souci,  chagrin,  etc.  De 
même,  le  mot  entraves  (de  in  et  de 


489 

trabes)  ne  se  disait  primitivement 
que  de  deux  morceaux  de  bois  avec 
lesquels  on  serrait,  au  moyen  d'une 
courroie,  les  jambes  des  chevaux 
pour  les  empêcher  de  marcher;  en- 
suite, cô  niot  s'est  pris  au  figuré 
dans  un  sens  général  pour  des  em- 
pêchements, des  obstacles.  Gêne  est 
encore  un  mot  dont  la  signification 
a  subi  des  transformations  analo- 
gues, ainsi  qu'on  peut  le  voir  t.  II, 
p.  250  et  231 .  Des  substantifs  gêne, 
entraves,  travail,  nous  avons  fait 
les  verbes  gêner,  entraver,  travailler. 
Voyez  ce  dernier  à  l'article  suivant. 
Un  messager  nommé  Brien  vient 
annoncer  à  Henri  II,  roi  d'Angle- 
terre, la  prise  du  roi  d'Ecosse  avec 
lequel  il  était  en  guerre.  Brien  ex- 
pose au  prince  qu'il  a  couru  pendant 
quatre  jours,  presque  sans  dormir, 
boire  ni  manger,  afin  d'être  le  pre- 
mier à  lui  apprendre  cette  bonne 
nouvelle.  Henri  prend  un  petit  bâ- 
ton, le  tend  au  messager  en  signe 
d'investiture  et  lui  fait  don  de  dix 
livrées  de  terre  pour  son  travail, 
c'est-à-dire  pour  la  peine  qu'il  a 
prise. 

«  Ne  n'ai  guaires  dormi  quatre  jours  snnt 
passez, 

Ne  mangié  ne  beu,  si  suis  mult  afamez; 

Mes,  la  vostre  merci,  gueredun  m'en  ren- 
dez. » 

Et  respundi  li  reis  :  «  Mar  vas  en  dutercz; 

Si  vus  veir  m'avez  dit,  riches  estes  asez...  » 

Il  ad  saisi  un  bastuncel,  a  Brien  l'ad  tendu. 

Dis  livrées  de  sa  terre  pur  le  travail  qu'ot  eu. 

(CAron.  de  Jordan  Faniotme,  p.  610  et  Cil.) 

Senz  fin,  sanz  merci  e  sanz  paiz, 
Fut-it  le  jor  botez  et  mis, 
E  del  tôt,  fors  de  paradis, 
Mortaus,  a  toz  mundains  iravaizy 
Seu  {sic)  repos  aveir  e  sanz  paiz. 

[Chnn.  du  duct  dt  Korm.,  t.  II.  p.  SS5.) 


490 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Dès  ore  coœencent  les  enjanz, 
E  les  Iravais,  e  les  ahani 
Que  il  firent  par  félonie 
Al  duc  Richart  de  Normendie. 

(Uid,  t.  1,  p.  SIS.) 

Monlt  me  sanle  que  cou  soit  gas 
Que  vos  dras  vendes  en  détail, 
D'autre  mercié  avés  travail. 

(Flore  elBIanceflor,  idU.  Bekker,  t.  II Jl) 

Enfin,  travail  passa  du  sens  gé- 
néral de  peine,  fatigue  au  sens  par- 
ticulier de  peine,  fatigue  que  l'on  se 
donne  pour  arriver  à  un  but,  pour 
faire  quelque  chose^  pour  exécuter 
un  ouvrage,  accomplir  un  projet, 
remplir  un  devoir,  etc. 

Travailler,  prés,  de  l'inf.  L.  de 
Guill.  §  XXXIII.  Causer  de  la  peine, 
tourmenter,  tracasser,  inquiéter, 
vexer.  Ce  verbe  vient  du  substantif 
travail  et  sa  signification  a  suivi  les 
variations  du  sens  figuré  de  son 
primitif.  (Voyez  travail,  à  l'article 
précédent.)  L'acception  première  de 
travailler  est  celle  que  nous  offre  ce 
mot  dans  les  Lois  de  Guillaume  le 
Conquérant.  Les  plus  anciens  monu- 
ments de  notre  langue  nous  fournis- 
sent de  fréquents  exemples  de  ce 
verbe  employé  dans  cette  signifi- 
cation. 

Od  tei  serrai,  e  édifierai  a  tan  oes  mai- 
sun  de  lealted,  cl  cum  lis  a  David  ;  e  Israël 
te  liverai  ;  e  le  lignage  David  travaillerai. 
(Livre  des  Rois,  p.  280.) 

Ero  tecum,  et  œdi/icabo  tibi  domum  fule- 
iem,  quomodo  œdificavi  David  domum;  et 
tradam  tibi  Israël;  c/affligara  semen  David. 

E  tuz  ces  li  furent  en  angoisse,  et  ces  qui 
furent  traveillez  pur  dette  qu'ils  durent,  e 
ki  furent  en  amertume  de  lur  curage,  s'a- 
semblercnt  od  David,  e  firent  le  lur  prince. 
{Livre  des  Rois  ,  p.  85.) 

Et  convenerunt  ad  eum  omnes  qui  erant 
in  angustio  constitutif  et  oppressi  œre  alié- 


na, et  amaro  anima  ;  et  foetus  est  eorum 
princeps. 

Agag,  maint  home  as  travillii^ 
Maint  home  ocis  et  essillié; 
Tu  as  mainte  ame  de  cors  traite 
Et  mainte  mère  triste  faite. 

(Rom.  de  Brut,  t.  1,  p.  ST7.) 

On  se  servait  du  verbe  pronomi- 
nal se  travailler  pour  se  donner  de 
la  peine,  se  peiner,  s'efforcer  : 

Mais  li  prelait,  ce  sunt  cil  ki  cns  neis, 
dexendent  en  la  meir,  et  ki  eu  maintes 
awes  se  travaillent.  (S.  Bern.  p.  569.) 

Aujourd'hui  encore  nous  em- 
ployons travailler  a-vec  son  ancienne 
signification  de  tourmenter,  causer 
de  la  peine,  de  l'inquiétude  :  la  fièvre 
le  travaille  cruellement ^  le  soupçon 
et  la  jalousie  le  travaillent.  La  Fon- 
taine s'est  servi  de  se  travailler  pour 
s'efforcer  avec  peine j  dans  la  fable  m 
du  livre  I  : 

Elle,  qui  H'étoit  pas  grosse  en  tout  comme 

un  œuf. 
Envieuse,  s'étend,  et  s'enfle  et  se  travaille 
Pour  égaler  l'animal  en  grosseur. 

Enfin  le  verbe  pronominal  se  tra- 
vailler devint  verbe  neutre,  comme 
firent  se  partir,  se  combattre,  etc., 
pour  lesquels  on  dit  aujourd'hui 
partir,  combattre;  (Voir  t.  III, 
p.  490.)  mais,  en  devenant  neutre, 
travailler  reçut  encore  une  légère 
modification  dans  sa  signification. 
Il  ne  s'employa  plus  pour  se  donner 
de  la  peine^  s'efforcer  en  général, 
mais  pour  se  donner  de  la  peine, 
s'efforcer  dans  le  but  de  faire  quel- 
que chose,  d'exécuter  un  ouvrage, 
d'accomplir  un  projet. 

Treis,  adj.  num.  L.  de  Guill. 
§  vu;  Très,  item.  ibid.^xuv.TTois, 
du  latin  très. 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  V. 


Trente,  adj.  num.  L.  de  Guill. 
§  XVII.  De  trigenta. 

Trespassent,  3^  pers.  plur.  prés. 
de  l'ind.  L.  de  Guill.  §  xxxvi.  Du 
verbe  trespasser,  passer  outre,  tra- 
verser, passer  ;  dérivé  de  trans  et  de 
passus. 

0  vos,  trestuit  li  trépasses, 
Esgardez-moi  et  si  pansez 
Se  nule  dolors  est  si  grans 
Qui  a  la  mole  soit  samblans. 

{Dtlcpaihti,  p.40S.) 

Ces  vers  sont  une  traduction  du 
verset  1 2  du  chapitre  i  des  Lamen- 
tations de  Jérémie:  Vos  omnes  qui 
transitis  per  viam,  considerate  et 
videte  si  est  dolor  sicut  dolor  meitë. 
(Voir  au  sujet  de  trépasser,  t.  II, 
p.  314.) 

Tresqtje,  L.  de  Guill.  §  vi.  Jus- 
que ;  dérivé  de  trans  usqae,  comme 
presqm  dérive  de  prope  quod.  (Voir 
Jusque,  t.  III,  p.  370-372. 

Caries  li  reis,  nostrc  emperere  magne, 
Set  anz  tuz  pleins  ad  ested  en  Espaigne, 
Tresqu'en  la  mer  cunquist  la  tere  altaigne. 

{Cha»i.  de  Roi.  it.  I.) 

Tresque  à  forme  une  locution  pré- 
positive signifiant  jusqu'à. 

Treveure,  L.  de  Guill.  §  vii. 
Trouvaille,  chose  trouvée;  substan- 
tif formé  du  verbe  trever,  trouver. 
(Pour  l'étymologie,  voir  Trouver 
parmi  les  mots  d'origine  germani- 
que, ch.  III,  sect.  II.) 

Trdver,  prés,  de  l'inf.  L.  de  Guill. 
§  rv;  Trover,  item,  ibid.  §  xxv; 
Truitet^  3"  pers.  sing.  prés,  de 
l'ind.  ibid.  §  xxxvii;  Truverat^ 
3«  pers.  sing.  fut.  ibid.  §  vi  ;  Truse, 
3"  pers.  sing.  prés,  du  subj.  ibid. 
§  XLv;  Troise,  iterrij  ibid.  §  vu. 
Trouver.   (Pour  l'étymologie  de  ce 


491 

verbe,  voir  Trouver,  parmi  les  mots 
d'origine  germanique,  ch.  m,  sect.  ii.) 

TuiT,  S'»  Eulal.v.  26;  Tut,  L.  de 
Guill.  dans  le  titre  etpassim;  Tote, 
L.  de  Guill.  §  xii.  Tout,  toute  ;  de 
totus,  tota. 

U,  conj.  L.  de  Guill.  §§  i,  ii,  etc. 
Ou;  de  aut.  (Voir  t.  III^p.  399.) 

Uele.  (Voir  Uwel.) 

Ule,  adj.  indéf.  fém.  Ste  Eulal. 
v.  9.  Le  masculin  était  uîSj  aucun; 
de  ullus. 

Ultre,  prép.  L.  de  Guill.  §  xlvi. 
Outre  ;  de  ultra. 

Um,  Un,  pron.  indéf.  (Voir  Om.) 

Un,  adj,  num.  L.  de  Guill.  §  iv; 
Une,  fém.  ibid.  §  iv.  De  unus,  una. 

Un,  adj.  indéf.  masc.  L.  de  Guill. 
§  xxxix;  Une,  item,  fém.  Sie  Eulal. 
V.  22;  Ens,  masc.  plur.  L.  de  Guill. 
§  XXXIX.  De  unus.  La  forme  en,  ens 
pour  un,  uns  se  trouve  plus  d'une 
fois  dans  les  anciens  manuscrits  en 
langue  d'oïl.  Roquefort  ne  fait  men- 
tion^ dans  son  glossaire,  que  du  fé- 
minin enne,  une  ;  c'est  une  omission 
entre  mille  autres. 

En  niefs  (neveu)  aveit  Othes  li  reis, 
Chevaliers  proz,  sage  e  corteis; 
Mnlt  par  aveit  d'armes  grant  pris. 
Son  non  ne  sai  n'escrit  ne  l'truis. 

(CAron.  dei  ductde  Norm.  t.  II,  p.  108.) 

La  traduction  latine  des  lois  de 
Guillaume,  publiée  par  M.  Palgrave, 
rend  la  fin  du  paragraphe  xxxix  par  : 
«  Quia  res  inter  alios  judicata  aliis 
non  prejudicat,  praesertim  sipraesen- 
tes  non  fuerunt.  » 

Uncore,  adv.  L.  de  Guill.  §  xlv. 
Encore;  dérivé  de  hanc  horam  ;  sous- 
entendu  ad.  En  ital.  ancora;  en 
prov.  encara.  (Voir  t.  III,  p.  303.) 

Ungle,  L.de  Guill.  §  xiii.  Ongle; 


<92 


PREiMIÈRE  PARTIE. 


de  unguicula,  diminutif  de  imguis. 

Ure,  L.  de  Guill.  §  iv.  Heure  ;  de 
hora. 

Utlage,  L.  de  Guill.  §  l.  Qui  est 
.,mis  hors  la  loi^  proscrit.  (Voir  ce 
mot  parmi  ceux  qui  sont  d'origine 
germanique,  ch.  iii^  sect.  ii.) 

UwEL,  L.  de  Guill.  §xxxvi;  Uele, 
fémin.  ibid.  §  xxv.  Égal,  pareil, 
équitable,  impartial,  juste  ;  de  œqua- 
lis.  On  a  écrit  equal^  egal,ewal,  eval, 
ivel,  ewelj  v,wel,  uvel,  uveal,  par  la 
faculté  qu'avaient  le  g,  le  w  etle  i;  de 
se  remplacer  mutuellement  dans  notre 
ancienne  langue.  JJwel  donna,  par 
syncope,  uel,  oel,  qui  avaient  la 
même  signification. 

Or  demande  l'en  se  aucuns  a  parenz  de 
deus  paroiz  (de  deux  côtés),  et  il  conquiert 
mobles  et  teneures,  qu'en  sera?  Et  l'en 
dit  que  11  plus  près  aura  tôt  ;  et  s'il  sont 
ivel  de  deux  paroiz,  iveemenl  prendront. 
(Livre  de  Jostke,  p.  237.) 

Ne  n'est  dons  tes  pères  Deus  a  cuy  tu  es 
ewals?  (Serm.  de  S.  Bernard,  p.  551 .) 

Il  prisl  la  forme  del  serf,  qui  en  la  forme 
de  Deu  estait  uveals  al  peire.  (Ibid.  p.  535.) 

Portes  larges  e  halles  furent  faites  de 
quatre  partz  des  murs  e  quatre  cenz  aines 
out  de  hait  li  uns,  e  cist  murs  iiant  muntad 
que  uels  fud  al  fundement  ù  li  temples  le- 
vad.  {Livre  des  Rois,  p.  251.) 

Columpnes  de  cèdre  quarante-ciuc  riches 
e  haltes  fist  doler,  e  de  lune  celé  maisun 

a  treis  ordres  lever e  ueles  furent 

de  tules  parz;  e  un  porche  i  fist  a  colump- 
nes. (Livre  des  Rois,  p.  266  ) 

M.  Leroux  de  Lincy  a  eu  tort 
d'écrire  weals  au  lieu  de  uveals  dans 
le  texte  de  saint  Bernard,  p.  535,  et 
vêles  au  lieu  de  ueles  dans  le  livre  des 
Rois,  p.  266.  La  syncope  uel,  uele 
est  l'analogue  de  oel,  oele,  dont  on 
trouve  plus  d'un  exemple. 


Treis  parties  i  asignerent, 
Dunt  la  primere  Asye  apelerctit, 
Affrike,  Europe. . . 
Ne  sont  pas  oels  a  estrus, 
Qu'autant  tient  l'une  cum  les  dous, 
Que  Asye  prent  Son  commencement 
Des  Midi  tresqu'en  Orientj 
Entièrement  terre  e  marine. 
En  en  Septemtrien  s'aûne. . . 

(CAroM.  detduii  de  Korm.  t.  I,  p.  10.) 

JJwel,  uvel,  ivel,  uel,  etc.,  ne  si- 
gnifient pas  seulement  égal,  mais 
encore  équitable,  impartial.  En  latin 
œquus  a  également  les  deux  accep- 
tions. Etre  équitable  ,  impartial  , 
c'est  être  juste  d'une  manière  égale 
pour  chacun,  tenir  la  balance  égale, 
ne  faire  acception  de  personne.  C'est 
dans  ce  sens  que  Racine  a  dit  en 
parlant  de  Dieu  qu'il  juge  tous  les 
mortels  avec  d'égales  lois.  (Esther, 
acte  III,  se.  IV.) 

Droiz  est  apelez  en  plnisors  menieres 
(sic)  :  en  une  manière  (sic)  que  l'en  dit  que 
droiz  est  boue  chose  et  ivel,  si  comme  est 
droiz  naturel.  (Livre  de  Jostîce,  p.  3.) 

c(  Mettre  l'aveir  en  uele  main,  » 
(L.  de  Guill.  §  xxv)  signifie  littérale- 
ment mettre  le  bétail  en  main  équi- 
table, c'est-à-dire  dans  les  mains 
d'une  personne  équitable,  le  mettre 
entre  bonnes  mains.  En  basse  lati- 
nité œqua  mams  avait  le  même  sens 
que  uele  main  en  langue  d'oïl.  Une 
charte  anglaise  de  1301  nous  offre 
le  passage  suivant,  dans  lequel  il  est 
question  d'un  homme  servant  de 
caution  à  un  autre  :  «  Ita  videlicet 
quod  nisi  illas  (marcas)  redderet  in 
festo  Nativitatis  S.  JohannisB.  anno 
supradicto,  quod  D.  Willelmus  de 
Betonya  cui  illa  quieta  cl  amatio  cre- 
debatur  custodienda  in  œqua  manu, 
dicto  Nicholao  vel  suo  certo  attornato 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  V. 


m 


iiberaret.  »  (Madox,  Formulare  an- 
glicanum^'p.lO.) 

Vaches,  L.  de  Guill.  §  vi.  Pluriel 
de  vache^  de  vacca. 

Vailaunce,  L.  de  Guill.  §  xlviii. 
Vigueur,  force^robusticité;  dérivé  du 
latin  barbare  valentina  formé  du 
verbe  valere.  (Voir  Valentina  dans  le 
glossaire  de  du  Gange  et  Vaiance 
dans  celui  de  Roquefort.) 

Celui  qui  rencontrait  un  voleur 
et  ne  tâchait  point  de  l'arrêter  était 
passible  d'une  amende  plus  forte,  si 
le  voleur  était  faible  et  peu  redoutable^ 
que  s'il  était  robuste  et  vigoureux, 
attendu  qu'il  y  avait  moins  de  dan- 
ger à  tenter  de  s'emparer  de  lui  dans 
le  premier  cas  que  dans  le  second. 
Tel  est  le  sens  du  commencement 
du  paragraphe  xlviii  des  lois  de 
Guillaume. 

Vailaunt,  L.  de  Guill.  §  xvni; 
Vailant,  ibid.  Qui  vaut,  valant. 
Vailiant,  ibid.  §  xliii.  La  valeur,  le 
bien  valant,  le  vaillant.  Adjectif  et 
substantif  formés  du  verbe  valoir, 
dérivé  de  valere. 

L'eJnpereres  les  flst  herbergier  d'une  part 
et  bien  garder,  si  que  puis  n'en  perdirent 
vaillant  un  denier  de  chose  qu'il  eussent. 
(Villehardouin,  édit.  de  M.  Paris,  clxvi.) 

Les  gens  d'église  et  bourgois  de  la  ville 
ont  tout  leur  vaillant  et  revenu  en  Hainaut 
et  en  Flandres  (Ph.  de  Comines,  liv.  t, 
chap.  XIV.) 

Vavasour,  L.  de  Guill.  §  xxiv. 
Vavasseur.  Les  feudataires  qu'on 
nommait  vavasseurs  étaient  d'ar- 
rière-vassaux, c'est-à-dire  les  vas- 
saux des  vassaux  du  roi  ou  d'un 
autre  éeigneur  suzerain;  en  basse 
latinité  vavassores;  mot  syncopé 
formé  de  deux  autres^  vassi  vas- 


sorum,  vassaux  des  vassaux.  (Voir 
Vassal  parmi  les  mots  d'origine 
celtique,  ch.  n,  sect.  ii.) 

Vindrent  si  plus  riche  chasé, 

Li  baron  et  li  vavasor 

E  li  plus  puissant  del  honor. 

(Chron.  des  ducs  de  Norm,,  t.  \l,  p.  165.) 

Veant,  part.  prés,  actif;  L.  de 
Guill.  §  xxvm.  Un  verbe  veeir,veoir, 
voir;  dérivé  àevidere. 

Vedue,  L.  de  Guill.  §  ix.  Veuve; 
de  vidua. 

Veie^  L.  de  Guill.  §  xii;  Fiée, 
ibid.  |§  XVII,  xLii  ;  Feiz,  Faiz^  ibid. 
§  XLIII  ;  Foiz,  ibid.  §§  xlii,  xl.  Fois. 
Les  Espagnols  disent  dos  veces, 
deux  fois;  très  veces,  trois  fois; 
muchas  veces,  plusieurs  fois,  etc. 
Ces  mots  dérivent  de  vices,  que  les 
Latins  employaient  à  peu  près  dans 
le  même  sens  que  nous  employons 
le  mot  fois,  c'est-à-dire  pour  mar- 
quer la  succession  des  faits,  le  retour 
des  choses.  (Voir  t.  III,  p.  314  et 
315.) 

Veintre,  prés,  de  l'inf.  S'°  Eulal. 
v.  3.  Vaincre.  Veintre  potir  veincre 
se  trouve  très  fréquemment  employé 
dans  les  auteurs  du  xii«  siècle. 

A  veintre  tnz  iceus  lui  duinst  force  et  vigur 
Ki  sunt  encontre  lui  pur  lui  tolir  s'onur. 

(  Chron,  de  Jord,  Fantasme,  p.  580.) 

Mes  il  ad  Danne-Deu  requiz 
Que  veintre  puise  ces  enemiz. 

(  Vie  de  S.  Thom.  de  Canl.,  p.  479.) 

Pur  orgoillos  veintre  e  esmaier, 
E  pur  prozdomes  tenir  e  cuuseiller, 
E  pur  gluton  veintre  e  esmaier. 
En  nule  tere  n'ad  meillor  chevaler. 

(C/Mitt.  i^  Roland,    •!.  CLXI,  T.  II.) 

On  peut  voir  d'autres  exemples 
dans  ce  même  ouvrage,  st.  xcn ,  v. 
21,  et  st.  LVi,  v.  11  ;  dans  le  ÏAvre 


I* 


19 


494 


PREMIÈRE  PARTIE. 


des  Rois,  p.  13  ;  dans  les  Chroniques 
anglo-normandes,  t.  I,  p.  71  ;  dans 
la  Chronique  des  ducs  de  Normandie, 
t.  I,  p.  97,231,294;  t.  II,  p.  539 
et  passim. 

De  viNCERE  on  fit  veintre,  comme 
de  FLACCERE  flétrir,  de  carcer,  char- 
trCj  de  PASCERE,  paistre,  paître ,  de 
CRESCERE,  croistrej  croître. 

Veisined,  L.  de  Guill.  §  vu  ;  Vis- 
NED,  ibid.  §  XXV.  En  basse  latinité 
vicinetum,  visnetum,  vicinitas,  voi- 
sinage. Substantifs  formés  de  l'ad- 
jectif vicinus.  Dans  les  coutumes 
anglo-normandes ,  ces  mots  se  pre- 
naient pour  la  réunion  de  tous  les 
voisins  compris  dans  une  certaine  cir- 
conscription, et  pour  cette  circons- 
cription elle-même.  Ces  voisins  sont 
appelés  tesmoins  voisinaux  dans  les 
coutumes  de  Tours  et  dans  celles  de 
Loudun.  Le  témoignage  des  hommes 
du  voisinage  était  invoqué  dans  cer- 
taines affaires  douteuses  où  ils  pou- 
vaient avoir  connaissance  de  la  vé- 
rité. Dans  ce  cas,  les  juges  devaient 
prononcer  leur  sentence  d'après  leur 
verdict  (veredictum).  (Voir,  dans  le 
glossaire  de  du  Cange,  Vicinetum  à 
la  suite  de  l'article  Vidnus, 

Yenir,  prés,  de  l'inf .  S'*  Eulal.  v. 
28;  L.  de  Guill.  §§  i,  iv;  Vent,  3« 
pers.  sing.  prés,  de  l'ind.  ibid. 
§  xxxiii;  Veinged,  3^  pers.  sing.  prés. 
du  subj.  ibid.  §  vi;  Yienge,  item, 
ibid.  %  V.  Dérivés  de  venire. 

Ver,L.  de  Guill.  §  x.  Verrat,  porc 
entier;  de  verres. 

Nnle  beste  qui  n'est  sur  année  ne  doit 
néant  de  tonlieu,  soit  pourcel,  ver  ou  truie. 
(Livre  des  mêliers,  p.  317.) 

Dans  la  Chanson  de  Roland,  ver 


signifie  un  porc  sauvage,  un  san- 
glier. 

El  destre  bras  H  mors  un  vers  si  mais  ; 
De  vers  Ardene  vit  venir  un  ieupart... 
La  destre  oreille  al  premer  ver  trenchat, 
Ireement  se  cumbat  al  lepart. 

{chant,  de  Roland,  st.  lti.) 

Vers,  prép.  L.  de  Guill.  §§  m, 
XIV.  De  versus. 

Vescunte,  L.  de  Guill.  §  m.  Vi- 
comte ,  en  basse  latinité  vicecomes, 
vicecomitis.  Dans  l'origine,  le  vi- 
comte était  celui  qui,  en  l'absence 
du  comte,  tenait  sa  place  et  remplis- 
sait ses  fonctions;  qui  vive  comitis 
fungebatur. 

Vi ,  adv.  Serm.  ii.  Y;  en  italien, 
ivi,  vij  de  ibi.  Il  est  à  remarquer  que 
ubi  a  subi,  dans  les  deux  langues 
néo-latines^  des  transformations  ana- 
logues à  celles  de  ibi  ;  italien  ove  ; 
langue  d'oïl  ii,  où. 

On  doit  lire  :  «  Si  io  retumar  non 
Vint  pois,  ne  io  ne  neuls  cuieo  re- 
tumar int  pois,  in  nulla  adjudha 
contra  Lodhuwig  nun  li  vi  et.  »  Dans 
cette  phrase,  l'adverbe  vi  joue  un 
rôle  analogue  à  l'adverbe  int;  l'un 
et  l'autre  se  rapportent  au  même 
substantif  sous-entendu,  et,  dès  que 
l'un  des  deux  adverbes  était  exprimé, 
l'autre  devait  l'être  également.  La 
traduction  littérale  est  : 

«  Si  je  ne  puis  Yen  {de  ce  dessein) 
détourner ,  ni  moi  ni  aucun  que  je 
puis  en  (de  ce  dessein)  détourner,  ne 
Yy  {en  ce  dessein)  serai  en  aucune 
aide  contre  Ludhwig.  » 

Au  lieu  de  vi  on  pourrait  lire  iv; 
mais  cette  dernière  forme  ne  serait 
point  conforme  au  génie  de  notre 
prononciation,  car  le  français  n'a  pas 
de  mot  terminé  en  v.  De  ibi  on  for- 


CHAP.  !,  ÉLÉJVCENT  LATIN.  SECT.   V. 


495 


ma  vi  par  aphérèse,  comme  de  il- 

LUM,  ILLAM,  ILLOS,  ILLI,  ILLORUM,  On 

fit  lo  et  ÏCj  la,  les,  li  et  lui,  leur;  de 
ORYSA,  m;  de  adamas,  adamantis, 
diamant,  etc.  En  langue  d'oc,  en  an- 
cien espagnol  et  en  ancien  portugais, 
on  trouve  la  forme  M,  dont  l'aspirée 
initiale  semble  rappeler  une  autre 
aspirée,  unt)  primitif.  (Voir  M.  Diez, 
Grammatik  der  Romanischen  spra- 
chen,  t.  II,  p.  387,  et  M.Raynouard, 
Grammaire  comparée  des  langues  de 
l'Europe  latine,  p.  341.)  Je  revien- 
drai avec  plus  de  détails  sur  l'origine 
de  ce  mot  dans  le  tome  III,  p.  323 
et  324. 

Vie,  L.  de  Guill.  §  i,  xli.  De  vita. 

ViESCEz,  2^  pers.  plur.  prés,  de 
l'ind.  L.  de  Guill.  §  xxxviii.  Du  verbe 
viescer ,  inquiéter,  poursuivre  en 
justice;  de  vexare. 

Vif,  L.  de  Guill.  §  xxv.  De  vivus. 

Vilain,  L.  de  Guill.  §  viii.  En 
basse  latinité  vilanus,  formé  de 
villa,  comme  rusticus,  rustre,  de 
rus,  et  pagensis,  paysan,  de  pagus. 
On  appela  d'abord  villani,  les  co- 
lons, les  cultivateurs,  et  l'on  appli- 
qua ensuite  la  même  dénomination 
à  tous  les  gens  qui  étaient  de  con- 
dition inférieure,  à  tous  les  rotu- 
riers. (Voir  t.  II,  p.  235.) 

Ville,  L.  de  Guill.  §  xliii.  Habi- 
tation à  la  campagne,  réunion  de 
maisons  ordinairement  peu  considé- 
rable, et  qui  n'était  pas  entourée 
d'un  mur  d'enceinte,  hameau,  vil- 
lage; de  villa. 

Bergier  de  ville  champestre 

Pestre 
Ses  aignoiax  menot, 

Et  n'ot 
Fors  un  sien  chienet  en  destre. 

(Pattourdle  ini^ré»  dsDi  le  Tbâitre  frantaii  on  mofOD 
âge,  p.  3g,  roi.  1.) 


En  fuie  tournent  sanz  atente 
Vers  les  autres  viles  champestres, 
Et  guerpissent  huis  et  fenestres. 

{Branches  des  royaux  lignages,  t.  II,  p.  335). 

Les  beschecleux  ou  fevres  de  Truancourt, 
qui  est  une  autre  ville  des  religieux  de 
Beaulieu  en  Argonne.  (Arcli.  de  l'Empire^ 
Trésor  des  chartes,  reg.  115,  charte  142.) 

Par  Rie  une  ville  passent, 
Al  temske  li  soleil  levout; 
Hubert  de  Rie  ert  a  sa  porte 
Entre  li  mostier  e  sa  mote; 
Willame  vit  desaturné 
E  sun  cheval  tuit  lassé. 

illom.  de  Rou.,  v.  8895.) 

Ville  est  opposé  à  burt  (bourg) 
dans  le  paragraphe  xliii.  La  ville 
n'était  qu'un  hameau,  un  village 
dépourvu  de  tout  moyen  de  défense. 
Le  bourg  était  une  réunion  de  mai- 
sons généralement  plus  considérable 
que  la  ville  ;  il  était  défendu  par  un 
château  ou  un  mur  d'enceinte,  et,  le 
plus  souvent,  par  l'un  et  par  l'autre. 
(Voir  ci-dessus  l'article  Burgeis, 
ainsi  que  Bourg,  parmi  les  mots 
d'origine  germanique,  ch.  m,  sect.  ii.) 
La  fable  X  de  Marie  de  France  a 
pour  titre  :  De  deus  suris,  l'une 
bourgoise  et  l'altre  vileine  (t.  II, 
p.  90).  C'est  la  fable  intitulée  dans 
Romulus  :  Mu^  urbanus  et  rustims. 
La  Fontaine  a  traduit  :  Le  rat  de 
ville  et  le  rat  des  champs. 

A  Ceresie  funda  maison 
Et  mustier  de  religion  ; 
Moignes  i  posa  et  abé. 
Bures  e  villes  lur  a  doné. 

{Rom.  de  Rou,  T.  7536.) 

Tant  ont  le  pays  paralé 
Qu'en  un  tertre  sont  aresté; 
En  som  ont  un  castelet  fet, 
Onques  n*i  ot  eu  recet, 
Ne  borcy  ne  vile,  ne  maison. 

(Roman  de  Brtit.,  t.  I,  p.  W.) 


496 


PREMIÈRE  PARTIE. 


On  appela  également  tille  l'en- 
semble des  villages  ou  hameaux  qui 
se  groupaient  autour  de  la  cité,  et 
qui  en  formaient  ce  que  nous  appe- 
lons aujourd'hui  les  faubourgs.  La 
cité  était  la  partie  centrale  dans  la- 
quelle se  trouvait  la  métropole.  Phi- 
lippe de  Comines  dit  en  parlant  d' Ar- 
ras  :  «  Car^  lors  y  avait  murailles  et 
fossez  entre  \3i.ville  et  la.  cité,  et  por- 
tes fermans  contre  la  dicte  cité,  et 
maintenant  est  a  l'opposite,  car  la 
dté  ferme  contre  la  \ille.  »  (Liv.  V, 
ch.  XV.).  Ces  faubourgs,  augmen- 
tant continuellement  d'étendue  et 
d'importance,  resserrèrent  la  cité  de 
tous  les  côtés  et  finirent  par  l'étouf- 
fer entre  les  murailles  qui  gênaient 
son  développement.  Alors  l'acces- 
soire étant  devenu  le  principal,  on 
appela  ville  l'ensemble  formé  par  la 
ville  proprement  dite  et  par  la  dté. 
Tel  est  l'historique  des  acceptions 
que  revêtit  successivement  un  mot 
auquel  nous  donnons  aujourd'hui 
une  signification  si  difi'érente  de  celle 
de  son  primitif.  Le  mot  boulevard  a 
également  passé  d'un  sens  à  un  autre 
d'une  manière  à  peu  près  semblable. 
(Voyez  ce  mot  parmi  ceux  qui  sont 
d'origine  germanique,  chap.  m, 
sect.  II.) 

Vint,  adj.  num.L.  deGuill.  §  ivj 
ViNz,  item,  ibid.  §  m.  Vingt;  de 
vigenti. 

ViRGiNiTET,  S'*  Eulal.  V.  17.  Vir- 
ginité; de  virginitas,  virginitatis. 

Ce  passage  de  la  cantilène  doit 
s'interpréter  ainsi  :  «  Plutôt  que 
d'abandonner  sa  foi,  Eulalie  préfére- 
rait endurer  les  tortures,  et  même 
perdre  sa  virginité.  »  L'auteur  fait 
ici  allusion  à  l'abominable  coutume 


de  faire  déflorer  par  le  bourreau  les 
vierges  chrétiennes  avant  de  leur 
faire  subir  le  martyre.  Les  exemples 
de  pareils  attentats  n'étaient  que 
trop  fréquents  ;  sainte  Agnès,  sainte 
Théodore  et  bien  d'autres  aimèrent 
mieux  perdre  leur  virginité  que  de 
renoncer  au  christianisme.  Sainte 
Eulalie  en  eût  sans  doute  fait  autant 
si  on  l'eût  mise  à  pareille  épreuve. 

Vis,  L.  de  Guill.  §  XII.  Visage;  de 
visus,v\ie.  Le  visage  est  la  partie  du 
corps  humain  qui  s'offre  principale- 
ment à  notre  vue,  celle  qui  se  mon- 
tre à  découvert.  C'est  ainsi  que  nous 
appelons  vue  la  partie  d'un  paysage 
sur  lequel  nos  regards  peuvent  s'é- 
tendre. 

ViST,  3^  pers.  sing.  prés,  de  l'ind. 
L.  de  Guill.  §  xlv.  Du  verbe  vivre , 
dérivé  de  vivere. 

VocHERAD,  3®  pers.  sing.  fut.  L.  de 
Guill.  §  XXV.  Du  verbe  vocher,  appe- 
ler en  justice^  en  témoignage,  assi- 
gner; de  vocare. 

VoEST,  3*  pers.  sing.  de  l'impér. 
L.  de  Guill.  §  xliii.  Du  verbe  voer, 
appeler  en  justice,  en  témoignage, 
citer  devant  les  tribunaux,  assigner; 
de  vocare. 

Qui  euffre  a  prover  par  garenz,  et  il  les 
voe  où  reiaume  ou  ri  est,  il  a  quinze  jors 
de  respit.  (Asî.  de  JéruSi  1. 1,  p.  123.) 

Vol,  Serm.  i.  Volonté,  vouloir. 
Substantif  formé  du  verbe  voleir, 
voloir,  vouloir,  dérivé  de  vola. 

VoLAT,  Supers,  sing. prés. de  l'ind. 
S"  Eulal.  V.  25.  Du  verbe  voler,  dé- 
rivé de  volare. 

Volt,  3*  pers.  sing.  prés,  de  l'ind. 
S'«  Eulal.  V.  24.  L.  de  Guill.  §§xxvn^ 
XLv;  VoLDRAD,  3'  pers.  sing.  fut. 
ibid.  §  XXV  ;  Voldret^  3*  pers,  sing. 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  VL 


d'un  temps  passé  aujourd'hui  inusi- 
té, S'*  Eulal.  V.  21  ;  Voldrent,  3« 
pers.  plur.  du  même  temps,  ibid. 
V.  3,  4;  VoiLLE,  3*  pers.  sing.  du 
présent  du  subj.  L.  deGuill.  §  xxviu; 
VoLGE,  item,  ibid.  §  xxv.  Du  verbe 
voleir,  valoir,  vouloir,  dérivé  de 
volo. 

Vos,  adj.  poss.  delà  2*  pers. plur. 
L.  de  Guill.  §  xxxviii.  (Voir,  pour 
l'origine  latine  de  cet  adjectif,  le 
tome  III,  p.  181-184.) 

Wage,  L.  de  Guill.  §§  vi,  vii,  etc. 
Gage.  (Voir  celui-ci  parmi  les  mots 
d'origine  germanique ,  chap.  m , 
sect.  II.) 

W^AiTER,  prés,  de  l'inf.  L.  de  Guill. 
§  XXXII.  Guetter.  (Voir  Guet,  parmi 
les  mots  d'origine  germanique,  ch. 
m,  sect.  II.) 

Warant.  (Vmr  Garant  ci-dessus.) 

Ward,  S"  pers.  sing.  prés,  du 
subj.  L.  de  Guill.  §  xli.  Du  verbe 
warder  garder,  se  garder  de.  (Voir 
Garder  parmi  les  mots  d'origine 
germanique,  ch.  m,  sect.  ii.) 

Wardireue,  L.  de  Guill.  §  xxxii. 
Officier  auquel  était  confiée  l'inspec- 
tion des  chemins  et  des  hommes 


<97 

chargés  de  veiller  à  ce  que  les  trou- 
peaux n'allassent  pas  ravager  la 
campagne.  Il  devait  y  avoir  un  garde 
pour  chaque  hide,  et  un  wardireue 
ou  inspecteur  pour  trente /izdes.  L'an- 
cienne traduction  latine  des  Lois  de 
Guillaume,  publiée  par  M.  Palgrave, 
rend  ce  mot  par  prepositus  msto- 
dum  ;  elle  donne  pour  titre  à  ce  pa- 
ragraphe ;  De  viarum  custodibus. 
Wardireue  est  composé  du  verbe 
warder j  garder,  et  de  reue,  chemin, 
route.  (Pourl'étymologie  de  warder, 
voir  garder  parmi  les  mots  d'origine 
germanique,  ch.  m,  sect.  xi;  et  pour 
l'étymologie  de  reue,  voir  rue,  et 
route  parmi  les  mots  d'origine  cel- 
tique, ch.  11,  sect.  II.) 

"Were,  mot  anglo-saxon.  Voir  les 
Lois  de  Guillaume,  p.  403,  note  6.) 

Westsexenalae,  mot  anglo-saxon. 
(Voir  les  Lois  de  Guillaume,  p.  98, 
note  3.) 

Yglise,  L.  de  Guill.  §  i.  Église; 
de  ecdesia,  qui  a  été  fait  du  grec 
ixytlf\aia,  assemblée,  réunion  des  fi- 
dèles, église;  dérivé  de  ixxaXIw, 
appeler  à ,  convoquer. 


VL 

STATISTIQUE  DES  MOTS  CONTENUS  DANS  LES  TROIS  MONUMENTS  ANTÉRIEURS 
AU  XII*  SIÈCLE,  d'après  LES  LANGUES  AUXQUELLES  CES  MOTS  DOIVENT 
LEUR  ORIGINE. 

Les  trois  monuments  en  langue  d'oïl  antérieurs  au  iii«  siècle 
renfermant  671  mots,  en  ayant  égard  au  nombreuses  répéti- 
tions qui  s'y  trouvent,  et  en  ne  comptant  que  pour  un  cliacun 
des  mots  qui  se  représentent  plusieurs  fois.  Sur  ces  671  mots, 
619  proviennent  du  latin,  7  du  celtique  et  32  du  germanique. 
En  outre,  il  s'en  trouve  12  d'origine  grecque  et  un  d'origine 


498  PREMIÈRE  PARTIE, 

syriaque;  mais  ces  1 3 mots  pourraient,  à  la  rigueur,  être  con- 
sidérés comme  de  provenance  latine  ;  car  ils  ne  nous  sont  venus 
directement  ni  de  la  Grèce  ni  de  la  Syrie  ;  ce  n'est  qu'en 
passant  par  Rome  qu'ils  sont  arrivés  dans  le  latin  rustique  de 
la  Gaule,  et  de  là  dans  la  langue  d'oïh 

Les  dérivés  celtiques  sont  :  besche^  ceper  (geôlier),  chemhiy 
cotper  (coupev) ,  folie,  launce^  (lance)  et  reue  (route),  qui  entre 
dans  la  composition  de  wardireue,  garde  préposé  à  la  surveil- 
lance des  routes. 

Les  dérivés  germaniques  sont  :  aweit  (aguet),  baron,  burgeis 
(habitant  d'un  bourg),  burt  (bourg),  besun  (besoin),  esckuir 
Cesquiver),yzM  (fmi),  franc,  franchise,  freceis  (français),  gainur 
(cultivateur),  garant,  gros,  haur^  francune),  haubert,  hange 
(haine),  haume  (heaume),  marc,  mes,  particule  inséparable 
entrant  dans  le  composé  mes  faire,  murdre  (meurtre),  nam  (gage) 
piège  (caution),  plévir  (cautionner),  roberie  (vol),  treveure 
(chose  trouvée),  ^ruver  (trouver)?,  utlage  (proscrit),  l'avasseur, 
wage  (gage),  waiter  (guetter),  warder  (garder). 

Les  mots  d'origine  grecque  sont  :  arcevesqe  (archevêque) 
blasmet  {hlàmé,  accusé),  Christian  (chrétien),  diavle  (diable), 
evesgue  (évêque),  evesqué  (évêché),  muster  (monastère,  église), 
orphanin  (orphelin),  paroisse,  parole, spède  {épée),yglise  (église). 

Le  mot  d'origine  syriaque  est  abbeie  (abbaye). 

Si  l'on  en  juge  d'après  ces  textes,  les  mots  dérivés  du  ger- 
manique ne  formaient  qu'un  quinzième  de  notre  langue  dans 
la  première  période  de  son  développement,  et  les  dérivés  du 
celtique  n'y  figuraient  que  pour  à  peu  près  un  quatre-vingt- 
deuxième  ;  le  reste  était  de  provenance  latine.  Il  est  bien  en- 
tendu que  je  ne  donne  ces  calculs  que  sous  toute  réserve,  et 
comme  une  simple  approximation.  Pour  établir  des  propor- 
tions exactes  entre  les  mots  provenus  de  chacune  des  trois 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  LATIN.  SECT.  VL  199 

langues  qui  ont  formé  notre  vocabulaire  primitif,  il  ne  fau- 
drait rien  moins  que  posséder  ce  vocabulaire  en  entier,  et 
avoir  une  connaissance  complète  de  celui  des  Latins,  de  celui 
des  Celtes  et  de  celui  des  Germains  ;  il  faudrait  enfin  pouvoir 
rapporter  d'une  manière  certaine  à  l'une  de  ces  trois  sour- 
ces chacun  des  mots  que  possédait  notre  idiome  à  l'époque  de 
ses  débuts. 

Parmi  les  trente-deux  mots  d'origine  germanique  qui  se 
trouvent  dans  les  monuments  antérieurs  au  xiV  siècle,  plu- 
sieurs ont  des  primitifs  qui  leur  sont  communs,  plusieurs 
même  dérivent  les  uns  des  autres  ;  ce  sont  les  mots  suivants  : 
i'^  waiter,  aweit  ;  2°  burt^  burgeis;  Z^  franc,  franchise^  freceis ; 
4°  hauVj  hange;  5°  piège yplevir;  6°  truver,  treveure.  En  ne  pre- 
nant que  les  mots  provenus  d'un  primitif  particulier  différent 
detoutautre  primitif  dont  dérive  un  mot  quelconque  de  la  mê- 
me catégorie,  et  en  ne  comptant  que  pour  un  les  divers  mots 
auxquels  on  doit  assigner  un  primitif  commun,  les  trente-deux 
dérivés  germaniques  se  trouveront,  par  cela  seul,  réduits  au 
nombre  de  vingt-cinq.  Maintenant,  si  l'on  compare  ce  nombre 
à  celui  de  la  liste  des  dérivés  celtiques,  dont  chacun  a  un 
primitif  particulier  différent,  on  trouvera  que  ces  derniers 
sont  relativement  aux  premiers  dans  une  proportion  qui  est  à 
peu  près  d'un  tiers  et  demi.  Ces  données  sont  presque  les 
mêmes  que  celles  qui  sont  fournies  par  les  deux  chapitres  sui- 
vants. En  effet,  les  mots  français  racine  dont  l'origine  est  cons- 
tatée dans  ces  deux  chapitres  sont  au  nombre  de  1 1 10  ;  sur  ce 
nombre  832  proviennent  du  germanique,  241  proviennent  du 
celtique,  et  37,  se  trouvant  à  la  fois  dans  plusieurs  idiomes 
germaniques  et  dans  plusieurs  idiomes  celtiques,  peuvent,  par 
cette  considération,  être  attribués  ou  à  la  langue  des  Francs 
ou  à  celle  des  Gaulois. 


SOO  PREMIÈRE  PARTIE. 

CHAPITRE   II. 

ÉLÉMENT  CELTIQUE. 


OBSERVATIONS  CONCERNANT  LA  MARCHE  SUIVIE  DANS  LES  RECHERCHES 
QUI  FONT  l'objet  DE  CE  CHAPITRE. 

Les  ouvrages  publiés  dans  le  siècle  dernier  par  Pézeron  , 
Bullet,  le  Brigaut  et  autres  celiomanes^  ont  été  l'objet  d'une 
juste  défiance  de  la  part  des  savants  leurs  contemporains,  et 
sont  encore  aujourd'hui  la  cause  d'un  certain  discrédit  dans 
lequel  sont  tombées  les  études  celtiques.  Parmi  les  innom- 
brables erreurs  dont  fourmillent  ces  ouvrages,  une  des  plus 
fréquentes  consiste  à  donner  pour  celtique  un  mot  prove- 
nant d'une  autre  langue ,  introduit  dans  un  des  patois  celti- 
ques, comme  il  s'en  introduit  un  grand  nombre  dans  tous  les 
patois. 

Pour  éviter  de  tomber  daps  la  même  erreur,  je  n'ai  admis 
comme  ayant  appartenu  à  la  langue  des  Gaulois,  que  les  mots 
donnés  pour  tels  par  un  auteur  ancien,  et  ceux  qui,  ne  se  trou- 
yant  ni  dans  le  latin,  ni  dans  trois  idiomes  germaniques,  ont 
été  conservés  au  moins  dans  deux idiomesnéo-reltiques. Bien 
plus,  presque  tous  les  mots  que  je  donnerai  comme  dérivçs 
du  celtique  se  trouvèrent  à  la  fois  dans  le  gallois,  le  breton 
l'écossaiset  l'irlandais.  Faute  d'avoir  recours  à  un  pareil  moyen 
de  contrôle,  on  courrait  risque  de  prendre  pour  celtiques  des 
mçts  défigurés,  fournis  anciennement  aux  idiomes  néo-celti- 
ques, soit  par  le  lalin,  soit  par  les  langues  germaniques,  ou  bien 


CHAP.  I,  ÉLÉMENT  CELTIQUE  SECT.  1.  304 
encore  des  mots  postérieurement  communiqués  à  ces  idiomes 
par  l'anglais  ou  par  îe  français. 

Je  suis  fort  loin  de  croire  que  je  sois  parvenu  à  donner  tous 
les  mots  d'origine  celtique  contenus  dans  notre  langue  ;  Je  suis 
même  convaincu  que  plusieurs  ont  écliappé  a  toutes  mes  re- 
cherches. En  effet,  les  auteurs  anciens  ne  nous  ont  guère  con- 
servé qu'une  centaine  de  mots  de  la  langue  des  Gaulois,  parmi 
lesquels  une  vingtaine  sont  restés  dans  la  langue  d'oïl  *.  D'un 
autre  côté,  il  s'en  faut  bien  que  tous  les  termes  de  l'ancien 
celtique  aient  passé  dans  les  idiomes  modernes  auxquels  il  a 
donné  naissance,  ou  même  que  l'on  puisse  retrouver  des  traces 
suffisantes  de  chacun  de  ces  termes  dans  les  vocabulaires  de 
ces  idiomes.  Toutefois,  en  observant  scrupuleusement  les  pré- 
cautions délicates  exigées  par  la  nature  du  travail,  peut-être 
ai-je  réussi  à  donner  à  peu  près  tous  les  mots  auxquel  une 
critique  rigoureuse  puisse  assigner  une  origine  celtique  ;  du 
moins,  n'ai- je  rien  oublié  pour  arriver  à  ce  résultat;  et  le  cha- 
pitre que  l'on  va  lire  est  le  fruit  de  fort  longues  études  et  de 
fort  laborieuses  recherches. 

L'orthographe  est  extrêmement  variable  dans  chacun  des 
idiomes  néo-celtiques  ;  chaque  auteur  veut  trancher  de  l'in- 
dépendant, et  se  crée,  pour  son  usage,  un  système  orthogra- 
phique qui  lui  est  propre  ;  c'est,  d'ailleurs,  ce  qui  arrive  cons- 

*  Il  est  vrai  que,  sur  une  centaine  de  mots  celtiques  mentionnés  comme 
tels  par  les  auteurs  anciens,  une  vingtaine  se  retrouvent  en  langue  d'oïl; 
mais  il  ne  faudrait  pas  conclure  de  ce  fait  qu'un  cinquième  de  la  langue 
des  Gaulois  soit  resté  dans  la  nôtre.  Les  auteurs  latins  se  sont  principale- 
ment attachés  à  faire  connaître  les  mots  celtiques  qui  avaient  passé  dans 
leur  langue;  ces  mots,  étant  à  la  fois  latins  et  celtiques,  avaient  une  double 
chance  d'être  conservés  en  langue  d'oïl.  Ajoutez  que  la  plupart  des  termes 
celtiques  donnés  par  les  auteurs  anciens  sont  relatifs  à  des  produits  de 
liotre  sol  ou  à  des  usages  qui  étaient  propres  aux  Gaulois,  dont  plusieurs 
furent  transrais  à  leurs  descendants. 


202  PREMIÈRE  PARTIE, 

tamment  dans  toutes  les  langues  qui  ne  possèdent  point 
quelques  écrivains  de  mérite  dont  elles  reconnaissent  l'auto- 
rité. Cette  diversité  dans  la  manière  d'écrire  un  même  mot 
est  une  difficulté  ajoutée  à  tant  d'autres,  qui  rendent  si  épi- 
neuse l'étude  de  ces  sortes  de  langues.  Bien  que  j'aie  mis  à 
contribution  un  bon  nombre  d'auteurs,  je  me  suis  néanmoins 
conformé  à  l'orthographe  d'un  seul  pour  chaque  idiome.  Ces 
auteurs  sont,  pour  le  breton,  Le  Gonidec,  Dictionnaire  breton, 
édition  de  M.  de  la  Villemarqué;  pour  le  gallois,  W,  Owen, 
Dictionarj  of  ihe  welsh  language  explained  in  english;  pour 
l'écossais,  Armstrong,  Gaelîc  dictionary;  pour  l'irlandais,  Ed. 
O  Reilly,  An  irish  english  dictionarj.  Si  parfois  je  me  suis  servi 
de  quelque  terme  qui  ne  se  trouve  point  dans  l'un  de  ces  dic- 
tionnaires, j'ai  toujours  fait  connaître  la  source  à  laquelle  j'ai 
cru  devoir  l'emprunter  ', 

Les  indications  que  je  viens  de  fournir  au  lecteur  lui  seront 
indispensables  s'il  est  désireux  de  vérifier  les  expressions  que 
je  donne  conrnie  appartenant  à  tel  ou  tel  idiome  néo-celtique. 

Le  breton,  le  gallois,  l'irlandais  et  l'écossais  sont  les  idio- 
mes celtiques  auxquels  j'ai  eu  principalement  recours,  comme 

'  *  Le  Gonidec  a  exclu  de  son  dictionnaire  plusieurs  mots  donnés  par 
d'autres  lexicographes  bretons,  parce  que  ces  mots  se  rapprochent  assez  des 
termes  français  correspondants  pour  qu'on  puisse  supposer  qu'ils  ont  été 
empruntés  à  la  langue  française.  Ces  exclusions  sont  généralement  heu- 
reuses à  quelques  rares  exceptions  près,  que  j'aurai  occasion  de  faire  con- 
naître. J'avertis  dès  maintenant  qu'il  s'agit  de  certains  mots  qui  ne  parais- 
sent dérivés  d'aucune  langue  européenne,  et  qui  se  retrouvent  dans  tous 
les  autres  idiomes  néo-celtiques.  Dans  ce  cas,  l'existence  de  ces  mots  dans 
le  français,  loin  d'être  un  motif  pour  les  croire  étrangers  au  celtique,  est, 
au  contraire,  une  raison  de  plus  pour  supposer  qu'ils  ont  appartenu  à  l'an- 
cienne langue  que  nos  pères  ont  primitivement  parlée  dans  la  Gaule.  M.  de 
la  Villemarqué,  dans  son  excellente  édition  du  dictionnaire  de  Le  Gonidec^ 
à  laquelle  je  me  suis  conformé,  a  eu  soin  de  restituer  au  breton  la  plupart 
des  mots  dont  il  est  question. 


CHAP,  II,  ÉLÉMENT  CELTIQUE.  SECT.  IL  203 
étant  ceux  qui  pouvaient  me  fournir  le  plus  grand  nombre  de 
données  utiles  pour  mes  recherches.  Toutefois  je  n'ai  point 
négligé  de  mettre  à  contribution  un  autre  idiome  de  la  même 
famille  qui  me  présentait  également  des  ressources  précieuses 
bien  qu'elles  fussent  beaucoup  plus  restreintes.  Cet  idiome  est  le 
cornouaillais  ou  cornî'^ue  qui  était  autrefois  parlé  en  Angleterre 
dans  le  comté  de  Cornouailles,  et  qui  a  fini  par  s'éteindre  vers 
la  fin  du  siècle  dernier.  La  plupart  des  mots  que  j'ai  donnés 
comme  appartenant  à  l'ancien  dialecte  de  Cornouailles  sont 
empruntés  à  un  vieux  dictionnaire  cornouaillais  imprimé  pour 
la  première  fois  en  1 790  par  William  Pryce,  dans  son  Archœo- 
logia  Cornu-Britannica.  Il  vient  d'être  publié  de  nouveau,  et 
d'une  manière  beaucoup  plus  satisfaisante,  par  M.  Zeuss  dans 
sa  Grammatica  celtica.  Le  manuscrit  qui  renferme  ce  diction- 
naire se  trouve  à  Londres  dans  le  British  Muséum,  où  il  fait 
partie  de  la  Bibliothèque  Cottonnienne.  C'est  un  in-4°  vélin 
coté  Vespasien  A.  Certains  auteurs  l'ont  donné  comme  étant 
du  ixe  ou  du  x^  siècle,  mais  il  n'est  réellement  que  de  la  fin 
du  XII*,  ainsi  que  l'établit  M.  de  la  Villemarqué  dans  ses 
Notices  des  principaux  manuscrits  des  anciens  Bretons,  p.  19-21. 


IL 

RECUEIL  DES  MOTS  DE  LA  LANGUE  d'OIL  QUI  SONT  d'ORIGINE  CELTIQUE. 


ÀBRivÈ,  anc.  impétueux,  vif, 
prompt,  rapide,  preste;  italien, 
espagnol,  portugais,  brio,  vigueur, 
vivacité,  prestesse;  en  langue  d'oc, 
briu. 

La  lance  el  poin  au  gonfanon. 
Sur  le  cheval  bauzan  Gascon 

Fort  e  isnel  e  aaisié 

Toz  abriveZf  lance  baissée, 
Lor  vait  uu  chevalier  ocire. 

[CkroH.  Jet  duc»  d»  Kormandie,  t,  I,  p.  *10.) 


Si  cum  il  vindrent  abrivez^ 
Si  lor  laissent  chevaux  aler. 

(/AiJ.t.  II,  p.  448.) 

—  Ecoss.  1°  brigh,  vigueur,  éner- 
gie, vivacité;  2"  hrisg,  vif,  impé- 
tueux, prompt;  irland.  4°  brîg , 
2°  brise;  gall.  ôrysgf,  vif,  impé- 
tueux. 

Alouette,  diminutif  de  l'ancien 
mot  aloe,  alom ,  qui  avaient  la 
môme  signification. 


204 


PREMI-ÈRE  PARTIE. 


Quant  Valoe  prist  à  chanter 
Se  commencèrent  a  armer. 

(Chnn.  dei  duc»  de  Nom.,   1. 1,    p.   935.) 

Vostre  esprevier  sunt  trop  plus  donte  (sic) 
Que  vous  n'iestes,  c'est  veriteiz  ; 
Car  teil  i  a,  quant  le  geteiz, 
Seur  le  poing  aporte  Valoe. 

[Ruiebeuf,  t.  I,  p.  115.) 

Aloe,  aloue,  viennent  de  aîauda, 
qui  signifiait  alouette  en  celtique, 
d'après  le  témoignage  de  Pline  et 
de  Suétone.  César,  ayant  levé,  à 
ses  frais,  une  légion  dans  la  Gaule 
transalpine,  lui  donna  d'abord  le 
nom  latin  de  galerita,  alouette,  au- 
quel il  substitua  ensuite  celui  d'a- 
lauda,  désignant  le  même  oiseau 
dans  la  langue  des  Gaulois  qui  com- 
posaient cette  légion  :  «  Ab  illo  ga- 
ierita  appellata  quondam,  postea, 
gallico  vocabulo,  etiam  legioni  no- 
men  dederat  alaudœ.  »  (Pline, 
liv.  II,  ch.  cccLxxi.)  «  Qua  fiducia, 
ad  legiones  quas  a  Republica  acce- 
perat,  alias  privato  sumptu  addidit. 
Unam  etiam  ex  Transalpinis  con- 
scriptam,  vocabulo  quoque  gallico 
Allauda  enim  appellabatur),  quam 
disciplina,  cultuque  romano  institu- 
tam  et  ornatam,  postea  universam 
civitate  donavit.  »  (Suétone,  Vie  de 
César.)  On  lit  dans  Marcellus  Em- 
piricus,  ch.  xxix  :  <(  Avis  galerita 
quae  gallice  alauda  dicitur;  »  et 
dans  Grégoire  de  Tours,  liv.  IV  : 
«  Avis  corydalus,  quam  alaudam 
vocamus. 

—  Bret.  alc'houedez,  alc'houeder, 
alouette;  l'article  al  paraît  avoir  été 
introduit  dans  ces  mots  aussi  bien 
que  dans  alauda,  car  on  trouve  en 
breton  c'houedez,  c'houeder,  avec  la 
même  signification.  Gall.  uçedyz  : 
le  c'h  en  breton  et  le  ç  en  gallois 


représentent  une  h  fortement  as- 
pirée . 

Aluine,  anc.  absinthe.  (Voir  Tré^ 
voux,  Monet,  Borel,  etc.) 

On  lit  dans  le  Traité  de  Re  hortensi 
de  Charles  Estienne  :  «  Absinthium, 
vulgus  vocat  de  l' aluine  ;  alias  ap- 
pellatur  du  fort,  propter  insignem 
amaritudinem.  Quidam  tamen  no- 
men  latinum  imitantes  vocant  de 
l'absinse.  »  (P.  55.)  Le  mot  fort, 
désignant  de  l'absinthe,  s'est  con- 
servé dans  le  midi  de  la  France;  on 
dit  fou£rt  en  provençal. 

Si  est-il  expédient  adoucir  la  dureté  du 
lenguage  et  dissimuler  l'austérité  d'icelluy, 
corne  quant  l'on  veut  guérir  un  enfant  des 
verz,  lui  donnant  pour  ce  une  médecine  d'a- 
luine,  et  l'attrempe-on  avec  du  succre  pour 
les  garder  de  sentir  l'amertume  de  Valuine. 
(Bonivard,  Advis  et  devis  des  lengues,  pu- 
blié par  M.  Bordier.  Paris,  1849,  in-8", 
p,  43.) 

Ce  mot  est  d'origine  celtique, 
ainsi  que  le  prouve  le  passage  sui- 
vant de  Dioscoride  :  'H  ôè  xeXxtx;^ 
vâpSo;  yz^^àzai  [asv  êv  loî;  xatà  Aiyu- 
p(av  "AXtiectiv,  èitixtopîtoç  <î)vo(ia<7fi.évYi 
àXioÛYY'»'  (Dioscoride,  éd.  de  4598, 
liv.  I,  ch.  VII,  p.  9.) 

—  Bret.  kuelen,  huzelen,  uzelen, 
absinthe.  Dans  àXtoûyvta,  aluine, 
l'article  al  a  dû  être  ajouté.  (Voir 
Alouette  à  l'article  précédent.) 

Arpent.  D'après  un  passage  de 
Columelle,  ce  mot  paraît  nous  être 
venu  de  la  langue  des  Gaulois  : 
«  Galli  candetum  appellant  in  areis 
urbanis  spatium  c  pedum;  in  agre- 
stibus  autem  pedum  cl,  quod  ara- 
tores  candeium  nominant,  semiju- 
gerum  quoque  aripenem  vocant.  » 
(Colum.  liv.  V,  ch.  i.) 

Atib,  aaitib,  hatir,  aatib,  aàs^ 


CHAP.  II,  ÉLÉMENT  CELTIQUE.  SECT.  IL 


tiR,  etc.,  anc.  invectiver,  injurier, 
quereller.  Atine,  ataine,  etc.,  que- 
relle, dispute,  discorde,  animosité. 
Ataimr,  atahiner,  atiner,  quereller, 
disputer,  obséder,  irriter,  agacer, 
provoquer;  d'où  ostiner,  qui  s'est 
conservé  parmi  le  peuple  avec  la 
même  signification.  Ataîneux,  que- 
relleur, disputeur,  chicaneur. 

Où  iez  Rollans,  boins  chevaliers  hardis, 
Ke  de  bataille  et  d'estor  m'aaitis. 

(Rdm.  de  Cerars  de  Yiane,  y,  513). 

Lequel  Berart  dist  a  icellui  Chauvet  qae 
s'il  le  haloit^  que  il  Ini  donroit  un  boutfeau 
ou  buffe  (soufflet).  Pour  celle  cause,  en  eulz 
haussant  l'un  l'autre  de  leur  pouoir,  et  eu 
desmentant  l'un  l'autre...  (Lettres  de  ré- 
mission de  1404,  citées  dans  le  glossaire  de 
Carpentier,  art.  Atia.) 

Aucuns  des  dis  de  Mons  aastîrent  de  pa- 
roles ceux  de  Villers.  (Lettres  de  rémission 
de  1401,  citées  ibid.) 

Lequel  Colin  a  esté  tout  le  temps  de  sa 
vie  bomme  plaideur  et  altaïneux,  (Lettres 
de  rémission  de  1370,  citées  ibid.) 

Eisi  dura  ceste  olaïne 
Une  grant  espace  e  un  termine 
Entre  les  frères  et  le  rei  ; 
Mainte  bataille  e  maint  turnei 
Tindrent  ensemble  plusors  feiz. 

{ChrOH,  det  duc»  de  Norm.,  t.  Ijp.  lOS.) 

Dès  ciel  jor  sorst  l'a/aîne, 
La  malevoillance  e  la  haïne, 
Ce  vos  sai  bien  ci  ameinteivre, 
Dunt  li  covient  mort  'a  receivre. 

{liid.,  1. 1,  p.  453.) 

—  Ecoss.  aifhis,  quereller,  in- 
vectiver, gourmander,  réprimander, 
reprocher;  irland.  aithisim,  invecti- 
ver, injurier,  outrager;  bret.  atàhin, 
querelle,  dispute,  noise,  chicane; 
atahinein,  quereller,  chercher  noise, 
chicaner,  irriter,  agacer,  provo- 
quer. 

BxBEQum,  anc.  soufflet  pour  al- 


lumer le  feu.  (Roquefort.)  Ce  mot 
signifiait  aussi  un  coup  donné  sur 
la  joue  avec  le  plat  de  la  main,  ce 
que  nous  appelons  de  même  un 
soufflet.  (Voir  le  glossaire  de  Car- 
pentier, art.  Buffa.)  Le  provençal 
nomme  bouffet  un  soufflet  pour  al- 
lumer le  feu;  en  vieux  français 
buffe,  buffet,  et  en  espagnol  bofe- 
tada,  signifient  un  soufflet  donné 
sur  la  joue.  (Voyez  Bouffer  ci-après 
parmi  les  mots  d'origine  germa- 
nique, ch.  III,  sect.ii.)  Les  jongleurs, 
les  bouffons  enflaient  leurs  joues 
comme  un  soufflet  plein  d'air  au 
moment  où  on  les  souffletait  pour 
l'amusement  du  public,  afin  que  le 
coup  fît  plus  de  bruit  et  moins  de 
mal  ;  de  là  le  nom  que  l'on  donnait 
à  ce  coup.  (Voir,  à  cet  égard,  Ter- 
tulianus,  de  pallio,  p.  298.)  Les 
enfants  s'amusent  encore  à  faire 
entre  eux  ce  que  faisaient  les  his- 
trions. —  Bret.  begin,  megin,  souf- 
flet pour  allumer  le  feu;  gall.  me- 
gin,  item;  irland.  builg,  item, 
écoss.  builg,  builgean 

Begin  dont  on  fait  babequin  a  é- 
prouvé  une  sorte  de  redoublement  de 
sa  première  syllabe,  comme  il  arrive 
quelquefois;  c'est  ainsi  que  àenym- 
phœa  nous  avons  fait  nénuphar. 

Bachelier.  La  première  significa- 
tion de  ce  mot  fut  celle  de  jeune  gar- 
çon, jeune  homme,  adolescent;  d'où 
bachelerie,  dans  le  sens  de  jeunesse, 
adolescence. 

Respnndiient  li  bacheler.  (Livre  des  Roity 
p.  282.) 

Et  dixerunt  ei  juvenes. 

E  tint  sei  al  cunseil  as  bacheler»,  si  lar 
dlst.  [Ibid.  p  283.) 

Et  locutus  est  eît  tecundum  eonsilium  ju- 
venum,  dicens. 


206 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Respnudi  SaQI  :  Ne  te  poz  pas  a  lui  co- 
pier, kar  tu  es  vadiez,  e  il  est  un  merveil- 
lus  bers  de  sa  bachelerie,  {Ibid.  p.  63.) 

Et  ait  Saulad  David  :  Non  vales  resiatere 
Philisthœo  isti,  nec  pugnare  adversus  eum, 
quia  puer  es,  hic  autem  vir  bellator  est  ab 
adolescentiï  sua. 

L'aive  douèrent  maintenant 
Li  bachelier  et  H  serjant. 

[Flohe  et  Blaneeflor,  ëdit.   dé  M.  da  Méril.  p.  195.) 

Ensembr  od  éls  xv,  mille  de  Francs 
De  bachelers  que  Caries  cleimet  enfans. 

{Ckans.  de  Roland,  (t.  ceux.) 

Bachelier  se  prit  dans  la  suite 
pour  un  jeune  genlilhomme  qui  a 
fait  ses  premières  armes,  enfin  on  lui 
donna  la  signification  qu'il  conserve 
encore  aujourd'hui,  c'est-à-dire  qu'on 
l'employa  pour  désigner  celui  qui 
a  fait  ses  premières  études,  qui  a  pris 
le  premier  grade  dans  une  faculté  afin 
de  parvenir  au  doctorat.  De  bachelier 
on  fit  le  latin  barbare  baccalaureuSy 
mot  fabriqué  de  telle  façon  qu'on 
semble  avoir  eu  l'intention  d'expri- 
mer l'idée  d'un  lauréat  couronné  de 
baies  de  laurier,  bacea  laurea. 

Dedans  avoit  bonne  chevalerie  qui  la 
gardoient  et  defendoient  (  la  ville  de 
Rennes)  :  premièrement  le  vicomte  de  Ro- 
han,  le  sire  de  Laval,  messire  Charles  de 
Dynant  et  plusieurs  autres  bons  chevaliers 
et  écuyers.  Et  y  estoit  adoncques  un  jeune 
bachelier  qui  s'appeloit  messire  Bertran  du 
Guesclin,  qui  depuis  fut  moult  renommé  au 
Toyaume  de  France...  et  se  combattit,  le 
siège  tenant  par  devant  Rennes,  à  un  che- 
valier d'Angleterre.  (Froissart,  1. 1,  p.  369, 
col.  1/ 
Mais  il  furent  armé  a  loi  de  bacheler. 

{Chron.  de  du  Guesclin,  t.  Il,  p.  234.) 

On  disait  anciennement  béchot, 
bésot,  pour  petit  garçon;  béchotte, 
besotte,  basselle,  baiselle,  bachelette, 
etc.  pour  petite  fille  ;  bageasse,  ba- 
jassej  baasse,  baesse  pour  servante. 


(Voir  le  glossaire   de  Roquefort  et 
son  supplément.)  On  dit  encore  au- 
jourd'hui, en  Picardie,  baichof,  et  en 
Franche-Comté  pa?:cAa/î,  pour  petit 
garçon;  en  Dauphiné, patc/io^  signi- 
fie à  la  fois  petit  et  petit  garçon. 
Pos  es  escueles  lavoit, 
Lk  où  ordoier  les  savoit, 
Com  se  de  l'ostel  fu  bajasse. 

(Rutcbeaf,  t,  II.  p.  213.) 

Tant  vont  cerchant  bonne  aventure 
Qu'il  n'ont  baesse  ne  sergant  (serviteur). 

{liid..  t.  1,  p.  2Î8.; 

Il  n'i  a  mais  fors  baisseletes, 
Enfans  et  garchonnaille 

{Théâtre fraa fais  au  mogeu  ô^c,  p.  93.) 

Ben  qu'il  eust,  et  rendu  le  hanap  à  la 
bachelette  gentille,  feit  une  lourde  excla- 
mation. (Rabelais,  Pantagruel,  I.  iv,  chap. 
ti,  p.  269.) 

Gall.  beçan,byçan,  petit;  ftaçgen, 
garçon,  jeune  homme;  baçgenyn,^Q~ 
tit  garçon;  écoss.  bearj,  heagan,^Q- 
tit;  irland.  beag^,  beagan,  item;  bret. 
bihanJtem.On  trouve  bachan,  bichan 
avec  la  même  signification,  dans  le 
dictionnaire  cornouaillais  du  XIP  siè- 
cle, publié  par  Pryce  et  par  M.  Zeuss. 
Bade,  anc.  baliverne,  sottise,  pro- 
pos frivole  et  niais  (Roquefort),  Ba- 
daud et  Badiner,  sont  des  mots 
de  la  même  famille. — Bret.  bada, 
agir  ou  parler  comme  un  sot,  un  fou, 
un  étourdi  ;  bader^  badaouer,  niais, 
sot,  badaud;  écoss.  baothj  baothair, 
item;  irland.  badhghaire,  item. 

Bagues,  Bagage.  Bagues  se  disait 
autrefois  pour  hardes,  marchandises, 
meubles,  et,  en  général,  pour  tous 
les  effets  que  l'on  pouvait  emporter,; 
il  avait  enfin  un  sens  analogue  à 
notre  mot  bagage,  qui  en  est  dérivé. 
Ce  temps  pendant,  le  seigneur  de  Quie- 
vrain,  quel  comniand  que  le  duc  lai  oU  fair, 


CHAP.  II,  ÉLÉMENT 

se  parlist  de  la  cour  du  duc,  le  plus  secrè- 
tement qu'il  peut ,  lui  deuxiesme,  et  felt 
emporter  ses  mcillenTS  bagues.  (Mémoires 
de  Jacques  du  Clercq,  publiées  par  M.  Bu- 
chon,  liv.  V,  chap.  xx,  t.  III,  p.  383.) 

Ecoss.  ôag,  trousse,  paquet  de  bar- 
des, faix,  fardeau;  gall.  bac,  baich; 
bret.  béac'h. 

Baillet.  On  appelait,  ainsi  autre- 
fois, selon  Nicot,  un  cheval  ayant 
une  tache  blanche  au  front.  Aujour- 
d'hui baillet  ne  se  dit  que  d'un 
cheval  dont  le  poil  est  roux,  tirant 
sur  le  blanc.  Nous  nommons  bal- 
zanewae  tache  blanche  qui  se  trouve 
aux  pieds  de  certains  chevaux;  un 
cheval  balzan  est  celui  qui  est 
marqué  de  ces  taches. 

Bret.  bal  {l  mouillée),  tache  blan- 
che au  front  des  animaux,  soit  che- 
val, bœuf,  chèvre,  chien  ou  autres  ; 
il  se  dit  également  de  l'animal  mar- 
qué de  cette  tache.  Irland.  bail,  tache, 
marque;  écoss.  bail,  item;  balladh, 
tacheté. 

Balai,  en  basse  lat.  baleium.  Les 
anciens  balais  se  faisaient  générale- 
ment en  genêt,  comme  cela  se  pra- 
tique encore  dans  beaucoup  de  nos 
provinces;  de  là  le  nom  de  l'arbuste 
servit  à  désigner  le  6a/mlui-mêmc.  Il 
en  est  encore  ainsi  en  anglais  :  broom 
signiÛQ  genêt  et  balai.  En  provençal, 
ginest  est  également  employé  dans 
les  deux  significations.  Dans  notre 
ancienne  langue,  le  genêt  se  nom- 
mait balanier.  (Voir  ce  mot  dans  le 
glossaire  de  Roquefort.) 

Le  mot  baleys  parait  être  pris  pour 
un  brin  de  genêt  dans  le  passage  sui- 
vant de  Matthieu  Paris,  sur  l'an  1 252  : 
«  Ferens  in  manu  virgamquam  vul- 
gariter  baleys  appellamus.  » 


CELTIQUE  SECT.  IL         207 

—  Irland.  ballan,  genêt  et  balai; 
écoss.  bealmdh,item;  gall.  banal 
item;  bret.  balan,  genêt;  balaen, 
balai. 

Balet,  Balay,  Balé,  anc.  galerie 
couverte  par  un  toit  en  saillie  ap- 
puyé contre  un  bâtiment.  En  basse 
latinité,  baletum, 

Vindrent  deux  chappellains  dessoubz  le 
balet  ou  galerie  de  l'église  de  Saint-Martin 
de  Coussay.  (Lettres  de  rémission  de  1454, 
citées  dans  le  glossaire  de  Carpentier,  art. 
Baletum.) 

Lequel  sac  porteront  tous  deux  ensemble 
sur  le  ballet  Ae  la  maison  qui  est  sur  la  rue. 
(Lettres  de  rémission  de  1459,  citées  ibid.') 

—  Bret.  baled,  toit  en  saillie  pour 
garantir  de  la  pluic^  auvent;  baleg, 
saillie;  gall.  balawg,  toit  ou  autre 
construction  en  saillie,  avant-toit, 
auvent;  6a?^  saillie. 

Bane,  anc.  corne;  en  provençal 
bana.  (Voir  le  glossaire  do  Roquefort, 
article  Bane$,.  —  Gall.  ban,  corne; 
écoss.  beann,  item  ;  irland.  beann, 
item. 

Bar,  anc.  fange,  limon^  vase.  (Ro- 
quefort.)— Écoss.  eabar,  fange,  boue, 
vase,  limon;  irland.  eabar,  item.   .,j 

Baraque,  enesp.  barraca. — Écoss. 
barrachad,  maisonnette ,  cabane , 
hutte,  baraque;  irland.  barrachad. 

Barat,  anc.  tromperie,  perfidie, 
trahison,  fraude,  ruse;  barater, 
tromper,  frauder;  barateur,  trom- 
peur, imposteur.  (Voir  Nicot,  Tré- 
voux et  Roquefort.) 

Seignour,  cis  siècles  ne  vaut  rien  ; 
Plain  est  de  barat  et  d'engien 
Por  quoi  preudon  ne  l'doit  amer; 
La  {;ent  sont  lelon  comme  chien. 

(Nouu.  ree.  dtt  contes,  1. 1,  p.  283.) 

Hon  puet  bien  reigneir  une  pièce 
Par  faucetei  avant  c'on  chiece. 


208 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Et  plus  qui  plus  seit  de  barat; 
Mais  il  convient  qu'il  se  barat 
Li-mcismes,  que  qu'il  i  mete; 
Ne  jamais  n'uns  ne  s'entremêle 
De  bareteir  que  il  ne  sache 
Que  baraz  li  rendra  la  vache. 

(Ruteb«uf,  t.  I,  p.  3^7.) 

Feme,  s'ele  fait  mal,  fait  bien  que  faire 
doit, 

Ouar  se  feme  fait  mal,  et  ele  l'aperçoit. 

Elle  guile,  et  barnle^  et  engingue  et  déçoit... 

Trop  set  feme  d'engin,  àebaral  et  de  lobe; 

Home  qui  la  velt  croire  guile,  barate  et 
lobe, 

Et  petit  et  petit  le  barate  et  desrobe 

Et  demande  deniers,  et  puis  demande  robe. 

(Chaitit-Musart,  à  U  «uiie  des  oeurret  de  Rulebcui^ 
t.   II,  p.  231.) 

Vos  créez  un  mentéor, 

I.  larron,  i.  barretéor, 

Por  sa  grant  barbe  l^e  il  porte. 

[Dolopalkot,  ëd!t.  Jannet,    p.  SSS.) 

—  Bret.  barad,  perfidie,  trompe- 
rie, trahison;  écoss.  brath,  item; 
irland .  brath^  item;  gall.  bradj  item  ; 
bradu,  décevoir,  tromper,  trahir; 
bradwr,  trompeur,  traître. 

Barguigner,  signifiait  autrefois 
marchander;  il  signifie  aujourd'hui 
hésiter,  avoir  de  la  peine  à  se  déter- 
miner, particulièrement  quand  il  s'a- 
git d'un  achat,  d'un  accord,  d'une 
afi'aire.  Marchander  s'emploie  éga- 
lement dans  le  même  sens.  En  ital. 
bargagnare;  en  portugais  et  en  langue 
d'oc  barganhar  signifient  marchan- 
der, traiter,  négocier. 

D'un  vassal  vus  recunte  ci 

Ki  un  ceval  aveit  nurrî... 

Par  vingt  souz,  ce  dit,  le  dunra. 

Un  sien  veisin  le  bargeigna^ 

Haiz  n'en  vraut  mie  tant  duner. 

(Marie  de  Franc*,  t.  II,    p.  308.) 

Estagiers  de  Paris  puent  barguinier  et 
aehater  blé  on  marchié  de  Paris  por  leur 
mengier  en  la  présence  des  talmeliers  bau- 
baniers,  {Livre  des  métiers,  p.  17.) 


—  Écoss.  baragan,  marché,  traité, 
accord;  bret,  barhaha,  marchander. 

Baril,  Barrique  et  Baratte,  es- 
pèce de  long  baril  dans  lequel  on  bat 
le  beurre,  sont  tous  des  mots  de  même 
origine.  Dans  les  capitulaires  de 
Charlemagne  de  villis  suis,  le  mot 
barriclus  se  trouve  employé  pour  une 
sorte  de  vaisseau  de  bois  garni  de 
cercles  en  fer.  (Voir  la  bibliothèque 
de  l'École  des  Chartes,  année  1853, 
p.  547.)— Bret.  6ara2^  baquet,  caque, 
baril,  mais  plus  particulièrement  ba- 
ratte, vaisseau  à  battre  le  beurre; 
gall.  barils  caque,  baril,  barrique; 
écoss.  baraill,  bairill;  irland.  bai- 
rile. 

Barrette,  Birrette,  Berret  ou 
Béret,  mots  qui  désignent  diffé- 
rentes sortes  de  bonnets.  (Voir  le 
dictionnaire  de  l'Académie  et  celui 
de  Trévoux.)  En  basse  latinité,  bir- 
retum,  espèce  de  bonnet;  en  prov. 
baretta;  en  ancien  espagnol,  barrete; 
en  ital.  berretta.  —  Écoss.  bairead, 
bioraide,  bonnet,  chapeau,  casque; 
irland,  bairead^  item. 

Bas.  —  Gall.  bas,  bas,  profond; 
basu,  abaisser;  irland.  bass,  profond 
(Mac-Curtin)  ;  bret.  baz.  Dans  ce 
dernier  idiome  la  signification  de  baz 
a  été  altérée  au  point  que  ce  mot  ne 
représente  plus  aujourd'hui  que  l'idée 
de  peu  profond.  Ce  fait  ne  paraîtra 
pas  étonnant  à  ceux  qui  ont  observé 
comment  le  pouvoir  despotique  de 
l'usage  fait  passer  les  mots  d'accep- 
tion en  acception,  au  point  de  les 
conduire  quelquefois,  par  une  suite 
d'évolutions,  à  une  signification  fort 
éloignée  de  celle  qu'ils  avaient  pri- 
mitivement. (Voyez  à  cet  égard  t.  II, 
chap.  II,  sect.  v.) 


CHAP.  II,  ÉLÉMENT  CELTIQUE.  SEGT.  IL      209 


L'adjectif  bas,  qui  fait  le  sujet  de 
cet  article,  est  lui-même  une  preuve 
de  la  variation  que  l'usage  peut  faire 
éprouver  aux  mots,  car  cet  adjectif 
signifie  tantôt  qui  a  beaucoup  de 
profondeur,  et  tantôt  qui  a  peu 
d'élévation  :  ce  puits  est  bas,  cette 
cave  est  basse;  un  plafond  bas,  une 
maison  basse.  En  latin  altvs  signi- 
fiait haut,  élevé,  ou  bien  bas,  pro- 
fond. 

On  trouve  bassiis  traduit  par  cras- 
sus,  pinguis  dans  le  glossaire  d'Isi- 
dore de  Séville,  Papias  l'interprète, 
par  mrtus,  humilis.  Ainsi  ce  mot  de- 
vait avoir  plusieurs  acceptions  et 
entre  autres  celle  de  gros  et  court, 
courtaud,  trapu,  bas  de  taille.  Nous 
appelons  basset  un  chien  qui  offre 
une  pareille  manière  d'être.  Bassus 
paraît  avoir  appartenu  au  latin  rus- 
tique, qui  a  dû  l'emprunter  au  cel- 
tique en  modifiant  diversement  la  si- 
gnification du  primitif. 

Dans  ma  première  édition  j'ai  don- 
né bâtard  comme  un  composé  formé 
de  deux  mots  celtiques  bas,  bas  et 
tœrz,  extraction;  mais  après  un  exa- 
men plus  attentif,  je  trouve  que  cette 
origine  n'est  pas  admissible .  Il  est 
plus  probable  que  bâtard ,  autrefois 
bastard,  bastart,  est  un  dérivé  de  bas 
auquel  on  a  joint  le  suffixe  ard,  art; 
c'est  ainsi  que  de  mâle  on  a  fait  ma- 
lart,  mâle  du  canard  sauvage,  de  ju- 
ment jiimart,  animal  né  d'une  ju- 
ment et  d'un  âne.  (Voyez  t.  II ,  p. 
357-359.)  Bastard,  bastart  sont  pour 
bassard,  bassart  dans  lesquels  on  a 
intercalé  un  t  après  le  s,  comme 
dans  l'ancien  verbe  blastenger ,  for- 
mé de  blasmer  dont  il  avait  la  signi- 
fication, cl  dans  la  locution  este-le- 


vos  (ecce  illum  vobis),  qui  signifiait 
en  langue  d'oïl  le  voilà.  (Voir  pour 
cette  locution  le  tome  III,  p.  388.) 

Bâtard  signifie  proprement  un  en- 
fant qui,  sous  le  rapport  de  la  nais- 
sance est  considéré  comme  étant  au- 
dessous  de  l'enfant  légitime,  ou  bien 
comme  étant  de  basse  extraction, 
pourrai tron  dire,  si  cette  expression 
n'était  consacrée  pour  rendre  une 
autre  idée. On  trouve  dans  nos  anciens 
auteurs  enfant  de  bas,  fils  de  bas  , 
fille  de  bas,  pour  enfant  naturel,  fils 
naturel,  fille  naturelle. 

D'ot  li  rois  gaires  de  santé  ; 
Et  si  vesqui  plus  de  vu.  ans, 
Et  ot  assenés  ses  enfans 
De  bas,  dont  un.  avoit  encor. 
Si  leur  dona  de  son  trésor. 

{Chron,  de  Ph.  iioutkes ,  ëdit.  da  SI.  d«  R«iffeBb*r(, 
1. 1,  p.  447.) 

Mais  il  reprist,  a  grant  proière, 

Fille  le  conte  Godefroit 

De  Louvaing,  W  moult  bêle  estoit... 

Mais  11  rois  n'en  out  nul  enfant  ; 

Çou  pesa  lui,  mois  non  pour  quant 

Si  ot  de  bas  li  rois  vi,  fins 

Et  VII  fllles  auques  gentius  ; 

De  frankes  femes  palsans 

Ot  li  rois  Henris  ces  enfans. 

{Uid.,  1. 11,  p,  3*4.) 

Et  s'eut  de  bas  i.  fil 

Ki  moult  ot  haut  cuer  et  gentil. 

{lèid.,  t.  1,  p.  69.) 

Fille  le  roi  Henri  de  bas, 
Juliane  fa  apielée. 

(liid..  t.  ll.p.  S31.) 

Pourquoy  il  le  avoit  appelle /^/ta»  de  bas, 
qui  estoit  a  dire  bastart  et  ûlz  de  putain. 
(Lettres  de  remission  de  1375  citées  dans  le 
gloss.  de  Carpentier,  art.  Bastardus. 

Bauderon  de  la  Viesville,  fils  de  bas  de 
feu  le  seigneur  de  la  Viesville.  {Lettres  de 
1400  citées  ibid.) 

On  disait  venir  de  bas  pour  être  né 
d'une  femme  non  mariée,  être  !c 


M 


Î40 


PREMIÈRE  PARTIE. 


fruit  d'un  commerce  criminel,  être 
enfant  naturel. 

De  la  partie  de  Phelippe  de  Nohaut , 
femme  de  Jehan  du  Jat....  nous  a  esté  ex- 
posé.... que  comme  elle  feust  venue  de  bas 
et  ne  feu3t  née  en  loyal  mariage,....  et  que 

«le  présent,  elle  a  plusieurs.  enfTans il 

nous  pleust  iceulx  enffans  femeaulx  et  de 

sexe  féminin  habiliter et  a  iceulx  faire 

pareille  grâce  que  nous  avons  (faite)  à  elle. 
{Charte  de  1402  citée  iMd.,itl.  Yenire  de 
Basso.) 

Bat.  Vieux  mot  qui  signifie  queue 
de  poisson,  et  que  les  marchands  de 
marée  emploient  encore  dans  cer- 
taines phrases  :  lepoissonest  mesuré 
entre  œil  etBxr.  (Académie.) — Écoss. 
bod,  queue;  irland.  bod,  item. 

Baton.  —  Irland.  bat,  bâta,  bâ- 
ton ;  bret.  baz;  écoss.  bat. 

Bave.  —  Bret.  babouz,  bave,  or- 
dure, saleté;  babouza,  baver;  gall. 
baw,  ordure,  saleté. 

Bec.  Suétone  nous  apprend  qu'An- 
tonius  Primus,  général  de  Vespasien, 
né  à  Toulouse,  avait  reçu,  dans  son 
enfance,  de  ses  compatriotes,  le  sur- 
nom de  becco,  qui,  selon  cet  histo- 
rien, signifiait  bec  de  coq.  «  Cui  To- 
los3Ê  nato  cognonem  in  pueritia  Becco 
fuerat;  id  valet  gallinacei  rostrum.» 
(Suét.  Vie  de  Vitelîius.)— Bret.  beh, 
beg,  bec;  écoss.  beic;  gall.  pig;  ir- 
land. bec. 

Bêche.  En  basse  latinité,  becca. — 
Bret.  6ac%  bêche;  irland.  bac;  gall. 
bac. 

Beloce,  Belloce,  anc.  sorte  de 
prune  sauvage,  espèce  de  prunelle. 
On  trouve  en  basse  latinité  boluca 
dans  une  vie  de  saint  Colomban 
écrite  auvni*  siècle  par  Jonas,  moine 
de  Bobbio.  chap.  xix  :  «  Vel  pomo- 


rum  parvulorum  quae  eremus  illa  fe- 
rebat,  quae  vulgo  bolucas  appellant.» 

Père,  se  prune  ne  ieloce, 
Poire,  pommes,  frères  ne  nois 
Truis  en  alant  aval  ce  boys, 
J'en  mengeray. 

{Ua  miracU  dt  Noilre-Dame ,  daos  la  Tli^âtra  fraDftU 
au  imajeo  Âge,  p.  S8G.) 

Pesches,  raisins  ou  alliettes. 
Nèfles  entées  ou  framboises, 
Belloces  d'Avesnes,  jorroises. 
Ou  des  meures  franches  ayés. 

(Roman  dt  la  Rote,  ii.  de  ITSS,  1. 1,  p.  S88.) 

—  Irland.  1"  buîos,  prune;  2»  bu- 
lislair,  prune  sauvage,  prunelle. 
Écoss.  \°  bulas,  bulos;  2°  bulais- 
tear. 

Benel,  Bennel,  Beneau,  anc. 
chariot,  tombereau. 

Maistre  Sausien  Le  Len  et  le  messager  de 
Pierre  de  La  Lune....  furent  amenés  moult 
honteusement  et  desbonnestement  en  un 
bennel  da  Louvre  en  la  cour  dupalais.i.. 
et  après  furent  ramenés  au  Louvre  sur  le 
dict  bennel^  comme  dessus.  (Monstrelet, 
liv.  I,  chap.  XXVI.) 

Bennel,  benel,  sont  des  diminu- 
tifs du  celtique  ben.  Nous  trouvons 
ce  mot,  avec  la  forme  latine  benna, 
dans  Festus,  qui  le  donne  comme 
appartenant  à  la  langue  des  Gau- 
lois. «  Benna,  lingua  gallica,  genus 
vehiculi  appellatur,  unde  vocantur 
combennones,  in  eadem  benna  se- 
dentes.  » 

Gall.  ben,  char,  chariot;  irland. 
fen;  écoss.  feun. 

Bertauder,  Bertouder,  Bretau- 
DER,  anc.  tondre,  couper,  châtrer. 
L'Académie  admet  encore  brétauder, 
avec  la  signification  de  tondre  in- 
également^ couper  les  oreilles  à  un 
cheval.  Bertaad  signifiait  châtré. 
(Voir  ce  mot  dans  Trévoux.) 


CHAP.  n,  ÉLÉMENT  CELTIQUE.  SECT.  H.      214 


Moines  devint,  ch'en  est  la  soume  ; 
Par  H  conseil  du  bon  preudoume, 
Pour  le  siècle  plus  eslongier, 
Berlatider  Cst  et  rooigner 
Sen  chief  c'avoit  blonl  et  poli. 

[Faùliaux  et  conte),  éd.  Je  1808,  ».  J,  p.  355.) 

Mors  est  Gérard  et  toz  scsparanteiz. 
Et  tu  serais  tondus  et  berloxidiez. 

{Gtrarsde  Viane,éd.  Bekker,  T.  154.) 

On  trouve  brétauder,  pour  signi- 
fier couper  court,  tondre,  dans  ma- 
dame de  Sévigné;  mais  elle  paraît 
ne  s'en  être  servie  que  comme  d'un 
vieux  mot  qu'elle  se  permet  d'em- 
ployer en  plaisantant. 

La  Martin  l'avait  brétaiidée  par  plaisir 
comme  un  patron  de  mode  excessive;  elle 
avait  donc  tous  les  cheveux  coupés  sur  la 
tête,  et  frisés  naturellement  par  cent  pa- 
pillotes, qui  la  font  souffrir  toute  la  nuit; 
cela  fait  une  petite  tête  de  chou  ronde  sans 
que  rien  accompagne  les  côtés.  (Lettre  de 
M»»  de  Sévignc  a  M""  de  Grignan,  du  18 
mars  1671.) 

—  Écoss.  4°  beanta,  béante,  qui 
a  les  cheveux  coupés  court,  tondu; 
2°  bearr,  couper,  écourter,  tondre, 
dérivé  de  3"  bearr,  court;  irland. 
4<*  bearr  ad,  2°  bearr  aim,  3°  bearr; 
bret.  berraat,  accourcir,  raccourcir; 
rogner:  berradur,  raccourcissement, 
action  de  raccourcir;  berr,  court; 
gall.  byr,  court;  byrâu,  raccourcir, 
rogner.  On  trouve  ber,  signifiant 
court,  dans  le  dictionnaire  cor- 
nouaillais  du  XII*  siècle  publié  par 
Pryce  et  par  M.  Zeuss. 

Bétoine,  plante  que  les  Gaulois 
nommaient  vettonica,  selon  le  rap- 
port de  Pline  :  «  Vettonica  dicitur 
in  Gallia,  in  Italia  serratula.  »  (Liv. 
XXV,  cli.  VIII.) 

On  trouve  bétoine  et  vétoine  dans 
nos  anciens  auteurs  : 


Remède  por  la  dolor  de  chief.  —  Raez  si 
le  peil  de  la  teste,  puis  si  prenez  de  vé- 
toine plein  pot,  si  quassiez  o  le  vin,  et  puis 
si;en  oingnez  la  teste  o  le  jus  austresi  chaut 
eome  11  porra  souffrir,  et  si  li  mêlez  l'em- 
plastre  sur  le  chief  en  une  coiffe  linge  des- 
sus ,  et  si  lessiez  estre  treis  jors.  (JIs  de 
M.  D.,  côte  M,  no  9,  f»  117  r",  cité  par  Ro- 
quefort, gloss.  ari.Yétoine.) 

—  Bret.  bentonih,  bétoine;  écoss. 
lus  bheathaig,  item  ;  lus,  qui  entre 
dans  cette  expression,  signifie  herbe  ; 
irland.  lus  mhic  bethaig,  bétoine, , 
littéralement  herbe  de  pure  bétoine. 

Bijou.  Ce  mot  dérive  d'un'primi- 
tif  celtique  signifiant  anneau  ;  c'est 
par  extension  qu'il  a  été  pris  dans 
le  sens  de  joyau  en  général.  Le  mot 
bague ,  anneau,  prend  également 
quelquefois  une  signification  géné- 
rale analogue  à  celle  de  bijou. 
L'Académie  autorise  cette  acception 
étendue,  et  donne  pour  exemple  : 
«  Les  bagues  et  joyaux  de  cette 
femme  ont  été  estimés  cinquante 
mille  francs.  Allouer  tant  à  une 
veuve  pour  ses  bagues  et  joyaux.  » 

—  Bret.  \°  bizou,  bézou,  bézeu, 
anneau,  bague;  2°  biz,  doigt,  pri- 
mitif des  précédents.  Gall.  1°  byson; 
2"  bys.  On  trouve  bisou,  anneau,  et 
bis,  doigt,  dans  le  dictionnaire  cor- 
nouaillais  du  XII*  siècle,  publié  par 
M.  Zeuss. 

Bille,  pièce  de  bois  de  toute  la 
grosseur  de  l'arbre,  séparée  du  tronc 
par  deux  traits  de  scie  (Acad.)  ;  Bil- 
lot, gros  tronçon  de  bois  cylindri- 
que ou  taillé  carrément  (ibid.).  — 
Irland.  bille,  tronc  d'arbre,  gros 
tronçon  de  bois,  bille,  billot  ;  bret. 
bill,  pill;  gall.  pill. 

Botte,  en  basse  latinité  bota,  botta. 
que  l'on  trouve  souvent  et  fort  an- 


212 


PREMIÈRE  PARTIE. 


ciennement^  pour  signifier  diverses 
sortes  de  chaussures,  et  particulière- 
ment des  chaussures  profondes. 
(Voir  le  glossaire  de  du  Gange,  art. 
Bota.)  —  Brel.  botez,  chaussure  en 
général;  botaoui,  boutaoui,  chaus- 
ser. Gall.  botas,  botasen,  chaus- 
sure^ botte.  Écoss.  bot,  boit,  item, 
Irland.  botis,  botain.  botin,  butais, 
item. 
Bouge,  Bougette,  anc.  bourse. 

Vous  voulez  vuider  les  gibecières  d'au- 
truy  pour  remplir  vos  bouges.  {IV»  Matinée 
du  seigneur  de  Cholières.) 

De  mettre  nostre  argent  en  bouge 
Ou  autrement  en  la  bougette, 
Mieulxvault  rafreschir  la  gorgette 
De  ce  qui  est  donné  pour  nous. 

(Àpoeali/pte  tainti  Jcr.\n  Zebedie,  «te,  ^dit.   da   1541, 
ia-fol.  fauilUti.  r«ct.  ca\.H.) 

Et  baillent,  quant  ik  sont  sur  champs. 
Leur  bougette  a  l'hostesse  à  garder, 
Et  dient  qu'il  y  a  cent  francz, 
Où  il  n'y  a  pas  uug  denier. 

(L«i  DroUt  nouveaux  r!a  Coquillari,  <dit.  daCoattclicr, 
p.  50) 

Le  mot  bouge  fut  transporté  de 
France  en  Angleterre  par  les  Nor- 
mands, d'où  il  nous  est  revenu  sous 
la  forme  budget,  diminutif  quelque 
peu  dérisoire  que  l'on  croirait  avoir 
été  employé  par  euphémisme.  Tous 
ces  mots  sont  dérivés  de  bulga, 
bourse,  petit  sac  de  cuir,  primitif  ap- 
partenant à  la  langue  celtique,  dnsi 
qufC  nous  l'apprend  Festus  :  <(  Bulgas 
Galli  sacculos  scorteos  appellant.  » 
Ce  primitif,  diversement  modifié^  se 
retrouve  dans  tous  les  idiomes  néo- 
celtiques. —  Gall.  bolgan,  bourse; 
bret.  boulgan  et  boulgeden  (Rostre- 
nen)  ;  écoss.  bolg,  builg  ;  irland.  bolg. 

Bouleau.  Selon  Plino,  le  bouleau 
était  un  arbre  particulier  è  la  Gaule, 


«  Gaudet  frigidis  sorbus,  et  magis 
etiam  betulla.  Gallica  hœc  arbori, 
mirabili  candore  atque  tenuitale  ter- 
ribilis  magistratuum  virgis ,  eadem 
circulis  flexilis,  item  corbium  costis. 
Bitumen  ex  ea  Galliae  excoquunt.  » 
(Liv.  XVI,  ch.  XVIII.) 

On  a  dit  autrefois  bez  et  betule 
pour  bouleau.  (Voir  les  deux  dans  le 
glossaire  de  Roquefort.)  Betulus  et 
betule  sont  des  dérivés  du  primitif 
celtique,  formés  au  moyen  de  suf- 
fixes propres  aux  diminutifs.  (Voir 
t.  II,  p.  388.)  —Irland.  beith,  bou- 
leau; écoss,  beithj  beithe;  bret.  bé- 
zô,  béô,  béeù,;  corn,  bezo,  bes:  gall. 
bedw. 

Bourde  signifiait  autrefois  trom- 
perie^ menterie,  plaisanterie,  raille- 
rie, moquerie,  facétie,  malice,  farce, 
sornettes.  Ce  mot  est  encore  au- 
jourd'hui employé  populairement 
pour  un  mensonge,  uii  faux  pré- 
texte, une  défaite.  On  dit  bourder, 
pour  se  moquer,  dire  des  mensonges, 
des  sornettes. 

Warnet,  as-tn  le  raison 
Ole  de  cest  païsant, 
Et  comment  il  nous  va  disant 
Ses  bourdes  dont  il  nous  abuffe  T 

{Théâtre franf ait  au  moyen  âge,  p.  89.) 

Douce  geni:,  es  croniques  de  Romme  soitt 

trouvées 
Les  paroles  qui  sont  ci  de  par  moi  contées; 
Mais  I  rommans  en  est  cù  en  est  ajoustées 
Granz  bourdes  qui  n'i  doivent  pas  estre  re- 
cordées. 

{Nouveau  reeueitde  eonut,  l.  I,  p.  lit.) 

Sages  fu  li  bourjois  et  moult  bien  empariez; 
Quant  il  ot  bien  beu,  bourdes  disoit  assez. 

{Chrott.  de  du  Gueteli».  I.  1.  p.  53.) 

Ha  !  respondi  messire  Hue  de  Cavrelée 
qui  fut  courroucé  de  celle  parole ,  que  tu 


CHAP.  II,  ÉLÉMENT  CELTIQUE.  SECT.  II.       213 


es  bien  taillé  de  bien  fareer  une  belle 
lourde;  or  sais-je  bien  que  tu  as  menti. 
(Chron.  de  Froissart,  liv.  lî,  ch,  cxu.) 

Bret,  bourd,  tromperie,  ruse,  ma- 
lice, facétie,  farce;  écoss.  burdan, 
plaisanterie,  raillerie,  malice,  mo- 
querie, sarcasme,  lardon;  irland. 
burdan^  item. 

Bouse.  Bret.  beùzel,  bouzel,  bou- 
iil,  bouse  de  vache  ;  gall.  biswail, 
excrément  des  animaux  et  particu- 
lièrement bouso  de  vache;  écoss. 
buachar,  item;  irland.  buacar  item. 

Boyau,  Boudin.  Ces  mots  ont  la 
raême  origine.  Boyau  se  disait  an- 
ciennement baudan,  baoudan,  bouel, 
boel.  (Voyez,  à  cet  égard,  le  glos- 
saire de  Roquefort.)  Basse  lat.  60- 
tellus,  botulus,  bodelluSj  boyau;  en 
ital.  bvdello,  en  languedocien  bxidel. 
On  appelait  autrefois,  en  français, 
béditle  le  cordon  ombilical,  et  bu~ 
dine,  boudiné  le  nombril. 

Le  suppliant  frappa  sa  bisague  ou  ventre 
d'icellui  prestre,  entre  l'aine  et  la  budine. 
(Lettres  de  rémission  de  1475,  citées  dans 
le  glossaire  de  Carpenliet,  &n.  Bodellus.) 

Or  verrai  au  moustrer  devant 
De  la  gorgete  en  avalant  ; 
Et  premiers  au  pis  camuset,.... 
Bouline  avant  et  rains  vautiés. 

{TUâlre  franfaii  au  moyen  âge,  p.  960.) 

On  trouve  dans  Martial  botulus  et 
botellus,  pour  boudin,  liv.  V,  épigr. 
79,  et  liv.  XVI,  épigr.  72  ;  mais  Au- 
lu-Gelle  nous  apprend,  liv.  XVI,  ch. 
VII,  que  ce  mot  était  étranger  à  la 
langue  latine.  Comme  il  se  trouve 
dans  les  divers  idiomes  néo-celti- 
ques, pour  signifier  à  la  fois  boyau 
et  boudin,  je  ne  doute  pas  qu'il  ne 
fût  un  des  mots  empruntés  par  les 
Romains  à  la  langue  des  Gaulois. 


Bret.  bouzellen,  boyau,  intestin;  ir- 
land. putog,  intestin,  boyau,  bou- 
din; boideal,  boudin;  gall.  foten, 
boyau,  boudin;  écoss.  putag,  puta- 
gan,  boudin.  C'est  de  là  que  les  An- 
glais ont  tiré  leur  pudding^  boudin. 
Bragard  et  Brave  signifiaient 
tous  deux  autrefois  bien  vêtu,  élé- 
gamment habillé,  paré  magnifique- 
ment. (Voir  Bragard  dans  Nicot, 
Trévoux,  Borel  et  Le  Duchat.) 

Chacun  est  roy  en  sa  maison,.... 

Chacun  fait  le  bragard. 

Et  chacun  n'a  pas  un  potart. 

{Tréior  des  lenienees,  eité  par  SI.  Le  Roux  de  Lincy  dao* 
le  LiTredcf  proverbes  fraaçait,  t.  11,  p.  197.] 

Rencontrant  par  les  rues  quelques  mi- 
gnons bragars  et  mieulx  en  poinct ,  sans 
d'yeeuh  estre  aulcunement  offensé ,  par 
guayeté  de  cueur  leur  donnoyt  grandz  coups 
de  poing  en  face.  (Rabelais,  Penlagruel,  liv. 
IV,  chap.  XVI,  p.  231.) 

Brave  était  encore  en  usage  au 
xvii°  siècle  dans  le  sens  que  je  viens 
de  lui  assigner.  On  le  trouve  em- 
ployé de  la  sorte  dans  La  Fontaine, 
dans  M""®  de  Sévigné,  dans  Pascal 
et  dans  d'autres  écrivains  de  cette 
époque. 

Richardcommence:«Ehra,Bartholomée... 
T'ai-je  jamais  refusé  nulle  chose, 
Soit  pour  ton  jeu,  soit  pour  tes  vêtements? 
En  étoit-il  quelqu'une  de  plus  brave  ?  > 

(La  Fontaine,  L»  calendrier  dei  vieillards,  ooate.) 

Etre  brave  n'est  pas  trop  vain  :  c'est 
montrer  qu'un  grand  nombre  de  gens  tra- 
vaillent pour  soi;  c'est  montrer  par  ses  che- 
veux qu'on  a  un  valet  de  chambre,  un  par- 
fumeur, etc.; par  son  rabat,  le  fil  et  le  pas- 
sement. (Pensées  de  Pascal,!'^  part.,  an. 
vin,  pensée  xiii.) 

L'Académie  donne  encore  brave 
dans  cette  acception,  en  avertissant 
qu'il  est  familier,  et  braverie  dans 
le  sens  de  magnificence  en  habits. 


su 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Brave  a  pris  dans  la  suite  des  signi- 
fications tout  à  fait  différentes,  et 
qui  ne  sont  pas  les  mêmes  selon 
que  cet  adjectif  est  placé,  avant  ou 
après  certains  substantifs  j  les  ad- 
jectifs gentil,  galant,  se  trouvent 
exactement  dans  le  même  cas. 

—  Bret.  braVj  beau,  agréable; 
braga,  se  parer  de  beaux  habits; 
bragecr,  celui  qui  aime  à  se  parer. 
Ecoss.  breagh,  briagh,  hraw,  beau, 
agréable,  orné,  splendide  ;  breaghad, 
beauté,  parure,  ornement,  splen- 
deur. Irland.  breag,  beau,  gentil, 
orné,  paré;  breaghachd,  agrément, 
parure  ;  breagfiaichim,  parer,  orner. 

Braie,  vêtement  qui  fut  long- 
temps en  usage  chez  nos  pères; 
nous  avons  conservé  le  diminutif 
de  brayette. 

Rices  dras  ot  Partonopeus, 
Et  li  rois  de  France  antretels. 
Ne  vos  quier  or  faire  devise 
Ne  de  braies  ne  de  cemise, 
Ne  de  braiels,  ne  de  lasnieres. 

{Partenopêut  dt  Blois,  t.  II,  p.  !90j. 

Por  estanchier  faire  ma  plaie, 
Copai  lou  tivuel  de  ma  Iraie 
Et  ma  chemise  an  delranchai. 

{Dolopolhoi,  éiix.  Jaanet,  p.  408.) 

On  dit  brague,  pour  braie,  dans 
plusieurs  de  nos  départements  de 
l'Ouest,  où  ce  vêtement  est  encore 
en  usage  parmi  les  gens  de  la  cam- 
pagne. D'après  le  témoignage  de 
plusieurs  auteurs  anciens,  bracm 
ou  bracha  était  une  espèce  de  haut- 
de-chausse  en  usage  chez  les  Gau- 
lois. Il  en  est  fait  mention  dans  la 
Vie  d'Alexandre  Sévère,  par  Lara- 
pridius,  dans  celle  d'Aurélien,  par 
Vopiscus,  et  dans  Ammien  Mar- 
ceUi»,  liv.  XVI,  où  il  appelle   les 


soldats  gaulois  braccati.  Diodore 
de  Sicile  dit  en  parlant  des  habi- 
tants de  la  Gaule  :  XpwvTat  Se  àva£u- 
pCfftv  S;  èxeïvot  Ppaxaç  zaXoyfftv.  Sué- 
tone, dans  le  chapitre  lxxx  de  la 
Vie  de  Jules  César,  rapporte  les 
vers  suivants  faits  contre  ce  dicta- 
teur : 

Galles  Ca^sar  in  triumphum  ducit; 

Idem  in  cariam. 
Gain  Iraccas  deposuerunt,  latum 

Ciavum  sumpserunt. 

Le  même  terme  se  retrouve  dans 
tous  les  idiomes  néo-celtiques.  — 
Bret.  ômgfcz^  braie;  corn,  bryccans; 
gall.  brethyn;  irland.  bristighe; 
écoss.  brigis,  briogais,  briogan. 

Braire,  Brailler.  Autrefois  brais 
ou  braiz  signifiait  cri,  clameur,  et 
braire,  crier,  criailler,  se  lamenter  ; 
il  en  était  de  même,  en  basse  lati- 
nité du  verbe  braiare. 

ÂI  assembler  del  hurteiz, 

I  eut  noises  (bruits),  e  braiz,  e  criz. 

[Chron.  dst  ducs  de  Korm.,  1. 1,  p.  30». ) 

II  ne  set  tant  crier  ne  braire, 
Soi  debatre,  ne  soit  detraire, 
K'el  en  voelle  merci  avoir 
Seul  tant  qu'elle  puisce  veoir. 

(Jlariede  France,  t.  I,  p.  93S.) 

Emprès  ont  le  Hombre  passé 
Et  le  plain  païs  tout  gasté  ; 
N'i  avoit  fors  la  vilenaille 
Qui  n'avoit  qure  de  bataille  ; 
Et  li  ullage  les  ocient, 
Et  li  chaitif  braient  et  crient. 

{Rom.  de^  Brut,  t.  I,  p.  188.) 

—  Irland.  breas,  cri,  clameur; 
feragam^,  crier,  brailler;  bret.  breùgi. 
crier  et  braire;  gall.  bragal,  crier, 
vociférer,  brailler;  écoss.  bragainn, 
item. 

Bran,  Bren,  signifiaient  autrefois 


GHAP.  II,  ÉLÉMENT  CELTIQUE.  SECT.  H.       2<5 


son,  résidu  qui  reste  sur  le  tamis 
après  que  la  farine  est  passée.  L'A- 
cadémie donne  encore  bran^  pour 
désigner  la  partie  la  plus  grossière 
du  son,  et  bran  de  scie,  pour  signi- 
fier la  poudre  qui  tombe  du  bois 
lorsqu'on  le  scie.  En  provençal,  bren 
a  conservé  la  signification  de  son. 

Li  talemelier  qui  sont  baubanier  soot 
quites  du  tonlieu  des  pors  qu'il  aclietent  et 
de  ceus  qu'il  revendent,  por  tant  qu'il  aient 
une  fois  mangié  de  leur  bren.  (Livre  des 
métiers^  p.  6.) 

Dites  vos  patenostres  pour  chascan  boulen* 

gier, 
Pour  ce  qu'ils  nous  ont  fait  pain  de  iren  à 
mengier. 

[Nouv.  rêe.  de  eoutei,  1. 1,  p.  945.) 

Par  métaphore,  on  a  dit  Iran, 
bren,  pour  la  matière  fécale  de 
l'homme,  les  résidus  de  la  digestion; 
d'où  l'adjectif  bréneux,  qui  figure 
dans  le  dictionnaire  de  l'Académie. 
Mousse  pour  le  guet,  bran  pour  les  sergens. 

{Àduge$  et prmerhet  de  Solon  de  Yoge,  p»r  I*BatrOpoU- 
tain  (Jaban  L«boa],  Parii,  ia-tfi,  1"  partie,  feuil- 
let D,  ij,  Terio.) 

Tonnez,  dyables,  pedez,  rottez,  fiantez  ; 
bren,  pour  la  vague.  Elle  ha,  par  la  vertus 
Dieu,  failly  k  m'empourter.  (Rabelais,  Pan- 
tagruel, liv.  IV,  ctiap.  XX,  p.  236.) 

—  Ecoss.  bran,  son;  bret.  bren; 
gall.  bran;  irland.  bran;  com. 
bren. 

Brance,  anc.  sorte  de  beau  fro- 
ment. (Voir  Borel,  Roquefort,  et 
particulièrement  Teissier  dans  son 
Nouveau  Cours  complet  d'agricul- 
ture, t.  Il,  p.  484.)  Selon  Pline, 
les  Gaulois  appelaient  brancîs  une 
très-belle  espèce  de  froment  nommé 
sandalum  par  les  Romains  :  «  Gal- 
liae  quoque  suum  genus  farris  de- 


dere,  quod  illic  brancem  vocant, 
apud  nos  sandalum,  nitidissimi 
grani.  »  (Pline,  liv.  XVIII,  ch.  vu.) 

On  désigne  en  breton  sous  le 
nom  de  brazed,  une  sorte  de  blé 
dont  le  grain  est  très  gros;  ce  mot 
est  composé  de  braz,  gros,  et  ed, 
blé.  Je  n'assurerai  pas  toutefois  que 
le  brazeà  des  Bretons  soit  le  même 
que  le  brancis  mentionné  par  Pline. 

Branche.  —  Bret.  brank,  branche 
d'arbre^  dérivé  de  bar,  barr,  qui  ont 
la  même  signification;  gall.  bar, 
item;  écoss.  barrach;  irland.  bar- 
raeh. 

Bray,  anc.  boue,  fange,  limon, 
vase;  en  basse  latinité,  braium. 
Brayeiix,  plein  de  boue,  de  vase,  de 
limon.  Bray  entre  dans  la  composi- 
tion de  beaucoup  de  noms  de  lieux, 
Mibray,  Vibray,  Follembray.  Le  pays 
de  Bray  est  une  contrée  fangeuse  de 
la  Normandie. 

Sur  ce  que  nous  disions  ke  nous  pooions 
et  devions  faire  fauquer  l'erbe,  et  holdra- 
gier  et  retraire  le  bray  de  l'yau  de  Somme. 
(Titre  de  1268,  cité  dans  le  glossaire  de  du 
Cange,  art.  Braium.) 

L'empereur  vient  par  la  Coustelerie, 
Jusqu'au  carfour  nommé  la  Vannerie, 
Où  fut  jadis  la  planche  de  Mybray, 
Tel  nom  portoit  pour  la  vague  et  le  bray 
Getté  de  Seine  en  une  creuse  tranche. 

(nenëMacëiCité  iiiVf.) 

Il  passa  parmi  la  ville,  où  il  y  avoit  caves 
et  sources  moult  brayeuses.  (Monstrelet, 
ch,  CCI.) 

L'auteur  anonyme  des  Miracles  de 
saint  Bernard  dit  en  parlant  du  châ- 
teau de  Bray-sur-Seine  :  «  Castrum 
Braium,  quod  lutum  interpretatur.» 
On  trouve  dans  les  Formules  de 
Marculfe,  qui  passent  pour  être  du 
VII*  siècle  :  *«  Braivm.  gaUice  lu- 


246 


PREMIÈRE  PARTIE. 


tura.  »  {Recueil  des  historiens  de 
France,  t.  III,  p.  430.) 

Écoss.  brogh,  boue,  fange,  or- 
dure; irland,  brogh,  broghaighil , 
item;  bret.pn^  terre  glaise,  argile; 
gall. priz,  item;  corn.  bry,pry, item. 

Breton,  Bretun,  anc.  rot,  flatuo- 
sité  provenant  de  l'estomac,  et  s'é- 
chappant  avec  bruit  par  la  bouche. 

Et  si  vus  avez  ernctatiuns  et  bretuns 
Egre,  ce  est  par  l'encheisun 
Et  signe  ke  l'eslomach  avez 
Freit,  saciez  de  veritez. 
La  mescine  de  ceo  ke  devez  receivre 
Est  ke  devez  chaade  eve  beivre. 

(X«<  Eiueignemenli  d'Ariitote,  cuit  dam  laglosMirtd* 
Raquafort,  irt.  Brtiimer.) 

—  Écoss.  bruchd,  rot^  action  de 
roter;  irland.  bruchd;  bret.  breû- 
geûd. 

Brian,  Brien,  Brion,  anc.  petit 
ver,  ciron.  (Roquefort.)  Bret.  preon, 
prenv,  ver,  ciron;  gall.  pryvyn. 

Brique.  Ménage  suppose  que  l'on 
a  dû  dire  en  latin  brica,  dans  le  sens 
de  brique,  parce  qu'il  trouve  dans 
Sidoine  Apollinaire  imbricare,  cou- 
vrir de  faîtières,  et  dans  Pline,  im- 
Iricatm,  disposé  en  forme  de  faî- 
tière ou  de  gouttière;  mais  ces  deux 
mots  n'ont  rien  de  commun  avec 
brique  :  ils  dérivent  de  imbrex,  icis, 
faîtière,  tuile  creuse,  gouttière,  qui 
vient  lui-même  de  imber,  pluie. — 
Bret.  briken,  brique,  de  pri,  terre 
glaise,  argile  ;  gall.  priz,  item  ;  corn. 
bry,  pry,  item;  irland.  brice,  bric, 
brique;  écoss.  brice,  item. 

Broche.  Autrefois  broM,  broque, 
broche,  etc.,  servaient  à  désigner 
beaucoup  d'objets  en  bois  ou  en  fer 
terminés  en  pointe,  tels  que  pieu , 
perche,  bâton  pointu,  broche,  dard. 


cheville,  fausset,  cannelle,  clou,  ai- 
guille, ardillon,  etc.  En  basse  lati- 
nité, brocca  avait  les  mêmes  signi- 
fications. (Voir  les  glossaires  de  Ro- 
quefort et  de  du  Gange.)  Broche  et 
les  diminutifs  brochette,  broquette, 
conservent  encore  une  partie  de  ces 
diverses  acceptions.  En  espagnol 
broca  signifie  petit  clou.  Sous  le  rap- 
port de  la  prononciation,  comme 
sous  le  rapport  de  la  signification, 
ces  mots  se  rapprochent  plus  d'un 
primitif  celtique  que  du  latin  veru. — 
Ecoss.  bior,  signifiant  divers  objets 
qui  se  terminent  en  pointe,  broche, 
clavette,  cheville^  clou,  broquette  , 
poinçon,  aiguille,  aiguillon,  épine, 
épingle,  etc.;  island.  bior;  gall,,  ber, 
lance,  pique,  broche;  bret.  6er, 
broche. 

Brosse  ,  Broce  ,  Brousse  ,  signi- 
fiaient autrefois  broussailles,  vergçg, 
menu  bois,  buisson. 

Et  de  savoir  TOlés  de  son  cstre, 
Qui  n'est  ne  souple  ne  terreus, 
Fain  demore  en  un  champ  perreus 
Où  ne  croist  blé,  buisson  ne  broce. 

[Roman  dt  la  Rote,  T.  10186.) 

Brosse  nous  est  resté  pour  indi- 
quer un  ustensile  propre  à  nettoyer 
les  habits,  les.  meubles,  etc.  Les 
brosses  se  font  aujourd'hui  le  plus 
ordinairement  en  crin,  en  soies  de 
cochon  ou  de  sanglier;  mais  on  les 
faisait  autrefois  avec  de  menus  brins 
de  bois,  de  jonc,  de  bruyère,  etc.  Le 
mot  vergette,  qui  a  la  même  signi- 
fication, a  été  formé  de  verge,  pour 
la  même  raison.  Brousses  nous  a 
donné  la  forme  allongée  brous- 
sailles . 

Les  dérivés  broil ,  breuil,  breul, 


CHAP.  II,  ÉLÉMENT  CELTIQUE.  SECT.  II.      217 

Bruit,  Bruire,  etc.—  Brel.  brûd, 
bruit,  tumulte  ;  gall.  broth,  brwth  ; 
écoss.  bnddhinn;  irland.  bruidhean, 
braidhadh. 

Brusque. — Irland.  brise,  prompt, 
vif,  impétueux ,  brusque;  écoss. 
brisg,  item  ;  gall.  brysg,  item. 

Bruyère,  en  languedocien,  brug- 
hiera  ;  en  provençal  brus^  brudgio. 
Cette  plante  se  nomme  bruc,  brug 
en  Lombardie,  partie  de  l'Italie  oc- 
cupée autrefois  par  les  Gaulois  ci- 
salpins, (Voir  Jules  Scaliger,  Contra 
Cardanum,  xxxvi.) 

—  Bret.  bruk,  brug,  brugen, 
bruyère;  écoss.  fraoch;  irland. 
fraoch  ;  gall.  grug,  bruyère  ;  brwg, 
broussailles. 

Bugise  ,  Buigne  ,  BouNiE ,  anc. 
tumeur,  abcès,  apostème.  On  ap- 
pelle encore  aujourd'hui  bugne  à 
Lyon  une  sorte  de  pâte  frite  qui  est 
assez  gonflée;  cette  circonstance  l'a 
fait  comparer  à  une  enflure,  à  une 
tumeur,  et  lui  a  valu  le  nom  qu'on 
lui  donne.  Buigne  peut  également 
être  le  primitif  de  beignet,  pâte  frite 
que  l'on  nomme  dans  certaines  pro- 
vinces, buignet,  bignet  et  que  l'on 
appelle  bigne  dans  le  Gapençais.' 

Duquel  cop  de  baston  Jehan  Marchant  fa 
un  peu  blecié  sans  sanc  ;  mais  se  leva  seu- 
lement en  la  place  dudit  cop  une  enflure 
et  buigne.  (Lettres  de  rémission  de  1393,  ci- 
tées dans  le  glossaire  de  Carpentier,  art. 
Buba.) 

La  dite  Colete....  donna  si  grand  coup  sur 
l'ueil....  que  a  pou  que  elle  ne  lui  creva, 
et  pour  ce  lui  flst  une  grant  buyne  ou  boce 
sur  le  dit  œil.  (Lettres  de  rémission  de 
1378,  citées  dans  le  glossaire  de  Carpen- 
tier, art.  Buba.) 

—  Bret.  funez  (n  mouillé),  tu- 
meur, abcès,   apostème,  furoncle; 


bfoi,  signifiaient  anciennement  hal- 
lier,  fourré,  taillis,  bois. 

Cil  passèrent  une  montaigne. 

Et  puis  un  broil  lès  une  plaigne; 

Les  herberges  virent  de  l'ost, 

Et  il  vinrent  assès  tost. 

[Rom.  dt  Brut,  t.  Il,  p.  163.) 

Une  gent  pucele  ad  truvée 
Dedenz  li  bois,  prez  de  l'orée  ; 
Bien  ert  vestue  et  bien  chauciée. 
Bien  afublée  e  bien  liée. 

A  li  vint,  si  l'a  saluée 

Demanda-li  ki  ele  esteit, 
En  cel  broil  suie  ke  faseit. 

{Rom.  de  Rou,  t.  I,  p.  191.) 

A  envis  prend  nus  nul  oiselet  au  broi 
Qu'il  ne  le  mehaint,  ou  ocie,  ou  afole. 

{Châtiions  dt  Thibault  de  Champagne,  p.  68.) 

En  basse  lat.  brolium,  lieu  com- 
planté  d'arbres,  bois,  parc;  enprov. 
brueil ,  item  ;  brouas  ,  hallier , 
broussailles. 

—  Bret.  broust,  hallier,  buisson 
épais  ,  broussailles  ;  gall.  "prijs  , 
prysg,  hallier,  bois  taillis;  écoss. 
preas,  item;  irland .  preos,  buisson, 
hallier,  arbuste,  etc. 

Brouille,  Brouiller.  —  Bret. 
brelîa,  mettre  en  confusion,  en  dé- 
sordre, brouiller;  écoss.  broilich, 
broilead,  confusion,  désordre,  tu- 
multe, querelle,  brouille,  brouil- 
lerie;  irland.  broileadh,  broile- 
adhadhj  item. 

Brout  ,  Broutille  ,  Bourgeois  . 
Brouter,  sont  tous  de  la  môme  fa- 
mille.  JBrouf,  dit  l'Académie,  pousse 
des  jeunes  taillis  au  printemps  : 
«  Les  cerfs  aiment  le  brout,  vont  au 
brout.  » 

On  disait  autrefois  broustet  brov^- 
ter.-"  Bret.  1"  brous,  ienne  pousse, 
jet  des  végétaux,  brout;  2"  brousta, 
brouter.  Irland.  4°  bras;  2°  bru- 
sam.  Écoss.  brus,  ,  brouter. 


SIS 


PREMIÈRE  PARTIE. 


gall.  pwnga,  item,  de  pwng,  amas, 
congestion. 

Cabane,  Cabine^  Cabinet,  sont 
de  la  même  famille.  En  basse  lati- 
nité^ capana^  capanna,  hutte,  cabane. 
—  Irland. ca,  maison;  caban,  mai- 
sonnette, hutte,  cabane.  Gall.  cab, 
chaumière,  chalet;  caban,  hutte, 
cabane.  Écoss.  caban,  item.  Bret. 
caban,  item,  suivant  Rostrenen. 
Corn,  caban,  item. 

CANCOiLE,anc.  hanneton.  (Roque- 
fort.) On  dit  encore  dans  plusieurs 
de  nos  départements  de  l'Est  cran- 
coile,  crancoire,  cacoire  j  cocoire, 
cocoine.  La  signification  étymolo- 
gique de  ces  mots  est  scarabée  de 
bois,  d'arbre.  —  Bret,  cran,  bois, 
forêt  (voir  le  dict.  de  Le  Gonidec, 
édition  de  M.  de  la  Yillemarqué)  ; 
c'hoiiil,  coléoptère,  scarabée,  cscar- 
bot;  hann.'ton;  gall.  çwil,  cwilen, 
scarabée,  escarbot;  écoss.  et  irland. 
crann,  arbre. 

Carole,  anc.  danse  exécutée  en 
rond,  branle,  ronde;  Caroler  , 
danser  en  rond,  faire  un  branle,  une 
ronde.  En  italien,  on  dit,  dans  le 
même  sens,  pour  le  premier  caroîa,  et 
pour  le  second,  carolare.  (Voir  le 
le  dictionnaire  d'Oudin.) 

Ayant  agrandi  la  ronde  corolle,  com- 
mencèrent à  dire  force  branles  autour  du 
bouquet.  (Le  Printemps  d'Yver,éà.  de1î)82, 

p.  192.) 

Un  jor  firent  Troyen  feste 

A  la  maniera  de  lor  geste  ; 

Caroles  faisoientet  geus... 

[Rom.  dt  Brui,  t.  t,  p.  59.) 

Très  que  n'avoie  que  douse  ans 
Estoie  forment  goulousans 
De  veoir  danses  et  carolles, 
D'oïr  ménestrels  et  parolles 
Qui  s'apertiennent  a  déduit. 

(Po4ii«>  d*  Froitiart,  à  la  suit»  d*  sea  CbronlquM,  éi. 


—Gall.  coroli,  danser  en  rond, 
faire  un  branle,  une  ronde;  dérivé 
de  cor,  rond,  cercle.  Bret.  koroll, 
danse;  horolli,  danser;  kerl,  rond, 
cercle.  Écoss.  cearcall,  item,  irland. 
cearcall,  item. 

Carrière.  Les  Latins  disaient  lor 
pidicina  et  lapicidina,  pour  une  car- 
rière, un  lieu  d'où  l'on  extrait  des 
pierres;  ces  mots  étaient  formés  de 
lapis.  Dans  notre  ancienne  langue 
pierriére,  pierrier,  perriêre.périère, 
signifiaient  également  une  carrière. 
(Voir  ces  mots  dans  le  glossaire  de 
Roquefort  et  dans  son  supplément.) 

—  Écoss.  carr,  carragh,  carraig, 
pierre,  roc,  rocher;  irland.  caratcc; 
gall.  careg;  bret.  harrek. 

Cas,  mot  familier  pour  excrément, 
ordure  :  «  Il  a  fait  son  cas  au  pied 
du  mur.  »  (Académie.)  Caca,  excré- 
ment, ordure.  Terme  dont  se  servent 
ordinairement  les  nourrices,  les  bon- 
nes, etc.,  en  parlant  de  l'ordure  des 
enfants.  (Académie.)  On  dit  égale- 
ment caca,  avec  la  même  significa- 
tion, en  espagnol  et  en  provençal. 

—  Écoss.  cac,  excrément,  fiente; 
irland.  cac,  item;  gall.  caç,  item; 
bret.  kac'h,  item,  kakac'h,  ordure. 
Le  ç  en  gallois  et  le  c'h  en  breton 
ont  une  prononciation  gutturale  très 
forte,  semblable  à  celle  du  ch  alle- 
mand. Les  mots  que  je  viens  de 
mentionner  dans  les  divers  idiomes 
celtiques,  sont  de  la  même  famille 
que  le  verbe  latin  cacare;  mais  il  est 
à  remarquer  que  la  langue  latine 
n'a  pas  le  substantif  que  l'on  re- 
trouve dans  le  celtique,  dans  les  deux 
idiomes  parlés  en  France  et  dans 
celui  que  parlent  en  Espagne  les  des- 
cendants des  Celtibériens. 


GHAP.  II,  ÉLÉMENT 

Casaque,  —  Écoss.  casag,  vête- 
ment long,  habit  qui  vient  jusqu'aux 
pieds,  casaque  ;  dérivé  de  cas,  pied, 
jambe  ;  les  Latins  appelaient  de 
même  vestis  talaris,  un  vêtement 
qui  descendait  jusqu'aux  talons.  Ir- 
land.  casog ,  casaque  ;  cas,  pied. 
Gall.  0065,  jambe. 

Cep  de  vigne;  Cépée,  touffe  de 
plusieurs  tiges  de  bois  qui  sortent  de 
la  même  souche  (Acad.);  Cépeoun, 
anc.  billot  de  bois  (Roquefort); 
Ceps  ou  Cep  se  disaient  autrefois  de 
deux  pièces  de  bois  disposées  de  ma- 
nière qu'en  se  rapprochant  elles 
serraient  les  pieds  du  condamné, 
soit  pour  le  torturer,  soit  pour  l'em- 
pêcher de  s'évader.  En  basse  latin. 
CB'pipus  cippus;  en  ital.  ceppo;  en 
esp.  cepo.  On  lit  dans  le  Diction- 
naire de  Jean  de  Garlande  :  «  Cip- 
pus est  quilibet  truncus,  et  speciali- 
ter  tnmcus  ille  quo  crura  latronum 
coarctantur;  gallice,  cep.  »  (Jean  de 
Garl.,  dans  Paris  som  Philippe  le 
Bel,  p.  600.) 

— Ecoss.  ceap^  tronc,  souche,  cep; 
grosse  pièce  de  bois,  madrier,  ceps 
que  l'on  mettait  aux  pieds  des  cri- 
minels. Irland.  ceap^  tronc,  souche, 
cep;  ceapan,  tronc,  tronçon  d'arbre, 
pièce  de  bois ,  madrier.  Gall.  cyf, 
cippyl,  tige,  tronc,  souche,  cep. 
Bret.  kef,  item,  de  plus,  ceps,  ins- 
trument destiné  à  serrer  les  pieds 
des  criminels. 

Cervoise,  nom  que  l'on  donnait 
autrefois  à  la  bière. 

Nus  cervoisiers  ne  puet  ne  ne  doit  faire 
cervoise  fors  de  yaue  et  de  grain,  c'est  a 
savoir,  d'orge,  de  mestuel  et  de  dragie. 
{livrt  des  métiers,  p.  89,) 


CELTIQUE.  SECT.  IL      2t9 

Vostre  aiol  Robert  de  Faleise 
Soleil  mult  bien  brader  cerveise. 

{Citron,  des  duct  deNorm.  t.  Ut,  p.«*.) 

Cervoise  est  d'origine  celtique, 
ainsi  qu'on  est  en  droit  de  le  sup- 
poser, d'après  le  passage  suivant  de 
Pline  :  «  Et  frugum  quidem  hsec 
sunt  in  usu  medico  ;  ex  iisdem  fiunt 
et  potus  ;  zythum  in  iEgypto^  cœlia 
et  ceria  in  Hispania,cervism  etplura 
gênera  in  Gallia.  »  (Pline,  liv.  XXU, 
ch.  XXV.)  On  lit  dans  le  livre  des 
Gestes  de  Jules  Africain,  p.  299  : 
nivoyfft  yoùv  ÇûBov  AIyûtîtioi,  y.â[jLov 
Ilatove;,  KeXtoI  pepêriaïav,  ctxepav  Ba- 
êuXwviot.  Du  Cange  fait  observer  avec 
raison  qu'il  faut  lire  xspêYiaïav  au 
lieu  de  pepSyitrîav. 

Gall.  ewryv,  civrw,  bière,  cer- 
voise ;  bret.  koref,  kiifr.  On  trouve 
coref  et  coraf  pour  bière,  cervoise 
dans  le  dictionnaire  Cornouaillais 
du  XII»  siècle,  publié  par  M.  Zeuss. 

Charrée,  cendres  qui  servent  à 
faire  la  lessive.  —  Bret.  koered^ 
kouered,  charrée.  Écoss.  1°  sguradh, 
ce  qui  sert  à  nettoyer,  à  lessiver  ; 
2°  sgur,  nettoyer,  lessiver.  Irland. 
^°  sguradh;  2°  suguraim. 

Cheminer,  Chemin.  —  Bret. 
kamm,  pas,  marche,  démarche,  ac- 
tion de  cheminer.  Gall.  cam,  pas, 
marche,  trace;  caman,  chemin. 
Écoss.  cmm,  pas,  marche,  trace; 
ceum,  ceumnaich,  sentier,  chemin. 
Irland.  ceim,  pas,  marche,  trace  ; 
ceimnighim ,  marcher,  cheminer, 
faire  trace. 

Chemise  :  en  basse  latinité,  ca- 
misia,  qui  signifia  d'abord  une  es- 
pèce de  tunique  ou  de  sarrau  de 
toile,  une  sorte  de  blouse,  que  por- 
taient les  soldats  sous  le  Bas-Em- 


S20 


PREMIÈRE  PARTm. 


pire;  ce  mot  appartenait  ù  la  langue 
vulgaire,  ainsi  que  nous  l'apprend 
saint  Jérôme;  et,  comme  nous  le 
retrouvons  dans  les  divers  idiomes 
néo-celtiques,  il  est  fort  probable  que 
les  Romains  avaient  emprunté  aux 
Gaulois  ce  vêtement  militaire  comme 
ils  leur  avaient  emprunté  le  sagum. 
(Voyez  ci-après  l'art.  Saie,  a  Yolo 
pro  legentis  facilitate  abuti  sermone 
vulgato.  Soient  militantes  habere 
lineas  quas  camisias  vocant,  sic 
aptas  membris  et  adstrictas  corpo- 
ribuSj  ut  expediti  sint,  vel  ad  cur- 
sum,  vel  ad  praelia.  »  (S.  Jérôme, 
épître  à  Fabiola.) 

Chamise  est  employé  pour  tunique 
dans  la  Passion  de  N.  S.  Jésus- 
Cbrist,  monument  en  langue  d'oc  du 
X"  siècle,  publié  par  M.  Champol- 
Uon-Figeac. 

Cum  el  perveng  a  Golgota, 
Davan  la  porta  de  la  ciptat, 
Duuc  lor  gurpit  soe  chamise 
Chi  sens  custure  fo  faltice. 

(Stropha  lxtii.) 

Fortunat,  évoque  de  Poitiers, 
mort  en  609^  a  écrit  une  vie  de 
sainte  Radegonde,  oii  l'on  trouve  le 
passage  suivant,  dans  lequel  camisa 
paraît  employé  pour  signifier  une 
sorte  de  vêtement  de  femme,  une 
espèce  de  robe  :  «  Regina,  sermone 
ut  loquar  barbaro,  scafionem,  cami- 
sas,  manicas,  cofeas,  cuncta  aurea 
sancto  tradidit  altari.  »  Chemise  doit 
avoir  à  peu  près  le  même  sens  dans 
ces  vers  du  roman  de  Dolopathos  : 

Trop  fu  apertement  vestue 

D'une  chemise  estroit  cousue  ; 

En  braz  et  par  les  pans  fu  lée, 

Déliée,  blanche  et  ridée  ; 

Pelice  ot  legiere  et  sanz  manche. 

[Dolopolkoi,  p.  IM.) 


Chemise  n'est  pas  le  seul  dérivé 
français    de    camisia;    celui-ci  se 
syncopant   nous   donna  également 
chainse,  qui  signifiait  autrefois  une 
sorte  de  légère  mantille  à  l'usage 
des  femmes,  «   Teristra  dicuntur 
gallice  chainse,  quaedam  vestis  mu- 
lieris  de  lino.  »    {Dictionnaire  de 
Jean  de  Garlande,  dans  Paris  sous 
Philippe  le  Bel,  p.  595.)  —  «  Te- 
RiSTRUM,  une  manière  de  vestement 
de  femme  qu'on  dit  chainse.  »  (An- 
cien glossaire  latin  français  cité  par 
Du  Gange,  art.  Theristrum.) 

Et  Rogier  s'amie  apèle, 
Si  l'a  par  le  chainse  prise. 

{^Théâtre  français  au  moyen  âg»,  p.  3T,  col.  I.) 

On  dit  en  espagnol,  en  portugais 
et  en  provençal  camisa  pour  che- 
mise, en  italien  camiscia,  camicia. 
—  Ane.  écoss.  etanc.  irland.  cai- 
mis,  genit.  caimse,  sarrau,  chemise; 
gall.  camse,  long  vêtement,  robe; 
bret.  hamps,  aube,  vêtement  de  prê- 
tre ;  ce  mot  a  reçu  un  p  intercalaire  ; 
voyez  à  cet  égard  t.  II,  p.  139. 

Ghômer,  cesser  de  travailler,  faute 
d'avoir  de  l'ouvrage  ;  fêter  un  jour 
en  cessant,  en  s' abstenant  de  tra- 
vailler. —   Bret.  choum,  s'arrêter, 
cesser,   rester,  demeurer.    Écoss. 
1 0  cum,  arrêter;  2°  cum  ort,  s'arrêter, 
cesser,  rester;  ort  signifie  au-dessus. 
Irland.  \°  cuînaim;  2°  cumaim  ort. 
Claie,  autrefois  claie,  cleie;   en 
basse  latinité  cleta,  cleda,  clida, 
cleida,  cleia;  en  languedocien,  cleda. 
—  Bret.    kloued,   claie,    ouvrage 
d'osier  à  claire-voie,  servant  à  fer- 
mer l'entrée   d'un    champ ,    d'un 
parc,   etc.,   barrière,  herse;   gall. 
clwyd,   claie   d'osier;  corn,  cluid, 
cluity  item;  écoss.    cleath,  item; 


CHAP.  Il,  ÉLÉMENT  CELTIQUE.  SECT.  H.      224 


diathj  deith,  herse;  irland.  death, 
claie  ;  diath,  herse. 

Clavelée^  Claveau^  espèce  de 
teigne  contagieuse  qui  attaque  les 
moutons.  —  Gall.  davar,  teigne, 
gale,  lèpre,  clavelée;  écoss.  doimh, 
item;  irland.  daim,  item.  Les  la- 
biales du  gallois,  et  surtout  le  v,  se 
changent  fréquemment  en  mh  ou  m 
en  écossais  et  en  irlandais.  Le  bre- 
ton n'a  conservé  que  l'adjectif  Uan- 
Xiuz,  malade,  maladif.  On  trouve 
dafhorec,  lépreux,  daf,  malade,  et 
davet,  maladie,  dans  le  Dictionnaire 
cornouaillais  du  xii«  siècle,  publié 
par  M.  Zeuss. 

Coche,  Cochon.  Bret.  /low'/i,  porc, 
cochon;  gall.  hoç;  écoss.  mhuc;  ir- 
land. rucht.  L'écossais  et  l'irlandais 
n'ont  pas  de  mots  commençant  par 
h;  ils  remplacent  ordinairement, 
par  une  consonne  aspirée  ou  par  un 
r,r/i  initial  du  breton  et  du  gallois. 
On  trouve  hoc,  avec  la  même  signi- 
fication, dans  le  Dictionnaire  cor- 
nouaillais du  xu^  siècle,  publié  par 
Pryce  et  par  M.  Zeuss. 

Coche,  entaillure;  on  dit  égale- 
ment hodie.  —  Bret .  coch ,  coche 
(Le  Pelletier);  écoss.  sgoch,  item; 
sgoch,  inciser,  entailler,  fendre; 
gall.  cosi,  item;  irland.  sgothog, 
coupure,  entaillure. 

COINT,     CoiNTE,      CUINTE,     aUC. 

agréable,  gentil,  aimable,  joli,  gra- 
cieux. 

Chës  Ysal  de  Bethléem  tï  nn  des  fiz  li 
bien  set  chanter,  fort  est  e  bateillerurs,  e 
cuintei  de  paroles,  e  bels.  (Livre  des  Roi», 
p.  60.) 

Or  manderai  m'amiete 
Qui  est  eointe  et  jolietf . 

[TU44n  fnmçais  au  «iityca  iyi,  p.  59,  eol    S.) 


Ja  ponr  che  ne  veus  amerai; 

Bergeronnete  sui. 

Mais  j'ai  ami 

Bel  et  eointe  et  gai. 

{Ibid.,  p.  106.) 

—  Bret.  koant,  gentil,  agréable, 
joli;  écoss.  cuanta,  caoin,  item;  ir- 
land. cuanna,  caoin,  item. 

Combe,  anc.  vallée  environnée  de 
montagnes  de  tous  les  côtés,  grotte, 
caverne.  Basse  latinité,  cuma,  coma, 
cumba,  comba,  vallée. 
Tant  vont  contre  le  tertre  et  la  graat  combe 

autaigue 
Qu'il  virent  l'ost  des  Saisne  et  la  lor  grant 
compaigne. 

{Chanlon  det  Saxons,  t.  1,  p.  191.) 

Por  chevauchier  le  bruel  de  Selve  longue, 
Si  descendirent  lès  une  basse  combe. 

(Roman  d»  Gariti,  cité  par  da  Caogi,  art.  Cumia,  9.) 

Li  reis  li  çainst  l'espée  fort  et  dure  ; 
D'or  fu  li  pons  et  toute  la  hondure, 
E  fa  forgié  en  une  combe  oscure. 

(Rom,  de  Raoul  de  Cambrai,  p,  19.) 

—  Bret.  kombant,  koumbant,  val- 
lée, vallon,  dérivé  de  kao,  keô,  keû, 
cavité,  creux,  grotte,  caverne;  gall. 
cwm,  cavité,  vallée,  vallon  profond 
entouré  de  hautes  montagnes;  go- 
bant, petit  vallon,  cavité,  dérivé  de 
cw,  cavité,  creux;  irland.  cumar, val- 
lée ;  cuas,  enfoncement,  cavité,  creux,, 
trou;  écoss.  cuas,  cuasan,  item. 

Coq.  Suétone  rapporte,  dans  la 
Vie  de  Vitellius,  que  Primus,  géné- 
ral de  cet  empereur,  était  nommé 
dans  son  enfance  Becco  par  les  Tou- 
lousains, ses  compatriotes,  et  que 
ce  mot  signifiait  bec  de  coq.  (Voir  la 
citation  textuelle  de  cet  historien  à 
l'article  Bec.)  Probablement  becco 
n'est  que  la  forme  latine  de  èeccoc, 
et  ce  mot  est  composé  des  deux 
mots  bec  et  coc,  qui  ont  été  con- 
servés en  français. 


m 


PREMIÈRE  PARTIE. 


—  Bret.  Imk,  coq  ;  ce  monosyl- 
labe doit  être  le  résultat  d'une  syn- 
cope éprouvée  par  un  ancien  primi- 
tif celtique  dont  nous  ne  pouvons 
connaître  exactement  la  forme,  mais 
qui  devait  avoir  plusieurs  syllabes, 
si  l'on  en  juge  par  les  mots  corres- 
pondants dans  les  quatre  autres 
idiomes  néo-celtiques,  Ecoss.  coi- 
leachf  coq;  gall.  ceiliawg,  item;  ir- 
land.  coileach,  item.  On  trouve  che- 
lioc  pour  coq  dans  le  Dictionnaire 
cornouaillais  du  xii^  siècle,  publié 
par  M.  Zeuss. 

Coquelicot.  Ce  mot  est  d'origine 
celtique,  ainsi  qu'on  peut  en  juger 
par  le  passage  suivant  de  Marcellus 
Empiricus. 

Fastidium  stomachi  relevât  papaver  sil< 
veslre,  quod  gallice  calocaionos  dicitur,  Iri- 
tum  et  ex  lacté  caprino  potui  datum.  (Mar- 
cellus Empiricus,  De  remedns  empirids, 
dans  Medici  principes  ^  éd.  de  Henri  Es- 
tienne,  p.  331,  H.) 

Calocaionos,  dont  on  fait  coqueli- 
cot, a  éprouvé  une  sorte  de  redou- 
blement de  sa  première  syllabe, 
comme  il  arrive  quelquefois.  C'est 
ainsi  que  le  nom  d'une  autre  plante, 
appelée  par  les  Latins  nymphœa,  est 
devenu  en  français  nénuphar.  On 
trouve  en  irlandais  codlainean,  pa- 
vot, et  en  écossais  codalian,  item. 
(Armstrong,  dans  son  English-Gaelic 
dictionary ,  art.  Poppy.)  Mais  je 
n'oserais  garantir  que  ces  mots  pro- 
vinssent de  la  même  source  que  ce- 
lui qui  nous  a  été  conservé  par  Mar- 
cellus Empiricus  :  d'abord,  parce 
qu'ils  en  diffèrent  considérablement, 
et,  en  outre,  parce  qu'ils  paraissent 
dérivés  de  codai,  codai,  qui  signi- 
fient sommeil,  le  premier  en  écos- 


sais et  le  second  en  irlandais.  Les 
Espagnols  appellent  de  même  le  pa- 
vot dormidera,  adormidera,  et  les 
Portugais  dotmideiras. 

Couper,  Copeau,  etc.  On  disait 
autrefois  colper,  qui  est  devenu  cou- 
per par  la  transformation  ordinaire 
à'ol  en  ou.  (Voir  t.  ii,  p.  163-165.) 

Si  ço  avent  que  alquen  colpe  le  poin  a 
alire  u  le  pied,  si  li  rendra  demi  were,  su- 
luc  ceo  que  il  est  nez  ..  del  ungle  si  il  colpe, 
de  cascun  v  solz,  de  soit  engleis.  (Lois  de 
Guill.  §  xui,  ci-dessus,  p.  104.) 

Hieu  lur  cscrist  de  rechief,  e  (o  out  al 
brief  :  si  vus  mes  humes  estes,  c  obéir  me 
vulez,  les  chiefs  as  fiz  vostre  seignur  col- 
pez —  Cume  le  brief  Hieu  vint  à  ces  de  Sa- 
marie,  erranment  colperent  les  chiefs  as 
seisante  fiz  le  rei.  [Livre  des  Rois,  p.  380.) 

Rescripsit  autcm  eis  liiteras  secundo,  di- 
eens  :  Si  met  estis,  et  oheditis  mihi,  tollite 
capita  filiorum  domini  veslri....  Cumque  ve" 
nissent  litlerœ  ad  eoi,  tulerunt  filios  régis 
et  occiderunt  septuaginla  viros. 

—  Bret.  kolpa,  couper, verbe  qui 
est  hors  d'usage,  mais  que  l'on  re- 
trouve dans  le  composé  diskolpa,  dé- 
couper, fendre,  tailler.  Irland.  1» 
sgealpaim,  couper,  fendre,  tailler;  2<» 
sgea/padft, copeau.  Écoss.  ]" sgealb; 
2°  sgeolb,  sgolb,  scolb.  Gall.  colp, 
ysgolp,  copeau. 

Crêpe,  sorte  de  pâte  frite;  en  prov. 
crespéou. —  Bret.  hrampoez,  crêpe, 
galette  peu  épaisse,  pâte  mince  éten- 
due sur  une  plaque  de  fer  et  mise 
sur  le  feu;  gall.  crammwyth,  item. 

Danse.  Ce  mot  existe  dans  les  di- 
vers idiomes  néo-germaniques,  mais 
on  ne  le  trouve  dans  aucun  des 
anciens.  Dans  les  traductions  an- 
glo-Scixonnes  de  la  Bible,  l'idée 
de  danser  est  constamment  rendue 
par  des  mots  qui  n'ont  rien  de  com- 


CHAP.  II,  ÉLÉMENT  CELTIQUE.  SECT.  H.      223 


mun  avec  celui  qui  lait  le  sujet  de 
cet  article;  aussi  ne  peut-on  guère 
douter  que  ce  mot  n'ait  été  fourni 
aux  idiomes  germaniques  actuels  par 
quelque  langue  moderne,  et  proba- 
blement par  le  français.  Je  crois 
que  l'on  doit  attribuer  à  danse, 
danser,  une  origine  celtique,  avec 
d'autant  plus  de  raison  que  carole, 
sorte  de  danse,  et  fringuer,  danser, 
nous  ont  également  été  fournis  par 
la  langue  des  Gaulois .  (Voir  ces  mots 
à  leurs  places.) 

~Breton  :  1  «  dans,  danse  ;  2°  dan- 
sa, danser .  Écoss.  1  °  dannsa,  damsa  ; 
2"  danns,  damhs.  Irland.  \'*damhas, 
damhsa;  2°  damhsaighm.  Gall.  I" 
dawnz  ;  2"  dawnsio  (Davies) . 

Darne,  tranche  d'un  poisson,  com- 
me le  saumon,  l'alose,  etc.  (Acadé- 
mie)—  Gall.  \°dam,  morceau,  frag- 
ment, tranche,  portion,  partie  ;  2° 
damiaw,  couper  par  morceaux,  par 
tranches,  diviser,  partager.  Bret.  4" 
dam  ;  ^''damaoui.  Écoss.  tearb,  di- 
viser, partager. 

Dartre. — Bret.  darvoéden,  dar- 
vouéden,  dervoéden,  dartre  ;  gall . 
tarzwraintj  taroden,  dartre,  dérivés 
de  torz,  éruption;  écoss.  dortadh,  é- 
ruption.  Dans  le  français  dartre,  il 
a  été  ajouté  un  r  après  le  t  comme 
dans  martre  de  martes,  dans  pupi^ 
tre  de  pulpitum,  etc.  (Voir  à  cet  é- 
gard  tome  ii,  p.  i  42. 

Dégobiller,  vomir  le  vin  et  les 
aliments  qu'on  a  pris  avec  excès . 
(Acad.)  Ce  verbe  est  composé  de  la 
préposition  latine  de  et  d'un  mot 
celtique  signifiant  bouche .  Le  terme 
populaire  dégueuier,  également  ad- 
mis par  l'Académie,  est  complète- 
ment analogue  à  dégobiller,  et  pour 


la  signification  et  pour  la  composi- 
tion. 

— Gall.  go6,  bouche;  irland.  gobf 
bouche,  bec;  écoss.  goi,  bec.  (Voir 
Goôer  ci-après.) 

Dehait.  (Voir  ci-après  l'article 
Hait.) 

DiA.  Mot  dont  les  charretiers  88 
servent  pour  faire  aller  leurs  chevaux 
à  gauche,  selon  l'Académie;  adroite, 
selon  Trévoux.  La  contradiction  ap- 
parente qui  résulte  du  témoignage  de 
ces  deux  autorités  provient  de  ce  que 
à  droite  et  à  gauche  sont  des  expres- 
sions relatives;  elles  sont  tout  à 
fait  dépendantes  de  la  position  que 
l'homme  occupe  au  moment  où  il 
commande  au  cheval.  L'Académie 
suppose  que  le  charretier  se  tient  du 
côté  gauche  du  cheval,  comme  c'est 
l'ordinaire  ;  tandis  que  Trévoux  sup- 
pose qu'il  est  placé  vis-à-vis  la  tête 
de  l'animal,  ce  qui  a  lieu  lorsqu'on 
lui  saisit  les  guides  pour  lui  faire 
franchir  un  obstacle  ou  un  mauvais 
pas. 

— Bret.  dia,  diaz,  dihaz,  dicha, 
déha,  mots  employés  par  les  charre- 
tiers pour  faire  détourner  leurs  che- 
vauX;,  correspondant  au  français  dia. 
(Voir  à  cet  égard  Le  Gonidec  et  Le 
Pelletier.)  Ces  mots  sont  dérivés  de 
diou,  dihou,  déou,  déhou,  droit,  qui 
est  à  droite  (dexter).  Gall.  dèou, 
item.  Écoss.  et  Irland.  deas,  item. 

Les  mots  celtiques  qui  étaient 
exclusivement  à  l'usage  du  peuple, 
tels  que  dia,  sont  précisément  ceux 
qui  ont  passé  en  plus  grand  nombre 
dans  notre  langue,  ainsi  que  je  l'ai 
établi  dans  l'introduction,  pag.  48 
et  suivantes.  Par  une  particularité 
assez  remarquable,  lepoëte  Claudien 


224 


PREMIÈRE  PARTIE. 


nous  a  transmis  que  les  muletiers 
gaulois  avaient  dans  leur  langue  un 
mot  pour  faire  aller  leurs  mules  à 
gauche  et  un  autre  mot  pour  les  faire 
aller  à  droite.  Il  est  possible  que  ce 
dernier  ne  fût  autre  que  dm,  qui  est 
resté  en  breton  aussi  bien  qu'en  fran- 
çais. 

DE  Hl'LABDS  GALLICIS. 

AspicemorigerasRhodanitorrentisalamnas 

Imperio  nexat,  imperioque  vagas, 
Dissona  quam  varios  flectant  ad  mnrmura 
cursus. 
Et  certas  adeant,  voce  régente,  viag. 
QuamTis  qusque  sibi  nuUis  discurrat  ba- 
benis, 
Et  pateant  diiro  libéra  colla  jugo; 

Ceu  contrista  tamen  servit,  patiensque  la- 
borum 
Barbaricos  docili  concipit  aure  sonos. 
Absentjs  longinqua  valent  prxcepta  magis- 
tri, 
Frenorumque  vicem  lingua  virilis  agit. 
Haec  procul  angustat 'sparsas,  spargitque 
coactas, 
Hxc  sistit  rapldas,  Ytxc  properare  facit. 
Lxva  jubet?  l»vo  deducunt  limite  gressum. 

Mutavii  strepitum?  dexteriora  petunt. 
Nec  vinclis  famulse,  nec  Ubertate  fercces, 

Exut»  laqueis,  sub  ditione  tamen; 
Consensuque  pares,  et  fulvispellibus  irtœ, 
Esseda  concordes  multisonora  trahunt. 
Miraris,  si  voce  feras  pacaverit  Orpheus, 
Qunm  prônas  peeudes  gallica  verba  re- 
gant. 

(Clauditn,  H,  Panckouoke,  t.  II,  p.  418.) 

Dorloter. — Bret,  dorlota,  cares- 
ser, flatter,  cajoler,  dorloter  ;  dérivé 
de  dorlài,  dorlô,  caresser  avec  la  main 
comme  on  fait  aux  petits  enfants;  ce 
mot  paraît  formé  de  dom,  main. 
Gall.  dorlota  f  caresser,  amignoter, 
dorloter,  choyer  ;  duim,  main  fer- 
mée, poing  ;  irland.  et  écoss.  dom, 
item;  corn,  dom,  dum. 


Drille  signifiait  autrefois  lam- 
beau d'étoffe^  haillon,  guenille,  lo- 
que, chiffon.  Ce  mot  est  encore  usi- 
té dans  les  manufactures  de  pa- 
pier. 

Drillei  sont  vieux  linges  a  faire  du  pa- 
pier. (Arrestdu  conseil  du  18  janvier  1729, 
cité  dans  le  glossaire  manuscrit  de  Sainte- 
Palaye,  art.  Drille.) 

—Gall.  dry  W^  lambeau,  pièce,  mor- 
ceau ;  drylliaw,  mettre  en  lambeaux, 
mettre  en  pièces.  Bret.  trul  {l  mouil- 
lé), lambeau  d'étoffe,  chiffon,  loque, 
haillon,  guenille. 

Drouine,  espèce  de  havre-sac  que 
les  chaudronniers  de  campagne  por- 
tent derrière  le  dos,  et  dans  lequel 
ils  mettent  leurs  outils  (Trévoux.) — 
Bret.  drouin,  havre-sac  des  chau- 
dronniers, drouine,  dérivé  de  l'inu- 
sité dren,  dos,  que  l'on  retrouve 
dans  le  composé  adren,  par  derrière, 
derrière. la  dosj  écoss.  druim,  dos; 
irland.  druim,  item;,  gall.  trum, 
item. 

Dru.  Mot  fort  ordinaire  à  Paris 
pour  dire  brave,  courageux,  hardi, 
alerte,  entreprenant.  C'est  un  dru, 
c'est-à-dire  un  bon  drôle,  un  gail- 
lard, un  éveillé.  (  Trévoux.  )  Selon 
l'Académie,  ce  mot  signifie  gaillard, 
vif,  gai. 

Bru  a  toutes  ces  significations 
dans  nos  anciens  auteurs  ;  de  plus, 
on  le  trouve  employé  pour  fort,  ro- 
buste, gras,  bien  portant,  en  bon  état. 

De  reporter  lui  te  convient 

Que  nous  sommes  tciuz  sains  et  drux 

En  un  bon  point;  et  ne  dy  plus. 

{TUiat  frauçai»  ai.  moj/t»  ige,  p.  387.) 

De  che  me  souvient  il  sans  plus 
Que  me  dist  qu'estoie  trop  dru»; 


CHAP.  II,  ÉLÉMENT  CELTIQUE.  SECT.  IL     525 

Mais  se  je  me  desiruissoie,  nom  et  n'eurent  pas  besoin  de  re- 

Ou  aucun  mal  je  me  fesoie,  courir  au  grec  «pu;,  ainsi  que  Pline 

Félon  me  devroit-on  clamer.  ^^^^^  ^^,^^^  ^^^^^  p^  j^  f^j^.^^   ^^ 

doit  seulement  remarquer  que  le  mot 
grec  est  de  la  même  famille  que  ce- 
lui qui  devait  également  signifier 
chêne  dans  l'ancienne  langue  cel- 
tique. «  Nihil  habent  druides  [ila. 
suos  Galliae  appellant  magos)  visco, 
et  arbore  in  qua  gignatur,  si  modo 
sit  robur,  sacratius.  Jam  per  se  ro- 
borum  cligunt  lucos,  nec  ulla  sacra 
sine  ea  fronde  conficiunt;  ut  inde 
appellatiquoque  interpretationc  grœ- 
ca  possint  druides  videri.  »  (Pline, 
liv.  XV,  vers  la  fin.) 

Dune,  monticule  de  sable  qui  se 
trouve  au  bord  de  la  mer  ;  Dunette, 
partie  la  plus  élevée  de  l'arrière  d'un 
vaisseau.  Ces  mots  dérivent  du  cel- 
tique dun,  qui  signifiait  une  émi- 
nence,  une  colline,  ainsi  que  nous 
l'apprend  Clitophon  dans  im  Traité 
attribué  à  Plutarque.  Voici  le  pas- 
sage : 

Auprès  deTArarOa  Sa&ne)  estnneémi- 
nence  qui  s'aitpelait  Lougdounon,  et  qui  re- 
çut ce  nom  pour  le  motif  que  je  vais  rap* 
porter.  Momoros  et  Atepomaros,  qui  avaient 
été  détrônés  par  Séséronéos ,  entreprirent^ 
d'après  la  réponse  d'un  oracle,de  bâtir  une 
ville  sur  cette  éminence.  Ils  en  avaient  déjà 
jeté  les  fondements,  lorsqu'une  multitude 
de  corbeaux  dirigèrent  leur  vol  de  ce  côté 
et  vinrent  couvrir  les  arbres  d'alentour. 
Momoros,  versé  dans  la  science  des  augures, 
donna  a  la  ville  le  nom  de  Lougdounon,  at' 
tendu  que,  dans  leur  langue,  ils  (les  Gau- 
lois) appellent  le  corbeau  lougon  et  une 
éminence  dounen. 

Voici  le  texte  de  la  dernière 
phrase  : 

AoÛYOv  Tfàp  t^  erç>ûv  2iaXeXT(j>  tôv 
x6paKa  xaXoûfft,  Soùvov  6è  tôv  iÇéj^ovta. 
(Plutarque,  llepl  noToi(i(3v,  vi.) 


(GalotviUe,  le  Piltrinage  de  humaine  lignée,  cit^  dani 
le  glouairt  de  Carpentier,  art.  Druda.) 

Icellui  Thierry  fery  le  dit  Simonnet  de 
la  dite  esse  droit  sur  le  dru  de  la  joe  assez 
près  de  la  temple.  (Lettres  de  rémission  de 
1407,  citées  tiirf.) 

Adonc  etoit  le  royaume  de  France  gras, 
plein  et  dru,  et  les  gens  riches  et  puissans 
de  grand  avoir,  ni  on  n'y  savoit  parler  de 
nulle  guerre.  (Froissart,  liv.  I,  cb.  lx,  éd. 
Bucbon,  1. 1,  p.  55,  col.  1 .) 

—  Gall.  drud,  hardi,  brave,  cou- 
rageux ;  écoss,  treun ,  fort,  vigou- 
reux, robuste,  gaillard,  brave;  Ir- 
lande trearii  treun,  item.',  bret.  drut, 
gras. 

Druge,  anc.  bruit,  tapage,  vacar- 
me, tumulte^  clameur. 

Sarrazins  comme  chiens  glatissent; 
Leur  granz  cris,  leur  horrible  druge. 
Semble  le  meschief  du  déluge. 
Que  Dlex  ait  l'a  représenté. 

(Branche  dei  royaux  lignages,  t,  IT,  p.  38.) 

Druge  de  veel  ne  dure  pas  tuz  jours. 

(Lt  Roax  da  Llaey,  Livre  det  proverbet  fiançait, 
t.  II.  p.  389.). 

Bret.  troui,  bruit,  tapage^  vacar- 
me ;  gall .  trwst,  item  ;  écoss .  tor- 
ran  ;  irland.  toran. 

Drylle^  chêne  femelle.  Quelques- 
uns  ne  prennent  ce  mot  que  pour 
le  gland  de  cet  arbre.  (Trévoux.)  — 
Bret.  dérô.  derv,  chêne;  gall.  derw 
(prononcez  derou)  ;  écoss.  dair  ;  ir- 
land. dair,  chêne;  dairghe,  gland. 
Corn,  dar,  dero,  deru,  chêne.  S'il 
est  vrai  que  les  druides  dussent  leur 
nom  au  chêne,  qu'ils  honoraient 
d'une  manière  toute  particulière,  les 
Gaulois  trouvèrent  dans  leur  propre 
leuigue  le  mot  qui  servit  à  former  ce 


j* 


Î26 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Celte  ville,  ainsi  que  le  lecteur  l'a 
déjà  pensé,  n'est  autre  que  le  Lug- 
dunum  des  Romains,  devenu  notre 
Lyon  ;  elle  fut  d'abord  bâtie  le  long 
de  la  rive  droite  de  la  Saône,  sur 
les  hauteurs  qui  avoisinent  Pierre- 
Scise. 

Dun  s'est  conservé  dans  la  termi- 
naison de  plusieurs  autres  de  nos 
villes. Verdun  (Virodunum),  Chà- 
tcavdun  (Castellodunum),  Issoudun 
(Exelodunum),  etc. 

—  Gall.  irland.  et  écoss.  dun,  din, 
élévation  de  terre^  colline,  tertre; 
bret.  tun,  tunyen^  item  ;  corn^  dun. 

Ebaubi,  Ebahi.  On  disait  ancien- 
nement baîf  pour  signifier,  étonné, 
surpris,  stupéfait,,  consterné,  effrayé. 

Ne  s'en  trait  nus  arlere  ; 

NI  sisnt  estraier  ne  baïf; 
Par  sus  les  morz  passent  H  vif. 

{Chrott,  des  duo  de  Pfarm.,  I,  I,  p.  268.) 

Li  tornois  est  maltalentis, 
N'i  a  mrstior  vasaus  bais, 

[PailoaOjteut  de  BloU,  t.  Il,  p.    131.) 

Bret.  àbafij  étourdir,  surprendre, 
ébahir,  de  aôa/",  étourdi,  étonné,  stu- 
péfait, stupide,  timide,  qui  provient 
suivant  Le  Pelletier  de  a  marquant 
extension  dans  les  mots  composés, 
et  de  bav,  bao,  stupeur,  stupidité, 
timidité;  gall.  bw  stupeur,  conster- 
nation, crainte,  épouvante, 

ÉcHEVEAu.  On  a  dit  autrefois  es- 
taigne,  eschagne^  eschief;  celui-ci  a 
donné  les  diminutifs  esc/iereiffe,  esche- 
vel;  ce  dernier  est  devenu  écheveau. 

Le  suppliant  a  prins  et  emblé  es  ysles  de 
Suresnes  et  de  Puteaux...  certaines  eS' 
taignes  de  01...  trois  eschevaulx  ou  escai- 
gnes  de  ûle,  qui  povoit  valoir  huit  franrs 
ou  environ.  (Lettres  de  rémission  de  1409, 
citées  dans  le  glossaire  de  Carpenticr,  art. 
Eschaota.)  ' 

Le  soppliaui  print  six  ou  huit  eachiefs  de 


fil  blanc.  (Lettres  de  rémission  de  1S94, 
citées  ibid.) 

La  suppliant  prins...  trois  escliez  defil- 
let.  (Le' très  de  réiBi.ssion  de  1397,  citées 
tbid.) 

Deux  etchevettei  de  fli.  (Lettres  de  ré- 
mission de  1401,  ti\ée%ibid.) 

—  Écoss.  sgein,  sgeinne^  éche- 
veau ;  irland.  sgaine  ;  gall.  cengyl 
(prononcez  hengil). 

Échine.  —  Bret.  hein,  dos,  échine, 
sommet  d'une  chaîne  de  montagnes; 
gall.  cefn,  item.  On  trouve  cheirty 
avec  la  même  signification,  dans  le 
dictionnaire  cornouaillais  du  xii* 
siècle,  publié  par  M.  Zeuss.  L'e  ini- 
tial du  mot  français  a  été  ajouté, 
comme^ans  écorce  de  cortex,  icis; 
ÉCLAIR  de  clarus  (ignis).  Voyez  à  cet 
égard  t.  ii,  p.  424. 

Emganer,  anc.  tromper,  duper,  at- 
traper, abuser;  en  ital.  ingannare; 
en  languedoc,  enganar.  Ces  mots 
sont  composés  de  la  préposition  la- 
tine in  et  d'un  primitif  celtique  qui 
signifiait  fourbe,  perfide.  C'est  ce 
même  primitif  qui  servit  à  former  le 
nom  propre  de  Ganes,  Ganelon,  ce 
traître  fameux  dans  nos  romans  de 
chevalerie  qui  livral'arrière-gardede 
Charlemagne  à  Marsille,  roi  des  Sar- 
rasins d'Espagne,  et  qui  fut  cause 
de  la  défaite  de  Roncevaux.  Nos 
anciens  poètes  faisaient  assez  souvent 
un  nom  propre  d'un  nom  commun 
dont  la  signification  pouvait  servir 
à  caractériser  le  personnage  ainsi 
désigné.  Cet  usage  a  persisté  presque 
jusqu'à  nos  jours  parmi  nos  auteurs 
de  comédie. 

Abés,  tu  as  toi  engané 
Qui  bâtons  as  droit  et  plané 
S'ausi  toi  ne  dreches  et  planes. 

(AoiHaii  dt  Ckarité,  t\.  cxit,  cit^  par   Roqntfort, 
t?t.  Enjaifr.) 


CHAP.  n,  ÉLÉMENT  CELTIQUE.  SECT.  H.      227 


Maidîan  monte  tôt  haitië, 
Qui  le  vallet  a  anganné. 

{Floir*  et  Blance/lor,  édit.  du  Méril,  p. 


156.) 


Vous  estes  plus  traistres  que  Ganei. 

[Farce  de  Paiheli»,  cttëe  par  Borel,  art.  Ganet.) 

Avoec  les  faus  et  les  félons 
Qui  sont  parent  as  gantions. 

{LeiDittdet  Philosophes,  cilës  dans  la   ChroniqM 
de<  ducs  de  Narmandie,  t.  III,  p.  34,  «n  note). 

Ganelon  est  souvent  employé  dans 
nos  anciens  auteurs  comme  nom 
commun  pour  désigner  un  traître, 
ainsi  que  dans  le  dernier  exemple  ; 
soit  qu'il  ait  d'abord  été  nom  com- 
mun avant  de  devenir  nom  propre, 
ou  que  de  nom  propre  il  soit  devenu 
nom  commun^  ainsi  que  tartufe  se 
dit  pour  un  faux  dévot,  et  mentor 
pour  un  sage  gouverneur. 

—  Bret.  ganaz,  fourbe,  perfide, 
traître.  Écoss.  1°garîgmrf^  tromperie, 
perfidie,  duplicité,  fausseté;  2°  gan- 
gaideach,  faux,  fûurbe,perfide,  trom- 
peur. Irland.  \°gangaid  ;  2°  gangai- 
deach.  Gall.  1"  gau;  t°  gau. 

Entamer.  Tous  les  étymologistes 
font  dériver  ce  mot  du  grec;  mais 
notre  ancienne  langue  n'a  guère  em- 
prunté de  termes  usuels  à  la  langue 
grecque,  ainsi  que  je  l'ai  remar- 
qué ailleurs.  (Voir  p.  3,  note  2).  Je 
préfère  donc  attribuer  entamer  au 
celtique,  le  même  primitif  se  trou- 
vant à  la  fois  dans  tous  les  idio- 
mes néo-celtiques  aussi  bien  que 
dans  la  langue  grecque,  sans  doute 
à  cause  de  la  parenté  qui  existait 
entre  l'ancienne  langue  des  Grecs  et 
celle  des  Gaulois.  En  dans  entamer 
est  la  préposition  latine  in,  qui  est 
venue  se  joindre  au  primitif  celti- 
que. 
—  Bret.  4»  tama,  couper,  enta- 


mer; 2"  tamm,  morceau,  fragment, 
Gall.  \°  tameidiaw;  Ttam,  iama. 
Écoss.  1°  teum;  2°  teuma_,  teum.  Ir- 
laiid.  teuman,  couper,  trancher, 
entamer. 

EscACHE,  mors  de  cheval,  diffé- 
rant du  canon  en  ce  que  le  canon  est 
rond  et  Vescache  est  ovale.  (Acadé- 
mie.)—  Bret.  gweslien,  frein,  mors, 
escache,  dérivé  de  gwasli,  pression, 
compression;  gall..  gwâsg,  item. 

ESCOUFLE,  ESCOFLE.  ÉCOUFLE,  aUC. 

milau,  oiseau  de  proie. 

