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Full text of "Ornithologie de la Savoie, ou, Histoire des oiseaux : qui vivent en Savoie a l'état sauvage soit constamment, soit passagèrement"

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_ORNITHOLOGIE 


DE LA SAVOIE 


TOME Ill. 


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IMPRIMÉ CHEZ BONAVENTURE ET DUCESSOIS, 


Paris, 55, quai des Augustins. 


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ORNITHOLOGIE 


JE LA SAVOI 


OÙ 


HISTOIRE DES OISEAUX 


OUIMVIVENT ENCSAVOIEH A L'ETAT SAUVAGE 
SOIT CONSTAMMENT, SOIT PASSAGÈREMENT 


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Conservateur d’Ornithologie au Muséum d'Histoire Nature''e 
de Savoic, 


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TOME TROISIÈME. 


RSC NB ED CL IE R AR EEE DIE DE UR 


rue Scrpente-St-André, 26. 


CHAMBERY 
SUP ERPEN  ETBRATRE. 


1854 


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TABLEAU MÉTHODIQUE 


DE LA TROISIÈME PARTIE. 


23e famille. .... . 


24e famille... ... 


25e famille... - 


26e famille... ... 


27e famille. . 
28e famille... ... 
Vie ORDRE... 


29e famille... 


VIe ORDRE... 


30 famille... ... à Tetrao. 
] 1 Fo Perdicidæ.—(Genres : 57e, Perdrix, Per- 
cene dix; 58e, Caille, Colurnix. 


Ve ORDRE (suite) | Passereaux, Passeres. 


ur Tichodromidæ.—(Genre : 43e, Ticho- 
drome, Tichodroma. 


| Sittidées, Sittidæ.—(Genre : 44e, Sittelle, Sitta. 


Parusidées, Parusidæ.—Genre : 45e, Mésange, Parus. 
lre section : Sylvicoles, Sylvicolæ. 

2e section : Méganures, Meganuri. 

3e section : Calamophiles, Calamophili. 


Fringillidées, 

Fringilla. 
lre section 
2e section 
3e section 


Fringillidæ. — Genre : 46e, Fringille, 


: Longicônes, Longiconi. 
* Brevicônes, Breviconi. 
: Laticônes, Laticoni. 

Genres : 47e, Gros-Bec, Coccothraustes ; 48°, Bou- 
vreuil, Pyrrhula; 19e, Bec-Croisé, Loxia ; 50e, Bruant, 
Emberiza; 51e, Plectrophane, Plectrophanus. 


{Motacillidées, Motacillidæ.—Genres : 52e, Bergeron- 


À nette, Motacilla ; 53e, Pipi, Anthus. 


| Alaudidées, 4 laudidæ.—(renre : 54e, Alouette, Alauda. 


| Pigeons, Columbæ. 


{Colombidées, Columbidæ, — Genre : 55e, Colombe, 


t Columba. 


| Gallinacées, Gallinæ. 


nn 


{ Tétraonidées, Telraonidæ. — Genre : 26e, Tétras, 


ORNITHOLOGIE 


DE LA SAVOIE 


o-f-ccmuznc22000800)00000020010803030)60N0 000000 CE Sn r rein 


SUITE }. 


CINQUIEME ORDRE 
(suIrx) 
FPASSEREAUX (PASSERES). 


$$$ 5 — 


Vingt-roisième Famille. 


FICHODROMIDÉES (ichodromidæ). 


Il est réellement peu d'oiseaux aussi faciles à 
reconnaitre, soit par leurs signes caractéristiques, 
soil par leur manière de vivre, que les Tichodro- 
midées. Leur habitude de se cramponner avec leurs 
ongles recourbés aux rochers et aux murailles, où 
ils s'élèvent verticalement au moyen de saccades 
successives et en battant fortement des ailes, les 
rapproche bien un peu des Grimpereaux (Certhia- 
dées, 22° famille, tome Il); mais la conformation du 
bec et de la langue, et spécialement la largeur des 
ailes, la brièveté et la flexibilité des pennes de la 


8 ORNITHOLOGIE 

queue les en feront toujours distinguer au premier 
aperçu. Leur bec est, en eflet, très-long, grêle, 
pointu, presque droit dans le jeune âge, légèrement 
fléchi en arc dans un âge avancé, un peu déprimé 
et triangulaire à la base, mais arrondi dans le reste 
de la longueur. La tête aussi est ronde, sauf en 
dessus où elle se trouve sensiblement aplatie. Les 
yeux sont fixés à fleur de tête. La langue est sus- 
ceptible de s'étendre en dehors du bec, mais jamais 
autant que celle des Pics et des Torcous; elle est 
cartilagineuse et très-aiguë à l’extrémité, puis 
garnie sur les côtés de très-petits crochets propres 
à retenir et entraîner avec elle la proie qu’elle 
cherche à s’approprier. 

Les Tichodromidées ont les narines percées 
horizontalement et à moitié fermées par une mem- 
brane voûlée, située vers l’origine du bec dans une 
rainure longitudinale ; les doigts rangés par trois 
devant, dont l’externe est soudé à la base au doigt 
du milieu, un derrière muni d’un ongie très-long et 
crochu. Leurs aîles amples ont la première rémige 
courte, les deuxième et troisième étagées, les qua- 
itrième, cinquième et sixième les plus longues. La 
queue n’est formée que de pennes courtes, larges, 
arrondies par le bout et égales entre elles, à l’excep- 
tion de la plus latérale de chaque côté, qui est 
encore un peu plus courte que les autres ; toutes 
ont les baguettes faibles : aussi, cette partie ne leur 


D HAELLA SA VOIE. 9 
a point été donnée pour les aider à se soutenir dans 
leurs mouvements ascensionnels le long des rocs ou 
des murs. Mais la nature les à largement dédom- 
magés, en les dotant de grands ongles très-arqués, 
au moyen desquels ils se cramponnent solidement, 
et de larges ailes qu'ils agitent presque sans relâche 
à mesure qu’ils grimpent. 

Ces oiseaux se nourrissent de petits insectes, de 
mouches, de moucherons, de larves et d'araignées, 
Ils recherchent ces divers aliments dans les cavités 
des pierres et des rocs coupés à pic, et dans les fen- 
tes des vieilles murailles : ils les en retirent à l’aide 
de leur long bec ou de leur langue extensible. C’est 
aussi dans ies fentes des rochers, dans les crevasses 
des vieux murs des châteaux et des grands édifices 
qu’ils se reproduisent, Ils se livrent chaque année 
à l’entrée de l’hiver , seuls ou par couple, mâle et 
femelle, à des excursions jusqu'à l’approche du 
printemps ; alors ils quittent leur séjour des mon- 
tagnes et se rapprochent des pays de plaine. Leur 
mue est double dans les deux sexes, du moins dans 
l'espèce européenne. Les mâles en livrée d'automne 
ou d'hiver ne sont presque pasdifférents des femelles. 

Cette famille ne possède que le genre suivant. 


| es 


XILIHKe Genre : HEÉCHMHODROME / Fichodroma). 


Je n’ai pas d’autres caractères à signaler pour la 
définition de ce genre, que ceux énumérés à l’article 


es — —-- 


10 ORNITTHOTOCTE 


de la famille. EH ne renferme en Europe qu'une 
seule espèce qui est un de nos plus jolis oiseaux. Sa 
dénomination, Tichodrome Échelette (Tichodroma 
Phænicoplera), est une courte descriplion de ses 
habitudes principales : Trichodrome, tiré du grec 
teïyos, Imur, Opeueus, Coureur, explique en eftet 
son habitude de parcourir en grimpant les murailles 
ou les rochers ; Écheletle, exprime bien sa manière 
d'y monter par sauts ou par saccades successives. 
L’épithète latine Phænicoptera (aile de flamme) 
est empruntée du beau rouge vif de ses ailes et de 
leurs tectrices ou couvertures. 


424.—Tichoërome EHchelette [/Tichodroma Phæœnicoptera). 


Noms vulgaires : L'oiseau Papillon, Parpeillon, Planet, Pic de Murailles, 
Pie d'Araignées, Grimpercau de Rocs. 


Certhia Muraria (Linn.).Le Grimpereau de Murailles (Buff.).—Picchion 


de Muraille (Petrodroma Muraria\, Vieill. — Tichodrome Echelette (Ticho- 
droma Phœnicoptera), Temm.—Picchio Murajolo (Savi). 


Ce volatile est du nombre de ces espèces dont 
l'existence en Suisse et en Savoie est encore ignorée 
de plusieurs personnes; quelques-unes le prennent, 
en le voyant paraître à l’approche de l'hiver sur 
ies murs des hauts édifices, pour un oiseau égaré 
dans nos climats ; d’autres, pour une espèce parti- 
culière à l'Afrique, à cause de la vivacité de ses 
couleurs. 

Sa taille est, dans les deux sexes, de 18 centi- 
mètres. 


Le vieux mâle, dans nos contrées, achève de 


Passereau x: 


ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE 


Tichodromidees fitidees. 


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2. > Mt) Ti, 27 


L ith. J! Perrin Libr.E dit. Chamb éry- JWerner del. & Lith 


1 Tichodrome Echelette, vx zngle en Livrée de noces: #4 27. za; P.\. 


» 


» 2e de mil dl ee 0 us de l'esp; gr nat 


6 Sitlelle Tor chepot, 2nile a dulle; 73 9r.nal, P93—7-9 Cufs de l'esp; oT ral. 


DE LA SAVOIE. 11 
prendre sa livrée de noces vers la mi-avril, ctil ne 
la quitte guère avant la fin de juillet. Il est, durant 
cet espace de temps, d’un cendré foncé sur le 
sommet de la tête et à la nuque; d’un cendré clair, 
très-faiblement teinté de rose sur le bas du cou, sur 
les scapulaires et le dos. Il à les couvertures alaires 
et la partie supérieure des barbes externes des ré- 
miges, d’un rouge vif, et l’extrémité de ces pennes 
noire. Les rémiges sont en outre marquées sur les 
barbes intérieures : les trois ou quatre premières, 
suivant l’âge, de deux taches blanches; la quatrième 
ou la cinquième, d’une seule; les trois ou quatre 
autres n’en ont pas; mais les quatre ou cinq qui les 
suivent portent une tache roussâtre : ces taches ne 
paraissent que quand les ailes se trouvent déployées. 
Une plaque d’un noir profond envahit la gorge et le 
devant du cou ; un cendré noirâtre couvre les autres 
parties inférieures. La queue est noire, terminée de 
cendré et de blanc. Le bec, l'iris et les pieds sont 
aussi noirs, 

La vieille femelle se revêt aussi au printemps de 
noir à la gorge et sur le devant du cou; mais cette 
couleur est toujours moins étendue que dans le 
mâle, et de plus bordée de blanchâtre. Le cendré 
des parties supérieures, jusqu’à celui de la tête, et 
le cendré noirâtre du dessous du corps, sont aussi 
plus clairs que chez ce dernier. M. Caire vient de 
me mander qu'il à vérifié ce fait sur deux femelles 


12 ORNITHOLOGIE 

caplurées dans les Basses-Alpes, en juillet 1853 : 
cet excellent observateur les à aisément reconnues, 
en les disséquant, à l’ovaire garni d'œufs et au 
ventre dénué de plumes. 

Les mâles d'un an, ainsi que les femelles du 
même âge, ne prennent pas tous régulièrement 
en Savoie, au printemps, du noir à la gorge : 
cette partie reste alors grise, bien que le cendré 
noirâtre des autres parties inférieures devienne 
plus foncé que durant l'hiver. 

Les sujets de cet âge appelés à devenir noirs sur 
la gorge et le devant du cou, acquièrent souvent 
cette couleur tardivement, en mai et quelquefois 
seulement aux premiers jours de juin; et encore ils 
conservent sur chaque plume noire un léger liséré 
blanchâtre qui ferait aisément confondre les mâles 
avec les femelles, si ces dernières n'étaient pas, 
à cette période, presque blanches sur le cou, Le dos 
et les scapulaires. 

Il est peut-être des régions en Europe, et proba- 
blement dans le Midi, où cet oiseau se colore con- 
stamment au premier printemps de noir à la gorge; 
aussi, ne saurais-je trop engager les naturalistes à 
l’observer pendant l'été dans les divers climats 
qu'il habite ; car c’est par là que la science, encore 
incertaine de l’âge dans lequel ce volatile commence 
à noircir sur cette partie, verrait enfin ce problème 
se résoudre. 


DE LA SAVOIE. 13 
Après la mue de la fin de l'été, les adultes et les 
vieux des deux sexes reprennent le gris blanc sur 


dessous du corps devient un peu plus clair qu’en 
été, au moyen d’une faible bordure grise à l’extré- 
mité de chaque plume; le cendré sombre du som- 
met de la tête se change également en un cendré 
clair. Le reste du plumage ressemble à celui de la 
belle saison. 

Les jeunes, au sortir du nid, ont déjà les couleurs 
distribuées comme chez les vieux en livrée d’au- 
tomne; mais elles sont généralement plus ternes, et 
le rouge des ailes paraît moins étendu. Leur bec 
est plus court, plus large à sa base, droit jusqu’à 
l'approche de la première mue; ensuite, presque 
droit jusqu'à la seconde année. 

Après la mue, ils ont encore habituellement le 
bec un peu plus court que les vieux et les sujets de 
deux ans ; mais ils leur ressemblent par le plumage, 
sauf néanmoins par les taches des barbes intc- 
rieures des ailes, qui sont en grande partie rousses, 
au lieu d’être blanches comme chez les premiers. 
Le Tichodrome Échelette varie spécialement par 
la grandeur du bec; il n’est pas rare de rencontrer, 
comme dans la Huppe et les Grimpereaux, des 
individus même d’un âge avancé dont cet organe 
soit de 9-f5 millim. plus long que chez le plus grand 
nombre de leurs congénères. 


la gorge et le devant du cou. Le cendré foncé du 


14 ORNITHOLOGIE 
On trouve cet oiseau en Italie, dans le Piémont, 
en Espagne, dans le midi et les régions tempérées 


de la France, et dans les Alpes Suisses. Nous le 


possédons en Savoie toute l’année, mais partout en 
petite quantité : on l’y observe presque toujours 
solitaire, el assez rarement par paire, sauf pen- 
dant la période des nichées. Ce sont les jeunes 
qui n’ont point encore été appariés qui vont ou 
voyagent habituellement seuls. Le couple qui s’est 
reproduit ensemble ne vit pas toujours dans la 
solitude après les couvées terminées; souvent les 
deux sujets qui le forment, continuent de vivre en 
bonne intelligence l’un avec l’autre dans le même 
canton pendant le reste de l’année. [ls ne se quittent 
effectivement que par moments, lorsqu'ils sont en 
quête de leur nourriture ; quelques minutes après, 
ils se retrouvent, soit en parcourant l’un après 
l’autre les mêmes rochers ou les mêmes édifices, 
soit en s’entr’appelant de temps à autre par quel- 
ques cris aigus et précipités : ces cris, articulés à 
la manière de ceux du Pic Épeichelie, semblent 
prononcer : phi-phi-phi-pli-pli-pli. Ces deux com- 
pagnons sont-ils du nombre de leurs semblables 
qui entreprennent sur la fin de l’automne quelques 
excursions dans le pays ou jusqu’à l'étranger, ils s’y 
livrent encore ensemble, et avant le printemps, on 
les voit reparaître dans leur premier district : l’on 
est du moins tenté de croire que c’est bien le même 


DE LAS AVOILE. 15 
couple qui revient s’y propager, puisqu'on le revoit 
prendre possession de la cavité qui se trouvait déjà 
occupée les années précédentes par la même espèce, 

C’est principalement à l'entrée de Phiver ou dès 
les premiers frimas qu’on est le plus à même en 
Savoie de remarquer cet oiseau ; alors 1l abandonne 
nos régions montagneuses, son séjour d'été, et 
vicnt se montrer dans les villes, les bourgs, les vil- 
lages, les carrières ou les rochers qui les avoisinent, 
de même que sur les murailles des vieux châteaux 
isolés, des forteresses, des tours, des clochers, enfin 
de la plupart des bâtiments élevés. Il ne cesse d’y 
être en mouvement ; tantôt il y grimpe au moyen de 
secousses successives et d’un battement simullanc 
des ailes ; tantôt il vole par bonds ou papillonne 
d’un mur ou d’un roc à l’autre; tantôt enfin il reste 
accroché ou bien suspendu quelques instants devant 
une fente, tandis qu’en remuant encore ses ailes à 
la manière des papillons, il y cherche des aliments. 
Celles-ci font entrevoir alors les espaces rouges et 
les taches blanches et rousses qui leur servent de 
parure; de sorte que les personnes qui ne connais- 
sent point cet oiseau, ou qui le voient pour la pre- 
mière fois se livrer à ces ébats, le prennent souvent 
pour un papillon. 

Le Tichodrome Échelette ne grimpe pas aussi 
clégamment que les Pics et les Grimpereaux; il ne 
se Sert du reste pas comme eux dans cet acte de ses 


16 ORNITHOLOGIE 
pennes caudales comme d’un point d'appui, à cause 
de la faiblesse de leurs barbes et de leurs baguettes. 
Il ne parcourt pas non plus les arbres comme eux, 
mais spécialement les rochers taillés à pic, les 
murailles des édifices et des vieilles constructions 
en ruine. Il s’y élève d'habitude verticalement, 
c'est-à-dire qu’il y monte directement au sommet ; 
quelquefois 1l biaise, mais jamais il ne retourne sur 
ses pas en grimpant, soit la tête la première soit 
autrement, comme le font habilement les vrais 
Grimpeurs. Parvenu à la cime d’une tour ou d’un 
mur, il en parcourt de temps en temps les cordons 
d’un bout à l’autre en sautillant ou se balangçant de 
droite à gauche avec une agréable vivacité, et en 
faisant encore mouvoir ses ailes. Il s’ébat aussi de 
cette manière sur les croix des clochers, sur les 
saillies prolongées des fenêtres, des cheminées et 
des rochers qu’il rencontre dans ses ascensions ; je 
l’ai même vu dans les montagnes se livrer à ce 
senre d'exercice sur les branches mortes de vieux 
pins et sapins qui hérissaient les sommités desro- 
chers contre lesquels il venait de grimper. 
Quand le Tichodrome trouve abondamment sa 
nourriture dans un roc, il se plaît à le visiter plu- 
sieurs fois consécutives et sans faire de pause de bas 
en haut. Il monte d’abord perpendiculairement le 
long du roc qui est le plus souvent taillé à pente 
verticale ; puis à chaque fois qu’il arrive à la cime, 


DE LA SAVOIE. 17 
il se laisse retomber d’aplomb, comme s’il était en- 
traîné par son propre poids, jusqu’à l’endroit même 
où il a commencé à grimper : alors il remonte pres- 
que sur les mêmes pas pour redescendre encore dès 
qu’il est parvenu à la même hauteur que la première 
fois. Durant l’ascension, il furète dans la plupart 
des cavités qu'il découvre devant lui, et fait la guerre 
aux insectes qu’elles recèlent ; s’il ne peut y péné- 
trer, il reste devant elles cramponné un instant 
pendant qu’il cherche à les fouiller avec son long 
bec, afin den retirer quelque proie. Je vis, le 
» juin 1844, vers la cime d’Hauteran, un couple de 
cette espèce qui se livra jusqu’à huit reprises à de 
pareils mouvements successifs d’ascension et de 
descente. Je le vis ensuite porter, dans une anfrac- 
tuosité du même rocher, la becquée à sa couvée : 
quelques moments après, cette paire revint faire 
dans ce lieu de nouvelles recherches d’aliments. 
Cet oiseau reste dans les lieux habités et garnis 
d’édifices, dans les carrières et les rochers circonvoi- 
sins des villes jusqu’au mois de mars; c’est à cette 
époque que reparaissent dans le pays les sujets qui 
ont voyagé pendant le cours de la mauvaise saison, 
Dès les premiers jours d'avril, ces volatiles gagnent 
les rochers escarpés de nos montagnes, ceux surtout 
qui se trouvent exposés au soleil levant. Quelques- 
uns vont s'établir dans les fentes des murailles des 
forteresses, ou dans les crevasses des tours, des 


DNTIT. 2 


18 ORNITHOLOGIE 
châteaux délaissés et situés sur quelque élévation. 
Ils y sont à peine arrivés qu'ils entrent en amour. 
Les mâles annoncent cette période par quelques 
tirades de leurs cris habituels (pli-pli-pli-pli-pli-pl), 
jetés de loin en loin sur le même ton et sans inter- 
ruption : en les entendant, les femelles leur répon- 
dent aussi quelquefois par les mêmes cris. 

Le Tichodrome niche chaque année dans les 
rochers verticaux du Mont-Grenier, d’'Hauteran, 
du Nivolet, de la Dent et de la base du Mont-du- 
Chat; dans ceux qui longent le Rhône, surtout aux 
environs de La Balme ; dans les rochers gypseux en 
face de Villarodin et les plus près du fort de Bra- 
mans; dans quelques rocs coupés à pic de la 
Tarentaise, notamment au détroit de Ciex, puis du 
Faucigny, surtout à la base du Môle. La femelle 
y pond dans une fente ou une crevasse, sur quel- 
ques brins de paille, d'herbe et de mousse, mêlés 
à des poils et des plumes, qu’elle ramasse de 
concert avec le mâle en escaladant les rochers ou 
en visitant les rocailles du canton, Suivant qu’elle 
habite des lieux plus ou moins reculés dans les 
montagnes, elle couve à la fin d'avril, en mai ou 
seulement au commencement de juin. Les paires 
qui se livrent des premières à l’incubation, font 
souvent une seconde ponte vers le commencement 
de juillet. La première nichée se compose de quatre 
ou cinq œufs ; la seconde, quand elle a lieu, n’en a 


DE LA SAVOIE. 19 
guère plus de trois ou quatre. Ces œufs sont 
oblongs, assez fréquemment piriformes comme ceux 
des Pacs, et d’un blanc pur, avec quelques petites 
taches, toujours rares, roses ou d’un rouge pâle, et 
disposées autour de la grosse extrémité. Pour lon- 
gueur, ils ont, lorsque leur forme est oblongue, 
18-19 millim. et172-18 millim. 5, quand elle a celle 
d’une poire, sur 13 ou 14 millim. de diamètre dans 
les deux cas. Le mâle apporte quelquefois le jour à 
sa compagne qui couve, les aliments, et après lé- 
closion, il court comme elle presque sans relâche à 
la découverte de la nourriture des petits. Ceux-ci 
n’abandonnent le nid que lorsqu'ils se trouvent ca- 
pables de voleter suffisamment pour pouvoir suivre 
par les rochers leurs père et mère. Ils ont bien de 
bonne heure dans le nid la faculté de se cramponner 
à l’aide de leurs pieds munis d'ongles crochus ; mais 
leurs parents ne les laissent guère s’aventurer dans 
les rocs tant que leurs ailes ne sont pas assez fortes 
ni assez larges pour les seconder puissamment dans 
leurs mouvements ascensionnels. Quand, les pre- 
miers jours de leur sortie, ils sont fatigués de 
grimper, ils restent accrochés contre les fentes, ou 
bien ils s’arrêtent quelques instants dans des creux, 
où ils attendent la becquée. Mais aussitôt qu'ils sont 
en état de voler et se nourrir d'eux-mêmes, leurs 
auteurs les abandonnent. Dès lors chaque petit vit 
solitaire jusqu’au printemps suivant, époque de 


na 


20 ORNITHOLOGIE 
leur pariade; ils sont presque muets pendant tout 
cet espace de temps. Les vieux, au contraire, se 
font entendre quelquefois, surtout quand, vivant 
par paires après les nichées, ils se voient forcés, 
pour se revoir après quelques heures d'absence, de 
s'appeler l’un et l’autre. 

Le Tichodrome Échelette est vif et très-remuant. 
Il est assez sauvage, bien qu'il habite souvent l’in- 
térieur des villes. On ne l’approche guère de près, 
et ses mouvements continuels le rendent difficile à 
tirer. On le prend parfois à l’hameçon le long 
| des murs ou des rocs qu'il vient habituellement 

visiter chaque jour ; mais il importe d’y mettre 

| pour appât l’un des insectes qu'il recherche avec le 
plus d’avidité, tels qu’une araignée ou plusieurs de 
ses œufs réunis en forme de petit cocon; il préfère, 
en effet, ces aliments aux mouches et aux mouche- 
rons. Il s’accommode encore des larves d'insectes, 
des œufs de fourmis et des petits vers. Son vol, qui 
se fait par bonds et au moyen d’un battement 
}| d'ailes continuel, est d'ordinaire peu élevé, assez 
| lent et peu soutenu; mais comme cet oiseau ne 
s'éloigne pas des rochers, ses voyages ne peuvent 
|| guère lui être difficiles ; ses migrations, du reste, 
| ne sont pas lointaines. C’est aussi dans des trous 
de mur ou de roc qu’il se retire pour passer la 
nuit. 


DE LA SAVOIE. 21 


Vingt-qualrème Famille. 
SITRIDÉES (Sittidæ). 


Ces oiseaux sont reconnaissables à leur bec ro- 
buste, de moyenne longueur, droit, comprimé sur 
les côtés et cunéiforme au bout comme celui des 
Pics ; à leur langue courte, large à la base, cartila- 
gineuse et bifide à sa pointe. Leurs doigts sont 
rangés comme chez les Certhiadées et les Tichodro- 
midées, par trois devant et un derrière; l’externe 
des premiers se trouve également soudé à sa base à 
l'intermédiaire : le pouce est muni d’un ongle plus 
long , plus fort et plus crochu que ceux des doigts 
antérieurs. La queue est aussi composée de pennes 
courtes et à baguettes flexibles. Les ailes sont mé- 
diocres. : 

Ils ont, quant à leur manière de vivre, de grands 
rapports avec ies Pics et les Mésanges ; mais ils 
sont encore plus lestes dans leurs mouvements. Îls 
grimpent par petits sauts le long des troncs et des 
branches d'arbres, et vont avec une admirable 
aisance en tout sens; ils y montent droit jus- 
qu'au sommet d’où ils reviennent quelquefois sur 
leurs pas, en tournoyant autour du tronc, ou verti- 
calement et la tête la première ; ils se renversent 
encore, en restant suspendus par les pieds comme 
les Mésanges, pour saisir les proies qui les forcent 
à prendre cette position, à cause des places qu'elles 


tn 4 


22 ORNITHOLOGIE 


occupent dans le bois ou parmi les feuilles. Mais 
ils ne s’aident jamais de leur queue dans leurs tra- 
jets; du reste, elle ne se termine pas, comme celle 
des Pics et des Grimpereaux, en pointe dure, et ses 
barbes, ses tiges sont excessivement faibles. Leurs 
aliments se composent de noix et d’autres fruits à 
coque qu’ils brisent à coups de bec en les assujet- 
tissant entre leurs doigts ou des fentes d’arbres 
justes pour les contenir; puis de graines, d'insectes, 
de larves, d'œufs de fourmis et de papillons. Ils 
nichent dans des cavités d’arbres dont ils rétrécis- 
sent l’entrée, quand elle est trop large, avec de la 
terre boueuse. Ils mènent une vie active et quelque- 
fois solitaire, Leurs cris sont forts et perçants. Leur 
mue n’a lieu qu'une fois par an, en automne ou sur 
la fin de l'été. Les sexes offrent entre eux des dispa- 
rités fort peu sensibles. Les jeunes, jusqu’à leur 
première mue, diflèrent aussi très-peu des vieux. 
Cette famille n’a que le genre suivant, 


a — 


XLIVe Genre : SITTELLE (Sétla). 


Caractères : Bec droit, entier, médiocre, très-fort, comprimé latéralement, 
tranchant et terminé en forme de coin. Narines basales, arrondies, recou- 
vertes à claire-voie par des poils couchés en avant. Pouce long, avec un ongle 
très-fort et très-recourbé ; l'extérieur des trois doigts de devant uni à sa base 
au médian. Ailes de moyenne grandeur. Quéue : à douze rectrices, coupées 
carrément, à peine étagées, et toutes à baguettes molles. 


Ce genre possède une seule espèce en Suisse et 
en Savoie. C’est bien à tort que l’on a voulu faire 
figurer une seconde espèce de Sittelle dans un 


D'ÉOL AS AN COTE: 23 


catalogue des oiseaux qui se trouvent en Tarentaise, 
publié à la fin d’une brochure éditée à Moûtiers en 
1853, et intitulée : Moûtiers, Brides, Salins. On ne 
comprend pas trop si l’auteur de ce catalogue a 
voulu, par le nom de Sitta Soriaca (Besth), désigner 
la Sittelle Syriaque ou des Rochers (Sitta Syriaca), 
Ehremberg, ou la Sittelle Soyeuse (Sitta Sericea), 
Temminck. Dans les deux cas, cette seconde espèce 
ne doit point figurer parmi les oiseaux de la Savoie: 
j'en ai acquis la certitude jusqu’en Tarentaise, où 
il m'a été impossible de rencontrer, dans diverses 
excursions, d’autre Sittelle que celle de l’article 
suivant et qui s’y trouve communément toute 
l’année. 
423.—Sittelle Torchepoé /Sitia Europæa). 
Noms vulgaires : Pic-Bleu, Peic-Blu, Tape-Noyer, Tapaz-Noyard, Tape- 


Bois, Béque-Bois, Pique-Bois, Rape-Bois, Pic-à-Brot, Bec-à-Brot, Pic-Maçon ; 
en Tarentaise : Paleitaz; dans la Haute-Savoie : Rampa ou Rampanna. 


La Sitelle ou Torchepot (Buff.).—Le Torchepot Commun (Cuv.).—La Sit- 
telle d'Europe (Sitta Europæa), Vieiïll.—$itelle Torchepot (Sifta Europæa), 
Temm.—Muratore (Savi). 


Le mâle adulte de cette Sittelle a 15 centimètres 
de taille. Toutes ses parties supérieures sont d’un 
cendré bleuâtre. Une bande noire part des narines, 
passe sur l’œil, s’étend sur l’orifice auditif et se 
termine sur les côtés du cou. La gorge et les joues 
sont blanchâtres; les autres parties inférieures, d’un 
roux fauve qui se fonce en roux marron sur les 
flancs et les cuisses ; les sous-caudales blanchâtres, 
bordées de roux. La queue, qui est courte, a ses 


24 ORNITHOLOGIE 

pennes noires et terminées de cendré ; les trois ou 
quatre extérieures de chaque côté portent en outre 
vers le bout une tache blanche : les deux du milieu 
sont entièrement du même cendré bleuâtre que le 
dessus du corps. Le bec est d’un cendré bleuâtre 
foncé, surtout sur la mandibule supérieure; l'iris 
des yeux de couleur noisette; les tarses d’un gris 
jaunâtre. 

La femelle a 5 ou 6 millim. de moins que le mâle. 
Elle en diffère encore un peu par sa bande noire 
qui estmoins foncée, par conséquent moins distincte, 
et par les couleurs de sa livrée qui sont générale- 
ment moins vives. 

Les jeunes ressemblent à la femelle aussitôt après 
leur première mue. En sortant du nid, ils sont d’un 
roussâtre fauve sur les parties inférieures, et d’un 
roux foncé sur les flancs. La bande noire de la tête 
est alors peu marquée; mais le reste du plumage 
ressemble déjà beaucoup à celui des adultes. 

La Sittelle Torchepot est sujette à varier dans nos 
climats, d’un blanc pur, avec l'iris des yeux rougeà- 
tre, avec le bec, les tarses, les doigts et les ongles 
couleur de chair ; ou bien d’un blanc mélangé avec 
les couleurs ordinaires; quelquefois avec la tête, le 
cou, le haut du dos entièrement blancs, ou forte- 
ment tapirés de cette couleur, tandis que le reste de 
la livrée est absolument le même que d’habitude. 
M. Alfred de Manuel, zélé entomologiste, rapporta 


DELA NSAVOILE. 25 
de la Haute-Savoie, en décembre 1848, un bel 
exemplaire de cette dernière variété. 

Get oiseau doit ses dénominations, Torchepot et 
Pic-Maçcon, à son habitude de rétrécir avec de la 
terre grasse l’ouverture du trou de l'arbre dans 
lequel il veut nicher; il fréquente presque toute 
l’Europe. On le trouve sédentaire dans le Nord, ainsi 
que dans les contrées tempérées et méridionales de 
la France ; c’est aussi pendant toute l’année que nous 
le possédons en Savoie. On l’y observe particuliè- 
rement dans les bois de noyers et de châtaigniers, 
dans les parcs et les vergers garnis de vieux arbres 
fruitiers, et parsemés de chênes et de frênes qui 
tombent en vermoulure. Les environs de Moütiers, 
d’Albert-Ville, du Châtelard en Bauges, du Pont- 
Beauvoisin, de St-Genix-d’Aoste, d'Yenne, d’Al- 
bens, etc., etc., sont les localités où l’on est toujours 
sûr de le rencontrer communément. Il est au 
contraire rare aux environs de Chambéry; ce ne 
sont guère que les coteaux boisés de Bissy, du 
Tremblay, de Saint-Sulpice, de Vimines, de Saint- 
Cassin qui l’y possèdent; et encore s’y trouve-t-il 
toujours en petit nombre. 

Le Torchepot cherche sa femelle à la fin de fé- 
vrier ou dans les premiers jours de mars. On l’en- 
tend alors fréquemment le jour dans le canton qu’il 
s’est choisi pour y passer le temps des nichées. Le 
cri qu’il jette le plus souvent durant cette période, 


26 ORNITHOLOGIE 

et par lequel il est aisé de le reconnaître, est une 
espèce de sifflement éclatant qu'il se plait à répéter 
à chaque instant sur le même ton, et dont il préci- 
pite la mesure de plus en plus : 4&i, tûr, tûi-tüi, 
téi-tûi-tûi ; 1] le pousse soit en grimpant ou en cou- 
rant le long du tronc et des branches des arbres, soit 
en restant juché un moment à leur cime. Il devient 
très-jaloux dès qu'il est apparié; il suit constam- 
ment sa compagne de très-près, et vient-il à la 
perdre de vue un seul instant, il se hâte de l’ap- 
peler. En la voyant reparaître, il se précipite au- 
devant d’elle et la reçoit avec empressement ; puis 
il la suit jusqu’au premier arbre où à peine reposé 
il la comble de caresses, et l'invite au plaisir en 
l’agaçant ou la becquetant à plusieurs reprises. 

Le mâle et la femelle qui ne font qu’une couvée 
par an, à moins qu’elle ne devienne la proie des 
ravisseurs, travaillent dès la mi-mars à la confec- 
tion de leur nid. Ils s'emparent pour cela d’un 
trou naturel d’arbre ou d’une cavité de Pac aban- 
donnée; quelquefois , ils achèvent eux-mêmes, à 
l’aide de leur bec robuste et taillé en forme de coin, 
la cavité qu'ils veulent occuper, pourvu qu’elle ait 
été déjà commencée dans un arbre vermoulu par 
quelque oiseau ou petit mammifère rongeur ; ou 
bien ils la creusent seulement à l’intérieur, ou la 
vident, quand elle ne leur paraît pas assez pro- 
fonde, Ensuite, trouvent-ils l'ouverture trop large, 


DE LA SAVOIE. "AI 


ils s’empressent de la rétrécir souvent juste à leur 
grosseur avec de la terre grasse ou boueuse qu’ils 
gâchent et consolident avec du gravier ou de 
très-petites pierres; quelquefois ils la façonnent en 
grande partie avec de la bouse. Après ce travail, 
ils se mettent à chercher quelques brins d’herbe, de 
paille et de mousse qu’ils transportent au fond de 
leur trou, disposent sans art etrecouvrent de plumes, 
de morceaux de crin et de laine, ou seulement de 
poussière de bois. La femelle pond sur ce matelas 
cinq ou six œufs, assez semblables à ceux de la 
Mésange Charbonmère, quant à la couleur du fond 
et la disposition des taches, mais constamment plus 
gros et plus allongés. Ils sont blancs ou d’un blanc 
un peu sale, et pointillés de rouge ou de rougeûtre, 
surtout vers le gros bout. Leur longueur est en 
moyenne de 173% à 18 millim. +, et leur largeur de 
13-14 millim. J’ai vu fréquemment, pendant l’in- 
cubation qui dure quinze ou seize jours, le mâle 
entrer dans le nid pour y donner quelque aliment à 
la femelle, et en sortir un instant après, mais je nai 
jamais réussi à l’y rencontrer occupé à couver, soit 
les œufs soit les petits durant leur nudité. Lorsqu'on 
surprend dans le nid la femelle et qu'on cherche 
à l’inquiéter, en y introduisant, par exemple, une 
baguette ou la main, on l’entend de suite siffler 
comme une vipère. Gette habitude lui sauve souvent 
la vie, car les dénicheurs qui ne lui connaissent 


28 ORNITHOLOGIE 


point cette faculté, fuient aussitôt qu’ils l’entendent 
pousser du fond de son trou de pareils souffles : ils 
s’imaginent que la nichée est devenue la proie de 
quelque serpent venimeux qui à ensuite fixé sa 
retraite dans la même cavité. 

Si le mâle ne paraît guêre porté à soulager 
sa compagne dans les peines de l’incubation, il 
est tout autre après l’éclosion ; il travaille alors 
presque tout le jour de concert avec elle, pour 
alimenter leur progéniture. On les voit presque 
continuellement grimper ou courir le long des 
arbres circonvoisins de celui qui recèle la petite 
famille ; au moindre bruit qu’ils entendent, ils 
accourent auprès d'elle ; la voient-ils menacée, ils 
se désolent, ils criaillent avec force et vont jusqu’à 
s'exposer eux-mêmes à périr pour la sauver. 

C’est vers le vingtième jour de leur naissance 
que les petits quittent le nid ; ils suivent immédia- 
tement par les arbres du voisinage leurs père et 
mère. Habituellement on les remarque encore tous 
réunis en famille pendant le mois qui suit leur sortie. 
Dès lors, ils se séparent et vivent, les uns soli- 
taires, les autres par paires ou par bandes en s’asso- 
ciant, dans ce dernier cas, avec d’autres sujets de 
l’espèce établis dans le même arrondissement. Ce 
sont les vieux, ou les mâles et les femelles qui ont 
déjà vécu ensemble pendant la période des couvées, 
qui restent ordinairement appariés après l’éduca- 


D'LA SAVOITE 29 
tion des petits. Les jeunes se tiennent de préférence 
seuls, ou bien par trois, quatre ou cinq ensemble, 
et fréquemment encore ils se mêlent aux petites 
troupes des Mésanges Bleues et Charbonnières. 

Dans les localités énumérées plus haut, où la Sit- 
telle est commune, 1l n’est pas rare de la remarquer, 
le matin surtout quand elle cherche sa vie dans les 
vergers ou les bois, par compagnies de huit, dix, 
douze individus et même davantage qui se suivent 
d'arbre en arbre et ne cessent de s’entr'appeler. Ces 
bandes une fois repues se dissolvent; alors les sujets 
qui les composent, se répandent tous dans le même 
bois où ils se cachent séparément dans des cavités 
d'arbres ou se blottissent parmi les rameaux des 
branches et leurs feuilles. Ils y restent souvent oisifs 
jusqu’au soir ; puis ils retournent vivre, tantôt seuls 
tantôt par petits pelotons, jusqu’à l’approche de la 
nuit ; c’est alors qu'ils regagnent leurs trous habi- 
tuels qu’ils gardent jusqu’au point du jour. 

Indépendamment de son sifflement d'été (ti, 
täi) , que les vieux font encore entendre de temps 
en temps pendant l’automne et l'hiver, cet oiseau 
possède encore deux autres cris très-difiérents. Le 
premier est faible, mais un peu aigu : il imite 
presque le cri ordinaire des Grimpereauæ ; il arti- 
cule en effet : di, ti, ti, ou thi, thi, th, répétés à 
distance égale ; et ce cri, l'oiseau le pousse soit en 
volant soit en gravissant les arbres, Le second est 


30 ORNITHOLOGIE 

plus fort et plus grave; c’est aussi celui que l’on 
entend le plus souvent. Ce volatile le répète vive- 
ment sur le même ton, et en le précipitant de plus 
en plus, quand quelque objet l’affecte : tia, bia, 
ha-lia ; tia-ha-tia ; tia-hia-tia-tria-tia. 

La Sittelle est entomophage, granivore et fruc- 
tivore tout à la fois; elle vit d'insectes de diverses 
espèces et de leurs œufs, de chenilles et de chrysa- 
lides ; elle ajoute à ces aliments, surtout lorsque 
le froid et la neige les font rares, des faînes, des 
noix, des noisettes, des glands et différentes grai- 
nes, notamment celles de chanvre et de soleil qu’elle 
vient chercher avec les Mésanges jusque dans les 
jardins. Voit-elle, en grimpant le long d’un arbre, 
une mouche ou quelque autre insecte, elle se déta- 
che aussitôt du tronc ou de la branche qu'elle 
gravit et les poursuit au vol. Lorsqu'elle trouve une 
noisette, elle la tient assujettie entre ses doigts, 
tandis qu’elle la frappe à coups de bec redoublés 
pour parvenir à en casser la coque et à se nourrir 
du noyau; quelquefois elle la porte dans une fissure 
de pierre ou d’arbre, assez large pour la retenir, et 
l’ouvre aussi à coups de bec : pour la percer alors, 
elle se tient au travers de la fente ou la tête en bas, 
et redouble ses coups. Elle brise encore les noix, 
mais sur place, et avec assez de peine; aussi, est- 
elle souvent forcée de les laisser sans avoir pu les 
entamer, Quand elle saisit une graine de chanvre, 


DEP A SAVOIE. 31 
elle l'emporte dans le bec comme la plupart des 
Mésanges pour l’ouvrir, en la tenant entre ses petites 
serres, sur l'arbre ou le taillis le plus près. 

Pour que la Sittelle soit fidèle au district qu'elle 
s’est choisi, il faut qu'elle y trouve beaucoup de 
grands arbres, surtout des chênes, des noyers et 
des châtaigniers à parcourir successivement, ainsi 
que ses aliments de prédilection en abondance ; 
autrement, elle devient erratique en hiver, dès 
qu'elle commence à être dans la disette. On la 
remarque pendant cette saison, et notamment 
dans les temps de neige, sur la lisière des bois, 
ou bien sur les arbres de haute futaie qui entou- 
rent des lieux habités, puis dans les parcs, les 
vergers et les haies épaisses et implantées de vieux 
arbres. Pour trouver sa nourriture, elle grimpe ou 
court presque sans cesse avec une grande vivacité 
le long des troncs; elle va aussi par côté ou en 
spirale; elle visite les branches en tout sens, Jjus- 
qu’en dessous ; elle descend par moment la tête la 
première, se suspend par les pieds et se renverse; 
en un mot, elle se porte dans toutes les directions, 
prend toutes les positions, même les plus difficiles, 
et sans jamais s’appuyer sur la queue. C’est parti- 
culièrement aux arbres fruitiers qu’elle s’attache ; 
aussi, elle y trouve toujours plus abondamment 
qu'ailleurs les œufs des papillons déposés sur l’é- 
corce, ou de petites chenilles renfermées dans leurs 


32 ORNITHOLOGIE | 
soies. Elle va encore fouiller dans les arbres pourris, 
afin d’y trouver des larves; elle les frappe même 
à la manière des Pics, avec tant de force qu'elle 
en arrache souvent par ses coups de bec de gros 
morceaux de bois ou d’écorce qui lui cachent des 
insectes et des larves. Quand on est près du tronc 
qu’elle frappe de la sorte, on croirait entendre des 
coups de hache qui partent d’une forêt voisine. Par 
moments, elle descend à terre auprès des fourmi- 
lières et s’y nourrit non-seulement de fourmis, mais 
encore de leurs œufs. Pour boire, elle se rend au 
bord d’une source ou d’une mare, y trempe le bec 
à plusieurs reprises et regagne les arbres. 

Toutes les Sittelles ne se trouvent cependant pas 
dépourvues de ressources pour s’alimenter pendant 
l'hiver. [l en est beaucoup, des vieilles surtout, que 
la disette endurée l'hiver précédent porte à se pré- 
cautionner contre les misères d’une autre mauvaise 
saison. Celles-ci entassent dès l’automne, en mème 
temps que certains Pics et quelques Mésanges, dans 
les trous d'arbres qui leur servent de retraite, des 
grains, de petits glands, des noisettes et jusqu'aux 
morceaux d’écorce remplis d'œufs de papillons. On 
les reconnaît facilement ; cesont les Sittelles que l’on 
rencontre presque toujours dans le même district ; 
elles y ont du reste leurs provisions cachées dans 
quelque arbre creux où elles se rendent de temps 
en temps, soit pour se nourrir soit pour y apporter 


DE LA SAVOIE. 33 


d’autres fruits; elles remplacent par là les premiers 
entassés à mesure qu'elles les consomment, 

La Sittelle Torchepot est d’un caractère doux et 
assez taciturne après le temps de l’amour. Son vol 
est rapide, un peu ondulatoire et fort peu bruyant. 
Elle est leste dans tous ses mouvements. Sa queue 
a un balancement alternatif de haut en bas, assez 
semblable à celui d’un Pipi ou d’une Bergeronnette. 
Sa démarche sur le sol se fait par le moyen de 
petits sauts; c’est aussi en sautillant continuelle- 
ment que l’oiseau s’élève en grimpant. Sa chair est 
un assez bon manger. 


Vingt-cinquième Famille, 
PARUSIDÉES (Parusidæ). 

Signes distinctifs : Bec menu, court, conique, robuste, tran- 
chant, garni à sa base de petites plumes à barbes très-fines, 
couchées en avant, et terminé en pointe ; mandibule supérieure 
droite, quelquefois faiblement recourbée sur l’inférieure : celle- 
ci tantôt arrondie, tantôt aiguë à la pointe. Narines orbiculaires, 
cachées parles plumes de la base du bec. Tarses nus et anne- 
lés; pieds forts, doigts munis d'ongles recourbés, celui du 
pouce plus long et plus crochu que ceux des doigts antérieurs. 
Ailes médiocres. Queue longue et étagée, ou de moyenne lon- 
gueur, et coupée carrément. 

Les Parusidées sont des oiseaux hargneux , vifs, 
cruels et de grands destructeurs de chenilles et 
d'insectes. Ils se plaisent, en général, à vivre, après 
les couvées, en famille ou par bandes nombreuses 
formées de deux ou de trois nichées : ainsi réunis, 
ils se rappellent presque sans cesse, se quittent un 


Ne AUuTe D 


3 ORNITHOLOGIE 

instant, s'attroupent de nouveau en s’entr'appelant, 
et se séparent encore pour quelques moments. Mais 
ce qui les rend surtout remarquables, c’est l’agilité 
et la grâce avec lesquelles ils gravissent par petits 
vols brusques les branches des arbres, les rameaux 
flexibles des taillis, ou les cannes des joncs et des 
roseaux. Bien plus, ils sy suspendent par les pieds 
et se renversent en se balançant à leur extrémité, 
dans toutes sortes d’attitudes, souvent très-diffici- 
les ; enfin ils furètent dans la moindre gerçure qu'ils 
aperçoivent dans le bois ou l’écorce, pour y cher- 
cher quelque aliment. Ils se nourrissent de graines 
de diverses espèces, de petits fruits à péricarpe, 
tels que noix, noisettes et amandes à coque 
tendre, puis d'araignées, de larves, d'insectes et 
de chenilles velues ou dénuées de poils. Quant aux 
semences, ils les assujettissent entre leurs petites 
serres, les ouvrent à coups de bec redoublés et en 
mangent l’intérieur. Ils ont assez de force dans le 
bec pour percer les noix, les noisettes et d’autres 


fruits à coque ligneuse, dont ils recherchent aussi 


la substance qu’elle renferme. 

Habituellement peu farouches et peu défiants, 
ces oiseaux se laissent approcher de près et donnent 
généralement dans les pièges; mais ils se défen- 
dent, soit avec leur bec tranchant soit avec leurs 
ongles crochus, quand on veut les saisir. L'un des 


sujets d’une bande qui hante un bois, vient-il à 


DD LA SAVOLE. 35 
pousser le cri de détresse, tous les autres se hâtent 
d’accourir vers le blessé ou le captif, et semblent 
vouloir partager ses souffrances : cette audace leur 
est souvent funeste, car elle les fait tomber aussi 
dans les piéges qui leur sont tendus. Quelques 
espèces s’accommodent facilement à l’état domes- 
tique; imais il convient toujours, quand elles sont 
ces plus grosses, d'éviter de les renfermer en cage 
avec d’autres volatiles moins méchants qu’elles : 
elles leur percent souvent le crâne et se repaissent 
de leur cervelle. Les petits oiseaux maladifs ou 
engagés dans quelque piège deviennent aussi leur 
proie ; elles les achèvent sur place en leur crevant 
pareillement le crâne. 

Les Parusidées nichent, suivant les espèces et 
les lieux qu'elles fréquentent, dans des trous natu- 
rels d'arbres et très-rarement dans des creux de 
vieux murs. Quelques-unes suspendent leurs nids 
avec art et solidité aux rameaux flexibles des arbres 
et des buissons, ou les entrelacent dans des cannes 
de joncs et de roseaux; parfois, elles les accolent 
tantôt aux troncs remplis de mousse, tantôt au 
centre des dichotomies des branches. Elles sont 
presque toutes très-fécondes, et alimentent leurs 
nombreuses familles avec un zèle et une activité in- 
fatigables. Leur plumage est souvent peint d’agréa- 
bles couleurs. Les sexes, en général , ne sont pas 
bien distincts entre eux. Le chant, chez quelques 


36 ORNITHOLOGIE 

espèces, est assez varié et assez cadencé pendant la 
belle saison. Leur chair n’est pas un manger aussi 
médiocre qu’on veut bien le supposer. 


XLVe Genre: MÉSANGE (Parus). 
Voyez, pour la description des SAN (Es et des habitudes, l'article de la 

Nous avons en Savoie neuf espèces de Mésanges. 
Deux d’entre elles ne s’y montrent qu'accidentelle- 
ment; les autres y sont sédentaires, quoique plu- 
sieurs de leurs semblables se livrent à des excursions 
périodiques à l'approche de l’hiver. Leur mue a lieu 
chaque année en automne ou vers la fin de Pété, 
aussitôt après les nichées. 

Je les divise en trois sections, suivant qu’elles 
vivent dans les bois, les jonchaies et les roseaux, 
elles ont les pennes de la queue très-longues et éta- 
gées, et la mandibule supérieure du bec à pointe 
droite ou légèrement recourbée sur l’inférieure. 


Première Section, 


SYLVICOLES /SYLVICOLÆ). 


Elle renferme six espèces qui, comme l'indique 
leur dénomination générique, hantent les bois, les 
forêts et les lieux garnis de taillis ; elles s’y propa- 
gent dans des creux natureisd’arbres ou abandonnés 
par les Pics, les Torcous et les Suttelles. Plusieurs 
cntreprennent des voyages qu’elles font par bandes 


DENLAI SAVOIE. 37 
en automne ou à l'entrée de l'hiver. Elles ont 
toutes la queue de moyenne longueur, carrée ou 
légèrement fourchue, et la mandibule supérieure 
du bec droite à la pointe, 


126.—Mésange Grosse Charbonnière /Parus Major). 


Noms vulgaires : Lardine, Grosse Lardine, Lardenne, Larda, Lardella, 
Lardeira, Sarrayon ou Sarrayé (Serrurier). 


La Grosse Mésange ou Charbonnière (Buff.).—Parus Major (Linn.).—La 
Mésange Charbonnière (Parus Major), Vieill., Temm.—Cinciallegra (Savi). 


Cette Mésange est la plus grosse de celles du 
pays; elle a 15 cent. de longueur du bout du bec à 
l'extrémité de la queue. 

Le mâle adulte a le dessus de la tête, la gorge et 
le devant du cou, d’un beau noir brillant; les tempes 
et les joues blanches ; les autres parties inférieures 
d’un jaune tendre, avec une raie longitudinale noire, 
qui s'étend depuis la plaque du haut de la poitrine 
jusqu’à l'anus ; enfin les plumes de la région de cette 
dernière partie, blanches. Il est d’un vert olivâtre 
sur le manteau; d’un cendré bleuâtre sur le crou- 
pion, sur les petites couvertures alaires et sur les tec- 
trices caudales supérieures. Les pennes des ailes sont 
d’un noirâtre cendré, bordées de cendré bleuâtre et 
traversées par une bande blanche. Celles de la 
queue d’un cendré bleu en dehors, et noirâtres en 
dedans; les latérales seules bordées et terminées 
de blanc. Le bec et l’iris des yeux sont noirs; les 
tarses couleur de plomb. | 

La femelle a le noir du sommet de la tête moins 


: 0 ORNITHOLOGIE 


vif ; la raie longitudinale noire du dessous du corps 
plus étroite et ne se prolongeant guère que vers le 
milieu du ventre : et le jaune des parties inférieures 
plus pâle que chez le mâle. Sa taille est à peine plus 
petite. 


Les jeunes, au sortir du nid jusqu’à la mue, sont : 


reconnaissables à la bande transversale de l'aile, 
qui est d’un blanc jaunâtre. Ils ressemblent pour 
le reste de la livrée beaucoup à la femelle adulte; 
seulement, le noir de la tête et de la gorge est moins 
lustré ; le jaune de la poitrine et du ventre plus 
terne, et la bande noire, qui le partage, plus étroite 
et même plus interrompue. 

Cette Mésange varie accidentellement d’un blanc 
ou d’un blanchâtre sur lesquels les couleurs ordinai- 
res se trouvent faiblement répandues ; parfois, le 
cendré nolrâtre remplace le noir de la livrée natu- 
relle, le jaunâtre ou l’isabelle le vert olivâtre, et 
le blanchâtre tient lieu du cendré bleuâtre des ailes, 
Je me suis procuré à Chambéry, en 1845, une va- 
riété avec les pennes alaires et caudales d’un isa- 
belle clair, et toutes les autres parties du corps 
peintes de leurs nuances ordinaires. 

La Grosse Charbonnière habite toute l’Europe, 
mais plus volontiers les parties tempérées et septen- 
trionales que les contrées chaudes. Commune et sé- 
dentaire en Savoie, elle s’y faitremarquer partout, et 
notamment dans les bois de noyers, de châtaigniers, 


ES 


DA LA SAVOIE. 39 
de hètres et de chênes, ainsi que dans les champs 
implantés d'arbres, dans les haies, les parcs, les 
vergers et les jardins. On ne la découvre guère 
en montagne dans les forêts de pins, de mélèzes et 
de sapins que sur la fin de l’été et pendant l’au- 
tomne, lorsqu'elle se livre à ses excursions annuelles. 

La pariade pour elle commence toujours de très- 
bonne heure. Aux premières belles journées de la 
fin de février ou du commencement de mars, le 
mâle cherche sa femelle qu’il rappelle aussi du 
bout des branches par un chant vif et plein de 
gaieté ; mais il ne le déploie dans toute son étendue 
qu’aux premiers jours d'avril, Sa voix exprime alors 
deux cris particuliers : par l’un, qui imite assez le 
grincement de la lime ou du verrou, ce qui a fait 
donner dans quelques-unes de nos contrées à cet 
oiseau les noms de Sarrayon ou Sarrayé (Serru- 
rier), elle semble prononcer : thithipu, thithipu, 
thithipu, qu’elle répète trois, quatre ou cinq fois de 
suite ; par l’autre, on dirait qu'elle articule Îles 
mots : séiti stiti stit stiti, qu'elle alterne souvent 
avec les premiers : 


thi thipu, thi thi pu, thi thi pu. s titi stiti stiti s titi. 


Le mâle et la femelle de concert travaillent dès 
le 20 ou le 30 mars, ou seulement dans les quinze 


40 ORNITHOLOGIE 

premiers jours d'avril, à la confection de leur nid. 
Ls le font dans un trou d'arbre ordinairement pro- 
fond, mais dont l’ouverture est souvent si étroite 
qu'on peut à peine y faire entrer plus de deux 
doigts ensemble, et parfois dans un creux de vieux 
mur de 12-16 centimètres au moins de profon- 
deur. Pour le composer, ils y transportent de la 
mousse, des racines de plantes très-déliées, des 
herbes sèches, du duvet satiné des saules ou des ai- 
grettes de chardons et de tussilages, puis des 
plumes, des poiis, des cheveux, de la bourre et 
d’autres matières non moins mollettes. Ce nid, qui 
est toujours construit grossièrement, forme un 
matelas de 3-4 cent. d'épaisseur. Il est à peine 
achevé que la femelle se met à y déposer un ou 
deux œufs par jour ; en moins de huit ou dix jours, 
elle termine sa ponte qui est de neuf à quinze œufs, 
suivant l’âge des couples. [ls éclosent d'habitude 
tous ou presque tous; aussi, il est assez rare d’y 
trouver, même quand la couvée est très-nombreuse, 
plus d’un ou de deux œuis atteints d’infécondité. 
Ordinairement oblongs, assez souvent pointus à la 
petite extrémité, ils sont blancs ou d’un blanc tirant 
à peine sur le jaunâtre, et ponctués de rouge ou 
de rougeâtre, surtout vers le gros bout. Pour lon- 
gueur, ils ont 45: à 16 ou 16 mill.5, sur un dia- 
mètre de 12 ou 12 mill, &. La femelle les couve seule 
et avec tant de sollicitude qu’elle se laisse facile- 


| 
(| 
| 
| 
| 


a 


DE LA SAVOIE. 4l 
ment saisir dans le nid; d’ailleurs, elle n’en sort, 
presque à chaque fois qu’elle est menacée, qu’à la 
dernière extrémité, ou plutôt à l’arrivée même du 
ravisseur vers la cavité qui la recèle. Cherche-t-on 
à lui nuire, quand on la tient captive dans son 
trou, ou bien à sa couvée, elle s’irrite, elle siffle 
comme un serpent au point de venir à bout d’inti- 
mider quelquefois le dénicheur. 

Le mâle, pour charmer sa compagne durant les 
longues heures de l’incubation, reste presque tou- 
jours à proximité d'elle sur quelque arbre d’où il ne 
cesse à certaines heures du jour, surtout le matin 
et le soir avant le coucher du soleil, de faire en- 
tendre son chant. Il le discontinue seulement pour 
aller chercher sa nourriture et celle de la femelle, 
qu’il lui apporte dans le nid. Celle-ci quitte pour- 
tant les œufs le matin vers le lever du soleil, puis 
au milieu du jour et une heure environ avant la 
nuit; mais son absence du nid ne dure pas plus de 
huit à dix minutes qu’elle consacre à se distraire, à se 
procurer quelque aliment. Habituellement le mâle 
l'accompagne et la ramène ensuite à la couvée. 

C’est au quinzième ou au seizième jour de cou- 
vaison que les petits éclosent, et à mesure qu’ils se 
dégagent de leur enveloppe calcaire, le mâle ou la 
femelle en emportent hors du nid les débris. Dès le 
second jour de leur naissance, le père et la mère ne 
cessent un instant de travailler pour les nourrir; ils 


42 ORNITHOLOGIE 

vont alors tantôt ensemble, tantôt dans des directions 
opposées, et leur apportent tour à tour de grosses 
becquées de chenilles sans poils, de larves ou d’in- 
sectes très-mous, qu’ils leur distribuent par portions 
égales. Une becquée suffit souvent pour alimenter 
momentanément deux ou trois petits à la fois; et 
ceux d’entre eux qui ne reçoivent rien à la première 
distribution, sont servis les premiers l’un après 
l’autre aux suivantes. 

En quittant le nid, cette nombreuse famille se 
répand dans les arbres circonvoisins de sa première 
demeure, etse tient les premiers jours cachée parmi 
les feuilles et les branches, À tous moments, ses 
auteurs viennent la visiter et lui donnent en même 
temps la pâture. A l'approche de la nuit, ils rallient 
les petits sur l’un des arbres les plus feuillés du 
district ; ils les rangent tous de front sur la même 
branche en les faisant serrer l’un contre l’autre, et 
les gardent jusqu'au jour dans cette attitude, Ceux- 
ci sont à peine capables de manger seuls et en état 
de voler en toute sécurité qu'on les voit ensemble 
tout le jour, les parents à leur tête, parcourir les 
bois, les bosquets, les vergers et les jardins de leur 
arrondissement. Alors, tout occupés à se chercher 
des insectes, les uns voltigent de branche en bran- 
che, ou grimpent au moyen de petits vols brusques 
le long du tronc ou sur l’écorce; les autres gravis- 
sent contre les murailles ou les pierres remplies de 


DELLA SAVOIE. 43 
mousses et de lichens, ou bien ils s’accrochent, se 
suspendent à l'extrémité des plus faibles rameaux, 
pour en détacher les chenilles et les œufs de papil- 
lons, déposés sur l’écorce. Ils font la guerre jus- 
qu'aux gros papillons nocturnes, tels que le sphynæ, 
le bombyx et le cossus, qu'ils trouvent collés sur les 
feuilles ou entre les gerçures de l'écorce. Ils les 
poursuivent encore au vol, quand ils les voient 
s’aventurer de jour ; ils les frappent du bec sur la 
tête et les culbutent devant eux ; ils les saisissent 
et les achèvent à terre, puis ils les transportent au 
moyen de leur bec sur quelque arbre voisin, pour 
s’en repaître à loisir. Mais souvent la proie se trouve 
lourde pour eux, au point qu’à chaque fois que l’un 
des individus d’une bande la saisit pour l'emporter 
avec lui, il la laisse presque aussitôt retomber : 
alors plusieurs de ses compagnons accourent, la 
saisissent tour à tour et essayent aussi de l’enlever 
du sol; mais à force de la becqueter, ils finissent 
par la déchirer sur place, et à mesure que chaque 
sujet s’en approprie quelques lambeaux, il se retire 
pour les dévorer à l'écart. Ces familles de Charbon- 
nières ne font que passer rapidement dans la plupart 
des lieux qu’elles visitent, etn’yséjournent pas plus de 
quelques minutes. Pourtant, sielles trouvent dans un 
endroiten abondancelesinsectesoulesgrains qu’elles 
préfèrent à tout autre aliment, elles y reviennent les 
jours suivants et presque toujours aux mêmes heures. 


44 ORNITHOLOGIE 

Cette Mésange vit en famille jusque vers la mi- 
juin; à cette époque, les chefs se retirent par paire, 
et entreprennent souvent une nouvelle couvée : 
celle-ci se compose de sept à onze œufs. Les jeunes 
alors forment de petites bandes qui viennent de 
temps en temps se montrer dans les parcs, les ver- 
gers et les jardins. 

Sur la fin de l’été, la Grosse Charbonnière s’éta- 
blit dans les chènevières et les taillis qui s’en trou- 
vent très-rapprochés. Si elle y est seule ou deux à 
deux, elle se joint souvent aux bandes des autres Mé- 
sanges qui hantent les mêines localités, et, comme 
elles, elle y recherche avec avidité les graines 
de chanvre, de soleil, etc. C’est là que les campa- 
gnards lui tendent le plus de piéges; ils couvrent 
ordinairement de lacets les tas de ces plantes, et 
prennent certainement plus de Mésanges qu’il ne 
leur en faut pour les dédommager des grains qu’elles 
consomment. Ces oiseaux ne peuvent pas causer de 
grandes pertes à l’agriculteur puisque aussitôt qu'ils 
se saisissent d’une graine de chanvre, de soleil ou 
de toute autre plante oléagineuse , ils l’emportent 
avec eux sur l’arbre ou le buisson le plus près, l’as- 
sujettissent entre leurs doigts, la percent à coups 
de bec et en mangent l’intérieur. Ils reviennent 
ensuite enlever une autre graine qu’ils reportent 
encore sur la même branche, et ainsi de suite jus- 
qu’à six, sept ou huit reprises. 


D'EMMEAM SAN OE, 4 
Aussitôt qu’en automne cette Mésange commence 
à se ressentir du manque de graines et d’insectes, 
elle se livre par petites sociétés, quelquefois par 
couple ou bien associée avec d’autres Mésanges, à 
des excursions dans son pays ou dans d’autres cli- 
mats. Quelques bandes nous arrivent des contrées 
septentrionales de la Suisse dès les premiers frimas, 
et se mettent aussi à parcourir tous les lieux en état 
de leur fournir des aliments; elles s'élèvent jusque 
dans les régions alpestres où, pour vivre, elles re- 
courent aux faines, aux noisettes et aux semences 
des sapins. Pour en retirer le fruit, elles les percent 
en les frappant de la pointe du bec à coups redou- 
blés, tandis qu’elles les tiennent avec leurs serres, 
appliquées contre terre ou contre une branche. 
Aux premières neiges qui envahissent le pays, la 
Charbonnière se fixe dans les bois, dans les lieux 
remplis de buissons et les haies qui avoisinent des 
habitations. Elle entre même quelquefois dans 
les greniers qu’elle trouve ouverts, et s’y alimente 
souventen compagnie des Moineaux, des Pinsons el 
des Bruants. Dans les bois , les vergers ou les jar- 
dins, elle se nourrit alors avec des bourgeons d’ar- 
bres, notamment de cerisiers et de pommiers, avec 
des baïes ou de petits fruits secs, avec des larves et 
des insectes qu’elle trouve engourdis, soit en fouil- 
lant dans la mousse qui recouvre les vieux arbres 
ou d'anciens murs, soit sous l'écorce qui se détache 


E 


46 ORNITHOLOGIE 

du tronc ; enfin elle vit de chenilles qu’elle attaque 
jusque dans leurs soies, et d'œufs d'araignées et de 
papillons. Quand elle a l’occasion de se procurer 
abondamment ces diverses sortes d'aliments, elle 
en amasse une bonne partie qu’elle tient cachée 


dans l’arbre creux qui lui sert de refuge la nuit et 


pendant les intempéries de la journée. Alors elle 
cesse d’être vagabonde; elle a, du reste, de quoi 
s’aider à passer les plus tristes moments de l'hiver, 
plus agréablement que ses congénères qui n’ont 
pas eu la même précaution. 

La Grosse Charbonnière est d’un naturel méchant 
et très-querelleur. Mise en volière, elle devient 
dangereuse pour les autres petits oiseaux que l’on 
y tient emprisonnés avec elle ; elle les fait dépérir 
de jour en jour en leur rongeant les chairs à la 
longue ; quelquefois, elle ne leur laisse guère que le 
squelette sur quelques parties du corps. Son cri 
d'appel, de crainte et même de détresse peut s’ex- 
primer par les mots : tienk, tienk, tienk, répétés par 
deux, trois ou quatre fois consécutives, comme celui 
du Pinson : mais ce cri est souvent accompagné 
d’une espèce de grincement assez prolongé et quel- 
quefois cadencé. Beaucoup de personnes prétendent 
que par ce dernier elle présage aussi la pluie ou la 
neige. Sa chair est un bon manger. Les gourmands 
la pilent et en font un potage avec des tranches de 
pain grillées, coupées fort minces, 


ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE. 


Passereaux. 


Parusidees. 


TA: 29. | 


Läth Je Perrin Libr. Edit Chambery. JWerner del.Ë Lifh | 
1 Mésange Grosse Charhonnière 274% 2e; 39rnaË; P5%e | 
9 Mes ange Petite Charbonniere .n4 Le à dalle: 739 nat, P 47. 
0-5 Cufs de Mésange 6 (harlT-prnat V8 abs deMésange? (hard, 97 rat. | 
9 Mésange Bleue, 2dae, gr.nat,; P.53—10-2 Zu de l'espéce; gr.nat | 
(3 Mésange Huppé e, ze adulte: 16 grnat;P 60— 14-16 Baubs de lespéce: gr. rat 


DEL LA SAVOIE. 1° 


| 
| 
423.— Mésange Petite Charbonnière /Purus Aler). 
Noms vulsaires : Lardine de Montagne, Lardine des Sapins. | 


La Petite Charbonniere (Buff.).—La Mésange Petite Charbonnière (Parus 
Ater), Cuv., Vieill,, Temm.—Cincia Romagnola (Savi). 


Cette seconde espèce de Mésange est ici la plus | 
petite de toutes; sa taille est de 11 centimètres. | 

Le mâle adulte est d’un noir lustré sur le haut de la 
tête etsur les côtés de la nuque ; d’un noir mat, mais 
profond, sur la gorge et le devant du cou. Le milieu 
de la nuque est envahi par une large tache blanche 
longitudinale ; une autre plus grande et de même 
couleur part du bec, couvre les joues et s'étend sur 
chaque côté du cou ; deux bandes également blan- 
ches traversent les ailes. Un cendré bleuâtre règne 
sur le manteau, avec quelques légères nuances de 
couleur olivâtre, que l’on remarque principalement 
sur le croupion. Le dessous du corps est d’un blanc 
sale; les flancs et les parties postérieures, d’un gris 
inclinant un peu au roussâtre. Les pennes alaires 
et caudales sont noirâtres, et lisérées de cendré 
olivâtre. Le bec est noir, ainsi que l’iris. Les pieds 
couleur de plomb. 

Chez les vieux mâles, le noir du devant du cou 
se prolonge jusque sur les côtés de la poitrine, et 
le blanc de la nuque, des joues, des parties latérales 
du cou est plus pur que chez les adultes. 

Pendant l'été, ils perdent généralement tous, en 
tout ou en partie, par l'effet de la mue ruptile, les 


48 ORNITHOLOGIE 

nuances olivàtres et roussâtres que portent à leur 
extrémité les plumes du croupion, des flancs et des 
parties anales ; la bordure des ailes et de la queue 
devient même cendrée , en perdant aussi sa teinte 
olivâtre. 

Sur la fin de l'été, on trouve quelques sujets, 
apparemment vieux, qui n’ont presque plus de 
blanc sur le milieu de la nuque, dont l'extrémité 
des plumes, ainsi que de celles de la tête, est alors 
très-usée ; cette couleur s’efface aussi par la mue 
ruptile, c'est-à-dire par le frottement et l’action du 
jour et de l’air qui liment plus particulièrement en 
été que dans toute autre saison le bout des plumes. 

La femelle diffère fort peu du mâle; elle a seule- 
ment moins de blanc sur les côtés du cou, et le 
noir de la gorge un peu moins étendu. 

Les jeunes, en sortant du nid, ont la tache blanche 
de la nuque, et celle des joues et des côtés du cou 
faiblement teintées de jaunâtre. Ils sont d’un gris 
noir sur la tête et à la gorge, avec le fin bout des 
plumes d’une nuance plus claire et tournant presque 
au jaunâtre. Le dessus du corps est gris jaunâtre, 
au lieu d’être blanc ou blanchâtre, comme chez les 
adultes. Mais, après la mue, c’est-à-dire dès la fin 
d'août ou les premiers jours de septembre, ils res- 
semblent à ces derniers, tels qu’ils sont décrits en 
tête de l’article. 


Cette espèce produit quelques variétés blanchà- 


DE LA SAVOIE. 49 
tres ou tapirées de blanc sur le noir et le cendré de 
la livrée ordinaire : mais elles sont très-rares dans 
nos contrées. 

La Petite Charbonnière se trouve, selon les épo- 
ques de l’an, dans la plus grande partie de l'Europe. 
On la remarque même au Japon. C'est le Nord 
qu’elle habite de préférence pendant la saison des 
beaux jours; puis elle se répand dans les contrées 
tempérées et méridionales à l’entrée de l'hiver. 
Elle est néanmoins commune et sédentaire en Suisse 
et en Savoie. En été, on l’y observe principalement 
dans les forêts de mélèzes, de pins et sapins des 
montagnes ; elle en descend, à part un très-pelit 
nombre d'individus qui y bravent les rigueurs de 
l'hiver, dès les premières gelées blanches, soit 
pour émigrer vers le Midi soit pour venir s'établir 
dans les bois d'arbres verts surtout des collines, 
du pied des montagnes et des coleaux qui domi- 
nent la plaine. 

C’est ordinairement sur la fin d'octobre ou durant 
les premiers jours de novembre, et notamment le 
matin, que cette petite Mésange, en quittant son 
séjour d'été, s’abat par familles ou par bandes de 
cinq, six, huit à douze individus, assez fréquemment 
associés avec des Routelels, dans des régions infé- 
rieures. Chaque compagnie a d'habitude un chef 
chargé d’avertir, par de petits cris aigus , ses com- 
gnons des dangers qu’ils courent, de pousser le 


Te QUIL, 4 


+ 


——- 


I 


50 ORNITHOLOGIE 

premier le cri de ralliement, le cri du départ, et 
d'indiquer chaque lieu de station. Une bande vient 
à peine de s’abattre dans un bois ou un verger que 
l’on voit aussitôt tous les sujets qui la composent 
s’empresser de chercher leur subsistance. Alors ils 
s’accrochent par les pieds au bout des branches ou 
des rameaux, s’y tenant dans plusieurs positions, 


tandis qu'ils se nourrissent de semences ; ils s’ap- 


pliquent contre l’écorce pour en détacher les pu- 
naises, les petits insectes et les œufs des papil- 
lons; ils fouillent et éparpillent enfin la mousse ou 
les lichens qui recouvrent de vieilles souches, afin 
de s'approprier les larves qu’ils leur cachent. Ils ne 
font qu’un séjour de quelques minutes dans chaque 
lieu qu’ils visitent, quand ils se trouvent réunis plu- 
sieurs ensemble ; pour qu’ils y restent plus long- 
temps, il faut que la nuit ou d’épais brouiilards, ou 
bien encore un orage, une pluie violente et subite, 
les y retiennent. 

C’est aussi à la même époque que nous arrivent 
des forêts du nord de l’Europe plusieurs bandes 
de cette Mésange, mêlées parfois avec celles du 
Roitelet Triple-Bandeau, dont-lles ont presque le 
petit cri d'appel. Ces troupes quise dirigent, comme 
quelques-unes de nos climats, généralément vers 
le Midi ou les pays les plus tempérés de l’Europe, 
se jettent, en traversant nos contrées, dans Îles 
bois qu’elles rencontrent, s’y alimentent et se 


A 


DE LA SAVOIE. Di 
reposent quelques instants avant de reprendre leur 
vol. Quoique le passage de cette Mésange ait ici 
lieu tous les ans à la même période, je dois cepen- 
dant faire remarquer qu’il se trouve de certaines 
années bien plus abondant que d’autres, et qu’alors 
il se prolonge souvent jusque vers la fin de novem- 
bre. Les années de 1842, 1845 et 18/47 nous don- 
nèrent en Savoie des preuves irréfragables de ces 
migrations nombreuses, sans doute occasionnées 
par des froids ou des neiges précoces dans les ré- 
gions de l’Europe où l’espèce est la plus commune. 

Aux premières neiges, la Petite Charbonnière 
met fin à ses excursions dans nos contrées. Elle se 
réfugie alors à l’intérieur des bois verts de la plaine 
et des collines, où elle vit tantôt solitaire ou par 
couple, tantôt en petites sociétés, et assez souvent 
avec des bandes de Rortelets ou de ses congénères : 
les semences et les bourgeons d'arbres y forment 
la base de ses aliments. Elle sort de temps à autre 
des bois , et vient se montrer dans les vergers , les 
jardins et les haies, où les menus fruits secs et les 
nouvelles pousses d'arbres fruitiers servent le plus à 
sa nourriture. 

Cette Mésange regagne les forêts des montagnes 
à la fin de février ou seulement en mars, selon 
qu'elles se trouvent encore plus ou moins chargées 
de neige. Quelques paires s'arrêtent néanmoins 
dans les bois des collines ou du milieu des monta- 


22 O'RNTTE-O L'OIGTE 


œnes , et s’V propagent quelques jours avant celles 
qui s'élèvent pour le même acte dans les régions 
alpines, Au nord de notre pays, ainsi qu’en Mau- 
rienne et Tarentaise, on en voit beaucoup qui se 
reproduisent auprès des habitations et jusqu’à l’in- 
térieur des villages, dans des vergers parsemés 
d'arbres creux et vermoulus. Au contraire, l’on 
n’en observe presque pas en été aux environs de 
Chambéry, où, pour rencontrer facilement cette 
espèce, on est forcé alors de gravir les montagnes 
jusqu’aux régions des sapins. 

Elle entre en amour au commencement d'avril ; 
elle ne travaille pourtant guère son nid qu’à la fin du 
mois sur les coteaux ou les collines, et vers la mi-mai 
dans les montagnes. Comme la précédente, elle 
s'empare pour couver d'une cavité d’arbre qui à 
souvent servi de retraite, pendant l'hiver, à quelque 
petit mammifère rongeur. La femelle y fait sa ponte 
sur un amas de quelques brins de paille, de mousse 
sèche, de plumes, de laine, de poils et de duvet 
cotonneux de fleurs; elle se compose de six à neuf 
œufs, tantôt arrondis tantôt ovales, blancs, et cou- 
verts de petits points d’un rouge fauve et plus 
nombreux autour de la grosse extrémité. Ces œufs 
ressemblent parfois, jusqu’à s’y méprendre, à ceux 
dela Mésange à Longue Queue; maisilest rare qu'ils 
ne soient pas plus tachetés qu’eux de rouge, et d'un 
rouge plus vif. En moyenne, ils ont 43-1/ mill. de 


DE LA SAVOIE. 53 
long, sur 10 ou 10 mill. : de diamètre. Tandis que la 
femelle les couve, le mâle lui apporte sa nourriture; 
dans ses moments de loisir, il se tient près d’elle à 
la cime d’un arbre, d'habitude à l’extrémité d’une 
branche sèche ou bien à l'épanouissement d’une 
jeune pousse de pin ou de sapin. Il ne cesse alors 
de chanter. Son ramage, qu’on entend aussi dans 
les beaux jours de l” utomne et de temps en temps 
pendant l'hiver, est plus éclatant, plus agréable- 
ment varié que le chant de la Grosse Charbonnière; 
il est composé de qualre cris très-différents, que le 
mâle se plaît à redire plusieurs fois de suite d’une 
voix vive et réjouissante ; quelquefois il s'applique 
à les répéter tour à tour pendant près d’une heure, 
en exprimant à chaque reprise les mots suivants : 


v di v di v di vdi vdi. pithy pithy pithy pithy pithy pi thy. 


Les petits éclosent au bout de quinze jours de 
couvaison ; le lendemain de leur naissance, ils sont 
déjà revêtus d’un poil follet noirâtre, rare et long, 
qui tombe à l'apparition des premières plumes. Le 
père et la mère les nourrissent avec des mouches, 
des moucherons, des vers, de petits insectes exces- 


54 ORNITHOLOGIE: 


sivement mous et avec des chenilles, qu’ils se procu- 
rent en furetant partout à la manière des Roitelets. 
Aussitôt qu’ils peuvent voler assez pour les suivre au 
travers des bois, ils les font sortir du nid et leur en- 
seignent l’art de grimper à l’aide de petits vols 
brusques le long des troncs ou des branches, de s’y 
accrocher et se suspendre par les pieds pour y sai- 
sir des aliments : pour cela, ils se livrent devant 
eux et avec eux avec une agilité admirable à ces 
divers genres d'exercice. On les remarque encore 
ensemble en automne, ou plutôt jusqu’à l’époque à 
laquelle ces oiseaux se livrent à leurs voyages pé- 
riodiques, les uns par familles, les autres par 
bandes plus ou moins nombreuses. 

La Petite Charbonnière est d’un naturel vif et 
pétulant ; il est réellement difficile de larencontrer 
un instant tranquille ; elle se remue encore de droite 
à gauche en chantant. Mais elle est très-peu mé- 
fiante ; aussi, tombe-t-elle facilement en un moment 
deux ou trois fois de suite dans le même piége d’où 
elle se sera déjà dépêtrée une ou deux fois. J’ai vu 
en 1845, à l’époque de ses excursions d'automne, 
toute une bande de sept individus se laisser prendre, 
en moins de cinq minutes, dans des lacets tendus 
sur de petites meules de chanvre. 

La chair de cette Mésange est un bon manger ; 
elle sent quelquefois, en hiver surtout, le pin ou le 
sapin : cette odeur vient des jeunes pousses de ces 


DE LA SAVOIE. 53. 


arbres, que ce volatile consomme alors dans les 
lieux où il a fixé sa résidence. 


428.- Mésange Bleue (Porus Cœruleus). 
Noms vulgaires : Meunière ; en patois : Mognière, Meignéret. 


La Mésange Bleue (Buf.).—Mésange Bleue (Parus Cœruleus), Cuv., Vieill., 
Temm.—Cinciarella (Sayi). 


Cette jolie Mésange doit sa dénomination de 
Meunière au bleu ou au bleuâtre de sa livrée, 
couleurs généralement adoptées par les meuniers 
de la Savoie dans leur parure, ainsi qu’à son habi- 
tude de se tenir fréquemment dans le voisinage des 
moulins, sur les arbres qui bordent l’eau qui les 
fait moudre. 

Le mâle adulte a 12 cent. 2-3 mill. de taille. I] 
a le sommet de la tête d’un bleu azuré et bordé de 
blanc sur l’occiput; le front, les joues et les tempes, 
d'un blanc lustré : celles-ci surmontées d’une ligne 
noire qui part du bec à la hauteur des yeux. Une 
espèce de collier de bleu foncé enveloppe la nuque 
et vient se réunir au noir de la gorge et du cou. Un 
vert-olive couvre le dessus du corps; les pennes 
alaires, en partie bleuâtres, sont traversées par une 
raie blanche. La queue est légèrement fourchue et 
teinte du même bleuâtre que les ailes. Les parties 
inférieures du corps sont envahies par un jaune- 
citron, qui s’éclaircit sur le ventre et la région 
anale ; néanmoins le centre de ces parties se trouve 


56 ORNITHOLOGIE 

occupé par une ligne longitudinale, d’un noir 
presque nuancé de bleu. Le bec est brun noirâtre, 
mais presque blanchâtre sur les bords extérieurs 
des mandibules; l’iris des yeux noir; les tarses 
sont couleur de plomb. 

La femelle a 12 cent. de longueur. Ses teintes 
sont partout moins vives que dans le mdle; le bleu 
est, chez elle, lavé de cendré et la ligne longitudi- 
nale du milieu du ventre, moins marquée. 

Les jeunes, avant la mue, ont le blanc de leur 
livrée remplacé par du jaunâtre, le bleu par du 
cendré bleuâtre, le vert-olive ainsi que le jaune 
par des nuances plus ternes. Après la mue, ils res- 
semblent aux adultes. 

La Mésange Bleue fréquente toute l’Europe. 
Sédentaire en Savoie comme les deux premières 
espèces, mais un peu moins nombreuse, elle ne s’é- 
carte guère des bois, surtout de ceux de hêtres et de 
chênes. On la remarque en outre dans la plupart 
‘des lieux couverts de taillis et qu’avoisine l'eau, 
dans les parcs et les vergers, enfin sur les grands 
arbres qui entourent les maisons de campagne, et 
notamment les usines et les moulins. Quoique natu- 
rellement portée à vivre en famille ou en petites 
troupes après la saison des nichées, comme ses 
congénères, elle se plaît pourtant à rester souvent 
seule ou deux à la fois, ordinairement mâle et 

femelle, dans le canton qu’elle s’est choisi, Elle y 


DE LA SAVOIE. 57 
recoit toujours de bonne grâce la Mésange Grosse 
Charbonnière qui vient la visiter quelquefois; elle 
l'accompagne partout, en cherchant comme elle sa 
subsistance. Vient-elle, en s’éloignant à quelque 
distance de son district, à se trouver avec plu- 
sieurs de ses semblables dans un bois, elle fait 
bande avec elles pour quelques moments, jusqu’à 
ce qu’elles regagnent aussi comme elle, une à 
une ou par couple, leur séjour de prédilection. 
En sortant des bois ou des taillis qu’elle hante par 
habitude chaque jour pour vivre, afin de faire 
quelque excursion dans leur voisinage, elle s’abat 
dans presque toutes les jonchaiïes et les lieux garnis 
de roseaux qu’elle découvre, soit sur les bords des 
lacs et des étangs soit le long des rivières et à l’in- 
térieur des marais boisés. Elle y est à peine posée 
qu'on la voit, souvent en compagnie des Rousserolles 
et du Bruant des Roseaux, gravir en sautillant et 
remuant les ailes, les cannes des joncs et des ro- 
seaux; par moments, elle reste cramponnée à 
l’une de ces plantes, tandis qu’elle en perce la canne 
à coups de bec précipités pour s'approprier une 
larve ou bien un ver qui la ronge intérieurement. 
Elle visite encore les champs ensemencés de maïs, 
et s’accroche pareïllement contre chaque tige qui 
lui paraît être la proie des vers qu’elle déloge aussi 
en un instant pour s’en repaître. 

C’est spécialement en automne et en hiver que la 


08 ORNITHOLOGIE 


Mésange Bleue se tient dans les bois de hêtres, dont 
les semences (faines) servent alors à la nourrir ; 
elle mange aussi, mais particulièrement dans les 
temps de disette, le gland et plusieurs petites baies 
sauvages, celles surtout de l’églantier et du gui. 
On la voit de temps en temps paraître dans les 
vergers et les jardins, ainsi que dans les haies qui 
les bordent, où elle s'attache principalement aux 
arbres fruitiers. Elle y cherche d’abord, en prenant 
comme ses congénères toutes sortes de positions le 
long des troncs ou des branches qu'elle escalade 
ensuite adroitement, les larves, les insectes et les 
chenilles engourdis par le froid ; mais aussitôt que 
ces aliments lui manquent, elle devient nuisible aux 
propriétaires, car elle s’acharne alors à ébourgeon- 
ner les arbres fruitiers. Si on ne la laisse pas tran- 
quille dans cette opération, elle s'envole à chaque 
bourgeon qu’elle arrache, et les emporte souvent 
dans un creux d'arbre, où elle les entasse pour les 
manger ensuite avec plus de sûreté. 

Lorsque, vers le milieu de l'automne, les autres 
Mésanges se livrent à des voyages périodiques, 
celle-ci garde son canton; mais veut-elle aussi 
voyager, elle s'associe pour cela tantôt avec quel- 
ques-unes de ses semblables, tantôt avec la Grosse 
Charbonnière ou la Nonnette; elle vient facilement 
à la voix de cette dernière, et si elle court quelque 
danger, elle veut le partager : mais souvent elle est 


DE LA SAVOIE. 59 
victime de sa témérité : la Mésange Bleue est 


effectivement facile à se laisser prendre dans les 
piéges. Pour en capturer beaucoup, il suffit d’en 
placer une dans un trébuchet ou une cage à bait- 
tant, ou bien d’en tenir une pour appeau dans une 
cage au milieu d’un buisson, que l’on couvrira de 
gluaux. Lorsqu’après l’avoir prise on la tient dans 
la main, elle pince souvent, avec les serres ou le 
bec, les doigts jusqu’au sang. Elle devient funeste 
en volière aux autres volatiles plus faibles qu’elle; 
elle les tue à coups de bec, ou leur ronge la tête peu 
à peu, ce qui les entraîne toujours à leur perte. 

Cette Mésange a divers cris, soit pour se rallier 
quand sa troupe est répandue en quelque lieu ou 
pour s’avertir réciproquement du moindre danger 
que l’une de la bande court, soit pour exprimer 
ses craintes, soit enfin pour chanter l'amour. Ce 
dernier, qui est particulier au mâle dès le mois de 
février, est une espèce de bruissement simple, un 
peu cadencé et composé de plusieurs notes aiguës 
qui semblent prononcer les syllabes : feri, ri, ri, ri 
la cime des arbres, tout en voletant ou sautillant de 
branche en branche, et lorsqu'il passe d’un arbre 
à l’autre. Le mâle et la femelle, qui se recherchent 
à la fin de l'hiver, se mettent en devoir de con- 
struire leur nid vers le 25 mars, quelquefois seule- 
ment, vers le 8 ou le 12 avril, surtout après un 


60 ORNITHOLOGIE 

hiver très-long et lrès-rigoureux. Ils le travaillent 
de concert dans un petit trou d’arbre. Ce sont les 
feuilles sèches, les plumes, les poils, la bourre et 
d’autres matières molles qui entrent dans sa com- 
position. La ponte est de neuf à quatorze œufs 
blancs ou d’un blanc presque couleur de chair, avec 
des taches et des points irréguliers, rougeâtres ou 
d’un brun rouge, toujours plus nombreux autour 
du gros bout, où quelquefois ils se confondent 
ensemble. Ils ont 14-15 mill. de long, sur 12 ou 
12 mill. : de large. Comme la Grosse Charbonnière, 
la femelle souffle horriblement quand on vient 
l’incommoder dans son nid pendant l’incubation. 
Les petits éclosent après quinze jours de couvaison; 
ils sont nourris et élevés avec les mêmes soins que 
ceux de cette dernière espèce. 


L129.— Mésange Huppée /Parus Cristatus]. 
Noms vulgaires : Lardine à Capuchon, Mésange Capucine, Capucelte. 


La Mésange Huppée (Buff.).—Mésange Huppée (Purus Cristatus), Cuv., 
Vieill., Temm. 


On recherche presque partout cette Mésange 
comme curiosité, à cause de la huppe qui lui pare 
la tête en forme de capuchon. 

Sa taille est de 12 cent. 4 millim. 

Le mâle adulte et vieux est notable par sa grande 
et belle huppe composée de plumes acuminées, 
noires et bordées de blanchâtre : ce sont les plumes 
du front qui en forment la base; celles de l’occiput, 


DE LA SAVOIE. EL 


qui sont les plus longues et un peu arquées en de- 
vant, la terminent; elles sont toutes étagées, et les 
plus élevées ont jusqu'à 22 ou 25 mill., suivant 
l’âge des sujets. Il a les autres parties du dessus du 
corps, d’un brun roussâtre, à l’exceptoin des pennes 
alaires et caudales, qui sont brunes et un peu bor- 
dées de roussâtre. Une plaque noire occupe la 
sorge et le devant du cou, et se réunit, sur le haut 
de la poitrine, à un collier de même couleur, qui 
remonte vers l’occiput. Une ligne demi-circulaire et 
noire traverse les tempes. Les joues sont d’un blan- 
châtre strié, comme les plumes du front, de noi- 
râtre, ce qui les fait paraître comme variées de 
taches blanches et noires en forme d’écailles; les 
côtés du cou, le bas de la poitrine et le ventre, d’un 
blanc lavé de roussâtre clair ; enfin les flancs sont 
roussâtres. Le bec est presque noir; l'iris des yeux 
d’un brun rouge ; les tarses sont couleur de plomb. 

La femelle ressemble au mâle dans tous les âges 
par la disposition et le mélange des couleurs; mais 
sa huppe est constamment moins longue, et le noir 
de sa gorge moins étendu. 

Les jeunes ont la huppe, au sortir du nid; ils la 
dressent déjà à volonté, quoiqu’elle soit à peine de 
13 ou 14 mill de longueur. Après la mue, les 
jeunes mûles ne diffèrent point, jusqu’au printemps, 
de la femelle adulte que je viens de décrire. Avant 
cette crise, ils ont bien déjà les couleurs distribuées 


6? ORNITHOLOGIE 
de la même manière que dans les vieux, mais leurs 
teintes sont moins pures. 

La Mésange Huppée habite spécialement les 
forêts de pins et de sapins du nord et du centre de 
l’Europe. Elle est rare dans les contrées méridio- 
nales; c’est du reste accidentellement, et pendant 
l'hiver, qu’elle s’y montre. Nous l'avons assez 
commune en Savoie dans la plupart des bois ou des 
forêts de sapins de nos montagnes; on l’y remarque 
pendant tout le cours de la belle saison et même 
en hiver, mais alors en plus petit nombre que 
durant l’été, car plusieurs sujets viennent aux pre- 
mières neiges s'établir dans nos bois inférieurs, 
comme je me réserve de l’expliquer encore. Sa 
nourriture se compose de semences et de jeunes 
pousses d'arbres verts, puis de temps en temps de 
baies de genièvre, dont sa chair contracte alors le 
goût. Elle ne dédaigne pourtant jamais les chenilles, 
ni les larves d'insectes, ni les mouches, ni les gros 
moucherons et les papillons de nuit; elle les attrape 
quelquefois au vol, mais le plus souvent en parcou- 
rant les branches des arbres ou des buissons l’une 
après l’autre. Quant aux chenilles et aux œufs d’in- 
sectes et de papillons, elle se les procure en $’accro- 
chant et se suspendant, comme les autres Mésanges, 
au bout des rameaux les plus subtils, ou bien en 
furetant partout. 

C’est aux premiers frimas d'octobre et en même 


BD'ENEANSANOTE. 63 


temps que les Petites Charbonnières se préparent à 
voyager, que quelques Mésanges Huppées quittent 
en Savoie leur séjour d'été et se rapprochent des 
pays de plaine boisés. On en observe alors tous les 
ans aux environs de Chambéry, et notamment dans 
les bois de sapins de Montagnole, de Bissy, de 
Candie et de Saint-Sulpice. Elles y arrivent ordi- 
nairement seules ou l’uñe après l’autre, quelquefois 
par paires, ou à là suite d’une bande de Petites 
Charbonnières. Tant qu'elles n’ont point encore 
adopté de canton pour l'hiver, elles errent de bois 
en bois tantôt seules, tantôt appariées ; par mo- 
ments, elles s'arrêtent aussi dans les jardins et les 
vergers qu'elles découvrent sur leur passage; elles 
s’y montrent très-familières et se laissent approcher 
de très-près, pendant qu'elles cherchent leur vie 
sur les arbres. Pourtant, elles donnent difficile- 
ment dans les piéges qu’on leur tend, même dans 
ceux où s’empêtrent si aisément les autres Mé- 
sanges ; il faut que les semences ou les noyaux 
qu'on a l’habitude d’y mettre pour appât ne soient 
point de leur goût, 

Cette Mésange s'éloigne des bois de la plaine 
et des coteaux vers la fin de février ou les premiers 
jours de mars. Dés lors, on la rencontre plus par- 
ticulièrement dans les bois verts des collines ou qui 
garnissent le pied et le milieu des montagnes. Quel- 
ques paires s’y reproduisent; mais le plus grand 


64 ORNITHOLOGIE 


à] 


nombre gagne à cette intention des régions plus 
élevées. Les premières nichent déjà à la fin d'avril ; 
les dernières, c’est-à-dire les paires qui préfèrent 
aux bois des collines ceux des montagnes, ne cou- 
vent guère qu’à la mi-mai; elles ne font toutes qu’une 
seule couvée par an,à moins qu’elle neleur soitravie. 
Le mâle et la femelle de concert travaillent le nid ; ils 
garnissent alors le fond d’une petite cavité d'arbre, 
surtout d’un sapin, avec de la mousse, des lichens, 
des plumes, des poils et des aigrettes de chardons. 
La femelle vient ensuite y déposer sept à neuf œufs 
blancs, marquetés, spécialement vers le gros bout, 
de petites taches, néanmoins assez larges, compa- 
rativement à la grosseur de l’œuf, et d’un rouge de 
sang. Ces œufs ressemblent quelquefois tellement 
à ceux de la Mésange Bleue et de la Mésange Al- 
pestre qu'il est très-difficile de les distinguer lors- 
qu'une fois ils sont mêlés ; il n’est pas très-rare d’en 
trouver dans une couvée un ou deux sans taches, 

ou si faiblement tachetés qu’ils paraissent comme 
salis par des causes étrangères. Pour longueur, ils 
ont À cent. 43 ou 5 mill., sur 11 ou 11 mill. + de 
diamètre. De ce qu'ils se propagent d'habitude 

dans les forêts de pins et de sapins, où l’on ren- 

contre à chaque instant d'immenses fourmilières, il 

arrive quelquefois que toute la couvée devient la 

proie des fourmis, surtout quand elle se trouve à 

peu de distance du sol dans une vieille souche. Ces 


DE LA SAVOIE. (65) 
insectes rongent alors si bien les chairs des jeunes 
qu'ils n’en laissent guère que le squelette des parties 

les plus dures. J’ai remarqué déjà trois nids de 
_ cette Mésange, dont les petits avaient servi de pà- 
ture aux fourmis. 

Le mâle ne participe point aux peines de l’incu- 
bation, mais il prend soin de nourrir sa compagne 
pendant qu’elle s’y adonne. Les petits qui éclosent 
du quinzième au seizième jour de couvaison , sont 
alimentés dans le nid par le père et la mère avec 
le même genre de nourriture que ceux de la Petite 
Charbonnière, n° 127. Ils vivent en famille dans la 
plus parfaite intelligence jusqu'à la fin de l'été, 
sans s’écarter de la forêt dans laquelle ils furent 
élevés. On les observe presque tout le jour avec leurs 
auteurs occupés à chercher dans les arbres et les 
taillis de leur canton, les semences, les chenilles 
sans poils, les chrysalides, les larves et les insectes 
pour s’en nourrir. On les découvre bien de temps à 
autre en compagnie de la Mésange Alpestre, de 
la Pehite Charbonnière et des Roitelets, mais ils ne 
les fréquentent pas d'habitude longtemps; car, en 
moins de quelques minutes, on les voit se retirer 
seuls et tous de la même bande vers d’autres quar- 
tiers du district. Le père et la mère, qui sont les 
guides, veillent constamment sur chaque petit ; ils 
les avertissent du moindre danger qu’ils courent, et 
les perdent-ils un instant de vue, ils ne cessent de 


DT (3) 


66 ORNITHOLOGIE 

les rappeler par leur cri ordinaire : titrre, lrrre- 
trre , articulé plusieurs fois de suite et avec tant 
de rapidité dans le danger que , quoique proféré à 
sept ou huit reprises successives, on croit réelle- 
ment n’avoir entendu qu’un seul cri très-prolongé : 
htrre-rrre-trrre-trre. Indépendamment de ce cri 
que l’on entend à chaque saison, le mâle, en été, 
possède une espèce de gazouillement court, mais au 
reste monotone. 

La Mésange Huppée se cache chaque soir pour 
passer la nuit, dans un trou d'arbre. Quand elle vit 
en famille, elle range ordinairement en ligne sur 
une branche abritée par des toufles de feuilles ou par 
les petits rameaux supérieurs tous ses petits, et ceux- 
ci dorment serrés les uns contre les autres. Le len- 
demain dès l’aurore, au premier signal, la famille 
se remet en mouvement et commence à parcourir 
comme la veille les bois de l'arrondissement. 


130. — Mésange Alpestre /Parus Alpestris). 


Bulletins de la Societe d'Histoire Naturelle de Savoie, janvier 1851 : Notice 
sur la Mesange Lugubre (Parus Lugubris); et janvier 1852 : Description d’une 
nouvelle espèce de Mésange de la Savoie. 


Lorsqu’en avril 1848 , je rencontrai pour la pre- 
mière fois dans nos Alpes cette Mésange, je fus 
aussitôt frappé de son affinité avec la Mésange 
Lugubre (Parus Lugubris), que je savais étrangère 
| à notre climat. Longtemps embarrassé pour la dé- 
(1 nommer, je pris enfin, en 1854, le parti de la décrire 


ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE 


| Passere aux. Parusidees. 


TAILLES 


rs 


TT QT _— —— = 
— . 


Lith. J'Perrin Libr.ldit, Ch ambery. J.Werner del.&Lith. 


1 Mes ange Boréale, zeie adulte au pr'rlemps; 28 gr.nat;PA5ù da tome LV. 
Appendice. — 9-4 Œuls de l'espece; gr nat 

> Mésange Alpe stre, 24e 2@ulle au printemps; 2grnat;P.(6. 

6,7,8 ufr delespece; gr nat 

9 Mésange Nonnette,z24/e adulte, 3 or nat: VT6—1049 Zafs de l'espéce.grrat. 


D LEA TSAV-OLE. 67 
comme race locale de cette espèce ; c’est ce que je 
fis alors dans une notice qui fait partie des Bulletins 
de la Société d'histoire naturelle de Savoie, et que 
plus tard, en janvier 1852, je rectifiai, après de 
nouvelles recherches. Ce fut alors que, dans une se- 
conde notice, publiée aussi dans les Mémoires dela 
même Société, je décrivis cette Mésange comme nou- 
velle, sous le nom que je lui conserve aujourd’hui. 

La Mésange Alpestre a de la ressemblance avec 
la Mésange Nonnette, soit par le mélange soit par la 
disposition des couleurs deson plumage ; maiselleen 
diffère essentiellement par ses dimensions plus fortes, 

Sa taille est de 13 cent. depuis le bout du bec jus- 
qu’à l'extrémité des pennes de la queue ; elle est par 
conséquent d’un centimètre plus grande que celle 
de la Nonnette. Cette différence est principale- 
ment due à la longueur de la queue qui a chez 
elle, en moyenne et suivant l’âge des individus, 
59-61 mill., tandis que celle de la Nonnette n’en a 
que 51 ou 52. Ses ailes aussi sont plus longues ; 
elles ont 6 ou 6 mill. + de plus que dans cette espèce. 
Son bec est encore un peu plus grand, plus fort, 


1 On me fait part que quelques naturalistes français sont d’avis que 
cette Mésange doit se rapporter à la Mésange Boréale (Parus Borealis), 
espèce du Nord, décrite en 1843, par M. de Selys-Longchamps, dans 
une note insérée dans les Bullelins de l’Académie Royale des Sciences 
et Belles-Lettres de Bruxelles, tome X, page 24. Je regrette beaucoup 
de n’avoir pas à ma disposition quelques sujets de cette espèce pour les 
comparer avec celle de nos climats, et donner ensuite mon avis sur un 
point aussi essentiel. Je dois aussi faire remarquer qu’un auteur alle- 
mand n’est point de l’avis des premiers. 


