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Full text of "Pensées de Marc-Aurèle"

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PENSÉES  DE  MARC-AURÈLE 

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d'Auguste    COUAT 

ÉDITÉE    PAU 

Paul   FOURNIER 


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Bordeaux.       Imprimerie  (J.  Goi  \<>i  ilhoi  .  rue  Guiraude,  9-1 1 


PENSÉES 


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M  AROVI  RÈLE 


i  h  \  m  i   i  i"\ 


d'Auguste    COUAT 

ni  i  mi  i.    Dl     i  '  \<   \i'i  mil    Dl     BORDI  \'  \ 


I   I  > I  I  I  i      I'  \  li 


Paul   FOURNIER 

M  M  MU  ni  CONFÉRENCES  A  LA  FACULTÉ  DES  LETTRES  Dl  r.'i  m  \  i.m-i  m'  Dl  BORDE AU! 


BIBLIOTHÈQUES    * 


Bordeaux  : 

FERET  &  FILS,  ÉDITEURS,   i5,  COURS  DE   L'INTENDANCE 

Lyon  :  Henri  GEORG,  36-4%  passage  de  l'Hôtbl-Dieu 

Marseille:  Paul  RUAT,  54,  rue  Paradis   Montpellier:  C.  GOULET,  j.  Grard'Rue 

Toulouse   :   Edouard    PRIVAT,     ù.    rle    des  Arts 

Paris  : 
A.   FOISTEMOliNG,  Libraire  des  Écoles  françaises  d' Athènes  et  dl  Home 

hue   Lk  Go»  r 


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IVERTISSEMEN1 


I  e  livre  ésl  l'édition  d'une  traduction  donl  l'auteui  i  i 
manuscrits.  L'un  Ml  &  peu  près  complet  :  il  \  mampi 
ou  trois  pensées  entières,  et,  ci  el  là,  une  phrase  dan  rpsou  j 

la  lin  des  paragraphes,  .ni\  passages  douteux  donl  le  tradu<  leoi   i 
désespéré  d'abord,  et  à  l;»  place  «I»  ^*|u<'U  il  avait  parlai-  nui  :     inin 
telligible.  i  Le  nombre  el  l'importance  dei  corrections,  de 
entières  bouleversées  el  complètement  refaites  attestent  le  loin  qu 
lionne  M.  Coual  à  cette  première  Forme  de  ion  oeuvre 
critiques,  les  traits,  1rs  points  d'interrogation  dans  les  iimi-.  -.  ou, 
dans  le  texte,  de  vastes  ratures  -.m-  correction  correspondant 

variantes  entre  lesquelles  il  resterait  à  prendre  parti,   témoignent  qu'il 

n'en  était  pourtant  point  satisfait,  et  semblent  réclamer  une  revision. 

Le  second  manuscrit  de  M.  Couat  est  constitué  par  des  feuilles 

volantes;  il  commence  au  second  livre  et  ne  contient  guère  plu-  d'un<* 
moitié  de  l'ouvrage.  La  netteté  de  ces  pages  écrites  sans  rature,  l*al 
dance  des  notes  qui  discutent  le  texte  grec  et  défendent  l'interprétation 
adoptée  (l'autre  manuscrit  ne  contient  pas  de  notes),  et  l'interruption 
même  de  la  traduction  au  début  du  livre  I\  ne  permettent  pas  de 
douter  que  ce  travail  ne  soit  la  revision  du  précédent.  Ici,  M.  Couat. 
pour  un  temps  au  moins,  a  fixé  sa  pensée  et  rejeté  truite  variante  : 
aucun  signe  dans  la  marge  n'indique  le  besoin  ou  l'idée  d'une 
retouche.  Malgré  tout,  il  n'est  pas  présumable  que  M.  Couat  eût  porté 
sans  les  revoir  ces  pages  à  l'imprimeur,  et  qu'il  eût,  sans  les  modifier 
encore  en  maint  endroit,  signé  le  bon  à  tirer.  D'abord,  il  reste  aussi 
dans  ce  second  manuscrit  quelques  vides  à  combler:  ensuite,  on  y 
retrouve  intacts  des  passages  qui  avaient  été  condamnés  dans  la  pre- 
mière traduction  :  ou  bien  c'est  une  rédaction  qui  avait  été  sacrifiée  à 
une  autre  et  qui  reparaît,  sans  qu'on  aperçoive  les  raisons  de  ce  retour 
de  faveur;  ou  bien  c'est  une  phrase  entièrement  neuve,  qui  peut-être 
vaut  mieux  que  les  deux  ou  trois  variantes  du  premier  manuscrit,  — 
et  les  supprime,  —  qui  peut-être  n'est  qu'une  variante  de  plus*.  Sans 
doute,  le  progrès,  dans  l'ensemble,  est  manifeste  :  on  trouve  pourtant 
dans  le  brouillon,  écrite  au  crayon  ou  d'une  encre  plus  fraîche,  telle 

1.  Cf.  infra  IV.  3i  et  la  note. 


(J  BIBLI01  m  v»i  i     Di  9    i  m\  ERS1  rÉ8    Dl      MIDI       ■ 

retouche  qui  est  la  bonne,  <ii  < } u i  doit  être  postérieure  à  la  seconde 
rédaction  de  la  traduction  des  Pensées, 

\\i\>\  Le  premier  manuscrit  es!  le  seul  pour  une  moitié  <!<'  l'ouvrage; 
pour  l'autre  moitié,  il  n'est  pas  annulé  par  le  second.  Il  fallait  encore 
tenir  compte  d'un  troisième  document,  daté  de  l'année  même  de  la 
mort  de  M.  (louai  (1898):  un  Lexique  dea  principaux  termes  philoso- 
phiques  des  Stoïciens,  dont  il  n'a  pas  eu  le  temps  de  B.e  servir  lui- 
même,  et  qu'il  s'était  constitué  à  l'aide  de  certains  travaux  d'autruii 
de  nature  diverse  et  de  valeur  inégale,  comme  La  traduction  du  Manuel 
(T Épie  tète  par  Thurot  et  la  Philosophie  der  Griechen  de  Zeller. 

Cet  état  des  manuscrits  et  ces  notes  annexes  fixaient  La  tâche  de 
L'éditeur.  Tant  qu'il  s'est  agi  de  choisir  l'une  de  trois  variantes  entre 
lesquelles  le  traducteur  avait  hésité,  le  lexique,  d'une  part,  et,  de 
L'autre,  l'interprétation  du  même  mot  en  d'autres  parties  de  l'ouvrage 
ont  pu  suflire  à  trancher  la  question.  On  a  pu  ainsi  espérer  un  moment 
mettre  d'accord  entre  elles  sur  le  sens  du  même  terme  les  diverses 
pages  de  la  traduction  :  quand  ce  terme  est  to  r^'s^r.y.cv,  il  est  parfois 
impossible  et  il  est  toujours  pénible,  dans  un  livre  écrit  en  bon  fran- 
çais,  net,  bref  et  aisé,  de  substituer  aux  mots:  a  raison,  volonté  ou 
conscience,  »  le  «  principe  dirigeant  »,  qui  devait  pourtant  prévaloir. 
11  était  beaucoup  plus  hasardeux  encore  de  prétendre  combler  les  vides 
des  manuscrits  et  traduire  les  passages  qui  avaient  paru  inintelligibles 
à  M.  Gouat.  Mais,  le  plus  souvent,  la  difficulté  pouvait  être  résolue 
par  une  correction  du  texte  grec.  Le  premier,  M.  Gouat  avait  plus 
d'une  fois  préféré  à  la  vulgate  les  conjectures  de  divers  éditeurs  de 
Marc-Aurèle.  Il  en  avait  fait  lui-même  plusieurs,  qu'il  indique  dans 
les  notes  de  son  second  manuscrit,  ou  qu'il  est  facile  de  retrouver 
sous  la  traduction  des  derniers  livres  k  A  son  exemple,  on  a  essayé, 
quand  l'ingéniosité  des  Gasaubon,  des  Gataker,  des  Goraï  et  des  Stich 
n'y  avait  pas  suffi,  d'amender,  pour  le  traduire,  le  texte  traditionnel 
des  Pensées. 

Restent  les  passages  de  la  traduction  que  M.  Couat  avait  condamnés 
de  lui-même,  sans  avoir  eu  le  loisir  de  les  reprendre.  Autant  de  cruces 
pour  l'éditeur.  Il  fallait  d'abord  comprendre  la  signification  du  trait 
marginal  ou  de  la  rature  :  était-ce  le  texte  grec  qui  avait  paru  contes- 
table au  traducteur?  était-ce  le  premier  sens  qu'il  lui  avait  trouvé?  ou 
bien  était-il  mécontent  d'une  locution,  d'un  tour  de  phrase?  s'était-il 
attardé  à  la  recherche  d'un  effet?  Les  corrections  qu'il  a  pu  achever 
montrent  à  quel  point  il  était  soucieux  de  l'allure  de  son  style  :  ce  n'est 
pas  seulement  le  sens  de  l'auteur  grec,  c'est  le  ton  même  qu'il  voulait 
rendre.  Une  traduction  qui  avait  précédé  la  sienne,  et  dont  la  grandi- 
loquence n'est  pas  le  moindre  défaut,  lui  fut  sans  doute  bien  utile  en 

1.  [Exemple:  la  correction  de  rt ji.fi v  en  orrt[i5v  à  la  pensée  XII,  3i. 


Il  I  >l        M   \  I.'  \  I    l.l    I    I 


le  mettant  con  tamnienl  en  gard<  i  >ntn  uni  I 

m, i|.   in.  h  e  i  i  ii«»i>  oratoire   il  pensai)   d  lilL  m     que  Ui  Hdéli 

plai  an<  e  du  tradu<  teui  limitât,  que  lui  impose  i 

même  de  i  I  ingu<  el  pu  plu  que  I  bonn<  \>-  h<-i  ron  il  m-  •■  ; 
soucié  de      reproduire   I  attitude    ex!  i  allun     \w-tw   «t   la 

marche  .  de  son  autrui  uve<    un.    il     do(  il  qu  D 

traiter  dans  son  II  le    inflnitil    en    ub  tre 

en  parasite    el  i  isqm  r  de  donnei  dai  radu<  tion  i  helléni  n 

plus  usuel  »'i  l«*  i»iu    simple    poui  un  elTel  de    tyl<     I 

ainsi  dire  à  sa  demande,  on  i  i liflé  l««  ir.-idm -i i« «h  •!<   «••ii.i 

i  donl  le  sens  d'ailleui    n'étail  pa    douteu 
donner  à  1  - 1  rédaction  nouvelle  les  qualités  «le  limplicité  el  d 
(juil  avail  reconnues  dans  l<  le  Marc  tarile  el  roulai) 

dans  ^<>ii  français.  Il  esl  arrivé  d'ailleurs,  que,  désespérant  de  Caire 
mieui  que  Lui,  même  lorsqu'il  ra  condaum<\  <»u  roi 
condamné,  En  revanche,  on  n'a  pas  hésité  à  Caire  de  lions  qu'il 

ne  demandait  pas,  mais  qui  semblaient  nécessaires,  lorsqi  cm 

rencontrer  un  texte,  ou  un  sous,  ou  un  t< »n r  plus  satisfaisant  que  le 
sien.  On  les  a  faites  avec  discrétion  el  Bans  vanité  en  i  onsidérant  que 
M.  (louât  n'avait  pu  ni  terminer  s<»u  œuvre  ni  la  revoir,  et  en  se 
donnant  toujours  les  raisons  qui  l'eussent  pu  convaincre.  On  s  sur- 
tout cherché  à  mettre  la  traduction  d'accord  avec  elle-même,  et  1 
la  faire  profiter  dos  travaux  plus  récents. 

Le  livre  se  présentera  muni  de  notes  nombreuses,  et  souvent  fort 
étendues,  dont  la  minorité  appartiennent  à  M.  (louât.  Soit  qu'elles 
défendent  son  interprétation,  soit  qu'elles  justifient  l'intervention  de 
l'éditeur  3,  elles  ajoutent  à  l'ouvrage  lui-même  un  commentaire  continu 
et  aussi  long  que  lui.  Klles  discutent  ou  tentent  de  préciser  le  texte,  le 
sens  des  termes  techniques,  parfois  la  doctrine.  Elles  affirment,  à  chaque 
page,  Tintention  dans  laquelle  M.  Couat  avait  entrepris  son  œuvre  :  ce 
travail  ne  sera  sans  doute  pas  la  traduction  critique  qu'il  avait  rêvé  de 
faire;  mais  ce  sera,  comme  il  Ta  voulu,  une  traduction  critique. 

i.  Michaut,  Les  Pensées,  traduction  (Fontemoing,  1901),  p.  vin. 

2.  Comparez  chez  M.  Michaut  et  chez  Pierron  ou  Aug.  Couat  la  traduction 
pensées  1,  3,  16  et  17;  VI,  6;  VIII,  :?<>,  etc. 

3.  En  dessous  du  texte  qui  donnera  la  correction  ou  le  choix.de  L'éditeur,  <>n  trou 
vera  dans  les  notes  la  leçon  de  M.  Couat  entre  guillemets  el  précédée  du  mot  :  Couat; 
Les  variantes  également  entre  guillemets  et  annoncées  par  l'abréviation  :  Var.  —  Les 
notes  de  l'éditeur  ont  été  encadrées  dans  des  crochets  droits  ([  ]).  qui  permettras!  de 
les  distinguer  aisément  de  celles  de  M.  Couat.  Les  mêmes  signes  n'ont  été  introduits 
dans  le  corps  du  texte  que  pour  indiquer  les  additions  au  manuscrit,  et  à  défaut  d'une 
note  correspondante.  —  Nous  avons  conservé  de  loin  en  loin  dans  le  texte  un  point 
d'interrogation  entre  parenthèses,  par  lequel  M.  Couat  indiquait  qu'il  était  peu  satis- 
fait de  sa  traduction  ou  de  la  leçon  traduite,  et  qui,  imprimé,  signifiera,  en  outre,  qu'on 
n'a  pas  cherche  ou  qu'on  n'a  pas  trouvé  la  correction  désirée. 

Sauf  indication  spéciale,  le  texte  traduit  est  celui  de  la  seconde  édition  de  M.  Stich 
(Teubner,  1903). 


S  l'.ll'.l  l<  »  |  m Oi    |      |i|v     LM\IIMl|'s     hl      Miui 


Tout  en  traduisant  Marc-Aurèle,  M.  Gouaf  annotait  la  Cité  de  Dieu 
et  les  Pensées  de  Pascal.  Quçl  livre  devait  sortir  (le  ces  méditation 
de  ces  recherches?  Le  travail  est  assez  avancé  pour  <jifon  en  pui>-e 
apercevoir  le  dessein;  il  esl  trop  Fragmentaire  pour  qu'on  le  publie. 
Les  unies  <lr  cette  traduction  auront  permis  du  moins  de  sauver  une 
partie  de  l'étude  que  M.  Couat  avait  consacrée  à  ces  trois  grandes 
âmes,  de  même  lignée,  dont  l'une  fut  pourtant  l'âme  d'un  païen,  l'autre 
celle  d'un  saint  et  la  dernière  celle  d'un  hérétique.  \  sa  traduction  cl 
à  sa  critique  du  texte  des  Pensées,  il  avait  entrepris  de  joindre,  en  effet . 
une  critique  de  la  doctrine  :  bien  que  ce  commentaire  moral,  limité  au 
second  livre  de  Marc-Aurèle,  tienne  beaucoup  moins  de  place  dans  les 
papiers  de  M.  Couat  que  ceux  des  Pensées  de  Pascal  et  de  la  Cité  de 
Dieu,  on  pourra,  d'après  lui,  s'imaginer  ce  qu'est  le  reste,  sinon  ce 
qu'eut  été  le  tout. 

Pour  M.  Couat,  s'il  ne  put  accomplir  son  dessein,  apparemment  il 
ne  perdit  pas  sa  peine.  Il  vécut  ses  dernières  années  dans  l'intimité 
de  l'empereur  stoïcien,  écoutant  le  discours  en  douze  livres  qu'il  se 
tient  à  lui-même,  et  apprenant  de  lui  les  derniers  secrets  de  cet  art  de 
\ivre  qui  est  la  sagesse.  Comme  les  Pensées,  sa  traduction  des  Pensées 
a  le  caractère  d'un  testament.  Le  disciple,  en  effet,  fut  jusqu'au  bout 
fidèle  à  la  doctrine.  Lorsque,  à  la  veille  de  la  mort,  il  négligeait  son 
mal  et  travaillait  en  pleine  douleur,  il  est  permis  de  croire  qu'il  enten- 
dait ces  encouragements  d'une  voix  familière  :  «  Tu  n'es  qu'une  petite 
âme  portant  un  cadavre...  Le  mal  est  dans  ton  jugement...  Épicure 
malade  ne  s'entretenait  pas  des  souffrances  du  corps  et  ne  permettait 
pas  aux  médecins  de  se  flatter  de  leur  importance...  Beaucoup  de 
grains  d'encens  sont  déposés  sur  le  même  autel;  l'un  y  tombe  plus 
tôt.  l'autre  plus  tard  :  il  n'y  a  là  aucune  différence.  » 

P.   F. 


PENSÉES    DE    MARC-  tURÈLE 


U\  RE  PREMIER 

1 
Mon  grand  père  Vérua  m'a  laissé1  l'exemple  de  l'honi 

et  de  la  patience. 

2 

Celui  de  qui  je  liens  la  vie3  m'a  laissé  la  réputation  el  le 
souvenir  de  sa  modestie  e1  <!<'  sa  Fermeté. 

3 
Ma  mère  m'a  appris  la  piété  et  la  libéralité,  L'éloignemenl 
pour  le  mal,  et  même  pour  l'idée  de  faire  du  mal.   Elle  m'a 
appris,  en  outre,  à  être  frugal  et  à  m'abstenir  d'un  train  de  rie 

luxueux. 

4 

Mon  bisaïeul3  m'a  appris  à  ne  pas  fréquenter  lea  écoles  publi- 
ques, mais  a  suivre  chez  moi  les  leeons  de  bons  maîtres  e!  à 
comprendre  qu'il  ne  faut  épargner  pour  cela  aucune  dépense 

5 

Mon  gouverneur  m'a  appris  à  ne  me  passionner  ni  pour  le> 
Verts  ni  pour  les  Bleus'1,  ni  pour  les  Petits  ni  pour  les  Loi 

i.  [Ce  verbe  et  les  synonymes  qu'on  en  trouvera  au  début  J.    toutes  les  pens 
de  ce  livre  l,r  ont  été  ajoutés  par  le  traducteur.  Ici.  MaroAurèle  récapitule  en  style  de 

comptable  des  dettes  que    nous  n'avons  pas  coutume  d'inscrire  dans  nos  c  tmptes  : 
w  Reçu  de  mon  aïeul,  ceci;  de  mon  père,  cela;  tant  de  ma  mère,  et  tant  de 
bisaïeul.»  If.  Couat  a  dû  désespérer,  >'il  conservait  en  français  un  tour  aussi  hardi, 
de  donner  une  traduction  lisible  des  plus   Longues  pensées  du  livre.  L'effort  a  été 
tenté  par  M.  Michaut.] 

a.  [Annius  Vérus,  que  le  jeune  Marc  peruit  avant  de  L'avoir  pu  bien  connaître. 

:>.  [Catilius  Sévérus,  consulaire.] 

4.   [Couleurs  des  cochers  du  cirque,  et  nom-  de  Leurs  partisans. 


IO  BIBLI0THÈQU1     DES    UNIVERSITÉS    Dl     midi 

Boucliers,  mais  à  supporter  la  Fatigue,  à  avoir  peu  de  besoins, 
à  travailler  de  mes  mains,  à  ne  pas  multiplier  les  affaires',  à 
Fermer  l'oreille  aux  délateurs. 

6 

Diognèlc  m'a  appris  à  ne  pas  m'empresser  pour  des  choses 
Frivoles,  à  me  défier  de  ee  que  les  charlatans  el  les  imposteurs 
racontent  sur  les  incantations  magiques,  les  évocations  de 
démons  et  autres  choses  du  même  genre;  à  ne  pas  élever  des 
cailles  et  à  ne  pas  niYbahir  sur  ce  genre  d'occupation;  à  sup- 
porter la  franchise,  à -apprendre  la  philosophie.  Il  m'a  fait 
suivre  les  leçons  d'abord  de  Bacchius,  puis  de  Tandaside  et 
de  Marcien;  il  m'a  appris  tout  enfant  à  écrire  des  dialogues 
et  a  aimer  le  grabat,  la  couverture  et  toutes  les  prescriptions 
de  la  discipline  hellénique. 


Rusticus  m'a  fait  comprendre  que  j'avais  besoin  de  redresser 
et  de  former  mon  caractère;  il  m'a  appris  à  ne  pas  me  laisser 
entraîner  à  limitation  de  la  propagande  des  sophistes,  à  ne 
pas  écrire  sur  les  sciences,  à  ne  pas  composer  des  exhortations 
dialoguées,  à  ne  pas  essayer  de  frapper  l'imagination  en  affec- 
tant une  activité  intempérante2;  il  m'a  détourné  de  la  rhéto- 
rique, de  la  composition  poétique,  du  bel  esprit;  il  m'a  enseigné 
à  ne  pas  me  promener  dans  ma  maison  vêtu  d'une  longue 
robe,  et  à  dédaigner  toute  ostentation  de  ce  genre;  à  écrire  des 
lettres  simples,  comme  celle  qu'il  écrivit  lui-même  de  Sinuessa 
à  ma  mère  ;  à  me  montrer  facile  et  prêt  à  une  réconciliation 
avec  ceux  qui,  après  m'avoir  offensé,  manifestaient  l'intention 
de  revenir  à  moi  ;  à  lire  de  très  près  et  à  ne  pas  me  contenter 
d'un  examen  sommaire:  à  ne  pas  acquiescer  trop  vite  à  l'opi- 
nion de  ceux  qui  parlent  beaucoup;  c'est  à  lui,  enfin,  que  je 
dois  d'avoir  eu  dans  les  mains  les  Commentaires  d'Épictète, 
qu'il  avait  dans  sa  bibliothèque,  et  qu'il  m'a  prêtés. 

i.  [Var.  :  g  à  ne  pas  m'occuper  des  affaires  d'autrui,» —  ee  qui  est  la  traduction  de 
Picrron.  Le  mot  grec  rsl  de  sens  douteux.) 

2.   [On  traduit  ici  la  conjecture  de  Xylander:  EvepYYjTixov.] 


PI  II  11 

8 
Vpolloniu    m  .1  en  oigne  i  avoii  de    opinion    libi  e  .  n< 
ci  réfléchie      ••  ne  r<  gai  der  jam  peu  que  lutre 

chose  que  la  i  al  on    h  demain i  i   toi^joui     le  m(  me  au  mi 
des  douleurs  lea  plui  vive     devanl  la  perte  d  un  enfanl    dan 
andea  maladiei    i  al   vu  en   lui   l'exemple   s  Ivanl  d  un 
homme  .«  la   foii  trèa  renne  el  trèa  doui    ne     Impatient 
jamais  lorsqu'il  enseignait,  el  considérant  .»  coup    h\  comme 
le  moindre  <  l  «  *  ses  avants  ipérience   pi  mnelle 

et  l'habileté  avec  laquelle  il  lavait  transmetti 
m'a  appris  qu'il   fallait    accueillir   les   bienfaits   qn         >ien( 
nous  faire  no8  amis,  Bans  engager  notre  liberté  et  sans  i 
montrer  insensibles  par  nos  refus. 

9 
De  Sextusj'ai  appris  la  bienveillance;  il  [n'a  donné  l'exemple 
d'une  maison  administrée  paternellement  et  la  notion  d'une 
vie  conforme  à  la  nature;  il  m'a  montré  la  gravité  sans  fard, 
l'attention  vigilante  aux  intérêts  <!<•  ses  amis,  la  patience  à 
supporter  les  ignorants  el  ceux  qui  opinent  sans  examen  , 
Son  humeur  était  égale  avec  tous,  au  point  qu'aucune  Batterie 
n'avait  la  douceur  de  sa  conversation,  el  que  ceux  qui  en 
jouissaient  n'avaient  jamais  plus  de  respect  pour  lui  qu'à  ce 
moment-là.  Avec  une  intelligence  compréhensive  el  métho- 
dique, il  découvrait  et  classait  les  principes  nécessaires  à  la 
conduite  de  la  vie;  il  ne  laissait  jamais  paraître  ni  colère  ni 
aucune  autre  passion,  étant  à  la  fois  très  Impassible  et  très 
tendre;  il  aimait  qu'on  parlât  bien  de  lui.  mais  sans  faire  de 
bruit-;  il  avait  de  l'érudition  sans  en  faire  étalage. 

10 
Alexandre  le  grammairien  m'a  donné  l'exemple  de  la  modé- 
ration dans  la  correction  des  fautes;  il  s'abstenait  de  reprendre 

i.  [M.  Couat  traduit  ici  la  conjecture  de  Gataker.] 

?..  [Var.  :  «  il  aimait  à  donner  la  louange,  1 1 1 a i >  discrète,  a  —  J'aurais  sdmia  cette 
traduction  si  la  phrase  s'était  trouvée  dans  la  première  partie  de  la  pensée.  Ici.  il  ne 
s'agit  plus  de  l'affabilité  de  Sextus,  niais  de  son  intelligence,  de  *a  modération  el  de 
sa  discrétion.  Sans  doute,  les  dictionnaires  n'attribuent  à  eî^ïjpiov  qu'un  sens  actif. 
Mais  cet  adjectif,  au  neutre,  est  assez  rar«>  :  et  il  peut  avoir  eu  aussi,  comme  beaucoup 
d'adjectifs  composés,  un  sens  passif.] 


\'2  BIBLIOTHBQUI     D1 iS    UNIVERSITES    M      MIDI 

avec  dureté  ceux  qui  laissaient  échapper  un  barbarisme, 
un  solécisme,  un  sou  \icieu\;  il  se  bornait  à  leur  montrer 
habilement  ce  qu'il  Fallait  dire,  en  ayant  l'air  de  répondre, 
[de  confirmer,  de  discuter  non  sur  le  mot  lui-même,  mais 
sur  l'objet  eu  question,  ou  par  toute  autre  adroite  suggestion 

H 
Ponton  m'a  appris  tout  ce  que  la  tyrannie  a  de  méchanceté. 
de    duplicité  et    d'h\  pocrisie  :   et    combien    peu    de   cœur,    en 
somme,  ont  ces  gens  que  nous  appelons  patriciens. 

12 
Alexandre  le  Platonicien  m'a  appris  à  ne  pas  dire  souvent 
cl  sans  nécessité,  et  à  ne  pas  écrire  dans  une  lettre  :  «  Je  n'ai 
pas  le  temps,  »  afin  d'écarter  sans  cesse  par  ce  moyen,  et  en 
alléguant  des  affaires  pressantes,  tous  les  devoirs  que  m'impo- 
sent mes  relations  vis-à-vis  de  ceux  qui  vivent  autour  de  moi. 

13 
Je  tiens  de  Catulus  que,  loin  de  dédaigner  les  reproches 
dr  ses  amis,  même  mal  fondés,  il  faut  en  faire  son  profit  et 
reprendre  l'ancienne  intimité;  qu'il  faut  dire  volontiers  du 
bien  de  ses  maîtres,  comme  le  faisaient,  dit-on,  Domitius  et 
Athénodote,  et  aimer  ses  enfants  d'un  amour  sincère. 

14 
De  mon  livre  Sévérus  j'ai  appris  l'amour  de  mes  proches, 
l'amour  de  la  vérité,  l'amour  de  la  justice;  par  lui  j'ai  connu 
Thraséas,  Helvidius,  Caton,  Dion,  Brutus;  j'ai  eu  l'idée  d'un 
gouvernement  fondé  sur  la  loi  et  sur  l'égalité  des  droits  de 
tous  les  citoyens,  d'une  royauté  respectueuse  avant  tout  de 
la  liberté  des  sujets;  par  lui  encore  j'ai  appris  comment  on 
honore  sans  défaillance  et  toujours  avec  la  même  ardeur  la 
philosophie,  comment  on  est  toujours  généreux,  libéral,  plein 
d'espérance,  confiant  dans  l'affection  de  ses  amis,  franc  à 
l'égard  de  tous  ceux  à  qui  l'on  a  à  faire  des  reproches,  sans 
que  nos  amis  aient  à  se  demander  :  «  Que  veut-il?  que  ne 
veut-il  pas!»  »  mais  de  manière  a  le  leur  faire  voir  clairement. 


i  .  i       M  v  i  ;    i    i  I  l  li 

15 

Mjmiihi-    m  .1    iiioiili  .     <  Miiini'  ni    -  .11   .     I    im.mIi  |     d(  'i     III 

s.uh  que  rien  puisse  noui  faii <   i  hangei     il  m  a  I 

fermeté  dam   loutei  les  circonstance      pénibh     el  particule 
remenl  dans  les   maladies;   la   modération    la  dou<  I  la 

dignité  «lu  caractère]   la   bonne  bumeui   dans  I 
menl  «lu  travail  «  l  «  *  chaque  jour.  Toul  i«  monde  était 
que  ^;i  parole  exprimai!  loujou  I  qui    1 1    qu  il 

faisait  ci, ut  bien  fait;  il  De  s'étonnait  de  rien3  dc  m  troublai! 
pas],  n'avaitjamais  ni  précipitation,  ni  indolence,  ni  eml 
il  ne  se  hissait  pas  abattre,  ne  montrai!  pas  un  risage  t *  » i j f 
à  tour  jovial1,  ou  irrité  el  défianl  :  il  était  bienfaisant,  pitoyable 
el  sincère;  on  \<>>ait  en  lui  une  droiture  naturelle  el  non 
apprise9.  Jamais  personne  n'aurait  craint  d'être  méprisé  par 
lui  ni  n'aurait  osé  se  supposer  supérieur  k  lui;  il  avait,  enfin, 
de  l'enjouement  et  <le  la  grâce. 

16 

Voici  les  vertus  dont  mon  père 3  m'a  légué  l'exemple  :  la 
mansuétude,  rattachement  inébranlable  aux  opinions  réflé 
chics,  le  dédain  dc  la  vaine  gloire  et  des  vains  honneurs, 
l'assiduité  au  travail;  il  était  prêt  à  écouter  tous  «eux  u,ui 
avaient  à  lui  dire  quelque  chose  d'utile  à  la  communauté]; 
?ien  ne  pouvait  le  détourner  de  récompenser  chacun  >elon 
mérite;  il  savait  à  quel  moment  il  fallait  tendre  sa  volonté 
ou  lui  donner  du  relâche;  il  avait  renoncé  à  l'amour  des 
jeunes  garçons;  bien  qu'aimant  la  société,  il  permettait  à  ses 
amis  de  manquer  un  de  ses  repas  î.  et   ne  les  obligeait  pas  à 

i.  [(louai:  <(  il  n'était  pas  tour  à  leur  abattu  ou  joyeux.  ■  —  Le  m«  •  t  que  donnent 
en  ce  passage  les  manuscrits  doit  être  un  barbarisme.  Sans  douta  faut-il  lire  ici,  avec 
Gataker,  Tipo^ffca^po;.  C'est  la  même  êpithète  qui,  dan*  le>  Thalysies  de  Théocrik 
(vers  19),  qualifie  le  sourire  de  Lycidas.j 

3.  [Cf.  infra  III,  5  (fin),  et  VU,  ia.] 

S.  [Son  père  adoptif,  Antonin  le  Pieux,  A  son  père,  \nnius  \  érus,  Marc-Aurèle  a 
consacré  la  pensée  2.] 

'1.  [Gouat  :  «  malgré  son  affabilité,  il  n'admettait  pas  toujour>  ses  ami>  à  dîner  avec 
lui,  ni  ne  les  obligeait...  »  —  Le  mot  xoiwvcnQpoffuvY),  selon  Pierron.  ne  se  rencontra 
que  dans  ce  passage.  D'après  son  étymologie,  il  semble  signifier  :  esprit  de  solidarité; 
par  suite  :  esprit  d'égalité  ou  d'équité:  ou  bien,  selon  la  plupart  des  commentateur-  : 
.civilitas,  affabilité,  dil   M.   (louât: —  un    sens  t<»ut  différent,  el   qui  ne  semble   pas 


l\  BIBLIOTHÈQUE    DES    UNIVERSITÉS    i-i     MIDI 

l'accompagner  dans  ses  voyages.  Ceux  que  des  obligations 
quelconques  avaient  éloignés  de  lui  l<i  retrouvaient  toujours 
le  même;  dans  les  délibération?,  il  cherchait  attentivement 
el  avec  persévérance  le  parti  à  prendre,  au  lieu  d'éviter  toute 
peine1  en  se  contentant  de  ses  premières  impressions.  Il  ri;iit 
fidèle  à  ses  amis  sans  manifester  ni  lassitude  ni  engouement; 
en  toute  occasion,  il  était  maître  de  lui  et  d'humeur  sereine. 
Il  prévoyait  el  réglait  d'avance  les  plus  petites  choses,  sans 
faire  d'embarras;  il  arrêtait  les  acclamations  et  les  Batteries 
dont  il  était  l'objet.  Kconome  des  biens  de  l'empire,  il  réglait 
avec  vigilance  les  dépenses  des  chorégies  et  ne  craignait  pas 
d'en  être  blâmé.  Il  n'avait  aucune  superstition  à  l'égard  des 
Dieux,  et,  à  l'égard  des  hommes,  il  ne  cherchait  point  à  plaire 
à  la  foule  et  à  se  rendre  populaire;  en  tout,  il  était  sobre, 
ferme,  sans  affecter  le  manque  de  goût  et  sans  se  montrer 
avide  de  nouveautés.  11  usait  sans  vanité  et  sans  façon  des 
biens  qui  contribuent  a  la  douceur  de  la  vie,  et  que  la  fortune3 
prodigue  en  abondance.  Il  s'en  servait  [naturellement]  quand 
ils  se  présentaient  et  n'en  éprouvait  pas  le  besoin  quand  il 
ne  les  avait  pas.  Nul  n'aurait  pu  dire  de  lui  qu'il  fût  un 
sophiste,  un  goujat,  ou  un  pédant.  On  voyait  en  lui  un  homme 


s'accorder  avec  le  contexte,  est  celui  qu'ont  accepte  Pierron  et  Barthélémy- Sain t- 
Hilaire,  après  Xylander  :  «  le  zèle  du  bien  public.»  C'est  le  contexte,  en  effet,  qui  seul 
peut  fixer  le  sens  de  xoivovovjfioffuvT).  Un  détail  qu'on  juge  à  l'ordinaire  insignifiant, 
la  ponctuation  traditionnelle,  —  celle  que  paraît  bien  exiger  le  rythme  du  discours, 
l'équilibre  des  phrases,  —  prend  ici  une  importance  décisive  :  au  cours  de  cette  phrase, 
limitée  par  deux  points  en  haut,  il  n'y  a  pas  de  ponctuation  secondaire,  pas  de  virgule 
entre  les  deux  y.  ai.  Cela  implique  que  le  premier  signilie  :  «  et  à  la  fois;  »  ou,  en  d'au- 
tres termes,  que  le  second  est  l'équivalent  de  te  xoi;  ou,  en  d'autres  termes  encore, 
qu'il  y  a  une  certaine  opposition  entre  les  deux  mérites  que  cette  phrase  attribue  à 
Antonin,  et  que  cette  opposition  même  est  méritoire.  La  traduction  de  ce  passage 
devait  donc  commencer  par  le  mot  «  malgré»,  ou  toute  autre  formule  concessive. 

Par  malheur,  le  sens  du  mot  qui  s'oppose  à  xotvovoYyiO(Tvvt)  est  ambigu.  Chez  le 
même  auteur,  sçi£<r6ac,  construit  avec  le  datif  d'un  nom  de  personne  et  un  infinitif,  a 
les  deux  sens  d'ordonner  (Electre,  mi)  et  d'autoriser  (Philoctète,  619).  Ces  deux  sens, 
en  eux-mêmes  assez  différents,  peuvent  devenir  tout  à  fait  contraires  (défendre  de 
faire...  et  autoriser  à  ne  pas  faire...)  quand  la  proposition  qui  suit  èçt'eofat  est  néga- 
tive. C'est  le  cas  ici.  Dans  les  deux  propositions  négatives  qui  achèvent  la  phrase, 
M.  Couat  me  semble  avoir  successivement  donné  les  deux  sens  à  lyitatou.  J'ai  cru 
qu'il  fallait  choisir,  et  que  la  présence  de  l'adverbe  èicavacyxeç  ne  permettait  pas 
d'hésiter.  Tandis  que  M.  Couat,  adoptant  d'abord  pour  èçieoOat  le  sens  d'« ordonner», 
traduisait  xotvovov)(i00uvi]  par  «  affabilité  »,  j'ai  traduit  le  verbe  par  «  autoriser  », 
et  conséquemment  le  substantif  par  «  goût  de  la  société  ».] 

1.  [Aug.  Couat  traduit  ici  la  conjecture  de  Stich  :  dcXX'  outot  icpooticéarrr).] 

2.  [Cf.  infra  II,  3,  dernière  note.] 


i  i    •    i  i        in      M  il  i   , 

iiiùi .  complet      upëi  leui    •  la  flattai  le    cap 

affaii e    6t  celle    de    autn      i        'iii •■    il  honoi ail  l< 
philosophai    quant  aui  autre     il    le     traita! 
nuis  .m    i    m    m  lai  lei  enti alnei   pai  eux    il 
facile  el  aimable  sans   ex<  h     il   avait  >in   d<      .« 

personnej  sans  être  trop  attaché  ••   la  \  le  ni 
foire  beau,  el  sans  se  néglij  er  pour  autant    I U  &ce  •■ 
lance,  il  n'eul   recours  que  trè    i aremenl   <  la  \ni 
s'abstint  de  remèdes  e1  d'onguents,    tvanl   tout,  il   l'eflb 
Bans  envie  devant  ceux  qui  possédaient  une  (acuité  éminente, 
telle  que  la  puissance  de  la  parole,  la  connaissance  de    i 
dea  mœurs  ou   toute  autre  science;   il   s'intéressait  1  eus  et 
veillait  à  ce  que  chacun  eûl  la   renommée  que  lui  méritait 
sa  supériorité  spéciale,    agissant  totgours  conformément    •  I  - 
tradition  des  ancêtres,  il  ne  s'appliquait  j»  n  avoir  Tau 

Il  n'aimait  pas  à  changer  de  place  et  à  s'agiter;  il  séjournait 
volontiers  dans  les  mêmes  lieui  et  s'attachait  aux  mêmes 
objets.  \piv<  des  crises  de  maux  de  tête,  il  revenait  dispos, 
avec  la  même  ardeur,  à  ses  occupations  accoutumées.  Il  avait 
fort  peu  de  secrets,  et  ce  n'était  jamais  qu'à  propos  des  affaires 
publiques.  11  était  prudent  et  mesure  dans  l'organisation  dé- 
telés, la  construction  des  édifices  et  les  distributions  faites  an 
peuple  et  autres  choses  semblables.  Il  considérait  le  devoir  à 
remplir,  et  non  la  gloire  à  retirer  de  ses  actes1.  Il  n'aimait  pas 
à  se  baigner  à  une  heure  indue;  il  n'était  ni  grand  bâtisseur, 
ni  curieux  de  mets  rares,  ni  attentif  au  tissu  et  à  la  couleur 
de  ses  vêtements,  ou  à  la  beauté  de  ses  esclaves.  iLe  plus 
souvent,  même  à  Lanuvium.  il  portait  le  vêtement  de  Lorium, 
qu'il  avait  fait  venir  de  sa  maison  d'en  bas.  \  Tusculum,  il 
empruntait  son  manteau2;]  tout  son  train   de   vie   était   de  la 

i.  [On  a  admis   ici  la  conjecture  de  Stich.   Remarquer  que   ce-   deux   plu 

reprennent  L'éloge  d'une  qualité  déjà  louée  une  page  plus  liant  :      1  des  biens 

de  L'empire,  il  réglait  avec  vigilance  les  dépens  -  -  chorégîes  et  ne  craignait  pas 
d'en  être  blâmé.  »] 

2.  Ces  deux  phrases  manquent  daus  le  cahier  d'Auguste  eouat.  Le  texte  est  très 
incertain,  les  manuscrits  inintelligibles.  Selon   Saum<<  là  le  passage  le  plus 

corrompu  de  toutes  les  Pensées.  Pour  la  seconde  phrase,  j'ai  adopté  la  lecture  de 
Coraï,  qui  diffère  assez  peu  du  texte  des  manuscrits  (zz/.;r,Tt  ou  parvoVn,  au  lieu  de 
•usÀojvy;  et  zasaiToOasvo;  pour  TrapaiTo-juivo)  â>;).  Pour  la  première  j'ai  pensé  faire 
e  minimum  de  corrections  en  lisant  :  Tr,  à~b  Atop-o-j  ttoat.   sraxOeurq  ixb  t?;  y.i-o 


il»  B1BLIOTUÈQUI     L>ES    UNIVERSITÉS    Dl      MIDI 

même  simplicité.  Il  n  >  avait  dans  bca  manières  rien  de  dur. 
d'inconvenant,  ni  de  violent,  rien  dont  on  pûl  dire:  -  Il  en 
sue1;»  au  contraire,  il  examinait  chaque  chose  séparément, 
comme  &  loisir,  sans  précipitation,  avec  méthode,  avec  force, 
et  de  la  façon  la  mieux  appropriée.  On  aurait  pu  lui  appliquer 
ce  qu'on  rapporte  de  Sociale,  qu'il  pouvait  aussi  bien  s'abs 
tenir  que  jouir  (le  (oui  ce  dont  la  plupart  des  hommes  onl 
tant  de  peine  à  se  priver,  et  dont  ils  jouissent  avec  si  peu  de 
retenue.  Woir  la  force  de  se  contenir  et  de  se  priver  dans  les 
deux  cas  esi  la  marque  d'une  âme  bien  équilibrée  et  invincible, 
telle  que  parut  la  sienne  pendant  la  maladie  de  Maximus3. 

17 
Voici,  enfin,  ce  que  je  dois  aux  Dieux:  j'ai  eu  de  bons 
aïeuls,  de  bons  parents,  une  bonne  sœur,  de  bons  maîtres; 
mes  familiers,  mes  parents,  mes  amis  ont  presque  tous  élé 
bons.  Je  ne  me  suis  jamais  laissé  aller  à  manquer  de  tact 
avec  aucun  d'entre  cu\,  bien  que  je  fusse  d'un  tempérament 
à  le  faire,  à  l'occasion;  la  bonté  des  Dieux  n'a  pas  permis 
le  concours  de  circonstances  où  j'aurais  commis  cette  faute. 
Grâce  à  eux,  je  n'ai  pas  été  trop  longtemps  élevé  par  la 
concubine  de  mon  grand-père,  j'ai  conservé  la  fleur  de  ma 
jeunesse;  loin  de  devenir  homme  avant  le  temps,  j'ai  même 
différé  au  delà.  J'ai  eu  pour  maître  et  pour  père  un  homme 
qui  devait  me  corriger  de  tout  orgueil  et  me  mettre  dans 
l'esprit  qu'il  est  possible  de  vivre  dans  une  cour  sans  a\oir 
besoin  de  gardes  du  corps,  de  vêtements  éclatants,  de  torches, 
de  statues 3  et  de  tout  cet  appareil  pompeux;  qu'on  peut,  au 
contraire,  s'y  réduire  presque  au  train  d'un  simple  particu 
lier,  sans  être  pour  cola  plus  humble  et  plus  lâche  en  face 
des  devoirs  qu'impose  le  gouvernement  de  l'État.  J'ai  eu  un 
frère  dont  l'exemple  pouvait  m'exciler  à  me  surveiller  moi 

sicauXsco;,  y.  a».  &v  iv  Aavouêta),  tv.  noXkâ. —  Loriuin,  une  simple  maison  de  campagne, 
était  aux  portes  de  Rome  (à  douze  milles),  dans  la  plaine  :  c'est  là  que  mourut  Antoiiin. 
La  ville  de  Lanuvium,  sa  patrie,  était  voisine.  Tusculum  se  trouvait  dans  la  montafrnp.  | 

t.   |Couat  :  «il  y  a  là  trop  de  sueur,  »  —  mots  ensuite  effacés  au  crayon. J 

2.   [Voir  infra  (VI,  3o)  un  second  portrait  d'Antonin.] 

o.  [Avec  Iforus,  M.  Couat  ;•  considéré  rotôvoé  tivwn  comme  une  glose,  <>l  supprimé 
ces  mots  dans  sa  traduction.] 


l'KS    i  i        m     m  \i.  i  i 

même,  el  < i > i ■  me  chai  mail  pai     •  «i  i     i  lendi 

m     enfant .  n'onl  été  ni  dépoui  \  u    d  inlelli 
faits*  .!<•  m  ,u  pai  Fail  de  trop  rapide     pi o  lan    la  1  hét 

ri  que,  la  composition  poétique  el  d  auti  i  ic  tquel 

je  me  serais  peul  être  attaché     I  j'aral      i  ntl  que 

i  bien.  Je  me   luis  hâté  d'assurei    •   me     p  I 

honneurs  qu'ils  paraissaient  désirer,  el  je  ne  lei  al  pa    la 
languir  dans  l'espérance  que,  puisqu  il-  étaient  jeun< 

je  le  Ferais  plus  lard.  (  \   I  au  aux   Dieux  qu<    | 

connu    Apollonius,   Rusticus,   Maximus.  Je   nu  Fait,  i 

les  connaissant,  une  idée  claire  et  n  que  c'esl  que 

vivre  conformément  à  le  nature,  et,  autant  que  cela  dépendait 
des  Dieux,  de  leurs  dons,  des  conceptions  el  des  inspira 
lions-*  qui  me  venaient  d'eux,  rien  ne  m'a  dès  lors  empêché 
de  vivre  conformément  à  la  nature.  si  j '>  ai  manqué  en 
quelque  chose,  c'esl  par  ma  propre  faute,  c'esl  pour  n'avoir 
pas  observé  les  recommandations,  el  pour  ainsi  dire  l'ensei 
gnemenl  des  Dieux.  C'est  grâce  à  eux  que  mon  corps  a 
résisté  si  longtemps  à  la  vie  que  je  mène,  que  je  n'ai  touché 
ni  à  Bénédicta  ni  à  Theodotus,  et  que,  Baisi  tard  par  les 
passions  de  l'amour,  je  m'en  suis  guéri.  J'ai  été  parfois  irrité 
contre  Rusticus,  mais  je  ne  suis  jamais  allé  jusqu'à  des  actes 
dont  je  me  serais  repenti.  Ma  mère,  qui  devait  mourir  jeune, 

i.  [Plus  haut  (S  5),  le  mol  rpoçeiç  était  traduit  par  :  r.  »] 

•2.  [Ces  mots  traduisent  Littéralement  L'expression  grecque: 
xài  rcoXXaxiç,  Laquelle  ne  paraît  pas  apportée  tir  L'école.  Dans  Lait 

«  expérience  »  (epLiretpîot)  Le  retour  fréquent  de  la  même 

KoXXotxiç).  De  même,  la  périphrase  pavradÔ^vai  s  pourrait  bien  être  la  traduc 

Lion  eu  Langue  courante  île  la  v.y.-y.Wrll:;  des  Stoïciens,  >i  du  moins  on  veut  s'en  tenir 
à  la  définition  qu'en  donne  Gicéron  |  Lcad.   I.  xi,   ii):      Zeno... 
adjungebat  fidem...   Lis   solum,  quae    propriam    quandam    haberent    declarationem 
(IvapY&ç)  earum  rerum  quae  viderentur;  id  autem  visum...  cun  tum  jam  et 

adprobatum esset  (on  appelait  ropcctTâOeaiç  cet  assentiment),  comprehensionem  apj 
labat.  » — Le  mot  -/aTâ/.r/V.:  ne  se  rencontre  qu'une  fois  dans  Les  Pensées  (VI,  3o), 
en  un  passage  où   il   est   difficile  de  distinguer  l'acception  philosophique   du   - 
vulgaire.  On  remarquera  que  Marc-Aurèle  a  évité  l'usage  de  certains  term<  -  trop 
spécialement   stoïciens  (par  exemple  :  çavraffta   -/.xTx/.r.-T'.y.r.    /.  ^t*. 

oL-KOTzpor^'tiivy.,  y.,  t.  X.),  bien  lIue  l'occasion  ne  lui  ait  pas  manqué  d 
—  Sur  certaines  questions,  on  le  verra  se  séparer  de  l'école,  ou   hésiter  à  repon 
et  avouer  franchement  ses  doutes  (infra,  II,  io;  l\  .  u,  efc.  I.  On  N<ùt  ici  que  sa  façon 
de  parler  —  ou,  plus  proprement,  >a  terminologie  —  n'est  pas  moins  indépendante 
que  sa  pensée.] 

3.   [M.Couat  traduit  ainsi  l'ingénieuse  conjecture  de  Casaubon  :  Èmicvoiatç.  —  A  vrai 
dire,  il  était  difficile  de  saisir  une  différence  de  sens  réelle  et  nette  entre  ouVatJ  - 

et     È7UVOtOUÇ.] 

A.    COUAT-P.    FOURRIER.  ■  3 


18  mnu<>Tiii:<H  |   DBfl    imwi.mii-   Dl     mim 

a  habité  avec  moi  pendant  ses  dernières  années.  Toutes  les 
lois  que  j'ai  voulu  venir  on  aide  à  un  pauvre  ou  à  un  homme 
ayant   quelque    besoin,  jamais   je    n'ai    entendu   objecter   que 

je  n'avais  pas  d'argent  pour  le  secourir.  Je  n'ai  jamais  eu 
moi  même  besoin  de  recourir  à  un  autre  pour  l<k  même  objet. 
Je  dois  aussi  aux  Dieux  d'avoir  eu  une  femme  si  douce,  si 

tendre,  si  simple;  d'avoir  trouvé  facilement  pour  mes  enfanté 
les  meilleurs  des  maîtres.  Des  songes  m'ont,  comme  un 
Oracle  ' ,  révélé  des  remèdes  contre  mes  indispositions  et  parti- 
culièrement contre  les  crachements  de  sang  et  les  vertif 
et  cela  à  Gaète.  Quand  j'ai  été  séduit  par  la  philosophie,  je  rie 
suis  pas  tombé  dans  les  mains  d'un  sophiste,  je  ne  me  suis 
pas  appesanti  à  déchiffrer  les  écrivains,  à  décomposer  des 
syllogismes,  à  étudier  les  phénomènes  célestes  2.  Je  n'aurais 
jamais  eu  tant  de  bonheurs  sans  l'assistance  des  Dieux  et  de 
la  Bonne-Fortune3. 

Écrit  chez  les  Quades,  sur  les  bords  du  Granua, 


LIVRE  II 


Se  dire  à  soi-même,  dès  le  matin 4  :  je  vais  me  rencontrer 
avec  un  fâcheux,  un  ingrat,  un  insolent,  un  fourbe,  un 
envieux,  un  égoïste.  Ils  ont  tous  ces  vices  par  suite  de  leur 

i.  [M.  Couat  a  adopté  ici  le  texte  de  l'édition  de  Lyon  (1626)  :  w<77tsp  xpippov.  Le 
texte  des  manuscrits  :  o)<77Up  */prl<r-'j,  oblige  (en  modifiant  d'ailleurs  l'orthographe  du 
mot  :  Xpr,<7r,)  à  supposer  l'existence  d'une  ville  ou  d'un  bourg  inconnu  :  Chrèse.  Si 
on  l'adopte,  on  devra  supprimer  dans  cette  traduction  les  mots  :  «  comme  un  oracle  », 
et,  après  :  «  à  Gaète  »,  ajouter  :  «  comme  à  Chrèse.  »  —  Une  autre  conjecture  est  celle  de 
Saumaise,  adoptée  par  Stich  :  u>;  7rspr/pî<raL  Traduction:  «Des  songes  m'ont  révélé 
le  remède...  et  cela  à  Gaète:  j'ai  eu  dès  lors  recours  aux  onguents.»  —  Outre  ces 
diverses  corrections  au  texte  de  cette  phrase,  il  en  est  une  que  les  principaux  éditeurs 
et  traducteurs  de  Marc-Aurèle  ont  jugée  indispensable,  celle  de  xat  tojto-j  en  xai 

TOÛTO.] 

•j.  [Cette  étude  était  pourtant  en  honneur  dans  la  secte  stoïcienne  (cf.  Zeller,  die 
Phil.  der  Gr.}  III  3,  p.  19^.  Marc-Aurèle,  qui  croyait  aux  songes,  et  sans  doute  aussi 
aux  oracles  (cf.  la  note  précédente  —  et  la  dernière  phrase  de  la  pensée  IX,  27),  se 
désintéressait  ou  se  défiait- il  de  la  «divination»?] 

3.  Cf.  infra  la  dernière  note  à  la  pensée  II,  3. 

4.  L'examen  de  conscience  dans  Marc-Aurèle.  C'est  le  matin,  en  se  levant,  qu'il 
examine  les  actes  qu'il  aura  à  accomplir  dans  la  journée,  et  qu'il  prend  des  résolutions 
morales. 


Il  M    l.l    I    I 

i ii anc€  «lu  Ihch   ri  du  m. il    Mai    moi    qui  il  axai 
nature  du  bien,  qui  •   >  d'êto    beau    e(  i  elle  du  mal,  qui 
d'être  laid,  el  celle  <!<•  l'homme  \ Icieun  lui  m< m< 
qu'il  ii  Ih  même  01  Igine  que  moi,  <pi  U  est  i    a  non  du  m< 
sang  ni  de  la  même  semence,  mai    de  le  ml me  int  II 
et  qu'il  est  comme  moi  en  p<         l< >n  d  une  parcelle    d(    li 
divinité,  je  ne  pjiia  recevoii  aucun  lorl  de  oei  homi  urcc 

qu'aucun  d'eux   ne  pourra   me  déshon*  |e  ne   puii   non 

plus  ni  m'irrlter  contre  nn  Frère  ni  m'éloigner  de  lui1.  N^ 
sommes  nés  pour  l'action  en  commun,  comme  les  pieds,  les 
mains,  les  paupières,  les  rangées  des  dents  d'en  baul  ei  Heu 
bas,   \-ir  l(VS  uns  contre  les  autres  esl  contraire  à  la  nature, 
cl  c'est  agir  les  uns  contre  les  autres  que  de  s'indij  I  de 

se  détourner9. 


Qu'est-ce  donc  que  ceci,  qui  constitue  mon  être?  De  li 
chair,  un  souille,  le  principe  dirigeant.  Laisse  12  tous  lc> 
livres;  cesse  de  te  disperser.  Cela  ne  t'appartient  plus  ;.  Mais, 
comme  si  tu  étais  sur  le  point  de  mourir,  méprise  la  chair; 
ce  n'est  que  du  sang,  des  os,  un  tissu  fragile  de  nerfs,  de 
veines  et  d'artères.  Et  vois  ce  qu'est  ce  souille  :  du  vent,  qui 
n'est  pas  toujours  le  même,  mais  qu'à  tout  moment  tu  rejettes 
pour  l'aspirer  de  nouveau.  Reste  donc  le  principe  dirigeant  '*. 

i.  J'ai  traduil  la  correction  très  plausible  de  Stich  :  otiré^eoSoci  butoO. 

2.  Trois  choses  dans  cette  pensée  :  i°  l'examen  de  conscience  et  l'acte  de  bon 
propos;  a0  l'identité  de  la  vertu  et  de  la  science;  3°  l'unité  de  l'être  et  d»;  l'intelligence. 
Plus  l'idée  de  la  solidarité. 

3.  [Couat  :  u  Ne  te  disperse  plus...  »  Var.  :  «  Ne  te  tourmente  plus...  n  Manque  une 
phrase.  En  note:  «Le  sens  ordinaire  de  cr-àpia'.,  dans  Mare-Aurèle,  esl  plut' 

»  semble  :  se  tourmenter  —  que  :  se  disperser.  On  pourra  lire  d'ailleurs  à  la  tin  de  la 
»  pensée  suivante  :  Renonce  à  la  soif  des  livres  pour  ne  pas  mourir  en  murmurant.  — 
»  Oj  osooTat  n'est  pas  clair;  il  doit  s'expliquer  par  le  iXXà  qui  suit  :  -       mme 

»  si  cela  t'appartenait,  mais  comme  si  tu  allais  mourir.  >»] — [Mais  n 
synonyme  de  {xr.xÉTi  cttiio,  qu'on  trouve  à  la  iV  pensée  du  livre  111  .    Auj.  Couat  y  a 
traduit  jirjxé-i  nXotvô  par  :   «  ne  te  disperse  plus.»   Les  mots    qui    luirent   (o 
jjlsXXî'.;  :  tu  n'as  plus  le  temps)  expliqueraient  :  où  8£ôotou«   Sans   doute,  les  mots  : 
<(  Cela  ne  t'appartient  plus»  traduisent  plutôt  ouxéxt   BIÔotcm  qne  nu;   mais, 

après  (xr(x£Tt,  était-il  bien  utile  de  répéter  ï-\ }  Le  sens  que  je  donne  au  parfait 
ôéSoxat  est  d'ailleurs  autorisé  par  la  tradition  des  meilleurs  écrivains  (cf.  Platon, 
Banquet,  i83  B).] 

l\.  [Var.  :  «La  volonté.» —  L'interprétation  du  mot  r.ysaov.xbv  parait  avoir  ici  un 
moment  embarrassé  Aug.  Couat,  qui,  dans  son  manuscrit,  a  laissé  subsister  le  mot  : 
«  volonté  »  à  côté  de  la  correction  en  :  «  principe  dirigeant.  »  Cette  dernière  traduction 


20  BIBUOTHEQU1     DBfi    UNIVERSITÉS    0\     MIDI 

I  1 1   bien,   réfléchis:  tu  es  vieux;   ne   le  laisse  pas  s'asservir, 
ne  le  laisse  pas  se  mouvoir  capricieusement   el   céder  à  des 

impulsion^  égoïstes,  QC  l<'  hiissc   pus  muniiinvr  contre  ton  SOrl 

présent  et  redouter1  ton  sort  à  venir 


Ce  «pu*  Ton!  les  Dieux  est  plein  de  leur  providence.  Ce  que 
fail  la  Fortune3  ne  se  produit  pas  hors  de  la  nature,  hors  de 
la  trame  et  de  l'enchaînement  i\r*  choses  que  règle  la  Provi 
dence;  tout  découle  de  là.  Ajoutons  \  la  nécessité  et  l'utilité 
de  l'ensemble  <lr  l'univers  dont  tu  es  une  partie.  Or,  ce  que 
comporte  la  nature  du  tout,  et  ce  qui  sert  à  la  conserver,  est 
hou  pour  chaque  partie  de  cette  nature.  Les  transformations 
des  éléments  aussi  bien  que  celles  des  composés  contribuent 
à  conserver  l'univers.  Que  ces  dogmes  4  te  suffisent  pour 
toujours 5.  Repousse  la  soif  des  livres,  pour  mourir  sans 
murmurer,  mais  avec  tranquillité,  en  remerciant  les  Dieux 
du  fond  du  cœur6. 

est  celle  que  donne  du  mot  r^ixovtxov  le  lexique  qu'il  s'était  composé  avant  de  com- 
mencer la  revision  de  son  livre.  C'est  la  seule  qu'il  adopte  pour  certains  passages 
(par  exemple,  V,  26;  VI,  8;  Vil,  33;  VIII,  l\S).  Ailleurs,  surtout  aux  livres  IX  et  XI. 
il  avait  préféré  les  mots  :  «âme»  et  ((conscience».  Voir  à  ce  sujet  deux  notes,  l'une 
à  la  2  2°  pensée  du  livre  IX,  l'autre  à  la  3°  du  livre  XII.  —  Au  livre  VI  (pensée  8),  on 
trouvera  une  définition  du  «  principe  dirigeant  »  :  définition  partielle,  ou  trop 
concise,  qui  le  résume  en  la  volonté.  Voir  la  note  à  ce  texte.] 

1.  aTToo'jeaôai  et  les  autres  composés  de  O'jsaOai  n'ont  pas  de  sens:  uTioosÎTai  ou 
'J7;oos''<Ta<T0a,.,  conjectures  de  Coraï  et  de  Gataker,  valent  mieux.  C'est  évidemment 
l'idée  de  crainte  qui  doit  être  exprimée  dans  ce  mot. 

2.  Composition  de  l'homme:  <rapxioc,  7cv£0[ia  ou  nveupLOtTiov,  tjy£[jlovix6v. —  Idée 
stoïcienne  et  chrétienne  du  mépris  de  la  chair  et  de  la  brièveté  de  la  vie.  Idée  de 
l'indépendance  de  la  volonté  et  de  la  résignation  au  destin,  —  je  traduis  àxoivwvrjxo; 
par  égoïste.  Ce  mot  signifie  exactement  :  «  ce  qui  n'est  pas  conforme  au  bien  de  la 
communauté  des  hommes.  »  C'est  donc  encore  l'idée  de  solidarité.  Indépendance  et 
solidarité,  opposition  constante  de  l'individu  et  de  ce  qui  l'entoure,  et  en  même 
temps  nécessité  pour  l'individu  de  n'agir  que  pour  le  bien  de  la  communauté,  cette 
antithèse  se  retrouve  sans  cesse  dans  Marc-Aurèle.  Comment  concilie- 1 -il  les  deux 
termes? 

3.  [Couat  :  «  le  hasard.  »  —  Voir  la  dernière  note  à  cette  pensée.] 

4.  [Couat  :  «  principes.»] 

5.  el  ôoYfiaTa  £<jti  donné  par  A  et  D  ne  se  comprend  pas.  J'adopte  à  et  ôoyfxara 
£(itu>,  qui  est  la  vulgate. 

6.  Singulière  métaphysique,  où  l'on  parait  admettre  simultanément  la  Providence, 
Le  hasard,  la  nécessité  unis  pour  conserver  L'univers,  c'est-à-dire  la  nature,  au  moyen 
de  lois  conçues  en  vue  de  son  utilité.  [Mais,  en  réalité,  Marc-Aurèle  n'admet  pas  le 
hasard;  surtout  il  ne  peut  admettre  celle  hypothèse  —  qui  est  épicurienne — en 
même  temps  que  celle  de  la  Providence.  Le  mot  vjyr,  a  pu  être  employé,  en  deux  sens 
d'ailleurs  très  différents,  par  les  Épicuriens  comme  par  Marc-Aurèle  :  c'est  que  les  Épi- 
curiens et  Marc-Aurèle  ne  parlent  pas  la  même  langue.  Ce  mot  ne  se  rencontre  que 


Il      1)1    \î\ 


Rappelle  i«»i  députa  combien  de  lemp    lu  diffi 
.1  .  <  héoncefl  ii icdea  pai   le    I  >iem  tu  n'a     p  indu    II  * 

enfin   <|u<'   lu   <' |iiiiiih  -   quel   esl   cel    univers  <l«»ui    lu  bii 

partie;  quel  est   l'ordonnateur   de   l'univen   donl   tu  et   une 
•  in, million  ;  que  la  dui         i  enfei  mée  dan 
minées,    si    lu    n'emploie!    pas    ce   lemp     •<    le   procura    U 
il    disparaîtra,    lu    disparaîtrai    aussi,      el    il    ne 
iv\  tendra  plus  ■ 


\  chaque  heure  du  jour  applique  fortement  la  réflexion, 
comme  un  Romain  el  comme  un  homme,  ••  n  mplir  ta 
fonctions  exactement,  avec  sériera  el  sincérité,  avec  charité, 

six  fois  dans  oel  ouvrage.  On  en  peul  rendre  compte  les  ih  I  mme 

l*i  l'ail  aussi  M.  Michaul  dans  m  note  préliminaire {  p.  vn  et  \  mi  ».  une  incertitnd 
une  défaillance  de  la  pensée  de  Marc  lurèle.  \  la  dernière  ligne  du  Ih  re  l.  il  df 
manifestement  la  Bonne  Fortune,  à  qui  l'empereur  rend  grâces,  ainsi  qu'aui 
dieux,  lien  esl  de  même  Ici  :  ces  deux  mots,  taol,  --'y//,.  *etrouvenl  rapprochés  dai 
Pensées,  —  comme  en  tète  des  actes  publics.  Puisque  le  Stoïcien  esl  pieux,  poui 
refuserait -il  son  culte  à  Tyché?  A  la  lin  «lu  premier  tiers  de  la  p*  nsée  I.  i(  .  le  mot 
T'j-/r(  pourrai!  être  remplacé  par  Zeuç;  peut-être  n')  faut-il  voir  aussi  qu'une  façon  de 
parler,  n'impliquant  pas  une  conception  philosophique  détermina  ment 

un  sens  vulgaire,  nullement    métaphysique,  qu'il  convient  de  donner  au    p 
rôyaiç,  employé  à  côté  de  avu.çopat<  (MI.  27).   Dans  le  coun  de  la    11"  p 
livre  [II,  il  est  vrai,  le  mol  se  trouve  au  singulier,  el  employé  comme  nom  commun, 
en  regard  de  (nSvreufc  (rencontre),  qui  éveille  plutôt  l'idée  de  hasard  que  celle  de 
Providence;  mais  le  sens  général  de  la  phrase,  Le  voisinage  d'une  autre  proposition 
qui  concerne  les  Dieux  attestent  que  T>/r,  là  encore  est  —  comme  le  déclare  d'ail! 
à  propos  d'antres  textes,  Simplicius,  cité  par  Zeller  (III  3,  p.  i">s.  note  1)  —  Quelque 
chose  de  Oeîov  xot\  ôatpoviov,  bref,  l'équivalent  d'et(iapu.évi|. —  Enfin,  il  faut,  si  l'on 
accepte  le  texte  traditionnel,  qui  est  contestable,  Interpréter  de  la  mi  m  I" 

même  mot  au  début  de  la  dernière  pensée  de  ce  deuxième  Livre. 

Ici,  la   traduction   de    ?jyrt  par    <<  hasard  »>    est    impossible,    non    seulement    parce 
qu'elle  introduirait  dans  la  pensée  la  contradiction  accusée  par  M.  Couat,  mai-  sur- 
tout parce  que  cette  contradiction  serait  inutile  :  soumettre  le  hasard  aux  I 
nature  et  à  la  Providence,  c'est  le  nier  aussitôt  nommé.  En  quelque  parti.-  que  O 
des  Pensées,  l'hypothèse  du  hasard  est  condamnée  par  tous  I  s  où  Marc-  turèle, 

en  nous  posant  sous  quatre  ou  cinq  formes  diverses  le  même  dilemme,  bous  oblige  à 
prendre  parti  contre  elle:  ou  les  atomes  —  ou  la  nature  (\,  6;  XI.  18);  ou  les  at 
—  ou  les  Dieux  (VIII,  17);  ou  les  atomes  —  ou  la  Providence  (IV,  3)j  ou  le  hasard  — 
ou  la  Providence  (XII,  i4  et  2.'\).  La  pensée  a8  du  livre  IX  oppose  la  commune  doc- 
trine des  atomes  et  du  hasard  au  Stoïcisme,  doctrine  de  la  nature  universelle  1 
dieux.  Il  est  remarquable  que,  dans  toutes  ces  antithèses,  le  ••  hasard  •  est  exprima 
an  autre  mot  que  r>/r(  (soit  yupu.be  elxdîoç,  soit  Ênt-ruy/a,  soit  l\uh  .?).] 

1.  aviOi;  oOx  k'EsdToa  donné  par  A  et  D  peut  s'expliquer.  —  qÇerai,  donné  par  Gata- 
ker,  est  préférable. 

Exhortation  à  la  sagesse,  nécessité  de  connaître  la  raison  des  choses,  brièveté  de 
la  vie. 


22  BIHLIOTHÈQUE    DES    UNIVERSITES    DU    MIDI 

suivant  la  liberté1  el  la  justice;  débarrasse-toi  de  toute  autre 
représentation^.  Tu  >  réussiras  si  lu  accomplis  chacune  de  tes 
actions  comme  la  dernière  de  ta  vie,  te  délivrant  ainsi  de  toute 
légèreté,  de  toute  répugnance  passionnelle3  pour  tes  comman- 
dements de  la  raison;  tu  seras  libre  d'hypocrisie,  de  l'amour- 
propre,  de  la  mauvaise  humeur  vis  à  vis  de  la  destinée. 
Tu  vois  le  peu  d'obstacles  qu'il  suffit  de  vaincre  pour  vivre 
une  vie  au  cours  régulier  et  pareille  à  celle  des  Dieux;  les 
Dieux,  en  effet,  ne  demanderont  pas  autre  chose  à  celui  qui 

observera  ces  règles. 

6 

Tu  t'es  outragée*,  tu  t'es  outragée  toi-même,  ô  mon  âme, 
mais  tu  n'auras  plus  l'occasion  de  t'honorer  toi-même,  car 
noire  vie  à  tous  est  courte.  La  tienne  est  presque  achevée 
sans  que  tu  te  sois  respectée,  parce  que  lu  as  mis  ton 
bonheur  dans  les  âmes  des  autres  5. 


Tu  es  distrait  par  les  incidents  extérieurs  c;  donne-toi  le 
loisir  de  toujours  ajouter  quelque  chose  à  ta  connaissance  du 

i.  [Par  liberté  entendre,  suivant  l'usage  ordinaire  de  Marc-Aurèle  et  les  indica- 
tions de  la  phrase  suivante,  la  raison  affranchie  des  passions.] 

a.  [Couat  :  <(  idée.  »] 

3.  [Couat  :  «instinctive.))  Le  mot  contesté,  £(jnra8T)ç,  est  un  dérivé  de  iraOo;,  et 
7iâ6o;  était  précisément  défini  par  Zenon  âppirj....  a7tst6r(;  tw  alpouvxi  Xoy<*> 
(Stobée,  II,  166),  On  retrouve  dans  cette  définition  les  termes  mêmes  de  la  pensée  II,  5 
de  Marc-Aurèle.  La  différence  qu'établissent  les  stoïciens  entre  Vinstinct  et  la  passion 
est  capitale.  Cf.  infra  III,  16,  3m*  note.] 

l\.  J'ai  adopté  la  leçon:  Oêptse;,  au  lieu  de:  O'êpi'e,  le  texte  étant  manifestement 
altéré;  il  y  a  opposition  entre  les  deux  parties  de  la  phrase,  et  l'impératif  préféré 
par  M.  Pierron  n'a  guère  de  sens.  Je  ne  suis  d'ailleurs  pas  satisfait  de  cette  leçon, 
l'imparfait  me  paraissant  ici  peu  à  sa  place.  Faut-il  lire  :  uopi<ja;?  (Voir  infra,  II,  16, 
une  pensée  commençant  par  :  v6pi'Çei  Éa'jrn.v  r,  i^ux*)*)  —  [Var.  :  «  avilie.  »] 

5.  C'est  ici  l'Empereur  qui  parle;  exhortation  à  remplir  son  devoir,  avec  un 
accent  profondément  pénétré,  sans  autre  considération  que  le  souci  d'être  pur.  Culte 
de  l'âme  individuelle  considérée  comme  une  parcelle  de  la  divinité. 

6.  [Var  :  «  Que  les  incidents  extérieurs  ne  te  distraient  pas.  »  —  Cette  variante,  ou 
plutôt  cette  correction  (car  l'autre  texte  est  raturé),  est  défendue,  dans  le  manuscrit 
d'Aug.  Couat,  par  la  note  suivante  :  «  i;spi(X7tà  xi  ce.  Telle  est  la  leçon  de  tous  les  ma- 
»  nuscrits.  Elle  est  possible.  Ce  qui  m'a  déterminé  à  préférer  l'impératif  :  fi-rj  rapiaTtaTO) 
»  de,  déjà  proposé  par  Gataker,  c'est  le  xat  qui  suit,  donné  dans  A,  et  les  impératifs 
»  de  la  seconde  proposition.  Le  sens  est  beaucoup  plus  net  et  les  deux  phrases  se 
»  tiennent  mieux.  »  —  C'est  précisément  le  xai  donné  dans  A  qui  me  semblerait  con- 
damner la  conjecture  de  Gataker  :  après  (xr(,  on  attend  non  pas  xaî,  mais  aX).à.  Dans  D, 
la  copule  manque.  C'est  le  texte  de  D  qu'avait  d'abord  traduit  Aug.  Couat,  et  que, 
malgré  ses  scrupules,  j'ai  préféré.! 


PI  (    ii       Dl     M  m  U      m  il  i  i 

bien  h  oesse  <!<•  l'étourdir  en   i aln.  Pn  loi      n  on) 

d'une  autre  caui  e  d'aï  i  eui    <  i   I  folie  que  de  -••  fotigui  i 
dans  1,1  \  le,    .m    ai  olr  un  bul  où  dii  ig<  r  tout  endant 

de  notre  Ime  et  toutes  noi  id  exception 

8 

On  trouverait  difficilement  quelqu'un  <|ui  loil  malheurevu 
pour  ne  pas  examiner  <•<>  qui  se  passe  dans  I  Ime  dei  auta 
mais  rv[\\  qui  ne  suivent  pas  avec  attention  les  mouvements 
de  leur  propre  rime  sont  fatalement  malheureux. 

9 

Se  rappeler  toujours  m>\  :  quelle  est  la  nature  de  Puniven 
e1  quelle  cs\  ta  mienne?  qu'est  relie  ci  par  rapport  i  la  pre- 
mière? quelle  partie  de  quel  tout  est  elle?  Et  ceci  :  nul  ne  peut 
t'empêoher  d'agir  toujours  et  de  parler  conformément  .x«  la 
nature  dont  tu  es  une  partie*. 

10 

C'est  en  philosophe  que  Théophraste,  comparant  entre  elles 
les  fautes  et  les  jugeant  comme  le  ferait  le  sens  commun*, 

i.  [Var.  :  «  Les  hommes  avancés  en  Age  s'égarent  eux-mêmes  chms  leurs  ictei  j 
qu'ils  n'ont  pas  un  but  vers  lequel  ils  dirigent  toutes  leurs  tendances,  et  conduisent 
une  fois  pour  toutes  leurs  idées.  »] 

q.  Précepte  capital  des  Stoïciens. 

3.  [Qu'on  me  permette  de  signaler  la  locution  *Otvortpov  <7,jyxp''vstv,  que  M.  Couat 
traduit  par:  «juger  suivant  le  sens  commun.»  Rapprochée  de  etVotrîftK,  «'H''  pe«1 
surprendre  d'abord,  si  Ton  pense  au  mépris  de  l'humanité  commune  qu'affrétaient 
les  Stoïciens,  à  leur  division  des  hommes  en  deux  ou  troi^  I  une  multitude  de 

fous,  à  leurs  paradoxes  qui  sont  autant  de  défis  portés  au  bon  sens.  C'est  pourtant 
avec  raison  qu'on  a  rendu  à  cette  pensée  le  premier  mot  (fitaoéftsç)  que  deux  des 
meilleurs  manuscrits  avaient  attribué  à  la  précédente;  et  je  ne  pense  point  qu'il 
y  ait  lieu  ici  de  corriger  le  texte  traditionnel  et  d'y  substituer  la  conjecture  qu'on 
devine  (car  ils  ne  nous  l'indiquent  pas)  sous  le  français  de  Barthélémy  Saint-Hilaire 
et  de  M.  Michaut.  «  La  hiérarchie  la  plus  claire  qu'on  ait  jamais  donnée  »  ne  traduit 
pas  :  w:  à'v  ti<  xoivotîcov  Ta  ToiaOxa  ffvptp(vstt. 

En  dehors  de  cette  pensée,  et  sans  compter  un  passade  où  j'ai  cru  pouvoir  le  réta- 
blir par  conjecture  (cf.  infra  VIII,  4i),  xotvoTtfxrv  est  encore  employé  deux  fois  par 
Marc-Aurèle,  les  deux  fois  (IV,  20;  VI,  45)  au  sens  que  M.  Couat  lui  attribue  ici:  la 
traduction  même  de  M.  Michaut  en  peut  faire  foi.  Ce  n'est  nullement  une  expression 
dédaigneuse.  C'est  l'adjectif  »ou.mxbv  qui,  dans  les  Pensées,  oppose  une  opinion 
vulgaire  à  une  opinion  philosophique  (IV,  3,  36);  encore  vulgaire  ne  signifie-t-il  pas  : 
inutile  (IV,  5o),  et  ne  signifie-t-il  même  pas  toujours  :  sot  (I\,  3).  Sans  doute,  cette 
modération  de  langage,  ou,  plus  précisément,  cette  atténuation  d'une  expression 
injurieuse,  n'est  pas  habituelle  au  Stoïcisme:  sans  doute  c'est  une  marque  de  la  bien- 
veillance de  Marc-Aurèle  pour  le  genre  humain  :  et  l'on  pourrait  croire  que,  comme 


M  BIBLIOTHÈQUE    DES    UNIVEHSITÉS    ni     midi 

déclare  les  infractions  de  la  concupiscence  plus  graves  que 
celles  de  la  colère.  L'homme  irrité  agit  sous  l'effet  d'une 
certaine  douleur  qui  contracte  secrètement  son  âme  et  le 
détourne  de  la  raison;  celui  qui  pèche  par  concupiscence 
est  esclave  du  plaisir;  il  esl  évidemment  plus  déréglé  cl  plus 
efféminé.  Théophraste  disait  doue  avec  raison  et  en  vrai 
philosophe  que  la  faute  accompagnée  de  plaisir  mérite  d'être 
plus  sévèrement  reprochée  que  celle  qui  vient  de  la  douleur. 
Bref,  dans  un  cas.  le  coupable  esl  comme  victime  d'une 
injustice,  et  c'est  la  douleur  qui  le  force  à  se  mettre  en  colère; 
dans  l'autre,  il  court  de  son  plein  gré  à  l'injustice  et  se  haie 
d'agir  pour  satisfaire  sa  concupiscence. 

11 

L'idée  que  tu  peux  des  maintenant  sortir  de  la  vie  doit 
inspirer  tous  tes  actes,  toutes  tes  paroles,  toutes  tes  pensées. 
S'en  aller  d'au  milieu  des  hommes  n'a  rien  de  terrible,  si  les 
Dieux  existent,  car  ils  ne  sauraient  te  faire  tomber  dans  le  mal. 
Si,  au  contraire,  ils  n'existent  pas,  ou  s'ils  n'ont  aucun  souci 
des  choses  humaines,  que  t'importe  i  de  vivre  dans  un  monde1 
vide  de  Dieux,  vide  de  providence?  Mais,  certes,  ils  existent, 
ils  ont  souci  des  choses  humaines,  et  ils  ont  donné  à  l'homme 
plein  pouvoir  d'éviter  le  mal  véritable2;  s'il  y  avait  quelque 

parfois  î&umxov  est  adouci  par  le  contexte,  xotvoTcpov  lui-même,  dans  les  Pensées, 
n'est  jamais  qu'une  litote  ou  qu'une  locution  polie.  Mais,  sans  Invoquer  le  sens 
étymologique  et  l'usage  qui  a  dû  opposer  formellement  xoivoTepov  à  lo'.umxov,  comme 
xoivy;  à  !o:a,  qu'il  sutïise  de  rappeler  ici  l'importance  accordée  par  les  Stoïciens  au 
consentement  universel,  et  le  caractère  de  certitude  qu'ils  reconnaissaient  aux  xotvon 
ëvvoi&i  (Zeller,  l.  L,  p.  7^  sqq.)« 

11  suit  de  là  que,  s'il  y  a  des  contradictions  dans  la  philosophie  Stoïcienne,  il  n'y 
en  a  pas,  du  moins  théoriquement,  pour  les  Stoïciens,  entre  la  philosophie  et  le  sens 
commun;  qu'il  était  de  bonne  guerre  pour  un  adversaire  du  Portique,  ou  permis  à 
un  dissident  d'en  appeler  de  cette  philosophie  au  sens  commun,  et  que  Marc-Aurèle 
a  pu,  en  conformité  avec  la  doctrine  de  Zenon  et  de  Ghrysippe,  comme  d'Épictète, 
apprécier  la  même  théorie  par  les  deux  mots:  cpiAocôcpo);  et  xotvûTSpov.  Ce  qui  est  ici 
original  et  admirable,  c'est  l'indépendance  philosophique  et  la  sincérité  de  l'auteur 
des  Pensées.  Cette  théorie  qu'il  défend  ne  lui  a  pas  été  enseignée  par  ses  maîtres 
préférés,  car  elle  est  d'un  Péripatéticien  et  contredit  formellement  la  thèse  stoïcienne, 
présentée  par  Stobée  comme  par  Ciçéron,  de  l'égalité  des  fautes:  Crescere  bonorum 
fidem  non  putamus  (De  Finibus,  III,  i/j,  48);  —  iràvxcdv  iz  xwv  àjxapT^fAaTwv  i'arwv  ovtcov 
(Eehgae,  11,  23G).| 

1.  [Conjecture  de  Nauck  ou  de  Coraï.J 

2.  [Ce  mal  véritable,  que  nous  aurions  plein  pouvoir  d'éviter,  c'est  le  mal  moral. 
Marc-Aurèle  pense  si  peu  à  le  nier  qu'à  l'avant-dernière  ligne  de  cette  pensée  il 
oppose  les  bons  aux  méchants.  Le  mal  moral  ne  dépend  donc  que  de  l'homme,  n'est 


Il   NSl'l  l>l       M  Ul<  l   I 

autre  mal  <|u<'  celui   là,  N^  I  auraienl  prévu  ol  auraient  I 
sorte  que  l'homme  pûl  |  Loi^joui        on    j»i 6  ci  \  i 
donc'  <•<•  qui  ne  rend  pai  I  homme  plui  mauvaii  pourrai)  il 
rendre  ^.i  \i<-  plua  mauvaise  '  il  m  e  I  pu    po    )hl<  que  la  nal 

.le  l'unis  ris  ;iil    n-      h     i     COlt     tfOIl    illél  •<!  U  'M  ,   "'i    pai     I 

ou  .'i  bon  escienl ,  maU  par  impui    ance  à  prévenli 

une  Injustice;   il   n'esl  pai   possible  <j"<-   pai    impui 

par  maladresse  elle  se  soil  trompée  à  ce  poinl  en  laissant    h 

biens  et]  les  maux  arriver  < '  u' . «  h  •  1 1  h  ■  n  i  el  indistinctement 

bons  ri  aux  méchants.    La   morl  el    la    vie,   la   renomi 

l'obscurité,  la  peine  el  !<■  plaisir,  la  richesse  el  la  pauvr< 

arrivent  également  aux  bons  <ii  aux  méchants,  mais  ces  «  ho 

ne   SOnt    ni    belles    r i i    laide-.    Ce    116   SOnl   «loue    ni   des    l»i<n>    ni 

des  maux j. 