Uns  escuffle  jut  en  sun  lit, 
Malades  fu  si  cum  il  dit. 
Un  gais  ot  sun  ni  près  de  lui 
A  cui  ot  fait  suvent  anui. 
Li  escofles  se  purpensa 
Que  sa  mère  i  envoira, 
Si  le  fera  requeire  pardun. 
Et  que  pur  lui  face  orisuu. 

(Uarle  de  Ffance,  fable  ttxXTii,  D'un  eicoujtei  ê 
dou  jais,  t.  II,  p.  358.) 

— Bret.  skoul,  milan,  écoufle.  On 
trouve  scQul,  avec  la  même  signifi- 
cation, dans  le  dictionnaire  cor- 
nouaillais  du  xii«  siècle,  publié  par 
Pryce  et  par  M.  Zeuss.  Gall.  ysgavael, 
proie;  ysgavaelu,  ravir  une  proie. 
Le  mot  breton  et  le  mot  cornouail- 
lais  devaient  avoir  anciennement  un 
/"ou  un  V,  si  l'on  en  juge  parle  gal- 
lois ysgavael,  ysgavaelu,  dérivés  pro- 
bablement de  l'ancien  primitif  cel- 
tique qui  a  du  signifier  milan. 

EscouRGÉE,  anc.  fouet.  Ce  mot 
est  encore  dans  la  dernière  édition 
du  Dictionnaire  de  l'Académie,  qui 
le  donne  comme  vieux.  On  dit  en 
italien  scoreggiata,  et  en  espagnol 
zurriago. 

S'ensuit  la  teneur  d'une  prière  qu'ilz  (lei 
flagellans)  disoient  en  chantant,  quant  ilt 
se  batoient,  de  leurs  escourgées.  {Le  Roux 


528 


PREMIÈRE  PARTIE. 


de  Lincy,  Chmts  historiques^  1. 1,  p.  237.) 
Toz  nuz  les  battent  i'etcorgiies. 

{Dohpathot,  ëdlt.  JTaoDet,  p.  31.) 

—  Bret.  1»  skourjez,  fouet; 
2"  skourjesa  j  fouetter.  Ecoss. 
4°  sgiurs ,  sgiursadh;  2°  sgiurs. 
Irland.  sciursa,  fouet. 

EscRACHE;  anc.  gale^  rogne. 

Toi  fierge  Nostre-Seignor  de  la  plaie  de 
Egipte,  et  la  partie  de  ton  cors  dont  les  es- 
trounts  sont  portez,  à  escrache  et  a  mangue 
issent  que  tu  ne  poes  estre  garis.  (Bible, 
Deutéronome,  ch.  xxTlii,  vers.  27  ;  citation 
de  Roquefort,  art.  Escrache.) 

Percutiai  te  Dominus  ulcère  Egypti^  et 
partem  corporis  per  quant  stercora  egeruri' 
tur,  scabie  quoque  et  prurijfine}  ita  ut  cura' 
ri  nequeas, 

—  Écoss.  sgrafh,  gale;  irland. 
sgreab;  gall.  craç  (Owen),  crach 
(Davies);  bret.  râch, 

EscRAFFE,  anc.  coquille  de  noix, 
d'amende,  etc.  En  patois  messin, 
crafaï}  en  provençal,  crouvéou. 
Vos  despandeiz  et  senz  raison 
Vostre  tens  et  vostre  saison. 
Et  le  vostre  et  l'autrui  en  tasche; 
Le  noiel  (amande)  laissiez  por  Veseraffe 
Et  paradix  pour  vainne  gloire. 

(CEuTrM  d*  Ralebcuf.  t.1,  p.  115.) 

—  Écoss.  sgrath,  peau,  écorce, 
écale,  coque,  coquille;  gall.  cragen, 
item;  bret.  hrogen,  coquille. 

EsTALLES,  anc.  testicules.  (Voir 
Étalon  qui  suit.) 

Étalon.  On  disait  autrefois  esta- 
lotij  estalîon,  et  on  appelait  estaîles 
les  organes  qui  distinguent  un  che- 
val entier  d'un  cheval  hongre,  les 
testicules.  Voir  le  glossaire  de  Ro- 
quefort, qui  cite  l'exemple  suivant 
tiré  du  Roman  de  la  Rose  : 

Ainz  qu'ils  muirent ,  puissent-ils  perdre 
Et  l'aumosniere  (bourse)  et  les  estalles, 


Dont  ils  ont  signe  d'estre  malles, 
Perte  leur  vienne  des  pcndens 
A  quoy  l'aumosniere  est  pendens. 

{Roman  de  la  Rote,  âl6  par  Roqntfori,  art.  EtiatUi  ) 

—  Gall.  ystaîw,  productif,  fer- 
tile, générateur;  ystalwyn.  cheval 
entier  destiné  à  couvrir  les  juments, 
étalon;  écoss.  stal,  staîan,  item; 
irland.  stal,  item. 

Fagot.  —  Gall.  fagod,  fagot, 
faisceau;  bret.  fagod;  irland.  fa- 
goid  ;  écoss.  fagaid. 

Fol,  Fou,  etc.  Fol  signifiait  autre- 
fois sot,  imbécile,  déraisonnable.  Dé 
là  l'expression  de  vierges  folles  qui, 
dans  le  style  biblique,  est  opposé  à 
vierges  sages.  Saint  Bernard  appelle 
les  premières  vierges  sottes.  (Voyez 
le  Choix  de  ses  sermons,  p.  564.) 

Merci  te  cri  que  mis  sires  11  reis  ne  Se 
curuzt  vers  cest  felun  Nabal,  kar,  snlune 
Sun  nnm,  fols  est....  e  folie  est  ensemble- 
ment  od  lui.  (Livre  des  Rois,  p.  99.) 

Ne  ponat,  oro,  dominus  meus  rex  cor  suum 
super  virum  istum  iniquum  Nabal;  quoniam 
secundum  nomen  suutrty  stultus  est,  et  stul- 
\H\iest  cum  eo. 

L'on  ne  doit  pas  fol  ne  musart  apeler  k 
nul  jugemant,  ne  ^  donner  conseil.  (Livre 
de  Jostlce^  p.  8.) 

En  basse  latinité,  follus  avait  la 
même  signification,  et  du  Gange 
fait  observer  que  deux  chroniques 
différentes  donnent  cette  qualificar 
tion  à  Charles  le  Simple.  On  trouve 
dans  la  Vie  de  Saint  Grégoire,  par 
Jean  Diacre  :  «  At  ille,  more  gallico, 
sanctum  senem  increpans  follem, 
ab  eo  virga  leviter  percussus  est.  » 
(Vie  de  saint  Grégoire,  liv.  IV, 
ch.  xcvi,) 

—  Bret.  foll,  sot,  imbécile,  dé- 
raisonnable; gall.  fôl;  écoss.  bhoil 
{bh  aspiré),  boile  ;  irland.  boile.  On 


CHAP.  II,  ÉLÉMENT  CELTIQUE.  SECT.  IL   t«9 


trouve  fol  avec  la  même  significa- 
tion dans  le  Dictionnaire  cornouail- 
lais  du  xii°  siècle,  publié  par 
M.  Zeuss. 

Fbeux,  sorte  de  corneille  que  l'on 
nomme  également  grolîe.  —  Bret. 
fraô,  frâv,  corneille,  groUe^  freux  ; 
gall.  ydvran,item,  ;  yd,  qui  est  joint 
à  vran,  est  une  particule  qui  s'a- 
joute au  commencement  de  plusieurs 
mots. 

Fringuer,  danser,  sautiller  en 
dansant.  Il  est  vieux.  Il  se  dit  en- 
core quelquefois  des  chevaux  frin- 
gants :  «  Ce  cheval  fringue  conti- 
nuellement. »  (Acad.) 

Fringant,,  qui  est  fort  alerte,  fort 
éveillé,  fort  vif,  et  dont  la  vivacité 
se  manifeste  par  des  mouvements 
rapides  et  fréquents.  (Ibid.) 

—  Bret.  fringa,  sauter,  gamba- 
der, danser,  fringuer;  écoss.  ring, 
rinc,  danser;  irland.  rincim,  item; 
gall.  frengig,  prompt,  vif,  alerte. 

Furet,  en  basse  lat.  furo,  que 
l'on  trouve  dans  Isidore  de  Séville. 
liv.  XII,  ch.  II,  et  furectus,  employé 
par  l'empereur  Frédéric  II  dans  son 
traité  De  Venatione,  liv.  I,  ch.  i. 

—  Gall.  4"  fured,  furet;  2»  fur, 
fin,  rusé,  subtil,  primitif  de  fured. 
Bret.  I»  fured;  %°  fur.  Ecoss.  fea- 
raid,  furet.  Irland.  f,read,  item. 

Galant.  La  signification  de  ga- 
lant, galans,  galan,  était  autrefois 
assez  rapprochée  de  celle  que  nous 
donnons  à  gaillard,  qui  paraît  être 
de  la  même  famille.  De  plus,  ga- 
lant se  prenait  particulièrement 
pour  brave,  courageux.  L'anglais 
gallant  a  conservé  cette  acception, 
bien  qu'il  s'emploie  également  dans 
toutes  celles  que  nous  attribuons 


aujourd'hui  au  français  galant.  Au 
milieu  du  xvu»  siècle,  La  Fontaine 
employait  encore  galant  dans  son 
ancienne  signification  : 

Certain  renard  gascon,  d'autres  disent  nor- 
mand; 
Mourant  presque  de  faim,  vit,  au  haut  d'une 
treille. 
Des  raisins  mûrs  apparemment. 
Et  couverts  d'une  peau  vermeille 
Le  galant  en  eût  fait  volontiers  un  repas. 

(La  Fontsinek  livra  III.  fable  si.) 

—  Gall.  gall.  force,  vigueur, 
puissance;  galawnt,  brave,  coura- 
geux, vaillant,  hardi.  Irland,  gall. 
bravoure,  valeur,  courage,  galach, 
brave,  courageux.  Bret.  gallovd,  for- 
ce, puissance. 

Gale,  maladie  de  la  peau.— Bret. 
gâi,  gaie^  éruption  cutanée  conta- 
gieuse; gall.  gàl,  éruption  en  gé- 
néral. 

Galerne,  'vent  entre  le  nord  et 
l'ouest,  nord-ouest  :  «  Un  vent  de 
galerne.  La  galerne  donne  de  ce  cô- 
té. »  (Acad.)  Ce  mot  se  trouve  dans 
nos  plus  anciens  auteurs. 
Si  galerne  ist  de  mer,  bise  ne  altre  vent 
Ki  ferent  al  paleis  devers  occident, 
Il  le  funt  turner  e  menut  e  suvent. 

(  Yoy.  de  Charlem.  à  Jér.,  t.  354.) 

--  Bret.  gwalam,  nord -ouest; 
avel  gwalam,  vent  du  nord-ouest, 
galerne;  gall.  gorlewin,  nord- 
ouest. 

Gâteau,  autrefois  gasteau,  gastel; 
en  basse  lat.  gastellum,  vastellum. 
—  Bret.  gwastel,  gâteau,  tourte; 
écoss.  geatair;  irland.  geataire; 
gall.  gwer. 

Gaule.  —  Gall.  gwial,  gwiail, 
gwialen,  gaule,  verge,  baguette, 
houssine;  bret.  gwalen,  gwialen; 
écoss.  giolc,  giolag;  irland.  giolc. 


230 


PREiMIÈRE  PARTIE. 


giolcach.  On  trouve  guaylen  avec  la 
même  signification  daus  le  diction- 
naire cornouaillais  du  xu*  siècle,  pu- 
blié par  M.  Zeuss. 

Gazouiller,  Gazouillement.  — 
Bret.  geii.  ged,  murmure  agréable, 
gazouillement  des  oiseaux;  geiza, 
gazouiller.  Gall.  gyth,  murmure; 
gythu,  murmurer. 

Geai,  oiseau;  en  basse  lat.  gaiuS', 
en  prov.  gaîet.  —  Bret.  gegin,  ke- 
gin,  geai;  écoss.  cathagj  item;  ir- 
land.  cudhog,  item;  gall.  cegid {pro- 
noncez keguid)_,  pic,  pivert. 

GiESER,  anc,  javelot,  pique^  lance; 
mot  formé  de  gèse,  giése,  en  basse 
latinité  gf,sa,  gisamnij  gysamm. 
Mil  Sarrazins  i  descfindent  a  piet, 
E  à  cheval  suiit  xl.  millers; 
Men  escienire,  ne  's  osent  aproismer; 
Il  lor  lancent  e  lances,  e  espiez, 
E  wigres,  e  darz,  e  museras,  c  agiez,  e 
gieser. 

{Chans.  de  Roi.,  CLII.) 

Gesum,  gessum,  était  une  espèce 
do  javelot,  de  pique  ou  de  lance,  dont 
l'usage  était  particulier  aux  Gaulois, 
ainsi  que  nous  l'apprend  Servius: 
«  Pilum  proprie  est  hasta  romana, 
nt  gessa  Gallorum,  sarissœ  Macedo- 
num.  »  (Commentaire  du  livre  viii 
de  l'Enéide.) 

—  Écoss.  geis_,  javelot,  pique, 
lance;  gall.  gwaew,  item. 

Gigot.  La  signification  étymolo- 
gique de  ce  mot  est  celle  de  charnu  ; 
c'est  ainsi  que  nous  disons  le  gras  de 
la  jambe,  en  parlant  de  l'endroit  de 
jambe  qui  a  le  plus  de  chair.— Bret. 
i"  kigék,  charnu;  2°  Mg  ou  Uk, 
chair,  primitif  de  Mgek.  Gall.  1  °  ci- 
gaicg;  2°  cig  (prononcez  higaoug ,. 
kig.  )  On  trouve  kig ,  pour  chair , 
dans  le  dictionnaire  cornouaillais  du 


xii*  siècle,  publié  par  Pryce  et  par 
M.  Zeuss. 

Gimblet,  Ginblet,  Guinblet,  ane. 
vrille,  foret. 

Un  guinbelet  ou  foret  a  percer  vins. 
(Lettres  de  rémission  de  141 2,  citées  dans 
le  glossaire  de  Carpentier,  art.  Vigilia.) 

—  Bret.  gwimelet  (prononcez  goui- 
melet),  vrille,  foret;  irland.  gime- 
leid;  écoss.  gimleid.  Ce  mot  a  été 
oublié  par  Armstrong  dans  son  dic- 
tionnaire gaélique -anglais;  mais  il 
se  trouve  dans  son  dictionnaire  an- 
glais-gaélique. 

Dans  gimblet,  un  b  intercalaire 
s'est  introduit  entre  le  w  et  le  / , 
comme  dans  trembler,sembkr, hum- 
ble, formés  de  tremulare,  similare, 
humilis,  etc.  (Voir  t.  II,  p.  139.) 

Glai,  Glay,  anc.   verdure.  (Voir 
le  glossaire  de  Roquefort,  art.  Glay.) 
Lasse  !  fait-ele  en  souspirant, 

De  duel  morrai. 
Robins  ne  m'aime  de  néant. 
Or  maudirai 
Le  tans  de  mai, 
Et  maudirai 
Et  foille  et  flor  et  glai. 

{Thiàtre  fmnpiii  au  moyen  âge,  p.  43,  c*l.  >{) 

—  Bret.  /["glàz,  vert;  2°  glazvez, 
verdure,  herbes  et  feuilles  d'arbres 
vertes.  Gall.  I»  glas;  'i°  glesin , 
gleswg.  Écoss.  4°  glas;  2»  glaise. 
Irland.  1  «"  glas;  2°  glasghord. 

Glaire.  Bret.  glaouren,  glaire, 
mucosité,  bave,  humeur  visqueuse; 
gall.  glyvoer,  bave. 

Glane,  Glaner.  (Voyez  Glui.) 

Gloe,  anc.  menu  bois,  menues 
branches  d'arbre  dont  on  fait  des 
fagots,  broutilles. 

Item,  de  la  gloe,  des  fagoz,  de  bnsche 
de  fesseau,  d'escanle  et  de  late...  (Livre 
des  méliers  de  Paris,  p.  424.) 

C'est  i'ordeaance  des  marcbaans  de  baeb« 


CHAP.  II,  ÉLÉMENT  CELTIQUE.  SECT.  IL      23< 


(bois  k  brûler)  :  li  marchaant  de  bnche  de 
Paris,  puis  que  la  bûche  de  molle,  de  cos- 
tere  ou  de  gloe  sera  mise  en  leur  meson  ou 
en  leur  tas,  ils  porront  conter  ou  fere  con- 
ter par  leur  meniée  la  bûche  de  gloe  jus- 
qu'à deml-cenl ,  et  la  bûche  de  costerez 
jusques  a  un  quarteron,  et  ceie  de  mole 
moler  ou  fere  moler  jusques  à  m  moles. 
{Livre  des  métiers  de  Paris,  p.  424,  note  4.) 

— Écoss.  giolc,  giolag,  menu  brin 
de  bois,  verge,  gaule,  baguette;  ir- 
land.  giolc,  giolcach;  gall.  gwial, 
gwiail,  gwialen;  bret.  gwalen^gwia- 
len. 

Glui,  Glane.  On  nommait  autre- 
fois glui,  glu,  gleu,  gluion,  une 
poignée  de  paille ,  de  blé  scié ,  une 
javelle,  une  botte  de  plantes  légu- 
mineuses; glui,  pris  dans  un  sens 
restreint,  signifiait  paille,  chaume; 
il  se  dit  encore  aujourd'hui  du 
chaume  dont  on  couvre  les  tois.  On 
l'appelle  glu  en  Champagne,  gleu  en 
Normandie,  et  cluis  en  Dauphiné. 
On  nommait  gluion  un  lien  fait  avec 
une  poignée  de  paille  tordue,  que 
l'on  employait  pour  lier  les  gerbes , 
ce  qui  s'appelait  gluier. 

Glane  ^  glaine,  gléne ,  glénon,  de 
même  origine  que  glui^  signifiaient 
également  une  poignée  de  blé  scié, 
une  javelle^  une  botte  de  plantes 
légumineuses.  Dans  la  suite,  ces 
mots  se  prirent  plus  particulière- 
ment pour  une  poignée  de  blé  scié 
que  l'on  ramasse  dans  le  champ 
après  que  les  gerbes  sont  liées. 
Glane  a  conservé  cette  signification. 
Glaner,  glencr,  faire  des  glanes  ou 
des  glénes,  ramasser  des  poignées 
du  blé  qui  a  été  laissé  par  les  mois- 
sonneurs. (Voir,  dans  le  glossaire  de 
du  Gange,  glana,  glena,  gelima,  ge- 
lina.) 


Un  fesseau  de  chaume,  autrement  ap- 
pelé glui.  (Lettres  de  rémission  de  1394, 
citées  dans  le  glossaire  de  Carpentier,  art. 
Gluen.) 

Le  suppliant  print  furtivement  aux  champs 
neuf  gluys  ou  jarbes  de  seigle.  (Lettres  de 
rémission  de  140o,  ciices  dans  le  glossaire 
de  Carpentier,  art.  Gluen.) 

Jehan  Boistel  porta  aux  champs  un  glu- 
yon  de  feurre  pour  d'icellui  lyer  le  blé  que 
ses  gens  soyoient.  (Lettres  de  rémission  de 
1457,  citées  ibid.) 

Pierre  Hermart  ayant  envolé  Jehan  Her- 
mart  son  filz  et  Gillon  sa  fille  gluier  iu'gluy 
aux  champs....  (Lettres  de  rémission  de 
de  1371,  citées  ibid.) 

Un  gluy  de  fèves  où  il  y  avoit  environ  an 
boisseau  de  fèves.  (Lettres  de  rémission 
de  1385,  citées  ibid.) 

Sire,  c'est  par  voz  coupes  certes  que  foibles 

sui, 

Quar'je  ne  goust  d'avaine  se  n'este  à  autrui; 

N'onques,  mon  escient,  en  vostre  ostel  ne 

gui, 

Qu'eusse  jor  et  nuit  de  vece  c'un  seul  glui. 

{Du  plail  Renan  de  Dammarlin  contre  Yairoti,  ton 
roiicta.daat  U Nouveau  rccutil  dei  «oulei,  dili,  «te, 
t.  II,  p.  21.) 

Item  a  Perrenet  marchant... 
Luy  laisse  trois  gluyons  de  feurre, 
Pour  eslendre  dessus  la  terre, 
A  faire  l'amoureux  mestier. 

(Villon,    Grand  Tttlament.) 

Ainsi  que  le  suppliant  batoit  un  pou  it 
glaines  ou  gerbes  de  blé.  (Lettres  de  ré- 
mission de  1427,  citées  dans  le  glossaire  de 
Carpentier,  art.  Glana.) 

Icelle  Mabille  avoit  emblé  et  fait  ses 
glennes  en  temps  d'aoust.  (Lettres  de  ré- 
mission de  1377,  citées  ibid.) 

En  hayne  de  ce  que  les  jumens  et  poulins 
avoient  mengié  deux  glenons  de  ses  pois, 
(Lettres  de  rémission  de  1406,  citées  ibid.) 

— Écoss.  \° glac^glacan,  poignée, 
botte,  javelle;  2°  glac,  paume  de  la 
main;  celui-ci  est  le  primitif  des 
deux  précédents.  \  "  glacoin;  2'  gla£. 


S33 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Gall.  cloig,  botte  de  chaume  dont  on 
se  sert  pour  couvrir  les  toits. 

Gobe,  anc.  hâbleur,  beau  parleur, 
fanfaron,  vantard,  vaniteux,  vain, 
glorieux,  orgueilleux. 

Mors  est  celé  qui  riens  ne  lait  ; 
Tout  prent  la  mort  et  tout  atrape. 
Tex  la  porte  sous  sa  chape 
Qui  le  cuide  avoir  moult  sain; 
Tex  la  porte  dedens  son  sein, 
Qui  moult  est  Gers,  cointe  et  gobe. 

il  (Cautier  da  Coiaii,  IW.  I,  cb.  xxviii.) 

Loons  tuit  la  doce  dame... 
En  enfer  n'a  maufé  si  gobe. 
Tant  soit  veluz,  grant  ne  patez, 
Dès  qu'il  la  voit  ne  soit  matez. 

(  Comment  Theophitut  vint  à  péniune»,  k   ta  idIm   <]•( 
duTru  ds  RuttboDf,  t.  II,    p.  315.) 

Tieux  a  vestue  bêle  robe. 
Qui  le  cuer  n'a  mie  si  gobe^ 
Ni  si  soupris  de  vaine  gloire, 
Gom  tieux  afuble  chape  noire. 

{tild.,  p.  3Î1.) 

-  Ècoss A" gobach,gobair,  grand 
parleur,  hâbleur, vantard,  fanfaron; 
â°  gob.  bec,  et,  au  figuré,  babil,  ca- 
quet, primitif  des  précédents.  Iriand. 
i° gobach,  ^o  gob. 

GOB,  GOREB,  GOBELET.  NoUS  di- 
sions autrefois  tout  de  gob  pour 
tout  d'une  bouchée,  tout  d'un  trait. 
De  là  l'expression  familière  cela  va 
tout  de  go  que  nous  avons  conser- 
vée en  pariant  d'une  chose  exécutée 
sans  obstacle,  sans  difficulté,  qui 
passe,  pour  ainsi  dire,  comme  un 
morceau  avalé  sans  être  mâché. 

Uneboure  qui  là  estoit.leprint  et  l'avaU 
tout  de  gob.  [La  nouvelle  Fabrique  des  ex- 
cellents  traits  de  vérité,  etc.,  par  Ph.  d'AI- 
çripe,  édit.Jannet,  p.  5!9,) 

11  l'aval  la  tout  de  gob,  sans  mascher. 
{Ibid,  p.  142.) 

—  Iriand.  gob,  bouche,  bec  ;  gall. 


gob,  bouche,  gM)p,  bec;  écoss.  gob, 
bec;  bret.  gob,  kob,  vase  à  boire, 
tasse,  coupe,  verre,  gobelet.  Nous 
avons  dit  autrefois  gobel,  gobeau 
pour  gobelet,  tous  ces  mots  sont  des 
dérivés  dont  le  primitif  subsiste 
dans  le  breton  gob  et  dans  le  proven- 
çal gô  anciennement  gob  qui  adonné 
goubaou;  l'un  et  l'autre  signifient 
gobelet. 

Le  duc  de  Moscovie  detoit  anciennemenl 
ceste  reverance  aux  Tartares....  qu'il.... 
leur  presentoit  un  soJeait  de  laitde  jument. 
(Montaigne,  Essais,  lit.  I,  chap.  xLvni.) 

Gober  a  été  fait  de  gob,  bouche, 
comme  l'anglais  to  mcnith  et  l'ita- 
lien ingollare,  mots  ayant  à  peu 
près  la  même  signification  que  le 
verbe  français,  ont  été  formés,  l'un 
de  mouth,  bouche  ;  l'autre  de  gola, 
gueule. 

Goéland,  oiseau  de  mer;  c'est 
une  sorte  de  grosse  mouette.  Bufi'on 
dit  qu'on  l'appelle  gros  miaulard 
sur  les  côtes  de  Normandie  et  de 
Picardie;  il  ajoute  qu'au  printemps 
cet  oiseau  a  un  cri  que  l'on  peut 
représenter  par  quieute  on  pieute, 
tantôt  bref  et  répété  précipitam- 
ment, tantôt  traîné  sur  la  finale eu^e, 
avec  des  intervalles  marqués,  comme 
ceux  qui  séparent  les  soupirs  d'une 
personne  affligée.  (Voir  Buffon,  His- 
toire naturelle  des  oiseaux,  art. 
Goéland.) 

—  Bret.  gwélan  (prononcez  goué- 
Zaw),  gouëland,  dérivé  de  gwela, 
pleurer  ;  gall.  gwylan,  goëland  ; 
écoss.  aoileann,  faoileann;  iriand. 
faoileann.  On  trouve  guilan,  avec 
la  même  signification,  dans  le  dic- 
tionnaire cornouaillais  du  xii»  siècle, 
publié  par  Pryce  et  par  M.  Zeuss. 


CHAP.  II,  ÉLÉMENT  CELTIQUE.  SECT.  IL      233 


GoGUE,  Goguette,  Goguenette, 
Goguenard.  Gogue  est  un  ancien 
mot  qui  signifiait  plaisanterie,  rail- 
lerie, d'où  sont  dérivés  les  diminu- 
rifs  goguenette  et  goguettej  dont  le 
dernier  nous  est  resté,  ainsi  que  go- 
guenard,  railleur,  plaisant,  et  les 
termes  populaires  gogueîu,  plaisant, 
farceur;  gouayer,  plaisanter,  railler. 

A^  l'approchier  que  François  firent 
Du  lieu  où  leur  ennemis  virent, 
N'ot  gieu,  ne  ris,  Teste  ne  gogue. 

[Branche  det  royaux  lignaget,  t.  Il,  p.  365.) 

Icelui  Guillaume  lui  dist  par  goguet: 
)>ele sueur, vous  ne  seriez  pas  cligne  de  tenir 
terre  se  les  diz  pijons  cuisiez  en  l'eau. 
(Lettres  Je  rémission  de  4361,  citées  dans 
le  glosi.  de  Carpentier.  art.  Gobelinua. 

Ce  colonel  goguelu 
Est  de  renom  trop  goula. 

(Lucitin  travesti,  f,  19.) 

—  Bret.  gôgé,  plaisanterie,  rail- 
lerie, satire;  gall.  gogan;  irland. 
sgeig  ;  écoss.  sgeig,  sgeige. 

Gone,  Gonne,  diminutifs  Gonelle, 
GuNELLE,  Gunèle,  auc.  longue  robe 
à  l'usage  des  hommes  et  des  fem- 
mes, casaque. 

Laissa  le  siècle  por  devenir  prud'bom. 
Et  prist  la  gonne  et  le  noir  chaperon. 

{RomttH  dt  Guillaume  au  Court  Nez,  \ti\6  par  du 
Ctoge,  art.  Guima.^ 

En  vous  auroit  bêle  personne, 
S'aviés  vestuë  la  gonne. 

{Roman  du  Renard,  cité  par  du  Caoge,  art,  Gunna). 

Encor  ai-je  soz  ma  gonele 
Tel  rien  qui  vos  ert  bone  et  bêle. 
Un  hauberjon  fort  et  legier 
Que  vos  porra  avoir  mestier. 

(  Tristan,  t.  I,  p.  50.) 

La  meschine  fud  vestue  de  une  gunele  qui 
li  bastid  al  talun;  e  si  soleient  a  cel  cun- 
temple  cstre  vcsiues  pulceles  ki  furent  filles 
de  rci.  Li  serjanr  mist  fors  la  meschine,  e 


après  li  clost  l'us.  E  ele  deseirad  sa  gunele 
et  jetad  puldre  sui  sun  chief.  {Livre  des 
Rois,  p.  164.) 

Quœ  induta  erat  talari  tuniea  ;  hnjusce- 
modi  etiam  filiœ  régis  virgines  vestibus  ule- 
bantur.  Ejecit  itaque  eam  minister  illius  fo- 
ras, clausitque  fores  post  eam.  Quœ  asper- 
gens  cinerem  capiti  sua ,  scissa  talari  tu- 
niea... 

En  basse  latinité  gonna,  gwia,  et 
en  langue  d'oc  gonela,  gonella, 
avaient  la  môme  signification.  De 
gonelle  viennent  probablement  sou- 
quenenille  et  guenille.  Les  noms  des 
vêtements  qui  ne  sont  plus  en  usage 
se  prennent  assez  souvent  dans  un 
mauvais  sens  ;  c'est  ce  qui  est  arrivé 
au  mot  houppelande,  qui  désignait 
autrefois  un  riche  surtout  garni  de 
broderies  et  de  fourrures  précieuses. 
(Voir  des  exemples  de  ce  mot  dans 
le  Théâtre  français  au  moyen  âge, 
p.  371,  dans  Froissart,  t.  I,  p.  371, 
col.  2,  et  dans  l'Histoire  de  Bretagne, 
de  Lobineau,  t.  II,  p.  827.) 

—  Écoss.  gun,  robe,  habit  long, 
casaque;  gall.  gwn,item;  irland. 
gunn,  gunnad. 

Gourmand.  —  Irland.  gioraman, 
gourmand,  goulu,  glouton;  écoss. 
gioraman,  item,  employé  comme  sub- 
stantif ;  gioramhach,  item,  adjectif; 
àegiorr,  se  rassasier,  se  gorger. 
Gall.  gormodi,  être  i^empli,  être  gor- 
gé, être  rassasié. 

Gourme,  humeur  qui  survient  aux 
jeunes  chevaux  et  dont  la  suppura- 
tion se  fait  par  les  naseaux,  et  par  des 
glandes  qui  sont  situées  entre  les 
deux  os  de  la  ganache. 

—  Bret.  groumm,  grom,  gourme 
des  chevaux;  gor,  apostume,  abcès, 
furoncle.  Gall.  gor,  humeur  sécrétée, 
pus,  sanic;  gori,  suppurer;  goirean. 


234 


PREMIÈRE  PARTIE. 


pustule,  apostume.  Êcoss,  gor,  pus, 
sanie;  giwVmn^  pustule.  Irland.  gfiu- 
rin,  garan,  item. 

Gourmette.  La  terminaison  de  ce 
mot  est  celle  d'un  diminutif. —  Bret. 
gromm  ,  gourmette ,  de  kromm  , 
krowmm,  courbe,  courbé,  fléchi^  ar- 
qué, pai'ce  que  la  gourmette,  accro- 
chée aux  deux  côtés  du  mors,  forme 
une  courbe  au-dessous  de  la  ganache 
du  cheval.  La  même  considération  a 
fait  donner  en  anglais  le  nom  de  curb 
à  la  gourmette.  Gall.  crom,  crwm, 
courbe ,  courbé ,  fléchi ,  arqué ,  qui 
entoure;  ccoss.  crom,  cromadh,  item,', 
irland.  crow^  item. 

GouRNAL,  nom  que  l'on  donnait 
anciennement  au  poisson  que  nous 
appelons  rouget  ;  ce  nom  lui  est  resté 
dans  certaines  provinces. 

La  charretée  de  goumaus  doit^  de  cous- 
tiime,  vu  s.  et  xv  den.  de  congié  et  de  ba- 
gage, et  chascune  soume  n  den.  La  charre- 
tée de  merlans  doit,  de  coustume,  un  s.  et 
XVI  den.  de  congié  et  de  halage.  (Livre  des 
métiers  de  Paris,  p.  273.) 

—  Écoss.  guimead,  rouget,  gour- 
nal;  irland.  guimead;  gall.  'pen-ger- 
nyn,  composé  de  pen_,  tête,  et  de 
gernyiij  aujourd'hui  inusité.  Ce  mot, 
d'après  ceux  qui  s'en  rapprochent  le 
plus,  a  dû  signifier  qui  a  la  consis- 
tance de  la  corne ,  dur  comme  de  la 
corne.  La  dureté  de  la  tête  de  ce  pois- 
son est,  en  effet,  un  de  ses  caractères 
les  plus  remarquables. 

Gousset,  petite  bourse  ou  petite 
poche  qu'on  attache  à  présent  en  de- 
dans de  la  ceinture  de  la  culotte,  et 
qu'on  mettait  autrefois  sous  l'ais- 
selle. (Trévoux.)  C'est  de  cet  usage 
que  vient  l'expression  sentir  le  gous- 
set, pour  signifier  sentir  la  mauvaise 


odeur  communiquée  au  gousset  par- 
la transpiration  du  creux  de  l'aisselle, 

—  Ecoss.  guiseid,  petite  poche, 
gousset;  irland.  guisead;  gall.  cwyr 
sed. 

GoY,  Goé,  Goue,  Gouyer,  anc. 
sorte  de  gros  couteau,  couperet, 
serpe;  diminutif  gouet,  espèce  de 
petit  couteau. 

Le  suppliant  feri  nn  conp  d'an  goy^  au- 
trement appelle  vougesse,  de  quoy  l'en  ar- 
rache les  buissons,  d«  la  louppe  qui  est 
devers  le  dos  d'icellui  goy,  sur  le  front  da 
dit  Jehan.  (Lettres  de  rémission  de  1456, 
citées  dans  le  glossaire  de  Carpentier,  art. 
Goia.) 

Ung  goé  ou  serpe  que  le  suppliant  tenoit 
en  sa  main  de  quoy  il  tailloit  les  vignes. 
(Lettres  de  rémission  de  1409,  cUèesibid.) 

Icellui  Mathé  print  ung  gouyer ,  et  en 
frappa  le  dit  Pissoul  deuxcops  sur  la  leste. 
(^Lettres  de  rémission  de  1444,  citées  il/id.) 

Icellui  Jehan....  a  roingné  de  toutes 
icelles  tasses  de  chascune  un  pou  d'argent 
à  un  hostil  appelle  gouet.  (Lettres  de  ré- 
mission de  1382,  citées  ibid.) 

—  Écoss.  sgian,  couteau;  $geath, 
sgeith,  sgud,  couper,  tailler,  inciser; 
irland.  sgian,  couteau  ;  gall.  ysgien, 
item,  ysgwther,  action  de  couper,  de 
tailler,  d'inciser;  bret.  skeja,  couper, 
inciser,  tailler. 

Graisset  ,  «  espèce  de  'grenouille 
qui  vit  sur  terre  et  dans  les  buissons, 
qui  est  verte,  et  porte  les  yeux  avan- 
cés en  guise  de  cornes;  elle  tient  du 
crapaud  et  a  du  venin.  »  (Trévoux, 
art.  Graisset.)  «  Le  plus  dangereux 
crapaud  est  celui  qu'on  appelle  cra- 
paud verdicr,  ou  graisset,  ou  raine 
verte  (ranaviridis)  ;  en  latin,  bufo.n 
{Ibid.  art.  Crapaud.) 

Graisset  est  pour  glasset,  c'est  un 
dérivé  ayant  la  forme  d'un  dimiautit 


CHAP.  II,  ÉLÉMENT  CELTIQUE.  SECT.  IL       235 


-—  Gall.  glâs_,  vert;  bret.  glaz;  ir- 
Land.  et  écoss.  glas. 

Grés,  pierre  dure  et  grise ,  qui  se 
fend  et  se  réduit  en  poudre  aisément. 
(Trévoux.)  On  disait  autrefois  grae, 
groe,  groi,  pour  roc,  rocher.  Grdsa 
reçu  un  s  paragogique. 
Berte  gisl  sur  la  terre  qui  est  dure  com  groe. 
Il  u'ot  si  bêle  dame  jusques  à  le  Dinoe. 

{Beru  aua  gram  pies,  p.  49.) 

—  Bret.  krag,  pierre  dure,  grès; 
gall.  careg, pierre,  roc,  rocher;  écoss. 
craig,  item  ;  irland.  caraicc,  item. 

Grève,  Gravier;  en  prov.  grava, 
gros  sable ,  gravier;  en  basse  lat. 
gravia,  gravarium,  gravaria,  grève, 
gravier.  —  Bret.  graé,  hraè,  rivage, 
grève;  grouan,  gravier,  gros  sable 
du  rivage;  gall.  gro,  grodir,  gros 
sable,  gravier;  écoss.  garbhan,  gair- 
bheal,  item;  irland.  gairbhcal,  item. 

Grignoter.  La  terminaison  de  ce 
verbe  est  celle  d'un  fréquentatif.  — 
Bret.  krina  (n  mouillé),  ronger,  cor- 
roder, couper  avec  les  dents  à  fré- 
quentes reprises^  grignoter;  irland. 
ùreinim,  item  ;  écoss.  creim,  item. 

Le  substantif  grignon  paraît  avoir 
la  même  origine. 

GuÈDE,  autrefois  guesde,  plante 
qui  sert  à  teindre  en  bleu  foncé;  elle 
est  plus  connue  aujourd'hui  sous  le 
nom  de  pastel.  En  espagnol  et  en 
portugais  glasto,  en  basse  latinité 
guasdium ,  guesdium.  Les  Grecs  et 
les  Latins  la  nommaient  isatis. 

Quiconques  veult  estre  tainluriersa  Pa'is 
de  guesde  et  de  toutes  autres  coleurs  dcs- 
queles  l'en  taintdras,  estre  le  puet  franche- 
çjent.  {Livre  des  métiers,  p.  135.) 

Guesde,  guéde,  viennent  du  cel- 
tique, ainsi  qu'on  peut  le  conclure 
du  passage  suivant  de  Pline  le  na- 
turaliste :  «  Siinile  plantagini  gia*- 


tum  in  Gallia  vocatur  ;  que  Britan- 
norum  conjuges  nurusque  toto  cor- 
pore  oblitœ,  quibusdam  in  sacris  nu- 
dae  incedunt  ;  jEthiopum  colores  imi- 
tantes, glasto  infectores  caeruleum 
colorcm  pannis  inducunt,  (Liv.  XXII, 
ch.  1.) 

Glastum  dérive  d'un  primitif  cel- 
tique qui  signifie  bleu. — Gall.  glas, 
bleu,  vert}  bret.  glâz;  écoss.  et  ir- 
land. glas. 

GuÉRET.  —  Gall.  gweryd  (pronon- 
cez gouerid),  terre  labourée,  guéret, 
selon  Davies  ;  il  signifie  surface  du 
terrain,  selon  Ow^en,  qui  donne  gwe- 
rydre  dans  le  sens  de  terre  labourée, 
terre  cultivée;  bret.  avrek,  guéret, 
terre  labourée  qui  n'est  pas  encore 
ensemencée;  écoss.  et  irland.  grian, 
terre,terrain.On  trouvegwere^^  signi- 
fiant terre,  terrain,  dans  le  diction- 
naire cornouaillais  du  xii^  siècle, 
publié  par  Pryceet  par  M.  Zeuss. 

GuERMENTER,  anc.  sc  lamenter,  se 
répandre  en  plaintes,  en  sanglots  et 
en  cris. 

II  se  guermente  de  l'infortune  de  son 
amy. 

{Veiclarcissement  de  la  langue  fmnçayse,  par  PaîsgrnTB' 
édit.  Gcnin,  p.  453,  col.  2). 

—  Bret.l"  garm,  cri;  2°  garmi, 
crier,  criailler.  Gall.  1°  garm;  T  gar- 
miaw.  Écoss.  et  irland.  1°  gairm; 
2°  gairim. 

Guirlande.  —  Gall.  4"  gwyrlen, 
guirlande,  feston  de  fleurs;  2°  gwyr, 
courbe,  courbé,  fléchi,  primitif  de 
gwyrlen,  Bret.  1  »  garlantez  ;  2°  goar, 
givar.  Ecoss.  car,  courbe,  courbé, 
fléchi.  Irland.  car,  courbure,  flexion, 
tour,  détour. 

Hait,  Het,  anc.  plaisir,  agrément, 
satisfaction,  gré,  joie,  réjouissance, 
allégresse,    bonne    disposition    dô 


PREMIÈRE  PARTIE. 


l'esprit  ou  du  corps,  gaillardise, 
courage.  D'où  haiter,  haitier,  faire 
plaisir,  plaire,  réjouir,  encourager, 
conforter,  se  réjouir,  se  conforter, 
ranimer  son  courage;  déhait,  déhet, 
déplaisir,  contrariété,  chagrin,  mau- 
vaise disposition  de  l'esprit  ou  du 
corps,  indisposition,  maladie;  dé- 
haiter,  contrister,  déconforter,  dé- 
courager. Il  nous  est  resté  le  com- 
posé souhait,  désip;  suggéré  par 
quelque  idée  qui  plaît  à  l'imagina- 
tion. I 

Et  came  l'arche  vinrèn  l'ost,  H  poples 
Peu  duna  un  merveUlifs  cri ,  que  tute  la 
terre  rebundi,  Li  Philisîen  oïrentces  cris 

et  distrent N'en  our^at^pas  tel  hait  ea 

l'ORt,  ne  hier,  ne  avant-hier.  1çt  nos  guar- 
derad  encuutre  ces  halz  Deus  ?  Ço  sunt  les 
Deus  ki  flaelerent  et  tuèrent  ces  d'Egypte 
el  désert.  Mais  orez  vus  hailez,  e  seiez  forr 
champiuns,  Philistiim,  que  vous  ne  servez 
as  Hebreus  si  cume  il  unt  servi  k  vus. 
{Livre  des  Rois,  p,  15.) 

Cumque  venisset  arca  fœderis  Domini  in 
castra,  vociferalus  est  omnis  Israël  elamore 
grandi,  et  personuit  terra.  Et  audierunt 
Philislhiim  vocem  clamoris,  dixeruntque..:. 
Non  enim  fuit  tanta  exultatio  heri  et  nu- 
diustertius  :  vœ  nobis  !  Quis  nos  salvabit  de 
manu  Deorum  sublimium  istorum  ?  Hi  sunt 
DU  qui  percusserunt  JEgyptum  omni  plaga 
in  deserto.  Confortamini,  et  estote  viri, 
Philisthiim ,  ne  serviatis  Hebrœis  sicut  et 
illi  servierunt  vobis. 

Or  quit  qu'à  mult  mal  aise  sunt 
Cil  de  la  tor  desus  ;  d'amont 
N'en  devaient,  n'a  eus  ne  vait 
Nus  qui  lor  dunt  confort  ne  hait. 

(Chron,  det  duct  de  Norm.,  t.  III,  p.  35.) 

Pour  qui  lonc  temps  eut  mal  dehait 
Tout  celui  jour  fu  en  bon  hait. 

[Roman  du  Chatulain  da  Couci/,   y,  9417.) 

Di  a  Joab  qu'il  ne  se  dehaite  pas,  kar  di- 
verses sont  les  aventures  de  bataille,  e  ore 
ehiet  ciste  ore  li  allrcs;  yor  co  li  di  qu'il 


haile  ses  cumpalgauns.  {Livre  des  fioù^ 
p.  157.) 

Iriez  fa  trop  li  reis  de  France 
Des  antres  laide  meschaance  ; 
For  le  deshet,  por  le  contraire, 
N'i  vout  longe  demore  faire. 

{Chron.  det  dues  de  Karin.,  t.  Itl,  p.  18.) 

Depuis  qu'ele  ot  de  vous  la  nouvele  es- 

coutée. 
Ne  fa  one  puis  haitiée  ne  soir  ne  matinée. 

[Romande  Bene  ont  jram  piii,  f.  III.) 

Bien  sot  au  roi  aler  entor* 
A  guise  de  losangeor. 
Un  jor  trova  le  roi  hailii^ 
Si  la  a  consel  afaitié. 

(Rom.  de  Brui,t.  I,  p.  3S3.  t.  7007.) 

—  Bret.  hetj  plaisir,  agrément, 
chose  qui  cause  de  la  joie,  mouve- 
ment de  la  volonté  vers  ce  qui  nous 
plaît,  désir,  souhait;  heta,  faire  plai- 
sir, plaire,  rendre  joyeux,  désirer, 
souhaiter.  Écoss.  4°  aiteas,  joie, 
gaieté,  réjouissance  ;  2°  ait,  joyeux, 
gai,  réjoui.  Irland.  1"  aiteas;  2»  m- 
theasach. 

Hale,  état  de  l'air  qui,  échauffé 
par  le  soleil,  fait  impression  sur  le 
teint  en  le  rendant  brun  et  rou- 
geâtre,  sur  les  herbes  à  la  campagne 
en  les  flétrissant,  etc.  Haler,  brunir 
le  teint  en  parlant  du  soleil  ou  de 
l'air  chaud.  Eàle,  avant  d'avoir  la 
signification  que  je  viens  d'indi- 
quer, se  prenait  pour  la  lumière  et 
la  chaleur  provenant  des  rayons  so- 
laires arrivant  directement;  c'est  ce 
que  nous  appelons  aujourd'hui  soleil, 
par  opposition  à  ombre  ;  «  Otez- 
vous  de  mon  soleil;  éloignez-vous 
du  soleil,  et  mettez-vous  à  l'ombre.» 
On  a  passé  de  cette  signification  à 
la  signification  actuelle  en  prenant 
la  cause  pour  l'effet. 

Mult  a  famé  le  cuer  muable... 
Or  est  sauvage,  or  est  privée, 


CHAP.  II,  ÉLÉMENT  CELTIQUE.  SECT.  IL      237 


Dr  vent  piis,  et  or  veut  niellée, 
Or  ne  dit  mot,  et  or  repalle; 
Or  veut  l'onbre,  or  veut  le  halle , 
Or  veut  repoi,  or  veut  labor. 

{Nouveau  recueil  de  conlet,  t.  II,  p.  171- 1T3.) 

Cler  fa  le  jour,  greveus  le  halle. 
Et  fiers  H  huz,près  d'Aubemalle 
Où  les  deux  os  s'entre-requierent. 

{Branche  det  royaux  lignages,  t.    I,   p.  108.) 

Poi  pensent  k  pluie  n'a  halle. 

lattd.  p.  111.) 

—  Gall.  1  '  haul,  soleil;  g»  heulaw, 
exposer  au  soleil.  Bret.  4»  heol; 
t"  heolia. 

Haleine.  —  Bret.  \''halan,  alan, 
respiration,  haleine,  souffle  ;  2°  ha- 
lana_,  alana,  respirer.  Gall.  \  »  alanez; 
2*  alanu.  Écoss.  anail,  respiration, 
haleine.  Irland.  anal,  item.  Ces  deux 
derniers  idiomes  se  rapprochent  plus 
du  latin  anhelitus  que  le  français,  le 
breton  et  le  gallois. 

Hanouar,  Henouar,  Hannouart, 
anc.  porteur  de  sel  du  grenier  à  sel 
de  Paris.  (Voir  Roquefort,  art.  Han- 
nouarts.) 

L'an  de  grâce  mil  deus  cenz  quatre-vinz 
*t  treize  fut  regardé  par  sire  Jehan  Popin, 
prevost  des  marcheans,  Thomas  de  Saint- 
Benoust,  Est.  Barbète,  Adam  Paon  et  Guill. 
Pizdoe,  echevins,  que  qnant  aucun  des 
henouars  seront  chêne  en  vellesse,  ou  sera 
(sic)  si  malade  qui  ne  pourra  son  pain  ga- 
tgner,  que  cil  qui  sera  si  vieulx  ou  si  ma- 
lade, come  il  est  dessus  dit,  porra  mestre 
en  lieu  de  li  personne  soufflsant,  et  Ma  le 
service  tant  come  le  henouart  vivra  seule- 
ment ;  et  le  henouart  mort,  cil  qui  aura  esté 
Por  li  ne  porra  plus  fere  le  service,  ainçois 
les  prevost  et  echevius  i  metront  tel  come 
H  leur  plera.  {Livre  des  métiers  de  Paris^ 
Ordonnance  de  mesureurs  et  porteurs  de 
Kl,  p.  3B6.> 

—  Bret.  10  haîennour,  hatenner, 
c'îwalenner,  marchand  de  sel,  sau- 


nier; 2°  halen,  c'hoaîen,  sel.  GalL 
4°  halenwr  (prononcez  halenour); 
2°  halen.  On  trouve  haloinor,  pour 
marchand  de  sel,  et  haloin,  pour 
sel,  dans  le  Dictionnaire  cornouail- 
lais  du  XII®  siècle,  publié  par 
M.  Zeuss. 

Hardée,  anc.  paquet,  trousse, 
trousseau,  faix,  fardeau,  charge; 
Hardes,  effets  divers,  propres  à 
l'habillement  que  Ton  met  et  que 
l'on  peut  mettre  en  paquet,  en 
trousseau;  en  latin  sarcinœ,  de  sar- 
cina. 

Iceulx  signifians  ont  prins  six  hardées  de 
lin.  (Lettres  de  rémission  de  1369.  citées 
dans  le  glossaire  de  Carpeutier,  art.  Har- 
deia.) 

Le  suppliant  vend!  vint  hardées  de  foings 
à  Pierre  le  Queux.  (Lettres  de  rémission  de 
1394  citées  i^jU) 

—  Bret.  horden,  paquet,  faix, 
fardeau,  charge;  écoss.  eireadh , 
item;  irland.  eireadh ^  item. 

Tous  ces  mots  paraissent  dériver 
d'un  primitif  celtique  signifiant  lien, 
attache.  (Voir  ci-après  l'art.  Eart.) 

Haret,  anc.  bord,  extrémité.  Un 
traducteur  de  la  Bible  dit,  en  par- 
lant d'un  vêtement  que  l'on  doit 
faire  pour  le  grand-prêtre  Aaron  : 

11  avéra  deux  haretz  en  l'une  et  l'autre 
costiere  des  hautesces  qu'il  revignent  tut 
en  un.  (Exode,  ch.  xxviii,  vers.  7  ;  cita- 
tion de  Roquefort,  art.  Haretz.) 

Duas  oras  junctas  hnbebit  in  utroque  lae- 
tere  summitatum,  ut  in  unum  redeat. 

—  Bret.  harz,  harzou,  borne,  li- 
mite, extrémité,  bord,  lisière;  écoss. 
eirthir^  extrémité,  bord,  bordure, 
lisière;  gall,  ardai,  extrémité  d'un 
pays,  limites,  frontière. 

Harnais,  Harnois.  On  appelait 
ancieanement  harnois  l'armure  com- 


m 


t'REMIÈRE  PARTIE. 


plète  d'un  homme  d'armes.  Ce  mot 
est  encore  usité  dans  quelques  fa- 
çons de  parler  figurcer.  .  «  Endosser 
le  hamois,  »  embrasser  la  profes- 
sion des  armes.  «  Blanchir  sous  le 
hamois,  »  vieillir  dans  la  profession 
des  armes.  Hamois,  ou  plutôt  har- 
nais, se  dit  aujourd'hui  de  tout  l'é- 
quipage d'un  cheval  de  selle  ;  il  se 
prend  plus  particulièrement  pour  le 
poitrail,  le  collier  et  tout  le  reste 
de  ce  qui  sert  à  atteler  des  chevaux 
de  carrosse  ou  de  charrette.  En 
basse  latinité,  hamascha,  herna- 
sium,  hamois  ;  en  italien,  amese  ; 
en  espagnol,  âmes.  Les  idiomes 
germaniques  ont  des  mots  sem- 
blables qu'ils  ont  empruntés  à  la 
basse  latinité  ou  bien  au  français  : 
anc.  allem.  et  allem.  moderne,  har- 
nisch;  island.  hamesMa;  dan.  har- 
nisk;  suéd.  hamesk',  holl.  ham.ass; 
angl.  ham.ess. 

Nous  avons  dit  autrefois  hamas, 
qui  devait  être  pour  hamasCj  si  l'on 
en  juge  par  les  dérivés  hamascher, 
harnacher,  par  le  mot  de  basse  lati- 
nité hamascha,  par  l'ancien  alle- 
mand hamisch,  etc. 

Les  diverses  pièces  qui  compo- 
saient l'armure  des  gens  de  guerre 
étaient  généralement  en  fer;  de  là 
l'origine  du  mot  hamois.  —  Bret. 
1°  houamach,  nom  collectif  s' appli- 
quant à  tout  ouvrage  de  fer,  quin- 
caillerie; dérivé  de  2°  houam,  fer; 
on  disait  anciennement  haiarn. 
Gall.  1"  haiamaez;  2°  haiarn.  Ir- 
land.  iarann,  fer;  écoss.  iamaichj 
item. 

Les  idiomes  germaniques  ont  des 
mots  assez  analogues  à  ceux  que 
nous  venons  de  voir  pour  signifier 


fer;  on  peut  voir  ces  mots  ci-après 
à  l'article  Landier.  Mais  les  idiomes 
celtiques  nous  offrent  des  formes 
beaucoup  plus  rapprochées  de  celles 
de  hamascha,  hamas,  hamois. 

Hart.  —  Bret.  ari^  ère,  lien,  at- 
tache^ ligature;  ariein,  erea,  lier, 
attacher.  On  trouve  dans  les  anciens 
auteurs  heren,  au  lieu  de  ariein, 
ainsi  que  le  remarque  Le  Pelletier. 
Écoss.  ar,  lien,  attache;  irland.  ar, 
item, 
(Voir,  ci-dessus,  l'article  Hardée.) 
HiDE,  anc.  frayeur,  effroi,  terreur, 
épouvante,  horreur;  d'où  hideux, 
qui  signifiait  autrefois  effroyable, 
épouvantable,  affreux,  terrible,  hor- 
rible. L'anglais  hideous  a  conservé 
cette  signification. 

Quant  Ferrant  vit  Flandres  perdne 
Par  la  guerre  qu'il  ot  meue. 
Dont  les  François  souvent  lassa, 
En  Angleterre  repassa. 
Car  du  roi  de  France  ot  grant  hide  ; 
Au  roi  Jouhan  requist  aïde. 

{Branche    det  roijaux   lignages,  t.  I,  p.  S50.) 

Seigneurs,  puisque  ci  morte  gist 
crius  la  regars,  plus  ay  grant  hide)^ 
Faites  que  vous  aiez  aïde, 
Et  que  l'emportez  la  derrière, 
Et  li  pourveez  une  bière. 

{Tbéilre  françaii    du  moyen  [âge,  p.  570.) 

Mes  la  nuit  est  tainte  et  oscnre, 
S'en  a  grant  hide  et  grant  poor. 

[Comment  Theophilut  vint  à  penîtance,   i  la  laiU 
dei  Œuvrét  de  Rutélt>euf,  U  II,  p.  S8I.] 

A  son  boQteilIer  commanda 
Qu'ai  galant  le  cief  trençast... 
Merveilles  fu  la  teste  grant 
Et  hideuse  de  eel  jaiant; 
Eu  ai,  dist  Artus,  paor  ; 
Aine  mais  n'ol  de  galant  forcer. 
Fors  de  Riton  tant  solement. 

{Rom.  de  Bmt,  i.  II,  p.  IW.) 


CHAP.  II,  ÉLÉMENT  CELTIQUE.  SECT.  II.      ^39 

sais  ou  en  irlandais.  A  cet  égard, 
le  grec  suit  assez  généralement  la 
même  loi  que  le  breton  et  le  galloiSj 
tandis  que  le  latin  est  plus  analogue 
à  l'écossais  et  à  l'irlandais.  —  Brct. 
gall.  halen,  sel;  grec  &lk{halx); 
irland.  salan;  écoss.  salann  ;  lat. 
sal.  Bret.  heol,  soleil  ;  gall.  haul; 
grec^  iiXioi;  (/ié?îOs);  écoss.  so/;  ir- 
land. sole  ;  lat.  sol. 
Hoche.  (Voir  Coche.) 
Jale,  Jallaie,  Galoie,  Gallon, 
anc.  seau,  baquet  servant  de  mesure 
pour  les  liquides.  L'action  de  mesu- 
rer ou  le  mesuragc  avec  la  jale  se 
nommait  jalage  ;  on  donnait  égale- 
ment ce  nom  au  droit  revenant  au 
seigneur  pour  chaque  mesure  de 
vin  que  l'on  vendait  en  détail.  Dans 
la  suite,  une  certaine  mesure  adop- 
tée pour  le  jalage  fut  appelée  jalge 
ou  jauge  ;  ce  dernier  nous  est  resté, 
ainsi  que  ses  dérivés  jauger,  jaitgewr, 
jaugeage. 


Jtfonlt  fu  leur  penitance  hideuse  a  regarder: 
m  cuirs  de  buef  a  fait  l'apostolle  aporter; 
A  chascun  en  donne  un  pour  lui  enveloper; 
Dedenz  les  fist-on  queudre  et  bien  esiroit 
serrer. 

(tt  DU  du  Due/,  dans  le  Nouviau  recueil  Je  eonlei, 
àUi,  etc.,  1. 1,  p.  58.) 

—  Bret.  4»  heûz,  eûz,  effroi, 
frayeur,  épouvante,  terreur,  horreur; 
2°  heûzuz,  eûzuz,  effroyable,  épou- 
vantable, terrible,  horrible.  Ecoss. 
\*  uadh;  uadhach.  Irland.  1*  itadh, 
uath;  2*  uadhbhacach.  Le  gallois 
n'a  conservé  que  hvdwg,  épouvan- 
tail. 

Hobereau,  oiseau  de  proie;  c'est 
une  espèce  de  petit  faucon.  Hobe- 
reau est  un  dérivé  de  hobe,  liobel, 
mots  qui  servaient  autrefois  à  dési- 
gner cet  oiseau.  Nous  employons 
hobereau  au  figuré  pour  signifier  un 
jeune  gentilhomme  sans  fortune;  en 
espagnol  tagarote  se  prend  égale- 
ment pour  un  petit  faucon  et  pour 
un  pauvre  gentilhomme.  (Voyez  ce 
mot  dans  Covarruvias.) 

Si  devez  savoir  qu'il  est  huit  espèces  d'oi- 
seaux de  quoy  homme  se  puet  déduire.  Et 
sont  quatre  de  quoy  on  vole ,  qui  volent  à 
tour,  et  quatre  qui  volentde  poing  et  pren- 
nent de  randon.  Ceux  qui  volent  a  tour 
taault  sont  le  faucon,  le  lasnier,  le  sacre  et 
le  hobe;  et  ceulx  qui  volent  de  poing,  et 
prennent  de  randon  sont  :  l'otoir,  le  ger- 
faut, l'espervicr  et  l'esmerillon.  {Livre  du 
roi  ilûdus,  etc.  éd.  d'Elz.  Blaze,  f»  76  v».) 

Femme  est  ostour  per  preie  atteindre, 
Femme  est  espervcr  per  haut  voler. 
Femme  est  hobel  per  haut  mounlcr. 

{Nouii*aii  rtcutiliU  coniei,  dili,  etc., ,  t.  I,  p.  331.) 

—  Gall.  hebog,  faucon;  écoss. 
seobag,  seabag;  irland,  seabhac.  Les 
mots  gallois  et  bretons  qui  ont  un  h 
initial  ont  fort  souvent  un  s  en  éeos- 


Si  a  li  cuens  le  cambage ,  c'est  de  cas- 
cune  cambe ,  à  cascune  fié  c'on  y  brasse, 
Uois  jales  de  cervoise.  (Rentes  du  comté 
de  Namur  de  1265,  citation  empruntée  au 
glossaire  de  Carpentier,  arl.  Jalea.) 

Celui  qui  les  (lies)  va  querre  et  les  prent 
ou  nom  du  dit  boutcillier,  il  convient  qu'il 
apporte  ou  celier  son  sac  et  sa  jalle.  (Re- 
gistre de  la  cour  des  comptes  de  Paris,  cité 
ibid.  art.  Jalla.) 

Je  vous  donrai  du  meillor  \ia 
Qui  soit  ceens,  une  galoie. 
Par  couvant  que  vengié  en  soie. 

(Fabliau,  cité  itid.,  art.  Calo.) 

Ung  çallon,  qui  sont  deux  potz,  de  cistre. 
(Lettres  de  rémission  de  1450,  citées  aifi.) 

Le  droit  que  il  (l'évêque  de  Laon)  dc- 
mandoit  et  se  disoit  avoir  par  point  de 
chartre  ou  tonlieu,  ou  rouage,  ou  jailaige... 
(Charte  de  1331, citée  ibid.  art.  Jalagium.) 

En  tout  le  baillage  d'Orléans  n'y  a  que 


éio 


iPREMIÈRE  PARTIE. 


vme  jauge  d'estallon  de  fûts  (de  bois),  à 
mettre  vin;  et  contient  le  pocuson  douze 
jnllayes  ,  et  chacunes  jallayes  seize  pintes 
de  la  grande  mesure  de  la  ville  d'Orléans. 
{Cousttttnier  gênerai,  1. 1,  p.  977.) 

—  Écoss.  sgal,  baquet,  seau; 
irland.  sgala,  bol,  grande  tasse, 
écuelle. 

Jambe,  Jambon,  Gambade,  Gam- 
bader, INGAMBE,  etc.  Nous  avous 
dit  anciennement  gam6e  pour  jambe; 
italien  gamba,  provençal  camba; 

Li  destrers  est  e  curanz  e  aates, 
Piez  ad  copiez  e  les  garnies  ad  plates. 

iCha»$.  de  Roland,  n,  cxiii,} 

—  Écoss.  gamban,  jambe;  irland. 
gamburij,  item. 

Jarret,  autrefois  garret;  en  ita- 
lien garretto.  Ces  mots  sont  des  déri- 
vés formés  au  moyen  des  suffixes  et 
etto. 

A  tcas  i  fist  les  poinK  trenchcr 
E  des  goules  les  denz  saeher; 
Des  garezèa  i  eut  de  quiz. 

{Ckrou.  det  ducs  de  Norm.,  t.  II,  p.  105.) 

—  Bret.  gâr,gfarr,  jambe ;jan7e/, 
jarret.  Gall.  gâr,  jambe  et  jarret. 
Irland.  car  a,  jambe. 

Au  même  primitif  parait  se  rat- 
tacher garrot,  partie  du  corps  du 
cheval  qui  se  trouve  au-dessus  des 
jambes  de  devant. 

Jars,  oie  mâle.  Bret.  garz,  oie 
mâle,  jars;  écoss.  ganra,  ganradh, 
item;  irland.  ganra,  item. 

Jauge,  Jauger.  (Voir  Jale.) 

Jorroise,  anc.  sorte  de  prunelle; 
jùrrasier,  prunellier. 

Pesches,  raisins  ou  alliettes, 
^efles  entées  ou  framboises, 
Belloces  d'Avesnes,;"orrow«, 
Ou  des  meures  franches  ayés. 

(Romon  de  h  Rote,  éi.  de  1735,  t.  I,  p.  S88]. 


Pierre  Lengloys  de  une  serpe  «Tolt  copct 
ou  jardin  du  dit  exposant  pluseurs  arbres, 
c'est  assavoir  nauerdiers  (noisetiers)  ou 
jorrasiers.  (Lettres  dt  rémission  de  1396, 
citées  dans  le  glossaire  de  Carpentier,  art. 
Jarrossia.) 

—  Bret,  irin.  hirin,  primellc, 
fruit  de  l'épine  noire;  gall.  emn; 
écoss.  aime  ;  irland.  aime. 

Lagaigne.  anc.  chassie,  humeur 
qui  sort  des  yeux.  (Roquefort.)  — 
Gall.  llygadgoçni,  chassie,  dérivé 
de  llygad,  œil;  bret.  lagad,  item. 
On  trouve  lagat  pour  œil  dans  le 
dictionnaire  comouaillais  du  xii® 
siècle,  publié  par  Pryce  et  par  M. 
Zeuss. 

Lance.  Diodore  de  Sicile  dit  en 
parlant  des  Gaulois  :  ((  Ils  lancent 
des  piques  qu'ils  appellent  lanœs , 
dont  le  fer  est  long  d'ime  coudée.  » 
npo6àXXovTai  6è  >6yx*î  S;  âxeïvot 
AAFKIAS  xaXoûfft,  nri/uaia;  t<5>  (x^ôxe' 
Toû  ai^çoM.  (  Diod.  liv.  V,  30.)  Le 
mot  lance  se  trouve  dans  les  plus 
anciens  monuments  de  notre  langue. 
(Voyez  une  citation  de  la  chanson  de 
Roland,  p.  230,  col.  1 .) 

Diodore  vivait  sous  Auguste;  Var- 
ron,  plus  ancien  que  lui,  avait  dit, 
selon  Aulu-Gelle  {Nuits  attiques,x\, 
30),  que  lancea  n'était  pas  latin, 
mais  hispanique.  Sur  quoiCasaubon, 
dans  ses  notes  surStrabon,  reproche 
à  Varron  d'avoir  enlevé  ce  mot  aux 
Gaulois  pour  le  donner  aux  Espa- 
gnols :  «  Vocem  lancea,  Varro,  Gai- 
lis  inique  adimens,  Hispanis  tri- 
buit.  »  Mais  Casaubon  n'a  pas  fait 
attention  qu'une  partie  de  l'Espagne 
était  habitée  par  les  Celtibères,  par- 
lant ,  sinon  le  celtique ,  du  moins 
une  langue  dans  laquelle  avaient  dû 


CHAP.  II,  ÉLÉMENT  CELTIQUE.  SEGT.  IL 


m 


s'introduire  beaucoup  de  mots  cel- 
tiques. Les  Espagnols  appellent  eH- 
core  aujourd'hui  une  lance  lanza. 

Bret.  lans,  lance;  écoss.  latin , 
item;  irland.  larig,  item;  gall.  llain, 
long  morceau  de  bois,  tige,  rejeton, 
bouture. 

Larris,  anc.  lande,  bruyère,  terre 
inculte  ;  en  basse  latinité ,  larri- 
cium. 

Quar  je  li  donral  si  beau  don  qu'il  porra 
dormir  en  prez,  en  rivières,  en  forez,  en 
larris,  en  montaignes,  en  valées,  en  bos- 
chaiges  d'une  part  et  d'autre.  (C<  comence 
Cerberie,  inséré  dans  les  œuvres  de  Rute- 
bcuf,  t.  I,  p.  472.) 

François  costoiant  mainte  selve, 
Se  vont  logier  soaz  Monz-en-Pelve, 
Tout  au  long  d'an  larriz  sauvage 
Plain  de  fossez,  près  de  boscage. 

{Branche  det  royaux  lignages,  I.  1,  p.  431.) 

—  Écoss.  lâr,  terre,  terrain,  sol; 
irland.  lar,  item;  gall.  llawr  (pro- 
noncez laour),  item;  bret.  leur,  ter- 
rain, sol,  aire. 

Il  est  à  remarquer  que  Ife  mot  cel- 
tique signifiant  terre  a  passé  dans 
notre  langue  avec  un  sens  défavora- 
ble, tout  Comme  le  mot  tudesque  de 
même  signification,  qui  nous  a  don- 
né lande.  (Voir  ce  dernier  mot  par- 
mi ceux  qui  sont  d'origine  germani- 
nique,  daDs  le  chapitre  suivant, 
sect.  II.) 

Lèche,  tranche  fort  mince  de 
quelque  chose  qui  se  mange.  Ce  mot 
n'est  plus  guère  en  usage  aujour- 
d'hui, bien  que  l'Académie  le  donne 
encore  dans  sa  dernière  édition; 
mais  on  le  trouve  assez  souvent  dans 
nos  anciens  auteurs.  On  dit  lesca 
dans  la  Provence  et  le  Languedoc , 
léissa  dans  le  Gapençais. 


Une  cruche  seul  astre  prise 
Où  l'aumosne  de  vin  est  mise, 
D'une  lesche  d«  pain  singnie. 

(De  Cuenay,  &  la  suite  des  oeuvres  de  Rutebeu    * 
t.  H,p.  439;) 

—  Écoss,  slis ,  sliseag,  tranché, 
morceau;  irland.  slis,  sliseog;  gall. 
yslaiv. 

LiART,  anc.  gris,  gris-brun,  gris 
pommelé.  Un  indigne  chevalier,  ne 
pouvant  triompher  de  la  vertu  de 
Flourence,  la  suspend  à  un  arbre 
par  ses  cheveux.  Un  bon  châtelain 
vint  à  passer  : 

La  pucelle  vit  pendre,  si  s'en  vint  celle  part. 
Moult  en  ot  grant  merveille,  mais  forment 

li  fu  tart 
Qu'elle  fust  despendue.  De  son  cheval  liart 
Descend!;  lors  Flourence  li  fist  i  douz  re- 
gard. 

(Le  Dit  de  Flourence  tie  Romme,  dam  le  Nouveau 
reeueU  de  contes,  dits,  etc,  t.  I,p.  104.) 

Et  qui  morele  ne  tenroit, 
Tôt  le  cours  a  morel  venroit , 
Voire  a  fauvel  ou  a  liart. 
Si  corn  sa  volonté  li  art... 
Et  ce  que  ge  di  de  morele, 
Et  de  fauvel  et  de  fauvele, 
Et  de  liart  et  de  morel, 
Di-ge  de  vache  et  de  torefi 
Et  de  berbiz  et  de  mouton; 

{lioman  dt  la  Rote,  t.  14513.) 

—  Écoss.  liath,  gris;  irland. 
liath  ;  gall.  llwyd,  liai  ;  bret.  loiiet 
/oued.  Dans  le  français  liart,  le  r  est 
venu  se  placer  devant  le  t,  comme 
dans  Tartare,nom  propre  d'un  peu- 
ple qui  se  nomme  Tatar  dans  sa 
propre  langue.  (Voir  t.  II,  p.  4  42.) 

Lie,  en  basse  latinité  liix.  Jean  dô 
Garlande  dit,  au  chapitre  xxi  de  son 
Hortulanus,  espèce  de  vocabulaire 
des  mots  vulgaires  employés  dans 
la  Grande-Bretagne  :  «  Alii  (dicunt) 
liam,  id  est  fœces  vini  calcinati ,  » 

—  Bret.  li,  lie,  léit,  vase,  boue. 


r 


ie 


âi2 


PREMIÈRE  PARTIE. 


limon j   gall.  llaid,  vase,  limon; 
écoss.  et  irland.  làthach,  item, 

Lieue,  de  leuca,  mot  d'origine 
celtique  adopté  par  les  Romains,  et 
tellement  naturalisé  dans  leur  lan- 
gue, qu'on  le  retrouve  aujourd'hui 
dans  toute  l'Europe  latine.  En  ital. 
et  en  prov.  lega,  en  esp.  legua^  en 
port,  legoa. 

La  mesure  itinéraire  des  Romains 
était  le  mille  et  celle  des  Gaulois 
était  la  lieue  :  «  In  Nilo  flumine , 
sivs  in  ripis  ejus,  soient  naves  funi- 
bus  trahere;  certa  habentes  spatia 
quae  appellant  funiculos,  ut  labori 
defessorum  recentia  trahentium  col- 
la succédant.  Nec  mirum  si  una- 
quaeque  gens  certa  viarum  spatia 
suis  appellct  nominibus,  cum  et  La- 
tini  mille  passus,  et  Galli  leucas  et 
Persae  parasangas,  et  rastas  univer- 
sa  Germania;  atque  in  singulis  no- 
minibus diversa  mensura  sit.  »  (S. 
Jérôme,  Commentaire  sw  Joël,  ch. 
m.)  Ce  témoignage  se  trouve  confir- 
mé par  Hesychius  :  AeuYï),  ixétpov 
xi  YttXàTixov,  Isidore  de  Séville  dit 
dans  ses  Origines,  ch.  xvi  :  «  Men- 
suras  viarum  milliaria  dicimus, 
Graeci  stadia.  Galli  leucas.  »  D'au- 
tres témoignages  analogues  se  trou- 
vent dans  Ammien  Marcellin,  liv. 
xv;  Jornandès,  ch.  xvi  et  lx;  Yves 
de  Chartres  et  autres  auteurs. 

—  Écoss.  leig,  lieue  ;  irland.  leige, 
leagik,  item;  bret.  leô,  lev,  grande 
lieue  de  pays  ;  leoih ,  petite  lieue. 

Loche,  sorte  de  poisson.  —  Bret. 
lontek,  loche.  (Le  Gonidec.)  Le  Pel- 
letier écrit  lonch,  lonchic;  dérivés  de 
lontek ,  vorace ,  qui  vient  lui-même 
de  lonka,  avaler,  dévorer.  Gall.  lyn- 
qu,  item. 


LocHER^  branler,  être  prêt  de  tom- 
ber. Il  ne  se  dit  que  d'un  fer  de  che- 
val. (Acad.)  Autrefois  locher,  locier 
signifiait  en  général  branler,  re- 
muer; il  se  prenait  dans  le  sens 
neutre  et  dans  le  sens  actif.  Dans  ce 
dernier  sens ,  il  signifiait  ébranler, 

Sor  le  fucrre  noviau  bâta 
Se  sont  andui  entrebatu, 
Cil  adenz  e  celé  souvine. 
Li  vilaitts  vit  tout  le  couvine 
Qui  du  lincael  est  acouvers, 
Quar  il  tenoit  ses  iei  ouvers  ; 
Si  veoit  bien  l'estrain  hocler, 
Et  vit  le  chapelain  locier. 

{Nouveau  retutUde  contes,  t.  I,  p.  3I&  ) 

Li  minieur  pas  ne  souffleillent, 
Un  chat  bon  et  fort  appareillent. 
Tant  euvrent  desouz  et  tant  cavent, 
C'une  grant  part  du  mur  destravent; 
Endementieres  qu'il  les  lochent. 
Le  conte  et  ses  Flamanz  aprochent. 

(Branche  dei  rot/aux  Hgnagei,  t.  1,  p,  49.) 

De  belif  li  estoit  laciés 

Li  hiaume,  qai  el  chief  li  loehe. 

{Tournoiement  de  l'Antéchrist,  p.  3S.) 

—  Bret.  Iriska,  branler,  remuer; 
écoss.  luaisg;  gall.  Ihvygaw;  irland. 
luasgaim. 

Longe,  partie  du  veau  ou  du  cerf 
qui  est  entre  l'épaule  et  la  queue^  et 
à  laquelleest  attaché  le  rognon.  C'est 
la  moitié  des  reins  de  ces  animaux. 
En  basse  latinité  longia  f  longua  se 
disaient  des  reins  de  plusieurs  ani- 
maux qui  se  mangent.  (Voir  ces  mots 
dans  du  Cange.) 

—  Bret.  lonec'h,  lounec'h,  rognon, 
reins,  longe;  gall.  llwyn;  écoss.  et 
irland.  liuiin. 

Magnan,  Maagnan,  Maignan,  Mai- 
GNiEN,etc.  anc.  chaudronnier.  Dans 
le  Jura,  on  appelle  encore  magninun 
chaudronnier  ambulant. 


CHAP.  II,  ÉLÉMENT 

Nns  mangnant,  ne  autres,  soit  dedenz  la 
vile,  soit  dehors,  ne  puet  nule  des  euvres 
apartenans  au  mestier  des  potiés  d'estain 
vendre  aval  la  vile,  ne  eu  son  ostel,  se 
l'œuvre  n'est  de  bon  aloiement  et  de  loial, 
et  se  il  le  feit,  ildoit  perdre  l'euvre.  {Livre 
des  Métiers,  p.  40.) 

A  tant  olreut  un  maingnien 
Qui  son  mestier  aloit  criant; 
Et  la  pucele  maintenant 
Vint  a  l'uis,  lo  meignien  apele 
Qui  portoit  une  viez  paele. 

(MÉOir,  Fabliaux  et  contt$,  I..I    plifTI .) 

—  Bret.  mahouner,  chaudronnier, 
<îelui  qui  fait  ou  qui  vend  des  usten- 
siles de  cuisine  en  cuivre  ou  en  airain; 
ce  mot,  ainsi  que  le  français  magnan, 
dérive  probablement  d'un  ancien  pri- 
mitif celtique  maha,  umaha,  signi- 
fiant cuivre,  airain,  qui  n'existe  plus 
en  breton,  mais  dont  on  retrouve  dep 
traces  dans  les  deux  idiomes  gaé- 
liques, Écoss.  h*  umha,  cuivre,  ai- 
rain; 2*  umhadan,  chaudronnier; 
iriand.  1°  umha;  2»  umhaire. 

Marne ^  autrefois  marie;  en  pro- 
vençal marra,  en  basse  latinité  mar- 
gila,  mar/a.  Du  celtique  marga^ioni 
se  servaient  avec  la  même  significa- 
tion les  habitants  des  Gaules  et  de 
la  Grande-Bretagne  :  «  Alia  est  ra- 
tio quam  Britannia  et  Gallia  invenere 
alendi  eam  (terram)  ipsa;  quodge- 
nus  vocant  margam.  Spissior  uber- 
tas  in  ea  intelligitur  ;  est  autem  qui- 
dam terrée  adeps,  ac  velut  glandia  in 
corporibus,  ibi  densante  se  pingui- 
tudinis  nucleo.  »  (Pline,  liv.  xvii, 
4.)  Dans  un  autre  passage^  le  même 
auteur  dit  en  parlant  des  Bretons  : 
*  Tertium  genus  lerrae  candidae  glis- 
cftromargfftm vocant.»  (Liv.  xvii,  8.) 

Cluverius ,  dans  sa  Germania  an- 
tiqm,  liv.  I,  ch.  vin,  remarque  que 


CELTIQUE.  SEGT.  IL       243 

dans  plusieurs  anciens  manuscrits 
de  Pline,  qu'il  a  vus  à  la  bibliothèque 
de  Londres,  au  lieu  de  marga,  il  y  a 
constamment  maria. 

—  Bret.  marg,  marne.  Ce  mot  a 
été  omis  dans  la  première  édition  du 
dictionnaire  de  Le  Gonidec ,  mais  il 
est  mentionné  dans  celle  qu'a  pu- 
bliée M.  de  la  Villemarqué  et  dans 
d'autres  dictionnaires  bretons.  Le 
P.  Rostrenen  donne  marg  et  mari. 
Écoss.  maria.  Gall.  mari.  Iriand. 
maria. 

Le  l  du  primitif  margila,  maria 
s'est  changé  en  n  dans  marne  comme 
dans  nivel,  niveau  de  libella  et  dans 
quenouille,  autrefois  conoille,  de  co- 
lucula  diminutif  de  colus,  employé 
en  basse  latinité.  (Voir  t.  II,  p.  111.) 
Matin,  gros  chien  de  garde  ;  au- 
trefois mastin. 

De  granz  perres  lance  âl  tnattin. 
Li  pastoreaus  le  chen  menace. 
Et  li  quens  ducement  renbra«e. 

{Chron.  dei'duci  de  Iform.  t.  U,  p.  455.) 

—  Bret.  mastin,  gros  chien  de 
garde,  mâtin;  iriand.  masdidh,  ma- 
dadh;  écoss.  madadh,  mada. 

Matras,  Materas,  Matrasse,  Ma- 
telas, anc.  gros  trait  d'arbalète;  en 
basse  latinité  matarus;  en  langue 
d'oc  matras,  materoun. 

S'ai  miseratles,  et  bons  materas  fexr  (Li 
Moinage  Renouart,  eité  par  M.  F.  Michel 
dans  son  glossaire  de  la  Chanson  de  Ro- 
land, art.  Museraz.) 

Le  suppliant  benda  une  «rbilestc...  et 
tira  une  materasse.  (Titre  de  1478,  cité 
dans  le  glossaire  de  Carpenlier,  «rt.  lf«- 
tarus.) 

(Voir  un  autre  exemple  de  ce  mot, 
ainsi  qu'une  remarque,  à  l'article 
Bouzon,  parmi  les  dérivés  germa- 
niques, ch,  III,  sect.  H.) 


m 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Borel  définit  ainsi  le  matras  : 
«  C'est  une  sorte  de  dard  ancien, 
ayant  grosse  teste,  qui  ne  perçoit 
pas,  mais  meurtrissoit,  fait  à  la 
façon  des  fioles  que  les  chimistes 
appelent  aussi  matras,  qui  ont  le 
fond  tout  rond  et  le  col  fort  long.  » 
{Dict.  du  vietix  français,  art.  Mor- 
iras.)  Le  P.  Daniel  en  donne  une 
description  toute  semblable  dans 
son  Histoire  de  la  milice  française, 
t.  I,  p.  441.) 

Matras  est  un  mot  d'origine  cel- 
tique. Strabon  dit  en  parlant  des 
armes  des  Gaulois  :  Kai  [j.aTepl;  uâX- 
Tou  xi  eT8o;.  César,  De  belîo  Gal- 
lico,  liv.  I  :  «  Nonnulli  {Galli)  in- 
tcr  caros  rotasque  mataras  ac  tra- 
gulas  subjiciebant,  nostrosque  vul- 
nerabant.  «  L'auteur  anonyme  de  la 
Rhétorique  destinée  à  Herennius, 
liv.  IV  :  «  Ut  si  quis  Macedonas  ap- 
pellarit  hoc  modo  :  non  tam  cito 
sarissae  Graecia  potitœ  sunt;  aut 
idem  Gallos  significans  dicat  :  nec 
tam  facile  ex  Italia  materis  transal- 
pina  depulsa  est.  » 

Avant  qu'on  fît  usage  de  l'arba- 
lète ,  on  lançait  des  matras  avec  la 
main;  c'étaient  alors  des  espèces  de 
piques  ou  de  javelots.  Matras  est 
probablement  de  la  même  famille 
que  le  gallois  m^thred,  celui  qui 
lance,  jaculator;  c'est  ainsi  que  le 
latin  jaculum  provient  de  jacere. 

Mègue,  Maigue,  anc.  petit-lait. 
(Voir  Trévoux,  Roquefort,  Bo- 
rel etc.) 

Empedoeles  disoit  jadis  que,  qoaind  on 
est  travaillé  de  qaelque  sorte  de  passion 
d'esprit,  le  sang  se  trouble,  et  que  de  la 
viennent  les  larmes,  comme  le  megue  du 
laiet.  (Maladie  d'amour,  p.  101;  citation 


empruntéeauglossalre  manuscrit  de  Safftte- 
Palaye,  art.  Megue.) 

—  Écoss.  meag,  mewgf^  petit-lait  ; 
irland.  m^iig,  meadhg;  gall.  maiz. 

Mine.  —  Écoss.  wem,  meinn, 
meun,  minerai,  veine  métallique, 
filon,  mine,  minière;  gall.  mvm, 
item;  irland.  mian,  mianach,  item; 
bret.  mengleuz,  meugle,  mine,  car- 
rière, lieu  d'où  l'on  extrait  des  mé- 
taux ou  des  pierres. 

MiSTE,  anc.  joli,  gentil,  bien  mis, 
propret. 

L'avois  tu  fait  tant  bon,  tant  beau,  tant 

miste. 
Pour  de  son  sang  taindre  les  dards  poinctus 
Des  Turcs  maudits... 

(Marol,  complainta  i.) 

—  Bret.  mistr,  gentil,  recherché 
dans  sa  mise,  propret,  Island.  maise, 
grâce,  gentillesse,  parure;  maiseach, 
joli,  gentil,  agréable,  élégant.  Écoss. 
maiseach,  item. 

Moquer,  Moquerie.  —  Gall. 
1°  moc,  moquerie,  raillerie;  2°  mo- 
dav),  se  moquer,  railler.  Éeoss. 
\°magad;  Tmagh.  Irland.  magadh, 
moquerie,  raillerie,  plaisanterie.  Ces 
mots  sont  provenus  de  la  môme 
source  primitive  que  le  grec  \i.(ay.^v, 
se  moquer  ;  mais  ils  n'en  dérivent 
pas,  non  plus  que  le  mot  français . 
Voyez  ce  que  j'ai  dit  au  sujet  du  fort 
petit  nombre  de  mots  que  la  langue 
grecque  a  fournis  à  notre  ancien  vo- 
cabulaire^ p.  3,  note  2,  et  p.  255- 
256. 

Morgue,  contenance  sérieuse  qui 
annonce  de  l'orgueil,  de  la  hauteur, 
de  la  fierté.^  Écoss.  1  °  moireas,  hau- 
teur, fierté,  orgueil,  morgue;  2"  mor, 
grand  magnanime,  magnifique,  ma- 
jestueux, noble,  primitif  de  maireas. 


CHAP.  ir,  ÉLÉMENT  CELTIQUE.  SECT.  IL      245 


Gall.  4°  mawrvalc;  2°  mawr.  Bret. 
meur,  grand,  majestueux,  magni- 
fique; meurded,  grandeur;  m&ardeZy 
majesté.  Irland.  ifmr,  grand,  etc.; 
moireis,  grandeur;  monighadh,  ma- 
gnificence; moraigeantachdjmagna.- 
nimité.  (Pour  le  g  épenthétique  de 
morgue,  voir  t.  II,  p.  142.) 

Mortaise.  —  Gall.  mortais,  mor- 
taise; irland.  mortis,moirtis,itein; 
écoss.  moirteis,  item. 

Motte,  butte,  éminence  isolée 
faite  de  main  d'homme  ou  par  la 
nature.  (Acad.)  En  langue  d'oc, 
monta.  Ces  mots  paraissent  plutôt 
dériver  d'un  primitif  celtique  que  du 
latin  mx)n&.  t-  Écoss.  mota,  mont, 
montagne;  irland.  mota,  item» 

MoucHET ,  Émouchet.  Trévx)ux 
donne  les  deux,  mais  l'Académie  ne 
donne  que  le  dernier.  Ces  mots  dé- 
signent un  oiseau  de  proie  assez 
semblable  à  l'épervier,  mais  plus  pe- 
tit. Nous  avons  dit  anciennement 
mousquetj  mouschet  ;  en  langue  d'oc 
m^squet;  en  italien  moscardo. 

....  L'aloe  (l'alouette) 

Fuit  le  mousket  et  l'eprevier... 

Et  tout  il  petit  oisillon 

Le  houbet  u  l'esmerillon 

Fuient.... 

(Ph.  Hoiuket,  Mit.  Raiffenbsre,  t.  I,  p.  384.) 

Adont  véissiez-vous  faucons 
Et  ostoirs  et  esmerillons, 
Et  moult  grant  planté  de  mouschés^ 
Voler  après  les  oiselés. 

\2(Floirt  et  Blanct/Ior,  ëdil.  de  H.  du  Méril,  p.  110.) 

—  Écoss.  musg,  muisg,  musgait, 
mouchet  ou  émouchet;  irland.  WMsg^ 
musgaid,  item;  bret.  moiichel,  item. 
(Le  Pelletier.) 

Mouton,  autrefois  multon,  mul- 
tun  j  en  basse  latinité  multo. 

Adonias  fist  un  grand  sacreiise  de  mul- 


luns  e  de  gras  veels.  {Livre  des  Rois,  p.  221 .) 
Immolatis  ergo  Adonias  arietibus  et  vi- 

iulis... 
L'um  sacriflout  un  buef  e  un  multun, 

(Ibid,  p.  141.) 
Jmmolabat  bovem  et  arietem. 

—  Écoss.  mult,  mouton;  gall; 
mollt;  irland.  molt;  bret.  maout. 
On  trouve  molt  pour  mouton  dans  le 
Dictionnaire  cornouaillais  du  xu*  siè- 
cle, publié  par  Pryce,  dans  son  Ar- 
chœologia  Cornu  -  Britannica. 

Les  Gallo-Romains,  ayant  à  lati- 
niser mult,  en  firent  multo,  nis,  dont 
l'accusatif  multonem  a  formé  mul- 
ton,  mouton.  (Voir,  à  cet  égard,  1. 1, 
p.  45,  note  1,  et  t.  III,  p.  42  et  15.) 

NoE,  Noue,  petit  cours  d'eau,  p&- 
tit  canal,  ruisseau,  source.  Ces  mots 
sont  encore  usités  en  Normandie; 
dans  l'arrondissement  de  Vire,  on 
appelle  la  source  de  la  Sienne,  noe 
de  Sienne.  (Voir  du  Méril,  Diction- 
naire du  patois  normand.)  On  dit 
une  prairie  de  noe,  de  nom,  ou^  par 
abréviation,  une  noe,  noue  pour  une 
prairie  traversée  par  un  ou  plusieurs 
petits  cours  d'eau  qui  lui  communi- 
quent de  l'humidité.  On  disait  eUv 
basse  latinité  noda,  nqta,  noa,  noia, 
aveo  la  même  signification.  (Voyez 
le  glossaire  de  du Cange.)  C'est  ainsi 
que  l'allemand  bruch  désigne  un 
terrain  inondé,  un  marécage,  tandis 
que  son  primitif  tudesque  bruoh, 
brôca,  signifiait  un  petit  cours  d'eau, 
un  ruisseau. 

L'Académie,  dans  la  dernière  édi- 
tion de  son  dictionnaire,  donne  en- 
core noîie  qu'elle  définit,  terre  grasse 
et  humide ,  qui  est  ,une  espèce  de 
pré  servant  à  la  pâture  des  bestiaux. 
Elle  remarque  que  ce  mot  signifie, 
en  outre,  une  tuile  creuso  destinée  à 


246 


PREMIÈRE  PARTIE. 


l'écoulement  des  eaux.  La  Noe,  la 
Noue,  sont  des  noms  propres  de  lo- 
calités devenus  des  noms  propres 
d'homme. 

Vnenoe  contenant  journée  a  deux  bommes 
faucheurs  de  pré;  laquelle  noe  est  joignant 
à  la  rivière  d'Arve.  (Testament  de  1382  cité 
par  Ménage,  Preuve»  deThistoire  de  Sablé, 
p.  .sgo.) 

Une  noe  eontenant  vi)'*  percbes,  Iiqnele 
sied  au-dessus  de  la  Planche  Morin.  (Trésor 
des  Chartes,  Alençok,  n*  28,  carton  J. 
226,  citation  de  M.  DeVisle,  Eludes  sur  l'état 
de  l'agriculture  en  Normandie  au  moyen 
âge,  p.  278,  note.) 

—  Bret.  naoz,  petit  cours  d'eau, 
ruisseau,  canal;  gall.  nant,  item. 

Orgueil.  (Voir  Rogue.) 

Pairol,  anc.  chaudron;  Pairole, 
chaudière.  En  basse  latinité  parola, 
pairola. 

D'une  charge  de  pairols  et  pairoles. 
(Traduction  française  d'un  inventaire  de 
1218  écrit  en  latin;  citation  tirée  du 
glossaire  de  Carpentior,  art.  Pairola.) 

—  Bret.  per,  bassin  de  cuivre, 
chaudron,  chaudière;  gall.  pair, 
item. 

Palet.  Ce  mot  a  la  forme  d'un 
diminutif.  —  Bret.  pal,  pierre  plate 
et  ronde  qui  sert  à  jouer,  palet  ; 
gall.  pâl,  corps  plat  en  général. 

Pan,  anc.  contrée,  canton ,  pro- 
vince. 

Se  Mahnmet  me  voelt  esîre  guarant, 

De  tute  Espaigne  aquiterai  les  pans 

Dès  porz  d'Espaigne  entresqu'à  Durestant, 

iCiums.  U  Roland,  tt,  Lxrii.) 

Le  grant  orgoill  se  ja  puez  malir, 
Je  vos  durrai  un  pan  de  mun  païs. 
Dès    Cherianl   entrcsqu'en    Val-Marchis. 

(t/iid-  «t.  ecxxxi.) 

—  Bret.pan,  canton,  contrée,  pays; 
éeoss.  et  irland.  fonn,  terre,  pays. 


Pautre,  anc.  gros  garçon,  pay- 
san, lourdaud,  nigaud.  Voir  ce  mot 
dans  le  Dictionnaire  du  Jargon  (Pa- 
ris, 1 680,  in-l  2),  et  dans  les  Etudes 
de  philologie  comparée  sur  l'argot, 
de  M.  Francisque  Michel,  p.  308, 
col.  2.  De  pautre  on  fit  pautraille, 
populace,  lie  du  peuple,  canaille, 
comme  de  prêtre  on  a  [dMprètr aille. 
(Voyez  pautraille  dans  le  dictioa- 
naire  de  Cotgrave.) 

Vousestes,  fais-je,  du  lignage 

D'icy  entour  plus  à  louer. 

—  Mais  je  puisse  Dieu  avouer 
S'il  n'est  attrait  d'une  peautraille, 
La  plus  rebelle  villenaille 

Qui  soit,  ce  croy-je,  en  ce  royaane. 

(ba  Furte  lU  Paihelin,  ^dit.  de  1763,  f.  W.) 

Ouvrez  cesie  porte,  peautraille. 

{Mitlen  d»  la  ruurrtciiim  d»  tf.  S.  JesMcriH, 
Piirii,  Aatolne  Veiard,  in-fol,  fcuiUet  l,  recto, 
col.  10 

Plus  me  deplaist  celle  hnhe  peaultraille.... 
Que  ne  faict  pas  le  taillon  ne  la  taille. 

[OEtvretJaJean  Muret,  édit.  de  Coudiilier,  p.  SiT.) 

—  Bret.  paotr,  garçon  ;  irland.  et 
écoss.  poth,  item. 

Pavois,  Pavais,  Pavesche,  etc. ,. 
anc.  sorte  de  grand  bouclier;  en 
ital.  palvese,  pavese. 

Si  vint  le  dessus  dit  messire  Roger  à 
soixante  lances  et  à  cent  pavois,  et  le 
senechal  de  Rouergue  à  autant,  et  messire 
Hugues  de  Froideviile  autant  ou  plus;  sise 
trouvèrent  bien  ces  gcni  d'armes,  qnand  ils 
furent  tous  assemblés,  environ  quatre  cents 
lances  et  bien  mille  portant  pavois  que 
gros  varlets.  (Froissart,  liv.  III,  ch.  xxin, 
t.  II,  p.  440,  col.  1.) 

Lors  chascun,  armé  de  ce  qu'il  devoit 
prent  sa  pavesche  en  sa  main  senestre. 
(Roman  du  Petit  Jehan  de  Saintré,  cité  par 
Roquefort,  art.  Pavait.) 

—  Gall.  parvaes,  bouclier.  Ce 
mot  signifie  proprement  ce  qui  sert 
à  parer,  à  préserver,  à  garantir 


CHAP.  II,  ÉLÉMENT  CELTIQUE.  SECT.  IL        247 

On  trouve  peu,  tète,  sommité,  dans 
le  Dictionnaire  cornouaillais  du 
xu®  siècle,  publié  par  M.  Zeuss. 

Apenninus,  Apennin,  paraît  avoir 
été  formé  du  même  primitif  auquel 
on  a  joint  l'article  an,  ar  ou  a/,  et 
le  suffixe  latin  inus. 

Pic,  Pioche.  —  Bret.  pik,  pic, 
pigel,  pic,  pioche,  houe;  écoss.  pic; 
irland.  piocoid  ;  gall.  pigwr,  dérivé 
àe  pig,  pointe,  bec,  crochet. 

Picotin.  Le  suffixe  ot  et  le  suf- 
fixe m,  qui  forment  des  diminutifs, 
paraissent  être  entrés  l'un  et  l'autre 
dans  la  composition  de  ce  mot. 
(Voyez  t.  II,  p.  393  et  407.) 

—  Gall.  pêg,  mesure  de  capacité 
contenant  huit  boisseaux;  écoss.  et 
irland.  peic,  mesure  équivalant  au 
quart  du  boisseau,  picotin. 

Pièce.  En  basse  latinité,  pessa, 
pessia,peciajpetia,  petium;  en  pro- 
vençal, pessa.  —  Écoss.  pios^piosa, 
fragment,  morceau,  pièce;  irland. 
piosa;  gall.  peth;  \iXQi.pez,pec'h. 

Pinson.  L'académie  écrit  ainsi  ce 
nom  d'oiseau;  mais  plusieurs  lexico- 
graphes écrivent  pwçon  ;  ce  qui  est 
plus  conforme  à  l'étymologie  :  en 
basse  latinité,  pincio;.  en  italien, 
pimione.  —  Gall.  pim  signifiant  à 
la  fois  gai,  joyeux  et  pinson.  Cette 
double  signification  du  mot  est 
d'accord,  on  ne  peut  mieux  avec 
notre  expression  proverbiale  gai 
comme  pinson.  ^vç,X.pint,  pinson. 

Plâtre.  Caseneuve  et  plusieurs 
autres  étymologistes ,  ne  sachant 
quelle  origine  donner  à  ce  mot,  l'ont 
dérivé,  en  désespoir  de  cause,  du 
mot  grec  niâcroeiv,  former,  façon- 
ner, attendu,  disent-ils,  que  «  le 
plâtre  sert  à  faire  des  moulages.  >i 


est  dérivé  de  parv,  ce  qui  est  entre 
deux,  ce  qui  s'interpose.  ^xeX.  pavez, 
grand  bouclier,  pavois. 

Peautre,  Piautre,  anc.  étain. 
Villon  dit  en  parlant  de  sa  maîtresse  ; 

Abusé  m'a,  et  faicl  entendre, 
Tousjours  d'ung  que  c'estoit  ung  autre  ; 
De  farine,  que  c'estoit  cendre  ; 
D'un  mortier,  un  chapeau  de  feautre  ; 
De  viel  mâchefer,  que  fust  peautre. 

(Villon,  Grand  Teitameat.) 

Nuls  ne  doit  faire  courroies  d'estain, 
t'est  assavoir  cloer  ne  ferrer  ne  de  plonc 
ne  ie  piautre  ne  de  coquilles  de  poisson  ne 
de  bois,  a  Paris  ne  ailleurs.  (Livre  des 
métiers,  p.  238,  notel.) 

—  Écoss.  peodar,  étain;  irland. 
peodar;  gall.  ffeutur.  Ce  dernier  mot 
n'est  point  dans  Owen;  mais  il  se 
trouve  dans  Richard's  english-welsh 
Dictionary. 

Penne,  anc.  partie  supérieure, 
cîme,  sommité,  sommet,  hauteur, 
éminence,  colline;  en  basse  latinité 
pena,  penna  ;  en  italien,  penna.  De 
penne  on  fit  le  diminutif  pennette, 
qui  signifiait  une  petite  colline. 

Si  a  un  ruiste  colp  féru 

En  le  penne  de  son  escu. 

Si  qu'il  en  trence  et  fer  et  quir. 

(Parunoptui  d*  Bloii,  T.  31t3.) 

Une  pesquerie  a  tous  haruas  qu'il 
avoient  heritablement  en  l'eaue  qu'on  dit 
de  Bousencourt,  depuis  le  penne  du  Cheri- 
sier  jusqu'à  la  cauchie  de  Sailly-Leaurech. 
(Charte  de  1332,  citée  dans  le  glossaire  de 
Carpentier,  art.  Penna  i.) 

Affin  qne  l'eaue  qui  passe  a  la  ditle^^en- 
nette  puisse  deschendre  en  la  ville.  (Charte 
de  1511,  citée  il/id.) 

—  Bret.  pcnn,  tête,  sommité, 
extrémité.  Gall.  pen,  item;  ban, 
éminence,  montagne.  Irland.  beau, 
item;  écoss.   beinne,  beann,  item. 


248  PREMIÈUE  PARTIE. 

Le  fait  est  vrai^  mais  ce  n'est  point 
là  son  usage  le  plus  commun  ni  le 
plus  ancien,  celui  qui,  par  consé- 
quent, a  pu  lui  donner  son  nom.  En 
outre,  piastre  se  trouve  fort  ancien- 
nement dans  notre  langue  ;  il  paraît 
appartenir  à  ce  vocabulaire  primitif 
qui  a  fort  peu  emprunté  de  mots 
usuels  à  la  langue  grecque.  (Voir 
p.  255-256  et  la  note  2  de  la  p.  3.) 
Se  uns  plantriers  envoioit  piastre  pour 

mètre  en  œuvre  chies  ancun  hom,  li  maçon 
qui  œuvre  a  celui  a  cui  en  envoil  le  piastre 
doit  prendre  garde  par  son  serement  que 

la  mesure  dcl  piastre  soit  bone  et  lolax  ; 

et  se  il  en  est  en  soupeçon  de  la  mesure, 

11  doit  le  piastre  mesurer,  ou  faire  mesu- 
rer devant  lui.  {Livre  des  métiers,  p.  109.) 
Enfin  il  est  à  remarquer  que  ce 

mot  se  retrouve  dans  tous  les  dia- 
lectes néo-celtiques,  ainsi  que  dans 

les  deux  langues  auxquelles  le  cel- 
tique a  fourni  le  plus  de  mots,  le 

français  et  l'anglais;  ce  dernier  a 

pîaister,  plaster;   tandis    que  les 

langues  néo-latines  méridionales, 

qui  ont  emprunté  beaucoup  moins 

de  mots  au  celtique,  ont  toutes  des 

dérivés  de  grjpsum  pour  désigner  le 

plâtre.  Prov.  gip,  ital.  gesso,  esp. 

yeso^  port,  gesso. 
—  Gall.  plastyr,  plâtre,   dérivé 

de  plast,  enduit;   écoss.  plasdair, 

plâtre;   irland.  plasda,  plasdach, 

item  ;  bret.  plastr,  item.  Ce  mot  a 

été  omis  à  tort  dans  la  première 

édition  du  Dictionnaire  de  Le  Go- 

nidec;  mais  il  se  trouve  dans  celle 

qu'a  publiée  M.  de  la  Villemarqué, 

ainsi  que  dans  Le  Pelletier,  dans 

Troude  et  dans  Rostrenen.  Les  Bre- 
tons n'ont  d'ailleurs  pas  d'autre  mot 

pour  signifier  plâtre,  car  pri-ras, 

(font  la  signification  est  la  plus  rap- 


prochée, ne  désigne  qu'un  mélange 
de  sable  et  de  chaux,  ce  que  nous 
appelons  du  mortier. 

Plonger,  enfoncer  quelque  chose 
dans  un  liquide.  —  Gall.  plwng, 
action  de  plonger  quelque  chose, 
immersion;  ivla.nd.  pluinnseach,  item 
(O'Brien)  ;  bret.  plunia^  pluia,  plon- 
ger; écoss.  pluinnse,  action  de  plon- 
ger, immersion;  pluinns,  plonger. 
Armstrong  a  oublié  ce  verbe  dans 
son  Dictionnaire  anglais-gaélique; 
mais  on  le  trouve  dans  son  Diction- 
naire gaélique-anglais. 

Rabâcher,  Rabâchage.  On  disait, 
au  xiii*  siècle,  rabâche  pour  répéti- 
tion, redite,  rabâchage. 

Car  il  est  de  veillier  trop  las, 
Et  demain  le  ramenras  chi 
Quant  UD  peu  il  ara  dormi  ; 
Aussi  ne  fait-il  fors  rabâches. 

(Théâtre  frunf ail  au  moyen  âge,  p.  73.) 

r—  Écoss.  rabhanach,  celui  qui  ré- 
pète sans  cesse  les  mêmes  choses, 
rabâcheur  ;  rabhanachd,  répétition 
ennuyeuse  des  mêmes  avis,  des  mê-. 
mes  paroles,  rabâchage  ;  dérivés  de 
rabfMcharij  avis,  avertissement,  cen- 
sure^ réprimande,  rabâchage.  Irland. 
rabhan,  avertissement,  réprimande, 
rabâchage.  Gall.  rhab,  reproche,  ré- 
primande; rhabu,  réprimander,  re- 
procher. Bret.  rebech,  reproche  ;  re- 
bechttj  reprocher. 

Rabardel,  anc.  Sorte  de  chant 
composé  de  plusieurs  couplets  à  la 
fin  desquels  on  chantait  en  chœur  le 
même  refrain.  Ce  chant  servait  d'ac- 
compagnement à  une  sorte  de  danse; 
rabardel  s'employait  pour  signifier 
cette  danse  elle-même. 


Quant  les  tables  ostées  furent, 
Cil  jongleor  en  pics  esturent  ; 


CHAP.  II,  ÉLÉMENT 

S'ont  vieles  et  harpes  prises  ; 
Chançons,  lais,  sons,  vers  et  reprises , 
El  de  geste  chanté  nous  ont. 
Li  chevalier  Antéchrist  font 
Le  rabardel,  par  grant  déduit. 

(Tounoitmnt  dt  fAniechriu ,  édit.  de  Roi»». 
1851  p.  15.) 

•Après  le  vin  s'entr'acointerenl 
Li  uns  a  l'autre,  et  encerchierent 
Qui  seit  faire  le  beguinaige, 
L'ermite,  le  pèlerin aige, 
Le  provencel,  le  rabardel^ 
Berenglier  ot  le  chapel, 
Ou  aucuns  gieus  pour  esgaier. 

(£e<  tounoii  de  Chauvenci,  ▼.  U3|.] 

Rabardel  est  coïnposé  du  mol 
barde  et  des  préfixes  latins  re  et  ad, 
servant  à  marquer  la  réitération,  idée 
qui  se  rapportait  à  la  répétition  du 
refrain  revenant  après  chaque  cou- 
plet. On  sait  que,  chez  les  Celtes,  les 
bardes  étaient  des  poëtes  qui  chan- 
taient leurs  propres  vers, 

El(TÎ  5à  ïtap'  aÙTOtç  (KéXTot;)  xal 
TtoiTjxai  |;.E>,wv  oO;  pâpSou;  ôvojjLaîouo-.v 
o5toi  8è  \ifc'  ôpY(xvù)v  -rat;  Xijpaiç  ôjiot'wv 
oO;  i«.èv  û[Jivoy(Ttv,  où;  8è  pXa<i?r,iioû(ri. 
(Diodore  de  Sicile,  liv.  V,  ch.  xxxi), 
BocpSot  (iàv  û(i.vriTal  xai  îtotriTaî.  (Stra- 
bon,  liv,  IV.) 

Bardi  quidem  fortia  virorum  illustrium 
facta  heroicis  romposita  versibus  cumdul- 
cibus  lyrse  modulis  cantitarunt.  (Âmmien 
Marcellin,  liv.  XV,  ch.  ix.) 

Bardus  gallice  cantor  appellatur  qui  vi- 
rorum fortium  laudes  canit.  (Festus,  art. 
Bardus.) 

— Écoss.  bard,  poëte  ;  irland.  bard, 
item;  gall.  bar z,  item;  bret.  barz, 
bars,  poëte,  chanteur,  joueur  d'ins- 
trument, ménestrel,  celui  qui  fait 
métier  de  chanter  publiquement  et 
de  déclamer  des  vers.  On  trouve 
harth  signifiant  jongleur  dans    le 


CELTIQUE.  SECT.  H.      249 

dictionnaire  cornouailles  du  xii"  siè- 
cle, publié  par  M.  Zeuss. 

Rache,  anc.  gale^  teigne  ;  encore 
usité  en  Franche-Comté.  D'où  ra- 
dieux, radions,  rachat,  galeux,  tei- 
gneux. 

PoRRiGo,  teigne  ;  rache,  roigne.  (Ancien 
glossaire  latin-français  cité  par  du  Gange, 
att.  Porriyium.) 

Et  por  ce  qu'il  le  tiengne  en  pais, 
Li  raOïous  consent  le  pugnais  (punais). 
Et  li  pugnais  bien  lo  rachat. 
Certes  trop  i  a  de  barat  : 
Li  rachai,  le  punais  molt  bien, 
Ne  se  desconfortent  de  rien. 
Pour  ce  que  l'uns  et  l'autre  put. 

Bible  Guiot,  T.  2604,  citée  dai»  le    g'o»»'»'''»  <*• 
Roquefort,  art.  Rachout.) 

—  Bret.  1°  rach,  teigne,  gale; 
2°  rac'ha,  ôter  la  peau,  peler,  écor- 
cher.  Écoss.  1"  sgrath;  2°  sgrath. 
Irland.  sgreab,  gale,  teigne.  Gall. 
crac  (Owcn),  crach,  (Davies),  item. 
Le  ç  dans  Ow^en  et  le  ch  dans  Da- 
vies représentent  également  une 
gutturale  très  forte  semblable  au  j 
des  Espagnols  et  au  ch  des  Alle- 
mands. 

Raie,  Rigole.  On  disait  autre- 
fois règs  pour  sillon,  raie,  ligne. 
(Voir  le  glossaire  de  Roquefort.) 
Mie  signifie  encore  aujourd'hui  l'ou- 
verture longitudinale  que  l'on  fait 
sur  la  terre  en  labourant;  l'Acadé- 
mie donne  pour  exemple  :  «  Dans  ce 
pays,  les  laboureurs  font  les  raies 
fort  creuses.  »  En  basse  latinité, 
1»  riga,  sillon,  raie,  ligne;  2°  rigo- 
la, rigole.  En  provençal,  4°  rega; 
T  rigola.  En  italien,  riga,  raie, 
ligne  ;  rigagno,  rigole.  En  espagnol, 
regata,  reguara,  rigole. 

—  Gall.  rhig,  raie  creuse  rai- 
nure; r/MiCO^  sillon,  tranchée,  rigole, 


250 


PREMIÈRE  PARTIE. 


iosséj  rhiglif  faire  des  raies,  creu- 
ser des  sillons,  des  tranches^  des 
fossés,  des  rigoles.  Bret. regfo^  creu- 
ser des  sillons,  faire  des  rigoles. 

Rang.  —  Bret.  renk,  reiz,  suite, 
série, file,  rang,  rangée;  gall.r/iewg, 
rhenc  ;  écoss.  ranc,  rang;  irlandais, 
ranc. 

Ratin  ou  Ratis,  vieux  mot  qui 
signifiait  de  la  fougère,  filix.  (Tré- 
voux.) Ratin,  ratis,  sont  d'origine, 
celtique,  ainsi  que  le  prouve  le  pas- 
sage suivant  de  Marcellus  Empiri- 
cus  : 

Herb»  pteridis  (id  est  fliiealsa,  quœ  ratis 
gallice  diciiur,  quseque  in  fago  ssepe  nasci» 
tur),  radiées  tunsae  in  potione  jejuno  dan- 
tur  cum  vino  coxarum  doloribus  laborauti. 
(Marcellus  Empiricus,  dans  Medici  principes 
do  U.  Estienne,  cb-  xxv,  354,  D.) 

—  Bret.  raden,  fougère;  gall. 
rhedyn;  irland.ratf/»ne^  raithneach; 
écoss.  raineajch.  On  trouve  reden 
avec  la  même  signification  dans  le 
dictionnaire  cornouailles  du  xii®  siè- 
cle, publié  par  M.  Zeuss. 

Rigole.  (Voir  Raie.) 

Roc,  Roche.  —  Bret.  toc'h,  roc, 
roche,  rocher  ;  écoss.  roc,  irland. 
roc,  rocas,  roais. 

RoGUE,  Arrogant,  Orgueil.  Ces 
trois  mots  ont  la  même  origine.  Le 
second  est  composé  au  moyen  de  la 
préposition  latine  ad  ;  dans  le  troi- 
sième il  y  a  eu  transposition  du  r, 
comme  dans  pour  de  pro,  troubler 
de  turbulare,  etc.  On  dit  en  italien 
rigoglio  pour  orgueil. 

—  Bret.  rok,  rog,  fier,  rogue,  ar- 
rogant. Écoss.  \°  rvucas,  fierté,  or- 
gueil, arrogance;  2°  rmasach,  fier, 
arrogant.  Irland.  1"  rucas,  rocas; 
2°  rucasach. 


RoTTE,  Rote,  anc.  sorte  d'instru 
ment  de  musique  à  cordes  fort  sem- 
blable à  celui  que  nous  appelona 
aujourd'hui  vielle. 

De  tos  estruments  sot  mestrie. 
Et  de  diverse  canterie  ; 
Et  moult  sot  de  lais  et  de  note  ; 
De  viele  (violon)  sot  et  de  rote, 
De  lire  et  de  saterion  , 
De  barpe  sot  et  de  choron, 
De  gigbe  sot,  de  simpbonie, 
Si  savoit  asses  d'armonie. 

{Rom,  de  Brut,  t.  1,  p.  119.) 

Tôt  adès  li  faites  olr 
Harpes,  et  violes,  et  rôles. 
Sonnez  et  lais,  cbauçons  et  notes. 

{Doloptithot,  ëdil.  Janoet,  p.  135.) 

L&rotte  n'était  autre  que  la  c/trof- 
ta  mentionnée  par  Fortunat  comme 
un  instrument  particulier  aux  Bre- 
tons. 
Romanusque  lyra  plaudat  tibi ,  barbarus. 

harpa, 
Gracus  acbitUaea,  chrotta  britanna  canat,. 

(Fortaaat.liT.VII,  8.) 

Écoss.  cruit,  espèce  d'ancien  ins- 
trument de  musique  à  six  cordes  ; 
plus  tard,  ce  mot  a  servi  à  désigner 
toutes  sortes  d'instruments  à  cordes, 
tels  que  la  lyre,  la  harpe,  la  vielle, 
le  violon;  irland.  cruit,  item;  gall. 
crwth,  item,  dérivé  de  crw,  rond, 
arrondi  ;  bret.  hrenn,  rond. 

Route.  —  Écoss.  rod,  trace,  sen- 
tier tracé,  chemin;  bret.  rouden, 
trace  ligne  tracée  ;  irland.  rodh,  rot, 
chemin  en  général,  route;  gall.  rhew, 
chemin  pavé,  route,  rue. 

Il  est  à  remarquer  que  la  langue 
des  Gaulois  nous  a  également  four- 
ni. Ziewe,  mesure  itinéraire. 

Nous  ne  connaissons  pas  précisé- 
la  forme  qu'avait  le  primitif  celtique 
d'où  provient  le  mot  route,  mais  ce 


CHAP.  II,  ÉLÉMENT  CELTIQUE.  SECT.  IL      2&I 


n'est  point  une  raison  pour  dériver 
ce  mot  du  latin  ruptus,  rupta,  ainsi 
que  l'ont  fait  plusieurs  auteurs.  On 
a  également  eu  tort  de  le  rapprocher 
du  substantif  pluriel  brisées.  Celui- 
ci  est  un  terme  de  chasse  que  l'on 
doit  à  une  pratique  toute  particulière 
employée  par  les  veneurs.  (Voyez  à 
cet  égard  le  tome  ii,  p.  492.) 

Ruche.  Dans  notre  ancienne  langue 
rusque,  et  en  basse  latinité  rusca, 
signifiaient  à  la  fois  écorce  d'arbre 
et  ruche.  (Voir  les  glossaires  de  du 
Cange  et  de  Roquefort.) 

En  espagnol  corcho  est  l'écorce  du 
liège,  et  carcha  une  ruche.  Dans 
plusieurs  contrées  de  TEurope,  les 
ruches  sont  faites  d'un  seul  ou  plu- 
sieurs morceaux  d'écorce.  Cet  usage 
est  fort  ancien,  et  il  était  pratiqué 
par  les  Romains,  ainsi  que  nous 
l'apprend  Virgile  : 

tpsa  autem,  seu  cortiàbus  tibi  sata  ca- 
valis , 
Seu  lento  fuerint  alvearia  vimine  lexa, 
Angàstos  habeaut  aditus. 

(Céorg.  li».  IV.) 

En  Languedoc,  la  ruche  d'écorce 
se  nomme  rusque,  ainsi  que  le  té- 
moigne Borel  dans  ses  Antiquités 
gauloises,  p.  545  en  Provence  et  en 
Dauphiné,  on  l'appelle  brusc,  brus. 
En  provençal  desruskar  signifie  en- 
lever l'écorce  d'un  arbre. 

— Bret.  rusken  signifiant  à  la  fois 
écorce  et  ruche;  écoss.  rusg,  écorce; 
gall.  rhisg,  item  j  irland.  rusg,  item. 
On  trouve  ruse,  pour  écorce,  dans 
le  dictionnaire  cornouaillais  du  xii* 
siècle  publié  par  Pryce  et  par  M. 
Zeuss. 

Rue,  Reue,  signifiaient  autrefois 
rue  et  route,  chemin,  comme  le 
ktin  via  et  l'allemand  strasse. 


Et  c'il  aveneit  que  aucuns  hom  ou  aucune 
feme  faisct  faire  aucun  envaiil  sur  son  mur, 
et  celuy  envaut  entret  el  chemin  plus  don. 
tiers  de  la  rue ,  la  raison  juge  qu'il  fait 
tort,  au  seignor  de  la  terre  de  prendre  son 
chemin  ;  et  si  deit  estre,  pour  celui  tort , 
abatu  tout  celuy  envant,  si  que  mais  n'i 
deit  riens  aver  hors  de  son  mur.  Et  ce  est 
raison,  car  puis  que  H  rois  ou  le  seignour 
li  soeffre  à  aver  sur  son  chemin  le  tiers  de 
la  rue,  et  celuy  ne  se  tient  por  paie,  aius 
fait  tort  au  roi  et  li  prent  son  chemin,  si 
det  tout  perdre.  {Assises  de  Jérusalem^ 
t.  Il,  p.  197.) 

L'officier  chargé  de  la  police  de» 
chemins^  que  nous  nommons  au- 
jourd'hui voyer,  s'appelait  ancienne- 
ment ruyer,  royer,  roier,  dans  plu- 
sieurs endroits  de  la  Belgique  et  du 
nord  de  la  France.  Il  est  désigné 
sous  le  nom  de  wardireue  (garde- 
rue  )  dans  les  Lois  de  Guillaume  le 
Conquérant.  (Voir  ci-dessus,  p.  115 
et  197.) 

De  strewarde.  —  De  chascon  des  hides 
del  hundred  un  home  de  denz  la  fesle  scint 
Michiel  et  le  seint  Martin.  E  li  wardireue 
si  avrard  xxx  bides  quites  pur  sou  travail. 
(L.  de  Gain.  §  xnu.) 

On  trouve  en  basse  latinité  ruata, 
rua,  et  en  langue  d'oc  ruda  signi- 
fiant rue.  Celui-ci  n'est  qu'une  syn- 
cope de  route  ;  il  a  été  formé  comme 
son  homonyme  rue^  plante,  dérivé  de 
ruta,  comme  roue  fait  de  rota,  etc. 
(Pour  l'origine  route,  voir  ce  mot 
un  peu  plus  haut.) 

Saie,  espèce  d'ancienne  casaque  à 
l'usage  des  gens  de  guerre  ;  plus  tard 
on  appela  saie  une  sorte  de  pour- 
point à  longues  basques.  (Voir  Tré- 
voux.) De  saie  on  forma  les  diminu- 
tifs sayon  et  sayette . 
Bref  le  villain  ne  s'en  voulut  aller 
Pour  si  petit,  mais  encore  il  me  happe 


253 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Saye  et  honnet,  chausses,  pourpoinct  et 
cappe  ; 
De  mes  habits  en  effect  il  pilla 
Tous  les  plus  beaux  ;  et  pois  s'en  habilla 
Si  justement,  qu'à  le  veoir  ainsi  estre, 
Vous  l'eussiez  prins,  en  plain  Jour,  pour 
son  maistre. 

(Marat,  EpiilTt  au  ny,  pour  atoir  e$li  diroU.) 

Bien  que  le  sagumini  le  vêtement 
ordinaire  des  soldats  romains,  il  pa- 
raît qu'ils  en  avaient  emprunté  l'u- 
sage et  le  nom  aux  Gaulois,  proba- 
blement à  l'époque  des  premières 
guerres  qu'ils  eurent  à  soutenir  con- 
tre eux.  Pline  et  Diodore  de  Sicile 
nous  apprennent  que  c'était  un  vête- 
ment propre  aux  Gaulois.  Varron  et 
Isidore  de  Séville  témoignent  for- 
mellement que  le  mot  était  celti- 
que :  «  In  his  (verbis)  multa  pere- 
grina,  ut  sagum,  rem,  gallica.  » 
(Varron,  De  linguâ  latinà,  liv.  iv.) 
«  Sagum,  gallicum  nomen  est;  dic- 
tum  autem  sagum  quadrum,  eo 
quod  apud  eos  primum  quadratum, 
vel  quadruplex  erat.  »  (Isidore,  Ori- 
gines, liv.  XIX,  ch.  XXIV.) 

—  En  bret.  sae  signifie  un  habit 
long,  une  casaque,  une  robe;  anc. 
island.  sai,  item.  (Zeuss,  Gramma- 
tica  celtica,  t.  I,  p.  37.)  En  écoss. 
sge,  sgath,  sgiath,  se  dit  de  tout  ce 
qui  sert  à  couvrir. 

Sale.  —  Écoss.  salach,  malpro- 
pre, souillé,  sale;  de  sal,  ordure, 
boue;  gall.  salw,  malpropre,  sale; 
irland.  salach,  item. 

Samole,  plante  dont  la  fleur  est  en 
rosette,  d'une  seule  pièce  et  divisée 
en  plusieurs  segments.  (  Trévoux.  ) 
Pline  nous  apprend  que  les  Gaulois 
appelaient  cette  herbe  samolum  ;  ils 
s'en  servaient  contre  les  maladies 
des  ports  et  des  bœufs,  et  la  faisaient 


cueillir  de  la  main  gauche  par  de*, 
gens  qui  devaient  être  à  jeun.  Celui 
qui  la  cueillait  ue  devait  pas  la  re- 
garder. Voici  le  texte  du  passage  de. 
Pline  dont  il  est  question  : 

lidem  (druid»  Gallorum)  samolum  her- 
bam  nominavere  nascentem  in  humidis  ; 
et  banc  sinistra  manu  legi  a  jejunis  contra 
morbos  suum  boumque  ;  nec  respicere  le- 
gentem.  (Pline,  liv.  XXIV,  ch.  n.) 

Soc;  en  basse  latinité  soccus.  — 
Bret.  souc'h^  soc'h,  soc;  gall.  swç; 
écoss.  soc;  irland.  soc.  On  trouve 
soch,  signifiant  soc,  dans  le  diction- 
naire cornouaillais  du  xii«  siècle, 
publié  par  Pryce  et  par  M.  Zeuss. 

Solive,  pièce  de  charpente  qui 
porte  le  plancher.  —  Bret.  sol,  so- 
live, poutre;  écoss.  sait;  irland. 
sait. 

SoRNER,  anc.  railler,  se  moquer, 
badiner,  plaisanter,  dire  des  plai- 
santeries, des  bouffonneries,  des  ba- 
livernes; d'où  le  substantif  ^omerte, 
qui  nous  est  resté. 

En  la  rue  de  la  Licorne, 
L'un  me  hue,  l'autre  me  sorne. 

(,l*i  ruei  de  Paris,  A  la  iDiig  da  Parii  lout  Phi- 
lippe le  Bel,  p.  57).] 

Dites,  je  vous  pry,  sans  sorner. 
Par  amour,  faites-moi  venir 
Maistre  Pierre. 

{la  Farce  de  maislre    Pierre  Patheti» ,  iàit.  et 
1763,  p.  48.) 

On  rit,  on  raille,  on  sorne,  on  dit.... 

(le  Biaton  det  armet  et  des  Dames,  parmi  le»  poi!- 
•ieide  CoquiUart,  édil.de  Coutlelier,  p.  134.) 

Sorner....  c'estet  c«  que  vous  ae  pouvez 
exprimer  qu'en  trois,  dire  une  sornette,  ou 
dire  des  sornettes.  (Henri  Estienne,  DiO' 
logues  du  nouveau  langage  français  italio' 
nizé,  p.  135.) 

—  Écoss.  sorchain,  raillerie,  cri- 
tique, satire;  irland.  sorchainead , 
item. 

Le  n  qui  est  dans  sorner  ne  se 


CHAP.  II,  ÉLÉMENT  CELTIQUE.  SECT.  IL       2S3 


trouvait  probablement  pas  dans  l'an- 
cien primitif  celtique;  il  a  dû  être 
attiré  par  le  r  comme  dans  toumelle 
^onr  tourelle.  (Voir  t.  II,  p.  386, 
note  3.) 

Sorte.  —  Écoss.  sort,  sorte,  es- 
pèce, genre;  irland.  sort;  bret.  sort, 
seurt. 

Souhait.  (Voir  Hait.) 

Suie.  On  dit  en  languedocien  sw- 
gia,  et  en  provençal  sugio,  pronon- 
cés sudjia,  sudjio.  —  Irland.  suth- 
che,  suth,  suie;  écoss.  suithe.  Le 
breton  a  huzel,  huzil,  signifiant  suie. 
J'ai  déjà  fait  observer  que  beaucoup 
de  mots  commençant  par  un  s  en  ir- 
landais et  en  écossais,  commencent 
par  un  h  en  breton;  ainsi  huzel, 
huzil  sont  les  équivalents  de  suzel, 
suzil:  (Voyez  ci-dessus  l'art.  Hobe- 
reau, p.  239.) 

Tabut,  anc.  bruit,  tapage,  tumul- 
te, vacarme ,  tintamare ,  querelle , 
dispute;  d'où  tabuter,  tabusterj3i.ÏTe 
du  tapage,  faire  du  bruit,  frapper. 

Il  n'y  a  pas  long-temps  que  je  rencontray 
l'un  des  plus  savans  hommes  de  France, 
entre  ceux  de  non  médiocre  fortune,  estu- 
diant  au  coin  d'une  salle  qu'on  luy  avoit 
rembarré  de  tapisserie,  et  autour  de  luy  un 
tatut  de  ses  valets  pleins  de  licence.  Il  me 
dit,  et  Seneque  quasi  autant  de  soy,  qu'il 
faisoit  son  proflt  de  ce  tinta'marre;  comme 
si,  battu  de  ce  bruit,  il  se  ramenast  et  re- 
serrast  plus  en  soy  pour  la  contemplation. 
(Montaigne,  liv.  III,  ch.  xiii,  p.  806.) 

Fouquet  faisait  toutes  les  corvées  ;  entre 
lesquelles  l'une  estoit  qu'il  ouvroit  quasi 
toujours  la  porte  quant  on  tabutoit.  {Contes 
et  joyeux  devis  de  Bonav.  des  Perrierif 
nouv.  xii.) 

Lucifer,  terrible  serpent, 
Ryez,  ronflez  et  (abusiez, 
Abbatei  boys  et  clicquettez. 

l(t«  eluquittiu  litre  det  Acltt  det  A):ôtTtt,  fouilUt 
CT,  recto,   col.  1.) 


—  Bret.  tàbut,  bruit,  tapage,  va- 
carme, querelle,  dispute;  écoss.  fa- 
baid;  irland.  tabaid. 

Tache,  Tèche,  Tèce,  etc.  anc.  ces 
mots  signifiaient  une  qualité,  bonne 
ou  mauvaise,  acquise  par  l'habitude, 
par  l'éducation;  ensuite  ils  se  pri- 
rent pour  une  qualité  non  acquise  , 
pour  une  inclination  naturelle  vers 
le  bien  ou  vers  le  mal,  pour  une 
bonne  disposition  ou  un  vice;  on 
s'en  servait  même  en  parlant  des 
animaux. 

Ingebor  (femme  de  Philippe-Auguste)^ 
belle  et  bonne  et  sainte  dame  et  religieuse, 
et  garnie  de  moult  bonnes  taches.  (His- 
toire de  France  manuscrite  citée  par  du 
Cange,  k  la  fin  de  l'article  Tasca  2.) 

Li  povres  hom  doit  tant  aprendre  et  savoir, 
Et  tant  de  bonnes  teches  et  tenir  et  avoir 
Que  il  en  puist  aquerre  et  honor  et  avoir. 

{Nouveau  recueil  de  conut,  u  11,  p.  159.) 

Se  vous  estes  a  us  armes  corageus  et  hardis. 
Gardez  par  maies  teches  ne  perdez  votre 

pris; 
Soiez  cortois  et  sages,  leaus  et  bien  apris  ; 
Si  que  vous  ne  soiez  vilainement  repris. 
Cuidiez-vous  estre  sires   por  un  poi  de 

proece  î 
Puisque   il   u'a   en  vous  aucune  bonne 
teehe , 
Droiz  est  que  vos  bons  pris  faille  tost  et 

remece; 
Uoniz  soit  bardemeuz  où  il  n'a  gentillece. 

(liid.,  p.  155.) 

Au  mangier  estoit  droiz  serjenz, 
Apres  mangier  estoit  compains 
De  toutes  boues  teches  plains, 
Pers  aus  barons,  aus  povres  peires. 
Et  aus  moieus  compains  et  frères  ; 
Bons  eu  conseil  et  bien  meurs, 
Aux  armes  vistes  et  seurs, 
Si  qu'en  tout  l'ost  n'avoir  son  peir. 

(Rutebeuf,  t.  I,  p,  «3-44.) 

Eissi  de  trestot  sun  poeir 
Falseit  bien  et  teneit  justice, 
Senz  mal,  senz  teche  e  senz  malice« 

î     (CArod.  det  duct  de  Korm.,   t.  l.p^   4T7.) 


$»4 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Ensuite  tèche^  tache,  se  prirent 
dans  un  sens  restreint  pour  signifier 
un  défaut  physique  dans  l'homme 
ou  dans  les  animaux,  une  défectuo- 
sité, une  altération  dans  un  objet,  et 
particulièrement  une  altération  par- 
tielle dans  la  couleur,  une  macula- 
turc. 

Autels  fois  avîenl  que  i  hourae  prent 
Teme,  et  «elle  femme  devient  puis  mezelle 
(lépreuse),  ou  chiet  de  mauvais  mal  trop 
laidement,  ou  li  put  trop  durement  la 
bouche  et  le  nés  ;  ou  pisse  toutes  les 
nuits  au  lit,  si  que  elle  gaste  toutes  les 
dras....  selle  qui  avéra  la  tache  qui  dit  est 
•dessus  soit  rendue  en  religion,  et  le  mari 
peut  puis  prendre  autre  femme.,..  Ce...  une 
femc  se  part  de  son  baron  par  aucunes 
des  lâches  avant  dites,  la  raizon  coumande 
^ue  son  mari  est  tenus  de  donner  autant  a 
Tabaie,  quant  elle  se  rendra,  corne  elle  li 
aportt  en  son  mariage.  (.Assise  de  Jéru- 
salem, édit.  de  M.  Victor  roucher,  p.  323 
«t  324.) 

A  son  seignor  dist  k'il  avoit 
El  front  une  lecht  vermeille. 

[Dolopatho$,  idii.  Jannet,   p.  S16.) 

Il  avoyt  nne  petite  guedoufle  plaine  de 
vieille  huyle,  et,quandiltrouvoytou  femme 
x>u  homme  qui  eust  quelque  belle  robbe,  il 
leur  en  gressoyt  et  pastoyt  tous  les  plus 
beaulx  endroitcz  soubz  le  semblant  de  les 
toucher...  leur  mettoyt  la  main  sus  le  col- 
let, ensemble  la  maie  lâche  j  demonroyt 
perpétuellement.  (Rabelais ,  Pantagruel , 
iiv.  II,  ch.  XVI,  p.  95,  col.  1  ) 

Entéchié  signifiait  qui  a  contracté 
des  habitudes  bonnes  ou  mauvaises, 
qui  a  été  bien  ou  mal  élevé,  bien  ou 
mal  instruit,  et,  par  suite^  qui  a 
telle  ou  telle  qualité,  tel  ou  tel  vice, 
telle  ou  telle  connaissance.  Dans  un 
sens  restreint,  il  s'employa  pour  si- 
gnifier qui  a  un  défaut  physique,  un 
vice  d'organisation^  qui  est  atteint 
d'une  maladie.  Nous  disons  aujour- 


d'hui entiché  en  parlant  d'un  fruit 
qui,  afi'ecté  d'une  maie  téche,  com- 
mence à  se  gâter.  Nous  nous  servons 
encore  de  ce  mot  en  parlant  d'une 
personne  dont  l'esprit  est  vicié  par 
de  mauvaises  opinions,  par  des  doc- 
trines dangereuses,  par  une  hérésie 
condamnable.  Il  ne  faut  point  con- 
fondre, comme  on  l'a  fait,  entiché, 
en  usage  aujourd'hui,  avec  euticé, 
entiché,  qui  signifiaient  autrefois  in- 
cité, excité,  suscité,  poussé  à.  Le 
lecteur  trouvera  des  exemples  de  ces 
derniers  dans  la  Chronique  des  ducs 
de  Normandie,  t.  II,  p.  194,  v, 
21028;  p.  218,  V.  21795;  t.  III,  p! 
420,  V.  35199  ;  et  dans  le  Livre  des 
Rois,p^  215. 

Yvrogne,  ou  entéchié  de  aucun  mauvais 
et  vilain  nce.{Assises  de  Jérusalem,  ch.cxc, 
citées  dans  le  glossaire  de  du  Gange,  a  la 
fin  de  l'article  Tasca  î.) 

Et  fut  li  plus  riches  homs  qui  en  son  temps 
allast  aux  armées  ou  royaulrae  de  France, 
de  plus  grand  grâce,  et  de  plus  grand  re- 
nommée d'estre  bien  entechiez,»\  de  bonne 
vie  mener.  (Le  lignage  de  Coucy,  cité  ibid.) 

Et  si  a  le  plus  preude  feme,  et  le  plus  af- 
faitiéel  entéchié  de  toutesles  millors  techet 
qui  soient.  (Roman  de  Merlin,  cité  ibid.) 

Il  n'est  orendroites  ou  mont 
Nus  hom,  que  por  voir  le  sachier. 
Tant  vilains  ne  mal  entechiez. 

(Kouvêau  rieueil  da  conlei,  t.  II,  p.  SSO.) 

L'en  disoit  par  tout  le  palis  que  uns  hé- 
rites vint  une  foiz  a  lui  entechiez  d'une  ma- 
nière d'eresie  qui  lors  courolt  par  toute 
Egypte.  (La  Vie  des  saints  Pérès,  citée  dans 
le  glossaire  de  Roquefort,  art.  Entecié.) 
En  Nervie,  dont  je  suis  nez, 
A  un  homme  (ceci  tenez 
Pour  vérité  et  pour  certain) 
Qui  est  de  si  grant  sainte  plaia 
Et  si  juste,  sanz  touz  péchiez, 
Qu'il  n'est  grief  mal  dont  entethiez 


CHAP.  n,  ÉLÉMENT 

Soit  homme  ou  femme,  si  le  volt, 
Que  tout  gari  ne  l'eu  renvoit; 
Et  ce  a-il  fait  a  trop  de  gent, 
Sans  prendre  salaire  n'argent. 

[Théâtre  français  au  moytn  âç/e,  p.  29T,  col.  1.) 

—  Brct.  tech,  habitude^  inclina- 
tion, propension,  qualité  ou  défaut  : 
ce  mot  est  pris  le  plus  souvent  dans 
un  sens  favorable;  techet ,  habitué 
à,  enclin  à,  porté  à,  sujet  à.  Écoss. 
i"  teagaisg,  faire  prendre  des  habi- 
tudes, élever,  éduquer,  instruire; 
2°  teagasg,  éducation,  instruction. 
Irland.  1«  teagasgaim  ;  2®  teagasg. 

Les  peuples  de  race  celtique  sem- 
blent avoir  dit  avant  Jean-Jacques: 
«  L'éducation  n'est  qu'une  longue 
habitude.  » 

Tacon,  anc.  pièce  que  l'on  met  à 
un  soulier,. à  un  habit  déchiré,  etc. 
Taconner,  retaconner ,  mettre  des 
pièces,  rapetasser,  raccommoder. 

Par  la  rae  de  l'Arbre-Sec 
Vins  tout  droit  en  Coul-de-Bacon; 
La  fis-je  coudre  un  tacon 
Eu  mon  soller  qui  fu  perde. 

(Cm  Riu)  de  Paris,  dan«  Parit  tout  Philippe   te 
Bel,  p.  574,  eol.  1.  t.*256.) 

Cirurgie  la  Vilenastre 

Se  seoit  lez  I  sanglent  astre, 

Qui  moult  amoit  miex  les  descordes 

Qu'il  ne  ist  les  gentiz  concordes. 

Boistes  portoit  et  oingnemenz 

Etgranzplentez  de  ferremenz 

Por  sacbier  les  quarriaus  des  panées. 

Moult  avoit  tost  retaconnez 

Les  ventres  qu'il  vit  baconnez. 

{la  Baiaillt  dn  VU  ars,k  la  luite  dos  oeuvrea  d« 
Rutebeuf.t,  II.  p.  133.) 

—  Bret.  takon,  pièce,  morceau 
qu'on  met  à  un  habit  déchiré,  à  un 
bassin  percé,  etc.;  takona,  mettre 
des  pièces,  raccommoder,  réparer; 
gall.  ta£lu_,  réparer,  raccommoder  ; 
irland.  tocht,  pièce^  morceau. 


CELTIQUE.  SECT.  IL        255 

Taleist,  signifiait  autrefois  incli- 
nation de  l'esprit,  propension,  dis- 
position, goût,  fantaisie,  envie,  dé- 
sir, volonté.  En  basse  latinité,  ta- 
lentum  ;  en  ital.  talento  ;  en  esp. 
talante. 

Se  regardon  de  quoi  nous  sommes, 
D'estre  orgueilleux  n'arons  talent. 

{Nouveau  recueil  de  contes,  t.  1,  p.  379,) 

Sire,  funt-il,  or  faites  bien  ; 
Nos  vodriura  mult  une  rien. 
Que  vos  trestol  premerement 
Nos  deissiez  vostre  talent 
E  vostre  avis  e  vostre  gré. 

{ChroH.  des  ducs  de  Norm.  t.  U.  p.  334.) 

Quant  il  orent  or  et  argent 
Et  garnison  à  lor  talent. 
S'ont  devisé  qu'il  le  querront. 

(Théâlre  franfait  au  moi/en  âyé,  p.  545,  cbI.',1.) 

Li  roisHenris  s'en  va,  s'osta  son  vestement. 
Et  prist  I  autre  abit,  de  celui  n'ot  talent; 
A  Dieu  se  commanda  a  qui  li  mons  apent: 
Sire,  dient  si  homme,  avez  fait  vo  talent. 

(Chron.de  du   Guesclin,  t.  I,  p.  455.) 

Plus  tard,  talent  se  prit  dans  une 
acception  dérivée,  pour  disposition 
naturelle  de  l'esprit  à  réussir  dans 
certaines  choses,  aptitude,  habileté. 

Soyez  plutôt  maçon,  si  c'est  vostre  talent. 
Ouvrier  estimé  dans  un  art  nécessaire. 
Qu'écrivain  du  commun  et  poëte  vulgaire. 

(Boilesu,  Art  poétique,  cfaaot  IV.)  , 

La  nature,  fertile  en  esprits  excellents. 
Sait  entre  les  auteurs  partager  les  talent». 

(Boileaa,  Artpoétiqu»,  cbaat  I.) 

Guillaume  Budé  et  plusieurs  au- 
tres auteurs  après  lui  ont  dérivé  ta- 
lent du  grec  IHlta.  Du  Gange,  ar- 
ticle Talentunij  fait,  au  sujet  de 
cette  étymologie,  la  remarque  sui- 
vante, qui  est  bien  digne  de  l'il- 
lustre lexicographe  :  t  Ab  èôeXwt^; 
vocis  etymon  accersit  Budaeus,  quod 
video  probari  viris  doctis.  Mihi  vera 


1156 


PREMIÈRE  PARTIE. 


origines  linguarum  vulgarium  a 
graeca  lingua  petitse,  minus  arri- 
dent.  »  Il  fut  un  temps  où  nos  doc- 
teurs en  étymologie  allaient  cher- 
cher l'origine  des  mots  français  dans 
les  anciennes  langues  de  la  Grèce, 
de  la  Judée  et  même  de  la  Perse, 
plutôt  que  dans  les  idiomes  qui  ont 
été  successivement  parlés  par  nos 
pères  dans  le  nord  de  la  Gaule. 

—  Ecoss.  toil,  propension,  pen- 
chant, inclination  naturelle,  dispo- 
sition, goût,  fantaisie,  désir,  vo- 
lonté. Irland.  toil,  item;  toileas, 
volonté.  Bret.  tmr,  désir,  volonté. 
(Le  Pelletier.)  Pour  former  le  latin 
barbare  talentum,  on  ajouta  au  pri- 
mitif celtique  la  terminaison  entum, 
qui  était  commune  à  beaucoup  de 
substantifs  latins. 

Tan,  écorce  de  chêne  moulue, 
avec  laquelle  on  prépare  le  cuir. 
—  Bret.  tann ,  chêne  ;  glasten , 
glazten,  chêne  vert,  mot  composé 
de  glaz,  vert,  et  de  tann,  ten,  chêne. 
Gall.  glasdonen,  chêne  vert;  glas. 
Vert;  le  second  radical,  tonen,  do- 
nen,  qui  a  dû  signifier  chêne,  n'existe 
plus  dans  la  langue  à  l'état  simple. 
On  trouve  glastannen,  pour  chêne 
vert,  dans  le  Dictionnaire  cornouail- 
lais  du  xii^  siècle,  publié  par  Pryce 
€t  par  M.  Zeuss.  Ecoss.  et  irland. 
tuilm,  chêne. 

Tas.  —  Gall.  dâs,  amas,  mon- 
ceau^ tas;  bret.  tes  et  dastum;  écoss. 
daiss  ;  irland.  dais. 

Tasse,  anc.  assemblage  de  plu- 
sieurs arbres,  touffes  d'arbres  ou 
d'arbustes,  hallier,  fourré. 

Ils  alerent  tous  ensemble  jusques  à  une 
tttfse  de  bois,  nommile  boisPatey.(Lettres 


de  rémission  de  1398,  citées  dans  le  glos- 
saire de  Carpentier,  art.  tassia  2.) 

Lesqueit  se  boutèrent  et  musserent  tous 
ensemble  en  une  tasse  de  boys.  (Lettres  de 
rémission  de  1409,  citées  ibid.) 

—  Ecoss.  dos,  touffe  d'arbres, 
hallier,  fourré;  irland.  dos,  item; 
gall.  tîis,  tusw,  assemblage  de  plu- 
sieurs choses  qui  sont  ensemble, 
fagot,  botte,  javelle. 

Teigne,  maladie  de  la  peau.  — 
Ecoss.  teine  de,  espèce  de  dartre  qui 
s'étend  sur  la  peau  et  qui  la  ronge, 
herpe,  teigne;  cette  expression  si- 
gnifie littéralement  feu  de  Dieu 
{teine,  feu,  de,  génitif  de  Bia,  Dieu). 
Bret.  tin,  tari,  teigne,  tan,  feu;  ir- 
land. teine,  item;  gall.  tàn,  item. 

Telon,  anc.  harpe,  lyre.  (Voir 
Trévoux,  Borel  et  Roquefort.)  — 
Bret.  telen,  harpe;  telennik,  lyre; 
gall.  telyn,  harpe.  On  trouve  telein, 
signifiant  harpe,  dans  le  Diction- 
naire cornouaillais  du  xii®  siècle, 
publié  par  Pryce  et  par  M.  Zeuss. 

Tette,  Tetin,  Tétine,  Teton, 
Teter.  —  Gall.  teth,  tethan,  ma- 
melle^ teton;  bret.  tez,  tec'h;  écoss. 
uth;  irland.  uth,  uité 

Toque,  signifiait  anciennement 
une  sorte  de  bonnet  rond;  le  dimi- 
nutif toquet  désignait  un  bonnet 
d'enfant;  On  trouve  en  basse  lati- 
nité toca  et  toga,  pour  bonnet.  (Voir 
Nicot,  Borel,  Trévoux,  Roquefort 
et  du  Gange.)  —  Bret.  tok,  coif- 
fure en  général,  chapeau;  gall.  toc. 

Torche,  Torchis.  On  appelle  tor- 
ches, en  termes  de  maçonnerie,,  des 
bouchons  de  paille  dont  on  garnit 
les  arrêtes  des  pierres  de  taille  que 
l'on  transporte,  afin  qu'elles  ne  s'é- 
cornent pas.  On  nomme  également 
torches,  en  terme  de  chasse,  les 


CHAP.  II,  ÉLÉMENT 

fientes  des  bêles  fauves  à  demi  for- 
mées, qui  semblent  nôtre  qu'un 
t>ouclion  de  foin,  d'herbes.  Le  tor- 
cfij's  est  un  mortier  composé  de  terre 
grasse  et  de  paille  ou  de  foin  coupé 
que  l'on  emploie  dans  les  campa- 
gnes, pour  faire  quelques  grossières 
constructions.  (Voir  ces  mots  dans 
les  dictionnaires  de  Trévoux,  Boiste 
et  autres.) 

—  Brct.  torchad.  bouchon  de 
paille,  de  foin,  d'herbes  ;  gall.  tcrch 
(Davies),  tore  (Owen);  écoss.  trûs- 
gan. 

Tourte.  Ce  mot  ainsi  que  ceux 
de  tourtei,  tour  tel  ^  tourteau,  signi- 
fiait autrefois  un  pain  rond.  Tré- 
voux fait  observer  que  tourte  est 
encore  usité  avec  cette  signification 
dans  certaines  provinces  et  la  der- 
nière édition  du  dictionnaire  de  l'A- 
cadémie donne  tourteau  comme  dé- 
signant une  sorte  de  gâteau.  Le 
diminutif  iurtellet,  que  l'on  trouve 
dans  le  Livre  des  Rois,  p. 3H, cor- 
respond au  latin  panem  parvulutn. 
La  moyenne  et  la  basse  latinité  se 
sont  servies  de  torta,  que  l'on  lit 
dans  la  Vulgate,  Exode,  ch.  xxix, 
23 ;  Nombres,  ch.  m,  \,  etc.  Mé- 
nage cite  un  passage  d'Érotien,  dans 
lequel  cet  auteur  dit  que  les  Athé- 
niens appellent  tourta,  un  pain  cuit 

sous  la  cendre,  'Aptàv  èYxp&uçîav 

ôv  Toùpxav  xa).oû<7iv;;mais  il  est  pro- 
bable que  ces  trois  derniers  mots 
ont  été  interpolés  postérieurement 
par  quelque  copiste^  ainsi  que  le 
pensent  Jer.  Mercuriâl,  liv.  Il,  ch.  v, 
et  autres  commentateurs.  Je  suis 
persuadé  que  torta  fut  emprunté  au 
celtique,  attendu  que  nous  le  re- 
trouvons avec  son  ancienne  signi- 


GELTIQUE.  SECT.  II.      S'it 

fication  dans  tous  les  idiomes  néo- 
celtiques. 

—  Gall .  torth,  pain  rond  ;  bret , 
tors,  item  ;  écoss.  tort,  petit  pain  ; 
irland.  forf, petit  pain,  gâteau. 

Tréteau,  autrefois  trestel,  tretel  ; 
en  basse  latinité  trestellus,  tretellus. 

—  Gall.  trestyl,  tréteau,  pièce  de 
bois  ou  charpente  servant  de  sup- 
port^ dérivé  de  trawst,  poutre,  che- 
vron ;  bret.  treustel,  treu^teul,  tré- 
teau, pièce  de  bois  mise  en  travers 
au-dessus  d'une  porte  ou  d'une  fe- 
nêtre et  servant  à  soutenir  la  ma- 
çonnerie, linteau  ;  treust,  trest,  pou- 
tre ;  écoss.  drothta  ,  item  ;  irland. 
drothla,  item. 

Trimer,  marcher  vite  et  avec  fa- 
tigue :  «  J'ai  ^rimé  toute  la  journée.» 
(Acad.)  —  Bret.  tremen,  tremeni, 
fremenout,  aller  d'un  lieu  dans  un 
autre,  passer,  traverser  ;  gall.  tram- 
wy,  item. 

Tripe.  — Gall.  tripa,  boyau, tripe; 
bret.  stripen,  item  ;  irland  triopas, 
tripes. 

Trôler,  aller  çà  et  là,  courir  çà 
et  là,  rôder,  rouler.  — Gall.  troliaw, 
tourner,  rouler,  rôder,  trôler  ;  brct, 
troi,  ttei,  item  ;  écoss.  druil,  item. 
Tous  ces  mots  ont  pour  primitif  trô 
qui  en  gallois  et  en  breton  signifie 
tour,  mouvement  circulaire. 

Trompe,  Trompette.  En  basse 
latinité  trumpa,  trumla,  tromba. 

—  Écoss.  tromp,  troimp,  truimp, 
trompe,  trompette  ;  irland.  tromp, 
trompa,  trumpa  ;  gall.  trwmples 
(Davies)  ;  bret.  trompil. 

Trot,  Trotter.  —  Brct.  4°  trot, 
trot;  2o  trota,  trotter;  ces  mots  pa- 
raissent tenir  à  3o  troet,  troad,  pied. 
Écoss.   1°    trot  ;  2°  trot,   trotail  ; 


I* 


1T 


258 


PREMIÈRE  PARTIE. 


3»  troidh.  Gall.  trotiaw,  trotter  ; 
troed,  pied.  Irland.  troidh,  item. 

Trou,  Trouer.  —  Gall.  1»  trwy, 
ouverture  trou;  2°  trwyaw,  percer^ 
trouer.  Bret.  4»  toull  ;  2"*  toulla. 
Ecoss.  et  irland.  toll.  trou. 

Trousse,  Trousseau.  En  basse 
latinité  trossa,  paquet,  trousse;  en 
provençal  troussa.  —  Écoss.  trus, 
paquet^  ballot  de  bardes,  trousse  ; 
gall.  trws,  trwsa,it€m;  hrei.  trons, 
tronsad,  item;  irland.  truscarijitemy 
dérivé  de  trusaim.  lier,  attacher, 
qui  vient  lui-même  de  trus,  lien,  at- 
tache, ceinture. 

Truie.  En  basse  latinité  troga, 
troia;  en  provençal  tniéia,  truia; 
en  italien  troia.  Ménage  et  Case- 
neuve  dérivent  truie  de  troia,  mot 
prétendu  latin  qu'ils  trouvent  em- 
ployé avec  la  môme  signification 
dans  un  opuscule  intitulé  De  proge- 
nie  Augusti,  attribué  à  Messala 
Corvinus.  Ce  livre  qui  a  paru  pour 
la  première  fois  en  1 540,  est  l'ou- 
vrage d'un  faussaire,  ainsi  que  l'a 
parfaitement  établi  G.  Barth  dans 
ses  Adversaria  ;  son  opinion  est 
aujourd'hui  partagée  par  tous  les 
savants.  11  est  probable  que  le  véri- 
table auteur  est  un  Italien  connu 
sous  le  nom  de  Pomponius  Sabiiius 
ou  Lœtus,  qui  vivait  à  la  fin  du  xv* 
siècle,  car  on  trouve  dans  son  Com- 
mentaire sur  l'Enéide,  liv.  I,  la 
même  supposition  ridicule  faite  sur 
le  même  mot,  au  sujet  du  même 
passage  de  Virgile^  cité  par  le  pré- 
tendu Messala  :  Armaque  fiocit  troia. 
Pomponius  a  cru  pouvoir  faire  pas- 
ser un  mot  italien  pour  un  mot 
latin. 

D'autres  ont  cherché  l'origine  de 


truie  dans  porcus  trojanus  qui  se 
trouve  dans  Macrobe.  11  suffit  de  re- 
courir au  passage  en  question  pour 
faire  justice  de  cette  étymologie. 
Macrobe  parle  d'un  porc  rôti  que 
l'on  servait  tout  entier  sur  la  table  ; 
l'intérieur  de  ce  porc  était  rempli 
d'autres  animaux  cuits  qui  sortaient 
de  son  ventre  au  moment  où  on  le 
découpait,  comme  les  compagnons 
d'Ulysse  sortirent  du  ventre  du  che- 
val dq  Troie.  Trojanus  n'est  donc  en 
cet  endroit  qu'une  épithète  faisant 
allusion  à  un  fait  particulier.  Voici, 
du  reste,  les  paroles  mêmes  de  Ma- 
crobe :  «  Porcum  trojanum  mensis 
inférant,  quem  illi  ideo  sic  vocabant, 
quasi  aliis  inclusis  animalibus  gra- 
vidum,  ut  ille  trojanus  equus  gravi- 
dus  armatis  fuit.»  (Saturnales,  II,  9.) 
Troga,  troia,  truie,  qui  désignent 
la  femelle  d'un  cochon,  sont  le  fé- 
minin d'un  mot  primitif  qui  s'est 
conservé  dans  les  idiomes  néo-cel- 
tiques, pour  signifier  un  cochon 
mâle. 

—  Ecoss.  tore,  porc  mâle,  pour- 
ceau, verrat;  irland.  tore;  gall. 
twrç;  bret.  tourc'h.  Le  r  a  été  trans- 
posé dans  troga,  troia,  truie,  comme 
dans  trouble  de  turbidulus,  trombe 
de  turbo,  broder  de  border,  etc. 
(Voir  t.  II,  p.  121.) 

Turbot,  poisson.  —  Gall.  torbwt, 
turbot;  écoss.  turbaid;  bret.  turbo- 
den,  tidboze7i;  irland.  turbit. 

TuRET,  anc.  monticule,  éminence, 
colline,  tertre,  butte.  La  terminai- 
son de  ce  mot  est  celle  d'un  dimi- 
nutif. 

Sa  meson  que  je  vous  devise 
A-il  par  son  beuba ni  assise 


GIIAP.  II,  ÉLÉMENT  CELTIQUE.  SECT.  IL       S'iîi 


Sor  I  turet  enmi  la  voie, 

Por  ce  que  chascuns  miex  la  voie. 

(Rutflbcaf,  f,  II.  p.  30.) 

—  Irland.  to)%  monticule,  émi- 
nence,  colline,  tertre,  butte;  écoss. 
ton;  bret.  torosen,  torgen. 

Vassal,  Valet,  Ces  deux  mots 
doivent  être  rapportés  au  même  pri- 
mitif. En  basse  latinité,  vassi  signi- 
fia d'abord  les  gens  attachés  au  ser- 
vice de  l'empereur,  du  roi ,  d'un 
prince,  d'un  grand,  d'une  commu- 
nauté :  homines  régis,  lamines  prin- 
dpis,  homines  conventiis.  Ensuite 
vassus,  ainsi  que  son  dérivé  vassal- 
luSj  se  prirent  pour  le  possesseur 
d'un  fief  qui  relève  d'un  seigueur 
suzerain,  Vhomme  de  ce  seigneur^ 
ainsi  qu'on  parlait  au  moyen  âge. 
Vassallus  correspond  au  français 
vassal.  Celui-ci  s'employait  au  xii* 
siècle  pour  signifier  un  homme  de 
guerre,  un  homme  courageux,  un 
preux,  un  brave  ;  de  là  vasselage, 
pour  valeur,  bravoure,  prouesse, 
exploit,  fait  d'armes. 

Prendrai  par  ço  mun  pain,  e  ma  ewe  e  la 
char  des  bestes  li'ai  aturned  a  mes  tuntn- 
riers,  e  durrai  as  vassals  qui  jo  ne  sai  !ii 
sunt?  [Livre  des  Rois,  p.  97.1 

Tollam  ergo  panes  meos ,  el  oquas  vieas 
et  carnes  pecorum  quœ  occidi  tonsoribus 
Mets,  eldabu  smsquos  nescio  undesunl  ? 

Cumenl  cliairent  en  bataille  li  bon  vas- 
Ml  ?  (Ziîrf.  p.  123.) 
Quomodo  ceciderunt  fortes  in  prœlio  ? 

Turpln  de  Reins  quant  se  sent  abalut, 
Deiiiiespiez  parmi  lecorsferut, 
Isuelement  le  ber  resailit  sus, 
Reliant  regardet,  puis  si  li  est  curut, 
R  dist  un  mot  :  «  Ne  suis  raie  vencut  ! 
Ja  bon  vassal  nen  est  vif  recreut  !  » 

{Cham.  dt  Roland,  tl.  cuil.) 


Chinmarc  qui  ert  qnens  de  Tigcl 
En  en  la  compagne  Hoel  ; 
Malt  estoit  de  grant  vasselage, 
Et  des  Romains  faisoient  damage. 

(Rom.  dt  Bntt,  t.  II,  p.  209. 1 

L'autre  dérivé  indiqué  en  tête  de 
ret  article  se  présente  sous  les  for- 
mes vasletj,  varlet,  vallet^  valet. 
Ces  mots  signifièrent  d'abord  jeune 
homme,  garçon,  fils,  gentilhomme 
qui  n'était  point  encore  armé  cheva- 
lier, écuyer;  ainsi  que  jeune  homme 
apprenant  un  métier,  apprentis. 
Vuslet  a  été  formé  de  vassus  par  le 
même  mode  de  dérivation  auquel 
nous  devons  tonnelet,  mantelet,  etc., 
provenus  de  tonne,  mante.  (Voir 
t.  II,  p.  407.)  Dans  varlet,  le  s  de 
vaslet  s'est  changé  en  r,  comme 
dans  tortm,  de  testudo,  et  orfraie, 
de  ossifraga. 

Oez  a  quel  li  dus  tendait  : 
Dous  enfanz  de  sa  femme  aveit, 
L'uns  ert  rasiez,  l'autre  danzele, 
En  tôt  le  munt  n'aveit  plus  bêle; 
Et  s'aveit  non  Hues  Cliapez, 
Ce  vos  sai  bien  dire,  li  vaslez; 
Et  la  pucelle  aveit  non  Emme. 

{Chron.  des  diica  de  Norm.  t.  II,  p.  84.) 

Encor  u'avoit  la  mère  son  filz  reconnén 
Car  biau  varlel  estoit  et  fort  ei  parcreu.... 

La  raere  fu  cousue 

Et  le  varlel  après,  puis  la  fille  ensement. 

(Nouv.  recueil  de  conles,  1. 1,  p.  58.) 

Ce  n'ay  cure  de  famé  qui  se  farde 
Ne  dt  varlel  qui  se  regarde. 

(litre  des  proverbes  françuii,  publié  par  M,  Le  Roux 
de  Liuor,  t.  II,  p.  343.) 

Jean  d'Artois,  variez  du  roy  nostre  sei- 
gneur et  bailli  de  Reims,  salut.  (Lettres  de 
rémission  de  1362,  citées  par  Carpeutier, 
article  Vallelus.) 

Que  aucun  barbier  ne  doit  oster  ou  sous- 
traire a  un  autre  barbier  son  aprcntis  ou 
varlel.^Ordonnances  des  rois  de  France,  t.V, 
p.  441.) 


2C0 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Apres  li  ont  femme  donée 
Qui  de  gentilz  Romains  fu  née. 
Trois  vallés  en  ot,  le  plus  grant 
Fist  11  rois  apeler  Constant. 

{Roman  de  Brut.,  t.  I,  p.  304.) 

Au  xrv*  siècle,  varlet,  valet,  se 
prenait  déjà  comme  aujourd'hui 
pour  domestique.  Le  grec  naï;,  le 
latin  puer  et  de  nos  jours  le  fran- 
çais garçon  ont  pareillement  passé 
de  leur  signification  propre  à  celle 
de  serviteur. 

Tant  fut  genglé  et  parlementé  des  Ge- 
nevois aux  varlets  et  aux  maîtres,  que  les 
plus  grands  de  l'ost  en  eurent  connois- 
sance,  et  par  especial  le  sire  de  Coucy. 
(Frois;sart,liv.  IV,  ch.  xvii,  t.  III,  p.  99.) 

—  Gall.  gwas ,  jeune  homme, 
garçon,  domestique,  valet;  bret. 
(jwâz,  homme,  domestique,  sujet, 
vassal;  écoss.  et  irland  gas,  jeune 
homme  ,  garçon  ,  valet  d'armée , 
goujat. 

Le  gw  initial  gallois  et  breton  a 
ordinairement  pour  correspondant 
un  g  dans  les  mots  français  dérivés 
du  celtique;  mais  dans  vassal  et 
dans  valet,  c'est  un  v  qui  répond  au 
gw;  il  en  est  de  même  dans  veme, 
breton  et  gallois,  gwem.  (Voir  Verne 
ci-après,  à  la  colonne  suivante.) 

Veltre,  Veautre,  Vial'tre,  anc. 
lévrier;  en  basse  latinité  veltragus, 
veltrahus,  veltris;  en  italien  veltro. 

Apres  iceste,  altre  avisiura  sunjat, 
Qifllen  France  ert  a  sa  capele  ad  Ais  ; 
El  destre  braz  li  morst  uns  vers  (sanglier) 

si  mais; 
Devers  Ardene  vit  venir  un  leuparz, 
Sun  cors  demenie,  mult  fièrement  asalt. 
IVens  de  (la)  sale  (palais)  uns  vellres  avalai 
Que  vint  a  Caries  le  galops  et  les  salz, 
La  désire  oreille  al  premer  ver  trenchat, 
Ireement  secumbat  al  lepart. 

(t'A/li».    d'  nolaiid,  6t.  ITI.) 


Et  nos  sons  ausi  corn  li  vimtre 
Qui  se  corabatent  por  i  os  ; 
Plus  en  déissc,  mais  je  n'oz. 

[Rutcbeuf,  1. 1,  p., m.) 

On  lit  dans  Hekkehard,  connu  sous 
le  nom  de  moine  de  Saint-Gall  :  «  As- 
sumpsit  duas  caniculas  in  manu  sua 
quas  gallica  lingua  veltres  nuncu- 
pant,  utilitate  sua,  vulpes  et  caeteras 
minores  bestiolas  facillime  capien- 
tcs.  »  (Hekkehard,  liv.  I,  ch.  xxii, 
dans  Pertz,  Monumenta  Germaniœ, 
t.  II,  p.  739.) 

Veltre  est  d'origine  celtique,  ainsi 
que  nous  l'apprend  le  passage  sui- 
vant du  Traité  de  chasse  d'Adrien, 
qui  a  été  longtemps  attribué  à  Xé- 
nophon  : 

Al  5è  TToSwxeiî  xûvs;  al  Ke)-Ttxal,  xa- 
Xoûvxat   (j.èv  oOéptpaYOi  x^ve?  qswv^  t^ 

KeXxix^ àizà  ttj;  wxûxtitoî.  (Kuv/iye- 

Tixè;  )-6yo;,  ch.  lU.) 

On  lit  dans  Martial  : 

Non  sibi,  sed  domino  venaïur  verlragus 
acer, 
irissum  leporem  qui  tibi  dente  ferit. 

(Mart.  liT.  XIV,  épi(;r.  ce.) 

Vertragus,  oûéptpaYd:,  sont  formés 
de  deux  mots  celtiques  signifiant  qui 
a  des  pieds  agiles  ;  ce  sont  des  com- 
posés analogues  au  grec  wxûtcûu;  et 
au  latin  citipes.  Arrien  nous  avertit 
que  ces  chiens  doivent  leur  nom  à  leur 

agilité  :  ànà    irî;   o)XUTy]To:.    —    Is- 

land.  traighj  troigh,  troidh,  pied; 
écoss.  troidh;  bret.  troad;  gall. 
troed.  Bret.  hemiz,  prompt,  agile, 
rapide,  impétueux;  gall.  fres;  ir- 
land. et  écoss.  Irais. 

Verne,  Vergne,  anc.  arbre,  nommé 
aujourd'hui  aune.  (Voir  Trévoux, 
vergne,  verne.)  —  Bret.  givern,  gwer- 
nen^aune;  gall.  gwem;  écoss.  feam, 
flieam;   irland.   fearn.  On   trouve 


CHAP.  II,  ÉLÉMENT  CELTIQUE.  SECT.  II.      26< 


gverneu  dans  le  dictionnaire  cor- 
nouaillais  du  xii«  siècle,  publié  par 
Pryce  et  par  M.  Zeuss. 
Vit,  membre  viril. 

Et  ce  (si)  tout  ce  ne  plaist  as  parens  de 
la  garce  (jeune  fille),  ou  celuy  n'a  mie  tant 
don  il  puisse  faire  ce  que  est  devisé  desus, 
ou  il  n'est  mie  tes  hom  qui  afiere  (con- 
vienne) à  la  garce,  ce  est  qu'il  soit  pire 
de  luy  et  de  mal  estraite,  le  droit  et  la  rai- 
son coumande  que  celui,  qui  que  il  soit,  ou 
chevalier  ou  borgeis,  qu'il  deit  aveir  copé 
le  vil  0  toutes  les  coilles,  etdeit  estre  chacé 
hors  de  la  terre  ou  il  a  fait  cele  malfaite 
un  an  et  un  jor.  {Assises  de  Jérusalem, 
t.  II,  p.  92.) 

Je  su  jouene  espouse,  siay  un  baroun. 
Mes  trop  est-il  Oeble  en  sa  mesoun  ; 
Ce  est  la  vérité,  il  ad  un  vil, 
Trop  est-il  plyant  et  trop  petit. 

(Nouveau  recueil  découles,  t.  U,  p.  35.) 

Cbescuns  raadles  de  vous  sera  circonsiz, 
et  vous  circuncisere  la  char  de  vostre  vil... 
Et  il  circonciza  la  cbar  de  lour  vH  main- 


tenant que  a  cel  jour,  come  Nostre  Seignoar 
le  conianda.  («îcnèse,  ch.  yvu;  citation  de 
M.  Orell,  Iji^cdit.,  p.  232.) 

Circumcidelur  ex  vobis  omne  masculinuvi* 
et  circumcidetis  caruem  prœpucii  veslri...Ei 
circumcidit  carnem  prœpucii  eortm  slatim 
in  ipsa  die,  sicut  prœceperat  ei  Deus. 

On  a  dit  autrefois  biotte  dans  la 
même  signification. 

«  Bêle  Mariette, 
Prés  de  mol  te  tien. 
Par  desoz  ta  cotte 

Tebottroi  del  mien  » 

Et  dit  que  bien  siet 
Dedanz  sa  hiolle, 

(Tkiilre françaii  au  moi/en  âge,  p.  47  et  18.) 

—  Bret.  piderij  biden,  et  avec  l'ar- 
ticle ar-viden,  la  verge  de  l'homme 
et  des  animaux;  gall.  pidyn,  mem- 
bre viril,  verge  de  l'homme  seule- 
ment; écoss.  bodj  génitif  buid,  item  ; 
irland.  bod,  item. 


262  PKExMIÈRE  PARTIE. 

CHAPITRE   III. 

ÉLÉMENT  GERMANIQUE. 


OBSERVATIONS  CONCERNANT  LA  MARCHE  SUIVIE  DANS  LES  RECHERCHE* 
QUI  FONT  l'objet  DE  CE  CHAPITRE. 

Je  procéderai ,  à  l'égard,  des  mots  d'origine  gcrn  aiii;[ne, 
avec  la  circonspection  dont  j'ai  usé  à  l'égard  des  mois  d'ori- 
gine cf'ltiqiie.  Je  ne  donnerai,  comme  provenant  de  l'ancienne 
langue  djs  (  onquéi  ants  de  la  Gaule ,  que  des  mots  existant  au 
moins  dans  trois  idiomes  gtrmnniques;  presque  tous  se  trou- 
veront dans  un  plus  grand  iioml)re  de  ces  idiomes;  et  il  en 
est  plusieurs  que  je  donnerai  dans  dix  lang'ies  différentes. 

Plusieurs  motifs  m'ont  détermné  à  suivre  celte  marche, 
malgré  la  longueur  des  r;  cherclies  qu'elle  nécessitait  ,  et  je 
n'ai  pas  craint  de  consacrer  plusi(>urs  années  d'étude  à  la  pré- 
paration de  ce  seul  cliapitre.  Il  fallail  d'à!  ord  éviter  d'attri- 
buer à  la  langLie  des  Francs  des  niots  altérés  provenant  du 
lalin,  ou  de  toute  autre  langue  ancienne  ou  modt;rne,  qui  se 
trouvent  en  b)n  nombre  dans  chacun  des  idiomes  germa- 
niques. C'est  recueil  où  sont  tombés  ceux  des  étymologistes 
qui  ontr.ipporté  à  une  origine  tudesque  tous  les  mots  fran- 
çais qu'ils  ont  pu  retrouver  dans  l'allemand  ou  dans  un  autre 
idiome  quelconque  de  la  même  famille. 

Un  autre  motif  qui  m'a  engagé  a  faire  porler  mes  recher- 
ches sur  toutes  les  langues  germaniques  à  la  fois,  c'est  que  tel 
mot  entièrement  f^ltéré  dan«  presque  lou'es  ces  langues,  sous 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  I.  863 
le  j apport  du  son,  de  la  forme  et  do  la  signilîcation,  no  se 
trouve  avoir  conservé  quelque  chose  de  son  ancien  état  que 
dans  un  ou  deux  idiomrs  seulement.  Dans  la  plupart  des  cas, 
cet  indice  suffit  pour  nous  remettre  sur  la  trace  du  mot  primitif. 
Enfin  j'ai  pensé  que  l'étude  comparée  des  mots  dans  les  di- 
verses langues  germaniques  devait  être  propre  à  nous  fournir 
certaines  autres  données  utiles  pour  nos  recherches.  Elle  peut 
surtout  nous  faire  entrevoir  la  part  qui  revient  à  tel  ou  tel  des 
anciens  idiomes  septentrionaux  sur  l'ensemble  des  emprunts^ 
que  nous  avons  faits  à  ces  différents  idiomes. 

Comme  les  anciennes  langues  germaniques  auxquelles  j'ai 
eu  recours  pour  ce  travail  sont  généralement  peu  connues  en 
France,  je  crois  devoir  ajouter  quelques  renseignements  à 
ceux  que  j'ai  déjà  donnés  à  la  page  ig,  afin  de  mettre  lelecteur 
à  portée  d'apprécier  l'importance  respective  qu'il  faut  donner 
à  chacune  de  ces  langues  dans  la  question  de  provenance  des 
mots  que  le  français  doit  à  rétablissement  des  barbares  dans 
la  Gaule. 