65 ORNITHOLOGIE 
plus haut, plus large à sa base et moins comprimé 
vers sa pointe. 

Le mâle adulte porte comme la Nonnetle une 
large calotte noire qui lui couvre tout le dessus de 
la tête et se prolonge au delà de la nuque, sur la 
partie postérieure du cou : cette couleur acquiert 
en été, chez plusieurs, sur le sommet de la tête 
surtout, une nuance brune excessivement légère 
qu’on ne découvre du reste guère que par l’inci- 
dence de la lumière. Un blanc toujours plus pur 
que chez la Nonnette envahit le lorum, les joues, 
les tempes et descend de chaque côté du cou aussi 
bas que le noir de la tête. Le noir de la gorge 
occupe, dans tout âge, plus d'espace que dans cette 
dernière espèce et s'étend un peu sur les côtés du 
cou. Les autres parties inférieures sont d’un blanc 
oris, lavé de roussâtre, notamment sur les flancs et 
la région anale. Un cendré mêlé d’olivâtre vers l’ex- 
trémité des plumes règne sur les parties supérieures 
du corps : chez les vieux sujets, cette teinte olivâtre 
s'efface souvent au printemps ou en été par l'effet de 
la nue ruptile. Les pennes alaires et caudales sont 
d’un brun noirâtre, nuancées d’un peu de cendré dans 
un dge avancé, et frangées de cendré assez clair sur 
le bord externe de chaque penne; la plus latérale 
de chaque côté de la queue, qui est un peu plus 
courte que les autres, se trouve largement bordée 
de blanc extérieurement. Le bec est couleur de 


DEN DA SANVOLE,. 69 
corne foncée ; l'iris brun très-foncé ; les tarses d’un 
gris de plomb. 

La femelle ne diffère du mâle qu’en ce que le 
noir de la gorge est, chez elle, moins étendu et 
moins pur à la base du cou, où les plumes, en géné- 
ral, sont bordées de blanchâtre. 

Les jeunes, au sortir du nid, ont déjà les couleurs 
distribuées comme chez les adultes, mais le noir de 
la tête moins foncé. Celui de la gorge est marqué 
de blanchâtre vers le bout des plumes. Le bec porte 
un peu de jaune à la commissure. Les parties supé- 
rieures sont d’un cendré rembruni, avec la bordure 
des rémiges et des tectrices, ainsi que des pennes 
caudales, d’un cendré olivâtre, à l’exception de 
celle de la penne latérale de la queue, qui est 
blanche ou blanchâtre. Après avoir mué, c’est-à- 
dire dès le mois de septembre, ils conservent encore 
un peu de brun sur le cendré du dessus du corps, et 
un peu d’olivâtresur le liséré des ailes et de la queue ; 
l'extrémité de plusieurs plumes noires de la gorge 
et du devant du cou est encore finement bordée de 
blanc. Mais au printemps, après la mue ruptile, ils 
ressemblent aux adultes décrits en tête de l’article. 

Nous rencontrons dans les forêts épaisses de 
quelques régions moyennes de nos montagnes, une 
race d'individus à dimensions plus petites que ceux 
des types de l’espèce, mais dont le plumage est le 
même. Leur taille est, en moyenne, de 12 cent, 


70 ORNITHOLOGIE 


3-4 mill., par conséquent moins grande de 6-7 mill. 
que dans ces derniers. La queue d’où provient spé- 
cialement cette différence, a tantôt 52 tantôt 53 ou 
oh mill. Les ailes aussi se trouvent proportionné- 
ment moins grandes. Le bec est également plus 
petit et, j'ajouterai même, presque conforme à 
celui de la Mésange Nonnette. Leurs œufs sont con- 
stamment moins gros : je les décrirai avec ceux de 
l’espèce. J’ai remarqué cette race dans les bois des 
environs de Saint-Jean de Couz et dans ceux de la 
montagne de l’Épine, près de Chambéry, et tou- 
jours à des hauteurs moyennes où l’on ne trouve 
guère celle des régions supérieures que durant 
l'hiver, lorsque, chassée de son séjour habituel par 
les neiges qui l’envahissent, elle se rapproche des 
bois du centre ou du pied des montagnes. 

La Mésange Alpesire vit sédentaire en Savoie : 
elle y fréquente pendant toute la belle saison les 
forêts froides de pins, de sapins et de mélèzes, 
celles surtout qui se trouvent les plus reculées dans 
les montagnes. On la voit près de Chambéry, sur 
le mont Grenier, à l’Alpétaz, à Joigny et au Nivolet:; 
en Bauges : à Margériaz, à Rozannaz et à la base 
du mont Tréloz. On la retrouve aussi dans quelques 
régions élevées de la Tarentaise, surtout aux Allues 
et à Notre-Dame-du-Pré ; dans toute la Haute-Mau- 
rienne, notamment aux environs de Modäne, de 
Termignon et de Lans-le-Bourg ; enfin sur la pente 


DE LA SAVOIE. 71 


méridionale du Mont-Cenis, vers la Ferrière et 
le Mollaret, etc., etc. M. Caire l’a remarquée 
dans les Basses-Alpes, surtout aux environs de 
Barcelonnette où elle est sédentaire. Les Alpes 
Suisses la possèdent aussi pendant toute l’année. 
On voit, d’après l’énumération des localités que 
fréquente le plus habituellement en Savoie la Mé- 
sange Alpestre, qu’elle se tient éloignée des vergers 
et des lieux humides complantés d’aunes, de saules 
et de frênes, où se plaît particulièrement la Mé- 
sange Nonnelte. Ce n’est pas à dire pourtant qu’on 
ne l’y découvre quelquefois après les nichées, lors- | 
que, par exemple, forcée d'abandonner les mon- | 
tagnes, à cause des neiges qui viennent tout à coup 
les envahir, elle s’abat sur les collines boisées pour 
y vivre plus aisément. Mais son apparition dans 
les bois de la plaine est toujours très-rare en Sa- 
voie, surtout dans la province de Savoie propre. 
Elle a lemême genre de vie que la Mésange Petite 
Charbonnière, dont elle recherche du reste singu- 
liérement la société; elle a aussi son activité, sa 
mobilité extrême, mais jamais ses cris d’appel ni 
ses chants d'amour. Comme elle, elle quête sa vie 
en sautillant le long des branches ou en les escala- 
dant au moyen de petits battements d’ailes brusques; 
comme elle aussi, elle s'accroche, elle se balance à 
l’extrémité des rameaux ou des jeunes pousses de 
sapins, ou se cramponne fortement au tronc des 


EE D pp 


PE EE PT 
om 


72 ORNITHOLOGIE 

arbres, aux fissures de l'écorce, afin d’être mieux à 
l'aise pour s'approprier la proie qu'elle y ren- 
contre ; comme elle enfin, elle s’alimente avec des 
graines ou semences d'arbres verts, d’arbustes et 
de plantes alpines, avec des baies ou de petits 
fruits sauvages, avec des insectes, des mouches et 
de gros moucherons, avec des œufs de papillons et 
d'araignées, avec des fourmis, larves, chenilles et 
papillons, tels que phalènes et bombyx. 

Après les nichées, ou plutôt après l'éducation 
de sa progéniture, il est rare de la voir seule, Elle 
vit encore en famille jusqu’à l’approche de l'hiver, 
et forme de petites bandes qui parcourent sans 
relâche tout le jour les bois de pins, de sapins et 
de mélèzes ; c’est spécialement sur leurs lisières 
ou sur les arbres qui environnent des clairières 
qu’on les remarque. Mais aussitôt qu'elles les ont 
visité en tout sens, elles s’enfoncent pour quelques 
moments dans l'épaisseur de ces bois, où leur 
cri d'appel, très-différent de celui de toutes leurs 
congénères, les fait toutefois découvrir à chaque 
instant, Par ce cri, qui est grave, assez traîné et 
même un peu chevrotant, il semble que cette Mé- 
sange articule la syllabe cré, répétée trois ou quatre 
fois de suite, à égal intervalle et sur le même ton; 
mais une autre syllabe plus rapide le précède 
quelquefois. C’est alors qu’elle prononce : til-cré, 
cré, cré, cré, en faisant toujours longue la voyelle 6, 


DE LA SAVOIE. 73 

Il arrive souvent que ses pelites bandes gros- 
sissent extraordinairement d’un instant à l’autre, en 
se réunissant à d’autres familles de leur espèce ou 
de la Mésange Huppée et notamment de la Petite 
Charbonnière, ou bien encore à celles du Roitelet 
Huppé et du Grimpereau Costa. Tous ces volatiles, 
ainsi rassemblés, hantent en commun et dans le 
plus parfait accord, principalement les abords des 
bois de leur canton; ils se dispersent ensuite par 
familles ou par petites troupes, à mesure qu'ils 
rentrent dans le plus fourré de,ces bois. 

Cette Mésange reste attachée au district où elle 
s’est une fois reproduite. L'hiver ne parvient pas 
même à l'en chasser; aussi, sont-ce des jeunes sur- 
tout qui descendent chaque année de nos montagnes, 
pendant les rigueurs du froid, pour venir se fixer 
momentanément dans les bois verts des collines ou 
des coteaux qui dominent la plaine. Elle n’émigre 
jamais de la Savoie, comme la plupart de ses con- 
génères, à l’approche de la mauvaise saison, En 
hiver, elle préfère vivre par paire, mâle et femelle, 
ou par trois à cinq individus ensemble, plutôt que 
par bandes aussi nombreuses que durant l'automne. 
Sa chair contracte alors dans plusieurs de nos mon- 
tagnes un goût de résine qui provient sans doute de 
la consommation qu'elle fait des semences et des 
nouvelles pousses d'arbres verts. 

Cest sur la fin d'avril que la Mésange Alpestre 


LUS 


74 ORNITHOLOGIE 


A 


s’adonne en Savoie à l’acte de la reproduction. 
Pourtant quelques couples, ceux surtout qui n’ont 
cessé d’habiter les dernières forêts de nos Alpes, 
n’entrent guère en amour avant les premiers jours 
de mai, lorsque les neiges commencent à abandon- 
ner ces hauteurs; ceux-ci nichent vers le 20 de ce 
mois et ne font qu’une ponte. Les autres, qui se 
propagent plus tôt qu'eux dans des régions moins 
élevées, font habituellement deux couvées par an : 
une sur la fin d'avril ou au commencement de mai, 
une autre vers le 20 ou le 30 juin. Le mâle et la 
femelle construisent leur nid dans de petits creux 
naturels d'arbres, situés soit dans les troncs, soit 
dans les branches verticales ou même horizontales 
des sapins et des mélèzes surtout. Ils le composent 
en dehors de brins d'herbes, de mousses et de 
lichens, qu’ils entassent grossièrement au fond de 
leur cavité ; ensuite, ils en garnissent l’intérieur de 
poils, de plumes, de bourre et d’aigrettes de synan- 
thérées (chardons, etc.). 6 à 9 œufs, assez rarement 
10, sont le résultat de leurs amours ; ils ont, en 
moyenne, 15-16 mill. de longueur, sur 11 mill. 1 de 
largeur diamétrale. Dans la race décrite en tête de 
l’article, ils sont de 14 ; ou 15 mill. de long, et de 
11 mill. de large, et marqués de taches fréquemment 
plus petites. Ces œufs sont, dans les deux races, obtus 
aux deux extrémités, d’un blanc ordinairement un 
peu luisant, et parsemés de points et de petites 


DE LA SAVOIE. 75 


taches rouges, qui iracent souvent une espèce de 
couronne sur le gros bout; quelquefois ces traits 
sont si nombreux sur cette partie qu’ils s’y con- 
fondent : alors les œufs ressemblent tellement à 
ceux de la Mésange Huppée, qu’il est réellement dif- 
ficile de parvenir à les reconnaître lorsqu'on les a 
mêlés. Cependant, chez la dernière espèce, ils sont 
d'habitude garnis de taches plus larges, plus nom- 
breuses encore et plus confluentes autour de la 
grosse extrémité de la coquille. Les petits naissent 
le quinzième ou le seizième jour de l’incubation. 
Dès le lendemain, le père et la mère ne cessent de 
leur apporter, pour premiers aliments, des mou- 
ches, des moucherons, des œufs de fourmis et de 
très-petites chenilles. [ls leur donnent encore la 
becquée pendant les dix premiers jours de leur sortie 
du nid, et ils restent ensuite avec eux quoiqu'’ils 
mangent seuls. 

Le mâle, outre son cri ordinaire qui est aussi 
particulier à la femelle pendant toutes les saisons, 
possède, depuis la fin de l’hiver jusqu’à la mue de 
l’automne, un chant très-caractéristique et qui ne 
se rapproche d'aucun des ramages des autres Mé- 
sanges. Îl est d'habitude un peu sifflé et articulé 
tantôt précipitamment, tantôt lentement. Dans le 
premier cas, l’oiseau exprime les syllabes : fu tu tu 
tu tu tu, sur deux tons différents; dans le second, 
il semble prononcer les mots : thiuz, thiuz, thiuz, 


| 


——— —— 


_————————— 


76 ORNITHOLOGIE 
au nombre de trois ou de quatre, à distance égale 
et sur la même noie : 


]_ D Dép 


CEE 
SPF ER EP 


tu tu tu tu tu tu. tu tu tu tu tu tu. thiuz, thiuz, thiuz, thiuz. 
Il à encore, pendant la durée de l’amour, un ga- 
zouillement très-faible, qu’on entend du reste seu- 
lement du pied de l'arbre où il le redit, mais très- 
significatif et inimitable ; il ne le lâche qu’au plus 
fort de la passion. 


131.—Mésange Nonnette /Parus Palustris]. 


Nom vulgaire : Lardine ou Lardère à Tête Noire. 


La Nonnette Cendrée (Bufr.).—__ Mésange Nonnette (Parus Palustris), Vieill., 
Temm.—Cincia Bigia (Savi). 


Cette Mésange, que beaucoup de personnes 
prennent pour une Petite Fauvelte à Téte Noire, a 
12 cent. de longueur. 

Le mâle adulte et vieux a le haut de la tête et la 
nuque couverts d’une calotte d’un noir profond, un 
peu luisant sur la première des parties ; les autres 
parties supérieures du corps, d’un brun cendré ; les 
ailes d’un brun noirâtre, et bordées de gris brun ; 
les pennes caudales noirâtres, lisérées de cendré 
brun, 1l est noir sur la gorge, blanchâtre sur les 
joues et les tempes, et d’un blanc grisätre, lavé de 
roussâtre, sur toutes les parties inférieures. Son 
bec est noirâtre, ainsi que l’iris des yeux. 5es pieds 
sont d’un gris de plomb foncé. 


DE LA SAVOIE. 77 

La femelle diffère très-peu du mâle. Elle a seule- 
ment le noir de la calotte moins profond. Celui de 
la gorge est aussi moins foncé et moins apparent ; 
il yest marqué, à l'extrémité de plusieurs plumes de 
la base surtout, d’un peu de blanchâtre. Mais cette 
couleur disparaît au printemps par la mue ruptile, 
et le noir prend un peu plus d'extension, Les sexes 
alors ne diffèrent pas à l'extérieur. 

Les jeunes, avant de muer, ont les parties supé- 
rieures du corps plus rembrunies que les adultes, 
et les couleurs des autres parties moins pures ; ils 
n’ont guère qu'une tache noirâtre sur la gorge. 
Après la mue, ils ressemblent aux adultes. 

La Nonnette est aussi du nombre des Mésanges que 
nous possédons en Savoie toute l’année, assez com- 
muuément. On la remarque de préférence dans les 
vergers, dans les bois humides de la plaine, des 
coteaux ou des collines, et le long des saules, des 
frênes, des peupliers et des aunes qui bordent ou 
avoisinent des marais, des rivières, des torrents et 
des fossés. Son apparition dans nos Alpes et au sein 
des sombres forêts de pins et de sapins de leurs 
régions moyennes, où se plaît particulièrement la 
Mésange Alpestre, est toujours très-rare, même 
pendant ses excursions d'automne. 

Cette Mésange est commune en Tarentaise, no- 
tamment dans les vergers et les petits bois de 
Brides, £alins, Villarslurin, Montfort, Haute- 


Le 


78 ORNITHOLOGIE 

Ville, etc. ; elle paraît un peu moins abondante aux 
environs d’Albert-Ville. Près de Chambéry, on 
l’observe constamment à Thoiry, Puisgros, Bissy, 
Saint-Sulpice et Vimines; en Bauges, on la trouve 
sur la lisière des bois inférieurs d’Aïllon-le-Jeune, 
du Châtelard, de Doucy, de la Compôte et de l’Es- 
cheraine. Elle a le genre de vie de la Mésange Bleue, 
avec laquelle on la rencontre fréquemment dans les 
parcs et les vergers; mais elle m'a toujours paru 
moins hargneuse et moins cruelle. Elle tombe faci- 
lement dans les piéges que les villageois lui dressent 
le long des haies, ou bien autour de leurs habita- 
tions. Elle est douce en captivité, où cependant 
elle ne paraît guère se plaire. Sa nourriture con- 
siste en chenilles, mouches, guêpes, abeilles et 
larves perforeuses, en œufs d'araignées et de papil- 
lons, en phalènes et graines, celle surtout de tour- 
nesol, et en bourgeons d’arbres fruitiers. 

C'est aussi une petite cavité d'arbre, surtout 
d’un vieux saule, d’un poirier ou d’un pommier, 
qui reçoit sa nichée. Le couple en garnit le fond, 
au commencement d'avril, de mousse et de brins 
d'herbes sèches, qu’il recouvre de plumes, de 
bourre et de laine. C’est sur ce doux matelas que 
la femelle dépose ses œufs, au nombre de sept à 
dix. Ils sont blancs, obtus aux deux extrémités, et 
ponciués ou tachetés de rouge ou de rougeûtre, spé- 
Cialement autour du gros bout, Leur longueur est 


DE)LAUSAVOIE: 19 
de 44 : à 15 mill., et leur largeur diamétrale de 
10 4 à 11 mill. Pendant l’incubation qui se ter- 
mine au quinzième jour, le mâle, qui n'a pas de 
chant notable, s’occupe à parcourir presque tout 
le jour les arbres de son canton, pour y trouver sa 
subsistance et celle de sa compagne : on le voit, en 
effet, rentrer fréquemment dans le nid avec la bec- 
quée, puis en sortir presque immédiatement et 
retourner à la quête des aliments. 

Le père et la mère paraissent très-inquiets pres- 
que à chaque fois qu'ils arrivent auprès de la couvée 
pour lui distribuer la nourriture. Découvrent-ils 
quelqu'un, ou un chat, un chien, qui rôdent à l’en- 
tour de l’arbre qui la recèle, ils s’agitent, ils se re- 
muent en tout sens et ne cessent de pousser des 
cris plaintifs, par lesquels ils semblent articuler les 
syllabes : thir, thir, thir-thia, thir-thia-thia ; aussi, 
leurs petits sont à peine en état de voleter, qu’ils les 
font sortir de leur cavité et les emmènent dans les 
bois et les lieux couverts de taillis, où ils ne les per- 
dent pas de vue un seul instant. À chaque moment, 
ils s’empressent de les rallier autour d'eux par un 
cri tout particulier, plus fort et plus prompt que 
d'habitude, soit pour leur donner des aliments soit 
pour s'assurer qu'aucun d’eux ne s’est encore égaré. 

C’est au mois d'octobre que la Nonnette se plaît 
à voyager ou bien à se livrer seulement à quelques 
excursions dans son pays, jusqu'aux premières 


EE — 
——— - 


80 ORNITHOLOGIE 

neiges. Plusieurs petites bandes nous arrivent alors 
tantôt seules, tantôt en compagnie ou à la suite des 
Petites Charbonnières, et se fixent pour quelque 
temps dans nos bois champêtres ou dans ceux des 
collines adjacentes. Cette Mésange se remet en mou- 
vement au mois de mars, quelques jours avant sa 
pariade, et vole à la découverte d’un lieu propice 
à ses amours. Sa chair n’est point un mauvais man- 
ger, comme plusieurs le prétendent. 


Deuxième Section, 


MÉGANURES /MEGANURI|. 


Cette section renferme deux espèces de Mésanges 
dont une, la plus féconde, est sédentaire dans nos 
climats, et l’autre de passage accidentel. Elles sont 
toutes deux notables par leur queue très-longue et 
très-étagée ; par leur bec cultriforme en dessus et à 
mandibule supérieure légèrement recourbée sur l’in- 
férieure. On les trouve dans les bois et les jardins, 
ou bien dans l'épaisseur des joncs, des roseaux et 
d’autres plantes qui croissent dans les lieux les plus 
marécageux ; elles y forment, après les nichées, des 
bandes ou des familles nombreuses, qui vivent en- 
semble en bonne intelligence; c’est aussi dans ces 
lieux qu’elles s’adonnent à l’acte de la reproduction. 
Leurs nids, qui sont faits avec art, en forme de boule 
ou de bourse, y sont suspendus aux cannes des ro- 
seaux ou bien aux rameaux flexibles des arbres et des 


DE LA SAVOIE. 81 
arbustes, et solidement attachés à quelques tiges. 
Leurs mœurs sont douces. 


132.—Mésange à Longue Queue /Parus Caudatus). 


Noms vulgaires : Petite Meunière, Meuniéretite, Moniérôta, Mouriéère, 
Mourier. 


La Mésange à Longue Queue (Bufr.).—Mésange à Longue Queue (Purus 


Caudatus), Vieill., Temm.—Mecistura Caudata (Mécisture à Longue Queue), 
de S.-Longch., Faune Belge.—Cincia Codone (Savi). 


Cette Mésange, dont la queue seule forme plus 
de la moitié de la longueur, a 15 cent. 5-6 mill. 
de taille. Elle est remarquable par toutes les plumes 
du corps qui sont longues, soyeuses, comme décom- 
posées, et qu'elle tient presque sans cesse hérissées, 
ce qui la fait paraître plus grosse du double : sa 
grosseur naturelle ne dépasse guère celle du Roi- 
telei Huppé. 

Le mâle adulte est d’un blanc pur sur le haut de 
la tête, à la gorge, au cou et à la poitrine; d’un 
blanc teint de rougeâtre sur le ventre, les flancs, la 
région anale et sur les couvertures inférieures de la 
queue. La poitrine est quelquefois marquetée de 
fines taches noirâtres, restées de la première livrée, 
à, l’extrémité de plusieurs plumes ; mais ces traits 
s’effacent au printemps, par l'effet de la mue rup- 
tile, et ne reparaissent pas dans un âge plus avancé. 
Le noir domine sur le dos, le croupion, les rémiges 
et sur les six pennes intermédiaires de la queue, 
dont les trois latérales de chaque côté sont blanches 
sur les barbes extérieures et au bout. Les scapu- 


T. HI, 6 


+ = em 


82 ORNITHOLOGIE 

laires sont rougeûtres; les grandes couvertures 
alaires, cendrées et bordées de blanc. Le bec, qui 
a la mandibule supérieure faiblement crochue, est 
noir, très-petit et à peine apparent quand l'oiseau 
hérisse à la fois les plumes du front et de la gorge- 
rette. Le cercle des yeux est nu et jaune; liris 
noir. Les tarses sont noirâtres, 

La femelle, moins longue de 3-4 mill. que le 
mâle, s’en distingue encore par les plumes noires 
qui tracent sur les parties latérales du dessus de la 
tête, dont le milieu seulement est blanc ou blan- 
châtre, deux larges bandes qui se prolongent sur 
la nuque et se réunissent au noir du dos. 

Les jeunes de l’année sont reconnaissables aux 
taches noires qu’ils portent sur la tête et les joues; 
aux petits traits bruns ou noirâtres de leur poi- 
trine ; enfin à leurs teintes qui sont généralement 
moins pures que chez les adultes. Au sortir du nid, 
ils ont, jusqu’à la mue de la fin de l'été, le cercle nu 
des yeux d’une couleur de chair rougeûtre, et, pen- 
dant tout le premier mois, la queue d’un tiers 
environ moins longue que celle des adultes. 

La Mésange à Longue Queue fréquente la plus 
grande partie de l’Europe. Sédentaire et assez com- 
mune en Savoie, elle ne se plaît que dans les pays 
de plaine et sur les collines qui les environnent, 
Les petits bois humides, les taillis voisins de l’eau, 
les rangées d'arbres qui bordent des routes, des 


DE LA SAVOIE. 83 
champs, des rivières et des marais, enfin les ver- 
gers, les jardins ainsi que les haïes qui les ferment 
sont sa demeure habituelle; quelquefois, elle hante 
aussi les roseaux (rosières) et les massifs de plantes 
ou d’arbrisseaux. Vive, pétulante, douce, sociable, 
d'une légèreté et d’une mobilité extrêmes, elle ne 
prend du repos que la nuit. Klle vit en famille 
depuis le jour même où ses petits abandonnent le 
nid jusqu'au renouvellement de la pariade qui à 
lieu pour elle chaque année, aux premiers jours de 
mars : alors chaque bande ou plutôt chaque famille 
se dissout en formant d’autres sociétés plus inti- 
mes. Pourtant, les pères et mères, ou les sujets qui 
se sont une fois reproduits ensemble, ne contractent 
pas d’autres alliances; ils ne se quittent qu’à la 
mort. Mais les jeunes mâles qui n’ont point encore 
été appariés se livrent innocemment à cette époque, 
le matin et le soir surtout, de petits combats pour 
la possession des femelles qui se trouvent parmi 
eux; aussitôt qu'une paire vient de se former, elle 
se sépare de la bande dont elle faisait partie, et 
vole à la recherche d’un canton propice à ses 
amours. Ce canton est presque toujours un petit 
bois, des taillis auprès d’un marécage ou qui lon- 
gent une rivière, ou un fossé, ou bien encore un 
parc, un verger ou un jardin. 

Sur la fin de mars ou dans les huit premiers jours 
d'avril, le mâle et la femelle se mettent en devoir 


84 ORNITHOLOGIE 


de construire le berceau de leur race future. Ce 
n’est plus dans un trou d'arbre ou de mur qu'ils le 
confectionnent, comme les espèces précédentes, 
mais sur les arbres ou dans de hauts buissons, à 
l’enfourchement de leurs branches ou de leurs ra- 
meaux. Ils choisissent pour cela de préférence les 
noyers, les arbres fruitiers, notamment les poiriers 
et les pommiers, puis encore les peupliers le long 
des champs, de l’eau et des prairies artificielles, et 
ils entrelacent le plus souvent leur travail dans les 
branches les plus rapprochées du sol ; quelquefois, 
ils l’accolent au tronc, soit au milieu d’une bifurca- 
tion soit parmi la mousse ou les lichens; ou bien 
ils le suspendent dans les haies épaisses qui servent 
de clôtures aux jardins, dans les lierres qui tapis- 
sent de vieux murs ou des décombres. Ils lui don- 
nent une forme ovale, longue de 18 à 22 cent. et 
presque analogue à celle d’un chausson, sauf néan- 
moins par l’ouverture ; ils le façonnent parfaitement 
à l'extérieur avec de la mousse, des lichens, des 
sommités de plantes très-subtiles, serrées et tres- 
sées avec des chatons de saule, du coton de peu- 
plier, de la laïne de mouton, des toiles d'araignées 
et des soies de chenilles ou de cocons. Le dedans 
est totalement garni de plumes, de poils et de crins 
très-déliés, ou d’autres matières non moins mol- 
lettes. Ils le ferment toujours dans la partie supé- 
rieure, et laissent, sur le côté du nid le moins 


DE LA SAVOIE. 85 
ombragé ou le moins exposé au vent qui souffle 
d'habitude dans le canton, une ouverture très- 
étroite, qui penche parfois légèrement vers le sol, 
de manière à préserver la couvée des intempéries 
de la saison, Le couvercle ou le dôme qui abrite le 
haut du nid est toujours le dernier achevé à l'exté- 
rieur: ils bâtissent d’abord le fond et le contour, 
puis ensuite le couvercle, et quand celui-ci est fini, 
ils garnissent l’intérieur de matières duveteuses. 

Ils consacrent habituellement huit ou dix jours à 
ce travail ; à peine est-il terminé, que la femelle, 
qui est très-féconde, y pond, suivant son âge, de 
19 à 18 œufs ovales : chaque jour elle en dépose un 
en commençant, puis deux par Jour à mesure qu’elle 
arrive à la fin de la ponte. [ls sont blancs ou d’un 
blanc mat presque teinté de rougeâtre, et marque- 
tés de petits traits ou de petites taches assez irré- 
gulières, d’un rouge ou d’un roussâtre pâle, éparses 
sur toute la coquille, assez fréquemment confluentes 
et réunies en collier plus ou moins complet sur la 
grosse extrémité ; quelquefois, l’on trouve dans une 
couvée 2 ou 3 œufs, et même davantage, entière- 
ment blancs ou un peu nuancés de rougeâtre seule- 
ment autour du gros bout. Pour longueur, ils ont 


8 ou 8 millim. 1, et pour diamètre 5 1 à 6 millim. 


L’incubation dure quatorze à quinze jours, et au 
seizième tous les œufs se trouvent ordinairement 
éclos. Pendant tout le temps que la femelle s’y 


9m 


Sn 
dns 


86 ORNITHOLOGIE 


livre, le mâle ne se tient jamais loin d'elle ; il vient 
à chaque moment la voir dans le nid et lui donner 
quelque aliment. Cependant, elle quitte les œufs de 
temps à autre pour aller dans le voisinage se délas- 
ser des peines de l’incubation ; mais bientôt après 
on la voit revenir avec le mâle qui ne l’a pas quittée 
un moment depuis la sortie, et rentrer dans le nid. 
Pour que sa grande queue ne la gêne pas quand 
elle couve, elle la dresse et décrit, en se posant sur 
les œufs, un rond ou seulement un demi-rond, au 
moyen duquel les pennes caudales restent droites 
et appuyées contre les parois intérieures ; quelque- 
fois, elle les tient tellement relevées, ou plutôt ren- 
versées sur le dos, que l'extrémité des rectrices les 
plus longues se laisse voir à l’entrée du nid. 

À la naissance des petits, le père est presque seul 
chargé de les nourrir jusqu’au troisième ou au qua- 
trième jour, alors que la mère les réchauffe la plus 
grande partie du jour dans ses plumes. Ensuite, 
vivement secondé par sa compagne, il remplit, de 
concert avec elle, ce devoir sans se lasser un 
instant : se succédant l’un à l’autre dans le nid 
presque sans interruption tout le jour, ils donnent 
à leurs petits des chenilles, des vers, des mouches, 
des œufs d'araignées et de fourmis, qu’ils ont saisis 
le long des branches, sur les feuilles et l'écorce, ou 
bien à terre au pied des souches, ou parmi les 
herbes et les buissons. L’un d’eux arrive-t-il avec 


DE LA SAVOIE. 87 


la becquée pendant que l’autre est encore occupé à 
distribuer la sienne, il attend sa sortie sur le dème 
du nid ou sur l’un des rameaux les plus près de 
l'ouverture, et souvent 1l s’impatiente en attendant ; 
c’est, du reste, ce que semblent nous faire com- 
prendre les cris enroués : ferr, tirk, qu’il pousse 
alors, et qui sont déjà ceux par lesquels il exprime, 
dans d’autres circonstances, ses diverses émo- 
tons. 

A mesure que les petits grossissent, le nid se 
dilate peu à peu sur ses côtés, à la faveur des toiles 
d'araignées et des autres matières filamenteuses 
qui en font le tissu ; il donne ainsi plus d'espace à 
la couvée, mais sans nuire à la solidité du tissu qui 
reste épais et serré. Si la nature n’eût pas suggéré 
à cette Mésange une forme de nid aussi commode, 
sûrement plusieurs petits, surtout les plus faibles 
parmi les 12 à 18 dont se compose la nichée, péri- 
raient étouflés ou écrasés sous leurs frères plus vigou- 
reux. J'ai examiné des nids qui avaientété fixés, sans 
doute avec imprudence, au centre d’une bifurca- 
tion de branche très-juste à leur grosseur, ce qui 
en rendait la dilatation impossible ; huit ou dix 
jours après l’éclosion, ils renfermaient déjà trois ou 
quatre petits morts sous les autres qui se trouvaient 
pleins de vie. | 
_ Le père et la mère font sortir du nid leur famille 
le jour même qu’ils la jugent capable de voleter 


a 


RER ER 


” 88 ORNITHOLOGIE 


d’un arbre à l’autre seulement ; c’est d'habitude le 
matin etavantle jour, quand tout est tranquille dans 
leur canton, qu'ils la sollicitent à prendre le premier 
essor. Quelquefois deux ou trois à cinq petits n’ont 
pas encore les ailes assez fortes ni assez garnies de 
plumes pour partir avec leurs frères; alors ils 
restent seuls au nid pendant un ou deux jours de 
plus, et leurs parents les y alimentent toujours avec 
le même zèle, Mais pour avoir moins de courses à 
faire pour les nourrir en même temps que les pre- 
miers, ils obligent ceux-ci à rester tous sur les 
| arbres qui entourent de plus près la demeure de ces 
| petits retardataires, jusqu’à leur sortie. 

Les petits, aussitôt en état de suivre sans risque 
leurs auteurs, hantent avec eux chaque jour et 
(l presque aux mêmes heures successivement tous les 
Il bois, tous les vergers et les jardins circonvoisins de 
| leur première habitation. Ils se suivent alors con- 
stamment de près ; souvent ils marchent en troupe 
Al serrée, volant d'arbre en arbre, de buisson en buis- 
| son, ets’interpellant sans cesse par de petits cris qui 
|| semblent exprimer : éi-ti-t; thaei, bi-ti-ti. Cou- 

| rent-ils quelque danger, l’un des chefs, le père ou 
| la mère, pousse un cri plus grave et plus prompt 
( (tirgrr), et à l'instant même toute la bande dispa- 
| raît. Si l’un des sujets qui la composent reste égaré 
en quelque lieu, ses compagnons ne se sont pas 
plutôt aperçus de son absence, qu’ils s’empressent 


DIF ARS AN OTE. 89 


de retourner sur leurs pas en le rappelant à l'envi 
et de toutes leurs forces ; ils ne continuent leur 
route que lorsqu'ils l’ont retrouvé, sinon perdu tout 
espoir de le revoir. J’ai vu, en effet, en 18/47, une 
famille rester alarmée pendant un jour entier dans 
un bois, où la veille j'avais vu abattre le père. A 
l'approche de la nuit, chaque troupe se choisit, 
dans l'épaisseur des branches, un refuge qu’elle 
conserve tant qu'elle ne s’y voit point inquiétée; 
aussi, il n’est pas rare de revoir une bande, sans 
doute la même, venir tous les soirs, jusqu'à la pé- 
riode de l’amour, dormir sur la même branche. Le 
père et la mère avec leurs petits s’y rangent tous 
sur une seule ligne, et, soit pour mieux se garantir 
du froid soit pour se prémunir contre les dangers 
de la nuit, ils se serrent les uns contre les autres. Le 
lendemain, au point du jour, toute la troupe, éveil- 
lée au premier signal du chef, se remet à parcourir 
les mêmes bois, les mêmes vergers que la veille: 
voltigeant sans cesse d’un arbre, d’une plante ou 
d’un buisson à l’autre, s’accrochant ou se suspen- 
dant mieux qu'aucune autre espèce de son genre aux 
épanouissements des fleurs ou des jeunes pousses, 
comme à l'extrémité des rameaux les plus faibles ou 
des touffes de feuilles, et s’y balançant tandis qu’elle 
cherche et saisit ses aliments. Elle ne fait que 
passer avec rapidité dans la plupart des lieux 
qu’elle fréquente; elle n’y séjourne guère que lors- 


| 
| 
| 
| 
| 


90 ORNITHOLOGTE 


qu'elle y est forcée par quelque accident, ou sur- 
prise, par exemple, par un temps d'orage et de 
pluie. 

La Mésange à Longue Queue se nourrit de très- 
petites chenilles, d'araignées et de leurs œufs, de 
vers, de punaises de bois, de petits scarabées, de 
mouches, de moucherons, de larves et de graines. 
Celle de chanvre semble lui plaire de préférence à 
toute autre semence oléagineuse. Elle ne la broie 
pas sur place pour la manger; mais à chaque 
graine qu'elle arrache, elle regagne l'arbre ou le 
taillis le plus près, où elle la perce à coups de bec 
redoublés, en la tenant assujettie dans ses petites 
serres, et n’en choisit que l’intérieur. Elle ne s’ac- 
commode guère à l’état de captivité; elle y est sans 
doute sensible à la perte qu'elle a faite de ses com- 
pagnes; aussi, elle refuse quelquefois de prendre 
la nourriture qu’on lui donne, et se laisse bientôt 
mourir d’ennui ou de faim. Le mâle n’a pas, même 
en été, de chant digne de fixer notre attention. 


133. Mésange à Moustaches /Parus Biarmicus). 
La Mésange à Moustache (Buff.).—La Moustache (Cuv.).—Mésange Mous- 


tache (Parus Biarmicus), Vieill., Temm.—Calamophilus Biarmicus (Calamo- 
phile Moustache), de S.-Longch., Faune Belge.—PBasettino (Savi). 


La taille de cette Mésange est svelte; elle a 
17 cent. du bout du bec à l’extrémité des plus 
longues pennes de la queue : cette partie seule est 
longue de 7 cent. 6 millim., et très-étagée. 


Le = À 


ORNITHOLOCGIE DE LA SAVOIE 


Passereaux Parusidees. 


TILL 24 


Li J}Perrim Chambéry: J.Werner de. #lith. 
{ Mésange à Longue-Queue,z74/ adulte; 39rnat; V 61. 
|) » » Tete de femelle adalie.— 3-5 ui de léspece, gra. 
6 Mésange a Moustaches,z224a dalle; 4 grnat, P. 90. 
7 » » Zete de femelle adulte — 8 ui de lespece; gr nat 
1H Mesange Remiz, na; 7497 nat, V. 95.— 10-14 Zu de l'espeve; grnalt 


| 
| 
| 
| 


DE LA SAVOIE. 91 

Le mâle adulte est remarquable par le mélange 
de ses belles couleurs, par la finesse des barbes de 
ses plumes, et surtout par sa longue moustache 
d’un beau noir velouté, qui prend naissance entre 
le bec et l’œil, et descend en pointe de chaque côté 
du cou. Il à le aessus de la tête et du cou, d’un gris 
de perle; le dos, le croupion, les flancs et les pennes 
du milieu de la queue, d’un roux vif; les latérales 
blanches avec un peu de noir près de leur base. Les 
grandes couvertures alaires sont d’un noir foncé, 
frangées de roux à l'extérieur et de blanc roussâtre 
à l'intérieur; les rémiges sont lisérées de blanc 
extérieurement. Sur la gorge et le devant du cou 
règne un blanc ou un gris, suivant l’âge des indi- 
vidus, qui se nuance d’un peu de rosé; cette teinte 
devient vineuse, par conséquent plus foncée, sur la 
poitrine et le milieu du ventre. Maïs les plumes 
anales et les sous-caudales sont noires. Le bec, dont 
la mandibule supérieure se courbe légèrement sur 
l'inférieure, est de couleur orange pendant la vie 
de l'oiseau, jaune dans les collections ; l'iris est de 
cette dernière couleur. Les tarses sont noirs, ainsi 
que les ongles. 

La femelle diffère beaucoup du mâle. Elle n’a 
point de moustaches ; sa queue est un peu plus 
courte, et les couvertures sous-caudales sont rous- 
ses. D’un blanc terne sur la gorge, puis nuancée de 
brun sur le roux de la tête et du dessus du corps, 


92 ORNITHOLOGIE 

et même fréquemment tachetée de noir vers le mi- 
lieu du dos ; elle a en outre les couleurs des autres 
parties moins vives que le mâle. 

Les jeunes, avant leur première mue, sont d’un 
roux clair sur la plus grande partie du plumage; 
ils ont sur le dos une large plaque noire que rem- 
placent, après la mue, quelques taches longitudi- 
nales de la même couleur. 

Cette Mésange, que l’on rencontre dans plu- 
sieurs contrées de l’Europe : dans la Hollande, la 
Suède, l'Angleterre, l'Italie et quelques parties de 
la France, et presque toujours dans les marais, ne se 
montre qu’accidentellement en Savoie. On l'y à vue 
jusqu’à présent par petites troupes ou par bandes 
de cinq à huit sujets sur les bords boisés du Rhône, 
de l’Isère et de l’Arve, à des époques différentes, 
mais jamais en été, pendant la période des nichées. 
C’est tantôt sur la fin de l’automne, tantôt durant 
l'hiver, même par un froid très-vif, ou bien à l’ap- 
proche du printemps, qu’elle se fait remarquer 
dans nos climats. Mais elle n’y fait jamais long 
séjour ; elle passe toujours rapidement d’un lieu à 
un autre comme la Mésange à Longue Queue, avec 
la différence pourtant qu’on ne l’y voit plus repa- 
raître le lendemain ou quelques heures après, 
comme cette espèce. Elle se borne donc, en traver- 
sant parfois nos vallées, à ne s’y arrêter que le temps 
nécessaire pour chercher des aliments sur les bords 


DE LA SAVOIE. 93 
boisés des eaux ou le long des roseaux qui n’ont pas 
été fauchés. 

La Mésange à Moustaches vit d'insectes aïlés, de 
petits coléoptères, des semences des joncs et des 
roseaux. Elle niche dans les jonchaies, dans l’épais- 
seur des herbes des îlots, ou au bord de quelque 
massif d’arbrisseaux ou de plantes marécageuses, 
et plus souvent au-dessus de l’eau que du sol. Elle 
attache à quelques tiges son nid avec de la filasse, 
des filaments de chanvre et d’ortie, et lui donne 
une texture serrée, composée de mousses en des- 
sous, ensuite d'herbes sèches, de sommités de 
fleurs, surtout de chardons, et de duvet cotonneux 
de saules ou de peupliers, entremêlés quelquefois 
de petites feuilles. Ge travail, qui est un peu de la 
forme d’une boule, a ses bords épais et l'ouverture, 
qui est assez large, réservée en dessus sur l’un 
des côtés. La ponte est de cinq à sept œufs blancs, 
veinés ou tachetés de brun ou de brun rougeûtre. 

Cet oiseau a les mœurs tout à fait douces et so- 
ciables. Après les nichées, il se réunit par troupes, 
quelquefois nombreuses, qui fréquentent les roseaux 
ou les taillis qui les bordent, en escaladent avec 
grâce et vitesse les tiges ou les rameaux, descendent 
sur le bord des eaux et y courent comme des Ber- 
geronnetles sur les feuilles des plantes aquatiques 
ou sur la glace, pour chercher leur subsistance. 
L'approche de l’homme ne les effraye guère; ce 


94 ORNITHOLOGIE 

n’est qu’en les inquiétant ou les menaçant qu’on les 
détermine à s’envoler à peu de distance ou à s’en- 
foncer parmi les herbes et les roseaux; alors elles 
témoignent leur mécontentement en proférant leur 
cri ordinaire, qu’elles répètent deux fois de suite : 
thein-theiïn. Ge cri imite, en quelque sorte, le son 
argentin que produisent les cordes d’une mandoline 
quand on la pince. 

Cette Mésange montre beaucoup d'amour pour 
ses semblables. M. Crespon, de Nîmes, nous en 
fournit un exemple frappant : «Un jour que j'étais 
en chasse, dit-il, j'en blessai une légèrement; elle 
tomba dans un contre-canal et se soutint sur l’eau; 
je cherchais à la faire Venir de mon côté; elle criait 
très-lort, ce qui attira bientôt près d’elle une petite 
troupe d'individus de son espèce qui l’aidèrent à 
regagner le bord opposé, et ainsi elle m'échappa. » 


Troisième Section, 


CALAMOPHILES /CALAMOPHILI). 


Une seule espèce forme cette section ; elle diffère 
essentiellement des autres Mésanges, notamment 
des Sylvicoles, par son bec droit, effilé et aigu à la 
pointe ; par ses habitudes et l’art qu’elle met dans 
la construction de son nid ; c’est pour cela que plu- 
sieurs naturalistes en ont fait un genre distinct. Je 
ne m'écarte guère de leur opinion en en formant 
une section. 


DE LAS AVOTE. 99 


134.- Mésange Rémiz /Parus Pendulinus). 


Le Rémiz et la Penduline (Buff.).—La Mésange Rémiz (Parus Pendulinus), 
Vieill., Temm.—Fiaschettone (Savi). 


Cette espèce a 11 cent. de taille. 

Le mâle est blanc au sommet de la tête et à la 
nuque ; noir sur le front, sur l’espace entre l’œil et 
le bec, ainsi que sur les joues et les plumes de l’ori- 
fice des oreilles. Il a le dos et les scapulaires d’un 
gris roussâtre ou d’un roux marron, suivant les 
individus; le croupion gris ou cendré roussâtre ; la 
gorge blanche, et les autres parties inférieures d’un 
blanchâtre teinté de roux rosé : cette nuance est 
néanmoins plus prononcée sur la poitrine et les 
flancs. Les ailes et la queue sont noirâtres, bordées 
de gris roussâtre ; les pennes caudales terminées de 
blanc. Le bec est couleur de corne foncée sur ses 
parties latérales, noir sur le reste ; l'iris jaune; les 
tarses sont couleur de plomb. 

La femelle est un peu plus petite que le mâle. 
On la reconnaît encore par le noir du front et des 
joues, qui est moins large et moins pur : le blanc ou 
le cendré du dessus de la tête est également moins 
vif, Le blanc de ses parties inférieures se trouve 
nuancé de roussâtre, et le haut du dos d’un roux 
clair. 

La Mésange Rémiz, dont la dénomination Pen- 
dulinus (Penduline) est tirée de son habitude de 
suspendre son nid aux rameaux flexibles des arbres 


96 ORNITHOLOGIE 

ou des arbustes qui croissent le long de l’eau, ha- 
bite la Pologne, la Provence et tout le midi de la 
France, puis le Piémont, l'Italie et quelques par- 
ties de l'Allemagne. On ne l’observe guère qu’au- 
tour des marais et sur les bords des lacs, des 
étangs, des fleuves et des rivières couverts de ro- 
seaux, de saules ou de trembles. Elle est, comme 
la Mésange à Moustaches, de passage accidentel en 
Savoie, mais ses apparitions y sont encore plus 
rares. On ne l’y rencontre jamais en hiver; c’est 
ordinairement sur la fin de l’été, depuis le mois 
d'août jusque vers le milieu de l’automne, et au 
printemps dès le mois de mars jusqu’à la mi- 
avril, qu'elle s’y montre parfois. Habituellement 
par paire, ou par petite société de trois à cinq 
individus quand elle vient ici, elle ne s’y arrête 
pas plus de temps qu’il ne lui en faut, pour se 
nourrir Ou pour se reposer des fatigues du 
voyage; aussi, le lendemain de son arrivée en 
quelque lieu humide, ou seulement une ou deux 
heures après, on ne l’y revoit plus, pas même dans 
ses environs. Moins vive, moins remuante, moins 
sociable que les deux espèces précédentes, elle se 
tient d'habitude cachée sur les arbres et dans les 
saussaies ou les jonchaies. C’est souvent son petit 
cri langoureux, par lequel elle semble exprimer : 
pur, pir, qui la fait découvrir dans ces lieux, où on 
la chercherait longtemps en vain. 


DE LA SAVOIE. 97 

Il paraît, d’après plusieurs naturalistes du Midi, 
que les mâles, dans cette espèce, sont en plus 
grand nombre que les femelles. Les sujets qui 
restent de la pariade vivent solitaires, ce qui ne les 
empêche pas cependant, à l’époque des nichées, de 
se composer un nid, qu’ils laissent toujours ina- 
chevé. Ils sont alors si amoureux, que, si l’on par- 
vient à imiter leur voix, ils accourent auprès de 
l’imitateur, se posent à peu de distance, appellent 
aussi de leur côté, puis s’en retournent et revien- 
nent encore en rappelant. 

La Rémiz passe l’été dans les contrées de l’Eu- 
rope citées plus haut, et s’y reproduit. Le mâle 
et la femelle travaillent pendant une quinzaine de 
jours consécutifs à la construction du nid, qui d’ail- 
leurs est fait dans toutes les règles de l’art. Ils le 
suspendent à l'extrémité des branches ou des ra- 
meaux les plus subtils et qui pendent souvent au- 
dessus de l’eau ; 1ls l’y attachent solidement avec 
du chanvre, du lin, de la laine de mouton ou avec 
d’autres matières capables de le soutenir en l’air, lui 
donnent la forme d’une bourse, d’un sac, d’une 
cornemuse, quelquefois un peu celle d’un bas, et 
placent l'entrée, qui est très-étroite, sur l’un des 
côtés, le plus souvent sur celui qui fait face à l’eau. 
Ce travail est entièrement composé du duvet des 
fleurs de saule, de tremble ou de peuplier, et de 
sommités de certains jones. Le couple tresse ces 


AT 4 


Il | 


98 ORNITHOIOGIE 

matériaux avec des bfins d'herbes ou le chevelu 
des racines, avec de la laine ou des crins très- 
déliés, et en fait un tissu très-épais, serré et so- 
lide ; il garnit ensuite le fond du nid, à l’intérieur, 
d’une couche de duvet de même nature, mais 
qu’il laisse plus pur qu'en dehors. La femelle y 
dépose de 4 à 6 œufs allongés, d’un blanc de lait 
sans taches, et de 14 3 où 15 mill. de longueur, 
sur 10 à 10 3 de diamètre. 


Vingt-sixième Famille 
FRINGILIIDÉES (Fringillidæ). 


Signes caractéristiques : Bec conique, plus ou moins gros à sa 
base, fort, tantôt sans échancrures, tantôt faiblement échaneré, 
à palais creux ou muni d’un tubercule osseux et de forme variée, 
suivant les genres : mandibule supérieure droite ou un peu incli- 
née à la pointe, crochue dans un seul cas au bout des deux man- 
dibules qui sont alors croisées l’une sur l’autre (les Becs-Croisés), et 
recouvrant les bords de l’inférieure, ou bien celle-ci plus large 
que la première et rentrant en dedans sur ses bords. Narines 
basales, arrondies, en partie couvertes par les plumes du front. 
Tarses nus et annelés. Trois doigts devant, un derrière, séparés 
ou à peu près dépourvus de membrane articulaire. Ailes, en 
général, de moyenne longueur. Queue le plus souvent fourchue, 
et composée de douze rectrices ou pennes. 


Ces oiseaux forment une famille des plus nor- 
breuses. ils sont tous grañivores et frugivores, puis 
entomophages par moinents, surtout en été, lors= 
qu'ils ont des petits à nourrir. Généralement d’une 
humeur voyageuse, ils émigrenten automne par ban- 
des souvent très-nombréusés. Quelques espèces res- 
tent pourtant sédentaires dans leur pays; celles-ci 


DEP DA NSAVOLE. 99 
se rapprochent pendant l'hiver des lieux habités, 
ou bien elles se fixent dans les bois qui les avoi- 
sinent ; elles Sont pour la plupart peu sauvages et 
peu prévoyantes : on les attire facilement dans les 
piéges, soit au moyen des appâts Soit en imitant 
leurs cris d'appel ou de ralliement. Plusieurs se 
font bien à l’état domestique, et y charment par 
l'agrément de leur chant : on parvient même à leur 
faire articuler quelques mots ou siffler des airs de 
chansons. 

Les Fringillidées se trouvent chez nous répan- 
dus partout pendant le cours de la belle saison et 
aux époques de leurs excursions. On les remarque, 
en effet, depuis la plaine jusqu'au sommet des 
Alpes, après la région des bois. Les uns nichent 
à terre, dans des touffes d’herbes où de plantes, 
dans les moissons ou les massifs d’arbrisseaux ; 
d’autres, le plus grand nombre, choisissent pour 
cela les arbres des forêts, ceux des vergers, des 
jardins et des haies; quelques-uns préfèrent à ces 
lieux les endroits humides, les rocailles, même les 
crevasses des rochers et les fentes des murailles. 
Leurs nids sont, en général, formés de mousse, de 
paille, de racines, de brins d'herbes sèches, entre- 
lacés, surtout en dedans, avec du crin, des plumes, 
du duvet ou des filaments de plantes ; plusieurs, 
et notamment ceux des Fringilles, sont élégants et 
travaillés avec art. Le nombre d'œufs varie suivant 


100 ORNITHOLOGIE 
les espèces, mais il est ordinairement de 4 à 6. 

Après les nichées, les Fringillidées, et spéciale- 
ment les espèces qui se livrent à des voyages pé- 
riodiques, s’attroupent et hantent jusqu’à leur dé- 
part les abords des bois ou l’intérieur des terres 
cultivées. Plusieurs de ces bandes causent aux agri- 
culteurs des dommages considérables, en s’abattant 
sur leurs champs et en y dévorant le grain sur plante 
ou celui qui vient d’être semé. Les sujets qui res- 
tent pendant l'hiver au pays, abandonnent les bois 
des montagnes et se répandent, dans les temps de 
neige surtout, dans le voisinage des habitations ; 
ils y vivent souvent parmi les oiseaux de basse- 
cour, dont ils partagent la subsistance contre le 
gré des propriétaires; 1ls se nourrissent encore de 
petits fruits sauvages qu'ils trouvent dans les jar- 
dins ou le long des haies, de graines qu’ils décou- 
vrent éparses sur le sol, à l'entrée des granges. 
Néanmoins quelques espèces de ce nombre, les Bou- 
vreuils, les Tarins et les Sizerins, par exemple, 
deviennent alors nuisibles ; 1ls coupent les bourgeons 
des arbres fruitiers qui renferment des feuilles pour 
le printemps, et s’en repaissent. 

Cette famille renferme les six genres : 

Fringille (Fringilla), Gros-Bec (Coccothraustes), 
Bouvreuil (Pyrrhula), Bec-Croisé (Loæia), Bruant 
(Emberiza), et Plectrophane (Plectrophanus). 


————— 


DIENPPANS AN ON 10] 


xXLVI Genre : FRINGILLE / Fréngitla),. 


Signes genériques : Bec court, robuste, moins épais que la tête, co- 
nique, à arête rentrant plus ou moins dans les plumes du front : mandibule 
supérieure droite ou un peu inclinée vers la pointe, entière ou munie vers le 
milieu d’une dent obtuse, couvrant ordinairement les bords de la mandibule 
inférieure et à palais creux. Narines rondes, couvertes, en tout ou en partie, 
par les plumes du capistrum dirigées en avant. Langue charnue, arrondie, se 
terminant en pointe cornée et un peu fendue. Aïles et tarses courts. 


Les Fringilles s’alimentent avec des graineset des 
semences de diverses sortes, qu'elles ouvrent avec 
le bec et avalent après en avoir rejeté les enveloppes. 
Les insectes sont pour elles une nourriture acces- 
soire, à laquelle elles ne recourent guère que durant 
l'été, et quand elles élèvent leur famille. En grande 
partie nomades, elles voyagent souvent par troupes 
innombrables. Les bois et les champs sont leur de- 
meure de prédilection ; elles y nichent sur les arbres 
ou dans de hauts buissons, et très-rarement dans 
les crevasses de roc ou de rocher. Quelques sujets, 
les Moineaux, entre autres, craignent si peu le 
voisinage de l’homme qu'ils viennent se propager 
jusque dans son habitation, soit sous le toit soit 
dans les trous du mur. Les mâles sont d'habitude 
très-ardents en amour; ils se livrent souvent de pe- 
tits combats, des assauts corps à corps, en se dis- 
patant les femelles. Une fois appariés, ils devien- 
nent d’une jalousie extrême. La captivité ne leur 


A 


est guère à charge ; car ils s'y montrent bientôt 
familiers, puis capables d’un attachement person- 
nel et durable envers leur bienfaiteur. Quelques 


D MES 


ES 


102 ORNITHOLOGIE 
mâles, et particulièrement chez les Serins, les 
Chardonnerets et les Linottes, y sont d’une com- 
plexion si chaude et si amoureuse, qu'ils s’apparient 
volontiers en cage si on leur donne une femelle ; 
mais le plus souvent 1il ne résulte de cet accouple- 
ment que des œufs clairs. Leur voix est, en géné- 
douce et variée; elle est encore susceptible 
de perfectionnement ; aussi, des espèces s’appro- 
prient-elles en peu de temps les cris ou quelques 
phrases du chant de leurs congénères surtout, pla- 
cés près d'elles en volière. 

Ce genre possède en Suisse et en Savoie quinze 
espêces. Comme elles varient entre elles par leur 
bec plus ou moins conique en tout sens, j’adopte, 
pour les décrire, les coupes données par M. Tem- 
minck, auxquelles je n'apporte que de légères 
modifications. Ges oiseaux se trouvent en consé- 
quence divisés dans cet ouvrage en trois sections : 
les Longicônes, Brevicônes et Laticônes. Le Gros- 
Bec Vulgaire (Coccothraustes Vulgaris) forme, lui 
seul, un genre séparé. 


Première section, 
LONGICONES {LONGICONT|,. 


Signes distinctifs : : Bec en cône droit, grêle, allongé, comprimé latéra- 
lement, et aigu à la pointe des deux mandibules. 


Cette section renferme cinq espèces. 


ORNITHOLOLOGIE DE LA SAVOIE. 


Passereaux.. lringillidees 


TU 25. 


la dulik UNSS 
Lath.J8 Perrin Chamhér Y J Werner del. KLith. 
l Fringille Chardonneret.z24/e adulte; “gr nat, PA03— 9-4 Œués de l'especergrnat. 
5 Fringille Venturon, 244 2 dulle en ete #4 grnai V M 6-0 C7 de lespece;grnat 
9 Fringille Tarin, 22/4 en été: gr rat; V.MT 
JOUE ) Jete de femelle adulte-MA3 ur de lespece.; or nat 


DE LA SAVOIE. 103 


13%.—Fringille Chardonneret /Frinçilla Carduelis. 


Noms vulgaires : Chardonné, Chardonneret, Cardinalin, Ecardonniux. 


Ne D 
Cayduelis), Temm.— Cardellino (Savi). | 

Cette Fringille, qui est l’un des plus jolis et des 
plus élégants oiseaux de nos climats, tire son nom 
des chardons sur lesquels elle se pose souvent par 
troupes pour se nourrir de leurs semences hui- 
leuses, lors de la maturité. 

Nos oiseleurs croient reconnaître deux espèces de 
Chardonnerets. [ls prétendent que les individus 
marqués d’une large tache blanche, presque ovoïde, 
sur les barbes intérieures des trois pennes de chaque 
côté de la queue, et qu'ils désignent par le nom de 
Royal, sont les meilleurs chanteurs en volière ; mais 
cette distinction n’est point fondée; car très-sou- 
vent le même sujet qui avait en été six rectrices ta- 
chées de blanc, n’en à plus que quatre et quelque- 
fois deux après la mue : le même changement 
s’opère chez les femelles. 

Les individus qui forment la seconde espèce sont 
ceux qui ont moins de six pennes de la queue mar- 
quées de blanc, c'est-à-dire tantôt deux tantôt qua- 
tre ; de ce qu'ils sont quelquefois un peu plus gros 
ou un peu plus noirs que les autres, les oiseleurs les 
appellent Charbonniers ; cette distinction n’est pas 
mieux établie que la première, puisqu'elle est aussi 


messe: 


PP ne 


EIRE ns Dim. 


NS PT Te 


ER AR RES ES 


AR TA 


Ts. 


104 ORNITHOLOGIE 


l’eflet de l’âge ou de la mue. Les jeunes de l'année 
sont plus particulièrement connus dans nos cam- 
pagnes sous le nom de Vardan. 

La taille du Chardonneret est de 14 cent. 4-6 
mill. 

Le mâle adulte est remarquable par le beau rouge 
cramoisi qui lui pare le front et la gorge, ainsi que 
par le jaune vif qui recouvre la moitié supérieure 
de ses pennes alaires, dont le reste est noir et taché 
de blanc vers le bout. Il porte du noir autour du 
bec, sur l’occiput et à la nuque; du blanc pur sur 
les joues et le devant du cou. Un brun roux lui 
couvre le dos et les scapulaires ; la même couleur, 
mais d’une teinte un peu moins foncée, se fait en- 
core remarquer sur les côtés de la poitrine et sur les 
flancs ; les autres parties inférieures sont blanches. 
La queue est fourchue, noire, avec une, deux 
ou trois taches arrondies blanches sur le bord in- 
térieur des rectrices latérales, et seulement mar- 
quée de blanc à l'extrémité des intermédiaires. Le 
bec est exactement conique, long, aigu, blanc ou 
blanchâtre à sa base et noirâtre vers la pointe; 
l'iris brun foncé ; les tarses sont noirâtres. 

La femelle a le noir de la tête et des petites cou- 
vertures alaires nuancé de brun. Le rouge du front 
et celui de la gorge se trouvent souvent mêlés d’un 
peu d'orangé, et le blanc du dessous du corps est 
ordinairement moins pur que dans le mâle. 


DE LA SAVOIE. 105 


Les jeunes, au sortir du nid, offrent sur leur li- 
vrée un mélange de brunâtre, de blanchâtre et de 
grisâtre. Ils n’ont point de rouge à la tête ni à la 
gorge : ils prennent cette couleur à leur première 
mue; mais ils ne l’ont bien vive qu'à l’âge de deux 
ans. On les reconnaît néanmoins toujours au jaune 
des ailes et aux taches blanches des rémiges et de 
la queue, qu’ils ont déjà dans le nid disposées 
comme chez les vieux. 

Le Chardonneret est sujet à varier avec la tête 
et la gorge roussâtre, puis le reste du corps blan- 
châtre ou d’un blanc nuancé de roux très-clair ; ou 
bien avec les deux premières parties d’un jaune- 
orange et le plumage ordinaire, sauf le ventre, 
teinté de jaune; parfois, il devient d’un blanc 
pur ou d’un blanc mélangé avec les couleurs natu- 
relles, et très-rarement d’un noir plus ou moins 
parfait. 

On remarque cet oiseau en Savoie à toute saison, 
mais un peu moins abondamment pendant l'hiver, 
époque à laquelle plusieurs individus émigrent vers 
les régions méridionales. Les petits bois cham- 
pêtres, les champs et les vignobles parsemés d’ar- 
bres, les parcs, les avenues, les vergers et les jar- 
dins, sont sa demeure habituelle. On le rencontre 
encore facilement en été sur les lisières des forêts 
alpestres et auprès des clairières, de celles surtout 
où 1l trouve en abondance les chardons, les séne- 


106 ORNITHOLOGIE 

çons, les plantains etles chicorées sauvages, dont les 
graines composent en ces lieux la base de sa nour- 
riture, Après les nichées, il vit d'habitude par ban- 
des, quelquefois nombreuses, qui ne se dissolvent 
qu'à la pariade prochaine. Chaque mâle se retire 
alors avec la femelle qu'il a choisie, et ils vont tous 
deux ensemble se chercher un canton favorable 
pour leurs amours. 

Les Chardonnerets font ordinairement deux cou- 
vées par an dans nos contrées : la première a lieu 
au commencement d'avril, la seconde vers la mi- 
juin. Ils ont pour nicher un goût particulier pour 
les arbres fruitiers ; souvent ils choisissent ceux qui 
sont les plus rapprochés des maisons, ou bien en- 
core les orangers, les cyprès, noisetiers, charmilles, 
rosiers ou les massifs de plantes élevés dans les 
jardins ou le long des avenues; quelquefois, et 
suivant les lieux, ils leur préfèrent les rangées 
de peupliers sur les bords des routes, des sen- 
tiers et des fossés avoisinant des champs et des 
prairies, où ils sont toujours sûrs de vivre au mi- 
lieu de l'abondance. Vont-ils se reproduire dans les 
régions montagneuses, ils s’établissent sur les li- 
sières des forêts qu'entourent des friches ou des 
pâturages, parfois couverts de synanthérées (char- 
dons, etc.), dont ils recherchent avec avidité les 
semences, soit pour eux soit pour alimenter leur 
petite famille, 


DEAD SAYOTE. 107 
Le mâle et la femelle donnent à leur nid, qu'ils 
placent parmi les branches ou les rameaux les plus 
flexibles, ou bien au centre des bouquets de feuilles, 
une forme demi-sphérique, très-élégante; de fois à 
autre, ils l’attachent avec des filaments de plantes 
ou de petits flocons de laine, disposés en forme 
d’anneaux autour des rameaux qui le soutiennent. 
Ils composent ce berceau en dehors de lichens, 
de menues racines et de brins d'herbes ou de paille 
fine, mêlés d’un peu de mousse ou de duvet de 
fleurs : ces matériaux que lient ensemble solidement 
le crin, la soie des cocons et la toile des araignées, 
forment un tissu serré et très-bien confectionné. 
Un matelas, toujours très-propre, fait de coton de 
saule, d’aigrettes de tussilages, de chardons, de sé- 
neçons et de chicorées, recouvre les parois inté- 
rieures et le fond du nid. C’est sur cette couche fort 
chaude que la femelle pond 4 ou 5 œufs par couvée; 
ils sont souvent un peu allongés, quelquefois piri- 
formes, d’un blanc légèrement teint de vert, et 
marqués de taches, de raies et de petits points rou- 
geâtres ou violâtres, tantôt seuls tantôt entremêlés 
d’autres traits d’un noir rougeâtre, et le plus sou- 
vent très-rapprochés autour de la grosse extrémité, 
Leur longueur est en moyenne de 16 ou 46 mill. #, 
et leur largeur diamétrale de 19 3 à 13 mill. 
Pendant l'incubation, le mâle vient de temps en 
temps auprès de sa compagne avec des aliments, 


2 


JR ORNITHOLOGIE 


qu'il lui donne sur le bord du nid par voie de dé- 
gorgement. Il se perche ensuite à la pointe d’un 
arbre de moyenne hauteur, souvent vis-à-vis de celui 
de la couvée, d’où à chaque instant il fait retentir 
son petit canton de sa voix agréable, Au coucher du 
soleil, il se réfugie dans une touffe de feuilles tout 
près de sa femelle, pour y passer la nuit. Le lende- 
main, dès le point du jour, il redit son joli ramage. 

Les œufs commencent à éclore au 15° jour de 
couvaison, et avant le 17° tous les petits sont déga- 
gés de leurs coquilles. Le père et la mère les nour- 
rissentavec les graines de mouron, de panic, de sé- 
neçon, de plantain et de graminées, qu'ils laissent 
réduire préalablement en pâte dans leur estomac. 
Pendant que cette substance se forme, ils ont soin 
d’aller l’humecter de temps à autre, en buvant sur le 
bord d’une source ou d’un fossé; puis, revenus au 
nid, ils la dégorgent dans le bec de leurs petits. 
Ceux-ci, après leur sortie, restent avec eux jusqu’à 
la nouvelle couvée (1-15 juin }, époque à laquelle 
leur éducation est achevée. Leurs auteurs ne ces- 
sent pendant ce temps de les reconduire tous 
ensemble d’un champ ou d’une prairie à l’autre, 
à la recherche des graines destinées à les nour- 
rir; ensuite ils les ramènent dans les bois et les 
bosquets, où ils les font cacher à l’ombre durant le 
fort de la chaleur de la journée. Mais leurs cris ha- 
bituels, qu’ils poussent presque sans relâche, soit 


DEN ES ANPONE. 109 
en voletant d'arbre en arbre soit même pendant 
leur repos, décèlent toujours leur présence dans ces 
lieux ; par ces cris, ils semblent prononcer : bz1- 
biz, bizibiz, bizibibrbr. 

Sur la fin de l’été ou aux premiers jours de l’au- 
tomne, tous les Chardonnerets du même canton 
s’attroupent et forment quelquefois, en se réunis- 
sant plusieurs familles ensemble, des troupes con- 
sidérables qui ne se séparent qu’au printemps pour 
la pariade ou avant l’hiver pour voyager par petites 
troupes. Ils parcourent d'ordinaire en un jour di- 
vers quartiers de leur arrondissement, et par préfé- 
rence les localités qui leur fournissent force chanvre, 
chardons, laitues, chicorées sauvages et cultivées ; 
fréquemment ils se mêlent alors aux bandes des 
Verdiers, des Serins, des Linottes et des Pinsons 
qu’ils y rencontrent, et avec lesquelles ils vivent en 
bonne harmonie; volant pêle-même avec elles, se 
nourrissant ensemble et allant aussi à la fois, vers le 
milieu du jour, respirer la fraîcheur dans les bois. 

Tous les ans, quelques Chardonnerets émigrent 
de nos climats par petites bandes ou seulement 
par paires, dès que, vers le milieu de l’automne, 
l'on se met en devoir de retirer la plupart des se- 
mences qui les retiennent encore dans les champs ; 
ils reviennent en mars, et le plus souvent par 
couples, mâle et femelle. Les individus qui passent 
l’hiver chez nous, se répandent principalement le 


ER 


RE nn = 


=RT 


110 ORNE OL O GATE 

long des routes, des rivières, des ruisseaux et des 
prairies ; on les y trouve presque toujours posés 
sur les chardons dont ils achèvent d’éparpiller les 
aigrettes, afin de s’alimenter avec les semences 
qu’elles peuvent encore recéler. De temps à autre, 
on les voit autour des granges où l’on a battu le 
chanvre, occupés à fouiller dans la poussière ou les 
débris des feuilles de cette plante pour y chercher 
les grains perdus. 

Le Chardonneret donne aisément dans les filets 
| et les lacets qu’on s'applique à lui tendre sur toute la 
| surface de notre pays, pour l'avoir en cage ; c’est 
la beauté de son plamage, jointe aux agréments de 
Il sa voix et sa docilité qui en font si vivement dési- 
|| rer la possession. Toutefois il se laisse prendre 
avec un peu plus de difficulté lorsqu'il trouve abon- 
| dammient dans tous les lieux qu’il fréquente, Îles 
graines dont il paraît le plus avide ; aussi, les 
oiseleurs né le chassent guère chez nous avant 
l'enlèvement du chanvre ou des chicorées dans les 
champs ou les jardins. Comme il est très-actif, il 
aime qu'on lui donne en captivité de l’occupalion ; 
il se dresse alors facilement à la manœuvre de la 
galère, de même qu'à l’exécution de plusieurs autres 
travaux de ce genre. Le mâle s’accouple aisément 
avec la femelle du Serin ou Cini et avec celle du 
A Canari; il résulte de cette union des Métis parmi 
Il | lesquels on en remarque de très-beaux et d'habiles 


DE DAUSANOTLE: 111 
chanteurs. Ceux-ci s’apparient aussi à leur tour, soit 
avec dés femelles de Serin Soit même avec des 
Chardonncerets et des Linottes ; mais ils ne produi- 
sent jamais qué des œufs clairs. 

Le Chardoñiëret est sujet en volière à plusieurs 
maladies dangereuses, surtout aux attaques épilep- 
tiques, qu’on attribue généralement à uné alimeñ- 
tation trop substantielle. Pour les prévenir, plu- 
sieurs personnes plactñt dâris sa cage un morceau 
de plâtre, quélquefois de tuf, qu’il se plaît du reste 
à becqueter souvent après ses repas, et avant de 
boire ; il en avale de petits grains qui se mêlent 
dans l'estomac avec les aliments, s’agitent presque 
continuellement parmi eux, en activént là diges- 
tion, s’usent et disparaissent enfin avec les déjec- 
tions de l'oiseau. 


136.—Fringille Venturon /Fringilla Citrinella). 

Le Venturon de Provence (Buff.). — Le Venturon (Cuv.). — Fringille Cini 
(Fringilla Serinus), Vieill., Faune Française.—Gros-Bec Venturon (Frin- 
gilla Citrinella), Temm.—Bruant du Tyrol (Sonnini).—ÆEmberiza Brumalis 
Gmelin). 


Cet oiseau est fort peu connu en Savoie, sans doute 
parce qu'il ne se tient guère que dans les contrées 
montagneusés, Les oiseleurs qui le connäissent un 
peu lé nomiment tantôt Serin où Cüini Vert, pour le 
distinguer de leur Serin Jaune ou Cini, tantôt Serin 
des Montagnes ; quelquefois, ils le prennent pour un 
Bruant ou pouï uñe petite espèce dé Verdier; alors 
ils le désignent sous le nomde Verdon. 


d 
| 112 ORNITHOLOGIE 


Le mâle adulte à 12 centim. 4-5 mill. de taille. 
| Il est d’un vert jaunâtre sur le front, le sommet de 
| la tête, le tour des yeux, la gorge, le devant du 


cou, la poitrine et sur le milieu du ventre ; d’un 
| cendré plus ou moins foncé sur l’occiput, la nuque, 


| les côtés du cou et les flancs. Le dos, les scapulai- 
| res, les couvertures alaires et deux bandes trans- 
versales sur ces dernières, sont d’un vert foncé, 
nuancé de grisâtre. Le croupion est jaunâtre, l’ab- 
| domen blanchâtre; les pennes alaires et caudales 


| sont noires, et lisérées de cendré verdâtre ; la queue 
| est fourchue; le bec brun sur la mandibule supé- 
rieure et couleur de chair sur l’inférieure; l'iris des 
| yeux noirâtre ; les tarses sont brunâtres. 

La femelle a les couleurs moins vives que le mâle; 


elle est en outre plus nuancée de grisâtre sur le dos, 
où la plupart des plumes portent, le long des 
fl baguettes, un trait brun, qu’elles perdent avec 
l’âge. 

Les jeunes de l'année, après la mue, ressemblent 
| aux femelles adultes. Au sortir du nid, on les voit 
fl mélangés de grisätre, de blanchâtre et de jaunâtre 
sur les parties inférieures; et d’un grisätre foncé 
| sur la tête, ainsi que sur les autres parties où les 
| | adultes sont cendrés. Ils ont le croupion et le dos 
| brunâtres, avec un peu de gris roussâtre autour des 
fl plumes. Les deux bandes des couvertures alaires 
1H sont roussâtres ; les rémiges et les pennes de la 


DE qe SC Ge de SE US 
+ PE ms = 


DE LA SAVOIE. 115 
queue noirâtres, frangées extérieurement d’un 
blanc sale, à peine teinté de verdûtre. 

On trouve cette Fringille en Provence, en Italie, 
en Allemagne, dans le Tyrol, en Suisse et dans plu- 
sieurs parties de la France; elle est assez commune 
en Savoie, et nous l’y possédons toute l’année. 

Pendant l'été, elle habite principalement les 
forêts de pins, de mélèzes et de sapins de nos mon- 
tagnes ; on la remarque dans toute la Haute- 
Maurienne et sur la pente méridionale du Mont- 
Genis; en Tarentaise et dans les Bauges, notam- 
ment dans les forêts d’Arith et de Margériaz ; à la 
cime du Mont-Grenier, à l’Alpétaz, à la Grande- 
Chartreuse et dans le Haut-Faucigny. Elle niche 
dans ces diverses localités. La femelle travaille 
presque seule à la confection du berceau de la pro- 
géniture ; le mâle ne fait guère que l’accompagner 
quand elle va à la recherche des matériaux, il 
revient avec elle chargée du butin et chante 
tout près à la cime d’un arbre pendant qu'elle 
les arrange sous la forme de nid : j'ai rarement 
réussi à le voir aider sa compagne dans la com- 
position de ce travail. Elle le fait sur les arbres les 
plus touffus, surtout sur les sapins, le posant tantôt 
au centre de plusieurs petits rameaux très-rappro- 
chés, tantôt le long d’une branche couverte de 
mousse ou dans une toufle de gui très-épaisse. Sc 
prépare-t-elle à nicher dans un verger ou un jardin, 
7. ll, 8 


114 ORNITHOLOGIE 


ll comme on l’observe effectivement auprès des vil- 
lages et des hameaux de la Maurienne, du Chamo- 
nix , de la Haute-Savoie et de la Tarentaise , elle 
fait choix d’un arbre fruitier et y construit son nid 
1l aussi artistement que le Chardonneret. Les lichens, 
la longue mousse des sapins, mélangés avec des 
{ll tiges d'herbes sèches et retenus par de la toile d’a- 
| raignée, en forment ordinairement le dehors; le 
dedans est garni de paille très-déliée ou, suivant les 


| lieux, matelassé avec des plumes, du crin, des poils, 
| de petits flocons de laine, ou avec le duvet des fleurs 
Il printanières. La femelle pond vers le milieu de mai 


1l o ou 6 œufs d’un blanc bleuâtre, maculés d’un 
rougeâtre violacé et parsemés, surtout vers le gros 
bout, de quelques points ou zigzags d’un brun très- 
| | foncé ou d’un noir rougeâtre. [ls ont pour longueur 
\N 15 : ou 16 mill., sur 11 ou 11 mill. : de diamètre. 
| Pour chanter pendant l'amour et l’incubation, 
le mäle se perche fréquemment au bout d’une 
branche, quelquefois à l’extrémité d’un arbre, Son 
ramage, qu'il redit aussi en volière, a, quoique peu 
distinct, quelque rapport par la liaison de ses sons 
avec celui du Serin ou Cini. Comme lui, il le fait 
entendre en se soutenant en l’air au-dessus de sa 
compagne, ou bien en voletant autour de l’arbre 
qui renferme son nid; les syllabes théri, thérin, | 
trin, térin, sont les plus répétées dans ce chant. | 
S’éloigne-L-il quelques moments de la femelle qui | 


D 
L] 
pe 


MÉLLAN SANOTE: 115 
couve, c’est pour aller lui chercher des vivres, ou 
faire bande avec les autres mâles, ses semblables, 
du même canton, jusqu’à ce que son devoir le rap- 
pelle auprès de la couvée. 

Le père et la mère nourrissent leur famille avec 
‘ des semences ou des nouvelles pousses d'arbres, 
de plantes alpestres et de graminées; comme le 
Chardonneret, ils laissent avant tout ces aliments 
se réduire en une sorte de pâte dans l'estomac, 
d’où ils la font regorger à mesure qu’ils la parta- 
gent aux petits. Mais lorsque ces derniers sont 
un peu plus avancés en âge et en Ctat de digérer 
plus facilement, ils leur donnent les grains tout 
broyés et les pousses telles qu'ils les coupent aux 
arbres ou aux fleurs. 

Après l’éducation de la progéniture, les Ventu- 
rons restent en famille dans plusieurs de nos cantons 
montagneux jusqu’à la fin de l’automne; à cette 
époque, ils se rapprochent des bois inférieurs, ou 
bien ils émigrent vers le Midi. Néanmoins souvent 
ils y forment, en se réunissant plusieurs nichées en- 
semble, des troupes nombreuses qui volent légère- 
ment, quoique serrées, et ne cessent de faire en- 
tendre leurs cris ordinaires : térin, térin, trin, qu’on 
imite très-bien en pinçant la chanterelle d’un vio- 
lon monté au diapason. En se posant sur les arbres 
ou les taillis pour y chercher leur subsistance, ces 
bandes s’accrochent par les pieds aux rameaux les 


116 ORNITHOLOGIE 

plus flexibles, s’y balancent tandis qu'elles en 
arrachent les semences ou les bourgeons. Au pre- 
mier signal, elles partent à la fois en s’entr'appe- 
lant et vont se reposer de même un peu plus loin; 
c’est ainsi qu'elles parcourent chaque jour succes- 
sivement tous les bois de leur district. 

Le Venturon descend des montagnes principale- 
ment lorsque les neiges commencent à les envahir. 
On le voit arriver le matin dans les vallées infé- 
rieures ou sur les collines tantôt en petites sociétés, 
tantôt mêlé avec les Sizerins, et rarement seul. I! 
y recherche les petits bois d’arbres verts, les lieux 
garnis de charmilles et de ronces, les rangées 
d’aunes, etc., dont les semences et les bourgeons 
le nourrissent. Dans les temps de neige ou de grand 
froid, il vient jusqu'à la plaine se montrer le long 
des haies, dans les jardins, sur les arbres fruitiers 
ies plus près des maisons. Il ne garde plus alors le 
même ordre dans ses troupes que durant l’automne; 
aussi, elles se dissolvent à chaque moment, elles se 
rallient et se quittent encore pour aller aux vivres, 
au point qu’il n’est pas rare de rencontrer pendant 
cette saison le Venturon solitaire ou par couple. Plu- 
sieurs individus partent alors de notre pays et se re- 
tirent vers les régions méridionales de l’Europe; mais 
ils les abandonnent à l'approche des beaux jours, pour 
retourner dans leur patrie, où les ramène l'amour. 

La Fringille Venluron est fort peu sauvage. Elle 


DELA SAVOIE. 117 
se plie facilement à l'esclavage; elle y devient aussi 
familière que le Turin. On parvient quelquefois à 
l’apparier avec le Serin des Canaries. Sa chair 
est un bon manger ; en hiver, elle possède un léger 
goût de résine ou d’amertume qui est loin de 
déplaire; elle l’emprunte des jeunes pousses, des 
semences d’arbres verts ainsi que des bourgeons de 
plusieurs arbres et arbustes, qui forment alors, 
dans plusieurs localités, la principale nourriture de 
cet oiseau. 


139.—Fringille Farin /Fringilla Spinus/. 


Noms vulgaires : Tarin, Térin. 


DE ne a AAA Soi ont Diceri0 (Si 

Le Tarin, qui est un charmant oiseau, a 41 cent, 
5-6 mill. de longueur. | 

Le vieux mâle, en livrée d’été, est d’un noir pro- 
fond sur la gorge, sur le dessus de la tête et un peu 
varié de verdâtre à la nuque; derrière l’œil il 
porte une bande d’un jaune-citron, qui s’étend sur 
les côtés du cou : la même couleur règne encore 
sur la poitrine, le haut du ventre, à la base des 
pennes alaires et caudales, tandis qu’un blanc 
gris, souvent nuancé de verdâtre, couvre les flancs 
et l’abdomen, dont le centre se trouve taché 
longitudinalement de noir. Le dos et les sca- 
pulaires sont d’un verdâtre un peu lavé de cendré, 


_— 


Le LEE RER 


118 ORNITHOLOGIE 


avec un petit trait noirâtre qui longe les baguettes 
des plumes ; le croupion est d’un jaune mélangé de 
verdâtre. Les ailes ont leurs petites tectrices supé- 
rieures d’un vert-olive ; les moyennes et les grandes 
forment deux bandes transversales : la première 
est noire, la seconde d’un vert olivâtre ; les rémiges 
sont noires, sauf cependant leur base qui est jaune, 
et toutes frangées de vert jaunâtre à l’extérieur ; le 
noir occupe encore l'extrémité de la queue. Le bec 
est brun, surtout vers sa pointe, et de couleur de 
corne claire à la base de la mandibule inférieure ; 
l'iris noir ; les tarses sont bruns. 

La femelle est très-différente : elle a le sommet 
de la tête et le dos d’un gris olivâtre, avec des ta- 
ches longitudinales noirâtres ; les partiesinférieures 
blanchâtres, légèrement nuancées de jaune à la poi- 
trine et sur les côtés du cou, et marquées de taches 
allongées noirâtres, particulièrement à la poitrine 
et aux flancs. Elle est jaunâtre sur le croupion, 
sur les couvertures supérieures de la queue, et 
noirâtre au centre des plumes: la base de cette der- 
nière partie porte moins de jaune que chez le 
mâle, et la bande transversale des ailes est d’un 
jaune pâle. $ 

Les jeunes, avant la mue, sont d’un blanc grisâtre 
en dessous, et fortement tachetés de noirâtre ; le 
dessus du corps est varié de blanchâtre, de gris 
olivâtre et de noirâtre. Ils ont déjà du jaune à la 


DE ASIN OT E ]19 


base des pennes de la queue et des rémiges, ainsi 
qu’au bout des tectrices alaires. 

A la mue de la fin de l'été, les jeunes mâles se 
colorent comme les vieux, mais leurs teintes sont 
partout moins vives pendant la première année. 
Comme eux, ils conservent pendant l’automne et 
l'hiver une bordure cendrée, néanmoins plus large 
que celle des vieux, aux plumes de la tête, de la 
gorge, du dos, et qui s’efface au printemps, par 
le moyen de la mue ruptile. C’est alors que le noir, 
le jaune, le verdâtre de leur livrée acquièrent toute 
leur pureté ; mais, Je le répète, ces couleurs ne sont 
bien vives dans les jeunes qu'à la seconde année. 

La Fringille Tarin niche dans les forêts de pins 
et de sapins des Alpes Suisses ; elle se reproduit 
aussi, mais en petit nombre, chaque année en Sa- 
voie, dans les mêmes localités que le Venturon et le 
Sizerin. Comme eux, elle couve vers la mi-mai; 
comme eux, elle cache très-soigneusement son nid 
sur les branches élevées des pins ou des sapins les 
plus garnis de mousse, de même qu’au centre d’une 
touffe de gui ou de petits rameaux très-serrés ; 
comme eux enfin, elle le fait petit, élégant et demi- 
sphérique. Composé en dehors presque entièrement 
de lichens et de mousse qu’elle prend sur les mêmes 
arbres, revêtu en dedans d’une couche de poils. 
de plumes-et d’aigrettes de chardons ou de tussi- 
lages, ce nid reçoit ordinairement 5 œufs, longs de 


2 SES ES TS SR less, > 2 2 = 


Te — 


{ll 120 ORNITHOLOGIE 

T4 tou 15 millim., sur 10 £ à 11 millim, de dia- 
| mètre. Leur couleur est tantôt d’un blanchâtre 
| | presque teinté de gris, tantôt d’un blanc bleuûtre ; 
|| elle se trouve dans les deux cas parsemée de quel- 
ques taches irrégulières, d'un rougeâtre ou d’un 
ll violet presque effacé, souvent très-rares au centre 
et à la petite extrémité de la coque, et mélangées 
vers le gros bout avec quelques autres traits non 
| moins réguliers, de couleur de rouille ou d’un noir 
A inclinant au rouge. Le père et la mère nourris- 
sent leurs petits dans le nid de la même manière 
et des mêmes aliments que la Fringille Venturon 
n° 136. Après leur sortie, ils restent aussi avec eux 
pour achever leur éducation ; puis ils forment tous, 
|| jeunes et vieux, des troupes plus ou moins nom- 
{li breuses, suivant les localités. 

Le Tarin commence à descendre des montagnes 
sur la fin de septembre, ou seulement aux premiers 
frimas d'octobre, selon les années. Il s’abat alors 
par petites bandes ou par paires, parfois seul comme 

. un oiseau égaré, dans les bois de la plaine et des 
| coteaux, dans ceux surtout de sapins; ou bien il 
s'arrête le long des champs, des eaux bordées 
d’aunes, d’ormes et de peupliers, des semences 
IA desquels il vit ainsi que des bourgeons qui ren- 
ferment les feuilles pour le printemps. C’est aussi 
à la même époque que l’on voit arriver en Savoie, 
des contrées septentrionales de l’Europe, plusieurs 


DE EA SAVOIE. 121 
de ces volatiles, le plus souvent par troupes de 
12 à 20 individus, volant serrés et avec légèreté, 
et ne cessant de s’entr’appeler pendant leur voyage 
par un cri monotone, qui s'entend de loin; par 
ce cri, ils semblent articuler les mots: tirrly, tirrly; 
quelquefois on dirait qu'ils prononcent à peu près 
les deux syllabes de leur nom: terrain, terrin, et 
c’est probablement de là que leur est venue leur 
dénomination de Tarin. 

Les Tarins ne s’abattent guère dans nos champs, 
à moins qu'ils n’y découvrent du chanvre, du millet, 
des chardons et des seneçons en quantité; ils ai- 
ment en eflet les grains de ces diverses plantes : 


L4 


parfois on les trouve dans les chènevières, mêlés 
aux bandes de Serins et de Chardonnerets qui S'Y 
repaissent pendant presque tout le jour ; mais ils se 
plaisent principalement dans les bois de haute fu- 
taie, à l’extrémité des arbres les plus élevés où ils 
s’accrochent, se suspendent aux branches à la ma- 
nière des Mésanges, pour en manger les semences 
et les nouvelles pousses ; par moments, ils se rap- 
prochent du sol, visitent à la même intention les 
buissons de charmilles, de hêtres et de ronces. Ils 
ne cessent de babiller pendant leurs évolutions; 
aussi, ce n’est souvent que leurs cris qui annoncent 
leur présence dans les bois, 

Ces oiseaux émigrent en grande partie de nos 
climats dès les premiers froids de novembre, et vont 


122 ORNITHOLOGIE 

passer l'hiver dans les contrées méridionales de 
l’Europe. Ceux qui bravent chez nous les rigueurs 
de cette saison continuent de vivre, comme en au- 
tomne, dans les bois de sapins, d’ormes, d’aunes, 
de charmes, etc. On les y remarque assez fréquem- 
ment en compagnie des Venturons et des Sizerins, 
voiant tous pêle-mêle et en un bataillon serré, se 
posant et se suspendant de même aux arbres qui 
fournissent leurs aliments. 

Nous avons tous les ans, dans le mois de mars, 
un second passage de Tarins qui reviennent du midi 
de l’Europe, leur séjour d'hiver, et se dirigent peu 
à peu vers les régions septentrionales pour s’y 
adonner à l’acte de la reproduction. Les mâles com- 
mencent alors à gazouiller en perchant sur le som- 
met des arbres; aux premiers beaux jours, après 
la mi-mars, leur chant est presque complet. On 
entend alors distinctement leur cri habituel d’été : 
il est aigre, traîné et a quelque analogie avec le 
son de la vielle. 

Au milieu d'avril, on ne remarque plus en Savoie 
que les sujets qui doivent s’y propager. Ceux-ci vi- 
vent encore par bandes, mais particulièrement dans 
les bois résineux des collines ou du centre des mon- 
tagnes ; de là, et avant les premiers jours de mai, 
ils gagnent les forêts de pins ou de sapins de nos 
plus hautes montagnes, où, à peine arrivés, ils 
entrent en amour et s’apparient. 


DE LA SAVOIE. 193 
Le Tarin est d’un naturel vif et gai; ses mœurs 
sont très-douces. Il est en outre si peu méfiant, 
qu’il tombe dans tous les piéges qu’on lui dresse. 
La captivité dans une cage ne lui déplait guère, 
puisqu'à peine renfermé il se met à manger, à 
rappeler ses semblables qui passent dans le voi- 
sinage. Il y vit longtemps; l’on réussit même à 
le faire nicher soit avec une femelle de son espèce, 
soit avec celle du Canari. On le nourrit de graines 
de chanvre, de millet, de soleil, de chardons, de 
sénecons et de chicorées. | 


438.-Fringille Boréale /Fringilla Borealis|. 
Le Sizerin (Buff.).—Fringille Sizerin (Fringilla Linaria), Vieill., Faune 


nes — Gros-Bec Boréal (Fringilla Borealis), Temm. — Sizerin Boréal 
oux). 


Cette Fringille n’est pas régulièrement de pas- 
sage en Savoie; ce n’est qu’à des intervalles de 
plusieurs années, ou pendant les hivers les plus 
froids qu’elle s’y montre, et l’espèce n’y est jamais 
commune. Nos oiseleurs la prennent, les uns pour 
une Petite Linotte des climats froids, les autres pour 
un métis produit par le Tarin ou le Serin (Ceni), 
apparié avec la Linotte Commune; d’autres la 
confondent avec l’espèce suivante, à laquelle elle 
ressemble beaucoup. | 

Sa taille est de 13 cent. 7-8 millim. 

Les sujets qui nous arrivent sont ordinairement 
des jeunes de l’année. 


LE EE EE 


| 
| 124 ORNITIHOLOGIE 
L Les mâles sont alors d’un ronge de sang terne 
| sur le haut de la tête, avec quelques teintes rous- 
| sâtres, à peine apparentes, vers le bout des plumes 
| de la même partie. [ls ont le front traversé par une 
bande noire, et les plumes qui la forment très- 
il finement marquées de blanc roussâtre à l’extrémité; 
| la gorge et les lorums, d’un noir terne ; toutes les 
parties inférieures blanches ou blanchâtres, avec 
des mèches noirâtres, particulièrement sur les côtés 
de la poitrine et sur les flancs. Les plumes des joues 
sont aussi blanchâtres, faiblement nuancées de 
roussâtre sur leurs bords; le dos est de cette der- 
| nière couleur, mais largement taché de brun foncé 
UD | au centre des plumes ; le croupion d’un blanc sale 
| | et varié de brun : chez les adultes, il est en outre 
mélangé d’un peu de rose. Les pennes des ailes, 
de la queue et les tectrices alaires sont noirâtres, 
bordées de blanc roussâtre. Le bec est jaune, 
brun seulement à la pointe; il est effilé et à pointe 
très-aiguë. L’iris et les tarses sont noirâtres. 
Les femelles ne diffèrent presque pas des mâles 
| extérieurement. Elles ont d'ordinaire 2-3 millim. 
| de moins en longueur, et du blanc roussâtre où ces 
derniers se trouvent colorés de roussâtre. Le 
rouge du sommet de la tête est aussi plus terne; 
d'habitude elles n’ont pas de rose sur le crou- 
pion, mais elles y sont plus tachetées de brun que 
les mâles, 


ORNITHULOCIE DE LA SAVOIE. 


Passereaux. Fringilhdees. 


TUL2£ 


Lith.Jh Perrin Chambery. J.Werner delk Lith. 
1 Fringille Boreale,z7.2% eu prilemps, 78 97 nat, P-19$: 
9 Pringille Sizerin, 224% en bvrée denoces, 75 gr.rat.:P. 117. 
5 » ) Vite delemelle en été 4-8 Gal: de espece, Trial 
7 Tringille de Montagne, jeune vale en hiver: 2gr nat; PA. 
8 l'ringille Linotte.z44 ex e4e: 3 gr nat; P. 139. 
9 » » Tete defemelle — WA Zufr de lespere, rat 


PRÉRTEAT SAV O TE. 125 

Au printemps et en été, qui sont les deux périodes 
pendant lesquelles nous n’avons jamais cette espèce 
dans nos climats, le mâle est d’un rouge rose, plus 
ou moins vif et pur, suivant son âge et l’époque de la 
saison, sur le devant du cou, la poitrine et le crou- 
pion : les bordures blanchâtres que l’on remarque 
souvent aux plumes de ces parties s’usent en géné- 
ral avant la fin de l’été; alors le rouge parait dans 
toute sa pureté. Les plumes des ailes et de la queue 
conservent néanmoins de larges lisérés blancs, et 
les flancs quelques taches longitudinales noirâtres ; 
c’est ce que j’observe sur un sujet adulte, capturé à 
Liège, que M. le baron de Sélys-Longchamps eut 
la complaisance de m'envoyer l’année dernière. 
Les mèches noirâtres des parties supérieures sont 
bordées de blanc ou de blanc roussâtre, selon 
‘âge ; le bec est noirâtre au printemps, noir en été. 

La femelle, aux mêmes périodes, est blanchâtre 
au-devant du cou et à la poitrine, au lieu d’y être 
rouge comme le mâle, et tachée en long de noi- 
râtre sur les côtés du cou, de la poitrine et sur les 
flancs. Son bec est noirâtre. 

La Fringille Boréale habite pendant l'été les 
régions du cercle arctique, dont elle ne s'éloigne 
guère qu'à l'approche de l’hiver ou aux premiers 
froids vifs qui l’y surprennent, en sorte que ses 
migrations ne paraissent pas périodiques : elles sont 
subordonnées, du reste, à l’intensité plus ou moins 


126 ORNITHOLOGIE 
hàtive du froid de ces contrées. Son apparition 
dans les pays tempérés de l’Europe et en Suisse a 
lieu, comme celle de quelques autres espèces des 
mêmes climats, à intervalles indéterminables. Nous 
ne l’avons guère vue jusqu’à présent ici que durant 
les plus grands froids qui surviennent depuis la fin 
de novembre jusqu'à la mi-février, et jamais deux 
années de suite. Elle voyage par troupes, quelquefois 
associée avec les bandes du Sizerin, dont elle a les 
mœurs. Comme lui, elle recherche, pendant le 
peu de jours qu’elle se montre dans notre pays, les 
bois de chênes, de bouleaux, d’ormes, d’aunes, de 
hêtres, de charmeset de sapins, dontles semenceset 
les bourgeons composent sa principale nourriture; 
comme lui et les Tarins, elle se tient à la cime de 
ces arbres, restant presque toujours accrochée ou 
suspendue à l'extrémité des branches les plus 
subtiles tandis qu’elle s’alimente. 

En sortant des bois, les Fringilles Boréales s’abat- 
tent sur les chardons qu'elles aperçoivent pour se 
nourrir encore de leurs graines; celles de chanvre, 
de plantain, de sarrasin et de chicorée sauvage les 
attirent pareillement dans nos champs par mo- 
ments; elles y font volontiers société avec les 
Sizerins qu’elles rencontrent par bandes. Elles vo- 
lent comme eux en troupe serrée et avec rapidité, 
se posent tout près les unes des autres, se relè- 
vent à la fois brusquement, comme d’une seule” 


DE LA SAVOIE. 127 
impulsion, et partent ensemble tout d’une volée. 
Les individus qui étendent parfois en hiver leurs 
excursions jusque dans nos contrées, n’y restent 
que durant la rigueur du froid; aussi d'habitude, 
au dégel, ils en disparaissent tous d’un moment à 
l’autre, et se retirent peu à peu vers les régions 
boréales où l'espèce se propage à la manière du 
Sizerin dans nos Alpes. Nos oiseleurs les prennent 
assez aisément dans leurs filets ; ces volatiles répon- 
dent d’ailleurs non-seulement à l’appeau de ce der- 
nier, mais encore à celui de la Linotte Ordinaire; 
mais il importe toujours de contrefaire juste la 
voix de ces espèces. 


139.—Fringille Sizerin /Fringilla Linaria). 


Noms vulgaires : Petite Linotte, Petit Linot, Linot Gris. 


Le Cabaret (Buff.).—Le Sizerin ou Petite Linotte (Cuv.). —Fringille Caba- 
ret (Fringilla Rufescens), Vieill. — Gros-Bec Sizerin (Fringilla Linaria), 
Temm.—Sizerin Cabaret (Linaria Rufescens), Roux, 


Ce petit oiseau, que plusieurs de nos chasseurs 
aux filets regardent aussi comme un métis produit 
par le Serin ou le Tarin et la Fringille Linotte (vul- 
gairement Lanot), ne diffère guère du précédent, en 
hvrée d'hiver surtout, que par sa taille; qui est de 
LL cent. 7 millim. du bout du bec à l'extrémité de 
la queue, par conséquent moindre de 20 à 21 millim. 
Mais il est sédentaire en Suisse et en Savoie, où son 

 congénère n'arrive que très-irrégulièrement pen- 
dant les hivers rigoureux. 


128 ORNITHOLOGIE 

Le male du Sizerin, en livrée de noces, est l’un 
des plus jolis volatiles de nos Alpes. Il est noir sur 
le front, sur l’espace entre l’œil et le bec (lorum) et 
à la gorge ; un peu roussâtre sur les petites plumes 
pileuses qui recouvrent les narines; d’un rouge 
cramoisi au sommet de la tête; d’un cramoisi plus 
clair sur les côtés de la gorge, sur le devant du cou, 
la poitrine, les parties latérales du ventre et sur le 
croupion : cette partie porte souvent, notamment 
chez les adultes, quelques taches brunes longitudi- 
nales. Le milieu du ventre, l’abdomen et les sous- 
caudales sont blancs ; ces dernières, de même que 
les flancs, sont en outre marqués en long de noi- 
râtre. Tout le dessus du corps offre un mélange de 
roussâtre, de gris blanchâtre, de noir ou de noi- 
râtre, suivant l’âge : cette teinte est celle qui y 
domine plus particulièrement; les deux autres ne 
servent qu'à border plus ou moins finement les 
plumes, selon le degré de la mue ruptile. Les 
pennes des ailes, celles de la queue, qui est four- 
chue, sont noirâtres et légèrement bordées de 
cendré roux; deux bandes d’un blanc roussâtre, 
formées par l'extrémité des couvertures alaires, 
traversent les ailes; quelquefois elles s’effacent, 
ou plutôt s’usent en grande partie sur la fin de 
l'été, chez plusieurs individus des deux sexes. Le 
bec, qui est en cône, effilé et très-pointu, devient 
peu à peu noiràtre au printemps; il tourne au 


DE LA SAVOIE. 129 
noir en été. L’iris et les tarses sont noirâtres. 
La femelle adulte n’a du cramoisi qu'au sommet 
de la tête, un peu de rose sur quelques plumes des 
côtés de la gorge, qui sont en outre tachetées de 
brun foncé ; elle en est entièrement privée à la poi- 
trine, aux côtés du ventre et au croupion : ces par- 
ties, de même que le milieu du ventre et l'abdomen, 
sont blanchâtres. Néanmoins les parties latérales 
du cou, de la poitrine, du ventre et les flancs ont 
de nombreuses taches allongées, noirâtres. Le noir 
de la gorge paraît plus étendu que chez le mâle ; 
mais le rouge de la tête occupe un peu moins d’es- 
pace. Le bec est noirâtre, quelquefois un peu jaune 
foncé à la base de la mandibule inférieure. Le reste 
du plumage ne diffère point de celui du mâle. 

