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_ORNITHOLOGIE
DE LA SAVOIE
TOME Ill.
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IMPRIMÉ CHEZ BONAVENTURE ET DUCESSOIS,
Paris, 55, quai des Augustins.
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ORNITHOLOGIE
JE LA SAVOI
OÙ
HISTOIRE DES OISEAUX
OUIMVIVENT ENCSAVOIEH A L'ETAT SAUVAGE
SOIT CONSTAMMENT, SOIT PASSAGÈREMENT
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Conservateur d’Ornithologie au Muséum d'Histoire Nature''e
de Savoic,
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TOME TROISIÈME.
RSC NB ED CL IE R AR EEE DIE DE UR
rue Scrpente-St-André, 26.
CHAMBERY
SUP ERPEN ETBRATRE.
1854
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PODENT LD ee PP TT
TABLEAU MÉTHODIQUE
DE LA TROISIÈME PARTIE.
23e famille. .... .
24e famille... ...
25e famille... -
26e famille... ...
27e famille. .
28e famille... ...
Vie ORDRE...
29e famille...
VIe ORDRE...
30 famille... ... à Tetrao.
] 1 Fo Perdicidæ.—(Genres : 57e, Perdrix, Per-
cene dix; 58e, Caille, Colurnix.
Ve ORDRE (suite) | Passereaux, Passeres.
ur Tichodromidæ.—(Genre : 43e, Ticho-
drome, Tichodroma.
| Sittidées, Sittidæ.—(Genre : 44e, Sittelle, Sitta.
Parusidées, Parusidæ.—Genre : 45e, Mésange, Parus.
lre section : Sylvicoles, Sylvicolæ.
2e section : Méganures, Meganuri.
3e section : Calamophiles, Calamophili.
Fringillidées,
Fringilla.
lre section
2e section
3e section
Fringillidæ. — Genre : 46e, Fringille,
: Longicônes, Longiconi.
* Brevicônes, Breviconi.
: Laticônes, Laticoni.
Genres : 47e, Gros-Bec, Coccothraustes ; 48°, Bou-
vreuil, Pyrrhula; 19e, Bec-Croisé, Loxia ; 50e, Bruant,
Emberiza; 51e, Plectrophane, Plectrophanus.
{Motacillidées, Motacillidæ.—Genres : 52e, Bergeron-
À nette, Motacilla ; 53e, Pipi, Anthus.
| Alaudidées, 4 laudidæ.—(renre : 54e, Alouette, Alauda.
| Pigeons, Columbæ.
{Colombidées, Columbidæ, — Genre : 55e, Colombe,
t Columba.
| Gallinacées, Gallinæ.
nn
{ Tétraonidées, Telraonidæ. — Genre : 26e, Tétras,
ORNITHOLOGIE
DE LA SAVOIE
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SUITE }.
CINQUIEME ORDRE
(suIrx)
FPASSEREAUX (PASSERES).
$$$ 5 —
Vingt-roisième Famille.
FICHODROMIDÉES (ichodromidæ).
Il est réellement peu d'oiseaux aussi faciles à
reconnaitre, soit par leurs signes caractéristiques,
soil par leur manière de vivre, que les Tichodro-
midées. Leur habitude de se cramponner avec leurs
ongles recourbés aux rochers et aux murailles, où
ils s'élèvent verticalement au moyen de saccades
successives et en battant fortement des ailes, les
rapproche bien un peu des Grimpereaux (Certhia-
dées, 22° famille, tome Il); mais la conformation du
bec et de la langue, et spécialement la largeur des
ailes, la brièveté et la flexibilité des pennes de la
8 ORNITHOLOGIE
queue les en feront toujours distinguer au premier
aperçu. Leur bec est, en eflet, très-long, grêle,
pointu, presque droit dans le jeune âge, légèrement
fléchi en arc dans un âge avancé, un peu déprimé
et triangulaire à la base, mais arrondi dans le reste
de la longueur. La tête aussi est ronde, sauf en
dessus où elle se trouve sensiblement aplatie. Les
yeux sont fixés à fleur de tête. La langue est sus-
ceptible de s'étendre en dehors du bec, mais jamais
autant que celle des Pics et des Torcous; elle est
cartilagineuse et très-aiguë à l’extrémité, puis
garnie sur les côtés de très-petits crochets propres
à retenir et entraîner avec elle la proie qu’elle
cherche à s’approprier.
Les Tichodromidées ont les narines percées
horizontalement et à moitié fermées par une mem-
brane voûlée, située vers l’origine du bec dans une
rainure longitudinale ; les doigts rangés par trois
devant, dont l’externe est soudé à la base au doigt
du milieu, un derrière muni d’un ongie très-long et
crochu. Leurs aîles amples ont la première rémige
courte, les deuxième et troisième étagées, les qua-
itrième, cinquième et sixième les plus longues. La
queue n’est formée que de pennes courtes, larges,
arrondies par le bout et égales entre elles, à l’excep-
tion de la plus latérale de chaque côté, qui est
encore un peu plus courte que les autres ; toutes
ont les baguettes faibles : aussi, cette partie ne leur
D HAELLA SA VOIE. 9
a point été donnée pour les aider à se soutenir dans
leurs mouvements ascensionnels le long des rocs ou
des murs. Mais la nature les à largement dédom-
magés, en les dotant de grands ongles très-arqués,
au moyen desquels ils se cramponnent solidement,
et de larges ailes qu'ils agitent presque sans relâche
à mesure qu’ils grimpent.
Ces oiseaux se nourrissent de petits insectes, de
mouches, de moucherons, de larves et d'araignées,
Ils recherchent ces divers aliments dans les cavités
des pierres et des rocs coupés à pic, et dans les fen-
tes des vieilles murailles : ils les en retirent à l’aide
de leur long bec ou de leur langue extensible. C’est
aussi dans ies fentes des rochers, dans les crevasses
des vieux murs des châteaux et des grands édifices
qu’ils se reproduisent, Ils se livrent chaque année
à l’entrée de l’hiver , seuls ou par couple, mâle et
femelle, à des excursions jusqu'à l’approche du
printemps ; alors ils quittent leur séjour des mon-
tagnes et se rapprochent des pays de plaine. Leur
mue est double dans les deux sexes, du moins dans
l'espèce européenne. Les mâles en livrée d'automne
ou d'hiver ne sont presque pasdifférents des femelles.
Cette famille ne possède que le genre suivant.
| es
XILIHKe Genre : HEÉCHMHODROME / Fichodroma).
Je n’ai pas d’autres caractères à signaler pour la
définition de ce genre, que ceux énumérés à l’article
es — —--
10 ORNITTHOTOCTE
de la famille. EH ne renferme en Europe qu'une
seule espèce qui est un de nos plus jolis oiseaux. Sa
dénomination, Tichodrome Échelette (Tichodroma
Phænicoplera), est une courte descriplion de ses
habitudes principales : Trichodrome, tiré du grec
teïyos, Imur, Opeueus, Coureur, explique en eftet
son habitude de parcourir en grimpant les murailles
ou les rochers ; Écheletle, exprime bien sa manière
d'y monter par sauts ou par saccades successives.
L’épithète latine Phænicoptera (aile de flamme)
est empruntée du beau rouge vif de ses ailes et de
leurs tectrices ou couvertures.
424.—Tichoërome EHchelette [/Tichodroma Phæœnicoptera).
Noms vulgaires : L'oiseau Papillon, Parpeillon, Planet, Pic de Murailles,
Pie d'Araignées, Grimpercau de Rocs.
Certhia Muraria (Linn.).Le Grimpereau de Murailles (Buff.).—Picchion
de Muraille (Petrodroma Muraria\, Vieill. — Tichodrome Echelette (Ticho-
droma Phœnicoptera), Temm.—Picchio Murajolo (Savi).
Ce volatile est du nombre de ces espèces dont
l'existence en Suisse et en Savoie est encore ignorée
de plusieurs personnes; quelques-unes le prennent,
en le voyant paraître à l’approche de l'hiver sur
ies murs des hauts édifices, pour un oiseau égaré
dans nos climats ; d’autres, pour une espèce parti-
culière à l'Afrique, à cause de la vivacité de ses
couleurs.
Sa taille est, dans les deux sexes, de 18 centi-
mètres.
Le vieux mâle, dans nos contrées, achève de
Passereau x:
ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE
Tichodromidees fitidees.
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2. > Mt) Ti, 27
L ith. J! Perrin Libr.E dit. Chamb éry- JWerner del. & Lith
1 Tichodrome Echelette, vx zngle en Livrée de noces: #4 27. za; P.\.
»
» 2e de mil dl ee 0 us de l'esp; gr nat
6 Sitlelle Tor chepot, 2nile a dulle; 73 9r.nal, P93—7-9 Cufs de l'esp; oT ral.
DE LA SAVOIE. 11
prendre sa livrée de noces vers la mi-avril, ctil ne
la quitte guère avant la fin de juillet. Il est, durant
cet espace de temps, d’un cendré foncé sur le
sommet de la tête et à la nuque; d’un cendré clair,
très-faiblement teinté de rose sur le bas du cou, sur
les scapulaires et le dos. Il à les couvertures alaires
et la partie supérieure des barbes externes des ré-
miges, d’un rouge vif, et l’extrémité de ces pennes
noire. Les rémiges sont en outre marquées sur les
barbes intérieures : les trois ou quatre premières,
suivant l’âge, de deux taches blanches; la quatrième
ou la cinquième, d’une seule; les trois ou quatre
autres n’en ont pas; mais les quatre ou cinq qui les
suivent portent une tache roussâtre : ces taches ne
paraissent que quand les ailes se trouvent déployées.
Une plaque d’un noir profond envahit la gorge et le
devant du cou ; un cendré noirâtre couvre les autres
parties inférieures. La queue est noire, terminée de
cendré et de blanc. Le bec, l'iris et les pieds sont
aussi noirs,
La vieille femelle se revêt aussi au printemps de
noir à la gorge et sur le devant du cou; mais cette
couleur est toujours moins étendue que dans le
mâle, et de plus bordée de blanchâtre. Le cendré
des parties supérieures, jusqu’à celui de la tête, et
le cendré noirâtre du dessous du corps, sont aussi
plus clairs que chez ce dernier. M. Caire vient de
me mander qu'il à vérifié ce fait sur deux femelles
12 ORNITHOLOGIE
caplurées dans les Basses-Alpes, en juillet 1853 :
cet excellent observateur les à aisément reconnues,
en les disséquant, à l’ovaire garni d'œufs et au
ventre dénué de plumes.
Les mâles d'un an, ainsi que les femelles du
même âge, ne prennent pas tous régulièrement
en Savoie, au printemps, du noir à la gorge :
cette partie reste alors grise, bien que le cendré
noirâtre des autres parties inférieures devienne
plus foncé que durant l'hiver.
Les sujets de cet âge appelés à devenir noirs sur
la gorge et le devant du cou, acquièrent souvent
cette couleur tardivement, en mai et quelquefois
seulement aux premiers jours de juin; et encore ils
conservent sur chaque plume noire un léger liséré
blanchâtre qui ferait aisément confondre les mâles
avec les femelles, si ces dernières n'étaient pas,
à cette période, presque blanches sur le cou, Le dos
et les scapulaires.
Il est peut-être des régions en Europe, et proba-
blement dans le Midi, où cet oiseau se colore con-
stamment au premier printemps de noir à la gorge;
aussi, ne saurais-je trop engager les naturalistes à
l’observer pendant l'été dans les divers climats
qu'il habite ; car c’est par là que la science, encore
incertaine de l’âge dans lequel ce volatile commence
à noircir sur cette partie, verrait enfin ce problème
se résoudre.
DE LA SAVOIE. 13
Après la mue de la fin de l'été, les adultes et les
vieux des deux sexes reprennent le gris blanc sur
dessous du corps devient un peu plus clair qu’en
été, au moyen d’une faible bordure grise à l’extré-
mité de chaque plume; le cendré sombre du som-
met de la tête se change également en un cendré
clair. Le reste du plumage ressemble à celui de la
belle saison.
Les jeunes, au sortir du nid, ont déjà les couleurs
distribuées comme chez les vieux en livrée d’au-
tomne; mais elles sont généralement plus ternes, et
le rouge des ailes paraît moins étendu. Leur bec
est plus court, plus large à sa base, droit jusqu’à
l'approche de la première mue; ensuite, presque
droit jusqu'à la seconde année.
Après la mue, ils ont encore habituellement le
bec un peu plus court que les vieux et les sujets de
deux ans ; mais ils leur ressemblent par le plumage,
sauf néanmoins par les taches des barbes intc-
rieures des ailes, qui sont en grande partie rousses,
au lieu d’être blanches comme chez les premiers.
Le Tichodrome Échelette varie spécialement par
la grandeur du bec; il n’est pas rare de rencontrer,
comme dans la Huppe et les Grimpereaux, des
individus même d’un âge avancé dont cet organe
soit de 9-f5 millim. plus long que chez le plus grand
nombre de leurs congénères.
la gorge et le devant du cou. Le cendré foncé du
14 ORNITHOLOGIE
On trouve cet oiseau en Italie, dans le Piémont,
en Espagne, dans le midi et les régions tempérées
de la France, et dans les Alpes Suisses. Nous le
possédons en Savoie toute l’année, mais partout en
petite quantité : on l’y observe presque toujours
solitaire, el assez rarement par paire, sauf pen-
dant la période des nichées. Ce sont les jeunes
qui n’ont point encore été appariés qui vont ou
voyagent habituellement seuls. Le couple qui s’est
reproduit ensemble ne vit pas toujours dans la
solitude après les couvées terminées; souvent les
deux sujets qui le forment, continuent de vivre en
bonne intelligence l’un avec l’autre dans le même
canton pendant le reste de l’année. [ls ne se quittent
effectivement que par moments, lorsqu'ils sont en
quête de leur nourriture ; quelques minutes après,
ils se retrouvent, soit en parcourant l’un après
l’autre les mêmes rochers ou les mêmes édifices,
soit en s’entr’appelant de temps à autre par quel-
ques cris aigus et précipités : ces cris, articulés à
la manière de ceux du Pic Épeichelie, semblent
prononcer : phi-phi-phi-pli-pli-pli. Ces deux com-
pagnons sont-ils du nombre de leurs semblables
qui entreprennent sur la fin de l’automne quelques
excursions dans le pays ou jusqu’à l'étranger, ils s’y
livrent encore ensemble, et avant le printemps, on
les voit reparaître dans leur premier district : l’on
est du moins tenté de croire que c’est bien le même
DE LAS AVOILE. 15
couple qui revient s’y propager, puisqu'on le revoit
prendre possession de la cavité qui se trouvait déjà
occupée les années précédentes par la même espèce,
C’est principalement à l'entrée de Phiver ou dès
les premiers frimas qu’on est le plus à même en
Savoie de remarquer cet oiseau ; alors 1l abandonne
nos régions montagneuses, son séjour d'été, et
vicnt se montrer dans les villes, les bourgs, les vil-
lages, les carrières ou les rochers qui les avoisinent,
de même que sur les murailles des vieux châteaux
isolés, des forteresses, des tours, des clochers, enfin
de la plupart des bâtiments élevés. Il ne cesse d’y
être en mouvement ; tantôt il y grimpe au moyen de
secousses successives et d’un battement simullanc
des ailes ; tantôt il vole par bonds ou papillonne
d’un mur ou d’un roc à l’autre; tantôt enfin il reste
accroché ou bien suspendu quelques instants devant
une fente, tandis qu’en remuant encore ses ailes à
la manière des papillons, il y cherche des aliments.
Celles-ci font entrevoir alors les espaces rouges et
les taches blanches et rousses qui leur servent de
parure; de sorte que les personnes qui ne connais-
sent point cet oiseau, ou qui le voient pour la pre-
mière fois se livrer à ces ébats, le prennent souvent
pour un papillon.
Le Tichodrome Échelette ne grimpe pas aussi
clégamment que les Pics et les Grimpereaux; il ne
se Sert du reste pas comme eux dans cet acte de ses
16 ORNITHOLOGIE
pennes caudales comme d’un point d'appui, à cause
de la faiblesse de leurs barbes et de leurs baguettes.
Il ne parcourt pas non plus les arbres comme eux,
mais spécialement les rochers taillés à pic, les
murailles des édifices et des vieilles constructions
en ruine. Il s’y élève d'habitude verticalement,
c'est-à-dire qu’il y monte directement au sommet ;
quelquefois 1l biaise, mais jamais il ne retourne sur
ses pas en grimpant, soit la tête la première soit
autrement, comme le font habilement les vrais
Grimpeurs. Parvenu à la cime d’une tour ou d’un
mur, il en parcourt de temps en temps les cordons
d’un bout à l’autre en sautillant ou se balangçant de
droite à gauche avec une agréable vivacité, et en
faisant encore mouvoir ses ailes. Il s’ébat aussi de
cette manière sur les croix des clochers, sur les
saillies prolongées des fenêtres, des cheminées et
des rochers qu’il rencontre dans ses ascensions ; je
l’ai même vu dans les montagnes se livrer à ce
senre d'exercice sur les branches mortes de vieux
pins et sapins qui hérissaient les sommités desro-
chers contre lesquels il venait de grimper.
Quand le Tichodrome trouve abondamment sa
nourriture dans un roc, il se plaît à le visiter plu-
sieurs fois consécutives et sans faire de pause de bas
en haut. Il monte d’abord perpendiculairement le
long du roc qui est le plus souvent taillé à pente
verticale ; puis à chaque fois qu’il arrive à la cime,
DE LA SAVOIE. 17
il se laisse retomber d’aplomb, comme s’il était en-
traîné par son propre poids, jusqu’à l’endroit même
où il a commencé à grimper : alors il remonte pres-
que sur les mêmes pas pour redescendre encore dès
qu’il est parvenu à la même hauteur que la première
fois. Durant l’ascension, il furète dans la plupart
des cavités qu'il découvre devant lui, et fait la guerre
aux insectes qu’elles recèlent ; s’il ne peut y péné-
trer, il reste devant elles cramponné un instant
pendant qu’il cherche à les fouiller avec son long
bec, afin den retirer quelque proie. Je vis, le
» juin 1844, vers la cime d’Hauteran, un couple de
cette espèce qui se livra jusqu’à huit reprises à de
pareils mouvements successifs d’ascension et de
descente. Je le vis ensuite porter, dans une anfrac-
tuosité du même rocher, la becquée à sa couvée :
quelques moments après, cette paire revint faire
dans ce lieu de nouvelles recherches d’aliments.
Cet oiseau reste dans les lieux habités et garnis
d’édifices, dans les carrières et les rochers circonvoi-
sins des villes jusqu’au mois de mars; c’est à cette
époque que reparaissent dans le pays les sujets qui
ont voyagé pendant le cours de la mauvaise saison,
Dès les premiers jours d'avril, ces volatiles gagnent
les rochers escarpés de nos montagnes, ceux surtout
qui se trouvent exposés au soleil levant. Quelques-
uns vont s'établir dans les fentes des murailles des
forteresses, ou dans les crevasses des tours, des
DNTIT. 2
18 ORNITHOLOGIE
châteaux délaissés et situés sur quelque élévation.
Ils y sont à peine arrivés qu'ils entrent en amour.
Les mâles annoncent cette période par quelques
tirades de leurs cris habituels (pli-pli-pli-pli-pli-pl),
jetés de loin en loin sur le même ton et sans inter-
ruption : en les entendant, les femelles leur répon-
dent aussi quelquefois par les mêmes cris.
Le Tichodrome niche chaque année dans les
rochers verticaux du Mont-Grenier, d’'Hauteran,
du Nivolet, de la Dent et de la base du Mont-du-
Chat; dans ceux qui longent le Rhône, surtout aux
environs de La Balme ; dans les rochers gypseux en
face de Villarodin et les plus près du fort de Bra-
mans; dans quelques rocs coupés à pic de la
Tarentaise, notamment au détroit de Ciex, puis du
Faucigny, surtout à la base du Môle. La femelle
y pond dans une fente ou une crevasse, sur quel-
ques brins de paille, d'herbe et de mousse, mêlés
à des poils et des plumes, qu’elle ramasse de
concert avec le mâle en escaladant les rochers ou
en visitant les rocailles du canton, Suivant qu’elle
habite des lieux plus ou moins reculés dans les
montagnes, elle couve à la fin d'avril, en mai ou
seulement au commencement de juin. Les paires
qui se livrent des premières à l’incubation, font
souvent une seconde ponte vers le commencement
de juillet. La première nichée se compose de quatre
ou cinq œufs ; la seconde, quand elle a lieu, n’en a
DE LA SAVOIE. 19
guère plus de trois ou quatre. Ces œufs sont
oblongs, assez fréquemment piriformes comme ceux
des Pacs, et d’un blanc pur, avec quelques petites
taches, toujours rares, roses ou d’un rouge pâle, et
disposées autour de la grosse extrémité. Pour lon-
gueur, ils ont, lorsque leur forme est oblongue,
18-19 millim. et172-18 millim. 5, quand elle a celle
d’une poire, sur 13 ou 14 millim. de diamètre dans
les deux cas. Le mâle apporte quelquefois le jour à
sa compagne qui couve, les aliments, et après lé-
closion, il court comme elle presque sans relâche à
la découverte de la nourriture des petits. Ceux-ci
n’abandonnent le nid que lorsqu'ils se trouvent ca-
pables de voleter suffisamment pour pouvoir suivre
par les rochers leurs père et mère. Ils ont bien de
bonne heure dans le nid la faculté de se cramponner
à l’aide de leurs pieds munis d'ongles crochus ; mais
leurs parents ne les laissent guère s’aventurer dans
les rocs tant que leurs ailes ne sont pas assez fortes
ni assez larges pour les seconder puissamment dans
leurs mouvements ascensionnels. Quand, les pre-
miers jours de leur sortie, ils sont fatigués de
grimper, ils restent accrochés contre les fentes, ou
bien ils s’arrêtent quelques instants dans des creux,
où ils attendent la becquée. Mais aussitôt qu'ils sont
en état de voler et se nourrir d'eux-mêmes, leurs
auteurs les abandonnent. Dès lors chaque petit vit
solitaire jusqu’au printemps suivant, époque de
na
20 ORNITHOLOGIE
leur pariade; ils sont presque muets pendant tout
cet espace de temps. Les vieux, au contraire, se
font entendre quelquefois, surtout quand, vivant
par paires après les nichées, ils se voient forcés,
pour se revoir après quelques heures d'absence, de
s'appeler l’un et l’autre.
Le Tichodrome Échelette est vif et très-remuant.
Il est assez sauvage, bien qu'il habite souvent l’in-
térieur des villes. On ne l’approche guère de près,
et ses mouvements continuels le rendent difficile à
tirer. On le prend parfois à l’hameçon le long
| des murs ou des rocs qu'il vient habituellement
visiter chaque jour ; mais il importe d’y mettre
| pour appât l’un des insectes qu'il recherche avec le
plus d’avidité, tels qu’une araignée ou plusieurs de
ses œufs réunis en forme de petit cocon; il préfère,
en effet, ces aliments aux mouches et aux mouche-
rons. Il s’accommode encore des larves d'insectes,
des œufs de fourmis et des petits vers. Son vol, qui
se fait par bonds et au moyen d’un battement
}| d'ailes continuel, est d'ordinaire peu élevé, assez
| lent et peu soutenu; mais comme cet oiseau ne
s'éloigne pas des rochers, ses voyages ne peuvent
|| guère lui être difficiles ; ses migrations, du reste,
| ne sont pas lointaines. C’est aussi dans des trous
de mur ou de roc qu’il se retire pour passer la
nuit.
DE LA SAVOIE. 21
Vingt-qualrème Famille.
SITRIDÉES (Sittidæ).
Ces oiseaux sont reconnaissables à leur bec ro-
buste, de moyenne longueur, droit, comprimé sur
les côtés et cunéiforme au bout comme celui des
Pics ; à leur langue courte, large à la base, cartila-
gineuse et bifide à sa pointe. Leurs doigts sont
rangés comme chez les Certhiadées et les Tichodro-
midées, par trois devant et un derrière; l’externe
des premiers se trouve également soudé à sa base à
l'intermédiaire : le pouce est muni d’un ongle plus
long , plus fort et plus crochu que ceux des doigts
antérieurs. La queue est aussi composée de pennes
courtes et à baguettes flexibles. Les ailes sont mé-
diocres. :
Ils ont, quant à leur manière de vivre, de grands
rapports avec ies Pics et les Mésanges ; mais ils
sont encore plus lestes dans leurs mouvements. Îls
grimpent par petits sauts le long des troncs et des
branches d'arbres, et vont avec une admirable
aisance en tout sens; ils y montent droit jus-
qu'au sommet d’où ils reviennent quelquefois sur
leurs pas, en tournoyant autour du tronc, ou verti-
calement et la tête la première ; ils se renversent
encore, en restant suspendus par les pieds comme
les Mésanges, pour saisir les proies qui les forcent
à prendre cette position, à cause des places qu'elles
tn 4
22 ORNITHOLOGIE
occupent dans le bois ou parmi les feuilles. Mais
ils ne s’aident jamais de leur queue dans leurs tra-
jets; du reste, elle ne se termine pas, comme celle
des Pics et des Grimpereaux, en pointe dure, et ses
barbes, ses tiges sont excessivement faibles. Leurs
aliments se composent de noix et d’autres fruits à
coque qu’ils brisent à coups de bec en les assujet-
tissant entre leurs doigts ou des fentes d’arbres
justes pour les contenir; puis de graines, d'insectes,
de larves, d'œufs de fourmis et de papillons. Ils
nichent dans des cavités d’arbres dont ils rétrécis-
sent l’entrée, quand elle est trop large, avec de la
terre boueuse. Ils mènent une vie active et quelque-
fois solitaire, Leurs cris sont forts et perçants. Leur
mue n’a lieu qu'une fois par an, en automne ou sur
la fin de l'été. Les sexes offrent entre eux des dispa-
rités fort peu sensibles. Les jeunes, jusqu’à leur
première mue, diflèrent aussi très-peu des vieux.
Cette famille n’a que le genre suivant,
a —
XLIVe Genre : SITTELLE (Sétla).
Caractères : Bec droit, entier, médiocre, très-fort, comprimé latéralement,
tranchant et terminé en forme de coin. Narines basales, arrondies, recou-
vertes à claire-voie par des poils couchés en avant. Pouce long, avec un ongle
très-fort et très-recourbé ; l'extérieur des trois doigts de devant uni à sa base
au médian. Ailes de moyenne grandeur. Quéue : à douze rectrices, coupées
carrément, à peine étagées, et toutes à baguettes molles.
Ce genre possède une seule espèce en Suisse et
en Savoie. C’est bien à tort que l’on a voulu faire
figurer une seconde espèce de Sittelle dans un
D'ÉOL AS AN COTE: 23
catalogue des oiseaux qui se trouvent en Tarentaise,
publié à la fin d’une brochure éditée à Moûtiers en
1853, et intitulée : Moûtiers, Brides, Salins. On ne
comprend pas trop si l’auteur de ce catalogue a
voulu, par le nom de Sitta Soriaca (Besth), désigner
la Sittelle Syriaque ou des Rochers (Sitta Syriaca),
Ehremberg, ou la Sittelle Soyeuse (Sitta Sericea),
Temminck. Dans les deux cas, cette seconde espèce
ne doit point figurer parmi les oiseaux de la Savoie:
j'en ai acquis la certitude jusqu’en Tarentaise, où
il m'a été impossible de rencontrer, dans diverses
excursions, d’autre Sittelle que celle de l’article
suivant et qui s’y trouve communément toute
l’année.
423.—Sittelle Torchepoé /Sitia Europæa).
Noms vulgaires : Pic-Bleu, Peic-Blu, Tape-Noyer, Tapaz-Noyard, Tape-
Bois, Béque-Bois, Pique-Bois, Rape-Bois, Pic-à-Brot, Bec-à-Brot, Pic-Maçon ;
en Tarentaise : Paleitaz; dans la Haute-Savoie : Rampa ou Rampanna.
La Sitelle ou Torchepot (Buff.).—Le Torchepot Commun (Cuv.).—La Sit-
telle d'Europe (Sitta Europæa), Vieiïll.—$itelle Torchepot (Sifta Europæa),
Temm.—Muratore (Savi).
Le mâle adulte de cette Sittelle a 15 centimètres
de taille. Toutes ses parties supérieures sont d’un
cendré bleuâtre. Une bande noire part des narines,
passe sur l’œil, s’étend sur l’orifice auditif et se
termine sur les côtés du cou. La gorge et les joues
sont blanchâtres; les autres parties inférieures, d’un
roux fauve qui se fonce en roux marron sur les
flancs et les cuisses ; les sous-caudales blanchâtres,
bordées de roux. La queue, qui est courte, a ses
24 ORNITHOLOGIE
pennes noires et terminées de cendré ; les trois ou
quatre extérieures de chaque côté portent en outre
vers le bout une tache blanche : les deux du milieu
sont entièrement du même cendré bleuâtre que le
dessus du corps. Le bec est d’un cendré bleuâtre
foncé, surtout sur la mandibule supérieure; l'iris
des yeux de couleur noisette; les tarses d’un gris
jaunâtre.
La femelle a 5 ou 6 millim. de moins que le mâle.
Elle en diffère encore un peu par sa bande noire
qui estmoins foncée, par conséquent moins distincte,
et par les couleurs de sa livrée qui sont générale-
ment moins vives.
Les jeunes ressemblent à la femelle aussitôt après
leur première mue. En sortant du nid, ils sont d’un
roussâtre fauve sur les parties inférieures, et d’un
roux foncé sur les flancs. La bande noire de la tête
est alors peu marquée; mais le reste du plumage
ressemble déjà beaucoup à celui des adultes.
La Sittelle Torchepot est sujette à varier dans nos
climats, d’un blanc pur, avec l'iris des yeux rougeà-
tre, avec le bec, les tarses, les doigts et les ongles
couleur de chair ; ou bien d’un blanc mélangé avec
les couleurs ordinaires; quelquefois avec la tête, le
cou, le haut du dos entièrement blancs, ou forte-
ment tapirés de cette couleur, tandis que le reste de
la livrée est absolument le même que d’habitude.
M. Alfred de Manuel, zélé entomologiste, rapporta
DELA NSAVOILE. 25
de la Haute-Savoie, en décembre 1848, un bel
exemplaire de cette dernière variété.
Get oiseau doit ses dénominations, Torchepot et
Pic-Maçcon, à son habitude de rétrécir avec de la
terre grasse l’ouverture du trou de l'arbre dans
lequel il veut nicher; il fréquente presque toute
l’Europe. On le trouve sédentaire dans le Nord, ainsi
que dans les contrées tempérées et méridionales de
la France ; c’est aussi pendant toute l’année que nous
le possédons en Savoie. On l’y observe particuliè-
rement dans les bois de noyers et de châtaigniers,
dans les parcs et les vergers garnis de vieux arbres
fruitiers, et parsemés de chênes et de frênes qui
tombent en vermoulure. Les environs de Moütiers,
d’Albert-Ville, du Châtelard en Bauges, du Pont-
Beauvoisin, de St-Genix-d’Aoste, d'Yenne, d’Al-
bens, etc., etc., sont les localités où l’on est toujours
sûr de le rencontrer communément. Il est au
contraire rare aux environs de Chambéry; ce ne
sont guère que les coteaux boisés de Bissy, du
Tremblay, de Saint-Sulpice, de Vimines, de Saint-
Cassin qui l’y possèdent; et encore s’y trouve-t-il
toujours en petit nombre.
Le Torchepot cherche sa femelle à la fin de fé-
vrier ou dans les premiers jours de mars. On l’en-
tend alors fréquemment le jour dans le canton qu’il
s’est choisi pour y passer le temps des nichées. Le
cri qu’il jette le plus souvent durant cette période,
26 ORNITHOLOGIE
et par lequel il est aisé de le reconnaître, est une
espèce de sifflement éclatant qu'il se plait à répéter
à chaque instant sur le même ton, et dont il préci-
pite la mesure de plus en plus : 4&i, tûr, tûi-tüi,
téi-tûi-tûi ; 1] le pousse soit en grimpant ou en cou-
rant le long du tronc et des branches des arbres, soit
en restant juché un moment à leur cime. Il devient
très-jaloux dès qu'il est apparié; il suit constam-
ment sa compagne de très-près, et vient-il à la
perdre de vue un seul instant, il se hâte de l’ap-
peler. En la voyant reparaître, il se précipite au-
devant d’elle et la reçoit avec empressement ; puis
il la suit jusqu’au premier arbre où à peine reposé
il la comble de caresses, et l'invite au plaisir en
l’agaçant ou la becquetant à plusieurs reprises.
Le mâle et la femelle qui ne font qu’une couvée
par an, à moins qu’elle ne devienne la proie des
ravisseurs, travaillent dès la mi-mars à la confec-
tion de leur nid. Ils s'emparent pour cela d’un
trou naturel d’arbre ou d’une cavité de Pac aban-
donnée; quelquefois , ils achèvent eux-mêmes, à
l’aide de leur bec robuste et taillé en forme de coin,
la cavité qu'ils veulent occuper, pourvu qu’elle ait
été déjà commencée dans un arbre vermoulu par
quelque oiseau ou petit mammifère rongeur ; ou
bien ils la creusent seulement à l’intérieur, ou la
vident, quand elle ne leur paraît pas assez pro-
fonde, Ensuite, trouvent-ils l'ouverture trop large,
DE LA SAVOIE. "AI
ils s’empressent de la rétrécir souvent juste à leur
grosseur avec de la terre grasse ou boueuse qu’ils
gâchent et consolident avec du gravier ou de
très-petites pierres; quelquefois ils la façonnent en
grande partie avec de la bouse. Après ce travail,
ils se mettent à chercher quelques brins d’herbe, de
paille et de mousse qu’ils transportent au fond de
leur trou, disposent sans art etrecouvrent de plumes,
de morceaux de crin et de laine, ou seulement de
poussière de bois. La femelle pond sur ce matelas
cinq ou six œufs, assez semblables à ceux de la
Mésange Charbonmère, quant à la couleur du fond
et la disposition des taches, mais constamment plus
gros et plus allongés. Ils sont blancs ou d’un blanc
un peu sale, et pointillés de rouge ou de rougeûtre,
surtout vers le gros bout. Leur longueur est en
moyenne de 173% à 18 millim. +, et leur largeur de
13-14 millim. J’ai vu fréquemment, pendant l’in-
cubation qui dure quinze ou seize jours, le mâle
entrer dans le nid pour y donner quelque aliment à
la femelle, et en sortir un instant après, mais je nai
jamais réussi à l’y rencontrer occupé à couver, soit
les œufs soit les petits durant leur nudité. Lorsqu'on
surprend dans le nid la femelle et qu'on cherche
à l’inquiéter, en y introduisant, par exemple, une
baguette ou la main, on l’entend de suite siffler
comme une vipère. Gette habitude lui sauve souvent
la vie, car les dénicheurs qui ne lui connaissent
28 ORNITHOLOGIE
point cette faculté, fuient aussitôt qu’ils l’entendent
pousser du fond de son trou de pareils souffles : ils
s’imaginent que la nichée est devenue la proie de
quelque serpent venimeux qui à ensuite fixé sa
retraite dans la même cavité.
Si le mâle ne paraît guêre porté à soulager
sa compagne dans les peines de l’incubation, il
est tout autre après l’éclosion ; il travaille alors
presque tout le jour de concert avec elle, pour
alimenter leur progéniture. On les voit presque
continuellement grimper ou courir le long des
arbres circonvoisins de celui qui recèle la petite
famille ; au moindre bruit qu’ils entendent, ils
accourent auprès d'elle ; la voient-ils menacée, ils
se désolent, ils criaillent avec force et vont jusqu’à
s'exposer eux-mêmes à périr pour la sauver.
C’est vers le vingtième jour de leur naissance
que les petits quittent le nid ; ils suivent immédia-
tement par les arbres du voisinage leurs père et
mère. Habituellement on les remarque encore tous
réunis en famille pendant le mois qui suit leur sortie.
Dès lors, ils se séparent et vivent, les uns soli-
taires, les autres par paires ou par bandes en s’asso-
ciant, dans ce dernier cas, avec d’autres sujets de
l’espèce établis dans le même arrondissement. Ce
sont les vieux, ou les mâles et les femelles qui ont
déjà vécu ensemble pendant la période des couvées,
qui restent ordinairement appariés après l’éduca-
D'LA SAVOITE 29
tion des petits. Les jeunes se tiennent de préférence
seuls, ou bien par trois, quatre ou cinq ensemble,
et fréquemment encore ils se mêlent aux petites
troupes des Mésanges Bleues et Charbonnières.
Dans les localités énumérées plus haut, où la Sit-
telle est commune, 1l n’est pas rare de la remarquer,
le matin surtout quand elle cherche sa vie dans les
vergers ou les bois, par compagnies de huit, dix,
douze individus et même davantage qui se suivent
d'arbre en arbre et ne cessent de s’entr'appeler. Ces
bandes une fois repues se dissolvent; alors les sujets
qui les composent, se répandent tous dans le même
bois où ils se cachent séparément dans des cavités
d'arbres ou se blottissent parmi les rameaux des
branches et leurs feuilles. Ils y restent souvent oisifs
jusqu’au soir ; puis ils retournent vivre, tantôt seuls
tantôt par petits pelotons, jusqu’à l’approche de la
nuit ; c’est alors qu'ils regagnent leurs trous habi-
tuels qu’ils gardent jusqu’au point du jour.
Indépendamment de son sifflement d'été (ti,
täi) , que les vieux font encore entendre de temps
en temps pendant l’automne et l'hiver, cet oiseau
possède encore deux autres cris très-difiérents. Le
premier est faible, mais un peu aigu : il imite
presque le cri ordinaire des Grimpereauæ ; il arti-
cule en effet : di, ti, ti, ou thi, thi, th, répétés à
distance égale ; et ce cri, l'oiseau le pousse soit en
volant soit en gravissant les arbres, Le second est
30 ORNITHOLOGIE
plus fort et plus grave; c’est aussi celui que l’on
entend le plus souvent. Ce volatile le répète vive-
ment sur le même ton, et en le précipitant de plus
en plus, quand quelque objet l’affecte : tia, bia,
ha-lia ; tia-ha-tia ; tia-hia-tia-tria-tia.
La Sittelle est entomophage, granivore et fruc-
tivore tout à la fois; elle vit d'insectes de diverses
espèces et de leurs œufs, de chenilles et de chrysa-
lides ; elle ajoute à ces aliments, surtout lorsque
le froid et la neige les font rares, des faînes, des
noix, des noisettes, des glands et différentes grai-
nes, notamment celles de chanvre et de soleil qu’elle
vient chercher avec les Mésanges jusque dans les
jardins. Voit-elle, en grimpant le long d’un arbre,
une mouche ou quelque autre insecte, elle se déta-
che aussitôt du tronc ou de la branche qu'elle
gravit et les poursuit au vol. Lorsqu'elle trouve une
noisette, elle la tient assujettie entre ses doigts,
tandis qu’elle la frappe à coups de bec redoublés
pour parvenir à en casser la coque et à se nourrir
du noyau; quelquefois elle la porte dans une fissure
de pierre ou d’arbre, assez large pour la retenir, et
l’ouvre aussi à coups de bec : pour la percer alors,
elle se tient au travers de la fente ou la tête en bas,
et redouble ses coups. Elle brise encore les noix,
mais sur place, et avec assez de peine; aussi, est-
elle souvent forcée de les laisser sans avoir pu les
entamer, Quand elle saisit une graine de chanvre,
DEP A SAVOIE. 31
elle l'emporte dans le bec comme la plupart des
Mésanges pour l’ouvrir, en la tenant entre ses petites
serres, sur l'arbre ou le taillis le plus près.
Pour que la Sittelle soit fidèle au district qu'elle
s’est choisi, il faut qu'elle y trouve beaucoup de
grands arbres, surtout des chênes, des noyers et
des châtaigniers à parcourir successivement, ainsi
que ses aliments de prédilection en abondance ;
autrement, elle devient erratique en hiver, dès
qu'elle commence à être dans la disette. On la
remarque pendant cette saison, et notamment
dans les temps de neige, sur la lisière des bois,
ou bien sur les arbres de haute futaie qui entou-
rent des lieux habités, puis dans les parcs, les
vergers et les haies épaisses et implantées de vieux
arbres. Pour trouver sa nourriture, elle grimpe ou
court presque sans cesse avec une grande vivacité
le long des troncs; elle va aussi par côté ou en
spirale; elle visite les branches en tout sens, Jjus-
qu’en dessous ; elle descend par moment la tête la
première, se suspend par les pieds et se renverse;
en un mot, elle se porte dans toutes les directions,
prend toutes les positions, même les plus difficiles,
et sans jamais s’appuyer sur la queue. C’est parti-
culièrement aux arbres fruitiers qu’elle s’attache ;
aussi, elle y trouve toujours plus abondamment
qu'ailleurs les œufs des papillons déposés sur l’é-
corce, ou de petites chenilles renfermées dans leurs
32 ORNITHOLOGIE |
soies. Elle va encore fouiller dans les arbres pourris,
afin d’y trouver des larves; elle les frappe même
à la manière des Pics, avec tant de force qu'elle
en arrache souvent par ses coups de bec de gros
morceaux de bois ou d’écorce qui lui cachent des
insectes et des larves. Quand on est près du tronc
qu’elle frappe de la sorte, on croirait entendre des
coups de hache qui partent d’une forêt voisine. Par
moments, elle descend à terre auprès des fourmi-
lières et s’y nourrit non-seulement de fourmis, mais
encore de leurs œufs. Pour boire, elle se rend au
bord d’une source ou d’une mare, y trempe le bec
à plusieurs reprises et regagne les arbres.
Toutes les Sittelles ne se trouvent cependant pas
dépourvues de ressources pour s’alimenter pendant
l'hiver. [l en est beaucoup, des vieilles surtout, que
la disette endurée l'hiver précédent porte à se pré-
cautionner contre les misères d’une autre mauvaise
saison. Celles-ci entassent dès l’automne, en mème
temps que certains Pics et quelques Mésanges, dans
les trous d'arbres qui leur servent de retraite, des
grains, de petits glands, des noisettes et jusqu'aux
morceaux d’écorce remplis d'œufs de papillons. On
les reconnaît facilement ; cesont les Sittelles que l’on
rencontre presque toujours dans le même district ;
elles y ont du reste leurs provisions cachées dans
quelque arbre creux où elles se rendent de temps
en temps, soit pour se nourrir soit pour y apporter
DE LA SAVOIE. 33
d’autres fruits; elles remplacent par là les premiers
entassés à mesure qu'elles les consomment,
La Sittelle Torchepot est d’un caractère doux et
assez taciturne après le temps de l’amour. Son vol
est rapide, un peu ondulatoire et fort peu bruyant.
Elle est leste dans tous ses mouvements. Sa queue
a un balancement alternatif de haut en bas, assez
semblable à celui d’un Pipi ou d’une Bergeronnette.
Sa démarche sur le sol se fait par le moyen de
petits sauts; c’est aussi en sautillant continuelle-
ment que l’oiseau s’élève en grimpant. Sa chair est
un assez bon manger.
Vingt-cinquième Famille,
PARUSIDÉES (Parusidæ).
Signes distinctifs : Bec menu, court, conique, robuste, tran-
chant, garni à sa base de petites plumes à barbes très-fines,
couchées en avant, et terminé en pointe ; mandibule supérieure
droite, quelquefois faiblement recourbée sur l’inférieure : celle-
ci tantôt arrondie, tantôt aiguë à la pointe. Narines orbiculaires,
cachées parles plumes de la base du bec. Tarses nus et anne-
lés; pieds forts, doigts munis d'ongles recourbés, celui du
pouce plus long et plus crochu que ceux des doigts antérieurs.
Ailes médiocres. Queue longue et étagée, ou de moyenne lon-
gueur, et coupée carrément.
Les Parusidées sont des oiseaux hargneux , vifs,
cruels et de grands destructeurs de chenilles et
d'insectes. Ils se plaisent, en général, à vivre, après
les couvées, en famille ou par bandes nombreuses
formées de deux ou de trois nichées : ainsi réunis,
ils se rappellent presque sans cesse, se quittent un
Ne AUuTe D
3 ORNITHOLOGIE
instant, s'attroupent de nouveau en s’entr'appelant,
et se séparent encore pour quelques moments. Mais
ce qui les rend surtout remarquables, c’est l’agilité
et la grâce avec lesquelles ils gravissent par petits
vols brusques les branches des arbres, les rameaux
flexibles des taillis, ou les cannes des joncs et des
roseaux. Bien plus, ils sy suspendent par les pieds
et se renversent en se balançant à leur extrémité,
dans toutes sortes d’attitudes, souvent très-diffici-
les ; enfin ils furètent dans la moindre gerçure qu'ils
aperçoivent dans le bois ou l’écorce, pour y cher-
cher quelque aliment. Ils se nourrissent de graines
de diverses espèces, de petits fruits à péricarpe,
tels que noix, noisettes et amandes à coque
tendre, puis d'araignées, de larves, d'insectes et
de chenilles velues ou dénuées de poils. Quant aux
semences, ils les assujettissent entre leurs petites
serres, les ouvrent à coups de bec redoublés et en
mangent l’intérieur. Ils ont assez de force dans le
bec pour percer les noix, les noisettes et d’autres
fruits à coque ligneuse, dont ils recherchent aussi
la substance qu’elle renferme.
Habituellement peu farouches et peu défiants,
ces oiseaux se laissent approcher de près et donnent
généralement dans les pièges; mais ils se défen-
dent, soit avec leur bec tranchant soit avec leurs
ongles crochus, quand on veut les saisir. L'un des
sujets d’une bande qui hante un bois, vient-il à
DD LA SAVOLE. 35
pousser le cri de détresse, tous les autres se hâtent
d’accourir vers le blessé ou le captif, et semblent
vouloir partager ses souffrances : cette audace leur
est souvent funeste, car elle les fait tomber aussi
dans les piéges qui leur sont tendus. Quelques
espèces s’accommodent facilement à l’état domes-
tique; imais il convient toujours, quand elles sont
ces plus grosses, d'éviter de les renfermer en cage
avec d’autres volatiles moins méchants qu’elles :
elles leur percent souvent le crâne et se repaissent
de leur cervelle. Les petits oiseaux maladifs ou
engagés dans quelque piège deviennent aussi leur
proie ; elles les achèvent sur place en leur crevant
pareillement le crâne.
Les Parusidées nichent, suivant les espèces et
les lieux qu'elles fréquentent, dans des trous natu-
rels d'arbres et très-rarement dans des creux de
vieux murs. Quelques-unes suspendent leurs nids
avec art et solidité aux rameaux flexibles des arbres
et des buissons, ou les entrelacent dans des cannes
de joncs et de roseaux; parfois, elles les accolent
tantôt aux troncs remplis de mousse, tantôt au
centre des dichotomies des branches. Elles sont
presque toutes très-fécondes, et alimentent leurs
nombreuses familles avec un zèle et une activité in-
fatigables. Leur plumage est souvent peint d’agréa-
bles couleurs. Les sexes, en général , ne sont pas
bien distincts entre eux. Le chant, chez quelques
36 ORNITHOLOGIE
espèces, est assez varié et assez cadencé pendant la
belle saison. Leur chair n’est pas un manger aussi
médiocre qu’on veut bien le supposer.
XLVe Genre: MÉSANGE (Parus).
Voyez, pour la description des SAN (Es et des habitudes, l'article de la
Nous avons en Savoie neuf espèces de Mésanges.
Deux d’entre elles ne s’y montrent qu'accidentelle-
ment; les autres y sont sédentaires, quoique plu-
sieurs de leurs semblables se livrent à des excursions
périodiques à l'approche de l’hiver. Leur mue a lieu
chaque année en automne ou vers la fin de Pété,
aussitôt après les nichées.
Je les divise en trois sections, suivant qu’elles
vivent dans les bois, les jonchaies et les roseaux,
elles ont les pennes de la queue très-longues et éta-
gées, et la mandibule supérieure du bec à pointe
droite ou légèrement recourbée sur l’inférieure.
Première Section,
SYLVICOLES /SYLVICOLÆ).
Elle renferme six espèces qui, comme l'indique
leur dénomination générique, hantent les bois, les
forêts et les lieux garnis de taillis ; elles s’y propa-
gent dans des creux natureisd’arbres ou abandonnés
par les Pics, les Torcous et les Suttelles. Plusieurs
cntreprennent des voyages qu’elles font par bandes
DENLAI SAVOIE. 37
en automne ou à l'entrée de l'hiver. Elles ont
toutes la queue de moyenne longueur, carrée ou
légèrement fourchue, et la mandibule supérieure
du bec droite à la pointe,
126.—Mésange Grosse Charbonnière /Parus Major).
Noms vulgaires : Lardine, Grosse Lardine, Lardenne, Larda, Lardella,
Lardeira, Sarrayon ou Sarrayé (Serrurier).
La Grosse Mésange ou Charbonnière (Buff.).—Parus Major (Linn.).—La
Mésange Charbonnière (Parus Major), Vieill., Temm.—Cinciallegra (Savi).
Cette Mésange est la plus grosse de celles du
pays; elle a 15 cent. de longueur du bout du bec à
l'extrémité de la queue.
Le mâle adulte a le dessus de la tête, la gorge et
le devant du cou, d’un beau noir brillant; les tempes
et les joues blanches ; les autres parties inférieures
d’un jaune tendre, avec une raie longitudinale noire,
qui s'étend depuis la plaque du haut de la poitrine
jusqu’à l'anus ; enfin les plumes de la région de cette
dernière partie, blanches. Il est d’un vert olivâtre
sur le manteau; d’un cendré bleuâtre sur le crou-
pion, sur les petites couvertures alaires et sur les tec-
trices caudales supérieures. Les pennes des ailes sont
d’un noirâtre cendré, bordées de cendré bleuâtre et
traversées par une bande blanche. Celles de la
queue d’un cendré bleu en dehors, et noirâtres en
dedans; les latérales seules bordées et terminées
de blanc. Le bec et l’iris des yeux sont noirs; les
tarses couleur de plomb. |
La femelle a le noir du sommet de la tête moins
: 0 ORNITHOLOGIE
vif ; la raie longitudinale noire du dessous du corps
plus étroite et ne se prolongeant guère que vers le
milieu du ventre : et le jaune des parties inférieures
plus pâle que chez le mâle. Sa taille est à peine plus
petite.
Les jeunes, au sortir du nid jusqu’à la mue, sont :
reconnaissables à la bande transversale de l'aile,
qui est d’un blanc jaunâtre. Ils ressemblent pour
le reste de la livrée beaucoup à la femelle adulte;
seulement, le noir de la tête et de la gorge est moins
lustré ; le jaune de la poitrine et du ventre plus
terne, et la bande noire, qui le partage, plus étroite
et même plus interrompue.
Cette Mésange varie accidentellement d’un blanc
ou d’un blanchâtre sur lesquels les couleurs ordinai-
res se trouvent faiblement répandues ; parfois, le
cendré nolrâtre remplace le noir de la livrée natu-
relle, le jaunâtre ou l’isabelle le vert olivâtre, et
le blanchâtre tient lieu du cendré bleuâtre des ailes,
Je me suis procuré à Chambéry, en 1845, une va-
riété avec les pennes alaires et caudales d’un isa-
belle clair, et toutes les autres parties du corps
peintes de leurs nuances ordinaires.
La Grosse Charbonnière habite toute l’Europe,
mais plus volontiers les parties tempérées et septen-
trionales que les contrées chaudes. Commune et sé-
dentaire en Savoie, elle s’y faitremarquer partout, et
notamment dans les bois de noyers, de châtaigniers,
ES
DA LA SAVOIE. 39
de hètres et de chênes, ainsi que dans les champs
implantés d'arbres, dans les haies, les parcs, les
vergers et les jardins. On ne la découvre guère
en montagne dans les forêts de pins, de mélèzes et
de sapins que sur la fin de l’été et pendant l’au-
tomne, lorsqu'elle se livre à ses excursions annuelles.
La pariade pour elle commence toujours de très-
bonne heure. Aux premières belles journées de la
fin de février ou du commencement de mars, le
mâle cherche sa femelle qu’il rappelle aussi du
bout des branches par un chant vif et plein de
gaieté ; mais il ne le déploie dans toute son étendue
qu’aux premiers jours d'avril, Sa voix exprime alors
deux cris particuliers : par l’un, qui imite assez le
grincement de la lime ou du verrou, ce qui a fait
donner dans quelques-unes de nos contrées à cet
oiseau les noms de Sarrayon ou Sarrayé (Serru-
rier), elle semble prononcer : thithipu, thithipu,
thithipu, qu’elle répète trois, quatre ou cinq fois de
suite ; par l’autre, on dirait qu'elle articule Îles
mots : séiti stiti stit stiti, qu'elle alterne souvent
avec les premiers :
thi thipu, thi thi pu, thi thi pu. s titi stiti stiti s titi.
Le mâle et la femelle de concert travaillent dès
le 20 ou le 30 mars, ou seulement dans les quinze
40 ORNITHOLOGIE
premiers jours d'avril, à la confection de leur nid.
Ls le font dans un trou d'arbre ordinairement pro-
fond, mais dont l’ouverture est souvent si étroite
qu'on peut à peine y faire entrer plus de deux
doigts ensemble, et parfois dans un creux de vieux
mur de 12-16 centimètres au moins de profon-
deur. Pour le composer, ils y transportent de la
mousse, des racines de plantes très-déliées, des
herbes sèches, du duvet satiné des saules ou des ai-
grettes de chardons et de tussilages, puis des
plumes, des poiis, des cheveux, de la bourre et
d’autres matières non moins mollettes. Ce nid, qui
est toujours construit grossièrement, forme un
matelas de 3-4 cent. d'épaisseur. Il est à peine
achevé que la femelle se met à y déposer un ou
deux œufs par jour ; en moins de huit ou dix jours,
elle termine sa ponte qui est de neuf à quinze œufs,
suivant l’âge des couples. [ls éclosent d'habitude
tous ou presque tous; aussi, il est assez rare d’y
trouver, même quand la couvée est très-nombreuse,
plus d’un ou de deux œuis atteints d’infécondité.
Ordinairement oblongs, assez souvent pointus à la
petite extrémité, ils sont blancs ou d’un blanc tirant
à peine sur le jaunâtre, et ponctués de rouge ou
de rougeâtre, surtout vers le gros bout. Pour lon-
gueur, ils ont 45: à 16 ou 16 mill.5, sur un dia-
mètre de 12 ou 12 mill, &. La femelle les couve seule
et avec tant de sollicitude qu’elle se laisse facile-
|
(|
|
|
|
a
DE LA SAVOIE. 4l
ment saisir dans le nid; d’ailleurs, elle n’en sort,
presque à chaque fois qu’elle est menacée, qu’à la
dernière extrémité, ou plutôt à l’arrivée même du
ravisseur vers la cavité qui la recèle. Cherche-t-on
à lui nuire, quand on la tient captive dans son
trou, ou bien à sa couvée, elle s’irrite, elle siffle
comme un serpent au point de venir à bout d’inti-
mider quelquefois le dénicheur.
Le mâle, pour charmer sa compagne durant les
longues heures de l’incubation, reste presque tou-
jours à proximité d'elle sur quelque arbre d’où il ne
cesse à certaines heures du jour, surtout le matin
et le soir avant le coucher du soleil, de faire en-
tendre son chant. Il le discontinue seulement pour
aller chercher sa nourriture et celle de la femelle,
qu’il lui apporte dans le nid. Celle-ci quitte pour-
tant les œufs le matin vers le lever du soleil, puis
au milieu du jour et une heure environ avant la
nuit; mais son absence du nid ne dure pas plus de
huit à dix minutes qu’elle consacre à se distraire, à se
procurer quelque aliment. Habituellement le mâle
l'accompagne et la ramène ensuite à la couvée.
C’est au quinzième ou au seizième jour de cou-
vaison que les petits éclosent, et à mesure qu’ils se
dégagent de leur enveloppe calcaire, le mâle ou la
femelle en emportent hors du nid les débris. Dès le
second jour de leur naissance, le père et la mère ne
cessent un instant de travailler pour les nourrir; ils
42 ORNITHOLOGIE
vont alors tantôt ensemble, tantôt dans des directions
opposées, et leur apportent tour à tour de grosses
becquées de chenilles sans poils, de larves ou d’in-
sectes très-mous, qu’ils leur distribuent par portions
égales. Une becquée suffit souvent pour alimenter
momentanément deux ou trois petits à la fois; et
ceux d’entre eux qui ne reçoivent rien à la première
distribution, sont servis les premiers l’un après
l’autre aux suivantes.
En quittant le nid, cette nombreuse famille se
répand dans les arbres circonvoisins de sa première
demeure, etse tient les premiers jours cachée parmi
les feuilles et les branches, À tous moments, ses
auteurs viennent la visiter et lui donnent en même
temps la pâture. A l'approche de la nuit, ils rallient
les petits sur l’un des arbres les plus feuillés du
district ; ils les rangent tous de front sur la même
branche en les faisant serrer l’un contre l’autre, et
les gardent jusqu'au jour dans cette attitude, Ceux-
ci sont à peine capables de manger seuls et en état
de voler en toute sécurité qu'on les voit ensemble
tout le jour, les parents à leur tête, parcourir les
bois, les bosquets, les vergers et les jardins de leur
arrondissement. Alors, tout occupés à se chercher
des insectes, les uns voltigent de branche en bran-
che, ou grimpent au moyen de petits vols brusques
le long du tronc ou sur l’écorce; les autres gravis-
sent contre les murailles ou les pierres remplies de
DELLA SAVOIE. 43
mousses et de lichens, ou bien ils s’accrochent, se
suspendent à l'extrémité des plus faibles rameaux,
pour en détacher les chenilles et les œufs de papil-
lons, déposés sur l’écorce. Ils font la guerre jus-
qu'aux gros papillons nocturnes, tels que le sphynæ,
le bombyx et le cossus, qu'ils trouvent collés sur les
feuilles ou entre les gerçures de l'écorce. Ils les
poursuivent encore au vol, quand ils les voient
s’aventurer de jour ; ils les frappent du bec sur la
tête et les culbutent devant eux ; ils les saisissent
et les achèvent à terre, puis ils les transportent au
moyen de leur bec sur quelque arbre voisin, pour
s’en repaître à loisir. Mais souvent la proie se trouve
lourde pour eux, au point qu’à chaque fois que l’un
des individus d’une bande la saisit pour l'emporter
avec lui, il la laisse presque aussitôt retomber :
alors plusieurs de ses compagnons accourent, la
saisissent tour à tour et essayent aussi de l’enlever
du sol; mais à force de la becqueter, ils finissent
par la déchirer sur place, et à mesure que chaque
sujet s’en approprie quelques lambeaux, il se retire
pour les dévorer à l'écart. Ces familles de Charbon-
nières ne font que passer rapidement dans la plupart
des lieux qu’elles visitent, etn’yséjournent pas plus de
quelques minutes. Pourtant, sielles trouvent dans un
endroiten abondancelesinsectesoulesgrains qu’elles
préfèrent à tout autre aliment, elles y reviennent les
jours suivants et presque toujours aux mêmes heures.
44 ORNITHOLOGIE
Cette Mésange vit en famille jusque vers la mi-
juin; à cette époque, les chefs se retirent par paire,
et entreprennent souvent une nouvelle couvée :
celle-ci se compose de sept à onze œufs. Les jeunes
alors forment de petites bandes qui viennent de
temps en temps se montrer dans les parcs, les ver-
gers et les jardins.
Sur la fin de l’été, la Grosse Charbonnière s’éta-
blit dans les chènevières et les taillis qui s’en trou-
vent très-rapprochés. Si elle y est seule ou deux à
deux, elle se joint souvent aux bandes des autres Mé-
sanges qui hantent les mêines localités, et, comme
elles, elle y recherche avec avidité les graines
de chanvre, de soleil, etc. C’est là que les campa-
gnards lui tendent le plus de piéges; ils couvrent
ordinairement de lacets les tas de ces plantes, et
prennent certainement plus de Mésanges qu’il ne
leur en faut pour les dédommager des grains qu’elles
consomment. Ces oiseaux ne peuvent pas causer de
grandes pertes à l’agriculteur puisque aussitôt qu'ils
se saisissent d’une graine de chanvre, de soleil ou
de toute autre plante oléagineuse , ils l’emportent
avec eux sur l’arbre ou le buisson le plus près, l’as-
sujettissent entre leurs doigts, la percent à coups
de bec et en mangent l’intérieur. Ils reviennent
ensuite enlever une autre graine qu’ils reportent
encore sur la même branche, et ainsi de suite jus-
qu’à six, sept ou huit reprises.
D'EMMEAM SAN OE, 4
Aussitôt qu’en automne cette Mésange commence
à se ressentir du manque de graines et d’insectes,
elle se livre par petites sociétés, quelquefois par
couple ou bien associée avec d’autres Mésanges, à
des excursions dans son pays ou dans d’autres cli-
mats. Quelques bandes nous arrivent des contrées
septentrionales de la Suisse dès les premiers frimas,
et se mettent aussi à parcourir tous les lieux en état
de leur fournir des aliments; elles s'élèvent jusque
dans les régions alpestres où, pour vivre, elles re-
courent aux faines, aux noisettes et aux semences
des sapins. Pour en retirer le fruit, elles les percent
en les frappant de la pointe du bec à coups redou-
blés, tandis qu’elles les tiennent avec leurs serres,
appliquées contre terre ou contre une branche.
Aux premières neiges qui envahissent le pays, la
Charbonnière se fixe dans les bois, dans les lieux
remplis de buissons et les haies qui avoisinent des
habitations. Elle entre même quelquefois dans
les greniers qu’elle trouve ouverts, et s’y alimente
souventen compagnie des Moineaux, des Pinsons el
des Bruants. Dans les bois , les vergers ou les jar-
dins, elle se nourrit alors avec des bourgeons d’ar-
bres, notamment de cerisiers et de pommiers, avec
des baïes ou de petits fruits secs, avec des larves et
des insectes qu’elle trouve engourdis, soit en fouil-
lant dans la mousse qui recouvre les vieux arbres
ou d'anciens murs, soit sous l'écorce qui se détache
E
46 ORNITHOLOGIE
du tronc ; enfin elle vit de chenilles qu’elle attaque
jusque dans leurs soies, et d'œufs d'araignées et de
papillons. Quand elle a l’occasion de se procurer
abondamment ces diverses sortes d'aliments, elle
en amasse une bonne partie qu’elle tient cachée
dans l’arbre creux qui lui sert de refuge la nuit et
pendant les intempéries de la journée. Alors elle
cesse d’être vagabonde; elle a, du reste, de quoi
s’aider à passer les plus tristes moments de l'hiver,
plus agréablement que ses congénères qui n’ont
pas eu la même précaution.
La Grosse Charbonnière est d’un naturel méchant
et très-querelleur. Mise en volière, elle devient
dangereuse pour les autres petits oiseaux que l’on
y tient emprisonnés avec elle ; elle les fait dépérir
de jour en jour en leur rongeant les chairs à la
longue ; quelquefois, elle ne leur laisse guère que le
squelette sur quelques parties du corps. Son cri
d'appel, de crainte et même de détresse peut s’ex-
primer par les mots : tienk, tienk, tienk, répétés par
deux, trois ou quatre fois consécutives, comme celui
du Pinson : mais ce cri est souvent accompagné
d’une espèce de grincement assez prolongé et quel-
quefois cadencé. Beaucoup de personnes prétendent
que par ce dernier elle présage aussi la pluie ou la
neige. Sa chair est un bon manger. Les gourmands
la pilent et en font un potage avec des tranches de
pain grillées, coupées fort minces,
ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE.
Passereaux.
Parusidees.
TA: 29. |
Läth Je Perrin Libr. Edit Chambery. JWerner del.Ë Lifh |
1 Mésange Grosse Charhonnière 274% 2e; 39rnaË; P5%e |
9 Mes ange Petite Charbonniere .n4 Le à dalle: 739 nat, P 47.
0-5 Cufs de Mésange 6 (harlT-prnat V8 abs deMésange? (hard, 97 rat. |
9 Mésange Bleue, 2dae, gr.nat,; P.53—10-2 Zu de l'espéce; gr.nat |
(3 Mésange Huppé e, ze adulte: 16 grnat;P 60— 14-16 Baubs de lespéce: gr. rat
DEL LA SAVOIE. 1°
|
|
423.— Mésange Petite Charbonnière /Purus Aler).
Noms vulsaires : Lardine de Montagne, Lardine des Sapins. |
La Petite Charbonniere (Buff.).—La Mésange Petite Charbonnière (Parus
Ater), Cuv., Vieill,, Temm.—Cincia Romagnola (Savi).
Cette seconde espèce de Mésange est ici la plus |
petite de toutes; sa taille est de 11 centimètres. |
Le mâle adulte est d’un noir lustré sur le haut de la
tête etsur les côtés de la nuque ; d’un noir mat, mais
profond, sur la gorge et le devant du cou. Le milieu
de la nuque est envahi par une large tache blanche
longitudinale ; une autre plus grande et de même
couleur part du bec, couvre les joues et s'étend sur
chaque côté du cou ; deux bandes également blan-
ches traversent les ailes. Un cendré bleuâtre règne
sur le manteau, avec quelques légères nuances de
couleur olivâtre, que l’on remarque principalement
sur le croupion. Le dessous du corps est d’un blanc
sale; les flancs et les parties postérieures, d’un gris
inclinant un peu au roussâtre. Les pennes alaires
et caudales sont noirâtres, et lisérées de cendré
olivâtre. Le bec est noir, ainsi que l’iris. Les pieds
couleur de plomb.
Chez les vieux mâles, le noir du devant du cou
se prolonge jusque sur les côtés de la poitrine, et
le blanc de la nuque, des joues, des parties latérales
du cou est plus pur que chez les adultes.
Pendant l'été, ils perdent généralement tous, en
tout ou en partie, par l'effet de la mue ruptile, les
48 ORNITHOLOGIE
nuances olivàtres et roussâtres que portent à leur
extrémité les plumes du croupion, des flancs et des
parties anales ; la bordure des ailes et de la queue
devient même cendrée , en perdant aussi sa teinte
olivâtre.
Sur la fin de l'été, on trouve quelques sujets,
apparemment vieux, qui n’ont presque plus de
blanc sur le milieu de la nuque, dont l'extrémité
des plumes, ainsi que de celles de la tête, est alors
très-usée ; cette couleur s’efface aussi par la mue
ruptile, c'est-à-dire par le frottement et l’action du
jour et de l’air qui liment plus particulièrement en
été que dans toute autre saison le bout des plumes.
La femelle diffère fort peu du mâle; elle a seule-
ment moins de blanc sur les côtés du cou, et le
noir de la gorge un peu moins étendu.
Les jeunes, en sortant du nid, ont la tache blanche
de la nuque, et celle des joues et des côtés du cou
faiblement teintées de jaunâtre. Ils sont d’un gris
noir sur la tête et à la gorge, avec le fin bout des
plumes d’une nuance plus claire et tournant presque
au jaunâtre. Le dessus du corps est gris jaunâtre,
au lieu d’être blanc ou blanchâtre, comme chez les
adultes. Mais, après la mue, c’est-à-dire dès la fin
d'août ou les premiers jours de septembre, ils res-
semblent à ces derniers, tels qu’ils sont décrits en
tête de l’article.
Cette espèce produit quelques variétés blanchà-
DE LA SAVOIE. 49
tres ou tapirées de blanc sur le noir et le cendré de
la livrée ordinaire : mais elles sont très-rares dans
nos contrées.
La Petite Charbonnière se trouve, selon les épo-
ques de l’an, dans la plus grande partie de l'Europe.
On la remarque même au Japon. C'est le Nord
qu’elle habite de préférence pendant la saison des
beaux jours; puis elle se répand dans les contrées
tempérées et méridionales à l’entrée de l'hiver.
Elle est néanmoins commune et sédentaire en Suisse
et en Savoie. En été, on l’y observe principalement
dans les forêts de mélèzes, de pins et sapins des
montagnes ; elle en descend, à part un très-pelit
nombre d'individus qui y bravent les rigueurs de
l'hiver, dès les premières gelées blanches, soit
pour émigrer vers le Midi soit pour venir s'établir
dans les bois d'arbres verts surtout des collines,
du pied des montagnes et des coleaux qui domi-
nent la plaine.
C’est ordinairement sur la fin d'octobre ou durant
les premiers jours de novembre, et notamment le
matin, que cette petite Mésange, en quittant son
séjour d'été, s’abat par familles ou par bandes de
cinq, six, huit à douze individus, assez fréquemment
associés avec des Routelels, dans des régions infé-
rieures. Chaque compagnie a d'habitude un chef
chargé d’avertir, par de petits cris aigus , ses com-
gnons des dangers qu’ils courent, de pousser le
Te QUIL, 4
+
——-
I
50 ORNITHOLOGIE
premier le cri de ralliement, le cri du départ, et
d'indiquer chaque lieu de station. Une bande vient
à peine de s’abattre dans un bois ou un verger que
l’on voit aussitôt tous les sujets qui la composent
s’empresser de chercher leur subsistance. Alors ils
s’accrochent par les pieds au bout des branches ou
des rameaux, s’y tenant dans plusieurs positions,
tandis qu'ils se nourrissent de semences ; ils s’ap-
pliquent contre l’écorce pour en détacher les pu-
naises, les petits insectes et les œufs des papil-
lons; ils fouillent et éparpillent enfin la mousse ou
les lichens qui recouvrent de vieilles souches, afin
de s'approprier les larves qu’ils leur cachent. Ils ne
font qu’un séjour de quelques minutes dans chaque
lieu qu’ils visitent, quand ils se trouvent réunis plu-
sieurs ensemble ; pour qu’ils y restent plus long-
temps, il faut que la nuit ou d’épais brouiilards, ou
bien encore un orage, une pluie violente et subite,
les y retiennent.
C’est aussi à la même époque que nous arrivent
des forêts du nord de l’Europe plusieurs bandes
de cette Mésange, mêlées parfois avec celles du
Roitelet Triple-Bandeau, dont-lles ont presque le
petit cri d'appel. Ces troupes quise dirigent, comme
quelques-unes de nos climats, généralément vers
le Midi ou les pays les plus tempérés de l’Europe,
se jettent, en traversant nos contrées, dans Îles
bois qu’elles rencontrent, s’y alimentent et se
A
DE LA SAVOIE. Di
reposent quelques instants avant de reprendre leur
vol. Quoique le passage de cette Mésange ait ici
lieu tous les ans à la même période, je dois cepen-
dant faire remarquer qu’il se trouve de certaines
années bien plus abondant que d’autres, et qu’alors
il se prolonge souvent jusque vers la fin de novem-
bre. Les années de 1842, 1845 et 18/47 nous don-
nèrent en Savoie des preuves irréfragables de ces
migrations nombreuses, sans doute occasionnées
par des froids ou des neiges précoces dans les ré-
gions de l’Europe où l’espèce est la plus commune.
Aux premières neiges, la Petite Charbonnière
met fin à ses excursions dans nos contrées. Elle se
réfugie alors à l’intérieur des bois verts de la plaine
et des collines, où elle vit tantôt solitaire ou par
couple, tantôt en petites sociétés, et assez souvent
avec des bandes de Rortelets ou de ses congénères :
les semences et les bourgeons d'arbres y forment
la base de ses aliments. Elle sort de temps à autre
des bois , et vient se montrer dans les vergers , les
jardins et les haies, où les menus fruits secs et les
nouvelles pousses d'arbres fruitiers servent le plus à
sa nourriture.
Cette Mésange regagne les forêts des montagnes
à la fin de février ou seulement en mars, selon
qu'elles se trouvent encore plus ou moins chargées
de neige. Quelques paires s'arrêtent néanmoins
dans les bois des collines ou du milieu des monta-
22 O'RNTTE-O L'OIGTE
œnes , et s’V propagent quelques jours avant celles
qui s'élèvent pour le même acte dans les régions
alpines, Au nord de notre pays, ainsi qu’en Mau-
rienne et Tarentaise, on en voit beaucoup qui se
reproduisent auprès des habitations et jusqu’à l’in-
térieur des villages, dans des vergers parsemés
d'arbres creux et vermoulus. Au contraire, l’on
n’en observe presque pas en été aux environs de
Chambéry, où, pour rencontrer facilement cette
espèce, on est forcé alors de gravir les montagnes
jusqu’aux régions des sapins.
Elle entre en amour au commencement d'avril ;
elle ne travaille pourtant guère son nid qu’à la fin du
mois sur les coteaux ou les collines, et vers la mi-mai
dans les montagnes. Comme la précédente, elle
s'empare pour couver d'une cavité d’arbre qui à
souvent servi de retraite, pendant l'hiver, à quelque
petit mammifère rongeur. La femelle y fait sa ponte
sur un amas de quelques brins de paille, de mousse
sèche, de plumes, de laine, de poils et de duvet
cotonneux de fleurs; elle se compose de six à neuf
œufs, tantôt arrondis tantôt ovales, blancs, et cou-
verts de petits points d’un rouge fauve et plus
nombreux autour de la grosse extrémité. Ces œufs
ressemblent parfois, jusqu’à s’y méprendre, à ceux
dela Mésange à Longue Queue; maisilest rare qu'ils
ne soient pas plus tachetés qu’eux de rouge, et d'un
rouge plus vif. En moyenne, ils ont 43-1/ mill. de
DE LA SAVOIE. 53
long, sur 10 ou 10 mill. : de diamètre. Tandis que la
femelle les couve, le mâle lui apporte sa nourriture;
dans ses moments de loisir, il se tient près d’elle à
la cime d’un arbre, d'habitude à l’extrémité d’une
branche sèche ou bien à l'épanouissement d’une
jeune pousse de pin ou de sapin. Il ne cesse alors
de chanter. Son ramage, qu’on entend aussi dans
les beaux jours de l” utomne et de temps en temps
pendant l'hiver, est plus éclatant, plus agréable-
ment varié que le chant de la Grosse Charbonnière;
il est composé de qualre cris très-différents, que le
mâle se plaît à redire plusieurs fois de suite d’une
voix vive et réjouissante ; quelquefois il s'applique
à les répéter tour à tour pendant près d’une heure,
en exprimant à chaque reprise les mots suivants :
v di v di v di vdi vdi. pithy pithy pithy pithy pithy pi thy.
Les petits éclosent au bout de quinze jours de
couvaison ; le lendemain de leur naissance, ils sont
déjà revêtus d’un poil follet noirâtre, rare et long,
qui tombe à l'apparition des premières plumes. Le
père et la mère les nourrissent avec des mouches,
des moucherons, des vers, de petits insectes exces-
54 ORNITHOLOGIE:
sivement mous et avec des chenilles, qu’ils se procu-
rent en furetant partout à la manière des Roitelets.
Aussitôt qu’ils peuvent voler assez pour les suivre au
travers des bois, ils les font sortir du nid et leur en-
seignent l’art de grimper à l’aide de petits vols
brusques le long des troncs ou des branches, de s’y
accrocher et se suspendre par les pieds pour y sai-
sir des aliments : pour cela, ils se livrent devant
eux et avec eux avec une agilité admirable à ces
divers genres d'exercice. On les remarque encore
ensemble en automne, ou plutôt jusqu’à l’époque à
laquelle ces oiseaux se livrent à leurs voyages pé-
riodiques, les uns par familles, les autres par
bandes plus ou moins nombreuses.
La Petite Charbonnière est d’un naturel vif et
pétulant ; il est réellement difficile de larencontrer
un instant tranquille ; elle se remue encore de droite
à gauche en chantant. Mais elle est très-peu mé-
fiante ; aussi, tombe-t-elle facilement en un moment
deux ou trois fois de suite dans le même piége d’où
elle se sera déjà dépêtrée une ou deux fois. J’ai vu
en 1845, à l’époque de ses excursions d'automne,
toute une bande de sept individus se laisser prendre,
en moins de cinq minutes, dans des lacets tendus
sur de petites meules de chanvre.
La chair de cette Mésange est un bon manger ;
elle sent quelquefois, en hiver surtout, le pin ou le
sapin : cette odeur vient des jeunes pousses de ces
DE LA SAVOIE. 53.
arbres, que ce volatile consomme alors dans les
lieux où il a fixé sa résidence.
428.- Mésange Bleue (Porus Cœruleus).
Noms vulgaires : Meunière ; en patois : Mognière, Meignéret.
La Mésange Bleue (Buf.).—Mésange Bleue (Parus Cœruleus), Cuv., Vieill.,
Temm.—Cinciarella (Sayi).
Cette jolie Mésange doit sa dénomination de
Meunière au bleu ou au bleuâtre de sa livrée,
couleurs généralement adoptées par les meuniers
de la Savoie dans leur parure, ainsi qu’à son habi-
tude de se tenir fréquemment dans le voisinage des
moulins, sur les arbres qui bordent l’eau qui les
fait moudre.
Le mâle adulte a 12 cent. 2-3 mill. de taille. I]
a le sommet de la tête d’un bleu azuré et bordé de
blanc sur l’occiput; le front, les joues et les tempes,
d'un blanc lustré : celles-ci surmontées d’une ligne
noire qui part du bec à la hauteur des yeux. Une
espèce de collier de bleu foncé enveloppe la nuque
et vient se réunir au noir de la gorge et du cou. Un
vert-olive couvre le dessus du corps; les pennes
alaires, en partie bleuâtres, sont traversées par une
raie blanche. La queue est légèrement fourchue et
teinte du même bleuâtre que les ailes. Les parties
inférieures du corps sont envahies par un jaune-
citron, qui s’éclaircit sur le ventre et la région
anale ; néanmoins le centre de ces parties se trouve
56 ORNITHOLOGIE
occupé par une ligne longitudinale, d’un noir
presque nuancé de bleu. Le bec est brun noirâtre,
mais presque blanchâtre sur les bords extérieurs
des mandibules; l’iris des yeux noir; les tarses
sont couleur de plomb.
La femelle a 12 cent. de longueur. Ses teintes
sont partout moins vives que dans le mdle; le bleu
est, chez elle, lavé de cendré et la ligne longitudi-
nale du milieu du ventre, moins marquée.
Les jeunes, avant la mue, ont le blanc de leur
livrée remplacé par du jaunâtre, le bleu par du
cendré bleuâtre, le vert-olive ainsi que le jaune
par des nuances plus ternes. Après la mue, ils res-
semblent aux adultes.
La Mésange Bleue fréquente toute l’Europe.
Sédentaire en Savoie comme les deux premières
espèces, mais un peu moins nombreuse, elle ne s’é-
carte guère des bois, surtout de ceux de hêtres et de
chênes. On la remarque en outre dans la plupart
‘des lieux couverts de taillis et qu’avoisine l'eau,
dans les parcs et les vergers, enfin sur les grands
arbres qui entourent les maisons de campagne, et
notamment les usines et les moulins. Quoique natu-
rellement portée à vivre en famille ou en petites
troupes après la saison des nichées, comme ses
congénères, elle se plaît pourtant à rester souvent
seule ou deux à la fois, ordinairement mâle et
femelle, dans le canton qu’elle s’est choisi, Elle y
DE LA SAVOIE. 57
recoit toujours de bonne grâce la Mésange Grosse
Charbonnière qui vient la visiter quelquefois; elle
l'accompagne partout, en cherchant comme elle sa
subsistance. Vient-elle, en s’éloignant à quelque
distance de son district, à se trouver avec plu-
sieurs de ses semblables dans un bois, elle fait
bande avec elles pour quelques moments, jusqu’à
ce qu’elles regagnent aussi comme elle, une à
une ou par couple, leur séjour de prédilection.
En sortant des bois ou des taillis qu’elle hante par
habitude chaque jour pour vivre, afin de faire
quelque excursion dans leur voisinage, elle s’abat
dans presque toutes les jonchaiïes et les lieux garnis
de roseaux qu’elle découvre, soit sur les bords des
lacs et des étangs soit le long des rivières et à l’in-
térieur des marais boisés. Elle y est à peine posée
qu'on la voit, souvent en compagnie des Rousserolles
et du Bruant des Roseaux, gravir en sautillant et
remuant les ailes, les cannes des joncs et des ro-
seaux; par moments, elle reste cramponnée à
l’une de ces plantes, tandis qu’elle en perce la canne
à coups de bec précipités pour s'approprier une
larve ou bien un ver qui la ronge intérieurement.
Elle visite encore les champs ensemencés de maïs,
et s’accroche pareïllement contre chaque tige qui
lui paraît être la proie des vers qu’elle déloge aussi
en un instant pour s’en repaître.
C’est spécialement en automne et en hiver que la
08 ORNITHOLOGIE
Mésange Bleue se tient dans les bois de hêtres, dont
les semences (faines) servent alors à la nourrir ;
elle mange aussi, mais particulièrement dans les
temps de disette, le gland et plusieurs petites baies
sauvages, celles surtout de l’églantier et du gui.
On la voit de temps en temps paraître dans les
vergers et les jardins, ainsi que dans les haies qui
les bordent, où elle s'attache principalement aux
arbres fruitiers. Elle y cherche d’abord, en prenant
comme ses congénères toutes sortes de positions le
long des troncs ou des branches qu'elle escalade
ensuite adroitement, les larves, les insectes et les
chenilles engourdis par le froid ; mais aussitôt que
ces aliments lui manquent, elle devient nuisible aux
propriétaires, car elle s’acharne alors à ébourgeon-
ner les arbres fruitiers. Si on ne la laisse pas tran-
quille dans cette opération, elle s'envole à chaque
bourgeon qu’elle arrache, et les emporte souvent
dans un creux d'arbre, où elle les entasse pour les
manger ensuite avec plus de sûreté.
Lorsque, vers le milieu de l'automne, les autres
Mésanges se livrent à des voyages périodiques,
celle-ci garde son canton; mais veut-elle aussi
voyager, elle s'associe pour cela tantôt avec quel-
ques-unes de ses semblables, tantôt avec la Grosse
Charbonnière ou la Nonnette; elle vient facilement
à la voix de cette dernière, et si elle court quelque
danger, elle veut le partager : mais souvent elle est
DE LA SAVOIE. 59
victime de sa témérité : la Mésange Bleue est
effectivement facile à se laisser prendre dans les
piéges. Pour en capturer beaucoup, il suffit d’en
placer une dans un trébuchet ou une cage à bait-
tant, ou bien d’en tenir une pour appeau dans une
cage au milieu d’un buisson, que l’on couvrira de
gluaux. Lorsqu’après l’avoir prise on la tient dans
la main, elle pince souvent, avec les serres ou le
bec, les doigts jusqu’au sang. Elle devient funeste
en volière aux autres volatiles plus faibles qu’elle;
elle les tue à coups de bec, ou leur ronge la tête peu
à peu, ce qui les entraîne toujours à leur perte.
Cette Mésange a divers cris, soit pour se rallier
quand sa troupe est répandue en quelque lieu ou
pour s’avertir réciproquement du moindre danger
que l’une de la bande court, soit pour exprimer
ses craintes, soit enfin pour chanter l'amour. Ce
dernier, qui est particulier au mâle dès le mois de
février, est une espèce de bruissement simple, un
peu cadencé et composé de plusieurs notes aiguës
qui semblent prononcer les syllabes : feri, ri, ri, ri
la cime des arbres, tout en voletant ou sautillant de
branche en branche, et lorsqu'il passe d’un arbre
à l’autre. Le mâle et la femelle, qui se recherchent
à la fin de l'hiver, se mettent en devoir de con-
struire leur nid vers le 25 mars, quelquefois seule-
ment, vers le 8 ou le 12 avril, surtout après un
60 ORNITHOLOGIE
hiver très-long et lrès-rigoureux. Ils le travaillent
de concert dans un petit trou d’arbre. Ce sont les
feuilles sèches, les plumes, les poils, la bourre et
d’autres matières molles qui entrent dans sa com-
position. La ponte est de neuf à quatorze œufs
blancs ou d’un blanc presque couleur de chair, avec
des taches et des points irréguliers, rougeâtres ou
d’un brun rouge, toujours plus nombreux autour
du gros bout, où quelquefois ils se confondent
ensemble. Ils ont 14-15 mill. de long, sur 12 ou
12 mill. : de large. Comme la Grosse Charbonnière,
la femelle souffle horriblement quand on vient
l’incommoder dans son nid pendant l’incubation.
Les petits éclosent après quinze jours de couvaison;
ils sont nourris et élevés avec les mêmes soins que
ceux de cette dernière espèce.
L129.— Mésange Huppée /Parus Cristatus].
Noms vulgaires : Lardine à Capuchon, Mésange Capucine, Capucelte.
La Mésange Huppée (Buff.).—Mésange Huppée (Purus Cristatus), Cuv.,
Vieill., Temm.
On recherche presque partout cette Mésange
comme curiosité, à cause de la huppe qui lui pare
la tête en forme de capuchon.
Sa taille est de 12 cent. 4 millim.
Le mâle adulte et vieux est notable par sa grande
et belle huppe composée de plumes acuminées,
noires et bordées de blanchâtre : ce sont les plumes
du front qui en forment la base; celles de l’occiput,
DE LA SAVOIE. EL
qui sont les plus longues et un peu arquées en de-
vant, la terminent; elles sont toutes étagées, et les
plus élevées ont jusqu'à 22 ou 25 mill., suivant
l’âge des sujets. Il a les autres parties du dessus du
corps, d’un brun roussâtre, à l’exceptoin des pennes
alaires et caudales, qui sont brunes et un peu bor-
dées de roussâtre. Une plaque noire occupe la
sorge et le devant du cou, et se réunit, sur le haut
de la poitrine, à un collier de même couleur, qui
remonte vers l’occiput. Une ligne demi-circulaire et
noire traverse les tempes. Les joues sont d’un blan-
châtre strié, comme les plumes du front, de noi-
râtre, ce qui les fait paraître comme variées de
taches blanches et noires en forme d’écailles; les
côtés du cou, le bas de la poitrine et le ventre, d’un
blanc lavé de roussâtre clair ; enfin les flancs sont
roussâtres. Le bec est presque noir; l'iris des yeux
d’un brun rouge ; les tarses sont couleur de plomb.
La femelle ressemble au mâle dans tous les âges
par la disposition et le mélange des couleurs; mais
sa huppe est constamment moins longue, et le noir
de sa gorge moins étendu.
Les jeunes ont la huppe, au sortir du nid; ils la
dressent déjà à volonté, quoiqu’elle soit à peine de
13 ou 14 mill de longueur. Après la mue, les
jeunes mûles ne diffèrent point, jusqu’au printemps,
de la femelle adulte que je viens de décrire. Avant
cette crise, ils ont bien déjà les couleurs distribuées
6? ORNITHOLOGIE
de la même manière que dans les vieux, mais leurs
teintes sont moins pures.
La Mésange Huppée habite spécialement les
forêts de pins et de sapins du nord et du centre de
l’Europe. Elle est rare dans les contrées méridio-
nales; c’est du reste accidentellement, et pendant
l'hiver, qu’elle s’y montre. Nous l'avons assez
commune en Savoie dans la plupart des bois ou des
forêts de sapins de nos montagnes; on l’y remarque
pendant tout le cours de la belle saison et même
en hiver, mais alors en plus petit nombre que
durant l’été, car plusieurs sujets viennent aux pre-
mières neiges s'établir dans nos bois inférieurs,
comme je me réserve de l’expliquer encore. Sa
nourriture se compose de semences et de jeunes
pousses d'arbres verts, puis de temps en temps de
baies de genièvre, dont sa chair contracte alors le
goût. Elle ne dédaigne pourtant jamais les chenilles,
ni les larves d'insectes, ni les mouches, ni les gros
moucherons et les papillons de nuit; elle les attrape
quelquefois au vol, mais le plus souvent en parcou-
rant les branches des arbres ou des buissons l’une
après l’autre. Quant aux chenilles et aux œufs d’in-
sectes et de papillons, elle se les procure en $’accro-
chant et se suspendant, comme les autres Mésanges,
au bout des rameaux les plus subtils, ou bien en
furetant partout.
C’est aux premiers frimas d'octobre et en même
BD'ENEANSANOTE. 63
temps que les Petites Charbonnières se préparent à
voyager, que quelques Mésanges Huppées quittent
en Savoie leur séjour d'été et se rapprochent des
pays de plaine boisés. On en observe alors tous les
ans aux environs de Chambéry, et notamment dans
les bois de sapins de Montagnole, de Bissy, de
Candie et de Saint-Sulpice. Elles y arrivent ordi-
nairement seules ou l’uñe après l’autre, quelquefois
par paires, ou à là suite d’une bande de Petites
Charbonnières. Tant qu'elles n’ont point encore
adopté de canton pour l'hiver, elles errent de bois
en bois tantôt seules, tantôt appariées ; par mo-
ments, elles s'arrêtent aussi dans les jardins et les
vergers qu'elles découvrent sur leur passage; elles
s’y montrent très-familières et se laissent approcher
de très-près, pendant qu'elles cherchent leur vie
sur les arbres. Pourtant, elles donnent difficile-
ment dans les piéges qu’on leur tend, même dans
ceux où s’empêtrent si aisément les autres Mé-
sanges ; il faut que les semences ou les noyaux
qu'on a l’habitude d’y mettre pour appât ne soient
point de leur goût,
Cette Mésange s'éloigne des bois de la plaine
et des coteaux vers la fin de février ou les premiers
jours de mars. Dés lors, on la rencontre plus par-
ticulièrement dans les bois verts des collines ou qui
garnissent le pied et le milieu des montagnes. Quel-
ques paires s’y reproduisent; mais le plus grand
64 ORNITHOLOGIE
à]
nombre gagne à cette intention des régions plus
élevées. Les premières nichent déjà à la fin d'avril ;
les dernières, c’est-à-dire les paires qui préfèrent
aux bois des collines ceux des montagnes, ne cou-
vent guère qu’à la mi-mai; elles ne font toutes qu’une
seule couvée par an,à moins qu’elle neleur soitravie.
Le mâle et la femelle de concert travaillent le nid ; ils
garnissent alors le fond d’une petite cavité d'arbre,
surtout d’un sapin, avec de la mousse, des lichens,
des plumes, des poils et des aigrettes de chardons.
La femelle vient ensuite y déposer sept à neuf œufs
blancs, marquetés, spécialement vers le gros bout,
de petites taches, néanmoins assez larges, compa-
rativement à la grosseur de l’œuf, et d’un rouge de
sang. Ces œufs ressemblent quelquefois tellement
à ceux de la Mésange Bleue et de la Mésange Al-
pestre qu'il est très-difficile de les distinguer lors-
qu'une fois ils sont mêlés ; il n’est pas très-rare d’en
trouver dans une couvée un ou deux sans taches,
ou si faiblement tachetés qu’ils paraissent comme
salis par des causes étrangères. Pour longueur, ils
ont À cent. 43 ou 5 mill., sur 11 ou 11 mill. + de
diamètre. De ce qu'ils se propagent d'habitude
dans les forêts de pins et de sapins, où l’on ren-
contre à chaque instant d'immenses fourmilières, il
arrive quelquefois que toute la couvée devient la
proie des fourmis, surtout quand elle se trouve à
peu de distance du sol dans une vieille souche. Ces
DE LA SAVOIE. (65)
insectes rongent alors si bien les chairs des jeunes
qu'ils n’en laissent guère que le squelette des parties
les plus dures. J’ai remarqué déjà trois nids de
_ cette Mésange, dont les petits avaient servi de pà-
ture aux fourmis.
Le mâle ne participe point aux peines de l’incu-
bation, mais il prend soin de nourrir sa compagne
pendant qu’elle s’y adonne. Les petits qui éclosent
du quinzième au seizième jour de couvaison , sont
alimentés dans le nid par le père et la mère avec
le même genre de nourriture que ceux de la Petite
Charbonnière, n° 127. Ils vivent en famille dans la
plus parfaite intelligence jusqu'à la fin de l'été,
sans s’écarter de la forêt dans laquelle ils furent
élevés. On les observe presque tout le jour avec leurs
auteurs occupés à chercher dans les arbres et les
taillis de leur canton, les semences, les chenilles
sans poils, les chrysalides, les larves et les insectes
pour s’en nourrir. On les découvre bien de temps à
autre en compagnie de la Mésange Alpestre, de
la Pehite Charbonnière et des Roitelets, mais ils ne
les fréquentent pas d'habitude longtemps; car, en
moins de quelques minutes, on les voit se retirer
seuls et tous de la même bande vers d’autres quar-
tiers du district. Le père et la mère, qui sont les
guides, veillent constamment sur chaque petit ; ils
les avertissent du moindre danger qu’ils courent, et
les perdent-ils un instant de vue, ils ne cessent de
DT (3)
66 ORNITHOLOGIE
les rappeler par leur cri ordinaire : titrre, lrrre-
trre , articulé plusieurs fois de suite et avec tant
de rapidité dans le danger que , quoique proféré à
sept ou huit reprises successives, on croit réelle-
ment n’avoir entendu qu’un seul cri très-prolongé :
htrre-rrre-trrre-trre. Indépendamment de ce cri
que l’on entend à chaque saison, le mâle, en été,
possède une espèce de gazouillement court, mais au
reste monotone.
La Mésange Huppée se cache chaque soir pour
passer la nuit, dans un trou d'arbre. Quand elle vit
en famille, elle range ordinairement en ligne sur
une branche abritée par des toufles de feuilles ou par
les petits rameaux supérieurs tous ses petits, et ceux-
ci dorment serrés les uns contre les autres. Le len-
demain dès l’aurore, au premier signal, la famille
se remet en mouvement et commence à parcourir
comme la veille les bois de l'arrondissement.
130. — Mésange Alpestre /Parus Alpestris).
Bulletins de la Societe d'Histoire Naturelle de Savoie, janvier 1851 : Notice
sur la Mesange Lugubre (Parus Lugubris); et janvier 1852 : Description d’une
nouvelle espèce de Mésange de la Savoie.
Lorsqu’en avril 1848 , je rencontrai pour la pre-
mière fois dans nos Alpes cette Mésange, je fus
aussitôt frappé de son affinité avec la Mésange
Lugubre (Parus Lugubris), que je savais étrangère
| à notre climat. Longtemps embarrassé pour la dé-
(1 nommer, je pris enfin, en 1854, le parti de la décrire
ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE
| Passere aux. Parusidees.
TAILLES
rs
TT QT _— —— =
— .
Lith. J'Perrin Libr.ldit, Ch ambery. J.Werner del.&Lith.
1 Mes ange Boréale, zeie adulte au pr'rlemps; 28 gr.nat;PA5ù da tome LV.
Appendice. — 9-4 Œuls de l'espece; gr nat
> Mésange Alpe stre, 24e 2@ulle au printemps; 2grnat;P.(6.
6,7,8 ufr delespece; gr nat
9 Mésange Nonnette,z24/e adulte, 3 or nat: VT6—1049 Zafs de l'espéce.grrat.
D LEA TSAV-OLE. 67
comme race locale de cette espèce ; c’est ce que je
fis alors dans une notice qui fait partie des Bulletins
de la Société d'histoire naturelle de Savoie, et que
plus tard, en janvier 1852, je rectifiai, après de
nouvelles recherches. Ce fut alors que, dans une se-
conde notice, publiée aussi dans les Mémoires dela
même Société, je décrivis cette Mésange comme nou-
velle, sous le nom que je lui conserve aujourd’hui.
La Mésange Alpestre a de la ressemblance avec
la Mésange Nonnette, soit par le mélange soit par la
disposition des couleurs deson plumage ; maiselleen
diffère essentiellement par ses dimensions plus fortes,
Sa taille est de 13 cent. depuis le bout du bec jus-
qu’à l'extrémité des pennes de la queue ; elle est par
conséquent d’un centimètre plus grande que celle
de la Nonnette. Cette différence est principale-
ment due à la longueur de la queue qui a chez
elle, en moyenne et suivant l’âge des individus,
59-61 mill., tandis que celle de la Nonnette n’en a
que 51 ou 52. Ses ailes aussi sont plus longues ;
elles ont 6 ou 6 mill. + de plus que dans cette espèce.
Son bec est encore un peu plus grand, plus fort,
1 On me fait part que quelques naturalistes français sont d’avis que
cette Mésange doit se rapporter à la Mésange Boréale (Parus Borealis),
espèce du Nord, décrite en 1843, par M. de Selys-Longchamps, dans
une note insérée dans les Bullelins de l’Académie Royale des Sciences
et Belles-Lettres de Bruxelles, tome X, page 24. Je regrette beaucoup
de n’avoir pas à ma disposition quelques sujets de cette espèce pour les
comparer avec celle de nos climats, et donner ensuite mon avis sur un
point aussi essentiel. Je dois aussi faire remarquer qu’un auteur alle-
mand n’est point de l’avis des premiers.
65 ORNITHOLOGIE
plus haut, plus large à sa base et moins comprimé
vers sa pointe.