Le  Tudesque  que  les  savauts  allemands  désignent  «ous  le 
de  allhochdeutsch,  ancien  haut  teutonique,  est  incontestable- 
ment l'idiome  le  plus  important  pour  nos  recherches.  Il  était 
la  langue  parlée  dans  le  nord  par  les  Francs,  au  sud-est  par 
les  Bavarois  et  au  sud-ouest  par  les  AUemanni;  de  là  la  division 
de  cette  langue  en  trois  dialectes  principaux  ;  le  francique,  le 
bavarois  et  Vallémannique.  Le  premier  de  ces  dialectes  se  rap- 
prochait de  l'anglo-saxon,  du  frison,  du  hollandais  et  du  bas 
allemand  ;  les  deux  autres  étaient  plus  voisins  de  l'allemand 
littéraire  actuel  et  des  divers  idiomes  compris  sous  le  nom  de 
haut  allemand.  Il  est  à  regretter  pour  nos  études  que  parmi 
les  écrits  enlangue  tudesque  parvenus  jusqu'à  nous,  il  ne  s  en 
trouve  pas  qui  soit  rédigé  en  pur  dialecte   francique.  Les 


264  PREMIÈRE  PARTIE, 

principaux  de  ces  écrits  sont  :  la  traduction  du  premier  livre  de 
l'ouvrage d'I  idore  deSéville  contra  nequitiam  Jud^orum.Lc 
seul  mannsci  it  de  cette  traduction  que  l'on  connaisse  peut 
être  n  gardé  comme  appartenant  au  vii^  siècle  ;  il  se 
iro'ive  à  la  Bibliothèque  impériale,  fonds  Colbert ,  n»  2326. 
l.a  traduction  de  la  règlç  de  saint  Benoist,  par  Kéron,  moine 
de  Saim-Gall ,  qui  vivait  au  commencement  du  viii^  siècle. 
f M  version  des  Evangiles,  par  Otfrid,  moine  de  Weissem- 
bourg:,  en  basse  Alsace.  Cetteversionestde  la  première  moitié 
du  IX*  siècle.  La  paraphrase  du  Cantique  des  cantiques j  par 
Willeram,  du  XI9  siède.  La  traduction  de  l harmonie  des 
évangiles  de  Tatian.  Celte  traduction  est  supposée  avoir  été 
faiteau  xi°  siècle;  du  moins  est-il  prouvé  qu'elle  est  antérieure 
au  xiie.  On  peut  ajouter  à  ces  écrits  deux  autres  traductions, 
Tune  des  Consolations  de  Boèce  et  l'autre  de  Martius  Capella. 
Schiller,  et,  après  lui,  M.  Graff  nous  ont  donné  des  glossaires 
de  ces  monuments  et  de  quelques  autres  moins  importants. 
Si  ces  glossaires  renfrmaint  tons  les  mois  qui  ont  apparie- 
nu  à  la  langue  des  Francs,  ils  eussent  pu  m'épargner  bien 
de  remt)arras  et  bien  des  recherches;  mais  il  s'en  faut  de  beau- 
coup qu'il  en  soit  ainsi.  C'est  généralement  à  l'excellent  tra- 
vail de  M.  Graff  que  j'ai  emprunté  les  mots  tudcsques  cités 
dans  le  cours  de  ce  chapitre  '. 

Le  gothique  est  l'ancienne  langue  des  Goths.  Il  ne  nous  reste 
en  cette  langue  que  des  fragments  assez  considérables  de  la 
traduction  de  la  Bible  faite  au  iv?  siècle  par  Ulfilas  ,  évêque 
d'une  colonie  de  Goths  méridionaux  établis  dans  la  Mésie. 
Ces  fragments  comprennent  les  quatre  Évangiles,  les  Épîtrcs 
de  saint  Paul  presque  en  entier,  une  partie  Néhémie  et  d'Es- 

*  Graff.  Aîthochdeutsdher  sprachschatz  oder  worterhmh  der  althoch- 
deutschen sprache^  Berlin,  1834  1842;  7  vol.  in-4". 


CHAP.  m,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  I.  265 
drasjondoit  y  joindre  un  commentaire  sur  une  partie  de 
l'évangile  de  saint  Jean  dt'couvert  depuis  peu  de  temps.  L'ou- 
vrage d'Ulfilas  est  le  plus  ancien  monument  qui  nous  soit  par- 
venu en  langue  germanique. 

Les  Goths  du  nord  de  la  Germanie,  connus  squs  le  nom  de 
Scandinaves,  parlaient  également  un  idiome  gothique.  De  cet 
idiome  provint  la  langue  dont  faisaient  usage  les  peuplades 
qui,  sous  le  nom  de  Normands,  envahirent  le  nord-ouest  de 
la  France  au  ix*  et  au  x*  siècle.  Les  plus  anciens  textes  que 
nous  ayons  conservés  en  cette  langue  sont  écrits  en  dialectes 
islandais;  ils  comprennent  les  deux  codes  de  la  religion 
Scandinave ,  connus  sous  la  dénomination  commune  d'£</c/fl. 
L'un  est  en  vers,  l'autre  est  en  prose,  tous  deux  furent  rédiges 
en  Islande,  le  premier  au  \i*  siècle,  et  le  second  au  commen- 
cement du  Xl|i^.  De  la  langue  normanniqne  proviennent  le. 
norvégien^  Yisla/idais,  le  suédois  et  le  danois,  h'islandais  est 
celui  de  tous  qui  est  resté  le  plus  pi  es  du  type  primitif. 

L'ancien  saxon  était  la  langue  des  pleupiades  qui  occu- 
paient le  pays  situé  entre  l'Elbe  et  le  Weser. 

\^' anglo-saxon  fut  l'idiome  parlé  en  Angleterre  par  les  An- 
gles et  par  les  Saxons  conquérants  de  cette  île,  jusqu'au  mo- 
ment où,  se  mêlant  à  la  langue  d'oïl  importée  par  les  Nor- 
mands, il  donna  naissance  à  l'anglais  actuel.  La  plus  ancienne 
production  de  la  littérature  anglo-saxonne  date  du  vu*  siècle  : 
c'est  XHymme  sur  lacréation  du  poète  Cœdmon.  Les  ouvrages 
postérieurs  qui  composent  cette  littérature  sont  en  trop  grand 
pombre  pour  entreprendre  de  les  énumérer. 

J'ai  appelé  ancien  allemand  l'idiome  dans  lequel  ont  écrit 
les  Minnesingers ,  dont  le  premier  est  Henri  de  Veldeck  ;  ce 
poëte  brillait  à  la  cour  de  Thuriqge,  sous  les  empereurs  Fré- 
déric !<"■    et  Henri  VI,  vers  la  fin  du  xii^  siècle.  V ancien  aile- 


266  PREMIÈRE  PARTIE, 

i^mnc/ na(juit  du  dialecte  allc/nanni(/ue ;  il  lut  insensiblement 
modifié  par  Pidiome  des  Saxons,  et  finit  par  produire,  au 
XVI*  siècle  V allemand  moderne. 

Mon  travail  ayant  pour  but  de  constater  quels  sont  les  mois 
que  nous  devons  à  l'invasion  germanique,  j'ai  dû  nécessaire- 
ment en  exclure,  autant  qu'il  m'a  été  possible,  tous  les  mots 
d'une  provenance  postérieure,  fournis  principalement  par 
l'anglais  et  par  l'allemand.  Toutefois,  lorsque  j'ai  été  dans  le 
doute  si  un  mot  remonte  à  l'époque  de  la  conquête,  ou  s'il  a 
été  introduit  ultérieurement  dans  notre  langue,  je  n'ai  pas  fait 
difficulté  de  l'admettre,  préférant  courir  le  risque  d'en  donner 
quelques-uns  d'importation  moderne,  plutôtqued'en  omettre 
de  ceux  auxquels  on  doit  assigner  une  origine  ancienne. 

H. 

RECUEIL  DES  MOTS  DE  LA  LANGUE  d'oÏL  QUI  SONT  d'oRIGINE  GERMANIQUE. 

Abandon.  (Voir  JBandîir, BancZon.)  lum,  item;   island.  brenna,  item; 

Abrander^ anc.  prendre  feu,  s'en-  dan.  brœnde,  item;  suéd.  brœna; 

flammer,  s'allumer,  paraître  tout  en  holl.  branden,  item;  angl.  to  bum, 

feu,  briller,  item;  allem.  brennen,  item;  et  avec 

Li  reis,  si  tost  cum  Paube  abrande  la  prép.  an,  anbrennen,  prendre  feu, 

Comande  a  sa  gent  qu'elle  s'espande  s'enflammer  s'allumer. 

Parmi  la  terre  pur  rober,  .  ••[•■.•     „ „„• 

,      .,      ,  Adouber  signifiait  anciennement 

li  pur  les  viles  alumer.  ''                ,•       /^ 

CcAron.  d»  ducs  de  Norm.,  1. 1.  p.  108.)  armcr  quclqu'un  chevalier.  Ce  mot 

—  Tud.  anbrinnan,  anbrenmn,  doit  son  origine  à  une  des  cérémo- 

prendre  feu,  s'enflammer,  s'allumer,  nies  qui  étaient  en  usage  en  pareille 

composé  de  la  préposition  an,  cor-  circonstance  ;  elle  consistait  à  frap- 

respondant  au  latin  ad,  et  de  brin-  per  trois  coups  du  plat  de  l'épée  sur  • 

non,  brennan,  brûler;  goth.  brin-  le  cou  du  nouveau  chevalier.  C'est 

nan,  item  ;  anglo-sax.  biman,  byr-  ce  qu'on  appelait  donner  la  colée  *.  On 

1  Colée  dérive  de  col  signifiait  proprement  un  coup  d'épée  frappé  sur  le 

cou. 

El  il  ont  traites  les  espées  ; 

Si  se  donnent  moult  grans  colées. 

(Marie  de  France,  1. 1,    p.  576.) 

Au  lieu  de  la  colée,  on  a  écrit  dans  la  suite  Yacolé,  l'iMColée  comme  l'on 
a  écrit  l'abée,  To/emcWe pour  la  bée,  la  lemelle.  {Voir  tome  11,  p.  126). 


CHAP.  ni,  ÉLÉMENT  C.EUMANIQUE.  SEGT.  II.     267 

Recueil  des  fabliaux  et  contes  de 
Barbazan,  édit.  de  1808,  t.  I,  p.  69. 
En  tète  du  volume  on  voit  la  repro- 
duction d'une  miniature  du  manus- 
crit original  représentant  un  roi  qui 
donne  la  colée  à  un  nouveau  cheva- 
lier en  le  frappant  au  côté  gauche 
du  cou  avec  le  plat  de  son  épée. 

Dans  la  suite,  adouber  se  prit 
dans  le  sens  d'armer  quelqu'un,  le 
revêtir  de  ses  armes,  l'équiper;  et 
l'on  a  dit  s'adouber,  pour  s'armer 
soi-même,  s'équiper. 

Mais  Bertran  de  Guesclins  si  en  est  rcvestis, 
Les  mors  ont  dénué  et  les  armeures  pris  : 
A  loi  de  chevalier  s'adouba  li  rearchiz; 
Chauça  les  espérons  qui  sont  d'or  fin  macis, 
El  toutes  les  armeures  du  chevalier  failiz 
Vesti  li  bers  Bertran,  que  delay  nifust  mis. 

[C/iron.  de  du  Cuetcli»,  t.  I,  p.   31.) 

Enfin,  adouber  passa  de  la  signi- 
fication d'équiper  à  celle  d'ajuster, 
accommoder,  arranger,  embellir, 
orner,  parer;  c'est  le  sens  qu'a  con- 
servé l'italien  adobare,  addobbare, 
et  le  provençal  adoubar.  Nous  di- 
sons encore  adouber,  en  termes  de 
trictrac  et  de  jeu  d'échec,  pour  si- 
gnifier toucher  à  une  pièce  pour 
l'arranger,  non  pour  jouer.  Le  com- 
posé radouber  signifie,  en  terme  de 
marine,  réparer  un  bâtiment. 

— Anglo-sax.  dubban,  frapper  quel- 
qu'un du  plat  de  l'épée  pour  lui  con- 


disait  en  basse  latinité  adobare  dans 
le  même  sens  que  nous  disions  adou- 
ber. Le  mot,  aussi  bien  que  l'usage 
auquel  nous  le  devons,  paraissent 
être  l'un  et  l'autre  venus  de  la  Ger- 
manie. Voyez  à  cet  égard  ce  que  dit 
Hickesius  dans  sa  grammaire  an- 
glo-saxonne,p.  151.) 

Sire,  dit-elle  ,pour  Deu  de  Paradis, 
Soit  adoubez  mes  frères  Auberis.... 
Raoul  Vadoxibe  qui  estoit  ses  amis, 
Premiers  li  chausse  ses  espérons  massis, 
Et  puis  li  a  le  branc  au  costel  mis, 
En  col  le  pert,  si  con  il  ot  apris, 
Tien,  Auberi,  dit  Raols  li  gentis, 
Que  dame  Dex,  qui  en  la  crois  fu  mis, 
Te  doin.st  pooir  contre  tes  an(  mis. 

[Rom.  it Auberi  c\ié  par  du  Can{;;e,  ort.  A(fofmre.) 

Le  bon  Symon  a  fait  Pépins  appareiller, 
Et  lui  et  sesdeus  lilschascun  fait  chevalier. 
Mautiau  de  fin  drap  d'or  fait  a  chascuu 

bailler, 
Bien  séant  a  leur  gré,  si  corn  a  souhaidier 
Pe  Symon  fist  li  rois  son  mestre  conseiller. 
Dux  >'aymes  leur  ala  les  espérons  chaucier, 
Et  li  bons  rois  Pépins  leur  ceint  les  brans 

d'acier, 
La   colàe   leur  donne,   pals  les  ala   bai- 

sier (1) 

Après  ce  que  Symonsfu  ainsi  adoubés. 
Et  que  li  rois  li  ol  donné  grans  hérités. 
Se  sont  tout  li  baron  parti  de  Florimés. 

(Rom.deBerte,  p.  174  et   177.) 

On  trouvera  des  détails  sur  la  ma- 
nière d'adouber  dans  VOrdene  de 
chevalerie.  On  peut  les  lire  dans  le 


*  Après  que  de  la  colèe  on  eut  fait  l'accolée,  on  forma  de  celui-ci  le  dé- 
rivé accolade  que  l'on  prit  pour  signifier  une  embrassade  fraternelle  donnée 
au  nouveau  chevalier  par  celui  qui  l'armait.  La  signification  de  ce  mot  est 
due  à  ce  que  l'on  embrassait  le  récipendiaire  après  lui  avoir  donnée  la  colée, 
ainsi  qu'on  le  voit  dans  ce  passage  du  Roman  de  Berte.  Nous  avons  con- 
servé l'expression  accolade  en  la  prenant  dans  un  sens  plus  général  qu'elle 
n'avait  primitivement.  ' 


268 


PREMIÈRE  PARTIE. 


férer  un  ordre  de  chevalerie  mili- 
taire; anc.  island.  dubba,  item; 
angl.  to  duh,  item.  On  a  joint  au 
primitif  germanique  le  préfixe  ad 
pour  former  addobbare,  adouber. 

Affale,  terme  de  marine.  C'est 
le  commandement  aux  gens  de  mer 
pour  faire  baisser  quelques  manœu- 
vres. Déprime.  On  l'emploie  en- 
core pour  abaisser  les  itagucs,  les 
cargues  des  basses  voiles,  afin  que 
la  toile  tombe  plus  facilement.  Af- 
faler se  dit,  en  général,  pour  abais- 
ser. (Trévoux.) 

—  Holl.  afhalen,  tirer  en  bas, 
abaisser,  composé  de  1°  af,  suffixe 
qui  répond  au  de  des  Latins  ;  et  de 
Thalen,haalen,Wv&v,  attirer.  Island, 
1»a/,  %°  liala.  Dan.  1°  af,  ?»  haie; 
suéd.  1»  af,  2°  hdla.  AUcra.  1»  ab, 
2°  holen.  Angl.  \°  of,  2°  to  haie. 

Affres,  Affreux.  Ces  deux  mois 
sont  composés  du  préfixe  latin  ad 
et  d'un  substantif  germanique  qui 
signifie  frayeur.  —  Tud.  forhta, 
frayeur,  efi'roi;  anglo-sax.  ferht, 
fyrht,  forht;  angl.  fright;  dan. 
frygt;  suéd.  fmchtan;  allem.  furcht; 
holl.  vreeze. 

Agasse,  anc.  pie  ;  en  provençal 
mjassa;  en  italien  gazza. 

Agasse  se  trouve  encore  dans 
La  Fontaine  : 

L'agasse  eut  peur;  mais  l'aigle,  ayant  fort 

bien  dîué, 
La  rassure  et  lui  dit:  Allons  de  compagnie. 

L'homme  d'Horace, 

Disant  le  bien,  le  mal ,  a  travers  champs, 

n'eût  su 
Ce  qu'en  fait  de  babil  y  savoit  notre  agasse. 

(Lifr«  XII,  fable  xt.) 

—  Tud.  agaza,  agahtra,  pie; 
bas-allem.  aglaster;  allem.  àlster, 


elster;  holl.  aakster,  aaxtcr,  cxier; 
suéd.  skata;  dan.  skade. 

Agrès.  (Voyez  Gréer.) 

Ahoquer.  (Voyez  Hoc.) 

Ahuge,  Ahoge^  anc.  grand,  haut, 
élevé,  énorme.  Le  Livre  des  B.ois  dit 
en  parlant  de  Goliath  : 

Le  halme  ont  lacié,  e  vestud  le  balberc, 
od  les  chalces  de  fer,  e  l'escu  de  aralm  al 
col  ki  le  cuverit  les  espaldes;  li  halbercs 
pesad  cinc  milles  sicles,  e  le  fer  de  sa  lance 
sis  cenz,  e  la  hanste  fud  grosse  e  nhuge 
cume  le  subie  as  leissures.  {Livre  des  Rois, 
p,  62.) 

Un  sengler  a  chasclé  le  jor 
Grant  e  ahoge  e  quartenor. 

{Chro».  det  dues  de  Kormamiit,  1. 1,  p.  459.) 

Ahoge  est  composé  du  préfixe  a, 
qui,  dans  les  anciens  idiomes  ger- 
maniques, marque  assez  souvent 
l'extension,  et  d'un  adjectif  qui  si- 
gnifie haut,  grand,  élevé. 

—  Tud.  hoch,  hoh,  élevé,  grand  ; 
go  th.  haug,  haush;  anglo-sax.  heag, 
heah;  island.  har;  anc.  allem.  houg, 
hoiich;  aMeva.hoch;  snéà.hœg;  dan. 
hœy;  holl.  hoog;  di.r\g\.huge,high. 

Aigrette,  sorte  de  petit  héron. 
,  (Voir  Trévoux.)  En  italien  aghirone, 
arghirone  ;  en  langue  d'oc  aîgron. 

On  disait  autrefois  un  panache 
d'aigrette,  pour  un  panache  fait 
avec  certaines  plumes  blanches  de 
cet  oiseau.  Par  extension,  nous  em- 
ployons aujourd'hui  aigrette  pour 
désigner  diverses  sortes  de  pa- 
naches . 

Je  suis  sur  le  poinctde  vous  recouvrer  un 
cheval  qui  va  l'enlrepas,  le  plus  beau  que 
vous  visles  jamais  et  le  meilleur,  force  pa- 
naches d'esgrette.  {R'eeueil  des  lettres  de 
Henri  iF,  publié  par  M.  Berger  de  Xivrey, 
t.  II,  p.  216.) 

—  Tud.  heigir,  heigcro,  hcigro. 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.    269 

(Voir  d'autres  exemples  de  l'em- 
ploi de  ce  mot  dans  le  même  ou- 
vrage, t.  I,  p.  13;  Roman  de  Brut, 
t.  II,  p,  251  ;  Poésies  de  Marie  de 
France,  t.  II,  p.  377.) 

Aire  nous  est  resté  sons  la  forme 
air,  manière  d'être  extérieure,  le  de- 
hors ,  l'apparence  :  nous  disons , 
dans  ce  sens,  il  a  Voir  bon,  méchant, 
doux,  féroce,  sale,  propre,  etc.  Le 
latin  habitus,  dont  la  significatioh 
primitive  était  aussi  celle  de  manière 
d'être  propre  à  un  individu,  sa  na- 
ture ,  son  naturel,  passa  également 
à  l'acception  de  manière  d'être  ex- 
térieure, l'extérieur,  le  dehors,  et 
même  à  celle  de  manière  d'être  vê- 
tu, le  costume,  l'habit. 

Ane.  allem.  art,  manière  d'être, 
naturel,  nature,  complexion,  carac- 
tère; holi.  aart ,  aard;  dan.  art; 
suéd.  art;  allem,  art. 

Aise  signifiait  autrefois  facilité, 
commodité,  aisance,  satisfaction, 
gré,  agrément,  plaisir. 

Jamais  n'aurons  tel  aise  de  nos  hontes 
vangier. 

[Chuiis.  des  Saxons,  t.  I,  p.  13.) 

—  Goth,  azèts,  facile,  aisé,  com- 
mode; azéti,  agrément.  Anglo-sax. 
eath,  facile^  commode;  angl.  easy, 
item;  tud.  ôdi,  item. 

Alêne,  autrefois  alesne  ;  en  espa- 
gnol alezna. 

Vers  lai  a  sa  corne  tornée 
Plus  tranchant  et  plus  afilée 
Conques  nus  hom  ne  vit  rasoir; 
Ce  dit  l'escripture  por  voir 
Qu'ainz  ne  fu  faus  plus  cfmolue 
Ne  nule  alesne  plus  aguë. 

(JVoKii.  ne.  découles,  t.  Il,  p.  116.) 

—  Tud.  alansa,  ala,  alêne;  anc. 
allem.  aelsene;  anglo-sax.  al,  eal; 


hragra,  héron,  aigrette;  anglo-sax. 
hrara  ;  island.  hegre  ;  dan.  hejre  ; 
suéd.  hœger;  angl.  hem;  hoU.  reiger; 
allem.  reiger  etreiher.  Ces  deux  der- 
nières langues  ont  supprimé  devant 
le  r  l'aspirée  initiale  du  primitif 
hragra;  cette  suppression  est  fré- 
quente parmi  les  idiomes  néo-ger- 
maniques. 

Aire,  autrefois  le  naturel,  la  na- 
ture propre  d'une  persofinei,  sa  ma- 
nière d'être,  ses  dispositions,  son 
caractère,  son  humeur.  On  disait 
de  mal  aire  ou  de  put  aire  pour  de 
mauvais  naturel,  de  bon  aire  pour 
de  mauvais  naturel.  C'est  de  cette 
dernière  expression  que  nous  vient 
l'adjectif  débonnaire.  (Voir,  à  cet 
égard,  les  judicieuses  remarques  de 
M.  P.  Paris^  dans  le  Bonmncero 
français,  p.  22.) 

Unques  vilains  nul,  ne  d'eus  nez, 
Ne  fu  grantment  de  lui  privez  ; 
Kar,  ce  li  estcit  aviaire, 
Toz  jorz  rctraient  vers  ['aire 
K  vers  l'orine  (origine), senz  mentir, 
Dont  a  peine  poent  eissir. 

{ChroH.  des  ducs  Je  Nortu.,  t.  II,  p.  388.) 

Tuit  cil  qui  conseillé  l'aveienl 

E  qui  en  tôt  co  le  mctcient, 

Feus  fméchanis)  e  ruilverz  (pervers)  e  de 

mal  aires, 
Furent  desfaiz  des  genitaires, 
R  des  oilz  e  des  n*s  plusors. 

{Uid.,  p.  398., 

Âhi  !  cuivert,  malvais  hom  de  put  aire. 

(C/ians.  de  Roi.  lix,  3.) 

El  gentil  hom, chevaler  de  bon  aire, 

{Iliid  ,  CLIIT.) 

rortune  est  bêle  et  bone  aus  bons,  et  de 
bon  aire, 

Mauvese  aus  mans  fesanz,  et  laide,  et  de 
put  aire. 

[NoKv.  rtc.  de  contes,  I.  1,  p.  198.) 


270 


PREMIÈRE  PARTIE. 


island.  air;  allem.  ahle;  angl.  aivl; 
hoU.  els,  elssen.  Tous  ces  mots  pa- 
raissent de  la  même  famille  que  le 
gothique  alj  signifiant  aiguille. 

—  Alérion,  anc.  aiglon.  Ce  mot 
a  la  forme  d'un  diminutif;  il  est  en- 
core usité  en  terme  de  blason.  Les 
Montmorenci  portent  d'or  à  la  croix 
(le  gueules,  cantonnée  de  seize  alé- 
rions  d'azur. 

Tant  i  fui  quej'oï  venir 
Chevaliers,  ce  me  fu  avis... 
Et  cil,  conie  maltalenlis, 
Vint  plus  tost  que  uns  nierions. 
Fier  par  semblant  corne  lions. 

{Touriioiemenlilet'Aniéchrlsl,  p.  127  et  lîS  ) 

Cliiule  de  dum  (duvetj  d'alérion 
Envolsé  d'un  blanc  siglaton 
Ot  par  desus  le  cordeis 
Qui  fu  de  soie  lacéis, 

{Parlonop.  de  Blois,  t.  II,  p.  181.) 

—  Tud.  i^adalarOj  sorte  d'aigle, 
composé  de  2"  adaly  noble,  et  de 
3°àro,  aigle;  anc.  allem.  1°  adeîar, 
adler;  %"  adel  ;  3"  ar  ;  holl .  adelaar, 
aigle.  Le  mot  principal  dont  est 
formé  ce  composé  se  trouve  dans  les 
divers  idiomes  germaniques.  Goth. 
ara,  aigle;  anc.  island.  ari;  anglo- 
sax.  earn  ;  dan.  om;  suéd.  œrn. 

Algier,  algeir,  anc.  pique,  ja- 
velot. 

Li  reisMarsilics  ad  la  culur  muée, 
De  Sun  algeir  ad  la  hanste  croUée. 

{Chnn$.  de  Roland,  tt.  xxxiii.) 

Li  reis  Marsilics  en  fud  mult  esfreed, 
Un  algier  tint  ki  d'or  fut  enpenet, 
Ferir  l'en  volt  se  n'en  fust  desturnet. 

(/iU.  ht.  xixii.) 

Al  par  lequel  commence  algdr, 
nlgier,  doit  être  une  notation  gra- 
phique équivalant  à  au  auquel  cette 
notation   est  substituée;  ainsi   ces 


mots  se  prononçaient  sans  doute  au- 
ger,  augier.  (Voyez  les  observations 
présentées  ci-dessus  p.  1 24,  art.  Al- 
cuns.)  Cette  supposition  est  d'autant 
plus  probable  que  nous  trouvons 
agiez  au  plur.  dans  le  même  ouvrage 
qui  nous  fournit  les  formes  algier, 
algeir. 

Il  lor  lancent  e  lances,  e  espiez, 
Evr'igres,edarz,e  museras,  efljî(;5,egieser. 

{Chans.  de  Roland,  tU  cm.) 

—  Tud.  \<'azgèr,  sorte  d'arme  de 
trait,  javelot,  pique,  composé  de 
2*  az,  préfixe  explétif  servant  à  for- 
mer des  composés,  et  de  3"  yêr,  ja- 
velot. Anglo-sax.  \°  atgar,  2°  at, 
3°  gar.  Anc.  island.  ]°atgeir,  Tat, 
3°geir.  (Voyez  au  sujet  du  préfixe  az^ 
a^Grimm, Dewisc/ie  grammatik,t,  II, 
p.  m.)  Anc.  allemand^  ger,  gère, 
javelot,  pique. 

Alise. —  Anc.  allem.  œlsche-pyr, 
alise;  allem.  else-beere;  dan.  axel- 
bœr.  Nous  n'avons  gardé  que  le  pre- 
mier des  deux  mots  dont  se  com- 
pose le  substantif  germanique;  le 
second,  pjr,  heere ,  hœr ,  que  nous 
avon»  rejeté,  signifie  petit  fruit, 
baie. 

Alleu,  en  basse  latinité  a Wo<imm. 
Ce  mot  servit  à  désigner,  après  la 
conquête  germanique,  une  portion 
de  terre  possédée  en  toute  propriété 
par  un  homme  libre,  à  la  différence 
du  bénéfice,  concédé  seulement  à  vie, 
ou  bien  pour  un  temps  déterminé. 
En  italien  allodio,  en  espagnol  alo- 
dio ,  en  langue  d'oc  alodi.  Nous 
avons  dit  anciennement  en  langue 
d'oïl  aluet,  alluet. 

Nostre  antecesseur,  et  nous  après  iauls 
euissient  tenut  paisiulenient  le  ville,  le 
tiene  de  Lcssines  et  toutes  les  apierienanccs 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  II.   271 

doit  remplir  un  prévôt,  lui   donne 
le  conseil  suivant  : 


en  forterece  et  defors  fortereclie  en  franch 
alluet.  (Cartulaires  de  Hainaut,  publiées 
par  M,  de  Reiffenberg,  p.  371.) 

Ce  sunt  H  homme  mon  signeur  de  Soten- 
ghien  de  sen  aluet.  {Ibid,  p.  404.) 

—  Tud.  aloà,  alleu  ;  composé  de 
Ao  al,  tout  et  de  2°  àd,  propre,  ap- 
partenant en  toute  propriété.  Anglo- 
sax.  <o  al,  cel,  eal  ;  2°  œth,aith.  Is- 
land.  \f>all;  tood,  audr.  Suéd.  ail, 
tout;   odal,   patrimoine,   héritage, 
domaine  ;  mot  composé,  selon  Ihre, 
de  l'ancien  primitif  od,   propriété, 
et  ail,  tout.  Dan.  al,  tout  ;  odel,  de 
même   signification   et    de    même 
composition  que  le  suédois  odal. 

Alose,  en  espagnol  alosa,  en  ita- 
lien/occta;  en  basse  latinité  alau- 
sa  qui  se  trouve  déjà  dans  Ausone. 
Il  donne  ce  nom  à  un  poisson  de  la 
Moselle.  Il  est  probable  qu'il  était 
nommé  de  la  sorte  parmi  les  popu- 
lations germaniques  qui  déjà  au  iv« 
siècle  étaient  établies  dans  une  par- 
tie de  l'ancienne  Belgique  ;  car  on 
retrouve  ce  mot  en  tudesque  et  dans 
d'autres  idiomes  de  la  même  famille. 

—  Tud.  alausa,  alosa,  alose;  anc. 
allem.  alsem;  allem.  alose,  àlse,else; 
holl.elft;  angl.  alose. 

Amarre,  Amarrer,  mots  compo- 
sés de  la  préposition  germanique  an, 
correspondant  au  latin  ad,  et  d'un 
verbe  qui  signifie  attacher. 

—  Tud.  marrian,  merran,  rete- 
nir, attacher  ;  go  th.  marzjan,  item  ; 
anglo-sax.  meanjan,  merran, item; 
marel,  corde,  câble;  holl.  maaren, 
amarrer. 

Ambassadeur,  Au  xiii"  siècle  nos 
pères  disaient  ambasseur,  ambasscor 
qui  signifiaient  un  délégué.  Brunetto 
Lattini   parlant    des    devoirs    que 


Autres!  doiz  en  ton  tens,  se  meslier  est, 
tro\er  ambasseor.i,  par  la  volonté  dou  com- 
mun, qui  te  facent  compaignie  jusqu'à  ton 
hostel,  et  qui  portent  grâces,  et  saluz,  et 
bon  tesmoing  de  toi  et  de  les  œuvres  au 
comun  de  ta  vile.  (Jré.ior  de  Brunetto  La- 
tini ,  Bibliolh.  impériale ,  suppl.  franc, 
ms.  1f'8,  fol.  229,  recto.  —  Impr.  Livre  de 
Justice,  p.  3^0.) 

En  basse  latinité  ambascia  signi- 
fiait charge  qu'une  personne  donne 
à  quelqu'un  de  faire  quelque  chose 
pour  elle,  commission  ;  d'où  ambas- 
ciare,  ambassiare,    charger  quel- 
qu'un d'une   affaire,    l'envoyer  en 
commission,  lui  confier  une  mission  ; 
ambasciator,  ambassiator,  celui  qui 
est  chargé  d'une  affaire,  d'une  fonc- 
tion temporaire,  un  commissaire,  un 
député,  un  délégué.  C'est  ambassia- 
tor qui  donna  à  notre  ancienne  lan- 
gue ambasseur  comme  imperator, 
salvator  lui    donnèrent  empereur, 
sauveur.  Quant  à  la  forme  actuelle 
ambassadeur,  il  est  probable  qu'elle 
nous  vient  du  portugais  ou  de  l'es- 
pagnol. La  première  de  ces  langues 
nous  offre  embaixador  et  la  seconde 
embaxador  ou  embajador.  La  sup- 
position que  je  fais  à  cet  égard  n'est 
pas  uniquement  fondée  sur  une  res- 
semblance de  terminaisons,  elle  est 
encore  fondée   sur    un  motif   tiré 
d'une  circonstance  particulière.  La 
première  fois  que  je  vois  apparaître 
ce  mot  dansla langue  avec  sa  forme 
et  sa  signification  actuelle,  c'est  dans 
un  chapitre  de  Froissart  où  il  s'agit 
d'ambassadeurs  potugais.  «  Vous  sa- 
vez, dit-il,  si  comme  ci-dessus  est 
contenu,  comment  le  roi  dam  Jean 
de  Castille   avoit  assiégé  la  bonne 


272 


PREMIÈRE  PARTIE. 


cité  de  Lussebonne  et  le  roi  Jean  de 
Portingal  dedans  ;  lequel  roi  de  fait 
les  bonnes  villes  de  Portingal  avoient 
couronné  pour  sa  vaillance,  car  voi- 
re ment  estoit^il  bâtard;  et  si  avez 
ouï  recorder  comment  cil  roi  avoit 
envoyé  en  Angleterre  devant  le 
duc  de  Lancastre  et  le  comte  de 
Cantebruge  qui  avoient  par  mariage 
ses  cousines,  au  secours,  ses  espe- 
ciaux  messagers  deux  chevaliers, 
messire  Jean  Ra  Digos  et  messire 
Jean  Tête  d'Or,  et  avecqucs  eux  un 
clerc  licencié  en  droit  qui  estoit  ar- 
chidiacre de  Lussebonne.  Tant  ex- 
ploitèrent ces  ambassadeurs  ^SiT  mer, 
par  le  bon  vent  qu'ils  eurent,  qu'ils 
arrivèrent  au  havre  de  H  an  tonne.... 
Les  ambaxadeurs  portingalois  furent 
contens  assez  de  ces  réponses  et  se 
départirent  du  duc  de  Lancastre.... 
Les  ambassadeurs  de  Portingal  con- 
cevoientbienlcs  paroles  du  comte...» 
(Froissart, livre  III,  ch.  XVIII,  t. II, 
Pi4i5,  coL  \  et  2.) 

—  Tud.  ambaht,  ci  ambahti,  char- 
ge, office,  emploi, fonction;  ambaht, 
ambahtari,  qui  a  une  charge,  un  offi- 
ce ,  un  emploi ,  ministre ,  officier  ; 
goth.  andbahts,  item  ;  anglo-sax, 
ambiht ,  item;  island.  ambatt , 
ambot,  ilem;  allem.amf,  charge, 
emploi,  office,  fonction;  holl.  ampt, 
item;  amptman,  officier,  employé, 
ministre  ;  dan.  ambt,  préposé,  pré- 
vôt jsuéd.  ambet,item. 

Anchois,  en  portugais  anchova. 
—  Holl.  antsouwe,  anchois;  angl. 
anchovy  ;  dan .  antjoser. 

Anspect,  terme  de  marine^  barre 
de  bois  servant  de  levier  pour  re- 
muer des  fardeaux.  —  Holl.  hands- 
paak,   anspect,   composé  de  hand, 


main,  et  de  spaak,  barre.  Dan. 
haa'iidspage,  haandspœger,  anspect; 
haand,  main;  spar,  sparje,  barre. 
Angl.  hanspike,  anspect  ;  hand, 
main;  pike,  bâton  pointu,  pieu. 

Arban,  anc.  corvée,  service  gra- 
tuit qui  était  dû  par  un  tenancier  à 
son  seigneur;  il  consistait  en  un 
travail  fait  demain  d'homme  ou  bien 
au  moyen  de  chevaux,  de  bœufs,  etc. 

Toul  homme  tenant  servement  son  héri- 
tage ou  raorlaillablement,  doit  faire  par 
chacune  semaine  a  son  seigneur  le  ban  et 
Varban,  c'ést-ii-dire  une  corvée  à  bras  du 
mestier  qu'il  sçait  faire;  et  s'il  fait  arban 
avec  di'ux  bœufs,  il  en  vaut  deux.  (Coa- 
tumex  de  la  Marche,  ar».  1 36.) 

Je  quite  tout  arban  aux  hommes  et  aux 
femmes  de  la  dite  francise,  fors  que  tant  je 
retien  moncharroy  entièrement  au  besogne 
de  mon  chastel  et  de  mes  maisons  de  Ves- 
dun,  et  de  vins  et  de  foins  tant  seulement; 
et  je  ne  les  puis  forcer  à  nul  arban,  ne  de 
charroy  aller  fors  la  paroche  de  Vesdun  par 
nesun  besoin.  (.Coutumes  de  Vesdun  en 
Berri,  publiées  par  LaThaumassière  dans 
son  recueil  des  Coutumes  du  Berri.) 

On  disait  dans  le  même  sens  en 
basse  latinité  heribannum,  hereban- 
num,  haribannum,  aribannum,  etc. 
Ces  mots  signifièrent  primitivement 
une  proclamation  faite  pour  appeler 
sous  les  drapeaux  tous  ceux  qui 
étaient  tenus  au  service  militaire,  ils 
se  prirent  ensuite  pour  une  redevance 
pécuniaire  que  l'on  payait  afin  de 
s'exempter  de  ce  service',  puis  ils 
s'employèrent  pour  désigner  cer- 
taines prestations  en  argent  ou  en 
nature,  et  enfin  pour  une  corvée. 
Voyez  du  Gange  Heribannum. 

—  Tud.  heriban  ,  proclamation 
faite  pour  convoquer  les  gens  de 
guerre,  mot  composé  de  heri,  hari, 
armée   et  de  bann,  proclamation, 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE  SECT.  II.   873 


édit,  mandement.  Anglo-sax.  here^ 
kerig,  armée;  bannan,  proclamer. 
Pour  les  mots  correspondants  à  heri 
et  à  bann  dans  les  différents  idiomes 
germaniques  voyez  ci-après  l'art. 
Auberge  et  l'art.  Ban. 

Arramir,  anc.  convoquer^  réunir, 
rassembler  j  assigner  quelqu'un  à 
comparaître  au  jour  fixé  ou  dans  un 
lieu  déterminé  pour  plaider  une 
cause  ou  pour  traiter  d'une  affaire. 

Qui  famé  vbudrôit  dëcevoir, 
Je  li  faz  bien  apercevoir 
Qu'avant  decevroit  i'anemi. 
Le  deable,  a  cbaïQp  arami. 

(Kotebeuf,  I.  I,  p.  S96.) 

A  Everwic  vinrent  Daneis  ; 
tk  's  amenierent  li  Engleis 

Galleve  e  Gai-Patricius 

Od  quanqu'ii  porent  arramir 
Vindrent  les  chasteaus  assaillir. 

[Chron.  det  duc$  de  Nom.,  t.  III.  p.  166.) 

On  disait  en  basse  latinité,  adra- 
mire,  arramire.  Ces  mots  sont  com- 
posés du  préfixe  latin  ad  et  d'un 
verbe  germanique.  —  Tud.  râmén^ 
râmjanj  diriger  vers  ;  hoU.  raamenf 
et  avec  le  préfixe  be,  beraamen,  con- 
voquer des  plaideurs  pour  juger  leur 
affaire,  fixer  un  jour,  assigner  un 
lieuj  aUem  .  anberdumen ,  item; 
avec  les  préfixes  an  et  6e. 

Attache,  Attacher,  mots  com- 
posés de  la  préposition  latine  ad  et 
d'un  élément  germanique.  En  basse 
latinité^  staca  se  prenait  pour  un 
pieu  ;  d'où  stacare,  lier,  attacher  à 
un  pieu.  En  espagnol,  estaca,  pieu  ; 
estacar,  ficher  un  pieu  en  terre  pour 
y  attacher  une  bête.  En  italien, 
stacca  signifie  un  piquet,  un  clou  fi- 
ché dans  le  mur  pour  y  attacher 
quelque  chose,  et  attaccare,  atta- 


cher. Nous  disions  autrefois  fisïacftc 
pour  pieu,  poteau  servant  à  atta- 
cher. 

A  une  estache  l'unt  atachet  cil  serf. 
Les  mains  li  lient  à  curreies  de  cerf. 
Très  bien  le  bâtent  a  fuz  e  a  jamelz. 

■{Chans.  de  Roland,  tt.  cctxxil.) 

—  Tud.  steccho,  sfecho,  pieu,  pi- 
quet; anglo-sax.  staka;  island. 
stiaka  ;  bas  allem.  stake;  dan. 
stage;  suéd.  stake;  hoU.  staah} 
angl.  stake. 

Auberge.  On  disait  autrefois  her- 
berge,  qui  signifiait  d'abord  un  em- 
placement oii  une  armée  dresse  des 
tentes  pour  s'y  loger  et  où  elle  fait 
des  retranchements,  afin  de  se  ga- 
rantir des  attaques  de  l'ennemi,  un 
camp,  un  campement;  il  se  prenait 
également  poui*  uû  logement  de  sol- 
dats dans  un  camp,  pour  une  tente, 
une  barque. 

Loreseissid  li  poples  de  la  cited,  e  vint 
as  herberges  de  ces  de  Syrie.  {Livre  de» 
Rois,  p.  373.) 

Et  egrestus  populus  diripuit  castra  SyHa» 

Cume  David  fud  venuz  as  herierges.  {IHd. 
p.  184.) 

Cumque  venisset  David  in  castra. 

Cornée  unt  plusors  la  retraite; 
N'i  out  une  puis  saette  traite. 
As  herberget  se  désarmèrent 
Tut  maintenant,  n'i  demorerent. 

(CAroa.  dei  duct  de  Korm.  t.  I,  p.  118.} 

Herberger  signifiait  prendre  un 
campement,  dresser  un  camp. 

Dist  l'emperere  :  «  Tens  est  del  herberger; 
En  Roncesvals  est  tart  del  repairer  ; 
Noz  chevals  sunt  e  las  e  ennuiez.... 
Li  emperere  ad  prise  sa  herberge 
Franceis  descendent  en  la  tere  déserte, 
A  lur  chevals  unt  toleites  les  seles. 

(CAa*<.  d*  Roland,  rt.  CHsrii  etusimi.) 


48 


S74 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Par  extension ,  herberge ,  héber- 
ge, se  dirent  d'un  logement,  d'une 
demeure,  d'une  habitation  en  géné- 
ral, et  herbergerj  héberger  se  prirent 
pour  donner  un  logement,  loger 
chez  soi.  Le  dernier  nous  est  resté 
dans  le  même  sens.  En  basse  lati- 
nité les  substantifs  heriherga,  here- 
berga,  et  les  verbes  heribergare,  fter- 
bergare  ont  passé  par  les  mêmes  si- 
gnifications que  les  mots  français 
correspondants. 

Un  esté  faites  e  basties 
Au  meins  dis  et  oit  abeies 
De  moines,  e  sis  de  nonains  ... 
En  icestes  saintes  herberges 
N'est  pas  11  airs  laiz  ne  tenerges; 
Deus  des  suens  rais  les  enlumine. 

(Chron.  det  duo  de  Norm.  t.  III,  p.  289.) 

Enfin  héberge  en  vint  à  signifier 
une  maison  o\x  l'on  est  logé  en 
payant,  une  hôtellerie;  c'est  la 
seule  signification  qu'ait  conservée 
la  forme  moderne  auberge» 

—  Tud.  heriberga,  campement, 
formé  de  1  "  herij  hari,  armée,  et  de 
2°  bergan,  garantir,  protéger,  dé- 
fendre. Goth.  4°  har;  2°  bairgan. 
Anglo-sax.  4'  hère,  herig,  herg; 
2*  bergan.  Island.  4»  her;  2'  berga. 
AUem.  4'  heer;  2"  bergen.  Dan. 
4*  hœr;  2»  vœrge.  Suéd.  4°  her; 
2»  bœrga.  HoU.  4"  heir;  2°  bergen. 

Avarie.  Ce  nom  a  d'abord  été 
donné  à  ce  que  nous  nommons  au- 
jourd'hui les  menues  avaries,  défi- 
nies ainsi  par  l'Académie  :  «  Acci- 
dents légers  qu'éprouvent  le  navire 
ou  les  marchandises  à  l'entrée  ou  à 
la  sortie  des  ports,  des  rivières, 
ainsi  que  les  frais  de  lamanage,  de 
louage,  etc.  » 

—  Allem.  haferey,  haverey,  ava- 


rie, dérivé  de  hafen,  port.  Holt. 
4"  havery,  avarie;  2"  haven,  port. 
Angl.  4°  average;  2"  haven.  Dan. 
havne-^enge,  avarie,  composé  de 
havn,  port,  et  de  "penge,  somme,  ar- 
gent, frais. 
Baate,  anc.  garde,  gardien. 

Quant  les  baates  de  la  tor 
Virent  les  enseignes  des  lor, 
Saveir  l'ont  fait  ignelement 
Al  duc  Richart  e  a  sa  geut. 

(CAren.  dei  ducs  de  Korm.,  t.l,  p.  lit.) 

—  Tud.  bahuotan,  behuotan,  6e- 
hoodan,  garder,  conserver^  composé 
du  préfixe  ba,  be  et  de  huotan,  hoo- 
dan,  qui  ont  la  même  signification  ; 
allem.  behûten,  item;  holl.  behou-^ 
den  et  hoeden,  item;  behouder,  beoe- 
der,  garde^  gardien. 

Babil,  Babiller.  —  Island.  bab^ 
babil,  caquet;  dan.  bable,  jaser,  ba- 
biller; angl.  to  babble,  item;  holl. 
babbeîen;  allem.  babbeln. 

Bâbord,  terme  de  marine.  Ce  mot 
signifie  étymologiquement,  bord  de 
derrière.  Dans  les  anciens  navires, 
le  gouvernail  se  trouvant  attaché  au 
tribord  d'arrière,  le  pilote  avait  le 
bâbord  derrière  lui.  (Voir,  sur  cette 
position  du  gouvernail,  Ihre,  Glos- 
sarium  sueco-gothiaim,  col.  741 ,  et 
M.  Jal,  Archéologie  navale,  t.  I, 
p.  481.)  —  Allem.  backbord,  bâ- 
bord; holl.  bakboord;  suéd.  et  dan. 
bagbord;  island.  bakbordi;  anglo- 
sax.  bacbord.  —  Suéd.  4°  bak,  en 
arrière,  derrière;  2"  bord,  bord.  Dan. 
<•  bag;  2°  bord.  Angl.  4*  back; 
2"  board.  Tud.  4»  bacho;  2°  bort, 
borti.  Anglo-sax.  4  '  bac,  bœc;  2'  bord, 
Island.  4*  bak;  2°  bord.  (Voir  l'art. 
Bord  et  l'art.  Tribord.) 

Bac,  Bachot.  Bac  signifiait  autre- 


CHAP.  m,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.    275 

holl.  baecke;  bas  allem.  bolckjtem; 
anc.  allera.  hache  Jtem;  allem.  mol 
derne  bcœhe,  laie,  femelle  d'un  porc 
sauvage.  L'anglais  a  hacon,  porc 
salé;  mais  ce  mot  n'est  autre  que 
celui  de  la  langue  d'oïl  importé  en 
Angleterre  par  les  Normands. 

Badille,  anc.  hoyau;  ital.  badUe, 

item.  Ces  mots  sont  des  diminutifs  : 

Or  faut  cerpe,  or  faut  faucille. 


fois  une  espèce  de  navire  qui  servait 
aux  transports;  il  ne  s'emploie  plus 
aujourd'hui  que  pour  désigner  une 
sorte  de  bateau  plat  destiné  à  passer 
une  rivière  à  l'aide  d'une  corde  ten- 
due d'une  rive  à  l'autre. 


Nés,  sauntines,  buces  e  bas 
Orent  à  si  très-grant  plantez 
C'unques  ne  furent  sol  nonbrez; 
Armes  et  vitaille  i  unt  mise. 

{Chron.  det  duci  dt  Norm.  t.  11,  p.  434.) 

—  Holl.  bah,  bac,  ponton,  bateau 
plat;  allem.  balte,  balise,  bouée, 
amarque.  Ces  mots  peuvent  être 
rapportés  à  l'ancien  allemand  bac. 
bach,  qui  signifient  un  grand  baquet 
ou  tout  autre  grand  vaisseau  de 
même  sorte;  allem.  bechen,  item. 

Bacon,  anc.  porc,  chair  de  porc, 
cochon  salé,  lard,  jambon;  en  basse 
latmité,  baco,  baconis.  Le  mot  ba- 
con signifie  encore  aujourd'hui  du 
lard  dans  le  patois  messin. 

Sire,  fait-il,  vous  avez  tort, 
Onquespar  toz  sainz  ne  l'toschal; 
Mais  c'est  deable,  bien  le  sai, 
Qui  a  fait  moine  de  bacon. 
Se  Diex  me  doint  confession. 
Ce  fut  un  bacon  que  je  pris. 

;  (H^o,  Fabliaux  et  conlet,  I.  I,  p,  263.) 

Chascuns  bacons  doit  obole  de  tonlieu  ; 
la  moitié  d'un  ^acoM  doit  obole  de  tonlieu; 
li  quarts  de  i  bacon  ne  doit  rien  de  tonlieu. 
Se  bacon  vienent  en  peneaus  en  gresse,  li 
Hii  penau  doivent  i  denier  de  tonlieu. 
i  Livre  des  tnéliers  d'Etienne  Boileau , 
p.  319.) 

Diex  1  qui  ore  eust  du  baeon 
Te  taiien,  bien  venist  a  point. 

(T/uàlrifraneaii  au  moyen  âge,  p.  108.) 

(Voir  ci-après  la  fin  de  l'article 
Fliche.) 

—  Tud.  barc,  barch,  porc,  pour- 
ceau; anglo-sax.  bearh,  item;  anc. 


Et  maint  autre  tille,  badille, 
Rouable  et  pele. 

(te  Diiii  d„  chose,  gui  fuillent  en  ménage,  ian,  I, 
Noureau  reeueil  de  coDlet,  t.  H,  p.  i67.) 

—  Tud.  spato.  houe,  boyau;  an- 
glo-sax.  spad^spadu;  island.  spadi 
spadei  holl.  spade;  allem.  spate, 
spaten;  dan.  spade;  suéd.  spada; 
spade;  angl.  spade. 

Bâfrer,  manger  avidement  et 
avec  excès.  (Acad.)  On  disait  autre- 
fois brifer  dans  le  même  sens.  (Voir 
Trévoux.) 

Ohl  le  bon  appétit  1  Tenez,  comme  il  bri/fel 

(Nocl  du  Fail,  Propo,  ruiliqui,,  clap.  xn.) 

Toutefois  nous  ne  laissons  pas, 
Trinquans  et  briffans  comme  drôles, 
D'y  faire  un  aussi  bon  repas 
Qu'on  puisse  faire  entre  deux  pôles. 

(OEuvret  de  gaint-Amanl.  ëdit.  de  1661,  p.  154.) 

Brifa  se  dit  encore  aujourd'hui 
en  Languedoc  pour  désigner  certaine 
faim  dévorante  des  vers  à  soie.  ■— 
Ces  mots  sont  composés  du  préfixe 
germanique  be,  U,  ba,  et  d'un  verbe 
qui  signifie  dévorer.  Tud.  frezan, 
manger  avidement,  dévorer;  goth. 
fretan;  anglo-sax.  frœtan,  fretan; 
allem.  fressen;  dan.  fraadse;  suéd. 
frœta  ;  holl.  vreeten. 

Bagarre,  querelle  avecgrand  bruit. 
—Tud.  bâga,  querelle,  dispute,  com- 
bat; bagên,,  se  disputer,  se  querel- 
ler, combattre.  Allem,  sich  balgen, 


276 


PREMIÈRE  PARTIE. 


se  disputer,  se  colleter,  se  battre  ; 
balgen,  se  fâcher,  se  mettre  en  co- 
lère. Holl.  belgen,  se  fâcher. 

Bague.  En  basse  latinité,  baga  et 
bauga  se  prenaient  ponr  un  anneau 
que  l'on  portait  au  bras ,  un  brace- 
let, ou  pour  un  anneau  que  l'on  porte 
au  doigt,  une  bague.  —  Tud.  baug, 
pauga,  anneau,  bracelet,  collier; 
goth.  baiig;  ancien  iû&nd.  baugr  ; 
anglo-sax.  beag;  holl.  beugel.  Tous 
ces  mots  dérivent  d'une  racine  ger- 
manique signifiant  courber,  fléchir, 
ployer  en  rond.  — Tud.  biiigan,  baug- 
jan,  ployer,  fléchir,  courber;  anglo- 
sax.  bugarij  bigan;  anc.  island.  bey- 
gia;  allem.  beugen,  biegen,  bôgeln; 
suéd.  boya  ;  holl.  buigen  ;  angl.  to 
bow. 

Bahut,  Behut,  espèce  d'ancien 
coffre  destiné  à  renfermer  des  ha- 
bits, du  pain  et  divers  autres  objets  ; 
en  basse  latinité,  bahvdum.  —  Tud. 
bahuotan,  behuotan,  garder,  conser- 
ver, mettre  en  réserve  ;  composés  du 
préfixe  ba,  be  et  de  huotan,  huotjan, 
qui  ont  la  même  signification ,  d'où 
hute,  endroit  de  réserve,  endroit  où 
l'on  garde  des  provisions.  Anglo-sax. 
hedan,  garder,  conserver.  Allem. 
behûten ,  item  ;  holl.  behouden  et 
hoederij  item;  dan.  hytte,  item. 

Baille,  en  terme  de  marine,  est 
ime  espèce  de  cuve  ou  de  baquet  fait 
d'un  demi-tonneau,  qui  sert  à  divers 
usages  sur  les  vaisseaux,  et  particu- 
lièrement à  mettre  le  breuvage  qu'on 
donne  aux  motelots.  (Trévoux.)  On 
disait  autrefois  baallie  pour  cuve, 
envier.  (Voir  ce  mot  dans  Roquefort.) 
—  Dan.  balje,  cuve,  cuvier,  baquet, 
seau,  tinette,  baille;  suéd.  bœlja, 
item;  bas  allem.  balje,  item;  hoU. 


balte f  item;  anc.  sax.  ballye,  ballje^ 
baquet,  seau;  angl.  pm7,  lYem. 

Balast;  c'est  un  amas  de  cailloux 
et  de  sable  que  l'on  met  à  fond  de 
cale ,  afin  que  le  vaisseau ,  entrant 
dans  l'eau  par  ce  poids,  demeure  en 
assiette.  (Trévoux).  —  Suéd.  ballast, 
balast,  composé  de  baat,  navire,  ba- 
teau, et  de  last,  poids,  charge.  Angl. 
i  0  ballast,  balast  ;  2°  boat,  bateau  ; 
3°  load,  charge.  Allem.  4°  ballast; 
2°  boot  ;  3"  last.  Holl.  1"  ballast; 
2°  boot;  3"  last.  Dan.  boaà^  bateau; 
last,  charge. 

Bald,  Bault,  Baud,  Baut,  anc, 
hardi,  audacieux,  gaillard,  dispos, 
éveillé;  en  italien,  balào.  Balde- 
MENT,  Baudement,  hardiment,  gail- 
lardement, joyeusement;  ital,  baX- 
damente.  Baldet,  Baudé,  Baldeur, 
Baldoirie,  hardiesse,  audace,  gail- 
lardise, gaieté;  en  italien,  baldanza. 
De  baud  on  forma  bawdir,  qui  est 
encore  en  usage  en  termes  de  chasse, 
et  dont  nous  avons  fait  le  composé 
ébaudir, 

Li  empereres  se  f»it  e  balz  e  liez, 
Coidres  a  prise  e  les  murs  peceiez, 
Od  ses  radables  les  turs  en  aLatied. 

(chant,  dt  RalanJ,   it.  Tiii.) 

Ne  quiers  don  ne  bas  ne  haut  ; 
Ains  veuil  qu'el  me  truit  bault. 
Sans  guiller  et  sans  faillir. 

{Chaïu.  de  Thibault  de  Champagm,  p.  31.) 

Hé  las  !  por  qoi  fui-je  si  baut 
Que  je  onques  penssai  si  haut  ! 

(Aouf.  ne,  de  contei,  t.  11,  p.  363.) 

Lores  dist  Jonathas  à  san  esquier  :  Bal- 
dement  alam,  bien  le  sachiez  que  Deus  les 
ad  à  mort  livrez.  (Livre  des  Rois,  p.  46.) 

E  Jéroboam  ne  deignad  faire  le  cuman" 
dément  le  rei,  kar  muntez  fud  ed  baldet  e 
en  ferté  par  co  que  H  reis  le  out  fait  pur 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE. 


SEC  T.  II.  277 


M  prneise  maistre  reeeTur  de  tnz  les  treoz 
ki  aleverent  del  lignage  Joseph  al  oes  la 
rei.(/*ii,p.279.) 

Cum  decarrat  ma  force  e  ma  baldur  ! 
r^en  tarai  j'a  ki  sostienget  m'onur. 

{Cham.  de  Roland,  it.  ccir.) 

Pais  venent  tl  palais  si  demeinant  grant 
baldorie, 

Franeeis  sant  al  palais,  taz  fud  prest  li 
digners, 

Les  tabeles  farent  drecées,  e  sont  alez 
manger. 

(  rog.  ie  CkarUm.  i  Mr.,  v.  S30.) 

—  Tud.  bald,  hardi^  gaillard,  dis- 
pos; go  th.  balths  ;  anglo-sax.  bald, 
bcUdice;  anc.  island.  baldr;  anc. 
ail.  bold  ;  angl.  bold;  dan.  balstyrig, 
fougueux,  turbulent,  pétulant;  hoU, 
baldadig,  item. 

Balise,  terme  de  marine.  Marque 
dont  on  se  sert  pour  assurer  la  na- 
vigation à  l'entrée  des  ports,  à  l'em- 
bouchure des  rivières,  en  indiquant 
les  endroits  où  il  peut  y  avoir  du  pé- 
ril. Ce  sont  ordinairement  des  ba- 
rils, des  baquets  et  autres  vaisseaux 
semblables  attachés  par  une  chaîne 
de  fer,  dont  l'un  des  bouts  est  main- 
tenu au  fond  de  l'eau  au  moyen  de 
grosses  pierres.  Anc.  sax.  balye^  balje, 
baquet,  cuvier,  seau^;  dan.  balje  ; 
suéd.  bœlja;  holl.  balte;  angl.  pail. 

Balle,  Ballot,  paquet  de  mar- 
chandises; en  basse  latinité,  bala. 
(Voir  du  Gange.)  Ces  mots  dérivent 
d'une  racine  germanique  signifiant 
un  -corps  arrondi  en  général  (  Voir 
Balle  à  jouer.)  —  Tud.  balla,  balle, 
paume,  pelotte,  corps  arrondi  ;  island. 
bollr,  item  ;  anc.  allem.  bal,  item  ; 
allem.  bail,  item  ;  ballen,  arrondir, 
former  en  ballot  ;  ballen ,  paquet , 
ballot;  suéd.  bahl,  item;  hoU.  baal. 


item;  angl.  hule,  item;  dan.  baile, 
item. 

Balle  à  jouer  (Voir  Balle,  ballot). 
—  Tud.  balla,  balle  à  jouer,  paume; 
island.  bôllr  ;  hoUand.  6a/  ;  dan. 
bold;  suéd.  bœll;  angl.  bail;  anc. 
allem.  bal;  allem.  bail. 

Ban,  Bannir,  Bannal  :  4"»  La  si- 
gnification primitive  de  ban  était 
celle  de  proclamation,  mandement 
du  pouvoir  public  pour  ordonner, 
défendre  ou  faire  connaître  quelque 
chose  ;  il  nous  est  resté  en  ce  sens  dans 
ban  de  vendange  ban  de  mariage. 

Quant  l'emperor  establit  par  letrcs  oa 
par  escriz  ou  par  jugement  ou  par  interlo- 
cutoire, ou  ce  que  il  commande  par  son 
ban,  loi  est.  (Livre  de  Jostiee,  p.  9.) 

Quant  bans  est  criez  en  commune  seae, 
cil  qui  vienentpor  actieson  dou  ban,  paeent 
eslire,  tout  soieut-ii  pou.  (Ibid,  p.  28.) 

2°  Dans  une  sigification  restreinte. 
ban  s'appliqua  particulièrement  à  la 
proclamation  faite  pour  convoquer 
les  gens  de  guerre,  et,  par  suite, 
pour  désigner  les  troupes  convoquées 
sous  les  drapeaux.  Un  héraut  d'ar- 
mes est  chargé,  par  un  roi  d'Afri- 
que, de  faire  une  proclamation  pour 
convoquer  les  gens  de  guerre;  il 
parcourt  le  pays  en  criant  : 

Oiiès,  oiiès,  oies,  signear, 
Oiè«  vo  preu  et  vo  honneur. 
Je  fïc  le  ban  le  roy  d'Aufrile; 
Que  tôt  i  Yiegnent,  povre  e  rique. 
Garni  de  leur  armes,  par  ban. 
De  la  terre  Prestrc-Jehan 
Ne  remaigne  jusques  al  Coine. 

{Théâlre  franpait  au  moyn  âge,  p.  167.) 

A  cel  ure,  li  Philistien  firent  lur  ban, 
asemblerent  lur  gent,  apresterent  sei  a^'ba- 
taille  encunire  Israël.  (Livre  des  Rois, 
p.  108.) 

3°  Ban  signifia  de  plus  la  juridic- 
tion d'un  magistrat,  d'un  seigneur, 


S78 


PREMIÈRE  PARTIE. 


et  l'étendue  de  territoire  dans  la- 
quelle ils  avaient  le  droit  de  faire 
leurs  proclamations  et  leurs  mande- 
ments; 

4*  Enfin,  ban  s'employa  pour  le 
prononcé  ou  la  publication  d'un  ju- 
gement, d'une  condamnation,  la  sen- 
tence d'un  juge;  dans  un  sens  res- 
treint, il  se  prit  pour  la  condamna- 
tion à  une  amende,  mais  surtout 
pour  la  condamnation  à  l'exil;  de  là 
nous  sont  venus  bannir,  bannisse- 
ment. 

Ceux  de  Gand  y  envoyèrent  douze  hommes 
des  leurs,  desquels  Philippe  d'Arlevelle  fut 
de  tous  chef,  et  estoient  ceux  de  Gand 
adonc  si  bien  d'accord  que....  ceux  qui 
etoient  demeurés  dans  la  ville  outre  sa  vo- 
lonté fussent  punis  par  ban  et  bannis  de 
Gand  et  de  la  comté  de  Flaudresa  toujours, 
sans  nul  rappel..  .(Froissart,  liv.  U,  ch.  cl 
t.  II,  p.  199.) 

De  bamiirei  du  préfixe /'or  {foras, 
hors;voirt.  II.p.  286)onfitle  com- 
posé forbannir,  forbennir,  expulser 
d'un  pays,  exiler,  bannir  ;  d'où  for- 
banni  ,  forbenni  et  forban,  exilé, 
banni;  forbannissement,  bannisse- 
ment, exil.  On  disait  eu  basse  lati- 
nité forisbannire,  forsbannire  ;  for- 
bannitus,  forbannitio. 

Li  baillis  de  Orliens  flst  un  home'  for- 
bannir por  cri  et  por  renomée,  que  il  disoit 
que  il  avoit  ocis  un  home.  Et  fu  semons 
en  sa  mesou  par  le  commandement  le  roi 
par  l'espace  de  quarante  jors;  ne  vint,  ne 
n'envoia,  ne  ne  contremanda,  ctporcefust 
forbenniz,  et  soffri  le  forbennissemenl  saiiz 
venir  avant  cinquante  anz.  (Li>r«  de  Jus- 
tice, p.  312.) 

Les  criminels  repoussés  par  la  so- 
ciété et  obligés  de  s'expatrier,  trou- 
vaient dans  les  déprédations  et  la 
piraterie    des   moyens    d'existence 


conformes  à  leurs  habitudes ,  aussi 
forban  en  est-il  venu  à  signifier  un 
corsaire. 

Banal  s'employait  d'abord  en  par- 
lant des  choses  à  l'usage  desquelles 
le  seigneur  était  en  possession  d'as- 
sujettir ses  vassaux  dans  l'étendua 
de  son  fief,  afin  de  retirer  d'eux  cer- 
taines redevances^  certains  droits. 
Four  banal;  moulin  banal.  (Voir,  à 
l'égard  de  ce  mot.  Ban,  3°.)  Dans  la 
suite,  banal  s'est  appliqué  figuré- 
ment  à  ce  qui  est  à  la  disposition  de 
tout  le  monde,  ainsi  qu'à  tout  ce  qui 
est  commun,  vulgaire. 

—  Tud.  bann,  proclamation,  édit, 
mandement,  AUem.  bann,  item  ;  et 
de  plus  condamnation,  anathème, 
bannen,  condamner  à  l'exil,  bannir. 
Anglo-sax.  bannan,  proclamer.  Angl. 
ban\  proclamation ,  annonce.  Dan. 
4"  fcanrfe,  condamnation,  sentence, 
censure,  anathème,  excommunica- 
tion; 2*  bande,  condamner,  auathé- 
matiser, Suéd.  1»  bannor;V>  banna. 
Holl .  ban ,  censure,  condamnation, 
anathème ,  excommunication  ;  ban- 
nen,  condanmer  à  l'exil,  bannir. 

Banc, Banquet;  en  basse  latinité, 
bancus,  banc.  —  Tud.  banch,  banc  ; 
anglo-sax.  benc;  dan.  bœnk;  suéd. 
bœnck'f.h.ol\a.nà.  bank;  angl.  bench; 
allem.  bank  ;  island.  beck. 

De.  banc  nous  fîmes  le  dérivé  ban- 
quet, qui  signifiait  primitivement 
débauche,  faite  sur  les  bancs  à  la 
suite  d'un  repas  et  après  avoir  enle- 
vé les  tables.  Banquet  a  donné  le 
verbe  banqueter,  qui  passa  dans 
l'ancien  allemand  sous  la  forme  ban- 
ketiren,  faire  la  débauche  sur  les 
bancs  après  le  repas.  (Voir  Schiller,, 
p,  83,  col.  2.) 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  II.  879 

E  lairrai  les  destrers  aler  a  lur  banim. 

{  Yoy,  de  Charl.  à  Jérut.  T.  502.) 

Amours,  mon  corps  trop  fort  tenez, 


invitatisad  epulum  multis,  hostres  fecit 
•edere  subsellio,  cumque  in  eo  prandium 
elongalum  fuisset  spatio,  ut  nox  raundum 
obrueret,  ablata  mensa,  ut  mos  Francorum 
est,  un  in  subselUa  sua  sicut  locati  fuerant, 
residebant;  polatoque  vino  multo,  in  tantum 
crapulati  sunt  ut  pueri  eorum  madefacli, 
per  angulos  domus,  ubi  quisque  corruerat, 
obdormirent.  (Grégoire  de  Tours,  liv.  X, 
ch.  XXVII.) 

Les  Anglais  semblent  avoir  con- 
servé quelque  chose  de  cette  vieille 
habitude  germanique. 

Bande,  Bander,  Bandeau.  — Tud. 
hand,  hinda,  lien,  attache,  bande; 
goth.  ôanii;  anglo-sax.  6enc?;  allem. 
band',  dan.  baand;  suéd.  hoU.  et 
angl.  band;  i  si  and.  hinda. 

Bander  un  arc.  —  Anglo-sax. 
bendan,  courber,  fléchir^  ployer,  ban- 
der un  arc;  island.  benda,  item; 
tud.  wentjan,  wantjan;  angl.  to  bend; 
dan,  spœnde. 

Bandir^  Bandon,  anc.  bandir 
était  proprement  autoriser,  permet- 
tre quelque  chose  par  ban,  ou  pro- 
clamation publique  faite  au  nom  de 
l'autorité,  comme  de  laisser  paître 
les  troupeaux  dans  certains'pâturages, 
de  commencer  les  vendanges,  etc. 
Bandon  était  le  mandement,  l'au- 
torisation, la  permission  accor- 
dée, la  liberté,  le  pouvoir  de  faire 
une  chose  ;  par  extension,  il  se  prit 
pour  le  pouvoir  d'agir  à  sa  volonté; 
ce  que  nous  appelons,  en  termes  de 
palais,  le  pouvoir  discrétionnaire. 

Qaant  Charles  de  Blois  sceut  que  li  ducs  de 
tenon 

Fut  venu  de  ça  mer 

le  lon-Boiteux  transmist  a  Resnes,  ce 
dit-on, 

(De  Pennehort  aussi  porta  cilz  le  saumon). 

De  soidoiers  o  lui  avoit  grande  foison  ; 

Pe  U  ville  garder  li  donna  le  bandon. 

{C/irtni^ut  i*  i»  Cme$cliit,  l,  I,  p.  U.} 


D'AmlIle  ne  le  puis  oster. 
Or  l'i  ay-je  volu  donner 
Moi-meisrae  tout  a  son  bandon. 

{Théâtre  franfait  au  moyen  ijt,  p.  134.) 

A  bandon  signifia  à  discrétion,  à 
volonté. 

Genz  estranges  d'environ  nos 
Nos  sunt  cruels  et  haïnos, 
Mult  nos  funt  or  espes-sement, 
Hontes  et  damages  sovent  ; 
Le  nostre  prennent  à  bandon, 
Senz  nul  autre  defension. 

[CAron.  de»  due)  de  Normandie,  t.  I,  p.  36T./ 

N'espargnenl  vergier  ne  vignoble, 
Que  partout  à  bandon  ne  saillent. 

{Tournoiement  dé  l' Antéchrist,  p.  11.) 

Mettre  quelque  chose  à  bandon, 
mettre,  livrer  quelque  chose  à  discré- 
tion, à  l'abandon;  être  à  bandon, 
être  à  discrétion,  être  à  l'abandon. 

Of  est  fors  mis  de  cest  roiaume 

Li  bons  preudhom 
Qui  mist  cors  et  vie  ô  bandon. 

(Ratebeuf,  t.  I,  p.  80.) 

Qui  out  la  force  e  le  poeir 
Si  peut  l'autrui  prendre  e  avcir  ; 
*     Poi  le  contendent  li  vilain, 
Kar  il  ne  sunt  fi  ne  certain 
D'aveir  nule  defension  : 
Eissi  ert  la  terre  à  bandon. 

{Chron.  dés  ducs  dé  Normandit,  t.  lU ,  p.  11.) 

En  ne  faisant  qu'un  seul  mot  de 
la  préposition  à  et  du  substantif  Tan- 
don, on  a  formé  le  mot  abandon, 
qui  noifs  est  resté  et  qui  a  fourni  le 
dérivé  abandonner. 

Qui  trestout  le  soen 

A  fere  tout  moun  bon 

Mettet  à  baundoun  ; 

Qui  trestout  me  abaundoune, 

Tont  œetout,  tout  me  donne, 


S80 


PREMIÈRE  PARTIE. 


N'ai  cnre  de  tel  donn. 

Qui  tout  me  donne,  tout  me  nie. 

[Lei  proverbe»  del  vilain,  à  la  (aite  dn  Prmerbet 
françaii  publiëi  par  11,  La  Boas  de  Ligcf, 
t.  Il,  p.  376.) 

(Voir  ci-dessus  l'article  Ban  pour 
l'origine  germanique  de  ces  mots. 
Le  d  est  venu  s'adjoindre  au  n,  dans 
bandir,  bandoUj  comme  dans  tendre, 
gronder,  gendre,  formés  de  tener, 
grunnire,  gêner;  voir  d  ajouté  à  la 
suite  du  n,  t.  II,  p.  i  41 . 

Banlieue  ;  en  basse  latinité,  ban- 
leuca,  bannileuca  de  bannum,  éten- 
due de  territoire  qui  était  sous  la 
juridiction  d'un  magistrat  ou  d'un 
seigneur,  et  de  leuca,  lieue,  parce 
que  les  banlieues  s'étendaient  assez 
généralement  à  une  lieue  à  peu  près 
autour  du  siège  de  la  juridiction. 

C'est  par  la  même  raison  que  les 
Allemands  ont  désigné  la  banlieue 
par  l'expression  bann-meile.  (Voir 
ci-dessus  Ban  3°.)  " 

Bannière,  en  langue  d'oc  bandie- 
ra.  Nous  disions  autrefois  banne, 
dans  le  même  sens  : 

Ainz  qu'il  partist  bernois  ne  bannes. 

[Branches  des  royaux  liç/tiaget,  t.  II,  p.  S74.) 

—  Ane.  island.  baenda,  drapeau, 
enseigne,  bannière;  inà. fana,  fdno, 
anglo-sax.  fana^fahne  ;  allem.  fafme; 
suéd.  fa7ia;  dan.  fane;  hoU.  vaan. 
Tous  ces  mots  paraissent  tenir  au 
gothique  bandva,  bandvo,  signe,  in- 
signe, comme  le  français  enseigne 
tient  à  signum.  Ce  dernier  signifiait 
à  la  fois  signe  et  drapeau,  bannière. 
Plusieurs  idiomes  germaniques  nous 
ont  à  leur  tour  emprunté  notre  mot 
bannière  en  le  modifiant  à  leur  façon: 
allem.  banner,  panier  ;  angl.  banner. 
holl.  banier,  etc. 

Bar,  ginc.  civière  renfoncée  qu'on 


porte  à  deux,  à  quatre,  à  six  hommes, 
qui  sert  dans  les  ateliers  à  transpor- 
ter des  pierres,  du  moellon  et  autres 
matériaux  nécessaifes  aux  ouvriers. 
On  s'en  servait  aussi  autrefois  sur 
les  ports  pour  décharger  les  bateaux 
de  bois  et  autres  marchandises;  d'où 
vient  qu'on  appelle  aujourd'hui  ceux 
qu'on  y  emploie  des  bardeurs.  (Tré- 
voux.) La  sixième  édition  de  l'Aca-^ 
demie  n'a  point  le  mot  bardeur,ma.i3 
seulement  celui  de  débardeur,  qui 
est  le  seul  employé  aujourd'hui. 

—  Tud.  4<*  baran,  barên,  porter; 
2<*  bâra,  para,  civière,  brancard.  An- 
glo-sax. \°  bœran  ;  T  bœr.  AUcm. 
i'^bringen;  2°  bahre.  UoW.  1"  bren- 
gen;  2"  6aar.  Dan,  l^ôœre;  2"  fcoare. 
Suèd.  4°  bœra;  2°  6cb^.  Aagl.  ^^  to 
bear  ;  2*  béer,  barrow.  Goth.  bairan, 
porter.  Island.  6era,  item.  Basçillem. 
baren,  item. 

Barde,  anc.  hache. 

Li  dus  Rollan  est  vaillant  chevalier 
Et  vassas  nobles  por  ses  armes  bailler. 
Pluls  en  est  duiz  ke  maistres  charpantiers 
N'est  de  sa  barde  ferir  et  chaploier, 
Kant  il  veut  faire  saule  ou  maison  dressier. 

(Rom.  de  Gerart  de  Viane,  éd.  Bekker,  t.  1995.) 

—  Tud.  barta,  bart,  hache;  an- 
glo-jsax.  baerd,  item;  anc.  allem. 
barthe,  barde,  parte,  item;  island. 
bard,  Hem  ;  holl.  baars.  (Voir  ci- 
après  Hallebarde  et  Pertuisane.) 

Barde,  Bardelle,  Bardot.  Oiv 
appelait  autrefois  barde,  et  l'on  apr 
pelle  aujourd'hui  bardelle  une  sorte 
de  bât  fait  de  grosse  toile  garnie  de 
bourre  ou  de  paille,  servant  pour  le 
transport  de  certains  fardeaux  qui 
pourraient  blesser  le  dos  de  la  bête 
de  somme. 

On  dit  encore  aujourd'hui  barda 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.  284 

pelons  de  môme  garçonnière  une 
jeune  fille  qui  aime  à  fréquenter  les 
garçons.  — Tud.  bam,  garçon;  goth. 
barn,  item;  anglo-sax.  beam.  (Voir 
d'autres  détails  à  l'article  Bers.) 

Baron.  (Voyez  Bers.) 

I^rque;  en  basse  latinité,  barca. 
—  Ane.  allem.  bark^  barque;  island, 
barkr;  allem.  barhe;  hoU.  bark; 
suéd.  bark;  angl.  bark.  Les  barques 
des  anciennes  peuplades  du  Nord 
étaient  faites  avec  l'écorce  de  cer- 
tains arbres,  comme  les  pirogues 
des  sauvages  ;  de  là  le  nom  qui  leur 
fut  donné  dans  les  divers  idiomes 
germaniques.  —  Dan.  bark,  écorce; 
suéd.  barck,  item;  island.  barkr, 
barkur,  item;  angl.  bark,  item. 

On  trouve  dans  Hinkmar  :  «  Na- 
vibus  magnis  quas  nostrates  bargas 
vocant.  »  {Annales,  dans  Pertz, 
Monumenta  Germaniœ,  t.  I,  p.  501 .) 

Bassin,  Baquet.  En  basse  latinité, 
bacinus,  bacchinum;  en  italien,  ba- 
cino.  —  Ane.  allem.  bac,  bach, 
bekin,  bassin,  baquet,  jatte;  allem. 
becken;  suéd.  bœcken;  dan.  bekken; 
hoU.  bak,  bekken. 

Il  serait  plus  conforme  à  l'éty- 
mologie  d'écrire  badn  que  bassin. 
On  disait  autrefbis  en  langue  d'oïl 
bâchas  pour  bassin,  cuvette,  auge. 
(Voir  le  glossaire  de  Roquefort.) 

Bateau,  autrefois  batel;  en  ita- 
lien, batellOj  qui  sont  des  diminu- 
tifs de  batus,  bateau,  en  basse  la- 
tinité. —  Ane.  allem.  bat,  bot,  bar- 
que, bateau;  anglo-sax.  bat,  bœt; 
island.  bâtr  ;  allem.  boot;  dan. 
baad;  suéd.  baat;  holl.  boot;  angl. 
boat. 

Eau,  terme  de  marine.  Les  baux 
sont  des  poutres  qui  traversent,  en 


en  provènçaL  et  barda,  bardella  en 
italien. 

S'il  avientque  nn  chamelier  luie  ces  cha- 
miaus  por  vin  ou  por  huile  a  porter,  ou 
por  aucune  chose  autre,  et  il  avient  que 
les  chamiaus  cheent  et  font  aucun  damage 
de  ce  qu'ils  portent,  ja  le  chamelier  n'en 
doit  rien  amender  de  ce  damage  par  dreit. 
Mais  c'il  avieni  que  les  cordes  de  la  ùarde 
dou  chamiau  brisent,  le  dreit  comandeque 
le  chamelyer  deit  amender  celui  damage 
par  dreit.  (Ass.  deJér.  t.  II,  p.  73. 

Un  bardot  est  une  bête  de  bât,  un 
petit  mulet  portant  des  fardeaux  sur 
la  barde.  En  provençal,  bardot;  en 
italien,  bardotto. 

—  Tud.  baran,  porter.  Anglo-sax. 
bœran.  Island.  bera.  Dan.  bœre. 
Suéd.  bœra.  Angl.  to  bear.  Pour  le 
d  épenthé tique  de  barde,  voir  t.  II, 
p.  442.) 

Bardeau,  petit  ais  employé  à  cou- 
vrir les  maisons  et  à  divers  autres 
usages.  —  Anglo-sax.  bord,  brœd, 
bret,  ais,  planche;  angl.  board; 
holl.  berd,  bord;  tud.  bret;  suéd. 
brœde,  brede;  dan.  brœde;  allem. 
brett. 

Barnesse,  anc.  femme  de  mau- 
vaises mœurs,  libertine.  Une  jeune 
dame  vient  consulter  un  médecin; 
elle  se  plaint  d'avoir  le  ventre  gros 
et  tendu.  Le  médecin  lui  répond  que 
son  mal  provient  de  ce  qu'elle  s'est 
couchée  sur  le  dos.  La  dame  com- 
prend cette  malicieuse  insinuation 
et  la  repousse  avec  colère  : 

Vous  en  mentes,  sire  ribaus  ; 
Je  ne  sui  mie,  tel  barnesse. 
Onques  pour  don  ne  pour  premesse 
Tel  mestier  faire  ne  vauc. 

(Théâtn  franfuii  au  nut/tn  ige,  p.  M.) 

Barnesse  dérive  d'un  primitif  ger- 
manique signifiant  garçon.  Nous  ap- 


u% 


PREMIÈRE  PARTIE. 


largeur,  d'un  bout  à  l'autre  du  na- 
vire, et  servent  à  porter  le  pont  ou 
tillac.  —  Un  bau  se  nomme  en  hol- 
landais verdeks-balh.,  mot  composé 
de  verdek,  pont,  tillac,  et  de  balk, 
poutre;  nous  n'avons  pris  (^ue  ce 
dernier.  —  Tud,  balcho,  poutref  so- 
live (Tatian,  ch.  xxix,  v.  6);  goth. 
balk;  island.  biœlka,  bielka,  balkr; 
allem.  balke;  dan.  biœlke;  suéd. 
bioelke^  bielke, 

Baudequin,  anc.  petite  nacelle. 
(Voir  le  supplément  du  glossaire  de 
Roquefort.) 

—  Allem.  bootchen,  diminutif  de 
boot,  nacelle,  bateau;  anc.  allem. 
bot,  bat,  item;  anglo-sax.  lat,  item; 
dan.  baad;  suéd.  baat;  hoU.  boot; 
angl.  boat. 

Bauge,  lieu  fangeux  où  le  sanglier 
se  retire,  se  couche.  (Acad.)  —  Anc, 
allem.  botch,  fange,  boue,  bourbe; 
holl.  bagger,  item;  angl.  bog,  fon-^ 
drière,  bourbier. 

Beaupré,  terme  de  marine.  C'est 
le  mât  d'un  navire  le  plus  avancé; 
il  est  sur  la  proue,  fort  incliné  sur 
l'éperon.  —  Angl,  bow-sprit,  beau- 
pré^ composé  de  bow,  l'avant  d'un 
navire,  la  proue,  et  de  sprit,  mât. 
Allem.  \''  bugspriet,  bogspriet,heaM~ 
pré;  g^ÔMg,  proue;  3"  spriet,  mât. 
Dan.  1  •  bougsprid  ;  2°  boug;  3»  sprid. 
Suéd.  1  "  bogsprœtet  ;  2»  bog  ;  3"  sprŒh 
tet. 

Bedeau.  C'était  primitivement  un 
appariteur,  un  huissier,  qui,  dans 
les  cours  de  justice,  était  chargé 
d'appeler  les  causes. 

Tant  y  a  de  prevos  et  bedeaux. 
Et  tant  baillis  viez  et  nouveaux, 
Ne  paons  avoir  paix  une  hore. 

(Aom.  it  lioa.,  t\ié  dam  do  Ca»8<<  ■<'>■  Plo^H»») 


De  ce  sordent  nos  achaisoni, 
Tuitquerent  noz  destiuccions; 
Qui  porreit  tanz  provoz  soffrir, 
N'a  tanz  bailliz  en  gré  servir  ; 
N'a  tanz  forestiers,  n'a  bedeaus 
Faire  n'accomplir  lor  aveaus? 

(Chro».  det  duet  di  Norm.  t.  II,  p.  391.) 

En  basse  latinité,  bedellus;  en  ita- 
lien, bidella;  en  langue  d'oc,  bedel. 
—  Anglo-sax.  bydel,  beadel,  crieur 
public^  huissier,  sergent;  de  bieten, 
annoncer,  faire  savoir.  Tud.  butil, 
crieur  public;  allem.  bûttel.  huis-^ 
sier,  sergent;  pedell,  appariteur, 
massier;  dan.joede/,  huissier;  suéd.. 
pedell;  holl.  pedel;  angl.  beadle 

Beffroi.  Ce  fut  d'abord  une  es- 
pèce de  tour  roulante  en  bois,  que 
l'on  faisait  approcher  des  murs  d'une 
ville  assiégée,  afin  que  les  soldats 
qui  se  trouvaient  renfermés  dans 
cette  tour  pussent,  avec  sûreté  et 
avec  facilité,  lancer  des  projectiles 
sur  les  murailles  et  dans  la  ville.. 
Plus  tard,  on  appela  beffroi  une  tour 
située  dans  l'intérieur  d'une  ville  et 
dans  laquelle  se  trouvait  une  cloche. 
La  sentinelle  placée  dans  la  tour  de- 
vait sonner  l'alarme  en  cas  de  be- 
soin. Enfin  on  nomma  beffroi  la  clo- 
che d'alarme  elle-^même.  On  disait 
autrefois  berfroi,  helfroi;  en  basse 
latinité^  berfrediis,  6e//r*edus. (Voir  le 
glossaire  de  du  Cange.) 

Berfrois,  perieres  i  fist  faire, 
Et  sovent  ûst  lanchier  et  traire. 
Le  berfroi  ûst  al  mur  joster,  ^ 
Et  les  perieres  fist  jeter. 
Cil  dedens,  qui  sunt  as  creniax, 
Traient  sajetes  et  quariax.... 
Li  altre  ont  feu  aparillié. 
Si  l'ont  sor  le  berfroi  lancié. 

(Rom.  de  Brut,  t.  I,  p.  16.) 

Perieres  fisenl  et  berfrois 
Si  *s  asaillirent  plusor  fois. 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE  SEGT.  II.   283 


Lor  engin  firent  al  mur  traire. 

(liiil,  t.  U,  p.  S43.) 

Vu  grant  belfroi  de  bois  orent  fait  char» 
penler, 

Et  le  firent  adont  a  Resnes  amener; 

^usques  près  des  fessez  le  firent  traîner. 

Li  belfroiz  fust  moult  hauz  quant  le  firent 
lever, 

Grande  plenté  de  gent  y  pooit  bien  entrer. 

(Chrott.  de  du  Guetclin,  1. 1,  p.  69-70.^ 

—  Ane.  allera.  berg-fried,  berg- 
fxed,  bercvrit,  tour  servant  de  moyen 
de  défense,  beffroi  {tuitionis propu- 
gnamlum);  mots  composés  deberg, 
protection^  défense^  ou  bergen,  ga- 
rantir^ protéger,  défendre,  et  de 
fried,  fred.  frede,  paix^  sûreté,  sé- 
curité, qui,  par  extension,  a  signifié 
lieu  de  sûreté,  asile,  retranche- 
ment, rampart ,  donjon  :  en  y  joi- 
gnant le  préfixe  6e,  l'allemand  mo- 
dei^ie  en  a  fait  befriedigen,  munir 
d'un  rempart,  entourer  d'une  en- 
ceinte, fortifier,  et  befriedigung,  en- 
ceinte, fortification.  Tud.  4  °  bergan, 
garantir,  protéger,  défendre;  2°  fri- 
du,  frida,  paix,  sûreté,  sécurité. 
AUem.  \  0  bergen.',  2°  friede,  dan.  i  • 
vœrge;  2»  fred,  Suéd.  1»  bœrga,  2" 
frid.  Holl.  \  0  bergen  ;  2*  vrede. 

Behord,  Behourd,  Bohord,  Bou- 
HOURD,  Behordeis,  ^uc.  signifiaient 
proprement  le  choc  des  lances;  par 
extension,  ils  se  prirent  pour  un 
combat  simulé  où  l'on  faisait  usage 
de  la  lance,  pour  une  joute,  pour  un 
tournoi. 

El  cil  li  dis!  k'il  envoit  querre 
Touz  les  chevaliers  de  sa  terre. 
Et  faice  une  festeaûer, 
El  I  behordeis  crier. 

[Dolopoihot,  éd.  Jannet,  p.  SlS.) 

Et  nommèrent  le  jour  de  lor  mouvoir  au 
premier   behordeis  a   Diex  les  amenroit 


(Histoire  manuscrite  d'une  croisade  cilé» 
par  du  Cange,  gloss.  an,  Bohordicum.) 

Tel  conroi  ne  mena  Alixandres  li  rois.... 

Pour  faire  bataille  et  bohours  et 

lornois. 

(Chron.  de  du  Guetclin,  t.  I,  p.  383.^ 

De  behord,  behourd,  bohourd,  on 
fit  les  verbes  behorder,  behourder, 
bohourder,  jouter  avec  la  lance. 

Tuit  li  escnier  behordoient. 

(  Dolopalhoi,  ëdil.  janaet,  p.  >88,) 

Bertran,  le  capitaine,  vous  fait  par  moy 
mander.., 

Qu'ens  ou  marchié  venez  combalre  ei  be- 
hourder. 

(Chron.  de  du  Gueselin,  1. 1,  p.  87,  nota  l,  col.  l.) 

De  la  cité  as  cans  issirent  ; 
As  plusiors  gius  se  départirent. 
Li  un  alereut  bohorder 
Et  lor  isniax  cevax  prover; 
,  Li  autre  alerent  escremir, 
Ou  piere  jeter,  ou  salir, 

fRom.  de  Brut,  t.  Il,  p.  IIO.) 

La  firent  un  bouhourt  de  molt  noble  fasson; 
Ly   uns   encontre   l'aultre   bouhourde  de 
randon. 

{Gérard  de  Viane,  en  têle  du  rom,  de  Fierabrai, 
éd.  Bekker.T.  218.) 

—  Ane.  allem.  hehorl,  choc  de 
lances;  behurden,  jouter,  composé 
du  préfixe  le  et  de  hurten,  choquer, 
heurter.  Holl.  horten,  item.  Auglo- 
sax.  hyrt.,  meurtrir  en  donnant  un 
coup,  contusionner,  blesser.  Angl. 
to  hurtj  item . 

Belanre,  terme  de  marine.  Petit 
bâtiment  de  transport  à  fond  plat, 
dont  on  se  sert  principalement  sur 
les  rivières,  sur  les  caneaux  et  dans 
les  rades.  (Acad.) 

—  Angl.  4  0  bylander,  bilander, 
belandre,  mots  composés  signifiant 
qui  côtoie  la  terre;  2°  by,  par,  près, 
proche;  3°  land,  terre.  Holl.  4'  by- 
lander;  T  by;  3»  Zand.  Allem.  4° 


^4 


PREMIÈRE  PARTIE. 


bimenlander,  de  binnm,  en  dedans, 

et  de  land,  terre. 
Belette;  ce  mot  a  la  fonne  d'un 

diminutif.  On  disait  autrefois  bêle. 
Richart  enveia  par  sa  terre 
Chevals,  e  dras,  e  bêles  querre. 

(Rom.  d»  Rou,  t.  1,  p.  333.) 

Bêle  signifie ,  dans  cette  citation , 
une  fourrure  de  peau  de  belette. 

—Ane.  allera,  bilch,  fouine,  be- 
lette; allem.  wiesel;  dan.  wœzel; 
hoW.wezel;  angl.  weasel.  On  trouve 
en  tudesque  bilh,\oiT. 

Bélître  ,  gueux  qui  mendie  par 
fainéantise,  homme  de  néant.  (Trév.) 
Anciennement  ce  mot  n'était  pas 
pris  en  mauvaise  part,  et  il  ne  signi- 
fiait que  mandiant.  On  appelait  les 
quatre  ordres  mendiants  les  quatre 
ordres  de  bélistres. 

De  toutes  manières  de  moines 

Y  en  avoit  un  grant  chapitre; 
Prêtres  et  clercs  chantant  l'epitre 

Y  etoient  tous  tenus  de  court, 
Et  les  quatre  ordres  de  bélistres. 

fia  Fonlaim  perilleuie,  éd'U.  de  Paris,  I5TS,  p.  19.) 

—  Allem.  bettler,  gueux ,  men- 
diant; àan.  betler,  item;  hoU.  bee- 
delaar,  item;  anc.  allem.  betelode, 
mendicité.  Le  l  a  été  transposé  dans 
bélitre  comme  dans  /ïûfe  de  fistula. 
(Voyezt.  Il,  p.  122.) 

Bellue,  Belhue,  anc.  menterie, 
tromperie,  fourberie. 

Cil  qui  famé  viaut  justicier, 
Chascun  jor  la  puet  combrisler, 
Et  lendemain  r'est  tote  saine 
Por  retouffrir  auiretel  paine; 
Mes  quant  famé  a  fol  debonere, 
Et  ele  a  riens  de  lui  afere 
Ele  H  dist  tant  de  bellues  , 
De  truffes  et  de  fanfelues. 
Qu'elle  li  fet  a  force  entendre 
Que  le  ciel  sera  demain  cendre. 

(KuMbeuf,  t.  I,  p.  S95.J 


—  Tud.  biHugarij  mentir,  dire  des 
faussetés,  tromper,  composé  de  liu- 
gan,  qui  a  la  même  signification,  et 
du  préfixe  bi,  équivalant  à  be.  Allem. 
belûgen;  simple, iûg en..  HoU.  l'ôe- 
liegen,  dire  des  faussetés  sur  le 
compte  de  quelqu'un,  calomnier; 
2°  be,  préfixe;  S»  liegen,  mentir. 
Suéd.  1*  beliuga;  2°  be,  3*  liuga. 
Dan.  r  belyve;  2*  6e;3'  lyve.  Angl. 
H'  to  belle,  to  bely;  2'  6e;  3»  lie. 
Goth.  liugan,  mentir.  Anglo-sax. 
leogan.  Island.  Ijuga. 

Berge.  On  appelle  en  terme  de 
mer,  berges^  ou  barges,  les  grands 
rochers  âpres  et  élevés  àpic,  comme 
les  berges  ou  barges  d'Olonne  ;  tels 
sont  Scylla  et  Charybde  vers  Messine. 
Berge,  en  agriculture,  se  dit  particu- 
lièrement d'une  petite  élévation  de 
terre  escarpée.  (Trév.)  —Tud.  berg, 
montagne;  goth.  bairg  ;  anglo-sax. 
beorg,  byrgs  ;  island.  biarga,  biarg  ; 
allem.  berg  ;  bas  allem.  berch  ;  holl. 
berg;  dan.  biœrg;  suéd.feerg. 

Berme,  terme  de  fortification, 
petit  espace  laissé  entre  le  pied  du 
rempart  et  le  fossé;  on  l'appelle  aussi 
retraite  et  lisière.  (Voyez  Trévoux); 
en  espagnol  berma.—  Allem.  brame^ 
bord,  bordure  lisière;  holl.  brem£'j 
anglais,  brim;  dan.  brœme,  brème; 
suéd.  6rœm;  island.  6rm;  anglo- 
sax.  brymme.  Lera  été  transposé 
dans  berme  comme  dans  Burarwe 
de  Bruentia,  dans  -gour  de  -gro,  etc. 
(\'oirt.  II,p.420.) 

Berke,  terme  de  marine  :  mettre 
le  pavillon  en  berne,  c'est  le  hisser 
en  le  tenant  roulé^  soit  pour  donner 
un  signal  de  détresse,  soit  en  signe 
de  deuil.  —  Anc.  allem.  baren,  te-  » 
nir  quelque  chose  élevé  pour  le  mon- 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  6ECT.  II.  m 


trer;  bas  allem.  6âren,  élever,  haus- 
ser, hisser;  holl.  beuren,  item. 

Dans  berne  le  n  a  été  attiré  par  le 
r  qui  précède  comme  dans  toumelle 
pour  tourelle.  (Voir  t.  II,  p.  386, 
note  3.) 

Bers,  Baron.  Dans  les  plus  an- 
ciens monuments  de  notre  langue, 
bers  signifie  un  homme  distingué 
par  sa  naissance^  par  sa  haute  ex- 
traction, par  ses  qualités  et  surtout 
par  sa  bravoure,  utr;  aussi  se  prend- 
il  souvent  pour  un  guerrier.  Baron 
ou  ôarun  n'est  qu'une  autre  forme 
du  même  mot.  (Voyez  à  cet  égard, 
t.  III,  p.2i.) 

Uns  bers  fu  ja  en  l'antif  pople  Deu,  e  out 
num  Helcana,  fiz  fud  Jéroboam.  {Livre  des 
Rois  y  p.  1.) 

Fuit  vir  unus  de  Ramathaimsophim  de 
mante  Ephraim,  et  nomen  ejus  Eicana,  filius 
Jeroham. 

Came  Samuel  vit  Saûl,  erranmant  li  dist 
Deu  :  Cist  est  li  bers  dant  jo  parlai  a  tei,  cist 
iert  sires  sur  mon  pople.  {Livre  des  Rois^ 
p.  31.) 

Cumque  aspexisset  Samuel  Saulem,  Do- 
minus  dixit  ei  :  Ecce  vir  guem  dixeramjtibiy 
iste  dominabitur  populo  meo, 

E  Deu  out  le  jur  devant  dit  a  Samuel  : 
Demain  a  cest  ure  te  enveierai  un  barun 
de  terre  de  Benjamin ,  e  si  l'enuingdras, 
que  ducs  seit  sur  mon  pople  de  Israël. 
{Ibid,  p.  30,) 

Dominus  autem  revelaverat  auriculam 
Samuelisante  unam  diem  quant  veniretSmil: 
dicens  :  Hac  ipsa  hora  quœ  nunc  est,  cras 
mittam  virum  ad  te  de  terra  Benjamin  et 
unges  eum  ducem  super  populum  meum  Is- 
raël. 

Dune  dist  Samuel  al  pople  :  Veez  quel 
barun  nostre  sire  ad  eslit.  {Ibid.  p.  35.) 

Respundi  Saûl  :  Ne  te  poz  pas  a  lui  cu- 
pler,  kar  tu  es  vadlez,  e  il  est  un  merveil- 
lus  bers.  {Ibid,  p.  65  J 

Et  ait  Saut  ad  David  :  Non  valea  resis- 


tere  Philisthœo  tsti,  nec  pugnare  ^adversuf 
eum,  quia  puer  es,  hic  autem  vir  bellator. 

Morz  est  li  quens  que  plus  ne  se  demuret; 
Rollans  li  ber  le  pluret,  si  l*  duluset  : 
Jamais  en  tere  n'orrez  plus  dolent  hume. 

{Chant,  de  Roi.  it.  curiil.  ) 

Par  amistiez,  bel  sire,  la  vos  duuns 
Que  vos  aidez  de  RoUant  le  barun. 
Qu'en  rère-guarde  trover  le  poûsum. 

fibid,  st.  XLTii.) 

Bers,  baron  se  prenait  assez  sou* 
vent  pour  mari  dans  notre  ancienne 
langue.  On  peut  en  voir  des  exemples 
ci-dessus^  p.  261,  col.  1,  et  dans  les 
quatre  livres  des  Rois,  p.  99  et  \  30. 

Les  étymologistes  ont  beaucoup 
disputé  pour  savoir  d'ovi  vient  ftarow; 
et  ces  messieurs  ont  prodigieusement 
embrouillé  la  question  en  confon- 
dant, dans  une  même  signification, 
des  mots  dont  le  sens  est  entière- 
ment différent^  bien  qu'ils  aient  entre 
eux  une  conformité  de  son.  C'est  là 
un  fait  assez  commun  dans  presque 
toutes  les  langues,  et  sans  en  aller 
chercher  un  exemple  bien  loin,  le 
mot  son,  qui  vient  de  se  rencontrer 
sous  ma  plume,  nous  en  est  une 
preuve  suffisante  pour  le  français. 

Baro  ou  varo  a  été  employé  par 
Cicéron  {de  Finib.  liv.  U;  de  Divi- 
nat.  liv.  II;  Epist.  ad  Attic.liv.Y, 
épître  II  ;  Epist.  ad  famil.  liv.  IX, 
épître  dernière),  dans  le  sens  de  sot, 
stupide,  lourdaud.  On  le  trouve, 
avec  la  même  signification,  dans 
Perse,  satire  v,  et  dans  TertuUien, 
de  Anima,  ch.  vi.  Jusqu'ici,  il  faut 
convenir  que  le  mot  baro  a  fort  peu 
de  ressemblance,  pour  le  sens,  avec 
le  bers,  barun,  de  la  langue  d'oïl  au 
XII*  siècle. 

Comutus,  ami  et  commentateur 


286 


PREMIÈRE  partie: 


de  Perse,  à  propos  du  passage  de 
cet  auteur  que  je  viens  de  mention- 
ner, observe  que  baro  ou  varo  est 
un  valet  de  soldats,  un  goujat^  dans 
la  langue  des  Gaulois  :  «  Lingua 
Gallorum  barones  vel  varones  dicun- 
tur  servi  militum;  qui  utique  stul- 
tissimi  sunt,  servi  videlicet  stulto-* 
rum.  »  Hirtius  Pansa,  dans  son 
Histoire  de  la  guerre  d'Alexandrie, 
liv.  II,  ch.  LUI,  emploie  le  mot  baro 
dans  un  sens  qui  n'est  pas  claire- 
ment déterminé,  mais  qui  paraît 
assez  analogue  à  celui  que  lui  attri- 
bue Cornutus.  Isidore,  dans  ses  Ori- 
gines, liv.  IX,  ch.  IV,  donne  à  baro 
la  signification  d'ouvrier  ou  de  ser- 
viteur mercenaire;  ce  qui  s'accorde 
assez  bien  avec  le  passage  de  Cor- 
nutus. Il  faut  encore  avouer  que  ce 
mot,  dans  le  sens  de  goujat  ou  de 
mercenaire,  n'est  guère  plus  ana- 
logue à  bers,  baron,  que  dans  le 
sens  de  sot,  stupide.  Quant  aux 
deux  endroits  de  saint  Augustin  où 
l'on  a  prétendu  que  baro  se  trouvait 
employé  dans  une  acception  plus 
relevée,  les  Bénédictins,  éditeurs  du 
glossaire  de  du  Gange,  en  ont  fait 
bonne  justice  à  l'article  Baro. 

Il  faut  venir  jusqu'à  la  loi  sa- 
lique  et  à  Frédégaire  pour  trouver 
baro  et  faro  dans  la  signification 
que  conserva  la  langue  d'oïl.  (Voir, 
pour  toutes  les  citations,  du  Cange^ 
Baro  et  Faro.) 

Il  était  naturel  que  nous  dussions 
ce  terme  à  la  langue  des  vainqueurs, 
qui  nous  en  a  fourni  tant  d'autres 
analogues  :  marquis,  sénéchal,  ma- 
réchal, échevin,  etc.  Quant  à  la  lan- 
gue des  Gaulois,  dont  on  a  voulu 
le  faire  venir,  elle  ne  nous  a  fourni 


ni  ne  pouvait  nous  fournir  rien  de 
semblable.  D'ailleurs,  cette  préten- 
tion ne  se  trouve  aucunement  justi- 
fiée par  les  idiomes  néo-celtiques, 
quoi  qu'on  ait  pu  écrire  à  ce  sujet; 
tandis  que  tous  les  anciens  idiomes 
germaniques  et  plusieurs  des  idio- 
mes modernes  de  la  même  famille 
nous  offrent  ce  mot  dans  une  accep- 
tion tout  à  fait  analogue  à  celle  qu9 
lui  donne  la  langue  d'oïl.  —  Tud. 
1  °  bar,  homme  né  libre,  homme  de 
bonne  extraction,  de  bonne  condi- 
tion, vir  ingenuus;  2*  bam,  enfant, 
fils,  garçon.  Goth.  4°  vair;  2»  bam. 
Anglo-sax.  4«  beom,  ver;  %°  beam, 
Island.  i»  ver;  2°  byr,  bur.  Ane. 
allem.  bam,  fils,  garçon.  Frison, 
bem,  item.  Dan.  barn,  item.  Suéd. 
bam,  item.  Les  idiomes  modernes 
ont  encore  conservé  d'autres  traces 
de  la  signification  primitive  de  bar, 
var  ;  je  n'en  citerai  qu'un  exemple. 
—  Dan.  var-ulv,  homme-loup^  loup- 
garou;  en  grec,  XuxàvepuTCo;;  suéd. 
war-ulf;  allem.  wàhr-wolf;  hoU. 
weer-volf;  angl.  were-wolf.  (Voir 
Gars,  Garçon  et  Garou.) 

Enfin ,  il  est  à  remarquer  qu'il 
nous  est  resté  un  bon  nombre  de 
noms  propres  d'origine  germanique, 
dans  lesquels  bar,  bem,  bam,  en- 
trent comme  éléments  étymologi- 
ques. Barald  nous  a  donné  Baraut, 
Barot;  Berald,  Beraud;  Berhard, 
Béraxà  ;  Beringer,  Bérangoy;  Bar- 
nwin,  Barnouin,  etc.  (Voir^  pour  la 
composition  de  ces  mots,  le  glos- 
saire de  Graff  et  celui  de  Wachter.) 

Berser,  anc.  chasser,  giboyer. 

De  table  e  d'eschez  sout  son   compagnon 

mater; 
BieDSoat  paistre  un  oisd,  e  livrer,  e  porter; 


CHAP.  m,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  il.   287 


En  bois  sous  cointement  et  berser,  e  vener. 

{Rom.  de  Rou,  t.  35II.) 

Le  rois,  fait  il,  a  fait  veer  (défendre) 
C'en  n'i  ait  chachier,  ne  berser. 
Ne  adeser  (approcher)  la  venison 
En  la  forest,  se  par  lui  non. 

fRom.  dt  Brut,  t.  1,  p.  40.^ 

—  Tud.  birsjan,  chasser,  giboyef  ; 
allem.  birschen  ,  item  ;  anc.  angl. 
berselet,  chien  de  chasse. 

Beser,  Bezer,  anc.  s'effaroucher, 
se  dit  des  vaches  qui  courent  quand 
elles  sont  piquées  des  mouches.  (Ni- 
cot.  Ménage  et  Trévoux.) 

—  Tud.  bisjan,  bison,  s'effarou- 
cher, s'emporter,  en  parlant  des  bœufs 
et  des  vaches  piqués  par  les  mouches  ; 
anc.  allera.  bissen,  biesen,  bischen, 
item;  flam.  biesen,item;  bas  allem. 
bissen;  ce  dernier  n'est  plus  guère 
employé  qu'au  figuré  dans  le  sens  où 
nous  disons  :  Owe/Ze  mouche  vous  pi- 
que ?  Tous  ces  mots  sont  dérivés  de 
hiso,wiso,  bise^wurm,  qui  signifient, 
en  bas  allem.  taon,  grosse  mouche. 

Bési,  nom  générique  qu'on  donne 
à  plusieurs  espèces  de  poires ,  en  y 
ajoutant  le  nom  du  pays  d'où  elles 
sont  tirées  :  «  Bési  d'Héri^  Bési  de  la 
Motte,  Bési  Chaumonlel.  (Acad.  6® 
édit.)  Bési  signifie  petite  poire  sau- 
vage dans  l'Anjou  et  dans  le  Poitou. 
Il  est  probable  que  les  arbres  portant 
les  différentes  espèces  de  bésis  con- 
nues aujourd'hui  proviennent  d'au- 
tant d'espèces  de  poiriers  sauvages 
qui  ont  été  améliorés  par  la  culture. 
Il  est  encore  certaines  sortes  de  bé- 
sis qui  ont  un  goût  assez  sauvage  ; 
tel  est  le  bési  de  Caissoy,  dont  le 
goût  se  rapproche  de  celui  des  cormes. 
(Voir,  à  cet  égard,  la  Quintinie, 
Instructions  pour  les  jardins  frui- 


tiers et  potagers,  t.  I,  part,  m,  p, 
369.) 

Huet  a  prétendu  que  bési  vient  du 
celtique.  Les  étymologistes  et  les 
lexicographes  l'ont  cru  sur  parole  sans 
se  donner  la  peine  de  vérifier  son  as- 
sertion. Je  puis  certifier,  après  véri- 
fication ,  qu'il  n'existe  rien  de  sem- 
blable dans  les  idiomes  celtiques. 
Bési  dérive  d'un  mot  germanique 
signifiant  un  petit  fruit  en  général , 
tel  que  corme,  nèfle,  olive,  baie, 
fraise,  mûre,  etc. —  Goth.  basi,  petit 
fruit;  anCi  allera.  bese;  hoU.  bezie, 
beezie  ;  bas  allem.  besing.  Les  au- 
tres idiomes  ont  un  r  au  lieu  d'un  s; 
c'est  ainsi  que  les  Latins  disaient  : 
honos  ou  honor,  arbos  ou  arbor^  pul- 
vis  ou  pulver,  cinis  ou  ciner,  vomis 
ou  vomer.  Anglo-sax.  beria ,  petit 
fruit  en  général  ;  island,  ber;  allem. 
beere;  dan.  bœr;  suéd,  bœr;  angl. 
berry.  (Voir  ci-après  l'article  Hase 
et  l'article  Framboise.) 

Besoin.  On  a  fort  vainement  tenté 
de  remonter  à  l'origine  de  ce  mot, 
en  partant  de  sa  signification  ac- 
tuelle, et  sans  s'inquiéter  de  celle 
qu'il  avait  dans  notre  ancienne  lan- 
gue. Au  xti*  siècle,  besoin,  busuin, 
signifiaient  affaire ,  comme  l'italien 
bisogna. 

E  par  custume  matin  veneit  e  estout 
après  la  porte  al  chemin,  e  tuzcez  Ici  ourent 
alcun  busuin  a  faire  vers  le  rei,  bel  apelad 
e  baisad,  e  demandad  de  quel  citez  et  de 
quel  lignage  il  fussent.  [Livre  des  Rois, 
p.  172.) 

Et  mane  consurgens  Absalom,  slabat  jux- 
ta  inlToilum  portœ,  et  omnem  virum  gui  ha- 
bebat  negotiumu/  veniretad  régis  judicium, 
vocabat  Absalom  ad  se,  et  dicebat  :  de  qua 
dvit  te  es  tu  ? 

As-tu  nul  busuin  •  faire,  que  jo  parolg* 


288 


pur  tel  al  rel  u  al  cnnestable  de  la  cheva 
terie?  {Livre  det  Rois,  p.  357.) 

Num  quid  habes  negotium ,  et  vis  ut  lo- 
quar  régi,  sive  principi  militiœ? 

Nuls  ne  pout  issir  ne  entrer, 
Si  ceo  ne  fust  od  un  batel. 
Oui  busuin  eust  ù  cbastel. 

(Maria  da  Fraoce,  t.  I,  p.  66.) 

Petit  i^ezbesoig  véu; 
Ge  m'en  sui  bien  apercéu. 

{Ftoin  et  Blanee/lor,  «îdit.  du  Mérll,  p.  155.) 

On  disait  :  «J'ai  besoin...  comme 
on  dit  aujourd'hui  :  J'ai  affaire  de 
vous,  restez;  j'ai  bien  affaire  de  cet 
homme-là;  qu'ai-je  affaire  de  ce 
drôle  ?  »  Le  peuple  dit  encore  :  «  Je 
vais  à  Fontainetleau  où  j'ai  besoin;  » 
c'est-à-dire,  oiij'aiaffaire. 

Il  est  besoin  équivaut  à  l'italien  ê 
bisogna;  au  latin,  opus  est;  au  grec, 
Épyov  ëcTTi. 

Les  cas  analogues,  dans  lesquels 
on  employait  besoin,  revenaient  fré- 
quemment dans  le  discours,  et  l'es- 
prit, plus  frappé  du  sens  total  de 
l'expression  que  de  l'acception  parti- 
culière du  moibesoin,  dépouilla  bien- 
tôt ce  mot  de  la  signification  d'affaire^ 
qui  seule  lui  appartenait,  pour  lui 
attribuer  exclusivement  celle  de  né- 
cessité, qui  lui  était  étrangère. 

De  besoin  on  fit  besoingne,  besoi- 
gne,  aujourd'hui  besogne  qui  a  hérité 
de  l'ancienne  acception  de  son  pri- 
mitif. (Voir  des  exemples  de  l'emploi 
de  besoigne  dans  le  Théâtre  français 
au  moyen  âge,  p.  77,  347,  et  dans 
la  Chronique  des  ducs  de  Norman- 
die, t.  III,  p.  61.) 

Anglo-sax.  h^bisgmg,  affaire,  oc- 
cupation; Vbysi,  bysig,  occupé,  af- 
fairé. Angl.  <»  business;  2»  busy. 
HoU.  40  bezigheid,  beezigheid  ; 
%°  bezig,  beezig. 


PREMIÈRE  PARTIE. 

Beter,  anc.  mordre,  faire  mordre, 
combattre  à  coups  de  dents  en  par- 
lant des  animaux. 


En  luxure  a  de  borbe  tant 
C'On  doit  celui  com  ors  beter 
Qui  veaut  tel  borbe  borbeter. 

(b*  Uonacho  in  fumint  pericUuuo  dint  U  Chron. 
dei  duu  de  Norasadi*,  t.  Hl,  p.  5».  ) 

Lions  i  betent  et  grans  ours  ; 
Grant  joie  i  a  de  jougleours. 

(Ftoin  tt  Blanctflor,  ëdit.  du Ifëril,  p.  118.) 

On  flt  as  noces  beter  ors 

Et  vers  (sangliers),  et  k  chiens  et  à  vautres. 

(Rotn.  de  tEicoufJle  cite  par  M.  du  M^rU  du»  ta 
«louairè  de  Floirt  tt  Btanuflor,  art.  Beter.) 

—  Anglo-sax.  bœtan^  mordre; 
tud.  bizan;  anc.  allem.  beizen;  anc. 
hoU.  beeten;  hoU.  moderne  1  »  MYen 
mordre;  2°  beet,  morceau;  allem. 
r  beissen,  2°  Ussen;  dan.  >|o  bide, 
T  bid;  suéd.  r  bita,  2»  bit;  angl. 
bit,  morceau. 

Biais,   obliquité,  ligne  oblique, 
sens  oblique;  Biseau,  extrémité  ou 
bord  coupé  en  biais,  comme  l'est  un 
coin  à  fendre  du  bois.  — Angl.  bias, 
pente,  obliquité,  inclinaison;  to  bias, 
pencher,  incliner,  obliquer,  biaiser. 
Anc.  allem.  biss,  bissen,  beissel, 
coin,  ciseau,  instrument  qui  se  ter- 
mine en  biseau.  HoII.  beitel,  item. 
BiED  signifiait  proprement  et  pri- 
mitivement le  lit  d'une  rivière,  d'un 
cours  d'eau,  d'un  canal,  ce  que  les 
Allemands   appellent  flussbett,  de 
fiuss,  cours  d'eau  et  bett,  lit. 

Deus  1  fist  miracles,  H  glorius  del  cel, 
Que  tute  la  grand ewe  fait  isir  de  sun  Wcrf, 
Aspandre  les  camps  que  tuz  les  virent  ben, 
Entrer  en  la  citez  et  emplir  les  celers. 

{ roj/age  dt  Charlemagne  à  Jénu.  t.  mj 

Bief,  biès,  biez,  bial,  biet  sont 
autant  de  formes  provenues  du  mômQ 


CHAP.  !II,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  II.    289 

délié.  Ou  disait  autrefois  biche  pour 
signifier  une  petite  chienne.  (Voir 
Trévoux,  art.  Bichon.) 

—  Tud.  biz,  bizo,  chien,  mots 
que  l'on  trouve  dans  les  composés 
wolfbiz,  wolfbizo,  chien-loup,  ani- 
mal né  d'un  chien  et  d'une  louve  ; 
en  latin ,  lycisais.  Goth.  bœtze , 
chienne.  Anglo-sax.  bicce ,  bice , 
item.  Island.  bickja,  item.  Angl. 
bitch^,  item.  AUem.  betze,  petze, 
item . 

Bière,  boisson.  —  Tud.  bier^  bior, 
bière,  anglo-sax.  béer,  item,  de 
bere,  qui  signifie  orge;  island.  bior, 
bière;  allem.  bier,item;  angl.  béer, 
item  ;  hoU.  bier,  item. 

Tacite  nous  apprend  que  la  bière 
était  une  boisson  fort  en  usage  parmi 
les  Germains  :  «  Potui  humor  ex 
hordeo  aut  frumento,  in  quamdam 
similitudinem  vini  corruptus.  »  (Ta- 
cite, Germania,  XXI 11^;  éd.  Paris, 
1805,  p.  263.) 

Bière,  espèce  de  coffre  où  l'on 
enferme  un  corps  mort  pour  le  por- 
ter en  terre,  cercueil.  Au  xii^  siècle, 
ce  mot  signifiait  de  plus  une  sorte 
de  brancard  propre  à  porter  un  ma- 
lade, une  litière,  en  langue  d'oc 
bera.  Uter,  roi  des  Bretons,  étant 
tombé  malade,  se  fit  porter  en  li- 
tière à  la  tête  de  son  armée. 


primitif  qui  nous  a  donné  biecl  ;  les 
unes  sont  dues  à  une  modification 
de  la  désinence  du  mot,  et  les  autres 
à  l'addition  d'un  suffixe.  Le  plus 
souvent  bied,  bief,  biès,  etc.,  ne  se 
prenaient  point  pour  le  lit  d'un  cours 
d'eau^  mais  pour  le  cours  d'eau  lui- 
même,  pour  un  ruisseau,  un  ca- 
nal, etc.  Nous  employons  encore 
bief  et  biez  pour  signifier  le  canal 
d'un  moulin.  On  disait  en  basse  la- 
tinité bedum,  biesium,  beciiim.  Ces 
deux  derniers  ne  sont  que  le  fran- 
çais biês  plus  ou  moins  régulière- 
ment latinisé.  On  dit  en  Dauphiné 
bial,  biau,  pour  un  torrent,  et  en 
Normandie  bieu  pour  un  cours 
d'eau. 

Guencist  la  reisiie  COgier),  laist  aler  le  des- 
trier; 
Selonc  Cesser  est  li  bers  adreciés. 
C'est  une  vile  où  il  n'a  gué  ne  biés. 

{La  chevalerie  dC Ogter  de Danemarche,  t.  1,  p.  238,/ 

Sire,  ce  n'est  marliere  vlez, 
Ke  grant  fossez,  ne  parfont  Mezy 
Ains  est  abisme  voirement. 

(Rom.  du  Renan,  t.  111,  p.  17.j 

Devers  Sebourc  s'en  va  ;  pas  ne  fu  desvoiés; 
Car  il  y  savoit  bien  les  terres  et  les  liés. 
Les  bois  et  les  rivières,  les  algues  et  les  ZiîV*. 

(Baudouin  de  Sebourg,  t.  11,  p.  93.) 

Des  moneies  sorst  li  forfez 
E  des  chemins,  e  des  foresz... 
De  faire  biens,  murs  e  fossez. 

(Chron.  des  duci  de  Normandie,  1.  U,  p.  391) 

—  Tud.  betti,  lit;  goth.  bad; 
anglo-sax.  bedd;  island.  bedr;  allem. 
lett;  holl.  bedde;  suéd.  bœdd;  angl. 
hed. 

Biche;  en  basse  latinité,  bicca  et 
bissa.  —  Dan.  bikke,  biche;  suéd. 
bikka;  island.  bita. 

Bichon,  petit  chien  qui  a  le  nez 
court  et  le  poil  long,  blanc  et  fort 


Ne  valt  mais,  ce  dist,  remanoir, 
Ses  barons  velt  en  ost  veoir. 
Porter  s'a  fait,  si  com  em  bière, 
A  chevax,  en  une  litière; 
Or  verra,  ce  dist,  qui  l'suira. 
Et  qui  od  lui  en  ost  ira... 
Desdaing  lor  sambla  et  vile  cose 
Que  porte  fu  por  le  roi  close 
Qui  em  bière  les  guerroioit, 
Et  em  bière  em  bataille  aloit  ; 
Mais  lor  orgoel,  je  crol,  lor  nut, 


19 


290 


PREMIÈRE  PARTIE. 


£t  cil  vainquit  qui  vaincre  dut... 
À  ses  homes  dist  en  riant  : 
Mius  voel  jo  en  Mère  jesir 
Et  en  longe  enfreté  langir. 
Que  estre  sains  et  en  vertu. 
Et  estre  a  de^lionor  venqu. 

[Rom.  de  Brul,  t.  Il,  p.  33,  31  ei  35.) 

les  nafrez  Cblessés)  vont  toz  quel'om  querre, 
Si  sVnporte  l'om  soef  en  bierre 
À.  Rocm  porm«dccinier, 
Por  garir  e  por  respasser. 

{ChroH.  de»  duo  de  Norm.,  t.  Il,  p.  343.) 

—  Tud.  1°  6aren^  porter;  2°  bara, 
civière,  brancard,  bièr^'  Anglo-sax. 
4°  bœran;  2"  baar_,  bœr.  AUem, 
4°  bringen;  2°  bahre.  lîoU.  1°  bren- 
gen;  2°  baar.  DanA^bcere;  2°  baare. 
Suéd,  1°  bœra;  2"  bœr.  Angl.  i"  to 
bear;  2°  béer.  Les  Latins  ont  formé 
de  même  feretrum  de  fera. 

Bigot,  dévot  outré  et  supersti- 
tieux. (Acad.) 

Les  Normands,  qui  vinrent  s'éta- 
blir en  France  au  commencement 
du  X*  siècle  parlèrent,  pendant  quel- 
que temps,  la  langue  de  leur  pays. 
(Voir  ci-dessus  p.  56,  note.)  Lors- 
qu'ils voulaient  affirmer  quelque 
chose  avec  force  et  donner  de  l'au- 
torité à  leurs  paroles,  ils  les  accom- 
pagnaient des  mots  bi  Got,  qui  si- 
gnifient par  Dieu.  De  là  le  surnom 
de  bigots,  que  l'on  donnait,  pendant 
le  moyen  âge,  aux  habitants  de  la 
Normandie,  et  qu'on  a  donné  dans 
la  suite  à  ceux  qui  ont  sans  cesse  le 
nom  de  Dieu  dans  la  bouche. 

Une  ancienne  chronique,  insérée 
par  André  Duchesne  dans  sa  Col- 
lection des  historiens  de  France,  dit 
en  parlant  de  RoUon,  premier  duc 
de  Normandie  : 

Hic  non  est  dignatus  pedcm  Caroli  oscu- 
Itri,  nisi  ad  os  suum  levaret.  Camque  sui 


comités  lllum  ammonerent,  ut  pedem  regl» 
in  acceplione  tanti  muneris  oscularctur, 
lingua  anglica  respondit  :  Ne  se  bi  Got; 
qaod  interpretalur  :  Ne  per  Deum.  Rex 
vero  et  sui  iilum  deridentcs,  et  sermonem 
cjus  corrupte  referentes,  illum  vocaverunt 
Bigoth;  unde  Normanni  adliuc  Bî^o/fti  di- 
cuntur.  (Uistoriœ  Francorum  scriptores  ^ 
t.  III,  p.  359-360.) 

On  lit  dans  le  roman  de  Rou  : 

Por  la  discorde  et  grant  envie 
Ke  Franceiz  ont  vers  Normendie, 
Mult  ont  Franceiz  ISormanz  laidiz 
E  de  mefaiz  e  de  mediz. 
Sovent  lor  dient  reproviers 
E  claiment  bigoz  e  draschiers; 
Soveat  les  ont  medlé  el  rei, 
Sovent  dient  :  Sire  por  kei 
Ne  tollez  la  terre  as  bigoz  ? 
A  vos  ancessors  et  as  noz 
La  tolirent  lor  ancessor 
Ki  par  mer  vinrent  robeor. 

[Ram.  de  Rcu,  y.  9938ctlulT.) 

—  Tud.  \<'  bi,  par;  2»  Got,  Dieu. 
Goth.  4»  bi;  2°  Guda.  Anglo-sax. 
4°  bi;  2»  God.  Allem.  \°  bey,  bei,' 
i^Gott.  HoU.  1°  by;  2°  God.  Island. 
God,  Gvd,  Dieu.  Suéd.  et  dan.  Gtid, 
item. 

Bigre,  Biguar,  anc.  terme  de  cou- 
tume :  garde  forestier  particulière- 
ment chargé  du  soin  de  surveiller 
et  de  recueillir  les  essaims  d'abeilles; 
en  basse  latinité^  biganis,  bigrus, 
ont  la  même  signification.  Biguarrie, 
emploi  de  biguar  ou  bigre.  Bigrerie, 
lieu  où  l'on  tient  les  ruches. 

Item,  avons  droit  d'avoir  et  tenir  en  la 
dite  foret  ung  bigre.,  lequel  peut  prendre 
mousches,  miel  et  cire  pour  le  luminaire  de 
nostre  dite  église,  mercher  (marquer),  cou- 
per et  abatre  les  arbres  où  elles  seront, 
sans  aucun  dangier  ne  reprinse.  (Charte  de 
1462,  citée  dans  le  glossaire  de  du  Gange, 
art.  Bigrus.) 

Item,  ai  droit  de  trois  ans  en  trois  ans, 
quand  on  mot  les  mouches  en  ladite  foret, 


CHAP.III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.   291 

hvidle;  suéd.  hwisla;  holland.  hie- 
zm.  Dans  la  Suisse  allemande  on 
dit  hi^e,  pour  vend  du  nord. 

Bitte,  terme  de  marine;  pièce  de 
bois  longue  et  carrée  destinée  à  te- 
nir les  câbles  lorsqu'on  mouille  les 
ancres  ou  qu'on  amarre  le  navire. — 
Ane.  island.  hiti,  longue  pièce  de 
bois,  solive, poutre.  Angl.iiY^  bite; 
holland.  beeting  ;  dan.  bidding. 

Blafard,  qui  est  d'une  couleur 
pâle,  blême.  —  AUem.  blasse-farbe, 
bleiche-farbe,  pâleur;  de  blass,  bleich, 
pâle,  blême,  et  de  farbe  couleur. 
Tud.  1»  bîeih,  pâle;  2°  farwa,  cou- 
leur. Anglo-sax.  4  "  Mac,  bîœCj  blec; 
2°fœrbu.  Island.  4°  bleik;  ^°farvi. 
Dan.  1°  bleege;  2»  farve.  Suéd. 
r  blek;  V  fœrg.  HoU.  4°  bleek; 
2°  verœ.  Le  d  de  fcta/ai'd  est  parago- 
gique  comme  celui  de  fard  (Voyez 
ce  mot  ci-après. 

Blanc.  —  Tud.  blanch,  blanc; 
anc.  allem.  blanc;  island.  blank; 
dan.  blank; suéd.  blanck; holl.  blank, 
allem.  blank;  angl.  blank. 

Blé,  Bled  ;  en  basse  latinité  bla- 
dum,  qui  signifia  d'abord  toute  sorte 
de  céréales  encore  sur  pied.  (Voir  le 
glossaire  de  duCange,  1. 1,  p.  1190, 
col.  1 .)  —  Ane*  allem.  blad,  blaed, 
blet,  récolte  pendante,  productions 
de  la  terre  qui  sont  encore  sur  pied, 
en  herbe,  en  tuyaux;  anglo-sax.  bla- 
da,  blœda,  item.  Cette  expression 
générique  fut  restreinte  dans  la  suite, 
et  bled  désigna  spécialement  la  ré- 
colte la  plus  importante  pour  l'hom- 
me, celle  qui  sert  principalement  à 
le  nourrir.  (Voir  un  cas  analogue  à 
l'article  Fourrage.)  L'anc.  allemand 
et  l'anglo  -  saxon  ont  l'un  et  l'autre 
pour  racine  un  mot  qui,  dans  tous 


d*«nvojer  saon  bigre  avec  les  ligres  du  roi, 
lequel  doit  être  juré  devant  le  chastelaiu 
de  Breteuil  de  bien  el  fidèlement  querre 
les  abeilles  et  le  miel  pour  en  faire  mon 
besoing.  (Autre  charte  de  1479,  citée  ibid.) 

Et  du  dit  fief  d'Auvergny  dépend  ung 
bostel  appelle  la  bigrerie  ou  l'hostel  aux 
mousches.  (Autre  charte  de  14(53,  citée 
ibid.) 

Comme  Guillaume  Maugier....  nous  eust 
fait  exposer  que  eust  esté  donné  aux  an- 
cesseurs  du  dit  Guillaume  un  office  de  ser- 
genterie  fieffé  en  la  forest  de  Lyons,  appelé 
la  biguarrye,  parmi  lequel  office  il  est  tenu 
de  garder  nos  pors,  querre  et  garder  les 
essains  de  mouches  franches;  pour  et  a 
cause  duquel  office  il  est  frans  de  pastu- 
rage,  etc.  (Charte  de  1370,  citée  dans  le 
glossaire  de  Carpentier,  art.  Bigarrius.) 

—  Tud.  bi-wartj  gardien  des 
abeilles;  bia,  abeille;  wart,  garde, 
gardien,  de  loartén^  garder.  Allem. 
bienen-îvàrter^  garde  chargé  de  la  ' 
surveillance  des  abeilles;  biene, 
abeille;  lodrter ,  garde,  gardien. 
Anglo-sax.  1°  6co^  abeille;  'i°vear- 
dian^ garder.  Island.  1°  bî;  'i,° tarda. 
Holl.  \°  bye,  bie,  bije;  2°  bewaaren, 
avec  le  préfixe  be.  Angl.  1°  bee; 
2°  to  xoard,  to  gward.  Dan.  1°  bie; 
2°  ware.  Suéd.  1"  bit;  2°  worda. 

Billet;  en  basse  latinité,  billetus. 
Ces  mots  sont  des  diminutifs.  — 
Anc.  allem.  bilj  un  écrit,  un  livre, 
d'où  billage,  le  livre  des  lois,  code, 
composé  de  bil^  livre,  et  de  lage, 
loi.  Anglo-sax.  billa,  bill,  livret, 
lettre,  billet.  Angl.  bill,  petit  écrit, 
catalogue,  liste,  affiche,  billet. 

Bise  ;  en  provençal  Usa.  —  Tud. 
Usa,  vent  du  nord,  bise;  island, 
bytur,  item  ;  anc.  allem.  Usswind, 
item,  mot  composé  de  wind,  vent  et 
Ussen,  siffler;  anglo-sax.  hvistan, 
tvoisllojn,  tYeîn;angl.  towhistle;Aa.n. 


292 


PREMIÈRE  PARTIE. 


les  idiomes  germaniques,  signifie 
feuille.  —  Anglo-sax.  blœd^  bled, 
feuille;  tud.  blat;  island.  blad; 
allem.  6/M^^,*dan.  blad;  suéd.  blad; 
angl.  blade,  feuille,  tuyau,  tige 
d'une  herbe ,  d'où  corn-bladed,  blé 
sur  pied,  blé  en  tuyau;  holl.  blad, 
feuille,  de  bladeren,  productions  de 
la  terre  dont  on  a  la  jouissance , 
usufruit. 

Blême,  autrefois  blesme.  —  Tud. 
bleih,  pâle,  blême;  anglo-sax.  bloc, 
blœc,  blec;  island.  bleik,  bleikr; 
allem.  bleich  ;  holl  .  bleck;  dan. 
bleege;  suéd.  bleh.  Il  semble  que  le 
primitif  germanique ,  en  passant 
dans  le  latin  rustique,  prit  la  termi- 
naison imus,,qm  est  commune  à 
beaucoup  d'adjectifs  latins.  Une 
transformation  toute  semblable  a  eu 
lieu  dans  plusieurs  de  nos  adjectifs 
numéraux  ordinaux.  Nous  disions 
primitivement:  tiers  (tertius),^uar/;, 
(quartus),  quint  (quintus),  siste  (sex- 
tus)  ;  nous  avons  dit  ensuite  troi- 
sième, quatrième,  cinquième,  sixiè- 
me, formés  par  analogie  avec  scjo- 
tième  (septimus),  dixième  (decimus), 
vingtième  (vigcsimus),  etc.  (Voir  t. 
III,  p.  135.)  On  aura  dit  blecimus , 
dont  nous  aurons  fait  blecime,  ble- 
sime,  puis  blesme.  et  enfin  blême. 

Blet  ,  adjectif  dont  on  n'emploie 
guère  que  fe  féminin  blette.  Il  se  dit 
des  fruits  qui  sont  mous  sans  être 
gâtés  :  |)OîVe  blette,  nèfles  blettes. 
—  Suéd.  ^°  blœt,  mou,  ramolli, 
tendre;  2°  blœta,  ramollir.  Dan. 
4°  blœd;  2°  blœde.  Allem.  blôde  ne 
s'emploie  qu'au  figuré,  mou,  lâche, 
sans  cœur,  craintif,  timide.  Holl. 
bloode,item. 

Bleu,  en  langue  d'oc  blau.—Tnà. 


blâo,  blaw,  bleu;  anglo-sax.  bleo, 
blae;  island,  blâ,blar;  allem.  blau; 
dan.  blaa  ;  suéd.  blœ;  angl.  blue; 
holl.  blaauw. 

Blinde,  terme  de  guerre .  Défense 
faite  de  bois  ou  de  branches  entre- 
lacées et  renfermées  entre  deux 
rangs  de  pieux.  On  s'en  sert  parti- 
culièrement à  la  tête  des  tranchées 
que  l'on  pousse  de  front  vers  le  gla- 
cis, afin  d'empêcher  que  l'onne  soit 
vu  des  assiégés. 

—  Allem.  blend,  retranchement 
empêchant  que  l'on  ne  soit  vu,  man- 
telet,  blinde,  de  blind,  qui  ne  voit 
pas,  aveugle.  On  a  passé  de  l'idée 
exprimée  par  blind  à  celle  qui  est 
représentée  par  blend  comme  nous 
passons  du  sens  propre  de  sourd  à 
certaine  acception  particulière  de  cet 
adjectif.  Sourd  signifie  proprement 
qui  entend  peu  ou  qui  n'entend  pas 
du  tout;  mais  il  se  prend  quelque- 
fois pour  signifier  oîi  l'on  entend 
peu ,  qui  retentit  peu  :  «  une  salle 
sourde,  une  église  sourde.  » . —  Tud. 
blint,  aveugle;  go  th.  blinds;  anglo- 
sax.  blind;  island.  blindr;  dan.  suéd. 
et  holl.  blind. 

Blond.  Les  Germains  et  les  Gau- 
lois avaient  l'habitude  de  se  teindre 
les  cheveux  d'une  couleur  rougeâtre 
au  moyen  d'une  sorte  de  composi- 
tion savonneuse  :  «  Prodest  et  sapo, 
Gallorum  hoc  inventum,  rutilandis 
capillis  ex  sevo  et  cincre.  Optimus 
fagino  et  carpino  duobus  modis,  spis- 
sus  ac  liquidus;  uterque  apud  Ger- 
manos  majori  in  usu  viris  quam  fœ- 
minis.  »  (Pline,  liv.  XXVIII,  chap. 
XII.)  Il  paraît  même,  d'après  le  rap- 
port de  Martial,  que  cette  mode,  peu 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  IL  293 


gracieuse  à  nos   yeux,  fut  adoptée 
par  quelques  Romains. 

Et  mutât  latias  spuma  batava  comas. 

(Lit.  Vlll.épigr.  ixxiii.) 

Tacite  n'oublie  pas ,  dans  le  por- 
trait qu'il  fait  des  Germains,  de 
mentionner  leurs  chevelures  rougeâ- 
tres  :  ((  Truces  et  cœrulei  oculi,  ruti- 
lœ  comœ,  magna  corpora,  et  tantum 
ad  impetum  valida.  »  (JDe  moribus 
Germanonim,  IV.) 

Dans  les  siècles  qui  suivirent  l'in- 
vasion, les  peuples  d'origine  germa- 
nique, répandus  dans  l'empire,  con- 
servèrent l'usage  de  se  teindre  les 
cheveux  ;  mais  ils  en  vinrent  à  pré- 
férer une  coloration  moins  rouge, 
moins  éclatantej  plus  conforme  à  la 
nature,  et  tâchèrent  d'imiter  certai- 
nes jolies  nuances  blondes  propres 
aux  enfants  du  Nord.  La  beauté  de 
ceux-ci  était  proverbiale  au  moyen 
âge^  et  plus  d'un  gentilhomme  se 
glorifiait  d'en  avoir  conservé  le  type. 
Un  ancien  proverbe  disait  : 
Liplus  bel  homme  en  Âlemaigne. 

(LtKoux  de  Lincy,  Le  Hure  des  pnverbet  français, 
t.  I,  p.  186.) 

Un  autre  : 
Rou  (roux)  comme  un  Allemand. 

[lùid.) 

A  la  fin  du  xi«  siècle,  la  compo- 
sition au  moyen  de  laquelle  on  don- 
nait aux  cheveux  une  teinte  blonde 
était  encore  fort  employée  par  les 
dames  qui  avaient  l'inconvénient 
d'être  brunes.  Saint  Anselme,  arche- 
vêque de  Cantorbéry,  le  reproche  à 
ses  contemporaines  dans  les  vers 
suivants,  cités  par  M.  Francisque 
Michel  dans  le  Théâtre  français  au 
moyen  âge,  p.  58,  note. 


Quod  natura  sibi  sapiens  dédit,  illa  refor- 
mat ; 

Quicquid  et  accepit  dedecuisse  putat. 
Pungit  acu,  et  fuco  liventes  reddit  ocellos, 

Sic  oculorum,  inquit,  gratia  major  eril. 
Est  etiam  teneras  aures  qui  perforet,  ut  sic 

Aut  aurum  aut  carus  pendeat  inde  lapis. 
Altéra  jejunat  misère,  minuitque  cruorem, 

Et  prorsus  quare  palleat ,  ipsa  facit  ; 
Nam  quse  non  pallet  sibi  rustica  qusDque  vl- 
detur; 

Hicdecet,  hiccolor  est  verusamanlis,alt. 
Hœc  quoquediversis  sua  sordibusinflcitora. 

Sed  quare;  meiior  quairilur  arte  color. 
Arte  supercilium  rarescil,  rursus  et  arte 

In  minimum  mammas  colligit  ipsa  suas. 
Arte  quidemvideas  nigros  fiavescere  crines. 

Nititur  ipsa  suo  membra  movere  loco. 

{^Sancti  Ansetmi  ex  Beccensi  abbate  Cantuiirientit 
archiepiscojii  Opéra,  labore  et  ttudi'o  Gubrielit 
Gerberou  ;  Luietia;  Paritioruiu,  etc.  1G75,  Id- 
fol.,  p.  197,  col.  2.) 

M.  Francisque  Michel,  dans  la 
note  que  je  viens  de  mentionner, 
établit,  avec  son  érudition  habituelle, 
que^  pendant  le  moyen  âge,  une 
chevelure  blonde  était  l'un  des  ca- 
ractères les  plus  indispensables  de 
la  beauté  dans  l'un  et  l'autre  sexe. 
Je  me  bornerai  à  renvoyer  le  lecteur 
à  la  note  en  question  insérée  dans  le 
Théâtre  français  au  moyen  âge, 
p.  58. 

Remarquons  en  passant  que,  chez 
les  peuples  d'origine  germanique, 
les  femmes  avaient  encore  au  xi^  siècle 
l'habitude  de  se  farder  le  visage. 
C'est  ce  que  témoignent  les  vers  de 
saint  Anselme  que  je  vie«s  de  citer. 
Cette  habitude  était  fort  ancienne  et 
fort  répandue  parmi  ces  peuples  ; 
aussi  ne  devons-nous  pas  nous  éton- 
ner que  leur  langue  nous  ait  fourni 
le  moi  fard.  (Voyez  ce  mot  ci-après.) 

L'usage  de  se  teindre  la  chevelure 
finit  par  disparaître,  mais  le  terme 


S94 


PREMIÈRE  PARTIE. 


resta,  et  il  servit  à  qualifier  une  cou- 
leur de  cheveux  analogue  à  celle  que 
l'on  obtenait  au  moyen  de  la  com- 
position colorante. 

En  anglo-saxon,  bland  signifie 
mélange  ,  mixtion ,  composition  ; 
blendaUj  mêler,  mélanger ,mixtion- 
ner,  composer;  blonde,  mêlé,  mâjan- 
gé,  composé;  6iom7en,  çnduit  d'une 
composition^  frotté  d'une  mixtion  co- 
lorante, coloré,  teint^  fardé.  On  trouve 
dans  les  auteurs  anglo-saxons.  Mon- 
den-feax,  pour  désigner  un  homme 
qui  a  des  cheveux  blonds;  mais  cette 
expression  dut  certainement  s'appli- 
quer primitivement  à  celui  qui  avait 
les  cheveux  teints  en  blond  au  moyen 
de  la  composition  colorante  en  usage. 
Feax  signifie  chevelure  en  anglo- 
saxon.  On  peut  voir^  dans  le  glos- 
saire de  Lye  et  dans  son  supplément, 
tous  les  mots  que  je  viens  de  citer, 
accompagnés  des  preuves  qui  justi- 
fient leur  interprétation. 

—  Tud.  blantan,  mêler,  mélan- 
ger, composer  ;  island.  blanda  ;  dan. 
blande  ;  suéd.  blanda  ;  angl.  tohlend. 

Blostre,  anc.  tumeur,  pustule, 
empoule. 

Kesiax  devint,  ce  dit  la  lelre  ; 
Li  las  doIeD2,  li  \u  meffez. 
En  pou  de  tens  fu  si  deffpz 
Qu'il  fu  trestoz  en  une  blostre;. 
Ne  seinbloii  pas  home,  mes  mostre. 

(Uéon,  Fabliaux,  t.  Il,  p.  81.) 

—  Ane.  holl.  bluyster,  tumeur, 
pustule,  ampoule;  holl.  moderne 
bluts;  angl.  Uister;  às.n.bylde. 

Bluette,  autrefois  belugette.  Ce 
sont  des  diminutifs;  en  provençal, 
béluga.  —  Tud.  blich,  éclat,  jet  de 
lumière,  éclair;  blichan,  briller, 
étinceler.  Allem.  blich,  lueur  rapide. 


éclat,  éclair;  bliclien,  luire,  briller, 
Holl.  blikken,  item;  blikzem,  éclair. 
Dan,  blinken,  item;  suéd.  blag, 
item. 

BoDiNE,  terme  de  marine.  On 
nomme  ainsi  en  quelques  endroits 
la  quille  d'un  vaisseau,  principale- 
ment sur  les  côtes  de  Normandie. 
(Trévoux.)  Allem.  boden,  fond,  fon- 
dement, base,  quille  de  navire;  holl. 
bodem;  angl.  bottom;  dan.  bund. 

Bois.  En  italien,  bosco;  en  basse 
latinité,  boscus,  d'où  nous  avons  dé- 
rivé bocage,  bosquet,  bûche,  buisson, 
bouquet.  Ce  dernier  se  dit  en  espa- 
gnol ramillete,  et  en  languedocien 
ramelet,  qui  sont  les  diminutifs  dé- 
rivés de  ramus.  —  Holl.  bosch,  fo- 
rêt, bois,  bocage  ;  allem. 6msc/i,  item; 
dan.  6Ms/f,  bois,  bocage,  hallier,  buis- 
son ;  suéd .  buska,,  item  ;  island .  buski, 
hallicr,  broussailles;  tud. 6msc, reje- 
ton, jeune  pousse,  arbrisseau, 

BoisiE,  BoisDiE,  anc.  méchanceté, 
trahison,  perfidie  ;  boiser,  boisier, 
boisdier,  tromper,  faire  un  mauvais 
tour;  boiseur,  boiseor,  boisdeiir,  per- 
fide, fourbe,  trompeur,  félon . 

Bien  soITeist  assis  à  salveteit  si  tu  bum- 
lemenl  et  senz  aucune  ioisie  vels  embais- 
sier  lo  cuer  de  ton  prêtait  a  ceu  ke  tu  dé- 
sires. [Scrm.  de  S.  Bernard,  p.  509.) 

Terne  est  si  artilleuse,  ge  ne  sal  que  ge  die, 
Quar  feme  par  nature  est  plaine  àeboisdie, 
En  mal  faire  et  pensser  travaille  et  estudie; 
Nul  n'en  dira  tant  bien  qu'en  la  fin  n'en 
raesdie. 

{Chatlie-Muiard,  pWce  de  vers  pbc^e  a  lo  suite  in 
a'arresdeRaleb<!uf,  t.  Il,  p.  481.) 

Fu  puis  Cuillaumes  eissilliez  : 
Solom  sa  mérite  fu  paiez  ; 
E  qui  "a  tel  ovre  s'essaie, 
Dreiz  est  teus  en  resert  sa  paie., 
Teus  la  puissent  tuit  cil  aveir 
Qui  maupensé  e  mauvolcir 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  II.  295 

bouchon,  bonde,  bondon,  bouchon 
de  tonneau;  island.  spons;  allem. 
spund;  dan.  spunds;  suéd.  sprund; 
holl.  spond,  bom;  angl.  bimg. 

Bord,  extrémité  d'une  surface.  — 
Tud.  bort,  borto,  extrémité,  bord, 
côté;  anglo-sax.  island.  allem. 
holl.  suéd.  bord;  angl.  border;  dan. 
bred. 

Bord,  terme  de  marine;  mem- 
brure d'un  navire;  bordage,  plan- 
ches qui  revêtent  d'un  bout  à  l'au- 
tre le  corps  d'un  navire,  tant  à  l'ex- 
térieur qu'à  l'intérieur.  Bord,  em- 
ployé comme  terme  de  marine,  se 
trouve  dans  nos  plus  anciens  au- 
teurs. 


Uiit  de  boiser  à  lor  seignors, 
Faus,  mençongiers  el  traïtors. 

(  Chron.  des  duci  de  Norm.  t.  III,  p.  M.) 

Mais  s'il  séust  a  nul  fuer 
Que  cil  éust  vers  lui  boisié, 
Ne  l'eust  pas  laiens  laissié. 

[Flaire  et  Blancejlor,  édil.  du  Méril,  p.  236.) 

Guard  que  pur  nule  rien  ne  vienge  boisdeur; 
Messe  il  aime  Henri  sou  bon  seignur, 
Par  lui  deit  endurer  peines  et  dolur. 

{Chron.  de  Jordan  Fanlotme,  p.  591.) 

Ert  Raol  Torte  en  prant  poeir, 
Li  hom  od  plus  très-amer  fiel 
Qui  fustsoz  la  chape  del  ciel... 
Parjur  e  faus  e  boiseor 
Ësteit  des  rentes  son  seignor. 

{CArott.  detduct  de  Norm.  t.  II,  p.  73.) 

De  boiser  on  fit  le  composé  em- 
boiser,  tromper  quelqu'un  en  le  flat- 
tant, le  surprendre  par  de  belles 
paroles,  l'enjoler.  Cette  expression  est 
encore  en  usage  parmi  le  peuple. 

Il  ne  faut  jamais  porter  des  marchan- 
dises chez  des  gens  de  qualité.  Quand  ils 
tiennent  un  garçon,  ils  l'emboisent  de  leur 
caquet,  et  le  remeuent  a  la  porte  avec  des 
reverances.  {Le  Marchand  duppé,  act.  I, 
se.  III,  dans  le  Théâtre  italien  de  Gberardi, 
t.  II,  p.  159.) 

—  Ane.  allem.  bos,  bose,  mé- 
chant, perfide,  pervers,  scélérat; 
goth^  baud,  baut  ;  anglo-sax  bad, 
bœd;  island,  bowe_,  allem.  bose  ;  holl. 
boos,  booze;  angl.  bad. 

BoMERiE,  terme  de  marine.  C'est 
le  nom  que  l'on  donne  à  un  prêt  à 
la  grosse  aventure  qui  est  assigné 
sur  la  quille  d'un  vaisseau.  (Voir 
Trévoux,  Boiste,  etc.)  — Allem.  bod- 
merei,  bomerie,  dérivé  de  boden, 
carène,  quille  de  navire.  Holl  4°  bo~ 
demerye,  bomorie;  2°  bodem,  carène  ; 
angl.  \°  bottomry;  2°  bottom.  Dan. 
<»  bodmerie  ;  2°  bimd. 

Bonde,  Bondon.  —  Tud.  spunt, 


Li  mers  enfla,  onde  levèrent  ; 
Wage  crurent  et  reversèrent; 
Nef  commentent  a  perillier, 
Bort  et  kievilles  à  froissier. 
Rompent  closture  et  buri  froissent. 

{Rom   de  Brut,  t.  I,  p.  119.) 

Pedrogue  fu  devers  la  vile 
Au  costé  des  vessiaux  contraires; 
Sa  nef,  où  genz  a  maintes  paires  , 
Fu  en  celé  emprise  douteuse 
Bort  k  bort  contre  l'Orgueilleuse 
Qui  fu  si  très  durement  grande. 

{Branche  des  roi/aux  lignaget,  1. 11,  p.  37S,) 

—  Tud.  bort,  borti,  borto,  ais, 
planche,  madrier,  assemblage  de 
planches,  membrure  d'un  navire, 
bord,  bordage.  Angl.  board,  item. 
Anglo-sax.  island.  dan.  et  suéd. 
bord,  item.  Ane.  allem.  4°  bort, 
bord,  6re^^  planche,  madrier;  2"  bord, 
membrure,  bord  d'un  navire.  Holl. 
1°  bord;  2°  boord.  Allem.  4o  bret; 
2o  bord.  Goth.  baurd,  planche. 

Borde,  anc.  maisonnette,  maison 
des  champs,  métairie,  ferme.  Bor~ 
del,  bordéle,  dérivés  de  borde,  si- 
gnifiaient maison  chétive  et  de  peu 


296 


PREMIÈRE  PARTIE. 


d'apparence^  masure,  bicoque,  et  de 
plus  maison  de  prostitution. 

En  celle  ille  de  mer  n'ot  borde  ne  maison, 
raiii  ne  blé,  ne  farine,  ne  autre  garnison; 
Mes  poumeles  sauvages  y  avoit  grant  foison. 

{Nouveau  recueilde  contes,  t.  I,  p.  21.) 

Or  n'ai  ne  borde  ne  maison. 

(Ratebeufi  t.  I,  p.  6.) 

rochet,  alez  tost,  sans  eslongne, 
De  par  le  bailli,  nostre  maislre, 
Une  estache  drescier  et  mettre 
Ou  viez  bordel  qui  est  maison 
Gaste.  Or  tost,  sani  arrestoison. 

[Théàlre françait  au  moyen  âge,  p.  347-318  ) 

Ke  faites-vos,  signor  roi,  ke  faites-vos  ? 
Aoreiz-vos  dons  un  alaitant  enfant  en  un 
vil  bordele  et  envolcpeit  en  vils  dras?  Est 
dons  cist  enfes  Deus  ?  (Serm.  de  S,  Ber- 
nard^ p.  550.) 

On  peut  voir  d'autres  exemples 
de  bordel  dans  la  Chronique  des 
ducs  de  Normandie,  t.  I,  p.  495, 
543  ;  t.  Il,  p.  425. 

De  borde,  métairie,  on  fit  bordier, 
métayer,  fermier. 

Franc  home  qi  ad  aver  champester  trente 
deners  vailaunt,  deit  doner  le  dener  seint 
Pcre.  Le  seignur  pur  un  deners  que  il 
donrad,  si  erunt  quitcs  ses  bnrdiers  (fer- 
miers), et  ses  boverz  et  ses  serjanz.  (Lois 
de  Guillaume  le  Conquérant,  §  xvni  ;  ci- 
dessus,  p.  107.) 

—  Tud.  bWj  habitation,  maison, 
métairie;  buring,  métayer,  fermier, 
Goth.  baurd ,  maison,  métairie. 
Anglo-sax.  bùr,  bord,  bred,  item. 
Island.  byr.  Ane.  allem.  bord.  Ane. 
holl.  bord,  bcrd.  Aujourd'hui  le 
dérivé  bordel,  dans  la  plupart  des 
idiomes  néo-germaniques,  signifie, 
comme  en  français,  maison  de 
prostitution. 

BoRKE,  Ou  a  dit  autrefois  bodne, 
puis   bone,  bonne,   et  enfin   bovie 


avec  un  r  intercalaire.  On  dit  en- 
core bouina,  bouino,  en  Provence. 
Dans  la  basse  latinité^  butina,  bor- 
duJa,  bodina,  bodena,  bonda,  bonna, 
signifiaient  tous  borne,  limite;  ils 
étaient  dérivés  de  buta,  boto,  -nis, 
bodo,  -nis,  employés  pour  désigner 
une  petite  butte,  une  élévation  de 
terre  arrondie  que  l'on  faisait  sur 
les  limites  des  champs  pour  servir 
de  borne.  (Voir  du  Gange  et  Roque- 
fort.) 

Kar  entor  les  devisions 
Qui  parteient  les  régions, 
Par  les  termes,  par  les  devises, 
La  ù  les  bodnes  furent  mises, 
Avironout  maintes  fiées 
Od  chevaliers  et  od  maisniées. 

(CAren.  des  ducs  de  Korm.  t.  l,  p.  375.) 

Tous  les  allées  que  je  tenoie  a  Buse- 
gnies,  c'est  a  savoir  tous  les  bos  de  Buse- 
gniesjusqiies  au  tieroir  de  Biekegiiies  et 
de  la  endroit  tont  contreval  dusques  au 
tieroir  de  Vaus,  si  con  ïesboyies  suut  mises 
entre  camp  et  bos.  [Carlulaires  de  Hainaut 
publiés  par  M.  de  Reiffenberg,  p.  413.) 

Doit  avoir  des  bos  de  Vicongoe  en  tour 
treize  cens  et  vint  et  un  bonnier,  petit 
plus  un  petit  mains,  si  comme  les  bonnes  le 
portent.  (Ibid.  p.  363.) 

Bone  a  signifié  également  but, 
terme. 

En  vain  fait  l'ora  la  bone  œvre,  se  om  la 
lait  devant  la  fin  de  la  vie;  car  en  vain  cuert 
ki  laisset  lo  curre  anzois  ke  il  venget  al 
bone.  {Livre  de  Job,  p.  448.) 

—  Angl.  butt,  bout,  extrémité, 
but,  butte  ;  bud,  bouton,  bourgeon, 
corps  ayant  une  forme  arrondie; 
bounds,  borne,  limite.  Goth,  bauths, 
bout,  extrémité;  anc.  allem.  butt, 
item,  se  disait  surtout  des  extrémi-' 
tés  arrondies,  comme  le  bout  de  la 
mamelle,  le  bout  du  nez;  allcra. 
butz,  item,  de  plus  bouton,  bour-< 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.   297 


billon,  bourgeon;  hoU.  bot^  bouton, 
bourgeon. 

BossEMAN,  terme  de  marine,  nom 
que  l'on  donnait  autrefois  au  sous- 
officier  de  marine  ayant  le  grade 
intermédiaire  entre  ceux  de  quartier- 
maître  et  de  contre-maître.  (Acad.) 
—  Allcm.  hootsmann,  bosseman, 
composé  de  hoot^  nacelle,  bateau^  et 
de  mann,  homme.  HoU.  4"  boots- 
man,  bosseman;  2"  boot,  bateau; 
3°  man,  homme.  Dan.  1°  baads- 
mand;  2°  baad;  3°  mand.  Suéd. 
4°  baatman;  2°  baat;  3°man.  Angl. 
boatman,  pilote;  bout,  bateau;  man, 
homme.  Tud,  bot^  bat,  nacelle,  ba- 
teau; man,  homme. 

Bot,  adjectif,  qui  n'est  usité  .que 
dans  l'expression  -pied  bot.  —  Holl. 
bot,  rabougri,  bot,  obtus,  d'où  bo- 
thiel,  pied  bot;  le  suédois  a  con- 
servé le  composé  trubbot,  mousse, 
obtus,  rabougri,  bot,  qui,  avec  fot, 
pied,  forme  l'expression  trubbot  fot, 
pied  bot.  Allem.  butt,  obtus,  mousse, 
et,  au  figuré,  qui  a  l'esprit  obtus, 
stupide,  grossier. 

Bot,  Boz^  Botte,  Botterel.  anc. 
crapaud;  en  basse  latinité,  botta. 
(Voir  les  glossaires  de  du  Gange  et 
de  Roquefort.)  En  italien,  botta. 
Renart,  fait-il,  à  ton  viaire 
Semblés  hien  bestes  de  put  aire... 
Plein  es  de  venin  comme  boz. 

(Ram.  (lu  Renart,  t.  Il,  p.  15î.) 

Et  cele  (pierre)  qui  entre  les  eus 
DuBotoW  croist,  est  plus  fine, 
Qu'on  seut  apeler  crapoudiue. 

{Tournoiement  Je  l'Antéchrist,  p.  13.) 

Assez  sovent  li  avenoit, 
Por  son  pechié,  por  sa  malice, , 
Qu'il  vooit  emmi  son  calice 
Un  grant  crapout  lait  et  hideus... 
Dévotement  et  par  grant  cure 
Se  confessa  de  sa  malice; 


Ainsi  chaça  hors  do  calice 
Confessions  le  bolerel. 

(Chron.  des  ducs  de  Norm.  appcad.  t.  IH,  p.  5ïJ 
et  524.) 

—  Ane.  allem,  batte,  badde,  gre- 
nouille et  crapaud;  bas  àUem. padde, 
batte;  island,  podda;  dan.  padde; 
suéd.  padda,  hoUand.  padde ,  cra- 
paud . 

Boter^  botter,  bouter,  signifiè- 
rent primitivement  heurter,  pous- 
ser. 

Cil  mismes  ki  ester  vneit,  ancor  ne  lacet- 
il  mies  la  voie ,  se  l'convient-il  totevoies 
chaor  por  ce  qu'il  ne  welt  esploitier,  car 
cil  ki  après  vont  le  bottent  et  trabuchent. 
(^S,erm.  de  S.  Bernard,  p.  5G7.) 

Se  aucuns  ledist  aucun  apertement,  et  il 
ne  li  face  sanc,  ne  chaable,  ne  peceuie, 
forsdeferiret  de  boter...  (Livre  deJostice, 
p.  301.)  —  Offilius  dit  que  batre  est  o  do- 
lor,  et  boter  sanz  dolor.  (Ibid.,  citation  do 
Roquefort,  art.  Bouter.) 

Je  di,  fortune  ne  voit  goûte. 
Ou  en  son  sens  est  desvoianz; 
Les  uns  atret,  les  autres  boute. 

[Ruteheuf,  t.  1,  p.  88.) 

Ensuite  bouter,  botter,  passèrent 
de  la  signification  de  pousser  à  celle 
de  mettre,  poser.  Le  premier  des 
exemples  suivants  est  assez  propre 
à  nous  montrer  comment  s'est  opé- 
rée la  transition  de  la  première  ac- 
ception à  la  dernière. 

Senz  un,  senz  merci  e  senz  paiz 
Fut-il  le  jor  botez  e  mis, 
E  del  tôt,  fors  de  paradis. 

(Chron.  des  ducs  de  Norm.,  t.  Il,  p.  985.) 

Les  denz  en  la  coe  li  bote. 
Que  il  li  a  rompue  tote. 

[Roman  du  Renard,  I,  H,  p.  Wt  ) 

Endroit  le  cuer  sous  la  mamiele 
Le  trenchant  coutiel  apointa, 
Desi  au  manche  li  bouta 
El  cors,  illuecques  l'a  mordrie. 

(Roman  de  la  Yio'.elle,  p.  I9i.) 


298 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Nous  disons  encore  en  termes  de 
marine,  bouter  au  large  pour  pous- 
ser une  embarcation  au  large.  De 
plus,  bouter,  dans  le  sens  de  met- 
tre, entre  dans  certaines  expressions 
que  nous  avons  conservées,  telles 
que  boute-feu,  boute-selle,  boute- 
en- train,  boute -hors,  boute-de- 
hors, etc.  Nous  avons  également 
gardé  le  composé  débouter,  employé 
en  termes  de  palais  pour  signifier 
mettre  un  plaideur  hors  de  cour  en 
le  déclarant  déchu  de  sa  demande. 
Un  rebouteur  est  celui  qui  fait  mé- 
tier de  remettre  les  membres  dislo- 
qués. Le  verbe  rebouter  signifiait 
autrefois  remettre,  reposer. 
Tôt  soavet  en  estraignant 
L'a  reboutée  sor  l'enfant. 

(Partonoptut  de  Biais,  T.  1275.) 

—  Holl.  botzen,  choquer,  heurter, 
pousser;  bas  allem.  botsen.  bossen  ; 
en  Suisse  botzen;  anc.  allem.  bôzen; 
tud.  bôzjan. 

Botte,  Boutte,  anc.  sorte  de  ton- 
neau; bout,  outre,  pot,  cantine.  En 
basse  latinité,  butta,  tonneau,  baril, 
cantine,  darac-jeanne  ;  en  espagnol, 
bota,  espèce  de  tonneau;  en  italien, 
botte,  item;  en  provençal,  bouta  , 
dame  -  Jeanne ,  grosse  bouteille. 
Boute  nous  a  donné  le  diminutif 
bouteille;  en  basse  latinité,  èw^i- 
mla. 

Car  j'ay  ung  estomach  pavé,  creux  comme 
la  botte  sainct  Benoist.  (Rabelais,  liv.  I, 
ch.  XXXIX,  p.  45,  col.  2.) 

—  Tud.  botaha ,  tonneau;  anc. 
allem.  butte,  botte,  bouttich,  item  ; 
allem.  butte,  item.  An^h-sax.  butte , 
bytte,  grand  vaisseau,  grand  vase, 
outre;  island.  bytta  ,  item.  Dan. 
boette,  item. 


Botte,  assemblage  de  plusieurs 
choses  de  môme  nature  liées  ensem- 
ble :  botte  de  foin,  botte  de  -paille  ; 
autrefois  boste,  d'où  bostellier,  bot- 
teleur.  En  basse  latinité,  bostillator; 
en  patois  messin,  ftoc/ie,  botte;  en 
provençal,  buissa  dé  carbé,  botte  de 
chanvre. 

—  Tud.  bozo,  faisceau,  fagot,  ja- 
velle, botte;  anc.  allem. 6oss;  allem. 
bïischel;  bas  allem.  botsche;  holl. 
bos,  bussel;  angl.  bottel. 

Bou^  Bous,  Bus,  anc.  sorte  d'an- 
neau que  les  guerriers  portaient  au 
bras,  bracelet;  en  basse  latinité, 
boga,  bouga,  bauga. 

Pris  la  curune  de  sua  chief  et  le  bou  de 

sun  braz  e  aportés  les  ai  a  tei  mun  seignur. 

{Livre  des  jRo/s^p.  121.) 
El  tuli  diadema  quod  erit  in  capite  ejus, 

et  irmillim  de  èrachio  illius,et  attuli  ad  tt 

dominum  meum  hue. 

Ses  armilles,  qu'om  bus  apele, 
0(1  odure  preciose  e  bêle 
D'or  e  de  pierres  grant  e  geut, 
Qui  valeient  maint  marc  d'argent. 
Laissa  en  une  chaisne  penduz. 

{Chron,  des  ducs  Je  Normandie,  1. 1,  p.  341.) 

—  Tud.  baug,  bouc,  anneau,  bra- 
celet, collier;  goth.  baug;  island. 
baugr;  anglo-sax.  beag;  holl.  beu- 
gel.  Tous  ces  mots  dérivent  d'une 
racine  germanique  qui  signifie  flé- 
chir, courber,  ployer,  en  rond.  — 
Tud.  biugan;  anglo-sax.  bugan,  bi- 
gan;  island.  beijgia;  allem.  beugen, 
biegen;  suéd.  boya;  holl.  buigen; 
angl.  to  boio. 

Boucle,  bucle,  bock,  signifiaient 
la  bosse  du  bouclier  ;  c'était  dans 
Tintérieur  de  la  concavité  formée 
par  cette  bosse  que  se  trouvaient  le 
fermoir  et  les  courroies  servant  à 
bo-.'der  le  bov/^lier  au  bras  du  com- 


CHAP.  III,  ÉLÉxMENT  GERxMANIQUE.  SECT.  II.    209 


battant.  (Voir  l'article  Bouclier  ci- 
après.)  En  prenant  le  tout  pour  la 
partie,  on  a  donné  à  boucle  la  signi- 
fication que  ce  mot  conserve  encore 
aujourd'hui. 

—  Ane.  allem.  buchel,  bosse,  et 
en  particulier  bosse  du  bouclier; 
holl.  bochchel,  bogchel,  basse  en  gé- 
néral; dan.  bug el,  item;  suéd.  po- 
ckel,  item.  Allem.  buckel,  bosse  et 
boucle;  angl.  buckle,  boucle. 

Bouclier.  Autrefois  on  disait  éga- 
loment  boucler,  bucler,  dérivés  de 
boucle,  bucle,  bocle,  bosse  du  milieu 
du  bouclier  que  les  Romains  appe- 
laient wmfto.  En  basse  latinité,  on  se 
servait  de  bucula,  buccula,  bomla, 
pour  désigner  cette  bosse,  et  de  bo- 
cle>'ius  pour  signifier  un  bouclie. 

Et  nonpourcant  il  (messire  Raoul)  met 
toute  sa  forche  et  sa  pr[o]aiche,  et  rckieit 
monseigneur  Robiert  molt  asprcment,  et  li 
donne  granscos  soursonesku,  sili'il  iifendi 
jusltes  en  la  boucle.  (Théâtre  français  au 
moyen  âge,  p.  426,  col.  2.) 
E  Anseis  laisset  le  cheval  curre, 
Si  vait  ferir  Turgis  de  Turteluse 
L'escut  li  freint  desus  l'orée  bncle 
De  sun  osberc  li  derumpit  les  dubles, 
I)el  bon  espietel  cors  limet  l'armure. 

[Chani.  de  Roi.  it.  xcit.) 

On  a  dit  d'abord  escu  bucler,  escu 
boucler,  pour  désigner  un  écu  à 
boucle  ;  puis  on  a  supprimé  le  subs- 
tantif, et  l'épithète  seule  est  restée 
pour  signifier  cette  arme  défensive. 

De  Charlemagne  vos  voeiil  oir  parler  : 
Il  est  mult  vieiz!  si  ad  sun  tcns  uset; 
Men  escient,  dous  cenz  ans  ad  passet  ! 
l'ar  tantes  teres  ad  sun  cors  demened  ! 
Tanz  [colps]  ad  pris  sur  sun  escut  bucler  ! 

{Chant,  de  Roi.  «t.  xxxix.) 

On  peut  voir  d'autres  exemples 
de  boucle   dans  le  glossaire  de  du 


Cange,  article  Buccula.  En  basse  la- 
tinité, ce  mot  était  le  synonyme  de 
umbo;  mais,  dans  les  auteurs  an- 
ciens, il  signifiait  la  visière  du 
casque  :  «  Cassidis  pars,  quœ  de- 
missa  buccam  tegit.»  Cette  dernière 
opinion  est  celle  des  plus  savants 
commentateurs,  bien  qu'elle  ne  soit 
pas  partagée  par  l'illustre  lexico- 
graphe que  je  viens  de  nommer. 

—  Tud.  buhil,  éminence,  éléva- 
tion, bosse  ;  buckeler,  bouclier.  Ane. 
allem.  buckel,  bosse  et  en  particulier 
bosse  du  bouclier,  umbo,'  buckeler, 
bouclier.  Holl.  6o(/c/ie/,  bosse  en  gé- 
néral; beukelaar,  bouclier.  Allem. 
buckel,  bosse.  Dan.  bugcl,  item. 
Suéd^  pockel,  item.  Angl.  buckler, 
bouclier.  Island.  buklari^  item. 

Boue,  autrefois  boe  ;  on  dit  boga 
en  Lorabardie.  Ces  mots  sont  de  la 
même  famille  que  notre  terme  de 
chasse  bauge.  Voyez  ce  dernier  ci- 
dessus,  p.  282. —  Ane.  allem.  botch, 
boue,  bourbe,  fange;  holl.  bagger, 
item;  angl.  bog ,  fondrière,  bour- 
bier. 

Bouée,  terme  de  marine.  Il  se  dit 
d'un  morceau  de  bois  ou  de  liége^ 
d'un  fagot  ou  d'un  baril  vide  qui 
flotte  au-dessus  d'une  ancre  pour 
indiquer  l'endroit  où  elle  est  mouil- 
lée. (Acad.)  —  Dan.  boy,  bouée; 
allem.  boje;  holl.  boei^  boey;  angl. 
buoy. 

Bouffer,  Bouffée,  Bouffi,  etc. 
«  Bouffer,  dit  Nicot,  est  un  verbe 
duquel  le  français  n'use  guère  que 
par  métaphore.  La  propre  significa- 
tion est  souffler  à  puissance  d'ha- 
leine et  à  joues  enflées  ;  en  laquelle 
le  Languedoc  l'usurpe  ordinaire- 
ment, disant  :  Ion  vent  bouffe 


300 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Ainsi  dira  le  François  ta  bouffes, 
c'est-à-dire  tu  te  despites  ;  et  tu 
bouffes  de  courroux  et  de  maltalent; 

TOTUS  STOMACHO    ATQL'E    IRA   TURGES. 

Parce  que,  quand  aucun  est  despité 
ou  courroucé,  il  renfle  les  joues^ 
comme  fait  celui  qui  bouffe  et  souffle 
quelque  chose,  laquelle  raison  de  mé- 
taphore est  suivie  au  mot  bouffy, 
qui  signifie  eslevé  en  tumeur  et 
enflé.» 

Le  premier  des  exemples  suivants 
nous  offre  bouffer  employé  dans  le 
sens  propre^  celui  de  souffler  ;  le  se- 
cond nous  présente  ce  mot  pris  dans 
le  sens  figuré,  celui  d'être  bouffi  de 
colère. 

Li  rois  l'entent  boufe  est  sospire. 

(Kom.  de  Trittun,  t.  1,  p.  92.) 

Le  grand  écuyer  se  releva  le  nez  de  des- 
sus la  table,  regarda  toute  la  compagnie 
toujours  bouffant,  {ilémoires  de  Saint- 
Simon,  année  1707  ;  t.  V,  p.  362.) 

Buffe,  buffet  signifiaient  un  coup 
sur  la  joue,  un  soufflet.  J'ai  donné 
ci-dessus  p.  203  la  raison  del' usage 
que  l'on  faisait  de  ce  mot  dans  celte 
signification,  en  voici  des  exem- 
ples. 

A  cez  molz  se  aproschad  Sedechlasli  flz 
Chanaan  a  Michée,  si  li  empeinst  un  buffet. 
(Livre  des  Rois,  p,  337.) 

Accessit  autem  Sedecias  filins  Chanaa,  et 
percussit  Mithœam  in  maxillam. 

Oué  !  donne-Ii  une  buffe. 

(  Thiâlrefmnçais  au  moyen  %«,  p.  99.  ) 

Ne  l'estuet  pas  penser  a  irufes, 
Batre  la  font  et  boner  bufes. 
Quant  maistre  Corras  a  li  vient, 
Puis  que  des  bu/fes  li  sovient 
Que  Diex  reçut,  si  les  reçoit. 

(Rutebeuf,  t.  Il,  p.  198.) 

Il  ne  nous  est  resté  de  la  première 


acception  de  bouffer  que  le  substan- 
tif bouffée;  en  italien, 6m^o.— H oll. 
puffeti,  poffen,  souffler;  angl.  to 
•puff,  item;  allem.  puffen,  buffen, 
gonfler  en  soufflant  dedans,  être  gon- 
flé, être  bouffi. 

Boulevard.  La  signification  éty- 
mologique de  ce  mot  est  celle  d'ou- 
vrage  de  défense  construit  avec  de 
grosses  pièces  de  bois  ;  tels  étaient, 
en  effet,  les  anciens  boulevards.  On 
a  dit  autrefois  bollewerque,  boulevert, 
boulevart.  (Voyez  le  premier  de  ces 
mots  dans  Roquefort.) 

La  rivière  de  Seine  estoit  entre  nous  et 
eux  ;  et  commencèrent  ceux  du  roy  une 
tranchée  a  l'endroit  de  Cliarenton,  ou  ils 
firent  un  boulevart  de  bois  et  de  terre, 
jusquesaubout  de  nostre  ost.  iMcmoires  de 
Philippe  de  Commines,  liv,  I,  ch.  x,  p.  22, 
col.  2.) 