12 

Gomme  tout  s'évanouit  vite,  l«'>  corps  eux  mêmes  dans 
l'univers,  et  dans  la  durée  leur  mémoire!  Que   valent  toutes 

Imputable  qu'à  lui  :  î~'  aOxô)  te  k&v.  Cette  doctrine  était  déjà  celle  de  Cléanthe 
[Hymne,  v.  i5  sqq.)  : 

0'j't£  y.aT'   QttOépiON  Oslov  ic6Xo?  ovV    h 

ti)«t)v  oTioTa  '>i^o-j(7t  xaxofc  T^ZTipr.i'.v  aw'ai;. 

Kilo  attribue  à   L'homme  une   Liberté  qu'il   ett  dilVnil  -  r  i  r-  î  1  î  ♦  -r-  a\ee    In    | 

puissance  du  principe  directeur  du  monde  et  avee  l<"  déterminisme  universel  |  \  i 

Vil.  g,  etc.),   et  qui  est  tout  juste  le  contraire  de  l'axoXovôfa  kot<    II 

note),  c'est-à-dire  de  la  liberté  du  stoïcien.  Pourquoi  avons- nous  aussi  La  Liberté  de 

mal  faire?  C'est  que  nous  n'aurions  pas  l'autre,  >i  non-  D'avions  pas  celle-là,  el  que  le 

mal  même  est  nécessaire  à  la  perfection  du  monde  (x«\  rôti 

VI.  .'12).  Et  pourquoi  la  liberté  de  mal  faire  n'est-elle  pas  la  liberté?  Parce  qu'elle  est 

contraire  à  la  raison  (infra  VI,  S,  en  note),  c'est-à-dire  à  la  volonté  de  notre  nature 

(infra  IV,  49  et  les  notes);  —  en  d'autres  termes,  que,  la  raison  seule  étant  te  propre 

de  L'homme,  la  liberté  pour  l'homme,  c'est  seulement  L'indépendance  de  si  raison;  — 

et  parce  que,  si  mal  disposé  qu'on  soit,  si  prêt  à  détruire  l'ordre  du  monde  |  VI,  |a  : 

xai  6  ji£fj.cpojx£vo:,  xoù  6  àvxioaivs'.v  -îipcôpisvo:),  on  se  leurre,  en  tin  de  compte.  >i   L'on 

s'imagine  pouvoir  rien  contre  lui.] 

1.  [Gouat  :  «Mais  comment.  » —  J'ai  craint  que  cette  traduction  ne  marquât 
assez  nettement  la  suite  du  sens.  «  Ce  qui  ne  rend  pas  l'homme  plus  main 

tout  ce  qui  n'est  pas  le  mal  moral,  tout  ce  qui,  pour  Marc-Aurèle,  n'est  pas  le  mal, 
et  à  peu  près  tout  ce  que  communément  on   nomme  les   maux.   Cette  p 
Marc-Aurèle   est   toute   une   théodicée.    Elle   affirme   la    Providence   et   s'efforce   de 
répondre  à  l'objection  traditionnelle  qu'on  lui  adresse  en  raison  de  ces  trois  faits  :   l- 
mal  moral,  le  mal  physique  et  le  divorce  de  la  justice  et  du  bonheur.] 

2.  Différence  entre  le  point  de  vue  spiritualiste  et  le  point  de  vue  stoïcien.  Le  Spiri- 
tualisme corrige  les  injustices  de  la  vie  par  le  postulat  à  l'immortalité;  le  Stoïcien  les 
corrige  en  les  regardant  comme  négligeables.  On  résout  la  question  du  bonheur  en 

faisant  consister  dans  la  vertu  et  en  niant  le  reste. 


l6  BIBLIOTHÈQUE   DB8   LMVEitSl  JT>    D1     MIDI 

les  choses  sensibles,  même  celles  qui  nous  séduisent  le  plus 
par  1rs  attraits  du  plaisir,  ou  qui  nous  éloignent  par  la  crainte 
de  la  douleur,  ou  que  l'orgueil  célèbre  à  grand  bruit I  Comme 
elles  sont  insignifiantes,  méprisables,  ralgaires,  périssables, 
mortes  même!  Voilà  ce  que  notre  intelligence  doit  s'appliquer 
à  reconnaître.  Que  sonl  ils  ceux  dont  les  opinions  el  les 
paroles  donnent1  la  renommée?  Qu'est  ce  que  la  mort?  Si  on 
la  considère  [seule,]  en  elle-même,  si  l'analyse  de  la  réflexion 
dissipe  tous  les  fantômes  que  nous  apercevons  en  elle%  on 
n'y  verra  rien  qu'un  acte  de  la  nature.  Il  n'\  a  <pfun  pelit 
enfant  qui  puisse  craindre  un  acte  de  la  nature,  et  la  mort 
est  non  seulement  un  de  ces  actes,  mais  encore  c'est  un  acte 
qui  lui  est  utile.  Gomment3  l'homme  touche-t-il  à  la  divinité, 
par  quelle  partie  de  lui-même,  et  dans  quelles  dispositions 4 
faut-il  que  soit  [à  ce  moment]  cette  partie  de  l'homme? 

13 

Il  n'y  a  rien  de  plus  malheureux  que  celui  qui  promène 
sa  pensée  sur  tout  ce  qui  l'entoure,  qui  fouille,  comme  dit 
le  poète5,  les  choses  souterraines,  qui  épie  les  preuves  de  ce 
qui  se  passe  dans  l'âme  de  son  prochain,  et  qui  ne  s'aperçoit 
pas  qu'il  lui  suffirait  de  rester  en  contact  avec  le  génie  qui 
est  au  dedans  de  lui-même,  et  de  le  servir  sincèrement. 
Servir  ce  génie,  c'est  se  conserver  pur  de  toute  passion,  de 
toute  erreur,  de  toute  mauvaise  humeur  contre  ce  qui  nous 
vient  des  Dieux  ou  des  hommes.  Nous  devons  respecter  ce  qui 
nous  vient  des  Dieux  à  cause  de  leur  haute  sagesse  6,  et  aimer 

i.  [Le  mot  a  disparu  du  texte  grec.] 

2.  [Couat  :  «  si  on  soumet  à  l'analyse  de  la  réflexion  ce  fantôme.  »] 

3.  Il  y  a  une  solution  de  continuité  plus  apparente  que  réelle  entre  la  phrase  irw; 
oLTizz-toLi  et  les  précédentes.  Tout  ce  morceau  dépend  d'un  verbe  sous-entendu  :  «  examine, 
cherche,»  qui  gouverne  le  premier  et  le  dernier  ruo;.  Apres  avoir  vu  combien  la  vie 
était  vaine,  l'homme  doit  chercher  ce  qui  le  rattache  à  Dieu. 

/*.  7rtb;  s/ri  8iotxéijtai. —  Le  sens  de  cette  proposition  ne  me  paraît  pas  douteux,  mais 
un  des  deux  verbes  ïyr,  Siaxsr/rai  fait  double  emploi  et  rend  le  passage  obscur  :  ïy^ 
est  sans  doute  une  glose. 

5.  [Pindare,  dans  Platon  (Théétète,  i;3  E)j. 

6.  [Couat  :  «  à  cause  de  leur  perfection.  »  —  Ce  mot  ne  m'a  pas  semblé  traduire 
avec  une  précision  suffisante  le  grec  ocpsi-rj.  D'autre  part,  je  n'ai  pu  écrire  ici  le  mot 
«  vertu  »  :  je  craignais  de  ne  point  m'entendre  avec  le  lecteur.  Ce  que  nous  appelons 
vertu  est  quelque  chose  d'humain  :  l'àpîTr,  des  Stoïciens  est  presque  surhumaine;  c'est 
un  idéal  qu'on  n'atteint  guère;  Caton  mourant  déclare  que  c'est  un  leurre.  C'est  par 


lis    m        ni      M  \  p.-       \  i   ,  •  i  I  l 

œ  <|ui  nous  \  lent  dei  homnv  de  l< 

nous,    ou     pai  tbil    «ii      i\  "ii     |>il  ir  di'    li  i  j  i 

du  bien   <>u   «lu    mal     oe   n'esl    p         n    effet,    une    moindre 
Infirmité  que  celle  <  i  •  j  i   noui  em|  Je  di  tinguci  l<    blan< 

et  le  noir  ■ . 

14 

Quand  même  tu  devrais  \i\r<'  trois  [fois]  mi  il  1 1  autan) 

de  fois  <li\  mille,  rappelle  toi  eependanl  ceci      pei  onne  ne 
perd  que  le  moment  «le  vie  «ju'il  est  en  train  <!«•  vivra»  et  * 
\ii  un  autre  que  celui  <|u'M  perd.  L'existence  la  plus  Ion 
est  dono  au  même  point  que  la   plus  courte.  Le  présent  est 
i  pour  tous,  dono  Le  moment  qui  passe  est  égal  pour  tous  . 
H  par  suite  o€  que  nous  perdons  nous  apparaît  comme  impei 
ceptible,  Nul  ne  peut,  en  effet,  perdre  ni  le  passé  ni  l'avenir; 
qui  lui  enlèverait  ce  qu'il  ne  possède  pas?  Rappelle  toi  donc 
ces  deux  points  :  d'ahonl,  les  choses,  de  toute  éternité,  sont 
pareilles  et  tournent  dans  le  même  cercle.  Qu'importe  donc 
de  voir  les  mêmes  choses  pendant  cent  ans  ou  deux  cents, 
ou  pendant  un  temps  infini?  En  second  lieu,  l'homme  qui 
jouit  de  la  plus  grande  longévité  et  celui  qui  est  condamné  i 
la  mort  la  plus  prompte  perdent  une  durée  égale.  Le  moment 
présent  est  le  seul,  en  effet,  dont  l'un  et  l'autre  puissent  être 

un  véritable  abus  de  langage  qu'un  Stoïcien  nous  recommande  la  pratiqua  de  l'àf 
cotte  pratique  n'est  qu'une  tentative,  ou  cette  àssTr,  n'est  qu'un  à  peu  pfès;    '.-t.  -i 
Ton  veut,  notre  «  vertu  ».  Mais  quand  on  parle  du  sage  un  des  dieux,  comme  ici.  le 
mot  doit  être  entendu  à  la  lettre;  je  m'en  suis  rapporté  à  la  définition  qu'en  donne 
Cicéron  dans  les  Tiisculanes  (IV,  i5,  34):  ipsa  virtus  brevinime  recta  ratio  dici  / 
—  et  à  l'attestation  du  Pseudo-Plutarque  (v.  Horn.  1 3  4  >  :  o1  ukv  o\n  It'.k/.v.  tt-,  - 
TÎOsvTat    sv   tt)    àuaOîta.    La  «haute    sagesse»  est    la  conformité  avec    la    raison;  si 
distincte  qu'elle  soit  de  la  dureté  ou  de  l'indifférence,  elle  n'implique  pas  un  mou- 
vement du  cœur:  telle  sera  la  vertu  des  Dieux.] 

1.  Admirable  pensée,  mais  dans  laquelle  le  Stoïcien  s'excepte  des  autres  hou. 
et  s'attribue  la  connaissance  du  bien  et  du  mal  que  les  autres  n'ont  pas. 

2.  [Couat  :  «bien  que  le  passé  ne  le  soit  pas,  »  et,  en  note  :  «  J'ai  adopté   la  1 

»  vulgaire:  st  xoi  to  ir:oXX'j{j.îvov  oOx  Ttov,  au  lieu  de  xaî  70  kkoXX^  '.  adopté 

»  par  Gataker  et  par  Siich.  El  manque  dans  les  manuscrits  Art  D,  mais  ils  donnent 
»  oOx  que  Gataker  change  en  ouv.  Le  sens  qu'il  propose  par  ce  changement  :  «  le  passé 
»est  égal  aussi,»  est  moins  clair  que  celui  de  la  leçon  courante.  Le  raisonnement  --t 
celui-ci  :  «  Le  passé  a  beau  être  long,  il  n'en  est  pas  moins  imperceptible,  car  nous  ne 
»  perdons  ni  le  passé  ni  l'avenir,  nous  ne  perdons  que  le  présent:  le  pas*é  est  donc 
»  comme  s'il  n'existait  pas.  » —  La  leçon  vulgaire  semble  inadmissible  :  après  d  /a., 
la  négation  est  {ir,,  et  non  aux  (Koch-RoulT,  Grammaire  grecque,  $  11A).  La  traduction 
de  to  àuoXX'jtxîvov,  qui  est  un  participe  présent,  par:  «  le  passé  »  e>t  aussi  tr.  - 
tarble.  J'ai  donc  cru  pouvoir  adopter  la  correction  de  Gataker] 


28  BIBLIOTHEQUE    DBfl    [JHIVERSITÉS    Dl     MIDI 

privés,   car  c'esl    le  seul  qu'ils  possèdent,  el   ce  que  Ton   ne 

possède   point,    on    ne    pciil    |);is    le   perdre  '. 

15 

«Que  tout  n'est  qu'opinion.»  La  pensée  du  cyniques  Monimos 
es!  évidente,  el  son  utilité  évidente  aussi,  pourvu  que  Ion  en 

relire,  dans  la  limite  de  Ce  qu'elle  a  de  \  rai.  la  leeon  salulaii 

16 

L'âme  humaine  s'avilit*,  d'abord  lorsqu'autanl  qu'il  est  en 

elle,  elle  sort  comme  un  abcès  du  corps  du  mondes  :  s'im- 
patienter contre  quoi  que  ce  soit  qui  arrive,  c'est  [en  effet] 
sortir  de  la  nature  qui  embrasse  comme  autant  de  parties 
d'elle-même  toutes  les  natures  particulières.  En  second  lieu, 
quand  elle  se  détourne  d'un  homme  ou  môme  se  porte 
contre  lui  dans  l'intention  de  lui  nuire,  \insi  font  les  âmes  des 
gens  irascibles.  Elle  s'avilit  en  troisième  lieu  quand  elle  se 
laisse  vaincre  par  le  plaisir  ou  la  douleur.  En  quatrième  lieu, 
quand  elle  feint,  quand  ses  actions  ou  ses  paroles  sont  arti- 
ficieuses et  mensongères.   Cinquièmement,  quand  ses  actions 

i.  Ici,  Marc-Aurèle  s'évertue  à  se  prouver  que  la  vie  n'est  rien.  Il  la  décompose 
en  ses  instants,  en  oubliant  la  conscience  qui  les  relie  entre  eux  et  nous  les  fait 
vivre  tous  à  la  fois.  Ressemblance  avec  le  Christianisme,  perpétuelle  exhortation  à 
mépriser  la  vie.  Mais  ce  dernier  a  une  espérance  ultérieure.  Le  Stoïcien  accepte  la 
vie  et  la  quitte  avec  la  môme  sérénité.  Mais  pourquoi  est-elle?  Il  ne  s'en  préoccupa 
pas.  —  [«  Nous  sommes  nés  pour  l'action  en  commun))  (II,  i).  —  Le  stoïcisme  ne  se 
préoccupe  pas  des  limites  de  la  vie  humaine,  parce  que  l'homme  n'est  pas  indépendant 
du  monde,  vivant  éternel  et  unique;  et  il  n'a  pas  à  rendre  compte  de  la  vie,  puisque 
la  vie,  pour  lui,  c'est  l'absolu.] 

2.  [Conjecture  de  Reiske.] 

3.  Dans  le  monde  des  phénomènes  gouverné  par  une  Providence,  où  tout  est 
toujours  la  même  chose  et  où  la  vie  de  l'homme,  phénomène  comme  les  autres,  ne 
compte  pour  rien,  à  quoi  servent  la  raison,  la  sagesse,  le  bien,  sinon  à  se  montrer? 

—  [Ils  font  la  beauté  du  monde;  ce  ne  sont  pas  des  «opinions  ».  —  La  «  leçon  salu- 
taire» que  renferme  la  pensée  de  Monimos,  c'est  Marc-Aurèle  lui-même  qui  la  tire  au 
livre  IV  (S  7).  —  Ce  qui  est  excessif,  c'est-à-dire  faux  en  elle,  c'est  le  mot  «  tout  ».] 

t\.  [Var.  :  «  se  déshonore.  )>  Elle  s'avilit  au  point  de  se  faire  esclave.  On  sait  que  la 
liberté  pour  un  stoïcien,  c'est  seulement  la  liberté  de  la  raison.] 

5.  [Couat  :  «  elle  se  retranche  de  l'univers  et  en  devient  comme  une  excroissance.  » 

—  Il  y  a  dans  le  texte  grec  deux  mots  synonymes  :  oLTiôvzr^y.  */a\  ?0jj.a,  qui  auraient 
pu  être  traduits  par  :  un  apostume  et  une  excroissance.  Mais  il  y  a  aussi  dans  le 
texte  grec  un  jeu  de  mots  entre  ctTZO(rxrt[LOL  et  à-noc-Tas».:,  qu'on  aurait  pu  conserver 
en  latin  (abseessus,  abscedere),  mais  qui  ne  peut  passer  aussi  aisément  en  français. 
Or,  il  se  trouve  que  la  suite  du  sens  est  surtout  dans  ce  jeu  de  mots.  Une  allité- 
ration comme  celle  que  je  hasarde  plus  bas  (IV,  29  et  la  note)  pour  représenter  en 
français  la  même  rencontre  (abcès,  sécession)  n'est  utile  et  possible  que  lorsque  les 
deux  mots  sont  voisins.  J'ai  joué  ici  sur  le  sens  du  verbe  «  sortir  »  ;  dans  cette  traduc- 
tion le  jeu  de  mots  de  Marc-Aurèle  paraîtra  sans  doute  bien  atténué  :  j'en  ai  gardé  ce 
que  j'ai  pu.] 


ri  s    i  i       m     m  ■•  i  -      \  i  i     ii 

ou  ses  impulsion!  n  nui  aucun  bul    quand  i  lie  empl( 
énergie  au  hasard  el    an      iiite,  landl    qu  11  faudrait  dii  i 
noa  acte     le    plu     In  >   nifianl     en   i  lie  d  un<    Bn    (  h .  la  Dn 
d'animaux  raisonnablei  e  I  de  mil  re  la  rai  ion  el  la  !  bli< 

dans  la  oité  par  la  plus  antique  de    «  on  Ululions  ». 

17 

Qu'es)  oe  que  la  durée  de  la   vie  de  l'homme?  I  n  point* 
s,,  substance?  I  n  écoulemenl    9a    ensibilité  esl  confuse    i 
parties  qui  composent  son  corps  sonl  exjx  ■  pourrii    ion 

âme  es!   un  tourbillon;  son  destin     esl  obscur,  la  renomnr* 
incertaine.  En  résumé,  toul  esl  vain;  le  corps  esl  une  eau  qui 
coule;  l'âme  un  songe,  une  fumée;  la  vie  n'es!  qu'une  guen 
un  séjour  en  pays  étranger;  la  gloire  posthume,  c'esl  l'oubli. 
Qu'est  ce  qui    peu!    donc    nous   conduire    dans    ce    vo 
La   philosophie  seule.  Elle  consiste  à  conserver  noti         aie 
intérieur  exempt  de  toul  affront  et   de  toute  souillure,  sup 

rieur    aux    plaisirs    el    aux    peines;   à    ne    rien    faire   au    hasard, 

à  ne  jamais  mentir  ni  feindre;  à  ne  dépendre  en  rien  de  i 
que  les  autres  peuvent  faire  ou  ne  pas  faire.  Il  faut,  en  outi 

accepter  ce  qui  nous  arrive,  la  pari  qui  nous  est  allrihu 
comme  venant  d'où  nous  sommes  venus  non-  mêmes.  Sur 
tout  il  faut  attendre  la  mort  avec  sérénité,  comme  n'étant 
pas  autre  chose  que  la  dissolution  des  éléments  dont  chaque 
être  vivant  esl  composé.  Et  s'il  n'x  a  rien  d'extraordinaire  pour 
chacun  de  ces  éléments  dans  leurs  perpétuelles  métamorphoses, 
pourquoi  verrait-on  d'un  mauvais  œil  la  métamorphose  et  la 
dissolution  de  leur  tout?  Elle  a  lieu  conformément  à  la  nature, 
et  rien  de  ce  qui  est  conforme  à  la  nature  n'est  mauvais 

Écrit  à  Garnuntum. 

i.  Toujours  cette  idée  d'unité  et  d'harmonie,  non  pas  futures  mais  actuelle-, 
éternelles,  qui  sont  leur  but  à  elles-mêmes  et  pour  lesquelles  L'homme  doit  tout  faire. 
Tout  ce  qui  tend  à  détruire  cette  harmonie  est  un  mal.  bien  que  ce  mal  lui-même, 
étant  prévu  à   l'avance,   en    fasse  partie.    Colère,    m  ,    irn.tle\ion,    autant  de 

causes  de  désordre. 

■j.  [Couat  :  «  le  hasard.  » —  Sur  le  sens  de  --j'/rt,  cf.  II.  3.  dernière  note.  L>-  texl 
d'ailleurs  douteux,  le  meilleur  manuscrit  portant  deux  fois  'l'jyrit  au  lieu  de  i. 
~jyrt...  ou  v*x*  el  tytxn.] 

3.  Cette  pensée,  écrite  à  un  moment  décisif  de  la  vie  morale,  est  un  sursum  corda; 
et  c'est  le  dernier  mot  du   Stoïcisme.   Toute  sa  thèse  repose   sur  un  postulat,   qui 


3o  ÎHMI.IOIIIMM   I      DBS     r   \l\l  UHIl's    1)1      MIDI 

LIVRE  III 


Il  ne  Faul  pas  réfléchir  seulement  à  ceci  qur  là  vie  -<i 
dépense  chaque  jour4  el  qu'il  nous  en  reste  une  partie  de 
plus  en  plus  petite.  Réfléchissons  en  nuire  que,  si  nous  vivons 
longtemps,  nous  ne  sommes  pas  sûrs  que  notre  pensée,  égale 
à  elle  même,  suffise  toujours  à  comprendre  la  vérité  el  à  se 
pénétrer  de  la  doctrine  qui  nous  conduit  à  l'expérience  des 
choses  divines  cl  humaines.  Si  notre  esprit  commence  à  dérai- 
sonner, nous  pourrons  toujours  respirer,  prendre  des  aliments, 
avoir  des  représentations  et  des  tendances,  [etc.,J  mais  ce  qui 
s'éteint  d'abord  en  nous,  c'est  le  pouvoir  de  nous  gouverner 
nous-mêmes,  d'appliquer  exactement  et  dans  toutes  leurs 
nuances  i  les  règles  du  devoir,  d'analyser  nos  impressions  3, 
de  considérer  s'il  est  temps  de  nous  donner  congé  de  la  vie,  et 
de  résoudre  tant  de  questions  qui  exigent  une  raison  exercée. 
Hâtons -nous  donc,  non  seulement  parce  qu'à  chaque  instant 
nous  nous  rapprochons  de  la  mort,  mais  parce  que  l'intel- 
ligence de  la  suite  des  choses  cesse  en  nous  avant  tout 
le  reste. 


Observez  encore  ceci  :  toute  chose  que  produit  la  nature, 
quoi  qui  vienne  à  se  produire  en  elle,  garde  même  en  cela 


revient  souvent  dans  les  Pensées  :  la  nature  est  bonne.  Cependant  l'objection  est 
prévue,  au  moins  en  partie  :  Marc-Aurèle  y  a  répondu  ailleurs  (II,  n)  en  disant 
que,  si  les  Dieux  sont  mauvais,  la  vie  n'est  rien  pour  nous.  Cela  suffit  sans  doute 
—  et  encore!  —  à  nous  faire,  de  toute  façon,  mépriser  la  vie.  Mais  quelle  est,  dans 
le  doute,  la  raison  d'être  honnête?  Uniquement  le  sentiment  de  l'amour -propre. 

i .  L'interprétation  de  ce  passage  a  été  déterminée  par  une  phrase  de  la  pensée  VI,  26, 
où  se  retrouvent  les  mêmes  termes  :  uav  xa6r,xov  l\  àpiOjxcbv  tiv&v  <rjfX7rXy;poûTai.  [On 
peut  aussi  rapprocher  de  ce  passage  un  texte  de  Cicéron  {De  Officiis,  III,  i4),  où  parmi 
les  xaOr.xovxa  (officia)  est  distingué  le  xaTopOoïtxa  (rectum)  :  illud  autem  officium,  quod 
rectum  appellant,  perfectum  atque  absolutum  est}  et,  ut  iidem  dicunt,  omnes  numéros  habet... 
On  remarquera  :  i°  que  les  derniers  mots  de  la  citation  traduisent  exactement  le  toO; 
àpiOuLo-j;  àxpiêoOv  de  Marc-Aurèle;  20  que  cette  expression  devait  être  usuelle  dans 
l'école,  comme  en  témoignent  les  mots:  ut  iidem  dicunt;Z°  que  le  mot  xaTopôwfia, 
dont  la  définition  nous  est  donnée  ici,  et  sans  doute  aussi  ailleurs  (cf.,  par  exemple,  III, 
12).  n'appartient  pas  au  vocabulaire  des  Pensées.] 

3.   [Var.  :  «les  apparences.»] 


I  •  I      I  I      I .  I      I  .  I  ■  •       '     I  I  I 

je   ne  sais  quelle  el   quel    attrait      P  u  la 

«m    ..m  du  pain  i  d  Fail  é<  tatei   «  ei  tain<     pari         bien   q 

01 1  \  .1  lien)  en  quelque    01  le  1 1  >nl  1  q 

de  la  Fabrication,  elle    ne  déplaisent  pa      1  ll<     donm  al  \ 
lablemenl  em  \r  <i<i   mangi  1     Uuai  encoi      1 
leur  pleine  maturité,    1e  Fendent.   (  ►uand   l«     olh  •     lombenl 
de    l'arbre   el    sonl    près   de    pourrir,    elle     mil    une  <!»• 

beauté  propre.   \  oyei   lei  épi     a  iui  b<     pai    leui    pofd 

\c    sol,     le     plissenienl     de     ll'OIll     du     UOU,     I  •  '  '  <  i  m  m  ■     qui     COUle 

de  1,-1  gueule  du  sanglier  el  beaucoup  d'autrei  1  b 
oônsidércea  en  elles  mêmes,  ellea  lonl  loin  d'être  bel!      mail 
par  cela   seul  qu'elles  accompagnenl    le  développement   dea 
créations  de  La  nature,  elles  >  ajoutent   un  ornement  el   un 
attrait.  Il  suffi!  de  sentir  et  de  comprendre    un  peu    profon 
dément  la  vie  de  l'univers  pour  trouver  en  presque  loua  lea 
phénomènes  qui  la  manifestent  el  même  qui  raccompagnent 
un  accord  qui  a  bien  son  charme9.   linsi  noua  verrons  de 
véritables  gueules   béantes  de   hèles   féroces  avec  autant  de 
plaisir  que  les  représentations  qu'en  donnent  les  peintrei 
les  sculpteurs;  nous  pourrons,  avec  l'œil  du  sage,  reconnaître 
dans  la  vieille  femme  et  dans  le  vieillard,  comme  la  grâce  dans 
l'adolescent,  la  beauté  de  ce  qui  esl  arrivé  ;»  son  achèvement. 
11  y  a  beaucoup  d'autres  faits  semblables  qui  ne  persuaderont 
pas  tout  le  monde  et  que  comprendra  seul  celui  qui 
vraiment  familiarise  avec  la  nature  et  a\ec  ses  œuvre 

1.  [Couat  :  <(  les  produits  de  la  nature  ont  quelque  chose  d'agréable  et  d'attrayant 
jusque  dans  les  imperfections  qui  sont  la  conséquence  de  leur  développement,  n  — 
J'ai  tenu  à  conserver  dans  le  français  la  répétition  qui  est  dans  le  texte  ^rrec  : 
£7ityiv6}X£va-..  y.vofjivoi;.  J'ai  voulu  aussi,  en  renonçant  au  mot:  r<  imperfections,  a 
éviter  de  préciser  une  expression  que  Marc-Aurèle  a  choisie  vague  J'ai  cherché  en 
français  un  neutre  pour  rendre  ici  le  neutre  grec.  —  Voir  la  note  suivante.] 

a.  [Couat:  «  pour  que  les  phénomènes  qui  l'accompagnent  nous  paraissent  avoir 
eu  eux  un  charme  particulier.  » —  Cette  fin  de  phrase  ne  tradui>ait  ni  rçaSâv,  ni  xof, 
ni  la  préposition  sw  contenue  dans  <rjv{<r:acTf)a'..  Les  leçons  des  manuscrit 
idTxaOai,  et,  à  plus  forte  raison,  le  barbarisme  arwSuevfoTocofai  sont  inadmissibles; 
j'ai  accueilli  la  conjecture  de  Reiske  :  vr,  Aîa,  que  j'ai  traduite  par  o  bien»,  comme 
Tito;  par:  uson».  —  De  la  traduction  de  M.  Couat  j'ai  cependant  gardé  les  termes 
essentiels  :  «  les  phénomènes  qui  l'accompagnent.  »  Pas  plus  que  lui,  je  n'ai  voulu 
admettre  ici  les  mots  :  «accident,  accidentel,  >>  qu'ont  introduits  soit  dans  cette  phra>e, 
soit  dans  la  première  de  la  pensée,  Pierron,  Barthéleuiy-Saint-llilaire  et  M.  Miehaut, 
parce  que  ces  termes  peuvent  paraître  impliquer  la  notion  de  hasard.  J'aurai, 
d'ailleurs,  l'occasion  (infra,  V,  a3)  de  préciser  le  sens  du  mot:  (ruu£otivovta.  —  La 
restriction  marquée  par  le  mot  <r/sôov  (presque)  est  à  noter  :  parmi  les  Stoïciens; 
Marc-Aurèle  n'est  pas  un  intransigeant.] 


32  BIBLIOTHEQUE    DBS    LJNIYER8ITÉS    J>i     IOD1 


Hippocrate,  après  avoir  guéri  beaucoup  de  maladies,  tomba 
lui  même  malade  el  mourut.  Les  Chaldéens  prédirent  La  mort 
de  beaucoup  de  gens;  puis  la  destinée  les  prit  à  leur  tour. 
Alexandre,  Pompée,  Caius  César,  après  avoir  détruit  tant 
de  villes  de  fond  en  comble  et  défait  en  bataille  rangée  tant 
de  milliers  de  cavaliers  et  dé  fantassins,  sortirent  eux  mêmes 
un  jour  de  la  vie.  Heraclite,  qui  fil  tant  de  raisonnements 
sur  la  nature  et  sur  l'embrasement  du  monde,  devint  hydro 
pique,  se  lil  enduire  de  fiente  et  mourut.  La  vermine  a  tué 
Démocrite;  une  autre  vermine  lua  Socratc.  Qu'est-ce  donc? 
Tu  t'es  embarqué,  tu  as  pris  Ja  liaule  mer,  tu  as  fait  la 
traversée;  débarque.  Est-ce  pour  vivre  une  autre  vie?  Là-bas 
non  plus,  rien  n'est  vide  de  Dieux.  Est-ce  pour  ne  plus  rien 
sentir?  Tu  cesseras  donc  d'être  en  proie  à  la  douleur  et  au 
plaisir;  d'être  l'esclave  de  ce  vase  d'autant  plus  méprisable 
que  ce  qui  lui  est  soumis  lui  est  supérieur1;  ceci,  en  effet, 
s'appelle  raison  et  dieu  intérieur 2;  cela  n'est  que  de  la  terre 
et  du  sang  3. 

4 

Ne  consume  pas  le  temps  qui  te  reste  à  vivre  en  des 
idées  &   qui    concernent   les    autres,    sans    que   tu    puisses    les 

1 .  y]  7ïepÎEffTi  to  \)Tzrtpzzo\>v.  —  Ce  passage  difficile  a  été  interprété  de  plusieurs  façons. 
L'auteur  fait  ici  une  comparaison  entre  le  corps  et  L'âme.  11  vient  de  dire:  «  le  corps 
est  d'autant  plus  vil...;))  on  attend  donc  le  second  terme  de  la  comparaison.  Le  sens 
général  de  ce  second  terme  est  indiqué  par  les  mots  to  CiftqpeToOv,  qui  se  rapportent 
évidemment  à  L'âme  opposée  au  corps,  et  la  phrase  se  complète  naturellement  ainsi  : 
«que  ce  qui  lui  est  soumis  (au  corps)  vaut  mieux  que  lui.»  On  doit  donc  laisser 
intacts  les  mots  nepieort  to  CiCY)pexoOv,  qui  sont  dans  tou<  Les  manuscrits,  sauf  D.  11  ne 
reste  à  examiner  que  la  conjonction  \  qui  ne  peut  marquer  le  rapport  des  deux  phrases. 
C'est  là  que  se  trouve  la  faute,  et  il  est  possible  de  la  corriger  en  substituant  à  \  le 
corrélatif  de  TOffOUTtd.  J'adopte  donc  la  correction  5<rq>,  déjà  proposée  par  Casaubon, 
et  j'écrirai  tocto'jtm  -/.  t.  a.  oato  r^ltaxi  to  ôirfjpetoOV.  Le  texte  de  Stich  :  r.rcsp  eœti  to 
OttTjperoûv,  bien  ([ne  confirmé  par  le  manuscrit  D,  ne  me  parait  pas  intelligible. 

2.  [Couat  :  «est  intelligence  et  essence  divine.  »  Voir  plus  bas  (V,  27  et  en  note) 
la  définition  du  dieu  intérieur  ou  génie.  Ne  pas  oublier  que,  pour  les  Stoïciens, 
raison  et  génie  sont  matière  —  plus  subtile  sans  doute  et  plus  pure  que  la  terre  et  le 
sang  —  mais  matière  aussi.] 

3.  [Yar.  :  «l'autre  n'est  que  terre  et  impureté.*.  —  AOOpo;  signifie,  en  effet,  sang 
impur,  sang  mêlé  de  terre.  Il  était  inutile,  dans  la  traduction,  d'exprimer  deux  fois 
l'idée  de  terre;  et  il  était  préférable  de  donner  du  même  mot  déjà  rencontré  (II,  2) 
et  traduit  par  sang,  une  interprétation  unique.] 

[\.  [Couat  :  «pensées.»] 


ri-    m       l)|     M  i%(      ii  m  «  i 

rappoi  lei    .'■   l'utilit      énéral       Pu         auti  e   oh<  i 

in  i  Cn   pi  i\  ei  '  <"  l€  i"  é(  «coupant    de  «  e  qu<   rail   un  U  I 
pourquoi,  el  de  ce  <iM  ■'  dil   '  '  ,l''  '  '   T1  •'  i"  "  ■    '  '  & 
prépai a,  el  de  loul  i  <*  qui  ne    ai  I  <iu  ••  I|',,J   '  lourdii  en  " 
détournant  de  veiller  Bur  le  prin<  Ipe  qui  nou    dirige     II  fi 
d.i ii s  l'enchaînement  de  lei  représentation       évite)  le  capri 
la  ivi\ olité  al  surtout  l'indi  ci i  lion  al  la  naA  ban<  eU    il  i 
l'habituer  à  d'avoir  dans  l'esprit  que  <l<     repré  entationi    U  ll< 
que  si  l'on  te  demandai!  soudain  :  •  \  quoi  pen  1 1  von        tu 
pilier-  Immédiatement  répondre  avec  Franchise        \ 
.i  cela,  o  Unsi  l'on  verrai!  clairement  que  loul  en  loi  i         n 
plicité,  bienveillance,  que  tout    >   porte  la  marque  d'un  êta 
sociable,  éloigné  des  plaisirs  ou  même  simplement  des  repn 
sentations8  mensongères  de  la  volupté,  de  la  jalousie,  de  l'envii 
du  Boupçon  e!  de  loul  ce  don!  on  rougirait  de  dire  qu'on  j 
pensait.   Un  homme  d'un   tel  caractère,   qui  l'applique  Bans 
délai  i'i  être  vertueux,  es!  comme  un   prêtre  el   un   ministre 
dos  Dieux;  il  écoute  le  génie  qui  habite  en  lui  même  et  qui 
préserve  l'homme  de  la  souillure  du  plaisir,  de  la  blessure  d< 
douleurs,  du  contact  de  toute  insolence,  du  sentiment  de  toute 
méchanceté;  qui  fait  de  lui  l'athlète  de  la  lutte  la  plus  glorieui 
celle  dont  l'objet  est  d'être  invulnérable  aux  passions,   parce 
qu'il  s'est  profondément  imbu  de  justice  et  que  de  toute  son  âme 
il  accueille  tout  ce  qui  lui  arrive  et  toute  pari  qui  lui  est  faite. 
Ce  génie  l'empêche  enfin  de  s'occuper  à   tout  propos,  et  sans 
nécessité  pressante  et  d'intérêt  général,  de  ce  qu'un  autre  peut 
dire,  faire  ou  penser?.  Il  n'accomplit  d'autre  action   que  celle 
qui  lui  est  propre,  et  sans  cesse  médite  sur  le  rôle  qui  lui 

i.  [Couat  :  «tu  t'en  priverais;»  et,  en  note:  «  "Hto:  yop   kaaov   tpyou   77: cr.  Ce 
passage  a  été  très  discuté;  Gataker  le  modifie  complètement.  Boot  change 
rfir,.  Je  crois  que  le  texte  des  manuscrits  e:*t  intelligible  et  doit  être  conservé.  •] 

2.  to'jt£(77i  pavraÇâpievoç.  —  TojT£œt'.  est  évidemment  impropre,  et  je  crois  qu'il  faut 
lire  simplement  toOtq. 

3.  [Var.  :  «  Notre  volonté.  »  Autre  var.  :  «  Notre  propre  raison.  >>  —  Cf.  infra  VI,  8. 
et  la  note.] 

h.  [Couat  :  «  pensées.  »] 

5.  [lbid.] 

6.  [Couat:   «pensées   voluptueuses.))  —  Pour   la    distinction   de    pavraoici   et   de 
çàvTaa-ua,  cf.  infra  111,  n,  4e  note.] 

7.  [Surtout  de  ce  que  cet   autre  peut  faire  contre  lui.  dire  ou  penser  de  lui  :  ri 
o'èpsî  tic  r,  àicoXvtyeTai  wepi  kutoû,  r,  xpâ&i  xorc'aùroO,  duô'  1:;  vous  ftàÀXerat  I  \.  n).] 

A.     COUAT-P.    FOLRMER.  3 


;;r,  BIBLIOTHEQUE    DES    UNIVERSITÉS    DU    MIDI 

tracé  <l;m>  hi  trame  de  l'univers;  celle  action,  il  la  dorme 
belle1,  et  il  est  persuade  que  ce  rôle  es!  hou.  En  effet,  la 
destinée  impartie  à  chacun  est  influencée  par  l'ensemble  des 
choses  el  influe  à  son  lour  sur  elles*.  Il  se  rappelle  que  tous 
les  êtres  raisonnables  son!  unis  par  an  lien  de  parenté  et  que, 
s'il  esl  dans  la  nature  humaine  de  s'intéresser  aux  hommes,  il 

i.  [Gouat:  «Il  oe  t'inquiète  que  de  diriger  sa  propre  activité  el  sans  cesse  médite 
sur  le  rôle  qui  lui  eafl  tracé  dans  La  trame  des  loia  de  l'univers;  il  fait  en  wrte 
que  celle   activité  soit   utile.  »  —  «  Utile  »   ne  traduit  pas  xsa£;  dana   la  première 

proposition,  c'est  [&évov  et  non  \l6vol  que  M.  Couai  a  lu  :  deux  méprises  dont  Tune 
est  facilement  réparable,  mais  dont  l'autre  décèle  peut-être  une  erreur  plus 
gTave,  portant  sur  toute  une  phrase.  Prix-  en  soi,  L'interprétation  que  If.  Couat 
propose  des  mots  7:00;  èvépyetav  î'/Etv  («mettre  en  œuvre,  faire  agir,  diriger  »)  est, 
Bans  doute,  fort  plausible;  on  pourrait  même  la  préférer  à  la  traduction  courante, 
qui  fait  de  L'expression  grecque  une  périphrase  neuve  ou  rare  de  même  sens  que  le 
verbe  èvspyetv:  en  effet,  pour  la  concision,  la  simplicité  et  la  clarté  du  discours,  il 
semble  qu'un  seul  mot,  ce  verbe,  eut  mieux  valu.  —  Mais  la  traduction  du  verbe  irpô< 
ÈvipyE'.av  ïypw  entraîne  celle  de  son  régime,  le  possessif  neutre  :à  UcuTOtf.  On 
«applique  son  activité  à  ses  affaires»  (Pierron),  «à  sa  vie»  (Michaul),  on  accomplit 
telles  actions,  —  mais  on  met  en  œuvre  ses  facultés,  on  dirige  son  activité.  Or,  des  mots 
action  et  activité,  il  n'en  est  qu'un,  le  premier,  qui  puisse  être  ici  qualifie  par  le  mot 
<(  seule  ».  Quand  j'écris  (pie  le  sage  «  n'accomplit  pas  d'autre  action  que  celle  qui  lui 
est  propre  »,  je  laisse  entendre  que  le  vulgaire  s'occupe,  comme  on  dit  vulgairement, 
(l<s  affaires  d'autrui;  et  cela  est  d'accord  avec  le  sens  général  de  la  pensée;  c'est  L'idée 
même  de  la  seconde  phrase;  enfin,  c'est  au  même  sens  qu'aboutit  la  traduction  de 
M.  Couat,  qui  implique  la  correction  de  fj.ôva.  —  Au  contraire,  si  j'accepte  l'autre 
interprétation  de  upoç  ivipysiav  Ê**/eiv,  en  rendant  à  (xova  sa  valeur  et  sa  place  dans  la 
phrase,  et  si  j'écris  que  le  sage  «  ne  songe  à  diriger  que  sa  propre  activité»,  n'en 
conclura-t-on  pas  que  Marc-Aurèle  reproche  au  vulgaire  (ioitoTr(:)  d'entreprendre  sur 
lu  liberté  d'autrui?  Or,  Marc-Aurèle  a  dit,  une  ligne  plus  haut,  çavTaÇôjJLevov,  mais 
n<m  pas  xeXauovra,  ou  xtoXuovra. 

Par  contre,  j'ai  emprunté  à  M.  Couat  son  procédé  de  traduction  de  :à  Ixuxov.  C'est 
une  sérieuse  difficulté  de  trouver  un  nom  abstrait  assez  vague  et  assez  précis  pour 
traduire  le  neutre  du  texte  grec.  Le  mot  c<  affaires  »  (Pierron)  ne  peut  être  qualifié  par 
xaXà;  le  mot  «  vie  »  (Michaut)  est  cherché  un  peu  loin.  A  l'exemple  de  M.  Couat,  j'ai 
tiré  le  régime  du  verbe  lui-même. 

Enfin,  j'ai  voulu  donner  à  ma  traduction  un  tour  tel  que  le  sage  ne  pût  passer 
pour  égoïste.  On  se  souviendra  que  «  l'action  qui  nous  est  propre  »  est  celle  de  l'être 
raisonnable  et  sociable.] 

2.  r(  yàp  !xà<7To>.-.  enjveptçêpeTOU' Te  y.ai  eruvepLçépei. —  Cette  phrase  a  donné  lieu  à 
des  discussions  d'autant  plus  longues  que  les  deux  verbes  employés  ici  par  Marc-Aurèle 
ne  se  trouvent  nulle  part  ailleurs.  Il  n'y  a  pas  d'autre  moyen  de  les  expliquer  que  de 
chercher  comment  cette  phrase  se  rattache  a  la  préeédente  et  de  prendre  ces  deux 
mots  dans  le  sens  indiqué  par  les  prépositions  dont  ils  se  composent.  L'idée  exprimée 
dans  la  phrase  précédente  est  que  la  destinée  de  chacun  est  prévue  par  les  lois  qui 
régissent  l'ensemble  des  choses,  sans  que  pour  cela  son  activité  cesse  d'être  libre.  La 
phrase  que  nous  examinons  vient  à  l'appui  de  cette  idée,  comme  le  prouve  la  conjonc- 
tion yâp.  D'autre  part,  le  verbe  composé  duvsjiçlpsiv  à  Tactil  ou  au  passif  doit  exprimer 
L'idée  d'apporter,  de  concert  avec  d'autres,  quelque  chose  dans  un  lieu  quelconque,  ou 
dans  une  entreprise  quelconque,  ou,  en  meilleur  français  et  plus  brièvement,  L'idée 
de  contribuer  à  quelque  chose.  Le  philosophe  veut  donc  dire  que  la  destinée  de  chacun 
est  le  résultat  de  l'apport  de  toutes  les  destinées  particulières  qui  constituent  l'en- 
semble du  monde,  et  qu'à  son  tour  elle  apporte  dans  cet  ensemble  sa  propre  impul- 
sion. Entre  l'individu  et  le  monde  il  y  a  échange  et  réciprocité  d'action.  Cette  idée  est 
tout  à  fait  conforme  à  la  doctrine  stoïcienne. 


i  i        m        ni     m  \  n»       \  i  m  i  i 

,,,■  foui  pai  cependant     allai  h<  i  l  I  opinion  de  loul  i 
mal    seulement  à  l'opinion  de  «  eux  qui  vivenl  a  >nf5  >i  m 
,,  1,1  nature  (  fuanl  •<  ceux  qui  ne  t  Ivenl  pa  II  n  oui 

jamais  ce  qu'ils  sonl  chei  i  u i  el  au  dehoi      p<  ndanl  la  nu 
,i  pendanl  le  jour,  ce  qu'ils  \  aleal  el  dan    quelle  i  ompi 
Hi  se  souillent.  Il  ne  tienl  donc  au<  un  <  ompte  d(     I 
de  tels  hommes  qui  tic  i  eu         ni  même  pai  à  être  «  tntenl 
d'eux  même 

5 

N'agis   jamais    à    contre  cœur,    ni    en    égol  ite      oi 
légèreté,  ni  avec  distraction1;   n'enjolive  ta    pei         d'aucun 
ornement,   sois  sobre  de  paroles  el  d'acte      Que  la  divinl 
qui  est  en  i<>i  ail  à   gouverner  un  être  viril,  mûri  pai    I 
dévoué  ii  la  cité,  un  Romain»,  un  empereur,  qui  s'esl  dii 
pliné  lui-même,  comme  s'il  attendait    le  signal    qui    l<*   rap 
pellera  de  la  vie  sans  déchirement,  sans  <|uil  demande  de 
serments  à  personne,   sans  qu'il  ail  besoin  d'un  témoin  .  Il 


i.  [Var.  :  «  sous  L'empire  de  la  passion.  »] 
a.  [Ces!  il  seconde  fois  (cf.  II.  5)  que  Marc-Aurèle  se  tait  gloii 
à  ce  titre,  s'excite  à  la  vertu,  a  La  tradition  romaine,  écril  Renan    M  '  li 

fin  du  monde  antique,  p.  "û  I,  fui  un  dogme  pour  Lui,  o  II  eut  i  les  pi  ! 

el  porta  à  «  l'excès...  l'espril  conservateur  ".  C'est  comme  Romain,  par  exemple,  qu'il 
ta  ou  laissa  poursuivre  les  chrétiens;  comme  Romain  et  comme  sage,  qu'il  !•  - 
déjà  condamnes  dans  sa  conscience.  Si  La  fin  de  cette  phrase  loue,  comme  il 

semblé,  les  morts  discrètes  et  silencieuses,  elle  censure  du  mon >up  n<  >o  seulemenl 

la  dernière  heure  du  lâche  qu'il  faut   rassurer  et  celle  de  Sénèque  qui   fait  «les 
discours,   mais  aussi   L'obstination  (icoperraÇiv :  X.I,  3)  et  la  frénésie  des    martyrs. 
Rapproches  de  cette  pensée  celle  (XI,  3)  où  Marc-Aurèle  nomme  et  juge  Les  chi 
vous  y   trouverez  la  même    idée  et    des  expressions  synonymes.   Ici  :   ï 
sxfruxo;,  cpaiopôv,  fjir.Ts  (laptupoc  8e6(&evoç,  «sans  légèreté,  sans   déchirement, 
sereine,    sans   avoir   besoin    d'un    témoin  ;  »  —  là  :    XsXo* 
ixpaytoôtoç,  «après  réflexion,  ôlre  prêt,  avec  gravité,  sans  étalage  tragique.»] 

3.  [Ce  passage  est  interprété  de  plus  d'une  manière,  et  L'on  ne  peut  affirmer 
qu'aucune  soit  la  bonne. —  Couat:  «sans  qu'il  soit  nécessaire  den  nir  à  aucun 
serment  ni  à  aucun  témoin.  »  C'est  peut-être  la  traduction  exacte  du  lais 

qu'ont  voulu  dire  Marc-Aurèle,  puis  M.  Couat? —  \  ar  :      sans  qu'il  soit  nécess         de 
prendre  les  dieux  ni  les  hommes  à  témoin.  »  On  voudrait,  >i  clail  hrase  et 

si  naturelle  la  suite  du  sens,  que  le  mot  6pxo;  (serment)  admîl  l'interprétation  du 
traducteur.  L'homme  qui  se  lie  par  serment  et  L'agonisant  qui  -  01 

prennent  tous  deux  Le  ciel  à  témoin;  mais  un  serment  n'es!  pas  une  supplication.  — 
Pierron,  qui  traduit  fidèlement  Spxou  (sois  <•  un  homme  prêt  à  quitter  sans  regret  la 
vie.  et  dont  la  parole  n'a  besoin  ni  de  l'appui  d'un  serment  ni  du  témoignage  de 
personne  »),  et  M.  Michauf,  dont  la  phrase  ambiguë  parait  exprimer  le  même  -  n-que 
celle  de  Pierron,  introduisent  dans  la  suite  des  conseils  que  se  donne  Marc-Aurèle  une 
idée  imprévue,  qui  reste  isolée,  et  ne  s'aperçoivent  pas  que  L*asyndète  de  la  phrase  (où 
est  la  copule  —  xa\  ou  5è  —  que  Pierron  traduit  par  cl?)  rend  plus  intolérable  encore 
L'asyndète  du  sens.  —  Barthélémy -Sain  t-Hilaire  prétend   faire    sortir   la    mélaph 


BIBLIOTHÈQUE    DB9    DHIVERSITÉS    DU    MIDI 

faut  avoir1  une  âme  sereine  qui  n'ail  besoin  d'aucun  secours 
extérieur  ni  de  cette  tranquillité  qui  vient  des  autres.  II  faut 
être  droit,  non  redressé9. 

6 

Si  tu  trouves  dans  la  vie  humaine  quelque  chose  de  meilleur 
(juc  la  justice,  la  vérité,  la  tempérance 3,  le  courage;  quelque 
chose,  en  un  mol,  de  meilleur  qu'une  intelligence  assez  forte 
pour  se  suffire  à  elle  même,  en  dirigeant  tes  actes  suivant  la 
raison  [droite],  et  pour  te  faire  accepter  la  part  qui  t'est  attri 
huée,  sans  que  tu  aies  eu  à  la  choisir,  par  la  destinée;  si,  dis-je, 
tu  vois  quelque  chose  de  meilleur  que  cela,  tourne-toi  de  ce 
côté  de  toute  ton  âme,  et  jouis  de  ce  souverain  bien  que  tu 
auras  découvert.  Mais  si  tu  n'aperçois  rien  de  meilleur  que  le 
génie'»  qui  habite  en  toi,  qui  a  rangé  à  l'obéissance  ses  propres 
penchants,  qui  fait  la  critique  de  ses  représentations5  et  s'est 


qui  transparaît  sous  les  mots  0Lv3.Tzzy.y6-0;  (discipliné)  et  otvaxXtjTtxov  (signal);  il 
entend  par  cipxo;  le  «serment  militaire»  et  traduit  ainsi:  «comme  un  guerrier 
...  toujours  prêt...,  sans  avoir  besoin  ni  de  prêter  serment  ni  d'être  surveillé  par  qui 
que  ce  soit.  »  Ces  derniers  mots  faussent  évidemment  le  sens  du  texte  grec.  «  Témoin  » 
et  «surveillant»  ne  sont  pas  synonymes;  jjiàprjp  n'appartient  pas  à  la  terminologie 
militaire.  Peut-on,  d'autre  part,  admettre  entre  les  mots  8pxo;  et  fiàpTup  la  rupture 
d'une  métaphore  qui  se  suivrait  et  se  tiendrait  depuis  ocvaTEra/oro;  ?  Il  est  donc  vrai- 
semblable qu'opxoc  nc  signifie  point  ici  le  serment  du  soldat.  —  D'accord  avec 
M.  Gouat,  j'ai  considéré  la  proposition  fiTjre 5pxou  ÔEOfjisvo;...  comme  le  développement 
du  mot  ejX'jto;  :  l'absence  de  toute  liaison  entre  ce  mot  et  cette  proposition  m'y 
contraignait,  à  ce  qu'il  m'a  semblé.  Mais,  d'accord  avec  les  autres  traducteurs,  j'ai 
restitué  à  opxo;  son  sens  usuel.  De  quels  serments  peut  donc  avoir  besoin  un  mori- 
bond qui  n'est  pas  prêt  (|xy)  sù'X-jto;)?  Sans  doute,  de  serments  qui  le  rassurent  et  qui 
l'abusent  :  serments  de  complaisance  ou  de  pitié;  vains  serments  qui  n'engagent 
personne;  serments  du  médecin,  des  proches,  des  amis.] 

i.  èv  Sa  xh  çaiSpdv. —  Le  texte  est  évidemment  altéré,  et  plusieurs  corrections  peuvent 
être  proposées.  Mais  le  sens  n'est  pas  douteux.  J'ai  traduit  comme  s'il  y  avait  à  peu 
près  :  èv  oi  croc  etto)  to  cpatopôv,  —  ou  ïxi  ok  xtX.  La  correction  evt  ou  eveori  indiquée  par 
Gataker,  sans  qu'il  l'ait  proposée  formellement,  ne  me  parait  pas  bonne.  La  phrase 
èv  oï  v.t)..  continue  celle  qui  précède  et  n'en  est  pas  une  conséquence.  Pierron  traduit  : 
«  c'est  là  qu'on  trouve,  »  etc.  Cette  traduction  est  illogique. 

3.  [Cf.  infra  VII,  13,  et  la  note.  —  Ainsi  était  Maximus  (cf.  supra  I,  i5).] 

3.  [Couat  :  «  sagesse.  »  —  Infra  V,  13,  il  a  lui  aussi  traduit  aw^poTjvr,  par  «  tem- 
pérance ».] 

k.  [Ce  «  génie  »,  tel  que  Marc-Aurèle  le  définit  plus  bas  (V,  27),  c'est  notre  «prin- 
cipe dirigeant».  Sur  les  rapports  du  principe  dirigeant  avec  les  penchants  ou  mouve- 
ments de  l'àme  (opfxat)  et  ses  représentations  (^avra?:*-.),  cf.  deux  notes  aux  pensées 
IV,  32,  et  VI,  8.] 

5.  [Couat  :  «  qui  surveille  ses  pensées.  »  —  Cf.  infra  XI,  16  :  «  aucune  chose  ne  met 
en  nous  l'opinion  que  nous  en  avons...;  c'est  nous  qui  créons  les  jugements  que  nous 
portons  sur  elles,  et  qui  les  gravons  pour  ainsi  dire  en  nous-mêmes,  quand  nous 
pourrions  ne  pas  le  faire,  ou,  si  nous  le  faisons  par  mégarde,  les  effacer.  »] 


Il    >     Il  Dl       M  M'.  •        \î   l'.l   I  I 

,ii  i  ai  hé    oomme  disait  8o<  i  ■  •'■     >  la  pa  •  de  I 

ieii  .  qui  ■'■•  I    ouml    lui  m^ni.-  ,m\  I lieu*  •  i  qui 
;mi\  bommea  |  il  tu  trouve    U »ul  le  n   le  petite)    in    prix  à* 
de  oe  génie,  ne  te  lai  le  jamal   ln<  linei  ni  détoui  nei  rei  i  « 
chose,  ne  laisse  i<  ohamp  libte  à  i  len  qui  pu 
d'honorer  avant  toul  ce  bien   ipécial  qui  e  I  tien    \  oc  bien 
oonforme  à  la  raison  al  au  lervice  de  la  cité  .  rien  d'étrai 
u  a  le  droil  de  faire  obstacle,  pai    exemple   la    louanj 
hommes,  le  pom  oir,  la  richi         te  plaisii     toul  joui 

sances  peuvent  paraître  s'accorder  un  moment  avec  lui,  n 
elles  l'asservissent  tout  &  coup  et   ('égarent,    roi  donc,  je  le 
répète,  choisis  librement  et  simplement  ce  qui  vaut  mieui 
et  restes  >  attaché.     •  Mais  ce  qui  vaut  mieux,  i  est  l'uti 
—  Au  point  de  vue  de  l'être  raisonnable,  oui,  l'utile;  et  pour- 
suis le.  Mais  l'utile  au  regard  de  l'animal?  J'attends  la  preuve, 
et  t'engage  à  veiller  Bans  orgueil  sur  ton  jugement  I  :   tâche 
seulement  de  ne  point  te  tromper  dans  ton  examen. 

i.  [Gouat :  «aux   passions  des  sens. »  —  Qctat<  n'est  point  xâOo;    I 
(III,  i6,  y  noie)  nommonl  passion  (icaOoç)  un  mouvement  déraisonnable  de  i 
Comme  rétablit  le  présent  texte  (cf. encore  \.  i6,  i*  note;  VII,  55:  Ta;  a 
ittfottc)j  la  icctoïc  est  un  état  du  corps  qui  s'oppose  (VI,  Si;  l\.  16)  I  I  ! i  1  >r«- 

(7ipi;t;  ou  èvlpysix)  de  la  raison.  Il  arrive  d'ailleurs  dans  cet  ouvrage    -  i  ; 
(VII,  66  ;  l\,  ii)  —  crue  ~ôl()o;  tienne  lieu  de  lestent  ;  mai-  la  récipr  «que  n'est  | 
Ici,  L'opposition  «-le  la  pavroteia  à  l'ateOifrucv]  iceiatc  (cf.  infra  III.  i 
avant -dernière  note)  est  celle  des  sensations  surtout  représentatives  aui  lensationa 
surtout  affectives,  ces  dernières  étant  d'ailleurs  disti n_ 

a.  [àvuxaOr.tfOa'.  yàp  ko  Xoytxâj  xafc  Koitfrtx^  iyadô.  —  Dotijuxâ  est   la    1 
manuscrits;  elle  est  peu  claire, et  je  préfère  rcoXtTtxô»,  adopté  par  Gataker  et  bien  plus 
conforme  à  la  doctrine  de  Marc-Aurèle,  qui  rapproche  souvent  les  deux   mots  la 
et  TroX'.Tixo;.  Ce  rapprochement  est  particulièrement   à   remarquer  [d'abord]   à    la 
seconde  pensée  du  livre  X,  où  l'auteur  développe  le  même  point,   l'opposition  entre 
ce  qui  est  utile  selon  la  nature  raisonnable  et  ce  qui  L'est  selon  la  nature  anim 
«  sari  ôs  to  loy.Y.bv  s-jO-j;  xfltt  icoXtTtxô'v  ;  o  [puis  à  la  lin  de  la  .'iV  pensée  du   livr     \  ! 
où  il  reprend  encore  une  fois  sa  théorie  de  l'utile  fê  bcaorai  ce  xarà  t-  i 

ia'jroO  xaxadxs-j^v  xa:  pwtV  f,  ok  sur,  cp-ja-'.;  XoYtxv)  xafc  KoXrrtx 

3.  [Gouat  :  «le  souverain  bien.  » —  Mêmes  mots  changés  à  la  phrase  suivante.  J'ai 
tenu  à  conserver  en  français  le  comparatif  (to  xpeîvcov,  et  non  to  xpiorov  |du  t 

Il  n'y  a  jamais,  veut  dire  ici  Marc-Aurèle,  que  deux  partis  à  prendre.] 

4.  [Gouat  :  «  Montre-nous  la  chose,  et  préserve  ton  jugement  de  tonte  vanité.  »  — 
Nous  donnons  ici  au  verbe  Gtiro$aivea6at  le  sens  qu'il  a  d'ordinaire  chez  Marc-Aurèle 
(cf.  VII,  33;  VIII,  28;  IX,  i5).  Le  paragraphe  suivant  et  deux  textes  déjà  cites  (VI,  44; 
X,  2)  peuvent  servir  au  commentaire  de  cette  fin  de  pensée;  ils  affirment  que  cela 
seulement  qui  est  utile  à  l'homme  en  tant  qu'être  raisonnable  est  bien.  Mais  entre  ce 
qui  est  utile  à  l'homme  en  tant  qu'animal  et  le  bien,  on  ne  peut  établir  (  àhcof 

une  identité.  Qui  affirme  cette  identité  se  trompe  (qu'il  y  prenne  garde  :  t  ./  *tt£  tt,v 
xpi<nv); — et,  vraiment,  il  ne  se  flatte  point  (arroçtoç).  Enfin,  il  peut  être  malaisé 
de  déterminer  (èÇeracw  icoietaOai)  à  coup  sûr  (ocaçatâç)  ce  qui  est  utile  à  l'animal, 
comme  le  sage  dit  à  coup  sur  ce  qui  est  utile  à  l'être  raisonnable.] 


BIDLIOI  ni  <H  i     DES    I  M\  ER81  i  ES    Dl     MIDI 


N'honore  jamais  comme  l'étant  utile  ce  qui  te  forcerait 
à  violer  la  parole  donnée,  à  déserter  l'honneur,  à  haïr,  à 
soupçonner,  à   maudire,    à   Feindre,    à    désirer  quoi   (pie   ce 

soi!    que     tu     aies     besoin     de    cacher    derrière     des     murs    ou 

des  rideaux.  Celui  qui  préfère  à  tout  sa  raison1,  son  génie 
et  la  célébration  des   mystères  de  la  vertu3  de  son   génie, 

ne  fait  pas  de  tragédie3,  ne  se  lamente  pas,  n'a  besoin  ni  de 
la  solitude  ni  de  la  multitude;  il  vivra,  chose  essentielle, 
sans  chercher  ni  fuir  la  vie;  peu  lui  importe  que  son  âme 
soit  plus  ou  moins  longtemps  enfermée  dans  la  prison  du 
corps;  faut-il  la  quitter  dès  maintenant,  il  s'en  ira  sans 
déchirement,  comme  s'il  accomplissait  toute  autre  action 
conforme  à  l'honneur  et  à  la  bienséance  ;  pendant  toute  sa 
vie  il  ne  s'est  gardé  que  d'une  chose  :  de  s'égarer  en  des 
pensées  étrangères  à  l'être  raisonnable  et  sociable  '*. 

8 

Dans  la  pensée  de  l'homme  qui  s'est  mortifié  et  purifié,  il 
n'y  a  rien  de  gangrené,  rien  de  souillé,  rien  qui  suppure 
en  dessous.  Sa  vie  n'est  jamais  incomplète  :  quand  le  destin 
la  lui  prend  à  l'improviste,  il  ne  ressemble  pas  à  l'acteur 
tragique  qui  n'a  pas  encore  achevé  de  jouer  son  drame  jus 
qu'au  bout.  Rien  en  lui  n'est  servile  ni  affecté  ;  il  n'est  ni 
attaché  à  rien  ni  violemment  séparé  de  rien;  il  n'a  à  répondre 
de  rien,  à  se  cacher  de  rien. 


i.   [Couat  :  «  son  intelligence.  »] 

3.  [Sur  le  sens  de  la  «  vertu  »  attribuée  au  «  dieu  intérieur  »,  cf.  supra  p.  aG,  note  6 
(rectifiée  aux  Addenda).] 

3.  [Il  ne  s'agit  peut-être  pas  simplement  ici,  comme  traduit  Pierron,  de  «  lamen- 
tations tragiques  ».  Le  mot  aTpaywSa);  désigne  dans  les  Pensées  la  simplicité  de 
manières  d'Antonio  (I,  iG),  ou  oppose  la  mort  tranquille  du  sage  (XI,  3)  au  martyre 
théâtral  des  chrétiens.  Il  est  donc  possible  que  «  la  tragédie»  (entendez  :  le  manque 
de  simplicité)  s'oppose  ici  aux  ((lamentations»  comme  deux  excès  entre  lesquels  est 
la  vertu,  —  comme  l'amour  de  la  solitude  et  celui  de  la  foule,  pour  reprendre  les 
mots  mêmes  de  Marc-Aurèle.] 

/».  [Couat  :  ac'est  que  sa  pensée  fût  dans  des  dispositions  qui  ne  conviendraient 
pas...  »  —  Sur  le  sens  de  tgotit,,  cf.  infra  VII,  16,  a*  note.] 


|   |    N     I    I  t  •  I       M  \l.'       M    I    I   I   I 

9 

Cultiva  en  i<»i  la  faculté  de  |ngei     C'est  le  polnl 
tu  na  veux  plui  que  le  principe  qui  la  dirl  e   idmcllc  un  ji 
ment    en  déaaccoi  d  ai ec  la  hatui a  el  a \ e<    la  «  on  tituti* m  de 
l'être  raisonnable,  Or  cette  conatitution  luppoaa  qu'on  na  pn 
cipite  pii^  s<>ii  jugement)  qu  on  l'accommoda  ave<  b     bomma 
el  qu'on  obéit  aux  l  tieui 

10 

Meta  donc  (!<•  côte  tout  l<4  reate  el  lieni  t'en  leulemenl    > 
ces   quelques   pointa.   Rappelle-toi  en  outra   que  chacun   na 
vit  que  le  moment  présent,  qui  eal  Imperceptible;  loul  le  n 
ou  ;i  été  vécu  «mi  esl  dans  l'inconnu.  Petil  est  donc  l'instant 

que  chacun  vil,  petit  nu^>i  rv  coin  <lc   la    terre  ou    il    \il.    petite 

enfin  la  renommée  la  pins  longue  qu'on  laisse  après  soi, 
cette   renommée  se   transmet   par    <l<^   hommes   chétifs   qui 
doivent  bientôt  mourir  et  qui   ne  se  connaissent  même  pas 

eux-mêmes  et  ne  connaissent  certainement  pas  celui  qui 

mort  autrefois  '». 

11 

Aux  préceptes  déjà  exposés  ajoutez-en  un  encore  :  détermi 
ner  toujours   et   décrire  l'objet   de    toute    représentation    qui 
s'offre"*  à  l'esprit,  afin  de  le  voir  à  part  et  à  nu,  tel  qu'il  est 


i.  [Var.  :  ((de  concevoir  des  opinions.  »  —  Celte  «  faculté  de  juger  rrauj 

ûuvapu;)  n'est  autre  que  le  «  principe  directeur  »  Lui-même.  Ailleurs,  M  arc-  iurèle  l*t 

appelé  to  xaTaXr(7iTtx6v,  et  d'autres  Stoïciens  to  8iavo7itm6v  el  -  infra 

IV,  22,  et  la  note.] 

2.  [Gouat  :  «L'essentiel  est   que    ton  jugement  cesse  d'être  dans   ta   rail  — 
Jusqu'au  dernier  mot,  cette  traduction  est  littérale  :  dans  celle  que  je  lui  lubsti 

le  mot  ((admette»  ne  traduit  qu'approximativement  Èyyivr/rxi.  J'ai  fait  pourtant  la 
substitution,  pour  donner  ici  encore  de  vjycuovixov  l'interprétation  qu'on  ■  admise 
partout  ailleurs  (cf.  en  effet  supra  II,  2,  et  la  2e  note;  cf.  pourtant  infra  IV,  22,  en 
note),  puis  pour  supprimer  de  la  version  française  une  répétition  («  raison...  r 
nable  »)  qui  n'est  pas  dans  le  texte  urée,  enfin  pour  rendre  plus  sensible  le  rapport 
de  cette  pensée  avec  la  première  du  livre  IV,  qui  la  complète,  et  où  l'on  rencontre 
une  expression  équivalente:  «quand  notre  maître  intérieur  est  d'accord 
nature...  »] 

3.  [«Parère  Deo  libertas  est»:  cette  obéissance  est  la  liberté  pour  le  Stoïcien. — 
Cf.  infra  des  expressions  synonymes  :  V,  27  :  ruÇrp  Osoî; ;  VII,  5?  :  il-i'.br^  Okô.] 

4.  [Gouat  :  «  et  qui  ne  connaissent  ni  eux-mêmes  ni  celui  qui  est  mort  autrefois.  »] 

5.  [Couat  :    «l'idée   de    toute    chose   qui    se   présente.  »  —  Voir    la   V  note  de    la 
pensée.] 


4o  BIBLIOTHEQUE    DES    UlflYBBSITÉS    Dl     midi 

en  son  fond  matériel,  tout  entier  et  sous  toutes  ses  faces1, 
el  de  se  dire  son  nom  et  le  nom  des  éléments  don!  il 
se  compose  el  dans  lesquels  il  se  résoudra /Tuien  n'est  mieux 
fait  pour  élever  l'àme  que  de  pouvoir  définir  avec  méthode 
et  suivant  la  vérité/ chacun  des  objets  qu'on  rencontre  dans 
la  vie^yque  de  le  regarder  toujours  de  façon  à  comprendre 
ce  qu'est  l'ensemble  auquel  il  appartient  et  de  quelle  utilité  il 

i.  [Couat  :  «afin  d'en  bien  voir  la  nature  et  L'essence  vraie,  séparée  de  tout  le  resta.  » 

—  Je  me  suis  expliqué  ailleurs  (IV,  ai,  dernière  note;  V,  23,  r°  et  a*  notes) 
sur  l'interprétation  du  mol  oûefa:  substance  ou  matière,  pour  le  Stoïcisme,  c'est 
tout   un. —  Je  ne  Die  point  qu'aura  ne  soit  parfois  dans  Marc-Aurèle,  et  dans  des 

ées  qui  rappellent  celle-ci,  comme  un  raccourci  de  l'expression  xixh  *a9'  xuré, 
qu'à  l'occasion  il  ne  suffise  à  exprimer  le  fond  des  choses,  la  «  nature»  intime  des 
êtres,  et  ne  se  puisse  traduire  par  «  en  soi  »  (cf.  infra  XII,  39  :  exaixov  8t  5Xou  mtxh 
xi  èdT'.v  ôp&v;  —  XII,  18  :  xi  ètxiv  otjtô  èxetvo  xb  t^,v  eavrafffav  aot  nrotoOv);  mais  je  ne 
pense  pas  qu'il  en  aille  de  même  ici,  parce  que  yjjjwov  n'y  pourrait  rien  ajouter  au 
sens  d'a-JTo  ainsi  compris,  et  parce  qu'aucun  nom  ou  pronom  n'y  soutient  celui-ci, 
comme  font  sxeîvo  et  exocttov  aux  pensées  18  et  ag  du  livre  XII  :  aOxô,  à  mon  sens, 
n'est  point  ici  l'épithète  de  précision  ou  d'insistance  qui  fait  valoir  dans  la  phrase 
un  autre  mot;  ce  n'est  que  le  régime  du  verbe,  aussi  indispensable  qu'insignifiant. 
Non  pas  id  ipsnm,  mais  id.  —  Les  mots  xax'  ovefatv  se  joignent  naturellement  à  ôirotov. 
'Orcolov  xax'  o-jffiav  (=  quel  en  son  fond  matériel)  précise  et  traduit  l'expression 
usuelle  ottoÏov  xaO'  avxô  (=  quel  en  son  fond)  dans  le  langage  d'une  secte  qui  réduit 
tout  en  matière,  même  la  force,  le  principe  efficient  et  formel  des  choses,  l'àme  des 
êtres,  la  loi  ou  la  «raison  »  incluse  dans  les  germes  (cf.  la  définition  de  la  a  raison 
séminale»  donnée  par  Chrysippe,  dans  Diogène  Laërce,  VII,  i5q:  «en  tant  que 
matière,  un  souffie,  —  KveOjia  xax'  ouatatv»).  On  devra  négliger,  pour  comprendre 
cette  formule,  la  distinction  des  deux  principes,  matériels  l'un  et  l'autre,  que  les 
Stoïciens  apercevaient  en  tout  objet,  ou,  comme  ils  disaient,  en  toute  détermination 
de  la  matière,  et  que  l'auteur  des  Pensées,  en  maint  passage  où  il  indique  sa  méthode 
(IV,  ai;  VII,  39;  XII,  10,  18,  39,  etc.),  nous  invite  à  toujours  séparer:  le  principe 
déterminant  (a'.xt'a,  uoiov)  et  la  matière  déterminée  ;  on  devra  oublier  surtout  que, 
par  opposition  à  celui-là,  celle-ci  s'appelle  simplement  et  proprement  matière  (vXij, 
o-jffca);  —  et,  de  fait,  étant  instable  et  inerte,  elle  ne  saurait  être  désignée  plus  préci- 
sément. Ici,  il  n'y  a  point  de  terme  antithétique  qui  limite  l'acception  d'o  j<jîa. 

Les  traducteurs  français  de  Marc-Aurèle  s'accordent  à  réunir  les  mots  xax'  ouoïav 
yjuivôv,  que  tous  ils  interprètent  à  peu  près  de  même  (Pierron  :  «  en  soi  et  dans  son 
essence;»  Barthélemy-Saint-IIilaire  :  «dans  son  essence  nue;»  Couat:  «la  nature 
et  l'essence  vraie;  »  Michaut  :  «en  son  essence  nue»).  Sans  doute,  le  mot  «essence  » 
se  rattache  étymologiquement  au  verbe  «être»  comme  oùtfta  à  elvai  :  mais  une 
équivalence  étymologique  n'est  pas  une  traduction.  Il  est,  d'ailleurs,  inutile  et 
hasardeux  d'introduire  un  nom  tel  qu'«  essence  »  dans  la  terminologie  stoïcienne. 
C'est  dépayser  le  lecteur.  Si,  par  aventure,  il  était  tenté  de  chercher  en  cette  pensée 
l'opposition  du  principe  efficient  et  de  la  matière,  ce  terme  étrange  ne  pourrait-il 
pas  signifier  pour  lui  précisément  le  contraire  dVj<xta  ?  L'adjectif  voisin  (nue,  fU|i.v6v) 
aiderait  au  contresens  :  lui-même,  en  effet,  Marc-Aurèle  a  qualifié  ainsi  l'âme 
qu'enveloppe  le  corps  (IX,  34;  X,  1),  le  principe  efficient  dont  la  matière  n'est  que 
le  vase  impur  ou  l'écorce  (XII,  a  et  8  :  yvjxvà  xwv  pXotfb*  ôôâo-aaOai  xa  a'.xiajor;). 
Mais  il  suffit  de  substituer  dans  cette  dernière  phrase  le  mot  propre  à  la  métaphore, 

—  oCciûv  à  cpAoïcîiv,  —  pour  établir  l'absurdité  de  la  locution  xax'  ovxn'av  yv|tvév. 
Comment  préciser  le  sens  du  mot  yujxvov,  ainsi  isolé  dans  la  phrase?  Quel  régime 

inexprimé,  autre  que  xf,ç  o-jffi'a;,  imaginer  à  côté  de  lui?  J'ai  cité  tous  les  textes  des 
Pensées  où  se  rencontre  cet  adjectif.  Ils  ne  nous  éclairent  pas.  Mais  les  exemples  qui, 
à  la  pensée  VI,   i3,  expliquent  le  verbe  à7ioy*j(xvoCv  expliqueront  aussi  bien  vu|&vov 


Il    n     II  I)|       M  Mo        M    1.1   II  ',| 

esl  pour  ci  en  lamble  .  quel  ssl    i  >n  pi  I  \  pai  i  epp  -i  I 

.m    i  pai  rappoi  I  à  l'homme,  i  itoyen  de  la    ifc    ti| 

loutei  les  -"'i re    oité     i ml  «  >mme  le    mal  on      quf<    '  il 

quoi  eal  il  comp         ombien  de  lampe  <i«»ii  il  durai    «  el 

que  je  me  représente  en  oc  moœenl    }  de  quelle  rarta  al  Je 

besoin  vie-à  \  il  de  lui   douoeui ,  coui  ncërit 

simplicité,  force  d'âme,  <'(<•.    '  Il  faul  <1<>im    §e  «in,-  ..  pro| 

1. 1   Mettra  "n- 1  h. i  >■  .i  nu,  i  .  t  i  lie  tient  de  i.i  i.. 

de  l'orgueil,  de  notre  Imagination  «i  de  n  ti  it<     i     pp    iti  i.i  p.-n-.v 

\  Il .  i  ait  ui<  !  '  iliom 

qui  précèdent 
L'Interprétation  <ir»  m«>t>  i|ui  suivent  < -t  molni  certaine    on  peut  presque 
!  le  plus  vague  dei  neuti 

celui  que   loi   il.uiiii'   liait    \  u  r .  I«-  .  n    un   lutn    ; 

option  ordinaire  de Sic  a  le  pensée  XII,  i)    H  reut  d 

rément  »,  ou  «  en  taisant  L'analyse».  Enfin,  les  mots  p.u\.  ut  pi 
rentraient,  vit  qu'on  h  ,.,  un.'  expn  ision  Irrédu  Ubl  .  -   U  q  . 

en  Si'  cî).(i)v  (mais  alon  i  pretque  Inutil  ime  de  I  «lin- 

que  j'accepterais  à  la  rigueur  lei  diveraei  traductions  que  m  m  ont  doi 

d'SXov  Si1  u'tuvt  cir.çy.ixivf,»;,  Htuf  pourtant  celle  de  M .  Ifichaul  lalité 

de  la  totalité  des  choses  »),  qui  confond  $Xa  el 

autres  :  la  définition,  la  description  de  l'objet,  la  distinction  de  ses  éléments, 
lise tion  dans  l'univers,  tout  cela  Implique  «une  analyse  minutieuse  't  compli 
c'est-à-dire  une  analyse  (&rnpï)|jiv6>;)   qui    ne   néglige    aucun 
(Si*  oacov),  et  nous  permet  d'atteindre  l'objet  mAme  «!<•  notre  repré*  ntation  d 
partie,  mais  tout  entier  (ô'aov).  Cette  dernière  interprétation  <t  celle  que  j'ai  impi 
ci-dessus,  qui  ne  diffèrent  que  par  la  traduction  de  S»)pï)uiv«aç,  mr  lombleiit  garanties 
pour  le  reste  par  deux  lignes  de  la  pensée  VI,  i3,  la  même  i  laquelle  je  demaj 
tout  à  l'heure  l'explication  de  yvpivév:    « xaScxvouusvat    on!  aou 

S ts(iOÛe«C  Si1   a  à  t  ai  v,  <o<tte  opiv  xtX.  >>] 

i.   [Couat  :  «  pour  lui  »] 

a.  [xo*jto,  to  tt(v  povtarfarv  ao:  vCv  tco'.oOv.  —  Voilà  une  définition  précise  du  mot 
çav-caoTov,  employé  au  début  de  cette  pensée  (cf.  la  ir#  note).  Bile  était  courante  dans 
l'école,  et  on  la  retrouve  dans  les  fragments  de  Cbrysippe  (Zeiler,  PkiL  der  Gr.. 
1113,  p.  y  i ,  n.  3).  Quand  nous  sommes  dupes  d'une  illusion,  que  l'objet  de  notre 
représentation  n'est  pas  réel,  celle-ci  ne  se  nomme  plus  poevroato,  mai-  povra 
Tel  parait  être  du  moins  l'usage  de  Marc-Aurèle  (cf.  Pensées,  III.  \  :  XI,  19):  d's 
Stoïciens,  plus  subtils,  ont  désigné  parle  mot  ^àvTacaa  l'objet  de  la  représentation 
qui  nous  abuse,  bien  que  dépourvu  de  réalité,  et  l'ont  ainsi  distingué  de  cette  repré- 
sentation même,  qu'ils  appelaient  çavraoT'-xo  <    /.-lier,  /.  /.,  p.  71,  n.  3). 