Les très-vieilles femelles se colorent au printemps 
d’un peu de rose clair sur le blanchâtre de la poi- 
trine. : 

À la mue de la fin de l'été, le bec devient jaune 
dans les deux sexes, 1l reste à peine marqué de brun 
vers le bout. Après la crise, les plumes des parties 
supérieures sont largement bordées de roussâtre, et 
le rouge cramoisi de la tête est terne. Le liséré des 
ailes, des tectrices et des pennes caudales est plus 
apparent que pendant l’été. Les flancs, les côtés de 
la gorge, du cou et de la poitrine sont roussâtres, 
avec des taches longitudinales brunes, Chez les 
mdles adultes, le cramoisi s’efface en tout ou en 


D DEN QI LS 9 


mo 


130 ORNITHOLOGIE 

partie, suivant l’âge des individus, avant l'hiver, 
sur le devant du corps; dans le premier cas, c’est 
le blanc roux qui le remplace ; dans le second, sans 
doute chez les très-adultes, c’est un rose clair, très- 
largement bordé de blanchâtre au bout des plumes, 
qui y domine : cette frange disparait au printemps 
par la mue ruptile, à mesure que le rose se con- 
vertit en cramoisi. 

Les jeunes de l’année, avant de muer, n’ont point 
de rouge au sommet de la tête ; toutes leurs parties 
supérieures, ainsi que la poitrine et les flancs, se 
trouvent roussâtres, et tachées de brun le long dela 
direction des baguettes des plumes. Ils ont le bec 
blanchâtre, surtout au sortir du nid, et un peu de 
noirâtre à la gorge. 

Après la mue, ils ressemblent, dans les deux 
sexes, aux adultes décrits plus haut, qui ne con- 
servent alors ni le rose ni le cramoisi sur leurs par- 
ties inférieures. 

Nous remarquons cette Fringille toute l’année 
en Suisse et en Savoie. Son apparition dans le 
Midi et dans quelques régions tempérées de la 
France n’est pas régulière ; elle y a lieu en novem- 
bre et décembre, à des intervalles de trois à quatre 
ans, et l’espèce n'est pas toujours abondante. 
Chaque année, à la même époque, plusieurs volées 
plus ou moins nombreuses de cet oiseau passent 
dans notre pays; venant pour la plupart des con- 


DE LA SAVOIE. 131 
trées septentrionales, elles s’abattent tantôt dans 
les champs, tantôt dans les bois, souvent en y 
découvrant des bandes de Tarins ou de Linottes, 
avec lesquelles elles se mêlent, s’alimentent et 
voyagent même quelquefois; ce qui engage tou- 
jours plus les oiseleurs à croire que cette Fringille 
est un métis produit par ces deux espèces. 

Le Sizerin descend ici des montagnes, où il passe 
toute la belle saison et une bonne partie de l’au- 
tomne, principalement dès la fin d'octobre ou au 
commencement de novembre; il s’abat ordinaire- 
ment par petites troupes sur les bois de chênes, de 
hêtres et de sapins de nos collines ou de la base 
de nos monts; quelques sujets arrivent droit à 
la plaine, et hantent les champs, les petits bois ou 
les rangées d'arbres qui les avoisinent. Cependant 
plusieurs émigrent alors ensemble vers d’autres con- 
trées, soit vers le Midi soit vers les pays tempérés 
de l’Europe, dont ils s’éloignent toutefois à l’appro- 
che du printemps pour retourner à leur premier 
séjour. Les sujets qui restent l'hiver chez noussont 
presque toujours réunis en bandes; volant, comme 
les Linottes, par pelotons serrés et avec agilité, se 
posant et reprenant leur essor tous à la fois comme 
d’un commun accord. Se trouvent-ils seuls par mo- 
ments dans quelque canton, ils en visitent, comme 
elles, successivement tous les quartiers, et ne cessent 
de rappeler Jusqu'à ce qu’ils aient rencontré des 


TE 


Sr 


= 


Sn 


RTURRE TR T 


RE RS me 


132 ORNITHOLOGIE 

compagnons. Aussi peu méfiants qu’elles, ils tom- 
bent facilement dans les piéges des oiseleurs : ceux- 
ci les y attirent le plus souvent à l’aide de danseurs 
choisis parmi les Linottes déjà capturées, ou bien 
en contrefaisant tant bien que mal avec l’appeau leur 
cri de ralliement ou le cri d’appel de ces dernières. 
Mais ils vivent comme les Tarins sur les arbres, 
dont ils se plaisent à visiter les sommités. Comme 
eux, ils y prennent, avec une vivacité remarquable, 
des positions très-variées, qui se rapprochent 
singulièrement de celles des Mésanges; ils s’ac- 
crochent avec leurs petites serres très-recourbées 
aux bouquets des feuilles, au bout des branches 
et des rameaux les plus subtils, pour y prendre des 
aliments; ils s’y balancent souvent pendant qu'ils 
les mangent dans cette attitude, ou bien en se 
tenant renversés, ou les pieds en haut et la tête en 
bas. Ge sont les semences et les boutons de chêne, 
de hêtre, de charme, d'orme, de tilleul, d’aune 
et d'arbres verts qui entrent le plus en Savoie dans 
la composition de leur nourriture. Quittent-ils les 
bois ou les files d'arbres pour aller parcourir en- 
semble les lieux cultivés des environs, ils s’abattent 
sur les chardons, les chènevis, les millets, les lins, 
les sarrasins, les plantains, etc., qu'ils découvrent, 
et y vivent de leurs graines, souvent en compagnie 
d’autres Fringilles. Quelquefois ils s’accrochent 
aux vieilles murailles, où ils s’appliquent à becque- 


DE LA SAVOIE. 133 
ter le tuf, le plâtre ou le gravier, comme les Li- 
nottes, pour en avaler quelques petits grains qui 
servent alors à faciliter leur digestion; une fois dans 
l'estomac, ils s’agitent sans cesse, s’usent peu à 
peu pendant la trituration des aliments, et finissent 
par disparaître à la longue avec les excréments. 
Le Sizerin regagne vers la fin de mars, époque 
à laquelle il se fait ici un second passage de 
l’espèce, les régions boisées de nos Alpes, où les 
semences, les jeunes pousses des arbres résineux 
forment alors sa principale nourriture. Il s’y repro- 
duit, comme ie Turin et le Venturon, dans les forêts 
de pins, de sapins et de mélèzes ; mais il préfère à 
l’intérieur de ces bois leurs lisières ou les arbres qui 
environnent leurs clairières. Quelquefois on le trouve 
aussi dans des lieux couverts de taillis de hêtres sur- 
tout, voisins de ces forêts, et parsemés de quelques 
sapins quand ils ‘en sont éloignés. Je l’ai remarqué 
annuellement à Margériaz, notamment sur les sa- 
pins qui bordent les pâturages, à l’Alpétaz, dans 
les forêts supérieures de Saint-Hugon, dans la 
Haute-Maurienne, au sommet du Mont-Cenis et de 
sa pente méridionale; puis dans les bois les plus 
reculés de la Tarentaise, etc., etc. Le mâle a 
un chant d'amour très-vif, très-expressif, qui a 
même beaucoup de ressemblance avec celui du 
Serin (Ceni) ; mais il le traîne par moments sur un 
ton aigre; alors 1l se rapproche plutôt de celui du 


|| 


134 ORNITHOLOGIE 


Tarin : les syllabes zizet, zizelzetzet, xetzet, 
entrent en grande partie dans la composition de 
son ramage. C’est principalement en volant seul, 
allant et revenant sans cesse sur ses vols, et presque 
toujours à une grande hauteur au-dessus des arbres 
de la forêt qu’il a choisie pour canton, qw’il se plaît 
à le redire à chaque moment de la journée, Au 
moindre cri de rappel de sa compagne, il plonge 
vers elle et termine sa chanson en arrivant à la 
cime de l’arbre qui la possède ; parfois il est à peine 
posé qu’il repart et l’emmène avec lui dans les airs, 
en chantant encore avec plus de volubilité. 

C’est vers la mi-mai que la femelle construit son 
nid ; le mâle l’aide fort peu dans ce travail, Ce ber: 
ceau, quoique achevé; ne fait pas plus de volume 
sur les arbres que celui du Serin ou du Tarin ; aussi, 
est-il également très-difficile à découvrir : il se 
trouve du reste caché soit dans la mousse longue 
et pendante des sapins, soit au milieu d’une toufle 
de petits rameaux très-touflus, soit enfin sur un 
tronc étêté et recouvert de mousse ou d’épais li- 
chens; ou bien il est fixé parmi les branches les 
plus rapprochées et les plus feuillées des taillis. 
Composé extérieurement de morceaux de mousse et 
de licheri, mêlés avec dés brins d'herbes sèches ou 
de petites racines, liés ensemble avec la soie des 
cocons et la toile d’araignée , ce nid reçoit, Sur un 
matelas de poils, de duvet de fleurs et d'arbres, 


DPITA SAVOLE. 135 


5 ou 6 œufs; ils sont d’un bleuâtre plus ou moins 
clair, et mouchetés d’un rougeâtre ou d’un violâtre 
presque effacé, surtout vers le gros bout, où souvent 
ces couleurs tracent une espèce de couronne ; on y 
découvre aussi quelques traits ou zigzags rares, 
d’un brun foncé ou d’un noirâtre inclinant au rouge. 
Pour longueur, ils ont 14 ou 14 millim. :, sur 
11 millim. de largeur diamétrale. Ils éclosent au 
quinzième jour de l’incubation. 

Le père et la mère nourrissent leurs petits par 
voie de regorgement, et avec le même genre d’ali- 
ments que la Fringille Venturon et le Tarin (voir les 
n* 156 et 137) ; ils les élèvent encore de la même 
manière après leur sortie du nid ; aussi, pour éviter 
répétition, je n’entrerai pas dans d’autres détails. 

Le Sizerin s’habitue vite à l’état de captivité ; 
mis en cage, il ne cesse de sautiller d’un juchoir à 
l’autre, de s’accrocher aux barreaux supérieurs 
d’où ils se laissent retomber, en pirouettant leste- 
ment, sur l’un des bâtons. Mais s’il est revêtu de 
sa livrée d’été quand on l’enferme, l’on s'aperçoit 
bientôt qu'il y perd l’éclat de sa couleur rouge : 
c'est d’ailleurs là le sort de presque tous les 
oiseaux retenus en captivité. 


136 ORNITHOLOGIE 


Deuxième Section, 
BREVICONES /BREVICONI,. 


Signes caractéristiques : Bec fort, plus ou moins court, conico-cylindrique, 
droit, grêle, aigu à la pointe qui est quelquefois comprimée latéralement. 


Cinq espèces composent cette section. 


440.—-Fringille de Montagne /Fringilla Montium |. 


Noms vulgaires : Petite Linotte de Passage, Petit Linot Passager, C'ardi- 
nalin Bâtard. 


Linotte de Montagne et Linotte aux Pieds Noirs (Buff.). — Gros-Bec à 
Me ie ra AP CU ON D IN 
Cette Fringille est de passage irrégulier soit en 
Suisse, soit en Savoie; ce n’est que sur la fin de 
l'automne ou pendant l'hiver, puis à l’approche du 
printemps, qu'on l’y voit paraître de loin en loin, et 
jamais plusieurs années consécutives. Elle a bien 
quelque ressemblance avec le Sizerin et la Linotte, 
mais elle en diffère essentiellement en ce qu’elle n’a 
jamais, comme eux, du rouge sur la tête, du rouge 
à la gorge et à la poitrine. Quelques-uns de nos 
oiseleurs s’imaginent que c’est un métis produit par 
le Chardonneret et la Linotte appariés ensemble: ils 
la nomment pour cela Cardinalin Bâtard. 

Ce sont principalement les femelles adultes et les 
jeunes de l’an des deux sexes qui viennent visiter 
nos contrées. Leur taille est de 13 cent. 5-6 millim. 
du bout du bec à l’extrémité de la queue. Leur 
plumage est peint des mêmes couleurs. 


ADIEU SAVOIE. 137 
lls sont d’un brun très-foncé au centre des 
plumes de toutes les parties supérieures, y com- 
pris le dessus de la tête, et roussâtres sur les bords. 
Les pennes des ailes sont noirâtres, frangées de 
blanc sur les primaires, de roussâtre sur les secon- 
daires ou les plus rapprochées du dos; leurs 
couvertures sont aussi terminées de roussâtre, 
ce qui forme sur le milieu des ailes deux bandes 
transversales de cette couleur. La queue, qui est 
très-fourchue, a ses pennes noirâtres, bordées 
de blanc à l'extérieur des latérales, de rous- 
sâtre sur les intermédiaires. Un roux clair couvre 
la gorge, les joues, le devant du cou et le haut de la 
poitrine ; la même nuance trace une large bande 
au-dessus des yeux, en forme de sourcils. Sur les 
côtés du cou, de la poitrine, du ventre et sur les 
flancs, l’on remarque de nombreuses taches allon- 
gées, d’un brun très-foncé. Le ventre, l’abdomen 
et les couvertures inférieures de la queue sont d’un 
blanc légèrement teinté de roussâtre. Le bec, qui 
forme un triangle, est d’un jaune clair, avec une 
fine tache brune à la pointe. L’iris et les pieds sont 
noirâtres. 

Au printemps, les mâles prennent du rose foncé 
sur le croupion. Le roux et le blanchâtre des par- 
ties inférieures deviennent un peu plus clairs qu’en 
hiver, et le brun très-foncé des parties supérieures 
se change presque en noir. Quelques naturalistes 


RE RG 
c = Re TE = = — = 


138 ORNITHOLOGIE 


présument que le bec devient noir ou noirâtre pen- 
dant l'été, comme chez la Fringille Sizerin, la Bo- 
réale et la Niverolle. M. Temminck dit, au contraire, 
dans la 3° édition de son Manuel, p. 262, que cet 
organe est alors blanchâtre. 

Ce volatile habite, pendant l'été, l'Écosse, la 
Norvége et la Suède ; il se montre périodiquement 
dans quelques cantons de l'Allemagne, de la France 
et de la Hollande. 

C’est sur la fin d'octobre, ou en novembre et dé- 
cembre, quand le vent du nord souffle avec violence, 
qu’il passe de temps à autre par bandes en Savoie. 
Mais il cesse d’y paraître aussitôt que les neiges 
ont envahi tout le pays, sauf quelques sujets rares 
qui restent ensuite confondus dans les nombreuses 
volées de Linottes. Il reparaît encore parfois sur la 
fin de février ou en mars, lorsqu'il retourne vers sa 
patrie. Dans les derniers jours d'octobre, qui sont 
assez souvent remarquables par de grands passages 
de Linottes, nos oiseleurs en prennent quelquefois 
un ou deux à quatre parmi les troupes les plus nom- 
breuses de cette espèce, qu’ils capturent si aisément 
avec les filets à nappes. Au contraire, ces individus 
forment-ils seuls une bande, ils se laissent tromper 
difficilement , quoique l’oiseleur fasse agiter ses 
danseurs pendant qu’ils passent et qu’il imite encore, 
pour mieux les engager à descendre dans le piège, 
leur cri d’appel ou celui des Linottes qui devien- 


DE. LA SAVOIE. 139 
nent souvent, en automne, leurs compagnes de 
voyage. 

La Fringille de Montagne vit ici, durant son sé- 
jour ou ses passages, de la même manière que la 
Linotte décrite à l’article suivant; elle s’accom- 
mode aussi des mêmes aliments. Son chant parait 
assez agréable, mais il est inférieur à celui de cette 


espèce. 


141.-Fringille Linotte /Fringilla Cannabina), 
Noms vulgaires : Linot, Linotte, Lignot. 
La Linotte et la Grande Linotte de Vignes (Buff.). — La Grandé-Linotté 


(Cuv:). — Fringille Linotte (Fringilla Linotta), Vieill. — Gros-Bée Linotte 
(Fringilla Cannabina), Temm.—Montanello (Savi). 


Cette espèce, l’une des plus communes du genre, 
a 1h cent. de longueur totale. 

Au printemps et pendant tout l’élé, les vieux 
mâles sont d’un joli rouge cramoisi sur le front et la 
poitrine ; d’un gris cendré à l’occiput, à la nuque et 
aux côtés du cou ; d’un brun châtain sur les parties 
supérieures ; d’un blanchâtre sur la gorge et le de- 
vant du cou, avec quelques traits longitudinaux 
bruns. Les flancs sont d’un brun rougeâtre ; le 
milieu du ventre et l’abdomen, d’un blanc très- 
légèrement teinté de roux. Les rémiges sont noires, 
et quelques-unes largement bordées d’un blanc pur, 
les autres de cendré roussâtre. La queue, qui est 
fourchue, à aussi ses pennes noires et plus large- 
ment lisérées de blanc sur les barbes intérieures 


140 ORNITHOLOGTIE 


que sur les externes. Le bec est exactement co- 
nique comme celui du Chardonneret, mais plus 
court et plus obtus; il est de couleur de corne très- 
foncée sur la mandibule supérieure pendant tout 
l'été, et d’une teinte un peu plus claire sur l’infé- 
rieure. L’iris est brun foncé. Les tarses sont d’un 
brun inclinant au roussâtre, parfois au noirûtre, 
suivant les individus. 

Les mâles adultes, à la même époque, ont le cra- 
moisi de la tête et de la poitrine moins vif et moins 
pur que les wieux; le blanchâtre de la gorge 
et du devant du cou plus tacheté de brun ; enfin le 
brun châtain du dessus du corps finement marqué 
de brun vers le centre des plumes ou seulement le 
long de la direction des baguettes de quelques 
plumes. 

Les femelles, qui sont moins grandes de 5 ou 
6 millim. que les mâles, ne portent jamais de rouge. 
Elles sont d’un cendré roussätre sur le dessus du 
corps, avec de larges taches d’un brun noijrâtre ; 
blanches roussâtres en dessous, mais presque blan- 
ches sur le milieu du ventre, et tachetées en long de 
brun noirâtre sur la poitrine et les flancs. Le reste 
de leur livrée ressemble beaucoup à celui des mâles : 
toutefois, les bordures blanches des rémiges et 
des rectrices se trouvent toujours moins larges chez 
les femelles. 

Les jeunes, avant la mue, ont le bec blanchätre, 


DE LA SAVOIE. 141 
les parties supérieures brunes roussâtres, et lancéo- 
lées de noirâtre ; le dessous du corps blanc roussâtre, 
avec de nombreuses taches allongées, d’un brun 
tournant un peu au roussâtre sur le milieu de la 
gorge, sur le devant du cou, la poitrine, les côtés du 
ventre et sur les flancs. À cette période, l’on recon- 
naît aussi les mâles par le liséré blanc des ailes et 
de la queue, qui est déjà plus étendu que dans les 
femelles. 

Après la mue de la fin de l'été, les vieux et les 
jeunes mâles se ressemblent. Ils sont roussâtres sur 
le dos, avec des taches d’un brun presque châtain 
et des bordures blanchâtres à l'extrémité des 
plumes : celles du haut de la tête aussi sont bordées 
de blanchâtre, et en outre marquetées de noir, 
puis de rouge violacé seulement à la base des 
plumes du front ; en sorte que c’est en soulevant les 
plumes de cette partie que l’on s'aperçoit de cette 
nuance. Les mêmes bordures blanchâtres existent 
encore sur les plumes de la poitrine, dont elles 
recouvrent presque tout le rougeûtre ; mais au prin- 
temps, et au moyen de la mue ruptile, ces franges 
s’usent peu à peu, et font voir, en disparaissant, le 
rouge qu'elles cachaient et qui n’acquiert guère 
avant la mi-mai toute la vivacité due à l’âge de 
l'oiseau. Il en est de même des plumes du dos, qui, 
en perdant alors leurs franges blanchâtres, devien- 
nent d’un brun châtain uniforme, chez les vieux 


142 ORNITHOLOGIE 

surtout. Leur bec est, pendant l'automne et l'hiver, 
d’un bleuâtre plus ou moins foncé et souvent mar- 
qué de brun vers la pointe. 

La Linotte est sujette à plusieurs variétés; elle 
fournit des individus tout blancs ou qui n’ont, dans 
cette livrée, que quelques taches brunes sur les par- 
ties supérieures ; d’autres sont de couleur isabelle, 
ou variés de brun, de blanc, de roussâtre ou d’isa- 
belle. Quelques sujets, toujours très-rares, ont le 
rouge du sommet de la tête et celui de la poitrine, 
remplacés par une couleur orange plus ou moins vive. 

Nous voyons chaque année en novembre, après 
les passages de cette Linotte, arriver par grandes 
bandes, dans nos contrées, une variété d'individus 
plus petits d’un cent. que ceux du type de l'espèce. 
Ils sont en outre plus babillards, plus vifs et plus 
rusés ; ils tombent beaucoup plus difficilement 
qu'eux dans les piéges. Chaque troupe est spécia- 
lement composée de sujets dont le plumage supé- 
rieur est d’un noirâtre bordé de roux obscur, et 
frangé de cendré roussätre. Toute la poitrine est 
d'un roussâtre liséré de cendré et très-tachetée 


de brun, ainsi que les flancs et les côtés du ventre; 
le blanc des autres parties inférieures se trouve 
nuancé de roussâtre, et l’on ne découvre pas d’in- 
dices de rouge chez les individus qui réunissent le 


plus de caractères propres à les faire considérer 
comme mâles. Je suis pourtant fort peu tenté de 


DELA SAVOTE. 143 
croire que ces volées ne soient formées que de 
femelles, jeunes ou vieilles ; et j'appelle sur cette 
variété l’attention des naturalistes du Nord, d’où 
certainement elle nous vient à l'entrée de l'hiver. 

La Fringille Linotte fréquente presque toute 
l’Europe; elle est commune en Suisse et en Savoie 
à chaque saison, et notamment en automne, époque 
à laquelle il s’en fait des passages souvent considé- 
rables, mais qui ne durent guère plus de huit à 
quinze Jours. 

Elle se tient pendant toute la saison des beaux 
jours principalement dans les bois, les taillis, les 
buissons et aux abords des champs des collines et 
des montagnes. Je l’ai rencontrée en été même 
dans les Alpes, après la région des forêts, dans des 
endroits rocailleux, parsemés de massifs de ro- 
sage (rhododendron ferrugineum, Linn. ) ou seule- 
ment couverts de plantes et de mousses. Néanmoins 
quelques paires restent en plaine et sur les co- 
teaux, où les vignes implantées d’arbres, d’aman- 
diers et de cerisiers surtout, les petits bois, les 
rangées d'arbres, les fourrés qui longent ou avoi- 
sinent des champs et des friches, leur conviennent 
le plus pour habitation pendant les nichées. 

Cet oiseau niche en Savoie vers le milieu d'avril 
ou dans Îles premiers jours de mai, selon qu'il y 
habite des régions plus ou moins élevées. Le mâle 


\ 


et la femelle volent ensemble à la découverte des 


SRE ar es as 


SRÉDES RTRTERETÈTÉÉE DE Tate ae 


144 ORNITHOLOGIE 

matériaux nécessaires à la composition du nid ; mais 
c’est ordinairement la femelle qui les transporte au 
bout du bec et les range par ordre, pendant qu’à ses 
côtés le mâle ne cesse de ramager. Elle le forme 
d’abord à l’extérieur de filaments de plantes, de 
tiges de graminées et de petites racines déliées, 
qu’elle recouvre quelquefois d’un peu de mousse 
ou de lichens, retenus sur les bords par des mor- 
ceaux de laine ou des toiles d’araignée; ensuite, 
elle le tapisse en dedans de petits flocons de soie de 
cocons, de quelques plumes, de bourre, de crin ou 
de duvet satiné d'arbres et de fleurs, suivant les lo- 
calités. Ce nid, tantôt on le trouve dans les buissons 
et les arbustes, tantôt sur les arbres, et quelquefois, 
mais particulièrement dans les Alpes dépourvues 
de bois, au milieu d’une touffe de plante, ou parmi 
la mousse qui croît épaisse sur les pierres, sur les 
rocs entassés; il contient 5 œufs à la première 
ponte, et / à la seconde; ils sont oblongs, d’un blanc 
bleuâtre et parfois blanchâtres, avec de petites 
taches, avec des traits et des points rougeâtres ou 
violacés, mêlés à d’autres noirs ou noirâtres, et 
toujours plus répandus sur le gros bout, où ils se 
trouvent de temps en temps disposés en collier plus 
ou moins complet. Pour longueur, ils ont le plus sou- 
vent 161 à 17 mill., et 12 ou 12 mill. : de largeur 
diamétrale. La femelle seule les couve; mais durant 
les quinze jours de l’incubation, le mâle lui apporte 


DHEA SAVOTE. 145 
les aliments presque à chaque heure de la jour- 
née ; il les lui donne sur le bord du nid par voie 
de dégorgement, et cherche ensuite à l’égayer 
par ses chants successifs. Quitte-t-elle les œufs, il 
l'accompagne, et bientôt après il la reconduit à la 
couvée. 

Pour nourrir leurs petits, le père et la mère 
avalent force petites graines de plantes, surtout de 
graminées, qu'ils laissent réduire en une espèce 
de pâte dans l’estomac, d’où ils la font dégorger au 
fur et à mesure qu'ils les alimentent. Ils vivent 
avec eux quelque temps après leur éducation, ordi- 
nairement jusqu'à la période de la seconde couvée. 
Dès lors les petits vivent ensemble et par bandes, ou 
bien ils se réunissent à d’autres Jeunes, avec les- 
quels ils forment déjà des sociétés plus ou moins 
nombreuses, suivant les lieux. Mais aussitôt après 
les dernières nichées terminées, tous les individus 
d’un même canton s’attroupent pour ne se séparer 
guère qu’au printemps. Ces bandes, le plus souvent 
innombrables, se jettent toutes ensemble sur les 
chènevières, les sarrasins (blés noirs), les millets, les 
vignes, les friches et dans d’autres lieux remplis de 
lins, de séneçons, de plantains, de ramberges 
(Mercurialis annua et M. perennis, Linn.), et de 
panics, dont elles dévorent les semences. À chaque 
crainte qu'elles éprouvent, elles se relèvent à la 
fois brusquement, partent en un bataillon serré et 


T. IU. 10 


À 


146 ORNITHOLOGIE 
en poussant de petits cris presque sifflés : ces cris, 
les oiseleurs les imitent soit avec l’appeau, soit 
avec le creux de la main qu'ils appliquent à la 
bouche et sucent, en le serrant des lèvres avec 
force, à mesure qu’ils obtiennent les sons imitatifs. 

Tous les soirs, au soleil couchant, ces troupes 
de Linottes rentrent dans les bois, et s’y abritent 
avant la nuit, spécialement sur les chènes et les 
charmes. Souvent on les y entend se quereller jus- 
qu’à la nuit noire, en jetant des cris faibles et pré- 
cipités (pi pi pr pt pi pi); alors sans doute quelques 
sujets qui n’ont pas encore pu se trouver de refuge 
convenable parmi les touffes des feuilles, cherchent 
à se blottir tout près de ceux qui y sont cachés, ou 
bien à leur enlever leur place ; et ces derniers de 
s’irriter, de les menacer, tout en se gardant de les 
laisser approcher trop près d’eux. Le lendemain, de 
très-grand matin, ces bandes regagnent, tantôt 
d’une seule volée, tantôt par plusieurs pelotons qui 
partent et se suivent de distance en distance, les 
mêmes lieux que la veille. Quelquefois, dans les 
belles journées de septembre et d'octobre, elles 
vont pendant la chaleur rechercher la fraîcheur 
parmi les arbres ou les taillis Les plus épais du can- 
ton. Les mâles de chaque troupe y donnent alors un 
concert des plus agréables à l'oreille, queles femelles 
s’empressent par moments d'animer par leur petit 
gazouillement ; les premiers conservent en effet 


DE A SAVOIE. 147 
pendant presque toute l’année, une bonne partie 
des sons soutenus, des cadences et des modulations 
très-variées, dont leur voix se compose à l’époque de 
l'amour ; et les vieilles femelles ont aussi quelque 
suite de sons assez soutenus qu’elles s'appliquent à 
l’envi à répéter chaque fois que les mâles en masse 
les y engagent par leur douce harmonie. 

Vers le milieu de septembre, lorsque les Linottes 
qui ont vécu l’été dans nos régions montagneuses 
commencent à s’y apercevoir de la disette des 
grains, elles descendent par petites compagnies sur 
les collines ou jusqu’à la plaine. Quelques-unes de 
ces sociétés se mettent à voyager, et changent 
de climat en même temps que d’autres volées plus 
ou moins nombreuses arrivent dans nos champs. 
Mais c’est ordinairement du 15 au 26 octobre, et 
principalement quand le temps est à la pluie, soit 
un jour avant soit pendant une petite pluie froide, 
que nous voyons passer, dans nos vallées inférieures 
et sur les monticules adjacents, des bandes qui se 
succèdent toutes les unes aux autres depuis environ 
sept heures jusque vers les dix ou onze du matin; 
quelques-unes, mais un peu moins nombreuses, 
repassent encore le soir, vers trois ou quatre heures, 
Elles viennent généralement toutes du Nord, et se 
dirigent vers le Midi. Les coteaux de Boissy, de 
Voglans et du Vivier, près d’Aix-les-Bains; ceux 
de Vimines, des Charmettes et de Montagnole, aux 


148 ORNITHOLOGIE 

environs de Chambéry, sont renommés par les pas- 
sages de Linottes qui y ont lieu d'habitude périodi- 
quement. Les oïiseleurs y font en effet fréquem- 
ment de grands massacres de ces volatiles ; leurs 
volées arrivent parfois en si grande quantité et si 
fatiguées, qu’au premier coup d’appeau elles tom- 
bent dans les filets, qui ne sont pas toujours assez 
vastes pour toutes les renfermer. 

Les Linottes, qui passent l'hiver en Savoie, con- 
tinuent d’y vivre par troupes ; dans plusieurs loca- 
lités, on les trouve mêlées avec les Pinsons, les Ver- 
diers et les Bruants. Alors elles ne s’éloignent guère 
des terres qui ont été ensemencées de sarrasin, n1 
des vignes, ni des pâturages parsemés de buissons; 
elles y trouvent, du reste, suffisamment de grains 
alimentaires restés sur plante ou épars sur le sol. Mais 
dans les temps de neige, elles se répandent le long 
des haïes qui bordent les chemins, auprès des fermes 
et des écuries, où souvent elles vivent des débris de 
la nourriture des volailles, et même des grains 
non digérés qu’elles découvrent en éparpillant 
le crottin. Elles ont aussi recours parfois aux 
semences, aux nouvelles pousses que renferment 
les boutons de plusieurs arbres, entre autres de 
l’aune, du charme et des peupliers; pour les arra- 
cher ou les couper, elles se suspendent à la manière 
des Tarins et des Sizerins, aux branches les plus 
flexibles. C’est pendant cette saison qu’on les voit 


DE LA SAVOIE. 149 


plus fréquemment encore qu’en été s’accrocher aux 
murs des granges, des masures et des habitations 
rustiques, afin d'y becqueter le gravier et chercher 
ensuite, sur le vieux chaume qui les recouvre, à se 
nourrir avec les sommités des mousses qui sont en 
fructification. Les petits morceaux de gravier, les 
petits grains de tuf et de sable que ces oiseaux ava- 
lent après leur repas sont destinés, comme chez 
le Sizerin et les Gallinacées, à faciliter, en s’agitant 
sans cesse dans l’estomac, la digestion des sub- 
stances dures dont ils font quelquefois usage pour 
leur alimentation. 

Il se fait tous les ans dans nos pays, vers la 
fin de février ou dans les premiers jours de mars, un 
second passage de Linottes, mais beaucoup moins 
abondant que ceux de l’automne. Plusieurs de celles 
qui nous arrivent alors, soit par petites bandes soit 
même appariées, et qui ne sont pas dans l'intention 
de se reproduire chez nous, ne font que traverser 
nos vallées à une grande hauteur; se guidant par 
les vents, elles volent généralement vers le centre 
ou le nord de l’Europe. 

La Fringille Linotte est, en volière, d’un naturel 
docile et susceptible d’attachement pour la per- 
sonne qui la soigne. Son ramage agréablement va- 
rié est capable de perfectionnement par l’éduca- 
tion ; on parvient en effet, en élevant des jeunes pris 
dans le nid, à leur faire articuler distinctement quel- 


150 ORNITHOLOGIE 

ques mots, comme : bretly bois, pristy bois, petit 
fils, ma vie; quelquefois ils prononcent les deux 
derniers avec un accent si touchant, qu'ils semblent 
vouloir inspirer à ceux qui les écoutent leur senti- 
ment d'affection. On les habitue en cage aisément 
à plusieurs exercices, entre autres à celui de la 
galère, dont ils s’acquittent à merveille comme le 
Chardonneret. Ils s’accouplent avec le Canari, et 
l’on prétend que leurs métis, qui sont ordinairement 
d’habiles chanteurs, peuvent se reproduire. Leur 
chair est un bon manger. 


142.—Fringille Pinson /Fringilla Cœlebs). 


Noms vulgaires : Pinçon, Quinçon; en Tarentaise, Quiqui. 
Fringilla Cœlebs (Linn).—Le Pinson (Buff.). — Pinson Ordinaire (Cuv.).— 


Fringille Pinson (Fringilla Cœlebs), Vieill. — Gros-Bec Pinson (Fringilla 
Cœlebs), Temm.—Frinquello (Savi). 


Des naturalistes font dériver le nom de cette Frin- 
gille d’un mot allemand, pinck, qui a beaucoup de 
rapport avec l’un de ses cris d'appel; d’autres 
veulent qu’il lui ait été imposé à cause de son habi- 
tude de pincer avec le bec, souvent jusqu’au sang, 
les personnes qui le prennent avec la main. 

Le mâle du Pinson a 17 cent. 2-h mil]. de taille. 
La femelle est un peu plus petite ; sa longueur totale 
n’est que de 16 cent. 

Le mâle, au printemps et pendant l'été, a le front 
noir ; le dessus de la tête et les parties postérieures 
du cou, d’un bleu cendré pur ; le dos et les scapu- 


ne 
ne 


L 4 
RNITHOLOGIE DE LA SAVOIE. 
| Passereaux. Rringillidee « | 
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| 
| | 
| 
| | Lith.J* Porrin Libr Edit Chambéry. 2. Werner del.& Lith. 
| 1 , Ç , ; 
| Fringille Pinson., 22/6 en te, 73 gr nat; PAS. — 9-4 Gus de l'espere; grnat 


l 
5 Fringille Pinson d'Ardennes. anäle au printemps; 1397 nat; VW. 
| (] » » » Lete de male enkiver. 
7 Fringille Niverolle, 234 en été: 13 grnat; PAS, 
» » Vete de male en hiver — AN Œufr der espeve.:or. 714€. 


se 


DE LA SAVOIE 151 


laires, d’un brun marron; le croupion vert, Les 
petites couvertures alaires forment une large bande 
blanche sur le haut de chaque aile; les grandes en 
tracent une autre plus étroite, mais également trans- 
versale, par la moitié inférieure de leurs plumes 
qui est aussi blanche. Les rémiges sont noires, avec 
un petit miroir blanc à leur origine, et lisérées 
extérieurement de jaune très-clair ou d’un blanc 
jaunâtre, suivant les sujets. Les pennes caudales 
sont aussi noires: mais les deux intermédiaires 
d’un brun cendré, et les deux plus latérales ont de 
grands espaces blancs. Un roux vineux, d’une 
nuance agréable, couvre la région inférieure des 
yeux, celle des oreilles, les joues, la gorge, le de- 
vant du cou et la poitrine ; de là, il s’éclaircit peu à 
peu jusqu’à l’abdomen, qui est presque blanc. Le 
bec est d’une couleur de corne bleuâtre foncée; 
l'iris brun ; les tarses sont noirâtres. 

La femelle n’a point de noir sur le front, ni de 
roux vineux sur le devant du corps. Elle est d’un cen- 
dré brun, marqué de légères taches d’une nuance 
plus sombre, sur la tête et la nuque : les plumes 
du dos et les scapulaires sont de la même teinte, 
mais glacées de verdâtre. Les ailes possèdent moins 
de blanc sur leurs couvertures que dans le mâle. 
Toutes les parties inférieures sont envahies par un 
cendré blanchâtre, néanmoins plus foncé sur les 
côtés de la gorge et du cou, ainsi qu’à la poitrine. 


152 ORNITHOLOGTE: 


Les jeunes, avant de muer, ressemblent à la 
femelle ; leur bec est alors blanchâtre. 

Les vieux et les jeunes mâles, après la mue de la 
fin de l'été, ont tous les plumes du front, de la tête, 
du cou, du dos et des parties inférieures jusqu'au 
ventre, bordées d’un large liséré cendré clair. Mais 
ces franges tombent au printemps, par le moyen 
de la mue ruptile; c’est alors qu’elles laissent voir 
les couleurs de ces différentes parties plus foncées et 
plus pures que durant l’hiver. Pendant cette saison, 
leur bec est d’un brunâtre clair sur la mandibule 
supérieure, et d’une teinte encore plus claire, 
qui tourne un peu à la couleur de chair sur l’infé- 
rieure. La seconde bande blanche qui traverse les 
ailes paraît comme salie de jaunâtre, spécialement 
chez les jeunes et chez les adultes. 

Le Pinson varie accidentellement d’un blanc pur 
et d’un blanc jaunâtre ou de couleur isabelle plus 
ou moins franche, quelquefois d’un blanc iapiré des 
couleurs naturelles. 

C’est un des oiseaux les plus communs de ce pays; 
on l’y trouve répandu partout, depuis la plaine jus- 
qu’au sommet de la région des bois dans nos plus 
hautes montagnes. Il en est peu d’aussijaloux, d'aussi 
ardent que lui en amour. Les mâles, de ce qu'ils 
sont d'habitude plus nombreux que les femelles, se 
voient forcés de s’en disputer la possession à chaque 
pariade ; ils se livrent pour cela fréquemment au 


DE LA SAVOIE. 153 
printemps, dans les bois et les jardins, de petits 
assauts corps à corps, toujours très-animés, qu’ils 
ne cessent d'accompagner de cris aigus et préci- 
pités, soit qu'ils se battent soit qu’ils poursuivent les 
fuyards. Une fois appariés et établis dans un canton, 
ils ne souffrent point de concurrent auprès d’eux; ils 
ne quittent pas un instant la femelle; ils l’accompa.- 
gnent quand elle va à la quête des matériaux pour 
construire le nid; ils reviennent avec elle pour les 
poser, et ils chantent tout près d’elle, pendant 
qu’elle fait son petit chef-d'œuvre. Les mâles ne 
participent ni à la nidification ni à l’incubation : 
lorsque leur compagne couve, ils ne cessent, d’une 
branche voisine, de l’égayer par leur ramage plein 
de force et que terminent toujours quelques rou- 
lades agréables. S'ils discontinuent de chanter et 
s’éloignent d'elle par moments, c’est pour aller lui 
chercher la subsistance ; mais aussitôt qu'ils s’a- 
perçoivent de l’arrivée de quelque importun, ils l’en 
avertissent par des cris éclatants : chuin, chuin- 
chuïin, chuin-chuin-chuïin, qui retentissent au loin. 

Le Pinson est des premiers oiseaux qui entrent en 
amour à la sortie de l'hiver. Pour se propager, il 
se fixe dans les jardins, les vergers et les bosquets, 
dans les bois et les champs complantés d’arbres, ou 
le long des chemins bordés de peupliers, de saules 
et de noyers. On y trouve son nid achevé aux pre- 
miers jours d'avril, sauf pourtant en montagne, où 


] 54 ORNITHOLOGIE 


il ne s'occupe guère de le construire avant le mois 
de mai, Comme alors l’arbre sur lequel il le pose, 
n’est pas toujours assez revêtu de feuilles, ni assez 
garni de petits rameaux pour le cacher, la femelle 
l’accole si adroitement au tronc ou à une branche 
des plus couvertes de mousse, qu’il est réellement 
difficile de l’y découvrir; d’autant plus que ce nid 
est presque tout composé en dehors de mousses et 
de lichens verts et blancs, et habituellement des 
mêmes qui recouvrent déjà l'arbre qui le porte. Il 
est toujours fait avec élégance. Un matelas de crin, 
de poils, de plumes et de flocons de laine, que re- 
tiennent, surtout vers le haut du nid et autour du 
bord, des toiles d’araignée , reçoit la ponte ; elle se 
compose de 5 ou 6 œufs à la première couvée, de A 
ou 5 à la seconde et de à à la troisième, quand elle 
a lieu. [ls sont d’un bleuâtre plus ou moins foncé ou 
d’un gris nuancé de rougeâtre, ou bien encore 
d’une teinte roussâtre presque pareille à celle du 
plumage des parties inférieures du mâle ; quelques 
taches presque arrondies, des zigzags ou des raies 
brunes ou violâtres et noires ou noirâtres, sillon- 
nent surtout le centre ou la grosse extrémité de la 
coque. Îls ont pour longueur 16 : à 17 mill. 3, et 
pour largeur 13 3 à 14 mill. 

Les petits naissent au seizième jour de l’incuba- 
tion, revêtus d’un duvet assez rare, maïs long et 
très-mollet. Leurs parents les nourrissent d’abord 


DE LA SAVOIE. 155 
avec de petites chenilles sans poils, avec des fruits, 
des larves, des chrysalides et desinsectes très-mous ; 
mais aussitôt qu'ils les jugent capables de supporter 
des aliments plus confortatifs, ils leur dégorgent dans 
le bec, comme la plupart de leurs congénères, de 
très-petites graines de plantes, converties dans l’es- 
tomac en une sorte de pâte. [Il faut que l’attache- 
ment qu'ils ont pour leur progéniture soit grand, 
puisqu'ils n'ont pas plutôt aperçu quelqu'un près 
de l’arbre qui la possède, qu'ils se précipitent au- 
devant de lui tous deux à la fois, et criaillent de toutes 
leurs forces ; ils voltigent autour de cet ennemi en 
battant des ailes; ils descendent même à terre devant 
lui, ets’y trainent sur leurs ailes pendantes, feignant 
alors d’être grièvement blessés ; sans doute pour se 
faire poursuivre et pour chercher, au moyen de cette 
ruse, à détourner de leur nichée le ravisseur. Mais 
si elle est en état de voler, ils viennent dans le nid 
avant lui, et la font fuir. Un ou deux des petits 
chancellent-ils en se sauvant, le mâle et la femelle 
accourent, et passant à côté ou au-dessous d’eux, 
comme pour les supporter, ils leur donnent simul- 
tanément un coup d’aile brusque, qui les met en 
équilibre et les fait voler un peu plus loin. 

Après l’éducation, les petits du Pinson vivent 
tantôt isolés, tantôt par deux à quatre ensemble et 
même davantage. Leurs parents, en général, con- 
tinuent à vivre appariés dans le canton de leurs 


2 + 


156 ORNITHOLOGIE 
amours ; mais sur la fin de l’été, ils commencent à 
se réunir par bandes avec les jeunes de l’année ; 
c'est alors que ces oiseaux sortent des bois, se 
rapprochent des champs, principalement des chè- 
nevières, où souvent ils cherchent leur vie avec les 
Verdiers, les Chardonnerets et les Serins. Tous les 
soirs ils retournent dans les bois, et se cachent pour 
dormir dans des cavités d'arbres ou des touffes de 
feuilles très-épaisses. Après les récoltes, ils se ré- 
pandent dans le voisinage des maisons; on les y 
rencontre souvent mêlés aux Bruants et aux Moi- 
neaux, vivant en commun dans les haiïes, les vi- 
gnes, les broussailles et dans les jachères; ils 
trouvent encore facilement dans ces lieux des 
grains, des baies et des fruits pour leur nourriture. 
Quand la neige envahit ces postes, les Pinsons se 
retirent plus particulièrement auprès des villages, 
des fermes et des basses cours, où ils vivent parmi 
les Pigeons, les Poules et les Canards. Néanmoins 
plusieurs vont de temps en temps le long des routes 
fouiller les fientes des animaux, dans lesquelles 
ils trouvent en effet quelques grains non digérés, 
qu’ils dévorent; quelques-uns viennent se montrer 
jusque dans les villes, au milieu des rues, dans les 
cours et les jardins. Beaucoup de gens profitent 
alors des misères de ces volatiles pour leur tendre 
différents piéges garnis d’appât ; et ces petits af- 
famés de s’y empêtrer sans défiance. 


DE LA SAVOIE. 157 

Les Pinsons seraient bien plus communs qu'ils 
ne le sont en Suisse et en Savoie pendant l'hiver, si 
plusieurs d’entre eux ne se livraient pas, aux pre- 
miers frimas d'octobre, lorsque d’autres, venant du 
Nord, traversent déjà ces pays, à des migrations 
annuelles vers les régions méridionales et très- 
tempérées de l’Europe. Ce sont les femelles qui par- 
tent le plus de nos climats ; quelques jeunes mâles 
de l’année suivent bien leur exemple, mais ils émi- 
grent d'habitude quelques jours après elles : on ne 
voit effectivement guère que des mâles, vieux et 
adultes, pendant la mauvaise saison, auprès de nos 
habitations ou le long des routes, et fort peu de fe- 
melles. Ils partent de très-grand matin, soit deux ou 
trois ensemble, soit par bandes de cinq à douze 
sujets, et quelquefois associés avec les Bruants qui 
voyagent à la même époque. Jamais ils ne volent 
aussi serrés ni aussi vite que les Linottes, mais, 
comme elles, ils ne cessent de s’entr’appeler par 
leurs cris ordinaires : sthiuz, sthiuz, ou schieu, 
schieu, schieu, qu'ils font suivre par moments de 
leur cri éclatant : penck, pinck-pinck, ou chuin, 
chuin-chuïin. Une ou deux heures environ après le 
lever du soleil, ils se précipitent, en poussant de 
préférence ce cri, dans les grands bois qu'ils décou- 
vrent sur leur passage, s’y alimentent et s'y repo- 
sent; le soir, ils se rallient au moyen du même 
cri, prennent ensemble l'essor, volent encorc 


RE ES 


158 ORNITHOLOGIE 

jusqu'à la nuit, qu'ils passent sur les arbres de 
haute futaie les plus touffus, et desquels ils s’enten- 
dent souvent appeler par leurs semblables. Pour- 
tant, si le temps est à la pluie, ils voyagent presque 
tout le jour, faisant çà et là quelques pauses mo- 
mentanées. La plupart de ces oiseaux repassent 
ensuite dès les premiers jours de mars dans nos 
contrées, et plusieurs y restent pour nicher. 

Le Pinson est d’un naturel vif, et sa pétulance, 
jointe à sa belle humeur, à la gaieté de son chant 
presque continuel, a donné lieu au proverbe très- 
connu : gai comme un Painson. Ce chant, que l’on 
entend depuis les premiers beaux jours de la fin de 
février jusqu’au solstice d'été, se compose de sept à 
huit notes différentes en descendant, et d’une finale 
de deux outrois autres. Dansles forêts de nos Alpes, 
il est moins complet qu’en plaine et sur les collines 
adjacentes, et chaque coup de gosier est un peu rau- 
que. Le mâle à un autre cri pendant la belle saison, 
qu'il pousse principalement à la fin de la journée et 
dans les temps pluvieux : il est plaintif, monotone, 
ordinairement bref; quelquefois il imite presque 
le miaulement; c'est ce que l’on remarque sur- 
tout chez les sujets qui habitent les hautes mon- 
tagnes. En automne et pendant l'hiver, les deux 
sexes ont les mêmes cris (sthiuz, sthiuz, Slhiuz, 
et chuin, chuin-chuïn); ils les répètenit souvent 
et se servent particulièrement du dernier pour s’ap- 


DE LA SAVOIE. 159 
peler réciproquement, pour se grouper et se faire 
part de leurs craintes. 

La vivacité, la gaieté et le chant du Pinson font 
qu’on l'élève, qu'on le garde en cage dans la plu- 
part des pays qu'il fréquente. Cependant son ra- 
mage, quoique éclatant, ne laisse pas d’importuner, 
par sa répélition fréquente, les personnes qui l’en- 
tendent de près. On a prétendu que le mâle ne 
chante jamais mieux que lorsqu'il est aveugle. C’est 
pourquoi l’on à imaginé, dans plusieurs cantons de 
là France et en Belgique, de le priver de la vue, 
mais après l’avoir toutefois accoutumé à prendre sa 
nourriture dans l'obscurité. On réunit pour cela les 
deux paupières et on cicatrise leurs bords avec un 
fil de métal rougi au feu. Cette barbarie n’est point 
en usage en Savoie, ou du moins le cas en est fort 
rare. Voici dans quels termes M. de Sélys-Long- 
champs s'exprime dans sa Faune belge, au sujet de 
cette habitude. « Le Pinson, dit-il, est l’oiseau de 
prédilection du peuple. Il n’y a presque pas de 
chaumière quine nourrisse au moins un Pinson. On 
les réunit les jours de fête sur les places publiques 
pour comparer leur chant, ce qui excite tellement 
leur émulation et leur jalousie que beaucoup d’entre 
eux s’égosillent et perdent leur voix sur-le-champ. 
Dans ce cas, leur impitoyable propriétaire les 
étrangle ordinairement séance tenante. Ce qu'on 
appelle un bon Pinson se vend souvent à ün prix 


160 ORNITHOLOGIE 

exorbitant. Il estfâcheux que l’on ait ici (en Belgique) 
la barbare et inutile habitude de priver de la vue 
les Pinsons et les Linottes, en soudant leurs pau- 
pières avec un fer rouge. » 


143.—Fringille Pinson d’Ardennes /Fringilla Montifringilla. 


Noms vulgaires : Pinson de Montagne, Choie, Choue. 
Le Pinson d’'Ardennes (Buff.).—Pinson de Montagne (Cuv.). — Fringille 


d’Ardennes (Fringilla Montifringilla), Vieill.—Gros-Bec d’Ardennes (Frin- 
gilla Montifringilla), Temm.—Peppola (Savi). 


Le mâle adulte de cette Fringille à 17 cent. de 
longueur. En livrée d'automne et d'hiver, il a le 
dessus de la tête, les joues, la nuque, les côtés du 
cou et le haut du dos, d’un noir presque nuancé de 
bleuâtre et lustré, avec chaque plume largement 
bordée ou frangée de roussâtre et de cendré, sui- 
vant les parties. Il est d’un roux orange sur la 
gorge, le devant du cou, la poitrine, les scapulaires 
et le haut des ailes; les trois premières parties por- 
tent également, à l’extrémité des plumes, un liséré 
roussâtre, à peine apparent. Sur chaque aile, l’on 
remarque une petite bande transversale du même 
roux orange, formée par le bout des grandes cou- 
vertures; puis une autre blanchâtre au-dessus, soit 
sur les tectrices moyennes. Les pennes alaires sont 
noires, avec un petit miroir blanc à l’origine des 
rémiges, à l'exception des trois extérieures qui sont 
entièrement de la première couleur, et frangées, 
ainsi que les suivantes, de blanc jaunâtre sur pres- 


DE LA SAVOIE. 161 


que la moitié de leur longueur. La queue aussi est 
noire, finement bordée à l'extérieur de blanchâtre 
ou d’un blanc jaunâtre, sauf les deux pennes laté- 
rales qui ont du blanc vers le centre et sur les 
bords. Cette couleur règne encore sur le croupion, 
le ventre et l’abdomen; les flancs sont mouchetés 
de noir sur un fond blanc roussâtre ou blanchâtre, 
suivant les sujets. Sur le pli de chaque aile, appa- 
raissent quelques plumes d’un jaune d’or; et les 
couvertures subalaires sont de même. Le bec est 
jaune, brun ou noirâtre seulement à la pointe. Les 
tarses sont d’un brun jaunâtre. L’iris est noirâtre. 

Au printemps, les bordures roussâtres ou cen- 
drées que l’on trouve en hiver sur la tête, les joues, 
le cou et le dos, tombent peu à peu par l'effet de 
la mue ruptile, et laissent, pendant l’été, pur et 
brillant le noir bleuâtre de ces parties. Le roux 
orange du devant du cou et de la poitrine acquiert 
aussi, en perdant le liséré roussâtre du fin bout des 
plumes, plus de pureté et plus de vivacité. Le bec 
est alors d’un bleuâtre presque noir à la base, et 
d’un noir profond vers la pointe. 

La femelle a 16 centim. de longueur. Elle porte 
au-dessus des yeux deux bandes noirâtres, qui en- 
cadrent le derrière du cou et descendent sur ses 
côtés. Elle est gris roussâtre sur la tête, sur les 
parties latérales du cou et sur le dos, mais d’une 


teinte plus pâle sur le dessus du cou et sur les joues; 
PET, uit 


162 ORNITHOLOGIE 
chaque plume de ces parties se trouve marquée de 
noirâtre au centre. Le roux orange du devant du 
cou, de la poitrine et des ailes est beaucoup plus 
clair que chez le mâle. 

Les jeunes de l’année ressemblent à la femelle, 
jusqu’à leur première mue; après cette crise, les 
mâles sont revêtus de la livrée d'hiver des adultes 
et des vieux, décrite plus haut. 

Cette espèce fournit, mais rarement en Sa- 
voie, des individus tout blancs ou d’un blanc 
jaunâtre, ou bien mouchetés de ces couleurs sur 
les teintes ordinaires du plumage. Je possède dans 
ma collection un mâle qui est d’un Jaune doré sur 
le croupion, et marqué de quelques coups de pin- 
ceau du même jaune sur le blanc du ventre : le reste 
de sa livrée est comme dans le type de l'espèce. 

Le Pinson d’Ardennes se retire au printemps dans 
les régions du cercle arctique, où il est très-com- 
mun pendant l'été. Il y niche sur les pins et les 
sapins, dont il se sert spécialement de la longue 
mousse pour former son nid à l'extérieur; ensuite 
il recourt aux plumes, à la laine et au crin afin 
de le matelasser en dedans. Sa ponte se compose 
de 4 ou 5 œufs, que l’on dit semblables à ceux du 
Painson. 

Il ne se reproduit jamais en Savoie ; il y passe 
chaque année, comme en France, sur la fin de l’au- 
tomne, et plusieurs individus y restent pendant 


__ DE LA SAVOIE. 163 
l'hiver. Je répare par là une erreur commise dans 
une note insérée à la page 46 de ma brochure 
de 1847 : il y est dit que le Pinson d’Ardennes niche 
dans les forêts de pins et de sapins de plusieurs 
montagnes du Faucigny. Je me suis assuré depuis 
que c’est simplement le Panson qui s’y propage : 
M. Coppier, ancien bibliothécaire de la ville 
d'Annecy, de qui je tenais cette note, s'était 
laissé induire en erreur en entendant chanter cet 
oiseau dans ces régions, où, comme dans d’au- 
tres encore plus élevées de notre territoire, sa voix 
est plus rauque et son chant moins complet que 
vers les pays de plaine. 

Le passage des Pinsons d’Ardennes n’est pas 
toujours très-abondant chez nous. Ces oiseaux nous 
arrivent en eflet de certaines années par troupes 
formidables, tandis que d’autres, et d'habitude pen- 
dant 3, 4 ou 5 ans consécutifs, nous n’en voyons 
que quelques bandes de loin en loin, qui se trou- 
vent encore fréquemment confondues avec des 
volées de Pinsons et de Bruants. C’est principale- 
ment dans les saisons abondantes en neige ou en 
frimas que leur espèce est très-commune ; les hi1- 
vers doux ne nous l’amènent qu’en petite quantité, 

Les premiers Pinsons d’Ardennes se montrent, 
aux environs de Chambéry, dès le 5 ou le 410 oc- 
tobre ; ils sont alors habituellement solitaires ou à 
la suite de quelque volée de Fringilles, et assez ra- 


164 ORNITHOLOGIE 


rement par bandes. Vers le 15 ou le 20 de ce mois, 
ils commencent par passer en sociétés plus ou 
moins nombreuses; mais c’est encore plus tard, et 
particulièrement depuis le 30 octobre et dans tout 
le mois de novembre, qu'ils sont le plus communé- 
ment répandus dans notre pays. On les observe sur- 
tout dans les champs des coteaux circonvoisins des 
bois de châtaigniers, de chênes et de hêtres, dans les 
sarrasins, dans les vignes remplies de panics, où 
ils dévorent les graines. Leurs bandes volent ser- 
rées ; elles sont composées indistinctement de mâles 
et de femelles : ces dernières sont néanmoins en 
plus petit nombre. 

En voyageant, ces oiseaux ont deux cris d’appel : 
l’un qui s'approche de celui de la Soulcie et qui 
imile un peu le miaulement; l’autre plus doux, 
plus bref, mais monotone; par ce dernier cri, ils 
semblent prononcer les mots : feu, teu, teu, leu : 
c’est celui qu'ils poussent le plus souvent quand ils 
volent et s'apprêtent à partir du bois. Ils se serrent 
toujours en se posant soit à terre, soit sur les 
arbres dont ils choisissent les sommités; puis ils 
en partent tous à la fois comme d’une seule impul- 
sion, ou bien par plusieurs pelotons l’un après 
l’autre, qui se suivent cependant de près et vont 
tous du même côté que le premier qui prit l'essor. 

En cherchant des aliments dans les champs, les 
Pinsons d’Ardennes font souvent à peu près la ma- 


DE LA SAVOIE. 165 
nœuvre des Pigeons, qui quêtent leur pâture : à 
peine quelques sujets du centre d’une troupe se 
lèvent-ils pour aller se poser à la tête, que leurs 
semblables, qui sont après, suivent cet exemple et 
viennent successivement s’abattre devant eux; mais 
aussitôt ils se relèvent en se voyant devancer, et 
vont encore se replacer au premier rang ; en sorte 
qu'il se fait parmi eux un remuement continuel, au 
point qu’on les voit parcourir en un moment tout un 
champ d’un bout à l’autre. Arrivés à son extrémité, 
souvent ils retournent sur leurs traces en exécutant 
le même genre d'exercice ; alors ceux qui tenaient 
la tête de la bande se trouvent à la queue, mais ils 
se hâtent de regagner le premier rang ; les autres 
veulent l’occuper à leur tour, et immédiatement 
après ils se donnent tous plus que jamais du mou- 
vement, Quoiqu’ils soient ordinairement réunis en 
troupes considérables, ils ne sont guère farouches, 
ils se laissent approcher aisément; c’est ce qui fait 
que d’un seul coup de fusil, on en abat souvent une 
grande quantité. | 
Il est aussi difficile de déterminer le temps que 
ces oiseaux restent chez nous que la période de leur 
arrivée ou celle de leurs passages annuels; ce sont, 
du reste, les intempéries de la saison qui en règlent 
le mode et la durée. Souvent ils ne fréquentent nos 
climats que pour quelques jours, et disparaissent 
presque tous avant le mois de décembre. Quelque- 


166 ORNITHOLOGIE 

fois, surtout quand la neige tombe, ils ne font qu'y 
passer sans presque s'arrêter, se dirigeant vers 
d’autres contrées de l'Europe. D’autres fois, on en 
rencontre encore vers le milieu de décembre de 
nombreuses volées. Mais ils nous quittent d’habi- 
tude en grande partie avant le fort de l'hiver. Les 
individus qui restent alors ici se joignent à d’autres 
Fringilles, et vont avec eux à la quête de leur nour- 
riture, Ils aiment beaucoup les faines; aussi, ont-ils 
soin de s’abattre fréquemment dans les bois de hé- 
tres qui leur en fournissent le plus; ils y passent 
souvent tout le jour à manger, et s’y blottissent à 
l'approche de la nuit dans une touffe de feuilles 
sèches pour dormir. Les graines de sarrasin (blé 
noir) et de chanvre perdues dans les champs ou les 
jardins, les semences du sapin, du charme et du 
tilleul, les bourgeons d'arbres fruitiers, notamment 
des pommiers, des cerisiers, des amandiers et des 
pruniers, servent aussi à les nourrir pendant cette 
triste saison. 

Le Pinson d’Ardennes tombe plus facilement dans 
les filets quele Pinson, mais il est par moments très- 
capricieux. Il y en passe effectivement de cer- 
tains jours des volées qui se succèdent toutes les 
unes aux autres, sans que l’on réussisse, malgré 
toutes les précautions d'usage, à en attirer une 
seule dans ses filets, tandis que d’autres fois l'oi- 


S 


seleur ne peut tenir à les chasser, tant elles sont 


DE LA SAVOIE. 167 
portées à s’y empêtrer : les rappeler, fermer sur 
elles les filets et les massacrer sans pitié, sont alors 
ses seules occupations de toute une matinée. Il pa- 
raît qu’elles y tombent de préférence les jours où 
le pays est plein de frimas ou de brouillards : elles 
volent bas dans ces journées, ce qui les met mieux 
à la portée d'entendre l’appeau et d’apercevoir les 
danseurs. L’habitude qu’elles ont de se serrer en se 
posant, fait que l'on en prend parfois d’un seul coup 
de filet des troupes de deux à trois cents individus. 

Leur chasse se fait ici d'habitude à l’arbre, c’est- 
à-dire au pied d’un gros arbre ou de quelques tail- 
lis qui se dressent au milieu ou sur les bords d’un 
champ; elle exige beaucoup de soin et de pré- 
caution. Pour tendre les filets, l’on doit autant 
qu'il est possible choisir un champ de leur lar- 
geur, un champ surtout qui aura été ensemencé 
de sarrasin , dont ces oiseaux sont si friands. Il 
est indispensable de se tenir caché sous quelques 
petits branchages réunis en forme de cahutte, 
et de ne point se remuer à l’arrivée de chaque 
volée. Il faut surtout se garder d’apporter avec 
soi, pour danseurs ou pour appeaux, d’autres vo- 
latiles que ceux dont on veut chasser l'espèce ; 
car si l’ontient dans les filets par exemple des 
Pinsons ou des Bruants, qui ne cessent de crier 
à chaque oiseau qu’ils voient ou entendent passer, 
l’on ne réussira jamais à prendre beaucoup de 


168 ORNITHOLOGIE 

Pinsons d’Ardennes. Plusieurs oiseleurs coupent en 
outre le bout des grandes pennes alaires à quel- 
ques-uns des danseurs, pour qu’ils ne fassent pas 
autant de bruit en se débattant ou en s’élevant spon- 
tanément. 

Le Pinson d’Ardennes repasse quelquefois dans 
nos contrées sur la fin de février ou dans les pre- 
miers jours de mars, et particulièrement à l’époque 
des dernières gelées ; mais il n’y est jamais aussi 
commun qu'à ses premiers passages. Les petites 
bandes qui nous visitent alors viennent d’hiverner 
dans les pays du centre de l’Europe et retournent 
dans leur quartier d'été. Quelques sujets, toujours 
rares, restent encore dans nos bois jusqu’en avril ; 
l’on en voit même vers le 10 ou le 15 de ce mois 
dans nos régions montagneuses, et ceux-là sont 
presque entièrement revêtus de leur livrée d’été. 

Cette Fringille est plus vorace que le Pinson ; 
mais, en revanche, elle paraît moins farouche. Elle 
s’accoutume bientôt à l’état de captivité, pourvu 
qu'on lui donne abondamment des vivres. Son 
chant est faible; il consiste en une espèce de ga- 
zouillement, qu'on n’entend guère que de près. En 
cage, elle dort fort peu et se met à sauter dès qu'on 
entre avec de la lumière dans le lieu où on la tient 
de nuit. Quand la lune éclaire, si elle est exposée à 
sa lueur, elle s’agite encore presque toute la nuit, 
comme s’il était jour. Renferme-t-on ensemble deux 


DE LA SAVOIE. 169 
ou trois individus, ils ne cessent à peu près de se que- 
reller, surtout s'ils sont du même sexe, et de se don- 
ner des coups de bec aussi bien la nuit que le jour. 

En liberté, cet oiseau est aussi de moment en mo- 
ment hargneux et querelleur. Quand on l’observe 
en troupe, soit à terre pendant qu'il y cherche sa 
vie, soit en repos sur les arbres, on le voit souvent 
frapper du bec ses plus proches voisins, qui se 
mettent aussitôt à crier. En passant sous les grands 
arbres qu’il couvre parfois de ses bandes, l’on en- 
tend fréquemment un bruit assourdissant, comme de 
nombreuses gouttes de pluie mêlées de petits gré- 
lons qui tombent sur les feuilles; c’est en se mena- 
çant, en faisant craquer le bec plusieurs à la fois, 
puis en se becquetant tour à tour, que ces oiseaux 
font cette espèce de chamaillis ou de tintamarre. 


444.—Fringille Niverolle /Fringilla Nivalis). 


Noms vulgaires : Moineau ou Pinson Blanc; au Mont-Cenis : Aïpin; aux 
environs de Saint-Jean-de-Maurienne : Rocheran, le Blauc ou Blanc de Mon- 
tagne. 


Le Pinson de Neige ou la Niverolle (Buff.).—Le Pinson de Neige ou Nive- 
rolle (Cuv.).—Fringille Niverolle (Fringilla Nivalis), Vieill.—Gros-Bec Nive- 
rolle (Fringilla Nivalis), Temm. 


Cette Fringille est remarquable par le blanc de 
neige qui domine sur ses ailes et sa queue; elle est 
ici la plus grande de toutes : elle a 19 cent. de lon- 
gueur du bout du bec à l'extrémité des pennes 
caudales. De ce qu’elle a de longues ailes, de 
longs doigts, puis quelque ressemblance dans ses 


170 ORNITHOLOGIE 
habitudes et son plumage avec le Plectrophane de 
Neige, n° 159, des naturalistes en font un genre 
séparé des Fringilles ou Gros-Becs. 

Le mâle, en livrée d'été, est cendré très-foncé 
sur la tête et le dessus du cou; de chaque côté du 
front, il porte ordinairement une tache blanchätre, 
oblongue et plus ou moins prononcée. Il a le dos, 
les scapulaires, quelques pennes secondaires de 
l’aile, les plus rapprochées du dos, et le croupion, 
d’un brun foncé au centre des plumes et d’un brun 
plus clair sur les bords; les autres pennes secon- 
daires, les tectrices supérieures et inférieures de 
chaque aile sont d’un beau blanc pur. Les couver- 
tures supérieures de la queue sont : les unes blan- 
ches, les autres noires, ou moitié blanches moitié 
noires. La queue est aussi blanche, à l’exception 
des deux rectrices intermédiaires qui, comme les 
rémiges, sont noires, et très-finement lisérées de 
gris ; les autres n’ont qu'un peu de noir au bout, 
et d'habitude la plus ou les deux plus latérales de 
chaque côté se trouvent entièrement blanches. Le 
noir domine encore sous la gorge ; mais il n’est pas 
rare que quelques plumes y conservent du plumage 
d'hiver une petite frange blanche à leur extrémité. 
Un blanc plus ou moins pur, suivant l’âge des 
sujets, ordinairement nuancé de cendré sur les 
côtés de la poitrine surtout, couvre les autres par- 
ties inférieures du corps; l’on remarque seulement 


PDP ANS ANOTE: 171 


au bout des plus grandes couvertures sous-caudales, 
une tache noirâtre ou brune. Le bec est noir ; l'iris 
des yeux brun; les pieds sont noirâtres. 

La femelle, en été, a le cendré de la tête un peu 
moins foncé que le mâle; sa gorge aussi est moins 
marquée de noir, et le dessous du corps est d’un 
blanc sale. Elle a le bec le plus souvent noirâtre, 
avec un peu de brun jaunâtre à la base de la man- 
dibule inférieure ; mais, dans un âge très-avancé, 
cet organe ne diffère point de celui du mâle. Au 
reste, elle ressemble à ce dernier. 

Les deux sexes, en automne et pendant tout 
l'hiver, ont le bec jaune, avec un petit trait brun 
au bout de la mandibule supérieure ; les pieds noirs: 
la tête grise ; la gorge blanchâtre, noire seulement 
à l’origine ou au centre des plumes, ce qui fait sou- 
vent paraître cette partie noire, et très-mouchetée 
de blanc. Le dessous du corps est aussi blanchäâtre ; 
chez la femelle, il est comme lavé de roussâtre 
très-clair sur un fond blanc. 

Les jeunes, au sortir du nid, ne diffèrent presque 
pas de la femelle en hiver. Leur bec est déjà 
jaune, mais d'un jaune pâle. Ils ont le bout des 
pennes de la queue sali de roussâtre, et les deux 
intermédiaires bordées du même; ils le sont aussi 
sur les pennes secondaires des ailes, dont les blan- 
ches, soit les plus proches des rémiges, sont mar- 
quées de noir le long des baguettes. Le gris de la 


172 ORNITHOLOGIE 
tête paraît encore nuancé de roussâtre. Leurs tarses 
sont bruns. 

Après la mue d'automne , ils ressemblent aux 
adultes en plumage d'hiver que je viens de décrire. 

La Niverolle est sédentaire en Suisse et en Sa- 
voie. On ne l'y rencontre, pendant la belle saison, 
que dans les grandes chaïnes des plus hautes mon- 
tagnes, et particulièrement dans le voisinage des 
neiges éternelles : on la remarque surtout au Saint- 
Gothard, au Grand-Saint-Bernard, au Mont-Ce- 
nis, et dans les régions gypseuses des Alpes de la 
Maurienne. Elle y fait d'habitude deux couvées par 
an : une vers la mi-mai, une autre dans les pre- 
miers jours de juillet; et celle-ci a souvent lieu 
dans des régions encore plus élevées que la pre- 
mière, ordinairement autour des ceintures de 
neiges ou de glaces perpétuelles. La femelle tra- 
vaille toujours plus que le mâle à la confection du 
nid. C'est dans les trous de rocher ou de gypse 
qu’elle le pose; mais s’est-elle établie auprès de 
quelque habitation ou d’une masure, c’est dans les 
crevasses de leurs murs, dans les poutres creuses 
du toit, sous le chaume ou les pierres plates (lo- 
zes!) qui les recouvrent, qu’elle le bâtit. Tous 
les ans, au Mont-Cenis, plusieurs paires se repro- 
duisent dans les gypses qui sont en face de l'hôtel 


1 Voyez l’explication de ce mot dans une note insérée à la page 230 
du tome 1, 


DE LA SAVOIE. 173 
de la Poste et longent les bords du lac, puis auprès 
des glaciers de Ronche, dans les murs des chalets, 
des refuges (regia casa di ricovero) qui bordent la 
route principale. 

Le nid de la Niverolle est très-gros; il fait pres- 
que autant de volume que celui du Moineau Do- 
mestique. Beaucoup de pailles, d'herbes sèches et 
de racines de plantes le composent en dehors; les 
plumes, la bourre, le crin, la laine, et mème quel- 
ques petits morceaux d’étofle ou de drap, en gar- 
nissent l’intérieur. La femelle y dépose 5 ou 6 œufs 
à la première ponte, 4 ou à à la seconde : ils 
sont d’un blanc de lait, sans taches; quelquefois, 
ils paraissent comme salis par des causes étrangè-. 
res, et alors ils sont blanchâtres. Pour longueur, 
ils ont en moyenne 2 cent. 2 millim., sur 17 mil- 
lim. de largeur diamétrale. Pendant que la femelle 
s’adonne à l’incubation, le mâle lui apporte de 
temps à autre les aliments. Quitte-t-elle les œufs 
pour aller se récréer quelques instants avec les 
autres couveuses, ses semblables, du même can- 
ton, il l’accompagne et il revient souvent avec elle 
à la nichée. 

Si le couple trouve quelque importun rôdant 
autour du nid, il pousse d’une voix gémissante 
de petits cris, qu’il précipite d'autant plus que 
le danger est imminent; il se pose au bout d’une 
pierre en face de son ennemi, se relève presque 


174 ORNITHOLOGIE 
au même instant pour venir voltiger au-dessus de 
lui, en se désolant toujours. 

Les petits naissent au dix-huitième jour de cou- 
vaison, vêtus d’un léger duvet blanchâtre, presque 
teinté de jaunâtre. Jusqu'à l'apparition des plumes, 
ils sont nourris avec de petits insectes mous, 
avec des vers, des chenilles, des feuilles ou des 
sommités de plantes alpines que leurs auteurs 
broient avant la distribution; plus tard, ils reçoi- 
vent de petites graines ou des boutons de plantes 
plus ou moins triturés. C’est en considérant atten- 
tivement au Mont-Cenis de jeunes Niverolles dans 
le nid, que je suis venu à bout de découvrir ce 
mode d'alimentation. 

Aussitôt capables de voler, les petits sortent de 
leur première demeure, et suivent leurs parents 
qui les emmènent dans quelque lieu retiré pour 
achever leur éducation. Ceux-ci s’acquittent de ce 
devoir en moins de quinze jours, puis ils laissent leur 
famille afin d’aller dans des régions encore plus 
élevées, se livrer de nouveau à l’acte de la repro- 
duction. Les jeunes alors restent ensemble dans les 
broussailles, dans les lieux humides ou marécageux, 
dans les rocailles hérissées çà et là de quelques 
buissons, et le long des ruisseaux; ils y forment 
quelquefois, en se réunissant plusieurs nichées, des 
troupes nombreuses. Les vers, les insectes, les 
larves, les chrysalides, les semences des pins et des 


DE LA SAVOIE. 175 


sapins, les graines, les feuilles et les boutons qui 
enveloppent les fleurs de plusieurs sortes de plan- 
tes odoriféranies, surtout de génépi et de serpolet, 
enfin les petits fruits sauvages, composent dans ces 
localités presque toute leur nourriture. 

À la fin d'août, les Niverolles viennent avec leur 
dernière nichée s'associer aux bandes des jeunes de 
la première ; c’est depuis lors qu’on les remarque 
le plus par grandes volées qui se laissent d'habitude 
aborder très-aisément. 

Occupées à se nourrir presque tout le jour à 
terre ou parmi les pierres, elles sautillent d’une 
pierre ou d’une petite éminence à l’autre en s’en- 
ir’appelant ; aussitôt elles en descendent, se remet- 
tent à courir avec vitesse et pêle-mêle à la quête des 
aliments. À chaque crainte qui les saisit, elles se 
lèvent toutes à la fois brusquement, voltigent ser- 
rées autour du lieu d’où elles ont pris l'essor, et s’y 
reposent quelques instants après, en se serrant en- 
core et se rappelant. En examinant de loin dans les 
régions neigeuses ces oiseaux à ailes larges et blan- 
ches voleter en troupe confuse autour de quelque 
monticule, on croirait voir de gros et nombreux 
flocons de neige que le vent emporte et qui tourbil- 
lonnentensemble. Dans les beaux jours d'août, c’est 
toujours avec un nouveau plaisir qu’on les voit par- 
courir avec vivacité, seuls ou mêlés avec les Accen- 
teurs des Alpes, les espaces où la neige est restée, 


176 ORNITHOLOGIE 


4 


recueillir à la course les insectes, les semences 
que le vent y apporte, et qu’ils découvrent plus 
facilement qu'ailleurs. S’arrêtent-ils un instant sur 
une éminence, c’est pour remuer insensiblement 
des ailes et secouer de haut en bas la queue à plu- 
sieurs reprises en làâchant un cri assez fort, par 
lequel ils semblent exprimer : puatt, puitt ou pitt, 
pitt. Quand ils pressentent une tempête dans les 
Alpes, ils s’agitent, ils piaillent plus que jamais; ils 
se retirent quelque moment avant qu'elle éclate 
dans les localités les plus abritées du vent : d’ha- 
bitude ils gagnent les anfractuosités des rochers, 
les crevasses des vieux murs, ou bien le fond des 
entonnoirs ‘, selon les lieux qu’ils habitent. Pendant 
l'orage, on les y voit tout ébouriffés, blottis dans 
des creux ; mais aussitôt qu’il se calme, ils se met- 
tent à s'appeler, ils se groupent et retournent à 
leur séjour de prédilection. 

Dès que les neiges envahissent les sommités des 
Alpes, les Niverolles descendent dans des régions 
plus basses. Si elles tombent en plein pays, elles 
arrivent jusqu’au pied des montagnes, ou bien elles 
restent à la cime des collines ; c’est alors que plu- 
sieurs de leurs troupes viennent des Alpes de la 
Maurienne et de la Tarentaise s'établir, pour le 
plus fort de l’hiver, à la base des monts des envi- 


! Voir ce mot expliqué dans une note de l’article du Crave d’Eu- 
rope, page 141 du tome rr. 


D'EVLA SAVOIE. 177 


rons de Chambéry. Les neiges de décembre et 
de janvier en amènent chaque année quelques 
compagnies dans les collines pierreuses d’Apre- 
mont, de Saint-Baldoph, de Mont-Basin au pied 
du Nivolet, de Vimines, de Saint-Sulpice, etc., etc. 
Les graines de diverses plantes, les petits fruits 
secs, les baies et les boutons de buissons, les 
alimentent en ces lieux; elles les cherchent à 
terre ou parmi les taillis, en courant çà et là à 
petits pas comme des Alouettes. En s’arrêtant dans 
quelque endroit, elles ont toujours l'habitude de s’y 
serrer, et à peine posées, elles se mettent en mar- 
che toutes ensemble pour trouver les vivres ; 
c'est ce qui fait que l’on en abat souvent plusieurs 
sujets d’un seul coup de fusil. À la détonation, les 
survivants s’élancent brusquement et voltigent 
parfois autour de leurs compagnons qui tombent 
morts ou blessés ; alors on peut faire essuyer à la 
bande un second coup de feu qui abat quelquefois 
presque autant de sujets que le premier. Dans les 
jours de froid vif, ces oiseaux viennent, surtout le 
matin, se montrer en plaine dans les champs ; mais 
aussitôt que le froid devient moins violent, ils re- 
gagnent les monticules. Quand ils se trouvent réunis 
en grand nombre, soit en l’air soit sur le sol, ils ba- 
billent tant par moments, qu’ils font en poussant, les 
uns des cris graves et monotones, les autres des cris 
aigus et plaintifs, un bruit des plus assourdissants, 


T. JIL, 12 


178 ORNITHOLOGIE 


On remarque des Niverolles pendant tout l'hiver 
dans la Haute-Maurienne et au Mont-Cenis, mais 
principalement autour des fermes et des écuries, et 
le long des routes les plus fréquentées. Pour pou- 
voir y vivre, ils recourent à tout ce qu'ils aper- 
çoivent sur la neige ; ils éparpillent le crottin plu- 
sieurs ensemble, et se disputent les grains qui 
n’ont point été digérés. On les attire jusque dans 
les maisons en leur montrant des aliments. Pour 
les prendre alors, tous les piéges sont bons. On les 
enivre auprès des habitations avec des grains trem- 
pés dans de l’eau-de-vie, et alors on les prend pres- 
que toujours avec la main. Au Mont-Cenis, on leur 
tend des trappes sur la neige, où pour appât l’on 
met un morceau d’étoffe rouge, qu’ils se plaisent à 
venir becqueter. 

La Fringille Niverolle regagne par troupes les 
Alpes à mesure que les neiges y disparaissent ; elle se 
tient sur leurs limites, et monte peu à peu chaque 
jour jusqu'aux régions qu'elle choisit d'habitude 
pour nicher. Elle est d’un naturel très-doux et très- 
portée à la domesticité ; elle s'attache même à la 
personne qui la soigne. On l’habitue à venir man- 
ger sur table, à ramasser les miettes qui en 
tombent. Tout lui convient pour sa nourriture : 
pain, viande crue et cuite, fruits, vers, grains et 
insectes. Elle dort fort peu la nuit, car on l'entend 
fréquemment sauter dans sa cage, surtout lorsque 


DE, LA SAVOIE. 179 
la lune éclaire le lieu où on la retire. Cette in- 
somnie s'explique sans doute par l'habitude qu’a 
cet oiseau de vivre pendant tout l’été sur les som- 
mités des Alpes, où il y à peu de nuit durant cette 
saison. Sa chair est un manger excellent ; elle est 
parfois parfumée du goût des plantes odoriférantes 
des montagnes, dont cet oiseau fait, en automne 
surtout, une forte consommation et des semences et 
du bout des feuilles ou des fleurs. Son vol est irré- 
gulier, comme du reste chez les oiseaux à grandes 
ailes comme lui, sa démarche est presque tou- 
jours accélérée. Le mâle n’a pas de chant à lui 
particulier pendant l'été; il n’a que son cri ordinaire 
qui est fort et souvent sifflé en partie, ainsi que le 
bruissement assez prolongé qu'il fait le plus en- 
tendre dans ses moments de crainte et durant l’édu- 
cation des petits. La femelle à les mêmes cris que 
le mâle. | 


Troisième Section, 
LATICONES /LATICONT|. 

Signes caractéristiques : Bec fort, gros, quelquefois presque aussi épais à la 
base que la tête, plus ou moins rentré sur les côtés, pointu ou obtus et épais à 
la pointe. Ailes courtes. Corps ramassé et robuste. 

Comme les deux précédentes, cette section 


renferme cinq espèces de Fringilles dans nos cli- 
mais. 


PTT nice 


180 ORNITHOLOGIE 


145.—Xringille Moineau /Fringilla Domestica). 


Noms vulgaires : Moineau, Moinôl, Passereau, Passeraz, Moineau de Mu- 
raille, Pierrôt. 


Monen Denet ane (Purvte Ponehie Cu — one escale ne 
D ee ner 

Cette Fringille est la plus connue de toutes ; 
elle ne se trouve du reste que dans le voisinage de 
l'homme. Elle a 14 cent. de longueur. 

Le mâle diffère beaucoup de la femelle. En été, 
il est noir sur le lorum ou le petit espace situé entre 
le bec et l’œ1l, ainsi que sur le tour des yeux, la 
gorge, le devant du cou et le milieu du haut de la 
poitrine : il porte néanmoins, à l'extrémité des 
plumes de cette dernière partie, une bordure blan- 
châtre. Il a le dessus de la tête, l’occiput et les 
joues, d’un cendré plus ou moins foncé, suivant 
l’âge. De derrière les yeux part une large bande 
de couleur marron, qui descend sur l’oreille et 
s’étend sur le dessus du cou. La même couleur, 
assez souvent plus ou moins nuancée de roux chez 
les adultes, règne encore sur le haut du dos et sur 
les petites couvertures alaires ; mais le noir occupe 
le centre des plumes de la première de ces deux par- 
ties. Le croupion est gris brun. Le dessous du corps, 
de même que les côtés de la gorge, est d’un blanc 
teinté de cendré, et lavé de gris brun sur les flancs. 
Les ailes, que traverse une bande blanche dans 


ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE. 


Passereaux. 


Fringillidees. 


Lath J'Perrin Libr.E dit Chambery. J, Werner del.& Lith. j 


1 Fringille Moineau, 722% en été: 260 nat PAG. — 9-4 Gui de l'espece;er.nat. 
5 F ringille à Tête Marron, 2224 en cle : 7% 12 nat PA 6-8 Zufs de lesp;gr. Anal . 
9 Fringille lriquet, 744 adulte, 15,97 nat; PASSA) ZA de lesp.; grnat 
15 lringille Soulcie,mede; 5 gr nat: 0.— AG Z24 de despece; gr. nat. 


DE LA SAVOIE. 181 
leur partie supérieure, sont noirâtres et bordées de 
roux. Les pennes caudales sont aussi noirâtres, 
avec une petite frange roussâtre. Le bec est noir; 
l'iris brun ; les tarses sont brunâtres. 

À la mue de la fin de l’été, les mâles prennent, sur 
chaque plume noire de la gorge et du devant du 
cou, un liséré blanchâtre, qui s’use à l’approche 
du printemps, par l'effet de la mue ruptile; le cen- 
dré du dessus de la tête se change presque en gris; 
le bec devient noirâtre sur la mandibule supérieure, 
et brun ou brunâtre sur l’inférieure. 

La femelle est d’un cendré brun sur le dessus de 
la tête et à l’occiput ; d’un brun roux sur le dos, 
avec des taches oblongues noires dans le milieu des 
plumes ; d’un gris blanchâtre sur la gorge et le de- 
vant du cou, où le mâle est noir ; d’un blanc sale, à 
peine lavé de roussâtre, sur les autres parties infé- 
rieures. Son bec est brun. Ses pieds sont brunâtres. 

Les jeunes, au sortir du nid, ressemblent beau- 
coup à la femelle, telle qu’elle vient d’être décrite, 
sauf par le bec qui est presque couleur de chair, et 
par leurs pieds livides. 

Après la première mue, les jeunes mâles ont pres- 
que les mêmes nuances que les vieux en livrée d’hi- 
ver. Leur dos est roux, avec du noir au centre des 
plumes; le marron du dessus du cou est liséré de 
gris à l'extrémité des plumes ; le noir de la gorge 
et du devant du cou est plus largement bordé de 


182 ORNITHOLOGIE 
blanchâtre que chez ces derniers. Au reste, ils leur 
ressemblent. 

Les Moineaux sont sujets à plusieurs variétés 
accidentelles. On en trouve de tout blancs, avec 
le bec noir ou couleur de chair, et avec l'iris rou- 
geûtre; ils deviennent aussi d’une couleur isa- 
belle ou café au lait; mais alors le noir, le marron 
et le brun de la livrée ordinaire se trouvent souvent 
indiqués par des teintes plus foncées que celle qui 
tient lieu du cendré, du gris et du blanchâtre. Je 
possède un mâle, capturé en décembre 1848, aux 
environs de Chambéry, qui est d’un isabelle clair, 
avec la gorge, les tempes, quelques plumes du dos 
et les petites couvertures alaires, d’un isabelle 
inclinant au rougeâtre. Son bec est couleur de 
chair; ses tarses sont livides. 

Le Moineau habite spécialement le centre et le 
nord de l’Europe. Il est rare en Italie et dans plu- 
sieurs autres contrées méridionales, où la Fringille 
à Tête Marron (Fringilla Ttahæ, Vieill.) ou le 
Gros-Bec Cisalpin (Fringilla Cisalpina, Temm.) le 
remplace. En Savoie il est très-commun , et on 
cesse de le rencontrer seulement dans les régions 
où l’on ne cultive pas les grains qui servent le plus 
à sa pâture. Îl devient néanmoins de plus en plus 
rare dans la Haute-Maurienne, depuis Saint-Michel 
jusqu’à la pente méridionale du Mont-Cenis ; on le 


A 


voyait encore pendant la belle saison à Lans-le- 


DE LA SAVOIE. 183 


Bourg, il y a quelques années ; mais c’est en vain 
qu'on l’y cherche aujourd’hui. On prétend que 
ce sont les Martinets de Murailles (vulgairement 
Pives) qui sont parvenus à l’en chasser, ces der- 
niers s’emparant de son nid, et dévorant les 
œufs ou les petits à peine éclos !, Ces oiseaux 
viennent en réalité de nos jours, à chaque été, dans 
cette localité pour s’y reproduire sous les toits des 
plus hautes maisons, et dans les mêmes cavités 
qu’occupait le Moineau, avant son éloignement 
de ces lieux. Je les y ai vus en assez grande quan- 
tité en juillet 4851 et 1852; on m'’assurait alors 
que le Moineau n'existait déjà plus à Bramans, et 
qu'à Modane l’on n’en comptait plus que deux ou 
trois couples autour du clocher seulement, 

Le Moineause plaît au sein des villes et des villages, 
danslesamas de maisons habitées, auprès desbasses- 
cours et des colombiers, ainsi que dans les champs 
qui lesavoisinent; il n’est que passager dans les bois 
ou les forêts, dans celles surtout des montagnes 
où on ne le voit que parfois pendant ses excursions 
d'automne. C’est vers la mi-mars qu'il commence à 
s’apparier en Savoie. Rien de plus curieux que de 
voir alors plusieurs mâles faire la roue en piaillant 
autour d’une femelle, avec la tête légèrement re- 
courbée en arrière, les ailes trainantes et presque 


1 Ce Martinet a, du reste, cette habitude dans notre pays. Voyez 
son histoire dans le tome 1, pages 233 et suivantes. 


184 ORNITHOLOGIE 
entr'ouverles, la queue relevée et étalée en 
éventail ; puis se disputer entre eux cette compa- 
gne avec acharnement, se poursuivre avec une 
extrême vitesse, se becqueter jusqu'à s’arracher 
des plumes et jusqu’à se faire crier. A la fin de la 
rixe, souvent l’on remarque que celui auquel la 
femelle donne la préférence, est obligé, pour se 
défendre alors, de parer lui seul tous les coups que 
les autres mâles jaloux et furieux lui portent tour à 
tour. Mais sort-il vainqueur de ce nouveau combat, 
il s'envole, il emmène avec lui celle qui l’a choisi, 
pour l’enlever du milieu de ces concurrents. Dès 
lors, il reste toujours à ses côtés, la suivant pas à 
pas etla protégeant contre les mâles qui veulent par 
moments lui faire la cour. Ils sont si ardents dans 
leur querelle d'amour, qu’en se battant, ils se lais- 
sent souvent surprendre par les enfants, qui les 
séparent en leur lançant des pierres : l’on en voit 
même quelquefois qui se jettent, en se poursuivant, 
dans des chambres, dans des boutiques ouvertes 
devant eux, et qui continuent à s’y battre, comme 
s’ils étaient en plein air. 

C’est à la fin de mars ou dans les premiers jours 


d'avril que le Moineau se met en devoir de bâtir 
son énorme nid. Îl le loge non-seulement dans les 
trous, dans les crevasses des murailles, dans les pots 
ou les vases qu’on lui offre à cet effet, sous les tui- 
les, dansles persiennes, dans les poutres creuses des 


DE LA SAVOTE. 185 


toits, mais encore dans l’épais feuillage des plus 
grands arbres, et dans leurs cavités naturelles ; 
quelquefois il le façonne dans les vieux nids de 
Pies. Pendant la nidification, le mâle, qui est très- 
lascif, s’approche fréquemment le jour de sa fe- 
melle, et toujours avec la même ardeur : des ob- 
servateurs assurent qu'il réitère cet acte jusqu’à 
quinze ou vingt fois par jour. 

Le mâle et la femelle travaillent de concert au 
nid, et le construisent de deux manières : sur les 
arbres, ils lui donnent la forme d’une grosse boule, 
munie d’une cavité intérieure, mise en communi- 
cation avec l’extérieur, au moyen d’une petite ou- 
verture arrondie, servant au passage de l'oiseau. 
Dans les fentes de murs, dans les pots et les cavités 
d'arbres, ils le font souvent comme leurs congé- 
nères, c’est-à-dire en forme demi-sphérique et creuse 
dans le milieu. C’est principalement la paille, le 
foin, les feuilles sèches, celles de platane surtout, 
qu’ils emploient pour composer le dehors de cegîte; 
ils réservent les plumes, la laine, la bourre, les mor- 
ceaux de linge, de fil, etc., pour en tapisser le de- 
dans ; on y trouve parfois jusqu’à des petits pelotons 
de laine, de soie ou de coton, que le couple enlève 
autour des maisons où on lui donne l'hospitalité. La 
femelle, qui fait deux ou trois pontes par an, y dépose 
5 à 7 œufs très-variables dans leur longueur et leur 
largeur, de même que dans les couleurs; ils sont 


186 ORNITHOLOGIE 


d’un blanc pur ou d’un blanc terne, avec des taches 
grises ou céndrées, mêlées à plusieurs autres d’un 
brun plus où moins foncé, ou presque noifes ; sou— 
vent elles sont assez rapprochées pour se confondre 
entre elles sur la grosse extrémité. En moyenne, les 
œufs ont 20 à 21 mill, de long, sur 15 ou 16 mill. 
de diamètre. Pendant l’incubation qui dure 16 jours, 
le mâle, soit que sa compagne s’y livre soit qu’elle 
laisse momentanément la couvée pour aller se cher- 
cher des vivres , se poste à l’entrée où fort près du 
nid. Ine cesse d'y piailler tant qu’il voit rôder alen- 
tour d’autres paires de Moineaux ou des Martinets 
qui se cherchent des refuges. À chaque fois qu’ils 
se présentent à sa demeure pour l’occuper ou en 
dérober quelques matériaux, afin d’en former aussi 
le berceau de leur progéniture, il se précipite sur 
eux avec fureur, les frappe du bec, les terrasse 
quelquefois ou les poursuit à outrance jusqu’à l’ex- 
trémité de son canton; puis il revient faire senti- 
nelle auprès de la nichée. 

Les petits naissent nus, et sont d’uné couleur de 
chair rouge, surtout aux flancs. Pour les nourrir, le 
père etlamère vont tour à tour se gorger d'insectes, 
de chenilles, de vers, de larves, de grains d'orge 
et de froment moitié mûrs, de petits morceaux de 
fruits doux et pulpeux, et notamment de figues, de 
cerises et de mûres; ils reviennent chargés de leur 
butin, et le partagent dans le nid à la couvée. Cette 


DENVA SAVOIE. 187 


petite famille en sort toujours avant de manger 
seule ; elle $e hasarde, du reste, à l’abandonner le 
jour même où elle est en état de faire quelques pe- 
tits vols de distance en distance; puis elle est à 
peine élevée, que ses auteurs se remettent à nicher. 
Le couple retourne quelquefois au premier gîte; 
mais, comme il paraît craindre la vermine pour 
la seconde couvée qu’il Y va entreprendre, il l’ap- 
proprie et en renouvelle presque tous les matériaux, 
ou bien il le recouvre seulement de nouvelles ma- 
tières à l’intérieur. Dès qu'il y couve, il ne veut 
plus revoir ses premiers petits autour de ce nid ; il 
les en chasse lorsqu'il les y voit rôder aussi exacte- 
ment que les Martinets et leurs semblables trop 
effrontés. Tous ces jeunes se retirent alors dans les 
champs ensemencés, surtout dans les blés où ils 
causent aux agriculteurs des dommages souvent 
considérables ; ils ne semblent jamais rassasiés des 
grains d'orge, ni des grains de seigle et de froment ; 
du reste, à quelque heure de la journée que l’on 
abatte ces oiseaux, on leur trouve toujours dans le 
bec, la gorge ou le gosier, de fortes provisions de 
ces semences. Les propriétaires dressent bien dans 
leurs champs qu’ils voient envahis par ces bandes de 
petits iarrons sans cesse affamés, des haillons pour 
leur faire peur; mais cet épouvantail n’a guère 
d’effet sur elles que le premier et le second jour; le 
lendemain, on retrouve ces milliers de Moineaux- 


188 ORNITHOLOGIE 

éparpillés dans les mêmes champs, dont ils ne 
cessent de dévorer le grain jusqu’à la récolte. Ils 
s’y repaissent pendant toute la matinée; à l’appro- 
che de midi , si la chaleur est accablante , ils se 
jettent dans les bois, dans les taillis des alentours 
et les plus près de l’eau; ils s’y baignent alors 
jusqu’à trois fois par heure ; ensuite, ils regagnent 
les arbres les plus ombreux, où ils ne cessent de 
criailler et faire du vacarme. Le soir, vers trois ou 
quatre heures, ils retournent aux champs, qu’ils 
ne désertent qu’au coucher du soleil pour revenir 
dans les pépinières et sur les arbres de haute 
futaie, spécialement sur les marronniers, les pla- 
tanes et les tilleuls du voisinage, afin d'y passer la 
nuit tous ensemble. 

Après les nichées terminées, les vieux Moineaux 
viennent souvent grossir ces troupes avec leur der- 
nière famille. Plusieurs sujets de tout âge restent 
pourtant dans les villes et les villages, qu'ils ne 
quittent plus : ceux-ci cherchent leur vie dans les 
rues, où ils enlèvent les mies de pain, les cerises 
jusqu’à l’entrée des boutiques, dans les cours, dans 
celles surtout où l’on. nourrit des poules et des pi- 
geons, sur les marchés, enfin dans tous les coins 
où se vendent les grains qu’ilsconvoitentsans cesse. 

À peine les bandes qui habitent la campagne n'y 
trouvent-elles plus de champ de froment à dévaster, 
qu’elles se réfugient auprès des habitations. En y 


DE LA SAVOIE. 189 
arrivant, elles se dissolvent d'habitude et se répan- 
dent çà et là pour vivre en plus petit nombre: si 
elles y restaient en troupe, elles ne vivraient que 
difficilement, d'autant plus que leurs appétits sont 
très-forts. Quelques sociétés se livrent alors à des 
excursions vers les pays montagneux, où la maturité 
des grains est plus tardive ; elles y pillent les mois- 
sons, et aussitôt qu’on les leur enlève, elles descen- 
dent de ces hauteurs, le matin et le soir, se fixent 
dans les villes, les bourgs et les hameaux, dont 
elles ne s’éloignent jamais pendant l'hiver. Chaque 
année, au commencement d'octobre, quelques com- 
pagnies émigrent néanmoins vers d’autres climats; 
on les reconnaît aisément à leur vol élevé et rapide, 
ainsi qu'aux piaulements qu’elles ne cessent de ré- 
péter pendant le voyage, soit pour s’entr'appeler 
soit pour répondre à leurs semblables qui les appel- 
lent en les entendant passer. 

Le Moineau s'élève très-bien et s’accommode 
très-volontiers à la domesticité ; c’est bien là sa 
seule bonne qualité. Sa voracité excessive, ses cris 
monotones ({ui, tuî, ou pioz, piou, piou), qu'il 
accompagne parfois d’un grincement précipité 
quand on l’inquiète, et le peu de goût qu’il a pour 
conserver son plumage propre en cage, où il se 
mouille à chaque instant et se frotte le corps contre 
les barreaux , comme pour se soulager de la ver- 
mine, le rendent souvent à charge à ceux qui pren- 


I »- 


——————— 


| 


190 ORNITHOLOGIE 

nent peine à le soigner. Le laisse-t-on errer libre 
dans la maison, il devient encore plus incommode; 
il salit les meubles, il se mâchure lui-même en 
écormiflant autour des marmites. 

À l’état sauvage, il n’est pas moins une charge 
continuelle pour l’homme; aussi, dans plusieurs pays, 
met-on sa tête à prix : 1] mange ses premiers fruits, 
dévore ses récoltes et veut même partager, souvent 
malgré lui, son domicile. Impudent parasite, 1l le 
suit dans tous les lieux où il peut le nourrir ; mais 
partout il manque de reconnaissance à son égard, 
car à peine s’il daigne tourner la tête pour le voir 
passer, etpartoutilsait conserver son indépendance. 
Méfiant à l'excès et malin, il esquive les piéges qu’on 
lui tend le plus souvent pour se débarrasser de lui; 
si, dans les villes, l'approche de l’homme paraît ne 
point l’effrayer, c’est qu’il connaît la sécurité qu’on 
lui accorde; mais il n’en est pas de même dans les 
champs, où il se laisse difficilement aborder. 

Nos oiseleurs capturent aisément avec leurs filets 
les jeunes Moineaux, quand, en juillet et août, ils 
sont seuls éparpillés ou en petites bandes dans les 
champs. Ils les y attirent par une ruse toute parti- 
culière : ils prennent des petits de leur espèce dans 
les nids, les enferment en cage et les posent dans le 
milieu des piéges, où ils les laissent endurer la faim 
pendant la chasse. Ces malheureux ne cessent alors 
de s'égosiller, et beaucoup de Moïneaux qui les en- 


DE LA SAVOIE. 191 


tendent, viennent les y trouver, et se font prendre. 
Mais cette chasse ne dure jamais longtemps ; car 
aussitôt qu'après les nichées les vieux se rallient aux 
jeunes, ils les rendent aussi rusés qu’eux ; et alors 
il est presque impossible de pouvoir les tromper. 
Le Moineau se nourrit d'insectes, surtout de sau- 
terelles, de grosses mouches et de hannetons qu’il 
poursuit et attrape au vol, de vers, de larves, de 
chenilles, de chrysalides, d'araignées, de fruits, de 
baies, de grains et de semences d’arbres. Au prin- 
temps, il vit en outre de bourgeons de peuplier ; il 
aime surtout l’espèce de résine qui les enduit. En 
été, 1l dévore les sommités des maïs, les épis de blé 
en fleur, ainsi que leurs grains en état laïteux; ilen 
apporte aussi dans le nid de grosses becquées pour 
l'alimentation des petits. Durant l'hiver, il abonde 
avec les Pinsons et les Bruants dans le voisinage des 
maisons, parcourt les haies et les chemins, cherche 
sa vie jusque dans les égouts et les fientes. Il fré- 
quente aussi les marchés au blé, les basses-cours et 
les colombiers; posé sur les toits, les murs, les ché- 
neaux ou les piles de bois, il y attend le moment où 
l'on jette la nourriture aux poules, aux canards et 
aux pigeons, afin de venir la partager avec eux. Il 
a bien soin de s’y trouver tous les jours à la même 
heure ; aussi, de crainte de la manquer, ilne s'éloigne 
jamais de ces lieux ; il y passe la nuit dans les gale- 
tas, dans des poutres creuses, dans des cavités de 


a _ 


PRESSE 


AR AU En 


| 


EE — 


4 = EE 


192 ORNITHOLOGIE 


murailles ; quelquefois il se réfugie dans les chemi- 
nées ou sur les arbres qui ont conservé quelques 
touffes de feuilles sèches. Pendant la belle saison, 
c’est principalement sur les arbres les plus épais de 
son canton, surtout les chênes, platanes, tilleuls et 
marronniers des promenades, que les Moineaux se 
donnent rendez-vous le soir; ils y arrivent de tous 
les côtés au coucher du soleil, y piaillent tous en- 
semble jusqu’à la nuit : il semble qu’ils choisissent 
cette heure pour plaider et vider leurs querelles de 
la journée. 