Et  a  ceste  cause  furent  faits  dessus  les 
dits  murs  plusieurs  taudis,  bouleverts  et 
tranchées  au  long  des  dits  murs-  {Livre  des 
faits  advenus  au  temps  du  roy  Louis  XI, 
par  Jean  de  Troyes,  édit.  du  Panthéon  litté- 
raire, p.  254,  col.  2.) 

Au  moyen  âge  on  éleva  des  boule- 
vards autour  de  beaucoup  de  villes 
pour  les  défendre  contre  les  attaques 
des  ennemis.  Les  terre-pleins  de  ces 
boulevards  furent  complantés  d'ar- 
bres, soit  pour  empêcher  le  terrain 
de  s'ébouler,  soit  pour  procurer  une 
promenade  ombragée  aux  habitants 
de  la  ville.  De  là  vient  que  ftou/euarci 
se  prit  dans  la  suite  pour  une  pro- 
menade extérieure  située  autour 
d'une  ville.  On  bâtit  des  maisons  le 
long  de  cette  promenade,  qui  devint 
ainsi  une  espèce  de  rue  plantée  d'ar- 
bres. Enfin  on  appela  boulevard 
toute  rue  complantée  d'arbres,  se 
trouvât -elle  dans  le  cœur  même 


CHAP.  m,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  II.   30f 


d'une  ville  ;  tels  sont  plusieurs  bou- 
levards de  Paris,  et  particulière- 
ment celui  de  Sébastopol  que  l'on 
achève  en  ce  moment. 

—  Ane.  allem.  bohle_,  holo,  tronc, 
poutre  ,  madrier  ;  werk,  ouvrage. 
Dan.  ^°bolverk,  boulevard  j  2°  bul, 
tronc  ;  3"  verk ,  ouvrage.  Suéd. 
4o  bolverk  ;  2°  bohlen;  3°  verk. 
Angl.  1°  bulwark;  t^bohle;  ^'work. 
Allem,  boUwevk,  boulevard;  bohle, 
madrier;  xcerk,  ouvrage.  Holl.  bol- 
werk,  boulevard  ;  werk,  ouvrage. 

Bouline.  Cordage  dont  l'un  des 
bouts  est  fixé  vers  le  milieu  de  chaque 
côté  d'une  voile  carrée  et  dont  l'autre 
bout  s'amarre  généralement  sur  l'un 
des  points  de  l'avant  du  navire.  On 
trouve  boeline  employé  au  xii*  siècle. 

Estuins  ferment  et  escotes. 
Et  font  tendre  les  cordes  totes; 
Utages  laschejit,  très  avalent, 
Boelines  sachent  et  baient. 

{Rom.  (U  Brut,  t.  II,  p.  lit.) 

—  Dan.  i»  bougline,  bouline; 
2"  huQj  l'avant,  la  proue  ;  3°  Une, 
corde.  Angl.  ]°  bowline;  T  bow; 
3°  Une.  Allem.  \''  boleine;  Tbug, 
3°  leine.  Holl.  6oe/yw,  bouline  ;  ?(;«, 
corde.  Anglo-sax.  bow,  l'avant,  la 
proue;  Une,  corde.  Island.  et  suéd. 
hog,  proue;  Una,  corde.  (Voir  l'ar- 
ticle Bout,  terme  de  marine.) 

Boulon,  Bouzon,  gros  trait  d'ar- 
balète dont  l'extrémité  se  terminait 
par  une  tête  ;  il  ressemblait  en  cela 
au  matras.  (Voir  ce  dernier  mot 
parmi  les  mots  d'origine  celtique, 
eh.  n,  sect.  n,  p.  243.)  En  italien, 
bchone,  polza,  avaient  autrefois  la 
même  signification;  en  langue  d'oc, 
bosso;  en  basse  latinité,  bo1ta,puho. 
Pierre  Crescenzi,  savant  agronome 


italien  du  xiii»  siècle,  dans  son  Opiis 
ruraUmn  commodorum ,  liv.  X^ 
ch.  xxYiir^  dit  en  parlant  de  cette 
sorte  de  traits  :  «  Puhones  dicun- 
tur  sagittee  balistarum  in  capitc 
grossae.  »  La  traduction  française 
de  cet  ouvrage,  faite  au  xiv'  siècle 
sous  le  titre  de  Proiiffits  champestres 
et  ruraulx_,  etc.,  interprète  la  défi- 
nition de  l'auteur  italien  par  ces 
mots  :  Materas  gros  en  la  teste  de 
devant. 

Nous  appelons  encore  aujourd'hui 
boulon  une  grosse  cheville  de  fer 
munie  d'une  tête  à  l'un  de  ses 
bouts.  Son  nom  lui  est  venu  de  ce 
que  sa  forme  était  celle  de  l'espèce 
de  trait  qui  fait  le  sujet  de  cet  ar- 
ticle. (Voir  à  l'article  Matras,  déjà 
cité ,  une  dérivation  analogue  du 
sens  primitif  de  ce  mot.) 

Moult  fu  quens  Turgibus  de  grant  renon. 
Il  prist  un  jor  son  arc  et  son  boulon. 

{Roman  (TAmligier  ciié  par  Roqaefort,  art.  BouIoh.) 

Si  cum  aleient  ainsi  parlant. 
Si  unt  weu  un  hum  errant, 
Arcpurteit,  sajette,  bouz-uns. 

(Marie  de  Fronce,  t.  Il,  p.  3G0.) 

—  Tud.  bolz,  javelot,  gros  trait; 
anc.  island.  bolti;  anglo-sax.  boita; 
angl.  boit,  trait,  javelot^  verrou; 
allem.  bolzen,  gros  trait^  javelot, 
cheville  de  fer  munie  d'une  tête, 
boulon;  holl.  pois,  sorte  de  bâton 
ferré,  brin  d'estoc. 

BouNDEL,  anc.  faisceau^  fagot. 
(Voir  le  supplément  du  glossaire  de 
Roquefort.)  —  Anglo-sax.  byndel, 
byndela,  faisceau^  fagot,  dérivé  de 
hyndan,  bindan,  lier,  attacher.  Holl. 
1°  bondel,  biindelja.isceeiu;  2°  6m- 
den,  lier.  Allem.  1°  bund,  bundel; 
2°  binden.  Angl.  {°  bundle;  2"  to 


303 


PREMIÈRE  PARTIE. 


tind.  Dan.  -lo  hundt;  2»  binde. 
Suéd.  40  bunt;  2°  binda. 
Bouquet.  (Voir  Bois.) 
Bouquin.  —  Ane.  holl.  boeckin, 
petit  livre,  diminutif  de  boec,  livre. 
Holl.  moderne,  boek,  item;  tud. 
buoch,  buohj  item;  gotli.  ôonos  , 
boks,  item;  anglo-sax.  boec,  boc; 
island.  bok;  allem.  buch;  dan.  bog, 
boog;  suéd.  bok;  holl.  boeh;  angl. 
book. 

Bouquin  n'est  probablement  pas 
bien  ancien  dans  notre  langue.  Il  a 
été  forme  d'un  diminutif  germa* 
nique  de  la  même  manière  que 
mannequin,  qui  est  moderne;  anc. 
holl.  1°  mannekin,  petit  homme; 
de  2°  mann^  homme,  Allem.  1 0  mann- 
chen;  2°  mann.  Goth.  manna, 
homme;  tud.  anglo-sax.  island. 
angl.  mcn,  item. 

BouKACAN,  sorte  de  gros  camelot; 
en  basse  latinité,  barracanus.  — 
Dan.  barkan^  bouracan;  suéd.  bare- 
kan;  allem.  berkan;  angl.  barra- 
can  ;  holl.  barkaan. 

Bourg,  bourc,  burg,  bure,  bore, 
bor  signifièrent  d'abord  ville  défen- 
due par  une  forteresse,  par  une  ci- 
tadelle, par  une  enceinte  de  mu- 
railles, ville  forte;  bourg  s'employa 
ensuite  pour  une  ville  en  général; 
enfin  il  prit  la  signification  qu'il 
conserve  encore. 

Li  bochicr  d'Orlions  prennent  sor  chas- 
cune  beste  six  deniers,  et  mêlent  en  une 
boele  a  défendre  cels  de  lor  bore  contre 
autres  genz.  {Livre  de  Joslice,  p.  7.) 

Roquefort  cite  les  deux  exemples 
suivants  dans  son  glossaire,  art. 
Bore  : 

Ici  sont  li  quatre  livres  des  Dialogues 
Grégoire,  lo  papa  del  tors  do  Rome,  des 


miracles  des  porcs  de  Lumbardie.  (Titre 
des  Dialogues  dp  saint  Crésoiie.) 

El  lems  alsiinent  de  cel  meisnie  prince, 
qiKint  Dacius  H  vcske  dcl  bure  de  Moilans, 
demcneis  por  la  cause  de  la  foid,  s'en  aloi 
al  bore  de  Conslanliuoble,  dunkes  vint-il 
a  Corinthe.  {Dial.  de  S.  Grog.  liv.  IV, 
ch.  lu.) 

Ce  dernier  passage  répond  à  ces 
mots   latins   :   «  Ejusdem    quoque 
principis  tempore,  cum  DatiusMedio- 
lanensis  urbis  episcqpus,  causa  fidei 
exactus,   ad   Constantinopolitanam 
urfeempergeret,  Corinthum  devenit.» 
Tud.  bxirg,  bure,  ville  défendue 
par  une  forteresse,  ville  protégée  par 
une   enceinte  de   murailles  ,   ville 
forte;  de  bergan,  défendre,  proté- 
ger, garantir.  Goth.  I"  baurgs,\'û\é 
forte;  2°  bairgan,  défendre.  Anglo- 
sax.,  r  burg,  burig,  byrig,  burh; 
2°  beorgan,  beorgian.  Island.  1  "  borg; 
2°  berga.  Allem.  burçj,  château  fort, 
forteresse;  bergen,  défendre.  Dan. 
borg,  forteresse;  vœrge,  défendre. 
Suéd.  borg,  forteresse;  bœrga,  dé- 
fendre. Holl  burg,  forteresse  ;  6er- 
gen,  défendre.  Angl.  burg,  château 
fort,  forteresse,  bourg. 

Bourre,  poil  de  plusieurs  ani- 
maux, comme  bœufs,  vaches,  chè- 
vres, cerfs,  etc.  qu'on  enlève  de  des- 
sus leurs  peaux  quand  on  les  pré- 
pare dans  les  tanneries.  (Trév.)  En 
basse  latinité,  burra.  —  Anglo-sax. 
byrst,  poil;  angl.  beard,  item;  allem. 
borste,  poil  de  cochon;  dan.  boerste , 
item.;  suéà.  borste,  item;  holl. 
borstel,  item 

Bout,  dérivé  Bouton;  en  basse 
latinité,  butum.  bout.— Anc.  allem. 
butt,  extrémité,  bout  ;  se  disait  sur- 
tout des  extrémités  mousses  ou  ar- 
rondies, comme  le  bout  de  la  ma- 


CHAP.  III,  ÉLÉiMEiNT  GERMANIQUE.  SEGT.  II.    3Ô3 


melle,  le  bout  du  nez  ;  allem.  butz, 
item;  de  plus,  bouton^  bourbillon, 
bourgeon;  hoU.  bot,  bouton,  bour- 
geon; angl.  butt,  bout,  extrémité, 
but,  butte. 

Bout,  en  terme  de  marine,  se  dit 
dans  quelques  phrases  de  l'avant,  de 
la  proue  du  bâtiment  :  «  Ce  bâti- 
ment a  le  bout  à  terre  ;  il  court,  il 
donne  de  bout  à  terre  ;  cette  embar- 
cation nage  bout  au  vent,  bout  au 
courant,  bout  à  la  lama;  elle  est  de 
bout  au  vent,  au  courant,  etc.  Avoir 
vent  de  bout,  avoir  vent  contraire; 
on  écrit  aussi  debout  en  un  seul 
mot.  »  (Acad.)  Il  est  vrai  que  bien 
des  marins  écrivent  debout;  mais 
l'Académie  n'aurait  point  dû  auto- 
riser cette  orthographe  vicieuse  qui 
provient  d'une  singulière  confusion 
d'idées.  C'est  déjà  par  une  semblable 
confusion  que  l'on  écrit  bout  de  na- 
vire comme  on  écrit  bout  du  doigt, 
bout  de  l'oreille.  Le  terme  de  ma- 
rine devrait  s'écrire  bou  ou  boiig, 
(Voir  ci-dessus  l'article  Bouline.) 

—  Anglo-sax.  bow,  l'avant,  la 
proue  ;  island.  et  suéd.  bog  ;  dan. 
bug;  angl.  bovo ;  allem.  bug. 

Bkacque,  aïic.  terre  en  friche,  ja- 
chère ;  en  basse  latinité,  bracus. 

Ce  faici,  issoyenl  hors,  tousjours  confe- 
rens  des  propous  de  la  lecture,  et  se  des- 
portoyent  en  bracque ,  ou  es  prez ,  et 
jouoyent  a  la  balle,  a  la  paulme,  a  la  pile 
trigone,  gualantement  s'exerceans  le  cors, 
comme  ilz  avoyeut  les  âmes  auparavant 
exercé.  (Rabelais,  liv.  I,  cb.  xxui,  p.  26, 
col.  2.) 

—  HoU.  6ma/iî,  adj.  et  subst.  si- 
gnifie à  la  fois  qui  est  en  jachère, 
qui  est  en  friche,  et  terrain  qui  est 
en  jachère,  en  friche;  allem.  brach, 
adj.  en  friche;  broche,  subst.  terre  en 


friche,  jachère  ;  dan.  brahîand,  item; 
mol  composé  de  brak  et  de  land, 
terre.  Dans  cette  dernière  langue, 
brak  signifie  qui  est  à  l'état  naturel, 
qui  n'est  point  travaillé ,  qui  n'est 
point  préparé  ;  il  se  dit  particulière- 
ment dans  le  sens  d'écru  en  parlant 
du  fil,  de  la  toile. 

Braidif,  Braidis,  anc.  ardent^ 
enflammé  de  désir,  de  courage,  im- 
patient. 

Se  un  petit  se  retenissent, 
El  'a  lor  gcnt  se  resirainsissent, 
Grans  pris  et  grans  los  i  eussent, 
Et  encore  garir  peussent; 
Mais  il  furent  trop  volantif, 
Et  de  ferir  avant  braidif. 

(Rom.  de  Brut,  I.  1 1 ,  p.  SOÎ.) 

Et  quant  il  vit  qu'il  ert  seuz. 
As  sutns  fait  prendre  lur  escuz. 
Puis  muntent  es  chevals  braidis. 

(Chron.  desduct  de  Norm.,  t.  I,  p.  175.) 

—  Holl.  branding ,  ardent ,  en- 
flammé, au  propre  et  au  figuré,  dé- 
rivé de  branden,  être  en  feu,  brûler. 
Dan.  i°  brœndende,Qxàç.xii;  %°brœn- 
de,  brûler.  Suéd.  4«  brinnande  ;  2* 
brœna.  Tud.  brinnan,  brcnnan,  être: 
en  feu,  être  enflammé,  brûler.  An- 
glo-sax. Urnan,  byrnan,  item.  Is- 
land. brenna.  Allem.  brennen.  A.ng[. 
to  burn. 

Brais,  Bray,  Brès  signifiaient 
autrefois  orge  préparée  pour  faire  la 
bière;  en  basse  latinité,  brasium, 
braseum ,  bracium,  brace.  Nous 
avons  dit  brasse  pour  bière.  (Voir 
Roquefort  et  du  Gange.)  Il  nous  est 
resté  brassin,  brasser  (basse  lat. 
brassare,  braxare,  braciare) ,  bras- 
serie (basse  lat.  brasseria,  bradaria), 
etc.  tous  dérivés  d'un  primitif  ger- 
manique et  non  point  da  français 


304 


PREMIÈRE  PARTIE. 


6ms,  comme  on  l'admet  générale- 
jnent.  —  AUem.  1°  brau,  et  avec  le 
préfixe  ge,  gebràu,  gebràiige,  bras- 
sin  ;  2°  brauen,  brasser  de  la  bière; 
aoôrawerei,  brasserie. HoU.  1  °  brouw- 
sel,  gebroict  ;  2'  bromven  ;  3°  brou- 
ivery.  Tud.  briuimn,  brasser  de  la 
bière.  Anglo-sax.  brivan,  briwan, 
item.  Angl.  to  brew ,  item.  Dan. 
brygge,  item.  Suéd.  brigga,  item. 
Tous  ces  mots  sont  de  la  même  fa- 
mille que  le   tudesque   brio,  bri, 
bouillie;  anglo-sax.  brig,  briv,item; 
anc.  allem.  bri;    allem.  moderne, 
brei;  hoU.  brij,  bry. 

Braise;  en  italien,  brace,  brada-, 
en  espagnol,  brasa-,  en  provençal, 
bmza.  — -Island.  brasa,  feu  ardent, 
braise,  de  5rmna,  brûler  ;  tud.  bren- 
nan,  brinnan,  brûler;  goth.  brin- 
nan  ;  anglo-sax.  bTjrnan  ;  allem. 
brennen  ;  dan.  brœiide  ;  suéd.  brœn- 
na;  holl.  bra^iden;  angl.  to  burn. 

Bramer,  «  c'est  crier  énormément. 
Le  Languedoc  et  nations  adjacentes 
en  usent  ordinairement,  disant  bra- 
mar,  qu'ils   attribuent  proprement 
au  braire  des  asnes,  et,  par  méta- 
phore, à  tout  cri  hautain.»  (Nicot.) 
Aujourd'hui,  bramer  ne  se  dit  plus 
qu'en  parlant  du  cerf.  —  Tud.  bre- 
mariy  mugir,  rugir.  Anglo-sax.  bre- 
man,  item.  Allem.  bmmmen,  gron- 
der, mugir;  brumft,  brunft,  cri  du 
cerf  quand   il  est    en  rut  .   Dan . 
brumme,   mugir.   Suéd.   bnmma, 
item.  Holl.  brommen,  item. 

Brand,Braist,  Bran,  BRANC,anc. 
glaive,  épée. 

Jesbidenob...  oui  ceint  un  hrant  nuef 
{Livre  des  Rois,  p.  203.) 
Jesbidenob...  accindus  crat  ense  novo 
Al  Iratit  d'acer  l'cntrenchet  V.  des  laz. 

(Chnns.  de  Rot.,  it.  ccl.) 


Forz  fa  li  ber,  li  cos  fu  granÉ 
Et  li  branz  fu  dur?  et  tranchanZi 
Le  hiaume  faudi  et  quassa, 
Bien  le  feriet  assena, 
Dusqu'as  espalles  le  fendi. 

{nom.  de  Brut,  t.  U,  p. 203.) 

— Anglo-sax.  brand,  iiranif,glaive, 
épée;  island.  brandr ;  anc.  angl. 
brand.  Tous  ces  mots  paraissent 
tenir  à  brant,  brand,  tison  (Voir  ci- 
après  l'art.  Brandon)  ;  c'est  ainsi 
qu'en  espagnol  tizon,  tison,  a  for- 
mé tizona,  épée;  on  désigna  d'a- 
bord par  ce  mot  la  fameuse  épée  du 
Cid,  comme  chez  nous  on  appela 
Durandal  l'épée  de  Roland  et  Joy- 
euse celle  de  Charlemagne. 

BrandeVin,  eau-de-vie  faite  avec 

du  vin.  Ce  mot  n'est  probablement 

pas  fort  ancien  dans  notre  langue . 

—  Allem.  1"  brantwein,  brandevin, 

composé  de  2°  brennen  brûler  et  de 

3»  wein,  vin.  Holl.  1"  brandewijn, 

\  2°  branden,  S'^wijn.Da.n.  \°bromd~ 

evin,   %°brœnde,   3°  lun.  Suéd.  1° 

brœnwin,  2°  brœnna,  3°  tf in.  Angl. 

brandy  et  unne-bra7idy,  hra.Mevin; 

to  feitrn;  brûler;  îDine,  vin. 

Brander^  anc.  être  en  feu,  être 
en  flamme,  être  en  combustioe.  Ce 
verbe  est  de  la  même  famille  que 
braidif  et  brandon.  (Voyez  le  pre- 
mier de  ces  mots  ci-dessus  et  le  se- 
cond ci-après.) 

Tute  \i  terre  brandc;  pensez  del  espleitier: 
Li  vielz  rei  d'Engletcrre  aurad  des  suens 
mestier. 

(  Chrott.  de  Jordan  Fanlosme,  p.  509.) 

—  Holl.  branden,  être  en  feu,  brû- 
ler, dan.  brœnde,  item;  tud.  brin- 
.      nan  ;  anglo-sax.  birnan,   byrnan  ; 
island.  brenna  ;  suéd.  brœna  ;  allem. 
brennen;  angl,  to  burn. 
Brandir,  secouer,  agiter  une  épée, 


GHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  II.   305 


une  lance,  etc.  comme  pour  se  pré- 
parer à  frapper.  Ce  verbe  a  donné 
branler,  qui  est  un  fréquentatif.  En 
provençal,  brantar  signifie  secouer, 
agiter;  branduciar,  agiter  fréquem- 
ment, branler.  Brandir  a  pour  pri- 
niitif  brand,  glaive,  qui  se  trouve  ci- 
dessus.  De  dard  on  a  fait  de  même 
darder. 

Brandon  signifiait  autrefois  mor- 
ceaudebois  enflammé, tison,  torche. 
Nous  disons  encore  au  figuré  :  «  Les 
brandons  de  la  discorde,  les  bran- 
dons de  la  guerre  civile.»  On  appelle 
dans  quelques  pays  dimanche  des 
brandons  le  premier  dimanche  du 
carême  ,  parce  que  ce  jour  -  là 
le  peuple  allumait  autrefois  des  feux, 
dansait  alentour  et  parcourait  les 
rues  en  agitant  des  tisons  allu- 
més .  (Voir  Trévoux,  art.  Brandon.) 

Ce  fu  la  table  d'or,  plus  noble  ne  vit-on, 
Que  toute  estoit  d'or  fin  sans  cuivre  et 
sans  laiton; , 
Si  fu  11  escarboucle  assise  ens  où  moilon 
Qui  reluisoit  par  nuit  ausi  cler  qaebTandun. 

(CAroH.  de  du  Gutsclin,  t.  1,  p.  374.) 

Par  nuit  obscure  a  tel  clarté, 
Que  il  n'estuet  à  nul  garçon 
Porter  lanterne  ne  brandon. 

{Floire  tt  Blanceflor,  ëdit.  du  Mëril,  p.  65.) 

—  Tud.  brant,  tison,  de  brinnan, 
brsnnan,  être  enflammé,  brûler. 
Anglo-sax  \  o  brand,  tison  ;  2°  bir- 
nan,  by r7ian, brûler .  Island.i  o  brand; 
20  brenna.  AUem.  \obrand;  %^bren- 
nen.  Dan.  <  o  brand  ;  2»  bromde . 
Suéd,  \o  brand;  2°  brœna.  HoU. 
\obrandhout;  %°  branden.  Angl. 
40  brand;  2°  to  bum. 

Braon  ,  anc.  partie  charnue  du 
corps  de  l'homme  et  des  animaux, 
morceau  ,de  viande  propre  à  être 


rôti  ;  ce  mot  se  prenait  particulière- 
ment pour  la  partie  la  plus  charnue 
de  la  jambe  et  du  derrière,  le  mollet 
et  la  fesse.  En  langue  d'oc,  brazon 
avait  la  même  signification.  (Voir 
M .  Raynouard,  Glossaire  des  Trou- 
badours, t.  II,  p.  247.)  En  basse  la- 
tinité, brado  signifiait  jambon,  en 
patois  messin,  braon,  mollet. 

Quant  oït  que  son  oncle  morroit 
Por  venoison  que  il  n'avoit... 
Un  braon  trança  de  sa  quissc; 
Larder  le  list  et  bien  rostir, 
A  son  oncle  le  flst  offrir. 

(Ram.  de  Brut,  t.  1 1,  p.  272.) 

Plate  banque  ronde  gambete, 
Gros  braon,  basse  quevillette  ; 
Pié  vautic,  haingre,  a  peu  de  cbar. 

{^Li  Jut  Adun  ou  de  la  Feuittie,   dam  le  Thëàtr* 
français  au  moyen  âge,  p.  61,  col.  I.) 

Li  cers  pas^e  outre,  et  tôt  11  cien 
L'encaucierent  après  si  bien, 
K'entour  et  environ  li  viennent, 
As  ners  et  as  braons  le  tiennent  ; 
Si  l'ont  par  force  a  terre  mis. 

(iloni.  de  Rott,  cité  par  Roquefort,  art.  Braon.) 

—  Tud.  brât,  fcrâfo,  partie  la  plus 
charnue  du  corps  de  l'homme  ou 
des  animaux  (lat.  pulpa)  ;  island. 
brâd,  item; a.nc.  aljem.  brado,  mol- 
let; angl.  breech,  fesse. 

Braque,  Braconner;  en  basse  lati- 
nité, bracco,  chien  braque;  en  ita- 
lien, bracco;  en  langue  d'oc,  brac. 
On  trouve    fréquemment    brache, 
brachet,  avec  la  même  signification, 
dans  nos  anciens  auteurs  : 
Moult  amoit  bruches  et  lévriers, 
Etveneors  et  braconniers.... 
Ses  braches  et  ses  loïmiers 
Acouplait  por  aler  chacier. 

{Dohpalhos,  ^dit.  J(nnet,  p.  317.) 

Ses  forestiers  a  fet  viser 

U  il  porreit  granz  cerf  truver  ; 

Rfz  e  saetes  flst  porter 


r 


20 


306 


PREMIÈRE  PARTIE. 


E  cliipnz  asanl,  s'ala  berser  ; 
As  vfineors  e  as  varleîz 
Fitjmener  loz  ses  brachei 
E  limiers 

(Rom.  de  Rmi.  t.  1,  p.  288.) 

—  Tud.  Irak,  braccho ,  chien 
braque:  allem.  brack;  holl.  brak, 
braak;  angl.  brach. 

Bréchet,  l'os  de  la  poitrine,  celui 
auquel  aboutissent  les  côtes  par- 
devant;  plus  parti culièrementrextré- 
mité  inférieure  de  cet  os,  (Acad.) 
Brus  signifiait  autrefois  poitrine. 
(Voir  ce  mot  ci-après.) 

Qaant  ce  vint  on  tour  de  Chicquanous, 
ilz  le  festoyarent  "a  grandz  conpz  de  gante- 
letz,  si  bien  que  il  resta  tout  eslourdy  et 
ineurtry,  ung  œil  poché  on  beurre  noir, 
huyct  costes  froissées,  le  bréchet  enfon- 
dré...  (Rabelais,  Pantagrnel,\\\.l\\  ch.xp., 
p.  227,  col.  1.) 

—  Tud.  'brust,  poitrine;  goth. 
brusts;  anglo-sax.  breost;  island. 
briost;  allem.  brust;  dan.  bryst; 
suéd.  brœst;  holl.  brost;  angl. 
breast. 

Bréhaigne.  Il  se  dit  des  femelles 
des  animaux  qui  sont  stériles.  Ainsi, 
on  appelle  carpe  bréhaigne  une 
carpe  qui  n'a  ni  œufs  ni  laite.  Bré- 
haigne se  dit  quelquefois  substanti- 
vement d'une  femme  stérile.  C'est 
une  bréhaigne.  (Acad.) 

Bréhaing,  bréhaigne,  baraigne, 
etc.  signifiait  autrefois  stérile,  en 
parlant  des  femmes,  des  femelles  des 
animaux,  de  la  terre,  des  arbres,  etc. 

Mult  par  fusl  bons  H  surjurs  a  ceste  cl- 
ted,  si  cume  bien  le  veis,  si  pur  ço  nun  que 
pesmes  sunt  les  eves  e  baraignes  les  terres. 
{Livre  des  Rois,  p.  3o0.) 

Ecce  habitalio  civitatis  hujus  oplima  est, 
sicut  tu  jpse,  domine,  perspicis  :  sed  aquœ 
pessimœ  sunt,  et  terra  sterilis. 


Mull  devons  estre  sonious  ke  pau  ne  soit 
de  noz  biens  et  ke  il  ne  soient  senz  discus- 
sion, u  ke  nos  soiens  terre  brehagne.  (Livre 
de  Job,  p.  447.) 

Enfant  ne  pooit  avoir, 

Et  cuidoit  bien  ke  la  reïne 
Deust  toz  jors  estre  brehigne. 

{Dolopalhoi,  id\t.  Jannet,  p.  39.) 

—  Ane.  allem.  brah,  brach,  sté- 
rile se  disait  en  général;  anglo-sax. 
bar, item; angl.  barren,  item;  allem. 
brach,  stérile,  inculte  ne  se  dit  plus 
que  de  la  terre;  holl.  braak,  item. 

Brelan,  Berlan  signifiaient  au- 
trefois une  petite  table  dont  on  se  ser- 
vait pour  jouer,  une  table  àjeu.  Au- 
jourd'hui brelan  est  employé  en  mau- 
vaise part  et  sert  à  désigner  un  lieu 
où  l'on  joue  à  difi"érents  jeux  de  carte. 
On  a  pris  le  contenu  pour  le  conte- 
nant^ comme  il  arrive  souvent.  Nous 
disons  de  même  le  bureau,  le  comp- 
toir, la  banque  pour  désigner  l'en- 
droit où  se  trouve  un  meuble  du 
même  nom.  Voyez  t.  II,  p.  228. 

Un  berlenc  aporte  et  trois  dez. 
De  lez  le  jongleor  s'asit 
Tout  coiement,  et  si  !i  dist  : 
Amis,  fet-il,  veus-tu  jouer  ? 
Vois,  quel  berlenc  por  hazeter; 
Et  s'ai  trois  dez  qui  sont  plenier, 
Tu  pues  bien  a  moi  gaaignier 
Bons  esterlins  priveement. 

(Batbaian,  Fahlinux,  t.  111,  p.  986.) 

Ostes,  troi  dés  et  un  brelenc; 
Vès  ichi  nosire  chambrelenc 
Qui  chi  se  veut  solacier. 

{Ihid.,  t.  IV,  p.  41.) 

—  Ane.  allem.,  1°  bretelin,  petite 
table,  diminutif  de  2°  bret,  table  ; 
allem.,  1°  bretlein;  2°  brett;  holl., 
1°  bordlein;  2°  bord;  dan.  bret  et 
bord,  table;  tud.    bret  et  bort. 

Brème,  poisson  ;  autrefois  brasme. 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  IL   307 

toit  construit  en  charpente,  appuyé 
contre  une  muraille,  et  soutenu  en 
avant  par  des  piliers,  appentis  fait 
avec  des  planches.  Brétecque,  bré- 
teche,  etc.,  se  prirent  ensuite  pour 
une  construction  faite  avec  des  ma- 
driers, destinée  à  mettre  les  soldats 
à  couvert  de  l'ennemi  ;  ils  s'em- 
ployèrent également  pour  signifier 
une  espèce  de  tour  de  bois  dont  on 
se  servait  pour  attaquer  ou  pour  dé- 
fendre les  murs  d'une  ville  ou  d'un 
château.  En  basse  latinité,  hreta- 
chia,  hretechia,  bertescha;  en  ita- 
lien, bertesca  ;  en  espagnol,  bretesa. 


brame.  —  Tud.  brahsema,  bres- 
semo;  brahsina ,  brème;  dan. 
brasme;  angl.  bream;  hoU.  breas- 
sem;  allem.  brachse,brassen;  suéd. 
braxen. 

Brequin,  anc.  outil  d'artisan  qui 
sert  à  percer.  Le  brequin  est  propre- 
ment la  partie  du  vire-brequin 
qu'on  appelle  la  mèche.  (Trévoux.) 
L'Académie  n'admet  plus  aujour- 
d'hui que  vilebrequin  qu'elle  dé- 
finit: Outil  d'artisan  qui  sert  à 
trouer,  à  percer  du  bois,  de  la  pierre, 
du  métal^  par  le  moyen  d'une  mèche 
de  fer  qui  a  un  taillant  en  spirale  et 
qu'on  fait  entrer  en  la  tournant. 

On  voit,  par  la  citation  de  Tré- 
voux^ que  l'on  disait  anciennement 
vire-brequin  pour  vilebrequin;  virer 
signifiait  tourner,  et  avait  trait  à  la 
manière  dont  on  fait  entrer  la  mè- 
che ou  brequin.  — Tud.  bora,  pora, 
vrille,  brequin;  borjan,  borôn,  per- 
cer ,  perforer.  Allem.  bohreisen, 
mèche  du  vilebrequin,  brequin  ; 
bohrer,  tarière,  vilebrequin  ;  bohren, 
percer,  trouer,  forer.  Holl.  boor,  vile- 
brequin; booren,  percer,  forer.  Dan. 
brœkke,  item.  Suéd.  bœra,  item. 
Angl.  to,  bore,  item. 

Brequin  ne  dérive  pas  directe- 
ment de  bora  ou  boor,  mais  d'un 
diminutif  tel  que  borekîn,  boorkin, 
borechen.  (Voyez  ci-dessus  l'art. 
Bouquin.) 

Bressin,  terme  de  marine,  corde 
qui  sert  à  hisser  ou  à  amener  une 
vergue  ou  une  voile.  —  Holl.  bras, 
bressin;  angl.  brace  ;  allem.  bras- 
sen  ;  island.  bras. 

Brétecque,  Brétesce,  Brétéche, 
Brétesche,  etc.  anc.  Ces  mots  si- 
gnifièrentprimitivementune  sorte  de 


Un  possesseur  d'un  héritage,  ou  de  plu- 
sieurs, ne  peut  faire  bretfcqurs,  boutures, 
saillies,  ni  autres  clioses  sur  la  rue  a  l'en- 
droit desdits  lieritages,  an  préjudice  de  ses 
voisins.  (Countiimes  de  l'eschevinage  d'Ar- 
ras,  art.  15;  citation  de  du  Gange,  a  la  fin 
de  l'article  Drelnchicf.) 

Treis  chasteaus  fist  faire  environ, 
Clos  de  fosseï  od  heriçons, 
Od  bret esches  e  od  paiiz. 
De  granz  chaisnes  lonz  e  fentiz. 

{Chron.  des  ducs  de  Norm.,  t.  III,  p.  91.) 

Il  (Rollon)  od  ses  privées  maisnées. 
D'armes  mult  bien  apareillées. 
Vint  "a  Paris  entre  tanz  dis. 
Qu'il  r'a  hardiement  assis. 
Dunt  il  furent  as  jorz  entiers 
Les  assauz  fsiz  granz  e  pleniers. 
Mainte  œuvre  i  avint  renomée 
Qui  ci  ne  vos  ert  pas  contée. 
Fait  i  unt  puis  de  granz  cloisons, 
Fossez,  paliz  e  heriçons, 
Bretesches  e  ponz  torneiz. 

{CAron.  det  dues  de  Norm.,  1. 1,  p.  950.) 

Li  feus  esprent  si  durement, 

E  si  très  merveilleusement. 

Pour  les  haiz  (ais)  qui  sont  toutes  sèche», 

Qu'il  se  flert  du  baille  es  breteches; 

Et  puis,  si  con  le  vent  l'aporte. 

Par  leanz  en  chascune  porte, 


308 


PREMIÈRE  PARTIE. 


En  tours,  en  «aies  et  en  chambres  ; 
Du  chastel  ardent  tous  les  mambres. 

(fimnclie  des  royaux  lirjmiges,  t.    1,    p.  16*0 

Le  jor  oevrent,  la  nuit  se  gaitent  ; 

Bretesces  et  tor  apaieillent, 

Corn  li  un  dorment  11  autre  veillent. 

(Rom.  dt  Biui.i.  11,  p.  243.) 

Bréteche  est  composé  de    deux 
mots  germaniques  signifiant  toiture 
formée  avec  des  madriers.  Cette  si- 
gnification est  parfaitement  d'accord 
avec  le  sens  primitif  du  mot.  Boule- 
vard, autre  sorte  de  fortification^  est 
un  composé  analogue  signifiant  éti- 
mologiquement    ouvrage  fait  avec 
des  madriers.  (Voir  ci-dessusp.  300.) 
—  Ane.  allem.  brett-tach,  cons- 
truction de   bois   en  forme  de  toit, 
appentis    fait   avec   des  madriers; 
composé  de  brett,  bort^  ais,  planche^ 
madrier,  et  de  tach,  qui  se  disait  de 
tout  ce  qui  sert  à  couvrir,  à  mettre 
à  l'abri,  couverture,  toiture,  appen- 
tis, etc.  Tud.  \°  bret,  planche,  ma- 
drier; 2°  tak,  dak,  couverture,  toi- 
ture. Anglo-sax.1°  tord;  2°  theccene. 
Island.   '["bord;   %°  theki.    Allem. 
^°bret;  'i°dach.no\\.\°bord;  î"  dak. 
Dan.  \°  bret,  bord'jfdœkke.Snéà. 
1»  bord;   2°  tœck,    tœcke.   Angl. 
4°  board;  t"  deck,  tillac. 

Bricole,  Bricole,  ancienne  ma- 
chine de  guerre  dont  on  se  servait 
pour  lancer  des  pierres  et  des  traits; 
en  basse  latinité,  bricola. 

En  et  sur  cette  tour  avoit  une  bricole  qui 
pas  n'estoit  oiseuse,  mais  tiroit  et  jetoit 
carreaux  contre  les  naves  des  chrétiens;  et 
sur  chacune  des  tours  de  la  ville,  au  lez 
devers  la  marine,  avoit  aussi  pour  défense 
une  bricole  bien  jetant.  (Froissart,  liv.  IV, 
ch.  XXV,  t.  m,  p.  83.^ 

—  Tuà.  sprengjan,spre7ir}an,  lan- 


cer de  tous  côtés,  jeter  çàet  là,  ré- 
pandre, asperger;  anglo-sax .spren- 
gan;  island. spreng m;  allem.  spren- 
gen;  holl.  sprengen;  suéd.  sprœnge; 
dan.  sprenge;  angl.  tosprinkle. 

Bricoler,  terme  de  jeu  de  paume. 
Faire  rebondir  la  balle  obliquement, 
en  la  lançant  contre  un  des  murs 
de  la  longueur  du  jeu  de  paume.  En 
espagnol,  brincar,  sauter,  resauter, 
bondir, rebondir.—  Tud.  springan, 
sauter,  bondir,  rebondir.  Anglo-sax. 
springan,spymgan.  Suéd.  springa. 
Holl.  spmge/t.  Allem.  i"  springen, 
sauter,  bondir,  rebondir;  2°  prallen, 
rebondir  obliquement,  bricoler.  Dan. 
i"  springe;  2°  prœlle.  Angl.  \°  to 
spring;  2°  to  bricoU. 

Bricon,  anc.  scélérat,  coquin,  fri- 
pon, drôle,  vaurien,  maraud  ;  en 
italien  briccone.  L'auteur  anonyme 
de  la  Vie  de  saint  Thomas  de  Can- 
torbéry  raconte  que  cet  archevêque 
fut  massacré  par  quatre  hommes 
qui  se  présentèrent  à  lui  comme 
messagers  de  Henri  II,  roi  d'Angle- 
terre. Après  avoir  fait  connaître  trois 
des  assassins,  il  dit  en  parlant  du 
quatrième  : 

Le  quatre  fu  le  Breton 
Qui  ad  ovré  cum  bricon 

Par  l'Encmi  {le  diable'}; 
Car  de  Deu  a  perdu  la  beneiçon. 

(Viedesninl  Thomas^  à  la  suite  lie  la  Chron.  des 
duci  de  Kurmandie,  t.  111,  p.  492.) 

En  piez  se  drecet,  si  vint  devant  Carlun, 
Mult  fièrement  cumencel  sa  raisun, 
Et  dist  al  rei  :  Jà  mar  crerez  bricun. 

CChani.  de  Roland,  it.  it.) 

—  Tud.  hrecho,  violateur,  mot 
servant  à  former  l'expression  hûs- 
brecho,  celui  qui  pénètre  dans  une 
maison  par  effraction,  un  pillard, 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.  309 


un  voleur;  composé  de  hùs,  maison 
et  de  brecharij  briser,  faire  effrac- 
tion. HoU.  breeker,  violateur  que 
l'on  ne  trouve  plus  que  dans  des 
composés  tels  que  egtbreeker,  celui 
qui  viole  la  foi  conjugale,  un  adul- 
tère. Anglo-sax.  brica_,  malfaiteur, 
scélérat;  anc.  frison  breker  un  cri- 
minel, un  coupable;  allem.  verbre- 
cher,  item,  composé  au  moyen  du 
préfixe  ver. 

Bride.  —  Tud.  brittil,  bride; 
anglo-sax.  bridils,  bridel,  bridl  ; 
anc.  allem.  breidel,  briddel;  hoU. 
breidel;  a,ng\.  bridle. 

Brin  ,  anc.  bord  d'une  rivière. 
(Voir  ce  mot  dans  le  glossaire  de 
Roquefort.) 

—  Anglo-sax.  brymme,  bnmme, 
bord  en  général,  et  particulière- 
mentbord  d'une  rivière;  island.fen'w, 
bord;  dan.  brœme,  brème;  suéd. 
brœm;  angl.  brim  ;  allem.  brame , 
bprd,  bordure,  lisière  d'un  champ, 
Brinde  ,  coup  qu'on  boit  à  la 
santé  de  quelqu'un,  et  qu'on  porte 
à  un  autre  :  «  Porter  des  brindes, 
hoïve  des  brindes  à  la  ronde.»  (Acad.) 
Faire  un  brindes.  (Recueil  des  let- 
tres de  Henri  IV,  publié  par  M . 
Berger  de  Xivrey,  t.  VI,  p.  485.) 

—  HoU.  brcngen,  porter  une  san- 
té :  ik  breng  u,  je  porte  à  vous , 
e'est-à-dire  je  porte  votre  santé; 
allem.  bringen  et  zubringen,  porter 
une  santé;  ?,uéà. bringa^item ; àa.n. 
bringe,  item  ;  jeg  bringer  eder  eders 
sundhed  ;  littéralement  :  Je  porte  à 
vous  votre  santé. 

Les  Italiens  disent  far  brindisi, 
pour  signifier  boire  à  la  santé  de 
quelqu'un;  il  peut  se  faire  que  notre 
mot  brinde  vienne  de    cette  expres- 


sion que  les  Italiens  auraient  em- 
pruntée des  Allemands,  selon  l'o- 
pinion de  Jean  de  La  Case  et  de  Fer- 
rari. 

Brin  d'estoc,  long  bâton  ferré  à 
l'aide  duquel  on  saute  les  fossés,  les 
ruisseaux,  etc.  On  écrivait  autrefois 
en  un  seul  mot  brindestoc.  (Voir  le 
dictionnaire  de  Borel.)  Depuis,  une 
étymologie  ridicule  a  fait  changer 
l'orthographe  de  ce  mot.  Des  esprits 
ingénieux,  au  nombre  desquels  se 
trouve  Le  Duchat,  ont  vu  dans  un 
briîidestock  un  brin,  un  fragment  de 
tronc  mort  appelé  autrefois  estoc. 

—  Allem.  spring stock,  hnn.  d'es- 
toc^ composé  de  springen,  sauter  et 
de  stock,  bâton.  HoU.  springstok, 
brin  d'estoc  :  springen,  sauter  ;  stok, 
bâton.  Tud.  4"  springan,  sauter; 
2°sfoc/i, bâton.  Anglo-sax.  >i'>spryn- 
gan;  2°  stocce.  Suéd.  1°  springa; 
2°  stok.  Dan.  1°  springe  ;  T  stok. 
Angl.  \°  tospring;  T  stock. 

Brise,  terme  de  marine.  Nom 
générique  qu'ondonne  au  vent  quand 
il  n'est  pas  très-violent  :  petite  brise, 
jolie  brise,  bonnebrise.  (Acad.) — 
Angl .  breeze,  brise  ;  breath,  souffle  ; 
tobreathe,  souffler.  Anglo-sax.  4° 
brathe,  souffle;  2°  6m^/ian^ souffler; 
Dan.  \°  blœst;  2°  blœse.  Suéd.  4° 
blaast;  %°  blaasa.  HoU.  1°  geblaas, 
avec  le  préfixe  ge;  1°  blaazen.  Tud. 
hlasan,  souffler  ;allem.  blasen,  item. 
Broigne,  Bruine,  Brunie,  anc. 
cuirasse  ;  en  basse  latinité,  brunia. 

Ci  eut  tante  grant  lance  fraite, 
E  tante  espée  oscliée  ei  traite, 
E  tante  broine  desmailée, 
En  sanc  arosée  et  inoilliée, 
De  tanz  heaumes  rompuz  les  laz , 
E  tanz  homes  envers  eplar, 


310 


PRExMIÈRE  PARTIE. 


Morz  e  saugleuz  par  sus  ies  bos. 

{Chron.  dtt  duct  de  Norm.,  t.   1,  p.  165.) 

La  veissiez  mainte  lance  enpuignle 
El  milnie broigne  qui  luistet  reflambie. 

ILî  moniayes  lienoitarl,  ms.  de  la  Blblîoibéque 
impériale,  n»6985,  f  231  6itv',  col.  2,  t.33, 
cité  dans  ta  Cbronlque  des  ducs  de  riormaadie, 
t.  11,  p.  529,  noie.) 

Il  lur  a  cumandet  que  aient  vestu  brunies, 
E  capes  afublez,  e  ceintes  espées  burnies. 

(  Voyage  de  Ckarlemagne  à  Jérui.,   r.  635.) 

—  Tud.  hrunjâ,  hnmnâ,  cuirasse; 
goth.  bruîijô;  anglo-sax.  byrna; 
anc.  allem.  hrùne;  island.  brinja. 

Bru,  Briu,  anc.  ruisseau,  petit 
cours  d'eau,  source.  (Roquefort.)  — 
Tud,  bntoh,  brôca^  ruisseau;  anglo- 
sax.  hrûc;  angl,  brook. 

Bru,  belle-fille.  Ce  mot  signifie 
nouvelle  épouse  dans  le  patois  du 
pays  de  Bray.  On  écrivait  autrefois 
brut. 

Une  noble  dame  es  contreies  de  Toscane 
avoit  une  brut.  (Traduciion  des  Dialogues 
de  saint  Grégoire,  liv.  I,  ch.  x  ;  citation  de 
Roquefort,  art.  Matrone,) 

On  lit  dans  le  texte  latin  : 

Matrona  quœdam  nobilis  in  vicinis  parti- 
bus  Tusciœ  nurum  habebat. 

—  Tud.  et  anc.  allem.  brut, 
épouse;  goth.  bruth_,  item;  anc. 
sax.  brûd;  anglo-sax.  bryd;  anc. 
island.  brùdhr;  allem.  braut;  dan. 
brud;  holl.  bruid;  suéd.  brud;  angl. 
bride.  (Voir  l'article  suivant.) 

Bruman^  Brumen,  nom  que  don- 
naient autrefois  un  père  ou  une  mère 
à  l'homme  qui  avait  épousé  leur 
fille;  gendre,  beau-fils.  (Voir  Cot- 
grave,  Nicot,  Monel,  Borel  et  Ro- 
quefort, ainsi  que  l'article  Bru,  qui 
précède.)  —  Tud.  1'  biiit,  épouse; 
2»  man,  homme.  Goth.  1°  bruth; 
2°  manna.   Anglo-sax.    i°   bryd; 


2"  man.  Anc.  island.  -1°  brùdhr; 
2°  man.  Allem.  I"  braut;  2°  mann. 
Dan.  1°  brud;  2°  mand.  Suéd. 
1°  brud;  2°  man.  Holl.  4°  bruid; 
2°  man.  Angl.  1°  bride;  2°  man. 

Brun.  —  Tud.  brîm,  brun;  is- 
land. brunn ,  brurn;  anglo-sax. 
brun;  allem.  braun;  dan.  brunn; 
holl.  bruin;  suéd.  brun;  angl.  brown. 
(Voir  l'article  Blond.) 

Brunir,  polir;  se  disait  spéciale- 
ment au  xii^  siècle  en  parlant  des 
armes.  (Voir  à  la  page  précédente 
un  exemple  emprunté  au  Voyage  de 
Charlemagne  à  Jérusalem.) 

Od  mil  lances  d'acier  burniet, 
E  od  mil  espées  forbies 
Li  offerrai  jà  mun  convei. 

{Chron. des duci  de  Norm,  t.  H,  p.  317.) 

Anc.  allem.  briunen,  rendre  bril- 
lant, polir.  Le  tudesque  brinnan 
avait  le  sens  neutre  de  briller,  être 
brillant,  et  signifiait  proprement  être 
en  feu,  brûler.  (Voir  Grimm^  t.  III, 
p.  446  )  Goth.  brinnan  ;  anglo-sax. 
byrnan;  island.  brinna;  allem.  bren- 
nen;  suéd.  brœnna;  dan.  brœnde. 
L'anglais  a  to  burn,  être  en  feu, 
brûler  ;  to  burnish  signifiant  dans  le 
sens  neutre  devenir  brillant^  et  dans 
le  sens  actif  rendre  brillant^  polir, 
brunir. 

Brus,  anc.  poitrine;  en  langue 
d'oc,  brutz.  (Voir  ce  mot  dans  le 
glossaire  placé  à  la  suite  de  l'His- 
toire de  la  croisade  contre  les  Albi- 
geois, publiée  par  M.  Fauriel.)  En 
provençal,  on  dit  encore  dans  quel- 
ques cas  bi'us  avec  la  même  signifi- 
cation :  a  un  houen  brus,  il  a  une 
bonne  poitrine.  (Voir  ci-dessus  l'ar- 
ticle Bréchet.) 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE  SEGT.  II.   311 


Lor  beaus  vis  clers  e  loi-  cor  jeDZ 

Faiscient  manger  à  mastics 
E  à  voutours  e  a  corbins 
E  a  urs  granz  enchaenez 
Qui  mameles,  brus  e  costcz 
Lor  derompeient  à  dolor. 

{Chron.  dti  dues  Je  Norm.  t.  II, p.  421.) 

—  Tud,  brust,  poitrine;  goth. 
trusts;  anglo-sax.  breost ;  island. 
briost;  anc.  frison,  brmt,  brast, 
briast;  dan.  bryst;  suéd.  brœst; 
holl.  borst;  angl.  breast  ;  allem. 
brust  :  d'où  le  composé  brustbild, 
représentation  d'une  personne  jus- 
qu'à la  ceinture,  soit  en  peinture, 
soit  en  sculpture,  buste.  Brustbild 
est  formé  de  brust,  poitrine,  et  bild, 
représentation^  image. 

Bue,  Bu,  anc.  buste,  partie  supé- 
rieure du  corps  ;  en  langue  d'oc 
hue. 

Li  emperere,  s'il  se  cumbat  od  mei, 
Desur  le  bue  la  teste  perdre  en  deit. 

(  Chans.  de  Roland,  >t.  ncxurjii.) 

Uncore  quid  qu'en  perderez  la  teste  sur  le 

bue. 

(  Voy.  de  Charlem.  à  Jir.,  t.  55.) 

Arivargus  l'a  conseu, 
Li  a  sevré  le  chief  del  bu. 

(Rom.  de  Brut,  t.  1,  p.  238.) 

—  Anc.  holl.  bùk,  buik,  ventre, 
ces  mots  se  prenaient  également 
pour  toute  la  partie  supérieure  du 
corps,  pour  le  buste.  Tud,  bûh,  ven- 
tre; anc.  island.  bûkr  ;  anc.  allem. 
bûch ;  aWem.  moderne  bauch;  holl. 
buik;  suéd.  buk;  dan.  bug. 

Busse,  Buce,  Buissar,  sorte  d'an- 
cien navire. 

Nés,  sauntines,  buces  e  bas 
Orent  a  si  tres-grant  plentez 
C'unques  ne  furent  sol  nonbrez  ; 
Armes  e  vitaille  i  unt  mise. 

{Chron.  det  duct  de  Norin.  t.  II,  p.  4J5.) 


Et  avoit  retenu  et  mis  en  certains  port?» 
c'est  à  savoir,  de  Marseille3,  d'Aiguemortes, 
de  Laites,  de  Narbonne  et  d'environ  Mont- 
pellier, telle  quantité  de  vaisseaux,  de  nefs, 
de  carakes,  de  hus,  de  cognes,  de  buissart, 
de  galées  et  de  barjîes,  comme  pour  passer 
et  porter  soixante  mille  hommes  d'armes  et 
leurs  pourvenances.  (Froissart  ,  liv.  I  , 
ch.  Lii,t.  I,  p.  û5,  col.  2.) 

—  Anglo-sax .  butse,  sorte  de  na- 
vire, mot  qui  se  trouve  dans  le  com- 
posé butse-carlas,  gens  de  l'équi- 
page, marins.  Anc.  island.  hùssa, 
espèce  de  navire;  dan.  bojse;  holl. 
buyse ,  buis  ;  allem.  6ûse  ;  angl . 
buss. 

BucKJOL,  BucKJON,  anc.  hareng 
fumé,  hareng  saur.  (Voir  le  glos- 
saire de  Roquefort.)  Buckjol eibuck- 
jon  sont  le  même  mot  auquel  on  a 
donné  deux  terminaisons  différen- 
tes, —  Allem.  bùcking,  bûkling , 
hareng  saur;  hoW.  bukking,bokking; 
dan.  buking  ;  suéd.  boking. 

BucHE.(Voir  Bois.) 

Buée,  lessive;  Buer,  lessiver, 
anc.  En  italien^  bucato,  lessive;  en 
espagnol  et  en  provençal,  bugada. 
—  Anglo-sax.  bùhken,  lessiver,  anc. 
allem,  peûchen;  allem.  bduchen; 
dan.  boege  ;  suéd.  byka;  bas-allem. 
bucken;  angl.  tobuck. 

BuisNART,  anc.  nigaud^  niais,  sot^ 
imbécile. 

Pot  buisnart  vos  poez  tenir  ; 

Alez-vos,  buen  home,  dormir; 

Si  nos  laissiez  en  pais  ester, 

N'est  uncor  pas  tens  de  lever, 

Ne  lieus  ne  cointe  ne  besoing, 

Ne  quant  que  vos  dites  n'avom  soing. 

[Chron.  des  duct  de  Norm.  t.  11,  p.  26.) 

—  Allem,  butter  narr,  stupide, 
lourdaud,  grand  nigaud,  gros  imbé- 
cile: 1»  huit,  stupide,  hébété,  gros- 


312 


PREMIÈRE  PARTIE. 


sier;  2°  narr,  un  sot,  un  imbé- 
cile. Holl.  1°  bot;  2°  nar.  Dan. 
\°  but;  2o  nar.  Suéd.  1"  butt; 
T  narr. 

BuRON^  anc.  petite  maison,  ca- 
bane. En  Auvergne  ce  mot  signifie 
encore  une  étab-le  aux  vaches;  en 
Normandie  on  dit  buret  pour  une 
loge  à  cochons. 

Sire,  dirent-ilz,  il  vous  vault  mieux  cy 
demonrer  que  aller  plus  avant,  car  nous  ne 
vous  ferions  que  travailler;  car  il  n'y  a  au 
boys  ne  maison  ne  buron  que  nous  saichons, 
et  nous  avons  viande  à  grant  planté,  si 
tendrons  vostre  pavillon  en  ce  pré.  [Roman 
de  Lancelct  du  Lac,  cité  dans  le  glossaire 
manuscrit  de  Sainte-Palaye,  art.  Buron.) 

Lors  se  trouvèrent  les  deux  chevaliers  gi- 
sans  en  la  forest  soubs  un  arbre,  ne  ilz  ne 
virent  entour  d'eulx  maison  ne  buron.  (,Ro- 
man  de  Perceforesl,  cité  ibid.) 

—  Tud.  bûr^  maison,  habitation; 
go  th.  baurd;  anglo-sax.  bûr,  bord; 
island.  byr  ;  anc.  allcm.  bord;  anc. 
holl.  bord,  berd. 

But,  Butte.  On  a  dit,  en  basse 
latinité^  boto  et  buta^,  pour  signifier 
une  petite  butte^  une  petite  éléva- 
tion de  terre  arrondie  que  l'on 
faisait  sur  les  limites  des  champs 
pour  servir  de  borne .  (Voir  le  glos- 
saire de  du  Gange.) 

La  signification  primitive  de  but 
est  celle  d'élévation  de  terre  servant 
de  point  de  mire . 

—  Angl.  butt,  bout,  extrémité, 
butte,  but;  bud,  bouton,  bourgeon, 
corps  ayant  une  forme  arrondie; 
bounds,  borne,  limite.  Goth.  bauths, 
bout,  extrémité;  anc.  allem.  butt, 
item,  se  disait  surtout  des  extré- 
mités arrondies,  comme  le  bout  de 
la  mamelle,  le  bout  du  nez.  Allem. 
bute,  item;  de  plus,  bouton^  bour- 


billon, bourgeon.  Holl.  bot,  bouton, 
bourgeon. 

Butin. — Anc.  allem.  bute,  bùten, 
butin,  dépouilles  enlevées  à  l'enne- 
mi; island.  byti,  byte  ;  dan.  bytte; 
suéd.  byte;ho\\.  buit;  allem.  beute; 
angl.  booty. 

Gahute,  Gajute.  —  Dan.  kahyt, 
cabane,  chaumière,  cahute;  suéd. 
kajuyta,  kaota,  kota;  allem.  koth, 
kothe  ;  angl.  cot,  cottage,  ;  anglo- 
sax.  cote,  cyte;  island.  kot;  holl. 
kajuit,  cabine  d'un  navire,  cajutte; 
allem.  kajùte,  item. 

GAiLLE,en  italien  gwag /ta,  en  pro- 
vençal cailla,  enbasselatinité,  <7wa- 
quila,  quaquilia,  qualea,  qualia. 

—  Anc.  holl.  quakele,  caille; 
holl.  moderne  quakkel,item;  quaken, 
crier,  en  parlant  de  certains  oiseaux, 
piauler;  allem.  quaken,  item.  angl. 
quail,  caiWe;  tocackle,  caqueter,  en 
parlant  des  poules  ;  suéd.  kakla, 
item.  Tous  ces  mots  sont  des  ono- 
matopées. 

Cale^  terme  de  marine.  Partie  la 
plus  basse  de  l'intérieur  d'un  navire, 
construite  sur  la  quille.  —  Holl. 
kiel,  quille  et  cale  d'un  navire  ;  dan. 
kioel,  quille,  carène;  suéd.  kiœl ; 
allem.  kiel;  angl.  keel;  anglo-sax. 
cœol,  ceol;  island.  Mal,  Mol;  tud. 
Mol. 

Galme.  —  Anc.  allem.  halm,  tran- 
quillité de  la  mer^  bonace,  calme  ; 
holl,  kalmt,  item  ;  angl.  calm,  item. 
On  trouve  dans  Scaliger  :  «  Gum 
essem  in  navi,  neque  ventus  flaret, 
calamum  vocant  Histri.»  {Aristote- 
lis  historia  de  animalibus;  p.  217.) 

Gapjapsa,  sac  de  cuir  que  porte 
sur  les  épaules  un  goujat  ou  un 
pauvre  artisan  quand  il  voyage.  Ce 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  II 

mot   est  vieux.  (Acad.)  —  AUem 


313 


knapsack,  canapsa,  sac  rétréci  dans 
sa  partie  supérieure,  composé  de 
knapp,  étroit,  juste,  et  de  sacÂ^sac. 
HoU.  knapzak,  canapsa;  naim , 
étroit;  zak,  sac.  Angl.  knapsack, 
canapsa.  Suéd.  knap,  étroit;  sœck, 
sac.  Dan.  knaptaske,  canapsa  :  com- 
posé de  knap,étroit,  et fasAe, poche. 
Cane,  Canne,  Chane,  Chaenne, 
signifiaient  autrefois  une  sorte  de 
cruche  ;  d'où  nous  sont  venus  les 
dérivés  canette  et  cantine,  ainsi  que 
canon,  mesure  pour  le  vin.  En  basse 
latinité^  canna,  cruche;  canneta, 
petite  cruche,  canette. 

Tant  va  la  canne  à  l'iau  qu'il  li  convient 
brisier.  (Beaudouin  de  Sebourg  cité  dans  les 
Récréations  pbilol.  de  M.  Gérin,  p.  178.) 

E  chaenes,  e  frocs,  e  pliieles,  e  mor- 
tiers, e  encensiers,  tut  de  fin  or.  (Livre  des 
Ruis,  p.  257.) 

El  liydrias,  et  fuscinulas,  et  phialas,  et 
mottariola,  et  turibula,  de  aura  purissimo. 

—  Tud.  canna,  channa,  channala, 
pot,  cruche;  anglo-sax.  canna;  is- 
land.  kanna;  allem.  kanne;  suéd. 
kanna;  holl.  kan;dm.  kande  ;  angl. 
cann. 

Canif  signifiait  autrefois  un  cou- 
teau à  lame  droite,  de  même  que 
ses  diminutifs  canivet,  canivet,  ke- 
nivet,  quenivet,  cnivet,  guenivet 
en  basse  latinité,  knivus,  knipulus, 
canipulus.  On  lit  dans  le  diction- 
naire de  Jean  de  Garlande  :  «  Ar- 
tavus  dicitur  gallice  kenivet,  scilli- 
cet  cultellus  qui  tendit  in  altum.» 
(Jean  de  Garl.  dans  Paris  sous  Phi- 
lippe le  Bel,  p.  588.) 

Dft  vénerie  i  a  oustil. 
Le  quenivet  et  le  fuisill, 


Et  li  tondresetli  galet. 

Et  moult  arme  de  maint  abel. 

{Roman  de  Partenopex  de  Bloit,    cité  dans  le  gloi- 
saire  de   noqoefort,  art.   Tondret.) 

•—  Ane.  island.  knifr,  couteau; 
anglo-sax.  cnif;  allem.  kneif;  bas- 
allem .  knief;  dan.  kniv  ;  suéd.  knif; 
holl.  kniif;  angl.  knife. 

Canot,  sorte  de  barque.  Ce  mot 
a  la  forme  d'un  diminutif.  —  Allem. 
kahn,  barque,  nacelle,  canot;  holl. 
kaan;  suéd.  kana;  àa.n.kane;  angl. 
canoë. 

Canton,  avant  d'avoir  la  signifi- 
cation qu'il  a  aujourd'hui,  signifiait 
coin,  recoin,  encognure,  angle.  Le 
provençal  cantoun,  canton,  et  l'ita- 
lien canto,  ont  conservé  l'ancienne 
acception  du  mot  français. 

On  nous  avoit  asseuré  qu'on  le  vouloit 
tuer  par  les  rues  où  nous  pensions  nous 
battre  à  chaque  canton.  [Des  Cnuronnels 
français,  ch.  xvii,  dans  les  Œuvres  com- 
plètes de  Brantôme,  édit.  du  Panthéon  lit- 
téraire, 1. 1,  p.  684,  col.  2.) 

Ces  supercheries  d'arme>5  sont  cent  fois 
pires  que  celles  que  l'on  fait  assassinant  les 
personnes  aux  cantons  des  rues,  ou  en  un 
coing  de  bois.  {Discours  sur  les  duels,  ibid. 
p.  722,  col,  1 .) 

L'homme. ...  se  regarde  comme  égaré 
dans  ce  canton  détourné  de  la  nature. 
Pensées  de  Pascal  publiées  par  M.  V.  Cou- 
sin, p.  126.) 

—  Tud  kant,  coin,  angle,  bord, 
extrémité,  contour  ;  anglo-sax.  cant  ; 
anc.  island.  kantr;  allem.  kante; 
holl.  dan.  suéd.  kant;  angl.  cantle, 
coin,  bord,  extrémité,  se  dit  parti- 
culièrement en  parlant  du  pain,  a 
cantle  of  bread,  morceau  coupé  à 
l'une  des  extrémités  d'un  pain,  chan- 
teau. 

Capler^  Chapler,  anc.  tailler  en 
pièces,  sabrer, massacrer;  en  langue 
d'oc,  capuzar,  capular.  Caple^  Cha- 


314 


PREMIÈRE  PARTIE. 


PLE,  action  de  tailler  enpièces,  mas- 
sacre, carnage.  On  dit  dans  les  Hau- 
tes-Alpes chaplar,  pour  couper  en 
petits  morceaux,  hacher.  Il  nous  est 
resté  chapeler,  chapelure  qui  se  di- 
sent en  parlant  du  pain. 

Quant  les  lances  furent  faillies, 

Caplent  as  espces  forbies. 

(Rom.  de  Brut,  t.  H,  p.  177.) 

Au  caple  des  espées  nues 
Fièrent  tes  cous  que  tous  s'estonnent. 

{Touraoitmeni de  l'Aniéc/iri$t,  p.  74.) 

Or  sont  11  (lui  content  ensamble 

Venu  au  chaple  des  espées, 

Si  li  en  donnent  grans  clipées. 

L'a  puet-on  veoirbacUeler 

Qui  fait  le  feu  estainceler  , 

Tant  tiert  et  chaple  a  son  content. 

[Nouveau  recueilde  contes,  t.  I,  p.  336.) 

—  Holl.  kappen,  couper,  tran- 
cher ,  hacher ,  mettre  en  pièces  ; 
allem.  kappen;  suéd.  kappa  ;  dan. 
kappe. 

Dans  capler  le  /  s'est  introduit  à 
la  suite  du  p  comme  dans  sinople 
de  Sinopis.  (Voir  à  cet  égard  t.  II, 
p.  4  40. 

Câpre  en  terme  de  marine  est  le 
nom  qu'on  donne  aux  armateurs  et 
aux  vaisseaux  armés  en  guerre  qui 
vont  en  course.  (Trévoux.)  —  Holl. 
kaper,  kaaper,  câpre  ;  ce  mot  a  les 
deux  acceptions  données  par  Tré- 
voux, il  se  prend  pour  un  vaisseau 
armé  en  guerre  et  pour  un  arma- 
teur ;  il  dérive  de  kapen,  kaapen, 
croiser  sur  les  vaisseaux  ennemis 
pour  les  capturer,  être  armé  en 
course.  Suéd.  ftapare,  armateur,  cor- 
saire,pirate  ;  dan.  kaper,  item. 

Caque.  La  forme  de  ce  mot  se 
rapproche  plus  de  celle  de  son  cor- 
respondant germanique  que  du  latin 
cadus.  —  Island.   kaggi,  tonneau, 


barrique,  baril,  caque;  suéd.  kay- 
ge;  dan.  kagge;  angl.  cag,kag. 

Carcan.  Autrefois  ce  mot  signi- 
fiait un  collier  de  fer,  avec  lequel 
on  attachait  par  le  cou  un  crimi- 
nel à  la  potence  ;  il  se  prenait  éga- 
lement pour  un  collier  en  pierreries 
qui  ornait  le  cou  des  dames.  En 
basse  latinité,  carcannum  avait  la 
première  de  ces  deux  significations: 
A  tant  le  fait  mètre  en  prison, 
Et  un  carquan  ou  col  fremer. 

(T/iéâtre  frattçais  au  moyen  âge,  p,  163.) 

Lespatenostres,  anneaux,  jazerans,  car- 
cans, estoyent  de  fines  pierreryes,  escar- 
boucles,  rubys  balays,  dyaraans,  saphys, 
esmeraugdes,  turquoyses,  grenatz,  agathes, 
berilles ,  perles  et  unions  d'excellence. 
(Rabelais,  liv.  I,  cb.  tvi,  p.  62,  col.  2.) 

Carcan  vient  d'un  mot  germa- 
nique signifiant  gorge,  comme  col- 
lier vient  de  col.  —  Tud.  querca, 
gorge  ;  krago,  cou .  Ane.  island. 
qverkj  gorge,  cou  ;  anc.  allem.  kra- 
gen,  item  ;  holl.  kraag,  le  derrière 
du  cou,  le  chignon,  de  plus,  collet, 
col,  rabat ,  fraise  .  Suéd.  krage , 
item  ;  dan.  krave,  item  ;  allem.  kra- 
gerij  collet,  col,  rabat;  angl.  kraw, 
le  devant  du  cou  des  oiseaux,  le  ja- 
bot. 

Carpe^  poisson  :  en  basse  latinité, 
carpio  ;  en  espagnol^  corpa;  en  ita- 
lien, carpione. — Tud.  charpho^cax- 
pe;  holl.  karper;  dan. /carpe  ;  suéd. 
karp;  angl.  carp;  allem.  karpfen. 

Cauchemar.  Les  peuples  supers- 
titieux de  la  Germanie  croyaient  que 
le  cauchemar  est  produit  par  un  gé- 
nie malfaisant,  un  incube  qui^  pen- 
dant le  sommeil,  vient  s'asseoir  sur 
la  poitrine  et  la  comprime  de  façon 
à  gêner  la  respiration.  Notre  mot 
cauchemar  est  formé  du  nom  donné 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  II.  315 


à  cet  incube  dans  les  idiomes  ger- 
maniques et  du  latin  calcare,  que 
l'on  retrouve  dans  le  provençal  cau- 
dar,  caouciar,  fouler,  presser  et 
dans  le  picard  cauquer;  le  patois 
des  Hautes-Alpes  dit  chaouchar, 
pour  fouler,  presser,  et  chaoucha- 
vieillaj  pour  cauchemar;  dans  le  pa- 
tois de  l'Isère^  on  ait chauchi-vieilli, 
et  dans  celui  du  Rhône  chauche- 
vieille. M.  Champollion-Figeac,  dans 
ses  Nouvelles  recherches  sur  les  pa- 
tois de  la  France,  p.  125,  dit  que 
les  paysans  du  Grésivaudan  attri- 
buentle  cauchemar  à  une  t;îez7/e  sor- 
cière qui  descend  de  la  cheminée 
pour  venir  tourmenter  celui  qui  dort. 
Dans  d'autres  patois  on  dit  'pesant, 
peant;  en  espagnol  pesadilla.  Les 
vers  suivants  nous  donnent  une  idée 
de  ce  que  l'on  pensait  du  cauchemar 
au  xu*  siècle  : 

En  partie  ont  nature  humaine 
Etem  partie  soveraine; 
Incubi  demoines  ont  non  ; 
Par  cel  air  ont  lor  région, 
Et  en  la  terre  ont  lor  repaire. 
Ne  puecnt  mie  grarvt  mal  faire, 
Ne  pueent  mis  muit  nuisir 
Fors  (le  gaber  et  d'eschernit  ; 
Bien  prendent  humaine  figure, 
Et  ce  consent  bien  lor  nature; 
Mainte  meschine  ont  porjeue  (violée) 
El  en  tel  guise  deceue. 

{Rom.  de  Brut,  I.  1,  p.  356  et  357.) 

—  Anglo-saxon,  mara,  incube, 
épialte,  cauchemar;  island.  mara; 
bas-allem.  mare;  dan.  et  suéd. 
mara;  hoU.  nagt-merrie;  angl. 
night-mare;  ces  deux  derniers  si- 
gnifient proprement  incubes  de  la 
nuit,  car  nagt  et  night,  nuit,  ont 
été  ajoutés  au  mot  usité  à  l'état 
simple  dans  les  autres  idiomes. 


Causer.  —  ïud.  kàzàn,  cosan_, 
chosan,  causer,  jaser,  babiller; 
anglo-sax.  cuedan;  anc.  allem.  ke- 
den;  allem.  kosen;  boll.  kouten; 
angl.  to  chat. 

Cembel,  anc.  combat  partiel,  es- 
carmouche. (Voir  l'article  Champ 
ci-après.)  Cembel  a  la  forme  d'un 
diminutif. 

Sa  bataille  estoit  bone  et  fors, 
Car  ces  semblanz  et  ces  effors 
Donoient  aux  autres  hardiesse  ; 
Onques  home  de  sa  jonesse 
Ne  vit  n'uns  contenir  si  bel. 
En  guait,  en  eslour,  en  cembel, 

(Rutebcuf,  1. 1,  p.  4t.) 

Entre  les  prisons  e  It  preie 
Valurent  deus  cenz  mile  mars; 
E  quant  tôt  fu  destruit  e  ars, 
Si  s'en  retornerent  si  bel, 
N'orent  ne  sieute  ne  cembel. 
A  Roem  fu  la  départie. 

{Chrcin.  det  ducs  de  Norm.  t.  II,  p.  527.) 

—  Tud.  1°  kamph,  kamf,  com- 
bat, bataille;  2°  camfjan,  combattre. 
Anglo-sax.  4°  camp;  2°  campian. 
Anc.  allem.  \°  kamph;  2"  chemfen. 
A\\em.\° kampf;  2°  kàmpfen.  Dan, 
1°  kamp;  %°kampe.  Suéd.  \°  kamp; 
2°  kœmpa.  Holl.  1  "  kamp,  qu'on  ne 
trouve  plus  qu'en  composition; 
2°  kampen. 

Cercueil.  On  disait  autrefois  sar- 
cueUj,  sarkeu,  sarcou,  sarcu;  en 
basse  latinité,  sarcha. 

Un  sarkeu  fist  apareillier, 
Lez  la  meisiere  del  mostier, 
A  melre  emprès  sa  mort  son  cois. 

[Rom.  de  Rou,  t.  5961.) 

En  blancs  sarcous  fait  mètre  les  seignurs; 
A  seint  Romain  l'a  gisent  li  baron. 

{chant,  de  Roland,  st.  cclxix  ) 

A  honur  la  dame  unt  porté 
El  sarcu,  posée  et  musse 
I)e-lès  le  cors  de  san  ami. 

(Mario  de  Fruoce,  t.  1,  p.  31t.) 


316 


PREMIÈRE  PARTIE. 


—  Tud.  sarc,  sarch,  sarh,  cer- 
cueil, sépulcre  tombeau;  allem. 
sarg  ;  holl.  zark. 

Cerneau.  —  Tud.  kerno,  fruit 
renfermé  dans  une  coque,  dans  un 
noyau,  et  particulièrement  intérieur 
de  la  noix,  amande,  cerneau;  anglo- 
sax.  cimel;  island.  kiarni  dan. 
kierne,  kiœrne;  suéd.  kierna;  allem. 
et  holl.  kern  ;  angl.  kernel. 

Chaloupe.  —  Dan.  sluppe,  cha- 
loupe; suéd.  slup;  holl.  sloep;  angl. 
sloop ^  shallop. 

Chamois,  en  italien^  camoscio.  — 
Tud.  gams^  chamois;  anc.  sax. 
ghemse,  item;  anc.  allem.  gamz; 
allem.  gemse,  item. 

Champ^  Chanp  signifiaient  autre- 
fois guerre,  bataille,  combat,  duel  ; 
d'où  champion,  guerrier,  combat- 
tant. Celui-ci  ne  vient  donc  pas  de 
campus,  dans  le  sens  de  lice  desti- 
née aux  combats  singuliers,  mais 
d'un  primitif  germanique  qui  signi- 
fie combat,  bataille.  En  basse  lati- 
nité, campus  signifiait  guerre,  com- 
bat. (Voir  du  Cange,  et  ci-dessus 
l'article  Cemhel.) 

Tuit  sunt  segur  deu  champ  ûner. 
Et  de  la  terre  délivrer 
D'icele  granz  geut  desleiée. 

[Chron.  desductde  Nom.  t,  1,  p.  270.J 

Ferir  levait,  niolt  se  hasta..., 
La  teste  prant  de  l'aversier, 
Le  grant  espié  et  le  destrier; 
Poignant  en  vint  vers  la  cité, 
Quar  molt  bien  a  le  champ  fine. 

{Floire  et  Blanceflor,  édit.  du  Méril,  p.  Ki.  ) 

Et  li  rels  Achab  se  desguisad  de  ar- 
mure e  entrad  el  chanp,  {Livre  des  Rois, 
p.  338.)    ; 

Porro  rex  Israël  mulavit  habilum  suum, 
et  ingressus  est  bellum. 

Tuz  les  jurs  Saul  fud  la  bataille  fort  e 
fiere  encunlre  le»  Philistiens  e  Saûl  ;  kar 


lleslit  par  tut  les  bons champiuns  e  lu  forte 
bachelerie,  si  's  fit  de  sa  privée  maignée. 
{Ibid.  p.  52.) 

Erat  autem  bellum  potens  adversum  Phi- 
listœos  omnibus  diebus  Saul.  Nam  quem- 
cumque  viderai  Saul  virum  fortem  et  ap^ 
tum  ad  prœlium,  soeiabal  eum  sibi. 

On  lit  dans  Baldricus  de  NoyoUj 
liv.  I,  ch.  X  ;  «  Ad  singulare  certa- 
men  quod  rustice  dicimus  campum, 
provocaverunt.  » 

—  Tud.  kamph,  kamf,  combat, 
bataille;  Aam^an^  combattre  ;  kem- 
phOj,  combattant,  guerrier,  soldat. 
Goth.  chempo,  item.  Anglo-sax. 
^  "  camp,  combat  ;  2°  campian,  com- 
battre. Anc.  allem.  1  °  kamph  ; 
go  chemfen.  Allem.  ]°  kampf  ; 
2°  kàmpfen.  Dan.  4  »  kamp  ;  2°  kampe. 
Suéd.  ]°  kamp;  2°  kœmpa.  Holl. 
i°  kamp,  que  l'on  ne  trouve  plus 
qu'en  composition;  2*  kampen. 

Chanteau,  morceau  coupé  à  l'une 
des  extrémités  d'un  pain.  Cantel , 
chantel,  chanteau  signifiaient  autre- 
fois un  morceau,  un  quartier  de 
quelque  chose.  (Voir  Roquefort.)  Ra- 
belais dit  un  chanteau  de  lœ  lune 
pour  un  quartier  de  la  lune.  (Panta- 
gruel, prologue  du  liv.  IV,  p.  205, 
col.  2,  au  bas.)  Ces  mots  sont  de  la 
même  famille  que  canton.  (Voyez 
celui-ci  p.  313  )  De  cantel,  chantel, 
on  fit  le  composé  escanteller,  eschan- 
teller,  ôter  un  morceau,  écorner; 
d'où  le  dimirmiiî  escantillon,  eschan- 
tillon ,  échantillon ,  petit  morceau 
que  l'on  coupe  à  une  étoffe  pour  ser^ 
vir  de  montre  et  faire  connaître  la 
pièce. 

Si  varl  ferir  Escremiz  de  Valterne 
L'escut  del  col  li  fraint  e  escantelet. 

(Chani,  de  Rolland,  «t.  xcriii.) 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  IL  317 


—  Angl.  cantle,  extrémité,  bord, 
morceau  coupé  à  l'extrémité  de  quel- 
que chose  et  particulièrement  d'un 
pain,  chanteau;  de  plus  ce  mot  si- 
gnifie en  général  morceau,  quartier, 
fragment,  portion.  Anglo-sax.  cant, 
extrémité ,  bord  ^  coin ,  angle  ;  tud. 
kant;  ancien  islarfd.  kantr  ;  allem. 
hante  ;  holl.  dan.  et  suéd.  kant. 

Chelme  ,  ScHELME,  auc.  méchant, 
traître,  scélérat^  coquin,  fripon. 

11  ks  lance  bien  fort,  les  appelans  cJieltnes 
et  poultrons.,(Bouchet,  liv.  III,  p.  42,  cité 
dans  le  glossaire  de  Sainte-Palaye,  art. 
Chelmes.) 

—  Allem.  schelm,  fripon,  coquin, 
traître,  scélérat;  dan.  skiœlm;  suéd. 
skielm;  holl.  schelm;  ang.  skellum. 

Chinquer,  anc.  verser  à  boire 
avec  profusion,  boire  beaucoup,  go- 
dailler, faire  une  orgie.  (Voir  Ro- 
quefort.) En  italien,  cioncare.  Ces 
mots  sont  dérivés  d'un  verbe  tu- 
desque  signifiant  verser  à  boire. 
C'est  encore  un  exemple  d'un  terme 
germanique  que  les  vaincus  prirent 
en  mauvaise  part.  (Voir  Eére,  Lan- 
de, Lippe,  Rosse,  Rapièce. 

Voyant  qu'elles  prenoient  si  grund  plai- 
sir  a  chiiiquer  du  vin  d'Arbois,...  (Mémoites 
de  Sully,  U  IV,  p.  195.3 

—  Tud.  scencan,  scenkàn^  verser 
àioire;  anglo-sax.  scencan;  island. 
skencka  ;  allem.  schenken  ;  dan. 
skiœnke;  suéd.  skœnka;  holl.  schen- 
ken. 

Choc,  Choquer.  —  Anglo-sax. 
scacan  ;  choquer  heurter,  secouer, 
ébranler;  island.  skaka;  anc.  allem. 
schocken;  suéd.  skaka;  holl.  1  »  schok, 
choc  ,  2°  schokken,  choquer,  heur- 
ter.' Angl.  1"  shock;  2°  to  shock. 

Choisir,  CoisiR signifiaient  ancien- 


nement apercevoir,  découvrir,  dis- 
cerner ,  élire  avec  discernement  , 
choisir,  en  langue  d'oc  causir. 

Tant  ont  nagé  et  tant  siglé 

Qu'il  ont  choisie  la  cité. 

fChron.  des  ducs  de  Norm.  t.  1,  p.  219.^ 

Par  dejoste  un  jardinet, 
Soz  le  ru  d'une  fontaine, 
Choisi  en  un  praëlet 
Pastore  qui  mult  ert  saine. 

[Tkéâlre  français  au  moyen  âge,  p.  34.  «ol.  1.) 

Vers  la  mer  nous  en  allons, 
Encor  pau  de  jour  vêlons, 
Quant  nous  choisîmes  ceste  nef. 

(Rom.  de  la  Mimckine,  t.  5045.) 

—  Tud.  kiusan,  chiusan,  aperce- 
voir, distinguer,  discerner,  consi- 
dérer, examiner,  choisir,  élire.  Goth. 
kausjan,  examiner;  kiusan,  aperce- 
voir, discerner,  choisir.  Anglo-sax. 
keosan,ceosan,  cysan;  island.  kiosa; 
suéd.  kesa;  holl.  kiezen;  angl.  to 
chuse,  to  choose;  lûlem.erkiesen , 
avec  le  préfix  er. 

Chopine,  diminutif  de  chope,  cope 
ancienne  mesure  pour  les  liquides, 
les  grains  3t  le  sel.  On  trouve  en 
basse  latinité  chopa,  cheopina.  — 
Tud.  koph,  vase  servant  à  contenir 
des  liquides,  cruche.  Anc.  allem. 
chopha^  schaff,  vase,  baquet,  seau  ; 
schoppen,  mesure  pour  les  grains  et, 
les  liquides.  Anglo-sax.  schopen , 
seau.  Suéd.  scopa,,  item  Allem. 
schoppen ,  chopine  ;  schopfen,  pui- 
ser. Holl.  kopj,  petite  mesure  pour 
les  liquides,  écuelle,  tasse. 

Chopper.  — Holl.  schoppen,  heur- 
ter du  pied  contre  quelque  chose , 
chopper;  allem.  schuppen,  schupfen, 
heurter,  choquer,  chopper  ;  schupp, 
heurt,  choc.  Tud.  sdupan,  sduhan, 
frapper,  heurter,  pousser;  anglo- 
sax.  sceofan,  item. 


318 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Choucas  ou  Chucas,  «  Espèce  de 
corneille  grise  ,  aux  bec  et  pieds 
rouges.  Graculus.  Quelques-uns  di- 
sent choucas  ou  chocas  et  chouca. 
Les  choucas  vivent  de  toute  sorte  de 
grains  et  de  sauterelles ,  de  vers  et 

de   glands Ils   s'apprivoisent 

facilement,,  et,  lorsqu'ils  sont  nour- 
ris niais,  ils  ne  quittent  jamais  leur 
cage.  On  leur  apprend  à  parler.  » 
(Trév.) 

Choucas,  chocas,  sont  des  dérivés 
de  choe,  caxve,  kauioe,  mots  qui  ser- 
vaient autrefois  à  désigner  cet  oi- 
seau. 

Sa  coulorsn'estoitpasen  semblance  Aechoe, 
Carele  ert  aussi  blanche  corne  croie  (craie) 
qu'on  Iioe. 

{Rom.  de  Derle,  p.  50.) 
nOU  VILAIN  QUI   NOURIT   U>E    CBOE. 

D'un  vilein  dist  ki  nurrissfit 
Une  kauwe  que  mult  ameit; 
Tant  la  nuri  qu'cle  parla. 
Un  siens  veisins  l'a  li  tua  ; 
Cil  s'en  claima  a  la  Justise... 
De  la  cawe  li  demanda 
Qe  ce  esteit  qu'ele  canta. 
Et  quel  parole  elediseit. 
Cil  li  respunt  qu'il  ne  saveit. 

(Marie  de  France,  t.  »,  p.  331,  Kt.) 

—  Tud.  caha,  corneille,  choucas  ; 
anglo-sax.  ceo  ;  hoU.  kaa,  kauw, 
kaauw  ;  angl.  to  kaw,  crier  comme 
un  choucas. 

Chouette,  Chevette,  Chat-hu- 
ANT.  Les  deux  premiers  sont  des  dé- 
rivés ayant  la  forme  de  diminutifs. 
La  chouette  était  autrefois  appelée 
cahu,  cdhue,  chahue  et  cuece,  dans 
différentes  provinces. 

Janin  Janot,  mais  quel  oysel  es-tu  ? 
Es-tu  pinchon,  linot,  merle  ou  cahu  ? 

(Vttiix-de-  V!ri  d'Olivier  BiS^etin,  M\\.  de  M.  Loui» 
Dubois,  p.  168.) 


Si  m'aprochai  vers  le  vilain, 

Si  vi  qu'il  ot  grosse  la  teste 

Les  sorcieux  gratis  et  le  nez  plat, 
Nez  de  cuece  et  nez  de  chai. 

(Tournoiement  de  r Antéchrist,  p.  12Î.) 

De  calme,  chahue  on  fit  les  dé- 
rivés cahuant,  chahuant,  chouant, 
chat-huant.  En  langue  d'oc  chauana  ; 
en  basse  latinité,  cduanna,  cauannus. 
Ce  n'est  que  par  une  confusion  de 
son,  et  par  une  fausse  et  ridicule 
analogie  avec  un  chat  qui  hue,  que 
nous  en  sommes  venus  à  écrire 
chat-huant.  Du  Cange,  art.  Cauanna, 
a  déjà  fait  la  même  remarque. 

A  midy  estoile  ne  luit,  cahuant  ne  sort  de 
son  n\i>.. 

(Adage*  et  proverbes  in«'rés  dans  les  Récrëalions 
philologiques  de  M.  C^nin,  I.  Il,  p.  23i,) 

Leschouan»,  annonceurs  de  mauvaise  aven- 
ture, 
Ne  s'y  viennent  percher,  mais  les  rossi- 
gnolets... 

(Ronsard,  Eclogue  lll.) 

—  Anglo-sax.  chauch,  chat-hu- 
ant ,  chouette ,  chevette  :  allem. 
kauz  ;  holl.  schuivit. 

Chouler,  Chéoler,  Choler,  So- 
LER,  anc.  jouer  à  divers  jeux  dans 
lesquels  on  lance  quelque  chose  de 
rond^  comme  une  boule,  un  ballon, 
une  balle,  etc.  En  basse  latinité, 
cheolare.  Du  Cange  dans  sa  disser- 
tation sur  le  jeu  delà  chicane  dit  que 
les  paysans  de  son  temps  appelaient 
encore  choie  un  jeu  dans  lequel  on 
lance  une  espèce  de  ballon  avec  le 
pied. 


Die\t  que  jou  ai  le  panche  lassée 
De  le  choule  de  l'autre  fois! 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  I[.  3^9 


VARIONS. 

Di,  Robin,  foy  que  tu  mi  dois, 
Choulas-iu  !  que  Diex  le  te  mire  ! 

fLi  Cieus  de  Robin  et  de  Marion,  dans  le  Thcàtrt 
français  au  moyen  àje,  p.  108,) 

—  AUem.  schoîlern,  jouer  à  cer- 
tains jeux  dans  lesquels  on  lance 
quelque  chose  de  rond,  jouer  aux 
noix^  aux  galets,  etc.  HoU.  sollen, 
lancer,  jeter;  angl.  to  shoot j  item. 

Cible.  On  écrivait  autrefois  sible. 
—  Tud.  sciba,  disque,  rond;  allem. 
scheibe_,  rond,  disque,  but,  cible; 
dan.  sMve;  suéd.  sUifwa;  hoU. 
schijf.  Il  est  probable  que  du  mot 
tudesque  sciba  on  aura  formé,  en 
basse  latinité,  le  diminutif  scibula, 
sibula  :  d'où  sible,  cible. 

Cingler.  Une  fausse  et  ridicule 
étymologie  donnée  par  Huet  a  con- 
duit à  orthographier  ainsi  ce  verbe; 
on  devrait  écrire  singler,  ainsi  que 
Ta  fait  Nicot.  On  disait  autrefois 
sigler,  en  basse  latinité,  siglare, 
faire  voile.  (Voir  Roquefort  et  Du 
Cange.) 

En  la  mer  s'en  entra  la  navie 
De  grant  ricliesce  repienie; 
Tant  corurent  e  tant  siglerent 
Qu'el  liafne  de  Seigne  entrèrent. 

(Cron.  des  ducs  de  Nom.  t.  I,  p.  187.) 

Plus  est  seur  afere 
De  nager  près  de  terre 
Ke  en  haute  mer  sigler. 

(Traduction  des  distiques  de  Calon,  dam  le  Lirre 
des  proTcrbei  français  de  M.  L*  Roui  de  Liocy, 
t.  Il,  p.  373,) 

Le  texte  porte  : 

iVaȔ  lilus  carpere  remis 

Tutius  est  mnlto  quùm  vélum  tendere  in 
altum. 
Sigler,  faire  voile,  a  été  formé 
de  sigle  qui  signifiait  anciennement 
voile . 


E  un  vent  devant  eus  leva, 
Qui  luin  del  hafne  les  geta, 
Lur  verge  brusa  e  fendi, 
Et  tut  lur  sigle  desrumpi. 

(Marie  de  France,  t.  1,  p.  458.) 

Donne  Irieves  trois  mois  sans  perte  et  sans 

damage. 
N'iras  mes,  par  besoin,  'a  sigle  ne  a  vage. 

(Roman  de  Rou,  par  Vace,  cité  dan)  du  Cange,  art. 
Si^la.J 

Au  xiv«  siècle,  on  disait  déjà 
single,  pour  voile,  et  singler,  pour 
faire  voile  :  <(  Lendemain  ils  se 
desancrèrent  et  sachèrent  leurs  sin- 
gles à  mont,  et  se  mirent  à  chemin 
en  côtoyant  Zélande.  »  (Chron.  de 
Froissart,  t.  I,  p.  13.) 

Dans  single,  singler  le  n  s'est  in- 
troduit devant  le  g  comme  dans 
langouste,  jongleur,  formés  de  lo- 
custa,  joculator.  (Voir  t.  11^  p.  1 43,) 

— •  Tud.  4»  segal,  voile;  2o  segal- 
jan,  faire  voile,  naviguer,  cingler. 
Anglo-sax.  4»  sœgel,  segl;  2°  se- 
glian.  Island.  1 0  sigal,  segl  ;  2o  si- 
gla.  Allem.  io  segel;  2"  segeln. 
Suéd.  4°  segel;  2°  segla.  Dan. 
1°  sejl;  2»  sejle.  HoU.  4"  zeil; 
2°  zeilen.  Angl.  40  sail;  2°  to  sail. 

CiRON  :  en  basse  latinité,  siro, 
sironis.  —  Ane.  allem.  sire,  siere, 
sur,  ciron;  Jias  allem.  sûre;  hoU. 
zier. 

CiSEMUs,  anc.  musaraigne,  animal 
sauvage  assez  semblable  à  'une 
souris. 

Ceens  n'a  buis  ne  fenestre 

Par  où  rien  nulp  s'en  alast. 
Se  n'estoit  oisiau  qui  volast. 
Ou  escureus  ou  cisemus 
Ou  beste  ausint  petite  ou  plus. 

(Le   Chevalier  nu  Lion  dans  Romvarl,  pnblië  par 
A.  Keller,  p.551.) 

Tud.   sisemiis,    zisimûs,    musa- 


320 


PREMIÈRE  PARTIE. 


raignc;  anglo-sax.  sisemus,  item  ; 
allem.  zismaas,  ziselmaus,  item. 

Clamp.  C'est  un  terme  de  ma- 
rine qui  signifie  une  certaine  pièce 
de  bois  qu'on  applique  contre  un 
mât  ou  contre  une  vergue  pour  les 
fortifier,  et  empêcher  que  le  bois 
n'éclate.  (Trévoux.) 

—  Ane.  island.  klampi,  crampon,  . 
dérivé  de  Uemma^  serrer,  presser. 
Holl.  klamp,  morceau  de  bois  ou  de 
fer  qui  tient  deux  pièces  ensemble, 
clamp ^  crampon,  patte,  dérivé  de 
klemmen,  serrer,  presser,  étreindre. 
Dan.  \  °  hlampe,  crampon ,  clamp  ; 
2°  hlemme,  serrer,  presser.  Allem. 
1**  klammer;  T  klemmen.  Angl. 
\° clamp;  2°  to  clap.  Tud.  klamjmij 
serrer,  presser,  étreindre,  attacher. 
Suéd.  klœmma,  item. 

Clapet,  petite  soupape.  —  Allem. 
klappe,  clapet,  valvule,  languette, 
de  kappen,  Uappeni,  faire  du  bruit, 
claquer,  cliqueter.  Holl.  1°  klep, 
clapet,  etc.  ;  2°  klappen,  claquer,  etc. 
Dan.  4°  klappe;  2°  klappe.  Suéd. 
klapp,  marteau  de  porte;  klappa, 
frapper^  taper^  faire  du  bruit,  cla- 
quer. Angl.  to  clap,  item. 

Clapier.  On  appelle,  en  proven- 
çal, clap  et  clapier,  un  gros  tas  de 
pierres ,  de  quartiers  de  rochers. 
En  basse  latinité,  claperium  signi- 
fiait à  la  fois  un  tas  de  pierres  et 
un  clapier  pour  les  lapins.  (Voir  du 
Cange,  à  la  fin  de  l'article  Clape- 
rium.) Le#  clapiers  furent  dans 
l'origine  des  tas  de  grosses  pierres 
ou  des  quartiers  de  fochers  disposés 
dans  les  garennes  pour  servir  de 
retraite  aux  lapins,  ainsi  que  cela 
se  pratique  encore. 

—  Island.  hlaupp,  roc,  rocher; 


anglo-sax.  clif;  allem.  klippe;  holl, 
klip;  angl.  kliff'  ;  suéd.  klapper, 
caillou,  galet. 

Clapoter.  —  Tud.  klaphàn,  frap- 
per, taper,  faire  du  bruit,  raisonner, 
clapoter;  anglo-sax.  clappan;  is- 
land. klappa;  dan.  klappe;  holl. 
klappen;  allem.  A;/appen,  klappern; 
suéd.  klappa;  angl.  to  clap. 

Clapoter  est  formé  du  primitif 
germanique  et  du  suffixe  ôter,  qui 
est  propre  aux  verbes  fréquentatifs  ; 
de  taper,  cligner,  on  a  fait  de  même 
tapoter,  clignoter. 

Glatir  se  dit  d'un  chien  qui  fait 
entendre  un  cri  perçant  et  redoublé 
en  poursuivant  le  gibier.  C'est  une 
onomatopée  qui  se  retrouve  dans  les 
idiomes  germaniques.  —  Holl.  kla- 
teren,  faire  un  bruit  ou  un  cri  per- 
çant, éclatant;  allem.  klatschen; 
angl.  to  clatter. 

Cliische,  Clenque,  Clique,  Cli- 
quet, anc.  loquet  d'une  porte.  ^Voir 
Trévoux  et  le  supplément  du  glos- 
saire de  Roquefort.) 

On  dit  encore  clanche  pour  loquet 
dans  le  patois  messin. 

N'on  ne  puet  entrer  es  osteus 
Sans  bruscier  u  sacier  le  clenque. 

(Ch'ea  du    hunteus    menesterei ,    inséré  dani  lea 
œuvres  de  Rutebenf,  t.  ï,    p.  341.) 

—  Ane.  allem.  klinken,  loquet; 
island.  klinka;  allem.  klinke;  holl. 
klink;  dan.  klinke  ;  suéd.  klinka. 
L'anglais  n'a  pas  le  substantif,  mais 
il  a  conservé  le  verbe  to  clinch, 
fermer. 

Clinquant,  ainsi  que  Quincaille, 
Quincaillerie,  pour  lesquels  on 
disait  autrefois  clincaille,  clincaille- 
rie  (voir  Trévoux),  paraissent  pro- 
venir d'une  onomatopée  qui  se  re- 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE  SECT.  II.    321 


trouve  dans  les  idiomes  germa- 
niques. —  Holl.  klinken,  rendre  un 
son,  sonner,  tinter;  allem.  klingen  ; 
suéd.  klinga;  dan.  Minge;  angl.  to 
dink;  tud.  klingan;  island.  klingia. 
Coche.  Les  premiers  coches  étaient 
une  sorte  de  bateaux  servant  aux 
transports. 

Se  unenef  vuide  est  vendue,  li  venderres 
doit  ij  deniers,  et  li  achaterresij  deniers  de 
tonlieu.  Se  uns  bateaus  ou  un  coches  Ab] 
fust  est  vendu,  li  venderres  doit  de  chascun 
obole  de  tonlieu,  et  li  acheterres  obole;  et 
se  bateaus  ou  li  coches  est  de  ij  fuz,  il  doit 
autant  de  tonlieu  corne  la  nef.  {Livre  des 
métiers,  p.  315.) 

Dans  la  suite,  les  coches  furent 
des  bateaux  couverts  qui  faisaient 
un  service  régulier  et  servaient  à 
transporter  les  voyageurs  et  les  mar- 
chandises; enfin  on  appela  coches, 
par  extension,  de  grandes  voitures 
qui  faisaient,  par  terre,  un  service 
semblable  à  celui  que  ces  bateaux 
faisaient  par  eau. 

Les  diminutifs  cochet,  cocquet, 
coket,  se  disaient  anciennement  d'un 
petit  bateau  de  transport  ;  en  basse 
latinité,  cocho,  cocha,  cocka,  cogo, 
kogge,  cochetus,  avaient  la  même 
signification.  (Voir  le  glossaire  de 
du  Cange^  art.  Cogo ,  et  celui  de 
Roquefort,  art.  Cochet.) 

Pierre  de  Dusburg,  cité  par  du 
.Cange,  nous  apprend  que  cocka  était 
un  mot  germanique  :  «  Cujusdam 
navis  dictae  coc^ia  teutonice.»  {Chron. 
de  Prusse,  ch.  i.) 

—  Tud.  kocho,  koche,  sorte  de  na- 
vire, espèce  de  barque  ou  de  bateau; 
anc.  allem.  cocka,  kogge,  item  ;  is- 
land. kugger;  suéd.  kogg;  holl.  kog, 
kogge;  anc.  angl.  cogge;  ce  dernier 
est  dans  Chaucer. 


Coiffe,  habillement  de  tête.  An- 
ciennement ce  mot  signifiait  princi- 
palement une  sorte  de  casque  ;  il  se 
prenait  fort  souvent  pour  la  garni- 
ture intérieure  du  casque.  On  di- 
sait en  basse  latinité  aipha,  cuphia, 
cufea,  coffia.  Voici  ces  mots  dans 
du  Cange  : 

Al  trépas  traist  Gauvins  l'espée, 
El  chief  li  a  tote  anbarrée, 
Jusqu'as  espaulles  le  fendi 

Onques  li  coiff'es  ne  l'gari  (préserva). 

fRom.  de  Brut,  t.  II,  p.  I69J 

Bien  sai  luit  i  morrons  el  dame-Dieu  ser- 
viche; 

Mais  moût  bien  m'i  vendrai,  se  m'espée  ne 
brise. 

Jà  n'en  gariraj.  ne  coiffe  ne  haubers. 

(Cesl  li  jus  de  taint  tfhkalai,   injéré  dam    1  * 
Th^lre  français  an  moyen  âge,  p.  174.) 

Boucliers  es  poings,  roifes  laciées, 
Et  blanches  espées  sachiées. 
Se  vont  vistement  a  l'esbatre 
Entre  ceus  de  Flandres  enbatre. 

{Branche  det  roijaux   lignages^  t.  Il,  p,  S3&) 

Grand  cop  li  done  en  l'heaume  agu; 
Jusqu'à  la  coife  la  fendu. 

fFloirt  et  Blanee/hr,  ëdit.  da  Méril,  p.  158^ 

—  Tud.  chuppha,  couvre-chef, 
bonnet;  island.  hufa;  suéd.  hufwa; 
dan.  huve;  holl.  huif;  allem.  haube. 
L'aspirée  initiale  du  primitif  germa- 
nique a  été  changé  en  c,  comme  dans 
Clovis,  Cîothaire,  etc.  (Voyez  t.  II, 
p.  407.) 

Cosse,  Ecosse,  Gousse;  en  basse 
latinité,  cossa.  —  Anglo-sax.  Vscœd, 
scatha,  gaine,  étui;  %°codde,  cosse, 
écosse.  Angl.  \°  sheath;  2°  cod. 
Allem.  40  scheide;  T  schote.  Dan. 
skede,  gaîne,  étui.  Holl.  scheede, 
schede,  item.  Suéd.  skida,  gaîne, 
'  étui ,  fourreau ,  cosse ,  écosse , 
gousse . 


%\ 


322 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Cotte,  Cote,  signifiaient  autre- 
fois une  sorte  de  long  vêtement^ 
une  espèce  de  tunique,  une  souque- 
nille,  une  robe  et,  en  dernier  lieu, 
un  jupon.  Nous  n'avons  pas  encore 
perdu  le  souvenir  des  cottes  d'armes 
et  des  cottes  de  mailles. 
Feme  sens  et  sustance  trait  d'orne  de  bon 

aire; 
Cote,  sercot  et  chape,  peliçon,  robe  vaire, 
Garnison  al'ostel,  deniersas  despens  faire, 
Jk  feme  n'i  iaira  chose  qu'el  en  puis  traire. 

(Chattie-Mutari,  à  la  suite  an  œurret  de  Rolebeuf, 
I.  U,  p.483,] 

Se  cil  qui  vont  criant  la  cote  et  la  chape 
par  la  vile  de  Paris  voelent  revenir  à  ce 
que  ils  puissent  partir  aus  preudeshomes  du 
mestier  devant  dit,  il  convient  que  il  leisent 
le  crier  par  la  vile  la  cote  et  la  chape,  et 
que  il  achate  tout  de  nouvel  le  mestier  de- 
vant dit,  et  que  il  face  le  serement  en  la 
manière  desus  devisée.  (Livre  des  métiers, 
p.  200.) 

Cotte  forma  les  dérivés  cottelle, 
cotillon;  le  composé  surcot,  sor- 
cot,  etc.  En  basse  latinité,  cotta, 
cottus  signifiaient  tunique,  robe, 
souquenille,  soutane. 

Guiot  a  mult  bien  entendu... 
Il  a  reposie  sa  muselé. 
Si  secorce  sa  cotele. 

(Thiilre  françaii  du  moyen  âge,  p.  35,  col.  2.) 

Esgardait  l'osle  ki  avoil 
Le  sercot  sa  famé  afubleit. 

(Dolopathot,  p.  366.y 

Cote  et  la  chape  par  covent, 
Clerc  i  sont  engané  sovent; 
Cote  et  sorcot  rafeteroie. 

(Ltt  Crieries  de  Parti,  par  G.  de  la  Villeneuve,  in- 
sérée» dant  les  Proverbes  et  dictons  populaires 
du  XIII*  et  xi»«  siècle,  publiés  par  M.  Cra- 
pelet,  1831,  in-8»,  p.  140.^ 

—  Tud.  koza,  kozo,  surtout  fait 
d'une  étoffe  grossière,  casaque,  sou- 
quenille, sarrau.  Ane.  allem.  kotze, 
item.  Angl.  coat,  casaque,  souque- 


nille, jaquette,  jupe,  cotillon j  dan. 
hittel;  suéd.  Mortel;  allem.  kutte, 
kittel. 

Crampe. — Tud.  cramiph,  kramph, 
crampe,  engourdissement,  spasme 
suéd  .   kramp  ,    krampe  ;    allem . 
krampf;  holL  kramp;  angl.  cramp; 
dan.  krampe. 

.  Cranche.  On  disait  ancienne- 
ment aller  cranche^  pour  signifier 
marcher  avec  peine,  coiïime  un  im- 
potent ,  un  estropié^  comme  un 
homme  aflaibli  par  la  maladie. 

Vos  aleiz  en  estei  si  joint, 
Et  en  yver  aleiz  si  cranche; 
Vostre  soleir  n'ont  mestier  d'oint, 
Vos  faites  de  vos  talons  planghes. 

(Rutebeuf,  t.I,  p.  2H.) 

—  Tud.  krank,  malade,  impotent, 
débile  ;  island  .  krank  ,  krankur  ; 
allem.  hoU.suéd.ftmnft;  daxi.skran- 
ten. 

Cranequin,  anc.  On  appelait  ainsi 
un  instrument  que  les  arbalétriers 
portaient  à  leur  ceinture,  et  avec 
lequel  ils  bandaient  leurs  arbalètes. 
Les  craneqiiins  étaient  des  crones 
de  petite  dimension  ;  aussi  leur  nom 
n'est-il  qu'un  diminutif  de  Crone. 
(Voyez  Crone.) — Anc.  allem.  krane, 
machine  à  lever  et  à  charger  des 
fardeaux,  grue,  crone;  le  diminutif 
devait  être  kranechen,  kraneken  . 
Anglo-sax.  crœn^  grue^  crone  ;  allem. 
krahn;  holl.  kraan;  dan.  krane  ; 
suéd.  kran;  angl.  crâne. 

Crapaud.  «  Le  plus  dangereux 
crapaud  est  celui  qu'on  appelle  cra- 
paud verdÂer,  ou  graisset,  ou  raine- 
verte  (rana  viridis)  ;  en  latin,  bufo.v 
(Trév.  art.  Crapaud.)  En  provençal, 
le  crapaud  se  nomme  grapaoud.  — 
Dan .  groen-^adde,  crapaud,  compo- 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.    323 


se  de  groen,  vert,  et  de  padde^  qui 
signifie  un  batracien,  grenouille  ou 
crapaud^  suéd.  grœn-padda,  cra- 
paud :  de  grœn_,  vert,  et  de  padda, 
batracien,  grenouille  ou  crapaud;  anc. 
allem.  ^°  gruan,  vert;  2"  batte, 
ftadrfe, crapaud.  Bas  allem.  \°  grôn; 
2°  padde.  HoU.  4°  groen;  ^"padde. 
Island.  1°  grœn;  ^°podda. 

Craquer.  Onomatopée  que  l'on 
retrouve  dans  les  idiomes  germani- 
ques. —  Tud.  chraCj  bruit^  craque- 
ment; krachjaUj  krachôn,  craquer. 
Anglo-sax.  kracTi,  craquement; 
allem.  krachen,  craquer  ;  dan.ftraftAe, 
krage,  item;  hoU.  kraaken;  angl.  to 
crack. 

Créquier,  prunier  sauvage.  Il  est 
resté  en  termes  de  blason.  (Acad.) 
Son  fruit,  se  nommait  crêque.  (Voir 
Trévoux.) 

Créquiers  sont  arbres  qui  ont  poy  de 
feuilles  et  ont  foison  de  picans,  et  en  fait 
on  volentiers  clôtures.  {Office  des  hérauts 
et  jwvr suivons,  cité  dans  le  glossaire  de  du 
Cange,  éd.  de  Henschel,  t.  VII,  art.  Cré- 
quier.) 

—  Tud,  cne/t,  petit  fruit  à  noyau, 
tel  que  prunelle^  cerise,  etc.  ;  dan. 
krikon,  prune;  anc.  allem.  krieche 
item;  allem.  kirsche,  cerise;  hoU. 
kroosjes,  sorte  de  petites  prunes. 

CRESSON^.enital.cr'escione,  On  ap- 
pelait autrefois  cresson  orlénois, 
c'est-à-dire  cresson  d'Orléans,  une 
sorte  de  cresson  que  l'on  cultive 
dans  les  jardins.  Par  corruption,  le 
peuple  nomme  aujourd'hui  cette 
plante  cresson  à  la  noix;  et  les  ha- 
biles^ de  se  moquer  de  lui.  Selon 
ces  messieurs,  la  seule  expression 
admissible  est  cresson  alénois.  Mais 
le  cresson  orlénois  n'a  pas  plus  la 


forme  d'une  alêne  que  celle  d'une 
noix,  et  le  terme  usité  à  la  halle 
vaut  bien  celui  dont  on  se  sert  à 
l'Académie. 

Menuise  vive  orrez  crier.... 
Puis  après  cresson  de  fontaine, 
Cerfueil,  porpié  tout  devenue.... 
Vez-ci  bon  cresson  orlénois. 

ftet  Crieries  de  Paris ,  par  G.  de  la  Villenearcy 
ins^réet  dans  les  Proverbes  et  dictons  popu- 
laires du  xiîi'  et  iiv*  siècle,  publiés  par 
M.  Crapelet,  1831,  io-S",  p.  140.) 

—  Tud.  kresso,  kressa,  cresson; 
anglo-sax.  kerse,  cerse,  cœrse;  anc. 
allem.  kerse,  crasse;  allem.  kresse; 
dan.  kœrse;  suéd.  krassa,  krasse; 
holl.  kers,  kerse;  angl.  er esses. 

Crique,  petit  p(^rt  naturel.  — 
Anglo-sax,  crecca,  crique;  angl. 
creek;  holl.  kreek.  m  ' 

Croc,  Crochet.  —  Tud.  cracho, 
croc,  crochet;  island.  krôkr;  suéd. 
krok;  dan.  krog;  angl.  crook;  holl. 
krooke. 

Croissir,  Croisir,  Crussir,  anc. 
craquer,  faire  entendre  un  bruit,  un 
craquement;  ces  mots  s'employaient 
également  pour  signifier  se  briser, 
se  rompre.  On  dit  en  italien  cro- 
sciare;  en  espagnol  cruxir  et  en 
provençal  crussir.  Voyez  l'observa- 
tion faite  ci-dessus  ,  p.  140,  art. 
Crieve. 

Rollans  ferit  el  perrun  de  sardonie, 

Cruist  H  acer,  ne  briset  ne  n'esgrunie. 

{^Chans.  de  Roland,  st.  CLZtx.) 

L'espée  cruist,  ne  fruisset  ne  ne  brise, 
Contre  le  ciel  amunt  est  resortie. 

(Ibîd.  st.  CI.XX.) 

Cil  qui  furent  al  assembler 
Virent  tant  bel  escu  percier. 
Tant  bon  hauberc  desmailier    • 
Tante  grosse  lance  croissir 
Etante  aime  de  cors  eissir... 

(Chron.  des  ducs  de  Nom.  t.  1,  p.  383.) 


324 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Wage  crurent  et  reversèrent; 
Nef  commencent  a  periller, 
Bort  et  kievilles  a  froisser.... 
Voile  depiccent  et  mast  croissent. 

(Rom  de  Brut,  t.  1 ,  p.  119.) 

—  Go  th.  kriustan,  craquer^  grin- 
cer; holl.  gruizen,  briser,  broyer; 
suéd.  krossa;  dan.  kryste;  angl. 
to  crush.  En  Allemand  hross  est  une 
expression  populaire  signifiant  qui  se 
brise  aisément^  qui  est  craquant;  il 
se  dit  particulièrement  de  la  croûte 
de  pain. 

Crone,  machine  pour  charger  et 
décharger  les  navires,  espèce  de 
grue.  (Voir  Trévoux.)  —  Tud.  krane, 
machine  à  lever  des  fardeaux^  gf'ie, 
crone;  anglo-sax.  crten;  allem. 
krahn;  holl.  kraan;  dan.  krane; 
suéd.  kran;  angl.  crâne. 

Crosse.  «  Bâton  crochu,  ou  re- 
courbé par  le  bout,  avec  lequel  les 
enfants  jouent  et  s'échauffent  en 
hiver,  en  poussant  et  se  renvoyant 
une  balle,  une  pierre....  Crosse  est 
aussi  un  bâton  pastoral  que  portent 
les  archevêques,  les  évêques  et  abbés 
réguliers,  ou  qu'on  porte  devant  eux 
dans  les  cérémonies.  C'€st  un  bâton 
d'argent  ou  d'or,  recourbé  et  ouvragé 
par  le  haut.  »  (Trév.) 

Nous  disons  proverbialement  : 
«  C'est  un  homme  à  crosser  »  pour 
c'est  un  homme  à  bâtonner. 

Croce  signifiait  autrefois  une 
houlette:  «  Pedum  dicitur  gallice 
croce.  »  (Dict.  de  Jean  de  Garlande, 
à  la  suite  de  Paris  sous  Philippe  le 
Bel  p.  605.) 

En  basse  latinité^  croca,  crocia 
signifiaient  bâton  recourbé  par  le 
haut,  béquille  dont  se  servent  les 
estropiés,  houlette^  crosse  d'évêque. 


— Tud.  krucka,  bâton  recourbé  par 
le  haut,  béquille;  anglo-sax.  crycce, 
houlette;  angl.  crookj  croc,  bâton 
crochu  ,  houlette  ;  allem.  krûcke, 
béquille^  potence  ;  holl.  kruk,  item; 
dan.  ÂryÂ/ee^ béquille,  crosse;  suéd. 
krycka,  item. 

Crotte,  boue  formée  par  la  pous- 
sière détrempée  par  les  eaux  de  la 
pluie,  fiente  de  certains  animaux, 
comme  brebis,  chèvres,  lapins,  etc. 
—  Tud.  chot,  fiente,  excrément, 
crotte;  allem.  koth,  boue,  fange, 
fiente  d'animal,  crotte  de  brebis,  etc., 
flam.  krotte,  item;  holl.  keutel, 
crotte  d'animal;  angl.  crottles,  item. 
Dans  l'anglais  crottles,  dans  le  fa- 
mand  krotte,  ainsi  que  dans  le  fran- 
çais crotte,  le  r  est  venu  se  placer 
après  le  c.  (Voir  à  cet  égard,  t.  II, 
p.  143.) 

Croupe,  Croupion  :  en  basse  la- 
tinité, cruppa,  croupe;  crupporms, 
croupion.  —  Bas  allem.  krupen,  le 
bas  des  reins,  croupe,  croupion; 
island.  gumpr  ;  dan.  rumpe;  suéd. 
gump;  angl.  rump,  le  bas  des  reins, 
croupion;  crupper,  croupe  de  cheval. 
Dans  certains  idiomes  le  r  a  dis- 
paru, dans  d'autres  c'est  la  palatate 
kon  g. 

Couire,  Cuire  et  Cuivre,  Cuevre, 
QuEUVRE,  avec  un  v  intercalaire,  si- 
gnifiant autrefois  carquois. 

Dune  véissiez  banstes  drecier, 
Haubers  e  belmes  afaitier, 
Estrieuse  seles  atorner, 
Cuires  emplir,  ars  encorder. 

fRom.  deRou,  t.  Il,  p.  184.) 

Et  si  avoit  pendu  encor 

Une  arbaleste  fait  de  cor 

Et  un  cuevre  plain  de  quarriaus. 

(Rom.  de    Cleomadèi ,    ciié  dam  la  Cbroaiqu« 
dM  dHC(  d«  Normandie,  t.  Il,  p.  450.) 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.     325 

née  à  couvrir  des  terrasses,  ou  à  pa- 
ver des  salles,  des  vestibules ,  etc. 
Dalle  signifie  aussi  une  tranche  de 
gros  poisson. 

—  Tud.  deilan,  tailjan ,  diviser, 
partager,  trancher;  d'où  dil,  dili, 
dilo,  thil,  thili,  ais,  planche,  ta- 
blette. Anglo-sax.  1"  dœlan,  divi- 
ser, etc.;  2°  dhil,  dhill,  planche,  ta- 
blette. Island.  \°  deila;  2°  thil,  thi- 
lia.  EoW.  \°  deelen;  ^^  deel.  Dan. 
\'deele;  V  dœle.  Allem.  ]°theilen; 
2"  diele.  Goth.  dailjan,  partager, 
trancher.  Suéd.  delà,  item. 

Dard  :  en  italien  et  en  espagnol, 
dardo;  en  base  latinité,  dardus.  — 
Tud,  tart,  pique,  javelot,  trait, dard; 
anglo-sax.  darath;  island,  darradr; 
anc.  allem.  dard;  angl.  dart;  suéd. 
dart,  dagne,  poignard. 

Déchirer.  Ce  verbe  est  composé 
de  la  proposition  de  et  d'un  verbe 
germanique  qui  est  resté  à  l'état  de 
simple  dans  le  provençal  esguirar, 
déchirer.  —  Tud.  sceran,  skerran, 
déchirer,  couper,  diviser:  anglo-sax. 
scyrian,  scearan ,.  seœran  ;  island, 
skera  i  dan*  sM'ere;  suéd.  shiœva, 
skœra,  hoU.  scheuren;  a.ng\.  toshofe, 
diviser,  partager.  Allem.  scharren, 
enlever  en  raclant. 

Déerne,  Déeréne,  Déenne,  aac. 
fille,  servante.  (Voir  Trévoux,  Borel 
et  Roquefort.)  —Tud.  diorna,  fille, 
servante,;  anglo-sax.  thiorna;  is- 
land. thema;  allem. dime;  bas  allem, 
deeren;  holl.  deerne. 

Dérive,  terme  de  marine.  Dévia- 
tion de  la  route  d'un  navire  occa- 
sionnée par  la  violence  du  vent,  du 
courant  ou  de  la  marée  qui  le  pous- 
sent'de  côté,  et  le  font  avancer  obli- 
quement par  rapport  à  la  direction 


Et  qui  se  fait  vesque  clamer. 

Dont  trait  carriax  fors  de  son  queuvre. 

(La  Descriision et  laplaissanct  des  religiont,  iniér^a 
dans  les  (£UTre<  d«  Ruiebeuf,  t.I,  p.  445.) 

De  cuire  on  fit  cuirée ,  signifiant 
la  totalité  des  traits  que  peut  conte- 
nir un  carquois,  comme  assiettée,  si- 
gnifie tout  ce  que  peut  contenir  une 
assiette. 

Lor  darz,  lor  arz  et  lor  cuirées 
Orent  de  iez  eus  apoiées. 

{Roman  delà  Roie,  t.  111.  p.  79.) 

—  Tud.  kochar,,  carquois;  anglo- 
sax.  cocer;  island.  kogur  ;  ■  dan.  ko- 
ger;  a\\em.kôcher;holl.koker;  suéd. 
koger;  angl.  quiver. 

Dague  :  en  basse  latinité ,  daga, 
en  italien  daga.  — Anc.  allem.  dagge, 
poignard,  dague;  island.  dolgur; 
allem.  degen;  dan.  daggeri;  suéd. 
dolk;  angl.  dag,  dagger;  holl,  de- 
gen, sorte  d'épée. 

Dais.  Ce  mot  est  orthographié  de 
différentes  manières  dans  les  auteurs 
du  XII*  et  xin®  siècle  ;  on  trouve  deis, 
des,  dais.  On  disait  dagm  en  basse 
latinité.  (Voir  le  glossaire  de  Ro- 
quefort et  celui  de  du  Cange.) 

—  Tud.  dag,  dak,  tout  ce  qui 
sert  à  couvrir ,  couverture,  voile, 
poêle,  dais;  de  decchan,  couvrir. 
Anglo-sajc.  \°theccenef  couverture, 
dais,  etc.;  2°  theccan,  thaccian,  cou- 
vrir. Island.  \°  theki;  2"  thœcka. 
Dan.  1°  dœkke;  2°  dœkke.  Suéd. 
\'' tœck,  tœcke;  2°  tœcka,  tackja. 
HoU.  dek,  couverture,  plancher , 
tillac  ;  dekken ,  couvrir.  Allem.  de- 
cke,  couverture,  plafond  ^  plancher, 
tillao,  decken,  couvrir.  Angl .  deck. 
tillac. 

Dalle  ,  tablette  de  pierre  ou  de 
marbre  de  peu  d'épaisseur,  et  desti- 


326 


PREMIÈRE  PARTIE. 


de  la  proue.  Dériver,  aller  à  la  dé- 
rive. 

—  Dan.  drive  ,  pousser,  faire 
avancer,  chasser,  être  poussé  par  le 
vent,  dériver;  angl.  to  drive,  item; 
holl.  drijven,  item;  allem,  treiben, 
item;  suéd.  drifwa,  pousser  en  avant, 
chasser;  auglo-sax,  drifan.  item; 
island.  drifa,  item;  tud.  triban , 
item , 

1  Digue.  On  a  dit  autrefois  dique, 

dike  pour  digue  et  dikier  pour  endi- 
guer. 

Moultbien  avoient  les  gaiteset  les  gardes, 
qui  en  Gagant  se  tenoienl,  vu  approcher 
cette  grosse  armée  ;  si  supposoient  assez 
que  c'estoient  Anglois;  parquoi  ils  s'es- 
toient  ja  tous  armés  et  rangés  sur  les  dikes 
et  sur  le  sablon,  et  mis  leurs  pennons  par 
ordonnance  devant  eux.  (Froissart,  liv.  I, 
ch,  Lxix,  p.  62,  col.  2) 

Li  devant  dit  ges  s'estent  dusques  en  la 
mer  et  amont  vers  terre  dusques  a  nos 
dunes,  lequel  get  nous  avons  tait  nouvele- 
raent  en  partie  dikier.  (Charte  de  1280  in- 
insérée dans  le  Chartier  de  Namur,  publié 
par  M.  deReiffenberg,  p.  169.) 

—  Anglo-sax,  die,  dike,  dice, 
digue,  chaussée,  jetée;  hoW.  dyk, 
dijk;  dan.  dige;  angl.  dike;  allem. 
deich. 

DoGRE,  bateau  servant  à  la  pêche 
du  hareng.  —Holl.  dogger,  bateau 
pêcheur  ;  angl.  duggarar ,  dogger; 
island.  dugga. 

Dogue.  —  Anglo-sax.doc,  chien; 
ang.  dog ,  item  ;  dan.  dogge ,  gros 
chien,  dogue  ;  holl.  dog,  item;  allem. 
dogge,  item;  zauche,  muge,  chienne; 
suéd.  tik,  item;  island.  tijk,  item; 
tud.  zoha,  item. 

Dois,  Deis,  anc.  table  à  manger. 

Mais  as  fiz  Berzellai  de  Galaad  rendras 
grâce  e  bien,  e  manjerunt  a  tuz  dis  à  tun 
iei$,  {litre  des  Rois,  p.  228.), 


Sed  et  filiis  Berzellai  Calaadilis  reddet 
(jratiam,  erunlque  comedentea  in  mensa  lua. 

Sedignent  al  deis  la  reine  Jezabel.  {Ibid, 
p.  316.) 

Comedunt  de  mensa  Jezabel. 

Les  napes  fait  ester  des  dois  ; 

Tout  se  lievent,  ne  mais  qu'ans  trois. 

{Floire  et  Dlanceflor,  édU.  du  Méril,  p.  61.) 

Mais  Fromons  fait  les  dois  appareiller; 
Les  napes  metent  serjant  et  escuier  ; 
Gui  il  plaira  des  or  poura  mengier. 

(Gunn  le  Loherain,  t.  II,  p.  178.) 

On  trouve  souvent  écrit  de  même 
dois,  doigt  de  digitus. 

—  Tud.  dise,  tisCj  table  ;  island. 
suéd.  et  dan.  disk,  item  ;  holl.  dis , 
disch,  item;  allem.  tisch,  item;  angl. 
desk,  pupitre. 

Dolequin,  anc.  sorte  de  poignard^ 
espèce  de  dague. 

Jehan  Bernart  tira  un  dollequin  qu'il 
avoit,  et  d'icellui  cuida  courir  sus  au  sup- 
pliant et  l'en  ferir.  {Lettres  de  rémission  de 
1422  citéesparCarpentier,  art,  Do/eçaîntis.) 

Icellui  Simonnet  fery  icelle  jeune  femme 
trois  ou  quatre  cops  d'un  dolequin  qu'il 
avoit.  {Lettres  de  rémission  de  1455  citées 
iHd.) 

Jacot  Cuerqueville  tenant  soubz  son  man- 
tel  nn^doltequinhors  desa gaeine... [Lettres 
de  rémission  de  1 457  citées  ibid.) 

—  Holl.  dolckiti,  diminutif  de 
dolk  coutelas  ,  dague ,  poignard  ; 
allem.  dolch,  item;  dan.  et  suéd. 
dolk. 

Dore,  Deur^  anc .  porte  de  mai- 
son. (Voir  le  glossaire  de  Roque- 
fort.)—  Tud.  turi,  tor,  porte;  goth. 
daur  ;  anglo-sax.  dora,  dur,  duru  ; 
island.  dyr;  dan.  dœr,  suéd.  dœrr  ; 
allem.  thûr  ;  bas  allem.  dore;  holl. 
deur;  angl.  door. 

Drageon,  rejeton  qui  pousse  à  la 
racine  d'un  arbre  ou   d'une  plante. 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  II.     327 


Ce  mot  dérive  d'un  verbe  germani- 
que signifiant  pousser.  C'est  ainsi 
que  nous  nommons  pousse  les  peti- 
tes branches  que  les  arbres  poussent 
au  printemps.  —  Goth.  draibjan, 
pousser  ;  anglo-sax.  drîfan  ;  island. 
drifa;  tud.  treibjan;  dan.  drive; 
suéd.  drifwa;  holl.  drijven;  angl. 
to  drive;  allem.  treiben,  pousser, 
croître;  trieb,  pousse,  jet,  scion. 

Drague^  instrument  fait  en  pelle 
recourbée,  et  emmanché  d'une  lon- 
gue perche^  qui  sert  à  tirer  le  sable 
des  rivières,  etc.  (Acad.)  Draguer, 
tirer  le  sable  du  fond  d'une  rivière . 
—  Anglo-sax.  dragan,  tirer,  retirer; 
dràge,  instrument  recourbé  propre 
à  saisir  un  corps  et  à  aider  à  l'atti- 
rer, croc.  Angl.  to  draxv,  tirer,  a1>- 
tirer;  drag,  croc^  drague.  Suéd. 
draga,  tirer,  retirer;  dan.  drage, 
item;  bas  allem.  treclien;\io\\.trek- 
ken. 

On  a  dit  anciennement  holdra- 
guer,  holdraguier,  à  peu  près  dans 
le  même  sens  que  nous  disons  au- 
jourd'hui draguer. 

Sur  ce  que  nous  disions  ke  nous  pooions 
et  devions  faire  fauquer  l'iierbe  et  holdrà- 
gier  et  retraire  le  bray  de  l'yau  de  Somme. 
(Titre  de  1268,  cité  dans  le  glossaire  de  du 
Cange.  art.  Braium. 

Holdraguer  est  composé  de  deux 
primitifs  germaniques;  l'un  est  le 
même  que  celui  d'où  provient  dra- 
guer; l'autre  signifie  creux,  cavité. 
Holdraguer  est  proprement  retirer  la 
vase  qui  se  trouve  dans  les  creux  du 
lit  d'une  rivière.  —  Tud.  hol,  holi, 
creux,  cavité,  trou;  goth.  hul;  anglo- 
sax.  hool  ;  island .  holur  ;  allem . 
hôhle;  dan.  huul,  hul;  suéd.  et 
holl .  hol  ;  angl.  hollow. 


Drèche,  Drague,  marc  de  l'orge 
qui  a  été  employée  pour  faire  de  la 
bière .  Les  habitants  de  l'Ile-de- 
France  appelaient,  par  dérision,dms- 
chiers  ceux  du  duché  de  Normandie^ 
qui  étaient  grands  buveurs  de  bière. 

Mult  ont  Franceiz  Normanz  laidiz 
Et  de  mefaiz  e  de  mediz  ; 
Sovent  lor  dient  reproviers 
E  claiment  bigoz  e  draichiers. 

(Rom.  de  nou,  T.  9940.) 

—  Tud.  drek,  résidu,  boue,  ordu- 
re, excrément, lie,  marc  ;  anglo-sax. 
dhroge;  anc.  island.  dregg;  suéd. 
trœck;  allem.  dreck;  dan.  drœk  ; 
holl.  drek,  boue;  droessem,  marc, 
drèche;  angl.  dreg,  lie,  marc. 

(Voir  une  remarque  placée  à  la  fin 
de  l'article  Bière.) 

Dreisc,  Dran,  ancien  terme  do 
marine,  manœuvre  au  moyen  de 
laquelle  on  serre  le  racage  des  ver- 
gues; c'est  ce  qu'on  nomme  aujour- 
d'hui la  drosse  des  vergues.  (Voir 
l'Archéologie  navale  de  M.  Jal,  t.  l, 
p.  216.) 

Bruisseiit  lur  masz,  lur  governail  ; 
Nul  d'eus  n'endure  le  travail  ; 
N'i  a  ne  veile  ne  hobenc, 
Utage,  n'escote,  ne  drenc... 

{Chron.  des  ducs  de  Norm,,  I.  1,  p.  154.) 

—  Tud.  drangôn,dringan,  serrer, 
presser  ;  allem  .  dràngen  ;  holl . 
dringen;  dan.  drive;  suéd. dn/wa. 

Drin'cheil,  Drinkel,  terme  de  po- 
litesse dont  se  servait  ancienne- 
ment celui  qui  faisait  raison  d'un 
toast.  Voyez  ci  -  après  Trinquer  et 
Wessail . 

Drille.  «  Vieux  mot  qui  signi- 
fiait autrefois  soldat,  et  qu'on  em- 
ploie aujourd'hui  dans  le  style  fa- 
milier dans  différentes  acceptions. 


^^^  PREMIÈRE  PARTIE 

On  dit,  par  mépris,  c'est  un  pauvre 
drille,  un  méchant  soldat;  miles 
ignavus,  imhellis,  et  plus  souvent, 
un  pauvre  malheureux.  C'est  un 
vieux  drille,  c'est-à-dire  un  soldat 
qui  a  vieilli  dans  le  service,  miles 
stremus,  et  quelquefois  un  vieux 
libertin.  »  (Trévoux.) 

Drille  signifiait  proprement  et 
primitivement  un  soldat  exercé  aux 
manœuvres. 

Nul  de  tous  ces  affiquets 
Dont  on  pare  nos  drilles.,.. 

Cela  se  faisoit-il  du  temps 
De  Jean  de  Vert  ? 


Qu'elle  s'amur  li  ostreiast, 
E  par  france  druerie  l'amast, 
Pur  ceo  k'il  est  pruz  e  curleis. 

[Ibid.,  p.  256.) 


(ChansOD  citée    dans  le  Dictionnaire  dar^ol  de 
M.  Fr.  Michel,  p.  139,  col.  1.) 

—  Ane.  allem.  drillen,  trillen, 
exercer  des  soldats,  faire  faire 
l'exercice;  allem.  et  hoU.  drillen, 
item;  angl.  to  drill,  item. 

Drosse,  terme  de  marine;  câble 
qui  sert  à  divers  usages  sur  les  na- 
vires. Il  y  a  la  drosse  de  gouver- 
nail, la  drosse  de  canon.  —  Dan, 
trosse,  corde,  câble,  drosse;  suéd. 
traoss,  tross,  item;  island.  tratsa, 
item;  angl.  to  truss,  lier,  attacher. 

Dru,  anc.  ami,  amant;  drue, 
amie,  amante;  d'où  l'on  fit  druerie, 
amour. 

El  vit  son  dru,  et  il,  sa  drue. 

(Flaire  et  Blanceflor,  ëdit.  du  Méril,  p.  88  ) 

Siie,  dist  l'escuier,  vous  soiez  bien  venusJ 
Vos  compains  voudrai  estre,  vos  amis  et  vos 
drus. 

(Nouv.  recueil  de  contes.  1. 1^  p.  U9.) 

Or  puis  bien  estre  vostre  amis. 
La  dame  se  raseura, 
Sun  chief  descuvri,  si  parla  ; 
Le  chevalier  a  respundu, 
E  dit  qu'elle  en  fera  son  dru. 

(Marie  de  France,   t,  I,    p  Hgî  \ 

La  fllle  al  rei  ama, 
E  mainte  feiz  l'areisuna 


■—  Tud.  driit,  trùt,  ami,  amant; 
la  signification  primitive  était  celle 
de  fidèle;  on  disait  dans  ce  dernier 
sens  triuwi,  et  triuwa  signifiait 
fidélité.  Allem.  traut,  aimé,  chéri; 
^j-ew,  fidèle;  treue,  fidélité.  La  dé- 
nomination de  fidèle  désignant  un 
ami,  un  amant,  est  digne  de  la 
constance  germanique.  Chez  nous, 
ce  n'est  pas  seulement  le  mot  (dm) 
qui  est  passé  d'usage  depuis  plu- 
sieurs siècles.  Island.  trur,  fidèle. 
Anglo-sax.  1°  treove,  trive,  fidèle; 
2»  treova,  truva,  foi,  fidélité.  Dan. 
I^^ro;  r  troe.  Suéd.  1"  et  2"  tro. 
Angl.  4°  trusty;%''  trustiness.  HoU. 
1  •  trouio  ;  2»  trouw,  trouwe. 

DuRFEUS,  DuRFEUz,  auc.  mal- 
heureux, misérable,  pauvre.  Be- 
sogneux. 

Theophilus  li  desvoiez, 
Li  durfeuz,  li  fauvoiez, 
Congié  a  pris,  si  s'en  repaire 
Tout  coiemenl  a  son  repaire. 

(Comment  Theophilus  vint  à  pénitence,  k    la  suit* 
des  œuvres  de  Ralebeuf,  t.  II,  p.  280.) 

Las!  fet-il,  las!  que  deviendrai.' 
Las  !  quel  conseil  de  moi  prendrai  ? 
Las!  qu'ai  pensé  ?  las  !  qu'ai-je  fet  ?... 
Las  !  forvoiez,  las  !  durfeuz. 
Las!  engingnez,  las  !  deceuz. 
Las!  mal  bailli,  las!  redotez, 
Las!  sor  toz  autres meschaianz. 

(IHd.,  p.  292.) 

—  Tud.  durftig,  pauvre,  beso- 
gneux, nécessiteux,  indigent,  misé- 
rable; durfén,  être  dans  le  besoin  ; 
dérivés  de  durft,  besoin,  nécessité, 
disette.  Anglo-sax.  thurfende,  né- 
cessiteux, indigent;  thearfcm,  dear- 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  II.    329 


fan,  être  dans  le  besoin^  dans  l'in- 
digence. Goth,  tharfan,  zYem.Allem. 
dùrfen ,  darben,  item;  dùrftig  , 
besogneux,  pauvre,  indigent,  mal- 
heureux. Island.  thurfi  j  item; 
suéd.  torftig,  item;  holl.  nood- 
druftig ,  item;  dan.  nœdtœrftig  , 
item.  En  hollandais,  nood,  et  en 
danois,   nozd,  qui  entrent  dans  la 

composition  des   mots    cités    plus 

haut^  signifient  misère. 
Duvet.  On  a  dit  autrefoit  dum, 

sujet  singulier  duns. 

Chiute  de  dum  d'alerion 
Envolsé  d'un  blanc  siglaton 
Ot  par  desusle  cordéis 
Qui  fu  de  soie  lacéis.... 
Un  oreiller  ot  al  chievè* 
De  mellor  n'orés  parler  mes  j 
Li  duns  en  fu  tos  de  fenis. 
D'un  oisel  qui  moult  est  soltis. 

{Partnnoptus  de  Blois,  t.  Il,  p.  181.) 

De  dum  on  fit  le  diminutif  dumet 
que  l'on  trouve  encore  dans  Rabe- 
lais, liv.  I,  ch.xui,  à  la  fin:  «Vous 

sentez une   volupté  mirifique^ 

tant  par  la  douceur  d'iceluy  dumet 
que  par  la  chaleur  tempérée  de 
l'oyzon.  »  Quelques  lignes  plus 
haut  il  parle  à'un  oyzon  bien  dumété  ; 
on  dit  en  patois  normand  deumet  ; 
en  basse  latinité,  dumœ  avait  la 
même  signification  ;  il  se  trouve  dans 
le  Traité  sur  la  vénerie  de  l'empe- 
reur Frédéric  II,  liv.  I^  ch.  xlv. 

—  lui.  dunij duvet;  island.  dùn; 
dan.  duun;  suéd.  dun;  holl,  dons; 
angl.  down;  bas  allem.  dunen, 
pluriel,  les  petites  plumes .  Le  n  du 
.primitif  germanique  s'est  changé  en 
m  dans  dumet,  comme  dans  amer- 
tume  de    AMARITUDO,    AMARITUDINIS, 

coutume  de  consuetudo,  consuetu- 


DiNis,  c/iarme^  arbre  de  CARPiMjs,  etc. 
(Voir  t.  II,  p.  144.) 

Ebe.  «  Terme  de  marine  qui  se 
dit  dans  quelques  provinces.  C'est 
le  reflux  de  la  mer^  lorsque  la  mer 
baisse,  ou  que  la  mer  refoule,  ou 
s'en  retourne.  Il  est  opposé  a,u  flot  ci 
au  montant.  On  l'appelle  autrement 

jusant On  dit  proverbialement 

en  Normandie,  tout  ce  qui  vient  de 
flot  s'en  retourne  d'ebe,  en  parlant 
des  biens  mal  acquis  et  mal  assurés.  » 
(Trév.)  En  basse  latinité ,  ebba , 
reflux. 

—  Tud.  ebba,  reflux  de  la  mer  ; 
anglo-sax.  I^eftèa, reflux;  VebUan, 
se  retirer,  refluer,  Allem.  1'  ebbe; 
V  ebben.  Holl.  t"  eb,  ebbe;  Tebhen. 
Angl.  4°  ebb;  V  to  ebb.  Dan. 
1  °  ebbe  ;  %"  ebbe.  Suéd.  ehb,  ebbe, 
reflux. 

Éblouir  :  en  italien,  abbagliare, 
formé  de  la  proposition  a  et  de 
bagliore,  pour  bliore,  qui  signifie  à 
la  fois  éclat  de  lumière,  éclair  et 
éblouissement.  Au  lieu  de  la  pré- 
position a,  le  verbe  français  a  pris 
la  préposition  e,  ex;  quant  à  l'autre 
élément  qui  entre  dans  la  composi- 
tion du  mot,  il  lui  est  commun  avec 
l'italien,  et  il  dérive  d'un  primitif 
germanique. 

—  Tud.  blich,  éclat,  vive  lueur, 
jet  de  lumière,  éclair;  blichan,hTi\- 
1er,  étinceler.  Allem.  blick,  lueur 
rapide,  éclat,  éclair;  blicUn,  luire, 
briller.  Holl.  blikhen,  item  ;  blikzem, 
éclair.  Dan.  blinken,  item;  suéd. 
blag,  item. 

ÉCALE,  ÉCAILLE,  autrefois  escale, 
escaille.  —  Tud.  scâla,  enveloppe, 
écaille,  coque,  écale;  goth.  skaljo, 
tégument ,   enveloppe  ;    anglo-sax. 


330 


PREMIÈRE  PARTIE. 


scala,  sceala,  scyll,  enveloppe,  écaille, 
gousse^  écale;  island.  sto/^  item; 
allem.  schale;  dan.  skal;  suéd.  skal; 
holl.  schille;  angl.  shell,  coquille^ 
écaille,  coque,  écale,  gousse  ;  seule, 
écaille. 

ÉcHALGAiTE.  (Voir  Eschafgaite.) 

ÉcHANSON,  autrefois  eschanson; 
en  basse  latinité^  schanco^  scanso, 
scantio.  —  Tud.  scencho,  échanson, 
dérivé  de  scenchan,  verser  à  boire. 
Ane.  island.  V  skiencare,  échanson; 
2°  skencka,  verser  à  boire.  Ane. 
allem.  ]"  sci7iko„  schencho;  2°  schen- 
chen.  Dan.  1°  skiœnk;  %<' shiœnke. 
Suéd.  1"  skœnkswen;  2"  skœnka. 
Holl.  1°  schenker;  T  sclienken. 
Allem.  4°  schenk;  g-*  schenken. 
Anglo-sax.  scencan,  verser  à  boire. 

ÉCHARDE,  petit  éclat  qui  se  dé- 
tache du  bois  quand  on  le  fend.  On 
disait  autrefois  escharde.  En  patois 
wallon,  ccarder  signifie  ébréchcr,  et 
en  patois  normand,  écharder,  déta- 
cher des  écailles,  écailler. 

—  Anglo-sax.  sceard,  fragment, 
éclat  détaché  d'un  corps  dur,  tes- 
son^ etc.,  de  scearan,  couper,  di- 
viser. Angl.  1°  shardj  éclat  de  tuile 
ou  de  pot,  tesson  ;  2°  to  share,  di- 
viser. Holl.  '1  "  scherf;  2"  scheuren. 
Dan.  '[°  skaar;  2°  skiere.  Suéd. 
K°skœrfwa;  2*  skiœra,  skœra.  Tud. 
scartian,  scertan,  découper.  Island. 
skerda,skierda,item.  Allem.  scharte, 
entaille,  brèche. 

ÉCHARPE,  ÉcHARPER.  On  disait 
autrefois  escharpe_,  escherpe.  En 
provençal,  escarpa  signifie  écharpe, 
et  escarpii'  lacérer,  mettre  en  lam- 
beaux. 

En  sonjant,  escharpe  et  bordon 
Prist  Rustebues,  issi  s'esmuet. 

{Ritttbe»f,  I.  il,  p.  35.) 


Lors  fait  faire  commandement. 
Parle  bannier  (héraut)  qui  en  l'osl  crie, 
Que  tout  homme  de  sa  patrie 
Face  tant,  comme  qu'il  la  tranche, 
Qu'il  soitseignez  à' escherpe  blanche. 
Pour  estre  au  ferir  conneuj, .... 
Meis  li  ribaut  les  ont  mises 
Faites  de  leurs  propres  chemises. 

{Branche  Jet  roi/aux  lignages,  t.  II,  |i.  435  et  436.) 

—  Tud.  scarbôn,  découper,  di- 
viser, déchirer,  écharper;  anglo- 
sax.  scearpan,  sceorfan,  item.  Allem. 
1°  scharben,  scharhen,  découper, 
écharper  ;  2"  schàrpe ,  schàrfe  , 
écharpe.  Dan.  1»  karve;  2°  skiœrfe, 
scherfe.  Holl.  1*  kerven;  %*  siarp. 
Angl.  \°  to  carve;  t'^  scarf.  Suéd. 
1°  karfwa;  2°  skœrp,  skiœrp  ^ 
écharpe;  skarf,  coupon  de  toile, 
lambeau. 

ÉcHASSE  signifia  d'abord  une 
jambe  de  bois;  il  se  prenait  égale- 
ment pour  une  béquille,  une  potence 
à  l'usage  des  estropiés.  En  basse 
latinité,  eschassa  avait  la  même 
signification.  Nous  appelons  aujour- 
d'hui échasses  deux  long  bâtons  à 
chacun  desquels  se  trouve  une  sorte 
d'étrier  où  l'on  met  le  pied,  et  qui 
sont  comme  deux  jambes  de  bois 
servant  à  marcher  dans  les  marais, 
dans  les  sables^  etc. 

Or  oiez  du  vilain.... 
S'avoit  1.  pié  chaucié 
Et  l'autre  avoit  trenchié, 
Si  aloit  a  eschace.... 
Et  s'il  hurte  Veschace  , 
Lui  ne  chaut  que  il  face; 
Mais  s'il  sou  pié  hurtast, 
Je  cuit  qu'il  se  bleçast. 
S'il  marche  sus  espine, 
Ja  mar  querra  mecine 
Par  pointure  qu'il  face 
De  l'espine  a  eschace. 
S'il  marche  sus  serpent, 
Oe  l'envenimement 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  II.     331 


Ne  li  estuet  douter. 
Que  ne  li  puet  grever. 
S'il  marche  sus  chardon, 
IS'en  donroit  i.  bouton  ; 
Et  se  il  la  deslace, 
Si  puet-il  de  Vescliace 
S'aillie  pesleler. 
Et  son  poivre  souder. 
Et  son  commin  broier... 
Et  s'ele  est  bien  ferrée, 
vn.  ans  a  de  durée 
[Plus]  qu'unssollers  n'auroit. 

{Le  du  de  l'Escliacitr,  publié  par  M.  Jubinal,  Jon- 
gleurs et  trouvéreSf  p.  159-163.) 

Mais  li  damoisiax  s'en  venjait 

Si  bien  c'uns  des  piez  li  tranchait  ; 

Or  aloit  cil  a  une  eschace. 

fOolopathos,  p.  249  J 

Aux  contrais  impotens  qui  droit  lor  corps 

ne  portent. 
Qu'aient  por  soustenirou  bastonou  eschace. 
Dites  vos  patenostres,  que  Diex  merci  lor 
face. 

(Nouveau  recueil  de  coûtes ,  1.  I,  p.  247.) 

Il  n'est  pas  possible  de  détermi- 
ner exactement  quelle  était  la  signi- 
fication de  l'ancien  primitif  tudesque 
qui  nous  a  fourni  le  mot  échasse. 
Je  dois  seulement  constater  qu'il  est 
resté  dans  trois  idiomes  germa- 
niques modernes,  dans  lesquels  il 
désigne  cette  sorte  de  chaussure  de 
bois  garnie  d'un  fer  par  dessous  qui 
sert  à  glisser  sur  la  glace,  ce  que 
appelons  un  patin.  —  Holl.  schaats, 
patin;  dan.  skœyte _,  item  ;  angl. 
skate,  scate,  item. 

ÉCHEviis;  en  basse  latinité,  sca- 
binus ,  scavinus,  juge  subalterne, 
échevin;  en  italien,  scahino,  plus 
usité  schiavino.  On  a  dit  ancienne- 
ment en  langue  d'oïl,  eskevin,  eskie- 
vin,  eschevin. 

Porons  lever,  prendre  et  paner,  selonc  la 
loyde  la  ville,  par  le  jugement  de  no*  es- 
kievins,  les  loys  et  amendes  de  nos  droi- 


tures. {Charte  de  1290  insérée  dans  lesCar- 
lulaires  de  Hainaut  publiés  par  M.  deReif- 
fenberg,  p.  420.) 

—  Tud.  scafino,  scefino,  juge; 
dérivé  de  scafôn,  régler,  disposer^ 
arranger,  ordonner.  Ane.  allem. 
schoppen,  scheppen,  scheffen,  juge  ; 
schopfen,  schaffen,  régler,  accom- 
moder, régler  une  affaire,  rendre  la 
justice.  Allem.  moderne,  schôppe^ 
schôffe,  scheffen,  échevin;  holl.  sche- 
pen,  item. 

Echiquier;  en  basse  latinité,  sca- 
carium_,  scaccarium,  qui  signifiaient 
primitivement  le  trésor  royal.  On 
trouve  eschekier  dans  le  Livre  des 
lioiSj  avec  la  même  signification. 

Asiasar  seneschal  de  la  maisun  lu  rei, 
Adoniram  fud  maistre  del  eschekier  e  de 
receivre  les  treuz.  (Livre  des  Rois,  p.  238.) 

Et  Ahiasar,  prœpositus  domtis;  et  Adoni- 
ram, filius  Abda,  super  iributa. 

Plus  tard,  le  mot  échiquier  dési- 
gna une  cour  de  justice  où  l'on  ju- 
geait les  affaires  qui  concernaient  le 
fisc. 

—  Tud.  scaz,  contribution,  im- 
pôt, taxe^  rétribution;  la  significa- 
tion première  de  ces  mots  est  celle 
d'argent  monnaye,  monnaie,  pièce 
d'argent;  goth.  skattj  item;  anglo- 
sax.  sceat,  item;  allem.  schoss,  taxe, 
impôt;  schatz,  trésor;  dan.  skat^ 
item;  suéd.  skatt;  holl.  schat;  is- 
land.  skattVj  tribut,  taxe,  impôt. 

Échoppe,  petite  boutique^  ordi- 
nairement en  appentis  et  adossée 
contre  une  muraille.  (Acad.)  En 
basse  latinité  ,  scopa ,  schoppa , 
échoppe,  boutique.  —  Tud.  schiipha, 
cahutte,  échoppe;  anglo-sax.  sciop, 
skiop,  sceoppe;  island.  skap;  dan. 
skab;    suéd.    skaop ,    skop  ;    holL 


332 


PREMIÈRE  PARTIE. 


schap.  schapraai;  allem.  schuppen, 
échoppe;  angl.  shop,  boutique. 

EcLANCHE.  —  Tud.  scinca,scinha, 
jambe;  scincal,  jambon^  cuisse, 
éclanche;  anglo-sax.  skenc,  scène, 
item,',  dan.  skanke ,  item;  suéd. 
skanka,  item;  hoU.  skink;  allem. 
schinken;  angl.  s^anft,  jambe. 

(Pour  l'introduction  du  l  dans 
éclanche,  voir  t.  II,  p.  443.) 

Éclat,  Éclisse.  (Voir  Esclier.) 

ÉcoPE,  EscopE,  EscouPE,  espèce 
de  pelle  creuse  qui  sert  à  vider  l'eau 
entrée  dans  les  bateaux.  —  Tud. 
scaph,  pelle  creuse,  puisoir;  sche- 
phan,  scuofan,  puiser.  Allem.  schau- 
fel ,  pelle;  schôpfkelle ,  puisoir, 
écope;  composé  de  schôpfen,  puiser, 
et  de  kelle,  cuiller.  HoU.  schepper, 
écope;  scheppen,  schoppen,  puiser. 
Suéd.  skopa,  écope  ;  skofwel,  pelle. 
Dan.  skovlj  item. 

ÉcoRE,  terme  de  marine  et  de 
rivière.  Côte  escarpée  à  pic  :  saxum, 
cos,  rupes  abrupta,  ora  erecta. 
(Trévoux.)  —  Tud.  scorro,  côte 
escarpée^  écore,  écueil;  anglo-sax. 
score,  rivage,  côtes;  angl.  shore, 
item;  holl.  schorre,  item. 

Écot;  ital.  scotto,  écot.  En  basse 
latinité,  scotum,  scottum  signifiaient 
d'abord  taxe,  contribution,  impôt, 
puis  cotisation,  écot.  Dans  notre 
ancienne  langue,  escot  avait  égale- 
ment les  deux  significations.  Du 
Cange,  art.  Scot,  nous  fournit  un 
exemple  de  la  première  signification 
tiré  d'une  charte  de  l'empereur  Phi- 
lippe en  faveur  des  habitants  de 
Liège.  Il  y  est  dit  que  les  Liégeois 
seront  exempts  «  de  serviche,  tailhe 
et  escot.  » 
Voici  un  autre  exemple  de  ce  mot 


pris  dans  la  même  acception  ;  l'au- 
teur dit  en  parlant  du  clergé  menacé 
dans  ses  intérêts  temporels  par  les 
nouvelles  taxe  s  que  Clément  V  venait 
de  lui  imposer  : 

Cil  qui  les  dignitez  avoient 
Orendroit  li  plus  s'en  esmoient. 
Leur  esiat  tenir  convendra, 
Mais  ne  sai  dont  ce  leur  vendra 
Dont  estât  puissent  maintenir. 
Leur  despens  ne  porrontfornir 
ISe  finer  aussi  leurs  escos; 
Si  metront  cotes  et  surcos 
En  gages  pour  Vescot  paier. 

fLa  Requetie  des  frères  mineuri  $u$  le  leplUnu  Cli- 
ment  le  Quint,  insérée  dant  tel  cearrei  d* 
Rucebeaf,  t.  1,  p.  448.) 

Dans  le  passage  suivant,  écot  a  la 
signification  que  nous  lui  donnons 
encore  aujourd'hui. 

LI  MOINES. 

Ostes,  me  ferés-vous  dont  forche  ? 

LI  OSTES. 

0!1,  se  VOUS  ne  me  paies. 

Ll   MOINES. 

Bien  voi  que  je  sui  cunkiés, 
Mais  c'est  li  darraine  fois. 
Par  mi  ehou  m'en  irai-je  anchois 
Qu'il  reviegue  uoHViaus  escas. 

{Théâtre franfaii au  mogen  %«,  p.  89.) 

—  Tud.  scaz,  impôt,  taxe^  contri- 
bution, salaire  ;  goth.  skatt  ;  anglo- 
sax.  scot,  sceat;  anc.  frison  skot  ; 
island.  skattr;  allem.  sc/toss  ;  dan. 
skat;  suéd.  skatt;  angl.  shcot  ;  holl. 
schot. 

ÉcoDTE^  terme  de  marine.  Cordage 
attaché  au  coin  inférieure  d'une  voile 
pour  servir  à  la  déployer  et  à  la  ten- 
dre, de  manière  qu'elle  reçoive  l'im- 
pulsion du  vent.  On  trouve  escotes, 
avec  le  même  sens,  au  xii«  siècle. 

Estuins  ferment  et  escotes 
Et  font  tandre  les  cordes  totes. 

{Rom.  de  Bru\  U  II,  p.  UL) 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  G;ERMANIQUE.  SECT.  II.     333 

(Voyez  un  autre  exemple  à  l'article      schrauven,  percer^  forer,   faire    un 


Drenc  ci-dessus.) 

—  Suéd.  skot,  écoute  ;  dan.  skiœd; 
allem.  schote;  hoU.  schoot;  angl. 
sheet. 

ÉCRAINE,  ÉCRÈNE,  EsCRENNE,  aUC. 

hutte  recouverte  de  paille  ou  de  ga- 
zon, dans  laquelle  les  femmes  allaient 
passer  la  veillée  pendant  l'hiver.  En 
hase  latinité,  screona,  screuna,  screo, 
maisonnette,  hutte,  chaumière.  (Voir 
Trévoux,  ainsi  que  du  Cange^  art. 
Screo.) 

—  Tud .  schranno,  screona,  hutte, 
cahane,  dérivés  de  scur,  scura,  chau- 
mière; anc.  allem,  schranne,  scrua, 
chaumière,  maisonnette,  schranne, 
boutique,  échoppe;  allem.  schrank, 
dépense,  armoire,  huffet  ;  suéd. 
skryn,  item. 

Écran.  — Tud.  skerm,  skirm  , 
se  dit  de  tout  ce  qui  garantit,  pro- 
tège, défend;  scirman,  garantir,  pro- 
téger, défendre  ;  anc.  allem.  skerm. 
paravent, écran;  allem.  schirm,item; 
angl.  scfreen ,  item;  hoU.  scherm, 
item  ;  àan.  skirm,  item;  suéd. 
skiœrm,  skerm,  item. 

Pour  les  transformations  qu'a  su- 
bies le  primitif  skerm  devenu  escran, 
écran,  voyez  tome  II,  e  permuté  en  a, 
p-  63,  r  transposé  p.  4  20,  m  changé 
en  n  p .  411. 

Écraser  Mot  hybride  composé  de 
la  préposition  latine  e,  ea?,  et  d'un 
élément  germanique  qui  parait  avoir 
été  importé  par  les  Normands  ,  car 
il  est  particulier  aux  langues  Scan- 
dinaves. 

—  Anc.  island  .   krassa,   broyer, 
briser,  écraser;  suéd.  krasa  ,  briser, 
casser,  rompre;  dan.  kryste. 
ÉcRou.  —  Anc.  allem.  shruben, 


trou  avec  un  foret,  une  vrille,  serrer 
une  vis  dans  son  écrou  ;  allem. 
hoU.  schrauben,  visser,  faire  entrer 
une  vis  dans  son  écrou  ;  holl. 
schroeven,  item;dian.  skruve,  skrue, 
item;  suéd.  skrufajtem;  angl.  to 
screw,  item;  maie  screw,  vis;  female 
screw ,  trou  dans  lequel  entre  la  vis, 
écrou. 

Écume,  ital.  schiuma,  esp.  etprov. 
esaima ,  viennent  plutôt  d'un  pri- 
mitif germanique  que  du  latin  spw- 
ma  ,  car  le  français  n'offre  pas  un 
seul  exemple  du  changement  dej)  en 
c  ;  ce  changement  a  cependant  lieu 
quelquefois  entre  certaines  langues, 
et  notamment  entre  l'islandais  et  le 
breton. 

—  Tud .  sciim,  écume  ;  island . 
skuum;  anc.  allem.  schaum  ;  dan. 
sftww;  allem .  sc/taum  ;  bas  allem, 
schuum;  holl.  schuim;  angl.  scww; 
suéd.  skumm. 

ÉcuRER,  en  provençal  escurar. — 
Dan.  skure,  nettoyer,  polir,  écurer; 
suéd.  skœra;  allem.  scheuem;  holl. 
schuuren;  angl .  to  scour.  On  trouve 
en  gothique,  dans  Ulphilas,  le  verbe 
skaurôn,  employé  dans  un  sens  ana- 
logue, mais  au  figuré. 
Edel,  anc.  noble. 

De  quoy  assez  li  fit  par  letre. 
Et  par  les  gens  de  son  ostel, 
Qui  lui  discil  mouit  d'un  edel... 

(Dom  Mariéue,  Thetaurus  novui anecdoiomm,  t.  III, 
ool,  1461.) 

—  Tud.  ad^al,  edil,  noble,  d'ori- 
gine illustre;  anglo-sax.  œdhel,  ed- 
hel;  island.  ada//;  allem.  adel,edel; 
holl.  edel;  suéd.  adel;  dan.  adel, 
œdel,  edel. 

On  disait  encore   en  langue  d'oïl 


334 


PREMIÈRE  PARTIE. 


éUn  pour  signifier  noble  (Voir  Ro- 
quefort) ;  en  langue  d'oc  adelenc  ; 
en  basse  latinité  adalmgm,  edelin- 
gus.  Ces  mots  proviennent  d'un  pri- 
mitif germanique  qui  était  un  déri- 
vé de  ceux  que  je  viens  de  men- 
tionner. Tud.  adalinc,ediHng  ,noh\c; 
anglo-sax.  œdheling,  item.  Les  ter- 
minaisons ing,  inc  sont  des  suffi- 
xes. 

Édredon.  —  Suéd.  ]°  ejderdun, 
édredon,  mot  composé  de  2°  ejder, 
sorte  de  canard  particulier  aux  pays 
du  nord  dont  les  plumes  sont  fort 
douces,  et  de  3°  dun,  duvet,  petites 
plumes.  Angl.  1  "  eider-down,  2°  ei- 
der,  edder,  3°  doivn.  AUem.  ^°e^- 
derdunen,  2"  eidervogel,  composé 
au  moyen  de  vogel,  oiseau  ;  3'  du- 
nen.  Dan.  \°ederdun,  2°  ederfugl, 
avec  fugl,  oiseau;  3°  dim. 

Effroi.  Ce  mot  est  composé  de 
la  préposition  latine  e,  ex,  et  d'un 
élément  germanique.  —  Tud.  freis, 
vreese ,  frayeur,  effroi  ;  anglo-sax. 
ferht,  fyrht,  feorht,  forht;  dan. 
frygt  ;  suéd .  fnichtan  ;  allem  . 
furcht;  hoU.  vreeze.  Angl.  fright, 
effroi,  frayeur  ;  to  fray,  effrayer, 
épouvanter. 

Égratigner.  (Voyez  Graf^er.) 
Égruger.  (Voyez  Gruger.) 
Élan^  autrefois  ellend,  espèce  de 
cerf.  Il  est  nommé  alce  par  César 
et  par  Pline,  et  âXxYi  par  Pausanias. 
Tous  ces  mots  proviennent  des  idio- 
mes de  la  Germanie,  pays  où  se 
trouve  cet  animal.  —  Tud.  elaho, 
élan  ;  hoU.  eland  ;  dan.  elling  ;  suéd. 
elg  ;  angl.  elk;  anc.  allem.  elch; 
allem.  moderne  elenn. 

Élingue,  terme  de  marine. «  C'est 
une  corde  avec  un   nœud  coulant  à 


chaque  bout,  qui  sert  à  entourer  les 
fardeaux  pour  les  mettre  dedans  et 
dehors  le  vaisseau.»  (Trévoux.)  On 
disait  autrefois  eslingue. 

—  Angl.  sling,  signifiant  égale- 
ment élingue  et  fronde  à  cause  de 
la  ressemblance  que  ces  deux  objets 
ont  entre  eux  ;  suéd.  sliunga,  item  ; 
hoU.I  °schUnge,  fronde;  2°  leng,  élin- 
gue. Allem.  1°  schleuder;  2°  schlin- 
ge.  Tud.  slinga,  fronde;  anglo-sax. 
slinga,  item;  island.  slunga,  slan- 
ga,  item  ;  anc.  allem  .  schlinge  , 
item;  dan.  slynge,  item. 

Émail.  On  disait  autrefois  esmail; 
en  italien,  smalto;  en  basse  latinité, 
smaltum. 

Nus  ne  puet  ne  ne  doit  mètre  en  oevre 
clozd'evoirenedVsmflf/ de  quelque  manière 
que  cesoit;el  se  il  le  fet,  l'oevre  doit  estre 
arse,  quar  l'oevre  n'est  ne  bone  ne  loial. 
{Livre  des  métiers,  p.  212.) 

—  Tud.  smah,  smehi,  substance 
fondue,  se  dit  des  métaux,  de  la 
graisse^  etc.  ;  smehan,  smaljan, 
fondre,  liquéfiier;  anglo-sax.  smel- 
tan,  item;  island.  smelta,  item; 
hoU.  \°smalt,  émail  ;  2°  smelten , 
fondre  .  Allem  .  ^°  schmelz  ;  2° 
schmelzen.  Angl.  \°  enamel,  com- 
posé au  moyen  de  deux  préfixes  ; 
2"  to  melt. Dan. ]°smœH-verk  (verk, 
signifie  ouvrage)  ;  2"  smelte.  Suéd . 
1  "  smœït-iverk  {werk,  ouvrage)  2° 
smœlta. 

Émérillon,  autrefois  esmérillon  ; 
en  basse  latinité  smen7^o  ;  en  ital. 
smeriglio,  smeriglione;  en  espagnol 
esmerejon. 

Tez  i  a  qui  aimment  faucons, 
Espriviers  et  esmerillons. 

(NottV.  rec.  de  contes,  t.  I,  p.  154.) 

—  Tud .  smerle,  smirl,  émérillon 


CHAP.  m,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  IL   335 


allem.  schmerl,  schmerlein  ;  dan  . 
smer le  ;  hoW.  smeerle  ;  a.ng\ .  mer- 
lin. 

Empan,  mesure  de  longueur  qui 
se  fait  par  l'extension  de  la  main, 
depuis  le  pouce  étendu  d'un  côté 
jusqu'à  l'extrémité  du  petit  doigt 
opposé.  (Trévoux.)  On  disait  autre- 
fois espan  ;  en  basse  latinité,  span- 
nus,  spanna  ;  en  italien,  spanna  ; 
en  provençal^  pan. 

Nuscordouaniers  de  Paris  ne  peut  ne  ne 
doit  fére  soulers  de  bazaiie  dedenz  la  ban- 
Jieue  de  Paris  de  plus  d'un  espan  de  pié, 
ne  de  plus  d'un  espan  de  haut.  {Livre  des 
métiers,  p.  227.) 

Ets'ot  la  barbe  blanche  et  bele 
1  espan  desouz  la  mamele. 

{Dolopathos,  p.  165.) 

—  Anglo-sax.  span,  spon,  sponne, 
empan,  dérive  de  spannan,  étendre, 
mesurer  avec  la  main  étendue,  me- 
surer par  empan;  tud.  spanna,  em- 
pan ;  spannan,  tendre,  étendre  ;  anc. 
allem.  k°  spana,  span,  empan;  2° 
spannen,  étendre,  mesurer  avec  la 
main  étendue.  Allem.  1"  spanne, 
spann  ;  2°  spannen.  HoU.  1°  span  ; 
2°  spannen.  Dan.  spand,  empan; 
spœnde ,  tendre ,  étendre  .  Suéd  . 
spann,  empan  ;  spœnna,  tendre, 
étendre.  Angl .  span,  empan;  to 
span,  mesurer  par  empan. 

Eis'HEUDÉ,  anc.  «  qui  est  attaché 
par  des  heudes,  pedicis  implicatus. 
Ce  mot  est  un  vieux  terme  de  cou- 
tumes. Bêtes  enheudées  sont  des 
bêtes  retenues  par  des  heudes  qui 
sont  des  liens  qu'elles  ont  aux  pieds 
de  devant.  »  (Trévoux.)  Enheudé 
est  composé  du  préfixe  en  et  d'un 
primitif  germanique. 

La  beste  chevaline  doit  deux  deniers,  en 


quelque  lieu  qu'elle  soit  prise;  et  si  elle 
est  enheudêe,  et  prise  en  taillis,  elle  doit 
quatre  deniers.  {Coustumier  général,  t.  H 
p.  779.) 

—  AvLC.  allem.  umhudeln,  attaché 
avec  un  lien,  une  bande,  un  lam- 
beau d'étoffe,  composé  de  la  prépo- 
sition um  et  de  hude,  hudel,  lam- 
beau d'étoffe,  chiffon  ;  dan.  hud, 
item  ;  allem.  hudel,  item,  qui  n'est 
plus  usité  que  dans  certaines  pro- 
vinces. 

Epeautre.  autrefois  espaulte,  es- 
paultre  :  en  basse  latinité,  spelta  ; 
en  italien^  spelda,  spelta  ;  en  espa- 
gnol, espelta  ;  en  provençal,  espéou- 
ta. — Inà.  spelta,  spelza,  épautre; 
anglo-sax.  spelt  ;  allem.  spelt,  spelz, 
hoU.  spelte  ;  angl.  et  dan.  spelt. 

Dans  épautre  le  r  s'est  introduit 
à  la  suite  du  t  comme  dans  pupitre, 
martre,  formés  depulpitum^,  martes. 
(Voir  t.  II,  p.  142.) 

Épeiche.((  Nom  d'un  oiseau  qu'on 
appelle  aussi  cul  rouge^  ou  pic  rouge, 
picus  ruber  major;  c'est  une  espèce 
de  pivert  ou  pic  vert.»  (Trévoux.) 
On  disait  autrefois  espec,  espeiche, 
dans  la  même  signification.  (Voir 
ces  mots  dans  le  glossaire  de  Ro- 
quefort.) 

—  Tud.  speh,  speht,  specht,  pic, 
épeiche;  allem,  specht;  holl.  spegt; 
dan.  sept  ;  angl.  speight. 

Éperlan.  —  Allem.  spierling, 
éperlan  ;  holl.  spiering,  item  ;  angl. 
sprat,  item.  L'allemand  spierling 
auquel  éperlan  a  le  plus  de  rapport, 
est  probablement  un  diminuitf  si- 
gnifiant petit  trait,  flèche  ;  ce  nom 
aura  été  donné  à  ce  poisson  parce 
qu'il  est  à  la  fois  très  long  et  très 
mince.  Tud.   sperilin,    petit  trait, 


336 


PREMIÈRE  PARTIE. 


flèche,  diminutif  de  sper,  trait,  ja- 
velot, pique.  Anglo-sax.  spere  ;  dan. 
spar  ;  suéd.  sparr;  angl.  spear. 

Éperon,  autrefois  esperon  :  en 
basse  latinité,  spouro  ;  en  italien, 
sperone.  Les  plus  anciens  éperons 
n'avaient  pas  de  molette,  mais  seu- 
lement un  aiguillon,  une  espèce  de 
petite  broche;  de  là  l'expression  bro- 
cher un  cheval,  pour  signifier  lui 
donner  de  l'éperon ,  l'éperonner . 
(Voir  Roquefort,  art.  Broce.) 

Or  broche  hom  grant  cheval  des  espérons  *a 
broche. 

{Nom.  rec.  décantes,  I.  1,  p.  197.) 

—  Tud.  sporo,  éperon;  de  spor- 
nen,  frapper^  aiguillonner,  piquer. 
Anglo-sax.  spora,  spura,  éperon; 
island.  spon  ,  spore,  item;  hoW. 
spoor  ;  suéd .  spaore,  sporre  ;  dan. 
spore  ;  allem.  sporn ,  angl.  spur. 

Épervier,  autrefois  espervier  :  en 
basse  latinité,  sparvarius;  en  italien, 
sparviere;  en  provençal,  esparouviou. 
L'épervier  fait  la  chasse  aux  petits 
oiseaux  ;  de  là  le  nom  qui  sert  à  le 
désigner  dans  plusieurs  langues.  Les 
Latins  l'appelaient  accipiter  frin- 
gillarius  ;  de  fringilla,  frigilla,  pin- 
son. Les  idiomes  germaniques  ont 
formé  son  nom  du  mot  qui  signifie 
moineau  dans  ces  idiomes.  C'est 
ainsi  qu'en  français  linotte  dérive  de 
lin  et  chardonneret,  de  chardon. 

— Tud.  sperwâri,  épervier;  sparo, 
moineau.  Go  th.  sparva,  item;  an- 
glo-sax. speare,  sparva,  item;  is- 
land. spaur^item;  dan.  spure,  item. 
AUem.  sperher,  épervier;  sperling, 
moineau.  Suéd.  sparfhœk,  épervier^ 
expression  composée  de  hmk,  faucon, 
et  de  sparf,  moineau .  Angl.sparrow- 


hawk,  de  hawk,  faucon,  et  sparrow, 
moineau.  Holl.  spenoer^  épervier. 

Épier,  Espion  :  en  italien,  spiare, 
épier;  en  espagnol^  espiar.  Nous 
disions  autrefois  espie  pour  espion; 
la  forme  actuelle  n'est  pas  fort  an- 
cienne dans  le  français;  la  langue 
d'oc  avait  espia  dans  la  même  signi- 
fication. 
Jo  quid  que  lireis  outen  sa  cambre  s'espie. 

(Voyage  de  Charlem.  à  Jérus.  v.  65t.) 

Et  les  noz  chevaliers  en  un  brueil  sunt 

entré; 
L'a  si  uni  lur  espie,  ki  tut  lur  a  conté. 

(  Chron.  de  Jordan  Fanlosmc,  p.  600.) 

—  Tud.  spehôn,  spiohon,  épier; 
spëha,  espion.  Anglo-sax.  spirian, 
épier;  allem.  spàhen,  spehen;  dan. 
spejde;  suéd.  speja,  speija;  angl. 
to  spy;  hoU.  hespieden,  composé 
au  moyen  du  préfixe  6e. 

Épieu,  sorte  d'arme  à  fer  plat  et 
pointu,  dont  on  se  sert  ordinaire- 
meni  àla  chasse  du  sanglier.  (Acad.) 
On  disait  autrefois  espiet,  espiez,  qui 
désignaient  une  espèce  de  pique  dont 
on  faisait  usage  dans  les  combats. 