J'ai  traduit  vb  tt(v  çavracriav  aotoùv  par:  «  ï  objet  de  la  représentation.  Litté- 
ralement, cette  expression  signitie  :  «  ee  qui  provoque  la  représentation.  »  Le  verbe 
TToioô  a  exactement  la  même  valeur  ici  que  dans  l'expression  k61  ->  (bellurn 

moveo),  que  les  grammairiens  distinguent    si    soigneusement    de   - 
(bellurn  gero).] 

3.  [Couat:  ((force  d'âme,  et  le  reste»? 

On  peut  considérer  tout  ce  qui  précède  cette  phrase  comme  un  développement  des 
dernières  lignes  de  la  pensée  17-1S  du  livre  XII.  Les  quatre  questions  que  Marc- 
Aurèle  s'y  pose  à  propos  de  chaque  objet,  et  qui  s'y  résument  chacune  en  un  mot 
(aiViov,  CX'.xov,  àvaçopâ,  /sovq;),  ce  sont  des  phrases  qui  les  expriment  ici.  —  Pour 
le  principe  efficient  (aiT:ov\  ou  détermination,  ou  qualité  -\  \  .\  et  pour  la  sub- 
stance (o'j(r:a),  ou  matière  (ûXtj)i  dont  les  noms,  au  lieu  de  -  ser  dans  une 
antithèse,  sont  réunis  dans  une  expression  i/j-roîov  -/.a:  qui  n'exprime 
(cf.  la  2'  note  à  cette  même  pensée)  que  le  produit  de  ces  deux  facteurs,  la  phrase 


ia  hihi.i(hiii;oi  i.  ih.s   i  m\  i  asi  rés  DU  midi 

de  chaque  chose  :  ceci  me  vient  de  Dieu;  ceci  est  le  résultat  ' 
de  l'entre-croisement  des  faits  el  de  leur  rencontre  dans  la 
trame  ourdie  [el  tissée]  par  la  Fortune2;  ceci  me  vient  d'un 
compagnon  de  tribu,  d'un  parent,  d'un  associé  qui  ne  sail 
pas  ce  qu'il  doit  faire  conformément  à  la  nature.  Mais  moi  je 
le  sais;  aussi  je  le  traite  avec  bienveillance  et  justice,  suivant 
la  loi  naturelle  de  la  solidarité.  Je  m'applique  en  même  temps 
à  assigner  leur  véritable  prix  aux  choses  indifférentes. 

12 

Si  tu  fais  l'œuvre  du  moment  présent,  suivant  la  droite 
raison,  avec  zèle,  avec  énergie,  avec  douceur,  sans  te  laisser 
détourner  par  rien  d'accessoire,  mais  en  conservant  ton  génie 
pur  comme  s'il  te  fallait  déjà  le  rendre;  si  tu  t'attaches  à  cela, 
sans  rien  attendre  et  sans  rien  fuir,  te  contentant  d'agir  dans 
le  moment  présent  d'après  la  nature  et  d'observer  courageu- 


qui  les  désigne  et  qui  se  répète,  à  quelques  lignes  de  distance,  en  termes  presque 
identiques  (êx  ti'vwv  GvyxixpiTQLt...,  k%  J>v  ouvexplOï)...),  est  sans  doute  assez  vague; 
mais  quant  au  principe  que  Marc-Aurèle  nomme  àvaçopâ  (littéralement  :  rapport) 
et  que  nous  traduisons  assez  librement  (voir  le  livre  XII)  par  les  mots  de  «  fin  »  ou  de 
((cause  finale»,  c'est  peut-être  ici  (des  mots  ôicoup  tivi  tw  y.6cfjia)  =  «ce  qu'est  Pen- 
semble  auquel  il  appartient  »  jusqu'à  iïxjTzzp  olxfatt  eioiv  =  «  sont  comme  les  maisons») 
qu'on  en  trouverait  la  définition  la  plus  exacte.  C'est  d'abord  le  rapport  des  choses 
à  l'univers,  —  un  rapport  de  finalité,  sans  doute,  s'il  est  vrai  que  les  choses  soient 
faites  pour  l'univers  ;  mais  c'est  ensuite  le  rapport  assez  différent  des  choses  à  l'homme, 
citoyen  de  ce  môme  univers  en  qui  il  trouve  également  sa  fin. 

La  présente  phrase  et  celles  qui  suivent  expriment  le  rapport  inverse,  —  celui  de 
l'homme  aux  choses,  —  qui  se  déduit  naturellement  de  tout  ce  qui  précède.  On  n'en 
trouvera  pas  l'équivalent  à  la  pensée  XII,  17-18, — à  laquelle  ce  texte  peut  ainsi 
servir  à  la  fois  de  paraphrase  ou  de  commentaire,  et  de  conclusion.] 

1.  [M.  Couat  semble  avoir  oublié  ici  un  mot:  truXXtj^tv,  qui  signifie  d'ordinaire 
«  groupement  par  tirage  au  sort  »,  ou  simplement  «  réunion  fortuite  »,  et  qui  a  pu 
sembler  étrange  chez  Marc-Aurèle.  On  a  proposé  de  lire  (T'Jwyjo-iv.  Cependant,  on  admet 
bien  tu^yj  dans  la  môme  phrase  (cf.  la  note  suivante).  Évidemment,  les  deux  sens 
de  ces  deux  mots  —  qu'il  faut  savoir  entendre  —  doivent  confiner.  Pour  un  Stoïcien, 
G'jkXt^'.z  signifiera  à  peu  près  «  la  réunion  dans  un  même  destin  ».  On  a  vu,  à  la  fin 
du  livre  I,  Marc-Aurèle  rendre  grâces  aux  Dieux  et  à  la  Bonne  Fortune,  c'est-à-dire 
à  la  Providence;  les  Stoïciens  peuvent  adorer  la  Providence  sous  le  nom  de  cette  autre 
déesse,  la  Parque  (otjXXyjÇiç  est  un  mot  de  même  famille  que  Aot/e<ti;)  qui  tient  le  fil 
de  nos  destinées.  Plus  bas  (IV,  34),  c'est  à  Clotho  (dont  le  nom  se  retrouve  ici  dans 
Le  mot  crovaXtoOiç)  que  Marc-Aurèle  nous  engage  à  nous  abandonner.  —  Il  était 
difficile  de  rendre  le  mot  lui-même  que  M.  Couat  parait  avoir  négligé  :  j'en  ai  mis 
l'équivalent  dans  la  phrase,  une  ligne  plus  loin.] 

2.  [La  Fortune,  et  non  le  hasard.  11  s'agit  ici  de  la  divinité  nommée  à  la  dernière 
ligne  du  livre  I,  et  qui,  pour  les  Stoïciens,  s'identifiait  avec  l'sVapufvr,  (Zeller,  III  \ 
p.  i58,  n.  2).  Sur  l'emploi  du  mot  tu^ij  dans  les  Pensées,  cf.  supra  II,  3,  dernière  note.] 


pi  n  1 1     i.i    m  \i.<    m  ni  1 1 

sèment  l,i  \  éi  ii.   dan    i<     moindre    i» ai  oie     Ul   M\  i 
( m,  personne  ne  i>(,ni  t'en  empé<  b 

13 

De  même  que  les  médecin    onl  loi^joui    t  leur  port 
appareils  el  des  Instruments  p<>nr  i<  -  inh-i  \<-nIh,ms  miIh 

de     inrinr    ;iie     toqjOUrS     &      tfl     «Il    |"  I    itiOH     les     <J<  l  pour 

connaître   les  choses  divines   h   humaines  el  accompli]    tes 

moindres    arlcs   en    le  r.ippelii  ni    le   lien    <|ni    le-    unil    let    m 

aui  autres.  Tu  ne  mèneras  à  bien  aucune  affaire  humaine  lani 
l,i  rapporter  aui  choses  <li\in<^  l,  el  réciproquement. 

14 

Ne  te  disperse  pins  ;  in  n'auras  !<■  temps  de  lire  »  ni  tes  propi 
mémoires,  ni  l'histoire  de  l'ancienne  Rome  el  de  la  («i 
ni  les  extraits  d'auteurs  que  tu  avais  résen  es  pour  la  vieille! 
hâte-toi  donc  vers  le  but,   renonce  au*   vaines   espérai] 

aide-toi  toi-même  si  tu  as  souci  de  toi,  tandis  que  tu  le  peux 
encore. 

15 

On  ne  sait  pas   [tout]    ce    que    signifient   les  verbes   voler, 

semer,   acheter,  être  en  repos 6,   voir  ce   qu'il  faut   faire: 

n'est   pas  avec  les   yeux   mais   avec  une   autre  vue  que   l'on 
s'en  rend  compte. 

16 
Corps,  âme,  raison"  :  au  corps  les  sensations *,  à  Târne 


i.  [Définition  du  xatopOtotia.  Gomment  ce  mot  ne  se  rencontre-t-il  pas  dai- 
Pensées?  Cf.  III,  i,  en  note;  III,  16,  note  finale.] 

2.  [Couat  :  «  les  jugements  qui  te  permettent  de  connaître:  trine.  >>] 

3.  [Couat  :  «  les  uns.  »  —  Le  lapsus  est  évident.] 

4.  Var.  :  «Tu  ne  feras  bien  rien  de  ce  qui  touche  aux  hommes  -311-  le  rapporter 
à  Dieu.  »] 

5.  [Cf.  supra  II,  f>,  et  la  1"  note  (p.  19,  n.  3).] 

0.   [Voir  dans  Zeller  (Phil.der  G/\,  III s,  p.  n5,  note-jï  un  sens  proprement  stoïcien 
du  verbe  f(7»r/â^stv  dans  l'expression  Àoyo:  T^-j/i^ov.] 

7.  [Voir  cette  note  à  la  suite  des  Pensées,  où  nous  avons  du  la  rapporter.] 

8.  [Sur    l'attribution,    constante    dans    les    Pensées,    de    la    sensation   au    corps, 
cf.  infra  V,  26,  avant-dernière  note.] 


14  BIBU01  HÈQ1  E    DES    I  M\  BBS]  1  Ê8    Dl     .midi 

instincts  el  ses  mouvements1,  à  la  raison  les  jugements3. 
Recevoir  les  représentations  par  empreinte3,  même  le  bétail 
en  est  capable;  rire  tiré  en  sens  divers  par  l'instinct  est  aussi 
un  privilège  des  bêtes  fauves*,  des  androgynes,  d'un  Phalaris, 
d'un  Néron  :  accomplir  sous  la  conduite  <lc  la  raison  l'acte 
qu'on    juge    convenable-»    n'es!    étranger    ni    à    ceux    qui    ne 

i.  [Gouat  :  u  tendances,  s  \ rar.  :  <<  Impulsions  Instinctives,  n  —  \  vrai  dire,  il  n'y 
i  pas  en  français  de  traduction  littérale  du  mol  6puV).  Stobée  (Bel.,  Il,  160)  le  définit: 

joyx  -y^/r,::-:  :-..  Quelques  lignes  plus  loin,  il  oppose  L'6pu.j)  des  êtres  raisonnables 
a  celle  des  êtres  sam  raison,  el  parmi  les  variétés  de  Is  première,  il  compte  la  volonté 
(poyXr4«ji;) el  la  volonté  réfléchie  i ottpseiç);  il  dit  aussi  qu'on  appelle  spuat  en  parti- 
culier les  tendances  <  :;<;  ip\Lr^i%r\)  et  les  désirs  (opou<n;?).  Le  sens  du  mot  est  don- 
lendn  :  il  désigne  à  la  fois,  si  l'on  excepte  la  sensation,  tous  les  faits  affectifs 
et  de  volonté;  el  la  définition  très  générale  qu'en  donne  Stobée  :  «  un  mouvement 
(ou  un  élan.'   de  l'Ame  vers  un  objet»  serait  inexacte  si  elle  était  plus  précise. 

En  soi,  l'ép|AT)  n'est  donc  point  mauvaise.  Sa  qualité  dépend  de  la  nature  du  juge- 
ment qu'elle  Implique.  C'est  ainsi  que  l'ôpfU)  que  provoque  un  jugement  irréllédii 
peut  être  une  passion  (ttocOo:)  :  is  eftet  ro  TcàOoç  rfjç  ôpjjif,;  è<m,  dit  Zenon  dans  Stobée 
(Bel.,  II,  i64).  Car,  bien  que  déraisonnable  (ttocOo;  ô'  thaï  paew  ôvjlt.v  icXsovàÇovarav  xài 
KICEiOtj  ko  Ktpoûvrt  >.ôyo)  r(  xtvr.Tiv  'V-r/r,;  uapà  puatv,  continue  Stobée),  la  passion  n'en 
est  pas  inoins  en  nous  une  œuvre  du  principe  directeur  (cf.  deux  notes  plus  liaut 
et  I\  .  sa,  en  note):  aussi  n'appartient-elle  qu'à  l'homme.  11  y  aurait  donc  finalement 
au  moins  trois  grands  types  d'optiat  :  celles  des  bêtes;  celles  des  «  égarés  »  (VI,  sa), 
ou  de  ceux  dont  la  raison  se  tourne  contre  elle-même;  celles  de  l'homme  de  bien, 
dont  l'âme  n'a  que  des  mouvements  conformes  à  sa  nature,  et  dont  la  «vertu  consiste 
en  l'absence  de  passions»  (Pseudo  Plutarque,  Vie  d'Homère,  i34).] 

a.  [Var.  :  «les  croyances  réfléchies.  » —  Voir  la  note  finale.] 

3.  [Couat  :  «  recevoir  les  empreintes  des  choses  par  la  perception.  »  —  Je  dois 
a  M.  Hamelin  la  traduction  que  j'ai  admise.  —  Les  mots  nmoOefac  ?avraanxa>;  (qu'on 
retrouvera  plus  bas,  VI,  16)  rappellent  la  définition  que  cite  Plutarque  (comm.  not.,  67), 
sans  doute  d'après  Cléanthe  ou  Zenon  :  çocvraffia  ruirwartç  èv  «Jnmj.  L'àme,  ou  plutôt 
le  principe  directeur  (infraV,  26,  6e  note;  XI,  20,  note  finale),  est  comparée  à  une 
cire  molle  où  la  sensation  s'imprime  comme  un  sceau.  Malgré  la  critique  de 
Chrysippe  (Sextus  Empiricus,  adv.  Mathem.  VII,  229  :  le  débat  est  résumé  dans  Zeller, 
Phil.  der  Gr.,  III 3,  p.  72,  note  4),  cette  métaphore  trop  précise,  qui  ne  permet  pas  de 
comprendre  que  l'àme  puisse  recevoir  deux  ou  plusieurs  impressions  à  la  fois,  avait 
survécu  et  gardé  faveur  parmi  les  Stoïciens.  Le  mot  plus  abstrait  et  plus  exact, 
bepoiWiç,  que  Chrysippe  avait  substitué  à  Turccoen;,  et  qui  rappelle,  d'ailleurs, 
IV/./.01W1;  d'Aristote,  n'est  employé  qu'une  fois  dans  les  Pensées  (IV,  3g),  où  il 
s'applique  au  corps  et  aux  antécédents  physiologiques  de  la  représentation. 

Juste  ou  non,  la  métaphore  de  Zenon  et  de  Marc-Aurèle  sépare  nettement  la 
représentation  de  la  sensation.  L'une  est  l'empreinte,  l'autre  le  cachet.  C'est  l'enten- 
dement qui  reçoit  la  représentation,  c'est  du  corps  qu'elle  lui  vient.  Autrement  dit, 
l'explication  de  la  pavracia  que  contiennent  les  mots  ruicoûofat  pavraoTtxûc  la  ratta- 
che à  l'atffOrjai;  comme  un  effet  à  sa  cause  :  mais  la  proposition  voisine  atofiaxo,- 
ouaôVjaei;  la  situe  en  un  monde  différent] 

a.  [Couat  :  «appartient  même  à  la  brute;  être  tiré  en  sens  divers  par  l'instinct  est 
aussi  un  privilège  des  bêtes.» — Cette  traduction,  qui  n'est  conforme  nia  l'étymologie 
ni  a  l'usage  des  mots,  a  été  désavouée,  en  quelque  sorte,  par  If.  Couat,  dans  les  autres 
passages  où  il  a  retrouvé  (IV,  28;  VI,  16)  les  poTxr.ixara  en  face  des  Oqpfa.  Là,  il  a  écrit 
«  animaux  domestiques  et  animaux  sauvages  »,  ou  bien  «  bestial  »  pour  (3o?y.r,fjLaT«j6E:, 
et  «  sauvage  »  pour  G/jsuoge:.] 

5.  [Je  choisis  ici  la  seconde  version  de  M.  Couat.  qui  suit  le  texte  traditionnel  :  je 
me  suis  borné  à  y  corriger  «  intelligence  »  en  «raison».  La  phrase  ainsi  traduite 
—  to...  xbv  voOv  r,Y£(iôva  s*/âiv  lui  :a  patvéffceva  /.aOr./.ovxa  —  a  été  reportée  parGataker 
quatre  lignes  plus  loin,  après  la  proposition  xo  iciôv  saxi  toy  àyaOoC.  Dans  la  note 


I»KW    i  i  *     !'•     MAI         m  i  i  i  i 

oroionl   p&i  -"i\  Dieux    ni  i  <<u\  <jui  trahii  cnl  i-  lu   , 
m  ,i  œoi  qui  o  enl  loul  faii  ••    une  foii  la  poi  ta  foi  on  b 

061  facultél  appai  licnnenl   111^  -.  ii ii \  <Iin  <-i  |  u 

ikiiiiiik'       quel  *'si  donc  !<•  bien  propre  i  I  homme  rerl 

i  d'aimer  al  d'aocueillir  oe  qui  lui  ai  rire,  loul  i  e  qui  toi  me 
la  trame  <i<%  la  destint  I  de  ne  |         tuillt  i   l<    ;  énic  qui 

habita  dans  ta  poitrine   <!<•  ne  pas  se  i  troublai   pai  la 

foule  «les  Impreaaiona  sensibles  3,    mais  de  demeura    lerein, 
modestemenl  soumis  ■>  Dieu,  saiu  jamaii  rien  dire  conti 
mérité,  sans  jamais  i  i«*n  faire  contre  la  justice.  En  rain,  fou- 
les  hommes   se  défient   «le   lui    parce  que  son  existence  est 
simple,  pudique,  tranquille;  il  ne  s'indigne  contre  personne 

et    ne   86  détourne   pas  de   l«i    roule  qui    l«'   COnduil   .'m  terme    de 

la  vie,  vers  lequel  nous  devons  non-  avancer  purs,  calmes, 
détachés  de  tout,  en  libre  accord  avec  noire  destin  e 


LIVRE  IV 


1 

Quand  notre  maître   intérieur  est  d'accord    avec   la  nature, 

les  événements  de  la  vie  le  trouvent  dispose  à  se  plier  facile 

finale,  j'examinerai   les  raisons  et  les  avantages  d'un  déplacement  mie,  pai 
du  texte,  je  me  suis  à  mou  lour  efforcé  d'éviter.  M.  Couat  déclare  en  note 
«  rallié  qu'après  beaucoup  d'hésitations  à  la  leçon  des  manuscrits».] 

i.  [  Var.  :  ((qui  se  livrent  à  tous  les  excès.  >»  —  Des  deui  façons,  If.  Coual  i  traduit 
la  conjecture  de  Coraï:  -âv  irtoOv  koio'jvwv.  Le  texte  des  manuscrits  ne  donn 
7ioio"jvt(ov.   La  chute  des  mois  précédents  s'expliquerait  par  leur  ressembla 
phique  avec  le  début  de  celui  qui  reste,] 

2.  [Dans  la  phrase  que  nous  ont  transmise  les  manuscrits  :  il  o 
7:pb;  xà  etpquiva,  Xombv  to  -o'.ov  iori  toO  àyaOoC  /:)....,  L'opposition  des  mots  rà 
et  Xoiirov  me  choque  autant  que  M.  Stich.  Ce  dernier,  au  lieu  de  :à  Xo  ;  Irait 

pouvoir  lire  soit  ^xllx  rcâvra,  soit  :aO:a  -ivia.  El  nous  le  voudrions  comme  lui, 
si  la  paléographie  s'y  prêtait  suffisamment.  Il  parait  plus  simple  de  supprim 
en  supposant  Xoixà  écrit  dans  l'archétype  à  la  lin  et  au-d  ssous  d'une  Ligne,  et  par 
suite  copié  deux  fois,  légèrement  modifié  la  seconde.  On  peut  aussi  imputera  l'auteur 
lui-même,  qui  aurait  réellement  écrit  aoittov,  en  lui  donnant  le  sens  de  <  donc, 
alors»,  une  négligence  de  style  dont  il  n'est  pas  coutumier.  Quoi  qu'il  en  soit.  -.x 
)>o'.7rà,  râXXût  r.xv-x  et  -xï-x  ~x^-:x  ne  pourraient  avoir  ici  que  la  me  -  _  lification. 
A  la  différence  du  français,  le  grec  et  le  latin  disent  volontiers  -         :     .   ■  par 

opposition  à  ce  qui  suit.  —  On  comprend  de   même  que  dans  la  proposition 
sort  npoz  -rà  elp^txsvx  le  pronom  sous-entendu  au  datif  qu'il  faut  rétablir  pour  l'inter- 
préter (a-JT(o)  désigne  l'homme  de  bien,  dont  il  n'a  pas  encore  été  parle.] 
3.  [Couat  :  «  de  ses  perceptions.  »] 
'\.   [Voir  cette  note  à  la  suite  des  Pensées,  où  nous  avons  dû  la  rapporter.] 


J6  BIBLIOTHEQUE    DES    I  M  \  i.hm  1  l'.s    DU    MIDI 

nient  à  ce  qui  lui  est  donné  et  à  ce  qui  est  possible.  Il  ne 
préfère  aucune  matière  d'action  déterminée;  mais  il  suit  son 
idée,  se  réservant  de  faire  '  de  ce  qui  est  dirigé  contre  lui  la 
matière  de  ><»u  action.  Ainsi,  quand  des  objets  qui  pourraient 

éteindre  une  faible  lampe  tombent  dans  le  feu,  celui  ci  s'en 
rend  maître;  il  s'assimile  en  brillant  d'un  plus  vil  éclat  tout 
ce  qui  lui  est  apporté,  il  le  consume  et  s'en  sert  pour  grandir. 


N'agis  jamais  au  basard  ni  sans  rapporter  aux  principes  de 
l'art  de  vivre  la  maxime  de  ton  action2. 


i.  [Couat:  <<  il  se  porte,  mais  bous  réserve,  vers  les  choses  Les  meilleures,  efl  il 
tait...;  "  et,  en  n< >l<*  : 

<«  L< g  manuscrits  donnent  xpbc  rà  rjo-jijiîva,  qui  n'a  pas  de  sons.  Je  crois  qu'il 
faut  lire  7ipor(y(X£va,  mol  familier  à  la  Langue  stoïcienne  et  qui  signifie:  «  les  choses 
placées  le  plus  près  du  bien,  o  <>u,  avec  moins  de  précision  :  «  le  bien.»  Le  sage  a  en 
vue  le  bien,  mais  il  prévoit  les  obstacles  qui  l'en  séparent,  el  de  cc<  obstacles  mômes 
se  fait  mie  occasion  d'exercer  sa  \erhi.» 

Je  n'ai  pas  cru  pouvoir  accepter  la  conjecture  Kpov)Y|lsva.  D'abord,  on  n'en  saurait 
donner  ici,  comme  l'axone  M.  Couat,  qu'une  traduction  détournée;  et  ce  mot,  à  cause 
de  l'usage  qui  eu  est  fait,  de  la  théorie  capitale  qui  se  résume  en  lui,  tient  une  trop 
grande  place  dans  la  terminologie  stoïcienne  pour  ne  point  avoir  un  sens  très  précis. 
Un  texte  de  Zenon  (cité  par  Stobée,  Ed.,  II,  i56)  définit  cette  expression  qu'il  inventa  : 
o  àoiâyopov  ôv  sy./.svôu.îOa    /.aTa  icpoqvovjievov  Xôyov,   et  la    distingue    formellement 

d'àyaOôv  (le   bien)  :    oJokv   ok  r&v   àyaf):*ov   elvat   T:por(yjj.ivov o-joe  yàp   iv   «uXft  rbv 

uporiyo-jtj.îvov  ihx>.  tov  [iy.7Ù,ix  kWct  tbv  jjlst'  aOrbv  TSTaytxfvov,  «  car  le  premier  des 
courtisans  n'es!  pa>  le  roi,  mais  le  premier  après  le  roi.  »  La  santé,  la  vie,  la  fortune 
ne  sont  pas  des  biens  pour  les  Stoïciens;  néanmoins  Stobée,  un  peu  plus  liant  (162, 
fin),  les  donnait  comme  exemples  de  upor^ypiÉva.  —  En  second  lieu,  la  correction  de 
f,yo'j(JL£va  en  7tpor;yjjtiva  est  bien  hardie.  —  Les  mots  xà  àyôaîva  («clés  choses  qui 
attirent  à  elles  »)  que  propose  M.  Stich  se  rapprochent  sans  doute  beaucoup  plus  du 
texte  des  manuscrits;  mais  s'ils  sont  synonymes  de  xà  TrporjixÉva,  on  ne  voit  ni 
pourquoi  Marc-Aurèle  aurait  renoncé  ici  à  une  locution  consacrée  dans  l'école,  ni 
l'avantage  qu'il  aurait  eu  à  employer  une  périphrase  aussi  vague  pour  désigner  le 
bien;  s'ils  expriment  une  tout  autre  idée,  c'est  sans  doute  celle  que  traduit  l'expres- 
sion to  7Tpor,yo^ij.svov,  à  la  pensée  Y,  20,  qui  reprend,  presque  dans  les  mêmes  termes, 
la  théorie  exposée  i<i.  —  Paléo»;raphiqucment,  :à  7rpor,yoo[j.£va,  conjecture  de  (iataker, 
que  j'accepte,  De  diffère  pas  plus  que  Ta  àyôtjisva  de  :à  r,yo'j;j.sva.  Marc-Aurèle  donne 
en  général  à  :à  7ipoïjyo-jij.sva  le  sens  déprima  ou  priora  (IV,  'j5;  Vil,  55;  MU,  ^9);  ou 
parfois  un  sens  dérivé:  par  exemple  (V,  20),  celui  de  proposita.  C'est  celui  que  j'ai 
adopté  ici. 

La  théorie  de  Vaction  sous  réserve  (C7i£^a''p£(7tç,  exceptio)  est  assez  nettement  exposée 
ici  et  pins  bas  (V,  20)  pour  qu'il  soit  inutile  d'y  rien  ajouter.  On  verra  plus  loin  (XI, 
20,  note  finale)  comment  les  Stoïciens  s'en  servent  pour  établir  la  liberté.  Avant  Marc- 
Aurèle,  Sénèque  (ad  Lucilium,  85,  oy)  avait  écrit  :  «  Tu  sapientem  premi  putas  malis? 
utitur.  »j 

2.  [Couat:  ((N'accomplis  jamais  aucun  acte  au  hasard  et  sans  avoir  examiné  de 
manière  à  n'en  négliger  aucune  les  règles  pratiques  qui  le  concernent.  »  —  M.  Couat 
donne  ici,  et  de  même  plus  loin  (XI,  5),  une  traduction  inadmissible  de  6sajpr(ua, 
après    l'a\oir  entendu  différemment  au  livre  I  (7  et  8).  Ici  et  au  lhre  XI,  on  dirait 


ii        m       i-i     MAHi       mi 


(  In  cherche  dei  refti  i     <■  n-iu  <-i    <!<•  ,  .  .un  ,i< 

plage  de  i  m<  mtagnei  ;  toi  au  I .  •  i  I  «  ••  que  tu  dé  ire  avant 
tout,  Mais  loul  cela  <>si  bien  peu  di  pic  «i  un  philosophe, 
puisque  tu  peux,  au  moment  où  tu  le  voudi  retires  en 

loi  môme.  Nulle  pari  l'homnie  ne  trouve  une  retraite  plui 
calme  el  plus  «le  repos  que  dans  ion  Ame,  urtoul  celui  donl 
le  dedans  esl  tel'    qu'en   se   penchant    pour   j  1er,    Il 

retrouve  toute    -.1    sérénité;  je  veux  <ln<    p.-u  nih-  l 

d'une  âme  bien  réglée.  Procure  toi  donc  ani  cei  e  >  toi 
môme  cette  retraite,  el  renouvelle  toi.  \i<i  à  ta  disposition 
quelques  maximes  courtes  el   élémentaires   qui,    l'offrant    à 


qu'il  a  lu  9uopv)9tç.  Lo  suffixe  final d  ia,  l'emploi  constant  du  mot  en  fréon 

le  voisinage  de  rl^vv)  a  lt  pensée  \I.  ».  co le  Ici,  nous  font  d'abord  ra| 

pour  la  signification,  bu&pquA  de  -terme  familiei   aui  Stolci  i   un 

texte  de  Sénèque,  parmi  vingl  autres,  sur  ce  qu'il  nomme  les  - 

—  entendes:  les  sciences  théoriques  de  la  classification  <r\  Lauttiam, 

.«  \ull,i  ars  contemplative  Bine  decretis  suis  est,  qu 

in  <iromctri<i  et  in  astronomia  invenies.  Philosophie  autem  contemplativa  est...      I 

arbitraire  d'en  conclure  que  les  dogmes  sont  les  théorèmes  de  la  philosophie,  et  les 

théorèmes  les  dogmes  des  mathématiques? —  Pour  le  mol  r£^vtj,  il  esl  bien  éridenl 

qu'il  désigne  ici  la  philosophie,  art  (ou  science)  de  la  vie  el  de  la  vertu  (cf«  infre  l\  . 

3i  ;  Xi,  5,  el  les  Dotes), 

Contrairement  à  L'usage  de  Sénèque,  qui,  dans   la    même   lettre  ou    il    traduit 
SivuLata  par  décréta  (principes),  distingue  en  philosophie  les  principes  el  les  préo 
Marc-Auivle  désigne  les  deux  choses  (cf.  sopra  III,  i3)  du  seul  nom  de  do  :■■<■     El  il  a 
raison  contre  Sénèque  et  les  autres  que  suit  Sénèque,  si  les  préceptes   m 
somme,  que  les  corollaires  des  principes,  ou  les  principes  de  la  pratique.  De  même 
que  le  géomètre,  «le  théorèmes  en  théorèmes,  arrive  aui  application-,  le  philos 
qui  de   la   métaphysique  aboutit   à    la    morale,   appellera    encore    S&raotTa  —  ou 
Oscopr.txara  —  «les  règles  de  conduite.  11  semble  bien  que  ce  soit  le  cas  ici. 

Tb  <T'jtjL7iXr(p(i)T'.x6v,  en  effet,  c'est  limité  qu  i  finit  un  nombre  dans  la  série  Infinie 
des  nombres;  c'est  dans  le  compte  des  membre-  de   la  société  humaine  (XI,  B 
des  actes  qui  manifestent  la  vie  de  cette  société  (IX,  s3),  la  dernière  unité,  qui,   ; 
un  moment,  parfait  le  tout  :  dans  l'ordre  moral,  c'est  la  perfection  suprême,  le  bien 

(V,  i5).  11  est  aisé  de  conserver  ici  ce  sens  à  ce  mot.  Si  toute  philosophie  tend  a  la 
pratique,  et  si  tout  acte  du  sage  est  raisonné,  la  raison  de  chacune  de  ses  actions,  au 
moment  où  il  l'accomplit,  est  bien  le  dernier  mot  de  sa  do  ;lrine.  La  doctrii  ienne 

est,  sur  ce  point,  celle  de  Kant  :  j'ai  cru  pouvoir  accentuer  ce  rapport  en  faisant 
passer  dans  cette  traduction  les  termes  d'une  formule  célèbre  de  ce  philosophe. 

J'ai  donc  traduit  Oswpyjjia  par  «  maxime  »;  entendu  Oîrôpr.aa  crupLicXf  .  comme 

une  k  maxime  rapportée»...  à  un  corps  de  doctrine,  qu'elle  achève.  Si  j'ai  beau 
allongé   le   texte  en   rendant   par   «les   principes    de   l'art   de  vivre»    le   seul   mot 
grec  ri/vr,:,  c'est  que  ce  terme  est  aussi  intraduisible  que  le  latin  or*.  Dan-   l'idée 
qu'expriment  ars  et  xi/vr,  sont   confondues   les  deux    notions  que  distinguent    en 
français  les  mots  art  et  science.] 

i.  [Var.  :  «qui  a  au  dedans  de  lui-même  des  principes  tels  qu'en  les  considérant 
il  retrouve...  » —  Pour  justifier  cette  traduction,  M.  Couat  invoque  la  pensée  III.  i3.] 


',s  BIBLIOI  HÉQl  I     DES  URIV1  FIS!  i  B8    D1     MIDI 

Ion  esprit.  Buffiront  à  l'affranchir  de  tout  chagrin i  et  à  te 
renvoyer  sans  aucun  sentiment  d'irritation  dans  le  milieu  où 
tu  vas  rentrer.  De  quoi,  en  eflet,  l'indigner?  De  la  méchanceté 
des  hommes?  Reporte-toi  à  cette  loi  que  les  êtres  raisonnables 
sont  nés  les  uns  pour  les  autres,  (pie  la  tolérance  est  une  partie 
de  la  justice,  que  les  hommes  sont  coupables  malgré  eux?, 
que  des  milliers  d'entre  eux,  après  s'être  fait  la  guerre,  après 
avoir  soupçonné  et  haï,  après  avoir  été  percés  de  coups, 
ont  été  couchés  par  la  mort  et  réduits  en  cendre;  réfléchis  à 
tout  cela  et  cesse  de  te  plaindre.  T'indignes-tu  de  la  part  qui 
t'est  faite  dans  l'univers?  Rappelle- toi  le  dilemme:  ou  une 
Providence  ou  des  atomes,  et  aussi  par  combien  d'arguments 
on  t'a  démontré  que  l'univers  est  comme  une  cité?.  Est-ce 
encore  ton  corps  qui  va  te  tourmenter!3  Réfléchis  que  la 
pensée,  une  fois  qu'elle  s'est  reprise  et  qu'elle  connaît  sa 
propre  indépendance,  ne  se  mêle  en  rien  aux  mouvements 
doux  ou  rudes  du  souffle  vital*;  pense  à  tout  ce  que  tu 
as  entendu  et  appuyé  de  ton  assentiment  sur  le  plaisir 
et  la  douleur.  Vas -tu  donc  te  préoccuper  de  la  gloriole? 
Mais  vois  avec  quelle  rapidité  tout  s'oublie;  vois  des  deux 
côtés  de  toi  le  gouflre  infini  du  temps,  la  vanité  du 
bruit  que   nous   faisons,  l'inconstance   et    l'incertitude  de  la 


i.  7ra<iav  aJTY,v  àitoxXuaai. —  Cette  proposition,  comme  Ta  montré  Gataker,  n'a 
aucun  sens  :  a-jrr(v  ne  peut  pas  se  rapporter  au  mot  '{/vr/v,  qui  n'est  exprimé  ni 
dans  cette  phrase  ni  dans  la  précédente;  d'ailleurs,  <|nr/j)v  âiroxXuaac  ne  signifierait 
rien.  La  suite  des  idées  appelle  un  mot  tel  que  àvtav,  adopté  par  Gataker,  Xu7rrjv 
conjecture  de  lleiske.  La  plupart  des  manuscrits  donnent  àrcoxAuffai,  qui,  avec  Xump 
pour  complément,  peut  à  la  rigueur  s'expliquer.  Les  manuscrits  A  et  D  donnent  t.t,o- 
xXeîaat,  qui  ne  vaut  guère  mieux.  Je  propose  oticoXOo'ai. 

2.  [Marc-Aurèle  accepte  donc,  ainsi  que  la  généralité  des  Stoïciens  de  l'époque  impé- 
riale, la  proposition  socratique  :  «  Nul  n'est  méchant  volontairement.  »  11  revient  même 
assez  volontiers  sur  cette  idée  (cf.  II,  i  ;  VII,  G3  ;  VIII,  i!\  ;  XI,  18,  3°;  XII,  12),  et,  en  cela, 
s'écarte  encore  (cf.  II,  10;  IV,  21,  et  les  notes)  de  la  doctrine  primitive  du  Portique  : 
Stobée  atteste,  en  effet  (Ed.,  Il,  190),  que  les  Stoïciens  condamnaient  l'indulgence  qui 
suppose  que  la  faute  est  involontaire,  «  rckvtmv  â[xap7av6v7o>v  ::apà  tt,v  loi'av  xocxlav.  »  En 
laissant  l'homme  responsable  de  fautes  qu'ils  imputaient  à  sa  méchanceté,  Zenon  et  ses 
disciples  pensaient  empêcher  que  la  passion  fut  une  excuse;  en  revenant  à  la  tradition 
socratique,  Épictète  et  Marc-Aurèle  rotent  d'accord  avec  leurs  théories  déterministes] 

3.  [Cf.  la  pensée  suivante.  ] 

4.  [Gouat  :  «  Aux  mouvements  légers  ou  violents  du  souffle  vital.  »  —  Ces  «  mouve- 
ments »,  que  d'autres  passages,  que  la  phrase  môme  qui  précède  celle-ci  (xà  (Tiou.aT'.y.à) 
attribuent  au  corps,  sont  les  plaisirs  et  les  douleurs.  11  n'y  a  aucune  pensée  où  Marc- 
Aurèle  ait  plus  nettement  confondu  le  «souffle»  et  la  «chair».  Cf.  infra  V,  2G, 
l'avant-dernière  note,  où  sont  rassemblés  les  textes  qui  définissent  la  sensation.] 


il  n    i  i        |)|      MAH<       \  i  i  i  i  i 

renommée  i    la  pcl >|(     «   «ir  I  endi oil  où  elle  eel  cir< 
Toute  la  tei  i  e  n'e  I  qu'un  polnl    quelle  pU 
|r  petit  ooin  où  non  -  habit  m   '  i  i  dan  wbii  n 

noti i  b(  «i1""  N alenl  il   '  Enfin    ion vim     loi  rjm-  lu  .. 

en  toi  même  un  petil  domaine  où  tu  peux  le  retira     ivanl 
lout,  ne  t'agite  pas,  ne  te  raidi    pi       ol    libn     con  le 

choses  virilement,   en   homme]  en   citoyen    en  être  né  poui 
mourir.  V <>i<i   maintenant   les  deux   i     les  d<  [U( 

lu  dois  avoir  l<*  plus  présentes  à   l'esprit   poui    j    réfléchii 
D'abord,  les  choses  ne  touchent  pat  l'ftme      ell< 
rieures  el  Insensibles;  nos  Iracac  ne  viennent  que  de  I  opinion 
que  nous  nous  en  faisons.  En  second  lieu,  tout  ce  que  tu  vol 
autour  de  toi  se  transforme  presque  instantanément  et  ra  ne 
plus  être;  de  combien   de  clumucmcni-   n".i>  lu   p;is  <'i<'  l< 
témoin?  Songes  >   sans  cesse.  Le  monde  n'est  que  métamoi 

phus(,;;  la  \  ic  n'est  que  Ce  qu'on  en  pense. 

4 

Si  1  intelligence  nous  est  commune  à  tous,  la  hnson,  qui 
fait   de   nous   des    êtres    raisonnables1,    nous    esl    ;m-  n 

i.  ton  è?'  r.aîv  Soxotfvrcov.  —  Ces  mots  n'ont  pas  de  sens.  I  îataker  lisait  : 
coxo-jvxtov.  qui  esl  acceptable.  Mais  Soxouvrwv affaiblit  L'idée.  J'aimerais  mi 
jxo'jvt(ov  (cf.  X,  3'»).  D'autre  part,  le  futur  èi?aiveff6u.evot,  qui  -  ntre  plui  loin, 

semble  indiquer  qu'il  B'agil  de  la  renommée  qui  suit  un   homme  mort, 

de  ce  que  Marc-Aurèle  nomme  &artpoçi)uïa.  Je  ne  serais  donc  pas  éloigna  de  I 
v<7-:£po?Y)(xo'j7(ov.  Rapproches  U m  expressions  employée!  dans  une  peni 
y;  8è  çrj{irj  otxptTOV  (II,  17). 

2.  [Nous  retrouverons  plus  loin  cette  maxime  |  \ '.  ig  ;  cf.  une  1  ariante,  VU  te). 
On  verra  (\  I,  11)  que  Marc- Vurèlc  a  parfois  jugé  bon  de  l'atténuer.  I<  i.  DOQl  d<  rons 
entendre  par  M  âme  >>  la  raisou  ou  la  «  pensée  »,  que  t<mt  à  L'heure  1  cf.  deui  aoU  »  plus 
haut)  il  distinguait  si  nettement  du  souflle  vital.  (Sur  la  valeur  de  ôv/  tte 
opposition,  cf.  injra  V,  33,  note  finale.)] 

3.  [Posidonius  (dans  Stobée,  Ed.,  I,  ^ 3 2 - ^ 3 (3 )  distinguait  quatre  types  de  changeai 
(\Lz~xoolxi),  ou,  comme  il  disait  encore,  de  morts  et  de  naissances  :  trois  sont  quanti- 
tatifs, et  n'affectent  pas  la  matière  elle-même,  qui  ne  saurait,  en  etl-  t.  ni  ruitre  ni 
diminuer,  mais  les  déterminations  (icoiofc  ou  -o:à)  de  la  matière,  c'est-à-dire  èta  -  el 
choses.  Ce  sont:  la  combinaison  ((jlyyya'.;),  la  division  iv.a  I  la  dissolution 
(àvdtÀuoiç).  Ln  seul  changement  peut  atteindre  la  matière  même,  c'e-t  le  changement 
d'état,  ou  (Vêlements  (le  passage  de  l'eau  à  l'air,  de  l'air  au  feu,  etc.).  Les  Stoïci-  1 
l'appellent  àXXoiWt;  :  c'est  ce  mot  que  M.  Couat  traduit  approximativement  par 
«  métamorphose  ».  On  peut,  d'ailleurs,  s'en  tenir  à  cette  approximation,  si  kXkm  7.; 
ne  garde  pas  dans  ce  passage  son  sens  précis,  mai>  n'est  pris  par  l'auteur  que  comme 
synonyme  de  peTa6oXV),  déjà  employé  à  la  phrase  précédente.] 

&.  [Yar.  :  «par  laquelle  nous  sommes  capables  de  raisonner.  0  —  Ici,  Marc-Aurèle 
distingue  la  raison  en  tant  qu'elle  nous  déiiir't.  et  la  raison  en  tant  qu'elle  nou- 
gouverne.  —  Ce  procédé  de  raisonnement  était  familier  aux  Stoïciens.  Cf.  Cicéron,  de 
Legibus,  I,  12,  33  :  quibus  ratio  a  natura  data  est,  iisdem  etiam  recta  ratio  data  est:  ergo 

A.    COUAT-P.    FOURMER.  'i 


.*)()  BIBLIOTHEQUE    DKS    UNIVERSITÉS    Dl     MIDI 

mune;  si  cela  est  vrai,  la  raison  qui  nous  prescrit  ce  qu'il 
Faut  faire  ou  ne  pas  faire  nous  est  commune;  si  cela  est  vrai, 
la  loi  nous  esl  commune;  si  cela  est  vrai,  nous  sommes 
concitoyens:  si  cela  est  vrai,  nous  sommes  membres  d'un 
même  Etat;  si  cela  est  vrai,  le  monde  est  comme  une  cité. 
De  quel  autre  Etat,  en  effet,  dira-ton  que  la  race  humaine 
loul  entière  fait  partie?  C'est  de  là,  de  cette  cite  commune 
que  nous  tenons  l'intelligence  [elle-mémej,  la  raison  et  la  loi; 
car  d'où  nous  viendraient-elles?  De  même  qu'en  moi  ce  qui  esl 
terrestre  est  une  partie  [détachée]  d'une  certaine  terre,  que  ce 
qui  est  humide  appartient  à  un  autre  élément,  que  ce  qui  est 
souille,  chaleur  et  feu  émane  d'une  source  spéciale»  (car  rien 
ne  sort  de  rien  ni  ne  disparaît  dans  le  néanta),  de  même  mon 
intelligence  vient  de  quelque  part3. 

5 
La  mort  est,  comme  la  naissance,  un  mystère  de  la  nature  : 
l'une  se  fait  par  la  combinaison  des   mêmes    éléments   dont 

et  lext  nuae  est  recta  ratio  in  jubendo  et  vetando.  Marc  Aurèle,  on  le  voit,  a  supprimé  ici 
l'un  des  membres  du  sorite  :  il  ne  nomme  pas  la  raison  droite. \ 

i.  [Marc-Aurèle  semble  négliger  ici  les  ixXXouoceic  qui  transforment  les  corps  des 
animaux  morts  en  sang  vivant  et  même  (infra  IV,  21)  en  air  et  en  feu.  Il  fait  de 
même  lorsqu'il  s'approprie  (infra  VII,  5o)  les  vers  du  Chrysippe  d'Euripide  :  on 
dirait  qu'entre  la  naissance  et  la  mort  il  a  oublié  la  vie. 

En  réalité,  cette  objection  ne  porterait  guère  que  sur  les  expressions  employées  : 
encore  Marc-Aurèle  a-t-il  indiqué  à  l'avance  dans  quel  sens  il  les  prenait.  Les  mots 
«  vient  »  et  «  source  »  —  qui  traduisent  d'ailleurs  exactement  le  grec  fjxei  et  injfTJ;  — 
marquent  ici  moins  la  filiation  que  l'appartenance.  Notre  âme  dérive  de  l'àme  du 
inonde  en  ce  sens  surtout  qu'elle  en  fait  partie.  C'est  une  façon  de  parler  panthéiste. 
Au  milieu  de  la  pensée,  le  rapprochement  des  mots  [X£T£-/£tv  et  sxetOsv  qui  en 
éclaire  toute  la  fin;  dans  la  dernière  phrase,  l'équivalence  non  moins  significative 
d'àicofie(iiptOTac  et  d'r,xsi  7io0kv  ne  sauraient  nous  étonner  davantage  que  le  début 
d'une  des  pensées  suivantes  (IV,  1/4):  «Tu  es  né  partie  du  tout:  tu  disparaîtras  dans 
l'être  qui  t'a  engendré.  » 

Au  reste,  celte  dernière  expression  et  ici  même  les  mots  f,*£i  et  Tzrtyrt;  sont  vrais  à  la 
lettre,  si  je  me  considère  non  dans  mon  état  présent,  mais  dans  mes  origines  les  plus 
lointaines.  En  remontant,  suivant  le  conseil  d'Épictète  (Diss.  1,9,  4),  du  père  à  l'aïeul, 
de  l'aïeul  au  bisaïeul,  et  ainsi  jusqu'au  premier  ancèlre  et  jusqu'à  la  raison  séminale 
d'où  il  est  issu,  j'atteins  la  raison  universelle  et  la  première  terre  et  le  premier  souille 
de  feu.  De  chacun  de  ces  éléments  primordiaux  quelque  chose  a  passé  en  moi  sans 
changer,  si  l'hérédité  des  traits,  du  geste,  de  la  santé,  de  l'intelligence  n'est  point  un 
mythe;  et  de  ce  que  j'ai  reçu  à  ma  naissance  quelque  chose  aussi  dure  en  moi  jusqu'à 
ma  mort,  qui  me  permet  de  me  définir:  c'est  ma  tco:6t/j;  (IV,  i£,  en  note).  Si  pau 
que  soit  celte  7toiôtyj:,  au  milieu  de  toute  ma  matière  qui  s'écoule,  même  la  matière 
de  mon  âme,  c'est  elle  seule  en  moi  qui  est  moi...  Marc-Aurèle  a  cru  pouvoir  ici 
négliger  le  reste.] 

a.  [Conjecture  de  Nauck.] 

3.  [Terre,  eau,  air,  fou,  voilà,  pour  la  physique  antique,  les  quatre  éléments.  Ici, 


Il     N       I     I  Dl  M    \   I'  \   I     I     I     I    I 

l 'autre  n'esl  que   la  déc<  tmp<  igilion      1 1    n  )    a    1 1<  n    là  d     I 

(ni  i  on  ne  ail   à  rougii     c(  la   ri  i    I   nullement    <  rmti  ,ui 
loi  de  l'être  i alsonnable  h  au  pi. in  <l<  i iiuii< >n 

6 

I   «si   une  oécei  site   <!<•    la   natui  a  que  i  n     d< 

e  pè<  e  agissent  ainsi    (  lelul  «pii   ne  le  reul   pas   \  eul  qui    la 
figue  n'ail  pas  <l<i  suc.  Pour  conclure,  rappelle  loi  que  dans 
un  temps  très  courl   i<>i  <i   cel  autre  voui     erei  morl 
après,  il  ne  restera  même  plus  votre  nom. 


Marc  turelc  lei  retrouve  en  noua,  i<>us  les  quata  te  L'inb  lli  ,•  i'il  met 

pari  :  M  semble  que  celle  i  I  ioii  constitu<  e  d'un  i  inqui<  ment,  plui  -  ihtil 

ci  plus  pu i  que  i<-  fou  lui  même.  I  oraqu'il  ad  ipte  ainal 
palélicienne  de  la  quinta  nature  cf.  en<  orc  \i.  10,  ei  la  note  Bnali  »,  afai    iurèl 

irter  de  i.i  tradition  de  Zenon,  qui,  au  rapporl  de  I  i 

rail  cette  notion  superflue  :  ttatuebai  enim  ignei  naturan  rie 

gigneret, et  mentent  atque  sensas. En  marquant enta   !•  feue!  le  (feu  artiste     un 
rence  «pic  peut-être  personne  avant  lui   dans  L'école  n 
l'auteur  des  Pensées  voulait,  sans  doute,  épurer  l<  i  on<  i  pi  du     di<  u  h 
l'a,  d'ailleurs,  jamais  conçu  comme  absolu menl  Immatériel;  il  n'a  non  plus 
prétendu,  comme  txiatote,  que  la  raison  non-  rlnt  «lu  dehors  (I  >po 
lorsqu'il  disait,  comme  ici,  en   langue  de  panthéiste,  que  toul  en  nous   rient  'lu 
dehors.  Au  contraire,  il  s'est  représenté  l.i  raison  (V,  53)  comme  alimen 
exhalaisons  du  sang,  de  même  que  les  astres  p;ir  les  émanations  de  la  mer.  Et  cela 
est  la  pure  doctrine  du  Portique. —  Il  n'en  est  p.»-  moins  vr.ii  qu'en  dédoublant 
rame,  il  a  été  insensiblement  conduit  à  la  mutiler.  C'est  ainsi  qu'asi  V, 

33,  note  finale;  \l,  so;  14,  etc.)  l'opposition  que  sa  pi<  plu  a  cl 

entre  le  «  souffle  ou  la  flamme»,  c'est-à-dire  vraisemblablement  l'âme  animale,  et  le 
principe  directeur  semble  rapprocher  celle-là  du  corps   lui-même;  et  qu'une   1 
il  les  a  véritablement  confondus  il\,  3,  .v  note).  De  là,  certaines  incertitudes, 
certaines  contradictions  de  sa  doctrine.] 

1.  sx  T(ov   aOrcov   aTO'./£Ûov   s!;    toc-jt*. —  Gataker    a  remarqué   qu'il   y   avait   une 
lacune  entre  erotx&tcov  et  elç.  H  propose  d'ajouter  les  mots  *ori  Steacpiorç    ou  mieux 
SiàXuotç)  si;  vovra.  Le  sens  de  la  phrase  est,  d'ailleur-,  très  clair.  La    même 
rencontre  plusieurs  t'ois  dans  Marc-Aurèle,  notamment  \11I.  iv.  et  \.  r,  avec  le  mot 
G'.aA-Js^Oai. 

[La  pensée  i4  de  ce  même  livre  confine  également  à  celle-ci.  I 
nale  »,  Xôyo;  Gr>zpu.y.-'.y.ô;,  dont  il  y  est  question  (voir  la  note),  doit  être  pourtant  dis- 
tinguée du  Xôyo;  Tr(;  fcapotexsUTJc  que  M.  Couat  traduit  ici  par  "  le  plan  de  sa 
constitution».  Le  même  mot  dans  ces  deux  expressions  me  parait  avoir  deux  accep- 
tion différentes.  Dans  la  première,  Xôyo;  a  garde  le  sens  de  «raif  ians  la 
seconde,  il  a  pris  un  sens  dérivé  (cf.  IV,  13,  en  note),  que  ne  lui  donnent  pas  les 
dictionnaires  du  grec  classique,  mais  qu'on  trouvera  dan.-  les  dictioi  itins  au 
mot  ratio.  Le  Xôyo;  ei?ep(iaxixo;  est  une  réalité  matérielle,  une  foi  g  isaxtb  —au 
moins  pour  Marc-Aurèle,  que  rebutaient  les  subtilités  de  la  physique,  et  qui  de\ait, 
comme  Sénèque  (tid  Lucilium,  CM11),  trouver  fastidieuse  et  absurde  la  que-tion  de 
savoir  si  le  bien  est  corps,  ou  si  les  vertus  sont  des  animaux,  le  ;  -asa- 
(FxeuYj;  n'est  guère  qu'une  notion  ou  un  concept. 

Le  contexte,  les  mots  tb  zHr,;  -Co  voepâ  Zoho  m'ont  paru  imposer  cette  interpré- 
tation du  Xôyo;  tt(;  icapa<jxevf,;,  bien  que  la  ressemblance  des  noms  lui  prélat  une 
parenté  soit  avec  le  Xoyo;  oicep(iaTixéç,  qui  est  à  l'origine  de  l'être  créé  et  appartient 


5  |  B1BL101  m- <h  i     DES    I  M\  i  RS1  i  Ëfl    DU    M 1 1 >l 

7 

Supprime  ton  jugement,  la  proposition  :  a  Je  suis  lésé,  » 
<^t  supprimée;  supprime  la  proposition:  «  Je  suis  lésé,  »  le 
dommage  lui-même  est  supprimé. 

8 

Ce  qui  ne  rend  p;is  L'homme  pire  ne  rend  pas  pire  sa  vie 
el   ne  lui  cause  aucun  dommage   ni   extérieur  ni  intérieur. 

9 
La  nature,  en  sa  providence,  est  obligée  d'agir  ainsi». 

10 

Tout  ce  qui  arrive  arrive  justement  ;  tu  t'en  convaincras  par 
un  examen  attentif;  les  choses  se  succèdent,  je  ne  dis  pas 
seulement  dans  un  certain  ordre,  mais  suivant  la  justice, 
comme  si  quelqu'un  nous  les  attribuait  d'après  notre  mérite. 

encore  à  son  auteur,  soit  plutôt  avec  la  xaTa<r/.£vio"ao-a  S-jvafLi;  (VI,  4o),  qui  persiste 
—  comme  la  itoioVqc  (cf.  IV,  i4,  note  2)  —  dans  les  œuvres  de  la  nature.  Le  contexte 
aurait  pu  sans  doute  aussi  m'aider  à  modifier  dans  la  traduction  le  mot  «  plan  »,  qui 
semble  un  pléonasme  à  côté  de  «constitution».  La  constitution,  en  effet,  telle  qu'on 
nous  la  définit  (infra  V,  16,  3r  note),  est  elle-même  un  plan.  Il  est  vrai  qu'à  l'usage 
le  sens  du  mot  s'est  animé,  et  que  ce  plan  (infra  VI,  44,  note  finale)  est  devenu  la 
nature,  et  la  nature  à  l'œuvre.  Mais  môme  si  l'on  veut  laisser  ici  à  la  «  constitution  » 
son  sens  primitif  et  tout  abstrait,  il  serait  facile,  en  se  laissant  guider  par  70  èÇrjç, 
d'entendre  par  Xôyo;  «  les  conséquences  logiques  »  ou  simplement  «la  logique»  de 
celle-ci. 

Avec  M.  Couat,  on  le  voit,  j'interprète  le  mot  icopaffXeuT),  qui,  dans  les  Pensées,  est 
un  à-a;,  comme  l'équivalent  de  xotTotoxeui);  ou  plutôt,  comme  le  mot  rcorpà  a  été 
exprimé  deux  fois  dans  la  ligne  précédente,  je  suppose  une  erreur  du  scribe  et  je 
corrige  le  texte.  D'après  Stobée  (II,  iG4),  la  wapawxev»]  a  chez  les  Stoïciens  un  tout 
autre  sens:  c'est  une  des  formes  de  l'ôpur,  raisonnable  (supra  III,  iG,  3e  note);  on  la 
définit  «action  préliminaire»,  icp&Çic  rcpb  Tipàçîu);.] 

1.  [Couat  :  «  La  nature  de  l'utile  est  obligée  défaire  cela(.D).  »  —  C'est  la  même 
idée  qui  est  exprimée,  avec  les  mêmes  mots  essentiels  :  àvay/ocîov  et  rroa^ipov,  à 
la  3'  pensée  du  livre  II  (3*  phrase).  Ici,  le  texte  doit  être  altéré.  Il  est  difficile 
d'admettre  f,  70C  T^a^ipovTo;  yôo-'.;,  «  la  nature  de  l'utile,»  au  moins  dans  une  phrase 

où  Nature  serait  représentée  agissant  (z-iniz 7io'.eîv)  :  dans  un  pareil  assemblage  de 

mots,  on  peut  dire  que  puai;  ne  compte  plus  (cf.  II,  1  :  -:zbztûprtv.o>z  rr,v  pfatv  roû 
àyaôoO,  8tt  xaX6v,  c'est-à-dire  70  àyaObv  0:1  çjtsi  xa/.ôv);  il  est  plus  difficile  encore 
de  supprimer  70O  d'jijL^ÉpovTo:  (ce  qui  ferait  de  ce  passage  comme  une  glose  de  la 
pensée  G).  Le  respect  du  texte  nous  interdit  également  de  déplacer  ces  mots  pour  y 
joindre  gàpiv  ou  Evs/.a.  Bref,  on  ne  peut  guère,  à  mon  sens,  tenter  ici  qu'une  conjec- 
ture,—  supposer  un  participe  disparu  entre  (T'jjjl? £00770;  et  ç-j<rt;.  J'ai  lu:  rj  toO 
crv>u.^pipov7o;  vpov7^ojo"a  yj<7\.;.  La  ressemblance  des  mots  o*,j;j.y£oov7o;  et  cppov7c^o'jo*a 
a  pu  faciliter  la  chute  de  celui-ci.] 


i-i  n    m       D1     mm  URfeU 

Continue  donc  d'être  attentif  comme  auparavant     quoi  que 

lu  i  Lu    ir  dam  la   pen  ée  d  6ti  e  homme   de  I 

conformément  t  l'idA   exa<  te  de  l'homme  de  bien 
cciic  règle  <'ii  lou    le   a<  le  ' 

il 

Si   tu    reÇOil    une   oilensr,    ne   l.i    |U^'     |>"^  euinuir    «'lui    <|ui    !« 

la  faite,  ni  comme  il  veul  que  lu  la  1 1  telle 

qu'elle  es!  en  réalité. 

12 
Il    faut   toujours   te   tenir   pré!   ;i   deux    chOSOi  :  d'abord 

Caire  que  ce  < | m i  t'esl  suggéré,  pour  l<'  bien  det  bomm<      pai 
la  raison,  notre  reine  el  notre  loi"';  ensuite,  .'  changer  d'à 

i.  [Var,  :«  mets  toute  ton  énergie  à  observer  < 
.i  la  préposition    -■.  une  acoeption  insolite   La  mol 
Pensées  (d'après  VJndex  do  Stich),  n'y  a  que  troii  foia(V,  35;  \l    \.    IV 
»i  l'on  compte  ce  passage      le  sens  d*«  action  ».] 

a.  [Var.  :  •«  qui  règne  sur  nous  et  noua  Impose  m  loi.      -  De  qui  Ique  fa  on  qu'on 
la  traduise,  cette  périphrase  est  évidemment  ivnonvmedu  mol  ncipe 

directeur),  ai  familier  aui  stoïciens.  Bien  d'autres  textes  cl  -  !'■ 
valence  dea  termes  y)ysu.ovntbv  et  X6vo<  (cf.  infra  l\,  as,  et  la  seconde  note):  H  convient 
«l'observer,  cependant,  que  la  raison  qui  noua  dirige  ne  se  distinj  de  notre 

liberté  (VI,  S;  \l,  ao,  etc.),  —  en  d'autres  termes,  qu'elle  est  autonome. 

Je  rejette  comme  trop  subtile  et  équivoque  une  interprétation  de  Indi- 

quée  par  II,  Stich  dans  V Index  qui  termine  son  édition  dea  Peu 
est  présenté  comme  un  aTrx;  tipquivov,  comme  l«'  nom  d'un  art  <»u  d'uni 
tique,  apparentée,  je  suppose,  à  la  logique  et  à  l'éthique.  Je  sais  bien  que  le  d 
est  généralement  omis  à  cote  des  adjectifs  en  -txéc;  je  sais  aussi  qu'on  rencontre 
Marc-Aurèle  (VI,    35)  l'expression   >.oyo;  tfjç    'i/y^:.    Mais  quel    -   rail   cet 
Marc-Aurèle  ne  veui  paa  oublier  les  règles  fondamentales?  L'arl  d 
dese  donner  des  lois,  ou  l'art  de  gouverner  et  de  donner  dea  loia    La  phi]   -  ;  nie  ou 
la  politique,  une  certaine  politique  à  l'usage  des  empereurs?  De  ces  deux   lut 
tationa,  la  seconde  est  la  seule  qui  laisse  aux  mots  leur  sens  propre;  mais  de  éc- 
arts le  premier  renferme  l'autre  et  c'est,  à  vrai  dire,   le  seul  qui  compte  pour 
Aurèle  (cf.  infra  IV,  3i,  la  note  au  mot  re^viov). 

C'est  Suvautç  que  je  n'hésite  pas  à  sous-entendre  ici,  bien  que  M.,i  -Aurèle,  : 
désigner  une  fonction  de  l'âme  vivante  (VI,  i5  :  KvascvevoTOCT)  èuvaut;,  !  ition) 

ou  une  faculté  de  l'àme  raisonnable  (111,  9  :  u7coXtjirrtxt]  5uvat|u%,  le  jugement),  exprime 
à  l'ordinaire  ce  mot,  et,  lorsqu'il  ne  l'exprime  pas,  n'emploie  jamaia  qu'au  neutre 
(IV,  22  :  to  xaTaXrjTCTcxov,  —  VIII,  5o  :  to  xpoaipeTixov,  —  el  partout  ib  r- 
l'adjectif  qui  l'eût  accompagné.  Ceci  admis,  on  peut  proposer  l'expression 
ftaKFiXiXTjç  /ai  vo[io6sT'.xr(;  Xoyo;  comme  un  exemple  de  syntaxe  curieuse  et  raie.  Le 
rapport  que  marque  le  génitif  entre  vo(xo6enx-r\ç  et  >.oyo:  est  un  rapport  d'identité. 
Nous  avons  vu  plus  haut  (IV,  4,  note  2)  Marc-Aurèle.  dans  la  même  pensée  où  il  pro- 
clame l'unité  de  la  raison,  de  la  loi  et  de  la  cité,  distinguer  la  raison  en  tant  qu'elle 
définit  l'homme,  et  la  raison  en  tant  qu'elle  le  gouverne  :  dans  la  première  acception, 
elle  n'est  encore  que  la  raison  et  ne  s'appelle  que  raison  ;  dans  la  seconde,  elle  est 
déjà  notre  raison  et  se  nomme  aussi  le  principe  directeur  (voO;  v)ve|M*v,  111,  iG; 
r,Y£[j.ovix6v,  partout),  ou  législateur  et  souverain  de  chacun  de  nous.  Ici,  sans  doute, 
les   mots   pamXiXYj;  xai  voiioôstixt,;  définissent  le  rôle  du   Xévoç,  et  nous  entendons 


.V|  BIBLIOTHEQUE    DES    UNIVERSITÉS    M     MIDI 

s'il  se  trouve  quelqu'un  qui  redresse  ton  jugement  et  te 
détourne  (l'une  certaine  opinion.  Mais  ces  changements  ne 
doivent  jamais  se  produire  que  par  l'effet  d'une  conviction  de 

bien,  eux,  qu'il  s'agit  d<'  noire  raison  :  mail  pourquoi  ces  génitifs     I  es  mots 

6  BaffiXsuttv  xo  >'-  eussent,  i  ce  qu'il  semble,  exprimé  beaucoup  plus 

simplement  la  même  Idée, 

Les  grammairiens  appellent  appoiitif  ou  explicatif  le  grénitif  de  cet!  .  qui  m 

rencontre  —  rarement,  il  eal  rrai  —  ches  les  meilleurs  auteun  >u  latins.  En 

grec,  il  semble   réservé  aui  Infinitifs    pris  substantivement  (j  j  icXr,afov 

-/-.(lit  Platon  dans  le  Phêdon:  '.17,  A:  autres  exemples  dans  la  Synta 
Kùhner  <•/  Gerth,  t.  1,  p.  a 64,  n  latin,  l'usage  en  esl  plus  général  (i>m  Murena}  10  : 

aliii  virtatibus  eontinentiae,  gravitatis,  justitiae,  J'ulri,  te  consulatu  dignam  palavi; 
—  autres  exemples  dans  la  Syntaxe  de  Draeger,  I  \  p.  166-467),  —  et  ce  peut  être  i<i  un 
tour  de  sa  langue  maternelle  que  Marc-Aurèle  a  tait  passer  dans  ^a  langue  d'adoption. 
Le  mot  >o-  0;  te  prôtaii  sans  doute  mieux  qu'un  autre  à  une  construction  de  cette 

nature. 

Il  faut  considérer,  en  effet,  que  la  philosophie  (et  surtout  le  Stoïcisme)  en  a  multi- 
plié les  emplois;  «pie,  des  deux  sens  fondamentaux  de  ce  mot  (discours,  raison),  elle 
a  du  singulièrement  développer  et  modifier  le  second.  Aoyo;  sert  à  former  deux  séries 
d'expressions  stoïciennes.  Dans  les  unes,  il  garde  rigoureusement  le  sens  de  raison,  et 
il  est  qualifié  dans  cette  acception  par  des  épithètes  parfois  fort  imprévues.  Ce  qui  esl 
plus  remarquable  dans  toutes  les  expressions  de  cette  série,  c'est  le  rapport  de  l'ad- 
jectif au  substantif  :  les  divers  aspects,  les  déterminations  de  plus  en  plus  précises 
(cf,  IV,  '1)  de  la  raison  universelle  nous  sont  présentés  comme  autant  de  raisons 
spéciales  et  différentes.  Dans  les  Pensées,  outre  Xéyoc  opôô;  (III,  G,  12,  etc.),  la  «raison 
droite»,  et  aussi  la  raison  nue,  qui  est  une  expression  classique,  ô  icpoo'TaxTixôç... 
).oyo:  (IV,  4),  «la  raison  qui  nous  commande,»  c'est-à-dire  la  raison  en  tant  qu'elle 
nous  commande;  6  icoXtTixoç  X6yoç  (IV,  29),  «la  raison  qui  fonde  la  cité,»  c'est-à-dire 
la  raison  en  tant  qu'elle  fonde  la  cilé;  6  <T7rEpu.aTiy.b;  Aoyo;  (IV,  i£),  «  la  raison  sémi- 
nale, »  c'est-à-dire  la  raison  en  tant  qu'elle  organise  le  germe  vivant  et  en  détermine 
l'évolution,  appartiennent  à  cette  série.  —  Dans  un  autre  groupe  d'expressions,  où  le 
déterminant  est  un  génitif,  comme  6  Xtfyo;  xr,;  icapocexeuTJç  (IV,  5),  «  le  plan,  d  ou  la 
loi,  ou  la  logique,  bref  le  développement  rationnel  a  de  notre  constitution  »  ;  ô  Xéyo; 
tV ;  -ïyyt\z  (\  I,  35),  «les  règles  fondamentales,  »  c'est-à-dire  le  fond  rationnel  «d'un 
art  »  ;  6  aoyo;  xr,;  puffeedç  (VI,  58),  «les  lois  de  notre  nature  »  ou  «de  la  nature  uni- 
verselle »,  c'est-à-dire  la  raison  qu'elles  manifestent;  6  Xéyo;  rvjç  icrfXecoc  (II,  16),  «  la  loi,  » 
c'est  à-dire  la  raison  «établie  dans  la  cité»  sous  le  nom  de  loi  (texte  qui  réunit  les  deux 
mots  X6y(j>  xct\  Qs<t[ag>), —  il  semble  naturel  de  donner  au  mot  Xôyo;  un  sens  dérivé 
(plan,  règles,  loi).  A  ce  compte,  ce  n'est  pas  dans  un  dictionnaire  grec  qu'on  trouverait 
le  plus  sûrement  les  acceptions  dernières  de  Xoyo;,  mais  dans  un  dictionnaire  latin,  à 
l'article  ratio.  J'ai,  d'ailleurs,  essayé  pour  les  exemples  qui  précèdent  de  rattacher  le 
sens  dérivé  au  sens  primitif.  On  pourrait  dire  en  général,  pour  justifier  la  traduction 
de  AÔyo;  par  «loi  »,  que  la  raison  est  impérative  et  active  (supra  IV,  /1),  et  rappeler  la 
définition  que  Marc-Aurèle  lui-même  (infra  VII,  9)  donne  de  la  loi  :  Xo*yoc  xv.vb; 
TïàvTwv  T("bv  voepûv  Çcocdv. 

En  somme,  qu'on  parle  de  telle  «  raison  séminale  »  ou  des  «  lois  de  notre  nature», 
c'est  toujours  un  aspect  de  la  raison  universelle  qu'on  envisage.  Il  arrive  que  la 
même  idée  puisse  s'exprimer  à  la  fois  dans  les  deux  séries.  Il  est  évident  qu'en  fin  de 
compte  il  n'y  a  nulle  différence  de  sens  entre  6  fcoXixtxbç  Xoyo;  et  6  Xoyo;  rîj;  aréXeca;, 
qui  pourtant  ne  s'expliquent  pas  de  même.  De  tels  exemples  ont  dû  aider  à  la  confu- 
sion des  deux  tours,  en  des  cas  où  elle  était  moins  aisée  à  justifier.  Ainsi,  lorsque 
Marc-Aurèle  assimile  (AI,  1)  à  la  raison  droite  (Xôyo:  00O0:)  la  raison  qui  commande 
sous  le  nom  de  justice  (Xdyoç  xr(:  8ixato<ruvr)ç),  on  ne  peut  supposer,  sans  mettre  un 
jeu  de  mots  assez  vain  en  cette  pensée  profonde,  que  l'auteur  ait  fait  varier,  à  une 
ligne  d'intervalle,  le  sens  de  AÔyo:  :  on  peut  soutenir,  au  contraire,  que  le  génitif  ttjç 
âixotioauvT)ç  représente  ici  l'adjectif  qui  devait  répondre  à  ôphoz  et  qui  a  fait  défaut  à 
Marc-Aurèle;  en  d'autres  termes,  que  ce  génitif  est  explicatif  ou  appositif.    Virtus 


,.,     ,      !    |  |,l        M  \l.<  M    Ml   I   I 

justice   ou   d'utilité  générale  '    non  i»  iree  que  tu  an    itt  ndi 
de  l'honneur  ou  du  plaiali 

43 

Possédai  in  la  ralaonî      Je  la  possède        Pourquoi  d< 

nc  ((n  iei     in  pa   '  SI  aile  rempli!  m  fonction,  que  ireui  lu 
de  i  >  1  ■  i 

M 

Tu  es  ué  partie  «lu  Toul  '   Tu  disparaîtrai  dam  l'être  qui 
engendré,  ou  plutôt  tu  rentreras,  à  la  luite  d'un  changement, 
dans  sa  raison  séminale 


cmitmciititif,  ;i\;iit  «lit  CiofoOD,  BXfti  fa  m«nt  doméme.  Pour  M« r ■     \  un  I-  .  I    % 

i  i  :  i  lupéi  d'avance.  L'expression  est  noi  malt 

une  phraae  où,  ne  l'oppotanl  point  k  ,  alla  p  ni  m  kraduir* 

de  la  justice  »  (VI,  Bo) . 

Mnsl  expliquée  dam  im  divers  emplois,  peut-être  i  ton  toui  t  i 
un  peu  moini  étrange  celle  qui  a  provoqué  cette  longue  m 

i .  La  sens  général  de  oette  phrase  n'eat  pas  douteux,  mais  le  fa  île  i  n 
J'ai  supprimé  dans  ma  traduction  Les  mot-  :     /.*■.  -x  r.*- 

i  qui  ont  tout  l'air  d'une  glo* 

S.   [Gouat  :  -<  Tu  as  été  introduit  dans  le  monde  couine-  110 

traduction  laisserait  croire  que  nous  venons  d'ailleurs;  aUeeal  en  cont  radie  IJ  m 

les  mots  :   a  tu  rentreras.»  —  Pierron,   Barthélémy-Saint- H  i  la  ire  cl    M     Mi   lia  il 
veut  ici  :  u  Tu  as  subsisté.  "  —  Subsister  e>t  la  transcription  en   français   plutôt  que  Is 
traduction  de  &*é?n£.  Exister,  que  préfèrent  plus  loin  les  mêmes  tu  du  Ci  i3), 

est,  an  effet,  plus  exact,  à  condition  toutefois  qu'on  base  équivaloir  le  présent  du 
verbe  français  au  passé  du  verbe  grec  ((vuxtVrrrvi  j'existe),  liais,  rant 

plus  convenir  aux  morts,  Pierron  et  ceux  qui  l'ont  suivi  -ont  obligés,   dans   la   m 

phrase  où  svj7iÉ<mr)v  signifie  :f  existe,  de  traduire  vrj-ïn-.r^z''  par  :  ils  ont  existé.] 

3.  Var.  :  «Le  système  de   sa  création.  »  Autre  var.  :  <<  son  principe  générateur. 
—  Des  trois  variantes,  j'ai  préfère  l'expression  la  plus  barbare,  qui  semble  être  i  bes 
les  philosophes  la  traduction  consacrée  de  anip{xaT».y/o;  V070;.  Du   moins  n'est-elle 
inexacte.  Elle  demande  à  être  définie.  Selon  Zeller  (1113,  p.  159),  il  faut  entendre 
là  la  raison  universelle,  en  tant  que  force  de  la  nature  qui  agit  et  crée,  que  l'on  con- 
sidère le  monde  dans  son  ensemble  ou  les  individus  et  les  choses  qui   le  consli tuent 
Dans  le  feu  primitif,  il  y  avait  le  germe  (TTrisua)  de  toutes  choses  et  Is  r 
qui  les  en  a  tirées;  comme  le  monde  ne  cesse  de  se  transformer,  que  son  histoire  con- 
tinue, il  porte  toujours  en  lui,  à  quelque  moment  et  en  quelque  état  qu'on  le  coiim 
dère,  sa  «  raison  séminale»,  autrement  dit  la  loi  de  son  évolution  dans  le  germe  du 
monde  à  venir. 

La   raison  séminale  est,    d'ailleurs,   un   principe  irréductible,  où  la  raison  et  1h 
semence  ne  se  séparent  pas.  Elle  est  dans  tout  germe,  dan>  la  semence  de  feu  d'où 
sorti  ce  vivant,  le  monde,  dans  un  sperme  animal,  dans  un  jzrain  de  blé,  comme  une 
partie  plus  subtile,  —  rcvcOua  xa:'   oixxtav,   disait  Chrysippe  (dans  Di<  _  rce. 

VII,  109)  ,  —  mais  c'est  encore  de  la  matière.  Et  l'on  peut,  dans  tou>  les  cas,  dire  d'elle 
et  du  germe  ce  que  Posidonius  (cité  par  Stobée,  Ed.,  I,  '1 3 G )  disait  de  la  matière  et  de 
sa  première  détermination,  l'individu  (té  ts  tio-.ôv  ioûo:  xr.  ty.v  ouefov)  :  Gfl  n'eal 
pas  la  même  chose,  et  ce  ne  sont  pas  pourtant  deux  choses  différentes;  ce  n'est  pas  la 
même  chose,  voilà  tout.  En  effet,  l'une  fait  partie  de  l'autre  et  occupe  le  même  lieu  : 
deux  relations  qu'on  ne  trouve  pas  entre  choses  différentes.  » 
.      De  fait,  c'est,  avant  tout,  la  raison  sémiuale  qui  détermine  la  matière  :  il  faut  que 


.r>f)  BIBLIOTHÈQUE    DBS    UNIVERSITÉS    M     MIDI 

15 
Beaucoup  de   grains  d'encens   sont   déposés   sur    le    mfme 

celle-là  te  retrouve  toujours  soui  celle-ci,  puisque  La  matière  do  cesse  de  se  kransforn 

el  il  faul  <jii'j1  iTv  ait  qu*une  raison  séminale  au  monde,  puisque  i  infra  IV,  4e)  -  l'uni- 
vers nfest  qu'un  seu|  être,  n'axant  qu'une  matière  et  qu'une  àme  >■.  On  rencontrera, 
cependant,  en  d'autres  parties  des  Pensées,  toit  le  pluriel  de  cette  expression  (Vf,  a'i  : 
itixoùc  loil  1»'  pluriel  d'une  périphrase  équivalt  nte(!Xvi,  in  fine:  ) 

t  que,  toul  «'tant  matériel,  même  ce  qu'on  distingue  de  la 
matière,  tout  esl  quantité,  <it  quantité  finie!  donc  toul  se  partage,  La  raison  séminale 
comme  la  matière  brute  (cf.  infra  \ll.  So),  si  l'on  peut  distinguer,  bien  que  le  monde 
soit  un  toul  el  la  matière  Instable,  les  déterminations  «le  la  matière  du  monde,  on 
peul  attribuer  à  chacune  comme  principe  antérieur  à  elle  une  raison  séminale. 
qui  n'est  qu'une  partie  de  la  raison  universelle  :  si  ce  qu'on  appelle  notre  vie 
esl  la  durée  d'une  de  ces  déterminations,  pendant  toute  notre  vie  persiste  en  non*  la 
raison  séminale  qui  nous  a  fait  naître  et  qui  est  devenue  une  partie  de  notre  identité. 
Car.  pour  la  matière,  elle  ne  cesse  de  circuler  entre  les  mille  et  mille  déterminations 
dont  l'ensemble  est  la  forme  du  monde,  sans  se  fixer  jamais,  ne  fût-ce  que  ce  temps 
-i  <  ourt  qui  est  une  vie. 

Nous  verrons  plus  bas  (IV,  si,  i"  note;  V,  33,  note  finale  ;  V,  a3,  a*  et  3*  notes)  que 
certaines  parties  de  l'àme  elle-même  sont  instables  :  celle-ci,  qu'on  peut  définir 
(infra  IV,  si,  dernière  note;  IV,  4o,  i"  note)  le  «  principe  efficient  et  formel»,  ou 
plus  simplement  la  «cause»  (alvia.)  du  corps  à  un  moment  donné,  —  j'ajoute  ces 
quatre  mots  à  cause  des  renouvellements  incessants  qui  se  font  en  elle,  —  est  en 
réalité  une  somme  (X,  26),  celle  des  «causes»  (alrîat)  particulières  qui  ont  fait 
l'homme  tel  qu'il  est  en  ce  moment.  Certaines  de  ces  causes  seulement  demeurent 
en  nous  (Posidonius,  dans  Stobée,  /./.)  de  la  naissance  jusqu'à  la  mort  (&irà  tt,; 
yr/ETso);  [tlgpiTTJC  àvaipéaeto;)  :  ce  sont  elles  vraiment  qui  nous  définissent;  c'est  en 
elles  que  réside  notre  identité  (toi»;  ocvtov;  qu&c  thon,  ibid.),  non  dans  l'àme  (ou 
«principe  efficient»)  tout  entière,  et  encore  moins  dans  le  corps  (ou  «matière» 
inerte).  On  les  appelle  la  «qualité»,  si  ce  mot  peut  traduire  le  grec  7:01677-,;,  et  s'il 
peut  être  de  mise  dans  un  système  matérialiste. 

On  me  pardonnera  ce  développement  accessoire,  s'il  peut  permettre  de  préciser 
la  différence  de  sens  qui  sépare  trois  expressions  souvent  considérées  comme  syno- 
nymes :  Aoyo:  oicepu.aTixéç,  iroidr/);,  atrta.  La  «  raison  séminale  »  est  la  première  des 
«causes  »  stables  qui  feront  l'àme  et  l'identité  (ou  la  «qualité»)  d'un  être  futur: 
c'est  un  y6vo;  svosr,;  yevéffeo);,  dit  Plutarque  (Quaest.  conviv.  II,  3,  3,  4).  Elle  appartient 
encore  à  l'être  créateur;  c'est  son  pouvoir,  et  c'est  l'être  à  créer  tant  qu'il  le  garde  en 
lui.  C'est  (et  dans  ce  sens  l'expression  est  ordinairement  au  pluriel  parce  que  l'homme 
peut  avoir  plusieurs  enfants)  une  des  puissances  (Suvàusiç)  ou  facultés  que  les 
Stoïciens  distinguaient  dans  notre  àme  (Zeller,  III 3,  p.  160  et  198),  conçue  comme 
une  réduction  de  l'àme  du  monde  :  ils  disaient  que  les  «  raisons  séminales  »  sont 
détachées  de  toutes  les  parties  de  l'àme  et  recueillies  dans  le  corps  tout  entier  ('Zeller, 
III3,  p.  i5o,  note  1;  102,  note  2),  qu'il  s'agit  d'un  homme  ou  de  l'être  unique.  — 
Par  opposition  à  celles-ci,  la  icoién);  (ou  «  qualité  »)  détermine  l'être  créé,  le  distingue 
de  tout  autre,  le  distingue  et  l'affranchit  même  de  son  père,  le  distingue  mais  ne 
l'affranchit  pas  de  l'être  universel,  dont  toute  créature  n'est  qu'une  partie. 