Le mâle adulte porte comme la Nonnetle une
large calotte noire qui lui couvre tout le dessus de
la tête et se prolonge au delà de la nuque, sur la
partie postérieure du cou : cette couleur acquiert
en été, chez plusieurs, sur le sommet de la tête
surtout, une nuance brune excessivement légère
qu’on ne découvre du reste guère que par l’inci-
dence de la lumière. Un blanc toujours plus pur
que chez la Nonnette envahit le lorum, les joues,
les tempes et descend de chaque côté du cou aussi
bas que le noir de la tête. Le noir de la gorge
occupe, dans tout âge, plus d'espace que dans cette
dernière espèce et s'étend un peu sur les côtés du
cou. Les autres parties inférieures sont d’un blanc
oris, lavé de roussâtre, notamment sur les flancs et
la région anale. Un cendré mêlé d’olivâtre vers l’ex-
trémité des plumes règne sur les parties supérieures
du corps : chez les vieux sujets, cette teinte olivâtre
s'efface souvent au printemps ou en été par l'effet de
la nue ruptile. Les pennes alaires et caudales sont
d’un brun noirâtre, nuancées d’un peu de cendré dans
un dge avancé, et frangées de cendré assez clair sur
le bord externe de chaque penne; la plus latérale
de chaque côté de la queue, qui est un peu plus
courte que les autres, se trouve largement bordée
de blanc extérieurement. Le bec est couleur de
DEN DA SANVOLE,. 69
corne foncée ; l'iris brun très-foncé ; les tarses d’un
gris de plomb.
La femelle ne diffère du mâle qu’en ce que le
noir de la gorge est, chez elle, moins étendu et
moins pur à la base du cou, où les plumes, en géné-
ral, sont bordées de blanchâtre.
Les jeunes, au sortir du nid, ont déjà les couleurs
distribuées comme chez les adultes, mais le noir de
la tête moins foncé. Celui de la gorge est marqué
de blanchâtre vers le bout des plumes. Le bec porte
un peu de jaune à la commissure. Les parties supé-
rieures sont d’un cendré rembruni, avec la bordure
des rémiges et des tectrices, ainsi que des pennes
caudales, d’un cendré olivâtre, à l’exception de
celle de la penne latérale de la queue, qui est
blanche ou blanchâtre. Après avoir mué, c’est-à-
dire dès le mois de septembre, ils conservent encore
un peu de brun sur le cendré du dessus du corps, et
un peu d’olivâtresur le liséré des ailes et de la queue ;
l'extrémité de plusieurs plumes noires de la gorge
et du devant du cou est encore finement bordée de
blanc. Mais au printemps, après la mue ruptile, ils
ressemblent aux adultes décrits en tête de l’article.
Nous rencontrons dans les forêts épaisses de
quelques régions moyennes de nos montagnes, une
race d'individus à dimensions plus petites que ceux
des types de l’espèce, mais dont le plumage est le
même. Leur taille est, en moyenne, de 12 cent,
70 ORNITHOLOGIE
3-4 mill., par conséquent moins grande de 6-7 mill.
que dans ces derniers. La queue d’où provient spé-
cialement cette différence, a tantôt 52 tantôt 53 ou
oh mill. Les ailes aussi se trouvent proportionné-
ment moins grandes. Le bec est également plus
petit et, j'ajouterai même, presque conforme à
celui de la Mésange Nonnette. Leurs œufs sont con-
stamment moins gros : je les décrirai avec ceux de
l’espèce. J’ai remarqué cette race dans les bois des
environs de Saint-Jean de Couz et dans ceux de la
montagne de l’Épine, près de Chambéry, et tou-
jours à des hauteurs moyennes où l’on ne trouve
guère celle des régions supérieures que durant
l'hiver, lorsque, chassée de son séjour habituel par
les neiges qui l’envahissent, elle se rapproche des
bois du centre ou du pied des montagnes.
La Mésange Alpesire vit sédentaire en Savoie :
elle y fréquente pendant toute la belle saison les
forêts froides de pins, de sapins et de mélèzes,
celles surtout qui se trouvent les plus reculées dans
les montagnes. On la voit près de Chambéry, sur
le mont Grenier, à l’Alpétaz, à Joigny et au Nivolet:;
en Bauges : à Margériaz, à Rozannaz et à la base
du mont Tréloz. On la retrouve aussi dans quelques
régions élevées de la Tarentaise, surtout aux Allues
et à Notre-Dame-du-Pré ; dans toute la Haute-Mau-
rienne, notamment aux environs de Modäne, de
Termignon et de Lans-le-Bourg ; enfin sur la pente
DE LA SAVOIE. 71
méridionale du Mont-Cenis, vers la Ferrière et
le Mollaret, etc., etc. M. Caire l’a remarquée
dans les Basses-Alpes, surtout aux environs de
Barcelonnette où elle est sédentaire. Les Alpes
Suisses la possèdent aussi pendant toute l’année.
On voit, d’après l’énumération des localités que
fréquente le plus habituellement en Savoie la Mé-
sange Alpestre, qu’elle se tient éloignée des vergers
et des lieux humides complantés d’aunes, de saules
et de frênes, où se plaît particulièrement la Mé-
sange Nonnelte. Ce n’est pas à dire pourtant qu’on
ne l’y découvre quelquefois après les nichées, lors- |
que, par exemple, forcée d'abandonner les mon- |
tagnes, à cause des neiges qui viennent tout à coup
les envahir, elle s’abat sur les collines boisées pour
y vivre plus aisément. Mais son apparition dans
les bois de la plaine est toujours très-rare en Sa-
voie, surtout dans la province de Savoie propre.
Elle a lemême genre de vie que la Mésange Petite
Charbonnière, dont elle recherche du reste singu-
liérement la société; elle a aussi son activité, sa
mobilité extrême, mais jamais ses cris d’appel ni
ses chants d'amour. Comme elle, elle quête sa vie
en sautillant le long des branches ou en les escala-
dant au moyen de petits battements d’ailes brusques;
comme elle aussi, elle s'accroche, elle se balance à
l’extrémité des rameaux ou des jeunes pousses de
sapins, ou se cramponne fortement au tronc des
EE D pp
PE EE PT
om
72 ORNITHOLOGIE
arbres, aux fissures de l'écorce, afin d’être mieux à
l'aise pour s'approprier la proie qu'elle y ren-
contre ; comme elle enfin, elle s’alimente avec des
graines ou semences d'arbres verts, d’arbustes et
de plantes alpines, avec des baies ou de petits
fruits sauvages, avec des insectes, des mouches et
de gros moucherons, avec des œufs de papillons et
d'araignées, avec des fourmis, larves, chenilles et
papillons, tels que phalènes et bombyx.
Après les nichées, ou plutôt après l'éducation
de sa progéniture, il est rare de la voir seule, Elle
vit encore en famille jusqu’à l’approche de l'hiver,
et forme de petites bandes qui parcourent sans
relâche tout le jour les bois de pins, de sapins et
de mélèzes ; c’est spécialement sur leurs lisières
ou sur les arbres qui environnent des clairières
qu’on les remarque. Mais aussitôt qu'elles les ont
visité en tout sens, elles s’enfoncent pour quelques
moments dans l'épaisseur de ces bois, où leur
cri d'appel, très-différent de celui de toutes leurs
congénères, les fait toutefois découvrir à chaque
instant, Par ce cri, qui est grave, assez traîné et
même un peu chevrotant, il semble que cette Mé-
sange articule la syllabe cré, répétée trois ou quatre
fois de suite, à égal intervalle et sur le même ton;
mais une autre syllabe plus rapide le précède
quelquefois. C’est alors qu’elle prononce : til-cré,
cré, cré, cré, en faisant toujours longue la voyelle 6,
DE LA SAVOIE. 73
Il arrive souvent que ses pelites bandes gros-
sissent extraordinairement d’un instant à l’autre, en
se réunissant à d’autres familles de leur espèce ou
de la Mésange Huppée et notamment de la Petite
Charbonnière, ou bien encore à celles du Roitelet
Huppé et du Grimpereau Costa. Tous ces volatiles,
ainsi rassemblés, hantent en commun et dans le
plus parfait accord, principalement les abords des
bois de leur canton; ils se dispersent ensuite par
familles ou par petites troupes, à mesure qu'ils
rentrent dans le plus fourré de,ces bois.
Cette Mésange reste attachée au district où elle
s’est une fois reproduite. L'hiver ne parvient pas
même à l'en chasser; aussi, sont-ce des jeunes sur-
tout qui descendent chaque année de nos montagnes,
pendant les rigueurs du froid, pour venir se fixer
momentanément dans les bois verts des collines ou
des coteaux qui dominent la plaine. Elle n’émigre
jamais de la Savoie, comme la plupart de ses con-
génères, à l’approche de la mauvaise saison, En
hiver, elle préfère vivre par paire, mâle et femelle,
ou par trois à cinq individus ensemble, plutôt que
par bandes aussi nombreuses que durant l'automne.
Sa chair contracte alors dans plusieurs de nos mon-
tagnes un goût de résine qui provient sans doute de
la consommation qu'elle fait des semences et des
nouvelles pousses d'arbres verts.
Cest sur la fin d'avril que la Mésange Alpestre
LUS
74 ORNITHOLOGIE
A
s’adonne en Savoie à l’acte de la reproduction.
Pourtant quelques couples, ceux surtout qui n’ont
cessé d’habiter les dernières forêts de nos Alpes,
n’entrent guère en amour avant les premiers jours
de mai, lorsque les neiges commencent à abandon-
ner ces hauteurs; ceux-ci nichent vers le 20 de ce
mois et ne font qu’une ponte. Les autres, qui se
propagent plus tôt qu'eux dans des régions moins
élevées, font habituellement deux couvées par an :
une sur la fin d'avril ou au commencement de mai,
une autre vers le 20 ou le 30 juin. Le mâle et la
femelle construisent leur nid dans de petits creux
naturels d'arbres, situés soit dans les troncs, soit
dans les branches verticales ou même horizontales
des sapins et des mélèzes surtout. Ils le composent
en dehors de brins d'herbes, de mousses et de
lichens, qu’ils entassent grossièrement au fond de
leur cavité ; ensuite, ils en garnissent l’intérieur de
poils, de plumes, de bourre et d’aigrettes de synan-
thérées (chardons, etc.). 6 à 9 œufs, assez rarement
10, sont le résultat de leurs amours ; ils ont, en
moyenne, 15-16 mill. de longueur, sur 11 mill. 1 de
largeur diamétrale. Dans la race décrite en tête de
l’article, ils sont de 14 ; ou 15 mill. de long, et de
11 mill. de large, et marqués de taches fréquemment
plus petites. Ces œufs sont, dans les deux races, obtus
aux deux extrémités, d’un blanc ordinairement un
peu luisant, et parsemés de points et de petites
DE LA SAVOIE. 75
taches rouges, qui iracent souvent une espèce de
couronne sur le gros bout; quelquefois ces traits
sont si nombreux sur cette partie qu’ils s’y con-
fondent : alors les œufs ressemblent tellement à
ceux de la Mésange Huppée, qu’il est réellement dif-
ficile de parvenir à les reconnaître lorsqu'on les a
mêlés. Cependant, chez la dernière espèce, ils sont
d'habitude garnis de taches plus larges, plus nom-
breuses encore et plus confluentes autour de la
grosse extrémité de la coquille. Les petits naissent
le quinzième ou le seizième jour de l’incubation.
Dès le lendemain, le père et la mère ne cessent de
leur apporter, pour premiers aliments, des mou-
ches, des moucherons, des œufs de fourmis et de
très-petites chenilles. [ls leur donnent encore la
becquée pendant les dix premiers jours de leur sortie
du nid, et ils restent ensuite avec eux quoiqu'’ils
mangent seuls.
Le mâle, outre son cri ordinaire qui est aussi
particulier à la femelle pendant toutes les saisons,
possède, depuis la fin de l’hiver jusqu’à la mue de
l’automne, un chant très-caractéristique et qui ne
se rapproche d'aucun des ramages des autres Mé-
sanges. Îl est d'habitude un peu sifflé et articulé
tantôt précipitamment, tantôt lentement. Dans le
premier cas, l’oiseau exprime les syllabes : fu tu tu
tu tu tu, sur deux tons différents; dans le second,
il semble prononcer les mots : thiuz, thiuz, thiuz,
|
——— ——
_—————————
76 ORNITHOLOGIE
au nombre de trois ou de quatre, à distance égale
et sur la même noie :
]_ D Dép
CEE
SPF ER EP
tu tu tu tu tu tu. tu tu tu tu tu tu. thiuz, thiuz, thiuz, thiuz.
Il à encore, pendant la durée de l’amour, un ga-
zouillement très-faible, qu’on entend du reste seu-
lement du pied de l'arbre où il le redit, mais très-
significatif et inimitable ; il ne le lâche qu’au plus
fort de la passion.
131.—Mésange Nonnette /Parus Palustris].
Nom vulgaire : Lardine ou Lardère à Tête Noire.
La Nonnette Cendrée (Bufr.).—__ Mésange Nonnette (Parus Palustris), Vieill.,
Temm.—Cincia Bigia (Savi).
Cette Mésange, que beaucoup de personnes
prennent pour une Petite Fauvelte à Téte Noire, a
12 cent. de longueur.
Le mâle adulte et vieux a le haut de la tête et la
nuque couverts d’une calotte d’un noir profond, un
peu luisant sur la première des parties ; les autres
parties supérieures du corps, d’un brun cendré ; les
ailes d’un brun noirâtre, et bordées de gris brun ;
les pennes caudales noirâtres, lisérées de cendré
brun, 1l est noir sur la gorge, blanchâtre sur les
joues et les tempes, et d’un blanc grisätre, lavé de
roussâtre, sur toutes les parties inférieures. Son
bec est noirâtre, ainsi que l’iris des yeux. 5es pieds
sont d’un gris de plomb foncé.
DE LA SAVOIE. 77
La femelle diffère très-peu du mâle. Elle a seule-
ment le noir de la calotte moins profond. Celui de
la gorge est aussi moins foncé et moins apparent ;
il yest marqué, à l'extrémité de plusieurs plumes de
la base surtout, d’un peu de blanchâtre. Mais cette
couleur disparaît au printemps par la mue ruptile,
et le noir prend un peu plus d'extension, Les sexes
alors ne diffèrent pas à l'extérieur.
Les jeunes, avant de muer, ont les parties supé-
rieures du corps plus rembrunies que les adultes,
et les couleurs des autres parties moins pures ; ils
n’ont guère qu'une tache noirâtre sur la gorge.
Après la mue, ils ressemblent aux adultes.
La Nonnette est aussi du nombre des Mésanges que
nous possédons en Savoie toute l’année, assez com-
muuément. On la remarque de préférence dans les
vergers, dans les bois humides de la plaine, des
coteaux ou des collines, et le long des saules, des
frênes, des peupliers et des aunes qui bordent ou
avoisinent des marais, des rivières, des torrents et
des fossés. Son apparition dans nos Alpes et au sein
des sombres forêts de pins et de sapins de leurs
régions moyennes, où se plaît particulièrement la
Mésange Alpestre, est toujours très-rare, même
pendant ses excursions d'automne.
Cette Mésange est commune en Tarentaise, no-
tamment dans les vergers et les petits bois de
Brides, £alins, Villarslurin, Montfort, Haute-
Le
78 ORNITHOLOGIE
Ville, etc. ; elle paraît un peu moins abondante aux
environs d’Albert-Ville. Près de Chambéry, on
l’observe constamment à Thoiry, Puisgros, Bissy,
Saint-Sulpice et Vimines; en Bauges, on la trouve
sur la lisière des bois inférieurs d’Aïllon-le-Jeune,
du Châtelard, de Doucy, de la Compôte et de l’Es-
cheraine. Elle a le genre de vie de la Mésange Bleue,
avec laquelle on la rencontre fréquemment dans les
parcs et les vergers; mais elle m'a toujours paru
moins hargneuse et moins cruelle. Elle tombe faci-
lement dans les piéges que les villageois lui dressent
le long des haies, ou bien autour de leurs habita-
tions. Elle est douce en captivité, où cependant
elle ne paraît guère se plaire. Sa nourriture con-
siste en chenilles, mouches, guêpes, abeilles et
larves perforeuses, en œufs d'araignées et de papil-
lons, en phalènes et graines, celle surtout de tour-
nesol, et en bourgeons d’arbres fruitiers.
C'est aussi une petite cavité d'arbre, surtout
d’un vieux saule, d’un poirier ou d’un pommier,
qui reçoit sa nichée. Le couple en garnit le fond,
au commencement d'avril, de mousse et de brins
d'herbes sèches, qu’il recouvre de plumes, de
bourre et de laine. C’est sur ce doux matelas que
la femelle dépose ses œufs, au nombre de sept à
dix. Ils sont blancs, obtus aux deux extrémités, et
ponciués ou tachetés de rouge ou de rougeûtre, spé-
Cialement autour du gros bout, Leur longueur est
DE)LAUSAVOIE: 19
de 44 : à 15 mill., et leur largeur diamétrale de
10 4 à 11 mill. Pendant l’incubation qui se ter-
mine au quinzième jour, le mâle, qui n'a pas de
chant notable, s’occupe à parcourir presque tout
le jour les arbres de son canton, pour y trouver sa
subsistance et celle de sa compagne : on le voit, en
effet, rentrer fréquemment dans le nid avec la bec-
quée, puis en sortir presque immédiatement et
retourner à la quête des aliments.
Le père et la mère paraissent très-inquiets pres-
que à chaque fois qu'ils arrivent auprès de la couvée
pour lui distribuer la nourriture. Découvrent-ils
quelqu'un, ou un chat, un chien, qui rôdent à l’en-
tour de l’arbre qui la recèle, ils s’agitent, ils se re-
muent en tout sens et ne cessent de pousser des
cris plaintifs, par lesquels ils semblent articuler les
syllabes : thir, thir, thir-thia, thir-thia-thia ; aussi,
leurs petits sont à peine en état de voleter, qu’ils les
font sortir de leur cavité et les emmènent dans les
bois et les lieux couverts de taillis, où ils ne les per-
dent pas de vue un seul instant. À chaque moment,
ils s’empressent de les rallier autour d'eux par un
cri tout particulier, plus fort et plus prompt que
d'habitude, soit pour leur donner des aliments soit
pour s'assurer qu'aucun d’eux ne s’est encore égaré.
C’est au mois d'octobre que la Nonnette se plaît
à voyager ou bien à se livrer seulement à quelques
excursions dans son pays, jusqu'aux premières
EE —
——— -
80 ORNITHOLOGIE
neiges. Plusieurs petites bandes nous arrivent alors
tantôt seules, tantôt en compagnie ou à la suite des
Petites Charbonnières, et se fixent pour quelque
temps dans nos bois champêtres ou dans ceux des
collines adjacentes. Cette Mésange se remet en mou-
vement au mois de mars, quelques jours avant sa
pariade, et vole à la découverte d’un lieu propice
à ses amours. Sa chair n’est point un mauvais man-
ger, comme plusieurs le prétendent.
Deuxième Section,
MÉGANURES /MEGANURI|.
Cette section renferme deux espèces de Mésanges
dont une, la plus féconde, est sédentaire dans nos
climats, et l’autre de passage accidentel. Elles sont
toutes deux notables par leur queue très-longue et
très-étagée ; par leur bec cultriforme en dessus et à
mandibule supérieure légèrement recourbée sur l’in-
férieure. On les trouve dans les bois et les jardins,
ou bien dans l'épaisseur des joncs, des roseaux et
d’autres plantes qui croissent dans les lieux les plus
marécageux ; elles y forment, après les nichées, des
bandes ou des familles nombreuses, qui vivent en-
semble en bonne intelligence; c’est aussi dans ces
lieux qu’elles s’adonnent à l’acte de la reproduction.
Leurs nids, qui sont faits avec art, en forme de boule
ou de bourse, y sont suspendus aux cannes des ro-
seaux ou bien aux rameaux flexibles des arbres et des
DE LA SAVOIE. 81
arbustes, et solidement attachés à quelques tiges.
Leurs mœurs sont douces.
132.—Mésange à Longue Queue /Parus Caudatus).
Noms vulgaires : Petite Meunière, Meuniéretite, Moniérôta, Mouriéère,
Mourier.
La Mésange à Longue Queue (Bufr.).—Mésange à Longue Queue (Purus
Caudatus), Vieill., Temm.—Mecistura Caudata (Mécisture à Longue Queue),
de S.-Longch., Faune Belge.—Cincia Codone (Savi).
Cette Mésange, dont la queue seule forme plus
de la moitié de la longueur, a 15 cent. 5-6 mill.
de taille. Elle est remarquable par toutes les plumes
du corps qui sont longues, soyeuses, comme décom-
posées, et qu'elle tient presque sans cesse hérissées,
ce qui la fait paraître plus grosse du double : sa
grosseur naturelle ne dépasse guère celle du Roi-
telei Huppé.
Le mâle adulte est d’un blanc pur sur le haut de
la tête, à la gorge, au cou et à la poitrine; d’un
blanc teint de rougeâtre sur le ventre, les flancs, la
région anale et sur les couvertures inférieures de la
queue. La poitrine est quelquefois marquetée de
fines taches noirâtres, restées de la première livrée,
à, l’extrémité de plusieurs plumes ; mais ces traits
s’effacent au printemps, par l'effet de la mue rup-
tile, et ne reparaissent pas dans un âge plus avancé.
Le noir domine sur le dos, le croupion, les rémiges
et sur les six pennes intermédiaires de la queue,
dont les trois latérales de chaque côté sont blanches
sur les barbes extérieures et au bout. Les scapu-
T. HI, 6
+ = em
82 ORNITHOLOGIE
laires sont rougeûtres; les grandes couvertures
alaires, cendrées et bordées de blanc. Le bec, qui
a la mandibule supérieure faiblement crochue, est
noir, très-petit et à peine apparent quand l'oiseau
hérisse à la fois les plumes du front et de la gorge-
rette. Le cercle des yeux est nu et jaune; liris
noir. Les tarses sont noirâtres,
La femelle, moins longue de 3-4 mill. que le
mâle, s’en distingue encore par les plumes noires
qui tracent sur les parties latérales du dessus de la
tête, dont le milieu seulement est blanc ou blan-
châtre, deux larges bandes qui se prolongent sur
la nuque et se réunissent au noir du dos.
Les jeunes de l’année sont reconnaissables aux
taches noires qu’ils portent sur la tête et les joues;
aux petits traits bruns ou noirâtres de leur poi-
trine ; enfin à leurs teintes qui sont généralement
moins pures que chez les adultes. Au sortir du nid,
ils ont, jusqu’à la mue de la fin de l'été, le cercle nu
des yeux d’une couleur de chair rougeûtre, et, pen-
dant tout le premier mois, la queue d’un tiers
environ moins longue que celle des adultes.
La Mésange à Longue Queue fréquente la plus
grande partie de l’Europe. Sédentaire et assez com-
mune en Savoie, elle ne se plaît que dans les pays
de plaine et sur les collines qui les environnent,
Les petits bois humides, les taillis voisins de l’eau,
les rangées d'arbres qui bordent des routes, des
DE LA SAVOIE. 83
champs, des rivières et des marais, enfin les ver-
gers, les jardins ainsi que les haïes qui les ferment
sont sa demeure habituelle; quelquefois, elle hante
aussi les roseaux (rosières) et les massifs de plantes
ou d’arbrisseaux. Vive, pétulante, douce, sociable,
d'une légèreté et d’une mobilité extrêmes, elle ne
prend du repos que la nuit. Klle vit en famille
depuis le jour même où ses petits abandonnent le
nid jusqu'au renouvellement de la pariade qui à
lieu pour elle chaque année, aux premiers jours de
mars : alors chaque bande ou plutôt chaque famille
se dissout en formant d’autres sociétés plus inti-
mes. Pourtant, les pères et mères, ou les sujets qui
se sont une fois reproduits ensemble, ne contractent
pas d’autres alliances; ils ne se quittent qu’à la
mort. Mais les jeunes mâles qui n’ont point encore
été appariés se livrent innocemment à cette époque,
le matin et le soir surtout, de petits combats pour
la possession des femelles qui se trouvent parmi
eux; aussitôt qu'une paire vient de se former, elle
se sépare de la bande dont elle faisait partie, et
vole à la recherche d’un canton propice à ses
amours. Ce canton est presque toujours un petit
bois, des taillis auprès d’un marécage ou qui lon-
gent une rivière, ou un fossé, ou bien encore un
parc, un verger ou un jardin.
Sur la fin de mars ou dans les huit premiers jours
d'avril, le mâle et la femelle se mettent en devoir
84 ORNITHOLOGIE
de construire le berceau de leur race future. Ce
n’est plus dans un trou d'arbre ou de mur qu'ils le
confectionnent, comme les espèces précédentes,
mais sur les arbres ou dans de hauts buissons, à
l’enfourchement de leurs branches ou de leurs ra-
meaux. Ils choisissent pour cela de préférence les
noyers, les arbres fruitiers, notamment les poiriers
et les pommiers, puis encore les peupliers le long
des champs, de l’eau et des prairies artificielles, et
ils entrelacent le plus souvent leur travail dans les
branches les plus rapprochées du sol ; quelquefois,
ils l’accolent au tronc, soit au milieu d’une bifurca-
tion soit parmi la mousse ou les lichens; ou bien
ils le suspendent dans les haies épaisses qui servent
de clôtures aux jardins, dans les lierres qui tapis-
sent de vieux murs ou des décombres. Ils lui don-
nent une forme ovale, longue de 18 à 22 cent. et
presque analogue à celle d’un chausson, sauf néan-
moins par l’ouverture ; ils le façonnent parfaitement
à l'extérieur avec de la mousse, des lichens, des
sommités de plantes très-subtiles, serrées et tres-
sées avec des chatons de saule, du coton de peu-
plier, de la laïne de mouton, des toiles d'araignées
et des soies de chenilles ou de cocons. Le dedans
est totalement garni de plumes, de poils et de crins
très-déliés, ou d’autres matières non moins mol-
lettes. Ils le ferment toujours dans la partie supé-
rieure, et laissent, sur le côté du nid le moins
DE LA SAVOIE. 85
ombragé ou le moins exposé au vent qui souffle
d'habitude dans le canton, une ouverture très-
étroite, qui penche parfois légèrement vers le sol,
de manière à préserver la couvée des intempéries
de la saison, Le couvercle ou le dôme qui abrite le
haut du nid est toujours le dernier achevé à l'exté-
rieur: ils bâtissent d’abord le fond et le contour,
puis ensuite le couvercle, et quand celui-ci est fini,
ils garnissent l’intérieur de matières duveteuses.
Ils consacrent habituellement huit ou dix jours à
ce travail ; à peine est-il terminé, que la femelle,
qui est très-féconde, y pond, suivant son âge, de
19 à 18 œufs ovales : chaque jour elle en dépose un
en commençant, puis deux par Jour à mesure qu’elle
arrive à la fin de la ponte. [ls sont blancs ou d’un
blanc mat presque teinté de rougeâtre, et marque-
tés de petits traits ou de petites taches assez irré-
gulières, d’un rouge ou d’un roussâtre pâle, éparses
sur toute la coquille, assez fréquemment confluentes
et réunies en collier plus ou moins complet sur la
grosse extrémité ; quelquefois, l’on trouve dans une
couvée 2 ou 3 œufs, et même davantage, entière-
ment blancs ou un peu nuancés de rougeâtre seule-
ment autour du gros bout. Pour longueur, ils ont
8 ou 8 millim. 1, et pour diamètre 5 1 à 6 millim.
L’incubation dure quatorze à quinze jours, et au
seizième tous les œufs se trouvent ordinairement
éclos. Pendant tout le temps que la femelle s’y
9m
Sn
dns
86 ORNITHOLOGIE
livre, le mâle ne se tient jamais loin d'elle ; il vient
à chaque moment la voir dans le nid et lui donner
quelque aliment. Cependant, elle quitte les œufs de
temps à autre pour aller dans le voisinage se délas-
ser des peines de l’incubation ; mais bientôt après
on la voit revenir avec le mâle qui ne l’a pas quittée
un moment depuis la sortie, et rentrer dans le nid.
Pour que sa grande queue ne la gêne pas quand
elle couve, elle la dresse et décrit, en se posant sur
les œufs, un rond ou seulement un demi-rond, au
moyen duquel les pennes caudales restent droites
et appuyées contre les parois intérieures ; quelque-
fois, elle les tient tellement relevées, ou plutôt ren-
versées sur le dos, que l'extrémité des rectrices les
plus longues se laisse voir à l’entrée du nid.
À la naissance des petits, le père est presque seul
chargé de les nourrir jusqu’au troisième ou au qua-
trième jour, alors que la mère les réchauffe la plus
grande partie du jour dans ses plumes. Ensuite,
vivement secondé par sa compagne, il remplit, de
concert avec elle, ce devoir sans se lasser un
instant : se succédant l’un à l’autre dans le nid
presque sans interruption tout le jour, ils donnent
à leurs petits des chenilles, des vers, des mouches,
des œufs d'araignées et de fourmis, qu’ils ont saisis
le long des branches, sur les feuilles et l'écorce, ou
bien à terre au pied des souches, ou parmi les
herbes et les buissons. L’un d’eux arrive-t-il avec
DE LA SAVOIE. 87
la becquée pendant que l’autre est encore occupé à
distribuer la sienne, il attend sa sortie sur le dème
du nid ou sur l’un des rameaux les plus près de
l'ouverture, et souvent 1l s’impatiente en attendant ;
c’est, du reste, ce que semblent nous faire com-
prendre les cris enroués : ferr, tirk, qu’il pousse
alors, et qui sont déjà ceux par lesquels il exprime,
dans d’autres circonstances, ses diverses émo-
tons.
A mesure que les petits grossissent, le nid se
dilate peu à peu sur ses côtés, à la faveur des toiles
d'araignées et des autres matières filamenteuses
qui en font le tissu ; il donne ainsi plus d'espace à
la couvée, mais sans nuire à la solidité du tissu qui
reste épais et serré. Si la nature n’eût pas suggéré
à cette Mésange une forme de nid aussi commode,
sûrement plusieurs petits, surtout les plus faibles
parmi les 12 à 18 dont se compose la nichée, péri-
raient étouflés ou écrasés sous leurs frères plus vigou-
reux. J'ai examiné des nids qui avaientété fixés, sans
doute avec imprudence, au centre d’une bifurca-
tion de branche très-juste à leur grosseur, ce qui
en rendait la dilatation impossible ; huit ou dix
jours après l’éclosion, ils renfermaient déjà trois ou
quatre petits morts sous les autres qui se trouvaient
pleins de vie. |
_ Le père et la mère font sortir du nid leur famille
le jour même qu’ils la jugent capable de voleter
a
RER ER
” 88 ORNITHOLOGIE
d’un arbre à l’autre seulement ; c’est d'habitude le
matin etavantle jour, quand tout est tranquille dans
leur canton, qu'ils la sollicitent à prendre le premier
essor. Quelquefois deux ou trois à cinq petits n’ont
pas encore les ailes assez fortes ni assez garnies de
plumes pour partir avec leurs frères; alors ils
restent seuls au nid pendant un ou deux jours de
plus, et leurs parents les y alimentent toujours avec
le même zèle, Mais pour avoir moins de courses à
faire pour les nourrir en même temps que les pre-
miers, ils obligent ceux-ci à rester tous sur les
| arbres qui entourent de plus près la demeure de ces
| petits retardataires, jusqu’à leur sortie.
Les petits, aussitôt en état de suivre sans risque
leurs auteurs, hantent avec eux chaque jour et
(l presque aux mêmes heures successivement tous les
Il bois, tous les vergers et les jardins circonvoisins de
| leur première habitation. Ils se suivent alors con-
stamment de près ; souvent ils marchent en troupe
Al serrée, volant d'arbre en arbre, de buisson en buis-
| son, ets’interpellant sans cesse par de petits cris qui
|| semblent exprimer : éi-ti-t; thaei, bi-ti-ti. Cou-
| rent-ils quelque danger, l’un des chefs, le père ou
| la mère, pousse un cri plus grave et plus prompt
( (tirgrr), et à l'instant même toute la bande dispa-
| raît. Si l’un des sujets qui la composent reste égaré
en quelque lieu, ses compagnons ne se sont pas
plutôt aperçus de son absence, qu’ils s’empressent
DIF ARS AN OTE. 89
de retourner sur leurs pas en le rappelant à l'envi
et de toutes leurs forces ; ils ne continuent leur
route que lorsqu'ils l’ont retrouvé, sinon perdu tout
espoir de le revoir. J’ai vu, en effet, en 18/47, une
famille rester alarmée pendant un jour entier dans
un bois, où la veille j'avais vu abattre le père. A
l'approche de la nuit, chaque troupe se choisit,
dans l'épaisseur des branches, un refuge qu’elle
conserve tant qu'elle ne s’y voit point inquiétée;
aussi, il n’est pas rare de revoir une bande, sans
doute la même, venir tous les soirs, jusqu'à la pé-
riode de l’amour, dormir sur la même branche. Le
père et la mère avec leurs petits s’y rangent tous
sur une seule ligne, et, soit pour mieux se garantir
du froid soit pour se prémunir contre les dangers
de la nuit, ils se serrent les uns contre les autres. Le
lendemain, au point du jour, toute la troupe, éveil-
lée au premier signal du chef, se remet à parcourir
les mêmes bois, les mêmes vergers que la veille:
voltigeant sans cesse d’un arbre, d’une plante ou
d’un buisson à l’autre, s’accrochant ou se suspen-
dant mieux qu'aucune autre espèce de son genre aux
épanouissements des fleurs ou des jeunes pousses,
comme à l'extrémité des rameaux les plus faibles ou
des touffes de feuilles, et s’y balançant tandis qu’elle
cherche et saisit ses aliments. Elle ne fait que
passer avec rapidité dans la plupart des lieux
qu’elle fréquente; elle n’y séjourne guère que lors-
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90 ORNITHOLOGTE
qu'elle y est forcée par quelque accident, ou sur-
prise, par exemple, par un temps d'orage et de
pluie.
La Mésange à Longue Queue se nourrit de très-
petites chenilles, d'araignées et de leurs œufs, de
vers, de punaises de bois, de petits scarabées, de
mouches, de moucherons, de larves et de graines.
Celle de chanvre semble lui plaire de préférence à
toute autre semence oléagineuse. Elle ne la broie
pas sur place pour la manger; mais à chaque
graine qu'elle arrache, elle regagne l'arbre ou le
taillis le plus près, où elle la perce à coups de bec
redoublés, en la tenant assujettie dans ses petites
serres, et n’en choisit que l’intérieur. Elle ne s’ac-
commode guère à l’état de captivité; elle y est sans
doute sensible à la perte qu'elle a faite de ses com-
pagnes; aussi, elle refuse quelquefois de prendre
la nourriture qu’on lui donne, et se laisse bientôt
mourir d’ennui ou de faim. Le mâle n’a pas, même
en été, de chant digne de fixer notre attention.
133. Mésange à Moustaches /Parus Biarmicus).
La Mésange à Moustache (Buff.).—La Moustache (Cuv.).—Mésange Mous-
tache (Parus Biarmicus), Vieill., Temm.—Calamophilus Biarmicus (Calamo-
phile Moustache), de S.-Longch., Faune Belge.—PBasettino (Savi).
La taille de cette Mésange est svelte; elle a
17 cent. du bout du bec à l’extrémité des plus
longues pennes de la queue : cette partie seule est
longue de 7 cent. 6 millim., et très-étagée.
Le = À
ORNITHOLOCGIE DE LA SAVOIE
Passereaux Parusidees.
TILL 24
Li J}Perrim Chambéry: J.Werner de. #lith.
{ Mésange à Longue-Queue,z74/ adulte; 39rnat; V 61.
|) » » Tete de femelle adalie.— 3-5 ui de léspece, gra.
6 Mésange a Moustaches,z224a dalle; 4 grnat, P. 90.
7 » » Zete de femelle adulte — 8 ui de lespece; gr nat
1H Mesange Remiz, na; 7497 nat, V. 95.— 10-14 Zu de l'espeve; grnalt
|
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DE LA SAVOIE. 91
Le mâle adulte est remarquable par le mélange
de ses belles couleurs, par la finesse des barbes de
ses plumes, et surtout par sa longue moustache
d’un beau noir velouté, qui prend naissance entre
le bec et l’œil, et descend en pointe de chaque côté
du cou. Il à le aessus de la tête et du cou, d’un gris
de perle; le dos, le croupion, les flancs et les pennes
du milieu de la queue, d’un roux vif; les latérales
blanches avec un peu de noir près de leur base. Les
grandes couvertures alaires sont d’un noir foncé,
frangées de roux à l'extérieur et de blanc roussâtre
à l'intérieur; les rémiges sont lisérées de blanc
extérieurement. Sur la gorge et le devant du cou
règne un blanc ou un gris, suivant l’âge des indi-
vidus, qui se nuance d’un peu de rosé; cette teinte
devient vineuse, par conséquent plus foncée, sur la
poitrine et le milieu du ventre. Maïs les plumes
anales et les sous-caudales sont noires. Le bec, dont
la mandibule supérieure se courbe légèrement sur
l'inférieure, est de couleur orange pendant la vie
de l'oiseau, jaune dans les collections ; l'iris est de
cette dernière couleur. Les tarses sont noirs, ainsi
que les ongles.
La femelle diffère beaucoup du mâle. Elle n’a
point de moustaches ; sa queue est un peu plus
courte, et les couvertures sous-caudales sont rous-
ses. D’un blanc terne sur la gorge, puis nuancée de
brun sur le roux de la tête et du dessus du corps,
92 ORNITHOLOGIE
et même fréquemment tachetée de noir vers le mi-
lieu du dos ; elle a en outre les couleurs des autres
parties moins vives que le mâle.
Les jeunes, avant leur première mue, sont d’un
roux clair sur la plus grande partie du plumage;
ils ont sur le dos une large plaque noire que rem-
placent, après la mue, quelques taches longitudi-
nales de la même couleur.
Cette Mésange, que l’on rencontre dans plu-
sieurs contrées de l’Europe : dans la Hollande, la
Suède, l'Angleterre, l'Italie et quelques parties de
la France, et presque toujours dans les marais, ne se
montre qu’accidentellement en Savoie. On l'y à vue
jusqu’à présent par petites troupes ou par bandes
de cinq à huit sujets sur les bords boisés du Rhône,
de l’Isère et de l’Arve, à des époques différentes,
mais jamais en été, pendant la période des nichées.
C’est tantôt sur la fin de l’automne, tantôt durant
l'hiver, même par un froid très-vif, ou bien à l’ap-
proche du printemps, qu’elle se fait remarquer
dans nos climats. Mais elle n’y fait jamais long
séjour ; elle passe toujours rapidement d’un lieu à
un autre comme la Mésange à Longue Queue, avec
la différence pourtant qu’on ne l’y voit plus repa-
raître le lendemain ou quelques heures après,
comme cette espèce. Elle se borne donc, en traver-
sant parfois nos vallées, à ne s’y arrêter que le temps
nécessaire pour chercher des aliments sur les bords
DE LA SAVOIE. 93
boisés des eaux ou le long des roseaux qui n’ont pas
été fauchés.
La Mésange à Moustaches vit d'insectes aïlés, de
petits coléoptères, des semences des joncs et des
roseaux. Elle niche dans les jonchaies, dans l’épais-
seur des herbes des îlots, ou au bord de quelque
massif d’arbrisseaux ou de plantes marécageuses,
et plus souvent au-dessus de l’eau que du sol. Elle
attache à quelques tiges son nid avec de la filasse,
des filaments de chanvre et d’ortie, et lui donne
une texture serrée, composée de mousses en des-
sous, ensuite d'herbes sèches, de sommités de
fleurs, surtout de chardons, et de duvet cotonneux
de saules ou de peupliers, entremêlés quelquefois
de petites feuilles. Ge travail, qui est un peu de la
forme d’une boule, a ses bords épais et l'ouverture,
qui est assez large, réservée en dessus sur l’un
des côtés. La ponte est de cinq à sept œufs blancs,
veinés ou tachetés de brun ou de brun rougeûtre.
Cet oiseau a les mœurs tout à fait douces et so-
ciables. Après les nichées, il se réunit par troupes,
quelquefois nombreuses, qui fréquentent les roseaux
ou les taillis qui les bordent, en escaladent avec
grâce et vitesse les tiges ou les rameaux, descendent
sur le bord des eaux et y courent comme des Ber-
geronnetles sur les feuilles des plantes aquatiques
ou sur la glace, pour chercher leur subsistance.
L'approche de l’homme ne les effraye guère; ce
94 ORNITHOLOGIE
n’est qu’en les inquiétant ou les menaçant qu’on les
détermine à s’envoler à peu de distance ou à s’en-
foncer parmi les herbes et les roseaux; alors elles
témoignent leur mécontentement en proférant leur
cri ordinaire, qu’elles répètent deux fois de suite :
thein-theiïn. Ge cri imite, en quelque sorte, le son
argentin que produisent les cordes d’une mandoline
quand on la pince.
Cette Mésange montre beaucoup d'amour pour
ses semblables. M. Crespon, de Nîmes, nous en
fournit un exemple frappant : «Un jour que j'étais
en chasse, dit-il, j'en blessai une légèrement; elle
tomba dans un contre-canal et se soutint sur l’eau;
je cherchais à la faire Venir de mon côté; elle criait
très-lort, ce qui attira bientôt près d’elle une petite
troupe d'individus de son espèce qui l’aidèrent à
regagner le bord opposé, et ainsi elle m'échappa. »
Troisième Section,
CALAMOPHILES /CALAMOPHILI).
Une seule espèce forme cette section ; elle diffère
essentiellement des autres Mésanges, notamment
des Sylvicoles, par son bec droit, effilé et aigu à la
pointe ; par ses habitudes et l’art qu’elle met dans
la construction de son nid ; c’est pour cela que plu-
sieurs naturalistes en ont fait un genre distinct. Je
ne m'écarte guère de leur opinion en en formant
une section.
DE LAS AVOTE. 99
134.- Mésange Rémiz /Parus Pendulinus).
Le Rémiz et la Penduline (Buff.).—La Mésange Rémiz (Parus Pendulinus),
Vieill., Temm.—Fiaschettone (Savi).
Cette espèce a 11 cent. de taille.
Le mâle est blanc au sommet de la tête et à la
nuque ; noir sur le front, sur l’espace entre l’œil et
le bec, ainsi que sur les joues et les plumes de l’ori-
fice des oreilles. Il a le dos et les scapulaires d’un
gris roussâtre ou d’un roux marron, suivant les
individus; le croupion gris ou cendré roussâtre ; la
gorge blanche, et les autres parties inférieures d’un
blanchâtre teinté de roux rosé : cette nuance est
néanmoins plus prononcée sur la poitrine et les
flancs. Les ailes et la queue sont noirâtres, bordées
de gris roussâtre ; les pennes caudales terminées de
blanc. Le bec est couleur de corne foncée sur ses
parties latérales, noir sur le reste ; l'iris jaune; les
tarses sont couleur de plomb.
La femelle est un peu plus petite que le mâle.
On la reconnaît encore par le noir du front et des
joues, qui est moins large et moins pur : le blanc ou
le cendré du dessus de la tête est également moins
vif, Le blanc de ses parties inférieures se trouve
nuancé de roussâtre, et le haut du dos d’un roux
clair.
La Mésange Rémiz, dont la dénomination Pen-
dulinus (Penduline) est tirée de son habitude de
suspendre son nid aux rameaux flexibles des arbres
96 ORNITHOLOGIE
ou des arbustes qui croissent le long de l’eau, ha-
bite la Pologne, la Provence et tout le midi de la
France, puis le Piémont, l'Italie et quelques par-
ties de l'Allemagne. On ne l’observe guère qu’au-
tour des marais et sur les bords des lacs, des
étangs, des fleuves et des rivières couverts de ro-
seaux, de saules ou de trembles. Elle est, comme
la Mésange à Moustaches, de passage accidentel en
Savoie, mais ses apparitions y sont encore plus
rares. On ne l’y rencontre jamais en hiver; c’est
ordinairement sur la fin de l’été, depuis le mois
d'août jusque vers le milieu de l’automne, et au
printemps dès le mois de mars jusqu’à la mi-
avril, qu'elle s’y montre parfois. Habituellement
par paire, ou par petite société de trois à cinq
individus quand elle vient ici, elle ne s’y arrête
pas plus de temps qu’il ne lui en faut, pour se
nourrir Ou pour se reposer des fatigues du
voyage; aussi, le lendemain de son arrivée en
quelque lieu humide, ou seulement une ou deux
heures après, on ne l’y revoit plus, pas même dans
ses environs. Moins vive, moins remuante, moins
sociable que les deux espèces précédentes, elle se
tient d'habitude cachée sur les arbres et dans les
saussaies ou les jonchaies. C’est souvent son petit
cri langoureux, par lequel elle semble exprimer :
pur, pir, qui la fait découvrir dans ces lieux, où on
la chercherait longtemps en vain.
DE LA SAVOIE. 97
Il paraît, d’après plusieurs naturalistes du Midi,
que les mâles, dans cette espèce, sont en plus
grand nombre que les femelles. Les sujets qui
restent de la pariade vivent solitaires, ce qui ne les
empêche pas cependant, à l’époque des nichées, de
se composer un nid, qu’ils laissent toujours ina-
chevé. Ils sont alors si amoureux, que, si l’on par-
vient à imiter leur voix, ils accourent auprès de
l’imitateur, se posent à peu de distance, appellent
aussi de leur côté, puis s’en retournent et revien-
nent encore en rappelant.
La Rémiz passe l’été dans les contrées de l’Eu-
rope citées plus haut, et s’y reproduit. Le mâle
et la femelle travaillent pendant une quinzaine de
jours consécutifs à la construction du nid, qui d’ail-
leurs est fait dans toutes les règles de l’art. Ils le
suspendent à l'extrémité des branches ou des ra-
meaux les plus subtils et qui pendent souvent au-
dessus de l’eau ; 1ls l’y attachent solidement avec
du chanvre, du lin, de la laine de mouton ou avec
d’autres matières capables de le soutenir en l’air, lui
donnent la forme d’une bourse, d’un sac, d’une
cornemuse, quelquefois un peu celle d’un bas, et
placent l'entrée, qui est très-étroite, sur l’un des
côtés, le plus souvent sur celui qui fait face à l’eau.
Ce travail est entièrement composé du duvet des
fleurs de saule, de tremble ou de peuplier, et de
sommités de certains jones. Le couple tresse ces
AT 4
Il |
98 ORNITHOIOGIE
matériaux avec des bfins d'herbes ou le chevelu
des racines, avec de la laine ou des crins très-
déliés, et en fait un tissu très-épais, serré et so-
lide ; il garnit ensuite le fond du nid, à l’intérieur,
d’une couche de duvet de même nature, mais
qu’il laisse plus pur qu'en dehors. La femelle y
dépose de 4 à 6 œufs allongés, d’un blanc de lait
sans taches, et de 14 3 où 15 mill. de longueur,
sur 10 à 10 3 de diamètre.
Vingt-sixième Famille
FRINGILIIDÉES (Fringillidæ).
Signes caractéristiques : Bec conique, plus ou moins gros à sa
base, fort, tantôt sans échancrures, tantôt faiblement échaneré,
à palais creux ou muni d’un tubercule osseux et de forme variée,
suivant les genres : mandibule supérieure droite ou un peu incli-
née à la pointe, crochue dans un seul cas au bout des deux man-
dibules qui sont alors croisées l’une sur l’autre (les Becs-Croisés), et
recouvrant les bords de l’inférieure, ou bien celle-ci plus large
que la première et rentrant en dedans sur ses bords. Narines
basales, arrondies, en partie couvertes par les plumes du front.
Tarses nus et annelés. Trois doigts devant, un derrière, séparés
ou à peu près dépourvus de membrane articulaire. Ailes, en
général, de moyenne longueur. Queue le plus souvent fourchue,
et composée de douze rectrices ou pennes.
Ces oiseaux forment une famille des plus nor-
breuses. ils sont tous grañivores et frugivores, puis
entomophages par moinents, surtout en été, lors=
qu'ils ont des petits à nourrir. Généralement d’une
humeur voyageuse, ils émigrenten automne par ban-
des souvent très-nombréusés. Quelques espèces res-
tent pourtant sédentaires dans leur pays; celles-ci
DEP DA NSAVOLE. 99
se rapprochent pendant l'hiver des lieux habités,
ou bien elles se fixent dans les bois qui les avoi-
sinent ; elles Sont pour la plupart peu sauvages et
peu prévoyantes : on les attire facilement dans les
piéges, soit au moyen des appâts Soit en imitant
leurs cris d'appel ou de ralliement. Plusieurs se
font bien à l’état domestique, et y charment par
l'agrément de leur chant : on parvient même à leur
faire articuler quelques mots ou siffler des airs de
chansons.
Les Fringillidées se trouvent chez nous répan-
dus partout pendant le cours de la belle saison et
aux époques de leurs excursions. On les remarque,
en effet, depuis la plaine jusqu'au sommet des
Alpes, après la région des bois. Les uns nichent
à terre, dans des touffes d’herbes où de plantes,
dans les moissons ou les massifs d’arbrisseaux ;
d’autres, le plus grand nombre, choisissent pour
cela les arbres des forêts, ceux des vergers, des
jardins et des haies; quelques-uns préfèrent à ces
lieux les endroits humides, les rocailles, même les
crevasses des rochers et les fentes des murailles.
Leurs nids sont, en général, formés de mousse, de
paille, de racines, de brins d'herbes sèches, entre-
lacés, surtout en dedans, avec du crin, des plumes,
du duvet ou des filaments de plantes ; plusieurs,
et notamment ceux des Fringilles, sont élégants et
travaillés avec art. Le nombre d'œufs varie suivant
100 ORNITHOLOGIE
les espèces, mais il est ordinairement de 4 à 6.
Après les nichées, les Fringillidées, et spéciale-
ment les espèces qui se livrent à des voyages pé-
riodiques, s’attroupent et hantent jusqu’à leur dé-
part les abords des bois ou l’intérieur des terres
cultivées. Plusieurs de ces bandes causent aux agri-
culteurs des dommages considérables, en s’abattant
sur leurs champs et en y dévorant le grain sur plante
ou celui qui vient d’être semé. Les sujets qui res-
tent pendant l'hiver au pays, abandonnent les bois
des montagnes et se répandent, dans les temps de
neige surtout, dans le voisinage des habitations ;
ils y vivent souvent parmi les oiseaux de basse-
cour, dont ils partagent la subsistance contre le
gré des propriétaires; 1ls se nourrissent encore de
petits fruits sauvages qu'ils trouvent dans les jar-
dins ou le long des haies, de graines qu’ils décou-
vrent éparses sur le sol, à l'entrée des granges.
Néanmoins quelques espèces de ce nombre, les Bou-
vreuils, les Tarins et les Sizerins, par exemple,
deviennent alors nuisibles ; 1ls coupent les bourgeons
des arbres fruitiers qui renferment des feuilles pour
le printemps, et s’en repaissent.
Cette famille renferme les six genres :
Fringille (Fringilla), Gros-Bec (Coccothraustes),
Bouvreuil (Pyrrhula), Bec-Croisé (Loæia), Bruant
(Emberiza), et Plectrophane (Plectrophanus).
—————
DIENPPANS AN ON 10]
xXLVI Genre : FRINGILLE / Fréngitla),.
Signes genériques : Bec court, robuste, moins épais que la tête, co-
nique, à arête rentrant plus ou moins dans les plumes du front : mandibule
supérieure droite ou un peu inclinée vers la pointe, entière ou munie vers le
milieu d’une dent obtuse, couvrant ordinairement les bords de la mandibule
inférieure et à palais creux. Narines rondes, couvertes, en tout ou en partie,
par les plumes du capistrum dirigées en avant. Langue charnue, arrondie, se
terminant en pointe cornée et un peu fendue. Aïles et tarses courts.
Les Fringilles s’alimentent avec des graineset des
semences de diverses sortes, qu'elles ouvrent avec
le bec et avalent après en avoir rejeté les enveloppes.
Les insectes sont pour elles une nourriture acces-
soire, à laquelle elles ne recourent guère que durant
l'été, et quand elles élèvent leur famille. En grande
partie nomades, elles voyagent souvent par troupes
innombrables. Les bois et les champs sont leur de-
meure de prédilection ; elles y nichent sur les arbres
ou dans de hauts buissons, et très-rarement dans
les crevasses de roc ou de rocher. Quelques sujets,
les Moineaux, entre autres, craignent si peu le
voisinage de l’homme qu'ils viennent se propager
jusque dans son habitation, soit sous le toit soit
dans les trous du mur. Les mâles sont d'habitude
très-ardents en amour; ils se livrent souvent de pe-
tits combats, des assauts corps à corps, en se dis-
patant les femelles. Une fois appariés, ils devien-
nent d’une jalousie extrême. La captivité ne leur
A
est guère à charge ; car ils s'y montrent bientôt
familiers, puis capables d’un attachement person-
nel et durable envers leur bienfaiteur. Quelques
D MES
ES
102 ORNITHOLOGIE
mâles, et particulièrement chez les Serins, les
Chardonnerets et les Linottes, y sont d’une com-
plexion si chaude et si amoureuse, qu'ils s’apparient
volontiers en cage si on leur donne une femelle ;
mais le plus souvent 1il ne résulte de cet accouple-
ment que des œufs clairs. Leur voix est, en géné-
douce et variée; elle est encore susceptible
de perfectionnement ; aussi, des espèces s’appro-
prient-elles en peu de temps les cris ou quelques
phrases du chant de leurs congénères surtout, pla-
cés près d'elles en volière.
Ce genre possède en Suisse et en Savoie quinze
espêces. Comme elles varient entre elles par leur
bec plus ou moins conique en tout sens, j’adopte,
pour les décrire, les coupes données par M. Tem-
minck, auxquelles je n'apporte que de légères
modifications. Ges oiseaux se trouvent en consé-
quence divisés dans cet ouvrage en trois sections :
les Longicônes, Brevicônes et Laticônes. Le Gros-
Bec Vulgaire (Coccothraustes Vulgaris) forme, lui
seul, un genre séparé.
Première section,
LONGICONES {LONGICONT|,.
Signes distinctifs : : Bec en cône droit, grêle, allongé, comprimé latéra-
lement, et aigu à la pointe des deux mandibules.
Cette section renferme cinq espèces.
ORNITHOLOLOGIE DE LA SAVOIE.
Passereaux.. lringillidees
TU 25.
la dulik UNSS
Lath.J8 Perrin Chamhér Y J Werner del. KLith.
l Fringille Chardonneret.z24/e adulte; “gr nat, PA03— 9-4 Œués de l'especergrnat.
5 Fringille Venturon, 244 2 dulle en ete #4 grnai V M 6-0 C7 de lespece;grnat
9 Fringille Tarin, 22/4 en été: gr rat; V.MT
JOUE ) Jete de femelle adulte-MA3 ur de lespece.; or nat
DE LA SAVOIE. 103
13%.—Fringille Chardonneret /Frinçilla Carduelis.
Noms vulgaires : Chardonné, Chardonneret, Cardinalin, Ecardonniux.
Ne D
Cayduelis), Temm.— Cardellino (Savi). |
Cette Fringille, qui est l’un des plus jolis et des
plus élégants oiseaux de nos climats, tire son nom
des chardons sur lesquels elle se pose souvent par
troupes pour se nourrir de leurs semences hui-
leuses, lors de la maturité.
Nos oiseleurs croient reconnaître deux espèces de
Chardonnerets. [ls prétendent que les individus
marqués d’une large tache blanche, presque ovoïde,
sur les barbes intérieures des trois pennes de chaque
côté de la queue, et qu'ils désignent par le nom de
Royal, sont les meilleurs chanteurs en volière ; mais
cette distinction n’est point fondée; car très-sou-
vent le même sujet qui avait en été six rectrices ta-
chées de blanc, n’en à plus que quatre et quelque-
fois deux après la mue : le même changement
s’opère chez les femelles.
Les individus qui forment la seconde espèce sont
ceux qui ont moins de six pennes de la queue mar-
quées de blanc, c'est-à-dire tantôt deux tantôt qua-
tre ; de ce qu'ils sont quelquefois un peu plus gros
ou un peu plus noirs que les autres, les oiseleurs les
appellent Charbonniers ; cette distinction n’est pas
mieux établie que la première, puisqu'elle est aussi
messe:
PP ne
EIRE ns Dim.
NS PT Te
ER AR RES ES
AR TA
Ts.
104 ORNITHOLOGIE
l’eflet de l’âge ou de la mue. Les jeunes de l'année
sont plus particulièrement connus dans nos cam-
pagnes sous le nom de Vardan.
La taille du Chardonneret est de 14 cent. 4-6
mill.
Le mâle adulte est remarquable par le beau rouge
cramoisi qui lui pare le front et la gorge, ainsi que
par le jaune vif qui recouvre la moitié supérieure
de ses pennes alaires, dont le reste est noir et taché
de blanc vers le bout. Il porte du noir autour du
bec, sur l’occiput et à la nuque; du blanc pur sur
les joues et le devant du cou. Un brun roux lui
couvre le dos et les scapulaires ; la même couleur,
mais d’une teinte un peu moins foncée, se fait en-
core remarquer sur les côtés de la poitrine et sur les
flancs ; les autres parties inférieures sont blanches.
La queue est fourchue, noire, avec une, deux
ou trois taches arrondies blanches sur le bord in-
térieur des rectrices latérales, et seulement mar-
quée de blanc à l'extrémité des intermédiaires. Le
bec est exactement conique, long, aigu, blanc ou
blanchâtre à sa base et noirâtre vers la pointe;
l'iris brun foncé ; les tarses sont noirâtres.
La femelle a le noir de la tête et des petites cou-
vertures alaires nuancé de brun. Le rouge du front
et celui de la gorge se trouvent souvent mêlés d’un
peu d'orangé, et le blanc du dessous du corps est
ordinairement moins pur que dans le mâle.
DE LA SAVOIE. 105
Les jeunes, au sortir du nid, offrent sur leur li-
vrée un mélange de brunâtre, de blanchâtre et de
grisâtre. Ils n’ont point de rouge à la tête ni à la
gorge : ils prennent cette couleur à leur première
mue; mais ils ne l’ont bien vive qu'à l’âge de deux
ans. On les reconnaît néanmoins toujours au jaune
des ailes et aux taches blanches des rémiges et de
la queue, qu’ils ont déjà dans le nid disposées
comme chez les vieux.
Le Chardonneret est sujet à varier avec la tête
et la gorge roussâtre, puis le reste du corps blan-
châtre ou d’un blanc nuancé de roux très-clair ; ou
bien avec les deux premières parties d’un jaune-
orange et le plumage ordinaire, sauf le ventre,
teinté de jaune; parfois, il devient d’un blanc
pur ou d’un blanc mélangé avec les couleurs natu-
relles, et très-rarement d’un noir plus ou moins
parfait.
On remarque cet oiseau en Savoie à toute saison,
mais un peu moins abondamment pendant l'hiver,
époque à laquelle plusieurs individus émigrent vers
les régions méridionales. Les petits bois cham-
pêtres, les champs et les vignobles parsemés d’ar-
bres, les parcs, les avenues, les vergers et les jar-
dins, sont sa demeure habituelle. On le rencontre
encore facilement en été sur les lisières des forêts
alpestres et auprès des clairières, de celles surtout
où 1l trouve en abondance les chardons, les séne-
106 ORNITHOLOGIE
çons, les plantains etles chicorées sauvages, dont les
graines composent en ces lieux la base de sa nour-
riture, Après les nichées, il vit d'habitude par ban-
des, quelquefois nombreuses, qui ne se dissolvent
qu'à la pariade prochaine. Chaque mâle se retire
alors avec la femelle qu'il a choisie, et ils vont tous
deux ensemble se chercher un canton favorable
pour leurs amours.
Les Chardonnerets font ordinairement deux cou-
vées par an dans nos contrées : la première a lieu
au commencement d'avril, la seconde vers la mi-
juin. Ils ont pour nicher un goût particulier pour
les arbres fruitiers ; souvent ils choisissent ceux qui
sont les plus rapprochés des maisons, ou bien en-
core les orangers, les cyprès, noisetiers, charmilles,
rosiers ou les massifs de plantes élevés dans les
jardins ou le long des avenues; quelquefois, et
suivant les lieux, ils leur préfèrent les rangées
de peupliers sur les bords des routes, des sen-
tiers et des fossés avoisinant des champs et des
prairies, où ils sont toujours sûrs de vivre au mi-
lieu de l'abondance. Vont-ils se reproduire dans les
régions montagneuses, ils s’établissent sur les li-
sières des forêts qu'entourent des friches ou des
pâturages, parfois couverts de synanthérées (char-
dons, etc.), dont ils recherchent avec avidité les
semences, soit pour eux soit pour alimenter leur
petite famille,
DEAD SAYOTE. 107
Le mâle et la femelle donnent à leur nid, qu'ils
placent parmi les branches ou les rameaux les plus
flexibles, ou bien au centre des bouquets de feuilles,
une forme demi-sphérique, très-élégante; de fois à
autre, ils l’attachent avec des filaments de plantes
ou de petits flocons de laine, disposés en forme
d’anneaux autour des rameaux qui le soutiennent.
Ils composent ce berceau en dehors de lichens,
de menues racines et de brins d'herbes ou de paille
fine, mêlés d’un peu de mousse ou de duvet de
fleurs : ces matériaux que lient ensemble solidement
le crin, la soie des cocons et la toile des araignées,
forment un tissu serré et très-bien confectionné.
Un matelas, toujours très-propre, fait de coton de
saule, d’aigrettes de tussilages, de chardons, de sé-
neçons et de chicorées, recouvre les parois inté-
rieures et le fond du nid. C’est sur cette couche fort
chaude que la femelle pond 4 ou 5 œufs par couvée;
ils sont souvent un peu allongés, quelquefois piri-
formes, d’un blanc légèrement teint de vert, et
marqués de taches, de raies et de petits points rou-
geâtres ou violâtres, tantôt seuls tantôt entremêlés
d’autres traits d’un noir rougeâtre, et le plus sou-
vent très-rapprochés autour de la grosse extrémité,
Leur longueur est en moyenne de 16 ou 46 mill. #,
et leur largeur diamétrale de 19 3 à 13 mill.
Pendant l'incubation, le mâle vient de temps en
temps auprès de sa compagne avec des aliments,
2
JR ORNITHOLOGIE
qu'il lui donne sur le bord du nid par voie de dé-
gorgement. Il se perche ensuite à la pointe d’un
arbre de moyenne hauteur, souvent vis-à-vis de celui
de la couvée, d’où à chaque instant il fait retentir
son petit canton de sa voix agréable, Au coucher du
soleil, il se réfugie dans une touffe de feuilles tout
près de sa femelle, pour y passer la nuit. Le lende-
main, dès le point du jour, il redit son joli ramage.
Les œufs commencent à éclore au 15° jour de
couvaison, et avant le 17° tous les petits sont déga-
gés de leurs coquilles. Le père et la mère les nour-
rissentavec les graines de mouron, de panic, de sé-
neçon, de plantain et de graminées, qu'ils laissent
réduire préalablement en pâte dans leur estomac.
Pendant que cette substance se forme, ils ont soin
d’aller l’humecter de temps à autre, en buvant sur le
bord d’une source ou d’un fossé; puis, revenus au
nid, ils la dégorgent dans le bec de leurs petits.
Ceux-ci, après leur sortie, restent avec eux jusqu’à
la nouvelle couvée (1-15 juin }, époque à laquelle
leur éducation est achevée. Leurs auteurs ne ces-
sent pendant ce temps de les reconduire tous
ensemble d’un champ ou d’une prairie à l’autre,
à la recherche des graines destinées à les nour-
rir; ensuite ils les ramènent dans les bois et les
bosquets, où ils les font cacher à l’ombre durant le
fort de la chaleur de la journée. Mais leurs cris ha-
bituels, qu’ils poussent presque sans relâche, soit
DEN ES ANPONE. 109
en voletant d'arbre en arbre soit même pendant
leur repos, décèlent toujours leur présence dans ces
lieux ; par ces cris, ils semblent prononcer : bz1-
biz, bizibiz, bizibibrbr.
Sur la fin de l’été ou aux premiers jours de l’au-
tomne, tous les Chardonnerets du même canton
s’attroupent et forment quelquefois, en se réunis-
sant plusieurs familles ensemble, des troupes con-
sidérables qui ne se séparent qu’au printemps pour
la pariade ou avant l’hiver pour voyager par petites
troupes. Ils parcourent d'ordinaire en un jour di-
vers quartiers de leur arrondissement, et par préfé-
rence les localités qui leur fournissent force chanvre,
chardons, laitues, chicorées sauvages et cultivées ;
fréquemment ils se mêlent alors aux bandes des
Verdiers, des Serins, des Linottes et des Pinsons
qu’ils y rencontrent, et avec lesquelles ils vivent en
bonne harmonie; volant pêle-même avec elles, se
nourrissant ensemble et allant aussi à la fois, vers le
milieu du jour, respirer la fraîcheur dans les bois.
Tous les ans, quelques Chardonnerets émigrent
de nos climats par petites bandes ou seulement
par paires, dès que, vers le milieu de l’automne,
l'on se met en devoir de retirer la plupart des se-
mences qui les retiennent encore dans les champs ;
ils reviennent en mars, et le plus souvent par
couples, mâle et femelle. Les individus qui passent
l’hiver chez nous, se répandent principalement le
ER
RE nn =
=RT
110 ORNE OL O GATE
long des routes, des rivières, des ruisseaux et des
prairies ; on les y trouve presque toujours posés
sur les chardons dont ils achèvent d’éparpiller les
aigrettes, afin de s’alimenter avec les semences
qu’elles peuvent encore recéler. De temps à autre,
on les voit autour des granges où l’on a battu le
chanvre, occupés à fouiller dans la poussière ou les
débris des feuilles de cette plante pour y chercher
les grains perdus.
Le Chardonneret donne aisément dans les filets
| et les lacets qu’on s'applique à lui tendre sur toute la
| surface de notre pays, pour l'avoir en cage ; c’est
la beauté de son plamage, jointe aux agréments de
Il sa voix et sa docilité qui en font si vivement dési-
|| rer la possession. Toutefois il se laisse prendre
avec un peu plus de difficulté lorsqu'il trouve abon-
| dammient dans tous les lieux qu’il fréquente, Îles
graines dont il paraît le plus avide ; aussi, les
oiseleurs né le chassent guère chez nous avant
l'enlèvement du chanvre ou des chicorées dans les
champs ou les jardins. Comme il est très-actif, il
aime qu'on lui donne en captivité de l’occupalion ;
il se dresse alors facilement à la manœuvre de la
galère, de même qu'à l’exécution de plusieurs autres
travaux de ce genre. Le mâle s’accouple aisément
avec la femelle du Serin ou Cini et avec celle du
A Canari; il résulte de cette union des Métis parmi
Il | lesquels on en remarque de très-beaux et d'habiles
DE DAUSANOTLE: 111
chanteurs. Ceux-ci s’apparient aussi à leur tour, soit
avec dés femelles de Serin Soit même avec des
Chardonncerets et des Linottes ; mais ils ne produi-
sent jamais qué des œufs clairs.
Le Chardoñiëret est sujet en volière à plusieurs
maladies dangereuses, surtout aux attaques épilep-
tiques, qu’on attribue généralement à uné alimeñ-
tation trop substantielle. Pour les prévenir, plu-
sieurs personnes plactñt dâris sa cage un morceau
de plâtre, quélquefois de tuf, qu’il se plaît du reste
à becqueter souvent après ses repas, et avant de
boire ; il en avale de petits grains qui se mêlent
dans l'estomac avec les aliments, s’agitent presque
continuellement parmi eux, en activént là diges-
tion, s’usent et disparaissent enfin avec les déjec-
tions de l'oiseau.
136.—Fringille Venturon /Fringilla Citrinella).
Le Venturon de Provence (Buff.). — Le Venturon (Cuv.). — Fringille Cini
(Fringilla Serinus), Vieill., Faune Française.—Gros-Bec Venturon (Frin-
gilla Citrinella), Temm.—Bruant du Tyrol (Sonnini).—ÆEmberiza Brumalis
Gmelin).
Cet oiseau est fort peu connu en Savoie, sans doute
parce qu'il ne se tient guère que dans les contrées
montagneusés, Les oiseleurs qui le connäissent un
peu lé nomiment tantôt Serin où Cüini Vert, pour le
distinguer de leur Serin Jaune ou Cini, tantôt Serin
des Montagnes ; quelquefois, ils le prennent pour un
Bruant ou pouï uñe petite espèce dé Verdier; alors
ils le désignent sous le nomde Verdon.
d
| 112 ORNITHOLOGIE
Le mâle adulte à 12 centim. 4-5 mill. de taille.
| Il est d’un vert jaunâtre sur le front, le sommet de
| la tête, le tour des yeux, la gorge, le devant du
cou, la poitrine et sur le milieu du ventre ; d’un
| cendré plus ou moins foncé sur l’occiput, la nuque,
| les côtés du cou et les flancs. Le dos, les scapulai-
| res, les couvertures alaires et deux bandes trans-
versales sur ces dernières, sont d’un vert foncé,
nuancé de grisâtre. Le croupion est jaunâtre, l’ab-
| domen blanchâtre; les pennes alaires et caudales
| sont noires, et lisérées de cendré verdâtre ; la queue
| est fourchue; le bec brun sur la mandibule supé-
rieure et couleur de chair sur l’inférieure; l'iris des
| yeux noirâtre ; les tarses sont brunâtres.
La femelle a les couleurs moins vives que le mâle;
elle est en outre plus nuancée de grisâtre sur le dos,
où la plupart des plumes portent, le long des
fl baguettes, un trait brun, qu’elles perdent avec
l’âge.
Les jeunes de l'année, après la mue, ressemblent
| aux femelles adultes. Au sortir du nid, on les voit
fl mélangés de grisätre, de blanchâtre et de jaunâtre
sur les parties inférieures; et d’un grisätre foncé
| sur la tête, ainsi que sur les autres parties où les
| | adultes sont cendrés. Ils ont le croupion et le dos
| brunâtres, avec un peu de gris roussâtre autour des
fl plumes. Les deux bandes des couvertures alaires
1H sont roussâtres ; les rémiges et les pennes de la
DE qe SC Ge de SE US
+ PE ms =
DE LA SAVOIE. 115
queue noirâtres, frangées extérieurement d’un
blanc sale, à peine teinté de verdûtre.
On trouve cette Fringille en Provence, en Italie,
en Allemagne, dans le Tyrol, en Suisse et dans plu-
sieurs parties de la France; elle est assez commune
en Savoie, et nous l’y possédons toute l’année.
Pendant l'été, elle habite principalement les
forêts de pins, de mélèzes et de sapins de nos mon-
tagnes ; on la remarque dans toute la Haute-
Maurienne et sur la pente méridionale du Mont-
Genis; en Tarentaise et dans les Bauges, notam-
ment dans les forêts d’Arith et de Margériaz ; à la
cime du Mont-Grenier, à l’Alpétaz, à la Grande-
Chartreuse et dans le Haut-Faucigny. Elle niche
dans ces diverses localités. La femelle travaille
presque seule à la confection du berceau de la pro-
géniture ; le mâle ne fait guère que l’accompagner
quand elle va à la recherche des matériaux, il
revient avec elle chargée du butin et chante
tout près à la cime d’un arbre pendant qu'elle
les arrange sous la forme de nid : j'ai rarement
réussi à le voir aider sa compagne dans la com-
position de ce travail. Elle le fait sur les arbres les
plus touffus, surtout sur les sapins, le posant tantôt
au centre de plusieurs petits rameaux très-rappro-
chés, tantôt le long d’une branche couverte de
mousse ou dans une toufle de gui très-épaisse. Sc
prépare-t-elle à nicher dans un verger ou un jardin,
7. ll, 8
114 ORNITHOLOGIE
ll comme on l’observe effectivement auprès des vil-
lages et des hameaux de la Maurienne, du Chamo-
nix , de la Haute-Savoie et de la Tarentaise , elle
fait choix d’un arbre fruitier et y construit son nid
1l aussi artistement que le Chardonneret. Les lichens,
la longue mousse des sapins, mélangés avec des
{ll tiges d'herbes sèches et retenus par de la toile d’a-
| raignée, en forment ordinairement le dehors; le
dedans est garni de paille très-déliée ou, suivant les
| lieux, matelassé avec des plumes, du crin, des poils,
| de petits flocons de laine, ou avec le duvet des fleurs
Il printanières. La femelle pond vers le milieu de mai
1l o ou 6 œufs d’un blanc bleuâtre, maculés d’un
rougeâtre violacé et parsemés, surtout vers le gros
bout, de quelques points ou zigzags d’un brun très-
| | foncé ou d’un noir rougeâtre. [ls ont pour longueur
\N 15 : ou 16 mill., sur 11 ou 11 mill. : de diamètre.
| Pour chanter pendant l'amour et l’incubation,
le mäle se perche fréquemment au bout d’une
branche, quelquefois à l’extrémité d’un arbre, Son
ramage, qu'il redit aussi en volière, a, quoique peu
distinct, quelque rapport par la liaison de ses sons
avec celui du Serin ou Cini. Comme lui, il le fait
entendre en se soutenant en l’air au-dessus de sa
compagne, ou bien en voletant autour de l’arbre
qui renferme son nid; les syllabes théri, thérin, |
trin, térin, sont les plus répétées dans ce chant. |
S’éloigne-L-il quelques moments de la femelle qui |
D
L]
pe
MÉLLAN SANOTE: 115
couve, c’est pour aller lui chercher des vivres, ou
faire bande avec les autres mâles, ses semblables,
du même canton, jusqu’à ce que son devoir le rap-
pelle auprès de la couvée.
Le père et la mère nourrissent leur famille avec
‘ des semences ou des nouvelles pousses d'arbres,
de plantes alpestres et de graminées; comme le
Chardonneret, ils laissent avant tout ces aliments
se réduire en une sorte de pâte dans l'estomac,
d’où ils la font regorger à mesure qu’ils la parta-
gent aux petits. Mais lorsque ces derniers sont
un peu plus avancés en âge et en Ctat de digérer
plus facilement, ils leur donnent les grains tout
broyés et les pousses telles qu'ils les coupent aux
arbres ou aux fleurs.
Après l’éducation de la progéniture, les Ventu-
rons restent en famille dans plusieurs de nos cantons
montagneux jusqu’à la fin de l’automne; à cette
époque, ils se rapprochent des bois inférieurs, ou
bien ils émigrent vers le Midi. Néanmoins souvent
ils y forment, en se réunissant plusieurs nichées en-
semble, des troupes nombreuses qui volent légère-
ment, quoique serrées, et ne cessent de faire en-
tendre leurs cris ordinaires : térin, térin, trin, qu’on
imite très-bien en pinçant la chanterelle d’un vio-
lon monté au diapason. En se posant sur les arbres
ou les taillis pour y chercher leur subsistance, ces
bandes s’accrochent par les pieds aux rameaux les
116 ORNITHOLOGIE
plus flexibles, s’y balancent tandis qu'elles en
arrachent les semences ou les bourgeons. Au pre-
mier signal, elles partent à la fois en s’entr'appe-
lant et vont se reposer de même un peu plus loin;
c’est ainsi qu'elles parcourent chaque jour succes-
sivement tous les bois de leur district.
Le Venturon descend des montagnes principale-
ment lorsque les neiges commencent à les envahir.
On le voit arriver le matin dans les vallées infé-
rieures ou sur les collines tantôt en petites sociétés,
tantôt mêlé avec les Sizerins, et rarement seul. I!
y recherche les petits bois d’arbres verts, les lieux
garnis de charmilles et de ronces, les rangées
d’aunes, etc., dont les semences et les bourgeons
le nourrissent. Dans les temps de neige ou de grand
froid, il vient jusqu'à la plaine se montrer le long
des haies, dans les jardins, sur les arbres fruitiers
ies plus près des maisons. Il ne garde plus alors le
même ordre dans ses troupes que durant l’automne;
aussi, elles se dissolvent à chaque moment, elles se
rallient et se quittent encore pour aller aux vivres,
au point qu’il n’est pas rare de rencontrer pendant
cette saison le Venturon solitaire ou par couple. Plu-
sieurs individus partent alors de notre pays et se re-
tirent vers les régions méridionales de l’Europe; mais
ils les abandonnent à l'approche des beaux jours, pour
retourner dans leur patrie, où les ramène l'amour.
La Fringille Venluron est fort peu sauvage. Elle
DELA SAVOIE. 117
se plie facilement à l'esclavage; elle y devient aussi
familière que le Turin. On parvient quelquefois à
l’apparier avec le Serin des Canaries. Sa chair
est un bon manger ; en hiver, elle possède un léger
goût de résine ou d’amertume qui est loin de
déplaire; elle l’emprunte des jeunes pousses, des
semences d’arbres verts ainsi que des bourgeons de
plusieurs arbres et arbustes, qui forment alors,
dans plusieurs localités, la principale nourriture de
cet oiseau.
139.—Fringille Farin /Fringilla Spinus/.
Noms vulgaires : Tarin, Térin.
DE ne a AAA Soi ont Diceri0 (Si
Le Tarin, qui est un charmant oiseau, a 41 cent,
5-6 mill. de longueur. |
Le vieux mâle, en livrée d’été, est d’un noir pro-
fond sur la gorge, sur le dessus de la tête et un peu
varié de verdâtre à la nuque; derrière l’œil il
porte une bande d’un jaune-citron, qui s’étend sur
les côtés du cou : la même couleur règne encore
sur la poitrine, le haut du ventre, à la base des
pennes alaires et caudales, tandis qu’un blanc
gris, souvent nuancé de verdâtre, couvre les flancs
et l’abdomen, dont le centre se trouve taché
longitudinalement de noir. Le dos et les sca-
pulaires sont d’un verdâtre un peu lavé de cendré,
_—
Le LEE RER
118 ORNITHOLOGIE
avec un petit trait noirâtre qui longe les baguettes
des plumes ; le croupion est d’un jaune mélangé de
verdâtre. Les ailes ont leurs petites tectrices supé-
rieures d’un vert-olive ; les moyennes et les grandes
forment deux bandes transversales : la première
est noire, la seconde d’un vert olivâtre ; les rémiges
sont noires, sauf cependant leur base qui est jaune,
et toutes frangées de vert jaunâtre à l’extérieur ; le
noir occupe encore l'extrémité de la queue. Le bec
est brun, surtout vers sa pointe, et de couleur de
corne claire à la base de la mandibule inférieure ;
l'iris noir ; les tarses sont bruns.
La femelle est très-différente : elle a le sommet
de la tête et le dos d’un gris olivâtre, avec des ta-
ches longitudinales noirâtres ; les partiesinférieures
blanchâtres, légèrement nuancées de jaune à la poi-
trine et sur les côtés du cou, et marquées de taches
allongées noirâtres, particulièrement à la poitrine
et aux flancs. Elle est jaunâtre sur le croupion,
sur les couvertures supérieures de la queue, et
noirâtre au centre des plumes: la base de cette der-
nière partie porte moins de jaune que chez le
mâle, et la bande transversale des ailes est d’un
jaune pâle. $
Les jeunes, avant la mue, sont d’un blanc grisâtre
en dessous, et fortement tachetés de noirâtre ; le
dessus du corps est varié de blanchâtre, de gris
olivâtre et de noirâtre. Ils ont déjà du jaune à la
DE ASIN OT E ]19
base des pennes de la queue et des rémiges, ainsi
qu’au bout des tectrices alaires.
A la mue de la fin de l'été, les jeunes mâles se
colorent comme les vieux, mais leurs teintes sont
partout moins vives pendant la première année.
Comme eux, ils conservent pendant l’automne et
l'hiver une bordure cendrée, néanmoins plus large
que celle des vieux, aux plumes de la tête, de la
gorge, du dos, et qui s’efface au printemps, par
le moyen de la mue ruptile. C’est alors que le noir,
le jaune, le verdâtre de leur livrée acquièrent toute
leur pureté ; mais, Je le répète, ces couleurs ne sont
bien vives dans les jeunes qu'à la seconde année.
La Fringille Tarin niche dans les forêts de pins
et de sapins des Alpes Suisses ; elle se reproduit
aussi, mais en petit nombre, chaque année en Sa-
voie, dans les mêmes localités que le Venturon et le
Sizerin. Comme eux, elle couve vers la mi-mai;
comme eux, elle cache très-soigneusement son nid
sur les branches élevées des pins ou des sapins les
plus garnis de mousse, de même qu’au centre d’une
touffe de gui ou de petits rameaux très-serrés ;
comme eux enfin, elle le fait petit, élégant et demi-
sphérique. Composé en dehors presque entièrement
de lichens et de mousse qu’elle prend sur les mêmes
arbres, revêtu en dedans d’une couche de poils.
de plumes-et d’aigrettes de chardons ou de tussi-
lages, ce nid reçoit ordinairement 5 œufs, longs de
2 SES ES TS SR less, > 2 2 =
Te —
{ll 120 ORNITHOLOGIE
T4 tou 15 millim., sur 10 £ à 11 millim, de dia-
| mètre. Leur couleur est tantôt d’un blanchâtre
| | presque teinté de gris, tantôt d’un blanc bleuûtre ;
|| elle se trouve dans les deux cas parsemée de quel-
ques taches irrégulières, d'un rougeâtre ou d’un
ll violet presque effacé, souvent très-rares au centre
et à la petite extrémité de la coque, et mélangées
vers le gros bout avec quelques autres traits non
| moins réguliers, de couleur de rouille ou d’un noir
A inclinant au rouge. Le père et la mère nourris-
sent leurs petits dans le nid de la même manière
et des mêmes aliments que la Fringille Venturon
n° 136. Après leur sortie, ils restent aussi avec eux
pour achever leur éducation ; puis ils forment tous,
|| jeunes et vieux, des troupes plus ou moins nom-
{li breuses, suivant les localités.
Le Tarin commence à descendre des montagnes
sur la fin de septembre, ou seulement aux premiers
frimas d'octobre, selon les années. Il s’abat alors
par petites bandes ou par paires, parfois seul comme
. un oiseau égaré, dans les bois de la plaine et des
| coteaux, dans ceux surtout de sapins; ou bien il
s'arrête le long des champs, des eaux bordées
d’aunes, d’ormes et de peupliers, des semences
IA desquels il vit ainsi que des bourgeons qui ren-
ferment les feuilles pour le printemps. C’est aussi
à la même époque que l’on voit arriver en Savoie,
des contrées septentrionales de l’Europe, plusieurs
DE EA SAVOIE. 121
de ces volatiles, le plus souvent par troupes de
12 à 20 individus, volant serrés et avec légèreté,
et ne cessant de s’entr’appeler pendant leur voyage
par un cri monotone, qui s'entend de loin; par
ce cri, ils semblent articuler les mots: tirrly, tirrly;
quelquefois on dirait qu'ils prononcent à peu près
les deux syllabes de leur nom: terrain, terrin, et
c’est probablement de là que leur est venue leur
dénomination de Tarin.
Les Tarins ne s’abattent guère dans nos champs,
à moins qu'ils n’y découvrent du chanvre, du millet,
des chardons et des seneçons en quantité; ils ai-
ment en eflet les grains de ces diverses plantes :
L4
parfois on les trouve dans les chènevières, mêlés
aux bandes de Serins et de Chardonnerets qui S'Y
repaissent pendant presque tout le jour ; mais ils se
plaisent principalement dans les bois de haute fu-
taie, à l’extrémité des arbres les plus élevés où ils
s’accrochent, se suspendent aux branches à la ma-
nière des Mésanges, pour en manger les semences
et les nouvelles pousses ; par moments, ils se rap-
prochent du sol, visitent à la même intention les
buissons de charmilles, de hêtres et de ronces. Ils
ne cessent de babiller pendant leurs évolutions;
aussi, ce n’est souvent que leurs cris qui annoncent
leur présence dans les bois,
Ces oiseaux émigrent en grande partie de nos
climats dès les premiers froids de novembre, et vont
122 ORNITHOLOGIE
passer l'hiver dans les contrées méridionales de
l’Europe. Ceux qui bravent chez nous les rigueurs
de cette saison continuent de vivre, comme en au-
tomne, dans les bois de sapins, d’ormes, d’aunes,
de charmes, etc. On les y remarque assez fréquem-
ment en compagnie des Venturons et des Sizerins,
voiant tous pêle-mêle et en un bataillon serré, se
posant et se suspendant de même aux arbres qui
fournissent leurs aliments.
Nous avons tous les ans, dans le mois de mars,
un second passage de Tarins qui reviennent du midi
de l’Europe, leur séjour d'hiver, et se dirigent peu
à peu vers les régions septentrionales pour s’y
adonner à l’acte de la reproduction. Les mâles com-
mencent alors à gazouiller en perchant sur le som-
met des arbres; aux premiers beaux jours, après
la mi-mars, leur chant est presque complet. On
entend alors distinctement leur cri habituel d’été :
il est aigre, traîné et a quelque analogie avec le
son de la vielle.
Au milieu d'avril, on ne remarque plus en Savoie
que les sujets qui doivent s’y propager. Ceux-ci vi-
vent encore par bandes, mais particulièrement dans
les bois résineux des collines ou du centre des mon-
tagnes ; de là, et avant les premiers jours de mai,
ils gagnent les forêts de pins ou de sapins de nos
plus hautes montagnes, où, à peine arrivés, ils
entrent en amour et s’apparient.
DE LA SAVOIE. 193
Le Tarin est d’un naturel vif et gai; ses mœurs
sont très-douces. Il est en outre si peu méfiant,
qu’il tombe dans tous les piéges qu’on lui dresse.
La captivité dans une cage ne lui déplait guère,
puisqu'à peine renfermé il se met à manger, à
rappeler ses semblables qui passent dans le voi-
sinage. Il y vit longtemps; l’on réussit même à
le faire nicher soit avec une femelle de son espèce,
soit avec celle du Canari. On le nourrit de graines
de chanvre, de millet, de soleil, de chardons, de
sénecons et de chicorées. |
438.-Fringille Boréale /Fringilla Borealis|.
Le Sizerin (Buff.).—Fringille Sizerin (Fringilla Linaria), Vieill., Faune
nes — Gros-Bec Boréal (Fringilla Borealis), Temm. — Sizerin Boréal
oux).
Cette Fringille n’est pas régulièrement de pas-
sage en Savoie; ce n’est qu’à des intervalles de
plusieurs années, ou pendant les hivers les plus
froids qu’elle s’y montre, et l’espèce n’y est jamais
commune. Nos oiseleurs la prennent, les uns pour
une Petite Linotte des climats froids, les autres pour
un métis produit par le Tarin ou le Serin (Ceni),
apparié avec la Linotte Commune; d’autres la
confondent avec l’espèce suivante, à laquelle elle
ressemble beaucoup. |
Sa taille est de 13 cent. 7-8 millim.
Les sujets qui nous arrivent sont ordinairement
des jeunes de l’année.
LE EE EE
|
| 124 ORNITIHOLOGIE
L Les mâles sont alors d’un ronge de sang terne
| sur le haut de la tête, avec quelques teintes rous-
| sâtres, à peine apparentes, vers le bout des plumes
| de la même partie. [ls ont le front traversé par une
bande noire, et les plumes qui la forment très-
il finement marquées de blanc roussâtre à l’extrémité;
| la gorge et les lorums, d’un noir terne ; toutes les
parties inférieures blanches ou blanchâtres, avec
des mèches noirâtres, particulièrement sur les côtés
de la poitrine et sur les flancs. Les plumes des joues
sont aussi blanchâtres, faiblement nuancées de
roussâtre sur leurs bords; le dos est de cette der-
| nière couleur, mais largement taché de brun foncé
UD | au centre des plumes ; le croupion d’un blanc sale
| | et varié de brun : chez les adultes, il est en outre
mélangé d’un peu de rose. Les pennes des ailes,
de la queue et les tectrices alaires sont noirâtres,
bordées de blanc roussâtre. Le bec est jaune,
brun seulement à la pointe; il est effilé et à pointe
très-aiguë. L’iris et les tarses sont noirâtres.
Les femelles ne diffèrent presque pas des mâles
| extérieurement. Elles ont d'ordinaire 2-3 millim.
| de moins en longueur, et du blanc roussâtre où ces
derniers se trouvent colorés de roussâtre. Le
rouge du sommet de la tête est aussi plus terne;
d'habitude elles n’ont pas de rose sur le crou-
pion, mais elles y sont plus tachetées de brun que
les mâles,
ORNITHULOCIE DE LA SAVOIE.
Passereaux. Fringilhdees.
TUL2£
Lith.Jh Perrin Chambery. J.Werner delk Lith.
1 Fringille Boreale,z7.2% eu prilemps, 78 97 nat, P-19$:
9 Pringille Sizerin, 224% en bvrée denoces, 75 gr.rat.:P. 117.
5 » ) Vite delemelle en été 4-8 Gal: de espece, Trial
7 Tringille de Montagne, jeune vale en hiver: 2gr nat; PA.
8 l'ringille Linotte.z44 ex e4e: 3 gr nat; P. 139.
9 » » Tete defemelle — WA Zufr de lespere, rat
PRÉRTEAT SAV O TE. 125
Au printemps et en été, qui sont les deux périodes
pendant lesquelles nous n’avons jamais cette espèce
dans nos climats, le mâle est d’un rouge rose, plus
ou moins vif et pur, suivant son âge et l’époque de la
saison, sur le devant du cou, la poitrine et le crou-
pion : les bordures blanchâtres que l’on remarque
souvent aux plumes de ces parties s’usent en géné-
ral avant la fin de l’été; alors le rouge parait dans
toute sa pureté. Les plumes des ailes et de la queue
conservent néanmoins de larges lisérés blancs, et
les flancs quelques taches longitudinales noirâtres ;
c’est ce que j’observe sur un sujet adulte, capturé à
Liège, que M. le baron de Sélys-Longchamps eut
la complaisance de m'envoyer l’année dernière.
Les mèches noirâtres des parties supérieures sont
bordées de blanc ou de blanc roussâtre, selon
‘âge ; le bec est noirâtre au printemps, noir en été.
La femelle, aux mêmes périodes, est blanchâtre
au-devant du cou et à la poitrine, au lieu d’y être
rouge comme le mâle, et tachée en long de noi-
râtre sur les côtés du cou, de la poitrine et sur les
flancs. Son bec est noirâtre.
La Fringille Boréale habite pendant l'été les
régions du cercle arctique, dont elle ne s'éloigne
guère qu'à l'approche de l’hiver ou aux premiers
froids vifs qui l’y surprennent, en sorte que ses
migrations ne paraissent pas périodiques : elles sont
subordonnées, du reste, à l’intensité plus ou moins
126 ORNITHOLOGIE
hàtive du froid de ces contrées. Son apparition
dans les pays tempérés de l’Europe et en Suisse a
lieu, comme celle de quelques autres espèces des
mêmes climats, à intervalles indéterminables. Nous
ne l’avons guère vue jusqu’à présent ici que durant
les plus grands froids qui surviennent depuis la fin
de novembre jusqu'à la mi-février, et jamais deux
années de suite. Elle voyage par troupes, quelquefois
associée avec les bandes du Sizerin, dont elle a les
mœurs. Comme lui, elle recherche, pendant le
peu de jours qu’elle se montre dans notre pays, les
bois de chênes, de bouleaux, d’ormes, d’aunes, de
hêtres, de charmeset de sapins, dontles semenceset
les bourgeons composent sa principale nourriture;
comme lui et les Tarins, elle se tient à la cime de
ces arbres, restant presque toujours accrochée ou
suspendue à l'extrémité des branches les plus
subtiles tandis qu’elle s’alimente.
En sortant des bois, les Fringilles Boréales s’abat-
tent sur les chardons qu'elles aperçoivent pour se
nourrir encore de leurs graines; celles de chanvre,
de plantain, de sarrasin et de chicorée sauvage les
attirent pareillement dans nos champs par mo-
ments; elles y font volontiers société avec les
Sizerins qu’elles rencontrent par bandes. Elles vo-
lent comme eux en troupe serrée et avec rapidité,
se posent tout près les unes des autres, se relè-
vent à la fois brusquement, comme d’une seule”
DE LA SAVOIE. 127
impulsion, et partent ensemble tout d’une volée.
Les individus qui étendent parfois en hiver leurs
excursions jusque dans nos contrées, n’y restent
que durant la rigueur du froid; aussi d'habitude,
au dégel, ils en disparaissent tous d’un moment à
l’autre, et se retirent peu à peu vers les régions
boréales où l'espèce se propage à la manière du
Sizerin dans nos Alpes. Nos oiseleurs les prennent
assez aisément dans leurs filets ; ces volatiles répon-
dent d’ailleurs non-seulement à l’appeau de ce der-
nier, mais encore à celui de la Linotte Ordinaire;
mais il importe toujours de contrefaire juste la
voix de ces espèces.
139.—Fringille Sizerin /Fringilla Linaria).
Noms vulgaires : Petite Linotte, Petit Linot, Linot Gris.
Le Cabaret (Buff.).—Le Sizerin ou Petite Linotte (Cuv.). —Fringille Caba-
ret (Fringilla Rufescens), Vieill. — Gros-Bec Sizerin (Fringilla Linaria),
Temm.—Sizerin Cabaret (Linaria Rufescens), Roux,
Ce petit oiseau, que plusieurs de nos chasseurs
aux filets regardent aussi comme un métis produit
par le Serin ou le Tarin et la Fringille Linotte (vul-
gairement Lanot), ne diffère guère du précédent, en
hvrée d'hiver surtout, que par sa taille; qui est de
LL cent. 7 millim. du bout du bec à l'extrémité de
la queue, par conséquent moindre de 20 à 21 millim.
Mais il est sédentaire en Suisse et en Savoie, où son
congénère n'arrive que très-irrégulièrement pen-
dant les hivers rigoureux.
128 ORNITHOLOGIE
Le male du Sizerin, en livrée de noces, est l’un
des plus jolis volatiles de nos Alpes. Il est noir sur
le front, sur l’espace entre l’œil et le bec (lorum) et
à la gorge ; un peu roussâtre sur les petites plumes
pileuses qui recouvrent les narines; d’un rouge
cramoisi au sommet de la tête; d’un cramoisi plus
clair sur les côtés de la gorge, sur le devant du cou,
la poitrine, les parties latérales du ventre et sur le
croupion : cette partie porte souvent, notamment
chez les adultes, quelques taches brunes longitudi-
nales. Le milieu du ventre, l’abdomen et les sous-
caudales sont blancs ; ces dernières, de même que
les flancs, sont en outre marqués en long de noi-
râtre. Tout le dessus du corps offre un mélange de
roussâtre, de gris blanchâtre, de noir ou de noi-
râtre, suivant l’âge : cette teinte est celle qui y
domine plus particulièrement; les deux autres ne
servent qu'à border plus ou moins finement les
plumes, selon le degré de la mue ruptile. Les
pennes des ailes, celles de la queue, qui est four-
chue, sont noirâtres et légèrement bordées de
cendré roux; deux bandes d’un blanc roussâtre,
formées par l'extrémité des couvertures alaires,
traversent les ailes; quelquefois elles s’effacent,
ou plutôt s’usent en grande partie sur la fin de
l'été, chez plusieurs individus des deux sexes. Le
bec, qui est en cône, effilé et très-pointu, devient
peu à peu noiràtre au printemps; il tourne au
DE LA SAVOIE. 129
noir en été. L’iris et les tarses sont noirâtres.
La femelle adulte n’a du cramoisi qu'au sommet
de la tête, un peu de rose sur quelques plumes des
côtés de la gorge, qui sont en outre tachetées de
brun foncé ; elle en est entièrement privée à la poi-
trine, aux côtés du ventre et au croupion : ces par-
ties, de même que le milieu du ventre et l'abdomen,
sont blanchâtres. Néanmoins les parties latérales
du cou, de la poitrine, du ventre et les flancs ont
de nombreuses taches allongées, noirâtres. Le noir
de la gorge paraît plus étendu que chez le mâle ;
mais le rouge de la tête occupe un peu moins d’es-
pace. Le bec est noirâtre, quelquefois un peu jaune
foncé à la base de la mandibule inférieure. Le reste
du plumage ne diffère point de celui du mâle.
Les très-vieilles femelles se colorent au printemps
d’un peu de rose clair sur le blanchâtre de la poi-
trine. :
À la mue de la fin de l'été, le bec devient jaune
dans les deux sexes, 1l reste à peine marqué de brun
vers le bout. Après la crise, les plumes des parties
supérieures sont largement bordées de roussâtre, et
le rouge cramoisi de la tête est terne. Le liséré des
ailes, des tectrices et des pennes caudales est plus
apparent que pendant l’été. Les flancs, les côtés de
la gorge, du cou et de la poitrine sont roussâtres,
avec des taches longitudinales brunes, Chez les
mdles adultes, le cramoisi s’efface en tout ou en
D DEN QI LS 9
mo
130 ORNITHOLOGIE
partie, suivant l’âge des individus, avant l'hiver,
sur le devant du corps; dans le premier cas, c’est
le blanc roux qui le remplace ; dans le second, sans
doute chez les très-adultes, c’est un rose clair, très-
largement bordé de blanchâtre au bout des plumes,
qui y domine : cette frange disparait au printemps
par la mue ruptile, à mesure que le rose se con-
vertit en cramoisi.