L'escut  li  freinst,  l'osberc  li  descumfist, 
Sun  grant  espiet  par  mi  le  corps  11  mist. 

{C/tans.  de  Roi.,  st.  xciii.) 

E  lançad  as  Escuz  (Écossais)  treis  espiez 

esmuluz  ; 
  chascun  des  espiez  ad  un  mort  abatuz. 

fChron.  de  lord.  Fanl.  ctiii.) 

En  italien,  spiedo,  spiede,  spie- 
done,  épieu  et  broche;  en  espagnol, 
espetOj  espedo,  espeton  ;  en  langue 
d'oc  espieut  ;  en  basse  latinité,  spi- 
tum,  broche;  spietum,  pique,  épieu, 

—  Tud.  spioz,speoz,  épieu,  lance, 
pique,  iDroche;  anglo-sax.  spietu, 
spitu;  anc.  island.  spiot;  anc.  allem. 
spiez;  allem.  moderne  spiess;  dan. 
spid;  suéd.sjpe<iÇ;holl.  sptes, pique. 


III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.     337 


CHAP 

épieu;  speet,   broche;    angl.   spit, 
item.  ^ 

Épisser,  terme  de  marine,  séparer 
les  torons  de  deux  bouts  de  corde  et 
et  les  entrelacer  de  manière  à  réunir 
les  deux  cordes.  —  HoU.  splitsen, 
partager,  diviser,  séparer^  épisser 
une  corde;  allem.  1°  spleissen_,îen- 
dre^  séparer,  diviser;  2°  splitzen, 
épisser  une  corde.  Angl.  1°  tosplit; 
'S,°tosplice.T\ià.  splizan,  fendre,  di- 
viser, séparer;  island.  splita^item; 
dan.  splitte,  item;  suéd.  split,  di- 
vision. 

Épolet^  Époulin,  anciennement 
espolet,  espoullier.  On  appelle  ainsi 
une  sorte  de  bobine  à  l'usage  des 
tisserands  ;  elle  consiste  en  un  mor- 
ceau de  roseau,  sur  lequel  on  dévide 
une  quantité  convenable  de  trame. 
Vépoulin  tourne  autour  d'une  bro- 
chette de  fer  appelée  fuseroUe,  et  le 
tout  ensemble  se  place  dans  le  mi- 
lieu de  la  navette.  (Voir  Trévoux, 
Époulin  et  FuseroUe.)  En  italien, 
spola,  spuola,  navette;  en  espagnol, 
espolin . 

—  Tud.  spuolo,  bobine,  époulin  ; 
island.  spoZa;  anc.  allem.  spoele  ; 
allem,  spule;  hoU.  spoel;  dan. 
spole;  suéd.  spol;  angl.  spool. 

Épois,  terme  de  vénerie,  cors 
pointus  qui  se  trouvent  au  sommet 
des  perches  du  cerf;  on  disait  autre- 
fois espoîs.  —  Tud.  spiz,  pointe, 
corne;  anglo-sax.  spietu;  allem. 
spitze;  hoU.  spits;  dan.  spids; 
suéd.  spets. 

EscALiN,  ancienne  pièce  de  mon- 
naie dont  la  valeur  a  varié.  Voyez 
le  dictionnaire  de  Trévoux  et  le 
supplément  du  glossaire  de  Roque- 
fort. 


—  Tud.  scilling,  monnaie  qui 
fut  primitivement  en  or  ;  goth.  skil- 
liggs  ;  anglo-sax.  scilling  ;  anc.  is- 
land. skillingr;  allem.  schilling; 
hoU.  schelling  ;  angl.  shilling  ;  dan. 
et  suéà.  shilling . 

Escalope,  anc.  coquille  de  lima- 
çon, d'escargot. 

La  limace  gete  son  cors 

De  Vescalope  toute  fors 

Par  le  biaus  tems;  mes  par  la  pluie, 

Rentre  enz,  quant  ele  li  anuie. 

(Rutebeuf,  t.  II,  p.  315.) 

—  HoU.  schelp,  schulp,  coquille, 
écaille  ;  allem.  schale,  schuppe  ;  tud. 
scaljScala;  dan.  et  suéd.  skal. 

Escarcelle.  C'était  autrefois  une 
grande  bourse  de  cuir  garnie  d'un 
fermoir  de  fer.  Ce  mot  ne  se  dit  plus 
aujourd'hui  qu'en  plaisantant.  Les 
italiens  ont  scarsella,  scarsellone, 
de  même  signification,  qui  dérive  de 
scarso.  parcimonieux,  comme  escar- 
celle dérive  de  notre  ancien  mot 
escars,  eschars.  (Voir  Eschars.) 

Voyez  cy  argent  content,  combien  ?  Ce 
disoyt  monstrant  son  esquarcelle  plaine  de 
nouveauli  henricus.  (Rabelais,  Pantagruel, 
liv.  IV,  chap.  VI,  p.  219.) 

La  fille  du  logis,  qu'on  vous  voie  ;  appro- 
chez : 
Quand  la  martrons-nous  ?  quand  aurons- 
nous  des  gendres? 
Bon  homme ,  c'est  ce  coup  qu'il  faut,  vous 
m'entendez, 
Qu'il  faut  fouiller  "a  l'escarcelle. 

(La  Fontaine,  lirre  IV,  fable   it.) 

Escarmouche  :  en  basse  latinité^ 
scaramutia,  scarmutia  ;  en  italien^ 
scaramucda,  schermugio  ;  en  espa- 
gnol, escaramuza.  Ce  mot  n'est  pas 
nouveau  dans  notre  langue;  il  se 
trouve  employé  par  plusieurs  de  nos 
anciens  auteurs. 


tt 


338 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Si  y  eut  plusieurs  escarmouches  et  en- 
\ayes  devant  les  barrières;  car  il  y  avoit 
aucuns  Anglois  el  Gascons,  qui  l'a  s'estoienl 
retraits  ds  la  déconfiture  de  Ymet,  qui  te- 
BOient  la  ville  assez  vaillamment,  (Frois- 
sarl,  liv.  II,  ch.  vm,  t.  II,  p.  6,  col.  2.) 

Escarmouche  est  de  la  même  fa- 
mille que  escremir  signifiant  ancien- 
nement se  défendre  en  combattant, 
combattre  ;  en  italien  schermire, 
schermare.  Voyez  ci-après  l'art. 
Escrime. 

—  AUem.  4°  scharmùtzel,  escar- 
mouche; de  2°  schirmen,  se  défen- 
dre en  combattant,  combattre.  HoU. 
1  "  scharmutzeling  ;  2°  schermen.  Tud. 
skirman,  scirman,  se  défendre  en 
combattant;  anc.  suéd.  skirma , 
item;  suéd.  moderne  skœrmysla^ 
skermisla ,  escaramoucher.  Dan. 
skiermydsel ,  escarmouche;  angl. 
skirmish,  item. 

Escarpe^  terme  de  fortification, 
partie  du  fossé  formant  une  pente 
roide,  qui  se  trouve  au  pied  du  rem- 
part du  côté  de  la  place.  Ce  mot  nous 
a  donné  escarper,  escarpé_,  escarpe- 
ment. En  italien,  scarpa,  escarpe. 
—  Anglo-sax.  scearp,  scarp,  aigu, 
roide^  abrupte,  escarpé;  anc.  island. 
skarp;  tud.  scarf;  angl.  skarp; 
hoU.  scharp;  allem.  scharf;  dan. 
et  suéd.  skarp. 

EscHAC,  EscHEC,  EscHECE,  anc. 
butin. 

Mais  venqueor  e  haut  e  lié 
Sunt  a  Telercs  repaire 
Od  tel  eschac,  od  teus  gaaini 
Dunt  liseignor  e  li  corapainz 
Furent  puis  lichesa  lor  vies. 

{Chwn.  des  ducs  de  Normandie,  t.  II.  p.  457.) 

Assez  i  a  perdu,  petit  eschac  anmaine. 

{CImhs.  des  Satons,  t.  II,  p.  6},} 

Ces  deYduraée  vindrent  lur  flée  en  Juda, 


si  'n  ocistrenl  multz  de  Juda,  et  pristrent 

grant  prèle,  et  flrent  maint  bon  eschec. 

{Livre  des  Rois,  p.  3^.) 

Mult  grant  eschech  eu  unt  si  clievaler 

D'or  e  d'argent  e  de  garnemenz  chers. 

(CAans.  de  Roi.  it.  vin.) 

—  Tud.  scâft, proie,  butin;  island. 
skaak,  item;  anc.  allem.  schach, 
item;  angl.  to  sack,  faire  du  butin, 
piller;  allem.  schàcher,  pillard,  bri- 
gand, voleur. 

Nous  avons  conservé  sac  et  sacca- 
ger, qui  paraissent  appartenir  à  la 
même  famille.  Esp.  saquear,  sacca- 
ger; ital.  saccheggiare. 

ESCHARGAITE,  EsCHALGAITE ,  Es- 
CHALWAITE,  ESCHIELGUAITE,    ÉCHAL- 

GAiTE,  Échaugaite:  enbasse  latinité, 
scaraguayta,  eschargaita,  eschal- 
gaita,  eschaugueta,  etc.  Tous  ces 
mots  avaient  une  même  significa- 
tion, et  désignaient  primitivement 
une  compagnie  de  gens  de  guerre 
chargés  de  faire  le  guet;  ce  qui  s'ap- 
pelait eschargaiter,  eschargaitier. 
Dans  la  suite,  échaugaite  ou  échaw- 
guette  signifia  une  petite  tour  d'ob- 
servation où  se  tenaient  les  gens  de 
guerre  qui  faisaient  le  guet.  C'est 
ainsi  que  l'expression  corps  de  garde 
a  passé  du  corps  de  troupe  qui 
monte  la  garde  au  lieu  oià  se  tien- 
nent ceux  qui  sont  de  garde . 

Quar  les  eschargdlles  les  voient, 
Qui  l'ost  eschargaitier  dévoient. 

{Roman  d^Aubry,  cité  par  du  Cange,  iirt.  Scara- 
guayta.) 

Li  reis  esteit  dedenz  sun  paveillun, 
Li  eschielguaite  delez  e  envirun. 

(C/in>n.  des  ducs  de  Norm.,  t.  III,  p.  S59,] 

Icele  noit  n'unt  unkes  escalgaite. 

{Chans.   de  Roland,  st.  clxxtiii.^ 

Celle  nnit  en  son  ost  cbascan  eschargaita. 

{Chron.  de  du  Gueselin,  t.  I,  p.  400.) 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  II.    339 


—  Tud.  1°  scara,  corps  de  troupe, 
bataillon^  compagnie  de  gens  de 
guerre;  %°wahta,  guet,  faction, 
Goth.  \°  scaar;  t°  waths,  vahtus. 
Island.  4°  skor ,  skari;  2°  vakt. 
Allem.  ]°  schaar  ;  '2,°  wacht.  Dan. 
1°skare;  ^°  vagt.  suéd.  \°  skara; 
^°wakt.  HoU.  schaare,  assemblée, 
troupe^  foule;  wagt,  guet. 

ESCHAKMR,  ESCARNIR,  EsCHERNIR, 

EsKERNiR,  anc.  se  moquer,  railler, 
honnir,  outrager,  faire  affront,  cou- 
vrir de  honte.  En  langue  d'oc  esquer- 
nir,  escarnir;  en  itcdien  schernire;  en 
espagnol  et  en  portugais  escarnir. 

Fist  un  de  ces  de  Israël  a  David  :  As  tu 
vea  cest  merveillus  champiun  ki  ci  vient 
pur  nus  attarier  e  escharnir.  {Livre  des 
Rois,  p.  64.) 

Et  dixit  unus  quispiam  de  Israël  :  Num 
vidistis  virum  hune  qui  ascendit  ?  Ad  ex- 
probraudum  enim  Israël  ascendit. 

Ha,  Diexl  com  m'avez  escharni, 

Dist  li  chevaliers,  biaus  dous  sire  ! 

Or  ne  cuidai  qu'en  nul  empire 

Eust  tel  famé  com  la  moie. 

De  grant  noient  m'esjoïssoie; 

Or  voi-je  bien ,  et  croi  et  cuit 

N'est  pas  tout  or  quanqu'il  reluit. 

(Rutetxiuf,  t.I,  p.  317.) 

(Voirie  même  auteur,  t.  II,  p. 72; 
le  Roman  de  Brut,  1. 1 ,  p.  85;  1. 11^ 
p.  235  et  232;  les  Chroniques  des 
ducs  de  Normandie^  t.  I,  p.  281  et 
235;  t.  II,  p.  3  ;  le  Voyage  de  Char- 
lemagne  à  Jérusalem,  v.  626,  643.) 

—  Tud.  scernôn,  honnir,  insulter, 
se  moquer,  railler;  schernan,  cou- 
vrir d'ordure,  et  au  figuré  couvrir 
d'infamie,  d'opprobe,  de  honte,  faire 
un  afiront,  outrager,  insulter,  hon- 
nir; dérivé  de  schern,  ordure,  sa- 
leté, vilenie.  Anglo-sax,  skearn, 
sciern,  ordure,  saleté  ;island,  scern, 


item;àa.n.  skam,  item;  suéà.  skarn, 
item;  ang.  to  scorn,  honnnir,  mé- 
priser. 

ESCHARS,    ÉCHARS,    EsCARS,     aUC. 

chiche,  avare,  parcimonieux  :  en  ita 
lien,  scarso;  en  langue   d'oc   es- 
cars. 

Nul  n'esteil  si  achaisonos, 

Si  morteus  ne  si  envies, 

Ne  si  avers,  ne  si  eschars  ; 

Plus  de  vaillant  de  mil  mars 

Out  trait  à  sei  de  Normendie, 

{Chrou.  des  ducs  de  Nom.  t.  II,  p.  73). 

Verspovregent  n'estiez  n'escftarse  ne  avare. 

(Roman  de  Berle  aux  grans  pies,  p.  133.) 

—  HoU,  schaars^  avai*^  chiche, 
parcimonieux;  allem.  karg;  dan. 
karrig  ;  suéd.  karrig ,  karg  ;  angl. 
scarce,  rare,  peu  abondant,  res- 
treint . 

EscHELLE,  EscHiLLE,  auc.  Son- 
nette, clochette;  d'où  les  diminutifs 
eschelette ,  eschillette ,  échelette , 
échillette.  (Voir  Roquefort.)  En 
basse  latinité,  skella,  skilla,  squilla, 
esquilla;  en  italien ^  squilla;  en 
espagnol,  esquila;  en  langue  d'oc, 
esquella. 

Le  blanc  destrier  li  a  l'en  amené 
Que  Balan  ot  par  Nayme  présenté  ; 
François  li  ont  richement  atorné  ; 
Frein  ot  ad  or  richement  tresgetté. 
Et  li  poitrax  fu  ad  or  estelé 
Et  environ  A'escheleltes  ouvré. 
Quant  li  chevax  a  un  petit  aie 
L'or  retentist  et  a  un  son  geté. 

(Roman  d'AgolanI,  ^d.Bekker.p.  163) 

—  Tud.  scella,  skella,  sonnette^ 
clochette;  de  scal ,  son;  scellan, 
sonner.  Island.  skella,  item;  allem. 
schallen,  item;  schelle,  sonnette, 
clochette;  hoU.  schel,  item;  suéd. 
skœlla,  skiœlla,  item. 

EscHEvi,  anc,  bien  conformé^  bien 
proportionné,  bien  fait. 


340 


PRExMIÈRE  PARTIE. 


Aisli  devant  un  chevalers  [gentilz] 
Frère  Gefrei  a  un  duc  angevin, 
Heingre  ol  le  cors,  e  gresle  et  eschewid. 

[Chuns.  de  Roland,  It.  CCLxiix.) 

Aubris  fu  biaus,  eschevis  et  moles. 

Gros  par  espaules,  gralsles  par  le  baudré. 

{Garin  le  Loherain,  \,  \,  p.  85.) 

Eschevi  provient  d'un  verbe  ger- 
manique signifiant  former,  confor- 
mer, façonner;  c'est  ainsi  que  l'on 
dit  en  grec  êaxeuainisvos  de  ffxuâÇw 
pour  eu  Êcrxeua(7[AÉvo;  ;  en  latin  com- 
positus  pour  bene  compositus;  en 
français,  confectionné,  motdé,  pour 
bien  confectionné,  bien  moulé.  — 
Tud.  scaijan,  former,  façonner, 
conformer ,  confectionner  ;  goth . 
skapan,  item;  anc.  island.  skapa, 
item;  angl.  to  shape,  item;  suéd, 
skapa,  former,  créer;  dan.  skabe, 
item;  allem.  schaffen,  item;  hoU. 
scheppen,  item. 

ESCHIÈLE  ,     ESCHÈLE  ,       ESKIÉLE  , 

ESQUiÉRE,  EscHiÈRE,  ctc.  anc.  en 
basse  latinité,  scara,  schera,  sca- 
la,  etc.  (Voir  du  Gange.)  Tous  ces 
mots  signifiaient  un  corps  de  trou- 
pes, une  compagnie  de  gens  de 
guerre,  un  bataillon.  En  italien, 
schiera;  en  langue  d'oc,  esqueira. 
On  trouve  dans  Hinkmar,  qui  vi- 
vait sous  Charles  le  Chauve  :  «  Bel- 
latorum  acies  quas  vulgari  sermone 
scaras  vocamus.  »  (Hinkmar,  Opéra, 
t.  Il,  p.  458.) 

Puis  ont  fait  conroi  de  lor  genl 
Par  mil,  par  soixante,  par  cent; 
Des  plus  vaillants  des  mius  aidables 
Ont  fait  raaistres  et  connestables 
A  chascune  eschiele  par  soi 
Qui  's  face  tenir  en  conroi. 

(Rom.  de  Biul,  t.  1,  p.  150.) 

Li  empeteres  repairtt  vcirement, 
X.  granz  eseheles  a  faites  de  sa  gent. 

(Chani.  dt  Roland,  «I.  ccxxx.) 


E  ordenerent  lur  eschieles,  pur  bataille 
faire  encontre  cols  de  Philistiim.  {Livre  des 
Rois,  p.  61.) 

'  Et  direxerunt  aciem  ad  pugnandum  contra 
Vhilistiim. 

—  Tud.  scara,  corps  de  troupes, 
bataillon;  goth.  scaar;  island.  skor, 
skari;  anc.  allem.  scar^sA;ar;  allem. 
schar,  schaar;  dan.  skare;  suéd. 
skara;  hoU.  schaare,  assemblée, 
troupe,  foule. 

Scaar  ou  scar  forma  le  dérivé 
scadro  en  basse  latinité,  corps  de 
troupes;  d'oii  l'italien  squadra , 
squadrone,  qui  nous  ont  donné 
escadre,  escadron. 

EscHiER,  anc.  séparer,  éloigner, 
bannir.  (Voir  Roquefort.) 

—  Tud.  sceidan,  séparer,  écarter, 
éloigner,  diviser;  goth.  skaidan, 
item  ;  anglo-sax.  sceadan  ;  anc. 
allem.  sceiden;  island.  skipta;  hoU. 
scheiden;  dan.  skifte;  suéd.  skifta; 
allem.  scheiden. 

EscHiPRE,  anc,  matelot,  marinier, 
marin. 

D'altre  part  est  un  paien,  Valdabrun  ; 
Celoi  levai  le  rei  Marsiliun, 
Sire  est  par  mer  de  iiii.  c.  drodmnnz; 
N'i  ad  eschipre  qui  l'cleimt  se  par  loi  nun. 

fChans.  de  Roland,  su  cxtu.) 

E  li  reis  Yram  enveiad  ses  humes  ki  es- 
chipres  furent  bon,  e  moult  sonrenl  de  mer, 
en  cel  navirie  od  les  servanz  lu  rei  Salo- 
mun.  {Livre  des  Rois,  p.  271 .) 

Misilque  Hiram  in  classe  illa  servos  suas, 
viros  nauticos  et  gnaros  maris,  cum  servis 
Salomonis. 

—  Anglo-sax.  skipper,  marinier, 
marin,  matelot;  dérivé  de  skip, 
scip,  navire.  Tud.  1  °  sceffeher,  ma- 
rinier, matelot;  2°  scef,  skef,  na- 
vire. Island.  1°  skip;  2°  skipari. 
Allem.  \°  Schiffer;  2"  schiff.  Angl. 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  G 

i"  shifîer;  i"  shi-p.  Holl.  schipper, 
nocher,  nautonier,  batelier;  schip, 
navire.  Dan.  skipper,  nocher,  etc.; 
skib,  navire.  Suéd,  skeppare,  no- 
cher, etc.;  skeppj  navire. 

EscHivE,  anc.  tourelle  où  se  te- 
naient les  gens  de  guerre  qui  fai- 
saient le  guet,  et  d'où  l'on  pouvait 
observer  au  loin  ;  beffroi,  donjon, 
échauguelte.  En  basse  latinité, 
eschiffa . 

Mole  i  firent  haute  e  daojon, 
£  granz  eschives  d'environ, 
Si  bien  fermé,  si  ricliement 
Qu'il  n'a  regard  de  nule  gent. 

{Chron.  des  ducs  de  Norm.  1.  IH,  p.  103.) 

Quant  mis  l'orent  fors  de  Veschive, 
Si  s'en  repairent  as  osteus. 

(Uid.,  t.  Il,  p.  I4i.) 

—  Tud .  scauwôïij  scawôn,  scouwôn, 
regarder^  considérer,  observer,  exa- 
miner; anglo-sax.  scavian_,  sceavîan; 
island.  skoda;  holl.  schouwen;  suéd. 
skoda;  dan.  skue;  angl.  shew , 
spectacle,  apparence  ;  allem.  schau- 
thurm,  tour  d'observation,  donjon, 
beffroi,  échauguette;  composé  de 
thurm,  tour,  et  de  schauen,  regar- 
der, observer,  considérer. 

EscLATE^  EscLAiTE,  anc.  race, 
lignée,  famille,  parenté. 

Dunliescomencerent  alsimeni  a  lui  (S.  Be- 
noit) curre  li  noble  et  li  religions  del  bore 
de  Rome,  et  doneir  lur  filz  a  lui  por  norrir 
al  toi  poissant  Sanior;donk6s  alsiment  de 
bone  sperance  lur  esclates,  Eutitius  donat 
Maurum,  Tertullus  li  patrices  donat  Placi- 
dum.  (Dialogues  de  saint  Grégoire,  liv.  II, 
chap.  m,  cités  par  Roquefort,  art.  Es- 
elates. 

Cœpere  etiam  tune  ad  eum  Romance  urbîs 
nobiles  et  religiosi  concurrere,  suosque  ei 
filifis  omnipotenti  Dca  nutriendot  dare.  Tune 
quoque  bonœ  spei  suas  soboles ,  Equitius 


ERiMANIQUE.  SEGT.  II.    341 

Maurum,  Tertullus  vero  palricius  Placidum 
tradidit. 

Et  mi  home  séur  seront 
Que  seignor  après  moi  auront 
De  m'esclaite  et  de  mon  lignaige. 

{Dolopaikos,  p.  115.  ] 

—  Tud.  shlahta,  slahta_,  race,  li- 
gnée, famille;  anc.  allem.  schlacht, 
item;  allem.  geschlechtjtem,  avec 
le  préfixe  ge  ;  holl.  geslagt,  item; 
slag,  genre,  sorte;  island.  slekt, 
item;  suéd.  slag^  item;  dan.  slags, 
item. 

ESCLENCBE,       ESCLENQUE,      anC. 

gauche . 

A  main,  ne  sai,  droite  ou  esdenche. 
Au  plus  vlstement  qu'il  puet  trenche 
Les  cordes  à  quoy  l'on  le  haie. 

(Bmnchei  des  royaux  lignages,  t.  il, 'p.  189;)  ~ 

Ne  pernez  mais  od  main  esctenche 
De  lui  seremeni  ne  fiance. 

(CAroM.  des  ducs  de  Norm,  t.  U,  p.  S.) 

^'on  ne  puet  entrer  ses  osteus 
Sans  buscier,  usacier  le  cleuque 
Jà  de  main  droite  ne  à'esclenque. 

{ Ch'etl  du  honleus  menesierel,  insërë  dan>  le>  oeutr* 
dsRoiebeuf,  t.  Il,  p.  341.) 

—Tud.  slinc,  gauche;  holl.  slinke, 
item  ;  allem.  link,  item  ;  dan.  ling. 

EscLiER,  anc.  fendre,  briser^ 
mettre  en  pièce,  faire-  voler  en 
éclats.  EscLiCE,  Esclisse,  Esclis> 
ÉcLissE,  morceau  de  bois  fendu  frag- 
ment d'un  corps  dur  brisé,  éclaty 
tronçon. 

Hardrez^  uns  chvaliers  hardiz, 
De  Baives  nez  e  norriz, 
Preisiez  d'armes  e  coneuz, 
Sor  le  destrier,  les  sauz  menuz, 
Vait  le  duc  ferir  a  bandon 
Parmi  l'escu  d'or  a  liun 
Que  la  lance  froissée  esclieé 

{Chrm.  des  ducs  de  Nom.,  t.  III,  p.  64.) 

As-tu  espérance  en  eez  de  Egypte  ki  sum- 


342 


PREMIÈRE  PARTIE. 


cume  bastuns  de  rosel  pescéed  sur  qui  si 
l'um  se  apuied,  tost  falsed  e  depiesced,  e 
entrent  les  escUces  en  la  charn,  e  percent 
la  main.  {Livre  des  Rois,  p.  408.) 

An  speras  in  baculo  arondineo  atque  con- 
fracto  ^gypto ,  super  quem,  si  incubuerit 
homo,  comminutus  ingredielur  manum  ejus, 
et  perforant  eam. 

Od  lui  ert  li  rois  de  Galice 
Qui  fait  de  mainte  lance  esclice. 

(Païunopeus  de  B/ois,  t.  Il,  p.  77.) 

Ranol  le  vescoute  e  sa  gent, 
Qui  vers  lui  estrive  e  content , 
Alerent  eissi  envaïr 
E  si  tres-durement  fcrir 
Que  des  glaives  as  fers  bruuiz 
Volèrent  pièces  et  escliz. 

{Chron.  des  duct  de  Normandie,  I.  lU ,  p.  63.) 

Du  verbe  esclier  vient  esdat,  éclat, 
partie  qui  se  détache  d'un  corps  dur 
en  le  fendant  ou  en  le  brisant;  es- 
quille, petit  fragment  d'os;  édisse, 
terme  de  boisselier.  signifiant  un'bois 
de  fente  qui  sert  à  faire  des  boisseaux, 
des  seaux,  des  tambours,  etc.  Il  se 
dit  aussi,  parmi  les  vanniers,  d'un 
osier  fendu  et  plané  pour  bander  le 
moule  du  panier. 

Tud.  scaljarij  sceljan,  briser,  rom- 
pre; s/ùan^  fendre.  Anglo-sax  skylan, 
slitan,  item;  island.  skilia^  item; 
dan.  sMlle;  suéd.  skilja;  allem. 
schlitzen,  schleissen;  holl.  scheelen; 
angl.  to  slit. 

EscLTSSE,  anc,  traîneau  ;  d'où  es- 
clissier,  transporter  sur  un  traî- 
neau ;  esclissage,  esclaidage,  droit 
qui  était  dû  pour  les  transports  faits 
au  moyen  des  traîneaux . 

Sont  tenus  tous  fermiers  dudit  esclaidage 
de  sougner  toutes  fortes  cordes,  charrios, 
esclisses.  (Statuts  de  l'échevinage  de  Mé- 
zières,  citées  dans  le  glossaire  de  Carpen- 
tier,  art.  Esclichium.) 

Se  aucuns  marclians....  vouloient  faire 
rouiller  leurs  vins  qui  seroient  près  du  ri- 


vage, sans  porter,  esclissier  ou  charrier,ils 
doivent  pour  chacune  queue  de  vin  vu  den, 
comme  s'ils  estoient  esclissiez.  {Id.  ibid.) 

—  Allem.  schlitten,  traîneau  ; 
island.  sledi,  item;  dan.  slœde, 
traîneau;  suéd.  slœda,  item  ;  holl. 
sleede.  Angl.  sied,  sledge,  traîneau; 
de  to  slide,  glisser,  faire  glisser, 
(Voyez  ci-après  l'art.  Eslider.) 

EscoRS,EscoRT,EscouRT,  auc.  sein, 
giron.  Voyez  le  glossaire  de  Ro- 
quefort et  son  supplément. 

K'aparuit  el  cors  del  enfant  cny  li  meire 
virgine  nurivet  en  son  nat  escors,  se  li  ve- 
riteiz  non  de  la  char  ke  receue  estoit? 
(Serm,  de  saint  Bernard,  cité  par  Roque- 
fort, art.  Escors.) 

Se  délivrait  la  demoiselle 

De  vu.  filz  et  d'une  pucelle 

Dedens  Vescors  sa  maie  suivre  (socrus) 

Qui  plus  fu  desloiax  que  vuivre. 

{Do/oimlhos,  p.  323.) 

Escort  dérive  d'un  primitif  ger- 
manique dans  lequel  un  r  a  été  in- 
tercalé. (Voir  t.  II,  p.  140.)—  Goth. 
skaut,  ventre,  sein,  giron;  island. 
skaut,  skot;  holl.  schoot;  allem. 
schoos;  dan.  skiœd;  suéd.  skœt, 
skœte . 

EsRAPER,  anc.  racler,  nettoyer  en 
raclant. 

A  PierotDubus  pour  escraper des  briques. 
(Compte  de  l'hospital  de  S.  Jean  des  Trou- 
vés de  1460,  cité  dans  le  supplément  du 
glossaire  de  Roquefort,  art.  Escraper.) 

—  Anglo-sax.  screopan,  racler, 
ratisser;  allem.  schrapen;  holl. 
schraapen;  angl.  to  scrape;  suéd. 
skrapa  ;  dan.  skrabe. 

ÉscRiLER,  EscRiLLER.  anc.  glis- 
ser,  échapper. 

Kar  quant  le  punt  veut  passer, 
Del  pé  comensa  escriler 
Et  ver  l'ewe  aval  chaï. 

IKotii'.  ree,  d*  conlei,  I.  II.  p.  307,1 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  IL  343 


—  Suéd.  scridla,  scrilla,  glisser^ 
s'échapper,  s'écouler  ;  tud .  scritan, 
item;  anglo-sax.  scridhan,  item; 
dan.  skrint,  glissant. 

Escrime,  Escrimer  :  en  italien^ 
schermo,  défense  ;  schermire,  scher- 
mare,  se  défendre,  se  garder,  faire 
des  armes,  s'escrimer  ;  scherma, 
exercice  des  armes,  escrime.  Dans 
notre  ancienne  langue,  escremir  si- 
gnifiait également  se  défendre  en 
combattant,  combattre  et  faire  des 
armes,  s'escrimer. 

Mais  ne  sunt  mie  des  coarz, 
Qui  durs  vassause  adurez, 
Qu'ainz  lor  serunt  les  chés  coupez 
Qu'ils  s'en  augent  cum  recreanz. 
Cist  escremissent  as  Normanz 
E  as  Daneis  de  leu  manière 
Que  d'eaus  lor  i  funt  mainte  bière, 

(CAroM.  des  duct  de  Norm.  t.  II,  p.  40.) 

Knls  a  joer  n'a  escremir 
Ne  se  saveit  plus  bd  courir, 
Nemeuz  geter  al  chef  senz  perte 
Entredeus  a  la  descoverte  ; 
D'espervier  sout  e  de  faucon 
E  d'ostur  e  de  esmerillon. 

[lOid.,  t.  II,  p.  m.) 

—  Tud.  scirman,skirman,  se  cou- 
vrir de  son  bouclier  pour  parer  les 
coups,  se  défendre  en  combattant^ 
se  préserver^  se  garantir  ;  dérivé  de 
scirm,  skirm,  bouclier.  Ane.  allem. 
schirmen,  se  garantir  en  combattant^ 
se  défendre;  anc.  suéd.  skirma, 
item.  Allem .  moderne  schirmen  et 
beschirmerij  abriter^  préserver^  ga- 
rantir^ défendre.  HoU.  schermen, 
faire  des  armes,  s'escrimer. 

EsLiDER^  anc.  glisser,  passer  lé- 
gèrement, effleurer. 

Lequel  exposant  marcha  oultre  soubz  le 
cop,  et  ne  fu  point  atteint  du  fer,  mais  tant 
seulement  du  manche  par  la  teste  en  etli- 


dant.  (Lettres  de  rémission  de  1385,  citée 
dans  le  glossaire  de  Carpentier,  art.  Eli- 
dere.) 

—  Anglo-sax.  slidaUj  glisser, 
passer  légèrement,  effleurer,  se  cou- 
ler, couler;  go  th.  Hdan;  angl.  to 
slide;  anc-  holl,  slidden. 

EsLiNGUE,  anc.  fronde;  d'où  es- 
Ungueur,  eslingur,  eslingour,  fron- 
deur. (Voir  Roquefort.)  «  Fundi- 
BULA^  eslingue.  »  (Glossaire  latiu 
manuscrit  cité  par  Carpentier,  art. 
Fundibula.) 

E  M  eslingur  avirunerent  lamaistre  cited 
e  grant  partie  en  destruitrent.  (.Livre  des 
Rois,  p.  354.) 

El  circumdaia  est  civitas  a  fundibulariis  , 
et  magna  ex  parle  percussa. 

—  Tud.  slinga,  fronde  ;  slingari, 
frondeur;  de  slangj an ^ jeter ,  lancer; 
anglo-sax.  slinga,  fronde;  island. 
slunga,  slanga,  item;  anc.  allem. 
schlinge  ;  angl.  sling  ;  dan.  slynge  ; 
suéà.  sliunga;  holl.  slinger;  allem. 
schlinge^  corde  à  nœud  coulant, 
lacet . 

ESNEKE,  ESNESQUE,  ESNECHE,  etC. 

anc.  sorte  de  navire,  de  barque 

Manda  de  ses  genz  les  raeillors 
Barons,  contes  et  vavassor 
Sa  preisée  chevalerie, 
Puis  fist  ajuster  gran   navie  , 
Nefs  e  esnekes  granz,  ferrées. 

(Chron.  des  ducs  de  Nom.  t.  Il,  p.  40T.) 

En  basse  latinité,  isnechia,  isnecia. 
(Voir  l'Archéogie  navale  de  M.  Jal, 
t.  I,  p.  437,  438.) 

—  Tud.  snaga„  sorte  de  navire, 
espèce  de  barque  ;  anc.  island. 
sneckja;  anc.  allem.  snicke  (voir 
Grimm,  Grammatik,  t.  III,  p.  437); 
allem.    moderne,    schnake ;    dan. 


344 


PREMIÈRE  PARTIE. 


snekhe;    holl.   snik,    snaw;    angl. 
snow. 

ESPARRE,  ESPARRER,  ESPRAVER, 

anc.  épieu,  pique,  lance.  En  basse 
latinité,  sparro. 

Un  esparre  longue  et  pesant 
A  trovée  lès  lui  en  presant, 
S'an  vait,  si  ferut  un  gloton. 
Que  na  li  valu  un  boton. 

iRoman  d'Àlixamtns,   eité  par  du  Caoga,  «ri. 
Sparro.) 

Son  espraver  a  levé  contremont, 
Girart  en  flert  parmi  le  gros  del  front. 

{Roman  dé  Girard  de  Vienne,   cilo  par  du  Gange, 
iiid.) 

—  Tud.  sper,  spere,  pique,  lance, 
épieu;  anglo-sax.  spoera,  spere,  item; 
dan.  spar,  item;  suéd.  sparr,  item; 
angl.  spear,  item;  allem.  speer, 
item;  holl.  spar,  sper,  perche. 

Espars,  Épars,  terme  de  marine  : 
longue  pièce  de  sapin  servant  à  faire 
des  mâts  de  chaloupe,  des  bouts  de 
vergue,  etc.  —  Tud.  sparro,  pièce 
de  bois,  poutre,  solive,  chevron; 
island.  sperra,  itmi;  holl.  spar, 
sparre,  longue  pièce  de  bois,  perche, 
chevron^  espars;  allem.  sparren,  so- 
live, chevron;  dan.  sparre;  suéd. 
sparr  e. 

Espars,  Espart,  anc.  éclair;  Es- 
PARTiR,  faire  des  éclairs,  répandre 
une  vive  clarté,  étinceler.  (Voir  Ro- 
quefort.) 

L'un  te  mort,  l'autre  te  menjue  ; 
L'on  te  glete,  l'autre  te  rue  ; 
Te  desrube  d'yaue  creusée 
Et  de  tonnerres  estonnée, 
Batue  de  foudre  et  d'espars. 

(U  Martyre  dt  taint  Bacchus,  iow'rë  dam  le  Non- 
TMu  recueil  de  conte»,  p.  Î59.) 

Le  pals  luist  et  resplendist 
Aussi  clerement  comme  esparz. 

(Brandit  des  roynHx  lignagei,  I.  U,  p,  443.) 


E  eus  (yeux)  me  feri  les  espars 
Des  armes  où  vi  luire  l'or. 

(  Tournoiement  de  PAniéchrin,  p.  S3.J 

Plovûir  verras  et  espartir. 

iUid.  p.  125.) 

Cil  jour  fist  moult  lait  temps,  car  il  plut  et 
espart. 

{Roman  de  Berte  aux  frantpiét,  p.  37.) 

Il  espartoit  forment  et  durement  tonna, 
Et  plut  menuement,  et  grésille  et  vent  a. 
(ibid.  f.  il.) 

—  Anglo-sax.  spœre,  étincelle; 
holl.  sprank,  sprankie;  bas  allem. 
spark;  angl.  spark. 

EspRÉQUER,  anc.  piquer,  aiguil- 
lonner. 

Mehaus  li  agace  et  espreke. 

{Rom.  du  Renard,  I.  IV,  p.  199.) 

Ce  mol  dérive  d'un  primitif  ger- 
manique auquel  on  a  ajouté  le  pré- 
fixe es  provenu  du  latin  ex.  (Voir 
t.  II,  p.  285.)  — Holl.  4°  prikken, 
prikkelen  ,  piquer  ,  aiguillonner  ; 
2°  prik,  prikkelj  pointe,  aiguillon. 
Allem.  4  °  pricken,  prickeln  ;  2°  pric- 
kel.  Angl.  \°  to  prick;  2°  prick, 
pricle.  Dan.  prikke,  piquer,  aiguil- 
lonner; suéd.  pricka^  item. 

ESPRINGARDE,  ESPINGARDE,  EsPRIIS- 

GALE,  ancienne  machine  de  guerre, 
servant  à  jeter  des  pierres  et  des 
traits.  Après  l'invention  de  la  pou- 
dre, le  nom  de  plusieurs  machines 
de  guerre  jusqu'alors  en  usage  pas- 
sèrent aux  armes  à  feu  qui  les  rem- 
placèrent. C'efst  ce  qui  arriva  pour 
Varquebuse.  De  même^  espingard 
servit  à  désigner  une  certaine  pièce 
d'artillerie  pouvant  porter  une  livre 
de  balles.  On  trouve  en  basse  lati- 
nité springarda,  springardus,  sprin- 
galdus,  signifiant  espringarde,  es- 
pringale  : 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.   345 

l'eau  dessus,  asperger,  arroser;  anc. 
allein.  sprewen  ;  allem.  moderne, 
spritzen;  suéd.  spruta;  dan.  sprœite; 
hoU.  hesproeyen,  avec  le  préfixe  be. 

Esquif.  On  appelait  autrefois 
équier  une  sorte  de  navire.  Ces 
mots- me  paraissent  plutôt  dériver 
du  germanique  skif,  schiff,  skip,  que 
du  grec  axaçi^  ;  d'autant  que  nous 
avons  emprunté  aux  langues  du 
Nord  la  plupart  de  nos  termes  de 
marine,  ainsi  que  je  l'ai  précédem- 
ment remarqué,  p.  S6  et  59. 

Équiper  a  la  même  origine.  La 
signification  primitive  de  ce  verbe, 
conservée  encore  aujourd'hui,  est 
celle  de  pourvoir  un  navire  de  tout 
ce  qui  lui  est  nécessaire. 

—  Tud.  skifj  scef,  navire;  go  th. 
skip,  scyp;  anglo-sax.  skip,  scip; 
island.  skip;  dan.  skib  ;  suéd.  skepp; 
allem.  schiff;  holl.  schip,  scheep; 
angl.  ship. 

Esquille.  (Voyez  Esclier.) 
Esquiver;  en  italien,  schivare. 

—  Tud.  sciuhan,  skiuhan,  être 
saisi  de  terreur,  s'effrayer,  s'épou- 
vanter ,  s'effaroucher ,  s'enfuir  ; 
scihtig,  fugitif.  Anc.  allem.  schiech, 
schiehes,  épouvanté,  effarouché,  fu- 
gitif; allem.  moderne,  scheum, 
avoir  peur,  s'effrayer,  s'effaroucher. 
Angl.  to  eschew,  éviter,  esquiver; 
dan.  skye;  suéd.  sky;  holl.  schuu- 
wen. 

EssoiNE,  EssoiGNE.  Ccs  mots  si- 
gnifièrent d'abord  empêchement;  ils 
se  disaient  principalement  d'un  em- 
pêchement qui  ne  permettait  pas  de 
comparaître  en  justice  au  jour  fixé  ; 
celui  qui  se  trouvait  dans  ce  cas  était 
obligé  de  se  faire  excuser  auprès  des 
juges.    En   prenant  la  cause  pour 


Quarriaus  traient  au  cliqueter. 
Et  font  Vespringale  geter  ; 
Les  garroz  qui  lors  de  l'a  isl 
Lps  plus  vigaereus  esbahit. 

{Brstnehn  du  royaux  lignages,  t.  II,  p.  S33.) 

Si  fit  le  dit  roi  traire  toutes  ses  naves  et 
ses  vaisseaux  par  devers  les  dunes,  et  bien 
garnir  et  fournir  de  bombardes ,  d'arba- 
letresjd'archers  elà'espringales,  et  de  telles 
choses  par  quoi  l'ost  des  François  ne  put 
ni  n'osât  par  l'a  passer.  (Froissart,  liv.  I, 
ch.  cccxvii,  p.  265,  col.  1.) 

—  Tud.  sprengjan ,  sprengan , 
lancer  de  tous  côtés,  jeter  cà  et  là, 
répandre,  asperger;  anglo-sax.  spren- 
gan  ;  island. sprengza;  allem.  spren- 
gen;  holl.  sprengen  suéd.  sprœnge; 
dan.  sprenge;  angl.  to  sprinkle. 

^     ESPRINGUER,     ESPRINGIER,     anC. 

danser  en  trépignant^  sauter,  sau- 
tiller; d'où  espringerie,  espringale, 
sorte  de  danse  haute. 

Jehan  Pierart  dansa  elespringa  "a  la  fesle 
du  dit  Montfalon  et  gaigna  le  mouton, 
commme  le  mieulx  dansant.  (Lettres  de 
rémission  de  1392,  citées  dans  le  glossaire 
de  Carpentier,  art.  Cariolari.) 

Dex  veut  des  deux  la  concordanche, 
Se  li  cuers  hile, espringe  et  danse... 
Et  à'espringier  et  de  baler, 
Treper,  salir,  de  ce  savoii... 
Qui  miex  aiment  vaines  paroles, 
Espringeries  et  caroles. 

[Miracle  d*  IfoUre-Dame,  cité  itiJ.J 

—  Tud.  springan,.  sauter;  anglo- 
sax.  spryngan;  suéd.  springa;  holl. 
springen;  dan.  springe;  angl.  to 
spring;  allem.  springen. 

EspROHER,  anc.  asperger,  ar- 
roser. 

Et  li  prestres  le  livre  aporte, 

Se  li  a  mis  deseur  son  cbief. 

Puis  Vesproha  d'eve  benoîte. 

(Basbàz&n,  Fubtiaux,\.  III,  p.  i08.) 

—  Tud.  spruejm,  faire  jaiUir  de 


346 


PREMIÈRE  PARTIE. 


l'effet,  on  se  servit  ensuite  à'es- 
soine  pour  signifier  excuse  présen- 
tée en  justice,  et  enfin  pour  excuse 
en  général.  Essoinier  se  disait  pour 
s'excuser  de  ne  pas  comparaître  à 
une  audience  à  cause  de  quelque 
empêchement  par  lequel  on  était 
retenu.  (Voir  dans  du  Cange  Sunnia, 
Essonia,  Essonium,  Essoniare.) 

Et  les  juges  qui  sont  estab'.ys  as  leus  de- 
vant noumés,  doivent  mander  au  seignor 
de  celuy  a  qui  l'on  met  le  larecin  sus  que 
il,  dou  jor  que  il  avéra  receu  leur  lettres  en 
quinze  jors,  doit  enveer  cel  liome  ou  ceaus 
a  qui  l'on  met  le  larecin  sus;  et  se  il  ne 
les  envée,  il  doit  venir  en  sa  propre  per- 
sone,  se  il  n'en  a  essoigne  (empêchement) 
de  son  cors,  dou  quel  essoigne,  s'il  a  esté 
essoigne,  il  doit  eslre  creu  par  son  saire- 
ment.  (Ass.  de  Jér.  t.  II,  p.  376.) 

Plusieurs  essoignes  sont  par  lesquiex,  ou 
par  aucuns  desquiex  l'en  puet  essonier  le 
jour  que  on  a  par  devant  son  seigneur,  si 
comme  enfermeté  de  corps;  car  quiconque 
a  maladie  par  laquelle  il  est  aperte  chose 
que  il  ne  puet  sans  grant  grief  aller  a  son 
jour,  il  puet  loiaumcnt  essionier  chil  qui  est 
semons  par  devant  son  seigneur  souverain, 
{Coutume  de  Beauvoisis,  citée  par  Roque- 
fort, art.  Essoigner.) 

Chascon  a  chère  sa  moillier, 
S'eritage  e  son  patrimoine; 
Senz  grant  meschef  e  senz  essoine 
Ne  les  se  laisseront  tolir. 

(Chron.  des  ducs  dt  Ijorm.  t.  Il,  p.  19.) 

A  enveiez  ses  messagiers 

A  la  contesse  de  Peitiers.... 

Que  senz  délai  e  senz  essoines  (excuse) 

Li  enveiast  sol  tresze  moines. 

{Ikid.  t.  Il,  p.  462.) 

Hoël  oït  la  grant  besoigne, 
N'i  quist  contredit  ne  essoigne; 
E  si  baron  et  si  parent 
S'aparillent  isnelement. 

/"Rom.  de  Brut,  t.  Il,  p.  45.^ 

—  Tud.  sunnia^  sunna,  sunnis. 


empêchement.  (Voir  Graff,  t.  VI, 
p.  242,  et  Grimm,  622,  749.)  Island. 
syn,  item;  dan.  sinhe ,  empêcher, 
retarder,  tarder^  verbe  actif  et  neu- 
tre; suéd.  sinka,  item;  anc.  allem. 
siiumen,  item;  allem.  saumen,  tar- 
der, retarder,  s'arrêter,  ne  s'emploie 
que  neutralement. 

Est.  Si  l'on  était  tenté  de  croire 
que  est_,  ouest,  nord,  sud,  sont  des 
mots  nouveaux  dans  notre  langue, 
on  trouverait  la  preuve  du  contraire 
dans  le  Livre  des  Rois  : 

Alogierent  soi  en  Magmas,  al  est  de  Be- 
laven.  {Livre  des  Rois,  p.  42.) 

Castrametnti  sunt  m  Machmas,  ad  orien- 
tem  Bethttven. 

De  celeparei  jesque  al  entrée  del  temple 
ki  fud  devers  le  hest,  out  quarante  aines, 
e  devers  le  west  en  out  vint  aines.  {Livre 
des  Jlûis,  p.  248.) 

Li  uns  rochiers  montout  al  north  ,  en- 
cuntre  Magmas,  e  li  altres  al  sud,  encuntre 
Gabaa.  {Ibid,  p.  46.) 

Unus  scopulus  promineni  ad  aquilonem 
ex  adverso  Machmas,  et  aller  ad  meridiem 
contra  Gabaa. 

—  Tud.  ôst,  est;  anglo-sax.  east, 
eost;  island.  austr;  allem.  ost;  hoU. 
oost;  suéd.  œstj,  œster;  dan.  ost; 
angl.  east. 

ESTACHE,  ESTAC,  ESTACE,  ESTAQUE, 

anc.  signifiaient  piquet,  pieu,  pilier, 
poteau.  En  basse  latinité,  staca, 
stacha;  en  espagnol,  estaca.  Nous 
avons  conservé  le  dérivé  estacade. 

A  une  eslache  l'unt  aiachet  cil  serf, 
Les  mains  li  lient  a  curreies  de  cerf. 
Très  bien  le  bâtent  a  fuz  e  a  jamelz. 

{Cluins.  de  Roland,  st.  ccLXXii.) 

Li  palets  fud  vont  e  desur  cloanz, 

E  fu  fait  par  cumpas,  et  seret  noblement  ; 

Vestaclie  del  miliu  neelé  d'argent  blanc. 

(  Voi/.  de  Charlem.  à  Jer.,  r.  34T.) 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  IL  347 


Or  tost,  seigneurs,  tost,  l'a  en  my 
Celle  place  le  despoulliez; 
Quant  tout  nu  sera,  le  vueilliez 
Lier  estant  à  celle  estache. 

CUn  Miracle  de  saint  Valentin,  inséré  dam  leThédlre 
français  au  nioyea  âge,  p.  320.) 

—  Tud.  steccho,  pieu,  piquet; 
anglo-sax.  staka;  island.  stiaka; 
bas  allem.  I"  stake,  pieu,  piquet; 
2*  stacketj  palissade,  estacade.  Dan. 
1° stage;  ^^  stakkeet.  Suéd.  V  stake; 
2"  staketwœrk.  HolL  1  o  staak  ;  2*  sta- 
ketsel.  Angl,  stake;  2"  staccado. 
Allem.  staken,  perche. 

EsTAL,  anc.  place,  poste,  position, 
situatic'n,  séjour,  demeure,  siège, 
tribunal,  etc.  En  italien,  stallo;  en 
basse  latinité,  stallum ,  stallus ^ 
staulus. 

Enfer  seit  mis  de  cela  part, 
Es  mansions  de  l'altre  part  ; 
E  puis  le  ciel  ;  e  as  estais 
Primes,  Pilateod  cesvassals. 

{Théâtre  français  au  moyen  âye,  p.  II.) 

N'el  remua  de  son  estai  premier 
Ne  que  felst  une  tor  de  niostier. 

fCh.  dOgierdeDanemarche,  v.  10037,) 

Li  Grieu  ne  s'osèrent  venir  ferir  en  lor 
estai  ;  et  cil  ne  volrent  eslongier  les  lices. 
(  Villehardouin,  édi(.  Brial,  p.  453,  C.) 

Quant  il  oï  que  morte  estoit. 

De  son  estai  où  il  estoit. 

Chai  a  la  terre  pasmez. 

{Floire  et  Blancejlor,  édit.  du  Jféril,  p.  169.) 

Et  vit  le  rei  ester  al  estai  real.   {Livre 
des  Rois,  p.  387.) 
Viditregem  stantem  super  Iribanal. 

En  basse  latinité,  stallum  ou 
stallus  se  prenaient  dans  un  sens 
restreint  pour  la  place  que  chaque 
moine  ou  chaque  chanoine  occu- 
pait dans  le  chœur  d'une  église, 
une  stalle;  ce  mot  était  autrefois 
masculin   dans    notre   langue.    De 


stallum,  place,  on  fit  installare, 
mettre  en  place,  qui  nou^  a  donné 
installer. 

Estai,  employé  dans  un  sens  par- 
ticulier, signifiait  la  place  où  les 
marchands  exposaient  en  vente  leurs 
marchandises  sur  les  marchés  pu- 
blics, h' estai  était  ordinairement 
protégé  contre  les  intempéries  de 
l'air  par  un  toit  et  une  clôture  en 
charpente,  ce  qui  formait  une  petite 
baraque  qui,  par  extension,  reçut 
également  le  nom  à'estal.  Nous 
avons  conservé  étal  pour  désigner 
le  banc  élevé  sur  lequel  on  expose 
en  vente  de  la  viande  de  boucherie, 
ainsi  que  la  boutique  même  où  l'on 
vend  de  la  viande.  Estai,  étal  nous 
ont  fourni  les  dérivés  étaler,  éta- 
lage, etc. 

Nus  boutonier  ne  puet  conporter  au  jour 
de  marchié,  c'est  a  savoir,  au  vendredi  et 
au  samedi,  tant  qu'il  i  ait  (jusqu'à  ce  qu'il  y 
ait)  estai  vuit,  et  si  li  estaus  vuls  n'a  mestre 
qui  riens  n'est  mis  sus,  c'est  a  savoir,  home 
qui  le  tiegne  a  cens  du  roi  ou  a  [louage];  et 
se  il  conportoit  qu'il  i  eust  estai  vuist  qu'il 
ne  fusl  a  cens  ou  a  louage,  li  haliers  por- 
roient  les  choses  au  conporteur  mestre  k 
estai,  et  prendre  ent  son  estalage.  {Livre 
des  métiers,  p.  186.) 

—  TuâMftal,  place^  poste,  posi- 
tion, situation,  séjour,  demeure; 
anglo-sax.  stal,  stall,  stœl;  anc.  is- 
land. stallr;  allem.  stelle;  suéd. 
stœlle.  Angl.  stall,  place,  stalle, 
échoppe,  étal. 

EsTAVE,  EsTAVEL,  EsTAVEU,  anc. 
cierge^  bougie,  chandelle  de  cire. 

A  nuit  iroiz  a  vos  ostex 
0  cierges  e  o  estavex  ; 
Par  ces  iglises  en  iroiz 
Nus  piez,  en  langes  veillerais 


348 


PREMIÈRE  PARTIE. 


El  proieroiz  Nostre-Seignor 
Qu'il  vos  tiegne  à  grant  henor. 

(  Roman  de  Partenopet  dt  Bloit.  cité  dan>  le  elnttaire 
niaauacrJtde  Sainte-PaUye,  apt.  Ettaie.) 

A  EmcryCommelin.merchier,  pour  avoir 
livré  six  estaveux  pesant  chacun  demi  qua- 
rignon  de  chire,  pour  servir  à  six  povres 
cartriers  et  cartrieres  irespassez  ....  9  s. 
(Compte  de  l'hospital  des  Charlriers,  de 
1525,  cité  dans  le  supplément  du  glos- 
saire de  Roquefort,  art.  Estaveu.) 

Estave  dérive  d'un  primitif  ger- 
manique, signifiant  bâton.  Nous  di- 
sons aujourd'hui  :  «  Un  bâton  de 
cire  d'Espagne,  un  bâton  de  sucre 
d'orge,  etc.  »  —  Tud.  stab,  bâton; 
anglo-sax.  staf,  stœf;  island.  stafr; 
allem.  stab;  hoU.  staf;  angl.  staff; 
suéd.  staf;  dan.  stav. 

EsTEiL,  anc.  poteau,  pieu.  (Voyez 
ce  mot  dans  le  glossaire  de  Roque- 
fort.) —  Anglo-sax.  stel^  stèle, 
poteau,  pilier,  tige;  holL  stijl ^ 
pieu,  poteau,  pilier;  angl.  stilt, 
item;  allem.  steile,  terme  de  ma- 
rine ,  pilier  des  bittes  ;  tud.  stil, 
tige;  suéd.  stjelk,  item;  dan.  stilk, 
item . 

EsTEu,  anc.  sorte  de  vase  servant 
de  mesure  pour  les  liquides  ;  dimi- 
nutif, estivelot.  En  basse  latinité, 
staupus,  stoupus,  stopus^ 

Débet  habere  unusquisque  privatus  demi 
esteu  de  morelo.  (Anciens  statuts  des  cha- 
noines de  Saint-Quentin,  cités  dans  le  glos- 
saire de  du  Cange,  art.  Slopus,  sous  Stau- 
pus) 

Un  pot  de  demi  lot  d'estain,  trois  eslive- 
los  et  deus  sausserons  d'estain.  (Livre  rouge 
de  l'hôtel  de  ville  d'Abbeville,  ciié  dans  le 
glossaire  de  Carpentier,  art.  Estiva.) 

—  Tud.  stouph,  stouf,  stauf.  vase 
destiné  à  contenir  des  liquides,  urne, 
sceau,    etc.    Anglo-sax.    stoppa, 


stapul;  island.  staup;  suéd.  stop, 
vase  servant  de  mesure,  pinte  ;  angl. 
stope;  hoU.  stoop,  mesure  de  quatre 
pintes;  allem.  topf,  pot;  dan. 
stob,  vase  à  boire,  grande  coupe. 

EsTiÉRE ,  anc.  gouvernail  d'un 
navire. 

Par  le  pié  l'eu  ad  )eté  lors, 
Lesundes  enporteflt  le  cors; 
Puisqu'il  l'ot  lancié  en  la  mer, 
Al  estiere  vait  guverner; 
Tant  guverna  la  neif  e  tint, 
Le  bafne  prist,  a  tere  vint. 

(Marie  de  Franor,  t.  I,  p.  46S.) 

—  Tud.  stiura, gouvernail;  anglo- 
sax.  styri;  island.  stiorn;  allem. 
steuer;  dan.  styre;  suéd.  styre; 
hoU.  stuur;  l'anglais  n'a  pas  con- 
servé le  substantif,  mais  il  a  encore 
le  verbe  to  steer,  gouverner. 

EsnQUER,  anc.  bâtonner,  fustiger, 
rosser. 

Deu  lur  (ud  ami 

A  ces  gentilz  paisanz  kl  furent  desguarni, 
Ke  li  Escot  n'i  furent  lur  mortel  enemi  ; 
Tuz  les  eussent  estikés,  ocis  e  mal  bailli. 

(Chron.  d*Jord.  Fanlottiu,  p.  5ÏT.) 

Ce  mot  provient  d'un  primitif 
germanique  signifiant  bâton,  comme 
bâtonner,  dérivé  de  bâton,  et  fusti- 
ger, du  latin  fustis.  —  Angl.  stick, 
bâton,  baguette;  allem.  stecken; 
bas  allem.  stikke  ;  dan.  stikke,  pe- 
tit bâton,  spatule;  suéd.  sticka , 
item. 

Estival,  anc.  sorte  de  botte.  En 
basse  latinité,  stivales;  en  italien, 
stivale,  stivalone. 

Icele  nuit  que  je  vos  di, 
Tonna  et  plut  et  esparti, 
Si  ne  pot  pas  11  rois  dormir, 
Ses  chambelans  fist  toz  venir 
Devant  son  lit,  et  demanda 
Une  chape,  si  l'afubla  ; 


GHAP.  III,  ÉLÉMENT  G 

Uns  estivaus  forrés  d'ermine 
Chauça  li  rois 

(Roma»   Ue  Perceval ,  cité    par  Roquefort,   ar». 
Xtlivat.J 

—  Tud.  stiful,  sorte  de  botte, 
estival;  anc.  allem.  stival;  allem. 
stiefel;  dan.  stoevîe;  suéd.  stoefwel; 
holl.  stevel. 

Estoc,   Estocade.   Les   diverses 
acceptions   que  Trévoux  donne  au 
mot  estoc  sont  fort  propres  à  jeter 
du  jour  sur  la  véritable  origine  de 
ce  mot.  Voici  ce  qu'il  en  dit  :  «  Il 
signifie    originairement    un     tronc 
d'arbre,  ou  une  souche  morte;  c'est 
ainsi  qu'on  dit  en  termes  d'eaux  et 
forêts  que  les  marchands  sont  tenus 
à  faire  couper  et  ravaler  près  de 
terre   toutes  les   souches  et  vieux 
estoc  ou  etoc.  Ce  mot  se  dit  aussi 
d'un  long  bâton  ferré  par  un  bout. 
Estoc  signifie  aussi  le  fer,  la  pointe 
d'une  arme;  ainsi  on  dit  :  «  Frap- 
per à'estoc  et  de  taille;  »  pucntim  et 
cœsim.    Estoc  était    autrefois  une 
sorte  de  grosse  épée,  nommée  aussi 
épée  d'armes.  C'est  la  notion  qu'en 
donne  Olivier  de  La  Marche^  lors- 
qu'il parle  des  tournois  et  des  joutes 
de  son  temps.  Et  cette  arme  nom- 
mée aussi  bâton,  qui  est  la  vraie 
signification  d'estoc,  ne  servait  que 
pour  se  battre  à  pied  et  pour  poin- 
ter et  pousser;  quand    elle    était 
tranchante,  elle  servait  aussi  pour 
tailler  et  pour  sabrer;  de  là  est  ve- 
nue la  manière  de  parler  d'estoc  et 
de  taille,  c'est-à-dire  de  la  pointe 
et  du  tranchant  d'une  épée.  » 

—  Tud.  stoc,  pièce  de  bois,  tronc, 
souche,  pieu,  bâton;  anglo-sax. 
stocce;  allem.  stock;  dan.  stok; 
suéd.  stock;  holl.  stok;  angl.  stock. 


ERMANIQUE.  SECT.  IL    349 

EsTOMBEL,  anc.  aiguillon  pour 
piquer  les  bœuls.  Ce  mot  me  paraît 
dérivé  d'un  primitif  germanique 
plutôt  que  du  latin  stimulus. 

Le  suppliant  print  son  baston  que  l'on 
appelle  estombel,  duquel  il  touchoit  ses 
beufs.  (Lettres  de  rémission  de  1470,  citées 
dans  le  glossaire  de  Carpentier,  art.  Esta- 

gua.) 

—  Anc.  allem.  1°stupfel.  aiguil- 
lon, dérivé  de  2»  stupfen,  stopfen, 
siumpfen,  piquer,  aiguillonner. Tud. 
1°  stuph,  stoph;  2°  stopôn.  Allem. 
et  holl.  stift,  pointe,  poinçon,  ai- 
guiUon.  Le  m  a  été  introduit  dans 
français  estombel  ainsi  que  dans 
l'ancien  allemand  stumpfen.  Voir  à 
cet  égard  tome  II,  p.  i  40. 

EsTOR,  EsTOUR,  EsTUR,  auc.  as- 
saut,  combat,  mêlée  :  en  basse  la- 
tinité, stormus;  en  italien,  stormo  ; 
en  langue  d'oc  estom. 

Saûl  lores  e  li  flz  Israël  el  val  de  Tere- 
binte  lindre  les  eslurs  encuntre  ces  de  Phi- 
listiim.  {Livre  des  Rois,  p.  63.) 

Saul  aulem,  et  illi,  et  ovines  filii  Israël  in 
valle  Terebinthini  pugnabant  adversum 
Philislhiim. 

Fieres  batailles,  fiers  esturs. 

Fist  dux  Reiniers  od  lui  pjusurs  .  .  . 

Chevaliers  aveit  merveilles 

Ë  hardiz  e  chevaleros; 

Mais  unques  n'i  fist  assemblée, 

Estor,  bataille,  ne  mesiée 

Que  sur  lui  n'en  tornast  le  pis. 

[Chron.   de»  ducs  de  Norm.,  (.  f,  p.  174.) 

—  Tud.  sturm,  combat,  assaut; 
anglo-sax.  stour,  stoure  ;.  island. 
stur,  styr; suéd.  storm;  angl.  storm, 
assaut;  allem.  sturm,  item  ;  dan. 
storm,  item;  holl.  storm,  item. 

EsTouT,  anc.  hardi,  audacieux, 
téméraire  ;  Estoutie,  hardiesse,  bra- 


350 


PREMIÈRE  PARTIE. 


voure,  audace,  témérité;  Estouïer, 
être  hardi,  avoir  de  l'audace,  de  la 
témérité,  oser  hardiment  braver. 

Bien  connois  que  vous  estes  mon  droil  loial 

espous, 
E  que  j'ai  ij.  biaux  fiux  en  Boulonnois  de 

vous  ; 
Mes  cel  iosengier-la,  qui  est  foux  et  esious, 
M'avoit  souvent  requise  par  moz  courtois  et 

douz. 

(Nouveau  recueil  de  amifi,  t.  I,  p.  lî.) 


Vieil iientgenz  Ûeres  et  estoutes. 
En  guerre  sages  et  meures, 
Bien  esprouvées  et  seures. 

^Branche  des  roi/aux  Ugnnget^  1. 1.  p.  371.) 

Caignet,  tu  te  fais  moult  eslout. 

(Théâtre Jranfais  au  moyen  âge,  p.  301.) 

Seigneur,  or  créés  m'esloutie  ; 
Prengne  chascuns  une  pugnie 
De  ches  besans;  ja  ni  parroit. 

{Théâtre franf ait  au  moyen  âge,  p.  203.) 

Ta  janglerie  trop  estoute  ; 
Comment  as-tu  osé  ce  dire 
Devant  l'empereur  nostre  sire  ? 

(Uid.  p.  281.) 

Avoit  un  rois  en  France  de  moult  grant  .sei- 

gnorie, 
Qui  moult  fu  fol  fi  fiers  e  de  grant  estoulie; 
Charles  Martiaus  ot  lioni 

(Roman  de  Berle  aus  grans  pies,  p>  Z-J 

—  Island.  sfoZ^,  hardi,  intrépide, 
audacieux,  téméraire  ;  hoU.  stout, 
item  ;  angl.  stout,  item  ;  suéd.  stut- 
sa,  faire  le  hardi,  le  brave,  braver; 
allem.  stolz,  fier,  altier^  arrogant. 

EsTRAC,  ancien  terme  de  Manège 
qui  se  disait  d'un  cheval  qui  a  peu 
de  corps,  qui  est  serré  des  côtes, 
qui  est  élancé.  (Voir  Trévoux.)  — 
Tud.  straCj  droit,  allongé,  élancé  ; 
angl o-sax,  strac,  strec;  anc.  allem. 
strac,  allem.  moderne  strack;  holl. 
strak  raide,  tendu  ;  suéd.  strœcka, 
allonger  étendre;  dan.  strœkke,item. 


EsTRAMAço^,  sorte  d'épée  à  deux 
tranchants  qu'on  portait  autrefois. 
(Acad.)  On  trouve  dans  la  basse  la- 
tinité scramasaxus,  pour  signifier 
un  glaive,  un  coutelas^  une  dague  ; 
«  Cum  cultris  validis  quos  vulgus 
scramasaxos  vocant,  infectis  vene- 
no...  utraque  ei  latera  feriunt.  » 
(Grégoire  de  Tours,  liv.  IV,  ch. 
XLvi.)  Dans  estromaçon  le  c  du  pri- 
mitif s'est  changé  en  t  avant  le  r 
comme  dans  flétrir  de  flaccere  et 
dans  chartre  de  carcer.  (Voir  t.  II, 
p.  404.) 

Scramasaxus  est  composé  de  deux 
mots  germaniques  dont  l'un  signifie 
couteau,  dague  et  l'autre  se  défendre 
en  combattant.  —  Tud.  \°scirman, 
skirman,  se  défendre  en  combattant; 
2°  sahs,  couteau,  coutelas,  dague. 
Anc.  allem.  4"  schirmen;  2°  sachs. 
Anc^  suéd.  1°  skirma;  t°  sax.  An- 
glo-sax.  sax,  sœx,  seax,  couteau, 
dague;  island.  sax,  item.En  danois 
sax  ne  signifie  plus  que  ciseaux. 

EsTRÉE,  Etrée,  anc.  chemin, 
route  ;  en  italien  et  en  espagnol,  es- 
trada.  De  l'un  de  ces  deux  idiomes 
nous  est  venu  estrade  ,  qui  n'est 
point  ancien  dans  notre  langue 
La  rivière  de  Saine  vit  qui  moult  est  loée. 
Et  d'une   part  et  d'autre  mainte  vigne 

plantée; 
Vit  Pontoise,  et  Poissi,  et  Meulent,  en  l'es- 

irée, 
Marli,  Montmorenci  et  Conflansen  la  prée. 

(Rom.  de  Berle  aus  granspiès,  p.  3.) 

Li  pèlerin  qui  vont  parmi  Vestrée, 
Cil  sevent  bien  où  lor  tombe  est  posée. 

[Nouveau  recueil  de  contes,  DOtei,  p.  412.) 

On  trouve  strae  dans  la  traduction 
des  Quatre  livres  des  Rois  : 

Jo  ces  ki  me  béent  decbacerai....  si  cume 
la  boe  de  la  strae  les  defulerai.  {Livre  des 
Rois,  p.  209,) 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  II.    351 


—  Tud.  strâza,  chemin,  route, 
rue;  anglo-sax.  strœt,  stret,  item; 
a.]lem.  strasse,  item  ;  àaxi.  strœde, 
item;  suéd.  straat,  item;  angl. 
Street,  rue  ;  holl,  straat  item. 

EsTRiQUE,  anc.  bâton  que  l'on 
passait  sur  la  mesure  pour  en  faire 
tomber  le  grain  excédant,  radoire, 
racloire;  d'où  estriquer ,  mesurer 
avec  Vestrique.  (Voir  le  glossaire  de 
Roquefort.) 

Art.  XVI,  Que  nul  mesureur  ne  mesure  de 
mesure  qui  ne  soit  enseignée  du  Douisien 
sur  dix  livres  d'amende  eteslre  banni  de  la 
ville.  Comme  aussi  que  nul  u'eslrigue  A'es- 
trique  qui  ne  soit  enseignée  et  ait  plaine- 
mentsix  paulces  de  tour,  sur  le  fourfait  de 
100  s. 

Art.  xvii.  Que  chascun  mesureur  mette 
le  poulce  en  le  moienne  de  Vestrique,  et 
estrique  oultre  le  mesure  surpaine  de  10  1. 
et  perdre  son  mesurage  quarante  jours. 
(Ordonnances,  statuls  et  édiisdu  marché  au 
blé  de  Douai,  du  5  mars  1593;  citation  de 
Roquefort,  supplément  au  glossaire,  art. 
Estrique.) 

—  Angl.  strikle,  radoire,  ra- 
cloire; dérivé  de  to  strike,  rader 
une  mesure  de  grain.  Tud.  stri- 
chan,  frotter,  raser.  Allem.  1  °  strei- 
chen,  frotter,  passer  légèrement  sur, 
raser;  2"  s^reîcMoZz,  radoire,  ra- 
cloire. Dan.  ]°  stryge;  t'strygholt. 
Suéd.  1  »  stryha  ;  2°  stryktrœd.  Holl. 
4"  strijken  ;  2°  strijhstok.  Les  subs- 
tantifs streichholz,  strigholt,  stryk- 
trœd, strijkstk,  sont  composés  du 
verbe  signifiant  frotter,  raser,  et  de 
holz,  hoît,  trœd,  stok,  qui  signi- 
fient un  morceau  de  bois. 

EsTRoiE,  EsTROE,  auc.  attache, 
cordon,  courroie. 

Li  mestres  du  meslier  devant  dit  puet 
prendre  et  arester  toutes  estroies,  soit  de 


cuirien,  soit  de  lange,  seur  qui  il  les  truisse 
dessi  adont  que  cil  seur  qui  elles  seront 
trouvées  ait  amené  son  garantisseur ,  et 
s'il  ne  puet  trover  son  garantisseur,  les 
eslroes  demeurent  au  mestre,  ja  soit  ce  que 
les  estroes  soient  mises  en  chaperon  ou  en 
autre  garnemens.  (  Livre  des  métiers , 
p.  197,) 

—  Tud.  strie,  stricch,  attache, 
cordon,  courroie  ;  island.  strick, 
item;  allem.  strick,  item  ;  dan. 
strikke,  item  ;  angl.  string ,  item  ; 
holl .  strik,  lacet,  nœud  de  ruban  ; 
suéd .  strek,  corde . 

EsTROPE,  Étrope,  terme  de  ma- 
rine :  courroie  ou  corde  qui  sou- 
tient et  suspend  une  moufle  de  pou- 
lie dans  le  navire  ;  elle  sert  aussi  à 
bander  l'arcasse  de  la  poulie,  pour 
empêcher  qu'elle  n'éclate .  (Voir  le 
dictionnaire  de  Trévoux.) 

Holl .  strop,  corde  à  nœud  cou- 
lant, étrope  ;  angl.  strop,  étrope  ; 
dan .  strop,  stroppe,  item  ;  allem . 
strippe,  courroie,  attache,  lien,  ti- 
rant ;  suéd .  strœppa,  item  ;  anglo- 
sax.  strop,  item. 

Esturgeon  :  en  basse  latinité,  stu- 
rio,  sturgio.  —  Tud.  sturo,  estuiv 
geon  ;  anglo-sax.  styria,  styriga  ; 
dan.  stoerje,  stoer  ;  suéd.  stœr  ; 
holl.  steur;  allem.  sfôr. 

ESTURMAN,  EsTRUMANT,  EstIRMAN, 

anc.  pilote. 

Assez  out  od  lui  chevaliers, 
Geutes  puceles,  e  muilliers, 
Esturmans,  e  marineaus, 
E  bachelers  cointeset  beaus. 

{Ckron.  dei  ducs  de  Norm.,  t.  111,  p.  349.^ 

De  l'aler  s'est  aparillés.  .  . . 
Son  estrumant  a  moult  proie, 
Et  il  li  a  bien  otroié 
Que  a  cil  port  l'arivera. 

[Floire  el  Blaneeflor,  l'dil.  da  M^ril,  p.  48.) 


352 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Estirmans  prist  et  mariniers, 
Par  pramesses  et  par  loiers 
En  mer  les  fist  al  vent  empaindre 
Que  Arlus  ne  l'peul  ataindre  ; 
En  Cornuaille  l'ont  conduit, 
Grant  paor  a,  volentiers  fait. 

(Rom.  de  Brut,  t.  Il,  p.  126.) 

—  AUem.  steuerman  ,  pilote, 
composé  de  steuer,  gouvernail,  et 
de  mann,  homme.  Dan,  1°  styr- 
mand,  pilote  ;  2"  styre,  stiœre,  gou- 
vernail ;  3o  mand ,  homme.  Suéd. 
I»  styrman;  2°  styre  ;  3°man.  HoU. 
i»  stuurman;  2°  stuur  ;  3°  man. 
Bas  allem.  \°stùrmann;  2o  stûr; 
3"  mann.  Angl .  steersman,  pilote  ; 
to  steer,  gouverner;  ma7i,  homme. 
Tud.  1°  stiura,  gouvernail;  2°  man, 
homme.  Anglo-sax.  1  °  styri;  2°  man. 
Island.  1°  stiom,  stiori;  fii^man. 

Étai,  Étayer  :  en  basse  latinité^ 
statua  signifie  un  poteau,  une  co- 
lonne :  «In  ea  habentur  pretiosissi- 
mae  reliquiae  Domini,  id  est  statua 
ad  quam  fuit  ligatus,  flagellum  inde 
fuit  flagellatus.»  (Lettre  d'un  empe- 
reur de  Constantinople  à  Robert, 
comte  de  Flandre,  dans  dom  Mar- 
tèfte,  Anecd.  t.  I,  col.  268.)  «  Item, 
quod,  idem  venerabilis  adolescens 
ab  eisdem  Judeis  fuerit  suspensus 
ad  statuam  deorsum.»  {Acta  S. 
Wemheri,  t.  II,  avril,  p.  717.)  Voir 
du  Gange.  Statua,  2. 

—  Goth.  staths,  pilier^  poteau, 
étai,  étançon;  anc.  hoU.  staede, 
staye,  item  ;  anglo-sax .  stuthe,  stu- 
thu,  item;  island.  1°  stod,  poteau, 
étai  ;  2°  stydia,  étrayer,  étançonner. 
Allem.  4°  stutze;  2°  stutzen.  Dan. 
4°  et  îostcette,stytte.  Suéd.  h"  stod, 
stœd;  2°  stodja.  Angl.  1°  stay  ;  2" 
to  stay. 

Étambord,  Étambort,  plus  usité 


Etambot,  terme  de  marine  :  pièce 
de  bois  élevée  sur  le  bout  de  la 
quille  à  l'arrière  du  navire,  servant 
de  soutien  au  château  de  poupe  et 
au  gouvernail  qui  y  est  attaché.  On 
disait  autrefois  estambord,  estam- 
bort. 

Estambord  signifie  étymologique- 
ment  madrier  de  support.  —  Dan. 
^o  stœven,  appui,  support;  i<>bord, 
madrier  planche.  Allem.  ]«  steven; 
i°bord.  Angl.  1°  stay;  2°  board. 
Holl.  i»  steun;  2°  bord.  En  hollan- 
dais, steven,  formé  de  steun,  signi- 
fie à  la  fois  l'étrave  et  l'étambot, 
c'est-à-dire  la  charpente  qui  sert  de 
support  à  l'avant  du  navire  et  celle 
qui  sert  de  support  à  l'arrière.  En 
allemand,  Vétrave  est  appelée  vor- 
dersteven,  c'est-à-dire  support  an- 
térieur, et  l'étamfco^  est  nommé  hin- 
tersteven,  support  postérieur.  (Voir 
l'article  Étrave  ci-après.) 

Etamper^  terme  de  maréchalerie . 
Il  ne  s'emploie  que  dans  cette  phrase, 
étamper  un  fer  de  cheval,  y  faire 
les  huit  trous.  (Acad.)  Ge  mot  pro- 
vient d'un  primitif  germanique  si- 
gnifiant frapper,  percer  ou  faire  une 
empreinte  en  frappant.  L'italien  a 
stampare  percer  des  trous  avec  un 
emporte-pièce,  empreindre,  graver, 
estamper,  imprimer;  stampa,  em- 
preinte, impression,  estampe .  De  ce 
verbe  et  de  ce  substantif  italiens  déri- 
vent les  mots  français  estamper,  es- 
tampe qui  ne  sont  pas  anciens  dans 
notre  langue. 

— Allem.  stampen,  frapper,  battre, 
faire  un  trou,  une  empreinte  en 
frappant;  lôcher-stampen,  étamper 
un  fer  de  cheval;  angl.  to  stamp, 
frapper,  faire  une  empreinte  en  frap- 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.   353 

lasser, amonceler.  Holl.stope;,am as, 
chantier,  entrepôt^  étape  ;  stapelen, 
amasser,  entasser.  Angl.  staple,  en- 
trepôt, étape.  Dan.  4°  stabel,  amas, 
monceau  ;  2°  stabel-stad,  ville  qui 
a  droit  d'entrepôt,  étape  ;  stad  qui 
entre  dans  cette  expression  signifie 
ville. Suéd.  \° stapel ;  %°  stapel-stad. 
Island.  stable,  amas,  tas,  monceau. 

Étau  .  Ce  mot  provient  d'un  pri- 
mitif germanique  signifiant  ceps , 
instrument  de  supplice  qui  consis- 
tait en  deux  pièces  de  bois  que  Ton 
serrait  au  moyen  d'une  vis  et  entre 
lesquelles  on  pressait  les  jambes  de 
ceux  que  l'on  soumettait  à  la  tor- 
ture. Uétau  dont  se  servent  les  ser- 
ruriers et  autres  ouvriers  est  fort 
semblable  à  cet  instrument.  On  dit 
en  provençal  estoc  pour  étau  et  en 
patois  lorrain  estauque. 

—  Tud.  stoc,  stock,  ceps,  insiru- 
ment  de  torture;  ce  mot  signifie  pro- 
prement pièce  de  bois,  billot,  tronc. 
L'ancien  allemand  stock  et  le  hollan- 
dais stoh  ont  les  deux  mêmes  si- 
gnifications. L'allemand  emploie 
schraubstocJi  pour  signifier  ceps  ;  ce 
mot  est  composé  de  schrauben,  pres- 
ser, serrer  et  de  stock,  pièce  de  bois, 
billot.  L'anglo-saxon  a  dans  ce  der- 
nier sens  stoc  ,  stocce;  l'islandais 
stockr  ;  le  danois  stok  et  le  suédois 
stock. 

Etoffe,  autrefois  estoffe. 

On  disait  estofer,  estoffer,  estofler, 
pour  signifier  garnir,  équiper^  orner, 
parer,  et  es/o^wre,  estoffement,  pour 
garniture,  équipement,  ornement  ; 
en  base  latinité,  sito/"/îa,  étoffe,  sfit/- 
fare,  garnir,  orner  ;  stufura,  stofu- 
ra,  garniture,  ornement.  (Voir  dans 
du  Cange  ainsi  que  dans  Roquefort, 


pant;  hoU.  stampen,  frapper,  piler; 
suéd.  stampa;  dan.  stampe. 

Étangues,  espèee  de  grandes  te- 
nailles. (VoirTrévoux.) — Anglo-sax. 
tanga,  tange,  tang,  tenailles,  pince; 
island.  tông,  taung;  tud.  zanga;  hoU. 
tang;  allem.  zangfe;suéd.  taong  ; 
dan.  tang;  angl.  tongs. 

Un  e  initial  a  été  ajouté  à  étan- 
gues comme  à  écorce,  formés  de 
cortexy-ticis  et  à  éclair  de  clarus 
(ignis).  Voir  tome  II,  p.  124. 

Étape,  autrefois  estape,  estaple. 
On  appelait  ainsi  une  place  publique, 
où  les  marchands  étaient  obligés 
d'apporter  leurs  marchandises  pour 
les  vendre  au  peuple  :  en  basse  la- 
tinité, stapula. 

Item,  tous  raarchans  ayans  vin  a  Ves- 
lappe  (le  Paris  doivent  au  dlct  prevost , 
chacun  pour  chacunes  charretés  de  vin, 
xij  deniers  parisis,  el  pour  le  charriot  ij 
sols  parisis.  {Livre  des  métiers,  p.  440.) 

Par  extension,  étape  se  prenait 
pour  une  ville  de  commerce  ;  on  di- 
sait, «  Grand  est  V étape  des  blés,» 
nous  dirions  aujourd'hui  entrepôt 
des  blés.  Enfin,  étape  se  prit  pour 
un  lieu  approvisionné,  où.  s'arrêtaient 
les  troupes  qui  étaient  en  marche, 
afin  qu'on  leur  distribuât  les  vivres 
et  les  fourrages  qui  leur  étaient  né- 
cessaires. 

Stapula,  d'où  nous  avons  fait  es- 
taple, étape,  dérive  d'un  mot  ger- 
manique signifiant  amas,  tas;  c'é- 
tait un  lieu  où  on  amassait  une 
grande  quantité  de  marchandises, 
comme  on  le  fait  dans  nos  entre- 
pôts. 

—  Allem.  stapel,  amas,  tas,  mon- 
ceau, chantier,  magasin,  entrepôt , 
foire,  étape  ;  stapeln,  amasser,  en- 


r 


23 


354 


PREMIÈRE  PARTIE. 


glossaire  et  supplément,  des  exem- 
ples de  ces  mots  dans  les  deux  lan- 
gues.) 

Pour  vostre  grâce  accroistre  et  que  vous 
ayez  mieux  pour  vous  exto/fer  et  suivit  \es 
armes,  je  vous  retiensa  tousjours  pour  mon 
chevalier  "a  cinq  cents  marcs  de  revenu  par 
an.  i,Froissart,  liv.  I,  part,  ii,  cliap.  xlvi.i 

—  HoU.  1°  stof,  étoffe;  2"  stoffee- 
ren,  garnir,  parer,  orner.  Allera. 
h"  stoft,  étoffe;  ^°  staffiren.  Angl. 
stuff,  étoffe.  Dan.  et  snéà.  stof,  item. 
Tous  ces  mots  paraissent  tenir  au 
gothique  stahs,  matière  première^ 
élément. 

Étourdi  :  en  basse  latinité,  stor- 
datus  ;  en  italien  stordito. 

—  AUem.  1°  stutzig  et  bestùrit, 
étourdi^  abasourdi,  comme  quel- 
qu'un qui  tombe  d'un  lieu  élevé  ;  2° 
sturtzen,  stùrtzerij  tomber  du  haut, 
se  précipiter.  C'est  ainsi  que  nous 
disons  en  français,  J'en  suis  tombé 
de  ma  hauteur,  pour  J'en  ai  été  fort 
étonné.  Suéd.  1"  stœss;  2o  stœrta. 
HoU.  storten,  tomber  d'un  lieu  élevé; 
dan.  styrte,  item. 

Étrain  _,  côte  de  la  mer  qui  est 
plate  et  sablonneuse.  Ce  mot  est 
principalement  usité  en  Picardie. 
(Voir  Trévoux.)  On  disait  autrefois 
estran,  estrain,  avec  la  même  signi- 
fication. Anglo-sax.  strand,  rivage, 
côte;  island.  strônd  ;  allem.  angl. 
hoU.  dan.  et  suéd.  strand. 

ÉTRAVE,  autrefois  estrave,  terme 
de  marine  :  assemblage  de  pièces 
de  bois  élevées  sur  le  devant  de  la 
quille.  Vétrave  sertde  supporta  l'a- 
vant du  navire  et  forme  la  proue. 
—  HoU.  ]o  steven,  étrave  ;  'i°steun, 
appui,  support.  Angl  1  °  stem  ;%°  stay. 
AUem.  vordersteven,  étrave  ;  com- 


posé de  vorder,  antérieur,  de  devant, 
et  de  steven  ,  support.  Dan.  fors- 
tœven,  étrave  ;  de  fors,  devant,  et 
stœven,  support.  Suéd.  stœf,  étrave, 
dérivé  de  s to/',  pièce  de  bois,  bâton. 
Tuà.stab,  item;  anglo-sax.  stœf, 
staf,  item  ;  island.  stafr,  item. 

Dans  estrave,  étrave,  le  r  a  été 
ajouté  après  le  t,  comme  dans  mar- 
tre^ de  martes;  trésor,  de  thésau- 
rus^ etc.  (Voyez  tome  II,  p.  142.) 

Étrier  :  en  basse  latinité,  strepa, 
streva  ;  en  espagnol  et  en  portuguais, 
es^n'ôo. Nous  disions  autrefois  sMeu, 
et  plus  anciennement  estref,  estrief; 
en  langue  d'oc,  estreup. 

Outre  s'en  passent  que  ej/re/"u'i  perdirent. 

(Oyierde  Dantmarche,  v.  1798.) 

Estrief,  ne  siele,  ne  sosçaingle. 

(PU.  Mouskct,  cité  p»r  du  Gange,  «ri.  Strepa.) 

Les  anciens  étriers  ne  consistaient 
qu'en  une  courroie  qui  s'élargissait 
à  l'endroit  où  le  cavalier  plaçait  le 
pied.  On  peut  s'en  convaincre  en 
examinant  certains  sceaux  et  certai- 
nes médailles  du  moyen  âge,  où  se 
trouve  un  homme  à  cheval.  Nous 
appelons  aujourd'hui  étriviére  la 
courroie  à  laqueUe  est  suspendu  l'é- 
trier. 

—  Anglo-sax.  strop,  courroie, 
attache;  allem.  strippe^  item; suéd. 
strœpa,item;  hoU.  strop,  courroie, 
attache,  corde  à  nœud  coulant,  es- 
trope  ou  étrope;  on  appelle  ainsi, 
en  termes  de  marine,  une  courroie 
ou  une  corde  à  laquelle  est  suspen- 
due une  moufle  de  poulie.  Angl. 
strop,  étrope;  dan.  strop,  stroppe, 
item. 

Étron.  On  disait  autrefois  esfroraf; 
en  basse  latinité,  struntus,  strun- 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  II.    305 

le  meurtrier;  parti  formé  d'une  ou 
de  plusieurs  familles  pour  tirer  ven- 
geance d'un  meurtre  :  en  basse  la- 
tinité, faida. 


dius;  en  italien,  sft"onzo;  en  proven- 
çal, estron. 

Elle  est  Vestront  de  vostre  mère. 

théâtre  français  au  mot/en  âge,  p.  100.) 

Ge  VOS  di,  beax  amis,  prenez-moi  un  es- 
ironl  de  vieille  anesse,  et  un  esiront  de 
chat,  et  une  crote  de  rat,  et  une  faelle  de 
plantein,  et  un  esiront  de  putain  ;  si  les  pes- 
telez  tout  nestement  en  un  mortier  de 
coivre  a  unpestau  de  fer,  par  force  d'ome. 
Si  méprenez  un  poi  de  cellande  dudiaton 
et  panele,  et  manviele,  et  comal,  et  tormal, 
et  de  l'erbe  Robert,  et  si  meteiz  un  pié  de 
reine ,  de  l'oDbre  du  fossé,  de  brine;  ce 
sont  ore  les  bonnes  herbes  que  je  vos  di. 
Si  mêlez  un  poi  de  sain  de  marœote,  et  de 
Vestront  de  la  linote ,  et  si  metez  de  Ves- 
tront a  la  charrée  de  Troies  et  de  Vestront 
à  la  croteuse  de  Ligny;  ne  l'metez  en  ou- 
bli. Prenez  toutes  ces  bones  espices;  si 
m'en  faites  i,  geniill  pastel  tout  net,  si  le 
me  couchiezsor  vostre  joue,  et  du  jus  lavez- 
vos  bien  vos  denz,  et  puis  dormez  un  poi. 
Ge  di  que  vos  en  seroiz  gariz,  se  Diex  velt. 
(Cl  comence  l'erberie,  dans  les  œuvres  de 
Rutebeuf,  1. 1,  p.  470.) 

—  Ane.  a.\lem.  stront,  étron;  bas 
allem.  strund;  suéd.  strunt;  holl. 
stront;  angl. turd;  anglo-sEix.  tord. 

Étuve  :  en  basse  latinité,  stuba, 
stuppa,  stupha,  stuffa;  en  italien, 
stufa;  en  espagnol,  estufa;  en  pro- 
vençal, estuba. 

— Tnà.  stuba,  siwpa^  poêle,  étuve; 
anglo-sax.  stofa;  island.  stufa;  anc. 
allem. stobe;  dan.  stue;  suéd.  stufwa; 
holl.  stoof ,  stoove;  angl.  stove. 
Allem.  stube,  chambre  où  se  trouve 
un  poêle,  chambre  à  feu. 

Fàide,  Faidu,  Fadiu,  anc.  ini- 
mitié, animosité,  différend,  démêlé  ; 
droit  de  vengeance  autorisé  par  nos 
anciennes  lois,  qui  permettaient  aux 
parents  d'un  homme  tué  d'user  de 
représailles  s'ils  venaient  à  trouver 


Ou  fait  le  ban  ke  on  fait  asavoir  "a  tous 
ke  s'il  est  home  u  feme  en  ceste  vile  ki  soit 
en  faide,  ni  en  mal  amour,  ne  en  haine,  ke 
s'il  volt  avoirpais  nearcord,ke  il  viengne  as 
preud'houmes  eswardeurs  ki  le  pais  feront 
de  par  sainte  Église,  de  par  le  seigneur  de 
le  terre  et  de  par  les  eschevins.  (Ban  des 
Trives,  de1254.) 

Il  n'a  mie  mort  deservie, 
Nec'on  li  doie  tolir  la  vie; 
Por  ce  que  il  vos  a  baisiée 
Tant  devez  vos  estre  plus  liée  : 
S'il  vos  eust  veue  laide 
J'a  de  baisier  n'eussiez  faide-. 
Mais  il  vos  vist,  ma  damoisele, 
Sor  tote  criature  bêle. 
Laissiez  ester  ceste  riote, 
Tost  vost  en  tenroit-on  à  sote. 

{Roman  de Blanchandin,t'  178  »",  col.  I.) 

Se  aulcun  home  de  forain  à  ces  trives  ne 
se  voelt  tenir,  il  convient  ke  cils  qui  les 
trives  aront  fiancés  u  li  kief  de  le  faidCy 
amené  devant  eschevins  celi  u  cels  ki  à 
ces  trives  ne  se  voiront  tenir,  en  plainne 
halle,  par  quoi  les  eschevins  parolent  à 
als  de  bouke.  (Registre  de  l'hôtel  de  ville 
de  Douai  ,  a  clous  de  cuivre,  coté  L  , 
f  4  v°.) 

S'aucuns  home  porte  coutiel  à  pointe,  u 
broke,  u  sajetes,  u  arc  et  piles,  s'il  n'est 
de  faide  morteil  em  puint  que  triuwessont, 
et  puis  que  bans  en  est  fais,  il  est  a  trente 
sols.  {Cartulaires  de  Hainaut  publiés  par 
M.de  Reiffenberg,  p.  346.) 

(Voir  le  glossaire  de  Roquefort  et 
son  supplément,  auquel  j'ai  emprunté 
les  trois  premiers  exemples  que  je 
viens  de  citer.) 

De  faide,  on  fit  le  verbe  faider, 
faidir,  exciter  l'animosité  d'une  per- 
sonne contre  une  autre. 


356 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Quar  li  Poitevin  li  aidoient. 
Elle  roy  Jean  monh  faidoienl. 

^Phil.  Mousket,  cil»  par  du  Cnogo,  art.  Fuidire,  a 
la  suite  de  l'art.  Faida.J 

Tacite  dit  en  parlant  des  Ger- 
mains :  «  Suscipere  tara  inimicitias, 
seu  patris,  seu  propinqui,  quam 
amicitias  necesse  est.  )){De  Moribus 
Germanorum,  XXI.)  C'est  à  cet  usage 
des  barbares  envabisseurs  de  l'Em- 
pire romain  que  l'on  doit  attribuer 
l'origine  des  faides  et  de  ces  guerres 
particulières  que  se  faisaient  entre 
eux  les  seigneurs  du  moyen  âge, 
guerres  qui  ont  ensanglanté  l'Europe 
pendant  plusieurs  siècles. 

— Tud.  faida,  animosité,  inimitié, 
haine,bostilité;  a.ng\o-sa.x,'l°fœhdhd, 
item;  2°  fehan,  fean,  avoir  de  l'ani- 
mosité  contre  quelqu'un,  le  pour- 
suivre de  sa  vengeance.  Ane.  allem. 
4°  fede;  2°  fien.  Goth.  flgan,  avoir 
de  l'animosité,  de  la  haine  contre 
quelqu'un.  HoU.  veede,  veete,  ani- 
mosité,  inimitié,  haine;  island.  fœd, 
item;  allem.  fehde,  démêlé,  que- 
relle, hostilité,  guerre  ;  dan .  fejde, 
item;  suéd.  fegd,  item  ;  bas  allem. 
vaihede,  item;  angl.  foe,  ennemi, 
adversaire. 

Falaise,  rocher  escarpé  qui  se 
trouve  au  bord  de  la  mer;  ce  mot 
paraît  avoir  signifié  anciennement 
un  rocher  quelconque  ;  en  basse  la- 
tinité falesia. 

Li  aumacors  atoi  s'en  vet; 

A  une  falaise  se  tret, 

Qui  moU  estoit  et  liante  et  granz. 

{Ftoire  elBlauceflor,  ëdil.  Hu  Méril,  p.  323.) 

Tant  oirre  qu'a  une  falise, 
Où  nus  ne  golasl  d'une  fonde, 
Est  venus 

fRomani  lU  Perceml,  cite  i/,id.  p.  275,  ) 


—  Tud.  felisa,  felis,  roc,  rocher; 
island.  fiœll,  item  ;  anc.  allem. 
felis,  item;  suéd.  ^œll,  item;  allem. 
fels,  item;  dan.  fiœld,  montagne. 

Falde^  Faulde  ,  Faude,  anc. 
claie,  assemblage  de  claies  qui  se 
plient  les  unes  sur  les  autres,  bercail 
fait  avec  des  claies,  parc  à  brebis, 
bergerie.  En  basse  latinité,  falda 
avait  les  mêmes  significations.  (Voir 
le  glossaire  de  Du  Gange.)  En  ita- 
lien, falda  se  dit  de  toute  pièce 
d'un  assemblage  dont  les  différentes 
parties  se  plient  les  unes  sur  les 
autres,  comme  les  feuilles  d'un  pa- 
ravant.  Le  dictionnaire  de  laCrusca 
donne  pour  définition  :  «  Falda  si 
dice  di  materia'piaghevole  dilatata 
in  figura  piana  che  agevolmente  ad 
altra  si  soprappone.  » 

Et  vint  Saûl  a  unes  faides  de  berbiz  ki 
sur  sun  chemin  esteint;  truvad  i  une  cave 
grande  ù  il  eutrad,  pur  sei  aiser.  {Livre  des 
Rois,  p.  93.) 

El  venit  ad  caulas  ovium  quce  se  offerebant 
vianli;  eratqne  ibi  spelunca  quam  ingressut 
est  Saul,  ut  purgaret  ventrem. 

D'un  lairon  cunte  qui  ala 
Berbiz  embler  que  il  espia 
Dedenz  la  faude  à  un  vilain; 
Ensanle  od  li  porta  un  pain. 
Au  chien  voleit  ce  pain  bailler 
Qui  la  faude  devait  gueilier 
Li  kiens  li  dist  :  Amis,  pur  coi 
Prendrei-jeo  cest  pain  de  toi  ? 
Je  ne  l'ie  puis  guerredoner, 
Fai  a  tuu  oues  le  pain  garder. 

(Marie  de  France,  t.  11.  p.  153.) 

Une  faude  veil  de  berbiz 

E  un  grant  parc,  lez  un  costiz; 

Veit  le  pastor  qui  's  gart  e  meine. 

[C/iron.  des  duci  de  Sform.  t.  Il,  p.  tSiJ 

—  Anglo-sax.  fald,  pli,  assem- 
blage  de   pièces  qui  se    plient  les 


CHAP.  m,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE  SEGT.  IL   357 


unes  sur  les  autres,  bercail  formé 
avec  des  claies;  parc  à  brebis,  ber- 
gerie ;  fealdan,  plier.  Tud.  1°  fait, 
pli;  2° /aWan,  plier.  Goth.  \°  fald; 
2°  faldan.  Island.  ]  "  falld;  2°  fallda. 
Dan.  i ^  fold;  2°  foîde.  Suéd.  ]°fœll; 
2°  /œ//a.  Allem.  i»  /a^^e  ;  2°  /"a/ien. 
Angl.  fold,  pli,  et  de  plus  bercail, 
bergerie,  parc  à  brebis;  to  fold, 
plier,  parquer  des  moutons. 

Fange.  On  disait  autrefois  fane, 
pour  signifier  un  bourbier. 

Et  dant  Platon  par  grant  air 
Le  referi  si  d'un  solisrae 
Sor  l'escu,  parmi  une  rime, 
Qu'il  le  tist  trcbuchicr  el  fane. 
Et  le  couvri  testout  de  sanc. 

(la  Bulaille  det  Vllarx,^  la  «uilo  des  œuvre»  âe 
Rulcbcuf,  1,11,  p.  436.) 

—  Tud.  fennî,  fenna,  mare,  ma- 
rais, bourbier,   boue;   goth. /ani; 

lo  sax.  fenn;  island.  suéd.  et 
fen,  mare,  marais,  maré- 
cage; hoU.  veen,  tourbière.  L'e  du 
primitif  germanique  est  devenu  a 
dans  fane,  fange  comme  dans  ipar, 
rame,  ramper,  cran  formés  de  per, 
remus,  repère,  crena.  (Voir  tome  II, 
p.  68.) 

Fanon,  outre  la  signification  que 
ce  mot  possède  aujourd'hui,  il  dési- 
gnait encore  anciennement  un  mor- 
ceau de  linge,  une  serviette^  un  es- 
sjiie-main  (voir  le  Roman  du  Re- 
nard, t.  I,  p.  128),  ainsi  qu'une 
sorte  de  bandelette  pendante  au  bras 
d'un  prêtre,  un  manipule.  (Voyez  la 
vie  de  saint  Thomas  de  Canterbury, 
p.  479,  V.  530.) 

—  Goth.  fana,  morceau  de  linge_ 
serviette;  tud.  fano,  linge,  drapeau, 
bannière  ;  anglo-sax.  et  island. 
/"ana;  allem.  fahne,  drapeau^  en- 


seigne, bannière;  dan.  fane;  suéd. 
fana  ;  hoU.  vaan. 

Fard.  Le  fard  était  fort  en  usage 
chez  les  femmes  au  moyen  âge. 
L'auteur  de  ['Art  d'amours  conseille 
d'aller  voir  sa  maîtresse  avant 
qu'elle  ne  soit  fardée. 

Au  matin  va  la  voir,  ains  qu'elle  soit  levée, 
Ne  que  de  son  fardet  soit  oinle  ne  fardée. 

(Guiart,  Art it Amours,   mss.  ii"76l5,   cité  par  Ro- 
quefort, an.  Fardet.) 

Et  Si  vous  di  que  la  limace, 
Qui  va  dorant  tousjors  sa  trace. 
Si  nous  trouva  l'enluminer 
Et  foies  famés  a  farder.    • 

(Vert insérés   à  la  «nite  des  œuvres  de  Ruiebeuf, 
t.  1 1,  p.  4S5.) 

(Voir  ci-dessus  l'article  Blond, 
pour  l'emploi  des  colorations  factices 
dans  la  toilette  parmi  les  peuples 
d'origine  germanique.) 

—  Tud.  farwa,  couleur^  coloris, 
teint;  anglo-sax. /"cerôit;  island.  far- 
vi;  allem.  farbe;  dan.  farve;  suéd. 
fœrq  ;  holl.  venu.  Le  d  final  de /"ard 
est  paragogique  comme  celui  d'Al- 
lemand, Flamand,  gourmand,  blor- 
fard,  etc.  (Voyez  tome  II,  p.  153 
et  tome  \,  p.  291,  art.  Blafard.) 

Faubert,  terme  de  marine  :  es- 
pèce de  balai  fait  de  cordages  défilés, 
avec  lequel  on  nettoie  le  navire  ;  de 
là  fauberter,  pour  balayer,  nettoyer 
avec  le  faubert.  -—  Holl.  zwabber, 
faubert;  suéd.  svabert;  angl.  swab, 
de  l'anglo-saxon  svehban,  nettoyer. 

Faulder,  Fauder,  anc.  plier, 
ployer,  courber. 

Mais  j'ai  en  remembrance  ades 
Que  Dix  ensi  me  ploie  et  faude 
Ki  veut  que  l'ame  en  ait  son  rès 
En  paradis 

fCi  Congié  Je  Baude  Fattoul  U'Arat,  T.  UT,  citii 
par.  Roquefort,  art.  Faulder.)  , 


358 


PREMIÈRE  PARTIE. 


—  Tud.  faldan,  plier,  ployer; 
anglo-sax.  fealdan;  island.  fallda  ; 
dan,  folde  ;  suéd.  fœlîa  ;  allem.  fal- 
ten;  angl.  tofold. 

Fauteuil,  anciennement  faldes- 
toel,  faudestoel,  faudesteuil,  favr- 
destoul,  faudestuel,  faudetuel,  fau- 
deteuil. 

Un  faldestoel  out  suz  l'ombre  d'un  pin, 
Envolupet  fm  d'un  pâlie  alexandrin; 
Lb  fut  li  reis  ki  tute  Espaigne  tint. 

(CAonJ.  de  Rolimd,   ëdit.  Gëoin,  p.  35.) 

Un  faudestuel  fait  aporter; 
Desus  s'en  vait  li  rois  ester. 

[Floire  et  Blancejlor,  édit.  du  Méril,  p.  213  ) 

Deseur  i.  faudeslueil  roial, 
Covert  de  porpre  inpérial, 
Sist  César 

{Dalopachoa,  p.  34. i 

Les  mulz  e  les  sumers  afeutrent  !i  servant, 

E  funt  pleines  les  maies  entre  or  fln  et  ar- 
gent, 

De  veisaus  e  de  deners  e  de  autre  garne- 
ment; 

Faudestoulz  d'or  i  portent  e  treis  de  seie 
blanc. 

A  Seiut-Denis  de  France  11  reis  s'escrepe 
prent. 

Li  archevesche  Turpin  li  seiguat  gente- 
ment. 

(  Vog.  de  Charl.  à  Jérut.  T.  82.) 

En  basse  latinité,  faldestaulus, 
faldestolium,  faudestaula,  faudes- 
tolium,  faldistorium,  valdestolum  ■ 
Ces  mots  désignaient  une  sorte 
de  siège  pliant^  garni  de  sangles 
et  recouvert  d'étoffe,  ayant  un 
dossier  composé  de  même  et  des 
accotoirs  ;  ce  siège  était  spéciale- 
ment destiné  aux  cérémonies  publi- 
ques; on  le  pliait  pour  pouvoir  plus 
facilement  le  transporter  d'un  lieu 
dans  un  autre.  On  lit  dans  le  com- 
mentaire sur  le  panégyrique  de  l'em- 


pereur Béranger,  composé  par  Adrien 
de  Valois  :  «  Sella  plectilis  quae 
vulgo  valdestolum  vocatur.  »  Du 
Cange,  dans  son  glossaire,  inter- 
prète faldistorium  par  sella  plicati- 
lis.  Nicot  est  plus  explicite  dans  sa 
définition  ;  la  voici  : 

Faudeteuil  est  une  espèce  de  chaire  a 
dossiers  et  à  accouldoirs,  ayant  le  siège  de 
sangles  entrelassées,  couverte  de  telle  es- 
loffe  qu'on  veut,  laquelle  se  plie  pour  plus 
commodément  la  porter  d'un  lieu  à  un 
autre,  et  est  chaire  de  parade  laquelle  on 
tenoit  anciennement  auprès  d'un  iict  de 
parade. 

En  italien  et  en  espagnol,  faldis- 
torio  signifie  un  siège  qui  est  à  l'u- 
sage des  évoques  dans  les  cérémonies 
de  l'église. 

—  Tud.  faldstuol,  siège  pliant, 
fauteuil  ;  ce  mot  esi  composé  de 
faldan,  plier,  et  de  stuol,  stual,stôl, 
siège.  Goth  \° faldan,  T^liev; 'i°  stol. 
Anglo-sax.  1  °  fealdan  ;  2°  stol.  Is- 
land. \°  fallda;  2°  stol.  Dan.  i» 
folde;  2°  stoel.  Suéd.  1°  fœlla;  2» 
stol.  Allem.  1°  falten;  2°  stuhl. 
Angl.  1o  tofold;  V  stool. 

Fel,  Fêle,  Félon,  Félun,  anc. 
méchant,  pervers,  injuste,  violent, 
cruel,  barbare,  perfide,  traître;  en 
basse  latinité  felo. 

Elduiue  fu  fel  et  iros 

Et  mult  durement  orgillos. 

fRom.  de  Brut,  t.  M.  p.  26S.) 

Por  lapoor  e  por  le  cri 
De  Hastainz  cil  fel  anemi. 
Se  sunt  li  muignes  tuit  fui, 
Li  mostier  unt  tout  soûl  guerpi. 

{Rom.  de  Roti,  y.  345.) 

Feme  a  le  cuer  félon,  chelis  et  orgueilleux, 
Cruel  et  desloial,  félon  et  traïteux. 

fCIkulie-Muiari,  à  la  suite  dei  asuTret  de  Ruirbeuf. 
t.  Il,p.486.y 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.  359 

Nos  pères  se  servaient  du  feutre 
à  divers  usages,  pour  faire  des  cha- 
peaux, des  tapis,  des  garnitures  ie 
chaise,  de  selle,  et  même  des  ha- 
bits. 


Merci  te  cri  que  mis  sires  li  reis  ne  se  cu- 
ruzt  vers  cest  felun  Nabal.  (Livre  des  Rois, 
p.  99.) 

Ne  ponat,  oro,  dominus  meus  rex  cor  suum 
super  virurn  istum  iniquum. 

—  Anglo-sax  .  felle,  méchant, 
pervers,  scélérat  ;  angl .  fell,  mé- 
chant, cruel,  barbare;  holl.  fel, 
item. 

Ferling,  Ferlin,  ancienne  mon- 
naie qui  était  le  quart  du  denier;  en 
italien  ferlino.  —  Anglo-sax.  feor- 
dhling,  quart  de  denier,  ferlin:  de 
feordh,  feorth,  quatrième,  formé 
lui-même  de  feother,  quatre.  Pour 
les  correspondants  de  ce  dernier  dans 
les  divers  idiomes  germaniques 
voyez  l'art.  Ferton  qui  vient  après. 

Ferton,  Fierton,  Freiton,  anc. 
quatrième  partie  du  marc.  En  basse 
laXiniiéferto^fierto.  (Voir  le  glos- 
saire de  du  Gange.) 

Et  juroDs  que  nos  ne  recevrions  nns  des 
deniersdes  ouvriers  par  qu'il  istic  (stc)  plus 
de  trois  fors  et  de  trois  foibles  au  freiton, 
c'est  "a  savoir  que  li  fors  doivent  estre  de 
15  sols  et  5  den.  etc.  (Serment  prêté  par 
des  monnâyeurs  au  comte  de  Poitiers,  an- 
née 1 265,  cité  par  du  Cange,  art.  Ferto.) 

—  Anglo-sax.  ferting,  quatrième 
partie  du  marc,  ferton;  de  feorth, 
quatrième,  qui  est  formé  de  feother, 
quatre.  Goth..  fidur,  fidvor,  item; 
tud.  fiari,  item  ;  island.  fiugar  ;  suéd. 
fyra;  dan.  fire  ;  axigl.  four  ;  holl. 
vier;  allem.  vier. 

Feutre,  anciennement  feltre,  es- 
pèce d'étoffe  non  tissée  qui  se  fait 
en  foulant  le  poil  ou  la  laine  dont 
elle  est  composée;  c'est  ce  que  les 
Latins  appelaient  coactile  ou  lana 
coacta.  En  basse  latinité,  feltrum, 
filtrum  ;  d'où  nous  avons  fait  filtre; 
en  italien,  filtro. 


Nus  cliapelier  de  feutre  ne  doit  faire  cha- 
piaus  de  feutre  fors  que  d'aignelins  purs 
sanz  bourre.  [Livre  des  métiers,  p.  248.) 

LI  reis  me  prestet  sa  espée  al  poin  d'or 

adubet, 
Si  ferrai  sur  les  heaumes  ù  il   erent  plus 

chers, 
Trancherai  les  haubercs  e  les  heaumes  gem- 
mez, 
Le  feutre  od  la  sele  del  destrer  sujurnez. 

(  Voyage  de  Charlemagne  à  Jérut.  ».  458.^ 

Or  aillent  s'il  voillenl  couohier, 
Car  il  ne  daignent  atouchier 
Leurs  robes  de  saz  et  de  fautres. 

{Branche  des  rot/aux  lignages^  t.  I.  p.  171.) 

—  Anglo-sax.  1°  felt,  feutre;  dé- 
rivé de  2°  fel,  fell,  peau  d'animal 
avec  la  laine,  avec  le  poil,  toison. 
Tud.  i"  fih;  2°  fel,  fil.  Allem. 
\'>filz;  fell.  Angl.  \°felt;  2°  fleece. 
Holl.  \°  vilt;  2°  vei.  En  gothique, 
fill,  peau.  Pour  l'addition  du  r  après 
le  t  dans  filtre,  voyez  t.  II,  p.  142. 

Fey,  Fé,  Fex,  anc.  troupeau,  bé- 
tail. 

Si  un  fex  de  brebiz  ou  de  moutons  est 
prins  en  temps  deu,  l'en  ne  paiera  que 
deux  solz  tournois  pour  une  foiz.  (Ordon- 
nance royale  de  1352,  citée  dans  ie  glos- 
saire de  Carpentier,  art.  Fexa.) 

—  Tud.  fihu,  troupeau,  bétail; 
goth.  faihu,  item;  anglo-sax.  feo  ; 
island.  fé;  allem.  vieh;  bas  allem. 
veh,  viech;  holl.  vee;  dan.  et  suéd. 
fœ. 

Fief.  En  basse  latinité,  feodum, 
feudum  ;  en  italien,  fio  ;  en  langue 
d'oc,  feu;  en  anc.  portugais,  feu. 


360 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Vu  a  été  changé  en  f  dans  fief 
de  feodum,  comme  dans  juif  de  ju- 
dœus ,  dans  veuf  de  viduus,  etc. 
(Voyez,  à  cet  égard,  l.  II,  p.  416 
et  118.) 

—  Goth.  faihu,  bien,  fortune, 
avoir,  richesse.  On  trouve  dans  la 
langue  des  Lombards  l'expression 
fader-fiu  {fader,  père),  bien  pater- 
nel, patrimoine.  Ane.  frison,  fia, 
bien,  richesse,  avoir,  ])étail,  trou- 
peau. Les  autres  idiomes  germa- 
niques ne  nous  présentent  ce  mot 
que  dans  le  sens  de  bétail,  trou- 
peau, la  richesse  consistant  en  bes- 
tiaux ;  c'est  ainsi  que  avoir,  aveir 
avaient  le  môme  sens  dans  notre 
ancienne  langue.  (Voyez  ci-dessus, 
p.  128.)  Tud.  fiu,  bétail,  troupeau  ; 
anglo-sax.  feo;  island.  fé;  allem. 
vieh;  holl.  vee;  dan.  et  suéd. 
fœ.  Les  dérivés  latins  feodum, 
feudum,  sont  pour  feoum,  feuum, 
dans  lesquels  on  a  introduit  un  d 
épenthétique,  afin  d'éviter  la  ren- 
contre des  deux  voyelles;  les  Ita- 
liens ont  fait  même  chiodo  pour 
chioo  de  clavus,  et  ladico  pour  laico 
de  laîcus. 

Fin.  En  italien  et  en  espagnol, 
fino.  —  Tud.  fin,  déliée  menu,  fin  ; 
dan.  fiin;  suéd.  fin;  allem.  fein, 
fin,  délié,  subtil,  pur;  holl.  fijn, 
fin,  pur,  épuré  ;  island.  finn,  item; 
angl.  fine,  fin,  rafiné^  épuré,  clair, 
beau. 

Flacon.  En  basse  latinité,  fiasco, 
flasca,  flascula,  qui  signifiaient  bou- 
teille, flacon,  fiole  et  autres  vases 
destinés  à  contenir  de  la  boisson; 
en  espagnol,  fiasco  ;  en  italien, ^as- 
co,  fiascone;  en  provençal,  flasque, 
fiasco,  flascou.  Nous  avons  dit  au- 


trefois flasche    et  flasque   avec  la 
même  signification. 

La  aussy  nous  dist  estre  ung  flasque  de 
sang  Greal,  chouse  divine  et  a  peu  de  gens 
congnuc.  (Rabelais,  Pantagruel,  liv.  V, 
ch.  X.) 

Le  bon  Bacchus  jouoit  du  flasque.  (Das- 
soucy,  Le  Jugement  de  Paris,  1648,  in-4*, 
p.  12.) 

—  Tud.  flascha,  bouteille,  fiole, 
flacon;  anglo-sax.  flaska,  flaxa;  is- 
land. flaska;  anc.  allem.  vlasca; 
allem.  flasche;  dan.  flaske;  suéd. 
flaska;  holl.  flesch;  angl.  flask. 

Flan,  autrefois  flaon.  En  basse 
latinité,  flado ,  onis;  flato ,  onis; 
flanto,  onis. 

Par  trestoz  les  sainz  que  l'en  proie. 
S'il  ne  se  deffent  de  lamproie, 
De  luz,  de  saumon  ou  d'anguille. 
S'en  le  puet  trover  en  la  ville. 
Ou  de  tartes,  ou  de  (laons. 
Ou  de  fromages  en  glaons. 

{Roman  dt  la  Rose,  T.  12185.) 

Flaon,  formé  de  fladonem  ou  fla- 
tonem  (voir  p.  45,  note),  est  devenu 
flan,  comme  paon,  taon  et  Laon 
sont  devenus  pan,  tan,  Lan  dans  la 
prononciation,  bien  que  l'on  con- 
tinue à  les  écrire  paon,  taon,  Laon. 

—  Tud.  flado,  tarte,  gâteau,  flan  ; 
allem.  fladen,  item;  holl.  vlaade, 
tarte  au  lait,  flan. 

■  Flanc.  —  Goth.  hîanc ,  côté , 
flanc;  tud.  hlancha,  lancha  ;  allem.. 
flanke;  suéd.  flank;  holl.  flank, 
flanc;  angl.  flank.  L'aspirée  gut- 
turale h  de  hlanc,  hlancha  s'est 
changée  en  aspirée  labiale  dans  les 
mots  correspondants  des  idiomes 
germaniques  modernes  ainsi  que 
dans  le  français  flanc.  La  même 
permutation    s'est     produite    dans 


dHAK  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  IL  36< 


d'autres  dérivés  d'origine  germani- 
bue  tels  que  frimas,  froc.  Voyez  ces 
mots  à  leur  place  dans  ce  chapitre  et 
tome  II,  p.  87. 

Flaque  d'eau.  On  a  dit  autrefois 
flache  pour  étang  et  pour  flaque 
d'eau;  voyez  Roquefort.  —  Ane. 
holl.  vlake,  nappe  d'eau  laissée  par 
la  haute  marée,  marais  salant,  de 
vlak,  qui  présente  une  surface  éten- 
due, mais  qui  n'a  pas  de  profondeur, 
qui  est  plus  profond,  plan,  plat; 
allem.  flach,  item;  flaches  ivasser, 
eau  peu  profonde,  nappe  d'eau;  dan. 
flakj  plan,  plat,  peu  profond;  suéd. 
flack,  item. 

Flatir  signifiait  autrefois  aplatir 
quelque  chose  en  frappant;  il  ne  se 
dit  aujourd'hui  qu'en  termes  de 
monnayeur^  pour  signifier  aplatir 
une  pièce  de  monnaie  en  la  battant 
avec  le  marteau  appelé  flatoir. 

— Tud.  4°  fiazan,  aplatir;  2"  ftaz, 
plat,  aplati.  Island.'1°/?e^ja;  '^°  flatr. 
Angl.  4°  to  fiât;  Tflat.  Suéd.  xtlatt, 
plat,  aplati;  allem. p/a^^;  dan.  holl. 
flat,  item. 

Flèche.  —  Tud.  flukhe,  flèche; 
anglo-sax.  fia,  flœn;  anc.  allem. 
flitz,  flitsche ,  island.  flein  ;  dan. 
flits;  angl.  flitch,  holl.  flits.V&Ue- 
mand  n'a  conservé  ce  mot  que  dans 
des  composés^  tels  que  flitzbogen, 
arc  à  lancer  des  flèches,  de  flitz, 
flèche^  et  de  bogerij  arc. 

Flet,  Flez,  poisson  de  mer  très 
plat,  appartenant  à  la  famille  que  la 
haute  latinité  désignait  sous  le  nom 
générique  de  passer,  et  la  basse  la- 
tinité sous  celui  de  platesa,  pîatessa, 
platesia. 

—  Suéd.  flat-fisk,  expression  ser- 
vant à  désigner  toute  la  famille  des 


poissons  que  les  Latins  appelaient 
passer.  Flat-fisk  est  formée  de  l'an- 
cien adjectif  flat,  plat  et  de  fisk, 
poisson.  Ce  dernier  a  été  supprimé 
en  français  pour  la  rapidité  de 
l'expression.  Dan.  \o  plat-flsk  es- 
pèce de  poissons  formant  la  famille 
passer;  2"  plat,  plat;  3°  fisk,  pois- 
son. Holl.  4°  platvis;  2°  plat; 
3°  visch.  Allem.  platteisse,  famille 
passer;  ce  mot  désigne  particulière- 
ment deux  poissons  de  cette  famille 
la  plie  et  le  carrelet;  de  platt,  plat. 
Angl.  flatj  item;  plaice,  plie,  car- 
relet, 
*•  Fliche,  anc.  quartier  de  viande 
de  porc  salé,  morceau  de  lard:  en 
basse  latinité,  flichia,  fliches  ;  en 
picard,  flique. 

On  appelé  penaus  en  presse  fliches  de  ba- 
con sans  os.  {Livre  des  viétiers  d'Etienne 
Boileau,  p.  319.) 

A  tant  issirenl  de  la  chanbre 
E  la  vieille  toz  dis  sarmone  ; 
Maintenant  la  dame  li  done 
Plain  pot  de  vin  et  une  miche. 
Et  une  pièce  d'une  fliche. 
Et  de  pois  une  granl  potée. 

{Auberée  ta  vielle  mnquei-e/U,  dans  le  NouTeai»  re- 
cueil (le  contes,  t.  1,  p.  207.) 

On  trouve  dans  Robert  Estienne 
fliche  de  lard  ;  d'où  nous  est  venu, 
par  corruption,  flèche  de  lard,  pour 
désigner  ce  que  l'on  enlève  sur  l'un 
des  côtés  d'un  cochon^  depuis  l'épaule 
jusqu'à  la  cuisse.  Roquefort  donne  à 
entendre  que  ce  morceau  de  lard  a 
été  appelé  flèche,  à  cause  de  sa  lon- 
gueur qui  le  ferait  ressembler  à  un 
trait,  à  une  flèche.  L'origine  de 
cette  dénomination  est  tout  autre, 
ainsi  que  le  lecteur  peut  en  juger 
par  ce  qui  précède  et  par  ce  qui  suit; 
seulement    je    ne   disconviens  pas 


362 


PREMIÈRE  PARTIE. 


qu'une  analogie  d'idée  fort  équivo- 
que, éveillée  dans  l'esprit  au  sujet 
d'une  analogie  de  son  plus  réelle^ 
n'ait  fait  transformer  le  mot  fliche  en 
flèche. 

Tud.  fleisc,  chair,  viande;  anglo- 
sax.  flœsc,  flœc,  item;  flicce^  viande  de 
porc.  Island.  flycke,  item;  anc. 
aXlem.fliccijitem;  dan./ïesft,  viande 
de  porc,  lard;  suéd.  flœsk,  flesk, 
lard;  angl.  fiesh,  viande  en  général  ; 
flitsch,  morceau  de  viande  de  co- 
chon, flèche  de  lard.  AUem.  fleisch, 
viande;  hoU.  vleesch,  vlees,  item. 
La  chair  de  porc  était,  pour  les 
Francs,  la  viande  par  excellence, 
attendu  qu'elle  faisait  leur  nourri- 
riture  la  plus  habituelle^  ainsi  que 
le  prouve  l'abbé  Lebeuf  dans  une  sa- 
vante dissertation  imprimée  dans 
les  Mémoires  de  l'Académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres,  t.  XVII, 
p.  191. 

Le  mot  viande  a  passé,  comme 
fliche,  d'une  signification  générale 
à  une  signification  restreinte.  En 
basse  latinité,  vivanda,  dérivé  de 
vivere,  signifiait  vivres,  nourriture^ 
aliment  en  général  ;  viande,  formé 
de  vivanda,  eut  d'abord  la  même 
signification. 

Du  coc  raconte  ki  munta 
Sour  un  feraier,  e  si  grata 
Selunc  nature  purcbaceit, 
Sa  viande  cum  il  soleit  ; 
Une  chiere  jame  truva, 
Clerela  vil,  si  l'esgarda; 
Je  cuidai,  feit-il,  purchacier 
Ma  viande  sor  cest  femier 
Or  ai  ici  jame  truvée. 

(Marie  de  France,  1. 11,  p.  63.) 

Car  notez  que  c'est  viande  céleste  man- 
ger a  desjeuner  raisins  avec  fouace  fraische, 
mesmement  des  pinaaix,  des  fiers,  desmus- 


cadaulx,  de  la  bicaneet  des  fûyrars  pour 
ceux  qui  sont  constipez  du  ventre.  (Rabe- 
lais, Gargantua,  cb.  xxv,  p.  30,  col.  2.) 

(Voir  ci-après  l'article  Fourrage 
et  l'article  Maton,  ainsi  que  le  t.  II, 
p.  202-206.) 

Flin,  espèce  de  pierre  très  dure 
dont  les  armuriers  se  servent  pour 
fourbir  les  épées.  (Voir  Nicot,  Tré- 
voux et  Borel.) 

De  flin  nous  avons  fait  flinquer, 
qui  signifie  en  terme  de  bijouterie 
donner  de  l'éclat  à  un  émail  à  coup 
d'onglette.  (Voyez  le  dictionnaire 
de  Trévoux.) 

—  Tud.  flinz,  silice,  silex,  pierre 
à  fusil;  anglo-sax. /îmi  ;  dan.fiinte; 
suéd.  fiinta;  angl.  fiint;  bas  allem. 
flint,  vlint.  L'allemand  n'a  conservé 
qneflinte,  qui,  pris  dans  une  acception 
dérivée,  signifie  fusil,  arme  à  feu 
munie  d'un  morceau  de  cilice. 

Flotte.  En  basse  latinité,  flotta. 
Le  moine  Glaber  nous  apprend  que 
ce  mot  appartenait  à  la  langue  des 
Normands,  c'est-à-dire  à  l'idiome 
germanique  septentrional  :  «  Clam 
egrediens  ad  praedictam  Normano- 
rum  gentem,  illis  tantummodo  pri- 
mitus  adhsesit;  qui  assidue  raptui 
servientes,  victum  caeteris  ministra- 
bant  quos  etiam  illi  communiter 
flottam  vocant.  »  (Liv.  I,  ch.  v.) 
Glaber  parle  des  détachements  qui 
allaient  piller  le  pays  pour  fournir 
des  subsistances  k\a.  flotte  normande 
qui  ravageait  les  côtes. 

Au  xii*  siècle,  une  réunion  de 
navires  commandés  par  un  seul  chef 
se  nommait  navie,  navirie  ou  estoire 
(basse  lat.  stolus,  stolum,  stolium, 
storium,  du  grec  otoXo;);  mais  les 
chroniqueurs  qui  parlent  de  Vestoire 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.  363 


des  Normands  ou  des  Danois  la  dé- 
signent généralement  sous  le  nom 
de  flotte. 

Tote  lor  flote  e  lor  compaigne 
Siglerent  dreit  vers  Espaigne , 
Dis  e  oit  citez  essillerent  ; 
E  destruistrent  e  conseillèrent; 
Assez  i  firent  granz  conquises, 
Granz  batailles  e  granz  ocises; 
D'aveir  furent  trop  enrichiz. 

(f:hron.  det  ducs  de  Iform.  t.  II,  p.  313.  ) 

Qaant  si  ont  venenz  reis  Chnnz, 
Tôt  dreit  as  nefs  sunt  revertuz. 
Al  flot  muntaut,  quant  mer  le  bote. 
Se  reveilla  la  fiole  tote. 
Tant  unt  Tamise  amunt  poiée 
Que  il  unt  Londres  assegée. 

l'Iiid.,  t.  11.  p.  437.^ 

—  Anglo-sax.  flôta^  train  de  bois, 
radeau,  réunion  de  navires,  flotte; 
anc.  island.  flotij  item;  tud.  fludar, 
train  de  bois,  radeau;  allem.  floss, 
item.  Angl.  1°  float^  flote,  item; 
2°  fleet,  flotte.  Holl.  1°  vlot  ; 
2°  vloot. 

Foc,  terme  de  marine.  Il  se  dit 
des  voiles  triangulaires  qui  se  pla- 
cent à  l'avant  du  bâtiment,  entre  le 
mât  de  misaine  et  le  beaupré.  — 
Suéd./tec^a,  foc;  àaxi.fakke;  allem. 
fock;  holl.  fok. 

FouLC,  FuLC,  Fouc,  Foc,  anc. 
troupeau  de  bétail,  troupe,  multi- 
tude assemblée.  (Voir  le  glossaire 
de  Roquefort  et  son  supplément, 
art.  Fouc  et  art.  Foc.) 

Respundi  David  :  Pasturel  ai  esté  del  fuie 
mun  père  ;  quand  liun  u  urs  al  fuie  veneit, 
e  ma  beste  perneit,  erranment  le  pursewi, 
e  la  preie  toli.  (Livre  des  Rois,  p.  65.) 

Dixitque  David  ad  Saul  :  Pascebat  servut 
tuus  patris  tui  gregem,  et  veniebat  leo  vel 
ursus,  et  tollebat  arietcm  de  média  gregis  ; 
et  persequebar  eos,  et  perculiebam,  eruebam- 
que  de  are  eorum. 


Prestres,  soies  fors,  fiers  et  fers 
Qui  li  leus  par  uu  toi  ne  saille 
El  fouc  et  des  lais  et  de  clers, 
Que  dois  mener  es  pastis  vers 
Du  chiel  qui  j'a  ne  feront  faille. 

fRomun  de  Churité,  st.  lxvi,  cité  par  Roquefort, 
art.  Fouc.) 

Franceis  i  unt  ferut  de  coer  e  de  vlgur; 
Paien  sunt  morz  à  millers  e  a  fuis  : 
De  cent  millers  n'ent  poent  guarir  dous  ! 

(Chant,   de  Roland,   tl.   ex.) 

—  Tud.  fok,  folk,  troupeau, 
troupe,  multitude,  foule;  anglo- 
sax.  fok,  floc;  anc.  island.  fôlk , 
flockr;  dan.  suéd,  et  angl.  fiock. 
Allem.  volk,  foule,  troupe,  peuple, 
peuplade,  compagnie  de  perdrix. 

Fourbir.  On  écrivait  ancienne- 
ment furbir,  forbir. 

Trancherai-vus  les  testes  od  maspée  furbic 

(Soy.  de  Charlem,  à  Jérus.  t.  SiT.J 

Nus  forbeur  ne  puet  ne  ne  doit  au  jour  de 
feste,  que  li  conmun  de  la  vile  foire,  for- 
bir nemeudre  chose  nulle  apartenant  à  sou 
mestier,  si  ce  n'est  à  besoiiig  que  aucun 
preudome  eust  mestier  que  on  li  esmausist 
la  pointe  de  son  coutel  ou  la  pointe  de  s'es- 
pée.  (Livre  des  métiers,  t  257.) 

On  trouve  fourbir  dans  le  sens  de 
nettoyer  en  parlant  d'une  plaie, 

Dunkes  cantalcune  pensé  de  maie  temp- 
taicon  vient  al  cuer,  si  curt  alsi  com  fors 
de  la  plaie  li  venins;  mais  dont  forbons- 
nos  tost  celé  purreture.  .  .  .  (Livre  de  Job, 
p.  449,) 

—  Tud.  furbên,  furbjan,  nettoyer, 
fourbir;  dan,  forbedre;  suéd.  fœrbœ- 
tra;  angl.  to  furbish. 

Fourrage,  autrefois  feurre,  fuerre, 
foarre,  foare,fouare,  &igmûa.nt  foin, 
paille,  herbages  destinés  à  la  nour- 
riture des  bestiaux.  Fourrage  est  un 
dérivé  formé  au  moyen  du  suffixe 
âge.  (Voir  t.  Il,  p,  319,) 


364 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Mull  veissiés  as  escalers... 
Cevax  mener  et  estriller, 
Ceval  londre,  ceval  ferer. 
Et  seles  de  cevaus  osier, 
Cevaux  lorchicr  el  abrever, 
Avaiiie  et  fuerre,  erbe  porter. 

{Rom.  de  Brut.  t.  11.  p.  102  et  103.) 

Quant  ses  chcvax  otabeviez, 
Et  dou  fuene  li  a  donnez  .. 
De  son  estable  l'uis  fermait. 

yDolofmlKot,  p.  281.) 

En  basse  latinité,  fodrum,  fode- 
rum,  se  prenait  pour  les  vivres,  les 
subsistances  d'une  armée  en  général, 
tant  pour  les  hommes  que  pour  les 
chevaux.  On  appelait  fodrarius  celui 
qui  était  chargé  de  ces  subsistances; 
de  là  nous  est  venu  fourrier. 

Le  primitif  germanique  d'où  dé- 
rivent ces  mots  avait  un  sens  encore 
plus  étendu,  et  signifiait  nourriture, 
aliment  en  général.  Ce  n'est  qu'en 
restreignant  de  plus  en  plus  cette 
première  signification  qu'on  est  venu 
à  désigner^  par  le  mot  fourrage,  la 
principale  nourriture  des  chevaux. 
Le  mot  viande,  dérivé  de  vivanda, 
avant  d'avoir  le  sens  particulier  que 
nous  lui  donnons  aujourd'hui,  se 
prenait  également  pour  vivres,  ali- 
ments, nourriture  en  général,  pro- 
visions de  bouche.  (Voyez  ci-dessus, 
p.  362,  voyez  encore  pour  d'autres  cas 
analogues  le  tome  II,  p.  202-206.) 

—  Tud.  fuotar,  nourriture,  ali- 
ment; de  fuotjan,  nourrir;  goth. 
fodan,  aliment,'  nourriture;  anglo- 
sax.  fedan,  foedan,  fodor,  item  ; 
island.  fœda,  item  ;  angl.  food^ 
item  ;  fodder,  fourrage,  pâture . 
Dan.  foeder ,  nourriture,  pâture, 
fourrage;  suéd.  foder,item;  holl. 
voeder ,  pâture,  fourrage;  allem  . 
futter,  item. 


Fourreau.  (Voyez Fuerre.) 
Fourrer,   Fourrure  :  en  basse 

latinité,  foderare,  doubler,  fourrer; 

fodratura,  fourrure. 

—  Island.  1°  fodra,  garnir  par 
dedans  avec  de  l'étoffe  ou  de  la 
fourrure,  doubler, fourrer;  2°  fodrer, 
fourrure,  doublure.  Dan.  \°  foere; 
2°  /ber.  Allem.  i°  fûttern;  2»  futer. 
UoW.  \°  voeren ;  ^° voering .  Angl. 
\°tofur;  %°  fur,  furr. 

Frais,  dépens  :  en  basse  latinité, 
fredum,  mot  qui  désignait  primiti- 
vement l'amende  à  laquelle  était 
condamné  le  coupable  pour  avoir 
troublé  la  paix  publique,  appelé^ 
plus  tard  la  paix  du  roi .  On  disait 
en  langue  d'oïl  frede,  avec  la  même 
signification.  (Voir  Roquefort,  art. 
Frede  ;  du  Gange,  art,  Fredum  et 
Fax  régis j  ainsi  que  les  lois  de  Guil- 
laume le  Conquérant,  §  xxx,  ci-des- 
dus,  p.  114  et  167,  art.  Pais.) 

—  Tud.  freda,  fridu,  paix  ;  an- 
glo-sax.  frith,  fryth;  island.  fridr; 
aXlem,  friede  ;  àa.n.  fred;  suéd.  frid; 
holl.  vrede. 

Frais,  récent,  nouveau  :  en  italien 
et  en  espagnol,  fresco  ;  en  proven- 
çal, fresc.  Nous  disions  autrefois 
fresq,  fresc,  avec  la  même  signifi- 
tion. 

Gauvinsfut  de  mult  granlaïr, 
Onques  ne  fus  las  de  fcrir, 
Tostansest  (resce  sa  vertu, 
Onques  sa  main  lasse  ne  fu. 

(Rom.de  Brul,  t.  II,  p.  911,) 

—  Tud.  fresc,  nouveau,  récent,, 
frais;  anglo-sax.  fresc,  fersc  ;  is- 
land. fersk,  friskr;  allem.  frisch  ; 
angl.  fresh  ;  holl .  versch  ;  suéd. 
fersk,  fœrsk;  dan.  frisk. 

Framboise.  —  Ane. allem.  bram- 


# 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  IL   365 


bese,  mûre  sauvage,framboise  ;  hoU. 
braambezie;haLS-a.\lcm.brambesing; 
tud.  bramberi;  àa.n.  brambœr;  allem. 
brombeere.  La  signification  de  tous 
ces  mots  est  celle  du  petit  fruit  d'ar- 
buste épineux,  de  ronce.  Goth.  i° 
brama,  arbuste  épineux,  ronce  ;  2" 
basi,  petit  fruit,  baie.  Ane.  allem. 
4"  bam;  â^ôese.  Ba^allcm.  \°bra'm; 
2°  besing.  HoU.  \°braam;  T  bezie, 
beezie.  Tud.  1°  brama,  brâmo;  2° 
beri.  Anglo-sax.  1  °  brœamble;  2»  6e- 
rie,  Angl.  1°  bramble;  2o  berry. 
(Voir  ci-dessus  l'article  Bési.) 

Franc.  Ce  nom,  donné  à  une 
confédération  de  peuplades  germa- 
niques qui,  dans  la  suite^  le  rendi- 
rent si  célèbre^  répondait  dans  leur 
langue  au  mot  latin  ferox,  c'est-à- 
dire  qu'il  signifiait  hardi,  intrépide, 
brave^  belliqueux,  fier_,  hautain.  C'est 
ce  que  l'on  peut  conclure  de  plusieurs 
passages  de  chroniqueurs  anciens 
cités  par  du  Cange,  art.  Franci,  et 
notamment  d'une  chronique  manus- 
crite des  rois  de  France,  dont  il  rap- 
porte la, citation  suivante  :  «  Et 
videns  eorum  audaciam  et  fortitu- 
dinem,  vocavit  eos  Francos,  id  est 
féroces.  »  Dans  les  anciens  monu- 
ments Scandinaves,  les  Francs  sont 
toujours  appelés  Fracker  et  leur  pays 
Frackland.  La  forme  Franc  a  reçu 
un  n  intercalaire  attiré  par  la  pala- 
tale c  comme  dans  concombre  de 
CMCwmerem.  (Voyez tome  II,  p.  -143.) 

Dans  la  suite  le  mot  franc  a  été 
pris  dans  le  sens  de  libre,  indépen- 
dant. Cette  acception  est  postérieure 
à  l'invasion  germanique;  elle  doit 
être  attribuée  à  la  condition  sociale 
dont  les  Francs  victorieux  jouis- 
saient dans  les  Gaules,   ils  étaient 


hommes  libres,  tandis  que  les  vain- 
cus étaient  en  grand  nombre,  réduits 
en  servitude  ou  condamnés  à  un 
état  d'assujétissement  plus  ou  moins 
voisin  de  la  servitude.  Nous  dé- 
tournons semblableraent  le  mot 
français  de  sa  signification  propre 
lorsque  nous  le  prenons  dans  le  sens 
d'honorable,  civil,  poli,  galant,  etc. 

—  Tud .  frehj  frech,  altier,  fier, 
arrogant ,  audacieux  ,  intrépide  , 
brave;  ancien  allem.  frech,  vrech; 
island.  frœckr;  dan.  frek;  suéd. 
frœck;  allem.  frech. 

Frapper.  —  Angl.  1°  flap,  coup; 
2°  to  flap,  frapper.  HoU.  1°  flap; 
2**  flappen. 

Ces  mots  paraissent  tenir  à  l'an- 
cien islandais  hrappa,  maltraiter, 
rudoyer,  rabrouer  ;  hrappr,  violent. 
Pour  la  permutation  de  l'aspirée 
gutturale  h  en  aspirée  labiale,  voyez 
ci-après  l'art.  Frimas  et  l'art.  Froc. 

Frayeur.  —  Ane.  aUem.  freis, 
vreese^  frayeur,  effroi;  anglo-sax. 
ferht,  fyrht,  feorht,  forht;  angl. 
fright;  àa.n.  fr^jgt  ;  snéd.  fruchtan; 
allem.  furcht;  hoU.  vreeze.  Angl. 
fright,  frayeur;   to  fray,  effrayer. 

Frégate.  Ce  mot  est  fort  ancien  ; 
il  se  trouve  dans  Villehardouin , 
dans  le  sens  d'une  espèce  particu- 
lière de  navire,  ainsi  que  dans 
GuUlaume  de  Tyr,  dans  Jacques  de 
Vitry  et  autres.  Du  Cange,  dans  ses 
Observations  sur  Villehardouin , 
p.  289,  dérive  frégate  de  catus, 
chat,  parce  que,  dit-il,  ces  sortes  de 
navires  pouvaient  en  avoir  la  forme. 
La  sagacité  de  l'illustre  lexicogra- 
phe se  trouve  ici  tout  à  fait  en  dé-, 
faut. 

—  Ane.  allem.  farge,  ferg     na- 


366 


PREMIÈRE  PARTIE. 


celle,  barque,  bateau;  dan.  fœrge; 
suéd.  fœrja  ;  allem.  fàhre.  Tous  ces 
mots  paraissent  tenir  à  farjan,  qui 
en  gothique  signifie  ramer,  navi- 
guer; tud.  ferjan,  item;  ferjo,  ma- 
telot, marinier;  ferid,  navire,  ba- 
teau. Frégate  a  été  formé  du  primi- 
tif germanique  par  l'addition  du 
suffixe  ate  de  même  valeur  que  adê 
et  par  la  transposition  du  r.  (Voir  à 
cet  égard,  t.  II,  p.  120-1 22.) 

Frelater,  sophistiquer  du  vin  ou 
autre  boisson.  —  Holl.  verlaten, 
verîaaten,  mettre  dans  un  autre 
vase,  transvaser;  wyn  verlaten, 
transvaser  du  vin,  le  manipuler,  le 
travailler,  l'accommoder;  ce  verbe 
signifie  proprement  dans  le  sens 
actif  faire  passer  d'un  endroit  dans 
un  autre,  introduire,  et  dans  le  sens 
neutre  passer,  quitter,  laisser;  il  est 
composé  du  préfixe  ver  et  de  laten, 
quitter;  tud.  foralâzan,  faire  passer^ 
introduire,  du  préfixe  fora  et  de 
lâzan^  quitter;  allem.  verlassen 
et  lassen,  item;  dan.  forlade  et 
lade,  item. 

FORLORE  ,  FORELORE,  FrÉLORE, 

anc.  perdu,  ruiné. 

Dist  Renart,  tôt  est  foreloles. 

{Roman  du  Renard,  t,  I,  p.  lOT.) 

Je  ne  sçay  s'il  reviendra  poinct; 
Nenny  dea,  ne  bougez  encore: 
Nostre  fait  seroit  tout  frelore, 
S'il  vous  trouvoitievé. 

{La  Farce  de  Patelin,  p.   18.) 

—  Tud.  ferluren,  perdre  ;  goth. 
fraliusan  ;  anglo-sax.  forleoran  , 
forleosan,  verbes  composés  de  la 
préposition  fer,  for,  et  de  luren, 
liusan,  leoran,  leosan,  perdre,  qui 
est  resté  dans  l'anglais  to  lose,  avec 
la  même  signification.  Dan.  1°  fer- 


lore,  perdre;  2°  ferloren,  perdu. 
Suéd.  \°fœrlora;  2°  fœrlorad.  Holl. 
i°  verliezen;  2"  verlooren.  Allem. 
1°  verlieren;  2°  verloren. 

Frésanche,  Frésange  ,  Frais- 
SANGUE,  Fressange,  anc.  jeune  porc, 
pourceau,  et  droit  qui  était  dû  par 
les  fermiers  de  la  glandée.  (Voir 
Roquefort.) 

Rentes  et  fresenges  direutet  apportèrent 
les  dessus  nommez,  que  à  la  seigneurie  ap- 
partient et  deues  deux  fresanges  ou  cinq 
sols.  .  .  et  ne  virent  onques  icelles  fre- 
senges payer  en  espèce  (en  nature)  ;  mais 
ont  oy  dire  et  tenir  aux  anciens  qu'une  fré- 
sange est  un  pourcel  farcy  et  que  de  tout 
temps  ceux  qui  le  doivent  ont  le  choix  de  le 
payer  en  espèce  ou  en  le  dit  argent,  etc. 
(Informations  pour  la  seigneurie  de  U 
Londe,  vol.  XIX,  f  15,  v°  ;  citation  de  da 
Cange,  article  Friscinga.) 

—  Anc.  allem.  frisching,  pour- 
ceau; allem.  frischling,  marcassin  ; 
holl.  frislijn,  item;  et  verken,  var- 
kerij  porc. 

Fret.  —  Allem.  1°  fracht,  charge 
d'une  voiture  ou  d'un  navire,  prix 
de  transport,  prix  de  louage  d'un 
navire,  fret  :  2"  frachten,  et  avec  le 
préfixe  be,  hefrachten,  charger  une 
voiture  ou  unnavire.  Holl.  \°vragt; 
2°  bevragten.  Dan.  fragt,  charge 
d'un  navire,  prix  de  transport,  fret; 
suéd.  fracht j  item;  angl.  freight, 
item. 

Frimas  .  —  Anglo-sax.  hrim,  gelée 
blanche,  givre;  island.  hrim;  tud. 
hrifo;  allem.  reif ;  angl.  rime; 
suéd.  rima,  tomber  de  la  gelée  blan- 
che, rimfrost  gelée  blanche,  com- 
posé de  rim  qui  n'est  plus  usité  et 
de  frost,  gelée.  Dan.  rim  et  rim- 
frost, gelée  blanche . 

L'aspirée  gutturale   h  de    hrim 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.  367 

désignant,  en  basse  latinité,  un  vê- 
tement de  dessus,  une  casaque. 
{Voir  du  Cange^  Flocus,  fin  de  l'ar- 
ticle, et  Roccus.) 

—  Tud.  rok,  roch,  casaque,  sar- 
reau;  si  l'on  en  juge  par  le  mot  de 
basse  latinité  hrocus,  qui  se  trouve 
dans  des  monuments  fort  anciens, 
le  tudesque  devait  être  primitive- 
ment hrok,  hroch.  L'aspirée  guttu- 
rale h  qui  commence  ce  primitif  se 
sera  changée  en  aspirée  labiale, 
comme  dans  frimas.  (Voyez  ce  mot 
ci-dessus  p.  366,  ainsi  que  le  t.  II, 
p.  87.)  Anglo-sax.  rocc,  casaque, 
tunique;  island.  rockr,  item;  allem. 
rock^  habit,  robe,  casaque,  soutane  ; 
holl.  rok;  suéd.  rock.  L'anglais  a 
frock,  habit,  sarreau,  blouse,  robe; 
mais  ce  mot  a  probablement  été 
emprunté  au  français. 

Froncer.  —  Holl.  4  ° /"ro/is,  pli, 
ride,  froncis;  2°  fronssen,  plisser, 
rider,  froncer.  Anglo-sax.  \°wrincl; 
2°  wrinclian.  Angl.  \°  wrinkle; 
2°  to  wrinkle.  Les  autres  idiomes 
ont  retranché  la  labiale  avant  le  r. 
Allem.  runzeln,  plisser,  rider,  fron- 
cer; dan.  rynke;  suéd.  ryncka. 

Frouchine,  anc.  fille  ou  femme 
de  basse  condition,  servante,  do- 
mestique. 

Avoirs  fait  bien  d'un  petit  page, 
D'une  frouchine,  d'un  rabot, 
Ki  n'est  pas  graindres  d'un  cabot, 
Un  grant  segnor,  un  grant  doien. 

(Mincie  de  Nosire-Dame.  ché  dans  le  glotiaire  da 
Carpeutier,  an.  Fratillum.J 

—  Allem.  frauchen,  fille,  femme- 
lette; diminutif  de  frau,  femme. 
Holl.  vrouWj item;  dan.  frue,  item; 
suéd. /"m,  item;i\ià.  frauua,  frawa, 
item;  island.  frii. 


s'est  changée  en  aspirée  labiale  dans 
frimas,  ainsi  que  dans  d'autres  dé- 
rivés d'origine  germanique  tels  que 
froc,  flanc.  (Voyez  ces  mots  à  leur 
place  dans  ce  chapitre  et  tome  II, 
p.  87). 

Frisque,  Frique,  Friche,  anc. 
vigoureux,  bien  portant,  gaillard, 
dispos^  alerte,  vif,  éveillé,  enjoué^ 
gai,  galant,  élégant.  En  espagnol, 
fresco  signifie  gai,  enjoué. 

L'a  furent-ils  pris  et  retenus  par  force, 
et  un  ecuyer  jeune  et  frisque  du  Limousin, 
neveu  du  pape  Clément,  qui  s'apeloit  Rai- 
mond.  (Froissart,  liv.  I,  ch.  cvni,  t.  I, 
p.  95,  col.  2.) 

Apres  se  trait  avant,  pour  jouter  a  l'or- 
donnance des  autres,  un  gentilhomme  che- 
valier, jeune  et  frisque,  bien  joutant,  bien 
dansant  et  bien  chantant,  lequel  etoit  nom- 
mé messire  Jean  d'Arondel.  {Idem,  liv.  IV, 
ch.  xu,  t.  in.  p.  oO,  coî,  2.) 

Ja  aient  cil  corps  friche  et  coint.  {Idem, 
t.  III,  p.  482,  col.  1 .) 

La  plus  friche  dame  dou  monde.  {Idem, 
ibid.  p.  482,  col.  2.) 

El  treuve  le  roi  remonté. 

Si  com  j'ai  ci-devant  conté. 

Sus  un  grant  destrier  bon  et  frique. 

(Branche  des  royaux  lignages,  t,  1,  p.  396.) 

—  Anglo-sax.  fresc,  vigoureux, 
gaillard,  dispos,  alerte,  vif,  enjoué  ; 
tud. /rao,  fro;  angl.  frisky  ;  holl. 
frisch;  suéd.  frisk;  dan.  frisk; 
allem.  frisch. 

Froc.  En  basse  latinité,  frocus. 
On  désignait  autrefois  par  c6  mot 
un  vêtement  de  dessus  à  l'usage  des 
hommes  et  des  femmes  ;  de  là  pro- 
bablement défroque,  qui  nous  est 
resté  ;  par  la  suite,  frocus  ne  signi- 
fia plus  qu'un  habit  de  moine,  un 
froc.  Ce  mot  paraît  avoir  la  même 
origine  que  hrocus,  rocus,  roccus, 


368 


PREMIÈRE  PARTIE. 


FuERRE,  Feurre,  Fourre,  Furrer, 
anc.  fourreau  d'épée,  gaîne  de  poi- 
gnard. En  basse  latinité,  fotrum;  en 
italien, /brfero,  fodro.  De  fourre  nous 
avons  {a.it  fourrel,  fourreau.  A  la 
môme  famille  appartient  fourrer, 
pris  dans  les  deux  acceptions  qui 
lui  sont  propres,  ainsi  que  le  dérivé 
fourrure. 

Lors  vers  les  ij  parsonnes  moult  fièrement 

s'en  vint, 
Et  lors  se  leva  Billes  qui  la  pucelle  tint. 
L'espée  trait  du  fuerre ûe.remenl  se  contint; 
A  l'ours  se  combati  si  bien  comme  il  con- 
vint. 

{Le  Dit  de  Flourence  ,   inséré  dans  le  Nouveau 
recueil  de  contes,  i.  1,  p.  102.) 

La  sajette  Jonathas,  fîst  David,  unches 
ariere  ne  turnad,  e  la  spce  Saul  en  vain  al 
fuerre  ne  repairad.  [Livre des  Rois,  p.  123.) 

Quant  le  vit  Guenes,  mis  la  main  a  l'espée, 
Cunlrc  dous  dcie  l'ad  del  furrer  getée. 

{Chans.  de  Roi.  <t.  ixiiii,  t. 3.  ) 

Nus  forbeur  ne  puel  ne  ne  doit  fere  feurre 
à  espée  de  bazane  quelle  que  l'espée  soit, 
ou  graut  ou  petite.  {Livre  des  métiers, 
p.  2b8.) 

—  Tud.  fuotar,  fotar,  fodar, 
fourreau,  gaîne,  étui;  goth.  fàdr; 
anglo-sax.  fodder,  foder;  suéd.  fo- 
der;  dan.  futteral,  foderal;  anc. 
island.  fôdr,  enveloppe  extérieure, 
fourreau,  gaîne,  étui  et  enveloppe 
intérieure  ,  doublure  ,  fourrure  ; 
allem.  futter,  employé  également 
dans  les  deux  mêmes  significations; 
futteral,  étui,  gaîne^  fourreau. 

Gab,  Gabeis,  anc.  raillerie,  mo- 
querie, plaisanterie  ;  Gaber,  railler, 
se  moquer,  plaisanter. 

Ici  n'oul  une  puis  autre  plait, 
Mais  laissent  lor  cbevaus  aler; 
Si  vos  di  bien  qu'ai  asembler 
N'out  eschars  fait,  ne  gab,  ne  ris. 

(Ckron.  des  ducs  de  Norm,  1. 11,  p.  5i6.J 


Al  coucher  out  li  reis  ses  fruiï  : 
Granz  fu  la  joie  eli  deduiz 
Qu'entor  lui  menèrent  Franceis  ; 
Sorles  Normanz  fu  le  gaheis. 

(Ihid.,  t.  l,p.  593.) 

Respundi  David  :  Tu  vienz  encunire  raei 
od  cspée,  a  lance  e  a  escu  ;  e  jo  vienc  en- 
cuntre  lei  al  num  Deu  ki  sires  est  del  est 
de  Israël  ki  tu  as  esch^rni  e  gabé.  (Livre 
des  Rois,  p.  67.) 

Caries,  pur  quel  gabastes  de  moi  e  escar- 
nites? 

Er  sair  vus  herberjai  en  mes  can:bres  pe- 
rines; 

Ne  l'dusez  j'a  penser  par  si  grand  legerie. 

Si  ore  ne  sunt  aampli  li  gaab  que  vus 
déistes. 

Tranchera  i-vus  les  testes  od  ma  spée  furbie. 

(  Voyage  de  Charlemfigne  à  Jérus,^   v.  643.) 

Gab  devenait  gas  lorsqu'il  était 
employé  comme  sujet  au  singulier 
ou  comme  -complément  au  pluriel. 
(Voyez  tdme  III,  p.  36-38  et  p.  43.) 
De  gas  on  fit  gasser  devenu  gaus- 
ser qui  est  encore  usité  parmi  le 
peuple  dans  le  sens  de  railler,  plai- 
santer, et  que  l'Académie  n'a  pas 
dédaigné  d'admettre  dans  son  dic- 
tionnaire. 

Droiz  dit  c'on  doit  ses  gas  celer. 
Si  ne  doit-on  nului  gaber. 

{Nouveau  recueil  de  coules,  t.  II,  p.  138.) 

De  humme  ocire  n'est  pas  gas. 

(Marie  de  Frince,  i.  1.  p.  144.) 

J'en  gausseray  les  mal-contens. 

(OEuvres  de  Saini-Amand,  édit.  de  IGGI,  p.  4il.) 

—  Island.  gabb,  raillerie,  mo- 
querie, plaisanterie;  suéd.  gabb, 
item  ;  gabba,  plus  usité  begabba, 
railler,  se  moquer,  plaisanter.  An- 
glo-sax .  4  °  gabbung  ;  2°  gaba.  Angl. 
4°  gibe;  2°  ta  gibe.  Dan.  gabe,  plai- 
santer, badiner. 

Gabelle  ne  signifiait,  avant  notre 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  II.  369 


première  révolution,  que  impôt  sur 
le  sel;  mais  il  se  prenait  ancienne- 
ment pour  impôt  en  général  ;  il  en 
était  de  même,  en  basse  latinité,  de 
gablum,  gabulum,  gabella.  Tous 
ces  mots  dérivent  d'un  primitif  ger- 
manique, qui  signifie  don.  Leur  si- 
gnification étymologique  est  ainsi 
tout  à  fait  analogue  à  celle  de  dace, 
qui  désignait  également  un  impôt  ; 
en  basse  latinité,  data,  datia,  datio, 
dacio,  de  dare,  donner.  Il  est  à  re- 
marquer que  Sanuti  ne  fait  pas  de 
distinction  entre  les  daces  et  les 
gabelles. Batiœvelgabellœ.  (Liv.  III, 
part.  XV,  ch.  xxv,  à  la  fin .)  (Voir  du 
Gange,  Gablum.)  Ces  mots  durent 
s'appliquer  dans  l'origine  à  des  con- 
tributions volontaires  :  elles  diffé- 
raient donc,  sous  plus  d'un  rapport, 
de  la  fameuse  gabelle  du  sel  ;  mais 
n'en  fut-il  pas  de  même  des  aides 
et  des  subsides  votés  d'abord  par  les 
états  généraux?  C'est  l'histoire  de 
tous  les  impôts;  ils  commencent 
par  être  des  daces  (data),  et  finissent 
par  devenir  des  maltôtes  (mâle  tol- 
luntur). 

—  Anglo-sax.  gable,  gafol,  gaful, 
gafel,  contribution,  impôt  ;  gyfan, 
donner.  Angl.  gabel,  gavel,  impôts 
to  give,  donner.  Tud.  gaba,  don  ; 
geban,  donner.  Goth.  giban,  item; 
island.  gifva,  item.  Dan.  \°  gave, 
don,  offrande;  2°  give,  donner. 
Suéd.  \°  gaofwa,  gofwa  ;  2°  gifwa. 
Allem.1°gfa6e;  2°<9e6en.Holl.  ^°ga~ 
ve;  2°  geeven.  Angl.  1^  gift  ;  %o  fQ 
give. 

Gable,  fronton  ,  pignon  d'une 
maison  ;  en  basse  latinité^  gabulum, 
(Voir  du  Cange  et  Ménage.)  —  Bas 
allem.   gabel,   faîte^  pignon;  angl. 


gabel,  gable  ;  dan.  gavel  ;  suéd  . 
gafwel  ;  hoU.  gevel,  geevel;  allem. 
giebel;  tud.  gibil,  gibili;  goth.  gi- 
bla. 

Gâcher,  Gâchis.  On  disait  autre- 
fois gascher^  gaschis.  —  Tud.  was- 
kan,  mouiller,  humecter,  tremper, 
laver;  anglo-sax.  wœscan,  vacsan, 
vaœan  ;  island.  watska;  dan.  waske; 
suéd.  waska;  holl.  wasschen;  angl. 
to  wash;  allem.  waschen;  dérivé  de 
wasser,  eau. 

Gade,  anc.  chèvre.  (Roquefort.) — 
Goth.  gaitei;  anglo-sax.,  gat,  gœte; 
tud.  geiz,  geizi;  island.  geit;  holl. 
geit  ;a,agl.  goat  ;  allem.  gez'ss;  dan. 
geed;  suéd.  g  et. 

Gaffe,  espèce  de  fourche  de  fer  à 
deux  branches,  dont  l'une  est  courbe 
etl'autre  est  droite;  elle  sert  àrepous- 
ser  ou  à  attirer  une  embarcation. 

—  Anglo-sax.  gafla,  gafel,  fourche; 
island.  gaffai',  tud.  gabala;  anc. 
allem.  gavele;  allem.  gabel  dan. 
gaffel;  suéd.  gaffel,  gafel;  holl. 
gaffel;  angl.  gaff,  harpon. 

Gage,  Gager,  Gageure.  En  basse 
latinité  ,   vadium ,  wadium ,  gage. 

—  Tud.  wetti,  weddi,  gage,  nan- 
tissement; goth.  vadi;  anglo-sax. 
wed,  bad;  anc.  allem.  wette;  island. 
wœd,  fat;  angl.  wage;  suéd.  wad, 
gage;  wœdia,  donner  un  gage,  ga- 
ger, parier,  faire  une  gageure. 
Allem.  1°  wette;  gageure,  pari; 
2"  vjetten ,  gager,  parier.  Dan. 
1  "  vœdde,  vedde  ;  2»  vœdde,  vedde. 
Holl.  i"  wedding;  2°  wedden. 

Gagner.  Italien,  guadagnare,  faire 
un  profit,  gagner;  'i°  guadagno,  ^ro- 
ui, gain.  Langue  d'oc,  \°  gazanhar; 
2"  gazanh.  Nous  disions  ancienne- 
ment gaagner,  gaaigner,  gaegner^ 


24 


370 


PREMIÈRE  PARTIE, 


guagner,  gaigner,  dont  la  significa- 
tion propre  était  celle  de  labourer, 
cultiver,  faire  valoir,  et,  par  suite, 
retirer  du  profit  de  la  culture  de  la 
terre.  Les  dérivés  gaagnage,  gaai- 
gnagCj  guaignage,  etc.,  signifiaient 
terre  cultivée  et,  de  plus,  revenu  de 
la  terre,  profit;  guagnerie,  guai- 
gnerie ,  se  prenaient  pour  culture, 
agriculture,  ainsi  que  pour  métai- 
rie, ferme.  Un  gaagneur,  gaaigneiir, 
gagneur,  gaigneur,  gaagnere,  etc., 
était  un  laboureur,  un  cultivateur, 
un  colon.  Ces  mots  nous  sont  restés 
dans  les  noms  propres  Gagnière, 
Gagniaire,  Le  Gagneur.  On  appe- 
lait gaain,  gaaing,  guain,  wahain, 
le  produit  d'une  terre  en  culture,  le 
profit  que  l'on  en  retirait  ;  de  là  le 
composé  regain  encore  en  usage 
pour  désigner  le  foin  que  l'on  ré- 
colte dans  un  pré  déjà  fauché.  En 
ancien  espagnol,  guadanar  signifiait 
faucher;  en  espagnol  moderne,  gua- 
dana  désigne  une  faux;  en  portu- 
gais, guadanha. 

Uns  hons  gaagna  une  terre  sans  le  con- 
gië  à  celui  qui  ele  cstoit;  et  vint  un  terme 
de  cuillir  les  fruis,  et  les  volt  cuilllr;  et  cil 
qui  la  terre  cstoit  i  mist  conta nz.  Li  gai' 
snerres  oit  {lisez  dit)  comme  il  ait  gaignie 
celé  chose  sanz  conlenz,  que  il  viaut  avoir 
les  fruiz  et  estre  en  la  sosine  de  la  chose. 
A  ce  respont  li  heriters  :  Comme  vos  [n'] 
avez  esté  en  sesine  de  ceste  chose  un  an  et 
an  jor  sanz  iuterrupcion,  nos  volons  que 
riens  que  vos  aiez  fet  vos  vaille  rien;  ainz 
volons  qu'el  vos  nuissc,  comme  cil  qui  a 
mise  sa  faucille  en  autrui  blé.  Et  li  gaa- 
gnerres  respont  :  Tôt  ne  le  ai  je  tenu  an  et 
jor  sanz  contanz,  je  le  gaigne  sanz  contanz. 
L'en  demande  qu'en  dit  droiz  ?  El  l'en  res- 
pont que  li  gaagnerres  n'aura  pas  le  gaaing; 
mais  il  aura  avcnament  ce  qu'il  aura  au 
preu  au  seignor ,  com  nus  ne  doit  estre 
riches  de  l'autrui  ;  car  nul  ne. doit  avoir 


proQt  en  sa  malice.   (Iirrr   dt    Jetn$t, 
p.  270-271.; 

Bocne  est  la  terre  *a  gunaignier. 

(Chrott.  dci  ducs  de  Korm.,  t.  I,  p.  SOS.) 

La  terre  est  morte  et  eissilie, 
^'est  arée  ne  gaaignée. 

{Ihid.,  p.  3S3.) 

Gaaing  de  soc  et  U'aréure. 

(Rulebeuf,  t.  1,  p.  |M.] 

Si  's  fait  arer  et  laborer, 
Si  vivront  de  lor  gaagnages. 

{Rom.  de  Brui,  r.  81 J8.) 

Si  les  seignurages  ne  facent  altrl  gai- 
nurs  venir  a  lour  terre,  la  justice  le  facet. 
(.Lois  de  Guillaume  le  Conquérant^^xxim.) 

Mais  del  poverin  de  la  terre  i  laissad 
partie  que  il  s'entremeissent  de  la  gaignt- 
rie.  (Livre  des  Rois,  p.  436.) 

Gaagner,  gaaigner,  etc.,  passèrent 
de  la  signification  de  retirer  des 
profits  de  la  culture  de  la  terre  à 
celle  de  retirer  des  profits  en  géné- 
ral. Dans  une  acception  particulière, 
ces  mots  se  prenaient  souvent  au- 
trefois pour  retirer  des  profits  d'une 
victoire,  faire  une  conquête,  con- 
quérir, faire  du  butin.  Gaain, 
guain,  etc.,  signifiaient  les  fruits 
d'une  victoire,  conquête,  butin,  dé- 
pouilles remportées  sur  l'ennemi. 

De  morz  laissent  le  champ  joncbié, 
E  si  i  unt  trop  gaaigné 
Prisons  riches  e  bocns  chevaus. 

(ChrOH.  des  dues  de  Nom.  t.  lU,  p.  38.) 

Vers  Molines  s'en  vont,  une  duché  garnie, 
Dont  Bertran  du  Guesclin  avait  saisie  par- 
tie, 
Mais  il  ne  l'avoit  pas  entièrement  gaignie. 

{ChroH.  de  du  Guesclin,  I.  11,  p.  38.) 

Ci  outde  chevaliers  train; 

Maint  i  receit  le  jor  sa  fin. 

Maint  en  i  a  nafré  e  pers 

Qui  par  le  gué  gisent  envers  ; 

De  chevaus  i  a  grant  occise, 

Gaainz  e  tolemenz  (captures)  e  prise. 

{Ckm.  des  dues  de  Nerm.  I.  11,  p.  Ht.) 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.  37< 


Gagner,  avant  d'être  une  expres- 
eion  relative  à  la  vie  agricole,  a  dû 
être  un  terme  appartenant  à  la  vie 
pastorale;  avant  de  signifier  labou- 
rer, cultiver  la  terre,  il  a  dû  signi- 
fier faire  paître  un  troupeau,*  c'est 
du  moins  le  sens  qu'a  le  primitif 
germanique  dont  il  paraît  dériver. 
Il  est  naturel  que  le  gain  fût  le  pro- 
fit retiré  de  l'élevage  des  bestiaux  à 
l'époque  où  Yavoir  était  le  bétail. 
(Voyez  ci-dessus  p.  128,  art.  Aveir.) 
Dans  l'Orléanais,  le  mot  gain  signi- 
fie encore  aujourd'hui  pâturage, 
prairie.  Ce  mot  employé  dans  cette 
signification,  ainsi  que  notre  sub- 
ta.nliî  regain  et  l'espagnol  guadanar, 
faucher,  guadana,  faux,  portugais 
guadanha,  se  rattachent  fort  natu- 
rellement à  l'acception  primitive 
que  je  viens  d'assigner  au  verbe 
gajgner. 

—  Tud.  weidanàn,  faire  paître  ; 
weidàn,  paître.  Ane.  island.  weida, 
faire  paître;  anglo-sax.  wàdhan; 
dan.  fœde;  suéd.  beta.  AUem. 
<•  weiden,  paître  et  faire  paître; 
V  weide,  pâturage,  pâtis.  HoU. 
i"  weiden;  2*  weide.  Angl.  \°  to 
feed;  2°  feed. 

Galop,  Galoper.  Anciennement 
galop  ne  se  disait  pas  seulement  de 
la  course  du  cheval^  mais  encore  de 
celle  du  chien  et  peut-être  de  celle 
d'autres  animaux, 

D'enr  de  [la]  sale  uns  veltres (/et/rter)  avalât 
Que  vint  a  Caries  le  galops  et  les  salz. 

(Cham.  de  Roland,  tt.  iTi.) 

Galomr  est  dérivé  d'un  primitif 
composé  de  l'ancien  préfixe  germa- 
manique  ga  équivalant  à  ge  et  d'un 
radical  qui  signifie  s'élancer,  sauter, 
dans    certains  idiomes,    et    courir 


dans  les  autres.  —  Goth.  gahlawpan, 
s'élancer,  sauter,,  de  ga  et  de  hlau- 
pan  signifiant  également  sauter. 
Anglo-sax.  hleapan,  item  ;  angl.  to 
leap,item;  island.  hleipa,  leipa, 
courir;  ba?  allem.  /open,  lYemjplus 
usité  geloffen.  Tud.  hlaufanetgah- 
laufan,  item;  aWem.  laufen,  item; 
loebe  ,  item  ;  suéd.  lœpa  ,  courir 
dan.  et  galoper  ;  hoU.  loppen. 
item. 

Gaif,  fém.  Gaive,  adj.  se  disait 
anciennement  en  parlant  d'une 
épave,  c'est-à-dire  d'une  chose  éga- 
rée, perdue  et  que  personne  ne  ré- 
clame. «  Choses  gayves  sont  qui  na 
sont  appropriées  à  nul  usage  de 
homme  et  qui  sont  trouvées,  que 
nul  ne  réclame  siennes.»  (Coutu- 
mes de  Normandie  chap.  xix  citées 
par  du  Cange^  art,  Wayf.)  On  disait 
en  basse  latinité  waivium,  res  vaiva 
pour  épave  et  waviare,  wayviare 
pour  abandonner,  délaisser. 

—  Anglo-sax.  vafian,  errer,  va- 
guer, s'égarer  ;  allem.  shweifen, 
item;  hoU.  zweven,  item;  angl.  io 
waive,  to  wave,  item  ;  waif,  chose 
perdue,  épave. 

Camboison,  Wamboison,  anc.  es- 
pèce de  vêtement  rembourré  à  l'u- 
sage des  gens  de  guerre  :  il  cou- 
vrait le  haut  du  corps,  et  protégeait 
surtout  la  poitrine  et  le  ventre.  En 
basse  latinité,  gambasio,  gambeso, 
wambasium;  en  langue  d'oc  gam- 
bais,  gambaison.  On  lit  dans  l'or- 
donnance relative  aux  armuriers,  in- 
sérée dans  le  Livre  des  métiers  : 

Se  l'en  fait  cote  ne  gamboison  dont  l'en- 
droit soit  de  cendal,  et  l'envers  soit  de  tele, 
si  vnelent-il  que  ele  soit  noeve,  et  se  ili  a 
ploit  dedenz  de  tele  ne  de  cendal,  que  le 


372 


PREMIÈRE  PARTIE. 


plus  cort  ploit  soit  de  demie  aune  et  de  de- 
rai  quartier  de  lonc  au  meins  devant,  et 
autant  derrisres,  et  les  autres  plois  Ions 
ensuivans;  et  se  il  i  a  borre  de  soie,  que 
le  liet  de  la  borre  soit  de  demie  aune  et 
demy  quartier  au  mein  devant  et  autant 
derrières.  (Livre  des  métiers,  p.  371.) 

— Tud.  wamba,  devant  du  corps, 
ventre;  goth.  vamba,  vambe,  item; 
anglo-sax.  vamb,  item  ;  swéà.wamb, 
waamb,  item;  island.  vomb,  item; 
dan.  vom,  item  ;angl.  womb,  \enire, 
ne  se  dit  plus  que  des  femmes  dans 
le  sens  de  matrice.  HoU.  1°  wam, 
poitrine  ;  2°  wambais,  wambuis,  vê- 
tement qui  couvre  le  devant  du  corps^ 
pourpoint.  AUem.  I»  vcambs;  2" 
voams. 

GamitEj  anc.  peau  de  chamois . 

Après  ce  que  le  roy  fu  revenu  d'Outre- 
mer, il  se  maintint  si  dévotement  que 
onques  puis  ne  porta  ne  vair,  ne  gris  ne 
escarlatie,  ne  eslriers,  ne  espérons  dorez; 
ses  robes  esloient  de  camelin  ou  de  pers, 
les  pennes  de  ses  couvertouers  et  de  ses 
fobes  estoient  de  garnîtes  ou  de  jambes  de 
lièvres.  (Join ville.  Histoire  de  S.  Louis, 
édit.  de  l'imprimerie  royale,  1761,  p.  440.) 

—  Tud.  gams  chamois  ;  anglo- 
sax.  gemse;  anc.  allem.  gfawz,*allem. 
moderne  gemse. 

Gandir,  anc.  se  détourner,  s'es- 
quiver, s'évader,  s'enfuir^  se  sau- 
ver. 

Lui  estuet  n  vaincre  u  morir; 
Ne  l'iait  Amors  par  el  gandir. 

(Parltnopeut  de  Blois,  t.  11,  p.  132.) 