N. B. M. Temminck dit, à la page 257 de la 9° édition de son 
Manuel d'Ornithologie, que le Gros-Bec Cisalpin (Fringilla Cisal- 
pina), qui est la Fringille à Téte Marron ou d'Italie (Fringilla Italiæ) 
de M. Vieillot, est établi et niche au Mont-Cenis. Je n'ai jamais 
réussi à l’y rencontrer, pas même au sommet de la pente méri- 
dionale, malgré mes nombreuses excursions dans ces lieux en 
juin et en juillet; on n’y connaît pas d’autre Moineau que la Frin- 
gille Niverolle, nommée vulgairement Moineau Blanc et Alpin. 
Cependant on le trouve aux environs de Suze et de Turin; c’est 
en cette considération que je vais en donner la description; elle 
pourra servir à faire reconnaître cette espèce de Moineau, si, 
d’un moment à l’autre, elle venait à se montrer au Mont-Cemis, 
et à s’avancer en deçà des Alpes. Elle voyage, du reste, chaque 
année en septembre et octobre, en même temps que plusieurs 
de nos Moineaux Domestiques, avec lesquels elle fait alors quel- 
quefois société. 

Le mâle du Cisalpin est semblable à celui du Moineau par sa 
taille et la disposition de ses couleurs. La différence essentielle 
est dans le marron qui se dilate sur le dessus du cou, entoure 
seulement la tête du Moineau, en laissant un espace gris ou cendré 
sur le sommet de cette partie, tandis qu’il envahit totalement le 
vertex, l’'occiput et la nuque du Cisalpin. On remarque, en outre, 
que le noir de la poitrine occupe moins d'espace que chez le 
premier; etses parties inférieures sont lavées de teintes brunes, 
que l’on ne trouve pas sur le blanc ou le blanchätre des mêmes 
parties dans le Moineau Domestique. 


DE’ LA SAVOIE. 193 
La femelle du Cisalpin porte aussi des mèches brunes ou noi- 
râtres, peu distinctes, sur le blanc sale du devant du corps; 
ces taches n'existent pas chez la femelle de l’autre espèce. Elle 
a, en outre, les plumes du dos, les pennes alaires et caudales 
lisérées ou bordées d’isabelle ; mais elle lui ressemble par le 
reste du plumage. 
146.—Kringilie Kriqueé /l'ringilla Montana). 
Noms vulgaires : Moineau de Saule, Passeraz dello S6zo. 
Le Friquet, le Hambouvreux (Buff.). — Le Friquet ou Moineau des Bois 
(Cuv.).—Fringille Friquet (Fringilla Montana), Vieill. — Gros-Bec Friquet 


(Fringilla Montana), Temm.— Passera Mattagia (Savi).—Pyrgita Montana 
(Moineau Friquet), de S.-Longch. 


On à imposé à cette Fringille le nom de Friquet, 
parce que, étant perchée, elle ne fait que se tour- 
ner de droite à gauche, que frétiller, hausser et 
baisser la queue d’un mouvement presque con- 
tinuel. En Savoie, on la romme Moineau de Saule, 
à cause de la préférence qu’elle donne aux saules, 
soit pour nicher soit pour s’assembler le jour et à 
l'approche de la nuit. Les Italiens l’appellent Pas- 
sera Mattagia, ce qui signifie Moineau Fou. 

Sa taille est de 14 cent. 

Le mâle adulte est d’un rouge baï sur le sommet 
de la tête, sur l’occiput et les petites couvertures 
des ailes; d’un noir pur sur les lorums, la gorge, 
le devant du cou et sur l’orifice des oreilles ; blanc 
aux tempes, aux joues et à la nuque où cette couleur 
dessine un demi-collier. Il à la poitrine et le ventre 
d’un blanc gris ; les plumes du haut du dos et les 
scapulaires moitié noires, moitié rousses; les 
pennes des ailes brun noirâtre, et bordées de roux ; 


T. III. ka 


191 ORNITHOLOGIE 

le croupion d'un gris brun tirant sur le roux ; 
la queue d’un brun foncé, avec une bordure rous- 
sâtre à chaque penne. Sur les ailes, l’on remarque 
deux bandes transversales blanches, formées par le 
bout des couvertures. Le bec est noir ; l’iris brun ; 
les tarses d’un brun jaunâtre. 

La femelle ne diffère point du mâle par la dis- 
position des couleurs ; mais elle a moins de noir sur 
la gorge et moins de blanc sur le demi-collier de la 
nuque ; les autres nuances sont partout seulement 
moins foncées que dans le mâle. 

Les jeunes, en sortant du nid, ont les teintes 
plus claires que celles de la femelle adulte ; ils sont 
mélangés de gris sur le roux de la tête et du dos. 
On les distingue encore à la tache de la gorge et à 
celle des oreilles , qui se trouvent d’un noirâtre 
nuancé de gris, et fort peu étendues. 

Après la mue, ils ne diffèrent point des adulies 
décrits plus haut. 

Le Friquet est sujet aux mêmes variétés acciden- 
telles, blanches ou blanchâtres et isabelles, que le 
Moineau Domestique. En 1852, M. le marquis Costa 
de Beauregard fit don à la collection ornitholo- 
gique de la Société d'histoire naturelle de Savoie, 
d'un sujet magnifique, atteint d’albinisme complet, 

On trouve cet oiseau dans tous les climats de 
l'Europe ; on l’observe jusqu’en Sibérie, en Laponie 
et au Japon. Il est sédentaire et communément 


DE LA SAVOIE. 195 
répandu en Savoie, notamment dans les pays de 
plaine ; il se plait beaucoup moins dans nos régions 
montagneuses. 

C’est le long des haies implantées d’arbres, sur 
les peupliers, les noyers, les chênes et les saules 
des bords des routes, des rivières, des champs et 
des prairies, ainsi que sur les lisières des petits bois 
champêtres, qu’on découvre habituellement le 
Friquet. [l ne s'approche guère des maisons et des 
villes, si ce n’est durant l'hiver, lorsque la faim 
l'y amène : alors on le voit rôder autour des fermes, 
des granges et des colombiers, où souvent il se 
loge dansles trousdes vieux murs. [] niche dans les 
petits creux d'arbres, des saules surtout du voisi- 
nage des fossés, des marécages et des champs; quel- 
quefois ilse choisit à cette intention une cavité dans 
une masure et dans quelque vieille muraille de mé- 
tairie, entourées d'arbres ou très-proches d’un bois. 

Les mâles sont moins ardents et moins jaloux en 
amour que ceux du Moineau Domestique , bien 
qu’ils se livrent aussi de fois à autre de petits com- 
bats très-animés pour la possession des femelles. 
Ils ne piaillent point comme eux en faisant la roue 
autour d'elles, mais ils s’y agitent par des mouve- 
ments courts et lascifs; puis ils les agacent avec de 
petits eris précipités ; 1ls les becquètent tendrement 
jusqu'à ce qu’ils obtiennent d'elles les mêmes gen- 
tillesses. 


196 ORNITHOLOGIE 

Le Friquet ne se met guère ici en devoir de tra- 
vailler à la confection du berceau de sa progéniture 
que dans les quinze premiers jours d'avril. On voit 
le mâle et la femelle qui transportent tour à tour 
dans leur cavité des herbes fines, de la paille, de 
petites racines fibreuses et des morceaux de feuilles 
sèches, dont ils forment le fond et le contour du 
nid ; ensuiteils les recouvrent en dedans de crin, de 
poils, de bourre , de plumes, de cheveux et de flo- 
cons de laine. C’est sur ce matelas que la femelle 
dépose 5 ou 6 œufs allongés, à coque le plus sou- 
vent luisante, et couverte de petites taches, assez 
irrégulières, d’un brun foncé ou d’un brun lie de 
vin, et si serrées, qu’elles laissent à peine eutrevoir 
le fond qui est blanchâtre ou d'un grisâtre clair. 
Ils ont 18-19 millim. de longueur, sur 43 ou 
43 millim. : de largeur diamétrale. 

Les petits éclosent dès le quinzième jour de l’in- 
cubation ; au dix-septième, ils sont tous dégagés 
de leur coquille. Pour les alimenter, leurs parents 
vont l’un après l’autre à la recherche des chenilles, 
des vers, des sauterelles, des insectes les plus mous, 
et des fruits doux et charnus; chaque becquée qu’ils 
apportent est d'habitude si grosse, qu’elle suffit aux 
parts de deux ou de trois petits; puis à leur retour, 
ils servent d’abord ceux d’entre eux qui n’ont rien 
reçu à la première distribution. Les dénicheurs s’1- 
maginent que chaque nichée renferme un jeunc bien 


DELLA, SAVOIE, 197 
plus petit que les autres, et qui est toujours un mâle ; 
comme ils prétendent que c'est le cadet de la cou- 
vée, ils le nomment vulgairement le Colaz du nid. 

Quinze jours après leur sortie, les petits reçoivent 
encore la becquée ; ce n’est guère avant le ving- 
tième qu’ils mangent seuls, et leurs auteurs restent 
avec eux quelques jours après pour achever leur 
éducation : ils les quittent alors pour se remettre à 
nicher. Les jeunes couvées hantent les champs com- 
plantés d'arbres et voisins de l’eau ; elles s’y nour- 
rissent souvent pêle-mêle avec celles du Moineau 
Domestique, et comme elles pendant le fort de Îla 
chaleur du jour, elles se retirent dans les saussaies 
des bords des fossés pour se baigner, et ensuite 
pour criailler des heures entières. Quand le soleil 
baisse vers l'horizon, ces bandes de Friquets re- 
tournent aux champs de blé, de chanvre et de 
millet, dont la graine leur plaît beaucoup; elles 
y occasionnent souvent de grands préjudices à 
l’agriculteur ; car, non contentes d’y venir seules se 
repaître, elles y amènent avec elles les bandes des 
Moineaux qui ne demandent pas mieux que de 
vivre dans l’abondance, et avec lesquelles elles font 
société pendant leurs repas. Quand elles sont éta- 
blies dans un champ, il est presque impossible de les 
en chasser ; tous les haillons, tous les fantômes que 
l’on y dresse ne servent de rien, ou du moins n'ont- 
ils d’effet que pour un Jour. Le seul moyen de se 


198 ORNITHOLOGIE 

débarrasser de ces hordes de petits pillards est de 
venir soi-même y faire sentinelle aux heures de leur 
rendez-vous, ou bien encore de tendre des filets tout 
auprès; dans ce cas, il est indispensable d’avoir un 
ou deux des leurs pour appeaux, et avec quelqu'un 
qui s'applique à faire lever ces volatiles tous en- 
semble et à les amener vers les piéges, l’on est 
toujours sûr d’en prendre beaucoup. Ils s’y jettent 
tous à la fois; mais il faut se hâter de les saisir, 
car ils sont si sublils, si lestes, que souvent ils 
passent à travers les mailles des filets. 

Les Friquets se mettent à voyager tous les ans 
après les récoltes ; les uns gagnent par bandes nos 
contrées montagneuses; les autres se réfugient 
dans des climats plus doux, qu’ils ne quittent qu’à 
la fin de l'hiver. Ceux-ci partent en troupes serrées, 
volent avec rapidité et ne cessent de s’entr’appe- 
ler. Néanmoins plusieurs restent en plaine dans les 
buissons, les haïeset les bois, où les petitsfruitssecs, 
les baies, lessemences et les pousses des graminées, 
forment leur principale nourriture. Ils visitent aussi 
les abords des granges pendant que l’on y bat le 
blé, et cherchent, en fouillant dans la poussière for- 
mée par les enveloppes de l’épi, les grains perdus. 

Tous les soirs, au soleil couchant, les Friquets 
se réunissent en foule dans les bois, et particulière- 
ment dans les saussaies; ils y piaillent, sautillent 
et voltigent d’un arbre ou d’une branche à l’autre 


DELA SAVOIE. 199 
jusqu'à la nuit qui les oblige de se tapir dans des 
refuges. Le lendemain, dès le point du jour, ils se 
remettent à crier, à frétiller jusqu’au lever du so- 
leil ; alors ils regagnent par petits bataillons sépa- 
rés les champs ou les buissons. Pendant l'hiver, ils 
se logent souvent pour dormir plusieurs ensemble 
dans la même cavité d'arbre, de roc ou de vieille 
muraille, et s’y serrent au fond pour mieux se pré- 
server du froid. C’est principalement dans cette 
saison qu'ils s’approchent des lieux habités ; mais, 
pour vivre, ils s’y montrent moins entreprenants 
et moins impudents que les foineaux. L'homme 
les intimide assez facilement ; aussi, ne vont-ils que 
rarement se nourrir parmi les poules, les pigeons et 
les canards domestiques; ils préfèrent rester sur les 
arbres ou dans les haies avec les Pinsons et les 
Bruants à la quête des insectes, des petits fruits 
sauvages , des bourgeons d'arbres fruitiers et des 
semences, que d'exposer leur vie en voulant par- 
tager, contre le gré des propriétaires, la nourriture 
qu’ils donnent à leur volaille. 

Le Friquet est en outre plus doux que le Moineau ; 
il s’apprivoise aisément, et quoique privé de sa li- 
berté, il conserve toujours sa vivacité, sa gaieté et 
sa gentillesse. Quand il est seul et libre, il fuit la 
société de cette espèce ; 11 faut qu'il sache que ce 
congénère est plus fort, plus méchant que lui. 
Toutefoisil répond, il vient à son appeau, et tombe 


| 


== 


== — 


a 


200 ORNITHOLOGIE 

plus facilement que lui dans les piéges. Sa voix 
ressemble beaucoup à la sienne, mais elle est plus 
faible, plus précipitée et un peu moins monotone. 
À peine est-il posé sur un arbre ou une plante, qu'il 
se tourne en tout sens avec vivacité, haussant et 
baissant la queue presque sans relâche. Il vole si 
rapidement, qu’il paraît bourdonner comme un 
sphynx on une phalène. Sa chair est toujours préfé- 
rable à celle du Moineau Domestique. 


149.—KFringille Soulcie (Fringilla Petronia). 


Noms vulgaires : Moineau de Montagne, Passeraz det Mountagné, Monta- 
gnard. 
La Soulcie ou Moineau des Bois (Buff.). — La Soulcie (Cuv.). — Fringille 


Soulcie (Fringilla Petronia), Vieill.—Gros-Bec Soulcie (Fringilla Petronia), 
Temm. 


Le mâle de la Soulcie à 15 cent. 6-7 mill. de 
longueur. 

Au-devant du cou, il porte une tache d’un jaune 
citron, plus apparente au priulemps, après ia mue 
ruptile, qu'en automne : à cette époque, elle se 
trouve un peu cachée par les bordures grisâtres 
des plumes qui l’entourent. Il à de larges sourcils 
d’un klanc roux, surmontés par une bande plus 
large encore, d’un brun très-foncé; elle prend 
naissance à la racine du bec, et se dilate jusque sur 
l’occiput. Le milieu de la tête est d’un roussâtre 
clair, et plus ou moins mélangé de gris brun, sui- 
vant l’âge des individus; le manteau varié de blan- 
châtre, de blond, de noir ou de noirâtre; le crou- 


DDR A SAT OT. 201 
pion d’un brun nuancé de roussâtre ; les couvertures 
supérieures de la queue terminées de blanchâtre. 
Les pennes alaires sont noirâtres, ainsi que leurs 
tectrices, puis frangées et marquées au bout de 
blanchâtre et de gris roussâtre. Les rectrices ou 
pennes de la queue sont de la couleur des ailes et 
lisérées du même, mais marquées, à l’extrémité des 
barbes intérieures, d’une tache blanche et arron- 
die. Un blanc sale, teint de gris brun au bord des 
plumes, couvre les parties inférieures du corps, à 
l'exception de l’espace qu'occupe la tache jaune 
au-devant du cou et du milieu du ventre qui est 
blanchâtre, sans taches; c’est spécialement sur les 
flancs que le gris brun domine. Le bec est brun en 
dessus, jaune en dessous; l'iris brun; les tarses 
sont courts et jaunâtres. 

La femelle est un peu moins grande que le mâle ; 
elle lui ressemble beaucoup au reste : sa tache 
jaune du devant du cou est seulement moins vive 
et moins apparente. 

Dans les jeunes mâles de l’année, après leur mue 
de la fin de l'été, cette tache est aussi peu visible 
que dans les femelles adultes ; ce n’est guère autre- 
ment qu’ils diffèrent des vieux. 

La Fringille Soulcie habite particulièrement les 
bois et les forêts des pays méridionaux de l’Europe; 
elle y vit sédentaire, se propage dans les trous na- 
turels des arbres. La femelle ne pond qu’une fois 


202 ORNITHOLOGIE 


par an, et sa couvée se compose de A ou 5 œufs, 
assez rarement de 6. M. le docteur Degland, de 
Lille, eut l'extrême obligeance de me procurer ces 
œufs en 1852 ; ils sont d'un blanc sale ou glacé de 
roussâtre, et recouverts de taches brunes, notam- 
ment sur la grosse extrémité, où elles se trouvent 
très-serrées. En longueur, ils ont 21 ou 21 mill. #, 
et 45 millim. de diamètre. 

Cet oiseau passe régulièrement chaque année en 
Savoie, depuis la fin de septembre jusqu’à la mi- 
novembre; il cesse d’y passer aussitôt après les 
premières neiges qui tombent en plein pays. Il y 
est très-rare pendant les rigueurs de l’hiver. C'est 
par volées plus ou moins nombreuses, quelquefois 
par trois ou quatre sujets à la fois, que nous l’ob- 
servons le plus souvent dans nos contrées pendant 
l’automne, tandis que durant le froid, il ne se mon- 
tre guère que solitaire ou deux à deux ; se réunis- 
sant alors quelquefois aux Pinsons , aux Painsons 
d'Ardennes, aux Bruants et aux Verdiers. 

Les Soulcies volent serrées comme les Moineaux 
et les Friquels, mais elles sont moins piailleuses, et 
leur vol.est moins précipité; il paraît même par mo- 
ments presque ondulatoire. De temps à autre elles 
lächent quelques cris aigres, un peutraînés, et assez 
semblables au cri ordinaire de la Fringille Puison 
d’Ardennes (vulgairement Choïe). Étant posées, 
elles ont un autre cri plus bref et plus prompt, qui 


DE LA SAVOIE. 203 


s'approche beaucoup du fui ou du piou du Moineau 
Domestique ; c’est encore celui qu'elles font entendre 
ordinairement quand elles sont tenues en captivité. 

La Soulcie s’abat sur nos terres tout récemment 
ensemencées de blé, et en dévore le grain, même 
quand il commence à germer ; elle fréquente aussi 
les champs de sarrasin (blé noir) et les chènevières, 
dont elle paraît aimer fort la graine. Après nos 
récoltes, elle vit de préférence dans les haies, les 
buissons ou les bois avec des baies, des fruits sau- 
vages, des semences d’arbres et de plantes. Elle 
paraît aussi vorace que le Moineau, car si on latire, 
il est assez rare qu’on ne lui trouve pas l'estomac 
rempli de grains ou d’autres aliments ; mais beau- 
coup moins rusée, elle tombe plus facilement que 
lui dans les filets, soit qu’elle y voie les danseurs se 
débattre, soit qu’elle suive d’autres volatiles aussi 
portés qu’elle à s’y empêtrer au premier coup 
d’appeau qu’ils entendent. Plusieurs de nos oise- 
leurs l’appellent de la même manière que le Pinson 
d’Ardennes ; d’autres se servent encore avec succès 
de l’appeau du Verdier, et je lai prise moi-même 
aux cris d’une Linolte, lenue en cage au milieu 
des filets. Il s’en prend tous les ans, en automne, 
quelques bandes aux environs de Chambéry, dans 
les champs de Vimines, de Montagnole , de la Ra- 
voire et de Barberaz. 


204 QRBNITHOLOGIE 


148.—Hringille Seris ou Cini /Z'ringilla Serinus/. 


Noms vulgaires : Le Ceni, Serin Jaune, pour la distinguer de la Fringille 
Venturon, qui est le Serin Vert de quelques-uns de nos oiseleurs. 


Le Cini etle Serin de Provence (Buff.).—Le Cini (Cuv.).—Fringille Ven- 
turon (Fringilla Citrinella), Vieill. Faune Française. — Gros-Bec Serin ou 
Cini (Fringilla Serinus), Temm. — Pyrrhula Serinus (Bouvreuil Serin), de 
S.-Longch.—Versellino (Savi). 


Le Serin a 12 cent. de longueur du bout du bec 
à l'extrémité de la queue. Son bec court, gros et 
bombé, le fait toujours distinguer de la Fringille 
Tarin et du Venturon, avec lesquels il à quelque 
ressemblance par les teintes jaunes et verdâtres de 
sa livrée. 

Le mâle a le front, les sourcils, une partie de la 
nuque et des joues, la gorge, le devant du cou, la 
poitrine, le ventre et le croupion, d’un jaune jon- 
quille; à l’âge d’un an, cette teinte est moins pure, 
surtout sur la tête, qui porte quelques nuances de 
grisâtre. Sur les côtés de la poitrine et sur les flancs, 
qui sont de cette couleur, l’on remarque des taches 
longitudinales, noirâtres; le milieu de l'abdomen et 
les parties anales inclinent au blanchâtre. Le dos et 
les scapulaires sont d’un olivätre varié de taches 
oblongues, cendrées etnoirâtres. Les pennes alaires 
et caudales sont d’un brun noirâtre, et bordées d’un 
jaune verdâtre : deux bandes, l’une d’un brun jau- 
nâtre, l’autre d’un jaune verdâtre, coupent chaque 
aile en travers. Le bec est d’une couleur de chair 
rembrunie ; l'iris noirâtre; les pieds sont grisâtres. 

La femelle a les parties inférieures d’un blanc 


DE LA SAVOIE. 905 
jaunâtre sale, et plus marquées de taches que dans 
le méle ; elle est encore nuancée de cendré sur le 
dessus du corps, et ses teintes sont beaucoup moins 
vives que chez lui. 

Les jeunes mâles sont semblables à la femelle 
jusqu’à la mue ruptle du printemps. Mais a la 
sortie du nid, c'est principalement le gris et le 
roux verdâtre, parsemés de taches brunes et allon- 
gées, qui dominent sur leur livrée. 

Au printemps et pendant l'été, les deux sexes ont 
le jaune de leur plumage plus brillant et plus pur 
qu’en hiver. Durant cette saison, cette couleur pa- 
rait comme salie par des nuances grisâtres, plus 
ou moins apparentes, à l'extrémité des plumes, et 
qui s’effacent peu à peu au moyen de la mue ruplile, 
dès la mi-mars jusqu’à la fin d’avril. 

Le Serin est commun dans le midi de l’Europe, 
et rare dans le nord de la France. C’est spéciale- 
ment depuis le printemps jusqu’au milieu de l’au- 
tomne qu’on le remarque le plus en Suisse et en Sa- 
voie; cependant quelques sujets restént pendant 
l'hiver dans ces pays, où ils recherchent alors les 
expositions abritées des vents froids. Ceux-ci, on 
les voit fréquemment se joindre aux Tarins, et vi- 
siter ensemble les jardins, les parcs, les vergers, les 
bords des rivières plantés d’aunes, et les bois de 
leur arrondissement ; comme eux ils s’alimentent 
avec les semences et les jeunes pousses de plusieurs 


206 ORNITHOLOGIE 
arbres, surtout du charme, de l’orme, du tilleul, 
des poiriers et des amandiers. 

Le Serin est d’un naturel très-doux. L'approche 
de l’homme ne l'effraye guère; il aime même son 
voisinage soit pour couver, soit pour élever sa progé- 
niture. On l'observe rarement dans nos montagnes, 
et presque seulement à l’époque de ses voyages ; 
jamais on ne le trouve dans la plupart des contrées 
les plus situées au nord de notre territoire ; c’est 
la Fringille Venturon n° 36, qui le remplace dans 
ces régions durant la période des nichées. On 
le prend facilement dans toutes sortes de piéges. Il 
s’'accoutume bien vite à la captivité; en peu de 
jours il s’y apprivoise, et ses manières charmantes, 
jointes aux agréments de son chant, font les délices 
de son maître. Le mâle est facile à s’apparier 
avec la femelle du Serin des Canaries, et les métis qui 
en résultent sont ordinairement d’habiles chanteurs. 
I] lui arrive parfois, comme au Chardonneret, après 
une longue captivité, de devenir totalement ou par- 
tiellement noir ; les naturalistes attribuent ce chan- 
gement de plumage à l’eflet d’une nourriture 
constante de graine de chanvre. 

À son retour dans nos climats au printemps, cet 
oiseau forme des bandes plus ou moins nombreuses, 
suivant les localités, et qui ne se dissolvent que pour 
se reproduire. Souvent mêlées à celles des Char- 
donnerets et des Verdiers, avec lesquelles elles sont 


DENPATSAVOTE. 207 


toujours bien d'accord, elles visitent les pépinières, 
les bosquets, les friches et les lisières des bois cham- 
pêtres ; on les y rencontre à terre presque toute la 
matinée occupées à se nourrir des graines de plan- 
tain, de séneçon, etde plusieurs autres plantes prin- 
tanières. Vers le milieu de la journée, elles se reti- 
rent souvent dans deslieux humides et très-ombra- 
gés ; là elles se baignent à plusieurs reprises; puis 
ensuite les mâles, au sein du feuillage, donnent 
tous ensemble et à l’envi un concert des plus agréa- 
bles. Leur chant est composé d’une série de sons 
forts et aigus, mais modulés : trir-lireli, trrli- 
rrli, rlirli-rrli, telles sont presque les seules sylla- 
bes qu’ils s'appliquent à redire souvent et longue- 
ment. Le soir, deux heures environ avant le coucher 
du soleil, ces bandes regagnent les lieux qu’elles 
occupaient le matin, afin de s’y alimenter encore; 
mais à l’approche de la nuit, au moment où le soleil 
disparait de l'horizon, elles rentrent toutes d’une 
seule volée dans les sapinières, dans les lieux implan- 
tés de cyprès, ainsi que dans les bois de haute futaie 
les plus touffus du canton , pour y passer la nuit. 
Le Serin travaille à la composition de son nid 
dans les premiers jours d'avril, lorsque les feuilles 
des arbres commencent à s'épanouir. C’est princi- 
palement sur les rosiers, les orangers, les arbres 
fruitiers, les ormes, les hêtres, les charmilles et les 
cyprès qu’il le place; il le fait avec beaucoup de 


208 ORNITHOLOGIE 

goût, et l’assujettit au milieu d’une toufle de petits 
rameaux ou d'un bouquet de feuilles et de fleurs. 
Le dehors de ce nid est presque tout formé de tiges 
d'herbes très-flexibles, de mousses, de lichens et de 
racines de plantes, liées souvent entre elles par de 
petits anneaux faits avec la soie des cheniiles, avec 
la laine des moutons ou la toile des araignées. Le 
dedans est matelassé avec du crin, des cheveux, 
des plumes, ou seulement avec le duvet satiné des 
saules, des peupliers et des tussilages. La femelle, 
qui ne fait qu’une ponte en Savoie, à moins qu’elle 
ne lui soit ravie, y dépose 5 ou 6 œufs oblongs, 
blanchâtres ou d’un bleuûtre clair, avec des points, 
de petits traits et des taches violâtres ou rou- 
seûtres et d’un noir ou noiràtre plus ou moins tein- 
tés de rouge : ces marques sont toujours plus nom- 
breuses sur le gros bout, où elles sont quelquefois 
disposées en forme de cercle. Les œufs ont 14 : ou 
15 mill. de long, sur 10 ; ou 41 m. dediamètre. La 
femelle est seule chargée de les couver, et le mâle 
vient presque à chaque heure lui dégorger dans le 
bec sa subsistance. Pour la désennuyer pendant 
les longues heures de l’incubation, il consacre ses 
moments de loisir à chanter près d'elle; il se met 
pour cela à la cime d’un arbre ou à l’extrémité 
de l’un de ses rameaux, et pendant qu'il ramage, il 
tient très-souvent les ailes pendantes etla queue un 
peu relevée ; 1l chante aussi en voletant d'arbre en 


DE LA SAVOIE. 209 
arbre et en battant des ailes à la manière du Verdier 
et du Venturon, ou bien il se soutient quelque in- 
stant dans les airs, au-dessus de la nichée, avec 
les ailes déployées. 

Les petits naissent au quinzième jour de couvai- 
son, vêtus d’un poil follet, rare et grisâtre. Le père 
et la mère, pour les nourrir, se gorgent de petites 
graines de graminées, de plantains et de séneçons 
surtout, qu’ils humectent ensuite et dégorgent à leur 
progéniture dès qu’ils commencent à se convertir 
en une espèce de pâte dans leur jabot. Chaque fois 
qu’ils voient rôder quelqu'un auprès du nid, ils 
poussent un petit cri plaintif, à peu près semblable à 
celui du Canari quand on l’inquiète; par ce cri, ils 
semblent prononcer les mots : éhieir, thiert, répétés 
à distance égale et tant que dure leur crainte. 

Après l'éducation de leur petite famille, le père 
et la mère, ainsi que les jeunes, forment, en se 
réunissant avec d’autres couvées, des troupes sou- 
vent nombreuses, qui ne cessent de fréquenter les 
lieux où abondent le millet, le chènevis, les chico- 
rées, les plantains, les panics, etc., etc. Sou- 
vent elles y font bande commune avec les Chardon- 
nerets, les Painsons et les Verdiers qui ne sont pas 
moins qu'elles friandes de ces graines. 

C’est à la fin de septembre ou dans les premiers 
jours d’octobre que la plupart des Serins émigrent 
de nos contrées, et s’envolent vers le Midi. Ils par- 


T. IIX. 14 


210 ORNITHOLOGIE 


tent de grand matin, voyagent d'habitude en troupe 
serrée comme le Tarin, et s’entr'appellent quel- 
quefois tous ensemble, mâles et femelles, par leurs 
petits cris : érrèrli-rrrli, trrirli. 


149.—Fringille Verdier /Fringilla Chloris}. 


Noms vulgaires : Bruant, Briant, Bruyant, Verdon. 
ver (Erngila Clone), Viell, — Gros Bee Verdier rimgilia Chr, 
Temm.—Verdone (Savi). 

Cette Fringille, qui est commune dans ce pays, 
a 15 cent. de taille. 

Le vieux mâle, au printemps, après la mue rup- 
tile, a les parties supérieures du corps d’un vert 
olive, se changeant presque en jaune sur le crou- 
pion; les moyennes couvertures et les pennes secon- 
daires des ailes cendrées, avec du noir au centre ou 
sur le bord interne des plumes. Il est d’un beau 
jaune à la gorgerette, au milieu du ventre, sur le 
bord de chaque aile, sur les barbes externes de plus 
de la moitié supérieure des rémiges, ainsi qu'aux 
deux tiers environ des pennes latérales de la queue; 
l’autre tiers de cette partie et les deux rectrices du 
milieu étant noires, de même que l'extrémité et le 
bord intérieur des rémiges. L’abdomen et les cou- 
veriures inférieures de la queue sont d’un blanc 
jaune, souvent inélangé d’un peu de cendré sur ces 
dernières ; le bas de la gorge, le devant, les côtés 


DE LA SAVOIE, 211 
du cou et la poitrine, d’un vert olive comme les 
parties supérieures. Le bec et les pieds sont couleur 
de chair. L’iris des yeux est noirâtre. 

La vieille femelle a le dessus du corps d’un vert 
olive lavé de cendré ; le croupion d'un vertjaunûâtre; 
le jaune des ailes et des pennes caudales plus pâle 
et moins étendu que dans le mâle. Les flancs sont 
gris cendré ; le milieu du ventre et la gorge lavés 
d’un peu de vert jaune ou jaunâtre; l’abdomen et 
les sous-caudales sont d’un blanc nuancé de jaune. 

A la mue de la fin de l'été, les vieux mâles pren- 
nent, à l'extrémité des plumes jaune et vert olive 
du dessus et du devant du corps, une légère bordure 
de gris cendré, qui s’use et disparaît totalement au 
printemps suivant, au moyen de la mue ruplile. 

Les jeunes, depuis la sortie du nid jusqu’à la pre- 
mière mue, sont d’un blanc jaunâtre et tachetés 
longitudinalement de brun sur les parties infé- 
rieures ; c'est un brun nuancé de verdâtre qui règne 
en dessus du corps. Ils ont bien déjà du jaune à la 
base de la queue et sur le bord externe des rémiges 
commeles vieux; mais cette teinte est plus pâleencore 
que dans la femelle, vieille ou adulte. Leur bec est 
brun. Ils ressemblent dans cette livrée tellement 
aux jeunes du Bec-Croisé Commun ou des Pons, 
qu'on les contondrait facilement ensemble, sans la 
conformation des becs. 

Après lu mue, les jeunes mâies sont semblables 


212 ORNITHOLOGIE 

aux vieux en plumage d'automne et d'hiver. Les 
jeunes femelles ont encore, pendant toute l’année, 
plus de blanchâtre dessous le corps que les vieilles ; 
mais, au reste, elles leur ressemblent. 

Le Verdier fréquente presque tous les pays de 
l’Europe. Il est sédentaire en Savoie et commun 
surtout en automne, à l’époque de ses excursions 
annuelles ; plusieurs nous arrivent alors du Nord 
par bandes souvent nombreuses qui se répandent 
dans les champs, les bois et les vignobles. Il ne se 
plaît guère dans nos montagnes, même pendant 
l'été ; il leur préfère les parcs ombragés, la lisière 
des bois inférieurs, les rangées d'arbres qui bordent 
les champs, les prairies, les routes et l’eau, enfin 
les saussaies, les vergers et les jardins. On l’y ob- 
serve en troupes jusqu’à la pariade qui d'habitude a 
lieu dans les premiers jours d’avril ; elle se fait très- 
paisiblement : le mâle se cherche et s’attache une 
compagne qu'aucun de ses semblables ne tente de 
lui ravir, comme c’est d'usage chez plusieurs de ses 
congénères. Aussitôt qu'il la possède, il vole avec 
elle à la découverte d’un canton et revient encore, 
après Pavoir choisi, vivre quelques jours pêle-mêle 
|| avec les autres couples du même arrondissement. 
1) Ces couples font, en se réunissant plusieurs à la 
À fois, des sociétés qui vivent toujours dans une par- 
IL | faite intelligence et ne se dissolvent que pour aller 
| bâtir des nids, couver et élever leur progéniture. 


DE LA SAVOIE. 2 

La femelle pose son nid sur les arbres, dans 
des touffes de rameaux ou de feuilles, ou bien dans 
de hauts buissons épais ; quelquefois elle le place 
sur les troncs des saules et des peupliers ébranchés, 
mais qu’abritent de nouvelles pousses. Elle le com- 
pose assez grossièrement à l'extérieur de mousses, 
de pailles, d'herbes sèches et de racines très-flexi- 
bles, qu’elle recouvre en dedans de plumes, de poils, 
de bourre et de laine ; mais chaque fois que sa com- 
pagne s’adonne au travail, il la charme par son 
chant éclatant et assez varié. Celle-ci pond ordi- 
nairement 5 œufs à la première couvée , et 4 à la se- 
conde ; ils sont allongés , d’un blanc souvent très- 
légèrement teint de bleuâtre , et marqués de gros 
points ou de petites taches irrégulières, violâtres ou 
rougeàtres et noires, principalement répandues sur 
le gros bout : quelquefois ils n’ont pas de traits noirs, 
et alors ils sont seulement tachetés de l’une ou des 
deux premières nuances (violâtre et rougeâtre). 
Pour longueur, ils ont, en moyenne, 181 ou 19 mill. 
et 13 ou 13 millim. 1 de largeur diamétrale. Pen- 
dant que les femelles couvent, tous les mâles du 
même district se groupent à de certaines heures de 
la journée, et hantent ensemble les buissons, les 
champs et les abords des bois pour y chercher leur 
nourriture. [ls retournent ensuite auprès de leurs 
compagnes avec des aliments, qu’ils leur dégorgent 
dans le bec sur le bord du nid ; puis aussitôt après, 


se E 


214 ORNITHOLOGIE 


ils se mettent à chanter dans le feuillage. Ils vien- 
nent aussi, toujours en ramageant, voltiger devant 
elles avec grâce, ou bien ils se soutiennent en l’air, 
au-dessus de la couvée, en étendant où battant 
des ailes comme le Serin ou Cini. 

Le père et la mère ont pour leurs petits beau- 
coup d’attachement. Tandis que l’un des deux va à 
la recherche de leur subsistance, souvent l’autre 
reste pour veiller Sur eux ; au moindre danger qu’ils 
courent, il crie ; aussitôt son compagnon arrive, et 
le couple à l’envi cherche à les défendre ; s'ils sont 
déjà forts, 1l les fait quitter le nid et se cacher à la 
cime des arbres. Il leur conserve encore de l’affec- 
tion même après qu'ils lui ont été enlevés : il revient 
les réclamer pendant quelques jours consécutifs sur 
le même arbre qui les possédait, et parvient-il à 
les entendre ou à les découvrir auprès de quelque 
habitation , il s’offre à Îles nourrir encore; aussi , 
n'hésite-t-on jamais de porter cette petite famille 
dans une cage que l’on fixe à un arbre; et à tout 
instant l’on voit le mâle et la femelle qui lui appor- 
tent tour à tour les vivres; ils les lui distribuent au 
travers des barreaux de sa prison et par voie de re- 
gorgement, à moins que ce he soient des insectes : 
pour ceux-ci, ils les lui apportent soit au bout soit 
à l’intérieur du bec; quelquefois aussi ils lui donñent 
pendant un où deux jours de suite des becquées 
composées uniquement de sommités de mais et 


DÉ LA SAVOIE. 215 
d’autres plantes céréales, dont ils vont s’approvi- 
sionner dans les champs, pendant la fleuraison. 

À la fin du mois d'août, les Verdiers vivent déjà 
par bandes dans la plupart de nos bois et de nos 
plaines. Ces bandes sont parfois très-nombreuses, 
notamment dans les lieux où elles trouvent en 
abondance les graines qui serventle plus à leurnour- 
riture habituelle; souvent on les y trouve mêlées 
avec celles des Pinsons et des Linottes. Elles ont 
d'habitude un canton de prédilection qu’elles ne 
quittent qu'après les récoltes, ou quand on vient 
leur ÿ faire la guerre; c’est alors qu’elles volent 
toutes ensemble , ou bien par plusieurs pelotons 
séparés, à la découverte d’un autre séjour. Elles 
se plaisent de préférence dans les champs com- 
plantés d’arbres, tels que noyers et châtaigniers 
qu’elles couvrent par moments, après leur repas, de 
leufs troupes. C’est spécialement la graine desarra- 
sin (blé noir), de chanvre, de lin, de plantain, de 
navette, de soleil, de scorsonère, de chicorée, etc. , 
qu’elles recherchent avec le plus d’avidité. 

Tous les ans aux frimas d'octobre, lorsqu'on met 
à couvert la dernière récolte, les Verdiers se livrent, 
comme leurs congénères, à des excursions dans 
leur pays. Errants alors par tous les champs, ils 
s’abattent particulièrément sur les friches, sur les 
terres qui ontété ensemencées de chènevis, de sar- 
rasin, de millét, etc., et y chercheni le grain perdu 


216 ORNITHOLOGIE 


et celui qui reste encore sur plante. Ils s'arrêtent 
aussi sur les lisières des bois et dans les lieux rem- 
plis d’arbustes pour s’y nourrir de faînes, de semen- 
ces de plusieurs arbres, surtout du charme, puis 
des baies du genévrier et des graines de mercuria- 
les. Quelquefois ils se montrent dans les jardins, où 
les attirent les graines de salade et de plusieurs her- 
bes potagères. Néanmoins, quelques bandes de ces 
oiseaux sortent de notre territoire et se dirigent , 
comme la plupart des volées qui nous arrivent alors 
du Nord, vers le Sud, afin d’y passer toute la mau- 
vaise saison. Celles qui restent ici l’hiver recourent 
aux arbres verts, et vivent de leurs semences et 
de leurs nouvelles pousses. Elles composent parfois 
des troupes considérables en se réunissant à celles 
des Pinsons, des Pinsons d’Ardennes , des Linottes 
et des Bruants, avec lesquelles elles courent les vi- 
gnobles , les haies et les abords des grands bois : 
les baies de plusieurs sortes, les pelits fruits secs et 
les graines de graminées, forment dans ces lieux la 
base de leur nourriture. Tous les soirs, au coucher 
du soleil, ces grandes volées de Fringilles regagnent 
les bois de haute futaie et dorment blotties sur les 
arbres qui conservent encore leurs feuilles sèches. 

Le Verdier est facile à prendre aux filets; on 
imite bien d’ailleurs avec l’appeau son cri d'appel ou 


où tritiri-ririrut. On le prend toujours mieux à 


DE LA SAVOIE. 217 


l'arbre comme le Pinson d’Ardennes (Choie), que 
dans des lieux très-découverts : c’est-à-dire qu’on 
le chasse avec avantage dans des champs bordés 
d'arbres ou de hauts buissons, à la pointe desquels 
il se pose pour descendre ensuite dans les piéges 
que l’on a tendus à leur pied. Mais il est très-impor- 
tant d’avoir de ses semblables pour appeaux ou pour 
danseurs ; autrement, presque aussitôt posé, il re- 
prend le vol sans faire mine de vouloir tomber dans 
les filets. Son naturel est très-doux. Retenu en cage, 
il ne paraît pas sensible à la perte de sa liberté ; il y 
mange tout de suite, chante et s’apprivoise bientôt. 
Lui donne-t-on d’autres Fringilles pour compagnons 
de captivité, jamais il ne leur cherche querelle le 
premier ; mais attaqué par eux, il se défend à coups 
de bec et se fait respecter. Si l’on renferme un cou- 
ple dans une volière ou dans une cage très-vaste, 
souvent ils finissent par s’y reproduire, après deux 
ans de captivité. Quelques personnes apparient 
aussi le mâle avec la femelle du Serin des Canaries. 


XLVILI Genre : GROS-BEC (Coccothraustes). 


Caractères : Bec aussi gros que la tête, très-robuste, épais, bombé, droit 
et pointu; mandibule supérieure élevée à sa base au niveau du front; palais 
creux. Narines orbiculaires, petites, percées à la base du bec et entourées 
d’une membrane. Tarses nus, annelés; doigts extérieurs réunis à leur base; 
l’interne totalement libre. Ailes de moyenne longueur, à pennes secondaires 
coupées carrément. Queue courte. 


Ce genre compte seulement une espèce que nous 
remarquons toute l’année dans nos grands bois. 


218 ORNITHOLOGIE 


150.—Gros-Bec Vulgaire /Coccothraustes Vulgaris. 


Noms vulgaires : Le Gros-Bec, Groube, Casse-Noïsette; Éboutonneut, 
bourgeonneux, Ebranthiuz, Ebrôthius. 


Loæia Coccothraustes (Linn.). — Le Gros-Bec (Buff.).— Le Gros-Bec Com- 
fem. = ee dE D ane Payer VE M 
La fâcheuse habitude qu’a cet oiseau d’ébour- 
geonner comme le Bouvreuil, en hiver et à l’ap- 
proche du printemps, particulièrement les arbres 
fruitiers pour se nourrir de leurs boutons, lui a 
valu, dans quelques-unes de nos contrées, sés dé- 
nominations Éboutonneux, Ébourgeonneux, Ébran- 
thiuz et Ebrôthiuz. On le reconnaît aisément à sa 
grosse tête, à son bec épais et d’une dimension qui 
n’est point proportionnée aux autres parties du 
corps. Sa taille est ramassée ; le mâle à 18 cent. de 
longueur du bout du bec à l’extrémité de la queue. 
Il est noir sur la gorge, le lorum et Le tour du 
bec; d’un brun roux ou d’un marron clair sur Île 
haut et les côtés de la tête, ainsi que sur les joues, 
le croupion et les couvertures supérieures de la 
queue. Un large collier cendré ceint la nuque; le 
brun marron foncé couvre le manteau et les scapu- 
laires. Vers le haut de chaque aile se trouve une 
grande bande longitudinale blanche ; leurs pernes 
sont noires, et tachées de blanc sur le bord interne 
des barbes : ces taches ne se voient guère qu’en 
déployant les ailes. Les pennes secondaires, de 


ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE. | 


Passereaux. Pungillidées. 


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| PAR Ra ee A 

| Lith.J#Perrin Chamb Ty: J.Werner del à Lith. 

| | Fringille Serin, 2224 er automne, 4 gr.nat, PA ufr de lespece, gr.nat | 

l pe . . Û 4 » 
1 5 Frin gille Verdier. 7244 21  prülen ps, "5 Wal -p2 10-6-8 Z7z4 de lesp: Sr ral. 
| 0 Gros-Bec Vdlgaire,222/e adulte; Sgrnal; PN8-N,U Zz/5 de lesp. gr nat | 
il! f ‘ $ S ( 
| | 1244 Œufs de Grand Bouvreuil ou Ponce au ; #7: 127 


15-17 Œufs de Bouvreuil Vulgaire (Verre race)977224 | 


DE LA SAVOIE. 219 
même que les 5°, 6° 7° et 8° rémiges, jettent des 
reflets violets ; les premières sont coupées carré- 
ment; les secondes ont leur extrémité tronquée sur 
les barbes extérieures et échancrée sur les inté- 
rieures. Les rectrices ou pennes de la queue sont 
courtes, noires à leur origine, puis blanches sur les 
barbes internes et hoires ou noirâtres Sur les ex- 
ternes. Un roux vineux prédomine sur les parties 
inférieures; les plumes anales et les sous-cau- 
dales seules sont blanches. Le bec est grisâtre : 
il tire beaucoup sur le bleuâtre au printemps et 
en été; l'iris est d’un brun cendrée clair ; les tarses 
sont couleur de chair. 

La femelle est un peu moins grande que lé mâle; 
elle en diffère encore par ses couleurs moins vives. 
Le cendré envahit ses parties inférieures, à part la 
gorge qui est noire comme chez le mâle et les 
flancs où l’on remarque des teintes rousses et vineu- 
ses. Elle a la bande dé l’aile et le lorum d’un gris 
blanchâtré. 

Les jeunes, avant lu première mue, sont très-dif- 
férents des adultes et des vieux. Leur tête est d’un 
jaunâtre sale, et la gorge jaune. Les parties 
inférieures Sont blanchâtres; la poitrine et les 
flancs marqués de petits trails bruns à l'extrémité 
des plumes. Le dos et les scapulaires sont couverts 
d’un brun jaunâtre ; le croupion et les couvertures 
de dessus la queue, d’un blanc maculé de jaunâtre. 


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2% ORNITHOLOGIE 

Le Gros-Bec Vulgaire est commun et sédentaire 
en Suisse et en Savoie, bien que plusieurs sujets 
en émigrent chaque année à l’approche de l'hiver, 
se dirigeant par petites bandes, quelquefois par 
paires, vers les régions méridionales ou centrales 
de l’Europe. On le trouve principalement dans les 
parcs et les bois de haute futaie de la plaine, 
comme dans ceux des coteaux et des collines adja- 
centes, ainsi que des montagnes de moyenne élé- 
vation. Ce n’est guère qu’en automne ou sur la 
fin de l'été, lorsqu'il se livre à ses excursions 
habituelles, qu’il monte jusqu'aux forêts de nos 
Alpes. 

Il hante ordinairement les bois de hêtres, de 
charmes, de tilleuls, de platanes, de pins et de sa- 
pins, et se nourrit de leurs semences et bourgeons. 
Il se montre aussi par moments dans les vergers et 
le long des avenues, où il se repait de boutons 
d'arbres fruitiers, de graines d’acacia, de noisettes, 
d'amandes de cerisier et d’autres fruits à noyau, 
dont il brise aisément les enveloppes ligneuses avec 
son bec épais et robuste. Pour les saisir, il s’accro- 
chesouvent parles pieds aux branches, à la manière 
du Bouvreuil et de plusieurs Fringilles ; il les casse 
et en mange aussi le fruit en gardant la même 
attitude. Se trouve-t-on dans quelque bois tandis 
qu’une troupe de ces oiseaux s’alimente à la cime 
des arbres, on ne cesse d’entendre tomber autour 


DE LA SAVOIE. 221 
de soi , comme des gouttes de pluie, les débris des 
coques et des gousses qui enveloppaient les grai- 
nes ou les fruits qui servent à la pâture des sujets 
qui composent la bande. 

Ce Gros-Bec vit par bandes ou en famille jus- 
qu'à la pariade qui n’a guère lieu chez nous 
avant le milieu d'avril ; c’est habituellement à cette 
époque que ses troupes se dissolvent, et en moins 
de huit jours elles se trouvent toutes éparpillées dans 
les bois, par paires, mâle et femelle, et occupées à 
trouver un canton favorable à leurs amours. Elles 
le choisissent de préférence dans lesbois avoisinant 
des rivières ou des torrents, dans ceux de noyers et 
de châtaigniers qui recouvrent les pentes des col- 
lines ou la base des montagnes , quelquefois dans 
les parcs, les allées de peupliers et les arbres les 
plus élevés des vergers. 

C’est à la fin d'avril ou dans les huit premiers 
jours de mai que cet oiseau bâtit son niden Savoie. 
On le trouve ordinairement posé à l'insertion des 
grosses branches, contre le tronc, ou au milieu 
d'une touffe très-épaisse de petits rameaux, ou 
bien encore parmi le lierre et au sommet d’un 
arbre étêté, et néanmoins entouré de jeunes pous- 
ses. Il est fait en dehors avec de petites boisettes 
de grandeur différente, souvent entrelacées avec 
des racines, mais très-rarement, dans nos contrées, 
avec de la mousse, Le dedans, qui est garni de 


sr rettinetertrratatienliente 


Ti St Fons me 


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DE RE TE a EE es 


222 ORNITHOLOGIE 

fibres ou du chevelu des racines, que recouvre en 
outre quelquefois un peu de crin ou de poil, reçoit 
2 à » œufs, de 2 cent. 1 3 à 2 mill, ; de longueur, 
sur un diamètre de 46 ou 17 mill.; ils sont tantôt 
d’un gris cendré, tantôt d’un blanc lavé de bleuà- 
tre, puis parsemés de taches très-apparentes de 
cendré foncé et de brun noirâtre ou olivâtre, avec 
des traits irréguliers et d’une teinte un peu plus 
claire que ces couleurs. La femelle ne fait ici 
qu'une ponte par an; mais si on lui ravit sa nichée, 
elle couve de nouveau quinze ou vingt jours après 
l'enlèvement. Pendant l’incubation , le mâle lui 
cherche sa subsistance et la lui apporte dans le nid. 
Le père et la mère nourrissent d’abord leurs petits 
avec des insectes et des chenilles; ensuite, ils leur 
dégorgent les graines et les semences, après les 
avoir toutefois laissé macérer ou réduire en pâte 
dans leur jabot. 

Après l'éducation de la progéniture, on ne re- 
marque presque plus ces oiseaux que par petites 
troupes ou par nichées dans nos bois. Ils parcou- 
rent alors tout le jour, en se suivant exactement et 
s’entr'appelant de temps en temps par des cris vifs 
et forts (32 ou z1r), les lieux complantés d'arbres qui 
leur fournissent des semences ou des fruits pour leur 
subsistance. En quittant quelque endroit, le premier 
sujet de la bande qui prend le vol, donne aux autres 
par le même cri le signal du départ ; et à l’instant 


DE LA SAVOIE. 223 
tous ses compagnons de lui répondre tour à tour à 
mesure qu’ils prennent l’essor pour le suivre, Indé- 
pendamment de ce cri qui est assez semblable au 
cri d’une lime, ils en ont un autre également bref, 
mais moins perçant et qui paraît parfois accom-— 
pagné d’un craquement de bec. Leur vol est d’habi- 
tude rapide et élevé, Ils ne vont guère en troupe 
serrée, mais plutôt en gardant entre eux quelque 
distance; quelquefois, ils volent tous à la file les 
uns des autres, et c’est alors qu’ils s’entr'appellent 
le plus fréquemment. 

Sur la fin de l'été, ce Gros-Bec serapproche par 
moments le matin des chènevières pour s’y nourrir 
de la graine de chanvre et de soleil ; il y vient rare- 
ment seul, mais souvent par petites compagnies de 
5 à 8 sujets. Aussitôt repu, il regagne les bois ou les 
rangées d'arbres élevés, et se cache à leur cime. À 
l’approche de la nuit, il se cherche dans le lierre, 
dans les touffes des rameaux ou des feuilles les plus 
rapprochées du tronc, un refuge pour la nuit; le 
lendemain, avant le lever du soleil, on l’entend ap- 
peler ses compagnons de la veille ; puis on Île voit, 
quand le soleil est sur le point de paraître à l’hori- 
zon, partir avec eux, allant à la quête des vivres. 

C’est à la fin de septembre que plusieurs de ces 
oiseaux se livrent à des excursions périodiques 
dans notre pays. On les rencontre alors dans la 
plupart des bois, soit en plaine soit en montagne, 


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224 ORNITHOLOGIE 

quelquefois aussi dans les lieux couverts de buis- 
sons où ils vivent de faînes, de baïes de rosiers 
sauvages et des fruits d’alizier. Quelques bandes 
quittent nos climats dans les premiers jours d’oc- 
tobre ; à cette époque il y en arrive d’autres qui 
courent pendant quelques jours nos bois avant de se 
réfugier comme elles, pour le froid, dans le centre 
ou le midi de l’Europe. Mais elles se retirent de ces 
régions à la fin de février ou bien en mars, suivant 
les années, et reviennent nicher dans leur premier 
séjour ; c’est alors qu’il se fait ici un second passage 
de cette espèce. Les individus qui hivernent chez 
nous se tiennent souvent autour des habitations 
rurales ; ils se perchent d'habitude à l’extrémité 
des branches les plus hautes des arbres qui les 
entourent; mais ils fuient dès qu’on les approche, 
et retournent se cacher dans les bois. 

Le Gros-Bec Vulgaire est d’un caractère sauvage 
et taciturne. Il n’est susceptible d'aucune éducation. 
Il ne répond que très-rarement à l’appeau des o1- 
seleurs ; aussi, prétendent-ils qu’il est très-dur d’o- 
reille. Pourtant, on le prend assez facilement en 
automne et en hiver, quand on possède en cage un 
sujet de son espèce très-porté à l’appeler quand il 
passe près des filets. Il faut toujours éviter de le 


renfermer en volière avec d’autres oiseaux plus 


faibles que lui, parce qu’il lui arrive parfois de leur 
briser les pattes ou de les assommer avec son bec. 


DS S CRU ONE, 225 
Evitons encore, quand on le dégage d’un piége, 
qu'il nous pince les doigts avec celte arme redou- 
table:, car elle les serre si fortement, qu'en un 
instant elle les met en sang. Sa chair n’est point un 
mauvais manger, quoiqu'elle ait quelquefois un 
léger goût d'amertume, que lui donnent les bour- 
geons des arbres auxquels cet oiseau recourt pour 
subsister spécialement en hiver et au printemps, 


KRivERE Genre : BOUVAREUNE, / Æparardoecbes |. 


Signes caractéristiques : Bec court, gros, surtout à la base, fort, conique, 
bombé sur les côtés, comprimé à la pointe, à arête s’avançant un peu sur le 
front; mandibule superieure un peu plus longue que l’inferieure dont elle 
couvre les bords et la pointe, creusée en dedans et courbée vers le bout; celle- 
ci un peu relevée à sa pointe. Narines rondes, basales, latérales et cachées 
sous de petites plumes couchces en avant. Doigts divisés. 


Les Bouvreuils habitent en Savoie, pendant la 
saison des beaux jours, les bois ou les taillis des 
montagnes de moyenne hauteur, ainsi que les forêts 
des Alpes. Mais aussitôt que la neige envahit ces 
lieux, ils se rapprochent des collines ou de la plaine; 
ils viennent se montrer en hiver jusque dans les 
jardins , et s’y alimentent avec les boutons des 
arbres fruitiers, qui renferment les feuilles pour le 
printemps. Ils se nourrissent aussi de graines et de 
semences, quelquefois très-dures, qu’ils débarras- 
sent aisément avec le bec de leurs enveloppes. Les 
mâles diffèrent beaucoup des femelles ; les jeunes, 


DIU 19 


225 ORBOQILLE OT, O GTE 
après la mue de la fin de l’élé, ressemblent aux 
adultes et aux vieux. 

L’Europe en compte six espèces, d’après la clas- 
sification de M. Temminck; une seule habite la 
Savoie. 

Le Grand Bouvreuil ou le Bouvreuil Ponceau 
(Pyrrhula Coccinea), décrit par MM. Degland et 
Gerbe, est très-probablement une race locale du 
Bouvreuil Vulgaire, dont il diffère par son habitat et 
par ses dimensions un peu plus fortes. Le plumage 
est le même dans les deux. La différence qu’on a 
voulu établir spécialement sur le rouge des parties 
inférieures du corps, ne me paraît point fondée, 
parce que, dans l’un et l’autre, cette couleur varie 
suivant l’âge des individus; plus ils sont vieu, plus 


elle est foncée. 


152. Bouvreuil Vulgaire /Pyrrhula Vulgaris). 


Noms vulgaires : Pivoine, Pivouene, Pivoueuse, Boulonnier, Ebourgeon- 
neur, Sibluz. 


Le Bouvreuil (Buff.).—Bouvreuil d'Europe (Pyrrhula Europæa), Vieill.— 
Bouvreuil Commun (Pyrrhula Vulgaris), Temm.—Cuifrolotto (Savi). 


On aime partout à tenir en cage ce charmant 
oiseau, à cause de la beauté de son plumage, la 
facilité qu’il a de retenir les airs qu'on lui siffle, et 
l’attachement qu'il montre pour la DRE qi 
chaque jour le choie. 

Le Bouvreuil Vulgaire à 16 cent, 5-6 SA de 
longueur totale. | 


HNDENEAN) SAVOIE. 227 

Le Grand Bouvreuil ou le Bouvreuil Ponceau a 
ordinairement 2 cent, de plus; il paraît constam- 
ment plus gros que le Vulgaire. Son bec aussi est 
proportionnément plus gros, et ses tarses sont un 
peu plus allongés,. 

Le mâle adulte est, dans les deux races, d’un 
noir lustré de violet sur le sommet de la tête, à la 
gorge, autour du bec, sur les ailes et la queue; il 
a la nuque, le manteau et les petites couvertures 
alaires, cendrés ; le croupion d’un blanc pur, de 
même que l’abdomen et les couvertures inférieures 
de la queue. Un beau rouge prédomine sur toutes 
les autres parties inférieures. Sur les ailes est une 
bande transversale, assez large, d’un gris cendré. 
Le bec est noir, ainsi que l'iris des veux ; les 
tarses sont d’un brun foncé. 

La femelle est noire sur les mêmes parties que le 
mâle, mais brune roussâtre sur les parties infé- 
rieures qui sont rouges chez lui. Le cendré du des- 
sus de son corps paraît comme sali de roussâtre. 

Les vieux mâles ont le rouge toujours plus foncé 
que les adultes; et les vieilles femelles, le brun rous- 
sàtre de dessous le corps , ainsi que le cendré du 
dos et de la nuque, plus purs que chez leurs sem 
blables d’un ou de deux ans. 

Les jeunes, en sortant du nid, ont, dans les deux 
seæes, de la ressemblance avec la femelle adulte que 
je viens de décrire, sauf par la tête et la gorge qui, 


228 ORNITHOLOGIE 

au lieu d’être noires, sont, chez eux, du même gris 
roussàtre que l’on remarque déjà sur le devant de 
Jeur cou et à la poitrine. Le ventre est fauve; la 
bande qui traverse les ailes, roussàtre; le crou- 
pion et l'abdomen, d’un blanc sale; le dessus du 
corps d’un gris nuancé à la fois de cendré et de 
roussatre. 

Après la première mue, les jeunes sexes sont 
très-distincts ; ils ressemblent aux adultes décrits en 
tête de l’article. Le rouge des parties inférieures 
du mâle semble néanmoins un peu mêlé de cendré 
rougeâtre à l'extrémité des plumes; mais cette 
nuance disparait au printemps, par l'effet de la 
mue ruptile ; alors le rouge devient plus beau. 

Le Bouvreuil Vulgaire n’est pas rare en Savoie 
pendant toute l’année. La grande race ou le Bou- 
vreuil Ponceau y est beaucoup plus nombreuse que 
la petite : celle-ci paraît plus particulièrement ré- 
pandue dans le nord et le centre de la France, 
dans des régions souvent plus basses et moins froi- 
des quecelles de nos Alpes, où le Bouvreuil Ponceau 
est le plus commun durant l'été. 

Depuis le printemps jusqu’à la fin de l'automne, 
on remarque ces deux races de Bouvreuil seule- 
ment dans nos contrées montagneuses, et notam- 
ment dans les bois de pins, de sapinset de mélèzes, 
de même que dans les lieux remplis de taillis ou de 
broussailles, qui les avoisinent, On les y entend à 


DÉ LA SAVOIE. 229 
toute heure du jour siffler, soit qu’elles s'appellent 
entre couple, mâle et femelle, soit que ceux-ci se 
répondent l’un à l’autre. Toutefois ces deux races 
ne se trouvent que très-rarement mêlées ensemble, 
même après la saison des nichées. Leur chant na- 
turel d’été consiste en trois cris distincts; par le cri 
le plus ordinaire qu’elles font encore entendre pen- 
dant l'hiver, on dirait qu’elles articulent les sylla- 
Des : {ui ; ui, tu, tui, où la voyelle + n’est presque 
pas sensible à l’ouïe ; en sorte qu’en les proférant, 
elles paraissent constamment siffler. La première 
syllabe se fait entendre d’abord seule, lorsque loi- 
seau débute; ensuite, les deux ou trois autres lui 
succèdent alternativement. À ces coups de sifflet le 
mâle Joint souvent une espèce de gazouillement un 
peu enroué et finissant en fausset, par lequel il 
semble exprimer les mots: pèrr, pirrout, pirot ; je le 
crois aussi propre à la femelle, pendant la période 
de l’amour. Le mâle possède encore un petit cri 
plaintif, très-doux , quelquefois très-semblable à 
un roucoulement, et qu’il redit souvent en été, en 
l’accompagnant, d’après M. Vieillot, d’un remue- 
ment dans les muscles de l’abdomen. Ce cri et les 
précédents sont d'habitude plus forts et plus pro- 
longés dans le Grard Bouvreuil que dans la petite 
race. 


Le màle et la femelle, suivant qu’ils habitent ici 
des régions plus ou moins élevées, s'occupent de 


230 ORNITHOLOGIE 

nidification à la fin de mai ou seulement vers la 
mi-juin. Ils font ensuite une seconde couvée dans 
les derniers jours de juillet, ou bien au commence- 
ment d'août. C'est principalement dans les buis- 
sons les plus épais et dans les enfourchements des 
branches d'arbres les plus rapprochées du sol, 
dans ceux des hêtres et des sapins surtout, qu’ils 
placent leur nid. Ils y travaillent de concert et le 
construisent en dehors de très-petits morceaux de 
branches sèches, entrelacés négligemment, et quel- 
quefois mélangés avec des brins ou des tiges de 
bruyères; ils doublent ensuite ces matériaux en 
dedans d’un peu de racines fibreuses ou chevelues 
de plantes et d’arbustes, qui sont à leur tour re- 
couvertes de quelques poils ou de crins. La femelle 
y dépose 5 ou 6 œufs, ordinairement 4 à la 
seconde ponte; ils sont bieuâtres ou d’un blanc 
bleuâtre, tachetés de violâtre, de noir ou de noi- 
râtre et d’un rouge très-sombre ; ces taches se trou- 
vent mèlées ensemble vers le gros bout de la coque, 
où elles sont parfois disposées en une sorte de 
couronne plus ou moins complète. Les œufs ont, 
dans la grande race, 18 3 à 19 mill. + de longueur, 
sur 43 + à 14 mill, + de diamètre; dans la petite 
race, ils sont de 47 ou 47 mill. ; de long, et de 1à- 
14 mill. de largeur diamétrale. 


a! 


Chaque jour le mâle participe à l’incubation ; 
comme la plupart de nos Fringilles, il alimente 


DE LA SAVOIE. 231 
encore sa compagne quand elle couve, en lui dégor- 
geant les vivres; c’est aussi par cette voie que 
le couple partage à sa progéniture les graines ou 
les semences qu'il choisit pour sa pâture ; mais il 
ne les lui donne, tant qu'elle demeure dans le nid, 
qu'après les avoir laissées macérer pendant quel- 
ques minutes dans le jabot. 

Le père et la mère quittent leur petite famille 
dès qu’elle est très-capable de se nourrir seule : et 
ils continuent eux-mêmes à vivre ensemble ; on les 
revoit encore souvent appariés pendant l'hiver. 
Tous les jeunes d’une nichée restent, après leur édu- 
cation achevée, tantôt deux ou trois ensemble, tan- 
tôt solitaires, et assez fréquemment par petites 
compagnies de quatre à six sujets. Ils habitent, 
comme leurs vieux semblables, les bois des monta- 
gnes jusqu'à ce que la neige ou l'intensité du froid 
les en chassent. Les graines de différentes espèces 
d'arbres et de plantes, qu’ils ne mangent qu'après 
les avoir dépouillées de leurs péricarpes, les bour- 
Seons etles baies de l’aubépine, du genévrier,duner- 
prup, etc. y composent leur principale nourriture. 

C’est à la fin de l'automne, ou bien aux premières 
neiges qui tombent dans nos montagnes, que les 
Bouvreuils en descendent un à un ou par paires, 
quelquefois par petites bandes, et s’abattent dans 
les bois inférieurs. Quelques individus se livrent 
alors ensemble à des excursions jusqu’à l’approche 


239 ROMEO LOGIE 

du printemps; mais à cette époque, ils rentrent 
ordinairement tout appariés dans leur patrie, et 
regagnent les régions alpestres pour s’y adonner à 
l’acte de reproduction. Ceux qui restent en Sa- 
voie pendant l'hiver, fréquentent particulièrement 
les bois des collines et ceux qui recouvrent le pied 
des montagnes. Mais les neiges viennent-elles aussi 
les envahir, ils arrivent dans ceux de la plaine ou 
dans les parcs et les vergers des lieux habités : 
c'est dans ces derniers ainsi que dans les jardins, 
qu'ils commettent le plus de dégât, en mangeant 
et détruisant force bourgeons d’arbres fruitiers, 
tels que cerisiers, pruniers, poiriers et pom- 
miers,. On les observe aussi dans les grandes 
haies qui bordent des routes et des champs, où ils 
recherchent les petits fruits sauvages et les baies 
d’épines; puis sur les chênes, les frênes, les aunes, 
les charmes, qui les nourrissent de leurs jeunes 
pousses et de leurs semences. Pour les couper et 
les dépouiller de leurs involucres, ils s’accrochent et 
se suspendent par les pieds aux branches, comme 
plusieurs Fringilles, et ils restent souvent dans 
cette position pour en manger l’intérieur. 

Le Bouvreuil Vulgaire est l’un des oiseaux qui 
s’apprivoisent le mieux et qui bientôt s’attachent à 
leur maître d’une manière forte et durable. À ces 
bonnes qualités il joint une heureuse aptitude pour 
apprendre à articuler des mots, à retenir des airs de 


DIÉALANSAMOTE. 233 
chansons, à imiter les cris de quelques oiseaux pla- 
cés près de lui en cage. Mais il faut de la part de la 
personne chargée de lui donner des leçons, beau- 
coup de patience et des sons raisonnés; autrement, 
elle ne réussira que très-difficilement à lui perfec- 
tionner le chant. La femelle paraît aussi susceptible 
d'éducation que le mâle ; elle apprend aussi bien à 
siffler que lui. Vient-on à bout d'élever ensemble un 
mâle et une femelle, on peut espérer de les voir au 
printemps se préparer un nid avec les matériaux 
mollets qu’on leur offre, et y couver ensuite tour 
à tour. Maïs il arrive très-souvent que les œufs sont 
clairs; le mâle à en outre quelquefois la manie de 
les casser à mesure que la femelle les pond et d’ava- 
ler ensuite quelques débris de leur enveloppe cal- 
caire. J’ai vu plusieurs couvées de ce Bouvreuil en 
volière, mais je n’en ai pas rencontré une seule qui 
ait eu de la réussite, 

En état de liberté, cet oiseau n’est guère sau- 
vage; il donne facilement dans les piéges, surtout 
en hiver. Son naturel est sombre et timide; c’est 
pour cela qu’il se plaît tant dans les lieux ombra- 
gés et couverts, où souvent il se tient caché parmi 
les branches. Il a dans la queue un mouvement 
assez brusque de haut en bas, mais beaucoup moins 
fréquent, moins marqué que celui des Bergeron- 
neltes et des Pipis. Sa chair est d’un bon goût; elle 
est quelquefois parfumée de l’odeur agréable des 


234 ORNITHOLOGIE. 


baies de genièvre ; mais en hiver, ellese ressent un 
peu de l’amertume qu’elle emprunte des bourgeons 
qu’elle consomme alors dans les bois et les vergers, 


XLIXce Genre : BEC-CROISÉ (Lozxia), 


Caractères : Bec large à sa base, comprimé latéralement, robuste, crochu à 
la pointe des deux mandibules, qui sont allongees et croisées l'une sur l’autre; 
le bout de la mandibule inferieure se dirigeant tantôt d'un côté, tantôt dé 
l’autre. Narines basales, latérales, étroites et cachées sous des poils couchés 
en avant. Pieds, trois doigts devant, un derrière, munis d'ongles crochus. 
Ailes mediocres. Queue fourchue. 


Les Becs-Croisés sont voisins des Bouvreuils et 
des Gros-Becs par rapportaux mœurs et à l'appétit: 
mais ils s’en éloignent essentiellement par la dif- 
formité ou la forme extraordinaire de leur bec croisé 
en sens inverse, au bout des deux mandibules : ce 
caractère les sépare aussi de tous les autres genres 
d'oiseaux. 

Ils habitent particulièrement les régions froides 
et élevées de nos Alpes, où ils se propagent pendant 
les rigueurs de l'hiver. Durant l’été et en automne, 
ils se livrent à des excursions par bandes souvent 
nombreuses soit dans leur propre pays, soit vers 
les régions centrales et méridionales de l’Europe. 
Les semences d’arbres et d’arbustes alpestres, sur- 
tout celles de pin et de mélèze, forment la base de 
leur nourriture dans leur séjour d’été ; ils les arra- 
chent facilement de leurs cônes avec l’une de leurs 
mandibules : ordinairement avec le crochet supé- 


DELA SAVOIE. 235 
rieur, qui est la pointe de la mandibule inférieure, 
tandis que l’autre sert de point d'appui pendant que 
le premier retire le fruit. Dans leurs excursions d’été, 
ils ont aussi recours aux graines de chanvre et de 
soleil, ainsi qu'aux pommes qu’ils fendent aisément 
pour en avoir les pepins, dont 1ls paraissent friands. 
Les mâles et les femelles ne se ressemblent point 
dans leur livrée; les jeunes mâles, avant la mue, 
sont semblables aux femelles, 

La mue est double dans l’espèce que je vais 
décrire; celle du printemps est d'habitude plus 
notable dans les Jeunes que dans les vieux et les 
adultes; elle n’a pas lieu chez tous les sujets à la 
fois : elle paraît subordonnée à leur âge. J’ai re- 
marqué des individus qui muaient à la mi-avril, 
tandis que d’autres avaient déjà éprouvé cette crise 
à la fin mars; j’en ai vu quelques-uns qui commen- 
çalent à muer aux premiers jours de mai, lorsque 
plusieurs de leurs semblables, soit le plus grand 
nombre des sujets que je capturais alors dans nos 
montagnes, avaient déjà totalement changé de 
plumes. Les jeunes de l’an, quoique nés en janvier, 
février ou mars, ne muent pas d'habitude chez nous 
avant les mois de juin, juillet et août; 1ls changent 
encore de livrée à la fin de l'hiver ou à l'approche 
du printemps suivant, quand ils terminent l’édu- 
cation de leur première famille. 

La Savoie possède une seule espèce de Bec- 


236 ORNITHOLOGIE 

Croisé, qui nous fournit parfois des individus un peu 
plus gros que d'habitude, mais qui ne diffèrent point 
du type de l'espèce par les couleurs du plumage. 


252%.—Bec-Croisé des Pins /Loviu Curvirostra). 


Noms vulgaires : Bec-Croise, Bet-Cruëèja, Bec en Croix. 
Le Bec-Croisé (Buff.). — Loxia Curvirostra (Cuv.). — Bec-Croisé des Pins 


(Loxia Curvirostra), Vieill.—Bec-Croisé Commun ou des Pins (Loria Curvi- 
rostra), Temm.—Crociera (Savi). 


Cet oiseau tire son nom, comme nous venons de 
le voir par ses signes caractéristiques, du croise- 
ment des deux mandibules de son bec à leur extré- 
mité. Sa longueur totale est de 16 centim. ; quel- 
ques individus un peu plus gros que d'ordinaire 
ont » ou 6 millim. de plus; leur bec est même un 
peu plus fort, et souvent la pointe de la mandibule 
inférieure ne dépasse point le dessus de la supé- 
rieure, comme on le remarque dans les sujets com- 
muns. Cette dernière paraît en outre un peu moins 
allongée et plus subitement courbée que chez eux. 

Les vieux mâles sont d'un rouge de brique, ou 
d’un rouge vermillon ou ponceau plus ou moins vif 
et pur, suivant l’âge des individus, sur la tête, le 
cou, le dos, le croupion et sur les parties inférieures; 
ils ont seulement le milieu du ventre et de l’ab- 
domen d’un blanchâtre souvent teinté d’un peu de 
rose, surtout chez les érès-vieux sujels; puis les 
sous-caudales blanches, avec une large tache brune 


ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE . 


Passereaux. l'eingillidé es ; ! 
TI: 2/7 | 

! 

l 


1 D Neo. | | Neanes dal 
Grand Bouvreuil ou B. Ponceau, 40e 2dulle; 15 grnat; PI. 
» » » Jete de femelle adulte. 
Bouvreuil Vulgaire( Pete vace);212/e adulte; 75 grnat, P.M6. 
Bee-Croisé des Pins, rezrmale; #8 grral; LP. 956. 
DEN) Jeune de l'annee.a pres la l'*mue, 13 or.nat-\-Ù als de lesp;grrat 


ex = cts — 


DATOUNEENS ANIO CE. 231 
au centre de chaque plume. Les pennes des ailes 
et de la queue sont noirâtres, et finement lisérées 
à l'extérieur de blanc jaunâtre ou d’un rouge pâle, 
selon l’âge. L'iris des yeux et les tarses, bruns ou 
noirâtres. Le bec, dont la pointe de la mandibule 
inférieure se dirige, en se croisant sur la supé- 
rieure, tantôt d’un côté tantôt de l’autre, est d’une 
couleur de corne plus foncée en dessus que sur les 
côtés et en dessous. 

Les jeunes des deux sexes, en sortant du nid, sont 
d’un gris blanc fortement taché en long de noirâtre 
sur le devant du corps; puis variés de blanchâtre, 
de noirâtre, de gris ou de cendré terne sur les par- 
ties supérieures. [ls ont l'extrémité des moyennes 
et grandes couvertures des ailes, d’un blanc très- 
sale et inclinant parfois presque au jaunâtre : ce qui 
forme sur chaque aile deux bandes transversales, 
dont la première est toujours plus étroite que la 
seconde. Les plumes du croupion et les couvertures 
supérieures de la queue sont habituellement bor- 
dées et terminées, chez les mâles surtout, d’un 
cendré jaunâtre, 

À leur première mue, vers le milieu ou sur la fin 
de l’été, les jeunes mâles se colorent de cendré plus 
ou moins mêlé de verdâtre en dessus du corps : on 
y remarque en outre, et notamment sur le front, à 
la nuque, aux joues et sur les côtés du cou, quel- 
ques taches ou espaces jaunâtres. Ils deviennent 


238 ORNITHOLOGIE 

jaunes ou jaunâtres sur le croupion ; puis gris ver- 
dâtres ou verts jaunâtres, ordinairement lavés 
de cendré, suivant les sujets et l’époque de l’an, 
sur les parties inférieures. Îls conservent néanmoins 
souvent, mails plus particulièrement dessus que 
dessous le corps, quelques mouchetures ou nuances 
brunes de leur première livrée, 

A la seconde mue, qui a lieu soit à la fin de l’hi- 
| ver, soit au commencement du printemps, les jeunes 
| mâles prennent du rouge ou du rouge pâle orange, 
| ou bien un rougeâtre teint de jaune, sur lesquels se 
trouvent çà et là, et surtout à la nuque, aux régions 
des yeux et des oreilles, puis sur le dos, lescôtés du 
cou et de la poitrine, quelques nuances , plus ou 
moins notables, brunes ou brunâtres et grisâtres. 

À la troisième mue ou à la fin de l'été de la 
deuxième année, le rougeâtre ou le jaune rouge | 
se change en rouge de brique plus ou moins vif, | 
et plus tard en rouge vermillon et ponceau : c’est- | 
à-dire que plus les mâles vieillissent, plus le rouge | 
de leur livrée devient foncé. 

La femelle ne prend jamais la livrée rouge, qui 
est propre au mâle seul. Dans un âge avance, elle 
1 est d’un gris verdâtre presque nuancé de cendré ; 
| jaune sur le croupion qui paraît aussi teinté souvent 
| À de cendré sur cette couleur, et d’un blanc sale au 


| milieu du ventre. Dans le premier âge, elle ressem- 
il ble au jeune mâle, Comme nous venons de le voir; 


DENT SAVOIE. 239 
dans l'âge adulte, elle se trouve habituellement mar- 
quée au centre des plumes de la tête, de la gorge 
et du manteau surtout, d’une teinte plus foncée 
que celle des bords, qui est ou cendrée ou cendrée 
olivâtre, selon son âge, 

Le Bec-Croisé des Pins fréquente principalement 
les contrées montagneuses, froides et couvertes de 
bois noirs; son apparition dans le Midi, et dans 
plusieurs pays tempérés de l’Europe, n’a lieu 
qu’accidentellement où à des époques plus où 
moins éloignées, Il vit sédentaire en Suisse et en 
Savoie, où son espèce est assez commune suivant 
les localités, pendant les nichées, Nous en voyons 
en outre, à des intervalles de plusieurs années et 
particulièrement dès le milieu de l’été jusqu’en au- 
tomne, des passages par moments extraordinaires. 
Nous en eûmes beaucoup en 1836 et 1837; les plus 
anciens oiseleurs de l’époque assuraient unanime- 
nent qu'il ne s'était point vu en Savoie de passages 
aussi remarquables, depuis les mois dejuillet, d'août 
et de septembre 1822, 1825 et 1826. En consul- 
tant les travaux des ornithologistes Contemporains, 
on voit que ces migrations s’étendirent aussi dans 
lés pays du centre et du midi de l’Europe. Elles sont 
dues à des causes accidentelles : c’est sûrement 
une disette plus ou moins complète des fruits et des 
semences, dont ce singulier oiseau se nourrit, qui 
le pousse à quitter ainsi les climats qu’il habite 


210 ORNITHOLOGIE 

de préférence, pour le faire aller chercher dans 
d’autres, les aliments que les premiers ne peuvent 
alors lui fournir. 

Ce fut par bandes continuelles et presque tou- 
jours nombreuses queles Becs-Croisés arrivèrent ici 
pendant les années que je viens de signaler. Doués 
d’une grande confiance, ils se laissaient aborder de 
si près qu’on en abattait souvent dans les jardins 
en ville et dans les champs , avec des pierres ou 
des bâtons; quelques sujets allaient jusqu'à s’y 
laisser prendre avec la main. Les détonations du 
fusil ne les effrayaient guère, surtout aux premiers 
jours de leur apparition dans le pays; aussi les 
tirait-on, quand ils étaient par troupes, plusieurs 
fois de suite sur le même arbre , sans que les indi- 
vidus qui survivaient aux fusillés, témoignassent 
quelque envie de fuir ; souvent ils se contentaient 
alors de passer d’une branche à l’autre, ou de 
monter du centre de larbre, où ils étaient, à la 
cime; et là on leur tirait encore avec succès quel- 
ques coups de fusil. Ils étaient si voraces qu’ils 
paraissaient continuellement affamés. On les trou- 
vait dans les champs ensemencés de chanvre et 
quelquefois dans les millets, où ils faisaient une 
forte consommation des graines; puis autour des 
maisons de campagne, dans les allées de pins et 
de sapins dont ils dévoraient les semences. Ils se 
répandaient aussi dans les vergers et les jardins, 


DE LA SAVOIE. 241 
où ils causaient du dommage sur les pommiers 
et les poiriers, en fendant ieurs fruits pour se 
repaître des pepins; quelquefois, ils réussissaient, 
et je l’ai vu moi-même, à ouvrir à l’aide des deux 
crochets de leur bec, les noix, qu'ils tenaient toute- 
fois assujetties dans leurs serres, et en mangeaïent 
le fruit. On se plaisait partout à leur tendre des 
piéges, surtout des filets où ils se jetaient sans hési- 
ter un instant, pourvu qu'ils y aperçussent quel- 
qu'un de leurs semblables ; si l’un des sujets d’une 
bande venait à s’y poser, aussitôt tous les autres 
le suivaient en poussant leur petit cri d'appel : 
CTUip, CrUip, CrUIp-CrUuip. 

Le Bec-Croisé des Pins vit longtemps en cage. 
Ce qui y fait son mérite, c’est qu’on ne l’y voit ja- 
mais s’impatienter, pas même les premiers jours de 
captivité ; il ne paraît point, en effet, sensible à la 
perte de sa liberté. Il devient en fort peu de temps 
d'une familiarité extrême. On le voit presque tout 
le jour se distraire en grimpant le long des bar- 
reaux de la cage, comme les Perroquets qui s'ac- 
crochent pour cela par les pieds et le bec. En état 
de liberté, il s'accroche de la même manière aux 
branches et grimpe jusqu’à leurs sommités, tout en 
y cherchant sa vie. En volière, on le nourrit faci- 
lement avec des semences de pin et de mélèze, avec 
des graines de soleil et de chanvre. Mais plusieurs 
personnes sont d'avis de lui ménager la graine de 


TSALTES 10 


rm 


RS ne 


| 


242 ORNITHOLOGIE 

cette dernière plante ; elles prétendent qu’elle con- 
tribue beaucoup à lui faire perdre plus tôt sa livrée 
rouge, qui devient alors jaune, ou jaune olivâtre, et 
quelquefois presque de couleur orange. J'ai gardé 
en cage plusieurs Becs-Croisés. Je leur donnais fré- 
quemment des noix et des noisettes; mais pour 
qu'ils n’eussent pas trop de peine à les casser, je 
les fendais un peu, laissant ensuite à ces captifs le 
soin de les ouvrir assez pour en avoir l’intérieur. 
Ïls s’'emparaient d’abord du fruit, l’assujettissaient 
entre leurs petites serres, le becquetaient à plu- 
sieurs reprises, comme s'ils eussent voulu $s’as- 
surer, avant de l’entamer, de la bonté du noyau 
que la coquille recouvrait ; ensuite, ils enfonçaient 
l’un des deux crochets du bec dans la fissure que 
j'avais pratiquée, tandis que l’autre leur servait, sur 
la coque, de point d'appui: ils ne tardaient pas, en 
tournant plusieurs fois de suite le premier crochet 
dans la fente, à faire craquer l'enveloppe, puis à la 
rompre, enfin à se nourrir de la substance inté- 
rieure, Mais j'ai remarqué que ces aliments les 
altéraient considérablement. Quant aux cônes de 
pin et de mélèze que je leur donnais, ils en déta- 
chaient les écailles adroitement pour s'approprier 
la graine qu’elles cachaïent ; ïls posaient le cro- 
chet inférieur du bec (celui de la mandibule supé- 
rieure) au-dessus de l’écaille, qu'ils soulevaient à 
plusieurs reprises et finissaient par écarter à l’aide 


DE LA SAVOIE. 243 
du crochet supérieur. Parfois, ils la tenaient seu- 
lement soulevée avec l’une des pointes du bec, 
pendant qu'avec l'autre ils arrachaient la semence 
qui se trouvait en dessous. 

Comme nos observateurs montagnards, je crois 
que ce Bec-Croisé n’est devenu commun en Savoie 
que depuis ses nombreux passages de 4822, 1895, 
1856 et 1837; il est effectivement certain qu'avant 
ces époques, on ne l’y remarquait qu'en très-petit 
nombre toute l’année. Aujourd'hui, au contraire, il 


n'est presque pas, dans nos régions alpestres, de 


forêts d'arbres verts qui ne le possèdent par bandes 
ou par plusieurs paires, durant la période des ni- 
chées : il faut donc que des troupes voyageuses de 
cette espèce, venues des pays froids de l'Europe, 
se soient fixées dans nos Alpes, où elles ont dû 
facilement rencontrer soit le climat du Nord, qui 
leur convient mieux que tout autre, soit les sub- 
stances végétales qui les ÿ alimentent. 

Le Bec-Croisé des Pins est le seul oiseau de nos 
contrées qui se reproduise pendant les rigueurs de 
l'hiver ; c’est depuis le milieu de janvier jusqu’à la 
fin mars que l’on trouve le plus son nid garni 
d'œufs ou de petits. Îl niche de préférence dans les 
forêts de pins et de sapins de nos montagnes, 
rarement dans celles de même nature des co- 
teaux et des collines. On le voit se propager au 
Nivolet, à Margériaz, Montmayeur et Saint-Hugon ; 


| 
: | 


246 ORNITHOLOGIE 


bonne partie de l'été, les mâles ont un ramage 
composé de quelques cris forts, aigus, assez bien 
liés ensemble et qu'ils redisent en grasseyant 
un peu. 

Ces oiseaux voyagent chez nous depuis la fin de 
juin ou le commencement de juillet jusqu’en sep- 
tembre ou octobre, selon les années. Plusieurs de 
leurs bandes s’abattent alors des montagnes jus- 
qu'à la plaine, On les rencontre là le long des 
routes et sur les bords des champs et des eaux, po- 
sées de préférence à la cime des peupliers, dont 
elles mangent les bourgeons qui se forment avant 
l'automne. C’est surtout le matin, au lever du 
soleil, qu'elles se mettent à voyager; et aussitôt 
que cet astre répand trop de chaleur pour elles, 
on ne les remarque presque plus qu'à l'ombre, 
dans les bois de haute futaie. Elles se remet- 
tent ensuite en mouvement le soir, deux ou trois 
heures avant le crépuscule, et rentrent, à l'approche 
de la nuit, dans les bois pour dormir. Le lendemain, 
dès le point du jour, on les y entend rappeler; et 
lorsque le soleil paraît à l'horizon, elles se trouvent 
déjà répandues dans les champs, dans les chène- 
vitres surtout, ou bien sur les lisières des bois qui 
leur fournissent les graines ou les fruits qu’elles 
recherchent le plus avidement. 


DEA LA, SAVOIE. 247 


Xe Genre : BRUANT (Wimberiza). 


Caractères genériques : Bec court, assez robuste, conique, un peu comprimé 
latéralement; mandibules à bords rentrés en dedans; la supérieure plus 
étroite que l’inferieure, en partie Creusée à l’intérieur soit au palais, et munie, 
dans cette partie, d'un tubercule osseux de forme variée, tantôt longitudinal 
et saillant, tantôt arrondi et peu apparent, selon les espèces. Narines percées 
à la base du bec, orhiculaires, et un peu cachées sous de petites plumes diri- 
gées en avant. Langue épaisse et fendue à sa pointe. Tarses réticulés; trois 
doigts devant divisés; un derrière. Ailes de moyenne grandeur. Queue à 
12 rectrices, longue, fourchue ou légèrement arrondie. 


Les Bruants, en général, sont des oiseaux fort 
peu prévoyants et notables par leur air de stupidité, 
qui les éloigne singulièrement des Fringilles ; pres- 
que pas défiants, ils donnent, surtout en hiver, dans 
tous les piéges possibles. Les bois, les buissons, 
les lieux cultivés et voisins de l’homme plaisent 
aux uns pour leur demeure habituelle ; aux autres, 
les champs, les herbes ou les prairies, et les maré- 
cages. Îls s’y nourrissent de graines farineuses, de 
fruits doux et fondants, de baies, d'insectes et de 
larves. Leur chant, rarement agréable, n’est pas 
aussi varié n1 aussi modulé que chez la plupart des 
Fringilles : il est ordinairement bref et composé de 
deux à quatre notes seulement, mais souvent répé- 
tées sur le même ton. [ls n’ont point comme eux le 
talent de s'approprier, ni de redire en volière 
quelques cris ou quelques phrases musicales du 
ramage des autres volatiles retenus près d'eux, ni 
d'apprendre à articuler des mots, ni de chanter des 
airs. 

Les Bruants diffèrent encore des Fringilles par 


218 ORNITHOLOGIE 

leur manière de nicher : c’est à terre ou fort près 
du sol, et parmi les herbes, les moissons et les ar- 
brisseaux qu'ils couvent, jamais sur les arbres 
comme ces derniers. Leurs nids sont généralement 
travaillés presque sans apprêt; ils renferment trois 
à six œufs, suivant les espèces, le nombre des pontes 
et l’âge des couples. Leur chair est savoureuse ; 
les gastronomes lui donnent la préférence sur celle 
des Fringilles ou Gros-Becs. 

Plusieurs Bruants quittent nos climats en au- 
tomne ou à l’approche du froid, et s’envolent par 
bandes à la découverte des contrées méridionales. 
Elles y passent l'hiver, et retournent avec les pre- 
miers beaux jours dans leur patrie pour s’y livrer 
à l'acte de la reproduction. 

La mue est simple et ruptile chez les Bruants 
appelés à faire partie de cet ouvrage. Chez eux, 
les sexes n’offrent pas toujours des disparités bien 
caractérisées ; les femelles ont souvent, et surtout 
en hiver, les couleurs seulement un peu plus ternes 
que les mâles. Mais c’est spécialement au printemps 
qu'ils diffèrent le plus entre eux : les mâles acquiè- 
rent alors des teintes beaucoup plus vives et plus 
prononcées que celles des femelles, en perdant, 
par l’eflet de la mue ruptile, le bord terminal des 
plumes qui est gris ou cendré, et qui cachait en 
partie, pendant l’automne et l'hiver, la couleur 
plus foncée qui se trouvait en dessous, Les jeunes, 


(] ORNITHULOCIE DE LA SAVOIE. | 


ÉSREE ne « Fringillidées 


i [ L | pe 


TILP2A. 


CES eee -muss 


CONTE Sr RS 


mn 


us à a dirait 


| Lith JhPerrin. Chambéry. JT Werner del. 4 Lith. 


| 

| Bruant Jaune,224 adulte au printemps3gr ral; VH)— 0-4 Z uK delesp;grrat 
| 5 Bruant Ortolan 722% 247/4e au prinemps/39r ral, P957— 6-8 Zzf del esp; grrat. 

| 9 Bruant Jiri, role adulte au Lprinlemps 789rral, P.963. 

1049 72% de lespece; gr nat A5 Cube de Druant lou; pr nat. 


DE LA SAVOIE, 249 


après la première mue, ressemblent beaucoup aux 
femelles; comme elles, ils sont habituellement plus 
tachetés de foncé que les mâles adultes et les 
vieu. 

La Savoie possède six espèces de Bruants, que 
l’on connaît plus particulièrement sous le nom gé- 
nérique et vulgaire, Roussette. On leur donne, en 
outre, des épithètes que l’on tire soit de la couleur 
principale de leur livrée, soit des lieux qu’elles 
habitent par préférence. Les contrées méridio- 
nales et orientales de l’Europe en possèdent plu- 
sieurs autres espèces. 


153.—Bruané Jaune /Emberisa Citrinella). 


Noms vulgaires : la Roussette, Rossetta, Roussette Jaune, Verdanne, Var- 
danna, Verdière. 


A on ce 

Le vieux mâle de ce Bruant à 17 centim. de 
longueur totale; la femelle n’en a que 16. 

Le premier est d'un beau jaune sur la tête, la 
gorge, le devant du cou, la région des yeux et des 
oreilles, sur le milieu du ventre et les sous-caudales: 
cette couleur n’est pure qu’après l’âge de deux ans; 
avant, par conséquent chez les adultes, elle se 
trouve, sur plusieurs de ces parties, sur la tête et 
les joues surtout, plus ou moins variée de brun. 
Le dos est noirâtre dans le milieu des plumes, et 
roussâtre ou d’un marron clair sur les côtés ; le crou- 


250 ORNITHOLOGIE 

pion de cette dernière couleur, et marqué de gris 
blanchâtre à l'extrémité des plumes ; mais, après la 
mue ruplile du printemps, ce liséré n'existe plus, ou 
bien il en reste seulement des indices sur quelques 
plumes. Le haut de la poitrine est, notamment chez 
les sujets d’un et de deux ans, teinté d’un vert oli- 
vâtre, et le bas de cette partie, de même que les 
flancs, porte des taches plus ou moins larges, d’un 
fauve rougeàtre ; ces derniers se trouvent, de plus, 
rayés de noirâtre. La queue est longue, noirâtre et 
tachée de blanc sur le bord interne des deux pennes 
latérales de chaque côté. Les ailes aussi sont noirà- 
tres, et bordées extérieurement de roussâtre, de gris 
et de jaunâtre ; leurs couvertures supérieures sont 
d’un marron, que termine une bordure blanchâtre 
à chaque plume. Le bec est brun ; l'iris brun foncé ; 
les tarses tirent sur le jaunâtre. 

La femelle a les teintes jaunes moins vives, d’ha- 
bitude tachetées de brun et d’olivâtre sur la gorge 
et le cou; elle porte, sur le centre des plumes de la 
poitrine, des flancs et des sous-caudales, une tache 
longitudinale et brune. Le jaune du ventre est tou- 
jours plus pâle que chez le mâle, ainsi que le mar- 
ron clair des couvertures supérieures de la queue, 
qui tourne presque au fauve. 

Les jeunes des deux sexes, avant la mue, 
ont la tétecfart tachetée de noiratre AeLiprivee 
de jaune; les parties inférieures d’un blanc jau- 


DAS A VOTT. 951 
nâtre, avec de nombreuses taches, pareilles à celles 
de la tête et du dos. 

Après la mue, les jeunes mâles ressemblent beau- 
COUP, jusqu'à leur seconde année, à la femelle 
décrite. 

Le Bruant Jaune varie accidentellement d’un 
blanc plus ou moins pur, ou d’un blanc mêlé de 
jaunâtre ; quelquefois, il devient entièrement d’un 
jaune isabelle. 

1! se trouve répandu dans la plus grande partie 
de l’Europe ; on le voit au Nord comme dans le Midi. 
Il est sédentaire et très-commun en Suisse et en 
Savoie; on l’y rencontre dans les régions monta- 
gneuses, cultivées ou remplies de friches et de tail- 
Hs, spécialement durant toute ia belle saison. Il est 
très-rare dans nos Alpes, après la région des bois. 
Je l'ai remarqué une seule fois au Mont-Cenis, auprès 
des neiges éternelles de Rivers, pendant la période 
des nichées ; son nid était posé à terre, au milieu 
d’un massif de rosage (rhododendron ferrugineum, 
Linn.). 

Pour se reproduire ici, ce Bruant s’éparpille, dès 
les premiers beaux jours du printemps, de préfé- 
rence dans les pays montueux; il y recherche la 
lisière des bois, les lieux couverts de buissons, 
quelquefois, selon les localités, les terres en culture 
et qu’avoisinent des bois ou des fourrés. Il travaille 
à son nid vers la mi-avril ou seulement dans les pre- 


252 ORNITHOLOGIE 
miers jours de mai, suivant qu’il a choisi des 
régions plus ou moins élevées. Il le place à 
terre, soit dans les moissons, principalement dans 
les avoines et les seigles, soit au pied ou au mi- 
lieu d’une toufle d'herbe ou d’un arbrisseau 
rampant; ou bien il l’assujettit quelquefois à une 
petite élévation, parmi les rameaux des buissons 
les plus touffus. Ce nid est tout simplement fait en 
dehors avec de la paille, du foin, des feuilles sèches 
et de la mousse, que recouvrent en dedans le che- 
velu des racines, le crin et la laine, ou des tiges 
d'herbes très-déliées. La femelle y pose, suivant 
son âge, à à o œufs, el rarement 6; ils sont, en 
moyenne, longs de 19 + à 20 mill., sur 45 ou 
15 mill. + de diamètre; d’un blanc un peu bleuâtre 
ou presque café au lait, avec des taches, des lignes 
irrégulières et en zigzag, brunes ou brunâtres, noi- 
râtres et violâtres. Elle fait en Savoie deux ou trois 
pontes par an; aussi trouve-t-on assez souvent la 
dernière couvée vers le milieu d'août, dans nos mon- 
tagnes ; habituellement elle se compose de 3 œufs. 
Le mâle prend part à l’incubation; mais il s’y 
| adonne avec moins de sollicitude que sa compagne, 
| qui se laisse facilement prendre sur les œufs ; il 
| couve aussi moins longtemps qu’elle, et en compen- 
| sation il lui apporte de temps à autre des aliments. 
ill Dans ses moments de loisir, il se tient tranquille 
près de lanichée, tantôt caché dans le feuillage, tan- 


DE LA SAVOIE. 253 
tôt juché à la pointe d’un petit arbre ou de quelque 
branche isolée ; delàil faità chaque instant entendre 
son chant monotone : c’est une composition de huit 
ou neuf notes, dont les six ou sept premières sont 
égales et proférées sur le même ton, et les deux der- 
nières, qui sont d'habitude séparées des autres par 
un petit intervalle de temps, les plus aiguës et les 
plus trainées. Ce chant s'exprime ainsi : 


Quelquefois la dernière note se trouve compléte- 
ment supprimée. C’est depuis la fin mars jusqu’au 
milieu d'août que le mâle ramage de la sorte; 
néanmoins il chante plus rarement quand il nourrit 
et élève sa progéniture. En toutes saisons, il a un 
petit cri d’appel (trit), qu’il jette principalement en 
volant et lorsqu'il se perche; puis un autre pour 
indiquer son inquiétude, quand on leffraye et 
quand on s’approche de sa couvée : celui-ci semble 
articuler : titchye. Ces deux cris sont aussi com- 
muns à la femelle. 

Le Bruant jaune alimente ses petits, dans les 
premiers jours de leur naïssance, avec des vers, 
des chenilles, des fruits doux et charnus, avec de 
petits insectes tendres, auxquels il enlève toutefois 


254 ORNITHOLOGIE 

les substañces dures et indigestes; plus tard, il 
associe à ce genre de nourriture des graines, qu'il 
brole avant de leur en faire la distribution. Souvent 
les jeunes quittent le nid avant de pouvoir voler, 
et restent cachés dans les herbes et les buissons, 
où le père et la mère viennent tour à tour Îies revoir 
et leur donner la becquée. Ceux-ci découvrent-ils 
alors quelque importun près d’eux, ils descendent 
sur le sol et vont à la course, à travers plantes et 
broussailles, porter à manger à chacun des petits ; 
puis ils reprennent brusquement le vol , partent en 
rasant la terre. Mais cette famille est à peine éle- 
vée, que ses auteurs l’abandonnent pour rentrer 
en amour, pondre et couver de nouveau. 

Après les nichées, le Bruant Jaune reste encore 
dans nos régions montagneuses, et vit en petites 
bandes ou par deux ou trois ensemble. On l'y 
découvre particulièrement dans les champs d’a- 
voine, dont 1l aime beaucoup la graine, ainsi que 
dans les haies, dans les broussailles qui les environ- 
nent, où les petits fruits sauvages et les baies ser- 
vent accessoirement à leur nourriture. Aux premiers 
frimas, il se rapproche des collines ou descend 


jusqu’à la base des montagnes; là on Île trouve 


souvent mêlé avec le Bruant Ziz1, avec le Pinson, 
le Verdier et le Hoineau. Dans les jours de neige, 
ou même lorsqu'elle est imminente, il arrive en 
plaine et sur les coteaux adjacents; alors il s’abat 


DÉMPANSANVOTLE. | 255 
dans les alentours des fermes, sur les aires et les 
arbres qui les entourent, et dont 1l choisit les som- 
mités pour se poser. Îl s’alimente de graines de dif- 
férentes espèces de plantes, de celles surlout de pa- 
nics, qu'il cherche le long des haies, dansles champs 
en friche, dans les vignes et autour des maisons 
rurales, Quand la neige envahit tout le pays, il se 
répand avec plusieurs autres volatiles Jusque dans 
les cours des fermes et des autres habitations, de 
mème que sur les routes les plus fréquentées, où il 
dévore les grains d'avoine non digérés qu’il saisit 
dans les fientés des animaux, qu’il éparpille à 
cet effet, 11 se montre encore dans les jardins, et 
se tient souvent pendant près d’une heure juché à la 
même place, poussant de temps en temps son cri 
triste : ttchye, qu’il alterne parfois avec le cri de 
ralliement : tri. On l'approche de fort près pen- 
dant toute la mauvaise saison, et pour le prendre 
alors, on se sert avec succès de plusieurs sortes de 
pièges. Aux environs d'Yenne (Savoie), et notam- 
ment à Saint-Paul, on le chasse en hiver d’une 
manière abominable. Les villageois tiennent le jour 
leurs granges ou greniers tout ouverts afin de l'y 
laisser entrer, quand il est à la quête de sa subsi- 
stance. Pour le guetter, ils se cachent eux-mêmes 
tout auprès des bâtiments; aussitôt qu’ils Py ont vu 


entrer Soit Seul, soit avec quelques-uns des siens, 
ils se précipitent aux portes en faisant du vacarme, 


956 ORNITHOLOGIE 

et les ferment subitement. Ces volatiles effrayés 
se sauvent en volant vers les fenêtres, mais ils sy 
empêtrent dans les rets qui les bouchent; ceux 
qui s’en échappent, sont impitoyablement massa- 
crés à coups de verge ou de bâton, pendant qu'ils 
voltigent dans la prison. 