Les jeunes de l’année, avant de muer, n’ont point
de rouge au sommet de la tête ; toutes leurs parties
supérieures, ainsi que la poitrine et les flancs, se
trouvent roussâtres, et tachées de brun le long dela
direction des baguettes des plumes. Ils ont le bec
blanchâtre, surtout au sortir du nid, et un peu de
noirâtre à la gorge.
Après la mue, ils ressemblent, dans les deux
sexes, aux adultes décrits plus haut, qui ne con-
servent alors ni le rose ni le cramoisi sur leurs par-
ties inférieures.
Nous remarquons cette Fringille toute l’année
en Suisse et en Savoie. Son apparition dans le
Midi et dans quelques régions tempérées de la
France n’est pas régulière ; elle y a lieu en novem-
bre et décembre, à des intervalles de trois à quatre
ans, et l’espèce n'est pas toujours abondante.
Chaque année, à la même époque, plusieurs volées
plus ou moins nombreuses de cet oiseau passent
dans notre pays; venant pour la plupart des con-
DE LA SAVOIE. 131
trées septentrionales, elles s’abattent tantôt dans
les champs, tantôt dans les bois, souvent en y
découvrant des bandes de Tarins ou de Linottes,
avec lesquelles elles se mêlent, s’alimentent et
voyagent même quelquefois; ce qui engage tou-
jours plus les oiseleurs à croire que cette Fringille
est un métis produit par ces deux espèces.
Le Sizerin descend ici des montagnes, où il passe
toute la belle saison et une bonne partie de l’au-
tomne, principalement dès la fin d'octobre ou au
commencement de novembre; il s’abat ordinaire-
ment par petites troupes sur les bois de chênes, de
hêtres et de sapins de nos collines ou de la base
de nos monts; quelques sujets arrivent droit à
la plaine, et hantent les champs, les petits bois ou
les rangées d'arbres qui les avoisinent. Cependant
plusieurs émigrent alors ensemble vers d’autres con-
trées, soit vers le Midi soit vers les pays tempérés
de l’Europe, dont ils s’éloignent toutefois à l’appro-
che du printemps pour retourner à leur premier
séjour. Les sujets qui restent l'hiver chez noussont
presque toujours réunis en bandes; volant, comme
les Linottes, par pelotons serrés et avec agilité, se
posant et reprenant leur essor tous à la fois comme
d’un commun accord. Se trouvent-ils seuls par mo-
ments dans quelque canton, ils en visitent, comme
elles, successivement tous les quartiers, et ne cessent
de rappeler Jusqu'à ce qu’ils aient rencontré des
TE
Sr
=
Sn
RTURRE TR T
RE RS me
132 ORNITHOLOGIE
compagnons. Aussi peu méfiants qu’elles, ils tom-
bent facilement dans les piéges des oiseleurs : ceux-
ci les y attirent le plus souvent à l’aide de danseurs
choisis parmi les Linottes déjà capturées, ou bien
en contrefaisant tant bien que mal avec l’appeau leur
cri de ralliement ou le cri d’appel de ces dernières.
Mais ils vivent comme les Tarins sur les arbres,
dont ils se plaisent à visiter les sommités. Comme
eux, ils y prennent, avec une vivacité remarquable,
des positions très-variées, qui se rapprochent
singulièrement de celles des Mésanges; ils s’ac-
crochent avec leurs petites serres très-recourbées
aux bouquets des feuilles, au bout des branches
et des rameaux les plus subtils, pour y prendre des
aliments; ils s’y balancent souvent pendant qu'ils
les mangent dans cette attitude, ou bien en se
tenant renversés, ou les pieds en haut et la tête en
bas. Ge sont les semences et les boutons de chêne,
de hêtre, de charme, d'orme, de tilleul, d’aune
et d'arbres verts qui entrent le plus en Savoie dans
la composition de leur nourriture. Quittent-ils les
bois ou les files d'arbres pour aller parcourir en-
semble les lieux cultivés des environs, ils s’abattent
sur les chardons, les chènevis, les millets, les lins,
les sarrasins, les plantains, etc., qu'ils découvrent,
et y vivent de leurs graines, souvent en compagnie
d’autres Fringilles. Quelquefois ils s’accrochent
aux vieilles murailles, où ils s’appliquent à becque-
DE LA SAVOIE. 133
ter le tuf, le plâtre ou le gravier, comme les Li-
nottes, pour en avaler quelques petits grains qui
servent alors à faciliter leur digestion; une fois dans
l'estomac, ils s’agitent sans cesse, s’usent peu à
peu pendant la trituration des aliments, et finissent
par disparaître à la longue avec les excréments.
Le Sizerin regagne vers la fin de mars, époque
à laquelle il se fait ici un second passage de
l’espèce, les régions boisées de nos Alpes, où les
semences, les jeunes pousses des arbres résineux
forment alors sa principale nourriture. Il s’y repro-
duit, comme ie Turin et le Venturon, dans les forêts
de pins, de sapins et de mélèzes ; mais il préfère à
l’intérieur de ces bois leurs lisières ou les arbres qui
environnent leurs clairières. Quelquefois on le trouve
aussi dans des lieux couverts de taillis de hêtres sur-
tout, voisins de ces forêts, et parsemés de quelques
sapins quand ils ‘en sont éloignés. Je l’ai remarqué
annuellement à Margériaz, notamment sur les sa-
pins qui bordent les pâturages, à l’Alpétaz, dans
les forêts supérieures de Saint-Hugon, dans la
Haute-Maurienne, au sommet du Mont-Cenis et de
sa pente méridionale; puis dans les bois les plus
reculés de la Tarentaise, etc., etc. Le mâle a
un chant d'amour très-vif, très-expressif, qui a
même beaucoup de ressemblance avec celui du
Serin (Ceni) ; mais il le traîne par moments sur un
ton aigre; alors 1l se rapproche plutôt de celui du
||
134 ORNITHOLOGIE
Tarin : les syllabes zizet, zizelzetzet, xetzet,
entrent en grande partie dans la composition de
son ramage. C’est principalement en volant seul,
allant et revenant sans cesse sur ses vols, et presque
toujours à une grande hauteur au-dessus des arbres
de la forêt qu’il a choisie pour canton, qw’il se plaît
à le redire à chaque moment de la journée, Au
moindre cri de rappel de sa compagne, il plonge
vers elle et termine sa chanson en arrivant à la
cime de l’arbre qui la possède ; parfois il est à peine
posé qu’il repart et l’emmène avec lui dans les airs,
en chantant encore avec plus de volubilité.
C’est vers la mi-mai que la femelle construit son
nid ; le mâle l’aide fort peu dans ce travail, Ce ber:
ceau, quoique achevé; ne fait pas plus de volume
sur les arbres que celui du Serin ou du Tarin ; aussi,
est-il également très-difficile à découvrir : il se
trouve du reste caché soit dans la mousse longue
et pendante des sapins, soit au milieu d’une toufle
de petits rameaux très-touflus, soit enfin sur un
tronc étêté et recouvert de mousse ou d’épais li-
chens; ou bien il est fixé parmi les branches les
plus rapprochées et les plus feuillées des taillis.
Composé extérieurement de morceaux de mousse et
de licheri, mêlés avec dés brins d'herbes sèches ou
de petites racines, liés ensemble avec la soie des
cocons et la toile d’araignée , ce nid reçoit, Sur un
matelas de poils, de duvet de fleurs et d'arbres,
DPITA SAVOLE. 135
5 ou 6 œufs; ils sont d’un bleuâtre plus ou moins
clair, et mouchetés d’un rougeâtre ou d’un violâtre
presque effacé, surtout vers le gros bout, où souvent
ces couleurs tracent une espèce de couronne ; on y
découvre aussi quelques traits ou zigzags rares,
d’un brun foncé ou d’un noirâtre inclinant au rouge.
Pour longueur, ils ont 14 ou 14 millim. :, sur
11 millim. de largeur diamétrale. Ils éclosent au
quinzième jour de l’incubation.
Le père et la mère nourrissent leurs petits par
voie de regorgement, et avec le même genre d’ali-
ments que la Fringille Venturon et le Tarin (voir les
n* 156 et 137) ; ils les élèvent encore de la même
manière après leur sortie du nid ; aussi, pour éviter
répétition, je n’entrerai pas dans d’autres détails.
Le Sizerin s’habitue vite à l’état de captivité ;
mis en cage, il ne cesse de sautiller d’un juchoir à
l’autre, de s’accrocher aux barreaux supérieurs
d’où ils se laissent retomber, en pirouettant leste-
ment, sur l’un des bâtons. Mais s’il est revêtu de
sa livrée d’été quand on l’enferme, l’on s'aperçoit
bientôt qu'il y perd l’éclat de sa couleur rouge :
c'est d’ailleurs là le sort de presque tous les
oiseaux retenus en captivité.
136 ORNITHOLOGIE
Deuxième Section,
BREVICONES /BREVICONI,.
Signes caractéristiques : Bec fort, plus ou moins court, conico-cylindrique,
droit, grêle, aigu à la pointe qui est quelquefois comprimée latéralement.
Cinq espèces composent cette section.
440.—-Fringille de Montagne /Fringilla Montium |.
Noms vulgaires : Petite Linotte de Passage, Petit Linot Passager, C'ardi-
nalin Bâtard.
Linotte de Montagne et Linotte aux Pieds Noirs (Buff.). — Gros-Bec à
Me ie ra AP CU ON D IN
Cette Fringille est de passage irrégulier soit en
Suisse, soit en Savoie; ce n’est que sur la fin de
l'automne ou pendant l'hiver, puis à l’approche du
printemps, qu'on l’y voit paraître de loin en loin, et
jamais plusieurs années consécutives. Elle a bien
quelque ressemblance avec le Sizerin et la Linotte,
mais elle en diffère essentiellement en ce qu’elle n’a
jamais, comme eux, du rouge sur la tête, du rouge
à la gorge et à la poitrine. Quelques-uns de nos
oiseleurs s’imaginent que c’est un métis produit par
le Chardonneret et la Linotte appariés ensemble: ils
la nomment pour cela Cardinalin Bâtard.
Ce sont principalement les femelles adultes et les
jeunes de l’an des deux sexes qui viennent visiter
nos contrées. Leur taille est de 13 cent. 5-6 millim.
du bout du bec à l’extrémité de la queue. Leur
plumage est peint des mêmes couleurs.
ADIEU SAVOIE. 137
lls sont d’un brun très-foncé au centre des
plumes de toutes les parties supérieures, y com-
pris le dessus de la tête, et roussâtres sur les bords.
Les pennes des ailes sont noirâtres, frangées de
blanc sur les primaires, de roussâtre sur les secon-
daires ou les plus rapprochées du dos; leurs
couvertures sont aussi terminées de roussâtre,
ce qui forme sur le milieu des ailes deux bandes
transversales de cette couleur. La queue, qui est
très-fourchue, a ses pennes noirâtres, bordées
de blanc à l'extérieur des latérales, de rous-
sâtre sur les intermédiaires. Un roux clair couvre
la gorge, les joues, le devant du cou et le haut de la
poitrine ; la même nuance trace une large bande
au-dessus des yeux, en forme de sourcils. Sur les
côtés du cou, de la poitrine, du ventre et sur les
flancs, l’on remarque de nombreuses taches allon-
gées, d’un brun très-foncé. Le ventre, l’abdomen
et les couvertures inférieures de la queue sont d’un
blanc légèrement teinté de roussâtre. Le bec, qui
forme un triangle, est d’un jaune clair, avec une
fine tache brune à la pointe. L’iris et les pieds sont
noirâtres.
Au printemps, les mâles prennent du rose foncé
sur le croupion. Le roux et le blanchâtre des par-
ties inférieures deviennent un peu plus clairs qu’en
hiver, et le brun très-foncé des parties supérieures
se change presque en noir. Quelques naturalistes
RE RG
c = Re TE = = — =
138 ORNITHOLOGIE
présument que le bec devient noir ou noirâtre pen-
dant l'été, comme chez la Fringille Sizerin, la Bo-
réale et la Niverolle. M. Temminck dit, au contraire,
dans la 3° édition de son Manuel, p. 262, que cet
organe est alors blanchâtre.
Ce volatile habite, pendant l'été, l'Écosse, la
Norvége et la Suède ; il se montre périodiquement
dans quelques cantons de l'Allemagne, de la France
et de la Hollande.
C’est sur la fin d'octobre, ou en novembre et dé-
cembre, quand le vent du nord souffle avec violence,
qu’il passe de temps à autre par bandes en Savoie.
Mais il cesse d’y paraître aussitôt que les neiges
ont envahi tout le pays, sauf quelques sujets rares
qui restent ensuite confondus dans les nombreuses
volées de Linottes. Il reparaît encore parfois sur la
fin de février ou en mars, lorsqu'il retourne vers sa
patrie. Dans les derniers jours d'octobre, qui sont
assez souvent remarquables par de grands passages
de Linottes, nos oiseleurs en prennent quelquefois
un ou deux à quatre parmi les troupes les plus nom-
breuses de cette espèce, qu’ils capturent si aisément
avec les filets à nappes. Au contraire, ces individus
forment-ils seuls une bande, ils se laissent tromper
difficilement , quoique l’oiseleur fasse agiter ses
danseurs pendant qu’ils passent et qu’il imite encore,
pour mieux les engager à descendre dans le piège,
leur cri d’appel ou celui des Linottes qui devien-
DE. LA SAVOIE. 139
nent souvent, en automne, leurs compagnes de
voyage.
La Fringille de Montagne vit ici, durant son sé-
jour ou ses passages, de la même manière que la
Linotte décrite à l’article suivant; elle s’accom-
mode aussi des mêmes aliments. Son chant parait
assez agréable, mais il est inférieur à celui de cette
espèce.
141.-Fringille Linotte /Fringilla Cannabina),
Noms vulgaires : Linot, Linotte, Lignot.
La Linotte et la Grande Linotte de Vignes (Buff.). — La Grandé-Linotté
(Cuv:). — Fringille Linotte (Fringilla Linotta), Vieill. — Gros-Bée Linotte
(Fringilla Cannabina), Temm.—Montanello (Savi).
Cette espèce, l’une des plus communes du genre,
a 1h cent. de longueur totale.
Au printemps et pendant tout l’élé, les vieux
mâles sont d’un joli rouge cramoisi sur le front et la
poitrine ; d’un gris cendré à l’occiput, à la nuque et
aux côtés du cou ; d’un brun châtain sur les parties
supérieures ; d’un blanchâtre sur la gorge et le de-
vant du cou, avec quelques traits longitudinaux
bruns. Les flancs sont d’un brun rougeâtre ; le
milieu du ventre et l’abdomen, d’un blanc très-
légèrement teinté de roux. Les rémiges sont noires,
et quelques-unes largement bordées d’un blanc pur,
les autres de cendré roussâtre. La queue, qui est
fourchue, à aussi ses pennes noires et plus large-
ment lisérées de blanc sur les barbes intérieures
140 ORNITHOLOGTIE
que sur les externes. Le bec est exactement co-
nique comme celui du Chardonneret, mais plus
court et plus obtus; il est de couleur de corne très-
foncée sur la mandibule supérieure pendant tout
l'été, et d’une teinte un peu plus claire sur l’infé-
rieure. L’iris est brun foncé. Les tarses sont d’un
brun inclinant au roussâtre, parfois au noirûtre,
suivant les individus.
Les mâles adultes, à la même époque, ont le cra-
moisi de la tête et de la poitrine moins vif et moins
pur que les wieux; le blanchâtre de la gorge
et du devant du cou plus tacheté de brun ; enfin le
brun châtain du dessus du corps finement marqué
de brun vers le centre des plumes ou seulement le
long de la direction des baguettes de quelques
plumes.
Les femelles, qui sont moins grandes de 5 ou
6 millim. que les mâles, ne portent jamais de rouge.
Elles sont d’un cendré roussätre sur le dessus du
corps, avec de larges taches d’un brun noijrâtre ;
blanches roussâtres en dessous, mais presque blan-
ches sur le milieu du ventre, et tachetées en long de
brun noirâtre sur la poitrine et les flancs. Le reste
de leur livrée ressemble beaucoup à celui des mâles :
toutefois, les bordures blanches des rémiges et
des rectrices se trouvent toujours moins larges chez
les femelles.
Les jeunes, avant la mue, ont le bec blanchätre,
DE LA SAVOIE. 141
les parties supérieures brunes roussâtres, et lancéo-
lées de noirâtre ; le dessous du corps blanc roussâtre,
avec de nombreuses taches allongées, d’un brun
tournant un peu au roussâtre sur le milieu de la
gorge, sur le devant du cou, la poitrine, les côtés du
ventre et sur les flancs. À cette période, l’on recon-
naît aussi les mâles par le liséré blanc des ailes et
de la queue, qui est déjà plus étendu que dans les
femelles.
Après la mue de la fin de l'été, les vieux et les
jeunes mâles se ressemblent. Ils sont roussâtres sur
le dos, avec des taches d’un brun presque châtain
et des bordures blanchâtres à l'extrémité des
plumes : celles du haut de la tête aussi sont bordées
de blanchâtre, et en outre marquetées de noir,
puis de rouge violacé seulement à la base des
plumes du front ; en sorte que c’est en soulevant les
plumes de cette partie que l’on s'aperçoit de cette
nuance. Les mêmes bordures blanchâtres existent
encore sur les plumes de la poitrine, dont elles
recouvrent presque tout le rougeûtre ; mais au prin-
temps, et au moyen de la mue ruptile, ces franges
s’usent peu à peu, et font voir, en disparaissant, le
rouge qu'elles cachaient et qui n’acquiert guère
avant la mi-mai toute la vivacité due à l’âge de
l'oiseau. Il en est de même des plumes du dos, qui,
en perdant alors leurs franges blanchâtres, devien-
nent d’un brun châtain uniforme, chez les vieux
142 ORNITHOLOGIE
surtout. Leur bec est, pendant l'automne et l'hiver,
d’un bleuâtre plus ou moins foncé et souvent mar-
qué de brun vers la pointe.
La Linotte est sujette à plusieurs variétés; elle
fournit des individus tout blancs ou qui n’ont, dans
cette livrée, que quelques taches brunes sur les par-
ties supérieures ; d’autres sont de couleur isabelle,
ou variés de brun, de blanc, de roussâtre ou d’isa-
belle. Quelques sujets, toujours très-rares, ont le
rouge du sommet de la tête et celui de la poitrine,
remplacés par une couleur orange plus ou moins vive.
Nous voyons chaque année en novembre, après
les passages de cette Linotte, arriver par grandes
bandes, dans nos contrées, une variété d'individus
plus petits d’un cent. que ceux du type de l'espèce.
Ils sont en outre plus babillards, plus vifs et plus
rusés ; ils tombent beaucoup plus difficilement
qu'eux dans les piéges. Chaque troupe est spécia-
lement composée de sujets dont le plumage supé-
rieur est d’un noirâtre bordé de roux obscur, et
frangé de cendré roussätre. Toute la poitrine est
d'un roussâtre liséré de cendré et très-tachetée
de brun, ainsi que les flancs et les côtés du ventre;
le blanc des autres parties inférieures se trouve
nuancé de roussâtre, et l’on ne découvre pas d’in-
dices de rouge chez les individus qui réunissent le
plus de caractères propres à les faire considérer
comme mâles. Je suis pourtant fort peu tenté de
DELA SAVOTE. 143
croire que ces volées ne soient formées que de
femelles, jeunes ou vieilles ; et j'appelle sur cette
variété l’attention des naturalistes du Nord, d’où
certainement elle nous vient à l'entrée de l'hiver.
La Fringille Linotte fréquente presque toute
l’Europe; elle est commune en Suisse et en Savoie
à chaque saison, et notamment en automne, époque
à laquelle il s’en fait des passages souvent considé-
rables, mais qui ne durent guère plus de huit à
quinze Jours.
Elle se tient pendant toute la saison des beaux
jours principalement dans les bois, les taillis, les
buissons et aux abords des champs des collines et
des montagnes. Je l’ai rencontrée en été même
dans les Alpes, après la région des forêts, dans des
endroits rocailleux, parsemés de massifs de ro-
sage (rhododendron ferrugineum, Linn. ) ou seule-
ment couverts de plantes et de mousses. Néanmoins
quelques paires restent en plaine et sur les co-
teaux, où les vignes implantées d’arbres, d’aman-
diers et de cerisiers surtout, les petits bois, les
rangées d'arbres, les fourrés qui longent ou avoi-
sinent des champs et des friches, leur conviennent
le plus pour habitation pendant les nichées.
Cet oiseau niche en Savoie vers le milieu d'avril
ou dans Îles premiers jours de mai, selon qu'il y
habite des régions plus ou moins élevées. Le mâle
\
et la femelle volent ensemble à la découverte des
SRE ar es as
SRÉDES RTRTERETÈTÉÉE DE Tate ae
144 ORNITHOLOGIE
matériaux nécessaires à la composition du nid ; mais
c’est ordinairement la femelle qui les transporte au
bout du bec et les range par ordre, pendant qu’à ses
côtés le mâle ne cesse de ramager. Elle le forme
d’abord à l’extérieur de filaments de plantes, de
tiges de graminées et de petites racines déliées,
qu’elle recouvre quelquefois d’un peu de mousse
ou de lichens, retenus sur les bords par des mor-
ceaux de laine ou des toiles d’araignée; ensuite,
elle le tapisse en dedans de petits flocons de soie de
cocons, de quelques plumes, de bourre, de crin ou
de duvet satiné d'arbres et de fleurs, suivant les lo-
calités. Ce nid, tantôt on le trouve dans les buissons
et les arbustes, tantôt sur les arbres, et quelquefois,
mais particulièrement dans les Alpes dépourvues
de bois, au milieu d’une touffe de plante, ou parmi
la mousse qui croît épaisse sur les pierres, sur les
rocs entassés; il contient 5 œufs à la première
ponte, et / à la seconde; ils sont oblongs, d’un blanc
bleuâtre et parfois blanchâtres, avec de petites
taches, avec des traits et des points rougeâtres ou
violacés, mêlés à d’autres noirs ou noirâtres, et
toujours plus répandus sur le gros bout, où ils se
trouvent de temps en temps disposés en collier plus
ou moins complet. Pour longueur, ils ont le plus sou-
vent 161 à 17 mill., et 12 ou 12 mill. : de largeur
diamétrale. La femelle seule les couve; mais durant
les quinze jours de l’incubation, le mâle lui apporte
DHEA SAVOTE. 145
les aliments presque à chaque heure de la jour-
née ; il les lui donne sur le bord du nid par voie
de dégorgement, et cherche ensuite à l’égayer
par ses chants successifs. Quitte-t-elle les œufs, il
l'accompagne, et bientôt après il la reconduit à la
couvée.
Pour nourrir leurs petits, le père et la mère
avalent force petites graines de plantes, surtout de
graminées, qu'ils laissent réduire en une espèce
de pâte dans l’estomac, d’où ils la font dégorger au
fur et à mesure qu'ils les alimentent. Ils vivent
avec eux quelque temps après leur éducation, ordi-
nairement jusqu'à la période de la seconde couvée.
Dès lors les petits vivent ensemble et par bandes, ou
bien ils se réunissent à d’autres Jeunes, avec les-
quels ils forment déjà des sociétés plus ou moins
nombreuses, suivant les lieux. Mais aussitôt après
les dernières nichées terminées, tous les individus
d’un même canton s’attroupent pour ne se séparer
guère qu’au printemps. Ces bandes, le plus souvent
innombrables, se jettent toutes ensemble sur les
chènevières, les sarrasins (blés noirs), les millets, les
vignes, les friches et dans d’autres lieux remplis de
lins, de séneçons, de plantains, de ramberges
(Mercurialis annua et M. perennis, Linn.), et de
panics, dont elles dévorent les semences. À chaque
crainte qu'elles éprouvent, elles se relèvent à la
fois brusquement, partent en un bataillon serré et
T. IU. 10
À
146 ORNITHOLOGIE
en poussant de petits cris presque sifflés : ces cris,
les oiseleurs les imitent soit avec l’appeau, soit
avec le creux de la main qu'ils appliquent à la
bouche et sucent, en le serrant des lèvres avec
force, à mesure qu’ils obtiennent les sons imitatifs.
Tous les soirs, au soleil couchant, ces troupes
de Linottes rentrent dans les bois, et s’y abritent
avant la nuit, spécialement sur les chènes et les
charmes. Souvent on les y entend se quereller jus-
qu’à la nuit noire, en jetant des cris faibles et pré-
cipités (pi pi pr pt pi pi); alors sans doute quelques
sujets qui n’ont pas encore pu se trouver de refuge
convenable parmi les touffes des feuilles, cherchent
à se blottir tout près de ceux qui y sont cachés, ou
bien à leur enlever leur place ; et ces derniers de
s’irriter, de les menacer, tout en se gardant de les
laisser approcher trop près d’eux. Le lendemain, de
très-grand matin, ces bandes regagnent, tantôt
d’une seule volée, tantôt par plusieurs pelotons qui
partent et se suivent de distance en distance, les
mêmes lieux que la veille. Quelquefois, dans les
belles journées de septembre et d'octobre, elles
vont pendant la chaleur rechercher la fraîcheur
parmi les arbres ou les taillis Les plus épais du can-
ton. Les mâles de chaque troupe y donnent alors un
concert des plus agréables à l'oreille, queles femelles
s’empressent par moments d'animer par leur petit
gazouillement ; les premiers conservent en effet
DE A SAVOIE. 147
pendant presque toute l’année, une bonne partie
des sons soutenus, des cadences et des modulations
très-variées, dont leur voix se compose à l’époque de
l'amour ; et les vieilles femelles ont aussi quelque
suite de sons assez soutenus qu’elles s'appliquent à
l’envi à répéter chaque fois que les mâles en masse
les y engagent par leur douce harmonie.
Vers le milieu de septembre, lorsque les Linottes
qui ont vécu l’été dans nos régions montagneuses
commencent à s’y apercevoir de la disette des
grains, elles descendent par petites compagnies sur
les collines ou jusqu’à la plaine. Quelques-unes de
ces sociétés se mettent à voyager, et changent
de climat en même temps que d’autres volées plus
ou moins nombreuses arrivent dans nos champs.
Mais c’est ordinairement du 15 au 26 octobre, et
principalement quand le temps est à la pluie, soit
un jour avant soit pendant une petite pluie froide,
que nous voyons passer, dans nos vallées inférieures
et sur les monticules adjacents, des bandes qui se
succèdent toutes les unes aux autres depuis environ
sept heures jusque vers les dix ou onze du matin;
quelques-unes, mais un peu moins nombreuses,
repassent encore le soir, vers trois ou quatre heures,
Elles viennent généralement toutes du Nord, et se
dirigent vers le Midi. Les coteaux de Boissy, de
Voglans et du Vivier, près d’Aix-les-Bains; ceux
de Vimines, des Charmettes et de Montagnole, aux
148 ORNITHOLOGIE
environs de Chambéry, sont renommés par les pas-
sages de Linottes qui y ont lieu d'habitude périodi-
quement. Les oïiseleurs y font en effet fréquem-
ment de grands massacres de ces volatiles ; leurs
volées arrivent parfois en si grande quantité et si
fatiguées, qu’au premier coup d’appeau elles tom-
bent dans les filets, qui ne sont pas toujours assez
vastes pour toutes les renfermer.
Les Linottes, qui passent l'hiver en Savoie, con-
tinuent d’y vivre par troupes ; dans plusieurs loca-
lités, on les trouve mêlées avec les Pinsons, les Ver-
diers et les Bruants. Alors elles ne s’éloignent guère
des terres qui ont été ensemencées de sarrasin, n1
des vignes, ni des pâturages parsemés de buissons;
elles y trouvent, du reste, suffisamment de grains
alimentaires restés sur plante ou épars sur le sol. Mais
dans les temps de neige, elles se répandent le long
des haïes qui bordent les chemins, auprès des fermes
et des écuries, où souvent elles vivent des débris de
la nourriture des volailles, et même des grains
non digérés qu’elles découvrent en éparpillant
le crottin. Elles ont aussi recours parfois aux
semences, aux nouvelles pousses que renferment
les boutons de plusieurs arbres, entre autres de
l’aune, du charme et des peupliers; pour les arra-
cher ou les couper, elles se suspendent à la manière
des Tarins et des Sizerins, aux branches les plus
flexibles. C’est pendant cette saison qu’on les voit
DE LA SAVOIE. 149
plus fréquemment encore qu’en été s’accrocher aux
murs des granges, des masures et des habitations
rustiques, afin d'y becqueter le gravier et chercher
ensuite, sur le vieux chaume qui les recouvre, à se
nourrir avec les sommités des mousses qui sont en
fructification. Les petits morceaux de gravier, les
petits grains de tuf et de sable que ces oiseaux ava-
lent après leur repas sont destinés, comme chez
le Sizerin et les Gallinacées, à faciliter, en s’agitant
sans cesse dans l’estomac, la digestion des sub-
stances dures dont ils font quelquefois usage pour
leur alimentation.
Il se fait tous les ans dans nos pays, vers la
fin de février ou dans les premiers jours de mars, un
second passage de Linottes, mais beaucoup moins
abondant que ceux de l’automne. Plusieurs de celles
qui nous arrivent alors, soit par petites bandes soit
même appariées, et qui ne sont pas dans l'intention
de se reproduire chez nous, ne font que traverser
nos vallées à une grande hauteur; se guidant par
les vents, elles volent généralement vers le centre
ou le nord de l’Europe.
La Fringille Linotte est, en volière, d’un naturel
docile et susceptible d’attachement pour la per-
sonne qui la soigne. Son ramage agréablement va-
rié est capable de perfectionnement par l’éduca-
tion ; on parvient en effet, en élevant des jeunes pris
dans le nid, à leur faire articuler distinctement quel-
150 ORNITHOLOGIE
ques mots, comme : bretly bois, pristy bois, petit
fils, ma vie; quelquefois ils prononcent les deux
derniers avec un accent si touchant, qu'ils semblent
vouloir inspirer à ceux qui les écoutent leur senti-
ment d'affection. On les habitue en cage aisément
à plusieurs exercices, entre autres à celui de la
galère, dont ils s’acquittent à merveille comme le
Chardonneret. Ils s’accouplent avec le Canari, et
l’on prétend que leurs métis, qui sont ordinairement
d’habiles chanteurs, peuvent se reproduire. Leur
chair est un bon manger.
142.—Fringille Pinson /Fringilla Cœlebs).
Noms vulgaires : Pinçon, Quinçon; en Tarentaise, Quiqui.
Fringilla Cœlebs (Linn).—Le Pinson (Buff.). — Pinson Ordinaire (Cuv.).—
Fringille Pinson (Fringilla Cœlebs), Vieill. — Gros-Bec Pinson (Fringilla
Cœlebs), Temm.—Frinquello (Savi).
Des naturalistes font dériver le nom de cette Frin-
gille d’un mot allemand, pinck, qui a beaucoup de
rapport avec l’un de ses cris d'appel; d’autres
veulent qu’il lui ait été imposé à cause de son habi-
tude de pincer avec le bec, souvent jusqu’au sang,
les personnes qui le prennent avec la main.
Le mâle du Pinson a 17 cent. 2-h mil]. de taille.
La femelle est un peu plus petite ; sa longueur totale
n’est que de 16 cent.
Le mâle, au printemps et pendant l'été, a le front
noir ; le dessus de la tête et les parties postérieures
du cou, d’un bleu cendré pur ; le dos et les scapu-
ne
ne
L 4
RNITHOLOGIE DE LA SAVOIE.
| Passereaux. Rringillidee « |
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| | Lith.J* Porrin Libr Edit Chambéry. 2. Werner del.& Lith.
| 1 , Ç , ;
| Fringille Pinson., 22/6 en te, 73 gr nat; PAS. — 9-4 Gus de l'espere; grnat
l
5 Fringille Pinson d'Ardennes. anäle au printemps; 1397 nat; VW.
| (] » » » Lete de male enkiver.
7 Fringille Niverolle, 234 en été: 13 grnat; PAS,
» » Vete de male en hiver — AN Œufr der espeve.:or. 714€.
se
DE LA SAVOIE 151
laires, d’un brun marron; le croupion vert, Les
petites couvertures alaires forment une large bande
blanche sur le haut de chaque aile; les grandes en
tracent une autre plus étroite, mais également trans-
versale, par la moitié inférieure de leurs plumes
qui est aussi blanche. Les rémiges sont noires, avec
un petit miroir blanc à leur origine, et lisérées
extérieurement de jaune très-clair ou d’un blanc
jaunâtre, suivant les sujets. Les pennes caudales
sont aussi noires: mais les deux intermédiaires
d’un brun cendré, et les deux plus latérales ont de
grands espaces blancs. Un roux vineux, d’une
nuance agréable, couvre la région inférieure des
yeux, celle des oreilles, les joues, la gorge, le de-
vant du cou et la poitrine ; de là, il s’éclaircit peu à
peu jusqu’à l’abdomen, qui est presque blanc. Le
bec est d’une couleur de corne bleuâtre foncée;
l'iris brun ; les tarses sont noirâtres.
La femelle n’a point de noir sur le front, ni de
roux vineux sur le devant du corps. Elle est d’un cen-
dré brun, marqué de légères taches d’une nuance
plus sombre, sur la tête et la nuque : les plumes
du dos et les scapulaires sont de la même teinte,
mais glacées de verdâtre. Les ailes possèdent moins
de blanc sur leurs couvertures que dans le mâle.
Toutes les parties inférieures sont envahies par un
cendré blanchâtre, néanmoins plus foncé sur les
côtés de la gorge et du cou, ainsi qu’à la poitrine.
152 ORNITHOLOGTE:
Les jeunes, avant de muer, ressemblent à la
femelle ; leur bec est alors blanchâtre.
Les vieux et les jeunes mâles, après la mue de la
fin de l'été, ont tous les plumes du front, de la tête,
du cou, du dos et des parties inférieures jusqu'au
ventre, bordées d’un large liséré cendré clair. Mais
ces franges tombent au printemps, par le moyen
de la mue ruptile; c’est alors qu’elles laissent voir
les couleurs de ces différentes parties plus foncées et
plus pures que durant l’hiver. Pendant cette saison,
leur bec est d’un brunâtre clair sur la mandibule
supérieure, et d’une teinte encore plus claire,
qui tourne un peu à la couleur de chair sur l’infé-
rieure. La seconde bande blanche qui traverse les
ailes paraît comme salie de jaunâtre, spécialement
chez les jeunes et chez les adultes.
Le Pinson varie accidentellement d’un blanc pur
et d’un blanc jaunâtre ou de couleur isabelle plus
ou moins franche, quelquefois d’un blanc iapiré des
couleurs naturelles.
C’est un des oiseaux les plus communs de ce pays;
on l’y trouve répandu partout, depuis la plaine jus-
qu’au sommet de la région des bois dans nos plus
hautes montagnes. Il en est peu d’aussijaloux, d'aussi
ardent que lui en amour. Les mâles, de ce qu'ils
sont d'habitude plus nombreux que les femelles, se
voient forcés de s’en disputer la possession à chaque
pariade ; ils se livrent pour cela fréquemment au
DE LA SAVOIE. 153
printemps, dans les bois et les jardins, de petits
assauts corps à corps, toujours très-animés, qu’ils
ne cessent d'accompagner de cris aigus et préci-
pités, soit qu'ils se battent soit qu’ils poursuivent les
fuyards. Une fois appariés et établis dans un canton,
ils ne souffrent point de concurrent auprès d’eux; ils
ne quittent pas un instant la femelle; ils l’accompa.-
gnent quand elle va à la quête des matériaux pour
construire le nid; ils reviennent avec elle pour les
poser, et ils chantent tout près d’elle, pendant
qu’elle fait son petit chef-d'œuvre. Les mâles ne
participent ni à la nidification ni à l’incubation :
lorsque leur compagne couve, ils ne cessent, d’une
branche voisine, de l’égayer par leur ramage plein
de force et que terminent toujours quelques rou-
lades agréables. S'ils discontinuent de chanter et
s’éloignent d'elle par moments, c’est pour aller lui
chercher la subsistance ; mais aussitôt qu'ils s’a-
perçoivent de l’arrivée de quelque importun, ils l’en
avertissent par des cris éclatants : chuin, chuin-
chuïin, chuin-chuin-chuïin, qui retentissent au loin.
Le Pinson est des premiers oiseaux qui entrent en
amour à la sortie de l'hiver. Pour se propager, il
se fixe dans les jardins, les vergers et les bosquets,
dans les bois et les champs complantés d’arbres, ou
le long des chemins bordés de peupliers, de saules
et de noyers. On y trouve son nid achevé aux pre-
miers jours d'avril, sauf pourtant en montagne, où
] 54 ORNITHOLOGIE
il ne s'occupe guère de le construire avant le mois
de mai, Comme alors l’arbre sur lequel il le pose,
n’est pas toujours assez revêtu de feuilles, ni assez
garni de petits rameaux pour le cacher, la femelle
l’accole si adroitement au tronc ou à une branche
des plus couvertes de mousse, qu’il est réellement
difficile de l’y découvrir; d’autant plus que ce nid
est presque tout composé en dehors de mousses et
de lichens verts et blancs, et habituellement des
mêmes qui recouvrent déjà l'arbre qui le porte. Il
est toujours fait avec élégance. Un matelas de crin,
de poils, de plumes et de flocons de laine, que re-
tiennent, surtout vers le haut du nid et autour du
bord, des toiles d’araignée , reçoit la ponte ; elle se
compose de 5 ou 6 œufs à la première couvée, de A
ou 5 à la seconde et de à à la troisième, quand elle
a lieu. [ls sont d’un bleuâtre plus ou moins foncé ou
d’un gris nuancé de rougeâtre, ou bien encore
d’une teinte roussâtre presque pareille à celle du
plumage des parties inférieures du mâle ; quelques
taches presque arrondies, des zigzags ou des raies
brunes ou violâtres et noires ou noirâtres, sillon-
nent surtout le centre ou la grosse extrémité de la
coque. Îls ont pour longueur 16 : à 17 mill. 3, et
pour largeur 13 3 à 14 mill.
Les petits naissent au seizième jour de l’incuba-
tion, revêtus d’un duvet assez rare, maïs long et
très-mollet. Leurs parents les nourrissent d’abord
DE LA SAVOIE. 155
avec de petites chenilles sans poils, avec des fruits,
des larves, des chrysalides et desinsectes très-mous ;
mais aussitôt qu'ils les jugent capables de supporter
des aliments plus confortatifs, ils leur dégorgent dans
le bec, comme la plupart de leurs congénères, de
très-petites graines de plantes, converties dans l’es-
tomac en une sorte de pâte. [Il faut que l’attache-
ment qu'ils ont pour leur progéniture soit grand,
puisqu'ils n'ont pas plutôt aperçu quelqu'un près
de l’arbre qui la possède, qu'ils se précipitent au-
devant de lui tous deux à la fois, et criaillent de toutes
leurs forces ; ils voltigent autour de cet ennemi en
battant des ailes; ils descendent même à terre devant
lui, ets’y trainent sur leurs ailes pendantes, feignant
alors d’être grièvement blessés ; sans doute pour se
faire poursuivre et pour chercher, au moyen de cette
ruse, à détourner de leur nichée le ravisseur. Mais
si elle est en état de voler, ils viennent dans le nid
avant lui, et la font fuir. Un ou deux des petits
chancellent-ils en se sauvant, le mâle et la femelle
accourent, et passant à côté ou au-dessous d’eux,
comme pour les supporter, ils leur donnent simul-
tanément un coup d’aile brusque, qui les met en
équilibre et les fait voler un peu plus loin.
Après l’éducation, les petits du Pinson vivent
tantôt isolés, tantôt par deux à quatre ensemble et
même davantage. Leurs parents, en général, con-
tinuent à vivre appariés dans le canton de leurs
2 +
156 ORNITHOLOGIE
amours ; mais sur la fin de l’été, ils commencent à
se réunir par bandes avec les jeunes de l’année ;
c'est alors que ces oiseaux sortent des bois, se
rapprochent des champs, principalement des chè-
nevières, où souvent ils cherchent leur vie avec les
Verdiers, les Chardonnerets et les Serins. Tous les
soirs ils retournent dans les bois, et se cachent pour
dormir dans des cavités d'arbres ou des touffes de
feuilles très-épaisses. Après les récoltes, ils se ré-
pandent dans le voisinage des maisons; on les y
rencontre souvent mêlés aux Bruants et aux Moi-
neaux, vivant en commun dans les haiïes, les vi-
gnes, les broussailles et dans les jachères; ils
trouvent encore facilement dans ces lieux des
grains, des baies et des fruits pour leur nourriture.
Quand la neige envahit ces postes, les Pinsons se
retirent plus particulièrement auprès des villages,
des fermes et des basses cours, où ils vivent parmi
les Pigeons, les Poules et les Canards. Néanmoins
plusieurs vont de temps en temps le long des routes
fouiller les fientes des animaux, dans lesquelles
ils trouvent en effet quelques grains non digérés,
qu’ils dévorent; quelques-uns viennent se montrer
jusque dans les villes, au milieu des rues, dans les
cours et les jardins. Beaucoup de gens profitent
alors des misères de ces volatiles pour leur tendre
différents piéges garnis d’appât ; et ces petits af-
famés de s’y empêtrer sans défiance.
DE LA SAVOIE. 157
Les Pinsons seraient bien plus communs qu'ils
ne le sont en Suisse et en Savoie pendant l'hiver, si
plusieurs d’entre eux ne se livraient pas, aux pre-
miers frimas d'octobre, lorsque d’autres, venant du
Nord, traversent déjà ces pays, à des migrations
annuelles vers les régions méridionales et très-
tempérées de l’Europe. Ce sont les femelles qui par-
tent le plus de nos climats ; quelques jeunes mâles
de l’année suivent bien leur exemple, mais ils émi-
grent d'habitude quelques jours après elles : on ne
voit effectivement guère que des mâles, vieux et
adultes, pendant la mauvaise saison, auprès de nos
habitations ou le long des routes, et fort peu de fe-
melles. Ils partent de très-grand matin, soit deux ou
trois ensemble, soit par bandes de cinq à douze
sujets, et quelquefois associés avec les Bruants qui
voyagent à la même époque. Jamais ils ne volent
aussi serrés ni aussi vite que les Linottes, mais,
comme elles, ils ne cessent de s’entr’appeler par
leurs cris ordinaires : sthiuz, sthiuz, ou schieu,
schieu, schieu, qu'ils font suivre par moments de
leur cri éclatant : penck, pinck-pinck, ou chuin,
chuin-chuïin. Une ou deux heures environ après le
lever du soleil, ils se précipitent, en poussant de
préférence ce cri, dans les grands bois qu'ils décou-
vrent sur leur passage, s’y alimentent et s'y repo-
sent; le soir, ils se rallient au moyen du même
cri, prennent ensemble l'essor, volent encorc
RE ES
158 ORNITHOLOGIE
jusqu'à la nuit, qu'ils passent sur les arbres de
haute futaie les plus touffus, et desquels ils s’enten-
dent souvent appeler par leurs semblables. Pour-
tant, si le temps est à la pluie, ils voyagent presque
tout le jour, faisant çà et là quelques pauses mo-
mentanées. La plupart de ces oiseaux repassent
ensuite dès les premiers jours de mars dans nos
contrées, et plusieurs y restent pour nicher.
Le Pinson est d’un naturel vif, et sa pétulance,
jointe à sa belle humeur, à la gaieté de son chant
presque continuel, a donné lieu au proverbe très-
connu : gai comme un Painson. Ce chant, que l’on
entend depuis les premiers beaux jours de la fin de
février jusqu’au solstice d'été, se compose de sept à
huit notes différentes en descendant, et d’une finale
de deux outrois autres. Dansles forêts de nos Alpes,
il est moins complet qu’en plaine et sur les collines
adjacentes, et chaque coup de gosier est un peu rau-
que. Le mâle à un autre cri pendant la belle saison,
qu'il pousse principalement à la fin de la journée et
dans les temps pluvieux : il est plaintif, monotone,
ordinairement bref; quelquefois il imite presque
le miaulement; c'est ce que l’on remarque sur-
tout chez les sujets qui habitent les hautes mon-
tagnes. En automne et pendant l'hiver, les deux
sexes ont les mêmes cris (sthiuz, sthiuz, Slhiuz,
et chuin, chuin-chuïn); ils les répètenit souvent
et se servent particulièrement du dernier pour s’ap-
DE LA SAVOIE. 159
peler réciproquement, pour se grouper et se faire
part de leurs craintes.
La vivacité, la gaieté et le chant du Pinson font
qu’on l'élève, qu'on le garde en cage dans la plu-
part des pays qu'il fréquente. Cependant son ra-
mage, quoique éclatant, ne laisse pas d’importuner,
par sa répélition fréquente, les personnes qui l’en-
tendent de près. On a prétendu que le mâle ne
chante jamais mieux que lorsqu'il est aveugle. C’est
pourquoi l’on à imaginé, dans plusieurs cantons de
là France et en Belgique, de le priver de la vue,
mais après l’avoir toutefois accoutumé à prendre sa
nourriture dans l'obscurité. On réunit pour cela les
deux paupières et on cicatrise leurs bords avec un
fil de métal rougi au feu. Cette barbarie n’est point
en usage en Savoie, ou du moins le cas en est fort
rare. Voici dans quels termes M. de Sélys-Long-
champs s'exprime dans sa Faune belge, au sujet de
cette habitude. « Le Pinson, dit-il, est l’oiseau de
prédilection du peuple. Il n’y a presque pas de
chaumière quine nourrisse au moins un Pinson. On
les réunit les jours de fête sur les places publiques
pour comparer leur chant, ce qui excite tellement
leur émulation et leur jalousie que beaucoup d’entre
eux s’égosillent et perdent leur voix sur-le-champ.
Dans ce cas, leur impitoyable propriétaire les
étrangle ordinairement séance tenante. Ce qu'on
appelle un bon Pinson se vend souvent à ün prix
160 ORNITHOLOGIE
exorbitant. Il estfâcheux que l’on ait ici (en Belgique)
la barbare et inutile habitude de priver de la vue
les Pinsons et les Linottes, en soudant leurs pau-
pières avec un fer rouge. »
143.—Fringille Pinson d’Ardennes /Fringilla Montifringilla.
Noms vulgaires : Pinson de Montagne, Choie, Choue.
Le Pinson d’'Ardennes (Buff.).—Pinson de Montagne (Cuv.). — Fringille
d’Ardennes (Fringilla Montifringilla), Vieill.—Gros-Bec d’Ardennes (Frin-
gilla Montifringilla), Temm.—Peppola (Savi).
Le mâle adulte de cette Fringille à 17 cent. de
longueur. En livrée d'automne et d'hiver, il a le
dessus de la tête, les joues, la nuque, les côtés du
cou et le haut du dos, d’un noir presque nuancé de
bleuâtre et lustré, avec chaque plume largement
bordée ou frangée de roussâtre et de cendré, sui-
vant les parties. Il est d’un roux orange sur la
gorge, le devant du cou, la poitrine, les scapulaires
et le haut des ailes; les trois premières parties por-
tent également, à l’extrémité des plumes, un liséré
roussâtre, à peine apparent. Sur chaque aile, l’on
remarque une petite bande transversale du même
roux orange, formée par le bout des grandes cou-
vertures; puis une autre blanchâtre au-dessus, soit
sur les tectrices moyennes. Les pennes alaires sont
noires, avec un petit miroir blanc à l’origine des
rémiges, à l'exception des trois extérieures qui sont
entièrement de la première couleur, et frangées,
ainsi que les suivantes, de blanc jaunâtre sur pres-
DE LA SAVOIE. 161
que la moitié de leur longueur. La queue aussi est
noire, finement bordée à l'extérieur de blanchâtre
ou d’un blanc jaunâtre, sauf les deux pennes laté-
rales qui ont du blanc vers le centre et sur les
bords. Cette couleur règne encore sur le croupion,
le ventre et l’abdomen; les flancs sont mouchetés
de noir sur un fond blanc roussâtre ou blanchâtre,
suivant les sujets. Sur le pli de chaque aile, appa-
raissent quelques plumes d’un jaune d’or; et les
couvertures subalaires sont de même. Le bec est
jaune, brun ou noirâtre seulement à la pointe. Les
tarses sont d’un brun jaunâtre. L’iris est noirâtre.
Au printemps, les bordures roussâtres ou cen-
drées que l’on trouve en hiver sur la tête, les joues,
le cou et le dos, tombent peu à peu par l'effet de
la mue ruptile, et laissent, pendant l’été, pur et
brillant le noir bleuâtre de ces parties. Le roux
orange du devant du cou et de la poitrine acquiert
aussi, en perdant le liséré roussâtre du fin bout des
plumes, plus de pureté et plus de vivacité. Le bec
est alors d’un bleuâtre presque noir à la base, et
d’un noir profond vers la pointe.
La femelle a 16 centim. de longueur. Elle porte
au-dessus des yeux deux bandes noirâtres, qui en-
cadrent le derrière du cou et descendent sur ses
côtés. Elle est gris roussâtre sur la tête, sur les
parties latérales du cou et sur le dos, mais d’une
teinte plus pâle sur le dessus du cou et sur les joues;
PET, uit
162 ORNITHOLOGIE
chaque plume de ces parties se trouve marquée de
noirâtre au centre. Le roux orange du devant du
cou, de la poitrine et des ailes est beaucoup plus
clair que chez le mâle.
Les jeunes de l’année ressemblent à la femelle,
jusqu’à leur première mue; après cette crise, les
mâles sont revêtus de la livrée d'hiver des adultes
et des vieux, décrite plus haut.
Cette espèce fournit, mais rarement en Sa-
voie, des individus tout blancs ou d’un blanc
jaunâtre, ou bien mouchetés de ces couleurs sur
les teintes ordinaires du plumage. Je possède dans
ma collection un mâle qui est d’un Jaune doré sur
le croupion, et marqué de quelques coups de pin-
ceau du même jaune sur le blanc du ventre : le reste
de sa livrée est comme dans le type de l'espèce.
Le Pinson d’Ardennes se retire au printemps dans
les régions du cercle arctique, où il est très-com-
mun pendant l'été. Il y niche sur les pins et les
sapins, dont il se sert spécialement de la longue
mousse pour former son nid à l'extérieur; ensuite
il recourt aux plumes, à la laine et au crin afin
de le matelasser en dedans. Sa ponte se compose
de 4 ou 5 œufs, que l’on dit semblables à ceux du
Painson.
Il ne se reproduit jamais en Savoie ; il y passe
chaque année, comme en France, sur la fin de l’au-
tomne, et plusieurs individus y restent pendant
__ DE LA SAVOIE. 163
l'hiver. Je répare par là une erreur commise dans
une note insérée à la page 46 de ma brochure
de 1847 : il y est dit que le Pinson d’Ardennes niche
dans les forêts de pins et de sapins de plusieurs
montagnes du Faucigny. Je me suis assuré depuis
que c’est simplement le Panson qui s’y propage :
M. Coppier, ancien bibliothécaire de la ville
d'Annecy, de qui je tenais cette note, s'était
laissé induire en erreur en entendant chanter cet
oiseau dans ces régions, où, comme dans d’au-
tres encore plus élevées de notre territoire, sa voix
est plus rauque et son chant moins complet que
vers les pays de plaine.
Le passage des Pinsons d’Ardennes n’est pas
toujours très-abondant chez nous. Ces oiseaux nous
arrivent en eflet de certaines années par troupes
formidables, tandis que d’autres, et d'habitude pen-
dant 3, 4 ou 5 ans consécutifs, nous n’en voyons
que quelques bandes de loin en loin, qui se trou-
vent encore fréquemment confondues avec des
volées de Pinsons et de Bruants. C’est principale-
ment dans les saisons abondantes en neige ou en
frimas que leur espèce est très-commune ; les hi1-
vers doux ne nous l’amènent qu’en petite quantité,
Les premiers Pinsons d’Ardennes se montrent,
aux environs de Chambéry, dès le 5 ou le 410 oc-
tobre ; ils sont alors habituellement solitaires ou à
la suite de quelque volée de Fringilles, et assez ra-
164 ORNITHOLOGIE
rement par bandes. Vers le 15 ou le 20 de ce mois,
ils commencent par passer en sociétés plus ou
moins nombreuses; mais c’est encore plus tard, et
particulièrement depuis le 30 octobre et dans tout
le mois de novembre, qu'ils sont le plus communé-
ment répandus dans notre pays. On les observe sur-
tout dans les champs des coteaux circonvoisins des
bois de châtaigniers, de chênes et de hêtres, dans les
sarrasins, dans les vignes remplies de panics, où
ils dévorent les graines. Leurs bandes volent ser-
rées ; elles sont composées indistinctement de mâles
et de femelles : ces dernières sont néanmoins en
plus petit nombre.
En voyageant, ces oiseaux ont deux cris d’appel :
l’un qui s'approche de celui de la Soulcie et qui
imile un peu le miaulement; l’autre plus doux,
plus bref, mais monotone; par ce dernier cri, ils
semblent prononcer les mots : feu, teu, teu, leu :
c’est celui qu'ils poussent le plus souvent quand ils
volent et s'apprêtent à partir du bois. Ils se serrent
toujours en se posant soit à terre, soit sur les
arbres dont ils choisissent les sommités; puis ils
en partent tous à la fois comme d’une seule impul-
sion, ou bien par plusieurs pelotons l’un après
l’autre, qui se suivent cependant de près et vont
tous du même côté que le premier qui prit l'essor.
En cherchant des aliments dans les champs, les
Pinsons d’Ardennes font souvent à peu près la ma-
DE LA SAVOIE. 165
nœuvre des Pigeons, qui quêtent leur pâture : à
peine quelques sujets du centre d’une troupe se
lèvent-ils pour aller se poser à la tête, que leurs
semblables, qui sont après, suivent cet exemple et
viennent successivement s’abattre devant eux; mais
aussitôt ils se relèvent en se voyant devancer, et
vont encore se replacer au premier rang ; en sorte
qu'il se fait parmi eux un remuement continuel, au
point qu’on les voit parcourir en un moment tout un
champ d’un bout à l’autre. Arrivés à son extrémité,
souvent ils retournent sur leurs traces en exécutant
le même genre d'exercice ; alors ceux qui tenaient
la tête de la bande se trouvent à la queue, mais ils
se hâtent de regagner le premier rang ; les autres
veulent l’occuper à leur tour, et immédiatement
après ils se donnent tous plus que jamais du mou-
vement, Quoiqu’ils soient ordinairement réunis en
troupes considérables, ils ne sont guère farouches,
ils se laissent approcher aisément; c’est ce qui fait
que d’un seul coup de fusil, on en abat souvent une
grande quantité. |
Il est aussi difficile de déterminer le temps que
ces oiseaux restent chez nous que la période de leur
arrivée ou celle de leurs passages annuels; ce sont,
du reste, les intempéries de la saison qui en règlent
le mode et la durée. Souvent ils ne fréquentent nos
climats que pour quelques jours, et disparaissent
presque tous avant le mois de décembre. Quelque-
166 ORNITHOLOGIE
fois, surtout quand la neige tombe, ils ne font qu'y
passer sans presque s'arrêter, se dirigeant vers
d’autres contrées de l'Europe. D’autres fois, on en
rencontre encore vers le milieu de décembre de
nombreuses volées. Mais ils nous quittent d’habi-
tude en grande partie avant le fort de l'hiver. Les
individus qui restent alors ici se joignent à d’autres
Fringilles, et vont avec eux à la quête de leur nour-
riture, Ils aiment beaucoup les faines; aussi, ont-ils
soin de s’abattre fréquemment dans les bois de hé-
tres qui leur en fournissent le plus; ils y passent
souvent tout le jour à manger, et s’y blottissent à
l'approche de la nuit dans une touffe de feuilles
sèches pour dormir. Les graines de sarrasin (blé
noir) et de chanvre perdues dans les champs ou les
jardins, les semences du sapin, du charme et du
tilleul, les bourgeons d'arbres fruitiers, notamment
des pommiers, des cerisiers, des amandiers et des
pruniers, servent aussi à les nourrir pendant cette
triste saison.
Le Pinson d’Ardennes tombe plus facilement dans
les filets quele Pinson, mais il est par moments très-
capricieux. Il y en passe effectivement de cer-
tains jours des volées qui se succèdent toutes les
unes aux autres, sans que l’on réussisse, malgré
toutes les précautions d'usage, à en attirer une
seule dans ses filets, tandis que d’autres fois l'oi-
S
seleur ne peut tenir à les chasser, tant elles sont
DE LA SAVOIE. 167
portées à s’y empêtrer : les rappeler, fermer sur
elles les filets et les massacrer sans pitié, sont alors
ses seules occupations de toute une matinée. Il pa-
raît qu’elles y tombent de préférence les jours où
le pays est plein de frimas ou de brouillards : elles
volent bas dans ces journées, ce qui les met mieux
à la portée d'entendre l’appeau et d’apercevoir les
danseurs. L’habitude qu’elles ont de se serrer en se
posant, fait que l'on en prend parfois d’un seul coup
de filet des troupes de deux à trois cents individus.
Leur chasse se fait ici d'habitude à l’arbre, c’est-
à-dire au pied d’un gros arbre ou de quelques tail-
lis qui se dressent au milieu ou sur les bords d’un
champ; elle exige beaucoup de soin et de pré-
caution. Pour tendre les filets, l’on doit autant
qu'il est possible choisir un champ de leur lar-
geur, un champ surtout qui aura été ensemencé
de sarrasin , dont ces oiseaux sont si friands. Il
est indispensable de se tenir caché sous quelques
petits branchages réunis en forme de cahutte,
et de ne point se remuer à l’arrivée de chaque
volée. Il faut surtout se garder d’apporter avec
soi, pour danseurs ou pour appeaux, d’autres vo-
latiles que ceux dont on veut chasser l'espèce ;
car si l’ontient dans les filets par exemple des
Pinsons ou des Bruants, qui ne cessent de crier
à chaque oiseau qu’ils voient ou entendent passer,
l’on ne réussira jamais à prendre beaucoup de
168 ORNITHOLOGIE
Pinsons d’Ardennes. Plusieurs oiseleurs coupent en
outre le bout des grandes pennes alaires à quel-
ques-uns des danseurs, pour qu’ils ne fassent pas
autant de bruit en se débattant ou en s’élevant spon-
tanément.
Le Pinson d’Ardennes repasse quelquefois dans
nos contrées sur la fin de février ou dans les pre-
miers jours de mars, et particulièrement à l’époque
des dernières gelées ; mais il n’y est jamais aussi
commun qu'à ses premiers passages. Les petites
bandes qui nous visitent alors viennent d’hiverner
dans les pays du centre de l’Europe et retournent
dans leur quartier d'été. Quelques sujets, toujours
rares, restent encore dans nos bois jusqu’en avril ;
l’on en voit même vers le 10 ou le 15 de ce mois
dans nos régions montagneuses, et ceux-là sont
presque entièrement revêtus de leur livrée d’été.
Cette Fringille est plus vorace que le Pinson ;
mais, en revanche, elle paraît moins farouche. Elle
s’accoutume bientôt à l’état de captivité, pourvu
qu'on lui donne abondamment des vivres. Son
chant est faible; il consiste en une espèce de ga-
zouillement, qu'on n’entend guère que de près. En
cage, elle dort fort peu et se met à sauter dès qu'on
entre avec de la lumière dans le lieu où on la tient
de nuit. Quand la lune éclaire, si elle est exposée à
sa lueur, elle s’agite encore presque toute la nuit,
comme s’il était jour. Renferme-t-on ensemble deux
DE LA SAVOIE. 169
ou trois individus, ils ne cessent à peu près de se que-
reller, surtout s'ils sont du même sexe, et de se don-
ner des coups de bec aussi bien la nuit que le jour.
En liberté, cet oiseau est aussi de moment en mo-
ment hargneux et querelleur. Quand on l’observe
en troupe, soit à terre pendant qu'il y cherche sa
vie, soit en repos sur les arbres, on le voit souvent
frapper du bec ses plus proches voisins, qui se
mettent aussitôt à crier. En passant sous les grands
arbres qu’il couvre parfois de ses bandes, l’on en-
tend fréquemment un bruit assourdissant, comme de
nombreuses gouttes de pluie mêlées de petits gré-
lons qui tombent sur les feuilles; c’est en se mena-
çant, en faisant craquer le bec plusieurs à la fois,
puis en se becquetant tour à tour, que ces oiseaux
font cette espèce de chamaillis ou de tintamarre.
444.—Fringille Niverolle /Fringilla Nivalis).
Noms vulgaires : Moineau ou Pinson Blanc; au Mont-Cenis : Aïpin; aux
environs de Saint-Jean-de-Maurienne : Rocheran, le Blauc ou Blanc de Mon-
tagne.
Le Pinson de Neige ou la Niverolle (Buff.).—Le Pinson de Neige ou Nive-
rolle (Cuv.).—Fringille Niverolle (Fringilla Nivalis), Vieill.—Gros-Bec Nive-
rolle (Fringilla Nivalis), Temm.
Cette Fringille est remarquable par le blanc de
neige qui domine sur ses ailes et sa queue; elle est
ici la plus grande de toutes : elle a 19 cent. de lon-
gueur du bout du bec à l'extrémité des pennes
caudales. De ce qu’elle a de longues ailes, de
longs doigts, puis quelque ressemblance dans ses
170 ORNITHOLOGIE
habitudes et son plumage avec le Plectrophane de
Neige, n° 159, des naturalistes en font un genre
séparé des Fringilles ou Gros-Becs.
Le mâle, en livrée d'été, est cendré très-foncé
sur la tête et le dessus du cou; de chaque côté du
front, il porte ordinairement une tache blanchätre,
oblongue et plus ou moins prononcée. Il a le dos,
les scapulaires, quelques pennes secondaires de
l’aile, les plus rapprochées du dos, et le croupion,
d’un brun foncé au centre des plumes et d’un brun
plus clair sur les bords; les autres pennes secon-
daires, les tectrices supérieures et inférieures de
chaque aile sont d’un beau blanc pur. Les couver-
tures supérieures de la queue sont : les unes blan-
ches, les autres noires, ou moitié blanches moitié
noires. La queue est aussi blanche, à l’exception
des deux rectrices intermédiaires qui, comme les
rémiges, sont noires, et très-finement lisérées de
gris ; les autres n’ont qu'un peu de noir au bout,
et d'habitude la plus ou les deux plus latérales de
chaque côté se trouvent entièrement blanches. Le
noir domine encore sous la gorge ; mais il n’est pas
rare que quelques plumes y conservent du plumage
d'hiver une petite frange blanche à leur extrémité.
Un blanc plus ou moins pur, suivant l’âge des
sujets, ordinairement nuancé de cendré sur les
côtés de la poitrine surtout, couvre les autres par-
ties inférieures du corps; l’on remarque seulement
PDP ANS ANOTE: 171
au bout des plus grandes couvertures sous-caudales,
une tache noirâtre ou brune. Le bec est noir ; l'iris
des yeux brun; les pieds sont noirâtres.
La femelle, en été, a le cendré de la tête un peu
moins foncé que le mâle; sa gorge aussi est moins
marquée de noir, et le dessous du corps est d’un
blanc sale. Elle a le bec le plus souvent noirâtre,
avec un peu de brun jaunâtre à la base de la man-
dibule inférieure ; mais, dans un âge très-avancé,
cet organe ne diffère point de celui du mâle. Au
reste, elle ressemble à ce dernier.
Les deux sexes, en automne et pendant tout
l'hiver, ont le bec jaune, avec un petit trait brun
au bout de la mandibule supérieure ; les pieds noirs:
la tête grise ; la gorge blanchâtre, noire seulement
à l’origine ou au centre des plumes, ce qui fait sou-
vent paraître cette partie noire, et très-mouchetée
de blanc. Le dessous du corps est aussi blanchäâtre ;
chez la femelle, il est comme lavé de roussâtre
très-clair sur un fond blanc.
Les jeunes, au sortir du nid, ne diffèrent presque
pas de la femelle en hiver. Leur bec est déjà
jaune, mais d'un jaune pâle. Ils ont le bout des
pennes de la queue sali de roussâtre, et les deux
intermédiaires bordées du même; ils le sont aussi
sur les pennes secondaires des ailes, dont les blan-
ches, soit les plus proches des rémiges, sont mar-
quées de noir le long des baguettes. Le gris de la
172 ORNITHOLOGIE
tête paraît encore nuancé de roussâtre. Leurs tarses
sont bruns.
Après la mue d'automne , ils ressemblent aux
adultes en plumage d'hiver que je viens de décrire.
La Niverolle est sédentaire en Suisse et en Sa-
voie. On ne l'y rencontre, pendant la belle saison,
que dans les grandes chaïnes des plus hautes mon-
tagnes, et particulièrement dans le voisinage des
neiges éternelles : on la remarque surtout au Saint-
Gothard, au Grand-Saint-Bernard, au Mont-Ce-
nis, et dans les régions gypseuses des Alpes de la
Maurienne. Elle y fait d'habitude deux couvées par
an : une vers la mi-mai, une autre dans les pre-
miers jours de juillet; et celle-ci a souvent lieu
dans des régions encore plus élevées que la pre-
mière, ordinairement autour des ceintures de
neiges ou de glaces perpétuelles. La femelle tra-
vaille toujours plus que le mâle à la confection du
nid. C'est dans les trous de rocher ou de gypse
qu’elle le pose; mais s’est-elle établie auprès de
quelque habitation ou d’une masure, c’est dans les
crevasses de leurs murs, dans les poutres creuses
du toit, sous le chaume ou les pierres plates (lo-
zes!) qui les recouvrent, qu’elle le bâtit. Tous
les ans, au Mont-Cenis, plusieurs paires se repro-
duisent dans les gypses qui sont en face de l'hôtel
1 Voyez l’explication de ce mot dans une note insérée à la page 230
du tome 1,
DE LA SAVOIE. 173
de la Poste et longent les bords du lac, puis auprès
des glaciers de Ronche, dans les murs des chalets,
des refuges (regia casa di ricovero) qui bordent la
route principale.
Le nid de la Niverolle est très-gros; il fait pres-
que autant de volume que celui du Moineau Do-
mestique. Beaucoup de pailles, d'herbes sèches et
de racines de plantes le composent en dehors; les
plumes, la bourre, le crin, la laine, et mème quel-
ques petits morceaux d’étofle ou de drap, en gar-
nissent l’intérieur. La femelle y dépose 5 ou 6 œufs
à la première ponte, 4 ou à à la seconde : ils
sont d’un blanc de lait, sans taches; quelquefois,
ils paraissent comme salis par des causes étrangè-.
res, et alors ils sont blanchâtres. Pour longueur,
ils ont en moyenne 2 cent. 2 millim., sur 17 mil-
lim. de largeur diamétrale. Pendant que la femelle
s’adonne à l’incubation, le mâle lui apporte de
temps à autre les aliments. Quitte-t-elle les œufs
pour aller se récréer quelques instants avec les
autres couveuses, ses semblables, du même can-
ton, il l’accompagne et il revient souvent avec elle
à la nichée.
Si le couple trouve quelque importun rôdant
autour du nid, il pousse d’une voix gémissante
de petits cris, qu’il précipite d'autant plus que
le danger est imminent; il se pose au bout d’une
pierre en face de son ennemi, se relève presque
174 ORNITHOLOGIE
au même instant pour venir voltiger au-dessus de
lui, en se désolant toujours.
Les petits naissent au dix-huitième jour de cou-
vaison, vêtus d’un léger duvet blanchâtre, presque
teinté de jaunâtre. Jusqu'à l'apparition des plumes,
ils sont nourris avec de petits insectes mous,
avec des vers, des chenilles, des feuilles ou des
sommités de plantes alpines que leurs auteurs
broient avant la distribution; plus tard, ils reçoi-
vent de petites graines ou des boutons de plantes
plus ou moins triturés. C’est en considérant atten-
tivement au Mont-Cenis de jeunes Niverolles dans
le nid, que je suis venu à bout de découvrir ce
mode d'alimentation.
Aussitôt capables de voler, les petits sortent de
leur première demeure, et suivent leurs parents
qui les emmènent dans quelque lieu retiré pour
achever leur éducation. Ceux-ci s’acquittent de ce
devoir en moins de quinze jours, puis ils laissent leur
famille afin d’aller dans des régions encore plus
élevées, se livrer de nouveau à l’acte de la repro-
duction. Les jeunes alors restent ensemble dans les
broussailles, dans les lieux humides ou marécageux,
dans les rocailles hérissées çà et là de quelques
buissons, et le long des ruisseaux; ils y forment
quelquefois, en se réunissant plusieurs nichées, des
troupes nombreuses. Les vers, les insectes, les
larves, les chrysalides, les semences des pins et des
DE LA SAVOIE. 175
sapins, les graines, les feuilles et les boutons qui
enveloppent les fleurs de plusieurs sortes de plan-
tes odoriféranies, surtout de génépi et de serpolet,
enfin les petits fruits sauvages, composent dans ces
localités presque toute leur nourriture.
À la fin d'août, les Niverolles viennent avec leur
dernière nichée s'associer aux bandes des jeunes de
la première ; c’est depuis lors qu’on les remarque
le plus par grandes volées qui se laissent d'habitude
aborder très-aisément.
Occupées à se nourrir presque tout le jour à
terre ou parmi les pierres, elles sautillent d’une
pierre ou d’une petite éminence à l’autre en s’en-
ir’appelant ; aussitôt elles en descendent, se remet-
tent à courir avec vitesse et pêle-mêle à la quête des
aliments. À chaque crainte qui les saisit, elles se
lèvent toutes à la fois brusquement, voltigent ser-
rées autour du lieu d’où elles ont pris l'essor, et s’y
reposent quelques instants après, en se serrant en-
core et se rappelant. En examinant de loin dans les
régions neigeuses ces oiseaux à ailes larges et blan-
ches voleter en troupe confuse autour de quelque
monticule, on croirait voir de gros et nombreux
flocons de neige que le vent emporte et qui tourbil-
lonnentensemble. Dans les beaux jours d'août, c’est
toujours avec un nouveau plaisir qu’on les voit par-
courir avec vivacité, seuls ou mêlés avec les Accen-
teurs des Alpes, les espaces où la neige est restée,
176 ORNITHOLOGIE
4
recueillir à la course les insectes, les semences
que le vent y apporte, et qu’ils découvrent plus
facilement qu'ailleurs. S’arrêtent-ils un instant sur
une éminence, c’est pour remuer insensiblement
des ailes et secouer de haut en bas la queue à plu-
sieurs reprises en làâchant un cri assez fort, par
lequel ils semblent exprimer : puatt, puitt ou pitt,
pitt. Quand ils pressentent une tempête dans les
Alpes, ils s’agitent, ils piaillent plus que jamais; ils
se retirent quelque moment avant qu'elle éclate
dans les localités les plus abritées du vent : d’ha-
bitude ils gagnent les anfractuosités des rochers,
les crevasses des vieux murs, ou bien le fond des
entonnoirs ‘, selon les lieux qu’ils habitent. Pendant
l'orage, on les y voit tout ébouriffés, blottis dans
des creux ; mais aussitôt qu’il se calme, ils se met-
tent à s'appeler, ils se groupent et retournent à
leur séjour de prédilection.
Dès que les neiges envahissent les sommités des
Alpes, les Niverolles descendent dans des régions
plus basses. Si elles tombent en plein pays, elles
arrivent jusqu’au pied des montagnes, ou bien elles
restent à la cime des collines ; c’est alors que plu-
sieurs de leurs troupes viennent des Alpes de la
Maurienne et de la Tarentaise s'établir, pour le
plus fort de l’hiver, à la base des monts des envi-
! Voir ce mot expliqué dans une note de l’article du Crave d’Eu-
rope, page 141 du tome rr.
D'EVLA SAVOIE. 177
rons de Chambéry. Les neiges de décembre et
de janvier en amènent chaque année quelques
compagnies dans les collines pierreuses d’Apre-
mont, de Saint-Baldoph, de Mont-Basin au pied
du Nivolet, de Vimines, de Saint-Sulpice, etc., etc.
Les graines de diverses plantes, les petits fruits
secs, les baies et les boutons de buissons, les
alimentent en ces lieux; elles les cherchent à
terre ou parmi les taillis, en courant çà et là à
petits pas comme des Alouettes. En s’arrêtant dans
quelque endroit, elles ont toujours l'habitude de s’y
serrer, et à peine posées, elles se mettent en mar-
che toutes ensemble pour trouver les vivres ;
c'est ce qui fait que l’on en abat souvent plusieurs
sujets d’un seul coup de fusil. À la détonation, les
survivants s’élancent brusquement et voltigent
parfois autour de leurs compagnons qui tombent
morts ou blessés ; alors on peut faire essuyer à la
bande un second coup de feu qui abat quelquefois
presque autant de sujets que le premier. Dans les
jours de froid vif, ces oiseaux viennent, surtout le
matin, se montrer en plaine dans les champs ; mais
aussitôt que le froid devient moins violent, ils re-
gagnent les monticules. Quand ils se trouvent réunis
en grand nombre, soit en l’air soit sur le sol, ils ba-
billent tant par moments, qu’ils font en poussant, les
uns des cris graves et monotones, les autres des cris
aigus et plaintifs, un bruit des plus assourdissants,
T. JIL, 12
178 ORNITHOLOGIE
On remarque des Niverolles pendant tout l'hiver
dans la Haute-Maurienne et au Mont-Cenis, mais
principalement autour des fermes et des écuries, et
le long des routes les plus fréquentées. Pour pou-
voir y vivre, ils recourent à tout ce qu'ils aper-
çoivent sur la neige ; ils éparpillent le crottin plu-
sieurs ensemble, et se disputent les grains qui
n’ont point été digérés. On les attire jusque dans
les maisons en leur montrant des aliments. Pour
les prendre alors, tous les piéges sont bons. On les
enivre auprès des habitations avec des grains trem-
pés dans de l’eau-de-vie, et alors on les prend pres-
que toujours avec la main. Au Mont-Cenis, on leur
tend des trappes sur la neige, où pour appât l’on
met un morceau d’étoffe rouge, qu’ils se plaisent à
venir becqueter.
La Fringille Niverolle regagne par troupes les
Alpes à mesure que les neiges y disparaissent ; elle se
tient sur leurs limites, et monte peu à peu chaque
jour jusqu'aux régions qu'elle choisit d'habitude
pour nicher. Elle est d’un naturel très-doux et très-
portée à la domesticité ; elle s'attache même à la
personne qui la soigne. On l’habitue à venir man-
ger sur table, à ramasser les miettes qui en
tombent. Tout lui convient pour sa nourriture :
pain, viande crue et cuite, fruits, vers, grains et
insectes. Elle dort fort peu la nuit, car on l'entend
fréquemment sauter dans sa cage, surtout lorsque
DE, LA SAVOIE. 179
la lune éclaire le lieu où on la retire. Cette in-
somnie s'explique sans doute par l'habitude qu’a
cet oiseau de vivre pendant tout l’été sur les som-
mités des Alpes, où il y à peu de nuit durant cette
saison. Sa chair est un manger excellent ; elle est
parfois parfumée du goût des plantes odoriférantes
des montagnes, dont cet oiseau fait, en automne
surtout, une forte consommation et des semences et
du bout des feuilles ou des fleurs. Son vol est irré-
gulier, comme du reste chez les oiseaux à grandes
ailes comme lui, sa démarche est presque tou-
jours accélérée. Le mâle n’a pas de chant à lui
particulier pendant l'été; il n’a que son cri ordinaire
qui est fort et souvent sifflé en partie, ainsi que le
bruissement assez prolongé qu'il fait le plus en-
tendre dans ses moments de crainte et durant l’édu-
cation des petits. La femelle à les mêmes cris que
le mâle. |
Troisième Section,
LATICONES /LATICONT|.
Signes caractéristiques : Bec fort, gros, quelquefois presque aussi épais à la
base que la tête, plus ou moins rentré sur les côtés, pointu ou obtus et épais à
la pointe. Ailes courtes. Corps ramassé et robuste.
Comme les deux précédentes, cette section
renferme cinq espèces de Fringilles dans nos cli-
mais.
PTT nice
180 ORNITHOLOGIE
145.—Xringille Moineau /Fringilla Domestica).
Noms vulgaires : Moineau, Moinôl, Passereau, Passeraz, Moineau de Mu-
raille, Pierrôt.
Monen Denet ane (Purvte Ponehie Cu — one escale ne
D ee ner
Cette Fringille est la plus connue de toutes ;
elle ne se trouve du reste que dans le voisinage de
l'homme. Elle a 14 cent. de longueur.
Le mâle diffère beaucoup de la femelle. En été,
il est noir sur le lorum ou le petit espace situé entre
le bec et l’œ1l, ainsi que sur le tour des yeux, la
gorge, le devant du cou et le milieu du haut de la
poitrine : il porte néanmoins, à l'extrémité des
plumes de cette dernière partie, une bordure blan-
châtre. Il a le dessus de la tête, l’occiput et les
joues, d’un cendré plus ou moins foncé, suivant
l’âge. De derrière les yeux part une large bande
de couleur marron, qui descend sur l’oreille et
s’étend sur le dessus du cou. La même couleur,
assez souvent plus ou moins nuancée de roux chez
les adultes, règne encore sur le haut du dos et sur
les petites couvertures alaires ; mais le noir occupe
le centre des plumes de la première de ces deux par-
ties. Le croupion est gris brun. Le dessous du corps,
de même que les côtés de la gorge, est d’un blanc
teinté de cendré, et lavé de gris brun sur les flancs.
Les ailes, que traverse une bande blanche dans
ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE.
Passereaux.
Fringillidees.
Lath J'Perrin Libr.E dit Chambery. J, Werner del.& Lith. j
1 Fringille Moineau, 722% en été: 260 nat PAG. — 9-4 Gui de l'espece;er.nat.
5 F ringille à Tête Marron, 2224 en cle : 7% 12 nat PA 6-8 Zufs de lesp;gr. Anal .
9 Fringille lriquet, 744 adulte, 15,97 nat; PASSA) ZA de lesp.; grnat
15 lringille Soulcie,mede; 5 gr nat: 0.— AG Z24 de despece; gr. nat.
DE LA SAVOIE. 181
leur partie supérieure, sont noirâtres et bordées de
roux. Les pennes caudales sont aussi noirâtres,
avec une petite frange roussâtre. Le bec est noir;
l'iris brun ; les tarses sont brunâtres.
À la mue de la fin de l’été, les mâles prennent, sur
chaque plume noire de la gorge et du devant du
cou, un liséré blanchâtre, qui s’use à l’approche
du printemps, par l'effet de la mue ruptile; le cen-
dré du dessus de la tête se change presque en gris;
le bec devient noirâtre sur la mandibule supérieure,
et brun ou brunâtre sur l’inférieure.
La femelle est d’un cendré brun sur le dessus de
la tête et à l’occiput ; d’un brun roux sur le dos,
avec des taches oblongues noires dans le milieu des
plumes ; d’un gris blanchâtre sur la gorge et le de-
vant du cou, où le mâle est noir ; d’un blanc sale, à
peine lavé de roussâtre, sur les autres parties infé-
rieures. Son bec est brun. Ses pieds sont brunâtres.
Les jeunes, au sortir du nid, ressemblent beau-
coup à la femelle, telle qu’elle vient d’être décrite,
sauf par le bec qui est presque couleur de chair, et
par leurs pieds livides.
Après la première mue, les jeunes mâles ont pres-
que les mêmes nuances que les vieux en livrée d’hi-
ver. Leur dos est roux, avec du noir au centre des
plumes; le marron du dessus du cou est liséré de
gris à l'extrémité des plumes ; le noir de la gorge
et du devant du cou est plus largement bordé de
182 ORNITHOLOGIE
blanchâtre que chez ces derniers. Au reste, ils leur
ressemblent.
Les Moineaux sont sujets à plusieurs variétés
accidentelles. On en trouve de tout blancs, avec
le bec noir ou couleur de chair, et avec l'iris rou-
geûtre; ils deviennent aussi d’une couleur isa-
belle ou café au lait; mais alors le noir, le marron
et le brun de la livrée ordinaire se trouvent souvent
indiqués par des teintes plus foncées que celle qui
tient lieu du cendré, du gris et du blanchâtre. Je
possède un mâle, capturé en décembre 1848, aux
environs de Chambéry, qui est d’un isabelle clair,
avec la gorge, les tempes, quelques plumes du dos
et les petites couvertures alaires, d’un isabelle
inclinant au rougeâtre. Son bec est couleur de
chair; ses tarses sont livides.
Le Moineau habite spécialement le centre et le
nord de l’Europe. Il est rare en Italie et dans plu-
sieurs autres contrées méridionales, où la Fringille
à Tête Marron (Fringilla Ttahæ, Vieill.) ou le
Gros-Bec Cisalpin (Fringilla Cisalpina, Temm.) le
remplace. En Savoie il est très-commun , et on
cesse de le rencontrer seulement dans les régions
où l’on ne cultive pas les grains qui servent le plus
à sa pâture. Îl devient néanmoins de plus en plus
rare dans la Haute-Maurienne, depuis Saint-Michel
jusqu’à la pente méridionale du Mont-Cenis ; on le
A
voyait encore pendant la belle saison à Lans-le-
DE LA SAVOIE. 183
Bourg, il y a quelques années ; mais c’est en vain
qu'on l’y cherche aujourd’hui. On prétend que
ce sont les Martinets de Murailles (vulgairement
Pives) qui sont parvenus à l’en chasser, ces der-
niers s’emparant de son nid, et dévorant les
œufs ou les petits à peine éclos !, Ces oiseaux
viennent en réalité de nos jours, à chaque été, dans
cette localité pour s’y reproduire sous les toits des
plus hautes maisons, et dans les mêmes cavités
qu’occupait le Moineau, avant son éloignement
de ces lieux. Je les y ai vus en assez grande quan-
tité en juillet 4851 et 1852; on m'’assurait alors
que le Moineau n'existait déjà plus à Bramans, et
qu'à Modane l’on n’en comptait plus que deux ou
trois couples autour du clocher seulement,
Le Moineause plaît au sein des villes et des villages,
danslesamas de maisons habitées, auprès desbasses-
cours et des colombiers, ainsi que dans les champs
qui lesavoisinent; il n’est que passager dans les bois
ou les forêts, dans celles surtout des montagnes
où on ne le voit que parfois pendant ses excursions
d'automne. C’est vers la mi-mars qu'il commence à
s’apparier en Savoie. Rien de plus curieux que de
voir alors plusieurs mâles faire la roue en piaillant
autour d’une femelle, avec la tête légèrement re-
courbée en arrière, les ailes trainantes et presque
1 Ce Martinet a, du reste, cette habitude dans notre pays. Voyez
son histoire dans le tome 1, pages 233 et suivantes.
184 ORNITHOLOGIE
entr'ouverles, la queue relevée et étalée en
éventail ; puis se disputer entre eux cette compa-
gne avec acharnement, se poursuivre avec une
extrême vitesse, se becqueter jusqu'à s’arracher
des plumes et jusqu’à se faire crier. A la fin de la
rixe, souvent l’on remarque que celui auquel la
femelle donne la préférence, est obligé, pour se
défendre alors, de parer lui seul tous les coups que
les autres mâles jaloux et furieux lui portent tour à
tour. Mais sort-il vainqueur de ce nouveau combat,
il s'envole, il emmène avec lui celle qui l’a choisi,
pour l’enlever du milieu de ces concurrents. Dès
lors, il reste toujours à ses côtés, la suivant pas à
pas etla protégeant contre les mâles qui veulent par
moments lui faire la cour. Ils sont si ardents dans
leur querelle d'amour, qu’en se battant, ils se lais-
sent souvent surprendre par les enfants, qui les
séparent en leur lançant des pierres : l’on en voit
même quelquefois qui se jettent, en se poursuivant,
dans des chambres, dans des boutiques ouvertes
devant eux, et qui continuent à s’y battre, comme
s’ils étaient en plein air.
C’est à la fin de mars ou dans les premiers jours
d'avril que le Moineau se met en devoir de bâtir
son énorme nid. Îl le loge non-seulement dans les
trous, dans les crevasses des murailles, dans les pots
ou les vases qu’on lui offre à cet effet, sous les tui-
les, dansles persiennes, dans les poutres creuses des
DE LA SAVOTE. 185
toits, mais encore dans l’épais feuillage des plus
grands arbres, et dans leurs cavités naturelles ;
quelquefois il le façonne dans les vieux nids de
Pies. Pendant la nidification, le mâle, qui est très-
lascif, s’approche fréquemment le jour de sa fe-
melle, et toujours avec la même ardeur : des ob-
servateurs assurent qu'il réitère cet acte jusqu’à
quinze ou vingt fois par jour.
Le mâle et la femelle travaillent de concert au
nid, et le construisent de deux manières : sur les
arbres, ils lui donnent la forme d’une grosse boule,
munie d’une cavité intérieure, mise en communi-
cation avec l’extérieur, au moyen d’une petite ou-
verture arrondie, servant au passage de l'oiseau.
Dans les fentes de murs, dans les pots et les cavités
d'arbres, ils le font souvent comme leurs congé-
nères, c’est-à-dire en forme demi-sphérique et creuse
dans le milieu. C’est principalement la paille, le
foin, les feuilles sèches, celles de platane surtout,
qu’ils emploient pour composer le dehors de cegîte;
ils réservent les plumes, la laine, la bourre, les mor-
ceaux de linge, de fil, etc., pour en tapisser le de-
dans ; on y trouve parfois jusqu’à des petits pelotons
de laine, de soie ou de coton, que le couple enlève
autour des maisons où on lui donne l'hospitalité. La
femelle, qui fait deux ou trois pontes par an, y dépose
5 à 7 œufs très-variables dans leur longueur et leur
largeur, de même que dans les couleurs; ils sont
186 ORNITHOLOGIE
d’un blanc pur ou d’un blanc terne, avec des taches
grises ou céndrées, mêlées à plusieurs autres d’un
brun plus où moins foncé, ou presque noifes ; sou—
vent elles sont assez rapprochées pour se confondre
entre elles sur la grosse extrémité. En moyenne, les
œufs ont 20 à 21 mill, de long, sur 15 ou 16 mill.
de diamètre. Pendant l’incubation qui dure 16 jours,
le mâle, soit que sa compagne s’y livre soit qu’elle
laisse momentanément la couvée pour aller se cher-
cher des vivres , se poste à l’entrée où fort près du
nid. Ine cesse d'y piailler tant qu’il voit rôder alen-
tour d’autres paires de Moineaux ou des Martinets
qui se cherchent des refuges. À chaque fois qu’ils
se présentent à sa demeure pour l’occuper ou en
dérober quelques matériaux, afin d’en former aussi
le berceau de leur progéniture, il se précipite sur
eux avec fureur, les frappe du bec, les terrasse
quelquefois ou les poursuit à outrance jusqu’à l’ex-
trémité de son canton; puis il revient faire senti-
nelle auprès de la nichée.
Les petits naissent nus, et sont d’uné couleur de
chair rouge, surtout aux flancs. Pour les nourrir, le
père etlamère vont tour à tour se gorger d'insectes,
de chenilles, de vers, de larves, de grains d'orge
et de froment moitié mûrs, de petits morceaux de
fruits doux et pulpeux, et notamment de figues, de
cerises et de mûres; ils reviennent chargés de leur
butin, et le partagent dans le nid à la couvée. Cette
DENVA SAVOIE. 187
petite famille en sort toujours avant de manger
seule ; elle $e hasarde, du reste, à l’abandonner le
jour même où elle est en état de faire quelques pe-
tits vols de distance en distance; puis elle est à
peine élevée, que ses auteurs se remettent à nicher.
Le couple retourne quelquefois au premier gîte;
mais, comme il paraît craindre la vermine pour
la seconde couvée qu’il Y va entreprendre, il l’ap-
proprie et en renouvelle presque tous les matériaux,
ou bien il le recouvre seulement de nouvelles ma-
tières à l’intérieur. Dès qu'il y couve, il ne veut
plus revoir ses premiers petits autour de ce nid ; il
les en chasse lorsqu'il les y voit rôder aussi exacte-
ment que les Martinets et leurs semblables trop
effrontés. Tous ces jeunes se retirent alors dans les
champs ensemencés, surtout dans les blés où ils
causent aux agriculteurs des dommages souvent
considérables ; ils ne semblent jamais rassasiés des
grains d'orge, ni des grains de seigle et de froment ;
du reste, à quelque heure de la journée que l’on
abatte ces oiseaux, on leur trouve toujours dans le
bec, la gorge ou le gosier, de fortes provisions de
ces semences. Les propriétaires dressent bien dans
leurs champs qu’ils voient envahis par ces bandes de
petits iarrons sans cesse affamés, des haillons pour
leur faire peur; mais cet épouvantail n’a guère
d’effet sur elles que le premier et le second jour; le
lendemain, on retrouve ces milliers de Moineaux-
188 ORNITHOLOGIE
éparpillés dans les mêmes champs, dont ils ne
cessent de dévorer le grain jusqu’à la récolte. Ils
s’y repaissent pendant toute la matinée; à l’appro-
che de midi , si la chaleur est accablante , ils se
jettent dans les bois, dans les taillis des alentours
et les plus près de l’eau; ils s’y baignent alors
jusqu’à trois fois par heure ; ensuite, ils regagnent
les arbres les plus ombreux, où ils ne cessent de
criailler et faire du vacarme. Le soir, vers trois ou
quatre heures, ils retournent aux champs, qu’ils
ne désertent qu’au coucher du soleil pour revenir
dans les pépinières et sur les arbres de haute
futaie, spécialement sur les marronniers, les pla-
tanes et les tilleuls du voisinage, afin d'y passer la
nuit tous ensemble.
Après les nichées terminées, les vieux Moineaux
viennent souvent grossir ces troupes avec leur der-
nière famille. Plusieurs sujets de tout âge restent
pourtant dans les villes et les villages, qu'ils ne
quittent plus : ceux-ci cherchent leur vie dans les
rues, où ils enlèvent les mies de pain, les cerises
jusqu’à l’entrée des boutiques, dans les cours, dans
celles surtout où l’on. nourrit des poules et des pi-
geons, sur les marchés, enfin dans tous les coins
où se vendent les grains qu’ilsconvoitentsans cesse.
À peine les bandes qui habitent la campagne n'y
trouvent-elles plus de champ de froment à dévaster,
qu’elles se réfugient auprès des habitations. En y
DE LA SAVOIE. 189
arrivant, elles se dissolvent d'habitude et se répan-
dent çà et là pour vivre en plus petit nombre: si
elles y restaient en troupe, elles ne vivraient que
difficilement, d'autant plus que leurs appétits sont
très-forts. Quelques sociétés se livrent alors à des
excursions vers les pays montagneux, où la maturité
des grains est plus tardive ; elles y pillent les mois-
sons, et aussitôt qu’on les leur enlève, elles descen-
dent de ces hauteurs, le matin et le soir, se fixent
dans les villes, les bourgs et les hameaux, dont
elles ne s’éloignent jamais pendant l'hiver. Chaque
année, au commencement d'octobre, quelques com-
pagnies émigrent néanmoins vers d’autres climats;
on les reconnaît aisément à leur vol élevé et rapide,
ainsi qu'aux piaulements qu’elles ne cessent de ré-
péter pendant le voyage, soit pour s’entr'appeler
soit pour répondre à leurs semblables qui les appel-
lent en les entendant passer.
Le Moineau s'élève très-bien et s’accommode
très-volontiers à la domesticité ; c’est bien là sa
seule bonne qualité. Sa voracité excessive, ses cris
monotones ({ui, tuî, ou pioz, piou, piou), qu'il
accompagne parfois d’un grincement précipité
quand on l’inquiète, et le peu de goût qu’il a pour
conserver son plumage propre en cage, où il se
mouille à chaque instant et se frotte le corps contre
les barreaux , comme pour se soulager de la ver-
mine, le rendent souvent à charge à ceux qui pren-
I »-
———————
|
190 ORNITHOLOGIE
nent peine à le soigner. Le laisse-t-on errer libre
dans la maison, il devient encore plus incommode;
il salit les meubles, il se mâchure lui-même en
écormiflant autour des marmites.
À l’état sauvage, il n’est pas moins une charge
continuelle pour l’homme; aussi, dans plusieurs pays,
met-on sa tête à prix : 1] mange ses premiers fruits,
dévore ses récoltes et veut même partager, souvent
malgré lui, son domicile. Impudent parasite, 1l le
suit dans tous les lieux où il peut le nourrir ; mais
partout il manque de reconnaissance à son égard,
car à peine s’il daigne tourner la tête pour le voir
passer, etpartoutilsait conserver son indépendance.
Méfiant à l'excès et malin, il esquive les piéges qu’on
lui tend le plus souvent pour se débarrasser de lui;
si, dans les villes, l'approche de l’homme paraît ne
point l’effrayer, c’est qu’il connaît la sécurité qu’on
lui accorde; mais il n’en est pas de même dans les
champs, où il se laisse difficilement aborder.
Nos oiseleurs capturent aisément avec leurs filets
les jeunes Moineaux, quand, en juillet et août, ils
sont seuls éparpillés ou en petites bandes dans les
champs. Ils les y attirent par une ruse toute parti-
culière : ils prennent des petits de leur espèce dans
les nids, les enferment en cage et les posent dans le
milieu des piéges, où ils les laissent endurer la faim
pendant la chasse. Ces malheureux ne cessent alors
de s'égosiller, et beaucoup de Moïneaux qui les en-
DE LA SAVOIE. 191
tendent, viennent les y trouver, et se font prendre.
Mais cette chasse ne dure jamais longtemps ; car
aussitôt qu'après les nichées les vieux se rallient aux
jeunes, ils les rendent aussi rusés qu’eux ; et alors
il est presque impossible de pouvoir les tromper.
Le Moineau se nourrit d'insectes, surtout de sau-
terelles, de grosses mouches et de hannetons qu’il
poursuit et attrape au vol, de vers, de larves, de
chenilles, de chrysalides, d'araignées, de fruits, de
baies, de grains et de semences d’arbres. Au prin-
temps, il vit en outre de bourgeons de peuplier ; il
aime surtout l’espèce de résine qui les enduit. En
été, 1l dévore les sommités des maïs, les épis de blé
en fleur, ainsi que leurs grains en état laïteux; ilen
apporte aussi dans le nid de grosses becquées pour
l'alimentation des petits. Durant l'hiver, il abonde
avec les Pinsons et les Bruants dans le voisinage des
maisons, parcourt les haies et les chemins, cherche
sa vie jusque dans les égouts et les fientes. Il fré-
quente aussi les marchés au blé, les basses-cours et
les colombiers; posé sur les toits, les murs, les ché-
neaux ou les piles de bois, il y attend le moment où
l'on jette la nourriture aux poules, aux canards et
aux pigeons, afin de venir la partager avec eux. Il
a bien soin de s’y trouver tous les jours à la même
heure ; aussi, de crainte de la manquer, ilne s'éloigne
jamais de ces lieux ; il y passe la nuit dans les gale-
tas, dans des poutres creuses, dans des cavités de
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4 = EE
192 ORNITHOLOGIE
murailles ; quelquefois il se réfugie dans les chemi-
nées ou sur les arbres qui ont conservé quelques
touffes de feuilles sèches. Pendant la belle saison,
c’est principalement sur les arbres les plus épais de
son canton, surtout les chênes, platanes, tilleuls et
marronniers des promenades, que les Moineaux se
donnent rendez-vous le soir; ils y arrivent de tous
les côtés au coucher du soleil, y piaillent tous en-
semble jusqu’à la nuit : il semble qu’ils choisissent
cette heure pour plaider et vider leurs querelles de
la journée.
N. B. M. Temminck dit, à la page 257 de la 9° édition de son
Manuel d'Ornithologie, que le Gros-Bec Cisalpin (Fringilla Cisal-
pina), qui est la Fringille à Téte Marron ou d'Italie (Fringilla Italiæ)
de M. Vieillot, est établi et niche au Mont-Cenis. Je n'ai jamais
réussi à l’y rencontrer, pas même au sommet de la pente méri-
dionale, malgré mes nombreuses excursions dans ces lieux en
juin et en juillet; on n’y connaît pas d’autre Moineau que la Frin-
gille Niverolle, nommée vulgairement Moineau Blanc et Alpin.