C'est  lui,  on  l'a  compris,  que,  dans  le  passage  qui  nous  occupe,  désignent  les  mots 
■WTJiavrt  («  l'être  qui  t'a  engendré  »).  A  la  fin  de  la  pensée,  le  mot  \uxz60\r\  est 
un  terme  générique.  Le  changement  qu'il  désigne  ici  —  qu'il  se  fasse  d'un  seul  coup 
ou  par  degrés  (cf.  infra  IV,  21)  —  est  l'inverse  de  celui  qui  nous  a  donné  l'être  et  qui 
avait  consisté  dans  un  passage  de  la  «raison  séminale  »  à  la  «qualité».  Bien  que 
distinct  des  changements  incessants  qui  font  le  cours  de  la  vie,  et  qui  n'affectent  en 
nous  que  la  matière,  mais  nous  laissent  notre  identité,  ce  changement  total  —  la 
mort  —  ne  doit  pas  nous  effrayer  plus  que  les  autres,  si,  comprenant  que  l'identité 
n'implique  pas  l'indépendance  (evuwloTTjç  <L;  [xépo:),  nous  nous  sentons  solidaires  du 
monde  et  mettons  toute  vie  en  lui.  Ainsi  comprise,  la  mort  n'est  pas  une  disparition 


Il,     Il  1*1       M  M'.'       M    m   M 

autel  ;  l'un  >   tombe  plu    l  A    I  auti  e  plu     lard    il  n'j   i  II 
aucune  difli  1 1  noe  ' . 

16 

\  eux  'n  qu  en  <ii i  j"1"    '  il    le  li  aitenl  de  d  i  \  qui 

irdenl  maintenant   comme  une  h  I        d 
rc\  icns  au  i  dog  mes    el  au  culte  de  le  pal  on 

17 

Ne  fait  pus  comme  si  tu  devais  vivre  dix  mille  eui  La 
nécessité  esl  suspendue  au  dessus  de  i«>i;  lanl  que  tu  rifj  lanl 
que  tu  le  peux  encore,  s<>i^  un  homme  de  bien 

18 
Que    (K4    temps    tfajjne    celui    qui    ne    regarda    pus    ce    que 

(ivaçavMjfr^OTq)  tbtolue,  puisque  U  raison  séminale  qui  n<m>  reprend  .  -t  <  t- i  n-n.- , 
puisque  I»-  fou  * i i ^  in  où  toute  Ame  retourne  esl  If  source  unique  des  êti 

>v  Oeov  Kitoeotfoovrat  icOp  rs^vtxbv 
xaO*  oO;  Ixaera  yfvrrai  (PluUrque,  /'/'/<•.  pou*.,  I. 

On  trouvera  plusieurs  fois  dans  Ifarc-Aurèle  (el  notamment  \  il  les 

notes)  le  développement  de  cette  pens< 

i.  |  \  "ar.  :  «Gela  revient  au  même.  »] 

s.  [Couat:  a  En  dis  Jours  tu  sembleras  un  dieu  I  oeui  qui...  i  —  Dans  !•■  I 
grec  de  cette  pensée,  on  lil  non:  rovroiç...  o:;...,  mais  Bwrofç...  aie  ..  Or  xvrot{  n'est 
pas  l'antécédent  naturel  de  <•/;.  Cesl  encore  à  Lui-même  que  l'emp 
ne  peut  s'agir  ici  de  toas  ceux  qui  le  Jugent  durement  (comment  pourrait-il  es] 
conquérir  la  foule  en  dix  jours  par  sa  seule  sagi  h     >;  il  ne  s'agit  même  pas 
semblablement  de  la  cour,  bien  qu'on  lise  (à  la  lin  de  L'article  VI,  i  ■•  i  que  grâce  à  la 
philosophie  l'empereur  pouvait  se  faire  supporter  de  la  cour;  mail  seulement  d'une 
certaine  catégorie  de  censeurs,  à  Laquelle  pense  Ifarc-Aurèle  en  écrivant  ces  l ._ 
et  qu'il  lui  su tli t  —  se  parlant  à  Lui-même  —  de  désigner  par  un  vague  pronom  :     Us..., 
eux...,  aJToî:...  û  C'est  au  lecteur  à  préciser  Le  sens  de  ces  avrolc,  -x-l- '.>■*.  z,~ 
fréquents  dans  les  Pensées,  où  ils  ne  désignent    pas    toujour»    les    mêmes 
\  infra  IV,  38,  et  la  note;  VI,  5o;   VII,  3'i)  :   parfoi>  même  »  \  I,  6,  et  la  note»,  il  faut 
suppléer  le  pronom  pour  entendre  le  passage.  —  Ici,  la  fin  de  la  phrase  nous  induit 
à  penser  qu'il  s'agit    de  certains  Stoïciens;  il  est  vrai  que  leurs  éloges,  outrés  comme 
leurs  reproches,  rappellent   les   exagérations  de  la    foule.    La   foule   dit    déj l 
Aristote  :    r,  Oso:,  :r,  Ôtjoiov;    et  ces    Stoïciens,    dit   Plutarque   comme    Marc- Au 
vous  font  soudain  de  la  pire  des  bètes  un  héros,  un  génie,  un  dieu  :  È;^ 
r,  8xt(x«v,  r,  Oso;  èx  fa)ptou  roy  xoexforou  yîvoulîvq;  (textes  cités  par  Pierron,  p.  33 1). 
Mare-AurMe  n'a  guère  de  ces  engouements  et  de  ces  colères.  En  gardant  sur  certains 
points  de  doctrine  son  indépendance  de  pensée  (cf.  supra  II,  io,  et  la  note;  infra  V.  i3, 
en  note;  V,  26,  avant-dernière  note;  IV,   m,  dernières  lignes  de  la  dernière  not 
peul  donc  railler  les  Stoïciens  de  ce  genre,  et  pourtant  tenir  à  leur  approbation...  Est-il 
même  sûr  qu'il  les  raille?  Avant  de   le  supposer,   il    faut   considérer  que    le   mot 
àvaxa(i4rvlC  (reviens)  est,  en  somme,  une  confession,  et  se  rappeler  qu'à  la  dernière 
pensée  du  livre  III,  Marc-Aurèle  aussi  compare  aux  bètes  les  hommes  qui  «  souillent 
le  dieu  qu'ils  portent  en  eux  ».] 

3.  [Couat  :  «  si  tu  reviens  à  ta  doctrine.  »  —  Cf.  III,  16,  fin  de  la  dernière  note.j 

4.  [  Var.  :  «  si  tu  te  plies  à  leurs  opinions  et  t'inclines  devant  leurs  raisonnements.  »] 


58  BIBLIOTH&QUl     DES    UNIVERSITÉS    D1     midi 

BOD  voisin  a  dit1,  fail  on  pensé,  mais  seulement  ce  qu'il  fait 
lui-même,  pour  que  son  action  soit  juste  e1  pure^!  Oui  certes, 
voilà  ce  qui  est  bien  :  au  lieu  de  chercher  à  voir  autour  de  soi 

i.    Au    lieu   il'ài/o/'av,    (ialaker    propOM    :0i/'// :av,    qui    Bit,    00    effet,    bien    pllll 

conforme  au  sens  du  passage. 

2.  [Couafl  :  <<  ...ai  ce  qu'il  fail  lui-même  eat  Juste  el  purl  11  ne  faut  pai  m  plaire 
a  considérer  autour  de  m>1  Les  caractères  i><»u^  on  méchants,  mais  courir..  \ 
«...L'honnête  homme  ne  doit  pas  considérer  autour  de  lui  les  mœuri  «le-  autres, 
mais  courir..»  \utre  \ar.  :  ««...h  n'es!  pas  conforme  au  bien  de  regarder  autour 
de  soi  les  mœurs  des  autres;  il  faut  courir...  »  —  Ces  trois  traductions,  dont  aucune 
mble  avoir  satisfait  ^<>u  auteur,  correspondent  à  trois  lectures  différentes  — 
el  presque  également  douteuses  —  d'un  texte  à  peu  prêt  désespéré:   i°  [xr,  yàp  xh 

àyaOov  r,   fléXav  Jfloç  ~zrj<:<>/ZT.znhx\, —  r»  os-,  yàp  tov   àyaO'ov   \irt    StXXuv    rt<irj;    ftcpiâXé- 

zET'jai,  —  3»  o-j  v.x-.x  xb  àyaOov  àV/.ow  y/jo;  -Ep'.oAiTtîTOat.  Les  manuscrits  autres  que 

A,  où    manque    une  ligne,  donnaient  ces   mots  incohérents:   r,  /aTa    tov    àyaOov    !j.r, 

j;/av  y)0o(  7I£v.;,azt:3<70:x'..  On  voit  combien  s'en  écartent  les  conjectures  de  M.  Couat  : 

conde,  d'ailleurs,  n'est  pas  de  lui:  elle  en  réunit  deux  plus  anciennes.  AeÏ  yàp 
ayafôv  est  proposé  dans  l'édition  de  177a  (Lipsiae,  adnotavit  ftforus);  c'esl  M.  Stich 
qui  a  le  premier  voulu  lire  zXXwv  au  lieu  de  }xs).av. 

Il  est  inutile  de  reprendre  ici  toute  la  note  dans  laquelle  M.  Couat  s'excuse  de 
trois  lectures.  Aucune  n'est  d'une  clarté  ou  d'une  correction  telle  qu'on  en  oublie 
la  témérité.  J'aurai  plus  loin  à  signaler  l'insuffisance  de  la  première;  ton  àya&ôv,  dans 
la  seconde,  est  inutile  et  plat;  dans  la  troisième,  la  périphrase  o*J  /a:à  xh  àyaOôv, 
pour  ou  ôst,  ou  pour  un  simple  |nj,  que  donnaient  d'ailleurs  les  manuscrits,  l'esî 
encore  plus.  Ces  trois  conjectures  cependant  sont  utiles  en  mettant  en  relief  une 
difficulté  du  texte  manuscrit  dont  on  ne  s'était  pas  assez  inquiété  avant  M.  Stich. 
Jusqu'à  lui  la  sagacité  des  principaux  éditeurs  de  Marc-Aurèle  ne  s'était  guère 
exercée  que  sur  les  mots  r,  xaxà  tov  àyotSoV  Comme  M.  Stich,  M.  Couat  est  arrêté  par 
l'expression  uiXav  f,8o;.  D'abord,  je  la  voudrais  au  pluriel  ou  déterminée  par  un 
article.  Pour  M.  Couat,  c'est  le  sens  des  mots  qu'il  ne  retrouve  pas.  «  Bien  qu'on  la 
rencontre  ailleurs  (IV,  28)  dans  Marc-Aurèle,»  dit-il  en  note,  «  cette  expression,  si 
elle  reste  isolée,  n'est  pas  à  sa  place  dans  la  phrase  dont  nous  nous  occupons.  L'auteur 
des  Pensées  ne  nous  défend  pas  seulement  de  regarder  autour  de  nous  les  mauvais 
caractères,  mais  de  nous  occuper  du  voisin,  quel  qu'il  soit.  »  J'ajoute  qu'il  faut 
quelque  complaisance  pour  accepter  la  traduction  de  jjiXav  par  «  mauvais  ».  Si  l'on 
se  réfère,  trois  pages  plus  bas,  à  la  pensée  qui  commence  précisément  par  jji),av  r(8or, 
on  y  trouvera  l'énumération  de  plusieurs  défauts  de  caractère.  Mais  la  liste  est 
incomplète:  il  y  manque  le  caractère  envieux,  l'indécis,  le  faible,  et  bien  d'autres,  et 
relui  qu'on  appelle  justement  le  mauvais  caractère;  en  sorte  que  [léXorv  r(6o;  ne 
saurait  être  pris  pour  un  terme  générique,  encore  moins  pour  une  expression 
consacrée  et  le  sujet  d'une  définition  per  enumerationem  simplicem  (cf.  la  note  à  la 
pensée  IV,  28).  Le  sens  de  cette  expression  est  donc  encore  plus  restreint  que  ne 
le  suppose  M.  Couat:  on  ne  pourrait  même  pas,  comme  il  l'a  tenté  un  moment, 
opposer  péXav  à  àyaftôv.  Ce  mot  veut  être  changé. 

Si  vraiment  il  ne  suffit  pas,  pour  faire  passer  une  locution  aussi  inexacte,  de  la 
donner  pour  une  citation  d'un  poète,  la  conjecture  de  Xylander,  qui  substitue  à 
l'adjectif  àyaOov  le  nom  du  comique  Agathon  ('AyaÔwva),  ne  présente  qu'un  avantage 
—  un  très  grand  avantage,  si  l'on  veut  —  sur  toutes  les  autres  :  le  texte  est  rajusté 
d'une  main  très  légère;  une  seule  lettre  est  changée  à  la  phrase  absurde  des  manus- 
crits (car  entre  un  O  et  un  il,  au  moins  dans  la  prononciation,  la  différence  est 
nulle).  Mais  cette  correction  est  inutile  si  elle  n'explique  pas  [x£>.av;  plus  inutile 
encore,  si  on  l'explique...  en  le  changeant.  Il  est,  d'ailleurs,  toujours  arbitraire 
d'invoquer  le  témoignage  d'un  mort,  dont  il  ne  reste  rien  d'écrit. 

C'est  la  correction  de  Xylander  qu'ont  traduite  Pierron  et  M.  Michaut;  Barthélemv- 
Saint-llilaire  la  loue  en  note.  —  Je  crois  très  compromis  le  texte,  tel  que  nous  le 
livrent  les  manuscrits,  et  je  crains  qu'il  ne  réclame  quelque  opération  violente.  Il 
faudrait  au   moins  changer  fiiXav,  sinon  piXow  r,0o:.  qui  a  du  être  importé  là  d'une 


|.|    N      I    I  t  . I        M   V  I    •  M    II    I    I 

(l.in     l'a  m  6  du   pr<  m  li. tin    cou  ri  i    on     nivanl   la    i 

siins  .i('\  1er  ' . 

19  tt  20 

i  .-lui  qu  exalte  l'idée  d  6lébr<    par  la  [x 1  \éi  I 

fl   m  <•  pa  i  que  chacun  de  ceu  i   qui  m  \  l(  ndi  onl   de  lui 

mourra  lui   môme  bientAl .   puW  i  elui   qui  le    i  cm| 
;i  i  n  si   de   suite,   jusqu'à    c<    (  i  in    toul     ouvenii 
passant    par   cea    ftmea   d'hommea   allumées   pu 
Suppose  même  que  ceux  qui  uviendronl   de  loi  loienl 

immortels  el  qu'immortelle  aussi  soi)   ta   mémoire    en   quoi 
cela  te  touche  i  11?  Je  ne  dis  pas  seulement  que  cela  ne  peul 
rire  rien  pour  un  mort;  mais  qu'esl  ce  que  la  louange,  m< 
pour  un  vivant,  à  moins  qu'il  n'en  compte  tirer  parti?  Pour 
elle,  tu  négliges  bien  à  torl  l<*  don  même  que  t'a  rail  la  nature 
Tu  \  as  le  voir  en  t'attachanl  à  un  autre  argument 

des  pages  suivantes  où  []  étail  en  rubrique,  el  tirai  un  leni  des  ! 
\  ulgatc  pré  èdenl  le  mol 

lutres  teites  de  Marc-  turcle  qui  développent  la  même  id 
indiquer  la    restitution  plausible  de  celui-ci     Le   i   rb 
employé  trois  fois  dans  les  Pensées    V,  I;  VU,  55;  IX,     ..    -lesdeui  premièi 
mi   complément:    -x   (rjytfjiovfxà)    orvi  ..  — 

,-j  iXXitptot  TjYCjiovixâ,  iXXà...  >/:-:  /a:'  vM...  Ces  deux  kexl 
bleui    fort:   il   y    i  .à  comme  une  Formule  qu'on   voudrai!   pouvoir  ft   la 

présente  pensée;  rpé^erv  &pObv  >  correspond  déjà  ai  roui       q  i 

pu  tirer  de  ces  indications,  en  exploitant  l'idée  de  M.  Stich,  c'est  la   lecture  : 
:à  ;iov  à'X).fov  y)YS(iovtxà  icsf  lat,  qui  ne  rappelle  que  par  les  m 

(AAAOOIS       ATÀ60N)  la  leçon  des  manu-  rit-,  le  n'avais  pas  le  droil  de  m')  atl  • 

le  propose  d'écrire  ici  :  r,  xàpta  réS1  àyaOv/  [iT]  [to  roC     r.'-.'t -x-  r    ,  total. 

Dans  une  ligne  piquée  des  insectes  il  étail  facile  à  un  scribe  de  lire  xorrà  pour  i 
plus  loin  N  pour  A,  plus  loin   11  pour  M  el  ~ï'/x:  pour  puiXav.  D'autre  psurt 
lacunes  sont  fréquentes  dans  les  manuscrit-  d<'  Marc-Aurèle  (cf.  un  peu  plus  haut 
les  pensées  IV,  5,  el  IV,  <i.  —  sans  parler  de  la  Ligne  ici  même  omise  |  I  L'on 

n'hésiterait    pas,    si   Ton   n'avait   à  restituer  ici  qui'  les  deui  articl  a  qui 

pourra  paraître  étrange,  c'esl  la  rencontre  en   une  môme  Ligne  de  deui  - 
fautes  qui  s'expliquent  différemment.  La  menu4  difficulté  s'est  présentée  pour  M.  (louât, 
à    la   fin    de    la    pensée    suivante.    En   lui  empruntant   son    procédé    de    correction. 
j'invoque  la  même  excuse.] 

i.  [Couat  :  «  sans  dévier  de  côté  et  d'autre.  »] 

a.  [Couat  :  «  par  la  mémoire  de  ces  hommes  qui  apparaissent  et  disparais! 
—  J'ai   adopté,  après    Pierron.  et    traduit   littéralement    la   conjecture    de    Schulta  : 
à7TToa£vtov.   Les  manuscrits  donnaient  È-:or(u£vu)v.  Ce  mot,  dont   dilTère   à   peine   la 
lecture  de  Schultz,  vient  de  la  première  phrase,  et  ici  ae  signifie  rien.  I.  deux 

fois  exprimé  «s'éteindre»  n'est  qu'une    métaphore  quant   c'est  d 
s'agit.  Appliqué  a  l'âme,  peut-être  contient-il  plus  qu'un  s  métaphore  :    une  théorie 
philosophique  de  la  destinée  humaine  ^cf.  infra  IV,  n,  notes).] 

3.  Toute  la  phrase  u  -âps:  yap...  ro  Àoiirév  >>  semble  d'abord  inintelligible,  et  elle 
l'est,  en  effet,  si  on  ne  la  rattache  pas  au  paragr  tphe  suivant.  Mais  il  suitit  de  faire  un 
seul  développement  avec  les  deux  articles  ig  et  10,  et  de  relier  la  phrase  icdtpî 
la  suivante,  pour  obtenir,  avec  de  légères  corrections,  un  sen-  possible.  L'auteur  veut 


60  BIBLIOI  ni  <M  I     DES    i  M\  ER8I1  ES    M     HID1 

Toul  ce  (jui  est  beau  de  quelque  façoo  que  ce  soit  est  beau 
par  soi-même  d'une  beauté  propre  dans  laquelle  l'éloge  qu'on 
en  lait  ne  peut  entrer  comme  une  partie.  Un  objet  ne  devient 
donc  ni  meilleur  ni  pire  par  le  fait  d'être  loué.  Cette  vérité 
s'applique  même  aux  choses  communément1  appelées  belles, 

telles  que  les  Objets  matériels,  les  <ru\res  d'art.  En  quoi  donc 
la  vraie  beauté  a-t-elle  besoin  d'être  louée2?  Pas  plus  (pie  la  loi, 
que  la  vérité,  <pie  la  bonté,  que  la  pudeur.  ï  a  t  il  une  seule 
de  ces  choses  qui  devienne  belle  parce  qu'on  la  loue?  en  est-ce 
l'ail  d'elle3  parce  qu'on  la  blâme?  L'émeraude  perd-elle  de  sa 
valeur  si  on  ne  la  loue  pas?  Et  l'or,  [l'ivoire,]  la  pourpre, 
une  lyre,  un  poignard,  une  fleur,  un  arbuste? 

21 

Si  les  aines  survivent  ^,  comment  l'air  les  contient-il  [depuis] 
toujours?  —  Mais  comment  la  terre  suffit-elle  à  contenir 
tant  de  cadavres  qui  y  sont  ensevelis  depuis  si  longtemps? 
De  même  qu'après  une  certaine  durée5  dans  la  terre,  le 
changement  et  la  dissolution  que  subissent  les  corps  font 
de  la  place  à  d'autres,  de  même  les  âmes,  transportées  dans 
les  régions  aériennes,  après  y  avoir  séjourné  quelque  temps, 
se  transforment,  se  subtilisent",  s'enflamment,  pour  retourner 

dire  —  le  paragraphe  20  le  prouve  clairement  —  qu'en  recherchant  la  louange,  laquelle 
est  étrangère  aux  choses  louées,  on  oublie  ces  choses  elles-mêmes  et  leur  valeur  propre. 
Il  annonce  qu'il  va  le  démontrer.  Pour  obtenir  ce  sens,  que  j'ai  adopté  dans  ma  tra- 
duction, il  suffit  de  lire  irapEi;  au  lieu  de  rAç>z;y  £-/ôu.svo:  au  lieu  de  è/ôlaevov,  et 
d'ajouter  un  futur  analogue  à  otyet.  Je  ne  me  permettrais  pas  de  telles  hypothèses  si 
l'altération  du  texte  n'était  pas  évidente.  Beaucoup  de  corrections  ont  été  proposées; 
aucune  ne  m'a  paru  claire.  Je  lis  donc  :  «7iaps\;  yàp  vvv  gxaipcoc  tt,v  pwixip  oôtiv 
jXKom  rivbç  £-/ôu.îvo;  ).ôyo'j  Xotirov  O'^El.» 

1.  [Couat  :  «vulgairement;»  plus  loin:  «  ceux  (les  objets)...  que  fabriquent  les 
artisans.  »  —  J'ai  essayé  plus  haut(II,  10,  en  note)  de  distinguer  xocvtfrepov  d'idittrtxûç. 
Bien  que  Marc-Aurèle  ne  reconnaisse  qu'une  «  vraie  beauté  »,  la  beauté  morale,  il  n'y  a 
point  pour  lui  de  «vulgarité»  à  trouver  beau  un  ouvrage  de  la  nature  (cf.  supra  III,  a), 
ou  même  un  chef-d'œuvre.  L'interprétation  do  xoivéTepov  entraînait  celle  de  te^vixâv.] 

2.  [Conjecture  de  Schultz  :  Itzolwo'j  tivôç.  L'accentuation  de  uvo;  semble  indiquer, 
en  efl'et,  la  chute,  avant  lui,  d'un  mot  paroxyton.] 

3.  [\  ar.  :  «  ou  laide  parce  qu'on  la  blâme?»] 

/j.   [Voir  cette  note  à  la  suite  des  Pensées,  où  nous  avons  dû  la  reporter 

5.  tiso;  vjvrtva  s7i'.Giatj.ovriv.  —  Gasaubon  a  changé  wpo;  îjvTiva  en  |j.E7à  Tior*rty  riva. 
Cette  correction,  [qui  ne  suppose  que  la  chute  du  mot  \11xy.  dans  un  manuscrit,]  me 
parait  tout  à  fait  nécessaire  ;  rcpbç  n'a  pas  de  sens. 

6.  [Pierron  et  Couat  :  «  se  dissipent.  »  —  «  Se  dissiper,  »  c'est  presque  «  se  perdre  »  : 
et  rien  ne  se  perd;  c'est  «se  disperser»  :  or  la  dispersion  est  un  désordre  (IX,  39  : 
xvxéuw  xoà  ax£ûa<TLi.6;),  et  le  monde  est  tout  ordre  et  toute  harmonie.  Le  mot  «  se 


I  •  I     N       II  I  >  I         \  I    \  I  .  '  \  I     I  .  I    I    I 

dans  la  i  aison  séminale  '   de  L'unh  ei      al   lai    anl    al  i 
la  plaça  à  oallc    qui  \  lennenl  habiter  dan    l<     m<  n 

Voili  qu'on    p<  >ui  rail     '  <  |"  »n< 1 1  <■    *  1 . •  t *       l'Ii  >  potin  l.i 

mmn i\ anoe  de    ftmei 

il  faut  d'ailleurs  considérai  noïi    aulemanl  la  multitude  d 
corps  ensevelis,  mais  encore  celle  dei  être    vivant    que  n< 

lil     i|.    i        h  idull  'il 

Dfl   onl  |amal    i  mpl<  >y<     pai  Vlan    turoli  VII 

quo  lorsqu'il  nous  pi aro  dan    l'hypothèse  atoiin-t» 
tou(  sImi.-i. -m   que   Mm.    \mi.  i.    pn  cl  c   loi  qu  il    ■!'    i  n  •    q 

i  (VIII,  57).  Il   empl  il    pai  ; 

L'Intelligence  ou  du  soloil  l  \  1 1 1  [ul 

Encore  est-il  m        aire,  cl  plui  ail  m<  on  (rancal     1 
Mon  pour  se  faire  entendre  Ctr,  pour  le  lecleui  qui  nV  'i 
qu'esl  oc  .luhv  ohoM  qui  lulei        1  1     mol 

ol  dessus,  m'onl  i>;u  u  exprimer,  en  lomme,  1  essentiel  de  Is  j 

fluidité  qu'acquièrent  les  km  is,  Is  tension  qui  «-n  épsnd  el  en  reiienl  Is  lubstan  e,  Is 
transformation   Intime  f  n  les  assimile  1  Is   pure  Intellij  a  la  lumièi 

Remarquer  qu'ainsi  entendu  le  mot  ^lo  1  milieu  de  ce  beau  raisonnement 

analogie,  distingue  le  sorl  futur  des  âmes  du  devenii  d  lurait,  en 

eflet,  découvrir  dans  la  «  dissolution  »  des  corps  Is  même  <  tension      ii  que 

dans  l'«  expansion  «  des  âmes.  C'esl  que  les  unes  s., ni  principe  officient,  i 
matière  inerte.] 

i.  [Var.  :  «au  principe  générateur.»—  Cf.  supra  l\,  i'(.  et  1 
aus^i  la  première  note  de  la  présente  pensée.] 

1,  [Je   maintiena  dans  io  texte  —  en  corrigeant  dans  la  traduction  d<    M  < 
«  persistance  »  en  «  survivance  »  —  une  phrase  que  celui-ci,  après  Nauck  et  comme 
M.  Michaut,  se  déclare  en  note  «  fortement  tenté  d'attribuer  à  un  scribe       1 
n;  à7roxp:va'.7o   se'   uicoOèVst  roO   Ta:  ilnigàtc   Bcauiveiv.   Il  me  semble  que  si  <»n  la 
condamne,  ce  ne  peut  être  que  pour  le  mot  6ico6£ett,  le  plus  significatif,  et,  «1 
la  place  qu'il  occupe  à  la  fin  ou  plutôt  en  dehors  «le  la  phrase  mém<  1  en  relief 

de  cette  prétendue  glose.  De  toute  la  pensée,  ce  mot  esl  !«'  seul  qui  mette  en  doute 
la  survivance:  même  la  première  phrase,  qui  commence  par  si,  n'impliq 
possibilité  de  l'idée  contraire:  car  «si  »  peut  signifier  0  puisque)  .  Or,  à  la  fin  <lu 
passage,  clans  l'une  des  deux,  phrases  qui  résument,  en  lu  traduisant  n  U 
métaphysiques,  la  démonstration  de  M  arc  •  Aurèle  el  font  valoir  ss  méthode,  nous 
rencontrons  le  mot  «vérité».  Gomment  arrivera  la  vérité?  se  demande  t-il.  Ni  l'on 
pouvait  croire  à  l'intégrité  du  texte  traditionnel,  il  serait  trop  aisé-  de  lui  répondre: 
En  ne  raisonnant  que  sur  des  dogmes  sûrs.  —  Il  esl  évident  qu'en  écartant  la  phrase 
toOto  Ô'  av  nç...,  Nauckct  A.  Couatont  résolu  tout  conflit  entre  c  hypothèse    i  t     i  élite 

Mais  si  l'un  de  ces  deux  mots  est  nécessaire  à  la  pensée,  n'est-ce  pas  plutôt  le 
premier?  La  meilleure  preuve  qu'on  puisse  se  donner  de  l'immortalité  ou  de  Is 
survivance,  c'est  la  raison  qu'on  a  de  la  défendre;  or,  nous  voyons  ici  même  que  pour 
Mare -Aurèle  la  survivance  est  sans  intérêt,  puisqu'il  n<  la  limiter 

(cf.  la  fin   de  la  présente  note);  et  dans  l'ensemble  de  son  livre  il  esl  c  f.  les 

dernières  lignes   de  la  note  finale)  que  c'est  l'idée  contraire  qui  prédomine.  Conl 
la  phrase  roOto  ô'av  t::...,  c'est  donc  mettre  en  cause  la  doctrine  même  de  Mai      \ 
Ce   n'est  pas  cette  ligne,  c'est  la   fin  de  la  pensée  qui,  à  cause  d'elle,  doit  être  ou 
retranchée  ou  retouchée:  nous  verrons  (deux  notes  plus  bas)  qu'on  peut  se  conl 
d'une  correction  très  légère. 

On.remarquera  la  place  de  la  phrase  contestée  par  Nauck  que  nous  croyons  pouvoir 
restituer  à  Marc  Aurèle.  Elle  a,  du  premier  mot  «  voilà»  jusqu'à  la  dernière  propo- 
sition, qui  reprend  les  termes  mémos  et  rappelle  les  conditions  de  la  question  p   - 
l'allure  d'une  conclusion  :  or,  les  explications  qu'elle  devrait  achever  se  continuent 
après  elle.  Est-ce  une  raison  nouvelle  de  la  condamner,  ou  de  déclarer  la  pensé  ? 


ba  BIBLIOTHEQUE    DES    UNIVERSITES    l»i     MIDI 

mangeons  el  que  mangent  chaque  joui'  lea  autres  animaux. 
Quelle  quantité  d'êtres  vivants  disparaît  ainsi,  comme  ensevelie 

dans  le  corps  de  ceux  qui  *Vn  nourrirent  !    El   cependant  ils  y 

trouvent  assez  de  place1,  grâce  à  leur  transformation  en  sang, 
à  leur  métamorphose  en  vapeur  ou  en  matière  ignée. 

Oui     nous    donne    la     vérité    dans    riivpollièse    susdite'?   La 

division  en  matière  el  en  principe  efficient  [et  formel]*. 

incohérente?  Ivanl  d'écrire  !<■  moi  glose  en  marfee  de  cette  Ligne, on  aurai!  encore 
la  ressource  de  La  reporter  un  peu  plus  bas.  Mais  je  crois  que  le  texte,  tel  qu'il  est, 
peul  s'expliquer  :  En  rojetanl  hors  de  sa  démonstration  par  analogie  un  témoignage 
qui  la  confirme,  Marc  Vurèle  >  moins  voulu  ajouter  qu'opposer  cette  comparaison  a 
la  précédente;  el  une  idée  nouvelle  ressort  pour  non-  de  cette  opposition.  \ux  rorps 
ensevelis  dans  la  terre  commune  il  faut  «les  années  pour  se  dissoudre;  il  suffit  de 
quelques  heures  à  ceux  des  animaux  qui  nous  nourrissent:  qui  sait  si  la  survivance 
de  L'âme,  qui  n'est  qu'hypothétique,  qui,  en  tout  cas,  ne  peut  être  que  limitée,  —  et 
beaucoup  plus  qu'on  ne  le  laisse  espérer  dans  l'école, —  ne  serait  pas  d'une  brièveté 
illusoire.'  Dans  ces  conditions,  en  quoi  la  jieTàoraai;  serait-elle  pour  l'homme  plus 
avantageuse  ou  plus  désirable  que  la  Toi?'.:.''  Vaut-il  mieux  «  s'éteindre  >>  ou 
((  s'embraser  >>  ?] 

i.  r,  /fupa  0L-j-:rr  —  Le  démonstratif  bvtï)  se  rapportant  à  '/copa  n'est  pas  inutile, 
mais  il  serait  plus  utile  encore  d'avoir  dans  la  phrase  le  complément  de  cf/îra'.  ;  c'est 
pour  cela  que  Gataker,  peut-être  avec  raison,  a  mis  aO-à  pour  avTrj. 

2.  [Couat  :  «  sur  cette  question.  »  —  M.  Gouat  traduit  ainsi  le  texte  traditionnel, 
eici  tojto'j.  «  Cette  question,  »  c'est  celle  qui  a  jusqu'alors  dominé  toute  la  pensée, 
celle  qui  se  pose  à  la  première  ligne  et  que  renouvelle  de  distance  en  distance, 
au  cours  de  la  réponse,  le  retour  des  mêmes  expressions  :  au  milieu  de  la  pensée, 
z^  UTroôédei  roO  rà:  •]/•«>/ à;  oiajiivstv,  —  et,  dans  la  phrase  môme  qui  précède  celle-ci, 
oi/sTa-.  r,  yjôpy..  C'est  bien  «  cette  question  »  aussi  que  permet  de  résoudre  «  la 
division  en  matière  et  en  principe  efficient  et  formel»,  s'il  est  vrai,  comme  nous 
essayerons  (dans  la  note  suivante)  de  l'établir,  que  toute  la  théorie  qui  précède  soit 
fondée  sur  cette  division. 

Mais,  comme  on  l'a  vu  (deux  notes  plus  haut),  «  cette  question  »  ne  se  pose,  et 
la  réponse  qu'on  y  fait  ne  peut  être  «  la  vérité  »  que  si  la  survivance  de  l'âme  est  hors 
de  conteste.  Il  n'en  est  pas  ainsi,  et  il  est  impossible  que  Marc-Aurèle  ait  oublié 
qu'il  n'en  était  pas  ainsi.  La  correction  qu'implique  la  traduction  ci -dessus  —  celle 
d'èVc  rouTOV  en  âw\ tout»,  ou  en  s-tù  rowrrç,  si  l'on  admet  le  déplacement  de  la  phrase 
tovto  8'  QÉv  xiç  —  rappelle,  comme  il  est  nécessaire,  au  moment  de  la  conclusion 
l'hypothèse  initiale,  et  ne  nous  donne  que  comme  une  vérité  relative  la  vérité  de 
cette  conclusion.] 

3.  [Couat  :  «  en  matière  et  en  forme.  »  —  Le  sens  de  CXi]  n'est  pas  douteux  :  il  ne 
suffit  pas  cependant  à  déterminer  celui  de  a'.TÎa.  Car,  outre  les  principes  que  Marc- 
Aurèle  a  parfois  désignés  par  des  noms  spéciaux,  comme  la  durée  (/pôvo:,  cf.  VIII,  7  ; 
IX,  a5;  XII,  18)  el  la  fin  (àvaçopdt,  c\'.  XII,  10  et  18),  il  yen  a  encore  au  moins  deux,  la 
cause  et  Informe,  que  d'autres  écoles  opposent  à  la  matière,  et  que  le  vocabulaire  des 
Pensées  ne  semble  pas  distinguer.  D'une  part,  aucun  des  noms  (sloo;,  fiop^r,)  par 
lesquels  d'autres  philosophes  ont  désigné  la  forme  ne  se  rencontre  dans  le>  Pensées 
{>[  ce  n'es!  dans  des  expressions  usuelles  comme  xat'  sloo:  :  X,  3o;  sv  eïôet  :  XI,  20, 
où  disparaît  le  sens  philosophique);  d'autre  part,  l'idée  de  cause  (par  exemple, 
MU,  3  :  a'.T:a  Oefaorç'  f,ç  ffU(i.6aivEC  -a^i  itàvra)  >  e<t  très  certainement  exprimée  par 
aiTta  ou  des  mots  de  même  famille.  Si  Marc-Aurèle  ne  sépare  pas,  comme  l'avait  fait 
Aristote,  la  cause  ciFiciente  de  la  cause  formelle,  ce  n'est  pas,  évidemment,  parce  que 
le  vocabulaire  lui  fait  défaut.  Des  deux,  pour  lui,  c'est  la  cause  formelle  qui  est  intégrée 
dans  la  cause  efficiente.  Si,  quand  il  est  isolé,  le  mot  a-.Tia,  dans  ce  livre,  peut  en 
-encrai  être  suffisamment  traduit  par  le  mot  :  «cause,  »  il  ne  perd  pas  ce  sens  quand 


Il    s      II  I)|       M  \l'.<         M    I  I   I  I 

22 
Ne    le    Lu     e    pa      "  lourilii  .     niai-    rjui-    (nul    mou \  cm  ml 

,1         .  ,|  Mm       ,  .    II.     .,|.|..  .    il  i.  .ii     - 

Id  Ol  lltn      II       | nihl  lllll        Ml !■  U  '  uni. 

. 1 1 1  i.  p. h  uni    li  'ii    m   '•   li  un  ii<    i"  »  Ipln  ijm        In  prii 

i »  m 1 1  m   ,  h    Lomps,  |i  ini  qui    r    'I  """ 

,  ii      p  n  M. n  i    \  m  -  i princifi     .h  hn  i     II  i 

ila ni  i<      lio  ix  qu'il  oppo 

hum,  l.\  \  ».  Il  pure  do  iini'     loïi  li  m" 

quibu$  omnia  fiant,  oauêû/n  el  materiam    l'ouï  l<    Porliqui 

Inq  •!''  Pli  Ion  (qu ipl     l'id nue  <  ioiii- 

breusos,  uul  nUnium  mutta,  aut  nlmlum  pauea  ;  trop  pou,    i  K\  Platon  n 

lo  temps,  le  lieu,  le  mouvomont;  trop,    I  l'unit    i     li  matière  implique  l'unil 
l,i  otuie,  ol  il,  on  ofïct,  l'idi    .  Il   forme  et  lu   lin   ne    »»nl  qu<-  <l  -  «  •  *  *  r  j  •  i 

dépendant  de  celle  qui  ci  una  pendent,  m  r<t  <ji<  i 

ol  eauM  (el  non  :  forme)  traduiraienl  dont  à  la  ritfucui  l'opponition  d 

On  t  vu  (IV, 1 4)  ou  l'on  verra  1 1  X      >;  X    iô)<  omm<  ni  ,  , 
<lc\  lonnont,  à  l'occasion!  sj  non)  m  non) me  : 

la  substance  |  letl  pour  un  81 m  l'autre  nom  de  II  \  U 

i  |t  pensée  du  livre  VIII,  jXixév  et  ovom  ni  li   mémo  p  ri  i 

Uon    I    Kl  :  :>.>'>:;   et    à    y  10    DOU  plUB   h.iul    (VII,    I0)f  11  OSt  dil 

,-/)  doit  rentrer  dans  la  tubêtat  k)  universelle,  de  mém<  qui  dai     lai 

universelle  s<%  i ><  r» J  toute  cause,  •  •!  toute  mémoire  dam  le  temps    \ 
ampisfltTtxoc  d'un  côté,  OXyj,  ovala  de  L'autre  formenl  ainsi  di 
don!  l'opposition,  comme  en  témoigne  l'expression 

pourtant  pas  absolumenl  rigoureuse  :  rien  pour  les  8toï<  lens  n'étant  immatériel,  pas 
même  ce  qu'ils  distinguent  de  Il  matière.  C'esl  pour  i  els  sans  dout  que  l'auteti 
Pensées  ne  peut  se  représenter  II  destinée  de  l'Ame  que  d'après celli  :  Platon, 

qui  oppose  Tu  m4  à  l'autre,  constatant  comme  Marc-  turèle  «i  »  i<  ■  le  corps  lui  menu 
décompose  pas  aussitôt  enseveli,  en  avait  tiré  une  présomption  en  faveur  de  l'immor- 
talité (Paédon,  80  0.  -  -  Quoi  qu'il  <mi  soit,  n  n  Stoïcien  peuttrouvei  npt  a  l'oppo- 
sition du  principe  efficient  el  de  la  matière.  Le  texte  que  j'ai  cité  plus  haut  (VII,  1    , 
pourrait  venir  à  la  suite  de  la  présente  pensée  :  il  en  explique  la  dernière  phr 

En  somme,  le  raisonnement  par  analogie  qui  remplit  cet  article,  si  simple  qu'il 
soit  et  si  banal  qu'il  semble  (les  motsâvriç,  dans  la  phrase  contestée  par  Nauck,  en 
sont   L'aveu),  est  la   traduction  expressive  et  familière  d'une  théoi  [physique 

dont  a  la  division  en  principe  efficient  et  en  matière  0  résume  toutes  les  affirmations 
essentielles:  i*L'àmeet  le  corps  s'opposent  comme  arrfa  et  C//,;  ainsi  s'expliquent, 
en  dehors  de  l'analogie  qui  prédomine,  les  divergences  de  leurs  destinées  (cf.  la  So  de 

1.1  3°  note  à  cette  même  pensée).  —  20  Le  monde  u>t  un  ;  il  n'y  a  en  lui  qu'un  prim  Ipe 
efficient  el  (prune  matière  (IV,  V»).  celle-ci  faite  de  terre  et  d'eau,  celui-là  d*.iir  et  de 
flamme  plus  ou  moins  subtile  et  pure.  Ainsi  s'explique  le  retour  à  l'être  uni 
(cf.  IV,  i4)  de  tout  ce  qui  constitua  l'individu.—  >  Sauf  une  partie  in.  lu  ti: 
toujours  intacte,  la  -0:677-,;  (cf.  supra  IV,  i4,  note  1),  qui  est  l'identité  même  du  vivant, 
le  principe  efficient  (V,  20),  comme  la  matière,  est  instable:  les  éléments  se  mêlent  el 
se  transforment   l'un  en  l'autre;  ce  qui  est  aujourd'hui   matière  in  •il     -  nain 

matière  active,  c'est-à-dire  principe  efficient  et  formel;  le  départ  qu'on  fait  de  L'une  et 
de  l'autre  dans  un  être  individuel  ou  dans  l'être  total  n'est  donc  exa  I  qn  p  mr  le 
moment  où  on  le  fait...  Ainsi  s'expliquent  et  la  vie  humaine  et  I  1  \  ie  universelle.  — 
'i°  Dans  L'âme  elle-même,  principe  efficient  et  formel  de  L'homm  •.  on  p  -ut  distinguer  un 
principe  efficient  —  la  raison,  âme  de  L'âme  —  et  une  matière  —  -  :::  — 

qui  l'entretient  seule,  quand  le  corps  fait  défaut  :  ainsi  s'expliquerait  la  survivance. 

Do  la  dernière  phrase  ainsi  comprise  (cf.  aussi  1\  .   1  >>  il  est 
définition.  Si  l'âme  et  le  corps  s'opposent  comme  x-.-'.x  et  C>.r.  c*esl  que  l'an. 
vraiment  la  cause  du  corps,  x\-:x  tqj  <Koua7o:.  Àrisl  il  !  avait  dit    De  l'Eric.  II.  p.  412, 
B,  6):  u  l'entéléchie  première  d'un  corps  naturel   organisé.       Les  deux  formules 
semblent  voisines;  les  doctrines  sont  en  réalité  fort  divergentes.  Sans  doute,  toutes 


64  B1BLI0THEQI  I     DE8    I  Nil  I  R81  i  ks    Dl     MIDI 

ton  âme  se  traduise  par  une  action  juste  et   que   toutes  tes 

deux  soutiennent,  comme  Le  remarque  Jamblique  (dam  Btobée,  E  .  i  - , .,  que 
de  La  Daiaaanee  à  ta  mort  L'âme  n'i  point  une  vie  distincte,  <-t  que  km  vie  est 
celle  môme  de  L'ensemble  »  qu'elle  forme  av«  Le  corps,  liais,  pour  tristofc  I 
nensemble»  (auquel  Jamblique  semble,  d'ailleurs,  donner  ua  nom  impropre: 
te  eiSvOstov)  n'est  pas  La  somme  de  deui  matières  distinctes  :  L'âme  est  en  tout  ce  qui 
rit  (De  Pâme,  II,  p.  h i a,  l,  1 4),  même  dans  la  plante,  el  n'est  que  Là;  comme  on  ne 
peut  concevoir  une  forme  sans  matière,  L'âme  mie  dont  Les  Pythagoriciens  content 
Les  migrations  est  >m  fantôme  (id.,  I,  p.  e»;,  B,  sa);  L'immortalité*  personnelle,  un 
Leurre;  el  si  quelque  chose  de  non-  échappe  à  la  mort,  c'est  La  pure  raison,  imper- 
sonnelle, qui  vient  <ln  dehors  (OvpaOtv)  et  retourne  à  Dieu. —  Les  Stoïciens,  au 
contraire,  prétendent  que  L'âme  eal  nue  autre  matière  mêlée  à  La  matière  du  corps, 
que  Les  deux  se  pénètrent  en  toutes  Leurs  parties  8Xc*v,  cf.  Zeller,  Phil.  der 

c,r..  Ml  3,  p.  1*7),  au  point  de  ne  formel-  qu'un  seul  t  ivanl  ;  que  1  -  •  mort  Les  sépare,  et 
que  L'âme  peut  dès  lors  vivre  seule.  Je  n'ai  Lci  qu'à  rappeler  certains  textes  cites  au 
cours  de  lu  première  note  à  cette  pensée  :  Les  dernières  pages  de  la  Con$olatio  ad  Mur- 
ciam,ei  Le  passage  des  Placita  phUosophorum  (IV,  7,  8),  on,  à  côté  des  termes  mêmes 
(èxtéiotuivetv  T-.và:  xp^vouç)  que  devait  reprendre  Marc-Aurèle  pour  exprimer  la  survie 
temporaire  de  l'Ame,  L'expression  k«6'  gurqv  désigne  très  clairement  !<•  maintien  de  la 
personnalité.  —  Or,  c'est  surtout  en  regard  de  La  thèse d'Aristote  que  celle-ci  semble 
mal  assurée.  Je  laisse  de  côté  l'objection  qu'appelle  la  conception  matérialiste  de 
l'alrta,  toutes  celles  qu'on  m  faites  à  La  théorie  de  La  \v.\'.z  3i'  SXcov.  L'excellente  position 
prise  par  Iristote  lui  ;i  évité  Les  efforts  qu'ont  <lù  s'imposer  Les  Stoïciens,  d'abord 
pour  expliquer  La  pénétration  réciproque  de  L'âme  et  du  corps,  ensuite  pour  le>  dégager. 
L'âme,  selon  eux,  ne  saurait  5e  développer  sans  Le  corps  même  dont  elle  est  La  «cause» 
(alx(a);ce  sont  toujours  les  vapeurs  du  sang  qui  l'entretiennent.  Ses  facultés,  qui 
lui  sont  postérieures  (tt,v  ,V->//,v--  oùffiav  7roo"j~o-/.s'.;j.£vr(v  xal:  o-jvatxôai  :  Jamblique, 
dans  Stobée,  Ed.,  I,  87^),  sont  déterminées  en  partie  par  l'organe  même  qu'elles  font 
agir  (id.,  87C).  Les  deux  matières  qui  nous  constituent  ont  été  ainsi  mêlées  si 
intimement  qu'il  devient  bien  difficile  à  un  moment  donné  de  faire  la  part  de 
chacune.  En  vain  Marc-  Uirèle  tente  d'opposer  en  nous  la  raison  à  tout  le  reste.  Il  ne 
peut  vraiment  dire  (cf.  supra  IV,  '1,  note  finale)  qu'elle  <<  vient  d'ailleurs 

C'est  d'abord  le  sentiment  de  ces  difficultés  — auxquelles  s'ajoutent  celles  que  nous 
avons  relevées  pins  haut  (cf.  la  1"  note  à  cette  pensée),  quelques-unes  même  d'après 
lui  —  qui  sur  cette  importante  question  de  la  destinée  humaine  a  l'ait  de  Marc-Aurèle  un 
dissident.  Ce  texte  est  le  seul  des  Pensées  où  il  développe,  nous  avons  vu  avec  quelles 
réserves,  la  théorie  de  la  survivance;  le  seul  aussi,  à  ce  qu'il  m'a  semblé,  où  il 
n'ait  voulu  considérer  qu'elle.  En  général,  il  semble  admettre  également  et  concur- 
remment deux  hypothèses,  dont  l'une  est  la  négation  de  toute  survivance.  Il  a  donné 
un  nom  à  chacune  :  la  première  est  celle  du  déplacement  ([icxàTTadi;  :  V,  33  ;  VII.  32  ; 
ici  :  [uOioràpevat)  ou  de  la  persistance  (xo  <ruu{i.£tvai  :  XI,  3,  comme  ici);  —  la  seconde, 
celle1  de  Vextinction  GfArji;  ou  rjge^O^vat  :  V,  33;  VII,  32;  VIII,  25;  XI,  3).  Presque 
toujours,  il  nous  les  présente  toutes  les  deux,  par  leur  nom  ou  sans  les  nommer 
(III,  3,  et  les  autres  textes  qui  viennent  d'être  cités),  et  l'indifférence  lui  est  si  naturelle 
à  ce  propos  qu'il  semble  souvent  disposé  à  admettre  en  même  temps  une  troisième 
hypothèse,  épicurienne  cependant,  celle  de  la  dispersion  (V,  33;  Vf,  2/4;  VII.  32; 
VIII,  2j\  XI,  3;  cf.  ici  même  la  note  aux  mots:  se  répandent);  parfoi-  même  une 
quatrième,  pythagoricienne,  celle  de  la  métempsycose  (VIII,  38).  S'il  fait  un  choix, 
c'est  la  thèse  de  Vextinction  qu'il  adopte,  à  l'exclusion  des  autres  (X,  3i  :  itowrvbv  xat 
to  |M)$év;  XII,  21  :  [xst'  o-j  ttoa-j  oj6s\:  ojoaaoO  k'tfr,;  XII,  \'a  :  ô  /.aOowv  TraoaçspîTti)...  xh 
ttvs'j aânov...  tov  voOv  oj  7rapo:T£i).  Un  moment  (XII,  5),  il  semble  regretter 
l'immortalité  personnelle:  mais  il  prend  aussitôt  son  parti  de  Tu  extinction 
cette  assurance  vague  que  les  Dieux  n'ont  pu  agir  que  pour  le  mieux.  En  fin  de 
compte,  sa  piété  même,  sa  confiance  en  la  nature,  son  mépris  de  la  vie  et  son  insou- 
ciance de  la  mort  ont  du  le  laisser  assez  indifférent  à  la  forme  et  à  la  durée  de 
l'immortalité,  que  sa  raison  n'accepte  pas  comme  un  «dogme».  Cet  acte  d'indépen- 
dance philosophique  n'est  d'ailleurs  pas  isolé  dans  les  Pensées  (cf.  supra  IV,  16,  en 
note);  enfin,  Sénèque  lui-même  (ad  Lucilium,  XXXVI,  9,  et  d'autres  Stoïciens,  à 
(lui  suffisait  l'espoir  de  renaître  un  jour  tout  entiers  de  la  conflagration  universelle 


ri*    m       1 1 1     m  \  r.  •      \  i  i .  i  i  i 

I  r|>|r    rnl.illnll-      I.iism'mI       ml.irlr      l,i       iil--.fi      <|l||      \.,|l      .I.ni 
elle 

i  |  I     inh  a  V,  ifl      -  !    I.i    •!■  i  m 

i ni  dan    une  iiitn        rin  l<  inn<        hul  , 

Ql   II.        «I    ni  "i  Cl      II     i       tl<  'I'    I  l'i    ilM  I  «ml. h   |  I 

quci  Cornutiu  ik   l 'admet  ta  il  p 

i .  |<  .ui.it        \,   pi  i   i  lourd  il  ;  mal      i  pi  0| 

■   i  |u  propoi  de  toute  Idi  rver  la  ri 

toent,  n       Poui   le  loni  d'ipjj  -  et  di  qu<    M    I  riual  traduil  n    p    I 

pai     dés  h      ol  pai  III,  itf,  .V  et  5*  n 

équivtleoti  i  "il  i  qui  an  d<  i  Ivent,    oil  d<     p«'i  ipl  .  ni 

i.  uni-  dtDfl    l08    Pê  .1    l'un    doi    DlOtl  I  : 

VI,  i6j  IX,     I   Getl    opposition  ne  mol  <\  ailleui  -  p i  en 

((  i   infra  VI,    .  ■  I  la  note);  elle  n'implique  môme  pai  la  di*lin<  lion  •  n  - 
pouvoir*  différent  noua    lil  Oi 

taienl   pas   ta  dh  lalon  de  l'âme  en   kroii  pai  I 

(Hippocrate  el  Platon,  \.  i  onflrmeol  el   précisent   n    Lémn  iu'IIi 

noua  rapportent,  l'un  que  le  prin<  Ipe  dirt    U  ni    it,  au  n  i. 

nos  tendances,  »  l'autre  que,  «  pour  Chry si ppe,  la  passion  □  i  uit. 

uutre  que  la  raison;  que,  par  mite,  les  anlmaui  dépourvu!  d     i  il    >n 
apables  de  passions.     I  'est  i  w  ore  la  doctrine  que  profes*    M  m     luri  le  lui  in 
puisque,  ayant  constammenl  comparé  les  mouvements  de  l'instinct  -t  du 
jeu  dos  marionnettes  (voir  4  VIndex  de  Stich  les  moU   . 

il  observe  (X,  $8)  que  c'esl  en  noui  la  raison  qui  tient  Ica  Bcollei  «  e  qu<  dam  I' 
on  appelle  te  principe  directeur  des  jugements,  des  raouv<  m<  i  i.  de 

toutes  les  opérations  de  t'àme  en  es!  <i<>n<-  aussi  (Zeller,  Phil.  der  Gr.t  ni  .  p, 
le  principe  créateur;  c'est  <"n  lui  <(u<-  les  représentations  s'impriment,  la  - 
elle-même  (infra  V,  ••<;.  avant-dernière  note)  restant,  au   1 1 1  <  <  i  r  ■  ^  pour  Mari    turclc, 
liora  de  t'àme;  et,  de  même  que  le  monde  est  parfois  nommé  Dieu,  dans  le  m 
-ens  le  principe  directeur  <>u  créateur  il»-  l'âme,   c'esl   toute  l'âme.  Le  moi 
pourrait,  en  effet,  traduire  très  suffisamment  te  ternu    g  i  n  plus  d'un 

passage  des  Pensées:  par  exemple,  dans  ceux  où  ce  terme esl  précédé  de  N  ou  d< 

:•.:  (III,  9;  •j-ô>.r)'V.;  -t,>  qYSpovixeâ...    SYvévT)Tat  ;  —  VIII,  Si,  el  I\.   is  :  ftîtXOf     0 

r.yîjjLov.xà  otûtûv  :  —  IV,  39,  début),  et  dans  ceux  qui  nous  comparent  au  monde   I  \ 

Dans  la  présente  pensée,  ce  n'est  pas  cependant  le  terme  ordinair 
Marc-Aurèle  oppose  à  ovrr,  et  à  çavxaeia.  C'estun  neutre,  qu'on  m  nulle 

pari  ailleurs  dans  les  Pensées:  zh  xxTaArjirctxdv, —  mais  qu'on  reconnaît  de  prime 
abord  à  sa  désinence  (cf.  III.  g  :  ûirotapcTtYi)  fruvotfitç,  el  en  quaran! 
vtxbv  lui-même)  comme  désignant  un  pouvoir  de  l'âme.  D'après  ce  qui   préoî  le,  il 
semble  assea  naturel  de  voir  en  rjyefiovtxôv  el  xaTaXrjîmxov  deux  termes  i  peu  près 
synonymes,  ou  du  moins  de  considérer  le  second  comme  limitant  el  précisant  1 
du  premier.  Ce  que  Marc-Aurèle   appelle  ici  to  xa?aXv)imxa  ra  le  prii 

dirigeant,  en  tant  qu'ayanl  donné  -»>n  assentiment (<n>Yx<xra&£<Tiç) aux  i  lions 

(f«VTaurfai),  il  t'a  i  t  (Telles  tles  %  %xcùcr\  'bv.z.  —  La  traduction  que  j'en  propose  rappelle 
les  principaux  caractères  du  principe  dirigeant  et  de  la  v.x--j.  -  irtoul 

raisonnable  (IX,  aa,    i"  note), —>  celle-ci  non  seulement   véridiqne,  mais  assun 
ne  se  point  tromper  (sapra,  p.  17,  note  -1  :  Zeller,  Phil  der  Gr.,  III   . 

Il  y  a  d'autres  noms,  inusités  d'ailleurs  dan-  les  Pensées  : 
qui,  chez  les  Stoïciens,  désignent  aussi  ou  définissent  le  principe  directeur;  ils  s 
cités  par  Zeller  (p.   198).  Dans  les  Pensées,  le  mol  rcpoatpETixbv  (VIII,    56)   pourrait 
compléter  cette  liste.  Ce  fait  encore  me  semble  autoriser  mon  interprétation,  qui  esl 
aussi  celle  de  Harthéleniy-Saiut-Hilaire  et   à  peu  près  celle  de  Gouat  :  car  le 
ment»  est,   en  somme,  un  acte  de  la  raison.  Ouant  à   Pierron  et  à  M.  Michau 
traduisent  cnaÇetv  to  xotra>rjimxbv  par  «s'attacher  à  l'intelligible  *>,  comme  il-   ool 
traduit  ~o:zlv  to   oixxiqv  par  use   proposer  le  juste-,  je  crains  qu'Us  n'aient  accordé 
il  la  symétrie  des  deux  propositions  de  la  dernière  phrase  une  signification  qu'elle 
n'avait  pas.  et  qui,  dans  leur  esprit,  a  du  prévaloir  contre  celle  des  mot-. 

A.    COU  AT- P.    FOURS  1ER.  5 


66  BIBI  i"i  moi  i     m  -    i  mvi  fim  1 1  -    D1     mii»i 

23 

Tout  ce  qui  esl  avec  loi  en  harmonie,  ô  inonde,  est  aussi 
en  harmonie  avec  moi.  Rien  de  ce  qui  est  opportun  pour  loi 
nVsi  pour  moi  prématuré  ni  tardif.  Toul  ce  qu'apportent  tes 
saisons  est  pour  moi  un  fruit,  ô  nature.  Toul  vient  de  toi,  tout 
csi  en  toi,  tout  rentre  en  toi1.  Le  poète  dit  :  0  cité  chérie,  cité 
deCécropsl  El  loi,  ne  diras  lu  pas:  0  ci  té  chérie,  cité  de  Zeus  ? 

24 
tgis  peu,  dit  le  philosophe',  si  tu  veux  que  ton  âme  soil 
contente.  Ne  vaut-il  pas  mieux  dire  :  Fais*  ce  qui  est  néces 
saire,  fais  ee  que  prescrit»  la  raison  de  l'être  naturellement 
sociable,  et  comme  elle  le  prescrit!'  Ainsi  Ion  obtient  à  la  fois 
le  contentement  de  l'âme  qui  résulte  des  bonnes  actions,  et 
celui  que  Ton  <joùle  à  agir  peu.  Supprime,  en  effet,  la  plupart 
de  tes  paroles  et  de  tes  actes  comme  n'étant  pas  nécessaires, 
et  tu  auras  moins  d'affaires  et  plus  de  calme.  Nous  devons 
donc  sans  cesse  nous  répéter  :  «  Peut-être  ceci  n'est- il  pas 
nécessaires  >  Nous  devons  nous  interdire  non  seulement  les 
actions,  mais  encore  les  idées  qui  ne  sont  pas  nécessaires  :  car 
nous  supprimerons  du  même  coup  les  actions  superflues  qui 
les  suivent6. 

25 

essaie  de  voir  comment  te  réussit7  la  vie  d'un  homme  de 

i.  Cf.  Saint  Paul  aux  Romains,  c.  II,  v.  30  :  oti  l\  ocjtoC  xat  ci*  avxoO  xat  si:  avTov 
rà  7:àvTa- 

».  [Démocrite  (dans  Stobée,  Ed.,  II,  12)  avait  dit:  «  Ne  cherche  pas  à  tout  savoir, 
si  tu  ne  veux  devenir  ignorant,  »  et  (dans  Sénèque,  Tranquillité  de  l'âme,  13):  «  Pour 
vivre  tranquille,  il  faut  embrasser  peu  d'affaires  publiques  ou  privées.  »] 

3.   [Var.  :  «  Ne  vaut-il  pas  mieux  ne  faire  que...  »] 

'1.   |  Var.  :  «  ce  que  comporte  et  comme  le  comporte...  »] 

">.  [Couat  :  «nous  demander:  ceci  est-il  nécessaire?» — Dans  les  manuscrits  on 
lit  :  <  fir,  ti  toOto  ou  to>v  àvayy.atwv  ;  »  Ainsi  ponctuée,  cette  phrase  donne  un  sens  absurde 
«car  |it)  interrogatif  ne  signifie  pas  nonne,  comme  l'ont  entendu  Pierron,  B-rtln'lemy- 
Saint-Hilaire  et  M.  Michaut,  mais  num).  M.  Couat  Ta  corrigée,  en  effaçant  la  seconde 
négation.  J'ai  cru  plus  naturel  de  conserver  où,  en  supprimant  l'interrogation.] 

G.  [Couat  :  «  pour  que  celles-ci  n'entraînent  plus  à  leur  suite  les  actions.  »  —  Cette 
traduction  fait  supposer  que  M.  Couat  avait  corrigé  dans  son  texte  7rapsA-/.o'j<7ai  en 
7:ap£AxôijL£vai.  Je  reconnais  que  le  sens  qu'on  doit  donner  à  7iapsA/.o-jaai  est  très 
détourné.  —  Par  les  mots  :  «  du  même  coup,  »  j'ai  voulu  rendre  à  la  fois  ovreaç  et  oOoi, 
qui  a  ici  le  sens,  non  de  a  pas  même»,  mai*  de  «  non  plus».] 

7.   [Couat:  "  où  conduit.  »] 


CI     .      I    I  l.l  Ml'  \  I    I    I    I   I 

bien .    atisfail  d<    la  pari  qu<    lui  a  atti  ibin  e  l  uni 
contenta  d  agii   poui  ion  pi  opi  |n  f"  •■  t\  d 

loiijoui s  dani  «1rs  di  po  m i- . i j    bien veillant 

26 
I  m  as  \  h  i  .1.1  i  \  m    maintenant  1 1  <  I    N(    le  b  i  iu 
en  sorte  cT<  tre    Impie,  I  n  homme  «  ommel  il  une  faute    I 
contre   lui  même   qu'il   la   commel     I  «  lai   il   arrivé  quelque 
chose    (  e  quelque  chose  esl  bon     cai  dès  Toi  i\  ait 

été  arrêté  pour  toi  comme  un  effel  des   loii  univei  ellei  qui 
déterminent  chaque  événement    I  n  lomme,  la 
tire  profil  du  momenl  présent  par  la  réflexion  et   la  justice. 
Suis  sobre  ij  mais  sans  exagération  de  rigueur 

27 

Ou   bien    le   monde  esl  ordonné,  ou  bien   c'est  un  cha 

confus 3  il  esl   vrai,  monde  cependant.   Quoi?   En   toi  même 

pourrait  m*  constituer  un  certain  ordre  el   il  n'>   aurail  que 

désordre  dans  le  tout?   Et  cela  quand  toutes   les  choses  sont 

à  la  lois  si  distinctes  el  si  confondues  el  solidain 

* 

28 
Caractère  sombre,  caractère  efféminé,  caractère  dur»,  sau 

i.  Les  manuscrits  portenl  m  :  »o(  «  x«Xûc<  On  a  proposé  xaxâc  m  lieu  de 

y.  *>/•>:.  ('«'(te  correction   nie  parait  contraire  an   sens  de  la   phrase  toul   entii 
Vnrèle  veut  dire  que  tout  ce  qui  arrive  esl  bon,  parce  que  rien  n'arrive  contrairement 
aui  intentions  de  la  nature.  Mais  xaX£><  déterminanl  w\k6i6rpit  ne  vaut  pas  mieux; 

il  tant  donc,  comme  l'a  proposé  Caaaubon,  mettre  un  point  d'inten 

[Pour  la  doctrine  exposée  ici,  Cf.  infra  \  I.  ', 'i .  en  note.] 

2.  vr,3£  àvsiuivo;.  J'aimerais  mieux,  avec  Schultz,  lire  an  [comme  y  invite 
la  leçon  barbare  du  manuscrit  \:  xveiuipwç.]  La  traduction:  (Sois  sobre,  même 
quand  tu  te  relâche-.-  est,  à  mon  n\i>.  inexacte.  Ifarc-Âurèle  renouvelh  ici  une 
recommandation  qui  se  rencontre  fréquemment  dans  les  Pensées;  il  faut 

mais  avec  simplicité,  et  sans  effort. 

3.  [Conjecture  de  Schultz.  —  Yar.  :  s  c'<^t  un  chaos  confus,  et  c'e>t  pourtant  le 
monde.  »] 

\.  [Yar.:  «  Il  y  a  le  caractère  noir,  le  caractère  efféminé,  le  dur.  elc.  >> —  Lambeau 
île  pensée;  énumération  bien  incomplète,  donc  à  peu  rtains 

vices  de  caractère.  Il  est  interosant  pourtant  d'y  trouver  les  travers  de  nature  j"int> 
aux  défauts  d'éducation  el  d»1  métier.   L'expression  \kekaLs  plus 

haut  (IV,  1 8,  voir  la  note)  dans  les  manuscrits  de  Marc-Aurèle.  Nous  a  cet 

endroit,  rejetée  de  notre  texte.  D'autres,  adoptant  une  conjectun  !  \\land-  r,  j 
vu  une  citation  d'Agathon  le  comique.  Parmi  ceux-là,  M.  Mi«  haut  suppose  que  la 
présente  pensée  est  une  définition  îles  mots  \LÏ\œ*  rfioz.  Comment  peut-on  s'imaginer 
que  l'épi thè te  ptlXocv  (noir,  sombre)  convienne  particulièrement  aux  caractères  d'une 
femme,  d'un  enfant,  d'un  boutiquier,  mais  non,  par  exemple,  à  celui  d'un  jaloux  ? 
Voilà,  je  le  crains,  un  problème  de  sémantique  insoluble.) 


68  BIBLIOI  m  "i  i     DES  l  m\  i  R81  I  fcfi    Dl     MIDI 

vage,   puéril,    bestial,   lâche,   (aux,   caractère  de   bouffon,   de 
I  petit  |  marchand,  de  i\ ran. 

29 

Étranger  au  inonde  esl  celui  qui  ne  cherche  pas  ;«  com 
prendre  <<v  qu'il  renferme1,  non  moins  étranger  celui  qui  ne 
cherche  pas  à  comprendre  ce  qu'il  devient  .  C'est  déserter 
<jue  de  vouloir  échapper  à  la  raison  qui  fonde  la  cité  ;:  c'esl 
rire  aveugle  que  d'avoir  les  \cii\  de  l'esprit  Fermés,  mendiant 
que  d'avoir  besoin  d'un  autre  el  de  ne  pas  trouver  en  soi  même 
tout  ce  qui  est  utile  à  sa  vie.  C'est  un  abcès  du  monde,  celui 
qui  [fait  sécession  et]  se  sépare  de  la  raison  universelle  de  la 
nature''  en  se  plaignant  des  événements  qui  lui  arrivent;  celle 
nature,  en  effet,  qui  l'a  apporté  dans  le  monde,  est  aussi  celle 
qui  t'apporte  ces  événements.  C'est  un  lambeau  [détaché] 5  de 
la  cité,  celui  qui  détache  son  Ame  de  l'âme  des  êtres  raison 
nables,  qui  est  une. 

30 

Tel  vit  en  philosophe  qui  n'a  pourtant  pas  de  tunique,  tel 
qui  n'a  pourtant  pas  de  livre.  Cet  autre,  à  moitié  nu,  dit  : 
«Je  n'ai  pas  de  pain,  et  je  reste  fidèle  à  mes  principes;)) 
moi,  je  n'ai  pas  la  nourriture  que  Ion  tire  de  la  science  et  je 
reste  aussi  fidèle  aux  miens  6. 


i.  [Couat  :  «ce  qui  y  est.»  J'ai  fait  cette  correction  et  la  suivante  par  raison 
d'euphonie.] 

2.  [Couat  :  «  ce  qui  y  arrive.  »] 

A.  |Couat  :  «C'est  s'exiler  que  s'enfuir  hors  des  principes  de  la  société  civile.  »  — 
\  ar.  :  a  hors  des  principes  de  l'association  des  citoyens.  »  —  J'ai  cru  devoir,  pour  tra- 
duire Xoyo;  noXiTtxb;,  garder  le  mot  «raison»,  que  M.  Couat  a  d'ailleurs  rétabli  dans 
un  autre  passage  (IX,  12).] 

l\.  (Couat:  «Celui  qui  se  sépare  de  la  raison  universelle...  est  un  apostume  du 
monde.»  —J'ai  :  r  suivi  en  traduisant  l'ordre  du  texte;  20  rétabli  le  mot  à^iTTotaEvo; 
qu'avait  négligé  M.  Couat;  3°  essayé  de  faire  passer  en  français  (abcès...  sécession)  un 
jeu  de  mots  (oLTzôfjtr^oL...  àïKJxâ|JL£vo:)  que  déjà  nous  avons  rencontré  dans  les  Pensées 
(cf.  II,  iO,  et  la  note).  C'est  une  raison  semblable,  la  rencontre  de  à7co<r/iff[i.a  et  de 
KitoaxiÇow  dans  le  texte  grec,  qui  m'a  fait  ajouter  un  mot  à  la  dernière  phrase.] 

5.   [Var.  :  «un  déchet.  »  Voir  la  note  précédente.] 

(').  [Pour  la  traduction  de  cette  pensée,  les  deux  manuscrits  de  M.  Couat  sont  très 
divergents.  Je  me  suis  efforcé  de  les  concilier  en  adoptant  ce  qui  me  semblait  le 
nui  1  leur  en  chaque  texte.  Voici  d'abord  la  leçon  du  second  manuscrit,  le  dernier 
mot  du  traducteur  :  «Celui-ci  fait  de  la  philosophie  bien  qu'il  n'ait  pas  de  tunique, 
celui-là  bien  qu'il  n'ait  pas  de  livre,  cet  autre  bien  qu'à  moitié  nu.  Je  n'ai  pas  de 
pain,  dit-  il,  et  je  reste  fidèle  à  nies  principes.  —  Et  moi,  je  n'ai  pas  la  nourriture  que 
l'on   tire  de  la  science,  et  je  reste  aussi  tidèle  aux  miens.»  Dans  la  première  rédac- 


l'I   N     I   I  Dl       M  M  '■'         M    II   I   I 

31 

i    ,u  i    de    vivre    que    tu    i     appi  I       aime  l(      i  I 

h. .n,   l.i    |>i  .un.  i  0   phi   I        •  l.ul    d<  |  .  ■   I  I.     ■     I    i 

i  ni  iu  iii"i     llvn       \ n  M' u 
ivaltécrll       Lo  promloi   demi-nu,  dll      Vn  peu  pi  il  Ion, 

i   i  n  iduil  pai       li  i  il  on,     iii  il<  u  di 

1 1         Jeu  idlvoi 
tente,  ..n  elli    ne  concortK    |  démon  t  uni     lrnpl<  ■  •  : 

.i  i  . . . momie  m'  ni-   di  tout    II  pensé*     D'ui 

lemble  qu  11  j  tll  quatre  philo  lopin     i  n  ;  i  olul   1 1 

mi'.i      i  >•■  r.mi i.ni    li  brouillon  I  II  n')  i  n  i  qui  A  ni    i-    I  uni  liqu 

.  qui,  dll   lu  v  n. il  '  Mil. 
3toï<  lem  que  pti  II  tunique 

M  qui  ni     i  siii...      ni 
\  -  \  m.  i-  tunl  i  -ii  i  M,  ' 

.1  Marc    Vurelc  lui   mon  .     *  .  lit  prit  I  ni 

m  paner  di  Llvrei  |  Sui  1 1  p  tint,  i  i    -  iprc  III,  i&,  et  II,         \ . 

Interprétation  (en  réalité,  la  première  on  date)  m  qu'une  dinT 

M   I  oual  .i  dû  s'exagérei   l'importance,  dm  ni  loi  moti       l(  ni  lui 

traduire  l'expression  -  lieusi  rai  ni  corrl 

Le  m  (au  lieu  d'tTcpoç)esl    il  admissible  dam  l'opposition  de 

N'est  oi  pai  .  .  plutôt  que  outoc,  qui  exprime  le  plus  ■  m  obji 

Une  objection  analogue  avait  -;mi^  doute  arrêté  Nauck,  qui  lupprim 

phrase  de  cette  pensée,  la  considéra  ni  comme  un 

Or  la  difficulté  n'est  qu'apparente.  I >;t 1 1 -  la  tradui  tion  que  je  donne  d< 
j'ai  pu,  cm  effet, conserver  le  seni  <!<•  Il  première  rédaction  de  M  intanl 

les  termes  mêmes  («cet  autre»)  de  la  rédaction  définitive   II  m'a  suffi  de  donne 
poini  en  haut  qui,  dam  Le  texte  greede  Marc-  tarèle,  >;  la  râleur  d'une 

ponctuation  très  Forte,  divisant  la  pensée  en  deui  parties  symétri  i  d'autres 

termes,  de  le  remplacer  par  un  point,  tandis  que  !<•  poini  qui,  dam  l'édition 
précède  le  dialogue,  devenait  un  point  en  haut.  Ce  n'esl  pas  s  ce  qui  précède  immé- 
diatement, c'est-à-dire  à  g  $|,  que  me  paraît  s'opposer  xXioç,  ou,  <-n  admettant  la 
lecture  de  Ménage,  otXXoc  ouxoç,  mais  à  ce  qui  suit,  ,<  omme  il  \  avait  plus 

d'un  Cynique  qui  eût  pu  reprocher  au  philosophe  empereur  sa  toute  puissance  êfl  sa 
majesté,  à').Xo:  se  justifie  mieux  ici  que  eTepoç;  comme  toute  cette  fin  de  | 
un  dialogue,  on  admettra,  si  tant  e>t  qu'on   veuille  changer  avutç,  l'emploi   du 
pronom  auto;  (iste)  pour  désigner  l'interlocuteur  de  Marc-Aurèle;  comme  :•■■.'..  qui 
s'oppose  à  àV/.o:  o'jto:,  est  synonyme  <  I  «  *  &  81,  xXXo<  outoç  peut  ici  équivaloir 

Au  contraire,  il  \  a,  à  mon  sens,  au  moins  troi-  raisons  de  condami 
tion  définitive  de  M.  (louât   qui  est  aussi  l'interprétation  de  Barthélémy  Saint-Hilaire, 
de  Rerron  et  de  M    Michaut:  i°  l'impossibilité  de  distinguer, on  les  nommant,  les 
quatre  sectes  dont  il  serait  question  dans  cette  pensée;  r  la  répartition  symétrique 
d'expressions  équivalentes  dans  ses  deux  parties  <y/-\''.:  ■/■■-. 
fiifAio'j  et  xpoçà:...  sx  -<ov  [iaOr^attov  o-ly.  ïyt>) >:  3    l'asyndi 
aXXo:  81). 

Pour  ce  qui  est  de  tô>  Xârt»,  il  est  assea  malaisé  de  se  prononcer  entre  les  deux 
traductions  île  M.  Couat,  parce  qu'ici  ce  mot  est  pris  à  la  fois  dan-  1    -  \  qu'il 

lui  a  donnés  successivement.  Dans  la  dernière  phrase,  qui  est   :  te  du  S     icien. 

?iù  >.6v(o  sous-entendu  à  côté  de  Èu,u.£vu  signifie  ce  que  -L  dans  I   ut  le 

reste  des  Pensées,  c'est-à-dire  :  la  raison,  liais  dans  la  précédV  nte,  où  il  est  exprimé, 
il  a  sans  doute  un  autre  sens  qu'ont  dû  lui  attribuer  d'autres  sectes.  Dans  le  Phédon, 
ce  terme  signifie:  la  thèse  ou  la  doctrine  dont  on  est  d'accord,  et  souvent  (par 
exemple  7a  A)  Platon,  clans  son  audace  de  poète,  a  personnifié  cette  doctrine,  comme 
le*  Stoïciens  devaient  personnifier  la  raison.   Si  e'est  à   peu  près  la  valeur  que   le- 


-o  mm  loi  m  Q\  i     DES    i  mn  ER81  rÉfl    m     MIDI 

lui'  repose  toi;  passe  le  reste  de  ta  vie  comme  si  tu  avais  l'ait 
aux  Dieux  un  abandon  absolu  de  loi  même,  Bans  vouloir  te 
faire  ni  le  tyran  ni  l'esclave  d'aucun  homme, 

32 

Examine,  par  exemple,  le  tedips  de  Vespasien;  tu  verras 
partout  ceci:  i\r<  gens  qui  se  marient,  élèvent  des  enfants, 
sont  malades,  meurent,  guerroient,  Festoient,  se  livrent  au 
commerce,  labourent,  sonl  Batteurs,  orgueilleux,  soupçon- 
neux, fourbes,  désirent  la  morl  de  Iris  autres,  se  plaignent  du 
présent9,  font  l'amour,  thésaurisent,  briguent  le  consulat  et 
la  royauté.  Tous  ces  hommes  sonl  morls  et  disparus.  Passe 
au  temps  de  Trqjanj  tu  verras  encore  les  mêmes  choses.  Et 
ceux-là  sont  morts  aussi.  Considère  également  les  autres  épo- 
ques, l'histoire  de  nations  entières4;  vois  combien  d'hommes 


Cyniques  donnent  ici  au  mot  X6yoç,  ils  ne  parlent  pas  la  même  langue  que  Marc- 
\urèle,  qui  eût  dû   traduire  leur  >.ôyo:  par  ooytxaTOC. 

Cette  pensée,  si  je  l'ai  t >i< > 1 1  interprétée,  est  une  profession  de  foi.  Marc-Àurèle  b*j 
présente  à  nous  comme  un  Stoïcien  qui,  ne  songeant  guère  qu'à  bien  pratiquer 
«Tari  de  vivre»  (voir  la  pensée  suivante),  se  préoccupe  surtout,  presque  unique- 
ment, des  questions  morales.  Comparez  VII,  67,  où  il  avoue  désespérer  d'exceller 
jamais  dans  la  dialectique  el  dans  la  physique;  I.  17,  où  il  rend  grâces  aux  dieux 
d'avoir  pu  ne  pas  «s'appesantir  à  déchiffrer  les  écrivains,  à  décomposer  des  syllo- 
gismes, à  étudier  le>  phénomènes  célestes  »  ;  surtout  III,  i.'i  et  II,  2,  déjà  cités.] 

1.  [Ici  encore,  la  première  intention  de  M.  (louai  m'a  semblé  meilleure  que  son 
dernier  avis,  et  je  n'ai  pas  tenu  compte  de  sa  rédaction  définitive  :  "Aime  le  métier 
que  tu  as  appris  et  restes- y  attaché.  0  11  me  parait,  en  effet,  également  impossible  et 
qu'un  ancien,  se  parlant  à  lui  -  même,  ait  imaginé  une  expression  que  traduirait  notre 
tout  moderne  «métier  de  roi  »,  et  que  Marc-  Vurèle.  empereur  en  même  temps  que 
philosophe,  s'adressant,  d'ailleurs  contre  sa  coutume,  au  commun  des  hommes,  leur 
recommande  le  goût  et  l'amour  de  leur  «  pauvre  métier  ».  (Car  ts'/viov  n'est  pas  tïyyr,.) 