M. de Sélys-Lonchamps décrit, à la page 82° de 
sa Faune belge, une autre genre de chasse en usage 
en Belgique. Les villageois, dit-il, tuent beaucoup 
de ces oiseaux, lorsque la terre est couverte de 
neige, à la chasse qu’ils nomment ramaalle : par 
une nuit sans lune, un homme lônge les vieilles 
haies en tenant à la main une torche de paille allu- 
mée; les Bruants Jaunes (en wallon, Jadrennes) 
voltigent hors de la haie en se dirigeant vers la 
lumière, et deux ou trois autres personnes les abat- 
tent à coups de grands rameaux d’épine. 

Tous les ans, dans les matinées d'octobre et de 
novembre, nous voyons passer en Savoie des volées 
de ce Bruant, qui, venant du Nord, traversent nos 
vallées et se dirigent généralement vers les pays 
méridionaux de l’Europe. Quelques bandes, sou- 
vent confondues avec celles des Pinsons et des 
Bruants Zizis, émigrent aussi de nos climats pour 
aller hiverner dans les mêmes régions ; mais elles 
reviennent à la fin de février ou en mars. Cepen- 
dant l'espèce se maintient ici toujours nombreuse, 
même durant les froids les plus vifs. 


© 


DE LA SAVOIE. 57 

Le Bruant Jaune vit très-bien en cage, où il 
s’accommode des graines de millet, de chènevis et 
de sarrasin (blé noir); mais il n’a point de chant 
propre à charmer celui qui prend soin de sa pe- 
tite personne. Quand on l’a pris dans un piége et 
qu’on le destine à la volière, il faut éviter de l’a- 
border trop souvent au commencement de sa capti- 
vité, si l’on ne veut pas le voir alors se meurtrir la 
tête et le corps en se jetant avec excès contre les 
barreaux de sa prison. Sa chair est délicate, et 


d’ailleurs recherchée. 


154.—Bruant Ortolan / Emberiza Hortulana). 


Noms vulgaires : Fossori, Faüchié, Ortolan, Ourtolan, Petit Ortolan, pour 
le distinguer du Bruant Proyer, n° 158, qui usurpe aussi le nom d’Ortolan. 


L'Ortolan (Buff.). — Bruant Ortolan (Emberiza Hortulana), Vieill., Temm. 
—Degl.—Oriolano (Savi). 


Cette espèce a la même taille que la précédente, 
dans les deux sexes. 

Les mâles, à leur arrivée au printemps, sont 
jaunes à la gorge, sur le cercle autour des yeux 
et sur une étroite bande qui part de l’angle du bec, 
se dilate sur les côtés de la gorge : cette même 
couleur se change en jaune verdâtre sur la poi- 
trine. Les autres parties inférieures sont d’un roux 
bai, plus ou moins vif, et sans taches, mais qui 
s’affaiblit sous l'abdomen et les sous-caudales. Un 
olivâtre mêlé de gris, quelquefois, chez les adultes 


surtout, marqueté de petites taches brunes, do- 
17 


T. III. 


258 ORNITHOLOGIE 

mine sur la tête, la nuque et les joues ; sur les par- 
ties latérales de la gorge se dessine un petit trait 
gris olivâtre. Le dos et les scapulaires sont noirs 
dans le centre des plumes, gris roussätres sur leurs 
bords ; le croupion et les couvertures supérieures 
de la queue, d’un gris roussâtre uniforme, et un 
peu plus clair que le précédent ; les plumes des ailes 
brunes noirâtres, et bordées extérieurement de gris 
et de roux; celles de la queue noirâtres, avec les 
deux pennes latérales de chaque côté presque tota- 
lement blanches. Le bec est roussâtre, de même 
que les tarses, et l'iris brun. 

Les femelles ressemblent beaucoup aux mâles, 
mais leurs teintes sont généralement moins vives : 
le jaune de la gorge est pâle, ainsi que le roux des 
autres parties inférieures; sur la poitrine, l’on re- 
marque des taches brunes et oblongues. Tout le 
dessus du corps est aussi moins foncé que chez les 
mâles. 

Les jeunes sont peu différents des femelles. Avant 
leur première mue, le jaune de la gorge n’est 
presque pas apparent ; il est teint de grisâtre ou de 
cendré clair. Leurs tarses sont jaunâtres. 

Le Bruant Ortolan est plus répandu dans les 
contrées méridionales que dans celles du centre de 
l’Europe ; quelquefois cependant il s’avance en été 
dans le Nord : 6n signale son apparition jusqu’en 
Suède. Ge West guère que dans les quatre où cinq 


DE LA SAVOIE. 259 
plus beaux mois de l’année que nous le possédons 
en Savoie. Il se cantonne particulièrement dans les 
pays de plaine et sur les collines adjacentes; rare- 
ment le trouve-t-on dans nos régions alpestres, 
quoique cultivées, et jamais, sinon accidentelle- 
ment, dans quelques contrées au nord de notre 
territoire, ainsi que dans la Haute-Savoie, dans la 
Haute-Maurienne et la Haute-Tarentaise. 

Il commence à nous arriver chaque année vers 
le 15 ou le 20 avril, par petites compagnies de 
quatre à six individus, et quelquefois deux à 
deux ou par paires; mais c’est principalement 
du 25 au 30 de ce mois qu'il apparaît en 
bon nombre; ses bandes, qui arrivent alors aux 
environs de Chambéry, où l'espèce est assez com- 
mune, sont effectivement du double des premiè- 
res. Elles voyagent même pendant la nuit, sur- 
tout par un temps serein ou quand il fait clair de 
lune; car on entend alors fréquemment leur cri 
d'appel, qu’elles jettent en volant : th@-thi, thià, 
thä-thi : la dernière syllabe de chacun de ces trois 
cris est ordinairement d’une seconde plus élevée 
que la première, 

Les Ortolans passent ici pour être les avant- 
coureurs des Cailles; aussi certains oiseleurs les 
ont à peine aperçus ou entendus, qu'ils s’ap- 
prêtent à chasser la Caille avec leurs divers 
instruments; soit avec les appeaux artificiels ou 


26) ORNITHOLOGIE 
vivants, soit avec le tramail, la tirasse, le trai- 
neau, etc. Aussitôt rentrés dans nos climats, ils s’as- 
sortissent et se répandent par paires : les uns vont 
dans les vignes, les blés et les avoines, les autres 
dans les prés entourés de haies ou de taillis et dans 
des lieux arides, pierreux ou sablonneux, toutefois 
parsemés de quelques massifs de plantes ou d’ar- 
brisseaux (les guillères). Suivant les localités, ils 
se reproduisent à terre, au milieu des herbes ou 
sous de petits buissons, quelquefois au pied d’une 
plante et des souches des vignes. Avant d'y com- 
poser le berceau de leur race future, le mâle ou Ja 
femelle se préparent, en grattant avec le bec la 
terre, le sable ou le gazon, un petit enfoncement, 
qu’ils comblent ensuite de brins d'herbes, de paille 
et de menues racines, mêlées avec quelques feuilles 
sèches. Ces matériaux forment seuls le fond et tout 
l'extérieur du nid; le dedans est souvent tapissé 
de quelques crins ou d’un peu de cheveux et de 
bourre. Quand ils habitent les vignobles ou les bois, 
ils construisent parfois le nid à quelques centimè- 
tres du sol, sur des ceps ou dans des buissons four- 
rés ; et ce travail est tout aussi grossièrement fait que 
lorsqu'on le trouve achevé à terre, dans un creux. 
La femelle de l’Ortolan pond en Savoie, dans les 
quinze premiers jours de mai, 4 ou 5 œufs : d’un 
blanc mat, souvent à peine teint de rose ou de rou- 
geàtre, avec de petits points, avec des taches et 


D'EVAEMEON UNI OTE, 26! 
des raies irrégulières, plus ou moins nombreuses, 
autour du centre et de la grosse extrémité de la 
coquille, noires et noirâtres, et mélangées quelque- 
fois de petits espaces fort peu apparents, de cou- 
leur presque vineuse. Pour longueur, ces œufs ont 
19 à 20 mill., sur un diamètre de 13 & à 14 mill. 
Le mâle, tout le temps que sa compagne couve, 
pourvoit à ses vivres, et lui apporte la bec- 
quée plusieurs fois le jour, dans la même heure. 
Ensuite, placé à la pointe d’un petit arbre, d'un 
buisson, ou au bout d’une pierre ou de quelque 
pieu, il ne cesse de redire son chant; il le fait 
même entendre après le coucher du soleil, tout 
comme de grand matin, avant le lever. Ce ramage, 
que l’on entend ici depuis l’arrivée de ce volatile 
jusqu'au mois d'août, mais moins fréquemment 
pendant l’éducation des jeunes, n’est pas dépourvu 
de tout agrément, quoique monotone ; il semble 
exprimer : {ia bia tia tia ti, de deux manières, et 
dont la dernière syllabe est non-seulement plus éle- 
vée, mais encore plus aiguë et plus traînée que les 
premières : 


TN at Lil AU ATL La CTI La, ti tia tia tia tia ti. 


Quelquefois le mâle prend linverse de ce 


os RUE cd ! 


262 ORNITHOLOGIE 


chant, surtout du dernier, et alors il prononce : 


Certains villageois croient entendre dans ce chant 
les mots : pouvre (pauvre) pouvre pouvre pouvre 
fossori, ou fauche fauche fauche fauche ri ; ils nom- 
ment pour cela cet oiseau, Fossori et F'aûchié. 

Après l'éducation des petits terminée, les Orto- 
lans restent en famille ou se réunissent en petites 
troupes, et hantent les champs, les pâturages et 
les broussailles ; ils y vivent à terre de grains d’a- 
voine, de blé, de chanvre, de lin et de millet, et 
accessoirement d'insectes, de sauterelles, de verset 
de larves. [ls ne sont point sauvages, et se laissent 
prendre facilement avec les filets. Ils nous quittent 
déjà à la fin d'août et en septembre. Les vieux par- 
tent les premiers ; quelques jeunes, qui ont déjà mué 
alors, s'associent avec eux pour voyager ensemble. 
Les autres émigrent à mesure qu’ils finissent de 
changer de plumes ; mais souvent ils ont dans leur 
bande un ou deux vieux sujets, qui volent d’habi- 
tude à leur tête comme étant les guides : c’est sans 
doute alors un père et une mère qui accompagnent 
leur nichée, avec laquelle ils n’ont cessé de vivre 
depuis sa sortie du nid. 


DE JA SAVOIE. 263 
Ces oiseaux sont célèbres par la délicatesse de 
leur chair dans les provinces du Midi, où ils sont 
très-communs. On les y élève pour les engraisser, 
et de fait ils s’engraissent considérablement. Pour 
cela, on les enferme dans des lieux obscurs, quel- 
quefois simplement éclairés par la lueur d’une lan- 
terne, ou bien dans une cage tout à fait couverte 
de soie, à l’exception de l’auget qui reste éclairé ; 
on ne leur donne pour toute nourriture que du 
millet, que l’on a eu soin de faire tremper un in- 
stant dans de l’eau bouillante. C’est dans ces sortes 
de prisons que lesOrtolans, exempts de tout exercice 
et pourvus d’une nourriture toujours très-abon- 
dante, se couvrent en quelques jours d'une masse 
de graisse, qui ne tarderait pas à les étouffer si l’on 
n’avait soin de les abattre à temps. Alors leur chair 
est un mets délicieux et très-recherché,. 


4155.—Bruant Zizi ou de Haie /Emberiza Cirlus]. 


Noms vulgaires : Roussette des Haies, Rosselta dellet Cizet, Sisi. 


Le Zizi ou Bruant de Haie (Buff.). — Le Bruant de Haie (Cuv.). — Bruant 
Zizi (Emberiza Cirlus), Vieill.—Degl.—Bruant Zizi ou de Haie (Emberiza 
Cirtus), Temm,—Zigolo Nero (Savi). 


C’est à son habitude de parcourir souvent. les 
haies ou les broussailles qui en tiennent lieu quel- 
quefois, que ce Bruant doit sa dénomination vul- 
gaire, Roussette des Haies ; l'expression de son cri 
ordinaire lui à valu celle de Sisi (Zizi). 


264 ORNITHOLOGIE 


Le mâle adulte et vieux a 17 cent, de longueur 
totale, 

En plumage de printemps, il est certainement 
l’un des plus beaux sujets de son genre, qui doi- 
vent figurer dans cet ouvrage. Il est olivâtre sur le 
sommet de la tête et à la nuque, avec de petites 
raies longitudinales noires ; d’un jaune pur au-des- 
sus des yeux, où cette couleur forme une large 
ligne sourciliaire, qui aboutit à la nuque, puis sur 
les joues et le devant du cou : sur les joues, ce jaune 
trace une bande qui prend naissance à l’angle du 
bec, et va presquese joindre à la première qui se ter- 
mine à la nuque; sur le devant du cou, il dessine une 
plaque étroite, qui se dilate un peu sur les côtés de 
cette partie. Un beau noir enveloppe la gorge et le 
haut du cou; une bande de la même couleur, qui part 
aussi des angles du bec, traverseles yeux. Sur la pol- 
trine, l’on remarque un vert cendré mêlé d’olivâtre, 
et ses côtés sont d’un roux marron; le ventre el l’ab- 
domen, d’un jaune clair ; les flancs, d’un gris rous- 
sâtre. Le dessus du corps se trouve varié de roux 
marron et de noir ou noirâtre : le marron occupe les 
bords des plumes, le noir le centre. Les ailes sont 
noirâtres, bordées de jaunâtre et de roussätre. Les 
deux pennes extérieures de la queue, frangées et ter- 
minées de blanc; lesautres sont, comme les ailes, noi- 
râtres et lisérées de gris roussâtre. Le bec est cendré 
foncé ; l'iris des yeux brun; les pieds sont jaunâtres. 


DE LA SAVOIE, 265 


En automne et en hiver, les vieuæ et les jeunes 
se ressemblent, Ils ont le noir de la gorge marqué 
de blanchâtre à l’extrémité des plumes; le roux 
marron de la partie latérale de la poitrine terminé 
de jaunâtre clair, celui du dos et des scapulaires 
frangé de gris cendré; mais, au printemps, ces 
fines barbes s’usent peu à peu, au moyen dela mue 
ruptile, et font voir en tombant le noir etle marron 
de ces parties dans toute leur pureté. 

La femelle est un peu moins longue que le mâle. 
Elle n’a point de noir à la gorge, ni de jaune au 
cou ; elle est d’un jaune terne sur les parties infé- 
rieures, et maculée de roussâtre sur la poitrine, où 
l’on trouve encore de fines taches brunes, en forme 
de lance. Elle porte du brun sur les joues; et les 
autres parties, qui se rapprochent par leurs teintes 
de celles du mâle, sont généralement ternes. 

Les jeunes, au sortir du nid, sont, dans les deux 
seæes, jusqu à la mue, bruns et tachetés de noir en 
dessus ; jaunâtres, avec des nuances olivâtres et des 
taches noirâtres en dessous. Ils ne diffèrent guère 
des jeunes du Bruant Jaune que par leur taille 
moins longue de 6-7 mill., et par les teintes 
olivâtres de leurs parties inférieures du corps. 

Le Bruant Zizi habite particulièrement les parties 
tempérées et méridionales de l’Europe. Quoique 
commun en Suisse et en Savoie pendant les beaux 
jours, il l’est cependant moins que le Bruant Jaune, 


266 ORNITIHOLOGIE 

dont il a la plupart des habitudes et presque le 
même genre de vie. Mais il n’y reste qu’en très- 
petit nombre durant l'hiver : c’est aussi dans le 
Midi qu'il se retire avant le froid, et au mois de 
mars, on le voit rentrer par paires ou en pelites 
bandes dans sa patrie. 

Il opère en octobre et novembre ses passages 
dans nos pays ; il est pour cela très-matinal : on 
entend déjà à l’aube du jour ses petits cris d’appel : 
zi, 21, Ou zûts, zûts. Il cesse de passer une heure 
environ après que le soleil s’est montré à l’horizon:; 
mais par un temps sombre ou froid, il voyage encore 
de jour à des heures plus reculées. Il émigre d’habi- 
tude par sociétés plus ou moins nombreuses, qui 
font assez souvent bande avec les Pansons et les 
autres Bruants qui partent de nos climats à la 
même époque. Ces compagnies, qui prennent géné- 
ralement leur essor des lieux élevés, volent lente- 
ment et jamais en un bataillon aussi serré que la 
plupart des Fringilles. Comme elles passent ordi- 
nairement à une grande hauteur, on les prend 
difficilement en plaine dans les filets ; au contraire, 
si l’on à tendu ces piéges sur quelque colline, on les 
y attire aisément, pourvu que l’on soit muni d’un 
bon appeau de leur espèce ; si l’un des sujets d’une 
compagnie vient à s’y poser, tous les autres le 
suivent. 


Les Bruants Zizis qui bravent ici les rigueurs 


DE LA SAVOIE, 267 
de l'hiver, vivent souvent réunis aux Bruants 
Jaunes, aux Pinsons, aux Verdiers et aux Moi- 
neaux, avec lesquels ils forment quelquefois de 
nombreuses volées. [ls courent ensemble vignes, 
haies, broussailles, friches et champs qui ont 
été ensemencés de sarrasin, de millet, de chan- 
vre, etc.; ils y recherchent avec avidité les se- 
mences des graminées et les graines céréales qui 
sont restées sur plante. Dans les jours de neige, 
ils se montrent jusqu’autour des maisons, où ils 
donnent bientôt dans les piéges que les villageois 
leur tendent, 

Ce volatile est un des premiers que l’amour nous 
ramène chaque année après l'hiver. On entend déjà 
le chant du mâle aux premiers beaux jours de mars: 
c’estune espèce de bruissement prolongé, fréquem- 
ment articulé sur le même ton et qui imite un peu 
le cri d’une grosse sauterelle : ziririririri. Pour 
nicher, 1l préfère ici les endroits élevés à la plaine ; 
il se cantonne sur les lisières des bois, dans les 
broussailles qui croissent parmi les pierres et les 
rocailles, ou qui avoisinent des champs et des pâtu- 
rages. Rarement se reproduit-il dans des régions 
aussi hautes que le Bruant Fou, n°156: il s’attache 
spécialement aux coteaux, aux collines, à la base et 
au centre des montagnes, où ce dernier est toujours 
rare en Savoie. 

Le Bruant Zizi travaille son nid vers le milieu 


268 ORNITHOLOGIE 


d'avril ; il le fait à terre, dans une petite fosse ou 
dans quelque fourré, à un ou deux pieds du sol, et 
l’abrite sous un buisson ou sous des racines, quel- 
quefois sous une pierre. [l le compose à l'extérieur 
d'herbes sèches, de foin, de mousse et de racines 
chevelues, et le garnit en dedans de petits flocons 
de laine, de crins, de brins d’herbes très-déliés. 
Quatre ou cinq œufs forment la couvée; ils sont 
blanchâtres ou d’un blanc gris, parsemés de points, 
de raies et de zigzags bruns et noirs. Leur longueur 
est, en moyenne, de 19-20 mill., et leur largeur 
diamétrale de 14 3 à 45 mill. Pendant l’incubation, 
le mâle se fait fréquemment entendre de la cime 
d’un arbre ou d’un taillis élevé, voisin de la ni- 
chée ; néanmoins, de temps à autre, il apporte à sa 
compagne qui couve, les aliments, et retourne 
ensuite se cacher dans le feuillage. 

Après l’éducation des petits, les Bruants Zizis se 
répandent le long des haies, dans les bois, dans les 
endroits remplis de buissons, dans les champs de 
blé et d'avoine surtout, dont ils dévorent le grain; 
on les y rencontre souvent avec le Bruant Jaune, 
mais on les en distingue toujours à leur petit cri 
d'appel. Leur chair est alors un bon manger. 


ORNITHOLOCIE DF LA SAVOIE. 1 


Passereaux Fringillidees. L 
Ê | 
TU 2 78. D 
Î 

| 
‘| 

| 1| 

| 

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| 

| 

| 

| 

| 

| 


Lith. Jb Perrin Charnb ÊT y. J.Werner del. & Lith. 
{ Bruant lou, wa/caduleenete. 3974. p 109 


| 9 Zcte du jeune, avant lamue d'automne 

| 9 Bruant de Roseaux 27/6 7 pres ?5 DT TU ZE 0754 /éte demale en automne. 

| à Zéte de lemelle x pres. — 6-8 Zu delesperce, gr Hal 1 
| 9 Bruant Prover, seau, sgr nat PIN) ufr delespéce, grrat 


DE LA SAVOTE. 269 


156.—Bruant Fou /Emberiza Cia). 


Nom vulgaire : Roussette Grise. 


Le Bruant Fou, le Bruant de Pré de France, l’Ortolan de Lorraine et l’'Or- 
tolan de Passage (Buff.).—Bruant Fou (Cuv.) — Bruant Fou (Emberiza Cia), 
Vieill. — Degl. — Bruant Fou ou de Pré (Emberiza Cia), Tenwm. — Zigoio 
Muciatto (Savi). 


On a nommé cette espèce Bruant Fou, parce 
qu'elle se jette étourdiment dans les piéges qu’elle 
trouve tendus ; c’est aussi pour cela qu’on la nomme 
encore dans des cantons de la France, oiseau bête. 
Des auteurs l’ont appelée Bruant de Pré, mais 
cette dénomination ne lui convient pas partout ; 
chez nous, du reste, elle fréquente rarement 
les prés : elle leur préfère les fourrés et les vi- 
gnobles. 

Le Bruant Fou a la même taille que le Bruant 
Zisi. 

Le vieux mâle est d’un cendré bleuâtre à la 
gorge, sur le devant et les côtés du cou, et à la 
poitrine : la même couleur règne sur le sommet de 
la têle et à la nuque, avec de petits traits longitu- 
dinaux noirs. Une bande noire passe sur les yeux, 
encadre la région des oreilles et va aboutir à l’angle 
du bec. Au-dessus de chaque œil existe une autre 
bande, mais blanche ou blanchâtre, qui tient lieu 
de sourcils ; elle est suivie d’une troisième bande 
noire, qui se prolonge sur la nuque. Le dos et les 
scapulaires sont d’un roux sombre, avec des taches 


270 ORNITHOLOGIE 

noires, qui suivent la direction des baguettes des 
plumes. Le ventre, les flancs, l'abdomen, les 
sous-caudales et le croupion, sont d’un beau roux ; 
les pennes des ailes noirâtres, et bordées de roux et 
de gris roussâtre ; celles de la queue noires, sauf les 
deux intermédiaires qui sont noirâtres, frangées de 
roux clair et les deux latérales de chaque côté, qui 
se trouvent presque totalement blanches. Le bec est 
noirâtre sur la mandibule supérieure, gris sur l’in- 
férieure ; l’iris brun; les tarses sont bruns jaunâtres. 

La femelle est reconnaissable par le cendré de 
la gorge et de la poitrine, qui est plus clair que 
dans le mâle et parsemé de quelques taches brunà- 
tres, presque effacées ; le roux des autres parties 
inférieures, qui est aussi plus pâle, porte encore 
de petites taches longues, peu distinctes, mais 
qui s’effacent duns un âge avancé. Une teinte rous- 
sâtre règne habituellement sur le cendré de la tête, 
où l’on remarque en outre des taches plus nom- 
breuses que chez le mâle ; et la bande qui entoure 
la région des oreilles est plus étroite et moins 
apparente. 

Les jeunes, avant la mue, sont d’un brun clair en 
dessus, et lachés de noir ou de noirâtre au milieu 
des plumes ; d’un gris blanc à peine lavé de rous- 
sâtre en dessous, et marquetés en long de brun à la 
gorge, sur le devant et les parties latérales du cou, 
à la poitrine et sur les côtés du ventre : le milieu 


DE LA SAVOIE. 271 
de cette partie et l'abdomen sont d’un roussâtre 
clair. 

Après la mue, les jeunes mâles ressemblent beau- 
coup à la femelle, jusqu'après la mue ruptile du 
printemps. 

Nous avons en Savoie des Bruants Fous toute 
l’année, mais principalement pendant la saison des 
nichées et en automne ; ils y sont assez rares en 
biver, et pourtant un peu plus nombreux que les 
DBruants Zizis. 

Ils aiment pour se reproduire la solitude des 
montagnes, où quelquefois ils se fixent après la 
région des bois : néanmoins quelques sujets, habi- 
tuellement rares, s’apparient et nichent sur les col- 
lines ainsi qu’au pied des montagnes. Les endroits 
en pente et remplis de broussailles ou de massifs de 
plantes sont en ces lieux leur demeure de prédilec- 
tion. Suivant qu’ils résident dans des régions plus 
ou moins hautes, ils s’y occupent de nidification sur 
la fin d'avril ou seulement vers la mi-mai. C’est 
à terre ou à quelques centimètres de terre qu’ils 
posent le berceau de leur famille future ; tantôt au 
milieu d’une touffe d'herbes ou de graminées, tan- 
tôt sous des arbustes rampants ou dans les rameaux 
entrelacés de quelques petits buissons, tantôt enfin 
parmi des rocailles garnies de plantes et d’arbris- 
sceaux, Comme les trois espèces qui précèdent, ils 
le confectionnent grossièrement en dehors et sur les 


272 ORNITHOLOGIE 

bords, avec les mêmes matériaux que le Bruant 
Zizi. La ponte se fait, suivant les lieux, sur un 
matelas de crins ou de poils, ou simplement sur 
des tiges d'herbes excessivement fines; elle est 
de quatre ou cinq œufs grisâtres ou d’un blanchâtre 
presque nuancé de bleuâtre, parsemés, notam- 
ment vers le centre ou à la grosse extrémité de la 
coquille, de lignes et de raies en zigzags qui se 
croisent , noires ou noirâtres et cendrées , et assez 
fréquemment disposées en forme de collier. Ces 
œufs ont 19 ou 19 mill. ; de longueur, sur un dia- 
mètre de 14-15 mill. 

Les femelles sont si assidues à couver, qu’elles se 
font aisément prendre dans le nid, non-seulement à 
l’aide d'engins mais encore avec la main : j'en vis, 
en effet, prendre deux le même jour, et je parvins 
quelques heures après à en capturer une troisième 
à la main. 

Pendant les quinze jours que dure l’incuba- 
tion, les mâles rôdent presque toute la journée 
parmi les broussailles du canton, à la recherche de 
leur nourriture et de celle de leurs compagnes ; ils 
viennent effectivement de temps en temps au nid 
pour leur donner la pâture; ensuite, il est rare 
qu'ils ne fassent pas entendre, du milieu ou de la 
pointe d’un buisson, leur refrain ordinaire : c’est 
un gazouillement bref, mais qu’ils prolongent sou- 
vent en le répétant deux ou trois fois de suite sur le 


DE LA SAVOIE. 278 
même ton, et composé de syllabes toujours plus 
aiguës que celles de leur cri d’appel : 


zirr Zirr  Zirr  Zirr  zirr. 


Le Bruant Fou fait quelquefois chez nous une 
seconde ponte vers la fin de juin ou au commence- 
ment de juillet; celle-ci n’est guère que de trois 
œufs. Après la sortie du nid, les petits restent dis- 
persés par les broussailles, où à chaque instant le 
père et la mère reviennent tour à tour leur donner 
la becquée. Aussitôt qu’ils sont à même de manger 
seuls, ils se mettent à parcourir les haies, les taillis 
et les champs; s’alimentant de petites sauterelles 
auxquelles ils enlèvent les substances dures et indi- 
gestes, de graines farineuses, surtout de grains de 
seigle et d’avoine qu'ils broient avec le bec, enfin 
de petits fruits sauvages, doux et fondants. Souvent 
on les trouve dans les vignes et les buissons qui les 
environnent, avec les jeunes du Bruant Jaune et 
ceux du Bruant Zizi. Ils ont le cri d'appel de ce 
dernier : 32, 3i, zi, qu’ils poussent comme lui fré- 
quemment le jour et même de temps en temps pen- 
dant l'obscurité de la nuit ; comme lui aussi, ils ont 
dans la queue un petit mouvement de bas en haut, 
toujours fréquent quand ils courent à terre et s’ar- 
rêtent un moment au bout des pierres. 

Done 18 


| 
| 


74 ORNITHOLOGIE 

C'est aussi en octobre et novembre que nous 
avons en Savoie des passages de Bruants Fous. Ils 
ont toujours lieu de grand matin ; on s’en aperçoit 
souvent dès le commencement de l’aurore : les su- 
jets qui constituent les volées qui passent alors, ne 
cessent en eflet de s’entr'appeler par leurs petits 
cris, 31, z1, 31. Plusieurs des nôtres s’associent à 
ces bandes voyageuses, et vont avec elles se répan- 
dre dans les contrées méridionales. Gomme celles 
du Bruant Zizi, elles volent lentement; leurs indi- 
vidus s’écartent peu, 1ls vont presque à la file les 
uns des autres; quelquefois, ils volent un peu plus 
serrés, et encore gardent-ils entre eux de petits 
espaces. [ls reparaissent ici en mars, et rega- 
gnent les montagnes à mesure que les neiges s’en 
éloignent, 

Les Bruants Fous qui doivent hiverner dans nos 
pays , arrivent en plaine ou sur les collines circon- 
voisines, aux premières neiges qui les chassent des 
lieux montueux. Ils errent tout le jour le long des 
haies, dans les champs ou lesfriches, dansles vignes, 
autour des granges et des maisons de campagne. 
Les baies, les petits fruits secs, les grains de panics, 
les graines céréales perdues dans les champs, for- 
ment alors la base de leur nourriture. On les attire 
sans difficulté dans toute espèce de piéges; on va 
jusqu'à les enivrer avec des grains de froment ou 
d'avoine trempés dans de leau-de-vie, et que l’on 


DE AA SAVOIE. 275 
répand dans les lieux où ils viennent habituellement 
chercher leur subsistance. Leur chair est en au- 
tomne, quand elle est grasse, un morceau délicat. 


152.—Bruant de Roseaux / Emberiza Schœniculus). 


Noms vulgaires : Pielton, Falton, Casse-Millet. 


L'Ortolan de Roseaux et la Coqueluche (Buff.). — Le Bruant de Roséaix 
(Cuv.). — Bruant de Roseaux (Emberisa Schæœniculus), Vieïll., Temm., Decsl. 
—Migliarino di Padule (Savi). 


Le mâle, dans cette espèce, a 15 cent. 4-5 mill. 
de longueur totale ; la femelle est un peu moins 
grande : sa taille est de 15 cent. 

Ils prennent, l’un et l’autre, en Savoie, leur plu- 
mage de noces dès la fin de février. Alors les sexes 
sont très-différents. 

Le mâle devient d’un noir pur sur la tête, l’oc- 
ciput, les joues, la gorge et le devant du cou. De 
chaque côté du bec, part une espèce de moustache 
blanche, qui divise le noir des côtés de la tête de 
celui de la gorge, et va se réunir au collier, d’un 
blanc pur, qui ceint les côtés et le derrière du cou: 
c'est en perdant, par l’effet de la mue ruptile, les 
franges blanches, blanchâtres et roussâtres qui oc- 
cupent la pointe des plumes, que le mâle acquiert, 
au printemps, ces couleurs pures sur ces différentes 
parties. Le blanc pur règne encore sur le bas de 
la poitrine, sur le milieu du ventre, sur l’abdomen 
et les sous-caudales ; mais les flancs portent quel< 


276 ORNITHOLOGIE 

ques traits longitudinaux bruns ou d’un brun roux, 
selon les individus. Ün roux plus ou moins foncé 
domine sur les ailes et le dos, où le centre des 
plumes est noir; et une sorte de cendré couvre le 
croupion. Les pennes de la queue sont noires; les 
deux du milieu brunes et bordées de roux clair; les 
deux plus externes de chaque côté se trouvent en 
partie blanches. 

Le bec est court, plus grêle que dans les Bruanits 
précédents, et d’un brun foncé ; l'iris des yeux noi- 
râtre ; les tarses de la même couleur que le bec. 

La femelle, en robe de printemps, a le dessus de 
la tête et les joues d’un roux sombre, varié de noi- 
râtre ; elle n'a point de collier blanc sur le cou, 
c’est un cendré brun qui le remplace. Elle est d’un 
blanc glacé de roussâtre à la gorge et sur le devant 
du cou, que borde de chaque côté un espace brun 
ou noirâtre. De même que les moustaches, les sour- 
cils sont d’un blanc roussâtre; et les parties infé- 
rieures blanchâtres ou d’un blanc lavé de roux 
clair ; la poitrine et les flancs tachetés longitudina- 
lement de brun, souvent ondé de roux ou de bru- 
nâtre. Le dos, les ailes et la queue sont colorés 
comme dans le mâle. 

Après la mue de l’élé, les mâles adultes el vieux 
ont à l'extrémité des plumes noires et blanches de 
la tête, de la gorge et du cou, de larges franges 
blanchâires ou roussätres, qui s’usent ensuite à 


DE LA SAVOIE, DA. 
l'approche du printemps pour laisser voir alors le 
noir et le blanc de ces parties, dans toute leur 
pureté. 

Les jeunes mâles de l’an, après la mue, ne dif- 
fèrent presque pas des vieux. 

Les femelles de tout âge, en plumage d'automne, 
ne sont guère distinctes de la femelle en livrée de 
printemps, décrite plus haut. 

Le Bruant de Roseaux ne niche pas d’habitude 
dans nos climats ; il se retire pour cet acte dans 
les marais ou sur les bords des rivières couverts de 
joncs, de roseaux ou de broussailles, dans plusieurs 
cantons de la France, de la Belgique, etc. Il pose 
son nid, qui est formé d'herbes sèches, à terre 
ou près de terre, dans les roseaux ou entre les 
racines des arbustes qui croissent auprès de l’eau. 
La femelle pond 4 ou 5 œufs oblongs, d’un blanc 
grisâtre ou d’un gris roussâtre, avec des taches 
et des veines noirâtres et presque violâtres. Ils 
ont 18-19 mill. de longueur, sur 132 à 14 mill. de 
diamètre. 

Cet oiseau passe en Savoie à deux époques : en 
automne et à l'entrée du printemps; mais c’est sur- 
tout à la première saison qu'il s’y trouve répandu 
le plus; quelques sujets, toujours rares, y survien- 
nent aussi de temps à autre pendant l'hiver. 

C’est principalement depuis les derniers jours de 
septembre jusqu’au mois de novembre que nous le 


278 ORNITHOLOGIE 

possédons dans nos pays. El y arrive particulière- 
ment le matin, souvent seul à seul ou deux à deux, 
et quelquefois par petites bandes de trois à sept in- 
dividus ; dans les temps de pluie, on le voit d’habi- 
tude voyager à toutes les heures de la journée. Il 
s’abat dans nos plaines et sur les coteaux environ- 
nants, et recherche là par préférence les champs 
de maïs et de sarrasin; puis dans les vignes, sur les 
terres qui ont été ensemencées d'avoine, de chan- 
vreet de millet, enfin dans les broussailles et les 
haies qui leur servent de bordure. Il y vit avec les 
semences des panics, avec des graines farineuses 
et oléagineuses, avec des insectes et des vermis- 
seaux. 

On le remarque encore le long des eaux, au mi- 
lieu des joncs et des roseaux, dont il aime aussi les 
semences, et partout on l’aborde de près. C’est 
souvent sa Voix qui annonce sa présence dans quel- 
que lieu: elle est triste et monotone; il semble 
qu’elle prononce : (it, ti, li, plusieurs fois de suite, 
et dont la première syllabe est plus aiguë, plus 
traînée que la dernière. Ces cris, il les jette en se 
posant au bout d’une plante ou d’un arbuste, et 
pendant qu'il s’y balance, qu’il frétille et secoue les 
pennes de sa queue; quelquefois il criaille pendant 
plus de cinq minutes à la même place, et sans chan- 
ger une seule fois de ton. Nos oiseleurs n'aiment 
jamais entendre cet oiseau piailler de la sorte au- 


DE LA SAVOIE. 27 
près d’eux, parce qu'ils croient qu’en répélant tou- 
jours les mêmes cris, d'une manière aussi triste, il 
intimide les autres volatiles du canton et les éloigne 
de leurs filets : aussi, après avoir usé en vain de 
tous les moyens de le prendre, lui donnent-ils la 
chasse en lui lançant des pierres. 

Quand le Bruant de Roseaux a bien piaillé du 
bout d’une plante ou d’un arbre de petite taille, il 
descend à terre, où il reste muet pendant qu'il y 
cherche sa vie; mais quelques moments après, soit 
qu’on l’approche, soit qu'il se trouve repu, il repa- 
raît vif et alerte sur quelque arbuste; ou bien il 
monte, en s’aidant par moments des ailes, le long 
d'une tige de plante jusqu’à sa pointe, d’où il se 
remet à pousser des cris. Toutefois, il se montre 
attentif et inquiet; il tourne sans cesse la tête, et 
regarde de tous côtés comme pour découvrir quel- 
que ennemi, imprimant alors dans la queue un 
mouvement de haut en bas, brusque et fréquent. 
Sa voix d'automne, qui est toujours désagréable, 
paraît pourtant quelquefois très-utile, car on pré- 
sume ici qu'elle annonce aux autres oiseaux du 
district, l’arrivée de l’Épervier ou de quelque Fau- 
con ; c’est du moins la croyance de plusieurs de nos 
chasseurs aux filets ; aussi, comme nous venons de 
le voir, ne peuvent-ils souffrir que ce Bruant vienne 
caqueter fréquemment auprès de leurs piéges. 
Vient-il à s'échapper d’un filet, il fuit sans pousser 


289 ORNITHOLOGIE 


un seul cri jusqu’à quelque distance, puis souvent 
il revient voltiger au-dessus de l'engin, et se jette 
enfin sur quelque éminence, près de l’oiseleur, où il 
recommence à piailler plus fort que jamais. A l’en- 
tendre, on dirait qu'il s’obstine à avertir les vola- 
tiles qui passent, des piéges qui leur sont tendus en 
ce lieu. 

Quelques Bruants de Roseaux passent encore en 
Savoie à la première neige : ceux-ci ne s’y arrêtent 
pas aussi longtemps que les premiers ; ils se hâtent 
de gagner les régions méridionaies, leur séjour 
d'hiver. Dès lors, l’espèce est rare chez nous jus- 
qu'à l’approche du printemps. Les individus qui y 
restent pendant le froid, vivent sur les bords boi- 
sés des rivières, des lacs et des étangs; presque 
tous les ans, avant les grandes gelées, on en remar- 
que dans les roseaux qu’on laisse aux abords des 
lacs des Marches, des Abîmes de Myans, etc. Ce 
sont les graines de joncs, de roseaux et d’autres 
plantes aquatiques, ainsi que de très-petits coquil- 
lages, qui les y alimentent: mais aussitôt que les 
eaux gèlent, ils se répandent sur les bords des 
fleuves et des rivières, ou bien ils émigrent vers 
d’autres contrées. 

Ces oiseaux repassent dans notre localité sur la 
fin de février et en mars. Les mâles sont alors revêtus 
de leur livrée de printemps; par une belle journée, 
on les entend gazouiller sur les saules qui bordent 


DE LA SAVOIE. 281 
les marais, les prairies ou les eaux. Ils s'appliquent 
à répéter les syllabes : fi, fu, ifs, dzi, treitz, 
dzi, sur deux notes différentes et d’un air triste : 


RE 
dzi. 


ti tu ifs dzi treitz 


C’est le même ramage qu’ils font entendre dans 
leur patrie, pendant le temps que durent les cou- 
vées et dans les nuits calmes d’été. 

Ces Bruants nous quittent avant la fin d'avril. 
Beaucoup des derniers sujets qui restent au pays 
s’y assortissent, et retournent par paires vers leur 
quartier d’été. 


458S.—Bruant Proyer /Emberiza Miliaria|/. 


Noms vulgaires : Le Gros Ortolan des Marais, Ortolan, Tritri, à cause de 
son cri. 


Le Proyer (Buff.). — Bruant Proyer (Emberiza Miliaria), Vieill., Temm. 
Degl, — Strilozzo (Savi). 


Le Proyer, que nous nommons ici Ortolan et Gros 
Ortolan des Marais, est le plus grand des Bruants 
de nos climats : il a 20 cent. 3-5 mill. de longueur 
totale. Comme la Caille, il varie beaucoup par sa 
taille et par sa grosseur, suivant qu’il a vécu dès son 
enfance plus ou moins dans l’abondance : en effet, 
on rencontre souvent en Suisse et en Savoie des 


eq es 


| 
fl 
| 
| 


282 ORNITHOLOGIE 

individus de différents âges, qui sont d’un tiers plus 
petits, ou à peu près de la moitié moins gros que 
d’autres ; mais du reste ils se ressemblent parfaite- 
ment de plumage. 

Le mâle adulte et vieux est varié en dessus du 
corps de noirâtre et de brun cendré : cette couleur 
y borde chaque plume, tandis que la première 
forme au milieu, soit le long de la direction de 
leurs baguettes, une tache longitudinale. Les ailes 
et la queue sont d'un cendré noirâtre, et lisérées 
de fauve ou de blanchâtre, suivant les sujets. Les 
parties inférieures sont colorées de cette dernière 
couleur, et marquées sur lés côtés de la gorge et 
au centre de la poitrine, de petites taches noirâtres 
ainsi que de traits oblongs, de même couleur, sur 
les flancs. Le bec est robuste, d’un gris brun, quel- 
quefois un peu jaunâtre sur les bords des mandi- 
bules ; l'iris brun; les tarses bruns jaunâtres. 

La femelle est très-peu différente du mâle; on 
l’en distingue parce qu'elle a ordinairement moins 
de taches sur le milieu de la poitrine, et les cou- 
leurs des autres parties du corps généralement plus 
ternes. 

Les jeunes, en sortant du nid jusqu'à la mue de 
la fin d'été, ne diffèrent guère des vieux que par le 
roussâtre et le jaunâtre, qui dominent alors sur leur 
| livrée. Ils ont les parties supérieures d’un rous- 
pl sâätre pâle, avec une tache longitudinale noire au 


DE ÆAN SAV O TE: 283 
milieu de chaque plume, et les couvertures alaires 
largement bordées de roux. Sur la gorge, le cou et 
la poitrine, se trouvent de nombreuses taches angu- 
laires, noirâtres sur un fond blanc jaunâtre; les 
flancs sont rayés de la même couleur. 

Le Bruant Proyer, que l’on remarque dans toute 
l’Europe, est commun tous les ans en Savoie à l’é- 
poque des nichées et une bonne partie de l'automne. 
À l’approche de la mauvaise saison, il s'envole vers 
les pays méridionaux de l'Europe. Néanmoins un 
très-petit nombre d'individus, parmi les jeunes de 
l’an surtout, séjournent l'hiver dans nos pays de 
plaine ; ils y vivent dans l’isolement ; quelquefois ils 
hantent les champs et les prés arrosés, en compa- 
gnie des Bruants Jaunes, des Alouettes et des 
Pipis Spioncelles ; s’alimentant comme eux de diffé- 
rentes espèces de graines et de très-petites co- 
quilles occupées par leur animal. 

Cet oiseau est un des premiers qui nous arrivent 
avant le printemps. On le revoit déjà à la fin de 
février ou dès les premiers jours de mars dans 
nos prairies humides, dans nos marais et dans les 
prés ou les champs qui les entourent ; c’est par 
paires ou en bandes, mais moins nombreuses que 
quand il émigre à l’approche du froid, qu’il revient 
habituellement dans ce pays. Aussitôt arrivé, le 
mâle commence à ramager; il se perche pour cela 
à la pointe d’un arbre, d’un buisson ou d’une tige 


RS Ep Te SR 


ES 


284 ORNITHOLOGIE 

de plante sèche, et ne cesse de faire entendre, pen- 
dant presque toute la matinée et un peu moins de 
temps le soir, son chant monotone, qu’il répète à 
tout instant : il commence par lâcher les syllabes 
tri, tri, tri, et les fait suivre invariablement de la 
finale fit-ritz, en appuyant longtemps sur la 
dernière : 


Ce chant, on l’entend encore jusqu’à la fin de 
juillet. 

Par une belle matinée de mars, tous les Proyers 
du même canton aiment à se réunir dès que le so- 
leil paraît à l'horizon. Ils se donnent, mâles et fe- 
melles, rendez-vous sur quelque petit monticule, 
au milieu d’un marais ou d’un vaste champ, très- 
voisin de leur séjour habituel, ou bien encore dans 
quelque autre lieu sec, exposé au soleil levant. Là 
pêle-mêle ils se divertissent souvent pendant plus 
d'une heure; caquetant, piaillant, volant à petites 
distances, revenant à terre, s’agacant, se poursui- 


4 


vant et se becquetant tour à tour, mais sans se 
blesser. De moment en moment, quelques mâles se 
détachent de la troupe, s'élèvent à quelques déci- 
mètres du sol, décrivent en voletant, les pieds pen- 


DE LA SAVOIE. 285 
dants et les ailes tremblantes, au-dessus ou autour 
des femelles restées à terre, des cercles ou seule- 
ment des lignes demi-circulaires, et retournent len- 
tement à terre. Après une pause de quelques in- 
stants, ils se relèvent et tracent d’autres cercles à 
plusieurs reprises, pendant que leurs compagnes, 
de terre ou du bout d’une motte de gazon, se hâtent 
de correspondre à ces gentillesses par de petits 
cris, qu’accompagne un mouvement continuel de 
trépidation dans les deux ailes; puis ensuite, les 
ailes épanouies et les pieds ballants, ils penchent 
peu à peu vers le sol, et finissent par se laisser 
tomber tout à coup, à côté des femelles. À cette 
époque et durant les nichées, le naturel de ces oi- 
seaux est fort peu farouche; on les aborde de si 
près, qu’on les voit à tout instant, en parcourant 
les lieux qu’ils habitent de préférence, se lever 
lourdement de devant nous, et se reposer presque 
aussitôt dans les herbes ou sur quelque tertre. Au 
contraire, dans toute autre saison, et surtout en 
automne, ils sont méfiants jusqu’à l'excès, et se 
sauvent à l’approche du chasseur. 

Le Bruant Proyer est d'habitude tout apparié 
dans notre pays avant le milieu d'avril, et à la fin du 
mois le mâle et la femelle se préparent leur nid. 
Ils le font à terre, dans une petite enfonçure qu’ils 
pratiquent l’un ou l’autre à l’aide du bec dans les 


blés, les trèfles et les millières très-proches des 


286 ORNITHOLOGIE 

eaux ou des marécages, dans l’herbe des prairies, 
sur les bords des fossés remplis de gazon, et quel- 
quefois au pied de quelque plante épaisse ou au 
milieu d’un petit buisson. C’est avec de la mousse, 
des brins d'herbes sèches et le chevelu des racines 
de plantes et d’arbustes qu’ils construisent cette 
demeure en dehors ; ils la garnissent ensuite à l’in- 
térieur de crins, de poils, de bourre et de fibres de 
plantes. Elle est faite avec peu de soin et presque 
sans solidité sur les bords ; elle contient 4 à 6 œufs, 
que la femelle est seule chargée de couver. Mais 
la seconde nichée, que plusieurs couples entre- 
prennent à la fin de juin ou dans les premiers jours 
de juillet, ne se compose d'habitude que de à ou 
l œufs. 

Ces œufs sont tantôt d’un cendré blanchâtre, tan- 
tôt d’un blanc gris, presque nuancé de roussâtre, avec 
des points, des taches et des raies en zigzag, bru- 
nes rougcâtres, noires et d’un gris violacé, particu- 
lièrement confondues sur le gros bout de la coquille. 
Leur longueur, en moyenne, est de 22 3 à 23 mill., 
sur un diamètre de 46 ou 16 mill. +. Pendant que la 
femelle se livre à l’incubation, le mâle, juché à la 
cime d’un arbre ou sur la branche la plus haute 
d’un taillis, d’où il ne cesse de pousser ses cris si 
peu mélodieux, ne perd pas un instant de vue le 
buisson ou la touffe d'herbe qui cache la nichée. 
ll quitte par moments son poste pour descendre à 


DR, Du SAVOIE. 287 
terre, afin d’y chercher sa subsistance et celle de 
sa compagne ; ensuite 1l la lui porte dans le nid en 
trémoussant des ailes; aussitôt la becquée don- 
née, il retourne faire sentinelle à la mème place. A 
l'approche de quelqu'un, il jette le cri d'alarme, 
qui est grave et trainé; s’il y a du danger pour la 
couvée, il accourt et se désole en voltigeant autour 
de l’importun. 

Souvent les petits abandonnent le nid avant d’é- 
tre capables de voler, et restent tapis séparément 
dans les herbes ou les moissons. Leurs auteurs, qui 
ne cessent de les surveiller de quelque élévation voi- 
sine, viennent à tout inoment les revoir en particu- 


lier et leur donnent en même temps des becquées : 


de vers, de petites sauterelles et de petits grillons. 
Quelquefois leurs cris, et surtout leurs allées et 
venues continuelles, décèlent le lieu où se tient ca- 
chée la progéniture; on les voit, en eflet, tantôt 
l’un après l’autre, tantôt tous deux ensemble, vol- 
tiger au-dessus d'elle d’un air inquiet et effrayé, et 
se poser à terre, tout près de quelque petit; puis se 
relever en criant, et gagner le bout d’un arbre ou 
d’un brin de chaume ; de là ils repartent encore 
en piaillant, reviennent voleter ou tracer des cer- 
cles à quelques décimètres du sol, au-dessus de 
chaque petit. Pendant ce singulier manége, 
leurs pieds sont pendants et les ailes agitées du 
mouvement de trépidation propre à celte espèce 


| 
| 
Î 


288 ORNITHOLOGIE 


de Bruant dès le commencement de la saison de 
l'amour jusqu’à la fin des nichées. 

Après l'éducation des petits et les foins coupés, 
les Proyers, jeunes et vieux, se rassemblent, quit- 
tent les prés et les marécages pour se jeter dans 
les vignobles, dans les champs de maïs, de froment, 
d'orge, d'avoine, de chanvre et de millet, où ils se 
gorgent de ces grains ; ils ne recourent guère alors 
qu’accessoirement aux insectes et aux vers. C’est 
surtout dans les mois d’août et de septembre qu’on 
les voit parcourir par bataillons épais successive- 
ment tous les champs qui leur offrent une ample 
nourriture et un abri convenable, pendant qu'ils les 
dévastent, Durant la chaleur, ils y restent cachés à 
terre, et se désaltèrent en buvant les gouttes de 
rosée qui pendent aux feuilies des plantes, ou qui se 
logent dans leurs cavités en forme de carène à leur 
insertion à la tige. Le soir, deux heures au moins 
avant le coucher du soleil, ils se remettent en mar- 
che, retournent aux vivres et continuent à se 
nourrir aux dépens de l’agriculteur. Un peu avant 
le crépuscule, ils se retirent tous à la fois dans les 
bois, dans les buissons ou les jonchaies des alen- 
tours, pour y passer la nuit; le lendemain, avant 
le lever du soleil, ils reviennent aux champs. Ils 
tombent alors difficilement dans les piéges, et les 
chasseurs ne les approchent guère que par surprise. 
Nos oiseleurs se donnent fort peu la peine de les 


D'ESLASSS AN OTE. 289 
‘appeler, tant ils les connaissent pour rusés et dé- 
fiants ; aussi, ils n'en prennent tous les ans qu’un 
très-petitnombre. Leur chair est partout recherchée 
comme mets succulent. 

C'est versle milieu de septembre que le Proyer 
commence à s'éloigner de nos climats. Il voyage 
d'habitude en troupes, rarement seul ou par paires; 
il part de grand matin et le soir, une heure environ 
avant que le soleil disparaisse de l'horizon. Son vol 
est alors élevé, rapide et bruyant. Au passage de 
chaque bande, on entend un cri de rappel qui imite 
un peu le craquement du bec : pek, pek, pek, pek, 
et que ce Bruant n’articule qu’en volant. 


LIe Genre : PLKCTROPHANE (Flectrophanus). 
Caractères génériques : Bec court, conique, droit, rétréci vers le bout: 
mandibule supérieure couvrant à sa base les bords de l’inférieure ; palais non 
tuberculeux, c’est-à-dire aplati et lisse. Narines arrondies, cachées sous de 
petites plumes, qui se dirigent en avant. Tarses nus et anneles; doigts ex- 


ternes réunis à leur base; ongle du pouce plus long que ce doigt, et légère- 
ment arque. Ailes de grandeur moyenne. 


Les contrées les plus boréales fournissent deux 
espèces de Plectrophanes, que l’on rencontre acci- 
dentellement, pendant l’hiver, en Suisse et en 
Savoie. Plusieurs naturalistes les classent parmi les 
Bruants, dont ils en font néanmoins une section ou 
un sous-genre, en les dénommant Bruanis Éperon- 
niers ou Bruants Plectrophanes. Elles vivent princi- 
palement à terre, à la manière de la Fringille Nive- 
rolle, et s’y reproduisent dans les lieux marécageux 


DNTIE, 19 


290 ORNITHOLOGIE 

ou dans des trous de rocher. Leur nourriture con- 
siste en semences de plantes alpestres et eninsectes. 
Leur mue est simple et ruptile; cette dernière 
change considérablement au printemps, par le 
frottement et par l’action de l’air et du jour, les 
couleurs du plumage ; de sorte qu’alors ces oiseaux, 
sans voir préalablement leurs plumes se renouveler, 
prennent une livrée très-différente de celle qu’ils 
quittent et dont 1ls se sont revêtus en automne. 


159.—prlectrophane de Neige /Plectrophanus Nivalis}. 
L'Ortolan de Neige (Buff.). — Kmberisa Nivalis (Linn.), — Passerine de 


Neige (Passerina Nivalis), Vieill. — Bruant de Neige (Emberisa Nivalis), 
Temm., Degl.—Plectrophane de Neige (Plectrophanes Nivalis), de S.-Longch. 


Cet oiseau n’a pas de nom vulgaire, que jesache, 
dans nos pays, à cause de sa rareté. Dans quelques 
cantons du nord de la France, on le nomme Orseau 
ou Ortolan de Neige. 

Les jeunes de l’année sont les seuls qui se mon- 
trent accidentellement en Suisse et en Savoie, 
pendant les hivers les plus rigoureux. Voici leur 
description : 

Taille 47 cent. 6-7 inill. Haut de la tête couleur 
de cannelle ; nuque d’un roux cendré ; sourcils blan- 
châtres ; les oreilles et an large plastron sur da 
poitrine, d’un roux plus où moins foncé ; flanesd’un 
roux clair; gorge et devaat du cou blanchâtres ; 
les autres parties inférieures, de même que le milieu 
de chaque aïle, d’un blanc pur. Dessus du corps 


URNITHOLOGIE DE LA SAVOIE. 


Passereaux. Fringillidees; Motacillidee », 
TN,277. | 

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DE dote E Perrin LVhamber 1 4] Vern er deLt Lith. 

1 Plectrophane de neige, ye7re mäle en liver, 3 or nat; PAM, | 
0-4 Zuf del espece > grnat | 
Plectrophane de Laponie. 7evre male en hiver; 5 or.nat: P993-4-6 Cul del'espgrnal 
1e P T > p.28 Î 


5 
9 Ber geronnelte Grise ,zr4 au printemps, 5 grrat ;: P.301— 10-19 Talks de lespéce,;grnal 


DIE SAVOIE. 291 
noir dans le milieu des plumes, avec une large bor- 
dure rousse; rémiges et les six rectrices intermé- 
diaires noires, et bordées de blanchâtre ; les trois 
rectrices extérieures blanches, et marquées d’une 
tache noire vers l'extrémité. Bec jaunâtre ; 1ris des 
veux brun rougeâtre, pieds noirs. 

Le mâle, pendant l'été qu’il passe dans les régions 
du cercle arctique, est d’un blanc pur sur le sommet 
de la tête, sur le cou, Sur. les grandes et petites 
couvertures des aïles, sur la moitié supérieure des 
rémiges, enfin sur tout le dessous du corps; le noir 
occupe le haut du dos, quelques pennes secondaires 
des ailes et la moitié inférieure des rémiges. Get 
oiseau acquiert ces couleurs pures en perdant au 
printemps, au moyen de la mue ruptile, les franges 
ou bordures rousses, cendrées et blanchâtres, que 
j'on remarque en automne et en hiver sur les plumes 
des différentes parties de son corps. 

Le Plectrophane de Neige habite les monta- 
gnes du Spitzherg, les Alpes Laponnes, le Groën- 
land, etc. Il y niche au mois de mai, et cache la 
première demeure de sa progéniture dans des 
crevasses de rocher. C’est spécialement d'herbes 
sèches qu’il la compose à l'extérieur, recourant 
ensuite aux plumes, aux poils et au duvet des fleurs 
pour la matelasser en dedans et sur les bords. La 
femelle y dépose 4 ou 5 œufs blanchâtres ou d’un 
blanc cendré, et parsemés de taches et de points, 


292 ORNITHOLOGIE 


plus ou moins nombreux, bruns ou rougeûtres et 
noirâtres, quelquefois encore mélangés avec d’au- 
tres taches plus rares, cendrées ou violâtres. Ils ont 
21-22 mill. de long, sur 15 ou 15 mill. ; de diamètre. 
Je me base, pour décrire ces œufs, sur les exem- 
plaires que m’a obligeamment envoyés M. Edmond 
Fairmaire de Paris : je les trouve parfaitement 
semblables à ceux de la planche de l’Oologie euro- 
péenne, publiée par M. Auguste Lefèvre. 

Le chant du mâle, suivant M. Vieillot, est court, 
faible et sans agrément ; son cri d'appel est doux 
et assez agréable, mais celui de la frayeur ou de 
l'inquiétude est aigre et fort. Il chante souvent 
pendant la nuit, et ne dort que très-peu dans le 
mois de juin et une partie du mois de juillet, On 
attribue cette insomnie à l'habitude qu’a cet oiseau 
de vivre alors dans des régions élevées, où il n’y a 
presque pas de nuit durant cette période. 

Ce Plectrophane est un agile coureur ; il cherche 
à la manière de la Fringille Niverolle sa nourriture, 
qui consiste pareillement en menues graines, en 
petites semences d'arbres ou d’arbustes alpestres 
et en insectes. Mais lorsque la neige, envahissant 
les lieux qui lui fournissent ces aliments, le force à 
s'éloigner de son séjour d'été, alors il étend ses 
excursions dans des contrées du nord de l’Alle- 
magne et de la France. Quelques bandes de jeunes 
sujets, plus ou moins nombreuses, sortent de ces 


D'ENRAUS AN O TE. 206 
climats par un froid très-vif, se répandent dans des 
pays tempérés de l'Europe et en Suisse, d’où, et 
plus accidentellement encore, quelques individus 
s’avancent jusqu’en Savoie. On les rencontre prin- 
cipalement dans le Chamonix et sur les bords du 
Rhône. Continuellement à terre, ils courent avec 
vitesse parmi les pierres et à travers les petits buis- 
sons, y vivent avec des graines restées sur plante, 
avec de petits fruits ou des baies sèches. Ils parais- 
sent presque muets, sinon quelques sujets qui 
poussent de loin en loin de petits cris, qui servent 
à rallier les autres individus de la bande. Aussitôt 
que la température s’adoucit, ils quittent notre pays, 
et regagnent des climats plus froids. 


460.-— Plectrophane de Laponie /Plectrophanus Laponicus). 


Le Grand Montain (Buff.). — Le Bruant de Laponie ou Grand Montain 
(Cuv.).—Fringilla Calcarata (Pallas).—Bruant Montain (Emberizsa Calcarata), 
Temm. — Passerine Grand-Montain (Emberiza Laponica), Vieill., Faune 
Française. — Plectrophanes Laponica (Plectrophane de Laponie), de S.- 
Longch.—Bruant Montain (Emberiza Laponica), Degl. 


Le Plectrophane de Laponie est une espèce qui 
a de tous temps embarrassé les ornithologistes dans 
le choix du genre où elle devait être comprise. 
Comme son bec est presque conique, ils en ont fait 
tantôt une Frangille, tantôt un Panson, et même 
une Allouette, à cause de la longueur de l’ongle 
du pouce. Mais ses mœurs, ses habitudes et la plu- 
part de ses caractères extérieurs, lui assignent sa 
place à côté du Plectrophane de Neige. 


ni 


j 
! 
LA 


294 ORNITHOLOGTDE 


Comme lui, il habite pendant la saison des beaux 


jours les régions boréales : la Laponie, le Groënland 


et la Sibérie; il en émigre en hiver, et se répand 
dans des pays du nord de la France et en Alle- 
magne. Les jeunes seuls arrivent quelquefois en 
Suisse, et quelques individus, toujours très-rares, 
poursuivent, pendant les grands froids, leurs courses 
jusqu’en Savoie. 

Ceux-ci, qui sont tous des sujets de l’année, ont 
18 cent. au plus de longueur totale. Le dessus du 
corps, depuis le sommet de la tête jusqu’au crou- 
pion, est d’une couleur isabelle, tachée et rayée 
longitudinalement de noirâtre, surtout sur la tête 
et le manteau. Les joues sont brunâtres, mais en- 
tourées de brun noirâtre ; la gorge, le devant et les 
côtés du cou, d’un blanc lavé de roussâtre ; sur le 
bas de cette partie, se font remarquer quelques 
stries brunes, peu apparentes ; le reste du dessous 
du corps est d’un blanc nuancé aussi de roussâtre; 
mais la poitrine porte plusieurs taches brunes noi- 
râtres, qui remontent de chaque côté du cou jus- 
que près de l'angle du bec; les flancs sont tachés 
de même en long sur le centre des plumes. Sur 
chaque aile, on voit un large espace de brun mar- 
ron, quet termine un peu de blanchâtre ; les rémiges 
et les pennes de la queue se trouvent noirâtres, et 
bordées de roux extérieurement ; ; la première penne 
extérieure de celle- -ci est tes avec une large 


DE LA SAVOIE. 295 
tache brune dans la partie supéricure et une autre 
lache plus étroite vers le bout; sur la deuxième, 
est un trait blanchâtre, qui remonte le long de la 
baguette. Le bec est jaune, noirâtre à la pointe; 
l'iris brun; les pieds sont noirâtres; longle du 
pouce est beaucoup plus long que le doigt. 

Les mâles, en élé, sont noirs sur la tête, à la 
gorge et à la poitrine ; blancs et marqués de noir 
sur les flancs. Ils ont la nuque couverte d’un crois- 
sant d’un beau roux vif et pur ; le dos et les ailes 
paraissent comme variés de noir et de brun. Ün 
blanc sale prédomine sur le ventre, l'abdomen et 
les sous-caudales. 

La femelle, à la même période, est reconnaissable 
par le gris roux, mélangé de taches noirâtres, qui 
occupe chez elle le dessus de la tête et du cou, le 
dos et les scapulaires; par le blanc de sa gorge et 
du devant du cou; enfin par le roux et le noir du 
haut de sa poitrine. 

M. Duchesne de Lamotte, d’Abbeville, dans son 
voyage en Norvége, rencontra sur les montagnes 
du Dovre, dans une immense prairie couverte de 
petits buissons, un couple de ce Plectrophane en 
livrée de noces parfaite. Le mâle s'élevait de temps 


en temps à une grande hauteur et retombait en 
chantant, tout près de sa femelle : l’un et l’autre 
étaient fort peu farouches. 

Dans les régions boréales, cette espèce se pro- 


296 ORNITHOLOGIE 

page à terre, dans les champs marécageux et les 
prairies, où se trouvent des arbrisseaux et de petits 
monticules. C’est de ces élévations ou du bout d’une 
pierre que le mâle, pendant l’amour et l’incubation, 
part de temps en temps comme je viens de le faire 
observer, d’après M. Duchesne de Lamotte, pour 
s'élever dans les airs en chantant et redescendre 
vers le sol en finissant son ramage. La femelle pond 
h ou 5 œufs, d’un gris légèrement nuancé de rous- 
sâtre, avec des ondes brunâtres et quelques taches 
ou raies d’une couleur un peu plus foncée. Les 
exemplaires de ma collection, récoltés en Laponie, 
ont 49 5: à 20 mill. de long, sur 15 et 15 mill. + de 
largeur diamétrale. 

Quand cet oiseau survient chez nous pendant 
l'hiver, il y visite d'habitude les vallées infé- 
rieures et s'arrête à la base ou au milieu des 
collines soit en friches, soit cultivées ; mais les 
lieux humides et hérissés de buissons, de même que 
les bords des torrents et des fleuves, lui plaisent 
davantage. Il reste tout le jour à terre comme une 
Alouette, à la quête des petites graines et des baïes 
sèches pour sa subsistance. Quelquefois il suit dans 
les champs les phalanges de |’ Ælouette Commune, et 
s’empêtre avec elles dans les filets des oiseleurs. 
Toujours peu sauvage, il se laisse aborder aussi 
facilement quand il est seul que par paires ou par 
sociétés de trois à cinq individus; il ne vient guère 


DE LA SAVOTE. 297 
en plus grande quantité dans nos contrées, et aus- 
sitôt que commence la fonte des neiges, il les aban- 
donne pour retourner vers sa patrie. 


Vingt-seplième Famille. 


MOTACILEIDÉES (Motacillidæ). 


Ces oiseaux sont très-reconnaissables par leur 
taille svelte; par leur bec droit, grêle, quelquefois 
glabre à sa racine, en forme d’alêne et souvent 
échancré à la pointe de la mandibule supérieure ; 
par leur langue sagittée ou fourchue ; par leurs 
pennes caudales fréquemment plus longues que le 
corps, égales entre elles ou presque de la même 
grandeur ; enfin par leurs tarses minces et élevés, 
conséquemment propres à la course. 

Leurs narines sont ovoïdes et à moitié fermées 
par une membrane ; les ailes le plus souvent de 
moyenne longueur. Des trois doigts de devant 
l'extérieur se trouve soudé à sa base au médian, et 
l’ongle du pouce est d'habitude plus long que ceux 
des doigts antérieurs, qui sont petits. 

Leurs mœurs et leurs habitudes les font aussi 
distinguer aisément des volatiles , avec lesquels ils 
peuvent avoir quelques rapports soit par leur genre 
de vie insectivore, soit par quelques-uns de leurs 


298 ORNITHOLOGIE 

caractères physiques. Ils n'aiment que les lieux 

découverts, les bords des eaux, les champs, les prés 

humides, les pâturages et les endroits marécageux. 

Cherchant presque tout le jour à terre leur nourri- 

ture, ils saisissent les vers et les très-petits coquil- 

lages qu’ils découvrent le long des sillons, sur la 

grève ou la vase, courent après les insectes que 

leur approche fait fuir, gobent les mouches au pas- 
sage ou les attrapent en les poursuivant au vol, et 
revienneht à terre pour les avaler. En marchant, 

les uns balancent sans cesse la queue de haut en 
bas, les Bergeronnettes par exemple; les autres, les 
Pipis, n’ont guère, dans cette partie, qu’un léger 
battement aussi de haut en bas, qu’ils réitèrent 
surtout quand ils perchent et s'arrêtent au bout de 
quelque motte ou de toute autre petite éminence. 

C’est presque toujours à terre qu’ils se propagent ; 
ils cachent ordinairement leurs nids dans les herbes 
et les blés, ou parmi les pierres et les buissons, 
rarement dans les trous de roc ou de mur. Les 
mâles, dans quelques espèces, chantent agréable- 
ment. La mue est double chez plusieurs, et les 
jeunes de l'an, après avoir mué, ressemblent sou- 


vent aux vieux. 
Deux genres composent cette famille. 


D E L À S À V O jf E . 209 


Lise Gênre : BERGEMONN STE (Moltacill:e). 


Signes caractéristiques : Bec grêle, subulé, cylindrique, droit; mandibule 
a Eee Ar rs entalée ers Je ont: tinfériue 
RU Res an eres o6 eibnese L'ontiei pot BE GoutH bu Bron 
droit, de la longueur du pouce ou un peu plus long. Aïles moyennes. Queue 
longue, à 12 rectrices égales. 

Il est très-juste que des oiseaux qui sé familiari- 
sent avec les bergers, en vivant souvent pêle-mêle 
avec leurs troupeaux, aient recu des naturalistes 
le nom de Bergeronnette, que le vulgaire naïf 
remplace par celui de Bergère ou PE 
Leur dénomination latine, Budytes, adoptée par 
l'illustre Cuvier, n’est pas moins significative ; elle 
désigne de son côté des volatiles naturellement 
portés à accompagner dans les champs ou les prés, 
les bœufs, en se jouant de toutes les manières au 
milieu d’eux, à suivre les sillons qu'ils tracent avec 
la charrue, tout en gobant derrière le laboureur les 
vers et les insectes, qui leur servent de pâture. Les 
noms de foche-Queue et Basse- Quouette qu’on leur 
a aussi donnés, viennent de leur habitude toute 
particulière de balancer presque continuellement 
la queue, qui forme, à elle seule, plus de la moitié 
de leur longueur. 

Les Bergeronnettes se plaisent aux bords des 
ruisseaux et des rivières, dans les plaines, lès prés 
et les lieux humides. Vives, agiles, folâtres et socia- 
bles, elles y vivent souvent en familles ou par 


| 


300 ORNITHOLOGIE 
bandes, courent presque sans relâche après les 
insectes sur le sable ou la glèbe, s’élancent, volent, 
poursuivent les mouches au vol, reviennent à lerre, 
courent, repartentets’entr’appellent. Très-enjouées 
depuis leur pariade jusqu'au renouvellement de la 
mue de la fin de l’été, et excessivement coquettes, 
elles n’ont pas de geste, pas de mouvement, qui ne 
respirent la volupté : remuement continuel et très- 
marqué de haut en bas dans les pennes caudales, 
avec un léger et gracieux balancement de tout le 
corps à la fois, trépidation fréquente dans les ailes, 
accompagnée de quelques coups de gosier, dont la 
cadence est sensible, quoique précipitée, tête molle- 
ment renversée sur l’épaule, regard doux et amou- 
reux, vol lent et parfois tremblotant, surtout dans la 
passion. Elles nichent au milieu des tas de pierres, le 
long des fleuves et des rivières, au pied des buissons, 
dans les herbes, les moissons, et dans les cavités des 
digues ou des murs, qui bordent l’eau. Leurs nids, 
en général, faits le plus simplement possible, con- 
tiennent, à chaque ponte, de 4 à 6 œufs. 

C’est deux fois par an que les Bergeronnettes 
muent, vers la fin de juillet et à la mi-février dans nos 
climats. À cette dernière période, elles ne prennent 


guère de nouvelles couleurs qu'aux plumes de la 
gorge, du cou et de la tête; alors les mâles diffèrent 
des femelles. Mais après la mue de la fin de l'été, il 
est souvent difficile de distinguer les sexes, et les 


DANS ANMOTE. 301 
jeunes de l’année sont semblables aux vieux, ou 
tout au moins aux adultes. 

Nous n’avons en Savoie que trois espèces de 
Bergeronnettes. Le nord et le midi de l’Europe en 
possèdent un plus grand nombre : j'en signalerai 
quelques-unes en décrivant celles de nos localités, 
suivant qu’elles ont avec elles quelques rapports. 


EG. —Bergeronnetée Grise /Motacilla Alba). 


Noms vulgaires : Bergère Grise, la Religieuse, Battiquoua (Battequeue), 
Branlaquoua (Branlequeue), Quouanna. 


Motacilla Alba et Motacilla Cinerea (Gmel.). — La Lavandière (Buff.), un 
individu en livrée de printemps.—La Bergeronnette Grise (Buff.), un sujet en 
plumage d'hiver; le même oiseau sous les noms de Motacilla Alba et Cinerea 
(Cuv.).—Le Hoche- Queue Lavandière (Motacilla Alba), Vieill. — Bergeron- 
nette Grise (Motacilla Alba), Temm., Degl.—Ballerina (Savi). 


Cette Bergeronnette qui a toute l'élégance pos- 
sible dans ses manières et sa parure, est de 18 cent. 
h-6 mill. de longueur totale. La femelle a d’habi- 
tude 6-7 mill. de moins. 

Le mâle, dans sa belle livrée de printemps, est 
d’un blanc pur sur le front, le lorum, les joues et les 
côtés du cou ; la même couleur domine encore depuis 
le bas de la poitrine jusqu'aux couvertures sous- 
caudales : celles-ci sont pareillement blanches. Un 
noir foncé envahit l’occiput, la nuque, la gorge, la 
poitrine, les huit pennes intermédiaires de la queueet 
ses couvertures supérieures; les deux rectrices laté- 
rales sont blanches, mais tachées à leur base de noir, 
quise prolonge diagonalementsur le bordinterne des 


302 ORNITHOLOGIE 

barbes. Les flancs et le dos sont d’un cendré foncé ; 
les couvertures alaires noires, bordées de blanc 
cendré; le bec, l’iris des yeux et les pieds noirs. 

La femelle en plumage de printemps diffère peu 
du mâle : elle a seulement le blanc du front et celui 
des joues moins pur; le noir de la tête à peine moins 
foncé et toujours moins étendu ; les couvertures 
des ailes bordées d’un blanc gris. Au reste, elle lui 
ressemble. 

Le mâle et la femelle, en habit d’automne et d’hi- 
ver, n’offrent pas de différence sensible. Ils sont 
blancs à la gorge et sur le devant du cou; sur la 
poitrine, se dessine un hausse-col d’un noir profond, 
dont les côtés remontent jusqu'aux parties latérales 
de la gorge; le cendré des parties supérieures est 
d’une teinte moins foncée qu'au printemps. C’est 
cette livrée, agréablement variée de blanc, de noir 
et de cendré, qui a valu, dans plusieurs cantons de 
la Savoie, à cette espèce, le nom de Religieuse et 
quelquefois de Sœur Grise. 

Les jeunes des deux sexes, depuis la sortie du nid 
jusqu à la première mue, ont les parties supérieures, 
même la tête et la nuque, d’un cendré terne, fai- 
blement nuancé d’olivâtre ; les sourcils, les joues, 
la gorge, le devant du cou et la poitrine d’un blanc 
sale, presque teinté de jaunâtre; sur la poitrine, 
l’on ne remarque qu’une seule tache cendrée noi- 
ràtre, plus où moins apparchte, qui remonte en 


DE LA SAVOIE. 305 
forme de croissant sur les côtés du cou. Le ventre 
et l'abdomen sont blancs. Le bec est brun foncé; 
l’iris noir ; les tarses sont gris. 

Les jeunes de la première nichée, qui commence 
souvent ici à la fin de mars, se revêtent d’habi- 
tude en automne de la livrée des adultes en habit 
d'hiver que je viens de décrire, à part le noir de fa 
tête qui reste pendant tout l'hiver plus ou moins 
mélangé de cendré. Ceux au contraire de la seconde 
couvée, qui est tardive, ne s’approprient, en muant 
en septembre, que les couleurs des parties infé- 
rieures du corps propres à l’âge adulte ; ils conser- 
vent le cendré sur la tête et à la nuque jusqu'au 
printemps ou à la seconde mue : alors ils se colo- 
rent, comme les vieux et les adultes, de noir à la 
gorge, sur le devant du cou, à la poitrine, sur l’oc- 
ciput et à la nuque. 

Variélé locale : On trouve pendant l’été, sur les 
bords arénacés des torrents, lacs et étangs de 
nos montagnes froides, des Bergeronnettes Grises 
de 14-16 mill. moïns longues que celles qui habi- 
tents alors des localités basses et chaudes. J’en ai 
rencontré quelques paires spécialement le long du 
Chéran en Bauges, de l’Arc en Maurienne et aux 
environs du lac du Mout-Cénis ; avec la taille infé- 
rieure à celle des types de l'espèce, elles ont 
encore le bec ‘un peu plus effilé. et le cendré du 


A 


dessus du corps à peime plus foncé. 


304 ORNITHOLOGIE 


La Bergeronnette Grise est la plus commune des 
Bergeronnettes de nos contrées. Comme la Prin- 
tanière, n° 163, elle est admirable dans son habi- 
tude de suivre les troupeaux dans les pâturages, 
de se promener au milieu d’eux, d’y chasser les 
mouches et autres insectes volants, qui les tour- 
mentent pendant qu'ils paissent. Familière dans 
toute saison, et sans prendre garde à la présence 
des bergers, elle va jusqu’à essayer, même sous 
leurs yeux, de se poser sur le dos des bestiaux ; elle 
veut positivement plaire aux pâtres dans tous ses 
gestes, et surtout en montrant de l'attachement 
pour leurs troupeaux ; c’est de là que lui sont venus 
les noms de Bergeronnelte, Bergerette et Bergère. 
Dans le département du Gard, on la désigne par 
le nom de Gala-Pastré, qui explique bien ses habi- 
tudes ; cette dénomination patoise signifie : qui cher- 
che à plaire aux pâtres dans un but intéresse. En 
effet, cet oiseau trouve, en vivant parmi les trou- 
peaux, une infinité de petits insectes ailés, qu'il ne 
cesse de désirer par instinct. 

La Bergeronnette Grise ne se confie pas seule- 
ment aux bergers, mais aussi au laboureur; elle le 
suit pas à pas derrière la charrue, et ramasse les 
vers, les vermisseaux que le soc laisse à décou- 
vert sur la glèbe. Le chasseur qui l’aborde de 
près ne l’effraye même pas; elle court devant lui 
jusqu'à la première pierre ou motte qu'elle ren- 


DE LA SAVOIE. 309 
contre, et là elle attend encore son approche pour 
se remettre à courir ou à voleter un peu plus loin, 
de tertre en tertre. L'oiseleur l’attire toujours sans 
difficulté dans ses filets, pourvu qu'il y ait fixé une 
de ses semblables pour danseuse ou pour appelante ; 
mais si elle n y découvre pas son espèce, elle ne 
se décide qu'avec peine à se rendre à l'invitation 
qui lui est faite au moyen d’une simple imitation 
de ses cris d’appel avec l’appeau. Quoique privée 
et sociable de son naturel, cette Bergeronnette 
n’aime guère vivre en domesticité; sans doute 
parce qu’elle n’y reçoit pas les aliments qui sont de 
son goût, c’est-à-dire vers, mouches, petites sau- 
terelles, grillons, limaçons, mille-pieds, etc., etc, 
Pourtant, tenue dans une chambre bien aérée, où 
il lui est permis de se livrer à plusieurs de ses ébats 
ordinaires, elle devient divertissante ; elle s’élance 
à chaque instant sur les mouches, sur les mouche- 
rons qui voltigentautour d'elle; elle court après les 
mies de pain, après les morceaux de viande fraiche 
et crue qu’on lui jette; puis aussitôt qu’elle les a 
gobés, elle exprime son contentement en secouant 
à plusieurs reprises successives sa queue, et en 
balançant simultanément son petit corps avec 
grâce. ; 

Les Bergeronnettes Grises s’envolent en grande 
partie de nos climats avant la mauvaise saison, 
et vont se réfugier dans des contrées méridionales 


m, Tin. 920 


Es = _— pd mm + 
a ———_— 


DT PE TE 


TE 


EE EE 


306 ORNITHOLOUGIE 
qu’elles abandonnent au printemps pour retourner 
vers leur patrie. Celles qui ont hiverné chez nous 
s’y apprêtent à nicher sur la fin de mars; celles, 
au contraire, qui ont alors voyagé ne s’adonnent 
guère à cet acte avant le 20 ou le25 avril. D'ailleurs 
elles n'arrivent ici que les derniers jours de mars 
ou les dix premiers jours d'avril. Les couples quise 
fixent dans nos régions alpestres, où ils ne font 
d'habitude qu’une couvée par an, entrent en amour 
au commencement de mai et se propagent vers le 
milieu du mois. 

Le mâle et la femelle travaillent de concert au 
nid ; ils le posent à terre, sous quelque racine, ou 
au pied d’un arbrisseau, d’un tas de pierres recou- 
vert d'herbes, ou sous le gazon, le plus souvent au 
bord des eaux, sous une rive creuse, quelquefois 
dans les piles de bois chargées de cailloux , cou- 
chées le long des rivières et des torrents, ou dans 
les cavités des rochers et des digues; enfin ils 
se reproduisent jusque dans les trous des murs 
des maisons, sous les toits et dans les cheminées, 
quoique éloignés de l’eau. Formé d’herbes sè- 
ches et de menues racines, assez souvent mêlées 
avec un peu de mousse, et que recouvrent en 
dedans les plumes, le crin et la bourre, ce nid 
contient } ou 5 œufs; ils sont blanchâtres ou d’un 
blanc légèrement bleuâtre, garnis de points et de 
petits traits bruns et d’un noiràtre cendré, plus 


D'RPELES ES ANMIOTE 307 
rapprochés vers la grosse extrémité de la coque. 
Suivant l’âge des couples, ils varient considé- 
rablement dans leur forme et leurs dimensions ; 
tantôt ils sont presque piriformes, tantôt pointus 
au petit bout, tantôt oblongs, tantôt enfin à peu 
près ronds. Leur longueur est, en moyenne, de 18 
à 19 mill., sur 44 3 à 15 mill. de largeur diamétrale. 
Le mâle prend part de temps à autre le jour à l’in- 
cubation, alors que sa compagne quitte les œufs 
pour aller se récréer et chercher sa nourriture. 
Quand elle couve, il se tient près du nid. Cher- 
che-t-on sa couvée, il s’eflorce de nous détour- 
ner du lieu qui la recèle, en allant crier ou se 
plaindre tout à l’opposé. Mais lui ravit-on ses 
pelits, sa désolation est au comble : on le voit avec 
sa compagne se précipiter au-devant du ravisseur; 
et tous deux ensemble, en criant de toutes leurs 
forces, ils volèlent autour de cet ennemi, plongent 
parfois jusque vers lui comme pour le frapper, et 
l’accompagnent, sans cesser un instant de réclamer 
leur progéniture, jusqu’à quelquedistance du canton. 

Le père et la mère tiennent toujours propres leurs 
petits dans le nid; non-seulement ils y enlèvent 
leurs excréments, mais encore ils les débarrassent 
des insectes qui pourraient les y incommoder. Dès 
qu'ils les jugent capables de voler assez pour les 
suivre sans risque, ils les emmènent avec eux le 


long des eaux, sur la grève et parmi les buissons ; 


308 ORNITHOLOGIE 


presque tout le jour on les y voit poursuivre et gober 
les insectes pour alimenter cette famille. Mais une 
fois en état de trouver d’elle-même sa subsistance, 
elle vit éloignée de ses auteurs, tantôt par petites 
bandes, tantôt par deux ou trois sujets à la fois, et 
rarement dans la solitude. C’est alors que les père 
et mère entreprennent leur seconde nichée, qui se 
compose de à ou 4 œufs. 

Après les couvées terminées, ces Bergeronnettes 
forment dans nos plaines de petites compagnies de 
» à 8 individus; elles se montrent très-gaies, elles 
multiplient leurs jeux ; elles courent avec rapidité 
dans les sillons, s’entr'appellent, se poursuivent ; 
parfois elles s'élèvent à quelques pieds du sol, se ba- 
lancent un instant en l'air, retombent en pirouettant, 
s’élancent de nouveau et redescendent en faisant 
encore une pirouette ; enfin elles terminent souvent 
ces jeux par une promenade sur la terre fraîchement 
remuée ou dans les sillons, ou bien encore le long 
d’un canal ou de son parapet ; elles marchent toutes 
à petits pas l’une après l’autre, et à chaque fois 
qu'elles s'arrêtent, elles impriment avec la queue 
un battement successif de haut en bas. Par une 
belle matinée, on les y entend souvent babiller 
toutes ensemble, au moyen de petits cris coupés et 
précipités : on croirait alors les entendre s’interro- 
ger et se répondre tour à tour. Après avoir longue- 
ment caqueté et s’être bien diverties, elles se met- 


DE LA SAVOIE. 308 
tent à chercher leur pâture ; elles saisissent à terre 
les petits vers et les limaçons, chassent, gobent les 
mouches au vol et pirouettent en retombant. C'est 
surtout en volant qu’elles font entendre leurs cris 
vifs et redoublés, d’un timbre clair et qui semblent 
exprimer : gui-quit, qui-quit, quit, qui-quit. Ce 
sont des cris de ralliement, puisque les Bergeron- 
nettes qui sont à terre y répondent du même cri, 
de crainte et de frayeur, puisqu'elles les poussent 
encore dans le danger, à l'enlèvement de leurs pe- 
tits, et lorsqu'elles échappent aux serres de l’oiseau 
de proie ou se dépêtrent de quelque engin. Mais au 
printemps, les mâles ont un ramage doux, vif, qui 
plaît par sa gaieté et sa variété; ils le poussent 
soit de terre, soit du bout d’une pierre ou des toits 
et des cheminées, quelquefois en se jouant dans les 
airs, au-dessus de leurs compagnes. 

Les Bergeronnettes Grises volent par saccades 
ou par élans et par bonds successifs. La queue leur 
est alors très-utile, surtout dans les changements de 
direction ; elles la remuent horizontalement, mou- 
vement différent de celui qu’elles lui font subir 
quand elles sont posées, qui est perpendiculaire de 
haut en bas. Leurs migrations ou passages durent 
longtemps en Savoie; ils commencent vers la fin 
d’août et finissent au froid, mais c’est principale- 
ment dès la mi-septembre jusqu'aux gelées blan- 
ches d’octobre qu'ils sont très-abondants, 


310 ORNITHOLOGIE 

Pour changer de climat, ces oiseaux se groupent 
dans les champs ou sur les bords des eaux, où ils 
ont vécu le jour, et prennent tous ensemble leur 
essor une heure environ avant le coucher du soleil, 
Mais aussitôt que cet astre disparaît de l'horizon, 
ils S’abattent dans les saussaies, dans les jonchaies, 
sur les arbres touffus qui bordent l’eau, même sur 
les toits dans les villes. Souvent ils y font du va- 
carme jusqu’à la nuit, en rappelant leurs congénères 
qu'ils voient ou entendent passer, en folâtrant, se 
poursuivant et se becquetant. Pour dormir, ils se 
cachent dans le feuillage, dans des trous de mur, 
dans les cheminées, jusque sous les tuiles creuses 
ou sous les ardoises soulevées. À laube du jour, 
au premier signal, toute la troupe éveillée reprend 
le vol en répétant ses cris d'appel ordinaires, conti- 
nue sa route et se jette, après le lever du soleil, 
dans les champs ou les prairies qu'elle découvre ; 
elle s’y nourrit, se repose, et n’en part guère que 
le soir, à l'approche de la nuit. 

Cependant toutes les Bergeronnettes Grises ne 
quittent pas nos pays avant le froid. Plusieurs, réu- 
nies par paires ou en petites bandes de 3 à 5 indi- 
vidus, y séjournent pendant tout l'hiver. Elles 
hantent les bords des torrents, des rivières, des 
canaux, et les prairies les plus arrosées; on les y 
voit, comme pendant la saison des beaux jours, cou- 
rir avec légèreté sur la grève ou la vase, entrer 


D'EVDALSATVOTÉ. 311 
parfois dans l’eau jusqu’au ventre pour ÿ saisir un 
ver, un petit coquillage. Quand le vent du nord 
souffle avec violence, elles perdent un peu de leur 
vivacité naturelle ; elles se jettent le long des fos- 
sés, des canaux destinés à arroser les prés, auprès 
des bassins de fontaine, des fondrières, des sources 
d’eau chaude, et dans d’autres lieux humides à l’abri 
du vent. Ÿ trouvent-elles des laveuses, elles témoi- 
gnent par leurs cris et gestes leur joie de voir ces 
femmes; tout le jour elles rôdent autour d'elles, 
courent après la moindre mie de pain qu'elles lais- 
sent tomber dans l’eau, et reviennent se jucher tout 
près d'elles : on dirait, à les voir alors secouer la 
queue, qu’elles cherchent à imiter le mouvement 
des laveuses pour battre le linge. C’est de là que 
dés anciens naturalistes ont tiré le nom de Lavan- 
dière, qui fut spécialement réservé pour la Berge- 
ronnette Grise. 


N. B. Je n'ai jamais rencontré dans nos contrées, ni sur leurs 
confins, la Bergeronnette Lugubre (Motacilla Lugubris, Pallas) et 
la B, Yarrel (Motacilla Y'arrelli, Bonaparte). Ces deux oiseaux, 
que l’on remarque surtout dans le nord de l’Europe, diffèrent 
de la Bergeronnette Grise en livrée d'été spécialement par le noir 
profond de toutes leurs parties supérieures, même du dos, où 
celle-ci est d'un cendré foncé, et par leurs flancs cendrés noi- 
râtres, ou noirs, ou ardoisés, d'après l’âge des individus. Ils ont 
en outre, pour distinction, la bordure des ailes et de leurs cou- 


vertures d’un blanc pur ; néanmoins elle se trouve toujours plus 
large chez la Bergeronnette Yarrel que chez la B. Lugubre. En 
hiver, cette dernière a le dos revêtu de gris foncé ; la première, 
d’un noir mélangé ou tapiré de cendré, ou bien encore de cou- 


312 ORNITHOLOGIE 


leur ardoise, suivant son âge. Les franges, d’un blanc pur, de 
lcurs ailes servent encore alors pour les faire distinguer de la 
Bergeronnette Grise : elles sont chez celle-ci d’un blanc gris ou 
d’un blanc cendré, et plus étroites. 

T1 peut arriver que l’on parvienne par la suite à découvrir ces 
deux Bergeronnettes en Savoie, surtout en hiver ou à l'approche 
du printemps quand elles se livrent à leurs voyages périodi- 
ques; c’est dans cette prévision et pour contribuer à les faire 
reconnaître que je viens d’en donner la description. 


162. Bergeronnette Jaune /Moïacilla Boarula). 


Noms vulgaires: Bergère Grande-Queue, Quoussette, Quouatta, Quouanna, 
Branla-Quouatta. 


La Bergeronnette Jaune (Buff.).—Hoche-Queue Jaune (Motacilla Boarula), 
Vieill.—Bergeronnette Jaune ou Boarule (Motacilla Boarula), Temm., Degl, 
— Cutrettola (Savi). 


Cette Bergeronnette a 19 cent. 4-6 mill. de lon- 
gueur totale. La queue, qui forme la plus grande par- 
tie de sa taille, a, à elle seule, 10 cent. 4 ou 2 mill. | 
et dépasse le bout des ailes de 7 cent. || 

J’ai remarqué pendant les nichées, le long des | 
torrents, auprès des cascades et des usines situées l 
dans nos régions froides et montagneuses, des Ber- 
geronnettes Jaunes qui ont près de 2 cent. de moins | 
en longueur que celles qui se propagent dans des | 
localités inférieures et plus chaudes : les sujets que 
j'ai pu me procurer avaient 17 cent. 6-8 mill. , et ra- 
rement 18 cent. , de longueur totale. M. l'abbé Caire 

fait la même remarque dans les Basses-Alpes, mais 
| | il croit voir de plus une disparité dans le plumage : 
| | le jaune chez le mâle, le cendré des parties supé- 
| 
| 


ORNIT HOLOGIE DE LA SAVOIE 


Passereaux. Motacillidees. 


TL 224 


Lith JiPerrin Chambéry. J Werner del. & Lith. 
(10 à) ergeronnelte jaune. imäle adalte en ele; "307. ral, P510e 
9 7e demäle en hiver. 3-5 Wubi del. espece; or Aa€ | 
6 Ber tu eronnelte Pri ntanière.#2/e adalle au PriRlerps ; fs grnal; 390. 
1-9 Zufsuel espece : QT. ral. 
10 Pipi Richard zen automne sornat PIN Gif de l espece, 2 ral 


DE LA SAVOIE. 315 
rieures du corps chez la femelle, lui paraissent d’une 
teinte différente de celle des couples de la plaine; 
la première couleur étant un peu plus foncée, la 
seconde presque plus claire. Ce savant observateur 
trouve encore leur naturel plus méfiant, plus sau- 
vage. Ces légères différences ne peuvent, à mon 
avis, constituer qu'une variété locale de la Berge- 
ronnette Jaune. 

Comme le précédent, cet oiseau est du nombre 
des Motacillidées qui muent deux fois dans l’année. 
La mue du printemps, qu’il éprouve ici dès la mi- 
février, est surtout notable en ce qu’elle ne change 
guère la couleur qu'à la gorge et sur le devant 
du cou. 

Le mâle, en parfaite livrée d'été, est cendré sur 
les parties supérieures, même sur la tête ; d’un jaune 
nuancé d’olivâtre sur le croupion. Il a les sourcils 
blancs ou blanchâtres ; les pennes alaires noirâtres, 
bordées de blanc et d’un peu d’olivâtre. Les pennes 
de la queue sont aussi noirâtres, à l’exception des 
trois latérales de chaque côté, qui se trouvent plus 
ou moins blanches sur leur longueur : toutefois la 
plus externe est, d'habitude, entièrement blanche. 
Un noir profond, bordé de chaque côté par un trait 
blanc, partant de la racine du bec, couvre la gorge 
et le devant du cou; la poitrine, le milieu du ven- 
tre, l'abdomen et les sous-caudales, sont occupés 
par un jaune pâle, néanmoins plus vif sur les deux 


314 ORNITHOLOUGIE 

dernières parties que sur les premières; les flancs 
portent quelques teintes grises. Le bec et l'iris sont 
bruns, les tarses brunâtres. 

La femelle, au printemps, se garnit aussi de noir 
à la gorge, mais tout en y conservant quelques 
plumes blanchâtres, ou au moins une légère bor- 
dure de cette couleur sur chaque plume noire ; de 
telle sorte que cette partie paraît alors noire et 
variée de blane. On peut encore la reconnaître en 
ce que le cendré de ses parties supérieures et le 
jaune du dessous du corps, sont d’une nuance un 
peu plus claire que chez le mâle. 

Pendant que les deux sexes sont en mue, l’on a 
souvent de la peine à les distinguer l’un de l’autre, 
car les mâles ont, comme les femelles, la gorge à 
la fois garnie de plumes noires et de plumes blan- 
ches ou blanchâtres. 

Le mâle se dépouille de sa parure d'été vers le 
milieu de juillet pour prendre sa livrée d'hiver. Alors 
le noir de la gorge et du devant du cou disparaît, 
et le blanc tirant un peu sur le roux jaunâtre l’y 
remplace; les sourcils deviennent jaunâtres; le 
cendré du dessus du corps se colore très-faiblement 
d’olivâtre; le jaune du ventre, de l'abdomen et des 
couvertures inférieures de la queue, devient encore 
un peu plus pâle que pendant la saison des couvées. 

La femelle ressemble beaucoup au mâle en plu- 
mage d'hiver : seulement ses teintes sont encore 


DHMAV SA VOTE. 315 
moins vives. Les jeunes de l'annee, après leur pre- 
mière mue, ne difièrent point des femelles. 

La Bergeronnette Jaune est de passage en hiver 
dans plusieurs cantons de la France, sédentaire 
dans d’autres; elle ne paraît point s’avancer très- 
avant dans le Nord, pendant ses voyages d'automne 
et d'hiver. Nous la voyons à toute saison en Savoie 
ainsi qu'aux environs de Genève, mais en nombre 
bien inférieur à celui de la Bergeronnette Grise. 

Elle émigre en partie de nos climats vers le com- 
mencement d'octobre ou un peu plus tard, suivant 
que les premières gelces blanches ont été plus ou 
moins précoces. C’est seule à seule ou une à une, 
quelquefois par paires, mâle et femelle, et rarement 
par petites sociélés de trois à cinq individus, 
qu’elle nous quitte chaque année. Elle prend l'essor 
à l’aube du jour, s’élève toujours très-haut et ne 
cesse de jeter pendant le voyage ses cris d'appel : 
bit, bi-bit, bis, bit, qui la font aisément recon- 
naître. Elle vole jusqu’au lever du soleil et plonge 
vers le premier torrent ou ruisseau qu’elle découvre; 
elle s’y alimente, s'envole le soir une ou deux heures 
avant la disparition du soleil, voyage jusqu'à la 
nuit, s’abat de nouveau le long des eaux, et y reste 
abritée jusqu’au commencement de l'aurore. 

Les Bergeronnettes Jaunes qui ne nous quittent 
point pendant l'hiver, se montrent jusqu’à l’inté- 
rieur des villes, dans les rues, les jardins, les basses- 


316 ORNITHOLOGIE 

cours et sur les toits des maisons. Elles hantent 
aussi les bords des bassins de fontaine, des viviers, 
des lavoirs publics, des ruisseaux ou des rivières 
qui charrient les immondices, courent avec légè- 
reté le long de leurs parapets, le long des branches 
horizontales des grands arbres qui les bordent, et 
y font entendre par moments un petit ramage assez 
éclatant ; elles se taisent lorsque le froid est au 
comble, et la terre couverte de neige. Pendant ces 
tristes moments, on ne les voit nulle part plus fré- 
quemment qu'aux alentours des écuries et des fer- 
mes, cherchant dans le fumier les petits insectes, 
les vers qui parfois y fourmillent. Se répandent-elles 
auprès des eaux courantes ou stagnantes, elles y 
entrent sur les bords jusqu’à mi-patte, et y courent 
avec la même célérité que sur le sable après les 
petits insectes aquatiques. Elles vivent aussi de 
menus coquillages, de larves de libellules et de ver- 
misseaux qu'elles saisissent avec adresse dans la 
vase ou parmi les feuilles tombées des arbres, qui 
souvent recouvrent les amas d’eau dormante. A 


l'approche de la nuit, elles se rappellent, se ras- 
semblent en petites sociétés, et vont dormir dans 
quelque fourré, qui longe une rivière ou un tor- 
rent. Chaque soir, à la même heure, elles revien- 
nent à ce gîte. De très-grand matin, la bande 
s’éveille, se sépare et retourne, tout en rappelant, 
vivre dans l'isolement jusqu’au soir, 


DE LA SAVOIE. 31% 
Comme la précédente, la Bergeronnette Jaune 
vole par élans et par bonds successifs, en mouvant 
horizontalement sa grande queue ; comme elle aussi, 
elle a dans cette partie, soit à terre, soit perchée, 
un battement vif et fréquent de haut en bas, qu’ac- 
compagne un léger et gracieux balancement de 
tout le corps. Mais elle est loin d’avoir les mêmes 
affections. La Bergeronnette Grise et la Bergeron- 
nette Printanière aiment les champs, les terres en 
labour, les prairies marécageuses ; elles aiment à 
s'approcher des bergers, à se mêler à leurs trou- 
peaux, à suivre pas à pas l’agriculteur dans les 
sillons qu'il trace avec la charrue; la Bergeron- 
nette Jaune, au contraire, reste toujours fidèle à la 
grève des fleuves, des rivières et des torrents, aux 
lieux rocailleux et humides, aux endroits fangeux, 
enfin aux bords arénacés des lacs, des ruisseaux 
qui coulent lentement, et ne visite guère le séjour 
habituel des premières que lorsqu'elle ne trouve pas 
ailleurs sa pâture. Elle n’est point née comme elles 
pour la société ; elle fuit même celle de ses sem- 
blables ; en effet, c’est le plus souvent solitaire qu’on 
la remarque ici, après le temps des nichées. Si l’on 
rencontre plusieurs sujets de son espèce le long 
d’un torrent, il est rare de les voir groupés plus de 
deux ou trois ensemble, sauf le soir, au soleil cou- 
chant, quand ils retournent ensemble à leur refuge 
de nuit. 


318 ORNITHOLOGIE 

Cette Bergeronnette s’apparie à la fin de l'hiver; 
on en observe déjà des couples sur nos rivages à 
la mi-février. Ils courent à petits pas et avec une 
vivacité agréable après les insectes sur le sable ou 
parmi le gros gravier, s’élancent à chaque instant 
en l’air pour attraper les mouches, les cousins qui 
passent à leur portée, retombent souvent en pi- 
rouettant à terre, où aussitôt ils remettent leur 
queue en mouvement. Quand une paire aborde une 
autre paire, souvent les deux mâles se cherchent 
querelle en se voyant de fort près; le premier qui 
s’élance, donne la chasse à l’autre en jetant des 
cris aigus et précipités. Le mâle qui a fait choix 
de sa compagne vient-il à voir auprès d'elle un de 
ses semblables seul, prompt à lui faire sa cour, 1l 
fond sur lui, le frappe et le repousse de son canton. 