Cependant on le trouve aux environs de Suze et de Turin; c’est
en cette considération que je vais en donner la description; elle
pourra servir à faire reconnaître cette espèce de Moineau, si,
d’un moment à l’autre, elle venait à se montrer au Mont-Cemis,
et à s’avancer en deçà des Alpes. Elle voyage, du reste, chaque
année en septembre et octobre, en même temps que plusieurs
de nos Moineaux Domestiques, avec lesquels elle fait alors quel-
quefois société.
Le mâle du Cisalpin est semblable à celui du Moineau par sa
taille et la disposition de ses couleurs. La différence essentielle
est dans le marron qui se dilate sur le dessus du cou, entoure
seulement la tête du Moineau, en laissant un espace gris ou cendré
sur le sommet de cette partie, tandis qu’il envahit totalement le
vertex, l’'occiput et la nuque du Cisalpin. On remarque, en outre,
que le noir de la poitrine occupe moins d'espace que chez le
premier; etses parties inférieures sont lavées de teintes brunes,
que l’on ne trouve pas sur le blanc ou le blanchätre des mêmes
parties dans le Moineau Domestique.
DE’ LA SAVOIE. 193
La femelle du Cisalpin porte aussi des mèches brunes ou noi-
râtres, peu distinctes, sur le blanc sale du devant du corps;
ces taches n'existent pas chez la femelle de l’autre espèce. Elle
a, en outre, les plumes du dos, les pennes alaires et caudales
lisérées ou bordées d’isabelle ; mais elle lui ressemble par le
reste du plumage.
146.—Kringilie Kriqueé /l'ringilla Montana).
Noms vulgaires : Moineau de Saule, Passeraz dello S6zo.
Le Friquet, le Hambouvreux (Buff.). — Le Friquet ou Moineau des Bois
(Cuv.).—Fringille Friquet (Fringilla Montana), Vieill. — Gros-Bec Friquet
(Fringilla Montana), Temm.— Passera Mattagia (Savi).—Pyrgita Montana
(Moineau Friquet), de S.-Longch.
On à imposé à cette Fringille le nom de Friquet,
parce que, étant perchée, elle ne fait que se tour-
ner de droite à gauche, que frétiller, hausser et
baisser la queue d’un mouvement presque con-
tinuel. En Savoie, on la romme Moineau de Saule,
à cause de la préférence qu’elle donne aux saules,
soit pour nicher soit pour s’assembler le jour et à
l'approche de la nuit. Les Italiens l’appellent Pas-
sera Mattagia, ce qui signifie Moineau Fou.
Sa taille est de 14 cent.
Le mâle adulte est d’un rouge baï sur le sommet
de la tête, sur l’occiput et les petites couvertures
des ailes; d’un noir pur sur les lorums, la gorge,
le devant du cou et sur l’orifice des oreilles ; blanc
aux tempes, aux joues et à la nuque où cette couleur
dessine un demi-collier. Il à la poitrine et le ventre
d’un blanc gris ; les plumes du haut du dos et les
scapulaires moitié noires, moitié rousses; les
pennes des ailes brun noirâtre, et bordées de roux ;
T. III. ka
191 ORNITHOLOGIE
le croupion d'un gris brun tirant sur le roux ;
la queue d’un brun foncé, avec une bordure rous-
sâtre à chaque penne. Sur les ailes, l’on remarque
deux bandes transversales blanches, formées par le
bout des couvertures. Le bec est noir ; l’iris brun ;
les tarses d’un brun jaunâtre.
La femelle ne diffère point du mâle par la dis-
position des couleurs ; mais elle a moins de noir sur
la gorge et moins de blanc sur le demi-collier de la
nuque ; les autres nuances sont partout seulement
moins foncées que dans le mâle.
Les jeunes, en sortant du nid, ont les teintes
plus claires que celles de la femelle adulte ; ils sont
mélangés de gris sur le roux de la tête et du dos.
On les distingue encore à la tache de la gorge et à
celle des oreilles , qui se trouvent d’un noirâtre
nuancé de gris, et fort peu étendues.
Après la mue, ils ne diffèrent point des adulies
décrits plus haut.
Le Friquet est sujet aux mêmes variétés acciden-
telles, blanches ou blanchâtres et isabelles, que le
Moineau Domestique. En 1852, M. le marquis Costa
de Beauregard fit don à la collection ornitholo-
gique de la Société d'histoire naturelle de Savoie,
d'un sujet magnifique, atteint d’albinisme complet,
On trouve cet oiseau dans tous les climats de
l'Europe ; on l’observe jusqu’en Sibérie, en Laponie
et au Japon. Il est sédentaire et communément
DE LA SAVOIE. 195
répandu en Savoie, notamment dans les pays de
plaine ; il se plait beaucoup moins dans nos régions
montagneuses.
C’est le long des haies implantées d’arbres, sur
les peupliers, les noyers, les chênes et les saules
des bords des routes, des rivières, des champs et
des prairies, ainsi que sur les lisières des petits bois
champêtres, qu’on découvre habituellement le
Friquet. [l ne s'approche guère des maisons et des
villes, si ce n’est durant l'hiver, lorsque la faim
l'y amène : alors on le voit rôder autour des fermes,
des granges et des colombiers, où souvent il se
loge dansles trousdes vieux murs. [] niche dans les
petits creux d'arbres, des saules surtout du voisi-
nage des fossés, des marécages et des champs; quel-
quefois ilse choisit à cette intention une cavité dans
une masure et dans quelque vieille muraille de mé-
tairie, entourées d'arbres ou très-proches d’un bois.
Les mâles sont moins ardents et moins jaloux en
amour que ceux du Moineau Domestique , bien
qu’ils se livrent aussi de fois à autre de petits com-
bats très-animés pour la possession des femelles.
Ils ne piaillent point comme eux en faisant la roue
autour d'elles, mais ils s’y agitent par des mouve-
ments courts et lascifs; puis ils les agacent avec de
petits eris précipités ; 1ls les becquètent tendrement
jusqu'à ce qu’ils obtiennent d'elles les mêmes gen-
tillesses.
196 ORNITHOLOGIE
Le Friquet ne se met guère ici en devoir de tra-
vailler à la confection du berceau de sa progéniture
que dans les quinze premiers jours d'avril. On voit
le mâle et la femelle qui transportent tour à tour
dans leur cavité des herbes fines, de la paille, de
petites racines fibreuses et des morceaux de feuilles
sèches, dont ils forment le fond et le contour du
nid ; ensuiteils les recouvrent en dedans de crin, de
poils, de bourre , de plumes, de cheveux et de flo-
cons de laine. C’est sur ce matelas que la femelle
dépose 5 ou 6 œufs allongés, à coque le plus sou-
vent luisante, et couverte de petites taches, assez
irrégulières, d’un brun foncé ou d’un brun lie de
vin, et si serrées, qu’elles laissent à peine eutrevoir
le fond qui est blanchâtre ou d'un grisâtre clair.
Ils ont 18-19 millim. de longueur, sur 43 ou
43 millim. : de largeur diamétrale.
Les petits éclosent dès le quinzième jour de l’in-
cubation ; au dix-septième, ils sont tous dégagés
de leur coquille. Pour les alimenter, leurs parents
vont l’un après l’autre à la recherche des chenilles,
des vers, des sauterelles, des insectes les plus mous,
et des fruits doux et charnus; chaque becquée qu’ils
apportent est d'habitude si grosse, qu’elle suffit aux
parts de deux ou de trois petits; puis à leur retour,
ils servent d’abord ceux d’entre eux qui n’ont rien
reçu à la première distribution. Les dénicheurs s’1-
maginent que chaque nichée renferme un jeunc bien
DELLA, SAVOIE, 197
plus petit que les autres, et qui est toujours un mâle ;
comme ils prétendent que c'est le cadet de la cou-
vée, ils le nomment vulgairement le Colaz du nid.
Quinze jours après leur sortie, les petits reçoivent
encore la becquée ; ce n’est guère avant le ving-
tième qu’ils mangent seuls, et leurs auteurs restent
avec eux quelques jours après pour achever leur
éducation : ils les quittent alors pour se remettre à
nicher. Les jeunes couvées hantent les champs com-
plantés d'arbres et voisins de l’eau ; elles s’y nour-
rissent souvent pêle-mêle avec celles du Moineau
Domestique, et comme elles pendant le fort de Îla
chaleur du jour, elles se retirent dans les saussaies
des bords des fossés pour se baigner, et ensuite
pour criailler des heures entières. Quand le soleil
baisse vers l'horizon, ces bandes de Friquets re-
tournent aux champs de blé, de chanvre et de
millet, dont la graine leur plaît beaucoup; elles
y occasionnent souvent de grands préjudices à
l’agriculteur ; car, non contentes d’y venir seules se
repaître, elles y amènent avec elles les bandes des
Moineaux qui ne demandent pas mieux que de
vivre dans l’abondance, et avec lesquelles elles font
société pendant leurs repas. Quand elles sont éta-
blies dans un champ, il est presque impossible de les
en chasser ; tous les haillons, tous les fantômes que
l’on y dresse ne servent de rien, ou du moins n'ont-
ils d’effet que pour un Jour. Le seul moyen de se
198 ORNITHOLOGIE
débarrasser de ces hordes de petits pillards est de
venir soi-même y faire sentinelle aux heures de leur
rendez-vous, ou bien encore de tendre des filets tout
auprès; dans ce cas, il est indispensable d’avoir un
ou deux des leurs pour appeaux, et avec quelqu'un
qui s'applique à faire lever ces volatiles tous en-
semble et à les amener vers les piéges, l’on est
toujours sûr d’en prendre beaucoup. Ils s’y jettent
tous à la fois; mais il faut se hâter de les saisir,
car ils sont si sublils, si lestes, que souvent ils
passent à travers les mailles des filets.
Les Friquets se mettent à voyager tous les ans
après les récoltes ; les uns gagnent par bandes nos
contrées montagneuses; les autres se réfugient
dans des climats plus doux, qu’ils ne quittent qu’à
la fin de l'hiver. Ceux-ci partent en troupes serrées,
volent avec rapidité et ne cessent de s’entr’appe-
ler. Néanmoins plusieurs restent en plaine dans les
buissons, les haïeset les bois, où les petitsfruitssecs,
les baies, lessemences et les pousses des graminées,
forment leur principale nourriture. Ils visitent aussi
les abords des granges pendant que l’on y bat le
blé, et cherchent, en fouillant dans la poussière for-
mée par les enveloppes de l’épi, les grains perdus.
Tous les soirs, au soleil couchant, les Friquets
se réunissent en foule dans les bois, et particulière-
ment dans les saussaies; ils y piaillent, sautillent
et voltigent d’un arbre ou d’une branche à l’autre
DELA SAVOIE. 199
jusqu'à la nuit qui les oblige de se tapir dans des
refuges. Le lendemain, dès le point du jour, ils se
remettent à crier, à frétiller jusqu’au lever du so-
leil ; alors ils regagnent par petits bataillons sépa-
rés les champs ou les buissons. Pendant l'hiver, ils
se logent souvent pour dormir plusieurs ensemble
dans la même cavité d'arbre, de roc ou de vieille
muraille, et s’y serrent au fond pour mieux se pré-
server du froid. C’est principalement dans cette
saison qu'ils s’approchent des lieux habités ; mais,
pour vivre, ils s’y montrent moins entreprenants
et moins impudents que les foineaux. L'homme
les intimide assez facilement ; aussi, ne vont-ils que
rarement se nourrir parmi les poules, les pigeons et
les canards domestiques; ils préfèrent rester sur les
arbres ou dans les haies avec les Pinsons et les
Bruants à la quête des insectes, des petits fruits
sauvages , des bourgeons d'arbres fruitiers et des
semences, que d'exposer leur vie en voulant par-
tager, contre le gré des propriétaires, la nourriture
qu’ils donnent à leur volaille.
Le Friquet est en outre plus doux que le Moineau ;
il s’apprivoise aisément, et quoique privé de sa li-
berté, il conserve toujours sa vivacité, sa gaieté et
sa gentillesse. Quand il est seul et libre, il fuit la
société de cette espèce ; 11 faut qu'il sache que ce
congénère est plus fort, plus méchant que lui.
Toutefoisil répond, il vient à son appeau, et tombe
|
==
== —
a
200 ORNITHOLOGIE
plus facilement que lui dans les piéges. Sa voix
ressemble beaucoup à la sienne, mais elle est plus
faible, plus précipitée et un peu moins monotone.
À peine est-il posé sur un arbre ou une plante, qu'il
se tourne en tout sens avec vivacité, haussant et
baissant la queue presque sans relâche. Il vole si
rapidement, qu’il paraît bourdonner comme un
sphynx on une phalène. Sa chair est toujours préfé-
rable à celle du Moineau Domestique.
149.—KFringille Soulcie (Fringilla Petronia).
Noms vulgaires : Moineau de Montagne, Passeraz det Mountagné, Monta-
gnard.
La Soulcie ou Moineau des Bois (Buff.). — La Soulcie (Cuv.). — Fringille
Soulcie (Fringilla Petronia), Vieill.—Gros-Bec Soulcie (Fringilla Petronia),
Temm.
Le mâle de la Soulcie à 15 cent. 6-7 mill. de
longueur.
Au-devant du cou, il porte une tache d’un jaune
citron, plus apparente au priulemps, après ia mue
ruptile, qu'en automne : à cette époque, elle se
trouve un peu cachée par les bordures grisâtres
des plumes qui l’entourent. Il à de larges sourcils
d’un klanc roux, surmontés par une bande plus
large encore, d’un brun très-foncé; elle prend
naissance à la racine du bec, et se dilate jusque sur
l’occiput. Le milieu de la tête est d’un roussâtre
clair, et plus ou moins mélangé de gris brun, sui-
vant l’âge des individus; le manteau varié de blan-
châtre, de blond, de noir ou de noirâtre; le crou-
DDR A SAT OT. 201
pion d’un brun nuancé de roussâtre ; les couvertures
supérieures de la queue terminées de blanchâtre.
Les pennes alaires sont noirâtres, ainsi que leurs
tectrices, puis frangées et marquées au bout de
blanchâtre et de gris roussâtre. Les rectrices ou
pennes de la queue sont de la couleur des ailes et
lisérées du même, mais marquées, à l’extrémité des
barbes intérieures, d’une tache blanche et arron-
die. Un blanc sale, teint de gris brun au bord des
plumes, couvre les parties inférieures du corps, à
l'exception de l’espace qu'occupe la tache jaune
au-devant du cou et du milieu du ventre qui est
blanchâtre, sans taches; c’est spécialement sur les
flancs que le gris brun domine. Le bec est brun en
dessus, jaune en dessous; l'iris brun; les tarses
sont courts et jaunâtres.
La femelle est un peu moins grande que le mâle ;
elle lui ressemble beaucoup au reste : sa tache
jaune du devant du cou est seulement moins vive
et moins apparente.
Dans les jeunes mâles de l’année, après leur mue
de la fin de l'été, cette tache est aussi peu visible
que dans les femelles adultes ; ce n’est guère autre-
ment qu’ils diffèrent des vieux.
La Fringille Soulcie habite particulièrement les
bois et les forêts des pays méridionaux de l’Europe;
elle y vit sédentaire, se propage dans les trous na-
turels des arbres. La femelle ne pond qu’une fois
202 ORNITHOLOGIE
par an, et sa couvée se compose de A ou 5 œufs,
assez rarement de 6. M. le docteur Degland, de
Lille, eut l'extrême obligeance de me procurer ces
œufs en 1852 ; ils sont d'un blanc sale ou glacé de
roussâtre, et recouverts de taches brunes, notam-
ment sur la grosse extrémité, où elles se trouvent
très-serrées. En longueur, ils ont 21 ou 21 mill. #,
et 45 millim. de diamètre.
Cet oiseau passe régulièrement chaque année en
Savoie, depuis la fin de septembre jusqu’à la mi-
novembre; il cesse d’y passer aussitôt après les
premières neiges qui tombent en plein pays. Il y
est très-rare pendant les rigueurs de l’hiver. C'est
par volées plus ou moins nombreuses, quelquefois
par trois ou quatre sujets à la fois, que nous l’ob-
servons le plus souvent dans nos contrées pendant
l’automne, tandis que durant le froid, il ne se mon-
tre guère que solitaire ou deux à deux ; se réunis-
sant alors quelquefois aux Pinsons , aux Painsons
d'Ardennes, aux Bruants et aux Verdiers.
Les Soulcies volent serrées comme les Moineaux
et les Friquels, mais elles sont moins piailleuses, et
leur vol.est moins précipité; il paraît même par mo-
ments presque ondulatoire. De temps à autre elles
lächent quelques cris aigres, un peutraînés, et assez
semblables au cri ordinaire de la Fringille Puison
d’Ardennes (vulgairement Choïe). Étant posées,
elles ont un autre cri plus bref et plus prompt, qui
DE LA SAVOIE. 203
s'approche beaucoup du fui ou du piou du Moineau
Domestique ; c’est encore celui qu'elles font entendre
ordinairement quand elles sont tenues en captivité.
La Soulcie s’abat sur nos terres tout récemment
ensemencées de blé, et en dévore le grain, même
quand il commence à germer ; elle fréquente aussi
les champs de sarrasin (blé noir) et les chènevières,
dont elle paraît aimer fort la graine. Après nos
récoltes, elle vit de préférence dans les haies, les
buissons ou les bois avec des baies, des fruits sau-
vages, des semences d’arbres et de plantes. Elle
paraît aussi vorace que le Moineau, car si on latire,
il est assez rare qu’on ne lui trouve pas l'estomac
rempli de grains ou d’autres aliments ; mais beau-
coup moins rusée, elle tombe plus facilement que
lui dans les filets, soit qu’elle y voie les danseurs se
débattre, soit qu’elle suive d’autres volatiles aussi
portés qu’elle à s’y empêtrer au premier coup
d’appeau qu’ils entendent. Plusieurs de nos oise-
leurs l’appellent de la même manière que le Pinson
d’Ardennes ; d’autres se servent encore avec succès
de l’appeau du Verdier, et je lai prise moi-même
aux cris d’une Linolte, lenue en cage au milieu
des filets. Il s’en prend tous les ans, en automne,
quelques bandes aux environs de Chambéry, dans
les champs de Vimines, de Montagnole , de la Ra-
voire et de Barberaz.
204 QRBNITHOLOGIE
148.—Hringille Seris ou Cini /Z'ringilla Serinus/.
Noms vulgaires : Le Ceni, Serin Jaune, pour la distinguer de la Fringille
Venturon, qui est le Serin Vert de quelques-uns de nos oiseleurs.
Le Cini etle Serin de Provence (Buff.).—Le Cini (Cuv.).—Fringille Ven-
turon (Fringilla Citrinella), Vieill. Faune Française. — Gros-Bec Serin ou
Cini (Fringilla Serinus), Temm. — Pyrrhula Serinus (Bouvreuil Serin), de
S.-Longch.—Versellino (Savi).
Le Serin a 12 cent. de longueur du bout du bec
à l'extrémité de la queue. Son bec court, gros et
bombé, le fait toujours distinguer de la Fringille
Tarin et du Venturon, avec lesquels il à quelque
ressemblance par les teintes jaunes et verdâtres de
sa livrée.
Le mâle a le front, les sourcils, une partie de la
nuque et des joues, la gorge, le devant du cou, la
poitrine, le ventre et le croupion, d’un jaune jon-
quille; à l’âge d’un an, cette teinte est moins pure,
surtout sur la tête, qui porte quelques nuances de
grisâtre. Sur les côtés de la poitrine et sur les flancs,
qui sont de cette couleur, l’on remarque des taches
longitudinales, noirâtres; le milieu de l'abdomen et
les parties anales inclinent au blanchâtre. Le dos et
les scapulaires sont d’un olivätre varié de taches
oblongues, cendrées etnoirâtres. Les pennes alaires
et caudales sont d’un brun noirâtre, et bordées d’un
jaune verdâtre : deux bandes, l’une d’un brun jau-
nâtre, l’autre d’un jaune verdâtre, coupent chaque
aile en travers. Le bec est d’une couleur de chair
rembrunie ; l'iris noirâtre; les pieds sont grisâtres.
La femelle a les parties inférieures d’un blanc
DE LA SAVOIE. 905
jaunâtre sale, et plus marquées de taches que dans
le méle ; elle est encore nuancée de cendré sur le
dessus du corps, et ses teintes sont beaucoup moins
vives que chez lui.
Les jeunes mâles sont semblables à la femelle
jusqu’à la mue ruptle du printemps. Mais a la
sortie du nid, c'est principalement le gris et le
roux verdâtre, parsemés de taches brunes et allon-
gées, qui dominent sur leur livrée.
Au printemps et pendant l'été, les deux sexes ont
le jaune de leur plumage plus brillant et plus pur
qu’en hiver. Durant cette saison, cette couleur pa-
rait comme salie par des nuances grisâtres, plus
ou moins apparentes, à l'extrémité des plumes, et
qui s’effacent peu à peu au moyen de la mue ruplile,
dès la mi-mars jusqu’à la fin d’avril.
Le Serin est commun dans le midi de l’Europe,
et rare dans le nord de la France. C’est spéciale-
ment depuis le printemps jusqu’au milieu de l’au-
tomne qu’on le remarque le plus en Suisse et en Sa-
voie; cependant quelques sujets restént pendant
l'hiver dans ces pays, où ils recherchent alors les
expositions abritées des vents froids. Ceux-ci, on
les voit fréquemment se joindre aux Tarins, et vi-
siter ensemble les jardins, les parcs, les vergers, les
bords des rivières plantés d’aunes, et les bois de
leur arrondissement ; comme eux ils s’alimentent
avec les semences et les jeunes pousses de plusieurs
206 ORNITHOLOGIE
arbres, surtout du charme, de l’orme, du tilleul,
des poiriers et des amandiers.
Le Serin est d’un naturel très-doux. L'approche
de l’homme ne l'effraye guère; il aime même son
voisinage soit pour couver, soit pour élever sa progé-
niture. On l'observe rarement dans nos montagnes,
et presque seulement à l’époque de ses voyages ;
jamais on ne le trouve dans la plupart des contrées
les plus situées au nord de notre territoire ; c’est
la Fringille Venturon n° 36, qui le remplace dans
ces régions durant la période des nichées. On
le prend facilement dans toutes sortes de piéges. Il
s’'accoutume bien vite à la captivité; en peu de
jours il s’y apprivoise, et ses manières charmantes,
jointes aux agréments de son chant, font les délices
de son maître. Le mâle est facile à s’apparier
avec la femelle du Serin des Canaries, et les métis qui
en résultent sont ordinairement d’habiles chanteurs.
I] lui arrive parfois, comme au Chardonneret, après
une longue captivité, de devenir totalement ou par-
tiellement noir ; les naturalistes attribuent ce chan-
gement de plumage à l’eflet d’une nourriture
constante de graine de chanvre.
À son retour dans nos climats au printemps, cet
oiseau forme des bandes plus ou moins nombreuses,
suivant les localités, et qui ne se dissolvent que pour
se reproduire. Souvent mêlées à celles des Char-
donnerets et des Verdiers, avec lesquelles elles sont
DENPATSAVOTE. 207
toujours bien d'accord, elles visitent les pépinières,
les bosquets, les friches et les lisières des bois cham-
pêtres ; on les y rencontre à terre presque toute la
matinée occupées à se nourrir des graines de plan-
tain, de séneçon, etde plusieurs autres plantes prin-
tanières. Vers le milieu de la journée, elles se reti-
rent souvent dans deslieux humides et très-ombra-
gés ; là elles se baignent à plusieurs reprises; puis
ensuite les mâles, au sein du feuillage, donnent
tous ensemble et à l’envi un concert des plus agréa-
bles. Leur chant est composé d’une série de sons
forts et aigus, mais modulés : trir-lireli, trrli-
rrli, rlirli-rrli, telles sont presque les seules sylla-
bes qu’ils s'appliquent à redire souvent et longue-
ment. Le soir, deux heures environ avant le coucher
du soleil, ces bandes regagnent les lieux qu’elles
occupaient le matin, afin de s’y alimenter encore;
mais à l’approche de la nuit, au moment où le soleil
disparait de l'horizon, elles rentrent toutes d’une
seule volée dans les sapinières, dans les lieux implan-
tés de cyprès, ainsi que dans les bois de haute futaie
les plus touffus du canton , pour y passer la nuit.
Le Serin travaille à la composition de son nid
dans les premiers jours d'avril, lorsque les feuilles
des arbres commencent à s'épanouir. C’est princi-
palement sur les rosiers, les orangers, les arbres
fruitiers, les ormes, les hêtres, les charmilles et les
cyprès qu’il le place; il le fait avec beaucoup de
208 ORNITHOLOGIE
goût, et l’assujettit au milieu d’une toufle de petits
rameaux ou d'un bouquet de feuilles et de fleurs.
Le dehors de ce nid est presque tout formé de tiges
d'herbes très-flexibles, de mousses, de lichens et de
racines de plantes, liées souvent entre elles par de
petits anneaux faits avec la soie des cheniiles, avec
la laine des moutons ou la toile des araignées. Le
dedans est matelassé avec du crin, des cheveux,
des plumes, ou seulement avec le duvet satiné des
saules, des peupliers et des tussilages. La femelle,
qui ne fait qu’une ponte en Savoie, à moins qu’elle
ne lui soit ravie, y dépose 5 ou 6 œufs oblongs,
blanchâtres ou d’un bleuûtre clair, avec des points,
de petits traits et des taches violâtres ou rou-
seûtres et d’un noir ou noiràtre plus ou moins tein-
tés de rouge : ces marques sont toujours plus nom-
breuses sur le gros bout, où elles sont quelquefois
disposées en forme de cercle. Les œufs ont 14 : ou
15 mill. de long, sur 10 ; ou 41 m. dediamètre. La
femelle est seule chargée de les couver, et le mâle
vient presque à chaque heure lui dégorger dans le
bec sa subsistance. Pour la désennuyer pendant
les longues heures de l’incubation, il consacre ses
moments de loisir à chanter près d'elle; il se met
pour cela à la cime d’un arbre ou à l’extrémité
de l’un de ses rameaux, et pendant qu'il ramage, il
tient très-souvent les ailes pendantes etla queue un
peu relevée ; 1l chante aussi en voletant d'arbre en
DE LA SAVOIE. 209
arbre et en battant des ailes à la manière du Verdier
et du Venturon, ou bien il se soutient quelque in-
stant dans les airs, au-dessus de la nichée, avec
les ailes déployées.
Les petits naissent au quinzième jour de couvai-
son, vêtus d’un poil follet, rare et grisâtre. Le père
et la mère, pour les nourrir, se gorgent de petites
graines de graminées, de plantains et de séneçons
surtout, qu’ils humectent ensuite et dégorgent à leur
progéniture dès qu’ils commencent à se convertir
en une espèce de pâte dans leur jabot. Chaque fois
qu’ils voient rôder quelqu'un auprès du nid, ils
poussent un petit cri plaintif, à peu près semblable à
celui du Canari quand on l’inquiète; par ce cri, ils
semblent prononcer les mots : éhieir, thiert, répétés
à distance égale et tant que dure leur crainte.
Après l'éducation de leur petite famille, le père
et la mère, ainsi que les jeunes, forment, en se
réunissant avec d’autres couvées, des troupes sou-
vent nombreuses, qui ne cessent de fréquenter les
lieux où abondent le millet, le chènevis, les chico-
rées, les plantains, les panics, etc., etc. Sou-
vent elles y font bande commune avec les Chardon-
nerets, les Painsons et les Verdiers qui ne sont pas
moins qu'elles friandes de ces graines.
C’est à la fin de septembre ou dans les premiers
jours d’octobre que la plupart des Serins émigrent
de nos contrées, et s’envolent vers le Midi. Ils par-
T. IIX. 14
210 ORNITHOLOGIE
tent de grand matin, voyagent d'habitude en troupe
serrée comme le Tarin, et s’entr'appellent quel-
quefois tous ensemble, mâles et femelles, par leurs
petits cris : érrèrli-rrrli, trrirli.
149.—Fringille Verdier /Fringilla Chloris}.
Noms vulgaires : Bruant, Briant, Bruyant, Verdon.
ver (Erngila Clone), Viell, — Gros Bee Verdier rimgilia Chr,
Temm.—Verdone (Savi).
Cette Fringille, qui est commune dans ce pays,
a 15 cent. de taille.
Le vieux mâle, au printemps, après la mue rup-
tile, a les parties supérieures du corps d’un vert
olive, se changeant presque en jaune sur le crou-
pion; les moyennes couvertures et les pennes secon-
daires des ailes cendrées, avec du noir au centre ou
sur le bord interne des plumes. Il est d’un beau
jaune à la gorgerette, au milieu du ventre, sur le
bord de chaque aile, sur les barbes externes de plus
de la moitié supérieure des rémiges, ainsi qu'aux
deux tiers environ des pennes latérales de la queue;
l’autre tiers de cette partie et les deux rectrices du
milieu étant noires, de même que l'extrémité et le
bord intérieur des rémiges. L’abdomen et les cou-
veriures inférieures de la queue sont d’un blanc
jaune, souvent inélangé d’un peu de cendré sur ces
dernières ; le bas de la gorge, le devant, les côtés
DE LA SAVOIE, 211
du cou et la poitrine, d’un vert olive comme les
parties supérieures. Le bec et les pieds sont couleur
de chair. L’iris des yeux est noirâtre.
La vieille femelle a le dessus du corps d’un vert
olive lavé de cendré ; le croupion d'un vertjaunûâtre;
le jaune des ailes et des pennes caudales plus pâle
et moins étendu que dans le mâle. Les flancs sont
gris cendré ; le milieu du ventre et la gorge lavés
d’un peu de vert jaune ou jaunâtre; l’abdomen et
les sous-caudales sont d’un blanc nuancé de jaune.
A la mue de la fin de l'été, les vieux mâles pren-
nent, à l'extrémité des plumes jaune et vert olive
du dessus et du devant du corps, une légère bordure
de gris cendré, qui s’use et disparaît totalement au
printemps suivant, au moyen de la mue ruplile.
Les jeunes, depuis la sortie du nid jusqu’à la pre-
mière mue, sont d’un blanc jaunâtre et tachetés
longitudinalement de brun sur les parties infé-
rieures ; c'est un brun nuancé de verdâtre qui règne
en dessus du corps. Ils ont bien déjà du jaune à la
base de la queue et sur le bord externe des rémiges
commeles vieux; mais cette teinte est plus pâleencore
que dans la femelle, vieille ou adulte. Leur bec est
brun. Ils ressemblent dans cette livrée tellement
aux jeunes du Bec-Croisé Commun ou des Pons,
qu'on les contondrait facilement ensemble, sans la
conformation des becs.
Après lu mue, les jeunes mâies sont semblables
212 ORNITHOLOGIE
aux vieux en plumage d'automne et d'hiver. Les
jeunes femelles ont encore, pendant toute l’année,
plus de blanchâtre dessous le corps que les vieilles ;
mais, au reste, elles leur ressemblent.
Le Verdier fréquente presque tous les pays de
l’Europe. Il est sédentaire en Savoie et commun
surtout en automne, à l’époque de ses excursions
annuelles ; plusieurs nous arrivent alors du Nord
par bandes souvent nombreuses qui se répandent
dans les champs, les bois et les vignobles. Il ne se
plaît guère dans nos montagnes, même pendant
l'été ; il leur préfère les parcs ombragés, la lisière
des bois inférieurs, les rangées d'arbres qui bordent
les champs, les prairies, les routes et l’eau, enfin
les saussaies, les vergers et les jardins. On l’y ob-
serve en troupes jusqu’à la pariade qui d'habitude a
lieu dans les premiers jours d’avril ; elle se fait très-
paisiblement : le mâle se cherche et s’attache une
compagne qu'aucun de ses semblables ne tente de
lui ravir, comme c’est d'usage chez plusieurs de ses
congénères. Aussitôt qu'il la possède, il vole avec
elle à la découverte d’un canton et revient encore,
après Pavoir choisi, vivre quelques jours pêle-mêle
|| avec les autres couples du même arrondissement.
1) Ces couples font, en se réunissant plusieurs à la
À fois, des sociétés qui vivent toujours dans une par-
IL | faite intelligence et ne se dissolvent que pour aller
| bâtir des nids, couver et élever leur progéniture.
DE LA SAVOIE. 2
La femelle pose son nid sur les arbres, dans
des touffes de rameaux ou de feuilles, ou bien dans
de hauts buissons épais ; quelquefois elle le place
sur les troncs des saules et des peupliers ébranchés,
mais qu’abritent de nouvelles pousses. Elle le com-
pose assez grossièrement à l'extérieur de mousses,
de pailles, d'herbes sèches et de racines très-flexi-
bles, qu’elle recouvre en dedans de plumes, de poils,
de bourre et de laine ; mais chaque fois que sa com-
pagne s’adonne au travail, il la charme par son
chant éclatant et assez varié. Celle-ci pond ordi-
nairement 5 œufs à la première couvée , et 4 à la se-
conde ; ils sont allongés , d’un blanc souvent très-
légèrement teint de bleuâtre , et marqués de gros
points ou de petites taches irrégulières, violâtres ou
rougeàtres et noires, principalement répandues sur
le gros bout : quelquefois ils n’ont pas de traits noirs,
et alors ils sont seulement tachetés de l’une ou des
deux premières nuances (violâtre et rougeâtre).
Pour longueur, ils ont, en moyenne, 181 ou 19 mill.
et 13 ou 13 millim. 1 de largeur diamétrale. Pen-
dant que les femelles couvent, tous les mâles du
même district se groupent à de certaines heures de
la journée, et hantent ensemble les buissons, les
champs et les abords des bois pour y chercher leur
nourriture. [ls retournent ensuite auprès de leurs
compagnes avec des aliments, qu’ils leur dégorgent
dans le bec sur le bord du nid ; puis aussitôt après,
se E
214 ORNITHOLOGIE
ils se mettent à chanter dans le feuillage. Ils vien-
nent aussi, toujours en ramageant, voltiger devant
elles avec grâce, ou bien ils se soutiennent en l’air,
au-dessus de la couvée, en étendant où battant
des ailes comme le Serin ou Cini.
Le père et la mère ont pour leurs petits beau-
coup d’attachement. Tandis que l’un des deux va à
la recherche de leur subsistance, souvent l’autre
reste pour veiller Sur eux ; au moindre danger qu’ils
courent, il crie ; aussitôt son compagnon arrive, et
le couple à l’envi cherche à les défendre ; s'ils sont
déjà forts, 1l les fait quitter le nid et se cacher à la
cime des arbres. Il leur conserve encore de l’affec-
tion même après qu'ils lui ont été enlevés : il revient
les réclamer pendant quelques jours consécutifs sur
le même arbre qui les possédait, et parvient-il à
les entendre ou à les découvrir auprès de quelque
habitation , il s’offre à Îles nourrir encore; aussi ,
n'hésite-t-on jamais de porter cette petite famille
dans une cage que l’on fixe à un arbre; et à tout
instant l’on voit le mâle et la femelle qui lui appor-
tent tour à tour les vivres; ils les lui distribuent au
travers des barreaux de sa prison et par voie de re-
gorgement, à moins que ce he soient des insectes :
pour ceux-ci, ils les lui apportent soit au bout soit
à l’intérieur du bec; quelquefois aussi ils lui donñent
pendant un où deux jours de suite des becquées
composées uniquement de sommités de mais et
DÉ LA SAVOIE. 215
d’autres plantes céréales, dont ils vont s’approvi-
sionner dans les champs, pendant la fleuraison.
À la fin du mois d'août, les Verdiers vivent déjà
par bandes dans la plupart de nos bois et de nos
plaines. Ces bandes sont parfois très-nombreuses,
notamment dans les lieux où elles trouvent en
abondance les graines qui serventle plus à leurnour-
riture habituelle; souvent on les y trouve mêlées
avec celles des Pinsons et des Linottes. Elles ont
d'habitude un canton de prédilection qu’elles ne
quittent qu'après les récoltes, ou quand on vient
leur ÿ faire la guerre; c’est alors qu’elles volent
toutes ensemble , ou bien par plusieurs pelotons
séparés, à la découverte d’un autre séjour. Elles
se plaisent de préférence dans les champs com-
plantés d’arbres, tels que noyers et châtaigniers
qu’elles couvrent par moments, après leur repas, de
leufs troupes. C’est spécialement la graine desarra-
sin (blé noir), de chanvre, de lin, de plantain, de
navette, de soleil, de scorsonère, de chicorée, etc. ,
qu’elles recherchent avec le plus d’avidité.
Tous les ans aux frimas d'octobre, lorsqu'on met
à couvert la dernière récolte, les Verdiers se livrent,
comme leurs congénères, à des excursions dans
leur pays. Errants alors par tous les champs, ils
s’abattent particulièrément sur les friches, sur les
terres qui ontété ensemencées de chènevis, de sar-
rasin, de millét, etc., et y chercheni le grain perdu
216 ORNITHOLOGIE
et celui qui reste encore sur plante. Ils s'arrêtent
aussi sur les lisières des bois et dans les lieux rem-
plis d’arbustes pour s’y nourrir de faînes, de semen-
ces de plusieurs arbres, surtout du charme, puis
des baies du genévrier et des graines de mercuria-
les. Quelquefois ils se montrent dans les jardins, où
les attirent les graines de salade et de plusieurs her-
bes potagères. Néanmoins, quelques bandes de ces
oiseaux sortent de notre territoire et se dirigent ,
comme la plupart des volées qui nous arrivent alors
du Nord, vers le Sud, afin d’y passer toute la mau-
vaise saison. Celles qui restent ici l’hiver recourent
aux arbres verts, et vivent de leurs semences et
de leurs nouvelles pousses. Elles composent parfois
des troupes considérables en se réunissant à celles
des Pinsons, des Pinsons d’Ardennes , des Linottes
et des Bruants, avec lesquelles elles courent les vi-
gnobles , les haies et les abords des grands bois :
les baies de plusieurs sortes, les pelits fruits secs et
les graines de graminées, forment dans ces lieux la
base de leur nourriture. Tous les soirs, au coucher
du soleil, ces grandes volées de Fringilles regagnent
les bois de haute futaie et dorment blotties sur les
arbres qui conservent encore leurs feuilles sèches.
Le Verdier est facile à prendre aux filets; on
imite bien d’ailleurs avec l’appeau son cri d'appel ou
où tritiri-ririrut. On le prend toujours mieux à
DE LA SAVOIE. 217
l'arbre comme le Pinson d’Ardennes (Choie), que
dans des lieux très-découverts : c’est-à-dire qu’on
le chasse avec avantage dans des champs bordés
d'arbres ou de hauts buissons, à la pointe desquels
il se pose pour descendre ensuite dans les piéges
que l’on a tendus à leur pied. Mais il est très-impor-
tant d’avoir de ses semblables pour appeaux ou pour
danseurs ; autrement, presque aussitôt posé, il re-
prend le vol sans faire mine de vouloir tomber dans
les filets. Son naturel est très-doux. Retenu en cage,
il ne paraît pas sensible à la perte de sa liberté ; il y
mange tout de suite, chante et s’apprivoise bientôt.
Lui donne-t-on d’autres Fringilles pour compagnons
de captivité, jamais il ne leur cherche querelle le
premier ; mais attaqué par eux, il se défend à coups
de bec et se fait respecter. Si l’on renferme un cou-
ple dans une volière ou dans une cage très-vaste,
souvent ils finissent par s’y reproduire, après deux
ans de captivité. Quelques personnes apparient
aussi le mâle avec la femelle du Serin des Canaries.
XLVILI Genre : GROS-BEC (Coccothraustes).
Caractères : Bec aussi gros que la tête, très-robuste, épais, bombé, droit
et pointu; mandibule supérieure élevée à sa base au niveau du front; palais
creux. Narines orbiculaires, petites, percées à la base du bec et entourées
d’une membrane. Tarses nus, annelés; doigts extérieurs réunis à leur base;
l’interne totalement libre. Ailes de moyenne longueur, à pennes secondaires
coupées carrément. Queue courte.
Ce genre compte seulement une espèce que nous
remarquons toute l’année dans nos grands bois.
218 ORNITHOLOGIE
150.—Gros-Bec Vulgaire /Coccothraustes Vulgaris.
Noms vulgaires : Le Gros-Bec, Groube, Casse-Noïsette; Éboutonneut,
bourgeonneux, Ebranthiuz, Ebrôthius.
Loæia Coccothraustes (Linn.). — Le Gros-Bec (Buff.).— Le Gros-Bec Com-
fem. = ee dE D ane Payer VE M
La fâcheuse habitude qu’a cet oiseau d’ébour-
geonner comme le Bouvreuil, en hiver et à l’ap-
proche du printemps, particulièrement les arbres
fruitiers pour se nourrir de leurs boutons, lui a
valu, dans quelques-unes de nos contrées, sés dé-
nominations Éboutonneux, Ébourgeonneux, Ébran-
thiuz et Ebrôthiuz. On le reconnaît aisément à sa
grosse tête, à son bec épais et d’une dimension qui
n’est point proportionnée aux autres parties du
corps. Sa taille est ramassée ; le mâle à 18 cent. de
longueur du bout du bec à l’extrémité de la queue.
Il est noir sur la gorge, le lorum et Le tour du
bec; d’un brun roux ou d’un marron clair sur Île
haut et les côtés de la tête, ainsi que sur les joues,
le croupion et les couvertures supérieures de la
queue. Un large collier cendré ceint la nuque; le
brun marron foncé couvre le manteau et les scapu-
laires. Vers le haut de chaque aile se trouve une
grande bande longitudinale blanche ; leurs pernes
sont noires, et tachées de blanc sur le bord interne
des barbes : ces taches ne se voient guère qu’en
déployant les ailes. Les pennes secondaires, de
ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE. |
Passereaux. Pungillidées.
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| PAR Ra ee A
| Lith.J#Perrin Chamb Ty: J.Werner del à Lith.
| | Fringille Serin, 2224 er automne, 4 gr.nat, PA ufr de lespece, gr.nat |
l pe . . Û 4 »
1 5 Frin gille Verdier. 7244 21 prülen ps, "5 Wal -p2 10-6-8 Z7z4 de lesp: Sr ral.
| 0 Gros-Bec Vdlgaire,222/e adulte; Sgrnal; PN8-N,U Zz/5 de lesp. gr nat |
il! f ‘ $ S (
| | 1244 Œufs de Grand Bouvreuil ou Ponce au ; #7: 127
15-17 Œufs de Bouvreuil Vulgaire (Verre race)977224 |
DE LA SAVOIE. 219
même que les 5°, 6° 7° et 8° rémiges, jettent des
reflets violets ; les premières sont coupées carré-
ment; les secondes ont leur extrémité tronquée sur
les barbes extérieures et échancrée sur les inté-
rieures. Les rectrices ou pennes de la queue sont
courtes, noires à leur origine, puis blanches sur les
barbes internes et hoires ou noirâtres Sur les ex-
ternes. Un roux vineux prédomine sur les parties
inférieures; les plumes anales et les sous-cau-
dales seules sont blanches. Le bec est grisâtre :
il tire beaucoup sur le bleuâtre au printemps et
en été; l'iris est d’un brun cendrée clair ; les tarses
sont couleur de chair.
La femelle est un peu moins grande que lé mâle;
elle en diffère encore par ses couleurs moins vives.
Le cendré envahit ses parties inférieures, à part la
gorge qui est noire comme chez le mâle et les
flancs où l’on remarque des teintes rousses et vineu-
ses. Elle a la bande dé l’aile et le lorum d’un gris
blanchâtré.
Les jeunes, avant lu première mue, sont très-dif-
férents des adultes et des vieux. Leur tête est d’un
jaunâtre sale, et la gorge jaune. Les parties
inférieures Sont blanchâtres; la poitrine et les
flancs marqués de petits trails bruns à l'extrémité
des plumes. Le dos et les scapulaires sont couverts
d’un brun jaunâtre ; le croupion et les couvertures
de dessus la queue, d’un blanc maculé de jaunâtre.
ss
E--
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A ——
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oo e
ES
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2% ORNITHOLOGIE
Le Gros-Bec Vulgaire est commun et sédentaire
en Suisse et en Savoie, bien que plusieurs sujets
en émigrent chaque année à l’approche de l'hiver,
se dirigeant par petites bandes, quelquefois par
paires, vers les régions méridionales ou centrales
de l’Europe. On le trouve principalement dans les
parcs et les bois de haute futaie de la plaine,
comme dans ceux des coteaux et des collines adja-
centes, ainsi que des montagnes de moyenne élé-
vation. Ce n’est guère qu’en automne ou sur la
fin de l'été, lorsqu'il se livre à ses excursions
habituelles, qu’il monte jusqu'aux forêts de nos
Alpes.
Il hante ordinairement les bois de hêtres, de
charmes, de tilleuls, de platanes, de pins et de sa-
pins, et se nourrit de leurs semences et bourgeons.
Il se montre aussi par moments dans les vergers et
le long des avenues, où il se repait de boutons
d'arbres fruitiers, de graines d’acacia, de noisettes,
d'amandes de cerisier et d’autres fruits à noyau,
dont il brise aisément les enveloppes ligneuses avec
son bec épais et robuste. Pour les saisir, il s’accro-
chesouvent parles pieds aux branches, à la manière
du Bouvreuil et de plusieurs Fringilles ; il les casse
et en mange aussi le fruit en gardant la même
attitude. Se trouve-t-on dans quelque bois tandis
qu’une troupe de ces oiseaux s’alimente à la cime
des arbres, on ne cesse d’entendre tomber autour
DE LA SAVOIE. 221
de soi , comme des gouttes de pluie, les débris des
coques et des gousses qui enveloppaient les grai-
nes ou les fruits qui servent à la pâture des sujets
qui composent la bande.
Ce Gros-Bec vit par bandes ou en famille jus-
qu'à la pariade qui n’a guère lieu chez nous
avant le milieu d'avril ; c’est habituellement à cette
époque que ses troupes se dissolvent, et en moins
de huit jours elles se trouvent toutes éparpillées dans
les bois, par paires, mâle et femelle, et occupées à
trouver un canton favorable à leurs amours. Elles
le choisissent de préférence dans lesbois avoisinant
des rivières ou des torrents, dans ceux de noyers et
de châtaigniers qui recouvrent les pentes des col-
lines ou la base des montagnes , quelquefois dans
les parcs, les allées de peupliers et les arbres les
plus élevés des vergers.
C’est à la fin d'avril ou dans les huit premiers
jours de mai que cet oiseau bâtit son niden Savoie.
On le trouve ordinairement posé à l'insertion des
grosses branches, contre le tronc, ou au milieu
d'une touffe très-épaisse de petits rameaux, ou
bien encore parmi le lierre et au sommet d’un
arbre étêté, et néanmoins entouré de jeunes pous-
ses. Il est fait en dehors avec de petites boisettes
de grandeur différente, souvent entrelacées avec
des racines, mais très-rarement, dans nos contrées,
avec de la mousse, Le dedans, qui est garni de
sr rettinetertrratatienliente
Ti St Fons me
En mile Ce nm L
DE RE TE a EE es
222 ORNITHOLOGIE
fibres ou du chevelu des racines, que recouvre en
outre quelquefois un peu de crin ou de poil, reçoit
2 à » œufs, de 2 cent. 1 3 à 2 mill, ; de longueur,
sur un diamètre de 46 ou 17 mill.; ils sont tantôt
d’un gris cendré, tantôt d’un blanc lavé de bleuà-
tre, puis parsemés de taches très-apparentes de
cendré foncé et de brun noirâtre ou olivâtre, avec
des traits irréguliers et d’une teinte un peu plus
claire que ces couleurs. La femelle ne fait ici
qu'une ponte par an; mais si on lui ravit sa nichée,
elle couve de nouveau quinze ou vingt jours après
l'enlèvement. Pendant l’incubation , le mâle lui
cherche sa subsistance et la lui apporte dans le nid.
Le père et la mère nourrissent d’abord leurs petits
avec des insectes et des chenilles; ensuite, ils leur
dégorgent les graines et les semences, après les
avoir toutefois laissé macérer ou réduire en pâte
dans leur jabot.
Après l'éducation de la progéniture, on ne re-
marque presque plus ces oiseaux que par petites
troupes ou par nichées dans nos bois. Ils parcou-
rent alors tout le jour, en se suivant exactement et
s’entr'appelant de temps en temps par des cris vifs
et forts (32 ou z1r), les lieux complantés d'arbres qui
leur fournissent des semences ou des fruits pour leur
subsistance. En quittant quelque endroit, le premier
sujet de la bande qui prend le vol, donne aux autres
par le même cri le signal du départ ; et à l’instant
DE LA SAVOIE. 223
tous ses compagnons de lui répondre tour à tour à
mesure qu’ils prennent l’essor pour le suivre, Indé-
pendamment de ce cri qui est assez semblable au
cri d’une lime, ils en ont un autre également bref,
mais moins perçant et qui paraît parfois accom-—
pagné d’un craquement de bec. Leur vol est d’habi-
tude rapide et élevé, Ils ne vont guère en troupe
serrée, mais plutôt en gardant entre eux quelque
distance; quelquefois, ils volent tous à la file les
uns des autres, et c’est alors qu’ils s’entr'appellent
le plus fréquemment.
Sur la fin de l'été, ce Gros-Bec serapproche par
moments le matin des chènevières pour s’y nourrir
de la graine de chanvre et de soleil ; il y vient rare-
ment seul, mais souvent par petites compagnies de
5 à 8 sujets. Aussitôt repu, il regagne les bois ou les
rangées d'arbres élevés, et se cache à leur cime. À
l’approche de la nuit, il se cherche dans le lierre,
dans les touffes des rameaux ou des feuilles les plus
rapprochées du tronc, un refuge pour la nuit; le
lendemain, avant le lever du soleil, on l’entend ap-
peler ses compagnons de la veille ; puis on Île voit,
quand le soleil est sur le point de paraître à l’hori-
zon, partir avec eux, allant à la quête des vivres.
C’est à la fin de septembre que plusieurs de ces
oiseaux se livrent à des excursions périodiques
dans notre pays. On les rencontre alors dans la
plupart des bois, soit en plaine soit en montagne,
mt tnt
Re Sn sp er PES
—— — ——
RE à me ES
RÉRIEST EEE
= RER TT
D
224 ORNITHOLOGIE
quelquefois aussi dans les lieux couverts de buis-
sons où ils vivent de faînes, de baïes de rosiers
sauvages et des fruits d’alizier. Quelques bandes
quittent nos climats dans les premiers jours d’oc-
tobre ; à cette époque il y en arrive d’autres qui
courent pendant quelques jours nos bois avant de se
réfugier comme elles, pour le froid, dans le centre
ou le midi de l’Europe. Mais elles se retirent de ces
régions à la fin de février ou bien en mars, suivant
les années, et reviennent nicher dans leur premier
séjour ; c’est alors qu’il se fait ici un second passage
de cette espèce. Les individus qui hivernent chez
nous se tiennent souvent autour des habitations
rurales ; ils se perchent d'habitude à l’extrémité
des branches les plus hautes des arbres qui les
entourent; mais ils fuient dès qu’on les approche,
et retournent se cacher dans les bois.
Le Gros-Bec Vulgaire est d’un caractère sauvage
et taciturne. Il n’est susceptible d'aucune éducation.
Il ne répond que très-rarement à l’appeau des o1-
seleurs ; aussi, prétendent-ils qu’il est très-dur d’o-
reille. Pourtant, on le prend assez facilement en
automne et en hiver, quand on possède en cage un
sujet de son espèce très-porté à l’appeler quand il
passe près des filets. Il faut toujours éviter de le
renfermer en volière avec d’autres oiseaux plus
faibles que lui, parce qu’il lui arrive parfois de leur
briser les pattes ou de les assommer avec son bec.
DS S CRU ONE, 225
Evitons encore, quand on le dégage d’un piége,
qu'il nous pince les doigts avec celte arme redou-
table:, car elle les serre si fortement, qu'en un
instant elle les met en sang. Sa chair n’est point un
mauvais manger, quoiqu'elle ait quelquefois un
léger goût d'amertume, que lui donnent les bour-
geons des arbres auxquels cet oiseau recourt pour
subsister spécialement en hiver et au printemps,
KRivERE Genre : BOUVAREUNE, / Æparardoecbes |.
Signes caractéristiques : Bec court, gros, surtout à la base, fort, conique,
bombé sur les côtés, comprimé à la pointe, à arête s’avançant un peu sur le
front; mandibule superieure un peu plus longue que l’inferieure dont elle
couvre les bords et la pointe, creusée en dedans et courbée vers le bout; celle-
ci un peu relevée à sa pointe. Narines rondes, basales, latérales et cachées
sous de petites plumes couchces en avant. Doigts divisés.
Les Bouvreuils habitent en Savoie, pendant la
saison des beaux jours, les bois ou les taillis des
montagnes de moyenne hauteur, ainsi que les forêts
des Alpes. Mais aussitôt que la neige envahit ces
lieux, ils se rapprochent des collines ou de la plaine;
ils viennent se montrer en hiver jusque dans les
jardins , et s’y alimentent avec les boutons des
arbres fruitiers, qui renferment les feuilles pour le
printemps. Ils se nourrissent aussi de graines et de
semences, quelquefois très-dures, qu’ils débarras-
sent aisément avec le bec de leurs enveloppes. Les
mâles diffèrent beaucoup des femelles ; les jeunes,
DIU 19
225 ORBOQILLE OT, O GTE
après la mue de la fin de l’élé, ressemblent aux
adultes et aux vieux.
L’Europe en compte six espèces, d’après la clas-
sification de M. Temminck; une seule habite la
Savoie.
Le Grand Bouvreuil ou le Bouvreuil Ponceau
(Pyrrhula Coccinea), décrit par MM. Degland et
Gerbe, est très-probablement une race locale du
Bouvreuil Vulgaire, dont il diffère par son habitat et
par ses dimensions un peu plus fortes. Le plumage
est le même dans les deux. La différence qu’on a
voulu établir spécialement sur le rouge des parties
inférieures du corps, ne me paraît point fondée,
parce que, dans l’un et l’autre, cette couleur varie
suivant l’âge des individus; plus ils sont vieu, plus
elle est foncée.
152. Bouvreuil Vulgaire /Pyrrhula Vulgaris).
Noms vulgaires : Pivoine, Pivouene, Pivoueuse, Boulonnier, Ebourgeon-
neur, Sibluz.
Le Bouvreuil (Buff.).—Bouvreuil d'Europe (Pyrrhula Europæa), Vieill.—
Bouvreuil Commun (Pyrrhula Vulgaris), Temm.—Cuifrolotto (Savi).
On aime partout à tenir en cage ce charmant
oiseau, à cause de la beauté de son plumage, la
facilité qu’il a de retenir les airs qu'on lui siffle, et
l’attachement qu'il montre pour la DRE qi
chaque jour le choie.
Le Bouvreuil Vulgaire à 16 cent, 5-6 SA de
longueur totale. |
HNDENEAN) SAVOIE. 227
Le Grand Bouvreuil ou le Bouvreuil Ponceau a
ordinairement 2 cent, de plus; il paraît constam-
ment plus gros que le Vulgaire. Son bec aussi est
proportionnément plus gros, et ses tarses sont un
peu plus allongés,.
Le mâle adulte est, dans les deux races, d’un
noir lustré de violet sur le sommet de la tête, à la
gorge, autour du bec, sur les ailes et la queue; il
a la nuque, le manteau et les petites couvertures
alaires, cendrés ; le croupion d’un blanc pur, de
même que l’abdomen et les couvertures inférieures
de la queue. Un beau rouge prédomine sur toutes
les autres parties inférieures. Sur les ailes est une
bande transversale, assez large, d’un gris cendré.
Le bec est noir, ainsi que l'iris des veux ; les
tarses sont d’un brun foncé.
La femelle est noire sur les mêmes parties que le
mâle, mais brune roussâtre sur les parties infé-
rieures qui sont rouges chez lui. Le cendré du des-
sus de son corps paraît comme sali de roussâtre.
Les vieux mâles ont le rouge toujours plus foncé
que les adultes; et les vieilles femelles, le brun rous-
sàtre de dessous le corps , ainsi que le cendré du
dos et de la nuque, plus purs que chez leurs sem
blables d’un ou de deux ans.
Les jeunes, en sortant du nid, ont, dans les deux
seæes, de la ressemblance avec la femelle adulte que
je viens de décrire, sauf par la tête et la gorge qui,
228 ORNITHOLOGIE
au lieu d’être noires, sont, chez eux, du même gris
roussàtre que l’on remarque déjà sur le devant de
Jeur cou et à la poitrine. Le ventre est fauve; la
bande qui traverse les ailes, roussàtre; le crou-
pion et l'abdomen, d’un blanc sale; le dessus du
corps d’un gris nuancé à la fois de cendré et de
roussatre.
Après la première mue, les jeunes sexes sont
très-distincts ; ils ressemblent aux adultes décrits en
tête de l’article. Le rouge des parties inférieures
du mâle semble néanmoins un peu mêlé de cendré
rougeâtre à l'extrémité des plumes; mais cette
nuance disparait au printemps, par l'effet de la
mue ruptile ; alors le rouge devient plus beau.
Le Bouvreuil Vulgaire n’est pas rare en Savoie
pendant toute l’année. La grande race ou le Bou-
vreuil Ponceau y est beaucoup plus nombreuse que
la petite : celle-ci paraît plus particulièrement ré-
pandue dans le nord et le centre de la France,
dans des régions souvent plus basses et moins froi-
des quecelles de nos Alpes, où le Bouvreuil Ponceau
est le plus commun durant l'été.
Depuis le printemps jusqu’à la fin de l'automne,
on remarque ces deux races de Bouvreuil seule-
ment dans nos contrées montagneuses, et notam-
ment dans les bois de pins, de sapinset de mélèzes,
de même que dans les lieux remplis de taillis ou de
broussailles, qui les avoisinent, On les y entend à
DÉ LA SAVOIE. 229
toute heure du jour siffler, soit qu’elles s'appellent
entre couple, mâle et femelle, soit que ceux-ci se
répondent l’un à l’autre. Toutefois ces deux races
ne se trouvent que très-rarement mêlées ensemble,
même après la saison des nichées. Leur chant na-
turel d’été consiste en trois cris distincts; par le cri
le plus ordinaire qu’elles font encore entendre pen-
dant l'hiver, on dirait qu’elles articulent les sylla-
Des : {ui ; ui, tu, tui, où la voyelle + n’est presque
pas sensible à l’ouïe ; en sorte qu’en les proférant,
elles paraissent constamment siffler. La première
syllabe se fait entendre d’abord seule, lorsque loi-
seau débute; ensuite, les deux ou trois autres lui
succèdent alternativement. À ces coups de sifflet le
mâle Joint souvent une espèce de gazouillement un
peu enroué et finissant en fausset, par lequel il
semble exprimer les mots: pèrr, pirrout, pirot ; je le
crois aussi propre à la femelle, pendant la période
de l’amour. Le mâle possède encore un petit cri
plaintif, très-doux , quelquefois très-semblable à
un roucoulement, et qu’il redit souvent en été, en
l’accompagnant, d’après M. Vieillot, d’un remue-
ment dans les muscles de l’abdomen. Ce cri et les
précédents sont d'habitude plus forts et plus pro-
longés dans le Grard Bouvreuil que dans la petite
race.
Le màle et la femelle, suivant qu’ils habitent ici
des régions plus ou moins élevées, s'occupent de
230 ORNITHOLOGIE
nidification à la fin de mai ou seulement vers la
mi-juin. Ils font ensuite une seconde couvée dans
les derniers jours de juillet, ou bien au commence-
ment d'août. C'est principalement dans les buis-
sons les plus épais et dans les enfourchements des
branches d'arbres les plus rapprochées du sol,
dans ceux des hêtres et des sapins surtout, qu’ils
placent leur nid. Ils y travaillent de concert et le
construisent en dehors de très-petits morceaux de
branches sèches, entrelacés négligemment, et quel-
quefois mélangés avec des brins ou des tiges de
bruyères; ils doublent ensuite ces matériaux en
dedans d’un peu de racines fibreuses ou chevelues
de plantes et d’arbustes, qui sont à leur tour re-
couvertes de quelques poils ou de crins. La femelle
y dépose 5 ou 6 œufs, ordinairement 4 à la
seconde ponte; ils sont bieuâtres ou d’un blanc
bleuâtre, tachetés de violâtre, de noir ou de noi-
râtre et d’un rouge très-sombre ; ces taches se trou-
vent mèlées ensemble vers le gros bout de la coque,
où elles sont parfois disposées en une sorte de
couronne plus ou moins complète. Les œufs ont,
dans la grande race, 18 3 à 19 mill. + de longueur,
sur 43 + à 14 mill, + de diamètre; dans la petite
race, ils sont de 47 ou 47 mill. ; de long, et de 1à-
14 mill. de largeur diamétrale.
a!
Chaque jour le mâle participe à l’incubation ;
comme la plupart de nos Fringilles, il alimente
DE LA SAVOIE. 231
encore sa compagne quand elle couve, en lui dégor-
geant les vivres; c’est aussi par cette voie que
le couple partage à sa progéniture les graines ou
les semences qu'il choisit pour sa pâture ; mais il
ne les lui donne, tant qu'elle demeure dans le nid,
qu'après les avoir laissées macérer pendant quel-
ques minutes dans le jabot.
Le père et la mère quittent leur petite famille
dès qu’elle est très-capable de se nourrir seule : et
ils continuent eux-mêmes à vivre ensemble ; on les
revoit encore souvent appariés pendant l'hiver.
Tous les jeunes d’une nichée restent, après leur édu-
cation achevée, tantôt deux ou trois ensemble, tan-
tôt solitaires, et assez fréquemment par petites
compagnies de quatre à six sujets. Ils habitent,
comme leurs vieux semblables, les bois des monta-
gnes jusqu'à ce que la neige ou l'intensité du froid
les en chassent. Les graines de différentes espèces
d'arbres et de plantes, qu’ils ne mangent qu'après
les avoir dépouillées de leurs péricarpes, les bour-
Seons etles baies de l’aubépine, du genévrier,duner-
prup, etc. y composent leur principale nourriture.
C’est à la fin de l'automne, ou bien aux premières
neiges qui tombent dans nos montagnes, que les
Bouvreuils en descendent un à un ou par paires,
quelquefois par petites bandes, et s’abattent dans
les bois inférieurs. Quelques individus se livrent
alors ensemble à des excursions jusqu’à l’approche
239 ROMEO LOGIE
du printemps; mais à cette époque, ils rentrent
ordinairement tout appariés dans leur patrie, et
regagnent les régions alpestres pour s’y adonner à
l’acte de reproduction. Ceux qui restent en Sa-
voie pendant l'hiver, fréquentent particulièrement
les bois des collines et ceux qui recouvrent le pied
des montagnes. Mais les neiges viennent-elles aussi
les envahir, ils arrivent dans ceux de la plaine ou
dans les parcs et les vergers des lieux habités :
c'est dans ces derniers ainsi que dans les jardins,
qu'ils commettent le plus de dégât, en mangeant
et détruisant force bourgeons d’arbres fruitiers,
tels que cerisiers, pruniers, poiriers et pom-
miers,. On les observe aussi dans les grandes
haies qui bordent des routes et des champs, où ils
recherchent les petits fruits sauvages et les baies
d’épines; puis sur les chênes, les frênes, les aunes,
les charmes, qui les nourrissent de leurs jeunes
pousses et de leurs semences. Pour les couper et
les dépouiller de leurs involucres, ils s’accrochent et
se suspendent par les pieds aux branches, comme
plusieurs Fringilles, et ils restent souvent dans
cette position pour en manger l’intérieur.
Le Bouvreuil Vulgaire est l’un des oiseaux qui
s’apprivoisent le mieux et qui bientôt s’attachent à
leur maître d’une manière forte et durable. À ces
bonnes qualités il joint une heureuse aptitude pour
apprendre à articuler des mots, à retenir des airs de
DIÉALANSAMOTE. 233
chansons, à imiter les cris de quelques oiseaux pla-
cés près de lui en cage. Mais il faut de la part de la
personne chargée de lui donner des leçons, beau-
coup de patience et des sons raisonnés; autrement,
elle ne réussira que très-difficilement à lui perfec-
tionner le chant. La femelle paraît aussi susceptible
d'éducation que le mâle ; elle apprend aussi bien à
siffler que lui. Vient-on à bout d'élever ensemble un
mâle et une femelle, on peut espérer de les voir au
printemps se préparer un nid avec les matériaux
mollets qu’on leur offre, et y couver ensuite tour
à tour. Maïs il arrive très-souvent que les œufs sont
clairs; le mâle à en outre quelquefois la manie de
les casser à mesure que la femelle les pond et d’ava-
ler ensuite quelques débris de leur enveloppe cal-
caire. J’ai vu plusieurs couvées de ce Bouvreuil en
volière, mais je n’en ai pas rencontré une seule qui
ait eu de la réussite,
En état de liberté, cet oiseau n’est guère sau-
vage; il donne facilement dans les piéges, surtout
en hiver. Son naturel est sombre et timide; c’est
pour cela qu’il se plaît tant dans les lieux ombra-
gés et couverts, où souvent il se tient caché parmi
les branches. Il a dans la queue un mouvement
assez brusque de haut en bas, mais beaucoup moins
fréquent, moins marqué que celui des Bergeron-
neltes et des Pipis. Sa chair est d’un bon goût; elle
est quelquefois parfumée de l’odeur agréable des
234 ORNITHOLOGIE.
baies de genièvre ; mais en hiver, ellese ressent un
peu de l’amertume qu’elle emprunte des bourgeons
qu’elle consomme alors dans les bois et les vergers,
XLIXce Genre : BEC-CROISÉ (Lozxia),
Caractères : Bec large à sa base, comprimé latéralement, robuste, crochu à
la pointe des deux mandibules, qui sont allongees et croisées l'une sur l’autre;
le bout de la mandibule inferieure se dirigeant tantôt d'un côté, tantôt dé
l’autre. Narines basales, latérales, étroites et cachées sous des poils couchés
en avant. Pieds, trois doigts devant, un derrière, munis d'ongles crochus.
Ailes mediocres. Queue fourchue.
Les Becs-Croisés sont voisins des Bouvreuils et
des Gros-Becs par rapportaux mœurs et à l'appétit:
mais ils s’en éloignent essentiellement par la dif-
formité ou la forme extraordinaire de leur bec croisé
en sens inverse, au bout des deux mandibules : ce
caractère les sépare aussi de tous les autres genres
d'oiseaux.
Ils habitent particulièrement les régions froides
et élevées de nos Alpes, où ils se propagent pendant
les rigueurs de l'hiver. Durant l’été et en automne,
ils se livrent à des excursions par bandes souvent
nombreuses soit dans leur propre pays, soit vers
les régions centrales et méridionales de l’Europe.
Les semences d’arbres et d’arbustes alpestres, sur-
tout celles de pin et de mélèze, forment la base de
leur nourriture dans leur séjour d’été ; ils les arra-
chent facilement de leurs cônes avec l’une de leurs
mandibules : ordinairement avec le crochet supé-
DELA SAVOIE. 235
rieur, qui est la pointe de la mandibule inférieure,
tandis que l’autre sert de point d'appui pendant que
le premier retire le fruit. Dans leurs excursions d’été,
ils ont aussi recours aux graines de chanvre et de
soleil, ainsi qu'aux pommes qu’ils fendent aisément
pour en avoir les pepins, dont 1ls paraissent friands.
Les mâles et les femelles ne se ressemblent point
dans leur livrée; les jeunes mâles, avant la mue,
sont semblables aux femelles,
La mue est double dans l’espèce que je vais
décrire; celle du printemps est d'habitude plus
notable dans les Jeunes que dans les vieux et les
adultes; elle n’a pas lieu chez tous les sujets à la
fois : elle paraît subordonnée à leur âge. J’ai re-
marqué des individus qui muaient à la mi-avril,
tandis que d’autres avaient déjà éprouvé cette crise
à la fin mars; j’en ai vu quelques-uns qui commen-
çalent à muer aux premiers jours de mai, lorsque
plusieurs de leurs semblables, soit le plus grand
nombre des sujets que je capturais alors dans nos
montagnes, avaient déjà totalement changé de
plumes. Les jeunes de l’an, quoique nés en janvier,
février ou mars, ne muent pas d'habitude chez nous
avant les mois de juin, juillet et août; 1ls changent
encore de livrée à la fin de l'hiver ou à l'approche
du printemps suivant, quand ils terminent l’édu-
cation de leur première famille.
La Savoie possède une seule espèce de Bec-
236 ORNITHOLOGIE
Croisé, qui nous fournit parfois des individus un peu
plus gros que d'habitude, mais qui ne diffèrent point
du type de l'espèce par les couleurs du plumage.
252%.—Bec-Croisé des Pins /Loviu Curvirostra).
Noms vulgaires : Bec-Croise, Bet-Cruëèja, Bec en Croix.
Le Bec-Croisé (Buff.). — Loxia Curvirostra (Cuv.). — Bec-Croisé des Pins
(Loxia Curvirostra), Vieill.—Bec-Croisé Commun ou des Pins (Loria Curvi-
rostra), Temm.—Crociera (Savi).
Cet oiseau tire son nom, comme nous venons de
le voir par ses signes caractéristiques, du croise-
ment des deux mandibules de son bec à leur extré-
mité. Sa longueur totale est de 16 centim. ; quel-
ques individus un peu plus gros que d'ordinaire
ont » ou 6 millim. de plus; leur bec est même un
peu plus fort, et souvent la pointe de la mandibule
inférieure ne dépasse point le dessus de la supé-
rieure, comme on le remarque dans les sujets com-
muns. Cette dernière paraît en outre un peu moins
allongée et plus subitement courbée que chez eux.
Les vieux mâles sont d'un rouge de brique, ou
d’un rouge vermillon ou ponceau plus ou moins vif
et pur, suivant l’âge des individus, sur la tête, le
cou, le dos, le croupion et sur les parties inférieures;
ils ont seulement le milieu du ventre et de l’ab-
domen d’un blanchâtre souvent teinté d’un peu de
rose, surtout chez les érès-vieux sujels; puis les
sous-caudales blanches, avec une large tache brune
ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE .
Passereaux. l'eingillidé es ; !
TI: 2/7 |
!
l
1 D Neo. | | Neanes dal
Grand Bouvreuil ou B. Ponceau, 40e 2dulle; 15 grnat; PI.
» » » Jete de femelle adulte.
Bouvreuil Vulgaire( Pete vace);212/e adulte; 75 grnat, P.M6.
Bee-Croisé des Pins, rezrmale; #8 grral; LP. 956.
DEN) Jeune de l'annee.a pres la l'*mue, 13 or.nat-\-Ù als de lesp;grrat
ex = cts —
DATOUNEENS ANIO CE. 231
au centre de chaque plume. Les pennes des ailes
et de la queue sont noirâtres, et finement lisérées
à l'extérieur de blanc jaunâtre ou d’un rouge pâle,
selon l’âge. L'iris des yeux et les tarses, bruns ou
noirâtres. Le bec, dont la pointe de la mandibule
inférieure se dirige, en se croisant sur la supé-
rieure, tantôt d’un côté tantôt de l’autre, est d’une
couleur de corne plus foncée en dessus que sur les
côtés et en dessous.
Les jeunes des deux sexes, en sortant du nid, sont
d’un gris blanc fortement taché en long de noirâtre
sur le devant du corps; puis variés de blanchâtre,
de noirâtre, de gris ou de cendré terne sur les par-
ties supérieures. [ls ont l'extrémité des moyennes
et grandes couvertures des ailes, d’un blanc très-
sale et inclinant parfois presque au jaunâtre : ce qui
forme sur chaque aile deux bandes transversales,
dont la première est toujours plus étroite que la
seconde. Les plumes du croupion et les couvertures
supérieures de la queue sont habituellement bor-
dées et terminées, chez les mâles surtout, d’un
cendré jaunâtre,
À leur première mue, vers le milieu ou sur la fin
de l’été, les jeunes mâles se colorent de cendré plus
ou moins mêlé de verdâtre en dessus du corps : on
y remarque en outre, et notamment sur le front, à
la nuque, aux joues et sur les côtés du cou, quel-
ques taches ou espaces jaunâtres. Ils deviennent
238 ORNITHOLOGIE
jaunes ou jaunâtres sur le croupion ; puis gris ver-
dâtres ou verts jaunâtres, ordinairement lavés
de cendré, suivant les sujets et l’époque de l’an,
sur les parties inférieures. Îls conservent néanmoins
souvent, mails plus particulièrement dessus que
dessous le corps, quelques mouchetures ou nuances
brunes de leur première livrée,
A la seconde mue, qui a lieu soit à la fin de l’hi-
| ver, soit au commencement du printemps, les jeunes
| mâles prennent du rouge ou du rouge pâle orange,
| ou bien un rougeâtre teint de jaune, sur lesquels se
trouvent çà et là, et surtout à la nuque, aux régions
des yeux et des oreilles, puis sur le dos, lescôtés du
cou et de la poitrine, quelques nuances , plus ou
moins notables, brunes ou brunâtres et grisâtres.
À la troisième mue ou à la fin de l'été de la
deuxième année, le rougeâtre ou le jaune rouge |
se change en rouge de brique plus ou moins vif, |
et plus tard en rouge vermillon et ponceau : c’est- |
à-dire que plus les mâles vieillissent, plus le rouge |
de leur livrée devient foncé.
La femelle ne prend jamais la livrée rouge, qui
est propre au mâle seul. Dans un âge avance, elle
1 est d’un gris verdâtre presque nuancé de cendré ;
| jaune sur le croupion qui paraît aussi teinté souvent
| À de cendré sur cette couleur, et d’un blanc sale au
| milieu du ventre. Dans le premier âge, elle ressem-
il ble au jeune mâle, Comme nous venons de le voir;
DENT SAVOIE. 239
dans l'âge adulte, elle se trouve habituellement mar-
quée au centre des plumes de la tête, de la gorge
et du manteau surtout, d’une teinte plus foncée
que celle des bords, qui est ou cendrée ou cendrée
olivâtre, selon son âge,
Le Bec-Croisé des Pins fréquente principalement
les contrées montagneuses, froides et couvertes de
bois noirs; son apparition dans le Midi, et dans
plusieurs pays tempérés de l’Europe, n’a lieu
qu’accidentellement où à des époques plus où
moins éloignées, Il vit sédentaire en Suisse et en
Savoie, où son espèce est assez commune suivant
les localités, pendant les nichées, Nous en voyons
en outre, à des intervalles de plusieurs années et
particulièrement dès le milieu de l’été jusqu’en au-
tomne, des passages par moments extraordinaires.
Nous en eûmes beaucoup en 1836 et 1837; les plus
anciens oiseleurs de l’époque assuraient unanime-
nent qu'il ne s'était point vu en Savoie de passages
aussi remarquables, depuis les mois dejuillet, d'août
et de septembre 1822, 1825 et 1826. En consul-
tant les travaux des ornithologistes Contemporains,
on voit que ces migrations s’étendirent aussi dans
lés pays du centre et du midi de l’Europe. Elles sont
dues à des causes accidentelles : c’est sûrement
une disette plus ou moins complète des fruits et des
semences, dont ce singulier oiseau se nourrit, qui
le pousse à quitter ainsi les climats qu’il habite
210 ORNITHOLOGIE
de préférence, pour le faire aller chercher dans
d’autres, les aliments que les premiers ne peuvent
alors lui fournir.
Ce fut par bandes continuelles et presque tou-
jours nombreuses queles Becs-Croisés arrivèrent ici
pendant les années que je viens de signaler. Doués
d’une grande confiance, ils se laissaient aborder de
si près qu’on en abattait souvent dans les jardins
en ville et dans les champs , avec des pierres ou
des bâtons; quelques sujets allaient jusqu'à s’y
laisser prendre avec la main. Les détonations du
fusil ne les effrayaient guère, surtout aux premiers
jours de leur apparition dans le pays; aussi les
tirait-on, quand ils étaient par troupes, plusieurs
fois de suite sur le même arbre , sans que les indi-
vidus qui survivaient aux fusillés, témoignassent
quelque envie de fuir ; souvent ils se contentaient
alors de passer d’une branche à l’autre, ou de
monter du centre de larbre, où ils étaient, à la
cime; et là on leur tirait encore avec succès quel-
ques coups de fusil. Ils étaient si voraces qu’ils
paraissaient continuellement affamés. On les trou-
vait dans les champs ensemencés de chanvre et
quelquefois dans les millets, où ils faisaient une
forte consommation des graines; puis autour des
maisons de campagne, dans les allées de pins et
de sapins dont ils dévoraient les semences. Ils se
répandaient aussi dans les vergers et les jardins,
DE LA SAVOIE. 241
où ils causaient du dommage sur les pommiers
et les poiriers, en fendant ieurs fruits pour se
repaître des pepins; quelquefois, ils réussissaient,
et je l’ai vu moi-même, à ouvrir à l’aide des deux
crochets de leur bec, les noix, qu'ils tenaient toute-
fois assujetties dans leurs serres, et en mangeaïent
le fruit. On se plaisait partout à leur tendre des
piéges, surtout des filets où ils se jetaient sans hési-
ter un instant, pourvu qu'ils y aperçussent quel-
qu'un de leurs semblables ; si l’un des sujets d’une
bande venait à s’y poser, aussitôt tous les autres
le suivaient en poussant leur petit cri d'appel :
CTUip, CrUip, CrUIp-CrUuip.
Le Bec-Croisé des Pins vit longtemps en cage.
Ce qui y fait son mérite, c’est qu’on ne l’y voit ja-
mais s’impatienter, pas même les premiers jours de
captivité ; il ne paraît point, en effet, sensible à la
perte de sa liberté. Il devient en fort peu de temps
d'une familiarité extrême. On le voit presque tout
le jour se distraire en grimpant le long des bar-
reaux de la cage, comme les Perroquets qui s'ac-
crochent pour cela par les pieds et le bec. En état
de liberté, il s'accroche de la même manière aux
branches et grimpe jusqu’à leurs sommités, tout en
y cherchant sa vie. En volière, on le nourrit faci-
lement avec des semences de pin et de mélèze, avec
des graines de soleil et de chanvre. Mais plusieurs
personnes sont d'avis de lui ménager la graine de
TSALTES 10
rm
RS ne
|
242 ORNITHOLOGIE
cette dernière plante ; elles prétendent qu’elle con-
tribue beaucoup à lui faire perdre plus tôt sa livrée
rouge, qui devient alors jaune, ou jaune olivâtre, et
quelquefois presque de couleur orange. J'ai gardé
en cage plusieurs Becs-Croisés. Je leur donnais fré-
quemment des noix et des noisettes; mais pour
qu'ils n’eussent pas trop de peine à les casser, je
les fendais un peu, laissant ensuite à ces captifs le
soin de les ouvrir assez pour en avoir l’intérieur.
Ïls s’'emparaient d’abord du fruit, l’assujettissaient
entre leurs petites serres, le becquetaient à plu-
sieurs reprises, comme s'ils eussent voulu $s’as-
surer, avant de l’entamer, de la bonté du noyau
que la coquille recouvrait ; ensuite, ils enfonçaient
l’un des deux crochets du bec dans la fissure que
j'avais pratiquée, tandis que l’autre leur servait, sur
la coque, de point d'appui: ils ne tardaient pas, en
tournant plusieurs fois de suite le premier crochet
dans la fente, à faire craquer l'enveloppe, puis à la
rompre, enfin à se nourrir de la substance inté-
rieure, Mais j'ai remarqué que ces aliments les
altéraient considérablement. Quant aux cônes de
pin et de mélèze que je leur donnais, ils en déta-
chaient les écailles adroitement pour s'approprier
la graine qu’elles cachaïent ; ïls posaient le cro-
chet inférieur du bec (celui de la mandibule supé-
rieure) au-dessus de l’écaille, qu'ils soulevaient à
plusieurs reprises et finissaient par écarter à l’aide
DE LA SAVOIE. 243
du crochet supérieur. Parfois, ils la tenaient seu-
lement soulevée avec l’une des pointes du bec,
pendant qu'avec l'autre ils arrachaient la semence
qui se trouvait en dessous.
Comme nos observateurs montagnards, je crois
que ce Bec-Croisé n’est devenu commun en Savoie
que depuis ses nombreux passages de 4822, 1895,
1856 et 1837; il est effectivement certain qu'avant
ces époques, on ne l’y remarquait qu'en très-petit
nombre toute l’année. Aujourd'hui, au contraire, il
n'est presque pas, dans nos régions alpestres, de
forêts d'arbres verts qui ne le possèdent par bandes
ou par plusieurs paires, durant la période des ni-
chées : il faut donc que des troupes voyageuses de
cette espèce, venues des pays froids de l'Europe,
se soient fixées dans nos Alpes, où elles ont dû
facilement rencontrer soit le climat du Nord, qui
leur convient mieux que tout autre, soit les sub-
stances végétales qui les ÿ alimentent.
Le Bec-Croisé des Pins est le seul oiseau de nos
contrées qui se reproduise pendant les rigueurs de
l'hiver ; c’est depuis le milieu de janvier jusqu’à la
fin mars que l’on trouve le plus son nid garni
d'œufs ou de petits. Îl niche de préférence dans les
forêts de pins et de sapins de nos montagnes,
rarement dans celles de même nature des co-
teaux et des collines. On le voit se propager au
Nivolet, à Margériaz, Montmayeur et Saint-Hugon ;
|
: |
246 ORNITHOLOGIE
bonne partie de l'été, les mâles ont un ramage
composé de quelques cris forts, aigus, assez bien
liés ensemble et qu'ils redisent en grasseyant
un peu.
Ces oiseaux voyagent chez nous depuis la fin de
juin ou le commencement de juillet jusqu’en sep-
tembre ou octobre, selon les années. Plusieurs de
leurs bandes s’abattent alors des montagnes jus-
qu'à la plaine, On les rencontre là le long des
routes et sur les bords des champs et des eaux, po-
sées de préférence à la cime des peupliers, dont
elles mangent les bourgeons qui se forment avant
l'automne. C’est surtout le matin, au lever du
soleil, qu'elles se mettent à voyager; et aussitôt
que cet astre répand trop de chaleur pour elles,
on ne les remarque presque plus qu'à l'ombre,
dans les bois de haute futaie. Elles se remet-
tent ensuite en mouvement le soir, deux ou trois
heures avant le crépuscule, et rentrent, à l'approche
de la nuit, dans les bois pour dormir. Le lendemain,
dès le point du jour, on les y entend rappeler; et
lorsque le soleil paraît à l'horizon, elles se trouvent
déjà répandues dans les champs, dans les chène-
vitres surtout, ou bien sur les lisières des bois qui
leur fournissent les graines ou les fruits qu’elles
recherchent le plus avidement.
DEA LA, SAVOIE. 247
Xe Genre : BRUANT (Wimberiza).
Caractères genériques : Bec court, assez robuste, conique, un peu comprimé
latéralement; mandibules à bords rentrés en dedans; la supérieure plus
étroite que l’inferieure, en partie Creusée à l’intérieur soit au palais, et munie,
dans cette partie, d'un tubercule osseux de forme variée, tantôt longitudinal
et saillant, tantôt arrondi et peu apparent, selon les espèces. Narines percées
à la base du bec, orhiculaires, et un peu cachées sous de petites plumes diri-
gées en avant. Langue épaisse et fendue à sa pointe. Tarses réticulés; trois
doigts devant divisés; un derrière. Ailes de moyenne grandeur. Queue à
12 rectrices, longue, fourchue ou légèrement arrondie.
Les Bruants, en général, sont des oiseaux fort
peu prévoyants et notables par leur air de stupidité,
qui les éloigne singulièrement des Fringilles ; pres-
que pas défiants, ils donnent, surtout en hiver, dans
tous les piéges possibles. Les bois, les buissons,
les lieux cultivés et voisins de l’homme plaisent
aux uns pour leur demeure habituelle ; aux autres,
les champs, les herbes ou les prairies, et les maré-
cages. Îls s’y nourrissent de graines farineuses, de
fruits doux et fondants, de baies, d'insectes et de
larves. Leur chant, rarement agréable, n’est pas
aussi varié n1 aussi modulé que chez la plupart des
Fringilles : il est ordinairement bref et composé de
deux à quatre notes seulement, mais souvent répé-
tées sur le même ton. [ls n’ont point comme eux le
talent de s'approprier, ni de redire en volière
quelques cris ou quelques phrases musicales du
ramage des autres volatiles retenus près d'eux, ni
d'apprendre à articuler des mots, ni de chanter des
airs.
Les Bruants diffèrent encore des Fringilles par
218 ORNITHOLOGIE
leur manière de nicher : c’est à terre ou fort près
du sol, et parmi les herbes, les moissons et les ar-
brisseaux qu'ils couvent, jamais sur les arbres
comme ces derniers. Leurs nids sont généralement
travaillés presque sans apprêt; ils renferment trois
à six œufs, suivant les espèces, le nombre des pontes
et l’âge des couples. Leur chair est savoureuse ;
les gastronomes lui donnent la préférence sur celle
des Fringilles ou Gros-Becs.
Plusieurs Bruants quittent nos climats en au-
tomne ou à l’approche du froid, et s’envolent par
bandes à la découverte des contrées méridionales.
Elles y passent l'hiver, et retournent avec les pre-
miers beaux jours dans leur patrie pour s’y livrer
à l'acte de la reproduction.
La mue est simple et ruptile chez les Bruants
appelés à faire partie de cet ouvrage. Chez eux,
les sexes n’offrent pas toujours des disparités bien
caractérisées ; les femelles ont souvent, et surtout
en hiver, les couleurs seulement un peu plus ternes
que les mâles. Mais c’est spécialement au printemps
qu'ils diffèrent le plus entre eux : les mâles acquiè-
rent alors des teintes beaucoup plus vives et plus
prononcées que celles des femelles, en perdant,
par l’eflet de la mue ruptile, le bord terminal des
plumes qui est gris ou cendré, et qui cachait en
partie, pendant l’automne et l'hiver, la couleur
plus foncée qui se trouvait en dessous, Les jeunes,
(] ORNITHULOCIE DE LA SAVOIE. |
ÉSREE ne « Fringillidées
i [ L | pe
TILP2A.
CES eee -muss
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mn
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| Lith JhPerrin. Chambéry. JT Werner del. 4 Lith.
|
| Bruant Jaune,224 adulte au printemps3gr ral; VH)— 0-4 Z uK delesp;grrat
| 5 Bruant Ortolan 722% 247/4e au prinemps/39r ral, P957— 6-8 Zzf del esp; grrat.
| 9 Bruant Jiri, role adulte au Lprinlemps 789rral, P.963.
1049 72% de lespece; gr nat A5 Cube de Druant lou; pr nat.
DE LA SAVOIE, 249
après la première mue, ressemblent beaucoup aux
femelles; comme elles, ils sont habituellement plus
tachetés de foncé que les mâles adultes et les
vieu.
La Savoie possède six espèces de Bruants, que
l’on connaît plus particulièrement sous le nom gé-
nérique et vulgaire, Roussette. On leur donne, en
outre, des épithètes que l’on tire soit de la couleur
principale de leur livrée, soit des lieux qu’elles
habitent par préférence. Les contrées méridio-
nales et orientales de l’Europe en possèdent plu-
sieurs autres espèces.
153.—Bruané Jaune /Emberisa Citrinella).
Noms vulgaires : la Roussette, Rossetta, Roussette Jaune, Verdanne, Var-
danna, Verdière.
A on ce
Le vieux mâle de ce Bruant à 17 centim. de
longueur totale; la femelle n’en a que 16.
Le premier est d'un beau jaune sur la tête, la
gorge, le devant du cou, la région des yeux et des
oreilles, sur le milieu du ventre et les sous-caudales:
cette couleur n’est pure qu’après l’âge de deux ans;
avant, par conséquent chez les adultes, elle se
trouve, sur plusieurs de ces parties, sur la tête et
les joues surtout, plus ou moins variée de brun.
Le dos est noirâtre dans le milieu des plumes, et
roussâtre ou d’un marron clair sur les côtés ; le crou-
250 ORNITHOLOGIE
pion de cette dernière couleur, et marqué de gris
blanchâtre à l'extrémité des plumes ; mais, après la
mue ruplile du printemps, ce liséré n'existe plus, ou
bien il en reste seulement des indices sur quelques
plumes. Le haut de la poitrine est, notamment chez
les sujets d’un et de deux ans, teinté d’un vert oli-
vâtre, et le bas de cette partie, de même que les
flancs, porte des taches plus ou moins larges, d’un
fauve rougeàtre ; ces derniers se trouvent, de plus,
rayés de noirâtre. La queue est longue, noirâtre et
tachée de blanc sur le bord interne des deux pennes
latérales de chaque côté. Les ailes aussi sont noirà-
tres, et bordées extérieurement de roussâtre, de gris
et de jaunâtre ; leurs couvertures supérieures sont
d’un marron, que termine une bordure blanchâtre
à chaque plume. Le bec est brun ; l'iris brun foncé ;
les tarses tirent sur le jaunâtre.
La femelle a les teintes jaunes moins vives, d’ha-
bitude tachetées de brun et d’olivâtre sur la gorge
et le cou; elle porte, sur le centre des plumes de la
poitrine, des flancs et des sous-caudales, une tache
longitudinale et brune. Le jaune du ventre est tou-
jours plus pâle que chez le mâle, ainsi que le mar-
ron clair des couvertures supérieures de la queue,
qui tourne presque au fauve.
Les jeunes des deux sexes, avant la mue,
ont la tétecfart tachetée de noiratre AeLiprivee
de jaune; les parties inférieures d’un blanc jau-
DAS A VOTT. 951
nâtre, avec de nombreuses taches, pareilles à celles
de la tête et du dos.
Après la mue, les jeunes mâles ressemblent beau-
COUP, jusqu'à leur seconde année, à la femelle
décrite.
Le Bruant Jaune varie accidentellement d’un
blanc plus ou moins pur, ou d’un blanc mêlé de
jaunâtre ; quelquefois, il devient entièrement d’un
jaune isabelle.
1! se trouve répandu dans la plus grande partie
de l’Europe ; on le voit au Nord comme dans le Midi.
Il est sédentaire et très-commun en Suisse et en
Savoie; on l’y rencontre dans les régions monta-
gneuses, cultivées ou remplies de friches et de tail-
Hs, spécialement durant toute ia belle saison. Il est
très-rare dans nos Alpes, après la région des bois.
Je l'ai remarqué une seule fois au Mont-Cenis, auprès
des neiges éternelles de Rivers, pendant la période
des nichées ; son nid était posé à terre, au milieu
d’un massif de rosage (rhododendron ferrugineum,
Linn.).
Pour se reproduire ici, ce Bruant s’éparpille, dès
les premiers beaux jours du printemps, de préfé-
rence dans les pays montueux; il y recherche la
lisière des bois, les lieux couverts de buissons,
quelquefois, selon les localités, les terres en culture
et qu’avoisinent des bois ou des fourrés. Il travaille
à son nid vers la mi-avril ou seulement dans les pre-
252 ORNITHOLOGIE
miers jours de mai, suivant qu’il a choisi des
régions plus ou moins élevées. Il le place à
terre, soit dans les moissons, principalement dans
les avoines et les seigles, soit au pied ou au mi-
lieu d’une toufle d'herbe ou d’un arbrisseau
rampant; ou bien il l’assujettit quelquefois à une
petite élévation, parmi les rameaux des buissons
les plus touffus. Ce nid est tout simplement fait en
dehors avec de la paille, du foin, des feuilles sèches
et de la mousse, que recouvrent en dedans le che-
velu des racines, le crin et la laine, ou des tiges
d'herbes très-déliées. La femelle y pose, suivant
son âge, à à o œufs, el rarement 6; ils sont, en
moyenne, longs de 19 + à 20 mill., sur 45 ou
15 mill. + de diamètre; d’un blanc un peu bleuâtre
ou presque café au lait, avec des taches, des lignes
irrégulières et en zigzag, brunes ou brunâtres, noi-
râtres et violâtres. Elle fait en Savoie deux ou trois
pontes par an; aussi trouve-t-on assez souvent la
dernière couvée vers le milieu d'août, dans nos mon-
tagnes ; habituellement elle se compose de 3 œufs.
Le mâle prend part à l’incubation; mais il s’y
| adonne avec moins de sollicitude que sa compagne,
| qui se laisse facilement prendre sur les œufs ; il
| couve aussi moins longtemps qu’elle, et en compen-
| sation il lui apporte de temps à autre des aliments.
ill Dans ses moments de loisir, il se tient tranquille
près de lanichée, tantôt caché dans le feuillage, tan-
DE LA SAVOIE. 253
tôt juché à la pointe d’un petit arbre ou de quelque
branche isolée ; delàil faità chaque instant entendre
son chant monotone : c’est une composition de huit
ou neuf notes, dont les six ou sept premières sont
égales et proférées sur le même ton, et les deux der-
nières, qui sont d'habitude séparées des autres par
un petit intervalle de temps, les plus aiguës et les
plus trainées. Ce chant s'exprime ainsi :
Quelquefois la dernière note se trouve compléte-
ment supprimée. C’est depuis la fin mars jusqu’au
milieu d'août que le mâle ramage de la sorte;
néanmoins il chante plus rarement quand il nourrit
et élève sa progéniture. En toutes saisons, il a un
petit cri d’appel (trit), qu’il jette principalement en
volant et lorsqu'il se perche; puis un autre pour
indiquer son inquiétude, quand on leffraye et
quand on s’approche de sa couvée : celui-ci semble
articuler : titchye. Ces deux cris sont aussi com-
muns à la femelle.
Le Bruant jaune alimente ses petits, dans les
premiers jours de leur naïssance, avec des vers,
des chenilles, des fruits doux et charnus, avec de
petits insectes tendres, auxquels il enlève toutefois
254 ORNITHOLOGIE
les substañces dures et indigestes; plus tard, il
associe à ce genre de nourriture des graines, qu'il
brole avant de leur en faire la distribution. Souvent
les jeunes quittent le nid avant de pouvoir voler,
et restent cachés dans les herbes et les buissons,
où le père et la mère viennent tour à tour Îies revoir
et leur donner la becquée. Ceux-ci découvrent-ils
alors quelque importun près d’eux, ils descendent
sur le sol et vont à la course, à travers plantes et
broussailles, porter à manger à chacun des petits ;
puis ils reprennent brusquement le vol , partent en
rasant la terre. Mais cette famille est à peine éle-
vée, que ses auteurs l’abandonnent pour rentrer
en amour, pondre et couver de nouveau.
Après les nichées, le Bruant Jaune reste encore
dans nos régions montagneuses, et vit en petites
bandes ou par deux ou trois ensemble. On l'y
découvre particulièrement dans les champs d’a-
voine, dont 1l aime beaucoup la graine, ainsi que
dans les haies, dans les broussailles qui les environ-
nent, où les petits fruits sauvages et les baies ser-
vent accessoirement à leur nourriture. Aux premiers
frimas, il se rapproche des collines ou descend
jusqu’à la base des montagnes; là on Île trouve
souvent mêlé avec le Bruant Ziz1, avec le Pinson,
le Verdier et le Hoineau. Dans les jours de neige,
ou même lorsqu'elle est imminente, il arrive en
plaine et sur les coteaux adjacents; alors il s’abat
DÉMPANSANVOTLE. | 255
dans les alentours des fermes, sur les aires et les
arbres qui les entourent, et dont 1l choisit les som-
mités pour se poser. Îl s’alimente de graines de dif-
férentes espèces de plantes, de celles surlout de pa-
nics, qu'il cherche le long des haies, dansles champs
en friche, dans les vignes et autour des maisons
rurales, Quand la neige envahit tout le pays, il se
répand avec plusieurs autres volatiles Jusque dans
les cours des fermes et des autres habitations, de
mème que sur les routes les plus fréquentées, où il
dévore les grains d'avoine non digérés qu’il saisit
dans les fientés des animaux, qu’il éparpille à
cet effet, 11 se montre encore dans les jardins, et
se tient souvent pendant près d’une heure juché à la
même place, poussant de temps en temps son cri
triste : ttchye, qu’il alterne parfois avec le cri de
ralliement : tri. On l'approche de fort près pen-
dant toute la mauvaise saison, et pour le prendre
alors, on se sert avec succès de plusieurs sortes de
pièges. Aux environs d'Yenne (Savoie), et notam-
ment à Saint-Paul, on le chasse en hiver d’une
manière abominable. Les villageois tiennent le jour
leurs granges ou greniers tout ouverts afin de l'y
laisser entrer, quand il est à la quête de sa subsi-
stance. Pour le guetter, ils se cachent eux-mêmes
tout auprès des bâtiments; aussitôt qu’ils Py ont vu
entrer Soit Seul, soit avec quelques-uns des siens,
ils se précipitent aux portes en faisant du vacarme,
956 ORNITHOLOGIE
et les ferment subitement. Ces volatiles effrayés
se sauvent en volant vers les fenêtres, mais ils sy
empêtrent dans les rets qui les bouchent; ceux
qui s’en échappent, sont impitoyablement massa-
crés à coups de verge ou de bâton, pendant qu'ils
voltigent dans la prison.