Je  n'ai  pas  pu,  il  est  vrai,  conser\er  davantage  la  traduction,  d'ailleurs  incertaine, 
que  donnerait  le  premier  manuscrit;  mais  j'y  ai  trouvé  une  indication,  et  comme 
une  orientation,  qui  m'a  guidé.  Un  peu  plus  haut  (IV,  1),  M.  Couat  avait  traduit 
téyvY)  par  :  «  les  règles  pratiques.  »  Ici,  pour  traduire  xo  tî/v'ov,  il  avait  d'abord  hésité 
entre  les  trois  mots  :  «  doctrine,  théorie,  règle  de  conduite.  »  Il  effaça  ensuite  ces 
trois  traductions  dans  son  premier  manuscrit  et  n'eut  pas  le  loisir  de  chercher  au 
delà  dans  celte  voie.  Le  mot  grec,  évidemment  détourné  de  son  sens  usuel,  m*a 
rappelé  L'expression  par  Laquelle  Sénèque  définit  Le  sage:  arlifex  vivendi.  !><•  là 
l'interprétation  que  j'ai  risquée.  —  En  quoi  consistera  cet  art  de  vivre?  La  réponse 
est  à  l;i  pensée  7  du  livre  VI,  qui  débute  à  peu  près  par  les  mêmes  verbes  que 
celle-ci  :  fEv\  ~ip-o-j  xo»  irpocravaicoriou...,  et  qui  exprime  le  même  sentiment.  —  Elle 
est  encore  aui  pensée-  6i  et  <i«S  du  livre  VII,  ou  Marc-Aurèle  nomme  expressément 
et  définit  la  pium/r,  ;  —  enfin  à  la  .V  du   Livre  XI,  qui  commence  ainsi:  Tî;  aou  r, 

2.  [Var.  :  «  de  leur  situation.  »] 

3.  [Couat  :  "  Remonte.  »] 

'4.  [Couat  :  «  d'autres  date-  et  dm-  toutes  les  nations.  »  —  Pierron  :  «les  épitaphes 
d'autres  temps,  de  nations  entières.  >>  —  Michaut  :      Les  histoires  d'autres  temps,  de 


1)1      M  \\\i.      M  MM  I 


aprèi  lanl  iJ'eflbrti      uni   bien  toi    Ion  il  h'     cl     i      mi 

(Lin-     1rs    rl.iii.nl       île      <  I  [>|><all<!     loi       III  loill  <  |  u«- 

lu  aa  connus  loi  m(  me      b   ilanl   \  ainemeul  et  i  I  <  1  «  - 

i,,n  e  i  e  qui  était  confoi  m<   ••  leui   pi  oprt    con  litutl 
irtni    Lu  tement  el   de   l'en   i  i tntontci     II    i  •  i    m  que 

ce-  exemple     i  pi  opoi  de  chaqu<    ■  •«  ti<  m    nou     p<  i  me 
de  mesurer  el   nous  i  appellent   <  e  que   \  alenl  l< 
nous  pronom  d'elle      Le  moyen    en  effel    d<    n'avoii   pa    de 
oûls,  c'eal  «le  ne  pas   Rapplique)    plui  qu'il   ne  convienl 
aux  petites  ohosi 


natloni  ontii  n        i      manu*  i  lit  don  non  1 

Si  \et  quatre  pi  i  plutôt .  m<    k  mb  mme 

i..  i.ni  m  .  i  louai  ;  "t>  poui  ratj  luppo*  i .  par  exempl< 

calqui  e  sur  La  formule  usuelle 

il  .--i  \ raJ  que  le  mot  idm<  i  di  I  qu'il  j  a  quel 

reoce  entre  la  date  écrite  en  /<'<  d'une  lettre  <t  un<    i  ipli 

cation  aal  donc  aaaei   pénibl*  plus  pénible  la 

admet(aprèa  l<-  second  /.-/..   de  la  locution  s  un  .iutr.  génitif 

(les  dates,  c'est-à-dire  l« -^  époques,  de  toutes  les  nattai 

1   l'époque  de  Marc  îurèle    cf,  in/ra  l\.   18,  dana  une  p 
celle-ci:  a  lil  pas  encore  usurpé  l'emploi  de  *&;        i  iment 

par  un  autre  détour  que  M.  Michaut,  cherchanl  a  traduii 
sens    d'«  histoire  •>.   Pour  lui, 

i»  condition  d'interpréter  ïm  comme  icepi  (au  sujet  d  il  loul  11 

<»n   voudrail   qu'un  exemple   le  justifiât.—  Pierron,  au  contra 
(inscription)  dans   une  de   ses  acceptions  usuelles,   liais  >i    l'on    peut  dire  qu'une 
époque  est  disparue  et  comme  morte,  n'3  aurait-il  pas,  même  en  gTec,  ui 
de  langage  excessive  à  non-  m  présenter  la  tombe  el  l'épitaphe     D'autre  part,  la 
construction   générale  de  la  pensée  qui  a  déjà  deui   fois  a   l'idée  de  mort   1 
les  mots  toi;  xaipovç,  t'ait  ici  encore  attendre  un  synonyme  de  i  a  de 

OivaTo:,  avant  ittitov. 

Le   texte  doit  être   mutilé.   Au   Lieu   d'èictypaçâç,  j'ai  ln  ition 

action  -/pôv<.v/  (périodes  de   temps)  esl   de  l><>n  aloi.    .!«■  suppose  ensuite  entre 
ysôvwv  el   xai   la   chute   d'une   IL  ne   gai  <leviit   également   comment 
exemple  :  xai  ;xr,  ulô^ov  svâpcov  t-.-.ov,  -à'//a  xa\...).  La  superposition  de 

mot>  identiques  à  un  intervalle  d'une  ligne  aura  facilite*  l'erreur  du  moine  qui  di 
aux  scribes.] 

1.  [Couat  :  «  ont  été  dispersés,  »  Dans  deui  notes  (la  5*  et  la  7')  à  un< 
cédente(IV,  n),  où  foefruotç  a  été  traduit  par  t  dissolution  »,  j'ai  dit  que  ri 
.1.'  la  «dispersion  0  était  épicurienne  el  non  stoïcienne.] 

2.  [Couat:  «C'est  ainsi  qu'il  e>t  nécessaire  de  se  souvenir  que  l'on  doit  s'atta 
à  chaque  action  suivant  >a  valeur  et  sa  mesure.  1  J'ai  craint  que  cette  phras 
d'ailleurs  plutôt  une  interprétation  qu'une  traduction  du  t 

aasea  claire.  Je   ne  doute  point   que  pour  M.  (louât  an—  qu'il  traduit  litt 

nient,  ne  signifie:  «  à  l'aide  de  telles  réflexions,     ou:  -  >ui- 

moins  sûr  qu'il  ait   vu  dans  la  mort  cette  «  unité  de  mesui  laquelle 

Marc  Aurèle  rapporte  toutes  les  actions  humaines,  ou  {«lus  |        -      enl  tous  les  a 
que  nous  demande  chacune  d'elles.  Ces!  à  peu  près  la  même  idée  qui  esl  dével 
un  peu  plus  bas  (IV,  48):  le  spectacle  des  morts  de  médecins,  de  savants,  de  philo- 
sophes, de  généraux,  de  tyrans;  le   souvenir  de   cilles  entière*  dispane-:  celui   des 
voisins  qui  sont  partis  aussi  doivent  nous  montrer  combien  les        -  -    tumaines 
hémères  et  de  peu  de  prix  ».] 


"').  MBU0THEQU1    Dl  -    UlUVERSITBfl    Dl     MIDI 

33 
Tels  mots  usités  autrefois  oui   fini  dans  les  dictionnaires 
d'archaïsmes;  de  même  les  noms  des  hommes  les  plus  célébrés 

autrefois  sonl  devenus  aussi  des  -ortes  d'archaïsmes  :  Camille, 

on,    Ynlésus,    Léonnat,    bientôt   après   Scipion   el    ^;ilon, 
puis  A.UgUSte,  puis   Hadrien  el    \ntonin.  Tous  ces  noms  s'cflîi- 

cent  très  vite  et  se  perdenl  dans  la  légende;  très  vite  même 

s'amoncelle  sur  eux  l'oubli  définitif1.  Et  je  parle  ici  des 
hommes  qui  ont  jeté  un  éclat  extraordinaire.  Quant  à  tous  les 
autres,  à  peine  ont-ils  exhalé  leur  dernier  souffle,  «qu'on  ne 
les  connaît  plus,  on  n'en  parle  plus3.  »  Et  qu'est-ce  même  enfin 
que  l'immortalité  du  souvenir?  Rien  que  vanité.  Quel  est  donc 
l'objet  où  nous  devons  porter  nos  soins?  Un  seul  :  avoir  les 
pensées  d'un  homme  juste3,  agir  pour  le  bien  de  tous  et  être 
incapables  de  mentir  et  disposés  à  accueillir  tout  ce  qui  nous 
arrive  comme  chose  nécessaire,  connue,  découlant  de  la 
même  origine  *  et  de  la  même  source  que  nous. 

34 
\bandonne-toi  sans  réserve  à  Clotho5;  laisse-la  tresser  le  fil 
de  ta  vie  avec  les  événements  qu'elle  voudra. 

35 
Tout  est  éphémère,  ce  qui  perpétue  le  souvenir  et  ce  dont 
le  souvenir  est  perpétué. 

36 
Considère  sans  cesse  que  tout  naît  par  suite  d'un  change- 
ment, et  prends  l'habitude  de  comprendre  que  la  nature 
universelle  n'aime  rien  tant  que  de  changer  ce  qui  est  pour 
en  faire  des  choses  nouvelles  [toutes]  semblables.  Tout  ce  qui 
existe  est  en   quelque   façon   la   semence   de   ce  qui   en    doit 

i .  [Couat  :  <(  l'oubli  complet  les  engloutit .  »  J'ai  cherché  à  traduire  le  mot  xaTÉ/oxiev.  | 

2.  \Odyssce,  I,  2/12.] 

3.  [Couat  :  «  une  intelligence  droite.  »] 

!\.  an   OLpXW  Toia-JTr,;  •  T*jC  ot'JTrj;,  qu'a  conjecturé  Ménage,  serait  plus  clair. 

j.  [Clotho,  la  Parque,  pour  Marc-Aurèle,  c'est  encore  la  Providence  (cf.  Chrysippe, 
dans  Stobée  (Eel.  I,  180  et  182)  :  ce  nom  ne  semblera  pas  plus  extraordinaire  dans  ce 
livre  (pie  celui  de  la  Donne  Fortune.  Cf.  supra  II,  3,  dernière  note  (page  20);  III,  11, 
<)mr  noir  (  page  '1  1  .  note  a).  I 


i-i  n    ri       D1     M  m.«  I  ' 

sortir    Mal    loi  tu  ne  pan  •     qu  au  i    ement  e    qui  tombent 

ii.in    la  terre  ou  dani  la  mati i«  •  trop  inintelligent 

37 

lu  \,is  mourir,  h  lu  n  e    en<  oi e  pnl    impie,  ni  «  aime   ni 
que  lien  d'extérieur  ne  peul  te  nuire   ni  bienveillanl  poui  I 
le  monde,  <it  tu  ne  fait  pa    encore  con    iter  ta  :  in    la 

pratique  <!<•  la  justice  ' 

38 

Examine  leurs  finies  et  vois  les  sag<      ■  ■   qu'il    évitent  el 
qu'ils  recherohenl  ■. 

39 
Ce  n'est  pa>  dans  [le  principe  directeur  <!<•    l'Ame  d'autrui 

i.  [Cf.  supra  il.  I-.  infra  V,    •;   \.  s    Mari  -Aurèlc  lun 

reproches  qui  nous  attestent  surtout  la  sin<    ril  inu 

j.  [Gouat  :«  et  vois  ce  qu'évitent  et  ce  que  recherchent  môme  les  plus  M| 

611  noie  : 

m  Pour  la  sens  que  je  lui  donne,  cette  pensée  confine  i  plu  taon 

ment  VII,  SA.  Je  n»'  crois  pas  que  Marc  turèle  :iii  voulu  conseiller  d'<  ludier  rame 
d<  -  Mges  afin  de  régler  noire  conduite  sur  la  leur.  C'est  sur  l'idée  du  bien  lui  même 
«  1 1 1  «  *  le  Stoïcien  doit  régler  sa  conduite  et  non  sur  l'exempl<  itres  hommes    I 

vue  «le  ce  que  font  les  autres  «  1  «  >  i  t  nous  détourner  de  les  Imiter.  Le  philosophe  exprime 

Ici   son   dédain    pour  la    folie  des   homme-,   c'esl    un    li<u  Commun  <ln  Stoïcisme       — 

Cette  interprétation  me  semble  très  ingénieuse  et  je  l'adopterais  volontiers  :  mais  j'- 

crain-  que  M.  Couai  n'ait  fait  quelque  violence  au  texte  grec    lu  li<  u  de  - 

il  a  in,  ce  me  semble,   les  mots:  toi*  ppum|MdTaTou{  xvto'jç.  Supprimes  les  tenues 

correspondants  de  ^a  traduction,  <«  même  i.  et  «plus»,  qu'il  a  cru  devoir  ajout 
le  -eus  de  la  pensée  change  complètement. 

Ga taxer  el  Schults  avaient  également  senti  la  nécessité  de  modifier  le  texte:  la 

correction  de  l'un  est  par  trop  facile;  celle  île  l'autre,   trop  hasardeuse  onsi- 

ilérer  que  les  impossibilités  paléographiques,  aucune  de  ces  conjectures  n<-  me  semble 
valoir  le  autou;  de  M.  (louât.   Mais  était-il   tant  besoin   de    fa  i  r<  ■  une   oonjectun 
m'en  tiens,  pour  ma  part,  au  texte  des  manuscrits  :  j'entends  que  Maro-Aurèle  s'invite 
à  comparer  deux  genres  d'hommes,  deux  séries  d'actes,  et  qu'il  ne  pro 
jugement.  C'est  donc  à  moi  à  deviner  et  à  compléter  sa  pensée,  ou  plutôt  à  j   répondre 
pour  lui  et  comme  lui;  à  dire,    soit:   u  Eli   bien,    la  différence  est  nulle.  >»  comme 
M.  Couat;  soit:  «  c'est  en  effet  tout  le  contraire,"  comme  Pierron.  Selon  la  conclu 
sion  que  je  tirerai,  le  sens  de  la  pensée  sera  changé.  Mais  Le  traducteur  n'a  pas  I   pré- 
sumer cette  conclusion,  je  veux  dire  à  m'imposer  la  sienne,  en  remaniant  le  texte. 

Je  ne  crois  pas,  d'ailleurs,  que  Marc-Aurèle  se  fût  fait  ici  la  réponse  que  lui  prête 
M.  Couat.  A  la  pensée  VII,  34,  à  laquelle  se  réfère  celui-ci,  il  n'est  point  question  des 
sages,  pas  même  des  plus  sages,  mais  seulement   de  s,    qui,  là    comme    ici. 

s'appellent  otvt&v.  Au  contraire,  l'opposition  îles  sages  et...  des  autres  est  reprise  plu- 
loin  (V1I1,  3),  et  à  la  confusion  des  autres:  et.  pourtant,  si  les  sag  »  a  Dominent 
Diogène,  Heraclite  et  Socrate,  les  autres  sont  Alexandre,  César  et  Pomp 

J'ai  lais-é  subsister  le   mot  «âmes»   (cf.  supra  IV,  sa,  en  note:  infra  VI,  8,  et  la 
note)  comme    traduction  de  r.ysuov./i,  que  j'ai   interprète  de  façon   plus  préei- 
début  de  la  pensée  suivante.  On  aurait  pu.  ce  me  semble,  écrire  ici  :  Vois  ce  qui  les 
mène,   et  vois  même  les  sages,   ce  qu'ils  évitent  et  ce  qu'il-    recherchent.  —  Sur   la 
valeur  de  aOxcov,  cf.  supra  IV,  16;  infra  VI,  o,  en  note.] 


~/\  BIBLIOTHEQUE    DBS    imxkkmii'-    Dl     Mini 

que  réside  ton  mal;  ce  n'esl  |>;is  non  plus  dans  une  modifi 
cation  du  corps  <pii  t'enveloppe  l'âme.  Où  donc  esi  ce  mal? 
Là  où  réside  la  faculté  que  tu  as  de  te  faire  une  opinion  sur 
les  maux.  Ne  te  fais  p;i^  celle  opinion,  el  tout  est  bien.  Quand 
même  toul  proche  d'elle  ton  misérable  corps  sérail  coupé, 
brûlé,  quand  il  tomberait  en  décomposition  et  en  pourriture, 
que  la  partie  de  toi  même  qui  se  Tonne  une  opinion  là  dessus 
demeure  tranquille,  je  veux  dire  qu'elle  ne  considère  ni 
comme  un  mal  ni  comme  un  bien  ce  qui  peut  arriver  égale 
ment  an  bon  el  au  méchant.  Ce  qui  arrive  également  à 
l'homme  qui  vit  contrairement  à  la  nature»,  et  à  celui  qui 
vil  d'accord  avec  elle,  n'est  en  effet' ni  conforme  ni  contraire 
à  la  nature. 

40 

Pense  toujours  à  ceci  :  l'univers  n'est  qu'un  seul  être, 
n'ayant  qu'une  matière2  et  qu'une  âme;  toule  sensation  se 
ramène  à  sa  sensibilité,  qui  est  une;  tout  acte  est  accompli 
par  son  activité,  qui  est  une;  tout  est  la  cause  de  tout;  les 
choses  sont  étroitement  unies  et  ne  forment  qu'une  trame. 

41 

Tu  n'es  qu'une  àme  chétive  portant  un  cadavre,  comme  dit 
Épictète. 

42 

Les  changements  que  subissent  les  êtres  ne  leur  causent 
aucun  mal,  et  ils  n'éprouvent  aucun  bien  du  changement  par 
lequel  ils  existent. 

43 

Le  temps  est  un  fleuve  rapide  dont  les  événements  sont  les 
ilôts;  à  peine  chacun  d'eux  apparaît-il  qu'il  est  déjà  emporté, 
puis  un  autre  est  emporté  à  son  tour  et  le  premier  va  revenir3. 


i.  [\ug.  Couat  accepte  ici  la  conjecture  de  Gataker,  comblant  une  lacune  évidente 
du  texte  par  les  mots  xat  z<})  zapà  piWtv.] 

2.  [Couat  :  «  substance.  »  —  Voir  plus  haut  IV,  ai,  et  la  dernière  note.  C'est 
d'ordinaire  xixia,  et  non  ^y/r,,  qui  s'oppose  à  ojai'a.  Ici  encore,  AJ'jyr{  et  a'.Tia  nous 
apparaissent  donc  comme  synonymes  (cf.  aussi  \  ,  »3,  et  la  longue  note).] 

3.  [Var.:  a  et  voici  qu'un  autre  est  emporté  à  son  tour  et  qu'un  autre  va  l'être.  » 


PI  !    I 

44 

1 1 >ni  oc  qui  arrive  <   I  au    i  01  dinaii e  i  I  au    I  i  onnu  qw   la 
.m  printempi  el  lei  fruili  on  été    pai  •  temple   la  m 
l.i   mort,   l-i  calomnie,   la   fourbe,   el   loul  ce  qui    réjouit  ou 
attriste  lai  esprits  Faibles. 

45 

Tous  les  (bits  qui  se  succèdent  sonl  la  i  on  équen<  e  naturelle 

de   OeUX    <|ui    les   <mt    précédés;     ils    ne    lonnent    pa>    -enlement 

une  addition  d'unités  séparées  les  unes  des  autres  el  n  ayant 
pour  raison  d'être  que  leur  nécessite  ili  ion!  relief  entre  eui 
par  une  connexion  logique.  De  même  que  ce  qui  exista 
disposé  harmonieusement,  de  même,  dans  tout  ce  qui  arrive, 
se  manifeste  non  une  simple  succession,  mais  une  admirable 
parent 

46 

Souviens  toi  toujours  de  ce  principe  d'Heraclite  La  mort 
de  la  terre  consiste  h  devenir  de  l'eau,  celle  de  l'eau  à  devenir 
de  l'air,  celle  de  l'air  à  devenir  du  feu,  et  réciproquement. 

Souviens    toi   aussi   de    celui    qui    oublie    où   conduit    h»    roule 

Rappelle-toi  que  les  hommes  sonl  en  désaccord  avec  la  raison 
qui  gouverne  l'univers,  malgré  les  rapports  constants  qui  les 
|\|  unissent  :  que  les  choses  que  nous  rencontrons  tous  1»*-  jours 

nous  paraissent  étrangères.  Nous  ne  devons  ni  agir  ni  parler 
comme  en  dormant,  car  dans  le  sommeil  aussi]  il  nous 
semble  que  nous  agissons  et  que  nous  parlons;  ni  comme  les 
pédagogues  qui  se  bornent  à  dire  :  bref,  c'est  la  tradition  2. 

i.  [Conjectures  de  Gataker  el  de  Schulti  :  Kic*)?TV)tisveiN  y.ôvov.] 
a.   La  dernière  phrase  de  ce  morceau  est  inintelligible,  el  il  n'est  iteui  que 

le  texte  en  soit  altère.  Voici  ce  texte  d'après  les  manuscrits  P,  A    D:  xo 

To/fwv  tas  tout'  £tt'.'  xaTa  'V./.ôv.  xaû&Tt  icopsiX7)çx|iEv.  Ce  qui  rend  d'ailleurs  plus 
difficile  encore  la  restitution  du  passage,  c'est  que  toute  cette  |  Marc-  Vurèle 

est  composée  de  préceptes  détachés  ;  on  ne  peut  être  aidé  ici  par  la  suit».-  née- 
des  idées.   11  semble  toutefois  que  cette   phrase  se  rattache  à   la  pr  Kn  i  iTct. 

toutes  deux  commencent  de  même;  les  infinitifs  dépendant  de  ai  i-dire 

-rro'.s'v  xài  Xsyeiv,  exprimés  dans   la  première  phrase,   sont  vraisemblablement   - 
entendus  dans   celle-ci.  Cela  admis,  la  logique  ou   la  suite  naturelle  d<>  la  p  nsée 
amène  la  conjonction  i'û<j-zç,.  qui  est  déjà  dans  la  phrase  précédente,  el  que  Gataker  a 
très  justement  introduite  dans  celle-ci.  Le  ><>us  serait  donc:  •  Il  ne  faut  pa-  agir  et 
parler  comme,  etc.»  Gataker  a  continué  le  sens  en  conservant  les  mois  donnés  par 


7<>  BIBLIOTHÈQUI     DEfl    i  m  \  Fr.»i  i  l'.s    ni     midi 

47 

Si  un  Dieu  te  disait  que  tu  mourras  demain,  OU  au  plus  tard 
dans  deux  -  jouis,  tu  n'attacherais  pas  beaucoup  d'importance 
à  mourir  dans  deux  jours  plutôt  que  demain,  à  moins  que  lu 
ne  Fusses  au  dernier  degté  de  la  lâcheté;  quelle  différence 
\  a  !  il.  en  effet,  entre  ces  deux  termes?  Pense  de  même  que 
c'est  peu  de  chose  que  de  vivre  pendant   un  grand  nombre 

d'années  plutol   que  jusqu'à  demain. 

48 

Considère  sans  cesse  combien  de  médecins  sont  morts,  qui 
avaient  souvent  froncé  les  sourcils  à  la  vue  des  malades; 
combien  de  savants  qui  croyaient  avoir  fait  un  bel  exploit 
en  prédisant  la  mort  des  autres;  combien  de  pbilosophes  qui 
axaient  indéfiniment  discuté  sur  la  mort  ou  l'immortalité  ; 
combien  de  cliefs  qui  avaient  tué  beaucoup  de  gens;  combien 
de  tyrans  qui,  avec  une  singulière  arrogance,  et  comme  s'ils 
étaient  immortels,  avaient  usé  du  droit  qu'ils  s'étaient  arrogé 
sur  la  vie  des  autres;  combien  de  villes  sont  pour  ainsi  dire 
mortes  tout  entières  :  Héliké2,  Pompéi,  Herculanum  et  d'autres 
en  quantité.  Rappelle- toi  tous  ceux  que  tu  as  vus  mourir  l'un 
après  l'autre.  Celui-ci  après  avoir  rendu  les  derniers  devoirs 
à  celui-là,  et  celui-là  à  un  troisième,  ont  été  couchés  par  la 
mort,  et  tout  cela  en  peu  de  temps.  En  résumé,  ne  cesse  pas 
d'avoir  devant  les   yeux   combien   les   choses  humaines   sont 

1rs  manuscrits,  mais  en  les  intervertissant,  et  il  arrive  à  l'interprétation  suivante  : 
«  Il  ne  faut  pas  agir  ni  parler  comme  des  enfants  et  dire  simplement:  nous  avons 
reçu  cela  de  nos  parents,  —  oti  où  oeX  uamp  Tiaioaç,  to'jts<tti,  xarà  iJ/iXov,  y.aOôxi  to>v 
roxsuw  7iapîr/r(^ajj.cv.  »  Je  doute  qu'il  soit  possible  d'accepter  la  construction  tcov 
Tozstov  TiapEi/r^aixsv;  en  outre,  il  est  bien  difficile  d'expliquer  l'interversion  de  mots 
attribuée  aux  manuscrits.  11  me  semble  que  toute  la  difficulté  est  dans  les  deux  mots 
Tta'.oa:  Toxéu>v,qui  sont  très  probablement  altérés,  .léserais  tentéde  lire:  7iaioaywyov*Ta:. 
EJn  définitive,  je  reconstitue  ainsi  la  phrase  :  «  xot\  oti  oO  oeX  uxjTizp  TiaiGayioyoOvTa; 
<ov  tout'  ïax\*  xaTa  <]nX6v,  xa6oxi  TraoEi/.r.cpaasv  =  N'imitons  pas  le  pédagogue  qui  aux 
questions  indiscrètes  de  ses  ('lèves  n'a  pas  d'autre  réponse  à  opposer  que:  c'est  la 
tradition.  »  C'est-à-dire  :  ne  parlons  et  n'agissons  que  d'après  notre  raison.  Le  participe 
7Taioayct>yojvTa:  correspond  ainsi  au  participe  xaOôvoovTa:  de  la  phrase  précédente. 
Ces  constructions  sont  fréquentes  dans  Marc- Aurèle.  Bien  entendu,  je  ne  présente 
cette  correction  que  comme  une  hypothèse,  excusée  par  l'état  du  texte. 

i.   [Coual  :  <<  trois.  »  De  même  à  la  ligne  suivante.] 

2.  [Héliké,  ville  de  la  fédération  achéenne.  avait  été,  dit  Polybe  (II,  4i),  engloutie 
par  la  mer  avant  la  ba  taille  de  Leuctres] 


i    \  I)|       MM.«         M    l 


éphémèrei  el  <i<-  peu  de  prix    biei  un  peu  de  glairt      l  homme 
demain    ei  b  une  momie  nu  «le  l.-i  <  «mil •  ■    I'  ii«»i 

mémenl  ft  la  nature  «  e  lempi  Impei  i  eptible  de  notre 

,,  Imh    nom  «i  elle  ave(     i  1 6niù    i  •  imme  un(   oliv<    mûi t 
qui  tomberai)  en  louanl  la  tei  1 0  qi|l  1  a  noui  rie   et  en  n  mei 

<   i.Mil     I   .iihic    soll     |HT< 

49 

Il   faut   rire   semblable   au    promontoire   contre    lequel 
briseni   sans  cesse  les  îlots     M   i î < * 1 1 1   hon.  el   autoui   de   lui 
-  apaise  i<"  gonflement  <i«'  la  mei 

Je  Buis  malheureux  parce  que  telle  chose  m'es!  arriv( 
Ne  dis  pas  cela,  dis:  je  suis  heureux   parce  quCj  telle  cfa 
m'étanl  arrivée,  je  n'en   ressens  aucun  chagrin*;  je  ne  suis 
ni  blessé  par  le  présent   ni  effrayé  par  l'avenir    I  n  accidenl 
semblable   pouvait   arriver   à    toul    le   monde,    mais   tout    le 
monde   n'était   pas  capable  de    ta   supporter   sans    chagrin. 
Pourquoi  donc  en  cet  accident  voir  un  malheur  plutôt  qu'un 
bonheur  dans  la  manière  de  le  supporter*?  Appelles  lu  un 
malheur  pour  l'homme  ce  qui  n'est  pas  un  échec  de  la  nature 
humaine5?  Et  peux-tu  regarder  connue  un  échec  do  la  nature 
humaine  ce  qui  ne  se  produit  pas  contre  sa  volonté6?  Eb  quoi 
tu  connais  cette   volonté.    Est-ce  que  cet  accident  t'empêche 
d'être  juste,    magnanime,  tempérant,   sage,   réfléchi,   sincère, 
réservé,  [ libre  de  passions],  et  d'avoir  les  autres  qualités  donl 
la  présence  assure  à  la  nature  humaine  ce  qui  lui  est  propre"? 

1.  [Couat  :  <(  petit  amas  Je  muqueuses  hier.  »  —  La  même  expression  se  retf 
un  peu  plus  bas  (VI,  i3),  au  cours  d'une  phrase  d'une  singulière  crudité.] 

•2.  [Couat:  u  en  louant  la  terre  nourricière  et  en  remerciant  l'arbre  qui  l'a 
engendrée.  »] 

3.  [Var.  :  «je  vis  exempt  de  chagrin.  ») 

'\.  [Couat  :  «  Pourquoi  donc  cet  accident  serait-il  un  malheur  plutôt  que  n'e*t  un 
bonheur  la  manière  de  le  supporter?)»] 

5.  [Cf.  supra  IV,  S.] 

G.   [Ainsi  la  nature  humaine  a  une  volonté,  à  laquelle  Marc-AurMe  ne  conçoit 
que  s'oppose  la  volonté  de  l'homme.  Quelle  part  de  liberté  nous  laisse,  quelle  o 
tion  de  la  liberté  implique  une  telle  doctrine3  Cf.  supra  II,  n  ;   infra  VI,  8;   XI,  20; 
V,  10;  V,  ag;  VIII,  AS.  et  les  notes] 

7.  [Cf.  supra  IV,  1  :  De  cela  même  «  qui  est  dirigé  contre  lui  le  sage  fait  la  matière 
de  son  action.  »  ~  D'où  il  suit,  ajoute  ici  Marc-Aurèle.  que  ce  (pie  noua  appelons  un 
malheur  est  en  réalité  la  condition  du  bien  ..îoral.  —  \in>i  -'enchaînent  par  la 
théorie  de  l'action  sous  réserve  deux  grands  problèmes  de  métaphysique  :  celui  de 
l'optimisme  et  celui  de  la  liberté.] 


-8  BIBLIOTHEQUE    DES    i  m  yï: it>n  i'.>,    D€    MIDI 

Désormais,  i  propos  <1<*  loul  ce  qui  pourrait  te  chagriner, 
rappelle  toi  le  dogme»  :  cet  accident  n'esi  pas  un  malheur, 
mais  c'esl  un  bonheur  cjue  de  le  supporter  avec  courage. 

50 
C'est  un  secours  peu  digne  d'un  philosophe  mais  utile 
Cependant  pour  nous  amener  à  mépriser  la  mort,  que  de 
nous  rappeler  ceux  qui  se  sont  al  tachés  avec  obstination  à  la 
vie.  Qu'ont-ils  eu  de  plus  que  ceux  qui  sont  morts  prématu- 
rément? Ils  gisent  quelque  part,  disparus  à  jamais,  Cédieianus, 
Fabius,  Julianus,  Lépide,  et  tous  ceux  qui,  après  avoir  conduit 
beaucoup  d'hommes  au  tombeau,  y  ont  été  conduits  eux 
mêmes.  En  somme,  la  différence  est  petite,  et,  cette  vie,  à  tra- 
vers combien  de  souffrances  faut-il  la  supporter,  et  dans  quelles 
compagnies,  et  avec  quel  corps  misérable!  (ie  n'est  donc  pas 
une  affaire  3.  Regarde  derrière  toi  l'abîme  du  temps  et  devant  toi 
un  autre  infini.  Quelle  différence  y  a-t-il  alors  entre  celui  qui 
est  âgé  de  trois  jours  et  celui  qui  a  trois  fois  l'âge  de  Nestor? 

51 
Va  toujours  suivant  le  plus  court  chemin;  le  plus  court 
chemin  est  de  suivre  la  nature.  Agis  et  parle  toujours  de  la 
manière  la  plus  saine.  Voilà  le  plan  de  conduite3  qui  t'affran- 
chira des  peines,  des  combats  4,  de  toute  politique  et  de  toute 
recherche. 

LIVRE  V 


Le  matin,  quand  tu  as  de  la  peine  à  te  réveiller,  aie  cette 
pensée   présente   à   l'esprit  :    je   m'éveille    pour   faire    œuvre 

1 .  [Couat  :  «  Souviens-toi  de  cette  règle.  »  —  J'ai  déjà  eu  l'occasion  de  citer  le  vers 
de  Juvénal  (cf.  la  note  à  la  pensée  IV,  3o)  qui  me  semble  justifier  la  traduction  de 
ooy(xaxa  par  «  dogmes  ».] 

2.  jatj  o'jv  wç  7:pay(j.a.  —  Cette  phrase  est  très  elliptique,  mais  le  sens  en  est  clair, 
et  je  ne  crois  pas  qu'il  \   ait  lieu  d'y   rien  ajouter  pour  l'éclaircir. 

3.  [D'après  Stobée  (Ecl.t  II,  iGV),  la  Ttp&teffi;,  que  II.  Couat  traduit  par  les  mots 
«plan  de  conduite»,  se  définissait  pour  les  Stoïciens  exactement  ainsi:  (TYjjieitixrtc 
EKiTeXêaetdç.  Par  la  itpoQeffiç,  on  se  signifie  tel  acte  à  accomplir.  N'est-ce  pas,  en  un 
sens,  le  «  ferme  propos  >>  des  théologiens?] 

'j.  Trpaxîia;  est  très  douteux.  Heiskc  a  proposé  -repaxcia;  [  =  des  histoires  d<- 
brigands],  qui  serait  peut-être  meilleur. 


i  1,1        M    x  I    ■        v  l    I    i    I    I 

d'homme     m 'irnlrnii  j«'  l'iicm «•   ;i    I  i«l<  ••  •  I  •■  1 1»  i    l.iirr   <  •     | 
(|iioi  je  suis  m;,  fi  |»' mu  quoi  j'ai  été  ml    dan    la  mond< 
bien  al  je  i  lc3  ci  i  i  pour  jouii  de  la  «  haleui    «  i  >u<  h<    da 
coin  ertui  i  Mai     i  i    I    plu         i   able        lin    &  >n< 

pour  ce  qui  aal  agi  éabie?  Pour  loul  dit  a,  i     lu  un  être  pa    il 
ou  fini   pour  l'action  '  '  Ne  vois-tu  pa     le    plant  tiU 

oiseaux,    lea   fourmis,    les    arai  abcillei    foin     leui 

travail  et,  à  leur  manière  .  contribuer  fi  l'u-uvrc  «lou  *ori  l< 
monde?  El  après  cela  tu  refuses,  toi,  de  faire  ce  qui  est  l'œuvre 
de  l'homme?  Tu  ne  te  hfttea  paa  ver*  l'action  conforme  i  ta 
nature?  -  Mais  il  faul  aussi  s<'  reposer.  D'accord:  cepen 
danl  la  nature  a  déterminé  la  mesure  «lu  repos,  comme  elle  a 
déterminé  ««'lit'  du  boire  <'i  du  manger.  Néanmoins,  ne  dépaa 
ses  tu  pas  cette  mesure,  ne  vas  tu  pas  au  delà  du  nécessaii 
Pourquoi  •  dans  tes  actions  n'en  est-il  plus  de  même,  mais 

i.  (Couat:  «  es-tu  né  pour  suivre  tes  penchants,  ou  pour  agir?     Vm    (s*  manus- 
crit): «et  non  pour  l'action,   pour  le  travail?»    -Cette  seconde  interprétât! 
défendue  par  la  pote  suivante:  «Les  manuscrits   \  el  D  donnenl 

pyeiav.  La  vulgate:  icoielv,  au  lieu  de  Si,  comme  j< 

ïiotetv  esl  la  bonne  leçon,  le  mol  r,  qui  précède  .  el  qui  Indique  une  ail 

tiw\  ne  se  comprend  guère.  Il  m'a  semblé  qu'où  devait  être  substitué  i  ) .  -\'-n 

lu  :  o}.r.>:  81  o-j  ttso;  [tb]  ICOlSlv,  o\i  i 

La  nécessité  qu'a  éprouvée  M.  Gouat,  après  Goraï,  d'intercaler  L*arti<  le  enta 
otiroietv  eût  dû  suffire  à  le  mettre  en  garde  contrôle  texte  de  la  rulgate.  D'ail! 

uotslv  ('l  ivipvî'.av  oe  sont  pas  synonymes:   bien  mieui  que   -  onstrui!  -an- 

régime,  ou  même  que  le  nom  conjecturé  par  M.  de  Wilamowiti,  arocipiv,  qui  se 
prononce  comme  icetoiv,  et  qui  n'exige  pas,  comme  nroteîv,  un  article  avant  lui, 
itparcstv,  el  surtout  rcpâÇtv,  qu'appelle  le  sens  admis  par  M     Gouat.  En  revanche, 

l'opposition  de  Refait  et  d'èvéoYsta (cf.  supra,  p.  •>.  oote  i,  la  définition  de 

est  familière  aux  Stoïciens.  J'ai  donc  cru  devoir,  après  le  premier  gptfç,  accepter  la 

leçon  de  A  el  de  l>.  et  garder  r,.  Dans  cette  hypothèse,  oO  ne  peut  être  consen 

l'ai  corrigé  en  <r0. 

On  sait  que  dans  l'interrogation  double  « icérepov  peut  sa  'sous-entendre  oomoM 
atrum».  (Koch.  Gramm.  grecque,  Irad.  Rouff,  §  107»)] 

[Gouat  :  «  contribuer  à  l'ordre  du  monde.  >    et,  en  note  :  -.<  La  l< 
Gataker,  celle  de  la  vulgate,  est  :  xhv  xxô1  k6to;  WYXoo'uo'Jcra^  xfopw  (litter 
contribuera  l'ordre  du  monde  où  elles  se  trouvent).  Les  manuscrits   V  et  D  portent 
70  xaô'  aura:,  qui  semble  bien  préférable.  » —  ]\<  donnent  aussi   ai  ~x:.  qu'il 

faut  admettre  avec  le  reste,  au  lieu  de  rroYxo<rt&0'j<T<x;.] 

3.  A  et  D  :  uitèp  rà  xpxoOvra  o*j  xpo/wpetç.  —  Le  sens  n'es!  pas  douteux:   M 
VurMe  veut  dire  certainement  que.  dans  la  satisfaction  des  désirs  naturels,  L'homn* 
x*a  au  delà  du  nécessaire.  Cependant  les  manuscrits  portent  oi  npoyt  ::.:■  Au  lieu  de 
supprimer  oj  arbitrairement,  ne  vaut-il  pas  mieux  considérer,  avec  Schultz,  la  phra>« 
comme  interrogative? 

[Ce  n'est  point  là,  à  vrai  dire,  la  plus  sérieuse  difficulté  du  passage.  Elle  est  dans 
le  mot  oOo£.  qui  commence  la  phrase  suivante,  et  dont  les  éditeurs  de  Marc-Aurèle  se 
sont  vus  obligés  de   supprimer  la  première  partie  et  de  déplacer  I      -  le.  Il  m'a 

paru  plus  simple  de  lire  ri  oi.  Voir  la  note  suivante.] 

'4.  [Gouat:  «dans  te*  actions,  il  n'en  est  plu-  de  même;  tu  restés.. 


BfBLN  •  i  M  I  Ql  i     DES    EMt  BH  SITES    i>i     MIDI 

resles-tu  bii  deçà  de  tes  force»?  C'esl  que  tu  ne  t'aimes  pas 
toi  même,  sinon  tu  aimerais  aussi  t;i  nature  el  ce  qu'elle 
t'ordonne.  D'autres  hommes  ont  aimé  leur  métier1  au  point 
de  se  consumer  au  travail,  ne  prenant  le  temps  ni  <lr  se 
baigner  ni  de  manger;  toi,  tu  estimes  ta  nature  moins  qu'un 
ciseleur  l'ari  de  ciseler,  ou  un  danseur  la  danse,  ou  un  avare 
l'argent,  ou  un  sol  ambitieux  la  vaine  gloire.  Ceux-ci,  quand 
ils  sonl  possédés  parleur  passion3,  sacrifient  le  manger  et  le 
dormir  au  profil 3  de  la  chose  qui  les  touche;  est-ce  que  les 
actions  qui  ont  pour  objet  le  bien  de  Ions  le  paraissent  avoir 
moins  de  prix  el   mériter  moins  de  zèle? 

2 
Il  esl  [bien]  facile  d'écarter  et  d'effacer  toute  représentation 

gênante,  déplacée,  et  d'être  aussitôt  dans  un  calme  partait. 

3 
Estime-toi  digne  de  dire  et  de  taire  tout  ce  qui  est  conforme 
à  la  nature;  si,  après  cela,  quelqu'un  te  blâme  et  t'injurie 4, 
ne  te  laisse  pas  détourner"*;  ne  te  prive  pas,  comme  si  lu  en 
étais  indigne,  de  dire  et  de  faire  ce  qui  te  parait  beau.  Les 
autres  ont  leur  propre  principe  dirigeant  el  suivent  leurs 
propres  impulsions  :  n'y  fais  pas  attention,  va  tout  droit, 
suis  à  la  fois  ta  nature  propre  et  la  nature  commune  à  tous; 
toutes  les  deux  n'ont  qu'un  chemin  ti. 

i.  |7a:  Tsyvx;  èocuT&v,  que  donnent  les  manuscrits,  esl  un  solécisme.  Il  faut  répéter 
l'article  devant  éavrûVi  à  moins  de  supposer  l'omission  de  p,£XXov  entre  les  mots 
-ïyyxz  et  irjiwv.] 

a.  fYoir  infra  XII,  3  (9*  note),  la  signification  du  mot  icpocricdtôeta.] 

3.  [Couat:  «  au  succès  de  ce  qui  les  attire.»  —  J'ai  cherche  une  expression  qui 
pût  désigner  à  la  fois  le  progrès  d'un  art  et  l'accroissement  d'une  fortune.  | 

\.  Mîjj.-V.:  r,  X6yoç.  Le  mot  Xôyo:  est  très  faible  après  ^z\vl'.:\  la  correction  de 
Junius,  <lôyoz,  me  paraît  excellente. 

à.  [Couat:  «persuader.»  Var.  :  «  égarer.  » — Je  me  ^ui>  rendu  aux  excellentes 
raisons  de  M.  Polak.  (Hermès,  \\l,  p.  33oj.  qui  invoque  de  nombreux  passages  d< 
Marc-  Vurèle  (IV,  3;  VI,  22;  VII,  20:  VIII,  1)  pour  justifier  ici  la  conjecture  de  Corel  : 
Tzzv.aTiâTf»).  Les  manuscrits  donnaient  TiapsiTrâTO).] 

G.  [D'où  il  suit:  i°  que  rien  n'est  plus  aisé  que  d'obéir  a  la  nature  :  on  n'a  qu'à 
suivre  sa  nature;—  a*  que  la  loi,  volonté  de  la  nature,  c'est  la  raison,  organe  de 
notre  nature,  qui  nous  la  donne;  bref,  que  nous  sommes  autonomes  (cf.  infra  XI,  20, 
note  finale). 

Si  l'on  en  croyait  Diogène  Laerce  (de  \  it.  PhiL,  VII,  89),  les  premiers  Stoïciens 
n'auraient  pas    lous   admis   comme   un    dogme    l'accord  des   deux  natures.   Avant 


ri  n^i  i     i.i    m  m.'     u  ni  1 1 


Je  m. ii obe  buI \ anl    \<      dei  uin     de  la   nalui «      ju  qu  I 
que  J6  tombe  cl  me  repo  c  apri     avoii  i  (bali    mon  derniei 
Roupir  dans   cel  sii   <|u<-  je    re  pire  i  haque  c  m 
que  je  tombe1  mr  i<-  iol  011  mon  père  ,i  puise  1.1    . m< n< 
mon  être,    ma    mère  mon  san^   <i  nu  uounice  -on  lui 
sol    qui    m'alimente  al   m'abrauve  chaque   jon r    depuii   tant 

d'années,    (|in    poilc    mes    p,js,    el    <  1  < m I    pom    tanl    d<     (ho 

ne  cesse  d'abuser. 


On  ne  peul  p;is  l'admirer  pour  ta  Bnesse.  Soit.  Mail  il  j  i 
bien  d'autres  choses  à  pr<>p<>s  desquelles  lu  ne  peux  pas  dire 
«  .le  ne  suis  p;»s  fa  il  pour  cela.  Montre  non-  '  donc  ces  vertus 
qui  dépendent  entièremenl  de  loi:  la  sincérité,  le  sérieux,  la 
résistance  à  la  fatigue,  L'austérité,  la  résignation  à  la  destinée, 
la  frugalité,  la  bienveillance,  la  liberté  «le  l'Ameâ,  la  simplicité, 
la  discrétion,  la  générosité.  No  vois-tu  pas  combien  de  qualités 
tu  pourrais  montrer  '»  dés  maintenant,  dont  aucune  incapacité 
naturelle  ou  inaptitude  ne  saurait  excuser  le  manque?  El  cepen 
danl  lu  le  eonlentes  de  ton  infériorité.  Es-tu  donc  obligé,  sous 
prétexte  que  tu  es  mal  doué,  à  murmurer,  à  cire  avare,  à 
flatter,  à  accuser  ton  corps,  à  chercher  à  plaire,  à  cire  frivole, 
à  porter  une  âme  toujours  inquiète?  Non,  par  les  Dieux!  Il  \  a 

Chrysippe,  qui  le  proclama  nettement,  Cléanthe  aurait  opposé  la  nature  universelle  > 

la  nature  individuelle,  et  prescrit,  en  cas  de  conflit,  de  ne  suivre  que  la   premii  r-  ; 
ou,   plus  précisément,    tandis  que   Chrysippe    entendait  par  le   mot  p*j<m  :   c 
xotvr,v   xa\  loiioç  xr,v  gvdpwiuvqv,  Cléanthe  ne   reconnaissait  qu'une  «nature 
xotvr,v  (Aow)v   o-jxsxi  oï  xa\  tt.v   ï~\  uspo-j:.  Zeller  (Pliil.  derdr..  III*,  p.    -m.  en   note) 
doute  que  Diogène  ait  bien  interprété  la  pensée  de  Cléanthe,  el  conçoit  à  peine  la 
possibilité  de  ce  désaccord.  Pour  lui.  Cléanthe  n'aura  parlé  que  de  la  nature  ui 
selle  (mais  sans  l'opposer  pour  cela  à  notre  nature  propre:   que  sérail  alors  di 
l'harmonie  du  monde?)  et  Chrysippe  aura  développé,  sans  les  contre  lire,  la  doctrine 
el  la  formule  de  son  maître! 

i.  [Couat:  «couché  sur  le  sol.»—  11  y  a  dans  h'  texte  grec  une  nég  -  .  la 
répétition  de  7i£G-a>v,  que  j'ai  conservée  dans  la  traduction. J 

2.  [Var.  :  «  procure -toi.  »] 

3.  [Couat  :  «  l'indépendance.  »  —  Nous  entendons  par  ■  liberté  i  |  llvjbtpioL)  l'état  de 
l'àme  exempte  de  passions (infra  XI,  20,  dernière  note).  Ce  mot  s'oppose  à  l'expression 
piirraÇe<rôat  xr\  'l'jy^  («porter  une  âme  toujours  inquiète'»,  qu'on  trouvera  un  peu 
plus  bas.] 

1.  |  Var,  :  <<  te  procurer.  »| 

V.    COUAT-P.    FOURNIE  R.  0 


8a  BIBLIOTHEQUE    l>ES    L DIVERSITÉS    M     MIDI 

longtemps  que  tu  aurais  pu  être  délivré  de  ces  défauts.  Tu 
n'aurai*  d'excuse  à   donner  que  pour   la  lenteur  d'espril  el 
L'inintelligence  don)  <>n  te  pourrai!  convaincre1;  encore  fau 
drail  -il,  au  lieu  de  te  laisser  aller  el  de  Le  complaire  à  ce  défaut, 
L'exercer  à  L'atténuer. 


Celui  ci,    quand   il  a    heureusement    agi    pour  quelqu'un, 

s'empresse  de  lui  porter  eu  compte  le  service  rendu2.  Celui-là 
n'a  pas  le  même  empressement,  mais  3  en  lui-même  il  considère 

son  obligé  comme  son  débiteur,  cl  il  sait  fort  bien  ce  qu'il  a 
fait.  Cet  autre  enfin  ne  sait  même  pas,  pour  ainsi  dire,  ce 
qu'il  a  fait.  11  ressemble  a  la  vigne  qui  porte  sa  grappe,  et  qui, 
après  avoir  produit  son  fruit,  ne  cherche  pas  autre  chose; 
tel  encore S  le  cheval  après  avoir  couru,  le  chien  après  avoir 
sui\i  la  piste 5,  l'abeille  après  avoir  fait  du  miel.  Ce!  homme 
après  avoir  rendu  un  service  ne  s'en  vante  pas.  mais  se  pré 
pare  à  en  rendre  un  autre,  de  même  qu'une  vigne  s'apprête 
à  porter  encore  une  grappe  à  la  saison.  —  Faut-il  donc  être 
de  ces  gens  qui  rendent  service  pour  ainsi  dire  sans  le 
comprendre?  —  Assurément*».  —  Cependant,  il  faut  bien  le 
comprendre,  car  c'est,  dit-on,  le  propre  de  l'être  sociable  de 
sentir  qu'il  agit  pour  le  bien  de  tous,  et,  par  Zeus,  de  vouloir 
que  ses  associés  le  sentent  aussi.  —  Ce  que  tu  dis  est  vrai: 

i.  [/infinitif  xaTa*iHV<o<Txe<78ai  n'est  gouverné  par  rien;  il  manque  au  moins  un 
verbe,  tel  que  [ifXXsi;,  ou  [léXXotc,  auquel  d'ailleurs  on  a  pensé,  entre  s!  et  lui.  Or  la 
chute  de  toute  une  ligne  n'est  pas  plus  difficile  à  expliquer  dans  un  manuscrit,  ni 
plus  rare  dans  les  Pensées,  que  celle  d'un  simple  mot.  Ne  pouvant  chercher  dans  la 
phrase  qui  suit  *taTiYivu><rxe<*ôai,  à  cause  de  la  conjonction  xot\...  os...  qui  la  délimite 
très  licitement,  la  proposition  principale  dont  dépendrait  et  fiiXXot;,  je  La  suppose 
également  disparue.  Le  contexte  permet  heureusement  de  combler  la  lacune.  Je 
propose  d'ajouter  ici  les  mots:  ptiXXot;,  tôt'  av  gtp6?aaiv  ïy/j'.z* —  que  j'ai  traduits: 
[à  moins  qu'on  ue  croie  possible  d'en  sous-entendre  les  quatre  derniers  :  Marc-Aurèle 
(cf.  infra  VI,  i4)  esl  coulumier  de  semblables  ellipses.] 

2.  (Couat  :  «  de  porter  ce  service  au  compte  de  cette  personne.  »J 

3.  [Conjecture  de  Schultz.] 

'i.  J'ai  traduit  la  leçon  des  manuscrits  À  et  D,  qui  donnent  w:  ïizno;  (la  vulgate 
supprime  <î>:),  et  j'ai  sui\i  l<i  texte  de  Stich,  qui  met  un  point  (au  lieu  d'une  virgule) 
après  KOivjffaça.  D'ailleurs,  le  sens  de  cette  phrase  n'est  pas  douteux,  et  il  n'y  a  pas 
lieu  d'insister. 

5.  [Couat  :  «  flairé.  »] 

6.  [«  Paroles  d'autant  plus  remarquables  qu'un  Stoïcien  se  piquait  de  se  conduire 

toujours  par  des   raisons  précises Marc-Aurèle,   en  tout  fidèle  à  cette  règle,  en 

cx<  epte  la  bienfaisance.  »  (Martha,  Moralistes  sous  l'Empire  romain*,  p.  196.)] 


I  I      I  I      l.l  II 

ni.'iis  in  Inlei  pi  i >U    mal  me    pai  oh    l.  Au  lu  d 

que  j<'  nommai    en  pi  emiei   lieu    eux  au    I    i  »nl 
une  vraisemblance  logique    81  tu  veut  bien  comprendi 
parole       II  n'y  a  pas  de  dan|  ai  qu  ell<     te  fa    i  ni  i 
d  agir  pour  le  bien  de  la    i  m  (été 


Prière  dei  athénien         Pieu  .  pleui  i   /■  u      m  i-    i  ban 
el  sur  lea  plainea  d'Athènes I    Ou  il  ne  faul  pat  priai   ou  il  hul 
prier  ainsi)  simplement  el  libéralement 

8 

De  même  qu'on  <lii  Esculape  a  prescrit  1  ce  malade  de 
monter  à  cheval |  ou  de  prendre  des  bains  Froids,  ou  de  marchai 
pieds  nus;  »  on  peul  dire  de  même  :  «  la  nature  univi  rselle 
a  prescril  à  cel  homme  la  maladie,  l'infirmité,  lea  deuils,  ou 
quelque  chose  d'analogue.  »  Dana  l<i  premier  cas,  l«i  mol  a 
prescrit»  signifie  à  peu  près  «  a  ordonné  comme  une  condi 
lion  de  la  santé,  el  dans  le  second  chaque  occurrence  est 
ordonnée  pour  chaque  homme  comme  une  condition  «le   la 

i.  [Coual  :  «Ce  que  tu  dis  là.  »  \  ar.  :  «  La  maxime  que  tu  Invoqu  s,    —  La  pi 
finale  de  la  pensée  m'a  paru  imposer  cette  correction.  D'ailleurs,  la  corresp  >ndai 
akv  et  de  Se  dans  les  deui  phrases  ou  nous  Usons  m  -..<  Xr  ...-.  la 

rencontre  même  de  ces  deux  formules  (alors  qu'il  eût  été  si  simple  d'éi  : 
marquent  l'opposition  et  non  l'identité.  Enfin,  le  sens  ordinaire  d 
dans  Bfarc-Aurèle  (cf.  \,  7,  fin)  n'est-il  pas  :  a  la  thèse  que  non-  soutenons  1 
moment,  le  raisonnement  présent,  la  maxime  fondamentale  «I 

2.  [Coual  :  <  cette  maxime.  ••    -  Cf.  la  note  précédente.  —  Ensuite  :     De    1 
qu'elle  te  fasse  négliger  d'agir 0  En  note  :  <■  Le  Bens  de  la   dernière  phrase  est  dis- 
cutable. La  leçon  ordinaire  est  trr,  qpoéoO  fit]  sropà  roOro,  qui  peut   se  comprendre, 
et  qu'en  somme   nous   avons    traduit,   u  Mais    les   manuscrits  A  et  D  ne  donnent  pas 

le  premier  iirr  —  Gataker  Inclinerait  à  écriront)  9060O,  \Lrfie  Kapin  revre le   ne 

vois  pas  bien  l'utilité  de  cette  nouvelle  correction.  >> — >'il   m'était    prouvé  que   le 
premier  jjlt,  de  la  vulgate  fût  une  addition  de  XLylander,  el  que  son  manuscrit,  comme 
ceux  que  nous  avons  conservés,  lui  eût   présenté  la  leçon  inintelligible  „ 
j'aimerais  autant  écrire  ici  où  ar,  que   p.r\  po6oQ   u.rr  — qui  peut  avoir  le  même 

Le  texte  y  gagnerait  du  moins  en  clarté.  Tel  que  le  donne  la  vulgate  el  que  le  suppo- 
sent la  plupart  de  nos  traductions,  il  est  amphibologique,  en  euVt.     Si  tu 
comprendre  mes  paroles,  ne  crains  pas  qu'elles  te  fassent  négliger  le  devoir 
signifier,  soit  :  «Pour  les  bien  comprendre,  il  faut  commencer  par  ne  s'en  pas  d-'-tier.' 
soit  :  u  Pour  peu  qu'on  ait  bien  voulu  les  comprendre,  on  peut  être  >ùr  d'agir  toujours 

bien »  —  Le  contexte,  surtout  les  deux  phrases  précédentes (  1  tu  interprètes  mal 

Aussi  sera -tu »)   ne  permettent   guère,  d'ailleurs,  d'hésiter  longtemps  entre  lea 

deux  sens.]  • 

3.  [Var.  :  ((librement.»  —  Un  Athénien  priait  non  seulement  pour  lui-même,  mais 
pour  toute  l'Attique,  sinon  {ci\  Pausanias.  I,  xxiv,  3)  pour  toute  la  Grèce." 


V,  BIBLIOTBBQU1     DES    UNIYBES1TÉ8    Dl     MiM 

destinée  '.  Ne  disons-nous  pas  aussi  que  telles  <  rencontres 

produisent  pour  nous,  connue,   à   propos  des  pierres  de  taille 
qui  composent   les  mur»  el    le<   pyramides,  les  architectes,  en 

les  adaptant  les  unes  aux  autres  selon  certaines  symétries, 
disent  qu'elles  se  rencontrent  »?  C'est  qu'en  somme  il  n>  a 
partout  qu'une  harmonie.  El  de  même  que  l'univers,  ce  corps 
immense,  est  composé  de  tous  les  corps,  de  même  la  destinée, 
cette  suprême  cause,  est  formée  de  toutes  les  causes  particu 
Hères.  Les  esprits  les  plus  simples  ne  pensent  pas  autrement; 
Us  disent  en  effet  :  «  Voilà  ce  que  lui  apportait  le  sort.  »  Oui, 
telle  chose  était  apportée,  telle  chose  ordonnée  à  cet  homme. 
Acceptons  donc  les  événements  comme  nous  acceptons  le> 
prescriptions  d'Esculapc.  Beaucoup  de  ces  prescriptions  sont 
bien  dures;  et  cependant  nous  les  accueillons  avec  joie,  dans 
l'espérance  de  la  santé.  Que  l'accomplissement  parfait  des 
décrets  de  la  nature  universelle  te  paraisse  quelque  chose  de 
semblable  à  ta  santé.  Accueille  avec  joie  tout  événement,  lors 
même  qu'il  te  semble  pénible,  parce  qu'il  conduit  à  la  santé 
du  monde,  qu'il  contribue  au  succès  des  desseins  de  Zeus. 
Zeus  n'aurait  pas  «  apporté»  cet  événement  à  cet  homme,  s'il 
n'avait  «  importé  >>  à  l'ensemble  des  choses.  Une  nature  donnée 
n'apporte  non  plus   à  l'être  qu'elle  gouverne2   rien  qui  ne  lui 

i.  Kntrr  les  deux  leçons  divergentes  que  donnent  pour  ectte  ligne  les  manuscrits 
de  Marc-Aurèle,  je  ne  saurais  approuver  le  choix  de  M.  Stich  :  zixxv.-y.: '  7io>:  a-vTM 
xaxâXXrjXov  Kpbç  rrjv  el(fcotp{iivy)V.  Ce  texte,  qui  est  celui  du  florilège  de  Planude,  —  où 
la  phrase  suivante,  sans  chercher  plus  loin,  est  manifestement  arrangée,  —  a  contre 
lui  l'autorité  des  deux  manuscrits  complets  de  Marc-Aurèle  (P  et  A,  celui  qu'avait 
reproduit  \\iander  et  le  Vaticanus)  et  l'axiome  :  lectio  difficilior  faciliori  anteponenda. 
Jl  est  d'ailleurs  facile  d'amender  la  leçon  de  P  et  de  A,  sans  en  modifier  une  seule 
lettre,  à  l'aide  de  deux  corrections  interlinéaires  :  la  suppression  d'un  accent  et  la 
restitution  du  trait  abréviatif  qui  représente  un  v.  J'écrirais  :  TÉraxTai  ttw:  noh:  «vrbv 
xatTàXXv)Xov  il:  tt,v  ciu.ao;jivr;v  (P  et  A  donnent  7ra>;  et  ocjto).  La  locution  TÉTa/xai  nw: 
icpb;  aOrôv  ainsi  rétablie  m'en  parait  comprendre  deux  fondues  en  elle,  —  que  nous 
trouverons  séparées  dans  la  dernière  partie  de  la  pensée  :  xoà  ao\  (tuvetocttîto,  xa\  ttso: 
té  7io);  £î*/sv  ;  la  seconde  (cf.  deux  notes  plus  bas)  appartient  en  propre  à  la  termino- 
logie  stoïcienne.  —  La  préférence  accorder  ici  à  P  et  à  A  nous  oblige  à  écrire  à  la  tin 
de  la  phrase  précédente  xaxàXX7)Xov  =!:  Oyietav,  sur  leur  témoignage,  et  non  t:?6;  -jytsiav, 
qui  est  la  leçon  de  Planude.  Ces  diverses  restitutions  ne  modifient  pas,  d'ailleurs,  le 
sens  du  passage.) 

a.  [Couat  :  «  Le  hasard  n'apporte  rien  qui  ne  soit  la  condition  des  desseins  de  la 
nature.  »  —  11  ne  saurait  être  ici  question  de  «  hasard  ».  (Cf.  supra  II,  3,  dernière  note, 
la  définition  stoïcienne  de  xr/r,.)  —  'II  tj/oj^jol  pjfriç,  «  la  première  nature  venue»  — 
tel  est  le  sens  usuel  de  6  Tugcfa  —  se  distingue  de  ZsO;  •omme  plus  haut,  à  la  lin  de 
la  pensée  V,  3  (cf.  la  dernière  note),  la  nature  individuelle  de  la  nature  universelle. 
Cette  distinction  ^affirmera  dans  les  phrases  qui  suivent. 


PI    \-lh     M       M  MO         M    CI   I  I 

convienne.    I  u  dol    d<  >m     poui  deu  i   raison     iim<  i         qui 
l'arrivé    d'abord,  pai ce  que  i  ela     0  I  pi oduil  poui 
ordonné  pour  loi,  et,  In  éi  é  dan    la  li  ame  de  le    plu 

lointaines,    <lr\  .ni    ;i\  <>n    ave<     loi     Bîi     I  Bpjx  -il    cMlermii 
ensuite,  parce  que  ce  qui    urvi<  tti  i  1  ha<  un  6  1  poui  a  lui  qui 
^mii\  erne  l'unie  en  la  -  au  e  d(     on  i<  m 

et,  par  /eus.  de  sa  durée  elle  même    1  mi*  _  1  ii<:  <i 
es)  altérée  comme  l<*  sérail  celle  <i«,s  1  > . » 1 1  i « •  -  d'un  loul    1  1 
porte  atteinte  à  leur  agencement  el  à  leui  continuité    lu  le 
plaignanl  d'elles,   tu   leur  portes  atteinte  autan)  qu'il  est  en 
toi,  et,  dana  une  certaine  mesure,  tu  les  détrui 

9 

Ne  le  dégoûte  point,   ne  renonce  point,    ne   te  découra 
point,  si  lu  ne  réussis  pas  toujours  à  diriger  tes  actes  d'a| 
les  vrais  dogmes2.    Vprèa   en    avoir  <;t<;   violemment    écarté, 
reviens  yS,  el  réjouis  loi  si  tes  actions  on)  été  l«'  plus  souvenl 
celles  d'un  homme:  aime  la  règle  à  laquelle  tu  reviens 4;  ne 
retourne  pas  à  la  philosophie  comme  un  écolier  chez  !<•  péda 
gogue,  mais  comme  les  gens  affligés  d'une  ophtalmie  recoui 
à  leur  éponge,  à  leur  blanc  d'oeuf,  d'autres  i  leurs  emplâtres 
ou  à  leurs  lotions.  Ainsi,  lu    montreras  qu'il    ne   t'en    coûte5 

1.  [Couat  :  «  était  en  quelque  sorte  en  harmonie  avec  t<>i,  inséré  dani  la  ti 
causes  les  plus  lointaines.»  —Ce  malencontreux  «en  quelque  sorte»  que  nous  trou 
aussi  dans  les  traductions  de  Pierron  el  de  M.  Michaut,  doil  représenter  le  m 
la  locution  irpoç  aï  t.uk  eiysv.  En  réalité,  il  s'agit  ici  de  Is  dernière  des 
stoïciennes,  le  7:06;  ti  7iu>;  fyov,  ou  la  «relation  >■  (infra  VI,  i4,  i"  Zeller, 

PMI.  derGr.,  lll»,  p.  101).] 

•2.  | Couat  :  «  principes.  >>) 

3.  [Var.  :  «  Après  avoir  échoué,  recommence.  >>] 

\.  [Couat  :  u  Aime  à  revenir  aux  mêmes  règles  il»1  conduite.  1  —  Cf.  supra  I\  .  Ji  : 
tô  Tsyvtov,  0  spaOsç,  piXet,  toutoj  irpo<r<xvaitavou.] 

5.  [Couat:  «Ainsi,  il  ne  t'en  coûtera  rien...» — En  note:    toà&èv  lu 
leçon,  qui  est  celle  des  manuscrits  A  el  D.  peut  à  la  rigueur  s'expliquer.  Il  Lui. Irait 
traduire:  u  Tu  prouveras  qu'obéir  à  la  raison   n'est  rien  (c'est-à-dir 
»  mais  tu  te  reposeras  sur  elle.  »  On  reconnaîtra  cependant  que  ce  tour  est  peo 
(la  clarté  et  l'usage  exigeraient  un    participe  entre  ry'^Vé  et  i-:ïz:.:r).  et   que   Qjùhi 
toOt'  Bdxi  (littéralement:  ce  n'est  rien)  signifie  à  l'ordinaire  plutôt:      cela  ne   raul 
»  rien»  que  :  «  la  chose  est  facile.  0  Aussi  ai-je  préféré  adopter  la  correction  de  Loraï  : 
oOôàv  £ti  ôr,|ei,  qui  suppose  dans  le  manuscrit  une  confusion  due  à   l'iotacisme.    Il 
me  semble  aussi  que  l'opposition  des  deux  propositions  esl  ainsi  bien  plus  nettement 
marquée.»  —  Le  malheur  est  (pie  la  troisième  personne  or(;s:  n'est  pas  classique.  Le 
futur  de  oàxvw  n'est  pas  Gr,;(o.  mais  cr,;ouia'..  Dans  ce?  conditions,  le  plus  simple  t tait 
de  supposer  la  chute  dans  les  manuscrits  d'un  <ui  deux  mots,  comme  to:  £voy/.ov<. 
ou  même  m  6âxvov,  entre  oOosv  et  èroôeifcn.] 


86  mm  loi  Ml  <mi     DES    UNIVERSITÉS    i>i      MliH 

rien  d'obéir  à  I « t  raison;  au  contraire,  tu  te  reposeras  sur  elle. 
Souviens  (<>i  <iu<'  la  philosophie  ne  veut  que  ce  que  veut  tu 
nature;  mais  toi,  tu  voulais  autre  chose  qui  n'était  pas 
conforme  à  la  nature.  [Tu  dis:]  Lequel  des  deux  est  le  plus 
doux? —  Mais  n'est-ce  pas  par  là  que  le  plaisir  nous  égare? 
Regarde,  d'ailleurs,  si  la  grandeur  d'âme,  la  vraie  liberté',  la 
simplicité,  la  bonté,  la  pureté  no  sont  pas  plus  douces.  Qu'y 
a  t-il  enfin  de  plus  doux  que  la  sagesse,  si  l'on  considère 
combien  esl  infaillible  cl  libre  en  toutes  ses  démarches9  la 
Faculté  de  comprendre  et  de  Bavoir? 

10 

Les  choses  sont  comme  enveloppées  d'un  voile  si  obscur 
que  beaucoup  de  philosophes,  et  non  des  premiers  venus,  ont 
jugé  qu'elles  étaient  tout  à  fait  inintelligibles.  Les  Stoïciens 
eux-mêmes  les  considèrent  comme  difficiles  à  comprendre  : 
d'ailleurs,  notre  assentiment  aux  représentations  sensibles 
n'est  jamais  sûr 3.  Quel  est,  en  effet,  l'homme  qui  ne  change 
pas  d'opinion?  Tourne-toi  maintenant  vers  les  objets  mêmes 
de  ta  perception  '».  Comme  ils  sont  éphémères,  insignifiants, 
exposés  a  tomber  au  pouvoir  d'un  débauché,  d'une  courtisane 
d'un  voleur!  Après  cela,  considère  les  caractères  de  ceux 
au    milieu   de   qui   tu    vis.    Le   plus   sage5    peut   à  peine  les 

i.  [Couat  :  «  la  franchise.  »  —  Cf.  supra  V,  5,  2'  note.] 

2.  [Var  :  «  Tu  le  reconnaîtras  en  réfléchissant  à  ce  qu'a  toujours  d'infaillible  et  de 
facile  la  l'acuité  tic  comprendre  et  de  savoir.  »  —  Les  derniers  mots  de  la  phrase  grecque 
(6tti<rrv){i.oviXT)C  8yvâjtEa>;)  sont  la  définition  de  la  ppéviptç,  que  M.  Couat  traduit  par 
((  la  sagesse  ».  11  est  certain  que  pour  les  Stoïciens  du  temps  de  l'Empire  pptfviptc  et 
lnt<Jvfi\Lr\  étaient  à  peu  près  synonymes  (Plutarque,  Virt.  mor.,  2),  et  qu'ils  ne  s'efTor- 
çaient  plus  de  maintenir  entre  la  «  sagesse»  (aoçta)  et  la  «  prudence  »  (qppévqotc)  la 
différence  que  marque  encore  Cicéron  (De  Officiis,  I,  43,  i53),  et  qu'avait  du  établir 
Ariston  ou  Chrysippe  :  «  la  première  étant  la  science  des  choses  divines  et  humaines; 
la  seconde  celle  de  ce  qu'il  faut  faire  ou  ne  pas  faire.  »] 

o.  [Couat  :  «  toutes  nos  conclusions  sont  changeantes.  »  —  Sur  le  sens  exact  de 
Toyv.aTaOcTi;  et  d*àxaTàXv)irrov,  que  II.  Couat  traduit  un  peu  plus  haut  par  «  inintelli- 
L'il>!<-  •>,  cf.  Zeller  (P/t/7.  der  Gr.,  111 3,  p.  82,  texte  et  notes).  Disons  seulement  que,  pour 
qu'une  chose  soit  «  intelligible  >>,  ou,  comme  disent  les  Stoïciens,  pour  que  la  «  repré- 
sentation »  (çavxotota)  à  laquelle  nous  donnons  notre  «assentiment»  (T^yxaxaôsdi:) 
v<»it  <<  compréhensive »  (xaTaÀYjimXTJ),  il  faut  non  seulement  que  celle-ci  soit  d'accord 
avec  son  objet,  mais  que  nous  ayons  la  claire  conscience  decel  accord.  (Voir  aussi 
supra  p.  17,  n.  2,  et  65,  n.  1.)] 

\.  f Couat  :  «  méditation.  »] 

...  [Couat  :  ■<  le  plus  complaisant.  »  —  Sur  le  sens  de  -/apiédraTo;,  cf.  infra  VI,  i'j, 
',*  note.] 


ri  N  si  i  ^    i  >i      m  \  i.'       \  i  i  i  i  i 

iiipportar    je  n'ajouta  pa    que  pei  lonnc  m 

même  qu  ri  »  «    peine     \  u   mili<  u  d(  lénèbn 

laideur,  dam  <  al  écoulement  de  la  mall<  i  e  '    du  U  mp     «lu 

mOUVeinrnl    cl    «les    (Ilotes    mm         j<-    ne    voi.v    nm    poill     quoi 

nom  puiisioni  avoir  de  l'estime  al  on  véritable  attachement 
Consolons  noua,    au   contraire]   an   attendant    la   dissolution 
naturelle,  el  pour  ne  pas  nous  tourmentai   <!<•  i  ntc, 

reposons  nous  sur   les   véritéi   suivante!     d'abord,    rien    ne 
n'arrivera  <|ui  ne  soil  conforme  ï  la  nature  universelle 
second  lieu,  j'ai  la  liberté9  <!<'  ne  jamais  agit  contrairement  i 
mon  Dieu  ci  à  mon  génie.  Personne  ne  pourra  me  contraindre 
à  lui  désobéir. 

il 

Quel  est  donc  l'usage  que  je  fois    aujourd'hui    de  mon    In 

Pose-toi  celle  question  à  chaque  occasion,  demande  toi  :  que 
se  passe -t- il  dans  celle  partie  de  umi  même  qu'on  appelle 
le  principe  directeur?  De  qui  ai -je  maintenant  l'Ame?  d'un 
enfant?  d'un  jeune  homme?  d'une  femme?  d'un  tyran?  d'une 

bêle  domestique?  d'une  bêle  sauvagi 

12 

Ce  qui  suit  le  montrera  la  valeur  de  ce  que  la  plupart  de- 
hommes  considèrent  comme  des  biens.  Si  nous  peu-ions  i  à 
certains  biens  réels  et  véritables,  comme  la  prudence 5,  la 
tempérance,  la  justice,  le  courage,  après  les  avoir  ainsi  envi- 
sagés, nous  ne  pourrions  pas  entendre  le  mot  du  poète  :      Tu 

i.  [Couat  :  ((substance.  >>| 

2.  [Cf.  infra  V,  17,  en  note.] 

3.  [xrqvouc (tojpiov.  Cf.,  au  début  de  la  pensée  in,  16,  L'opposition  d< 

et  de  fc)ptti>v.J 

4.  [Couat  :  «Si  nous  avions  cette  Idée  qu'il  existe  certains  biens  rentables     — 
mots  m'ont  paru  traduire  ef  ...71;  EKtvo^œtSN  vitdtpx£iv  plutôt  qn'i: 
Cncap/ovra,  que  porte  le  texte.—  Les  biens  rentables  (Ta  m:  i  yaOix)  et  • 
(ôicipxovrot)  que  Marc-Àurèle  nomme  ensuite:  prudence  tempérance,  justice  et  cou- 
rage, sont  en  réalité  tous  les  biens.  —  et  non  pas  seulemenl  certains  d'entre  eux,  — 
puisqu'en  ces  quatre  mots  se  résument  toutes  les  vertus.] 

5.  [Couat:  «sagesse.  »  —  Si  ce  mot  peut  traduire  pp&vijatc  lorsque  la  ppdyiptç  <--t  la 
seule  vertu  qu'on  nomme  (cf.  supra  V.  g,  dernière  note),  il  convient  moins  lorsqu'on 
la  distingue  des  trois  autres.  La  différence  que  marque  Cicéron  entre  las  g  ss  roses) 
el  la  prudence  (ppovr,atç)  garde  ici  toute  ^a  valeur.] 


88  BIBLIOTHBQUl     Dl  S    UNIVERSITÉS    i>i     MIDI 

possèdes  tant  de  biens...  '.  o  parce  que  ce  mot  ne  conviendrait 
pas  du  tout.  Mais  si  l'on  a  dans  l'espril  les  biens  qui  parais* 
seul  lois  au  plus  grand  nombre,  <m  ('coule  ces  paroles  du  poète 
comique  el  <>u  n'a  pas  de  peine  à  les  accepter  comme  hien 
appropriées.    Le   vulgaire  même   sent  bien   celte   différence  : 

sans  cela  il  ne  serait  pas  choqué  de  la   première  application   el 

ne  la  repousserait  pas3.  Au  contraire,  s'il  s'agit  de  la  richesse 

et  de  ioules  les  chances  heureuses  du  luxe  el  de  la  gloire. 
nous  acceptons  comme  jusle  el  spirituel  le  propos  du  poète. 
Poursuis  donc  et  demande -loi  s'il  faut  honorer  et  regarder 
comme  des  biens  des  objets  tels  qu'en  y  pensant  on  puisse 
dire  de  leur  propriétaire:  «Il  est  si  riche  qu'il  ne  lui  reste 
pas  un  coin  pour  se  soulager.  » 

43 

Je  suis  constitué  de  principe  efficient 3  et  de  matière;  ni 
l'un  ni  l'autre  ne  disparaîtront  dans  le  néant,  pas  plus  qu'ils 
ne  sont  sortis  de  rien.  Chaque  partie  de  moi  [aura  donc  tou 
jours  sa  place  assignée;  elle]  sera  changée  en  une  partie  de 
l'univers;  celle-ci,  à  son  tour,  se  changera  en  une  autre  partie 
de  l'univers,  et  ainsi  de  suite,  à  l'infini.  C'est  par  un  change- 
ment semblable  que  je  suis  né  moi-même,  et  ceux  qui  m'ont 
engendré,  et  ainsi  de  suite,  en  remontant  encore  à  l'infini. 
Hien  n'empêche  de  parler  ainsi,  même  si  l'on  conçoit  l'univers 
gouverné  de  telle  sorte  qu'il  passe  par  des  périodes  limitées  4. 

i.  La  citation  est  incomplète.  La  fin  de  la  pensée  a  permis  à  Gobet  de  restituer  le 
texte  de  Ménandre  qui  est  rappelé  ici.  En  réalité,  ce  texte  tient  non  pas  dans  un  vers, 
mais  en  deux  moitiés  de  vers.  Traduction  complète:  «Tu  possèdes  tant  de  biens 
qu'il  ne  te  reste  plus  de  place  pour  te  soulager.  » —  [Les  manuscrits  donnaient  ici  : 
£7i  à/.oO?ai  8uv/)0efr]  rV  Otto  tw  àyaO<.>  yàp  £?ap(j.6<j£i.  Les  vers  de  Ménandre,  rétablis 
par  Gobet,  sont  les  suivants  : 

G'//,  s/ei;  6[7ioi  y^ar^] 
'J7TO  TO)v  iya6ô)v,  £*j  c<rOt - 

C'esl  Nauck  qui  a  donné  au  présont  passade  la  rédaction  définitive  :  Êwaxoyffa: 
8uvv)0efa]  70'  6ic6*  reôv  àyxOtov'  où  y  oc  p  -  •  •  J 

2.  o*j  yàp  av  toOto  jj/ïv  oj  tzoo'JÏy.otz'zi  xai  àaqÇioOTO.  Il  <^st  évident  qu'une  des 
deux  négations  est  de  trop.  Peut-être  faut  il  voir  dans  un  des  deux  oj  la  trace  du 
complément  de  icpooixoicre,  qui  n'est  pas  exprimé  et  qui  serait  bien  nécessaire:  a-jToî: 
yàp  av  touto  u.kv  ol  icpofflxoirrs  xtX. 

3.  [Couat  :  «  de  forme.  »  —  Cf.  supra  IV,  21,  dernière  note.j 

/j.  [Couat  :  «  bien  (pie  l'univers  passe  par  des  période*  limitées.  »  —  A'.oixf(7a'.  n'est 
pas  traduit,  el  xav  (même  sij  me  9emble  confondu  avec  £•  xxi  (bien  que).  En  d'au- 
tres termes,  la  traduction  de  If.  Couat  (comme  celles  de  Pierron  et  de  Barthélémy- 


|*|       if       i»i     \i  \n«     m  ri  i  i 

N 

i..i   i  n  ..n  el  l'arl  de  » •«"  onnei     onl  de    pai     inc<     qui 

suffisent   .:«  ellei  mé il  <  f  *  i  î    suffisent   bui  n    qui  l< 

concernent,    Elles   partent   «lu    principe   <|'ji    leui   i   I    propre 

el    marche  ni     vers    l.i     lin    «pi  rlh  ni     |)io| 

appelle  i  <»n  cei  actions  action*  droites  '  poui  indiquei 
qu'elles  ^u i  \  enl  lo  ligne  droite. 

15 

Il  ne  faul  considérer  comme  humaine  aucune  des  rho 
qui  n'appartiennent  pas  ;»  l'homme  <'n  tant  qu'homme.  Ce  ne 
sont  pas  là  des  ohoses  que  l'on  puisse  réclamer  de  l'homme; 

Saint  Hilaire)  affirme  comme  une  vérité  <"i  un  «i"  qu«-  M.m  -  \nn  i 

avancer  que  comme  une  hypothèse.  .1»'  laia  bien  qu'en  d'autres  ; 

Pttuéet  n'a  pas  hésité,  v  la  Un  de  la  5a'  de  oe  même  livre,  le*  n»  se 

retrou Yeol  (te*  tâvov**.  xaii  ni 

dans  une  proposition  conditionnelle,  lu  début  du  livre  \i  (XI 

d'un  mot,  précise  cette  doctrine,  —  la  renaissao  âix^i  -a. 

en  Impliquant  la  conflagration  (èxTcvftaxrt;),  nom  reconnaii  nt  il 

ii«  mis  pai  le,  et  que  d'autres  Stoiciem  <>nt  appelées    gran  le*  an  m  es 

encore  mentionuer  ici  les  passages  où  Mari  -Aurèle  rappelle  et  o  lèbre  la  phili  «  >phie 

d'Heraclite  (surtout  111,  3,  el  VIII,  $).  Mais  voici,  dans  un  autre  lette     \.  7),  que 

réxirupwet;  et  la  grande  aimée  ne  sont  plus  qu'une  hypothèse,  qui  en  ^.<iit  une  autre, 

mais  ne  Naut  pas  plus    iUe.  v.xzu.  ictpfo&ev  BXftvpouuivou  [toîi  SXov]i  tlTI  il 

àvavso-jusvo'j.  —  Tout  compte  Fait,  il  est  vraisemblable  que  Marc -Aurèle  ne 

à  cette  doctrine  qu'une  confiance  limitée,  parce  que  la  question  même  lui  pars 

d'importance  secondaire.  Nous  l'avons  vu  de  même  (IV,  11,  et  autres  textes  1  ités  -lan- 

la  dernière  note)  se  désintéresser  du  problème  d«>  l'immortalité. 

On  sait  d'ailleurs  (Zeller,  lll3,  p.  166  et  202)  que,  sur  ces  deux  questions  au  rnoin-. 
les  Stoïciens,  dès  la  seconde  ou  la  troisième  génération,  ne  s'entendaient  plus.  Ici, 
sans  doute,  cV>t  surtout  par  déférence  envers  les  maîtres  d'autrefois  que  Marc-  iurèle 
accorde  avec  sa  propre  pensée  une  doctrine  à  laquelle  il  ne  tin  11  oubli 

nous  indiquer  les  conditions  de  cet  accord:  s'il  est  vrai  qu'à  chaque  renaissance  du 
monde  ce  soit  la  même  histoire  qui  recommence,  à  tel  point  que  Socrate  doive  revenir 
pour  se  faire  accuser  par  Anytus  et  Mélitus  (Zeller,  p.  ij5,  note  1),  le  nombre  des 
transformations  que  subiront  les  parties  de  mon  être  sera  infini,  mai?  e  seront  —  au 
bout  d'un  très  long  délai  —  encore  et  encore  les  mêmes.  Tout  passe,  mais  tout 
reviendra.  Évidemment  Marc-Aurèle  pouvait  souscrire  à  cette  thés  1.  il 

lui  parait  plus  simple  de  dire  :  tout  se  ressemble,  el  a  un  homme  de  quarai 
vu  tout  ce  qui  fut  et  tout  ce  qui  sera  »  (XI,  1).] 