Pour se propager, la Bergeronnette Jaune se re- 
tire le long des fleuves, des rivières, des fossés, 
dans les rocs qu’arrosent des sources, des torrents 
et des cascades, auprès des usines, des moulins 
construits sur eau, dansles digues, les murailles et 
les rochers qui bordent les eaux. Vers le 20 ou le 
90 mars, elle se met en devoir de construire son 
nid. Elle le fait à terre ou sur le sable, dans un pe- 
üit creux qu'elle prépare avant tout, et qu'abritent 
des herbes, un arbrisseau ou des cailloux: elle le 
loge aussi dans une cavité de roc, de mur, dans 
une enfonçure de terre glaise, au bord d’un ruis- 


DE LA SAVOIE. 319 
seau ; quelquefois entre des pierres amoncelées sur 
le rivage, parmi les racines des arbres, des brous- 
sailles qui garnissent le bord de l’eau, sous les voûtes 
d’un pont, sous les toits des moulins, des fabriques, 
ou bien dans les trous de leurs murs. Ce berceau 
est, comme chez la Bergeronneite Grise, composé de 
mousse, d'herbes, de racines fibreuses, que tapis- 
sent en dedans le poil, le crin, la bourre et les plu- 
mes : 5 ou 6 œufs forment la couvée; ils sont habi- 
tuellement pointus à la petite extrémité, larges vers 
le gros bout, d’un blanc sale, et très-tachetés d’une 
sorte de jaunâtre pâle, qui incline presque au rou- 
gcâtre ou à la couleur de chair ; quelquefoisles taches 
offrent, surtout au gros bout, où elles sont plus nom- 
breuses, deux nuances de la même couleur, l’une 
claire, l’autre sombre. Ces œufs ont, en moyenne, 
47 ou 17 mill. ; de long, sur 125 à 13 mill. ; de dia- 
mètre. Pendant que la femelle se livre à l’incuba- 
tion, le mâle veille tout près du nid, au bout d’une 
pierre, d’une roche isolée, ou perché sur quelque 
arbre. Au moindre danger il pousse des cris plain- 
tifs pour en avertir sa compagne ; si c’est quelqu'un 
qui aborde la nichée, il vient au-devant et voltige 
au-dessus de lui en jetant ses cris ordinaires : bi- 
bit, bi-bit, bi, bi-bit; par moments il les précipite, 
selon que le danger paraît imminent : bi-bi-bi-bi- 
bat ; puis un autre cri tout à fait lamentable succède 
à cette trade; il semble qu'il articule : bi, bi, 


320 ORNITHOLOGIE 
bi, en faisant toujours longue la dernière voyelle. 
Cette espèce de Bergeronnette ne fait ici qu’une 
couvée par an, à moins qu’elle ne devienne la proie 
du ravisseur ; la seconde, qui a lieu dans le mois 
après l’enlèvement, se compose ordinairement de 
quatre œufs, rarement de trois. Le père et la mère 
alimentent leurs petits comme la Bergeronnette 
Grise les siens ; ils les élèvent le long des eaux, 
dans le canton de leur première habitation. Mais 
à peine sont-ils capables de trouver et saisir leur 
nourriture, qu’ils les abandonnent. Dès lors ces 
oiseaux vivent presque tous, jeunes ou vieux, soli- 
taires jusqu’à la pariade prochaine. 


163.—Bergeronnectte Printanière /Motacilla Flava. 


Noms vulgaires : Bergère Jaune, Bergère des Prés, Bergère des Marais, 
Bouvière. 


La Bergeronnette de Printemps (Buff.). — Bergerounette de Printemps 
(Budytes Flavus\, Cuv.— Hoche-Queue de Printemps (Motacilla Flara), 
Vieill. — Bergeronnette Printanière (Moiacilla Flava), Temm., Degl.—Stri- 
sciajola (Savi). 


Cette jolie petite espèce de Bergeronnette, nota- 
ble par le beau jaune de ses parties inférieures, est 
la seule qui nous quitte entièrement pendant l'hiver. 
Élésante dans sa taille, dans sa parure, gracieuse 
dans ses manières, jusqu’en marchant, elle charme 
le pâtre, l’agriculteur, tous ceux qui sont à même 
de l’examiner dans les champs ou les pâturages. 

Les mâles, à leur retour au printemps dans nos 
climats, ont 16 cent. 3-4 mill. de longueur totale, 


DE LA SAVOIE. 321 


Ils sont remarquables par le vert olivätre qui oc- 
cupe leurs parties supérieures, sauf la tête et la nu- 
que, où le cendré bleuâtre domine. Une bande sur- 
ciliaire blanche part de la base de la mandibule 
supérieure du bec, et s'étend un peu derrière l'œil; 
une autre dela même couleur, souvent peu distincte 
du jaune des parties latérales de la gorge, prend 
naissance à la mandibule inférieure, et se dilate 
au-dessous de la joue, en se dirigeant presque vers 
le bas de l’orifice des oreilles. Toutes les parties 
inférieures du corps sont envahies par un jaune 
pur, de nuance agréable ; néanmoins parfois des 
individus, surtout des adultes ou des jeunes d’un an, 
portent sur la poitrine quelques mouchetures de 
couleur olivâtre ; mais habituellement elles s’effa- 
cent peu à peu avant la fin de l’été, en s’usant par 
le frottement de l’air et l’action du jour, ou en se 
fondant dans le jaune de la même partie. Les pen- 
nes alaires sont d’un brun noirâtre, bordées, ainsi 
que leurs tectrices, de blanc jaunâtre. Les deux plus 
latérales de la queue sont blanches, avec leurs bar- 
bes intérieures en partie noirâtres ; les huit inter- 
médiaires noires ou presque noirâtres, et lisérées, 
comme les ailes, de blanc jaunâtre. L’iris, le bec 
et les pieds sont noirâtres; l’ongle du pouce très- 
long et peu arqué, proportionnément à ceux des 
doigts antérieurs. 


La vieille femelle, au printemps, est un peu mar- 


me TITI ht 


322 ORNITHOLOGIE 

quée de blanc à la gorge; d’un jaune moins vif sur 
les parties inférieures que dans le mâle. Elle paraît 
en outre presque iavée de cendré sur le vert olivà- 
tre du dessus du corps; sa tête est colorée d’oli- 
vâtre. 

Le mâle, en prenant à la fin de l'été sa livrée 
d'automne et d'hiver, se nuance d’olivâtre sur le 
sommet de la tête et à la nuque, tout en perdant 
beaucoup de la pureté et de la vivacité du jaune 
qui recouvre ses parties inférieures. 

Les jeunes de l'annee, après la mue, ressemblent 
aux femelles. Is sont d’un blanc jaunâtre en dessous, 
et fréquemment marqués de petits traits ou de 
quelques taches brunâtres, surtout à la poitrine et 
sur les côtés du cou; c’est par ces mouchetures qu'ils 
diffèrent un peu des femelles en robe d'automne. 

En sortant du nid, le dessus de leur tête et toutes 
les parties supérieures offrent un mélange de Jau- 
nâtre, de gris et de cendré; sur les parties latérales 
de la gorge et du cou, sur la poitrine qui est jau- 
nâtre, ils portent de petits traits longitudinaux, ou 
des taches brunes ou d’un brun roussâtre ; c’est un 
blanchâtre glacé çà et là de jaunâtre, qui prédo- 
mine sur le reste du dessous du corps. 

La Bergeronnette Printanière fréquente pendant 
la saison des beaux jours presque tous les pays de 
l’Europe. Elle passe en grand nombre tous les ans 
en Suisse et en Savoie, au printemps et en automne; 


DE LA SAVOIE. 329 
mais elle n’y niche que dans les régions basses, où 
elle trouve des prairies, des marécages et des 
champs humides qui bordent des rivières. Nous la 
voyons ici arriver par petites troupes, assez sou- 
vent par paires, mâle et femelle, aux premiers jours 
d'avril ,rarement plus tôt, à moins que le printemps 
ne soit très-précoce. Elle part en septembre, en 
même temps que le Pipi des Buissons (vulgaire- 
ment Becfique et Veinette); aux premiers frimas 
d'octobre, elle est excessivement rare chez nous.On 
la rencontre alors commune dans les contrées chau- 
des et marécageuses de l'Afrique. 

C’est d'habitude le matin et le soir, à l'entrée de 
la nuit, qu’on la voit passer en troupes dans nos 
plaines. Aussitôt que la nuit menace de la surpren- 
dre , elle plonge perpendiculairement vers le sol, 
et se cache dans quelque fourré. De jour, elle s’abat 
sur les champs découverts, spécialement sur les 
terres qu'on laboure ou qu’on ensemence, s’y nour- 
rit de vers, de petites larves et d'insectes, se re- 
pose quelques moments, s'envole et va à la décou- 
verte des prairies et des marais, qu’elle n’aban- 
donne plus qu'après les nichées terminées. C’est 
dans ces lieux que ces bandes se dissolvent pour 
s’assortir par paires. Le mâle, épris d'amour, com- 
mence à tourner gracieusement autour de la fe- 
melle qu’il cherche à se choisir pour compagne ; 
celle-ci agrée-t-elle ses premiers transports, à l'in- 


324 ORNITHOLOGIE 

stant même celui-là renfle légèrement les plumes de 
sa gorge, de son cou, même celles du dos, passe 
à plusieurs reprises devant elle en étalant tous ses 
charmes , les pennes caudales relevées et les ailes 
presque traînantes ; et la femelle de répondre à ses 
gestes, à ses agaceries par quelques mouvements 
prompts et lascifs; et le couple de se livrer aux 
voluptés. 

La Bergeronnette Printanière ne fait en Savoie 
qu’une seule couvée. Elle construit son nid à la fin 
d'avril ou dans les dix premiers jours de mai, et le 
place toujours à terre ; soit dans les blés situés aux 
bords desrivières, soit dans les herbes au milieu des 
prés arrosés ou aux alentours des marais, soit au 
pied d’une plante épaisse, ou sous une motte deterre 
et de gazon sur le bord d’un fossé. Quelquefois elle 
s’approprie dans ces lieux ces petites boules de 
mousses et de filaments d’herbes hachés, que l’on 
remarque souvent à terre dans des trous où se 
sont retirés quelque bourdon afin d'y déposer ses 
œufs , quelque musaraigne ou arvicole pendant 
l’hiver ; alors elle se prépare un nid en quelques 
heures , le façonnant sur place avec les matériaux 
qu’elle: y trouve. Mais le plus souvent elle se pré- 
pare elle-même, à l’aide du bec, un petit creux 
qu’elle remplit ensuite de mousses sèches, de brins 
d'herbes et de duvet de plantes printanières. Ces 
matières mélangées forment un petit nid élégant, 


DE LA SAVOIE. 325 
en forme de coupe, et matelassé en dedans de 
crins, de poils, de plumes et de filaments de 
plantes ; mais elles sont si peu serrées qu’elles ne 
se tiennent point fermes sur les bords, ni même au 
fond ; de telle sorte que, pour conserver ce nid en 
le prenant, on est obligé de couper la terre qui le 
retient, le supporte, ou les herbes, les racines qui 
l'entourent, et de tout emporter à la fois. 

La ponte consiste en 5 ou 6 œufs arrondis, un 
peu pointus vers le petit bout, longs de 15 : ou 
16 millim., et larges de 13 ou 13 mill. 1. Leur cou- 
leur est tantôt d’un blanchâtre nuancé de roussâtre, 
tantôt d’un blanc glacé d'un olive verdâtre, et cou- 
verts de petites taches un peu plus foncées, d’habi- 
tude très-rapprochées, et qui se fondent souvent 
avec le fond de la coquille; quelquefois on re- 
marque sur la grosse extrémité un, deux ou trois 
petits traits noirs, très-fins, assez allongés et par- 
fois en zigzag. Ces œufs éclosent après quinze jours 
d’incubation, et pendant que la femelle les couve, 
le mâle cherche ses vivres, les lui apporte au bout 
du bec dans le nid; la becquée donnée, il monte 
près de sa compagne sur une pierre ou au bout 
d’un rameau, d’un brin de chaume, ou bien à la 
sommité d’un jonc, d’un roseau et de quelque autre 
plante capable de le supporter. Là, il se plaît à ré- 
péter ses cris aigus: fait, fzit, fzut, faut, qu'il 
varie parfois par un autre cri plus prompt : pir 


326 ORNITHOLOGIE 
ou pt, soit qu'il veuille annoncer sa présence à la 
couveuse, soit qu'il ait à l’avertir de l’approche de 
quelque ennemi. Ges cris sont différents de celui 
qu’il pousse dans d'autres circonstances, surtout 
en volant et pendant ses voyages; ce dernier, qui 
est le cri d'appel et de ralliement, articule bien à 
peu près les mêmes syllabes que le premier, maisil 
les profère d’une voix plus douce, presque flütée. 
Pleins d'affection pour leur nichée, le père et la 
mère consacrent de concert le jour entier à lui cher- 
cher sa pâture, à lui apporter alternativement les 
vers, les vermisseaux, les petites sauterelles, les 
chenilles rases, les tout petits limaçons nus qui la 
composent, Impatients de former cette petite fa- 
mille à leur manière de vivre quelquefois en société 
des bergers et de leurs troupeaux, ils amènent, dès 
qu’elle commence à pouvoir voler, jusqu'au milieu 
des moutons et des vaches qu’ils aperçoivent dans 
le canton. Là, ils se jouent avec elle de toutes les 
façons, jusque sous les pieds des bestiaux; ils 
débarrassent ces troupeaux des mouches et d’autres 
petits insectes ailés qui s’acharnent à venir les im- 
portuner dans les pâturages, les gobent au passage 
et en alimentent leur progéniture. [ls ne la quittent 
point après son éducation terminée ; souventils sont 
encore avec elle quand ils émigrent de nos climats. 
Après les foins coupés, les Bergeronnettes Prin- 
tanières abandonnent par moments les prairies et 


DE LA SAVOIE. 327 
les abords des marais, se réunissent quelquefois plu- 
sieurs nichées ensemble, forment des troupes innom- 
brables, et se répandent dans les champs des lieux 
circonvoisins. Découvrent-elles, en les parcourant, 
une friche, une jachère occupées par un troupeau 
de moutons qui broutent, elles y tombent d’aplomb, 
se posent au milieu des brebis, sans s'inquiéter de 
la présence des bergers. À l'instant même elles 
babillent, se divertissent, s’agacent, se poursuivent, 
volent à peu de distance, reviennent au trou- 
peau, se rallient autour de lui et y font à l’envi la 
chasse aux mouches, aux moucherons qui lui sont 
à charge continuelle. Comme les Bergeronneltes 
Grises, elles aiment aussi suivre la charrue, se te- 
nant tantôt derrière le laboureur , tantôt à côté 
des bœufs, et saisissant à tout moment sur la glèbe 
vers, larves ou menus insectes que le soc met 
à découvert. On les voit en plaine de grand matin 
jusque vers neuf ou dix heures; alors elles retour- 
nent, si le temps est chaud, dans des lieux humides 
et ombreux; puis elles les quittent le soir pour 
aller se répandre de nouveau dans les champs, où 
elles arrivent presque en même temps que les trou- 
peaux de moutons. Restent-elles en plaine pendant 
la chaleur du jour, elles se cachent à l’ombre dans 
les moissons, et surtout dans les champs de maïs, 
de luzerne, de sarrasin et de pommes de terre. Pour 
se désaltérer, elles y boivent les gouttes de rosée 


328 ORNITHOLOGIE 

qui filent le long des feuilles ; le soir, elles retour- 
nent aux vivressur les terres qu’on laboure ou dont 
on arrache les mauvaises herbes. 

La Bergeronnette Printanière se précipite sans 
défiance dans les filets, pourvu qu'elle y découvre 
une de ses semblables; mais elle est si leste, que 
souvent elle passe à travers les mailles, ou glisse 
entre les doigts. Quoiqu’elle soit parvenue à se dé- 
pêtrer d’un filet, elle y retombe souvent quelques 
instants après avec la même confiance que la pre- 
mière fois. Nos oiseleurs imitent généralement bien 
avec l’appeau son cri d'appel ; aussi, ils l’attirent 
aisément dans leurs piéges, sans qu'ils aient pour 
cela besoin d’une de l’espèce pour appelante ou 
pour danseuse. Sa chair est, comme celle des deux 
premières, un bon manger. 


N. B. La Bergeronnette Flavéole (Motacilla Flaveola), dont 
M. Gould fit découverte en Angleterre, n’a point encore été vue 
ni en Suisse ni en Savoie. M. Crespon l’a rencontrée en été dans 
le département du Gard et dans celui de l’Hérault. M. de Selys- 
Longchamps l’a signalée comme étant de passage au printemps 
et en automne dans les environs de Lille, d'Amiens et de Dunker- 
que. Elle diffère de la Bergeronnette Printanière surtout par ses 
larges sourcils d’un beau jaune, et par le dessus de la tête, la 
nuque, le dos et lecroupion d'un jaune nuancé d’olivâtre : cette 
dernière, comme nous venons de le voir, a les sourcils blancs ou 
d’un blanc jaunâtre, suivant l’âge; la tête d’un cendré bleuâtre, 
et les autres parties du dessus du corps d’un vert olivâtre. Mais 
les mœurs etles habitudes sont les mêmes chez ces deux espèces, 
qui se mêlent ensemble lors de leurs voyages. 

La Bergeronnette à Tête Grise (Motacilla Cinereocapillu, Savi) 
et la Bergeronnette Mélanocéphale (Motacilla Menalocephala, 
Licht.) ont aussi jusqu’à présent échappé à mes recherches en 
Savoie. La première, que des naturalistes admettent comme une 


DE LA SAVOTE, 329 


race locale de la Bergeronnette Printanière, propre au midi de 
l’Europe, diffère de celle-ci absolument en ce qu’elle a la gorge 
blanche et le dessus de la tête couleur de plomb, sans bande 
sourciliaire. Elle paraît commune en Italie. 

La seconde, soit la Bergeronnette Mélanocéphale, que des 
ornithologistes sont portés à regarder comme une race propre 
à l'Afrique, se distingue de la Bergeronnette Printanière par le 
manque de sourcils et surtout par le noir profond qui occupe 
tout le dessus de la tête, même les joues. Elle se trouve en Dal- 
matie, au Caucase, en Égypte et en Italie. J’ai reçu sa dépouille 
de l’Afrique ; elle figure dans ma collection avec les précédentes 
que M. Edm. Fairmaire, de Paris, s'empressa de me procurer 
en 1850. 


LA Gemre : PAPE ( fooihes). 


Caractères génériques : Bec AS droit, presque glabre à la racine, un peu 
cylindrique, à bords fléchis en dedans, vers le milieu, et très-légèrement i in- 
cliné à la pointe; mandibule supérieure échancrée à son extrémité, un peu 
plus longue que l'inférieure. Narines basales, latérales, à moitié fermées par 
une membrane. Langue se terminant en fourche et cartilagineuse. Ailes allon- 
gées, sans penne bâtarde ; une ou deux pennes secondaires de l'aile, les plus 
près du dos, presque aussi longues que les primaires. Tarses nus, annelés. 
Doigt intermédiaire soudé à sa base avec l'extérieur. Ongle du pouce arqué 
ou presque droit et plus leng que le doigt, excepté chez le Pipi des Buissons. 
Queue longue, formée de douze pennes. 


Les Pipis sont des volatiles généralement connus 
en Savoie, où ils portent les noms vulgaires de Bec- 
fique, Vinette et Veinette ; c’est aussi sous ces déno- 
minations que les gourmets les recherchent en au- 
tomne, pour la saveur de leur chair. Longtemps 
confondus avec les Alouettes, par rapport à la lon- 
sueur de l’ongle du pouce, à leurs habitudes ter- 
restres et à la teinte presque uniforme de leur plu- 
mage, ils en furent distraits par MM. Bechstein et 
Meyer, qui les premiers en firent un genre à part 
ce genre fut approuvé par les naturalistes qui vin- 


330 ORNITHOLOGIE 

rent après. Les Pipis diffèrent essentiellement des 
Alouettes par leur bec grêle et échancré à la pointe, 
par la forme conique de leur tête, par la longueur 
de leurs pennes caudales, enfin par leur genre de 
vie insectivore. Ces caractères réunis et la taille 
svelte leur donnent beaucoup plus de rapports 
avec les Bergeronnettes; mais ils s’en éloignent 
par les ongles et les couleurs de leur livrée : 
celles-ci, loin d’être disposées par masses, comme 
chez elles, le sont plutôt dans le système de colora- 
lion des Alouettes. Ils n’ont pas dans la queue, 
comme les premières, un mouvement continuel de 
haut en bas, nileur vol rapide et ondulatoire , ou 
par élans et par bonds. Leur queue n’a qu’un léger 
battement de haut en bas, lent et moins fréquent 
que chez les Bergeronnettes. 

Les Pipis, en général, sont nomades; leur plus 
grand nombre ne séjourne ici que depuis le prin- 
temps jusqu’au commencement de l’automne. Ils 
aiment les lieux découverts, champs cultivés, prés 
et prairies artificielles. C’est presque toujours à 
terre qu’on les remarque, quoiqu’ils aient la faculté 
de percher sur les arbres, ce qui est étranger à la 
plupart de nos Aloueltes. Comme elles, ils chantent 
au printemps en volant ou en planant; mais ils com- 
mencent leur ramage étant perchés ou en s’élançant 
de quelque point élevé ou de terre ; ils le continuent 
en montant obliquement dans l'air, et retombent, 


DE LA SAVOIE. 331 
avec les ailes épanouies et en chantant, sur Île sol 
ou sur la branche d’où ils sont partis. Leur ramage 
est habituellement toujours le même; cependant 
il plaît à ceux qui l’entendent, par son articulation 
nette et rapide; toutefois sa vitesse semble se confor- 
mer à la progression ou au ralentissement du vol. 

Pour s’adonner à la reproduction, ces oiseaux 
recherchent dans nos collines ou nos Alpes, soit 
dans leurs pentes soit sur leurs plateaux, les endroits 
parsemés de broussailles , les terrains arides et 
pierreux, les bruyères et quelquefois les abords des 
forêts humides. [ls couvent à terre parmi les pierres, 
dans les herbes ou au pied des arbrisseaux. Leur 
nourriture consiste en vers, petits limaçons, insectes, 
mouches, sauterelles et en petites araignées. Ils 
éprouvent une double mue ; la première, qui a lieu 
en mars, quelquefois à la fin de février, donne d’ha- 
bitude, aux mâles surtout, quelques teintes diffé- 
rentes de celles de la livrée qui l’a précédée; la 
deuxième, qui apporte avec elle le plumage d’au- 
tomme et d'hiver, commence vers la mi-juillet; un 
mois après, elle atteint les jeunes de l’année. | 

Nous comptons en Suisse et en Savoie, pendant 
l'été ou l'automne, cinq espèces de Pipis. 


332 ORNTITEHOLOGIE 


164.—Pipi Richard /Anthus Richardi). 


Noms vulgaires : Grosse Veinelle, Griveletie, Piapia, comme le Pipi 
Rousseline, no 165, avec lequel on le confond. 


Pipi Richard (Anthus Richardi), Vieill., Temm., Roux, Degland.—Anthus 
Richardi (Farlouse Richard), de S.-Longch. 


M. Vieillot dédia ce Pipi à M. Richard, de Lu- 
néville, qui le lui fit connaître. M. Duchesne de 
Lamotte, d’Abbeville, contribua à cette précieuse 
découverte; il remit à M. Vieillot l'individu qu’il 
avait depuis longtemps avant capturé en Picardie ; 
puis un autre à M. Temminck, qui en traça la figure 
dans ses planches. 

Le Pipi Richard, que nos chasseurs aux filets 
confondent facilement avec le Pipi Rousseline, dont 
il a le cri, seulement plus fort, et presque la même 
distribution dans les couleurs, est de 18 cent. 
2-3 mill. de longueur totale. 

Le mâle, en livrée d'automne, est brun sur toutes 
les parties supérieures du corps, et bordé de rous- 
sâtre sur chaque plume; ses joues sont d’un brun 
nuancé de roux. Îl possède un trait blanchâtre qui 
part de l'œil et s'étend au-dessus de la région des 
oreilles, puis un autre tout petit, brun, situé entre 
le bec et l’œil, et entouré par de petites plumes blan- 
châtres. Quelques taches noirâtres prennent nais- 


sance au coin du bec, descendent sur les côtés du 


cou, viennent se confondre avec les taches lancéo- 
les et noirâtres, dont la poitrine est parsemce. Le 


DE LA SAVOIE. 333 
blanc plus ou moins pur, suivant l’âge des sujets, 
domine à la gorge, sur les côtés du cou, au milieu 
du ventre et à l'abdomen ; mais il est teinté de rous- 
sâtre sur les flancs et les sous-caudales, quelquefois 
aussi sur les parties latérales de la poitrine. Les 
ailes sont noirâtres, largement bordées de blanc 
roussâtre. La queue aussi est noirâtre, et lisérée de 
roussâtre sur les deux pennes intermédiaires qui 
paraissent plus étroites que les latérales ; les deux 
de chaque côté sont blanches sur les barbes exté- 
rieures, et brunes sur les intérieures. Les tarses 
couleur de chair et très-longs; l’ongle du pouce est 
un peu arqué, plus long que le doigt du milieu; il 
a, y compris le pouce, 2 cent. 6-7 mill. de lon- 
œueur. Le bec est couleur de corne à sa base, noir 
ou noirâtre dans le reste ; l’iris brun foncé. 

La femelle ne diffère guère du mâle que par ses 
parties inférieures, qui sont moins lavées de rous- 
satre. 

Les jeunes de l'an, à la mue de la fin de l'été, ont 
le dessus de la tête et le dos noirâtres, et chaque 
plume bordée et terminée de roussâtre. Cette der- 
nière couleur prédomine à la nuque et au cou; l’on 
n’y découvre qu'un petit trait brun sur le centre 
des plumes. Le roussâtre règne encore devant le 
cou, à la poitrine, aux flancs, sur les couvertures 
inférieures de la queue; les taches de la poitrine 
sont oblongues, presque nojrâtres, un peu plus 


ne 5 LL 2 ns. - 


334 ORNITHOLOGIE 


larges que chez les vieux. La gorge et le milieu du 
ventre sont blancs. L’ongle du doigt postérieur est 
d'habitude de 5-7 mill. moins long que dans les 
adultes et les vieux, presque droit ou à peine 
fléchi. 

Le Pipi Richard habite l'Espagne, le midi de 
l’Allemagne et les environs de Vienne en Autriche: 
on le rencontre aussi en France, mais plutôt dans 
le midi que dans le nord. Il est rare en Savoie : je 
l’y ai vu seulement dès les premiers jours de sep- 
tembre jusque vers la mi-octobre, et encore en 
très-petite quantité et toujours solitaire. Il fuit nos 
localités avant les gelées blanches, et va hiverner 
dans les climats chauds. 

Quoique je n’aie point encore réussi à observer 
cet oiseau dans notre territoire pendant la saison 
des couvées, j’ai pourtant presque !a conviction 
qu'il s’y est reproduit quelquefois. En effet, dans 
une excursion que je fis, en juin 1846, vers les 
forêts de Saint-Michel-des-Déserts, un berger m'ap- 
porta dans un chalet un nid de Pipi qu'il venait de 
prendre à terre, dans une prairie voisine, parsemée 
de petits buissons. Ce nid, qui était un peu plus 
volumineux que ceux de tous les Pipis qui se pro- 
pagent chez nous, composé extérieurement de 
mousse mélangée avec des filaments d’herbes 
sèches, et garni en dedans de poils et de quelques 
petits flocons de laine de mouton, contenait à œufs 


DE LA SAVOIE. 339 


que je conserve encore. Ils n’ont aucun rapport 
dans les couleurs avec ceux du Pipi Spioncelle, du 
Rousseline et du Pipi des Buissons ; ils sont un peu 
plus gros, presque arrondis vers le petit bout, à 
coque faiblement luisante, et parsemés de nombreu- 
ses taches irrégulières, d’un brun inclinant çà et là 
au rougeàtre, et si serrées autour de la grosse extré- 
mité que la couleur du fond, qui est blanchâtre, 
s'aperçoit à peine. Leur longueur est de 2 cent, 
2 m. +, et leur largeur de 415 + à 16 mill. Je les ai 
examinés avec quelques ornithologistes, qui furent 
d'avis qu’ils provenaient d’un couple de Pipi Ri- 
chard. 

C’est toujours de grand matin que cêtte espèce 
passe ici en automne. Après le lever du soleil, on 
la trouve sur les champs découverts, parfois dans 
les vignes, mais de préférence sur les guérets, dans 
les friches, dans les lieux pierreux et rapprochés de 
la plaine. Elle y court avec autant de vitesse que 
les Bergeronneites après les insectes, vers, saute- 
réelles, grillons qu’elle voit fuir devant elle; quel- 
quefois il lui arrive aussi de saisir les mouches et 
les gros moucherons au vol, quand ils passent à la 
portée de son bec. De temps à autre, on la découvre 
au bout des tas de terre et de petits cailloux qu’elle 
rencontre dans ses trajets; elle y reste quelques 
instants en repos, balançant seulement sa queue 
d’un mouvement de haut en bas, plus lent et toute- 


330 ORNITHOLOGIE 
fois moins apparent que celui des Bergeronnettes. 
Comme plusieurs de ses congénères, elle monte sur 
les tas de paille, de maïs et de pois, où elle demeure 
très-tranquille. Par moments, elle visite aussi le 
chaume qui recouvre les granges situées au milieu 
des terres ; là, elle poursuit aussi vite que sur le sol 
les insectes qui s’y rendent le matin, pour jouir des 
premières chaleurs solaires. Jamais je ne l’ai obser- 
vée sur les arbres, ni même posée sur des buissons. 
Vers les neuf ou dix heures du matin, quand le 
soleil est trop ardent, le Pipi Richard abandonne 
les lieux découverts, et va se cacher à l’ombre, 
dans les trèfles, les luzernes, les sarrasins et les 
pommes de terre. Vers trois ou quatre heures, sur 
le soir, il revient chercher sa vie sur les terres 
fraîches, sur les champs nus; et un peu avant le 
coucher du soleil, il retourne dans les moissons 
afin de s’y loger pour la nuit; quelquefois il se gîte 
alors derrière une motte de terre ou de gazon. On 
l’aborde assez aisément; son naturel n’est pas fa- 
rouche. En prenant le vol, il lâche d'habitude quel- 
ques cris semblables à ceux du Pipr Rousseline , 
mais plus graves, plus forts, et qui le font distinguer 
de loin : par ces cris, il semble articuler les mots : 
piet, piet, piet-piet, piet-piet-piet. Nos oiseleurs 
le réclament absolument de la même manière que 
ce dernier, et ils le prennent aussi facilement que 
lui dans leurs filets, pourvu qu'ils soient munis 


DE LA SAVOIE. 337 
d’une À louelle ou d’un Pig des Buissons (vulg., Bec- 
fique) pour danseurs. Son vol est plus lourd que 
chez les autres Pipis; 1l ressemble plutôt à celui 
d’une Alouette que d’un Pipi. Sa chair, qui se 
charge de graisse en automne, est un morceau 
très-délicat,. 


1653.—pPipi Rousseline /Anihus Rufescens). 


Noms vulgaires : Piapial, à cause de son cri d'appel ordinaire; Veinette 
Grande Veinette. 


noue Ad Camprtts Eu dun 
D NÉ — Calandro (Savi). — Pipi Rousseline (Anthus Cam- 

Ce Pipi, que le chasseur, ici, est très-porté à 
confondre avec le Pipi des Buissons (Becfique), 
a 17 centim. de longueur. Cependant son cri, ses 
teintes roussâtres ou isabelle, l’en font facilement 
distinguer au premier aperçu. 

Le mâle, en automne, a les parties supérieures 
du corps d’un gris isabelle, avec une teinte brune, 
assez légère, sur le milieu des plumes ; les pennes 
alaires d’une nuance brune, plus foncée, et large- 
ment bordées de roux isabelle; la queue presque 
noirâtre ; mais la penne la plus extérieure presque 
entièrement blanchâtre, la seconde en partie d’un 
blanc roussâtre, et les deux du milieu lisérées du 
même. Les joues sont d’un roux clair : la bande 
surciliaire, qui est large, d’un blanc à peine lavé 
de roussâtre. Un blanc glacé d’isabelle occupe la 


DATENT. 29 


338 ORNITHOLOGIE 

gorge, le ventre et l'abdomen : l’isabelle est plus 
foncé sur la poitrine, où se trouvent quelques traits 
brunûtres, irrégulièrement distribués, puis sur les 
flancs et les sous-caudales. Trois raies brunes 
parent les côtés de la tête : la première prend nais- 
sance au coin du bec et s'étend sur les yeux; la 
seconde passe au-dessous de la joue; la troisième 
descend le long du cou. Le bec est allongé, ro- 
buste, brun foncé, avec sa base d’un ton jaunâtre ; 
l'iris des yeux couleur noisette ; les tarses inclinent 
au jaunâtre ; l’ongle du pouce est d'habitude sen- 
siblement plus court que le doigt, et un peu ar- 
qué. 

La femelle est semblable au mâle: ses teintes 
sont seulement plus faibles. 

Chez les deux sexes, au printemps, le gris isa- 
belle des parties supérieures du corps devient d’un 
gris cendré, et le brun du centre des plumes se 
change en brunâtre. Ce n’est plus le blanc rous- 
sâtre ou isabelle qui règne sur le devant du corps 
pendant l’été, mais un blanc ou un blanchâtre uni- 
forme, selon l’âge des sujets ou l’époque de la 
saison; c’est par le frottement, par l’action de 
l'air et l’éclat de la lumière que les couleurs s’af- 
faiblissent de la sorte. On découvre seulement sur 
les côtés du cou, du ventre et vers l'abdomen, une 
nuance rousse, excessivement légère; elle paraît 
plutôt jaunâtre chez quelques individus. 


DE, LA SAVOIE. 339 

Les jeunes, à la sortie du nid, sont jusqu’à la 
mue d’un brun très-foncé en dessus, et Jisérés de 
blanchâtre et de roux clair aux plumes, sauf aux 
pennes alaires, surtout aux secondaires, ainsi 
qu'aux tectrices, dont la bordure est large et d’un 
roux plus foncé. De chaque côté de la gorge des- 
cendent, en forme de moustaches, plusieurs taches 
brunes et allongées. La poitrine est pareillement 
couverte de taches de même couleur; et les flancs 
se trouvent marquetés longitudinalement de noi- 
râire. 

Après la mue, les jeunes sont vêtus de la livrée 
d'automne et d'hiver, décrite au commencement 
de l’article. | 

Le Pipi Rousseline n’est que passager dans nos 
climats pendant la saison des beaux jours, et ja- 
mais commun. Îl passe d’abord en avril, seule- 
ment dans nos pays de plaine et sur les coteaux 
qui les dominent, un à un ou par couples, mâle et 
femelle, et rarement plus de trois ensemble; puis 
en septembre, aux moments des migrations du Pipi 
des Buaissons, quelquefois encore dans les quinze 
premiers jours d'octobre. Pendant ses voyages 
d'automne, on le rencontre assez fréquemment par 
petites sociétés de trois à cinq individus, et alors 
il s'élève jusque dans nos régions alpestres. 

Get oiseau reste toujours en très-petit nombre 
dans ce pays pour se propager ; il préfère pour cet 


340 ORNITHOLOGIE 

acte les contrées méridionales de l'Europe. Chez 
nous, il n'aime alors que les coteaux ou les col- 
lines pierreuses, parsemées d’arbrisseaux ou seu- 
lement de bruyères, et niche sur leurs flancs les 
plus méridionaux. Les coteaux des Charmettes, les 
pierrailles de Lémenc, celles du centre de la mon- 
tagne de l’Épine et de la base du Mont-du-Chat, 
sont, aux environs de Chambéry, presque les 
seules localités où on le trouve établi pendant la 
reproduction. Il y construit son nid dans la pre- 
mière quinzaine de mai, le place toujours à terre, 
sous une motte de gazon ou au pied de quelque 
petit buisson ; quelquefois 1l le cache dans une touffe 
d'herbes ou de plantes, fréquemment parmi les 
bruyères, mais rarement dans les moissons. Com- 
posé de quelques brins de mousse, d'herbes sèches 
et de racines de plantes, ce nid reçoit, sur un ma- 
telas de laine, de crins, de poils et de filaments de 
plantes, o ou 6 œufs; tantôt blanchâtres, tantôt 
d’un blanc légèrement bleuâtre, couverts de petites 
taches, de raies et de traits bruns, violacés et d’un 
roux rembruni. Leur longueur est, en moyenne, 
de 193 à 20 m. 5, sur 45 ou 145 m. + de dia- 
mètre, 

Le mâle de la Rousseline est à peine entré en 
amour, qu'il chante à tout instant de la journée. Il 
ne prend point part à l'incubation, et pendant que 
sa compagne s’y adonne, ilse fait très-fréquemment 


DE LA SAVOIE. 34] 
entendre tout auprès d’elle. De moment en mo- 
ment, il va lui chercher des vivres, qu’il lui apporte 
au bout du bec dans le nid ; puis ensuite il se reinet 
à chanter à la même place qu'auparavant. Son 
ramage est presque uniquement composé des syl- 
labes : zip, zip, zip et z1, 31, 31; il les redit vive- 
ment jusqu'à quinze à vingt fois de suite, sans 
interruption, sur le même ton, en s’élevant d’habi- 
tude obliquement à une hauteur moyenne et en 
retombant presque aussitôt verticalement à terre 
ou sur quelque éminence, sans agiter les ailes, 
qui restent néanmoins ouvertes, et avec la tête 
un peu renversée et la queue étalée; de façon 
qu’en descendant il forme avec les ailes ei le corps 
un fer de flèche, ce qui lui donne un facies vrai- 
ment curieux. On l'entend déjà plus rarement 
pendant l’éducation de ses petits; puis il se tait 
après la mi-juillet, époque à laquelle il commence 
à changer de livrée. Dès lors il ne possède qu’un 
seul cri, particulier aux deux sexes pendant le reste 
de l’année : il est un peu moins fort que celui du 
Pipi Richard, dont il articule toutefois les syllabes 
(pret, ptet, piet-piel). 

A la fin du mois d'août et dans les premiers 
jours de septembre, les Rousselines, qui n’ont cessé 
durant l’été de fréquenter nos collines arides ou les 
régions moyennes et pierreuses de nos montagnes, 
s’abattent vers la plaine, où elles vivent encore 


342 ORNITHOLOGIE 

quelques jours dé préférence sur les terres labou- 
réés. On les observe le matin et le soir tantôt 
solitaires, tantôt deux à trois ensemble. Au milieu 


du jour, et pendant le fort de la chaleur, souvent 


elles regagnent les monticules adjacents ; ou bien 
elles restent en plaine, cachées dans les champs 
énsemencés, rarement dans les herbes des prai- 
ries, Pour s’älimenter, ces oiseaux font continuelle- 
ment la guerre aux vers, Vvermisseaux, mille-pieds; 
petites araignées et aux sauterelles; ils gobent au 
passage les mouches et autres petits insectes vo- 
lants, saisissent sur les tiges d'herbes les plus petits 
limaçoñs et les moucherons qui s’y fixent. Ils se 
perchent beaucoup moins souvent que les Pipis 
Spionceiles ; mais 1ls sont plus agiles à la course. 
IIS m'ont fréquemment paru ässez défiants; car 
souvent, au lieu de S’envoler quand on les aborde, 
ilS Se sauvent en courant avec une extrème vitesse, 
s'arrêtent de temps à autre däns leurs trajets, 
comme pour reconnaître le danger, courent dé 
nouveau, même fort loin, et Se reposent sur quel- 
qué point élevé ; sans douté, pouf mieux voir aïrri- 
ver l’objet de leurs craintes. Leur vol ést très-sem- 
blabte à celui du Pipi des Buissons ; leur chair est 
pareillement savoureuse. 

Tous les ans, dès le 8 ou le 12 septembre, 
nous avons en Savoie uri passage de Roussélines, 
un peu plus abondant que celui du printemps. 


ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE. 


Passereaux. Motacillidées. 


LIL 277 


PR Te AE 
1 Pipi Rousseline 227% er automne; 4 gra VMI-A Gui de lesp;gr nat. 
5 Pipi Spioncelle, ze en de 15 grnat,P.345. 

6 » ) male enliver, 75 Pral. — 78,9 Zu del espece; gr. 22 l. 
10 Pipi Farlouse, 4% au printemps; 18 gr. ral; V. 250! 


EEE rs : = ee _ 
LE ne =. É 


DE LA SAVOIE. 343 
Quand elles voyagent quelques-unes ensemble, 
elles se rappellent fréquemment en volant. Nos 
oiseleurs imitent bien avec l’appeau leur cri d’ap- 
pel ; aussi, les prennent-ils facilement dans leurs 
engins. Après les premières gelées blanches d’oc- 
tobre, nous n’en voyons pas une seule dans notre 
pays. 


AGG. —Pipi Spioncelle /Anthus Aquaticus). 


Noms vulgaires : Becfigue d'Eau, Becfigue des Marais, Becfigue d'Hiver, 
la Falope, Grosse Falope. 


A ee nu dd dunou 
Do De S.-Longch.— Spioncello (Savi).—Pipi Spioncelle 

Ce Pipi est celui que l’oh rencontre communé- 
ment à l’arrière-saison et pendant l'hiver däns nos 
marais, et le long dés eaux qui ne gèlent pas. Sa 
taille ést de 17 cent. 5-6 mill. 

Les deux sexes, en plumage d'hiver, ont les par- 
ties supérieures d’un gris brun olivâtre, presque 
nuancé de cendré sur le cou, avec une teinte plus 
foncée au centre de chaque plume; une bande 
blanchâätre au-dessus des yeux, qui s'étend Jjus- 
qu'aux côtés de la nuque; les couvertures alaires 
bordées et terminées de gris blanc ; les deux pennes 
du milieu de la queue de la couleùr du dos; les 
latérales noires, sauf les deux plus extérieures de 
chaque côté, qui sont marquées vers le bout d’une 
tache blanche, plus ou moins longue. Toutes les 


344 ORNITHOLOGIE 

parties inférieures sont blanches ou blanchâtres : 
chez les jeunes de l’an, elles paraissent presque 
salies de roussâtre, surtout au bas de la gorge et 
au ventre; mais, dans tous les âges, elles portent 
des mèches longitudinales brunes sur les côtés du 
cou, à la poitrine et le long des flancs; toutefois 
ces taches sont plus nombreuses chez les femelles, 
et plus grandes, plus confluentes chez les jeunes 
que chez les vieux : le bec est brun noir: les tarses 
du même ; l'iris noirâtre. 

C'est vers le milieu de mars que les mäles, 
jeunes et vieux, commencent ici à prendre leur 
plumage d’été. Ils se trouvent en pleine mue à la 
fin du mois; et vers le 20 ou le 25 avril, ils sont 
revêtus de leur livrée de noces, qu’ils conservent 
jusqu'aux derniers jours de juillet. 

Pendant cette période, ils ont le dessus de la 
tête, la région des oreilles et la nuque, d’un gris 
bleuâtre ; la même couleur règne encore, mais avec 
moins de pureté, assez souvent mélangée d’un peu 
d’olivâtre, sur les autres parties supérieures du 
corps; et la tache brune du centre des plumes ne 
s’apercçoit alors guère que sur le dos. Le blanc de la 
gorge, du devant du cou, de la poitrine, du haut 
du ventre et des flancs, est coloré d’une teinte rose 
roussâtre, pure et sans taches, ou bien mèchetée 
de brun clair, suivant que les individus habitent 
des hauteurs plus ou moins froides. Ceux qui se 


DE LA SAVOIE. 345 
reproduisent dans nos Alpes, auprès des neiges 
éternelles, ou même sur les flancs septentrionaux 
des montagnes inférieures, ne portent guère qu’une 
faible teinte rose roussâtre sur le devant du corps; 
et cette teinte est plus ou moins variées de taches et 
de mèches brunes. Au contraire, les sujets qui de- 
meurent fixés pendant l'été sur les plateaux des 
montagnes de moyenne élévation ou sur les pentes 
méridionales de quelques-uns de nos monts, n’ont 
point ou presque pas de brun à la poitrine et aux 
flancs ; le rose roussâtre qui y domine, est toujours 
plus vif que chez les premiers. Les couvertures in- 
férieures de la queue restent blanches, de même 
que l’abdomen ; pourtant chez les vieux, cette der- 
nière partie se colore de roux trés-clair. 

Les femelles prennent au printemps, comme les 
mâles, une robe dillérente de celle d'hiver. Chez 
elles, les parties inférieures sont blanches, un peu 
lavées de rose roussäire et plus ou moins mèche- 
tées de brun sur la poitrine et les flancs, d’après 
leur habitat. Quant au dessus du corps, elles res- 
semblent aux mâles; seulement les couleurs y pa- 
raissent encore moins pures. 

Les jeunes, avant la première mue, sont recon— 
naissables par la bande surciliaire: qui est d’un 
blanc jaunâtre, à peine marquée. Celte couleur 
prédomine aussi sur les parties inférieures, surtout 
devant le cou et au ventre, Ils ont les côtés du cou, 


346 ORNITHOLOGIE 

la poitrine et les flancs, chargés de taches brunes, 
oblongues; puis les parties supérieures d’un brun 
olivâtre foncé, et presque chaque plume frangée 
de roussâtre, 

Après la mue, ils sont vêtus de la livrée d’au- 
tomne décrite en tête de l’article; néanmoins ils 
gardent pendant la première année, sur le dessus 
du corps, quelque nuance olivâtre, plus prononcée 
que dans les adultes et les vieux. 

Le Pipi Spioncellé varie accideñtellémént, du- 
rant l'hiver, d’un blahc pur ou d’un blänc mélangé 
avec les couleurs ordinaires ; quelquefois 1l a la tête, 
lé cou, la gorge d’un blanc plus ou moins pur, et le 
reste du plumage comme d’habitude. Il vit toute 
l’année en Suisse et én Savoie, où il est commun. 
Pendant le froid, il fréquente les régions les plus 
basses, court les prés arrosés, les marécages, les 
bords des eaux et des sources qui ne gèlent point, 
Au printemps, il gravit les montagnes, se fixe sur 
leurs plateaux les plus stériles, dans les prairies, 
les bruyères, les lieux pierreux et voisinis de l’eau, 
très-souvent au-dessus de la région des forêts; et 
là il s’adonne à l'acte de la reproduction. Tous les 
ans, il se retire en grand nombre sur le Mont-Gre- 
nier, à l’Alpétaz, au Nivolet, à Margériaz, à Ro- 
zannaz et au Mont-Tréloz en Bauges; puis au 
Mont-Cenis, dans les Alpes de la Maurienne, de la 
Tarentaise, du Haut-Faucigny, etc., etc. 


DE LA SAVOIE. 347 

C'est à la fin de mars et principalement daris les 
quinze premiers jours d'avril que le Pipi Spioncelle 
s'éloigne de la plaine et regagne les contrées 
montagneuses. Il y arrive ordinairement par petites 
compagnies ; mais comme la plupart des hauteurs, 
où 1l doit Se propager, se trouvent encore souvent 
surchargées de neige, il se tient au-dessous dans les 
prés, autour des Sources, dans les pierrailles, qui 
ei sont débarrassécs ; de là, il s'élève peu à peu 
chaque jour, à mesure que les neiges se reculenñt, 
jusqu'à son séjour de prédilection. Les couples se 
forment au commencement de mai, et aussitôt unis 
ils travaillent à la composition de leurs nids. Quant 
à ceux-ci, on les trouve à la cime des montagnes, 
jusqu’auprès des ceintures de neiges perpétuelles : 
tantôt dans des lieux en pente, tantôt sur des pla- 
teaux, et presque toujours dans les localités les plus 
arides et les plus désertes. Ces nids sont posés à 
terre sous les pierres, quelquefois entre les fentes 
de roc, mais le plus souvent au milieu dés herbes, 
bruyères et myrtilles, sous des touftes de genièvre, 
de rosage (rododendron ferrugineum, Linn.), d’ai- 
relle ponctuée (vaccinium vütis idea, Linn.) et de 
quelque arbrisseau rampant. Là paille très-déliée, le 
foin, le chevelu des racines de plantes et d’arbustes, 
mêlés à quelques brins de mousse, les com- 
posent en dehors et sur les bords; quelques poils, 
quelques petits flocons de laine de mouton et des fila- 


FAR ORNITHOLOGIE 

ments d'herbes sèches, en tapissent l’intérieur. Les 
femelles v déposent 4 ou 5 œufs oblongs, de 193 à 
20 mill. de longueur, sur 14-15 mill. de largeur 
diamétrale ; ils sont blanchâtres, quelquefois d’un 
ton presque grisàtre, fréquemment d’un blanc 
teinté de verdâtre ; puis couverts de petits points, 
de petites taches irrégulières, d’un brun plus ou 
moins foncé, qui tire parfois sur l’olivâtre ou le 
verdâtre, et d'habitude très-serrées sur la grosse 
extrémité de la coque, où la couleur du fond s’aper- 
çoit difficilement. 

Pendant la période des amours, la femelle du 
Pipi Spioncelle va de temps en temps à la recherche 
du mâle, soit en voletant de tertre à tertre, soit en 
courant à petits pas précipités à travers les plantes, 
les pierres ou les buissons ; mais ce qu’il y a de plus 
touchant dans ses trajets, c’est qu'elle l'appelle à 
tout instant par quelques cris faibles, proférés len- 
tement et à distance égale, comme si elle craignait 
de trahir publiquement sa passion par sa voix : 
à l'entendre de près, on croirait qu’elle s'applique 
à redire les syllabes : pli, ph, pli, ph, pli où pi, pi, 
pi, pi, pi Le mâle ne l’a pas plutôt entendue, 
qu’il s’élance presque perpendiculairement dans 
l’air en chantant, vient en battant des ailes à sa 
rencontre ; dès qu’il l’aperçoit, il se laisse, sans dis- 
continuer de chanter, tomber d’aplomb avec les 
ailes étendues auprès d’elle, qui le suit des veux et 


DÉMLANSAVOTE. 349 
lui donne à l'instant le prix de ses chansons d’a- 
mour. Son ramage est une composition des mots : 
HONOR pr pt, pi, (hi; th, hi, répétés 
lentement en commençant, avec célérité vers la fin, 
ou plutôt quand le mâle, découvrant sa compagne, 
tombe à ses côtés pour satisfaire ses désirs ou pour 
recevoir d’elle le prix de ses accents. 

Durant l’incubation, le mâle reste auprès du nid, 
soit au bout d'un roc, d'une pierre ou de quelque 
éminence, soit sur la branche la plus isolée d’un 
arbre ou à la pointe de quelque buisson. De là, il 
s'élève aussi de biais ou droit jusqu’à vingt ou trente 
pieds de hauteur, en faisant entendre les mêmes 
accents, et redescend, en chantant encore avec 
plus de vivacité, au lieu d’où il s’est élancé. Avant 
tout, 1l prélude d'habitude très-doucement étant 
perché, prend ensuite l’essor en chantant, s'élève 
au moyen d’un battement d'ailes, et retombe obli- 
quement ou d’aplomb en planant, sur la branche ou 
la pierre d’où il vient de partir; là se termine sa 
chanson. Après un moment de repos, il recom- 
mence l'ascension, et pendant tout le temps qu'elle 
dure (ordinairement deux à trois minutes), il règle 
la vitesse de ses chants à la progression ou au ra- 
lentissement de son vol. Ainsi, au premier élan, 
ses cris sont articulés lentement, parce qu'alors l'oi- 


4 


seau monte peu à peu en battant des ailes, mais 


avec rapidité vers la fin. pendant qu'il plane et se 


350 ORNITHOLOGIE 

précipite tout à coup vers son poste. À chaque fois 
que la femelle quitte les œufs pour aller chercher 
sa vie, le mâle se trouve prêt à l’accompagner; il 
la suit partout et la ramène encore à la couvée. Les 
œufs éclosent du seizième au dix-septième jour de 
l’incubation. 

Les petits naissent légèrement couverts d’un du- 
vet noir ; ils sortent très-souvent du nid avant d’être 
capables de voler, et se tiennent cachés séparément, 
quelquefois deux à deux, parmi les herbes, les pier- 
res, et sous les buissons circonvoisins de leur premier 
domicile. Le père et la mère ne cessent de leur ap- 
porter les vivres; à chaque danger qu'ils courent, 
soit à l’arrivée de l'oiseau de proie, soit à l'approche 
des bergers ou de leurs troupeaux, ils poussent des 
cris plaintifs; et tous les petits de rester accroupis à 
terre ou sous les pierres tant qu'ils entendent leurs 
parents se désoler pour eux. Quelquefois ils sont 
dans un tel étal de stupeur, qu'ils se laissent prendre 
à Ja main, sans faire mine de vouloir se sauver. 

Après l'éducation de la première nichée, quel- 
ques couples font une seconde ponte, qui se 
compose de 3 ou L œufs. Les jeunes vivent alors 
épars dans les prés, sur les bords des mares, 
des sources et des bourbiers, s’y nourrissant de 
vers, vermisseaux, larves, petils insectes, mouches 
et de limaçons. Par moments, et surtout le matin, ils 
se réunissent plusieurs ensemble dans quelque lieu 


DE LA SAVOIE. 351 
exposé aux premiers rayons solaires, y forment 
une compagnie nombreuse qui se dissout peu à peu 
à mesure que le soleil devient ardent, et se répand 
dans des lieux humides ou ombreux. Si on l’aborde, 
tous les sujets qui la composent se lèvent l’un après 
l’autre en s’avertissant par leurs cris : fit, fi-fit, fit, 
prononcés d’une voix forte ei grave. 

Le Pipi Spioncelle descend des montagnes à la 
fin de septembre ou un peu plus tard, selon que la 
saison se maintient belle. Il s’abat deux à deux 
ou seul à seul, assez rarement par bandes, dans les 
pays de plaine ; il recherche là les champs humides 
tapissés de verdure, les prairies artificielles où les 
ruisseaux serpentent, les bords des étangs et des 
marais. On le rencontre presque toujours à terre, 
souvent en compagnie des Pipis Farlouses. courant 
comme eux sur la glèbe, la vase ou les feuilles des 
plantes aquatiques, pour y chercher insectes, ver- 
misseaux, crevettes et petits coquillages, dont il fait 
sa nourriture. Chaque année, pendant l'hiver, cet 
oiseau habite en grand nombre les prairies et les 
marécages de Bissy, de la Motte-Servolex, du Bour- 
get, d’Albens, etc., etc. Mais aussitôt que le froid 
est intense, il se retire dans les fondrières, sur le 
bord des sources et des eaux fluentes, qui ne gèlent 
pas ; 1l y passe même la nuit, caché dans des creux 
d'arbres, des saules surtout qui leur servent de 
bordure. Pour pouvoir subsister dans les temps de 


302 ORNITHOLOGITE 

neige, il recourt jusqu'aux plus petites graines des 
plantes qui végètent le long des eaux, et les avale 
tout entières, sans les broyer. Toutefois, si l'hiver 
continue à se maintenir rigoureux, il abandonne en 
bonne partie notre territoire ; puis il y rentre à la 
fonte des neiges. 

. Ce Pipi est un peu plus farouche que la plupart 
de ses congénères; 1l se laisse, en effet, assez sou- 
vent approcher difficilement : il s'envole dès qu’on 
cherche à le tirer, et va se poser plus loin. Son vol 
est peu rapide et irrégulier, comme celui du Pipr 
Farlouse. 11 tombe facilement dans les filets ; mais 
pour le chasser avec succès, il est indispensable 
d'y avoir un ou deux des siens pour appeaux ou 
pour danseurs. Quand il est posé sur quelque élé- 
vation, il imprime avec sa queue le même mouve- 
ment lent et de haut en bas que ses semblables. Sa 
chair n’est pas un manger aussi délicat que la 
Rousseline et le Pipi des Buissons (vulg., Bec- 
fique) ; elle est ordinairement maigre. 


467.-Pipi Kariouse /Anthus Pratensis). 


Noms vulgaires : Petit Becfigue, Petit Becfigue d'Eau, le Fifi, à cause du 
cri; la petite Falope. 


Le Cujelier (Buff.).— Pipi des Buissons (Anthus Sepiarius), Vieill. — Pipi 
Farlouse (Anthus Pratensis), Temm.—Anthus Pratensis (Farlouse des Prés), 
de $.-Longch.—Pispola (Savi).—Pipi des Pres (Anthus Pratensis), Degl. 


Le l'arlouse est le plus petit des Pipis qui fré- 
quentent nos climats : sa taille est de 15 cent. 


DE LA SAVOIE. 3953 

Il ressemble beaucoup au Pipi des Buissons 
(article suivant) par la distribution des couleurs 
de sa livrée; mais elles sont généralement plus 
verdâtres, et les taches du devant du cou, de la 
poitrine et des flancs plus nombreuses. Il a en- 
core l’ongle du pouce un peu plus long et moins 
arqué que lui. 

Le mâle, en plumage d'automne, a les parties 
supérieures d'un cendré olivâtre, avec une tache 
noirâtre, dans le centre de chaque plume : les 
taches de la tête sont oblongues et étroites; celles 
du dos irrégulières, très-prononcées. Les ailes 
sont noirâtres, frangées d’olivâtre et de verdûtre; 
puis traversées par deux bandes d’un gris olivâtre, 
formées par l’extrémité des tectrices. La queue est 
aussi noirâtre et lisérée d’olivâtre; la penne exte- 
rieure presque entièrement blanche, à baguette de 
même couleur ; la suivante seulement marquée de 
blanc à son extrémité. Un blanc lavé de jaunâtre 
couvre les parties inférieures, même la gorge; 
une bande de la même teinte prend naissance à la 
racine du bec, s'étend jusque sous les joues ; mais 
les côtés de la gorge et du cou, la poitrine, le haut 
du ventre et les flancs portent de nombreuses 
taches noires ou noirâtres et longitudinales. Les 
sous-Caudales sont blanchâtres, sans taches; les 
tarses couleur de chair ; l’ongle du pouce est un peu 
plus long que ce doigt, et faiblement fléchi ; le bec 


FRANCE 23 


394 ORNITHOLOGIE 


brunâtre en dessus, jaunâtre en dessous; l'iris des 
yeux brun. 

La femelle est peu distincte du mâle : on la re- 
connaît à sa gorge blanchâtre, à la teinte moins 
vive des couleurs de ses parties supérieures et infé- 
rieures, ainsi qu'au plus grand nombre de taches, 
qu'elle porte spécialement sur les côtés du cou et 
à la poitrine. 

À la mue du printemps, qui commence ici aux 
premiers jours de mars, le mâle se colore de rous- 
sätre sous le corps; mais les taches noires n’y 
changent point. L’olivâtre des parties supérieures 
acquiert une teinte un peu plus foncée qu’en hiver; 
mais à mesure que la saison s’avance, le blanc rous- 
sâtre du devant du corps s’affaiblit peu à peu par 
l’eflet du grand air et l’éclat de la lumière, au 
point qu’il est blanchâtre pendant l'été; l’olivätre 
foncé du dessus du corps se change presque en 
grisätre ; les deux bandes transversales des ailes 
deviennent à peu près blanches, 

La femelle, pendant cette période, a encore 
plus de taches en dessous que le mâle, et la gorge 
blanche. Au reste, elle lui ressemble. 

Les jeunes, avant la mue, sont semblables à la 


femelle en livrée d'automne; mais ils sont toujours 


plus teintés d’olivâtre sur les parties supérieures. 
Après avoir mué, ils ne diffèrent point des vieux 
en plumage d'hiver. 


DE LA SAVOIE. 355 


Le Pipi Farlouse fréquente toute l’Europe, Il est 
chaque année commun en Savoie pendant ses pas- 
sages, qui ont lieu à deux époques : en mars, puis 
dès la fin de septembre jusqu'aux derniers jours d’oc- 
tobre, ou un peu plus tard. Mais il y reste toujours 
en très-petit nombre pour la reproduction; ce ne 
sont que quelques paires isolées qui nichent par- 
fois dans des lieux humides de nos montagnes, et 
de préférence au nord du territoire. L'espèce se 
propage communément en Hollande et dans les 
montagnes des Cévennes. 

C'est vers le 25 ou le 28 septembre, quand 
presque tous les Pipis des Buissons (Becfiques) se 
sont enfuis de nos localités, que les Farlouses com- 
mencent à s’y faire voir. Cette succession, dans la 
migration, est de toute nécessité. Si elle n’avait 
point lieu, de telle sorte qu'en même temps Pipis 


_ des Buissons, Rousselines et Spioncelles se trouvas- 


sent réunis pendant quelques jours dans les mêmes 
lieux , ils ne trouveraient pas assez de nourriture. 
Les Farlouses passent alors seuls ou deux à deux, 
quelquefois par petites compagnies de cinq à huit 
individus ; on les reconnaît bien vite aux petits cris 
qu’ils poussent fréquemment en volant, et qui sem- 
blent traduire les syllabes : ct, ci, ci, cou #,f, 
fi, fi. Mais dès le commencement d'octobre, et 
surtout dans les temps de petites pluies ou un Jour 
avant qu’elles tombent, c’est plutôt par phalanges, 


396 ORNITHOLOGIE 


souvent nombreuses, que nous les voyons arriver 
dans nos pays de plaine. Les sujets qui les forment 
vont l’un après l’autre éparpillés dans l'air, et 
s’entr’appellent à tout instant. Ils constituent par- 
fois des vols d’une grande dimension; quelques- 
uns ont même 60 et 80 mètres de long, sur 10 ou 
12 mètres seulement de large. Si l’un des premiers 
de la troupe s’abat vers le sol, où 1l s'entend rap- 
peler soit par des semblables soit par l’oiseleur, 
tous les autres l’y suivent et s’éparpillent en se 
posant; de sorte que souvent ils occupent alors 
tout un champ de 20 à 25 ares. Blés nouveaux, 
luzernes, trèfles, pélagras, prés, prairies artifi- 
cielles, bords des marais, en un mot tous les en- 
droits humides et où ils découvrent de la verdure, 
sont les lieux qu’ils afflectionnent. À peine posés, 
ils se mettent à la quête des insectes et des vers, 
courant çà et là pêle-mêle, avec plus d’agilité 
que le Pipi Spioncelle. Encore moins farouches 
que lui, ils viennent, comme les Bergeronnetles, 
chercher des vivres, poursuivre les mouches et 
autres petits insectes ailés, jusqu’autour du chas- 
seur, du berger et du laboureur, sans se défier d'eux. 
Mais lorsqu'un d’entre eux aperçoit le danger, 
il se lève tout à coup, donne l’alarme à toute la bande 
par ces pelits cris : ci, «1, ci, et ses compagnons, 
qui sont encore sur les champs, de lui répondre par 
les mêmes cris, en se levant successivement; puis 


DELA) SAVOIE. 391 


bientôt rassurés de leur frayeur, ils se reposent 
tous ensemble à quelque distance de leur premier 
séjour. Cependant il en est des plus prudents 
que d’autres, qui vont se poster sur quelque 
arbre voisin, où ils restent quelques instants afin 
de mieux observer le sujet de leur crainte, et qui 
ne rejoignent le reste de la troupe que quand il n’y 
a plus de danger à courir. 

Tous les Pipis Farlouses qui surviennent en 
automne dans nos contrées se dirigent vers les 
régions méridionales ; ils y passent l'hiver dans les 
vignes, les bruvères, les champs de luzerne et dans 
tous les lieux arrosés. Quelques-uns, mais d’habi- 
tude rares, restent chez nous pendant Île froid; 
ceux-ci hantent alors, comme les Spioncel!'es, les 
bords des sources, des rivières, des canaux et des 
marécages qui ne gèlent pas, et s’y naurrissent du 
même genre d'aliments. 

A la fin de février, et plus particulièrement en 
mars, survient encore le Pipi Farlouse dans nos 
climats. Mais alors il fuit presque les champs, à 
moins qu’ils ne soient humides, par conséquent en 
état de lui fournir des vers, de petits limaçons et 
des insectes pour sa subsistance. Il se maintient 
pendant quelques jours dans les prés arrosés, aux 
alentours des inarécages, sur les bords des étangs, 
des mares et des fossés fangeux. On le retrouve 
aussi dans les jonchaies et les roseaux, séjour des 


DEN EESES 


358 ORNITHOLOGIE 
Bécassines, Râles et Poules d'eau ; comme elles, il 
y cherche sa vie en courant avec vitesse sur la 
mousse, la boue et sur les feuilles des plantes aqua- 
tiques. Quelquefois il s'arrête sur les mottes de 
gazon, sur les pierres et les petits piquets qu’il 
rencontre, y secoue la queue du même mouve- 
ment que le Pipi Spioncelle ; puis aussitôt il saute à 
terre, y court tout en cueillant à fleur d’eau le frai 
des grenouilles et des petits poissons, vermis- 
seaux sur la vase, moucherons le long des tiges 
d'herbes, Chaque matin, au lever du soleil, il monte 
sur les saules- et les petits peupliers, où d'habitude 
on le voit occupé à sa toilette : il y attend que le 
soleil ait dissipé en partie la rosée, avant de se re- 
mettre à chercher sa nourriture parmi les herbes. 

Le Farlouse nous quitte au commencement d’a- 
vril, ets’envole par petites troupes vers les régions 
de l’Europe où il est appelé à se reproduire. Cepen- 
dant quelques individus se font encore remarquer 
dans nos marais jusqu'au 15 ou au 20 du même 
mois; ce sont probablement ceux qui passent l'été 
dans quelques montagnes qui confinent à notre 
territoire, ou bien les couples qui finissent par se 
propager dans nos régions montueuses, où ils trou- 
vent facilement le même climat que le plus grand 
nombre de leur espèce va chercher ailleurs. 

Ce Pipi niche en mai. Son nid, qu'il pose à terre, 
soit au milieu d’une touffe d’herbes, soit au pied de 


DE LA SAVOIE. 359 
quelque petit buisson, dans un lieu humide et quel- 
quefois en pente, se trouve formé entièrement de 
mousses, de tiges d'herbes sèches, de poils et de 
crins. Il renferme 4 ou 5 œufs, assez rarement 6, 
dont la couleur du fond varie fréquemment; tantôt 
elle est blanchâtre, tantôt d’un blanc rembruni, 
tantôt enfin d’un blanc nuancé de rougeâtre, avec 
des taches brunes, quelquefois presque pourprées, 
d'habitude irrégulières, plus nombreuses sur le 
eros bout et plus étroites sur le petit, où souvent 
elles ressemblent à des points. Ces œufs ont 18 5 à 
19 mill. de long, sur 44 ou 44 mill. 3 de large. 

Pendant tout le temps de la reproduction, le 
mâle a un ramage simple, qui consiste en un grand 
nombre de syllabes aiguës, dont la gradation est 
toujours sensible, la prononciation nette et rapide : 
césre, et, cat) pie pit, Hivspie, y tot, 0, 
sont celles qui entrent le plus dans sa composi- 
tion. Gomme le Pipi des Buissons et le P. Rousse- 
hne, il le redit fréquemment le matin, en s’élevant 
de terre ou du bout de quelque arbuste à peu près 
perpendiculairement en l’air jusqu’à une hauteur 
moyenne; comme eux aussi, il en précipite la 
mesure dans sa chute, qu’il effectue de biais ou 
d’aplomb, assez lentement et sans battre des ailes 
comme quand il monte. Alors son corps et ses ailes 
immobiles, quoique étendues, tracent une espèce 
de triangle qui imite le fer d’une flèche. 


360 ORNITHOLOGIE 


168S.-—Pipi des Buissons / Anthus Arboreus. 


Noms vulgaires : Vinettle, Veinette, Véneliaz, Becñ, Becfigue, Becfigue de 
Vignes. 


La Farlouse ou Alouette des Prés (Puff.). — Pipi des Arbres (Anthus Arto- 
DRE ee boul de Se Loneeh—rn pate Se DUO 
Ce Pipi, dont la chair fait en automne les délices 
des gourmets, doit ses dénominations, Vinette, 
Becfique, Becfique de Vignes, à son habitude de fré- 
quenter les vignes basses, où abondent les figuiers, 
du fruit desquels beaucoup de gens croient qu’il se 
nourrit. 

Le mâle a 16 cent. de longueur depuis le bout 
du bec à l’extrémité des pennes caudales; la femelle 
est de 5-6 mill. moins longue ; mais elle ressemble 
au #ûâle par ses couleurs. 

Le Pipi des Buissons a, dans sa physionomie, 
tani de rapport avec le précédent (ie Furlouse), que 
très-souvent les personnes qui veulent s’en régaler, 
se laissent tromper en l’achetant sur les marchés, 
où ce dernier est par moments très-abondant,. 
Cependant on peut s’épargner le souci de se voir 
frustrer de la sorte. D'abord, le Pipi de cet article 
est rare chez nous depuis le mois d’octobre ; à cette 
époque, l’on n’y rencontre guère que les individus 
qui n’ont pu, à cause de leur masse de graisse, 
effectuer leur départ en même temps que leurs 
semblables qui ont mené une vie plus sobre, moins 
sédentaire ; et ceux-là, il faui les chercher autour 


URNITHOLOGIE DE LA SAVOIE. 


Passereaux. Motacillidées : Alaudidées. 


TI: 2#. 


Läith.J® Perrin Chambéry. JWerner del. LiFh. | 


19,3 Zu def) pr Parlouse ; s oT nal 
L pe des Fe mêle au printemps; 2397 nat, V. 360. | 
5-7 Culs de esp ece; AT. nat 1 
8 Alouette des une mâle adulte: 15.97 anal; 2375-94 Bu del'esp.s 274 | 
19 Alouette Cochevis, 244 adalte; sgrnal, P 3851315 Buls delesp o7.nal. 


DE LA SAVOIE. 361 
des marais, dans les vignobles, sur la lisière des 
bois. À chaque fois qu'on les découvre, on les 
aborde de si près que souvent ils se lèvent presque 
de dessous les pieds; ils ont de la peine à voler, 
gras comme ils sont, et se laissent retomber lourde 
ment à quelques pas du lieu d’où on les force à partir. 
Au contraire, le mois d'octobre est précisément le 
temps de l’année où le Farlouse est le plus commun 
dans nos climats. Alors, quand on a la chance 
de tirer un Pipi des Buissons, il n’est pas rare 
d’abattre dix ou douze Farluuses, et même davan- 
tage. Mais ce qui établit de préférence la distinction 
de ces deux oiseaux, c’est que celui qui nous occupe 
ici est plus grand, plus gros, plus coloré de jau- 
nâtre devant le corps, mais moins tacheté de noi- 
râtre que son plus proche congénère, le Pipt Far- 
louse. J'ajoute cncore une remarque essentielle au 
sujet de ce dernier; c’est qu’il ne fait que passer 
dans notre pays, sans y séjourner longtemps, et 
d'habitude il y est maigre, car à peine s’il pèse plus 
de 15-16 grammes. Le Pipi des Buissons pèse en 
moyenne, quand il est gras, 35-40 grammes. 

Cet oiseau, en automne, a les sourcils et les pau- 
pières jJaunâtres; toutes les parties supérieures du 
corps d’un olivâtre cendré, avec des mèches d’un 
brun noirâlre, qui suivent la direction des baguettes 
des plumes : ces mèches forment des lignes assez 
irrégulières sur le dessus de la tête, s’élargissent en 


| 
| 
| 


UE, D OU Éd 


ns 


362 ORNITHOLOGIE 

approchant du manteau, s’affaiblissent à mesure 
qu'elles atteignent le croupion et disparaissent enar- 
rivant vers les couvertures supérieures de la queue. 
Les pennes alaires, que traversent deux bandes d’un 
blanc jaunâtre, sont brun noirâtre, bordées en de- 
hors d’olivâtre ; celles de la queue noirâtres, la penne 
externe de chaque côté est presque entièrement 
blanche, avec sa baguette brunâtre; la suivante 
seulement terminée de blanc. La gorgerette esl 
blanche ; mais le bas de la gorge, le devant du cou 
et le reste des parties inférieures sont d’un jaune 
roussâtre, sauf le milieu du ventre et de l'abdomen, 
qui est blanc ou blanchâtre. Sur les côtés de la 
sorge, du cou et sur la poitrine, sont des taches 
allongées, noirâtres ; puis des traits longitudinaux, 
très-étroits et de même couleur, sur les flancs. Le 
bec est brunâtre en dessus, jaunâtre en dessous ; 
l'iris brun; les tarses sont d’un jaunâtre inclinant 
à la couleur de chair; l’ongle du pouce est plus 
court que ce doigt, et arqué. 

À son retour au printemps, le mâle est coloré de 
jaune d’ocre clair à la gorge et devant le cou; la 
même teinte se répand aussi sur la poitrine et les 
flancs, parmi les taches qui s’y maintiennent; elle 
est à peine visible dans la femelle, qui conserve sur 
ces parties presque le même jaune roussâtre clair 
qu’elle porte en automne et en hiver. 

Pendant l'été, les deux sexes voient les couleurs 


DIE) EA0 8 A VOTE. 363 
vives de leur livrée s’aflaiblir peu à peu jusqu’à la 
mue de la fin de juillet, par l’effet de l’air et l'éclat 
du grand jour. Le dessus du corps devient alors 
gris olivâtre, et les mèches noirâtres s’y changent 
en brun ou en brunâtre, suivant les individus ; le dos 
ne porte plus que de faibles indices de ces mêmes 
taches; le croupion est de couleur uniforme; les 
deux bandes transversales des ailes, que compose 
l'extrémité des tectrices, tournent au blanchâtre, 
de blanc jaunâtre qu’elles étaient au printemps. 

Les jeunes, avant la mue, ressemblent déjà à 
leurs auteurs ; mais ils sont plus teintés de jaunâtre 
sur les parties inférieures, où leurs taches pa- 
raissent encore plus étendues ; ils ont même pres- 
que un peu de jaunâtre sur le bord des plumes du 
dessus du corps. 

Le Pipi des Buissons est ici le plus commun du 
genre. On le trouve répandu partout, mais plus 
abondamment à l’époque de ses voyages d’automne 
vers les climats chauds, son quartier d’hiver, que 
pendant la saison des nichées. 

Il reparaît en Suisse et en Savoie vers le 25 ou 
le 30 mars, et plus particulièrement dans la pre- 
mière quinzaine d'avril. Alors il s’abat dans les 
blés verts, dans les prés clair-cemés de buissons, 
dans les pâturages, aux abords des marais, enfin 
dans d’autres lieux tapissés de verdure et propres 
à lui fournir des vers, des coléoptères, de petits 


na D GR OO AS TRES 


D A TRE 


GS TE EE nd QU ER RD hr pt ti Bi cr 


Gr Age DORE D RD TDR MAD D 


364 ORNITHOLOGIE 


limacons nus pour sa pâture. Quelques jours après 
son arrivée, on ne le rencontre plus guère que sur 
les coteaux et les collines, qui dominent la plaine; 
y vivant encore dans les champs verts, puis sur la 
lisière des bois, dans les bruyères et les vignes, 
C’est là que les mâles commencent à faire entendre 
leur chant d'amour; c’est là aussi qu'ils se choi- 
sissent leur compagne, qu'ils attendent avec elle la 
fonte des neiges dans les régions imnonlueuses, où 
est le rendez-vous général pour la saison des beaux 
jours. Toutefois quelques paires isolées restent 
établies dans nos collines ou à la base de nos mon- 
tagnes, ct s’y propagent quelques Jours avant les 
couples qui préfèrent pour cet acte des contrées 
plus élevées. 

C’est aux premiers jours de mai que le Pipi des 
Buissons parvient tout apparié dans nos mon- 
tagnes. Il ne s’y fixe point après la région des 
bois : ce séjour, comme on vient de le voir, est 
réservé au Pipi Spioncelle ; mais il s'arrête spé- 
cialement à des hauteurs moyennes : tantôt dans 
les clairières des forêts, tantôt dans les fourrés, les 
bruyères, les genêts et les pâturages parsemés de 
taillis, de quelques massifs de plantes ou d’arbris- 
seaux. Pendant la durée des amours, la femelle 
de temps à autre monte au bout d’une motte ou de 
quelque pierre pour se faire voir au mâle et lui faire 
connaître ses désirs; mais, douce et timide, elle 


DE LA SAVOIE. 369 
craint de s’annoncer tout à coup. Elle commence 
par pousser un petit cri (he), puis deux ou trois 
autres ; enfin très-rassurée, elle les redit jusqu’à 
l’arrivée du mâle. Celui-ci, dès qu’il l'entend, pré- 
lude à terre ou perché, monte presque verticale- 
ment en l’air jusqu'à 20 ou 39 pieds de hauteur 
en battant des ailes et sane cesser de chanter, re- 
descend lentement et en planant jusqu’à terre, où 
l'attend sa compagne ; ce n’est qu’en se posant à ses 
côtés qu’il discontinue son ramage, dont la vitesse 
s’accommode, comme chez ses congénères, à la pro- 
gression ou à l’affaiblissement du vol: ilest toutefois 
très-rapide, quand le volatile se laisse retomber, 
les ailes étendues, vers l’objet de ses désirs. 

Le nid du Pipi des Buissons est caché dans une 
petite cavité, à terre, dans les blés, les avoines, 
les bruyères, ou bien au pied des buissons, dans 
une toulffle d’herbes ou de plantes. Il est composé 
en dehors de paille, de tiges d'herbes, de foin et de 
mousse, puis garni en dedans de filaments de 
plantes, de très-petites racines fibreuses, de crins 
et de poils. Vers la mi-mai, il renferme 3 à 6 œufs 
allongés, d’un blanc fréquemment teint de rougeà- 
tre, et marqués de nombreuses taches ou couverts 
de petits traits três-serrés, d’un brun rougeûtre 
plus ou moins foncé, mêlés à d’autres qui penchent 
au cendré ou au violâtre. Quelquefois le fond de ces 
œufs se trouve presque grisàtre où d'un blanc sale ; 


366 ORNITHOLOGIE 


alors les taches qui le recouvrent, sont brunes ou 
noirâtres, d'habitude plus rapprochées et même con- 
fluentes sur le gros bout. Leur longueur est de 19 3 à 
20 mil, , et leur largeur diamétrale de 445 à 45 mill. 

Pendant que la femelle couve, le mâle, sans 
doute afin de lui être agréable durant les longues 
heures de l’incubation, se tient auprès d’elle, sur 
quelque arbre de petite taille ou à la pointe d’un 
buisson ; de là, il fait à chaque instant entendre 
son ramage vif et gai. Il prélude sur la branche, 
prend ensuite son essor en chantant, s'élève droit 
ou un peu de biais en agitant les ailes, et retombe 
en planant, très-souvent sur la branche d’où il est 
parti et sur laquelle il finit sa chansonnelte. Après 
un moment de repos, il refait jusqu’à huit ou 
douze fois de suite cette ascension, en employant 
toujours les mêmes manœuvres, en répétant les 
mêmes cris : les syllabes the, thai, thai, pi, pi, pt, té, 
ti, à, proférées sur des tons difiérents, tantôt pré- 
cipitamment tantôt lentement, suivant que le vol 
est plus ou moins rapide, composent presque tout 
le chant de cet oiseau. On l’entend quelquefois dès 
l’aube du jour ; il se tait ensuite vers les huit ou 
neuf heures du matin jusqu’au soir. Pendant son 
silence, il rôde à terre parmi les herbes et les brous- 
sailles; il s’y alimente, s’y cache pendant le fort 
de la chaleur. Si on le contraint à prendre le vol, 
il jette en partant quelques-uns de ses cris ordi- 


DE LA SAVOIE. 367 
naires : pa, pt, pt, ou th, thi, les mêmes qu'il pousse 
en automne dans la plaine, et il ne va jamais loin 
sans se reposer à terre ou à l'extrémité d’un taillis. 

Le Pipi des Buissons ne fait ici qu’une couvée par 
an, quand elle réussit. Comme chez les précédents, 
ses petits qui naissent avec un léger duvet noirûâtre, 
sortent souvent de leur premier domicile avant d’être 
en état de voler, et suivent leurs parents qui vont 
aussitôt les cacher dans les genêts, les herbes, les 
buissons des alentours du nid. Ceux-ci leur assignent 
là à chacun la place qu'ils doivent garder; mais il 
est rare qu’ils l’occupent encore le lendemain, sur- 
tout s’ils y ont été déjà le premier jour inquiétés par 
les bergers ou par leurs troupeaux ; c’est tout auprès, 
mais dans une autre direction, qu'il faut alors les 
chercher. À l’approche d’un ennémi quelconque, le 
mâle et la femelle poussent des cris aigus ; et les pe- 
tits de se tapir à terre, de ne point bouger de l’en- 
droit où ils gîtent, tant que leurs auteurs continuent 
à leur inspirer quélque crainte par leur désolation. 

Aussitôt élevés, les jeunes Pipis des Buissons 
vivent éparpillés par les champs, les prés ou les brous- 
sailles. Comme leurs aînés, ils ne quittent le séjour 
des montagnes que sur la fin de l'été ; alors ils des- 
cendent tous sur les collines ou jusqu’à la plaine. 
Là, ils ne se plaisent que dans les luzernes, les 
trèfles, les pommes de terre, les sarrasins, les 
maïs, les vignes, et dans les fourrés qui les avoisi- 


308 ORNITHOLOGIE 

nent; recherchant partout vers, vermisseaux, 
petits coléoptères, grillons, sauterelles, quelquefois 
les semences des mercuriales (mercurialis annua 
et A1. perennis), qu’ils avalent sans les broyer. Ils 
aiment à se poser au bout du chaume qui recouvre 
les granges, à s’y livrer, principalement le matin 
quand ils s’y trouvent plusieurs ensemble, à des 
jeux, à se poursuivre deux à deux comme s'ils se 
défiaient au vol ou à la course, et à revenir en- 
suite au chaume pour se donner revanche. À l’ap- 
proche de la nuit, ils sortent en grande partie des 
champs, se rendent dans les bois ou les lieux 
recouverts de taillis, ct y sommeillent cachés au 
milieu des bouquets de feuilles, quelquefois dans 
des cavités. Le lendemain, au lever du soleil, ils 
retournent vivre à la plaine. 

C’est déjà vers le 20 ou le 26 du mois d’août que 
ces oiseaux commencent à s'éloigner de nos pays et 
volent à la découverte des climats chauds pour la 
saison d'hiver, Mais c’est du 8 au 22 septembre, et 
notamment les jours où la pluie est imminente ou 
bien un jour avant qu’elle tombe, qu'on les voit 
parür le plus en nombre. Beaucoup d’autres, venant 
de différentes contrées de l’Europe, surviennent à 
la même époque dans nos vallées, où ils ne s’ar- 
rêtent que pour manger ou se cacher quand la 
nuit les y surprend. S'il vient alors à tomber dès 
le point du jour quelque petite pluie, accompagnée 


DE LA SAVOIE. 369 
d’un vent froid, plusieurs autres y passent dans la 
matinée ; et ceux-ci voyagent presque tout le jour. 
On observe encore ici des individus vers le 19, le 
45 et même jusqu'au 25 octobre; mais ce sont 
quelques sujets qui, depuis les nichées, n’ont cessé 
de vivre dans la tranquillité et l'abondance, dans 
les vignes ou les bois. Ils sont ordinairement sur- 
chargés de graisse, et, comme tels, réduits à la né- 
_cessité d'attendre les premiers frimas ou la disette, 
afin de maigrir suffisamment pour pouvoir voyager 
vers les régions du Sud. 

Le Pipi des Buissons est un coureur assez agile. 


Îl perche néanmoins très-fréquemment , et il aime 


pour se poser singulièrement le bout des perches, 
des échalas, des meules de foin, de même que les 
rameaux secs ou la pointe des branches les plus 
élevées. En se posant, il secoue lentement sa queue 
du même mouvement que ses congénères. C’est un 
oiseau peu farouche, qui se laisse presque toujours 
approcher de près; on pourrait par moments, 
quand on le surprend dans le lieu dont il fait ses 
délices, l’abattre à bout portant. S'il se lève de 
devant nous, c'est d'habitude pour aller se reposer 
tout auprès ; il est du reste souvent si gras, qu’il a 
réellement de la peine à voler. On le prend facile- 
ment ici dans les filets à nappes, surtout si l’on a 
eu la précaution de les tendre sur quelque espace 
de verdure, environné de petits arbres. Il s'arrête 


T. III. 24 


370 ORNITHOLOGIE 


d’abord sur leurs branches d’où il ne tarde pas à 
s’abattre au milieu des piéges, en y découvrant les 
danseurs ou les appeaux. Sa chair est délicieuse, 
remplie de fumet quand elle est grasse; aussi tous 
les chasseurs, sans distinction, s’acharnent à lui 
faire la guerre. 


Vingt-huitième Famille. 


ALAUDIDÉES (Alaudidæ). 


Ces oiseaux sont notables par leur bec longicône, 
droit ou presque arqué, entier et assez robuste ; 
par leurs narines arrondies ou ovoïdes, à demi 
fermées par une membrane ; par l’ongle du pouce 
ordinairement plus long que ce doigt et que les 
ongles des doigts antérieurs, 

Ils habitent les lieux découverts, les champs et 
les prés, et y vivent par couples au printemps, par 
familles ou en petites bandes pendant l'été. Ils se 
rassemblent pour les voyages d'automne en volées 
souvent considérables. Les grains d'herbes, ceux 
de blé et d'avoine, les jeunes pousses des petites 
plantes, composent leur principale nourriture; 
ils ne recourent guère aux vers, aux limaçons et 
aux insectes qu’au printemps et durant l’éduca- 
tion de leur progéniture. Généralement les mâles 
sont fort peu distincts des femelles, et les jeunes 


DE LA SAVOIE. 371 
ressemblent aux vieux aussitôt après leur première 
mue. On les nourrit, on les élève facilement en cap- 
tivité. Le chant des mâles est sonore, de longue 
haleine et très-varié. 


LIVe Genre : ALQUETRE (Alauda). 

Caractères du genre : Tête arrondie et petite; langue cartilagineuse, fen- 
due à sa pointe. Bec fort, entier, conique ou cylindracé, plus ou moins allonge, 
plus ou moins arqué ou droit, et garni à sa base de petites plumes roides, 
serrées, Couchées en avant. Narines basales, arrondies, à demi closes par 
une membrane voûtée. Tarses nus et annelés; doigt du milieu soude à sa base 
avec l’extérieur, et séparé de l’interne; ongle du pouce subulé, droit ou à 
peine arqué, ordinairement plus long que le doigt. Ailes longues, à penne 
bâtarde (1re penne) très-courte;, deux secondaires presque aussi longues que 
les primaires et échancrées à leur extrémité. Queue moyenne, un peu four- 
chue et composée de douze rectrices ou pennes. 

Les Alouettes ont quelque analogie avec les 
Pipis, parmi lesquels des auteurs les ont classées ; 
mais elles s’en éloignent essentiellement par leur 
tête petite et arrondie, dont le haut est vêtu de 
plumes ordinairement allongées, susceptibles de se 
dresser en touffe ou en une espèce de huppe et de 
s’abaisser, suivant que l'oiseau passe, d’un mou- 
vement de surprise, de crainte et d'amour, au plus 
grand calme, et vice versa. Leur queue de moyenne 
longueur, leur plumage peint de couleurs sombres, 
souvent de la couleur du sol qu'ils habitent de 
préférence, et plusieurs de leurs habitudes natu- 
relles, servent encore à les distinguer des Papis. 

Les Alouettes sont des oiseaux pulvérateurs ou 
qui aiment à gratter la terre, à s’y rouler: comme 
les Pigeons et les Gallinacés. Elles habitent no- 


372 ORNITHOLOGIE. 
tamment les terres légères, les campagnes sablon- 
neuses et les guérets. Toutes se nourrissent de 
graines céréales, de nouvelles pousses de plantes, 
du bout des feuilles de plusieurs herbes potagères, 
de vermisseaux et d'insectes, qu'elles saisissent ou 
cueillent à terre. Quelques sujets ont la faculté de 
percher sur les arbres, où toutefois ils recherchent 
pour se poser les branches les plus larges; d’autres 
montent sur les toits de chaume, sur les murs de clô- 
ture, qu'ils visitent souvent à la course, d’un bout à 
l’autre. C’est toujours à terre que ces oiseaux se 
propagent ; 1ls y cachent leurs nids, qui sont tout 
simplement fait avec des herbages secs et des 
racines de plantes, dans un petit creux, au milieu 
des herbes, des blés ou des bruyères. Des espèces 
font d'habitude deux pontes par an. Les mâles 
ont un chant éclatant, qui charme surtout par ses 
modulations successives et variées, tous ceux qui 
sont à portée de l’entendre; c’est en s’élevant 
presque perpendiculairement ou en tracant des 
cercles concentriques, ou bien encore en s’élan- 
çant par bonds répétés jusqu'à une très-grande 
hauteur dans les airs, qu’ils aiment à le redire 
principalement le matin, pendant que le soleil 
paraît à l'horizon. 

Après les couvées terminées, les Alouettes s’at- 
troupent, forment des volées plus ou moins nom- 
breuses, suivant les espèces, et continuent à visiter 


D'HUB AD SAV OTE. 373 
les champs et les prés qui les entourent. Ces pha- 
langes s’abattent de préférence sur les terres tout 
récemment ensemencées, et y dévorent le grain, 
même celui qui commence à germer. Le chasseur 
les y découvre souvent avec peine, de ce que leur 
livrée est d'habitude presque de la couleur de 
ces terres et qu’elles-mêmes savent, à son ap- 
proche, se blottir derrière les petits morceaux de 
terre ou dans les pas des bœufs, d’où elles ne par- 
tent guère qu'en le voyant fort près d'elles. Aux 
premiers frimas, elles se livrent à des voyages vers 
les plaines des régions méridionales. Quelques 
bandes restent néanmoins dans nos pays pendant 
l'hiver: celles-ci hantent les prés arrosés, les 
champs et les vignes voisins des marais ou des 
eaux fluentes; par moments, surtout les jours de 
neige, on les trouve jusqu’auprès des habitations 
ou le long des routes, quoiqu'’elles soient très-fré- 
quentées. Il existe fort peu de diflérence entre le 
plumage des mâles et celui des femelles. Leur mue 
est simple ; elle a lieu en août chez les vieux sujets, 
en septembre chez les jeunes de l’année. Leur chair 
est un bon manger. 

Nous n’avons en Savoie que trois espèces d’A- 
louettes, et encore l’une d'elles y est de passage 
assez irrégulier. 


N. B. L'Alouette Calandre ( Alauda Calandra, Temm.) et 
l’Alouette Calandrelle (À. Brachydactyla, Temm.) n’ont pas en- 


374 ORNITHOLOGTE 


core, que je sache, été remarquées chez nous : elles sont parti- 
culières aux contrées du midi de l’Europe. La première, qui est 
notable par son bec gros, robuste, plus haut que large et un peu 
fléchi en arc, a le dessus du corps cendré roussâtre, avec une 
tache brune au centre de chaque plume; la gorge blanche, les 
côtés du cou d’un blanc jaunâtre avec une espèce de demi-col- 
lier formé par deux grandes taches noires, la poitrine lavée d’une 
teinte jaunâtre et marquée par de petites taches brunes et noï- 
râtres; enfin le ventre, l’abdomen et les sous-caudales sont 
blancs ; les flancs d’un cendré roussâtre. Sa taille est de 20 cent. 

La seconde espèce, la Calandrelle, que l’on rencontre dans 
quelques localités chaudes, arides et sablonneuses du Piémont, 
est beaucoup moins grosse; elle a 16 cent. de long. Chez elle, 
le dessus du corps est d'un roux isabelle, marqué d’une tache 
brune sur le milieu de chaque plume. La gorge et les sourcils 
sont blanchâtres; la poitrine et les flancs d’un roux pâle, le 
ventre, l’abdomen et les couvertures inférieures de la queue, 
d'un blanc glacé de roussâtre. Sur les côtés de la poitrine sont 
quelques plumes brunâtres, formant une bande courte et légère- 
ment oblique. L’ongle du pouce est plus court que ce doigt. 

J'ai déposé ces deux espèces d’Alouettes dans la collection or- 
nithologique de la Société d'histoire naturelle de Savoie, où 
mes compatriotes qui désireraient les connaître pourront les 
examiner. La description que je viens d'en donner servira à les 
faire distinguer, si par la suite elles venaient à se montrer dans 
ce pays, par exemple à l’époque des migrations de leurs con- 
génères. 


Les trois espèces d’Alouettes qui sont aujour- 
d’hui appelées à faire partie de cette ornithologie, 
ont toutes le bec un peu grêle, à peu près drait, 
longicône et pointu; puis l’ongle du pouce plus long 
que ce doigt. 


DE) LA’ SAVOTE. 379 
469.—Alouette des Champs /A/auda Arvensis). 


Noms vulgaires : L'Alouette, l’Atliettas, Layettaz, Alborax, Grosse Alouette 
Alouette Commune. 


ce eine Alamee es Camps Our. — Mouette Commune (au 
Aroensis), Hier des Champs (Alauda ie Degl.— 
Cette espèce est ici très-abondante à l’époque des 
premiers frimas; c’est la plus grosse des Alouettes 
qui visitent le pays : elle a 19 cent. de taille. 
Le mâle adulte et vieux a toutes les parties 
supérieures du corps d’un gris roussâtre, avec le 
centre de chaque plume taché de noirûtre : toute- 
fois les taches sont plus grandes sur la tête et 
le haut du dos. Il a les sourcils blanchätres ou 
d’un blanc roussâtre, et les joues d’un gris brun. 
La gorge est blanche ou d’un blanc sale; le devant 
du cou, la poitrine et les flancs sont teintés de 
roussâtre ; sur le centre des plumes, on remarque 
une tache oblongue ou lancéolée, et brune; mais 
sur les flancs, ce sont des lignes de la même cou- 
leur, qui suivent la direction de la baguette des 
plumes. Le milieu du ventre et de l’abdomen est 
blanc, à peine lavé de roussâtre. Les ailes sont 
d’un brun noirâtre, bordées de roux sur les rémi- 
ges, de roussâtre sur les tectrices. Les plumes 
caudales noirâtres, sauf les deux plus latérales de 
chaque côté qui portent du blanc sur une partie de 
leurs barbes extérieures. Le bec est brun en des- 


376 ORNITHOLOGIE 

sus, jaunâtre en dessous ; l'iris brun foncé; les 
pieds couleur de chair un peu rembrunie; l’ongle 
du doigt postérieur ordinairement très-long et 
presque arqué vers le bout. 

La femelle a seulement, pour toute différence 
extérieure, les taches du dos et de la poitrine plus 
rapprochées et d’un ton plus foncé que dans le 
mâle ; les plumes du sommet de la tête paraissent 
aussi un peu moins allongées, par conséquent 
moins susceptibles de se hérisser, quand l'oiseau 
se trouve saisi de quelque émotion subite. 

Dans les deux sexes, pendant l'été, le roux ou le 
roussâtre de leur livrée s’affaiblissent par le frotte- 
ment des plumes et l'éclat de la lumière, au 
point de devenir presque entièrement blanchâtres ; 
alors les taches brunes du dessus du corps devien- 
nent à peu près noires. Toulefois ce changement est 
plus sensible chez les sujets que l’on rencontre dans 
nos montagnes que chez ceux des régions basses : 
ces derniers sont aussi un peu plus gros, un peu 
plus forts de taille que les premiers. 

Les jeunes, avant la mue, difièrent peu des 
adu!tes. Ils sont mouchetés de noirâtre et de blanc 
roussâtre sur les plumes de la tête et du dos; d’un 
blanc nuancé de roux sur toutes les parties infé- 
rieures, avec la poitrine parsemée de taches plus 
ou moins effacées, brunâtres. 

Tous les ans, à l’arrière-saison, il se fait en 


DE LA SAVOIE. SN 
Suisse et en Savoie un passage d’ Alouettes constam- 
ment plus pertes que celles qui y sont sédentaires ; 
cependant je les regarde comme étant de la même 
espèce; peut-être, doivent-elles constituer une race 
locale, particulière à quelques contrées froides de 
l’Europe. Elles traversent nos vallées par sociétés 
nombreuses ; quelques-unes y séjournent l'hiver et 
disparaissent à l’approche des beaux jours. Les 
grandes plumes des ailes sont, chez plusieurs sujets, 
de 12-14 mill. moins longues que dans d’autres 
individus de l'espèce type; celles de la queue 
ont, chez les uns, 7 mill., chez d’autres, 8 mill. de 
moins que dans ces derniers. Leur bec est sensible- 
ment plus petit, plus grêle; l’ongle du pouce tou- 
jours plus court de 2 m. 3 à 3 m. ;, etilcstsouvent 
de la longueur même de ce doigt. Le cri d’appel 
ou de ralliement que ces petites Alouettes poussent 
en voyageant ici, est encore plus aigu que chez 
leurs semblables à dimensions plus fortes ; ce cri 
semble articuler les syllabes : pt, pi, pt, pt, quel- 
quefois pèr, pit, pit. Leur plumage, surtout celui 
des parties supérieures, est d'habitude moins 
chargé de roux ou de roussâtre sur le bord des 
plumes, mais le brun foncé du centre paraît pres- 
que noir. | 
Les Alouettes des Champs fréquentent toute 
l’Europe. Elles sont très-répandues en France et 
dans nos climats, dès le mois d’octobre jusqu’au 


378 ORNITHOLOGIE 

froid, mais nulle part en aussi grand nombre que 
dansles terres cultivées. Ilen reste encore beaucoup 
ici pendant l'hiver; et à l'approche du printemps 
elles s’isolent, nous quittent en grande partie ; 
alors, de communes qu’elles étaient, il n’en reste 
qu’une petite quantité pour se reproduire dans nos 
contrées. 

C’est habituellement vers le 20, le 25 ou le 30 oc- 
tobre que survient en Savoie le plus fort du pas- 
sage de cette Alouette. Cependant si cette époque 
n’est pas signalée par des nuits ou des matinées 
froides, ou plutôt par d’abondants frimas, on ne 
s'aperçoit guère de ses nombreuses arrivées qu'à 
la première neige, ou dès que le vent du nord 
commence à régner. Elle passe particulièrement 
de grand matin, au lever du soleil et un peu plus 
tard, par petites bandes ou par volées considé- 
rables. Ces troupes d’Alouettes s’entr’appellent 
pendant le voyage, se mêlent souvent en se ren- 
contrant dans les airs ; elles s’abatient ensemble en 
redoublant leurs petits cris de ralliement, pt, pé, pt, 
pt, dans les pâturages découverts, dans les champs 
nus et de préférence sur les blés qui commencent 
à pousser ou sur les terres nouvellement ensemen- 


cées de froment, de seigle et d’avoine, grains dont 
elles se gorgent. Quelques heures après, ou le 
lendemain de leur arrivée, elles s’envolent vers 
d’autres climats. Quelquefois, avant de se poser à 


DE LA SAVOIE. 379 
terre, et soit qu’elles aient éprouvé quelque crainte, 
soit qu’elles s'entendent appeler ailleurs par leurs 
semblables en masse, elles se mettent, en arrivant 


vers l’horizon, à parcourir d’un vol très-rapide, et 


sans discontinuer de crier, de grands espaces aux 
alentours des champs, où d’abord elles paraissaient 
très-disposées à s'arrêter. Mais souvent elles y 
reviennent après leurs trajets avec de nouvelles 
recrues, qui forment après elles une longue queue; 
en s’y posant, elles s’éparpillent, tellement que ces 
champs en semblent parfois couverts. À la moindre 
élévation qui s'oppose à leur vol bas et filé, elles se 
relèvent pour la franchir; mais aussitôt elles se 
rabattent vers l'horizon afin de continuer leur 
marche accélérée. Quand elles sont à terre, il est 
très-difficile de les reconnaître lorsqu'elles se trou- 
vent dans les guérets, à cause de la teinte terreuse 
de leur plumage; d'autant plus qu’elles ont la ruse, 
quand elles aperçoivent quelqu'un, de rester ac- 
croupies dans des creux ou derrière une petite 
motte, Si l’on cherche à les forcer, elles marchent 
longtemps devant l’importun sansse lever ; puis tout 
à coup se lèvent brusquement et simultanément. 

Il se prend ici beaucoup d’Aloueties à l’arrière- 
saison, avec les filets à nappes. Les oiseleurs fer- 
ment ces engins sur elles quand elles les rasent, et 
prennent souvent, d’un seul coup de filet, plus de 
cent individus. Il leur arrive aussi de tirer deux ou 


380 ORNITHOLOGIE 

trois fois sur la même phalange, quand, après avoir 
essuyé quelque défaite, le reste se rallie, se remet 
à parcourir les champs en rasant les herbes ou 
le sol. Dans quelques cantons de France et de 
Belgique, on en prend aussi considérablement à la 
même époque, au moyen de plusieurs rangées de 
grands filets appelés rideaux, vers lesquels on les 
chasse à l’aide d’une corde en faisant un énorme 
circuit dans les champs d'avoine, où elles se trou- 
vent répandues au coucher du soleil ; ou bien avec 
des collets traînants, attachés en très-grand nom- 
bre à une forte et longue ficelle, et les Alouettes s’y 
prennent par le cou, par les pieds, quelquefois par 
les ailes. On les chasse encore, mais rarement dans 
nos pays, au miroir. Pour cela, on place dans les 
terres, où elles abondent, quelques objets brillants, 
mis en mouvement par une cause quelconque : un 
miroir, sorte de morceau de bois taillé en dos 
d’âne et supporté par son milieu, sur lequel on 
aura groupé des boutons d'acier ou de cuivre, de 
petits morceaux de glace capables de réfléchir à 
travers champs les rayons du soleil. Les Alouettes 
s’en sont à peine aperçues, qu'elles accourent, vol- 
tigent ou plutôt papillonnent en restant par mo- 
ments comme suspendues au-dessus de ces objets 
nouveaux pour elles. A les voir alors s’ébattre, 
on ne peut que croire qu’elles cherchent à se 
voir, à s’ajuster devant le miroir. Mais elles finis- 


DE LA SAVOIE. 381 


sent souvent par s’empêtrer dans les piéges qui 
l'entourent ou par se laisser fusiller, lorsque ayant 
enfin réussi à s’entrevoir une fois, elles s’abaissent 
peu à peu vers le sol pour se contempler encore 
de plus près. 