M. de Sélys-Lonchamps décrit, à la page 82° de
sa Faune belge, une autre genre de chasse en usage
en Belgique. Les villageois, dit-il, tuent beaucoup
de ces oiseaux, lorsque la terre est couverte de
neige, à la chasse qu’ils nomment ramaalle : par
une nuit sans lune, un homme lônge les vieilles
haies en tenant à la main une torche de paille allu-
mée; les Bruants Jaunes (en wallon, Jadrennes)
voltigent hors de la haie en se dirigeant vers la
lumière, et deux ou trois autres personnes les abat-
tent à coups de grands rameaux d’épine.
Tous les ans, dans les matinées d'octobre et de
novembre, nous voyons passer en Savoie des volées
de ce Bruant, qui, venant du Nord, traversent nos
vallées et se dirigent généralement vers les pays
méridionaux de l’Europe. Quelques bandes, sou-
vent confondues avec celles des Pinsons et des
Bruants Zizis, émigrent aussi de nos climats pour
aller hiverner dans les mêmes régions ; mais elles
reviennent à la fin de février ou en mars. Cepen-
dant l'espèce se maintient ici toujours nombreuse,
même durant les froids les plus vifs.
©
DE LA SAVOIE. 57
Le Bruant Jaune vit très-bien en cage, où il
s’accommode des graines de millet, de chènevis et
de sarrasin (blé noir); mais il n’a point de chant
propre à charmer celui qui prend soin de sa pe-
tite personne. Quand on l’a pris dans un piége et
qu’on le destine à la volière, il faut éviter de l’a-
border trop souvent au commencement de sa capti-
vité, si l’on ne veut pas le voir alors se meurtrir la
tête et le corps en se jetant avec excès contre les
barreaux de sa prison. Sa chair est délicate, et
d’ailleurs recherchée.
154.—Bruant Ortolan / Emberiza Hortulana).
Noms vulgaires : Fossori, Faüchié, Ortolan, Ourtolan, Petit Ortolan, pour
le distinguer du Bruant Proyer, n° 158, qui usurpe aussi le nom d’Ortolan.
L'Ortolan (Buff.). — Bruant Ortolan (Emberiza Hortulana), Vieill., Temm.
—Degl.—Oriolano (Savi).
Cette espèce a la même taille que la précédente,
dans les deux sexes.
Les mâles, à leur arrivée au printemps, sont
jaunes à la gorge, sur le cercle autour des yeux
et sur une étroite bande qui part de l’angle du bec,
se dilate sur les côtés de la gorge : cette même
couleur se change en jaune verdâtre sur la poi-
trine. Les autres parties inférieures sont d’un roux
bai, plus ou moins vif, et sans taches, mais qui
s’affaiblit sous l'abdomen et les sous-caudales. Un
olivâtre mêlé de gris, quelquefois, chez les adultes
surtout, marqueté de petites taches brunes, do-
17
T. III.
258 ORNITHOLOGIE
mine sur la tête, la nuque et les joues ; sur les par-
ties latérales de la gorge se dessine un petit trait
gris olivâtre. Le dos et les scapulaires sont noirs
dans le centre des plumes, gris roussätres sur leurs
bords ; le croupion et les couvertures supérieures
de la queue, d’un gris roussâtre uniforme, et un
peu plus clair que le précédent ; les plumes des ailes
brunes noirâtres, et bordées extérieurement de gris
et de roux; celles de la queue noirâtres, avec les
deux pennes latérales de chaque côté presque tota-
lement blanches. Le bec est roussâtre, de même
que les tarses, et l'iris brun.
Les femelles ressemblent beaucoup aux mâles,
mais leurs teintes sont généralement moins vives :
le jaune de la gorge est pâle, ainsi que le roux des
autres parties inférieures; sur la poitrine, l’on re-
marque des taches brunes et oblongues. Tout le
dessus du corps est aussi moins foncé que chez les
mâles.
Les jeunes sont peu différents des femelles. Avant
leur première mue, le jaune de la gorge n’est
presque pas apparent ; il est teint de grisâtre ou de
cendré clair. Leurs tarses sont jaunâtres.
Le Bruant Ortolan est plus répandu dans les
contrées méridionales que dans celles du centre de
l’Europe ; quelquefois cependant il s’avance en été
dans le Nord : 6n signale son apparition jusqu’en
Suède. Ge West guère que dans les quatre où cinq
DE LA SAVOIE. 259
plus beaux mois de l’année que nous le possédons
en Savoie. Il se cantonne particulièrement dans les
pays de plaine et sur les collines adjacentes; rare-
ment le trouve-t-on dans nos régions alpestres,
quoique cultivées, et jamais, sinon accidentelle-
ment, dans quelques contrées au nord de notre
territoire, ainsi que dans la Haute-Savoie, dans la
Haute-Maurienne et la Haute-Tarentaise.
Il commence à nous arriver chaque année vers
le 15 ou le 20 avril, par petites compagnies de
quatre à six individus, et quelquefois deux à
deux ou par paires; mais c’est principalement
du 25 au 30 de ce mois qu'il apparaît en
bon nombre; ses bandes, qui arrivent alors aux
environs de Chambéry, où l'espèce est assez com-
mune, sont effectivement du double des premiè-
res. Elles voyagent même pendant la nuit, sur-
tout par un temps serein ou quand il fait clair de
lune; car on entend alors fréquemment leur cri
d'appel, qu’elles jettent en volant : th@-thi, thià,
thä-thi : la dernière syllabe de chacun de ces trois
cris est ordinairement d’une seconde plus élevée
que la première,
Les Ortolans passent ici pour être les avant-
coureurs des Cailles; aussi certains oiseleurs les
ont à peine aperçus ou entendus, qu'ils s’ap-
prêtent à chasser la Caille avec leurs divers
instruments; soit avec les appeaux artificiels ou
26) ORNITHOLOGIE
vivants, soit avec le tramail, la tirasse, le trai-
neau, etc. Aussitôt rentrés dans nos climats, ils s’as-
sortissent et se répandent par paires : les uns vont
dans les vignes, les blés et les avoines, les autres
dans les prés entourés de haies ou de taillis et dans
des lieux arides, pierreux ou sablonneux, toutefois
parsemés de quelques massifs de plantes ou d’ar-
brisseaux (les guillères). Suivant les localités, ils
se reproduisent à terre, au milieu des herbes ou
sous de petits buissons, quelquefois au pied d’une
plante et des souches des vignes. Avant d'y com-
poser le berceau de leur race future, le mâle ou Ja
femelle se préparent, en grattant avec le bec la
terre, le sable ou le gazon, un petit enfoncement,
qu’ils comblent ensuite de brins d'herbes, de paille
et de menues racines, mêlées avec quelques feuilles
sèches. Ces matériaux forment seuls le fond et tout
l'extérieur du nid; le dedans est souvent tapissé
de quelques crins ou d’un peu de cheveux et de
bourre. Quand ils habitent les vignobles ou les bois,
ils construisent parfois le nid à quelques centimè-
tres du sol, sur des ceps ou dans des buissons four-
rés ; et ce travail est tout aussi grossièrement fait que
lorsqu'on le trouve achevé à terre, dans un creux.
La femelle de l’Ortolan pond en Savoie, dans les
quinze premiers jours de mai, 4 ou 5 œufs : d’un
blanc mat, souvent à peine teint de rose ou de rou-
geàtre, avec de petits points, avec des taches et
D'EVAEMEON UNI OTE, 26!
des raies irrégulières, plus ou moins nombreuses,
autour du centre et de la grosse extrémité de la
coquille, noires et noirâtres, et mélangées quelque-
fois de petits espaces fort peu apparents, de cou-
leur presque vineuse. Pour longueur, ces œufs ont
19 à 20 mill., sur un diamètre de 13 & à 14 mill.
Le mâle, tout le temps que sa compagne couve,
pourvoit à ses vivres, et lui apporte la bec-
quée plusieurs fois le jour, dans la même heure.
Ensuite, placé à la pointe d’un petit arbre, d'un
buisson, ou au bout d’une pierre ou de quelque
pieu, il ne cesse de redire son chant; il le fait
même entendre après le coucher du soleil, tout
comme de grand matin, avant le lever. Ce ramage,
que l’on entend ici depuis l’arrivée de ce volatile
jusqu'au mois d'août, mais moins fréquemment
pendant l’éducation des jeunes, n’est pas dépourvu
de tout agrément, quoique monotone ; il semble
exprimer : {ia bia tia tia ti, de deux manières, et
dont la dernière syllabe est non-seulement plus éle-
vée, mais encore plus aiguë et plus traînée que les
premières :
TN at Lil AU ATL La CTI La, ti tia tia tia tia ti.
Quelquefois le mâle prend linverse de ce
os RUE cd !
262 ORNITHOLOGIE
chant, surtout du dernier, et alors il prononce :
Certains villageois croient entendre dans ce chant
les mots : pouvre (pauvre) pouvre pouvre pouvre
fossori, ou fauche fauche fauche fauche ri ; ils nom-
ment pour cela cet oiseau, Fossori et F'aûchié.
Après l'éducation des petits terminée, les Orto-
lans restent en famille ou se réunissent en petites
troupes, et hantent les champs, les pâturages et
les broussailles ; ils y vivent à terre de grains d’a-
voine, de blé, de chanvre, de lin et de millet, et
accessoirement d'insectes, de sauterelles, de verset
de larves. [ls ne sont point sauvages, et se laissent
prendre facilement avec les filets. Ils nous quittent
déjà à la fin d'août et en septembre. Les vieux par-
tent les premiers ; quelques jeunes, qui ont déjà mué
alors, s'associent avec eux pour voyager ensemble.
Les autres émigrent à mesure qu’ils finissent de
changer de plumes ; mais souvent ils ont dans leur
bande un ou deux vieux sujets, qui volent d’habi-
tude à leur tête comme étant les guides : c’est sans
doute alors un père et une mère qui accompagnent
leur nichée, avec laquelle ils n’ont cessé de vivre
depuis sa sortie du nid.
DE JA SAVOIE. 263
Ces oiseaux sont célèbres par la délicatesse de
leur chair dans les provinces du Midi, où ils sont
très-communs. On les y élève pour les engraisser,
et de fait ils s’engraissent considérablement. Pour
cela, on les enferme dans des lieux obscurs, quel-
quefois simplement éclairés par la lueur d’une lan-
terne, ou bien dans une cage tout à fait couverte
de soie, à l’exception de l’auget qui reste éclairé ;
on ne leur donne pour toute nourriture que du
millet, que l’on a eu soin de faire tremper un in-
stant dans de l’eau bouillante. C’est dans ces sortes
de prisons que lesOrtolans, exempts de tout exercice
et pourvus d’une nourriture toujours très-abon-
dante, se couvrent en quelques jours d'une masse
de graisse, qui ne tarderait pas à les étouffer si l’on
n’avait soin de les abattre à temps. Alors leur chair
est un mets délicieux et très-recherché,.
4155.—Bruant Zizi ou de Haie /Emberiza Cirlus].
Noms vulgaires : Roussette des Haies, Rosselta dellet Cizet, Sisi.
Le Zizi ou Bruant de Haie (Buff.). — Le Bruant de Haie (Cuv.). — Bruant
Zizi (Emberiza Cirlus), Vieill.—Degl.—Bruant Zizi ou de Haie (Emberiza
Cirtus), Temm,—Zigolo Nero (Savi).
C’est à son habitude de parcourir souvent. les
haies ou les broussailles qui en tiennent lieu quel-
quefois, que ce Bruant doit sa dénomination vul-
gaire, Roussette des Haies ; l'expression de son cri
ordinaire lui à valu celle de Sisi (Zizi).
264 ORNITHOLOGIE
Le mâle adulte et vieux a 17 cent, de longueur
totale,
En plumage de printemps, il est certainement
l’un des plus beaux sujets de son genre, qui doi-
vent figurer dans cet ouvrage. Il est olivâtre sur le
sommet de la tête et à la nuque, avec de petites
raies longitudinales noires ; d’un jaune pur au-des-
sus des yeux, où cette couleur forme une large
ligne sourciliaire, qui aboutit à la nuque, puis sur
les joues et le devant du cou : sur les joues, ce jaune
trace une bande qui prend naissance à l’angle du
bec, et va presquese joindre à la première qui se ter-
mine à la nuque; sur le devant du cou, il dessine une
plaque étroite, qui se dilate un peu sur les côtés de
cette partie. Un beau noir enveloppe la gorge et le
haut du cou; une bande de la même couleur, qui part
aussi des angles du bec, traverseles yeux. Sur la pol-
trine, l’on remarque un vert cendré mêlé d’olivâtre,
et ses côtés sont d’un roux marron; le ventre el l’ab-
domen, d’un jaune clair ; les flancs, d’un gris rous-
sâtre. Le dessus du corps se trouve varié de roux
marron et de noir ou noirâtre : le marron occupe les
bords des plumes, le noir le centre. Les ailes sont
noirâtres, bordées de jaunâtre et de roussätre. Les
deux pennes extérieures de la queue, frangées et ter-
minées de blanc; lesautres sont, comme les ailes, noi-
râtres et lisérées de gris roussâtre. Le bec est cendré
foncé ; l'iris des yeux brun; les pieds sont jaunâtres.
DE LA SAVOIE, 265
En automne et en hiver, les vieuæ et les jeunes
se ressemblent, Ils ont le noir de la gorge marqué
de blanchâtre à l’extrémité des plumes; le roux
marron de la partie latérale de la poitrine terminé
de jaunâtre clair, celui du dos et des scapulaires
frangé de gris cendré; mais, au printemps, ces
fines barbes s’usent peu à peu, au moyen dela mue
ruptile, et font voir en tombant le noir etle marron
de ces parties dans toute leur pureté.
La femelle est un peu moins longue que le mâle.
Elle n’a point de noir à la gorge, ni de jaune au
cou ; elle est d’un jaune terne sur les parties infé-
rieures, et maculée de roussâtre sur la poitrine, où
l’on trouve encore de fines taches brunes, en forme
de lance. Elle porte du brun sur les joues; et les
autres parties, qui se rapprochent par leurs teintes
de celles du mâle, sont généralement ternes.
Les jeunes, au sortir du nid, sont, dans les deux
seæes, jusqu à la mue, bruns et tachetés de noir en
dessus ; jaunâtres, avec des nuances olivâtres et des
taches noirâtres en dessous. Ils ne diffèrent guère
des jeunes du Bruant Jaune que par leur taille
moins longue de 6-7 mill., et par les teintes
olivâtres de leurs parties inférieures du corps.
Le Bruant Zizi habite particulièrement les parties
tempérées et méridionales de l’Europe. Quoique
commun en Suisse et en Savoie pendant les beaux
jours, il l’est cependant moins que le Bruant Jaune,
266 ORNITIHOLOGIE
dont il a la plupart des habitudes et presque le
même genre de vie. Mais il n’y reste qu’en très-
petit nombre durant l'hiver : c’est aussi dans le
Midi qu'il se retire avant le froid, et au mois de
mars, on le voit rentrer par paires ou en pelites
bandes dans sa patrie.
Il opère en octobre et novembre ses passages
dans nos pays ; il est pour cela très-matinal : on
entend déjà à l’aube du jour ses petits cris d’appel :
zi, 21, Ou zûts, zûts. Il cesse de passer une heure
environ après que le soleil s’est montré à l’horizon:;
mais par un temps sombre ou froid, il voyage encore
de jour à des heures plus reculées. Il émigre d’habi-
tude par sociétés plus ou moins nombreuses, qui
font assez souvent bande avec les Pansons et les
autres Bruants qui partent de nos climats à la
même époque. Ces compagnies, qui prennent géné-
ralement leur essor des lieux élevés, volent lente-
ment et jamais en un bataillon aussi serré que la
plupart des Fringilles. Comme elles passent ordi-
nairement à une grande hauteur, on les prend
difficilement en plaine dans les filets ; au contraire,
si l’on à tendu ces piéges sur quelque colline, on les
y attire aisément, pourvu que l’on soit muni d’un
bon appeau de leur espèce ; si l’un des sujets d’une
compagnie vient à s’y poser, tous les autres le
suivent.
Les Bruants Zizis qui bravent ici les rigueurs
DE LA SAVOIE, 267
de l'hiver, vivent souvent réunis aux Bruants
Jaunes, aux Pinsons, aux Verdiers et aux Moi-
neaux, avec lesquels ils forment quelquefois de
nombreuses volées. [ls courent ensemble vignes,
haies, broussailles, friches et champs qui ont
été ensemencés de sarrasin, de millet, de chan-
vre, etc.; ils y recherchent avec avidité les se-
mences des graminées et les graines céréales qui
sont restées sur plante. Dans les jours de neige,
ils se montrent jusqu’autour des maisons, où ils
donnent bientôt dans les piéges que les villageois
leur tendent,
Ce volatile est un des premiers que l’amour nous
ramène chaque année après l'hiver. On entend déjà
le chant du mâle aux premiers beaux jours de mars:
c’estune espèce de bruissement prolongé, fréquem-
ment articulé sur le même ton et qui imite un peu
le cri d’une grosse sauterelle : ziririririri. Pour
nicher, 1l préfère ici les endroits élevés à la plaine ;
il se cantonne sur les lisières des bois, dans les
broussailles qui croissent parmi les pierres et les
rocailles, ou qui avoisinent des champs et des pâtu-
rages. Rarement se reproduit-il dans des régions
aussi hautes que le Bruant Fou, n°156: il s’attache
spécialement aux coteaux, aux collines, à la base et
au centre des montagnes, où ce dernier est toujours
rare en Savoie.
Le Bruant Zizi travaille son nid vers le milieu
268 ORNITHOLOGIE
d'avril ; il le fait à terre, dans une petite fosse ou
dans quelque fourré, à un ou deux pieds du sol, et
l’abrite sous un buisson ou sous des racines, quel-
quefois sous une pierre. [l le compose à l'extérieur
d'herbes sèches, de foin, de mousse et de racines
chevelues, et le garnit en dedans de petits flocons
de laine, de crins, de brins d’herbes très-déliés.
Quatre ou cinq œufs forment la couvée; ils sont
blanchâtres ou d’un blanc gris, parsemés de points,
de raies et de zigzags bruns et noirs. Leur longueur
est, en moyenne, de 19-20 mill., et leur largeur
diamétrale de 14 3 à 45 mill. Pendant l’incubation,
le mâle se fait fréquemment entendre de la cime
d’un arbre ou d’un taillis élevé, voisin de la ni-
chée ; néanmoins, de temps à autre, il apporte à sa
compagne qui couve, les aliments, et retourne
ensuite se cacher dans le feuillage.
Après l’éducation des petits, les Bruants Zizis se
répandent le long des haies, dans les bois, dans les
endroits remplis de buissons, dans les champs de
blé et d'avoine surtout, dont ils dévorent le grain;
on les y rencontre souvent avec le Bruant Jaune,
mais on les en distingue toujours à leur petit cri
d'appel. Leur chair est alors un bon manger.
ORNITHOLOCIE DF LA SAVOIE. 1
Passereaux Fringillidees. L
Ê |
TU 2 78. D
Î
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‘|
| 1|
|
|
|
|
|
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|
|
Lith. Jb Perrin Charnb ÊT y. J.Werner del. & Lith.
{ Bruant lou, wa/caduleenete. 3974. p 109
| 9 Zcte du jeune, avant lamue d'automne
| 9 Bruant de Roseaux 27/6 7 pres ?5 DT TU ZE 0754 /éte demale en automne.
| à Zéte de lemelle x pres. — 6-8 Zu delesperce, gr Hal 1
| 9 Bruant Prover, seau, sgr nat PIN) ufr delespéce, grrat
DE LA SAVOTE. 269
156.—Bruant Fou /Emberiza Cia).
Nom vulgaire : Roussette Grise.
Le Bruant Fou, le Bruant de Pré de France, l’Ortolan de Lorraine et l’'Or-
tolan de Passage (Buff.).—Bruant Fou (Cuv.) — Bruant Fou (Emberiza Cia),
Vieill. — Degl. — Bruant Fou ou de Pré (Emberiza Cia), Tenwm. — Zigoio
Muciatto (Savi).
On a nommé cette espèce Bruant Fou, parce
qu'elle se jette étourdiment dans les piéges qu’elle
trouve tendus ; c’est aussi pour cela qu’on la nomme
encore dans des cantons de la France, oiseau bête.
Des auteurs l’ont appelée Bruant de Pré, mais
cette dénomination ne lui convient pas partout ;
chez nous, du reste, elle fréquente rarement
les prés : elle leur préfère les fourrés et les vi-
gnobles.
Le Bruant Fou a la même taille que le Bruant
Zisi.
Le vieux mâle est d’un cendré bleuâtre à la
gorge, sur le devant et les côtés du cou, et à la
poitrine : la même couleur règne sur le sommet de
la têle et à la nuque, avec de petits traits longitu-
dinaux noirs. Une bande noire passe sur les yeux,
encadre la région des oreilles et va aboutir à l’angle
du bec. Au-dessus de chaque œil existe une autre
bande, mais blanche ou blanchâtre, qui tient lieu
de sourcils ; elle est suivie d’une troisième bande
noire, qui se prolonge sur la nuque. Le dos et les
scapulaires sont d’un roux sombre, avec des taches
270 ORNITHOLOGIE
noires, qui suivent la direction des baguettes des
plumes. Le ventre, les flancs, l'abdomen, les
sous-caudales et le croupion, sont d’un beau roux ;
les pennes des ailes noirâtres, et bordées de roux et
de gris roussâtre ; celles de la queue noires, sauf les
deux intermédiaires qui sont noirâtres, frangées de
roux clair et les deux latérales de chaque côté, qui
se trouvent presque totalement blanches. Le bec est
noirâtre sur la mandibule supérieure, gris sur l’in-
férieure ; l’iris brun; les tarses sont bruns jaunâtres.
La femelle est reconnaissable par le cendré de
la gorge et de la poitrine, qui est plus clair que
dans le mâle et parsemé de quelques taches brunà-
tres, presque effacées ; le roux des autres parties
inférieures, qui est aussi plus pâle, porte encore
de petites taches longues, peu distinctes, mais
qui s’effacent duns un âge avancé. Une teinte rous-
sâtre règne habituellement sur le cendré de la tête,
où l’on remarque en outre des taches plus nom-
breuses que chez le mâle ; et la bande qui entoure
la région des oreilles est plus étroite et moins
apparente.
Les jeunes, avant la mue, sont d’un brun clair en
dessus, et lachés de noir ou de noirâtre au milieu
des plumes ; d’un gris blanc à peine lavé de rous-
sâtre en dessous, et marquetés en long de brun à la
gorge, sur le devant et les parties latérales du cou,
à la poitrine et sur les côtés du ventre : le milieu
DE LA SAVOIE. 271
de cette partie et l'abdomen sont d’un roussâtre
clair.
Après la mue, les jeunes mâles ressemblent beau-
coup à la femelle, jusqu'après la mue ruptile du
printemps.
Nous avons en Savoie des Bruants Fous toute
l’année, mais principalement pendant la saison des
nichées et en automne ; ils y sont assez rares en
biver, et pourtant un peu plus nombreux que les
DBruants Zizis.
Ils aiment pour se reproduire la solitude des
montagnes, où quelquefois ils se fixent après la
région des bois : néanmoins quelques sujets, habi-
tuellement rares, s’apparient et nichent sur les col-
lines ainsi qu’au pied des montagnes. Les endroits
en pente et remplis de broussailles ou de massifs de
plantes sont en ces lieux leur demeure de prédilec-
tion. Suivant qu’ils résident dans des régions plus
ou moins hautes, ils s’y occupent de nidification sur
la fin d'avril ou seulement vers la mi-mai. C’est
à terre ou à quelques centimètres de terre qu’ils
posent le berceau de leur famille future ; tantôt au
milieu d’une touffe d'herbes ou de graminées, tan-
tôt sous des arbustes rampants ou dans les rameaux
entrelacés de quelques petits buissons, tantôt enfin
parmi des rocailles garnies de plantes et d’arbris-
sceaux, Comme les trois espèces qui précèdent, ils
le confectionnent grossièrement en dehors et sur les
272 ORNITHOLOGIE
bords, avec les mêmes matériaux que le Bruant
Zizi. La ponte se fait, suivant les lieux, sur un
matelas de crins ou de poils, ou simplement sur
des tiges d'herbes excessivement fines; elle est
de quatre ou cinq œufs grisâtres ou d’un blanchâtre
presque nuancé de bleuâtre, parsemés, notam-
ment vers le centre ou à la grosse extrémité de la
coquille, de lignes et de raies en zigzags qui se
croisent , noires ou noirâtres et cendrées , et assez
fréquemment disposées en forme de collier. Ces
œufs ont 19 ou 19 mill. ; de longueur, sur un dia-
mètre de 14-15 mill.
Les femelles sont si assidues à couver, qu’elles se
font aisément prendre dans le nid, non-seulement à
l’aide d'engins mais encore avec la main : j'en vis,
en effet, prendre deux le même jour, et je parvins
quelques heures après à en capturer une troisième
à la main.
Pendant les quinze jours que dure l’incuba-
tion, les mâles rôdent presque toute la journée
parmi les broussailles du canton, à la recherche de
leur nourriture et de celle de leurs compagnes ; ils
viennent effectivement de temps en temps au nid
pour leur donner la pâture; ensuite, il est rare
qu'ils ne fassent pas entendre, du milieu ou de la
pointe d’un buisson, leur refrain ordinaire : c’est
un gazouillement bref, mais qu’ils prolongent sou-
vent en le répétant deux ou trois fois de suite sur le
DE LA SAVOIE. 278
même ton, et composé de syllabes toujours plus
aiguës que celles de leur cri d’appel :
zirr Zirr Zirr Zirr zirr.
Le Bruant Fou fait quelquefois chez nous une
seconde ponte vers la fin de juin ou au commence-
ment de juillet; celle-ci n’est guère que de trois
œufs. Après la sortie du nid, les petits restent dis-
persés par les broussailles, où à chaque instant le
père et la mère reviennent tour à tour leur donner
la becquée. Aussitôt qu’ils sont à même de manger
seuls, ils se mettent à parcourir les haies, les taillis
et les champs; s’alimentant de petites sauterelles
auxquelles ils enlèvent les substances dures et indi-
gestes, de graines farineuses, surtout de grains de
seigle et d’avoine qu'ils broient avec le bec, enfin
de petits fruits sauvages, doux et fondants. Souvent
on les trouve dans les vignes et les buissons qui les
environnent, avec les jeunes du Bruant Jaune et
ceux du Bruant Zizi. Ils ont le cri d'appel de ce
dernier : 32, 3i, zi, qu’ils poussent comme lui fré-
quemment le jour et même de temps en temps pen-
dant l'obscurité de la nuit ; comme lui aussi, ils ont
dans la queue un petit mouvement de bas en haut,
toujours fréquent quand ils courent à terre et s’ar-
rêtent un moment au bout des pierres.
Done 18
|
|
74 ORNITHOLOGIE
C'est aussi en octobre et novembre que nous
avons en Savoie des passages de Bruants Fous. Ils
ont toujours lieu de grand matin ; on s’en aperçoit
souvent dès le commencement de l’aurore : les su-
jets qui constituent les volées qui passent alors, ne
cessent en eflet de s’entr'appeler par leurs petits
cris, 31, z1, 31. Plusieurs des nôtres s’associent à
ces bandes voyageuses, et vont avec elles se répan-
dre dans les contrées méridionales. Gomme celles
du Bruant Zizi, elles volent lentement; leurs indi-
vidus s’écartent peu, 1ls vont presque à la file les
uns des autres; quelquefois, ils volent un peu plus
serrés, et encore gardent-ils entre eux de petits
espaces. [ls reparaissent ici en mars, et rega-
gnent les montagnes à mesure que les neiges s’en
éloignent,
Les Bruants Fous qui doivent hiverner dans nos
pays , arrivent en plaine ou sur les collines circon-
voisines, aux premières neiges qui les chassent des
lieux montueux. Ils errent tout le jour le long des
haies, dans les champs ou lesfriches, dansles vignes,
autour des granges et des maisons de campagne.
Les baies, les petits fruits secs, les grains de panics,
les graines céréales perdues dans les champs, for-
ment alors la base de leur nourriture. On les attire
sans difficulté dans toute espèce de piéges; on va
jusqu'à les enivrer avec des grains de froment ou
d'avoine trempés dans de leau-de-vie, et que l’on
DE AA SAVOIE. 275
répand dans les lieux où ils viennent habituellement
chercher leur subsistance. Leur chair est en au-
tomne, quand elle est grasse, un morceau délicat.
152.—Bruant de Roseaux / Emberiza Schœniculus).
Noms vulgaires : Pielton, Falton, Casse-Millet.
L'Ortolan de Roseaux et la Coqueluche (Buff.). — Le Bruant de Roséaix
(Cuv.). — Bruant de Roseaux (Emberisa Schæœniculus), Vieïll., Temm., Decsl.
—Migliarino di Padule (Savi).
Le mâle, dans cette espèce, a 15 cent. 4-5 mill.
de longueur totale ; la femelle est un peu moins
grande : sa taille est de 15 cent.
Ils prennent, l’un et l’autre, en Savoie, leur plu-
mage de noces dès la fin de février. Alors les sexes
sont très-différents.
Le mâle devient d’un noir pur sur la tête, l’oc-
ciput, les joues, la gorge et le devant du cou. De
chaque côté du bec, part une espèce de moustache
blanche, qui divise le noir des côtés de la tête de
celui de la gorge, et va se réunir au collier, d’un
blanc pur, qui ceint les côtés et le derrière du cou:
c'est en perdant, par l’effet de la mue ruptile, les
franges blanches, blanchâtres et roussâtres qui oc-
cupent la pointe des plumes, que le mâle acquiert,
au printemps, ces couleurs pures sur ces différentes
parties. Le blanc pur règne encore sur le bas de
la poitrine, sur le milieu du ventre, sur l’abdomen
et les sous-caudales ; mais les flancs portent quel<
276 ORNITHOLOGIE
ques traits longitudinaux bruns ou d’un brun roux,
selon les individus. Ün roux plus ou moins foncé
domine sur les ailes et le dos, où le centre des
plumes est noir; et une sorte de cendré couvre le
croupion. Les pennes de la queue sont noires; les
deux du milieu brunes et bordées de roux clair; les
deux plus externes de chaque côté se trouvent en
partie blanches.
Le bec est court, plus grêle que dans les Bruanits
précédents, et d’un brun foncé ; l'iris des yeux noi-
râtre ; les tarses de la même couleur que le bec.
La femelle, en robe de printemps, a le dessus de
la tête et les joues d’un roux sombre, varié de noi-
râtre ; elle n'a point de collier blanc sur le cou,
c’est un cendré brun qui le remplace. Elle est d’un
blanc glacé de roussâtre à la gorge et sur le devant
du cou, que borde de chaque côté un espace brun
ou noirâtre. De même que les moustaches, les sour-
cils sont d’un blanc roussâtre; et les parties infé-
rieures blanchâtres ou d’un blanc lavé de roux
clair ; la poitrine et les flancs tachetés longitudina-
lement de brun, souvent ondé de roux ou de bru-
nâtre. Le dos, les ailes et la queue sont colorés
comme dans le mâle.
Après la mue de l’élé, les mâles adultes el vieux
ont à l'extrémité des plumes noires et blanches de
la tête, de la gorge et du cou, de larges franges
blanchâires ou roussätres, qui s’usent ensuite à
DE LA SAVOIE, DA.
l'approche du printemps pour laisser voir alors le
noir et le blanc de ces parties, dans toute leur
pureté.
Les jeunes mâles de l’an, après la mue, ne dif-
fèrent presque pas des vieux.
Les femelles de tout âge, en plumage d'automne,
ne sont guère distinctes de la femelle en livrée de
printemps, décrite plus haut.
Le Bruant de Roseaux ne niche pas d’habitude
dans nos climats ; il se retire pour cet acte dans
les marais ou sur les bords des rivières couverts de
joncs, de roseaux ou de broussailles, dans plusieurs
cantons de la France, de la Belgique, etc. Il pose
son nid, qui est formé d'herbes sèches, à terre
ou près de terre, dans les roseaux ou entre les
racines des arbustes qui croissent auprès de l’eau.
La femelle pond 4 ou 5 œufs oblongs, d’un blanc
grisâtre ou d’un gris roussâtre, avec des taches
et des veines noirâtres et presque violâtres. Ils
ont 18-19 mill. de longueur, sur 132 à 14 mill. de
diamètre.
Cet oiseau passe en Savoie à deux époques : en
automne et à l'entrée du printemps; mais c’est sur-
tout à la première saison qu'il s’y trouve répandu
le plus; quelques sujets, toujours rares, y survien-
nent aussi de temps à autre pendant l'hiver.
C’est principalement depuis les derniers jours de
septembre jusqu’au mois de novembre que nous le
278 ORNITHOLOGIE
possédons dans nos pays. El y arrive particulière-
ment le matin, souvent seul à seul ou deux à deux,
et quelquefois par petites bandes de trois à sept in-
dividus ; dans les temps de pluie, on le voit d’habi-
tude voyager à toutes les heures de la journée. Il
s’abat dans nos plaines et sur les coteaux environ-
nants, et recherche là par préférence les champs
de maïs et de sarrasin; puis dans les vignes, sur les
terres qui ont été ensemencées d'avoine, de chan-
vreet de millet, enfin dans les broussailles et les
haies qui leur servent de bordure. Il y vit avec les
semences des panics, avec des graines farineuses
et oléagineuses, avec des insectes et des vermis-
seaux.
On le remarque encore le long des eaux, au mi-
lieu des joncs et des roseaux, dont il aime aussi les
semences, et partout on l’aborde de près. C’est
souvent sa Voix qui annonce sa présence dans quel-
que lieu: elle est triste et monotone; il semble
qu’elle prononce : (it, ti, li, plusieurs fois de suite,
et dont la première syllabe est plus aiguë, plus
traînée que la dernière. Ces cris, il les jette en se
posant au bout d’une plante ou d’un arbuste, et
pendant qu'il s’y balance, qu’il frétille et secoue les
pennes de sa queue; quelquefois il criaille pendant
plus de cinq minutes à la même place, et sans chan-
ger une seule fois de ton. Nos oiseleurs n'aiment
jamais entendre cet oiseau piailler de la sorte au-
DE LA SAVOIE. 27
près d’eux, parce qu'ils croient qu’en répélant tou-
jours les mêmes cris, d'une manière aussi triste, il
intimide les autres volatiles du canton et les éloigne
de leurs filets : aussi, après avoir usé en vain de
tous les moyens de le prendre, lui donnent-ils la
chasse en lui lançant des pierres.
Quand le Bruant de Roseaux a bien piaillé du
bout d’une plante ou d’un arbre de petite taille, il
descend à terre, où il reste muet pendant qu'il y
cherche sa vie; mais quelques moments après, soit
qu’on l’approche, soit qu'il se trouve repu, il repa-
raît vif et alerte sur quelque arbuste; ou bien il
monte, en s’aidant par moments des ailes, le long
d'une tige de plante jusqu’à sa pointe, d’où il se
remet à pousser des cris. Toutefois, il se montre
attentif et inquiet; il tourne sans cesse la tête, et
regarde de tous côtés comme pour découvrir quel-
que ennemi, imprimant alors dans la queue un
mouvement de haut en bas, brusque et fréquent.
Sa voix d'automne, qui est toujours désagréable,
paraît pourtant quelquefois très-utile, car on pré-
sume ici qu'elle annonce aux autres oiseaux du
district, l’arrivée de l’Épervier ou de quelque Fau-
con ; c’est du moins la croyance de plusieurs de nos
chasseurs aux filets ; aussi, comme nous venons de
le voir, ne peuvent-ils souffrir que ce Bruant vienne
caqueter fréquemment auprès de leurs piéges.
Vient-il à s'échapper d’un filet, il fuit sans pousser
289 ORNITHOLOGIE
un seul cri jusqu’à quelque distance, puis souvent
il revient voltiger au-dessus de l'engin, et se jette
enfin sur quelque éminence, près de l’oiseleur, où il
recommence à piailler plus fort que jamais. A l’en-
tendre, on dirait qu'il s’obstine à avertir les vola-
tiles qui passent, des piéges qui leur sont tendus en
ce lieu.
Quelques Bruants de Roseaux passent encore en
Savoie à la première neige : ceux-ci ne s’y arrêtent
pas aussi longtemps que les premiers ; ils se hâtent
de gagner les régions méridionaies, leur séjour
d'hiver. Dès lors, l’espèce est rare chez nous jus-
qu'à l’approche du printemps. Les individus qui y
restent pendant le froid, vivent sur les bords boi-
sés des rivières, des lacs et des étangs; presque
tous les ans, avant les grandes gelées, on en remar-
que dans les roseaux qu’on laisse aux abords des
lacs des Marches, des Abîmes de Myans, etc. Ce
sont les graines de joncs, de roseaux et d’autres
plantes aquatiques, ainsi que de très-petits coquil-
lages, qui les y alimentent: mais aussitôt que les
eaux gèlent, ils se répandent sur les bords des
fleuves et des rivières, ou bien ils émigrent vers
d’autres contrées.
Ces oiseaux repassent dans notre localité sur la
fin de février et en mars. Les mâles sont alors revêtus
de leur livrée de printemps; par une belle journée,
on les entend gazouiller sur les saules qui bordent
DE LA SAVOIE. 281
les marais, les prairies ou les eaux. Ils s'appliquent
à répéter les syllabes : fi, fu, ifs, dzi, treitz,
dzi, sur deux notes différentes et d’un air triste :
RE
dzi.
ti tu ifs dzi treitz
C’est le même ramage qu’ils font entendre dans
leur patrie, pendant le temps que durent les cou-
vées et dans les nuits calmes d’été.
Ces Bruants nous quittent avant la fin d'avril.
Beaucoup des derniers sujets qui restent au pays
s’y assortissent, et retournent par paires vers leur
quartier d’été.
458S.—Bruant Proyer /Emberiza Miliaria|/.
Noms vulgaires : Le Gros Ortolan des Marais, Ortolan, Tritri, à cause de
son cri.
Le Proyer (Buff.). — Bruant Proyer (Emberiza Miliaria), Vieill., Temm.
Degl, — Strilozzo (Savi).
Le Proyer, que nous nommons ici Ortolan et Gros
Ortolan des Marais, est le plus grand des Bruants
de nos climats : il a 20 cent. 3-5 mill. de longueur
totale. Comme la Caille, il varie beaucoup par sa
taille et par sa grosseur, suivant qu’il a vécu dès son
enfance plus ou moins dans l’abondance : en effet,
on rencontre souvent en Suisse et en Savoie des
eq es
|
fl
|
|
282 ORNITHOLOGIE
individus de différents âges, qui sont d’un tiers plus
petits, ou à peu près de la moitié moins gros que
d’autres ; mais du reste ils se ressemblent parfaite-
ment de plumage.
Le mâle adulte et vieux est varié en dessus du
corps de noirâtre et de brun cendré : cette couleur
y borde chaque plume, tandis que la première
forme au milieu, soit le long de la direction de
leurs baguettes, une tache longitudinale. Les ailes
et la queue sont d'un cendré noirâtre, et lisérées
de fauve ou de blanchâtre, suivant les sujets. Les
parties inférieures sont colorées de cette dernière
couleur, et marquées sur lés côtés de la gorge et
au centre de la poitrine, de petites taches noirâtres
ainsi que de traits oblongs, de même couleur, sur
les flancs. Le bec est robuste, d’un gris brun, quel-
quefois un peu jaunâtre sur les bords des mandi-
bules ; l'iris brun; les tarses bruns jaunâtres.
La femelle est très-peu différente du mâle; on
l’en distingue parce qu'elle a ordinairement moins
de taches sur le milieu de la poitrine, et les cou-
leurs des autres parties du corps généralement plus
ternes.
Les jeunes, en sortant du nid jusqu'à la mue de
la fin d'été, ne diffèrent guère des vieux que par le
roussâtre et le jaunâtre, qui dominent alors sur leur
| livrée. Ils ont les parties supérieures d’un rous-
pl sâätre pâle, avec une tache longitudinale noire au
DE ÆAN SAV O TE: 283
milieu de chaque plume, et les couvertures alaires
largement bordées de roux. Sur la gorge, le cou et
la poitrine, se trouvent de nombreuses taches angu-
laires, noirâtres sur un fond blanc jaunâtre; les
flancs sont rayés de la même couleur.
Le Bruant Proyer, que l’on remarque dans toute
l’Europe, est commun tous les ans en Savoie à l’é-
poque des nichées et une bonne partie de l'automne.
À l’approche de la mauvaise saison, il s'envole vers
les pays méridionaux de l'Europe. Néanmoins un
très-petit nombre d'individus, parmi les jeunes de
l’an surtout, séjournent l'hiver dans nos pays de
plaine ; ils y vivent dans l’isolement ; quelquefois ils
hantent les champs et les prés arrosés, en compa-
gnie des Bruants Jaunes, des Alouettes et des
Pipis Spioncelles ; s’alimentant comme eux de diffé-
rentes espèces de graines et de très-petites co-
quilles occupées par leur animal.
Cet oiseau est un des premiers qui nous arrivent
avant le printemps. On le revoit déjà à la fin de
février ou dès les premiers jours de mars dans
nos prairies humides, dans nos marais et dans les
prés ou les champs qui les entourent ; c’est par
paires ou en bandes, mais moins nombreuses que
quand il émigre à l’approche du froid, qu’il revient
habituellement dans ce pays. Aussitôt arrivé, le
mâle commence à ramager; il se perche pour cela
à la pointe d’un arbre, d’un buisson ou d’une tige
RS Ep Te SR
ES
284 ORNITHOLOGIE
de plante sèche, et ne cesse de faire entendre, pen-
dant presque toute la matinée et un peu moins de
temps le soir, son chant monotone, qu’il répète à
tout instant : il commence par lâcher les syllabes
tri, tri, tri, et les fait suivre invariablement de la
finale fit-ritz, en appuyant longtemps sur la
dernière :
Ce chant, on l’entend encore jusqu’à la fin de
juillet.
Par une belle matinée de mars, tous les Proyers
du même canton aiment à se réunir dès que le so-
leil paraît à l'horizon. Ils se donnent, mâles et fe-
melles, rendez-vous sur quelque petit monticule,
au milieu d’un marais ou d’un vaste champ, très-
voisin de leur séjour habituel, ou bien encore dans
quelque autre lieu sec, exposé au soleil levant. Là
pêle-mêle ils se divertissent souvent pendant plus
d'une heure; caquetant, piaillant, volant à petites
distances, revenant à terre, s’agacant, se poursui-
4
vant et se becquetant tour à tour, mais sans se
blesser. De moment en moment, quelques mâles se
détachent de la troupe, s'élèvent à quelques déci-
mètres du sol, décrivent en voletant, les pieds pen-
DE LA SAVOIE. 285
dants et les ailes tremblantes, au-dessus ou autour
des femelles restées à terre, des cercles ou seule-
ment des lignes demi-circulaires, et retournent len-
tement à terre. Après une pause de quelques in-
stants, ils se relèvent et tracent d’autres cercles à
plusieurs reprises, pendant que leurs compagnes,
de terre ou du bout d’une motte de gazon, se hâtent
de correspondre à ces gentillesses par de petits
cris, qu’accompagne un mouvement continuel de
trépidation dans les deux ailes; puis ensuite, les
ailes épanouies et les pieds ballants, ils penchent
peu à peu vers le sol, et finissent par se laisser
tomber tout à coup, à côté des femelles. À cette
époque et durant les nichées, le naturel de ces oi-
seaux est fort peu farouche; on les aborde de si
près, qu’on les voit à tout instant, en parcourant
les lieux qu’ils habitent de préférence, se lever
lourdement de devant nous, et se reposer presque
aussitôt dans les herbes ou sur quelque tertre. Au
contraire, dans toute autre saison, et surtout en
automne, ils sont méfiants jusqu’à l'excès, et se
sauvent à l’approche du chasseur.
Le Bruant Proyer est d'habitude tout apparié
dans notre pays avant le milieu d'avril, et à la fin du
mois le mâle et la femelle se préparent leur nid.
Ils le font à terre, dans une petite enfonçure qu’ils
pratiquent l’un ou l’autre à l’aide du bec dans les
blés, les trèfles et les millières très-proches des
286 ORNITHOLOGIE
eaux ou des marécages, dans l’herbe des prairies,
sur les bords des fossés remplis de gazon, et quel-
quefois au pied de quelque plante épaisse ou au
milieu d’un petit buisson. C’est avec de la mousse,
des brins d'herbes sèches et le chevelu des racines
de plantes et d’arbustes qu’ils construisent cette
demeure en dehors ; ils la garnissent ensuite à l’in-
térieur de crins, de poils, de bourre et de fibres de
plantes. Elle est faite avec peu de soin et presque
sans solidité sur les bords ; elle contient 4 à 6 œufs,
que la femelle est seule chargée de couver. Mais
la seconde nichée, que plusieurs couples entre-
prennent à la fin de juin ou dans les premiers jours
de juillet, ne se compose d'habitude que de à ou
l œufs.
Ces œufs sont tantôt d’un cendré blanchâtre, tan-
tôt d’un blanc gris, presque nuancé de roussâtre, avec
des points, des taches et des raies en zigzag, bru-
nes rougcâtres, noires et d’un gris violacé, particu-
lièrement confondues sur le gros bout de la coquille.
Leur longueur, en moyenne, est de 22 3 à 23 mill.,
sur un diamètre de 46 ou 16 mill. +. Pendant que la
femelle se livre à l’incubation, le mâle, juché à la
cime d’un arbre ou sur la branche la plus haute
d’un taillis, d’où il ne cesse de pousser ses cris si
peu mélodieux, ne perd pas un instant de vue le
buisson ou la touffe d'herbe qui cache la nichée.
ll quitte par moments son poste pour descendre à
DR, Du SAVOIE. 287
terre, afin d’y chercher sa subsistance et celle de
sa compagne ; ensuite 1l la lui porte dans le nid en
trémoussant des ailes; aussitôt la becquée don-
née, il retourne faire sentinelle à la mème place. A
l'approche de quelqu'un, il jette le cri d'alarme,
qui est grave et trainé; s’il y a du danger pour la
couvée, il accourt et se désole en voltigeant autour
de l’importun.
Souvent les petits abandonnent le nid avant d’é-
tre capables de voler, et restent tapis séparément
dans les herbes ou les moissons. Leurs auteurs, qui
ne cessent de les surveiller de quelque élévation voi-
sine, viennent à tout inoment les revoir en particu-
lier et leur donnent en même temps des becquées :
de vers, de petites sauterelles et de petits grillons.
Quelquefois leurs cris, et surtout leurs allées et
venues continuelles, décèlent le lieu où se tient ca-
chée la progéniture; on les voit, en eflet, tantôt
l’un après l’autre, tantôt tous deux ensemble, vol-
tiger au-dessus d'elle d’un air inquiet et effrayé, et
se poser à terre, tout près de quelque petit; puis se
relever en criant, et gagner le bout d’un arbre ou
d’un brin de chaume ; de là ils repartent encore
en piaillant, reviennent voleter ou tracer des cer-
cles à quelques décimètres du sol, au-dessus de
chaque petit. Pendant ce singulier manége,
leurs pieds sont pendants et les ailes agitées du
mouvement de trépidation propre à celte espèce
|
|
Î
288 ORNITHOLOGIE
de Bruant dès le commencement de la saison de
l'amour jusqu’à la fin des nichées.
Après l'éducation des petits et les foins coupés,
les Proyers, jeunes et vieux, se rassemblent, quit-
tent les prés et les marécages pour se jeter dans
les vignobles, dans les champs de maïs, de froment,
d'orge, d'avoine, de chanvre et de millet, où ils se
gorgent de ces grains ; ils ne recourent guère alors
qu’accessoirement aux insectes et aux vers. C’est
surtout dans les mois d’août et de septembre qu’on
les voit parcourir par bataillons épais successive-
ment tous les champs qui leur offrent une ample
nourriture et un abri convenable, pendant qu'ils les
dévastent, Durant la chaleur, ils y restent cachés à
terre, et se désaltèrent en buvant les gouttes de
rosée qui pendent aux feuilies des plantes, ou qui se
logent dans leurs cavités en forme de carène à leur
insertion à la tige. Le soir, deux heures au moins
avant le coucher du soleil, ils se remettent en mar-
che, retournent aux vivres et continuent à se
nourrir aux dépens de l’agriculteur. Un peu avant
le crépuscule, ils se retirent tous à la fois dans les
bois, dans les buissons ou les jonchaies des alen-
tours, pour y passer la nuit; le lendemain, avant
le lever du soleil, ils reviennent aux champs. Ils
tombent alors difficilement dans les piéges, et les
chasseurs ne les approchent guère que par surprise.
Nos oiseleurs se donnent fort peu la peine de les
D'ESLASSS AN OTE. 289
‘appeler, tant ils les connaissent pour rusés et dé-
fiants ; aussi, ils n'en prennent tous les ans qu’un
très-petitnombre. Leur chair est partout recherchée
comme mets succulent.
C'est versle milieu de septembre que le Proyer
commence à s'éloigner de nos climats. Il voyage
d'habitude en troupes, rarement seul ou par paires;
il part de grand matin et le soir, une heure environ
avant que le soleil disparaisse de l'horizon. Son vol
est alors élevé, rapide et bruyant. Au passage de
chaque bande, on entend un cri de rappel qui imite
un peu le craquement du bec : pek, pek, pek, pek,
et que ce Bruant n’articule qu’en volant.
LIe Genre : PLKCTROPHANE (Flectrophanus).
Caractères génériques : Bec court, conique, droit, rétréci vers le bout:
mandibule supérieure couvrant à sa base les bords de l’inférieure ; palais non
tuberculeux, c’est-à-dire aplati et lisse. Narines arrondies, cachées sous de
petites plumes, qui se dirigent en avant. Tarses nus et anneles; doigts ex-
ternes réunis à leur base; ongle du pouce plus long que ce doigt, et légère-
ment arque. Ailes de grandeur moyenne.
Les contrées les plus boréales fournissent deux
espèces de Plectrophanes, que l’on rencontre acci-
dentellement, pendant l’hiver, en Suisse et en
Savoie. Plusieurs naturalistes les classent parmi les
Bruants, dont ils en font néanmoins une section ou
un sous-genre, en les dénommant Bruanis Éperon-
niers ou Bruants Plectrophanes. Elles vivent princi-
palement à terre, à la manière de la Fringille Nive-
rolle, et s’y reproduisent dans les lieux marécageux
DNTIE, 19
290 ORNITHOLOGIE
ou dans des trous de rocher. Leur nourriture con-
siste en semences de plantes alpestres et eninsectes.
Leur mue est simple et ruptile; cette dernière
change considérablement au printemps, par le
frottement et par l’action de l’air et du jour, les
couleurs du plumage ; de sorte qu’alors ces oiseaux,
sans voir préalablement leurs plumes se renouveler,
prennent une livrée très-différente de celle qu’ils
quittent et dont 1ls se sont revêtus en automne.
159.—prlectrophane de Neige /Plectrophanus Nivalis}.
L'Ortolan de Neige (Buff.). — Kmberisa Nivalis (Linn.), — Passerine de
Neige (Passerina Nivalis), Vieill. — Bruant de Neige (Emberisa Nivalis),
Temm., Degl.—Plectrophane de Neige (Plectrophanes Nivalis), de S.-Longch.
Cet oiseau n’a pas de nom vulgaire, que jesache,
dans nos pays, à cause de sa rareté. Dans quelques
cantons du nord de la France, on le nomme Orseau
ou Ortolan de Neige.
Les jeunes de l’année sont les seuls qui se mon-
trent accidentellement en Suisse et en Savoie,
pendant les hivers les plus rigoureux. Voici leur
description :
Taille 47 cent. 6-7 inill. Haut de la tête couleur
de cannelle ; nuque d’un roux cendré ; sourcils blan-
châtres ; les oreilles et an large plastron sur da
poitrine, d’un roux plus où moins foncé ; flanesd’un
roux clair; gorge et devaat du cou blanchâtres ;
les autres parties inférieures, de même que le milieu
de chaque aïle, d’un blanc pur. Dessus du corps
URNITHOLOGIE DE LA SAVOIE.
Passereaux. Fringillidees; Motacillidee »,
TN,277. |
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DE dote E Perrin LVhamber 1 4] Vern er deLt Lith.
1 Plectrophane de neige, ye7re mäle en liver, 3 or nat; PAM, |
0-4 Zuf del espece > grnat |
Plectrophane de Laponie. 7evre male en hiver; 5 or.nat: P993-4-6 Cul del'espgrnal
1e P T > p.28 Î
5
9 Ber geronnelte Grise ,zr4 au printemps, 5 grrat ;: P.301— 10-19 Talks de lespéce,;grnal
DIE SAVOIE. 291
noir dans le milieu des plumes, avec une large bor-
dure rousse; rémiges et les six rectrices intermé-
diaires noires, et bordées de blanchâtre ; les trois
rectrices extérieures blanches, et marquées d’une
tache noire vers l'extrémité. Bec jaunâtre ; 1ris des
veux brun rougeâtre, pieds noirs.
Le mâle, pendant l'été qu’il passe dans les régions
du cercle arctique, est d’un blanc pur sur le sommet
de la tête, sur le cou, Sur. les grandes et petites
couvertures des aïles, sur la moitié supérieure des
rémiges, enfin sur tout le dessous du corps; le noir
occupe le haut du dos, quelques pennes secondaires
des ailes et la moitié inférieure des rémiges. Get
oiseau acquiert ces couleurs pures en perdant au
printemps, au moyen de la mue ruptile, les franges
ou bordures rousses, cendrées et blanchâtres, que
j'on remarque en automne et en hiver sur les plumes
des différentes parties de son corps.
Le Plectrophane de Neige habite les monta-
gnes du Spitzherg, les Alpes Laponnes, le Groën-
land, etc. Il y niche au mois de mai, et cache la
première demeure de sa progéniture dans des
crevasses de rocher. C’est spécialement d'herbes
sèches qu’il la compose à l'extérieur, recourant
ensuite aux plumes, aux poils et au duvet des fleurs
pour la matelasser en dedans et sur les bords. La
femelle y dépose 4 ou 5 œufs blanchâtres ou d’un
blanc cendré, et parsemés de taches et de points,
292 ORNITHOLOGIE
plus ou moins nombreux, bruns ou rougeûtres et
noirâtres, quelquefois encore mélangés avec d’au-
tres taches plus rares, cendrées ou violâtres. Ils ont
21-22 mill. de long, sur 15 ou 15 mill. ; de diamètre.
Je me base, pour décrire ces œufs, sur les exem-
plaires que m’a obligeamment envoyés M. Edmond
Fairmaire de Paris : je les trouve parfaitement
semblables à ceux de la planche de l’Oologie euro-
péenne, publiée par M. Auguste Lefèvre.
Le chant du mâle, suivant M. Vieillot, est court,
faible et sans agrément ; son cri d'appel est doux
et assez agréable, mais celui de la frayeur ou de
l'inquiétude est aigre et fort. Il chante souvent
pendant la nuit, et ne dort que très-peu dans le
mois de juin et une partie du mois de juillet, On
attribue cette insomnie à l'habitude qu’a cet oiseau
de vivre alors dans des régions élevées, où il n’y a
presque pas de nuit durant cette période.
Ce Plectrophane est un agile coureur ; il cherche
à la manière de la Fringille Niverolle sa nourriture,
qui consiste pareillement en menues graines, en
petites semences d'arbres ou d’arbustes alpestres
et en insectes. Mais lorsque la neige, envahissant
les lieux qui lui fournissent ces aliments, le force à
s'éloigner de son séjour d'été, alors il étend ses
excursions dans des contrées du nord de l’Alle-
magne et de la France. Quelques bandes de jeunes
sujets, plus ou moins nombreuses, sortent de ces
D'ENRAUS AN O TE. 206
climats par un froid très-vif, se répandent dans des
pays tempérés de l'Europe et en Suisse, d’où, et
plus accidentellement encore, quelques individus
s’avancent jusqu’en Savoie. On les rencontre prin-
cipalement dans le Chamonix et sur les bords du
Rhône. Continuellement à terre, ils courent avec
vitesse parmi les pierres et à travers les petits buis-
sons, y vivent avec des graines restées sur plante,
avec de petits fruits ou des baies sèches. Ils parais-
sent presque muets, sinon quelques sujets qui
poussent de loin en loin de petits cris, qui servent
à rallier les autres individus de la bande. Aussitôt
que la température s’adoucit, ils quittent notre pays,
et regagnent des climats plus froids.
460.-— Plectrophane de Laponie /Plectrophanus Laponicus).
Le Grand Montain (Buff.). — Le Bruant de Laponie ou Grand Montain
(Cuv.).—Fringilla Calcarata (Pallas).—Bruant Montain (Emberizsa Calcarata),
Temm. — Passerine Grand-Montain (Emberiza Laponica), Vieill., Faune
Française. — Plectrophanes Laponica (Plectrophane de Laponie), de S.-
Longch.—Bruant Montain (Emberiza Laponica), Degl.
Le Plectrophane de Laponie est une espèce qui
a de tous temps embarrassé les ornithologistes dans
le choix du genre où elle devait être comprise.
Comme son bec est presque conique, ils en ont fait
tantôt une Frangille, tantôt un Panson, et même
une Allouette, à cause de la longueur de l’ongle
du pouce. Mais ses mœurs, ses habitudes et la plu-
part de ses caractères extérieurs, lui assignent sa
place à côté du Plectrophane de Neige.
ni
j
!
LA
294 ORNITHOLOGTDE
Comme lui, il habite pendant la saison des beaux
jours les régions boréales : la Laponie, le Groënland
et la Sibérie; il en émigre en hiver, et se répand
dans des pays du nord de la France et en Alle-
magne. Les jeunes seuls arrivent quelquefois en
Suisse, et quelques individus, toujours très-rares,
poursuivent, pendant les grands froids, leurs courses
jusqu’en Savoie.
Ceux-ci, qui sont tous des sujets de l’année, ont
18 cent. au plus de longueur totale. Le dessus du
corps, depuis le sommet de la tête jusqu’au crou-
pion, est d’une couleur isabelle, tachée et rayée
longitudinalement de noirâtre, surtout sur la tête
et le manteau. Les joues sont brunâtres, mais en-
tourées de brun noirâtre ; la gorge, le devant et les
côtés du cou, d’un blanc lavé de roussâtre ; sur le
bas de cette partie, se font remarquer quelques
stries brunes, peu apparentes ; le reste du dessous
du corps est d’un blanc nuancé aussi de roussâtre;
mais la poitrine porte plusieurs taches brunes noi-
râtres, qui remontent de chaque côté du cou jus-
que près de l'angle du bec; les flancs sont tachés
de même en long sur le centre des plumes. Sur
chaque aile, on voit un large espace de brun mar-
ron, quet termine un peu de blanchâtre ; les rémiges
et les pennes de la queue se trouvent noirâtres, et
bordées de roux extérieurement ; ; la première penne
extérieure de celle- -ci est tes avec une large
DE LA SAVOIE. 295
tache brune dans la partie supéricure et une autre
lache plus étroite vers le bout; sur la deuxième,
est un trait blanchâtre, qui remonte le long de la
baguette. Le bec est jaune, noirâtre à la pointe;
l'iris brun; les pieds sont noirâtres; longle du
pouce est beaucoup plus long que le doigt.
Les mâles, en élé, sont noirs sur la tête, à la
gorge et à la poitrine ; blancs et marqués de noir
sur les flancs. Ils ont la nuque couverte d’un crois-
sant d’un beau roux vif et pur ; le dos et les ailes
paraissent comme variés de noir et de brun. Ün
blanc sale prédomine sur le ventre, l'abdomen et
les sous-caudales.
La femelle, à la même période, est reconnaissable
par le gris roux, mélangé de taches noirâtres, qui
occupe chez elle le dessus de la tête et du cou, le
dos et les scapulaires; par le blanc de sa gorge et
du devant du cou; enfin par le roux et le noir du
haut de sa poitrine.
M. Duchesne de Lamotte, d’Abbeville, dans son
voyage en Norvége, rencontra sur les montagnes
du Dovre, dans une immense prairie couverte de
petits buissons, un couple de ce Plectrophane en
livrée de noces parfaite. Le mâle s'élevait de temps
en temps à une grande hauteur et retombait en
chantant, tout près de sa femelle : l’un et l’autre
étaient fort peu farouches.
Dans les régions boréales, cette espèce se pro-
296 ORNITHOLOGIE
page à terre, dans les champs marécageux et les
prairies, où se trouvent des arbrisseaux et de petits
monticules. C’est de ces élévations ou du bout d’une
pierre que le mâle, pendant l’amour et l’incubation,
part de temps en temps comme je viens de le faire
observer, d’après M. Duchesne de Lamotte, pour
s'élever dans les airs en chantant et redescendre
vers le sol en finissant son ramage. La femelle pond
h ou 5 œufs, d’un gris légèrement nuancé de rous-
sâtre, avec des ondes brunâtres et quelques taches
ou raies d’une couleur un peu plus foncée. Les
exemplaires de ma collection, récoltés en Laponie,
ont 49 5: à 20 mill. de long, sur 15 et 15 mill. + de
largeur diamétrale.
Quand cet oiseau survient chez nous pendant
l'hiver, il y visite d'habitude les vallées infé-
rieures et s'arrête à la base ou au milieu des
collines soit en friches, soit cultivées ; mais les
lieux humides et hérissés de buissons, de même que
les bords des torrents et des fleuves, lui plaisent
davantage. Il reste tout le jour à terre comme une
Alouette, à la quête des petites graines et des baïes
sèches pour sa subsistance. Quelquefois il suit dans
les champs les phalanges de |’ Ælouette Commune, et
s’empêtre avec elles dans les filets des oiseleurs.
Toujours peu sauvage, il se laisse aborder aussi
facilement quand il est seul que par paires ou par
sociétés de trois à cinq individus; il ne vient guère
DE LA SAVOTE. 297
en plus grande quantité dans nos contrées, et aus-
sitôt que commence la fonte des neiges, il les aban-
donne pour retourner vers sa patrie.
Vingt-seplième Famille.
MOTACILEIDÉES (Motacillidæ).
Ces oiseaux sont très-reconnaissables par leur
taille svelte; par leur bec droit, grêle, quelquefois
glabre à sa racine, en forme d’alêne et souvent
échancré à la pointe de la mandibule supérieure ;
par leur langue sagittée ou fourchue ; par leurs
pennes caudales fréquemment plus longues que le
corps, égales entre elles ou presque de la même
grandeur ; enfin par leurs tarses minces et élevés,
conséquemment propres à la course.
Leurs narines sont ovoïdes et à moitié fermées
par une membrane ; les ailes le plus souvent de
moyenne longueur. Des trois doigts de devant
l'extérieur se trouve soudé à sa base au médian, et
l’ongle du pouce est d'habitude plus long que ceux
des doigts antérieurs, qui sont petits.
Leurs mœurs et leurs habitudes les font aussi
distinguer aisément des volatiles , avec lesquels ils
peuvent avoir quelques rapports soit par leur genre
de vie insectivore, soit par quelques-uns de leurs
298 ORNITHOLOGIE
caractères physiques. Ils n'aiment que les lieux
découverts, les bords des eaux, les champs, les prés
humides, les pâturages et les endroits marécageux.
Cherchant presque tout le jour à terre leur nourri-
ture, ils saisissent les vers et les très-petits coquil-
lages qu’ils découvrent le long des sillons, sur la
grève ou la vase, courent après les insectes que
leur approche fait fuir, gobent les mouches au pas-
sage ou les attrapent en les poursuivant au vol, et
revienneht à terre pour les avaler. En marchant,
les uns balancent sans cesse la queue de haut en
bas, les Bergeronnettes par exemple; les autres, les
Pipis, n’ont guère, dans cette partie, qu’un léger
battement aussi de haut en bas, qu’ils réitèrent
surtout quand ils perchent et s'arrêtent au bout de
quelque motte ou de toute autre petite éminence.
C’est presque toujours à terre qu’ils se propagent ;
ils cachent ordinairement leurs nids dans les herbes
et les blés, ou parmi les pierres et les buissons,
rarement dans les trous de roc ou de mur. Les
mâles, dans quelques espèces, chantent agréable-
ment. La mue est double chez plusieurs, et les
jeunes de l'an, après avoir mué, ressemblent sou-
vent aux vieux.
Deux genres composent cette famille.
D E L À S À V O jf E . 209
Lise Gênre : BERGEMONN STE (Moltacill:e).
Signes caractéristiques : Bec grêle, subulé, cylindrique, droit; mandibule
a Eee Ar rs entalée ers Je ont: tinfériue
RU Res an eres o6 eibnese L'ontiei pot BE GoutH bu Bron
droit, de la longueur du pouce ou un peu plus long. Aïles moyennes. Queue
longue, à 12 rectrices égales.
Il est très-juste que des oiseaux qui sé familiari-
sent avec les bergers, en vivant souvent pêle-mêle
avec leurs troupeaux, aient recu des naturalistes
le nom de Bergeronnette, que le vulgaire naïf
remplace par celui de Bergère ou PE
Leur dénomination latine, Budytes, adoptée par
l'illustre Cuvier, n’est pas moins significative ; elle
désigne de son côté des volatiles naturellement
portés à accompagner dans les champs ou les prés,
les bœufs, en se jouant de toutes les manières au
milieu d’eux, à suivre les sillons qu'ils tracent avec
la charrue, tout en gobant derrière le laboureur les
vers et les insectes, qui leur servent de pâture. Les
noms de foche-Queue et Basse- Quouette qu’on leur
a aussi donnés, viennent de leur habitude toute
particulière de balancer presque continuellement
la queue, qui forme, à elle seule, plus de la moitié
de leur longueur.
Les Bergeronnettes se plaisent aux bords des
ruisseaux et des rivières, dans les plaines, lès prés
et les lieux humides. Vives, agiles, folâtres et socia-
bles, elles y vivent souvent en familles ou par
|
300 ORNITHOLOGIE
bandes, courent presque sans relâche après les
insectes sur le sable ou la glèbe, s’élancent, volent,
poursuivent les mouches au vol, reviennent à lerre,
courent, repartentets’entr’appellent. Très-enjouées
depuis leur pariade jusqu'au renouvellement de la
mue de la fin de l’été, et excessivement coquettes,
elles n’ont pas de geste, pas de mouvement, qui ne
respirent la volupté : remuement continuel et très-
marqué de haut en bas dans les pennes caudales,
avec un léger et gracieux balancement de tout le
corps à la fois, trépidation fréquente dans les ailes,
accompagnée de quelques coups de gosier, dont la
cadence est sensible, quoique précipitée, tête molle-
ment renversée sur l’épaule, regard doux et amou-
reux, vol lent et parfois tremblotant, surtout dans la
passion. Elles nichent au milieu des tas de pierres, le
long des fleuves et des rivières, au pied des buissons,
dans les herbes, les moissons, et dans les cavités des
digues ou des murs, qui bordent l’eau. Leurs nids,
en général, faits le plus simplement possible, con-
tiennent, à chaque ponte, de 4 à 6 œufs.
C’est deux fois par an que les Bergeronnettes
muent, vers la fin de juillet et à la mi-février dans nos
climats. À cette dernière période, elles ne prennent
guère de nouvelles couleurs qu'aux plumes de la
gorge, du cou et de la tête; alors les mâles diffèrent
des femelles. Mais après la mue de la fin de l'été, il
est souvent difficile de distinguer les sexes, et les
DANS ANMOTE. 301
jeunes de l’année sont semblables aux vieux, ou
tout au moins aux adultes.
Nous n’avons en Savoie que trois espèces de
Bergeronnettes. Le nord et le midi de l’Europe en
possèdent un plus grand nombre : j'en signalerai
quelques-unes en décrivant celles de nos localités,
suivant qu’elles ont avec elles quelques rapports.
EG. —Bergeronnetée Grise /Motacilla Alba).
Noms vulgaires : Bergère Grise, la Religieuse, Battiquoua (Battequeue),
Branlaquoua (Branlequeue), Quouanna.
Motacilla Alba et Motacilla Cinerea (Gmel.). — La Lavandière (Buff.), un
individu en livrée de printemps.—La Bergeronnette Grise (Buff.), un sujet en
plumage d'hiver; le même oiseau sous les noms de Motacilla Alba et Cinerea
(Cuv.).—Le Hoche- Queue Lavandière (Motacilla Alba), Vieill. — Bergeron-
nette Grise (Motacilla Alba), Temm., Degl.—Ballerina (Savi).
Cette Bergeronnette qui a toute l'élégance pos-
sible dans ses manières et sa parure, est de 18 cent.
h-6 mill. de longueur totale. La femelle a d’habi-
tude 6-7 mill. de moins.
Le mâle, dans sa belle livrée de printemps, est
d’un blanc pur sur le front, le lorum, les joues et les
côtés du cou ; la même couleur domine encore depuis
le bas de la poitrine jusqu'aux couvertures sous-
caudales : celles-ci sont pareillement blanches. Un
noir foncé envahit l’occiput, la nuque, la gorge, la
poitrine, les huit pennes intermédiaires de la queueet
ses couvertures supérieures; les deux rectrices laté-
rales sont blanches, mais tachées à leur base de noir,
quise prolonge diagonalementsur le bordinterne des
302 ORNITHOLOGIE
barbes. Les flancs et le dos sont d’un cendré foncé ;
les couvertures alaires noires, bordées de blanc
cendré; le bec, l’iris des yeux et les pieds noirs.
La femelle en plumage de printemps diffère peu
du mâle : elle a seulement le blanc du front et celui
des joues moins pur; le noir de la tête à peine moins
foncé et toujours moins étendu ; les couvertures
des ailes bordées d’un blanc gris. Au reste, elle lui
ressemble.
Le mâle et la femelle, en habit d’automne et d’hi-
ver, n’offrent pas de différence sensible. Ils sont
blancs à la gorge et sur le devant du cou; sur la
poitrine, se dessine un hausse-col d’un noir profond,
dont les côtés remontent jusqu'aux parties latérales
de la gorge; le cendré des parties supérieures est
d’une teinte moins foncée qu'au printemps. C’est
cette livrée, agréablement variée de blanc, de noir
et de cendré, qui a valu, dans plusieurs cantons de
la Savoie, à cette espèce, le nom de Religieuse et
quelquefois de Sœur Grise.
Les jeunes des deux sexes, depuis la sortie du nid
jusqu à la première mue, ont les parties supérieures,
même la tête et la nuque, d’un cendré terne, fai-
blement nuancé d’olivâtre ; les sourcils, les joues,
la gorge, le devant du cou et la poitrine d’un blanc
sale, presque teinté de jaunâtre; sur la poitrine,
l’on ne remarque qu’une seule tache cendrée noi-
ràtre, plus où moins apparchte, qui remonte en
DE LA SAVOIE. 305
forme de croissant sur les côtés du cou. Le ventre
et l'abdomen sont blancs. Le bec est brun foncé;
l’iris noir ; les tarses sont gris.
Les jeunes de la première nichée, qui commence
souvent ici à la fin de mars, se revêtent d’habi-
tude en automne de la livrée des adultes en habit
d'hiver que je viens de décrire, à part le noir de fa
tête qui reste pendant tout l'hiver plus ou moins
mélangé de cendré. Ceux au contraire de la seconde
couvée, qui est tardive, ne s’approprient, en muant
en septembre, que les couleurs des parties infé-
rieures du corps propres à l’âge adulte ; ils conser-
vent le cendré sur la tête et à la nuque jusqu'au
printemps ou à la seconde mue : alors ils se colo-
rent, comme les vieux et les adultes, de noir à la
gorge, sur le devant du cou, à la poitrine, sur l’oc-
ciput et à la nuque.
Variélé locale : On trouve pendant l’été, sur les
bords arénacés des torrents, lacs et étangs de
nos montagnes froides, des Bergeronnettes Grises
de 14-16 mill. moïns longues que celles qui habi-
tents alors des localités basses et chaudes. J’en ai
rencontré quelques paires spécialement le long du
Chéran en Bauges, de l’Arc en Maurienne et aux
environs du lac du Mout-Cénis ; avec la taille infé-
rieure à celle des types de l'espèce, elles ont
encore le bec ‘un peu plus effilé. et le cendré du
A
dessus du corps à peime plus foncé.
304 ORNITHOLOGIE
La Bergeronnette Grise est la plus commune des
Bergeronnettes de nos contrées. Comme la Prin-
tanière, n° 163, elle est admirable dans son habi-
tude de suivre les troupeaux dans les pâturages,
de se promener au milieu d’eux, d’y chasser les
mouches et autres insectes volants, qui les tour-
mentent pendant qu'ils paissent. Familière dans
toute saison, et sans prendre garde à la présence
des bergers, elle va jusqu’à essayer, même sous
leurs yeux, de se poser sur le dos des bestiaux ; elle
veut positivement plaire aux pâtres dans tous ses
gestes, et surtout en montrant de l'attachement
pour leurs troupeaux ; c’est de là que lui sont venus
les noms de Bergeronnelte, Bergerette et Bergère.
Dans le département du Gard, on la désigne par
le nom de Gala-Pastré, qui explique bien ses habi-
tudes ; cette dénomination patoise signifie : qui cher-
che à plaire aux pâtres dans un but intéresse. En
effet, cet oiseau trouve, en vivant parmi les trou-
peaux, une infinité de petits insectes ailés, qu'il ne
cesse de désirer par instinct.
La Bergeronnette Grise ne se confie pas seule-
ment aux bergers, mais aussi au laboureur; elle le
suit pas à pas derrière la charrue, et ramasse les
vers, les vermisseaux que le soc laisse à décou-
vert sur la glèbe. Le chasseur qui l’aborde de
près ne l’effraye même pas; elle court devant lui
jusqu'à la première pierre ou motte qu'elle ren-
DE LA SAVOIE. 309
contre, et là elle attend encore son approche pour
se remettre à courir ou à voleter un peu plus loin,
de tertre en tertre. L'oiseleur l’attire toujours sans
difficulté dans ses filets, pourvu qu'il y ait fixé une
de ses semblables pour danseuse ou pour appelante ;
mais si elle n y découvre pas son espèce, elle ne
se décide qu'avec peine à se rendre à l'invitation
qui lui est faite au moyen d’une simple imitation
de ses cris d’appel avec l’appeau. Quoique privée
et sociable de son naturel, cette Bergeronnette
n’aime guère vivre en domesticité; sans doute
parce qu’elle n’y reçoit pas les aliments qui sont de
son goût, c’est-à-dire vers, mouches, petites sau-
terelles, grillons, limaçons, mille-pieds, etc., etc,
Pourtant, tenue dans une chambre bien aérée, où
il lui est permis de se livrer à plusieurs de ses ébats
ordinaires, elle devient divertissante ; elle s’élance
à chaque instant sur les mouches, sur les mouche-
rons qui voltigentautour d'elle; elle court après les
mies de pain, après les morceaux de viande fraiche
et crue qu’on lui jette; puis aussitôt qu’elle les a
gobés, elle exprime son contentement en secouant
à plusieurs reprises successives sa queue, et en
balançant simultanément son petit corps avec
grâce. ;
Les Bergeronnettes Grises s’envolent en grande
partie de nos climats avant la mauvaise saison,
et vont se réfugier dans des contrées méridionales
m, Tin. 920
Es = _— pd mm +
a ———_—
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306 ORNITHOLOUGIE
qu’elles abandonnent au printemps pour retourner
vers leur patrie. Celles qui ont hiverné chez nous
s’y apprêtent à nicher sur la fin de mars; celles,
au contraire, qui ont alors voyagé ne s’adonnent
guère à cet acte avant le 20 ou le25 avril. D'ailleurs
elles n'arrivent ici que les derniers jours de mars
ou les dix premiers jours d'avril. Les couples quise
fixent dans nos régions alpestres, où ils ne font
d'habitude qu’une couvée par an, entrent en amour
au commencement de mai et se propagent vers le
milieu du mois.
Le mâle et la femelle travaillent de concert au
nid ; ils le posent à terre, sous quelque racine, ou
au pied d’un arbrisseau, d’un tas de pierres recou-
vert d'herbes, ou sous le gazon, le plus souvent au
bord des eaux, sous une rive creuse, quelquefois
dans les piles de bois chargées de cailloux , cou-
chées le long des rivières et des torrents, ou dans
les cavités des rochers et des digues; enfin ils
se reproduisent jusque dans les trous des murs
des maisons, sous les toits et dans les cheminées,
quoique éloignés de l’eau. Formé d’herbes sè-
ches et de menues racines, assez souvent mêlées
avec un peu de mousse, et que recouvrent en
dedans les plumes, le crin et la bourre, ce nid
contient } ou 5 œufs; ils sont blanchâtres ou d’un
blanc légèrement bleuâtre, garnis de points et de
petits traits bruns et d’un noiràtre cendré, plus
D'RPELES ES ANMIOTE 307
rapprochés vers la grosse extrémité de la coque.
Suivant l’âge des couples, ils varient considé-
rablement dans leur forme et leurs dimensions ;
tantôt ils sont presque piriformes, tantôt pointus
au petit bout, tantôt oblongs, tantôt enfin à peu
près ronds. Leur longueur est, en moyenne, de 18
à 19 mill., sur 44 3 à 15 mill. de largeur diamétrale.
Le mâle prend part de temps à autre le jour à l’in-
cubation, alors que sa compagne quitte les œufs
pour aller se récréer et chercher sa nourriture.
Quand elle couve, il se tient près du nid. Cher-
che-t-on sa couvée, il s’eflorce de nous détour-
ner du lieu qui la recèle, en allant crier ou se
plaindre tout à l’opposé. Mais lui ravit-on ses
pelits, sa désolation est au comble : on le voit avec
sa compagne se précipiter au-devant du ravisseur;
et tous deux ensemble, en criant de toutes leurs
forces, ils volèlent autour de cet ennemi, plongent
parfois jusque vers lui comme pour le frapper, et
l’accompagnent, sans cesser un instant de réclamer
leur progéniture, jusqu’à quelquedistance du canton.
Le père et la mère tiennent toujours propres leurs
petits dans le nid; non-seulement ils y enlèvent
leurs excréments, mais encore ils les débarrassent
des insectes qui pourraient les y incommoder. Dès
qu'ils les jugent capables de voler assez pour les
suivre sans risque, ils les emmènent avec eux le
long des eaux, sur la grève et parmi les buissons ;
308 ORNITHOLOGIE
presque tout le jour on les y voit poursuivre et gober
les insectes pour alimenter cette famille. Mais une
fois en état de trouver d’elle-même sa subsistance,
elle vit éloignée de ses auteurs, tantôt par petites
bandes, tantôt par deux ou trois sujets à la fois, et
rarement dans la solitude. C’est alors que les père
et mère entreprennent leur seconde nichée, qui se
compose de à ou 4 œufs.
Après les couvées terminées, ces Bergeronnettes
forment dans nos plaines de petites compagnies de
» à 8 individus; elles se montrent très-gaies, elles
multiplient leurs jeux ; elles courent avec rapidité
dans les sillons, s’entr'appellent, se poursuivent ;
parfois elles s'élèvent à quelques pieds du sol, se ba-
lancent un instant en l'air, retombent en pirouettant,
s’élancent de nouveau et redescendent en faisant
encore une pirouette ; enfin elles terminent souvent
ces jeux par une promenade sur la terre fraîchement
remuée ou dans les sillons, ou bien encore le long
d’un canal ou de son parapet ; elles marchent toutes
à petits pas l’une après l’autre, et à chaque fois
qu'elles s'arrêtent, elles impriment avec la queue
un battement successif de haut en bas. Par une
belle matinée, on les y entend souvent babiller
toutes ensemble, au moyen de petits cris coupés et
précipités : on croirait alors les entendre s’interro-
ger et se répondre tour à tour. Après avoir longue-
ment caqueté et s’être bien diverties, elles se met-
DE LA SAVOIE. 308
tent à chercher leur pâture ; elles saisissent à terre
les petits vers et les limaçons, chassent, gobent les
mouches au vol et pirouettent en retombant. C'est
surtout en volant qu’elles font entendre leurs cris
vifs et redoublés, d’un timbre clair et qui semblent
exprimer : gui-quit, qui-quit, quit, qui-quit. Ce
sont des cris de ralliement, puisque les Bergeron-
nettes qui sont à terre y répondent du même cri,
de crainte et de frayeur, puisqu'elles les poussent
encore dans le danger, à l'enlèvement de leurs pe-
tits, et lorsqu'elles échappent aux serres de l’oiseau
de proie ou se dépêtrent de quelque engin. Mais au
printemps, les mâles ont un ramage doux, vif, qui
plaît par sa gaieté et sa variété; ils le poussent
soit de terre, soit du bout d’une pierre ou des toits
et des cheminées, quelquefois en se jouant dans les
airs, au-dessus de leurs compagnes.
Les Bergeronnettes Grises volent par saccades
ou par élans et par bonds successifs. La queue leur
est alors très-utile, surtout dans les changements de
direction ; elles la remuent horizontalement, mou-
vement différent de celui qu’elles lui font subir
quand elles sont posées, qui est perpendiculaire de
haut en bas. Leurs migrations ou passages durent
longtemps en Savoie; ils commencent vers la fin
d’août et finissent au froid, mais c’est principale-
ment dès la mi-septembre jusqu'aux gelées blan-
ches d’octobre qu'ils sont très-abondants,
310 ORNITHOLOGIE
Pour changer de climat, ces oiseaux se groupent
dans les champs ou sur les bords des eaux, où ils
ont vécu le jour, et prennent tous ensemble leur
essor une heure environ avant le coucher du soleil,
Mais aussitôt que cet astre disparaît de l'horizon,
ils S’abattent dans les saussaies, dans les jonchaies,
sur les arbres touffus qui bordent l’eau, même sur
les toits dans les villes. Souvent ils y font du va-
carme jusqu’à la nuit, en rappelant leurs congénères
qu'ils voient ou entendent passer, en folâtrant, se
poursuivant et se becquetant. Pour dormir, ils se
cachent dans le feuillage, dans des trous de mur,
dans les cheminées, jusque sous les tuiles creuses
ou sous les ardoises soulevées. À laube du jour,
au premier signal, toute la troupe éveillée reprend
le vol en répétant ses cris d'appel ordinaires, conti-
nue sa route et se jette, après le lever du soleil,
dans les champs ou les prairies qu'elle découvre ;
elle s’y nourrit, se repose, et n’en part guère que
le soir, à l'approche de la nuit.
Cependant toutes les Bergeronnettes Grises ne
quittent pas nos pays avant le froid. Plusieurs, réu-
nies par paires ou en petites bandes de 3 à 5 indi-
vidus, y séjournent pendant tout l'hiver. Elles
hantent les bords des torrents, des rivières, des
canaux, et les prairies les plus arrosées; on les y
voit, comme pendant la saison des beaux jours, cou-
rir avec légèreté sur la grève ou la vase, entrer
D'EVDALSATVOTÉ. 311
parfois dans l’eau jusqu’au ventre pour ÿ saisir un
ver, un petit coquillage. Quand le vent du nord
souffle avec violence, elles perdent un peu de leur
vivacité naturelle ; elles se jettent le long des fos-
sés, des canaux destinés à arroser les prés, auprès
des bassins de fontaine, des fondrières, des sources
d’eau chaude, et dans d’autres lieux humides à l’abri
du vent. Ÿ trouvent-elles des laveuses, elles témoi-
gnent par leurs cris et gestes leur joie de voir ces
femmes; tout le jour elles rôdent autour d'elles,
courent après la moindre mie de pain qu'elles lais-
sent tomber dans l’eau, et reviennent se jucher tout
près d'elles : on dirait, à les voir alors secouer la
queue, qu’elles cherchent à imiter le mouvement
des laveuses pour battre le linge. C’est de là que
dés anciens naturalistes ont tiré le nom de Lavan-
dière, qui fut spécialement réservé pour la Berge-
ronnette Grise.
N. B. Je n'ai jamais rencontré dans nos contrées, ni sur leurs
confins, la Bergeronnette Lugubre (Motacilla Lugubris, Pallas) et
la B, Yarrel (Motacilla Y'arrelli, Bonaparte). Ces deux oiseaux,
que l’on remarque surtout dans le nord de l’Europe, diffèrent
de la Bergeronnette Grise en livrée d'été spécialement par le noir
profond de toutes leurs parties supérieures, même du dos, où
celle-ci est d'un cendré foncé, et par leurs flancs cendrés noi-
râtres, ou noirs, ou ardoisés, d'après l’âge des individus. Ils ont
en outre, pour distinction, la bordure des ailes et de leurs cou-
vertures d’un blanc pur ; néanmoins elle se trouve toujours plus
large chez la Bergeronnette Yarrel que chez la B. Lugubre. En
hiver, cette dernière a le dos revêtu de gris foncé ; la première,
d’un noir mélangé ou tapiré de cendré, ou bien encore de cou-
312 ORNITHOLOGIE
leur ardoise, suivant son âge. Les franges, d’un blanc pur, de
lcurs ailes servent encore alors pour les faire distinguer de la
Bergeronnette Grise : elles sont chez celle-ci d’un blanc gris ou
d’un blanc cendré, et plus étroites.
T1 peut arriver que l’on parvienne par la suite à découvrir ces
deux Bergeronnettes en Savoie, surtout en hiver ou à l'approche
du printemps quand elles se livrent à leurs voyages périodi-
ques; c’est dans cette prévision et pour contribuer à les faire
reconnaître que je viens d’en donner la description.
162. Bergeronnette Jaune /Moïacilla Boarula).
Noms vulgaires: Bergère Grande-Queue, Quoussette, Quouatta, Quouanna,
Branla-Quouatta.
La Bergeronnette Jaune (Buff.).—Hoche-Queue Jaune (Motacilla Boarula),
Vieill.—Bergeronnette Jaune ou Boarule (Motacilla Boarula), Temm., Degl,
— Cutrettola (Savi).
Cette Bergeronnette a 19 cent. 4-6 mill. de lon-
gueur totale. La queue, qui forme la plus grande par-
tie de sa taille, a, à elle seule, 10 cent. 4 ou 2 mill. |
et dépasse le bout des ailes de 7 cent. ||
J’ai remarqué pendant les nichées, le long des |
torrents, auprès des cascades et des usines situées l
dans nos régions froides et montagneuses, des Ber-
geronnettes Jaunes qui ont près de 2 cent. de moins |
en longueur que celles qui se propagent dans des |
localités inférieures et plus chaudes : les sujets que
j'ai pu me procurer avaient 17 cent. 6-8 mill. , et ra-
rement 18 cent. , de longueur totale. M. l'abbé Caire
fait la même remarque dans les Basses-Alpes, mais
| | il croit voir de plus une disparité dans le plumage :
| | le jaune chez le mâle, le cendré des parties supé-
|
|
ORNIT HOLOGIE DE LA SAVOIE
Passereaux. Motacillidees.
TL 224
Lith JiPerrin Chambéry. J Werner del. & Lith.
(10 à) ergeronnelte jaune. imäle adalte en ele; "307. ral, P510e
9 7e demäle en hiver. 3-5 Wubi del. espece; or Aa€ |
6 Ber tu eronnelte Pri ntanière.#2/e adalle au PriRlerps ; fs grnal; 390.
1-9 Zufsuel espece : QT. ral.
10 Pipi Richard zen automne sornat PIN Gif de l espece, 2 ral
DE LA SAVOIE. 315
rieures du corps chez la femelle, lui paraissent d’une
teinte différente de celle des couples de la plaine;
la première couleur étant un peu plus foncée, la
seconde presque plus claire. Ce savant observateur
trouve encore leur naturel plus méfiant, plus sau-
vage. Ces légères différences ne peuvent, à mon
avis, constituer qu'une variété locale de la Berge-
ronnette Jaune.
Comme le précédent, cet oiseau est du nombre
des Motacillidées qui muent deux fois dans l’année.
La mue du printemps, qu’il éprouve ici dès la mi-
février, est surtout notable en ce qu’elle ne change
guère la couleur qu'à la gorge et sur le devant
du cou.
Le mâle, en parfaite livrée d'été, est cendré sur
les parties supérieures, même sur la tête ; d’un jaune
nuancé d’olivâtre sur le croupion. Il a les sourcils
blancs ou blanchâtres ; les pennes alaires noirâtres,
bordées de blanc et d’un peu d’olivâtre. Les pennes
de la queue sont aussi noirâtres, à l’exception des
trois latérales de chaque côté, qui se trouvent plus
ou moins blanches sur leur longueur : toutefois la
plus externe est, d'habitude, entièrement blanche.
Un noir profond, bordé de chaque côté par un trait
blanc, partant de la racine du bec, couvre la gorge
et le devant du cou; la poitrine, le milieu du ven-
tre, l'abdomen et les sous-caudales, sont occupés
par un jaune pâle, néanmoins plus vif sur les deux
314 ORNITHOLOUGIE
dernières parties que sur les premières; les flancs
portent quelques teintes grises. Le bec et l'iris sont
bruns, les tarses brunâtres.
La femelle, au printemps, se garnit aussi de noir
à la gorge, mais tout en y conservant quelques
plumes blanchâtres, ou au moins une légère bor-
dure de cette couleur sur chaque plume noire ; de
telle sorte que cette partie paraît alors noire et
variée de blane. On peut encore la reconnaître en
ce que le cendré de ses parties supérieures et le
jaune du dessous du corps, sont d’une nuance un
peu plus claire que chez le mâle.
Pendant que les deux sexes sont en mue, l’on a
souvent de la peine à les distinguer l’un de l’autre,
car les mâles ont, comme les femelles, la gorge à
la fois garnie de plumes noires et de plumes blan-
ches ou blanchâtres.
Le mâle se dépouille de sa parure d'été vers le
milieu de juillet pour prendre sa livrée d'hiver. Alors
le noir de la gorge et du devant du cou disparaît,
et le blanc tirant un peu sur le roux jaunâtre l’y
remplace; les sourcils deviennent jaunâtres; le
cendré du dessus du corps se colore très-faiblement
d’olivâtre; le jaune du ventre, de l'abdomen et des
couvertures inférieures de la queue, devient encore
un peu plus pâle que pendant la saison des couvées.
La femelle ressemble beaucoup au mâle en plu-
mage d'hiver : seulement ses teintes sont encore
DHMAV SA VOTE. 315
moins vives. Les jeunes de l'annee, après leur pre-
mière mue, ne difièrent point des femelles.
La Bergeronnette Jaune est de passage en hiver
dans plusieurs cantons de la France, sédentaire
dans d’autres; elle ne paraît point s’avancer très-
avant dans le Nord, pendant ses voyages d'automne
et d'hiver. Nous la voyons à toute saison en Savoie
ainsi qu'aux environs de Genève, mais en nombre
bien inférieur à celui de la Bergeronnette Grise.
Elle émigre en partie de nos climats vers le com-
mencement d'octobre ou un peu plus tard, suivant
que les premières gelces blanches ont été plus ou
moins précoces. C’est seule à seule ou une à une,
quelquefois par paires, mâle et femelle, et rarement
par petites sociélés de trois à cinq individus,
qu’elle nous quitte chaque année. Elle prend l'essor
à l’aube du jour, s’élève toujours très-haut et ne
cesse de jeter pendant le voyage ses cris d'appel :
bit, bi-bit, bis, bit, qui la font aisément recon-
naître. Elle vole jusqu’au lever du soleil et plonge
vers le premier torrent ou ruisseau qu’elle découvre;
elle s’y alimente, s'envole le soir une ou deux heures
avant la disparition du soleil, voyage jusqu'à la
nuit, s’abat de nouveau le long des eaux, et y reste
abritée jusqu’au commencement de l'aurore.
Les Bergeronnettes Jaunes qui ne nous quittent
point pendant l'hiver, se montrent jusqu’à l’inté-
rieur des villes, dans les rues, les jardins, les basses-
316 ORNITHOLOGIE
cours et sur les toits des maisons. Elles hantent
aussi les bords des bassins de fontaine, des viviers,
des lavoirs publics, des ruisseaux ou des rivières
qui charrient les immondices, courent avec légè-
reté le long de leurs parapets, le long des branches
horizontales des grands arbres qui les bordent, et
y font entendre par moments un petit ramage assez
éclatant ; elles se taisent lorsque le froid est au
comble, et la terre couverte de neige. Pendant ces
tristes moments, on ne les voit nulle part plus fré-
quemment qu'aux alentours des écuries et des fer-
mes, cherchant dans le fumier les petits insectes,
les vers qui parfois y fourmillent. Se répandent-elles
auprès des eaux courantes ou stagnantes, elles y
entrent sur les bords jusqu’à mi-patte, et y courent
avec la même célérité que sur le sable après les
petits insectes aquatiques. Elles vivent aussi de
menus coquillages, de larves de libellules et de ver-
misseaux qu'elles saisissent avec adresse dans la
vase ou parmi les feuilles tombées des arbres, qui
souvent recouvrent les amas d’eau dormante. A
l'approche de la nuit, elles se rappellent, se ras-
semblent en petites sociétés, et vont dormir dans
quelque fourré, qui longe une rivière ou un tor-
rent. Chaque soir, à la même heure, elles revien-
nent à ce gîte. De très-grand matin, la bande
s’éveille, se sépare et retourne, tout en rappelant,
vivre dans l'isolement jusqu’au soir,
DE LA SAVOIE. 31%
Comme la précédente, la Bergeronnette Jaune
vole par élans et par bonds successifs, en mouvant
horizontalement sa grande queue ; comme elle aussi,
elle a dans cette partie, soit à terre, soit perchée,
un battement vif et fréquent de haut en bas, qu’ac-
compagne un léger et gracieux balancement de
tout le corps. Mais elle est loin d’avoir les mêmes
affections. La Bergeronnette Grise et la Bergeron-
nette Printanière aiment les champs, les terres en
labour, les prairies marécageuses ; elles aiment à
s'approcher des bergers, à se mêler à leurs trou-
peaux, à suivre pas à pas l’agriculteur dans les
sillons qu'il trace avec la charrue; la Bergeron-
nette Jaune, au contraire, reste toujours fidèle à la
grève des fleuves, des rivières et des torrents, aux
lieux rocailleux et humides, aux endroits fangeux,
enfin aux bords arénacés des lacs, des ruisseaux
qui coulent lentement, et ne visite guère le séjour
habituel des premières que lorsqu'elle ne trouve pas
ailleurs sa pâture. Elle n’est point née comme elles
pour la société ; elle fuit même celle de ses sem-
blables ; en effet, c’est le plus souvent solitaire qu’on
la remarque ici, après le temps des nichées. Si l’on
rencontre plusieurs sujets de son espèce le long
d’un torrent, il est rare de les voir groupés plus de
deux ou trois ensemble, sauf le soir, au soleil cou-
chant, quand ils retournent ensemble à leur refuge
de nuit.
318 ORNITHOLOGIE
Cette Bergeronnette s’apparie à la fin de l'hiver;
on en observe déjà des couples sur nos rivages à
la mi-février. Ils courent à petits pas et avec une
vivacité agréable après les insectes sur le sable ou
parmi le gros gravier, s’élancent à chaque instant
en l’air pour attraper les mouches, les cousins qui
passent à leur portée, retombent souvent en pi-
rouettant à terre, où aussitôt ils remettent leur
queue en mouvement. Quand une paire aborde une
autre paire, souvent les deux mâles se cherchent
querelle en se voyant de fort près; le premier qui
s’élance, donne la chasse à l’autre en jetant des
cris aigus et précipités. Le mâle qui a fait choix
de sa compagne vient-il à voir auprès d'elle un de
ses semblables seul, prompt à lui faire sa cour, 1l
fond sur lui, le frappe et le repousse de son canton.