Uncor  duta  Ernoul  mil  tanz  (sic) 
Li  traîtres,  li  soduianz. 
Qu'or  est-il  certains  de  morir. 
Ne  or  ne  set-il  mais  ti  gandir. 

[Chroti.  dti  dmt  dt  Norm.  t.  Il,  p.  91.) 

Gandir  avait  pour    fréquentatif 
gandiïler,  s'enfuir  précipitamment, 


gambader,  se  démener,  se  trémous- 
ser. 

Maint  pas  fait  en  vain 
Qui  trace  putain. 
Tant  elle  gandille. 

{Nouveau  recueil  de  Fabliaux,  1. 1,  p.  417.  J 

Mult  les  veissiés  gandiïler. 

[Rom.  de  Brut,  t.  Il,  p.  71,  Dote  o.) 

—  Tud.  wantjan,  wentjan,  tour- 
ner,  retourner,  se  retourner^  se  dé- 
tourner ;  goth.  vandjan  ;  anglo-sax. 
vandian;  island.  venda;  allem.  et 
holl.  wendeii;  àa.n.  vende;  suéd. 
vœnda  ;  angl,  to  wind. 

Gant  :  en  basse  latinité,  gantuSj 
wantus,  wanto.  Les  anciens  gants 
paraissent  avoir  été  des  espèces  de 
moufles  en  cuir^  dans  lesquelles  la 
main  entrait  tout  entière^  sans  qu'il 
y  eût  de  séparation  pour  les  doigts. 
11  n'est  point  extraordinaire  que  nos 
pères  dussent  aux  peuples  septen- 
trionaux de  pareils  préservatifs  cou- 
les rigueurs  du  froid.  {\oirMoufle.) 

— Anc.  allem.  vant,  moufle,  gant, 
island.  vante,  item  ;  suéd.  want, 
moufle,  gros  gants  d'hiver;  dan. 
vante,  item;  holl.  want,  item. 

Gante,  GAUNTE,anc.  oie  sauvage; 
en  langue  d'oc  ganta. 

Asez  unt  veneisun  de  cerf  et  de  sengler, 
E  unt  grues,  e  gantes  e  pouns  enpeverez. 

(  Voy.  de  Charlem.  à  Jér.,  i.  854.) 

Nulerein  que  il  demande  ne  leur  fut  deveez, 
Asez  unt  venesun  de  eerfs  e  de  sengler, 
E  unt  grues  e  gauntes  e  pouns  empeverez. 

(BW.  T.409.) 

Le  passage  suivant  de  Pline  nous 
fournit  une  preuve  historique  et  ir- 
réfragable que  le  primitif  dont  dé- 
rive gante  appartenait  aux  anciens 
idiomes  germaniques.  Cet  auteur  dit 
en  parlant  des  oies  :  «  Candidorum 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.  373 


alterura  vectigal  in  pluma;  vellun- 
tur  quibusdam  locis  bis  anno;  rur- 
sus  plumigeri  vestiuntur  ;  mollior- 
que  quae  corporis  quam  proxima,  et 
e  Germania  laudatissima;  candidi 
ibi,  verum  minores,  gantœ  (alias 
ganzœ)  vocantur.  (Pline^  liv.  X, 
chap.  XXII.) 

—  Bas  allem.  gante^  oie;  allem. 
"gans;  holl.  gent,  gans;  tud.  ga- 
nazzo;  island.  gas;  dan.  gaas; 
suéd.  gœs  ;  anglo-sax.  gos  ;  angl. 
goose. 

Garçon.  On  disait  autrefois  gars 
dans  la  même  signification.  Ce 
n'était  point  deux  mots  différents, 
mais  deux  formes  du  même  mot. 
(Voyez  à  cet  égard  t.  III,  p.  21.) 

Uns  gars  les  vil,  s  1'  nunciad  a  Absalon. 
{Livre  des  Rois,  p.  183.) 

Vidit  autem  eos  quidam  puer  et  indicavit 
Absalon. 

Si  li  dist  :  «  Va,  si  m'aporte  les  saetes 
que  jo  ci  trarrai.»  Cume  li  garz  fud  es- 
meuz,  Jonatlias  traist  un  ultre  O'sez  une 
allrej  par  ultre  le  garchun.  [Ihid.  p.  81.) 

El  ait  ad  puerum  suum  :  «  Yade,  et  a/fer 
mihi  sagittas  quas  ego  jaciu.  »  Cumque 
puer  cucurrisset,jacit  aliam  sagittam  trans 
puerum. 

Amyot  écrit  garson  avec  un  s, 
cette  orthographe  est  plus  en  rapport 
avec  gars  que  ne  l'est  celle  de  gar- 
çon écrit  avec  un  ç. 

Il  estoit  en  grand'peine,  comme  un  jeune 
garsoti  nourry  aux  champs,  qui  n'avoil  en- 
cores  jamais  expérimenté  que  c'est  que  du 
brigandage  d'amour.  (Daphnis  et  Chtoé,  fin 
du  livre  I.) 

On  disait  garse ,  garce ,  pour 
jeune  fille. 

S'il  avient  que  un  home  prent  une  da- 
moiselle  par  force  et  li  gaste  sa  verginité, 
ou  par  la  volenté  de  la  garce,  ou  par  sa 


simpleté,  sans  leseu  dou  père  et  de  la  mère 
ou  de  ceaus  qui  l'ont  en  garde,  la  raison 
coumande  que  se  le  père  ou  la  mère  de  la 
garce  ou  ces  parens  qui  l'ont  en  garde,  ou 
en  oui  poeirelleest,  veulent  avoir  merci  de 
celui  qui  l'a  despucelée,  et  il  est  tes  iftra 
qui  li  aQere,  si  la  deit  prendre  por  feme. 
{Ass.  de  Jér.  t.  II,  p.  92.) 

Mahumet  promet  aux  siens  un  paradis 
tapissé,  paré  d'or  et  de  pierreries,  peuplé 
de  garses  d'excellente  beauté.  (Montaigne; 
liv.  ir,  chap.  XII,  p.  376.) 

M'amie,  dict-il,  au  temps  passé  y  avoit 
une  jeune  garse  belle  et  jolye,  en  fleur 
d'eage  comme  toi.  (Amyot,  Daphnis  et 
Chloé,  liv.  I,  p.  31.) 

—  Goth.  vair,  homme;  island. 
ver;  tud,  wer;  anglo-sax.  wer,  ver. 
On  ne  retrouve  ce  mot,  dans  les 
idiomes  germaniques  modernes,  que 
dans  certains  composés;  le  plus  re- 
marquable est  le  suivant  :  suéd. 
war-ulf,  homme  loup,  loup-garou, 
en  grec  >.uxâv8pwTtoî  ;  dan.  varulv  ; 
allem.  ivàhr-wolf;  angl.  were-wolf; 
holl.  weer-volf. 

(Voir  Garou  ci-après.) 

Garde,  Garder  :  d'oiî  nous  avons 
fait  égard,  regard,  regarder,  etc.  Ce 
dernier  est  analogue  au  latin  obser- 
vare,  formé  de  servare.  —  Tud. 
1  "  warta,  garde^  surveillance,  con- 
servation, protection;  2°  wartan, 
wartèn ,  regarder,  observer,  sur- 
veiller^ conserver,  garder,  protéger. 
Goth.  \°  vards;  2°  vardjan.  Anglo- 
sax.  1°  veard;  2"  veardian.  Is- 
land. \°  vard;  2°  varda.  Allem. 
1  "  wart,  qui  n'est  plus  employé  que 
dans  les  composés;  ^°warten.  Suéd. 
1  °  waord,  word  ;  3°  xvaorda,  worda. 
Dan.  1°  et  2^  vare.  Angl.  1°  guard; 
2»  to  ward  ^  ta  guard.  HolL 
1°  bewaaring;  2°  bewaaren,  aux- 
quels est  joint  le  préfixe  6e. 


174 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Garenne,  Warenne,  Varène,  si- 
gnifièrent d'abord   un  bois  auquel 
était  attaché   un  droit   de    chasse 
exclusif,  ou  bien  un  vivier,  un  étang, 
cK^même  certaine  partie   d'une  ri- 
vière, qui  jouissaient  d'un  privilège 
semblable  pour  la  pêche;  il  était 
défendu  à  tout  autre  qu'aux  ayants 
droit  d'aller  chasser  ou  d'aller  pê- 
cher dans  ces  endroits.  La  significa- 
tion première  de  garenne  était  celle 
de  défense.  On  lit  dans  les  Institu- 
tions coutumières  de  Loisel,  XI,  ii, 
4  0  :  «  On  ne  peut  tenir  rivière  en 
garenne  ou  défense  s'il  n'y  a  titre.  » 
Caseneuve,  article  Garenne  fait  ob- 
server que,   dans  la  Guyenne,  les 
garennes  étaient  autrefois  appelées 
défés,  mot  dérivé  de  defendere,  ou 
bedas,  dérivé  de  vetare  ;  les  garennes 
à  lapins  se  nommaient  défés  de  co- 
nils,  et  les  garennes  à  poisson,  défés 
de  pesquers.    Aujourd'hui  le  mot 
garenne  ne  se  dit  plus  que  d'un  bois 
ou  d'un   autre  endroit  de  la  cam- 
pagne que  l'on  peuple  de  lapins.  On 
disait  en  basse  latinité  warenna  ou 
garenna,  pour  garenne,  dans  l'an- 
cienne acception  de  ce  mot. 

—  Tud.  warjan,  iverjan,  empê- 
cher, défendre,  empêcher  quelqu'un 
de  nuire  à  un  autre,  le  préserver,  le 
garantir,  le  défendre  ;  anglo-sax. 
veran;  island.  veria;  anc.  allem. 
werien;  suéà.vœrja;  allem.  wehren; 
dan.  forsvare,  auquel  est  jointe  la 
préposition  for;  holl.  weeren,  dé- 
fendre; warande,  garenne;  angl. 
waren,  garenne. 

Garer.  Nous  disons  encore  se 
garer,  pour  se  préserver,  se  garan- 
tir; la  signification  de  ce  verbe  était 
autrefois  plus   générale  qu'elle   ne 


l'est  aujourd'hui.  (Voir  Guérir.)  — 
Tud.  warôn,  avoir  soin^  garantir, 
protéger,  préserver;  anglo-sax.  ve- 
ran; island.  veria;  suéd.  vœrja; 
holl.  weeren;  allem.  wahren,  et 
bewahren,  auquel  est  joint  le  pré- 
fixe be;  dan.  forsvare,  auquel  est 
jointe  le  préfixe  fors. 

Garnir.  —  Tud.  wamon,  garnir, 
munir,  prémunir;  anglo-sax.  war- 
nian;  island.  wama.  Anc.  frison, 
wernia,  garantir,  préserver.  En  alle- 
mand, warnen  ne  signifie  plus  que 
prémunir,  prévenir,  avertir  quel- 
qu'un du  danger  qui  le  menace. 

Garou.  L'esprit  superstitieux  de 
nos  pères  leur  faisait  admettre  que 
certains  hommes  étaient  changés  en 
loups;  cette  superstition  paraît  avoir 
régné   anciennement  dans  presque 
toute   l'Europe.    (Voir   à    ce  sujet 
Pline,  liv.  VIII,  ch.  xxviii,  et  Pom- 
ponius  Mêla,  liv.  II,  ch.  i,  et  liv. 
III,  ch.  vu)  Le  lecteur  peut  encore 
consulter  avec  fruit  un  travail  plein 
d'un  véritable  intérêt  et  d'une  solide 
érudition,    qui   a    été    publié  par 
M.  Bourquelot,  dans  le  dix-neuvième 
volume  des  Mémoires  de  la  Société 
des  antiquaires  de  France  ;  ce  tra- 
vail est  intitulé  :  Recherches  sur  la 
lycanthropie.  Ces  prétendus  hom- 
mes-loups étaient  nommés   autre- 
fois, en  langue  d'oïl^  garni,  garoul, 
garwal. 


Bisclaveret  ad  nun  en  bretan 
Garwal  l'apelent  li  Norman. 
Jadis  le  poët-hum  oîr, 
E  souvent  souleit  avenir. 
Hunes  plusurs  garwal  devindrent, 
E  es  boscages  meisun  tindrent. 
Garival  si  fcsi  beste  salvage  ; 
Tant  euro  îl  est  en  cele  rage, 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  IL    375 

Humes  devure,  grantmal  fait,  n'ont  point  conservé  le  premier  des 

Es  granz  forest  converse  e  vait.  <jeux  radicaux  à  l'état  simple  ;  mais 

(Uaric  d«  France,  1. 1,  p.  J76.J  j]  subsisto  dans  divers  composés,  et, 

entre  autres,  dans  le  mot  correspon- 
dant à  celui  qui  fait  le  sujet  de  cet 
article.  Dan.  \°  var-w^v,  loup-garou; 
2°  ulv ,  loup.  Suéd.  i°  war-ulf; 
2°  ulf.  AUem.  1»  wahr-wolf;  %°wolf. 
HoU.  r  wer-volf;  2°  volf.  Angl. 
1°  were-tvolf;  2°  wolf. 

Gaspiller,  gâter,  mettre  en  dé- 
sordre, dissiper  avec  une  folle  pro- 
digalité. (Acad.)  On  a  dit  aussi 
guespillerj  que  l'on  peut  voir  dans 
la  Fameuse  compagyiie  de  la  Lésine, 
part.  I,  fol.  205  v». 

—  Tud.  4°  gaspildan,  dissiper, 
prodiguer,  gaspiller,  composé  du 
préfixe  ga  et  du  simple;  2°  spildan, 
r^andre,  disperser,  dissiper.  Goth. 
4?  gaspillan  ;  2°  spillan.  Anglo-sax. 
^°  gespillan;  %°  spillan.  Island. 
spilla^  perdre,  dissiper,  gaspiller  ; 
dan.  spilde;  suéd.  spilla;  angl.  to 
spoil;  hoU.  spillen,  participe  gespild, 
avec  le  préfixe  ge. 

Gaucher,  anc.  fouler  les  draps, 
gauchoir,  moulin  à  fouler  les  draps. 
(Voyez  le  glossaire  de  Roquefort, 
art.  Gauchoir,  et  celui  de  Carpentier, 
art.  Gauchatorium.) 

—  Tud.  1°  walchan,  fouler,  pres- 
ser; T  walkari,  celui  qui  presse, 
qui  foule,  foulon.  Anglo-sax.  \°veal- 
can;  2°  vealcere.  AUem.  \°  walken; 
%°walker.  Suéd.  1  »  walUa  ;  2° walker. 
Dan.  i  °  walke  ;  2"  walker. 

Gauchir,  Gauche.  Anciennement 
ganchir,  guenchir,  guencir,  gau- 
chir, etc.,  signifiaient  aller  de  côté, 
obliquer,  dévier,  se  détourner,  sa 
tirer  à  l'écart  ;  gauchir  se  prend  en- 
core aujourd'hui  dans  un  sens  fort 


Nous  avons  dit  primitivement 
garulf  ou  gerulf,  gerulph  ;  en  basse 
latinité,  gerulphus,  que  l'on  trouve 
dans  ie  passage  suivant  de  Gervais 
de  Tilbury,  cité  par  du  Gange  : 
«  Vidimus  enim  fréquenter  in  An- 
glia  per  lunationes  homines  inlupos 
mu  tari,  quod  hominum  genus  ge- 
rulphos  Galli  nominant,  Angli  vero 
t^jereiooZ/'dicunt;  were  enim  anglice 
virum  sonat,  wolf  lupum.  »  {Otia 
imperal.,  part.  I.) 

GerulphuSj  gerulf  us,  garni  fus,  est 
devenu  garou,  selon  l'analogie  gé- 
nérale, comme  Arnulfus  est  devenu 
Arnou;  sanctus  Baldulfus,  saint 
Badou;  sanctus  Frodulfus,  saint 
Frou;  sanctus  Gendulfus,  saint  Ge- 
nou; sanctus  GerulfuSj  saint  Gerou; 
sanctus  Marculfus,  saint  Marcou; 
sanctus  Minulfus ,  saint  Menou; 
sanctus  Pardulfus^  saint  Pardou; 
sanctus  Radulfus,  saint  Raoul  ou 
saint  Raoux;  sanctus  Theodulfus, 
saint  Thiou,  etc.  (Voir  le  Vocabu- 
laire hagiologique  de  Chastelain.) 

Garulfus,  garulf,  garoul,  garou, 
sont  composés  de  deux  radicaux  ger- 
maniques, dont  l'un  signifie  homme 
et  l'autre  signifie  loup;  les  Grecs  di- 
saient de  même  /.uxàvôpuTto;.  Lorsque 
l'origine  du  mot  a  été  entièrement 
oubliée,  on  a  cru  qu'il  était  néces- 
saire de  joindre  le  mot  loup  à  ga- 
rou  :  de  là  le  pléonasme  loup-garou, 
actuellement  en  usage. 

— Goth.  1  °wair,  homme;  2°  wulfs, 
loup.  Anglo-sax.  i'wer, ver;  %°wulf. 
Island.  4»  ver;  V  ulfr.  Tud.  4*  wer; 
V   ivulf.    Les    idiomes    modernes 


376 

rapproché.  (Pour  le  changement  de 
a  en  au  dans  gauchir  fait  de  gan- 
chir,  voyez  t.  II,  p.  163  et  61.) 

Cil  qui  guenchirenl  à  la  tor,  cil  de  l'os 
les  tindrent  si  près  que  il  ne  porenl  la  porte 
fermer.  ^Villehardouin  ,  édit.  Brial ,  p. 
450,  E.) 

Un  bues  entra  en  une  lande 
U  il  aleit  querre  sa  viande. 
Garda,  si  vit  un  leus  venir. 
Ne  pot  desturner  ne  guencir; 
Eo  mi  la  lande  s'arreslut. 

(Marie  de  France,  t.  Il,  p.  374.) 

Gauche,  guenche,  guanche,  etc. 
signifiaient  déviation,  inclinaison,dé- 
tour.  (Voir  Roquefort,  art,  Guencher 
et  art.  Guenche.) 

Dans  toutes  les  actions  manuelles, 
dans  tous  les  exercices  corporels,  ^Is 
que  les  manœuvres  militaires,,  une 
partie  du  corps  se  porte  en  avant, 
c'est  celle  qui  concourt  principale- 
ment à  l'action;  la    direction   de 
cette  partie  est  alors  en  ligne  droite 
du  rayon  visuel  :  c'est  ce  qui  a  fait 
appeler  cette  direction  la  droite  (di- 
recta),  le  côté  du  corps  qui  est  dans 
cette  direction,    côté   droit,   et  la 
main   de  ce  côté  main  droite.  En 
allemand,  recht  s'emploie  de  même 
dans  le  sens  de  rectus  et  de  dexter. 
On  nomma  gauche  l'autre  direction, 
l'autre  côté,  qui  se  trouve  dans  une 
ligne  oblique  par  rapport  au  rayon 
visuel.  Quelques  étymologistes  ont 
pensé  à  tort  que  droite,  en  parlant 
de  la  main^  venait  de  dextra.  Le  dé- 
rivé de   dextra  est  destre,  dextre  ; 
on  lit  encore  ce  dernier  dans    le 
cinquième  chant  du  Lutrin  de   Boi- 
leau.  Au  xii«  siècle,  droit  et  gauche 
n'existaient  pas  dans  le  sens  que 
nous  leur  donnons  aujourd'hui;  du 


PREMIÈRE  PARTIE. 


moins,  je  ne  me  rappelle  pas  de  les 
avoir  vus  dans  aucun  auteur  de 
cette  époque:  on  employait  toujours 
DESTRE  (dextra)  et  senestre  (sinistra) 
ou  ESCLANCHE.  (Voir  Ce  dernier  ci- 
dessus.) 

Jo  vi  nostre  seignur  seer  en  sun  sied  e 
tutc  sa  maidnée  des  engeles  fud  entur  lui; 
li  bon  engele  a  destre  et  lialtre  a  senestre. 
(Livre  des  Rois,  p.  337.) 

Le  passage  suivant,  extrait  du 
même  ouvrage^  nous  donne  à  la  fois 
un  exemple  de  destre,  senestre  et  de 
guenchir,  obliquer. 

Cist  Josias  flst  co  que  Deu  plout,  e  tint 
les  bones  veies  sun  père  David ,  si  que 
il  ne  guenchi  ne  a  destre  ne  a  senestre. 
(Livre  des  Rois,  p.  423.) 

Fecitque  quod  placitum  erat  coram  Domi- 
no, et  ambulavit  per  omnes  vias  David  pa- 
tris  sui;  non  declinavit  ad  dexteram  sive 
ad  sinistram. 

—  Tud.  loanhjan ,  wankôn  , 
ivenkjan,  obliquer,  dériver,  se  dé- 
tourner, se  tirer  à  l'écart^  se  reti- 
rer ;  anglo-sax.  vikan  ;  dan.  vige  ; 
suéd.vika;  allem.  weichen,  et  le 
plus  sovcventabweichen,  avec  le  pré- 
fixe ab;  holl.  wiiken,  et  le  plus 
souvent  afwiiken,  avec  le  préfixe  af- 
Gaud,  Gaut,  Gaudine.  (Voir 
Gualt. 

Gaufre  :  en  basse  latinité,  ga- 
frum.  Les  gaufres  étaient  une  pâ- 
tisserie fort  commune  au  moyen 
âge.  A  Paris,  on  les  vendait  un  de- 
mi-denier au  xni^  siècle. 

Et  ne  puent  ne  ne  doivent  les  mestres  ne 
les  valiez  donner  que  ij  gojfres  pour  un  de- 
nier, et  vij  bastons  pour  un  denier,  bons 
et  loyals  et  metables.  (Ordonnance  relative 
aux  oubliers,  dans  le  Livre  des  métiers, 
p.  351.) 

—   AU.    xvaffel ,  gaufre;  suéd. 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.  377 


waffla,  wafflor  ;  dan.  waffel;  holl. 
wafel  ;  angl.  îvafer. 

Gaugue.  On  appelait  autrefois 
noix  gmigue  une  sorte  de  noix 
exotique,  c'est  la  grosse  noix  oonnue 
aujourd'hui  sous  le  nom  de  noix  de 
Frise.  L'arbre  qui  portait  les  noix 
gangues  était  nommé  gauguier,  gau- 
ghuier.  Voyez  ce  dernier  dans  le 
supplément  du  Glossaire  de  Roque- 
fort. Gaugue  et  gauguier  sont  encore 
usités  en  Picardie. 

Elle  avoit  les  mameletes  dures  qui  lui 
souslevoient  sa  vesture  aussi  com  ce  fuissent 
deus  nois  gauges  (prononcez  gangues),  et 
estoit  graille  parmi  les  flans,  qu'en  vos 
dex  mains  le  peusciés  enclore.  [Fabliau 
d'Aucassin  et  Nicolette,  p.  393.) 

Pour  de  tout  iceluigardin  avecle  grande 
court  des  malades,  gauguier  et  autres  arbres 
avec  de  tous  les  herbages  croissansen  l'atre 
et  chimentière  des  malades,  joïr  pendant 
neuf  ans.  (Bail  de  1450  cité  dans  le  Sup- 
plément du  glossaire  de  Roquefort,  art. 
Gaughuier.) 

— Anglo-  sax.  1  °  valh-nut,  vealh- 
nutj  sorte  de  noix  exotique,  com- 
posé de  valh  ,  vealh ,  étranger  , 
exotique  et  de  nut,  noix.  Ane.  is- 
land.  \°  walh-not;  2°  walh;  3"  net. 
Holl.  wal-noot,  grosse  noix,  noix  de 
Frise;  noo^,  noix.  Allem.  wall-nuss 
et  nuss ,  noix  commune;  angl. 
wal-nut  et  nut,  item;  suéd.  wal- 
nœt  et  nœt  item .  Tud.  walah,  étran- 
ger, exotique,  nuz,  noix. 

L'aspirée  gutturale  forte  h,  pro- 
pre aux  idiomes  germaniques  se 
change  assez  souvent  en  c  dur  dans 
les  dérivés  français  (voir  t.  IL 
p.  107);  elle  s'est  changée  en  g  dur 
dans  xcalah,  valh  devenus  galgue, 
gaugue, 

Gazaille,  anc.  association,  com- 


munauté, et  particulièrement  con- 
trat par  lequel  on  associe  un  tiers 
au  revenu  d'une  propriété  qui  doit 
être  partagée  par  égales  parts  entre  ce 
tiers  et  le  propriétaire,  bail  à  moitié 
fruit;  dans  la  suite,  ce  mot  se  prit 
pour  bail,  contrat,  accord  en  général. 
On  disait  en  basse  latinit'é  gasalia. 

Les  habitans  de  cbascune  jurisdiction 
peuvent  tenir  et  prendre  bestail  estranger 
en  compagnie  partiaire,  vulgairement  ap- 
pelez gazaille,  pourvu  qu'elle  soit  vraye, 
et  non  feinte.  (Coutumes  de  Saint-Sever, 
tit.  III,  art.  xui.)  . 

—  Allem.  gesel,  associé,  com- 
pagnon, camarade;  holl.  gezel;  dan. 
gesel  ;  suéd.  gesœll. 

Gazon.  —  Tud.  waso,  motte  de 
terre  garnie  d'herbe,  gazon  ;  anc. 
allem.  loase;  allem.  wasen. 

Gehir.  (Voir  Jehir.) 

Gelde,  Geude,  Gueude,  anc.  so- 
ciété, compagnie,  compagnie  de  gens 
de  guerre  et  particulièrement  de 
fantassins,  infanterie  ;  en  basse  la- 
tinité gilda  ;  en  langue  d'oc  gelda. 
Prist  de  ses  chevaliers  mil  e  set  cenz  e 
vint  mille  de  gelde,  trenchad  les  garez  des 
chevals  ti  traistrent  les  curres.  (Livre  des 
Rois,  p.  147.) 

Et  c.ptis  David  ex  parte  ejus  mille  sep- 
tingentis  equitibus  et  viginli  millibus  pedi- 
tum,  subnervavit  omnes  jugales  curruum. 

La  ocisiun  fud  forment  grande ,  kar  il 
chaïrent  trente  mille  de  ^eWe.  (Ibid.,  p.  15.) 

Et  facla  est  plaga  magna  nimis  ;  et  ceci' 
deruntde  Israël  triginta  millia  pedilum. 

Li  rois  a  ses  geldes  mandées, 
E  ses  maisnies  assamblées  ; 
Sans  noise  et  sans  longe  parole, 
Alerentensamble  à  Nicole. 

{Rom.  de  Brut,  t.  1 1,  p.  46.) 

Sire  Iluge  del  Chastel,  ore  ça  venez  avant, 
E  tute  voslre  gelde,  li  petit  e  li  grant. 

(CkrOH.  il*  Jordan  Fimiosme,  p.  571). 


378 


PREMIÈRE  PARTIE. 


(Voir  Gilda  dans  le  glossaire  de 
du  Gange,  et  Gelde,  Gueude,  dans 
celui  de  Roquefort.) 

—  Ane.  allem.  ghilde;  société, 
association,  compagnie;  anglo-sax. 
gild;  suéd.  giîde,  gille;  angl. 
guild;  hoU.  gild,  société,  asso- 
ciation, confrérie  ;  allem.  gilde,  as- 
sociation^ corps  de  métier,  com- 
pagnonnage ;  dan.  gelejde,  compa- 
pagnie,  cortège. 

Gerbe,  autrefois  garbe  :  en  basse 
latinité,  garba.—Tud.  garba,  botte, 
javelle,  gerbe  ,•  on  trouve  aussi 
dans  Tatian,  ch.  lxxii,  §  2,  le  di- 
minutif gerbilinon^  avec  la  même 
signification;  dan.  kiœrm,  javelle, 
gerbe,  suéd  ;  hœrfwa,  kerfwe,  item; 
allem.  garbe,  gerbe;  hoU.  garf, 
garve,  item. 

Gerfaut  ;  en  basse  latinité,  giro- 
falco,  sorte  d'oiseau  de  proie  très- 
gros  et  très-fort;  il  semble  tenir  à 
la  fois  du  faucon  et  du  vautour  : 
aussi  son  nom  a-t-il  été  formé  du 
nom  de  ces  deux  oiseaux.  —  Allem, 
\'  gerfalk,  gerfaut;  2°  geier,  vau- 
tour; 3°  falk,  faucon.  Dan.  ]° grib- 
falk  ;  ^"grib  ;  3°  falk.  Holl.  1°  gier- 
valk;  2°  gier;  i°valk.T\id.  gîr, vau- 
tour; falcho,  faucon. 

GiEST,  Ghez,  ghie,  Gée,  anc.  le- 
vure de  bière. 

Item,  deux  deniers  obole,  pour  giest. 
(Compte  de  l'hôpital  des  Wez,  de  1360, 
cité  par  Roquefort,  suppl.  au  glossaire,  art. 
Gée.) 

On  fait  le  ban  que  tous  fourniers  qui  fe- 
ront faire  pain,  soit  blanc  ou  brun,  was- 
tellés  et  cuignolés  pour  vendre,  fassent 
iceulx  à  levain  et  ssms  ghez,  sur  le  fourfait 
de  10  liv.  (Registre  aux  édits  de  1560,  cité 
dans  le  supplément  au  glossaire  de  Roque- 
fort, art.  Admettre.) 


—  Holl.  gist,  gest,  levure  de  bière; 
bas  allem.  gest;  angl.  yest,  item; 
suéd.  giœst,  ferment,  levain^ levure; 
dan.  gœr,  item. 

Gigue,  Gighe,  sorte  d'ancien  ins- 
trument de  musique  à  cordes,  dont 
on  jouait  avec  un  archet  :  c'était  un 
espèce  de  violon  :  en  basse  latinité^ 
giga.  Le  mot  gigue  se  prit  égale- 
ment pour  une  sorte  d'air  dont  lô 
mouvement  était  vif  et  gai;  on  jouait 
ordinairement  cet  air  sur  l'instru- 
ment qui  porte  le  même  nom.  C'est 
ainsi  qu'on  nommait  rotuanges,  ro- 
traanges,  des  airs  joués  avec  laro<e. 
(Voir  le  roman  de  Brut,  t.  II,  p. 
111  et  112.)  Enfin,  gfzgiMe  s'employa 
pour  désigner  une  danse  exécutée 
sur  l'air  dont  je  viens  de  parler;  cette 
danse  était  encore  en  usage  dans  le 
siècle  dernier. 

Ge  suis  jugleres  de  viele. 
Si  sai  de  muse  et  de  frestele. 
Et  de  harpe  et  de  cliifonie. 
De  la  gigue,  de  l'armonie. 
De  l' salteire;  et  en  la  rote 
Sai-ge  bien  chanter  une  note. 

(£<(  deux    Troveort  ribaui ,   dant  le»  avTrM  i» 
Rutebeuf,  t.  1 ,  p.  337.) 

De  tes  estrumens  sot  maistrle. 
Et  de  diverse  canlerie  ; 
Et  mult  sot  de  lais  et  de  note, 
De  viele  sot  et  de  rote, 
De  lire  et  de  saterion, 
De  harpe  sot  et  de  choron. 
De  gighe  sot,  de  simphonie. 
Si  savoit  asses  d'armonie. 

{Hom.  de  Brut,  t.  1,  p.  179.) 

—  Island.  giga,  gigue,  sorte  de 
violon;  anc.  allem.  gige,  geige,  gi~ 
gel,  {^em;  suéd,  gigr a, violon;  allem. 
geige,  item. 

Glaise.  Certains  manuscrits  an- 
ciens portent  gleise,  glèse  ;  en  basse 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERxMANIQUE.  SEGT.  IL    379 


latinité,  glis,  qui  se  trouve  dans 
Isidore  de  Séville.  —  AUem.  klei, 
argile,  glaise  ;  hoU.  klei;  a.ng\.clay. 

Glapir. —  Anglo-sax.  gelpan, 
glapir,  japper;  anc.  allem.  gelfen , 
klàffen;  allem.  gelfern;  snéd.glœf- 
ja;  angl.  toylep;  hoW.keffen;  dan. 
kave.  Plusieurs  de  ces  mots  offrent 
une  transposition  du  l.  (Voir  à  cet 
égard  t.  II,  p.  122.) 

Glete,  anc.  écoulement,  flux,  sé- 
crétion, humeur,  mucosité,  pus,  sa- 
nie. 

Se  regardon  de  quoi  nons  sommes, 
D'estre  orgueilleux  n'arons  talent; 
Se  pensons  a  l'engendrement, 
Voir  ce  n'est  pas  chose  moult  nete. 
Au  premier  ne  sommes  que  glete; 
Tant  com  vivons  ne  valons  riens. 

(Lt  DU  det  Planelei,  inséré  dans  le  Nouveau  rt- 
cueil  decontet,  I.  1,  p.  379.) 

(Voir  un  autre  exemple  de  ce  mot 
dans  le  Livre  du  roy  Modus  et  de  la 
royne  Racio,  éd.  de  E.  Blaze,  i°  84 
fo.) 

—  Angl.  gleet,  écoulement,  flux, 
gonorrhée^  pus^  sanie,  dérivé  de  to 
glide,  couler;  anglo-sax.  glidan , 
item;  anc.  allem.  gliden,  item. 

Glette  ,  oxyde  de  plomb  ou  li- 
tharge.  Anc.  allem.  glotte,  oxide  de 
plomb,  glette,litharge.  Allem.glàtte, 
item.  Suéd.  glitte,  item. 

Glisser.  Ce  mot  dérive  d'un  pri- 
mitif germanique,  composé  du  pré- 
fixe ge_,  gi,  et  d'un  verbe  qui  signi- 
fie glisser;  en  allemand,  en  hollan- 
dais et  en  danois,  le  préfixe  a  perdu 
sa  voyelle  et  le  verbe  simple  sa  con- 
sonne initiale. 

—  Anglo-sax.  slintan,  glisser, 
et  avec  le  préfixe  geslintan;  suéd. 
slinta  et  gislinta;  allem.  gleiten. 


glitschen  ;  hoU.  glitsen,  gliiden  ; 
dan.  glide  ;  angl.  to  slide. 

Glouteron,  sorte  de  plante  que 
les  Latins  nommaient  lappa  ;  elle 
porte  des  fruits  oblongs^  gros  comme 
de  petites  olives,  qui  sont  hérissés 
de  piquants  :  ces  fruits  s'attachent 
aux  habits^  ainsi  qu'aux  poils  et  à 
la  laine  des  animaux.  En  basse  la- 
tinité, glis  signifie  glouteron,  et  se 
trouve  avec  cette  signification  dans 
le  lexique  de  Marlinus  et  dans  le 
glossaire  de  du  Gange.  Nous  disions 
anciennement  gleton  et  gleteron 
(Voyez  le  Glossaire  de  Lille,  p.  18.) 

—  Tud.kletta,  glouteron;  allem. 
klette;  holl.  klisse,  klis.  Ces  mots 
paraissent  tenir  à  un  primitif  germa- 
nique signifiant  s'attacher  à.  Goth , 
hloda,  s'attacher,  se  fixer,  adhérer 
à;  anglo-sax.  elefoen;  island.  klad- 
da,  kludda;  holl.  kleeven;  angl.  to 
cleave. 

GoBELiN,  lutin,  esprit  follet;  en 
basse  latinité  gobelinus.  Orderic 
Vital  dit  en  parlant  d'un  démon  que 
Saint-Thaurin,  évêque  d'Evreux, 
chassa  du  temple  de  Diane  :  «Adhuc 
in  eadem  urbe  degit,  et  in  variis 
fréquenter  formis  apparens  nemi- 
nem  laedit  ;  hune  vulgus  gobeliniim 
appellat.  »  (  Historia  ecclesiastica, 
liv.  V  dans  Historiée  Normannorum 
scriptores  de  du  Chesne.  p.  556.) 

Et  si  connut,  par  inspiration  divine,  la 
grande  et  merveilleuse  propriété  d'icelle, 
qui  estoit  de  contraindre  les  gobelins. 
{Contes  et  joyeux  devis  de  Bonaventure  det 
Periers,  nouv.  xv.) 

De  petits  Amours  une  bande 

Dansoit  auprès  la  sarabande, 

Et,  leur  faisant  maints  tours  malins, 

Riaient  comme  des  gobelins. 

(Ca  Htnriadt  traptttie,  cb.  ix.  p.  UT.) 


380 


PREMIÈRE  PARTIE. 


—  Angl.  goblin  et  hob-goblin, 
lutin,  esprit  follet,  gobelin;  allem. 
kobold_,  item;  anc.  allem.  cobold, 
cobeJ,  démon^  diable.  Il  est  possible 
que  ces  derniers  proviennent  du  grec 
xôêa)^:  Jourbe^  imposteur  ;  mais  cet 
n'est  qu'en  passant  par  les  idiomes 
germaniques  que  ce  mot  nous  est 
parvenu  sous  la  forme  de  gobelin . 

Godale;  Goudale,  anc.  sorte  de 
bière  de  bonne  qualité.  (Voir  une 
remarque  à  la  fin  de  l'article  Bière, 
p.  289.)  De  godale  on  fit  godailler, 
qui  nous  est  resté,  comme  de  cidre 
on  ^icidrailler.  (Voir  celui-ci  dans 
le  glossaire  de  Roquefort.) 

Taverniers,  dont  raainz  sont  en  detes, 
Ronl  toniaus  de  vin  en  charretes, 
Qu'aus  somloiers  qui  en  demandent. 
Troubles,  atout  la  lie,  vendent. 
Li  autre  leur  godales  crient, 
Qui  est  d'Arraz,  si  comme  il  dient. 

{Branche  des  roi/aux  lignages,  t.    Il,   p.  411.) 

Une  rivière  treuve  qui  d'un  pendant  avale, 
Volenliers  en  beust,  mais  trouble  ert  com 
godai!. 

(Roman  de  Berle  nus  grans  pies,  p.  43.) 

Car  il  a  laissié  son  mestier 
De  draper  pour  brasser  goudale. 

(  Théâtre  français  au  moyen  âge,  p.  83.) 

—  Anglo-sax.  1"  god,  bon;  2° 
eale,  bière.  Island.l^gfodm' ;  2"  ou/. 
Dan.  1°  god  ;  2°  œl.  Suéd.  \°god; 
^°œhl,  œl.  Angl.  ]°  good;  2°  aie. 

GoiRE  ou  GoiRAN,  anc.  sorte  d'oi- 
seau de  proie  que  nous  appelons 
aujourd'hui  bondrée,  les  Italiens 
poiano,  les  Espagnols  et  les  Portu- 
guais  gaccia.  Cet  oiseau  ressemble 
assez  au  vautour.  (Voir  l'Histoire  de 
la  nature  des  oiseaux^  de  Bellon 
art.  Boudrée.) 

—  Tud.  QfîV,  vautour  ;  island.geiV; 


allem.  geier,geyer;  àa.n,grib;  holl, 
gier. 

GoNFANON,  GuNFANUN,  anc.  dra- 
pcau,  bannière,  étendard. 

Ceinguent  espées  del  accr  vianeis, 
Escuz  unt  genz,  espiez  valenlineis, 
E  gunfanuns  blancs  e  blois  e  vermeilz. 

{Chans.  de  Roland,  u.  lxztii.) 

Un  suen  baron  proisié  flst  sor  els  cheve- 
taigne. 

Cil  porta  gonfanon  d'un  drap  vermeil  d'Es- 
paigne. 

{Rom.  de  Rou,  y.  4038.) 

Virent  de  si  al  gonfanon 
Qui  porta  l'aigle  d'or  en  son  ; 
La  troverent  l'empereor 
Et  de  sa  raaisnie  la  flor  ; 
Od  lui  fureol  li  gentil  home 
Et  li  bon  chevalier  de  Rome. 

[Rom.  de  Brul,  t.  11,  p.  209.) 

On  disait  en  basse  latinité  gunt- 
fano,  gontfano,  gonfano.  Ces  mots 
signifiaient  étymologiquement  dra- 
peau de  bataille,  étendard  de  guerre. 

—  Tud.  1°  gundfano,  guntfano, 
kundfano,  drapeau,  étendard,  ban- 
nière, enseigne;  2°  gund,  kund,  ba- 
bataille,.  combat,  guerre;  3°  fano, 
drapeau,  étendard,  bannière .  Anglo- 
sax.  \°guthfana;  2°  guth;  3°  fana. 
Island.  1°  gunnfani,  gunfana  ;  %° 
guun;3°  fana.  Les  idiomes  mo^ 
dernes  n'ont  conservé  que  le  second 
de  ces  deux  radicaux.  —  Allem. 
fahne,  drapeau;  dan.  fane  ;  suéd. 
fana;  holl.  vaan. 

Gorge.  —  Allem.  gurgel,  partie 
antérieure  du  cou,  gorge  ;  holl.  gor- 
gel;  suéd.  gurgall;  da.n.  gurgel. 

GouiNE,  femme  de  mauvaise  vie. 
—  Anglo-sax.  cwen,  femme;  cuen, 
femme  de  mauvaise  vie,  prostituée. 
Goth.  quino,  qwino,  femme  ;  island. 
qwinna,  item;  anc.  allem.  qmna  ; 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  IL  381 


l'anglais  a  conservé  qiieen,  pour  si- 
gnifier la  femme  du  roi,  la  reine,  et 
quean,  une  prostituée  ;  tud.  quena, 
femme;  quaenanes&i,  libertinage. 

Gousse.  (Voir  Cosse.) 

Goutte,  maladie. — AUem.  gicht, 
goutte;  angl.  gou^  ;  dan. g(^■gf^,•suéd. 
gickt  ;  holl.  jigt. 

Gram,  Gbaim^  on  disait  Grains, 
Greins  avec  un  substantif  servant 
de  sujet  au  singulier.  Ces  mots  si- 
gnifiaient autrefois  fâché,  triste, 
peiné,  morne.  Grande,  Graigne, 
l>cine,  souci,  chagrin,  affliction. 
Gramoier,  Graimoier,  Gréwioîer,  fâ- 
cher, affliger,  être  fâché,  être  affli- 
gé. En  italien  gramo,  triste,  affligé, 
peiné,  chagrin. 

Tuz  les  cuntat  quanque  il  en  oïd. 
Quant  l'entent  li  reis  Hngun  graiiis  en  fud 
«  mariz. 

{Yoij.  de  Charlem.  à  Jér.  y.  627.) 

Quant  ço  oî  le  père,  greins  en  fud  e  irez. 

(CAron.  de  Jord.  Fantosme,  p.  536.) 

Mult  avez  hui  esté  en  grande 
De  reconter  hui  vostre  vie  ; 
Plains  estes  de  mélancolie. 

(Rom.  de   Tristan,  t.  1,  p.  227.) 

—  Tud.  gram^  fâché,  chagrin, 
triste;  gramjam,  fâcher,  affliger. 
Anglo-sax.  grame,  triste^  fâché,  cha- 
grin ;  dan.  gram  ;  suéd.  gram,  gram- 
se;  holl.  gram;  angl.  grim;  allem. 
1°  gram,  peine,  souci,  chagrin,  af- 
fliction; 2°  gràmlich,  triste,  cha- 
grin, peiné.  Island.  \°  grand;  2° 
gramur. 

Grappe.  —  Anglo-sax .  croip, 
cropp,  grappe;  angl.  grape,  item; 
tud .  trapp,  drappo  ;  island .  druga; 
suéd.  drufwa;  dan.  drue;  allem. 
traube  ;  holl .  tros. 
Le  français  grappe  est  plus  voi- 


sin de  l'anglo-saxon  crop  qu'il  ne 
l'est  des  mots  correspondants  des 
idiomes  germaniques  parlés  sur  le 
continent.  C'est  une  preuve  ajoutée 
à  tant  d'autres  de  la  ressemblance 
que  l'anglo-saxon  avait  avec  le  fran- 
cisque, ainsi  que  lesavantM.Griniiu 
l'a  fort  bien  démontré  et  que  je  l'ai 
fait  observer,  p .  263 . 

Remarquons  encore  dans  crop, 
trapp,  traube^  la  permutation  d'une 
consonne  appartenant  à  un  organe 
en  une  autre  consonne  d'un  organe 
différent.  Ces  sortes  de  substitutions 
se  rencontrent  également  en  grec  ; 
elles  ont  lieu  principalement  entre 
le  dialecte  attique  et  le  dialecte  do- 
rien.  Att.  -6x£,  ote;  dor.  ttoxx,  ôxa 
(Voyez  à  cet  égard  tome  II,  p.  79- 
81.) 

Gratter,  Égratigner.  Celui-ci 
est  un  composé  du  premier  et  de  la 
préposition  latine  e,  ex.  —  Tud. 
krazôn,  krazjan,  gratter;  island. 
kratta,  gratter;  égratigner;  dan. 
kratse,  item;  allem.  kratzen^  holl. 
krauven,  krabben  ;  angl.  to  scratch, 
gratter,  égratigner;  to  grate,  grat- 
ter, râper.     * 

On  doit  rapporter  au  même  pri- 
mitif notre  verbe  chatouiller;  en 
patois  du  Jura,  gatailli  ;  en  patois 
lorrain,  gattié;  dans  celui  du  Pié- 
mont, gatié;  dans  celui  duLangue- 
doc,  gatillar;  dans  celui  des  Hautes- 
Alpes  et  de  la  haute  Provence,  gra- 
tillar.  Ce  dernier  n'est  évidemment 
qu'un  fréquentatif  de  gratar,  gratter. 
(Voir  t.  II,  p.  362.) 

Gredin.  —  Goth.  gredags,  afi'amé, 
famélique,  goulu,  avide  ;  de  gredus, 
faim;  tud.  gratag j,  affamé,  famé- 
lique; anglo-sax.  grœdig,  affamé, 


382 


PREMIÈRE  PARTIE. 


goulu,  gourmand,  avide;  island. 
gradugur  ;  dan.  graadig;  angl. 
greedy;  allem.  gierig. 

Gréer,  Agrès,  termes  de  marine. 
Gréer,  c'est  garnir  un  navire  d'agrès, 
c'est-à-dire  de  toutes  les  voiles, 
vergues,  poulies,  cordages,  etc., 
dont  il  a  besoin  pour  être  en  état  de 
naviguer.  Agrei  se  prenait  autrefois 
pour  préparatifs,  munitions,  apprêts, 
appareil,  attirail;  ce  mot  est  com- 
posé de  la  préposition  latine  ad  et 
du  primitif  germanique  qui  a  fourni 
le  verbe  gréer. 

Li  castel  ferai  tal,  et  métrai  tant  A'agreù 
Bien  vos  porrez  desfendre  e  de  conte  e 
de  rei. 

(Rom.  de  Rou,  t.  I,  p.  133.) 

—  Anglo-sax.  gerœdian,  prépa- 
rer, apprêter,  composé  du  préfixe  ge 
et  de  rœdian^  qui  a  la  même  signi- 
fication; gerœd,  appareil,  attirail, 
équipage,  harnais.  Goth.  raidjan, 
rathjan,  et,  avec  le  préfixe  ga,  ga- 
rajan,  préparer,  apprêter,  disposer, 
ordonner;  anc.  allem.  gereiten , 
reiten,  item;  island.  greeda,  reida; 
suéd.  reda;  hoU.  4°  gereed,  reede, 
prêt;  2°  reeden ,  préparer.  Dan. 
4  °  rede  ;  2°  bereds,  avec  le  préfixe 
he.  Allem.  4°  bereit;  2°  bereiten. 
Angl.  ready,  prêt,  préparé. 

Grifaigne,  Grifaine,  anc.  Grifau, 
désignait  une  sorte  d'oiseau  de  proie 
que  nous  appelons  aujourd'hui  ger- 
faut; l'italien  grifagno  signifie  qui 
est  d'un  oiseau  de  proie,  qui  est 
propre  à  un  oiseau  de  proie,  et,  au 
figuré,  qui  a  un  regard  d'oiseau  de 
proie,  qui  a  l'air  hagard,  rébarbatif. 
Notre  ancien  mot  grifaigne  avait 
un  sens  tout  à  fait  semblable  à  celui 
du  mot  italien,  pris  au  figuré  ;  il  si- 


gnifiait qui  a  un  aspect,  un  regard 
sauvages,  féroces;  un  air  hagard, 
menaçant,  rébarbatif.  En  basse  la- 
tinité, grifalco  et  girofalco  signi- 
fiaient le  gerfaut  ou  grifau,  qui  était 
le  plus  gros  et  le  plus  fort  des  oi- 
seaux dont  on  se  servait  pour  la 
volerie.  (Voir,  dans  du  Gange,  Gri- 
falco, Girofalco;  dans  Roquefort, 
Grifau,  Grifaigne,  et  ci-dessus, 
p.  378,  l'article  Gerfaut,  pour  l'éty- 
mologie.) 

E  reis  Aigrouz  refu  de  la.... 

E  od  sa  danesche  (danoise)  compaigne, 

Coragose,  (iere  e  grifaine. 

(Chron.  des  diwa  de  Nom.  t.  11,  p.  43.) 

Grimer,  Grimace,  Grimacer.  — 
Allem.  grimmen,  se  grimer,  grima- 
cer, rechigner  ;  holl.  grimmen,  item  ; 
grimatzen,  grimaces.  Dan.  grim, 
difi'orme,  contrefait,  défiguré;  gri- 
matse,  grimace.  Anglo-sax.  grenian, 
grinian,  grimacer;  island.  grina, 
item;  suéd.  grina,  item;  angl.  to 
grin . 

Grincer.  —  Tud.  gremizôn  et 
grisgrimmôn,  grincer  les  dents; 
goth.  grimisan;  angl.  to  grind. 

Gringalet,  anc.  petit,  chétif.  Il 
se  disait  principalement  d'un  petit 
cheval,  ainsi  que  le  remarquent  Bo- 
rel  et  Roquefort  dans  leurs  glos- 
saires. Le  peuple  se  sert  encore  au- 
jourd'hui de  ce  mot,  pour  désigner 
un  homme  d'une  petite  taille  et 
d'une  chétive  apparence. 

Les  armes  reçut  un  valet, 
Uns  autres  prist  lou  gringalet. 

{Nouveau  recueil  de  Fabliaux,  1. 1,  p.  134.) 

Et  si  estoit  montez  dessus  i  gringalet 
Qui  l'ambléure  va  assez  mieulx  c'un  mulot. 

(CAron.  dé  du  Guetell»,  I.  Il,  p.  193.) 

—  Allem.  gering,  petit,  chétif. 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE,  SECÏ.  IL    383 


menu,  minime,  composé  du  préfixe 
ge  et  de  ring,  qui  avait  autrefois  la 
même  signification;  hoU.  gering ; 
dan.  ringe;  suéd.  ringa. 

Gris.  —  Tud.  gris,  gris;  anglo- 
sax.  greig,  grœg,  gris,  grison,  gri- 
sonnant, en  parlant  des  cheveux  et 
de  la  barbe  des  vieillards;  allem. 
greis,  grau;  dan.  graa;  suéd.  grao, 
gro;  angl.  gray,  grey;  hoU.  griis, 
gris,  ne  se  dit  que  des  cheveux  et 
des  poils;  graaw ,  gris  en  géné- 
ral. 

Gromme,  Gromet^  anc.  valet,  ser- 
viteur :  en  basse  latinité ,  gromus, 
gromes,  grometus. 

A  ceste  gent  sont  compaignon 
Mauvais  grommes,  mauvais  garchon; 
Des  boines  gens  boivent  le  vin, 
Que  il  carient,  au  quemin. 

{Paêm»  du  Riche  et  du  Ladre,  cité  dan»  le  glouairs 
deCarpeniier,  art.  Gromes.) 

Duquel  Jaque  le  Coq  l'exposant  estoit 
«erviteur  et  gromei.  (Lettres  de  rémission 
de  1392,  citées  ibid.) 

Angl.  groom,  serviteur,  valet, 
garçon;  goom,  homme,  mot  inusité 
à  l'état  simple,  mais  se  retrouvant 
dans  quelques  composés.  Tud.  gomo, 
gemo,  homme;  go  th.  guma,  gu- 
mein;  anglo-sax.  guma; anc.  allem. 
gam;  l'allemand  moderne  n'a  con- 
servé ce  mot  que  dans  le  composé 
bràutigam,  fiancé,  futur,  de  braut, 
fiancée^  et  gam,  homme.  Dans  le 
français  gromme  et  dans  l'anglais 
groom,  le  r  a  été  ajouté  après  le  g, 
comme  dans  Lanfres  de  Lingonœ. 
(Voir  tome  II,  p.  143.) 

Grommeler.  —  Anc.  allem. 
grummeln ,  grumen  ,  murmurer  , 
gronder,  grommeler;  suéd.  grymta, 
item.  Ces  verbes  sont    formés  au 


moyen  du  préfixe  ge  dont  il  n'est 
resté  que  la  première  lettre.  L'an- 
glais a  le  composé  ta  grumble  em- 
ployé dans  la  même  signification  et 
le  simple  rumble,  faire  un  bruit 
sourd,  gronder;  allem.  rummeln, 
item;  dan.  rumle  bourdonner, mur- 
murer, grommeler  ;  holl .  rommeîen, 
bourdonner;  rommeling,  ou  avec  le 
préfixe  ge,  gerommel,  bourdonne- 
ment^ grouillement. 

Gros  :  en  basse  latinité,  grossus  ; 
en  italien  grosso. — Tud.  gros,  qui  a 
de  l'étendue  dans  toutes  les  dimen- 
sions, gros,  grand,  large,  épais; 
allem.  gross,  item;  dan.  grov  ;  suéd. 
grof;  angl.  gross;  holl.  grof. 

Gruau.  Grain  mondé  et  écrasé 
avec  la  meule.  On  fait  du  gruau 
d'avoine,  d'orge,  de  froment.  On 
disait  autrefois  gru,  gruel,  pour 
grut,  grutel;  en  basse  latinité  gru- 
tum,  grutellum,  gruellum.  (Voir  le 
glossaire  de  du  Gange  ainsi  que  le 
recueil  intitulé  Jongleurs  et  trou- 
réres  publié  par  M.  Jubinal,  p.  i05.) 
—  Anglo-sax.  grut,  gruau;  tud. 
gruzî;  bas  allem.  grutt;  allem. 
grùtze;  holl.  gratte;  dan.  gryyn; 
suéd.  gryn.  Tous  ces  mots  pro- 
viennent d'un  primitif  germanique 
qui  signifie  écraser,  broyer.  (Voir 
Gruger,  qui  suit.) 

Gruger,  briser  quelque  chose  de 
dur  et  de  sec  avec  les  dents: 
«  Gruger  des  croûtes,  des  macarons, 
du  sucre.  »  (Acad.)  Égruger,  casser, 
briser,  mettre  en  poudre  dans 
l'égrugeoir:  «  Égruger  du  sel,  du 
sucre.  »  (Acad.)  Égruger  est  com- 
posé de  gruger  et  de  la  préposition 
latine  e,  ex.  On  dit  en  wallon 
gruzi,briser,  broyer. — Txid.grusen, 


384 


PREMIÈRE  PARTIE. 


briser,  broyer,  écraser;  goth. 
kriustan,  krotan  ;  bas  allem.  gru- 
sen  ;  holl.  gruizen  ;  suéd.  krossa  ; 
dan:  kryste  ;  angl.  to  crush. 

GuALT,  Gaut,  Gaud,  Gaudine, 
anc.  bois,  forêt,  bocage,  terre  in- 
culte où  croissent  des  broussailles  : 
en  basse  latinité,  waldus,  wal- 
dum,  gualdus,  gualdum,  gaudus: 

ne  vers  un  guall  uns  granz  leons  li  vient, 
Mult  parest  pesmese  orguillus  e  fiers! 
Sun  cors  raeismes  i  asalt  e  requert  ; 
A  bras  se  prenenl  ambesdous  por  Joitier. 

(,Chans.  de  Roland,  il.  CLXXZI.) 

La  belle  estoit  dessous  un  pin, 

Si  escoutoit 
Les  oyssiaus,  puis  recommançolt 
Le  lai  que  ci  très-bien  Jisoit, 

Qu'en  ce  termine 
Retentissoit  gaut  et  gaudine. 

{La  Lande  dorée,  dans  le  Noareau  racueil  de 
contes,  t.  11,  p.  181.) 

Tout  le  brueil  et  le  gaut  resonne 

De  son  cler  ton  ; 
Maint  dous  verbelet  et  main  son 
Faisoit  adonten  sa  chanson; 

Bien  l'entendi, 
Elle  chanta,  le  gaut  tanti, 
Et  je  cornai,  le  bois  bondi. 

(Ibid,  p.  178  et  179.) 

Ge  vous  doing  de  lire  congié.... 
En  prés,  en  jardins,  en  gaudines. 

{Roman  de  la  Rote,  t.  11,  p.  446,  t. 13710.) 

—  Tud.  wald,  walt,  bois,  forêt  ; 
anglo-sax.  wald^  vudu  ;  allem. 
wald  ;  holl.  woud ,  wout  ;  angl. 
wood;  dan.  ved;  suéd.  wed. 

GuÉDER,  soûler,  faire  manger  avec 
excès.  Ce  mot  familier  a  vieilli  ;  on 
ne  l'emploie  guère  qu'au  participe 
et  aux  temps  qui  en  sont  formés. 
Le  voilà  bien  guédé.  Il  s'est  bien 
guédé  (Académie).  —  Tud.  weidôn, 
paître  ;  weidanôn,  faire  paître  ;  anglo- 


sax.  vàdhan;  anc.  island.  weida; 
dan.  fœde;  suéd.  beta;  allem. 
4°  weiden,  paître  et  faire  paître; 
go  weide,  pâturage,  pâtis.  Holl. 
1  °  weiden  ;  2"  weide.  Angl.  \°  to 
feed  ;  2°  feed. 

GUERDON,  GUEREDON^  GuERREDON, 

etc.,  anc.  prix  d'un  service^  d'une 
Uonne  action,  salaire,  récompense, 
présent. 

Ensi  vet  dou  malvals  sergant 
Qui  tute  jur  va  repruchant' 
Sun  grant  servise  a  sun  segnur; 
Ne  se  prent  garde  a  l'ennur. 
Ne  des  biens  ne  du  gueredun 
Qu'il  a  eus  en  sa  maisun. 

(Marie  de  France,  t.  II,  p.  354.) 

La  peine  et  le  guerdon  se  doit  entretenir. 

(La  Guitiade,  par  P,  Matthieu,  cilë  par  Roqiiefarl, 
art.  Guerdon.) 

Ne  vous  aventurez  pour  recevoir  tel  don 
Con  ce  premier  montant  a  pris  en  guer- 

redon  ; 
Car  à  telles  aumosnes  tel  presse  ne  vit-on. 

[Chron.  de  du  Guesclin,  t.  11,  p.  388.) 

De  guerdon,  gueredon  on  forma 
le  verbe  guerdonner,  gueredonner, 
donner  un  salaire,  récompenser. 

Amilles,  je  vueil  sans  delay 
Vostre  bienfait  guerredonner. 
Et  vous  vueil  à  femme  donner 
Lubias,  dont  on  fait  grant  conte. 

(  Théâtre  fran fait  au  moyen  âge,  p.  828.) 

Dont  recivrat-ele  lo  guerredon  de  son 
travail....  Li  jugieres  cant  il  venrat,  li  ren- 
derat  guerredon  de  ses  vertuz;  se  li  vinent 
a  remembrance  li  mal  cui  ele  at  falz ,  et 
forment  dotet  ke  li  jugieres,  ki  venir  doit 
por  guerredoneir  les  vertuz,  ne  poiset  sub- 
tilraent  les  malz  qui  fait  sunt,  et  si  guerre- 
donet  la  nuit,  quant  il  vult  acomplir  l'an. 
{Livre  de  Job,  f.  461.) 

On  trouve  en  italien  guiderdone, 
récompense,  salaire  ;  en  langue  d'oc 
guazardon,  guiardon,  guierdon  ;  en 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  II.    385 


espagnol  galardon  ;  en  portugais 
galardào  ;  en  basse  latinité,  wider- 
donum. 

—  Tud.  widarlon ,  récompense, 
rémunération;  composé  i"  du  pré- 
fixe widar  qui  équivaut  au  préfixe 
latin  re^  et  2°  de  làn ,  prix,  salaire, 
récompense.  Goth,  1°  withra  ; 
launs;  anglo-sax  i°  widar;  2°  lean, 
ten;  island.  4°  vid  ;  2°  laun;  al- 
lem.  1°  wider,  wieder;  2°  lohn  ; 
suéd.  1°  veder;  2°  lœn. 

Le  l  du  primitif  widarlon  a  dis- 
paru dans  widerdonum,  guiderdone, 
gazardon,  guerdon,  et  un  d  est 
venu  se  joindre  au  r  par  attraction, 
comme  dans  carder,  Dordogne,  mou- 
dre, formés  de  carere,  Duranius, 
molere,  etc.  (Voyez  tome  II,  p.  \  42.) 
Il  est  probable  qu'une  certaine  ana- 
logie de  signification  entre  donum 
et  le  mot  germanique  a  influé  sur  le 
mode  de  transformation  que  celui- 
ci  a  subie  en  passant  en  latin  et  a 
déterminé  la  forme  widerdonum 
dont  dérivent  directement  les  autres 
formes  qui  viennent  d'être  men- 
tionnées. Quant  à  l'espagnol  galar- 
don et  au  portugais  galardào,  ils 
oSrent  une  transposition  du  d  et  du 
l  du  primitif  widarlon.  (Voyez  à 
l'égard  des  transpositions  des  con- 
sonnes, tome  II,  p.  118-422.)  Les 
formes  françaises  gueredon,  guer- 
redon  ne  sont  que  des  altérations 
graphiques  de  guerdon.  On  a  intro- 
duit abusivement  un  e  muet  entre 
le  r  et  le  d. 

Guère  signifiait  autrefois  beau- 
coup,  bien ,  fort  ;  ne guère 

s'emploie  aujourd'huipourpas  beau- 
coup, peu,  tout  comme  personne 
(persona) ,  aucun  {aliquis,  unus). 


RIEN  [rem,  accusatif  de  res),  joints  à 
une  négation,  signifient newo,ni7iî7. 
(Voir  la  Grammaire  française  de 
Robert  Estienne,  p.  87.)  En  pro- 
vençal, gairé  s'emploie  encore  pour 
beaucoup  dans  certains  cas  :  «  Si 
viou  gaîré,  acabara  tou  soun  ben .  » 
S'il  vit  beaucoup,  il  achèvera  tout 
son  bien. 

De  cest  enfant  faire  norir 

E  d'enseigner  al  faire  aprendre 

?*os  covendreit  auques  entendre... 

Si  à  Roem  le  faz  garder 

E  norir  gaires  longemennt, 

Il  ne  saura  parlier  neient 

Daneis,  kar  nul  ne  l'i  parole. 

(Chron.  des  ducs  de  Norm.  t.  1,  p.  479.) 

Diex,  dist  chacun?,  quel  baron  aura  ci  ! 
Se  il  vit  gueres,  mort  sunt  si  anemi. 

(Roman  de  Caria  le  Lohemin,  I.  l,  p.  68.) 

Porquoi  trespassas  mon  devé  ? 
As-tu  gaires  gainnié? 

(/4<iam,    drame    publW   par  M.   Luzarcbe,    1854, 
in-8°.  p.  33.) 

Adon  por  qei  s'efforcent  poi  ne  gaire  ? 

(tu  Rotjx  Di  LmoT,  Chansons  hislor.  t,  1,  p.  73.) 

S'il  a  gaires  de  tex  loviaus 
Entre  ces  apostres  noviaus, 
Eglise,  tu  es  mal  baillie. 

{Rom.  de  la  Rose,  t.  H,  p.  332.) 

Nous  employons  encore  aujour- 
d'hui ce  mot  d'une  manière  à  peu 
près  semblable  dans  certaines  locu- 
tions :  «Il  a  disparu  sans  que  l'on 
sache  guère  ce  qu'il  est  devenu .  » 

—  Tud.  gairo,  beaucoup,  bien, 
fort,  entièrement^  tout  à  fait;  anglo- 
sax.  geara,item;dX\era.  gar,  item; 
nicht  gar,  pas  beaucoup,  guère. 

Guérir,  autrefois  guarir,  garir, 
qui  était  le  même  que  garer.  Ces 
deux  verbes,  qui  n'avaient  que  la 
terminaison  de  difi'érente,  se  pre- 

25 


386 


PREMIÈRE  PARTIE. 


naient  l'un  et  l'autre  dans  le  sens 
général  de  garantir  une  personne  de 
quelque  chose,  l'en  préserver,  l'en 
délivrer. 

RHs  Deus  (est)  ma  force  ;  en  lui  est  ma 
speranclie;  il  est  mis  escudz  e  masalveted; 
il  me  eslicved ,  e  il  est  mun  refui,  e  de 
tute  iniquited  me  guarrad. 

Noslre  Seignur  apeleral  ki  l'um  deit  loer, 
e  de  tuz  mes  enemis  ierc  salvez  e  guariz. 
[Livre  des  Rois,  p.  205.) 

Deus  for  lis  meus,  sperabo  in  eum;  scu- 
tum  meum,  et  cornu  salutis  mecs,  elevator 
meus,  et  refugium  meum  ;  salvalor  meus  de 
iniquitate  liberabis  me. 

Laudabilem  invocabo  Dominum,  et  ab  ini- 
micis  mets  salvus  ero. 

E  David  s'en  fuid,  e  Deu  la  nuit  le  gua- 
rid.  (Ibid.  p.  74.) 

Et  David  fugit,  et  salvatus  est  nocte  illa. 

Guarisse-mei,  sires.  (,Ibid.  p.  168.) 
Serva  me,  rex. 

Ensuite,  guarir  se  prit  dans  un 
sens  restreint  pour  délivrer  une  per- 
sonne d'une  maladie,  la  sauver  de 
la  mort.  On  peut  voir  plusieurs 
exemples  de  cette  acception  dans  ce 
même  Livre  des  Rois  ^  p.  361  et 
suiv . 

De  guarir,  garir,  garer,  pris  dans 
leur  ancienne  signification,  on  fit  le 
substantif  guarani,  garant,  d'où  le 
verbe  guamntir,  garantir.  On  disait 
en  langue  d'oc  guaran,  guarantir. 

—  Tud.  warjan,  garantir,  dé- 
fendre; goth.  varjan;  anglo-sax. 
varjan,  veran;  island.  veria;  anc. 
allem.  werien;  allem.  moderne, 
wehren;  suéd.  wœrja;  holl.  bewah- 
ren,  auquel  est  joint  le  préfixe  be; 
dan.  forsvare,  auquel  est  joint  le 
fors. 

GuERPiR,  Werpir,  anc.  céder, 
abandonner  quelque  chose  à  quel- 
qu'un, el,  dans  le  sens  neutre,  quit- 


ter, laisser,  délaisser;  d'où  nous 
avons  fait  déguerpir,  qui  est  encore 
usité.  En  basse  latinité^  werpire, 
guerpire,  signifiaient  particulière- 
ment concéder  quelque  chose  â 
quelqu'un,  possessionem  rei  alicujus 
dimittere  : 

Si  veirement  came  Deu  vit  e  la  tue 
anme,  ne  te  guerpirai  pas.  (Livre  des  Rois, 
p.  348.) 

Yivil  Dominus,  et  vivit  anima  tua ,  guia 
non  derelinquam  te. 

Puis  crièrent  merci  et  distrent  :  Pecchié 
avum,  kar  nus  te  guerpimes,  e  a  Baalim 
e  a  Aslaroth  servîmes.  (_Ibid.  p.  39.) 

Postea  autem  clamaverunt  ad  Dominum, 
et  dixerunt  :  Peccavimus,  quia  dereliquimus 
Dominum ,  el  servivimus  Baalim  et  As- 
laroth. 

Cil  qui  sunt  plain  de  malvestié 
Suveut  en  lur  cuntrée  meffunt, 
Puis  la  guerpissent,  si  s'en  vunt. 

(Hariede  France,  t.  II,  p.  344.) 

Honte  puet  avoir  qui  désert, 
Qui  l'ireté  son  père  pert, 
Et  qui  par  sa  malvaisté  guerpist 
Ce  que  ses  père  li  conquist. 

(Rom.  de  Brul,  t.  U,  p.  197.) 

—  Goth.  vairpan ,  jeter,  rejeter 
loin  de  soi,  livrer,  abandonner; 
anglo-sax.  weorpan,  verpan;  anc. 
saxon,  verpan;  tud.  werphan,  wer- 
fan;  holl.  werpen,  jeter,  rejeter; 
allem.  werfen,  item;  angl.  towarp, 
se  déjeter. 

Guerre.  En  basse  latinité,  guerra, 
werra.  —  Tud.  wari,  weri,  wer, 
arme,  armes,  et,  par  extension, 
l'emploi  des  armes  contre  l'ennemi, 
la  guerre.  En  français,  nous  éten- 
dons la  signification  du  mot  arme 
d'une  façon  à  peu  près  semblable  : 
«  Une  suspension  à' armes  ;  faire  ses 
premières  armes,  »  etc.  Anglo-sax. 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.   387 


wm-j,  gar,  arme;  wœr,  wer,  guerre; 
angl.  war,  arme  et  guerre;  allem. 
tvehr,  arme,  action  de  repousser  les 
armes  à  la  main,  résistance,  dé- 
fense; suéd.  wœria,  gewœhr,  arme; 
dan.  gewœr,  item;  holl.  geweer, 
item.  Ces  trois  derniers  sont  com- 
posés au  moyen  du  préfixe  ge. 

Guet,  Guetter.  On  écrivait  au- 
trefoi's  wait,  waiter,  aussi  bien  que 
gait,  gaitter.  —  Tud,  wahta,  guet, 
faction;  wahten,  faire  le  guet,  faire 
faction,  guetter,  veiller  sur  quel- 
qu'un ou  sur  quelque  chose;  goth. 
waths,  vahtus,  mhtvô,  guet;  vakan, 
vackgan,  guetter;  anglo-sax.  vacian, 
item;  island.  vaka,  item;  allem. 
1°  wacht,  guet;  2°  wac/ien,  faire  le 
guet,guetter.  Dan.r-jjag?;  Tvaage. 
Suéd.  \°wakt,  wackt,  wacht;  Twa- 
cha.  Eo\H°  wagt;  2°  wagten.  Angl. 
i°  watch;  2"  to  watch. 

GuiCHE,  GuiGE,  anc,  lien,  cour- 
roie qui  servait  à  fixer  le  bouclier 
au  bras  du  combattant. 

Et  l'en  li  aporte  son  escu... 
La  guiche  fu  d'un  paile  frois, 
Bien  taillé  d'or  sarrazinois. 

[Floimet  Blanceflar,  édit.  du  Mëril,  p.  145.) 

Li  cox  est  aval  descendu. 
Coupe  la  guige  de  l'escu. 

(Ibid.  p.  2îl.) 

—  Tud.  wicka,  lien;  anc.  allem. 
wicke,  item  ;  l'anglais  n'a  plus  que 
wicker,oû&v,  sorte  de  petit  saule  dont 
les  scions  servent  à  faire  des  liens  ; 
holl.  wissche,  item. 

Guichet,  petite  porte  pratiquée 
dans  un  des  coins  d'une  plus  grande. 
On  a  dit  autrefois  wiquet,  wiket, 
mchet.  Les  guichets  étaient  fort  en 
usage  dans  les  anciennes  forte- 
resses . 


Et  Renart  li  dist  tout  souef  : 
Rois,  ore  me  bailliés  le  clef 
Que  vous  avés  de  cel  wikel 
Et  m'atendés  un  petitet. 

{Rom,  du  Renart,  t.  IV,  p.  236.) 

Au  postis  vient,  fiert  du  maillet, 
Li  preudom  ouvri  le  wiJcet. 

(Ibid,  t.  IV,  p.  443.-) 

Ne  trespassez  mais  les  zvichesz, 
Kar  quiz  serreit  des  deus  jaresz 
Vostre  seignor,  si  je  1'  savoie. 

(  Chron.  des  ducs  de  Non».,  t.  1,  p.  554.) 

—  Anglo-sax.  vie,  vincel,  coin, 
angle;  anc.  island.  vik;  tud.  winkil; 
allem.  holl.  dan.  et  suéd.  winkel. 
L'anglais  a  loicket  et  le  hollandais 
winket,  signifiant  guichet;  mais  ces 
mot  paraissent  avoir  été  empruntés 
au  français. 

Guider,  Guide.  Dans  notre  an- 
cienne langue  le  verbe  était  guier  et 
le  substantf  guiéor,  guiéeur,  en  es- 
pagnol et  en  portugais  guiar,  guider; 
en  langue  d'oc  guiar;  guizar. 

Li  quens  Oger  Ij  Daneis,  li  puinneres, 
Les  guierat,  kar  la  cumpaigne  est  flere. 

(Chans.  de  Roland,  st.  ccxvi.) 

Et  se  il  les  voloit  guier, 
A  duc  le  feroient  lever. 

(Rom.  de  Brut,  1. 1,  p,  10.) 

Bien  cunuis  le  barun  ki  's  cunduit  et  ki  's 
guia. 

(Chrott.  de  Jord,  Fanlosme,  ci»i,) 

Le  duc  Guillaume  avant  enveie,- 
Od  treis  cenz  chevaliers  nomez 
Est  dreit  al  rei  Henri  alez  ; 
Cônes  li  dux  est  guieor. 

(Chron,  des  ducs  de  Nom.,  t.  I,  p.  438,) 

—  Tud.  wîsén,  wisjan ,  montrer, 
indiquer,  guider,  conduire;  wtso,  in- 
dicateur, guide,  conducteur  : 

Thés  wages  er  sie  wista. 

(Olfrid,  liv.  I.  ch.  m,  24.) 

//  (Dieu)  Us  guida  sur  les  flots. 


388 


PREMIÈRE  PARTIE. 


—  Anglo-s&x.  visanjWisarij  mon- 
trer, indiquer,  guider^  conduire,  wi- 
sa,  indicateur,  guide.  Les  idiomes 
modernes  ont  ajouté  l'idée  de  che- 
min à  celle  d'indiquer,  pour  signifier 
guider.  Allem.  V  weisen,  indiquer, 
montrer;  S"*  wegweisen,  guider,  con- 
duire, composé  au  moyen  de  weg, 
chemin.  Dan.  io  viise;  2°  veyviise 
(vey ,  chemin).  Suéd.  1°  wisa  ; 
î"  wœgwisa  {wœg,  chemin.)  HoU. 
4*  wiisen;  2°  wegwiisen  {weg,  che- 
min). 

Le  s  du  primitif  wîsên  est  devenu 
z  dans  l'ancien  provençal  guizar.  Ce 
primitif  s'est  syncopé  dans  guiar, 
guier.  L'italien  a  guidare^gonr  guia- 
re  ;  le  d  épenthétique  a  été  intercalé 
entre  les  deux  voyelles  comme  dans 
ladico  pour  laîco  de  laîcus,  et  dans 
chiodo  pour  chioo  de  clavus.  C'est 
probablement  de  la  forme  italienne 
que  proviennent  la  forme  du  français 
moderne  guider  et  celle  du  proven- 
çal guidar,  moins  ancienne  que  gui- 
zar et  guiar. 

Guigner^  cligner  les  yeux  en  re- 
gardant du  coin  de  l'œil  ;  le  peuple 
dit  guincher,  qui  peut  fort  bien  être 
plus  ancien  que  guigner,  mais  dont 
je  ne  me  souviens  pas  d'avoir  ren- 
contré d'exemple  dans  les  auteurs 
appartenant  à  notre  vieille  littéra- 
ture. 

—  Tud.  winchan ,  winchjan,  cli- 
gner l'œil;  anglo-sax.  wincian  ; 
allem.  1°  winken,  cligner  l'œil; 
^°  vink,  clind'œil.  HoU.  1°  win- 
ken, wenken  ;  2°  wenk.  Angl .  \°  to 
wink  ;  2°  wink.  Dan.  \  °  vinke  ; 
T  vink;  suéd.  1°  winka,  2°  wink. 

GuiLLE,  anc.  tromperie,  fourberie, 
«upercherie.   Guiller,  tromper,  du- 


per; guilleur,  guilliére,   trompeur, 
fourbe^  séducteur. 

C'est  l'Evangile  pardnrable 
Que  li  Sainz-Esperiz  nienistre, 
Si  cum  il  aparoit  au  listre... 
Sor  m'ame,  le  vous  di  sans  guile. 
Tant  sormonte  cest  évangile 
Cous  que  li  quatre  evangelistres 
Jbesu-Crist  firent  a  lor  tislres.... 

{Romandt  la  Rote, 1. 11,  p.  368.) 

Se  Ost,  par  barat  et  par  guille. 
Couronner  a  roi  de  Sezille. 

{Branche  des  royaux  tignaget,  t.  Il,  p.  5I-) 

Chaucun  se  seigne  et  esmerveille 
Quant  il  raconte  la  merveille 
Que  li  monstra  fors  de  la  vile 
Li  yuilierres  par  sa  grant  guile. 
Tost  li  eust  guillée  s'anse, 
Se  Diex  ne  fust  et  Nostre-Dame. 

{Comment  Tkeophilus  vint  à  peniiaiice,  pièce  de  reri 
iotérée  daoa  let  œuTres  de  Rutebeuf,  t.  11 
p.  310.) 

Car  tant  de  gens  se  sont  mis  au  guiller 
Qu'a  poine  iert  mais  conus  Uns  amis. 

(  chanson  de  Thibuud  de  Champagne,  p.  45.) 

—  Anglo-sax.  \°  geai,  trompe- 
rie, supercherie^  fraude;  {"  gealan, 
tromper^  décevoir,  duper.  Angl. 
4"  guile,  wile;  2°  to  beguile.  Anc. 
allem .  gillen,  tromper,  duper  ;  hoU. 
beguilen,  item.Ce  dernier  verbe^  ain- 
si que  l'anglais  to  beguile,  a  reçu  le 
préfixe  be . 

GuiLLEDiN,  sorte  de  cheval  hon- 
gre. (Voyez  Trévoux.)  —  Angl.  gel- 
ding,  cheval  hongre,  châtré^  de  to 
geld,  châtrer,  hongrer;  dan.  guilde, 
item;  suéd.  geala,  item. 

GuiMPLE  signifiait  autrefois  un 
voile  de  femme  et  une  sorte  de  petit 
drapeau  que  l'on  attachait  au  bout 
de  la  lance,  un  guidon  ,  une  cor- 
nette. 

Lès  li  fu  une  dameisele 
Ki  gente  fu  forment  e  bêle, 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  IL    389 

item;  suéd.  winda,  item;  hoU. 
winden,  item;  tud.  windan,  win- 
tan,  rouler,  enrouler;  goth.  hivin- 
dan,  item;  composé  au  moyen  du 
préfixe  bi;  island.  vinda,  item; 
anglo-sax.  vindan,  vyndan,  item; 
angl.  to  windj  item. 

GuiNDRE,  anc.  sorte  de  rouet,  de 
dévidoir.  (Voir  Trévoux.)  —  Tud. 
wintaîij  windan^  rouler^  enrouler, 
entortiller,  dévider  ;  garnwinda,  dé- 
vidoir; (garn  signifie  fil.)  Goth. 
vindan,  rouler,  enrouler,  et  avec  h 
préfixe  bi,  bivindan;  islanà.  vinda, 
item;  anglo-sax.  i°  vindan,  vyn- 
dan, rouler,  dévider;  2°  vince,  dé- 
vidoir. AUem .  '[°  winden;  %°'winde. 
Holl.  4°  winden;  2°  winder.  Angl. 
\°  to  wind;  2°  windîess.  Dan. 
1°  vinde;  2°  garn-vinder.  Suéd. 
\°  winda;  'i°  garn-winda.  Le  sub- 
stantif danois  et  le  suédois  sont 
composés  au  moyen  de  garn,  fil. 

Guiper,  guipure.  Ce  dernier  mot 
n'est  qu'un  dérivé  du  premier. 
(Voyez  l'un  et  l'autre  dans  Trévoux.) 
—  Goth.  veipan,  tisser;  tud.  weban, 
item;  anglo-sax.  vefan,  item;  is- 
land. vefa,  item;  holl  weeven, 
item,  angl.  weave,  item;  dan.  vœve, 
item;  suéd,  wœfwa,  item;  allem. 
weifen,  dévider. 

GuiscHARD^  GuiscARD,  anc.  fin, 
rusé,  astucieux,  sagace,  avisé.  Ro- 
bert, fils  de  Tancrède  de  Haute- 
ville,  seigneur  normand,  fut  appelé 
guiscard,  à  cause  de  sa  finesse.  Il 
conquit  la  Fouille  et  la  Calabre,  et 
mourut  en  4  085. 


Bien  ert  veslue  e  aturnée 

Sa  guimple  sor  son  chief  jetée. 

[Rom.  de  Rou.,  t.  1,  p.  389.) 

Od  cent  chevalers  de  mult  buens 
Qu'il  out  a  son  conrei  des  suens, 
S'arestcrent,  dreiles  lor  lances; 
Por  aveir  certes  conoissances, 
I  orent  guimples  atachées 
Qu'ai  vent  furent  despleiées. 

(CAro».  des  ducs  de  Norm.,  t.  UI,  p,  69.) 

Oriflambe  est  une  bannière 
Aucun  poi  plus  forte  que  guimple 
De  cendal  roujoiant  et  simple, 
Sanz  portraiture  d'autre  afaire; 
Li  roi  Dagobert  la  fist  faire.... 
Devant  lui  porter  la  faisoil 
Toutes  foiz  qu'aler  li  plaisoit. 
Bien  attachiée  en  une  lance. 

^Branche  des  rot/uux  lignages,  I.  1,  p.  69-70.) 

Dans  la  suite  guimple,  guimpe 
désignèrent  une  sorte  de  fichu  dont 
les  femmes  se  servaient  pour  se 
couvrir  le  cou  et  le  sein . 

Mes  deuz  sœurs  Catharine  el  Renée 
avoyent  miz  dedans  ce  beau  Sixiesme, 
comme  en  presse....  leurs  guimples,  man- 
chons, et  colereites  savonées  de  frayz,  bien 
blancheset  empesées....  Par  la  vertus  donc- 
ques  du  dieu  Pape-terre,  leurs  guimplen, 
collerettes,  bavettes,  couvrcchiefz  et  tout 
aultre  linge  y  devint  plus  noir  qu'ung  sac 
de  charbonnier.  (Rabelais,  Pantagruel, 
liv.  IV,  chap.  LU.) 

—  Tud .  wimpal,  voile  de  femme  ; 
anglo-sax.  vinpel,  banderole,  cor- 
nette; holl.  wimpel,  item;  allem. 
wimpel,  item;  dan.  vimpel,  item; 
suéd.  wimpel,  item  ;  angl.  wimple, 
fichu,  voile,  guimpe. 

Guinder,  hausser,  lever  en  haut 
par  le  moyen  d'une  machine.  (Acad.) 
—  Allem.  winden,  rouler,  enrou- 
ler, hisser  un  fardeau  au  moyen 
d'une  corde  qui  vient  s'enrouler  au- 
tour d'un   cabestan;    dan.   vinde, 


C'est  ce  Robert  lequel,  par  son  excellent 
esprit  et  astuce  grande,  fut  nommé  Guis- 
card, qui  en  la  langue  des  Normands  si- 


390 


PREMIÈRE  PARTIE. 


gnifie  ingénieux  et  rusé.  (Ant.  du  Verdier, 
Les  diverses  leçons^  p.  405.) 

On  dit  encore  aujourd'hui,  en 
Normandie,  guichard,  pour  fin, 
rusé,  astucieux;  on  disait  en  langue 
d'oc  guiscos  dans  le  même  sens. 

—  Tud.  wisich,  wisig,  prudent^ 
sagace,  avisé.  Guiscard,  guischard 
renferment  de  plus  le  suffixe  hard 
qui  dans  tous  les  idiomes  germani- 
ques^ et  notamment  en  tudesque, 
forme  des  adjectifs  et  des  substan- 
tifs exprimant  une  qualité  portée  à 
un  très  haut  degré.  (Voir  tome  II, 
p.  357.)  Island.  vish\  sagace,  avisé, 
prudent;  anglo-sax.  vis;  allem. 
weise;  dan.  viis;  suéd.  vis;  hoU. 
wiis,  wijs  ;  angl.  wise. 

Guise  signifiait  anciennement  pen- 
sée, avis,  opinion. 

Ta  chemise  ne  sache  ta  guise. 

(Ao«ieD  proverbe  meniionné  dans  le  Livr*  de»  pm- 
verbes  français,  publié  par  M.  Le  Roux  de 
Lincy,  I.  IF,  p.  320.) 

Tant  de  gens  tant  de  guises. 

{Item,  ihid.  I.  11.  p.  330.) 

De  pïus,  ce  mot  se  prenait  autre- 
fois comme  aujourd'hui  dans  le  sens 
de  mode,  façon,  manière. 

Icil  chevalchent  en  guise  de  baron. 

ifihaHs.  de  Roi.  st.  ccxix.J 

Ore  est  à  tort, 

Lyvré  à  mort, 

A  trop  mal  guise 

(Le  Roux  de  LiDcy,  Chanu  imuoriquei,  t.  1,  p.  206.) 

—  Tud.  wisa,  pensée,  connais- 
sance, notion,  conscience;  wizi^ 
ivizzi,  pensée,  raison,  intelligence, 
et_,  par  extension,  façon,  mode,  ma- 
nière, guise.  Les  Latins  donnèrent 
une  pareille  extensioii  au  substantif 
ratio.  Anglo-sax.  vise,  item.  Allem. 
weise,  façon,  manière,  mode,  guise  ; 


dan,    viis,  item;  suéd.   vis;  holl. 
wiise  ;  angl.  ivise. 

GuRDiNGUE,  anc.  terme  de  marine  : 
cargue,  cordage  qui  sert  à  retrousser 
les  voiles  contre  leurs  vergues.  On 
appelle  encore  gourdin  un  cordage 
qui  tient  la  voile  d'une  galère  par 
le  côté.  (Voir  ce  mot  dans  Tré- 
voux.) 

Tebo  (sic  ;  lisez  tels)  i  a  traient  les  gur- 

(lingues, 
Et  auquant  abeissent  lor  tref, 
Por  la  nef  corre  plus  soef. 

(itom   de  Brut,  (.  11,  p.  140.) 

—  Dan.  gording  ;  cargue,  cordage 
servant  à  retrousser  la  voile;  de 
giorde,  sangler,  trousser,  retrousser, 
qui  dérive  lui-même  de  giord  , 
sangle,  ceinture,  Suéd.  1°  gording 
cargue;  2°  giorda ,  retrousser; 
3°  giord,  ceinture.  Holl.  1  "  et  2°  gor- 
den  ;  3°gord,  gordel.  Angl.  1°  rien; 
2°  to  girth;  3°  girth,  girdle.  Allem, 
1°  rien;  2°  gùrten;  3°  gurt,  gûrtet. 
Anglo-sax,  1°  rien;  2°  gyrdan; 
3°  gyrdel.  Goth.  1°  rien;  2°  bigair- 
dan,  avec  le  préfixe  bi;  3°  gairda. 
Island,  \'  rien;  2°  girda;  3"  giœd. 

Hagard^  se  dit  au  propre  en  par- 
lant d'un  faucon  qui  est  mal  appri- 
voisé, au  figuré  il  signifie  farouche, 
rude.  —  Anc.  allem.  hagart,  oiseau 
de  proie  non  apprivoisé,  faucon  sau- 
vage; anc,  angl.  hawk,  faucon; 
angl.  moderne  haggard  farouche, 
hagard,  en  parlant  du  faucon.  Tous 
ces  mots  paraissent  de  la  même  fa- 
mille que  l'ancien  islandais  hâh\, 
farouche,  fougueux.  L'ancien  alle- 
mand hagart  et  l'anglais  haggard 
ont  reçu  le  suffixe  germanique  hart, 
hard,  art.  (Voir  tome  II,  p.  357.) 
Comparez  la  signification  figurée  de 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  IL     391 


hagard  à  celle  de  grifaigne  qui  se 
trouve  ci-dessus,  p.  382. 

Haie  :  en  basse  latinité  haga, 
haia,  enceinte  en  général,  clôture, 
haie;  /lamre,  entourer  d'une  clôture, 
enclore.  Nous  disions  autrefois /imer 
dans  la  même  signification.  —  An- 
glo-sax.  hage ,  hegge  ,  clôture  ^ 
haie;  goth.  et  island.  hag  ;  dan. 
hœkke;  suéd.  hœgn;  hoU.  haag; 
angl.  hedge.  Allem.  hag,  clôture, 
haie;  /lecfe, haie,  palissade;  hegen, 
enclore.  Tud.  hagan,  item;  hag,  ville 
entourée  d'une  enceinte,  ville  close. 

Haillon.  —  Tud.  /ladiZ,  lambeau, 
haillon  que  l'on  trouve  dans  le 
composé  zihadilogter^  rais  en  lam- 
beau, déchiqueté  ;  anc.  allem.  hadel, 
vêtement  déchiré,  haillon,  lambeau  ; 
allem.  hader;  dan.  hud. 

Haïr.  On  a  dit  anciennement  ha- 
dir,  hédir,  ainsi  que  le  prouvent  la 
3®  pers.  hadit  qui  est  dans  la  chan- 
son de  saint  Alexis,  st.  lxxxvii,  et 
la  2^  pers.  hedz  qui  se  trouve  dans 
le  Livre  des  Eois,  p.  491,  ligne  1. 
Notre  ancienne  langue  avait  le  sub- 
stantif haur,  haor,  haeur,  et  le  sub- 
stantif /léqui  tous  signifiaient  haine. 

Rollans  si  niés  me  coillit  en  haur. 

{Chans.  de  Rolland,  st.  cr.LXXIT.) 

Mult  le  liaeit  de  grant  haor. 

(         Chron.  des  ducs  de  Norm.  t.  I,  p.  552.) 

Ele  cueilli  moult  le  vallet  en  hé  por  sa 
biauté.  (Rom.  des  Sept  Sages,  éûit.  de  M.  Le 
Roux  de  Lincy,  p.  66.)  —  Ce  qui  signifie, 
elle  prit  vivement  en  liaine  le  jeune  homme 
a  cause  de  sa  beauté. 

—  Anglo-sax.  1°  hatian,  haïr; 
2°  hâta,  haine.  Goth.  4°  hatan; 
%°  hatis,  hatiza.  Anc.  island.  4  **  hor 
ta;  2°  hatr.  Dan.  4°  hade;  2°  had. 
Suéd.  4°  hâta;  2°  hat.  Holl.  \°haa- 


ten;  Thaat. Tud.  \°hazzôn,  hazerf, 
2°  haz.  Allem.  4°  hassen;  2°  hass. 

H  aire.— Tud.  harra,hara,ha.ir&, 
cilice,  dérivés  de /tar,  haar,  poil, 
crin.  Anglo-sax.  4  "  hœra,  haire,  ci- 
lice;  2°  hœr,  poil,  crin.  Island.  \° 
hœra,  %°  har.  Dan.,  4  °  haar-sœJi{sœk, 
sac);  2°  haar.  Holl.  4°  haire-kleed 
{kleed,  vêtement);  2° /tmr.  Allem. 
4°  haarhemd  {hemd„  chemise);  2" 
haar.kngX.  4°  hair-doth  (cîoth,  ha- 
bit); ^°hair.  Suéd,4°/iaor,  hor,  poil, 
crin. 

Haire,  anc.  douleur,  angoisse, 
affliction. 

Amy  Dieu,  sire  saint  Jehan, 
Et  vous,  Mère  Dieu  débonnaire, 
Jettez-me  hors  de  ceste  haire. 
Certes,  je  muir,  bien  dire  l'os. 

(Théâtre franf ait  au  moyen  âye,  p.  SOS.) 

Biau  fliz,  nous  avons  a  porter 
De  haire  assez. 

(//,«.  p.  526.) 

—  Tud.  harm,  douleur,  affliction; 
goth.  harm  ;  anglo-sax.  grama  ; 
island,  et  allem.  harm. 

Halberc ,  Halbert ,  Hauberc  , 
Haubert,  anc.  cotte  de  mailles, 
cuirasse  ;  diminutif  haubergeon , 
hauberjon,  petit  haubert. 

Et  Joab  ont  le  halberc  vestud  e  la  spée 
ceinte.  {Livre  des  Rois,  p.  '198.) 

E  Saûl  de  ses  déracines  vestemenz  list 
David  revestir,  le  helme  lascier  e  le  halbert 
vestir.  (Ibid,  p.  66.) 

Li  rois  me  prestel  sa  espée  al  point  d'or 
adul)et, 

Si  ferrai  sur  les  heaumes  ù  ils  erent  plus 
chers. 

Trancherai  les  haubercs  e  les  heaumes 
gemmez, 

Le  feutre  od  la  sele  del  destrer  sujurnez. 

(  Yoy.  de  CharUm.  à  Jir.  y.  458.) 

En  basse  latinité,  halsberga  avait 


392 


PREMIÈRE  PARTIE. 


la  même  signification.  Ce  mot  est 
composé  de  deux  radicaux  germa- 
niques, dont  l'un  signifie  défendre, 
et  l'autre  signifie  cou.  Le  haubert 
n'était-il  dans  l'origine  qu'une  es- 
pèce de  gorgerin  ou  collier  de  fer, 
ou  bien  a-t-il  été  appelé  de  la  sorte 
parce  qu'il  défendait  la  partie  supé- 
rieure du  corps  à  partir  du  cou? 
Cette  dernière  supposition  est  la 
plus  vraisemblable  :  c'est  ainsi  que 
nous  nommons  collet  un  vêtement 
qui  part  également  du  cou  et  couvre 
toute  la  partie  du  corps  que  proté- 
geait le  haubert. 

—  Tud.  halsherg,  haubert,  cui- 
rasse, cotte  de  mailles;  composé  de 
hais,  cou,  et  de  bergan,  défendre, 
protéger,  garantir.  Anglo-sax.  heals- 
beorg,  haubert;  hais,  heals,  cou; 
beorgan,  bergan,  défendre,  proté- 
ger. Ane.  island.  hâlsbiôrg,  hau- 
bert; hais,  cou;  berga,  défen- 
dre, etc.  Allem.  \°hals,  cou;  2°  ber- 
gen,  défendre,  protéger.  Dan.  i  °  hais; 
2°  vœrge.  Suéd.  \°  hais;  2°  bœrga. 
Holl.  \°  hais;  2"  bergen. 

Halbran,  jeune  canard  sauvage. 
(Acad.) 

Âvecqae  des  lacqz  courantz  et  colletz 
prenoyent  des  oies  sauvages,  des  halebranz 
el  ostardes,(Amyot,  Daphnis  et  Ckloé,  liv.  u, 
p.  61.) 

Les  idiomes  germaniques  placent 
assez  souvent  l'adjectif  demi  devant 
un  substantif  pour  marquer  un  di- 
minutif. En  allemand,  halbvogel 
(composé  de  halb,  demi,  et  de  vo- 
gel,  oiseau)  signifie  la  grive  de  la 
plus  petite  espèce;  halbhemâ,  che- 
misette, est  formé  de  halb  et  de 
hemd,  chemise;  halbstiefel,  bottine, 
de  halb  et  de  stiefel  botte.  Halbran 


est  composé  de  la  même  manière 
du  radical,  qui  signifie  demi,  et  du 
mot  germanique  qui  désigne  le  ca^- 
nard. 

—  Tud.  1°  halb,  halber,  halp, 
halper,  demi;  2°  anut ,  canard. 
Anglo-sax.  1°  heaf,  half;  2°  aenid. 
Dan.  'l°halv;  '2° and.  ?>uéà.]°half; 
2"  and.  Holl.  1°  half;  2°  eend. 
Allem.  1°  halb,  halber;  2°  ente. 
L'oiseau  aquatique  que  nous  appe- 
lons sarcelle  se  nomme  en  allemand 
halbente,  et  en  hollandais  middel 
end,  expressions  qui  signifient  l'une 
et  l'autre  demi-canard. 

Haler,  terme  de  marine  :  tirer  à 
soi  avec  force,  et  presque  horizon- 
talement, un  cordage  ou  un  objet 
quelconque  à  l'aide  d'un  cordage. 
(Acad.) 

—  Tud.  halôn,  tirer,  attirer; 
island.  hala,  item;  dan.  haie,  tirer, 
haler;  suéd.  hala;  holl.  haalen,  ha- 
len;  allem.  holen;  angl.  to  haie. 

Halle  :  en  basse  latinité,  hala, 
qui  se  trouve  avec  le  même  sens 
dans  la  Vie  de  Philippe-Auguste, 
par  Rigord.  —  Ane.  allem.  hall, 
salle,  portique,  lieu  abrité  où  se 
réunissent  les  marchands,  halle; 
anglo-sax.  hahl,  heall,  healle,  salle, 
portique,  palais;  tud.  halla,  palais, 
temple;  island.  haull,  item;  go  th.  alh, 
temple;  suéd.  hall,  salle,  palais,  ne  se 
trouve  que  dans  les  anciens  auteurs  ; 
allem.  halle,  halle,  portique  ;  holl. 
hal;  angl.  hall. 

Hallebarde.  On  a  fait  sur  l'éty- 
mologie  de  ce  mot  un  bon  nombre 
de  conjectures  dont  la  plupart  sont 
dépourvues  de  tout  fondement.  La 
hallebarde  n'était  autrefois  qu'une 
hache  à  laqvielle  était  adapté  un  très 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  II.   393 


long  manche  ou  hampe;  c'est  à  cette 
particularité  que  cette  arme  doit  son 
nom.  Hallebarde  signifierait  donc 
hache  à  manche  ;  non  que  toutes  les 
haches  ne  doivent  avoir  des  man- 
ches, mais  celui  de  la  hallebarde 
avait  de  telles  proportions  qu'il  était 
pour  cette  sorte  de  hache  une  parti- 
cularité tout  à  fait  caractéristique. 
C'est  ainsi  que  nous  appelons  rose 
épineuse  certaine  rose  qui  se  dis- 
tingue par  le  nombre  et  la  longueur 
de  ses  épines,  bien  que  notre  pro- 
verbe, Il  n'est  pas  de  rose  sans 
épines,  semble  protester  contre  la 
justesse  de  cette  dénomination.  Dans 
l'idiome  roman  du  Valais,  la  halle- 
barde se  nomme  halumbard. 

—  Ane.  allem.  helmbarte,  halle- 
barde, composé  de  barta,  barte, 
parte,  hache  et  de  helm,  manche. 
Anglo-sax.  baerd,  hache;  helm, 
manche.  Dan.  hellebard ,  halle- 
barde; suéà. hillebœrd,  item;  angl. 
halbertyitem;  hoU.  hellebaard,  item; 
baars,  hache. 

Halt,  anc.  endroit  où  l'on  s'ar- 
rête, où  l'on  séjourne,  repaire,  re- 
traite en  parlant  des  bêtes  fauves. 

Tant  est  alez,  que  nuit  que  jors, 
Qu'il  est  venuz  el  hait  des  hors  (ours), 
Et  des  lionz  et  des  iieparz  ; 
D'iluec  n'eschape  nus  coarz. 

(Partonopeiis  de  Blois,  l.  Il,  p.  25), 

Ce  mot  est  dû  au  même  primitif 
germanique  que  notre  terme  mili- 
taire halte  qui  est  plus  moderne; 
celui-ci  n'est  autre  que  l'impératif 
allemand  halt,  arrête. 

—  Allem,  halten,  se  tenir  s'arrê- 
ter; aufenthalt  séjour,  retraite; 
composé  au  moyen  des  préfixes  auf 
et  ent.  Dan.  holden,  tenir  et  se  te- 


nir, s'arrêter;  tud.  haltan,  tenir; 
anglo-sax.  healdan;  goth.  heldan; 
island.  halda;  angl.  to  hold;  holl. 
houden. 

Hamac.  Ce  mot  est  composé  de 
deux  radicaux,  dont  l'un  est  pure- 
ment germanique; l'autre,  emprunté 
au  latin,  s'est  naturalisé  dans  les 
idiomes  du  nord,  à  moins,  toutefois, 
que  ce  mot  ne  fût  commun  à  la 
langue  du  Latium  et  à  celle  de  la 
Germanie,  toutes  deux  étant  de  la 
même  famille. 

—  Holl.  hang-mat,  hamac,  com- 
posé de  hangen,  suspendre,  et  mat. 
natte.  Les  hamacs  n'étaient  d'abord 
qu'une  natte  suspendue  qui  servait 
de  lit  aux  matelots.  Allem.  i°  han- 
gematte,  hamac;  2°  hangen,  sus- 
pendre ;  3°  matte ,  natte.  Dan. 
\°  hœnge-matte ;Thœnge;  3°matte. 
Angl.  4°  hammock;  2°  to  hang  ; 
3°  mat.  Anglo-sax.  hangan,  sus- 
pendre; meatta,  natte.  Suéd.  hœnga, 
suspendre  ;  matta,  natte. 

En  latin  ,  matta  signifie  égale- 
ment natte. 

Hameau,  autrefois  hamel  qui  est 
un  diminutif. — Goth .  haims,  bourg, 
bourgade,  village.  Tud.  haim, 
haima,  heim,  demeure,  habitation, 
logis ,  maison  ;  anglo-sax.  ham  ; 
island.  heim;  suéd.  heim;  dan. 
heim  ;  allem.  heim  ;  angl.  /lome. 

Ham  ou  heim  s'est  conservé  dans 
beaucoup  de  noms  propres  de  villes 
et  de  villages,  soit  en  Allemagne, 
soit  en  Angleterre  :  Buckingham, 
Nottingham,  Walsingham;  Ham- 
bourg, Openheim,  Papenheim.  En 
France,  et  particulièrement  en  Pi- 
cardie, bon  nombre  de  localités 
portent  le  nom  de  Ham,  Hames, 


394 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Han,  Hamel,  Hamelet;  beaucoup 
d'autres  sont  composés  de  ham  et  d'un 
autre  mot  qui  peut  être  un  nom 
propre  d'homme:  tels  sont:  Gri- 
GNAN,  dont  l'ancien  nom  était  Grein- 
hanum;  Taulignan  (Taulinhanum); 
Sérignan  {Serinhanum),  etc. 

Hampe,  le  bois  d'une  hallebarde, 
d'une  pertuisane^  d'un  épieu,  etc. 
(Acad.) 

—  Tud.  hanthaba,  manche,  poi- 
gnée; ce  mot  signifie  étymologique- 
ment  ce  qui  est  saisi  avec  la  main, 
ce  qui  est  empoigné,  il  est  composé 
de  hant,  main  et  de  haba,  prise^ 
saisie,  formé  de  habén,  prendre, 
saisir,  tenir,  posséder,  avoir.  Com- 
parez le  latin  manubrium,  manictir- 
la;  l'italien  manico  et  le  français 
manche,  manivelle,  tous  dérivés  di- 
rectement ou  indirectement  de  ma- 
nus.  Goth.  ]'  handus,  main;  %°  ha- 
ban,  predre,  tenir,  posséder,  avoir. 
Anglo-sax.  1°  hand;  2»  habban, 
hebben.  Ane.  island.  1°  hand  ; 
2°  hafa.  Dan.  haand,  main;  allem, 
suéd.,  holl.et  angl.  hand,  main.  Le 
verbe  qui  dans  les  anciens  idiomes 
germaniques  signifiait  prendre,  te- 
nir^ avoir,  n'a  plus  que  la  dernière 
de  ces  acceptations  dans  les  idiomes 
modernes  :  allem.  haben  ;  holl.  heb- 
ben; suéd.  hafwa;  dan.  hâve;  angl. 
to  hâve. 

Hanap,  Henap,  Hanas,  anc.  vase 
à  boire,  coupe,  gobelet,  écuelle  :  en 
basse  latinité,  hanapus;  en  italien, 
nappo. 

Mauves  samblant  d'amors  me  monstre 
Cil  qui  m'efforce  que  j'acoutre 
Tant  de  vin  en  mon  ventre  et  boute 
Se  le  hanap  ne  boi  tout  outre. 

(De  Guersai,  à  la  suite  des  ceuvres  de   Rutebeuf 
t.  Il,  p.  438.) 


Se  li  hostes  me  croisl,  paiez  sera  briefment, 
S'a  rtiosteljedevoie  prendre  i  Aennajjd'ar- 

gent, 
Ou  aler  vendre  a  Resnes  une  bonne  jument. 

(CAtob.  de  du   Ouacli»,  t.  I,  p.  11.) 

Quiconques  vent  estre  esqueliers  a  Paris, 
c'est  à  savoir  venderres  d'esqueles,  de  fta- 
nas  de  fust  et  de  madré,  deauges,fourches, 
^peles,  beesches,  pesteuz  et  toute  autre  fus- 
taille,  estre  le  puet  franchement,  {livre  des 
métiers^  p.  112.) 

—  Tud.  hnapf ,  vase  à  boire, 
coupe^  gobelet,  tasse,  écuelle;  an- 
glo-sax. hnœp,  hnœpe,  item;  anc. 
allem.  naph,  item;  suéd.  napp, 
item;  island.  nap,  item;  allem. 
napf,  écuelle,  jatte;  holl.  et  bas 
allem.  nap,  item. 

Hanche.  Autrefois  on  écrivait 
assez  souvent  anche^.  en  italien,  en 
espagnol,  en  portugais,  en  langue 
d'oc  et  en  basse  latinité,  anca.  Dans 
cette  dernière  langue,  ce  mot  se 
prenait  en  général,  pour  la  tête  de 
tout  os  articulé,  et,  en  particulier, 
pour  la  tête  du  fémur  articulée  avec 
la  cavité  cotyloïde  de  l'os  iliaque  ; 
c'est  cet  ensemble  que  nous  appe- 
lons la  hanche.  Du  Gange  cite  le 
passage  suivant  de  Constantin  l'A- 
fricain, liv.  II,  ch.  VIII  :  «  Os  mé- 
dium atque  superius  proprie  anca 
vocatur  quae  ligatur  cum  ani  ossibus 
concavitatem  suamintrantibus;  hsec 
proprie  anca  vocatur,  pyxis  vero 
ejus  concavitas.  »  (Du  Gange,  art. 
Anca.) 

Tud.  ancha,  anka,  os  articulé. 
Il  se  prenait  spécialement  pour  les 
os  qui  forment  l'articulation  de  la 
hanche,  celle  de  la  cheville  et  celle 
de  la  nuque.  Anfte  signifie  encore 
la  nuque,   dans  le  duché   du  Bas- 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT. 


IL    395 


Rhin.  Anglo-sax.  ancleow,  la  che- 
ville du  pied.  Ane.  allem.  anke, 
ankel,  item.  Holl.  enkel,  item.  Angl. 
cmkel,  item. 

Hanebane.  Nom  vulgaire  de  la 
plante  que  les  botanistes  appellent 
jusquiame  noire.  (Acad.)  La  hane- 
bane  est  assoupissante  et  souvent 
mortelle  pour  les  animaux  qui  en 
mangent.  (Voir  Trévoux,  art.  Jus- 
quiame.) Selon  iElian,  les  sangliers 
qui  en  mangent  sont  attaqués  de 
mouvements  convulsifs,  et  meurent 
en  peu  de  temps. 

Hanebane  est  composé  de  deux 
mots  germaniques,  dont  l'un  signi- 
fie poule  et  et  l'autre  l'ation  de  tuer, 
meurtre;  ou  bien  ce  qui  tue,  ce  qui 
donne  la  mort,  poison,  peste.  Il  est 
à  remarquer  que  l'anglais  est  le  seul 
des  idiomes  germaniques  modernes 
dans  lequel  le  nom  de  cette  plante 
se  trouve  composé  de  deux  mêmes 
radicaux  qui  ont  formé  hanebane, 
c'est  une  preuve  de  plus  de  l'analo- 
gie qui  existait  entre  l'anglo-saxon 
et  le  francique,  dont  nous  avons  dû 
emprunter  ce  mot.  (Voir,  au  sujet 
de  cette  analogie^  p.  263.) 

—  Angl.  hen-bane,  hanebane^ 
jusquiame^  littéralement  poison  de 
poule,  composé  de  hen,  poule,  et 
bane ,  ce  qui  tue,  poison,  peste,  etc. 
Tud.  I"  henna,  heninna,  poule; 
2°  bana,  action  de  tuer,  meurtre,  as- 
sassinat. Anglo-sax.  \°  hœn,  hœnn; 

2°  bana.  Island.  \°  hona;  2°  bane. 

Ane.  allem.  1°  hen,  hun;  2°  bane. 

Dan.    \°  hoene;    2°    bane.  Suéd. 

i"  hœne;  2°  bane. 

Hangar,  construction  en  appentis 

ou  isolée,  formée  d'un  toit  élevé  sur 


des  piliers  de  pierre  ou  sur  des  po- 
teaux,et  ordinairement  destinée  à  ser- 
vir de  remise  pour  des  chariots^  pour 
des  charrettes.  (Acad.)  —  Dan.  hœn- 
geskuur,  hangar,  appentis,  formé  de 
hœnge,  suspendre.  Les  hangars  sont 
des  toits  qui  sont  comme  suspendus 
au  moyen  de  certaines  constmc- 
tions.  Tud.  hangjan  hengjan,  sus- 
pendre. Anglo-sax.  hangjan.  Is- 
land. hanga.  Allem.  hangen.  Suéd. 
hœnga.  Holl.  hangen.  Angl.  to 
hang. 

Hanneton.  —  Bas  allem,  weiden- 
hahn ,  hanneton,  littéralement  coq 
de  saule,  de  weide,  saule,  et  de 
hahn,  coq.  En  bas  allem.  hahn  s'ap- 
plique à  divers  insectes  bruyants  ; 
c'est  ainsi  que  l'on  oppelle  spring- 
hahn  (coq  sauteur)  une  sorte  de  sau- 
terelle criarde  que  nous  nommons 
criquet.  La  forme  hanneton  est  un 
double  diminutif  de  hahn.  (Voy.  sur 
ces  sortes  de  diminutifs  le  tome  il, 
p.  407.  Allem.  hahn,  coq;  holland. 
haan,  item  ;  dan .  ha7ie,  item  ;  suéd . 
/icena,  poule  ;  angl.  hen,  item. 

Hansacs,  anc.  dague,  poignard; 
en  basse  latinité^  handseax,  que  du 
Gange  traduit  par  manualis  gladius,  ' 
pugio  ;  cette  interprétation  est  par- 
faitement d'accord  avec  l'étymologie 
du  mot. 

E  flst  prendre  le  pople  de  la  cited,  si  list 
de  serres  detranchier  e  de  chars  ferrés  de- 
fuler,  e  de  hansacs  desmembrer  e  delran- 
cher.  (Livre  des  Rois,  p.  162.) 

Populum  quoque  ejus  adducens  serravit, 
et  circumegiï  super  eos  ferrala  carpenta , 
divisilque  cultris. 

—Anglo-sax.  handseax,  poignard, 
hansacs,  composé  de  hand,  main,  et 
de  seax,  sax,  sœx,  coutelas,  dague. 


396 


PREMIÈRE  PARTIE. 


glève  (1).  Tud.  r  hant,  main  ; 
2°  sachs,  sahs,  sœhs,  sœœ,  coutelas^ 
dague.glève. Island.  \°hand;%° sax. 
Angl.  1°hand;  %"  seax.seaxe.  Dan. 
\  "  haand;  T  sax_,  ne  signifiant  plus 
aujourd'hui  que  ciseaux.  Suéd. 
i  "  hand  ;  2°  sax,  ciseaux, 

Hansart,  sorte  de  trait  que  l'on 
lançait  avec  la  main,  javelot,,  jave- 
line, dart. 

Li  veneor  curent  devant, 
Li  damoisiaus  s'en  va  criant. 
Sun  arc  li  porteii  un  valiez, 
Sun  hansart  et  sun  herserez; 
Traire  vossist,  se  mes  éust, 
Alns  ke  d'ileuc  se  remeust. 

(Matie  de  Fraoco,  1.  I,  p.  54.) 

Hansart  est  formé  de  hand,  hant, 
main,  et  du  suffixe  kart,  art,  qui 
sert  à  former  de  nombreux  dérivés 
dans  les  différents  idiomes  germa- 
niques. (Voir  t.  II,  p.  357.)-  Tud. 
hant,  main;  goth.  handus;  anglo- 
sax.,  island,,  allem.,  holl.,  suéd.  et 
angl.  hand;  dan.  haaiid. 

Hanse  ^  Hance,  anc.  société  de 
marchands.  On 'appelait  marchand 
hanse  celui  qui  faisait  partie  d'une 
hanse  :  en  basse  latinité,  hansa,  so- 
ciété de  marchands,  hanse. 

Touchant  la  hance  de  harans.  —  Tous 
marchans....  qui  ne  seraient  point  hancés 
au  dit  Maisieres  sur  le  fait  de  la  marchan- 
dise de  harans....  loit  an  prevot  du  dit  Mai- 
sieres les  contraindre  à  hancer  au  dit  et  or- 
donnance du  dit  prevot.  (Satuts  des  éche- 
vinsde  Mézières,  cités  par  du  Gange,  art. 
Hansa,  2.) 

Pardi  par  jugement  Pierre,  borjois  de 


Roan,  xiiij  toniaiis  de  vin  de  Auceurre  que 
il  avoit  fet  mener  par  iaue  de  Paris  à  Roan 
sanz  compaignie  de  borjois  de  Paris  hanse, 
et  sanz  ce  que  il  (nsthansé  de  Paris.  (Or- 
donnances relatives  aux  métiers  de  Paris, 
insérées  dans  le  Livre  des  métiers,  p.  450.) 

—  Tud.  hansa,  compagnie ,  so- 
ciété, troupe  de  gens  de  guerre; 
goth.  hansa,  item;  allem.  hanse, 
société  de  marchands;  dan.  handse, 
hanse,  item;  suéd.  hanse,  item. 

Hante,  anc.  manche,  bois  d'une 
hallebarde,  d'une  pique,  d'une  lance, 
d'un  épieu. 

Un  espié  li  flst  aporler, 
Où  il  se  pot  molt  bien  fier; 
La  hante  fu  d'un  frois  pomier. 
Et  li  fers  d'un  tranchant  acier. 

(Flolre  et  Blanceflor,  éAil.  du  Méril,  p.  146.) 

La  veissiés  pueple  fermir. 
Et  l'une  gent  l'altre  envaïr; 
L'un  conroi  a  l'altre  joster  ; 
Homes  cachier,  homes  ester. 
Traire  sajetes,  dars  jeter, 
ifan/e*brisier,  retrosi^tronçons)  voler, 
Trere  espées,  escus  lever. 

{Rom.  de  Brut,  t.  II,  p.  200.} 

De  hante  on  fit  hanter,  hander  et 
enhanter,  mettre  un  manche,  une 
poignée,  enmancher. 

Espée  qui  de  fln  or  estoit  hendée. 

{Rom.  du  comtede  Poiiieri,  p.  34.) 

Lors  veissiez  haubers  aprester  vistement, 
Bacinés  refourbir,  resclarcir  ensement, 
Et  espées  fourbir  dont  li  acier  resplent, 
Et  enhanler  ces  fers  de  glaive  gentilment. 

(chron.  de  du  Guesclin,  t.  U,  p.  162.) 

Hanture,  hanteure,  hansére,  han- 
cêre  signifiaient  la  poignée  d'une 


(1)  Le  Roman  de  Brut  fait  mention  du  pluriel  sexes,  couteaux. 
Sexes  ce  dient  li  Englois, 
Plu.sors  costiax  (couteaux)  sont  an  françois. 

(Rom.  de  Bnil,  t.  I,  p.  848.) 


CHAP.  m,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.    397 

épée.  On  lit  dans  Jean  de  Garlande: 
«  Scapulus  dicitur  gallice  ha- 
ncére.  »  (Parts  sous  Philippe  le  Bel, 
p.  589.) 


demurrad  pas  od  ses  cumpaigauns.  {Ibid. 
p.  182.) 

Sed  etpater  tuus  vit  bellator  est,  nec  mo- 
rabituT  cum  populo. 


Li  rois  li  çainst  l'espée  fort  et  dure; 
t)'or  fu  li  pons  et  toute  la  hendure, 
E  fu  forgié  en  une  combe  oscure. 

(Rom.  de  Raoul  de  Cambrai,  p.  19.) 

Eantelwe,  hanteleure  désignaient 
le  manche  d'un  fléau  à  battre  le 
blé.  (Voir  les  deux  dans  Roquefort.) 

Ces  mots  tiennent  tous  à  un  pri- 
mitif germanique  signifiant  main. 
J'ai  déjà  remarqué  que  le  latin  mOr- 
nubrium,  manica  ;  l'italien  manico, 
ainsi  que  le  français  manche,  mani- 
velle proviennent  directement  ou  in- 
directement de  manus. 

— Tud.  hant,  main;  go  th.  handus; 
anglo-sax.  hand  ;  anc,  island.  hand; 
dan.  haand;  allem.^suéd.  et  holl. 
hand.  Angl.  handle,  manche,  poi- 
gnée; hand,  main. 

HA^TER.  Ce  mot  signifiait  ancien- 
nement traiter  les  affaires,  exercer 
une  profession,  un  emploi,  un  métier, 
faire  un  trafic,  un  commerce,  se  li- 
vrer à  une  occupation,  s'adonner  à 
quelque  chose,  pratiquer,  faire. 

Se  aucun  poissonier  gist  malades,  ou  en 
la  voie  d'oustre-mer,  ou  en  la  voie  mon- 
seigneur saint  Jasques,  ou  a  Rome,  par 
quoi  il  ne  peut  user  ne  hanter  en  la  vile  de 
Paris  le  mestier  devant  dit  en  la  manière 
desus  devisée ,  sa  famé  ou  aucun  de  son 
commandement,  enfant  ou  autre,  pueent 
user  et  hanter  le  mestier  devant  dit  en  la 
manière  desus  devisée.  {Livre  des  métiers, 
p.  226.) 

E  hantad  les  ordéez  que  sis  pères  eut 
hantez.  {Livre  des  Rois,  p.  422.) 

Servivitque  immunditiis  quibus  servierat 
paler  ejus. 

E  ti  pères  ad  mult  guerre  hantée,  e  ne 


Hanter  §e  prit  ensuite  dans  le  sens 
de  fréquenter.  On  connaît  le  pro- 
verbe :  «  Dis-moi  qui  tu  hantes,  je 
te  dirai  qui  tu  es.  »  Le  dérivé  han- 
tise signifia  fréquentation.  Le  sub- 
stantif commerce  et  l'expression  avoir 
commerce  avec  ont  passé  du  propre 
au  figuré  dans  des  conditions  toutes 
semblables. 

—  Allem.  hantieren,  manier,  tou- 
cher^ traiter,  travailler,  exercer  un 
métier  une  profession  ;  handeln , 
manier,  façonner,  faire,  travailler, 
négocier,  commercer^  trafiquer; 
dérivés  de  hand,  main,  autrefois 
hant.  Tud.  hantalôn,  manier,  tou- 
cher^ traiter,  exercer,  gouverner; 
de  hant,  main.  Anglo-sax.  hande- 
lian,  traiter,  négocier,  trafiquer, 
commercer;  ce  verbe  signifie  pro- 
prement manier  les  affaires;  de 
hand,  main.  Dan.  1"  handle,  trai- 
ter, trafiquer,  commercer  ;  2°  haand, 
main.  Suéd.  \° handtera;  2°  hand. 
Holl.  1°  handelen;  2°  hand.  Angl. 
1»  to  handl;  Thand. 

Happe,  espèce  de  crampon  qui  at- 
tache et  lie  deux  pièces  de  bois, 
deux  pierres,  etc.  (Académie).  — 
Tud.  haspa,  crampon,  crochet;  an- 
glo-sax. hœps  ;  island.  hespa;  allen\. 
haspe. 

Happer.  —  Tud.  hapan,  happan, 
saisir,  attraper,  rafler,  happer;  al- 
lem. happen;  holl.  happen;  dan. 
rappe;  suéd.  rappa  ;  angl.  to  hapse, 
to  hap. 

Haque^  baquet,  haquenée.  Le 
dernier  de  ces  mots  est  encore  usité; 


398 


PREMIÈRE  PARTIE. 


les  deux  premiers  signifiaient  un  petit 
cheval,  un  bidet.  (Voir  Roquefort). 
L'espagnol  haca  et  le  portugais /"oca 
ont  la  même  signification. 

Sus,  sus,  allez-vous-en,  Jacquet, 

Et  pensez  le  petit  kacquel; 
Et  luy  faictes  bien  sa  littiere. 

(Coquillart,  Monologue  du  Piigi.) 

—  Angl.  hack,  cheval  de  service, 
cheval  de  louage;  hackney,  item; 
celui-ci  est  un  composé  périssolo- 
gique  formé  de  hack  et  de  nag,  pe- 
tit cheval,  bidet.  HoU.  hakhenei, 
petit  cheval,  composé  de  l'inusité 
hak  et  de  negg,  bidet  ;  allem.  nickel, 
item.  On  trouve  en  ancien  islandais 
fàkr  signifiant  cheval.  Le  /"  et  le  /i 
sont  des  consonnes  qui  se  substi- 
tuent l'une  à  l'autre  dans  plusieurs 
langues.  (Voir  tome  II,  p.  87.) 

Harangue.  Ce  mot  provient  d'un 
primitif  germanique  qui  signifiait 
proproprement  cercle  ;  il  se  prenait 
également  pour  un  lieu  où  beau- 
coup de  personnes  se  trouvent  réu- 
nies pour  voir,  pour  entendre,  pour 
combattre,  etc.  C'était  une  assem- 
blée de  spectateurs  ou  d'auditeurs, 
un  tribunal^  etc.,  ou  bien  une  lice, 
une  arène,  un  champ  clos.  En  fran- 
çais cercle  s'emploie  aussi  pour  dé- 
signer certaine  réunion  d'hommes. 
Une  harangue  est  un  discours  pro- 
noncé devant  une  assemblée,  pu- 
dique. Le  latin  conico  qui  dési- 
gnait proprement  une  assemblée 
se  prenait  également^  pour  discours 
tenu  devant  une  aesemblée,  discours 
prononcé  en  public,  harangue.  En 
basse  latinité  harenga,  en  langue 
d'oc  arengua,  en  espagnol  et  en  por- 
tugais arenga  signifient  aussi  dis- 
cours public.    L'italien  a  conservé 


plus  que  les  autres  idiomes  néo-la- 
tins des  restes  des  différentes  ac- 
ceptions du  primitif  germanique  : 
aringo  signifie  lice,  arène,  tour- 
noi, barreau,  tribunal,  tribune, 
en  même  temps  que  discours  fait  en 
public,  harangue. 

—  Tud.  hring,  cercle,  assemblée, 
auditoire,  lice,  arène,  champ  clos, 
tribunal  ,•  anglo-sax.  hring,  hrincg. 
L'aspirée  initiale  h  souvent  placée 
devant  r  dans  les  anciens  idiomes 
est  constamment  supprimée  dans 
les  modernes.  Allem.  ring,  cercle, 
et  de  plus  autrefois  assemblée,  tri- 
bunal; holl.,  dan.,  suéd.,  angl.nng', 
cercle,  anneau. 

Harde  ,  terme  de  chasse  :  troupe 
de  bêtes  fauves.  (Acad.)  Autrefois 
harde,  herde,  herte  signifiaient .  un 
troupeau  de  bétail  et  une  troupe  de 
bêtes  fauves, 

Quar  a  meisme  nostre  rachateor  fut  dit 
de  légion  ki  l'ome  tenoit  :  se  tu  nos  gettes 
fors,  envoie  nos  en  la  herde  des  pors.  {Dia- 
logues de  saint  Grégoire,  liv.  III,  ch.  xxi, 
cité  par  Roquefort,  art.  Uerde.) 

Ipsi  etenim  redemptori  nostro  a  legione 
guœ  hotninem  tenebat,  diclvm  est  :  si  ejieis 
nos,  mitte  nos  in  gregem  porcorum. 

Wauter  Tlrel  est  descenduz  ; 
Trop  près  del  roi,  lez  un  sambuz, 
Après  un  tremble  s'adossa 
Si  cum  la  herde  trespassa, 
E  le  grant  cerf  a  mes  li  vint. 

{chroniques  anglo- normandes ^  t.  1,  p.  54.) 

Une  herte  de  cers  troverenl  ; 
Li  pères  al  111  les  acainst. 
Et  li  fils  a  un  fus  s'estrainst 
A  un  cerf  traist  qu'il  avisa. 

{Rom.  de  Brut,  t.  I,  p.  8.) 

—  Tud.  herta,  troupeau;  goth. 
hairda;  anglo-sax.  heard,  heardh; 
allem.  herde,  heerde  ;  island.  Mord; 
angl.    heard,   herd;   dan.   Mord; 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  G 

suéd.  Mord.  Le  hollandais  n'a  con- 
servé que  le  dérivé  herder,  celui  qui 
garde  les  troupeaux,  berger. 

Hardi.  Ce  mot  dérive  d'un  primi- 
tif germanique  qui,  au  propre,  si- 
gnfie  dur,  et,  au  figuré,  endurci  aux 
fatigues  et  aux  périls  de  la  guerre , 
robuste,  brave,  courageux;  on  le 
trouve  même  dans  le  sens  de  hardi 
en  islandais.  Caseneuve  remarque,  à 
ce  propos ,  que  durus,  en  basse  lati- 
nité, ainsi  que  dur  et  aduré,  en  lan- 
gue d'oil,  ont  un  sens  tout  à  fait 
analogue;  il  donne  pour  exemple  : 
«  Impetus  militum  durorum  et  mar- 
tiorum  sustinere  non  praevalens.  » 
(Mathieu  Paris ,  Vie  de  Henri  111.) 
«  Trois  cents  armures  de  tous  les 
plus  apperts  et  hardis ,  durs  et  en- 
treprenants. »   (Froissard,   liv.    I, 

Ch.  CLX.) 

Mais  ne  sunt  mie  des  coarz, 

Qui  durs  vassaus  e  adurez, 

Qu'ainz  lor  sériait,  les  chès  (têtes)  coupez 

Qu'il  s'en  augent  (aillent)  cum  recreanz. 

{Chron.  des  ducs  de  Nom.  t.  11,  p.  40.) 

Rolland  e  Oliver  en  at  od  sei  amenez, 
E  Wileme  de  Orenge,  e  Naimon  Vadurez, 
Oger  de  Danemarche,  Berin  et  Beranger.... 
E  Bernant  de  Brusbant,  e  Bertram  Vadurez. 

(Voyage  de  Charlem.  à  Jérus.  y.  61-65.) 

—  Tud.  harti,  hart,  dur,  fort, 
robuste,  brave^  courageux;  goth. 
hardus,  item;  anglo-sax.  heard, 
item-,  island.  hardur ,  item  et,  de 
plus,  hardi;  allem.  hart,  dur,  rude, 
fort,  robuste,  vigoureux;  hoU.  hard, 
item,;  dan.  haard;  suéd.  haord, 
hord;  angl.  hard. 

Hareng.  —  Tud.  harinc,  hareng; 
anglo-sax.  hœring;  allem.  haring , 
hering ;  holl.  haring;  angl.  her- 
ring. 


ERMANIQUE.  SEGT.  IL   399 

Hargisieux.  Cet  adjectif  dérive  de 
l'ancien  verbe  hargnier,  quereller, 
gronder,  qui  existe  encore  en  pi- 
card. (Voyez  le  glossaire  de  Roque- 
fort.) 

—  Tud. /larmjan,  quereller,  gron- 
der, contrarier,  chagriner  de  harm 
chagrin,  peine,  insulte.  Anglo-sax. 
hearmjan^  quereller,  insulter,  hearm, 
peine.  Allem.  ]°  harmen,  chagriner, 
faire  de  la  peine,  contrarier ,  taqui- 
ner, de  2°  harm,  chagrin^  peine,  af- 
fliction, dan.  \°  harme,  2°  harm; 
suéd.  1°  harma;  2"  harm.  Angl.  to 
harm,  causer  du  préjudice,  faire  du 
tort^  du  mal,  mx\vç,harm,  tort, pré- 
judice. 

Haro,  Harau,  Harou,  Hareu  si- 
gnifiaient autrefois  cri,  clameur,  tu- 
multe que  l'on  fait  en  criant,  va- 
carme. 

Environ  petite  nonne,  un  lièvre  s'envint 
trépassant  parmi  les  champs,  et  se  bouta 
entre  les  François,  dont  ceux  qui  le  virent 
commencèrent  a  crier  et  a  huier  et  a  faire 
grand  haro  ;  de  quoi  ceux  qui  etoient  der- 
rière cuidolent  que  ceux  de  devant  se  com- 
batissent.  (Froissart,  liv.  I,  ch.  xcui,  p.  83, 
col.  %) 

La  noise  et  le  haro  monta,  et  tant  que 
plusieurs  gens  en  furent  effrayés.  {Idem, 
liv.  I,  ch.  xcix,  p.  88,  col.  1.) 

llaro,  harau,  harou  était  un  cri 
de  guerre;  les  hérauts  le  firent  en- 
tendre à  la  bataille  de  Bouvines, 
selon  le  rapport  de  Guillaume 
Guiart. 

L'un  ost  ne  l'autre  mot  ne  sonne  ; 

Entr'eus  n'a  personne  esjoïe  ; 

La  voix  de  nul  n'i  est  oie, 

Fors  des  hereaus  qui  harou  crient, 

Et  par  le  champ  se  cruceflent. 

«  Harou  !  dient-il,  quel  raortaille, 


400 


PREMIÈRE  PARTIE. 


»  Queleocision,  quel  bataille 
»  Est  ci  endroit  a  avenir!  » 

{Branche  des  royaux  Itijnages,  t.  I,  p.  985.) 

En  Normandie ,  haro  était  fort 
usité  comme  cri  d'alarme^  soit  pour 
appeler  au  feu  en  cas  d'incendie,  soit 
pour  réclamer  du  secours  contre  un 
assassin  ou  un  voleur.  Tous  ceux 
qui  entendaient  ce  cri  devaient  ac- 
courir pour  prêter  main-forte  et  se 
mettre  à  la  poursuite  du  malfaiteur; 
celui  qui  négligeait  de  le  faire  était 
passible  d'une  amende. 

Le  duc  de  Normendie  a  la  court  du  cri  de 
hareu,  et  en  doit  faire  venir  enqueste,  as- 
savoir mon  se  il  fu  criez  à  tort  ou  a  droit; 
quer  nus  ne  doit  crier  hareu  fors  par  trop 
grant  besoing,  si  comme  par  feu,  par  lar- 
rons, et  par  homicides,  pour  roberies,  etc. 
Mes  quiconque  crie  hareu  sans  péril  apert 
et  manifeste,  il  le  doit  amender  au  prince,- 
et  se  il  nie  que  il  ne  le  cria  pas,  le  prince 
en  puet  enquerre  par  les  plus  prochains 
voisins  du  lieu  où  le  hareu  fu  criez,  par 
ceux  qui  l'oirent,  asavoir  mon  se  il  oirent 
ce  hareu  crier  que  celui  nie  ;  e  se  il  en  est 
ataint,  il  l'amendera...  Au  cri  de  hareu 
doivent  issir  tous  ceus  qui  l'oirent,  et  se  il 
voient  meffet  où  il  aet  péril  de  vie  ou  de 
mort  ou  de  larrecin,  par  quoy  le  malfeteur 
doit  perdre  vie  ou  membre  ,  il  le  doit 
prendre  et  retenir  et  crier  hareu  après  lui, 
autrement  seront-ils  tenus  a  amender  le  au 
prince.  (Coutumes  de  Normandie,  citées  par 
du  Cange,  art.  Haro.) 

De  haro  on  fit  harer,  harier, 
poursuivre  quelqu'un  avec  des  cris, 
se  mettre  à  ses  trousses ,  le  pour- 
chasser, vexer,  tourmenter. 

Je  change  tout,  je  tourne,  je  varie, 
Je  fais  cheoir,  relever  et  abbatre, 
Sans  aviser  quisaigement  charie; 
Je  mors,  je  poins,  j'arguë  et  puis  harie. 

{La  Dance  aux  aveugles f  exemple  cit^  par  Roque- 
fort, art.  Harier.  ) 


Un  sanglier  ay  hui  tant  chacié 
Que  j'ay  toutes  mes  gens  laissié 
Et  me  sui  ou  bois  esgaré; 
Tant  ay  fort  le  sanglier  haré. 

(Théâtre français  au  moi/eit  âge,  p.  588.) 

Si  fait  Saisons,  Sanceurre  et  Dreues, 
Et  de  Mello  messire  Dreues 
Qui  a  enuiz  le  roy  hara. 

{Branche  des  royaux  lignages,  l.  1,  p.  58.) 

De  harer  on  fit  le  substantif  ha- 
relle,  persécution,  obsession  ,  vexa- 
tion, exaction,.préjudice. 

Nous  voulons  et  ordenons ,  et  par  ces 
lettres  défendons  que  les  maistres  de  nefs 
et  vaisseaux  et  ceulsqui  chargeront  ou  des- 
chargeront leurs  danrées,  ne  puissent  faire 
avanies  ou  harelles  de  prendre  ou  avoir 
d'euls  plus  excessif  salaire  qu'il  ne  appar- 
tiendroit.  {Lettres  de  Philippe  Yl  datées  de 
1339,  Recueil  des  Ordonnances  des  Rois  de 
France,  t.  II,  p.  136.) 

Raro  nous  est  resté  dans  la  locu- 
tion «crier  Aaro  sur  quelqu'un,  » 
pour  dire  se  récrier  avec  indignation 
sur  ce  que  fait  ou  dit  une  per- 
sonne . 

—  Tud.  haran,  hrofan,  hrofjan, 
hromjan,  crier;  hrof,  krôm,  cri, 
clameur. 

Taz  fuar  si  redinonti, 
After  imo  harenli. 

(Olfrid,  Ht.  II,  ch.  IX,  102.) 

En  allant  ils  disaient  cela.,  criant  après 
lui. 

Goth.  \°  hro'pjan,  crier;  2°  hrôpi, 
hrôpei,  cri,  clameur.  Anglo-sax. 
4°  hraeman;  2°  hream.  Island. 
hrapa,  crier;  hœrop_,  cri  de  guerre 
que  poussaient  autrefois  les  soldats 
au  moment  du  combat,  cri  servant  de 
signal  dans  diverses  circonstances. 
Dans  l'ancienne  langue  hollandaise, 
hœroep,  Aarop  étaient  également  des 
cris  de  guerre .  Les  idiomes  moder- 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  IL  404 

Haschére,  hachère,  devinrent^  par 
abréviation,  haschée,  hachée,  has- 
chie,  hachie.  On  disait  en  basse  la- 
tinité harmiscara,  hascara,  hache- 
ria,  hachia.  Voyez  ces  mots  dans 
du  Gange. 

E  !  Diex,  la  penitance  seroit  bone  en  la  vie, 
Quar  qui  sauroit  l'angoisse,  la  dolor,  la 

ha-ichie 
Qu'il  convient  sofrir  l'ame  ainz  que  soites- 

penie, 
James  de  pechié  fere  ne  li  penroit  envie. 

{Chanie-pleure  daoa  les  OEuvre»    de  Rutebeuf , 
t.  1,  p.  40t.) 

Flourencedist  :  «  Vrai  Dieu,  je  ne  vousiss* 

mie, 
Qu'ils  morussent  pour  moi  ne  souffrissent 
hachie. 

(NottV.  recueil  de  coules,  t.  I,  p.  113.) 

Sentez-vos  al  quergrant  haschéeJ 

(Chron.  det  ducs  de  rfonn.  t.  Il,  p.  232.) 

—  Tud.  harmscara,  punition, 
peine,  tourment,  (Voir  GrafF,  t.  VI, 
p.  530.)  Ge  mot  a  dû  signifier  pri- 
mitivement une  punition  corporelle, 
un  châtiment;  car  il  dérive  du  verbe 
harmscarôn,  flageller,  fustiger,  le- 
quel est  composé  de  harm,  peine,  et 
de  scemn,  frapper,  battre.  Anglo- 
sax.  hearmsceare,  punition,  tour- 
ment; hearm,  peine;  scœran,  frap- 
per; island,  skera,  item.  Allem. 
dan.  et  suéd.  harm,  peine.  Angl. 
harm,  tort,  préjudice. 

Hase,  femelle  du  lièvre.  —  Tud. 
haso,  lièvre;  allem.  hase;  holl. 
haas,  haze.  Les  autres  langues  ont 
un  r  à  la  place  du  s;  la  permutation 
de  ces  deux  consonnes  est  assez  fré- 
quente entre  les  divers  idiomes  ger- 
maniques. (Voir  à  cet  égard  la  fin 
de  l'article  Besi,  p.  287.)  Anglo- 
sax.  hara,  lièvre;  island.  héri;  dan. 
suéd.  et  angl.  hare. 


nés,  dont  la  prononciation  est  plus 
douce  que  celle  des  anciens^  ont  sup- 
primé l'aspiration  h  devant  r.  Holl . 
A°  roepen,  crier;  2°  roep,  et  mieux 
geroep,  cri,  clameur.  Allem.  1"  ru- 
fen;  %°  ruf.  Bas  allem.  \°ropen; 
2<*  rop.  Dan.  4°  raabe;  2°  raab. 
Suéd.  ^°ropa;  2°  rop.  L'anglais  a 
conservé  hoora,  hooraw,  exclama- 
tions joyeuses  dont  nous  avons  fait 
en  français  hourra.  (Voir  ci-après 
l'article  Héraut.) 

Harpe.  Les  instruments  à  cordes, 
diversement  modifiés ,  étaient  en 
usage  chez  les  différents  peuples  de 
l'antiquité.  La  fearpe  paraît  avoir  été 
l'instrument  favori  des  barbares  du 
Nord;  outre  que  son  nom  se  re- 
trouve dans  les  divers  idiomes  ger- 
maniques, nous  avons  conservé  une 
preuve  historique  de  ce  fait  dans  les 
vers  suivants  adressés  au  comte 
Loup  par  le  poëte  Fortunat  : 

Romanusqae  lyra ,  plaudat   libi  barbarus 

harpa, 
Crsecus  achilliaca,  chrotta  britanna  canat. 

(Foriunat,  liv.TH.S.) 

—  Tud.  harpha,  harpe  (Otfrid, 
liv.  V,  ch.  xxin,  395);  anglo-sax. 
hearpe;  island.  harpa,  haurpa; 
allem.  harfe;  dan.  harpe;  suéd. 
harpa;  holl.  harp;  angl.  harp. 

Haschére,  Hachère,  Hachière, 
anc.  punition,  peine,  tourment, 
souffrance. 

Aux  armes  recongnust  nos  gens  en  la  gas- 

quiere  ; 
Leur  lances  sont   brisées,  gisant  sur  la 

quarriere  ; 
Haultemenl  lor  a  dit  :  «  En  l'onnour  de 

S.  Pierre, 
Au  prince  vous  rendez  ou  vous  arez   ha- 
chière. » 

[Chronique  de  du  GuescUn,  I.  I,  p.  ♦22.) 


402 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Hasle,  anc.  détestable,  abomi- 
nable, odieux,  dégoûtant,  hideux  : 

Bien  lor  fu  viande  a  senestre, 
Que  il  osaissent  par  droit  prendre, 
Sanz  els  niesfaire  ne  mesprendre, 
Fors  que  paiu  noir,  dur  et  hasle. 
Tout  muisi,  et  tout  très  sale. 

(Rutebeuf,  t.  11,  p.  173.) 

—  Allem.  hassUch,  odieux,  dé- 
testable^ dégoûtant,  hideux,  laid, 
vilain  ;  de  hassen,  haïr.  Tud.  1  °  haz- 
lih ,  odieux;  hâzen,  hazon,  haïr, 
'ftoll.  1"  haatelijk;  2°  haaten.  Dan. 
\'>hadelig;  %°  hade.  Suéd.  \°  fœr- 
hatelig,  avec  la  préposition  fœr; 
2°  hâta. 

Hasple,  anc.  dévidoir;  d'où  has- 
fler,  haspeller,  dévider  :  en  italien, 
aspo,  dévidoir. 

Quenoille,  hasples  etfusiaulx, 
Aiguilles,  fil,  sire,  linsiaux, 
Pour  ouvrer,  et  de  Chypre  or  fin. 

(Eo»t.  Dcscbamps,  ciié  dans  le  glowaire  mamiscrii 
do  Sainle-Palaye.  art.  Hasylc.) 

Ne  jk  n'aura  autre  pasture 
Que  au  liller  aura  gaiguié; 
Et  s'il  luy  venoit  compaignie. 
De  haspeller  seroit  sa  maistrie. 

{Roman  de  Perceforesl,  cité  il/id.) 

—  Tud.  haspel,  has-pil,  haspa, 
dévidoir;  anglo-sax.  hœps;  island. 
hespa;  dan.  haspe;  allem.  hoU.  et 
suéd.  haspel. 

Hasterel,  Haterel,  Hasterol, 
Haterol,  anc.  le  derrière  du  cou,  la 
nuque;  dérivés  formés  au  moyen 
des  suffixes  el,  oL  On  dit  en  picard 
hatéreau. 

De  sa  broche  de  fer  li  a  ni  cops  donnez  ; 
Parmi  le  hasterel  li  est  li  sans  filez. 

{Chron.de  duCueiclin,  t.  1,  p.  93.) 

S'elle  n'est  belle  do  visage, 
Atourner  doit  si  comme  sage 


Ses  belles  tresses  blondes,  chieres. 
Et  tout  le  hasterel  derrières; 
Car  plus  en  sera  avenante: 
C'est  une  chose  moult  plaisante 
Que  la  beauté  de  cheveleure. 

[Roman  delà  Rose,  cité  par  Roquefort,  art.  HaUtrel.) 

Haterel  ponrsicvant  derrière, 

Sans  poil  bianc.  et  gros  de  manière, 

Seur  la  cote  un  peu  reploiant. 

{Li  jus  Adam,  dani  le  Théâtre  français  au   mojea 
âge,  p.  60.) 

Ki  famé  en  tout  le  mont  où  tant  ait  fausseté; 
Maudis  soit  qui  premiers  l'amena  el  régné! 
Elegist  moult  malade;  que  cent  mileraaufé 
Veulent  qu'ele  ait  en  nuit  le  haterul  froé  1 

{Roman  de  René  aus  grans  pies,  p.  109.) 

—  Tud.  halsadara,  derrière  du 
cou,  nuque  ;  composé  de  hais,  cou, 
et  de  âdara,  vaisseau  sanguin,  ar- 
tère, veine.  La  nuque  est  la  partie 
où  se  trouve  l'une  des  principales 
artères  du  cou,  V artère  occipitale. 
Anc.  allem.  halsader,  nuque,  de 
1°  hais,  cou,  et  de  2"  ader,  artère^ 
veine.  Anglo-sax.  \°  hais;  2°  œdra. 
Anc.  island.  1°  hais;  2°  œdhr. 
Allem.  1»  hais;  2°  ader.  HoU. 
hais;  2°  ader.  Suéd.  4*^  hais;  2°  ao- 
der.  Dan.  1"  hais  ;  2°  aarè. 

Hâte,  Hâter,  autrefois  haste, 
haster.  —  Anc.  allem.  hast,  hâte, 
diligence,  précipitation;  hasten,  hâ- 
ter, presser,  exciter.  L'allemand, 
moderne  n'a  pas  conservé  ce  verbe, 
mais  il  a  encore  le  substantif  hast, 
hâte,  diligence,  et  l'adjectif  hastig, 
qui  se  hâte,  diligent.  Dan.  ]°  hast, 
hâte,  diligence,  célérité;  2°  haste, 
hâter.  Suéd.  ]"  hast;  2°  hasta. 
Holl.  1°  haast;  2°  haasten.  Angl. 
1»  haste;  2°  to  hasten.  Anc.  island. 
\°  hastr;  2"  hasta.  L'ancien  islan- 
dais hasta  signifiait  proprement 
gourmander,  réprimander;  cette  ac- 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  IL  403 


ception  paraît  être  la  primitive  ;  on 
aurait  par  la  suite  restreint  le  sens 
de  ce  verbe  de  sorte  qu'il  signifiât 
seulement  exciter  une  personne  à 
faire  promptement  une  chose  par  de 
rudes  paroles ,  par  des  reproches. 
Virgile  a  dit,  castigare  moram;  et 
l'Académie  donne  pour  exemple  du 
mot  gourmander  ;  «  C'est  en  vain 
que  je  gourmande  sa  paresse.  » 

Haubans,  terme  de  marine  :  gros 
cordages  qui  vont  en  forme  d'échelles 
de  la  tête  des  mâts  au  bord  du  na- 
vire ou  des  hunes,  où  ils  sont  fixés 
avec  la  roideur  convenable,  et  qui 
servent  principalement  à  soutenir 
les  mâts  contre  l'effort  du  roulis. 
(Acad.)  —  Ane.  island.  hôfudband, 
hauban  ;  composé  de  hôfud,  tête, 
et  de  band,  lien,  attache.  Ane.  hoU. 
hobant  pour  hoofbant  de  hoofd, 
tête,  et  bant,  lien;  en  hollandais 
moderne,  le  hauban  se  nomme 
hoofdtomv,  composé  de  hoofd,  tête, 
et  de  touiv^  cordage.  Tud.  1°  haubit, 
houbit,  tête;  %°  band,  banda,  lien, 
attache.  Goth.  \ohaubith;  2°  bandi. 
Anglo-sax.  \°  heafod  ;  2°  bend. 
AUem.  4°  haupt;  2°  band.  Dan. 
1°  hoved;  2°  baand.  Suéd.  4°  huf~ 
wud;  2°  band.  Angl.  \°  head; 
2°  band. 

Haubert.  (Voyez  Halberc.) 

Have,  autrefois  hasve.  —  Anglo- 
sax,  hasva,  desséché,  maigre,  pâle, 
hâve;  anc.  allem.  heswa;  anc.  holl. 
haswe. 

Haver,  Havtr,  signifiaient  autre- 
fois prendre,  saisir  ;  havèe  était  pro- 
prement la  qualité  de  choses  que  l'on 
peut  prendre  d'une  seule  main,  une 
poignée  ;  ce  mot  était  employé  pour 
signifier  le  droit  de  prendre  sur  le 


marché  une  poignée  des  choses  que 
l'on  y  vendait. 

Nulz  ne  puet ,  ne  ne  doit  aler,  chever, 
laver ,  faire  pierres  ,  ne  autre  quelque 
chose  en  une  certaine  quarriere.  [Charte 
de  1407  citée  dans  le  glossaire  de  Carpen- 
tier,  art.  Havelus.) 

Item  la  lavée  des  fruiz  qui  sont  venduz  k 
jour  de  marchié  à  Chauny,  dont  chascun, 
sur  qui  l'en  prendra  1?  havée,  se  pourra 
rachater  parmi  une  obole  paiant,  et  par 
tant  sera  quite  de  la  dicte  havêe.  (.Charte  de 
1337citée  dans  le  glossaire  de  Carpentier, 
art.  Havata.) 

Ly  sauniers  doit  une  obole  d'estallage 
et  une  havée  de  seel.  (Cartulaire  cité  ibid.) 

De  havée  on  fit  havage,  qui  signi- 
fiait un  droit  à  peu  près  semblable 
prélevé  sur  les  grains  ;  et  l'on  appe- 
la/lavagmtt  une  sorte  de  petite  mesure 
servant  à  déterminer  la  quantité  de 
grain  qui  revenait  à  celui  qui  devait 
percevoir  le  havage . 

Le  havage  de  chascun  sestier  de  blé 
vendu  en  la  ville  de  Chartres  hors  fran- 
chise, se  cil  qui  le  vent  l'a  acheté,  il  doit 
un  havagiau;  se  il  a  cru  en  sa  terre  ou  en 
son  gaaignage,  il  doit  dou  sestier  demi  ha- 
vagiau, et  de  tout  grain  autrosi,  fors  que 
d'avoine,  et  l'avoine  paie  au  double.  (Re- 
gistre  censier  du  comté  de  Chartres  cité  par 
du  Gange,  art.  Havadium,  Uavagium.) 

—  Tud.  habên,  prendre,  saisir, 
tenir^ posséder,  avoir;  goth.  haban, 
item;  anglo-sax.  habban,  hebben, 
item  ;  anc.  island.  hafa,  item.  Dans 
les  idiomes  germaniques  modernes, 
l'ancien  primitif  diversement  modi- 
fié ne  signifie  plus  que  avoir.  Allem. 
haben;  holl.  hebben;  suéd.  hafwa; 
dan.  have;  angl.  to  have. 

Haveron,  avoine  sauvage.  (Voir 
les  dictionnaires  de  Cotgrave,  de 
Nicot  et  de  Trévoux.)  —Tud.  habaro, 
avoine;  holl.   haver;  dan.   havre; 


404 


PREMIÈRE  PARTIE. 


suéd.  hafra;  allem.  haher,  plus  usi- 
té hafer. 

Havet.  ancien  crochet. 

Et  parqnoi  ils  pussent  mieux  avenir  l'un 
l'autre,  ils  avoient  grands  crocs  et  havets 
de  fer  tenans  à  chaisnes;  si  les  jetoient 
dedans  les  nefs  de  l'un  à  l'autre,  et  les 
accrochnienl  ensemble,  afin  qu'ils  pussent 
mieux  aherdre  et  plus  ûerement  combattre, 
(froissart,  liv.  I,  ch.  cxxi,  p.  106.) 

Or  i  faut-il  chaudière  et  sic, 

Ilàvet,  trefeu. 
Le  soufflet  a  souffler  le  feu. 

{rfuuv.  rec.  découlas,  t.  11.  p.  168.) 

—  Ane.  allem.  1°  haft.,  crochet^ 
agrafe  ;  2°  lieften,  fixer  au  moyen 
d'un  crochet,  attacher,  agrafer.  Dan. 
\°  hœfte;  2°  hœfte.  Suéd.  1°  hixte  ; 
2°  hœfta.  Allem.  r  haft,  heft; 
2°  heften,  hefteln.  Angl.l"  hapse, 
hasp;  2°  to  hapze,  to  hasp. 

Havre,  autrefois  hafne  :  en  basse 
latinité^  havla.  La  forme  hafne  est 
celle  qui  est  la  plus  voisine  du  pri- 
mitif germanique.  Le  n  qui  se 
trouve  dans  cette  forme  ainsi  que 
dans  ce  primitif,  s'est  changé  en  7' 
dans  havre  comme  dans  diacre  de 
diacanus,et  en  l  dans  havla,  comme 
dans  SELON  de  secundum . 

En  la  mer  s'en  entra  la  navie 
De  grant  rlchesce  replenie  ; 
Tant  corurent  e  tant  siglerent 
Qu'el  hafne  de  Seigne  entrèrent. 

{^Chron.  des -ducs  de  Norm,,  t.  1.  p.  187.) 

Braz  fu  de  mer,  hafne  i  aveii; 
El  hafne  out  une  suie  nef- 

(UArie  de  France,   t.   i,    p.  60.) 

—  Anglo-sax,  hâfen,  havre^  port; 
anc.  island./io/"n;  allem.  fto/ew;  dan. 
havri;  holl.  et  angl.  haven;  island. 
et  suéd./iawn. 

Havresac.  C'était  primitivement 
un  sac  dans  lequel  les  charretiers 


portaient  de  l'avoine  pourfaire  man- 
ger à  leurs  chevaux.  (Voir  Trévoux, 
art.  Havresac.  )  —  Holl.  haverzak, 
sac  à  avoine,  havresac  ;  composé  de 
haver,  avoine,  et  de  zak,  sac.  Suéd. 
1"  hafra,  avoine  ;  2"  zœck,  sac.  Dan. 
]° havre;  2"  sœk.  Allem.  1°  haber, 
hafer;  2°  sack.  Tud.  \°  habaro  ; 
2*  sak,  sach. 

Havir  se  dit  en  parlant  de  la 
viande,  lorsqu'on  la  fait  rôtir  à  un 
grand  feu  qui  la  dessèche  et  la  brûle 
par-dessus,  sans  qu'elle  soit  cuite 
en  dedans  (  Acad.  )  Ce  mot  vient 
d'un  primitif  germanique  dans  le- 
quel un  v  a  été  intercalé ,  comme 
dans  pleuvoir,  pivoine,  dérivés  de 
pluere,  pœonia  (Voir  t.  11^  p.  ■144.) 
— •  Tud.  heién.j,  brûler,  de  hei,  brû- 
lure, Allem.  1°  heizen,  chauffer;  de 
2°  heiss,  chaud ,  ardent,  brûlant  ; 
holl.  4°  heeten;  2°  heet;  dan.  4» 
hede;  2"  heed;  suéd.  I"  hetta; 
2°  het. 

H  EL,  ancien  terme  de  marine,  qui 
signifiait  barre  du  gouvernail ,  ti- 
mon. 

Cbascuns  de  mestrier  se  paine  j 
Li  gouvernax  qui  la  nef  maine. 
Avant  le  hel,  si  cortsenestre. 
An  sas  le  hel,  por  corre  désire. 

(nom.  de  Brut,  t.  Il,  p.  140.) 

—  Anglo-sax.  heabna,  barre  du 
gouvernail,  timon,  pièce  de  bois  ser- 
vant de  manche  au  gouvernail  ;  dé- 
rivé de  helm,  manche.  Angl.  helm, 
barre  du  gouvernail;  allem.  helm- 
stock,  timon,  barre  du  gouvernail; 
composé  de  helm,  manche,  et  de 
stock,  pièce  de  bois,  bâton.  Holl. 
helmstock,  barre  du  gouvernail; 
anc.  allem.  helm,  manche. 

Héler.  —  Tud.    halôn,  appeler , 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II. 


héler;  hellên,  sonner.  Angl.fo  hail^ 
héler.  Allem.  1  °  hall,  son  ;  2°  fml- 
len,  sonner,  retentir.  Suéd.  \°haU; 
2°  halla. 

Hellequin,  fantôme  fameux  au 
moyen  âge.  Il  passait  pour  un  dé- 
mon malfaisant  j  conduisant  à  sa 
suite  une  légion  d'autres  démons  que 
l'on  appelait  la  mesnie  Hellequin, 
la  famille  de  Hellequin.  Voyez,  au 
sujet  de  ce  fantôme,  les  recherches 
intéressantes  de  M.  Paulin-Paris, 
Manuscrits  français  de  la  bibliothè- 
que du  roi,  t.  I,  p.  322-325;  con- 
sultez également  le  Livre  des  légen- 
des de  M.  le  Roux  de  Lincy,  intro- 
duction, p.  148-150,  et  p.  240-245, 
ainsi  que  la  Deutsche  Mythologie  de 
M.  Jacob  Grimm^  p.  894. 

Avœc  eus  portoient  deusbicres 
Où  il  avoit  gent  trop  avab'.e 
Pouri'.hanter  la  chanson  au  diable; 
Il  i  avoit  un  grant  Jaiant 
Qui  aloit  trop  forment  braiant, 
Veslu  de  en  de  bon  broissequin 
Je  crois  que  c'estoit  Hellequin, 
Et  tuit  li  autre  sa  maisnie, 
Qui  le  suivent  toute  enragie. 

{Roman  de  Fauvel,  ehi  par  M.  P.  Pari»  dans  Let 
Mnnutcrils  français  de  ta  Bibliothèque  du  Roi, 
1. 1,  p.  335.) 

Avocat  portent  grand  domage, 
Pour  quoi  metent  lor  ame  en  gage  ; 
Lor  langue  est  pleine  de  venin.... 
C'est  la  mesnie  Hellekin. 

{Ifetiveaii  rteueil  de  contet ,    diii,  etc.,  publia  par 
U.  Jubiaal  I.  I,  p.  384.) 

Hellequin  signifie  étymologique- 
ment  fils  de  l'enfer.  —  Tud.  1°  hel- 
le,  hella,  hello,  enfer  ;  2°  kind,  kint, 
fils,  enfant.  Anglo-sax.  1°  helle; 
i"  cild.  Ancien  allem.  1°  helle; 
2°  kind.  Allem.  1°  hollen,  2"  kind. 
Holl.  1°  hel,  2°  hind.  Angl,  1°  hell,. 


405 

^^  child.   Goth.  halja,  enfer;  dan. 
helvede ;  suéd.  helwete. 

Helme,  Healme,  Heaume,  anc. 
casque  à  visière  :  en  basse  latinité, 
helmus  ;  en  italien,  elmo  ;  en  espa- 
gnol, yelmo. 

E  Saûl  de  ses  demelnes  vestemenz  fist 
David  revestir,  le  helme  lascier  e  le  halberl 
vestir.  \LivTe  des  Rois,  p.  66.) 

Et  induit  Saul  David  vestimentis  suis , 
et  imposuit  galeam  œream  super  caput  ejus, 
et  vestivit  eum  torica. 

De  ces  espées  enheldées  d'or  mer 
Fièrent  e  caplent  sur  ces  helmes  d'acer  ; 
Granz  sunt  les  colps  as  helmes  detrenchcr. 

[Chans.  de  Rolland,  st.  r.cLxxxiT.) 

Paien  chevalchent  par  ces  greignurs  valées; 
Halbercs  vestuz  e  très  bien  fermeez, 
Bealmes  lacez  e  ceintes  lur  espées, 
Escuz  al  colz  e  lances  adubces; 
En  an  bruill,  par  sum  les  puis,  remestrent. 
(  ma.  st.  LIT.) 

—  Tud.  helm,  casque  ;  de  helén, 
couvrir,  garantir.  Goth.  hilm,  cas- 
que; anglo-sax.  helm,  item;  anc. 
island.  hialmr ;  holl.  helm;  dan. 
hiœlm;  suéd.  hielm;  allem.  helm; 
angl.  helm,  helmet. 

Helt^  Halte,  Heut,  etc.^  anc. 
poignée  d'épée,  manche  de  cou- 
teau, de  poignard. 

L'espée  ert  mervelle  prisiée, 
Si  fu  de  letres  d'or  mercbiée  ; 
Lès  le  hell^  ot  escril  en  son 
Que  Croce-a-Mort  avoit  non. 

(Rtm.  de  Brut,  I.  I,  p.  199.) 

Prenget  li  reis  espées  de  tuz  les  chevaiers, 
Facet  les  cnterer  entresque/j«//es  d'or  mer, 
Que  les. pointes  en  seient  contremunt  vers 
le  cel. 

(  Voy.  de  Charlem  à  Jérut.  t.  543.) 

Sa  grant  espée  d'Aleraaigne 
U  out  sis  livres  de  fin  oj 


406 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Entre  le  hent  e  l'entrecor 
Od  pierres  flues  precioses. 

(CAron.  detilucsde  Korm,  t.  1,  p.  444.) 

C'est  mien  branz  d'acer 

Dasze  livres  de  un  or  mier 
A  entre  le  heut  e  le  punt. 

[Uid.,  I.  l,p.  3»7.) 

Nus  graniseres  ne  puet  ne  ne  doit  mettre 
heut  a  coutel ,  se  li  heus  n'est  touz  d'une 
pièce  ;  et  se  li  heus  est  de  ij  pièces,  il  doit 
estre  saudés  bien  et  loiaument.  (Livre  des 
méliers,  p.  168.) 

—  Anglo-sax.  helt,  hielt,  kilt, 
manche  d'un  instrument,  poignée; 
tud.  helza;  anc.  island.  Malt; 
allem.  helm  ;  angl;  helve. 

Héraut:  en  basse  latinité,  ha- 
raldus,  haeraldus  ;  en  espagnol,  ha- 
raldo,  heraldo  ;  en  italien,  araldo . 
Ces  mots  dérivent  d'un  primitif 
germanique  signifiant  crier;  les  hé- 
rauts ne  furent  d'abord  dans  les  ar- 
mées que  des  espèces  de  crieurs  pu- 
blics, comme  les  prœcones  des  Ro- 
mains. 

—  Tud.  harén,  crier;  hrofa% 
crier,  publier,  proclamer,  se  disait 
des  crieurs  publics;  ald,  old,  sont 
des  suffixes  qui  s'ajoutaient  au  ra- 
dical des  verbes  pour  former  des 
substantifs  masculins.  Le  tudesque 
nous  offre  encore  les  composés  fo- 
raharm  ,  publier ,  proclamer,  et 
foraharo ,  crieur  public,  hérault. 
ainsi  que  le  nom  propre  Chariovaîd, 
répondant  à  l'ancien  saxon  Hariolt 
et  à  l'ancien  islandais  Haraldr. 
Goih.  hropjan,  crier;  island.  hrapa, 
item;  hœrop,  cri  de  guerre.  Anc. 
holl.  harop,  hœrop,  cri  de  guerre. 
(Voir,  à  l'article  Haro,  l'altération 
qu'ont  subie  ces  mots  en  passant 
dans  les  idiomes  modernes.)  Suéd. 


hœrold,  héraut;  dan.  herold;  allem. 
herold  ;  ajigl.  herald. 

Herberge,  anc,  (Voir  Auberge.) 

Herde.  (Voyez  Harde.) 

Hère,  anc.  armée,  camp.  (Voir 
Trévoux  et  Borel.)  —  Tud.  hari, 
heri,  armée;  goth.  har;  anglo-sax. 
herCj  herig,  herg;  island.  her;  dan. 
hœr;  hoW, heir;  allem.  heer;  suéd. 
hœr. 

Hère,  terme  familier  qui  se  dit 
d'un  homme  sajis  mérite,  sans  con- 
sidération, sans  fortune  :  «  C'est  un 
pauvre  hère.  »  (Académie.)  (Voir 
un  exemple  dans  La  Fontaine,  liv.  I, 
fable  v.)  Ce  mot  paraît  dérivé  d'un 
primitif  germanique  signifiant  sei- 
gneur, maître,  qui  aurait  été  em- 
ployé par  dérision,  comme  le  furent 
rosse,  lande,  lippe,  rapière.  (Voyez 
ces  mots.) 

—  Tud .  hérro,  seigneur,  maître  ; 
goth.  hère  ;  anglo-sax.  hearra  ;  is- 
land. herre;  dan.  hère;  allem. 
herr;  suéd.  herre;  holl.  heer. 

Hestoudeau,  Hétoudeau,  Hétu- 
deau,  gros  poulet  qu'on  destine  à 
devenir  chapon,  pullaster.  (Voyez 
Trévoux.)  En  basse  latinité  hais- 
taldus  avait  le  même  sens,  de  plus 
ce  mot  signifiait  un  paysan,  un 
colon,  un  fermier;  il  est  probable 
que  sa  signification  primitive  a  été 
celle  de  jeune  homme  employé  aux 
travaux  de  la  terre  dans  une  métai- 
rie, garçon  de  ferme.  —  Tud,  ha- 
gastalt,  garçon;^  célibataire,  celui 
qui  n'est  pas  marié,  qui  n'est  pas 
accouplé  en  parlant  des  animaux. 
Anglo-sax.  hœgsteald;  anc.  allem. 
hagastult;  allem.  moder.  hages- 
tolz. 

HÊTRE.  Du  latin  fagus  notre  an- 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  IL  407 


cienne  langue  fit  fou  dont  le  dérivé 
/oM^munous  est  resté.  Fesifre,  hêtre, 
et  en  basse  latinité  hestras,  ne  si- 
gnifièrent d'abord  qu'un  jeune  hêtre . 

La  dame  des  Haiez,  à  cause  de  son  fieu 
et  ostel,  a  eu  la  foraist  de  la  Londe  chacun 
an  un  fou  et  un  Ucttre  au  terme  de  Nouel. 
{Coulumier  des  forêts^  La  Londe,  citation 
de  M.  Delisle,  Eludes  sur  Vélat  de  l'agri- 
culture en  Normandie  au  moyen-âge, "ç.  354, 
note.) 

Item  ipse  habet  i.  fagnm  et  i.  hestrum 
ai'Nait3[eDom\n\.{Cartulairede S.  Georges, 
f»  4?,  cité  iùid.) 

Hestre,  hêtre  devait  à  son  primi- 
tif germanique  cette  particularité 
de  son  ancienne  signification  qui 
consistait  en  ce  que  ce  mot  ne  se 
disait  que  d'un  jeune  arbre,  —  Bas 
allem.  hester,  jeune  hêtre;  holl. 
heester,  hester ,  arbuste;  allem. 
heister,  bouture  (Frisch,  1. 1,  p.  439, 
col.  2.) 

Heurt,  Heurter  ;  autrefois  hurt, 
hurter.  —  Ane.  allem.  1°  hurten, 
heurter,  choquer;  2°  hurt,  heurt, 
choc,  coup.  RoW. \°horten;  %''hort. 
Angl.  to  hurt,  meurtrir  par  le  choc 
d'un  corps  contondant,  contusion- 
ner; hurt,  contusion,  meurtrissure. 

Heus,  anc.  peau  d'animal  et  par- 
ticulièrement de  mouton. 

Item,  encore  en  pur  prest,  tant  en  quis 
(cuirs)  tenues,  comme  en  fossés,  en  piaulx 
de  viel  et  en  heus  de  moutons,  et  en  ar- 
gent, dusque  a  la  somme  de  quarante  trois 
francs  franchois.  (Entreprise  des'souliers 
et  cuirs  a  fournir  a  l'abbaye  des  Prés,  du 
9  mai  1270  ;  citation  empruntée  au  supplé- 
ment du  glossaire  de  Roquefort,  art.  Heus.) 

—  Tud,  hut,  peau,  cuir  ;  anglo- 
sax.  hyd;  suéd.  hud;  dan.  hud  ; 
angl,  hide;  holl.  huid;  allem. 
haut. 


HiBou^  oiseau  qui  autrefois  se 
nommait  encore  huau,  huet,  huette. 
Ces  mots  sont  des  onomatopées  for- 
mées du  cri  de  cet  oiseau,  aussi  bien 
que  le  primitif  germanique  dont  ils 
paraissent  dérivés  directement. 

—  Anc,  allem,  huwo,  huwen, 
hibou  ;  tud.  uwo,  uvo  ;  anglo-sax. 
uuf;  allem,  moderne  uhu;  suéd. 
uf;  dan,  huhu;  angl,  owl. 

HiE,  instrument  dont  on  se  sert 
pour  enfoncer  les  pavés  et  que  l'on 
nomme  également  demoiselle.  — 
Holl,  4°  hei,  instrument  pour  en- 
foncer les  pavés  et  les  pieux,  mou- 
ton, hie,  demoiselle;  2°  heien, 
heyen  enfoncer  en  terre  des  pieux 
ou  des  pavés .  Anc,  allem,  1  °  heye, 
heyen  ;  2"  heye7i,  hoyen.  Bas  allem, 
hoye,  mouton,  hie.  (Voyez  le  dic- 
tionnaire de  Frisch,  t.  I,  p,  463, 
col,  ] ,) 

Hisser,  —  Allem.  hissen,  hisser, 
guinder,  élever;  dan,  hisse  ;  suéd, 
hissa;  holl.  hiizen;  angl,  to  hoise; 
island,  hisa. 

HoBER,  anc,  se  lever,  changer  de 
place,  remuer;  bouger,  s'en  aller. 

.......  Ains  que  d'icy  je  hobe, 

Vous  me  payerez,  pour  abréger. 

(Villon,  nepuet  franches,  p.  38.) 

Il  est  bien  taillé 

D'avoir  drap  !  hélas  !  il  ne  hobe; 

Il  n'a  nul  besoin  de  robe. 

Jamais  robe  ne  vestira 

Que  de  blanc  ;  ne  ne  partira 

Dont  il  est,  que  les  piedz  devant. 

{La  Furce  de  Paihelin,  p.  *i- 

L'ost  de  France  parmi  Cauchois 
jLsqu'au  port  de  Dyepe  ne  cesse; 
En  la  ville  entrent  a  grant  presse 
Li  fourrier  qui,  aiiiz  qu'il  z'en  hobent. 
L'ardent  de  touz  poinz  et  desrobent. 

{Branche  des  roi/aux  Hgnagts,  1. 1,  p.  95,  T.  1899.) 


408 


PREMIÈRE  PARTIE. 


—  Tud,  huoban,  hafan,  lever, 
changer  de  place,  enlever,  soulever; 
go  th.  haban;  anglo-sax.  heaflan; 
island.  hoba,  hopa;  anc.  allem. 
hoberij  heben,  haven,  heffan;  dan. 
hcme;  suéd.  hœfwa;  hoU.  heffen; 
angl.  to  heave. 

Hoc ,  anc.  croc ,  crochet  ;  d'où 
ahoker,  ahoquier,  mettre  au  croc, 
attacher  à  un  croc,  accrocher;  et, 
neutraleraent,  s'accrocher. 

Un  hoc  à  tanneur  de  quoy  on  trait  les 
coirs  hors  de  l'eaue.  (Lettres  de  rémission 
de  1369,  citées  dans  le  glossaire  de  Car- 
pentier,  art.  Hoccus.) 

Ausi  com  un  singe  ahoquié 
A  un  bloquel  et  ataquié, 
Et  que  ne  puet  monter  en  haut 
Que  en  montant  tost  ne  ravaut. 

(GuigncTilIa ,   le  Pèlerinage  de    humaine  lignée) 
cité  iliid.) 

Ensi  com  il  le  portoit  viersson  lit,  ses 
espérons  ahoka  à  la  sarge  au  coron  du  lit, 
viers  les  pies  ;  et  chei  li  chevaliers  à  toute 
la  dame.  (Théâtre  français  au  moyen  âge, 
p.  421,  col.  1.) 

De  hoc,  paraît  dériver  hocquet, 
bâton  de  berger  recourbé  par  le 
haut,  houlette. 

Icellui  Caton  getta  un  sien  baston  àber- 
gier,  appelé  hocquet,  au  suppliant.  [Leltreu 
de  rémission  de  140i,  dans  le  Trésor  des 
chartes,  fol,  58.) 

Adam  Michiel,  pasteur,  de  ionhocquetou 
baston  a  bergier,  et  le  suppliant  de  son 
hocquet  à  picque....  (Lettres  de  rémission 
de  1410,  ibid.C  163.) 

—  Anglo-sax,  hoc,  croc,  crochet; 
iud.  hako,  hakko,  item;  island.  hake, 
item;  allem.  -1°  haken,  croc,  cro- 
chet; 2°  haken,  accrocher,  et,  avec  la 
préposition  an,  a«/iaftew,  item.  Holl, 
^°haak;  2°  haahen,  et,  avec  aan, 
aanhaaken.  Dan.  S°  liage  ;  2°  hage. 


Suéd.  K"  hake;  2°  haka,  hœckta. 
A.ngl.  I»  hook;  2°  tohook. 

Hocher,  secouer,  agiter,  branler, 
d'où  hochet,  jouet  qu'agitent  les  pe- 
tits enfants,  en  wallon  hossî.  — 
Holl.  hutsen;  fréquentatif  hutselen, 
hocher,  agiter,  secouer.  Allem. 
schùttelen.  Le  s  du  primitif  hutsen 
s'est  changé  en  c/i  comme  dans  cher- 
vis  de  sisarum. 

HoGUE,  HoGE,  anc.  colline;  en 
basse  latinité  hoga. 