Quelques bandes d’Alouettes des Champs hiver- 
nent régulièrement en Savoie. On les rencontre, 
pendant les temps de neige surtout, dans les prai- 
ries artificielles, sur les bords des marais et dans 
les plaines humides qu'avoisine l’eau; quelque- 
fois on en observe jusque dans les jardins, où elles 
dévorent le bout des feuilles des colzas et des 
choux. Elles se répandent aussi avec les Pinsons 
etles Bruants le long des chemins, et s’y repais- 
sent des grains d'avoine qu’elles trouvent dans le 
crottin. 

Nous avons ici chaque année, à la fin de l’hiver, 
un autre passage d’Alouettes, mais beaucoup 
moins abondant que ceux de l’automne. Quelques 
petites compagnies qui arrivent alors restent dans 
nos champs ou nos prairies jusqu’à la fin de mars, et 
disparaissent presque toutes. Celles qui y restent 
plus tard se dissolvent pour contracter des liaisons 
plus intimes, et vont se reproduire éparpillées dans 
les blés, les avoines, les trèfles, les luzernes, les 
prés et les bruyères. Quelques couples s'élèvent 
pour cet acte jusque dans les champs et les 


prairies des régions alpines: {ous les ans, on en 


382 ORNITHOLOGIE 
remarque plusieurs au Mont-Cenis, aux alentours 
du lac. 

Rien de beau, rien de touchant comme de voir le 
mâle de cette Alouette se livrer à ses transports 
amoureux et de l'entendre chanter alors. Aux pre- 
miers rayons de l'aurore, il monte en l’air à peu 
près perpendiculairement et par reprises, quelque- 
fois en traçant des cercles concentriques, etil monte 
d'habitude si haut qu’on le perd facilement de vue. 
Il remplit alors les airs de sa voix mélodieuse et 
flexible, la forçant à mesure qu'il s'élève de la 
terre, et à ce point que, quoiqu'on ne puisse 
plus guère l’observer des yeux, on l’entend en- 
core très-distinctement. Arrivé très-haut, après 
avoir chanté à perdre haleine et plané pendant près 
d’une heure, il redescend lentement et reste par mo- 
ments comme suspendu en diminuant sa voix ; puis 
rapproché du sol, il se tait tout court, se précipite, 
tombe jusqu’à terre, comme emporté par son 
poids. Cependant, en découvrant sa compagne qui 
n’a cessé de le suivre des yeux dans tous ses tra- 
jets, il s’arrête tout à coup à quelques pieds de 
terre, voltige gracieusement au-dessus d’elle en 
montant et en redescendant, mais sans avancer, et 
en poussant quelques cris vifs, très-animés ; enfin il 
fond sur elle comme un trait. Aussitôt posé, sa voix 
s’est éteinte : sa compagne lui donne le prix de ses 
accents d’amour. 


DE LA SAVOIE. 383 

Le mâle ramage encore à terre ou posé au bout 
de quelque motte, mais alors ses coups de gosier 
sont moins éclatants ; on dirait que parfois il s’étu- 
die là à contrefaire les cris ou le gazouillement de 
quelques volatiles qu’il est à même d’entendre dans 
les champs ou les prés. Il interrompt son chant au 
printemps par une matinée fraiche, par un temps 
sombre ou pluvieux; aussi, le regarde-t-on ici 
comme le précurseur des beaux jours. On ne l’en- 
tend point au milieu de la journée, quand les rayons 
du soleil deviennent brülants ; mais lorsque l’astre 
s’abaisse vers l'horizon, le mâle s’élève de nouveau 
dans les airs, qu’il remplit encore de ses modula- 
tions très-variées. Une fois le soleil couché, ses cris 
sont vagues, sans suite, moins sonores que ceux 
qu'il poussait quelques moments auparavant, ou le 
matin pour saluer la lumière. Alors il revient en 
baissant peu à peu sur le sol, pour s’y cacher avant 
la nuit. 

L’Alouette des Champs construit son nid à terre, 
dans un creux qu'elle-même prépare en grattant la 
terre ou le sable, au milieu de deux mottes très- 
rapprochées ou dans les blés, les bruyères et les 
herbes. En dehors, elle le compose de mousses, de 
brins de paille et de racines très-minces, et le gar- 
nit à l’intérieur de crins, de cheveux, de tiges 
d'herbes très-déliées. Ce nid, qui est de forme 
demi-sphérique, négligé, peu profond et presque 


304 ORNITHOLOGIE 


sans solidité sur ses bords, contient de 3 à 5 œufs. Ils 
sont d’un blanc sale ou grisâtre, quelquefois comme 
nuancés de verdâtre ou d’olivâtre, et couverts de 
taches, de points bruns et brunâtres, ordinairement 
plus rapprochés sur la grosse extrémité de la co- 
quille. Pour longueur, ils ont, en moyenne, de 22 à 
23 mill., sur un diamètre de 45 5; à 16 mill. 

Les petits éclosent au seizième jour de l’incuba- 
tion, presque totalement nus. Le père et la mère 
les alimentent avec de menus coléoptères, des 
larves de fourmis, des vers et de tout petits lima- 
çons. Ils les laissent aussitôt qu'ils mangent seuls, 
et vont se choisir un nouveau domicile pour leur 
seconde couvée. 

Après les nichées, l’Alouette des Champs forme 
ici, jusqu'aux migrations d'automne, des couples 
ou de petites bandes; alors elle fréquente les friches, 
les terres en labour ou que l’on ensemence, les vignes 
remplies de panics, les pâturages, en un mot, tous 
les lieux capables de lui fournir vermisseaux, insectes 
ou graines pour sa nourriture. C’est là qu'elle se 
couvre parfois de graisse, qui donne à sa chair une 
saveur très-estimée des gourmets. Elle est partout 
peu farouche. Jamais elle ne perche sur les arbres : 
elle a l’ongle du pouce trop long, trop peu fléchi 
pour pouvoir avec lui se saisir aux branches en 
s’y posant. On l'élève facilement en cage, elle y 
devient très-familière. Son chant s’y perfectionne 


DE LA SAVOIE. 385 
encore, car il s’approprie quelquefois le ramage de 
quelques oiseaux placés près d'elle en volière. 
Comme elle aime singulièrement les élévations pour 
se faire entendre, l’on ne doit point oublier de lui 
faire, au milieu de la cage, un petit monticule soit 
en plâtre soit en bois; on l’y verra, en effet, la 
plus grande partie de la journée, tantôt se réjouir, 
battre des ailes et s’y frotter le ventre, tantôt rama- 
ger pendant de forts quarts d'heure. Elle se plaît, 
quand elle est en liberté, à se rouler pendant les 
chaleurs dans les terres légères ; aussi, doit-on en- 
core laisser en réserve, dans sa cage, un espace où 
l’on déposera du sable fin et très-sec, pour l’inviter 
à se livrer à ce genre de plaisir chaque fois qu’elle 
se sera baignée ou qu’elle aura bien chanté. 


2530.—Alouette Cochevis / Alauda Cristata). 
Noms vulgaires : Alouette à Huppe, Verdanje, Coqueline. 


Le Cochevis ou Grosse Alouette Huppée, la Coquillade (Buff.). — Le Co- 
chevis ou l’Alouette Huppée (Cuv..— Alouette Cochevis (Alauda Cristata) 


Vieill., Temm., Degl.—Capellaciu (Savi). 


Cette Alouette a 18 cent. de longueur du bout 
du bec à l'extrémité des rectrices ou pennes cau- 
dales. 

Elle tire son nom Cochevis, visage de cog, d’une 
petite huppe qui lui pare le dessus de la tête. Cette 
huppe, que composent quelques plumes allongées, 
acuminées, noires au centre et bordées de cendré 
roussâtre, est plus ou moins apparente, selon que 


Ma inte 25 


386 ORNITHOLOGIE 
l'oiseau passe d’un mouvement de surprise à la 


crainte : 1l l’étale alors ou la resserre à son gré ; 
c’est ce que l’on remarque plus particulièrement 
dans le mâle. 

Celui-ci a les parties supérieures du corps et le 
dessus de chaque aile d’un cendré roussâtre, avec 
d’étroites taches brunes, le long des baguettes des 
plumes ; les pennes alaires brunes, bordées de roux 
en dehors; celles de la queue noirâtres; mais les 
deux pennes du milieu roussâtres, et les deux laté- 
rales d’un roux pâle, sur leurs barbes externes et à 
leur pointe. Le tour des yeux, la gorge, le ventre et 
l’abdomen sont d’un blanc lavé de jaunâtre, mar- 
qués sur les parties latérales de la gorge et sur la 
poitrine de taches longitudinales, brunes. L’iris est 
brun foncé ; le bec plus allongé, plus déprimé, plus 
arqué que dans l’Alouette des Champs et l'Alouette 
Lulu, brun sur la mandibule supérieure, jaunâtre 
sur l’inférieure. Les tarses sont couleur de chair; 
l’ongle du pouce est long et peu recourbeé. 

La femelle est de 6-8 mill. moins longue que le 
mâle ; sa huppe aussi est moins prononcée; son bec 
moins fort; mais sa poitrine porte quelques taches 
de plus. 

Les jeunes, avant leur mue, ne diffèrent guère 
des adultes que par les mouchetures blanches ou 
blanchâtres, qu'ils ont sur les plumes du ventre, sur 
la tête et le dos. 


DE LA SAVOIE. 387 


L’Alouette Cochevis est commune dans la plu- 
part des contrées méridionales de la France et de 
l'Italie; elle y vit sédentaire, par familles aussitôt 
après les couvées, par petites troupes pendant l’au- 
tomne et l'hiver. Son nid, qu’elle pose à terre, ordi- 
nairement dans les blés, les herbes ou les luzernes, 
est, comme celui de l’Alouette des Champs, fait 
presque sans apprèt. Formé de quelques tiges 
d'herbes et de menues racines de plantes surtout, 
il renferme 4 ou 5 œufs, d’un cendré clair, recou- 
verts de petites taches assez irrégulières, de deux 
nuances, brunes et presque noirâtres, et souvent 
très-rapprochées vers le gros bout de la coque. Ils 
sont en moyenne de 419 à 20 mill. de long, sur 
1h + ou 15 mill. de large. 

Elle est toujours rare en Savoie, où elle ne fait 
que passer rapidement en automne ou à l’arrivée 
du printemps; et encore son apparition dans ce 
»ays n’a pas lieu plusieurs années consécutives : 
il est très-rare de l'y observer seulement deux 
saisons de suite. 

C'est d'habitude à la fin de septembre ou en 
octobre, puis en mars, que nous remarquons cette 
Alouette dans nos plaines. Elle y survient alors par 
paires, mâle et femelle, ou par sociétés de 3 à 5 in- 
dividus, quelquefois seule et à la suite de quelque 
volée d’Alouettes Communes, parmi lesquelles on 
la reconnaît bien vite à ses cris plaintifs : piu, piu, 


RE 


ee 


3553 ORNITHOLOGIE 


piou. Comme elles, elle s’abat sur les champs tout 
récemment ensemencés de blé ou sur les terres 
fraichement labourées ; comme elles aussi, elle s’y 
alimente de graines, de vers et de coléoptères. Mais 
ce qu’il y a de remarquäble en elle pendant ses 
excursions, c’est l'attachement qu’elle montre pour 
ses semblables qui voyagent avec elle. Une paire 
ou une petite bande cherche-t-elle sa vie en quel- 
que lieu, l’un des sujets du couple ou de la bande 
reste au guet, soit au bout d’une pierre, soit à 
la pointe d’une motte de lerre, ou bien simplement 
à terre, auprès des siens, mais au point le plus élevé 
du sol. Au moindre bruit, tout comme à l’arrivée de 
quelque ennemi, il pousse un ou deux petits cris 
(pi ou pipi, quelquefois piupiu), pour en avertir ses 
compagnons qui, à l'instant même, se hâteni de fuir 
en répétant les mêmes cris. Quelquefois l’Alouette 
Cochevis s’arrête au bout des cheminées des h&bi-- 
tations ou sur le chaume qui recouvre les granges 
situées au mitieu des champs; elle y reste quelque: 
minutes très-tranquille, puis elle se met à les par- 
courir d’un pas posé ou à la course ; enfin elle des- 
cend à terre et y cherche des grains, des insectes 
pour sa subsistance. 


E DE LA SAVOIE 


Passereaux, Pigeans. Alaudidees;Colombidées. 


112277 


Litk. Ji Ferrin 2 Chambéry | J.Wetner A Lith. 
1 Alouette Lulu, 224 20446; 3 grnat; P. 589. 
d 1 4 Cufs de sr LT. Aäl. 


5 Colombe Ramier.w47/e adulte: -/39r.nal. P404-6 Æirle lespece:s gr nal 
7 Colombe Colombin mere #2 OT. Tial; PAL-8 72/7 de l'espere, nat 


D'ENMRANSANVOTE. 309 


12%. —Aalouette Kulu / A/auda Arboreu). 


Noms vulgaires : Alouette Courte, Turlulut, Berlute. 
Le Lulu, l’Alouette des Bois, le Cujelier (Buf.). — L'Alouette des Bois. 
Nan Des Team Ge 

On connaît particulièrement ici cette Alouette 
sous le nom d’Alouette Courte, à cause du peu de 
longueur des pennes de sa queue. Ses dénominations 
Lulu, Turlulut. lui sont venues des cris doux et 
presque flûtés qu’elle jette en volant. 

Sa taille est de 16 centim. 

Le mâle et la femelle se distinguent à peine l’un 
de l’autre : celle-ci est seulement un peu plus ta- 
chetée sur la poitrine, et ses teintes blanches parais- 
sent à peu près plus pures sur le devant du corps. 

Le premier est d’un gris roussâtre sur les parties 
supérieures, et y porte une tache noire, dans le mi- 
lieu de chaque plume : celles du sommet de la tête 
sont un peu allongées et susceptibles d’érection, au 
gré de l’oiseau. Üne bande blanchâtre part du bec, 
s'étend au-dessus des yeux et entoure l’occiput ; 
sur les joues, qui sont d’un brun roussâtre clair, 
l’on découvre une petite tache triangulaire blan- 
châtre par devant. Un blanc nuancé de roussâtre ou 
de jaunâtre envahit toutes les parties inférieures : 
le devant et les côtés du cou, de même que la poi- 
trine, sont parsemés de taches noirâtres ; de chaque 
côté de la gorge se trouvent deux petites bandes 


390 ORNITHOLOGIE 


longitudinales, brunâtres. La queue est courte, 
coupée carrément; les pennes du milieu sont 
brunes et roussâtres ; les quatre latérales marquées 
vers le bout d’une tache blanche, et noirâtres dans 
le reste. Sur le bord externe de chaque aile, il existe 
une tache noire et oblongue, placée au milieu de 
deux petits espaces blancs ou blanchâtres. Le bec 
est mince, pointu et brun; l’iris des yeux couleur 
noisette ; les pieds sont carnés ou jaunâtres; l’on- 
gle du doigt postérieur est très-long et très-faible- 
ment arqué. 

Chez le mâle et la femelle, pendant l'été, toutes les 
couleursblanches ou blanchâires s’épurent; la temte 
rousse s’affaiblit; mais le brun, le brunâtre et le noi- 
râtre deviennent d’une nuance plus foncée que du- 
rant l'automne et l'hiver. Ce changement, qui est le 
résultat de l’action de l’air, de l’éclat de la lumière, 
ainsi que de l’usure du bout des plumes, s’opère 
aussi chez plusieurs autres espèces qui, comme les 
Alouettes et certains Pipis, vivent pendant la saison 
des beaux jours dans les lieux les plus arides et 
les plus découverts. 

Les jeunes des deux sexes, au sortir du nid, ont 
tout le dessus du corps varié de noir, de jaune rous- 
sâtre et de blanchâtre; ils portent à la gorge et sur 
les sourcils une faible teinte jaunâtre, puis un peu 
de roussâtre à la poitrine, parmi les mouchetures 
brunâtres ; le milieu du ventre est blanc. 


DE LA SAVOIE. 391 


L’Alouette Lulu n’est pas aussi commune en 
Suisse et en Savoie que l’ Alouette des Champs. On 
l’y trouve spécialement dans les lieux broussailleux 
et accidentés, dans les vignes et les landes. Ces 
cris plaintifs : 


bé dlui, bé diui. bu du li, 


qu’elle jette en volant ou même perchée, et qu’elle 
accompagne par moments d'une tirade de cris plus 
doux, lu, lu, lu, lu, lu, lu, qui retentissent .au 
loin, la font partout aisément reconnaître, Klle à, en 
effet, la faculté de percher ; toutefois elle choisit de 
préférence les branches larges et longitudinales, ou 
les troncs étêtés; elle s’y tient plus à l’aise que 
sur les petits rameaux, qu’elle ne peut du reste ni 
saisir ni entourer de l’ongle du pouce, allongé 
comme il est, et sans être proportionnément re- 
courbe. 

Cette Alouette nous quitte pour le froid; mais 
ses migrations ne sont pas lointaines, puisque aux 
premiers jours de février elle nous arrive des con- 
trées du midi de l’Europe, où son espèce vit séden- 
taire. Aussitôt elle s’apparie, et le mäle commence 
à faire entendre son ramage agréable; mais c’est 
surtout pendant l’incubation, ou lorsque sa com- 
pagne s'occupe du soin de la progéniture, qu'il 


EEE 


392 ORNIPHOLOGTE 

déploie les accents les plus doux, les accords les 
plus mélodieux. Il les redit des heures entières, 
toujours avec le même éclat; soit qu'il reste perché 
au bout d’un roc ou à la pointe d’un arbre, soit qu'il 
vole par bonds répétés ou de biais, ou bien encore 
en se portant de droite à gauche successivement 
tandis qu’il s'éloigne du lieu de son départ. Jamais 
il ne décrit des cercles concentriques comme l’A- 
louette des Champs, quand il s’élève dans l'air en 
chantant. On l’entend, lorsque le temps est beau, 
au lever de l’aurore, pendant la plus grande partie 
du jour et même après que le soleil a disparu de 
l'horizon. Quoiqu'il se trouve à une hauteur où l'œil 
le cherche très-souvent en vain, l’on distingue ce- 
pendant de la plaine chaque coup de son gosier 
brillant, et l’on écoute les sons mélodieux qu’il en 
tire, avec pius de satisfaction que s'ils partaient d’un 
lieu beaucoup plus rapproché. 

L’Alouette Lulu aime ici, pour s’adonner à l’acte 
de reproduction, les coteaux et les collines à demi 
arides; elle s'y établit dans les landes parsemées 
de buissons ou de quelques arbres de taille moyenne, 
dans les vignobles où elle trouve facilement de gros 
tas de pierres bordés de ceps, pour s’y poser, quel- 
quefois dans les moissons et aux abords des bois. 
Déjà vers le 15 ou le 20 mars, on la voit transporter 
au bout du bec les matériaux nécessaires à la for- 
mation du nid: elle le confectionne à terre, sous 


DE LA SAVOIE. 393 
quelque motte, parmi les bruyères, ou dans les blés 
et les avoines, ou bien encore au pied de quelque 
arbrisseau ou d’un cep. C’est encoreles tiges ou fila- 
ments d'herbes sèches et le chevelu des racines qui 
constituent ce nid à l'extérieur et sur les bords; le 
crin, les poils ou d’autres matières douces le mate- 
lassent en dedans. La femelle fait ici deux couvées 
par an ; la première se compose de 4 ou 5 œufs, rare- 
ment de 6, et la seconde, qui a lieu vers la fin de mai, 
de 3 à 4. Ces œufs sont oblongs, de 20 à 21 mill. de 
longueur, sur 14 3 à 15 mill. ; de diamètre; d’un 
blanc sale ou glacé de brun, et piquetés'ou tachetés 
de brun plus ou moins foncé, quelquefois d’un brun 
tournant au rougeâtre, avec d'autres nuances, à 
peine visibles, d’un cendré presque effacé. 

L'incubation se termine au seizième jour. Le 
père et la mère nourrissent leurs petits de chenilles 
sans poils, de larves d'insectes ou de fourmis, de 
coléoptères et d’orthoptères. Aussitôt qu'après la 
sortie du nid, ils les voient en état de chercher et 
saisir eux-mêmes leurs aliments, ilsles laissent seuls 
dispersés dans le canton de leur éducation, puis ils 
vont tous deux à la fois à la découverte d’un autre 
séjour, dans lequel ils font leur seconde couvée. 

Après les nichées, l’Alouette Lulu reste encore 
quelque temps sur nos coteaux et nos collines par 
familles (les dernières couvées), par paires(les vieux) 


4 


ou en petites sociétés de trois à cinq individus, et 


394 ORNITHOLOGIE 

même davantage (les jeunes surtout de la première 
nichée). Ces oiseaux réunis se tiennent particulière- 
ment dans les lieux pierreux, hérissés çà et là de 
petits buissons, dans les jachères et les terres en 
labour; jamais ils ne se mêlent avec les autres es- 
pèces de leur genre ; ils se suivent constamment, et 
s'ils se reposent à terre, c’est toujours en se rejoi- 
gnant. Les force-t-on à s'envoler, ils s’élancent tous 
brusquement, sansse quitter et comme par impulsion 
unique, s'élèvent peu, voltigent en s’appelant et 
en tournant avec rapidité autour du lieu d’où on les 
chasse, et dans lequel ils reviennent souvent s’abat- 
tre quelque moment après. L’habitude où ils sont 
de vivre rassemblés, de s’entr’appeler en volant, de 
se rapprocher en se posant, les entraîne fréquem- 
ment à leur perte, car il suffit, pour les amener dans 
un filet, de les y faire appeler par quelqu'un de leur 
espèce, soit mâle soit femelle; ils y tombent d’au- 
tant plus facilement, que le piége se trouve tendu 
sur quelque terre fraîchement labourée. 

Vers la mi-septembre, les Alouettes Lulus sont 
aussi répandues dans nos plaines basses que sur les 
champs des coteaux ou des monts qui les dominent : 
alors commencent ici leurs migrations vers le midi 


_de l’Europe. Elles partent le matin par petites com- 


pagnies, assez fréquemment par paires ou seules; 
mais c’est aux premiers jours d’octabre que leurs 
émigrations sont le plus notables en Savoie. Plu- 


DANEAISANVOTE. 
sieurs volées, venant du nord ou des contrées de la 
Suisse, y passent alors chaque jour en s’envolant 
vers le midi. De temps en temps pendant le voyage, 
ces troupes de Lulus se jettent dans les vignes, les 
friches, les champs ensemencés récemment, et 
s’y repaissent de graines céréales, de grains de 
panics, de plantains, etc., et de petits coléoptères. 
On les y approche presque toujours de très-près; 
d’ailleurs n’ont-elles pas, comme l’Alowette des 
Champs, l'habitude de se blottir à terre quand on 
les aborde, et de ne partir guère qu’en nous voyant 
devant elles. 

L’Alouette Lulu est toujours rare chez nous 
à la fin d'octobre; ce sont quelques sujets isolés 
qui y surviennent à cette époque, et quelques-uns 
d’entre eux y passent le reste de l’année, dans les 
localités les plus arides et les moins exposées aux 
vents froids. Mais une fois que les neiges les ont 
envahies, ils se rapprochent des habitations et des 
routes; là, ilss’alimentent avec les débris de nourri- 
ture des poules, des pigeons, des canards domes- 
tiques, et avec les grains d'avoine non digérés, 
qu'ils trouvent en fouillant avec le bec dans le 
crottin des chevaux. 


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SIXIÈME ORDRE 
PIGEONS (COLUMBZÆ). 


<< — 


Les Pigeons établissent le passage naturel des 
Passereaux aux Gaillinacés. Ils ont en effet les 
tarses, les doigts, le nombre des pennes à la queue, 
la manière de nicher, le vol facile et plusieurs ha- 
bitudes des premiers, et comme eux, ils vivent en 
monogamie, ne pondent qu’un petit nombre d'œufs; 
tandis qu’ils ont à peu près le bec, le mode d’ali- 
mentation et le jabot très-dilaté des seconds. Mais 
ils s’éloignent essentiellement des uns et des autres 
par la façon de nourrir leur progéniture, en lui 
dégorgeant sa pâture dans le nid: bien difiérents 
des Gallinacés qui sont en partie polygames, pon- 
dent beaucoup d’œufs, et dont les petits éclosent 
habillés d’un duvet déjà serré, courent, cherchent 
et saisissent eux-mêmes leur nourriture, aussitôt 
qu'ils se sont dégagés de leur coquille. Ils diffèrent 


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| 


398 ORNITHOLOGIE 


encore soit des Passereaux soit des Gallinacés, 
par les roucoulements qu’ils poussent à défaut de 
chant; par la faculté de gonfler leur œsophage, au 
moyen de l'air qu'ils y accumulent ; enfin par leur 
habitude de boire d’un trait, c’est-à-dire en plon- 
geant tout le bec dans l’eau, d’où ils ne le retirent 
qu'après en avoir avalé une quantité suffisante. 
Toutes ces considérations doivent nécessairement 
déterminer les ornithologistes à les maintenir seuls 
dans un ordre; et cet ordre trouve naturellement 
ici sa place, que lui assignent l'intermédiaire et 
la connexité qu’il présente des Passereaux aux 
Gallinacés. 

Les Pigeons ont le bec médiocrement long, in- 
cliné à sa pointe et recouvert à sa base d’une peau 
membraneuse ou d’une écaille cartilagineuse, 
comme gonflée. Leurs narines sont oblongues, 
percées dans cette sorte de peau nue et molle, qui 
les recouvre entièrement ou à demi. Leurs tarses 
courts, mais robustes, se trouvent réticulés. Ils 
ont trois doigts devant, un derrière; les antérieurs 
sont divisés ; le postérieur s'articule au niveau des 
premiers, La queue se compose de douze rectrices; 
elle est, de même que les ailes, de moyenne lon- 
gueur. 

Comme les Gallinacés, les Pigeons possèdent 
trois estomacs : c’est par là qu’ils ont aussi, comme 
eux, quelque rapport de structure intérieure avec 


DE LA SAVOIE. 399 
les animaux ruminants. Le premier de ces esto- 
macs, c’est le jabot; 11 est très-dilaté et destiné à 
recevoir les aliments. Ceux-ci y subissent d’abord 
une espèce de ramollissement en se rendant dans 
le second, qui est glanduleux, et où commence la 
digestion. C’est de cet organe que ces. oiseaux ont 
la faculté de dégorger les grains qu'il renferme, 
pour l’alimentation de leurs petits. De ce second 
estomac, les vivres vont dans le troisième, qui est 
le gésier. Celui-ci est musculeux, doué d’une grande 
force digestive. La nourriture achève de s’y ma- 
cérer à l’aide de petits graviers que ces oiseaux 
avalent après ou pendant leur repas, pour faciliter 
leur digestion. Ces débris de gravier ne cessent de 
s’y agiter, ils s’usent insensiblement et disparais- 
sent à la longue avec les excréments. 

Les Pigeons ont les mœurs très-douces, très-so- 
Ciables. {ls sont monogames, et les deux époux une 
fois appariés ne contractent pas d’autre alliance; 
ils ne se quittent qu’à la mort ou à tout autre acci- 
dent qui vient apporter obstacle à leur union. Bois, 
taillis, champs, pâturages, rocailles, sont, selon 
les espèces, leur demeure habituelle; ils y vivent 
en couples, par familles ou par troupes, suivant 
les saisons ; s’y nourrissant généralement de grains 
ou de semences d’un grand nombre de végétaux. 
Souvent leur chair s’approprie le goût des ali- 
ments dont ils font le plus d'usage; celle des 


400 ORNITHOLOGIE 


jeunes est toujours préférable à celle des vieux, 
qui est habituellement dure. 

Cet ordre renferme seulement la famille sui- 
vante. 


Vingt-neuvième Famille, 
COLOMBIDÉES (Columbidæ). 


Signes caractéristiques : Bec médiocre, comprimé latéralement, 
faible, flexible, garni à sa base d'une membrane nue, molle et 
comme gonflée ; mandibule supérieure plus ou moins renflée à 
sa pointe, courbée ou seulement inclinée vers le bout. Narines 
oblongues, percées au milieu du bec, dans le cartilage qui les 
recouvre. Tarses nus, réticulés et courts ; les trois doigts de de- 
vant totalement divisés; celui de derrière articulé sur le même 
plan que les antérieurs. Ailes à première rémige plus courte 
que la deuxième, qui est la plus grande de toutes, dans les 
espèces européennes. 


Les oiseaux appelés dans cette famille sont re- 
marquables par les reflets métalliques que jettent 
les barbes de leurs plumes fines et comme décom- 
posées ; par la douceur et la familiarité de leurs 
mœurs ; par leur fidélité réciproque et durable. Ils 
sont essentiellement granivores, par moments pul- 
vérateurs, c’est-à-dire qu’ils aiment, comme les 
(Grallinacés, à se rouler quelquefois dans la pous- 
sière, le sable, ou dans la terre légère, sans doute 
pour se soulager ou se délivrer de la vermine ou 
des petits insectes parasites qui les tourmentent. {ls 
fréquentent les lieux boisés, les terrains secs et ro- 
cailleux, les champs ensemencés , les endroits 


DE LA SAVOIE. AOL 


hérissés de buissons et rapprochés des bois. Pour 
faire la cour à leur maîtresse, les premiers roucou- 
lent autour d’elle en piaffant et en prenant des airs 
lascifs três-gracieux ; ils la suivent dans tous ses 
détours, jusqu’à ce qu’un ou plusieurs baisers, don- 
nés et rendus successivement, aient été le prix de 
leurs transports d'amour. Ordinairement deux 
pontes par an, de 2 ou à œufs, sont le résultat de 
leur union; elles sont reçues dans des nids presque 
plats, assez larges, et composés de quelques petites 
branches ou de quelques bûchettes. Le couple heu- 
reux travaille d’un commun accord à la confection de 
ces berceaux, et 1l les loge sur les arbres ou dans de 
hauts buissons, dans les crevasses des rochers ou 
les cavités des vieilles constructions. 

Le mâle, dans les Colombidées, couve et nourrit, 
de concert avec la femelle, la progéniture : celle-ci 
naît vêtue très-légèrement d'un duvet blanchâtre 
ou d’un {on presque jaunâtre, et reste aveugle pen- 
dant les cinq ou six premiers jours environ. Ils 
viennent l’un après l’autre successivement lui dé- 
sorger les aliments. C’est d’abord avec une sorte 
de bouillie à peu près semblable au lait des mam- 
mifères, quand il est très-épais, qu’ils la nourris- 
sent; mais dès qu’elle se revêt de ses plumes, ils ne 
lui distribuent plus que des graines à moitié digé- 
rées ou très-ramollies au moyen de l’eau qu'ils 
avalent alors fréquemment. Au lieu d'ouvrir le 


HTC 26 


402 ORNITHOLOGIE 


bec, comme presque tous les oiseaux nourris dans 
le nid, pour recevoir leur pâture, les petits l'intro- 
duisent entièrement dans celui de leurs auteurs, où 
ils le tiennent entr’ouvert. De cette façon, ils re- 
coivent les substances que leurs père et mêre regor- 
gent de leur jabot ou du gésier par un mouvement 
convulsif, qui doit être pour eux pénible, si l’on en 
juge par les gémissements, par les ellorts et le 
remuement des ailes et de tout le corps qui l'accom- 
pagnent. Les Pigeonneaux ont longtemps besoin 
des soins paternels et maternels; ils ne quittent le 
nid que lorsqu'ils sont très-capables de voler, et 
après la sortie, leurs parents leur donnent encore 
pendant quelques jours les vivres par la même 
vole. 

Après les nichées, les Colombidées constituent 
des familles ou des bandes plus ou moins nom- 
breuses, qui courent à la recherche de leur subsi- 
stance dans les bois, les champs, les endroits ro- 
cailleux. Chez nous, comme dans d’autres contrées 
de l’Europe que leurs espèces n’habitent qu’en petit 
nombre, on les remarque très-souvent par couples 
ou solitaires. Leur vol est rapide et bruyant. Lors- 
qu’ils sont en troupe, le premier sujet qui part bat 
des ailes avec force, signe convenu pour avertir ses 
compagnons; et ceux-ci de lui répondre par le 
même battement en prenant l’essor pour le suivre. 
Lorsque toute la bande est élevée dans les airs, on 


DE LA SAVOIE. 403 


n'entend presque plus qu’une espèce de sifflement 
produit par la résistance de l’air qu’elle traverse 
d'un vol vigoureux. Tous les Colombidées sont 
d'excellents voiliers ; mais leur démarche est lente 
et accompagnée d'un balancement du corps. 


LVe Genre : COLOMBE /Columba). 


LS Res QUE PUS dent dau los enles de POP € A8 le Monnite qui 
précèdent. 

Nous trouvons en Suisse et en Savoie quatre 
espèces de Colombes ou de Pigeons Sauvages: 
mais elles n’y sont pas aussi abondantes que dans 
plusieurs contrées de la France, surtout dans les 
pays du centre et du midi. Ici, quelques individus 
vivent sédentaires ; mais la plupart y sont passa- 
sers en automne et à l'approche du printemps. 
Les sexes différent à peine extérieurement. Les 
jeunes se distinguent des adultes seulement jusqu’à 
leur première mue. Quelques espèces de ce genre, 
réduites à l’état de domesticité, sont devenues tri- 
butairés et se reproduisent autour des habitations 
humaines en captives volontaires; d’autres, sou- 
mises à l’esclavage, subsistent par les soins de 
l’homme, qui perpétue leurs races ou en crée de 
nouvelles, suivant ses caprices. 


404 ORNITHOLOGIE 


1932.—Colombe Ramier /Columba Palumbus)]. 


Noms vulgaires : Le Ramier, Ramia, Pigeon Sauvage, Pinzon Sarvaze ou 
Sôvaze, la Palomba. 


(Colunba Palumbuss, Veil. -Colombe Ramier (Cotuméa Patumbus}, Ten 
Degl.—Colombaccio (Savi). 

Le Pigeon Ramier, qui est l’espèce la plus 
commune de nos climats, à 46 cent. de longueur 
totale. 

Le mâle adulte est notable par l’espace blanc, 
en forme de croissant, qui lui pare chaque côté du 
cou. Il a le sommet de la tête, la gorge, le crou- 
pion et la partie supérieure de la queue, d’un cen- 
dré bleuâtre, sans taches; les parties latérales et le 
dessus du cou, d’un vert doré, se changeant en bleu 
et en couleur de cuivre rosette par les effets de la 
lumière ; la poitrine et le haut du ventre, d’une belle 
couleur vineuse, à reflets chatoyants vers les côtés 
du cou; le dos et les ailes, d’un cendré mêlé de 
brun : ces dernières ont sur leur bord un grand 
espace blanc. Les rémiges sont noires, bordées de 
blanc ; les pennes caudales terminées par un espace 
noir. Le ventre et l'abdomen sont d’un cendré blan- 
châtre, Le bec est rougeâtre, marqué de jaune 
orange à la pointe et comime saupoudré de blanc 
sur sa peau membraneuse; l'iris des yeux jaune ou 
d'un jaune pâle ; les tarses sont rouges. 

La femelle adulte paraît un peu plus petite que 
le mâle. Elle a les teintes de sa livrée généralement 


DE LA SAVOIE. 4105 


plus claires et le croissant blanc des côtés du cou 
moins étendu. 

Les jeunes, en sortant du nid, ne portent ni blanc 
ni reflets chatoyants sur les parties latérales du cou ; 
ce n’est qu’à leur première mue qu'ils se parent de 
ces couleurs. [ls ont, en outre, les nuances de leur 
plumage en général ternes. 

Les Ramiers sont plus communs dans le midi 
que dans lenord. Néanmoins quelques paires vont se 
reproduire jusqu’en Suède, en Russie et en Sibérie. 
Ils font deux passages par année en Suisse et en 
Savoie; mais le second, le passage d'automne, est 
toujours plus nombreux que celui de la fin de l'hiver. 
Ce dernier commence à la mi-février ou un peu 
plus tard, et se prolonge, suivant les années, jus- 
qu'aux premiers Jours d'avril. A cette période, l’on 
ne rencontre guère chez nous que les individus qui 
veulent s’y propager ; ils sont réunis par paires, 
mâle et femelle, et rôdent à la découverte d’un 
canton dans quelque lieu solitaire, où ils pourront se 
livrer tranquillement aux soins de la reproduction. 
Habituellement quelques couples vont chaque année 
au printemps s'établir dans les forêts de sapins, de 
hêtres et de chênes des Bauges, des Déserts, des 
alentours de Thônes, d’Albert-Ville, de Beaufort, 
de Moûtiers, etc., etc. Ils s’y apprêtent à nicher 
vers le milieu ou à la fin d'avril, quelquefois en 
mal. 


LO6 ORNITHOLOGIE 

Pour bâtir le nid, le mâle et la femelle vont tan- 
tôt ensemble, tantôt séparément, à la recherche des 
matériaux ; ils reviennent quelques instants après, 
emportant au bec quelques petites branches sèches 
et très-légères, qu'ils posent l’un après l’autre dans 
le domicile commun. Quelquefois le dernier arrivé 
remet sa charge à son compagnon qui reste au nid 
pour réunir ensemble les bûchettes déjà entassées, 
pendant qu’il retourne en chercher de nouvelles. 
C'est à l’extrémité d’un arbre touffu, ou bien sur la 
tête d’un tronc garni de mousse et de lierre ou en- 
touré de jeunes pousses, qu’ils posent ce travail : ils 
le font presque tout plat, lui donnent si peu d’épais- 
seur qu’on voit facilement le jour au travers des pe- 
tites branches qui en forment le dehors et des racines 
qui le tapissent parfois au milieu, en dedans. La 
femelle y dépose 2 œufs, très-rarement 3; obtus 
aux deux extrémités, d’un blanc pur et plus ou 
moins luisant, mais faiblement teintés de rose lors- 
qu’ils sont frais pondus. Leur longueur est de 3 cent. 
7 :à8 mill., et leur largeur diamétrale de 2 cent. 
6-7 mill. L’incubation, à laquelle le mâle prend 
part chaque jour à diverses reprises, dure dix-huit 
à dix-neuf jours. 

Les petits éclosent légèrement couverts d’un poil 
follet, de couleur presque jaunâtre. Aussitôt qu'ils 
voient (ils naissent du reste aveugles, comme je 
l’ai annoncé à l’article de la famille), ils se gonflent 


— 


om 


DEL ANSAMOIE. 407 
devant le dénicheur, se hissent sur leurs pieds, 
s'élancent, quoique à peine vêtus de quelques 
plumes sur le dos et les ailes, contre lui, comme 
pour le frapper du bec, de la poitrine ou du bout 
de l’aile, à chaque fois qu'il veut les toucher ou 
seulement les regarder de très-près dans le nid. 
Pour les nourrir quand ils sont déjà forts, le père et 
la mère se remplissent le jabot de graines, vont 
ensuite boire abondamment de l’eau pour les ramol- 
ir, retournent à leurs petits et leur dégorgent cette 
substance. 

Après cette couvée, le mâle en fait souvent une 
seconde avec la même femelle, vers la fin de juin 
ou le commencement de juillet, mais dans un autre 
nid que celui qui à servi à la première. Cette nou- 
velle ponte est toujours de deux œufs. 

Les nichées terminées chez nous, les Ramiers 
vivent seuls (les jeunes) ou par couples (les vieux), 
quelquefois en famille (tous les sujets d’une cou- 
vée). Alors iis fréquentent particulièrement les con- 
trées montueuses, et s’abattent sur les champs de 
faséoles, de lentilles, de vesces, des grains desquels 
ils se gorgent. Pour les en chasser, les villageois 
sont souvent réduits à parsemer les terres, où ils 
commettent chaque jour le dégât, de haïllons fixés 
au bout de quelques perches et que le vent agite 
presque sans cesse. Forcés de laisser les champs, 
ces oiseaux se jettent dans les bois de hêtres et de 


108 ORNITHOLOGIE 

chênes, où ils vivent de faînes et de petits glands 
qu'ils avalent tout entiers; ils visitent aussi les pâ- 
turages, les rocailles et les clapiers, et s’y repais- 
sent de graines et du bout des feuilles de plusieurs 
sortes de plantes. C’est surtout le matin et le soir 
qu'ils courent aux vivres; ils rentrent dans les bois 
de haute futaie vers le milieu du jour et au cou- 
cher du soleil pour s’v cacher avant la nuit. Ils sont 
partout sauvages, très-méfiants ; ils se perchent 
à la cime des arbres et s’envolent dès qu’on cherche 
à les aborder : ce n’est guère que par surprise qu’on 
réussit quelquefois à les tirer de près. Sont-ils plu- 
sieurs ensemble répandus à terre, sur quelque 
champ qui leur fournit des aliments, il est rare 
qu'un ou deux sujets de la bande, et même davan- 
tage, ne restent pas sur les arbres qui le bordent ou 
sur quelque éminence très-voisine, pour veiller 
l'ennemi commun. Ceux-ci descendent-ils sur le 
sol, à l'instant même d’autres regagnent les arbres, 
et y font sentinelle à leur tour. 

Les Ramiers posent aussi des sentinelles chaque 
fois qu'après leur repas ils arrivent auprès d’une 
source ou de quelque mare pour boire; mais alors 
ils se succèdent presque sans interruption dans 
leurs fonctions. Les premiers de la troupe qui sont 
à terre n’ont pas plutôt bu, qu’ils vont relever 
les sentinelles; et celles-ci de s’abattre auprès de 
l'eau, d'y plonger le bec, d’avaler d’un trait 


DENLANSAVOIE. 409 
toute la quantité d’eau dont elles ont besoin, et 
de rejoindre le reste de la compagnie sur Îles 
arbres. Au moindre danger, soit à l’arrivée et 
même aux cris de l’oiseau de proie, soit à l’ap- 
proche du chasseur ou de tout autre ennemi, les 
gardiens de la bande, sans jeter un seul cri, par- 
tent brusquement en claquant des ailes ; à ce signal, 
toute la troupe alarmée s’élance, se sauve avec 
précipitation par un battement d'ailes très-bruyant, 
se groupe dans les airs et marche ensuite souvent 
de front vers quelque autre séjour. 

C’est à la mi-octobre, ou au commencement de 
novembre, suivant que les frimas sont plus ou 
moins précoces, que s'effectue dans nos contrées 
le second passage des Ramiers. Ils voyagent alors 
le matin, puis le soir jusqu’au coucher du soleil. 
Presque tous ceux qui traversent nos vallées, vien- 
nent du nord et se dirigent en toute hâte vers le sud; 
formant très-souvent de leurs bandes une grande 
ligne presque oblique, dont la tête tend toujours, 
à la faveur des vents qui dominent, vers les climats 
chauds, leur refuge d’hiver. Quelques individus 
restent pourtant en Savoie pendant la mauvaise 
saison, mais ils sont rares durant les rigueurs des 
gelées, Ceux-ci vivent solitaires ou par couples, par- 
fois en petites compagnies, et courent les bois, ceux 
de hètres et de sapins surtout, dont ils dévorent les 
semences. Quand le vent du nord souffle, c’est par- 


410 ORNITHOLOGIE 


ticulièrement dans les terrains rocailleux, sur les 
escarpements le long des fleuves et des torrents, 
sur les pentes des coteaux ou des collines exposées 
au midi et dégarnies de neige, que l’on doit aller 
les chercher ; ils vivent là de toutes sortes de grai- 
pes, même des boutons de plantes qui renferment 
des feuilles pour le printemps, et qu’ils avalent tout 
entiers. Découvrent-ils dans leurs trajets quelque 
cnamp de choux ou de colzas, ils s’y abattent et 
mangent le bout des feuilles. 

Les Ramiers ont pour toute voix un roucoule- 
ment plus fort que celui des Pigeons Domestiques. 
Il ne le font guère entendre que dans la saison de 
l'amour et pendant les beaux jours; car les mau- 
vais temps les rendent taciturnes. Leur naturel est 
très-sauvage ; aussi, ne réussit-on que très-difficile- 
ment à les faire propager en captivité. J'ai vu 
renfermer des Ramiers dans un colombier pour les 
y faire produire et vivre en bonne harmonie avec 
quelques Pigeons Domestiques; mais ceux-ci leur 
firent une guerre si acharnée, qu'ils ne donnèrent 
pas un seul signe tendant à la reproduction, quoi- 
qu'ils .eussent été pris très-jeunes dans le nid. Le 
jour où leur maître, croyant compter sur eux, fit 
pour la première fois ouvrir le colombier, ils dis- 
parurent et recouvrèrent la liberté dont on les avait 
injustement privés, 


D'EVEAUS A VOIE. #11 


K923.—Colombe Colombin / Columba OEnas |. 


Noms vulgaires : Petit Ramier, Ramiala, Bisé, Pigeon Sauvage. 
Le Pigeon Commun (Buff.), —Le Colombin ou Petit Ramier (Cuv.).—Pigeon 
RS — Colombe Colombin (Columba OEnas), 

Le Colombin est, à l’époque de ses passages, 
toujours moins abondant en Savoie que le Ramier. 
On l'y voit plus fréquemment seul à seul ou deux à 
deux, mâle et femelle, que par bandes ; et encore 
se composent-elles habituellement de quelques su - 
jets. C’est au contraire par troupes considérables, 
quelquefois de plusieurs centaines d'individus, 
qu’il passe tous les ans dans quelques cantons de 
France et d'Allemagne. 

Les Colombins, que beaucoup de gens regardent 
comme la souche de la plupart des Pigeons de Co- 
lombier, ont le vol haut, rapide et longtemps sou- 
tenu. Chez nous, on les observe principalement de- 
puis le 5 ou le 12 octobre jusqu’au 10 novembre, et 
d'ordinaire pendant les grands vents du nord. Sont- 
ils surpris dans leur vol par un vent contraire ou 
en face, aussitôt ils se groupent, et tous à la fois, 
comme d’une seule impulsion, ils rabaissent leur 
vol et rasent presque le sol, tant qu'il est de niveau. 
A chaque élévation ils se relèvent; ils la franchis- 
sent et se rapprochent ensuite de terre pour 
continuer leur marche rapide. Si l’on se trouve 
alors sur leur passage, souvent ils ne se donnent 


{12 ORNITHOLOGIE 

pas la peine de changer de direction; ce n’est guère 
que dans cette circonstance que l’on peut quelque- 
fois faire essuyer à leurs bandes quelques coups de 
fusil; car il est presque impossible de les aborder 
quand elles se perchent à la cime des arbres, ou 
lorsqu'elles cherchent leur vie dans les lieux décou- 
verts, rusées et sauvages comme elles sont ici, pen- 
dant leurs migrations. Des sujets repassent en mars 
dans nos vallées inférieures, mais ils y restent ra- 
rement pour se reproduire. Seulement quelques 
couples isolés se propagent parfois dans nos forêts 
les plus solitaires ; il en niche régulièrement un plus 
grand nombre dans celles des parties de la France 
qui confinent à notre territoire, et où l’on sait mieux 
respecter les bois que dans nos localités. 

Comme le Aamier, le Colombin construit avec 
des bûüchettes sur de grosses branches ou sur la 
tête d’une souche garnie de lierre, quelquefois 
dans de larges cavités d'arbres, un nid assez léger, 
de forme plate. Sa couvée se compose de deux œufs 
blancs, un peu moins gros que ceux du Ramier. 
Le mâle et la femelle nourrissent et élèvent leur 
progéniture avec les mêmes soins que ce dernier. 

Le Pigeon Colombin a 35-36 cent. de longueur. 
1! est cendré sur la tête, la gorge, les ailes et sur 
les parties inférieures; de couleur lie de vin à la 
poitrine et devant le cou : le dessus et les côtés de 
cette partie jettent des reflets d’un vert doré. Le 


DE LA SAVOIE. 415 


haut du dos est cendré brun. Sur les deux dernières 
pennes secondaires de l’aile et sur quelques-unes 
des tectrices alaires, se trouve une tache noire. Les 
pennes caudales sont d’un cendré bleuâtre, mais 
terminées de noir ; le même cendré bleuâtre se fait 
aussi remarquer sur les pennes des ailes et sur le 
croupion. Le bec est rouge pâle, recouvert à sa base 
d’une peau molle et blanche ; l’iris d’un rouge tirant 
au brun; les pieds sont rouges. 

Les jeunes du Colombin, avant leur première 
mue, manquent de reflets chatoyants sur les côtés 
du cou, et de taches noires sur les ailes. Ils difiè- 
rent des jeunes Biseis, que je vais décrire, spécia- 
lement par leur croupion qui est bieu cendré, tan- 
dis que ces derniers l’ont d’un blanc pur. 


194.—Colombe Biset /Columba Livia). 


Noms vulgaires : Pigeon Sauvage, Bize, Biget, Couloun. 


5 af BL Be qu ir de Ru Pin 
— Piccione Torrajolo (Savi). 

Le Biset est, suivant plusieurs naturalistes, le 
type de nos Pigeons de Colombier et de quelques 
races de Piyeons de Volière. 

Il a 33 centim. de longueur totale. 

Ses parties supérieures et inférieures sont d'un 
bleu cendré, à part le croupion qui est d’un blanc 
pur etles côtés du cou d’un vert doré, à reflets vio- 
lâtres chatovants. Deux bandes noires traversent 


414 ORNITHOLOGIE 


les ailes ; la même couleur termine les pennes dela 
queue, qui sont d’un cendré plus foncé que le corps. 
Le bec est d’un brun rouge; l'iris et les tarses 
sont rouges, 

Les Jeunes, en sortait du nid, ressemblent à ceux 
du Colombin; toutefois on les reconnaît à leur crou- 
pion blanc. 

Les Pigeons Biscts existent rarement à l’état 
sauvage dans la plupart des contrées les plus peu- 
plées de l’Europe, mais en une sorte de captivité 
volontaire, s’accommodant des gîtes ou colombiers 
que l’homme leur prépare, et où ils lui payent tri- 
but. 1ls vivent dans une entière indépendance dans 
diversesrégionsde nord ouest et du sud de l’Europe. 

Nous en avions en Savoie, ces années dernières, 
quelques petites sociétés qui nichaient très-libre- 
ment dans les parties les plus rocailleuses des 
Bauges, dans quelques rochers des bords du Rhône, 
dans ceux de l’ermitage de Saint-Saturnin, près 
de Chambéry. Ces couples y faisaient leurs gîtes 
des creux des rocs les moins accessibles, ou des 
crevasses de quelque vieille construction voisine et 
inhabitée ; ils bâtissaient là leurs nids de la même 
manière et à l’aide du même genre de matériaux 
que les deux espèces précédentes. Ces domiciles 
contenaient 2 œufs entièrement blancs et renflés, 
que le mâle et la femelle couvaient alternative- 
ment le jour : la femelle seule les réchauffait pen- 


DE, LA SAVOTE. 419 


dant toute la nuit, Ces Bisets étaient farouches ; ils 
fuyaient à l'approche de l'homme, el allaient se ju- 
cher à la cime des rochers les plus isolés, comme 
pour mieux le voir venir. Pour chercher leur vie, 
ils S'éparpillaient le long des rocs, sur les bords des 
torrents, parmi les pierres et les broussailles, où ils 
trouvaient force petites graines, force baies sèches, 
qu’ils avalaient tout entières. [ls ajoutaient encore 
à ce genre d'aliments le bout des petites feuilles ou 
lés boutons des fleurs lés plus tendres, de très- 
petits coquillages terrestres, toutefois occupés par 
leurs animaux. Dans les lieux sablonneux, on les 
voyait becqueter fréquemment le petit gravier, dont 
ils avalaient quelques morceaux, puis se rouler par 
moments dans le sable le plus sec, comme d’ailleurs 
le font aussi leurs congénères, pour se soulager 
où se débarrasser des insectes où de la vermine 
qui très-souvent les incommodent,. 

Aujourd’hui, c’est presque en vain que l’on cher- 
che des couples de Bisets dans notre pays. De loin 
en loin l’on y découvre en automne, pendant l'hiver 
et au printemps, quelques sujets presque toujours 
seuls, très-rarement deux à deux. De temps à autre, 
ils viennent rôder autour des maisons de campagne 
et descolombiers, où ils se logeraient infailliblement 
si les Pigeons Domestiques, qui déjà les occupent, 
ne leur donnaient pas assidûment la chasse, quand 
ils s’en approchent. 


416 ORNITHOLOGIE 


495.—Colomhe Tourterelle / Columba Turtur }. 


Noms vulgaires : Tourterelle Sauvage, Tourtre, Tourtrella. 


La Tourterelle (Buff.). — Pigeon Tourterelle (Columba Turtur), Vieill. — 
Colombe Tourterelle (Columba Turtur), Temm., Degl.—Tortora (Savi). 


La Colombe Tourterelle, prise au nid, s’appri- 
voise facilement à l’état de captivité; elle s’y 
apparie volontiers avec la Tourterelle Blonde à 
Collier (Columba Risoria, Linn.), qui est d'Afrique 
et des grandes Indes, et dont les mœurs sont sem- 
blables aux siennes. Cette union est habituelle- 
ment féconde, mais ses produits restent toujours 
stériles. 

Sa taille est de 30 cent. 

Le mâle adulte et vieux est remarquable par 
l’espace noir, coupé obliquement par quatre raies 
blanches, qu'il porte de chaque côté du cou. Il est 
d’un cendré presque vineux sur la tête et à la 
nuque; d’un vineux clair sur le devant du cou, 
à la poitrine, sur le haut du ventre: les autres 
parties inférieures sont d’un blanc pur. Un brun 
cendré couvre le dos, le croupion, les couvertures 
supérieures de la queue ; mais le dessus des ailes est 
roux, avec une tache noire qui occupe le centre de 
chaque plume. Les rémiges sont noirâtres; les 
pennes caudales d’un cendré noir, terminées de 
blanc, à l’exception des deux du milieu : la penne 
la plus latérale de chaque côté est en outre 


DE LA SAVOIE. 417 


blanche extérieurement. Le bec est brun noirâtre : 
l'iris d’un jaune rouge ; le tour des yeux et les tarses 
sont rouges. 

La femelle est un peu plus petite que le mâle, et 
ses couleurs sont moins vives. 

Les jeunes, avant la première mue, n’ont point 
d'espace noir et blanc sur la partie latérale du cou. 
Leur robe est alors terne en dessus, et d’un blanc 
sale, presque lavé de roussâtre dessous le corps. 
Après la mue, le croissant blanc et noir des côtés 
du cou paraît à peine; ce n’est qu’au printemps 
suivant qu’on le remarque dans toute son étendue 
et toute sa vivacité. | 

La Colombe Tourterelle va passer l'hiver en 
Afrique et en Asie, et retourne en Europe dès le 
mois d'avril. Elle se répand alors dans tous les cli- 
mats : on la rencontre même fort avant dans le 
Nord pendant l’été. Mais c’est principalement dans 
le Midi et les pays fort tempérés qu'elle reste le 
plus en quantité pour se reproduire. 

Elle n’est point commune soit en Suisse, soit en 
Savoie, où nous ne la possédons guère plus de quatre 
mois et demi de l’an. En effet, elle y arrive d’habi- 
tude aux derniers jours d'avril, quelquefois seule- 
ment dans la première semaine de mai, surtout si 
le printemps n’a pas été précoce; puis elle dispa- 
raîit avant la fin-septembre, excepté quelques sujets 
jeunes et rares qui surviennent encore de temps en 

AE dt 27 


| 
\f2 


418 ORNITHOLOGIE 
temps dans nos champs et nos bosquets jusqu’à la 
mi-octobre. 

Pour passer ici le temps des amours, la Tourte- 
relle se fixe avec sa compagne dans les bois ou les 
fourrés les plus frais, les plus ombreux et les moins 
fréquentés par l’homme ou par les bestiaux en pâ- 
turage; elle aime surtout ceux qui recouvrent les 
flancs méridionaux des collines et des coteaux qui 
dominent la plaine : les bords broussailleux du 
Rhône, les lieux très-boisés des environs du 
Pont - Beauvoisin, de la Motte - Servolex, du 
Bourget, d’Aix-les-Bains, etc., possèdent régulière- 
ment, l'été, quelques couples de ce charmant 
oiseau. Aussitôt de retour, au printemps, le mâle 
s'annonce par ses doux et plaintifs roucoulements,. 
Il roucoule pour rappeler sa compagne, il roucoule 
quand elle se rend à ses désirs, puis à ses côtés 
avant de se livrer à ses transports amoureux ; alors 
il la salue, se prosternant devant elle à diverses re- 
prises, et si profondément que son bec touche pres- 
que à chaque fois la terre ou la branche qu’il occupe : 
tous ses mouvements sont brusques, mais tendres 
et lascifs. En même temps, il suit pas à pas la fe- 
melle dans tous ses petits détours, faisant entendre 
avec monotonie ses doux gémissements ; et celle-ci, 
qui paraissait d’abord insensible, de lui répondre 
tout à coup par des soupirs encore plus doux et 
plus plaintifs, gage certain d'un amour plus vif, 


DE LA SAVOIE. 419 


plus passionné ; et le couple de se donner à l’envi 
plusieurs baisers successifs, de se les rendre tour à 
tour avec la même émulation, 

Vers la mi-mai, la Tourterelle s'occupe ici de 
nidification. C’est sur les branches des arbres, sou- 
vent de petite taille, quelquefois dans les buissons 
très-élevés, qu'elle pose le berceau de sa race fu- 
ture. Le mâle et la femelle y travaillent avec ar- 
deur ; mais fréquemment le mâle seul va à la recher- 
che des matériaux, qui sont de très-petites branches 
ou des büchettes, et 1l les apporte à sa compagne 
qui les réunit sous forme de nid. L'ouvrage ter- 
miné est plat, léger, si peu épais qu’on voit aisé- 
ment le jour au travers. La ponte est de 2 œufs 
blancs, obtus aux deux bouts, et de 2 cent, 7-8 mill. 
de long, sur 21 mill. de diamètre. Comme chez 
les trois espèces précédentes, le mâle s’adonne 
trois ou quatre fois par jour à l’incubation, tandis 
que sa compagne court aux vivres. À l’éclosion qui 
s’eflectue au seizième jour de couvaison, il travaille 
avec autant de zèle qu'elle pour l'alimentation des 
petits, qui naissent vêtus d’un poil follet blan- 
châtre. Pendant que l'un d’eux vient leur dégorger 
la pâture qu'il a préparée dans son jabot, l’autre, 
qui les réchauffait en l’attendant, retourne aux pro- 
visions, et revient ensuite au nid pour les leur dis- 
tribuer par le même acte. 

Après leur éducation achevée, les jeunes vivent 


420 ON TTEHTOLOICTE 


ici solitaires, quelquefois trois à cinq ensemble. Les 
vieux restent appariés, et font assez souvent une 
seconde couvée vers le commencement de Juillet. 

Les nichées terminées, les Tourterelles s’épar- 
pillent dans les champs, chènevières, parcs, pâtu- 
rages, prés et broussailles. Dans les champs, elles 
se repaissent de graines de sarrasin (blé noir), 
d'avoine, de chènevis, de millet, de mercuriales, 
de plantains, de panics, etc. ; dans les prés, surtout 
aux abords des marais, elles mangent les très-pe- 
tits coquillages terrestres, même les sauterelles les 
plus tendres, qu’elles avalent tout entières. Habi- 
tent-elles dans le voisinage de quelque maison de 
campagne, elles viennent de temps en temps le 
matin s’abattre jusque dans le jardin, où elles 
restent cachées parmi les légumes. Les jeunes de 
l’an sont peu sauvages; ils se lèvent souvent à quel- 
ques pas des chasseurs qui craignent parfois de 
les tirer, tant ils croient reconnaître en elles des 
Tourterelles apprivoisées, surtout quand ils les ren- 
contrent auprès des habitations. Ces oiseaux sont 
d'habitude, quelques jours avant leur départ de 
nos contrées, couverts de graisse; leur chair est 
alors un morceau délicat. 


SEPTIÈME ORDRE 
GALLINACÉES (GALLINÆ). 


—$ << —<— 


Signes caractéristiques de l’ordre. Yeux situés à fleur de 
tête, dirigés de côté; tour de l’œil et sourcils nus ou re- 
couverts d’une peau molle, ordinairement charnue. Bec 
court, convexe, à mandibule supérieure voütée, courbée 
insensiblement dès sa base ouseulement presque à la pointe, 
à bords recouvrant la mandibule inférieure, ce qui les rend 
propres à ramasser et à retenir dans le bec les aliments. 
Narines à demi fermées par une membrane nue ou garnie 
de très-petites plumes. Tarses courts ou moyens, nus ou 
plus ou moins emplumés.Trois doigts devant réunis par une 
petite membrane qui se prolonge souvent en un léger re- 
bord sur les côtés des doigts : un derrière s’articulant plus 
haut sur le tarse, au-dessus des articulations des doigts 
antérieurs, et ne portant quelquefois à terre que sur 
l’ongle. Ongles recourbés, aigus. nullement rétractiles. 
Ailes courtes et arrondies. Queue très-souvent courte, 
composée de 14, 16 ou 18 pennes. 


Comme les Pigeons, les Gallinacées se rappro- 
chent des mammifères sous le rapport de leurs trois 
estomacs successifs. Leur nourriture, qui consiste 
en grains, semences, baies, bourgeons, boutons de 
fleurs, insectes et larves, ne fait guère que passer 
dans le premier, qui est le jabot; en même temps 


122 ORNITHOLOGIE 
elle y reçoit un premier ramollissement. Elle s’éla- 
bore, se macère ensuite dans le second, et achève 
de se digérer dans le troisième ou le gésier. Celui- 
ci est très-musculeux, d’une puissance si énergique, 
qu’il digère des substances très-dures, On le trouve 
souvent presque rémpli de très-petites pierres qui 
augmentent, en s’y remuant sans cesse, les forces 
de l’organé, et due ces oiseaux avalent pour faciliter 
en eux la digestion. Ges grains de gravier s’usent 
insensiblement et disparaissent avec les fientes. 
Les Gallinacées ont encore quelque rapport avec 
les mammifères, sous l'appareil digestif, par la 
longueur du tube intestinal, Le sternum qui est 
osseux, est diminué dans son étendue par deux 
larges et profondes échancrures qui en occupent 
presque tous les côtés; c’est un ligamént seul qui 
unit la pointe aiguë de la fourchette à la crête tron- 
quée obliquement en avant. Les muscles pectoraux 
ont moins de force que dans les oiseaux de plu- 
sieurs autres ordres; aussi, esl-ce de cette faiblesse 
d'organisation que provient le peu d’aisance pour 
le vol dans les Gallinacées. Ils ont le larynx très- 
simple; et cette simplicité s'explique par le peu 
d'agrément de leur chant ou de leurs cris. 
Quelques-uns sont polygames, et leurs passions 
qui naissent du désir de se reproduire, sont infini- 
ment plus ardentes que dans les oiseaux qui consti- 
tuent les ordres précédents. Les mâles de ces 


DE LA SAVOIE. 498 
éspèces se livrent entre eux, à l’époque des amours, 
des combats acharnés pour se rendre maîtres des 
femelles ; et celles-ci se refusent-elles à les suivre, à 
obéir à leurs violents désirs, ils les frappent à coups 
de bec redoublés, les blessent parfois grièvement 
en leur meurtrissant la tête ou le crâne. 

Les femelles se construisent elles seules à terre, 
dans un petit creux qu'abritent soit des pierres, soit 
des herbes ou quelque buisson, un nid des plus 
simples. Elles y déposent souvent un grand nombre 
d'œufs qu’elles couvent aussi seules. Sauf quel- 
ques exceptions, les mâles ne prennent soin ni des 
femelles quand elles couvent, ni des petits après 
l’éclosion. Ceux-ci, au sortir de l’œuf, sont garnis 
de duvet, voient clair, courent et saisissent eux- 
mêmes, quelques moments après, leurs premiers 
aliments. La mère, qui ne les quitte point, a pour 
eux une aflection admirable ; c’est elle qui les con- 
duit à la recherche de leur pâture, qui les défend, 
les protége contre les attaques de leurs ennemis. 
Chaque famille vit ensemble jusqu'au renouvelle- 
ment des amours; mais souvent le chasseur et l’oi- 


seau de proie viennent à bout de les désunir en les 
immolant peu à peu : le premier à sa passion, le 
second à ses appétits cruels. 

Les Gallinacées sont pulvérateurs. En effet, ils 
se plaisent à gratter la terre ou le sable, et à s’y 


vautrer des heures entières. Leur corps est ordi- 


424 ORNITHOLOGIE 

nairement gros et massif; aussi, sont-ils lourds et 
réduits à passer presque toute leur vie à terre ; ra- 
rement ils perchent. Leurs ailes courtes et arron- 
dies leur donnent un vol brusque, bruyant, peu 
élevé et jamais de très-longue haleine ; mais en 
récom pense, ils sont d’habiles coureurs. D’un naturel 
farouche, ils s’approchent peu des habitations ; on 
ne les trouve guère que dans les bois, les fourrés, 
les rocailles et les champs. Leur chair est générale- 
ment recherchée comme succulente. 

Cet ordre n’aura que deux familles. 


Treutième Famille. 
TÉVRAONIDÉES (Tetraonidæ ). 


Caractères : Bec court, robuste, emplumé à sa base, un peu 
épais, convexe en dessus ; mandibule supérieure voütée, plus ou 
moins courbée à sa pointe, plus longue que l’inférieure dont elle 
recouvre les bords. Narines basales, latérales, à demi fermées 
par une membrane gonflée et voûtée, garnies de petites plumes 
sur le devant. Langue courte, charnue, acuminée. Soureils nus, 
couverts d’une peau rouge comme mamelonnée. Tarses emplu- 
més en entier jusqu'aux doigts ou jusqu'aux ongles, ou bien 
partiellement; trois doigts devant réunis par une membrane jus- 
qu’à la première articulation, garnis, ainsi que le pouce, d’as- 
pérités sur les bords. Ailes concaves, courtes. Queue formée de 
16 ou 18 pennes. 


Les Tétraonidées sont les oiseaux de cet ordre 
pour lesquels la polygamie a le plus d’attraits. 
Très-ardents à l'amour, les mâles en annoncent la 
période au printemps par des mouvements brusques 
etlascifs, par des cris sonores, très-souvent répétés. 
Ils se séparent des femelles pour lesquelles ils ont 


DE LA SAVOTE. 425 


eu souvent à combattre dans leurs transports, dès 
qu’elles sont fécondées, et se vouent eux-mêmes 
à l'isolement. Les petits, quelques instants après 
l’éclosion, se mettent à courir après leur mère à la 
recherche de leur subsistance; ils saisissent à la 
hâte çà et là sur les feuilles des plantes les petits 
coléoptères, les mouches et les moucherons, cueil- 
lent sur le sol les vermisseaux et les larves des four- 
mis, et coupent déjà avec la pointe du bec le fin 
bout des herbes les plus tendres, pour s’en repaitre. 
Après l’éducation, les jeunes continuent à for- 
mer des familles plus ou moins nombreuses, que 
les chasseurs nomment plus particulièrement com- 
pagnies et qui se dissolvent à la période prochaine. 
Les vieux mâles renoncent parfois en automne à la 
solitude pour se joindre à ces familles, avec les- 
quelles ils vivent toujours en bonne harmonie. Les 
forêts sombres, les crêtes des montagnes ou leurs 
pentes arides, rocailleuses et parsemées de taillis, 
d’arbustes ou de plantes, sont leur séjour de prédi- 
lection. Ils y restent toute l’année, même durant 
les rigueurs de l'hiver ; mangeant baïes, grains, 
semences, insectes, fruits sauvages, jeunes poussées 
d'arbres et d’arbrisseaux, et boutons de fleurs al- 
pestres. Leur corps ramassé, toutefois pesant et 
charnu, leurs ailes courtes et concaves, font qu’ils 
volent lourdement et à grand bruit. Leur chair est 
généralement recherchée, bien qu'elle ait souvent, 


À de oder Se on cm 


496 ORNITHOLOGIE 

surtout en hiver et au commencement du printemps, 
| un goût de résine où d’amertume que lui donnent 
les bourgeons d'arbres ou de buissons, qui com- 
posent alors presque toute la nourriture de ces o1- 
| seaux. Gelle des jeunes est plus tendre; plus succu- 
| lente ; aussi, les amateurs de gibier la préfèrent-ils 
| à celle des vieux sujets, dont la rareté ou la diffi- 
| culté de se la procurer fait souvent tout le mérite. 
| Leur mue est simple, double dans un seul cas, chez 
I le Tétras Plarmigan (Albine). Habituellement les 
} femelles sont plus petites que les mdles ; leur pa- 
| rure est aussi moins riche en couleurs, et leur 
naturel moins farouche. 


| 


fl LVIe Genre : TÉTRAS (letrao). 


Nous avons dans les Alpes de la Suisse et de la 
Savoie quatre espèces de Tétras qui y vivent sé- 
dentaires ; leurs caractères extérieurs sont suffisam- 
ment décrits dans l’article précédent. Chez les 
grandes espèces, les mâles diffèrent considérable- 
| ment des femelles, soit par leurs couleurs lustrées 
il et foncées, soit par leur taille souvent plus forte 
du tiers ou presque de moitié. Les femelles ont les 
teintes plus claires ; elles sont d'habitude variées de 
roux, de gris et de noir. Les jeunes mâles de l’an- 
née leur ressemblent jusqu’à la première mue ; celle- 
| | ei a lieu au mois d’août ou bien en septembre, selon 


_ à = : ‘ = # = 
_— mes a É RERETE 
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| 4,5 Œufx de lespece; ernaË 


6 Tetras Auerhan. D a sa 2° annee, V8 97714 É ; - P 407. 


| ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE 
Piseons Gallinacées, Colombidees ; Télraonidees. | 
| TI, 2/4 
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| Lith.Jh Pervin Lür. Edit à © harnoer ÿ. J.Werner dl Lith. | 
il 1 Colombe Bizet, male adulte: 16 22072 P 415.9 Pre l'espeve:grnat 
| 3 Colombe Tour TE na le A 7697. zaë,; PH. 
| 


DE LA SAVOIE. 427 

que les couvées ont été plus ou moins précoces. 
Le Faisan Vulgaire (Phasianus Colchicus, Linh.) 

et le Faisan Tricolore où Doré (Phasianus Pictus, 
Linn,) n’existent point à l’état sauvage en Suisse 
ni en Savoie. Les individus, du reste excessive- 
ment rares, qui s’y sont fait tuer, n'étaient que des 
échappés des ménageries, des parcs ou des faisan- 
deries de quelques particuliers; aussi, ne mé suis-je 
pas déterminé à les comprendre dans cet ouvrage. 


126.—Tétras Auerhan /Tetrao Urogallus). 


Noms vulgaires : Gros Faïisan, Grosse Jallabre, Faisan des Alpes ; quel- 
quefois Faïisan Doré, Faisan Bruant. 


Grand Coq de Bruyères ou Tétras (Buff.). — Tétras Auerhan (Teträo Uro- 
gallus), Temm.—Tétras Grand (Tetrao Urogallus), Vieill.—Urogallo (Savi). 
—Tétras Urogalle {Tetrao Urogallus), Degland. 


Ce beau Tétras a, de nos jours, presque com- 
plétement déserté nos régions alpestres ; c’est sans 
doute au braconnage que l’on y exerce impunément 
à toutes saisons et à la dévastation toujours croissante 
des forêts, que nous devons cette perte irréparable, 
peut-être pour toujours. Il diffère surtout du Tétras 
suivant par sa taille constamment plus forte, assez 
souvent du double , par sa queue formée de 18 
pennes allongées et arrondies à l'extrémité : cette 
partie est, chez ce dernier, fourchue, contour- 
née sur les côtés et Composée de 16 pennes. 

L’Auerhan mâle a 89-90 cent. de longueur de la 
pointe du bec au bout des pennes caudales. Mais 
comme il varie beaucoup sous le rapport de la 


428 ORNITHOLOGIE 


taille, on trouve facilement des individus de 67, 
69, 70 et 76 cent., et tous proportionnément moins 
gros que l'espèce type; au reste, ils n’en dif- 
fèrent pas autrement. M. le marquis Costa de 
Beauregard a fait hommage d’un couple de ce type 
au muséum de la Société d'histoire naturelle de 
Savoie, qui fait l'admiration de tous ceux qui le 
voient; son riche cabinet ornithologique de la 
Motte-Servolex possède deux variétés de taille et 
de grosseur très-distinctes l’une de l’autre : un sujet 
d'un mètre environ de longueur et un autre de 
70 cent. Ma collection a un mâle adulte de 69 cent. 

La femelle est presque de moitié ou du tiers plus 
petite que le mâle; son plumage est encore très- 
différent. 

Le male adulte à la tête, le cou, le haut du dos, 
le croupion et les couvertures supérieures de la 
queue, d’un noir cendré, presque reflété de bleuâtre, 
et rayé de zigzags blanchâtres ou d’un gris cendré: 
sa gorge seule est noire et recouverte de plumes al- 
longées, susceptibles de s’enfler au gré de l'oiseau. 
Au-dessus de chaque œil, est une plaque nue, par- 
semée de papilles charnues, d’un rouge vif. Sur 
les scapulaires et les couvertures des ailes qui 
sont brunes, l’on voit une infinité de petites taches, 
presque toutes en zigzag, roussâtres au centre des 
plumes et cendrées à l'extrémité; les rémiges sont 
brunes, mais d’un ton moins foncé sur le bord ex- 


ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE. 


LA 


lraonidées. 


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allinacees. 


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DE LA SAVOIE. 429 
terne des barbes: les pennes de la queue noires, 
avec quelques taches blanches. Un vert foncé lus- 
tré et à reflets bleus règne à la poitrine ; le ventre 
et l'abdomen sont d’un noir bleuâtre, plus ou moins 
variés de blanc sur leurs parties latérales et mé- 
dianes; les sous-caudales noires, terminées de 
blanc. [Les jambes et les tarses sont couverts de 
plumes brunes, comme pileuses, parfois variées de 
blanc; les doigts sont bruns, pectinés sur leurs 
bords. Le bec est grisâtre à sa base, blanchâtre 
dans le reste de sa longueur ; l'iris brun clair. 

La femelle offre sur ses parties supérieures un 
mélange de roux, de noir, de cendré et de blanc, 
disposés en raies transversales. Elle est roussâtre à 
la gorge et au cou; d’un roux ardent à la poitrine, 
puis rayée de roux clair, de noir ou de brun et de 
blanc sur les flancs, l'abdomen et les sous-caudales. 
Sa queue est noirâtre, largement barrée de roux, et 
terminée par une frange blanchâtre. Les plumes 
des jambes et des tarses cendrées, tachetées de bru- 
nâtre. Le bec est couleur de corne brune en dessus, 
blanchâtre en dessous. 
Les jeunes, avant la première mue, ressemblent 
à la femelle; ils en diffèrent seulement par les bor- 
dures des plumes qui sont moins rousses dessus le 
corps, et par les parties inférieures qui sont rayées 
de noirâtre à la poitrine comme au ventre. 
Après la mue, les mâles portent la livrée des adul- 


RE 


RE TES en 4 = ve 7 ax 


Fes 
ee 


430 ORNITHOLOGIE 


tes; mais le vert de leur poitrine est moins étendu, 
moins lustré; le noir est partout plus chargé de 
cendré, et l’on y remarque çà et là, pendant la pre- 
mière année, quelques plumes rousses, tachées de 
noir, qui sont restées de leur plumage de l’enfance. 

Le Tétras Auerhan habite l'Allemagne, la Suède, 
la Russie et la Sibérie, On le trouve sur les mon- 
tagnes du Jura et de la Suisse, dans les Vosges et 
les Pyrénées, On le rencontrait assez facilement 
dans nos Alpes, il y a vingt à vingt-cinq ans, et 
notamment dans les forêts de la Maurienne, de la 
Haute-Tarentaise et du Chamonix; mais c’est à 
peine si l’on réussit actuellement à l’y remarquer, 
même durant la reproduction. À ma connaissance, 
un vieux mâle a été tué ces années dernières à la 
cime du Mont-Grenier, et une couvée de cinq indi- 
vidus persécutée en 1850, dans une forêt de Saint- 
Laurent-de-la-Côte, en Tarentaise. 

Ce Tétras se plaît principalement dans les 
forêts de pins et de sapins, et s’y tient tantôt à 
l'intérieur, tantôt sur la lisière. Il se nourrit des 
baies de myrtille, du framboisier et du genévrier, 
de boutons de fleurs, de bourgeons d'arbres et 
d’arbustes, surtout du sapin et du bouleau, enfin 
d'insectes, de semences, jusque de celles du pin à 
pignons (pinus cembra). Dans les temps de disette, 
il gratte la terre avec le bec et les pieds, et se 
repaît des graines, des larves ou des insectes qu'il 


DE LA SAVOIE. 431 
y trouve ; l’on trouve effectivement dans son gésier 
de petites pierres, comme dans les Pigeons et d’au- 
tres oiseaux essentiellement granivores. 

Il entre en chaleur au commencement de mars, 
Le mâle se fait alors entendre, par une belle ma- 
tinée, dès l’aube du jour jusqu'après le lever 
du soleil; puis le soir, dans un temps calme et 
serein , un peu avant le crépuscule jusqu’à la nuit. 
Sa voix est forte, plus sonore que chez l'espèce 
suivante. La femelle fécondée se retire à l’écart, soit 
dans les lieux les plus pierreux ou les plus broussail- 
leux, soit dans les ravins boisés de son arrondisse- 
ment. Elle pond à terre, dans un creux qu'elle-même 
prépare et comble de racines, d'herbes et de feuil- 
les, 6 à 9 œufs, quelquefois davantage. Ils sont jau- 
nâtres ou roussâtres, parsemés de quelques taches 
brunes et fauves ; leur longueur est de 6 cent., sur 
un diamètre de 4 cent. 1-2 m, Elle a pour sa pro- 
géniture les mêmes soins, le même attachement 
que la femelle du Tétras suivant ; aussi, pour éviter 
répétition, dois-je m’en rapporter aux détails con- 
signés dans son article. 

Le Tétras Auerhan se tient presque tout le jour 
à terre ; il ne se perche guère que pour la nuit, et 
de jour pour échapper aux poursuites du chasseur ou 
à l’arrêt des chiens qui le pourchassent, Alors il finit 
souvent par se blottir sur quelque arbre très-épais, 
etse sauve dès qu'il revoit quelque ennemi auprès de 


| 
| 
| 
| 
h 


432 ORNITHOLOGIE 


son gîte. C’est surtout le matin et le soir qu’il cher- 
che sa pâture; dans le milieu de la journée, il reste 
caché dans les fourrés des forêts, quelquefois dans 
les rocs couverts de buissons. On l’aborde difficile- 
ment, hors la période des amours. A cette saison, il 
se laisse surprendre aisément, soit qu’il rappelle une 
compagne, soit qu’il s’extasie devant celle qui se 
rend à ses volontés, ou qu’il se livre avec elle à 
quelque transport. Ravi en extase, il prend les 
positions les plus ridicules : son cou tendu s’enfle et 
les plumes de la tête se hérissent; sa gorge se 
gonfle et les longues plumes qui la recouvrent s’é- 
talent comme une barbe épaisse ; la queue s’élar- 
git, s’épanouit presque comme celle des Dindons, 
et les ailes pendent à terre; enfin il fait la roue, 1l 
piafle, il bondit par moments autour de l’objet de 
son admiration. 


127.—Tétras Birkhan /Tetrao Tetrix). 


Noms vulgaires : Faisan, Féjean, Faisan à Queue Fourchue, Faisan Noir, 
Coq de Bruyères, J'allabre, Grianot. 


Petit Tétras ou Coq de Bruyères à Queue Fourchue (Buft.).—Tétras à Queue 
Fourchue (Tetrao Tetrix), Vieill., Degl, — Tétras Birkhan (Tetrao Tetrix), 
Temm.—Fagiano di Monte (Savi). 


Le Birkhan (Coq de Bouleau) diffère notamment 
de l’Auerhan par sa queue fourchue, composée de 
16 pennes , dont les externes se contournent en 
dehors vers le bout ; par les sous-caudales qui dé- 
passent, chez le mâle surtout, l’extrémité des pen- 
nes intermédiaires ; enfin par sa taille moins forte 
et ses couleurs plus foncées, plus lustrées. 


DE LA SAVOIE. 433 

Les mâles sont sujets dans nos climats à plusieurs 
variétés de taille et de grosseur, cependant moins 
sensibles que dans la première espèce. On observe 
que les individus qui vivent retirés vers la fin de 
la région des forêts alpines, dans des localités 
froides, sont généralement plus petits que ceux des 
contrées inférieures ou des montagnes de moyenne 
hauteur, à pente méridionale. Ces derniers ont 
souvent 63, 64 et même 65 cent. de longueur, 
tandis que les premiers en ont à peine 55 ou 56, 
avec la queue un peu plus petite et évidemment 
moins large. 

Le mâle adulte et vieux est d’un beau noir à 
reflets violets, tirant au bleu, sur la tête, le cou, 
la poitrine, le haut du dos et le croupion. Les 
plumes de la gorge, quoique moins allongées que 
chez l’Auerhan, sont cependant sujettes à s’enfler 
au gré de l'oiseau. Üne large membrane papil- 
leuse, d’un rouge vif, tient lieu de sourcils. C’est 
un noir profond qui règne sur le ventre, les flancs, 
les scapulaires, les tectrices alaires et les pennes 
de la queue : celle-ci est fourchue et a les quatre 
pennes les plus externes de chaque côté, qui sont 
les plus longues de toutes, très-contournées exté- 
rieurement. Les sous-caudales sont blanches. Les 
ailes d’un brun plus ou moins foncé, selon l’âge ; 
les rémiges primaires à baguettes brunâtres ou 
blanchâtres, et moins foncées sur les barbes exter- 

E. EU. 28 


—_ ed ed 


434 ORNITHOLOGIE 


nes que sur les internes; les secondaires terminées 
par un liséré blanc; cette couleur, disposée en une 
large barre oblique, traverse encore les grandes 
couvertures alaires. Les plumes des jambes sont 
longues, comme décomposées, et variées de brun 
et de blanc; celles des tarses duveteuses, brunes, 
très-souvent piquetées de blanchâtre. Le bec est 
noir ; l'iris des yeux d’un brun foncé : il tire sur le 
bleuâtre après la mort de l’oiseau. Les doigts sont 
bruns, et pectinés sur les deux bords. 

Les femelles sont toujours plus petites que les 
mâles ; elles ont, en général, A5 ou A6 cent. du 
bout du bec à l’extrémité de la queue. On les re- 
connait encore à leurs parties supérieures rousses, 
rayées de noir et de gris plus ou moins roussâtre : 
cette nuance, qui est d'habitude très-finement 
piquetée de noirâtre, termine les plumes, celles 
surtout du dos et du croupion. La gorge est rous- 
sâtre, la poitrine et le devant du cou roux, avec 
des bandes transversales noires, grises et blan- 
ches : ces deux dernières prédominent au bas 
de la poitrine et sur les flancs. La bande véru- 
queuse , située au-dessus des yeux , est moins 
large que chez le mâle. Le ventre est brun noirûtre, 
avec ou sans taches rousses, selon l’âge ; les sous- 
caudales sont blanches , mais les plus longues 
barrées de brun et de roux. Sur chaque aile, on 
voit deux bandes blanches transversales. La queue, 


DE LA SAVOIE, 435 
qui est noire, barrée de roux en travers, a ses 
quatre pennes latérales seulement un peu plus lon- 
gues que les intermédiaires, et non contournées 
en dehors comme chez le mâle ; elle est très-sou- 
vent terminée par un liséré blanc ou blanchâtre, 
qui s’use avec l’âge. Les plumes des jambes se 
trouvent variées de brun, de blanc et de roussâtre: 
celles des tarses pileuses, blanchâtres et tachetées 
de brun, quelquefois aussi de roux. Le bec est 
couleur de corne brune très-foncée: l'iris et les 
doigts sont comme dans le mâle. 

Les jeunes des deux sexes, avant la première 
nue, ressemblent à la femelle; ils sont toutefois 
plus largement bordés de gris, de grisâtre et de 
blanc, surtout sur les parties supérieures. On dis- 
tingue alors les mâles des femelles au moyen des 
sous-caudales ; chez le mâle, elles sont blanches, 
et les plus longues dépassent les pennes intermé- 
diaires de la queue; chez la femelle, elles sont 
beaucoup plus courtes, et variées de blanc, de 
roussâtre et de noir. Le premier est d'habitude 
un peu plus gros que la dernière. 

À la première mue, les jeunes mâles se revêtis- 


sent de la livrée des adultes, mais elle reste terne 


durant là première année; en effet, ils conservent 
çà et là sur le noir de la tête, du cou, de la poitrine 
et des tectrices alaires, soit de petits traits gris ou 
roussâtres, soit presque un liséré à peine visible 


436 ORNITHOLOGIE 


au bout de plusieurs plumes, ou bien quelques 
plumes rousses et barrées de noir de leur livrée 
d'enfance, Ces teintes s’efflacent peu à peu au prin- 
temps ou en été par la mue ruptle, et à la seconde 
mue, leur parure acquiert l'éclat qui lui est pro- 
pre. 

Dans les régions du Nord, où le Tétras Auerhan 
vit communément avec le Birkhan, on rencontre 
des métis produits par la femelle du premier et le 
mâle du second, et qui tiennent des deux par le 
mélange des couleurs. On en a vu accidentellement 
dans les Alpes Suisses , mais point encore dans 
celles de la Savoie, 

Le Tétras Birkhan est assez abondant en Suisse 
et en Savoie. 1ly reste toute l’année, même dans les 
plus grands froids, sur le sommet des montagnes 
très-boisées et les moins fréquentées ; aussi, est-il 
habituellement rare dans les localités où les villa- 
geois opérent de fréquents abatis d'arbres, comme 
dans les bois qui sont chaque jour le champ de 
leurs pillages. On le trouve en France, en Alle- 
magne, en Belgique, et spécialement dans le nord 


_de l’Europe. 


Pendant l'hiver, ce Tétras se cantonne dans les 
grands bois de pins et de sapins, où 1l subsiste par 
les semences et les jeunes pousses de ces arbres. 
Cependant il en sort le matin et le soir pour se ré- 
pandre dans les fourrés des alentours, surtout dans 


DE LA SAVOTE. 437 


les taillis de chênes, de hêtres (fayard), de noise- 
tiers, de bouleaux, etc., dont les bourgeons ou les 
chatons servent encore à sa pâture ; au soleil cou- 
chant, il retourne à la forêt, et y sommeille sur 
quelque arbre touffu. En courant les bois ou les 
broussailles pendant cette triste saison, il se repaît 
aussi des baies sèches de genièvre, de myrtille, d’é- 
glantier et du bout des feuilles des plantes qui con- 
servent alors quelque apparence de verdure. Parfois 
il creuse avec le bec et les ongles par-dessous la 
neige, dans les endroits où il est sûr de rencontrer 
quelque espace où la neige forme une voûte en des- 
sus, au moyen des amas de buissons ou de brancha- 
ges qui la retiennent. Là, il reste caché tant qu’il y 
trouve des herbes tendres, des grains et des four- 
mis pour sa subsistance ; quant à ces dernières, il 
les cherche jusqu’au fond de leur gîte, où elles sont 
alors tout engourdies. Durant l'hiver, les femelles 
forment fréquemment ensemble de petites sociétés 
qui visitent des régions un peu moins élevées que 
les mâles, et se laissent aborder aisément. Souvent 
elles se blottissent devant le chien en arrêt ; aussi 
tue-t-on plus facilement les femelles que les mâles. 
Ces derniers sont toujours plus farouches, et han- 
tent des lieux ordinairement moins praticables que 
les premières. On les trouve seuls à seuls ou par 
bandes plus ou moins nombreuses, tantôt sur les 
crêtes des monts, tantôt dans les précipices ou les 


138 ORNITHOLOGIE 
ravins, tantôt enfin dans des forêts où l’on à peine 
à pénétrer. Quoiqu’on les fasse lever près de soi, 
l’on n’a pas toujours la chance de les tirer ; très- 
souvent ils disparaissent sans qu’on ait eu le temps 
de les ajuster, car ils partent de derrière les arbres, 
les rocs ou les buissons, qui couvrent leur fuite ; ou 
bien ils plongent verticalement dans les rochers, au 
sommet desquels on les surprend. 

De loin en loin , quelques sujets des deux sexes 
se montrent dans les bois des collines ou de la 
plaine, où très-souvent ils se sont abattus du haut 
d’une montagne voisine, pour échapper aux serres 
de quelque oiseau de proie; mais le bruit qu’ils y 
entendent, et auquel ils ne sont point habitués, les 
inquiète extrêmement ; et de fait ils n’y séjournent 
guère que quelques heures, rarement plus d'un 
jour, pressés comme ils sont de retourner chercher 
la solitude et la tranquillité dans les montagnes, Il 
est facile de reconnaître les endroits qu'ils y ha- 
bitent de préférence, par les amas de fientes lais- 
sées à terre ou au pied des arbres qui leur ont 
servi de refuge la nuit; celles-ci sont, l’hiver, 
d’une teinte verte qui se convertit en jaunâtre 
par la dessiccation, et elles ont souvent 2 ou à centi- 
mètres de long. 

Le Tétras Birkhan entre en chaleur au mois de 
mars, et ses passions sont au comble lorsque en 
avril ou aux premiers jours de mai, les arbres se 


D 


LR 
fu 
lv 


DE LA SAVOIE. 439 


recouvrent de feuilles nouvelles. On entend alors à 
l’aube du jour et le soir vers le coucher du soleil, 
surtout dans les temps sereins ou de vent du sud, 
et lorsque la pluie est imminente, lé mâle réclamer 
la femelle au moyen de ses cris forts, qui imitent 
le roucoulement et résonnent à de grandes distan- 
ces. Quoique entendu de près, cet appel paraît venir 
d’un lieu éloigné et même opposé, ce qui trompe 
souvent le braconnier qui, pour tirer ce Tétras, se 
guide d’après ses cris : 1l m’a d’ailleurs semblé que 
cet oiseau a le talent de modifier sa voix à la ma- 
nière des ventriloques ; de telle sorte qu’on croit 
qu’il roucoule au loin, tandis qu’il est près de nous, 
sur quelque arbre ou parmi les buissons qui nous 
environnent, C’est en effet du bout d’un sapin, d’un 
roc ou de quelque pierre qu’il rappelle ; quelque- 
fois de terre, au milieu d’un pré ou à la pointe 
d’une élévation de terrain, enfin des lieux où il 
peut être vu à l'aise des femelles qui viennent au 
rendez-vous, ou bien desquels il peut distinguer 
l’endroit d’où partent leurs cris, avant de s’y diri- 
ser lui-mème à la course ou au vol. La femelle en 
amour à effectivement son cri d'appel ; mais c’est 
plutôt une espèce de soufflement grave et pro- 
longé qu’une sorte de roucouiement,. 

Lorsque plusieurs mâles fréquentent le même 
canton, ils se réunissent souvent en groupe le ma- 
tin sur quelque monticule pour roucouler. Alors 


440 ORNITHOLOGIE. 


tous en bonne intelligence invitent les femelles du 
district à se diriger de leur côté. Aussitôt qu’une 
ou plusieurs arrivent au travers des buissons en 
s’annonçant par quelques cris, ils courent à leur 
rencontre, piaflent en les voyant, et recherchent à 
l'envi leurs bonnes grâces. Mais soudain la jalousie 
les enflamme , la passion les aveugle. Ils se ruent 
l’un sur l’autre pour se disputer la possession de ces 
femelles ; ils se frappent à coups de bec et d’ailes, 
se terrassent, s’arrachent les plumes de la tête et 
du cou, pendant que les femelles, retirées à part, 
enflamment par quelques soufflements l’ardeur des 
combattants. Les jeunes mâles ne peuvent guère 
résister aux coups violents que les vieux leur por- 
tent ; bientôt vaincus, ils se retirent de la mêlée 
et leur laissent le champ libre. Alors les vieux, 
fiers du succès, se promènent quelques instants 
d’un pas grave sur les pierres ou le point le plus 
élevé du lieu de la lutte. Leurs larges sourcils 
rouges s’enflent , les plumes de la gorge et du 
devant du cou se hérissent, leur queue s’épanouit, 
se dresse en éventail, et les ailes traînent presque 
à terre; en même temps ils font la roue, bondis- 
sent par reprises à côté de leurs compagnes en 
poussant de longs souffles, et s’approchent d’elles 
fréquemment ettoujours avec la même chaleur. 
Après leur première ardeur éteinte , ils suivent 
encore quelques heures les femelles à travers 


DE LA SAVOIE. 44] 
broussailles et rocailles. Rencontrent-ils dans leurs 
trajets quelques mâles, nouveaux rivaux à combat- 
tre, ils les assaillent, les repoussent dans un autre 
séjour. Ce n’est qu'après avoir épuisé tout leur 
feu, qu'ils se déterminent à quitter leurs compa- 
gnes, à les abandonner à la merci d’autres amants. 

Les femelles du Tétras Birkhan sont à peine 
fécondées qu'elles se retirent à l’écart, allant se 
cacher pour pondre dans des lieux que les mâles ne 
visitent, l’été, guère que par accident ; elles pré- 
fèrent pour cela les régions moyennes de nos mon- 
tagnes à leur cime, où du reste les derniers fixent 
très-souvent leur demeure à l’extrémité de la région 
des bois. En effet, elles craignent l’approche des 
mâles pendant la période de l’incubation ; car il en 
est toujours parmi eux qui n’ont pu, en même 
temps que leurs semblables, satisfaire tous leurs 
désirs ardents; ceux-là continuent, tant qu’il leur 
reste quelque feu à consumer , de roucouler, de 
réclamer les femelles, après que les premiers se sont 
tus. Réussissent-ils à en découvrir une, quand même 
elle serait occupée à couver ses œufs, ils piaffent 
devant elle, puis se jettent dessus en l’invitant au 
plaisir ; mais repousse-t-elle la tentation pour rester 
fidèle à sa couvée, aussitôt ils entrent en fureur, ils 
la frappent sans pitié ; quelquefois ils lui meurtris- 
sent tellement le crâne, qu'ils lui causent la mort; ou 
bien ils cassent ses œufs en se ruant sur elle dans 


142 ORNITHOLOGIE 


le nid, afin de la forcer plus tôt à céder à leurs sol- 
licitations. On a effectivernent trouvé dans nos mon- 
tagnes des nids de ce Tétras non-seulement avec les 
œufs brisés, mais encore avec la femelle morte des 
suites des contusions qu’elle portait à la tête. L’a- 
bondance trop grande des mâles dans cette espèce 
est nuisible aux couvées; c’est là un fait certain, 
reconnu de tous nos braconniers. Il en resterait bien 
chaque année au printemps, dans la plupart des 
localités, une fois moins que d'habitude, les nichées 
ne seraient pas pour cela moins nombreuses; car 
un mâle seul suffit à plusieurs femelles. 

C’est toujours à terre, dans un petit creux, sous 
un buisson, ou au milieu des bruyères et des fou- 
sères très-épaisses, quelquefois au pied d’un sa- 
pin dont les premières branches pendent et tou- 
chent au sol, ou bien encore sous des débris de rocs 
amoncelés, que la femelle du Birkhan confectionne 
son nid. Elle le fait sans apprêt; la mousse, la paille, 
le foin, les feuilles sèches et quelques racines le 
composent en entier. Elle y pond, dans le courant 
de mai, de 6 à 12 œufs oblongs, d’un roussâtre plus 
ou moins pâle et teinté de jaunâtre, avec des points 
et des taches d’un brun roux ou couleur de rouille. 
Hs varient beaucoup en grosseur ; en moyenne, ils 
ont 4 cent. 7-9 mill. de long, et 3 cent. 4-5 mill. de 
largeur diamétrale, On arrive facilement jusqu’au- 
près de la femelle qui couve, sans la faire fuir ; en 


ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE . 


Gallinacees. Tetraonidees. 


TJ; 2 20. 


Lcth. Jé Perrin Libr.Édit. Chambéry. J. Werner dei.& lafh. 
1 Tétras Birkhan /77e/ adulte; 430 LTral; P 434. 
9 »  jtune.0jours après 7 evlosron: 74977aL.; P. 443. 


3,4 al de lespéce, gr.nat. 
5 Tetras Gelinotte. ae adulte, 19 prrest; P. AA. 
6» ) ; dede de femelle a dulle; 15 gr nat. 


DE LA SAVOIE. 443 


effet, au lieu de se sauver à chaque fois qu’elle nous 
voit devant elle, souvent elle reste accroupie sur 
ses œufs; mais elle examine nos gestes: et pour 
peu qu’ils lui inspirent de frayeur, elle s'envole 
brusquement. Cependant les montagnards réussis- 
sent fréquemment à la prendre ou à la massacrer 
dans le nid. 

Les petits naissent vers le 24° jour de l’incuba- 
tion. Quelques moments après qu'ils sont sortis de 
la coquille, ils courent avec légèreté après leur 
mère qui les conduit à la recherche de leur pre- 
mière pâture. Comme la poule au milieu de ses 
poussins, elle veille constamment sur eux, les rap- 
pelle sans cesse par un petit cri propre à la circon- 
stance, leur indique les aliments qu’ils doivent sai- 
sir par préférence, et souvent elle les rallie autour 
d’elle, de crainte que quelques-uns ne s’égarent ou 
ne deviennent la proie de quelque ennemi. Ces pe- 
tits ont alors tout le corps, même les tarses, gar- 
nis d'un duvet serré, jaunâtre sur les parties infé- 
rieures, d’un roux marron sur la tête et le dos, avec 
quelques barres ou traits noirs ou noirâtres à la 
nuque, vers les tempes et au milieu du dos. Du 8° au 
10° jour, ils commencent à se couvrir des plumes 
de l'enfance aux ailes et à la queue, puis à la poi- 
trine, au dos, enfin à la tête. Aux premiers jours de 
leur naissance, la mère les tient dans les prés, où 
chaque petit ne cesse de becqueter les vermisseaux 


444 ORNITHOLOGIE 


sur le sol, les moucherons sur les tiges des herbes 
et le fin bout des pétales ou des feuilles des fleurs. 
Découvre-t-elle une fourmilière, aussitôt elle y 
creuse avec le bec et les ongles jusqu’à ce qu’elle 
y rencontre les larves dont ses petits se gorgent à 
ses côtés. Après leur repas, comme un peu avant 
la nuit, elle les mène boire à la source ou au fossé 
le plus près, ensuite elle les reconduit au bois; là, 
elle les rallie autour d’elle pour les réchauffer sous 
ses plumes. Quand ils sont un peu plus forts, elle 
les fait nourrir avec les baies de myrtille, de fram- 
boisier, et avec des müres sauvages. Quoique avec 
leur mère, les petits sont par moments si stupides 
qu’ils se tapissent devant le chien en arrêt, et se 
laissent prendre à la main. Dans quelques cou- 
vées , les mâles se trouvent en plus pelit nombre 
que les femelles. J’en ai vu des compagnies de 9 à 
10 sujets, et, à leur lever, je distinguais seulement 
trois ou quatre mâles : les sexes, du reste, sontalors 
très-faciles à reconnaître par leur grosseur, et sur- 
tout par leurs couleurs très-distinctes, après la 
première mue. 

Les jeunes Tétras ne perchent guère avant le 
trente-deuxième ou le trente-cinquième jour de 
leur naissance. [Ils aiment alors pour se poser, soit 
avant la nuit, soit de jour quand ils sont repus, les 
hauts buissons ou les arbres rabougris. Si l’on par- 
vient à les y surprendre nour la première fois, il 


DE DEA SAV OTE. 445 


n’est point rare qu’on arrive à eux presque à bout 
portant; mais en nous voyant, ils se couchent sur 
les branches et y restent si inactifs qu’il faut par- 
fois leur lancer des pierres pour les faire bouger ou 
fuir. Ils vivent en famille jusqu'à la période des 
amours , sans s'éloigner beaucoup de leur séjour 
d'enfance. Mais y sont-ils trop persécutés, ils 
changent de domicile pour quelques jours, après 
quoi ils retournent à leur premier canton avec plus 
de défiance ; car si l’on vient encore les y chasser 
quand ils sont tout à fait forts, ils fuient de loin 
et font de grands vols; souvent ils passent alors du 
bout d’une montagne à l’autre. 

Sur la fin de l’été et au commencement de l’au- 
tomne, les vieux mâles quittent par moinents leur 
solitude et viennent grossir les couvées qui sont en- 
core sous la direction de leurs mères. Ils cherchent 
avec elles leur vie, le matin surtout, parmi les four- 
rés, et rentrent ensuite seuls dans la forêt. Comme 
elles, ils en ont une de prédilection, où ils se re- 
tirent tous les soirs pour y passer la nuit, juchés 
sur les arbres; s’ils sont plusieurs ensemble, ils 
s’éparpillent, et chaque sujet occupe son arbre. Le 
lendemain, à l’aube du jour si le temps est beau, 
on les entend s’entr’appeler de tous les côtés de la 
forêt; puis on les voit, quand l’air se dore aux pre- 
miers rayons du soleil, se diriger un à un, ou par 
trois ou quatre à la fois, vers quelque monticule 


{ 


446 ORNITHOLOGIE 


voisin, vers celui où ils vont par habitude chaque 
jour prendre leur repas du matin : c’est presque tou- 
jours un lieu rempli de pierres et de broussailles, im- 
planté de myrtilles, de framboisiers, d’airelles et de 
genévriers, des baies desquels ils sont très-friands. 
Ils associent à ce genre d'aliments les boutons et les 
feuilles molles d’un grand nombre de fleurs alpes- 
tres, même des plus odoriférantes, et accessoire- 
ment les vers, les insectes, les grains et les semen- 
ces, Dès la fin de l'automne jusqu’au printemps, ils 
ne vivent guère que de chatons, de bourgeons ou de 
jeunes pousses d'arbres et d’arbustes alpins, ainsi 
que de baies ou de petits fruits sauvages qui ont sé- 
ché sur plante. C’est alors la saison la moins favo- 
rable pour goûter leur chair ; toutefois, celle des 
femelles et des jeunes de l’an est moins dure, moins 
parfumée de résine que celle des vieux mâles qui 
n’ont cessé de courir les pins et sapins pour 6e 
repaître de leurs semences ou de leurs nouvelles 
pousses. Cela n'empêche pas que les derniers sont 
en tout temps aussi estimés comme gibier que les 
premiers. 