Pour se propager, la Bergeronnette Jaune se re-
tire le long des fleuves, des rivières, des fossés,
dans les rocs qu’arrosent des sources, des torrents
et des cascades, auprès des usines, des moulins
construits sur eau, dansles digues, les murailles et
les rochers qui bordent les eaux. Vers le 20 ou le
90 mars, elle se met en devoir de construire son
nid. Elle le fait à terre ou sur le sable, dans un pe-
üit creux qu'elle prépare avant tout, et qu'abritent
des herbes, un arbrisseau ou des cailloux: elle le
loge aussi dans une cavité de roc, de mur, dans
une enfonçure de terre glaise, au bord d’un ruis-
DE LA SAVOIE. 319
seau ; quelquefois entre des pierres amoncelées sur
le rivage, parmi les racines des arbres, des brous-
sailles qui garnissent le bord de l’eau, sous les voûtes
d’un pont, sous les toits des moulins, des fabriques,
ou bien dans les trous de leurs murs. Ce berceau
est, comme chez la Bergeronneite Grise, composé de
mousse, d'herbes, de racines fibreuses, que tapis-
sent en dedans le poil, le crin, la bourre et les plu-
mes : 5 ou 6 œufs forment la couvée; ils sont habi-
tuellement pointus à la petite extrémité, larges vers
le gros bout, d’un blanc sale, et très-tachetés d’une
sorte de jaunâtre pâle, qui incline presque au rou-
gcâtre ou à la couleur de chair ; quelquefoisles taches
offrent, surtout au gros bout, où elles sont plus nom-
breuses, deux nuances de la même couleur, l’une
claire, l’autre sombre. Ces œufs ont, en moyenne,
47 ou 17 mill. ; de long, sur 125 à 13 mill. ; de dia-
mètre. Pendant que la femelle se livre à l’incuba-
tion, le mâle veille tout près du nid, au bout d’une
pierre, d’une roche isolée, ou perché sur quelque
arbre. Au moindre danger il pousse des cris plain-
tifs pour en avertir sa compagne ; si c’est quelqu'un
qui aborde la nichée, il vient au-devant et voltige
au-dessus de lui en jetant ses cris ordinaires : bi-
bit, bi-bit, bi, bi-bit; par moments il les précipite,
selon que le danger paraît imminent : bi-bi-bi-bi-
bat ; puis un autre cri tout à fait lamentable succède
à cette trade; il semble qu'il articule : bi, bi,
320 ORNITHOLOGIE
bi, en faisant toujours longue la dernière voyelle.
Cette espèce de Bergeronnette ne fait ici qu’une
couvée par an, à moins qu’elle ne devienne la proie
du ravisseur ; la seconde, qui a lieu dans le mois
après l’enlèvement, se compose ordinairement de
quatre œufs, rarement de trois. Le père et la mère
alimentent leurs petits comme la Bergeronnette
Grise les siens ; ils les élèvent le long des eaux,
dans le canton de leur première habitation. Mais
à peine sont-ils capables de trouver et saisir leur
nourriture, qu’ils les abandonnent. Dès lors ces
oiseaux vivent presque tous, jeunes ou vieux, soli-
taires jusqu’à la pariade prochaine.
163.—Bergeronnectte Printanière /Motacilla Flava.
Noms vulgaires : Bergère Jaune, Bergère des Prés, Bergère des Marais,
Bouvière.
La Bergeronnette de Printemps (Buff.). — Bergerounette de Printemps
(Budytes Flavus\, Cuv.— Hoche-Queue de Printemps (Motacilla Flara),
Vieill. — Bergeronnette Printanière (Moiacilla Flava), Temm., Degl.—Stri-
sciajola (Savi).
Cette jolie petite espèce de Bergeronnette, nota-
ble par le beau jaune de ses parties inférieures, est
la seule qui nous quitte entièrement pendant l'hiver.
Élésante dans sa taille, dans sa parure, gracieuse
dans ses manières, jusqu’en marchant, elle charme
le pâtre, l’agriculteur, tous ceux qui sont à même
de l’examiner dans les champs ou les pâturages.
Les mâles, à leur retour au printemps dans nos
climats, ont 16 cent. 3-4 mill. de longueur totale,
DE LA SAVOIE. 321
Ils sont remarquables par le vert olivätre qui oc-
cupe leurs parties supérieures, sauf la tête et la nu-
que, où le cendré bleuâtre domine. Une bande sur-
ciliaire blanche part de la base de la mandibule
supérieure du bec, et s'étend un peu derrière l'œil;
une autre dela même couleur, souvent peu distincte
du jaune des parties latérales de la gorge, prend
naissance à la mandibule inférieure, et se dilate
au-dessous de la joue, en se dirigeant presque vers
le bas de l’orifice des oreilles. Toutes les parties
inférieures du corps sont envahies par un jaune
pur, de nuance agréable ; néanmoins parfois des
individus, surtout des adultes ou des jeunes d’un an,
portent sur la poitrine quelques mouchetures de
couleur olivâtre ; mais habituellement elles s’effa-
cent peu à peu avant la fin de l’été, en s’usant par
le frottement de l’air et l’action du jour, ou en se
fondant dans le jaune de la même partie. Les pen-
nes alaires sont d’un brun noirâtre, bordées, ainsi
que leurs tectrices, de blanc jaunâtre. Les deux plus
latérales de la queue sont blanches, avec leurs bar-
bes intérieures en partie noirâtres ; les huit inter-
médiaires noires ou presque noirâtres, et lisérées,
comme les ailes, de blanc jaunâtre. L’iris, le bec
et les pieds sont noirâtres; l’ongle du pouce très-
long et peu arqué, proportionnément à ceux des
doigts antérieurs.
La vieille femelle, au printemps, est un peu mar-
me TITI ht
322 ORNITHOLOGIE
quée de blanc à la gorge; d’un jaune moins vif sur
les parties inférieures que dans le mâle. Elle paraît
en outre presque iavée de cendré sur le vert olivà-
tre du dessus du corps; sa tête est colorée d’oli-
vâtre.
Le mâle, en prenant à la fin de l'été sa livrée
d'automne et d'hiver, se nuance d’olivâtre sur le
sommet de la tête et à la nuque, tout en perdant
beaucoup de la pureté et de la vivacité du jaune
qui recouvre ses parties inférieures.
Les jeunes de l'annee, après la mue, ressemblent
aux femelles. Is sont d’un blanc jaunâtre en dessous,
et fréquemment marqués de petits traits ou de
quelques taches brunâtres, surtout à la poitrine et
sur les côtés du cou; c’est par ces mouchetures qu'ils
diffèrent un peu des femelles en robe d'automne.
En sortant du nid, le dessus de leur tête et toutes
les parties supérieures offrent un mélange de Jau-
nâtre, de gris et de cendré; sur les parties latérales
de la gorge et du cou, sur la poitrine qui est jau-
nâtre, ils portent de petits traits longitudinaux, ou
des taches brunes ou d’un brun roussâtre ; c’est un
blanchâtre glacé çà et là de jaunâtre, qui prédo-
mine sur le reste du dessous du corps.
La Bergeronnette Printanière fréquente pendant
la saison des beaux jours presque tous les pays de
l’Europe. Elle passe en grand nombre tous les ans
en Suisse et en Savoie, au printemps et en automne;
DE LA SAVOIE. 329
mais elle n’y niche que dans les régions basses, où
elle trouve des prairies, des marécages et des
champs humides qui bordent des rivières. Nous la
voyons ici arriver par petites troupes, assez sou-
vent par paires, mâle et femelle, aux premiers jours
d'avril ,rarement plus tôt, à moins que le printemps
ne soit très-précoce. Elle part en septembre, en
même temps que le Pipi des Buissons (vulgaire-
ment Becfique et Veinette); aux premiers frimas
d'octobre, elle est excessivement rare chez nous.On
la rencontre alors commune dans les contrées chau-
des et marécageuses de l'Afrique.
C’est d'habitude le matin et le soir, à l'entrée de
la nuit, qu’on la voit passer en troupes dans nos
plaines. Aussitôt que la nuit menace de la surpren-
dre , elle plonge perpendiculairement vers le sol,
et se cache dans quelque fourré. De jour, elle s’abat
sur les champs découverts, spécialement sur les
terres qu'on laboure ou qu’on ensemence, s’y nour-
rit de vers, de petites larves et d'insectes, se re-
pose quelques moments, s'envole et va à la décou-
verte des prairies et des marais, qu’elle n’aban-
donne plus qu'après les nichées terminées. C’est
dans ces lieux que ces bandes se dissolvent pour
s’assortir par paires. Le mâle, épris d'amour, com-
mence à tourner gracieusement autour de la fe-
melle qu’il cherche à se choisir pour compagne ;
celle-ci agrée-t-elle ses premiers transports, à l'in-
324 ORNITHOLOGIE
stant même celui-là renfle légèrement les plumes de
sa gorge, de son cou, même celles du dos, passe
à plusieurs reprises devant elle en étalant tous ses
charmes , les pennes caudales relevées et les ailes
presque traînantes ; et la femelle de répondre à ses
gestes, à ses agaceries par quelques mouvements
prompts et lascifs; et le couple de se livrer aux
voluptés.
La Bergeronnette Printanière ne fait en Savoie
qu’une seule couvée. Elle construit son nid à la fin
d'avril ou dans les dix premiers jours de mai, et le
place toujours à terre ; soit dans les blés situés aux
bords desrivières, soit dans les herbes au milieu des
prés arrosés ou aux alentours des marais, soit au
pied d’une plante épaisse, ou sous une motte deterre
et de gazon sur le bord d’un fossé. Quelquefois elle
s’approprie dans ces lieux ces petites boules de
mousses et de filaments d’herbes hachés, que l’on
remarque souvent à terre dans des trous où se
sont retirés quelque bourdon afin d'y déposer ses
œufs , quelque musaraigne ou arvicole pendant
l’hiver ; alors elle se prépare un nid en quelques
heures , le façonnant sur place avec les matériaux
qu’elle: y trouve. Mais le plus souvent elle se pré-
pare elle-même, à l’aide du bec, un petit creux
qu’elle remplit ensuite de mousses sèches, de brins
d'herbes et de duvet de plantes printanières. Ces
matières mélangées forment un petit nid élégant,
DE LA SAVOIE. 325
en forme de coupe, et matelassé en dedans de
crins, de poils, de plumes et de filaments de
plantes ; mais elles sont si peu serrées qu’elles ne
se tiennent point fermes sur les bords, ni même au
fond ; de telle sorte que, pour conserver ce nid en
le prenant, on est obligé de couper la terre qui le
retient, le supporte, ou les herbes, les racines qui
l'entourent, et de tout emporter à la fois.
La ponte consiste en 5 ou 6 œufs arrondis, un
peu pointus vers le petit bout, longs de 15 : ou
16 millim., et larges de 13 ou 13 mill. 1. Leur cou-
leur est tantôt d’un blanchâtre nuancé de roussâtre,
tantôt d’un blanc glacé d'un olive verdâtre, et cou-
verts de petites taches un peu plus foncées, d’habi-
tude très-rapprochées, et qui se fondent souvent
avec le fond de la coquille; quelquefois on re-
marque sur la grosse extrémité un, deux ou trois
petits traits noirs, très-fins, assez allongés et par-
fois en zigzag. Ces œufs éclosent après quinze jours
d’incubation, et pendant que la femelle les couve,
le mâle cherche ses vivres, les lui apporte au bout
du bec dans le nid; la becquée donnée, il monte
près de sa compagne sur une pierre ou au bout
d’un rameau, d’un brin de chaume, ou bien à la
sommité d’un jonc, d’un roseau et de quelque autre
plante capable de le supporter. Là, il se plaît à ré-
péter ses cris aigus: fait, fzit, fzut, faut, qu'il
varie parfois par un autre cri plus prompt : pir
326 ORNITHOLOGIE
ou pt, soit qu'il veuille annoncer sa présence à la
couveuse, soit qu'il ait à l’avertir de l’approche de
quelque ennemi. Ges cris sont différents de celui
qu’il pousse dans d'autres circonstances, surtout
en volant et pendant ses voyages; ce dernier, qui
est le cri d'appel et de ralliement, articule bien à
peu près les mêmes syllabes que le premier, maisil
les profère d’une voix plus douce, presque flütée.
Pleins d'affection pour leur nichée, le père et la
mère consacrent de concert le jour entier à lui cher-
cher sa pâture, à lui apporter alternativement les
vers, les vermisseaux, les petites sauterelles, les
chenilles rases, les tout petits limaçons nus qui la
composent, Impatients de former cette petite fa-
mille à leur manière de vivre quelquefois en société
des bergers et de leurs troupeaux, ils amènent, dès
qu’elle commence à pouvoir voler, jusqu'au milieu
des moutons et des vaches qu’ils aperçoivent dans
le canton. Là, ils se jouent avec elle de toutes les
façons, jusque sous les pieds des bestiaux; ils
débarrassent ces troupeaux des mouches et d’autres
petits insectes ailés qui s’acharnent à venir les im-
portuner dans les pâturages, les gobent au passage
et en alimentent leur progéniture. [ls ne la quittent
point après son éducation terminée ; souventils sont
encore avec elle quand ils émigrent de nos climats.
Après les foins coupés, les Bergeronnettes Prin-
tanières abandonnent par moments les prairies et
DE LA SAVOIE. 327
les abords des marais, se réunissent quelquefois plu-
sieurs nichées ensemble, forment des troupes innom-
brables, et se répandent dans les champs des lieux
circonvoisins. Découvrent-elles, en les parcourant,
une friche, une jachère occupées par un troupeau
de moutons qui broutent, elles y tombent d’aplomb,
se posent au milieu des brebis, sans s'inquiéter de
la présence des bergers. À l'instant même elles
babillent, se divertissent, s’agacent, se poursuivent,
volent à peu de distance, reviennent au trou-
peau, se rallient autour de lui et y font à l’envi la
chasse aux mouches, aux moucherons qui lui sont
à charge continuelle. Comme les Bergeronneltes
Grises, elles aiment aussi suivre la charrue, se te-
nant tantôt derrière le laboureur , tantôt à côté
des bœufs, et saisissant à tout moment sur la glèbe
vers, larves ou menus insectes que le soc met
à découvert. On les voit en plaine de grand matin
jusque vers neuf ou dix heures; alors elles retour-
nent, si le temps est chaud, dans des lieux humides
et ombreux; puis elles les quittent le soir pour
aller se répandre de nouveau dans les champs, où
elles arrivent presque en même temps que les trou-
peaux de moutons. Restent-elles en plaine pendant
la chaleur du jour, elles se cachent à l’ombre dans
les moissons, et surtout dans les champs de maïs,
de luzerne, de sarrasin et de pommes de terre. Pour
se désaltérer, elles y boivent les gouttes de rosée
328 ORNITHOLOGIE
qui filent le long des feuilles ; le soir, elles retour-
nent aux vivressur les terres qu’on laboure ou dont
on arrache les mauvaises herbes.
La Bergeronnette Printanière se précipite sans
défiance dans les filets, pourvu qu'elle y découvre
une de ses semblables; mais elle est si leste, que
souvent elle passe à travers les mailles, ou glisse
entre les doigts. Quoiqu’elle soit parvenue à se dé-
pêtrer d’un filet, elle y retombe souvent quelques
instants après avec la même confiance que la pre-
mière fois. Nos oiseleurs imitent généralement bien
avec l’appeau son cri d'appel ; aussi, ils l’attirent
aisément dans leurs piéges, sans qu'ils aient pour
cela besoin d’une de l’espèce pour appelante ou
pour danseuse. Sa chair est, comme celle des deux
premières, un bon manger.
N. B. La Bergeronnette Flavéole (Motacilla Flaveola), dont
M. Gould fit découverte en Angleterre, n’a point encore été vue
ni en Suisse ni en Savoie. M. Crespon l’a rencontrée en été dans
le département du Gard et dans celui de l’Hérault. M. de Selys-
Longchamps l’a signalée comme étant de passage au printemps
et en automne dans les environs de Lille, d'Amiens et de Dunker-
que. Elle diffère de la Bergeronnette Printanière surtout par ses
larges sourcils d’un beau jaune, et par le dessus de la tête, la
nuque, le dos et lecroupion d'un jaune nuancé d’olivâtre : cette
dernière, comme nous venons de le voir, a les sourcils blancs ou
d’un blanc jaunâtre, suivant l’âge; la tête d’un cendré bleuâtre,
et les autres parties du dessus du corps d’un vert olivâtre. Mais
les mœurs etles habitudes sont les mêmes chez ces deux espèces,
qui se mêlent ensemble lors de leurs voyages.
La Bergeronnette à Tête Grise (Motacilla Cinereocapillu, Savi)
et la Bergeronnette Mélanocéphale (Motacilla Menalocephala,
Licht.) ont aussi jusqu’à présent échappé à mes recherches en
Savoie. La première, que des naturalistes admettent comme une
DE LA SAVOTE, 329
race locale de la Bergeronnette Printanière, propre au midi de
l’Europe, diffère de celle-ci absolument en ce qu’elle a la gorge
blanche et le dessus de la tête couleur de plomb, sans bande
sourciliaire. Elle paraît commune en Italie.
La seconde, soit la Bergeronnette Mélanocéphale, que des
ornithologistes sont portés à regarder comme une race propre
à l'Afrique, se distingue de la Bergeronnette Printanière par le
manque de sourcils et surtout par le noir profond qui occupe
tout le dessus de la tête, même les joues. Elle se trouve en Dal-
matie, au Caucase, en Égypte et en Italie. J’ai reçu sa dépouille
de l’Afrique ; elle figure dans ma collection avec les précédentes
que M. Edm. Fairmaire, de Paris, s'empressa de me procurer
en 1850.
LA Gemre : PAPE ( fooihes).
Caractères génériques : Bec AS droit, presque glabre à la racine, un peu
cylindrique, à bords fléchis en dedans, vers le milieu, et très-légèrement i in-
cliné à la pointe; mandibule supérieure échancrée à son extrémité, un peu
plus longue que l'inférieure. Narines basales, latérales, à moitié fermées par
une membrane. Langue se terminant en fourche et cartilagineuse. Ailes allon-
gées, sans penne bâtarde ; une ou deux pennes secondaires de l'aile, les plus
près du dos, presque aussi longues que les primaires. Tarses nus, annelés.
Doigt intermédiaire soudé à sa base avec l'extérieur. Ongle du pouce arqué
ou presque droit et plus leng que le doigt, excepté chez le Pipi des Buissons.
Queue longue, formée de douze pennes.
Les Pipis sont des volatiles généralement connus
en Savoie, où ils portent les noms vulgaires de Bec-
fique, Vinette et Veinette ; c’est aussi sous ces déno-
minations que les gourmets les recherchent en au-
tomne, pour la saveur de leur chair. Longtemps
confondus avec les Alouettes, par rapport à la lon-
sueur de l’ongle du pouce, à leurs habitudes ter-
restres et à la teinte presque uniforme de leur plu-
mage, ils en furent distraits par MM. Bechstein et
Meyer, qui les premiers en firent un genre à part
ce genre fut approuvé par les naturalistes qui vin-
330 ORNITHOLOGIE
rent après. Les Pipis diffèrent essentiellement des
Alouettes par leur bec grêle et échancré à la pointe,
par la forme conique de leur tête, par la longueur
de leurs pennes caudales, enfin par leur genre de
vie insectivore. Ces caractères réunis et la taille
svelte leur donnent beaucoup plus de rapports
avec les Bergeronnettes; mais ils s’en éloignent
par les ongles et les couleurs de leur livrée :
celles-ci, loin d’être disposées par masses, comme
chez elles, le sont plutôt dans le système de colora-
lion des Alouettes. Ils n’ont pas dans la queue,
comme les premières, un mouvement continuel de
haut en bas, nileur vol rapide et ondulatoire , ou
par élans et par bonds. Leur queue n’a qu’un léger
battement de haut en bas, lent et moins fréquent
que chez les Bergeronnettes.
Les Pipis, en général, sont nomades; leur plus
grand nombre ne séjourne ici que depuis le prin-
temps jusqu’au commencement de l’automne. Ils
aiment les lieux découverts, champs cultivés, prés
et prairies artificielles. C’est presque toujours à
terre qu’on les remarque, quoiqu’ils aient la faculté
de percher sur les arbres, ce qui est étranger à la
plupart de nos Aloueltes. Comme elles, ils chantent
au printemps en volant ou en planant; mais ils com-
mencent leur ramage étant perchés ou en s’élançant
de quelque point élevé ou de terre ; ils le continuent
en montant obliquement dans l'air, et retombent,
DE LA SAVOIE. 331
avec les ailes épanouies et en chantant, sur Île sol
ou sur la branche d’où ils sont partis. Leur ramage
est habituellement toujours le même; cependant
il plaît à ceux qui l’entendent, par son articulation
nette et rapide; toutefois sa vitesse semble se confor-
mer à la progression ou au ralentissement du vol.
Pour s’adonner à la reproduction, ces oiseaux
recherchent dans nos collines ou nos Alpes, soit
dans leurs pentes soit sur leurs plateaux, les endroits
parsemés de broussailles , les terrains arides et
pierreux, les bruyères et quelquefois les abords des
forêts humides. [ls couvent à terre parmi les pierres,
dans les herbes ou au pied des arbrisseaux. Leur
nourriture consiste en vers, petits limaçons, insectes,
mouches, sauterelles et en petites araignées. Ils
éprouvent une double mue ; la première, qui a lieu
en mars, quelquefois à la fin de février, donne d’ha-
bitude, aux mâles surtout, quelques teintes diffé-
rentes de celles de la livrée qui l’a précédée; la
deuxième, qui apporte avec elle le plumage d’au-
tomme et d'hiver, commence vers la mi-juillet; un
mois après, elle atteint les jeunes de l’année. |
Nous comptons en Suisse et en Savoie, pendant
l'été ou l'automne, cinq espèces de Pipis.
332 ORNTITEHOLOGIE
164.—Pipi Richard /Anthus Richardi).
Noms vulgaires : Grosse Veinelle, Griveletie, Piapia, comme le Pipi
Rousseline, no 165, avec lequel on le confond.
Pipi Richard (Anthus Richardi), Vieill., Temm., Roux, Degland.—Anthus
Richardi (Farlouse Richard), de S.-Longch.
M. Vieillot dédia ce Pipi à M. Richard, de Lu-
néville, qui le lui fit connaître. M. Duchesne de
Lamotte, d’Abbeville, contribua à cette précieuse
découverte; il remit à M. Vieillot l'individu qu’il
avait depuis longtemps avant capturé en Picardie ;
puis un autre à M. Temminck, qui en traça la figure
dans ses planches.
Le Pipi Richard, que nos chasseurs aux filets
confondent facilement avec le Pipi Rousseline, dont
il a le cri, seulement plus fort, et presque la même
distribution dans les couleurs, est de 18 cent.
2-3 mill. de longueur totale.
Le mâle, en livrée d'automne, est brun sur toutes
les parties supérieures du corps, et bordé de rous-
sâtre sur chaque plume; ses joues sont d’un brun
nuancé de roux. Îl possède un trait blanchâtre qui
part de l'œil et s'étend au-dessus de la région des
oreilles, puis un autre tout petit, brun, situé entre
le bec et l’œil, et entouré par de petites plumes blan-
châtres. Quelques taches noirâtres prennent nais-
sance au coin du bec, descendent sur les côtés du
cou, viennent se confondre avec les taches lancéo-
les et noirâtres, dont la poitrine est parsemce. Le
DE LA SAVOIE. 333
blanc plus ou moins pur, suivant l’âge des sujets,
domine à la gorge, sur les côtés du cou, au milieu
du ventre et à l'abdomen ; mais il est teinté de rous-
sâtre sur les flancs et les sous-caudales, quelquefois
aussi sur les parties latérales de la poitrine. Les
ailes sont noirâtres, largement bordées de blanc
roussâtre. La queue aussi est noirâtre, et lisérée de
roussâtre sur les deux pennes intermédiaires qui
paraissent plus étroites que les latérales ; les deux
de chaque côté sont blanches sur les barbes exté-
rieures, et brunes sur les intérieures. Les tarses
couleur de chair et très-longs; l’ongle du pouce est
un peu arqué, plus long que le doigt du milieu; il
a, y compris le pouce, 2 cent. 6-7 mill. de lon-
œueur. Le bec est couleur de corne à sa base, noir
ou noirâtre dans le reste ; l’iris brun foncé.
La femelle ne diffère guère du mâle que par ses
parties inférieures, qui sont moins lavées de rous-
satre.
Les jeunes de l'an, à la mue de la fin de l'été, ont
le dessus de la tête et le dos noirâtres, et chaque
plume bordée et terminée de roussâtre. Cette der-
nière couleur prédomine à la nuque et au cou; l’on
n’y découvre qu'un petit trait brun sur le centre
des plumes. Le roussâtre règne encore devant le
cou, à la poitrine, aux flancs, sur les couvertures
inférieures de la queue; les taches de la poitrine
sont oblongues, presque nojrâtres, un peu plus
ne 5 LL 2 ns. -
334 ORNITHOLOGIE
larges que chez les vieux. La gorge et le milieu du
ventre sont blancs. L’ongle du doigt postérieur est
d'habitude de 5-7 mill. moins long que dans les
adultes et les vieux, presque droit ou à peine
fléchi.
Le Pipi Richard habite l'Espagne, le midi de
l’Allemagne et les environs de Vienne en Autriche:
on le rencontre aussi en France, mais plutôt dans
le midi que dans le nord. Il est rare en Savoie : je
l’y ai vu seulement dès les premiers jours de sep-
tembre jusque vers la mi-octobre, et encore en
très-petite quantité et toujours solitaire. Il fuit nos
localités avant les gelées blanches, et va hiverner
dans les climats chauds.
Quoique je n’aie point encore réussi à observer
cet oiseau dans notre territoire pendant la saison
des couvées, j’ai pourtant presque !a conviction
qu'il s’y est reproduit quelquefois. En effet, dans
une excursion que je fis, en juin 1846, vers les
forêts de Saint-Michel-des-Déserts, un berger m'ap-
porta dans un chalet un nid de Pipi qu'il venait de
prendre à terre, dans une prairie voisine, parsemée
de petits buissons. Ce nid, qui était un peu plus
volumineux que ceux de tous les Pipis qui se pro-
pagent chez nous, composé extérieurement de
mousse mélangée avec des filaments d’herbes
sèches, et garni en dedans de poils et de quelques
petits flocons de laine de mouton, contenait à œufs
DE LA SAVOIE. 339
que je conserve encore. Ils n’ont aucun rapport
dans les couleurs avec ceux du Pipi Spioncelle, du
Rousseline et du Pipi des Buissons ; ils sont un peu
plus gros, presque arrondis vers le petit bout, à
coque faiblement luisante, et parsemés de nombreu-
ses taches irrégulières, d’un brun inclinant çà et là
au rougeàtre, et si serrées autour de la grosse extré-
mité que la couleur du fond, qui est blanchâtre,
s'aperçoit à peine. Leur longueur est de 2 cent,
2 m. +, et leur largeur de 415 + à 16 mill. Je les ai
examinés avec quelques ornithologistes, qui furent
d'avis qu’ils provenaient d’un couple de Pipi Ri-
chard.
C’est toujours de grand matin que cêtte espèce
passe ici en automne. Après le lever du soleil, on
la trouve sur les champs découverts, parfois dans
les vignes, mais de préférence sur les guérets, dans
les friches, dans les lieux pierreux et rapprochés de
la plaine. Elle y court avec autant de vitesse que
les Bergeronneites après les insectes, vers, saute-
réelles, grillons qu’elle voit fuir devant elle; quel-
quefois il lui arrive aussi de saisir les mouches et
les gros moucherons au vol, quand ils passent à la
portée de son bec. De temps à autre, on la découvre
au bout des tas de terre et de petits cailloux qu’elle
rencontre dans ses trajets; elle y reste quelques
instants en repos, balançant seulement sa queue
d’un mouvement de haut en bas, plus lent et toute-
330 ORNITHOLOGIE
fois moins apparent que celui des Bergeronnettes.
Comme plusieurs de ses congénères, elle monte sur
les tas de paille, de maïs et de pois, où elle demeure
très-tranquille. Par moments, elle visite aussi le
chaume qui recouvre les granges situées au milieu
des terres ; là, elle poursuit aussi vite que sur le sol
les insectes qui s’y rendent le matin, pour jouir des
premières chaleurs solaires. Jamais je ne l’ai obser-
vée sur les arbres, ni même posée sur des buissons.
Vers les neuf ou dix heures du matin, quand le
soleil est trop ardent, le Pipi Richard abandonne
les lieux découverts, et va se cacher à l’ombre,
dans les trèfles, les luzernes, les sarrasins et les
pommes de terre. Vers trois ou quatre heures, sur
le soir, il revient chercher sa vie sur les terres
fraîches, sur les champs nus; et un peu avant le
coucher du soleil, il retourne dans les moissons
afin de s’y loger pour la nuit; quelquefois il se gîte
alors derrière une motte de terre ou de gazon. On
l’aborde assez aisément; son naturel n’est pas fa-
rouche. En prenant le vol, il lâche d'habitude quel-
ques cris semblables à ceux du Pipr Rousseline ,
mais plus graves, plus forts, et qui le font distinguer
de loin : par ces cris, il semble articuler les mots :
piet, piet, piet-piet, piet-piet-piet. Nos oiseleurs
le réclament absolument de la même manière que
ce dernier, et ils le prennent aussi facilement que
lui dans leurs filets, pourvu qu'ils soient munis
DE LA SAVOIE. 337
d’une À louelle ou d’un Pig des Buissons (vulg., Bec-
fique) pour danseurs. Son vol est plus lourd que
chez les autres Pipis; 1l ressemble plutôt à celui
d’une Alouette que d’un Pipi. Sa chair, qui se
charge de graisse en automne, est un morceau
très-délicat,.
1653.—pPipi Rousseline /Anihus Rufescens).
Noms vulgaires : Piapial, à cause de son cri d'appel ordinaire; Veinette
Grande Veinette.
noue Ad Camprtts Eu dun
D NÉ — Calandro (Savi). — Pipi Rousseline (Anthus Cam-
Ce Pipi, que le chasseur, ici, est très-porté à
confondre avec le Pipi des Buissons (Becfique),
a 17 centim. de longueur. Cependant son cri, ses
teintes roussâtres ou isabelle, l’en font facilement
distinguer au premier aperçu.
Le mâle, en automne, a les parties supérieures
du corps d’un gris isabelle, avec une teinte brune,
assez légère, sur le milieu des plumes ; les pennes
alaires d’une nuance brune, plus foncée, et large-
ment bordées de roux isabelle; la queue presque
noirâtre ; mais la penne la plus extérieure presque
entièrement blanchâtre, la seconde en partie d’un
blanc roussâtre, et les deux du milieu lisérées du
même. Les joues sont d’un roux clair : la bande
surciliaire, qui est large, d’un blanc à peine lavé
de roussâtre. Un blanc glacé d’isabelle occupe la
DATENT. 29
338 ORNITHOLOGIE
gorge, le ventre et l'abdomen : l’isabelle est plus
foncé sur la poitrine, où se trouvent quelques traits
brunûtres, irrégulièrement distribués, puis sur les
flancs et les sous-caudales. Trois raies brunes
parent les côtés de la tête : la première prend nais-
sance au coin du bec et s'étend sur les yeux; la
seconde passe au-dessous de la joue; la troisième
descend le long du cou. Le bec est allongé, ro-
buste, brun foncé, avec sa base d’un ton jaunâtre ;
l'iris des yeux couleur noisette ; les tarses inclinent
au jaunâtre ; l’ongle du pouce est d'habitude sen-
siblement plus court que le doigt, et un peu ar-
qué.
La femelle est semblable au mâle: ses teintes
sont seulement plus faibles.
Chez les deux sexes, au printemps, le gris isa-
belle des parties supérieures du corps devient d’un
gris cendré, et le brun du centre des plumes se
change en brunâtre. Ce n’est plus le blanc rous-
sâtre ou isabelle qui règne sur le devant du corps
pendant l’été, mais un blanc ou un blanchâtre uni-
forme, selon l’âge des sujets ou l’époque de la
saison; c’est par le frottement, par l’action de
l'air et l’éclat de la lumière que les couleurs s’af-
faiblissent de la sorte. On découvre seulement sur
les côtés du cou, du ventre et vers l'abdomen, une
nuance rousse, excessivement légère; elle paraît
plutôt jaunâtre chez quelques individus.
DE, LA SAVOIE. 339
Les jeunes, à la sortie du nid, sont jusqu’à la
mue d’un brun très-foncé en dessus, et Jisérés de
blanchâtre et de roux clair aux plumes, sauf aux
pennes alaires, surtout aux secondaires, ainsi
qu'aux tectrices, dont la bordure est large et d’un
roux plus foncé. De chaque côté de la gorge des-
cendent, en forme de moustaches, plusieurs taches
brunes et allongées. La poitrine est pareillement
couverte de taches de même couleur; et les flancs
se trouvent marquetés longitudinalement de noi-
râire.
Après la mue, les jeunes sont vêtus de la livrée
d'automne et d'hiver, décrite au commencement
de l’article. |
Le Pipi Rousseline n’est que passager dans nos
climats pendant la saison des beaux jours, et ja-
mais commun. Îl passe d’abord en avril, seule-
ment dans nos pays de plaine et sur les coteaux
qui les dominent, un à un ou par couples, mâle et
femelle, et rarement plus de trois ensemble; puis
en septembre, aux moments des migrations du Pipi
des Buaissons, quelquefois encore dans les quinze
premiers jours d'octobre. Pendant ses voyages
d'automne, on le rencontre assez fréquemment par
petites sociétés de trois à cinq individus, et alors
il s'élève jusque dans nos régions alpestres.
Get oiseau reste toujours en très-petit nombre
dans ce pays pour se propager ; il préfère pour cet
340 ORNITHOLOGIE
acte les contrées méridionales de l'Europe. Chez
nous, il n'aime alors que les coteaux ou les col-
lines pierreuses, parsemées d’arbrisseaux ou seu-
lement de bruyères, et niche sur leurs flancs les
plus méridionaux. Les coteaux des Charmettes, les
pierrailles de Lémenc, celles du centre de la mon-
tagne de l’Épine et de la base du Mont-du-Chat,
sont, aux environs de Chambéry, presque les
seules localités où on le trouve établi pendant la
reproduction. Il y construit son nid dans la pre-
mière quinzaine de mai, le place toujours à terre,
sous une motte de gazon ou au pied de quelque
petit buisson ; quelquefois 1l le cache dans une touffe
d'herbes ou de plantes, fréquemment parmi les
bruyères, mais rarement dans les moissons. Com-
posé de quelques brins de mousse, d'herbes sèches
et de racines de plantes, ce nid reçoit, sur un ma-
telas de laine, de crins, de poils et de filaments de
plantes, o ou 6 œufs; tantôt blanchâtres, tantôt
d’un blanc légèrement bleuâtre, couverts de petites
taches, de raies et de traits bruns, violacés et d’un
roux rembruni. Leur longueur est, en moyenne,
de 193 à 20 m. 5, sur 45 ou 145 m. + de dia-
mètre,
Le mâle de la Rousseline est à peine entré en
amour, qu'il chante à tout instant de la journée. Il
ne prend point part à l'incubation, et pendant que
sa compagne s’y adonne, ilse fait très-fréquemment
DE LA SAVOIE. 34]
entendre tout auprès d’elle. De moment en mo-
ment, il va lui chercher des vivres, qu’il lui apporte
au bout du bec dans le nid ; puis ensuite il se reinet
à chanter à la même place qu'auparavant. Son
ramage est presque uniquement composé des syl-
labes : zip, zip, zip et z1, 31, 31; il les redit vive-
ment jusqu'à quinze à vingt fois de suite, sans
interruption, sur le même ton, en s’élevant d’habi-
tude obliquement à une hauteur moyenne et en
retombant presque aussitôt verticalement à terre
ou sur quelque éminence, sans agiter les ailes,
qui restent néanmoins ouvertes, et avec la tête
un peu renversée et la queue étalée; de façon
qu’en descendant il forme avec les ailes ei le corps
un fer de flèche, ce qui lui donne un facies vrai-
ment curieux. On l'entend déjà plus rarement
pendant l’éducation de ses petits; puis il se tait
après la mi-juillet, époque à laquelle il commence
à changer de livrée. Dès lors il ne possède qu’un
seul cri, particulier aux deux sexes pendant le reste
de l’année : il est un peu moins fort que celui du
Pipi Richard, dont il articule toutefois les syllabes
(pret, ptet, piet-piel).
A la fin du mois d'août et dans les premiers
jours de septembre, les Rousselines, qui n’ont cessé
durant l’été de fréquenter nos collines arides ou les
régions moyennes et pierreuses de nos montagnes,
s’abattent vers la plaine, où elles vivent encore
342 ORNITHOLOGIE
quelques jours dé préférence sur les terres labou-
réés. On les observe le matin et le soir tantôt
solitaires, tantôt deux à trois ensemble. Au milieu
du jour, et pendant le fort de la chaleur, souvent
elles regagnent les monticules adjacents ; ou bien
elles restent en plaine, cachées dans les champs
énsemencés, rarement dans les herbes des prai-
ries, Pour s’älimenter, ces oiseaux font continuelle-
ment la guerre aux vers, Vvermisseaux, mille-pieds;
petites araignées et aux sauterelles; ils gobent au
passage les mouches et autres petits insectes vo-
lants, saisissent sur les tiges d'herbes les plus petits
limaçoñs et les moucherons qui s’y fixent. Ils se
perchent beaucoup moins souvent que les Pipis
Spionceiles ; mais 1ls sont plus agiles à la course.
IIS m'ont fréquemment paru ässez défiants; car
souvent, au lieu de S’envoler quand on les aborde,
ilS Se sauvent en courant avec une extrème vitesse,
s'arrêtent de temps à autre däns leurs trajets,
comme pour reconnaître le danger, courent dé
nouveau, même fort loin, et Se reposent sur quel-
qué point élevé ; sans douté, pouf mieux voir aïrri-
ver l’objet de leurs craintes. Leur vol ést très-sem-
blabte à celui du Pipi des Buissons ; leur chair est
pareillement savoureuse.
Tous les ans, dès le 8 ou le 12 septembre,
nous avons en Savoie uri passage de Roussélines,
un peu plus abondant que celui du printemps.
ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE.
Passereaux. Motacillidées.
LIL 277
PR Te AE
1 Pipi Rousseline 227% er automne; 4 gra VMI-A Gui de lesp;gr nat.
5 Pipi Spioncelle, ze en de 15 grnat,P.345.
6 » ) male enliver, 75 Pral. — 78,9 Zu del espece; gr. 22 l.
10 Pipi Farlouse, 4% au printemps; 18 gr. ral; V. 250!
EEE rs : = ee _
LE ne =. É
DE LA SAVOIE. 343
Quand elles voyagent quelques-unes ensemble,
elles se rappellent fréquemment en volant. Nos
oiseleurs imitent bien avec l’appeau leur cri d’ap-
pel ; aussi, les prennent-ils facilement dans leurs
engins. Après les premières gelées blanches d’oc-
tobre, nous n’en voyons pas une seule dans notre
pays.
AGG. —Pipi Spioncelle /Anthus Aquaticus).
Noms vulgaires : Becfigue d'Eau, Becfigue des Marais, Becfigue d'Hiver,
la Falope, Grosse Falope.
A ee nu dd dunou
Do De S.-Longch.— Spioncello (Savi).—Pipi Spioncelle
Ce Pipi est celui que l’oh rencontre communé-
ment à l’arrière-saison et pendant l'hiver däns nos
marais, et le long dés eaux qui ne gèlent pas. Sa
taille ést de 17 cent. 5-6 mill.
Les deux sexes, en plumage d'hiver, ont les par-
ties supérieures d’un gris brun olivâtre, presque
nuancé de cendré sur le cou, avec une teinte plus
foncée au centre de chaque plume; une bande
blanchâätre au-dessus des yeux, qui s'étend Jjus-
qu'aux côtés de la nuque; les couvertures alaires
bordées et terminées de gris blanc ; les deux pennes
du milieu de la queue de la couleùr du dos; les
latérales noires, sauf les deux plus extérieures de
chaque côté, qui sont marquées vers le bout d’une
tache blanche, plus ou moins longue. Toutes les
344 ORNITHOLOGIE
parties inférieures sont blanches ou blanchâtres :
chez les jeunes de l’an, elles paraissent presque
salies de roussâtre, surtout au bas de la gorge et
au ventre; mais, dans tous les âges, elles portent
des mèches longitudinales brunes sur les côtés du
cou, à la poitrine et le long des flancs; toutefois
ces taches sont plus nombreuses chez les femelles,
et plus grandes, plus confluentes chez les jeunes
que chez les vieux : le bec est brun noir: les tarses
du même ; l'iris noirâtre.
C'est vers le milieu de mars que les mäles,
jeunes et vieux, commencent ici à prendre leur
plumage d’été. Ils se trouvent en pleine mue à la
fin du mois; et vers le 20 ou le 25 avril, ils sont
revêtus de leur livrée de noces, qu’ils conservent
jusqu'aux derniers jours de juillet.
Pendant cette période, ils ont le dessus de la
tête, la région des oreilles et la nuque, d’un gris
bleuâtre ; la même couleur règne encore, mais avec
moins de pureté, assez souvent mélangée d’un peu
d’olivâtre, sur les autres parties supérieures du
corps; et la tache brune du centre des plumes ne
s’apercçoit alors guère que sur le dos. Le blanc de la
gorge, du devant du cou, de la poitrine, du haut
du ventre et des flancs, est coloré d’une teinte rose
roussâtre, pure et sans taches, ou bien mèchetée
de brun clair, suivant que les individus habitent
des hauteurs plus ou moins froides. Ceux qui se
DE LA SAVOIE. 345
reproduisent dans nos Alpes, auprès des neiges
éternelles, ou même sur les flancs septentrionaux
des montagnes inférieures, ne portent guère qu’une
faible teinte rose roussâtre sur le devant du corps;
et cette teinte est plus ou moins variées de taches et
de mèches brunes. Au contraire, les sujets qui de-
meurent fixés pendant l'été sur les plateaux des
montagnes de moyenne élévation ou sur les pentes
méridionales de quelques-uns de nos monts, n’ont
point ou presque pas de brun à la poitrine et aux
flancs ; le rose roussâtre qui y domine, est toujours
plus vif que chez les premiers. Les couvertures in-
férieures de la queue restent blanches, de même
que l’abdomen ; pourtant chez les vieux, cette der-
nière partie se colore de roux trés-clair.
Les femelles prennent au printemps, comme les
mâles, une robe dillérente de celle d'hiver. Chez
elles, les parties inférieures sont blanches, un peu
lavées de rose roussäire et plus ou moins mèche-
tées de brun sur la poitrine et les flancs, d’après
leur habitat. Quant au dessus du corps, elles res-
semblent aux mâles; seulement les couleurs y pa-
raissent encore moins pures.
Les jeunes, avant la première mue, sont recon—
naissables par la bande surciliaire: qui est d’un
blanc jaunâtre, à peine marquée. Celte couleur
prédomine aussi sur les parties inférieures, surtout
devant le cou et au ventre, Ils ont les côtés du cou,
346 ORNITHOLOGIE
la poitrine et les flancs, chargés de taches brunes,
oblongues; puis les parties supérieures d’un brun
olivâtre foncé, et presque chaque plume frangée
de roussâtre,
Après la mue, ils sont vêtus de la livrée d’au-
tomne décrite en tête de l’article; néanmoins ils
gardent pendant la première année, sur le dessus
du corps, quelque nuance olivâtre, plus prononcée
que dans les adultes et les vieux.
Le Pipi Spioncellé varie accideñtellémént, du-
rant l'hiver, d’un blahc pur ou d’un blänc mélangé
avec les couleurs ordinaires ; quelquefois 1l a la tête,
lé cou, la gorge d’un blanc plus ou moins pur, et le
reste du plumage comme d’habitude. Il vit toute
l’année en Suisse et én Savoie, où il est commun.
Pendant le froid, il fréquente les régions les plus
basses, court les prés arrosés, les marécages, les
bords des eaux et des sources qui ne gèlent point,
Au printemps, il gravit les montagnes, se fixe sur
leurs plateaux les plus stériles, dans les prairies,
les bruyères, les lieux pierreux et voisinis de l’eau,
très-souvent au-dessus de la région des forêts; et
là il s’adonne à l'acte de la reproduction. Tous les
ans, il se retire en grand nombre sur le Mont-Gre-
nier, à l’Alpétaz, au Nivolet, à Margériaz, à Ro-
zannaz et au Mont-Tréloz en Bauges; puis au
Mont-Cenis, dans les Alpes de la Maurienne, de la
Tarentaise, du Haut-Faucigny, etc., etc.
DE LA SAVOIE. 347
C'est à la fin de mars et principalement daris les
quinze premiers jours d'avril que le Pipi Spioncelle
s'éloigne de la plaine et regagne les contrées
montagneuses. Il y arrive ordinairement par petites
compagnies ; mais comme la plupart des hauteurs,
où 1l doit Se propager, se trouvent encore souvent
surchargées de neige, il se tient au-dessous dans les
prés, autour des Sources, dans les pierrailles, qui
ei sont débarrassécs ; de là, il s'élève peu à peu
chaque jour, à mesure que les neiges se reculenñt,
jusqu'à son séjour de prédilection. Les couples se
forment au commencement de mai, et aussitôt unis
ils travaillent à la composition de leurs nids. Quant
à ceux-ci, on les trouve à la cime des montagnes,
jusqu’auprès des ceintures de neiges perpétuelles :
tantôt dans des lieux en pente, tantôt sur des pla-
teaux, et presque toujours dans les localités les plus
arides et les plus désertes. Ces nids sont posés à
terre sous les pierres, quelquefois entre les fentes
de roc, mais le plus souvent au milieu dés herbes,
bruyères et myrtilles, sous des touftes de genièvre,
de rosage (rododendron ferrugineum, Linn.), d’ai-
relle ponctuée (vaccinium vütis idea, Linn.) et de
quelque arbrisseau rampant. Là paille très-déliée, le
foin, le chevelu des racines de plantes et d’arbustes,
mêlés à quelques brins de mousse, les com-
posent en dehors et sur les bords; quelques poils,
quelques petits flocons de laine de mouton et des fila-
FAR ORNITHOLOGIE
ments d'herbes sèches, en tapissent l’intérieur. Les
femelles v déposent 4 ou 5 œufs oblongs, de 193 à
20 mill. de longueur, sur 14-15 mill. de largeur
diamétrale ; ils sont blanchâtres, quelquefois d’un
ton presque grisàtre, fréquemment d’un blanc
teinté de verdâtre ; puis couverts de petits points,
de petites taches irrégulières, d’un brun plus ou
moins foncé, qui tire parfois sur l’olivâtre ou le
verdâtre, et d'habitude très-serrées sur la grosse
extrémité de la coque, où la couleur du fond s’aper-
çoit difficilement.
Pendant la période des amours, la femelle du
Pipi Spioncelle va de temps en temps à la recherche
du mâle, soit en voletant de tertre à tertre, soit en
courant à petits pas précipités à travers les plantes,
les pierres ou les buissons ; mais ce qu’il y a de plus
touchant dans ses trajets, c’est qu'elle l'appelle à
tout instant par quelques cris faibles, proférés len-
tement et à distance égale, comme si elle craignait
de trahir publiquement sa passion par sa voix :
à l'entendre de près, on croirait qu’elle s'applique
à redire les syllabes : pli, ph, pli, ph, pli où pi, pi,
pi, pi, pi Le mâle ne l’a pas plutôt entendue,
qu’il s’élance presque perpendiculairement dans
l’air en chantant, vient en battant des ailes à sa
rencontre ; dès qu’il l’aperçoit, il se laisse, sans dis-
continuer de chanter, tomber d’aplomb avec les
ailes étendues auprès d’elle, qui le suit des veux et
DÉMLANSAVOTE. 349
lui donne à l'instant le prix de ses chansons d’a-
mour. Son ramage est une composition des mots :
HONOR pr pt, pi, (hi; th, hi, répétés
lentement en commençant, avec célérité vers la fin,
ou plutôt quand le mâle, découvrant sa compagne,
tombe à ses côtés pour satisfaire ses désirs ou pour
recevoir d’elle le prix de ses accents.
Durant l’incubation, le mâle reste auprès du nid,
soit au bout d'un roc, d'une pierre ou de quelque
éminence, soit sur la branche la plus isolée d’un
arbre ou à la pointe de quelque buisson. De là, il
s'élève aussi de biais ou droit jusqu’à vingt ou trente
pieds de hauteur, en faisant entendre les mêmes
accents, et redescend, en chantant encore avec
plus de vivacité, au lieu d’où il s’est élancé. Avant
tout, 1l prélude d'habitude très-doucement étant
perché, prend ensuite l’essor en chantant, s'élève
au moyen d’un battement d'ailes, et retombe obli-
quement ou d’aplomb en planant, sur la branche ou
la pierre d’où il vient de partir; là se termine sa
chanson. Après un moment de repos, il recom-
mence l'ascension, et pendant tout le temps qu'elle
dure (ordinairement deux à trois minutes), il règle
la vitesse de ses chants à la progression ou au ra-
lentissement de son vol. Ainsi, au premier élan,
ses cris sont articulés lentement, parce qu'alors l'oi-
4
seau monte peu à peu en battant des ailes, mais
avec rapidité vers la fin. pendant qu'il plane et se
350 ORNITHOLOGIE
précipite tout à coup vers son poste. À chaque fois
que la femelle quitte les œufs pour aller chercher
sa vie, le mâle se trouve prêt à l’accompagner; il
la suit partout et la ramène encore à la couvée. Les
œufs éclosent du seizième au dix-septième jour de
l’incubation.
Les petits naissent légèrement couverts d’un du-
vet noir ; ils sortent très-souvent du nid avant d’être
capables de voler, et se tiennent cachés séparément,
quelquefois deux à deux, parmi les herbes, les pier-
res, et sous les buissons circonvoisins de leur premier
domicile. Le père et la mère ne cessent de leur ap-
porter les vivres; à chaque danger qu'ils courent,
soit à l’arrivée de l'oiseau de proie, soit à l'approche
des bergers ou de leurs troupeaux, ils poussent des
cris plaintifs; et tous les petits de rester accroupis à
terre ou sous les pierres tant qu'ils entendent leurs
parents se désoler pour eux. Quelquefois ils sont
dans un tel étal de stupeur, qu'ils se laissent prendre
à Ja main, sans faire mine de vouloir se sauver.
Après l'éducation de la première nichée, quel-
ques couples font une seconde ponte, qui se
compose de 3 ou L œufs. Les jeunes vivent alors
épars dans les prés, sur les bords des mares,
des sources et des bourbiers, s’y nourrissant de
vers, vermisseaux, larves, petils insectes, mouches
et de limaçons. Par moments, et surtout le matin, ils
se réunissent plusieurs ensemble dans quelque lieu
DE LA SAVOIE. 351
exposé aux premiers rayons solaires, y forment
une compagnie nombreuse qui se dissout peu à peu
à mesure que le soleil devient ardent, et se répand
dans des lieux humides ou ombreux. Si on l’aborde,
tous les sujets qui la composent se lèvent l’un après
l’autre en s’avertissant par leurs cris : fit, fi-fit, fit,
prononcés d’une voix forte ei grave.
Le Pipi Spioncelle descend des montagnes à la
fin de septembre ou un peu plus tard, selon que la
saison se maintient belle. Il s’abat deux à deux
ou seul à seul, assez rarement par bandes, dans les
pays de plaine ; il recherche là les champs humides
tapissés de verdure, les prairies artificielles où les
ruisseaux serpentent, les bords des étangs et des
marais. On le rencontre presque toujours à terre,
souvent en compagnie des Pipis Farlouses. courant
comme eux sur la glèbe, la vase ou les feuilles des
plantes aquatiques, pour y chercher insectes, ver-
misseaux, crevettes et petits coquillages, dont il fait
sa nourriture. Chaque année, pendant l'hiver, cet
oiseau habite en grand nombre les prairies et les
marécages de Bissy, de la Motte-Servolex, du Bour-
get, d’Albens, etc., etc. Mais aussitôt que le froid
est intense, il se retire dans les fondrières, sur le
bord des sources et des eaux fluentes, qui ne gèlent
pas ; 1l y passe même la nuit, caché dans des creux
d'arbres, des saules surtout qui leur servent de
bordure. Pour pouvoir subsister dans les temps de
302 ORNITHOLOGITE
neige, il recourt jusqu'aux plus petites graines des
plantes qui végètent le long des eaux, et les avale
tout entières, sans les broyer. Toutefois, si l'hiver
continue à se maintenir rigoureux, il abandonne en
bonne partie notre territoire ; puis il y rentre à la
fonte des neiges.
. Ce Pipi est un peu plus farouche que la plupart
de ses congénères; 1l se laisse, en effet, assez sou-
vent approcher difficilement : il s'envole dès qu’on
cherche à le tirer, et va se poser plus loin. Son vol
est peu rapide et irrégulier, comme celui du Pipr
Farlouse. 11 tombe facilement dans les filets ; mais
pour le chasser avec succès, il est indispensable
d'y avoir un ou deux des siens pour appeaux ou
pour danseurs. Quand il est posé sur quelque élé-
vation, il imprime avec sa queue le même mouve-
ment lent et de haut en bas que ses semblables. Sa
chair n’est pas un manger aussi délicat que la
Rousseline et le Pipi des Buissons (vulg., Bec-
fique) ; elle est ordinairement maigre.
467.-Pipi Kariouse /Anthus Pratensis).
Noms vulgaires : Petit Becfigue, Petit Becfigue d'Eau, le Fifi, à cause du
cri; la petite Falope.
Le Cujelier (Buff.).— Pipi des Buissons (Anthus Sepiarius), Vieill. — Pipi
Farlouse (Anthus Pratensis), Temm.—Anthus Pratensis (Farlouse des Prés),
de $.-Longch.—Pispola (Savi).—Pipi des Pres (Anthus Pratensis), Degl.
Le l'arlouse est le plus petit des Pipis qui fré-
quentent nos climats : sa taille est de 15 cent.
DE LA SAVOIE. 3953
Il ressemble beaucoup au Pipi des Buissons
(article suivant) par la distribution des couleurs
de sa livrée; mais elles sont généralement plus
verdâtres, et les taches du devant du cou, de la
poitrine et des flancs plus nombreuses. Il a en-
core l’ongle du pouce un peu plus long et moins
arqué que lui.
Le mâle, en plumage d'automne, a les parties
supérieures d'un cendré olivâtre, avec une tache
noirâtre, dans le centre de chaque plume : les
taches de la tête sont oblongues et étroites; celles
du dos irrégulières, très-prononcées. Les ailes
sont noirâtres, frangées d’olivâtre et de verdûtre;
puis traversées par deux bandes d’un gris olivâtre,
formées par l’extrémité des tectrices. La queue est
aussi noirâtre et lisérée d’olivâtre; la penne exte-
rieure presque entièrement blanche, à baguette de
même couleur ; la suivante seulement marquée de
blanc à son extrémité. Un blanc lavé de jaunâtre
couvre les parties inférieures, même la gorge;
une bande de la même teinte prend naissance à la
racine du bec, s'étend jusque sous les joues ; mais
les côtés de la gorge et du cou, la poitrine, le haut
du ventre et les flancs portent de nombreuses
taches noires ou noirâtres et longitudinales. Les
sous-Caudales sont blanchâtres, sans taches; les
tarses couleur de chair ; l’ongle du pouce est un peu
plus long que ce doigt, et faiblement fléchi ; le bec
FRANCE 23
394 ORNITHOLOGIE
brunâtre en dessus, jaunâtre en dessous; l'iris des
yeux brun.
La femelle est peu distincte du mâle : on la re-
connaît à sa gorge blanchâtre, à la teinte moins
vive des couleurs de ses parties supérieures et infé-
rieures, ainsi qu'au plus grand nombre de taches,
qu'elle porte spécialement sur les côtés du cou et
à la poitrine.
À la mue du printemps, qui commence ici aux
premiers jours de mars, le mâle se colore de rous-
sätre sous le corps; mais les taches noires n’y
changent point. L’olivâtre des parties supérieures
acquiert une teinte un peu plus foncée qu’en hiver;
mais à mesure que la saison s’avance, le blanc rous-
sâtre du devant du corps s’affaiblit peu à peu par
l’eflet du grand air et l’éclat de la lumière, au
point qu’il est blanchâtre pendant l'été; l’olivätre
foncé du dessus du corps se change presque en
grisätre ; les deux bandes transversales des ailes
deviennent à peu près blanches,
La femelle, pendant cette période, a encore
plus de taches en dessous que le mâle, et la gorge
blanche. Au reste, elle lui ressemble.
Les jeunes, avant la mue, sont semblables à la
femelle en livrée d'automne; mais ils sont toujours
plus teintés d’olivâtre sur les parties supérieures.
Après avoir mué, ils ne diffèrent point des vieux
en plumage d'hiver.
DE LA SAVOIE. 355
Le Pipi Farlouse fréquente toute l’Europe, Il est
chaque année commun en Savoie pendant ses pas-
sages, qui ont lieu à deux époques : en mars, puis
dès la fin de septembre jusqu'aux derniers jours d’oc-
tobre, ou un peu plus tard. Mais il y reste toujours
en très-petit nombre pour la reproduction; ce ne
sont que quelques paires isolées qui nichent par-
fois dans des lieux humides de nos montagnes, et
de préférence au nord du territoire. L'espèce se
propage communément en Hollande et dans les
montagnes des Cévennes.
C'est vers le 25 ou le 28 septembre, quand
presque tous les Pipis des Buissons (Becfiques) se
sont enfuis de nos localités, que les Farlouses com-
mencent à s’y faire voir. Cette succession, dans la
migration, est de toute nécessité. Si elle n’avait
point lieu, de telle sorte qu'en même temps Pipis
_ des Buissons, Rousselines et Spioncelles se trouvas-
sent réunis pendant quelques jours dans les mêmes
lieux , ils ne trouveraient pas assez de nourriture.
Les Farlouses passent alors seuls ou deux à deux,
quelquefois par petites compagnies de cinq à huit
individus ; on les reconnaît bien vite aux petits cris
qu’ils poussent fréquemment en volant, et qui sem-
blent traduire les syllabes : ct, ci, ci, cou #,f,
fi, fi. Mais dès le commencement d'octobre, et
surtout dans les temps de petites pluies ou un Jour
avant qu’elles tombent, c’est plutôt par phalanges,
396 ORNITHOLOGIE
souvent nombreuses, que nous les voyons arriver
dans nos pays de plaine. Les sujets qui les forment
vont l’un après l’autre éparpillés dans l'air, et
s’entr’appellent à tout instant. Ils constituent par-
fois des vols d’une grande dimension; quelques-
uns ont même 60 et 80 mètres de long, sur 10 ou
12 mètres seulement de large. Si l’un des premiers
de la troupe s’abat vers le sol, où 1l s'entend rap-
peler soit par des semblables soit par l’oiseleur,
tous les autres l’y suivent et s’éparpillent en se
posant; de sorte que souvent ils occupent alors
tout un champ de 20 à 25 ares. Blés nouveaux,
luzernes, trèfles, pélagras, prés, prairies artifi-
cielles, bords des marais, en un mot tous les en-
droits humides et où ils découvrent de la verdure,
sont les lieux qu’ils afflectionnent. À peine posés,
ils se mettent à la quête des insectes et des vers,
courant çà et là pêle-mêle, avec plus d’agilité
que le Pipi Spioncelle. Encore moins farouches
que lui, ils viennent, comme les Bergeronnetles,
chercher des vivres, poursuivre les mouches et
autres petits insectes ailés, jusqu’autour du chas-
seur, du berger et du laboureur, sans se défier d'eux.
Mais lorsqu'un d’entre eux aperçoit le danger,
il se lève tout à coup, donne l’alarme à toute la bande
par ces pelits cris : ci, «1, ci, et ses compagnons,
qui sont encore sur les champs, de lui répondre par
les mêmes cris, en se levant successivement; puis
DELA) SAVOIE. 391
bientôt rassurés de leur frayeur, ils se reposent
tous ensemble à quelque distance de leur premier
séjour. Cependant il en est des plus prudents
que d’autres, qui vont se poster sur quelque
arbre voisin, où ils restent quelques instants afin
de mieux observer le sujet de leur crainte, et qui
ne rejoignent le reste de la troupe que quand il n’y
a plus de danger à courir.
Tous les Pipis Farlouses qui surviennent en
automne dans nos contrées se dirigent vers les
régions méridionales ; ils y passent l'hiver dans les
vignes, les bruvères, les champs de luzerne et dans
tous les lieux arrosés. Quelques-uns, mais d’habi-
tude rares, restent chez nous pendant Île froid;
ceux-ci hantent alors, comme les Spioncel!'es, les
bords des sources, des rivières, des canaux et des
marécages qui ne gèlent pas, et s’y naurrissent du
même genre d'aliments.
A la fin de février, et plus particulièrement en
mars, survient encore le Pipi Farlouse dans nos
climats. Mais alors il fuit presque les champs, à
moins qu’ils ne soient humides, par conséquent en
état de lui fournir des vers, de petits limaçons et
des insectes pour sa subsistance. Il se maintient
pendant quelques jours dans les prés arrosés, aux
alentours des inarécages, sur les bords des étangs,
des mares et des fossés fangeux. On le retrouve
aussi dans les jonchaies et les roseaux, séjour des
DEN EESES
358 ORNITHOLOGIE
Bécassines, Râles et Poules d'eau ; comme elles, il
y cherche sa vie en courant avec vitesse sur la
mousse, la boue et sur les feuilles des plantes aqua-
tiques. Quelquefois il s'arrête sur les mottes de
gazon, sur les pierres et les petits piquets qu’il
rencontre, y secoue la queue du même mouve-
ment que le Pipi Spioncelle ; puis aussitôt il saute à
terre, y court tout en cueillant à fleur d’eau le frai
des grenouilles et des petits poissons, vermis-
seaux sur la vase, moucherons le long des tiges
d'herbes, Chaque matin, au lever du soleil, il monte
sur les saules- et les petits peupliers, où d'habitude
on le voit occupé à sa toilette : il y attend que le
soleil ait dissipé en partie la rosée, avant de se re-
mettre à chercher sa nourriture parmi les herbes.
Le Farlouse nous quitte au commencement d’a-
vril, ets’envole par petites troupes vers les régions
de l’Europe où il est appelé à se reproduire. Cepen-
dant quelques individus se font encore remarquer
dans nos marais jusqu'au 15 ou au 20 du même
mois; ce sont probablement ceux qui passent l'été
dans quelques montagnes qui confinent à notre
territoire, ou bien les couples qui finissent par se
propager dans nos régions montueuses, où ils trou-
vent facilement le même climat que le plus grand
nombre de leur espèce va chercher ailleurs.
Ce Pipi niche en mai. Son nid, qu'il pose à terre,
soit au milieu d’une touffe d’herbes, soit au pied de
DE LA SAVOIE. 359
quelque petit buisson, dans un lieu humide et quel-
quefois en pente, se trouve formé entièrement de
mousses, de tiges d'herbes sèches, de poils et de
crins. Il renferme 4 ou 5 œufs, assez rarement 6,
dont la couleur du fond varie fréquemment; tantôt
elle est blanchâtre, tantôt d’un blanc rembruni,
tantôt enfin d’un blanc nuancé de rougeâtre, avec
des taches brunes, quelquefois presque pourprées,
d'habitude irrégulières, plus nombreuses sur le
eros bout et plus étroites sur le petit, où souvent
elles ressemblent à des points. Ces œufs ont 18 5 à
19 mill. de long, sur 44 ou 44 mill. 3 de large.
Pendant tout le temps de la reproduction, le
mâle a un ramage simple, qui consiste en un grand
nombre de syllabes aiguës, dont la gradation est
toujours sensible, la prononciation nette et rapide :
césre, et, cat) pie pit, Hivspie, y tot, 0,
sont celles qui entrent le plus dans sa composi-
tion. Gomme le Pipi des Buissons et le P. Rousse-
hne, il le redit fréquemment le matin, en s’élevant
de terre ou du bout de quelque arbuste à peu près
perpendiculairement en l’air jusqu’à une hauteur
moyenne; comme eux aussi, il en précipite la
mesure dans sa chute, qu’il effectue de biais ou
d’aplomb, assez lentement et sans battre des ailes
comme quand il monte. Alors son corps et ses ailes
immobiles, quoique étendues, tracent une espèce
de triangle qui imite le fer d’une flèche.
360 ORNITHOLOGIE
168S.-—Pipi des Buissons / Anthus Arboreus.
Noms vulgaires : Vinettle, Veinette, Véneliaz, Becñ, Becfigue, Becfigue de
Vignes.
La Farlouse ou Alouette des Prés (Puff.). — Pipi des Arbres (Anthus Arto-
DRE ee boul de Se Loneeh—rn pate Se DUO
Ce Pipi, dont la chair fait en automne les délices
des gourmets, doit ses dénominations, Vinette,
Becfique, Becfique de Vignes, à son habitude de fré-
quenter les vignes basses, où abondent les figuiers,
du fruit desquels beaucoup de gens croient qu’il se
nourrit.
Le mâle a 16 cent. de longueur depuis le bout
du bec à l’extrémité des pennes caudales; la femelle
est de 5-6 mill. moins longue ; mais elle ressemble
au #ûâle par ses couleurs.
Le Pipi des Buissons a, dans sa physionomie,
tani de rapport avec le précédent (ie Furlouse), que
très-souvent les personnes qui veulent s’en régaler,
se laissent tromper en l’achetant sur les marchés,
où ce dernier est par moments très-abondant,.
Cependant on peut s’épargner le souci de se voir
frustrer de la sorte. D'abord, le Pipi de cet article
est rare chez nous depuis le mois d’octobre ; à cette
époque, l’on n’y rencontre guère que les individus
qui n’ont pu, à cause de leur masse de graisse,
effectuer leur départ en même temps que leurs
semblables qui ont mené une vie plus sobre, moins
sédentaire ; et ceux-là, il faui les chercher autour
URNITHOLOGIE DE LA SAVOIE.
Passereaux. Motacillidées : Alaudidées.
TI: 2#.
Läith.J® Perrin Chambéry. JWerner del. LiFh. |
19,3 Zu def) pr Parlouse ; s oT nal
L pe des Fe mêle au printemps; 2397 nat, V. 360. |
5-7 Culs de esp ece; AT. nat 1
8 Alouette des une mâle adulte: 15.97 anal; 2375-94 Bu del'esp.s 274 |
19 Alouette Cochevis, 244 adalte; sgrnal, P 3851315 Buls delesp o7.nal.
DE LA SAVOIE. 361
des marais, dans les vignobles, sur la lisière des
bois. À chaque fois qu'on les découvre, on les
aborde de si près que souvent ils se lèvent presque
de dessous les pieds; ils ont de la peine à voler,
gras comme ils sont, et se laissent retomber lourde
ment à quelques pas du lieu d’où on les force à partir.
Au contraire, le mois d'octobre est précisément le
temps de l’année où le Farlouse est le plus commun
dans nos climats. Alors, quand on a la chance
de tirer un Pipi des Buissons, il n’est pas rare
d’abattre dix ou douze Farluuses, et même davan-
tage. Mais ce qui établit de préférence la distinction
de ces deux oiseaux, c’est que celui qui nous occupe
ici est plus grand, plus gros, plus coloré de jau-
nâtre devant le corps, mais moins tacheté de noi-
râtre que son plus proche congénère, le Pipt Far-
louse. J'ajoute cncore une remarque essentielle au
sujet de ce dernier; c’est qu’il ne fait que passer
dans notre pays, sans y séjourner longtemps, et
d'habitude il y est maigre, car à peine s’il pèse plus
de 15-16 grammes. Le Pipi des Buissons pèse en
moyenne, quand il est gras, 35-40 grammes.
Cet oiseau, en automne, a les sourcils et les pau-
pières jJaunâtres; toutes les parties supérieures du
corps d’un olivâtre cendré, avec des mèches d’un
brun noirâlre, qui suivent la direction des baguettes
des plumes : ces mèches forment des lignes assez
irrégulières sur le dessus de la tête, s’élargissent en
|
|
|
UE, D OU Éd
ns
362 ORNITHOLOGIE
approchant du manteau, s’affaiblissent à mesure
qu'elles atteignent le croupion et disparaissent enar-
rivant vers les couvertures supérieures de la queue.
Les pennes alaires, que traversent deux bandes d’un
blanc jaunâtre, sont brun noirâtre, bordées en de-
hors d’olivâtre ; celles de la queue noirâtres, la penne
externe de chaque côté est presque entièrement
blanche, avec sa baguette brunâtre; la suivante
seulement terminée de blanc. La gorgerette esl
blanche ; mais le bas de la gorge, le devant du cou
et le reste des parties inférieures sont d’un jaune
roussâtre, sauf le milieu du ventre et de l'abdomen,
qui est blanc ou blanchâtre. Sur les côtés de la
sorge, du cou et sur la poitrine, sont des taches
allongées, noirâtres ; puis des traits longitudinaux,
très-étroits et de même couleur, sur les flancs. Le
bec est brunâtre en dessus, jaunâtre en dessous ;
l'iris brun; les tarses sont d’un jaunâtre inclinant
à la couleur de chair; l’ongle du pouce est plus
court que ce doigt, et arqué.
À son retour au printemps, le mâle est coloré de
jaune d’ocre clair à la gorge et devant le cou; la
même teinte se répand aussi sur la poitrine et les
flancs, parmi les taches qui s’y maintiennent; elle
est à peine visible dans la femelle, qui conserve sur
ces parties presque le même jaune roussâtre clair
qu’elle porte en automne et en hiver.
Pendant l'été, les deux sexes voient les couleurs
DIE) EA0 8 A VOTE. 363
vives de leur livrée s’aflaiblir peu à peu jusqu’à la
mue de la fin de juillet, par l’effet de l’air et l'éclat
du grand jour. Le dessus du corps devient alors
gris olivâtre, et les mèches noirâtres s’y changent
en brun ou en brunâtre, suivant les individus ; le dos
ne porte plus que de faibles indices de ces mêmes
taches; le croupion est de couleur uniforme; les
deux bandes transversales des ailes, que compose
l'extrémité des tectrices, tournent au blanchâtre,
de blanc jaunâtre qu’elles étaient au printemps.
Les jeunes, avant la mue, ressemblent déjà à
leurs auteurs ; mais ils sont plus teintés de jaunâtre
sur les parties inférieures, où leurs taches pa-
raissent encore plus étendues ; ils ont même pres-
que un peu de jaunâtre sur le bord des plumes du
dessus du corps.
Le Pipi des Buissons est ici le plus commun du
genre. On le trouve répandu partout, mais plus
abondamment à l’époque de ses voyages d’automne
vers les climats chauds, son quartier d’hiver, que
pendant la saison des nichées.
Il reparaît en Suisse et en Savoie vers le 25 ou
le 30 mars, et plus particulièrement dans la pre-
mière quinzaine d'avril. Alors il s’abat dans les
blés verts, dans les prés clair-cemés de buissons,
dans les pâturages, aux abords des marais, enfin
dans d’autres lieux tapissés de verdure et propres
à lui fournir des vers, des coléoptères, de petits
na D GR OO AS TRES
D A TRE
GS TE EE nd QU ER RD hr pt ti Bi cr
Gr Age DORE D RD TDR MAD D
364 ORNITHOLOGIE
limacons nus pour sa pâture. Quelques jours après
son arrivée, on ne le rencontre plus guère que sur
les coteaux et les collines, qui dominent la plaine;
y vivant encore dans les champs verts, puis sur la
lisière des bois, dans les bruyères et les vignes,
C’est là que les mâles commencent à faire entendre
leur chant d'amour; c’est là aussi qu'ils se choi-
sissent leur compagne, qu'ils attendent avec elle la
fonte des neiges dans les régions imnonlueuses, où
est le rendez-vous général pour la saison des beaux
jours. Toutefois quelques paires isolées restent
établies dans nos collines ou à la base de nos mon-
tagnes, ct s’y propagent quelques Jours avant les
couples qui préfèrent pour cet acte des contrées
plus élevées.
C’est aux premiers jours de mai que le Pipi des
Buissons parvient tout apparié dans nos mon-
tagnes. Il ne s’y fixe point après la région des
bois : ce séjour, comme on vient de le voir, est
réservé au Pipi Spioncelle ; mais il s'arrête spé-
cialement à des hauteurs moyennes : tantôt dans
les clairières des forêts, tantôt dans les fourrés, les
bruyères, les genêts et les pâturages parsemés de
taillis, de quelques massifs de plantes ou d’arbris-
seaux. Pendant la durée des amours, la femelle
de temps à autre monte au bout d’une motte ou de
quelque pierre pour se faire voir au mâle et lui faire
connaître ses désirs; mais, douce et timide, elle
DE LA SAVOIE. 369
craint de s’annoncer tout à coup. Elle commence
par pousser un petit cri (he), puis deux ou trois
autres ; enfin très-rassurée, elle les redit jusqu’à
l’arrivée du mâle. Celui-ci, dès qu’il l'entend, pré-
lude à terre ou perché, monte presque verticale-
ment en l’air jusqu'à 20 ou 39 pieds de hauteur
en battant des ailes et sane cesser de chanter, re-
descend lentement et en planant jusqu’à terre, où
l'attend sa compagne ; ce n’est qu’en se posant à ses
côtés qu’il discontinue son ramage, dont la vitesse
s’accommode, comme chez ses congénères, à la pro-
gression ou à l’affaiblissement du vol: ilest toutefois
très-rapide, quand le volatile se laisse retomber,
les ailes étendues, vers l’objet de ses désirs.
Le nid du Pipi des Buissons est caché dans une
petite cavité, à terre, dans les blés, les avoines,
les bruyères, ou bien au pied des buissons, dans
une toulffle d’herbes ou de plantes. Il est composé
en dehors de paille, de tiges d'herbes, de foin et de
mousse, puis garni en dedans de filaments de
plantes, de très-petites racines fibreuses, de crins
et de poils. Vers la mi-mai, il renferme 3 à 6 œufs
allongés, d’un blanc fréquemment teint de rougeà-
tre, et marqués de nombreuses taches ou couverts
de petits traits três-serrés, d’un brun rougeûtre
plus ou moins foncé, mêlés à d’autres qui penchent
au cendré ou au violâtre. Quelquefois le fond de ces
œufs se trouve presque grisàtre où d'un blanc sale ;
366 ORNITHOLOGIE
alors les taches qui le recouvrent, sont brunes ou
noirâtres, d'habitude plus rapprochées et même con-
fluentes sur le gros bout. Leur longueur est de 19 3 à
20 mil, , et leur largeur diamétrale de 445 à 45 mill.
Pendant que la femelle couve, le mâle, sans
doute afin de lui être agréable durant les longues
heures de l’incubation, se tient auprès d’elle, sur
quelque arbre de petite taille ou à la pointe d’un
buisson ; de là, il fait à chaque instant entendre
son ramage vif et gai. Il prélude sur la branche,
prend ensuite son essor en chantant, s'élève droit
ou un peu de biais en agitant les ailes, et retombe
en planant, très-souvent sur la branche d’où il est
parti et sur laquelle il finit sa chansonnelte. Après
un moment de repos, il refait jusqu’à huit ou
douze fois de suite cette ascension, en employant
toujours les mêmes manœuvres, en répétant les
mêmes cris : les syllabes the, thai, thai, pi, pi, pt, té,
ti, à, proférées sur des tons difiérents, tantôt pré-
cipitamment tantôt lentement, suivant que le vol
est plus ou moins rapide, composent presque tout
le chant de cet oiseau. On l’entend quelquefois dès
l’aube du jour ; il se tait ensuite vers les huit ou
neuf heures du matin jusqu’au soir. Pendant son
silence, il rôde à terre parmi les herbes et les brous-
sailles; il s’y alimente, s’y cache pendant le fort
de la chaleur. Si on le contraint à prendre le vol,
il jette en partant quelques-uns de ses cris ordi-
DE LA SAVOIE. 367
naires : pa, pt, pt, ou th, thi, les mêmes qu'il pousse
en automne dans la plaine, et il ne va jamais loin
sans se reposer à terre ou à l'extrémité d’un taillis.
Le Pipi des Buissons ne fait ici qu’une couvée par
an, quand elle réussit. Comme chez les précédents,
ses petits qui naissent avec un léger duvet noirûâtre,
sortent souvent de leur premier domicile avant d’être
en état de voler, et suivent leurs parents qui vont
aussitôt les cacher dans les genêts, les herbes, les
buissons des alentours du nid. Ceux-ci leur assignent
là à chacun la place qu'ils doivent garder; mais il
est rare qu’ils l’occupent encore le lendemain, sur-
tout s’ils y ont été déjà le premier jour inquiétés par
les bergers ou par leurs troupeaux ; c’est tout auprès,
mais dans une autre direction, qu'il faut alors les
chercher. À l’approche d’un ennémi quelconque, le
mâle et la femelle poussent des cris aigus ; et les pe-
tits de se tapir à terre, de ne point bouger de l’en-
droit où ils gîtent, tant que leurs auteurs continuent
à leur inspirer quélque crainte par leur désolation.
Aussitôt élevés, les jeunes Pipis des Buissons
vivent éparpillés par les champs, les prés ou les brous-
sailles. Comme leurs aînés, ils ne quittent le séjour
des montagnes que sur la fin de l'été ; alors ils des-
cendent tous sur les collines ou jusqu’à la plaine.
Là, ils ne se plaisent que dans les luzernes, les
trèfles, les pommes de terre, les sarrasins, les
maïs, les vignes, et dans les fourrés qui les avoisi-
308 ORNITHOLOGIE
nent; recherchant partout vers, vermisseaux,
petits coléoptères, grillons, sauterelles, quelquefois
les semences des mercuriales (mercurialis annua
et A1. perennis), qu’ils avalent sans les broyer. Ils
aiment à se poser au bout du chaume qui recouvre
les granges, à s’y livrer, principalement le matin
quand ils s’y trouvent plusieurs ensemble, à des
jeux, à se poursuivre deux à deux comme s'ils se
défiaient au vol ou à la course, et à revenir en-
suite au chaume pour se donner revanche. À l’ap-
proche de la nuit, ils sortent en grande partie des
champs, se rendent dans les bois ou les lieux
recouverts de taillis, ct y sommeillent cachés au
milieu des bouquets de feuilles, quelquefois dans
des cavités. Le lendemain, au lever du soleil, ils
retournent vivre à la plaine.
C’est déjà vers le 20 ou le 26 du mois d’août que
ces oiseaux commencent à s'éloigner de nos pays et
volent à la découverte des climats chauds pour la
saison d'hiver, Mais c’est du 8 au 22 septembre, et
notamment les jours où la pluie est imminente ou
bien un jour avant qu’elle tombe, qu'on les voit
parür le plus en nombre. Beaucoup d’autres, venant
de différentes contrées de l’Europe, surviennent à
la même époque dans nos vallées, où ils ne s’ar-
rêtent que pour manger ou se cacher quand la
nuit les y surprend. S'il vient alors à tomber dès
le point du jour quelque petite pluie, accompagnée
DE LA SAVOIE. 369
d’un vent froid, plusieurs autres y passent dans la
matinée ; et ceux-ci voyagent presque tout le jour.
On observe encore ici des individus vers le 19, le
45 et même jusqu'au 25 octobre; mais ce sont
quelques sujets qui, depuis les nichées, n’ont cessé
de vivre dans la tranquillité et l'abondance, dans
les vignes ou les bois. Ils sont ordinairement sur-
chargés de graisse, et, comme tels, réduits à la né-
_cessité d'attendre les premiers frimas ou la disette,
afin de maigrir suffisamment pour pouvoir voyager
vers les régions du Sud.
Le Pipi des Buissons est un coureur assez agile.
Îl perche néanmoins très-fréquemment , et il aime
pour se poser singulièrement le bout des perches,
des échalas, des meules de foin, de même que les
rameaux secs ou la pointe des branches les plus
élevées. En se posant, il secoue lentement sa queue
du même mouvement que ses congénères. C’est un
oiseau peu farouche, qui se laisse presque toujours
approcher de près; on pourrait par moments,
quand on le surprend dans le lieu dont il fait ses
délices, l’abattre à bout portant. S'il se lève de
devant nous, c'est d'habitude pour aller se reposer
tout auprès ; il est du reste souvent si gras, qu’il a
réellement de la peine à voler. On le prend facile-
ment ici dans les filets à nappes, surtout si l’on a
eu la précaution de les tendre sur quelque espace
de verdure, environné de petits arbres. Il s'arrête
T. III. 24
370 ORNITHOLOGIE
d’abord sur leurs branches d’où il ne tarde pas à
s’abattre au milieu des piéges, en y découvrant les
danseurs ou les appeaux. Sa chair est délicieuse,
remplie de fumet quand elle est grasse; aussi tous
les chasseurs, sans distinction, s’acharnent à lui
faire la guerre.
Vingt-huitième Famille.
ALAUDIDÉES (Alaudidæ).
Ces oiseaux sont notables par leur bec longicône,
droit ou presque arqué, entier et assez robuste ;
par leurs narines arrondies ou ovoïdes, à demi
fermées par une membrane ; par l’ongle du pouce
ordinairement plus long que ce doigt et que les
ongles des doigts antérieurs,
Ils habitent les lieux découverts, les champs et
les prés, et y vivent par couples au printemps, par
familles ou en petites bandes pendant l'été. Ils se
rassemblent pour les voyages d'automne en volées
souvent considérables. Les grains d'herbes, ceux
de blé et d'avoine, les jeunes pousses des petites
plantes, composent leur principale nourriture;
ils ne recourent guère aux vers, aux limaçons et
aux insectes qu’au printemps et durant l’éduca-
tion de leur progéniture. Généralement les mâles
sont fort peu distincts des femelles, et les jeunes
DE LA SAVOIE. 371
ressemblent aux vieux aussitôt après leur première
mue. On les nourrit, on les élève facilement en cap-
tivité. Le chant des mâles est sonore, de longue
haleine et très-varié.
LIVe Genre : ALQUETRE (Alauda).
Caractères du genre : Tête arrondie et petite; langue cartilagineuse, fen-
due à sa pointe. Bec fort, entier, conique ou cylindracé, plus ou moins allonge,
plus ou moins arqué ou droit, et garni à sa base de petites plumes roides,
serrées, Couchées en avant. Narines basales, arrondies, à demi closes par
une membrane voûtée. Tarses nus et annelés; doigt du milieu soude à sa base
avec l’extérieur, et séparé de l’interne; ongle du pouce subulé, droit ou à
peine arqué, ordinairement plus long que le doigt. Ailes longues, à penne
bâtarde (1re penne) très-courte;, deux secondaires presque aussi longues que
les primaires et échancrées à leur extrémité. Queue moyenne, un peu four-
chue et composée de douze rectrices ou pennes.
Les Alouettes ont quelque analogie avec les
Pipis, parmi lesquels des auteurs les ont classées ;
mais elles s’en éloignent essentiellement par leur
tête petite et arrondie, dont le haut est vêtu de
plumes ordinairement allongées, susceptibles de se
dresser en touffe ou en une espèce de huppe et de
s’abaisser, suivant que l'oiseau passe, d’un mou-
vement de surprise, de crainte et d'amour, au plus
grand calme, et vice versa. Leur queue de moyenne
longueur, leur plumage peint de couleurs sombres,
souvent de la couleur du sol qu'ils habitent de
préférence, et plusieurs de leurs habitudes natu-
relles, servent encore à les distinguer des Papis.
Les Alouettes sont des oiseaux pulvérateurs ou
qui aiment à gratter la terre, à s’y rouler: comme
les Pigeons et les Gallinacés. Elles habitent no-
372 ORNITHOLOGIE.
tamment les terres légères, les campagnes sablon-
neuses et les guérets. Toutes se nourrissent de
graines céréales, de nouvelles pousses de plantes,
du bout des feuilles de plusieurs herbes potagères,
de vermisseaux et d'insectes, qu'elles saisissent ou
cueillent à terre. Quelques sujets ont la faculté de
percher sur les arbres, où toutefois ils recherchent
pour se poser les branches les plus larges; d’autres
montent sur les toits de chaume, sur les murs de clô-
ture, qu'ils visitent souvent à la course, d’un bout à
l’autre. C’est toujours à terre que ces oiseaux se
propagent ; 1ls y cachent leurs nids, qui sont tout
simplement fait avec des herbages secs et des
racines de plantes, dans un petit creux, au milieu
des herbes, des blés ou des bruyères. Des espèces
font d'habitude deux pontes par an. Les mâles
ont un chant éclatant, qui charme surtout par ses
modulations successives et variées, tous ceux qui
sont à portée de l’entendre; c’est en s’élevant
presque perpendiculairement ou en tracant des
cercles concentriques, ou bien encore en s’élan-
çant par bonds répétés jusqu'à une très-grande
hauteur dans les airs, qu’ils aiment à le redire
principalement le matin, pendant que le soleil
paraît à l'horizon.
Après les couvées terminées, les Alouettes s’at-
troupent, forment des volées plus ou moins nom-
breuses, suivant les espèces, et continuent à visiter
D'HUB AD SAV OTE. 373
les champs et les prés qui les entourent. Ces pha-
langes s’abattent de préférence sur les terres tout
récemment ensemencées, et y dévorent le grain,
même celui qui commence à germer. Le chasseur
les y découvre souvent avec peine, de ce que leur
livrée est d'habitude presque de la couleur de
ces terres et qu’elles-mêmes savent, à son ap-
proche, se blottir derrière les petits morceaux de
terre ou dans les pas des bœufs, d’où elles ne par-
tent guère qu'en le voyant fort près d'elles. Aux
premiers frimas, elles se livrent à des voyages vers
les plaines des régions méridionales. Quelques
bandes restent néanmoins dans nos pays pendant
l'hiver: celles-ci hantent les prés arrosés, les
champs et les vignes voisins des marais ou des
eaux fluentes; par moments, surtout les jours de
neige, on les trouve jusqu’auprès des habitations
ou le long des routes, quoiqu'’elles soient très-fré-
quentées. Il existe fort peu de diflérence entre le
plumage des mâles et celui des femelles. Leur mue
est simple ; elle a lieu en août chez les vieux sujets,
en septembre chez les jeunes de l’année. Leur chair
est un bon manger.
Nous n’avons en Savoie que trois espèces d’A-
louettes, et encore l’une d'elles y est de passage
assez irrégulier.
N. B. L'Alouette Calandre ( Alauda Calandra, Temm.) et
l’Alouette Calandrelle (À. Brachydactyla, Temm.) n’ont pas en-
374 ORNITHOLOGTE
core, que je sache, été remarquées chez nous : elles sont parti-
culières aux contrées du midi de l’Europe. La première, qui est
notable par son bec gros, robuste, plus haut que large et un peu
fléchi en arc, a le dessus du corps cendré roussâtre, avec une
tache brune au centre de chaque plume; la gorge blanche, les
côtés du cou d’un blanc jaunâtre avec une espèce de demi-col-
lier formé par deux grandes taches noires, la poitrine lavée d’une
teinte jaunâtre et marquée par de petites taches brunes et noï-
râtres; enfin le ventre, l’abdomen et les sous-caudales sont
blancs ; les flancs d’un cendré roussâtre. Sa taille est de 20 cent.
La seconde espèce, la Calandrelle, que l’on rencontre dans
quelques localités chaudes, arides et sablonneuses du Piémont,
est beaucoup moins grosse; elle a 16 cent. de long. Chez elle,
le dessus du corps est d'un roux isabelle, marqué d’une tache
brune sur le milieu de chaque plume. La gorge et les sourcils
sont blanchâtres; la poitrine et les flancs d’un roux pâle, le
ventre, l’abdomen et les couvertures inférieures de la queue,
d'un blanc glacé de roussâtre. Sur les côtés de la poitrine sont
quelques plumes brunâtres, formant une bande courte et légère-
ment oblique. L’ongle du pouce est plus court que ce doigt.
J'ai déposé ces deux espèces d’Alouettes dans la collection or-
nithologique de la Société d'histoire naturelle de Savoie, où
mes compatriotes qui désireraient les connaître pourront les
examiner. La description que je viens d'en donner servira à les
faire distinguer, si par la suite elles venaient à se montrer dans
ce pays, par exemple à l’époque des migrations de leurs con-
génères.
Les trois espèces d’Alouettes qui sont aujour-
d’hui appelées à faire partie de cette ornithologie,
ont toutes le bec un peu grêle, à peu près drait,
longicône et pointu; puis l’ongle du pouce plus long
que ce doigt.
DE) LA’ SAVOTE. 379
469.—Alouette des Champs /A/auda Arvensis).
Noms vulgaires : L'Alouette, l’Atliettas, Layettaz, Alborax, Grosse Alouette
Alouette Commune.
ce eine Alamee es Camps Our. — Mouette Commune (au
Aroensis), Hier des Champs (Alauda ie Degl.—
Cette espèce est ici très-abondante à l’époque des
premiers frimas; c’est la plus grosse des Alouettes
qui visitent le pays : elle a 19 cent. de taille.
Le mâle adulte et vieux a toutes les parties
supérieures du corps d’un gris roussâtre, avec le
centre de chaque plume taché de noirûtre : toute-
fois les taches sont plus grandes sur la tête et
le haut du dos. Il a les sourcils blanchätres ou
d’un blanc roussâtre, et les joues d’un gris brun.
La gorge est blanche ou d’un blanc sale; le devant
du cou, la poitrine et les flancs sont teintés de
roussâtre ; sur le centre des plumes, on remarque
une tache oblongue ou lancéolée, et brune; mais
sur les flancs, ce sont des lignes de la même cou-
leur, qui suivent la direction de la baguette des
plumes. Le milieu du ventre et de l’abdomen est
blanc, à peine lavé de roussâtre. Les ailes sont
d’un brun noirâtre, bordées de roux sur les rémi-
ges, de roussâtre sur les tectrices. Les plumes
caudales noirâtres, sauf les deux plus latérales de
chaque côté qui portent du blanc sur une partie de
leurs barbes extérieures. Le bec est brun en des-
376 ORNITHOLOGIE
sus, jaunâtre en dessous ; l'iris brun foncé; les
pieds couleur de chair un peu rembrunie; l’ongle
du doigt postérieur ordinairement très-long et
presque arqué vers le bout.
La femelle a seulement, pour toute différence
extérieure, les taches du dos et de la poitrine plus
rapprochées et d’un ton plus foncé que dans le
mâle ; les plumes du sommet de la tête paraissent
aussi un peu moins allongées, par conséquent
moins susceptibles de se hérisser, quand l'oiseau
se trouve saisi de quelque émotion subite.
Dans les deux sexes, pendant l'été, le roux ou le
roussâtre de leur livrée s’affaiblissent par le frotte-
ment des plumes et l'éclat de la lumière, au
point de devenir presque entièrement blanchâtres ;
alors les taches brunes du dessus du corps devien-
nent à peu près noires. Toulefois ce changement est
plus sensible chez les sujets que l’on rencontre dans
nos montagnes que chez ceux des régions basses :
ces derniers sont aussi un peu plus gros, un peu
plus forts de taille que les premiers.
Les jeunes, avant la mue, difièrent peu des
adu!tes. Ils sont mouchetés de noirâtre et de blanc
roussâtre sur les plumes de la tête et du dos; d’un
blanc nuancé de roux sur toutes les parties infé-
rieures, avec la poitrine parsemée de taches plus
ou moins effacées, brunâtres.
Tous les ans, à l’arrière-saison, il se fait en
DE LA SAVOIE. SN
Suisse et en Savoie un passage d’ Alouettes constam-
ment plus pertes que celles qui y sont sédentaires ;
cependant je les regarde comme étant de la même
espèce; peut-être, doivent-elles constituer une race
locale, particulière à quelques contrées froides de
l’Europe. Elles traversent nos vallées par sociétés
nombreuses ; quelques-unes y séjournent l'hiver et
disparaissent à l’approche des beaux jours. Les
grandes plumes des ailes sont, chez plusieurs sujets,
de 12-14 mill. moins longues que dans d’autres
individus de l'espèce type; celles de la queue
ont, chez les uns, 7 mill., chez d’autres, 8 mill. de
moins que dans ces derniers. Leur bec est sensible-
ment plus petit, plus grêle; l’ongle du pouce tou-
jours plus court de 2 m. 3 à 3 m. ;, etilcstsouvent
de la longueur même de ce doigt. Le cri d’appel
ou de ralliement que ces petites Alouettes poussent
en voyageant ici, est encore plus aigu que chez
leurs semblables à dimensions plus fortes ; ce cri
semble articuler les syllabes : pt, pi, pt, pt, quel-
quefois pèr, pit, pit. Leur plumage, surtout celui
des parties supérieures, est d'habitude moins
chargé de roux ou de roussâtre sur le bord des
plumes, mais le brun foncé du centre paraît pres-
que noir. |
Les Alouettes des Champs fréquentent toute
l’Europe. Elles sont très-répandues en France et
dans nos climats, dès le mois d’octobre jusqu’au
378 ORNITHOLOGIE
froid, mais nulle part en aussi grand nombre que
dansles terres cultivées. Ilen reste encore beaucoup
ici pendant l'hiver; et à l'approche du printemps
elles s’isolent, nous quittent en grande partie ;
alors, de communes qu’elles étaient, il n’en reste
qu’une petite quantité pour se reproduire dans nos
contrées.
C’est habituellement vers le 20, le 25 ou le 30 oc-
tobre que survient en Savoie le plus fort du pas-
sage de cette Alouette. Cependant si cette époque
n’est pas signalée par des nuits ou des matinées
froides, ou plutôt par d’abondants frimas, on ne
s'aperçoit guère de ses nombreuses arrivées qu'à
la première neige, ou dès que le vent du nord
commence à régner. Elle passe particulièrement
de grand matin, au lever du soleil et un peu plus
tard, par petites bandes ou par volées considé-
rables. Ces troupes d’Alouettes s’entr’appellent
pendant le voyage, se mêlent souvent en se ren-
contrant dans les airs ; elles s’abatient ensemble en
redoublant leurs petits cris de ralliement, pt, pé, pt,
pt, dans les pâturages découverts, dans les champs
nus et de préférence sur les blés qui commencent
à pousser ou sur les terres nouvellement ensemen-
cées de froment, de seigle et d’avoine, grains dont
elles se gorgent. Quelques heures après, ou le
lendemain de leur arrivée, elles s’envolent vers
d’autres climats. Quelquefois, avant de se poser à
DE LA SAVOIE. 379
terre, et soit qu’elles aient éprouvé quelque crainte,
soit qu’elles s'entendent appeler ailleurs par leurs
semblables en masse, elles se mettent, en arrivant
vers l’horizon, à parcourir d’un vol très-rapide, et
sans discontinuer de crier, de grands espaces aux
alentours des champs, où d’abord elles paraissaient
très-disposées à s'arrêter. Mais souvent elles y
reviennent après leurs trajets avec de nouvelles
recrues, qui forment après elles une longue queue;
en s’y posant, elles s’éparpillent, tellement que ces
champs en semblent parfois couverts. À la moindre
élévation qui s'oppose à leur vol bas et filé, elles se
relèvent pour la franchir; mais aussitôt elles se
rabattent vers l'horizon afin de continuer leur
marche accélérée. Quand elles sont à terre, il est
très-difficile de les reconnaître lorsqu'elles se trou-
vent dans les guérets, à cause de la teinte terreuse
de leur plumage; d'autant plus qu’elles ont la ruse,
quand elles aperçoivent quelqu'un, de rester ac-
croupies dans des creux ou derrière une petite
motte, Si l’on cherche à les forcer, elles marchent
longtemps devant l’importun sansse lever ; puis tout
à coup se lèvent brusquement et simultanément.
Il se prend ici beaucoup d’Aloueties à l’arrière-
saison, avec les filets à nappes. Les oiseleurs fer-
ment ces engins sur elles quand elles les rasent, et
prennent souvent, d’un seul coup de filet, plus de
cent individus. Il leur arrive aussi de tirer deux ou
380 ORNITHOLOGIE
trois fois sur la même phalange, quand, après avoir
essuyé quelque défaite, le reste se rallie, se remet
à parcourir les champs en rasant les herbes ou
le sol. Dans quelques cantons de France et de
Belgique, on en prend aussi considérablement à la
même époque, au moyen de plusieurs rangées de
grands filets appelés rideaux, vers lesquels on les
chasse à l’aide d’une corde en faisant un énorme
circuit dans les champs d'avoine, où elles se trou-
vent répandues au coucher du soleil ; ou bien avec
des collets traînants, attachés en très-grand nom-
bre à une forte et longue ficelle, et les Alouettes s’y
prennent par le cou, par les pieds, quelquefois par
les ailes. On les chasse encore, mais rarement dans
nos pays, au miroir. Pour cela, on place dans les
terres, où elles abondent, quelques objets brillants,
mis en mouvement par une cause quelconque : un
miroir, sorte de morceau de bois taillé en dos
d’âne et supporté par son milieu, sur lequel on
aura groupé des boutons d'acier ou de cuivre, de
petits morceaux de glace capables de réfléchir à
travers champs les rayons du soleil. Les Alouettes
s’en sont à peine aperçues, qu'elles accourent, vol-
tigent ou plutôt papillonnent en restant par mo-
ments comme suspendues au-dessus de ces objets
nouveaux pour elles. A les voir alors s’ébattre,
on ne peut que croire qu’elles cherchent à se
voir, à s’ajuster devant le miroir. Mais elles finis-
DE LA SAVOIE. 381
sent souvent par s’empêtrer dans les piéges qui
l'entourent ou par se laisser fusiller, lorsque ayant
enfin réussi à s’entrevoir une fois, elles s’abaissent
peu à peu vers le sol pour se contempler encore
de plus près.