Lores  se  traistent  ensemble  Abner  e  si 
cumpaignun  e  eslurent  serreement,  cume 
en  eschiele,  el  sumet  de  une  hoge.  (Livre 
des  Rois,  p.  127.) 

Congregatique  sunt  ftlii  Benjamin  ab  Ab- 
ner, el  conglobali  in  unum  cuneum,  steterunl 
in  summitale  tumuli  unius. 

Anc.  island.  haugr,  colline,  tertre; 
anglo-sax.  how,item;d\\em.  hiigel; 
holl.  hoogte;  dan.  hoej;  suéd.  hœg. 
En  tudesque  hôha ,  hôhi  signifie 
hauteur,  éminence. 

HOGUEMAN,   HOQUEMAN,   HoiQTJE- 

MAN,  Hauman,  anc.  chef,  capitaine. 
Ces  mots,  usités  d'abord  dans  la 
Flandre  flamingante,  passèrent  en- 
suite dans  la  Flandre  wallonne. 

Puis  feirent  (ceux  de  (land)  trois  nou- 
veaux officiers ,  nommez  en  leur  langage 
hoguemens ,  qui  vault  à  dire  souverains 
hommes,  et  les  feirent  capitaines  d'eux. 
(Monstrelet,  année  1451,  cité  dans  le  glos- 
saire de  Carpentier,  art.  Uoga.) 

Item,  que  tous  ceux  de  la  loy,  lesdoyens 
et  les  hoiquemans  de  la  ville...  {Idem,  ibi- 
dem.) 

Comme  ou  temps  que  ceux  de  Flandres 
furent  rebelles  a  nous...  eussent  esté  or- 
(lennez  pluseurs  capitaines  et  haumans  ou 
dit  pays.  (Lettres  de  rémission  de  1386, 
citées  ibid.) 

— Tud.  4°  hohc,  hoch,  hoh,  haut. 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.  409 


élevé,  supérieur,  suprême  ;  2"  man, 
homme.  Goth.  4°  haug,  haus  ; 
2°  manna.  Anglo-sax .  1  °  heag,  heah  ; 
jnan.  Island,  \''har;  2" man.  Ane. 
allem.  S"  houg ,  houch;  2°  man. 
AUem.  \°  hoch;  2"  mann.  suéd. 
r  hœg;  2°  man.  Dan.  T  hœy; 
2°  mand.  Holl.  I"  /loog;  2°  man. 
Angl.  4°  Awge,  %/t,-  2°  man. 

HoGUiNEUR,  anc.  moqueur,  rail- 
leur, mauvais  plaisant.  (Voir  Borel 
et  Roquefort.)  On  disait  hogne , 
hoigne,  pour  plaisanterie. 

Je  leur  monstrerai  sans  hoigne 
De  quel  poisant  sont  mesdoigtz. 

{Chautous  histori//uet,  t.  1,  p.  301.) 

—  Tud.  1°  hohunga,  plaisanterie, 
moquerie,  dérision;  2°  hôhôn,  huo- 
hàn,  se  moquer,  railler,  tourner  en 
dérision,  insulter.  Allem.  4°  hohn, 
hôhnerei;  2°  hôhnen.  Dan.  haan, 
moquerie,  dérision,  insulte.  Suéd. 
haan,  haahn,  item. 

HOLA.  Cette  interjection,  qui  n'est 
point  en  latin,  se  retrouve  dans  les 
idiomes  germaniques.  —  Allem. 
holla,  holà;  holl.  hola;  dan.  hola; 
suéd_,  hœla. 

Homard.  —  Allem.  hummer,  ho- 
mard; dan.  hummer,  hommer;  suéd. 
hummer.  Pour  l'addition  du  d  pa- 
ragogique  dans  ftomord  voyez  tome  II, 

p.  453. 

Honte,  honnir.  —  Tud.  hônida, 
opprobre,  ignominie,  honte;  2°  hôn- 
jan,  tourner  en  dérision,  bafouer, 
honnir.  Anc.  allem.  4»  hoende  ; 
2°  hoenen.  Holl.  4°  hoon;  2"  hon- 
nen.  Allem.  moderne  hohn,  déri- 
sion, raillerie  insultante,  sarcasme, 
mépris,  dédain  ;  hôhnen,  tourner  en 
dérision,  bafouer,  persifler.  Goth. 
haunjan,  item.  Ane .  saxon  hônda, 


opprobre,  outrage,  ignominie;  dan. 
haan,  item;  suéd.  haon ,  hon , 
item. 

HoPER,  anc.  sauter,  bondir. 

Si  li  Uopoit  ses  cevals, 

Ki  n'est  ne  chevelus  ne  cius. 

Se  il  sor  le  ceval  seist, 

Jà  en  tel  lieu  ne  s'aersist, 

A  sele,  a  crigne,  amont,  n'aval, 

Qu'il  ne  chaist  jus  del  ceval. 

{ Lai  du  Trot  à  la  suiie  du  Lai  d'Ignjuré»,  p.  80.) 

—  Anglo-sax.  hoppan  ,  sauter, 
bondir  ;  tud.  huphjan  ;  suéd.  hoppa; 
dan.  hoppe;  angl.  to  hop;  allem. 
hùpfen.  Le  hollandais  n'a  plus  que 
le  fréquentatif  huppelen ,  sautiller. 

Hoquet,  en  wallon  hikétt.  Ces 
mots  sont  formés  des  suffixes^  et, 
ètt  et  d'un  radical  onomatopique  qui 
se  trouve  dans  les  différents  idiomes 
germaniques.  —  Holl.  4°  hiU,  ho- 
quet; 2*  It^ken,  avoir  le  hoquet. 
Dan.  4'  hikken,  V  hikke;  suéd. 
1°  et  2°  hicka.  Angl.  4°  hiccough; 
2"  to  hiccough.  Island.  hixta,  avoir 
le  hoquet;  anc,  allem.  hixen  ;  bas 
allem.  huckup,  hoquet. 

HoRE,  anc.  femme  de  mauvaise 
vie,  prostituée.  (Voir  Roquefort  et 
Borel.)  —  Tud.  hôra,  huora,  femme 
de  mauvaise  vie,  prostituée;  an- 
glo-sax. hur,  hure;  island.  hora; 
anc.  allem.  huor;  allem.  hure; 
dan.  hore;  suéd.  hora;  holl.  hoer; 
angl.  whore. 

Horion  signifiait  autrefois  un  coup 
rudement  appliqué;  il  ne  se  dit  plus 
aujourd'hui  qu'en  plaisantant  : 

Ces  trois  chevaliers  ne  purent  oncques 
enirer  en  leurs  hôtels  pour  eux  armer, 
mais  ils  firent  autant  d'armes  que  tels  qui 
eloient  armés  ;  et  tenoient  grands  ,  longs 
et  gros  leviers  de  chêne  qu'ils  avoient  pris 


4<0 


PREMIÈRE  PARTIE. 


en  la  maison  d'un  charron,  el  donnoient 
les  horiom  si  grands  qno  nul  ne  les  osoit 
approcher;  et  en  abattirent  ce  jour,  si 
comme  on  dit,  plus  de  soixante.  (Froissart, 
liv.  I,  ch.  XXXI,  p.  22,  col.  2.) 

—  Ane.  allem.  hurt,  coup,  choc, 
horion  :  hoU.  hort,  item;  angl.  hurt, 
contusion^  meurtrissure. 

Hotte. —  Ane.  allem.  hotte,  cor- 
beille, panier,  sorte  de  panier  qu'on 
portait  sur  les  épaules,  hotte,  dérivé 
de  hoten^  garder,  conserver^  mettre 
en  réserve;  tud.  huatan,  hudan, 
hoodan,  garder,  conserver;  allem. 
hûten;  holl.  hoeden;  dan.  hi/tte. 
En  Suisse  on  dit  hutte  pour  signi- 
fier une  hotte. 

Houe,  d'où  le  diminutif  hoyau  et 
le  verbe  houer  pour  lequel  on  disait 
autrefois  hoer.  (Voir  le  Roman  de 
Berte,  p.  50.)  — Tud.  howa^  hauwa, 
hauua,  houe,  hoyau  ;  houwan,  hau- 
wan^  couper^  traneher^endre  en- 
tr'ouvrir,  et  avec  le  préfixé  ga^  gahou- 
wan_,  gahauwan,  entr'ouvrir  la  terre 
avec  un  instrument  de  labourage, 
fouir,  houer.  Allem.  haue,  houe, 
hoyau  ;  de  hauen,  couper,  fendre 
avec  un  instrument  à  large  fer. 
Holl.  houweelj  houe,  hoyau;  hou- 
ween,  fendre.  Angl.  hoe  et  hough, 
houe,  hoyau. 

Houle.  —  Dan.  huulsoee,  boule, 
composé  de  huul,  hul,  creux,  cavité, 
trou,  et  soee,  mer.  Cette  dénomina- 
tion provient  de  l'espèce  de  sillon 
qui  se  forme  entre  les  ondulations 
de  la  mer.  Le  mot  français  est  fait 
du  premier  des  deux  radicaux  qui 
composent  le  mot  danois,  soit  qu'il 
dérive  de  ce  seul  radical,  soit  que 
le  second  ait  fini  par  disparaître. 
Tud.  holî^  creux,  cavité,  trou;  goth, 
hul;  anglo-sax.  hool;  island,  holur; 


allem.  hôhle;  suéd.  hol,  hola;  holl. 
hol  ;  angl.  hollow. 

HouLE^  anc.  maison  de  prostitu- 
tion, lieu  de  débauche,  bordel. 

En  la  taverne  ert  ses  retors. 
Et  de  la  taverne  au  bordel; 
A  ces  deux  portoit  le  cembel  : 
Mais  ne  sai  plus  que  vos  en  die, 

Taverne  amoil  et  puterie 

Toz  jors  voloit-il  estre  en  boule. 
En  la  taverne  ou  en  la  houle. 

(Barbazsn,  Fabliaux  et  contes,  I.  111,  p.  283.) 

De  houle  on  fit  houlier,  holier, 
débauché,  libertin,  paillard,  homme 
qui  fréquente  les  lieux  de  débauche; 
houlerîe,  holerie,  libertinage,  dé- 
bauche, vie  dissolue. 

Nus  tisserant  ne  doit  soufrir  eutour  lui, 
ne  entour  autre  du  mestier,  larron,  ne 
murtrier,  ne  houlier  qui  tiegne  sa  meschine 
au  chans  ne  à  l'ostel.  {Livre  des  métiers, 
p.  122.) 

Se  famé  dit  que  ele  aitfait  avotire  (adul- 
tère) porce  que  son  mari  est  holiers,  ele  velt 
alegier  son  meffet,  mes  tex  aquis  n'est  pas 
receus;  et  porce  cil  qui  est  accusé  d'avo- 
tire  velt  accuser  le  mari  à  la  famé  que  il 
est  holiers,  il  ne  sera  pas  oïs  porce  qu'il 
fut  avant  accusez.  Se  li  maris  accuse  sa 
famé  d'avotire  en  comun  juigement,  l'en 
demande  se  alleguement  de  holerie  mettra 
arrière  le  mari  del  accusement,  et  je  croi 
quenenil.  La  holerie  charge  donc  le  mari, 
mais  ele  n'excuse  pas  la  famé;  et  pour  ce 
puet  t'en  demander,  se  cil  qui  conoit  l'avo- 
tire  puet  enjoindre  au  mari  paine  por  al 
holerie,  et  je  croi  que  oil.  (Exemple  cité  par 
Roquefort,  art.  Holerie.) 

Houle,  maison  de  prostitution, 
provient  d'un  primitif  germanique 
signifiant  caverne^  antre;  en  latin, 
lustrum  avait  également  l'un  et 
l'autre  sens.  —  Tud.  4°  hola,  ca- 
verne, antre;  2"  holî,  cavité,  trou, 
creux.  Anglo-sax.  1  "  hola  ;  t°  hool. 
Goth.  4°  hulundi;    2°   hul.    Dan. 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.  411 


1°  hule;  2°  huul,  hul.  Suéd.  ^°hola; 
2°  hol,  hœl.  Allem.  hohle,  caverne, 
anlre,  cavité,  creux,  trou;  hol.  hol^ 
item;  angl.  hole,  hollow,  item.  Is- 
land.  holur,  cavité,  trou. 

HoupÉE,  terme  de  marine,  éléva- 
tion de  la  vague,  de  la  lame  de  la 
mer.  Prendre  la  houpée,  c'est  pren- 
dre le  temps  que  la  vague  s'élève 
pour  s'embarquer  d'une  chaloupe 
dans  un  gros  vaisseau  quand  la  mer 
est  agitée.  (Trévoux.)  —  Anglo-sax. 
hoppan,  s'élever  en  l'air,  sauter, 
bondir;  tud.  huphjan;  suéd.  Koppa; 
dan.  hoppe;  angl.  to  hop;  allem. 
hùpfen.  Le  hollandais  n'a  plus  que 
le  fréquentatif  hwppelen,  sautiller. 

HOURD,  HOURT,  HOURDEIS,  HOUR- 

DEL,  anc.  claie,  retranchement  fait 
avec  des  claies  que  l'on  garnissait 
de  terre  par  derrière,  barrière,  bar- 
ricade, construction  de  charpente 
propre  à  servir  d'échafaud,  de  théâ- 
tre, etc.  En  basse  latinité,  hurdi- 
cium.  (Voir  le  glossaire  de  Roque- 
fort et  celui  de  du  Cange.)  Ilourdis 
et  hourdage  signifient  encore  au- 
jourd'hui une  espèce  de  maçonnage 
grossier. 

Fu  tout  le  hurdeiz  en  flambe  ; 
Li  feus  esprent  si  durement, 
Et  si  très  merveilleusement, 
Pour  les  haiz  qui  sont  toutes  sèches, 
Qu'il  se  flert  du  baille  es  breteches, 

(^Branche  des  roi/aux  ligmtges,  1. 1.  p.  161.) 

Donc  courut  un  home  au  terrein, 

A  un  hourdel  tendi  sa  main, 

Plein  poing  prist  de  la  couverture.  . . 

(Ram.  de  Rou,  cUë  par   du  Cauge,  gloss.  art.  Bur- 
dicittm.  ) 

Par  trois  fois  fut  évidemment  monstrée 
A  toat  le  peuple  en  moult  grant  révérence, 
Par  un  evesque  sur  un  hourt  a  l'entrée 
De  S.  Pierre 

(Oclay.  de  Soint-Gelaii,  le  Verger  d'honneur,  cité 
par  du  Gange,  giois.  m.Hurdicium.) 


—  Tud.  hurt,  claie;  anc.  island. 
hurd;  anglo-sax.  hyrdl,  hyrdel, 
item;  anc.  allem.  hùrde ,  horde; 
allem.  hùrde;  angl.  hurdle;  hoU. 
horde. 

Houspiller,  maltraiter  quelqu'un 
en  le  tiraillant.  Anglo-sax.  utspillen, 
maltraiter  quelqu'un  en  le  tirant 
dehors,  composé  de  1°  ut,  ute,  hors; 
2°  spillen,  spillan^  bafouer,  mal- 
traiter, gâter.  Tud.  \°  huz;  2°  spil- 
lan,  pilosen.  Goth.  1°  ut_,  us,  uzuh; 
f'spillan.  Island.  \°utan;  ^° spiîla. 
Dan.  1"  ud;  2°  spilde.  Suéd.  \°ut; 
%°  spilla.  Holl.  1°  uit;  t^  spillen. 
Angl.  1°  out;  2°  to  spoil. 

HousE,  HoESE,  Heuse,  Houseau, 
HoussEAu  ,  sorte  d'ancienne  chaus- 
sure qui  couvrait  le  pied  et  la  jambe, 
espèce  de  botte,  de  brodequin,  de 
bottine.  En  basse  latinité,  hosa. 

Touz  les  cordouannicrs  de  Paris  doivent 
au  roy  touz  les  anz  xxxij  s.  de  par.  pour 
unes  hueses,  Lesquicux  xxxij  s.  il  doivent 
poier  ou  roy  ou  a  son  ronmandement,  touz 
les  anz,  en  lasemaine  penneuse  de  Pâques. 
Quiconques  fetle  mestierde  cordouannerie 
de  soulerset  de  hueses,  il  doit  chascun  an 
xij  den.  au  roy,  a  poier  en  la  semaine  de- 
vant dite.  Li  cordouanniers  de  Paris  ne 
doivent  riens  de  chose  qui  vendent  ne  n'a- 
chatent  apartenanz  en  leurmestier  dedenz 
la  vile  de  Paris,  car  les  hueses  le  roy  et  les 
xij  den.  les  aquitent  de  toutes  cousiumes. 
{Livre  des  métiers,  p.  229.) 

Il  les  ad  prises,  en  sa  hoese  les  butet. 

{Chans.  de  Roland,  st.  xLix.) 

Ses  biaus  crins  ot  fet  (Denise)  rooingnier; 

Comme  vallet  fu  estancie, 

Et  fu  de  bons  housiaus  chauci'e, 

Et  de  robe  a  homme  vestue 

Qui  estoit  par  devant  fendue  ; 

Biensambloit  jone  homme  de  chiere. 

(Rutebeuf,t.  I.  p.  365.) 

—  Tud.  hosa,  sorte  de  chaussure 


413 


PREMIÈRE  PARTIE. 


profonde,  espèce  de  botte;  anglo- 
sax.  hosa;  island.  hussor;  dan. 
hose,  chausse,  bas;  suéd.  hosa, 
hosor,  item;  holl.  hoos;  angl.  hose; 
allem.  hoserij  guêtres,  housseaux. 

Housse  se  dit  aujourd'hui  de  plu- 
sieurs sortes  de  couvertures,  telles 
que  :  une  housse  de  cheval,  une 
housse  de  meuble,  une  housse  de 
voiture.  Ce  mot  se  prenait  autrefois 
pour  une  couverture  servant  à  divers 
usages,  et  signifiait  en  particulier 
une  espèce  de  grand  vêtement  des- 
tiné à  garantir  de  la  pluie,  une  sorte 
de  manteau,  une  houppelande,  une 
casaque.  En  basse  latinité,  housia. 

Et  pour  la  façon  d'une  housse  deux  sols; 
et  de  la  façon  d'une  housse  longue  et  a 
chaperon  trois  sols,  et  non  plus;  et  des 
robbes  a  femme,  si  comme  elles  seront. . . . 
Lespelietierspour  fourrer  robbes  de  neuf  de 
vair,  ou  d'agneau,  prendront  et  auront  pour 
fourer  surcotet  chaperons;  de  robbes  faites 
a  la  commune  et  ancienne  guise,  deux  sols, 
et  pour  fourer  une  house ,  ou  cloche,  et 
chaperon,  trois  sols,  et  non  plus;  et  des 
robes  à  femme,  a  la  value,  si  comme  elles 
seront.  (Ordonnances  des  rois  de  France, 
recoeillies  par  M.  deLaarière,  t.  II, p.  372.) 

S'ai  houche  et  sercot  tout  d'un  drap; 
Et  s'a  ma  mère  j  bon  hanap 
Qui  m'escherra  s'elle  moroit. 

(  Li  C'ieui  de  Rabin  el  de  Marion,   inaéri^  dans  la 
TbMtre  français  au  aïojen  âge,  p.  196.) 

—  Tud.  hulst,  couverture,  housse. 
Ane.  allem.  hùlse,  enveloppe,  cou- 
verture; allem.  moderne,  hûlse,  en- 
veloppe de  certains  fruits  et  de  cer- 
tains grains,  peau,  écale,  coque, 
cosse,  gousse,  glume,  balle  ;  dérivé 
de  hùllen,  envelopper,  couvrir,  voi- 
ler. Holl.  hulze^  cosse,  gousse,  etc. 
Angl.  hull,  item.  Suéd.  hylsa,  item; 
de  plus,  1°  bulster,  hylster,  four- 


reau ;  2°  liœlja,  couvrir,  envelopper. 
Dan.  1°  hylster;  2°  hylle. 

HoussiNE.  (Voyez  lïoux ,  qui 
suit.) 

Houx.  On  disait  autrefois  houlx, 
d'oîi  houlsée,  houssée,  pour  un  en- 
droit planté  de  hov^.  C'est  ainsi 
que  chêne  donna  chênée  et  saule 
SAULÉE.  Ces  mots  se  sont  conservés 
dans  plusieurs  noms  propres  d'hom- 
mes et  de  lieux  :  La  Houlsaye, 
La  Houssaye,  La  Chênée,  La  Saulée. 
De  houlx,  houx,  on  forma  houlette, 
houssine  et  houssoir. 

—  Tud.  huis,  hulis,  huliz,  houx; 
anglo-sax.  holegu;  anc.  allem.  et 
bas  allem.  hulse;  holl.  hulst;  angl. 
holly. 

HoviR,  anc.  fermier^  métayer, 
paysan:  en  basse  latinité,  hoharius, 
formé  de  hoha,  ferme,  métairie. 
(Voir  Euha^  Hoha,  dans  le  glossaire 
de  du  Cange.) 

Nul  meillor  hnvir  ne  porroit. 
Plus  corlois  ne  plus  debonaire. 

(Roman  de.  Parlenopeus  de  Etais,  cité  par  du  Canga. 
urt.  Hubarii,  à  la  lui  le  de  l'art.  Hulm.) 

—  Tud.  héha,  huoba,  maison  des 
champs,  ferme,  métairie;  anglo- 
sax,  hova,  item;  holl.  hoeve  item; 
anc.  allem.  hube,  hufe;  allem.  mo- 
derne^ hof,  enclos,  cour^  ferme,  mé- 
tairie, propriété;  hufe,  étendue  de 
terre  labourable  contenant  à  peu 
près  trente  acres;  hùfner,  posses- 
seur d'une  semblable  étendue  de 
terre,  paysan. 

Huche  ne  signifie  plus  aujour- 
d'hui qu'une  sorte  de  cofi"re  qui  sert 
à  pétrir  le  pain  et  à  le  renfermer;  il 
se  prenait  autrefois  pour  plusieurs 
espèces  de  coffres,  pour  une  ar^ 
moire,  un  garde-manger,  une  caisse 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.    413 


dans  laquelle  on  mettait  des  effets, 

des  bijoux,  de  l'argent. 

Quant  chascuns  a  chape  forrée. 
Et  de  denier  la  grant  boisée, 
Les  plains  coffres,  la  pleine  huche, 
Ne  li  chaut  qui  por  Dieu  le  huche, 
Ne  qui  riens  por  Dieu  li  demande. 

(Ruiebcuf,  f.  1,  p,  221.) 

Chaton,  s'il  te  plait,  or  entens  : 
Tes  biens  lemporieux  que  lu  m'offies, 
Qu'en  tes  h2iches  as  et  en  coffres 
.Ne  quers-je  point,  c'est  chose  voire, 
Pour  ce  qu'ils  sont  bien  transitoire. 

[Thiilre  frmçait  a-i  moyen  âije,  p.  306.) 

En  la  chambre  sa  mère  priveement  entra, 
Une  huche  rompi  où  i  escrin  trouva 
Où  les  joiaux  sa  mère,  sachiez,  estoient  la. 
Et  argent  et  or  lin  que  la  dame  garda. 

(CAron.  de  du  Guesclln,  1. 1,  p.  28.) 

En  basse  latinité,  hutica,  hucha, 
hiichiu,  avaient  la  même  significa- 
tion. —  Anglo-sax,  huœcca,  coffre, 
huche;  angl.  hMCth,item.  Ces  mots 
paraissent  tenir  au  tudesque  hute, 
endroit  où  l'on  garde  des  provisions, 
de  huotjan,  hoodan,  garder,  conser- 
ver; allem.  Mten,  item;  hoU.  hoe- 
den;  dan.  hytte. 

HUCQUE,    HOIJQUE,   HUQUE,    HeU- 

QUE^  sorte  d'ancienne  cape  à  laquelle 
était  ordinairement  adapté  un  capu- 
chon. Ce  vêtement  était  à  l'usage  des 
deux  sexes. 

Iceluy  empereur  estoit  armé  et  portoit  à 
l'arçon  Je  sa  selle  un  chappeau  de  Mon- 
tauban,  ayant  sur  ses  armures  une  heucque 
en  laquelle  estoit  une  droicte  croix  devant 
et  derrière,  de  couleur  de  cendre;  sur  la- 
quelle avoil  escrit  en  latin  :  «  0  que  Dieu 
est  miseiicorsî   »  (Monstrelet ,  édit.  de 
1572,  t.I,  ("229  r°.) 
Armetz  luisans,  briquoquetz,  capelines, 
Uucques  de  pris,  très  riches  mtntelines, 
Venans  sans  plus  jusqu'au  dessus  des  (audes. 

(Salot-Galaii .  U  Verger  d! honneur ,  eiti  p«r  dn 
Cange,  art.  ffuca.) 


Ceux  qui  ont  tournoie  sons  les  bannières 
endroit  soi  sont  vestus  de  poui  poins  pareils 
avec  heuques  d'orfaverie  ou  autres  habille- 
ments. (Jacques  Valère,  cité  par  du  Cange, 
art.  Buca.) 

Robin  estveslude  vermeil, 
Chariot  a  une  verte  hncque, 
Hector  se  pourmaine  au  soleil 
Pour  faire  sécher  sa  perrucque. 

(Coquillart,  Monologue  des  Perruquet,  p.  1T3  ;  cité 
par  Roquefort.) 

—  Ane.  allem.  heuke^hoi1ie,soTle 
de  cape,  espèce  de  mante  à  capu- 
chon; anc.  frison  hokke;  anc.  holl. 
hoicke,  huick;  bas  allem.  hoyke. 

HuLOT,  terme  de  marine.  C'est 
l'ouverture  où  est  mis  le  moulinet 
ou  virolet  de  la  barre,  nommée  ma- 
nivelle. Hw/of  se  dit  aussi  des  ouver- 
tures qui  sont  faites  dans  le  pan- 
neau de  la  fosse  aux  câbles.  (Tré- 
voux.) —  Tud.  holîj  creux,  trou, 
ouverture;  goth.  hul;  anglo-sax, 
hool;  island.  holur;  allem.  hôhle; 
dan.  huul,  hul;  suéd.  hol;  holl. 
hol;  angl.  hok,  hollow. 

Hulotte^  tannière  de  lapin.  (Tré- 
voux.)— Tud.  \°  holî,  creux,  cavité, 
trou;  2°  hôla,  caverne,  tanière. 
Goth.  1°  hul;  2"  hulundi.  Anglo- 
sax.  1°  hool;  T  hola.  Dan.  \°huul, 
hul;  2°  hule.  Suéd.  \°hol,  hœl;  2° 
hola.  Allem.  hôhle,  creux,  cavité, 
trou,  caverne,  antre,  terrier,  ta- 
nière. Holl.  hol,  item.  Angl.  hole,  hol- 
low, item.  Island^oiwr,  trou,  cavité. 
jjuNE.  —  Anc.  holl.  hùne,  hune  ; 
island.  hûn,  item;  anglo-sax.  hon, 
item  que  l'on  retrouve  dans  le  com- 
posé honhumid,  qui  a  une  hune  en 
pointe,  en  parlant  d'un  navire;  mot 
formé  de  /ion  et  de  hum,  hom,  corne, 
pointe.  (Voyez  Grimm  Deutsche 
grammatik,  t.  III,  p.  438.) 


4U 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Hus,  Heus^  Huissier,  anc.  navire 
servant  pour  les  transports  :  en  basse 
latinité,  hulcum,  hulca,  huisserium, 
usserius;  en  ancien  italien,  ulca. 

Et  avoit  retenu  et  mis  en  certains  ports, 
c'est  à  savoir.deMarseilles,  d'Aiguemortes, 
de  Lattes,  de  ISarbonne  et  d'environ  Mont- 
pelier,  telle  quantité  de  vaisseaux,  de  nefs, 
de  carakes,  de  hus,  de  cognes,  de  buissars, 
de  galées  et  de  barges,  comme  pour  passer 
et  porter  soixante  mille  hommes  d'armes 
et  leurs  pourvenances.  (Froissart,  ILv.  I, 
eh.  Lxi,  p.  55,  col.  2.) 

Et  avoient  tendus  très  et  paveillons,  et 
avoient  mis  les  chevaus  liors  des  huissiers 
por  rafreschir.  (Villehardouin ,  édit  de 
M.  P.  Paris,  p.  34.) 

—  Tud.  holcho,  navire  de  trans- 
port; anglo-sax.  hulc,  item,  anc. 
dWem.liolk,  hulke;  h.ol\. hulk;  suéd. 
holk;  angl.  hulk. 

Hutte.  —  Tud.  hutta,  huda, 
hutte,  cabane  ;  anglo-sax.  hutt  ; 
allem.  hùtte;ho\\.  hut;  àa,n. hytte; 
suéd.  hydda;  angl.  hut. 

HxrvE,  sorte  d'ancienne  coiffure  de 
femme. 

Bêle,  vostre  ami  serai, 
Ne  jamès  ne  vos  faudrai  ; 
Robe  auroiz  de  drap  de  soie, 
Fermaus  d'or,  huves^  corroies; 
Couvrechiés,  treceoirs  ai; 
Soliers  pains,  ganz  vos  donrai. 

{  Théâtre  français  au  moyen  âge,  p.  45,  col.  I.) 

—  Tud.  hûba,  coiffure,  couvre- 
chef,  bonnet^  dérivé  de  haubit,  tête. 
Anc.  island.  \°  hùfa,  coiffure,  bon- 
net, etc.  ^°haufud,  tête.  Allem.  4° 
haute;  2°  hawpt.  Suéd.  \°  hufwa; 
2°  hufwud.  Holl.  4°  huif,  huive; 
2°  hoofd.  Angl.  \°  hood;  2"  head. 
Dan.  '\°huve;  2°  hoved. 

IsNEL,  anc.  agile,  léger,  prompt, 
rapide  :  ital.  snello. 


Sor  un  ceval  monta  mult  bel. 
Et  fort  et  corant  et  isnel. 

{Rom.  de  Brut,  t.  Il,  p.  53.  j 

Dune  veissiez  tant  beau  destrer 
Desoz  lor  seignors  estanchier  ; 
Qui  isnel  l'a  e  remuant, 
Poi  voit  les  autres  atendant. 

(Chron.  des  ducsde  Norm.  t.  11,  p.  453.) 

Si  iegier  sont,  si  isnel. 

Pour  un  pou  que  ils  ne  voloient. 

(io  bttliiille  des    VU  ars,  à  la  soiie  des  œuTrei  d« 
Ruiebeaf,  t.  II,  p.  431.) 

— Tud.  sne/,agile^  léger,  vif,  prompt, 
rapide;  anglo-sax.  sne/;  island.  snm/- 
lur;  suéd.  snœll,  snel;  dan.  snar; 
allem.  schnell;  holland.  snel.  Un  i 
initial  a  été  ajouté  au  primitif  ger- 
manique pour  former  le  français  is- 
nel, voyez  t.  II,  p.  125. 

Jangler,  anc.  parler  beaucoup , 
hâbler,  bavarder,  jaser,  caqueter^ 
criailler.  Jangle,  hâblerie,  bavar- 
dage, caquet,  babil,  criaillerie. 

Veez  comme  a  la  gorge  noire  ! 
Qui  que  ce  soit,  voir,  l'a  estranglé. 
Faites  tost,  n'y  ai  plus  janglé. 

{Théâtre  français  nu  moyen  ârje,  p.  342.) 

Ainçois  faisoient  autre  ouvraingne. 
Comme  boivre,  ei  jangler,  et  rire. 

(Branches  des  royaux  lign'iges,  I.  I,  p.  36.) 

Diva  !  quar  lai  ester  ta  jangle; 
Si  te  va  seoir  en  cel  angle. 
Nos  n'avons  de  ta  jangle  cure  ; 
Quar  il  est  raison  et  droiture 
Por  tôt  le  mont,  que  cil  se  taise 
Qui  ne  sait  dire  riens  qui  plaise. 

{Les  deux  Trooeors  rîbaut,  à   la  suite  des  œuvres 
de  Ruteheuf,  1. 1,    p.  33t.) 

—  Holl.  jangelen,  janken,  criail- 
ler, piailler,  disputer ,  quereller  ; 
angl.  to  jangle,  item  ;  allem  zanken, 
item. 

Japper,  aboyer  ;  il  se  dit  plus  or- 
dinairemeut  du  cri  des  petits  chiens. 
(  Académie.  )  —  Angl.   yap,  petit 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  II.  415 

chien;  ^o  ye/p Japper,  glapir;  tud.       botte,  faisceau,  javelle,  dérivé   de 


/iwe//",  petit  chien  ;  island.  iivelpr, 
item;  suéd.  hîvalp,item; dan.  hvalp, 
item;  allem.  jappe%  japper;  il  est 
populaire. 

Jaque,  sorte  d'ancienne  casaque  à 
l'usage  des  gens  de  guerre.  J)e  ja- 
que on  fit  le  diminutif  yagwe^^e,  qui 
nous  est  resté.  En  espagnol  jaca  et 
en  italien  giaco  avaient  la  môme 
signification  quejagween  français. 

Veez-Ie  sa  venir  parmi  «elle  cliaussie, 

A  celle  jaque  noire  comme  une  crameillie, 

Avec  VI  escuiers  qui  sont  de  sa  maisnie. 

[Chron.  de  ilu  Guesclin,  I.  1,  p.  39.) 

Or  est  cet  état  tout  devenu  autre  mainte- 
nant que  on  parle  de  bassinets,  de  lances  ou 
de  glaives,  de  hacheset  de  jaques.  (Frois- 
sart,  liv.  I,  eh.  lxiv,  p.  58,  col.  2.) 

—  HoU.  jak,  casaque,  cape  ;  is- 
land. jacka,  item  ;  angl.  jach,  an- 
cien surtout  des  gens  de  guerre,  ja- 
que ;  allem.  jacke,  item  ;  jackchen, 
petite  casaque,  jaquette. 

Jardin.  —  Tud.  gart ,  garto,  si- 
gnifiant en  général  un  enclos,  et  en 
particulier  un  enclos  formé  devant 
une  maison,  un  jardin.  Ane.  allem. 
gard;  anglo-sax.  geard;  island, 
gard;  dan.  gaard,  enclos,  cour; 
suéd.  gaord,  gord,  item;  a.ng\. yard, 
item;  garden  ,  jardin;  allem.  gar- 
ten,  jardin.  En  gothique  gards  signi- 
fie habitation,  demeure. 

Javelle,  grosse  poignée  de  blé 
coupé  qu'on  laisse  sur  le  sillon  en 
attendant  qu'on  fasse  les  gerbes. 
Javelle  signifie  aussi  un  petit  fais- 
ceau de  sarment.  Dans  ce  dernier 
sens,  on  dit  en  languedocien  gavel, 
en  provençal  gavéou,  en  picard  ga- 
viau. 

—  Ane.  allem.  gauffel,  poignée, - 


gaiiff,  paume  de  la  main.  C'est  ainsi 
que  le  latin  manipulus  a  été  formé 
de  manus.  Anglo-sax.  ga/e/,  javelle.' 
Angl.  gavel^  item. 

Javelot.  En  basse  latinité,  gaue/o. 
Mathieu  Paris  nous  apprend  que  les 
Frisons  nommaient  ainsi  une  sorte 
de  dard.  On  trouve  gavelot  dans  nos 
anciens  auteurs  : 

Les  raameles  destrcs  se  quistrent  : 

Que  avis  lor  fu  quVles  lor  nuistrent .... 

A  traire  d'arcs  et  a  lancier 

Les  trenehanz  gaveloz  d'acier. 

[Chron.  dei  tluci  de Norm,  t.  I,  p.  17.) 

—  Anglo-sax.  gaffelok,  gafeloc_, 
gaflâc,  dard,  javelot;  islaxià. g afflak; 
anc.  angl.  gavellock. 

Jehir,  Gehir,  anc.  avouer,  con- 
fesser, se  reconnaître  coupable. 

Il  acoucha  malades;  point  ne  se  repenti, 
N'il  a  preslres  nis  i  ses  péchiez  ne  jehi^ 
Ne  a  Dieu  n'a  sa  mère  ne  cria-il  merci. 

(iVoK».  rec.  de  cnnies,  etc.  t.  t,  p.  147.) 

Amis,  distli  Laillis,  il  te  conïient  morir; 
Il  n'est  lions,  fors  que  Bies.,  qui  t'en  puist 

garantir. 
Dis-moi  tost  tes  mefals,  tu  les  dois  bien 
gehir. 

(IhiJ.,  t.  I.p.  126.; 

Sire,  sire,  vez  ci  mon  gage  ; 
J'en  demande  champ  de  bataille 
Encontre  li,  vaille  que  vaille; 
Mais  s'en  champ  le  tieng  a  mes  poins, 
GeUr  li  feray  de  touz  poins 
Sa  mauvesiié. 

(^Théilro  fronçai)  au  moyen  âge,  p.  237.) 

—  Tud.  Jehan j  gehan,  gihan, 
avouer,  confesser ,  se  reconnaître 
coupable.  Ces  verbes  signifient  pro- 
prement répondre  oui,  et  dérivent  de 
jâ,  oui  ;  goth,  ga,  gah,  gei,  ja,  oui; 
d'où  le  composé  afaikan,  dire  oui , 
affirmer;  anglo-sax.  gea,  gœ.ja,  y  a, 


416 


PREMIÈRE  PARTIE. 


oui;  'ïs\s.nA.  jœ^  ja,  item;  dan.  ja; 
hoU.  ja;  angl.  yes  ;  allem.  4°  ja, 
oui;  2°  jahen,  et,  avec  le  préfixe  be, 
bejahen,  dire  oui,  affirmer.  Suéd. 
i"  ja;  %''jaka. 

Jeteiche,  Geteiche,  adj.  se  disait 
autrefois  d'un  métal  fondu  et  coulé 
dans  un  moule.  Jesture,  Gesture  , 
subst. ,  signifiait  l'ouvrage  moulé 
lui-même  : 

Nus  ne  puel  mestre  en  sele  ne  en  escu,  de 
quelque  manière  que  la  sele  ou  li  escu  soit, 
chose  empreintée,  ne  empastée,  ne  jeteiche 

d'estain Li  sellcrs  apele  chose  em- 

prainte  ou  empastée  ou  jeteiche  d'estain 
quant  aucuns  fet  euvre  par  molles ,  de 
quelque  molles  que  ce  soit,  chose  que  li 
molles  soit  faiz,  et  puis  celle  chose  mollée 
ataché  à  colle  seur  l'arçou.  (Livre  des  mé- 
tiers, p.  209.) 

Nul  sellier  ne  puet  mettre  en  selle  ne  en 
escu,  de  quelcunque  manière  que  la  selle 
ou  l'escu  soit,  chose  empreinte  ne  gesture 
d'estain.  {Ibid.  addition  et  rectification  des 
notes,  p.  462.) 

—  HoU.  gieten,  fondre,  couler 
dans  un  moule^  mouler;  allem.  gies- 
seUj  item  ;  bas  allem.  geten,  item; 
dan .  gyde,  item  ;  suéd.  giuta,  item  ; 
tud.  giuzarij  fondre,  couler  dans  ; 
goth.  giutan,  item  ;  anglo-sax.  geo- 
tan,  item. 

Laiche,  genre  de  plante  vivace^ 
appelée  autrement  mrex,  qui  croît 
dans  les  lieux  humides^  et  dont  une 
espèce  a  l'inconvénient  de  blesser  la 
langue  des  chevaux.  (Acad.) — Tud. 
lisca^  laiche;  allem.  liesch,  liesch- 
gras;  holl.   lisch,  Us;  dan.  lyng. 

Laid,  Leid,  Led,  Lait,  subst. 
signifiaient  autrefois  mal,  tort,  pré- 
judice, offense  j  outrage,  injure, 
affront  : 

Cil  amendera  pour  tous  les  laids  et  pour 


tous  les  fourfais,  pour  la  cuellée  qui  ara 
esté  faite.  (Usages  dt  la  ville  d'Amiens,  ci- 
tation de  du  Gange,  art.  Lailare,'z  la  suit* 
l'article  Lada,  1.) 

As  dens  le  prist,  vers  li  le  trait, 
Ja  li  eust  must  grant  leid  fait, 
ISe  fust  li  reis  ki  l'apela. 

(Marie  de  Frauce,  1. 1,  p.  193.) 

Tôt  icest  tort  e  tôt  icest  lait 
Li  faimes-nos  senz  nul  forfait. 

{Cànn.  det  ducs  de  Normandie,  t.  11,  p.  140.) 

Honte  et  vergoigne  e  perte  elait. 
C'est  le  guaing  qu'il  i  a  fet. 

[liid.u  m,  p.  lU.) 

Mult  11  dient  cil  dedenz  lait. 

(md,t.Hl.p.9i.) 

Laid,  lait,  adjectif,  signifiait  qui 
fait  du  mal,  qui  porte  tort,  préjudi- 
ciable, nuisible,  pernicieux,  désas- 
treux, funeste,  fatal,  fâcheux,  odieux, 
à  qui  on  a  fait  du  mal,  à  qui  on  a 
porté  tort,  maltraité,  outragé,  con- 
spué, vilain,  hideux,  laid. 

Maint  lait  damage  s'entre-llrent. 
Et  maint  cher  ami  eu  perdirent. 

[Chron.  des  ducs  de  Norm.,  t.  lit,  p.  368.) 

E  ces  laides  occisions, 
E  cez  noises,  e  cez  tensons 
Dunt  erent  fait  mil  orfenin... 
Tôt  fu  remis  e  apaisé. 

{Itld.  t.  111,  p.  370.) 

N'i  eut  si  jofnes  ne  si  veiz 

Qui  senz  laid  merc  e  sanz  hontes 

En  fust  de  la  place  rescos. 

{am.i.  11,  p.  395.) 

Petit  demora  après  que  li  soudans  ol 
afaire,  car  un  soudans  qui  "a  lui  marcisoit 
(avoisinait),  si  li  feist  sa  terre  laide  et  il 
pour  vengier  manda  gent.  (Voyage  du  comte 
de  Pontieu,  cité  par  du  Gange,  art.  Ladare, 
a  la  suite  de  l'article  Lada.) 

Laidir,  laidanger  signifiaient  faire 
tort,    porter  préjudice,    maltraiter. 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE  SECT.  IT.    417 


outrager,  injurier,  insulter^  dénigrer, 
calomnier,  censurer^  blâmer,  con- 
damner : 

!<'a  raie  vers  lui  deservi. 

Ne  tant  ne  l'a  encor  laidi 

Que  il  a  mort  haïr  le  doie, 

Jà  soit  ce  que  il  le  guerroie. 

{Rom.  de  lirul,  t.  I,  p.  221.; 

Si  voulez  que  je  vous  laidisse , 
Et  vostre  père  et  moy  traïsse, 
De  qui  j'alens tout  mon  bienfait! 

[Théâtre  français  au  moi/en  âgé,  p,  933.) 

Mult  l'a  Herout  vilment  traitié, 

Despit,  laidi  e  manacié... 

Quant  Auuré  ont  mult  laidi. 

Si  l'a  enveié  en  Ely 

Herout,  por  les  oUz  del  chef  traire; 

Eissi  le  comanda  desfaire. 

Si  orriblement  fu  desfaiz. 

Tant  11  fit  l'om  hontes  e  laiz 

E  si  morteu  peine  soffrir 

Qu'au  tierz  jor  l'en  covint  morir. 

{Chron.  des  ducs  de  Norm.,  t.  III,  p.  78  et  79.) 

Cil  qui  doivent  les  visses  blâmer  et  lai- 

dangier. 
Qui  sont   prestre ,  curé,  sueffraut    maint 
grant  dangier. 

{Rutebeuf,  t.  I,  p.  943.) 

—  Tud.  leid,  ^bst.  tort,  préju- 
dice ,  contrariété ,  offense ,  ou- 
trage, peine^  chagrin;  leid,  adj. 
fâcheux^,  odieux,  hideux,  affreux,  dif- 
forme, laid  ;  leidagôn  faire  du  mal, 
porter  tort^  inquiéter,  chagriner; 
leidazian,  censurer,  blâmer,  con- 
damner. Anglo-sax.  ladh,  mal,  tort, 
préjudice,  offense,  peine,  chagrin  j 
ladh^  lath,  fâcheux,  hideux^  laid  ; 
ladhettan  ,  censurer  ,  condamner. 
Allcm.  leid.  subst.  tort,  mal,  etc.  ; 
leid,  adj.  fâcheux,  désagréable. 
Holl.  leet.  tort,  etc.;  leelijk,  syn- 
copé de  ledelijk,  hideux,  vilain, 
difforme,  laid.  Ane.  island.  leidhr, 
item;  dan.  leed,  item;  suéd.  Icd, 
item. 


Laisse.  —  Dan.  lisse,  attache, 
cordon,  tirant,  laisse  ;  holl.  letse  ; 
allem.  litze;  angl.  leash. 
Lamaneur.  (Voyez  Locman.) 
Lambeau,  autrefois  lamhel,  encore 
usité  en  termes  de  blason  ;  ce  sont 
des  dérivés  ayant  la  forme  des  di- 
minutifs. —  Tud.  lappa,  lambeau, 
haillon;  anglo-sax.  lappa,  lœppe; 
island.  lapp,  lappi;  anc.  allem. 
lapa  ;  dan.  lap,  lumpe  ;  suéd.  lapp, 
lumpor;  holl.  lap  ;  allem.  lappen, 
lumpen. 

Dans  le  français  lamhel,  lambeau^ 
ainsi  que  dans  le  suédois  lumpor  et 
l'allemand  lumpen  un  m  s'est  intro- 
duit avant  le  p  comme  dans  ramper 
formé  de  repère.  (Voir  tome  II, 
p.  140.) 

Latsde  :  en  basse  latinité,  lapida  ; 
en  italien,  landa.  Lande  signifiait 
autrefois^  comme  aujourd'hui,  une 
terre  inculte  ;  mais,  au  xii*  siècle,  il 
se  prenait  encore  pour  un  bois. 
(Voir  ce  mot  dans  plusieurs  pas- 
sages du  Roman  de  Rou,  t.  I, 
p.  288-292,  et  dans  le  Livre  des 
Rois,  p .  48  et  .351 .) 

Lande  est  dérivé  d'un  mot  ger- 
manique qui  signifie  terre,  soit 
que  les  Gallo-Romains  aient  em- 
ployé ce  mot  par  dérision,  comme 
ils  ont  fait  de  rosse,  hère,  lippe, 
rapière,  soit  qu'ils  aient  voulu  dé- 
signer par  la  dénomination  tudesque 
elle-même  ces  espèces  de  déserts 
que  les  diverses  peuplades  germa- 
niques faisaient  autour  du  pays 
qu'elles  habitaient,  pour  se  garantir 
des  incursions  qu'auraient  pu  faire 
des  tribus  voisines.  C'est  à  César 
que  nous  devons  la  connaissance  de 
ce  fait  :  «  Civitalibus  maxima  laus 


27 


418 


PUEMIÈHE  PARTIH:. 


est  quam  lalissimas  cireum  se.  vas- 
tatis  fmibus,  solitudines  habere. 
Hoc  proprium  virtulis  existimant, 
expulses  agris  finitimos  cedere,  ne- 
que  quemquam  prope  se  audere  con- 
sistere;  simul  hoc  se  fore  tutiores 
arbitrantur,  repentinae  incursionis 
timoré  sublato.  »  (De  bello  gdlico, 
lib,  VI^  XXIII.) 

—  Tud.  land,  lant,  terre,  région, 
contrée,  pays,  campagne;  goth.  an- 
glo-sax.  island,  allem.  dan.  suéd. 
hoU.  et  angl.  land. 

Landier,  gros  chenet  de  fer  ser- 
vant à  la  cuisine.  On  disait  autrefois 
andier,  encore  usité  dans  le  patois 
bressan  ;  en  wallon  andi.  Le  l  a  été 
ajouté  comme  dans  liene,  loriot, 
luette.  (Voir  t.  II,  p.  427-130.)  En 
basse  latinité,  andena,  anderm, 
chenet,  landier. 

Une  payelle,  ung  andier,  chacune  pièce 
tloit  ung  denier.  [Cartulaire  de  Corbie,  xxi, 
fol.  345,  V»,  cité  par  Carpentier ,  art. 
Anierius.) 

Vray  est  que  ,  en  tyrant  la  broche  de 
mon  cors,  je  tumbe  a  terre  près  des  lan- 
diers.  (Rabelais  ,  Pantagruel ,  liv.  II  , 
chap.  XIV,  p.  89.) 

—  Angl.  andiron,  chenet,  lan- 
dier; dérivé  par  aphérèse  de  l'anglo- 
saxon  brandiren,  signifiant  chenet, 
trépied.  Les  Anglais  disent  encore 
brandr-iron  pour  trépied.  Ane.  allem. 
brandiiser, chenet,  landier.  Allem. 
brand-eisen,  item.  EoW.brandijzer, 
item.  Ces  mots  sont  composés  de 
deux  radicaux,  dont  le  premier  si- 
gnifie tison  et  le  second  fer.  Anglo- 
sax.  1°  brand,  tison;  T  iren,  fer. 
Angl.  1"  brand;  2°  iron.  Allem. 
1"  brand;  2°  eisen.  Holl.  1"  brand- 


hoiit  ;  2°  ijser,  iizer.  Dan.  et  suéd. 
1  °  brand  ;  2°  iern . 

Last  ou  Laste,  terme  de  marine  : 
il  se  dit  d'un  certain  poids,  d'une 
certaine  mesure  qui  diffère  selon  les 
lieux  et  les  denrées,  mais  qui  est 
ordinairement  de  deux  tonneaux  ou 
quatre  milliers  :  «  Un  navire  chargé 
de  centlats  de  froment,  de  farine,  de 
houblon,  etc.  »  (Académie.)  — Allem. 
last,  charge;  holl.  last;  dan.  last; 
suéd.  last;  angl.  load;  island.  Wos  ; 
anglo-sax.  hlœst. 

Layette,  petit  coffre.  Ce  mot  a  reçu 
le  suffixe  ette  propre  aux  diminutifs 
féminins.  —  Ane.  allem.  et  allem. 
moderne  lade,  coffre,  caisse;  holl. 
laeye,  laad;  suéd.  laoda,loda;  dan. 
lœdike. 

Lége,  terme  de  marine  :  il  se  dit 
d'un  navire  qui  revient  sans  charge, 
avide. — HolL  leeg,  ledigyVÏàe,  sans 
charge,  lége,  en  parlant  d'un  navire; 
allem.  ledig,  item;  suéd.  ledig,  le- 
digt,  item;  dan.  ledig,  item. 

Lest  ;  eu  basse  latinité,  lestus, 
lesta,  poids,  charge;  lestagium,  lest 
d'un  navire;  en  italien  lasto. — Tud. 
4  °  lilast,  charge;  2°  hladan,  cliarger. 
Anglo-sax.  ]  "  hlœst,  2°  hlœstan.  Is- 
lan.  hlas,  poids,  charge.  Allem.  last, 
poids,  charge,  lest  de  navire.  Holl. 
last,  item .  Dan.  1  "  last,  lœs,  charge 
en  général;  2°  lœst,  lest.  Suéd. 
1°  last;  2"  lœst.  Angl.  r  load; 
2°  ballast. 

Leste  :  en  italien  et  en  portugais 
lesto;  en  espagnol  listo.  L'italien 
lesto,  outre  la  signification  particu- 
lière au  français  leste,  signifie  en- 
core adroit,  habile,  intelligent,  ingé- 
nieux, avisé,  rusé  ;  c'est  le  sens  du 
primitif  germanique  dont  provien- 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  II. 


nentles  dérivés  que  je  viens  de  men- 
tionner. — ■  Tud.  listîc,  ingénieux, 
habile,  adroit,  rusé;  gotli.  listeigs, 
item;  allem.  hoU.  dan.  et  suéd.  lis- 
tig.  Le  suffixe  germanique  ic,  ig  a 
été  supprimé  dans  les  dérivés  des 
langues  néo-latines  ;  c'est  ainsi  que 
du  latin  rustims  notre  ancienne  lan- 
gue~  forma  ruste,  devenu  rustre. 

Leudes,  guerriers  qui  sont  sous 
les  ordres  d'un  chef  militaire,  vas- 
saux, sujets.  En  basse  latinité,  leudi 
ne  s'appliqua  dans  le  principe  qu'aux 
hommes  de  la  race  des  conquérants 
germains  par  opposition  à  ceux  qui 
étaient  originaires  des  pays  conquis; 
mais  dans  la  suite  il  se  prit  dans  un 
sens  général. 

Li  amiralÈ  x.  escheles  ad  jastedes  : 
La  première  est  des  jaianz  de  Malperse, 
L'altre  est  des  Hums  e  la  tierce  de  Hungres... 
E  la  sedme  est  de  leudes  d'Astrimonies. 

{Chani,  de  Roland,  édit.  Génin,  p.  270.) 

—  Goth.  lauths,  homme;  tud. 
leud,  liut,  lut,  substantif  collectif 
signifiant  les  hommes  appartenant  à 
un  même  corps  de  nation,  peuple, 
gens;  anglo-sax.  leod,  liod,  item; 
anc.  island.  îiod,  lydr,  item  ;  allem. 
leute,  subst.  pluriel,  gens,  hommes, 
le  public;  holl.  lieden,  item. 

Leurre,  autrefois  loire.  —  Anc. 
allem.  luoder,  chair  d'un  animal 
mort,  charogne,  leurre;  allem.  mo- 
derne, dan.  et  suéd.  luder;  angl. 
lure^  leure. 

Lippe,  anc.  grosse  lèvre,  lèvre 
avancée,  comme  quand  on  boude. 
On  dit  encore  aujourd'hui  faire  la 
lippe  pour  faire  la  moue.  Lippu 
signifie  qui  a  de  grosses  lèvres. 
Les  cheveux  roux  et  le  teint  tout  liaslé, 
La  lippe  enflée  et  le  sein  avallé. 

(OEorrM  d*  Joacbio  da  BeII»y,  p.  MJ.) 


419 

Je  travaille  plus  qu'il  n'est  croyable  à 
préparer  des  saulces  à  nos  ennemis,  que 
je  m'asseure  qu'ils  ne  s'en  lécheront  point 
les  lipes.  (Recueil  des  lettres  de  Henri  IV, 
publié  par  M.  Berger  de  Xivrey,  t  II,' 
p.  114.) 

Icelui  Mulot  par  manière  de  desrision 
commença  a  faire  la  lippe  ou  la  moe  aux 
supplians.  (Lettres  de  rémission  de  1457, 
citées  dans  le  glossaire  ds  Carpentier,  art. 
Lipiujn.) 

—Anglo-sax.  lippa,  lèvre;  tud. 
leps;  allem.  lippe;  holl.  lip;  suéd. 
lœpp;  dan.  lippe;  angl.  lip. 

C'est  encore  un  exemple  d'un  mot 
germanique  que  nos  pères  ont  em- 
ployé par  dérision.  (Voir  Rosse, 
Lande,  Hère,  Rapière.) 

LiSBETTE,  LisEBTTE,  anc.  sorte  de 
petit  lit.  (Voir  ces  mots  dans  Roque- 
fort.) 

Je  donne  ii  Jacqueline  de  G.. ,  ma  niepce, 
cent  florins  avec  la  couche,  autrement  ap- 
pellée  lisebette.  (Testament  cité  dans  le 
supplément  du  glossaire  de  Roquefort,  art. 
Lisbette.) 

Item,  donne  à  la  dite  Antoinette  une  lis- 
bette,  un  petit  lit  et  parchevet.  (Autre  tes- 
tament cité  ibid.) 

Tud.  /[oUuiil,  luzîl,  petit;  2°betti, 
lit.  Goth.  1"  leitils,  leitil;  %"  had, 
hadi.  Anglo-sax.  4»  litel,  lytel  ; 
2°  bedd.  Island.  1  •  Htiil;  2°  bedr. 
Anc.  allem.  4°  lùzzel;  2°  bett.  Bas 
allem.  1»  lùtje;  2»  bed.  Holl.  ]olut- 
tih  ;  2°  bedde.  Suéd.  -1  »  liten;  2°  bœdd. 
Angl.  \Uittle;  2°  bed. 

Liste,  Lissiére,  Liteau  sont  des 
mots  de  même  origine.  En  basse 
latinité,  lista  signifiait  bord,  bor- 
bordure,  frange,  bande^  bandelette, 
bande  de  parchemin  sur  laquelle  on 
inscrivait  plusieurs  choses  les  unes 
au-dessous  des  autres,  liste^  rôle; 
lisvra,  bord  d'une  étoffe^  lisière.  En 


420 


PREMIERE  PARTIE. 


italien,  lista,  bande ^  bandelellOj 
liteau,  liste;  en  espagnol ;,  lista, 
bande  de  toile  ou  de  papier,  liste, 
liteau;  en  provençal,  lista,  bande- 
lette, frange^  liste;  en  portugais^ 
listra,  bande  de  toile^  raie  sur  le 
bord  d'une  étoffe,  liteau;  lista,  liste. 
Nous  disions  autrefois  liste,  listei, 
pour  bande,  bord,  bordure.  (Voir  le 
glossaire  de  Roquefort.) 

—  Tud.  lista,  bande,  bordure, 
frange;  anglo-sax.  list,  listan, item; 
island.  listi,  item;  allcm.  leiste, 
liste,  bordure,  lisière,  liteau  ;  angl . 
list,  lisière,  liste,  rôle;  hoU.  list, 
bordure,  liste;  dan.  liste,  bord, 
bordure,  frange,  liste;  suéd.  list, 
lista,  item. 

Lobe,  anc.  discours  flatteur,  in- 
sinuant, artificieux;  séduction^  trom- 
perie, supercherie^  perfidie,  fausseté, 
mensonge.  Lober,  séduire  par  des 
paroles  flatteuses  et  artificieuses, 
enjôler,  tromper,  décevoir,  duper; 
lobeur,  lobeor,  enjôleur,  séducteur, 
trompeur. 

J'a  ne  les  conoistrés  as  robes 
Les  faus  traïstres  plains  de  lobes; 
lorz  faiz  vous  estuet  regarder. 
Se  vous  volés  d'eus  bien  garder. 

{Rnmaii  de  la  Rote,  t.  Il,p   36S  ) 

Li  un  et  li  autre  se  vantent 
Que  se  dui  dé  ne  les  enchantent 

Il  auront  robe. 
Espérance  les  sert  de  lobe. 
Et  la  griesche  les  desrobe. 

(Riitebeuf,  i.I,  p.  32.) 

Fors  lerres  est  qu'a  larron  embie, 
El  cil  lobent  les  lobeors, 
Et  desrobent  les  robeors , 
Et  servent  lobeors  de  lobes, 
Osient  aux  robeors  lor  robes. 

(HW.  t.  1,  p.  220  ) 

—  Tud.  4°  lob,  louange,  éloge. 


flatterie;  T  loben,  lobôn,  louer,  faire 
l'éloge,  flatter.  Anglo-sax.  1o  lof; 
2"  lofjan.  Allcm.  1°/o6;  T  loben. 
Holl.  \"lof;  r  loovcn.  Dan.  1«  lov; 
2°  love.  Suéd.  1»  lof;  2"  lofwa.  Ts- 
land.  \"lof;  ^"lofa. 

Loc,  anc.  serrure,  fermeture  d'une 
porte . 

A  l'uisdc  la  chambre  est  uns  des  moin;"; 

venuz. 
Le /oc  prist  à  dous  mains;  là  a  Deus  fait 

vorUiz  •. 
Quant  le  loc  volt  estuerdre,  es  poinz  li  es; 

chauz. 

{Vie  de  S.   Thomas  de  CanlerJnirg,  iiU,  Bekker 
p.   145.) 

De  loc  on  fit  le  diminutif  loquet, 
qui  signifia  d"abord  une  petite  ser- 
rure, un  cadenas,  un  fermoir;  en 
italien,  lucchetto. 

Un  home  par  nom,  ou  Renaut,  ou  Martin, 
recoumanda  k  son  osle  une  courée  o  un  lo- 
quet fermée,  en  laquel  courée  Renaut  di- 
soit  qu'il  i  avoit  dedens  c  besans  ;  et  l'ostc 
mist  la  courée  en  sa  huche.  Et  puis  Re- 
naut vint  après  et  requiert  a  son  oste  sa 
courée;  et  celui  li  rent,  et  Renaut  regarde 
sa  corée  et  treuve  son  loquet  brisé  ;  et  de 
ces  c  besans,  il  ne  treuve  que  l  besans.  Et 
Renaut  monstre  sa  corée  a  son  o.ste,  cou- 
menl  le  loquet  est  rout,  et  que  de  ces  c  be- 
sans qu'il  n'en  treuve  mais  que  t  besans. 
(Assises  de  Jérusalem,  t.  II,  p.  77.) 

—  Anglo-sax.  I"'  locce,  serrure, 
fermoir,  verrou,  fermeture  en  géné- 
ral ;  2°  lucan ,  fermer.  Island. 
\°  lykt;  2°  loka,  liuku.  Goth.  lucan, 
fermer;  anc.  allem.  lochen,  item; 
dan.  luMe,  item;  holl.  luiken,item; 
angl.  lock,  serrure;  to  loch,  fermer. 
Suéd.  laos,  serrure;  luka,  lycka, 
fermer. 

LocMAN  ou  Lamaneur,  pilote  qui 
connaît    particulièrement     l'entrée 


GHAP.  III,  ÉLÉMENT  G 

d'un  port,  et  qui  y  réside  pour  con- 
duire les  navires  étrangers  à  l'entrée 
et  à  la  sortie.  (Acad.) 

—  Allern.  lothsmann,  pilote  cô- 
tier,  lamaneur;  composé  de  deux 
radicaux,  dont  le  premier  est  loth, 
plomb,  plomb  de  sonde,  sonde. 
Nous  disons  de  même  en  français 
le  plomb  pour  la  sonde.  Le  second 
radical  est  mann,  homme.  HoU. 
\  "^  lootsman,  loodsman,  locman,  la- 
mancur;  2**  loot ,  lood ,  plomb; 
3°  man,  homme.  Angl.  1"  loads- 
man  ;  2°  lead;  3°  man.  Dan.  lod, 
sonde;  lodSj  pilote  côtier,  locman. 
Suéd.  lod,  sonde;  lots,  locman.. 
AUem.  loth,  plomb^  sonde;  lothse, 
lootse,  pilote,  locman. 

Lof,  terme  de  marine  :  le  côté 
que  le  navire  présente  au  vent. 
(Acad.) 

Ce  mot  n'est  point  nouveau  dans 
notre  langue;  nous  le  trouvons  dès 
le  XII*  siècle  : 

Cil  ki  elgoveruail  s'assist, 
Estreitement  al  venl  se  pris!, 
Li  /()/■  avant  c  li  lispreu; 
Slglaut  vindrent  a  BaibeDeu. 

(Rom.  de  Fwu.t.  H,  p.  331.) 

Mariniers  sallent  par  ces  nés 
Etdesplient  voiles  et  très; 
Li  un  s'esforcent  al  vindas, 
Li  autre  al  lofel  al  betas. 

(Ram.  de  Drut,  t.  Il,  p.  \V>.) 

—  Anglo-sax.  lof,  lofe,  lof;  de 
lyft,  air,  vent.  Dan.  1°  lof,  luvart, 
lof;  2°  luft ,  air,  vont.  AUem. 
\°  lof;  2»  luft.  HoU.  i"  loef; 
2"  lugt,  logt.  Angl.  loof,  lof.  Tud. 
luft,  air,  vent.  Island.  loft,  item. 
Suéd.  luftj  item. 

Lopin,  mot  formé  au  moyen  du 
suffixe  in  qui  est  propre  aux  dimi- 


ERMANIQUE.  SECT.  IL     421 

nutifs.  —  Tud.  lappa,  morceau, 
pièce,  lambeau;  anglo-sax.  lappa, 
lœppe;  island.  lapp,  lappi;  anc. 
allem.  lapa;  dan.  lap,  lumpe;  suéd. 
lapp,  lumpor  ;  hoU.  lap;  allem. 
lappen,  lumpen. 

LoQDE,  lambeau  qui  pend  à  un 
habit  déchiré;  on  appelait  autrefois 
loquets  les  touffes  de  laine  des 
cuisses  des  brebis.  (Roquefort.)  De 
pendre  et  de  loque,  nous  avons  fait 
pendeloque.  —  Tud.  loc,  lock,  quel- 
que chose  qui  pend,  flocon,  touffe, 
boucle  de  cheveux;  anglo-sax,  lokr, 
item;  island.  lockr,  item;  dan.  lok, 
flocon,  touffe,  boucle  de  cheveux; 
suéd.  lock,  lugg,  item;  hoU.  lok; 
angl.  lock;  allem.  locke,  boucle  de 
cheveux. 

Lorgner.  On  dit  en  basse  Nor- 
mandie loriner ,  suivant  Ménage. 
—  AUem.  lauern,  lauren,  regarder 
du  coin  ,  de  l'œil,  lorgner,  guetter, 
épier;,  hoU.  loeren;  island. /t/e?'a ; 
dan.  lure;  suéd.  lura;  angl.  to 
leer. 

Los,  anc.  sort  ;  jeter  los,  tirer  au 
sort.  Une  ordonnance  royale  de  1355 
dit,  en  parlant  des  marchands  fo- 
rains auxquels  le  maire  assignait  au 
marché  certaines  places  qui  étaient 
tirées  au  sort  : 

Le  journée  que  on  gelé  los  ou  marquie 
au  pain,  quiconques  apporte  sen.pain  ou 
sen  Lamas  ains  que  li  maires  ait  gelé  loa 
ou  marquet ,  quatre  deniers  doit  au  ma- 
jeur. {Recueil  des  ordonnances  des  rois  de 
France,  t.  V,  p.  511.) 

Au  même  primitif  germanique  se 
rattache  le  mot  lot  pour  lequel  on 
trouve  los  dans  notre  ancienne  lan- 
gue :  «  A  sun  los  ne  retient  que 


422 


PREiMIÈRE  PARTIE. 


treis,  »   (Marie  de   France,  t.  I, 
p.  418.) 

Les  Romains  et  les  Germains  ap- 
pelaient également  sort  la  portion 
du  territoire  conquis  que  le  sort 
adjugeait  à  chaque  guerrier  dans  le 
partage  qu'ils  en  faisaient.  (Voir 
Procope,  de  Bello  vandalico,  lib.  l, 
c.  \,  et  du  Cange,  Sors  4.) 

—  Tud.  hloz,  hluz,  sort,  portion 
échue  par  le  sort,  lot;  goth.  hlauts  ; 
anglo-sax.  Mot,  hlyt,  hlet;  anc.  is- 
land,  hlutr;  allem.  loos;  angl.  lot; 
dan.  lod;  suéd.  ïott;  hoU.  lot. 

Loucher,  anc.  allem.  luschen,luo- 
gen,  regarder,  épier,  HoU.  lonken, 
regarder  de  travers,  loucher.  Angl . 
ta  look,  regarder;  to  look  askew, 
loucher. 

LouRE,  anc.  sorte  de  musette;  on 
appelait  loureur  celui  qui  en  jouait. 
La  loure  était  également  une  sorte 
de  danse  qui  se  battait  à  deux 
temps;  elle  fut  ainsi  nommée  proba- 
blement parce  qu'on  l'exécutait  au 
son  de  la  loure.  (  Voyez  Trévoux.  ) 
On  dit  encore  lourer  en  termes  de 
musique,  pour  signifier  lier  les  notes 
en  appuyant  sur  la  première  de  cha- 
que temps.  (Académie.)  —  Anc.  is- 
land.  lûdr,  sorte  d'instrument  à 
vent^  cornemuse,  musette;  suéd. 
lur;  dan.  luur. 

LotvovER,  terme  de  marine  :  faire 
plusieurs  routes  en  zig-zag  au  plus 
près  du  vent,  en  lui  présentant  tan- 
tôt tin  côté  du  bâtiment,  tantôt 
l'autre.  (Acad.)—  Dan.  lovere,  lou- 
voyer ,  de  luft,  air.  vent.  Allem. 
1  "  laviren,  lavieren,  louvoyer;  2°  luft, 
air,  vent.  HoU.  \°laveeren;  %<>lugt, 
lôgt.  Suéd .  \olafwera;  2»  luft.  fV'oir 
ci-dessus,  art.  Lof.) 


Luth,  instrument  à  cordes.  — 
AUem.  laute,  luth;  hoU.  luit,  item; 
angl.  hite,  item;  suéd.  liita,  item; 
dan.  lut,  item.  Tous  ces  mots  pa- 
raissent dérivés  d'un  primitif  ger- 
manique signifiant  sonore.  Tud.  Mut, 
sonore;  lutinga,  harmonie;  Muti, 
Muta,  son.  Anglo-sax.  Mûd,  so- 
nore; Muth,  son. 

LuziN,  terme  de  marine,  est  une 
espèce  de  menu  cordage  qui  sert  à 
faire  des  enfléchures  (Trév.) — Angl. 
housing,  housline,  luzin;  dan.  hy- 
sing,  item;  suéd.  husing. 

Dans  luzin,  l'article  a  été  ajouté 
au  commencement  du  mot,  comme 
dans  LIERRE  de  hedera;  Loriot  de 
oriolus,  etc.  (Voir  ci-dessus  l'article 
Landier ,  et  t.  II,  p.  4  28.) 

Macagne,  Macaigjne,  anc.  puis- 
sant. Ce  mot  est  formé  au  moyen  du 
suffixe  agm,  aigne . 

Sage  est  ceste  jenz  e  macaigne; 
Quant  entre  mains  a  une  ovraigue» 
Wult  la  sievent  bien  a  chet  traire. 

[Chmri.  des  ducs  de  Normandie,  I.  1 1 ,  p.  20.) 

—  Tud.  maMlg,  puissant,  fort; 
dérivé  de  maM,  force,  puissance. 
Goth.  4°  mahteigs,  fort,  puissant; 
2°  malits,  force,  puissance.  Anglo- 
sax.  4»  miUig;  V  miM.  Island, 
1»  mœktuger;  2"  makt.  AUem. 
4  "  mâcMig  ;  2°  macM.  HoU .  4  •  mag- 
tig,  ^°magt.  Angl.  4°  migMy  ; 
2°  miqM.  Suéd.  4°  mœcktig  ; 
2"  inack.  Dan.  4°  mœgtig  ;  %°magt. 

Madré.  On  appelait  ainsi  ancien- 
nement une  substance  précieuse  dont 
on  n'a  pas  encore  pu  suffisamment 
déterminer  la  nature.  Plusieurs  an- 
tiquaires pensent  que  c'est  l'agate 
onvx.  On  disait  fn  basse  latinité 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.     423 


mazer,rnazarum,muzdrinum.Q\ieile 
que  soit  cette  substance,  il  est  pro- 
bable qu'elle  devait  son  nom  aux 
veines  qu'elle  prései4ait,  ce  que  nous 
appelons  madmres.  Cette  circons- 
tance la  fit  comparer  à  un  bois  dont 
les  nœuds  forment  des  veines ,  des 
taches,  des  madrures  ;  nous  nom- 
mons encore  bois  madré  un  bois  de 
cette  sorte. 

Et  quaut  Us  s'en  vaurent  partir, 
Li  rois  fist  cascun  départir 
Hanas  d'or,  de  madré  u  d'argent. 

(Rom.  Je  la  Manckine,  r.  2349.) 

Mazelin  signifiait  qui  est  de  ma- 
dré; un  hanap  mazelin  était  une 
sorte  de  coupe  faite  de  madré.  La 
forme  de  cet  adjectif  concorde  avec 
celles  des  substantifs  de  basse  lati- 
nité mazer,  mazarum. 

Cil  seneschal  portent  partoat  le  vin 
En  copes  d'or,  en  hanap  mazelin. 

{Rom,  de  Carin  cUê  par  du  Cauge,  ui.Senetcalcui.) 

—  Tud.  masar,  nœud  du  bois  ; 
suéd.ïwasM^  bois  noueux,  bois  vei- 
né; allem.  rwaser^  bois  madré^  ma- 
drure^  tache  à  la  peau,  éphélide , 
rougeole;  bas  aile  m.  mase^  tache, 
marque  à  la  peau,  éphélide;  angl. 
measles,  rougeole;  holl.  mazelen, 
item;  dan.  mezlinger,  item.  Dans 
mazdrinum,  madré,  le  d  a  été  inter- 
calé avant  le  r;  voir^  à  cet  égard, 
t.  II,  p.  142. 

MiiNBOtjR,  Mainbourg^  Mainbor- 
isissiÈRE,  anc.  tuteur,  curateur,  ad- 
ministrateur, protecteur;  d'oiî  main- 
boumée ,  maimbarnie ,  maimbornie, 
maimbumie,  tutelle,  curatelle,  pro- 
tection administration  des  biens 
d'une  personne.  En  basse  latinité, 
mundiburdis,  munburdus,  manbm- 


nus,  tuteur,  protecteur,  défenseur; 
mundeburdis,  mundiburdis,  munde- 
burdum  ,  mumburdum ,  munbur- 
dum,  protection.  (Voir  ces  mots  dans 
du  Cange.) 

Quant  il  (Charles  IV)  aperçut  que  mourir 
le  convenoit,  il  devisa  que  s'il  avenoit  que 
la  roine  s'accouchât  d'un  flls,  il  vouloit  que 
messire  Philippe  de  Valois,  son  cousin  ger- 
main ,  en  fut  mainbour,  et  régent  du 
royaume,  jusques  adonc  que  son  fils  seroit 
en  âge  d'être  roi.  (Froissart,  liv.I,  chap. 
XLU,  t.  I,  p.  39,  col.  1.) 

Si  ai  pris  ma  fille,  si  la  vous  en  charge 
et  délivre,  et  vous  fais  tuteur  et  mainbour 
de  H  pour  la  nourrir  et  la  garder.  {l'L 
liv.  m,  ch.  xn,  t.  II,  p.  396,  col.  1.) 

Ne  se  sont  pas  tenus  li  frères  ne  11  niés 
d'achater  le  mestier  du  roy,  ne  de  gaitier, 
ne  de  taille  paier,  tant  corne  ils  sont  en  la 
mainburnie  leur  frère  ou  leur  oncle.  {Livre 
des  métiers,  p.  114.) 

Le  latin  tutor  vient  de   tueri 
Mainbour  a  une  origine  analogue  ; 
il  dérive  pareillement   d'un   verbe 
qui,  comme  tueri,  signifie  protéger, 
défendre. 

—  Tud.  mumboro  j  défenseur, 
protecteur,  tuteur,  dérivé  de  mun- 
tàn,  défendre,  protéger;  mund, 
munt,  protection,  défense. 

Von  Gott  ermuazi  haben  munt.  (Otfrid, 
préf.  p.  1,  16.) 
A  Deo  débet  habere  tuitionem. 
Suntar  si  imo  munto.  {Ibid.  liv.  III,  cb.  i, 

p.  65.) 
Imo  ea  ipsum  défendit. 

Anglo-sax.  mundbora,  défenseur, 
protecteur,  tuteur;  mundan,  mun- 
dian,  protéger,  défendre;  wwnd,  dé- 
fense, protection.  Anc.  allem.  munt- 
bar,  protecteur,  tuteur;  munten, 
protéger,  défendre.  Holl.  mojnôer, 
momboor,  tuteur,  curateur.  Les 
substantifs    muntboro,    mundbora, 


424 


PREMIÈRE  PARTIE. 


muntbar,  momboor,  momher,  sont 
formés  au  moyen  du  suffixe  boro, 
bora_,  boor,  ber  qui  se  rattache  à 
beran,  porter  et  qui  répond  au  suf- 
fixe latin  ger(LANiGER^  BELLiGER)de 
gerere.  AUem.  vormund,  tuteur, 
curateur;  dan.  formyner ,  item; 
suéd.  fœrmyndare  item.  Les  mots 
de  ces  trois  derniers  idiomes  sont 
des  composés  formés  au  moyen  des 
préfixes  mr,  for,  fœr. 

Maint,  adjectif  collectif,  plusieurs . 
On  disait  autrefois  mainade,  pour 
réunion,  troupe,  assemblée  :  en  pro- 
vençal, manaia,  troupe.  —  Tud. 
4»  manag,  maint,  plusieurs;  2°  ma- 
nagi,  troupe,  multitude,  foule.Goth. 
A°  manag;  %°  managei  Anglo-sax. 
1o  manige,  mœnige;  2°  manegeo. 
Island.  1"  mnny,  mank;  2°  meiiigi. 
Ailem.  4"  manch,  %"  menge.  Dan. 
\°  mange;  %°  mœngde.  Suéd.  maon- 
ge,  mange;  %°  maongt,  mongt. 
HoU.  \°menig;  %"  menigte.  Angl. 
many,  maint,  plusieurs. 

Malt,  orge  germée  pour  faire  de  la 
bière.  —  Tud.  malz,  orge  germée 
pour  faire  la  bière,  malt;  anglo- 
sax,  malt,  mealt;  allcm  malz; 
holl.  mont;  dan.  suéd,  et  angl. 
malt. 

Manne,  panier  d'osier  plus  long 
que  large,  qui  a  une  anse  à  chaque 
'extrémité,  et  où  l'on  met  du  linge, 
de  la  vaisselle  et  autres  objets. 
Banne,  espèce  de  grande  manne  faite 
communément  de  branches  d'osier. 
(Acad.)  De  manne  on  fit  le  dérivé 
mannequin,  autre  espèce  de  panier. 

—  Anglo-sax.  mand,  panier, cor- 
beille; anc.  ail,  manne,  item;  holl. 
mand  q[  hen,  benne  item:  angl. 
maxmdjUev.}. 


Manque,  Manquer,  en  basse  lati- 
nité, manca,  manque;  en  italien, 
manco,manca,  item,-  mancare,  man- 
quer. —  Tud.  mangjan,  mengén, 
manquer,  faillir.  (Notker,  ps.xxxiii, 
14;  Otfrid,  liv.  IV,  ch.  ii,  72.) 
AUem.  4°  mangel,  manque,  défaut, 
privation,  disette;  2°  mangeln,  man- 
quer, faillir.  Dan.  4°  mangel;  2° 
mangle.  Suéd.  \°mangel;  2°  mangla. 
Holl.  \°  mangel;  %"mangelen. 

Maquereau  ne  signifie  pas  seule- 
ment dans  notre  langue  une  sorte  de 
poisson;  il  désigne  encore  quel- 
qu'un de  semblable  à  l'ami  Robin 
de  Déranger,  ou  au  conseiller  Bon- 
neau  de  Voltaire, 

Et  qu'à  la  cour,  où  l'on  peint  tout  en  beau, 
Nous  appelons  être  l'ami  du  prince  ; 
Mais  qu'en  la  ville,  et  surtout  en  province, 
Les  gens  grossiers  ont  nommé  maquereau. 

(Voltaire,  la  Pucelle.) 

Ce  mot  était  employé  par  nos 
poètes  satiriques  plusieurs  siècles 
avant  que  Voltaire  en  fît  usage;  on 
disait  maquerel,  maquereau,  maquc- 
riaii. 

ïu  es  maqueriaus  chascun  mois. 
Ce  dient  bien  ii  ancien; 
Tu  fais  sovent  par  ton  gabois 
Joindre  deux  c...  a  i.  lien. 
—  Barbier,  or  est  li  tens  venuz 
De  mal  parler  et  de  mesdire... 
Je  suis  por  maqueriaus  tenuz; 
L'en  vous  retient  a  va-li-dire. 

(Ruiebouf,  I.  I,  p.  21i.) 

Dans  le  Baudoin  de  Sebourg  il 
est  question  de  certains  moutons 
sous  le  cou  desquels  une  reine 
avait  attaché  des  lettres  d'amour 
que  les  innocents  quadrupèdes  de- 
vaient porter  à  son  amant  ;  l'auteur 
dit  à  ce  propos  : 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  II.     425 


Ains  mais  n'oïsles  dire  en  livre  n'en  roUel 
Qa'on  feist  de  moUons  oncques  jour  ma- 

querel. 

[Baudoin  Je  Sebourg,  xiv,  T.  311.) 

—  Tud.  mahhari,  négociateur, 
entremetteur  ;  mot  que  l'on  trouve 
dans  l'expression  huor  -  mahhari , 
proxénète,  maquereau  ;  de  mahhôn, 
moyenner  et  de  huora,  femme  de 
mauvaise  vie.  Ane.  frison  makerCj 
négociateur,  entremetteur.  Bas  al- 
lem.  maher,  item;  maken,  négocier. 
AUem.  1"  màkler,  entremetteur, 
courtier;  %'^  mMkelen,  s'entremettre, 
moyenner,  faire  le  courtage.  Dan. 
\'^  megler;  %°mœgle. 'ànéà  \°mœk- 
lare;  2°  mœkla.  HoU.  1°  makelaar  ; 
2°  makelen . 

Marc,  résidu.  —  Ane.  allem.  et 
allem.  moderne  mai%  chair  des 
fruits,  pulpe,  moelle;  tud.  marc, 
marg,  moelle;  dan.  marg;  suéd. 
mœrg  ;  hoU.  merg  ;  angl.  marrow. 

Marc,  poids  :  en  basse  latinité, 
marca,  marcus.  —  Tud.  marché 
marc;  dérivé  de  markôn,  markjan, 
marquer,  à  cause  de  la  marque  qui 
distinguait  les  différentes  subdivi- 
sions du  poids.  Allem.  1°  mark, 
marc;  2°  marken,  merken^  marquer. 
Dan.  4o  mark;  2°  mœrke.  Suéd, 
4°  mark,  mardi;  2°  mœrka.  Holl. 
V  mark;  2"  merken.  Angl.  H^mark; 
2°  to  mark. 

Marcassin.  Ce  mot  dérive  d'un 
primitif  germanique  signifiant  petit 
porc.  —  Tud.  barc^  porc,  diminutif, 
barcchen,  petit  porc;  anglo-sax. 
bar,  porc;  island.  varaha,  item; 
holl.  barg,  item  ;  anc.  allem.  mor, 
encore  usité  en  Alsace  ;  diminutif 
morchen.  Le  b  initial,  qui  paraît 
avoir  appartenu  à  l'ancien  primitif 


germanique,  a  été  changé  en  m 
dans  l'ancien  allemand  comme  dans 
le  français.  Il  en  a  été  de  même 
dans  samedi,  dérivé  de  sabati  dies. 
(Voir  tome  II,  p.  87.) 

Marche,  Marquis.  March,  marce; 
en  basse  latine,  marca,  marcha,  si- 
gnifiaient limite,  frontière;  ils  dési- 
gnaient, en  outre ,  une  province 
frontière,  une  circonscription  de 
pays  de  quelque  étendue,  qui  se 
trouve  entre  deux  États  ou  deux  pro- 
vinces du  même  État.  Enfin  ces 
mots  se  prirent  pour  une  province 
quelconque,  pour  un  pays,  une  con- 
trée. 

Manaen  descunfist  e  destruist  Capsam  e 
tuz  ces  lii  i  meslrent,  et  tûtes  les  marches 
de  Tliersa.  (Livre  des  Rois,  p.  393.) 

Tune  percussit  Manahem  Thapsam  ,  el 
omnes  qni  erant  in  ea,  et  termines  cjus  de 
Thersa. 

Pur  ço  s'asemblerent  e  apareillerent  tuz 
ces  ki  defensables  esteient;  sise  tindrent 
a  lur  marches.  [Ibid.  p.  354.) 

Convocaverunt  omnes  qui  accenti  erant 
halleo  desuper,  et  steterunt  in  terminis. 

En  marche  est  Alençon  assis, 
Devise  fait  do  deus  païs. 
Par  la  vile  est  Sarte  coranz  ; 
De  ça  est  la  terre  as  Normanz, 
Del  autre  part  sunt  li  Mansel. 

[Chron.  des  ducs  de  Norm.  t.  III,  p.  93.) 

Par  force  entra  en  Danemarce , 
N'i  ot  cité,  castel  ne  marce 
Oue  il  a  force  ne  préist.        . 

[Rom.  de  Diitt,  l.  1,  p.  157.) 

Vous  avez  bien  entendu  en  l'histoire  ça 
devant  comment  le  roy  d'Angleterre  avoit 
grands  guerres  en  plusieurs  marches  et  pays. 
(Froissart,  liv.  I,  cliap.  cxci,p.  16i,  col.l.j 

Les  marquis,  en  basse  lilinité, 
machiones ,   étaient    primitivement 


426 


PREMIÈHE  PARTIE. 


les  gouverneurs  des  pays  fontières. 
(Voir  Vossius,  p.  242;  du  Gange, 
art.  Marcah,  Marchio,  et  Trévoux, 
Marche,  Marquis.) 

—  Tud.  marha,  proprement  mar- 
que, et,  dans  une  signification 
restreinte,  démarcation,  circonscrip- 
tion, limites,  frontière,  circonscrip- 
tion de  pays^  marche.  Anglo-sax. 
mearc,  marque,  démarcation,  li- 
mite, borne,  frontière  ;  angl .  mark, 
item;  dan.  mcerke,  merke,  marque; 
suéd.  mœrke;  allem.  1»  marke, 
marque  ,•  2°  mark,  limite,  frontière, 
district,  marche.  Holl.  1»  merk; 
2°  mark. 

Marche  parait  être  le  primitif  de 
notre  verbe  marcher  qui  a  dû  si- 
gnifier primitivement  aller  d'un  pays 
dans  un  autre.  Nous  disions  autre- 
fois démarcher  pour  quitter  un  pays, 
partir,  et  aller  de  marche  en  marche 
pour  aller  de  pays  en  pays. 

Voyre,  qui  vouldra  desmarcher 
Matin,  pour  faire  diligence.... 
Il  ne  faut  poinct  icy  muser. 

(Moralité  de  la    vendiliun  de  Joseph,   cignature  R, 
iii,  verso.) 

Laquelle  beneysson  encores  vous  prie 
que,  sur  le  point  de  desmarcher  pour  faire 
vos  armes....  faictes.  {Petit  Jehan  deSain- 
tré,  édit.  de  Gueulette,  t.  II,  p.  101.) 

Mais  par  jour  et  par  nuit,  par  vent  et  par 

orage, 
Aloit  de  marche  en  marche  acroistre  son 
barnage. 

(C«««/i«  roi  de  Sezile,  dans  les  OEuTri»  de  Rute. 
beaf,  1.  1,  p.  433.) 

Nous  avons  fait  marcher  de 
marche  comme  cheminer  de  chemin 
et  monter  de  mont.  Les  Grecs  di- 
saient de  même  ywpéw  de  ^éça. 
pays,  et  les  Latins  peragrare  de 
ager. 


Mare,  Marais.  Le  second  de  ces 
mots  devait  être  autrefois  maresc, 
maresqs  d'où  les  dérivés  maresquels, 
petit  marais  et  marescage,  marécage 
dont  le  dernier  nom  est  resté.  On  di- 
sait en  langue  d'oc  marcx  etenbasse 
latinité  marescus,  marescum.  Il  me 
paraît  beaucoup  plus  naturel  de  dé- 
river ces  mots  d'un  primitif  teuto- 
nique  ayant  la  même  signification 
que  de  le  faire  venir  du  latin  mare, 
mer,  ainsi  que  le  fait  Saumaise. 
Non-seulement  le  sens  du  mot  exige 
qu'on  donne  la  préférence  à  l'ori- 
gine germanique,  mais  encore  les 
anciennes  formes  marescus,  mares- 
quel,  marescage,  etc.  qui  nous  offrent 
les  deux  consonnes  se  ou  sq  dont  la 
présence  ne  serait  pas  motivée  par 
la  dérivation  de  mare.  —  Anglo- 
sax.  marsc  ,  mer  se  ,  mare  ,  ma- 
rais, marécage  ,  étang  ;  allem. 
marsch;  holl.  maerasch,  maersche, 
maar;  dan.  marsk;  angl,  marsh. 

Maréchal.  Ce  mot  a  deux  signi- 
fications usuelles,  mais  il  n'a  qu'une 
seule  signification  étymologique  , 
celle  de  préposé  au  soin  des  chevaux. 
Celte  étymologie  s'explique  d'elle- 
même  pour  le  maréchal  ferrant  ou 
vétérinaire  ;  quant  aux  maréchaux 
officiers  de  divers  grades  dans  l'ar- 
mée, je  dois  faire  observer  que  le 
marescal,  en  basse  latinité  mares- 
calus,  ne  fut  d'abord  qu'un  simple 
domestique  de  la  maison  de  nos 
premiers  rois,  auquel  était  confié  le 
soin  d'un  certain  nombre  de  che- 
vaux; plus  tard,  il  fut  chargé  de 
ranger  la  cavalerie  en  bataille  sous 
les  ordres  du  connétable  {comes  sta- 
buli).  Depuis,  l'office  de  maréchal 
a  toujours  été  en  augmentant  d'im- 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GÈKMAiNIQUE.  SECT.  II.   427 


portance  jusqu'à  devenir  la  pre- 
mière charge  de  l'armée.  (Voir  du 
Cange,  Marescalcus,  et  Vossius,  de 
Vitiis,  sermonis,  p.  245.) 

—  Tud .  marascalh  ,  serviteur  , 
chargé  du  soin  des  chevaux,  palefre- 
nier; ce  mot  est  composé  de  \°'marah_, 
mark,  cheval  et  de  2°  scalhj  scalc, 
serviteur,  domestique,  préposé.  An- 
glo-sax.  1 0  mœre,  mère  ,  myre  ; 
2°  scalc,  scealc.  Goth.  skalks,  servi- 
teur, préposé,  etc.  Island.  mar,  che- 
val. Dan.  mœr,  cheval ,  jument. 
Suéd.  7nœr,  mœrr,  item.  Angl.  mare 
jument.  AUem.  mare,  item.  Holl. 
merrie,  item. 

On  disait  dans  notre  ancienne 
langue  marescauchie ,  mareschau- 
chie,  pour  écurie,  étable,  forge  à 
ferrer  les  chevaux.  (Voir  le  supplé- 
ment  du   glossaire  de  Roquefort.) 

Gerars  descent,  siTenraercie; 

Dedens  une  mareschauchie 

Li  ont  son  cheval  establé, 

Si  li  donnèrent  avainne  et  blé. 

{Ram.  de  lu  Violelle,  p.  338.) 

Marestan,  Marestanc,  anc.  pierre 
de  touche. 

Quant  le  marcheans  assamble 

L'or  et  le  marestanc  ensamble, 
Si  l' froie  au  marestanc,  et  lors 
Puet-il  connoistre  se  11  ors 
Est  bons  ou  marcheans,  ou  fins. 

(Des  Ele>  de  courtoisie,  k  la  <uite  du  Tourooieiucnt 
de  l'Antëcbrist,  p.  151.) 

Marestan  est  un  mot  composé 
dont  la  signification  étymologique 
est  pierre  de  marque,  c'estr-à-dire 
pierre  qui  garde  la  marque  du  mé- 
tal que  l'on  frotte  dessus.  —  Tud. 
1  °  marka,  marque  ;  2"  stain,  stein. 
Anglo-sax.  1°  mearc;  2"  stan^stœn. 
Goth.  1"  marka;  2°  stain.  Dan. 
h"  mœrhe,  merke;  2°  steen.  Suéd. 


1°  mœrke;  2°  sten.  Holl.  \'^  merk; 
2°  steen.  Angl.  I»  mark;  2°  stone. 
AUem.  1"  mark;  2°  stein.  On  trouve 
en  allemand  le  composé  markstein 
signifiant  littéralement  pierre  de 
marque,  mais  ce  mot  est  pris  dans 
uu  autre  sens  que  celui  de  notre 
marestan,  il  désigne  une  pierre  ser- 
vant de  marque  pour  reconnaître  les 
divisions  du  terrain,  une  borne,  une 
limite. 

Marque,  Marquer  :  en  basse  lati- 
nité et  en  italien,  marcare,  marquer; 
en  espagnol  et  en  provençal,  marcar. 
—  Tud.  4  °  marka,  marque  ;  2°  mar- 
kôn,  markjan,  marquer.  Anglo-sax. 
4°  mearc;  ll^mearcan.  Anc.  island. 
\  °  mark  ;  2°  marka.  AUem.  i  °  marke, 
2°  marken,  merken.  Dan.  1°  mœrke, 
merke  ;  2°  mœrke.  Suéd.  4°  mœrke  ; 
2°  mœrka.  HoU.  1  °  merk  ;  2°  merken. 
Angl.  1°  mark  ;  2°  to  mark. 
Marquis.  (Voir  Marche.) 
Mat  de  navire  ;  autrefois  mast. — 
Tud.  mast,  mât  ;  anglo-sax.  mast, 
mœst;  island.  mastr  ;  allem.  dan. 
suéd.  holl.  angl.  mast. 

Mat,  adjectif.  —  Dan.  mat,  affai- 
bli, fatigué,  se  dit  au  figuré  d'un 
objet  brillant  dont  l'éclat  s'est  affai- 
bli, qui  a  perdu  son  lustre,  qui  est 
terni,  et,  par  extension,  de  ce  qui 
n'a  pas  d'éclat,  qui  est  terne,  mal. 
Suéd.  et  allem.  matt,  item;  anglo- 
sax.  metihg,  fatigué,  affaibli,  fai- 
ble; island.  mœddr,  item;  holl. 
mat,  item. 

Maton,  anc.  lait  caillé,  caille- 
botte,  fromage  frais.  Ce  mot  est 
encore  en  usage  dans  le  patois 
messin. 

Il  n'est  si  bonne  viande  que  matous. 

[  l'héàtr^/rniiçan  nu  moy»»  âge,  p.  100.  ) 


428 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Et  bou  buirc  qui  plesanz  est 
,  El  aus  Escos  et  aus  Bretons 

Qui  miex  ainienl  lait  et  matons 
Qae  il  ne  font  autres  daintiez. 

{Nouveau  leciieit  de  contes,  t.  II,  p.  265.) 

Tout  leur»îa/fto»,  ne  toute  leur  potée 
Ne  prise  ung  ail,  je  le  dy  sans  noysier. 

(  ViUon,  DaUade  XI.  p.  912.) 

—  Allem.  matz,  matte ,  lait 
caillé,  caillebottc.  Ces  mots  sigtii- 
fiaient  primitivcmeut  aliment  en 
général  ;  mais  comme  le  laitage 
était  anciennement  la  principale 
nourriture  du  peuple,  matZj.  matte, 
furent  pris  dans  la  signification  res- 
treinte qu'ils  conservent  encore  au- 
jourd'hui, la  même  qu'avait  maton 
en  langue  d'oil.  Notre  mot  viande 
nous  offre  un  changement  de  signi- 
fication tout  à  fait  semblable  ;  ce 
mot  se  prit  aussi  primitivement  pour 
aliment  en  général;  c'est  dans  ce 
sens  qu'il  est  employé  dans  le  pre- 
mier exemple  que  je  viens  de  citer. 
(Voir  ci-dessus  p.  362,  col.  1)  Tud. 
maz,  mazze,  aliment,  nourriture  ; 
goth.  mats,  item  ;  anglo-sax.  mœte_, 
mete,  met  ;  island .  mata  ;  dan.  mad; 
suéd.  mat;  angl.  méat. 
-j-- ^  Merlin,  terme  de  marine  :  petit 
cordogc  goudronne,  qui  sert  à  faire 
des  rabans^  à  amarrer  de  petites 
poulies  et  à  divers  autres  usages. — 
Angl.  marline,  merlin  ;  dan.  mœr- 
ling,  item;  holl.  marling,  meeV" 
Ung,  item.  La  signification  étymo- 
logique de  ces  mots  paraît  être  corde 
de  mer.  Marei  se  trouve  dans  le  go- 
thique d'Ulphilas  pour  signifier  mer; 
en  tudcsque  et  en  anglo-saxon  mère. 
Il  est  peu  probable  que  ces  mots  dé- 
rivent du  latin  mare,  et  l'on  doit 
plutôt  supposer  que  les  idiomes  ger- 


maniques et  le  latin  ont  puisé  ce 
terme  à  la  même  source  antique  où 
ils  en  ont  puisé  tant  d'autres  qui 
leur  sont  communs.  Anglo-sax. 
1»  mère,  mer  ;  %"  Une,  corde.  Allem. 
<»  meer;  2°  leine.  Bas  allem. 
1°  meer;  2°  Une.  Holl.  meer,  meir, 
lac;  lijn,  corde.  Angl.  Une,  item  ; 
dan.  Une;  island. /ma. 

Mes  ou  me  devant  une  consonne, 
particule  inséparable  qui  se  met  au 
commencement  d'un  mot,  pour  indi- 
quer que  sa  signification  est  prise 
dans  un  sens  défavorable,  comme 
mésuser,  mésallier,  mésintelligence, 
formés  d'user,  allier,  intelligence. 
Quelquefois  ce  préfixe  a  le  sens  pri- 
vatif de  in  des  Latins  :  mécon- 
naître, pour  ne  pas  connaître.  Les 
idiomes  germaniques  nous  offrent 
une  particule  tout  à  fait  analogue, 
pour  le  sens,  pour  l'usage  et  pour  le 
son.  (Voir  t.  II,  p.  296.) 

—  Tud.  mis,  missa,  missi,  parti- 
cule inséparable  correspondant  au 
mes  du  français^  comme  dans  mis- 
silichèn,  déplaire,  formé  de  lichen^ 
plaire.  Goth.  missea,  particule  ;  mis- 
sadedins,  méfait,  formé  de  dedins, 
fait .  Anglo-sax.  mis.  partie,  misbyrd, 
avorté,  littéralement  mal  né,  formé 
de  byrd,  né.  Dan.  1°  mis,  partie; 
2°  mistroe,  se  méfier;  3"  troe,  se 
fier.  Suéd.  4°  miss;  2°  misstro; 
3"  tro.  Allem.  -1°  miss;  2°  mis- 
strauen;  3°  trauen.  Holl.  1"  mîs; 
2°  mistrouwen  ;  3°  trouwen.  Angl. 
à°mis;  2°  to  mistrust;  3°  to  trust. 

Mésange,  oiseau.  —  Tud.  meisa, 
mésange  ;  anglo-sax.  mase  ;  allem . 
meise  ;  dan.  mejse  ;  holl.  meeze, 
mees. 

Mescuine  ,    Mécuine  ,   Mescise  , 


GHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  II. 


anc.  jcuno  fillCj  servante;  en  ita- 
lien meschina . 

A  Faleize  oui  li  dnc  hanté, 
Plnsurs  fciz  i  ont  converlô, 
Une  meschine  i  out  amée 
Arlote  oui  nom,  de  borgeiz  née; 
Meschine  crt  encore  e  pncele. 

{Rom.deRou,  v.8057.) 

Quant  Artus  ot  sa  terre  assise... 
Genièvre  prist,  s'in  (ist  roïne, 
Unejocne  noble  mescine. 

(Rom.  de  Brut,  l-  U,  1'.  69.) 

La  meschine  ot  un  fiz  mut  bel, 
Al  col  li  pendirent  l'anel. 

(Marie de  Franci-,  t.  F,  p.  331.) 

Quant  la  chambre  fu  délivrée, 
Une  meschine  ad  appelée. 

(Idem,  Uidem,  p.  344.) 

—  Tud.  macjad,  jeune  fillc^  ser- 
vante ;  golh.  magaths  ;  anglo-sax. 
mœgden,  mœden  ;  island.  wicj;  holl. 
meisje,  maagd;  angl.  maid  ;  allem. 
magd,  maid,  diminutif  mildchen. 
C'est  de  ce  diminutif,  ou  de  tout 
autre  semblable,  que  dérive  notre 
ancien  mot  meschine. 

Mets,  aliment  apprêté.  On  disait 
autrefois  mas  dans  certaines  pro- 
vinces et  mes  dans  certaines  autres. 

Gyngyvre ,  suqe  ne  lycorys. 
Ne  tous  les  espieces  de  Paris, 
Certes  galingal,  ne  mas 
N'est  vaillaunt  a  femme  un  pyas; 
De  feme  plus  savoure  un  beiser 
Qe  plein  poyn  de  lorer. 

{Nouveau  recueil  de  coniei,  t.  Il,  p.  335.) 

Precious  sont  li  mas  ,  mais  IL  vaissel  ne 
sont  mie  si  precious.  {Sermons  de  saint 
Bernard,  citation  de  Roquefort,  art.  Mas.) 

Mil  damisiax  avoit  a  soi 
Qui  estoient  vestu  d'ermine. 
Cil  scrvoient  ;  de  la  quisine 
Sovcnt  aloient  et  espès, 
Escueles  portent  et  mes. 

{Rom.  de  Brut,  t.  Il,  p.  108.  ) 


429 

—Tud.  maz,  aliment,  mets;  goth. 
mafs;  anglo-sax.  mœtc,mete,  met; 
island.  mata  ;  dan.  mad  ;  suéd. 
mat;  angl.  mcat. 

Meurtre  :  en  basse  latinité,  mor- 
dnm,  murdrum,  mutrum,  meur- 
tnim.  —  Tuà.  mord,  mort,murden, 
4iomicide,  meurtre;  goth.  maurthr; 
anglo-sax.  morth,  morthor;  dan. 
mord,  moord  ;  suéd.  mord,  mœr- 
dare;  allem.  mord;  holl.  moord; 
angl.  murder^murthcr. 

Micmac.  —  Allem.  mischmasch. 
mélange,  confusion,  tripotage,  mic- 
mac ;  dérivé  de  mischcn,  mêler,  con- 
fondre. Dan.  miskmask,  mélange, 
confusion,  tripotage,  micmac  ;  suéd. 
mischmaschjitem  ;  angl.  mishmash, 
item. 

MiÈs,  MiEZ,  anc.  sorte  d'hypocras, 
d'hydromel;  en  basse  latinité  medo, 
medus,  mezium.  Voyez  les  glossaires 
de  du  Gange,  de  Carpentier  et  de 
Roquefort. 

Eu  aoust  ne  doit-on  pas  boire  de  mies 
nedechervoisc,  mais  on  ne  doit  prendre 
puison  (potion)  de  savine  et  de  poraie. 
{Prescriptions îwur  unrégimc  de  santé  rédi- 
gées en  1268  cl  rapportées  par  l'abbé  Le- 
beuf  dans  ses  dissertations  sur  l'histoire 
ecclésiastique  et  civile  de  Paris,  t.  II, 
p.  209,  note.) 

— Tud.  et  anglo-sax.  medo,medu, 
hypocras,  hydromel  ;  island. miôdur; 
angl.  mead;  holl.  meede,  meé; 
suéd.  mjœd;  dan.  mœd;  allem. 
m£th. 

Mine,  apparence  du  visage,  air, 
extérieur,  contenance.  —  Allem. 
miene,  air,  extérieur,  mine;  dan. 
mine;  suéd.  mm,  miner;  holl. 
mijne;  angl.  mien,  meen.  Tous  ces 
mots  paraissent  dérivés  d'un  verbe 


430 


PREMIÈRE  PARTIE. 


germanique  qui  signifie  manifester, 
montrer  extérieurement,  faire  paraî- 
tre: en  tudesque,  meinan. 

Mit,  Mite,  Mitis,  Miton,  Mitoux, 
anc.  chat;  à  la  même  famille  ap- 
partient matou,  qui  nous  est  reste  : 
en  espagnol,  m^z,  mizo,  chat;  en 
italien,  micio. 

Se  l'une  est  chale,  l'autre  est  mite. 

fRom.  duOeunrt.t.  I,  |>.  6.) 

Pour  garir  un  chai  de  la  toux. 
Quand  vous  orrez  qu'il  esternue, 
Dictes-luy  tout  haut  devant  tous: 
«  Dieu  vous  sauve,  mille  pelue  !  » 

[La  vraye  Médecine  qui  gur'it  de  tous  maux^  Rouen, 
1602,  iD-IÎ,  p.  20.) 

Un  rat  de  mon  logis,  qui  voulant  ronger 
la  queue  de  mon  maistre  mithou  qui  dor- 
moit,  fut  bien  trompé.  {Peripatetiques  Ré- 
solutions et  remontrances  sententieuses  du 
docteur  Bruscambille,  etc.  édit.  des  Joyeu- 
setez,  p.  11.) 

On  trouve  encore  mitis  employé 
parLaFontainCjliv.  III,  fable  XVIII. 
Tous  ces  mots  sont  des  onomatopées 
rappelant  le  cri  du  chat;  seulement 
il  est  à  remarquer  que  rien  de  sem- 
blable n'existe  dans  la  langue  latine, 
tandis  que  nous  trouvons  des  mots 
tout  à  fait  analogues  dans  les  idio- 
mes néo-germaniques. — Dan.  mise, 
petit  cbat;  suéd.  miss,  misse  ;  allem. 
mieze. 

Mite,  en  espagnol  mita.  —  An- 
glo-sax.  mite,  ver,  teigne,  mite; 
tud.  mado,  item  ;  miza  moucheron. 
Bas  allem.  mite,  myte,  ver,  teigne  ; 
dan.  mid;  angl.  mite;  hoU.  mijt, 
mode  ;  allem.  made. 

Moineau.  On  disait  autrefois  mois- 
son, moison,  moisnel ,  moisnet, 
moinel,  moinet;  ces  derniers  sont 
des  syncopes  de  moissonelj  mois- 
s<met.  On  appelle  encore  en   Nor- 


mandie moisseron  l'espèce  de  pas- 
sereau que  nous  nommons  pinson . 

Cil  de  fors  par  te  tricerie 

Qui  aine  mais  n'ot  esié  oie, 

Ont  la  cité  tote  enflamée. 

Oies  com  il  l'ont  alumée. 

Moissons,  aroi  et  glu  prisent  ; 

En  escailles  de  nois  fu  misent, 

Et  od  le  fu  usent  repondre 

Es  prises  de  lin  et  de  tondre; 

As  pies  des  moissons  l'espendirent, 

Mervillose  voisdie  firent. 

Al  soir,  qant  vint  à  l'avesprer, 

Laierent  lor  moissons  aler.  . . 

(Rom.  de  Brui,  t.  Il,  p.  345.) 

Uns  huns,  ce  dit,  entasseit  blé, 

E  l'arunde  l'a  esgardé. 

Cum  11  moinet  dehors  esteient. 

Qui  au  blé  adeser  n'osaient, 

L'arundcle  les  apela. . . 

Les  moinel  se  sunt  destnrnés. . . 

Li  vileins  dist  ceste  parole  ; 

Et  li  arunde  ki  fu  foie. 

As  moissuns  l'ala  tost  cunter, 

Si  les  flst  en  la  granche  entrer. 

Li  vilains  a  ses  angins  faiz, 

Les  moinaus  prist  et  a  mort  traiz. 

(Marie  de  France,  fable  lxxxit.  D'uns  Hums.  de 
l'Arundeille  e  dei  Moigniaus,  t.  11,  p.  349.) 

—  Tud.  mez,  passereau,  moineau 
(Voir  la  Grammaire  de  Grimm,  t.  III, 
p.  362.)  Anc.  holl.  musche,  item; 
hoU.  moderne  mosch,  mos,  mus, 
item.  Le  primitif  mez  dut  donner, 
en  basse  latinité,  mesio,  onis;  d'où 
moisson  ;  c'est  ainsi  que  kant,  et  bar 
donnèrent  canto,  onis;  haro,  onis. 
(Voir  p.  49  note  4 .)  De  moisson  on 
forma  le  diminutif  moissonel,  et  par 
syncope,  moisnel,  moinel,  moineau. 

Morne.  Ce  mot  doit  dériver  d'un 
adjectif  tudesque  correspondant; 
mais  cet  adjectif  ne  se  retrouve  pas 
dans  ce  qu'il  nous  reste  des  anciens 
idiomes  germaniques.  Ceux-ci  nous 
offrent  seulement  des  mots  apparte- 


CHAP.  m,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.     431 


nant  à  la  même  famille.  —  Tud. 
moma,  tristesse  ;  mornén,  être  triste 
être  soucieux,  être  morne;  go  th. 
maurnan,  item  ;  anglo-sax,  muman, 
item;  angl.  to  mourn,item.  AUem. 
mûrrisch,  grondeur,  bourru. 

Mouette,  oiseau  aquatique.  On 
disait  autrefois  move^mauve,  miawe, 
maouej  moe,  moue.  Lhiorme  mouette 
est  celle  d'un  diminutif. 

Quant  elle  (la  grue)  fu  en  mer  entrée, 

Si  a  une  miawe  encuntrée  ; 

Et  li  demanda  et  enquist 

U  ele  alelt;  cela  li  dist 

Qe  de  son  païs  ert  fuiie, 

Si  li  cunta  sa  vilenie. 

Dune  la  maoue  a  rrspundue. . . 

(Marie  de  France,  I.  Il,  p.  349) 

—  Anglo-sax.  wceue^  mew,  mouet- 
te; tud.  meh;  hoU.  meeuw;  allem. 
môwe,  mewe;  dan.  moge  ;  angl.  mew. 

Moufette^  mofette,  exhalaison 
méphitique  qui  s'élève  dans  les  lieux 
"  souterrains  et  principalement  dans 
les  mines.  Moufette  est  un  dérivé 
formé  au  moyen  du  suffixe  ette.  — 
Bas  allem.  muff',  odeur  de  moisi, 
de  relent^  odeur  méphitique,  mou- 
fette; allem.  4°  muff  en  sentir  le 
moisi,  le  relent,  répandre  des  odeurs 
méphitiques;  2°  mM^^gf  qui  exhale  de 
pareilles  odeurs.  HoU.  4°  muffen, 
2°  muf. 

Moufle,  gros  gant  :  en  basse  la- 
tinité, moffula,  muffula,  muflus. 
(Voir  ces  mots  dans  da  Gange,  ainsi 
que  l'observation  que  j'ai  faite  au 
commencement  de  l'article  Gant.) 
Les  moufles  étaient  fort  en  usage  au 
moyen  âge,  comme  on  peut  en  juger 
par  différents  passages  de  nos  an- 
ciens auteurs. 


Je  fus  en  la  rue  des  Escouffles  ; 
L'a  en  droit  perdi-je  mes  mouffles. 


(  tel  Rv.et  de  Pn. 
Bel, 


1,  dan»  Piirh   tout  PhitipfM  le 
.  578,  V.  423.) 


Par  chi  vint  j  liom  a  cheval 
Qui  avoitcauchie   une  mou/le, 
Etportoit  aussi  c'un  escoufle 
Seur  sen  poing. . . 

(Li  Cieus  de  Robin  et  de  Marion,  dam  leTbettr» 
françiiit  an  moyen  âge,  p.  lOT.) 

—  Tud.  muffula  ,  gros  gant , 
moufle;  holl.  mof,  moffel;  allem, 
muff  ;  dan.  muf,  muffle  ;  suéd.  muff; 
angl.  muff. 

Mousse  ,  adj.,  qui  n'a  plus  de 
pointe  ;  émousser,  ôter  la  pointe.  En 
italien  mozzo  signifie  écourté,  tron- 
qué, retranché;  mozzare,  écourter, 
tronquer,  retrancher.  —  Holl.  motz, 
écourté,  tronqué;  motzen,  écourter, 
tronquer.  Allem.  mutzen,  item,  que 
l'on  ne  trouve  plus  que  dans  le 
composé  aufmutzen.  En  Suisse «îm^z, 
écourté. 

Muffle. — Allem.  muffel,  muffle, 
gros  museau;  holl.  murf,  gueule, 
muffle;  anc.  allem.  muffeln,  mordre. 

Mulot.  Ce  mot  est  un  diminutif 
formé  au  moyen  du  suffixe  ot.  (Voir 
t.  II,  p.  393.)  —  Holl.  mol  et  mol- 
ivorp,  taupe  ;  le  premier  de  ces  mots 
n'est  qu'une  abréviation  du  second 
signifiant  qui  rejette  la  terre,  la 
poussière,  pulveris  ejector;  de  mul, 
poussière  et  werpen,  jeter,  rejeter. 
Angl.  mole  elmole-warp^  taupe;  ce 
dernier  se  rapporte  à  l'anglo-saxon 
1  "  myl,  poussière,  2°  iveorpan,  je- 
ter, rejeter;  goth.  \°mulda;  2°  wair- 
pan.  Allem.  maulwurf,  taupe,  com- 
posé de  l'inusité  maul,  poussière  et 
de  werfen,  jeter.  Dan.  muld-vond, 
taupe,  mulot,  de  muld  poussière  et 


432 


PREMIÈRi:  PARTIE. 


de  vond  qui  signifie  lui-même  laiipe. 
Suéd.  mullwad,  taupe,  mulot;  de 
inull_,  poussière  et  de  l'inusité  wad 
qui  devait  être  le  même  que  le  danois 
vond. 

Museau.  On  disait  autrefois  mu- 
sel,  mousel.  Ces  mots  sont  des  déri- 
vés de  muse,  mouse,  qui  signifiaient 
bouche,  gueule,  et  se  prenaient  gé- 
néralement en  mauvaise  part  pour 
désigner  une  vilaine  bouche,  une 
bouche  avancée  en  museau.  Moue, 
qui  avait  le  même  sens,  nous  est  resté 
pour  signifier  une  grimace  que  l'on 
fait  en  avançant  la  bouche.  On  dit 
en  italien  mwso  pour  museau  et  pour 
moue,  grimace. 

Tôt  maintenant  la  porte  ouvrirent 
An  borgois  qui  tondoit  la  muse. 

(Nouveau  recueil  de  fabliaux,  publié  par  Mfon,  Fa- 
ùliau  du  Prestre  et  de  la  Dame,  T.  51.) 

Tay  huy  oublié  ma  bouteille; 
Toutefois  je  m'en  repens  bien  , 
Car  onc  ne  veit  dent  de  chien 
Plus  seiche  que  j'ay  or  la  mouse. 

(le  quart  Livre  det  Actes  des  Apôtres,  feuillet  eliii, 
r»coI.  2.) 

Tous  les  jours  une  talemoase , 
Pour  bouter  et  fourer  sa  mouse. 

(Tillon.'GKmrf  Testamenl.J 

Marot,  dans  son  édition  de  Villon, 
commeîjitc  ainsi  ce  passage  :  Sa 
mouse,  sa  moue,  son  museau. 

Vous  l'en  avez  pris  par  la  moue, 
Il  doit  venir  manger  de  l'oue. 

{Farce  de  Patkelin,  citée  par  Roquefort,  art.  Moue.) 

—  Anglo-sax.  mudh ,  bouche, 
gueule  ;  anc.  frison  mûth  ;  anc.  is- 
land.  mudr  ;  angl.  mouth. 

Nafrer,  navrer,  anc.  percer, 
blesser;  en  langue  d'oc  nafrar;  en 
italien  naverare  qui  ne  se  trouve 
plus  que  dans  le  composé  inaverare 
percer  de  part  en  part,  blesser.  Nous 


employons  encore  navrer  dans  un 
sens  figuré  et  nous  disons  :  «  Cette 
nouvelle  m'a  navré  de  douleur.  J'en 
ai  le  cœur  navré.  C'est  un  spectacle 
navrant.  »  Nous  disions  autrefois 
mifre,  nafrurc,  navrurc  pour  signi- 
fier blessure. 

Et  tant  de  morz  e  de  nafrez 
N'ièrent  jà  par  mei  acontez. 

{Chro».  det  ductde  Nom.  t.  II,  p.  316). 

Ce  il  avient  que  un  bonme  vient  en  la 
court,  et  se  claime  de  un  autre  boume  qui 
l'ait  naffré,  et  puis  avient  que  il  s'acorde  o 
celui  najfré.,  ou  par  la  prière  de  ses  amis, 
ou  par  mounoie  que  il  en  prent,  et  puis 
avient  que  il  en  meurt  de  selle  naffrc.,  et  au- 
cun des  parents  dou  mort,  ou  sa  famé,  veut 
puis  avoir  droit  de  seluy  qui  le  naffra  .  . . 
(Assises  de  Jérusalem,  édit.  de  M.Foucher, 
p.  711.) 

lî  est  moult  navré  et  est  couché  en  une 
litière  assez  près  de  ci.  (Froissart,  liv.i, 
part.  II,  chap.  xlvi,  1. 1,  p.  358,  col.  1.) 

—  Anglo-sax.  nefegar,  pcrçoir, 
tarrière,  vrille;  anc.  island.  nafar; 
tud.  nabageVj  nahiger  ;  allem.  nà- 
ber;  hoU.  neffiger,  nevigcr;  suéd. 
nafware;  dan.  navre. 

Nam,  Nantir,  Nantissement. 
Nam,  nams,  nans  et  namps,  par 
l'insertion  d'un  p.  En  basse  latini- 
té, namiumj  nammium,  signifiaient 
un  gage  déposé  par  le  débiteur  dans 
une  cour  de  justice  ou  bien  entre 
les  mains  d'un  tiers.  Si  le  créancier 
n'était  pas  payé  à  l'échéance,  il  de- 
vait faire  trois  sommations  à  son  dé- 
biteur, après  lesquelles  il  était  libre 
de  se  saisir  du  nam.  De  là  l'origine 
de  ce  mot,  dérivé  d'un  verbe  ger- 
manique signifiant  prendre,  se  sai- 
sir. Les  Espagnols  disent  de  môme 
prendra  pour  gage,  nantissement, 
pi^ender,  prendre . 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE  SECT.  II.    433 


Ne  prenge  bon  nam  nul  en  conté  ne  de- 
fors,  d'ici  qu'il  eit  très  fois  demandé  dreit 
el  HUNDRE»  u  el  conté  ;  e  s'il  a  la  lierce  fiée 
ne  pot  dreit  aver,  ait  al  conté,  e  le  conté 
l'en  asete  le  quart  jurn  ;  e  se  cil  i  défait  de 
kt  il  se  claime,  dunt  prenge  congé  que  il 
pusse  nam  prendre  pur  le  son,  luin  e  pref. 
(Lois  deGaill.  §  xlu,  ci-dessus,  p.  119.) 

Dou  bleis  ameiz  la  grant  vendue, 

Et  chier  vendre  de  si  au  tans, 

Seur  lettres,  seur  plege,  ou  seur  nans. 

(RulebcuC  1.1,  p.  131.) 

—  Tud.  1"  nama,  action  de  pren- 
dre, saisie;  %  neman,  prendre,  se 
saisir.  Ane.  island.  1**  nâm;1l°  ne- 
ma.  Ane.  allem.  \''nâm;  2°  nemen. 
Goth.  niman,  prendre;  anglo-sax. 
niman;  allem.  ne/imen;  holl.  nee- 
men. 

Nargueiu  —  Tud.  narrian,  nari- 
zan,  traiter  un  homme  comme  un 
sot,  se  jouer  de  lui,  le  tromper,  le 
duper^  s'en  moquer^  le  bafouer,  le 
narguer;  dérivé  de  :  nano,  sot,  im- 
bécile, fou.  Suéd.  \°  narra,  duper, 
bafouer,  narguer,  etc.;  2°  narr,  sot, 
etc.  Dan.  4°  narre;  2°  nar.  Allem. 
4°  narren;  2*'  narr.  Holl.  nar,  sot, 
imbécile,  fou.  Pour  l'introduction 
du  g  dans  narguer,  voyez  tome  it, 
p.  U3. 

Nippes.  —  Island.  hneppe,  paquet 
de  bardes ,  bagage ,  trousseau , 
nippes;  dan.  knippe ,  item;  suéd. 
knippe,  item;  dérivé  de  knippa,  lier, 
attacher  ensemble  ,  empaqueter. 
Allem.  knùpfen ,  lier,  attacher; 
holl.  knevelen,  item;  angl.  toknitt, 
item;  tud.  knuphjan, item. 

Nique,  signe  de  moquerie  et  de 
mépris  par  quelque  geste,  et  parti- 
culièrement en  haussant  ou  secouant 
le    menton.    (Trévoux.)   —   Dan. 


-1°  nik,  signe  de  mépris  fait  en  ho- 
chant la  tête  ;  2*  nikke,  hocher,  se- 
couer la  tête.  Suéd.  Ho  nick;  2"  nic- 
ka.  Goth.  hnicchan,  hocher,  secouer 
la  tête;  tud.  hnikjan,  item;  island. 
hniga,  item;  allem.  nicken,  item; 
holl.  nikken,  knikken,  item. 

Nord.  (Voir  l'observation  qui  se 
trouve  au  commencement  de  l'article 
Est,  p.  346.) 

—  Tud.  nord,  nort,  nord  ;  anglo- 
sax.  north;  island.  nordur  ;  allem. 
nord,  norden;  dan.  nord;  suéd. 
nord,  norr;  holl.  noord  ;  angl. 
north. 

Ni)QUE.  Bochard  fait  venir  ce  mot 
de  l'arabe  nucha  signifiant  la  moelle 
épinière  ;  mais  il  est  bien  rationnel 
de  lui  donner  une  origine  germa- 
nique, puisque  nous  trouvons  dans 
les  idiomes  du  Nord  un  mot  tout 
semblable  pour  la  signification,  et 
fort  analogue  pour  la  prononciation. 
Il  est  du  reste  à  remarquer  que  le 
tudesque  a  fourni  à  notre  ancienne 
langue  hasterel ,  qui  s'employait 
également  pour  nuque.  (Voyez  ci- 
dessus  l'art,  hasterel.) 

—  Tud.  hnach,  chignon,  nuque; 
anglo-sax,  hnacca ,  hnecca,  necca  ; 
island.  hnacki;  dan.  nakke;  suéd. 
nacke;  holl.  nek;  allem.  nacken; 
angl.  nape,  nuque;  neck,  cou. 

NUSCHE,  NUCHE,  NOUCHE,  NOCHE, 

anc.  boucle,  fermoir,  bracelet:  en 
basse  latinité,  nusca,  nosca,  nochia, 

A  tant  i  vint  la  reine  Bramimunde; 
Je  vos  aira  mult,  sire,  dist-ele  al  cunte. 
Car  mult  vos  prisct  mi  sire  et  tuit  si  hume. 
A  Tostre  femme  cnveirai  dous  nusches; 
Bien  i  ad  or,  matices  et  jacunces. 

{Ckaiu,  il  Ro  anil,  it.  xlik.) 


S8 


434 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Rices  noches,  rices  fremaus, 

Rices  aniaus,  rices  cainture!=, 

Et  les  boucles  d'or  a  paintures.    ■ 

{Reman  Je  Brut,  Toriantet,  t.  Il,  p  105,   noi*  «, 
col.  9.) 

Kar  riches  suiit  d'almailie,  debofse  de 

chevals, 
E  de  bêles  vaches,  de  berbiz  et  d'aigneaus, 
De  dras  e  de  muneie,  de  nuches  e  d'aneaus. 

(Chion.  dtJord,  Fantasme,  p.  577.) 

Item,  6  broches  et  nouehes  d'or  garnis  de 
divers  garnades,  pois  31  d.  d'or,  pris  358. 
(Canterbury  taies,  Belî's  éd.  t.  III,  p.  114, 
noie.) 

—  Tud.  nusca,  miscja,  nusche, 
nusdl,  boucle,  fermoir,  bracelet  : 
anglo-sax.  nusca  ,  item  ;  island. 
hnock,  item  ;  anc.  allem.  nusclie, 
item;  dérivé  de  nuss,  cran,  coche, 
porte,  dans  laquelle  entre  le  crochet 
d'une  agrafe;  angl.  notchj  cran, 
coche. 

Ordalie  ,  se  dit  des  diverses 
épreuves  qui  étaient  usitées  dans  le 
moyen  âge  sous  le  nom  de  juge- 
ment de  Dieu  ;  l'ordalie  du  fer 
chaud,  de  l'eau  froide,  du  fromage 
bénit,  etc.  (Académie).  Voyez  le 
Glossaire  du  droit  français  dans  les 
Insfitutes  de  Loyssel,  édit.  de  1 846. 
En  basse  latinité  ordalivm,  ordela. 

Ce  mot  provient  d'un  primitif  ger- 
manique signifiant  jugement  ;  em- 
ployé dans  un  sens  restreint,  il 
se  prit  pour  le  jugement  de  Dieu 
comme  le  français  juisse  dérivé  de 
judicium.  (Voyez  ce  mot  ci-dessus, 
p.  456  et  457.) 

—  Anglo-sax.  ordàl,  jugement, 
sentence;  anc.  allem.  urdel;  allem. 
urtheil;  hoU.  oordeel. 

Ouest.  (Voir  l'article  Est,  p.  346.) 
—  Tud.  west ,  ouest;  anglo-sax. 
west,  weast;  island.  westr;  allem. 


west;  dan.  vest;  suéd.  wœst;  holL 
west;  angl.  west 

Pelfre,  anc.  dépouilles  rempor- 
tées sur  l'ennemi,  butin,  pelfrer, 
piller,  faire  du  butin.  En  Normandie 
peuffe  se  dit  encore  pour  vieilles 
dépouilles,  vieux  habits,  friperie. 

Tute  la  preie  e  la  pelfre  ke  pris 

avoient  de  terre  de  Philistiim.  (Livre  dès 
Rois,  p.  116.) 

....  Cuncta  prœda  et  spoliis  qux  cepe- 
rant  de  terra  Philisthiim. 

Returnerent  pur  prendre  la  pelfre  Ae  cela 
ki  furent  ocis  al  champ.  {IHd,  p.  212.) 

Reversus  est  ad  cœsorum  spolia  rfe/ra- 
benda. 

Si  esmurent  ki  eioz  einz  vers  l'ost  pur 
pelfrer  e  prendre  ço  que  il  i  truveroient. 
(^èii.  p.  354) 

Après  cest  overe,  si  s'en  alerent, 
La  curt  l'arcevesque  pelfrerent 
Cum  robeur. 

(  Vit  lie  S.  Thomas  de   Canterbury,  à  ta  «oit»  de» 
Cbron.  dei  duo  de  Normandie,  p.  498.^ 

—  Island.  pelf,  dépouilles,  butin; 
angl.  to  pilfer,  voler,  piller,  de 
pelf,  richesse,  fortune,  bien,  avoir. 
Dan.  velfœrd,  item. 

Pépie.  —  Tud.  phipis,  phiphiz, 
pépie  ;  suéd.  pipp  ;  dan.  pip  ;  hoU . 
pip  ;  allem.  pipps  ;  angl.  pip  ;  bas 
allem.  pippe 

PiCHER,  PiCHiER,  auc.  vasc  des- 
tiné à  contenir  de  la  boisson^  cruche, 
pot  :  en  basse  latinité,  peccarium, 
bicarium  ;  en  provençal,  péchier, 
cruche;  en  italien,  pecchero,  bic- 
chiere,  gobelet,  verre  à  boire. 

Hyram  refist  vaissele  de  meints  baillic, 
poz  e  chanes  e  piehers;  e  furent  tuît  de  or- 
chal.  {Livre  des  Rois,  p.  256.) 

Et  lebetes,  et  scutras,  et  hamulas,  omnia 
vas  a  quœ  fecil  Hiram.  .  .  de  aurichalco 
erant. 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  IL    435 


Or  i  faut  et  vans,  et  corbeilles, 

Et  si  i  faut  boissiaus,  et  seillcs, 

Pos  et  pichiers... 

{te  Ditti  dis  choies  qui /aillent  en  ménage,  dani  I» 
Nonveuu  recueil  de  contei,  t.  II,  p.  163.) 

—  Tud.  pehhar,  bechar,  vase  à 
boire,  coupe,  gobelet;  anc.  island. 
bikar  ;  allem.  ôec/ier;  hoU.  beeker; 
angl.  beaker,  pitcher;  bas  allem. 
beker. 

Pilote.  —  HoU.  piloot,  pilote  ; 
^eiler,  pilote  de  sonde,,  sondeur; 
l'un  et  l'autre  dérivés  de  peilen, 
sonder,  AUem.  pilot,  pilote  ;  angl . 
pilot. 

Pincer.  —  Angl.  to  pinch,  pin- 
cer; allem.  pfetzen,  item;  hoU.  pti~ 
sen,  item. 

PiNQUE,  terme  de  marine  :  espèce 
de  flûte,  bâtiment  de  charge  qui  est 
rond  à  l'arrière.  (Acad.)  —  HoU. 
pin/i/pinque;  axigL pink;  à&n.pink. 

Pinte.  —  Anglo-sax.  pynt,  sorte 
de  mesure  pour  les  liquides;  anc. 
allem.  pindt,  pint  ;  hoU.  ptni^pinte; 
allem.  pinte;  dan.  pint;  angl. 
pint. 

Piquer,  Pique.  —  Tud.  pichaUf 
piquer;  island.  piacka;  anglo-sax. 
pickan;  anc.  allem.  pichen,  picken; 
dan.  pikke,  dérivé  de  piik,  aiguillon; 
suéd. picka, piquer;  pigg,  aiguillon. 
Allem.  \  "  picken ,  piquer  ;  2"  pxke, 
pieke,  pique.  EoW.  \°pikken;  %°piek. 
Angl.  r  to  prick;  2°  pike. 

Pisser  :  en  italien,  pisciare;  en 
espagnol,  pixiar;  en  provençal, 
pissar.  —  Suéd.  \°  piss,  pissat, 
urine  ;  2°  pissa,  pisser.  Dan.  1  "  pis; 
T  pisse.  Holl.  4"  pis;  T  pissen. 
Angl.  1°  piss;  2"  to  piss.  Allem. 
h° pisse;  2*  pissen.  Island.  pissa, 
pisser. 

Plaque.   —  Tud.   plech,  plhe. 


blehc,  feuille  ou  lame  de  métal, 
plaque;  anc.  allem.  pleh,  item; 
allem.  blech,  item;  suéd.  blœck, 
bleck,  item  ;  holl.  blek^  item  ;  plak, 
planchette,  férule. 

Plat.  —  Allem.  platt,  plat,  aplati, 
uni,  plan;  snéà.  platt  ;  àan.plat; 
holl.  plat;  tud.  flaz;  island.  flatr; 
angl.  flat. 

Plate  ,  anc.  lame  de  métal , 
plaque,  lingot.  En  espagnol,  plata 
signifie  argent,  argenterie. 

Item,  que  nuls  ne  face  gantelès  àe  plates, 
que  les  plates  ne  soient  estaimées  ou  coi- 
vrés,  et  que  il  ne  soient  pas  couverts  deba- 
sûine  noire  ne  de  mesgueiz,  et  que  desouz  • 
les  têtes  de  chacun  clou  ait  un  rivet  d'ar- 
gent* pel  ou  d'or  pel,  ou  autre  met,  quel 
que  il  soit,  et  que  touz  cuisson  de  plates 
et  toutes  trumelles  de  plates  soient  faites 
en  ceste  manière,  ou  eu  meilleur.  {Lû're 
des  métiers,  p.  372.) 

Je  lo  en  bonne  foy  que  nous  nous  en  ail- 
Ions; 

Argent  et  or  en  plate  sur  les  sommiers  irous- 
sons. 

{Roman  de  Berieavi  çranipiés,  p.  105.) 

—  Anglo-sax.  platung,  lame  de 
métal,  plaque,  lingot  ;  allem.  platte, 
item;  holl.  plaat;  angl. plate; daxi. 
plade;  suéd.  plaat,  plœtt. 

Pleige,  Plége,  anc.  répondant, 
caution  :  en  basse  latinité,  plegius, 
défini  par  les  coutumes  de  Norman- 
die, ch.  Lx:  «  Plegii  dicuntur  per- 
sonae  quae  se  obligant  ad  hoc  quod 
qui  eos  mittit  tenebatur.  (Voir  du 
Gange,  Plegius.) 

S'il  avient  que  un  home  preste  son  aveir 
a  un  autre  homme,  et  il  en  ^rent  pièges  par 
l'asise  do  la  terre,  et  il  avient  que  nul  de» 
pièges  forpasse  la  terre,  ou  more,  ou  il  i  a 
aucun  des  pièges  qui  n'en  a  de  quoy  faire 
qxieplege ,  celui  qui  pora  faire  que  plege, 


436 


PREMIÈRE  PARTIE. 


don  tout  deil  faire  que  plege.  Et  c'il  n'i  a 
nul  qui  die  qu'il  ne  puisse  faire  que  plege, 
la  raison  comande  que  celui  qui  dit  qu'il 
n'en  a  de  quoy  faire  que  pleye,  que  il  deit 
jurer  sur  sains  qu'il  n'en  a  desus  terre  ne 
desous  terre  don  il  puisse  faire  que  plege, 
et  autant  est  quite  par  dreit.  {assises  de 
Jérusalem,  t.  II,  p.  61.) 

—  Island.  pligta,  s'obliger,  cau- 
tionner; anglo-sax.  plihtan,  item; 
anc.  allem.  pflegen ,  item  ;  dan. 
4°  Tpligt ,  obligation;  2°  pligtig , 
obligé,  tenu  à^  engagé  à,  Suéd. 
i°  pligt,  plicht  ;  2°  plichtig.  AUera, 
4°  pflicht;  2°  pflichtig.  HoU.  plegf, 
obligation  ;  angl.  to  plight,  s'enga- 
ger, s'obliger^  promettre;  pledge , 
assurance,  gage  ;  to  pledge,  enga- 
ger, mettre  en  gage. 

Plie,  espèce  de  poisson  de  mer 
extrêmement  plat  :  en  moyenne  et 
en  basse  latinité,  platesa,  platessa, 
qui  se  trouve  déjà  dans  Ausone.  — 
Allem.  platteisse,  platteis,  plie,  dé- 
rivé de  plat,  plat.  (Voir  l'article 
Plat.)  Angl.  plaice,  plie.  Hau.plat- 
fisk,  plie  ;  composé  de  plat,  plat^  et 
de  fisk,  poisson.  Suéd.  \°  flatfisk, 
plie;  2"  flat,  mot  hors  d'usage,  au- 
jourd'hui plattj  plat;  3°  fisc,  pois- 
son. Holl.  1°  platvis;  2°  plat; 
3"  visch. 

Poche.  —  Golh.  poka,  poche;  an- 
glo-sax. pocca^  poha,  posa  ;  island. 
poka  ,  poki  ;  anc.  allem .  poeea , 
poha;  dan.  pose;  angl.  poke,poket, 
pouch;  suéd.  ficka,  poche;  posse, 
petit  sac. 

Poulie.  Ce  n",ot  dérive  d'un  ra- 
dical qui,  dans  les  divers  idiomes 
germaniques,  signifie  un  épolet  ou 
époullin  :  on  appelle  ainsi  une  sorte 
de  bobine  à  l'usage  des  tisserands  ; 
eile  consiste  en  un  morceau  de  ro- 


seau sur  lequel  on  dévide  une  quan- 
tité convenable  de  trame.  V époullin 
tourne^  comme  une  poulie,  autour 
d'une  brochette  de  fer  appelée  fuse- 
roUe,  et  le  iout  ensemble  se  place 
dans  le  milieu  de  la  navette.  (Voir 
Trévoux,  Époullin  et  Fuserolle.) 

—  Tud.  spuolo,  bobine,  époulin  ; 
island.  spola;  anc.  allem.  spoele; 
allem.  spule;  holl.  spoel  ;  dan. 
spole;  suéd.spol;  angl.  spool. 

PuTEL^  anc.  bourbier,  gâchis,  fla- 
que d'eau,  mare. 

Ore  a  bien  (ait  putel  de  sa  clere  fontaine. 

{Uom,  de  Berte  aus  gratis piés^  TariftDtM, 
p.  101,  note  2.) 

JoHsta  à  lui  par  tel  desdaing 
Qu'en  i.putel  lui  a  fet  baing. 

[Taurnoieinenl  de  l'Antèchrùt,  p.  67.) 

Et  le  porte  des  arçons  hors 
En  un  putel  tout  enversé. 

i,md.,  p.  75.) 

—  Tud,  putza,  puzza,  mare,  fla- 
que d'eau,  bourbier;  anglo-sax. 
pytt,  pyttel;  angl.  puddle;  holl. 
pœl;  dan.  et  suéd.  poel;  bas  allem. 
patte;  allem.  pfùtze. 

Quai,  en  portugais  cais  ou  caes . 
—  Tud.  cahot,  mur  de  défense,  re- 
tranchement; bavarois  kachet,  mur 
de  clôture.  (Voir  Grimm,  Gramma- 
tik,  t.  IV,  p.  361).  Holl.  kaai,  di- 
gue, chaussée,  quai  ;  bas  allemand 
kaje;  angl.  kay. 

QuÉCHE,  petit  vaisseau  à  un  pont 
et  maté  en  fourche.  (Trévoux.)  Le 
même  dictionnaire  écrit  aussi  quai- 
che.  —  Angl.  keich,  quèche;  allem. 
kitz,  item;  holl.  kits,  item;  dan.  ■ 
kag,  item. 

Quille  de  navire.  —  Tud.  kiol, 
carène,  quille;  island.  kiol ,  Mal, 
item;  anglo-sax.  cœle,  ceol,  item; 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.    437 


allem.  hiel,  quille  de  navire;  dan. 
Moel,  item;  suéd.  kiœl;  holl.  kiel; 
angl.  keel. 

.  Quille  à  jouer.—  Tud.  kegû,  pe- 
tit pieu,  cheville.  Allem.  kegel,  corps 
qui  diminue  d'épaisseur  de  la  base 
au  sommet,  cône,  quille.  Dan.  ftegfZe, 
item;  suéd.  kegla,  kœgla,  quille. 
Ml,  cône.  HoUand.  kegel,  quille  à 
jouer.  Angl.  kayîe,  item. 

Rabans,  terme  de  marine.  Les 
rabans  de  têtière  amarrent  les  voi- 
les aux  vergues .  Les  rabans  de  fer- 
lage  sont  des  sangles  fort  longues 
avec  lesquelles  on  serre  les  voiles  sur 
les  vergues.  —  Allem.  4°  raaband, 
raban;  composé  de  2°  raa,  vergue; 
3°  band,  lien,  attache.  Dan.  1°  raa- 
bœnd  ;  2°  raa  ;  3°  baand.  Holl.  1  °  ree- 
band;  2"  raa;  3°  band.  Suéd. 
A°  raoband;  2°  rao,  ro;  3»  band. 
Tud.  raha,  perche,  vergue;  band, 
lien,  attache.  Anglo-sax.  rah,  per- 
che, vergue;  bend,  lien. 

Racage,  terme  de  marine  ;  assem- 
blage de  petites  boules  de  bois  en- 
filées sur  un  cordage;  on  met  le 
racage  sur  les  mâts  pour  faciliter  le 
mouvement  des  vergues.  —  Dan. 
rakke,  racage;  suéd.  rack,  item; 
holl.  rak;  allem.  rack-werk,  com- 
posé au  moyen  de  werk,  ouvrage. 

Racaille.  Ce  mot  dérive  d'un  pri- 
mitif germanique  signifiant  chien , 
comme  canaille  dérive  de  canis.  — 
Ane.  angl.  rack,  chien;  island.  m- 
hi,  racki,  item;  anc.  allem.  rakel, 
reckel,  item  ;  holl.  rekel,  item  ;  suéd. 
racka,  chienne,  lice. 

Racher^  Rachir,  Raquer,  Ra- 
QUiER,  anc,  cracher;  racheron,  cra- 
chat. (Voyez  le  glossaire  de  Carpen- 
tier  et  de  Roquefort.)  On  dit  encore 


en  picard  raquer,  et  en  wallon  re- 
clii. 

Ainsi  que  la  ditte  Jchanne  passoit  par 
(levant  le  suppliant,  i!  commença  a  escopir 
ou  rachir  contre  terre.  (Lettres  de  rémis- 
sion de  1392  citées  par  Carpenlier,  art. 
Rascare.) 

—  Anglo-sax  hraekan,  cracher; 
anc.  island.  hraekia,  item;  hrâki, 
salive.  Tud.  mcfttsôn^  cracher;  suéd . 
1  '  rackla,  item  ;  2°  rackel,  crachat. 
1\q\\.  \° rachelen ,  raggelen;  %°  rag- 
gel,roggel,rochel. 

On  rapporte  notre  verbe  cracher 
à  divers  dérivés  de  screare  qui  ont 
été  fabriqués  tout  exprès  ;  mais  il 
parait  bien  plutôt  provenir  de  hrae- 
kan, dont  le  h  initial  se  sera  changé 
en  c,  comme  dans  Clovis  de  Hlud- 
wig  et  dans  d'autres  mots  français 
dérivés  du  tudesque.  (Voyez  t.  II, 
p.  107.) 

Rade.  —  Allem.  rhede,  reede, 
rade,  rade;  dan.  reed;  suéd,  redd; 
holl.  reede,  ree  ;  angl.  road. 

Radoter.  —  Holl.  doten,  dutten, 
radoter^  extravaguer  ;  angl .  to  dote, 
item;  anc.  allem..  datten .  Re  et  ad 
latins  sont  venus  s'ajouter  à  l'élé- 
ment germanique.  C'est  ainsi  que 
DOUX  a  formé  adoucir,  radoucir; 
PORTER,  apporter,  rapporter  ;  mener, 
amener,  ramener,  etc. 

Anciennement  on  faisait  quelque- 
fois radoter  verbe  pronominal  et  on 
disait  se  radoter  comme  on  disait  se 
penser,  se  craindre,  se  mourir,  etc. 
(Voyez  tome  III,  p.  490).  On  trouve 
dans  Palsgrave  «  i  dote  for  âge,  as 
oldc  folkes  do.  Je  me  radote,  je  me 
suis  radoté,  radoter.  »  Toutefois 
l'infinitif  n'est  point  accompagné  du 
pronom  se  dans  ce  passage  du  gram— 


438 


PREMIÈRE  PARTIE. 


mairieû  anglais,  ce  qui  peut  faire 
croire  qu'il  admettait  deux  manières 
de  conjuguer  ce  verbe^  bien  qu'il 
semble  préférer  la  forme  pronomi- 
nale, car  il  donne  immédiatement 
pour  exemple  :  «  Il  fault  luy  par^ 
donner,  car  le  poure  homme  se  ra- 
dote. »  {L'esclarcissement  de  la  layi- 
gue  françoyse,  édit.  de  1 8S2,  p.  525, 
col.  2.) 

Rafler.  On  disait  autrefois  raffer 
avec  le  même  sens:  en  basse  latinité, 
reffare,  reiflare;  en  patois  du  Va- 
lais raffare;  en  italien,  arraffare, 
avec  le  préfixe  ad,  ar.  Ces  verbes 
peuvent  provenir  du  latin  rapere; 
cependant  ils  ont  une  plus  grande 
ressemblance  avec  les  mots  corres- 
pondants des  idiomes  germaniques. 
—  Tud.  rafsjan,  enlever  vivement^; 
ravir ,  rafler  ;  anglo-sax.  rœfan , 
riefian;  anc.  allem.  reffen;  allem. 
raffen;  suéd.  roffa;  hoU.  rooven; 
dan.  ra^e. 

Ragué,  terme  de  marine.  Il  se  dit 
d'un  câble  altéré,  écorché  et  coupé 
en  partie.  (Acad.)  —  Anglo-sax. 
4°  hracod,  déchiré,  mis  en  lam- 
beaux; 2°  hracode,  lambeau,  hail- 
lon, guenille.  Angl.  4"  ragged  ; 
2"  rag.  Allem.  reissen,  déchirer  ; 
dan.  ragerie ,  lambeau,  guenille, 
gaillon. 

Râler,  autrefois  rasler.  —  Suéd. 
rasla,  rœsla,  râler;  dan.  rasle; 
"  angl.  to  rattle  ;  anglo-sax.  berastlian, 
brastliarif  composés  au  moyen  du 
préfixe  be.  Allem.  rasseln,  faire  du 
bruit,  raisonner.  Holl.  reutel,  râle, 
râlement  ;  reutelen,  gronder,  grom- 
meler. 

Ralingue,  terme  de  marine  :  cor- 
dage dont  on  garnit  l'ourlet  de  la 


la  voile,  pour  en  renfoncer  le  bord 
et  l'assujettir  plus  convenablement  à 
la  vergue.  On  trouve  raalingue  et 
raelingue  au  xri"  siècle  dans  le  ro- 
man de  Rou  et  dans  celui  de 
Brut. 

Porle  vant  es  très  acoiilir 
Fout  les  privez  avant  tenir, 
Et  bien  fermer  es  raelinguet. 

{Rom.  de  Brut,  p.  140.) 

L'éditeur  donne  pour  variante, 
d'après  un  autre  manuscrit  : 
E  bien  fermer  as  raalingues 

—  Tud.  1°  râ,  perche^  vergue; 
2"  lina,  corde,  Anglo-sax.  \°rah; 
2*  Une.  Dan.  4°  raa;  2"  Une. 
Allem. 4 "  raa;  2°  liin.  Suéd.  4 °  rao, 
ro;  2"  lina.  Holl.  Vraa;  2°  lijn. 

Ramequin,  tranche  de  pain  grillée 
sur  laquelle  on  étend  de  la  crème  ou 
du  fromage.  Ce  mot  dérive  d'un  di- 
minutif germanique  dont  le  primi- 
tif signifie  crème.  —  Allem.  rahm, 
crème,  diminutif  rahmchen  ;  holl, 
room,  crème;  dan.  rœmme,  item. 

Ran,  anc.  bélier.  (Voir  Nicot, 
Oudin,  Borel,  Trévoux  et  Roque- 
fort.) —  Tud.  ram,  bélier;  anglo- 
sax.  ram^rom;  allem.  ramm;  holl. 
ram;  angl.  ram. 

Rang,  Rant,  anc.  boiteux  (Voir 
Roquefort,  art.  Ranc);  en  italien, 
ranco,  boiteux;  rancare,  boiter. 

Ice  ne  vois-ge  pas  qaerant , 
Or  voise  au  deable  le  rant  ; 
Ge  le  voldroic  avoir  pendu. 
Que  si  m'a  mon  poivre  espandu. 

(Roman  de  lailote,  t.  8057.) 

—  Tud.  hank,  boiteux;  dan. 
rœnhe,  boiteux;  rœnke,  rendre  boi- 
teux, disloquer  la  jambe.  Goth. 
vraiqus,  tortu,  tordu.  Allem.  ranh, 
courbure,  sinuosité  ;  renhen,  tordre  ; 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.     439 


ce  mot  n'est  plus  usité  qu'en  com- 
position. IIoll.  wringen,  tordre  ; 
angl.  to  wring,  item. 

Randir,  anc.  courir  à,  s'élancer 
vers,  se  précipiter  sur . 

Partonopeus  le  vait  ferir 
(Juanque  cevals  li  puet  randiT, 
El  li  sodans  vait  ferir  lui. 

(Paitonopeut  de  Blois,  t.  80S1.) 

De  randir  on  fit  randon,  course 
rapide,  vélocité,  impétuosité  ;  ran- 
donner,  courir  avec  ime  grande  vi- 
tesse, galoper. 

A  Poitiers  sont  venu  en  fuiant  de  randon , 

A  Chandosfu  conté  ceste  perdicion. 

Lors  jura  Jhesu-Crlst,  qui  souffri  passion, 

Mal  a  Karenlouet  faiie  tel  mesprison  ; 

Sa  trompe  fist  sonner  et  son  cor  de  laiton, 

Et  Englois  sont  couru  aux  armes  de  randon, 

(CAron.  de  du  Ctiesciin,  t,  II,  p.  193.) 

A  mulet  lefraint  abandonc , 
Tôt  par  mi  la  presse  randone. 

[Dolopathoa,  p.  S4I.) 

De  tant  com  pot  et  corre  et  randonner, 
Corrut  son  père  baisier  et  acoler. 
Et  Amis  lui,  ne  s'en  pot  saouler. 

[Nouveau  recueil  de  contes,  t.  II,  p.  411.) 

—  Tud.  rennan,  rennjan,  courir 
très  vite;  goth.  rînnan;  anglo-sax. 
rennan;  islaxid.  renna,rinna;  allem. 
rennen;  dan.  rende;  suéd.  rœnna, 
renna;  hoU.  rennen;  angl.  to  run. 

Dans  randir^  randon,  randonner, 

et  dans  le  danois  rende,  le  d  est 

.  venu  se  placer  après  le  n,  comme 

dans  TENDRE  de  tener,  cendre  de  ci- 

nis,  eris,  moindre  de  minor,  etc . 

Râper,  autrefois  rasiper  :  en  ita- 
lien, raspare;  en  espagnol  et  en 
provençal,  raspar.  —  Allem.  ras- 
peln,  râper;  dan.  raspe;  suéd.  raspa; 
hoU.  raspen;  angl.  to  rasp. 

Rapière.  •—  Anc.  allem.  rapier, 
longue  épée,  brette;   dan.  rapiir; 


angl.  rapier;  hoU.  rapier,  rappier; 
allem  rapier^  fleuret.  Tous  ces  mots 
paraissent  tenir  au  ttidesque  rap, 
bâton;  anglo-sax.  repel,  item. 

Ras  de  marée,  terme  de  marine, 
bouillonnement  occasionné  en  quel- 
ques endroits  de  la  mer  par  la  ren- 
contre de  deux  marées,  de  deux  cou- 
rants opposés.  (Académie.)  —  HoU. 
i  "  ras,  endroit  où  deux  courants  se 
rencontrent,  tourbillon,  ras  de  ma- 
rée; de  2°  ras,  rapide.  Suéd.  1°  ras; 
2°  rask.  Angl.  1°  race;  2"  rash. 
Dan.  rask,  rapide  ;  strœm-ras,  ras 
de  marée,  composé  de  strœm,  un 
courant ,  et  de  l'inusité  ras.  Tud. 
rase,  prompt;  allem.  rasch,  item; 
island.  rœsk,  rapide. 

Rase,  Raise,  anc.  canal  servant 
à  arroser  ou  à  faire  tourner  un  mou- 
lin, biez.  Le  provençal  rasa  con- 
serve encore  la  même  signification. 
On  disait  également  rasa  en  basse 
latinité. 

Le  suppliant  déboutant  icellui  Largier,  le 
flst  tomber  dans  le  bessal  ou  rase  du  dit 
molin.  (Lettres  de  rémission  rfe  1444  citées 
par  Carpenlier,  art.  Rasa.)— Vue  raite  ou 
besal  pour  conduire  l'eau  au  pré.  {Lettres 
de  rémitsion  de  1466,  citées  ibid.) 

—   Anc.  island.   \°  râs,  cours 

d'eau,  courant,  de  2°  rœsk,  rapide. 

Anglo-sax.  \°  rœs;  T  rase.  Angl. 

1°  race;  ^°  rash.  Suéd.  1"  ras; 

Trask.  Holl.  ras,  rapide.  Tud.  rase, 

item.  Allem.  rasch,  item. 
RÊCHE,  rude  au  toucher  :  «  Cette 

étoffe  est  réc/te;  il  a  la  peaurécfte.  » 
(Acad.)  On  trouve  dans  nos  anciens 
auteurs  resche,  rude,  raboteux, 
âpre,  dur.  Le  dérivé  reschin,  réchin 
signifiait  qui  a  l'air  rude,  dur,  ré-; 
barbatif,    de    mauvaise    humeur.. 


iiO 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Foulques  IV,  comte  d'Anjou,  fut 
surnommé,  le  Réchin,  à  cause  de 
son  mauvais  caractère.  Nous  avons 
conservé  rechigné,  rechigner. 

r—  Ane.  allem.  resche,  dur,  rude, 
raboteux,  âpre;  allem.  moderne, 
rôsche  ;  angl.  rough,  rugged. 

Récif  ou  Ressif.  L'Académie  au- 
torise ces  deux  orthographes,  et  l'é- 
tymologiè  ne  peut  pas  nous  faire 
pencher  plutôt  pour  l'une  que  pour 
l'autre,  attendu  que  l'articulation 
sifflante  qui  se  trouve  au  milieu  du 
mot  y  a  été  introduite,  et  ne  fait 
point  partie  du  primitif  germa- 
nique . 

—  Ane.  allem.  riif,  rocher  à  fleur 
d'eau,  banc  de  sable,  écueil,  récif; 
allem.  moderne,  riff;  angl.  reef; 
hoU.  rif.  Ces  mots  dérivent  d'un 
primitif  signifiant  briser.  Nous  disons 
de  même,  en  termes  de  marine,  un 
brisant,  pour  un  récif,  un  rocher  à 
fleur  d'eau  contre  lequel  les  vagues 
de  la  mer  viennent  se  briser.  Island. 
riufa,  briser;  dan.  rive;  suéd.  n- 
fwa;  holl.  wrijven;  allem,  reiben. 

Reluquer,  lorgner  curieusement 
du  coin  de  l'œil.  Il  reluque  bien 
cette  femme.  Il  est  très  familier. 
(Académie.)  On  a  dit  autrefois  re- 
louquer.  (Voir  Rquefort.)  Ces  mots 
sont  composés  du  préfixe  re  et  dé 
l'ancien  verbe  louquer,  luquer^  si- 
gnifiant regarder,  considérer.  On 
trouve  encore  luquer  dans  le  patois 
normand,  louki  en  wallon  et  er- 
louquer  en  rouchi. 

Que  fais-lu  loq  a  luquer  tes  prosniaux  f 

(Douiieamê  partie  dt  ta  liutt  normande,  f   198.) 

Je  decbendis  par  ste  pessonnerie, 
Où  je  trouvis  bieu  grande  compagnie 
De  nos  drapiers  luquant  ses  almaoas. 

{Comi  TBj/nl,  tD  ttt*  d*  la  M«tt  ncrmandt.  p.  B.) 


—  Anglo-sax.  locian,  regarder, 
considérer;  angl.  to  look;  anc.  allem. 
luogen;  allem.  moderne,  litgen; 
holl.  luchen,  lonken. 

Renge,  anc.  Ce  mot  signifiait 
proprement  une  espèce  de  boucle  ou 
d'anneau  qui  était  adapté  à  la  cour- 
roie ou  à  l'écharpe  servant  de  cein- 
ture, et  qui  était  destiné  à  supporter 
l'épée.  On  prit  ensuite  la  partie  pour 
le  tout  et  renge  signifia  la  courroie, 
l'écharpe  formant  la  ceinture  ;  enfin, 
par  extension,  on  donna  le  même 
nom  à  différentes  courroies  qui 
étaient  garnies  d'anneaux  ou  de 
boucles  et  qui  servaient  à  fixer  quel- 
ques-unes des  pièces  de  l'équipement 
d'un  homme  d'arme.  En  basse  lati- 
nité rinça,  ringa,  ringia  avaient  la 
même  signification. 

Pour  faire  et  forger  le  coispel  d'une  es- 
pée ,  rebrunir  la  crois  ,  le  pomeau  ,  la 
boucle  et  le  mordant  de  la  renge.  (Compte 
d'Estienne  Fontaine  argentier  du  Roi  pour 
le  mois  de  juin  1351,  chap.  d'orfavrerie,  cité 
par  du  Cange,  art.  Rinça.) 

Li  ceint  l'espée  par  la  renge  d'or  fin. 

(  Rom.  dt  Gari»,  I.  11,  p.  91.} 

L'une  des  dites  espées  sera  garnie  de 
renge  de  cuir  ou  de-soye,  garnie  déboucles 
et  hardillons  de  fer  et  d'acier,  mise  et 
ceinte  a  mon  costé.  (Lobineaa,  Histoire  de 
Bretagne,  t.  Il,  col.  674.) 

Al  pont  de  fin  or  entaillé 
Saisit  e  prent  le  rei  de  France; 
Enes-le-pas,  sans  demorance, 
Li  a  la  teste  desarmée 
E  la  renge  desoz  coupée. 

(Chnu.  dei  due$  de  Norm.  t.  11,  p.  St.) 

Portet  ses  armes  ;  mult  li  snnt  avenanz  • 
Mais  sun  espiet  vait  li  bets  palmeiant, 
Cuntre  le  ciel  vait  l'amure  turoant, 
Laeieten  sum  un  gunfannn  tôt  blanc; 
Les  renges  li  bâtent  josqa'as  mains 

(Chani.  lit  helnrd,  tt.  tlixix.) 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  IL  Ui 

mi;  reisôn,  faire  un  voyage,  une 
expédition;  anglo-sax.  resa,  expédi- 
tion; island.  reisa,  course,  excur- 
sion, voyage.  Dan.  1"  reise,  item; 
2°  reise,  faire  un  voyage,  une  excur- 
sion. HolL  \°  reis;  2"  reizen.  Aliem. 
1"  reise;  2*  reisen.  Suéd.  1°  et 
2°  resa;  angl.  mce,  course. 

Rhin,  anc.  anneau  que  le  sei- 
gneur suzerain  passait  au  doigt  de 
son  vassal  en  lui  donnant  l'investi- 
ture d'un  fief.  Celui-ci  était  investi, 
comme  on  disait^  par  rhin  et  par 
BASTON ,  per  annulum  et  virgam. 
(Voir  à  cet  égard  Cujas,  liv.  II, 
titre  des  Fiefs,  et  le  glossaire  de  du 
Cange,  art.  Hringus.)  Rainchel  était 
un  anneau  que  le  fiancé  passait  au 
doigt  de  sa  future  épouse  dans  la 
cérémonie  des  fiançailles.  Rhin  et 
rainchel  sont  dérivés  du  même 
primitif,  ce  dernier  a  été  formé 
directement  d'un  diminutif  germa- 
nique. 

Item,  je  donne  a  ladite  Jehaniie  de  Tilly 
un  anneau  d'or  "a  tout  une  pierre  turquoise, 
lequel  lui  avoit  par  moi  Charles  esté  donné 
pour  rainchel  a  nostre  flanchier.  (Testa- 
ment de  1504,  cité  dans  le  supplément  du 
glossaire  de  Roquefort,  art.  RainchelA. 

—  Tud.  hring,  anneau,  bracelet, 
collier,  ceinture,  se  disait  en  géné- 
ral de  tout  ce  qui  forme  le  cercle; 
anglo-sax  hring,  hrincg,  item;  is- 
land. hring,  item;  holl.  dan.  suéd. 
angl.  ring,  anneau;  atlera,  ring, 
item;  diminutif  ringel,  petit  an- 
neau. C'est  de  ce  diminutif  ou  de 
quelque  autre  semblable  que  pro- 
vient notre  ancien  mot  rainchel. 

RiBAUD,  RiBAULT  :  en  italien,  n- 
haldo;  en  basse  latinité,  ribaldus. 
On  appelait  primitivement  ribaulds, 


—  Tud.  hringa,  anneau,  boucle, 
agrafe;  de  hring,  cercle,  anneau. 
Anglo-sax.  hring,  hrincg,  item;  is- 
land.  hring;  allem.  holl.  dan.  suéd. 
et  angl.  ring. 

Renifler.  On  disait  autrefois  ni- 
fler  pour  aspirer  quelque  chose  par 
le  nez,  et  l'on  dit  encore  en  proven- 
çal niflar  et  en  piémontais  nufié 
dans  le  même  sens.  Le  préfixe  re 
a  été  ajouté  au  simple  pour  former 
renifler. — Anc.  allem.  nixffeln,  aspi- 
rer par  le  nez,  flairer,  renifler; 
allem.  schnuffeln,  schnûffeîn;  holl. 
snoffen,  snoffeîen,  snuffelen;  angl. 
to  snuff,  to  sniff.  On  trouve  en  ba- 
varois niffeln,  parler  du  nez,  et  en 
ancien  island.  nef,  nez. 

Renne,  animal  de  l'espèce  des 
cerfs.  —  Anglo-sax.  hran ,  renne  ; 
island.  rhein,  rheindyr  dan.  reen; 
suéd.  ren;  holl.  rendier;  allem. 
rennthier;  angl.  reen-deer.  L'islan- 
landais  rheindyr,  ainsi  que  les  mots 
hollandais,  allemands  et  anglais 
sont  composés  de  dyr,  dier,  thier, 
deer,  qui  signifie  bête  fauve  dans 
chacune  de  ces  langues. 

Rèse,  Rèze,  anc.  expédition  mi- 
litaire^ course  dans  le  pays  ennemi  : 
en  basse  latinité  ,  reisa  ,  reysa  , 
resa. 

Autre  querez  qui  ceste  rese  face  ; 
Ebcusez-vous,  par  le  conseil  d'Eustace. 

(Euiiacbe  Detcbanipi,  cité  dan»  le  glossaire  œanut- 
crit  de  Saiote-Palaye,  art.  J<eit«.) 

Tost  après,  ceux  de  la  verte  tente  et 
autres  Gandois  firent  une  rese  sur  les 
marches  de  Hainaut.  (Olivier  de  la  Marche, 
cité  daps  le  glossaire  de  du  Cange,  art. 
Reis".) 

—  Tud.  reisa,  voyage,  expédition 
militaire^  excursion  en  pays  eune- 


44S 


PREMIÈRE  PARTIE. 


ribauds  des  soldats  d'avant-garde, 
nommés  au  xvi«  siècle  enfants  per- 
dus, à  cause  des  dangers  auxquels  on 
les  exposait  en  les  plaçant  devant  le 
corps  d'armée  pour  recevoir  le  pre- 
mier choc.  (Voir  du  Cange,  art.  Ri- 
baldus;  Etienne  Pasquier,  liv.  VII, 
et  le  P.  Daniel,  Histoire  militaire 
des  Français,  liv.  III.)  Dans  un 
combat  livré  près  de  Gravelines,  l'a- 
vant-garde  française  attaque  les 
Flamands  avec  impétuosité;  mais 
elle  est  repoussée  et  refoulée  vers  le 
corps  d'armée.  Guillaume  Guiart 
raconte  ainsi  ce  combat  partiel  : 

Ribauz  primerains  se  desroutent, 
Qui,  selonc  leur  vite  courage. 
Guident  avoir  tout  d'avantage. 
D'aler  avant  néant  ne  content  ; 
L'yaue  lessent,  un  sablon  montent;. 
D'entre  les  serjanz  se  destrochent. 
Lamote  où  Flamenz  sont  aprocbent 
De  tost  aler  ne  se  detrient  ; 
Mes  cil  en  l'eure  les  defûect. 
Dont  aucun  à  crier  se  taille  : 
«  Or  a  mort,  a  mort  garçonnaille  I  • 
En  ce  disant,  quarriaus  descochent 
Vers  les  genz  nues  qui  aprochent, 
Espessement  entr'eus  s'adentent. 
Ribauz,  qui  de  ce  s'espoventont, 
Sanz  attendre  le  dos  leur  tournent; 
Vers  la  rivière  s'en  retournent. 
Contre  les  soudoiers  refuient  ; 
Sainte  Marie  t  comme  ils  bruient  I 

{Branche  dei  royaux  lignaget,  t.  II,  p.  296.) 

Les  avani^gardes  étaient  compo- 
sées de  soldats  qui  pouvaient  avoir 
une  certaine  intrépidité,  mais  qui 
étaient  pour  la  plupart  indisciplinés 
et  sans  conduite  ,•  c'étaient  les  mau- 
vais sujets  de  l'armée  :  aussi  le  nom 
de  ribaud  devint-il  dans  la  suite  une 
injure,  et  ne  s'employa  plus  que 
pour  signifier  un  bandit,  un  pillard^ 
un  débauché,  un  libertin,  un  homme 


qui  soutient  les  femmes  de  mauvaise 
vie.  (Voir,  à  cet  égard,  les  diction- 
naires de  Nicot,  de  Trévoux,  et  de 
Roquefort.) 

Ribaldus  est  le  même  que  Aribal- 
dus,  nom  propre  que  l'on  trouve  en 
tudesque  sous  la  forme  Aribald  et 
dont  nous  avons  fait  Aribaud,  Aîi- 
baud.  C'est  un  composé  formé  de 
deux  mots  dont  l'un  signifie  hardi, 
intrépide,  et  l'autre  signifie  armée. 
(Voir  Aribald  dans  Graff .  )  On  a  pri- 
mitivement appelé  ribauds  des  sol- 
dats choisis  parmi  les  plus  intrépides 
de  l'armée.  L'a  initial  conservé  dans 
Aribaldus,  Aribaud,  Alibaud  est 
tombé  dans  ribaldus,  ribaud  comme 
dans  diamant  de  adamas,  antis. 
(Voyez  tome  II,  p.  154.) 

—  Tud.  1°  hari,  heri,  armée;  en 
composition  art,  comme  dans  ari- 
man,  homme  de  l'armée,  soldat, 
guerrier;  2°  bald,  hardi,  intrépide, 
courageux.  Goth.  4»  har;  2"  baltha. 
Anglo-sax.  \  **  hère,  herig  ;  %°  bald. 
Ane.  island.  1  °  her;  2°  baldur.  AUem. 
4°  heer;  2°  bald.  HoU.  heir,  armée; 
baldadig,  fougueux,  turbulent.  Angl. 
bold,  hardi,  intrépide,  audacieux. 

Riche.  Ce  mot  avait  au  xii®  siècle, 
la  même  signification  qu'aujourdhui; 
mais  il  en  avait  en  môme  temps  une 
autre  assez  voisine,  celle  de  puissant. 
Cette  signification  se  retrouve  dans 
la  basse  latinité,  où  rici  homines  si- 
gnifiait les  grands,  les  principaux  et 
puissants  de  la  nation.  Les  Espa- 
gnols disaient  ricos  hombres  dans  le 
même  sens. 

Karles  vint  de  muster  quant  la  messe  ta, 

dite^ 
Il  e  li  duze  per,  les  feres  cuœpainies  ; 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  II.    443 

dans  lesquelles  on  trouve  des  hé- 
mistiches et  quelquefois  des  vers 
finissant  par  la  même  consonnance  ; 
mais  6e  ne  sont  là  que  des  jeux  du 
poëte ,  comme  les  acrostiches ,  les 
vers  rétrogrades,  etc.  Les  poésies  tu- 
desques  du  moine  Otfrid  sont  les 
premières  qui  soient  véritablement 
rimées.  Cet  auteur,  qui  vivait  au  ix* 
siècle,  ne  parait  pas  du  tout  l'inven- 
teur de  la  rime  ;  il  parle  au  contraire 
d'autres  poètes  francs  qui  firent  des 
vers  avant  lui.  Il  est  probable  qu'il 
ne  fit  que  se  conformer  à  un  usage 
établi  depuis  longtemps  par  ses  de- 
vanciers. Les  poésies  tudesques  que 
Charlemagne  fit  recueillir  étaient 
sans  doute  en  vers  rimes.  Malheu- 
reusement nous  ne  pouvons  porter 
un  jugement  à  cet  égard  que  par  in- 
duction. Au  commencement  du  vu* 
siècle  on  composait,,  en  latin  rusti- 
que ,  des  chansons  populaires  qui 
étaient  rimées  comme  les  chants  tu- 
desques (voir  ci-dessus,  p.  26,  et 
note  1). 

Dans  notre  langue^  rime  signifia 
d'abord  vers,  poésie,  oS'rant  les  ca- 
ractères de  la  poésie  tudesque,  quant 
à  la  répétition  du  même  son  à  la  fin 
des  vers,  c'est-à-dire  poésie  rimée  ; 
ensuite  ce  mot  prit  la  signification 
qu'il  conserve  encore  aujourd'hui , 
celle  de  terminaison  d'un  mot  qui 
est  semblable  pour  le  son  à  la  ter- 
minaison d'un  autre  mot. 


Devant  vait  li  emperere,  car  il  est  H  plus 
riches. 

[Voy.de  CharUm.  à  Jér.,  r.  391.) 

—  Tud.  rîchi,  rihhi,  puissant  opu- 
lent, riche;  go  th.  reiks;  anglo-sax. 
ryCy  rice,  nca ;island.  rikur;  allem. 
reich,  opulent,  riche  ;  dan.  riig, 
item  ;  suéd.  rik  ;  hoU.  rijk  ;  angl. 
rich. 

RiFLER  signifia  d'abord  racler,  ra- 
tisser, limer,  enlever  en  raclant, 
puis  enlever  en  général,  emporter, 
saisir,  piller.  Nous  appelons  encore 
rifloir  une  sorte  de  lime  un  peu  re- 
courbée et  riflard  un  gros  rabot  qui 
sert  à  dégrossir  le  bois.  (Voyez  l'un 
et  l'autre  dans  le  dictionnaire  de 
Trévoux.) 

Cil  crièrent  a  halte  voiz ,  si  se  tren- 
chierent  si  cume  fud  lur  usages  de  cultels  e 
rifierent  la  charn  jesque  il  furent  sanglenz. 
(Livre  des  Rois,  p.  317.) 

Comment  avez-vous  tant  riffli 
Sans  mettre  unglopin  en  reserve  ? 

[Le  llert  Livre  des  Actei  dis  Aposires,  feuillet  cri, 
1",  col.  2.) 

...  Si  corsaire  etoit  Turnus, 
Ilvous  n/Zeroti  rasibus. 
Ou  bruleroit  ribon  ribene 
Et  vos  vaisseaux  et  leur  antenne. 

(Jacquet  Sloreau  ,  La  tuile  du  Virgile  Irapesii, 
Ut.  X.) 

—  Allem.  riffeln,  racler,  ratisser, 
limer  ;  riffelfeile,  rifloir,  composé  de 
riffeln  et  de  feile,  lime  ;  ces  verbes 
sont  de  la  même  famille  que  reihen, 
frotter,  ratisser,  triturer,  broyer; 
island.  rîfa;  dan. rive;  suéd. rifwa; 
hoU.  wrijven  ;  angl.  fo  ruh.  Tud. 
rïban,  frotter,  broyer;  rjflàn  scier. 

Rime.  Tout  porte  à  croire  que  nous 
devons  la  rime  aux  nations  germa- 
niques. Nous  avons,  il  est  vrai,  cer- 
taines poésies  grecques  ou  latines 


Pour  çou  leur  requier-jou  qu'il  oient 
Ce  conte  que  je  met  en  rime. 
Et  se  je  ne  sui  leonime, 
Merveillier  ne  s'en  doit  mie; 
Car  molt  petit  sai  de  clergie. 
Ne  onques  mais  rime  ne  fis; 
Mais  ore  m'en  suis  entremis 
Pour  çou  que  vraie  est  la  mater* 


444 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Dont  je  voel  ceste  rime  faire... 
Dès  or  mais  vous  commencerai, 
Que  ja  de  mot  n'en  mentirai 
Se  n'est  pur  ma  rime  alongier, 
Si  droit  com  je  porrai  ligner. 

[Roman  de  la  Manekine,  inséré  don»  le  Théâtre 
français  au  mcjenâje.  p.  542,  col.  8.) 

Se  Rustebuès  rudement  nme, 
Et  se  rudece  en  sa  rime  a, 
Prenez  garde  qui  la  rima. 
Rustebuef  qui  rudement  œvre, 
Qui  rudement  fet  la  rude  œvre. 
Qu'assez  en  sa  rudece  ment. 
Rima  la  rime  rudement. 

(OEurrei  do  Rutebeuf,  t.  Il,  p.  235.) 

—  Tud.  rime,  rim,  nombre.  Ces 
mots  furent  pris,  comme   le  latin 
numerus  et  le  français  nombre,  pour 
la  mesure  du  vers^  c'est-à-dire  pour 
le  nombre  de  syllabes  ou  de  pieds 
qui  le  composent  ;  de  là  dans  Otfrid, 
liv.  I,  V.  3,  irriman,  mettre  en  vers, 
composé  au  moyen  de  la  prép.  ir. 
Ânglo-sax.  rim,  rime,  gerim,  nom- 
bre. Suéd.  \°rim,  vers,  rime;  2'n- 
ma,  faire  des  vers.  Dan.  4°  riim; 
2°  rime.  HoU.  4°  rijm;  2°  rijmen. 
AUem.  1°  reim;  T  reimen.  Angl. 
4°  rime;  2°  to  rime. 
RiN,  anc.  source,  fontaine. 