1.  [Var.  :  «  catorthoses.  »  —  C'est  le  mot  grec  conservé  en  français  KanrépAt*ert{  ne 
se  rencontre  qu'en  cet  endroit  des  Pensées  :  j'ai  dit  (supra  III.  12,  en  note)  que  le  mot 
voisin  xa7Ôp0o>iia  n'y  parait  pas,  bien  qu'il  y  soit  à  peu  près  défini.  En  distinguant, 
au  cours  de  la  dernière  note  à  la  pensée  III,  iù,  xorréptofiai  de  &aO?jx?v,  nous  avons  vu 
qu'on  pouvait  entendre  par  le  premier  de  ces  mots  le  devoir  accompli  jusqu'au  bout 
par  un  agent  conscient,  et  jusqu'au  bout  en  conformité  avec  la  raison  droite  (/.ara  rbv 
op6bv  aôvov).  La  «  calorthose  »  est  un  acte  de  devoir  ainsi  accompli.  Les  Romains  tradui- 
sent xaTGpOwaa  par  rectum  et  xaTÔpOtoT'.:  par  recte  factiun.  —  La  métaphore  du  n  plu> 
court  chemin  »  ou  de  la  «  ligne  droite  >>  nous  est  c  mime  :  cf.  supra  IN  .  18,  el  l\  . 


90  BIBLIOI  BEQ1  E    Dl  8    I  M\  ERSI1  ES    Dl     MIDI 

la  nature  humaine  ne  les  promet  '  point  el  ne  s'achève  point 
en  elles.  La  fln  de  l'homme  n'esl  point  dans  ces  choses,  non 
pins  que  l'objet  dernier  de  cette  fin,  le  bien.  D'ailleurs,  si 
quelques  unes  d'entre  elles  appartenaient  à  l'homme,  il  ne 
nous  appartiendrait  pas  de  les  mépriser  et  de  nous  tenir  en 

garde  contre  elles;  il  n'y  aurait  pas  lien  de  louer  celui  qui 
sait  s'en  passer;  enfin,  si  elles  étaient  des  biens,  ((lui  qui 
cherche  à  se  priver  de  leur  possession  ne  sciait  pas  un  homme 
de  bien,  \u  contraire,  nous  disons  que  plus  un  homme  se 
dépouille  de  ces  choses  ou  d'autres  choses  semblables,  ou 
unifie  plus  il  supporte  facilement  dvn  être  dépouillé,  plus  il 
est  un  homme  de  bien*,  i 

16 

Telles  sont  tes  représentations  ordinaires,  telle  sera  ta 
pensée  même  3;  notre  âme  est  tout  imprégnée  de  nos  repré- 
sentations sensibles  4.  Plonge-la  donc  sans  cesse  dans  des 
idées  comme  celles-ci  :  là  où  Ton  peut  vivre,  on  peut  bien 
vivre;  on  peut  vivre  à  la  cour,  donc  on  peut  bien  vivre  à  la 
cour.  Et  encore  :  chaque  être  se  porte  vers  ce  pour  quoi  il 
a  été  constitué 5;  sa  fin   est  dans  ce  vers  quoi   il   se   porte;  là 

i.  [Couat  :  «  revendique.  »\ 

2.  [Dans  la  dernière  phrase,  nous  sommes  obligés  .d'écrire  àcpaipo-jfievo;,  comme 
Gatakeret  M.  Slich.  Au  lieu  de  corriger  àvs/ypai,  qui  fait  solécisme,  en  àvé/EToa, 
j'aimerais  mieux  rétablir  le  mot  av  devant  lui  J 

3.  [Couat  :  «  tes  pensées  ordinaires,  tel  sera  ton  esprit.  »  —  Dans  le  lexique  qu'il 
s'était  constitué  en  vue  d'une  revision  de  son  œuvre,  M.  Couat  traduit  S-.dvota  par 
«  pensée  discursive  ».] 

h.  [Couat  :  «  de  nos  pensées.  »] 

.").  [Couat  :  «fait.» — Le  mot  xaTaîxîur,  ou  son  synonyme  <r6<rra<itç  (en  latin: 
constitutio)  exprime  l'idée  d'un  assemblage  et  d'un  plan  (supra  IV,  5,  en  note).  La 
moindre  chose  est  «  constituée  »(supra  V,  i3)  d'une  matière  inerte  et  d'un  principe 
efficient  et  formel  qui  la  détermine.  La  «  constitution  »  de  l'homme  était  définie  dans 
l'Ecole  (ad  Lucilium,  GXXI)  :  principale  animi  quodam  modo  se  habens  erga  corpus,  —  ce 
qu'on  peut  librement  traduire  (d'autant  plus  librement  que  Sénèque  lui-même 
trouve  cette  dénhition  embarrassée  et  obscure)  par  «  un  corps  subordonné  à  une 
raison  ».  Sénèque  ne  manque  pas  d'ajouter  que  la  constitution  varie  d'un  âge  à 
L'autre  et  évolue,  bien  que  nous  restions  le  même  homme  depuis  l'enfance  :  ego 
tamen  idem  sum,  qui  et  infans  fui,  et  puer,  et  adolescens.  C'est  à  peine  si  la  définition 
et  cette  remarque  complétée  par  cette  restriction  permettent  de  distinguer  dans  un 
rtr«  sa  «constitution  »  de  sa  «nature».  En  fait,  Marc-Àurèle  emploie  les  deux  mots 
comme  à  peu  près  synonymes  (III,  9;  y,  V'»  :  voir  la  note). 

Le  manuscrit  qui  a  servi  à  l'édition  de  Xylander  portait  à  la  suite  des  mots  ounep 
i'vE/.ôv  Êxotorov  xotTcffxeuaffTat  le>  mots  7:;>ô:  00s  xatTaffxeuaorai  (sic),  qui  manquent 
dans  le  l  aticanus  1960,  et  qu'on  peut  sans  témérité  considérer  comme  une  glose.] 


Il    s      I    I  Ml        M  \lv  M    l.l    I    I 

OÙ    rs|    -;i    lin      I  I    C    I      <ni    Intel  ôl    I  I      I  »ii    lum       <|..n<      l<     I 

l'animal  raisonnable    c'est  la  '    J'ai,  en  effi 

déjà  '  que  nous  étions  nés  poifr  nou 

,-\  Idenl  que  1rs  6ti  ei  Inféi  ieui      ont  fait    poui  le     u| 

el  les  supérieurs  les  uns  poui  le    autr(      (,i    l<  fttn     rivanti 

ionl  supérieur!  à  ce  qui  esl  Inanimé  el  Ici  i  Ire  raisonnable! 

aux  êtres  s  i\  »  n  »  - 

17 

Poursuivre  l'impossible  esl  une  folie;  or,  il  esl  impossible 
que  les  méchants  n'agissent  pas  comme  tel 

18 

Rien  n'arrive  à  personne  que  1  « •  nature  ne  l'ail  mis  à  même 
de  supporter.  Les  mêmes  accidents  arrivent  à  tel  autre  qui,  soi! 
qu'il  ne  B'en  rende  pas  compte,  soil  qu'il  veuille  faire  montre 
de  grandeur  d'âme,  tient  ferme  el  demeure  invulnérable, 
Wst-il  pas  étrange  que  l'ignorance  el  la  vanité  soient  plus 
énergiques  que  la  sagesse? 

19 

Les  choses  elles  mêmes  n'atteignent  pas  le  moins  du  monde 
l'âme  l;  elles  n'ont  pas  d'accès  jusqu'à  elle;  elles  ne  peuvent 
ni  la  changer  ni  l'émouvoir;  seule  elle  se  modifie  el  s'émeul 

elle-même;  c'est  elle  qui  confère  aux  accidents  extérieurs  un 
caractère  en    conformité   avec   le  jugement  qu'elle   porte    SUT 

elle-même. 

20 

V  un  certain  point  de  vue,  les  hommes  nous  touchent  de 
très  près,  en  tant  que  nous  devons  leur  faire  du  bien  et  les 
supporter;  mais  en  tant  que  certains  d'entre  eux  s'opposent 
à  notre  œuvre  propre,  les  hommes  entrent  pour  nou-  dans  la 


i.  [Var.  :  «la  solidarité.»] 
».  Cf.  II,  i;  III,  4;  IV.  3;  plus  bas  :  \l.  18. 
3.  Cf.  V,  3o;  VI,  23;  VII,  55;  XI.  18. 

.'i.  [Par  «âme»  entendre  ici  le  principe  directeur.  Cf.  tnfra  \.    •-.  <-t  la  longue 
Dofte.l 


BIBLIOTHÈQ1  l     M  -    I  M\  i  RSITÉfl    M     MIDI 

catégorie  <lc-  choses  indifférentes,  tout  autant  que  le  soleil,  le 
venl  OU  une  bête  sauvage.  Os  objets  seraient  (le  nature  ;i 
entraver    notre   action;    mais    |a    tendance1    el    la    disposition 

intérieure9  ne  sont  empêchées  par  aucun  obstacle,  parce  que 
nous  laitons  nos  réserves 3  et  changeons  d'objet:  la  pensée 
détourne  et  transforme,  en  se  Les  assignant  comme  un  but,  les 
obstacles  mêmes  que  l'action  î  rencontre;  ce  qui  nous  empêche 

d'agir  nous  devient  le  motif  de  notre  action,  et  ce  qui  DOU8 
barre  la  route  devient  ce  vers  quoi  nous  marchons. 

21 

Honore  ce  qu'il  y  a  de  meilleur  dans  l'univers,  c'est-à-dire 
ce  qui  se  sert  de  tout  et  dirige  tout.  Honore  de  même  ce  qu'il 
y  a  de  meilleur  en  toi,  et  qui  est  parent  de  l'autre.  Chez  toi,  en 
eflet.  c'est  ce  qui  se  sert  de  tout  le  reste  et  gouverne  ta  vie  5. 

22 

Ce  qui  ne  nuit  pas  à  la  cité  ne  nuit  pas  non  plus  au  citoyen. 
Dès  que  tu  auras  l'idée  d'avoir  éprouvé  un  dommage,  aie 
recours  à  cette  règle  :  si  telle  chose  ne  nuit  pas  à  la  cité,  elle 
ne  me  nuit  pas  non  plus  à  moi-même;  si  au  contraire  la  cité 
en  éprouve  un  dommage,  je  ne  dois  pas  m'irriter  contre  celui 
qui  l'a  causé,  mais  lui  montrer  son  erreur  6. 

î.   [Var.  :  «  l'impulsion.  ».  —  Cf.  supra  111,  16,  3e  note.] 

2.  Les  Stoïciens,  d'après  Simplicius  (Catégories,  6i,  p),  définissaient  la  «dispo- 
sition )>  (giâôeaiç)  une  «  manière  d'être»  ou  «détermination  première»  (sEi;)  qui  ne 
comporterait  pas  de  degrés  :  toc;  (xàv  Ifaç  èittTeiveoOau  ôviva<r6ai  xai  avfcaOat'  toU  oeoia6£- 
eretç  iveirixaToyç  stvat  xoà  devétouç.  Le  type  de  la  8tâ6£<riç,  pour  eux,  c'est  la  vertu.] 

3.  | Sur  la  théorie  de  la  «réserve»  (ûice£aîpe0iç)i  c^-  IV,  *»  e*-  VI,  5o.] 
'i.  [Couat  :  «  qu'elle  rencontre.  »] 

5.  [Voir  infra  VI,  5,  et  VI,  8,  la  définition  du  «  principe  dirigeant  »  dans  le  monde 
et  en  nous.] 

6.  Les  manuscrits  donnent  ii  xh  7iapop(oijisvov;  Cette  proposition  ne  se  comprend  pas 
el  doit  être  incomplète.  L'idée  à  Laquelle  correspondent  ces  mots  a  été  plusieurs  lois 
exprimée  par  Marc-Aurèle,  et  une  fois  au  moins  dans  les  mêmes  termes  (XI,  i3: 
Itoi|ao;  to  ftapopc£|ievov  Sellai).  Il  est  donc  très  probable  que  la  proposition  xt  to 
rcxpopcotievov  dépend  d'un  verbe  tel  que  SiôotXTSOv  ou  8sixt£ov.  [En  somme,  Aug.  Couat 
admet  ici  la  conjecture  de  Galaker,  àXkk  BsixtÉov  xi  /.ta.—  Une  indication  marginale 
du  traducteur  rapproche  ce  passage  des  pensées  VII,  -*6  ;  X,  4  ;  XI,  i3,  qui  recomman- 
dent et  justifient  par  diverses  raisons  la  bienveillance  envers  le  méchant.  C'est 
surtout,  il  me  semble,  la  aGc  pensée  du  livre  IV  ou  la  V  du  livre  IX  qui  permettra 
d'interpréter  celle-ci  :  «Celui  qui  commet  une  faute  la  commet  envers  lui-même,  »  — 
le  dommage  subi  par  la  cité  l'étant  aussi  par  le  citoyen  qui  en  est  l'auteur.  Mais,  s'il 
est  puni,  pourquoi  s'irriter  contre  lui?] 


il  n    ii  s    ni     m  Ul<      m  ii  i  i 


23 


Réflécl «\ en(  •■  la  rapidité  en •  ••  laquelle i   '  rmpoi  t< 

tout  ce  <|ni  existe  el  toul  ce  qui  nall  La  matii  n    •   I  comme  un 
neuve  qui  coule  sans  cesse  ;  un  changement  continu  <  it  la  loi 
ion  te  .1  <  1 1  \  [té  ;  loul  principe  eflflcienl  esl    ujel  à  mille  n  ai  latiori 

i    |<  louai       lut  tan 

..   |<  i mi. il       lei  pu i  lan    un  poi  i"  Un  h  liant  omri  l 

unissent  mille  variations...         Mon  coIIpru    m    llamelin,  dont  la  crltlqu 
souvent   pi  i  «  ieuae,  Ml  à  cetfc    Induction  un  doubli    reproch< 
1 1  m  •  m  m  • ,  1 1 1 .  ■  esl  ni'  i  il  laine  (que  devons  noui  entendre  pai     l<         i  •  I 

i ...    suffisamment  la  distlm  lion  ou  !<•  rapp<  1 1  d<     i  m 
replat  ée  dan  i  l<  -  Pensé  i,  ell<  eal  Infli  m<  a  pai  loui  k 

Stich  |  où  le  rencontre  le  pre r  d  pai  bon  d<  >n 

h  ure  lo  fécond.  Nous  voulona  dire,  pour  ce  qui  eal  de  l'interprétation    ! 

m  i  .il  •  ..m  iei  ôquivalenti  i  »,  que  M    Coual 

Pierron  el  M.  m>«  haut)  Iraduil  d'ordinaire  pai   i  forme    et  Ici  leulemenl  pa 
el  qui,  en  n  alité,  désigne  le  i  principe  effli  ienl  el  formel     l'opposa  ni  .«  la    m  il 
rj,  oùefa)  qu'il  détermine  (cf.  rapra  l\ ,  n,  dernière  note  .  pi  ul  pu  n  In  ai 
très  particulier  i**t  — <iii«^  IfaroAurèlc  limite  ion  horizon,  et,  au  lieu   d 
universelle,  ne  considère  plus  que  la  nature  humaine; qu'il  n  a, en  effi 
lelle  pensée  (IV,  n)  où  le  mol  xtriov  <a:.::a  ou  alterne  avei    le 

telle  autre  i IV,  'i<»  :  \ « >ir  la  noir)  où  n  lui  cède  sa  pl«  n  Irait  i 

lemonl  à  l'ospril  d'un  lecteur  de  la  traduction  •!<•  M   Couat,  lorsqu'il  n  ti 
n  causes»  nommées  à  coté  des  «puissances  de  la   vie»,  de  complet   au  nombri 
peut-être  au  premier  rang  des  «causes»  les  âmes  humaines.   Fin  ce  qui  i    ocerne 
Ivlpytiot,  il  «>sl  aiaé  de  vérifiera  l'aide  de  l'index  que,  sauf  un  seul  cai    IX, 
substantif  est  expressément  qualifié  par  pueixA;  (et  désigne  non  la   rie,  mais,  tu 
contraire,  la  mort),  Marc  Uirèle  lui  donne  toujours  une  signification  pratique 
pour  ainsi  dire,  toul  humaine.  D'après  la  traduction  même  de  M  Couat,  il  n'exprime 

guère  «I  »ns  les  Pensées  que  l'activité  propre  à  l'N m*',  et  parfois  (cinq  fois  iui  dix- 

huit),  el  surtout  quand  il  esl  employé  au  pluriel (exempl     \  I  résultat 

activité,  c'est-à-dire  :  uns  actions.  C'est  dans  ce  sens  qu'au  début  de  la  pensée  \il 
il  alterne  avec  le  mot  irp&Çiç.  Le  verbe  de  la  même  famille,  se  trouve  avoii 

dans  1<>>  Pensées  un  emploi  t«»ut  aussi  particulier  que  celui  du  lubstantif:  il  i  | 
sujets  AJ*r/rt  \  II,  i(>),  r,  ex  ?o0  i\-;.y.  ( I\,  3i),  —  jamais  pjotç.  si  cette  statistique  ne  peut 
être  invoquée  comme  un  argument  décisif,  on  conviendra  qu'elle  rend  fort  au 
les  traductions  qu'on  a  jusqu'à  présent  données  d'cvépyeiai,  et  que  très  vraisembla- 
blemenl  il  y  a  mieux  à  trouver  ici  que  les  mots  «  actions,  forces  <m  énergî  i 
nature»  (Pierron,  Bartbélemy-Saint-Hilaire,  M.  Michaut),  —  ou  même     pu  i  de 

la  vie  »,  comme  a  écrit  M.  Couat. 

En  jugeanl  ces  diverses  traductions  insuffisantes,  je  ne  prétends  pas  d'ailleurs  an* 
Marc-Aurèle,  surtout  je  ne  prétends  pas  que  les  Stoïciens  n'aient  jamais  voulu  exprimer 
par  Èvépyeia  que  l'activité  propre  à  l'homme  ou  les  actions  humaines  :  il  suffirait 
l'expression  ;p-j<7r/.r(  èvépreia  que  j'ai  citée  plus  haut  pour  me  contredire.  Mais  j'en- 
tends  par  ce  mol  toute  activité  du  type  de  la  nôtre,  ou  toute  action  accomplie  par  un 
vivant.  On  sait  que  la  nature,  pour  les  Stoïciens,  est  un   vivant.  —  Ainsi  défie 
général,  l'evspYsta  s'oppose  à  l'oùota,  c'est-à-dire  à  la  matière  i;  se  distingue 

de  l'ait  t'a.  Elle  s'en  distingue  surtout  par  deux  caractères  :  i°  L'dtrcfa  est  le  principe 
de  toute  détermination  de  la  matière;  elle  est  donc  dans  la  chose  la  plus  informe 
comme  dans  l'être  achevé:  l'èvépfeta  est  propre  aux  êtres.  3  Tout  être  révèle  une 
a'.T''a,  d'où  il  est  issu  :  toute  svépvEta  révèle  un  être  constitué  et  vivant,  dont  elle  est 

la  fonction,   riyova: -po;  svlpyetotv,  dit  Marc- Uirèle  à  la  première  pensée  de  ce 

livre  V,  où  il  tâche  de  déterminer  (cf.  à  la  3e  lijLrne  l'expression  si  précise:  &s  svexî  * 
Ys^ova)  la  cause  finale  de  l'homme.  Dans  l'École,  le-  logiciens  rapportaient  l'xtrca  et 


</l  BIBL1U1  m  Ql  l     i>l  S    I  MVi.ltM  i  ES    i>i     midi 

Presque  rien  nV>t  Btable1,  el  loul  proche  est  le  gouffre  béant, 
l'infini  du  passé  el   de  l'avenir  <>ù   tout  s'évanouit.  Wsi   il 


.7.  ;i  deux  catégories  différentes  •  \>,  xotev  ou  vj  Rotérvic,  qui  traduit  on  dialec 
tique  (cf.  infra  I\.  :».">.  en  note)  l'abstraction  exprimée  en  métaphysique  par  r,  -, 
est  l(  n<  m  du  second  de  leurs  Rpâta  vlvi]  </>///■'/  \  I,  i/i,  ir*  note;  cf,  Zeller,  Phil. 
der  '/"..  III*,  p  ..'  l'evfprtta  est  (»/,;,/..  p.  101;  infra  VIII,  7.  en  note)  une  dei 
catégories  «lu  -m;  k'/ov.  comme  la  passivité,  son  contraire,  comme  la  grandeur,  la 
couleur,  le  temps.  i<.  Heu,  le  mouvement,  etc.  Si  Marc-Aurèle,  qui  ne  se  piquait 

pas  d'être  un  dialecticien  (infra  VII,  67),  noi •  i<  l,  i  côté  du  principe  de  tout  mode 

de  la  matière,  < <*t  attribut  des  seuls  vivants,  c'est  d'abord  <j u<-.  parmi  «tout  ce  qui 
existe  el  tout  ce  qui  naît  - .  les  /lies  comptaient  pour  lui  beaucoup  plus  que  les 
choses;  c'est  aussi  parce  que,  quoique  Stoïcien  (sapro  IV,  31,  note  finale),  il  n';i\.iii 
l»;is  pris  l'habitude  de  toujours  ramener  toutes  les  causes  —  fin,  tonne,  temps,  et 

—  ;i  une  s,. i,|r. 

I  >i .  sj  jamais  L'unité  du  principe  efficient  el  de  la  cause  finale  esl  manifeste,  c'est 
lorsque,  sous  Les  noms  d'ottTfa  et  d'cvépyeta,  on  les  considère  dans  le  \i\;mt.  Nous 
sommes  nés  pour  agir,  sans  doute:  mais  qu'est-ce  qui  agit  en  nous.'  Le  principe 
efficient  el  formel.  Lorsque  kfarc-Àurèle  Lui-même  oppose  (l\,  3i)  xk  à«b  t/jc  extôc 
'v.~:x:  9uu.6atvovroc  a  xa  7:apà  tt,v  l\  r(u.ô>v  alxiav  (vepyo*j|i.cva,  il  est  certain  que  pour 
lui  la  seconde  au  moins  de  ces  ol\-;.-x'.  est  une  àvfpycia.  On  ne  saurait  donc  voir  en  088 
mots  des  termes  contraires»  Mais  nn  p(Mit  toujours,  en  considéranfla  génération  el 
l'évolution  des  êtres,  distinguer  un  moment  où  L'alita  devient,  nn  autre  où  elle 
d'être  nue  gvépysta.  Quand  «l'homme  s'est  retiré,  laissant  la  semence  dans  la  matrice) 
(X,  <»>,  la  môme  «raison»  (X070;  f77:zp[LOLxiy.6z)  incluse  dans  le  germe,  qui  tout 
à  l'heure  encore  était,  chez  le  père  (Zeller,  Phil.  der  Gr.,  III3,  p.  198),  la  faculté 
d'une  Ame  vivante  et  active,  n'est  plus  que  le  principe  efficient  de  l'être  à  venir 
(infra  \,  aO;  voir  les  notes),  nlviatt  aussi  mais  non  èvsfyetat,  tous  les  autres  facteurs  qui 
du  germe  feront  le  fœtus,  et  du  fœtus  l'enfant.  A  moins  qu'on  ne  regarde  toute  cette 
_n<  se  comme  une  œuvre  de  l'être  parfait  et  unique,  comme  l'action  d'une  force  ou 
faculté  (oJvau.i:)  de  la  nature:  de  ce  point  de  vue,  toute  différence  disparait  entre 
svépyeiai  et  a:îia'..  C'est  pour  cela  précisément  que,  lorsque  ces  deux  noms  se  trouvent, 
comme  ici.  en  présence  et  demandent  à  être  distingués,  on  doit  éviter  le  mot  «  nature  » 
dans  la  traduction  qu'on  en  donne.] 

1.   [Couat:  «  Presque  rien  n'est  stable;  près  de  nous,  ce  goufre  infini » —  Il  m'a 

semblé  qu'ainsi  groupés  comme  un  substantif  et  son  épithète  ces  deux  derniers  mots 
perdaient  beaucoup  de  la  valeur  que  le  tour  tout  différent  de  la  phrase  grecque 
donnait  aux  mots  a7i£ipov  et  dr/avf:,  l'un  sujet,  l'autre  attribut,  détachés  aux  deux 
extrémités  de  la  proposition.  D'accord  avec  M.  Couat,  j'ai  adopté  ici  la  ponctuation  de 
Goraî,  qui,  déplaçant  le  point  qui  est  dans  la  vulgate  après  xa\  to  TrâpcYyjr,  fait  de  *ài 
7/coov  o-joèv  i<77«'>;  une  phrase  complète,  et  une  seule  expression  de  xatxb  icaprrvu;  ré6s 
focetpov.  Dans  cette  expression,  l'ordre  des  mots,  qui  est  exactement  le  même  que  dans 
un  passage  des  Miilippiquesil,  19:  xà:  s7rc<7TOAtfjiaio-j:7ajTaç  5-jvâu.etç),  et  qui  n'en  est  pas 
moins  extraordinaire,  mettrait  en  vedette  l'adverbe  Ràpeyyuç,  comme  Test  l'adjectif 
£7iKTTOAt{i.ato'j;  dans  le  texte  de  Démosthène  que  je  viens  de  citer.  Cette  intention  de 
l'auteur  est  très  bien  rendue  par  le  tour  que  M.  Couat  a  donné  au  commencement  de 
<a  phrase.  —  Le  changement  de  la  ponctuation  dans  les  textes  anciens  est  toujours 
licite  pour  peu  qu'il  soit  utile  au  >,>Ms  .  on  no  peu(  guère  contester  qu'il  s'impose  ici. 
On  doit  aussi  accorder  à  dorai  la  restitution  d'un  article  dans  l'expression  70O  ts 
icapwyvpiéTo;  xai  [tov]  fiiXXovroç, —  restitution  moins  nécessaire  à  la  clarté  qu'à  la 
correction  de  la  phrase.  Mais  je  crois,  comme  M.  Couat,  qu'il  serait  téméraire  d'aller 
plus  loin.  Si  aisément  qu'ait  pu  se  commettre  la  faute  qui  eût  réduit  sveorcStc  à 
3(txw;  après  ovôév,  et  si  spécieuse  que  soit  ici  l'opposition  du  présent(6  £ve<tto);;  même 
expression  plus  bas,  VII,  29)  au  passé  et  à  l'avenir,  nous  ne  pouvons  faire  la  troisième 
correction  que  demande  Coraï.  La  phrase  aysoov  oùôàv  ïg~îù;  est  aisée  à  comprendre: 
elle  résume  —  en  les  atténuant  (t/îcôv)  —  celles  qui  la  précèdent.  Au  contraire,  dans 
t/îoov  oxfàhi  Eveorto;,  que  M.  Michaut  traduit  par  le  «présent  n'est  presque  rien  ».  les 
grammairiens  trouveront  qu'il  manque  un  article  devant  le  sujet,  et  les  philosophes 


i  i        i  i        m     \i  mp      \i  m  i  i 

donc  pafl  un  fou    'lui  qui    nu  milieu  de  U  ml  H 

ou  s 'agite,  <»u  se  tourmente  en  comptanl  poui  quelq 
la  oause  <!<•  ion  trouble,  le  momenl  <»m  il  l'a  <  ow  u  el  l(  b  i 
qu'il  peul  durei 

(|uo  la  i  lue  rien     osl  I 

I,      au!  '|"'    """  '   I"'     '    h   "  ''  '     '    '""'   I"""     """ 

limite  d<  •!•  u  i  i"  ml 

< menl  Mu'    \ urelc  lui  m(  me  pmil  il  h 

i  Iims.  toute  m  .1  i  il  «  u  i  ue  l(  i  que  II  lUbilil 

des  êtres,  .iixiii  I       i  i,  i  u  i 

«,ii  que  l'apparente  i-n  •  »  it<  ■  ■  *      l»«  »  >•  .  qui  i 

de  noa  m. un-,  durent  plui  qu<  i «  il  i  av<  iuc  que  | 

de  ||  \ 1 1 1  •  .1 1 . • .(  de  M   s'"  i»    il  l'aval     p  n      p  >uvoli  Ui  i    lu     •       l< 
«  presque  rien  n'osl    table,  même  approximati  m  >i    qu<  I  uhiM 

r.u  tiole  dam  l'exp  idverbiali  rail  II 

logique  '  Puii  croll  on  qu'api 

h.uh  .u-,  ;tpirs  le  mni    ■  m.  ii  •  ,  il  -nnhle  parfois  indifl 
pas  même 

Quoi  qu'il  en  toit,  s'il  eal  pour  les  SI ena  quelqu<  d'absolu  table 

dans  le  monde,  ce  ne  peul  être  que  la  raison  du  mond       i    lu 
l,i  raison  en  laquelle  réside  son  identité,       celle  qui  ne  s'éteint  ps  Zellci    P 

./<•/•  0r.,  lll'1,  p.  i5i,  il  i)  quand  l'air,  l'eau  el  la  len  I  innenl    lani  l'itnivei 

ombrasemenl  :  c'esl  la  l«»i  elle-même  des  i  hangemenls  qu'ils  voient  partoul    II-  ne 
p  luvent,  «n  effet,  se  passer  de  cette  idé  .  sans  laquelle  il  n*>  si  poinl  le  |ue 

l<^  plus  logiques  d'entre  eui  diseni  que  la  loi  eal  un  animal,  lii     mati<  n    Ils 

admettent  que  la  l<>i  eal  changeante,  comme  toute  mati<  [u'elle  n 

plus  la  loi.] 

i.  [Goual  :«  souffle.  » —  Saoa  doute  cette  traduction  s  le     s'ei 

avec  li1  contexte,  notamment  arec  les  mots     s'agite,  —  se  tourmenl  .       -  m  troubb 
Mais  l»»  texte  porte  xnjotAiisvo;,  non   awàv.  La  dernière  prop  «itl  un,  s  en 

comptant  pour  quelque  chose ,   ux  :•,  rtvi  xpovu •  >,  n'explique  que  I 

T-/£TAiâ^(ov  («  se  tourmente  »),  non  l'ensemble  des  trois  verfo 

2.  [Couat  :  s  comme  si  le  temps  était  quelque  chose  <ii  comme  si  ce  qui  le  Iroubli 
devail  durer.»  —La  vulgate  donne  :  u>;  ïv  rivi  xp6vta  xat  snftuixpbv  Svoy^X^ea  itil 

singulier,  qui  ne  ><•  rapporte  à  aucun  terme  de  la  phrase,  el  à  la  place  duquel  ou 

attendrait  un  accusatif  absolu,  s  été  corrigé  par  H«i-k<  ■  en  l-<r*fr'r~,-x~:.  qui    M  oons- 
prend  sans  doute  fort  aisémenl  (pouvanl  s'accorder,  une  ligne  plus  haut,  i 

6  svtojto'.:  ç'jt(.);j.£vo:);  mais  ou  comprend  moins  bien  comment  la  faut.-  aurait  p 
commettre.  Les  derniers  traducteurs  français  de  Maro-Aurèle,  n  compris  M 
semblent  avoir  admis  la  retouche  de  Reiske.  M.  Couat  est  le  seul  qui  ail  préféré  à  la 
leçon  traditionnelle  êiù  [xixpov  celle  du  Vaticanas  1900  (=  l),  1-:  puntpov,  que  M    Stich 
a,  de  son  côté,  accueillit'  dans  son  texte.  Je  ne  saurais,  moi   non  plus,  comprendrt 
Sfci   txe/.pov  :   Picrron   et   M.    Michaut  —  pour   ne  citer   qu'eux  —  n'onl   : 
exactement  cette  expression  sans  lui  sacrifier  le  contexte.  Pierron  :      comnn    - 
tourments  pouvaient,  même  un  instant,  lui  causer  la  moindre  importunité;     Mi  d  oit  : 
«  comme  s'il  en  pouvait  souffrir  même  un  instant  et  même  un  peu. 

On  remarquera  la  valeur  qu'a  prise  aux  yeux  de  M.  Couat  le  m 
pression  :  k'v  nv«  ypovt.K  Sa  traduction  —  «  comme  >i  le  temps  était  qu  -       — 

est  d'accord  avec  le  sens  général  de  la  pensée  :  elle  y  ramène  l'idée  que  Coraïfen 
lisant  £vstt(o:  pour  sortô;.  avait  voulu  tirer  d'une  phrase  antérieure  Si  ingénieu» 
séduisante  qu'elle  fût,  cette  interprétation  m'a  semblé  un  peu  risquée.  J'ai  cru  qu'elle 
se  défendrait  mieux  si  une  antithèse  ou  tout  au  moins  une  répétition  mettait  dans 
la  phrase  grecque  xvn  en  pleine  lumière.  Telle  est  la  première  raison  qui  m'a  fait 
corriger   Èvo^X^<ravtt,  non  en  svovf/.r.Tatf:  comme   Eteiske,    mais  en  Èvoyj  La 

seconde  est  qu'après  ma   correction  (qu'on  se  report-'   à   l'époque  où  l'écriture   ne 
séparai!  pas  les  mots)  le  texte  e^t  encore  intact.] 


<>(')  BIBLIOTHEQUE    DE8    UW1VBR81TE8    Dl     MIDI 

24 

Pense  à  la  matière  totale  ',  donl  tu  as  reçu  une  parcelle:  à 
la  durée  toul  entière,  dont  un  court  et  un  imperceptible 
intervalle  t'a  été  attribué;  à  la  destinée  donl  lu  es  une  partie, 
combien  petite! 

25 

I  n  autre  se  rend  il  coupable  en  vers  moi? C'est  son  affaire; 
il  a  sa  disposition9  propre,  sa  propre  activité.  Moi  je  suis  > 
maintenant  ce  que  la  nature  universelle  veut  que  mainte 
nant  je  sois,  je  fais  ce  que  ma  nature  veut  que  je  fasse 
[maintenant]. 

26 

Que  la  partie  de  toi-meme  qui  dirige  et  gouverne  ton  âme 
demeure  inébranlable  aux  mouvements  de  la  chair,  doux  ou 
rudes 4;  qu'elle  évite  loute  confusion,  s'enferme  dans  ses 
propres   limites  et  circonscrive   dans   les    membres  l'ébranlé 

i.  fCouat  :  <■  à  la  substance  tout  entière.  »] 

2.  fCouat  :  «  sa  propre  constitution.  »  —Sur  le  sens  que  les  Stoïciens  donnaient 
à  o'.âOsT'.:,  cf.  U  seconde  note  à  la  pensée  V,  20.] 

3.  [La  traduction  littérale  serait  plutôt  «  j'ai  »  que  «je  suis».  Mais  il  y  a  une 
correspondance  évidente  enlre  les  expressions  importantes  de  la  pensée,  qui  se  répar- 
ti— ni  naturellement  en  deux  groupes  symétriques.  D'un  coté  :  giocOstiv,  ïyu),  q  xoivtj 
ç-jox;  («disposition  ».  «j'ai»,  «  la  nature  universelle»);  en  face:  ÈvfpyEtav,  ^paTif»,  r, 
È|iY]  puatç  («  activité  »,  «je  fais»,  «  ma  nature  »)•  Dans  le  pronom  neutre  qui  sert  de 
régime  à  ïy(»  est  incluse  l'idée  de  nyv  6'.â0s?iv,  de  même  que  rrçv  svspyîiav  serait  le 
complément  réel  de  icpaffow.  Or,  entre  les  expressions  «  avjir  telle  ou  telle  manière 
d'être  >  et  «  être  tel  ou  tel  »,  la  différence  de  sens  est  nulle.  —  D'autre  part,  l'affinité 
est  manifeste  entre  la  «disposition  »  et  la  «  nature  »  :  Tune  et  l'autre  sont  définies  pai- 
lla Stoïciens  des  «  déterminations  premières  »,  bÇsi;  (supra  V,  20,  2e  note,  infra  VI, 
i't  et  Vi,  en  note);  à  ne  regarder  que  l'emploi  des  deux  termes  dans  les  Pensées,  et 
notamment  les  épithètes  qui  accompagnent  à  l'ordinaire  le  mot  Sidcôtmç  (çtXqTiXT) 
Xftt  ffrspy.T'.y.r,,  X,  1:  Ma,  VI,  3o ;  StxaïxV),  V,  34;  Xoytxij,  V,  28;  wricaCouivq  ~av  ro 
ffV|t6*ïvov,  IV,  33;  sOjxsvr',:,  IV,  25  ;  —  OU  TiapoOaa,  IX,  6),  la  «disposition»  nous 
parait  être  dans  un  agent  moral,  considéré  à  un  certain  moment,  un  mode  ou 
un  aspect  de  sa  «nature».  C'est  encore  cette  définition  qu'on  peut  déduire  du 
présent  passage  où  5tdc0e?ic  se  trouve  à  côté  de  pvortç,  où  les  sujets  sont  consi- 
dérés comme  agents  moraux  (Èvô>  ...-pâTTi»),  et  où  Marc-Aurèle  semble  avoir 
affecté  la  répétition  du  mot  /•>/.  On  forcerait  à  peine  le  sens  de  la  dernière  phrase 
en  l'interprétant  ainsi  :  «J'ai  la  nature  que  veut  que  j'aie  la  nature  universelle,  et, 
ce  que  ma  nature  veut  que  je  fasse,  je  le  fais.  »  Nous  retrouverions  ainsi  dans  cette 

e  l'affirmation  de  l'accord  des  deux  natures  que  nous  avons   eu  un   peu  plus 
haut  (V,  3)  l'occasion  de  signaler.   Il  n'y  a  pas,  pour  Marc-Aurèle,  antithèse  entre 

£(XT,  et  XOtVTj.] 

\.  fCouat  :  «-  au\  mouvements  Légers  ou  violents  de  la  chair.  •>  —  Cf.  cinq  uoles 
[dus  bas.] 


I    I     s      I    I  I  \  I    Mil 

mon!   <|ii  il      ubl    oui      I  01  que      en  raison  d<    i        mpalhie 

(je  prendi  ce  mol  dam  I  autre    an      qui  1 1   aile 

avec  le  oorp    .nu  i  agité    la  pen  ée  perçoil  mou i •  nu 

I   .       j  <     '  'll.l  i  I    l      .    I  I  ■  'Il         •  |    I  II  •      |-     i  |  I      .  |.  .1  I  i    |  |  !,«•  || 

CI      pra  III9  69  4   ,'"1,    •  I    Ici  m  m 

<  «.h. il    «  Quand,  d  milrc  pai  i   |>oi  i  ■  n  i  >i  nn< 
t.  iii..iiiciii  ju  qu'à  (vai      retenti  i.-  ion  u 

\  oii  l(  il   uhrent.  | 

i  i   I ■  1 1   p  'i  l  de  m    Couat  :  ■'  par 

I  .  11.  I    il'tllM'    snlnlai  il.     iimlii.  II.  Il    i  |n  „  mulu 

fi     I    M   .1.   Iil.  lli.  le    ||    M      (    ..il.lt    II   .1    |».is     lu         ,    ,  ,|  ,, 

s. mi  ooté,  m    Rendall  {Journal  <>/  Pkiloiogy,  \\iii 
9eitui  Ben  pi  i  ioui  que  nous  i  iloni  plu    bi     I  \ 

des   lll<  »t-    |  (  et  9UU71  I'   ni    |i.i  ,i    f .  f  • 

X«  xk  uioi)v  voudrait  <  »rrigu   1. 1  irtantque 

puisse    sr    .  ■  »ui  |>t .  ii.l  r  «  .   tel    .|n  il    est     M  n        \hi.  I<-  OpDOM    il  I    d  ioni  de    Il 

(sympathie  »  du  oorpa  et  <ie  la  pensée    lu  ioni  littéral  et  vulgaire  du  m 

l'âme  s'associe  pai  lee  paaaiona (nd6v))  aux  ébranlement    que    ubil 

rcaOq),  la  «  lympathie  »  eat  mie  servitude.  Aussi  Marc  turèle  l'a  t  il  i  ondamn<  e,  non 

seulement  dani    h»   première   partie  de  «.t    article,  mai*    .i   l.i  lui   il'uiic  auti 

(VII,  66  :  voir  la  note  rectifiée  sus  iddenda),  où  il  !.•  nomme  nettement  i.'  autre 
lympathie»  esl  légitime  ••!  nécetaaire  Le  Stoïcien  en  fondent  la  noUon  mr  la 
diaUncUon  de  troii  lypei  d'unitéi  {infra  VII,  i3,  i    note),  il-  diaenfl  d  i  «lie 

n'est  possible  (infra  l\,  g,  6*  note)  qu'entre  les  partiel  d'un  n* 
dire  de  la  même  chose  ou  du  même  être  défiui  par  un  princi|  ni  interne  ou 

une  nature  propre;  et  ila  ajoutent,  comme  ici  (m; 

ne  et  l'effet  de  son  unité.  Tour  comprendre  cette  notion  loul  abstraite,  il  faui 
donc  oublier  que  dans  avu.~â0:».7  il  y  ■  juàdo;,  ou  du  moini  oublier 
donnait  dans  l'École  (supra  111,  i0,  3'  note)  i  ce  dernier  mot 

Ainsi   entendue,   la  «sympathie»  du  corps  et  de   l'âme   n'a  pas   besoin  d 
démontrée.  C'est  un  fait  d'expérience  constante;  théoriquement,  elle  est  Impli 
dans  le   matérialisme  universel.   Elle  est  limitée,  sinon   contredite,   par  l'affirmation 
de  l'absolue  indépendance  du  principe  directeur,  et  par  la  notion  d'une  loul  autre 
m  lympathie »  qui  constitue  la  cité  dei  âmes  (infra  Vil,  i3,  iM  note;  i\         '  note;. 
Ce  sont  surtout  les  Stoïciens  de  l'époque  romaine  qui  96  sont  avisé-   d<-   cette  double 
antinomie  et  elTorcés  de  concilier  la  vérité  psychologique  et  l'idéal  moral.  En  allir- 
mant  hardiment,  au  rapport  de  saint  Grégoire  de   Nysse,  que  rotucatavei  rt  -l-y/r, -ù> 
aiô^axi  voeoûvrc  XOti  Tp£|AOULéva>,  /ai  to  <T(ï>ij.a  rr,  'l'J/r,,  Cléanthe   mettait  de  niveau  dans 
la  «sympathie»  le  corps  et  l'âme.   Nous  verrons  dans  les  Pensées  —  dans  la  même 
pensée  (VII,  1 3,  début)  où  Marc-  VurMc  oppose  les  deux    ■  sympathies     qu'admette 
Stoïcisme  —  les  âmes  comparées  aux  membres,  et  le  corps  seul,  non  l'homme,  ronsi- 
déré  comme  type  d'vpcouivov.   Ici,   sans  doute,   Marc-Aurèle  fait  rentrer   l'âme  et  le 
corps  dans  la  même  unité  simple,  et,  comme  Cléanthe.  en  affirme  la  «  sympathie 
mais  en  même  temps  il  prétend  laisser  au  corps  son  domaine,  à  l'âme  >a  liberl 
partage  de  telle  sorte  la  sensation  entre  les  deux,  qu'il   laisse  à  l'un  toute  la   réalite, 
à  l'autre  la  seule  notion  de  celle-ci  (voir  les  notes  suivantes). 

Un  peu  plus  loin,  j'ai  écrit  les  mots  u  ainsi  agité  »  pour  répondre —  tant  bien  que 
mal  —  à  la  préposition  sv,  qui  a  été  négligée  par  ML  Couat.  L'affirmation  énergique 
du  caractère  surtout  physiologique  de  la  sensation,  la  conception  de  la  douleur  et  du 
plaisir  comme  des  mouvements,  l'attribution  trois  fois  exprimée  de  ceux-ci  au  corps 
seul  m'ont  paru  trop  significatives  pour  être  dissimulées  dans  la  traduction.] 

4.  [Le  verbe  àva8iôo<rflat  désigne  proprement  la  digestion.  On  le  rencontre  une 
autre  fois  dans  les  Pensées  (IV,  4o:  voir  la  traduction  rectifiée  aux  Addenda).  Marc- 
Aurèle  veut  dire  ici  que  la  sensation  n'est  que  l'aliment  de  la  pensée,  c'est-à-dire  lui 
esta  la  lois  étrangère  et  nécessaire,  et  que  celle-ci  la  fait  sienne  en  la  transformant; 
là,  que  tout  alimente  la  sensation  de  l'être  unique,  el  se  perd  en  elle.  Dans  aucun 
des  deux  passages  je  n'ai  cru  pouvoir  traduire  littéralement. 

A,      COUAT-P.     FOLRMÇR 


Bit) MOI  m  <>i  I     di-    i  M  \  ERS1  i  ES    Dt    midi 

il  ne   Faut  pas  essayer  de  s'opposer  à   La  sensation1,  qui  est 
naturelle,  mais  il  ne  faul  pas  non  plus  que  le  principe  direc- 

i.  [Il ressort  du  prêtent  texte  sinon  une  théorie,  du  moins  une  définition  de  la 
sensation  qui  semble  ssseï  différente  de  celle  qu'on  peut  tirer  <lu  reste  des  l'irisées, 
et  qui  n'est  pourtant  pas  non  plus  celle  que  d'autres  auteurs  attribuent  aux  Stoïciens. 
j'\  verrais  volontiers  un  compromis  entre  Les  deux. 

Si  l'on  veut  négliger  pour  un  moment  le  présent  article,  !<■  recueil  de  Marc-Aurèle 
non-  offre  de  i.i  sensation  une  théorie  simplifiée  ;'•  l'extrême.  La  sensation  est  exprès 
sèment  attribuée  au  corps  ;'■  la  première  pensée  <ln  livre  \n.  et  surtout  îi  la  dernière 
du  livre  III,  où  l'auteur  a  voulu  faire  la  part  «lu  corps  et  celle  de  l'âme  dans  la  rie  de 
ranimai,  —  la  part  du  corps  et  celle  <!<•  la  raison  dans  la  vie  de  l'homme.  Il  ne  semble 
donc  pas  que  Marc-  turèle  ait  jamais  fait  la  distinction  des  9tle0rJ9tt;  et  des  ?c6|iaTixaM 
(VII,  55) ou  «î<rÔiQTtxa\  ireiaeiç  (III,  6).  L'identification  des  unes  et  des  autres  ne  nous 
est  même  pas  interdite  par  un  texte,  (railleurs  isolé,  qui  attribue  la  sensation  au 
«  souffle  "  ou  au  «  principe  vital  »  (IV,  3  :  Xeuoç  9j  zpayitùç  juvouuivc*icv&SuaTt)  :  car  ce 
texte  même  (cf.  encore  V,  33,  note  finale)  unit  le  souffle  au  corps  et  l'oppose  à  l'ànie; 
et  il  nous  est  loisible  de  supposer  ou  bien  que  les  «  mouvements  »  qui  constituent 
msations  se  propagent  jusque  dans  l'Ame  animale  (irveOjia?),  mais  meurent 
jii  seuil  de  la  raison,  —  ou  bien  que  Marc-  \urèle  admettait  déjà  comme  un  sixième 
sens   le  sens  vital. 

Or,  cette  doctrine  de  l'auteur  des  Pensées  —  dont  la  formule  dernière  se  trouve 
peut-être  à  l'article  VI,  28  (voir  la  note) —  ne  s'accorde  guère  avec  les  témoignages 
très  précis  qui  nous  ont  conservé  la  tradition  de  l'École.  Selon  Plutarque  (IJlac. 
phil.,  IV.  s3),  les  Stoïciens  distinguaient  l'<xîa6ï)<n;  des  9u>u.aTtxà  RotOr,, —  qu'il  est 
difficile  de  ne  pas  assimiler  aux  itetcet;  dont  Marc-Aurèle  a  parlé  ici.  V  la  différence 
des  Épicuriens,  qui  rapportaient  au  corps  la  sensation  elle-même, —  et  dont  notre 
auteur  aurait  ainsi  adopté  l'opinion,  —  les  Stoïciens  l'attribuaient,  dit  Plutarque,  au 
principe  directeur  :  ce  premier  témoignage  est  confirmé  d'abord  par  une  définition 
de  l'àmc  comme  0  exhalaison  du  sang  capable  de  sensation  »  (at<xôrjTtxl,v  Kvafou.t'aetv  : 
Pseudo-Plutarque,  Vie  d'Homère,  127;  cf.  infra  V,  33,  3e  note),  qui  remonte  peut-être 
à  /('non  lui-même;  puis  par  les  textes  qui  énumèrent  les  huit  parties  ou  facultés 
que  les  Stoïciens  distinguaient  en  l'âme:  principe  directeur,  raison  séminale,  parole 
et  cinq  sens  (cf.  Plutarque,  Plac.  phiL,  IV,  V,  ibid.,  IV,  21;  Diogène,  VII,  110  et  1 67  ; 
Stobée,  Bel.,  I,  836);  enfin  par  les  définitions  des  cinq  sens  qui  avaient  cours  dans 
►le  et  nous  ont  été  conservées:  ce  seraient  des  ((souffle-  ignés»,  et  plus  subtils 
encore,  m  raisonnables,  »  7iv£ju.aTa  voEpà  (cf.  supra  IV,  &,  note  finale),  a  allant  du  prin- 
cipe directeur  aui  organes»  sensoriels  (Plutarque,  Plac.  phil.,  IV,  8). 

Ici,  ce  que  Marc  Aurèle  nomme  la  «  sensation  »,  et  à  quoi  il  dit  qu'il  ne  faut 
pas  s'opposer,  doit  être  autre  chose  qu'un  état  du  corps:  car  il  n'est  que  légitime 
de  lutter,  par  exemple,  contre  la  maladie.  C'est,  nous  dit-on,  la  perception(?)  — 
to  xva8tôoe6ai  —  de  cet  état  par  l'intelligence.  Par  là,  la  ((sensation»  devient  donc 
un  fait  psychique  ;  mais  toute  la  réalité  qu'elle  exprime  est  hors  de  l'àme.  Le  plaisir  et 
la  douleur  physiques,  c'est-à-dire  ce  que  nous  considérons  conlme  la  sensation,  ne 
sont  pour  Marc-Aurèle  que  des  «  mouvements  de  la  chair  »  ;  l'âme  n'est  qu'avertie  de 
ces  mouvements,  non  ébranlée  par  eux.  Et  comment  avertie?  Il  n'est  plus  b 
d'imaginer  ici,  comme  pour  expliquer  la  représentation  des  choses  extérieures 
(çavxaaia,  rJzwT'.;  cpavrafTT'.xr,),  dont  le  nom  et  l'idée  même  sont  absents  de  cet 
article,  une  impression  (supra  III,  iG,  5*  note)  analogue  à  celle  d'un  cachet  sur  une 
cire  molle.  L'union  et  la  solidarité  du  corps  et  de  la  pensée,  celle-ci  nourrie  par 
celui-là,  celui-là  animé  par  celle-ci,  doivent  suffire  à  expliquer  la  conscience  que  nous 
avons  de  nos  plaisirs  et  de  nos  douleurs  :  ce  qui  modifie  le  corps,  en  effet,  modifie  le 
sang  et  les  vapeurs  du  sang,  dont  s'alimente  la  flamme  intérieure;  et  nous  pouvons 
ici  -upposer  qu'à  la  seule  façon  dont  l'âme  a  conscience  d'exercer  son  action  sur  le 
corps,  elle  s'aperçoit  des  modifications  (IrepoicaMrei;,  IV,  3o,  aux  Addenda)  qu'il  éprouve. 
En  définitive,  le  mot  orôrôïjTt;  comporte  un  double  sens  dans  les  Pensées,  et  il  est 
présumable  qu'ici  seulement  Marc-Aurèle  l'a  employé  avec  une  précision  rigoureuse. 
Mais  l'ambiguïté  du  mol  ne  saurait  porter  la  moindre  atteinte  à  l'unité  de  la  théorie.  | 


il  n    i  i        m     IIAIK       M  i  i  i  l 

leur    \    njoute   dr   lui   méiUG  ce  jugcmonl   qtl'cll<    «  il   un 

on  un  bien  ' 

27 

Vivre  avec  les  I >iru\    I  elul  là  vil  ove<    i1     1  >ieui  qui  leui 
montre  oon  itammenl    on  ftmc    atiafaile  de  «  0  qui  lui 
attribué,  faisant  ce  que  1  oui  le  [  énie  qu<    /■  u    b  détat  hé  de 
lui  même  el  donné  à  «  hacun   p<  ur  «  bel  el   p< >ui   [  uid( 
génie,  o'esl  l'intelligence  cl  la  raison  de  cha<  un  d<    n<  u 

iv  fâches- lu  contre  celui  qui  senl  !<•  bom      i«*   fâches  in 
contre  celui  qui  a  une  haleine  fétide?  Quf)   peul   il  Fain 
bouche,  ses  aisselles  Boni  ainsi  el  telles  qu'il  faul  bien  qu'il 
en   Borte  de  telles  émanations.    M «i i s   la   nature  s  donné 
l'homme  une  raison;  en  s'examinant,  il  peut  comprends 
défauts.   Tant    mieux!    toi   aussi    tu    i»-   une    raison;    par    U 
disposition*  raisonnable,  mets  en  mouvement  sa  disposition 
raisonnable;  montre  lui,  rappelle-lui  su  faute      5"il  te  corn 
prend,  lu  le  guériras;  la  colère  est  inutile. 

28'" 

Ni  tragédien  ni  courtisane 6. 

1.  [Couat  :  «  mais  il  ne  faut  pas  que  le  principe  directeur  y  ajoute  dp  lui-même  un 
jugement,  comme  >i  cette  sensation  pouvait  être  un  mal  ou  un  bien.  »] 

2.  [Définition  du  «dieu  intérieur»  (ôebç  iv  r,a;.v,  III,  5;.  Comparer  une  phrase  de 
la    >f>'  pensée  du  livre  \Il  :  «la  raison  de  chacun  de  nous  esl  Dieu   •    La  | 
définition  est  plus  complète,  puisque,  selon  elle,  le  •  génie  »  ou  •  démoi  ;  si 
seulement  raison,  mais  volonté  (oaa  pouXctai  â  cafawv).  Il  y  a  ainsi  identité  entre 
que    les  Stoïciens  nomment  «génie»    et  ce  qu'ils   nomment    .principe  directeur 
(Cf.  infra  VI,  8,  et  en  note,  la  définition  de  70  f,ye(iovtxôv).  Dans  la  présente  pensée 
le  mot  que  M.  Couat  a  traduit  par  «  guide  »  —  r.vsu/Jvx  —  atteste  cette  identité. 

On  sait  que  pour  les  Stoïciens  l'obéissance  à  Dieu  (cf.  supra  IN,  9;  infra  \  II.     - 
ou,  comme  il  est  dit  ici,  la  «  vie  avec  les  Dieux  »,  c'est  la  liberté. 1 

3.  Dans  le  texte,  yrpi  entre  parenthèses  donne  à  croire  que  la  phrase  où  il  se 
trouve  est  une  citation  d'un  écrivain  quelconque,  ce  qui  est  au  moins  douteux.  I  - 
manuscrits  A  et  D  donnent  sOtsi  que  je  crois  être  la  vraie  leçon. 

'1.  [Couat  :  «  force-le  à  raisonner  en  raisonnant  toi-même,  a  Sur  ia  •  disposition  », 
cf.  supra  Y,  20,  seconde  note,  et  V,  26,  ibid.] 

5.  [Var.  :  «  fais-lui  des  remontrances,  rappelle-le  à  lui-même. 

6.  «OCfa  Tpaywoô:,  o'j'ts  icopvy).  »  On  a  fait  des  efforts  ingénieux  pour  rattacher  ces 
quelques  mots  «oit  à  l'article  précédent,  soit  au  suivant.  Pour  ma  part,  je  ne  crois  pas 
qu'ils  aient  fait  partie  de  l'un  ou  de  l'autre.  Je  crois  plutôt  qu'ils  formaient  un  article 
isolé,  une  note  jetée  rapidement,  analogue  à  l'article  VII,  ia.  La  conjonctii  n 
permet  pas  de  sous-entendre  l'impératif,  mais  on  peut  supposer  une  proposition  << 
l'indicatif  telle  que  :  «  Le  sage  n'est  ni  tragédien  ni  courtisane.  » 


km)  BIBLIOI  m  Ql  i     DES    nni  BS1  rES    Dl     U1DI 

29 

Tu  peux  vivre  sur  la  terre  comme  tu  as  l'intention  de  vivre 
quand  tu  seras  parti.  Si  on  ne  te  le  permet  pas,  alors  renonce 
à  vivre  el  faia  le  en  homme  pour  qui  ce  n'est  pas  un  mal.  «  Il 
y  a  de  la  fumée  ici  •,  et  je  m'en  vais.  Crois  tu  que  ce  soit 
une  affaire?  Mais,  lanl  que  rien  ne  me  chasse,  je  reste  libre,  et 
personne  ne  m'empêchera  de  faire  ce  que  je  veux;  or.  je  veux 
ce  qui  est  conforme  à  la  nature  d'un  être  raisonnable  el  fait 
pour  la  société. 

30 

L'intelligence  universelle  veut  la  solidarité  universelle;  elle 
a  créé  les  (Mies  inférieurs  pour  les  supérieurs,  et  elle  a  uni  les 
supérieurs  les  uns  aux  autres  par  une  mutuelle  harmonie.  Tu 
\ois  comme  elle  a  tout  coordonné  et  subordonné,  faisant  à 
chacun  sa  part  suivant  sa  valeur  et  amenant  les  êtres  supé- 
rieurs à  s'accorder  entre  eux. 

31 

Demande  loi  comment  tu  t'es  conduit  jusqu'ici  avec  les 
Dieux,  avec  tes  parents,  tes  frères,  ta  femme,  tes  enfants,  tes 
maîtres,  tes  nourriciers,  tes  amis,  tes  proches,  les  serviteurs. 
As-tu,  jusqu'ici,  observé  a  leur  égard  ce  précepte  :  «  Ne  rien 
faire  ni  dire  d'injuste  à  personne»3?  Rappelle-toi  aussi  quels 
événements  tu  as  traversés  et  quelles  épreuves  tu  as  réussi  à 
supporter.  Maintenant  que  l'histoire  de  ta  vie  est  achevée  et 
que  ta  liturgie  est  accomplie,  combien  as-tu  vu  de  belles 
actions?  combien  de  plaisirs  el  de  peines  as-tu  méprisés? 
combien  d'honneurs  as-tu  dédaignés?  pour  combien  d'ingrats 
t'es  tu  montré  bienveillant? 


i.  [Var.  :  u  Je  suis  fumée  cl  je  m'en  \<ii-.  »  — Malgré  un  autre  texte  des  Pensées 
qu'on  peut  rapprocher  de  celui-ci  pour  autoriser  cette  seconde  traduction  (X,  3i  : 
xoticvb?  aol'.  to  (xy)o£v),  j'ai  préféré  la  première.  Le  dicton  qui  est  ici  rapporté  (xairvb; 
v.x:  à7Tsp/ouaO  est,  en  effet,  développé  par  Epictète  en  term2S  qui  n'en  laissent  pas 
contester  le  sens  :  xocitvov  icsicotv)xev  iv  tw  otXTjpLXTi;  a/  ixérpiov,  (xevà)*  av  X(av  woX'JV, 
s;ip/ou.ai  (Dits.,  I,  20,  18).  —  Sur  le  suicide,  cf.  infra  VJII,  k~,  en  note.] 

2.  [Cette  citation  ne  nous  rappelle  rien  que  deux  vers  de  V Odyssée  (IV,  Oqo,  et 
\l.  i5),  qui  en  diffèrent  d'ailleurs  sensiblement.] 


l'I   NM   I  l'I       M  \l   <         M    I    I   I   I 


32 


Pourquoi  dci  Ame    i  impie    el   ign<  n  a  n  tnfondt  m  -  m. 

une  ,iinr  d'homme  habile  el    avanl    )  Qu'est- a    dont    qu 
habile  <t  nu  anl  M   i   i  i ■<  innall  rc  l'origine  el  la  Dn  de    i  h( 
el  la  raison  qui  pénètre  i-i    malièi  e     loul  enli<  i  e  al  qui 
travers  la  durée  loul  entière    gouverne  le  monde  el  détermine 
les  périodes  <ir  s<m  histoire 

33 
\   l'instanl   même  tu   seras  <i<i  la  cendre,  un  squelette,  un 

nom,    moins   qu'un    nom;    or,    un    nom    tt'esl    qu'un    bruit,    un 

écho.  Ce  qu'on  honore  le  plus  dans  l««  \i<'  est  vide,  pourri, 
petit;  ce  son!  morsures  de  petits  chiens  el  querelles  d'enfants 

qui   rient  et    pleurent   aussitôt.    La    foi,    La    pudeur,    la  justîci 
la  vérité  son!  a  pallies  \ers  l'Olympe,  loin  de   la  vaste  l'ii' 

Qu'est  ce  qui  ta  retient  donc  encore  ici?  Les  choses  sensibles 
sont  changeantes  et  ne  durent  pas;  tes  sens     sont  faibli 

faciles    à    égarer;    la    pauvre    Ame  '•    elle   même    n'esl    qu'une 
exhalaison?  du  sang.    Woir  de  la  renommée  auprès  d'êtres 


i.  [Couafl  :  <<  Les  habiles  et  les  Bavants.  .,  —  En  modifiant  cette  traduction,  j'ai  voulu 
seulement  éviter  qu'on  se  méprît  sur  Le  sens  du  m«>t  confondre.] 

2.  [Gouat  :  «  substance.  »] 

.'?.  [Gouat:   «qui  dispose  tout  à  travers  la  durée  tout  entière  dani  des  péi 
déterminées.» —  Marc-Aurèle    n'a    pas    toujours    affirmé    avec    celte    assurance 
Slipra  V,  i3,  dernière  note)  les  révolutions  périodiques  de  l'univers.] 

4.  [Hésiode.  Travaux  et  Jours,  nj5.| 

5.  [.Noter  la  gradation.  Entre  les  choses  extérieures  et  l'Ame,  qu'elles  ne  touchent 
point  »  (V,  uv)),  il  y  a  les  sens,  qui  sont  pour  Marc-Aurèle  hors  de  l'âme  ivant- 
dernière  note),  soit  dans  le  corps,  soit  dans  le  <(  souille  »  (IV,  3,  5'  note).] 

0.   [Par  uàme»,  entendre  ici  la  raison  (cf.  la  note  tinale).  et  non,  comme   l'ont 
imprimé  dans  leurs  traductions  Pierron,  Barthélémy  Saint-Hilaire  et  M.  Michaut.  le 
«souille»  ou  la  «force  vitale».  Est-ce  pour  le  «souffle»,  la  «force  vitale  »,  ou  l'âme 
raisonnable  que  Marc-Aurèle  se  pose  (voir  la  troisième  note  après  celle-ci)  la  qu< 
de  la  seconde  vie? —  Marc-Aurèle  reprend  ici,  mais  en  supprimant  le  mot  a 
car  il  attribue  la  sensation  au  corps,  la  définition  consacrée  dans  l'école  :  -r  /    ^v/r, 
oî  -T(o't'xo\  ôpî^ovTat  icvsOua  ffupupuèç  xcà  Kv*6i>|uaoi>J  aiaOtjxtitr^  uvaicrouevip 
sv  crtoaaT:  UYpôv.  Si  dans  ce  texte  du  Pseudo-Plutarquc  (vie  J'IIrmù-re.   127)  xou  ne 
marque  pas  l'identité  des  termes  qu'il  unit,  on  voit  que  les  autres  Stoïciens  distin- 
guaient aussi  l'«  exhalaison  du  sang»,  qui  pour  Marc-Aurèle  e>t  proprement  l'âme, 
du  souffle  vital,  mais  considéraient  ce  dernier  comme  taisant  déjà  partie  de  l'âme.] 

7.  [L'exhalaison  (àvotouiaotç)  doit  être  nettement  distinguée,  au  moins  chez  Marc- 
Aurèle,  du  simple  changement  d'éléments  (àXfcoibWjtç:  cf.  supra  IV,  3.  note  finale). 
L'àXW«k<nc  peut  être  totale  :  c'est  la  transformation  d'une  couche  d'eau  en  une  suriace 
de  glace  ou  l'évaporation  de  cette  eau.  L'àva6vj.:a(j:;  est  le  passage  à  l'état  le  plus 
subtil  d'une  partie  seulement  d'une  matière  donnée,  —  nécessairement  de  la  partie 


loa  ninijo  i  heque  i>i  s  vy\\  eusi  n>  di    midi 

;iin>i  faits  n'csi  (juc  vanité.  Eh  bien!»  attends  avec  sérénité 
ou  de  l'éteindre  <>u  de  changer  de  place9.  Et,  jusqu'à  ce  que 
l'heure  en  soil  venue,  que  te  faut  il?  Rien  qu'honorer  et  louer 
les  Dieux,  faire  du  bien  aux  hommes,  supporter  et  l'abstenir  \ 

te  souvenir  que  tout  ce  qui  esl  en  dehors  des  limites  de  ton 
petil  amas  de  chair  el  de  ton  faible  souille  '«  n'es!  pas  à  toi  et 
ne  dépend  pas  <lo  toi. 

la  plus  ténue  et  la  plus  pure.  Dans  l'univers,  le  i>  >is  le  plus  grossier  entretient  i- 
terrestre»,  el  la  bûche  qu'on  lui  apporte  esl  tout  entière  consumée  :  mais  les  astres, 

qui  ^<>nt  divins,  qui  ont  une  matière  d'âme,  ne  peuvent  être  alimentés  que  par  les 
«  exhalaisons  >  de  la  mer  (Plutarque,  de  Stoïc.  repugn.,  io53).  De  même  en  nous  Marc- 

Annie  explique  (IV,  21)  par  une  iXXo(o>Ti;  la  formation  de  la  partie  aérienne  et  ignée, 
en  d'autres  termes,  de  l'âme  animale  (cf.  quatre  notes  plus  bas),  et  par  une  àvaOvj/'aT'.: 
celle  de  l'âme  raisonnable.  Il  est  possible  d'ailleurs  que  les  autres  stoïciens,  moins 
préoccupés  de  dégager  le  «dieu  intérieur»  de  la  matière,  n'aient  pas  accordé  la  même 
importance  à  cette  distinction.] 

1.  La  leçon  des  manuscrits  :  xi  oOv;  rceptuivstc n'est  pas  admissible.  L'affirma- 
tion exprimée  par  la  seconde  personne  de  l'indicatif  présent  nrepiuivetc  ne  s'accorde 
pas  avec  ce  qui  précède.  Le  sens  indiqué  par  la  suite  des  idées  est  évidemment 
celui-ci  :  «qu'y  a-t-il  donc  à  faire?  attendre,  etc..  »  —  Il  est  facile  d'obtenir  ce  sens 
ou  un  sens  analogue  en  écrivant  soit  xi  ojv  où  irsptuivetç...,  soit  xi  o:j  mpiuvjz'.;..., 
comme  l'a  demandé  Gataker,  soit  xi  ctjv  ;  izîpiu.ivs...,  que  je  préférerais,  [soit  enfin 
xi  o'jv;  KepiU£Vtfç  que  propose  M.  de  Wilamowitz.] 

2.  [Gouat  :  «ou  ton  extinction  ou  ta  métamorphose.  »  J'ai  longuement  développé 
(supra  IV,  ai,  1"  et  dernière  notes)  les  deux  conceptions  de  la  destinée  humaine, 
<t6e<ti;  ou  fjL£TàaTaTiç,  entre  lesquelles  surtout  a  hésité  Marc- Aurèle.] 

3.  [Ces  divers  préceptes  résument  (cf.  Zeller,  Phil.  der  Gr.,  III3,  p.  7G1)  toute  la 
morale  de  Marc-Aurèle.  La  maxime  bien  connue  «  supporte  et  abstiens-toi  »  suffisait 
à  Épictete,  qui  faisait  tenir  en  ces  deux  mots  tout  l'art  de  la  vie  (ibid.,  p.  7^9).] 

li.  [Marc-Aurèle  distingue  dans  l'homme  tantôt  deux  parties,  tantôt  trois.  La 
première  division  est  l'analyse  traditionnelle  en  corps  et  en  âme  (Tôiaa  et  'i^//,,  par 
exemple  VI,  32)  :  c'est  de  beaucoup  la  plus  fréquente  dans  les  Pensées.  On  trouvera  la 
seconde  ((rwjtaxiov,  7cveu{iaTtov,  voO;)  au  début  de  l'article  XII,  3,  et  dans  quelques 
autres  passages,  où  vovç  peut  être  remplacé  par  un  synonyme,  soit  ■rjYSjiovixov  (II,  2), 
soit  jnJxrj,  comme  ici  (cf.  la  3*  note).  L'équivalence  d'vJYeuavtxov  et  de  voO;  esteonstante 
chez  Marc-Aurèle  (cf.  infra  IX,  22,  seconde  note)  et  dans  tout  le  Stoïcisme;  celle  de 
voyç  et  de  'W/rn  lorsqu'on  parle  de  l'homme  (car  l'âme  de  l'animal  n'est  qu'une  ty\)~/r\ 
xXoyo;),  est  manifeste  en  des  pensées  qui  supposent  l'homme  composé  de  trois  parties 
(supra  IV,  3,  7*  note),  comme  en  toutes  celles  (notamment  VI,  32)  qui  ne  lui  en 
attribuent  que  deux.  Nulle  part,  en  revanche  (cf.  supra  III,  16,  fin  de  la  i"  note»,  je 
n'ai  trouvé  trace  d'une  opposition  de  l'âme  et  de  la  raison,  comme  de  deux  principe? 
différents  de  la  constitution  humaine. 

Or,  il  est  assez  malaisé  de  définir  le  icveugiattov  dont  parle  ici  Marc-Aurèle;  et 
davantage  encore  de  ramener  l'une  à  l'autre  ses  deux  analyses  de  l'homme.  Nous 
avons  des  textes  stoïciens  qui  appellent  l'âme,  non,  comme  celui  du  Pseudo-Plutarquc 
cité*  cinq  notes  plus  haut,  Kvevua  vuufuàc  xon  KvaOuuiaoHC,  mais  seulement  tiviCu* 
a-jfjLÇ'jk;  (Diogène,  VII,  i56),  c'est-à-dire  un  souffle  né  avec  l'homme:  or  à  l'article  XII,  3, 
des  Pensées  il  nous  faut  entendre  par  les  mêmes  mots  (irvsû(J.x  ffujtçyrov)  un  souille 
né  avec  l'âme,  c'est-à-dire  distinct  d'elle.  —  Il  y  a,  sans  doute,  un  passage  où  Marc- 
Aurèle  a  défini  ce  qu'il  entendait  par  itvrjjiaTtON  :  c'est  la  seconde  pensée  de  son 
livre  IL  Mais  là,  il  nous  parait  surtout  préoccupé  d'avilir  ce  dont  il  parle.  Ce  souffle 
n'est  que  «du  vent»;  c'est  l'air  que  nous  aspirons  et  renvoyons  sans  cesse,  qui  nous 
est  étranger  par  suite,  et  qu'il  nous  donne  pourtant  pour  une  partie  de  nous.  Contra- 
diction d'autant  plus  étrange  —  si  elle  n'était  cherchée  —  qu'il  et  lit   impDssible    à 


Il  M  I  .1        M  \H< 


34 

I  h  peux  loi^Joun  coûtai  iinr  vit  I  mu  i  <•  i  j  <   pul  que  tu  | 
suivre  !<■  droit  ohemin  en  le  faisant  luivre  k  le    pen 
t.    actions,  L'&mc  de  I  Heu  el  celle  de  i  homme  ou  de  l tut 
raisonnable  <>iit  deux  pointi  commum      n'être  entrai 
rien  d'étranger,  faire  coni  M<  i  i«-  bien  dan    la  di  m  I  la 

justice  r\  la  pratique  de  cette  vertu  '.  H  hoi n<*i  1 1 

35 

Pourquoi  me  préoccuper  de  ce  <  j  u  i  n'est  ni  on  vice  de  ma 
nature  ni  un  acte  « l«*  ma   nature  vicieuse     et   ne  fait  au 
lorj  à  la  cité  universelle?  Mais  qu'est  ce  qui  fait  <iu  lort  i  1 1 
cité  universelle? 

36 

Ne  nous  laissons  | >as  entraîner  témérairement  par  notre 
imagination,  mais  venons  en  aide  à  nous  mêmes,  comme 
nous  le  pouvons,  et  suivant  la  valeur  des  choses.  vi  l'on 
échoue  dans  des  affaires  indifférentes,  il  ne  faut    pas   l'ima 

M  a  iv  'Aurèle  de  ne  pas  remarquer  une  différence  de  température  entre  l'atmosphère 

el  le  souille  crue  nous  rejetons  ou  que  rejettent  le^  animaux,  et  de  n'en  pai  d<  du 
mélange  et,  pour  une  partie,  L'échange  nécetiaire  «le  l'air  aspiré  qui,  disent  d'aiileun 
les  Stoïciens,  doit  rafraîchir  et  «tremper»  l'Ame  (Plutarque,  de  st^ïc.  repug*., 

lin),  et  de  quelque  cliose  de  chaud  qui  n'est  pas  la  raison.  Aussi  ions-nou* 

qu'en  d'autres  pensées  Mare -Aurèle  soit  plus  explicite,  et  qu'au   lieu  du   seul   m   I 

Tcvs-jfjLâtiov  il  ju^e  à  propos  d'écrire,  entre  les  noms  du  corps  et  de  la  raison  (( 
l'âme)  les  expressions  xh  àsptocs;  r,  Kupû&f<  (IV,  21)  ou  bien  (IV,  \)  xh  Rvcupara 
xa\  to  6spfxbv  xa\  7Xvpo>c£;,  et  inèine  une  fois  d'affirmer  (au  début  de  l'article  XI,  20)  le 
mélange  «du  souille  et  de  tout  ce  qu'il  y  a  d'igné  en  nous  »...  qui  n'est  pas  la  rai 
Le  sens  de  Trvs'jpLaiiov  étant  ainsi  étendu  et  limité,  nous  n'avons  nulle  peine  à  entendre 
par  ce  mot  l'àme  animale:  c'est  vraisemblablement  la  signification  qu'il  a  ici. 

Quel  peut  donc  être  dans  les  Pensées  le  r.ipport  de  ces  deux  énumérations  qui  n<»u- 
définissent:  corps,  âme;  corps,  âme  animale,  raison?  Il  semble  évident  qu'ici  l'âme 
a  été  dédoublée  en  àme  animale  et  en  raison  :  mais  pourquoi  ce  dédoublement,  1 
pour  opposer  dans  l'àme  seule  comme  en  l'homme  tout  entier,  comme  en  t< 
{supra  IV,  si,  note  linale),  un  principe  efficient  et  une  matière?  De  ce  point  d<-  rue 
l'àme  animale  se  rapproche  du  corps  d'autant  qu'elle  s'éloigne  de  la  raison  ;  1 
siblement,  toute  distance  s'annule  entre  TtoaaTiov  et  ttvcvulcît'.ov  au  regard  de  celle 
qui  sépare  l'un  et  l'autre  du  voOç.  Marc-Aurèle  a  tant  qu'il  a  pu  creusé  cette  ti 
dans  l'àme  humaine  :  il  en  a  fait  un  abîme.  Il  y  a  telle  de  ses  Pensées  où  le  corps  et 
le  souille  non  seulement  vont  de  pair,  comme  ici,  mais  ne  font  qu'un  (IV,  3,  5e  note), 
tandis  qu'en  face  d'eux  la  raison,  formée  d'un   cinquième  élément,  semble   même 
cesser  d'être  matière  (IV,  4,  note  finale).  Jusqu'à  quel  point  ceci  reste-t-il  d'accord 
avec  les  données  fondamentales  du  système?] 

1 .  [Gouat  :  a  dans  le  sentiment  et  la  pratique  de  la  justice.  »  Cf.  supra  V,  20,  2*  note, 
et  V,  a5,  ibid.,  la  définition  stoïcienne  de  la  «  disposition  ».~ 

2.  [Gouat  :  a  de  ce  dont  ma  méchanceté  n'a  été  ni  l'auteur  ni  la  cause,  et  qui...  »] 


loj  BIBLIOTHEQUE    DES    UNIVERSITÉS    Dl      MIDI 

giner  que  Cela  nous  Hisse  du  tort.  Car  ce  n'est  pas  un  mal. 
Rappelle  loi  le  vieillard  qui,  en  s'en  allant,  priait  son  élève 
de  lui  donner  sa  toupie,  sachant  bien  (pie  ce  n'était  qu'une 
toupie.  Fais  maintenant  comme  lui,  puisque  tu  désires  les 
choses  qui  brillent  et  (pie  l'on  célèbre.  Homme,  as-tu  oublié 
ce  que  valait  cette  gloire?  -  Non,  mais  tout  le  monde  autour 
de  moi  la  recherche.  —  Kst-ce  une  raison  pour  que  tu  de- 
viennes fou  toi  aussi? — Du  moins,  en  quelque  lieu  que  la 
mort  me  prenne,  j'ai  été  un  homme  bien  partagé.  —  Ktre  bien 
partagé,  cela  signifie  que  lu  t'es  fait  à  toi-même  une  bonne 
part.  El  la  bonne  pari,  ce  sont  de  bonnes  habitudes  de  l'âme, 
de  bonnes  tendances,  de  bonnes  actions1. 

• 

LIVRE   \l 

1 

La  matière9  de  l'univers  est  docile  et  ductile;  mais  la  raison 
qui  la   gouverne    n'a  en   elle  aucun   motif  de  faire  du   mal; 

i.  J'ai  lâché  de  donner  une  traduction  intelligible  d'un  passage  qui  semble  ne  pas 
L'être.  Le  texte  en  est  le  même  dans  tous  les  manuscrits,  et  il  est  difficile  d'y  apporter 
des  corrections  méthodiques.  Il  est  certain  d'ailleurs  que  des  corrections  sont  néces- 
saires. L'idée  générale  est  qu'il  ne  faut  rechercher  que  ce  qui  en  vaut  la  peine,  et  que 
la  vertu  seule  vaut  la  peine  d'être  recherchée;  le  reste  est  indifférent.  Si  telle  est  l'idée 
générale,  il  n'est  pas  possible  que  dans  la  première  phrase  il  soit  question  de  venir 
en  aide  aux.  autres.  Le  mot  fior/jsîv  qui  se  trouve  dans  cette  phrase  a  induit  en  erreur 
Gataker  et  ceux  qui  l'ont  suivi.  Il  doit  avoir  le  même  sens  que  dans  une  autre  pensée 
(III,  i'i)  où  Marc-Aurèle  s'exhorte  lui-même  à  ne  pas  se  laisser  entraîner  vers  ce  qui 
est  stérile,  à  renoncer  aux  vaines  espérances  et  à  se  secourir  soi-même  (poirjOst  aa-jTÔ>), 
afin  de  ne  chercher  que  ce  qui  en  vaut  la  peine.  Dans  la  phrase  dont  nous  nous  occu- 
pons, ffoT)6eîv  a  donc  pour  complément  éttutoiç  sous-entendu  ou  omis  par  le  copiste. 
La  phrase  ïizti  toi  yivtj  xaÀ&v  in\  tcô.v  èfxpoXa)v  n'a  pas  de  sens.  Elle  a  été  corrigée  de 
bien  des  façons  sans  en  devenir  plus  claire,  et  elle  ne  peut  l'être  si  l'on  conserve  les 
motâ  tô)v  hi8<S).u>v.  Je  ne  vois  pas  ce  que  vient  faire  ici  la  tribune  aux  harangues.  Il 
serait  sage,  dans  une  édition,  de  renoncer  à  corriger  ce  passage,  mais  la  nécessité  de 
donner  une  traduction  sera  l'excuse  de  l'explication  que  je  hasarde  et  du  texte  que  je 
propose  :  eircî  toi  opiyi)  rcôv  xoù&n  jtos  ton  IvS<SÇu>v.  (Cf.  VI,  5o  :  xai  tù>v  aouvàxaM  o-j/. 
(opiyo-j.)  La  phrase  ainsi  corrigée  se  rattache  à  la  précédente.  Fais  comme  le  vieillard 
dont  je  viens  de  parler,  se  dit  à  lui-même  Marc-Aurèle,  et  puisque  tu  désires  les 
honneurs,  n'oublie  pas  qu'ils  valent  ce  que  valait  la  toupie  de  l'enfant.  Ici  seulement 
commence  le  dialogue,  avec  les  mots  iNxi'  vXk*  xtX.  »  On  arrive  donc  en  corrigeant 
seulement  les  mots  yivY)  xa/.iov  ïià  Tfov  ÊfifioXwN  à  donner  un  sens  suivi  à  tout  le  mor- 
ceau.  C'est  toujours  quelque  chose. 