Quelques bandes d’Alouettes des Champs hiver-
nent régulièrement en Savoie. On les rencontre,
pendant les temps de neige surtout, dans les prai-
ries artificielles, sur les bords des marais et dans
les plaines humides qu'avoisine l’eau; quelque-
fois on en observe jusque dans les jardins, où elles
dévorent le bout des feuilles des colzas et des
choux. Elles se répandent aussi avec les Pinsons
etles Bruants le long des chemins, et s’y repais-
sent des grains d'avoine qu’elles trouvent dans le
crottin.
Nous avons ici chaque année, à la fin de l’hiver,
un autre passage d’Alouettes, mais beaucoup
moins abondant que ceux de l’automne. Quelques
petites compagnies qui arrivent alors restent dans
nos champs ou nos prairies jusqu’à la fin de mars, et
disparaissent presque toutes. Celles qui y restent
plus tard se dissolvent pour contracter des liaisons
plus intimes, et vont se reproduire éparpillées dans
les blés, les avoines, les trèfles, les luzernes, les
prés et les bruyères. Quelques couples s'élèvent
pour cet acte jusque dans les champs et les
prairies des régions alpines: {ous les ans, on en
382 ORNITHOLOGIE
remarque plusieurs au Mont-Cenis, aux alentours
du lac.
Rien de beau, rien de touchant comme de voir le
mâle de cette Alouette se livrer à ses transports
amoureux et de l'entendre chanter alors. Aux pre-
miers rayons de l'aurore, il monte en l’air à peu
près perpendiculairement et par reprises, quelque-
fois en traçant des cercles concentriques, etil monte
d'habitude si haut qu’on le perd facilement de vue.
Il remplit alors les airs de sa voix mélodieuse et
flexible, la forçant à mesure qu'il s'élève de la
terre, et à ce point que, quoiqu'on ne puisse
plus guère l’observer des yeux, on l’entend en-
core très-distinctement. Arrivé très-haut, après
avoir chanté à perdre haleine et plané pendant près
d’une heure, il redescend lentement et reste par mo-
ments comme suspendu en diminuant sa voix ; puis
rapproché du sol, il se tait tout court, se précipite,
tombe jusqu’à terre, comme emporté par son
poids. Cependant, en découvrant sa compagne qui
n’a cessé de le suivre des yeux dans tous ses tra-
jets, il s’arrête tout à coup à quelques pieds de
terre, voltige gracieusement au-dessus d’elle en
montant et en redescendant, mais sans avancer, et
en poussant quelques cris vifs, très-animés ; enfin il
fond sur elle comme un trait. Aussitôt posé, sa voix
s’est éteinte : sa compagne lui donne le prix de ses
accents d’amour.
DE LA SAVOIE. 383
Le mâle ramage encore à terre ou posé au bout
de quelque motte, mais alors ses coups de gosier
sont moins éclatants ; on dirait que parfois il s’étu-
die là à contrefaire les cris ou le gazouillement de
quelques volatiles qu’il est à même d’entendre dans
les champs ou les prés. Il interrompt son chant au
printemps par une matinée fraiche, par un temps
sombre ou pluvieux; aussi, le regarde-t-on ici
comme le précurseur des beaux jours. On ne l’en-
tend point au milieu de la journée, quand les rayons
du soleil deviennent brülants ; mais lorsque l’astre
s’abaisse vers l'horizon, le mâle s’élève de nouveau
dans les airs, qu’il remplit encore de ses modula-
tions très-variées. Une fois le soleil couché, ses cris
sont vagues, sans suite, moins sonores que ceux
qu'il poussait quelques moments auparavant, ou le
matin pour saluer la lumière. Alors il revient en
baissant peu à peu sur le sol, pour s’y cacher avant
la nuit.
L’Alouette des Champs construit son nid à terre,
dans un creux qu'elle-même prépare en grattant la
terre ou le sable, au milieu de deux mottes très-
rapprochées ou dans les blés, les bruyères et les
herbes. En dehors, elle le compose de mousses, de
brins de paille et de racines très-minces, et le gar-
nit à l’intérieur de crins, de cheveux, de tiges
d'herbes très-déliées. Ce nid, qui est de forme
demi-sphérique, négligé, peu profond et presque
304 ORNITHOLOGIE
sans solidité sur ses bords, contient de 3 à 5 œufs. Ils
sont d’un blanc sale ou grisâtre, quelquefois comme
nuancés de verdâtre ou d’olivâtre, et couverts de
taches, de points bruns et brunâtres, ordinairement
plus rapprochés sur la grosse extrémité de la co-
quille. Pour longueur, ils ont, en moyenne, de 22 à
23 mill., sur un diamètre de 45 5; à 16 mill.
Les petits éclosent au seizième jour de l’incuba-
tion, presque totalement nus. Le père et la mère
les alimentent avec de menus coléoptères, des
larves de fourmis, des vers et de tout petits lima-
çons. Ils les laissent aussitôt qu'ils mangent seuls,
et vont se choisir un nouveau domicile pour leur
seconde couvée.
Après les nichées, l’Alouette des Champs forme
ici, jusqu'aux migrations d'automne, des couples
ou de petites bandes; alors elle fréquente les friches,
les terres en labour ou que l’on ensemence, les vignes
remplies de panics, les pâturages, en un mot, tous
les lieux capables de lui fournir vermisseaux, insectes
ou graines pour sa nourriture. C’est là qu'elle se
couvre parfois de graisse, qui donne à sa chair une
saveur très-estimée des gourmets. Elle est partout
peu farouche. Jamais elle ne perche sur les arbres :
elle a l’ongle du pouce trop long, trop peu fléchi
pour pouvoir avec lui se saisir aux branches en
s’y posant. On l'élève facilement en cage, elle y
devient très-familière. Son chant s’y perfectionne
DE LA SAVOIE. 385
encore, car il s’approprie quelquefois le ramage de
quelques oiseaux placés près d'elle en volière.
Comme elle aime singulièrement les élévations pour
se faire entendre, l’on ne doit point oublier de lui
faire, au milieu de la cage, un petit monticule soit
en plâtre soit en bois; on l’y verra, en effet, la
plus grande partie de la journée, tantôt se réjouir,
battre des ailes et s’y frotter le ventre, tantôt rama-
ger pendant de forts quarts d'heure. Elle se plaît,
quand elle est en liberté, à se rouler pendant les
chaleurs dans les terres légères ; aussi, doit-on en-
core laisser en réserve, dans sa cage, un espace où
l’on déposera du sable fin et très-sec, pour l’inviter
à se livrer à ce genre de plaisir chaque fois qu’elle
se sera baignée ou qu’elle aura bien chanté.
2530.—Alouette Cochevis / Alauda Cristata).
Noms vulgaires : Alouette à Huppe, Verdanje, Coqueline.
Le Cochevis ou Grosse Alouette Huppée, la Coquillade (Buff.). — Le Co-
chevis ou l’Alouette Huppée (Cuv..— Alouette Cochevis (Alauda Cristata)
Vieill., Temm., Degl.—Capellaciu (Savi).
Cette Alouette a 18 cent. de longueur du bout
du bec à l'extrémité des rectrices ou pennes cau-
dales.
Elle tire son nom Cochevis, visage de cog, d’une
petite huppe qui lui pare le dessus de la tête. Cette
huppe, que composent quelques plumes allongées,
acuminées, noires au centre et bordées de cendré
roussâtre, est plus ou moins apparente, selon que
Ma inte 25
386 ORNITHOLOGIE
l'oiseau passe d’un mouvement de surprise à la
crainte : 1l l’étale alors ou la resserre à son gré ;
c’est ce que l’on remarque plus particulièrement
dans le mâle.
Celui-ci a les parties supérieures du corps et le
dessus de chaque aile d’un cendré roussâtre, avec
d’étroites taches brunes, le long des baguettes des
plumes ; les pennes alaires brunes, bordées de roux
en dehors; celles de la queue noirâtres; mais les
deux pennes du milieu roussâtres, et les deux laté-
rales d’un roux pâle, sur leurs barbes externes et à
leur pointe. Le tour des yeux, la gorge, le ventre et
l’abdomen sont d’un blanc lavé de jaunâtre, mar-
qués sur les parties latérales de la gorge et sur la
poitrine de taches longitudinales, brunes. L’iris est
brun foncé ; le bec plus allongé, plus déprimé, plus
arqué que dans l’Alouette des Champs et l'Alouette
Lulu, brun sur la mandibule supérieure, jaunâtre
sur l’inférieure. Les tarses sont couleur de chair;
l’ongle du pouce est long et peu recourbeé.
La femelle est de 6-8 mill. moins longue que le
mâle ; sa huppe aussi est moins prononcée; son bec
moins fort; mais sa poitrine porte quelques taches
de plus.
Les jeunes, avant leur mue, ne diffèrent guère
des adultes que par les mouchetures blanches ou
blanchâtres, qu'ils ont sur les plumes du ventre, sur
la tête et le dos.
DE LA SAVOIE. 387
L’Alouette Cochevis est commune dans la plu-
part des contrées méridionales de la France et de
l'Italie; elle y vit sédentaire, par familles aussitôt
après les couvées, par petites troupes pendant l’au-
tomne et l'hiver. Son nid, qu’elle pose à terre, ordi-
nairement dans les blés, les herbes ou les luzernes,
est, comme celui de l’Alouette des Champs, fait
presque sans apprèt. Formé de quelques tiges
d'herbes et de menues racines de plantes surtout,
il renferme 4 ou 5 œufs, d’un cendré clair, recou-
verts de petites taches assez irrégulières, de deux
nuances, brunes et presque noirâtres, et souvent
très-rapprochées vers le gros bout de la coque. Ils
sont en moyenne de 419 à 20 mill. de long, sur
1h + ou 15 mill. de large.
Elle est toujours rare en Savoie, où elle ne fait
que passer rapidement en automne ou à l’arrivée
du printemps; et encore son apparition dans ce
»ays n’a pas lieu plusieurs années consécutives :
il est très-rare de l'y observer seulement deux
saisons de suite.
C'est d'habitude à la fin de septembre ou en
octobre, puis en mars, que nous remarquons cette
Alouette dans nos plaines. Elle y survient alors par
paires, mâle et femelle, ou par sociétés de 3 à 5 in-
dividus, quelquefois seule et à la suite de quelque
volée d’Alouettes Communes, parmi lesquelles on
la reconnaît bien vite à ses cris plaintifs : piu, piu,
RE
ee
3553 ORNITHOLOGIE
piou. Comme elles, elle s’abat sur les champs tout
récemment ensemencés de blé ou sur les terres
fraichement labourées ; comme elles aussi, elle s’y
alimente de graines, de vers et de coléoptères. Mais
ce qu’il y a de remarquäble en elle pendant ses
excursions, c’est l'attachement qu’elle montre pour
ses semblables qui voyagent avec elle. Une paire
ou une petite bande cherche-t-elle sa vie en quel-
que lieu, l’un des sujets du couple ou de la bande
reste au guet, soit au bout d’une pierre, soit à
la pointe d’une motte de lerre, ou bien simplement
à terre, auprès des siens, mais au point le plus élevé
du sol. Au moindre bruit, tout comme à l’arrivée de
quelque ennemi, il pousse un ou deux petits cris
(pi ou pipi, quelquefois piupiu), pour en avertir ses
compagnons qui, à l'instant même, se hâteni de fuir
en répétant les mêmes cris. Quelquefois l’Alouette
Cochevis s’arrête au bout des cheminées des h&bi--
tations ou sur le chaume qui recouvre les granges
situées au mitieu des champs; elle y reste quelque:
minutes très-tranquille, puis elle se met à les par-
courir d’un pas posé ou à la course ; enfin elle des-
cend à terre et y cherche des grains, des insectes
pour sa subsistance.
E DE LA SAVOIE
Passereaux, Pigeans. Alaudidees;Colombidées.
112277
Litk. Ji Ferrin 2 Chambéry | J.Wetner A Lith.
1 Alouette Lulu, 224 20446; 3 grnat; P. 589.
d 1 4 Cufs de sr LT. Aäl.
5 Colombe Ramier.w47/e adulte: -/39r.nal. P404-6 Æirle lespece:s gr nal
7 Colombe Colombin mere #2 OT. Tial; PAL-8 72/7 de l'espere, nat
D'ENMRANSANVOTE. 309
12%. —Aalouette Kulu / A/auda Arboreu).
Noms vulgaires : Alouette Courte, Turlulut, Berlute.
Le Lulu, l’Alouette des Bois, le Cujelier (Buf.). — L'Alouette des Bois.
Nan Des Team Ge
On connaît particulièrement ici cette Alouette
sous le nom d’Alouette Courte, à cause du peu de
longueur des pennes de sa queue. Ses dénominations
Lulu, Turlulut. lui sont venues des cris doux et
presque flûtés qu’elle jette en volant.
Sa taille est de 16 centim.
Le mâle et la femelle se distinguent à peine l’un
de l’autre : celle-ci est seulement un peu plus ta-
chetée sur la poitrine, et ses teintes blanches parais-
sent à peu près plus pures sur le devant du corps.
Le premier est d’un gris roussâtre sur les parties
supérieures, et y porte une tache noire, dans le mi-
lieu de chaque plume : celles du sommet de la tête
sont un peu allongées et susceptibles d’érection, au
gré de l’oiseau. Üne bande blanchâtre part du bec,
s'étend au-dessus des yeux et entoure l’occiput ;
sur les joues, qui sont d’un brun roussâtre clair,
l’on découvre une petite tache triangulaire blan-
châtre par devant. Un blanc nuancé de roussâtre ou
de jaunâtre envahit toutes les parties inférieures :
le devant et les côtés du cou, de même que la poi-
trine, sont parsemés de taches noirâtres ; de chaque
côté de la gorge se trouvent deux petites bandes
390 ORNITHOLOGIE
longitudinales, brunâtres. La queue est courte,
coupée carrément; les pennes du milieu sont
brunes et roussâtres ; les quatre latérales marquées
vers le bout d’une tache blanche, et noirâtres dans
le reste. Sur le bord externe de chaque aile, il existe
une tache noire et oblongue, placée au milieu de
deux petits espaces blancs ou blanchâtres. Le bec
est mince, pointu et brun; l’iris des yeux couleur
noisette ; les pieds sont carnés ou jaunâtres; l’on-
gle du doigt postérieur est très-long et très-faible-
ment arqué.
Chez le mâle et la femelle, pendant l'été, toutes les
couleursblanches ou blanchâires s’épurent; la temte
rousse s’affaiblit; mais le brun, le brunâtre et le noi-
râtre deviennent d’une nuance plus foncée que du-
rant l'automne et l'hiver. Ce changement, qui est le
résultat de l’action de l’air, de l’éclat de la lumière,
ainsi que de l’usure du bout des plumes, s’opère
aussi chez plusieurs autres espèces qui, comme les
Alouettes et certains Pipis, vivent pendant la saison
des beaux jours dans les lieux les plus arides et
les plus découverts.
Les jeunes des deux sexes, au sortir du nid, ont
tout le dessus du corps varié de noir, de jaune rous-
sâtre et de blanchâtre; ils portent à la gorge et sur
les sourcils une faible teinte jaunâtre, puis un peu
de roussâtre à la poitrine, parmi les mouchetures
brunâtres ; le milieu du ventre est blanc.
DE LA SAVOIE. 391
L’Alouette Lulu n’est pas aussi commune en
Suisse et en Savoie que l’ Alouette des Champs. On
l’y trouve spécialement dans les lieux broussailleux
et accidentés, dans les vignes et les landes. Ces
cris plaintifs :
bé dlui, bé diui. bu du li,
qu’elle jette en volant ou même perchée, et qu’elle
accompagne par moments d'une tirade de cris plus
doux, lu, lu, lu, lu, lu, lu, qui retentissent .au
loin, la font partout aisément reconnaître, Klle à, en
effet, la faculté de percher ; toutefois elle choisit de
préférence les branches larges et longitudinales, ou
les troncs étêtés; elle s’y tient plus à l’aise que
sur les petits rameaux, qu’elle ne peut du reste ni
saisir ni entourer de l’ongle du pouce, allongé
comme il est, et sans être proportionnément re-
courbe.
Cette Alouette nous quitte pour le froid; mais
ses migrations ne sont pas lointaines, puisque aux
premiers jours de février elle nous arrive des con-
trées du midi de l’Europe, où son espèce vit séden-
taire. Aussitôt elle s’apparie, et le mäle commence
à faire entendre son ramage agréable; mais c’est
surtout pendant l’incubation, ou lorsque sa com-
pagne s'occupe du soin de la progéniture, qu'il
EEE
392 ORNIPHOLOGTE
déploie les accents les plus doux, les accords les
plus mélodieux. Il les redit des heures entières,
toujours avec le même éclat; soit qu'il reste perché
au bout d’un roc ou à la pointe d’un arbre, soit qu'il
vole par bonds répétés ou de biais, ou bien encore
en se portant de droite à gauche successivement
tandis qu’il s'éloigne du lieu de son départ. Jamais
il ne décrit des cercles concentriques comme l’A-
louette des Champs, quand il s’élève dans l'air en
chantant. On l’entend, lorsque le temps est beau,
au lever de l’aurore, pendant la plus grande partie
du jour et même après que le soleil a disparu de
l'horizon. Quoiqu'il se trouve à une hauteur où l'œil
le cherche très-souvent en vain, l’on distingue ce-
pendant de la plaine chaque coup de son gosier
brillant, et l’on écoute les sons mélodieux qu’il en
tire, avec pius de satisfaction que s'ils partaient d’un
lieu beaucoup plus rapproché.
L’Alouette Lulu aime ici, pour s’adonner à l’acte
de reproduction, les coteaux et les collines à demi
arides; elle s'y établit dans les landes parsemées
de buissons ou de quelques arbres de taille moyenne,
dans les vignobles où elle trouve facilement de gros
tas de pierres bordés de ceps, pour s’y poser, quel-
quefois dans les moissons et aux abords des bois.
Déjà vers le 15 ou le 20 mars, on la voit transporter
au bout du bec les matériaux nécessaires à la for-
mation du nid: elle le confectionne à terre, sous
DE LA SAVOIE. 393
quelque motte, parmi les bruyères, ou dans les blés
et les avoines, ou bien encore au pied de quelque
arbrisseau ou d’un cep. C’est encoreles tiges ou fila-
ments d'herbes sèches et le chevelu des racines qui
constituent ce nid à l'extérieur et sur les bords; le
crin, les poils ou d’autres matières douces le mate-
lassent en dedans. La femelle fait ici deux couvées
par an ; la première se compose de 4 ou 5 œufs, rare-
ment de 6, et la seconde, qui a lieu vers la fin de mai,
de 3 à 4. Ces œufs sont oblongs, de 20 à 21 mill. de
longueur, sur 14 3 à 15 mill. ; de diamètre; d’un
blanc sale ou glacé de brun, et piquetés'ou tachetés
de brun plus ou moins foncé, quelquefois d’un brun
tournant au rougeâtre, avec d'autres nuances, à
peine visibles, d’un cendré presque effacé.
L'incubation se termine au seizième jour. Le
père et la mère nourrissent leurs petits de chenilles
sans poils, de larves d'insectes ou de fourmis, de
coléoptères et d’orthoptères. Aussitôt qu'après la
sortie du nid, ils les voient en état de chercher et
saisir eux-mêmes leurs aliments, ilsles laissent seuls
dispersés dans le canton de leur éducation, puis ils
vont tous deux à la fois à la découverte d’un autre
séjour, dans lequel ils font leur seconde couvée.
Après les nichées, l’Alouette Lulu reste encore
quelque temps sur nos coteaux et nos collines par
familles (les dernières couvées), par paires(les vieux)
4
ou en petites sociétés de trois à cinq individus, et
394 ORNITHOLOGIE
même davantage (les jeunes surtout de la première
nichée). Ces oiseaux réunis se tiennent particulière-
ment dans les lieux pierreux, hérissés çà et là de
petits buissons, dans les jachères et les terres en
labour; jamais ils ne se mêlent avec les autres es-
pèces de leur genre ; ils se suivent constamment, et
s'ils se reposent à terre, c’est toujours en se rejoi-
gnant. Les force-t-on à s'envoler, ils s’élancent tous
brusquement, sansse quitter et comme par impulsion
unique, s'élèvent peu, voltigent en s’appelant et
en tournant avec rapidité autour du lieu d’où on les
chasse, et dans lequel ils reviennent souvent s’abat-
tre quelque moment après. L’habitude où ils sont
de vivre rassemblés, de s’entr’appeler en volant, de
se rapprocher en se posant, les entraîne fréquem-
ment à leur perte, car il suffit, pour les amener dans
un filet, de les y faire appeler par quelqu'un de leur
espèce, soit mâle soit femelle; ils y tombent d’au-
tant plus facilement, que le piége se trouve tendu
sur quelque terre fraîchement labourée.
Vers la mi-septembre, les Alouettes Lulus sont
aussi répandues dans nos plaines basses que sur les
champs des coteaux ou des monts qui les dominent :
alors commencent ici leurs migrations vers le midi
_de l’Europe. Elles partent le matin par petites com-
pagnies, assez fréquemment par paires ou seules;
mais c’est aux premiers jours d’octabre que leurs
émigrations sont le plus notables en Savoie. Plu-
DANEAISANVOTE.
sieurs volées, venant du nord ou des contrées de la
Suisse, y passent alors chaque jour en s’envolant
vers le midi. De temps en temps pendant le voyage,
ces troupes de Lulus se jettent dans les vignes, les
friches, les champs ensemencés récemment, et
s’y repaissent de graines céréales, de grains de
panics, de plantains, etc., et de petits coléoptères.
On les y approche presque toujours de très-près;
d’ailleurs n’ont-elles pas, comme l’Alowette des
Champs, l'habitude de se blottir à terre quand on
les aborde, et de ne partir guère qu’en nous voyant
devant elles.
L’Alouette Lulu est toujours rare chez nous
à la fin d'octobre; ce sont quelques sujets isolés
qui y surviennent à cette époque, et quelques-uns
d’entre eux y passent le reste de l’année, dans les
localités les plus arides et les moins exposées aux
vents froids. Mais une fois que les neiges les ont
envahies, ils se rapprochent des habitations et des
routes; là, ilss’alimentent avec les débris de nourri-
ture des poules, des pigeons, des canards domes-
tiques, et avec les grains d'avoine non digérés,
qu'ils trouvent en fouillant avec le bec dans le
crottin des chevaux.
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SIXIÈME ORDRE
PIGEONS (COLUMBZÆ).
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Les Pigeons établissent le passage naturel des
Passereaux aux Gaillinacés. Ils ont en effet les
tarses, les doigts, le nombre des pennes à la queue,
la manière de nicher, le vol facile et plusieurs ha-
bitudes des premiers, et comme eux, ils vivent en
monogamie, ne pondent qu’un petit nombre d'œufs;
tandis qu’ils ont à peu près le bec, le mode d’ali-
mentation et le jabot très-dilaté des seconds. Mais
ils s’éloignent essentiellement des uns et des autres
par la façon de nourrir leur progéniture, en lui
dégorgeant sa pâture dans le nid: bien difiérents
des Gallinacés qui sont en partie polygames, pon-
dent beaucoup d’œufs, et dont les petits éclosent
habillés d’un duvet déjà serré, courent, cherchent
et saisissent eux-mêmes leur nourriture, aussitôt
qu'ils se sont dégagés de leur coquille. Ils diffèrent
|
Î
|
398 ORNITHOLOGIE
encore soit des Passereaux soit des Gallinacés,
par les roucoulements qu’ils poussent à défaut de
chant; par la faculté de gonfler leur œsophage, au
moyen de l'air qu'ils y accumulent ; enfin par leur
habitude de boire d’un trait, c’est-à-dire en plon-
geant tout le bec dans l’eau, d’où ils ne le retirent
qu'après en avoir avalé une quantité suffisante.
Toutes ces considérations doivent nécessairement
déterminer les ornithologistes à les maintenir seuls
dans un ordre; et cet ordre trouve naturellement
ici sa place, que lui assignent l'intermédiaire et
la connexité qu’il présente des Passereaux aux
Gallinacés.
Les Pigeons ont le bec médiocrement long, in-
cliné à sa pointe et recouvert à sa base d’une peau
membraneuse ou d’une écaille cartilagineuse,
comme gonflée. Leurs narines sont oblongues,
percées dans cette sorte de peau nue et molle, qui
les recouvre entièrement ou à demi. Leurs tarses
courts, mais robustes, se trouvent réticulés. Ils
ont trois doigts devant, un derrière; les antérieurs
sont divisés ; le postérieur s'articule au niveau des
premiers, La queue se compose de douze rectrices;
elle est, de même que les ailes, de moyenne lon-
gueur.
Comme les Gallinacés, les Pigeons possèdent
trois estomacs : c’est par là qu’ils ont aussi, comme
eux, quelque rapport de structure intérieure avec
DE LA SAVOIE. 399
les animaux ruminants. Le premier de ces esto-
macs, c’est le jabot; 11 est très-dilaté et destiné à
recevoir les aliments. Ceux-ci y subissent d’abord
une espèce de ramollissement en se rendant dans
le second, qui est glanduleux, et où commence la
digestion. C’est de cet organe que ces. oiseaux ont
la faculté de dégorger les grains qu'il renferme,
pour l’alimentation de leurs petits. De ce second
estomac, les vivres vont dans le troisième, qui est
le gésier. Celui-ci est musculeux, doué d’une grande
force digestive. La nourriture achève de s’y ma-
cérer à l’aide de petits graviers que ces oiseaux
avalent après ou pendant leur repas, pour faciliter
leur digestion. Ces débris de gravier ne cessent de
s’y agiter, ils s’usent insensiblement et disparais-
sent à la longue avec les excréments.
Les Pigeons ont les mœurs très-douces, très-so-
Ciables. {ls sont monogames, et les deux époux une
fois appariés ne contractent pas d’autre alliance;
ils ne se quittent qu’à la mort ou à tout autre acci-
dent qui vient apporter obstacle à leur union. Bois,
taillis, champs, pâturages, rocailles, sont, selon
les espèces, leur demeure habituelle; ils y vivent
en couples, par familles ou par troupes, suivant
les saisons ; s’y nourrissant généralement de grains
ou de semences d’un grand nombre de végétaux.
Souvent leur chair s’approprie le goût des ali-
ments dont ils font le plus d'usage; celle des
400 ORNITHOLOGIE
jeunes est toujours préférable à celle des vieux,
qui est habituellement dure.
Cet ordre renferme seulement la famille sui-
vante.
Vingt-neuvième Famille,
COLOMBIDÉES (Columbidæ).
Signes caractéristiques : Bec médiocre, comprimé latéralement,
faible, flexible, garni à sa base d'une membrane nue, molle et
comme gonflée ; mandibule supérieure plus ou moins renflée à
sa pointe, courbée ou seulement inclinée vers le bout. Narines
oblongues, percées au milieu du bec, dans le cartilage qui les
recouvre. Tarses nus, réticulés et courts ; les trois doigts de de-
vant totalement divisés; celui de derrière articulé sur le même
plan que les antérieurs. Ailes à première rémige plus courte
que la deuxième, qui est la plus grande de toutes, dans les
espèces européennes.
Les oiseaux appelés dans cette famille sont re-
marquables par les reflets métalliques que jettent
les barbes de leurs plumes fines et comme décom-
posées ; par la douceur et la familiarité de leurs
mœurs ; par leur fidélité réciproque et durable. Ils
sont essentiellement granivores, par moments pul-
vérateurs, c’est-à-dire qu’ils aiment, comme les
(Grallinacés, à se rouler quelquefois dans la pous-
sière, le sable, ou dans la terre légère, sans doute
pour se soulager ou se délivrer de la vermine ou
des petits insectes parasites qui les tourmentent. {ls
fréquentent les lieux boisés, les terrains secs et ro-
cailleux, les champs ensemencés , les endroits
DE LA SAVOIE. AOL
hérissés de buissons et rapprochés des bois. Pour
faire la cour à leur maîtresse, les premiers roucou-
lent autour d’elle en piaffant et en prenant des airs
lascifs três-gracieux ; ils la suivent dans tous ses
détours, jusqu’à ce qu’un ou plusieurs baisers, don-
nés et rendus successivement, aient été le prix de
leurs transports d'amour. Ordinairement deux
pontes par an, de 2 ou à œufs, sont le résultat de
leur union; elles sont reçues dans des nids presque
plats, assez larges, et composés de quelques petites
branches ou de quelques bûchettes. Le couple heu-
reux travaille d’un commun accord à la confection de
ces berceaux, et 1l les loge sur les arbres ou dans de
hauts buissons, dans les crevasses des rochers ou
les cavités des vieilles constructions.
Le mâle, dans les Colombidées, couve et nourrit,
de concert avec la femelle, la progéniture : celle-ci
naît vêtue très-légèrement d'un duvet blanchâtre
ou d’un {on presque jaunâtre, et reste aveugle pen-
dant les cinq ou six premiers jours environ. Ils
viennent l’un après l’autre successivement lui dé-
sorger les aliments. C’est d’abord avec une sorte
de bouillie à peu près semblable au lait des mam-
mifères, quand il est très-épais, qu’ils la nourris-
sent; mais dès qu’elle se revêt de ses plumes, ils ne
lui distribuent plus que des graines à moitié digé-
rées ou très-ramollies au moyen de l’eau qu'ils
avalent alors fréquemment. Au lieu d'ouvrir le
HTC 26
402 ORNITHOLOGIE
bec, comme presque tous les oiseaux nourris dans
le nid, pour recevoir leur pâture, les petits l'intro-
duisent entièrement dans celui de leurs auteurs, où
ils le tiennent entr’ouvert. De cette façon, ils re-
coivent les substances que leurs père et mêre regor-
gent de leur jabot ou du gésier par un mouvement
convulsif, qui doit être pour eux pénible, si l’on en
juge par les gémissements, par les ellorts et le
remuement des ailes et de tout le corps qui l'accom-
pagnent. Les Pigeonneaux ont longtemps besoin
des soins paternels et maternels; ils ne quittent le
nid que lorsqu'ils sont très-capables de voler, et
après la sortie, leurs parents leur donnent encore
pendant quelques jours les vivres par la même
vole.
Après les nichées, les Colombidées constituent
des familles ou des bandes plus ou moins nom-
breuses, qui courent à la recherche de leur subsi-
stance dans les bois, les champs, les endroits ro-
cailleux. Chez nous, comme dans d’autres contrées
de l’Europe que leurs espèces n’habitent qu’en petit
nombre, on les remarque très-souvent par couples
ou solitaires. Leur vol est rapide et bruyant. Lors-
qu’ils sont en troupe, le premier sujet qui part bat
des ailes avec force, signe convenu pour avertir ses
compagnons; et ceux-ci de lui répondre par le
même battement en prenant l’essor pour le suivre.
Lorsque toute la bande est élevée dans les airs, on
DE LA SAVOIE. 403
n'entend presque plus qu’une espèce de sifflement
produit par la résistance de l’air qu’elle traverse
d'un vol vigoureux. Tous les Colombidées sont
d'excellents voiliers ; mais leur démarche est lente
et accompagnée d'un balancement du corps.
LVe Genre : COLOMBE /Columba).
LS Res QUE PUS dent dau los enles de POP € A8 le Monnite qui
précèdent.
Nous trouvons en Suisse et en Savoie quatre
espèces de Colombes ou de Pigeons Sauvages:
mais elles n’y sont pas aussi abondantes que dans
plusieurs contrées de la France, surtout dans les
pays du centre et du midi. Ici, quelques individus
vivent sédentaires ; mais la plupart y sont passa-
sers en automne et à l'approche du printemps.
Les sexes différent à peine extérieurement. Les
jeunes se distinguent des adultes seulement jusqu’à
leur première mue. Quelques espèces de ce genre,
réduites à l’état de domesticité, sont devenues tri-
butairés et se reproduisent autour des habitations
humaines en captives volontaires; d’autres, sou-
mises à l’esclavage, subsistent par les soins de
l’homme, qui perpétue leurs races ou en crée de
nouvelles, suivant ses caprices.
404 ORNITHOLOGIE
1932.—Colombe Ramier /Columba Palumbus)].
Noms vulgaires : Le Ramier, Ramia, Pigeon Sauvage, Pinzon Sarvaze ou
Sôvaze, la Palomba.
(Colunba Palumbuss, Veil. -Colombe Ramier (Cotuméa Patumbus}, Ten
Degl.—Colombaccio (Savi).
Le Pigeon Ramier, qui est l’espèce la plus
commune de nos climats, à 46 cent. de longueur
totale.
Le mâle adulte est notable par l’espace blanc,
en forme de croissant, qui lui pare chaque côté du
cou. Il a le sommet de la tête, la gorge, le crou-
pion et la partie supérieure de la queue, d’un cen-
dré bleuâtre, sans taches; les parties latérales et le
dessus du cou, d’un vert doré, se changeant en bleu
et en couleur de cuivre rosette par les effets de la
lumière ; la poitrine et le haut du ventre, d’une belle
couleur vineuse, à reflets chatoyants vers les côtés
du cou; le dos et les ailes, d’un cendré mêlé de
brun : ces dernières ont sur leur bord un grand
espace blanc. Les rémiges sont noires, bordées de
blanc ; les pennes caudales terminées par un espace
noir. Le ventre et l'abdomen sont d’un cendré blan-
châtre, Le bec est rougeâtre, marqué de jaune
orange à la pointe et comime saupoudré de blanc
sur sa peau membraneuse; l'iris des yeux jaune ou
d'un jaune pâle ; les tarses sont rouges.
La femelle adulte paraît un peu plus petite que
le mâle. Elle a les teintes de sa livrée généralement
DE LA SAVOIE. 4105
plus claires et le croissant blanc des côtés du cou
moins étendu.
Les jeunes, en sortant du nid, ne portent ni blanc
ni reflets chatoyants sur les parties latérales du cou ;
ce n’est qu’à leur première mue qu'ils se parent de
ces couleurs. [ls ont, en outre, les nuances de leur
plumage en général ternes.
Les Ramiers sont plus communs dans le midi
que dans lenord. Néanmoins quelques paires vont se
reproduire jusqu’en Suède, en Russie et en Sibérie.
Ils font deux passages par année en Suisse et en
Savoie; mais le second, le passage d'automne, est
toujours plus nombreux que celui de la fin de l'hiver.
Ce dernier commence à la mi-février ou un peu
plus tard, et se prolonge, suivant les années, jus-
qu'aux premiers Jours d'avril. A cette période, l’on
ne rencontre guère chez nous que les individus qui
veulent s’y propager ; ils sont réunis par paires,
mâle et femelle, et rôdent à la découverte d’un
canton dans quelque lieu solitaire, où ils pourront se
livrer tranquillement aux soins de la reproduction.
Habituellement quelques couples vont chaque année
au printemps s'établir dans les forêts de sapins, de
hêtres et de chênes des Bauges, des Déserts, des
alentours de Thônes, d’Albert-Ville, de Beaufort,
de Moûtiers, etc., etc. Ils s’y apprêtent à nicher
vers le milieu ou à la fin d'avril, quelquefois en
mal.
LO6 ORNITHOLOGIE
Pour bâtir le nid, le mâle et la femelle vont tan-
tôt ensemble, tantôt séparément, à la recherche des
matériaux ; ils reviennent quelques instants après,
emportant au bec quelques petites branches sèches
et très-légères, qu'ils posent l’un après l’autre dans
le domicile commun. Quelquefois le dernier arrivé
remet sa charge à son compagnon qui reste au nid
pour réunir ensemble les bûchettes déjà entassées,
pendant qu’il retourne en chercher de nouvelles.
C'est à l’extrémité d’un arbre touffu, ou bien sur la
tête d’un tronc garni de mousse et de lierre ou en-
touré de jeunes pousses, qu’ils posent ce travail : ils
le font presque tout plat, lui donnent si peu d’épais-
seur qu’on voit facilement le jour au travers des pe-
tites branches qui en forment le dehors et des racines
qui le tapissent parfois au milieu, en dedans. La
femelle y dépose 2 œufs, très-rarement 3; obtus
aux deux extrémités, d’un blanc pur et plus ou
moins luisant, mais faiblement teintés de rose lors-
qu’ils sont frais pondus. Leur longueur est de 3 cent.
7 :à8 mill., et leur largeur diamétrale de 2 cent.
6-7 mill. L’incubation, à laquelle le mâle prend
part chaque jour à diverses reprises, dure dix-huit
à dix-neuf jours.
Les petits éclosent légèrement couverts d’un poil
follet, de couleur presque jaunâtre. Aussitôt qu'ils
voient (ils naissent du reste aveugles, comme je
l’ai annoncé à l’article de la famille), ils se gonflent
—
om
DEL ANSAMOIE. 407
devant le dénicheur, se hissent sur leurs pieds,
s'élancent, quoique à peine vêtus de quelques
plumes sur le dos et les ailes, contre lui, comme
pour le frapper du bec, de la poitrine ou du bout
de l’aile, à chaque fois qu'il veut les toucher ou
seulement les regarder de très-près dans le nid.
Pour les nourrir quand ils sont déjà forts, le père et
la mère se remplissent le jabot de graines, vont
ensuite boire abondamment de l’eau pour les ramol-
ir, retournent à leurs petits et leur dégorgent cette
substance.
Après cette couvée, le mâle en fait souvent une
seconde avec la même femelle, vers la fin de juin
ou le commencement de juillet, mais dans un autre
nid que celui qui à servi à la première. Cette nou-
velle ponte est toujours de deux œufs.
Les nichées terminées chez nous, les Ramiers
vivent seuls (les jeunes) ou par couples (les vieux),
quelquefois en famille (tous les sujets d’une cou-
vée). Alors iis fréquentent particulièrement les con-
trées montueuses, et s’abattent sur les champs de
faséoles, de lentilles, de vesces, des grains desquels
ils se gorgent. Pour les en chasser, les villageois
sont souvent réduits à parsemer les terres, où ils
commettent chaque jour le dégât, de haïllons fixés
au bout de quelques perches et que le vent agite
presque sans cesse. Forcés de laisser les champs,
ces oiseaux se jettent dans les bois de hêtres et de
108 ORNITHOLOGIE
chênes, où ils vivent de faînes et de petits glands
qu'ils avalent tout entiers; ils visitent aussi les pâ-
turages, les rocailles et les clapiers, et s’y repais-
sent de graines et du bout des feuilles de plusieurs
sortes de plantes. C’est surtout le matin et le soir
qu'ils courent aux vivres; ils rentrent dans les bois
de haute futaie vers le milieu du jour et au cou-
cher du soleil pour s’v cacher avant la nuit. Ils sont
partout sauvages, très-méfiants ; ils se perchent
à la cime des arbres et s’envolent dès qu’on cherche
à les aborder : ce n’est guère que par surprise qu’on
réussit quelquefois à les tirer de près. Sont-ils plu-
sieurs ensemble répandus à terre, sur quelque
champ qui leur fournit des aliments, il est rare
qu'un ou deux sujets de la bande, et même davan-
tage, ne restent pas sur les arbres qui le bordent ou
sur quelque éminence très-voisine, pour veiller
l'ennemi commun. Ceux-ci descendent-ils sur le
sol, à l'instant même d’autres regagnent les arbres,
et y font sentinelle à leur tour.
Les Ramiers posent aussi des sentinelles chaque
fois qu'après leur repas ils arrivent auprès d’une
source ou de quelque mare pour boire; mais alors
ils se succèdent presque sans interruption dans
leurs fonctions. Les premiers de la troupe qui sont
à terre n’ont pas plutôt bu, qu’ils vont relever
les sentinelles; et celles-ci de s’abattre auprès de
l'eau, d'y plonger le bec, d’avaler d’un trait
DENLANSAVOIE. 409
toute la quantité d’eau dont elles ont besoin, et
de rejoindre le reste de la compagnie sur Îles
arbres. Au moindre danger, soit à l’arrivée et
même aux cris de l’oiseau de proie, soit à l’ap-
proche du chasseur ou de tout autre ennemi, les
gardiens de la bande, sans jeter un seul cri, par-
tent brusquement en claquant des ailes ; à ce signal,
toute la troupe alarmée s’élance, se sauve avec
précipitation par un battement d'ailes très-bruyant,
se groupe dans les airs et marche ensuite souvent
de front vers quelque autre séjour.
C’est à la mi-octobre, ou au commencement de
novembre, suivant que les frimas sont plus ou
moins précoces, que s'effectue dans nos contrées
le second passage des Ramiers. Ils voyagent alors
le matin, puis le soir jusqu’au coucher du soleil.
Presque tous ceux qui traversent nos vallées, vien-
nent du nord et se dirigent en toute hâte vers le sud;
formant très-souvent de leurs bandes une grande
ligne presque oblique, dont la tête tend toujours,
à la faveur des vents qui dominent, vers les climats
chauds, leur refuge d’hiver. Quelques individus
restent pourtant en Savoie pendant la mauvaise
saison, mais ils sont rares durant les rigueurs des
gelées, Ceux-ci vivent solitaires ou par couples, par-
fois en petites compagnies, et courent les bois, ceux
de hètres et de sapins surtout, dont ils dévorent les
semences. Quand le vent du nord souffle, c’est par-
410 ORNITHOLOGIE
ticulièrement dans les terrains rocailleux, sur les
escarpements le long des fleuves et des torrents,
sur les pentes des coteaux ou des collines exposées
au midi et dégarnies de neige, que l’on doit aller
les chercher ; ils vivent là de toutes sortes de grai-
pes, même des boutons de plantes qui renferment
des feuilles pour le printemps, et qu’ils avalent tout
entiers. Découvrent-ils dans leurs trajets quelque
cnamp de choux ou de colzas, ils s’y abattent et
mangent le bout des feuilles.
Les Ramiers ont pour toute voix un roucoule-
ment plus fort que celui des Pigeons Domestiques.
Il ne le font guère entendre que dans la saison de
l'amour et pendant les beaux jours; car les mau-
vais temps les rendent taciturnes. Leur naturel est
très-sauvage ; aussi, ne réussit-on que très-difficile-
ment à les faire propager en captivité. J'ai vu
renfermer des Ramiers dans un colombier pour les
y faire produire et vivre en bonne harmonie avec
quelques Pigeons Domestiques; mais ceux-ci leur
firent une guerre si acharnée, qu'ils ne donnèrent
pas un seul signe tendant à la reproduction, quoi-
qu'ils .eussent été pris très-jeunes dans le nid. Le
jour où leur maître, croyant compter sur eux, fit
pour la première fois ouvrir le colombier, ils dis-
parurent et recouvrèrent la liberté dont on les avait
injustement privés,
D'EVEAUS A VOIE. #11
K923.—Colombe Colombin / Columba OEnas |.
Noms vulgaires : Petit Ramier, Ramiala, Bisé, Pigeon Sauvage.
Le Pigeon Commun (Buff.), —Le Colombin ou Petit Ramier (Cuv.).—Pigeon
RS — Colombe Colombin (Columba OEnas),
Le Colombin est, à l’époque de ses passages,
toujours moins abondant en Savoie que le Ramier.
On l'y voit plus fréquemment seul à seul ou deux à
deux, mâle et femelle, que par bandes ; et encore
se composent-elles habituellement de quelques su -
jets. C’est au contraire par troupes considérables,
quelquefois de plusieurs centaines d'individus,
qu’il passe tous les ans dans quelques cantons de
France et d'Allemagne.
Les Colombins, que beaucoup de gens regardent
comme la souche de la plupart des Pigeons de Co-
lombier, ont le vol haut, rapide et longtemps sou-
tenu. Chez nous, on les observe principalement de-
puis le 5 ou le 12 octobre jusqu’au 10 novembre, et
d'ordinaire pendant les grands vents du nord. Sont-
ils surpris dans leur vol par un vent contraire ou
en face, aussitôt ils se groupent, et tous à la fois,
comme d’une seule impulsion, ils rabaissent leur
vol et rasent presque le sol, tant qu'il est de niveau.
A chaque élévation ils se relèvent; ils la franchis-
sent et se rapprochent ensuite de terre pour
continuer leur marche rapide. Si l’on se trouve
alors sur leur passage, souvent ils ne se donnent
{12 ORNITHOLOGIE
pas la peine de changer de direction; ce n’est guère
que dans cette circonstance que l’on peut quelque-
fois faire essuyer à leurs bandes quelques coups de
fusil; car il est presque impossible de les aborder
quand elles se perchent à la cime des arbres, ou
lorsqu'elles cherchent leur vie dans les lieux décou-
verts, rusées et sauvages comme elles sont ici, pen-
dant leurs migrations. Des sujets repassent en mars
dans nos vallées inférieures, mais ils y restent ra-
rement pour se reproduire. Seulement quelques
couples isolés se propagent parfois dans nos forêts
les plus solitaires ; il en niche régulièrement un plus
grand nombre dans celles des parties de la France
qui confinent à notre territoire, et où l’on sait mieux
respecter les bois que dans nos localités.
Comme le Aamier, le Colombin construit avec
des bûüchettes sur de grosses branches ou sur la
tête d’une souche garnie de lierre, quelquefois
dans de larges cavités d'arbres, un nid assez léger,
de forme plate. Sa couvée se compose de deux œufs
blancs, un peu moins gros que ceux du Ramier.
Le mâle et la femelle nourrissent et élèvent leur
progéniture avec les mêmes soins que ce dernier.
Le Pigeon Colombin a 35-36 cent. de longueur.
1! est cendré sur la tête, la gorge, les ailes et sur
les parties inférieures; de couleur lie de vin à la
poitrine et devant le cou : le dessus et les côtés de
cette partie jettent des reflets d’un vert doré. Le
DE LA SAVOIE. 415
haut du dos est cendré brun. Sur les deux dernières
pennes secondaires de l’aile et sur quelques-unes
des tectrices alaires, se trouve une tache noire. Les
pennes caudales sont d’un cendré bleuâtre, mais
terminées de noir ; le même cendré bleuâtre se fait
aussi remarquer sur les pennes des ailes et sur le
croupion. Le bec est rouge pâle, recouvert à sa base
d’une peau molle et blanche ; l’iris d’un rouge tirant
au brun; les pieds sont rouges.
Les jeunes du Colombin, avant leur première
mue, manquent de reflets chatoyants sur les côtés
du cou, et de taches noires sur les ailes. Ils difiè-
rent des jeunes Biseis, que je vais décrire, spécia-
lement par leur croupion qui est bieu cendré, tan-
dis que ces derniers l’ont d’un blanc pur.
194.—Colombe Biset /Columba Livia).
Noms vulgaires : Pigeon Sauvage, Bize, Biget, Couloun.
5 af BL Be qu ir de Ru Pin
— Piccione Torrajolo (Savi).
Le Biset est, suivant plusieurs naturalistes, le
type de nos Pigeons de Colombier et de quelques
races de Piyeons de Volière.
Il a 33 centim. de longueur totale.
Ses parties supérieures et inférieures sont d'un
bleu cendré, à part le croupion qui est d’un blanc
pur etles côtés du cou d’un vert doré, à reflets vio-
lâtres chatovants. Deux bandes noires traversent
414 ORNITHOLOGIE
les ailes ; la même couleur termine les pennes dela
queue, qui sont d’un cendré plus foncé que le corps.
Le bec est d’un brun rouge; l'iris et les tarses
sont rouges,
Les Jeunes, en sortait du nid, ressemblent à ceux
du Colombin; toutefois on les reconnaît à leur crou-
pion blanc.
Les Pigeons Biscts existent rarement à l’état
sauvage dans la plupart des contrées les plus peu-
plées de l’Europe, mais en une sorte de captivité
volontaire, s’accommodant des gîtes ou colombiers
que l’homme leur prépare, et où ils lui payent tri-
but. 1ls vivent dans une entière indépendance dans
diversesrégionsde nord ouest et du sud de l’Europe.
Nous en avions en Savoie, ces années dernières,
quelques petites sociétés qui nichaient très-libre-
ment dans les parties les plus rocailleuses des
Bauges, dans quelques rochers des bords du Rhône,
dans ceux de l’ermitage de Saint-Saturnin, près
de Chambéry. Ces couples y faisaient leurs gîtes
des creux des rocs les moins accessibles, ou des
crevasses de quelque vieille construction voisine et
inhabitée ; ils bâtissaient là leurs nids de la même
manière et à l’aide du même genre de matériaux
que les deux espèces précédentes. Ces domiciles
contenaient 2 œufs entièrement blancs et renflés,
que le mâle et la femelle couvaient alternative-
ment le jour : la femelle seule les réchauffait pen-
DE, LA SAVOTE. 419
dant toute la nuit, Ces Bisets étaient farouches ; ils
fuyaient à l'approche de l'homme, el allaient se ju-
cher à la cime des rochers les plus isolés, comme
pour mieux le voir venir. Pour chercher leur vie,
ils S'éparpillaient le long des rocs, sur les bords des
torrents, parmi les pierres et les broussailles, où ils
trouvaient force petites graines, force baies sèches,
qu’ils avalaient tout entières. [ls ajoutaient encore
à ce genre d'aliments le bout des petites feuilles ou
lés boutons des fleurs lés plus tendres, de très-
petits coquillages terrestres, toutefois occupés par
leurs animaux. Dans les lieux sablonneux, on les
voyait becqueter fréquemment le petit gravier, dont
ils avalaient quelques morceaux, puis se rouler par
moments dans le sable le plus sec, comme d’ailleurs
le font aussi leurs congénères, pour se soulager
où se débarrasser des insectes où de la vermine
qui très-souvent les incommodent,.
Aujourd’hui, c’est presque en vain que l’on cher-
che des couples de Bisets dans notre pays. De loin
en loin l’on y découvre en automne, pendant l'hiver
et au printemps, quelques sujets presque toujours
seuls, très-rarement deux à deux. De temps à autre,
ils viennent rôder autour des maisons de campagne
et descolombiers, où ils se logeraient infailliblement
si les Pigeons Domestiques, qui déjà les occupent,
ne leur donnaient pas assidûment la chasse, quand
ils s’en approchent.
416 ORNITHOLOGIE
495.—Colomhe Tourterelle / Columba Turtur }.
Noms vulgaires : Tourterelle Sauvage, Tourtre, Tourtrella.
La Tourterelle (Buff.). — Pigeon Tourterelle (Columba Turtur), Vieill. —
Colombe Tourterelle (Columba Turtur), Temm., Degl.—Tortora (Savi).
La Colombe Tourterelle, prise au nid, s’appri-
voise facilement à l’état de captivité; elle s’y
apparie volontiers avec la Tourterelle Blonde à
Collier (Columba Risoria, Linn.), qui est d'Afrique
et des grandes Indes, et dont les mœurs sont sem-
blables aux siennes. Cette union est habituelle-
ment féconde, mais ses produits restent toujours
stériles.
Sa taille est de 30 cent.
Le mâle adulte et vieux est remarquable par
l’espace noir, coupé obliquement par quatre raies
blanches, qu'il porte de chaque côté du cou. Il est
d’un cendré presque vineux sur la tête et à la
nuque; d’un vineux clair sur le devant du cou,
à la poitrine, sur le haut du ventre: les autres
parties inférieures sont d’un blanc pur. Un brun
cendré couvre le dos, le croupion, les couvertures
supérieures de la queue ; mais le dessus des ailes est
roux, avec une tache noire qui occupe le centre de
chaque plume. Les rémiges sont noirâtres; les
pennes caudales d’un cendré noir, terminées de
blanc, à l’exception des deux du milieu : la penne
la plus latérale de chaque côté est en outre
DE LA SAVOIE. 417
blanche extérieurement. Le bec est brun noirâtre :
l'iris d’un jaune rouge ; le tour des yeux et les tarses
sont rouges.
La femelle est un peu plus petite que le mâle, et
ses couleurs sont moins vives.
Les jeunes, avant la première mue, n’ont point
d'espace noir et blanc sur la partie latérale du cou.
Leur robe est alors terne en dessus, et d’un blanc
sale, presque lavé de roussâtre dessous le corps.
Après la mue, le croissant blanc et noir des côtés
du cou paraît à peine; ce n’est qu’au printemps
suivant qu’on le remarque dans toute son étendue
et toute sa vivacité. |
La Colombe Tourterelle va passer l'hiver en
Afrique et en Asie, et retourne en Europe dès le
mois d'avril. Elle se répand alors dans tous les cli-
mats : on la rencontre même fort avant dans le
Nord pendant l’été. Mais c’est principalement dans
le Midi et les pays fort tempérés qu'elle reste le
plus en quantité pour se reproduire.
Elle n’est point commune soit en Suisse, soit en
Savoie, où nous ne la possédons guère plus de quatre
mois et demi de l’an. En effet, elle y arrive d’habi-
tude aux derniers jours d'avril, quelquefois seule-
ment dans la première semaine de mai, surtout si
le printemps n’a pas été précoce; puis elle dispa-
raîit avant la fin-septembre, excepté quelques sujets
jeunes et rares qui surviennent encore de temps en
AE dt 27
|
\f2
418 ORNITHOLOGIE
temps dans nos champs et nos bosquets jusqu’à la
mi-octobre.
Pour passer ici le temps des amours, la Tourte-
relle se fixe avec sa compagne dans les bois ou les
fourrés les plus frais, les plus ombreux et les moins
fréquentés par l’homme ou par les bestiaux en pâ-
turage; elle aime surtout ceux qui recouvrent les
flancs méridionaux des collines et des coteaux qui
dominent la plaine : les bords broussailleux du
Rhône, les lieux très-boisés des environs du
Pont - Beauvoisin, de la Motte - Servolex, du
Bourget, d’Aix-les-Bains, etc., possèdent régulière-
ment, l'été, quelques couples de ce charmant
oiseau. Aussitôt de retour, au printemps, le mâle
s'annonce par ses doux et plaintifs roucoulements,.
Il roucoule pour rappeler sa compagne, il roucoule
quand elle se rend à ses désirs, puis à ses côtés
avant de se livrer à ses transports amoureux ; alors
il la salue, se prosternant devant elle à diverses re-
prises, et si profondément que son bec touche pres-
que à chaque fois la terre ou la branche qu’il occupe :
tous ses mouvements sont brusques, mais tendres
et lascifs. En même temps, il suit pas à pas la fe-
melle dans tous ses petits détours, faisant entendre
avec monotonie ses doux gémissements ; et celle-ci,
qui paraissait d’abord insensible, de lui répondre
tout à coup par des soupirs encore plus doux et
plus plaintifs, gage certain d'un amour plus vif,
DE LA SAVOIE. 419
plus passionné ; et le couple de se donner à l’envi
plusieurs baisers successifs, de se les rendre tour à
tour avec la même émulation,
Vers la mi-mai, la Tourterelle s'occupe ici de
nidification. C’est sur les branches des arbres, sou-
vent de petite taille, quelquefois dans les buissons
très-élevés, qu'elle pose le berceau de sa race fu-
ture. Le mâle et la femelle y travaillent avec ar-
deur ; mais fréquemment le mâle seul va à la recher-
che des matériaux, qui sont de très-petites branches
ou des büchettes, et 1l les apporte à sa compagne
qui les réunit sous forme de nid. L'ouvrage ter-
miné est plat, léger, si peu épais qu’on voit aisé-
ment le jour au travers. La ponte est de 2 œufs
blancs, obtus aux deux bouts, et de 2 cent, 7-8 mill.
de long, sur 21 mill. de diamètre. Comme chez
les trois espèces précédentes, le mâle s’adonne
trois ou quatre fois par jour à l’incubation, tandis
que sa compagne court aux vivres. À l’éclosion qui
s’eflectue au seizième jour de couvaison, il travaille
avec autant de zèle qu'elle pour l'alimentation des
petits, qui naissent vêtus d’un poil follet blan-
châtre. Pendant que l'un d’eux vient leur dégorger
la pâture qu'il a préparée dans son jabot, l’autre,
qui les réchauffait en l’attendant, retourne aux pro-
visions, et revient ensuite au nid pour les leur dis-
tribuer par le même acte.
Après leur éducation achevée, les jeunes vivent
420 ON TTEHTOLOICTE
ici solitaires, quelquefois trois à cinq ensemble. Les
vieux restent appariés, et font assez souvent une
seconde couvée vers le commencement de Juillet.
Les nichées terminées, les Tourterelles s’épar-
pillent dans les champs, chènevières, parcs, pâtu-
rages, prés et broussailles. Dans les champs, elles
se repaissent de graines de sarrasin (blé noir),
d'avoine, de chènevis, de millet, de mercuriales,
de plantains, de panics, etc. ; dans les prés, surtout
aux abords des marais, elles mangent les très-pe-
tits coquillages terrestres, même les sauterelles les
plus tendres, qu’elles avalent tout entières. Habi-
tent-elles dans le voisinage de quelque maison de
campagne, elles viennent de temps en temps le
matin s’abattre jusque dans le jardin, où elles
restent cachées parmi les légumes. Les jeunes de
l’an sont peu sauvages; ils se lèvent souvent à quel-
ques pas des chasseurs qui craignent parfois de
les tirer, tant ils croient reconnaître en elles des
Tourterelles apprivoisées, surtout quand ils les ren-
contrent auprès des habitations. Ces oiseaux sont
d'habitude, quelques jours avant leur départ de
nos contrées, couverts de graisse; leur chair est
alors un morceau délicat.
SEPTIÈME ORDRE
GALLINACÉES (GALLINÆ).
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Signes caractéristiques de l’ordre. Yeux situés à fleur de
tête, dirigés de côté; tour de l’œil et sourcils nus ou re-
couverts d’une peau molle, ordinairement charnue. Bec
court, convexe, à mandibule supérieure voütée, courbée
insensiblement dès sa base ouseulement presque à la pointe,
à bords recouvrant la mandibule inférieure, ce qui les rend
propres à ramasser et à retenir dans le bec les aliments.
Narines à demi fermées par une membrane nue ou garnie
de très-petites plumes. Tarses courts ou moyens, nus ou
plus ou moins emplumés.Trois doigts devant réunis par une
petite membrane qui se prolonge souvent en un léger re-
bord sur les côtés des doigts : un derrière s’articulant plus
haut sur le tarse, au-dessus des articulations des doigts
antérieurs, et ne portant quelquefois à terre que sur
l’ongle. Ongles recourbés, aigus. nullement rétractiles.
Ailes courtes et arrondies. Queue très-souvent courte,
composée de 14, 16 ou 18 pennes.
Comme les Pigeons, les Gallinacées se rappro-
chent des mammifères sous le rapport de leurs trois
estomacs successifs. Leur nourriture, qui consiste
en grains, semences, baies, bourgeons, boutons de
fleurs, insectes et larves, ne fait guère que passer
dans le premier, qui est le jabot; en même temps
122 ORNITHOLOGIE
elle y reçoit un premier ramollissement. Elle s’éla-
bore, se macère ensuite dans le second, et achève
de se digérer dans le troisième ou le gésier. Celui-
ci est très-musculeux, d’une puissance si énergique,
qu’il digère des substances très-dures, On le trouve
souvent presque rémpli de très-petites pierres qui
augmentent, en s’y remuant sans cesse, les forces
de l’organé, et due ces oiseaux avalent pour faciliter
en eux la digestion. Ges grains de gravier s’usent
insensiblement et disparaissent avec les fientes.
Les Gallinacées ont encore quelque rapport avec
les mammifères, sous l'appareil digestif, par la
longueur du tube intestinal, Le sternum qui est
osseux, est diminué dans son étendue par deux
larges et profondes échancrures qui en occupent
presque tous les côtés; c’est un ligamént seul qui
unit la pointe aiguë de la fourchette à la crête tron-
quée obliquement en avant. Les muscles pectoraux
ont moins de force que dans les oiseaux de plu-
sieurs autres ordres; aussi, esl-ce de cette faiblesse
d'organisation que provient le peu d’aisance pour
le vol dans les Gallinacées. Ils ont le larynx très-
simple; et cette simplicité s'explique par le peu
d'agrément de leur chant ou de leurs cris.
Quelques-uns sont polygames, et leurs passions
qui naissent du désir de se reproduire, sont infini-
ment plus ardentes que dans les oiseaux qui consti-
tuent les ordres précédents. Les mâles de ces
DE LA SAVOIE. 498
éspèces se livrent entre eux, à l’époque des amours,
des combats acharnés pour se rendre maîtres des
femelles ; et celles-ci se refusent-elles à les suivre, à
obéir à leurs violents désirs, ils les frappent à coups
de bec redoublés, les blessent parfois grièvement
en leur meurtrissant la tête ou le crâne.
Les femelles se construisent elles seules à terre,
dans un petit creux qu'abritent soit des pierres, soit
des herbes ou quelque buisson, un nid des plus
simples. Elles y déposent souvent un grand nombre
d'œufs qu’elles couvent aussi seules. Sauf quel-
ques exceptions, les mâles ne prennent soin ni des
femelles quand elles couvent, ni des petits après
l’éclosion. Ceux-ci, au sortir de l’œuf, sont garnis
de duvet, voient clair, courent et saisissent eux-
mêmes, quelques moments après, leurs premiers
aliments. La mère, qui ne les quitte point, a pour
eux une aflection admirable ; c’est elle qui les con-
duit à la recherche de leur pâture, qui les défend,
les protége contre les attaques de leurs ennemis.
Chaque famille vit ensemble jusqu'au renouvelle-
ment des amours; mais souvent le chasseur et l’oi-
seau de proie viennent à bout de les désunir en les
immolant peu à peu : le premier à sa passion, le
second à ses appétits cruels.
Les Gallinacées sont pulvérateurs. En effet, ils
se plaisent à gratter la terre ou le sable, et à s’y
vautrer des heures entières. Leur corps est ordi-
424 ORNITHOLOGIE
nairement gros et massif; aussi, sont-ils lourds et
réduits à passer presque toute leur vie à terre ; ra-
rement ils perchent. Leurs ailes courtes et arron-
dies leur donnent un vol brusque, bruyant, peu
élevé et jamais de très-longue haleine ; mais en
récom pense, ils sont d’habiles coureurs. D’un naturel
farouche, ils s’approchent peu des habitations ; on
ne les trouve guère que dans les bois, les fourrés,
les rocailles et les champs. Leur chair est générale-
ment recherchée comme succulente.
Cet ordre n’aura que deux familles.
Treutième Famille.
TÉVRAONIDÉES (Tetraonidæ ).
Caractères : Bec court, robuste, emplumé à sa base, un peu
épais, convexe en dessus ; mandibule supérieure voütée, plus ou
moins courbée à sa pointe, plus longue que l’inférieure dont elle
recouvre les bords. Narines basales, latérales, à demi fermées
par une membrane gonflée et voûtée, garnies de petites plumes
sur le devant. Langue courte, charnue, acuminée. Soureils nus,
couverts d’une peau rouge comme mamelonnée. Tarses emplu-
més en entier jusqu'aux doigts ou jusqu'aux ongles, ou bien
partiellement; trois doigts devant réunis par une membrane jus-
qu’à la première articulation, garnis, ainsi que le pouce, d’as-
pérités sur les bords. Ailes concaves, courtes. Queue formée de
16 ou 18 pennes.
Les Tétraonidées sont les oiseaux de cet ordre
pour lesquels la polygamie a le plus d’attraits.
Très-ardents à l'amour, les mâles en annoncent la
période au printemps par des mouvements brusques
etlascifs, par des cris sonores, très-souvent répétés.
Ils se séparent des femelles pour lesquelles ils ont
DE LA SAVOTE. 425
eu souvent à combattre dans leurs transports, dès
qu’elles sont fécondées, et se vouent eux-mêmes
à l'isolement. Les petits, quelques instants après
l’éclosion, se mettent à courir après leur mère à la
recherche de leur subsistance; ils saisissent à la
hâte çà et là sur les feuilles des plantes les petits
coléoptères, les mouches et les moucherons, cueil-
lent sur le sol les vermisseaux et les larves des four-
mis, et coupent déjà avec la pointe du bec le fin
bout des herbes les plus tendres, pour s’en repaitre.
Après l’éducation, les jeunes continuent à for-
mer des familles plus ou moins nombreuses, que
les chasseurs nomment plus particulièrement com-
pagnies et qui se dissolvent à la période prochaine.
Les vieux mâles renoncent parfois en automne à la
solitude pour se joindre à ces familles, avec les-
quelles ils vivent toujours en bonne harmonie. Les
forêts sombres, les crêtes des montagnes ou leurs
pentes arides, rocailleuses et parsemées de taillis,
d’arbustes ou de plantes, sont leur séjour de prédi-
lection. Ils y restent toute l’année, même durant
les rigueurs de l'hiver ; mangeant baïes, grains,
semences, insectes, fruits sauvages, jeunes poussées
d'arbres et d’arbrisseaux, et boutons de fleurs al-
pestres. Leur corps ramassé, toutefois pesant et
charnu, leurs ailes courtes et concaves, font qu’ils
volent lourdement et à grand bruit. Leur chair est
généralement recherchée, bien qu'elle ait souvent,
À de oder Se on cm
496 ORNITHOLOGIE
surtout en hiver et au commencement du printemps,
| un goût de résine où d’amertume que lui donnent
les bourgeons d'arbres ou de buissons, qui com-
posent alors presque toute la nourriture de ces o1-
| seaux. Gelle des jeunes est plus tendre; plus succu-
| lente ; aussi, les amateurs de gibier la préfèrent-ils
| à celle des vieux sujets, dont la rareté ou la diffi-
| culté de se la procurer fait souvent tout le mérite.
| Leur mue est simple, double dans un seul cas, chez
I le Tétras Plarmigan (Albine). Habituellement les
} femelles sont plus petites que les mdles ; leur pa-
| rure est aussi moins riche en couleurs, et leur
naturel moins farouche.
|
fl LVIe Genre : TÉTRAS (letrao).
Nous avons dans les Alpes de la Suisse et de la
Savoie quatre espèces de Tétras qui y vivent sé-
dentaires ; leurs caractères extérieurs sont suffisam-
ment décrits dans l’article précédent. Chez les
grandes espèces, les mâles diffèrent considérable-
| ment des femelles, soit par leurs couleurs lustrées
il et foncées, soit par leur taille souvent plus forte
du tiers ou presque de moitié. Les femelles ont les
teintes plus claires ; elles sont d'habitude variées de
roux, de gris et de noir. Les jeunes mâles de l’an-
née leur ressemblent jusqu’à la première mue ; celle-
| | ei a lieu au mois d’août ou bien en septembre, selon
_ à = : ‘ = # =
_— mes a É RERETE
Dot be sm Send ne à EP . = e To 5
' . e e me 2 me Les dr Er dimttihée relate AE Sn
| 4,5 Œufx de lespece; ernaË
6 Tetras Auerhan. D a sa 2° annee, V8 97714 É ; - P 407.
| ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE
Piseons Gallinacées, Colombidees ; Télraonidees. |
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| Lith.Jh Pervin Lür. Edit à © harnoer ÿ. J.Werner dl Lith. |
il 1 Colombe Bizet, male adulte: 16 22072 P 415.9 Pre l'espeve:grnat
| 3 Colombe Tour TE na le A 7697. zaë,; PH.
|
DE LA SAVOIE. 427
que les couvées ont été plus ou moins précoces.
Le Faisan Vulgaire (Phasianus Colchicus, Linh.)
et le Faisan Tricolore où Doré (Phasianus Pictus,
Linn,) n’existent point à l’état sauvage en Suisse
ni en Savoie. Les individus, du reste excessive-
ment rares, qui s’y sont fait tuer, n'étaient que des
échappés des ménageries, des parcs ou des faisan-
deries de quelques particuliers; aussi, ne mé suis-je
pas déterminé à les comprendre dans cet ouvrage.
126.—Tétras Auerhan /Tetrao Urogallus).
Noms vulgaires : Gros Faïisan, Grosse Jallabre, Faisan des Alpes ; quel-
quefois Faïisan Doré, Faisan Bruant.
Grand Coq de Bruyères ou Tétras (Buff.). — Tétras Auerhan (Teträo Uro-
gallus), Temm.—Tétras Grand (Tetrao Urogallus), Vieill.—Urogallo (Savi).
—Tétras Urogalle {Tetrao Urogallus), Degland.
Ce beau Tétras a, de nos jours, presque com-
plétement déserté nos régions alpestres ; c’est sans
doute au braconnage que l’on y exerce impunément
à toutes saisons et à la dévastation toujours croissante
des forêts, que nous devons cette perte irréparable,
peut-être pour toujours. Il diffère surtout du Tétras
suivant par sa taille constamment plus forte, assez
souvent du double , par sa queue formée de 18
pennes allongées et arrondies à l'extrémité : cette
partie est, chez ce dernier, fourchue, contour-
née sur les côtés et Composée de 16 pennes.
L’Auerhan mâle a 89-90 cent. de longueur de la
pointe du bec au bout des pennes caudales. Mais
comme il varie beaucoup sous le rapport de la
428 ORNITHOLOGIE
taille, on trouve facilement des individus de 67,
69, 70 et 76 cent., et tous proportionnément moins
gros que l'espèce type; au reste, ils n’en dif-
fèrent pas autrement. M. le marquis Costa de
Beauregard a fait hommage d’un couple de ce type
au muséum de la Société d'histoire naturelle de
Savoie, qui fait l'admiration de tous ceux qui le
voient; son riche cabinet ornithologique de la
Motte-Servolex possède deux variétés de taille et
de grosseur très-distinctes l’une de l’autre : un sujet
d'un mètre environ de longueur et un autre de
70 cent. Ma collection a un mâle adulte de 69 cent.
La femelle est presque de moitié ou du tiers plus
petite que le mâle; son plumage est encore très-
différent.
Le male adulte à la tête, le cou, le haut du dos,
le croupion et les couvertures supérieures de la
queue, d’un noir cendré, presque reflété de bleuâtre,
et rayé de zigzags blanchâtres ou d’un gris cendré:
sa gorge seule est noire et recouverte de plumes al-
longées, susceptibles de s’enfler au gré de l'oiseau.
Au-dessus de chaque œil, est une plaque nue, par-
semée de papilles charnues, d’un rouge vif. Sur
les scapulaires et les couvertures des ailes qui
sont brunes, l’on voit une infinité de petites taches,
presque toutes en zigzag, roussâtres au centre des
plumes et cendrées à l'extrémité; les rémiges sont
brunes, mais d’un ton moins foncé sur le bord ex-
ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE.
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lraonidées.
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DE LA SAVOIE. 429
terne des barbes: les pennes de la queue noires,
avec quelques taches blanches. Un vert foncé lus-
tré et à reflets bleus règne à la poitrine ; le ventre
et l'abdomen sont d’un noir bleuâtre, plus ou moins
variés de blanc sur leurs parties latérales et mé-
dianes; les sous-caudales noires, terminées de
blanc. [Les jambes et les tarses sont couverts de
plumes brunes, comme pileuses, parfois variées de
blanc; les doigts sont bruns, pectinés sur leurs
bords. Le bec est grisâtre à sa base, blanchâtre
dans le reste de sa longueur ; l'iris brun clair.
La femelle offre sur ses parties supérieures un
mélange de roux, de noir, de cendré et de blanc,
disposés en raies transversales. Elle est roussâtre à
la gorge et au cou; d’un roux ardent à la poitrine,
puis rayée de roux clair, de noir ou de brun et de
blanc sur les flancs, l'abdomen et les sous-caudales.
Sa queue est noirâtre, largement barrée de roux, et
terminée par une frange blanchâtre. Les plumes
des jambes et des tarses cendrées, tachetées de bru-
nâtre. Le bec est couleur de corne brune en dessus,
blanchâtre en dessous.
Les jeunes, avant la première mue, ressemblent
à la femelle; ils en diffèrent seulement par les bor-
dures des plumes qui sont moins rousses dessus le
corps, et par les parties inférieures qui sont rayées
de noirâtre à la poitrine comme au ventre.
Après la mue, les mâles portent la livrée des adul-
RE
RE TES en 4 = ve 7 ax
Fes
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430 ORNITHOLOGIE
tes; mais le vert de leur poitrine est moins étendu,
moins lustré; le noir est partout plus chargé de
cendré, et l’on y remarque çà et là, pendant la pre-
mière année, quelques plumes rousses, tachées de
noir, qui sont restées de leur plumage de l’enfance.
Le Tétras Auerhan habite l'Allemagne, la Suède,
la Russie et la Sibérie, On le trouve sur les mon-
tagnes du Jura et de la Suisse, dans les Vosges et
les Pyrénées, On le rencontrait assez facilement
dans nos Alpes, il y a vingt à vingt-cinq ans, et
notamment dans les forêts de la Maurienne, de la
Haute-Tarentaise et du Chamonix; mais c’est à
peine si l’on réussit actuellement à l’y remarquer,
même durant la reproduction. À ma connaissance,
un vieux mâle a été tué ces années dernières à la
cime du Mont-Grenier, et une couvée de cinq indi-
vidus persécutée en 1850, dans une forêt de Saint-
Laurent-de-la-Côte, en Tarentaise.
Ce Tétras se plaît principalement dans les
forêts de pins et de sapins, et s’y tient tantôt à
l'intérieur, tantôt sur la lisière. Il se nourrit des
baies de myrtille, du framboisier et du genévrier,
de boutons de fleurs, de bourgeons d'arbres et
d’arbustes, surtout du sapin et du bouleau, enfin
d'insectes, de semences, jusque de celles du pin à
pignons (pinus cembra). Dans les temps de disette,
il gratte la terre avec le bec et les pieds, et se
repaît des graines, des larves ou des insectes qu'il
DE LA SAVOIE. 431
y trouve ; l’on trouve effectivement dans son gésier
de petites pierres, comme dans les Pigeons et d’au-
tres oiseaux essentiellement granivores.
Il entre en chaleur au commencement de mars,
Le mâle se fait alors entendre, par une belle ma-
tinée, dès l’aube du jour jusqu'après le lever
du soleil; puis le soir, dans un temps calme et
serein , un peu avant le crépuscule jusqu’à la nuit.
Sa voix est forte, plus sonore que chez l'espèce
suivante. La femelle fécondée se retire à l’écart, soit
dans les lieux les plus pierreux ou les plus broussail-
leux, soit dans les ravins boisés de son arrondisse-
ment. Elle pond à terre, dans un creux qu'elle-même
prépare et comble de racines, d'herbes et de feuil-
les, 6 à 9 œufs, quelquefois davantage. Ils sont jau-
nâtres ou roussâtres, parsemés de quelques taches
brunes et fauves ; leur longueur est de 6 cent., sur
un diamètre de 4 cent. 1-2 m, Elle a pour sa pro-
géniture les mêmes soins, le même attachement
que la femelle du Tétras suivant ; aussi, pour éviter
répétition, dois-je m’en rapporter aux détails con-
signés dans son article.
Le Tétras Auerhan se tient presque tout le jour
à terre ; il ne se perche guère que pour la nuit, et
de jour pour échapper aux poursuites du chasseur ou
à l’arrêt des chiens qui le pourchassent, Alors il finit
souvent par se blottir sur quelque arbre très-épais,
etse sauve dès qu'il revoit quelque ennemi auprès de
|
|
|
|
h
432 ORNITHOLOGIE
son gîte. C’est surtout le matin et le soir qu’il cher-
che sa pâture; dans le milieu de la journée, il reste
caché dans les fourrés des forêts, quelquefois dans
les rocs couverts de buissons. On l’aborde difficile-
ment, hors la période des amours. A cette saison, il
se laisse surprendre aisément, soit qu’il rappelle une
compagne, soit qu’il s’extasie devant celle qui se
rend à ses volontés, ou qu’il se livre avec elle à
quelque transport. Ravi en extase, il prend les
positions les plus ridicules : son cou tendu s’enfle et
les plumes de la tête se hérissent; sa gorge se
gonfle et les longues plumes qui la recouvrent s’é-
talent comme une barbe épaisse ; la queue s’élar-
git, s’épanouit presque comme celle des Dindons,
et les ailes pendent à terre; enfin il fait la roue, 1l
piafle, il bondit par moments autour de l’objet de
son admiration.
127.—Tétras Birkhan /Tetrao Tetrix).
Noms vulgaires : Faisan, Féjean, Faisan à Queue Fourchue, Faisan Noir,
Coq de Bruyères, J'allabre, Grianot.
Petit Tétras ou Coq de Bruyères à Queue Fourchue (Buft.).—Tétras à Queue
Fourchue (Tetrao Tetrix), Vieill., Degl, — Tétras Birkhan (Tetrao Tetrix),
Temm.—Fagiano di Monte (Savi).
Le Birkhan (Coq de Bouleau) diffère notamment
de l’Auerhan par sa queue fourchue, composée de
16 pennes , dont les externes se contournent en
dehors vers le bout ; par les sous-caudales qui dé-
passent, chez le mâle surtout, l’extrémité des pen-
nes intermédiaires ; enfin par sa taille moins forte
et ses couleurs plus foncées, plus lustrées.
DE LA SAVOIE. 433
Les mâles sont sujets dans nos climats à plusieurs
variétés de taille et de grosseur, cependant moins
sensibles que dans la première espèce. On observe
que les individus qui vivent retirés vers la fin de
la région des forêts alpines, dans des localités
froides, sont généralement plus petits que ceux des
contrées inférieures ou des montagnes de moyenne
hauteur, à pente méridionale. Ces derniers ont
souvent 63, 64 et même 65 cent. de longueur,
tandis que les premiers en ont à peine 55 ou 56,
avec la queue un peu plus petite et évidemment
moins large.
Le mâle adulte et vieux est d’un beau noir à
reflets violets, tirant au bleu, sur la tête, le cou,
la poitrine, le haut du dos et le croupion. Les
plumes de la gorge, quoique moins allongées que
chez l’Auerhan, sont cependant sujettes à s’enfler
au gré de l'oiseau. Üne large membrane papil-
leuse, d’un rouge vif, tient lieu de sourcils. C’est
un noir profond qui règne sur le ventre, les flancs,
les scapulaires, les tectrices alaires et les pennes
de la queue : celle-ci est fourchue et a les quatre
pennes les plus externes de chaque côté, qui sont
les plus longues de toutes, très-contournées exté-
rieurement. Les sous-caudales sont blanches. Les
ailes d’un brun plus ou moins foncé, selon l’âge ;
les rémiges primaires à baguettes brunâtres ou
blanchâtres, et moins foncées sur les barbes exter-
E. EU. 28
—_ ed ed
434 ORNITHOLOGIE
nes que sur les internes; les secondaires terminées
par un liséré blanc; cette couleur, disposée en une
large barre oblique, traverse encore les grandes
couvertures alaires. Les plumes des jambes sont
longues, comme décomposées, et variées de brun
et de blanc; celles des tarses duveteuses, brunes,
très-souvent piquetées de blanchâtre. Le bec est
noir ; l'iris des yeux d’un brun foncé : il tire sur le
bleuâtre après la mort de l’oiseau. Les doigts sont
bruns, et pectinés sur les deux bords.
Les femelles sont toujours plus petites que les
mâles ; elles ont, en général, A5 ou A6 cent. du
bout du bec à l’extrémité de la queue. On les re-
connait encore à leurs parties supérieures rousses,
rayées de noir et de gris plus ou moins roussâtre :
cette nuance, qui est d'habitude très-finement
piquetée de noirâtre, termine les plumes, celles
surtout du dos et du croupion. La gorge est rous-
sâtre, la poitrine et le devant du cou roux, avec
des bandes transversales noires, grises et blan-
ches : ces deux dernières prédominent au bas
de la poitrine et sur les flancs. La bande véru-
queuse , située au-dessus des yeux , est moins
large que chez le mâle. Le ventre est brun noirûtre,
avec ou sans taches rousses, selon l’âge ; les sous-
caudales sont blanches , mais les plus longues
barrées de brun et de roux. Sur chaque aile, on
voit deux bandes blanches transversales. La queue,
DE LA SAVOIE, 435
qui est noire, barrée de roux en travers, a ses
quatre pennes latérales seulement un peu plus lon-
gues que les intermédiaires, et non contournées
en dehors comme chez le mâle ; elle est très-sou-
vent terminée par un liséré blanc ou blanchâtre,
qui s’use avec l’âge. Les plumes des jambes se
trouvent variées de brun, de blanc et de roussâtre:
celles des tarses pileuses, blanchâtres et tachetées
de brun, quelquefois aussi de roux. Le bec est
couleur de corne brune très-foncée: l'iris et les
doigts sont comme dans le mâle.
Les jeunes des deux sexes, avant la première
nue, ressemblent à la femelle; ils sont toutefois
plus largement bordés de gris, de grisâtre et de
blanc, surtout sur les parties supérieures. On dis-
tingue alors les mâles des femelles au moyen des
sous-caudales ; chez le mâle, elles sont blanches,
et les plus longues dépassent les pennes intermé-
diaires de la queue; chez la femelle, elles sont
beaucoup plus courtes, et variées de blanc, de
roussâtre et de noir. Le premier est d'habitude
un peu plus gros que la dernière.
À la première mue, les jeunes mâles se revêtis-
sent de la livrée des adultes, mais elle reste terne
durant là première année; en effet, ils conservent
çà et là sur le noir de la tête, du cou, de la poitrine
et des tectrices alaires, soit de petits traits gris ou
roussâtres, soit presque un liséré à peine visible
436 ORNITHOLOGIE
au bout de plusieurs plumes, ou bien quelques
plumes rousses et barrées de noir de leur livrée
d'enfance, Ces teintes s’efflacent peu à peu au prin-
temps ou en été par la mue ruptle, et à la seconde
mue, leur parure acquiert l'éclat qui lui est pro-
pre.
Dans les régions du Nord, où le Tétras Auerhan
vit communément avec le Birkhan, on rencontre
des métis produits par la femelle du premier et le
mâle du second, et qui tiennent des deux par le
mélange des couleurs. On en a vu accidentellement
dans les Alpes Suisses , mais point encore dans
celles de la Savoie,
Le Tétras Birkhan est assez abondant en Suisse
et en Savoie. 1ly reste toute l’année, même dans les
plus grands froids, sur le sommet des montagnes
très-boisées et les moins fréquentées ; aussi, est-il
habituellement rare dans les localités où les villa-
geois opérent de fréquents abatis d'arbres, comme
dans les bois qui sont chaque jour le champ de
leurs pillages. On le trouve en France, en Alle-
magne, en Belgique, et spécialement dans le nord
_de l’Europe.
Pendant l'hiver, ce Tétras se cantonne dans les
grands bois de pins et de sapins, où 1l subsiste par
les semences et les jeunes pousses de ces arbres.
Cependant il en sort le matin et le soir pour se ré-
pandre dans les fourrés des alentours, surtout dans
DE LA SAVOTE. 437
les taillis de chênes, de hêtres (fayard), de noise-
tiers, de bouleaux, etc., dont les bourgeons ou les
chatons servent encore à sa pâture ; au soleil cou-
chant, il retourne à la forêt, et y sommeille sur
quelque arbre touffu. En courant les bois ou les
broussailles pendant cette triste saison, il se repaît
aussi des baies sèches de genièvre, de myrtille, d’é-
glantier et du bout des feuilles des plantes qui con-
servent alors quelque apparence de verdure. Parfois
il creuse avec le bec et les ongles par-dessous la
neige, dans les endroits où il est sûr de rencontrer
quelque espace où la neige forme une voûte en des-
sus, au moyen des amas de buissons ou de brancha-
ges qui la retiennent. Là, il reste caché tant qu’il y
trouve des herbes tendres, des grains et des four-
mis pour sa subsistance ; quant à ces dernières, il
les cherche jusqu’au fond de leur gîte, où elles sont
alors tout engourdies. Durant l'hiver, les femelles
forment fréquemment ensemble de petites sociétés
qui visitent des régions un peu moins élevées que
les mâles, et se laissent aborder aisément. Souvent
elles se blottissent devant le chien en arrêt ; aussi
tue-t-on plus facilement les femelles que les mâles.
Ces derniers sont toujours plus farouches, et han-
tent des lieux ordinairement moins praticables que
les premières. On les trouve seuls à seuls ou par
bandes plus ou moins nombreuses, tantôt sur les
crêtes des monts, tantôt dans les précipices ou les
138 ORNITHOLOGIE
ravins, tantôt enfin dans des forêts où l’on à peine
à pénétrer. Quoiqu’on les fasse lever près de soi,
l’on n’a pas toujours la chance de les tirer ; très-
souvent ils disparaissent sans qu’on ait eu le temps
de les ajuster, car ils partent de derrière les arbres,
les rocs ou les buissons, qui couvrent leur fuite ; ou
bien ils plongent verticalement dans les rochers, au
sommet desquels on les surprend.
De loin en loin , quelques sujets des deux sexes
se montrent dans les bois des collines ou de la
plaine, où très-souvent ils se sont abattus du haut
d’une montagne voisine, pour échapper aux serres
de quelque oiseau de proie; mais le bruit qu’ils y
entendent, et auquel ils ne sont point habitués, les
inquiète extrêmement ; et de fait ils n’y séjournent
guère que quelques heures, rarement plus d'un
jour, pressés comme ils sont de retourner chercher
la solitude et la tranquillité dans les montagnes, Il
est facile de reconnaître les endroits qu'ils y ha-
bitent de préférence, par les amas de fientes lais-
sées à terre ou au pied des arbres qui leur ont
servi de refuge la nuit; celles-ci sont, l’hiver,
d’une teinte verte qui se convertit en jaunâtre
par la dessiccation, et elles ont souvent 2 ou à centi-
mètres de long.
Le Tétras Birkhan entre en chaleur au mois de
mars, et ses passions sont au comble lorsque en
avril ou aux premiers jours de mai, les arbres se
D
LR
fu
lv
DE LA SAVOIE. 439
recouvrent de feuilles nouvelles. On entend alors à
l’aube du jour et le soir vers le coucher du soleil,
surtout dans les temps sereins ou de vent du sud,
et lorsque la pluie est imminente, lé mâle réclamer
la femelle au moyen de ses cris forts, qui imitent
le roucoulement et résonnent à de grandes distan-
ces. Quoique entendu de près, cet appel paraît venir
d’un lieu éloigné et même opposé, ce qui trompe
souvent le braconnier qui, pour tirer ce Tétras, se
guide d’après ses cris : 1l m’a d’ailleurs semblé que
cet oiseau a le talent de modifier sa voix à la ma-
nière des ventriloques ; de telle sorte qu’on croit
qu’il roucoule au loin, tandis qu’il est près de nous,
sur quelque arbre ou parmi les buissons qui nous
environnent, C’est en effet du bout d’un sapin, d’un
roc ou de quelque pierre qu’il rappelle ; quelque-
fois de terre, au milieu d’un pré ou à la pointe
d’une élévation de terrain, enfin des lieux où il
peut être vu à l'aise des femelles qui viennent au
rendez-vous, ou bien desquels il peut distinguer
l’endroit d’où partent leurs cris, avant de s’y diri-
ser lui-mème à la course ou au vol. La femelle en
amour à effectivement son cri d'appel ; mais c’est
plutôt une espèce de soufflement grave et pro-
longé qu’une sorte de roucouiement,.
Lorsque plusieurs mâles fréquentent le même
canton, ils se réunissent souvent en groupe le ma-
tin sur quelque monticule pour roucouler. Alors
440 ORNITHOLOGIE.
tous en bonne intelligence invitent les femelles du
district à se diriger de leur côté. Aussitôt qu’une
ou plusieurs arrivent au travers des buissons en
s’annonçant par quelques cris, ils courent à leur
rencontre, piaflent en les voyant, et recherchent à
l'envi leurs bonnes grâces. Mais soudain la jalousie
les enflamme , la passion les aveugle. Ils se ruent
l’un sur l’autre pour se disputer la possession de ces
femelles ; ils se frappent à coups de bec et d’ailes,
se terrassent, s’arrachent les plumes de la tête et
du cou, pendant que les femelles, retirées à part,
enflamment par quelques soufflements l’ardeur des
combattants. Les jeunes mâles ne peuvent guère
résister aux coups violents que les vieux leur por-
tent ; bientôt vaincus, ils se retirent de la mêlée
et leur laissent le champ libre. Alors les vieux,
fiers du succès, se promènent quelques instants
d’un pas grave sur les pierres ou le point le plus
élevé du lieu de la lutte. Leurs larges sourcils
rouges s’enflent , les plumes de la gorge et du
devant du cou se hérissent, leur queue s’épanouit,
se dresse en éventail, et les ailes traînent presque
à terre; en même temps ils font la roue, bondis-
sent par reprises à côté de leurs compagnes en
poussant de longs souffles, et s’approchent d’elles
fréquemment ettoujours avec la même chaleur.
Après leur première ardeur éteinte , ils suivent
encore quelques heures les femelles à travers
DE LA SAVOIE. 44]
broussailles et rocailles. Rencontrent-ils dans leurs
trajets quelques mâles, nouveaux rivaux à combat-
tre, ils les assaillent, les repoussent dans un autre
séjour. Ce n’est qu'après avoir épuisé tout leur
feu, qu'ils se déterminent à quitter leurs compa-
gnes, à les abandonner à la merci d’autres amants.
Les femelles du Tétras Birkhan sont à peine
fécondées qu'elles se retirent à l’écart, allant se
cacher pour pondre dans des lieux que les mâles ne
visitent, l’été, guère que par accident ; elles pré-
fèrent pour cela les régions moyennes de nos mon-
tagnes à leur cime, où du reste les derniers fixent
très-souvent leur demeure à l’extrémité de la région
des bois. En effet, elles craignent l’approche des
mâles pendant la période de l’incubation ; car il en
est toujours parmi eux qui n’ont pu, en même
temps que leurs semblables, satisfaire tous leurs
désirs ardents; ceux-là continuent, tant qu’il leur
reste quelque feu à consumer , de roucouler, de
réclamer les femelles, après que les premiers se sont
tus. Réussissent-ils à en découvrir une, quand même
elle serait occupée à couver ses œufs, ils piaffent
devant elle, puis se jettent dessus en l’invitant au
plaisir ; mais repousse-t-elle la tentation pour rester
fidèle à sa couvée, aussitôt ils entrent en fureur, ils
la frappent sans pitié ; quelquefois ils lui meurtris-
sent tellement le crâne, qu'ils lui causent la mort; ou
bien ils cassent ses œufs en se ruant sur elle dans
142 ORNITHOLOGIE
le nid, afin de la forcer plus tôt à céder à leurs sol-
licitations. On a effectivernent trouvé dans nos mon-
tagnes des nids de ce Tétras non-seulement avec les
œufs brisés, mais encore avec la femelle morte des
suites des contusions qu’elle portait à la tête. L’a-
bondance trop grande des mâles dans cette espèce
est nuisible aux couvées; c’est là un fait certain,
reconnu de tous nos braconniers. Il en resterait bien
chaque année au printemps, dans la plupart des
localités, une fois moins que d'habitude, les nichées
ne seraient pas pour cela moins nombreuses; car
un mâle seul suffit à plusieurs femelles.
C’est toujours à terre, dans un petit creux, sous
un buisson, ou au milieu des bruyères et des fou-
sères très-épaisses, quelquefois au pied d’un sa-
pin dont les premières branches pendent et tou-
chent au sol, ou bien encore sous des débris de rocs
amoncelés, que la femelle du Birkhan confectionne
son nid. Elle le fait sans apprêt; la mousse, la paille,
le foin, les feuilles sèches et quelques racines le
composent en entier. Elle y pond, dans le courant
de mai, de 6 à 12 œufs oblongs, d’un roussâtre plus
ou moins pâle et teinté de jaunâtre, avec des points
et des taches d’un brun roux ou couleur de rouille.
Hs varient beaucoup en grosseur ; en moyenne, ils
ont 4 cent. 7-9 mill. de long, et 3 cent. 4-5 mill. de
largeur diamétrale, On arrive facilement jusqu’au-
près de la femelle qui couve, sans la faire fuir ; en
ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE .
Gallinacees. Tetraonidees.
TJ; 2 20.
Lcth. Jé Perrin Libr.Édit. Chambéry. J. Werner dei.& lafh.
1 Tétras Birkhan /77e/ adulte; 430 LTral; P 434.
9 » jtune.0jours après 7 evlosron: 74977aL.; P. 443.
3,4 al de lespéce, gr.nat.
5 Tetras Gelinotte. ae adulte, 19 prrest; P. AA.
6» ) ; dede de femelle a dulle; 15 gr nat.
DE LA SAVOIE. 443
effet, au lieu de se sauver à chaque fois qu’elle nous
voit devant elle, souvent elle reste accroupie sur
ses œufs; mais elle examine nos gestes: et pour
peu qu’ils lui inspirent de frayeur, elle s'envole
brusquement. Cependant les montagnards réussis-
sent fréquemment à la prendre ou à la massacrer
dans le nid.
Les petits naissent vers le 24° jour de l’incuba-
tion. Quelques moments après qu'ils sont sortis de
la coquille, ils courent avec légèreté après leur
mère qui les conduit à la recherche de leur pre-
mière pâture. Comme la poule au milieu de ses
poussins, elle veille constamment sur eux, les rap-
pelle sans cesse par un petit cri propre à la circon-
stance, leur indique les aliments qu’ils doivent sai-
sir par préférence, et souvent elle les rallie autour
d’elle, de crainte que quelques-uns ne s’égarent ou
ne deviennent la proie de quelque ennemi. Ces pe-
tits ont alors tout le corps, même les tarses, gar-
nis d'un duvet serré, jaunâtre sur les parties infé-
rieures, d’un roux marron sur la tête et le dos, avec
quelques barres ou traits noirs ou noirâtres à la
nuque, vers les tempes et au milieu du dos. Du 8° au
10° jour, ils commencent à se couvrir des plumes
de l'enfance aux ailes et à la queue, puis à la poi-
trine, au dos, enfin à la tête. Aux premiers jours de
leur naissance, la mère les tient dans les prés, où
chaque petit ne cesse de becqueter les vermisseaux
444 ORNITHOLOGIE
sur le sol, les moucherons sur les tiges des herbes
et le fin bout des pétales ou des feuilles des fleurs.
Découvre-t-elle une fourmilière, aussitôt elle y
creuse avec le bec et les ongles jusqu’à ce qu’elle
y rencontre les larves dont ses petits se gorgent à
ses côtés. Après leur repas, comme un peu avant
la nuit, elle les mène boire à la source ou au fossé
le plus près, ensuite elle les reconduit au bois; là,
elle les rallie autour d’elle pour les réchauffer sous
ses plumes. Quand ils sont un peu plus forts, elle
les fait nourrir avec les baies de myrtille, de fram-
boisier, et avec des müres sauvages. Quoique avec
leur mère, les petits sont par moments si stupides
qu’ils se tapissent devant le chien en arrêt, et se
laissent prendre à la main. Dans quelques cou-
vées , les mâles se trouvent en plus pelit nombre
que les femelles. J’en ai vu des compagnies de 9 à
10 sujets, et, à leur lever, je distinguais seulement
trois ou quatre mâles : les sexes, du reste, sontalors
très-faciles à reconnaître par leur grosseur, et sur-
tout par leurs couleurs très-distinctes, après la
première mue.
Les jeunes Tétras ne perchent guère avant le
trente-deuxième ou le trente-cinquième jour de
leur naissance. [Ils aiment alors pour se poser, soit
avant la nuit, soit de jour quand ils sont repus, les
hauts buissons ou les arbres rabougris. Si l’on par-
vient à les y surprendre nour la première fois, il
DE DEA SAV OTE. 445
n’est point rare qu’on arrive à eux presque à bout
portant; mais en nous voyant, ils se couchent sur
les branches et y restent si inactifs qu’il faut par-
fois leur lancer des pierres pour les faire bouger ou
fuir. Ils vivent en famille jusqu'à la période des
amours , sans s'éloigner beaucoup de leur séjour
d'enfance. Mais y sont-ils trop persécutés, ils
changent de domicile pour quelques jours, après
quoi ils retournent à leur premier canton avec plus
de défiance ; car si l’on vient encore les y chasser
quand ils sont tout à fait forts, ils fuient de loin
et font de grands vols; souvent ils passent alors du
bout d’une montagne à l’autre.
Sur la fin de l’été et au commencement de l’au-
tomne, les vieux mâles quittent par moinents leur
solitude et viennent grossir les couvées qui sont en-
core sous la direction de leurs mères. Ils cherchent
avec elles leur vie, le matin surtout, parmi les four-
rés, et rentrent ensuite seuls dans la forêt. Comme
elles, ils en ont une de prédilection, où ils se re-
tirent tous les soirs pour y passer la nuit, juchés
sur les arbres; s’ils sont plusieurs ensemble, ils
s’éparpillent, et chaque sujet occupe son arbre. Le
lendemain, à l’aube du jour si le temps est beau,
on les entend s’entr’appeler de tous les côtés de la
forêt; puis on les voit, quand l’air se dore aux pre-
miers rayons du soleil, se diriger un à un, ou par
trois ou quatre à la fois, vers quelque monticule
{
446 ORNITHOLOGIE
voisin, vers celui où ils vont par habitude chaque
jour prendre leur repas du matin : c’est presque tou-
jours un lieu rempli de pierres et de broussailles, im-
planté de myrtilles, de framboisiers, d’airelles et de
genévriers, des baies desquels ils sont très-friands.