Ne  bevés  nient  de  l'eve  de  ceste  fon- 
tainne;  car  elle  n'est  mie  à  boire.  Li 
nature  de  li  est  telle  :  qui  boit  de  li,  errant 
est  si  endormis  et  ne  s'esvillera  dusqu'a 
dont  que  xxiin.  eures  seront  aemplies. 
Quant  elle  est  courue  hors  de  sen  rin,  elle 
a  le  nature  à'yivie. (Légende  de  snint  Bran- 
daines,  publiée  par  M.  A.  Jubinal,  traduc- 
tion, p.  72.) 

Nullité  bibere  de  hac  fonte,  fortis  namgue 
est  ad  bibendum.  Natura  enim  illius  est  ta- 
lis  :  quisquis  bibet  ex  eo ,  statim  super  eun 
sopor  est,  et  non  vigilal  donec  compleantur 
vigenti  quatuor  hore.  Dum  autem  «fonte ma- 
nat  foras,  hahet  saporem  aque  et  naturam. 

—  Tud.  1"  rinnâ,  source,  cata- 


racte, cours  d'eau  de  2°  rinnan,  cou- 
ler. Goth.  1°  rinnô  ;  %°  rinnan.  An- 
glo-sax. 4°  rin;  2°  mnan.  Island. 
renna,  couler;  allem.  rinnen,  item. 
Sued.  rœnna,  canal;  dan.  rende, 
item. 

Ripe,  outil  dont  se  servent  les 
maçons  pour  ratisser  les  murs  ;  ri- 
per,  ratisser  avec  la  ripe.  —  Allem. 
reibe,  ustensile  propre  à  ratisser  ou 
à  broyer,  râpe,  égrugeoir  ;  de  reiben, 
frotter,  ratisser,  broyer;  tud.  riban  ; 
angl.  to  rub;   islaad.  ri  fa  ;   dan. 
rive;  suéd.  rifwa;  holl.  wrijven, 
frotter^  ratisser,  triturer  ;  rijf,  râpe. 
Ris,  terme  de  marine.  On  nomme 
ainsi  des  espèces  de  boutonnières  ou 
d'œillets  qui  se  trouvent  à  une  cer- 
taine hauteur  de  la  voile,   et  dans 
lesquels  on  met  des  garcettes  pour 
raccourcir  la  voile  quand  le  vent  est 
trop  fort  ;  ce  qui  s'appelle  arriser, 
riser,  ou  prendre  des  ris.  Nous  trou- 
vons déjà  le  mot  ris  avec  la  même 
acceptation  au  xii^  siècle. 

Soluncl'orré  portent  Icsveiles; 
Les  braiels  (cargues)  funt  lier  al  mast, 
Ke  li  venz  par  desuz  de  past, 
A  tous  ris  curent  u  a  treis. 

{Rom.  de  Brut,  t.  Il,  p.  Ul,  noie  a.) 

Dan  rift,  ris,  boutonnière,  œil- 
let^ signifie  proprement  fente,  in- 
cision, ouverture  ;  rifte,  arriser, 
prendre  des  ris.  Angl.  4"  reef,  ris  ; 
2°  rift,  fente,  incision,  ouverture  ; 
3°  to  rift,  to  rive,  fendre,  faire  une 
incision.  Holl.  1"  rif,  reef;  2°  reet, 
rijting  ;  3°  rijten.  AUem..  riss, 
fente  ;  reissen,  fendre.  Suéd.  rista, 

item. 

River,  écraser  la  pointe  d'un  clou 
de  l'autre  côté  de  l'objet  qu'il  perce 
afin  de  la  fixer.—  Anc.island.  rifa. 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  IL 


445 


écraser,  broyer,  frotter,  ratisser; 
dan.  rive;  suéd.  rifwa;  hoU. 
wrijven.  AUem.  riffeln,  racler,  ra- 
tisser, limer;  mot  de  même  famille 
que  reiben,  frotter,  ratisser,  broyer, 
écraser;  tud.  rihan,  item;  rifilôn, 
scier. 

Robe,  Rober.  Le  substantif  robe 
signifia  primitivement  vol,  rapine, 
déprédation,  pillage  et,  de  plus,  ce 
qui  provient  du  pillage,  dépouilles 
remportées  sur  l'ennemi,  butin . 

Aiens  pluseurs  de  nos  mousnes  (moines) 
denoslre  dite  église,  liquel  estoienlet  sunt 
rebelle,  inobedient  et  contraire  a  nous,  à 
nostre  commandemens  et  corrections  de 
pluseurs  et  divers  excès  et  vilains  injures, 
griès,  violences,  robes,  larrecliins....  (Car~ 
Maires  de  HainauC  publiés  par  M.  de  Reif- 
fenberg,  p.  418.) 

E  rien  n'en  faillid,  ne  del  petit,  ne  del 
grant,  que  de  lur  fîz,  lur  filles,  que  de  lur 
rol/e,  e  quanque  il  avoient  ravid;  tut  le 
remenad  David.  (Litre  des  Rois,  p.  116.) 

Nec  defttil  quidquam  a  parvo  usque  ad 
magnum,  tam  de  flliis  quam  de  filiabus,  et 
de  spoliis,  et  quœcumque  rapuerant;  omnia 
reduxit  David. 

Ensuite  robe  se  prit  dans  un  sens 
collectif  pour  les  objets  dont  le  butin 
se  compose  le  plus  généralement  ; 
il  signifia  effets  mobiliers,  bagage, 
et  particulièrement  bardes,  vête- 
ments, habits.  Enfin  robe  en  est 
venu  à  ne  plus  désigner  qu'une 
sorte  de  long  vêtement.  L'italien 
roba  conserve  encore  ces  diverses 
acceptions.  Pelfre  qui  se  disait 
anciennement  pour  butin,  dépouilles 
remportées  sur  l'ennemi  est  devenu 
en  patois  Normand  peuffe  signifiant 
vieux  habits,  friperie.  (Voir  à  cet 
égard  ci-dessus,  p.  434.) 

Octaves  oï  noveler. 

Et  après  ol  afermer 


Que  Trahan  Escoce  gastoit; 
Avoir  ne  robe  n'i  laioit. 

{Rom.  tk  Brut,  t.  1,  p.  272.) 

Les  marchans  qui  vont  par  mer  o  atres 
gens  ce  (si)  il  avient  que  il  aient  fort  tens, 
et  il  getent  por  selui  raautens  de  leur  avoir 
et  de  leur  robe  en  mer,  et  avient  puis  que 
hom  trêve  de  seluy  avoir  sur  ague...  (As- 
sises de  Jérusalem,  édit.  de  V.  Foucher, 
1. 1,  p.  82.) 

Il  trouvèrent  se  clerc  que  vous  veez  ci,  et 
ils  tollirent  toute  sa  robe.  Le  clerc  s'en  alla 
en  pure  sa  chemise  en  son  ostel.  (Joinville 
cité  par  Roquffort,  Gloss.  art.  Robe.) 

On  disait  en  basse  latinité  roba, 
rauba.  Voyez  dans  le  glossaire  du 
Gange  des  exemples  de  ces  mots 
ainsi  que  des  citations  en  langue 
d'oïl  qui  offrent  le  français  robe  em- 
ployé dans  différentes  acceptions. 

Rober  signifiait  anciennement  vo- 
ler, piller;  nous  avons  conservé  le 
composé  dérober  :  en  basse  latinité 
raubare;  en  ital.  rubare,  enesp. 
robar;  enportug.roMftèar;  en  langue 
d'oc  raubar. 

Tut  aseur  fu  le  païs; 

N'i  eut  chemin  frait  ne  bruisié, 

Ne  home  robe  ne  despoillié. 

(CAron.  des  ducs  de  Kom.  t.  1,  p.  522.) 

A  cel  tans  aloient  par  mer 
Les  unes  gens  altres  rober. 

(Rom.  de  Brut.  t.  l,  p.  S56.) 

—  Tud.  raub,  roub,  vol,  rapine, 
pillage  ;  raubôn,  roubàn,  voler,  pil- 
ler; goth.  rauban,raubjan,  birauban, 
item.  Anglo-sax  \°  reaf,  reof,  vol; 
2°  reafjan,  voler.  Allem.  4°  raub; 
2°  rauben.  Dan.  4"  rov;  ^°  roeve. 
Suéd.  \°  rof;  2°  rœfwa.  HoU. 
\°  roof;  2°  rooven.  Angl.  i"  rob~ 
bery;  2"  to  rob. 

RocHET.  Ce  mot  ne  désigne  plus 
aujourd'hui  qu'une  sorte  devêtement 


U6 


PREMIÈRE  PARTIE. 


à  l'usage  des  ecclésiastiques  ;  mais 
il  signifiait  autrefois  un  sarrau,  une 
casaque,  une  capote,  un  vêtement 
de  dessus  à  l'usage  des  hommes  et 
des  femmes  :  en  basse  latinité,  roc- 
eus,  Tocus,  rochus,  hrocus,  avaient 
la  même  signification.  (Voir  Roque- 
fort et  du  Cange.)  On  trouve  dans 
le  dictionnaire  de  Jean  de  Garlande, 
Supara,  gallice  rochet.  {Paris, 
sous  Philippe  le  Bel^  p.  595.) 

—  Tud.  rok,  roc,  tunique,  casa- 
que; anglo-sax.  rocc;  anc.  island. 
rochr;  allem.  rock;  hoU,  rok;  suéd. 
rock;  angl.  frock. 

Roi,  anc.  préparatifs  ordre,  arran- 
gement, disposition.  Ce  mot,joint  à 
différents  préfixes,  forma  les  com- 
posés arroi,  désarroi,  enroi,  conroi. 
Le  substantif  arroi  signifiait  ordre, 
arrangement^  ordonnance  militaire, 
équipement,  train,  bagage.  Désar- 
roi, desroi,  derroi,  avaient  le  sens 
contraire,  celui  de  désordre,  confu- 
sion, et  se  disait  surtout  en  parlant 
des  troupes  pour  signifier  déroute. 
Enroi  ou  erroi  s'employaient  dans 
le  sens  d'ordre,  ordonnance,  disposi- 
tion, organisation.  Conroi  avait  as- 
sez souvent  une  signification  sem- 
blable à  celle  à' arroi  ;  de  plus,  il  se 
disait  fréquemment  pour  appareil, 
préparatif,  cortège;  il  se  prenait 
pour  appareil  de  troupes,  préparatifs 
de  guerre,  ainsi  que  préparatifs  d'un 
repas,  et  pour  provisions  de  bouche. 
En  basse  latinité,  conredium  avait 
le  même  sens.  (Voir  ce  mot  dans 
du  Cange.) 

De  moi  ne  fai  nul  rotf, 
Fors  ke  ma  mort  i  voi. 

(Wockemagel,  Al/ratuiiitchttttder,  p.  18.) 


S'en  France  sorsist  i.  desrot, 
Terre  ne  fust  si  orfeline. 
Que  les  armes  et  le  conroi. 
Et  le  conseil  et  tout  Verroi 
Laissast-on  sor  la  gent  béguine. 
Lors  si  veis-l'en  biau  couvine 
De  ceis  qui  France  ont  en  saisine, 
Où  il  n'a  mesure  ne  roi. 
Se  r  savoient  genl  tartarine, 
J'a  porpaor  de  la  marine 
Ne  laisseroient  cest  enroi. 

(Rutebeuf,  t,  I,  p.  108.) 

Eut  le  roi  Philippe  grâce  et  dévotion  de 
venir  voir  le  saint  père,  pape  Benedict,  qui 
pour  le  temps  regnoit  et  se  tenoit  en  Avi- 
gnon... Si  fist  faire  en  cette  instance  ses 
pourveances  grandes  et  grosses,  et  se  par- 
tit de  Paris  en  très  grand  arroi,  le  roi  de 
Behaigne  et  le  roi  de  Navarre  en  sa  com- 
pagnie, et  aussi  grand  foison  de  ducs,  de 
comtes  et  de  seigneurs.  (Froissart,  liv.  I, 
ch.  Lx,  t.  I,  p.  54.) 

En  la  cité  d'Evreuz  s'assembla  leur conroù. 

(CAfo».  de  du  Guetclin,  t.  1,  p.  150.) 

Ll  ducs  a  ses  conroiz  rengiez  et  ordenez. 

{fbid.,  t.  1,  p.  SI.) 

Ainsi  ensou  chastel  estoitgrans  li  derrois. 

(Chron.  de  du  Guetclin,  1. 1,  p.  310.) 

E  duze  maistres  prevoz  furent  asis  sur 
tnte  la  terre  pur  truver  la  vitaille  e  le  cm- 
rei  a  la  maisun  le  rei.  (Livre  des  Rois, 
p.  238.) 

Habebat  aulem  Salomon  duodecim  prœfec 
tos  super  omnemisarel  qui  prœbebantaLnno- 
nam  régi  et  domui  ejus. 

Du  substantif  conroi  on  forma  le 
verbe  conroier,  conreier ,  conréer , 
préparer,  apprêter,  arranger,  appa- 
reiller, équiper,  parer,  etc. 

Guenes  li  qaens  s'en  vait  à  sun  ostel 

De  garnemenz  se  prent  a  cunréer 

De  ses  meillors  que  il  pout  recuverer. 

{Chans.  de  Roland,  it.  xzti.) 

E  vint  sus  al  paleis  û  out  sa  muiller  veue, 
Il  la  fet  conréer,  e  celé  est  revestue. 

(  Yoy.  de  Chartem,  i  Ht.,  t.  330.) 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.    447 


—  Tud.  reitî,  prêt,  préparé,  ap- 
pareillé; reitên,  préparer,  apprêter. 
Goth.  ratkian,  item.  Anglo-sax. 
i°  rœdian,  gerœdian,  item;  2°  rœv, 
ordre,  rang,  arrangement.  Island. 
A"  reida;  2°  raud.  Dan.  rede,  prêt; 
berede,  préparer;  rad,  ordre.  Suéd. 
rec?o, prêt;  reda,  préparer;  rad,  or- 
dre. Holl.  reede,  ree,  prêt;  reeden, 
apprêter ,  préparer.  Angl.  ready  , 
prêt;  row,  ordre,  rang;  ^orow;, ar- 
ranger. L'allemand  n'a  conservé  que 
les  composés  bereit,  prêt,  préparé; 
bereiten,  apprêter,  préparer. 

RoiFE,  RoiFLE,  RoFFÉE,  anc. 
croûte  qui  vient  sur  une  plaie,  sur 
un  ulcère,  escarre,gale.  On  dit  ruff 
dans  le  patois  du  milanais,  rufa 
dans  celui  du  Piémont,  et  roufle  dans 
celui  du  Jura. 

An  grief  mesel  en  done  à  boire  ; 
Tôt  maintenant  qu'il  l'a  béue, 
Tost  anssitost  li  est  chéue 
Sa  puant  roife,  s'orde  escreffe, 
Com  à  poisson  qant  l'en  l'escreffe. 

(M&n,  Failimx,  t.  Il,  p.  lOi.) 

Or  en  frotez  aussi  vos  mains 

En  haut;  bien  faites. 
—  Elles  ne  sont  mais  si  defaictes 
Comme  ilz  (/(«es  elles)  estoient  maintenant; 
La  roifie  en  va  toute  cheiant. 

(Théâtre  français  au  moyen à/je,  p.  360.) 

—  Tud.  hruf,  ruf,  lèpre,  escarre; 
anc.  irland.  ^ni/a^î^/a;  anc.  allera. 
ruf;  anglo-sax.  hreof,  gale;  holl. 
voof,  roove,  croûte  des  plaies  et  des 
ulcères,  escarre;  suéd.  rufwa,  item; 
dan.  roe,  item. 

RoNDACHE,  espèce  d'ancien  bou- 
clier rond.  —  AUem.  rundtartsche, 
bouclier  rond;,  ronache,  mot  compo- 
sé de  rund ,  rond ,  et  de  tartsche, 
bouclier.  Les  anciens  idiomes  ger- 
maniques n'ont  pas  l'adjectif  rund 


dans  le  sens  de  rond  ;  l'allemand 
moderne  doit  avoir  emprunté  ce  mot 
au  français  ou  l'avoir  formé  du  latin 
ROTUiSDUs.  Rundtartsche  et  le  fran- 
çais rondache  seraient  donc  des  mots 
hybrides.  Tud.  targa^  bouclier;  an- 
glo-sax. targ  ;  angl.  targe,  target. 

Ronfler,  onomatopée  qui  se  re- 
trouve dans  les  idiomes  germani- 
ques. —  AUem.  rumpeln  et  i^m- 
meln,  faire  un  bruit  sourd ,  réson- 
ner; angl.  rumble;  holl.  rommelen; 
dan.  rumle. 

Roquet,  sorte  de  petit  chien  ;  ce 
mot  est  un  diminutif.  — Anc.  island. 
raki  racki,  chien;  anc.  angl.  rack; 
anc.  allem.  rakel,  reckel  ;  holl.  re- 
kel.  On  trouve  en  suédois  racka, 
chienne,  lice. 

Rosse,  Roussin.  Ces  mots  déri- 
vent d'un  primitif  germanique  si- 
gnifiant un  cheval  de  prix,  un  cour- 
sier :  c'est  donc  par  dérision  que 
nos  pères  appelèrent  rosse  un  cheval 
sans  force  ni  vigueur  ;  quant  à  rous- 
sin, il  signifie ,  selon  l'Académie, 
un  cheval  entier,  un  peu  épais  et 
entre  deux  tailles.  En  basse  latinité 
rossinus;  en  langue  d'oc,  rossin; 
en  espagnol,  rocin . 

—  Tud.  hros,  ros,  cheval,  cour- 
sier; anglo-sax,  hros;  anc.  island. 
hross  ;  allem.  ross  ;  holl.  ros;  suéd. 
hors;  angl.   horse. 

Roum,  Rodtoir  :  en  basse  lati- 
nité ,  rohiaire,  rouir;  rothorium, 
routoir.  —  Tud.  rozjan  ,  pourrir 
(Notker,  ps.  xv,  1 0)  ;  anglo-sax.  ro- 
tan,  rotian ,  item;  island.  rotna, 
item  ;  rot,  pourri  ;  angl .  to  rot,  faire 
pourrir,  faire  corrompre,  macérer, 
se  prend  aussi  neutralement  pour 
pourrir,  se  corrompre;  dan.  raadne, 


448 


PREMIÈRE  PARTIE. 


item;  suéd.  rœta ,  faire  pourrir, 
macérer,  rouir  du  chanvre;  holl. 
rotten,  item  ;  allem.  rôsten,  item. 

Roupie,  goutte  qui  pend  au  bout 
du  nez.  Le  mot  n'est  pas  nouveau 
dans  notre  langue. 

Moult  par  est  fox  votre  estatus. 
Foie  est  qui  de  vous  a  envie. 
En  dangier  iestes  ambatus; 
Vous  samblez  lanterne  cffacie; 
Les  iex  avez  tous  esfondu?. 
Et  au  nez  vous  pend  ta  roupie. 

{Nouveau  recueil  de  contes,  t.  U,  p.  3Î4.) 

Meuz  vaut  rubye  par  b 
Ke  ne  feet  rupie  par  p  ; 
Se  bourse  eust  taunt  de  rubie* 
Cum  le  nées  ad  de  rupies. 
Riche  sereyt 

(Walter  de  Bilieletnorlh  ciië  pur  M.  Génin  dant 
•on  Inlrodaction  à  la  grammairtde  Palsgrova. 
p.  S8.) 

—  Holl.  drop,  drup,  écoule- 
ment ;  drope?,  drwpel,  goutte;  neus- 
drop,  roupie,  composé  de  drop,  et 
de  news, nez;  allem.  trop f en,  goutte; 
nasentrôpfchen,  TOMT^ie  ;  nase,nez. 
Dan.  draable,  goutte;  nœsedraabe, 
roupie  ;  nœse,  nez.  Angl.  drop,  ta 
drop,  dégoutter,  découler  ;  his  nose 
drops j  il  a  la  roupie.  Tud.  tropho, 
tropfo,  goutte;  anglo-sax.  dropa, 
item  ;  suéd.  droppe,  item. 

Route,  Rote,  anc .  compagnie  de 
soldats,  troupe,  brigade,  bande.  Les 
routiers  étaient  des  brigands  orga- 
nisés par  bandes  qui  ravagèrent 
longtemps  nos  provinces  :  en  basse 
latinité,  routa,  rata,  rota,  signi- 
fièrent également  une  troupe  de 
gens  de  guerre.  (Voir  Roquefort  et 
du  Gange.) 

De  Lengres  par  matin  leva 

Et  a  Ostom  alerquida; 

Ja  ert  meue  sa  gent  tote, 

Et  mult  i  avbit  noble  rote. 

{Rom.de Brut,  t.  II,  p.  193,) 


.  Si  se  mil  madame  la  roiae  et  toute  sa 
eompaignie,  messire  Jean  de  Haiuaut,  ces 
comtes,  ces  barons  d'Angleterre  et  leurs 
routes.,  au  droit  chemin  pour  aller  celle 
part.  (Froissart,  liv.  I,  ch.  xix,t.  I,  p.  14, 
col.  2.) 

Anc.  allem.  rutte,  rotte,  compa- 
gnie de  soldats,  bande,  troupe  ;  dan. 
rotte,  item;  suéd.  rote,  item;  allem. 
rotte,  item;  holl.  rot,  item;  angl. 
rout,  foule,  multitude,  troupe. 

Ruffian,  Ruffien,  anc.  débau- 
ché, libertin,  homme  qui  procure 
des  femmes  :  en  basse  latinité,  ruf fia- 
nus  ;  en  italien,  ruffiano. 

Aultres  ont  eu  l'esprit  plus  heroïcque, 
et,  a  l'exemple  des  enfans  de  Jacob  ven- 
geans  le  rapt  de  Dina  leur  seur,  onttreuvé 
le  ra/'/5an,  associé  de  son  myste,  clandes- 
tinement parlementans  et  subournans  leurs 
flUes,  les  ont  sus  l'instant  miz  en  pièces  et 
occiz  felonnement.  (Rabelais,  liv.  III. 
ch.  xLVui,  p.  193,  col.  2.) 

Ils  avoient  opinion  que  certains  esprits 
faisoient  leur  purgatoire  en  ce  monde , 
après  leur  mort,  qu'ils  alloient  de  nuit  par 
les  villes,  battant  et  outrageant  beaucoup 
de  personnes,  les  trouvant  par  les  rues; 
mais  les  lumières  de  l'Evangile  les  a  fait 
esvanouir,  et  nous  a  appris  que  c'estoient 
coureurs  de  pavé  et  rufftens.  (Théodore  de 
Bèze,  Histoire  des  églises  réformées,  1 580, 
1. 1,  p.  270.) 

—  Anc.  allem.  riffian,  débauché, 
libertin,  suborneur  ;  dan.  ruffer  ; 
suéd.  ro^are;  holl.  roffiaan;  allem. 
ruffian  ;  angl.  ruffian. 

RuNER,  anc.  murmurer;  rune- 
ment,  murmure. 

Nequedent  altrement  poons-nos  eneor 
entendre  lo  runement  u  les  voines  del  rune- 
ment  :  cil  ki  runet  parolet  priveiement  et 
n'exprcsset  mie  la  voiz,  anz  fait  semblant 
de  parler.  {Livre  de  Job,  p.  478.) 

Si  n'oons-nos  mie  sa  voiz,  mais  son  ru- 
nement. (Ibid.) 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.    449 


—  Tud.  rima,  murmure  j  rùnêriy 
murmurer.  Anglo-sax.  rùnjan,  item; 
allem.  rauneji  ;  angl.  to  round. 

Sac,  Saccager  ;  voyez  Eschac. 

Sacer^  Sacher,  Sachier,  Saquer, 
anc.  tirer,  retirer,  tirer  l'épée^  dégai- 
ner :  en  espagnol,  sacar.  Il  nous 
est  resté  saccade,  brusque  et  rude 
secousse  qu'on  donne  à  un  cheval 
en  lui  tirant  la  bride. 

Goemagot  s'esvertua, 

Ses  bras  estraint,  ses  mains  laça, 

Corineus  vers  lui  saça, 

Si  qu'une  coste  11  froissa. 

CRom.  de  Brut,  l.  I,  p.  56.) 

Jk  fust  la  cité  chalongée, 

E  mainte  aime  de  cors  sachée. 

(CAmn.  dct  ducs  de  Norm.  t.  1,  p.  407.) 

Mais  Cil,  qui  mult  lor  erent  feus, 
Unt  tut  iachîé  e  trait  a  eus. 

(Ibid.,  l.  1,  p.  28r.) 

Fist  Saûl  à  son  esquier  :  Sache  ta  spée, 
si  m'oci.  (Livre  des  Rois,  p.  118.) 

Dixitque  Saul  adarmigerum  suum  :  E  va- 
gin a  gladium  tuuni,  et  percute  me. 

De  saquer  on  fit  saquoir  qui  si- 
gnifiait une  poignée  de  fer  servant 
à  tirer  à  soi  une  porte  pour  la  fer- 
mer. 

A  Plerot  Descamps ,  fevre  et  serurier 
pour  ung  crampon,  une  menton, une  cleuc- 
que  e:  ung  sacquoir  pour  l'huys  de  la  cui- 
sine de  le  censé,  pour  tout  ce  2  s.  (Compte 
de  l'hôpital  des  Chartriers,  de  1452,  cité 
par  Roquefort,  SuppI,  art.  Sacquoir.) 

—  Tud.  zukkan,  ziachan,  ziu- 
han,  tirer,  retirer;  anglo-sax.  seo- 
gan,  item  ;  bas  allem.  sakken , 
item;  allem.  zûcken,  tirer  l'épée, 
dégainer. 

Safre,  Saffre,  anc.  gourmand, 
friand. 

Ja  n'oi-ge  mie  le  pooir 
De  tiei  coinleries  veoir, 


Que  cil  ribaut  saffre  et  friant, 
Qui  ces  putains  vont  espiant, 
Eutor  vos  remirent  et  voient 
Quant  par  ces  rues  vos  convoient. 

{Roman  de  la  Rote,  cité  dans  le  glossoirf  da 
Boquofori,  an.SaJre.) 

L'enderaain,  esveillez  comme  chais  en  gre- 
nier, 
Fallut  encor  sauller  de  vin   ces  langues 
saffres. 

{Sepiiemt  partie  de  ta  Muse  normande,  p.  130.) 

—  Goth.  safareis,  dégustateur, 
gourmet,  friand  ;  de  safjan,  goûter. 
Ces  mots  ont  pour  analogues  en 
tudesque  safan ,  seffan  que  l'on 
trouve  dans  les  composés  antsafan, 
antsefan ,  sentir,  percevoir  des 
sensations.  Anglo-sax  sefa,  sens. 
On  peut  rattacher  à  la  même  fa- 
mille le  hollandais  schaffen,  man- 
ger; schaffer  ,  mangeur,  goulu, 
gourmand. 

Sahs  ,  anc.  couteau ,  coutelas. 
(Voir  Borel,  Trévoux,  Roquefort, 
et  ci-dessus  l'article  Hansacs.) 

—  Tud.  sahs,  couteau,  coutelas; 
anglo-sax.  sax,  sœx,  seacc;  goth. 
saihs;  island.  saœ;  angl.  seax , 
seaxe;  en  danois  et  en  suédois,  sax 
ne  signifie  plus  aujourd'hui  que  ci- 
seaux. 

Saisir  signifia  d'abord  mettre 
quelqu'un  en  possession,  en  jouis- 
sance d'une  chose. 

Este-vus  la  dame  o  ses  fiz  od  li,  kl  li  pro- 
phètes out  suscited,  e  requist  le  rei  de  ses 
dreiz  e  de  sun  herited  :  Sire,  sire,  lisl  Giezi, 
ço  est  la  femme  e  cist  est  ses  fiz  de  ki  jo. 
t'ai  cunted.  Dune  en  demandad  li  reis  a  la 
femme  e  il  cunut  que  tut  fut  verited.  Lores 
11  liverad  li  reis  un  sun  serjant,  et  cuman- 
dad  que  de  tut  l'en  saisissit.  (Livre  des 
Rois,  p.  37i.) 

Toaz  ensemble  a  Rivicrs  yrons. 

Et  les  noces  illeuc  ferons, 


29 


450 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Kt  si  saiâiray  la  Amille 
Ue  la  conlé  et  de  la  ville. 

{Théûlre  français  au  mnyen  âj».  p.  350.) 

El  Pcanda  Osgal  trova, 
Mult  le  haï,  se  Tmartira. . . 
Un  des  frères  Osgal,  Asgui 
La  tere  son  frère  saisi, 

{Rom.  de  Brut,  t.  Il,  p.  283.) 

En  terme  de  palais,  on  dit  encore 
aujourd'hui  dans  la  même  accep- 
tion :  «  Le  mort  saisit  le  vif;  son 
plus  proche  héritier  habile  à  lui  suc- 
céder. »  Nous  avons  même  conservé 
le  substantif  saisine,  pour  signifier 
la  mise  en  possession  :  en  basse  la- 
tinité, les  verbes  saisire,  sasire, 
ainsi  que  les  substantifs  saisina, 
sasina,  avaient  des  significations 
correspondantes  à  celles  des  mots 
romans.  (Voir  le  glossaire  de  du 
Gange.)  Le  composé  se  dessaisir  se 
prend  pour  abandonner  la  posses- 
sion d'une  chose. 

On  disait  se  saisir,  pour  se  mettre 
en  possession,  en  jouissance  ;  de  là 
cette  expression  passa  aisément  à  la 
signification  de  s'emparer,  se  ren- 
dre maître,  signification  que  nous 
avons  conservée.  Puis,  on  fit  un 
verbe  actif  du  verbe  pronominal  se 
saisir;  l'on  dit  aujourd'hui,  dans 
deux  acceptions  assez  rapprochées, 
se  saisir  d'une  chose  et  saisir  une 
chose.  On  a  dit  de  même  se  partir, 
se  penser,  se  combattre,  etc.,  pour 
lesquels  nous  disons  partir,  penser, 
combattre.  (Voir  t.  III,  p.  490.)  Au 
xn^  siècle,  saisir  pouvait  déjà  être 
employé  sans  être  assujetti  à  la 
forme  pronominale,  lors  môme 
qu'on  le  prenait  dans  le  sens  de  se 
mettre  en  possession,  se  saisir. 

Li  rels  Achab  ehalt  pas  levad  e  vers  la 


vigne  alad  par  la  vigne  saisir  e  leuir  eu 
sa  main. 

Achab....  surrexil  et  descendehat  invi~ 
neamNaboth  Jezraelitœ  ut  possideret  eam. 

—  Tud.  \°sazjan,  sezjan,  placer, 
mettre;  d'où  2"  bizazjan,  se  mettre 
en  possession,  occuper;  mot  com- 
posé au  moyen  du  préfixe  hi.  Anglo- 
s,ax.  1°  settan  ;  2"  bisettan.  AUem. 
4°  setzen;  2"  besetzen.  Angl.  \°  ta 
set;  2°  to  beset.  Goth.  satjan,  placer, 
mettre;  island.  setja,  setta;  suéd. 
sœttja;    dan.  sœtte  ;    hoW.zetten. 

Salle.  Ge  mot  signifiait  d'abord 
une  maison  considérable,  un  hôtel, 
un  palais;  dans  un  sens  restreint,  il 
se  prit  pour  la  principale  des  pièces 
qui  composaient  une  habitation  de 
ce  genre. 

Li  emperere  de  France,  cum  il  fad  curuner, 
E  OUI  fait  sa  offreade  al  auter  principel, 
A  la  sa!e  de  Parys  si  s'en  est  retornez. 

(  Voyage  de  Chartemagne  à  Jèrus.f   t.  60.) 

Il  seeit  en  sa  sale,  e  teneit  une  lance  al 
puin;  e  David  harpout  devant  Saûl.  {Livre 
des  Rois.,  p.  74.) 

Sedebat  autem  in  domo  sua,  et  tenebat 
lanceam  ;  porro  David  psallebat  manu  sua. 

...  En  un  grant  champ  entrerez 

Unegrant  sale  i  troverez 

Bien  overé,  si  enterez  ; 

Mult  soûl  d'ovraigue  qui  la  ûst, 

Et  qui  si  faitemenl  l'assist. 

Dedans  la  maison  vus  serrez... 

Tant  ad  erré  par  dessuz  terre 

K'il  vint  al  champ  k'il  alout  querre; 

Une  maisun  vit  bêle  e  grant 

Dunt  il  oït  parler  devant. 

Tel  lumere  ad  iluek  trovée 

Cum  est  d'hyvern  en  la  vesprée  ; 

Icest  paleis  aveit  en  sei 

En'.ur  une  entière  parei 

Fait  "a  piliers  e  a  arches 

A  vousures  e  a  wandiches. 

(Marie  da  France,  t.  Il,  p-  436 et  438.) 

—  Tud.  sal,  maison  considérable. 


CHAP.  m/ ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.    451 

palais,  hôtel ,  anglo-sax.  sal,  sœld, 
item;  island.  sal,  salr,  item;  allcm. 
saal,  pièce  principale  d'une  grande 
maison,  salle;  dan.  sal,  item; 
suéd,  sal,  item;  holl.  zaal,  item. 


rir  Codrus,  toutesfois  il  chançea  son  habit 
royal  en  vesture  de  sacquenwnt,  alintque 
nul  ne  l'espargnast,  et  par  sa  inorlacquist 
à  son  peuple  victoire.  (Alain  Chartier, 
Quadrilque  invectif,  p.  443.) 


Saper  signifiait  anciennement 
fouir  la  terre  avec  la  pioche,  pio- 
cher. En  italien,  zappare,  dérivé  de 
zappa,  pioche,  houe;  prov.  sapa, 
item;  basse  lat.  sapa,  sappa,  item. 

Si  avient  que  aucuns  bons  trouve  aucun 
aver  desous  terre,  ce  est  que  il  sape  et 
ireuve  trésor,  et  le  prent. . .  et  ildisl  enci: 
«  Sire,  je  ai  trouvé  en  ma  maison,  si  corne 
je  sajjée,  tele  chose,  et  mandés,  sire,  et 
faites  prendre  ce  que  est  trouvé.  (.4s*.  de 
J^r.  t.II,  p,  214) 

—  Tud.  spato,  pioche,  houe; 
anglo-sax.  spad,  spada,  spadu;  is- 
land. spade,  spadi;  allem.  spaten; 
holl.  spa,  spade  suéd.  spada  ;  dan, 
spade;  angl.  spade. 

Sapa  a  été  formé  du  primitif  ger- 
manique en  subissant  une  transpo- 
sition de  lettres.  (Voyez  à  cet  égard 
tome  II,  p.  118-122.) 

Saquemen,  Sacqueman,  Sacque- 
MENT,  anc.  pillard,  brigand,  soldat 
maraudeur,  fripon,  et  de  plus,  sou- 
drille,  valet  de  soldat,  goujat.  L'ita- 
lien saccamanno  conserve  cette  der- 
nière signification,  tandis  que  l'es- 
pagnol sacomano  signifie  encore 
pillard,  brigand. 

Tygres,  grifons,  lyons,  dragons  fumans 
Ne  sont  plus  liers  que  ceulx  quiconduisoient 
Anglois,  Flamans,  Bourguignons,  Allemans, 
Et  ceulx  qui  lors  féircnl  (ferirent)  aux  sac- 

quemans 
François  fuytifz,  qui  combatre  n'osoyent. 

(fjo  Houx  de  Umy,  C/m«ii  hitloriqucs,  t.  1,  p. 392.) 

Combien  que  ceste  réponse  fust  venue  a 
la  connoissance  des  ennemis  ,  et  que  dé- 
fense fust  faicte  que  nul  ne  s'embatist  a  fe- 


De  saquement  on  fit  saquemen- 
ter,  sacmenter,  piller,  comme  de 
brigand  on  nous  avons  fait  bri- 
gander. 

flelournons  ;  sacmentons  ce  grand  villain. 

(nabelai»,  Pantagruel,  liv.  IV.  chap.  iiix  .  ) 

—  Tud.  scckhman,  pillard,  bri- 
gand, littéralement  homme  de  bu- 
tin, c'est-à-dire  qui  fait  du  butin; 
composé  de  scâch,  scâh,  butin,  et  de 
man,  homme;  le  latin  prœdator  a 
semblablement  été  formé  de  prœda. 
Anc.  holl.  sackman,  pillard,  bri- 
gand: de  1°  sack,  butin,  et  de 
man,  homme.  Island.  \°  shaak  ; 
2"  man.  Anc.  allem.  1°  schach  ; 
2°  man.  Angl.  to  sack,  piller;  man, 
homme. 

Sarrau.  Autrefois  sarrot,  pour 
sarroc,  signifiait  une  espèce  de  tuni- 
que de  lin;  sarrocium,  saraca,  sa- 
rica,  sarrotus  avaient  la  même  si- 
gnification en  basse  latinité.  (Voir 
CCS  mots  dans  le  glossaire  de  du 
Cange.) 

—  Tud.  sarroch,  casaque^  tuni- 
que; anc.  island.  serk,item;  anglo- 
sax.  syrc,syric,item;  dan.  et  suéd. 
sœrk,  chemise;  angl.  shirt,  item. 

Schaphion,  scaphion,  anc.  voleur 
de  grand  chemin.  (Roquefort.)  — 
Holl.  schavuit ,  voleur;  allem. 
schuft  ;  anc.  angl.  shab. 

ScLAiDE^  grêle.  On  trouve  dans  la 
traduction  des  Dialogues  de  Saint- 
Grégoire^  le  passage  suivant  dans 
lequel  il  s'agit  d'une  vigne  apparte- 


452 


PREMIÈRE  PARTIE. 


nanl  à   un  pauvre   monastère  qui 
u'avait  pas  d'autre  bien  : 

Laquelle,  par  uu  jor  de  sdaîrfe 'venant, 
ensi  fut  degasteic,  ke  en  ceici  en  poi  de 
vinges  avisoukcs  petit  et  poi  de  roisin  re- 
raeisent.  [Dial.  de  S  Grégoire,  liv.  I,  chap. 
IX,  citation  de  Roquefort,  art.  Sclaide.) 

Quœ  {vinea')  qnodam  die  ita  grandiiie  ir- 
ruente  vastata  est,  ut  in  eâ  paucis  in  viti- 
bus  vix  parti  rarique  raceiid  remanseruiil. 

—  Allem.  schlosse,  grêle,  grêlon  ; 
ce  mot  signifie  proprement  concré- 
tion, il  dérive  de  schliessen,  serrer, 
se  serrer,  devenir  compacte,  con- 
cret, former  une  concrétion.  Holl. 
schluiten,  sluiten,  item  ;  suéd.  sluta; 
dan.  slutte  ;  angl.  to  shut;  tud. 
sliozan  que  l'on  trouve  dans  les 
composés  antsïiozan  et  bisUozan, 
reserrer. 

Scorbut.  —  Allem.  scharbock, 
scorbut;  dan.  skioerbiig;  holl. 
scheurbuik;  suéd.  skiœrbuk;  angl. 
scurvy. 

ScRAiFi,  anc.  effacé,  raturé.  (Ro- 
quefort.) C'est  le  participe  passé  de 
scraifir,  effacer,  raturer  ;  en  pro- 
vençal^ escrafar.  —  Suéd.  skrafica, 
s.krapa,  racler,  gratter,  raturer,  effa- 
cer ;  dan.  skrabe,  item  ;  angl.  to  scra- 
•pc,  item  ;  anglo-sax.  screopan,  item  ; 
allem.  schrapen,  racler,  gratter; 
holl.  schrappen,  schraapen,  item; 
uitschrappen,  effacer,  raturer,  com- 
posé au  moyen  du  préfixe  uits. 

Sémaque,  sorte  de  vaisseau  à  un 
mât.  (BoistC;,  Restaut,  etc.)  —  Dan. 
smakke,  sémaque  ,•  holl.  smak  ;  angl. 
smack  ;  allem.  schmacke. 

Senau,  terme  de  marine  :  grand 
bâtiment  à  deux  mâts  dont  on  se 
sert  principalement  pour  la  course. 
(Académie.)  —  Tud.  swat/a, sorte  de 


bâtiment  dont  la  marche  était  ra- 
pide ;  dérivé  de  snel,  prompt,  ra- 
pide. Holl.l"  snauw,  senau;  '^''snel, 
prompt,  rapide.  Dan.  snau  ;  2°  snar. 
Allem.  sehnauc  ;  2'^  schnell.  Angl. 
snoïc,  senau. 

Scnau  est  pour  snau.  On  a  inter- 
calé un  e  muet  entre  le  s  et  le  n 
afin  d'avoir  une  forme  qui  fut  plus 
en  rapport  avec  nos  usages  orthogra- 
phiques . 

Sénéchal  :  en  italien  siniscalco  : 
en  basse  latinité,  senescalcus,  se- 
necallus.  On  appelait  ainsi,  lors  de 
l'invasion,  un  serviteur  qui,  dans  la 
maison  d'un  maître  germain,  était 
chargé  de  la  surveillance  et  de  la  di- 
rection des  esclaves.  (Voir  le  glos- 
saire de  du  Cange.)  Dans  la  suite 
on  nomma  séneschal  l'intendant  de 
la  maison  royale,  puis  l'intendant 
général  du  royaume. 

Asiasar  séneschal  de  la  maisun  du  rci. 
{Livre  des  Rois,  p.  238.) 

Atiiasar,  prœpositus  domus  (régis). 

Les  rentes  dou  roy  quels  que  elles  seient, 
defois  ou  dedenz,  quant  il  ou  celui  qui 
tendra  son  leuc  vodra  que  elles  seient 
apautées  (affermées),  et  li  deit  comander; 
et  le  seneschau  les  deit  faire  crier  et  mon- 
teplicr  au  miaus  que  il  porra....  Se  le  rci 
ou  celui  qui  tendra  son  leuc  ne  viaut  en- 
tendre ou  ne  peut  les  plais,  il  les  peut  co- 
metre  au  seneschau;  et  le  seneschau  ideit 
entendre  et  faire  les  délivrer  par  l'usage  de 
la  court.  Se  il  avient  que  le  rei  ne  seit  au 
reiaurae,  ne  home  qui  taigne  son  leuc,  le 
seneschau  deil  et  peut  par  son  office,  sauf 
ûst  ou  chevaucbiés  estre  en  son  leuc,  c'est 
assaveir  de  ce  qui  appartient  as  rentes  et 
as  plais  et  "a  la  juslise.  [Assises  de  Jérusa- 
lem ,  édit.  de  M.  le  comte  Beugnot,  1. 1, 
p.  408.) 

Le  seneschau  deit  servir  le  cors  don  rei 
le  jour  dou  corronement  dt  dressier  devant 
lui  toz  ces  mes,  et  deit  comander  de  faire 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMAiNIQUE,  SEGT.  IL    453 


lever  les  tables  quant  il  ii  semblera  lens, 
«?t  faire  li  douer  l'aiguë.  [Il/id,^  p.  407.) 

Sous  la  troisième  race  de  nos 
rois  on  donna  le  nom  de  sénéchal  au 
gouverneur  d'une  province^  d'une 
ville  et  particulièrement  à  un  ma- 
gistrat chargé  de  rendre  la  justice. 
On  voit  par  l'un  des  deux  passages 
des  Assises  qui  viennent  d'être  cités, 
qu'au  xu^  siècle  des  fonctions  judi- 
ciaires étaient  déjà  attribuées  dans 
certains  cas  au  sénéchal  du  royaume 
de  Jérusalem.  Le  second  passage  em- 
prunté au  même  ouvrage  prouve  que 
dans  les  grandes  solennités^,  et  sur- 
tout à  l'époque  du  couronnement  du 
roi,  le  sénéchal  devait  faire  office  de 
maître  d'hôtel  du  prince.  De  là  vient 
que  le  mot  de  sénécJial  était  quel- 
quefois employé  pour  signifier  un 
maître  d'hôtel. 

Cil  seneschal  portent  partout  le  vin 
En  copes  d'or,  en  hanap  mazelin... 
Dont  véissiez  ces  seneschax  aler 
Parmi  la  sale,  les  riches  niez  porter. 

[Romande  Caiin  cilé  par  du  CaDQi,  art.  Senet- 
calcus.) 

—  Tud,  sinescalc ,  serviteur  pré- 
posé à  la  surveillance  des  esclaves 
d'une  maison.  Ce  mot  signifie  lit- 
téralement ancien  serviteur,  c'est- 
à-dire  le  plus  ancien  des  ,  serviteurs 
d'un  maître;  il  est  composé  de 
scalh,  scalc.  serviteur,  domestique, 
et  de  sine^  vieux,  ancien,  qui  ne  se 
trouve  qu'en  composition  et  qui  cor- 
respond au  latin  senex.  Le  gothique 
nous  offre  sineig,  vieux^  et  skaiks, 
serviteur  ;  anglo-sax .  scalc,  scealc, 
item. 

Senelle,  petite  prune  violette  qui 
vient  sur  l'épine  noire.  (Trévoux. 1 
Ou  trouve  écrit  dans  les  auteurs 


senelle,  cenelle,  cenèle.  La  dernière 
édition  de  l'Académie  renvoie  de 
senelle  à  cenelle,  mais  l'on  cherche 
en  vain  ce  mot  dans  son  diction- 
naire. 

Et  je  vous  rapori  les  noveles 
Qu'el  frontvous  sont  li  borjon  né. 
Ko  sai  se  ce  seront  cenêies 
Qui  ce  vis  ont  avironé  ; 
EIs  seront  vermeilles  etbèles 
Avant  que  l'en  ait  moissoné. 

(Rutebeuf,  l.  I,  p.  216.) 

—  Tud.  sleha,  prunelle;  anglo- 
sax.  sla,  item  ;  allem.  schlche,  item; 
hoU.  slee^,  item;  angl.  s/oe,  item; 
suéd.  slaan,  prune;  slaan-bœr, 
prunelle  {bœr,  baie);  dan.  slaa, 
slaaen,  prunellier. 

Senelle  est  pour  snelle;  l'inter- 
calation  d'un  e  qui  ne  se  prononce 
pas  entre  le  s  et  le  n,  n'est  qu'une 
affaire  d'orthographe.  Il  a  été  pa- 
reillement intercalé  entre  les  deux 
mêmes  consonnes  dans  le  mot  se- 
nau,  dont  j'ai  donné  l'origine  à  la 
page  précédente.  La  terminaison 
elle  de  senelle  a  été  ajoutée  comme 
dans  prunelle^,  pour  former  un  dimi- 
nutif. Le  l  de  sléha  a  été  changé  en 
n,  comme  dans  niveau  de  libella, 
quenouille  de  colucula  j  diminutif 
employé  en  basse  latinité  pour  co- 
lus  (Voyez  t.  11^  p.  X^].) 

Seran  ou  sérans,  instrument  ser- 
vant à  peigner  le  lin,  le  chanvre,  et 
à  les  rendre  propres  à  être  filés. 
C'est  une  petite  planche  garnie  de 
pointes  de  fer  comme  une  étrille. 
Séranser  ou  sérancer,  comme  écrit 
Trévoux,  signifie  passer  de  la  filasse 
par  le  sérans,  la  peigner.  Ce  verbe 
était  déjà  en  usage  à  Paris  au  xiii» 
siècle.  L'Académie  n'aurait  pas  dû. 


454 


PREMIÈRE  PARTIE. 


omettre  ces  mots  dans  son  diction- 
naire; espérons  que,  du  moins,  elle 
en  tiendra  comp  te  dans  le  dictionnaire 
historique  qu'elle  prépare. 

Quiconques  tst  liniers  a  Paris,  il  puel 
ei  doit  vendre  seulement  en  gros  par  poin- 
gnées,  par  pesiaus,  par  cartiers  et  bote- 
leites  de  beiisi  et  lin  serancié  boen  ctloial 
pour  qu'il  soit  prest  "a  fller,  et  toute  autre 
manière  de  lin,  pour  qu'il  soit  boen  et 
lealz.  INuz  ne  puet  ne  ue  doit  vendre  lin 
serancié,  se  il  n'est  serancié  et  ouvré  en  la 
ville  de  Paris;  car  l'on  ue  sait  pas  si  bien 
le  lin  serancier  ne  ouvrer  hors  de  la  ville 
corne  l'en  fait  dedenz,  {Livre  des  métiers, 
p.  145.) 

— Tud,  scerra,  étrille  de  scerran, 
racler;  anglo-sax.  scœran,  scearan; 
island.  skera  ;  dan.  skier e;  suéd. 
skœra,  shiœra;  hoU.  scheuren;  al- 
lem.  scliarren.  L'allemand  se  sert  de 
riffeln  pour  signifier  à  la  fois  racler 
et  passer  du  lin  par  le  sérans ,  le 
séranser. 

Seuil.  —  Tud.  suelli,  base,  seuil 
d'une  porte;  anglo-sax.  sylle,  item; 
allera.  schwelle,  seuil;  bas  allem. 
suUe,  item;  angl.  sill,  item. 

SoR,  Sors,  Soret,  Sorez,  signi- 
fiaient autrefois  fauve,  roux-brun^ 
alezan,  châtain  foncé. 

Qui  dune  out  cheval  brun  u  bai, 
Sor  u  bauzan,  grisle  u  ferant, 
Si  i  munta  demaintenant. 

(Chrott.des  ducs  di  Norm.,  t.  Il,  p.  110.) 

Car  le  soleil  s'est  embaluz 

Es  garnemenz  à  or  batuz  .. 

De  soye  ynde,  blanche  et  vermeille, 

Jaune,  vert,  sore,  ardant  et  perse. 

{Branclu  dei  royaux  lignages,  i.  II,  p.  143.) 

Lancelot  ensl  les  cheveuls  déliez,  bloncs 
a  merveilles,  luisantz  tant  que  il  feusl  en 
chevculs;  mais  quant  feusl  aux  armes,  lors 
li  muèrent  de  la  naturelle  blondeur  et  de- 
vinrent tous  sorez  et  crespez.  {Roman  de 


Lancelot  du  Luc,  première  parlic,  cité  par 
Hoquefort,  supplément  au  glossaire,  art. 
Blondeur.) 

Nous  disons  encore  wi  hareng 
saur  pour  un  hareng  fumé.  On  de- 
vrait écrire  sor,  comme  dans  les 
exemples  suivants  : 

Il  y  en  a  de  deux  manières; 
L'un  sor  et  l'autre  est  blanc. 

{Lu  Vie  de  taint  ïiarenc,  yiorieuijc  martyr^  â  la  suite 
du  Débat  des  deux  Damoysclles ,  Paris, 
Firmin  Didot,  1325,  p.Gi.) 

Sor  et  blanc  harcnc  frés  poudré, 
Harenc  noslre  vendre  voudré. 

(Guiibume  de  la  Villeneuvf,  Crieries  de  Parit. 
elle  dans  le  supplément  du  glossaire  de 
Roquefort  art.  Uerenc.) 

—  Go  th.  sor,  roux-brun,  fauve, 
bis,  tud.  salo;  dan.  sor;  angl. 
sorrel. 

SoROS,  anc.  peine,  chagrin^  souci, 
affliction,  malheur. 

Li  a  li  reis  rendu  Telieres; 
C'ert  le  content  e  le  soros 
E  ce  que  plus  li  esteil  gros. 
Li  dux  fu  liez,  mult  l'en  fu  bel, 
Quant  devers  sei  oui  sonchastel. 

{Chron.  des  ducs  de  Norm.  t.  lll,  p.  145.) 

Poi  ert  mais  Drenes  en  repos 
Trop  li  est  creuz  grant  soros. 

{lùtd.  t.  11.  p.  443.) 

—  Angl.  sorrow,  chagrin,  souci, 
affliction,  malheur;  hoU.  sorgf;  al- 
lem. sorge;  dan.  et  suéd.  sorg  ; 
tud.  sorg  a;  goth.  saurga;  anglo- 
sax.  sorg,  sœr;  island.  sorg. 

Sot.  —  Anglo-sax.  sot,  sooth, 
soote ,  imbécile^  sot;  angl.  sot, 
sotish  ;  hoU .  zot. 

Souiller.  —  Tud.  solôti  ou  plutôt 
suljan,  salir,  souiller;  ce  dernier  ne 
se  retrouve  que  dans  le  composé  bi- 
suljan,  mot  de  même  signification 
formé  au  moyen  du  préfixe  6?'.  Goth. 
saïUjan  et  bisau^jan,  item;  anglo- 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.    455 


sax.  sylian,  item;  anc.  island.  sola; 
suéd.  sœ/a;  dan.  sole,  sudle;  angl. 
to  soil;  allera.  sudeln,  et,  avec  le 
préfixe  be,  besudeln  ;  hoU.  bezoe- 
delen. 

Soupe.  Ce  mot  ne  signifiait  au- 
trefois qu'une  tranche  de  pain  trem- 
pée dans  un  liquide,  tel  que  du 
bouillon,  de  la  sauce,  du  vin,  etc. 
(Voir  Le  Duchat,  Trévoux  et  Ni- 
cot.) 

Quant  il  ot  oy  messe  du  tout  à  sou  com- 
mant, 

Prist  une  souppe  en  vin  qu'estoit  moult 
poignant, 

Et  si  but  une  fciz,  puis  va  oultre  passant. 

(CAron.  de  Berir.  du  Cuetclin,  p.  65,  Tariaates  en 
Dote.) 

Taille  ces  soupes.  (Rabelais,  liv.  II, 
ch;  ni.)  ^ 

Les  Espagnols  emploient  so'pa 
avec  cette  signification,  et  nous- 
mêmes  disions  encore  dans  l'an- 
cienne acception  du  mot  «  soupe  au 
vin,  soupe  au  perroquet;  trempé, 
mouillé  comme  une  soupe  ;  ivre 
comme  une  soupe.  »  On  trouve 
dans  un  recueil  d'anciens  proverbes 
français  publié  par  M.  Génin  :  «  Plus 
yvre  qu'une  soupe  ou  esponge.  » 
(fi.écréations  philologiques,  t.  n, 
p.  247.) 

—  Anglo-sax.  1°  supan,  sypan, 
imbiber,  humecter,  tremper^  ra- 
mollir; 2*  sup,  morceau  de  pain 
trempé.  Anc.  allem.  1»  suppen  ; 
2"  suppe.  Tud.  soufjan,  saufjan, 
plonger,  tremper  dans.  Island.  supa, 
item.  HoU.  soppen,  tremper  dans  de 
la  sauce,  saucer;  sop,  tranche  de 
pain  trempée,  et_,  de  plus,  soupe, 
potage;  wijnsop,  morceau  de  pain 
trempé  dans  du  vin.  Allem.  suppe. 


soupe.  Suéd.  soppa,  item.  Dan. 
suppe.,  item.  Angl.  to  sop,  tremper, 
saucer;  sop,  sippet,  morceau  de 
pain  trempé;  soup,  soupe  potage. 

Stangue,  terme  de  marine.  C'est 
la  tige  droite  d'une  ancre,  que  l'on 
appelle  également  scape.  (Voir  Tré- 
voux, art.  Stangue  et  art,  Scape.) 
—  Tud.  stanga,  long  morceau  de 
bois,  barre,  perche,  bâton  ;  anglo- 
sax.  stœng,  steng  ;  island.  staung  ; 
allem.  stange;  dan.  stang;  suéd. 
staang  ;  hoU.  stang,  steng . 

Sud.  (Voir  Est,  ci-dessus.)  — 
Tud.  sund,  sud,  midi;  anglo-sax. 
sudh,  suth;  island.  sudr,  sudur; 
allem.  sud;  dan.  syd,  soenden; 
suéd.  sud,sœder;  hoU.  zuid;  angl. 
south. 

Tabart^  Tabar,  anc.  casaque, 
sorte  de  manteau;  en  basse  latinité, 
tabardum;  en  espagnol,  tabardo; 
en  italien,  tabarro. 

Le  dit  messire  Thomas  fil  bien  et  fort 
lier  messire  Hue  le  Despensier  sur  le  plus 
petit,  maigre  et  chetif  cheval  qu'il  put  trou- 
ver, et  lui  Cst  faire  et  vêtir  un  tabar,  et 
vêtir  par  dessus  son  habit  le  dit  tabar  sema 
de  telles  armes  comme  il  souloit  porter. 
(Froissart,  liv.  I,  ch.  xxiii,  t.  I,  p.  17, 
col.  I.) 

Ne  escrins  n'estoit  mie  huche 
Ne  tabars  houche  d'autre  part. 

(Rotntindu  lienarl,  I,  IV,  p.  107  ) 

Item  au  Loup  et  a  Chollet, 
Pour  une  foys,  laisse  un  canart... 
Et  a  chascun  un  grand  tabarl 
De  cordelier,  jusquas  aux  pieds. 

(Villon,  P«(i<  Testament,  t.  180.) 

—  Anc.  allem.  tappert,  tabert, 
vêtement  long  à  l'usage  des  hommes 
et  des  femmes,  casaque,  robe;  hoU. 
tabbaart,  sorte  de  robe;  angl.  ta^ 
bard,  jaquette,  cotte  de  mailles. 


456 


PREiMlÈRE  PARTIE. 


Tai^  Tay  ,  anc.  boue,  fange, 
bourbier,  fumier. 

Lor  gent  trovercnt  maabaillie 
E  la  terre  de  morz  garnie, 
E  de  cler  sauf  legranl  poudrer 
Peslri  en  tai  e  en  mortier. 

[Chron.  det  ducs  Je  Nurrn.  t.  Il,  (,.  IJ6  1 

Quant  l'en  le  (la  brebis)  treuve  morte  el 

lai, 
En  yver  ou  el  mois  de  may. 
Ton  .seignor  te  gete  ou  fossé. 

^rfoufeau  recueillit  canut,  i.  II.  p.  869.1 

Et  l'a  flatie  sans  délai 
Enverse  en  i.  poant  tai. 

{TonrHoiemenl  d»  CAnlichnit,  p.  75.) 

— Island .  tad,  fumier  ;  tud.  dost, 
boue,  ordure,  fumier  ;  dan .  dijnd, 
boue,  fange. 

Taisson,  TAissEL,  anc.  blaireau. 
En  langue  d'oc  tais ,  taiso  ;  en  ita- 
lien tasso  ;  en  basse  latinité  tassus 
taams,  taxonus,  tesso.  La  dernière 
édition  du  dictionnaire  de  l'Acadé- 
mie donne  taisson  j,  mais  ce  mot 
n'est  plus  usité  que  dans  certaines 
provinces. 

Je  devant  diz  Rûbers....reconnois  que  le 
prevûz  de  Rumigny....  puist  penre  en  ce 
bos  lièvre,  ou  counin,  leu,renart  et  taison. 
{Charte  rfe  1247,  citée  par  Carpentier,  art. 
Tassus.) 

C'est  la  compaiagnic  lassel 
Que  vous  me  fêtes  voirement. 

{Rom.  du  Renaît,  t.  1,  p.  144.) 

De  taisson  on  fit  taisniére,  tes- 
nière  pour  taissonniére,  trou  ou  se 
retire  le  taisson  ;  ces  mots  pris  dans 
un  sens  plus  général  s'employèrent 
ensuite  pour  signifier  le  trou  qui 
sert  de  retraite  au  lapin^  au  renard, 
au  loup  et  à  d'autres  animaux.  Nous 
disons  aujourd'hui  tanière. 

Connis  i  avoit  qui  issoient 
Tote  jor  hors  de  lors  tesniere», 


Et  en  plus  de  trente  m:uiieres 
Aloienl  entr'eus  tornoiant 
Sor  i'erbe  fresche  verdoiant. 

{RonutH  de  la  Rote,  t.  ISSS.) 

Tud.  tahs,  dahs,  blaireau,  tais- 
son ;  allem .  dachs  ;  bavarois,  tachs . 

Talc  .  —  Allem .  talk,  talc  ;  angl . 
tak;  hoU.  et  dan.  talk;  suéd. 
talch  et  tœlgsten  ;  island .  tœlgues- 
tein.  Ces  deux  derniers  sont  com- 
posés de  sten,  stein,  pierre,  et  de 
tœlga,  fendre.  De  ce  verbe  dérive 
le  substantif  talk,  désignant  une 
sorte  de  pierre  qui  se  fend  et  se  lève 
par  feuilles  assez  minces . 

Tape,  Taper,  Tapage.— Allem. 
tappen,  taper  des  pieds  et  des  mains; 
zappelUj  se  débattre,  se  trémousser. 
Angl.  tap,  coup,  tape;  ta  tap,  ta- 
per, frapper.  Tud.  zapalàn,  frap- 
per des  pieds,  trépigner;  island. 
stappa,  battre,  frapper. 

Targe,  espèce  d'ancien  bouclier  : 
en  basse  latinité,  targa,  targia,  tar- 
gea  ;  en  italien,  targa  ;  en  espagnol, 
adarga. 

Il  le  ferit  sur  la  targe  un  si  grand  horion 
que  le  glaive  vola  en  pièces;  et  l'Allemand 
le  consuivit  par  telle  manière  de  son  glaive 
roide  et  enfumé  que  oncques  ne  brisa  ni 
ploya,  mais  perça  la  targe,  les  plates  et 
l'auqueton,  et  lui  entra  dedans  le  corps  el 
le  poignit  droit  au  cœur,  et  l'abattit  jus  de 
dessus  son  cheval  navré  a  mort.  (Froissart, 
liv.  I,  ch.  cxni,  p.  101.  col.  1.) 
Mainte  ame  en  fu  de  cor  sevrée  et  départie. 
Et  maint  haubcrc  rompu,  mainte  targe 
percie 

{Rovian  de  Berle  aui  grans  pies,  p.  3.) 

Maint  fort  escut  et  maiBte  targe. 
Et  mainte  lance  et  maint  cspiet... 
Avoit  pandu  par  lo  pallais. 

{Duloputlios,  p.  336.) 

—  Tud.  targa,  bouclier,  targe; 
anglo-sax.  targ;  anc.  island.  targa; 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.    457 


anc.  allem.  tarze  ;  allem.  tartsche  ; 
angl.  targe,  target. 

Tarir.  —  Tud.  tharrjarij  darrjan, 
sécher, dessécher.  Goth.  1°  taursus; 
sec,  desséché;  2"  thaurian,  dessé- 
cher, tarir.  Anc.  island.  1"  thorr^ 
thurr;  2*"  thœrra,  thurra.  Dan. 
1°  toer;  2°  toerre.  Suéd.  1°  ton; 
2°  torka.  HoU.  1"  dor;  2°  dorren. 
Allem.  1°  dûrr;  2»  dorren.  L'alle- 
mand a  de  plus  darren,  sécher  au 
grand  air  ou  sécher  au  four. 

Tarier,  anc.  provoquer,  exciter, 
pousser,  agacer,  irriter.  En  joignant 
à  ce  mot  le  préfixe  a^  on  fit  attarier, 
atarier,  qui  avaient  la  même  signi- 
fication. 

Car  en  Oreb  le  tariastes,  et  cil  couroucé 
voleit  toy  oster.  (.Traduction  du  Deutéro- 
nome  citt'e  par  Roquefort,  art.  Tarier.) 

Nam  et  in  Horeb  provocasli  eam,  et  iralus 
delere  le  toluit. 

Cil  cui  orguez  apressetesgardet  comment 
irors  espendet  un  allre  ;  et  por  ce  ke  ire 
ne  r  tanstmie  si  tost,  quidet  ke  il  mieidres 
soit  ke  le  Irous.  {Livre   de   Job,  p.  451.) 

Rei  te  ai  fait  sur  Israël,  e  tu  as  sewid  les 
malvaises  traces  Jéroboam,  easfaitpecchier 
ces  de  Israël  pur  mei  alarier.  (Livre  des 
Rois,  p.  306.) 

Posui  te  ducem  tuper  populum  meum  Is- 
raël, tu  autem  ambulasti  in  via  Jéroboam  et 
peccare  fecisti  populum  meum  Israël  ut  me 
irritares. 

—  Bas  allem.  targen,  provoquer, 
exciter,  agacer,  vexer,  irriter^  boll. 
tergen;  suéd.  targa;  dan.  tœrge. 

Tasque,  Tasche,  Tasse.  Ces  mots 
signifiaient  poche,  petit  sac,  gibe- 
cière, bourse  que  l'on  portait  à  la 
ceinture  :  en  basse  latinité,  tasca, 
tassa  ;  en  italien,  tasca. 

Adonc  nettoya  très  bien  de  beau  vin  blanc 
le  col  et  puis  la  teste,  et  y  synapisa  de  la 
poudre  de  dlanierdis  qu'il  portolt  tonjours 


dans  une  de  ses  lasques.  (Rabelais,  liv.  II, 
ch.  XXX.) 

Point  d'argent  n'avois  en  ma  tasse. 

[Let  Rues  de  Paris,  dans   Paris  sous  Philipitstt 
Bel,  p.  575,  col.  i,  t.  28S.) 

Et  de  passer  devant  l'huys  ne  se  lasse, 
Et  met  a  point  ou  sa  robe  ou  sa  tasse. 

(Alain  Cfaartùr,    Le  Débat   des  deux  fortunes 
S  amours.  ) 

—  Tud.  tasca,  poche;  allem. 
tasche;  island.  taska;  dan.  taske; 
suéd.  taska;  holl.  tas,  bourse. 

Tater  ,  autrefois  taster  ;  en  ita- 
lien, tastare;  en  provençal,  tatar. 
—  Anc.  allem.  tatsch,  main;  tat- 
scheln ,  manier ,  toucher ,  tâter. 
Allem.  tatze,  patte  d'un  animal; 
tasten,  toucher,  tâter.  Holl.  tast, 
maniement,  attouchement;  tasten, 
manier,  tâter;  suéd.  tasta,  item. 

Taude,  Taudis.  On  appelle  taud^e 
en  termes  de  marine,  un  abri  fait 
sur  un  navire.  (Voyez  VArchcologis 
navale  de  M.  Jal,  t.  II,  p.  363.) 
Taudis  signifiait  autrefois  une  pe- 
tite hutte  ou  couvert  que  faisaient 
les  assiégeants  dans  les  approches 
d'une  place,  afin  de  se  mettre  à 
l'abri  des  projectiles  lancés  par  les 
assiégés.  (Voyez  ce  mot  dans  le  dic- 
tionnaire de  Trévoux.)  Se  taudir 
se  mettre  à  l'abri,  se  mettre  à  cou- 
vert. Tous  ces  mots  paraissent  déri- 
vés d'un  primitif  germanique  signi- 
fiant tente. 

El  à  ceste  cause  furent  faits  dessus  les 
dits  murs  plusieurs  taudis,  bouleverts  et 
tranchées  au  long  des  dits  murs.  (Livre 
des  faits  advenus  au  temps  du  roij  Louis  XI, 
par  Jean  de  Troyos,  édit.  du  Panthéon  lit- 
téraire, p.  254,  col.  2.) 

La  tranchée  que  les  gens  du  roy  avoient 
faite, estoit  fort  longue,  tirant  vers  Paris; 
et  tousjours  la  tiroient  avant,  et  jetoient 
la  terre  de  nostre  coslé,  pour  soi  iaudir  de 


458 


PREMIÈRE  PARTIE. 


l'artillerie.  (Philippe  de  Commines,  liv.  I, 
chap.  IX,  p.  23,  col.  1.) 

Taudir  a  été  abandonné,  et  tau- 
dis ne  signifie  plus  que  petit  loge- 
ment en  mauvais  état. 

—  Ane.  island.  tialld,  tente;  anc. 
holl.telde;  suéd,  tœlt;  dan.  telt; 
tud.  et  allem.  zelt. 

Téhir,  anc.  croître,  accroître, 
faire  progresser,  faire  prospérer. 
(Voyez  Roquefort.)  En  italien,  tec- 
chire  et  attecchire  signifient  pro- 
gresser, profiter,  prospérer. 

Ensi  me  puise  Hieus  tehir, 

(Kom.  iTEracie,  t.  230Î.) 

—  Tud.  thîhan,  dihan,  croître, 
s'accroître,  augmenter,  progresser; 
goth.  theihan  ;  anglo-sax.  dhehan, 
dhean  ;  anc.  sax.  thîlian  ;  anc.  allem. 
dihen;  allem.  moderne,  gedeihen 
avec  le  préfixe  ge. 

TiDE,  anc.  marée,  flux  et  reflux. 

Quant  es  nefs  furent  tuit  entré, 
E  tide  orent  e  bon  orré. 
Dune  veissez  ancres  lever, 
Estrens  traire,  hobens  fermer, 
Mariners  sailler  par  ces  nefs, 
Deshernescher  veilles  et  trefs. 

{Rom.  de  Brut,  t.  II,  Tariaotes,  p.  141,  note  a.) 

—  Angl.  Ude^  marée,  flux  et  re- 
flux. Ce  mot  signifia  d'abord  temps^ 
époque,  moment  ;  on  s'en  servit  en- 
suite pour  désigner  le  flux  et  le 
reflux  périodiques  de  la  mer.  C'est 
ainsi  que  nous  appelons  époques  le 
flux  périodique  auquel  les  femmes 
sont  assujetties.  Bas  allem.  tide, 
item.  HoU.  ty,  marée,  flux  et  re- 
flux; tijd,  temps,  époque,  moment; 
on  disait  autrefois  tijde  dans  les 
deux  sens.  Allem.  zelt,  temps,  épo- 
que. Ce  mot  signifie,  de  plus,  flux 


périodique  des  femmes,  menstrues. 
Anglo-sax.  tid,  temps,  moment, 
époque,  saison.  Tud.  zldh,  item. 
Dan.  tidjtiid,  item.  Island  et  suéd. 
tid,  item. 

TiFFER.  Anc.  ce  mot  signifiait 
proprement  arranger,  ajuster  la  che- 
velure, coiffer  et,  par  extension, 
faire  la  toilette,  parer,  orner.  Nous 
avons  conservé  le  composé  attifer 
ayant  à  peu  près  le  même  sens , 
et  le  substantif  attiffet  qui  signifie 
un  ornement  servant  à  la  coiffure 
d'une  femme. 

Feme  se  pare  et  tiffe,  ce  voit-l'en  mult  so- 
vent, 

Et  vest  sa  bêle  robe,  et  chance  estroite- 
ment. 

(Ratebeuf,  t.  Il,  p.  486.) 

Ele  01  esté  bagnie  et  tiffée  et  aaisie  de 
tous  poins  les  xv.  jours,  si  estoit  venue  en  . 
si  grant  biaté  com  a  mervelle.  {Théâtre 
français  au  moyen  âge,  p.  427,  col,  2.) 

—  Anc.  angl.  to  tîfe,  ajuster  la 
chevelure,  coiff'er,  faire  la  toilette, 
parer;  holl.  tippen,  ajuster,  égali- 
ser les  cheveux  en  coupant  les  bouts 
qui  sont  trop  longs,  de  tip,  bout, 
pointe;  suéd.  tipp,  item;  angl.  tip; 
allem.  zipfel. 

Tige.  Anglo-sax.  twig,  rejeton, 
jeune  pousse;  anc.  allem.  zwik; 
allem.  zweig;  angl.  twig;  holl. 
twijg. 

TiLLAC,  terme  de  marine  :  le  pont 
plus  haut  d'un  navire,  celui  qui  forme 
sa  couverture  supérieure;  en  espa- 
gnol, tilla.  Les  Latins  le  nommaient 
navigii  tabulatum  superius.  Le  mot 
tabulatum  signifiait  en  général  un 
plancher;  de  tabula,  planche.  Tillac 
dérive  d'un  primitif  germanique  qui 
a    également    la   signification    de 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT   GERMANIQUE.  SECT.  IL    459 


planche.  —  Island.  thilia,  thil, 
planche;  thil  far,  tillac.  Tud.  thil, 
thili,  dil,  dili,  planche.  Anglo-sax. 
thille,  dhill,  item.  HoU.  deel.  Dan. 
dœle.  AUem.  diele.  Suéd.  til^a. 

Tique,  insecte.  —  Angl.  tick, 
tique;  dan.  tege ;  bas  allem.  teck, 
tœke;  hoU.  teekt  ;  allem.  zecke. 

ToLET,  terme  de  marine .  «  Les  to- 
lets  sont  deux  chevilles  de  bois  qu'on 
voit  sur  de  très  petits  bateaux,  entre 
lesquels  on  met  la  rame  et  qui  la  sou- 
tiennent sans  étrope .  A  Paris,  sur  la 
Seine,  il  n'y  a  souvent  qu'un  tolet  ; 
mais  la  rame  a  un  anneau  de  fer 
qu'on  engage  dans  le  tolet.  Le  P. 
Fournier,  dans  son  Hydrographie, 
dit  toulet  et  touletiêre.»  (Trévoux.) 
—  Dan .  toile,  cheville  ;  roetolle, 
tolet.  Roe,  qui  entre  dans  la  composi- 
tion de  ce  mot,  signifie  rame.  Angl. 
thole,  tolet.  HoU.  dol,  item.  Allem. 
dolle,  item. 

Tomber  ;  italien  tomholare,  culbu- 
ter, faire  la  culbute,  tomber. —  Is- 
land. tumha,  culbuter,  tomber;  dan. 
tumle;  suéd.  tumla;  hoU.  tuime- 
len;  angl.  to  tumble;  allem.  taih 
meln. 

Tondre,  anc.  matière  préparée 
pour  prendre  feu  facilement,  mèche, 
amadou. 

Onl  la  cité  tote  enflamée  ; 
Oies  com  il  l'ont  alumée  : 
Moissons,  aroi  et  glu  prisent, 
En  cscaille  de  nois  fu  misent, 
Et  od  le  fa  Gsent  repondre 
Es  prises  de  lin  et  de  tondre... 

{Rom.  de  Brut,  t.  11,  p.  344.) 

De  vénerie  i  a  oustil, , 
Le  quenivet  et  le  fuisiil, 
Et  li  londres  et  li  galet. 
Et  moult  arme  de  maint  abet. 

(Paruiiofiex  dt  Bloit,  cité  dans  le  glowaiie  d« 
Roqnejart,  art.   Tondrcs.) 


—  Island.  tundur,  tundr,  mèche, 
amadou  ;  anglo-sax.  tynder,  tyndra; 
tud.  zuntara,  zuntra;  allem.  mnder; 
hoU.  tonder,  to^rdel;  dan,  tynder; 
suéd.  tunder;  angl.  tinder. 

Tonne,  Tonneau  .  —  Tud.  tunna, 
tenna,  tonne,  toaneau;  anglo-sax. 
tunne ;  anc.  island.  tunna;  anc. 
allem.  tunne;  allem.  tonne;  hoU. 
ton;  suéd.  tunna;  dan.  toende  ; 
angl.  tun. 

Torche.  On  disait  autrefois  tortis, 
torteis. 

Par  Icsgransmaus  qu'a  amortiz, 
Donné  nos  a  maint  beax  tortiz, 
Mainte  roele,  maint  biau  cierge; 
En  li  avons  bone  concierge. 

{Seittte  Leocade,  y.  S083,  citation  Je  Roqnerort, 
art.  Tortei$.) 

—  Anc.  suéd.  tortisa,  torche  ;  is- 
land. tortys;  holl.  toorts;  angl. 
torch. 

TouAiLLE,  TOAiLLE,  anc.  cssuic- 
main,  serviette;  en  langue  d'oc 
toailla,  en  espagnol  toalla,  en  portu- 
gais ioa//ta. 

Jupiter,  ce  dit,  !e  lavoil, 
Et  Phebus  la  toaille  avoit 
Et  se  penoit  de  l'essuier. 

(Rom.  de  la  Rose,  t.  6653.) 

La  mcre  Dieu  d'une  louaillc, 
Qui  blanche  est  plus  que  fleur  de  lis, 
La  grant  sueur  d'entour  son  vis 
À  ses  blanches  mains  li  essuie. 

(Gautier  deCoinsi,  lir.  I,  cbap.   x,  cité  par  Ro- 
qiieforl,  art,   Touaille.) 

—  Tud.  1°  duahilla,  dwahilla, 
linge  pour  s'essuyer  les  ma^ns  après 
se  les  être  lavées,  essuie-main^  ser- 
viette ;  dérive  de  2°  duahan,  dwahan 
laver.  Anc.  allem.  4°  tweMe, 
%^twahen.  Allem.  modev.\o  tivehle, 
zivehle  ;  2°  zwahen.  Goth .  thvahan, 
laver;  anglo-sax.  d/iveon^  d!ftea/ian. 


460 


PREMIÈRE  PARTIE. 


item;  aac.  island,  thvo;  suéd. 
twœtta',  tvette. 

TouER ,  terme  de  marine  :  faire 
avancer  un  navire  en  tirant  d'un 
point  fixe  un  câble  à  force  de  bras  ou 
au  moyen  du  cabestan .  Touage^  ac- 
tion de  touer .  (Académie .  )  —  Angl . 
io  tow,  touer;  de  tow,  câble,  cor- 
dage; ce  mot  signifie  également 
étoupe^  matière  dont  on  fait  les  cor- 
dages; en  anglo-saxon  tov  a  cette 
dernière  signification.  Holl.  touw, 
câble,  cordage;  allem.  tau  ;  island. 
toug,  tog  ;  -suéd .  taog  ;  dan .  tau, 
tov. 

Touffe,  Toupet.  On  pourrait  être 
tenté  de  croire  que  le  dernier  de  ces 
mots  est  du  vocabulaire  des  coiffeurs 
de  nos  jours;  cela  n'est  point  ;  tou- 
pet est  une  expression  qui  se  trouvait 
déjà  dans  notre  ancienne  langue . 

Mes  en  passant  me  prist  la  belle 
Par  mon  toupet,  si  très  destrois 
Qae  des  cheviaus  ot  plus  de  trois. 

(Froinart,  t.  III,  p.  4<J8,  col.  I.  ) 

—  Island.  toppr,  touffe,  toupet, 
houppe,  boucle  de  cheveux;  suéd. 
toffs ;àdin.  ^op;angl.  toft;  allem. 
zopf;  tud .  zoph. 

Toupie,  jouet  d'enfant.  Toupin^ 
terme  de  cordier;  espèce  de  cône 
tronqué  le  long  duquel  on  fait  des 
rainures  pour  le  mettre  entre  les  fils 
ou  torons  qu'on  veut  commettre. 
(Trévoux.)  —  Suéd.  topp,  cône;  se 
prend  en  général  pour  tout  corps  qui 
a  la  forme  conique,  tels  qu'un  pain 
de  sucre,  une  toupie,  un  toupin,  etc. 
Augl .  top,  toupie,  toupin  Dan .  top, 
toupie.  Tud.  toph,  item.  Ane.  al- 
lem. topf,  item.  Tous  ces  mots  dé- 
signent des  corps  terminés  en  pointe^ 
et    c'est   à    un  primitif  signifiant 


pointe,  qu'ils  doivent  leur  origine . 
Anglo-sax.  top,  cime,  sommet, 
pointe.  Ane.  island.  toppr,  item. 
Holl.  top,  item.  Suéd.  topp,  item. 
Angl .  top,  item.  On  doit  rapporter  à 
ce  primitif  notre  ancien  mot  toupel 
qui  signifiait  comme  lui  cime,  som- 
met. Toupel  a  reçu  le  suffixe  el. 

El  (elle')  est  lor  lige 

Dès  le  toupel  dusqu'en  la  tige. 

{Des  Etes  de  Corioisic  à  la  suite  du  Tonmoiemeot 
de  r^Dlécbritt,  p.  149.) 

Tourbe,  terre  combustible  :  en 
basse  latinité,  turha,  turfa,  turva. 
—  Tud,  torff,  zurff,  tourbe,  terre 
combustible;  anglo-sax.  tyrf;  is- 
land. toff;  dan.  torv;  suéd.  taorf, 
toff;  holl.  turf;  allem.  torff ^  angl. 
turf. 

Train,  allure,  façon  d'aller,  mar- 
che. —  Dan.  trin,  marche;  trine, 
marcher.  Suéd.  treriy  marche,  dé- 
marche. Holl.  trein,item;  treeden, 
marcher.  Allem.  treten,  item.  Angl. 
to  tread.  Tud.  tratin,  traten.  Goth. 
trudan.  Anglo-sax.  tredan,  Island. 
troda. 

Trale,  sorte  de  grive .  (Voyez  ce 
mot  dans  Trévoux).  Anciennement 
trasle.  (Roquefort.)  —Tud.  throsce- 
la,  drosgila,gvvve;  anglo-sax.  throst- 
la;  angl.  throstle;  anc.  island- 
thrôstr;  allem.  et  dan.  drossel. 

Trappe.  En  basse  latinité,  trappa, 
piège,  trappe^  trébuchet,  souricière; 
en  espagnol^  trampa;  en  italien, 
trappla.  De  trappe  nous  avons  fait 
attraper.  —  Tud.  trapo ,  piège, 
trappe,  trébuchet;  anglo-sax.  trapp; 
anc.  allem.  trappe;  angl.  trap. 
Anc.  holl.  et  bas  allem.  trappen, 
attraper. 

Trêve,  autrefois  triwe^  trimwe. 


CUAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.    461 


trive.  Anciennement  ces  mois  ne  si- 
fiaient  pas  seulement  une  suspension 
d'armes  faite  par  un  traité  ;  mais  ils 
se  prenaient  pour  un  traité  en  gé- 
néral, un  accord^  un  pacte.  S'atriwer 
signifiait  s'engage  par  un  traité.  L'i- 
talien ,  l'espagnol  et  la  langue  d'oc 
ont  trcgiia  dans  le  sens  de  trêve. 

Mis  pères  e  H  tuen  fuient  moult  ami,  e 
fud  entre  eisbone  pais  e  ferme  aliance,  e 
requier  que  issi  seit  entre  mei  e  tei  ;  e  pur 
ço  te  ai  enveled  cesl  or  e  cest  argent,  que 
tu  la  triive  rendes  ki  est  entre  tei  e  le  rei 
de  Israël.  çLivre  des  Rois,  p.  303.) 

Fœdus  est  inler  me  et  te,  et  inter  pa- 
irem  meum  et  patreni  tuum;  ideo  misi  tibi 
munera,  argentum  et  aurum,  et  peto  ut  ve- 
nias,  et  irritum  facias  fœdus  qtwd  habcs 
cum  Baasa  regc  Israël. 

Les  citez  que  mis  pères  prist  sur  le  tun, 
jo's  te  rendrai,  e  aies  des  oreen  Damasclie 
recet  e  repair  si  curae  mi  pères  out  ja  en 
Samarie,  e  jo  m'alriiverai  e  ferme  aliance 
frai  od  tei.  E  11  reis  Achab  recliut  la  trhve, 
e  Benadab  s'en  turnad  vers  sun  pais.  (Ibid, 
p.  328.) 

CivUates  quas  tulit  pater  meus  "  pâtre 
tuo,  reddam,  et  plateas  fac  tibi  in  Damasco, 
sicut  fecft  pater  meus  in  Samaria,  et  ego 
tœderatus  recedam  ad  te.  Pepigit  ergo  fœ- 
dus et  dimisil  eum. 

—  Tud.  triwwa ,  trivoa,  traité, 
pacte ,  accord  ;  ces  mots  signifient 
proprement  et  primitivement  bonne 
foi,  loyauté,  fidélité.  Goth,  triggva; 
anglo-sax.  treova,  truva;  allemand. 
treue;  dan.  true;  suéd.  fro  ;holl. 
trouw,  trouwe. 

Triborl,  Stribord.  Ce  mot  signi- 
fie étymologiquement  bord  du  gou- 
vernail; il  doit  son  origine  à  l'u- 
sage où  l'on  était  autrefois  d'atta- 
cher le  gouvernail  au  tribord  d'ar- 
rière. (Voir  les  articles  Bâbord  et 
Bord,  ainsi  que  Ihre ,  col.  241,  et 
l'Archéologie  navale  de  M.  Jal,  t.  I, 


p.  181 .)  La  forme  stribord,  qui  est 
presque  abandonnée,  est  plus  voi- 
sine du  primitif  germanique  que  la 
forme  usuelle  trihord.  On  dit  en 
espagnol  estribord. 

—  Anglo  -  sax.  1  »  steorbord,  tri- 
bord; composé  de  2"  steora,  stiura, 
gouvernail^  et  de  3"  bord,  bord  d'un 
navire.  Ane,  island.  1"  stiorbord; 
2°  stiorn; 3" bord. Bas  allem.  ^''stûr- 
bord;  T  stur;  3°  bord.  Allem. 
T  steuer;  3°  bord.  HoU.  2°  stuur; 
3"  boord.  Dan.  et  suéd.  Tstyre; 
3"  bord.  Angl.  starboard,  tribord  ; 
to  steer,  gouverner  une  embarcation; 
bord,  hord  de  navire. 

Tricher,  tromper  au  jeu.  Autre- 
fois ce  verbe  signifiait  en  général 
tromper,  duper,  décevoir.  Thibaud 
le  Tricheur,  comte  de  Blois,  vivant 
au  x^  siècle,  dut  son  nom  à  sa  mau- 
vaise foi.  A  la  même  famille  appar- 
tient l'adjectif  trigaud,  que  nous 
employons  familièrement  en  parlant 
d'une  personne  qui  n'agit  pas  fran- 
chement, qui  se  sert  de  détours,  de 
mauvaises  finesses. 

A  ses  baruns  a  demandé 
Qu'il  deit  faire  par  juig(^ent 
De  cheli  qui  triche  et  11  ment; 
Tuit  jujent  qu'ele  soit  ocise. 

(Marin  de  FruDC«,  t.  U,p.  191.) 

Ne  pot  mie  od  le  tricheur 
Li  loiauz  liuns  avoir  honnr 
En  corî  où  l'on  voille  irichicr 
Et  par  mensolgne  forjugier. 

(BW.,  I.  II,  p.  289.) 

Onques  ne  soi  isus)  décevoir  ne  trichier, 
Ne  je  por  rien  aprcndre  ne  l'voudroie. 

[Chansonde  ThiUmll  de  ChamyagHc,  p.  22.) 

—  Tud.  iiiugan,  triegên,  trigén, 
tromper,  duper,  décevoir;  anc.  al- 
lem.  trec.hen;  allem.  triegen,  trù 


462 


PREIMIÈUE  PARTIE. 


fjen,  bctrûgen;  angl.  to  trick;  suéd. 
draga,  et,  avec  le  préfixe  be,  bedra- 
ga,  plus  usité;  dan.  bedrage;  hoU. 
bedriegen;  tromper,  duper;  trek, 
tromperie. 

Trinquer.  D'après  l'Académie, 
c'est  boire  en  choquant  les  verres  et 
se  provoquant  l'un  l'autre.  Ce  mot 
n'est  pas  nouveau  dans  notre  lan- 
gue ;  on  trouve  le  participe  drincant 
et  le  substantif  drinkerie  au  xii'' 
siècle,  dans  la  Chronique  des  ducs 
de  Normandie. 

Ainz  lès  le  bruillant  d'uges  (lisez  d'une) 

plaignes 
Les  troverent  assis  manjant', 
E  enveiséement  drincant. 

(f'Aron.  detducs  de  Norm.  t.  111,  p.  2T1.) 

Od  eux  raanjoent  e  buveient , 
La  erent  teus  les  paieries, 
E  si  faites  les  drinkeries 
Que  dès  qu'en  Inde  la  vermeille 
Ne  fu  oïe  teu  merveille. 

(CAroti.  des  ducs  de  Norm.;u  111,  p.  269.^ 

Par  quoy  un  chascun  de  l'armée  comenca 
a  martiner,  chopineret  trinquer  de  mesmes. 
Somme,  ils  beurent  tant  et  tant  que  ils 
s'endormirent  comme  porcz  sans  ordre  par- 
my  le  camp.  (Rabelais,  liv.  II,  ch.  xxviu, 
p.  112,  col.  1.) 

Les  Francs  avaient  l'habitude  de 
se  provoquer  à  boire  en  se  portant 
des  toasts.  Cet  usage  dut  sans  doute 
son  origine  à  un  sentiment  de  bien- 
veillance ,  mais  il  dégénéra  par  la 
suite  en  un  véritable  abus.  Celui 
qui  portait  un  toast  à  un  autre  finit 
par  se  persuader  qu'on  était  obligé 
de  lui  en  faire  raison,  et  regarda  un 
refus  comme  une  marque  de  mépris. 
Le  toast  était  une  salutation  et  celui 
qui  la  faisait  trouvait  qu'on  lui  man- 
quait d'égards  si  l'on  ne  la  lui  ren- 
dait pas.    De  là  des  querelles,  dans 


lesquelles  on  allait  souvent  jusqu'à 
forcer  à  boire  celui  qui  s'y  refusait. 
Aussi  les  Capitulaircs  de  Charle- 
magne,  liv.  III,  ch.  xxxiii,  interdi- 
sent-ils formellement  aux  soldats  de 
se  provoquer  à  boire  les  uns  les 
autres.  Dans  le  premier  livre,  l'em- 
pereur défend  à  qui  que  ce  soit  de 
forcer  un  homme  à  boire  malgré  lui  : 
«Ut  nemini  liceat  alterum  cogère  ad 
bibendum.» 

Celui  qui  portait  un  toast  à  quel- 
qu'un lui  disait  wis  hail,  wes  heil, 
sois  sain  et  sauf,  sois  bien  portant, 
porte-toi  bien  ;  celui  qui  faisait  raison 
du  toast  répondait  drinke  hail, 
trinke  heil,  bois  sain  et  sauf,  bois 
bien  portant;  c'est-à-dire  bois  et 
porte-toi  bien.  Notre  langue  dut  à 
la  première  de  ces  expressions  les 
mots  wessail,  guessail  (voir  ci-après 
l'art.  Wessm7)  ;  elle  dut  à  la  dernière 
drinquer,  trinquer. 

Costume  est,  sire,  en  son  païs. 
Quant  ami  boivent  entre  amis, 
Que  cil  dist  wes  hel  qui  doit  boire. 
Et  cil  drink  el  qui  doit  recoivre  ; 
Dont  boit  cil  tote  la  moitié, 
fit  por  joie  et  por  amistié. 
Au  lianap  recoivre  et  bailler 
Est  costume  d'entrebaisier. 

[Rom.  de  Bmt,  t.  I,'p.  330.) 

Seignors,  je  vus  dis  par  Noël 
Epar  li  sires  de  cesthostcl, 

Car  bevez  ben  ; 
E  jo  primes  beverai  le  men, 
E  pois  après  chescon  lesoen, 

Par  mon  conseil. 
Si  jo  vus  dis  trestoz  :  wesseyl, 
Oehaiz  cit  qui  ne  dira  drincheyl. 

[  Chanson  pour  fêler  Noël  insérée  dans  les  Rapports 
de  M.  Francisque  Micliel  au  ministre  de 
[Instruction  publique,  p.  59.) 

—  Tud.  trinkan,  boire;  goth. 
drigkan;  anglo-sax.dmcan;  island. 


CHAP.  m,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  II.     463 


drecha;  a\\em.  tnnken;  àan.drikke; 
sviéd.  dricka;  hoW.  drinken;  angl. 
to  drink. 

Trog, Troquer. —  Angl.  \°truck, 
troc,  échange;  2°  to  truck_,  troquer, 
échanger.  Les  autres  idiomes  ont  re- 
tranché le  r.  Dan.  1°  tusk;  2°  tuske. 
AUem.  \°tausch;  ^"tauschen.  Holl. 
4"  tuisching;  2"  tuischen. 

Trogne,  gros  visage,  figure  jouf- 
flue. —  Ane.  island.f nona,  museau, 
mufle;  dan.  et  suéd.  tryne  ;  bas 
allem.  troonje;  anc.  allem.  triel. 

TtoupEjTroupeau,  autrefois  trope, 
tropel:  en  basse  latinité,  troppus, 
troupeau,  qui  se  trouve  dans  la  loi 
des  AUemani,  lxxii,  4  ;  en  italien, 
truppa,  troupe;  enprovençal,<roMpa. 
Ces  mots  me  paraissent  plutôt  dé- 
rivés d'un  primitif  germanique  que 
du  latin  turba.  —  Tud.  troppe, 
troupe,  troupeau  ;  anc.  allem.  trupp, 
item;  allem.  trappe j  troupe;  dan. 
trop,  item  ;  suéd.  tropp;  holl.  troep, 
trop;  angl.  troop. 

On  doit  rapporter  au  même  pri- 
mitif germanique  notre  adverbe  trop, 
qui  autrefois  n'avait  pas  le  sens 
que  nous  lui  donnons  aujourd'hui. 
Il  signifiait  beaucoup,  et  dut  primi- 
tivement se  rapporter  à  ce  qui  peut 
se  compter.  On  disait  trop  de  gens 
(troupe  de  gens)  pour  beaucoup  de 
gens,  comme  nous  disons  une  foule, 
une  quantité  de  gens,  d'auteurs,  de 
livres.  Nous  employons  encore  fami- 
lièrement les  mots  foison^  tas,  mou- 
ceau,masse,  dans  des  cas  semblables. 
Ensuite  trop  passa  de  cette  première 
signification  à  celle  de  beaucoup^ 
employé  pour  marquer  un  haut  de- 
gré, bien,  fort,  extrêmement,  par- 


faitement; et  enfin  il  prit  le  sens 
conserve  encore. 

En  Nervie,  dont  je  suis  npz, 

A  un  homme  (ceci  tenez 

Pour  vérité  et  pour  certain) 

Qui  est  de  si  grant  sainte  plain, 

Et  si  juste,  sanz  touz  pecliifz, 

Qu'il  n'est  grief  mal  dont  entechiez 

Soit  homme  ou  femme,  si  le  voit, 

Que  tout  gari  ne  l'en  renvoil  ; 

Et  ce  a-il  fait  a  trop  (beaucoup)  de  gcnt, 

Sanz  prendre  salaire  n'argent. 

[Un  miracle  de  tainl    Valenliit,  dans  le  Théâtre 
françaia  au  moyen  â^e,  p.  297,  col.  I.) 

Robins  n'est  pas  de  tel  manière. 
En  lui  a  trop  plus  de  déduit. 

(ti  Cieus  de  Roiin  et  de  Sfurion,  ibid.  p.  104, 
col.  I.) 

Et  bien  li  dis  adonc  qu'il  s'alât  avisant. 
Et  qu'il  vaudroil  trop  mieulx  qu'il  s'en  alât 
fuiant. 

(r/iron.  de  du  Cuesdiii,  t.  l,  p   3G1.) 

Trop  garde  encore  aujourd'hui  la 
signification  de  bien,  parfaitement, 
dans  certaines  locutions:  «  Je  ne 
sais  trop  si  vous  pourrez  réussir  ;  on 
ne  peut  pas  trop  dire  si  cela  est  ré- 
ellement. » 

En  langue  d'oc  massa  (masse), 
qui  s'employa  d'abord  comme  trop 
dans  le  sens  de  beaucoup,  passa  égale- 
ment de  cette  signification  à  celle 
de  bien,  fort  : 

E  lo  coms  de  Montfort  es  massa  bos  guer- 
riers, 
E  cantsaubralas  novaselvindra  volontiers. 

[Uisl.  de  la  croistde  contre  les  Albigeois,  publiée 
par  M.  Fauriel,  p.  383.) 

El  le  comte  de  Montfort  est  fort  bon  guer- 
rier, et,  quand  il  saura  les  nouvelles,  il 
viendra  volontiers. 

Trouver,  autrefois  treuver  :  en 
italien,  trovare  ;  en  provençal,  trou- 
bar,  trouvât.  —  Allem.  treffen,  at- 
teindre, rencontrer,  trouver;  dan. 
trœffe;  suéd.   trefta;  holl.  treffen. 


464 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Tous  ces  verbes  paraissent  dérivés 
d'un  primitif  germanique  signifiant 
heurter  contre  quelque  chose,  buter 
à.  C'est  la  signification  qu'ont  le 
tudesque  trefan  et  l'islandais  drepa. 
En  IdAmofendere,  heurter,  se  prend 
aussi  pour  trouver. 

Trdiller,  anc.  enchanter,  char- 
mer, ensorceler. 

Biax  sirp,  dist-el,  entendez, 
Le  sain  œil  me  laissiez  charmer... 
Tant  le  Iruilla  et  le  charma, 
Que  li  lecherres  s'en  alla. 

(Barbazan,  FuUiaux,  I.  11,  p.  83.) 

—  Ane.  island.  \  "  trola,  enchan- 
ter, charmer,  ensorceler;  2°  troll, 
enchantement.  Ane.  allem.  4°  trol- 
len;  2°  troll;  suéd.  4°  trolla; 
2°  troll  ;  dan.  1  °  fortrylle,  avec  le 
préfixe  for  ;  2°  troldom,  enchante- 
ment ,•  troldmand,  enchanteur,  avec 
mand,  homme.  Ces  mots  paraissent 
tenir  à  un  primitif  segnifiant  c^an^er 
comme  le  français  enchanter.  L'an- 
glais to  troll  veut  dire  chanter.  En 
latin  Carmen  se  prenait  pour  poésie, 
chant  et  pour  enchantement  ;  nous 
en  avons  fait  charme. 

Tuer  :  en  basse  latinité  tutare  ; 
en  lange  d'oc  tutar.  —  Tud.  \°  tôt, 
tod,  la  mort;  todjan,  mettre  à  mort, 
tuer.  Goth.  1"  dauths  ;  2°  ardauth- 
jan^  avec  le  préfixe  ar.  Allem.  \°tod; 
2°  toden.  Suéd.  1°  dœden;  2°  dœda. 
HoU.  1»  dood;  2°  dooden.  Anglo- 
sax.  deathf  dieth,  la  mort;  island. 
daud,  item  ;  dan.  dœd,  item  ;  angl. 
death,  item. 

TuLE,  Tulle,  anc.  sot,  insensé, 
fou,  extravagant.  Entule  avait  la 
même  signification  ;  c'est  un  com- 
posé  de   tule  et  du  préfixe  en.  En 


portugais,  tolo  signifie  également 
un  sot. 

Si  suis-je  plus  saiges  que  tulles 
Bien  seroic  fous  et  entulles. 
Se  tel  amour  voulois  querre. 

[Rom,  de  la  Rose,  ciié  dansBorel,  an,  Tule.) 

Amis,  ne  r'alez  mie 
Avoec  la  maie  compaignie 
Des  gloutons  ne  des  lecheors 
Ne  des  entnllrs  pecheors 
Qui  ne  vuelent  a  bien  entendre. 

I  La  Voie  de  Paradis,  h   11  suite  dei  œaTrrs  d« 
Rutebeiif,  t.  U,  p.  335.) 

—  Tud.  toi,  tulisc,  insensé,  sot, 
imbécille  ;  goth.  toi,  item  ;  anglo- 
sax  dol,  dole,  item  ;  angl.  dull, 
item;  allem.  toll,  insensé,  fou, 
extravagant,  frénétique;  hoU.  dol, 
item;  suéd.  daore;  anc.  suéd.  tule. 

TuMER,  TuMBER,  auc.  s'agitcr,  se 
démener,  se  trémousser,  gambader, 
sauter,  bondir,  tournoyer,  danser. 
Un  jongleur  dit  en  parlant  de  lui  : 

«  Je  servirai  de  mon  mestier 
La  mère  Dieu  en  son  moustier  ; 
Li  autre  servent  de  canter, 
Et  je  servirai  de  lumcr.  » 
Sa  cape  oste,  et  si  se  despouille, 
De  lès  l'autel  met  sa  despouille... 
Lors  li  commence  à  faire  un  saut, 
Primes  deseure  et  puis  desous  ; 
Puis  se  remet  sor  les  genous 
Devers  l'image,  se  l'incline. 
A!  fait-il,  tres-douce  roine, 
Par  vo  pitié,  par  vo  franchise, 
Ne  despiziez  pas  mon  servise  ; 
Lors  ttme  et  saut  et  fait  grant  feste. 

{Miracle  de  Nosire  Dame,  cilë  dans  le  gloitaire  ds 
Carpeniier,  art.  Tumbare.) 

Harper  y  falsoit  harpeors, 
Et  vieler  vieleors , 
Et  les  baleresses  baler. 
Et  les  tumberesses  iumber. 

{Roman  de  Percteal,  cité  par  Bord,  art.  Tuaibér.) 

Roquefort,  qui  cite  également  cet 
exemple  dans  son  glossaire,  préfère 


CHAP.  m,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT 


pour  le  dernier  vers  :  «Et  les  timbre - 
resses  timbrer.»  Cette  version,  qu'il 
paraît  avoir  trouvée  dans  un  manu- 
scrit de  Perceval,  me  semble  moins 
heureuse  que  celle  citée  par  Borel. 

—  Tud.  tumôn,  tumilôn,  tumelèn, 
s'agiter,  tourner,  tournoyer;  dan. 
fMm?c^s' agiter^  tournoyer  ;  pirouetter, 
voltiger;  angl.  tù  tumbley  item; 
anc.  holl.  tumen,  item  ;  holl.  moderne 
tnimeleji,  faire  des  culbutes,  culbu- 
ter; aWcmJummeln,  faire  tournoyer 
un  cheval,  le  faire  voltiger. 

Utlage,  Uliage,  anc.  homme  mis 
hors  la  loi,  proscrit,  banni,  homme 
qui  n'a  point  de  pays  et  qui  vit  de 
rapine,  de  brigandage,  pillard,  bri- 
gand, pirate  ;  en  basse  latinité, 
utlaga.  (Voir  le  glossaire  de  Roque- 
fort, celui  de  du  Gange,  art.  Utlaga, 
et  le  supplément  de  domCarpentier.) 

Si  cet  ascons  qui  blasmet  seit  dedenï  le 
HCuDREp,  e  IV  hume  le  relent,  si  xii*  main 
s'espurget;  e  si  il  s'en  faist  dedeni  la  cha- 
iange,  li  sire  rende  sud  Vere  ;  e  si  l'un 
ehalange  le  seigneur  que  perlli  s'en  seit  aie, 
si  s'escundie  sei  vi  main;  e  s'il  ne  pot,  en- 
vers li  rei  l'ament;  e  s'il  soit  uilage.  (Lois 
de  Guill.  §i;  ci-dessus  p.  121.) 

N'osoit  DUS  borna  maiudre  is  rivages 

Pot  ullagM  e  por  evages. 

Ne  sais  queCbarais  oui  pensé, 

Mais  à  Rome  dist  alsenë 

Que  de  la  mer  garde  prendroit. 

Se  li  lor  congié  en  avoit 

Et  le  rivage  garderoit 

Qv^  ullage  n'i  passeroit. 

(Sow  iiBMi.Ut.p.K».) 

—  Anglo-sax.  uUagQj  mis  hors 
la  loi,  proscrit,  banni  ;  composé  de 
lU,  ute,  hors,  et  de  laga,  loi.  Angl . 
k"  outlaw,  proscrit;  2''  out,  hors; 
3»  lai^,  loi,  Suéd,4''  utlager;  l'^vi; 
3"  lao.    D'autres  idiomeiv   qui  uf 

r 


II.    465 

possèdent  point  ce  composé,  ont 
conservé  les  deux  radicaux  qui  le 
composent.  Anc.  allem.  \°  une, 
hors;  2"  lag,  lae,  loi.  I  si  and  1°  uian; 
2"^  laug.  Dan.  1"  ud;  2"  lov. 

Vacarme  qui  signifie  aujourd'hui 
grand  bruit  en  français  était  autre- 
fois une  exclamation  de  douleur 
usité  dans  la  Flandre  teutonique. 
Ce  mot  équivaut  exactement  à  notre 
interjection  hélas  !  tant  pour  le  sens 
que  pour  les  éléments  dont  il  est 
composé.  L'un  et  Tautre  sont  for- 
més d'une  interjection  plaintive  et 
d'un  substantif  signifiant  malheu- 
reux. (Voyez  pour  hélas  le  tome 
m,  p.  403.) 

A  maiuz  Flamens  les  chieres  percent... 
Cil  qui  sont  de'sanc  entouchiez, 
Sont  entre  les  autres  couchiez 
0  les  morz;  nul  ne  les  désarme. 
En  criant  wacarme  !  wacarme  ! 
Qui  vaut  autant  con  dire  kélaa  ! 
Gisent  aucuns  (a  et  là  las, 
Qui  le  morsel  de  mort  sangloutent. 

lBra»cte  de*  nyiuuc  ligua  jet,  t.  Il,  p.  STS.) 

Ftameut  seul,  si  cria  waskarmt  ! 
UUre,  Reaart,  goudù  kenape. 

(/loR,  dalttmm,  i.  iv,  p.aS9.) 

Dans  l'ancien  idiome  de  la  Flaùdre 
teutonique  le  dernier  vers  signifie: 
ici,  Renart,  hrant  garçon. 

—  Anc.  flamand  woôharm,  hélas  ; 
composé  de  4°  wach!  hé  !  ah!  et  de 
1°  arm,  malheureux,  misérable, 
pauvre.  Holl.  moderne  <•  wee!  2" 
arm.  Allem.  4'"  weh!  2*  arm.  Suéd. 
^''we!  Varm.  Dan.  ê''i>ee!  t°arm. 
Tud.  4°  wae!  2"*  aram,  arm.  Goth. 
4°  v<m7  2°  arm.  Anglo-sai.  4»  va  ! 
2"  arm. 

Vague.  —  Tud.  wâg,  wâge,  eau 
en  mouvement,   cours  d'eau,   flot, 

SO 


466 


PREMIÈRE  PARTIE. 


vague;  de  loagôn,  wagjan,  ôtrc 
agité,  sô  mouvoir.  On  trouve  dans 
Olfrid: 

Thés  wages  er  sie  wista. 

(Olfrid,  1,  3,  24.) 

Il  {Dieu)  les  guida  sur  les  flots. 

—  Goth.  1°  vegs,  flot,  vague;  2" 
wagjan,  vagan,  être  agité.  Anglo- 
sax.  1"  wœg;  2°  wagian.  Island.  1" 
vag;  'i'^waga.  Suéd.  \°waog,  wog; 
Twagga.  Angl.  \°ioave;  %°toioag. 
AUera.  1°  voogc;  2°  bcwegen.  Dan. 
betcœge,  se  mouvoir^  être  agité. 
HoU.  beweegen,  item.  Ces  trois  der- 
niers verbes  sont  eomposés  au  moyfin 
du  préfixe  fie. 

Vamon  ,  anc.  tumeur,  loupe  , 
goitre. 

Jehan  Caton  estoit  entachiez  d'une  enfer- 
meté  ou  maladie,  appellée  vamon,  laquelle 
lui  faisoit  ou  accumuloit  une  grant  boche 
au  col.  (Lettres  de  rémission  de  1398,  citées 
dans  le  glossaire  de  Carpenticr  ;  art  Vam- 
mum.) 

—  Anglo-sax.  wen,  tumeur,  loupe, 
goitre  ;  angl.  iven  item  :  hoU.  wen, 
item. 

Vamon  est  un  mot  formé  d'après 
l'analogie  que  j'ai  signalée  ci-des- 
sus, p»  45,  note  1 .  Le  n  du  primitif 
germanique  est  devenu  m  comme 
dans  charme  (  arbre  ) ,  coutume  , 
formés  de  carpinus,  consuetudin- 
cw,  etc.  (Voir  t.  II,  p.  114.)L'es'est 
changé  en  a,  comme  dans  ramper, 
de  repère^  dans  rame  de  remus^  etc. 
(Voir  t.  II,  p.  G3.) 

Varangue,  terme  de  marine.  On 
appelle  varangues  les  pièces  de  bois 
grossièrement  charpentées  que  l'on 
pose  les  premières  sur  la  quille  pour 


former  le  fond  du  navire.  —  Suéd. 
wrœngr,  rangr ,  varangue  ;  dérivés 
de  wrang,  rude ,  grossier,  ébau- 
ché; hoU.  vloer-wrang^  varangue; 
de  vloer,  plancher,  et  wrang,  rude, 
grossier;  dan.  vrange,  rude,  gros- 
sier; angl.  rough  ,  item;  allcm. 
rauh,  item. 

Varech,  tous  les  débris  que  la  mer 
rejette  sur  ses  côtes;  aujourd'hui  il 
ne  se  prend  plus  guère  que  dans  un 
sens  restreint  pour  signifier  certaine 
plante  marine,  autrement  nommée 
fucus,  que  la  mer  arrache  en  mon- 
tant et  jette  sur  le  rivage.  L'Acadé- 
mie, qui  donne  les  deux  acceptions, 
a  tort  de  présenter  la  dernière 
comme  primitive,  et  d'en  faire  dé- 
river la  première  par  extension; 
celle-ci  est  au  contraire  l'acception 
fondamentale.  On  disait  autrefois 
vrec.  (  Voyez  ce  mot  dans  le  glos- 
saire de  Roquefort.) 

—  Holl.  1  »  wrak,  débris  rejetés 
par  la  mer,  bris  de  navire,  varech  ; 
2°  wraaken,  rejeter,  repousser.  Suéd, 
i'^ivrack;  2°  wrœka.  Dan.  1°  vra{i  ; 
2°  vrage.  AUem.  1  "  vjrack  ;  2"  wra- 
ken.  Aïig\.  wrack,  varech;  towrack, 
être  jeté  sur  les  côtes,  faire  nau- 
frage. Tud.  wreh,  chassé,  rejeté , 
repoussé.  Goth.  wrœkan,  rejeter, 
repousser.  Island.  hrekja,  reka,  item. 
Anglo-sax.  ivrœc,  débris  rejetés  par 
la  mer,  varech.  ' 

ViLECOMME,    ViLLECOMME,   WlLE- 

COMME,  "Welecomme,Walecomme,  etc. 
terme  de  civilité  dont  on  se  servait 
anciennement  pour  saluer;  il  équi- 
valait à  soyez  le  bien  venu.  De  ve- 
lecomme,  velcomme,  on  fit  le  verbe 
vclcumier^  welcumier,  souhaiter  la 
l)icnvenue  à  quelqu'un,  lui  faire  bon 


CHAP.  IIÏ,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  II.  467 


accueil^  et,  par  extension,  accueillir 
en  général,  recevoir  bien  ou  mal  (1). 

Cil  qui  mainte  chose  ot  toloite, 
S'en  est  au  fusmier  droit  aler. 

Où  li  bacons  estoit  boulez; 

A  son  col  le  moine  leva, 

En  la  taverne  le  porta. 

Chacun  li  crie  :  Vilecomme  ! 

Et  cil  a  gité  jus  sa  some. 

(UéoD,  Rec.  de  Fabliaux,  1. 1,  p.  3C2.) 

Or  cha,  Pinchedé,  willecomme  ; 
Aussi  estoie-je  tous  sens. 

(  Théâtre  franfaii  au  moyen  âge,  p.  181.) 

Roi,  walecomme. 
Demande-moi  che  qu'il  te  plaist. 

[Itid.  p.  122.) 

Set  cenz  chevaliers,  bons  vassaus, 
Armez  d'armes,  sur  lor  chevaus, 
La  vont  les  lices  desfermer, 
Si  receivre,  si  welcumier. 

{CkroH.  des  ducs  de  Nom.  t.  II,  p.  113.) 

—  AUcm.  seyd  mir  willkommen, 
soyez  le  bienvenu,  formule  de  salu- 
tation; willkommen,  bienvenu  ; 
will,  bien^  kommen,  venir.  HoU. 
welkom  t'huis ,  soyez  le  bienvenu  : 
4°  welkom,  bienvenu  ;  2"  v^l,  bien; 
3°  komen,  venir.  Suéd;  4°  loœlkom- 
men;  Twal,wœl;  3"  komma.  Dan. 
i^welkommen;  2°ve^;  3°  komme. 
Angl.  1°  welcome;  2"  wel;  3°  to 

(1)  On  disait  également  bien  veigniez,  bien  vieyniez,  pour  soyez  le  bien  venu  ;  ces  ex 
pressions  donnèrent  le  verbe  bienviegner,  bienvigner  analogue  a  vektmier. 
Uns  preudom  qui  venir  me  vit... 
Me  prist  par  la  main,  et  sa  famé 
Me  dist  :  «  Pèlerins,  bien  veigniez.» 

(Rutcbeuf,  t.  II,  p.  37.) 

Se  li  dist  :  Sire,  bien  viegniez. 

{Rom,  de  la  Manfkine,  v.  .190.1.  ) 

Quant  a  la  salle  fu  entrés 
Chacuns  s'est  contre  lui  levés , 
Moult  le  hienviegnenl  et  festient. 

(Rom.  du  rhnslpliiim  de  Cnuty,  r.  111.) 

Li  erapereres  s'en  ala 

A  la  femme,  et  la  bienvigm. 

[Rom.du  Siiint-Granl,  T,  1657.) 


corne.  Tud.  2"  vda,  vo/a;3°  chomen, 
chumen,  queman.  Goth.  2°  vaila  ; 
3"  quiman.  Anglo-sax.  Tvel;  3°cm- 
man.  Island.  2°ve/;  3°  koma. 

ViNDAS,  machine  composée  d'un 
treuil  vertical  sur  lequel  se  roule  un 
câble  et  qu'on  fait  tourner  avec  deux 
leviers.  On  l'appelle  aussi  cabestan, 
surtout  en  termes  de  marine.  (Acad.  ) 
Ce  mot  était  déjà  employé  par  les 
marins  du  xii®  siècle. 

Mariniers  saillent  par  ces  nés, 
Et  desplient  voiles  et  très  ; 
Li  un  s'esforcent  al  vindas, 
Li  autre  al  lof  et  al  betas. 

{Rom.  de  Brui.t.U,  p.  liO.) 

—  AUem.  winde,  tour,  vindas, 
cabestan;  de  winden,  rouler,  en- 
rouler, entortiller.  Tud.  wintan, 
item;  goth.  bevindan,  composé  au 
moyen  du  préfixe  be,  bi;  anglo-sax. 
vindan,  vyndan;  island.  vinda; 
dan.  vinde;  suéd.  winda;  angl.  to 
wind;  hoU.  winden. 

Vise,  Vice,  Veziés,  Veisiés,  etc. 
anc.  prudent,  avisé,  habile,  rusé  : 
en  provençal,  visions. 
Oiez  pucele  qui  n'est  nice, 
Mes  sage,  e  proz,  e  cointe,  e  vice. 

{ Chron.  des  ducs  de  Norm.  t.  II,  p.  562.  ) 


46S 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Se  il  est  colnie  e  engignos, 

E  texiez  e  mal  artos  (artiûcieux). 

(/iW,  I.  I,  p.397.) 

Moult  fu  Renan  amesarez, 
Et  veiies  a  grant  merveille. 

{Rom.  du  Renan,  v.  1533.) 

-"  Anglo-sax.  wis,  sage,  prudent, 
avisé;  island.  viser',  tud.  wisig, 
wisich;  allcm.  weise;  dan.  viis; 
suéd.  vis;  hoU.  wiis,  wijs;  angl. 
wise . 

Le  w  germanique  qui  se  change 
généralement  en  g  dans  les  dérivés 
français  est  devenu  v  dans  fise, 
comme  dans  varech,  vague,  vo- 
guer, etc.  (Voyez  dans  ce  chapitre 
les  articles  qui  concernent  chacun 
de  ces  mots.) 

Voguer.  —  Allem.  wogen,  être 
agité  ou  être  emporté  par  les  flots, 
de  woge,  flot,  vague.  Suéd.  \°  wog, 
woag,  flot,  vague;  2°  wagga,  être 
agité,  être  en  mouvement,  se  mou- 
voir. Angl.  1°  wave;  2°  to  xmg. 
Tud.  \°  wâg  ;  2°  wagon.  Goth. 
4*  vegs;  wagjan,  wagan.  Anglo- 
sax.  1°  wœg;  2°  wagian.  Island. 
4°  vag;  2°  waga.  Dan.  bewœge^  se 
mouvoir,  être  agité;  hoU.  betveegen, 
item.  Ces  deux  derniers  verbes  sont 
composés  au  moyen  du  préfixe  6e. 
(Voyez  ci-dessus  l'article  Vague.) 

"Welque,  anc.  sorte  de  coquillage, 
buccin;  en  basse  latinité,  velko. 
Du  Gange,  art.  Velkones,  cite  le 
passage  suivant  des  Ephémérides 
du  monastère  de  Saint-Gall,  xvi' 
jour  des  Calendes  de  décembre  : 
«Eodem  die  dantur  cames,  pisces..,; 
ad  unum  ferculum  dantur  cuilibet 
4omino  duo  velkones.  » 

L'en  dit  k'uns  aigles  vint  volant 
Juste  la  mer  peissuns  querant; 


Une  welque  treuva  entière. 
Mais  ne  sot  eu  quele  mcniere 

Peust  l'eschale  dcspecier 

Si  laist  la  welque  chaoir  jus 
Seur  dure  terre  e  seur  roscliier, 
Ensi  la  purra  despecier. 

(Marie  de  France,  t.  Il,  p.  103.1 

Anglo-sax.  ivealCj  weolc,  coquil- 
lage, mollusque  testacé.  Anc.  holl. 
welk.  Angl.  whilk,  wilk,  buccin,  li- 
maçon de  mer,  mollusque  à  coquille 
univalvc. 

Werbeleu,  anc.  faire  des  rou- 
lades en  chantant. 

Et  ele  trait  sa  chifouie  ; 

Si  bel  wcrbloie,  si  bel  chante, 

Kès  l'Apostoile  tôt  enchante. 

(Barbazan,  Falllanx,  1. 1,  p.  299.) 

—  Allem.  wirheln,  tourner,  tour- 
noyer, rouler,  faire  des  roulades  en 
chantant;  anc.  allem.  werhen,  tour- 
ner, rouler;  en  allemand  moderne, 
ce  mot  signifie  enrôler,  faire  des  en- 
rôlements militaires,  Tud.  hwerban, 
tourner,  rouler;  anglo-sax.  hveor- 
fan;  anc.  island.  hverfa;  suéd. 
hvcirfla;  dan.  hvirvle;  anc,  holl. 
werven  ;  en  hollandais  moderne,  ce 
mot  ne  signifie  plus  que  ertrôler, 
recruter.  Cet  idiome  nous  offre  des 
dérivés  appartenant  à  la  même  fa- 
mille :  wervel,  tourniquet  pour  fer- 
mer les  fenêtres  et  les  portes;  wer- 
velen,  fermer  au  tourniquet. 

WeSSAIL  ,       GUESSAIL  ,      GUERSAI  , 

GuERSOi,  etc.  ^  terme  de  politesse 
dont  se  servait  anciennement  la 
personne  qui  portait  un  toast.  Celui 
qui  faisait  raison  du  toast  répondait 
drincheil,  drinkel.  J'ai  donné  ci- 
dessus  l'explication  de  ces  mots  à 
l'art.  Trinquer,  p.  462.  Je  renverrai 
le  lecteur  à  cet  article  en  me  bor- 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  G 

nant  à  ajouter  les  exemples  suivants 
à  ceux  qui  s'y  trouvent  cités. 

Au  roi  ad  dist,  wessail. 
Le  corn  mis  à  sa  bouclie. 

{Lai  dit  Corn,  T.  546.) 

Mes  lient  le  henap,  si  di  avé, 
Conpaingnon,  je  tedi,  guersai, 

(Rom.  du  Renart,  t.  I,  p.  120.) 

La  tempérance  n'était  pas  la  vertu 
favorite  de  ceux  de  nos  pères  qui 
avaient  le  plus  souvent  à  la  bouche 
les  mots  wessail,  guersai,  guersoi; 
aussi  ces  mots  finirent  par  signifier 
penchant  à  boire,  ivrognerie,  ainsi 
que  débauche,  orgie. 

Guersai  fait  dommage  a  maint  homme  : 

Il  n'a  si  sage  jusqu'à  Romme, 

S'il  le  hante,  que  il  n'afole, 

fiuar  le  vin  si  tue  et  assomme; 

Nus  hom  n'en  prent  plus  que  sa  somme 

Qu'il  n'en  ait  la  teste  plus  foie. 

{Dt  Guersai,  à  la  suite  des  œuvres  de  Rutebtnf, 
t.  il,  p. 435.) 

Guersoi  si  semble  jeu  de  raine  (grenouille} 
Qui  toz  jors  boit  et  ja  n'ert  plaine, 
Mes  toz  jors  plus  avant  se  lance. 

{liid.  p.  430.) 

El  voient  à  iex  l'amistié 
Que  Diex  nous  fist  qui  nous  cria. 
Qui  en  la  sainte  croiz  cria 
Aux  Juys  qu'il  morait  de  soi  ; 
Ce  n'ert  pas  por  boire  a  guersoi. 

(Rutebeuf.  t.  I.p.93.) 

Remarquons  en  passant  la  forme 
guersoi,  qui,  dans  ces  derniers  vers, 
rime  avec  soi,  soif.  Il  est  probable 
que  cette  forme  est  due  à  un  jeu 
de  mots,  à  l'une  de  ces  plaisan- 
teries que  nos  'joyeux  ancêtres  se 
permettaient  fort  souvent.  Guessail 
semble  avoir  été  transformé  en 
guersoi,  pour  faire  allusion  à  la  soif 
immodérée  des  ivrognes;  en  effet, 
la  prononciation  de  ce  mot  est  tout 


ERMANIQUE.  SEGT.  IL   469 

à  fait  semblable  à  celle  de  gu£re  soi, 
qui,  dans  notre  ancienne  langue,  si- 
gnifiait beaucoup  soif.  (Voyez  Guér» 
ci-dessus^  p.  385.)  Cette  supposition 
est  d'autant  plus  admissible,  que 
l'on  trouve  également  la  forme  ver- 
sez qui  paraît  avoir  été  faite  de  wes- 
sail par  un  autre  jeu  de  mot  facile  à 
comprendre.  Les  vers  suivants  dans 
lesquels  l'ivresse  et  l'orgie  sont  per- 
sonnifiées nous  offrent  des  exemples 
de  cette  forme  : 

Avec  cele  grant  joie  vint 
Yvrècc,  la  mère  Versez., 
Et  ses  fils  0  lui  est  alez. 
Versez  est  grans  et  parcreui 
Et  mult  est  amez  et  c reus... 
Versez  relieve,  si  m'assaut  ; 
Je  le  ressail,  il  me  ressaut. 

(  Le  Songe  d'Enfâr,  à  la  suite  du  Touruoieraen»  d* 
l'Autécfarist,  p.  133.) 

De  gueissail,  guersoi,  guersai,  on 
fit  guessailer ,  guesseiller,  guersail- 
1er,  guerseiller,  faire  une  débauche, 
faire  une  orgie,  boire  avec  excès, 
ivrogner,  godailler,  trinquer. 

Les  Engleis  sont  bon  vantur,  ne  se  sevent 
ester  ; 

Melz  sevent  as  gros  hanaps  beivre  e  gueit- 
seiller. 

{Chnn.  de  JorJ,  Funlosme,  p.  669.) 

Mult  en  burent,  car  sans  assai 
Bevoient  tuit  honte  a  guersai., 
Qu'on  lorlivroit  à  une  seille. 
Et  Guerçoi,  qui  à  tous  guerseille, 
D'Ivresce  lor  fist  un  entret  ; 
Tant  les  fit  guerseillier  à  tret, 
Qu'Ivresce,  qui  tuit  les  enteste, 
Vint  guerseillier  a  cela  feste. 

{ToumoiemenI de  t AntéchrUt,  p.  13.) 

En  anglais  wassail  signfie  encore 
orgie,  festin;  to  wassail^  faire  une 
orgie,  wassailer,  buveur,  ivrogne. 

J'ai  dit  p.  462  que  wessail  est 
composé  de  deux  mots  germaniques 


470 


PREMIÈRE  PARTIE. 


signifiant  sois  sain  et  sauf,  sois  en 
santé,  sois  bien  portant.  —  Tud, 
4°  wis,  wez,  sois;  2°  hail,  keil,  sain 
et  sauf,  qui  est  en  bonne  santé,  bien 
portant.  Anglo-sax.  4»  wes;  V  hœl, 
Goth  4  •  wes  ;  2'  hails.  AUem.  heilj 
sain  et  sauf,  guéri,  bien  portant  ; 
hûU.  heel,  rendu  à  la  santé,  guéri; 
healthy  ,  qui  est  en  santé,  guéri , 
de  healthy  santé  ;  suéd.  helsa,  item; 
dan.  helse,  item.  Les  idiomes  germa- 
niques modernes  ne  nous  offrent 
plus  que  quelques  formes  du  verbe 
qui  est  un  des  éléments  du  composé 
wessail  :  holl.  loeczen,  être;  ge- 
wcest,  été,  avec  le  préfixe  ge  ;  allem. 
gewescn,  item.  i 

WiGRE,  anc.  sorte  de  pique. 


Mil  Sarrazins  i  descendent  a  piui, 
E  a  cheval  sunl  xl.  millers  ; 
Men  escicntre,  ne  's  osent  aproismer  ; 
Il  lor  lancent  e  lances ,  c  espiez, 
E  wigres,  e  darz,  e  museras,  e  agiezi  c 
gieser.    • 

{Chani.  (te  RoU  lU  clii. 

—  Anglo-sax.  vigar,  pique;  lance; 
ce  mot  signifie  littéralement  pique 
de  combat;  il  est  composé  de  4  o  vig^ 
combat,  guerre,  et  de  2°  gâr,  com- 
bat, guerre.  Anc.  island.  vigr,  pi- 
que, lance,  de  4»  vîg,  2"  geir. 
Tud.  4°  wig,  wic  ;  2°  gér.  Anc.  al- 
lem. 4°  wich,  wig;  T  ger,  gère, 
gare.  Angl.  fight ,  combat;  dan. 
fegtning,item,  de  fcgtey  combattre. 
Suéd.  fegd,  guerre. 


III. 


MOTS  DE  LA  LANGUE   D'OIL   QUI  SE  TROUVENT  A  LA  FOIS  DANS  PLUSIEURS 
IDIOMES  GERMANIQUES  ET  DANS  PLUSIEURS  IDIOMES  CELTIQUES.  | 

Je  crois  devoir  faire  un  article  à  part  pour  un  certain  nomlwc 
de  mots  appartenant  à  la  langue  d'oïl,  qui  se  retrouvent  à  la 
fois  dans  plusieurs  idiomes  germaniques  et  dans  plusieurs 
idiomes  celtiques.  Ces  mots  ont-ils  été,  dès  le  principe, 
communs  à  ces  divers  idiomes,  comme  appartenant  tous  à 
la  grande  famille  indo-européene;  ou  bien  ont-ils  passé 
dans  les  patois  celtiques  de  la  France  et  de  la  Grande-Bre- 
tagne, par  l'intermédiaire  du  français  on  de  l'anglais  ;  ou 
bien  enfin,  ont-ils  été  transmis  immédiatement  à  ces  patois 
par  le  tudesque  et  par  l'anglo-saxon  à  l'époque  même  de 
l'invasion  germanique  ?  Quelque  large  que  soit  le  champ 
des  conjectures  à  cet  égard,  on  ne  peut  toutefois  admettre 
que  le  celtique  avait  fourni  ces  termes  à  presque  tous  les 


CHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  III.  471 
idiomes  de  la  Germanie  ;  quoique  l'on  ne  puisse  douter  que, 
bien  avant  la  conquête,  quelques  tribus  de  Celtes  ne  se 
soient  trouvées  en  contact  avec  certaines  peuplades  germa- 
niques. 

Si  j'avais  à  me  prononcer  sur  l'origine  de  ces  mots,  j'en 
attribuerais  la  plupart  au  germanique  plutôt  qu'au  celtique, 
d'autant  que  les  raisons  qui  viennent  d'être  indiquées  se 
trouvent  encore  fortifiées  par  une  autre  considération  :  c'est 
que  la  langue  des  Francs  nous  ayant  fourni  beaucoup  plus 
que  celle  des  Celtes,  il  y  a,  par  cela  même,  plus  de  chance 
qu'un  mot  français  commun  à  ces  deux  langues  soit  de  pro- 
venance germanique.  ' 


Agrafe,  Agkafer,  Agripper. 
(Voyez  Griffe  ci-après.) 

Barre.  —  Ane.  allcm.  barre,  bar, 
barreau;  allcm.  barre,  barren;  hoU. 
baar;  angl.  bar.  Le  tudcsque  a 
sparro  dans  le  môme  sens. 

Le  même  terme  se  trouve  dans 
trois  des  idiomes  néo-eeltiques.  — 
Bret.  barren,  barrag,  barre;  galL 
bar;  irland.  barra. 

Baube^  Boube  signifiaient  autre- 
fois un  enfant.  (Voir  Baube  dans  le 
glossaire  de  Roquefort.)  Nous  n'a- 
vons conservé  que  les  dérivés  bam- 
bin, bamboche,  babiole,  bimbelot. 
En  italien,  bimbo,  bimbolo,  bam- 
bino,  signifient  petit  enfant;  bamn 
bohcio,  bamboche,  poupée;  bam- 
bola,  jouet  d'enfant,  poupée,  bim- 
belot. 

—  Island.  babe ,  petit  enfant, 
bambin;  babiliur,  jouet  d'enfant, 
bimbelot,  et,  par  extension,  chose 
de  peu  de  valeur,  babiole,  baga- 
telle; ulleni:  hub,  bûblein,  petit  en- 


fant, bambin;  angl.  babe,  baby. 
—  Écoss.  bab ,  petit  enfant;  irlandl 
bab ,  baban,  item;  gall.  baban  ; 
bret.  babih. 

Bloc.  —  Tud.  bloeh,  tronc,  billot, 
bloc; Island.  block;  dan.  blok;  suéd. 
block;  hoU.  blok;  angl.  block;  allem. 
block. 

—  Bret.  bloc'h,  gros  morceau  en- 
tier, un  tout,  un  bloc  ;  écoss.  bloc, 
bluic,  ploc,  pluie,  tronc,  billot,  gros 
morceau,  bloc;  irland.  ploc;  gall. 
ploc. 

Bouc.  —  Tud.  boch,  bouc;  anglo- 
sax.  bucca;  allem.  bock;  dan.  6mA;; 
suéd.  bok,  bock;  hoU.  bok;  angl. 
buck,  bouc,  mâle  de  quelques  ani- 
maux. 

—  Bret.  bouc' h,  bouc  ;  gall.  bwç  ; 
écoss.  boc,  buic;  irland.  boc,  bocan. 
On  trouve  boch  pour  bouc  dans  le 
dictionnaire  cornouaillais  du  xii 
siècle,  publié  par  Prycc  et  par 
M.  Zeuss. 

Briser,  Brisure.  Bîuin.  UiïÉcMK, 


473 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Broyer.  Ces  verbes  et  ces  substan- 
tifs proviennent  du  radical  onoma- 
topique  bri,  bre,  qui  forment,  ainsi 
que  bra  bru,  des  mots  analogues 
pour  la  eignification  tant  dans  les 
idiomes  germaniques  que  dans  les 
idiomes  celtiques.  —  Tud.  1°  bre- 
chan ,  brichan,  briser,  broyer; 
2°  brèstan,  briser  et  se  briser.  Goth. 
4"  brikan;  2"  6m fan.  Ane.  island. 
<"  braka;  T  bresta.  Ane.  allem. 
A"  briken,  briser, broyer;  2°  bresten, 
bursten,  se  briser,  se  rompre.  Anglo- 
sax.  1  "  breacan  ;  2°  berstan,  byrstan. 
Island.  1°  braka;  2"  brika.  Allem. 
i°brech€n;  %°bersten.  Da.n  A"  brœkke, 
bryde;  2°  briste.  Suéd.  4*  brœka, 
bryta;  2°  brista.  Holl.  1"  bree- 
ken^  brijzelen;  T  breeken.  Angl. 
1»  fû  break j  to  braise;  %°  to  buTst. 

—  Irland.  1"  6f  mm,  briser,  rom- 
pre ;  2°  brise,  brisid,  brin,  morceau 
détaché  d'un  coi'ps  qu'on  a  brisé. 
Écoss.  V  bris;  T  trr^iseadh,  Iris- 
deadh.  Gall.  1°  bregu,  briwaw; 
f  breg,  briw.  Bret.  I"  bmzuna, 
braea,  brea;  2*  bruzuh,  brienen. 

Brouet,  BRoet,  Bru,  Breu,  anc. 
bouillon,  soupe,  potage;  en  basse 
latinité,  brodium;  en  italien,  brodo. 
On  trouve  encore  brouet  dans 
La  Fontaine  : 

Le  galant,  pour  tonte  besogne, 
A\oiiVLn  brouet  clair  ;  il  vivoit  chicliement. 
Ce  brouet  fut  par  lui  servi  sar  une  assiette-. 
La  cigogne  k  long  bec  n'en  put  attraper 

miette, 
Et  le  drôle  eut  lapé  le  toat  en  un  moment. 

{Lé  Utaardetla  Cigoçine,  litre  l,  fabls  xnn.) 

—  Tud.  brod,  prod,  jus,  bouil- 
lon, soupe;  anglo-sax.  brodh^  broth, 
briw;  anc.  holl.  brodde ,  broyé ^ 
brue;  anc.  allem.  brod,  proth; 
^\»m.   briih;   angl.   broth. 


—  Ecoss.  brot,  bouillon,  brouet; 
irland.  broth,  item  ;  bret.  braoueâ , 
breuvage,  boisson. 

Chat  :  en  basse  latinité,  catus. 

—  Tud.  kazzùy  chat;  anglo-sai. 
cat;  anc.  allem.  catze;  allem.  katze, 
kater;  dan.  kat;  suéd.  katt;  holl. 
kater;  angl.  cat;  island.  ketta. 

—  Bret.  kaz,  chat;  gall.  cath; 
irland.  cat  ;  écoss.  cat. 

Cloche  :  en  basse  latinité,  cîoca, 
glocca ,  glogga.  —  Tud.  clocca , 
gîokka,  cloche;  Notker,  ps.  xciv, 
V.  3,  et  ps.  CL,  V.  4,  désigne  eoua 
le  nom  de  cloccon  certain  instrument 
de  musique,  qui  devait  avoir  quel- 
que ressemblance  avec  une  petite 
cloche.  Anglo-sax.  clugga,  clucge, 
cloche;  island,  klucka ,  klocka; 
allem.  glocke;  bas  allem.  klocke; 
dan.  kloklœ;  suéd.  klocka;  holl. 
klok;  angl.  clock^  horloge. 

—  Bret,  kloc'h  klec'hi,  kloc'heu, 
cloche;  gall.  doç  ;  irland.  clog  ; 
écoss.  clag. 

Coffre  :  en  basse  latinité,  coffe-*- 
mm.  —  Allem.  koffer,  coffre;  dan. 
koffert;  holl,  koffer;  suéd.  koffert; 
angl.  co^er. 

—  Gall.  cof,  creux,  cavité,  ventre, 
caisse,  coffre  ;  cofaivr^  caisse,  coffre. 
Bret.  kof,  kov,  creux,  cavité,  ventre; 
couffr,  coffre.  Ce  dernier  n'est  point 
dans  Le  Gonidec;  il  ne  se  trouve 
que  dans  Roslrenen.  Écoss.  et  ir- 
land. cofra,  coffre. 

Crèche.  On  disait  autrefois  crêpe 
dans  certaines  provinces.  Cette  an- 
cienne fomic  existe  encore  aujour- 
d'hui dans  le  patois  messin.  On  dit 
en  provençal,  crepia,  cnipia;  en 
languedocien,  greppio;  en  italien, 
greppia.  Dans  ces  divers  idiomeg» 


CHAP.  III,  ËLÉMENÏ  GERMANIQUE.  SECT.  III.    473 


ce  terme  ee  rapproche  plus  que  le 
mot  français  actuel  de  l'ancien  pri- 
mitif; £oit  que  ce  primitif  appar- 
tienne à  la  langue  germanique,  soit 
qu'il  appartienne  à  la  langue  celtique. 
Du  mot  latinisé  crepia  nous  avons  fait 
crèche,  comme  de  sepia,  sapiens, 
nous  avons  fait  sèche,  sachant. 
(Voyez  t.  II,  p.  4i7.) 

En  Belteem  si  est  la  crepg 
Ki  moult  est  preciouse  et  nete. 
U  nostre  sire  Jhesu-Gris 
Fu  par  devant  les  bestes  mis. 

{Ciron.  d*  Ph.  Mmitket,  publiée  par  B.  de  R*ff- 
fenberg,  t.  i,  p.  411.) 

—  Tud.  krippa,  kripha,  crèche . 
On  peut  voir  des  exemples  de  ces 
mots  dans  Tatian,  ch.  v,  43,  et 
dans  Otfrid,  liv.  I,  ch.  H3.  Anglo- 
sax.  crybbe;  anc.  allem.  cribbe, 
crippe;  allem.  krippe;  bas  allem. 
krubbe  ;  âdin.  krybbe;  suéd.  krubba; 
hoU.  krib;  angl.  orib. 

— Irland.  grib,  gribeadh,  crèche  ; 
écoss.  gribeadh,  item;  gall.  cor, 
item;  bret.  kraou,  kréu,  dont  le 
pluriel  est  krémer,  ne  se  prend  au- 
jourd'hui que  dans  le  sens  d'étable. 

Croc  :  en  basse  latinité,  croccMW», 
crochum. 

—  Tud.  chracho,  croc,  crochet; 
anglo-sax.  kfocur;  island.  krôkr; 
dan.  Arof/;  suéd.  ftroft,*  holl.  kroolte, 
hroon;  angl.  croo/1;;  allem,  krmke, 
bâton  recourbé,  crosse,  béquille. 

—Bret.  krôki  krôg,  croc,  crochet  ; 
irland.  cruca;  écoss.  ente;  gall. 
crwg. 

Cruche  ;  en  basse  latinité , 
croceus,  cruselinus.  —  Tud.  krôg  y 
croc,  cntoc,  cruh,  pot,  cruche  j  an- 
glo-sax.  croca,  croeca,  areche  ;  gotb. 
mirktre:  anc   frison  kràchai  anc. 


allem.  crvàk;  allem.  krug;  dan. 
ftrMAfe,- euéd.  kruka;  holl.  kruik; 
angl.  cffuse,  cruise,  crock. 

—  Gall.  croçan,  cruche,  pot: 
écoss.  et  irland.  corcan. 

EsTRiF.  EsTRis,  anc.  combat,  dé- 
mêlé, querelle,  dispute;  d'où  Es- 
TRiVER,  débattre,  se  disputer,  se 
quereller. 

Osgal  ot  parens  et  netox 
Asès  vaillans  et  asès  prox 
Qai  por  avoir  part  de  la  tere 
Prisent  entr'ax  estrifel  guerre. 

[Rom.  de  Brui,  t.  II,  p.  284.; 

Assez  en  a  duré  le  plait 
E  li  coDtenz  e  li  estris. 

(Chron.  de»  duct  de  Korm.  t.  II,  p.  335.) 

Despendras  mais  tuz  jorz  ta  vie 
En  issi  faite  deablie? 
Quide  mais  tuz  jorz  estriver 
Si  pnr  Franceis  déshériter  1 

{Chron.  dtt  duci  de  Norm,,  t.  1.  p.  S99.) 

Et  tous  les  barons  qui  là  furent. 
Qui  pour  le  bail  estriver  durent, 
El  qui  ont  longtemps  estrivé. 
Furent  si  de  Dieu  inspiré. 

(Vuilacba    Deschampt  ,    Bliroir    du     mariage , 
ciiap.  LXXTiii.; 

—  Tud.  strît,  combat,  rixe,  que- 
relle, dispute;  stritan,  se  quereller, 
se  disputer  ;  anglo-sax.  strith,  com- 
bat, rixe,  débat,  dispute;  island. 
styr,  item;  allem.  streit ;  angl. 
strife;  holl.  strijd;  dan.  stride, 
combattre,  débattre,  se  quereller,  se 
disputer  ;  suéd.  strida,  item. 

—  Bret.  i"  strif,  striv,  querelle, 
dispute  ;  2°  striva,  se  disputer,  se 
quereller.  Écoss.  4°  stri;  2°  strig. 
Irland.  strith,  querelle,  dispute. 

(Voir  la  grammaire  de  Dicz,  1. 1, 
p.  321,  note  2  relativement  au  f 
final  A'estnf  et  au  v  qui  se  trouve 
dans  estriver.) 


474 


PREMIÈRE  PARTIE. 


GrenoNj  Gdernon,  Geunon,  anc. 
petite  touffe  de  barbe,  moustache  ; 
en  basse  latinité,  grani,  grenones; 
en  langue  d'oc  gren,  barbe  ;  grenon, 
moustache.  L'espagnol  a  greria  et  le 
portugais  grenha  signifiant  l'un  et 
l'autre  chevelure  mêlée,  cheveux  en 
désordre. 

A  son  menton  n'avoit  ne  barbe  ne  grenon. 

{Floire  et Dlaace/lor,  édit.  Bekker,  p.  SU.) 

Un  des  Englcis  ki  out  véu 
Li  Normanz  toz  rez  e  tondu, 
Kuida  ke  luit  proveire  fussent, 
E  ke  messes  canter  poussent  ; 
Kar  tuil  erent  tonduz  e  rès, 
Ne  lor  esteit  guernon,  remès. 

(Rom.  de  Rou-,  v.  12345.) 

La  verrez  barbes  traire  e  germns  si  peler. 

(  Vot/age  de  Ckarkm.  à  Jénu.  y.  588.) 

La  barbe  avoit  e  les  guernom 
Soillies  de  cendres  et  de  carbons. 

(«001.  de  Brut,  t.  U,  p.  153.) 

—  Tud.  grani  (plur.)  poils  de  la 
barbe,  barbe;  anc.  island.  grôn; 
anc.  allem.  gran.  L'allemand  mo- 
derne n'a  plus  que  granne,  barbe 
des  épis. 

— Irland.  \°  granni,  poil  ou  che- 
veu long;  %"  grmg,  poil,  cheveu. 
Ecoss.  i°  grannaidh;  2"  gruag, 
gruaig,  guaire.  Le  breton  n'a  con- 
servé de  mot  paraissant  appartenir  à 
cette  famille  que  gourren,  sourcil. 

Groseille.  On  disait  autrefois 
groiselle,  qui  s'est  conservé  dans 
l'Anjou;  en  espagnol  grosella.  Ces 
mots  sont  des  dérivés  formés  au 
moyen  des  suffixes  ella,  eille. 

Barbier,  or  vienent  les  groisetes  ; 
Li  groiselier  sout  boutoné, 
El  je  vous  raport  les  noveles 
(Ju'cl  front  vous  sont  li  borjon  né. 

(Uuicbeuf,  t.  1,  II.-215.) 

#—  Allem.  kransbeerCj  groseille  à 


maquereau;  mot  composé  àchraus, 
crépu  et  de  beere^  petit  fruit,  baie. 
Si  grosella,  groseille  sont  d'origine 
germanique  et  non  point  d'origine 
celtique,  ils  ont  dû  être  formés  de 
hraus,  crépu;  beere  aura  été  rejeté. 
Les  Italiens  appellent  la  groseille  à 
maquereau  uva  crespa,  raisin  crépu. 
HoU.  1°  kmisbezie,  groseille  à  ma- 
quereau; 2"  kruis,  crépu;  3"  bezie, 
petit  fruit,  baie.  Suéd.  1°  krusbœr  ; 
2°  krus;  3°  bœr.  Dan.  knise,  crépu; 
bœr,  baie. 

—  Écoss.  groseid,  grosaid,  gro- 
seille; irland.  gooisaid,  item. 

Griffe  ,  Gripper  ,  Agripper  , 
Agrafe,  Agrafer,  Grappin,  Cram- 
pon, Grimper,  Gravir,  etc.  sont 
tous  des  mots  de  la  même  famille. 
—  Tud.  krapho,  chrafo,  ongle, 
croc,  crochet,  crampon;  krifjan, 
grîfan,  prendre,  saisir,  gripper. 
Goth.  greipan,  item;  anglo-sax. 
gripan,  griopanjtem  ;  isldjxd.greiba. 
Anc.  allem.  grîfen.  Dan.  i°  gribe, 
saisir;  2°  krampe,  crampon.  Suéd. 
1°  gripa;  %"  krampe.  Allem.  1°3fm- 
fen;  2°  krampe.  HoU.  4°  griipen; 
$,°kram.  Angl.  1°  togripe;  %°cramp. 

—  Bret.  kraban,  ongle,  griffe; 
kraf,  action  de  saisir,  de  gripper, 
saisie;  krapa,  skrapa,  accrocher, 
grimper,  gravir;  krap,  grappin, 
crampon.  Irland.  crup,  ongles, 
griffe;  gribh,  doigt.  Gall.  crap, 
action  de  saisir,  d'accrocher;  cra- 
piaw,  accrocher,  agrafer,  crampon- 
ner ;  craf,  grappin,  crampon  ;  gra- 
biniaw,  accrocher,  grimper,  gravir. 
Écoss.  grap,  gravir,  grimper. 

If.  —  Tud.  iwa,  if;  allem.  eibe; 
angl.  yew  ou  yewtree  avec  tree,  ar- 
bre; hoU.  ievenboom  avec  (ioom,  arbre. 


GHAP.  III,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  III.    475 


—  BreLivin,  iî;  gall.  yw,  yioen  ; 
irland.  et  écoss.  iubhar.  Les  deux 
lettres  bh,  représentent  une  labiale 
aspirée.  On  trouve  hivin  avec  la 
même  signification  dans  le  diction- 
naire cornouaillais  du  xii"  siècle, 
publié  par  Pryce  et  par  M.  Zeuss.  » 

Lai,  Lay,  Lait,  Lais,  anc.  sorte 
de  poésie  lyrique. 

Malt  poïssics  oïr  chançons, 
Rotruauges  et  noviax  sons, 
Vieleures,  lais  et  noies. 
Lais  de  vieles,  lais  de  notes, 
Lais  de  harpe  et  de  t'retiax. 

(ilom.  de  Brut,  t.  Il,  p.  111.) 

Mais  ele  ne  m'en  dist  mot. 

Car  Robin  entr'oï  ot 

Ki  chantoit  d'amours  i  lai  : 

«  Fines  amouretes  ai, 

«  Ki  ke  me  tiegne  pour  sot. 

■  Odorenlot,  j'am  Mahalot; 

«  Mais  sa  mère  n'en  set  mot.  » 

(Motet  inséré  dans  le  Théâtre  français  au  mojOD 
jtge,  p.  33,  col.  I.) 

Les  Germains  avaient  des  poésies 
lyriques  que  Fortunat  appelle  leudi 
dans  son  épître  à  Grégoire  de  Tours, 
qui  se  trouve  en  tête  du  livre  pre- 
mier de  ses  poésies  :  «  Apud  quos 
nihil  dispar  erat,  aut  stridor  anseris, 
aut  canor  oloris  ,  sola  scpe  bombi- 
cans  barbaros  levdos  harpa  rclide- 
bat.  »  Il  dit  ailleurs,  en  s'adressant 
au  comte  Loup  : 

Nos  tibi  vcrsiculos,  dent  barbara  carmina 
leudos. 


Sic,  variante  tropo,  laus  sonet  una  viro. 

(LiT.  VII,  8.) 

Toutefois,  je  dois  faire  observer 
que  plusieurs  auteurs,  et  particuliè- 
rement Marie  de  France,  nous  par- 
lent des  lais  comme  d'un  genre  de 
poésie  particulière  aux  Bretons,  ce 
qui  peut  faire  conjecturer  que  le  mot 
est  d'origine  celtique.  Cette  supposi- 
tion est  fortifiée  par  l'examen  des 
formes  que  nous  offrent  les  mots  qui 
peuvent  être  considérés  comme  pri- 
mitifs de  lai  dans  les  divers  idiomes 
néo  -  celtiques  ;  car  ces  mots  sont 
plus  rapprochés  du  vocable  français 
que  ne  sont  ceux  qui  leur  corres- 
pondent dans  les  différents  idiomes 
germaniques. 

Les  cuntes  kc  jo  sai  verais 
Dunt  li  Bretun  unt  fait  lor  lais 
Vus  cunterai  assez  briefment. 

(Marie  de  France,  t.  I,  p.  50.) 

Un  lai  en  firent  li  Bretun, 
Des  Deus  Amanz  recuit  le  nun. 

(Idem,  ibid.,  p.  349.; 

Un  lai  en  firent  li  Bretun 
E  Le  Laustic  l'appellent  hum. 

{^Idem,  ibid.  p.  326.) 

Tud,  liod,  leod,  lioth,  espèce  de 
poésie  lyrique,  chanson,  cantique; 
dérivé  de  hlûti ,  son.  C'est  ainsi 
qu'on  appelait  soti  et  soivmt,  en 
français,  un  petit  morceau  de  poésie 
que  le  ménestrel  chantait  en  s'ac- 
compagnant  d'un  instrument  (1)> 


(1)  Tour  conforter  ma  pesance. 
Fais  un  son. 

(^Chanion  de  Thibaut  de  Champagne,  p.  54.) 

Trnls  pastore  sanz  orgueill, 

Chantant 
Et  notant  un  son. 

{Thiûtre  français  au  moyen  S/je,  p.  42,  col.  2) 

Robius  alûit  par  devant 
Qui  disoit  en  sa  muscle 


476 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Sonnet  est  resté  dans  notre  langue 
pour  désigner  une  pièce  de  vers  as- 
sujettie à  certaines  règles.  Island. 
liodj  morceau  çle  poésie  chantée, 
chant,  chanson.  Anglo-sax.  4»  leoth, 
chant,  chanson,  cantique;  2°  hluth, 
son.  Allem.  1"  lied;  t°  laut.  HoU. 
i''lied',^°  luit.  Suéd.  liud,  îaot , 
son.  Dan.  lyd,  item. 

—  Irland.  laoidh,  laoi,  hymne, 
chant,  poésie^  de  laoi,  lais,  son,  ton, 
voix.  Écoss.  lais,  item;  bret.  et 
gall.  liais,  item. 

Latte  :  en  basse  latinité,  lata, 
lacta,  latte  ;  en  provençal^  lata  si- 
gnifie une  perche. 

—  Tud.  latta,  pièce  de  bois  Ion  - 
gue  et  étroite,  latte;  anglo-sax. 
latta^  lœtta;  allem.  latte  ;  suéd. 
lœcte;  dan.  lœgte;  hoU.  lat  ;  ang], 
lath. 

—  Gall.  llâth/i^crche,  verge;  bret. 
laz;  écoss.  slat;  irland.  slat. 

Léasse,  anc.  peau  de  mouton  avec 
la  laine,  fourrure  de  peau  de  mou- 
ton. 

Ysabean  de  Dampnemarie....  et  Guil- 
laume Huet.;..  furent  serviteurs  en  l'ostel 
de  Pierre  de  Réelle ,  escuier ,  et  là.... 
prindrent....  un  surcot  de  mabre  fourré  do 
gros  ver  à  manches  fourrées  de  leasses. 
(Lettres  de  rémission  de  1380,  citées  dans 
le  glossaire  de  Carpentier,  art.  Lear.) 

—  Anglo-sax.  flyse,  peau  de  mou- 
ton avec  la  laine ,  toison  ;  angl . 
fleece;  allem.  vliess,  fliess,  hoU. 
vlies. 


—  Bret.  lerz,  peau;  gall.  lledr  ; 
écoss.  et  irland.  leathar. 

Malle.  Ce  mot  signifiait  autrefois 
une  espèce  de  sacoche  de  cuir  que 
les  voyageurs  attachaient  sur  la 
croupe  de  leurs  chevaux  :  en  basse 
iatinité^  wiato  avait  la  même  signifi- 
cation. (Voir  ce  mot  dans  du  Gange.) 

Quant  g'y  vois  borse  desgarnie, 
Ma  feme  ne  me  rit  mie  ; 
Ains  me  dit  :  «  Sire  Engelô, 
En  quel  terre  avez  esté, 
Qui  n'avez  rien  conqueslé 

Aval  la  vile? 
Vez  com  vostre  maie  plie; 
Ele  est  bien  de  vant  farsieî 
Honni  soit  qui  a  envie 
D'estre  en  vostre  compaignie!  » 
Quant  je  vieng  a  mon  ostel, 
Et  Dia  feme  a  regardé 
Derrier  moi  le  sac  enflé, 
Et  je  qui  sui  bien  paré 

De  robe  grise, 
Sachiez  qu'ele  a  tosl  jus  mise 
La  quenoille  sans  fainiise. 
Elle  me  rit  par  franchise. 
Ses  ij  braz  au  col  me  plie. 
Ma  famé  va  destroser 
Ma  maie  sans  demorer; 
Mon  garçon  va  abruvef 
Mon  cheval  et  conréer. 

{Colin  Muict,  cilà  dans  lei  OEuvre»  d*  RuMbeuf, 
t.  I,  p.  10,  note  2.) 

—  Tud.  malaha,  malha,  sacoche, 
besace;  anc.  allem.  malen,  item; 
hoU .  maal ,  valise,  malle  ;  angl . 
mail,  item. 

Écoss.  înaZ?a,  sac,  sacoche,  va- 
lise; irland.  mala,  maileid,  item. 
Bret.  mal,  valise,  malle. 


Un  sonel  mult  avenant 
Pour  l'amor  la  pastorete. 

[Il/ld,  p.  34,    col.  2.) 


Voyez  en  tètÊ  de  r»rt,  La»  un  autre  exemple  du  mot  *c»  emprunté  au  Romande  Brut. 


CHAP.  III;  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SECT.  IIÏ.  477 


Miauler  :  en  italien^  miagolar; 
en  espagnol,  mauUar  ;  en  proven- 
çal, mioularj  miaoular.  Cette  ono- 
matopée, qui  n'était  point  dans  la 
langue  latine,  se  trouve  dans  tous 
les  idiomes  néo-germaniques  et  néo- 
celtiques. 

—  AUem,  miauen^  miauler  jdaru 
miauve,  mime  ;  suéd.  miama;  holl. 
maauwen,  meeuwen;  angl.  to  mew. 

—  Bret.  mmua,  miauler  ;  gall. 
mewian,  item  ;  mew,  miaulement; 
écoss.  miamhail,  miagail,  miaule- 
ment; irland.  miamhal,  miamaoi- 
lead,  item. 

Paquet. —  island.  6agge,  paquet, 
ballot,  trousse,  trousseau;  angl. 
•pack,  bah  ;  allem.  pack;  dan. 
pakke  ;  suéd.  packe;  holl.  pak. 

—  Bret.  pak  ballot ,  paquet  ; 
écoss.  pac,  pak;  irland.  pac,  pa- 
cadh,  item.  Gall.  bac,  ballot,  faix, 
fardeau. 

Parc  semble  s'être  pris  autrefois 
en  général,  pour  toute  enceinte  en- 
tourée d'une  clôture;  aussi  nous 
est-il  resté  dans  plusieurs  acceptions 
analogues.  (  Voir  l'Académie.  )  — 
Tud.  parc,  pfanich,  enceinte ,  en- 
clos^ parc;  anglo-sax.  parroc^  par- 
rue,  pearroc  ;  anc.  allem.  pure  ;  al- 
lem. pferch;  dan.  suéd.  et  angl. 
park.;  holl.  perk. 

—  Bret.  park,  enclos,  parc  ;  gall. 
parc  ;  écoss.  et  irland.  paire. 

Pipe  signifiait  autrefois  un  ins- 
trument de  musique  champêtre,  une 
sorte  de  petite  flûte;  nous  avons 
conservé  le  dérivé  pipeau. 

Soz  le  ru  d'une  fontaine. 
Choisi  en  un  praëlet 
Paslore  qui  niult  ert  saine, 
£t  d'autre  part  Robinet 


Qui  grant  ponée  demaine  ; 
Pipe  avoit  et  flajolet. 
Si  flajole  a  douce  alaine. 
Car  por  Marguerot  se  paine, 
Oui  plus  ert  blanche  que  laine. 

(Pastourelle  insérée  dans   le  Tb(!àlre  français  an 
moyen  âge,  p.  34,  col.  1.) 

Piffre  était  autrefois  une  sorte 
d'instrument  à  vent,  peut-être  le 
même  que  nous  nommons  aujour- 
d'hui fifre. 

Après  eulx,  le  maire,  bourgeois  et  ba- 
bitans  de  ladicte  ville,  le  dicl  maire  ac- 
compaigné  de  deux  ceniz  hommes....  Et  es- 
toient  en  cidre  et  manière  de  monstre 
(revue)  bien  garniz  et  equippez  de  tabou- 
rins  et  pifres,  ei  en  bonne  marche.  {L'En- 
trée (le  la  Royne  et  de  Nosseigneurs  les  enf- 
fants  de  France  en  la  ville  et  cité  d'Angoti- 
lesme  [22  juillet  1530]  dans  le  Bulletin  de 
la  Société  archéologique  et  historique  de  la 
Charente,  1845,  in-8",  p.  127.) 

Pipe  signifiait  encore  une  espèce 
de  sifflet,  un  appeau  avec  lequel  lo 
chasseur  contrefait  le  cri  des  oi- 
seaux ;  de  là  piper,  pipée,  pipeur  : 
en  basse  latinité,  pipa  paraît  avoir 
signifié  d'abord  un  roseau,  un  pi- 
peau ;  ensuite  il  a  désigné  spéciale- 
ment le  petit  tube  avec  lequel  cha- 
cun des  communiants  aspirait  le  vin 
consacré  dans  la  communion  sous 
les  deux  espèces.  Nous  avons  con- 
servé le  nom  de  pipes  aux  tuyaux 
dont  on  se  sert  pour  aspirer  la  fu- 
mée de  tabac. 

—  Island.  pipa,  roseau,  pipeau, 
flûte;  tud.  phi  fa;  anglo-sax.  pipe; 
goth.  pfifa;  dan.  pibe;  suéd. pipa; 
allem.  pfeife;  holl.  piip,  roseau, 
canne;  pieper,  flûte  champêtre, 
pipeau;  angl.  pipe,  tube,  tuyau  ;  to 
pipe,  jouer  de  la  flûte. 

~  Gall.  pib,  pipeau,  chalumeau, 


478 


PREMIÈRE  PARTIE. 


flûte,  tube,  tuyau j  écoss.  pib,piob; 
irland-  pib. 

Planche  :  en  basse  latinité, 
planca.  Ménage  et  plusieurs  autres 
auteurs  ont  prétendu  que  ce  mot  se 
trouve  dans  Pline,  liv.  VIII,  ch.  xliii, 
et  ils  citent  ainsi  le  passage  :  «  Nec 
pontes  asini  transcunt,  pcrraritatem 
Tplancarum  translucentibus  fluviis.  » 
Mais  on  lit  dans  les  meilleures  édi- 
tions per  raritatem  eonim,  et  c'est 
le  véritable  teitc.  Planca  se  trouve 
dans  Palladius  ;  mais  cet  auteur  vi- 
vait, selon  toute  probabilité,  vers  le 
milieu  du  vi^  siècle.  On  le  trouve 
enfin  dans  Paul  Diacre,  qui  abré- 
geait, vers  la  fin  du  viii<' siècle,  Pom- 
peius  Festus,  écrivain  de  la  fin  duv®. 
Je  ne  puis  croire  que  planca  ait 
appartenu  à  la  bonne  latinité. 

—  Ane.  allcm.  plank,  ais,  plan- 
che; allem.  planke;  holl.  plank; 
suéd.  plancka;  dan.  planhe;  angl. 
plank. 

—  Gall.  plane,  ais,  planche  ;  écoss. 
plang,  plaing  ;  bret.  planken  ;  ir- 
land. plane. 

Pot.  —  Tud.  poteeha,  potega, 
sorte  de  vase,  espèce  de  pot;  is- 
land.  potta,  pot;  dan.  potte;  suéd. 
potta;  angl.  pot;  bas  allem.  po^if; 
holl.  pot;  allem.  topf,  analogue  au 
provençal  toupi,  toupin_,  qui  a  le 
même  sens  et  qui  est  formé,  comme 
le  mot  allemand,  du  primitif  pot  par 
la  transposition  des  lettres. 

—  Bret.  pôd,  pôt,  pout,  pot, 
marmite;  gall.  pot;  irland.  pota, 
potadh,  poite  ;  écoss.  poit. 

Rat:  en  basse  latinité,  ratus  ; 
en  italien,  ratto;  en  espagnol,  ra- 
ton ;  en  provençal,  rat. 

—  Tud .  rata,  rat,  souris  ;  anglo- 


sax,  rœt;  island,  ratta;  allem  = 
fattc,ratzc;  angl. raf;  suéd.  raotta, 
rotta;  dan.  rotte;  holl.  rat,  rot. 

—  Bret.  raz,  rac'h,  rat;  écoss. 
radan;  irland.  rata,  radan. 

Rider,  Rtder,  Ridder,  anc. 
courir,  galoper. 

Si  est-il  sur  moy.  Kymkryde, 
Compains  Abbanes,  vistement; 
Et  en  alant,  dévotement 
Prions  pour  lui. 

(Thiilre  français  nu  moyen  âge,  p.  S93.  ) 

—  Tud.  rîtan,  aller  à  cheval, 
chevaucher ,  galoper  ;  anglo-sax . 
ridan,  item;  island.  rida;  dan. 
ride;  suéd.  rida;  allem.  reiten; 
holl.  rijden;  angl.  toride. 

—  Gall.  rhedu,  rliedeg,  courir  ; 
bret.  redek;  écoss.  roid;  irland. 
roid,  riothaim. 

Rincer,  Le  plus  souvent  on  écri- 
vait autrefois  rinser  et  ce  mot  avait 
une  signification  plus  générale  que 
celle  qu'on  lui  donne  aujourd'hui  ; 
il  avait  le  sens  de  nettoyer,  purifier. 

Et  pour  ce,  te  veul  ycest  miroer  mous- 
trer,  que  tu  t'i  puisses  souvent  mirer,  et  les 
tacbez  de  la  face  de  ton  cuer  subtilement 
rainser.  {Le  Miroir  du  monde  cité  par  M.  de 
Wailly  dans  ses  Eléments  de  Ealéographie, 
t.  II,  p.  260,  n»  5.) 

—  Tud.  4°  hreini,  pur,  net; 
2°  hreinôn,  hreinjan,  purifier,  net- 
toyer, laver.  Goth.  4°  hrains; 
S"  hrainja.  Island.  i°  hreîn; 
2°  hreinsa.  Anglo-sax.  V  rein; 
2°  reinian.  Allem.  1°  mn;  2°  rei- 
nigen.  Dan.l"  reen;  ^°rense.  Suéd. 
1°  ren,  rent;  2°  rensa,  rœnsa.  Holl. 
à °  rein;  2"  reinigen.  Le  verbe  da- 
nois, le  suédois  et  le  hollandais  se 
prennent  exactement  dans  la  même 
acception  que  notre  verbe  rincer  ; 


CHAP.  Iir,  ÉLÉMENT  GERMANIQUE.  SEGT.  III.  479 


en  anglais,  to  rinse  a  également  la 
même  signification. 

—  Bret.  rinsa,  laver,  rincer; 
écoss.  ruinns,  ruinnsich,  item;  ir- 
land.  ruinsim^  item. 

Roseau,  autrefois  rosel  et  rauscl, 
diminutifs  de  rause^  qui  avait  la 
même  signification.  (  Roquefort.  ) 
En  basse  latinité,  rausea.  On  doit 
rapporter  à  ce  primitif  les  noms  de 
lieux,  Jîosoy,  Rosay,  Rosey,  Ro- 
set,  etc.,  qui  étaient  des  endroits  où 
croissaient  anciennement  des  ro- 
seaux (rausetum,  rosetum),  et  non 
pas  des  roses  comme  l'ont  dit  cer- 
tains auteurs.  Les  pays  plantés  de 
roses  n'étaient  pas  plus  nombreux 
autrefois  qu'ils  ne  le  sont  aujour- 
d'hui . 

—  Goth.  raus ,  roseau  ;  anglo- 
sax.  rcod,  hreod;  tud.  rôr,  rorra; 
hlaad.  reyr;  allem.  rohr;  holl.ne^; 
dan.  rœar;  suéd.  rœr;  angl.  reecl. 

—  Bret.  raaoZj  raozen,  moskl, 
roseau;  écoss.  rcud,reudan;  island. 
readan. 

RÔTIR,  autrefois  rostir  :  en  pro- 
vençaL  roustir;  en  italien,  arros- 
tire. 

—  Tud.  rostjan,  rôtir,  griller. 
Anglo-sax.  girostan,  avec  le  préfixe 
gi.  Island.  rosta,  rôtir,  griller,  dé- 
rivé de  rost,  grille,  gril.  Dan.  4  -^  riste, 
rôtir,  griller;  2°  rist,  gril.  Suéd. 
4"  rosta^  rost.  Allem.  1°  rôsten; 
i'rost.  Holl.  ^°roosten;  2"  rooster. 
Angl.  to  roast,  rôtir. 

—  Bret.  rosta^  rôtir.  Ce  mot  n'est 
pas  nouveau  dans  cette  langue,  car 
les  Bretons  ont  appelé  un  de  leurs 
anciens  rois  Daniel  Dremrost,  parce 
qu'il  avait  eu  le  visage  brûlé.  Gall. 


rhostiaw,  rôtir;  écoss.  roist,  item; 
iriand.  rosdaim,  rosaim,  item. 

Sève  :  en  provençal,  saba.  — 
Tud.  saf,  sève;  anglo-sax.  sap, 
sœpe;  island.  saft;  dan.  sœve,  saft; 
suéd.  saft;  holl.  et  angl.  sap;  allem; 
saft, 

—  Bret.  sev,  seô,  sève.  Ecoss  et 
iriand.  siibhan,  sève,  suc.  Gall.  sew, 
suc,  jus. 

Sur,  qui  a  un  goût  acide  et  aigre- 
let. (Académie.)  Ce  mot  se  retrouve 
avec  le  même  sens  dans  nos  plus 
anciens  auteurs. 

De  mal  arbre  mau  fruit  e  dur, 
Aigre  e  amier  e  pcsme  e  sur. 

iChroH,  des  ducs  de  Iform.,  t.  II,  p.  526.) 

—  Tud.  sûr,  acide,  aigrelet,  sur; 
anglo-sax.  sur;  anc.  allem.  sur; 
allem.  saur,  sauer;  bas  allem.  sur; 
island.  sûr;  dan.  suur;  suéd.  sur, 
surt;  holl.  zuur;  angl.  soiir. 

—  Bret,  sûr,  acide,  sur;  gall.  sûr; 
écoss.  sur;  island.  searhh. 

Tapon,  Tampon.  Ces  deux  mots 
sont  usités  dans  deux  significations 
voisines  l'une  de  l'autre.  Autrefois 
tapon  signifiait  un  bouchon  :  en 
basse  latinité,  tappus,  tappa;  en 
provençal,  tap;  en  italien,  zaffo. 
Nous  disions  anciennement  tapir, 
tappir,  pour  mettre  un  bouchon,  un 
tampon,  boucher.  (Voir  Roquefort, 
art.  Tapir.)  On  dit  en  provençal 
tapar  avec  la  même  signification. 
Tapir  se  prenait  également  dans  le 
sens  neutre,  pour  se  tenir  dans  un 
coin,  dans  un  trou  comme  nn  tam- 
pon, se  blottir,  se  cacher. 

Ne  il  n'avoient  où  fuir. 
Ne  il  ne  pooient  tapir, 

(  /Î17I».  i/#  Dri't,  t.  I,  p.  140.) 


480 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Li  langue  moustre  ehou  qui  tapist  el  cuer: 
de  chou  qui  abonde  el  cuer,  paroleli  bouche. 
(Miroir  du  chrestien,  cité  dans  le  glossaire 
de  Roquefort,  art.  Tapir.) 

On  disait  aussi  se  tapir  dans  le 
même  sens,  avec  la  forme  pronomi- 
nale qui  est  la  seule  employée  au- 
jourd'hui. 

Espiez  e  vecz  taz  les  rei)ostailIes  ù  il  se 
tapist.  {Livre  des  Rois,  p.  92.) 

Or  s'en  issent  li  Hébreu  des  fosses  ù  il 
se  furent  tapi,  ilbid  p.  46.) 

—  Anglo-sax.  tœppe,  bouchon, 
tampon;  island.  tappe,  tappi,  item; 
tud.  zapho,  item;  dan.  tap;  suéd. 
tapp  ;  allem.  zapf,  stôpsel;  hoU. 
stop,  tap  ;  angl.  stople. 

—  Gai.  top,  bouchon,  tampon; 
bret  stouf  ;  écoss,  staipeol, sta^peal; 
island.  stapaL 

Trucher^  anc.  mendier^  gueuser; 
d'oij  trucheur,  truhand  ou  tmand 
pour  truchant,  mendiant,  gueux. 
«  C'est  un  vilain  métier  de  tru- 
cher.  »  (Trévoux.) 

Prinche,  je  veux  trucher  à  ste  vesprée. 

(Cinquiesme  partit  dé  la  Muié  Konmuide,  p.  103.) 

0  tout  premièrement  je  veux  que  l'on  afuste 


Mes  brez,  qu'au  cabaret  fai  souvent  par- 
fumez, 
A  on  pauvre  trucheur  qo'o  nomme  Mistan- 
iluste. 

[Buiiieime  partie  de  la  Hun  normande,  p,  143.) 

Respontli  ennemis  :  Tu  seras  mendians. 
Se  tu  ne  la  renoies;  tus«ras  povres  ^ru/ian;. 

[Nouo,  recueil  de  conlet,  1. 1.  p,  121.) 

—  Ane.  allem.  trugelaUj  mendier, 
gueuser.  HolL  h°  troggelerif  item; 
â'^rof/ge/aar^  mendiant,  gueux.  Dan. 
2"  trygle;  2"  trygler. 

—  Écoss.  truaghanta,  misérable, 
qui  est  digne  de  pitié,  qui  excite  la 
pitié  de  truaighe,  pitié,  compassion, 
misère.  Island.  truaghain  (adj.  )  j, 
misérable  ,  infortuné ,  pitoyable  ; 
truaghan  (subst.),  un  misérable, 
un  pauvre,  un  infortuné;  truaighe, 
pitié,  compassion,  misère,  infor- 
tune. Bret.  i°  truaht,  mendiant, 
gueux  ;  2°  truez,  pitié^  compassion. 
Gall.  1°  truan,  tru;  2°  truez.  La 
forme  bretonne  truaht  et  la  forme 
galloise  truan,  ont  sans  doute  été 
empruntées,  la  première  au  fran* 
çais  et  la  seconde  à  l'anglais  ;  cette 
dernière  langue  possède  le  substan- 
tif truant,  mendiant. 


FIN   DE  LA  PREMIERE  PARTIE. 


'-^W 


PC 
2075 

1858 
t.l 


Chevallet,  Joseph  Balthazar 
Auguste  Albin  d'Abel  de 
Origine  et  formation 
de  la  lailJ^ue  Frangaise 


PLEASE  DO  NOT  REMOVE 
CARDS  OR  SLIPS  FROM  THIS  POCKET 

UNIVERSITY  OF  TORONTO  LIBRARY 


I 


\-