43%8S,—Tétras Gélinotte /Tetrao Bonasia). 


Noms vulgaires : Gélinotte, Ghénilotte, Gelotte, Zelotta, Poule Sauvage. 


La Gélinotte (Buff.). — La Gélinotte Poule des Coudriers (Cuv.). — Tétras 
Gélinotte (Tetrao Bonasia), Vieill., Temm., Degl. — Francolino di Monte 
Savi). 


On remarque depuis quelques années, en Savoie, 
que ce beau Tétras y devient de plus en plus rare. 


DE LA SAVOIE. 447 
Comme espèce sédentaire et comme gibier très- 
recherché pour les tables, il finira par ne plus se 
trouver dans la plupart de nos localités monta- 
gneuses , si l’on ne se hâte d'y réprimer, chez les 
villageois, la manie de braconner toute l’année, et 
surtout aux époques de la pariade et des couvées. 
De nos jours, on ne le rencontre déjà plus que 
très-difficilement dans divers lieux où, autrefois, 
il se maintenait commun, parce que l’on y avait 
alors quelque égard aux lois sur la chasse. 
Le mâle adulte est de 36 à 87 centim. de taille. 
Il a les plumes du vertex allongées et capables de 
former une petite huppe, quand il se trouve affecté; 
les parties supérieures du corps d’un roussâtre 
varié par des traits, par des taches transversales, 
noires et brunes : plusieurs plumes, surtout à la 
tête et au dos, sont en outre terminées de gris 
cendré. Les ailes sont d’un roussâtre cendré , par- 
semées de taches noirâtres et blanches ; les rémiges 
brunes, mais d’un roussâtre pâle, tacheté à peu 
de distance de brun clair, sur le bord externe. La 
queue est d’un gris nuancé de cendré, avec des 
traits en zigzags noirs, puis traversée presque à 
l'extrémité des pennes, sauf des deux médianes, par 
une large bande de cette couleur, enfin terminée 
par une frange cendrée. La gorge est d’un noir pro- 
fond , encadrée par une bande blanche, qui part 
du capistrum et descend en s’élargissant jusqu’au 


448 ORNITHOLOGIE 


devant du cou : une bande de la même couleur se 
fait aussi remarquer sur les scapulaires. Au-dessus 
de chaque @œ1l, existe un petit espace nu, rouge, 
qui tient lieu de sourcils; aussitôt après, appa- 
raissent quelques plumes blanches, qui constituent 
une ligne longitudinale derrière l'œil. Un beau 
roux prédomine sur le haut de la poitrine et sur les 
flancs, avec des taches plus ou moins larges, 
brunes ou noirâtres et blanches , situées tantôt vers 
le centre, tantôt au bout des plumes. Le ventre 
est brun foncé dans la partie moyenne de chaque 
plume, bordé et terminé de blanc. Les sous-cau- 
dales se trouvent variées de brun, de roux et de 
blanc. Le bec est brun noirâtre ; l'iris brun ; les 
deux tiers du tarse couverts par devant de plumes 
soyeuses et brunâtres; l’autre tiers est nu, mais 
garni de petites lames écailleuses ; les doigts sont 
faiblement dentelés sur leurs bords ; l’ongle du 
doigt du milieu paraît plus tranchant que les 
autres. 

La femelle, qui est toujours un peu moins grande 
que le mâle, s’en distingue principalement parce 
qu’elle ne porte point de noir à la gorge, comme 
lui: cette partie reste chez elle blanche ou blan- 
châtre. Les parties supérieures sont bien colorées 
comme dans ce dernier, mais les teintes y sont 
généralement moins foncées, et d'habitude l’on y 
remarque un plus grand nombre de taches. Elle à 


DE LA SAVOIE. 449 


encore le blanc et le roux de dessous le corps moins 
purs que le mâle. 

Ce Tétras varie accidentellement d’un blanc plus 
ou moins franc, avec quelques plumes de la livrée 
ordinaire. 

Les jeunes de l’année prennent , à leur première 
mue, le plumage de l'adulte, que je viens de dé- 
crire, cependant on reconnaît les mâles jusqu’à la 
mue ruptile du printemps au roux de leur parure, 
qui est moins vif que celui des adultes d’un ou de 
deux ans ; au plus grand nombre de taches bian- 
ches qu'ils portent dessous le corps ; au bord ter- 
minal de leur queue qui est, comme dans les 
femelles , sali de brun, et non pas d’un cendré pur 
comme chez les premiers. 

La Gélinotte habite particulièrement les forêts 
alpestres de la Suisse et de l’Allemagne, les mon- 
tagnes boisées des Pyrénées, des Vosges, du Dau- 
phiné et des Basses-Alpes. On la trouve toute 
l’année en Savoie, surtout dans les contrées mon- 
tueuses de la Tarentaise, de la Haute-Savoie et 
du Faucigny ; elle est tout à fait rare aux environs 
de Chambéry, un peu plus abondante dans les 
forêts des Bauges et dans les bois quirecouvrent les 
monts circonvoisins de la Chautagne , de Rumilly 
et d’Annecy. 

Ce Tétras aime la solitude ; il la recherche spé-- 
cialement dans les forêts de sapins et de mélèzes, 

DUT. 29 


450 ORNITHOLOGIE 


dans l’épaisseur des coudriers (noisetiers) et des 
taillis de hêtres (fayards) ; quelquefois il la trouve 
dans des lieux remplis de buissons de bouleaux, de 
bruyères, de myrtilles, de framboisiers, de fou- 
sères , et parsemés d’arbres ou très-voisins du bois 
où il se retire après ses repas. L'hiver, il s’ali- 
menté avec les nouvelles pousses des pins et 
sapins , avec les chatons des saules, coudriers et 
bouleaux, avec les bourgeons de plusieurs sortes 
d’arbustes alpins ; avec des baies sèches et des se- 
mences. Îl reste , lorsque la neige est abondante, 
caché la plus grande partie du jour sur les arbres 
qui lui fournissent sa subsistance ; quelquefois il en 
descend pour creuser sous la neige à l’aide du bec 
et des ongles, dans les endroits où il est sûr de 
rencontrer quelques toufles de genévrier, dont il 
aime d’ailleurs les baies : c’est de cette manière qu’il 
cherche aussi les arbrisseaux, dont il mange par ha- 
bitude les boutons. En été, et durant l'automne, 
les baies de bruyères , de myrtilles et d’airelles, 
les mûres sauvages, les fruits du framboisier, le 
bout des feuilles des plantes et les sommités de 
leurs fleurs , surtout des épervières et du serpolet, 
forment la base de sa nourriture ; ce n’est que très- 
accessoirement qu’il recourt alors aux insectes et 
aux grains. Sa chair a toujours été très-recherchée 
comme mets succulent. Les naturalistes les plus 
anciens ont dit que c'était le seul mets qu’on püt 


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DE LA SAVOÏE. 451 
se periméttre de faire paraître deux fois Sur la table 
des princes. 

La Gélinottée ’a toujours paru monogame. En 
amour, les mâles ne sont pas querelleurs, comme 
ceux des deux espèces précédentes, ils ne se livrent 
pas, non plus, comme eux, des combats acharnés 
pour la possession des femelles. Habituellement 
ils restent avec la femelle qu’ils ont fécondée, 
pendant qu’elle s’adonne à l’incubation, et ils l’ac- 
compaghent presque à chaque fois qu’elle quitte 
le nid pour allér à la recherche des aliments. 
Après l’éclosion, ils la suivent encore souvent quand 
elle mène ses petits à la pâture, ét poussent 
même, comme elle, de petits cris gravés, propres à 
rallier la famille. 

C’est dans le courant de maï que la Gélinotte 
pond en Savoie. Elle se prépare pour cela dans les 
fourrés, à terre, dans un petit creux aux pieds des 
touffes de coudriers , de bruyères ou de fougères, 
et sous d’épais buissons , un nid très - simplement 
fait avec de la paille, des feuilles sèches d’arbres 
et avec des racines flexibles. En peu de jours, elle 
y dépose de 9 à 15 œufs, d’un roux clair, par- 
semés de points et de taches, assez souvent rares, 
d’un brun marron; quelquefois ces taches ne sont 
répandues guère que sur l’une des deux extrémités 
de la coque, et alors elles sont ordinairement plus 
larges que quand elles se trouvent dispersées sur 


452 ORNITHOLOGIE 


toute la surface. Ces œufs ont à cent. 7-8 mill. de 
longueur , sur 2 cent. 7 + à 8 mill. ; de largeur 
diamétrale ; ils éclosent tous le même jour, du 
vingt-deuxième au vingt-troisième jour de cou- 
vaison. Une heure environ après leur naissance, 
les petits, revêtus d’un duvet épais, jaunâtre, 
et varié de roux et de brunâtre dessus le corps, 
courent avec légèreté après leur mère qui les 
conduit à travers bois et prés, à la découverte de 
leur première nourriture : ce sont les fourmis et les 
petites araignées , les vermisseaux , les menus in- 
sectes les plus tendres, les petits limaçons nus, 
presque imperceptibles, et l'extrémité des pétales 
des fleurs basses, tout récemment écloses, qui la 
composent. Chaque jour, vers le milieu de la jour- 
née, et le soir, un peu avant le coucher du soleil, 
cette mère soigneuse ramène la petite famille boire 
sur les bords de la source ou du torrent le plusprès 
des lieux où elle la fait vivre. Je l’ai vue deux fois 
au milieu de ses petits qui se désaltéraient : une fois, 
montée au bout d’une pierre, l’autre, sur une sou- 
che renversée. Elle paraissait tout inquiète; les 
plumes du vertex hérissées en forme de huppe et 
les pennes caudales relevées, très-étalées, elle se 
dressait sur le bout des pattes, prêtait l'oreille au 
moindre bruit, et portait ses regards vers tous les 
coins autour de la couvée. Je poussai un cri; aus- 
sitôt elle descendit du juchoir, jetant par un cri 


DE LA SAVOIE. 453 


grave et prompt, l'alarme parmi les jeunes : et ceux- 
ci à l’instant même de fuir ensemble de toute la vi- 
tesse de leurs jambes à travers les broussailles. Un 
moment après, la mère reparut seule, très-défiante; 
et s’acheminant pas à pas, l'œil constamment au 
guet, vers l'endroit même où la frayeur l’avait saisie 
pour s’assurer du danger, elle m’aperçut ; tout à 
coup elle rebroussa chemin, regagna à la course le 
bois dans lequel elle venait de faire cacher sa pro- 
géniture, sous les buissons. Alors je mis mon chien 
sur ses traces, et une fois, en moins de six minutes 
de quête, il me fit voir trois de ses petits accroupis 
sous les branches basses et rampantes d’un coudrier. 

Dès que les jeunes Gélinottes ont mué et sont 
très-capables de voler et de vivre isolément , elles 
quittent leur mère et s’éparpillent dans les forêts 
les plus épaisses. Comme les vieilles, elles y restent 
seules à seules, souvent deux à la fois, mâle et 
femelle, quelquefois en petites compagnies. 

Les Gélinottes ont le vol pesant, très-bruyant et 
de courte haleine; maïs, en revanche, elles sont 
très- légères à la course. Elles s’entr’appellent , 
mâles et femelles, pendant toute l’année, sauf à la 
mue et durant les rigueurs du froid, qui les rendent 
taciturnes ; cependant elles viennent alors à l’ap- 
peau avec le même empressement qu’au printemps 
et après la mue d'automne. Soit pour les appeler, 
soit pour les approcher de près, afin de les tirer 


154 ORNITFHOLOGIE 


plus aisément que dans l’épaisseur des bois, on 
se sert d’une espèce de petit sifflet d'argent ou 
d’étain, que l’on vend sur nos marchés comme 
jouet d’enfant, et même d’une noix de hêtre (faîne) 
creuse et percée aux deux bouts: avec ces deux 
instruments, on imite bien le cri strident du mâle 
et de la femelle, Toutes celles qui entendent l’ap- 
peau y répondent, arrivent d'arbre en arbre, ou 
d’un seul vol et en battant des ailes, jusque sur la 
tête du braconnier qui les laisse ordinairement 
poser avant de les tirer. Mais très-souvent il a peine 
à les découvrir sur les arbres, parce qu’en s’y per- 
chant, elles ont généralement l'habitude de se 
blottir ou de s’accroupir sur les branches. Si quel- 
ques-unes viennent à la fois s’abattre sur le même 
arbre, le chasseur qui se possède peut avoir la 
chance de les tuer toutes, en tirant d’abord celle 
qui est posée le plus bas; autrement elles s’envo- 
lent effrayées plutôt à la chute d’une plus élevée 
qu'à la détonation de l'arme. 

Ces Tétras se tapissent encore sur les branches 
ou les troncs chaque fois qu’ils découvrent quel- 
qu'un dans leur solitude: soit un chasseur, soit 
l'oiseau de proie. [ls craignent à l'excès ce dernier 
ennemi ; aussi, pour éviter sa rencontre, se tiennent- 
ils cachés dans les lieux les plus fourrés. Ils partent 
toujours brusquement et avec bruit dès qu’ils nous 
aperçoivent fort près d'eux ; quelquefois ils s’en- 


ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE. 


Gallinacees Tétraonidees. 


Lith.J® Perrin & Chambery 


s.Werner del.& Lith. 
1 Tétras Ptarmigan,zea/e adulte aupirintemps, 9 9r.nab, P.455. 
9 » » male adulle en ele, 12 grnal. 
3 » } Lemelle auulie en Livrée d'ete.. 
À ) ) male en lurnage d'hpver., 2% gr nat. 
ÿ 


» ) Lemelle en robe d'hiver: 19 PT Rat. 


DE LA SAVOIE. 455 


volent quand on s'apprête à les tirer, ou lorsque les 
chiens les éventent, et ils disparaissent en s’élan- 
çant au-dessus de la forêt. 


199.—Tétras Ptarmigan /Tetrao Lagopus). 


Noms vulgaires : Perdrix Blanche, J'alabre, Albine, Arbine, Arbenne, Ar- 
bena. 


Tetrao Lagopus (Linn.).—Le Lagopède (Buff.).—Tétras Lagopède (Tetrao 


Lagopus), Vieill. — Tétras Ptarmigan (Tetrao Lagopus), Temm. — Lagopède 
Alpin (Lagopus Alpinus), Degl.—Pernice di Montagna (Savi). 


Ce Tétras, que l’on nomme aussi Lagopède (La- 
gopus, pied-de-lièvre), à cause de ses tarses et de 
ses doigts entièrement vêtus de plumes blanches et 
laineuses, mue deux fois par année. Sa livrée d’été, 
très-distincte de celle d’hiver, fait que parfois on 
le prend ici pour la Gélinoite; au contraire, 
l'hiver, les chasseurs de plusieurs de nos localités 
s’obstinent à le considérer comme une espèce de 
Perdrix particulière aux régions neigeuses des 
Alpes, où la température fait blanchir sa robe dès 
que les beaux jours cessent, 

Le mâle de ce Tétras a 35 à 36 cent. de taille. 

Pendant l'hiver, il est d’un blanc pur sur tout le 
corps; il porte seulement une bande noire, qui part 
de l’angle du bec et s'étend jusqu’au delà des veux. 
Les pennes latérales de la queue sont aussi noires, 
mais terminées par un liséré blanc. Au-dessus de 
l’œil se trouve un petit espace nu, rouge, qui se 
termine par une petite membrane dentelée. Le bec 


456 ORNITHOLOGIE 

est noir; l'iris brun; les ongles sont larges, arqués, 
obtus, creusés en dessous et noirâtres; les tarses 
et les doigts très-garnis de plumes laineuses, plus 
longues, plus épaisses, plus blanches que pendant 
la saison des amours. 

La femelle est un peu plus petite que le mâle; 
elle en diffère en ce qu'elle n’a point de bande 
noire à travers l’œil et que son espace nu, au-des- 
sus des yeux, est moins étendu. 

En été, le mâle à la membrane surciliaire plus 


large et d’un rouge plus vif que durant l’hiver ; il 


conserve encore alors la bande noire qui traverse 
les yeux. Ses parties supérieures sont d’une sorte 
de cendré teinté plus ou moins de roussâtre, coupé 
par de nombreuses bandes transversales noires, 
en zigzags à la tête et au cou, et très-rayé de la 
même couleur, également en zigzags, sur le dos, 
les scapulaires, le croupion, les sus-caudales, et 
sur les deux pennes médianes de la queue. La gorge, 
le devant et les côtés du cou, la poitrine et lesflancs 
sont colorés comme le dessus du cou; assez souvent 
la gorge se maintient en grande partie blanche; sur 
la poitrine et les flancs et même sur la tête et le cou 
l’on remarque fréquemment, surtout en maïet juin, 
de nombreuses plumes noires , plus ou moins va- 
riées de zigzags roussâtres et blancs : mais à me- 
sure que la saison s’avance , le noir de ces plumes 
se change en cendré ou cendré gris, et le blanc, en 


DE LA SAVOIE. 457 


zigzags, s’efface. Les ailes, l’abdomen, quelquefois 
aussi une bonne partie du ventre, les jambes, tarses 
et doigts restent blancs; toutefois les baguettes des 
rémiges sont brunes ou noirâtres, les plumes des 
pieds et des doigts moins touflues, moins longues, 
et d’un blanc moins pur que pendant l’hiver. Les 
pennes de la queue, excepté les deux intermé- 
diaires, sont comme dans cette saison. 

La femelle, en robe d'été, est encore privée de la 
bande noire sur les yeux; au reste, elle est colorée 
comme le mâle, mais avec plus de noir à la tête, au 
dos, aux sus-caudales et à la poitrine ; avec plus de 
roussâtre ou de jaunâtre sur les parties supérieures 
et inférieures du corps. Elle est blanche sur le 
milieu du ventre, jaunâtre et barrée de noir sur les 
sous-caudales. 

Les jeunes des deux sexes, avant la première 
mue , ressemblent beaucoup à la femelle en plu- 
mage d'été, mais ils sont toujours plus petits 
qu'elle. Ils ont le corps rayé finement de gris, de 
cendré, de noir et de roussâtre; c’est à peine si 
l’on aperçoit alors , au-dessus de l'œil, l’espace 
membraneux qui doit plus tard , à la mue d’au- 
tomne, devenir rouge. 

Après celte mue, ils sont blancs comme les vieux 
et les adultes; et comme eux, ils prennent au prin- 
temps suivant l'habit de noces. 


Pendant la mue du printemps qui a lieu en avril 


{28 ORNITHOLOGIE 


et ne finit guère avant la mi-mai, et pendant celle 
de l’automne qui s'effectue vers la mi-septembre 
ou en octobre, suivant l’âge des sujets, ces Tétras, 
jeunes et vieux, sont plus ou moins bigarrés de 
plumes blanches ou de plumes cendrées, marquées 
de zigzags noirs, distribuées irrégulièrement sur 
les parties du corps, et qui indiquent le passage 
d’une livrée à l’autre, Quelques sujets portent en- 
core en novembre, cà et là sur le cou et le dos, 
quelques plumes de leur habillement d'été, 

Le Tétras Ptarmigan est commun, l'été, dans 
les régions les plus élevées des Alpes de la Suisse, 
du Dauphiné et de la Savoie, Lei, il se plaît surtout 
en Maurienne, au Mont-Cenis, au Grand et au Petit 
Saint-Bernard et dans le Chamonix, auprès des nei- 
ges perpétuelles et dans des lieux souvent presque 
inaccessibles, On le rencontre aussi, pendant la 
saison des nichées, sur les montagnes les plus hau- 
tes et les plus froides des Bauges, notamment à la 
cime de Rozannaz, d'Orgeval et du Mont-Tréloz (le 
Charbon), sur celles de la Tarentaise, des environs 
d’Albert-Ville, de Bonneville, etc., mais jamais en 
aussi grande quantité que dans les premières loca- 
lités. Il vit dans ces différents lieux de toutes sortes 
de petites baies, de feuilles et de boutons de plantes 
alpines, spécialement du serpolet (fhymus serpil- 
lum, Linn.) qui donne par moments, en automne, 
à sa chair un goût recherché des gastronomes, de 


DE LA SAVOIE. 459 
l’airelle ponctuée (vaccinium vitis idæa, Linn.), de 
l’épervière piloselle (hieracium pilosella, Linn.), 
du gnaphale pied-de-chat (gnaphalium dioicum , 
Linn.), etc., etc. ; les insectes, les vers et les pe- 
tites limaces sont pour lui une nourriture tout 
accessoire, Mais aussitôt qu’en automne les neiges 
abondantes envahissent le haut des monts, sa 
demeure de prédilection, il en descend par bandes 
souvent nombreuses, et se fixe dans leurs régions 
intermédiaires, où la végétation se maïntient en- 
core. Il ne se montre guère plus bas, même en 
hiver, que parfois dans les temps de neige, d'orage 
et de brouillard, ou lorsqu'il se sauve brusquement 
pour échapper à l’oiseau de proie, Au cœur de l’hi- 
ver, il reste souvent caché dans les bois, s’y nour- 
rissant avec le bout des plantes qui restent un peu 
vertes , avec les boutons des arbustes et des buis- 
sons qui sortent de dessous la neige. 

C’est vers le commencement de mai que l’amour 
rappelle ce Tétras sur la cime des Alpes ; alors ses 
bandes se dissolvent et les couples se réunissent 
pour la reproduction. Le mâle, qui est monogame, 
reste avec sa compagne jusque pendant l’éduca- 
tion des petits; bien différent des mâles des deux 
premiers Tétras, qui laissent les femelles dès qu’ils 
n’ont plus de feu à consumer avec elles. Comme 
les mâles des Perdrix, il se tient, quand elle 
couve, auprès de la nichée; et presque chaque 


460 ORNITHOLOGIE 


fois qu’elle sort pour aller chercher sa subsistance, 
il la suit de près et revient ensuite avec elle au nid. 
La femelle du Ptarmigan pond vers la fin de 
mai ou dans les premiers jours de juin. Pour cela, 
elle se prépare un petit creux circulaire de 20 à 
25 centim. de diamètre, au pied d’un roc ou sous 
quelque arbrisseau rampant, spécialement sous le 
saule émoussé (salix retusa, Linn.)et sous le saule 
herbacé (salix herbacea, Linn.) ; ou bien sous une 
grosse pierre garnie de mousse ou d’épais lichens 
et fixée en terre, quelquefois au milieu des 
herbes ou des bruyères, souvent dans des lieux 
d’un accès difficile. Ce creux achevé, elle y trans- 
porte quelques feuilles sèches, un peu d’herbages 
de pré ou de racines flexibles , destinés à recevoir 
la couvée. Celle-ci se compose de 7 à 15 œufs 
oblongs, d’un gris jaunâtre ou roussâtre, ou d’un 
jaune rougeâtre, et couverts de points et de taches 
irrégulières, noires ou d’un noirâtre presque lavé 
de rougeâtre : ils ont 4 cent. 1-2 mill. de lon- 
gueur, et 2 cent. 9 ou 10 mill. de diamètre. 
La femelle est si attachée à les couver qu’on la saisit 
parfois sur le nid, sans qu’elle fasse le moindre effort 
pour se sauver. Les petits éclosent vers le vingt- 
troisième ou le vingt-quatrième jour de l’incuba- 
tion, tout vêtus d’un duvet laineux, blanc jaunâtre 
sur le dessous du corps, et varié de gris, de bru- 
nâtre et de jaunâtre sur les parties supérieures. 


RER ER ET PS a rames Re 


DE LA SAVOIE. 461 


Quelques heures après leur naissance, ils courent 
_tous pêle-mêle après leurs père et mère parmi les 
herbes et les petites pierres ; saisissant à la hâte à 
terre, sur la mousse et le long des tiges d'herbes, 
les tout petits insectes que l’homme, quoique avec 
une fort bonne vue, découvre avec peine. Ils boi- 
vent fréquemment les petites gouttes de rosée qui 
pendent aux feuilles des plantes, ou l’eau pluviale 
qui se loge dans les cavités des pierres. Souvent la 
mère les rallie autour d’elle pour les réchauffer quel- 
ques instants sous ses plumes, absolument comme 
la poule soigne ses poussins. Quand ils sont me- 
nacés, elle les fait cacher sous les pierres ou sous 
d’épais buissons; mais surpris à l’improviste par 
quelque ennemi, avant que le père ou la mère aient 
eu le temps de les avertir du danger, ces petits s’é- 
chappent en courant de tous les côtés dès que leurs 
parents prennent brusquement le vol en se désolant, 
et bientôt 1is s’accroupissent dans des creux sous 
des rocs amoncelés et sous des arbustes rampants. 

Après leur éducation achevée, les jeunes conti- 
nuent à vivre en famille jusqu’au renouvellement 
des amours. Quelquefois les nichées du même can- 
ton se réunissent ; c’est alors que ces oiseaux con- 
stituent des troupes de plus de quarante ou cin- 
quante sujets qui vivent ensemble dans le plus par- 
fait accord, courent presque toujours avec vitesse 
quand ils sont à la quête desaliments. Découvrent-ils 


162 ORNITHOLOGIE 


alors le chasseur, ils s’arrêtent séparément derrière 
les pierres, l’épient un instant et se remettent aussi- 
tôt à courir un peu plus loin; alors s’ils se voient 
encore poursuivis de près, ils partent tous à la fois 
d’un vol très-bruyant, et forment, suivant qu’ils 
sont plus ou moins rapprochés sur le sol au nio- 
ment où ils s’élancent, un ou deux bataillons et 
même plus, qui se dirigent néanmoins tous du 
inême côté. Lorsqu'on les chasse dans des lieux 
ouverts ét chargés de neige, ils ont parfois la ruse, 
en nous voyant, de rester accroupis sur la neige, 
où en effet la blancheur de leur plumage ne les 
laisse guère découvrir, 

La chair du Tétras Ptarmigan est fréquemment, 
l’automne, parfumée du goût des plantes les plus 
odoriférantes de nos Alpes, surtout du serpolet et 
du thym, dont les fleurs et les feuilles forment effec- 
tivement dans des lieux presque toute sa nourri- 
ture. Malgré cet avantage, elle n’est guère estimée 
en Savoie ; on l’y apprète souvent comme le lièvre, 
en civet, à cause de ses odeurs que l’on dit fortes. 


DE LA SAVOTE. 463 


Trente et unième Famille. 


PERDICIDEES (Perdicidæ). 

Caractères : Bec court ou médiocre, comprimé, fort, nu à sa 
base, convexe en dessus, et courbé vers la pointe de la man- 
dibule supérieure qui recouvre les bords de l’inférieure. Narines 
basales, à moitié fermées par une membrane nue et renflée ; très- 
souvent un espace nu derrière l'œil. Tarses médiocres, nus, reti- 
culés : trois doigts devant réunis à leur base par une petite mem- 
brane jusqu’à la première articulation, un derrière ne portant 
quelquefois à terre que sur le bout. Ailes courtes, arrondies, 
concaves. Queue courte, penchée. 

Cette famille se compose ici des deux genres : 


Perdrix (Perdixæ) et Gaille (Coturnix). 


LVIL: Genre : PERDRIX (Perdix). 


Les Perdrix ont toutes un air de famille qui les 
fait facilement reconnaître et distinguer des Tétras. 
fndépendamment des caractères décrits à l’article 
précédent, elles ont la tête petite, ronde; le cou 
de moyenne longueur; le corps massif, presque 
arrondi; les tarses nullement emplumés, mais 
scutellés et médiocres ; les pennes de la queue 
constamment courtes et penchées vers terre, 

Elles ont presque les mêmes mœurs, les mêmes 
habitudes. Lisières des bois, lieux broussailleux , 
vignobles, champs cultivés et rocailles, sont leur 
demeure habituelle ; elles vivent là de graines cé- 
réales , de semences de plantes , d'insectes et de 
vers, Elles passent presque toute leur vie à terre, 


464 ORNITHOLOGIE 

perchent très-rarement, et ne volent guère que 
lorsqu'on les poursuit, ou quand elles se sauvent à 
l’arrivée de l’oiseau de proie. Sédentaires dans nos 
contrées, elles restent d'habitude cantonnées dans 
le district même où elles ont été élevées ; rarement 
sortent-elles du pays en automne ou pendant les 
rigueurs de l'hiver. Quelques-unes changent seu- 
lement de localité, quandelles s’y trouvent rassem- 
blées en trop grand nombre; mais habituellement 
elles n’opèrent pas de grands voyages. 

Les Perdrix vivent en monogamie. Les mâles 
sont très-lascifs et même jaloux pendant le temps 
des amours. Une fois associés avec une femelle, ils 
restent avec elle durant toute la période de la repro- 
duction. Celle-ci niche toujours à terre, pond une 
grande quantité d’œufs qu’elle couve seule et sou- 
vent en présence du mâle. Les petits ont à peine brisé 
leurs coquilles, qu'ils se mettent à suivre leurs père 
et mère quiles conduisent avec attachement et s’ex- 
posent quelquefois pour les sauver du danger : 
chaque petit est alors couvert de duvet et pourvoit 
lui-même à sa nourriture. Après l'éducation des 
jeunes, ces oiseaux restent en famille ou constituent 
des bandes assez souvent nombreuses, qui ne se 
séparent qu’à la période prochaine. Le chasseur ou 
quelque oiseau de rapine parviennent-ils à disperser 
les sujets qui les forment, on les entend quelques 
heures après, ou le soir, à l’approche de la nuit, 


DE LA SAVOIE. 465 


se rappeler de tous les côtés. Leur vol est bas, 
droit, souvent précipité, et pénible aux premiers 
élans, suivant les lieux où ils se trouvent; mais leur 
marche est facile, tranquille quand rien ne les 
inquiète, très-rapide lorsqu'ils se voient poursuivis. 
Souvent ils se mottent à l’arrêt des chiens, puis 
s’envolent tous à la fois ou l’un après l’autre, selon 
les espèces. Leur chair est délicate et partout très- 
recherchée. [ls muent une seule fois dans l’an. Le 
mâle et la femelle se ressemblent beaucoup, mais 
sont faciles pourtant à distinguer par quelque attri- 
but particulier. Les jeunes ne diffèrent des adultes 
que jusqu’à leur première mue. 

La Suisse et la Savoie possèdent trois espèces 
de Perdrix, qui toutefois produisent souvent des 
variétés ou races à dimensions et proportions 
moindres. Ces oiseaux portent les couleurs de leur 
livrée distribuées par masses uniformes. Ils sont 
pulvérateurs. Les mâles ont un tubercule calleux 
(vulgairement ici, éperon) aux tarses. 


186.—Perdrix Bartavelle /Perdix Saxatilis). 


Noms vulgaires : La Bartavelle, Bartella, Grosse Perdrix Rouge, Groussa 
Petdry Rozet, Perdrix des Rochers, Rocassière ou Rochassière. 


La Perdrix Bartavelle (Buff.).—La Bartavelle ou Perdrix Grecque (Cuv.).— 
Perdrix Bartavelle (Perdix Saxatilis), Vieill., Temm. — Perdrix Bartavelle 
(Perdix Græca), Degl.— Coturnice (Savi). 


La Bartavelle est la plus grosse des Perdrix de 
nos climats : le mâle adulte à 37 à 38 cent, de 
longueur du bout du bec à l’extrémité de la queue. 

Comme celui de la Perdriæ Rouge, son plus 

TI. 30 


466 ORNITHOLOGIE 


proche semblable, il a les tarses, le bec, le tour des 
yeux et un espace derrière l’œil rouges; l'iris d’un 
brun rougeûtre , inclinant au gris quelques heures 
après sa mort ; le lorum ou l’espace situé entre le 
bec et l’œil noir. Mais il en diffère par les nuances 
et la distribution des couleurs des autres parties. 
Un cendré teinté de bleuâtre règne sur une partie 
de la tête, sur le cou et le croupion; un autre cen- 
dré, mais lavé de rougeâtre, couvre le vertex et le 
dos. Au-dessus des veux , apparaît un petit trait 
blanc, qui se prolonge jusque derrière la région 
parotique ; puis une bande noire prend naissance 
à la base du front, passe au-dessus de l’œil et s’é- 
tend au delà, descend ensuite en un large collier 
sur les côtés des joues , de la gorge et du devant 
du cou, dont elle encadre le blanc qui les occupe. 
C’est encore le cendré bleuâtre qui envahit la poi- 
trine ; mais les flancs sont d’un gris bleuâtre clair, 
avec chaque plume traversée par deux bandes noi- 
res, séparées par une autre bande blanche glacée de 
jaunâtre , et terminée par un liséré d’un roux pres- 
que marron, Le milieu du ventre, l'abdomen et les 
jambes sont d’un jaune roussâtre ; les sous-caudales 
d’un jaune d’une teinte un peu plus foncée. Les 
ailes se trouvent colorées d’un cendré rougeûtre 
comme le dos ou le manteau, et les rémiges por- 
tent, vers leur extrémité, une bordure d’un jaune 
d’ocre. Les sus-caudales et les quatre pennes inter- 


ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE. 


Gallinacees. Perdicidees. 


Le errin Libr. du. Chambéry. 
1 Perdrix Bartavelle,222/e 2 dulle; 4 497r.ral.; p.465: 
03 Girls de lespere ; s O1.nàl. 
{ Hy bride provenant de l'accouplement de la Perdrix Bartavelle avec la P. Rouge, 
n <dulle; 1/7 gr". nal;P. 467. 
ù Perdrix Rouge, mâle adulte: gr nat, P#79-6 Zuf delespece;s oral. 


lerner del.£ Lith. 


DE LA SAVOIE. 467 
médiaires de la queue sont cendrées, à peine nuan- 
cées de roussâire vers la pointe; les latérales sont 
d’un roux vif. 

La femelle est plus petite que le mdle: sa taille 
est de 34 à 35 cent. Elle est privée de callosités 
aux tarses, Son cendré bleuâtre de la tête, du cou, 
du croupion et de la poitrine est moins pur; le noir 
qui entoure la gorge paraît plus étroit, et les bandes 
transversales noires, jaunâtres et rousses des flancs, 
sont moins larges que chez le mâle. 

Les jeunes, avant la première mue, ont le bec, le 
tour des yeux et les tarses d’un rouge pâle; le des- 
sus du corps d’un cendré plus ou moins varié de rous- 
sâtre et régulièrement tacheté de brun et de blan- 
châtre ; après la mue , ils ressemblent aux adultes. 

La Bartavelle s’accouple parfois, dans nos mon- 
tagnes , avec la Perdrix Rouge. 1 résulte de cette 
alliance des sujets qui, par la taille , les couleurs 
et leur disposition, tiennent le milieu entre ces 
deux espèces. D’habitude le mâle a plus d’affinité 
avec la première qu'avec la seconde: c’est le con- 
traire dans la femelle. Ces hybrides, que nos chas- 
seurs nomment improprement Bartavelles, se dis- 
tinguent surtout par leur taille presque un peu plus 
grande que celle de la Perdriæ Rouge, et un peu 
plus petite que chez la Bartavelle; par le collier 
noir qui est comme celui de cette dernière, mais 
suivi de quelques taches noires, comme dans la pre- 


468 ORNITHOLOGIE 


mière, et toujours moins longues, moins nom- 
breuses; parles flancs rayés de deux bandes noires 
comme chez la Bartavelle, mais dont la supérieure 
est peu marquée, assez souvent interrompue dans 
son milieu. Enfin, on les reconnaît à leur plumage 
qui a moins de gris cendré et plus de roux que celui 
de l’espèce de cet article, plus de cendré et moins 
de roux que dans la suivante. C’est un hybride de 
ces deux Perdrix que M. Bouteille, directeur du 
muséum de Grenoble, a publié dans son ornitho- 
logie du Dauphiné, comme une nouvelle espèce, sous 
le nom de Perdrix Rochassière (Perdix Labatiei). 

La Bartavelle est actuellement peu nombreuse en 
Savoie; autrefois elle s’y trouvait commune. Ce sont 
certains Rapaces , notamment les Faucons et les Au- 
tours qui souvent se propagent à proximité de son 
séjour habituel, les intempéries, surtout la grêle 
dont la montagne a été tant de fois battue ces temps 
derniers, et les différents genres de chasse qu'on 
n’a pas encore cessé d’y faire toute l’année sur 
divers points à toute espèce de gibier recherché, 
qui ont chacun de leur côté contribué vivement à 
la rendre rare dans ce pays. Elle habite encore assez 
abondamment les Alpes Suisses, les montagnes 
du Jura, celles des Basses-Alpes et des Pyrénées. 

Cette Perdrix se plaît dans des lieux élevés, 
arides, rocailleux, et à pente souvent de difficile 
accès. Elle ne descend sur les coteaux ou jusqu'à 


DE LA SAVOIE. 469 
la plaine que pendant les temps de neige ou durant 
l'intensité du froid , assez rarement à l’époque des 
amours, à moins que les hauteurs qu’elle fréquente 
par habitude ne soient encore envahies par les 
neiges ; mais à toute autre saison, elle y descend 
surtout quand le chasseur ou l’oiseau de proie lui 
font la guerre dans sa localité ; et après un séjour 


de quelques heures, elle regagne de monticule à 


nonticule des régions plus élevées. 

Ce Gallinacée s’apparie dans le mois de mars, et 
il est très-ardent en amour. Les mâles se provoquent 
à grands cris, Se battent parfois avec acharnement 
pour la possession d’une femelle qui doit être le 
prix du vainqueur. Leur humeur érotique, que- 
relleuse et jalouse les rend par moments si furieux 
dans le combat, qu'oubliant jusque leur propre 
conservation , ils se laissent fusiller presque à bout 
portant par les braconniers accourus à leurs cris 
sur le champ de bataille. Le cri d’appel du mâle se 
traduit par les mots : Kakabi, kakabet, articulés 
rapidement, à plusieurs reprises, et qu’il varie par 
d’autres accents plus graves, plus amoureux: Cok 
cok cokrro, également répétés. En imitant leur 
voix , ou celle des femelles , on les aborde facile- 
ment ; mais souvent ils accourent eux-mêmes, en 
s’entendant rappeler, au-devant du braconnier qui 
les attend caché dans des buissons ou sous des rocs 
pour les tirer. Autrefois, quand les Bartavelles 


170 ORNITHOLOGIE 


étaient communes dans ce pays, les villageois de 
plusieurs localités les attiraient au printemps, au 
moven de l’appeau , jusque dans des piéges tendus 
autour de leurs habitations. Se procuraient-ils une 
femelle , ils la conservaient vivante , la tenaient au 
milieu des engins pour qu'elle leur profität; et 
de fait, tous les mâles qui venaient soit à ses cris, 
soit à l’appeau du villageois, se précipitaient vers 
elle, en l’apercevant , et couraient ainsi, entraînés 
par leur ivresse luxurieuse, à leur propre perte. 
La Bartavelle se reproduit dans les lieux les 
plus déserts, les plus pierreux de sa localité. Pour 
pondre, la femelle y choisit l’endroit qui lui paraît 
le plus à l’abri des visites des Corbeaux, des 
Renards, et d’autres animaux de rapine très-avides 
de ses œufs. Elle amasse là dans un petit creux, 
sous quelque buisson épais, sous une pierre ou au 
pied des rocs recouverts de broussailles ou de 
touffes de plantes, quelques brins de paille et 
d'herbes, qu’elle mélange avec des feuilles sèches ; 
puis elle y dépose, en mai, de 9 à 18 œufs. Ils sont 
oblongs, d’un blanc tournant au jaunâtre ou d’un 
blanc glacé de roussâtre , pointillés et tachetés de 
fauve ou d’un brunâtre inclinant presque au rougeà- 
tre. Leur longueur est de 4 cent. 2 à 3 mill., sur 
3 cent. 1-2 mill. de largeur diamétrale. La femelle 
seule les couve, et le mâle reste toute la durée de 
l’incubation aux alentours du nid. T’approche-t-on 


DE LA SAVOIE. 471 
de trop près, il part en poussant son cri d’inquié- 
tude , par lequel il semble redire deux ou trois fois 
consécutives : Tra, tre, tri, el va à une petite dis- 
tance se réfugier dans les rocs ; mais bientôt après, 
on le retrouve dans son premier séjour, 

À la naissance des petits, le mâle se joint souvent 
à la mère pour les conduire à la pâture : alors l’un 
et l’autre de concert les soignent avec amour, les 
dirigent , les avertissent du moindre danger par 
un cri particulier , leur donnent le signal de la 
fuite ou les font cacher sous les pierres et dans 
les fourrés. La famille reste unie jusqu’au prin- 
temps. Pendant tout le temps qu’elle passe ensemble 
après l’éducation, c’est encore le père et la mère, 
ou celle-ci seule, qui la dirigent. En se voyant 
menacée, soit que le chien du chasseur la pour- 
chasse, soit que l’oiseau de proie la guette en pla- 
nant dans les airs, cette troupe se blottit à terre, 
dans les buissons ou au pied des amas de pierres: 
et le danger est-il imminent, tout à coup les chefs 
partent; après eux, les jeunes s’envolent tous ensem- 
ble ou l’un après l’autre et de différents côtés, selon 
qu'ils sont plus ou moins éloignés les uns des au- 
tres, etvont àune moyenne distance s’éparpiller dans 
les rocailles ou les taillis. Mais le père ou la mère 
ne tardent pas à les rassembler, en les rappelant par 
leur cri ordinaire; et chaque petit leur répond ense 
dirigeant à la course vers le lieu du rendez-vous. Ce 


4AT2 ORNITHOLOGIE 


sont là les moments où le chasseur, avec un chien 
d'arrêt docile, fait toujours d’heureuses rencontres. 

La Perdrix Bartavelle se nourrit de graines de 
différentes sortes, de semences, de sommités d’her- 
bes et de fleurs, de larves, d’œufs de fourmis et 
d'insectes. En hiver , elle recourt quelquefois aux 
baies sèches et aux bourgeons. Sa chair est très- 
estimée; parfois on lui trouve un léger goût d’a- 
mertume empruntée, sans doute, des substances 
résineuses qu'elle consomme dans les temps de 
disette. Son vol est d'habitude court, fort bruyant, 
presque toujours précipité. Elle s’accommode assez 
facilement de l’état de captivité. Je l’ai vue quelque- 
fois vivre aussi librement que la Perdrixæ Rouge 
dans des jardins et des maisons. La femelle qui 
avait son mâle, y pondait même au printemps, 
mais jamais elle ne couvait ses œufs ; on les trou- 
vait du reste un à un déposés dans différents lieux. 


4181.Perdrix Rouge /Perdixr Rubra). 


Noms vulgaires : Perdrix Rouge, Petdry Rozet, Petite Rocassière. 


un. 

Le mâle adulte de cette Perdrix a 33 à 34 cent. 
de taille. Il est d’un cendré roussâtre sur les par- 
ties supérieures du corps, mais plus spécialement 
teinté de roux à la tête, au cou et sur le haut du dos. 
Ses sourcils sont blancs : ils commencent au front 


DE LA SAVOTE. 473 
et s'étendent jusqu’au delà des oreilles. Les rémi- 
ges sont brunes, bordées extérieurement de jau- 
nâtre. Les quatre pennes du milieu de la queue 
offrent presque la même nuance que le dessus du 
corps; les autres sont d’un marron rouge. Le blanc 
pur des joues et de la gorge est entouré d'une 
bandelette noire, qui part des lorums , passe au- 
dessus de l’œil, sur la région parotique, où elle est 
un peu marquée de roussâtre, descend ensuite sur 
les côtés et le devant du cou, tout en se divisant en 
un grand nombre de mouchetures de même couleur, 
depuis les oreilles jusqu’à la poitrine. Le milieu et 
le bas de cette partie sont cendrés, les côtés colorés 
de roux: le ventre et l'abdomen d’un roux clair ; 
les sous-caudales d’un roux presque un peu plus 
foncé. Les flancs sont d’un cendré bleuâtre, avec 
chaque plume marquée, en travers, d’une bande 
blanchâtre, suivie d’une autre noire plus étroite, 
et terminée par une frange de roux marron. Comme 
chez la Bartavelle, le bec, le tour des yeux, avec 
un faible espace derrière ces organes, et les pieds 
sont rouges; ces derniers ont aussi une callosité à 
la partie postérieure du tarse; l'iris est brun rouge. 

La femelle est un peu moins grande que le mâle : 
elle à 30 à 31 cent. de longueur. Chez elle, les 
couleurs sont généralement moins vives; la bande- 
lette noire qui encadre le blanc des joues et de la 
gorge, est moins large et se divise en moins de 


474 ORNITHOLOGIE 
taches. Ses tarses n’ont point, comme dans le pre- 
mier, de tubercule calleux. 

Les Jeunes, en éclosant , sont revêtus d’un 
duvet cendré roussâtre sur le dessous du corps, 
avec des taches rousses et brunâtres sur les parties 
latérales de la poitrine. Ils sont roux à la tête, 
variés de brun, de roussâtre et de cendré sur le 
corps et les ailes. Leurs tarses sont d’une couleur 
de chair rougeûtre. 

Plus tard, mais avant leur première mue, ils ont 
le dessus du corps brun roux, tacheté irrégulière- 
ment de cendré roussâtre, de brun foncé aux sca- 
pulaires et aux ailes. Le cendré roussâtre occupe 
encore les parties inférieures ; il est moins pur au 
milieu de la poitrine et aux flancs, dont l'extrémité 
des plumes est rayée de roux. 

Après la mue qui commence à la fin d’août où 
en septembre, suivant l’âge des couvées, les jeunes 
portent la livrée des adultes ou des vieux. Cepen- 
dant on peut encore les distinguer de ceux-ci par 
la première penne de Paile qui est pointue et termi- 
née de blanchâtre. 

Toutes les Perdrix Rouges ne sont pas de la même 
orosseur ; aussi, nos chasseurs en admettent-ils 
deux races qui ne diffèrent absolument que par la 
taille : ils les distinguent en Petites et en Grandes ou 
Grosses Perdrix Rouges. Ges dernières, que l’on 
confond aisément avec les Bartavelles, sont assez 


DE LA SAVOIE. 475 


rares dans nos contrées et communes dans le Midi. 
Ici, elles habitent des lieux moins élevés et moins 
froids que les premières ; habituellement on les ren- 
contre auprès des carrières, sur les coteaux pier- 
reux, et dans les vignobles qui dominent la plaine. 

La Perdrix Rouge est plus répandue en Savoie 
que la Bariavelle, mais moins nombreuse que la 
Perdrix Grise. Comme elles deux, elle y vit séden- 
taire. Elle se tient dans les lieux montueux et acci- 
dentés, à des régions d’un degré plus basses que 
la première espèce. On l’observe surtout sur les 
lisières et dans les clairières des bois où rarement 
elle pénètre, sur les revers des collines couvertes 
de bruvères, de taillis de hêtres et de chênes, ou 
plantées de vignes, ainsi que dans les moissons qui 
les environnent. Elle se choisit dans ces lieux un 
canton qu’elle quitte seulement quand elle y est 
trop persécutée ; alors il n’est pas rare qu’elle des- 
cende pour quelque temps jusqu’à la plaine ou jus- 
qu’au pied des monis adjacents. 

Après l’éducation des petits, cette Perdrix vit 
encore en famille. Mais comme l’on s’acharne à la 
chasser au plus vite, il arrive très-souvent qu'aux 
premiers Jours de l’automne, on ne la trouve plus 
que solitaire ou par deux ou trois ensemble : seuls 
sujets qui restent de quelque compagnie qui était en 
principe de 42 à 18 individus. A la mi-février, ou un 
peu plus tard, elle entre en chaleur; c’est alors que 


476 ORNITHOLOGIE 


ses bandes se dissolvent, que les paires s'unissent, 
s’isolent. Le mâle, du bout d’un tertre ou de quelque 
grosse pierre, fait entendre fréquemment, le matin 
et le soir, ses accents d'amour : Ket, ket, ketdin, 
ketdin, ketdin, keldinkin, ketdinkin, ket, ket, ket, 
keldin, ketdin, ketdinkin, ketdinkin, ket, ket, ket ; 
mais vient-on à le surprendre ou à le troubler dans 
ses amours, aussitôt 1l s'envole à une petite dis- 
tance, ou se retire à la course à travers les buissons, 
en exprimant son mécontentement par cet autre cri 
particulier, qu’il reproduit plusieurs fois de suite : 
Kret, kret, kret, ou kreï, kreï, kreï. 

La Perdrix Rouge niche sous les fourrés des 
buissons, dans les herbes, les bruyères, quelquefois 
dans les vignes, les champs de blé et d’avoine. 
Avant de pondre, la femelle y gratte un peu la terre 
pour former une petite cavité, dans laquelle elle 
apporte des brins d'herbes , quelques racines et 
des feuilles sèches. Ce matelas grossier reçoit en 
mai, ou seulement au commencement de juin, 
12 à 18 œufs, d’un blanc jaunâtre sale ou d’un 
fauve clair, ou bien d’un gris plus ou moins rous- 
sâtre, et recouverts d’un grand nombre de points 
et de taches très-irrégulières, d’un ton plus foncé, 
tantôt roussâtres ou brunâtres, tantôt d’un brun 
roux. Ges œufs varient beaucoup dans leurs dimen- 
sions; en moyenne, ils ont à cent. 8 à 10 mill. de 
long, et 2 cent. 9 à 10 mill. de large. La femelle 


DE LA SAVOIE. 477 


les couve avec sollicitude pendant 22 à 24 jours con- 
sécutifs; mais à peine s’adonne-t-elle à ce devoir, 
que le mâle devient très-indifiérent pour elle; il la 
quitte fréquemment, et va faire bande avec les au- 
tres mâles du canton, même avec ceux dépariés par 
accident ou qui n’ont pu avoir de femelles ; puis 
il revient se montrer de temps en temps auprès de 
la couvée. Quand les petits sont éclos, c’est encore 
la mère qui reste chargée de les conduire à la recher- 
che de leur nourriture qui consiste en vermisseaux, 
petits insectes et œufs de fourmis ; elle veille avec 
un soin extraordinaire à leur conservation. Le père 
suit parfois la famille, mais souvent celle-ci marche 
sans lui, Si quelque ennemi dangereux la surprend, 
c’est alors que la mère recourt à tous les moyens de 
ruse que son instinct lui suggère pour la sauver : 
elle s’élance en criant et retombe presque aussitôt 
à terre, feignant de ne pouvoir voler; là, elle feint 
encore de ne pouvoir courir : elle boîte, bat de 
l'aile en se traînant sur le sol, va et vient d’un côté 
et d’autre, afin d’attirer l’ennemi à elle, cherchant 
à lui donner le change et à laisser ainsi à sa race 
le temps de se chercher un refuge. Les petits se 
tapissent alors séparément entre deux mottes de 
terre, dans un creux, sous les pierres ou sous les 
buissons : frappés de stupeur, ils y restent immobiles 
tant qu'ils entendent du bruit autour d’eux ou leur 
mère se désoler, et trompent facilement l’œil le 


478 ORNITHOLOGIE 

mieux exercé ; car, dans le premier âge, leurs cou- 
leurs ne contrastent guère avec celle du sol qu’ils 
hantent. 

Au mois d'août, ces perdreaux sont généralement 
en état de se soustraire par le vol aux poursuites de 
leurs ennemis, et ont bientôt acquis assez de ruse 
pour déjouer les calculs les mieux combinés des 
chasseurs et pour se dérober à leurs coups de feu. 
À cette époque, on les rencontre par compagnies 
dans les blés tardifs et les avoines, dont ils se re- 
paissent du grain, dans les vignes, où ils mangent de 
moment en moment le raisin, et dans les lieux brous- 
sailleux, capables de leur fournir baies, semences, 
insectes et petits limacons pour leur pâture. Quand 
ils sont bien repus et tranquilles, iis s'arrêtent dans 
quelque lieu sec, y forment de petits creux pour se 
rouler des heures entières tous pêle-mêle sur la 
terre ou le sable, comme le font les poules autour 
des maisons rurales. Les jours de chaleur exces- 
sive, ils entrent quelquefois dans les bois de haute 
futaie, pour y chercher la fraîcheur ; de fois à autre 
ils perchent sur les branches basses des arbres, ils 
montent même, lorsqu'ils sont trop vivement pour- 
suivis par les chiens, sur les branches moyennes. 

Les Perdrix Rouges sont moins sociables que les 
Perdrix Grises. Quoiqu'’elles se réunissent par ban- 
des ou restent en famille après leur éducation, 
elles se tiennent d'habitude plus éloignées les unes 


DE LA SAVOIE. 479 


des autres que ces dernières , en pareille circon- 
stance : aussi, lorsqu'on les fait lever, elles ne par- 
tent pas toutes à la fois, comme elles, pour se 
suivre, mais les unes après les autres et de différents 
côtés, allant se répandre çà et là dans les bruyères, 
genêts, champs, vignes et bois des alentours; puis 
au plus tard, à l'approche de la nuit, elles se réu- 
nissent toutes en s’entr'appelant, Quand on les 
chasse sur le penchant des montagnes, elles plon- 
gent verticalement dans les précipices; si l’on va à 
leur remise, très-souvent elles regagnent le haut de 
la colline. En plaine, elles volent droit et avec roi- 
deur. Lorsqu’elles marchent, elles relèvent à tout 
moment la tête avec fierté, et l’abaissent ensuite de 
manière à la mettre avec le corps dans un plan ho- 
rizontal, Mais si elles se sauvent à la course devant 
quelque ennemi, leur marche est rampante ; c’est 
alors qu’elles vont avec vélocité le long des sentiers 
battus, des sillons, et au travers des buissons; puis 
tout à coup elles s'arrêtent, épient de derrière une 
motte ou une pierre chaque mouvement du chas- 
seur, courent un peu plus loin et se gîtent encore 
pour le voir venir. Enfin elles ne prennent l’essor 
guère que dans le danger imminent; quelquefois 
elles franchissent alors de grandes distances; elles 
descendent jusqu'en plaine, comme quand elles 
fuient pour échapper à l'oiseau de proie, elles s’a- 
battent même dans les cours, dans les jardins, ou 


480 ORNITHOLOGIE 


bien elles entrent jusque dans des maisons. Elles y 
tombent lourdement, comme si elles eussent été lan- 
cées du haut des airs, et y restent dans un tel état 
de stupeur, qu’on les prend souvent à la main sans 
qu’elles paraissent songer à se sauver. De pareils 
faits se sont reproduits les années dernières dans 
notre pays : à ma connaissance, trois Perdrix Rou- 
ges et deux Bartavelles y furent prises de la sorte. 

La Perdrix Rouge se prive aisément en volière. 
Comme la Bartavelle, elle y pond quelquefois, 
mais comme elle, elle ne soigne point ses œufs. 
M. l'abbé Morat réussit, en 1851, pendant son vi- 
carlat au Bourget, à faire couver par une poule 
tous les œufs d’un nid de Perdrix Rouge. A l’éclo- 
sion, quelques petits périrent ; les autres, sous la 
surveillance de cette mère complaisante, se mirent 
le jour même de leur naissance à se nourrir des ali- 
ments qui leur furent préparés. Un an après, je 
revis ces derniers dans les jardins des alentours du 
presbytère, où ils vivaient très-librement, retour- 
nant à toute heure de la journée dans leur refuge 
habituel, chez leur maître. 


182.—Perdrix Grise /Perdix Cinerea]. 
Noms vulgaires : Perdrix Grise, Petdry Grisa ou Griga. 
La Perdrix Grise (Buff.). — La Perdrix de Montagne et la Petite Perdrix 


Grise, du même auteur, sont des races ou variétés. — Perdrix Grise (Perdix 
Cinerea), Vieill., Temm., Degl.—Starna(Savi). 


Nos chasseurs reconnaissent dans cette espèce, 
les uns deux races ou variétés de grosseur, les autres 


DE LA SAVOIE. 481 


trois : la petite, qu’ils désignent sous le nom de 
Petite Perdrix Grise de Passage, la moyenne et la 
grande. 

La première de ces races n’est guère que pas- 
sagère en Savoie, vers le milieu de l’automne et 
à l'entrée de l'hiver; quelques couples rares y 
nichent pourtant, dans les régions moyennes et 
cultivées des Alpes. Les deux autres sont sédentai- 
res, assez répandues. 

Quant à la pelite race, que l’on nomme vulgaire- 
ment Roquette dans quelques localités en France, 
elle porte le même plumage que notre Perdrix 
Grise ; mais elle en diffère par sa taille qui est d’un 
liers environ plus petite, et par son humeur erra- 
tique. Dans ses voyages, qu’elle opère par troupes 
souvent très-nombreuses, elle ne se mêle pas aux 
bandes de cette dernière ; elle ne reste jamais, 
comme elle, longtemps dans la même localité : elle 
“abandonne, pour voyager, jusque celle qui l’a vue 
naître, quoiqu’elle y trouve sa nourriture en abon- 
dance. Plus farouche qu'elle, elle se laisse aussi 
plus difficilement approcher. Son vol est en outre 
plus soutenu, plus élevé. Son genre de vie difiérent 
de celui de la Perdrix Grise l’a fait regarder tantôt 
comme une variété locale ou race constante, tan- 
tôt comme une espèce parfaitement distincte de 
celle-ci : elie est décrite dans plusieurs ouvrages 
scientifiques, sous les dénominations : Petite Per- 

MIT: 31 


482 ORNITHOLOGIE 
driæ Grise ou Perdrix de Passage (Perdix Damas- 
cena, Latham). 

Quant aux deux autres variétés de grosseur, la 
moyenne et la grande, elles ont absolument le 
même plumage; c’est à peine si elles diffèrent 
l’une de FPautre par la taille : la première a un 
peu moins d’embonpoint que la seconde, qui, sans 
doute, aura vécu un peu plus qu’elle dans l’abon- 
dance, ou habité une localité moins élevée, moins 
froide. | | 

Le mâle adulte de Ia Perdrix Grise a 32 à 88 
centim. de longueur. 

Il est d’un roux pâle sur le front, au-dessus des 
veux, aux côtés de la tête, à la gorge et sur le haut 
du devant du cou; d'un brun roussâtre, parsemé 
de traits jaunâtres, au vertex, à l’occiput et au 
centre de la nuque : les autres parties supérieures 
offrent un mélange de cendré plus ou moins brunä- 
tre, de zigzags et de traits noirs, avec des taches 
d’un roux rouge, des lignes longitudinales d’un 
blanc jaunâtre, et de nombreux zigzags roux jau- 
nâtres sur les ailes. La queue se compose de 18 rec- 
trices dont les 12 latérales sont d’un roux rou- 
seûtre, terminées par un liséré gris, à peine visible, 
et les 6 médianes variées de cendré, de roux et de 
noir, à peu près comme le dos. Le cou, la poitrine 
et les flancs sont cendrés, garnis de zigzags noirs, 
avec de larges bandes transversales d’un roux 


DE LA SAVOIE. 483 


rouge sur les flancs, et de petits traits longitu- 
dinaux blancs au milieu des plumes. Le haut 
du ventre est marqué d'une large plaque d’un 
marron foncé , en forme de fer à cheval, et enca- 
drée de blanc ou de blanchâtre ; l'abdomen d’un 
blanc ocrassé ; mais ses parties latérales, ainsi que 
les sous-caudales, sont d’un blanc roussâtre, par- 
semé de taches brunes ou brunâtres, avec du blanc 
le long de Ia direction des baguettes des plumes. 
Le bec est brun olivâtre; l'iris d’un brun roux ; les 
tarses gris. Derrière l'œil, est un petit espace nu 
et rouge. ; 

Chez la femelle, tes couleurs se trouvent généra- 
lement plus foncées ; le roux de la face paraît moins 
étendu ; le dessus de là tête est parsemé de petites 
taches arrondies, d’un blanc roussâtre ; la plaque 
du haut du ventre est blanche, beaucoup moins 
prononcée que dans le mâle; mais dans un âge 
avancé, elle prend plus d'extension, elle se colore 
de brun. 

Les jeunes, en se dépouillant du duvet blanc rous- 
sâtre, qui est leur premier habillement, se revêtis- 
sent, dans les deux sexes, de plumes d’un gris rous- 
sätre sur le devant du corps, et de plumes brunes 
jaunâtres, variées de bandes et de raies d’un brun 
noirâtre, en dessus. [ls n’ont point alors d’espace 
nu et rouge derrière les yeux, ni de fer à cheval sur 
le ventre ; leurs pieds sont jaunâtres. Ils gardent 


ORNITHOLOGIE 


484 
cette livrée jusqu'à leur première mue qui com- 
mence vers la fin d'août ou dans les quinze pre- 
miers jours de septembre, suivant leur âge. Alors 
ils se colorent comme les adultes. 

La Perdrix Grise varie accidentellement du blanc 
pur au blanc roussâtre. Ces couleurs sont générales 
ou partielles : dans ce cas, elles se trouvent quel- 
quefois variées des couleurs ordinaires, ou distri- 
buées par plaques ou par grandes taches sur quel- 
ques parties du corps. 

Cette Perdrix est sédentaire et la plus commune 
de toutes dans nos localités. Elle habite diverses 
contrées de l’Europe; mais plusieurs pays la pos- 
sèdent toute l’année, tandis que d’autres ne la voient 
paraître guère qu’à l’époque de ses voyages d’au- 
tomne et d'hiver. M. le docteur Degland, de Lille, 
dit qu’elle est aussi rare dans le midi de la France 
que la Perdrix Rouge y est abondante ; et de fait, 
celle-ci y est commune. 

Elle aime ici les pays de plaine un peu élevés, les 
coteaux ou la base des monts qui les dominent, etse 
tient dans les moissons, les trèiles, pélagras, 
vignes et broussailles. Les lieux accidentés ont pour 
elle peu d’attraits; elle ne s’enfonce dazs les forêts 
que quand elle se voit poursuivie par le chasseur ou 
par l’oiseau de proie. D'un naturel très-sociable, 
elle vit en famille ou par bandes jusqu à la fin- 
février, époque à laquelle ses amours commencent. 


DE LA SAVOIE. 489 


Dès lors, on ne la revoit plus que par paires jus- 
qu’à la naissance des petits. 

Les Perdrix Grises vivent presque à la manière 
des Perdrix Rouges, et comme elles, elles mar- 
chent, courent plus souvent qu’elles ne volent. Mais 
réunies en compagnie, elles ont plus soin qu’elles 
de rester rapprochées les unes des autres : aussi, 
quand on les aborde, les voit-on partir toutes à la 
fois, se suivre et s’abattre ensemble à quelque dis- 
tance du lieu d’où elles se sont levées. Si l’on tire 
leur bande au lever , très-souvent on la disperse ; 
mais quelques heures après, elles se retrouvent 
toutes en se rappelant par des cris aigres, qui imi- 
tent en quelque sorte le bruit d’une scie, et retour- 
nent ensuite dans le plus parfait silence à leur can- 
ton. La voix des mâles est plus forte, plustraînante 
que celle des femelles. Si, lorsqu'ils sont assemblés, 
ces Gallinacées découvrent quelque oiseau de ra- 
pine , aussitôt ils se groupent, se serrent les uns 
contre les autres, comme s'ils devaient lui en impo- 
ser par leur nombre ou repousser à l’envi ses atta- 
ques ; mais dès qu'ils voient le danger, ils s’envo- 
lent en toute hâte, se jettent dans les bois, les fourrés, 
les blés ou les jardins, où ils se blottissent à terre, 
tenant souvent la tête cachée ou enfoncée dans un 
trou ou sous des feuilles. fls sont alors si stupides, 
qu’on parvient quelquefois à les prendre, sans qu'ils 
fassent le moindre mouvement pour s'échapper. 


186 ORNITHOLOGIE 

Comme leurs congénères, nos Perdrix Grises 
passent assez constamment leur vie dans les lieux 
où elles sont nées: on a beau les en chasser souvent, 
toujours on les y retrouve le lendemain ou quelques 
heures après leur fuite. Mais si la localité possède 
plusieurs compagnies, une ou deux d’entre elles Ja 
quittent, et vont s'établir dans quelque district voi- 
sin. Graines céréales, insectes, larves, petits coquil- 
lages, vermisseaux , sommités des herbes les plus 
tendres, celles surtout des blés verts, des laitues, 
des séneçons, composent leur principale nourriture, 
Quelquefois elles creusent dans les terrains humides 
pour y trouver les vers qu’elles affectionnent, dans 
les fourmilières pour dévorer les œufs ou larves 
qu’elles recèlent, Comme les Perdrix Bartavelles et 
les Perdrix Rouges, elles grattent la terre sèche et 
légère, afin de s’y rouler dans leurs moments de 
tranquillité ; comme les dernières, elles montent 
parfois sur les branches basses des arbres, soit 
pour y jouir de la fraîcheur de la brise pendant les 
chaleurs, soit pour se soustraire au danger, surtout 
aux poursuites de l'oiseau de proie. Mais elles ne 
se déterminent à s’y loger guère que lorsqu'elles 
sont seules où réunies par paires; quand , en pa- 
reille circonstance, elles se trouvent par bandes, 
elles préfèrent se retirer à la fois dans les fourrés 
des broussailles ou des herbes , pour s’y tapir. 

La Perdrix Grise s’apparie à la fin-février ou au 


DE LA SAVOIE. 487 
commencement de mars. Le mâle et la femelle 
poussent alors le même chant: Tütrhuat tittrhuit 
hittrhuit, avec la différence que la dernière en arti- 
cule les syllabes plus promptement que le premier. 
La femelle pond habituellement sur la fin d’avril ou 
dans les vingt premiers jours de mai, et le mâle 
reste auprès d’elle pendant tout le temps qu’elle s’a- 
donne à l’incubation. Il ne prend point part à ses 
peines ; seulement il l'accompagne quand elle sort 
du nid pour aller aux vivres. Pour couver , la 
femelle fait choix d’un petit creux peu profond, 
soit au milieu des blés, trèfles, luzernes, pélagras, 
soit dans les herbes des prés artificiels, soit sous 
les buissons ou au pied de quelque arbre qui re- 
jette par la base; mais si elle n’en trouve pas de 
son goût, elle s’en forme un elle-même en quel- 
ques moments. Cette cavité est ensuite garnie 
d'herbes sèches, mélangées avec de la paille ou des 
feuilles ; elle reçoit 10 à 18 œufs, d’un gris jau- 
nâtre ou d’un gris cendré verdâtre, sans taches. 
Pour longueur, ils ont 3 cent. 5-6 mill., et 2 cent. 
6 à 7 mill. de largeur diamétrale. Les œufs de la 


petite race, citée en tête de cet article , sont con- 
stamment plus petits : ils ont 3 cent. 3-4 mill. de 
long, et 2 cent. 4 ou 5 mill. de large. En recher- 
chant les herbes, les trèfles et les pélagras pour 
s’y reproduire, cette espèce s'expose à se voir en- 
lever sa couvée; et en effet, souvent elle y couve 


488 ORNITHOLOGIE 


encore quand on les coupe en mai ou aux premiers 
jours de juin , en plaine ou sur les coteaux. Alors 
elle est forcée d’abandonner le nid à la merci des 
faucheurs. Quelques jours après , elle fait une se- 
conde ponte de 8 à 12 œufs ; mais les perdreaux 
qui en résultent ne se trouvent jamais forts pour 
l’ouverture de la chasse: plusieurs périssent alors 
par les chiens qui les pourchassent. 

Les petits de la Perdrix Grise brisent leurs co- 
quilles du vingt-unième au vingt-deuxième jour de 
couvaison. Ils éclosent tous le même jour, se sau- 
ventavec leurs père et mère, et prennent eux-mêmes 
la nourriture que ceux-c1 leur indiquent: elle con- 
siste alors en menus insectes, œufs de fourmis, vers 
et vermisseaux. Quelque temps après, ils commen- 
cent à se repaitre du fin bout des herbes tendres, 
puisils ne vivent de graines guère avant qu'ils aient 
toutes leurs plumes, celles qui succèdent au duvet 
qu’ils apportent en naissant. Pour les soustraire à 
quelque ennemi, quand ils ne sont point en état de 
voler, le père et la mère recourent aux mêmes 
moyens de ruse décrits à l’article de la Perdrix 
Rouge. Les plumes des ailes sont les premières qui 
leur poussent; aussi, est-on surpris de les voir volti- 
ger quand ils ne sont pas plus gros que des Cailles, 
etavec tout le corps revêtu de duvet. Ils se tiennent 
toujours très-rapprochés de leurs parents, et partent 
tous à la fois au premier signal du père ou de la 


DE LA SAVOIE. 489 


mère. Si, par quelque accident, cette troupe vient 
à se séparer , ce ne sera que deux ou trois heures 
après que ses auteurs chercheront à la réunir, au 
moyen de leurs cris. Chaque soir, à l’arrivée de 
la nuit, ils font l’appel des pelits, et leur assignent 
un refuge ou les abritent sous leurs plumes; le len- 
demain, bien avant le lever du soleil , il y a un se- 
cond appel, et les petits ne sont pas plutôt réunis, 
que toute la bande marche ensemble à la pâture. 

La Perdrix Grise est très-recherchée pour les 
tables quand elle est jeune. Il est des amateurs de 
gibier qui la préfèrent à la Perdrix Rouge. Quoi- 
que d’un naturel sauvage, elle est pourtant sus- 
ceptible d'éducation et d’une familiarité extrême 
lorsqu'on l’élève très-jeune, ou lorsqu'on la fait 
naître et élever par des poules. En obtenant ces ré- 
sultats, des personnes ont essayé plus d’une fois 
d'en peupler leurs parcs ou leurs volières; mais 
leurs tentatives ont toujours été infructueuses. 
Quant aux œufs qu'elle pondait, elle les laissait 
de côté et d’autre, sans les soigner. 


LVSHIe Genre : CALILLE (Coturnix). 


Caractères génériques : Bec court, faible, nu à sa base, convexe en dessus, 
un peu courbe vers le bout Narines nues.à moitie clo:es par une membrane 
renflée. Orbites garnis de plumes; point d'espace nu derrière les yeux, comme 
chez les Perdrix. Tarses lisses, sans callosités dans les deux sexes. Queue 
courte, penchée vers la terre, et cachée par ses couvertures superieures. Ailes 
pointues. 


L'Europe possède une seule espèce de Caille. 
(Quelques auteurs la maintiennent dans le genre 


€ 


490 ORNITHOLOGIE 
Perdrix, et se bornent à en former une section. 
Cependant les Cailles diffèrent des Perdrix par des 
caractères extérieurs, par un port qui leur est pro- 
pre, par quelques-unes de leurs mœurs et habitu- 
des. Elles sont nomades, vivent en polygamie, res- 
tent isolées après l'amour, et ne se réunissent en 
bandes que pour opérer leurs voyages. Les femelles 
seules soignent leurs petits ; mais après l’éduca- 
tion, elles vivent, comme eux, solitaires. 


183.—Caille Chanteuse / Coturnir Dactylisonans)]. 
Noms vulgaires : Caille, Caillaz, Caïa. 
La Caille (Buff.).— La Caille Commune (Cuv.). — Perdrix Caille (Perdiæ Co- 


turnix), Vieill., Degl.—La Caille (Perdix Coturnix), Temm.—Coturnix Dac- 
lylisonans (Meyer et de S.-Longch.).—Quaglia (Savi). 


Nos Caïlles varient beaucoup de la taille et de la 
srosseur, absolument comme la Perdrix Grise. Ces 
différences sont ordinairement plus notables chez 
les mâles que chez les femelles; comme dans cette 
Perdrix, elles proviennent des localités plus ou 
moins froides que ces oiseaux fréquentent, et de la 
nourriture qu'ils y trouvent plus ou moins abon- 
damment. Leurs habitudes erratiques doivent y 
être aussi pour quelque chose; et de fait, les mâles 
ne cessent de courir çà et là au printemps à la re- 
cherche des femelles pour les féconder; ils errent 
encore pendant qu’elles vivent sédentaires, qu’elles 
sont occupées à couver, à élever leurs petits; aussi, 
les femelles ont-elles, dès l’âge adulte, les dimen- 
sions plus constantes que les mâles. 


2 0 2 


ORNITHOLOLOGIE DE LA SAVOIE . 


Gallinacées. Perdicidees. 


TI 227£ 


à 


si 


h. JE Perrin Libr.f rt ha LP er y. JAY ETREE GEL, KL LCU 


1 Perdrix Grise . adulte; 119 nal,;P.460- 93 Œuts de lespece:gr rat 


4 Œuf de ferdrrx de fassage te Rd Crise ;9T-nal; P 461. 
5 Caille Chanteuse, za Le adulle en ele,’ Sornal, P 4590. 

6 » » Lete de lemelfe ae Le 2 1 gTraË . 

1-9 Zur de lespece, à or.nal. 


en 


DE LA SAVOIE. 491 

La Caille a 17 à 20 centim. de longueur. 

Le mâle adulte et vieux, en élé, a le haut de la 
tête varié de noir et de roussâtre, avec trois bandes 
longitudinales d’un blanc roussâtre : une de cha 
que côté au-dessus de l’œil, en forme de sourcils, 
une au milieu de la tête, Il est cendré brun sur les 
parties supérieures et les sus-caudales, et varié par 
des taches noires, par des raies transversales d'un 
roux pâle, par des traits longitudinaux blancs jau- 
nâtres sur les tiges des plumes. Ses joues sont bru- 
nâtres, finement tachetées de roussâtre; la gorge 
est d’un roux rembruni, entourée de deux bandes 
noires ou brunes noïirâtres, souvent séparées l’une 
de l’autre par du blanc ou du blanc roux. La poitrine 
et lesflancs ont du roux assez clair, maillé de blanc 
le long de la baguette desplumes, et tacheté de brun 
et de roux vif sur les flancs. Le ventre, l'abdomen 
et les sous-caudales sont blanchâtres ou d’un blanc 
roussâtre. La queue est formée de 1/4 pennes, bru- 
nâtre, et rayée en log et en travers de blanc jau- 
nâtre. Le bec est brün ou brun noirâtre ; l'iris brun 
roux ; les pieds couleur de chair, assez souvent la- 
vée de jaunâtre. 


La femelle est reconnaissable à sa gorge blan- 
châtre ou blanche roussâtre, sans taches ni bandes 
rousses et noires ou noirâtres ; à la partie infé- 
rieure du devant de son cou et à sa poitrine rous- 
sâtres, tachetées de brun, Elle à en outre les 


492 ORNITHOLOGIE 


teintes du dessus du corps plus foncées, le roux 
des flancs moins vif que le mâle. 

Les jeunes, avant leur première mue, n'ont de 
ressemblance qu'avec la femelle, mais ils sont tou- 
jours plus pelits et plus tachetés de brun sur la 
poitrine. Leurs tarses sont jaunâtres; le bec bru- 
nâtre, et la couleur principale du dessus du corps, 
d’une nuance penchant à l’olive. 

Les jeunes mâles de l’année ne prennent du noir 
et du roux brun à la gorge, du roux vif aux flancs, 
qu'à l’arrivée du printemps , dans les climats 
chauds, leur séjour d'hiver, et avant de rentrer en 
Europe. 

La Caille habite pendant l’été et une partie de 
l'automne presque toute l’Europe et le nord de 
l'Afrique, et partout on la recherche comme bon 
gibier. À l'approche de l’hiver, elle émigre dans le 
sud de l’Afrique, ou se répand en Asie et en Syrie. 

Comimne les Martinets de Murailles et les Bruants 
Ortoluns , les Cailles commencent à nous arriver 
en Savoie vers la mi-avril ou un peu plus tard, 
dans les derniers jours du mois ou la première 
semaine de mai, suivant que le printemps à été 
plus ou moins précoce et le temps propice à leur 
traversée: c’est sud ou sud-est qu'elles prennent 
pour retourner en Europe, et nord-est pour aller 
passer l'hiver en Afrique. Elles apparaissent tou- 
jours un peu plus tôt dans les contrées méridionales 


DE LA SAVOIE. 493 


de l’Europe, d’où les premiers coups de vent du sud 
nous lesamènent ensuite peu à peu au crépuscule du 
soir, oudenuitquandil fait clair de lune, et de grand 
matin. Les premières qui arrivent ici se jettent 
dans les prairies et les blèés qui leur offrent suf- 
fisamment de verdure pour s’y cacher, et c'est 
pour cela qu’on les nomme presque partout Cailles 
Vertes. Ordinairement elles viennent par bandes 
plus ou moins nombreuses, qui s’éparpillent dans 
les plaines par où elles passent. Si, à leur passage 
du printemps chez nous, la saison se maintient 
douce et le blé ou l'herbe sont assez élevés, assez 
épais pour leur servir de refuge, elles y restent en 
quantité pour se reproduire ; les pluies ne les en 
chassent pas, si elles ne sont ni trop longues ni trop 
froides pour la saison. 

Les Cailles sont à peine arrivées dans nos cli- 
mats, qu’elles entrent en amour. Viennent-elles 
par un beau temps, elles annoncent le jour même 
du retour leur présence dans les blés, trèfles, luzer- 
nes et prairies : le mâle par son cri fort et sonore, 
ketkaya ketkaya kelkayac, ou piapaya piapaya 
piapayae, qu’il fait précéder d’une sorte de miau- 


lement : Mia ouan ouan, mia ouan ouan, ou sim- 
plement ouin ouin, ouin ouin; la femelle par un 
cri très-différent, très-imitable avec l’appeau arti- 
ficiel ; elle reproduit les syllabes : Crui crui, crui 
crui, crui Crui, crui crui, d’un ton presque sifflé. 


494 ORNITHOLOGIE 


Ce n’est que pour appeler le mâle qui doit la fécon- 
der qu’elle pousse ce cri, et quoiqu'il soit faible et 
qu’on ne l’entende qu’à une petite distance, lé mâle 
cependant y accourt au vol ou à la course d’un 
demi-kilomètre : aussi, a-t-1l plus d’ardeur qu’elle 
en amour. Du reste, la femelle ne court pas à la 
voix du mâle, comme le mâle se précipite à la 
sienne, et avec tant d’étourderie qu’il vient la cher- 
cher jusqu'aux pieds de la personne qui imite sa 
voix, ou plutôt dans le piége qu’elle lui tend. Quand 
il se croit près de la femelle, il lâche plus fréquem- 
ment son miaulement, mia ouan ouan, que son cri 
d'appel ordinaire : quant à ce dernier, il ne le jette 
alors guère que lorsqu'il ne la rencontre pas, et à 
chaque cri il remue brusquement la tête d’un côté 
et de l’autre. Mais en l’apercevant, il court à elle 
avec célérité, s'arrête à ses côtés, et tourne à plu- 
sieurs reprises autour d'elle en piaffant, poussant 
des soufflements, de vrais soupirs d'amour, tenant 
les ailes traînantes, le cou tendu et les plumes qui 
le recouvrent depuis la gorge jusqu’à la poitrine 
singulièrement enflées. Il se maintient dans de 
pareils transports jusqu'à ce que sa compagne se 
couche pour être cochée. 

Les mâles, pendant la période de leurs amours, 
sont très-faciles à chasser; et en effet, on les chasse 
partout de différentes manières : au moyen de l’ap- 
peau artificiel, avec le tramail, la tirasse, le traî- 


DE LA SAVOIE. 495 
neau, etc. Il suffit de savoir bien imiter le cri d’ap- 
pel des femelles pour rassembler les mâics autour 
de soi, les conduire ou les attirer dans des piéges 
qu’on leur tend de préférence le soir, un peu avant 
la nuit, et de grand matin. Le tramail est une sorte 
de filet à mailles en losange, fixé par de petits 
pieux, que l’on tend à travers les moissons ou les 
herbes, et dans lequel les Cailles s’empêtrent en 
courant. La chasse à la trasse est la plus fructueuse 
de toutes, elle peut se faire depuis l’arrivée des 
Cailles jusqu'à leur départ : c’est un filet long de 
80 à 40 pieds sur 20 à 30 de large dont les mailles 
en losange ont 3 à 4 cent. Pour le faire agir, il faut 
être deux; un seul pourtant à la rigueur peut suf- 
fire en fixant sa firasse par un pieu; et comme les 
Cailles sont toujours à terre, il n’y a rien de plus 
facile de les environner et de les couvrir avec le 
filet. Le traîneau est une espèce de tirasse dont 
un côté rase la terre, ramasse les Cailles et autres 
espèces d'oiseaux, absolument comme un filet 
prend le poisson de la partie d’une rivière dont il 
balaye le fond. Ces deux derniers genres de chasse 
sont spécialement en usage dans quelques îles de 
la Méditerranée et sur les côtes de France, où les 
Gailles arrivent par milliers à la fois en automne 
avant d’émigrer en Afrique, et au printemps pour 
se répandre dans les divers climats de l’Europe : 
on en détruit alors des masses, et des gens en font 


496 ORNITHOLOGIE 

un grand commerce. Pour chasser la Caille au 
printemps en Savoie, l’on se sert particulièrement 
d’une sorte de filet à mailles, aussi en losange, 
qu’on étend comme une couverture sur les blés et 
les herbes, où les mâles rappellent ; puis en imitant 
bien la voix des femelles, on amène les premiers 
jusque dessous le piége ; aussitôt qu’on les ÿ décou- 
vre, on s’élance vers eux; à l'instant même ils 
prennent vol, frappent contre le filet et y forment 
une espèce de poche, où ils restent pris. 

Comme certains Tétras, les Gailles sont poly- 
games, et comme chez eux , le même mâle peut 
féconder plusieurs femelles ; mais on remarque 
que celles-ci, en général, pondent moins d'œufs 
que leurs semblables qui vivent en nombre dans 
des lieux où abondent également les mâles : les 
premières font ordinairement de 8 à 12 œufs, les 
dernières de 14 à 18. Cependant, si les mâles sont 
beaucoup plus nombreux qu’elles dans quelque lo- 
calité , alors ils deviennent nuisibles aux couvées. 
En eflet, ceux d’entre eux qui n’ont point encore 
eu de compagne, comme ceux auxquels il reste 
quelqués feux à consumer, continuent de courir à 
la recherche des femelles, qu’ils ne cessent de rap- 
peler ; en trouvent-ils une sur son nid, ils piaffent 
à ses côtés, se ruent sur elle pour la cocher; et 
pour peu qu’elle leur résiste tout en restant cou- 
chée dans le nid, ils ne tardent pas, dans leur 


DE LA SAVOTE. 497 
fureur érotique , à la pousser dehors, à casser ses 
œufs ou à les disperser autour de la cavité qui les 
renferme. C’est en la délogeant, en lui brisant 
ses œufs, qu’ils réussissent à l'emmener avec eux, 
puis à étouffer peu à peu l’ardeur de leurs passions. 
Mais sa nouvelle ponte n’est jamais aussi nom- 
breuse que la première ; elle est souvent tardive, 
et les Cailleteaux qui en proviennent ne sont guère 
forts à l’ouverture de la chasse. Ils périssent alors 
par les chiens qui les lassent en les pourchas- 
sant jusqu'au point de les forcer à se tapir de- 
vant eux. 

C’est à terre, au milieu des blés, herbes, trèfles, 
luzernes et pélagras, que la femelle de la Caille 
cache le plus souvent sa couvée ; mais avant d'y 
pondre, elle gratte un peu la terre avec le bec et 
les ongles, de façon à y former un petit creux, 
dans lequel elle rassemble quelques brins d’herbes 
et de racines fibreuses. Sa ponte est de 8 à 
18 œufs, très-variables tant par la couleur du fond 
que pour la forme et la distribution des taches. 
Habituellement ils sont ventrus, un peu piriformes, 
d'un blanc jaunâtre, verdàätre ou fauve plus ou 
moins clairs, avec des points, avec de larges et 
petites taches irrégulières, brunes ou brunâtres, ou 
d’un brun foncé inclinant à l’olive. Leur longueur 
est, en moyenne, de 2 cent. 8-9 mill., sur un dia- 
mètre de 2 cent. 2-3 mill. 


D UTT, S 2 


498 ORNITHOLOGIE 


La femelle couve vingt à vingt et un jours con- 
sécutifs dès qu’elle a pondu le dernier œuf, et 
avec tant d’'assiduité qu’on Ja prend fréquemment 
sur le nid. Tous ses œufs sont ordinairement fé- 
conds. Les petits, au sortir de l’œuf, sont couverts 
d’un duvet blanc jaunâtre, courent et pourvoient 
eux-mêmes à leur subsistance. La mère seule les 
accompagne et les conduit à peu près de la même 
manière que les Perdrix ; de temps en temps elle 
les rappelle par un petit cri doux, réservé pour 
cette circonstance ; et dans les premiers jours de 
leur naissance, elle les fait passer la nuit cachés 
sous ses plumes. 

Les Cailleteaux ont bientôt acquis tout leur 
accroissement, et leur éducation n’est jamais aussi 
longue que celle des Perdreaux. En trois ou qua- 
tre mois, ils ont toute leur grosseur et sont en état 
d'effectuer d'aussi longs voyages que leurs vieux 
semblables. Ils se séparent de bonne heure de leur 
mère pour vivre isolément ; on prétend qu’ils peu- 
vent déjà se passer d’elle dès que les premières 
plumes paraissent sur tout leur corps. Quand ils 
sont avec elle, ils ne se tiennent pas toujours rap- 
prochés les uns des autres; aussi, lorsqu'on les 
fait lever, prennent-ils l’essor les uns après les au- 
tres et de différents côtés. Les femelles qui n’ont 
plus de progéniture à soigner sur la fin de juin, 
font assez souvent une seconde ponte de 7 à 


DEGEA, SAVMOTE: 499 
10 œufs. Les jeunes de la première nichée vivent 
alors éparpillés dans les champs, les prés et les 
vignes, s’y alimentant de petits insectes, de lar- 
ves de fourmis, de vers, de grains ct de sommités 
d'herbes. 

Lorsqu'à la fin de juin ou aux premiers jours de 
juillet, la chaleur est accablante, les blés, trèfles et 
foins sont coupés dans nos plaines, les mâles de 
Cailles, vieux et adultes, s'élèvent de nuit, et en 
se rappelant, jusque dans les champs des lieux 
montueux, où les récoltes Sont tardives. Quelques 
femelles lés y suivent et pondent quelques jours 
après qu'elles y sont fixées. Les couvées restent 
dans leur localité ; elles ne la quittent que pour 
émigrer vers d’autres climats. En même temps 
il nous arrive. des contrées du midi de l’Europe 
beaucoup d’autres Cailles, des mâles surtout, qui 
viennent aussi chercher dans nos montagnes la 
fraîcheur, un asile et des aliments dans les blés 
et les avoines. De ce qu’il se trouve parmi eux des 
sujets un peu plus petits que d’autres, plusieurs de 
nos chasseurs s’imaginent, mais très-impropre- 
ment, que ces nouveaux venus sont les jeunes des 
premières couvées qui ont déjà eu lieu dans les 
régions méridionales, surtout en Provence; et en 
effet, ils les nomment Cailleteaux de Provence. Ces 
petits voyageurs ont tous le plumage d'été propre 
aux Vieux où aux adultes d’un ou de deux ans de 


300 ORNITHOLOGIE 

l'espèce type ; ils ont aussi leur cri d'appel d'amour. 
S'ils étaient de la première nichée, comme on le 
croit, ils n’auraient pas encore, quand ils nous 
arrivent, atteint l’âge de deux mois (car il est rare 
qu’on trouve en Provence de tout petits Caiïlleteaux 
avant la mi-mai); et dans cet état, seraient-ils assez 
forts. assez vigoureux pour voyager? auraient-ils 
déjà les cris, la livrée des premiers? Certainement 
non; car les jeunes Cailles ne voyagent guère avant 
l’âge de trois mois et quand elles ont tout leur ac- 
croissement ; elles n’acquièrent que dans leur séjour 
d'hiver, avant de rentrer en Europe, le plumage et 
le cri d’appel fort et sonore qui caractérisent les 
adultes et les vieux de l’espèce pendant l'été. 

Les Cailles descendent ici des montagnes aux 
premières pluies froides qui y surviennent et lors- 
qu’on y récolte les avoines où elles se tenaient 
cachées. Elles s’abattent de nuit ou le matin vers 
la plaine, et se jettent dans les vignobles et les sar- 
rasins (blés noirs) de la graine desquels elles sont 
très-friandes ; dans les vignes, elles se repaissent 
de grains de sénecons, de panics et de mercuriales. 
Elles attendent là l’automne pour effectuer leur long 
voyage, 

Nous avons chaque année, en Savoie, un petit 
passage de Cailles, de vieilles surtout, vers le mi- 
lieu ou sur la fin d'août. Un autre passage formé 
d'individus de tout âge , mais plus abondant et 


DE LA SAVOIE. 301 
qui dure plus de temps que le premier , s’opère 
ensuite vers le 15 ou le 20 septembre, au plus fort 
des migrations du Râle de Genét ( vulgairement 
Roi de Cailles). Enfin un troisième passage de 
Cailles à toujours lieu vers le 6, le 8 ou le 15 oc- 
tobre, rarement plus tard ; c’est le plus abondant 
de tous, et on y trouve surtout les jeunes de l’année. 
Nos chasseurs s’en vont alors les chasser dans les 
vignes et les sarrasins. Les Cailles passent en au- 
tomne par les vents du nord et d'ouest, le jour qui 
précède la pluie tout comme le lendemain qu’elle 
est tombée, quand la nuit qui l’a suivie a été froide 
et sans nuages. Mais si les vents du sud et du sud-est 
règnent, nous n'avons point de forts passages de 
ces oiseaux dans nos vallées. Après les frimas de la 
fin d'octobre, on rencontre de temps à autre quel- 
ques Gailles très-grasses ou des Cailleteaux d’une 
couvée très-tardive, qui ne peuvent émigrer, mais 
ces sujets sont habituellement pris ou tués avant 
l'hiver ; on les trouve particulièrement dans les 
vignes ou le long des haies. 

Pour émigrer , la Gaille se rappelle au moyen 
d’un petit cri faible, doux et presque sifflé, se réu- 
nit en bandes plus ou moins nombreuses, et s’en- 
vole soit à l’arrivée de la nuit, soit de nuit quand 
il fait clair de lune, ou de très-grand matin. Elle 
passe le jour entier dans les champs ou les vignes, 
et reprend le vol le soir, après le coucher du soleil, 


302 ORNITHOLOGIE 


Elle traverse par troupes considérables la Médi- 
terranée pour aller séjourner , l'hiver, en Afrique, 
Asie, Syrie, etc.; mais souvent les vents contraires 
la forcent de s'arrêter dans les îles qu’elle rencon- 
tre. Les îles et les écueils du Levant se trouvent 
fréquemment couverts des volées de cet oiseau, et 
les habitants en font un très-grand commerce. 

La Caille est souvent difficile à faire lever, surtout 
quand elle est surchargée de graisse; elle ne prend 
le vol que dans le danger ou bienen se voyant pour- 
suivie vivement par le chien du chasseur. Elle s’é- 
lève du sol avec bruit et en jetant un petit cri, vole 
bas, droit, en battant des ailes avec tant de célé- 
rité qu’on ne s'aperçoit presque pas de leurs mou- 
vements, et bientôt elle se laisse retomber à terre, 
comme si elle y était entraînée par son propre 
poids. Aussitôt posée , elle se remet à courir, fait 
tant de chemin en un instant, qu'en allant à sa re- 
mise, on la fait très-souvent lever à une grande dis- 
tance du lieu dans lequel on l’a vue s’abattre. Dans 
ses voyages, son vol est au contraire élevé, très- 
soutenu. Elle vit de blé, de sarrasin, de millet, de 
chènevis ; de panics, d'herbes vertes et tendres, 
d'insectes et de vermisseaux. Elle peut bien se 
passer de boire pour quelque temps, car rarement 
on la voit aller à l’eau; cependant lorsqu'elle est 
près de la boisson, elle y va d'habitude vers le 
milieu du jour ou à l’approche de la nuit, Elle est 


DE LA SAVOIE. 503 


dans son séjour plus oisive, plus susceptible de 
graisse que les Perdrix ; aussi, est-elle plus facile 
à tirer au lever. Elle se plaît assez à la captivité, 
pourvu qu’on lui donne les vivres en abondance et 
un peu de sable fin dans quelque coin de sa cage, 
pour l’y faire rouler de temps en temps après ses 
repas. Elle se montre, surtout aux époques des 
migrations de ses semblables libres, le jour triste, 
comme endormie, et s’agite tous les soirs depuis le 
coucher du soleil jusque vers le milieu de la nuit, 
puis encore à l’aube du jour. Au reste, c’est pour 
elle une habitude, un besoin, car en liberté elle 
dort aussi une bonne partie de la journée pour se 
remettre des fatigues de ses courses ou de ses 
voyages nocturnes. 


FIN DU TOME TROISIÈME. 


ete 27 A Eté nt Dm 20 7 re TT 


TABLE DES MATIÈRES 


DU TOME III. 


Tableau Méthodique de la Troisième Partie............... ne 
5° ORDRE (suite du). Passereaux (Passeres)............. 7 
93e FAMILLE... Tichodromidées (Tichodromidæ).... ...... Ÿ/ 
GENRE XLIII... Tichodrome (Tichodroma)................. 9 
Tichodrome Échelette (T'ichodroma Phæni- 
CODEN) EEE CR ie = ee loiele e elec 10 
DADPAMILER:.ASiitidées (Std) Me Pine es à se 01e ee 21 
GCENRECX LIVE 20SittellentSitta) re EN . Le 22 
Sittelle Torchepot(Sitta Europæa)......... 23 
25e FAMILLE.. Parusidées (Parusidæ).......... Re Meter 33 
GENRE EN PE MÉSAn Se NPURUS) PERLE nec ces e se 36 
Jr Sechon.m--Sylvicoles (SYyIvicolR). 2.002202... 000" 36 


Mésange Grosse Charbonnière(ParusMajor) 37 


Mésange Petite Charbonnière (Parus Ater). 47 


Mésange Bleue (Parus Caæruleus).......... 55 


DeLS'ection.. -... 


3° Section. ..... 


26° FAMILLE... 
GENRE XLVI... 


l'e Seclior 


2e Section 


3° Section 


Lou... 


TABLE DES MATIÈRES. 


Mésange Huppée (Parus Cristatus)........  ” 
Mésange Alpestre (Parus Alpestris)...,.... 66 
Mésange Nonnette (Parus Palustris)....... 76 
Méganures (Meganuri).. eme TE enr 80 
Mésange à Longue Queue (Parus C'audatus) 81 
Mésange à Moustaches (Parus Biarmicus).. 90 
Calamophiles (Calamophih)............... 94 
Mésange Rémiz (Parus Pendulinus)........ 95 
Fringillidées (Fringillhidæ)...",..,.......... 98 
Fringille Mfrimglligh res... 0... 101 
Longicones (LOngConD.- 0-7 meet 102 


Fringille Chardonneret (Fringilla C'arduelis) 103 
Fringille Venturon (Fringilla Citrinella).... 111 


Fringille Tarin (Fringilla Spinus).......... 147 
Fringille Boréale (Fringilla Borealis)...... 123 
Fringille Sizerin (Fringilla Linaria)......, 127 
Brevicones (BreviCOM) Er ee 136 


Fringille de Montagne ( Fringilla Montium) 136 
Fringille Linotte (Fringilla Cannabina).... 139 


Fringille Pinson (Fringilla Cælebs)........ 150 
Fringille Pinson d’Ardennes (Fringilla Mon- 
UTINQUID) ee ae een rene 160 
Fringille Niverolle (Fringilla Nivalis)...... 169 
FaticonesMEGUCON) EMTEC ICRA Det LT) 


Fringille Moineau (Fringilla Domestica).... 180 


Note sur la Fringille à Tète Marron ou 


d'Italie (Fringilla Italiæ)...........,..... 192 
Fringille Friquet (Fringilla Montana)... ... 193 
Fringille Soulcie (Fringilla Petronia)....... 200 


Fringille Serin ou Cini (Fringilla Serinus).. 204 
Fringille Verdier (Fringilla Chloris)....... 210 


2 qe 


An RE 2e ne ee ce 


meer 


à 


! 
4 
4 
À 


TABLE DES MATIÈRES. 507 


GENRE XLVII.. Gros-Bec (C'occothraustes) Te De D PAU a PA LT à 217 


GENRE XLVIII. 


GENRE XLIX... 


GENRE L.. 


GENRE LI. 


27° FAMILLE... 


GENRE LII 


Gros-Bec Vulgaire (Coccothraustes Vulgaris) 218 
BOUVrEUB URI) EC PAL EE 225 
Bouvreuil Vulgaire (Pyrrhula Vulgaris) et 


Bouvreuil Ponceau ou Grand Bouvreuil 


BuymnulaiCoccinen) RU. Reel ee 226 
Bec Cros (Lord) NE EE EEE 234 
Bec-Croisé des Pins (Loxia C'urvirostra).... 236 
Bruant (Emberiza).......... Me MORT 247 
Bruant Jaune (Emberiza C'itrinella)........ 249 
Bruant Ortolan (Emberiza Hortulana)...... 257 
Bruant Z1z1 (Emberizsa Cirlus)............. 263 
BruantiRou (Embenza Cia) RER RNREe 269 
Bruant de Roseaux (Emberiza Schœniculus). 275 
Bruant Proyer (Emberiza Miliaria)......... 281 
Plectrophane (Plectrophanus).............. 289 


Plectrophane de Neige (Plectrophanus Ni- 


Plectrophane de Laponie (Plectrophanus 


LAHPOTACUS) PRES Re ete 293 
Motacillidées (Motacillidæ)................ 297 
Bergeronnette (Motacilla).... ,........... 299 
Bergeronnette Grise (Motacilla Alba)...... 301 


Note sur la Bergeronnette Lugubre (Mota- 
cilla Lugubris) et la Bergeronnette Yarrel 
(Motacilla Yarrelu)...,....... Dobddencne 311 
Bergeronnette Jaune (Motacilla Boarula)... 312 
Bergeronnette Printanière (Motacilla Flava) 320 
Note sur la Bergeronnette Flavéole (Mota- 


cilla Flaveola), la Bergeronnette à Tête 


Grise (Motacilla Cinereocapilla), et la Ber- 


GENRE LII].... 


28° FAMILLE... 
GENRE LIV..... 


6° ORDRE... 
29° FAMILLE... 


GENRE LV..... 


° ORDRE... 
30° FAMILLE... 
GENRE LVI.... 


31° FAMILLE... 


TABLE DES MATIÈRES. 


geronnette Mélanocéphale (Motacilla Me- Fa 
lanbeenhaln):.2::.. 08 RER re 328 
PIDATAMTAUS). , 2-1 Re Dr A RE 329 
Pipi Richard (Anthus Richardi)............ 332 
Pipi Rousseline (Anthus Rufescens)........ 337 
Pipi Spioncelle (Anthus Aquaticus)........ 343 
Pipi Farlouse (Anthus Pratensis)........... 352 
Pipi des Buissons (Anthus Arborens)....... 360 
Alaudidées (Alaudide).. 0. 0-0 370 
Alouette (412240)... EC Ce 371 
Note sur l’Alouette Calandre (Alauda Ca- 
landra) et l’Alouette Calandrelle (Alauda 
Brachydachyla) 7,20 373 
Alouette des Champs (Alauda Arvensis).... 375 
Alouette Cochevis (Alauda Cristata)....... 385 
Alouette Lulu (Alauda Arborea)........... 389 
Pigeons (Colin) PR ECE CPE CPE LPPET 397 
Colombidées (Columbidæ)...............+. 400 
Colombe (Combe) Eee re 403 
Colombe Ramier (Columba Palumbus)...... 404 
Colombe Colombin (Columba Œnas)....... 411 
Colombe Biset (Columba Livia)............ 413 
Colombe Tourterelle (Columba Turtur).... 416 
Gallinacées (Güalline) RCE eee 421 
Tétraonidées (lelraomde) etre ee 424 
Détras(Tetrao) MR ARR ne EURE 426 
Tétras Auerhan (Tetrao Urogallus)......... 497 
Tétras Birkhan (Tetrao Tetrix)........ .... 432 
Tétras Gélinotte (Tetrao Bonasia).......... 446 
Tétras Ptarmigan (Tetrao Lagopus).... ... 455 


Perdicidées (Perdicidæ) 


GENRE LVII... 


GENRE LVIII.. 


TABLE DES MATIÈRES. 


Penn (BB eRdiT) ne. unes cinelsee S PR PER 
Perdrix Bartavelle (Perdix Saæxalilis)...... 
Perdrix Rouge (Perdix Rubra)...,......... 
Perdrix Grise (Perdix Cinerea)............. 
Cale CourMr een ele eee 


Caille Chanteuse (Coturnix Dactylisonans).. 


FIN 


DE LA TABLE DU TOME III. 


509 


Pages 
463 


465 
472 
480 
489 
490 


Paris. — Imprimerie Bonaventure et Ducessois, 55, quai des Augustins.