Ils associent à ce genre d'aliments les boutons et les
feuilles molles d’un grand nombre de fleurs alpes-
tres, même des plus odoriférantes, et accessoire-
ment les vers, les insectes, les grains et les semen-
ces, Dès la fin de l'automne jusqu’au printemps, ils
ne vivent guère que de chatons, de bourgeons ou de
jeunes pousses d'arbres et d’arbustes alpins, ainsi
que de baies ou de petits fruits sauvages qui ont sé-
ché sur plante. C’est alors la saison la moins favo-
rable pour goûter leur chair ; toutefois, celle des
femelles et des jeunes de l’an est moins dure, moins
parfumée de résine que celle des vieux mâles qui
n’ont cessé de courir les pins et sapins pour 6e
repaître de leurs semences ou de leurs nouvelles
pousses. Cela n'empêche pas que les derniers sont
en tout temps aussi estimés comme gibier que les
premiers.
43%8S,—Tétras Gélinotte /Tetrao Bonasia).
Noms vulgaires : Gélinotte, Ghénilotte, Gelotte, Zelotta, Poule Sauvage.
La Gélinotte (Buff.). — La Gélinotte Poule des Coudriers (Cuv.). — Tétras
Gélinotte (Tetrao Bonasia), Vieill., Temm., Degl. — Francolino di Monte
Savi).
On remarque depuis quelques années, en Savoie,
que ce beau Tétras y devient de plus en plus rare.
DE LA SAVOIE. 447
Comme espèce sédentaire et comme gibier très-
recherché pour les tables, il finira par ne plus se
trouver dans la plupart de nos localités monta-
gneuses , si l’on ne se hâte d'y réprimer, chez les
villageois, la manie de braconner toute l’année, et
surtout aux époques de la pariade et des couvées.
De nos jours, on ne le rencontre déjà plus que
très-difficilement dans divers lieux où, autrefois,
il se maintenait commun, parce que l’on y avait
alors quelque égard aux lois sur la chasse.
Le mâle adulte est de 36 à 87 centim. de taille.
Il a les plumes du vertex allongées et capables de
former une petite huppe, quand il se trouve affecté;
les parties supérieures du corps d’un roussâtre
varié par des traits, par des taches transversales,
noires et brunes : plusieurs plumes, surtout à la
tête et au dos, sont en outre terminées de gris
cendré. Les ailes sont d’un roussâtre cendré , par-
semées de taches noirâtres et blanches ; les rémiges
brunes, mais d’un roussâtre pâle, tacheté à peu
de distance de brun clair, sur le bord externe. La
queue est d’un gris nuancé de cendré, avec des
traits en zigzags noirs, puis traversée presque à
l'extrémité des pennes, sauf des deux médianes, par
une large bande de cette couleur, enfin terminée
par une frange cendrée. La gorge est d’un noir pro-
fond , encadrée par une bande blanche, qui part
du capistrum et descend en s’élargissant jusqu’au
448 ORNITHOLOGIE
devant du cou : une bande de la même couleur se
fait aussi remarquer sur les scapulaires. Au-dessus
de chaque @œ1l, existe un petit espace nu, rouge,
qui tient lieu de sourcils; aussitôt après, appa-
raissent quelques plumes blanches, qui constituent
une ligne longitudinale derrière l'œil. Un beau
roux prédomine sur le haut de la poitrine et sur les
flancs, avec des taches plus ou moins larges,
brunes ou noirâtres et blanches , situées tantôt vers
le centre, tantôt au bout des plumes. Le ventre
est brun foncé dans la partie moyenne de chaque
plume, bordé et terminé de blanc. Les sous-cau-
dales se trouvent variées de brun, de roux et de
blanc. Le bec est brun noirâtre ; l'iris brun ; les
deux tiers du tarse couverts par devant de plumes
soyeuses et brunâtres; l’autre tiers est nu, mais
garni de petites lames écailleuses ; les doigts sont
faiblement dentelés sur leurs bords ; l’ongle du
doigt du milieu paraît plus tranchant que les
autres.
La femelle, qui est toujours un peu moins grande
que le mâle, s’en distingue principalement parce
qu’elle ne porte point de noir à la gorge, comme
lui: cette partie reste chez elle blanche ou blan-
châtre. Les parties supérieures sont bien colorées
comme dans ce dernier, mais les teintes y sont
généralement moins foncées, et d'habitude l’on y
remarque un plus grand nombre de taches. Elle à
DE LA SAVOIE. 449
encore le blanc et le roux de dessous le corps moins
purs que le mâle.
Ce Tétras varie accidentellement d’un blanc plus
ou moins franc, avec quelques plumes de la livrée
ordinaire.
Les jeunes de l’année prennent , à leur première
mue, le plumage de l'adulte, que je viens de dé-
crire, cependant on reconnaît les mâles jusqu’à la
mue ruptile du printemps au roux de leur parure,
qui est moins vif que celui des adultes d’un ou de
deux ans ; au plus grand nombre de taches bian-
ches qu'ils portent dessous le corps ; au bord ter-
minal de leur queue qui est, comme dans les
femelles , sali de brun, et non pas d’un cendré pur
comme chez les premiers.
La Gélinotte habite particulièrement les forêts
alpestres de la Suisse et de l’Allemagne, les mon-
tagnes boisées des Pyrénées, des Vosges, du Dau-
phiné et des Basses-Alpes. On la trouve toute
l’année en Savoie, surtout dans les contrées mon-
tueuses de la Tarentaise, de la Haute-Savoie et
du Faucigny ; elle est tout à fait rare aux environs
de Chambéry, un peu plus abondante dans les
forêts des Bauges et dans les bois quirecouvrent les
monts circonvoisins de la Chautagne , de Rumilly
et d’Annecy.
Ce Tétras aime la solitude ; il la recherche spé--
cialement dans les forêts de sapins et de mélèzes,
DUT. 29
450 ORNITHOLOGIE
dans l’épaisseur des coudriers (noisetiers) et des
taillis de hêtres (fayards) ; quelquefois il la trouve
dans des lieux remplis de buissons de bouleaux, de
bruyères, de myrtilles, de framboisiers, de fou-
sères , et parsemés d’arbres ou très-voisins du bois
où il se retire après ses repas. L'hiver, il s’ali-
menté avec les nouvelles pousses des pins et
sapins , avec les chatons des saules, coudriers et
bouleaux, avec les bourgeons de plusieurs sortes
d’arbustes alpins ; avec des baies sèches et des se-
mences. Îl reste , lorsque la neige est abondante,
caché la plus grande partie du jour sur les arbres
qui lui fournissent sa subsistance ; quelquefois il en
descend pour creuser sous la neige à l’aide du bec
et des ongles, dans les endroits où il est sûr de
rencontrer quelques toufles de genévrier, dont il
aime d’ailleurs les baies : c’est de cette manière qu’il
cherche aussi les arbrisseaux, dont il mange par ha-
bitude les boutons. En été, et durant l'automne,
les baies de bruyères , de myrtilles et d’airelles,
les mûres sauvages, les fruits du framboisier, le
bout des feuilles des plantes et les sommités de
leurs fleurs , surtout des épervières et du serpolet,
forment la base de sa nourriture ; ce n’est que très-
accessoirement qu’il recourt alors aux insectes et
aux grains. Sa chair a toujours été très-recherchée
comme mets succulent. Les naturalistes les plus
anciens ont dit que c'était le seul mets qu’on püt
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DE LA SAVOÏE. 451
se periméttre de faire paraître deux fois Sur la table
des princes.
La Gélinottée ’a toujours paru monogame. En
amour, les mâles ne sont pas querelleurs, comme
ceux des deux espèces précédentes, ils ne se livrent
pas, non plus, comme eux, des combats acharnés
pour la possession des femelles. Habituellement
ils restent avec la femelle qu’ils ont fécondée,
pendant qu’elle s’adonne à l’incubation, et ils l’ac-
compaghent presque à chaque fois qu’elle quitte
le nid pour allér à la recherche des aliments.
Après l’éclosion, ils la suivent encore souvent quand
elle mène ses petits à la pâture, ét poussent
même, comme elle, de petits cris gravés, propres à
rallier la famille.
C’est dans le courant de maï que la Gélinotte
pond en Savoie. Elle se prépare pour cela dans les
fourrés, à terre, dans un petit creux aux pieds des
touffes de coudriers , de bruyères ou de fougères,
et sous d’épais buissons , un nid très - simplement
fait avec de la paille, des feuilles sèches d’arbres
et avec des racines flexibles. En peu de jours, elle
y dépose de 9 à 15 œufs, d’un roux clair, par-
semés de points et de taches, assez souvent rares,
d’un brun marron; quelquefois ces taches ne sont
répandues guère que sur l’une des deux extrémités
de la coque, et alors elles sont ordinairement plus
larges que quand elles se trouvent dispersées sur
452 ORNITHOLOGIE
toute la surface. Ces œufs ont à cent. 7-8 mill. de
longueur , sur 2 cent. 7 + à 8 mill. ; de largeur
diamétrale ; ils éclosent tous le même jour, du
vingt-deuxième au vingt-troisième jour de cou-
vaison. Une heure environ après leur naissance,
les petits, revêtus d’un duvet épais, jaunâtre,
et varié de roux et de brunâtre dessus le corps,
courent avec légèreté après leur mère qui les
conduit à travers bois et prés, à la découverte de
leur première nourriture : ce sont les fourmis et les
petites araignées , les vermisseaux , les menus in-
sectes les plus tendres, les petits limaçons nus,
presque imperceptibles, et l'extrémité des pétales
des fleurs basses, tout récemment écloses, qui la
composent. Chaque jour, vers le milieu de la jour-
née, et le soir, un peu avant le coucher du soleil,
cette mère soigneuse ramène la petite famille boire
sur les bords de la source ou du torrent le plusprès
des lieux où elle la fait vivre. Je l’ai vue deux fois
au milieu de ses petits qui se désaltéraient : une fois,
montée au bout d’une pierre, l’autre, sur une sou-
che renversée. Elle paraissait tout inquiète; les
plumes du vertex hérissées en forme de huppe et
les pennes caudales relevées, très-étalées, elle se
dressait sur le bout des pattes, prêtait l'oreille au
moindre bruit, et portait ses regards vers tous les
coins autour de la couvée. Je poussai un cri; aus-
sitôt elle descendit du juchoir, jetant par un cri
DE LA SAVOIE. 453
grave et prompt, l'alarme parmi les jeunes : et ceux-
ci à l’instant même de fuir ensemble de toute la vi-
tesse de leurs jambes à travers les broussailles. Un
moment après, la mère reparut seule, très-défiante;
et s’acheminant pas à pas, l'œil constamment au
guet, vers l'endroit même où la frayeur l’avait saisie
pour s’assurer du danger, elle m’aperçut ; tout à
coup elle rebroussa chemin, regagna à la course le
bois dans lequel elle venait de faire cacher sa pro-
géniture, sous les buissons. Alors je mis mon chien
sur ses traces, et une fois, en moins de six minutes
de quête, il me fit voir trois de ses petits accroupis
sous les branches basses et rampantes d’un coudrier.
Dès que les jeunes Gélinottes ont mué et sont
très-capables de voler et de vivre isolément , elles
quittent leur mère et s’éparpillent dans les forêts
les plus épaisses. Comme les vieilles, elles y restent
seules à seules, souvent deux à la fois, mâle et
femelle, quelquefois en petites compagnies.
Les Gélinottes ont le vol pesant, très-bruyant et
de courte haleine; maïs, en revanche, elles sont
très- légères à la course. Elles s’entr’appellent ,
mâles et femelles, pendant toute l’année, sauf à la
mue et durant les rigueurs du froid, qui les rendent
taciturnes ; cependant elles viennent alors à l’ap-
peau avec le même empressement qu’au printemps
et après la mue d'automne. Soit pour les appeler,
soit pour les approcher de près, afin de les tirer
154 ORNITFHOLOGIE
plus aisément que dans l’épaisseur des bois, on
se sert d’une espèce de petit sifflet d'argent ou
d’étain, que l’on vend sur nos marchés comme
jouet d’enfant, et même d’une noix de hêtre (faîne)
creuse et percée aux deux bouts: avec ces deux
instruments, on imite bien le cri strident du mâle
et de la femelle, Toutes celles qui entendent l’ap-
peau y répondent, arrivent d'arbre en arbre, ou
d’un seul vol et en battant des ailes, jusque sur la
tête du braconnier qui les laisse ordinairement
poser avant de les tirer. Mais très-souvent il a peine
à les découvrir sur les arbres, parce qu’en s’y per-
chant, elles ont généralement l'habitude de se
blottir ou de s’accroupir sur les branches. Si quel-
ques-unes viennent à la fois s’abattre sur le même
arbre, le chasseur qui se possède peut avoir la
chance de les tuer toutes, en tirant d’abord celle
qui est posée le plus bas; autrement elles s’envo-
lent effrayées plutôt à la chute d’une plus élevée
qu'à la détonation de l'arme.
Ces Tétras se tapissent encore sur les branches
ou les troncs chaque fois qu’ils découvrent quel-
qu'un dans leur solitude: soit un chasseur, soit
l'oiseau de proie. [ls craignent à l'excès ce dernier
ennemi ; aussi, pour éviter sa rencontre, se tiennent-
ils cachés dans les lieux les plus fourrés. Ils partent
toujours brusquement et avec bruit dès qu’ils nous
aperçoivent fort près d'eux ; quelquefois ils s’en-
ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE.
Gallinacees Tétraonidees.
Lith.J® Perrin & Chambery
s.Werner del.& Lith.
1 Tétras Ptarmigan,zea/e adulte aupirintemps, 9 9r.nab, P.455.
9 » » male adulle en ele, 12 grnal.
3 » } Lemelle auulie en Livrée d'ete..
À ) ) male en lurnage d'hpver., 2% gr nat.
ÿ
» ) Lemelle en robe d'hiver: 19 PT Rat.
DE LA SAVOIE. 455
volent quand on s'apprête à les tirer, ou lorsque les
chiens les éventent, et ils disparaissent en s’élan-
çant au-dessus de la forêt.
199.—Tétras Ptarmigan /Tetrao Lagopus).
Noms vulgaires : Perdrix Blanche, J'alabre, Albine, Arbine, Arbenne, Ar-
bena.
Tetrao Lagopus (Linn.).—Le Lagopède (Buff.).—Tétras Lagopède (Tetrao
Lagopus), Vieill. — Tétras Ptarmigan (Tetrao Lagopus), Temm. — Lagopède
Alpin (Lagopus Alpinus), Degl.—Pernice di Montagna (Savi).
Ce Tétras, que l’on nomme aussi Lagopède (La-
gopus, pied-de-lièvre), à cause de ses tarses et de
ses doigts entièrement vêtus de plumes blanches et
laineuses, mue deux fois par année. Sa livrée d’été,
très-distincte de celle d’hiver, fait que parfois on
le prend ici pour la Gélinoite; au contraire,
l'hiver, les chasseurs de plusieurs de nos localités
s’obstinent à le considérer comme une espèce de
Perdrix particulière aux régions neigeuses des
Alpes, où la température fait blanchir sa robe dès
que les beaux jours cessent,
Le mâle de ce Tétras a 35 à 36 cent. de taille.
Pendant l'hiver, il est d’un blanc pur sur tout le
corps; il porte seulement une bande noire, qui part
de l’angle du bec et s'étend jusqu’au delà des veux.
Les pennes latérales de la queue sont aussi noires,
mais terminées par un liséré blanc. Au-dessus de
l’œil se trouve un petit espace nu, rouge, qui se
termine par une petite membrane dentelée. Le bec
456 ORNITHOLOGIE
est noir; l'iris brun; les ongles sont larges, arqués,
obtus, creusés en dessous et noirâtres; les tarses
et les doigts très-garnis de plumes laineuses, plus
longues, plus épaisses, plus blanches que pendant
la saison des amours.
La femelle est un peu plus petite que le mâle;
elle en diffère en ce qu'elle n’a point de bande
noire à travers l’œil et que son espace nu, au-des-
sus des yeux, est moins étendu.
En été, le mâle à la membrane surciliaire plus
large et d’un rouge plus vif que durant l’hiver ; il
conserve encore alors la bande noire qui traverse
les yeux. Ses parties supérieures sont d’une sorte
de cendré teinté plus ou moins de roussâtre, coupé
par de nombreuses bandes transversales noires,
en zigzags à la tête et au cou, et très-rayé de la
même couleur, également en zigzags, sur le dos,
les scapulaires, le croupion, les sus-caudales, et
sur les deux pennes médianes de la queue. La gorge,
le devant et les côtés du cou, la poitrine et lesflancs
sont colorés comme le dessus du cou; assez souvent
la gorge se maintient en grande partie blanche; sur
la poitrine et les flancs et même sur la tête et le cou
l’on remarque fréquemment, surtout en maïet juin,
de nombreuses plumes noires , plus ou moins va-
riées de zigzags roussâtres et blancs : mais à me-
sure que la saison s’avance , le noir de ces plumes
se change en cendré ou cendré gris, et le blanc, en
DE LA SAVOIE. 457
zigzags, s’efface. Les ailes, l’abdomen, quelquefois
aussi une bonne partie du ventre, les jambes, tarses
et doigts restent blancs; toutefois les baguettes des
rémiges sont brunes ou noirâtres, les plumes des
pieds et des doigts moins touflues, moins longues,
et d’un blanc moins pur que pendant l’hiver. Les
pennes de la queue, excepté les deux intermé-
diaires, sont comme dans cette saison.
La femelle, en robe d'été, est encore privée de la
bande noire sur les yeux; au reste, elle est colorée
comme le mâle, mais avec plus de noir à la tête, au
dos, aux sus-caudales et à la poitrine ; avec plus de
roussâtre ou de jaunâtre sur les parties supérieures
et inférieures du corps. Elle est blanche sur le
milieu du ventre, jaunâtre et barrée de noir sur les
sous-caudales.
Les jeunes des deux sexes, avant la première
mue , ressemblent beaucoup à la femelle en plu-
mage d'été, mais ils sont toujours plus petits
qu'elle. Ils ont le corps rayé finement de gris, de
cendré, de noir et de roussâtre; c’est à peine si
l’on aperçoit alors , au-dessus de l'œil, l’espace
membraneux qui doit plus tard , à la mue d’au-
tomne, devenir rouge.
Après celte mue, ils sont blancs comme les vieux
et les adultes; et comme eux, ils prennent au prin-
temps suivant l'habit de noces.
Pendant la mue du printemps qui a lieu en avril
{28 ORNITHOLOGIE
et ne finit guère avant la mi-mai, et pendant celle
de l’automne qui s'effectue vers la mi-septembre
ou en octobre, suivant l’âge des sujets, ces Tétras,
jeunes et vieux, sont plus ou moins bigarrés de
plumes blanches ou de plumes cendrées, marquées
de zigzags noirs, distribuées irrégulièrement sur
les parties du corps, et qui indiquent le passage
d’une livrée à l’autre, Quelques sujets portent en-
core en novembre, cà et là sur le cou et le dos,
quelques plumes de leur habillement d'été,
Le Tétras Ptarmigan est commun, l'été, dans
les régions les plus élevées des Alpes de la Suisse,
du Dauphiné et de la Savoie, Lei, il se plaît surtout
en Maurienne, au Mont-Cenis, au Grand et au Petit
Saint-Bernard et dans le Chamonix, auprès des nei-
ges perpétuelles et dans des lieux souvent presque
inaccessibles, On le rencontre aussi, pendant la
saison des nichées, sur les montagnes les plus hau-
tes et les plus froides des Bauges, notamment à la
cime de Rozannaz, d'Orgeval et du Mont-Tréloz (le
Charbon), sur celles de la Tarentaise, des environs
d’Albert-Ville, de Bonneville, etc., mais jamais en
aussi grande quantité que dans les premières loca-
lités. Il vit dans ces différents lieux de toutes sortes
de petites baies, de feuilles et de boutons de plantes
alpines, spécialement du serpolet (fhymus serpil-
lum, Linn.) qui donne par moments, en automne,
à sa chair un goût recherché des gastronomes, de
DE LA SAVOIE. 459
l’airelle ponctuée (vaccinium vitis idæa, Linn.), de
l’épervière piloselle (hieracium pilosella, Linn.),
du gnaphale pied-de-chat (gnaphalium dioicum ,
Linn.), etc., etc. ; les insectes, les vers et les pe-
tites limaces sont pour lui une nourriture tout
accessoire, Mais aussitôt qu’en automne les neiges
abondantes envahissent le haut des monts, sa
demeure de prédilection, il en descend par bandes
souvent nombreuses, et se fixe dans leurs régions
intermédiaires, où la végétation se maïntient en-
core. Il ne se montre guère plus bas, même en
hiver, que parfois dans les temps de neige, d'orage
et de brouillard, ou lorsqu'il se sauve brusquement
pour échapper à l’oiseau de proie, Au cœur de l’hi-
ver, il reste souvent caché dans les bois, s’y nour-
rissant avec le bout des plantes qui restent un peu
vertes , avec les boutons des arbustes et des buis-
sons qui sortent de dessous la neige.
C’est vers le commencement de mai que l’amour
rappelle ce Tétras sur la cime des Alpes ; alors ses
bandes se dissolvent et les couples se réunissent
pour la reproduction. Le mâle, qui est monogame,
reste avec sa compagne jusque pendant l’éduca-
tion des petits; bien différent des mâles des deux
premiers Tétras, qui laissent les femelles dès qu’ils
n’ont plus de feu à consumer avec elles. Comme
les mâles des Perdrix, il se tient, quand elle
couve, auprès de la nichée; et presque chaque
460 ORNITHOLOGIE
fois qu’elle sort pour aller chercher sa subsistance,
il la suit de près et revient ensuite avec elle au nid.
La femelle du Ptarmigan pond vers la fin de
mai ou dans les premiers jours de juin. Pour cela,
elle se prépare un petit creux circulaire de 20 à
25 centim. de diamètre, au pied d’un roc ou sous
quelque arbrisseau rampant, spécialement sous le
saule émoussé (salix retusa, Linn.)et sous le saule
herbacé (salix herbacea, Linn.) ; ou bien sous une
grosse pierre garnie de mousse ou d’épais lichens
et fixée en terre, quelquefois au milieu des
herbes ou des bruyères, souvent dans des lieux
d’un accès difficile. Ce creux achevé, elle y trans-
porte quelques feuilles sèches, un peu d’herbages
de pré ou de racines flexibles , destinés à recevoir
la couvée. Celle-ci se compose de 7 à 15 œufs
oblongs, d’un gris jaunâtre ou roussâtre, ou d’un
jaune rougeâtre, et couverts de points et de taches
irrégulières, noires ou d’un noirâtre presque lavé
de rougeâtre : ils ont 4 cent. 1-2 mill. de lon-
gueur, et 2 cent. 9 ou 10 mill. de diamètre.
La femelle est si attachée à les couver qu’on la saisit
parfois sur le nid, sans qu’elle fasse le moindre effort
pour se sauver. Les petits éclosent vers le vingt-
troisième ou le vingt-quatrième jour de l’incuba-
tion, tout vêtus d’un duvet laineux, blanc jaunâtre
sur le dessous du corps, et varié de gris, de bru-
nâtre et de jaunâtre sur les parties supérieures.
RER ER ET PS a rames Re
DE LA SAVOIE. 461
Quelques heures après leur naissance, ils courent
_tous pêle-mêle après leurs père et mère parmi les
herbes et les petites pierres ; saisissant à la hâte à
terre, sur la mousse et le long des tiges d'herbes,
les tout petits insectes que l’homme, quoique avec
une fort bonne vue, découvre avec peine. Ils boi-
vent fréquemment les petites gouttes de rosée qui
pendent aux feuilles des plantes, ou l’eau pluviale
qui se loge dans les cavités des pierres. Souvent la
mère les rallie autour d’elle pour les réchauffer quel-
ques instants sous ses plumes, absolument comme
la poule soigne ses poussins. Quand ils sont me-
nacés, elle les fait cacher sous les pierres ou sous
d’épais buissons; mais surpris à l’improviste par
quelque ennemi, avant que le père ou la mère aient
eu le temps de les avertir du danger, ces petits s’é-
chappent en courant de tous les côtés dès que leurs
parents prennent brusquement le vol en se désolant,
et bientôt 1is s’accroupissent dans des creux sous
des rocs amoncelés et sous des arbustes rampants.
Après leur éducation achevée, les jeunes conti-
nuent à vivre en famille jusqu’au renouvellement
des amours. Quelquefois les nichées du même can-
ton se réunissent ; c’est alors que ces oiseaux con-
stituent des troupes de plus de quarante ou cin-
quante sujets qui vivent ensemble dans le plus par-
fait accord, courent presque toujours avec vitesse
quand ils sont à la quête desaliments. Découvrent-ils
162 ORNITHOLOGIE
alors le chasseur, ils s’arrêtent séparément derrière
les pierres, l’épient un instant et se remettent aussi-
tôt à courir un peu plus loin; alors s’ils se voient
encore poursuivis de près, ils partent tous à la fois
d’un vol très-bruyant, et forment, suivant qu’ils
sont plus ou moins rapprochés sur le sol au nio-
ment où ils s’élancent, un ou deux bataillons et
même plus, qui se dirigent néanmoins tous du
inême côté. Lorsqu'on les chasse dans des lieux
ouverts ét chargés de neige, ils ont parfois la ruse,
en nous voyant, de rester accroupis sur la neige,
où en effet la blancheur de leur plumage ne les
laisse guère découvrir,
La chair du Tétras Ptarmigan est fréquemment,
l’automne, parfumée du goût des plantes les plus
odoriférantes de nos Alpes, surtout du serpolet et
du thym, dont les fleurs et les feuilles forment effec-
tivement dans des lieux presque toute sa nourri-
ture. Malgré cet avantage, elle n’est guère estimée
en Savoie ; on l’y apprète souvent comme le lièvre,
en civet, à cause de ses odeurs que l’on dit fortes.
DE LA SAVOTE. 463
Trente et unième Famille.
PERDICIDEES (Perdicidæ).
Caractères : Bec court ou médiocre, comprimé, fort, nu à sa
base, convexe en dessus, et courbé vers la pointe de la man-
dibule supérieure qui recouvre les bords de l’inférieure. Narines
basales, à moitié fermées par une membrane nue et renflée ; très-
souvent un espace nu derrière l'œil. Tarses médiocres, nus, reti-
culés : trois doigts devant réunis à leur base par une petite mem-
brane jusqu’à la première articulation, un derrière ne portant
quelquefois à terre que sur le bout. Ailes courtes, arrondies,
concaves. Queue courte, penchée.
Cette famille se compose ici des deux genres :
Perdrix (Perdixæ) et Gaille (Coturnix).
LVIL: Genre : PERDRIX (Perdix).
Les Perdrix ont toutes un air de famille qui les
fait facilement reconnaître et distinguer des Tétras.
fndépendamment des caractères décrits à l’article
précédent, elles ont la tête petite, ronde; le cou
de moyenne longueur; le corps massif, presque
arrondi; les tarses nullement emplumés, mais
scutellés et médiocres ; les pennes de la queue
constamment courtes et penchées vers terre,
Elles ont presque les mêmes mœurs, les mêmes
habitudes. Lisières des bois, lieux broussailleux ,
vignobles, champs cultivés et rocailles, sont leur
demeure habituelle ; elles vivent là de graines cé-
réales , de semences de plantes , d'insectes et de
vers, Elles passent presque toute leur vie à terre,
464 ORNITHOLOGIE
perchent très-rarement, et ne volent guère que
lorsqu'on les poursuit, ou quand elles se sauvent à
l’arrivée de l’oiseau de proie. Sédentaires dans nos
contrées, elles restent d'habitude cantonnées dans
le district même où elles ont été élevées ; rarement
sortent-elles du pays en automne ou pendant les
rigueurs de l'hiver. Quelques-unes changent seu-
lement de localité, quandelles s’y trouvent rassem-
blées en trop grand nombre; mais habituellement
elles n’opèrent pas de grands voyages.
Les Perdrix vivent en monogamie. Les mâles
sont très-lascifs et même jaloux pendant le temps
des amours. Une fois associés avec une femelle, ils
restent avec elle durant toute la période de la repro-
duction. Celle-ci niche toujours à terre, pond une
grande quantité d’œufs qu’elle couve seule et sou-
vent en présence du mâle. Les petits ont à peine brisé
leurs coquilles, qu'ils se mettent à suivre leurs père
et mère quiles conduisent avec attachement et s’ex-
posent quelquefois pour les sauver du danger :
chaque petit est alors couvert de duvet et pourvoit
lui-même à sa nourriture. Après l'éducation des
jeunes, ces oiseaux restent en famille ou constituent
des bandes assez souvent nombreuses, qui ne se
séparent qu’à la période prochaine. Le chasseur ou
quelque oiseau de rapine parviennent-ils à disperser
les sujets qui les forment, on les entend quelques
heures après, ou le soir, à l’approche de la nuit,
DE LA SAVOIE. 465
se rappeler de tous les côtés. Leur vol est bas,
droit, souvent précipité, et pénible aux premiers
élans, suivant les lieux où ils se trouvent; mais leur
marche est facile, tranquille quand rien ne les
inquiète, très-rapide lorsqu'ils se voient poursuivis.
Souvent ils se mottent à l’arrêt des chiens, puis
s’envolent tous à la fois ou l’un après l’autre, selon
les espèces. Leur chair est délicate et partout très-
recherchée. [ls muent une seule fois dans l’an. Le
mâle et la femelle se ressemblent beaucoup, mais
sont faciles pourtant à distinguer par quelque attri-
but particulier. Les jeunes ne diffèrent des adultes
que jusqu’à leur première mue.
La Suisse et la Savoie possèdent trois espèces
de Perdrix, qui toutefois produisent souvent des
variétés ou races à dimensions et proportions
moindres. Ces oiseaux portent les couleurs de leur
livrée distribuées par masses uniformes. Ils sont
pulvérateurs. Les mâles ont un tubercule calleux
(vulgairement ici, éperon) aux tarses.
186.—Perdrix Bartavelle /Perdix Saxatilis).
Noms vulgaires : La Bartavelle, Bartella, Grosse Perdrix Rouge, Groussa
Petdry Rozet, Perdrix des Rochers, Rocassière ou Rochassière.
La Perdrix Bartavelle (Buff.).—La Bartavelle ou Perdrix Grecque (Cuv.).—
Perdrix Bartavelle (Perdix Saxatilis), Vieill., Temm. — Perdrix Bartavelle
(Perdix Græca), Degl.— Coturnice (Savi).
La Bartavelle est la plus grosse des Perdrix de
nos climats : le mâle adulte à 37 à 38 cent, de
longueur du bout du bec à l’extrémité de la queue.
Comme celui de la Perdriæ Rouge, son plus
TI. 30
466 ORNITHOLOGIE
proche semblable, il a les tarses, le bec, le tour des
yeux et un espace derrière l’œil rouges; l'iris d’un
brun rougeûtre , inclinant au gris quelques heures
après sa mort ; le lorum ou l’espace situé entre le
bec et l’œil noir. Mais il en diffère par les nuances
et la distribution des couleurs des autres parties.
Un cendré teinté de bleuâtre règne sur une partie
de la tête, sur le cou et le croupion; un autre cen-
dré, mais lavé de rougeâtre, couvre le vertex et le
dos. Au-dessus des veux , apparaît un petit trait
blanc, qui se prolonge jusque derrière la région
parotique ; puis une bande noire prend naissance
à la base du front, passe au-dessus de l’œil et s’é-
tend au delà, descend ensuite en un large collier
sur les côtés des joues , de la gorge et du devant
du cou, dont elle encadre le blanc qui les occupe.
C’est encore le cendré bleuâtre qui envahit la poi-
trine ; mais les flancs sont d’un gris bleuâtre clair,
avec chaque plume traversée par deux bandes noi-
res, séparées par une autre bande blanche glacée de
jaunâtre , et terminée par un liséré d’un roux pres-
que marron, Le milieu du ventre, l'abdomen et les
jambes sont d’un jaune roussâtre ; les sous-caudales
d’un jaune d’une teinte un peu plus foncée. Les
ailes se trouvent colorées d’un cendré rougeûtre
comme le dos ou le manteau, et les rémiges por-
tent, vers leur extrémité, une bordure d’un jaune
d’ocre. Les sus-caudales et les quatre pennes inter-
ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE.
Gallinacees. Perdicidees.
Le errin Libr. du. Chambéry.
1 Perdrix Bartavelle,222/e 2 dulle; 4 497r.ral.; p.465:
03 Girls de lespere ; s O1.nàl.
{ Hy bride provenant de l'accouplement de la Perdrix Bartavelle avec la P. Rouge,
n <dulle; 1/7 gr". nal;P. 467.
ù Perdrix Rouge, mâle adulte: gr nat, P#79-6 Zuf delespece;s oral.
lerner del.£ Lith.
DE LA SAVOIE. 467
médiaires de la queue sont cendrées, à peine nuan-
cées de roussâire vers la pointe; les latérales sont
d’un roux vif.
La femelle est plus petite que le mdle: sa taille
est de 34 à 35 cent. Elle est privée de callosités
aux tarses, Son cendré bleuâtre de la tête, du cou,
du croupion et de la poitrine est moins pur; le noir
qui entoure la gorge paraît plus étroit, et les bandes
transversales noires, jaunâtres et rousses des flancs,
sont moins larges que chez le mâle.
Les jeunes, avant la première mue, ont le bec, le
tour des yeux et les tarses d’un rouge pâle; le des-
sus du corps d’un cendré plus ou moins varié de rous-
sâtre et régulièrement tacheté de brun et de blan-
châtre ; après la mue , ils ressemblent aux adultes.
La Bartavelle s’accouple parfois, dans nos mon-
tagnes , avec la Perdrix Rouge. 1 résulte de cette
alliance des sujets qui, par la taille , les couleurs
et leur disposition, tiennent le milieu entre ces
deux espèces. D’habitude le mâle a plus d’affinité
avec la première qu'avec la seconde: c’est le con-
traire dans la femelle. Ces hybrides, que nos chas-
seurs nomment improprement Bartavelles, se dis-
tinguent surtout par leur taille presque un peu plus
grande que celle de la Perdriæ Rouge, et un peu
plus petite que chez la Bartavelle; par le collier
noir qui est comme celui de cette dernière, mais
suivi de quelques taches noires, comme dans la pre-
468 ORNITHOLOGIE
mière, et toujours moins longues, moins nom-
breuses; parles flancs rayés de deux bandes noires
comme chez la Bartavelle, mais dont la supérieure
est peu marquée, assez souvent interrompue dans
son milieu. Enfin, on les reconnaît à leur plumage
qui a moins de gris cendré et plus de roux que celui
de l’espèce de cet article, plus de cendré et moins
de roux que dans la suivante. C’est un hybride de
ces deux Perdrix que M. Bouteille, directeur du
muséum de Grenoble, a publié dans son ornitho-
logie du Dauphiné, comme une nouvelle espèce, sous
le nom de Perdrix Rochassière (Perdix Labatiei).
La Bartavelle est actuellement peu nombreuse en
Savoie; autrefois elle s’y trouvait commune. Ce sont
certains Rapaces , notamment les Faucons et les Au-
tours qui souvent se propagent à proximité de son
séjour habituel, les intempéries, surtout la grêle
dont la montagne a été tant de fois battue ces temps
derniers, et les différents genres de chasse qu'on
n’a pas encore cessé d’y faire toute l’année sur
divers points à toute espèce de gibier recherché,
qui ont chacun de leur côté contribué vivement à
la rendre rare dans ce pays. Elle habite encore assez
abondamment les Alpes Suisses, les montagnes
du Jura, celles des Basses-Alpes et des Pyrénées.
Cette Perdrix se plaît dans des lieux élevés,
arides, rocailleux, et à pente souvent de difficile
accès. Elle ne descend sur les coteaux ou jusqu'à
DE LA SAVOIE. 469
la plaine que pendant les temps de neige ou durant
l'intensité du froid , assez rarement à l’époque des
amours, à moins que les hauteurs qu’elle fréquente
par habitude ne soient encore envahies par les
neiges ; mais à toute autre saison, elle y descend
surtout quand le chasseur ou l’oiseau de proie lui
font la guerre dans sa localité ; et après un séjour
de quelques heures, elle regagne de monticule à
nonticule des régions plus élevées.
Ce Gallinacée s’apparie dans le mois de mars, et
il est très-ardent en amour. Les mâles se provoquent
à grands cris, Se battent parfois avec acharnement
pour la possession d’une femelle qui doit être le
prix du vainqueur. Leur humeur érotique, que-
relleuse et jalouse les rend par moments si furieux
dans le combat, qu'oubliant jusque leur propre
conservation , ils se laissent fusiller presque à bout
portant par les braconniers accourus à leurs cris
sur le champ de bataille. Le cri d’appel du mâle se
traduit par les mots : Kakabi, kakabet, articulés
rapidement, à plusieurs reprises, et qu’il varie par
d’autres accents plus graves, plus amoureux: Cok
cok cokrro, également répétés. En imitant leur
voix , ou celle des femelles , on les aborde facile-
ment ; mais souvent ils accourent eux-mêmes, en
s’entendant rappeler, au-devant du braconnier qui
les attend caché dans des buissons ou sous des rocs
pour les tirer. Autrefois, quand les Bartavelles
170 ORNITHOLOGIE
étaient communes dans ce pays, les villageois de
plusieurs localités les attiraient au printemps, au
moven de l’appeau , jusque dans des piéges tendus
autour de leurs habitations. Se procuraient-ils une
femelle , ils la conservaient vivante , la tenaient au
milieu des engins pour qu'elle leur profität; et
de fait, tous les mâles qui venaient soit à ses cris,
soit à l’appeau du villageois, se précipitaient vers
elle, en l’apercevant , et couraient ainsi, entraînés
par leur ivresse luxurieuse, à leur propre perte.
La Bartavelle se reproduit dans les lieux les
plus déserts, les plus pierreux de sa localité. Pour
pondre, la femelle y choisit l’endroit qui lui paraît
le plus à l’abri des visites des Corbeaux, des
Renards, et d’autres animaux de rapine très-avides
de ses œufs. Elle amasse là dans un petit creux,
sous quelque buisson épais, sous une pierre ou au
pied des rocs recouverts de broussailles ou de
touffes de plantes, quelques brins de paille et
d'herbes, qu’elle mélange avec des feuilles sèches ;
puis elle y dépose, en mai, de 9 à 18 œufs. Ils sont
oblongs, d’un blanc tournant au jaunâtre ou d’un
blanc glacé de roussâtre , pointillés et tachetés de
fauve ou d’un brunâtre inclinant presque au rougeà-
tre. Leur longueur est de 4 cent. 2 à 3 mill., sur
3 cent. 1-2 mill. de largeur diamétrale. La femelle
seule les couve, et le mâle reste toute la durée de
l’incubation aux alentours du nid. T’approche-t-on
DE LA SAVOIE. 471
de trop près, il part en poussant son cri d’inquié-
tude , par lequel il semble redire deux ou trois fois
consécutives : Tra, tre, tri, el va à une petite dis-
tance se réfugier dans les rocs ; mais bientôt après,
on le retrouve dans son premier séjour,
À la naissance des petits, le mâle se joint souvent
à la mère pour les conduire à la pâture : alors l’un
et l’autre de concert les soignent avec amour, les
dirigent , les avertissent du moindre danger par
un cri particulier , leur donnent le signal de la
fuite ou les font cacher sous les pierres et dans
les fourrés. La famille reste unie jusqu’au prin-
temps. Pendant tout le temps qu’elle passe ensemble
après l’éducation, c’est encore le père et la mère,
ou celle-ci seule, qui la dirigent. En se voyant
menacée, soit que le chien du chasseur la pour-
chasse, soit que l’oiseau de proie la guette en pla-
nant dans les airs, cette troupe se blottit à terre,
dans les buissons ou au pied des amas de pierres:
et le danger est-il imminent, tout à coup les chefs
partent; après eux, les jeunes s’envolent tous ensem-
ble ou l’un après l’autre et de différents côtés, selon
qu'ils sont plus ou moins éloignés les uns des au-
tres, etvont àune moyenne distance s’éparpiller dans
les rocailles ou les taillis. Mais le père ou la mère
ne tardent pas à les rassembler, en les rappelant par
leur cri ordinaire; et chaque petit leur répond ense
dirigeant à la course vers le lieu du rendez-vous. Ce
4AT2 ORNITHOLOGIE
sont là les moments où le chasseur, avec un chien
d'arrêt docile, fait toujours d’heureuses rencontres.
La Perdrix Bartavelle se nourrit de graines de
différentes sortes, de semences, de sommités d’her-
bes et de fleurs, de larves, d’œufs de fourmis et
d'insectes. En hiver , elle recourt quelquefois aux
baies sèches et aux bourgeons. Sa chair est très-
estimée; parfois on lui trouve un léger goût d’a-
mertume empruntée, sans doute, des substances
résineuses qu'elle consomme dans les temps de
disette. Son vol est d'habitude court, fort bruyant,
presque toujours précipité. Elle s’accommode assez
facilement de l’état de captivité. Je l’ai vue quelque-
fois vivre aussi librement que la Perdrixæ Rouge
dans des jardins et des maisons. La femelle qui
avait son mâle, y pondait même au printemps,
mais jamais elle ne couvait ses œufs ; on les trou-
vait du reste un à un déposés dans différents lieux.
4181.Perdrix Rouge /Perdixr Rubra).
Noms vulgaires : Perdrix Rouge, Petdry Rozet, Petite Rocassière.
un.
Le mâle adulte de cette Perdrix a 33 à 34 cent.
de taille. Il est d’un cendré roussâtre sur les par-
ties supérieures du corps, mais plus spécialement
teinté de roux à la tête, au cou et sur le haut du dos.
Ses sourcils sont blancs : ils commencent au front
DE LA SAVOTE. 473
et s'étendent jusqu’au delà des oreilles. Les rémi-
ges sont brunes, bordées extérieurement de jau-
nâtre. Les quatre pennes du milieu de la queue
offrent presque la même nuance que le dessus du
corps; les autres sont d’un marron rouge. Le blanc
pur des joues et de la gorge est entouré d'une
bandelette noire, qui part des lorums , passe au-
dessus de l’œil, sur la région parotique, où elle est
un peu marquée de roussâtre, descend ensuite sur
les côtés et le devant du cou, tout en se divisant en
un grand nombre de mouchetures de même couleur,
depuis les oreilles jusqu’à la poitrine. Le milieu et
le bas de cette partie sont cendrés, les côtés colorés
de roux: le ventre et l'abdomen d’un roux clair ;
les sous-caudales d’un roux presque un peu plus
foncé. Les flancs sont d’un cendré bleuâtre, avec
chaque plume marquée, en travers, d’une bande
blanchâtre, suivie d’une autre noire plus étroite,
et terminée par une frange de roux marron. Comme
chez la Bartavelle, le bec, le tour des yeux, avec
un faible espace derrière ces organes, et les pieds
sont rouges; ces derniers ont aussi une callosité à
la partie postérieure du tarse; l'iris est brun rouge.
La femelle est un peu moins grande que le mâle :
elle à 30 à 31 cent. de longueur. Chez elle, les
couleurs sont généralement moins vives; la bande-
lette noire qui encadre le blanc des joues et de la
gorge, est moins large et se divise en moins de
474 ORNITHOLOGIE
taches. Ses tarses n’ont point, comme dans le pre-
mier, de tubercule calleux.
Les Jeunes, en éclosant , sont revêtus d’un
duvet cendré roussâtre sur le dessous du corps,
avec des taches rousses et brunâtres sur les parties
latérales de la poitrine. Ils sont roux à la tête,
variés de brun, de roussâtre et de cendré sur le
corps et les ailes. Leurs tarses sont d’une couleur
de chair rougeûtre.
Plus tard, mais avant leur première mue, ils ont
le dessus du corps brun roux, tacheté irrégulière-
ment de cendré roussâtre, de brun foncé aux sca-
pulaires et aux ailes. Le cendré roussâtre occupe
encore les parties inférieures ; il est moins pur au
milieu de la poitrine et aux flancs, dont l'extrémité
des plumes est rayée de roux.
Après la mue qui commence à la fin d’août où
en septembre, suivant l’âge des couvées, les jeunes
portent la livrée des adultes ou des vieux. Cepen-
dant on peut encore les distinguer de ceux-ci par
la première penne de Paile qui est pointue et termi-
née de blanchâtre.
Toutes les Perdrix Rouges ne sont pas de la même
orosseur ; aussi, nos chasseurs en admettent-ils
deux races qui ne diffèrent absolument que par la
taille : ils les distinguent en Petites et en Grandes ou
Grosses Perdrix Rouges. Ges dernières, que l’on
confond aisément avec les Bartavelles, sont assez
DE LA SAVOIE. 475
rares dans nos contrées et communes dans le Midi.
Ici, elles habitent des lieux moins élevés et moins
froids que les premières ; habituellement on les ren-
contre auprès des carrières, sur les coteaux pier-
reux, et dans les vignobles qui dominent la plaine.
La Perdrix Rouge est plus répandue en Savoie
que la Bariavelle, mais moins nombreuse que la
Perdrix Grise. Comme elles deux, elle y vit séden-
taire. Elle se tient dans les lieux montueux et acci-
dentés, à des régions d’un degré plus basses que
la première espèce. On l’observe surtout sur les
lisières et dans les clairières des bois où rarement
elle pénètre, sur les revers des collines couvertes
de bruvères, de taillis de hêtres et de chênes, ou
plantées de vignes, ainsi que dans les moissons qui
les environnent. Elle se choisit dans ces lieux un
canton qu’elle quitte seulement quand elle y est
trop persécutée ; alors il n’est pas rare qu’elle des-
cende pour quelque temps jusqu’à la plaine ou jus-
qu’au pied des monis adjacents.
Après l’éducation des petits, cette Perdrix vit
encore en famille. Mais comme l’on s’acharne à la
chasser au plus vite, il arrive très-souvent qu'aux
premiers Jours de l’automne, on ne la trouve plus
que solitaire ou par deux ou trois ensemble : seuls
sujets qui restent de quelque compagnie qui était en
principe de 42 à 18 individus. A la mi-février, ou un
peu plus tard, elle entre en chaleur; c’est alors que
476 ORNITHOLOGIE
ses bandes se dissolvent, que les paires s'unissent,
s’isolent. Le mâle, du bout d’un tertre ou de quelque
grosse pierre, fait entendre fréquemment, le matin
et le soir, ses accents d'amour : Ket, ket, ketdin,
ketdin, ketdin, keldinkin, ketdinkin, ket, ket, ket,
keldin, ketdin, ketdinkin, ketdinkin, ket, ket, ket ;
mais vient-on à le surprendre ou à le troubler dans
ses amours, aussitôt 1l s'envole à une petite dis-
tance, ou se retire à la course à travers les buissons,
en exprimant son mécontentement par cet autre cri
particulier, qu’il reproduit plusieurs fois de suite :
Kret, kret, kret, ou kreï, kreï, kreï.
La Perdrix Rouge niche sous les fourrés des
buissons, dans les herbes, les bruyères, quelquefois
dans les vignes, les champs de blé et d’avoine.
Avant de pondre, la femelle y gratte un peu la terre
pour former une petite cavité, dans laquelle elle
apporte des brins d'herbes , quelques racines et
des feuilles sèches. Ce matelas grossier reçoit en
mai, ou seulement au commencement de juin,
12 à 18 œufs, d’un blanc jaunâtre sale ou d’un
fauve clair, ou bien d’un gris plus ou moins rous-
sâtre, et recouverts d’un grand nombre de points
et de taches très-irrégulières, d’un ton plus foncé,
tantôt roussâtres ou brunâtres, tantôt d’un brun
roux. Ges œufs varient beaucoup dans leurs dimen-
sions; en moyenne, ils ont à cent. 8 à 10 mill. de
long, et 2 cent. 9 à 10 mill. de large. La femelle
DE LA SAVOIE. 477
les couve avec sollicitude pendant 22 à 24 jours con-
sécutifs; mais à peine s’adonne-t-elle à ce devoir,
que le mâle devient très-indifiérent pour elle; il la
quitte fréquemment, et va faire bande avec les au-
tres mâles du canton, même avec ceux dépariés par
accident ou qui n’ont pu avoir de femelles ; puis
il revient se montrer de temps en temps auprès de
la couvée. Quand les petits sont éclos, c’est encore
la mère qui reste chargée de les conduire à la recher-
che de leur nourriture qui consiste en vermisseaux,
petits insectes et œufs de fourmis ; elle veille avec
un soin extraordinaire à leur conservation. Le père
suit parfois la famille, mais souvent celle-ci marche
sans lui, Si quelque ennemi dangereux la surprend,
c’est alors que la mère recourt à tous les moyens de
ruse que son instinct lui suggère pour la sauver :
elle s’élance en criant et retombe presque aussitôt
à terre, feignant de ne pouvoir voler; là, elle feint
encore de ne pouvoir courir : elle boîte, bat de
l'aile en se traînant sur le sol, va et vient d’un côté
et d’autre, afin d’attirer l’ennemi à elle, cherchant
à lui donner le change et à laisser ainsi à sa race
le temps de se chercher un refuge. Les petits se
tapissent alors séparément entre deux mottes de
terre, dans un creux, sous les pierres ou sous les
buissons : frappés de stupeur, ils y restent immobiles
tant qu'ils entendent du bruit autour d’eux ou leur
mère se désoler, et trompent facilement l’œil le
478 ORNITHOLOGIE
mieux exercé ; car, dans le premier âge, leurs cou-
leurs ne contrastent guère avec celle du sol qu’ils
hantent.
Au mois d'août, ces perdreaux sont généralement
en état de se soustraire par le vol aux poursuites de
leurs ennemis, et ont bientôt acquis assez de ruse
pour déjouer les calculs les mieux combinés des
chasseurs et pour se dérober à leurs coups de feu.
À cette époque, on les rencontre par compagnies
dans les blés tardifs et les avoines, dont ils se re-
paissent du grain, dans les vignes, où ils mangent de
moment en moment le raisin, et dans les lieux brous-
sailleux, capables de leur fournir baies, semences,
insectes et petits limacons pour leur pâture. Quand
ils sont bien repus et tranquilles, iis s'arrêtent dans
quelque lieu sec, y forment de petits creux pour se
rouler des heures entières tous pêle-mêle sur la
terre ou le sable, comme le font les poules autour
des maisons rurales. Les jours de chaleur exces-
sive, ils entrent quelquefois dans les bois de haute
futaie, pour y chercher la fraîcheur ; de fois à autre
ils perchent sur les branches basses des arbres, ils
montent même, lorsqu'ils sont trop vivement pour-
suivis par les chiens, sur les branches moyennes.
Les Perdrix Rouges sont moins sociables que les
Perdrix Grises. Quoiqu'’elles se réunissent par ban-
des ou restent en famille après leur éducation,
elles se tiennent d'habitude plus éloignées les unes
DE LA SAVOIE. 479
des autres que ces dernières , en pareille circon-
stance : aussi, lorsqu'on les fait lever, elles ne par-
tent pas toutes à la fois, comme elles, pour se
suivre, mais les unes après les autres et de différents
côtés, allant se répandre çà et là dans les bruyères,
genêts, champs, vignes et bois des alentours; puis
au plus tard, à l'approche de la nuit, elles se réu-
nissent toutes en s’entr'appelant, Quand on les
chasse sur le penchant des montagnes, elles plon-
gent verticalement dans les précipices; si l’on va à
leur remise, très-souvent elles regagnent le haut de
la colline. En plaine, elles volent droit et avec roi-
deur. Lorsqu’elles marchent, elles relèvent à tout
moment la tête avec fierté, et l’abaissent ensuite de
manière à la mettre avec le corps dans un plan ho-
rizontal, Mais si elles se sauvent à la course devant
quelque ennemi, leur marche est rampante ; c’est
alors qu’elles vont avec vélocité le long des sentiers
battus, des sillons, et au travers des buissons; puis
tout à coup elles s'arrêtent, épient de derrière une
motte ou une pierre chaque mouvement du chas-
seur, courent un peu plus loin et se gîtent encore
pour le voir venir. Enfin elles ne prennent l’essor
guère que dans le danger imminent; quelquefois
elles franchissent alors de grandes distances; elles
descendent jusqu'en plaine, comme quand elles
fuient pour échapper à l'oiseau de proie, elles s’a-
battent même dans les cours, dans les jardins, ou
480 ORNITHOLOGIE
bien elles entrent jusque dans des maisons. Elles y
tombent lourdement, comme si elles eussent été lan-
cées du haut des airs, et y restent dans un tel état
de stupeur, qu’on les prend souvent à la main sans
qu’elles paraissent songer à se sauver. De pareils
faits se sont reproduits les années dernières dans
notre pays : à ma connaissance, trois Perdrix Rou-
ges et deux Bartavelles y furent prises de la sorte.
La Perdrix Rouge se prive aisément en volière.
Comme la Bartavelle, elle y pond quelquefois,
mais comme elle, elle ne soigne point ses œufs.
M. l'abbé Morat réussit, en 1851, pendant son vi-
carlat au Bourget, à faire couver par une poule
tous les œufs d’un nid de Perdrix Rouge. A l’éclo-
sion, quelques petits périrent ; les autres, sous la
surveillance de cette mère complaisante, se mirent
le jour même de leur naissance à se nourrir des ali-
ments qui leur furent préparés. Un an après, je
revis ces derniers dans les jardins des alentours du
presbytère, où ils vivaient très-librement, retour-
nant à toute heure de la journée dans leur refuge
habituel, chez leur maître.
182.—Perdrix Grise /Perdix Cinerea].
Noms vulgaires : Perdrix Grise, Petdry Grisa ou Griga.
La Perdrix Grise (Buff.). — La Perdrix de Montagne et la Petite Perdrix
Grise, du même auteur, sont des races ou variétés. — Perdrix Grise (Perdix
Cinerea), Vieill., Temm., Degl.—Starna(Savi).
Nos chasseurs reconnaissent dans cette espèce,
les uns deux races ou variétés de grosseur, les autres
DE LA SAVOIE. 481
trois : la petite, qu’ils désignent sous le nom de
Petite Perdrix Grise de Passage, la moyenne et la
grande.
La première de ces races n’est guère que pas-
sagère en Savoie, vers le milieu de l’automne et
à l'entrée de l'hiver; quelques couples rares y
nichent pourtant, dans les régions moyennes et
cultivées des Alpes. Les deux autres sont sédentai-
res, assez répandues.
Quant à la pelite race, que l’on nomme vulgaire-
ment Roquette dans quelques localités en France,
elle porte le même plumage que notre Perdrix
Grise ; mais elle en diffère par sa taille qui est d’un
liers environ plus petite, et par son humeur erra-
tique. Dans ses voyages, qu’elle opère par troupes
souvent très-nombreuses, elle ne se mêle pas aux
bandes de cette dernière ; elle ne reste jamais,
comme elle, longtemps dans la même localité : elle
“abandonne, pour voyager, jusque celle qui l’a vue
naître, quoiqu’elle y trouve sa nourriture en abon-
dance. Plus farouche qu'elle, elle se laisse aussi
plus difficilement approcher. Son vol est en outre
plus soutenu, plus élevé. Son genre de vie difiérent
de celui de la Perdrix Grise l’a fait regarder tantôt
comme une variété locale ou race constante, tan-
tôt comme une espèce parfaitement distincte de
celle-ci : elie est décrite dans plusieurs ouvrages
scientifiques, sous les dénominations : Petite Per-
MIT: 31
482 ORNITHOLOGIE
driæ Grise ou Perdrix de Passage (Perdix Damas-
cena, Latham).
Quant aux deux autres variétés de grosseur, la
moyenne et la grande, elles ont absolument le
même plumage; c’est à peine si elles diffèrent
l’une de FPautre par la taille : la première a un
peu moins d’embonpoint que la seconde, qui, sans
doute, aura vécu un peu plus qu’elle dans l’abon-
dance, ou habité une localité moins élevée, moins
froide. | |
Le mâle adulte de Ia Perdrix Grise a 32 à 88
centim. de longueur.
Il est d’un roux pâle sur le front, au-dessus des
veux, aux côtés de la tête, à la gorge et sur le haut
du devant du cou; d'un brun roussâtre, parsemé
de traits jaunâtres, au vertex, à l’occiput et au
centre de la nuque : les autres parties supérieures
offrent un mélange de cendré plus ou moins brunä-
tre, de zigzags et de traits noirs, avec des taches
d’un roux rouge, des lignes longitudinales d’un
blanc jaunâtre, et de nombreux zigzags roux jau-
nâtres sur les ailes. La queue se compose de 18 rec-
trices dont les 12 latérales sont d’un roux rou-
seûtre, terminées par un liséré gris, à peine visible,
et les 6 médianes variées de cendré, de roux et de
noir, à peu près comme le dos. Le cou, la poitrine
et les flancs sont cendrés, garnis de zigzags noirs,
avec de larges bandes transversales d’un roux
DE LA SAVOIE. 483
rouge sur les flancs, et de petits traits longitu-
dinaux blancs au milieu des plumes. Le haut
du ventre est marqué d'une large plaque d’un
marron foncé , en forme de fer à cheval, et enca-
drée de blanc ou de blanchâtre ; l'abdomen d’un
blanc ocrassé ; mais ses parties latérales, ainsi que
les sous-caudales, sont d’un blanc roussâtre, par-
semé de taches brunes ou brunâtres, avec du blanc
le long de Ia direction des baguettes des plumes.
Le bec est brun olivâtre; l'iris d’un brun roux ; les
tarses gris. Derrière l'œil, est un petit espace nu
et rouge. ;
Chez la femelle, tes couleurs se trouvent généra-
lement plus foncées ; le roux de la face paraît moins
étendu ; le dessus de là tête est parsemé de petites
taches arrondies, d’un blanc roussâtre ; la plaque
du haut du ventre est blanche, beaucoup moins
prononcée que dans le mâle; mais dans un âge
avancé, elle prend plus d'extension, elle se colore
de brun.
Les jeunes, en se dépouillant du duvet blanc rous-
sâtre, qui est leur premier habillement, se revêtis-
sent, dans les deux sexes, de plumes d’un gris rous-
sätre sur le devant du corps, et de plumes brunes
jaunâtres, variées de bandes et de raies d’un brun
noirâtre, en dessus. [ls n’ont point alors d’espace
nu et rouge derrière les yeux, ni de fer à cheval sur
le ventre ; leurs pieds sont jaunâtres. Ils gardent
ORNITHOLOGIE
484
cette livrée jusqu'à leur première mue qui com-
mence vers la fin d'août ou dans les quinze pre-
miers jours de septembre, suivant leur âge. Alors
ils se colorent comme les adultes.
La Perdrix Grise varie accidentellement du blanc
pur au blanc roussâtre. Ces couleurs sont générales
ou partielles : dans ce cas, elles se trouvent quel-
quefois variées des couleurs ordinaires, ou distri-
buées par plaques ou par grandes taches sur quel-
ques parties du corps.
Cette Perdrix est sédentaire et la plus commune
de toutes dans nos localités. Elle habite diverses
contrées de l’Europe; mais plusieurs pays la pos-
sèdent toute l’année, tandis que d’autres ne la voient
paraître guère qu’à l’époque de ses voyages d’au-
tomne et d'hiver. M. le docteur Degland, de Lille,
dit qu’elle est aussi rare dans le midi de la France
que la Perdrix Rouge y est abondante ; et de fait,
celle-ci y est commune.
Elle aime ici les pays de plaine un peu élevés, les
coteaux ou la base des monts qui les dominent, etse
tient dans les moissons, les trèiles, pélagras,
vignes et broussailles. Les lieux accidentés ont pour
elle peu d’attraits; elle ne s’enfonce dazs les forêts
que quand elle se voit poursuivie par le chasseur ou
par l’oiseau de proie. D'un naturel très-sociable,
elle vit en famille ou par bandes jusqu à la fin-
février, époque à laquelle ses amours commencent.
DE LA SAVOIE. 489
Dès lors, on ne la revoit plus que par paires jus-
qu’à la naissance des petits.
Les Perdrix Grises vivent presque à la manière
des Perdrix Rouges, et comme elles, elles mar-
chent, courent plus souvent qu’elles ne volent. Mais
réunies en compagnie, elles ont plus soin qu’elles
de rester rapprochées les unes des autres : aussi,
quand on les aborde, les voit-on partir toutes à la
fois, se suivre et s’abattre ensemble à quelque dis-
tance du lieu d’où elles se sont levées. Si l’on tire
leur bande au lever , très-souvent on la disperse ;
mais quelques heures après, elles se retrouvent
toutes en se rappelant par des cris aigres, qui imi-
tent en quelque sorte le bruit d’une scie, et retour-
nent ensuite dans le plus parfait silence à leur can-
ton. La voix des mâles est plus forte, plustraînante
que celle des femelles. Si, lorsqu'ils sont assemblés,
ces Gallinacées découvrent quelque oiseau de ra-
pine , aussitôt ils se groupent, se serrent les uns
contre les autres, comme s'ils devaient lui en impo-
ser par leur nombre ou repousser à l’envi ses atta-
ques ; mais dès qu'ils voient le danger, ils s’envo-
lent en toute hâte, se jettent dans les bois, les fourrés,
les blés ou les jardins, où ils se blottissent à terre,
tenant souvent la tête cachée ou enfoncée dans un
trou ou sous des feuilles. fls sont alors si stupides,
qu’on parvient quelquefois à les prendre, sans qu'ils
fassent le moindre mouvement pour s'échapper.
186 ORNITHOLOGIE
Comme leurs congénères, nos Perdrix Grises
passent assez constamment leur vie dans les lieux
où elles sont nées: on a beau les en chasser souvent,
toujours on les y retrouve le lendemain ou quelques
heures après leur fuite. Mais si la localité possède
plusieurs compagnies, une ou deux d’entre elles Ja
quittent, et vont s'établir dans quelque district voi-
sin. Graines céréales, insectes, larves, petits coquil-
lages, vermisseaux , sommités des herbes les plus
tendres, celles surtout des blés verts, des laitues,
des séneçons, composent leur principale nourriture,
Quelquefois elles creusent dans les terrains humides
pour y trouver les vers qu’elles affectionnent, dans
les fourmilières pour dévorer les œufs ou larves
qu’elles recèlent, Comme les Perdrix Bartavelles et
les Perdrix Rouges, elles grattent la terre sèche et
légère, afin de s’y rouler dans leurs moments de
tranquillité ; comme les dernières, elles montent
parfois sur les branches basses des arbres, soit
pour y jouir de la fraîcheur de la brise pendant les
chaleurs, soit pour se soustraire au danger, surtout
aux poursuites de l'oiseau de proie. Mais elles ne
se déterminent à s’y loger guère que lorsqu'elles
sont seules où réunies par paires; quand , en pa-
reille circonstance, elles se trouvent par bandes,
elles préfèrent se retirer à la fois dans les fourrés
des broussailles ou des herbes , pour s’y tapir.
La Perdrix Grise s’apparie à la fin-février ou au
DE LA SAVOIE. 487
commencement de mars. Le mâle et la femelle
poussent alors le même chant: Tütrhuat tittrhuit
hittrhuit, avec la différence que la dernière en arti-
cule les syllabes plus promptement que le premier.
La femelle pond habituellement sur la fin d’avril ou
dans les vingt premiers jours de mai, et le mâle
reste auprès d’elle pendant tout le temps qu’elle s’a-
donne à l’incubation. Il ne prend point part à ses
peines ; seulement il l'accompagne quand elle sort
du nid pour aller aux vivres. Pour couver , la
femelle fait choix d’un petit creux peu profond,
soit au milieu des blés, trèfles, luzernes, pélagras,
soit dans les herbes des prés artificiels, soit sous
les buissons ou au pied de quelque arbre qui re-
jette par la base; mais si elle n’en trouve pas de
son goût, elle s’en forme un elle-même en quel-
ques moments. Cette cavité est ensuite garnie
d'herbes sèches, mélangées avec de la paille ou des
feuilles ; elle reçoit 10 à 18 œufs, d’un gris jau-
nâtre ou d’un gris cendré verdâtre, sans taches.
Pour longueur, ils ont 3 cent. 5-6 mill., et 2 cent.
6 à 7 mill. de largeur diamétrale. Les œufs de la
petite race, citée en tête de cet article , sont con-
stamment plus petits : ils ont 3 cent. 3-4 mill. de
long, et 2 cent. 4 ou 5 mill. de large. En recher-
chant les herbes, les trèfles et les pélagras pour
s’y reproduire, cette espèce s'expose à se voir en-
lever sa couvée; et en effet, souvent elle y couve
488 ORNITHOLOGIE
encore quand on les coupe en mai ou aux premiers
jours de juin , en plaine ou sur les coteaux. Alors
elle est forcée d’abandonner le nid à la merci des
faucheurs. Quelques jours après , elle fait une se-
conde ponte de 8 à 12 œufs ; mais les perdreaux
qui en résultent ne se trouvent jamais forts pour
l’ouverture de la chasse: plusieurs périssent alors
par les chiens qui les pourchassent.
Les petits de la Perdrix Grise brisent leurs co-
quilles du vingt-unième au vingt-deuxième jour de
couvaison. Ils éclosent tous le même jour, se sau-
ventavec leurs père et mère, et prennent eux-mêmes
la nourriture que ceux-c1 leur indiquent: elle con-
siste alors en menus insectes, œufs de fourmis, vers
et vermisseaux. Quelque temps après, ils commen-
cent à se repaitre du fin bout des herbes tendres,
puisils ne vivent de graines guère avant qu'ils aient
toutes leurs plumes, celles qui succèdent au duvet
qu’ils apportent en naissant. Pour les soustraire à
quelque ennemi, quand ils ne sont point en état de
voler, le père et la mère recourent aux mêmes
moyens de ruse décrits à l’article de la Perdrix
Rouge. Les plumes des ailes sont les premières qui
leur poussent; aussi, est-on surpris de les voir volti-
ger quand ils ne sont pas plus gros que des Cailles,
etavec tout le corps revêtu de duvet. Ils se tiennent
toujours très-rapprochés de leurs parents, et partent
tous à la fois au premier signal du père ou de la
DE LA SAVOIE. 489
mère. Si, par quelque accident, cette troupe vient
à se séparer , ce ne sera que deux ou trois heures
après que ses auteurs chercheront à la réunir, au
moyen de leurs cris. Chaque soir, à l’arrivée de
la nuit, ils font l’appel des pelits, et leur assignent
un refuge ou les abritent sous leurs plumes; le len-
demain, bien avant le lever du soleil , il y a un se-
cond appel, et les petits ne sont pas plutôt réunis,
que toute la bande marche ensemble à la pâture.
La Perdrix Grise est très-recherchée pour les
tables quand elle est jeune. Il est des amateurs de
gibier qui la préfèrent à la Perdrix Rouge. Quoi-
que d’un naturel sauvage, elle est pourtant sus-
ceptible d'éducation et d’une familiarité extrême
lorsqu'on l’élève très-jeune, ou lorsqu'on la fait
naître et élever par des poules. En obtenant ces ré-
sultats, des personnes ont essayé plus d’une fois
d'en peupler leurs parcs ou leurs volières; mais
leurs tentatives ont toujours été infructueuses.
Quant aux œufs qu'elle pondait, elle les laissait
de côté et d’autre, sans les soigner.
LVSHIe Genre : CALILLE (Coturnix).
Caractères génériques : Bec court, faible, nu à sa base, convexe en dessus,
un peu courbe vers le bout Narines nues.à moitie clo:es par une membrane
renflée. Orbites garnis de plumes; point d'espace nu derrière les yeux, comme
chez les Perdrix. Tarses lisses, sans callosités dans les deux sexes. Queue
courte, penchée vers la terre, et cachée par ses couvertures superieures. Ailes
pointues.
L'Europe possède une seule espèce de Caille.
(Quelques auteurs la maintiennent dans le genre
€
490 ORNITHOLOGIE
Perdrix, et se bornent à en former une section.
Cependant les Cailles diffèrent des Perdrix par des
caractères extérieurs, par un port qui leur est pro-
pre, par quelques-unes de leurs mœurs et habitu-
des. Elles sont nomades, vivent en polygamie, res-
tent isolées après l'amour, et ne se réunissent en
bandes que pour opérer leurs voyages. Les femelles
seules soignent leurs petits ; mais après l’éduca-
tion, elles vivent, comme eux, solitaires.
183.—Caille Chanteuse / Coturnir Dactylisonans)].
Noms vulgaires : Caille, Caillaz, Caïa.
La Caille (Buff.).— La Caille Commune (Cuv.). — Perdrix Caille (Perdiæ Co-
turnix), Vieill., Degl.—La Caille (Perdix Coturnix), Temm.—Coturnix Dac-
lylisonans (Meyer et de S.-Longch.).—Quaglia (Savi).
Nos Caïlles varient beaucoup de la taille et de la
srosseur, absolument comme la Perdrix Grise. Ces
différences sont ordinairement plus notables chez
les mâles que chez les femelles; comme dans cette
Perdrix, elles proviennent des localités plus ou
moins froides que ces oiseaux fréquentent, et de la
nourriture qu'ils y trouvent plus ou moins abon-
damment. Leurs habitudes erratiques doivent y
être aussi pour quelque chose; et de fait, les mâles
ne cessent de courir çà et là au printemps à la re-
cherche des femelles pour les féconder; ils errent
encore pendant qu’elles vivent sédentaires, qu’elles
sont occupées à couver, à élever leurs petits; aussi,
les femelles ont-elles, dès l’âge adulte, les dimen-
sions plus constantes que les mâles.
2 0 2
ORNITHOLOLOGIE DE LA SAVOIE .
Gallinacées. Perdicidees.
TI 227£
à
si
h. JE Perrin Libr.f rt ha LP er y. JAY ETREE GEL, KL LCU
1 Perdrix Grise . adulte; 119 nal,;P.460- 93 Œuts de lespece:gr rat
4 Œuf de ferdrrx de fassage te Rd Crise ;9T-nal; P 461.
5 Caille Chanteuse, za Le adulle en ele,’ Sornal, P 4590.
6 » » Lete de lemelfe ae Le 2 1 gTraË .
1-9 Zur de lespece, à or.nal.
en
DE LA SAVOIE. 491
La Caille a 17 à 20 centim. de longueur.
Le mâle adulte et vieux, en élé, a le haut de la
tête varié de noir et de roussâtre, avec trois bandes
longitudinales d’un blanc roussâtre : une de cha
que côté au-dessus de l’œil, en forme de sourcils,
une au milieu de la tête, Il est cendré brun sur les
parties supérieures et les sus-caudales, et varié par
des taches noires, par des raies transversales d'un
roux pâle, par des traits longitudinaux blancs jau-
nâtres sur les tiges des plumes. Ses joues sont bru-
nâtres, finement tachetées de roussâtre; la gorge
est d’un roux rembruni, entourée de deux bandes
noires ou brunes noïirâtres, souvent séparées l’une
de l’autre par du blanc ou du blanc roux. La poitrine
et lesflancs ont du roux assez clair, maillé de blanc
le long de la baguette desplumes, et tacheté de brun
et de roux vif sur les flancs. Le ventre, l'abdomen
et les sous-caudales sont blanchâtres ou d’un blanc
roussâtre. La queue est formée de 1/4 pennes, bru-
nâtre, et rayée en log et en travers de blanc jau-
nâtre. Le bec est brün ou brun noirâtre ; l'iris brun
roux ; les pieds couleur de chair, assez souvent la-
vée de jaunâtre.
La femelle est reconnaissable à sa gorge blan-
châtre ou blanche roussâtre, sans taches ni bandes
rousses et noires ou noirâtres ; à la partie infé-
rieure du devant de son cou et à sa poitrine rous-
sâtres, tachetées de brun, Elle à en outre les
492 ORNITHOLOGIE
teintes du dessus du corps plus foncées, le roux
des flancs moins vif que le mâle.
Les jeunes, avant leur première mue, n'ont de
ressemblance qu'avec la femelle, mais ils sont tou-
jours plus pelits et plus tachetés de brun sur la
poitrine. Leurs tarses sont jaunâtres; le bec bru-
nâtre, et la couleur principale du dessus du corps,
d’une nuance penchant à l’olive.
Les jeunes mâles de l’année ne prennent du noir
et du roux brun à la gorge, du roux vif aux flancs,
qu'à l’arrivée du printemps , dans les climats
chauds, leur séjour d'hiver, et avant de rentrer en
Europe.
La Caille habite pendant l’été et une partie de
l'automne presque toute l’Europe et le nord de
l'Afrique, et partout on la recherche comme bon
gibier. À l'approche de l’hiver, elle émigre dans le
sud de l’Afrique, ou se répand en Asie et en Syrie.
Comimne les Martinets de Murailles et les Bruants
Ortoluns , les Cailles commencent à nous arriver
en Savoie vers la mi-avril ou un peu plus tard,
dans les derniers jours du mois ou la première
semaine de mai, suivant que le printemps à été
plus ou moins précoce et le temps propice à leur
traversée: c’est sud ou sud-est qu'elles prennent
pour retourner en Europe, et nord-est pour aller
passer l'hiver en Afrique. Elles apparaissent tou-
jours un peu plus tôt dans les contrées méridionales
DE LA SAVOIE. 493
de l’Europe, d’où les premiers coups de vent du sud
nous lesamènent ensuite peu à peu au crépuscule du
soir, oudenuitquandil fait clair de lune, et de grand
matin. Les premières qui arrivent ici se jettent
dans les prairies et les blèés qui leur offrent suf-
fisamment de verdure pour s’y cacher, et c'est
pour cela qu’on les nomme presque partout Cailles
Vertes. Ordinairement elles viennent par bandes
plus ou moins nombreuses, qui s’éparpillent dans
les plaines par où elles passent. Si, à leur passage
du printemps chez nous, la saison se maintient
douce et le blé ou l'herbe sont assez élevés, assez
épais pour leur servir de refuge, elles y restent en
quantité pour se reproduire ; les pluies ne les en
chassent pas, si elles ne sont ni trop longues ni trop
froides pour la saison.
Les Cailles sont à peine arrivées dans nos cli-
mats, qu’elles entrent en amour. Viennent-elles
par un beau temps, elles annoncent le jour même
du retour leur présence dans les blés, trèfles, luzer-
nes et prairies : le mâle par son cri fort et sonore,
ketkaya ketkaya kelkayac, ou piapaya piapaya
piapayae, qu’il fait précéder d’une sorte de miau-
lement : Mia ouan ouan, mia ouan ouan, ou sim-
plement ouin ouin, ouin ouin; la femelle par un
cri très-différent, très-imitable avec l’appeau arti-
ficiel ; elle reproduit les syllabes : Crui crui, crui
crui, crui Crui, crui crui, d’un ton presque sifflé.
494 ORNITHOLOGIE
Ce n’est que pour appeler le mâle qui doit la fécon-
der qu’elle pousse ce cri, et quoiqu'il soit faible et
qu’on ne l’entende qu’à une petite distance, lé mâle
cependant y accourt au vol ou à la course d’un
demi-kilomètre : aussi, a-t-1l plus d’ardeur qu’elle
en amour. Du reste, la femelle ne court pas à la
voix du mâle, comme le mâle se précipite à la
sienne, et avec tant d’étourderie qu’il vient la cher-
cher jusqu'aux pieds de la personne qui imite sa
voix, ou plutôt dans le piége qu’elle lui tend. Quand
il se croit près de la femelle, il lâche plus fréquem-
ment son miaulement, mia ouan ouan, que son cri
d'appel ordinaire : quant à ce dernier, il ne le jette
alors guère que lorsqu'il ne la rencontre pas, et à
chaque cri il remue brusquement la tête d’un côté
et de l’autre. Mais en l’apercevant, il court à elle
avec célérité, s'arrête à ses côtés, et tourne à plu-
sieurs reprises autour d'elle en piaffant, poussant
des soufflements, de vrais soupirs d'amour, tenant
les ailes traînantes, le cou tendu et les plumes qui
le recouvrent depuis la gorge jusqu’à la poitrine
singulièrement enflées. Il se maintient dans de
pareils transports jusqu'à ce que sa compagne se
couche pour être cochée.
Les mâles, pendant la période de leurs amours,
sont très-faciles à chasser; et en effet, on les chasse
partout de différentes manières : au moyen de l’ap-
peau artificiel, avec le tramail, la tirasse, le traî-
DE LA SAVOIE. 495
neau, etc. Il suffit de savoir bien imiter le cri d’ap-
pel des femelles pour rassembler les mâics autour
de soi, les conduire ou les attirer dans des piéges
qu’on leur tend de préférence le soir, un peu avant
la nuit, et de grand matin. Le tramail est une sorte
de filet à mailles en losange, fixé par de petits
pieux, que l’on tend à travers les moissons ou les
herbes, et dans lequel les Cailles s’empêtrent en
courant. La chasse à la trasse est la plus fructueuse
de toutes, elle peut se faire depuis l’arrivée des
Cailles jusqu'à leur départ : c’est un filet long de
80 à 40 pieds sur 20 à 30 de large dont les mailles
en losange ont 3 à 4 cent. Pour le faire agir, il faut
être deux; un seul pourtant à la rigueur peut suf-
fire en fixant sa firasse par un pieu; et comme les
Cailles sont toujours à terre, il n’y a rien de plus
facile de les environner et de les couvrir avec le
filet. Le traîneau est une espèce de tirasse dont
un côté rase la terre, ramasse les Cailles et autres
espèces d'oiseaux, absolument comme un filet
prend le poisson de la partie d’une rivière dont il
balaye le fond. Ces deux derniers genres de chasse
sont spécialement en usage dans quelques îles de
la Méditerranée et sur les côtes de France, où les
Gailles arrivent par milliers à la fois en automne
avant d’émigrer en Afrique, et au printemps pour
se répandre dans les divers climats de l’Europe :
on en détruit alors des masses, et des gens en font
496 ORNITHOLOGIE
un grand commerce. Pour chasser la Caille au
printemps en Savoie, l’on se sert particulièrement
d’une sorte de filet à mailles, aussi en losange,
qu’on étend comme une couverture sur les blés et
les herbes, où les mâles rappellent ; puis en imitant
bien la voix des femelles, on amène les premiers
jusque dessous le piége ; aussitôt qu’on les ÿ décou-
vre, on s’élance vers eux; à l'instant même ils
prennent vol, frappent contre le filet et y forment
une espèce de poche, où ils restent pris.
Comme certains Tétras, les Gailles sont poly-
games, et comme chez eux , le même mâle peut
féconder plusieurs femelles ; mais on remarque
que celles-ci, en général, pondent moins d'œufs
que leurs semblables qui vivent en nombre dans
des lieux où abondent également les mâles : les
premières font ordinairement de 8 à 12 œufs, les
dernières de 14 à 18. Cependant, si les mâles sont
beaucoup plus nombreux qu’elles dans quelque lo-
calité , alors ils deviennent nuisibles aux couvées.
En eflet, ceux d’entre eux qui n’ont point encore
eu de compagne, comme ceux auxquels il reste
quelqués feux à consumer, continuent de courir à
la recherche des femelles, qu’ils ne cessent de rap-
peler ; en trouvent-ils une sur son nid, ils piaffent
à ses côtés, se ruent sur elle pour la cocher; et
pour peu qu’elle leur résiste tout en restant cou-
chée dans le nid, ils ne tardent pas, dans leur
DE LA SAVOTE. 497
fureur érotique , à la pousser dehors, à casser ses
œufs ou à les disperser autour de la cavité qui les
renferme. C’est en la délogeant, en lui brisant
ses œufs, qu’ils réussissent à l'emmener avec eux,
puis à étouffer peu à peu l’ardeur de leurs passions.
Mais sa nouvelle ponte n’est jamais aussi nom-
breuse que la première ; elle est souvent tardive,
et les Cailleteaux qui en proviennent ne sont guère
forts à l’ouverture de la chasse. Ils périssent alors
par les chiens qui les lassent en les pourchas-
sant jusqu'au point de les forcer à se tapir de-
vant eux.
C’est à terre, au milieu des blés, herbes, trèfles,
luzernes et pélagras, que la femelle de la Caille
cache le plus souvent sa couvée ; mais avant d'y
pondre, elle gratte un peu la terre avec le bec et
les ongles, de façon à y former un petit creux,
dans lequel elle rassemble quelques brins d’herbes
et de racines fibreuses. Sa ponte est de 8 à
18 œufs, très-variables tant par la couleur du fond
que pour la forme et la distribution des taches.
Habituellement ils sont ventrus, un peu piriformes,
d'un blanc jaunâtre, verdàätre ou fauve plus ou
moins clairs, avec des points, avec de larges et
petites taches irrégulières, brunes ou brunâtres, ou
d’un brun foncé inclinant à l’olive. Leur longueur
est, en moyenne, de 2 cent. 8-9 mill., sur un dia-
mètre de 2 cent. 2-3 mill.
D UTT, S 2
498 ORNITHOLOGIE
La femelle couve vingt à vingt et un jours con-
sécutifs dès qu’elle a pondu le dernier œuf, et
avec tant d’'assiduité qu’on Ja prend fréquemment
sur le nid. Tous ses œufs sont ordinairement fé-
conds. Les petits, au sortir de l’œuf, sont couverts
d’un duvet blanc jaunâtre, courent et pourvoient
eux-mêmes à leur subsistance. La mère seule les
accompagne et les conduit à peu près de la même
manière que les Perdrix ; de temps en temps elle
les rappelle par un petit cri doux, réservé pour
cette circonstance ; et dans les premiers jours de
leur naissance, elle les fait passer la nuit cachés
sous ses plumes.
Les Cailleteaux ont bientôt acquis tout leur
accroissement, et leur éducation n’est jamais aussi
longue que celle des Perdreaux. En trois ou qua-
tre mois, ils ont toute leur grosseur et sont en état
d'effectuer d'aussi longs voyages que leurs vieux
semblables. Ils se séparent de bonne heure de leur
mère pour vivre isolément ; on prétend qu’ils peu-
vent déjà se passer d’elle dès que les premières
plumes paraissent sur tout leur corps. Quand ils
sont avec elle, ils ne se tiennent pas toujours rap-
prochés les uns des autres; aussi, lorsqu'on les
fait lever, prennent-ils l’essor les uns après les au-
tres et de différents côtés. Les femelles qui n’ont
plus de progéniture à soigner sur la fin de juin,
font assez souvent une seconde ponte de 7 à
DEGEA, SAVMOTE: 499
10 œufs. Les jeunes de la première nichée vivent
alors éparpillés dans les champs, les prés et les
vignes, s’y alimentant de petits insectes, de lar-
ves de fourmis, de vers, de grains ct de sommités
d'herbes.
Lorsqu'à la fin de juin ou aux premiers jours de
juillet, la chaleur est accablante, les blés, trèfles et
foins sont coupés dans nos plaines, les mâles de
Cailles, vieux et adultes, s'élèvent de nuit, et en
se rappelant, jusque dans les champs des lieux
montueux, où les récoltes Sont tardives. Quelques
femelles lés y suivent et pondent quelques jours
après qu'elles y sont fixées. Les couvées restent
dans leur localité ; elles ne la quittent que pour
émigrer vers d’autres climats. En même temps
il nous arrive. des contrées du midi de l’Europe
beaucoup d’autres Cailles, des mâles surtout, qui
viennent aussi chercher dans nos montagnes la
fraîcheur, un asile et des aliments dans les blés
et les avoines. De ce qu’il se trouve parmi eux des
sujets un peu plus petits que d’autres, plusieurs de
nos chasseurs s’imaginent, mais très-impropre-
ment, que ces nouveaux venus sont les jeunes des
premières couvées qui ont déjà eu lieu dans les
régions méridionales, surtout en Provence; et en
effet, ils les nomment Cailleteaux de Provence. Ces
petits voyageurs ont tous le plumage d'été propre
aux Vieux où aux adultes d’un ou de deux ans de
300 ORNITHOLOGIE
l'espèce type ; ils ont aussi leur cri d'appel d'amour.
S'ils étaient de la première nichée, comme on le
croit, ils n’auraient pas encore, quand ils nous
arrivent, atteint l’âge de deux mois (car il est rare
qu’on trouve en Provence de tout petits Caiïlleteaux
avant la mi-mai); et dans cet état, seraient-ils assez
forts. assez vigoureux pour voyager? auraient-ils
déjà les cris, la livrée des premiers? Certainement
non; car les jeunes Cailles ne voyagent guère avant
l’âge de trois mois et quand elles ont tout leur ac-
croissement ; elles n’acquièrent que dans leur séjour
d'hiver, avant de rentrer en Europe, le plumage et
le cri d’appel fort et sonore qui caractérisent les
adultes et les vieux de l’espèce pendant l'été.
Les Cailles descendent ici des montagnes aux
premières pluies froides qui y surviennent et lors-
qu’on y récolte les avoines où elles se tenaient
cachées. Elles s’abattent de nuit ou le matin vers
la plaine, et se jettent dans les vignobles et les sar-
rasins (blés noirs) de la graine desquels elles sont
très-friandes ; dans les vignes, elles se repaissent
de grains de sénecons, de panics et de mercuriales.
Elles attendent là l’automne pour effectuer leur long
voyage,
Nous avons chaque année, en Savoie, un petit
passage de Cailles, de vieilles surtout, vers le mi-
lieu ou sur la fin d'août. Un autre passage formé
d'individus de tout âge , mais plus abondant et
DE LA SAVOIE. 301
qui dure plus de temps que le premier , s’opère
ensuite vers le 15 ou le 20 septembre, au plus fort
des migrations du Râle de Genét ( vulgairement
Roi de Cailles). Enfin un troisième passage de
Cailles à toujours lieu vers le 6, le 8 ou le 15 oc-
tobre, rarement plus tard ; c’est le plus abondant
de tous, et on y trouve surtout les jeunes de l’année.
Nos chasseurs s’en vont alors les chasser dans les
vignes et les sarrasins. Les Cailles passent en au-
tomne par les vents du nord et d'ouest, le jour qui
précède la pluie tout comme le lendemain qu’elle
est tombée, quand la nuit qui l’a suivie a été froide
et sans nuages. Mais si les vents du sud et du sud-est
règnent, nous n'avons point de forts passages de
ces oiseaux dans nos vallées. Après les frimas de la
fin d'octobre, on rencontre de temps à autre quel-
ques Gailles très-grasses ou des Cailleteaux d’une
couvée très-tardive, qui ne peuvent émigrer, mais
ces sujets sont habituellement pris ou tués avant
l'hiver ; on les trouve particulièrement dans les
vignes ou le long des haies.
Pour émigrer , la Gaille se rappelle au moyen
d’un petit cri faible, doux et presque sifflé, se réu-
nit en bandes plus ou moins nombreuses, et s’en-
vole soit à l’arrivée de la nuit, soit de nuit quand
il fait clair de lune, ou de très-grand matin. Elle
passe le jour entier dans les champs ou les vignes,
et reprend le vol le soir, après le coucher du soleil,
302 ORNITHOLOGIE
Elle traverse par troupes considérables la Médi-
terranée pour aller séjourner , l'hiver, en Afrique,
Asie, Syrie, etc.; mais souvent les vents contraires
la forcent de s'arrêter dans les îles qu’elle rencon-
tre. Les îles et les écueils du Levant se trouvent
fréquemment couverts des volées de cet oiseau, et
les habitants en font un très-grand commerce.
La Caille est souvent difficile à faire lever, surtout
quand elle est surchargée de graisse; elle ne prend
le vol que dans le danger ou bienen se voyant pour-
suivie vivement par le chien du chasseur. Elle s’é-
lève du sol avec bruit et en jetant un petit cri, vole
bas, droit, en battant des ailes avec tant de célé-
rité qu’on ne s'aperçoit presque pas de leurs mou-
vements, et bientôt elle se laisse retomber à terre,
comme si elle y était entraînée par son propre
poids. Aussitôt posée , elle se remet à courir, fait
tant de chemin en un instant, qu'en allant à sa re-
mise, on la fait très-souvent lever à une grande dis-
tance du lieu dans lequel on l’a vue s’abattre. Dans
ses voyages, son vol est au contraire élevé, très-
soutenu. Elle vit de blé, de sarrasin, de millet, de
chènevis ; de panics, d'herbes vertes et tendres,
d'insectes et de vermisseaux. Elle peut bien se
passer de boire pour quelque temps, car rarement
on la voit aller à l’eau; cependant lorsqu'elle est
près de la boisson, elle y va d'habitude vers le
milieu du jour ou à l’approche de la nuit, Elle est
DE LA SAVOIE. 503
dans son séjour plus oisive, plus susceptible de
graisse que les Perdrix ; aussi, est-elle plus facile
à tirer au lever. Elle se plaît assez à la captivité,
pourvu qu’on lui donne les vivres en abondance et
un peu de sable fin dans quelque coin de sa cage,
pour l’y faire rouler de temps en temps après ses
repas. Elle se montre, surtout aux époques des
migrations de ses semblables libres, le jour triste,
comme endormie, et s’agite tous les soirs depuis le
coucher du soleil jusque vers le milieu de la nuit,
puis encore à l’aube du jour. Au reste, c’est pour
elle une habitude, un besoin, car en liberté elle
dort aussi une bonne partie de la journée pour se
remettre des fatigues de ses courses ou de ses
voyages nocturnes.
FIN DU TOME TROISIÈME.
ete 27 A Eté nt Dm 20 7 re TT
TABLE DES MATIÈRES
DU TOME III.
Tableau Méthodique de la Troisième Partie............... ne
5° ORDRE (suite du). Passereaux (Passeres)............. 7
93e FAMILLE... Tichodromidées (Tichodromidæ).... ...... Ÿ/
GENRE XLIII... Tichodrome (Tichodroma)................. 9
Tichodrome Échelette (T'ichodroma Phæni-
CODEN) EEE CR ie = ee loiele e elec 10
DADPAMILER:.ASiitidées (Std) Me Pine es à se 01e ee 21
GCENRECX LIVE 20SittellentSitta) re EN . Le 22
Sittelle Torchepot(Sitta Europæa)......... 23
25e FAMILLE.. Parusidées (Parusidæ).......... Re Meter 33
GENRE EN PE MÉSAn Se NPURUS) PERLE nec ces e se 36
Jr Sechon.m--Sylvicoles (SYyIvicolR). 2.002202... 000" 36
Mésange Grosse Charbonnière(ParusMajor) 37
Mésange Petite Charbonnière (Parus Ater). 47
Mésange Bleue (Parus Caæruleus).......... 55
DeLS'ection.. -...
3° Section. .....
26° FAMILLE...
GENRE XLVI...
l'e Seclior
2e Section
3° Section
Lou...
TABLE DES MATIÈRES.
Mésange Huppée (Parus Cristatus)........ ”
Mésange Alpestre (Parus Alpestris)...,.... 66
Mésange Nonnette (Parus Palustris)....... 76
Méganures (Meganuri).. eme TE enr 80
Mésange à Longue Queue (Parus C'audatus) 81
Mésange à Moustaches (Parus Biarmicus).. 90
Calamophiles (Calamophih)............... 94
Mésange Rémiz (Parus Pendulinus)........ 95
Fringillidées (Fringillhidæ)...",..,.......... 98
Fringille Mfrimglligh res... 0... 101
Longicones (LOngConD.- 0-7 meet 102
Fringille Chardonneret (Fringilla C'arduelis) 103
Fringille Venturon (Fringilla Citrinella).... 111
Fringille Tarin (Fringilla Spinus).......... 147
Fringille Boréale (Fringilla Borealis)...... 123
Fringille Sizerin (Fringilla Linaria)......, 127
Brevicones (BreviCOM) Er ee 136
Fringille de Montagne ( Fringilla Montium) 136
Fringille Linotte (Fringilla Cannabina).... 139
Fringille Pinson (Fringilla Cælebs)........ 150
Fringille Pinson d’Ardennes (Fringilla Mon-
UTINQUID) ee ae een rene 160
Fringille Niverolle (Fringilla Nivalis)...... 169
FaticonesMEGUCON) EMTEC ICRA Det LT)
Fringille Moineau (Fringilla Domestica).... 180
Note sur la Fringille à Tète Marron ou
d'Italie (Fringilla Italiæ)...........,..... 192
Fringille Friquet (Fringilla Montana)... ... 193
Fringille Soulcie (Fringilla Petronia)....... 200
Fringille Serin ou Cini (Fringilla Serinus).. 204
Fringille Verdier (Fringilla Chloris)....... 210
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TABLE DES MATIÈRES. 507
GENRE XLVII.. Gros-Bec (C'occothraustes) Te De D PAU a PA LT à 217
GENRE XLVIII.
GENRE XLIX...
GENRE L..
GENRE LI.
27° FAMILLE...
GENRE LII
Gros-Bec Vulgaire (Coccothraustes Vulgaris) 218
BOUVrEUB URI) EC PAL EE 225
Bouvreuil Vulgaire (Pyrrhula Vulgaris) et
Bouvreuil Ponceau ou Grand Bouvreuil
BuymnulaiCoccinen) RU. Reel ee 226
Bec Cros (Lord) NE EE EEE 234
Bec-Croisé des Pins (Loxia C'urvirostra).... 236
Bruant (Emberiza).......... Me MORT 247
Bruant Jaune (Emberiza C'itrinella)........ 249
Bruant Ortolan (Emberiza Hortulana)...... 257
Bruant Z1z1 (Emberizsa Cirlus)............. 263
BruantiRou (Embenza Cia) RER RNREe 269
Bruant de Roseaux (Emberiza Schœniculus). 275
Bruant Proyer (Emberiza Miliaria)......... 281
Plectrophane (Plectrophanus).............. 289
Plectrophane de Neige (Plectrophanus Ni-
Plectrophane de Laponie (Plectrophanus
LAHPOTACUS) PRES Re ete 293
Motacillidées (Motacillidæ)................ 297
Bergeronnette (Motacilla).... ,........... 299
Bergeronnette Grise (Motacilla Alba)...... 301
Note sur la Bergeronnette Lugubre (Mota-
cilla Lugubris) et la Bergeronnette Yarrel
(Motacilla Yarrelu)...,....... Dobddencne 311
Bergeronnette Jaune (Motacilla Boarula)... 312
Bergeronnette Printanière (Motacilla Flava) 320
Note sur la Bergeronnette Flavéole (Mota-
cilla Flaveola), la Bergeronnette à Tête
Grise (Motacilla Cinereocapilla), et la Ber-
GENRE LII]....
28° FAMILLE...
GENRE LIV.....
6° ORDRE...
29° FAMILLE...
GENRE LV.....
° ORDRE...
30° FAMILLE...
GENRE LVI....
31° FAMILLE...
TABLE DES MATIÈRES.
geronnette Mélanocéphale (Motacilla Me- Fa
lanbeenhaln):.2::.. 08 RER re 328
PIDATAMTAUS). , 2-1 Re Dr A RE 329
Pipi Richard (Anthus Richardi)............ 332
Pipi Rousseline (Anthus Rufescens)........ 337
Pipi Spioncelle (Anthus Aquaticus)........ 343
Pipi Farlouse (Anthus Pratensis)........... 352
Pipi des Buissons (Anthus Arborens)....... 360
Alaudidées (Alaudide).. 0. 0-0 370
Alouette (412240)... EC Ce 371
Note sur l’Alouette Calandre (Alauda Ca-
landra) et l’Alouette Calandrelle (Alauda
Brachydachyla) 7,20 373
Alouette des Champs (Alauda Arvensis).... 375
Alouette Cochevis (Alauda Cristata)....... 385
Alouette Lulu (Alauda Arborea)........... 389
Pigeons (Colin) PR ECE CPE CPE LPPET 397
Colombidées (Columbidæ)...............+. 400
Colombe (Combe) Eee re 403
Colombe Ramier (Columba Palumbus)...... 404
Colombe Colombin (Columba Œnas)....... 411
Colombe Biset (Columba Livia)............ 413
Colombe Tourterelle (Columba Turtur).... 416
Gallinacées (Güalline) RCE eee 421
Tétraonidées (lelraomde) etre ee 424
Détras(Tetrao) MR ARR ne EURE 426
Tétras Auerhan (Tetrao Urogallus)......... 497
Tétras Birkhan (Tetrao Tetrix)........ .... 432
Tétras Gélinotte (Tetrao Bonasia).......... 446
Tétras Ptarmigan (Tetrao Lagopus).... ... 455
Perdicidées (Perdicidæ)
GENRE LVII...
GENRE LVIII..
TABLE DES MATIÈRES.
Penn (BB eRdiT) ne. unes cinelsee S PR PER
Perdrix Bartavelle (Perdix Saæxalilis)......
Perdrix Rouge (Perdix Rubra)...,.........
Perdrix Grise (Perdix Cinerea).............
Cale CourMr een ele eee
Caille Chanteuse (Coturnix Dactylisonans)..
FIN
DE LA TABLE DU TOME III.
509
Pages
463
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Paris. — Imprimerie Bonaventure et Ducessois, 55, quai des Augustins.