Je  laisse  de  coté  des  corrections  beaucoup  moins  importantes,  comme  oCoév  au  lieu 
de  k'Oo;  (1.  4),  proposé  par  Gataker.  A  la  Ligne  0,  <Loï  fait  double  emploi  avec  outw;  ; 
je  préférerais  cjy*.  Après  jjyg  il  ne  faut  pas  de  point,  mais  une  virgule  :  oj:w:  oV/ 
xxi  ffuye,  Eicet  toi  opfyr,  tû>v  /aÀwv  xa\  :wv  évoô*u>v.  A  la  ligne  io,j'ai  adopté  xxtxà/jsOîi: 
avec  Gasaubon,  au  lieu  de  xxtxaîi?6s:;. 

:>.   [(louât  :  «  substance.  »  Cf.  supra  IV,  n,  note  finale.] 


Il   \     I   I  s     1,1       M  \\,.        M    ||   |   | 

elle  m  .1  .iiKiiiir  niiiih  «•   m-  i.ui  <!<•  mal  ■•  1 1'  n  i  (  ■  len  ru 
d'elle  aucun  i<»i I    Or9  c'ctl   pai  elle  que  loul    -«■  pi odu 

in  \ <• 

2 
Qu'importe]  quand  tu  fait  Ion  devoir)  d'avoir  chaud  ou  Froid, 
d'avoir  sommeil  ou  d'avoir  asseï  dormi,  «1  être  blfimé  ou  l 
de  mourir  ou  d'accomplir  toute  autre  action    Cai  "j  nombre 
«les  actes  •!<'  la  nï<'  «,si  aussi  («iiii  par  lequel  aoui  mourons1; 
là,   comme  ailleurs,   il   suffit  de   bien  employer  i<-  moment 

présent 

3 

Regarde  au  fond  «1rs  choses;  ne  i<*  laisse  tromper  ni   tur 
la  qualité  propre  '  d'aucune  d'elles  ni  sur  sa  râleur. 

4 
Tous   les  objets3  changeront    vile:    ils    s'évanouiront    en 
fumée]*,  si  la  matière  est  une    :  sinon,  se  disperseront. 


Laf*  raison  qui  gouverne6  le  monde  sait  ce  qu'elle  est, 
qu'elle  Tait  et  sur  quelle  matière  elle  agit. 

i.  [Couai:  ««ou  de  vivre,  l/actc  par  lequel  nous  mourooj  est  tussi  un  det 

de  la  \  ie.  "] 

Couai  :  ««  la  vraie  qualité.  »  —  La  première  catégorie  que  < J i - 1 i n ir u - •   i,i    logique 
stoïcienne  m>u>  la  chose  indéterminée,  c'esl  l'objet  donné  (tè  ûicoxeijitvov,  donl  n<»u> 
trouvons  le  nom  au  début  de  la  pensée  suivante);  la  seconde  esl  la  détermwatiû 
qualité  de  l'objet  (icoiéTi);  ou  goiév),  laquelle  peut  être  individuelle 
spécifique  (xoivmç  icoiov).  Cette  «qualité»  no  doit  pas  être  considérée  comme  une 
abstraction;  c'esl  véritablement  le  principe  efficient  et  formel  de  l'objel 
une   matière,  mais  subtile  et   active,   mêlée  à   la   matière   inerte  qu'elle  organise  et 
définit.  (Cf.  Zeller,  Phil.  <lcr  dr..  III3,  p.  97  sqq.)] 

3.  [Couai  :  <i  les  choses  sensibles.  >•  Cf.  la  note  précédente 

\.   [L'explication  du  \erbe  èxO'J(J.lotôr(<T£Tat  se  trouve  à  la  peux'».'  \.  3i  :   y.x-.,,   /.*•. 
to  ur(oiv.  Noter  qu'il  s'agit  ici  non  seulement  de  l'âme,  mai-  .1-'  la  matière;    ii" 
lement  de  l'homme,  mais  des  choses  sans  vie.  Il  faut  donc  plutôt  considérer  h-  rerbe 
èy.O^a'.aOr.TETa».  comme  une  métaphore  capable  d'exprimer  tout  changement  élémen- 
taire et  total  (àVAoûoTt;,  supra  IV,  3,  note  iinale)  que  comme  la  formule  d'une  th 
particulière  —  aos?:;  ou  uiraTTaT'.;  —  de  la  survivance  des  âmes  (supra  IV,  21. 
dernière  notes).  Limitée  à  la  destinée  humaine,  cette  pensée  deviendra  l'article  VII.  3a. | 

5.  [Couat  :    «  s'ils  sont  d'une  substance  uniforme.  »  Cf.  les  derniers   mot>  a 
pensée  NI,  38.  —  L'unité  de  la  matière  est  l'hypothèse  stoïcienne:   la  dispersion  es 
un  corollaire  de  la  doctrine  atomiste.] 

f>.  [Cette  «raison  qui  gouverne  le  monde  >»  (les  deux  derniers  mots  ne  sont  pas 
exprimés  en  grec)  s'appelle  ailleurs  (IX.,  22)  qYspovcxov  :  c'est  le  Dieu  de  la  pensée  \  I.  -  ; 
il  en  était  question  tout  à  l'heure  à  la  première  pensée  de  ce  livre  VI.  C'est  précis  .'ment 
le  rapprochement  de  ces  deux  textes  qui  permet  de  comprendre  celui-ci.  et.  à  côté  de 
c-.o'.xcov,  de  sous-entendre  Ta  oXa.  Voir  quelques  lignes  plus  ba-  |  VI.  B)  la  définition 
de  la  «  raison  qui  gouverne  l'a  me  humaine  >\] 


Io6  BIDLIOTHiQUl     DES    UNIVERSITÉS    Dl     MIDI 

6 

La  meilleure  manière  <l<'  le  défendre  esl  de  ne  pas  leur 
ressembler  ' . 

7 

N'aie  qu'une  joie  et  qu'un  appui:  passer  dune  action  utile 
il  la  société  à  une  autre  action  utile  à  la  société,  en  pensant  à 
Dieu. 

8 

Le  principe  dirigeant9  en  chacun  de  nous  est  ce  qui  s'éveille 
et  se  conduit  soi-même,  se  fait  tel  qu'il  est  et  veut  être,  et  fait 

i.  [Gouat:  <  La  meilleure  manière  de  se  défendre  des  autres  est  de  ne  pas  leur 
ressembler.  »  —  En  ajoutant  les  mois  «des  autres»  (je  n'ai  pu  moi-même  éviter 
l'addition  du  mot  «leur»),  VI.  Couat  perd  l'allure  du  texte  grec,  et  je  crains  qu'il 
n'en  fausse  le  sens.  Marc-Aurèle  n'est  pas  un  misanthrope:  ceux  à  qui  il  faut  rendre 
le  bien  pour  le  mal,  dont  il  faut  rejeter  les  conseils  ou  fuir  l'exemple,  dont  il  faut  se 
garder  enfin,  ce  ne  sont  pas  «les  autres»,  tous  les  autres  hommes  :  ce  sont  plutôt 
certaines  gens,  que  le  sage  reconnaît  d'instinct,  et  qu'il  n'a  pas  besoin  de  nommer,  non 
pas  môme  de  ce  pronom,  à  la  fois  si  vague  et  si  précis,  «  otvrwv,  oturo-j;,  ces  gens-là  », 
par  lequel  il  les  désigne  ordinairement  (IV,  38;  VII,  3^;  VI,  5o,  etc.). 

Je  me  suis  borné  à  supprimer  les  mots  «  des  autres  »  dans  la  traduction  de  M.  Gouat. 
Sous  prétexte  de  «  sauver  ce  caractère  de  notes  personnelles,  de  mémorial  intime  et 
négligé  que  Marc-Aurèle  avait  donné  à  ses  Pensées»  (Michaut,  préface),  je  n'ai  pas 
voulu  désarticuler  la  phrase,  et  remplacer  par  deux  points  les  mots:  «est  de.  »  Va- 
t-on  chercher  un  effet  de  style  dans  toutes  les  phrases  grecques  où  manque  iazi? 
Malgré  l'omission  de  ce  verbe,  la  phrase  de  Marc-Aurèle  est  complète,  et  l'omission 
de  l'article  devant  l'attribut  (aptaro;  tpdito;)  est  le  signe  de  son  unité.] 

•2.  [Définition  du  principe  dirigeant.  —  Les  mots  «en  chacun  de  nous»,  dont 
l'équivalent  manque  dans  le  texte  grec,  ont  été  suppléés  ici  par  le  traducteur,  comme 
Les  mots  «le  monde»  à  la  pensée  5.  Ici,  c'est  la  fin  de  la  phrase  qui  fixe  le  sens  de 
v;:aovtx6v  :  le  même  mot  peut,  on  Ta  vu,  désigner  à  la  fois  Dieu,  raison  du  monde, 
et  notre  raison,  qui  est  «Dieu  en  nous»  (III,  5);  mais  l'expression  to  <rj[xoatvov,  qui 
d'ordinaire  chez  Marc-Aurèle  s'oppose  à  Ta  6vepyou|i£va  (cf.  IX,  3i;  note  à  la  pen- 
sée VIII,  7),  ne  saurait  convenir  qu'à  des  événements  de  la  vie  humaine. 

La  langue  française  a  des  habitudes  de  précision  bien  impérieuses;  il  est  regret- 
table que,  pour  satisfaire  à  leurs  exigences,  on  ait  dû  ici,  à  des  intervalles  si  rappro- 
chés, compléter  de  façons  différentes  deux  expressions  synonymes  dont  le  grec  se 
contentait.  Qui  pouvait  mieux  établir  la  parenté  des  deux  principes  directeurs,  l'inti- 
mité de  Dieu  et  de  notre  génie,  que  ce  fait  de  les  appeler  l'un  et  l'autre  exactement 
des  mêmes  noms  ? 

La  définition  qui  est  donnée  ici  du  principe  directeur  de  l'àme  ne  semble  pas 
complète.  Dans  une  note  à  la  22e  pensée  du  livre  IX,  je  cité  plusieurs  textes  de 
Marc-Aurèle  d'où  il  ressort  que  ce  principe  directeur  est  la  raison.  Noy;  (III,  16), 
Xoyo;  (IV,  12;  V,  i4;  VI,  5,  etc.),  oiàvoca  (VII,  64)  servent  dans  les  Pensées  de  syno- 
nymes à  TQyepLovtxov.  Or,  pour  reprendre  les  termes  de  la  définition  présente,  qu'est-ce 
pour  nous  qui  «s'éveille  et  se  conduit  soi-même,  se  fait  tel  qu'il  est  et  veut  être, 
et  fait  que  tous  les  événements  qui  lui  arrivent  lui  paraissent  tels  qu'il  veut  qu'ils 
soient  »,  si  ce  n'est  la  liberté?  Ce  n'est  pour  un  Stoïcien  la  raison  que  parce  qu'il  n'en 
sépare  pas  la  liberté.  Cette  forme  de  définition  est  contestable,  et  Marc-Aurèle  paraît 
s'être  repris  aux  premières  lignes  du  livre  XI  :  :à  tota  Tfjç  Xoyixr,;  '\>^'/jt;  '  iflnitvp  ôpdi 
Eav7r,v  Stapôpoï,  lauTvjv,  6i?ot'av  av  (io'jXTjTai,  no>.v....  Cette  fois,  «l'àme  raisonnable» 


|  •  |       x     ,  |      |  I   »  1  \  I    V  1 1  <  \    '      I  .   I     I     I 

que  lou    le    é>  énemenl    <|ui  lui  an  Ivanl  lai  parai 
qu'il  \<'ui  qu'ili  loienl 

9 

Toul    l'ûccomplil    suivant    la    nature    universelle    cl    n 
suivant   une  autre  nature  quelconque,  envelopp 

de  relie  ci,  ou  comprise  dans  <  < •  1 1<*  ci,  ou    a  pen  lu    en  deh 
d'elle. 

()u  confusion,  enchevêtrement  el  dispersion,  ou  unité  ordre 

(Xoytv  pouri sll  l'appel  i  sui il  bien     b  >. 

deux  textes  ne  m  distinguent  don<  en  r.  tllte*  que  pai  i-    pn  mi<  i    m 

jjj  —  ,-t  luriout  ptf  toute  l'éuu  m  é  ration  qui  ronlimir  •  •■  qui 
JifTéroncea  établissent  que  ce  qui  ett  défini  dans  la  premier,  m  n 
raisonnable,  ou,  ce  qui  revient  au  même,  son  principe  d 
ittributs,  la  liberté. 

tprès  ;»  n  >  i  i  affirmé  ;«  It  première  pensée  de  ce  livre  la  toute-p  du  prin  Ipe 

directeur  du  monde,  il  était  naturel  que  Marc-  kurèl<  et  •* 

définir  l'indépendance  du  nôtre  Cette  liberté,  proclama  il  être 

en  d'autres  passages  (V,  19;  \i.  16;  IV,  7;  VII,  14;  VIII,  1  lllu 

soin*,  el  le  même  qui  l'avait  formulée  <"n  ces  termes,  reprit  d'ailleurs  1»  ir  Mar    \ 
(III,  0,  et  VII,  67)  :  ><  obéir  à  Dieu,»  l'est-il  payé  de  mots,  lorsqu'il  s  «lit 
de  l'obéissance,  mais  mi  assentiment  que  j«'  donne  1  Dieu  -    •  r.  une  expreasl 
blable  dans  les  rentres.  \,  »8)?  Ce  n'es!  pas  if  moment  de  le  -il-'  utei  (<  i  inj 
note  finale).  Constatons  seulement  que,  défenseur  du  déterminisme  universel,  M  .1 
Aurèle  prétend  donner  a u  libre-arbitre  un  domaine  <>ù  il  soit  absolu.  L'on  roil 
bien  ici  on  quoi  consisterait  ce  domaine  :  fcovTo  <-t  aalvsedai  i%s-'»*  noire  raii 
l'opinion  qu'elle  se  fait  clos  choses.  Il  semblerait  que  ce  ne  fût  métn    pas  I  >ute  noire 
âme.  Mais  le  nom  même  du  «principe  directeur"  est  plus  explicite  que  la  définition 
qu'on  en  donne,  si  la  sensation.  >i  même  la  représentation  qui  rachète  ue  dépend 
pas  toujours  de  nous,  nous  sommes  maîtres  du  moins  de  l'assentiment  que 
accordons  à  celle-ci,  et  tous  les  jugements  et  tous  les  mobiles  (pif  non»  en  tirons 
sont  notre   œuvre   propre:    même   nos   passions   (supra  IV,   32,  en   note)  et   toul 
mouvements  déraisonnables  n'ont  pas  d'autre  source  que  la  raison.  Ce  qui,  pour  les 
Stoïciens,  est  hors  du  principe  directeur,  ce  sont  la  voix  et  la  raison  séminale 
ils  ont  fait  des  facultés  distinctes  :  ce  sont  encore  le  souffle  vital  (V.  33,  note  finale), 
et  le  corps,  auquel  Marc-Aurèle  (supra  V,  sO,  0e  note)  rapporte  les  sensations,  liais, 
sauf  la  sensation,  tout  cela,  à  nos  yeux  du  moins,  ne  compte  pas  comme  âme.  N     M 
pourrions  donc  dire  que,  sauf  la  sensation,  toute  notre  âme  appartient  au  principe 
directeur,  et  l'univers,  tel  que  l'embrasse  notre  pensée.  Dans  ce<  restes  limite-,  il  ne 
subit  d'autre  contrainte  que  celle  de  vouloir  toujours.  S'il  sort  de  son  domaine  ou  -il 
se  relâche,  —  s'il  cède  à  la  passion  qu'il  crée,  ou  simplement  donne,  en  les  oon 
rant  ou  comme  des  biens  ou  comme  des  maux,  une  importance  aux  choses  qui  ne 
dépendent  pas  de  lui,  —  en  un  mot,  s'il  «quitte  son  poste        M.  20).  il   s'asservit. 
Nous  avons  aussi  cette  liberté- là,  et  c'est  celle,  en  fait,  dont  usent  la  plupart  des 
hommes. 

Mais  quand  il  ne  s'asservit  pas,  le  principe  directeur,  à  la  fois  raison  et  liberté, 
auteur,  maître  et  juge  (XI,  16)  de  ses  représentations  et  de  ses  mouvements,  est  la 
noblesse  de  l'homme  qu'il  apparente  à  Dieu.  Il  est  Dieu  en  nous  (6  htxoro-j  <-,;; 
Osq;  :  XII,  26);  il  mérite  qu'on  lui  rende  un  culte,  et  qu'on  «célèbre  ses  mystères  n 
(supra  III,  7).  Ce  n'est  plus  seulement  «  raison  »  qu'on  l'appelle  :  «  c'est  génie  »  (111,3 
et  6;  V,  27).  Et  dans  la  définition  du  u  génie  »  que  donne  Marc-Aurèle,  on  retrouve, 
en  effet,  outre  le  nom  du  principe  dirigeant  —  rvsjiôva  —  ceux  de  la  raison  —  -,-,;: 
—  et  de  la  volonté  —  [So^erat.] 


lOO  BIBLIOTHÈQUE    Dl  S    UNIVERSITÉS    Dl     MIDI 

et  Providence.  Dans  le  premier  cas.  pourquoi  désirerais -je 
[n'attarder  dans  un  pareil  désordre,  produit  du  hasard?  Quel 
autre  souci  aurais-je  que  de  savoir  «  comment  un  jour  je 
deviendrai  de  la  terre»1  ?  Pourquoi  me  troubler?  Quoi  que  je 
lasse.  le  moment  de  la  dispersion  viendra  pour  moi.  —  Mais, 
dans  l'autre  cas,  je  vénère  Tordre  des  choses,  je  demeure 
ferme  cl  plein  de  confiance  dans  celui  qui  le  dirige. 

11 

Quand  tu  ne  peux  empêcher  les  choses  qui  t'entourent  de 
rompre  pour  ainsi  dire  le  rythme9  de  ta  vie  morale,  rentre 
vite  en  toi-même  et  ne  te  laisse  pas  pousser  hors  de  la  mesure 
plus  qu'il  n'est  nécessaire;  tu  seras  plus  maître  de  consener 
I  harmonie  intérieure  si  tu  ne  cesses  pas  d'y  revenir". 

12 

Si  tu  avais  à  la  fois  ta  belle-mère  et  ta  mère,  tu  aurais  des 
soins  pour  la  première,  mais  tu  reviendrais  sans  cesse  à  la 

i.  [Citation  d'un  poète  inconnu.] 

2.  [Gouat  :  ((quand  les  circonstances  te  bouleversent  (var.  :  «te  désaccordent») 
pour  ainsi  dire  par  force...  »  —  Le  verbe  TapàxtEaOai  semble  plutôt  convenir  à  la 
musique  qu'à  l'instrument.  Cf.  la  note  suivante.] 

.">.  [La  vie  morale  est  ici  comparée  à  une  harmonie;  les  mots  oiaTaoa/Oy.va'. , 
pvO|ioO,  àsaovia:  maintiennent  la  comparaison  de  la  première  à  la  dernière  ligne  de 
la  pensée.  Nous  sommes  non  seulement  l'instrument  de  cette  harmonie,  mais  le 
musicien  qui  la  règle,  à  qui  il  appartient,  sinon  de  la  conserver,  du  moins  de  la 
ressaisir  toujours.  Cf.  infra  XI,  iG  :  Igtfv,  xav  tto-j  ).â6rp  BÙ6Ù;  ifrXtfyai.  Mais  ici  notre 
auteur  n'écrit  môme  plus  y.à'v  ttou  XaOïn:  il  admet  des  cas  où  nous  ne  serions  plus  du 
tout  les  maîtres  (oray  àvaYxaa-ÛYjç)  des  mouvements  de  notre  âme.  Après  l'adhésion 
qu'il  a  donnée  (supra  II,  io)  à  là  doctrine  péripatéticienne  de  l'inégalité  des  fautes, 
voici  sans  doute  la  concession  la  plus  significative  qu'ait  pu  faire  le  Stoïcisme  de 
Marc-Aurèle  au  sens  commun  et  à  la  vérité.  Lorsque,  un  peu  plus  haut  (V.  26),  dans 
la  même  pensée  où  il  semblait  se  refuser  à  admettre,  comme  les  autres  stoïciens,  la 
sensation  parmi  les  états  d'âme,  il  avouait  cependant  qu'une  certaine  «  sympathie  » 
fait  connaître  à  la  pensée  la  sensation  que  subit  le  corps,  et  que  cette  dernière  «  est 
naturelle»,  et  qu'a  il  ne  faut  pas  s'y  opposer»,  il  avait  déjà  fait  fléchir  son  dogme 
allier  :  Ta  ~pây;jia7a  oOy  àzTîTai  rïjç  'l'J'/j,;,  —  a  les  choses...  ne  touchent  point  L'âme» 
(IV,  3,  avant-dernière  note;  V,  19).  Ici,  il  le  contredit  résolument:  otocv  àvayxadOr,:... 

Mais  si  le  dogme  risque,  à  toute  heurj  de  la  vie,  d'être  ainsi  infirmé  dans  la 
pratique,  il  n'en  reste  pas  moins  l'expression  d'un  état  idéal  de  quiétude,  de  liberté 
et  de  vertu.  A  ce  titre,  il  est  nécessaire  de  l'affirmer,  comme  il  est  utile  de  délibérer 
sur  le  sage  et  les  merveilleux  privilèges  de  la  sagesse.  Il  y  a,  d'ailleurs,  à  la  fin  de  la 
présente  pensée,  deux  mots  qui  semblent  concilier  le  dogme  et  la  vie  :  le  comparatif 
«  plus  maître  »  et  le  futur  «  tu  seras  ».  Cette  conciliation  est  encore  du  Stoïcisme,  si  la 
substitution  de  la  théorie  des  «  progrès»  —  icpoxotroc  —  à  celle  de  la  sagesse  (Zeller, 
Phit.  der  G'/\,  1113,  p.  a^o  sqq.)  est  encore  du  Stoïcisme.  Si  la  vie  est  une  harmonie, 
il  y  a  un  art  de  vivre  (IV,  3i  ;  VII,  61,  etc.),  et  cet  art,  comme  un  autre,  exige  un 
apprentissage.] 


Il    \M  I  .s     l>l       M  \  I.'         M    1.1   I   I 

mère    Voilà  06  que    uni  poui   loi  l'  <-,»'ii  el  la  philn  opl 

reviens    f  i  <'«  |  min  n  hi  1 1    j    «.II.-    <|.immm     <|     i  <-p, .  ■••  |.  .i       UI        ll( 

cCsi  par  elle  que  ls  oooi  le  pareil  supportable  el  le 

13 

\  propos  «les  meta  prépare*    nu  l'eu   <i  (|<-  ton    n.,.  .ilme-ni 

nous    n0U8    raisonfl    une     Idée    de    CC     qu'il*     son!        reci 

exemple,  es!  le  cadavre  d'un  poisson,  cela  le  cadavre  d'un 
oiseau  <>n  d'un  porc;  pareillement,  le  phalerne  esl  lejui  d'un 
raisin,  ou  l>i<in  la  robe  prétexte  esl  faite  des  poili  d'une  br< 
teints  dans  le  sang  d'un  coquillage;  <>u  encore  l'aeti 
n'est  que  l<*  frottemenl  d'un  nerf1  el  l'éjaculation  d'une  glaire 
accompagnée  d'un  certain  Bpasme.  Toutes  ces  idées  atteignent 
le  Fond  des  choses  el  les  pénètrent  au  point  que  nous  en 
distinguons  la  vraie  nature9,    agissons  ;iinsi   pendant   toute 

noire  vie,  el  quand  nous  nous  luisons  des  choses   l'idée  la   plus 

Favorable 3,  mettons-les  à  nu,  voyons  le  peu  qu'elles  sont  el 
détruisons  la  légende  S  qui  assure  leur  prestige.  L'orgueil 
un  dangereux  sophiste;  c'est  quand  vous  croyez  vous  attacher 
aux  objets  les  pins  dignes  d'attention  qu'il  déploie  le  plus  son 
charlatanisme.  Voyez  donc  ce  que  Cratès  dit  de  Kénocrate 
lui- même. 

14 

La  plupart  des  objets  que  le  vulgaire  admire  rentrent  dans 
la  catégorie 5  la  plus  générale,  celle  des  choses  qui   ne  sont 

i.  Au  lieu  cTevTspto'j,  j'ai  adopté  veupsou,  heureusement  rétabli  pir  Nauck. 

a.  [Cf.  supra  III,  h,  seconde  noie.  Ce  sont  la  même  idée  et  les  mêmes  expressions.] 

3.  Le  mot  dlUotzittt.  a  été*  contesté.  Je  crois  qu'il  peut  être  conservé.  Ce  sont  les 
choses  en  apparence  les  plus  dignes  de  confiance  qui  nous  trompent  le  plus.  —  [On 
a  conteste  à£t6iti<TT0l  parce  que  c'est  la  leçon  des  manuscrits  secondait   -  est-à-dire, 

en  somme,  des  extraits  plus  ou  moins  fidèles  —  des  Pensées.  Le  Vaticanas,  qui  nous 
en  donne  le  texte  intégral,  et  le  Darmstadinus,  qui  vient  le  second  dans  l'ordre  d.>  la 
valeur,  portent  XiotN  à;io-ioTÔTaTa,  qui  n'est  pas  admissible,  et  qui  perm  t  peut-être 
de  douter  d'à;iôiri<7Ta. —  Les  diverses  corrections  proposées  ne  modifient  que  très 
légèrement  le  sens.] 

!\.  Je  dois  reconnaître  que  le  mot  que  je  tra  luis  ainsi,  np  Itto^v,  n'a  nuère  lie 
sens  dans  cette   phrase,    lleiske  a  proposé  rspOps&v,  qui   est    i    _  nble 

confirmé  par  xaTOtYoqre'jei,  qui  vient  un  peu  plus  loin.  On  pourrait  essayer  d'autres 
corrections,  par  exemple  Tzpai£''av,  qui  est  plus  ordinaire,  et,  je  le  crV:s,  plus  m 
ici. 

5.  [Ce   mot  «catégorie»  ne  doit  pas  plus  être  pris  dans  son  acception  phil 
phique  que  le  mot  yevtxttfrara  du  texte  grec,  qu'il  peut  traduire  dans  les  deux  sens. 
On  nous  dit  (textes  cités  dans  Zeller,  Phil.  der  Gr.,  III  \  p.  91)  qu:  les  Stoïciens  avaient 


,  io  B1BLI01  ni. «m  i     DES  UNIT]  IlSl  i  I  8    D1     ^1 1 1 > I 

que  par  une  simple  qualité  première  ou  nature  ',  comme  des 

réduit  les  «ii\  *.oiïrtyoû{au  d'Aristote  a  quatre  Ytvtxcorata  ou  -f^.»Ta  yivr\  :  le  substrat,  ou 
l'objet  donné,   .<>   6ito  ■  la  première  détermination,  ou  qualité  essentielle, 

xh  fcot6v;  let  déterminations  secondes,  modalitéi  ou  propriétés,  ri  icok  SX0*?  '' * 
qualité!  relatives,  cb  *p6c  ri  k*k  s*xov.  (:Vs,t  d'une  tout  autre  analyse  qu'il  s'agit  i<  i  : 
,,,,,,  (|,.s  «catégories»  de  la  pensée,  maii  des  «catégories;  ou  classes  d'objets  et 
d'ôtres.] 

i,  [Gouat:  «celle  des  objets  dont  l'existence  consiste  dam  une  habitude  ou 
nature.»—  «Habitude»  est,  en  effet,  le  sent  ordinaire  d'SÇiç,  mais  pour  d'autres 
que  les  Stoïciens.  Pour  ces  derniers,  'il'.;  est  à  peu  près  synonyme  de  hoiotv)ç<  Ces 
mots  désignent  également  L'unité  el  L'identité  des  êtres  et  des  choses,  Le  principe  qui 
perme!  de  les  définir;  et  nous  savons  {supra  IV,  i\.  seconde  note)  que,  pour  atteindre 
ce  principe,  il  faut  non  seulement  analyser  l'objet  en  malien!  subtile  et  activi  (la 
cause  on  la  forme,  Kttfa)  <'t  en  matière  épaisse  et  inerte  (-'Ar,:  supra  IV,  ai,  noie 
finale),  mais  éliminer  de  la  cause  ou  forme  elle-même  certaines  parties  qui  sont 
aussi  instables  que  la  matière  inerte  (V,  a3).  Seulement  celte  notion,  itoiéri)<  semble 

l'exprimer  plutôt  connue  concept  pur  et  Unité  abstraite;  IÇiç,  uniquement  comme 
réalité  et  même  comme  activité  (Zeller,  Phil.  der  Gr.,  1113,  p.  9O,  note  2).  La  koi6ti)C 
(cf.  la  note  précédente  sur  les  catégories)  serait  donc  surtout  un  principe  logique; 
l'i;i;,  un  principe  métaphysique.  La  nuance  est  très  fine,  si  tant  est  que  nous  l'ayons 
bien  aperçue;  d'ailleurs,  les  Stoïciens,  au  moins  lorsqu'ils  employaient  vroiorqc  ne  se 
sont  pas  fait  faute  de  l'effacer.  Si  ces  matérialistes  ont  pu  dire  que  les  EÇst;  n'étaient 
pas  autre  chose  que  des  souffles  d'air,  àspa;  (Chrysippe,  dans  Plutarque,  de  Stoïr. 
repliait.,  '|3),  ils  ont  du  objectiver  les  Koiô-r-iz  pour  les  définir  également  (même 
texte,  quelques  lignes  plus  bas)  des  souilles,  t^i-j[iol-x,  «  qui  spécifient  les  parties  de 
la  matière  où  ils  se  trouvent  et  leur  donnent  ligure.  » 

Or,   ces  souffles   (qu'on  les  nomme  l\m  ou  irotrfTijrsç)  sont  plus  ou  moins  secs, 
chauds  et  ténus.  Suivant  leur  fraîcheur  ou  leur  densité,  ils  forment  des  corps  diffé- 
rents :  choses  inanimées,  plantes,  animaux,  hommes,  et  reçoivent  des  noms  spéciaux. 
Dans  les    choses,  —  dans  «  les    pierres   et   dans   le  bois  mort  »,  —  ils   s'appelleront 
simplement  ïlzi;  ou  i|/Oia\  eÇstc  («pures  et  simples»  l\v.z:  Sextus   Empiricus,  adv. 
Math.,  IX,  81),  bien  que  les  autres  ((souffles»  dont  on  va  parler  soient  encore  des 
£;£'-;•  C'est  ainsi  qu'on  nomme  «  matière  »  ce  qu'on  oppose  au  principe  efficient,  sans 
tpie  pourtant  celui-ci  soit  immatériel;  dans  les  deux  cas,  il  n'est  ni  utile  ni  aisé  de 
trouver  une  dénomination  plus  précise.  —  Plus  sèche,  plus  chaude  et  plus  ténue  que 
cette  £*:'.:  rudimentaire,  la  ((nature»  (?-j<ti;)  est  le  principe  qui  forme,  développe  et 
définit  la  plante,  —  «  les  figuiers,  les  vignes,  les  oliviers  »  dont  parle  Marc-Aurèle. 
\  vrai  dire,  ces  deux  degrés  inférieurs  de  la  hiérarchie  des  déterminations  premières 
—  d'où    nous    pourrons    déduire  la   hiérarchie   des   êtres  —  sont   moins   nettement 
distingués   ici  que  les  degrés  suivants:  dans  une  autre  pensée  (VI,  22),  qui  établit 
a  peu  près  la  même  hiérarchie  entre  les  objets  et  les  vivants,  nous  verrons  même 
qu'ils  ne  font  plus  qu'un.  Par  là,  Marc-Aurèle  modifie  —  ou  simplifie  —  légèrement 
la  doctrine  traditionnelle  que  nous  permettent  de  reconstituer  entre  autres  un  texte  de 
Plutarque  (\  irt.  nior.,  12):  xaOrfXov  oï  :wv  ô'vtcov...  çowtv...  5tc  :à  |xèv  BÇec  Bioixetrai, 
:à  oï  fuaet,  xà  os  à/ôy*»  '^'jyjt,  "ol  oï  xxi  ).ôyov  s/o^r,  xai  Stavoiav,  —  et  le  passage  de 
Sextus  Empiricus  (adv.  Malhem.,  IX,  81)  que  j'invoquais  tout  à  l'heure:  :à  jxkv  uxb 
'lù/r^z   e!;sw:  owé^etai,  :à  oï  Ctio  v'jgilùz,  :à  oï  uxo  'Irj^z'  y.a\  £;ît»;  txkv  w;  XlOot  xxt 
ËuXa,  7jtô(o;  oï  xotQxxep  Ta  ï'JTa,  ty'jyj^  oï  :à  ^(»a.  Ce  dernier  texte  interrompt  avant 
la  fin  rémunération  que  Marc-Aurèle  simplifie  au  début;  sauf  cette  divergence,  il  est 
intéressant  d'observer,  de  part  et  d'autre,   non  seulement  l'identité  des  termes  de  la 
gradation  (zliz,  pudtç,  -Vj//,),  mais  celle  des  exemples  invoqués. 

Revenons  à  la  définition  de  la  «nature».  Au  rapport  de  Plutarque  (de  Stoïc. 
repugn.,  40,  Chrysippe  soutenait  que  l'enfant  vit,  dans  le  ventre  de  sa  mère,  d'une 
vie  végétative.  Ce  n'est  donc  encore  qu'une  «nature»  qui  l'anime (çuost  rpé?e<xflxt). 
«  Dès  qu'il  est  né,  l'air  extérieur  refroidit  et  trempe  ce  souffle  et,  par  suite  de  ce 
changement,  l'embryon  devient  animal.  »  Il  y  a,  d'ailleurs,  une  contradiction,  qui 
n'a  pas  échappe  à  Plutarque,  entre  celte  explication  de  l'origine  de  notre  âme  et  une 
autre  assertion  du   même  Chrysippe  iibid.).  considérant  «l'âme  comme   un  souffle 


Il    n     II  Ml         M  \  I  II  III 

pierres,  «lu   boië,  de     0    i  d<  lw 

gem  un  peu  plo      an  d  •      attachent  plul 

plu    i,    .  i  i  i  plu     ui.hi  qui   la  natun       SI  l'u 

a  l'autre  i      l  celle  qui  •  i  pllque  l<  pr»ml<  <  i 

i.    rivant   ol  détruit    le   pi  ln<  ip    <i<    la    i  • 

que  i  ii»    '!•   Il i ta adl<  ti< 

moln  .  |i ii  qui    Mai     \ "i .  !■    raoonl 

..m,  i  m   i  ..,  n, ,ii  de  l'aii   i  pli  (  Il  plui   h  •  i pliqu 

i que  pai  la  h  an  foi  matlon  d<    allm  ni     qui  ni  la  n  • 

Intel  loui  o   Quoi  qu'il  en  m  nul  ■ 

i.   i.i  natui ■  .i  i  .un,  qu<  d<   la  h  i-  i  mlnation  i  I 

.!<•  l'homme  p  divoi     ûtul      Elle  achève  aon  évolul 

plui  subtile,  la  plui    -"  ne  ol    la  plui  -  haud<  d<    la  ti 

-,  in. une  (Plutarque,  Plac   phil  .  l\  .   i3,  Dn 
«  non  leulemenl  par  11  n  iplration  ev< •«•  L'aii  extérieur,  mail  pai    l'intelligi 

i  ion  univei  iell<     [VIII    >4)    La  dl  Uni  ti<  m  de  l'Ame  el  de  l'An 
faite  pluaieura  foii  dam  les  Pen$è\  i  (111,  il     \  i  ' 

Tela  ion!  lei  différenta  états  el  lea  différents  oomi  de  1*1        I  On  ne 

s'étonnera  pas  il  coi  -  tati  sont  toujours  distinguéi  el  oea  nomi  nu  ai  tnfondui 

aouvent  Voici,  d'abord,  le  mol  '  :■...  qui  eal  un  terme  générique  oommi  t  ojul 

exprimera  cependant,  par  oppoaiilon  i  toute  autre,  la  détermination  la  pin 
celle  dea  ohoaea  Inanimées.  D'autre  j»;iri  irner  non  aeulemenl 

vivante,  mais  la  raison,  ou  Ime  raisonnable;  etil  ne  paraîtrait  certes  pa 
d'entendre  un  Stoïcien  nommer  «âme  végétative»  la     nature j  du  foetus.  Enfin,  la 
nature  universelle,  qui  n'es!  pas  différente  de  la  raison  universelle,  ne 
que  parce  qu'on  considère  le  présent  [$upra  IV,  36)  comme  l'embryon  de  l'a 
N'est  ce  paa,  du  moins,  ce  qu'implique  la  définition  citée  par  I>> 
Stoïciens  entendent  par  nature  soil  ce  par  quoi  èsl  le  moud»;,  aoii  ce  qui 
fait  sortir  le  fruit  de  la  semence.  La  nature  est  une  détermination  pn 
.l'une  activité  propre,  qui,  en  des  temps  déterminée  et  conformément  aux  raisons 
séminales,  achève  et  t'ait  être  ce  qui  résulte  d'elle,  et  dont  elle  prend  les  éléments  de 
divers  côtés,  dans  d'autres  choses  toutes  semblables 

e>ucrtv  cï  -otï  fj.kv  KiroqpafvovTati  r»|v  euvi^oueav  rbv  xéeuev,  kùxI  km  xk 

ira yîjç.  "Sert  ïz  qpfai<  kûttjç  xtvouuiw),  -/.aià  anctpi&gTixc  j<  iicon 

tî   /ai   T'jviyo-jTa    rà    s;    a-jTf,:    tv    wptajtivoi;    yoôvoi:.    /.a*.   TOtftÛTa    8pâou 
dticexp&ï). 

J'ai  reproduit  ce  texte  en  entier  parée  qu'il   contient  deux  foie,  en  quatre  ou  cinq 
lignes,  le  verbe  euvé^stv  qu'emploie  aussi  Ifarc-Aurèle  dans  la  présente  pensée.  On 
retrouverai!  le  même  mot  dans  le  passage  de  Sextus  Empiricus (ode.  Math.,  \\ 
que  j'ai  cité  plus  haut,  et  dans  la  définition  de  Vil::  rapportée  par  Plutarque  <</<?  v 
repugn.}  i3  :  One  toutmv  yàp  ffuvl^stai  t«  otou-orra),  à  laquelle  je  me  suis  borné  à  faire 
allusion.  C'était  donc  un  terme  consacré  dans  la  langue  philosophique         -        iena. 
Le  sens  en  ressort  très  nettement  de  l'analyse  étymologique  :  le  préfixe  eùv-  indique 
une  unité   faite  île   l'assemblage  d'éléments  divers;  le  verbe  ïyiv* —  ^e  ^a   m,,ne 
famille  que    le   substantif   ïl'.z — indique    l'existence    indépendante,    ou    plutê  t    ce 
semblant  d'indépendance  qu'est  pour  nous  l'existence.  On  aurait  dune  pu  traduire 
à  peu  prés  littéralement  les   mots  :à  xta.  ffuvsyouEvx  par  •   les  choses  qui  ont  | 
principe  de  leur  unité  et  de  leur  existence  même  une  simple  qualité  première  ou 
nature».   J'ai   préféré  une   expression   peut-être   moins   explicite,  mais  plus  coi 
J'ai  d'ailleurs  été  guidé  dans  mon  interprétation  par  les  synonyme* que  les  Stoïciens 
eux-mêmes  donnaient  à  awi/so-Oa:  •'  5io*xst<rôat,  ou  bien  glôoirotsîaOai et  rçigiartÇeoOàa 
(Plutarque,  ViH,  mor..  n,  —  et  de  Stoïr.  repagn.,  43=  p.  io54  A.  fin  :  textes  cités  ou 
mentionnés  ci-dessus).  La  traduction  de  If.  Couat  ne  m'a  pas  paru  désigner  peut-être 
assez  nettement  Vïi'.z  et  la  puet;  comme  des  principes  organisateurs  ou  formels.] 

i.  [Couat  :  u  un  peu  plus  sages.  »  —  Cf.  la  note  suivante.  —  Il  y  a  dans  le  texte  grec 
une  anacoluthe  qui  disparaît  si  l'on  rétablit,  aprè^  les  mots:  Ta   c;  1- 
u.stc'. (07 £pu>7,  le  participe  Oavj.aTvj.sva.  ou  un  synonyme,  qu'aurait  oublié  un  scribe. 


i  i  3  BIBLIOI  m  <  m  i     DES    i  m\  i  KSI  i  ES    Dl      midi 

d'une  âme  vivante,  comme  les  troupeaux,  l<-  groa  bétail;  les 
hommes  encore  plus  entendus1  préfèrent  les  êtres  pourvus 
dune  âme  raisonnable,  mais  dont  la  raison  indifférente  à  ce 
qui  esl  universel  se  distingue  par  l'habileté  technique  <>u  |par 
toute  autre  adresse],  ou  simplement  par  le  Fait  de  posséder 
beaucoup  d'esclaves,  Mais  celui  qui  estime  rame  raisonnable, 
celle  qui  embrasse  l'univers  ci  l,i  société   universelle,  ne  se 

tourne  vers  aucun  autre  objet;  il  s'applique  à  conserver  son 
àme  en  état  de  se  mouvoir  cl  de  se  retenir3  suivant  la  raison 
et  les  lois  de  la  solidarité;  il  agit  d'accord  avec  tout  ce  qui 
est  né  comme  lui  pour  cette  fin. 

15 

Les  choses  se  hâtent,  les  unes  d'être,  les  autres  de  n'être 
plus;  a  mesure  qu'une  chose  devient,  une  partie  d'elle-même 
a  déjà  disparu;   le  monde  se   renouvelle   par  un   écoulement 

Mais  je  crois  plutôt  la  négligence  imputable  à  Marc-Aurèle  lui-môme  qui,  arrivé  au 
début  de  la  seconde  phrase,  se  serait  imaginé  avoir  commencé  la  pensée  par  les 
mots:  Ta...  uito  to>v  icoXXâft  Oa'ju-a-ôjxsva,  exactement  synonymes  de:  J>v  f,  7rXr/Jv; 
BowjlâÇet.  Dans  ces  conditions,  il  aura  cru  pouvoir  sous-entendre  ici  0avfJLaÇ4u£va 
aussi  bien  qu'àvày&Tai  un  peu  plus  bas.  Les  inadvertances  de  cet  ordre,  qui  pro- 
viennent d'une  rédaction  hâtive  et  attestent  que  l'auteur  ne  s'est  pas  relu,  sont 
d'ailleurs  asseï  rare>  dans  [es Pensées.  Cf.,  au  milieu  de  l'article  III,  iC,  dans  la  même 
phrase,  à  la  même  ligne,  la  rencontre  des  mots  ta  /.oiuà  et  Xotirév.] 

i.  (Couat  :  «encore  plus  raffinés.» — Avec  M.  Couat  et  les  autres  traducteurs 
français  d<-  Marc-Aurèle,  j"ai  considéré  ici  le  mot  yapi£T7£p(.>v.  et  dans  la  phrase  pré- 
cédente  le  mot  fieTpumépwv  comme  des  masculins.  M.  Stich,  qui  cite  ce  passage  aux 
mots  gaptev  et  [ié-rptov  de  snn  Index,  en  a  fait  des  neutres;  je  ne  crois  pas  qu'il  puisse 
arriver  par  cette  voie  à  un  sens  bien  satisfaisant.  Il  me  paraît  presque  évident  qu'il 
y  a  dans  cet  article  deux  gradations  parallèles,  celle  des  variétés  de  l'eÇic,  et  celle  des 
intelligences  qu'intéresse  chacune  de  ces  variétés  :  f,  tta/jOO:,  oi  ixsTpuoxssot,  o\ 
-/apiiaTôpo'..  J'ai  essayé  de  marquer  cette  seconde  gradation  dans  la  traduction. 
Depuis  Platon  et  Ari>tote,  les  mots  ulstoio'.  et  gaptevrec  désignent  les  hommes  qui  se 
distinguent  du  vulgaire  par  une  certaine  sagesse:  les  premiers,  plus  précisément, 
par  la  modération  de  leur  langage  ou  de  leur  conduite;  les  seconds,  par  leur  habileté 
dans  les  arts  ou  les  sciences,  surtout  dans  la  philosophie.  Mltptoc  ne  reparaît  pa> 
dans  les  Pensées,  mais  ^aptetç  y  est  employé  encore  deux  fois  (V,  10;  IX,  2);  au 
moins  la  dernière,  le  sens  n'est  pas  douteux, —  et  c'est  celui  que  nous  avons  dû 
adopter  ici.] 

2.  J'ai  suivi  le  texte  donné  par  les  manuscrits,  bien  que  la  phrase  n'offre  pas  une 
construction  grammaticale  satisfaisante.  Le  passage,  ajoute  M.  Couat,  est  probable- 
ment altéré. —  [Je  n'en  suis,  pour  ma  part,  rien  moins  que  sur.  Il  sufïit  de  sous- 
entendre  avant  le  point  iinal  le  mot  ivTsr/r,:,  exprimé  une  ligne  plus  haut,  pour  que 
la  dernière  proposition,  qui  seule  peut  surprendre  le  lecteur,  paraisse  claire  et 
correcte;  et  nous  avons  vu  (deux  notes  plus  haut)  que  les  ellipses  ne  manquent  pas 
dans  cette  pensée.  Je  prends  -h...  xexTY)<xÔai  pour  un  accusatif  de  relation,  ou,  comme 
disent  les  grammairiens,  un  accusatif  grec] 

3.  Je  li*>  £<t^o'j<t<xv  xou  xivoujiÉvïjv.  Cf.  IX,  12:  àXXà  jiôvov  sv  QéXe...  xivetaQatt  xst 
ia/îaOa'..  lo:  ô  roXitixqc  Xôyo;  iftoî.  [Mêmes  mots,  VI.  16.] 


Il  II  Ll|       M  \h<       M    RI    I   l 

perpétuel  el  <!<•   pei  pëluel    i  bangemenl        i-    i  oui 
rompu  < 1 1 1  tempi  renouvelle  toujotu     la  (i"i  i    infinie    I 

portrs   par  le  lltîin  c     .m     |h.ii\  «»ii    iimii     \    .h  i  .  i.  i    i 

Ible  qu'un  <!<•  u<>us  -  attache  à  l'une  d<  qui 

fùienl  !<•  long  de  »  rive       l  'aal  <  « »i 1 1 1 1 1 <     i  non  naetl  i( 

,i  .iimcr  l'un  de  ce    ni"iiir,ni\  qui   pas se  ni  en  volanl  au| 
de  noua  :  <l«'.j.i  il  a  disparu  loin  <!«•  n<  ird     I  elle  \  me 

de  chacun  de  u<>us  n'etl  rien  qu'exhalaison  du  lan    el  a  pipi 
lion  d'air.   [Car]  eu  <|u<>i  diffère  <l<-   la   simple  aspiration  si 
expiration  de  l'air,  que  noua  recommençont  ■  •  chaque  instant, 
le  lait  de  rendre  une  fois  pour  toutes,   là   (>"   nous  l'avons 
prise,  relie  faculté  de  respire)   que  n<>u-  avons  reçue  biei 
avant  hier,  en  naissant  i  ) 

16 

(le  n'est  pas  de  transpirer  comme  les  plantes  qui  a  de  la 
valeur,  ni  de  respirer  comme  les  animaux  domestiques  on 
sauvages,  ni  de  recevoir  la  représentation  par  empreinte  >,  ni 
d'être   tiré   par  le  désir  comme  une   marionnette;    ni   de    se 

rassembler  en   troupeau,    ni   de   se  nourrir,    (les   faits   sont    du 
même   ordre   que    d'éliminer    les    produits    de    la    digestion. 
Qu'est-ce  qui  a  donc  de  la  valeur?  Est-ce  le  bruit  des  applau 
dissements?  Nullement.   Ce  n'est  donc  pas  non  plus  le   bruit 
qu'on  tait  en  parlant  de  nous,  car  les  louanges  de  la  multitude 

i.   [Cï.  supra  11,  17;  Y,  i3,  note  finale;  infra  X,  7.] 

».  [Couat:  <  A  quoi  s'attacheront  donc  tous  ceux  qui  sont  emportés  le 
rï\rs  de  ce  fleuve  >,ms  pouvoir  s'y  arrêter?  »  —  J'ai  redoublé  L'interrogation  el  lu 
t::....;  d'accord  avec  Pierron  et  M.  Michaut,  et,  à  ce  qu'il  me  semble,  lébul 

même  de  la  pensée,  j'ai  fait  de  tourpw  twv  irapsOsoVtiM  le  régim  '  de  tî.] 

3.  [Nous  n'avons  en  français  que  le  mot  «vie»  pour  traduire  à  la  fois 
On  ne  saurait  pourtant  confondre  les  deux  «  vies  ».  Pour  les  Stoïciens,  v.o;  m 
que   celle  de   l'àme   raisonnable   (oi —   kko  t>;  TToà:    î  v<  XéYS<r8oii    &i 
xaO'  h  x\  ex/jiJiaiv6|ievov  Xoytxfj*;  Cjwtjç,  Stobée,  Ed..  II,  27?);  £<■")  semble  être  un  terme 
générique.  C'est  le  mot  qui  est  employé  ici.  La  définition  de  Marc- Au r  nous 

retrouvons  d'ailleurs  dans  le  Pseudo-Plutarque  {Vie  (PHomhre,  1  ,_:  cf.  sapra  V,  33. 
3r  note),  confirme  celle  de  Stobée.  En  effet,  l'exhalaison  du  sang  nou- 

velle sans  cesse  en  nous  l'àme  raisonnable,  ainsi  qu'on  l'a  vu     V,  33,  h    note):  par 
suite,  elle  entretient  en  nous  cette  forme  supérieure  de  vie  qui  B'appelail  ;  »;.  S 
certaines  réserves  que  nous  avons  faites  ubid.,  note  finale  .   le   tou/JU  peut  suffire, 
d'autre  part,  à  désigner  l'àme  animale  :  les  phénomènes  de  la  vie  animale  peuvent 
ainsi  être  résumés  par  le  mot  de  «  respiration  ►>.] 

'i.   [Var.  :  «  que  nous  possédons  depuis  qu'hier  ou  avant-hier  nous  sommes  nés.»] 

5.  [Couat  :  «ni  de  recevoir  l'impression  des  choses  extérieure*.  0 —  [Cf. supra  III.  16, 
•Y  note.] 

\.    COI    M-  P*.     h»IH\llli.  y 


I  I  f\  BIBLIOTHEQUE    DE9    UNIVERSITÉS    D!     MIDI 

ne  sont  qu'un  bruil  de  langues.  Ainsi,  voilà  la  gloriole  mise 
il  Bon  tour  <lr  côté.  Que  reste  t  il  qui  ait  de  la  valeur?  A  mon 
;i\i-.  c'esl  <l<i  Be  mouvoir  et  de  s'arrêter  selon  sa  propre  cous 

tilulion  '  :  ce  qui  es1  aussi  le  but  de  toute  étude  et  de  tout  art. 
Lu  ait  quelconque,  en  effet,  s'efforce  de  mettre  tel  être  ou  tel 
objet  en  état  de  remplir  l'office  pour  lequel  il  est  constitué7. 
C'esl  ce  (pie  cherchent  les  vignerons  en  cultivant  la  vigne, 
cl  celui  qui  dompte  les  chevaux,  et  celui  qui  dresse  les  chiens. 
C'esl  aussi  le  but  de  l'éducation  et  de  l'enseignement  >.  Voilà 
ce  qui  a  de  la  valeur.  Si  ce  but  est  atteint,  tu  ne  chercheras  à 
le  procurer  rien  de  plus.  Ne  cesseras-tu  donc  pas  de  donner  du 
prix  à  beaucoup  d'autres  choses?  Tu  ne  seras  donc  ni  libre,  ni 
autonome,  ni  exempt  de  passions  '».  Fatalement,  en  effet,  chacun 
envie,  jalouse  et  soupçonne  ceux  qui  peuvent  lui  enlever  ces 
autres  biens;  chacun  tend  des  pièges  à  qui  possède  ce  qu'il 
considère  comme  ayant  du  prix;  fatalement,  la  privation  de  ces 
biens  nous  trouble  et  nous  ne  cessons  d'en  faire  des  reproches 
aux  Dieux  [mêmes].  Au  contraire,  si  tu  respectes  et  si  tu 
honores  ta  propre  intelligence,  tu  seras  content  de  toi-même, 
tu  te  sentiras  en  harmonie  avec  les  hommes  et  d'accord  avec 
les  Dieux,  je  veux  dire  que  tu  les  loueras  de  tout  ce  qu'ils 
t'accordent  et  de  tout  ce  qu'ils  ont  ordonné. 

17 

Les  éléments  sont  emportés  en  haut,  en  bas,  en  cercle 5. 
Le  mouvement  de  la  vertu  n'a  aucune  de  ces  directions;  c'est 

i.  Couat  :  ((nature.» — Cf.  supra  V,  16,  note  3. — Les  mots  «se  mouvoir  »  et 
((S'arrêter»  appartiennent  à  l'Éthique  stoïcienne.  Nous  verrons  (XI,  12,  en  note)  que 
r« utilité»  bien  entendue  se  résume  en  eux.] 

3.  [Couat  :  <(  de  rendre  l'objet  qu'il  crée  propre  à  remplir  l'office  pour  lequel  il  est 
créé,  » —  Mais  le  dressage  ne  crée  pas  le  cheval,  ni  la  viticulture  la  vigne.  Il  fallait 
d'ailleurs  rappeler  ici  le  mot  ((constitution»  qui  se  trouve  dans  la  phrase  précédente, 
et  dont  l'équivalent  grec  n'est  pas  écrit  moins  de  trois  fois.] 

3.  iizi  ti  d7rcôoojT'.v.  Le  pronom  n  n'a  pas  de  sens.  On  pourrait  lire  etù  toCxo.  [ou. 
avec  M.  Stich,  è«\  aX/.o  xi  9icEu£ou<riv;]. 

\.  [Ces  trois  expressions  sont  à  peu  près  synonymes.  Cf.  XI,  20,  note  finale.  Toul 
le  développement  qui  suit  a  été  repris  par  Marc-Aurèle  à  la  pensée  VI,  fci.] 

.").  [Couat:  ((Les  éléments  se  meuvent  en  haut,  en  bas,  circulairement.  Le  mouve- 
ment de  la  vertu,  etc..  » —  Il  y  a  en  grec  deux  mots  qui  ne  sont  pas  synonymes  et  ne 
peuvent  être  ici  traduits  do  même  :  epopa  et  xtvqatç.  D'après  Stobée  {Ed.,  I,  'io4), 
Chrysippe  définissait  la  xtw)ffiç  «  un  changement  de  lieu  ou  de  figure  »,  —  (X£Ta>/Aavr,v 
y.aTa  tôttov  r,  (7/r/j.a. —  et  la  yopy.,  «  une  xfv7)9tc  précipitée,»  disons  :  «un  mouvement 
précipité.»  —  lv.  uLSTScopo'j  xtvijffiv  ogétav.  Or,  ici,  soit  que  la  définition  de  Chrysippe 


D'il  1)1        MU'         M    II    M 

quelque  chose  <!«•  | » l •  j -  dh  in      uh  anl   uni    i 
d('c(Hi\ m,  elle  i  i\ &n<  e  el  atteint  ion  i>ut 

18 

Singulière  façon  d'agir  I  Les  homme    ne  reulenl  pa    Ion 
ceux  « l < -  leur  hMiips,  (|ui  \i\cni  avec  eux,   maii  il    tiennent 
beaucoup  î»  <x,in'  louéa  etn  mêmes  pai  i  eoa  qui  naîtront 
eux,  (|uils  hOmI  jamaif  nia  m  nr  verront jamai     I      I  1  peu 
près  comme  ai  tu  t'affligeais  de  n'avoir  |  u  nom  plui 

louanges  <\r  ceux  qui  oui  vécu  avanl  toi. 

19 

Parce   qu'une   entreprise   te   paratl    difficile,    ne   juge    p 
qu'elle  est  impossible  à  l'homme;   si,  au   contraire,   elle 
possible  el  s'il  appartient1  à  l'homme  de  L'accomplir,  crois  que 
tu  peux  toi  même  la  réaliser. 

soil  insuffisante,  soil  que  la  terminologie  de  Marc-  turèle  soi(  impropre,  le  mol 
ne  se  trouve  p;»>  seulement  désigner  une  chute  (xàx»),  mail  sussi   une 
(avt.))  rapide.  Dans  ie  seul  autre  passage  des  Pensée*  où  nous  le  retrouvions  i  \  I 
il  exprime  la  fuite  du  temps  qui  passe  a  l.i  façon  d'un  fleuve    Chrysippe  n1  al  -  us 

doute  pas  désavoué  rat  emploi  de  popa.  Dans  Sénèque,  le  rei 
(non   itf  ted  fertur),  caractérise  la   démarche  «emportée))  ou    rprécipil  •■      de   la 
passion  :  cet  emploi  figuré  dérive  tout  naturellement  du  sens  premier,  —  si  c'est  bien 
celui  que  donnait  Chrysippe.  Si  l'on  reul  prendre  II  moyenne  ►lions 

diverses,  on  peut  entendre  par  popà  un  mouvement  impétueux,  don!  !••  mobile 
pas  maître  :  tel  le  inouvem  ut  des  vents,  des  torrents,  des  incendies,  des  pi  qui 

s'écroulent,  des  éléments  déchaînés.  Celai  de  la  vertu,  au  contrain  isentielle- 

ment  libre. 

{«'expression  f,  Tf(;  npervj<  x-vr,?-.;  no  saurait  surprendre  un  lecteur  habitué  in 
matérialisme  des  Stoïciens,  averti  par  la  définition  dos  « catorthoses »  (supra  V,  ia), 

enu  enfin  du  sens  très  large  que  Chrysippe  el  son  école  attribuaient  su 
«mouvement».  Le  s  mouvement  do  la  vertu»  est  sans  doute  un  certain 
ment  d'aspect»—  [UTaXXay^v xorcà  v/j^x  -  de  rame:  mais  tout  changemen 
implique,  au  dire  des  Stoïciens  (Simplicius,  Phys.  3io  b:  ol  8è  in  %axa 

jràdav  Kt'vrpw  SXrfo^  ùireîvai  tt.v  To-'.xr,v),  un  changemen!  de  lieu,  c'est-à-dire  un 
«  mouvement  »,  au  sens  le  plus  usuel  et  le  plus  concret  du  terme.  Il   faut  i 
garder  de  prendre  ici  le  mol  xîvrjdiç  pour  une  simple   métaphore,   sans  sutl 
que  celle  que  nous  formons  en  français  avec  le  mot  «  démarches 

S'il  en  est  ainsi,  on  ne  peut  que  s'étonner  d'avoir  à  compler  le  feu  du  ciel  ou 
réther    au    nombre    des    éléments    que   Marc-Aurèle  oppose  à   la  vertu.    Il    faut    l'y 
compter,    parce   qu'à   la   différence   des   quatre    traditionnels,    terre,    eau.    air 
terrestre,  dont   le   mouvement  {infra   M.  20)  est  rectilign  mquième   élément 

se  meut  circulairement  (xb  o'  ott&spiov  itepupepâc  xivcvcai,  Stobée,  /■>/..  I,  qu'il 

est   précisément    question    ici  d'un  déplacement  circulaire.    On    peut    s'étonner  de 
l'opposition  du  mouvement  de  l'éther  à  celui  de  la  vertu,  parce  que  les  asti    -  - 
divins,  que  la  raison  est  faite  de  la  même  flamme,  et  que  la  vertu  est  la  raison  droite.) 

1.  [Couat  :  «Si...  elle  est  possible  et  à  la  mesure  de  l'homme.  •  —  On  ne  peut 
donner  d'ontsiov  qu'une  traduction  approchée.  Littéralement,  ce  terme  signifie: 
«  domestique,  familier,  apparenté.  »  Le  sens  de  0  conforme  à  la  nature  de  l'homme  » 


Il6  BIBLIOTHÈQUE    DEfl    i  M\  EIiMTKS    i>l     MIDI 

20 

Dans  1rs  gymnases,  L'adversaire  nous  a  égratigné  avec  le^ 
ongles  ou.  en  nous  attaquant,  Frappé  d'un  coup  de  tète1.  Cepen- 
dant, nous  ne  montrons  ni  ressentiment  ni  fureur'  et  ne 
nous  défions  pas  désormais  de  lui  comme  d'un  traître;  nou- 
nous mêlions  simplement  en  garde,  sans  voir  en  lui  un 
ennemi,  ni  le  tenir  en  suspicion,  et  nous  lui  conservons  notre 
bienveillance  en  parant  ses  coups3.  Qu'il  en  soit  à  peu  prèfi  de 
même  dans  les  autres  circonstances  de  la  vie;  comme  si  nous 
('lions  au  gymnase,  laissons  passer  souvent  les  coups  qu'on 
nous  porte.  Il  est  toujours  possible,  je  le  répète,  de  les  éviter, 
sans  soupçon  et  sans  haine. 

21 

Si  Ton  peut  me  démontrer  que  mes  jugements  et  mes  actes 
sont  mauvais,  et  m'en  convaincre,  je  changerai  volontiers.  Je 
cherche  la  vérité,  et  la  vérité  n'a  jamais  fait  de  mal  à  per- 
sonne. Ce  qui  fait  du  mal,  c'est  de  persister  dans  son  erreur 
et  dans  son  ignorance. 

22 

Moi,  je  fais  mon  devoir;  qui  '*  pourrait  m'en  distraire?  des 
choses  sans  vie,  ou  des  êtres  sans  raison,  ou  sans  direction, 
qui  ne  connaissent  pas  leur  route? 


(cf.  M,  i3  :  to  tt]  puoei  to-j  otxetov)  ou  de  «proprement  humain»  est  assez  voisin  de 
ceux-là.  En  français,  nous  distinguons  parfois  malaisément  ce  qu'il  nous  appartient 
de  ce  qu'il  nous  convient  de  faire.  Le  mot  xaôr.xov  ayant  été  réservé  par  Marc-  Aurèle 
pour  exprimer  l'action  propre  à  l'homme  en  tant  qu  homme,  et  parfaite,  c'est-à-dire 
le  devoir  (supra  III,  iG,  note  iinale),  tout  ce  que  les  Stoïciens  ont  appelé  xaÔTrçxovxa, 
qu'il  s'agisse  des  actions  moyennes  ou  des  actions  parfaites,  peut  être  désigné  ici 
par  le  mot  olxsîa,  comme  ailleurs  (VII,  7)  par  xo  ÊrctêàXXov.  —  Cf.  Zellcr,  Phil.  der 
Gr..  III3,  p.  209,  n*  1.] 

1.  Tf(  xeçaXw  èppayEÎc.  C'est  evpayeic  qu'il  faut  lire  :  ttj  xecpaXfj  est  construit  comme 
à'vuÇi,  qui  précède. 

2.  [Couat  :  «  nous  ne  le  blâmons  pas  (  Var  :  «  nous  ne  le  dénonçons  pas  »),  nous  ne 
nous  irritons  pas  contre  lui.  »] 

3.  [Couat:  «et  sans  le  tenir  pour  un  ennemi,  sans  lui  vouloir  du  mal,  nous  cher- 
chons à  éviter  ses  coups.  »  Il  y  a  là  au  moins  un  mot,  eùusvoC:,  qui  n'est  pas  traduit.] 

'a.   [Couat:   «les  autres  choses  ne  peuvent  m'en  distraire;  elles  sont  sans  vie,  ou 

sans  raison,  ou  sans  direction  et  ne  connaissent  pas  leur  route.» —  Le  neutre  du 

grec,  Ta  à'X/a.  ne  pouvait  être  exactement  traduit  par  un  mot  unique,  ni  par 

((choses».,  ni  par  «  êtres     (Michaut).  G'esl  la  raison  qui  m'a  contraint  de  changer  le 


Il  ISJ-.I-.*     1-1       M  MU       M    M  I   » 


23 


i  i 


,  \  (•(      iiohlrx  >r   r|    IiIm-i  |.    '  .    loi    (jiji    Q      <  I  <  .  i  J  -     de    I  ■••    011 

animaux  et,  en  général,  dei  oho  i     el  de    objet       qui  n'ont 
pat  de  raison.  Quant  aux  hommes,  qui  ion!  doué    de  i 
traite  les  oomme  Faisant  partie  de  la  même  communauté  que 
loi.   En  toute  circonstance,  Invoque   lei  Dieux;   peu  Importe 
combien  de  temps  tu  agirai   ainsi     troii    heur<  I   em 

ployées  suffisent, 

24 

Alexandre  le  Macédonien  el  son  muletier  lurent,  aprèt  leui 
mort,  réduits  au  même  état  :  ou  Ils  rentrèrent  dana  la  même 
raison  séminale  de  l'univers;  ou  ils  Furent  également  dispei 
parmi  les  atomei 

25 

Vois  combien  de  faits  physiques  et  psychiques  se  produisent 
à  la  fois  en   chacun  de  nous  dans  le  même  laps  <l<*  temps 

imperceptible;   ainsi  tu  ne  seras  pas  étonné  que  des  faits  bien 


tour  de  la  phrase.  J'ai  dû,  d'ailleurs,  renoncer  à  retrouver  en  Français  L'effet  de  style 
que  Marc-Aurèle  à  obtenu  en  maintenant  ici  constamment  le  genre  neutre,  même 
pour  désigner  des  hommes:  fssitXavY)u,£va(  ....  arpvooOvTa,  au  lieu  de  scicXavr 
QtYvooOvTeçi  après  :i'l'j/x  et  àftoya.  De  la  choses  la  bête  et  de  la  bête  à  l'homme  qui 
vit  dans  l'erreur,  il  y  a  certes  um-  gradation  continue  i  cf.  supra  \  l.  i6,la  même  fa 
chie):  mais  qu'est  -ce  que  «tout  cela  -  —  j'emploie  a  dessein  le  seul  oeutre  que  me 
fournisse  le  français,  un  pronom  —  en  face  de  l'homme  digne  de  ce  nom,  qui  fait 
«son  devoir»?  L'heureuse  incorrection  du  Btyle  met  ainsi  en  pleine  lumière  l'idée 
fondamentale  du  présent  article.] 

i.  [Gouat:  «Traite  d'une  manière  généreuse  et  libérale...  les  animaui 
liberté,  nous  l'avons  vu  maintes  fois  (cf.  surtout  VI,  8,  en  note),  c'est  uniquement, 
pour  les  Stoïciens,  la  liberté  de  la  raison:  car  «les  choses  extérieures  ne  ton 
point  l'âme  »  ;  c'est  l'état  d'une  âme  exempte  de  passions.  Voilà  le  sens  philosophique 
du  mot  £>,£uOsp(o:,  —  et  cV^I  certainement  celui  qui  domine  ici.  Mais  il  esl 
et  le  voisinage  de  iiefaXoçpova);  nous  y  invite,  de  prendre  en  même  lemj  - 
dans  son  acception  usuelle  et  sociale.  En  français,  nous  distinguons      librement     de 
u  libéralement  ».  Dans  un  cas  analogue  (supra  V,  ;  :  voir  la  note  rectifiée  aux  Addt 
nous  avons  vu  M.  Couat  hésiter  déjà  entre  ces  deux  mots.  Aucun  ne  peut  être  parfai- 
tement exact  quand  tous  deux  seraient  nécessaires  :  où  la  langue  esl  trop  ri<  1 
ne  peut  trouver  qu'une  traduction  pauvre.] 

2.  [Gouat  :  «  les  faits.  »  —  Pour  le  sens  de  :à  uttOXEijieva,  cf.  supra  VI,  3,  en  note,  et 
VI,  *.] 

3.  [Deux  hypothèses  sont  ici  en  présence  :  la  stoïcienne  et  l'épicurienne.  La  pre- 
mière peut  se  présenter  elle-même  sous  deux  aspects,  suivant  qu'en  admet  la  survi- 
vance temporaire  de  L'âme  ou  son  extinction  immédiate  ^IV,  ai,  irf  et  dernière  notes). 
Sur  la  «raison  séminale»,  cï.  la  seconde  note  à  la  pensée  IV.  i^.] 


i  18  BlBUOl  BJ  Q1  i     DBS    I  Nil  I  RS1  l  i  S    M     MIDI 

j)lus  nombreux,  <>u  plutôt  que  t<>iii  se  produise  à  la  ibis  dans 
celle  unité  universelle  que  nous  nommons  le  monde1. 

26 
Si  Ton  le  demandait  comment  s'écrit  le  nom  d'Àntonin, 
lu  énumérerais  sans  faire  aucun  effort  chacune  des  lettres  qui 
le  composent.  Mais  si  Ton  se  mettait  en  colère,  irais  tu  \\ 
mettre  loi  même  cl  ne  continuerais  -  tu  pas  à  compter  douce- 
ment ces  lettres  une  à  une?  Souviens  loi  donc  qu'il  en  est 
de  même  dans  la  vie.  Tout  devoir  est  un  total  de  plusieurs 
temps9.  N'en  omets  aucun  :  et  sans  te  troubler,  sans  répondre 
à  la  mauvaise  humeur  par  la  mauvaise  humeur,  suis  la  route 
qui  mène  à  ton  but. 

27 

N'\  a-t-il  pas  quelque  cruauté3  à  empêcher  les  hommes  de 
s'élancer  vers  l'objet  qu'ils  croient  leur  convenir '<  et  leur  être 

1.  [Cette  unité  universelle  est  aussi  un  être,  doué  d'un  corps  et  d'une  âme  :  nous 
l'avons  vu  souvent;  et  la  comparaison  môme  en  laquelle  se  résume  cette  pensée  suffi- 
rait à  le  démontrer.  Comme  M.  Couat  el  M.  Stich,  je  proposé  de  rejeter  les  mots  xa\ 
yEvv^TÔ)  que  donne  le  manuscrit  A  entre  évî  te  et  xai  <jCu.7:av7i.  L'intrusion  dans  le 
texte  de  ces  mots  qui  n'ont  aucun  sens  peut  s'expliquer  par  la  prononciation  iden- 
tique des  deux  groupes  de  lettres  PENNHT  ct  IEN1T  :  celui-ci  aura  été  lu  deux  fois.] 

2.  [Couat:  «Tout  devoir  est  composé  d'un  certain  nombre  de  degrés.  Observe  tous 
ces  degrés,  o  —  Si  les  mots  o\  àptOpofc  tûv  xocO/jxovtwv  ne  peuvent  passer  littéralement 
flans  la  traduction,  du  moins  celle-ci  ne  doit  elle  pas  dissimuler  le  tour  d'esprit 
OU  l'intention  de  philosophes  qui  recouraient  à  la  terminologie  des  mathématiques 
pour  définir  le  devoir.  Où  ils  mit  écrit  «nombre»,  je  transcris  «total»  et  «temps». 
L'expression  curieuse  qui  nous  arrête  a  été  déjà  rencontrée  dans  les  Pensées (III,  i). 
Noua  avons  cité  ;i  ce  propos  un  texte  deCicéron,  qu'on  retrouve  en  grec  dans  Diogène 
Laërce  (Gicéron  :  omnes  numéros  habei  ;  Diogène.  VII,  ioo:  cltzz'/ii  to-j;  ÈTr^r-o'jjj.svo'j: 
àptOfxoO:),  et  d'où  il  résulte  qu'elle  était  consacrée  par  la  tradition  de  l'école.  Avant 
que  Bentham  n'imaginât  «  l'arithmétique  »  des  plaisirs,  les  Stoïciens  avaient  pratiqué 
celle  du  devoir. 

Non  qu'il  s'agît  pour  eux  d'établir  une  comparaison  entre  les  devoirs,  comme  pour 
Bentham  entre  les  plaisirs.  Ils  estimaient  que  t»>us  les  xaTopfaSuATa,  ou,  comme  dit 
Marc-Aurèle  (supra  III,  16,  not<i  finale),  tous  |IS  xadrjxovra  se  valent,  étant  tous  har- 
monieux et  parfaits.  Mais  chaque  devoir  est  un  ensemble  d'obligations  particule 
si  chacune  était  exprimée  numériquement,  les  nombres  constitutifs  du  total  varie- 
raient suivant  les  devoirs,  non  le  total  lui-même.  Ain<i  d'autres  harmonies  —  dont 
Les  nombres  sont  Les  éléments  différemment  combinés  —  se  résument  toujours  en 
des  rapports  fixes. 

Si  Ton  admet  cette  interprétation,  on  ne  s'étonnera  pas  plus  de  rencontrer  L'ex- 
pression o\  KptOfjiot  toO  xaÛTjxovroç  dans  Marc-Aurèle  que,  dans  Platon  {Lois,  668,  D), 
les  mots  o\  àv.Outo'.  tgO  fffi*u.aTOÇ,  ou,  chez  tous  les  rhéteurs,  t>\  àptOuxA  xr:  >.s?:£0);.] 

3.  Ilfo;  (oijlôv.  Le  sens  de  la  phrase  indique  clairement  qu'il  faut  écrire  710"):  ovx 
o)|j.ôv,  déjà  proposé  par  Casaubon. 

!\.  [Couat:  <<vers  ce  qui  leur  paraît  les  toucher  el  leur  être  utile.»—  De  même, 
trois  lignes  plus  bas  :  0  comme  vers  des  choses  qui  les  touchent  et  leur  sont  utiles.»  — 
Sur  Le  sens  d'olxetov,  cf.  supra  VI,  19,  en  note.  11  peut,  d'ailleurs,  être  déformé  ici  par 
le  voisinage  de  patvé|i£va,  tout  comme  celui  de  xaBrjxov  lui-même  à  la  pensée  III,  16.] 


Il  *  I  I      I  II 

utile  '  (  ependanl   tu    lei    en   empêi  h<      en   quelque   mari 
quand  tu  t'indignei  <!<•  leun  Faute      H  poi  lenl  i  ri 

toul  entiers  comme  vert  l'a<  le  qui  convienl  el  leui  esl  utile.  — 

M;us  (  <•  i   i.iii\        r,( »i  ne  toi  donc    ••   lei   in  truii  e   el    i 
éclairer,  w-m    t'indig  n<  i 

28 

Le  moi  l  esl  !<•  repoi  de     eni    qui  ni  de  i  épondi  e  eu 

choc  «1rs  Objetfl  extérieurs:  «1rs  <l.     m       <|in   m>  n..ij  ni   plu- 

oomme  <»Vs  marionnettes;  de  l'intelligence,  <i<»mi  elle  épai 
les  démarches     c'esl    la   Bn   «lu   service  que  n« •« j -   demande 

la  chair  ' . 


i.  [Couat:  t  La  mort  esl  le  repos  des  Impressioni  contraire 
dei  agitations  «pic  donne  !<•  désir,  dei  démari  hci  que  demande  i  \nU  ih  ■• 
ien  Lee  que  non-  Impose  la  chair.  » 

Noua  différons  lurloul  dam  l'interprétation  dei  moti  xiat  lonl 

M .  CSoual  s'est  borné  b  (aire  l'analyse  étymologique   xtodijtni  i 

j'ai  cherché  une  définition  de  la  sensation.  Le  présent  texte  complet)  rail  natun  llenu  ni 
ceux  que  j'ai  rassemblé!  dans  une  note  antérieure  (Tavant-dernii  res  la  pi  n 
el  d*où  j'ai  essaj  ô  de  déduire  la  théorie  de  ce  phénomène.  On  i  ni  que  l< 
général,  faisaienl  consister  Les  sens  en  «  des  souffles  allant  du  principe  din 
organes  »  ;  mais  qu'au  dire  de  Marc-  turèle,  la  sensation  ne  sort  pas  du  t  que 

..les  choses  extérieures  ne  touchent  poinl  l'âme».  le  m'autoriserais  volontiei 
mot  àvtiTvicfa  que  je  rencontre  Ici   pour  ajouter  que  tous  les  Stofciens,  el  même 
Marc    Ainvlc.  oui  vu  dans  la  sensation  un  mouvemenl  en  d<  nx  temps  :  d'abord  un 
choc,  puis  le  «  contre  -  coup  ».  Mais,  tandis  que,  pour  les  auti  iens,  l'ébran- 

lement de  ce  choc  se  propageait  jusqu'à  L'âme,  qui  le  renvoyait  à  l'orna  no  iiit»'n  •--•'•. 
le  mouvemenl  avait  pour  Marc-Aurèle  une  ampleur  beaucoup  moindi 

\  l'appui  de  cette  interprétation,  on  me  permettra  de  faire  valoir  deux  argumenta. 
D'abord,  c'est  la  seule  qui  conserve  à  àvxrrvma  son  sens  usuel  efl  Littérai  :  les  autres 
(Pierron:  «le  combat  que  se  livrent  les  sens;»  Michaul  :     les  ébranlements  de  la 
sensibilité»),  même  celle  tic  If.  Couat,  qui  semble  pourtant  porter  en  soi  sa  justifi- 
cation, ne  sont  autorisées  par  aucun  lexique. —  En  second  lieu,  L'expression 
vevpofficaaTia,  dont  j'ai  tâché  de  donner  partout  la  mémo  traduction,  esl  t'.unii 
Marc-Aurèle:  on  ne  la  rencontre  pas  moins  il»*  quatre  fois  dans  les  Pensées  (II,  s; 
111,  16;  VI,  16  et  ici),  el,  sauf  une,  toujours  accompagnée  d'une  expression  s) 
trique,  soit  uncoûotiou  eavtatextx&ç,  soit  kio&qtixv)  aYmiuicfa.  N'est -il  pas  naturel  de 
chercher  une  certaine  correspondance  entre  les  sens  et  les  usages  de  CCS  trois  locutions 
Est-il  donc  si  étonnant  qu'ici  la  définition  de  la  sensation  remplace  celle  de  la  repn 
talion  (cf.  supra  III,  16,  5"  note;  V,  aG,  avant-dernière  note),  à  côté  de  celle  des  im- 
pulsions instinctives  ou  des  mouvements  de  la  sensibilité  morale?  Je  pourrais  ajouter, 
d'accord  cette  fois  avec  If.  Couat  :  à  coté  aussi  de  la  définition  du  raisonnement.  Car 
le  raisonnement,  c'est  rintelligence  en   marche,  progressant  d'une   idée  à  l'autre  et 
cherchant  une  issue;  plus  simplement,  c'est    l'acte  de  la  pensée  discursive:  et 
bien  là  ce  qu'expriment  à  la  lettre  les  mots  StavoTrnxr)  8ie£o£oç... 

Je  dois  signaler  maintenant  dans  cette  même  pensée  —  car  le  désaccord  e>t  consi- 
dérable —  les  expressions  que  ni  M.  Couat  ni  moi  n'avons  pu  entendre  comme  le> 
autres  traducteurs  français.  Nous  avons  pu  prendre  Sté|o£oç,  que  je  viens  de  définir, 
ot  Xctaoupyia,  qui  n'est  pas  oo^Àsi'a.  et  dont  une  pensée  antérieure  (V,  3i)  a  fixé  le 
sens,  dans  leur  acception  habituelle.  Traduire,  comme  Pierron  et  M.  Michaut.  le  pre- 
mier de  ces  mots  par  «  écarts  >>  ou  «  égarements  »,  et  le  second  par  «  servitnd 
ajouter  témérairement  une  ligne  à  la  page  où  les  dictionnaire^  les  définissent; 


i   |<j  BIBLIOI  HBQ1  I     DBS   I   M\  »  K8I1  i  S    D1      MIDI 

29 
Il  est  honteux  que.  dans  cette  vie  où  mon  corps  ne  se  refuse 
pas  à  von  office,  mon  âme  renonce  la  première  an  sien'. 

30 
Prends  garde  de  faire  le  César,  de  déteindre3,  car  cela  arrive. 
Conserve  loi  simple,  bon,  intègre 3,   grave,  naturel,  ami  de  la 
justice,    pieux,    bienveillant,    tendre,    plein    de    fermeté    dans 
l'accomplissement    du   devoir.    Lutte    pour    rester    tel    que   la 
philosophie    a    voulu    te    faire.    Vénère    les   Dieux,    viens    en 
aide   aux  hommes.    La  vie   est  courte;   le  seul  fruit  de   notre 
existence  sur  la  terre,  c'est  de  maintenir  notre  âme  dans  une 
disposition   sainte,  de   faire  des  actions   utiles  à   la   société  l. 
Sois  en   tout  un   élève   d'Anton  in.    Imite  son   énergie  à   agir 
conformément  à  la  raison,  sa  constante  égalité  de   caractère, 
sa  pureté,  la  sérénité  de  son  visage,   sa   douceur,  son  dédain 
de  la  vaine  gloire,  son  ardeur  à  se  rendre  compte  des  choses. 
11  n'abandonnait  pas  une  question  avant  de  l'avoir  pénétrée 
et  nettement   comprise.    Il  supportait  les   reproches   injustes 
sans   répondre  par  d'autres  reproches;   il  n'avait  de   précipi- 

ici  déprécier  hors  de  propos  des  fonctions  dont  Marc-Aurèle  avait  parlé  sans  dédain. 
La  cause  initiale  (le  ce  double  faux -sens  est  dans  une  troisième  erreur,  qui  porte  sur 
te  mot  àvàicocu) i- 

Nous  l'avons  traduit  par  «  repos»;  Pierron  et  M.  Mie  haut  par  «fin».  Sans  doute, 
avi-awa  ;>  les  deux  -eus  :  mais  le  notre  est  le  sens  premier.  Sans  doute  encore,  le 
mol  «repos»  implique  une  idée  douce  que  celle  de  la  mort  n'éveille  pas  ordinai- 
rement dans  L'esprit  de  Marc-Aurèle;  il  nous  la  présente  presque  toujours  comme 
un  événement  >i  indifférent  qu'il  cherche  à  peine  à  en  prévoir  les  suites  (IV,  21, 
dernières  lignes  de  la  note  finale;  VI,  >'r,  \  II,  32,  etc.),  et  elle  est  pour  lui  non  un 
bienfait,  mais  une  œuvre  quelconque  de  la  nature  (IX,  3);  mais  ce  contraste  ou  cette 
Duance  n'est  pas  une  contradiction,  et  ne  mérite  pas  que  pour  l'éviter  on  interprète 
fort  librement  toute  la  suite  de  la  pensée. 

Il  c>t  difficile,  en  effet,  d'écrire  cette  tautologie  ou  cette  platitude:  La  mort  est 
\di  fin  des  sensations,  des  désirs,  des  pensées;  la  mort  est  la  lin  de  la  vie  de  l'àme  unie 
au  corps.  —  Mais  il  n'est  pas  malaisé  de  découvrir  une  idée  et  un  sentiment  sous  une 
phrase  comme  celle-ci  :  La  mort  est  le  repos,  après  les  fatigues  de  la  vie  même  la 
plus  normale.  | 

1.  [La  pensée  XI,  20,  est  le  développement  de  celle-ci.] 

2.  [Var  :  «  Fais  attention;  ne  prends  pas  un  bain  de  césarisme.  »  —  «  L'aversion  de 
Marc-Aurèle  pour  les  Césars,  qu'il  envisage  comme  des  espèces  de  Cardan  a  pales, 
magnifiques,  débauchés  et  cruels,  éclate  à  chaque  instant.  »  (Renan,  Marc-Âurele6,  p.  6.) 
«A  chaque  instant»  est  peut-être  beaucoup  dire.  Cf.  III,  16,  le  nom  de  Néron  rap- 
proché de  celui  des  monstres;  I,  1 1,  les  fortes  expressions  qui  réprouvent  la  tyrannie.] 

3.  [Var:  «pur.»  Le  mot  «pureté»  traduit  plus  bas  le  grec  ôdtov.J 

U.  [Couat  :  «la  pureté  de  l'àme  et  le  dévouement.» — J'ai  préféré  la  traduction 
de  Renan  (/.  /.,  p.  i3),  où  n'est  pas  effacé  le  mot  ciocôeai:.] 


ii.ii        ni      A.\  i.«       \  i  un  i 

talion  «'m    i  mu     il   repou    ail    II   oalomnie     il   étudiai!   i 
(iiiriiii,,ii    |,      .  .M.,,  kirs   «t   le    ..  i.       il    n'employai!    i  u 
l'injure  :  H   n'étail   ni    timoré,   ni     oup  onnetu     ni    ophl 
M   -<•    contentait  <i<-    peu    poui    i  habitation     le   -  oui  bei     le 
rétament,  la  nourriture,  le  lerfioe;  Il  .min. ni  le  travail  rt   II 

étail    magnanime.    Il    pouvai!  alli-mln 

jusqu'au  soir  sans  avoir  besoin  d<  i   '"  dehoi    de 

BOn    heure   aCCOUttinuV      Imite      i    1 1  <  1  »  1 1 1  «  •   «t      ,.    nm    l.m<  «     <1.im 

amitiés,    -.1    Facilité    i    lupportei    la    contradiction 
empressemenl    à    approuver    ceux    qui    lui    montraient    une 
meilleure  solution.  Il  était  pieux  sans  superstition.  Ressemble 
lui.   afin   que  ta  dernière    heure   te   trouve,    comme    lui,    Il 
conscience  tranquille  ' . 

31 
Reprends  tes  sens  et  reviens  à  toi.  Quand  tu  te  seras  réveillé, 
quand  tu  auras  reconnu  que  tu  étais  troublé  par  des  rêves, 
alors,  les  yeux  bien  ouverts,  regarde  les  choses  comme  tu  le* 
regardais  autrefois  '. 

32 
Je  suis  composé  d'un  corps  et  d'une  âme.  Au  corps,   tout 
est  indifférent^,  car  il  ne  peut  [même  pas;  s'intéressera  rien. 

1.  [Nous  avons  déjà  rencontré  (I,  16)  un  portrait  d'Antonio  le  Pieux,  dam  ce  sin- 
gulier et  admirable  livre  de  comptes  qui  esl  le  premier  livre  des  Pensées,  et  où, 
forme  de  reconnaissances  («  De  mon  aïeul  tant,,.,  de  mon  père  tant...,  UnU  de  ms 
mère...,  de  Diognète...,  de  Rusticus.  .»),  Marc-Aurèle  nous  a  retracé  la  physionomie 
morale  de  loua  ceui  qui  l'avaienl  formé  par  leurs  exemples  ou  leurs  Dana 

cette  galerie  de  portraits,  celui  d'Antonio  esl  le  plua  grand  de  tons;  il  est  en  plao 
d'honneur,  à  côté  des  (lieux  El  voici  que  pour  la  seconde  foia  Marc-Aurèle  esquisse 
le>  traita  de  cette  figure  vénérée.  On  peul  comparer  les  deux  images  :  œllen  i  esl  la 
fidèle  réduction  de  l'autre,  [ci,  pourtant,  Marc-Aurèle,  vraiment  dédaigneui  de  la 
vaine  gloire  el  des  vains  honneurs»,  de  cette  toute-puissance  dangereuse  qui 
les  Césars,  a  pieusement  omis  tout  ce  qui  dans  la  vie  de  son  père  adoptif  pt 
déceler  un  maître  du  monde,  même  les  vertus  impériales.  C'est  avant  tout  l'homme, 
simple  et  bon.  le  sage,  le  juste  qui  l'attire  et  qu'il  évoque.] 

■2.   [Couat:   «regarde  ces  mêmes  objets  que  tu  regardais  tout  à  l'heure.     —  11  \  o 
dans  le  texte  grec  (arexXw...  fiXéica  rewta,  to;  èxétva  s6Xeiceç)  une  opposition  qu 
traduction  dissimule,  celle  des  pronoms  ravra  et  Bxeîva.  11  est  évident,  c 
qu'ils  ne  désignent  pas  «les  mêmes  objets  ».  L'un  représenté  lés  perceptions  du  pré- 
sent  —  ou  de  l'avenir  qui  commence  —  (xaÛTat),  l'autre,  celles  du  pasa 
non  pas,  comme  l'a  cru  M.  Couat,  du  passé  qui  vient  de  Unir,  pendant  lequel    •  nous 
dormions  »,  mais  du  lointain  passé  où  nous  étions  éveillés  et  voyions  clair.  Les  chose* 
doivent  changer;  ce  qui  ne  saurait  varier,  c'est  la  façon  de  les  regarder  |  o;  eô'/.ettï: 
lorsqu'on  les  regarde  bien.  Cf.  infra  VII.  2,  et  1  es  notes.] 

3.  [Cette  affirmation  ne  contredit  point  cette  autre:   «au  corps  les  sensations 
(supra  III,  16).  Car  les  sensations  (cf.  V.  26.  avant-dernière  note)  ne  sont  rien  de  plus 


1219  BIBLIOTHEQUE    l>i>    UNIVERSITÉS    Dl     MIDI 

A  la  pensée1,  tout  es!  indifférent  de  ce  qui  n'est  pas  ses 
opérations.  Mais  toutes  ses  opérations  [du  moins]  sont  en  son 
pouvoir.  Entre  elles  toutes,  d'ailleurs,  elle  ne  s'occupe  que  de 
celles  du  moment  présent'.  Celles  qui  appartiennent  à  l'avenir 
el  au  passé  lui  sont  actuellement  indifférentes, 

33 

La   peine  que  supporte  ou   la   main   ou    le    pied    n  est    point 

contraire  à  sa'*  nature  tant  que    le  pied   remplit  son  office  de 

pied  et  la  main  son  office  de  main.   Pareillement,  la  peine  que 

supporte  l'homme  en  tant  qu'homme  n'est  pas  contraire  a  sa 

nature  tant  qu'il  remplit  son  office  d'homme.  Or,  si  elle  n'est 

pas   contraire   à   sa   nature,   elle  n'est   pas   non   plus    un    mal 

pour  lui. 

34 

De  quelles  voluptés  ont  joui  des  brigands,  des  débauchés,  des 

parricides,  des  tyrans? 

35 

Ne  vois-tu    pas    comment  les   gens  de   métier   s'entendent 

jusqu'à    un    certain    point   avec   les    inhabiles,    mais     restent 

cependant  attachés  aux  principes  de  leur  art  et  ne  veulent  pas 

s'en  écarter?  N'est-ce  pas  étrange  que  l'architecte  et  le  médecin 

respectent  les  principes  de  leur  art  plus  que  l'homme  ceux  de 

sa  propre  nature  qui  lui  sont  communs  avec  les  Dieux? 

36 
LWsie,   l'Europe   sont  des   coins    du  monde;    la    mer  tout 
entière  est  une  goutte  de  l'univers;  TAthos,  une  motte  de  terre 

que  des  mouvements  qui  ont  le  corps  pour  scène,  —  Marc-Aurèle  dit  :  des  mouve- 
ments que  le  corps  subit  (cwfxaTtxai  usi'asic).  Comment  s'y  intéresser  ait-il?  Comment 
s'intéresserait-il  à  quoi  que  ce  fut?  Il  est  en  nous  la  matière  inerte  (supra  IV,  ai,  note 
finale;  cf.  le  mot  d'Épictète,  supra  IV,  4i).  C'est  ironiquement  que  Marc-Aurèle  a  pu 
écrire  de  lui  :  ctyexat  to  7iâ(7/ov  (XII,  i). 

La  traduction  de  otacpspETOat  par  «s'intéresser»  est  conforme  à  l'usage  de  ce  mot 
dans  les  Pensées.  M.  Couat  le  rend  à  l'ordinaire  par  des  synonymes  :  «  être  touché  » 
(V,  i),  «se  préoccupera  (V,  35),  ((qu'importe?»  ou  «peu  importe»  (VI,  2  et  23),  etc. 
Rien  n'autorise  à  attribuer  ici  à  rviasÉpîiOai  un  sens  nouveau  et  à  écrire  dans  la  tra- 
duction, comme  on  l'a  fait:  «discerner»,  «distinguer»  ou  «  faire  la  différence».] 

1.  [Couat  :  «à  l'àme.  »  —  Mais  Marc-Aurèle  n'a  pas  répété  'Iv/ji  :  il  a  écrit  oiocvoia. 
Sur  l'équivalence  de  sens  des  mots  :  «  âme,  raison,  pensée,  »  et.  supra  V,  33,  note  finale.  J 

2.  La  phrase  des  manuscrits  xai  toOtwv  [j.svtoi  izzp\  jaovov  to  irapov  TrpayuaTE-jETa'. 
est  incorrecte.  Il  suffit  pour  la  corriger  d'écrire  xoî  tojtwv  fjivTot  jaôvov  xà  icefft  to  7rapbv 
icporf|iaTeueTat. 

3.  [Couat  :  «  à  la  nature.  »  —  Cf.  supra  V.  3.  note  finale.] 


Ils      II  l.l  I    |    l   I 

dans  l  iini\ en     toul    l<    pi é  enl  '   n'atl   qu'un  point  d 
durée    1 1 >ul  0  1  petit    chan  »  anl    péi  1    able    1  oui  1  lenl 
de  ce  i»i  incipe  «•"  ecleui  de    cho  6     «  A  en  éna  inc  directora 
«m  par  conséquence    La  gueule  béante  «lu  lion    le  pol  on,  toul 
ce  <  1 11  ï  est  mauvais,  comme  i<i»hm-  «»u  r<>i<iui<-    »>i  Im<.,ni 
m«  inrii  1  '  de  ce  qui  esl  beau  <i  ■■<  »l»l«-_  \<-  1  un  rnn-  p.i    <ju. 
ces  choses  -<»ni  étrange  1       •  cal  ôlre  que  ,u  ' '  léchi 

plutôt  (ju'il  csi  1,1  source  <!<•  t *  » 1 1 1 

37 

Voir  le  présent,  c'esl  avoir  i<»ui  \u.  et  ce  <|ui  esl  arrivé 
loi  île  éternité,  el  ce  qui  arrh  era  jusqu'à  l'infini;  toutes  ch< 
oui  même  origine  el  sont  pareille* 

38 

Réfléchis  souvent   à    l'enchaînement  de  toutes   les  cho 
dans  l'univers  et   à  leurs  rapports   réciproques  '».   Elles  sont 
en  quelque  sorte  entrelacées  et,  par  suite  rattachées  les  unes 

aux    autres    par    des     liens    d'amitié,    car    elles     se     BUCCèdenl 
sans  discontinuité.  La  cause  en  est  dans  la  communauté  de 


1.  [Couat  :  «(  toul  le  temps  qui  s'est  écoulé.  >•  —  Il  esl  certain  que  ca  tous 
les  LrK»saiivs  L'attestent)  signifie  «le présent».  Est-ce  le  mot  x&vqui  ■  embarras! 
M.  Couat?  A  mon  sens,  on  peut  dire  :  «looi  le  présent»  en  pensant  aui  événemeoti 
innombrables  qui  s'accomplissent  dans  l'univers  au  même  instant  —  Nous  retrou 
verons  à  la  pensée  VII,  ?*j,  les  mots  ro  £v£tt'.'>:.  M.  Coual  s  essayé  d'aooordet 
elle-même  la  traduction  du  même  mol  dans  les  deux  passages    II  écrit  à  cet  endroit, 
et  le  contexte  le  lui  permet  presque  :  «  Circonsrris  le  temps  à  mesure  qu'il  ^'avance.  ■ 
On  observera  toutefois  que  «  I»1  temps  à  mesure  qu'il  s'avance  »  ou  «s'écoule»  oe  diffère 

Mtns  doute  «du  temps  qui  s'écoule»,  mais  n'est  certainemenl  pas     le  temps  qui 
sVst  écoulé».] 

2.  [Couat  :  «un  produit,  u  —  En  grec:  È-iyÉvvr.ua.  Cf.  toute  I  III,  2.] 

3.  [Var:  «ont  même  origine  el  même  forme.» — Le  mol  forme  est  un  terme  phi- 
losophique, dont  Marc-Aurèle  exprime  constamment  l'idée  par  xl-ix  (supra  IV,  si, 
note  finale).  Pour  lui,  ôuoEtor,  n'est  qu'un  mot  banal...  Nous  n'avons  pas  affair-  i 
Platon.] 

'».  [Nous  avons  un  peu  plus  haut  (VI,  14,  ir'  et  2'  notes)  nommé  et  défini  I 
catégories  stoïciennes:  to  ùicoxetptevov,  70  kouSv,  to  -ïo;  iyy>  el   tô  -  :       t    -    :  iyrj>. 
puis  montré   les  rapports  étroits  qui  unissent  les  notions  de   Vïi::  et  de   la   boiotik 
et  ont  permis  la  confusion   île  ces  deux  mots.   En   somm  tait   te  nom  de< 

qualités  essentielles.  Le  nom  de  t-/ét£'.ç  était  réservé  au\  qualités  secondes.  —  à  tout  - 
celles  qui  rentrent  dans  le>  deux  dernières  catégories.  Ces!  ainsi  que  devant  la 
préposition  7ipb:  ce  mot  peut  être  traduit  par  «rapports».  C'en  est,  dan>  les  Pensées. 
l'acception  la  plus  fréquente.  —  D'autres  fois  (VII,  rio:  XI,  s),  il  s'oppose  à  xrvipiç,  et 
sisrnitie  «  repo<  ».] 


l'i  BIBLIOTHEQUE    DB8    UNIVERSITÉS    ni     ftflDl 

leur  origine  '   et  dans    leur  accord  '   au  sein  de  l'unité  de   la 
matière  &. 

39 

accommode -toi  des  choses  qui  te  sont  échues;  aime  les 
hommes  avec  lesquels  le  sort  te  fait  \  h  re,  aime-les  sincèrement. 

40 

l  n  instrument,  un  outil,  un  ustensile  quelconque  est  en 
bon  étal  s'il  lait  ce  pour  quoi  il  a  été  constituée,  hien  que  le 
fabricant  soit  loin.  Mais  pour  les  œuvres  de  la  naturel,  la 
force  qui  les  a  constituées (i  est  en  elles  et  y  demeure.  Il  faut 

i.  La  leçon  do  la  \ulgate,  oià  rrçv  to7tixt(v  xÉv/jow,  n'a  aucun  sens  ici,  non  plus  que 
celle  «lu  Vaticanus,  tovixy}v  xivyjtiv.  [Ce  sont  là,  d'ailleurs,  deux  expressions  familières 
iUl  stoïciens  (cf.  Zeller,  Phil.  derGr.,  IIP,  p.  119,  n.  2  ;  i3i,  n.  3;  180,  n.  1  ;  2o5,  n.  4). 
La  première  distingue  de  toute  autre  xfvqffic  le  mouvement  proprement  dit  :  xîvr/ri: 
désigne,  en  effet,  d'après  Chrysippe  (dans  Stobée,  fiel.,  1,  'io'i),  «  tout  changement  de 
lieu  ou  de  forme  »  (cf.  supra  VI,  17,  et  la  note).  La  seconde  (littéralement  :  «  le  mouve- 
ment de  la  tension  »)  est  un  peu  plus  longue  à  définir.  —  Les  Stoïciens  rapportaient. 
comme  on  sait,  toute  création,  tout  acte,  toute  vie  à  une  force,  ou  flamme  active  :  la 
tension  (tôvo:)  est  expliquée  par  eux  comme  un  «à-coup  dans  la  flamme»,  uÀ^yr, 
rcupéc  (Plutarque,  Stolc.  repugn.,  7),  et  l'être  doit,  disent-ils,  aux  mouvements  qui  en 
résultent  son  unité,  quand  ils  se  produisent  de  dehors  en  dedans,  sa  dimension  et 
ses  qualités,  quand  ils  vont  du  centre  à  la  périphérie,  etc.  Or  il  est  de  toute  évidence 
que)  le  mouvement  seul  ou  mémo  la  tension  et  le  mouvement  n'expliquent  pas  la 
parenté.  Gataker  a  proposé  oruvvvjvtv,  et  Coraï  xoîvoxriv.  Mais  ces  deux  mots  donneraient 
à  tout  le  raisonnement  le  caractère  d'une  pétition  de  principe.  Marc-Aurèle  dirait,  en 
effet,  que  l'amitié  qui  unit  toutes  les  parties  de  l'univers  a  pour  cause  leur  enchaî- 
nement et  leur  accord.  Je  proposerais  plutôt  :  8tà  tt,v  xoivtjv  yévEdiv.  Cette  idée 
de  la  commune  origine  des  choses  est  exprimée  quelques  lignes  plus  haut  dans 
l'article  30  :  7iivxa  ÊxsîÔev  k'p/ETai,  et  ce  qui  suit. 

Ou  remarquera  que  les  expressions  -covi/r,  xivqatc  et  totiixt,  xîv/jti;  ne  se  rencon- 
trent nulle  part  ailleurs  dans  les  Pensées.] 

m  Tout  est  conspirant,  »  dit  Leibniz,  quand  il  traduit  les  mois  :  (TjtxTivoa  -rcâvra. 

3.    Couat  :  «de  la  substance.  »] 

'1.  l' louât  :  «  fabriqué.  » —  J'ai  dû  laisser  une  ligne  plus  bas  le  mot  «  fabricant».  J'ai 
voulu  conserver  au  moins  une  fois  sur  deux  dans  la  traduction  le  terme  philosophique 
que  Marc-Aurèle  n'a  pas  employé  sans  raison.  On  a  déjà  vu,  et  surtout  on  retrouvera 
un  peu  plus  loin  (\  1.  'j'i.  noie  linale)  la  définition  de  la  «constitution))  dans  l'homme. 
Dans  un  outil,  ce  sera:  le  principe  efficient  et  formel  (a'.Tia)  de  cet  objet  dan-  ses 
rapports  avec  -a  matière,  et  au>>i.  et  surtout,  et  d'autant  plus  peut-être  que  ces 
rapports  ne  varient  guère,  la  cause  finale  de  cet  objet.] 

5.  [On  trouvera  à  la  fin  de  la  seconde  note  à  la  pensée  VI,  i'i,  l'analyse  de  l'expres- 
sion Ta  -j~h  z.'jrjz(i);  <T"jv£-/ôu.r,a,  Q110  M-  Couat  traduit  ici  très  simplement  et  avec  une 
approximation  suffisante  par  :  «  les  œuvres  de  la  nature.  »  Le  mot  çwiç  n'a  d'ailleurs 
plus  en  ce  passage  —  qu'il  s'agisse  de  la  «nature»  universelle  dont  les  créations  sont 
opposées  à  celles  de  l'homme,  ou  de  telle  nature  individuelle  qu'on  pourra  appeler 
tout  à  l'heure  «  la  force  qui  demeure  en  nous»  —  la  même  valeur  qu'à  la  pensée  VI,  i4. 
On  ne  distingue  plus  ici  la  cpOo-t:  de  I'e;-.;  ou  de  la  ']rjyrr  <t>y<xi;  est  devenu  le  nom 
d'un  genre  qui  comprend  toutes  ces  variétés.] 

6.  [Couat  :  «  la  puissance  qui  les  a  créées.  »  Cf.  la  première  note  à  cet  article.  —  La 
phrase  est  ainsi  faite  qu'il  y  a  égalité  entre  les  termes  z-j<7'.z  et  xaTao-y.E'jiTaTa  oôvaa».:. 
ou  du   inoins  (si  çOtfiç  signifie  vraiment  ici  la  nature  universelle),  que  la  «  force  >»  ou 


PEU      II  IX        M  \h<  M    l'.l    I   I 

d'autanl   plui  Ifl  rc  pc<  toi  ol  oroii  e  que     I  m  ra    n<  u         dut 

sons     diipirs     >,i     \m|miiI.        I.hiI      \.i     .1     nnln  \in    ; 

également  &U  ^ré  de  l'univers  l<     i  lin  -••-  rpii  (k'perHlen!  de   lai 

41 

Quand  noua  regardons  comme  un  bien  ou  comme  un  mal 
quoi  que  ce  ioil  qui  n'es)  pai  le  résultai  de  notre  volonté,  doui 
ne  pouvons  pas  ne  paa  en  vouloir  aux   Dieux  d<         que  tel 
m, il  nous  surprend  ou  de  ce  que  tel  bien  noui  é<  bappe    Soui 
ne  manquons  pas  non  plus  de  haïr  les  bommei  auteun 
soupçonnés  iris,  de  notre  mécompte  ou  de  notre  malheui 
Nous  commettons  alors  bien  des  injustices  poui  nf)  être  pas 
restés  indifférents9.  Mais  si  nous  ne  considérions  comn 
ou  mauvais  que  ce  qui  dépend  de  nous,  il  ne  nous   resterai! 
aucun  prétexte  pour  blâmer  1rs  Dieux  el   Eure  la  guerre  aux 
hommes  ; 

42 

Nous  travaillons  ions  à  [accomplir]  une  même  œuvre  ••  les  uns 
avec  un  acquiescemenl  [réfléchi  et]  conscient,  les  autres  sans  le 
Bavoir;  c'est  ainsi,  ce  me  semble,  qu'Heraclite  dit  que  les  gens 

endormis  no  sont  pas  inactifs  et  participent  à  ce  qui  se  fail 
dans  l'univers.  Mais  les  uns  y  travaillent  d'une  manière,  les 
autres  d'une  autre,  et,  par  surcroit,  même  celui  qui  blâme  la 
inarche    des    choses,    celui    qui    s'y    oppose    et    qui    veuf    l< ■- 

«puissance»  (àuvauiç)  dont  il  est  question  ne  peut  être  rapportée  qu'à  oetti    nature. 
Il  est  possible  de  trouver  en  ces  quelques  mots  les  éléments  d'une  définition  pi 
de   la   KotTaffxewj,  «constitution».  Cf.  infra  VI,  w.   note  finale.—  Sur   II 

cf.  X,  >6,  en  note] 

i.  [C'est  là  le  sens  usuel  de  xaTQi  yoOv.  Il  n'y  a  pas  lieu  ici  de  décompos  i  l'eij 
sion  pour  rendre  à  vov;  sa  valeur  philosophique  et  faire  affirmer  à  l'auteur  l'identité 
des  deux  «volontés»  de  la  nature  et  de  la  raison.  La  pensée  de  Marc-Aurèlc  revienj 
simplement  à  ceci  :  estimons-nous  satisfaits,  <i  nous  pouvons  nous  conformer  à  la  nature 
■2.  [Gouat  :  «  parce  que  notre  intérêt  y  est  engagé.  »  —  Cf.  supra  VI,  3a.  i"  n 
.'>.   [Même  idée  et  mêmes  formules  à  la  fin  de  l'article  \  I,  i6.] 
'4.  [Il  y  a  en  cet  endroit  du  texte  grec  des  tenues  philosophiques  dont  la  traduction 
française  ne  permet  pas  de  remarquer  la  précision  :  KXOT&eoua  et  t. 
Empiricus  rapporte  quelque  part  (Contre  les  mathématiciens.  IX.  5  SitOJ   iens 

définissaient   la  cause;   o-j   xapévroc  ytvetai  xo   à-oTi/iTua, —  et  ailleurs   (Questions 
pyrrhoniennes.  III,   i5)  qu'ils  avaient  réparti  les  causes  en  troi-  group  - 
erovaiTta  (cf.  supra  IN".  40  :  rrâvra  rcàvrwv...  rovauust)  et  trx  'est -a-dire  :  celles  qui 

se  suffisent  à  elles-mêmes,  celles  qui  concourent  solidairement  à  un  même  effet,  celles 
qui  ne  sont  que  les  auxiliaires  d'autres  causes.  Ici.  le  mot  àicoTiXeo^a  nous  représente 
comme  des  causes,  et  ffwepyoOu.E'v  semble  nous  ranger  (voir  la  note  suivante)  dans  le 
troisième  groupe.  | 


I2Ô  BIBLIOTHÈQUE   DES   l\ivEHsrn>    D1     midi 

détruire.  Oui,  l'univers  avait  besoin  d'un  tel  auxiliaire.  Tu 
n'as  donc  <juà  te  demander  dans  quel  part i  tu  te  rangeras. 
Celui  qui  dirige  le  monde  saura  bien  se  servir  de  toi;  il 
t'accueillera  toujours  au  nombre  de  ses  collaborateurs1  [libres 
OU  non].  Mais  n'en  lais  pas  partie  au  même  titre  (pie  dans  la 
comédie  ces  vers  pauvres  et  ridicules  dont  parle  Chrysippe3. 

43 

Ksi  ce  que  le  soleil  voudrait  remplir  les  fonctions  de  la 
pluie,  et  Ksculape  celles  de  Déméter?  N'en  est-il  pas  de  même 
de  chacun  des  astres?  Ils  ont  des  rôles  différents  bien  que 
contribuant  au  même  résultat. 

i .  La  vulgate  donne  ici  les  mots  tûv  ffvvepy&v  y.-x\  T'jv=pyr,Tixwv.  Ces  deux  synonymes 
ne  s'expliquent  guère.  11  faudrait  ou  bien  supprimer  l'un  des  deux,  comme  nous  le 
voyons  dans  le  manuscrit  A  (et  c'est  là  un  procédé  bien  sommaire  dont  j'ai  dû  pourtant 
me  contenter);  ou  bien  chercher  si  dans  l'un  de  ces  deui  mots  ne  se  cache  pas  une  faute. 
Il  y  a  deux  sortes  de  collaborateurs  à  l'œuvre  de  l'univers,  dit  l'auteur.  Les  volontaires 
et  les  involontaires,  ceux  qui  aident  et  ceux  qui  s'opposent.  Quoi  qu'on  fasse,  on  sera 
compté  dans  l'un  ou  dans  l'autre  parti.  N'est -on  pas  amené  par  la  suite  du  raison - 
Dément  à  supposer  qu'au  lieu  d'être  deux  synonymes,  le  mot  vuvepY&v  et  celui  que 
représente  ctuvepyyjtixwv  sont  opposés  l'un  à  l'autre?  N'y  avait-il  pas  par  exemple  dans 
l'archétype:  ton  cruvspy&v  r,  i\i7zooifjxi/.uy/.] 

[En  marge  des  observations  qui  précèdent,  je  trouve  un  point  d'interrogation 
dans  le  manuscrit  de  M.  Gouat.  Eût-il  maintenu  sa  conjecture?  Je  ne  saurais  pour 
ma  part,  en  accepter  la  responsabilité.  Au  point  de  la  pensée  où  elle  se  présente,  il 
De  peut  plus  èlre  question  d'opposants  à  la  marche  des  choses;  il  est  démontré  que 
l'univers  ne  saurait  trouver  que  des  collaborateurs  parmi  les  hommes;  l'antithèse  est 
désormais  impossible  entre  s[X7ro6i<7Ttxo\et  puvepYof  —  Il  me  parait,  d'ailleurs,  contraire 
à  toutes  les  habitudes  de  la  critique  de  supprimer  simplement  le  terme  qui  nous 
gène,  soit  truvepfôv,  soit  auvep-wrcx&v.  Posons  donc  en  principe  qu'il  y  avait  à  la  fin 
de  cette  phrase,  dans  l'archétype,  deux  mots  réunis  par  itou,  —  et  exprimant  deux 
nuances  différentes  de  l'idée  de  collaboration  :  le  premier,  vraisemblablement,  la  col- 
laboration libre,  d'égal  à  égal  («Aon  pareo  Deo,  sed  adsentior »);  le  second,  la  collabo- 
ration forcée  de  l'inférieur  au  supérieur.  Je  lirais  volontiers  (cf.  la  note  précédente) 
(Tvvamcov  v.'jl\  <T'jvepYYjTty.â)v,  sans  craindre  qu'on  pût  tirer  contre  cette  lecture  une 

objection  des  premiers  mots  de  la  pensée  :  uàvis: çuvepyoOfiev,  oî  |ièv  etâoTUC ,  ou 

de  la  phrase:  àV/.o;  os  xax'  oVao  ffuvepye7.  Dans  les  deux  cas,  le  verbe  owepyefr  est  pris 
comme  terme  générique;  et  l'analyse  étymologique  du  mot  justifie  cet  emploi  : 
oruveoyà,  tous  les  faits,  tous  les  actes  ou  tous  les  êtres  d'où  résulte  une  même  «  œuvre  »  ; 
orvvaiTia,  toutes  les  «  causes»  d'un  même  effet.  Il  y  a  des  ejuvepyà  qui  ne  sont  pas  pro- 
prement «des  causes»;  mais  tout  anjvaiTtov  est  en  même  temps  T-jvspyov.] 

i.  [Plutarque  (De  communibus  notitîis,  i4  =  io65,  D)  nous  a  conservé  textuellement 
la  citation  de  Ghrysippe  à  laquelle  Marc-Aurèle  se  réfère  ici.  En  voici  la  traduction  : 
«De  même  que  les  comédies  portent  des  titre$(?)  ridicules  qui  par  eux-mêmes  ne 
valent  rien  et  donnent  pourtant  je  ne  sais  quel  attrait  à  l'œuvre  entière,  de  même  le 
vice,  condamnable  en  soi,  n'est  pas  inutile  au  train  du  monde.  »  Le  texte  de  Plutarque 
est  d'ailleurs  assez  mal  établi.  Je  l'ai  lu  dans  l'édition  de  Bernardakis.  Il  n'y  est  point 
question  des  «vers  pauvres»,  comme  on  le  voit,  mais  du  «titre»,  £7riypàu.u.aTa.  Les 
corrections  qu'on  a  proposées  (71apaypiu.1j.aTa,  jeux  de  mots  par  «à  peu  près», — 
pappaxa,  pièces  de  rapport)  ne  suffisent  pas  à  concilier  les  témoignages  de 
Plutarque  et  de  Mare  -  \111Me.] 


PI  %    I  I       Dl     mm-1      M  ii  i  i 

M 

Si     1rs     |)icii\     oui     ilrlihrrr     -m      moi    «|       m     ,  ,•    rjin     <jr\.nl 

m'arriver,  ils  ei I  sagement  «i«iii><i,     m  m.   i  p.,    i.k  Mi- 
effet,   même  »!<■   concevoii    que   la   divinité   pui    e    manquai 
de  sagesse    Or,  pour  quel  motil  auraient   il     voulu  me  dire 
du  mal?  Quel   avantage  an   i     ulterail  il   pour  roi  al  poui 
l'univers,    don)    i l ^   ^»i   préoccupent    avant    tour.'  Qu<       m 
n'onl  pas  délibéré  sur  ma  personne  en  particulier    il    onl  du 
moins  pleinement  délibéré  sur  l'ensemble  des  choses,  al 
qui  m'arrive  résulte  encore  <l<*  l«ti i  décision  '  :  je  <l"i-  donc 
l'accueillir  avec  joie  et  amour.  Enfin,  s'ils  ne  délibèrenl  sur  i  len . 
—  ce  qu'on  ne  peut  croire  Bans  impiété    cai    an  ce  i  ju<»i 

hou  les  sacrifices,  les  prières,  les  serments  <*i  tout  ce  que 
nous  Baisons  comme  >i  les  Dieux  étaient  présents  <*t  vivaient 
avec  nous? —  si  doue  il  est  vrai  que  les  Dieux  ne  délibèrenl 
sur  lieu  (le  ee  qui  nous  touche,  il  m'est  permis,  à  moi,  «le 
délibérer  sur  moi-même,  c'est  à  dire  de  considérer  mon 
intérêt.  L'intérêt  de  chacun 3,  c'est  d'agir  conformément 
constitution  î  el  à  sa  nature.  Or,  ma  nature  est  d'être  raison 
nable  et  sociable;  eu  tant  qu'Àntonin,  ma  patrie  el  mu  cité, 

i .  [La  Providence  es!  pour  Chrysippe  (Plutarque,  Conuu.  not.,  30,  tin)  l'âme  m 
tir  la  divinité,  qui  esl  rame  du  monde  :  dans  L'embrasement  universel,  c'est  la  Provi 
dence  seule  qui  subsiste  intacte;  c'esl  en  elle  que  se  retire  Zeus.] 

[On  retrouvera  la  môme  suite  *  1  «  *  raisonnements  ;«  la  pensée  IV  s  Plus  loin 
(\,  5),  Marc-Aurèle,  sans  se  demander  encore  si  1«'>  I  >i»ii  x  s'intéreasenl  directement 
à  nous,  se  contente  de  la  seconde  hypothèse.  Ailleurs  t\II.  7"»'.  il  établira  même 
qu'elle  esl  la  seule  Logique:  car  un  être  dont  la  Natiir-  s'occuperait  en  particulier 
serait  en  dehors  de  la  raison  universelle.  —  Noir  cette  dernière  pensée  el  la  note  qui 
L'accompagne.] 

3.  [u  L'intérêt  de  chacun  »  n'est  pas  ce  que  chacun  pense.  Se  reporter  au  dialogue 
qui  termine  la  pensée  III.  6.] 

|.  [Gouat  :  «  à  son  état.  »  —  Nous  avons  déjà  défini,  d'une  part  (VI,  14,  s'  note\  la 
«nature»;  d'autre  part  (V,  16,  3'  note),  la  «  constitution  m  et,  en  particulier,  d'après 
Sénèque,  la  constitution  de  l'homme. 

Si  l'on  veut  distinguer  ces  deux  notions  -i  voisines  qu'elles  semblent  presque 
indiscernables,  on  se  reportera  à  la  pensée  VI,  '10  (3'  note),  où  Marv-Aurèle  reconnaît 
en  la  nature  «  la  force  qui  nous  a  constitues  et  qui  demeure  en  non-  s&po 
r,  xaTa^xEuâTao-a  BuvonAiç).  D'où  il  suit,  à  mon  sens  :  r  que  la  •  constitution 
postérieure  à  la  «  nature  ►>;  a'  qu'elles  ne  peuvent  être  exactement  définies,  celle-ci 
que  si  on  l'isole  du  reste  de  l'être,  celle-là  que  si  l'on  considère  l'être  tout  entier,  — 
nature  et  matière  inerte.  Et  l'on  pourrait  simplement  entendre  par  la  <  constitution  » 
le  rapport  de  ces  deux  éléments,  si  elle  ne  nous  était  présentée  le  plus  souvent  non 
comme  une  abstraction  pure,  mais  comme  une  réalité  active.  La  formule  conservée  par 
Sénèque  :  principale  animi  quodarn  modo  se  habens  ergo  corpus.  —  donne  ce  caractère  à 


BIBLIOTHEQUE    DES    UNIVERSITÉS    ni     midi 

c'est  Rome;  en  lanl  qu'homme,  c'est  l'univers.  Ce  qui  est 
utile  à  ces  deux  cités,  cela  seul  e>\  donc  un  bien  pour  moi. 

45 
Tout    ce   qui    arrive   à    chacun    est    utile  à  l'univers;   cela 
pourrai!  suffire.  Mnis  prends  garde,  tu  verras,  en  outre,  qu'en 
général  ce  qui  arrive  à  un  homme  est  utile  ;mssi  aux  autre-1. 

Emploie  ici  le  mol  utile  dans  le  sens  qu'on  lui  donne  com- 
munément à  propos  de  choses  indifférentes. 

46 
La  vue  continuelle  des  mêmes  objets,  la  répétition  des 
mêmes  jeux  au  cirque  a  et  dans  les  licJix  i"  ~t  genre  en  rend 
le  spectacle  fastidieux;  on  éprouve  le  même  dégoût  d'un  bout 
a  l'autre  de  la  vie;  du  haut  en  bas,  c'est  toujours  la  même 
chose  et  toujours  le  même  point  de  départ.  Jusques  à  quand 
cela  durera- 1- il  donc? 

47 

Pense  sans  cesse  à  la  foule  d'hommes  de  toute  sorte,  de 
toute    condition,    de    toute   race,    qui    sont    morts;    descends 

la  constitution  qu'elle  définit.  Elle  est,  d'ailleurs,  grosse  d'incertitudes  et  de  difficultés, 
—  perplexum  et  subtile,  dit  Sénèque, —  trop  vague  en  son  milieu  (ijiiodarn  modo  se 
h(il>eiis,  ces  mots  conviendraient  presque,  pour  d'autres  (pie  Marc-Aurèle,  à  une 
définition  de  la  sensation),  et  trop  précise  au  début.  Si  la  «constitution  >>  implique, 
en  effet,  un  «  principe  directeur  »  ou  une  «  raison  »,  —  avant  que  la  raison  ne  fût 
consommée  en  lui  (et  l'on  sait  combien  l'élaboration  en  est  lente  :  voir  la  dernière 
des  Lettres  à  Luc  Mus),  —  l'enfant  n'aurait  donc  pas  de  a  constitution  >■.  En  réalité, 
celle-ci  est  mobile;  elle  évolue  d'âge  en  âge.  Il  n'en  est  que  plus  nécessaire  de  mettre 
dans  la  définition  qu'on  en  donne  le  nom  du  principe  efficient  et  permanent  auquel 
nous  devons  notre  identité.  —  La  nature  est  déjà,  comme  on  l'a  vu  (VI,  i4,  note  ■>.), 
Pâme  du  fœtus  :  en  joignant  les  mots  qpu<nç  et  napspévet,  c'est  Marc-Aurèle  lui-même 
qui  a  corrigé,  pour  nous,  la  formule  rapportée  et  contestée  par  Sénèque.  Finalement, 
la  constitution  (xaTOKixevT)),  c'est  la  nature  qui  demeure  en  nous,  considérée  dans 
ses  rapports  avec  le  corps  qu'elle  dirige.  <I>>7t:,  c'est  la  même  nature  prise  en  soi. 

La  direction  implique  le  but  ou  la  fin.  L'idée  dé  finalité  est  si  intimement  as» 
à  <clle  de  la  «  nature  »  dans  la  notion  de  la  /.axaT/.îvr,  que  presque  constamment  dans 
les  Pensées  le  verbe  xaxaffxeuaÇesôai  est  accompagné  d'une  préposition  finale  :   bih, 
irpbc  ou  Evexev.  Il  n'e>t  pas  sans  intérêt  d'observer  que  c'est  rarement  le  cas  de  pueotioci 
ou  de  «eçuxa.  Cf.  au  surplus,  infra  Vil,  55,  3'  note. 

i.  o<ra  ocv0po')7:o>.  xai  Ixépotc  àvOptoTrot;.  La  suite  des  idées  et  la  eouslruction  de 
cette  phrase  elliptique  montrent  que  dans  la  première  proposition  il  faut  sous- 
entendre  o-'jjjiëaîvei  et  dans  la  seconde  TvjjicpspE'.v,  qui  sont  opposés  de  la  même 
manière  dans  la  phrase  précédente. 

:?.  [Gouat  :  «la  répétition  des  mêmes  scènes  au  théâtre.» — J'ai  conservé  dans 
Pensemble  la  traduction  de  ces  premières  lignes,  bien  qu'elle  fût  assez  libre.  En 
somme,  usodiaTaxai  est  traduit  à  la  phrase  suivante  par  le  mot  «dégoût».  La  «  répé- 
tition »  rend  suffisamment  tô  ouoetSéç. 


Il  \ I  I  I  I  I 

jusqu'à   Philistion    Phœbua    Origan  ion      Pu    c  muiiitcri 

rei  ne  1rs  autres  «  ni  : il  Paul  <|u<    nou    au    i  n<  >u 

la  place  poui  allei   là  bai  où     ml  Lan)  d'orateu  l< >utabl< 

la  ni  <l<-  profonde  philosophe!     If<  ra<  llte     Pylha)  dp 

Lui!   <lr   hé  1*08  d'.iul  n-|.  .1      i  I     .  i  j  »  i  .      |  u\.    I.uil    de    g6t\i  i   >  1 1  \    .  I    «!<• 

t  \  i  .m-  ajoute  les  I  iudoxe  l(  Hippai  que  i  \  i  i  hirm 
d'autres  hommes  au  génie  pénétrant  ou  douée  d'une  grande 
âme,  laborieux,  adroits,  orgueilleux  el  cetu  mêm<  qui  raillaienl 
cette  \i«'  humaine  périssable  el  éphémère,  tels  que  M<  nipj 
el  d'autres.  Pense,  à  propos  de  i<»u-  ces  homm<  i  qu  il  onl 
morts  *  1*1  >u i ^  longtemps.  Qu')  .1  I  il  donc  là  de  terrible  poui 
eux?  Quoi  de  terrible  aussi  pour  ceux  donl  on  ne  connaît 
même  i>.i^  les  noms?  Ainsi]  il  n\  ,i  qu'une  chose  qui  ail 
quelque  prix,  c'esl  «le  vivre  suivant  la  vérité  el  suivant  la 
justice,  en  se  montrant  bienveillant  pour  les  hommes  men- 
teurs el  injustes. 

48 

Quand  tu  veux  te  réjouir,  réfléchis  aux   vertus  de  ceux  qui 
vivent    avec  toi,   à   l'activité  de   celui  ci,   à    la    modestie   de 

celui-là,  à  la  libéralité  d'un   troisième,  à   idl»'  autre  qualité 
pour  chacun.  Hicn  ne  nous  réjouit  autan!  que  de  non-  repré 
senter  les   vertus  qui  brillent  dan-  la  \ie  de  ceux   qui    nous 
entourent  el  de  les  voir  se   rencontrer  presque  en  foule 4.  Il 

faut  donc  être  toujours  prêt  à  te  les   rappeler. 


49 

Te  chagrines-tu  de  ne  peser  que  tant  de  livres,  el  non  pas 

trois  cents?  11  ne  faut  donc  pas  non  plus  te  chagriner  de  ne 
vivre  que  tant  d'années   et  non   davantage.  Tu   te  contentes 

bien  de  ce  qui  t'a  été  donné  de  matière 5,  fois  de  même  peur 

la  durée. 

1.  [Philistion.  médecin  de   Locres,   ou  comique  du   v    siècle;    les   deui    rai 
inconnus.] 

2.  [Tous deux  mathématiciens,  comme  Archimède :  lepremi  r  ton; 

le  second,  de  l'époque  alexandrine.] 

3.  [Le  philosophe  cynique  et  le  personnage  de  Lucien.] 

4.  [Yar.  :  «et  qui  s'offrent  à  nous  pour  ainsi  dire  en  fouli 
5    [Couat  :  «  substance.  »] 

A.    COL  AT -P.    FOLHMEK.  >\ 


i.;<)  mm. loi  iil.ni  i     DES    l  M\  I  R81 1  ES    Dl     MIDI 

50 

Essaie  de  les  persuader,  mais  agis  même  malgré  <'u\  quand 
la  considération  de  la  justice  '  f  \  pousse.  El  Bi  l'on  te  résiste 
en  recourant  ;i  la  violence,  réfugie  toi  dans  le  calque  et  la 
sérénité  de  l'âme,  el  profite  de  cel  obstacle  pour  exercer  une 
autre  vertu.  Souviens  toi  que  tu  n'avais  rail  cel  efforl  que  sous 
réserve2,  el  que  lu  ne  prétendais  pas  à  l'impossible.  Que 
cherchais  tu  donc!»  Précisément  ceJ  eflforl  de  ton  Ame.  Tu  as 
doue  atteint  ion  but,  même  quand  le  résultai  oh  in  tendais  ne 
s'esl  pas  réalisé  3. 

51 

L'ambitieux    met    son   bien    dans    l'activité    des    autres;    le 
voluptueux    dans    ses    propres    sensations  \  :    l'homme   raison 
nable   dans    sa  propre  action. 

52 

Il  m'est  possible  de  ne  porter  aucun  jugemenl  sur  eette 
chose,  et  de  n'en  pas  troubler  mon  âme.  Les  choses  ne  sonl  pas 
dune  nature  telle  qu'elles  nous  imposent  nos  jugements. 

53 

Prends  l'habitude  d'écouter  sans  distraction  ce  que  disent 
les  autres;  mets  toi  autant  que  possible  dans  l'âme  de  celui 
qui  parle. 

54 

Ce  qui  n'est  pas  utile  à  l'essaim  n'est  pas  utile  non  plus 
à  l'abeille. 

i.  [Ou:  «  le<  règles  de  la  justice  >>(?). —  Cf.  supra  IV,  12,  1"  note.] 

2.  [Cf.  supra  ÏV,  1.  et  la  fin  de  la  note;  V,  20.] 

3.  Le  texte  de  la  dernière  phrase  est  altéré.  Voici  ce  texte:   roUTO'J  ok  TvyyyvE'.:- 
eç1    oiz    7:pov/0r;jj.sv,   TaOta   y:v£7a'..    D'abord,    le    pluriel    irporv/O^aîv    est   au    inoins 
suspect;  ensuite,  la  proposition  sV  olç  xtV   ne  serait  qu'une  répétition  affaiblie  et 
assez  obscure  de  to^tq-j  gè  ruy^àvctç.  Il  doit  y  avoir,  au  contraire,  opposition  cnti 
deux  membres  de  phrase,  et  c'est  pour  cela  que  j'admettrais  la  correction  proj 

par  Gataker:  toôto-j  oe  Tvy/âvEi:,  et  xat  sV  oU  -zhr^/Jyr,;  raOra  \j.rt  yfaexai.  C'est  le 
que  j'ai  traduit. 

4.  [Var.  :  «dans  ses  propre-  passions.  »  —  Il  est  certain  que  la  passion  s'oppose  à 
Vaction.  Mais  Le  sens  do  la  phrase  et  l'usage  des  mots  exigent  ici  la  traduction  de 
itetatç  par   «  sensation  ».  La  passion   serait  appelée  rcàOo;.  Cf.  supra  III.  6,   Y  note; 

.  .!'  note. 


Il    i      I    I  M        M  \M<         M    hl   I   I 

55 

81    les    matelot  \   injui  laienl    le  pil<  )U     ou    le     maladt 
médeci n .   auraien I   il     une    autre   i"  1 1 ue   cl      I    u    Pair* 

.m \  ci    ,i  eu i   seul  a  ' .   I  nu     < »n    é<jui|  l'auli 

s(»|         , 

56 

tmbien  <!<•  personnes  avec  qui  je  luit  entn  dam  te  mond< 
sonl  déjô  partie 

57 

Le  miel  parait  amer  aux  gens  <jui  oui  la  jauni  ai  qui 

ont  la  rage  <>ni  horreur  <le  l'eau;  lei  ('«"lii-  enfanti  trouvent 
belle  leur  balle.  Pourquoi  donc  me  fâchei  (  roia  tu  <ju<- 
l'erreur  ail  moins  de  force  que  l«i  I  >  i  !  «  *  pour  L'homme  qui  b  la 

jaunisse,   cl    le   virus   pour  celui    qui   esl    <ni,i_ 

58 

Personne  ne  l'empêchera  de  vivre  conformémenl  aux  lois 
de  ta  nature3,  el  rien  ne  t'arrivera  contrairement  aux  lois  de 
la  nature  universelle3. 

59 

Que  valent  ceux  auxquels  on  cherche  à  plaire?  El  pour  quels 
avantageai?  Et  par  quels  moyens?  Comme  le  temps  ensevelira 
vite  tout  [cela],  et  que  de  choses  il  a  déjà  ensevelies! 


LIVRE    VII 

1 

Qu'est-ce  que  levice5? — C'est  ce  que  tu  as  vu  bien  souvent. 
A  propos  de  tout  événement  rappelle- toi  de  même  que  c'est 

i.  [Couat  :  u  que  le  salut  de  l'équipage  par  le  premier,  el  par  L'autre  la  guérison 

de  ceux  qu'il  soigne.» —  Il  était  nécessaire  de  traduire  a^ 

a.   [Dans  une  longue  note  à  la  pensée  IV .  ia,  où  sonl  examinées  les  divers  - 

tions  de  AÔyo:.  j'ai  expliqué  comment  ce  mol  pouvait  parfois  être  traduit  par 

3.   [Sur  la  distinction  et  L'accord  final  des  deux  nature-,  cf,  suj>ra  V,  3.  dernière  note.] 
!i.  [Cf.,  à  la  Un  de;  la  pensée*X,  [9,  la  mémo  question,  suivie  de  la  réponse.] 
5.  [Var.  :  «  la  méchanceté.  » 


l3a  BlBLlOTHBQlil     DES    UNIVERSITES    Dl     I11D1 

quelque  chose  que  tu  as  vu  bien  souvent.  Partout,  en  haut, 
en  hiis.  lu  trouveras  les  mêmes  choses.  Les  histoires  des  temps 
anciens,  celles  des  temps  intermédiaires  el  «les  plu-  récents 

en  sonl  remplies;  elles  se  répètent  maintenant  encore  dans 
nos  \illes  el  dans  nos  maisons.   Il   n'\  a   rien  de   nou\eau;    tout 

esi  éphémère  el  accoutumé  ' . 

2 

Les  dogmes  sont  vivants  '  :  et  commenl  pourraient-ils  périr, 
si  les  représentations  correspondantes  ne  s'éteignent  pas?  <)r. 
il  dépend  de  toi  de  les  ranimer  sans  cesse.  Je  puis,  sur  tel 
objet 3,  porter  le  jugement  î  qu'il  faut;  si  je  le  puis,  pourquoi 
me  troubler?  Ce  qui  est  extérieur  à  ma  pensée  ne  lui  est  rien, 

î.  [Lieu  commun  de  la  doctrine  stoïcienne.  Cf.  IX,  28;  IX,  i&;  XI,  1  ;  V,  i3,  note 
finale,  «'te.  | 

2.  [Gouat  :  «  Comment  les  croyances  pourraient-elles  mourir,  si  les  idées  correspon- 
dantes...»—  M.Gouat  traduit  ainsi  la  leçon  traditionnelle,  que  M.  Stich,  a,  d'ailleurs, 
conservée  dans  son  édition  :  :à  ôoytxa-ra  tcôj:  aX),w;  -/.ta.  Or,  ce  texte  est  suspect.  Dans 
1<  manuscrit  A,  il  comprend  deux,  mots  de  plus,  d'ailleurs  inintelligibles,  dont  je 
crains  qu'on  n'ait  trop  aisément  accepté  la  suppression  :  r,  en  tète  de  la  phrase,  et  yàp 
entre  r.C);  et  SXtoç.  La  conjecture  que  M.  Stich  a  trop  modestement  reléguée  parmi 
ses  notes  (ça  ta  ooyaaTa'  irôç  yàp...)  me  semble  très  heureuse:  elle  respecte  scrupu- 
leusement les  indications  de  A,  et  réduit  l'erreur  initiale  à  la  chute  d'une  simple 
lettre.  C'est  elle  que  j'ai  traduite  ci-dessus.  —  J'ai,  en  outre,  pour  h6y\tjxxa  et  pavrcalai, 
conformé  la  traduction  de  cette  phrase  à  celle  des  autres  Pensées  où  l'on  peut  retrouver 
les  mêmes  mots  avec  le  même  sens.  Pour  ooy[±aTa,  cf.,  par  exemple,  IV,  A9,  note  finale, 
et  la  fin  de  la  dernière  note  à  l'article  III,  16;  pour  pavTOKTtat,  la  5e  note  au  même 
article.  La  définition  qui  a  été  donnée  de  ce  dernier  mot  (rjTrwat;  èv  r,y£(xovixo"))  ne 
concerne,  d'ailleurs,  que  la  «  représentation  »  qui  achève  la  sensation,  ce  que  les 
psychologues  appelleraient  l'état  fort.  Nous  voyons  ici  que  l'état  faible,  c'est-à-dire 
la  représentation  que  ((ranime»  la  mémoire  en  l'absence  de  son  objet,  ou  celle 
que  combine  l'imagination  d'après  nos  souvenirs,  peut  être  aussi  désigné  par 
çavroteria.] 

3.  [A^vaaai  icep\  tovtou  0  8ef  U7toXa|i6aveiv.  Marc-Aurèle  se  sert  volontiers  du  neutre 
touto  pour  exprimer,  en  l'absence  de  toute  désignation  antérieure,  l'objet  présent  de 
sa  pensée,  même  —  et  surtout  —  un  objet  indéterminé.  Cf.  supra  IV,  9,  et,  un  peu 
plus  bas,  le  début  de  l'article  5  de  ce  même  livre  VIL  On  rapprochera  cet  usage  de 
l'emploi  des  masculins  pluriels  otvribv,  ol:j-oI;  (par  exemple  IV,  iG;  IV,  38;  cf.  la  note 
à  l'article  VI,  G)  pour  désigner  telles  personnes  qu'il  est  inutile  de  dénommer  plus 
précisément.  —  Il  était  peut-être  encore  plus  nécessaire  ici  qu'ailleurs  de  laisser  dans 
l'indétermination  l'objet  que  représente  rovro.  Toute  la  suite  de  la  pensée  (cf.  la 
V  et  la  5e  notes),  en  effet,  oppose  à  la  raison  immuable  et  sûre  de  ses  démarches 
les  choses,  sans  cesse  renouvelées  et  indifférentes  à  ses  yeux,  dont  elle  tire  les  juge- 
ments et  les  dogmes.  On  eût  presque  pu  traduire  ici  7rep\  to'jtou  par:  «n'importe 
quoi.  »] 

k.  [Gouat  :  «  concevoir  ce  qu'il  faut.  »  —  En  d'autres  passages,  If.  Gouat  lui-même 
a  traduit  OffdXauldrvew  par  ((juger»  (IV,  11),  et  uictfXi)<|/tc  (IV,  7)  par  ((jugement».  Il 
fallait  reprendre  ici  cette  traduction,  d'abord  parce  que  le  «jugement»  est  l'acte 
propre  de  la  «  pensée  »  (ôtavota),  ensuite  parce  que  les"  «  dogmes  »  sont  non  seulement 
des  concepts,  mai;*  bien  des  «jugements)'.! 


Il     •     I   I  M       MAH4        M    II   I  I 

absolumenl    rien1     Comprend     bien    cette   mérité     cl    lu 
deboul  ;    in    peux    revivre     IV  i  ommen<  i<  ^    «  lu 

comme  '"  l<,s  voyais    nutrefoii       i  •  ■  I  là  revlvn 


\  .unes  el  pompeuses  j i<  >n      pe<  ta<  les  représenté     ui 

la  soène,  défilés  <i<'  troupeau i  g i and    el  pelil 

guliersj  c'esl  un  <»s  que   l'on  jette  aux  chiens,  de  la  nourri 

ture  qu'on  lance  ;hi\  j>< i  dan     les  vivi<  ml  dei 

agitations  de  fourmis  3  tratnanl   leur  rardeau 

souris  effarées,  «1rs  marionnettes  qu'un  SI  fail  aller  I    Issist 

doue  avec  des  dispositions  bienveillantes,  et  lans  le  ren 

avec  dédain.  Mais  sache  que  chacun   vaut  ce  que  raient   les 

choses  pour  lesquelles  il  se  passionne 

i.  [Couat  :«  n'existe  pas  pour  ma  pensée,  i      Le  m   I  qui  semble  répondre 

exa<  temenl  au  grec  icptf ç9 est,  en  réalité,  «l<-  sens  ambigu. Tout  naturellement, la  i  I 
du  traducteur  nous  laisse  entendre  «|n<'  •  la  pensée  ne  fail  nul  cai  <\      •  qui 

dehors  d'elle  ...   ()r,  en   grec,    la    locution    0  ne    j»    mii-I    pai    Une   lellfl 

équivoque;  elle  marque  ici  le  rapport  réel,  ou  plutôt  l'abc  loul  raj 

entre  le  monde  extérieur  el  la  pensée,  non  le  jugement  de  la  pensée  mr  les  choses 
qu'elle  veut  ignorer.  Ici,  Marc-Aurèle  ne  fail  que  rééditer,  sous  uni  nouvelle, 

l'un  île  ses  «dogmes»  familiers:  «Les  choses  extérieures  ne  touchent  pas  le  moins 
du  monde  Tàme»  (V,  19).  Nous  avons  dit  déjà  (sopraV,  19,  voir  aui    ;  r;VI,  n, 

note  finale)  dans  quelles  Limites  son  dogme  étail  valable  :  certes,  le  /  .  /<?  ne 

peul  accepter  sans  réserves  une  proposition  qui.  prise  à  la  lettre,  ruinerai!  les 
déments  de  toute  connaissance;  même  le  moraliste  est  contraint  d'observer  qu\ 
il  nous  arrive  souvent,  et  même  malgré  nous,  d'être  ébranlés  p.ir  le  choc  des  impres- 
sions sensibles,  et  de  perdre  le  rythme  «de  notre  vie  morale»,  liais,  en  droit-,  le 
moraliste  peut  affirmer  résolument  cet  axiome,  dans  lequel  se  résume  la  théorie  de  la 
liberté  (infra  XI,  20,  note  finale),  et  sur  lequel,  par  suite,  s'appuie  tout»'  la  morale, 
[ci,  d'ailleurs,  Marc-Aurèle  en  a  très  nettement  apprécié  la  portée  en  rappelant  que 
tout  jugement  se  tire  des  représentations;  quelque  forme  qu'il  donne  au  dogme,  il 
Sera  toujours  aisé  île  le  comprendre  ainsi  :  «Le-  choses  ne  peuvent  rien  mit  1 
que  la  solliciter  à  les  connaître  » 

Son  jugement  étant  toujours  libre,  et  uniforme  lorsqu'il  e>t  raisonnable,  c'est- 
à-dire  M'aiment  libre,  il  est  certain  que  «les  dogmes  —  et  toute  la  morale —  ne 
périssent   pas».] 

2.  [Clouât  :  m  Revois  les  choses  comme  tu  les  voyais.  »  —  Cet  imparfait  traduit  litté- 
ralement l'imparfait  grec  toc  scôpa;  :  mai S|  au  moins  en  français,  il  ne  désig 
précisément  la  portion  du  passé  qu'il  faut  u  revivre  ...  Cf.  la  fin  de  la  ; 

et  la  note  qui  la  commente.] 

3.  [Cf.  Sénèque,  de  Tranq.  an,,  12:  Inconsultus  iili-  vanusque  cursus  est;  qualis 
formicis  per  arbusta  repentibus.] 

4.  [Couat  :  «des  contorsions  de  marionnettes.). —  Le  ver!  ncatarsft  exprime 
ordinairement  dans  les  Pensées  l'action  du  désir  ou  de  l'instinct  lôsiir,)  qui  nous 
mène  aveuglément.  Ici  seulement,  il  est  employé  au  sens  propre.  Il  y  avait  quelque 
intérêt  à  en  donner  une  traduction  littérale  :  on  n'en  comprendra  que  mieux  l'accep- 
tion dérivée.] 

5.  [Cf.  supra  Y.  16.] 


i  .'/,  mm  loi  in  Ql  i     DES  UN [VI  RSn  ES    Dl     Mini 

4 
Il  tant  suivie  mot  par  mot  1rs  discours  el  dans  les  actes 
observer  chaque  intention1.  Ici,  vois  immédiatement  à  quel 
hui  tend  l'action3;  là.  ce  que  signifient  les  paroles. 

5 
Es!  ce  que  mon  intelligence  suilii  à  toile  œuvre,  ou  non? 
Si  elle  >  suffit,  je  m'en  sers  comme  d'un  instrument  qui  m'a 
été  donné  par  la  nature  universelle.  Si  elle  n'\  suint  pas,  je 
rri\r  la  place  au  plus  capable  d'accomplir  le  travail,  à  moins 
que  ;;  ce  ne  me  soit  an  devoir  :  en  ce  cas,  j'agis  comme  je  peux, 
en  m'adjoignant  celui  qui,  avec  l'aide  de  mon  principe  diri- 
geant, pourra  réaliser  cette  œuvre  opportune  et  utile  au  bien 
commun.  Il  faut  [en  effet]  que  ce  que  nous  faisons  par  nous- 
mêmes  ou  avec  le  secours  d'autrui  n'ait  pas  d'autre  but  que 
l'utilité  de  l'univers  et  soit  en  harmonie  avec  lui. 

6 
Combien    de   personnages    sont  déjà   tombés    dans    l'oubli, 
après  avoir  été  célébrés  par  d'autres,  et  combien  parmi  ceux 
qui  les  ont  célébrés  ont  depuis  longtemps  disparu! 

i.  [Var.  :  «  11  faut  suivre  mol  par  mot  ce  qui  se  dit  et  mouvement  par  mouvement 
ce  qui  se  fait,  o  —  ces  derniers  mots  effacés  au  crayon  :  sans  doute  ont-ils  paru  trop 
vagues  à  M.  Couat.  Sa  seconde  version,  que  j'ai  imprimée  ci-dessus,  est  plus  précise 
que  le  texte  même  :  ce  dont  je  me  garde,  d'ailleurs,  de  lui  faire  un  mérite.  Pourtant, 
il  me  semble  qu'en  regard  de  rot;  Xcyouivoïc  et  à  coté  de  xaô'  6010.77/,  le  sens  de  xoî; 
Yivouivoïc  n'esl  pas  douteux,  et  qu'on  ne  court  pas  grand  risque  à  l'aftirmer.] 

j.  [Il  y  a  dans  le  texte,  entre  les  mots  cry.07tbv  et  iva?opà,  un  léger  pléonasme  que 
la  traduction  dissimule.  Les  trois  mots  tiç  r,  xvaçopà  eussent  suffi  à  exprimer  la  pensée 
de  l'auteur.  Littéralement,  àvasopà  signifie  «rapport»;  plus  spécialement,  par  oppo- 
sition ii  uXy)  et  a'.Tia,  «  rapport  de  finalité,  —  cause  finale,  —  fin.  »  C'est  le  sens  qu'il 
aura  constamment  au  livre  \II  (io,  18,  20),  où  nous  trouverons  (XII,  8)  l'expression 
àvacpopà  tcov  irpàHEor/.] 

3.  [Couat:   «à    moins   que    mon   devoir   ne    ><>it   de   faire  autrement;   ou   bien 
j'agis,  etc.  »  Var.  :  «ou  bien  je  eèd<i  La  place  au  plus  capable  d'accomplir  le  travail; 
ou   bien,   si    mon   devoir   ne    me  prescrit   pas    de  faire   autrement,  j'agis...  »  —  Ces 
deux  versions  traduisent  l'une  la  vulgate,  l'autre  le  texte  de  Reiske,  qui  a  fait  p 
après  la  conjonction  r„  c'est-à-dire  dans  la    seconde   alternative,  la  proposition  éàv 
:x/j.mz  toûto  jj.r,  xaÔTjXTj.  Toutes  deux  restituent  dans  la  phrase  grecque  à  laquelle 
elles  correspondent  un  infinitif  Trpâo-astv  à  côté  de  roOro;  or,  au  moins  dans  la  pre- 
mière alternative,  avant  t\  TisaTTio,  cet  infinitif  n'aurait  pn  être  sou  s -en  tendu  «t  né 
!  donc  tombé  (pie  par  une  faute  de  copiste;  d'autre  part,  le  texte  de   Keiske    n'est 
•  prune   conjecture,    même  nue  conjecture  illogique,   que  condamnera  Marc-Aurèle 
i-même  à  l'article  \  il,  7. 

11  n'était  pas  nécessaire  de  toucher  à  la  vulgate.  Pour  l'entendre,  il  suffit  d'y 
atténuer,  d'y  presque  annuler  le  sens  d'àV/to:,  en  traduisant  èotv  oXXcoc  par  «  si 
d'ailleurs...  » 


Il  I  •  I        M   \  I .  •         V  I    I .  I    I   I 


Ne  rougi    pa    d'ôtrc    ecouru  (domine  un    oldat  dan 
(l'un  remparl    tu  bcc< un plii   la  L&<  he  qui  t'e  I  échu 

fei  .1    lu  <i"M<    -i  ta  jambe  boileu  te  ne  le  pei  met  pa    d< 
seul   sur  le  ci éneau,  tandis  que  lu  |> furraii    <   i 
l'aide  d'un  autre  '  ' 

8 

Ne  t'inquiète  pas  <!<•   L'avenir;   lu   >  arrivera         il   I 
portant  ;i\ ec  i<»i  cette  mém(  >n  '  d< >nl  tu  te  lei     p  >uj    l< 

présent . 

9 

Toutes  les  choses  ^<>ni  entremêl  I  !<•  lien  qui  Ici  en- 

chaîne es!  divin.  Il  n'\  en  a  pour  ainsi  dire  point  qui  soient 
étrangères  l'une  ù  l'autre.  Elles  ont  été  arrangées  ensemble 
et  contribuent  à  l'ordre  <lu  même  univers.  Il  n">  a  qu'un 
univers  fait  de  l'ensemble  des  choses,  un  Beul  Dieu  dans 
toutes  les  choses  j  une  seule  matière,  une  seule  l<>i.  la  raison 
commune 3  à  tous  les  rires  intelligents,  une  seule  vérité: 
il  n'y  a  qu'une  seule  perfection  pour  imi^  les  êtres  de  même 
origine  et  participant  à  la  même  raison. 

10 
Toute   matière  disparaît   bientôt  dans  la   substance   univer 
selle,   toute   cause    rentre   bientôt   dan-    la    raison    universelle, 
toute  mémoire  est  bientôt  ensevelie  dans  la  durée  éternelle  '• 

11 
Pour    l'être    raisonnable,    la    même    aetion    est    à    la    foi- 
conforme  à  la  nature  et  à  la  raison. 

i.  [Cet  article  exprime  La  même  idée  que  la  partie  importante  de  la  pensé   x  I 
où  nous  relevons  le  verbe  *a0rjxeiv  ^ *>i r  la  note  précédente).  Il  ne  semble  pas  qu'il 
y  ait  une  différence  de  m'h>  appréciable  entre  Les  mots  i  nous 

trouvons  ici  et  l'expression  ro  v.aOr.xov  itoiéw  il»'  la  pensée  IV.  22.  you^  avons   1  - 
ou  signalerons  a  L'occasion  (VI,  19:  VII,  1 3,  en  notes)  d'autres  syi  ssibles 

de  70  xaOrxov.  —  Comme  ro  èiuââXXov,  w^eXovjicvcx;  a  ici  un  sens  inoral.  ^  oir  infra 
VII,  7/1.  en  note,  la  définition  stoïcienne  de  rJjçéXeta.] 

2.  [Var.  :  «  muni  de  cette  même  doctrine.  0  —  Cf.  la  note  à  la  peu-  s  IV,  3o.] 

3.  [Gouat  :   ;<  une  seule  loi,  une  seule  raison  commune...  0  —  Il  l'a  ut  voir  dans 
mots  Xàfoç  v.owh;  rrâvTtov  xcov  voîstbv  Ç«m»v  la  définition  même  de  la  l<>i.  Cf.  supra  IV, 

A.    [Cf.  IV,  21,  note  finale.  Nous  avons  rencontré  à  la  pensée  IV,  1 4,  tes  deux  verbes 
ev«<pavîÇe<y6at  et  Kva>au6avec6ai  employés  dans  le  même  sens  qu'ici. 


MM.IOÏ  III  <>l   I      Dl-I    \|\  I  RSI  I  ES     l>l       MIDI 

12 
Sois  droii  el  non  redressé  ' . 


13 

Le  même  rapporl  qui  unil  (huis  l'individu  les  membres  du 
corps  associe  entre  eux  les  rires  raisonnables,  constitués  pour 

une  action  commune  \  Cette  pensée  se  présentera  avec  plus 
(le  force  «à  i<>n  espril  si  lu  te  dis  souvent  a  toi  même  :  je  suis 
un  membre  de  l'organisme  que  constituent  les  êtres  raison- 
nables. Mais  si.  au  lieu  de  «  membre  »  «^  tu  dis  «  une  parli< 
c'est  que  tu  n'aimes  pas  encore  les  hommes  du  fond  du  cœur; 
lu  ne  comprends  pas  encore  la  joie  5  qu'il  y  a  dans  une  bonne 

1.  opOo:  r,  op6ou(i£VOÇ.  J'ai  traduit  connue  s'il  y  avait  tj.r(,  au  lieu  de  r(.  Bien  que 
Marc-  îurèle  ail  à  plusieurs  reprises,  el  même  dans  le  Livre  VII  (s  7),.  accordé  que 
L'homme  pouvait  el  devail  profiter  des  conseils  et  des  secours  d'autrui  pour  arriver  à 
la  vertu,  il  me  semble  qu'il  n'aurait  pas  exprimé  cette  idée  sous  la  forme  de  maxime 
impérative  <nfil  lui  s  donnée  ici.  Il  a,  d'ailleurs,  formulé  L'idée  contraire,  presque 
dans  Les  mêmes  termes,  à  La  fin  de  l'article  5  du  livre  III  :  «  opôbv  oSv  slvai  /pr(,  v//: 
opdoupévov.  »  Cette  maxime,  conforme  à  la  doctrine  stoïcienne,  et  écrite  avec  la  conci- 
sion qui  coin  ienl  à  une  recommandation  de  ce  genre,  n'a  sans  doute  pas  été  retournée 
en  sens  contraire,  dans  les  mêmes  termes,  par  Marc-Aurèle.  Il  est  bien  plu-  probable 
qu'il  L'a  seulement  répétée. 

2.  [Gouat:  «De  même  que,  chez  les  individus,  Les  membres  sont  unis  dans  le 
corps,  d'après  les  mêmes  principes  les  êtres  raisonnables,  quoique  séparés,  ont  ('ti- 
en'es  pour  une  action  coin  m  une. —  Les  Stoïcien-  distinguaient  trois  types  de  l'unité. 
Il-  appelaienl  qvcofiiva  le-  êtres  ou  Les  choses  que  définit  une  détermination  pre- 
mière ou  qualité  essentielle:  r,vo)|jLsva...  xà  Otto  jj.iâ;  'i\zw>^  xpaxo-jasva,  xaOaTiîp  pirrà 
xou  Çàta  (Sextus  Empiricus,  ado.  Mathem.,  IX,  78).  L'unité  collective,  formée  de 
L'arrangement  ou  du  groupement  des  qvcàpiva,  était  celle  des  9uvairr6(ieva  (tels  un 

na\ir<\  une  maison,  une  chaîne)  et  des  èv.  o'.e<7T(otu)v  (comme  une  Hotte,  une  armée, 
un  troupeau).  —  Cf.  Simplieius,  55,  e,  et  les  autres  textes  cités  dans  Zeller  (Phil.  <ler 
(ir.,  III8,  p.  97).  —  Marc-Aurèle  ne  distingue  ici  que  pour  Les  mieux  identifier  L'unité 
de  la  première  et  celle  de  la  troisième  espèces. 

Non-  non-  sommes  expliqué  précédemment  sur  le  sens  du  mot  «constitution» 
(\  .  16,  3"  note;  \  I.   m.  2*  noie)  ei  sur  les  t<  causes  coopérantes  0  (ovrvaiTia  et  avvepvdl  : 

\  I,    '|2.    noie-    1    et   2).| 

3.  Les  deux  substantifs  jjipo;  et  [xéXo;  (membre  et  partie)  sont  opposés  de  manière 
à  former  un  jeu  de  mots  intraduisible  en  français.  C'est  pour  cela  que  j'ai  supprimé 
dans  ma  traduction  la  parenthèse  oià  toO  po>  orot}(eiou,  qui  n'aurait  aucun  sens.  [Elle 
fait,  d'ailleurs,  si  gauchement  valoir  le  jeu  de  mot-  de  Marc-Aurèle  qu'il  est  presque 
impossible  de  ne  pas  la  traiter  connue  une  glose.] 

l\.  [Gouat  :«  le  plaisir  de  faire  du  bien  ne  te  donne  pas  encore  une  joie  absolue; 
tu  le  regardes  encore  comme  un  simple  devoir  de  convenance,  et  pas  encore  comme 
un  bien  que  tu  te  fais  à  toi-même;»  —  et,  en  u<>te  : 

«  J'ai  adopté,  avec  Gataker,  la  leçon  xaraXiQXTtxciic  au  lieu  de  xatTataprcix&c,  qui  ne 
se  comprend  pas.  » 

Je  crois,  pour  ma  part,  qu'on  peut  la  comprendre.  On  connaît  l'expression  stoï- 
cienne pavTaoïa  xaTa'Aiprrixiq  (supra,  p.  17,  n.  2;  Zeller,  Phil.  der  Gr.,  III3,  p.  82, 
notes);  est-il  impossible  de  supposer  une  locution  verbale  9avTa^E<76a:  xorraXrjxTixâ);? 
puis  d'autres  locutions  verbales  où  entrerait  le  même  adverbe,  pris  toujours  dan-  Le 


il  \    il       l 'i      MAKI       \  i  mi  i 

action     in  n<'  Il  hi    en<  i n e  que  pai •  c  qui         I  bien 
parce  <|u<-  lu  t'oblige    lotil  \c  prcmiei 

M 

\  1  ?  i \  0  c-  qui  \  oudi  ■•  <ln  deh<  >n  ••  C6  qui  p6ul  en  n  'ji 

1 1  i  1  de  060  attaques.  (  < m  partie!  <|m  loutfrenl  le  plaindront 
si  ri  1rs  le  veulent;  mais  moi,  li  je  ne  juge  pai  que  a  I  ■««  1  idenl 
as!  un  111.1l,  je  ne  suis  paa  atteint  Or,  je  pui    ne  po    le  ju 

m.' n i>    s. -n    1   Non     'H   trouvorom   un<    précl  émcnl   au   livn    \l 

[uiômi    d<     dli   préceptes  qui  con  titucnl  l'ai  ti<  le   i 
ce  pa  »  rr  i  g  & ,  cl  o  va  n  I 

manu*  rits  n*otl  pai  doufc  n  quoique  -•  »i  U  pai  i 

du  verbe  uni    pn  >p<  wition  parai  loi  Oi 

pai  Zollor  (L  t.)  nous  apprennent  que,  poui  l< 
H. .  1 1 1 1  môme  qu'à)  >,'",  ,  el  quo  le  promioi  de  ces  deui  adjectif»  di  l  loi 

tentations  non   seulemonl  celles  qui   ne  nom  trompent   pas,   mai      oll< 
lesquelles  nous  avons  la  certitude  d(    n'étn    pas   tromr>       Dai      tou 
verbales  quo  j'imagine,  el  dont  deui  au  moins  se  n  ncontn  ni  dam  l<  i   P  II  i  il 

donc  permis  de  traduire  l'adverbe     i       par  I      mol  rtitudo  el 

C'esl  ce  quo  je  ferai  à  l'article  \l.   ix.  (<  I,  je  l'entends   i     m<  nu  .  il  |e  ne  pul 
exprimer  de  même  ce  que  j'entends,  La  joie  qu'on  éprouve  .1  bien  I  nous  «lit 

M. m    iurèle  en  un  seul  moi,  une  joie     légitime  :  et,  de  plus,  on  a  l'elle 

l'est  ».  La  tin  de  la  pensée  me  semble  garantir  cette  int  ion.] 

1.  [Tous  les  traducteurs  français  de  Marc-  turèlc,  i  I  parmi  i  m  M.  I  Ir  le 

début  de  la  note  précédente),  écrivent   ici    (convenan 
rendre  le  grec  icpiicov.  Or,  le  sens  très  ample  qu'ont  primitivement  ei 
et  xaOr.xi'.v,  et  que  déjà  notre  verbe  français   (convenir»  ne  reti  itior, 

B*esl  tout  autant  restreint  el  déformé  pour  devenir  ce  qu'expri ordinairement  — 

surtout  au  pluriel,  el  en  particulier  dans  les  traductions  de  MM    Gouat  et  Michaud  — 

le   mol  «convenance»,  que  pour  aboutir  à    l'acception  constante  de  dans 

les  Pensées,  Si,  comme  le  reconnaît  M.  Gouat  (supra  III,  16,  note  Bnale),  xoti 

Marc-Aurèle  (au  moins  lorsqu'il  parle  en  son  nom  >  ne  signifie  jamais  qu< 

«'i  si  TTpiuov  peut  signifier  «les  convenances»,  l'intervalle  de  sens 

considérable  (Mitre  xaO^xov  el  itpéiHw  qu'on  pourrait  presque  les  oppoaei  dans  une 

antithèse.  Cela  ne  peut  paraître  vraisemblable  à  qui  considère  d'abord  que,  dans  les 

Pensées.   \h  xaOr(xov  admet   presque    comme    synonymes   des    mots   qui!    n'est 

d'usage  en   grec  de   faire   aller,   comme  -<t   xpéitov,   de   pair  avec   lui  :  - 

{supra  VI,  19),  el  ro  tactéaXXov  (supra  VII,  7  >;  ensuite,  que  personne,  en  d'autres      isages 

{M.  s;  VI,  3o),  n'hésite  à  ira. luire  icpéitov  par  devoir. 

Ici,  —  et  c'esl  pour  cela  que  je  n'ai  pas  écrit  ci-dessus  le  mot  :    , —  le 

contexte  nie  semble  marquer  pourtant  entre  xx'Jrxov  el  -    re  nuiii 

sens  et  justifier  une  opinion  que  j'avais  avancée  précédemment  1 III.  16,  note  finale): 
à  savoir  que  xaOr,xov  a  toujours  pour  Marc-Aurèle  la  valeur  de  x  1 n  ul.  <»n   se 

souvient  peut-être  (cf.   ibid.)  de  la  distinction  que  faisaient  l<->  Stoïciens  enti 
xaQvy/ovra  moyens  et  les  xaOr.xovra  parfaits,  et  de  la  définition  du  xai  tum) 

que  donne  Cicéron  (supra,  re  notre  du  livre  III):  ce  serait  un  xa 
l'auteur   latin    ajoute   une  expression   presque  intraduisible  en   français  :   officium, 
quod...  omnes   numéros   habet.    11  me  semble  que  la  présente  pensée    nous   indique 
précisément  le  dernier  numerus  (àp'.Ôub;  ffU(urta)p«dTix6ç,  dirait  Man-Aun  !■     qui  doit 
achever  (àxpiooOv,  III,  1)  le  xa&Tptov  (ou  EiaêàXXov,  ou  olxcïov,  ou  arpén  en  faire 

ce  que  les  Stoïciens  appelaient  le  xaTÔpOtofia  et  qui,  pour  Marc-Aurèle,  est  simple- 
ment le  seul  et  le  vrai  xaOvjxov.  Le  «  devoir  »  ne  lui  parait  vraiment  dign  nom 
que  s'il  est  accompli  en  connaissance  de  cause  et  avec  la  claire  notion  de  sa  r 
d'être  (cf.  la  note  précédente).] 


BIBLIOI  ni  Ql  i     DES  UNI VI  RS1  i  f  8    D1     MIDI 

15 

Quoi  qu'on  fosse,  quoi  qu'on  dise,  il  faul  que  je  sois  homme 
de  bien;  ainsi,  l'or,  ou  l'émeraude,  ou  la  pourpre  pourrait 
répéter  :  quoi  qu'on  tasse,  quoi  qu'on  dise,  il  faut  que  je  sois 
émeraude  el  que  j<'  garde  ma  couleur. 

16 

Le  principe  dirigeant  ne  se  l'ait  pas  obstacle  à  lui-même, 
j'entends  qu'il  ne  se  crée  à  lui-même  ni  crainte  ni  désir1.  Si 
quelque  autre  peut  l'effrayer  ou  l'affliger,  qu'il  le  fasse.  Par 
lui  même,  en  effet,  el  par  son  propre  jugement,  il  ne  donnera 
pas  ce  tour  '■  à  ses  pensées. 

Que  mon  corps  cherche  a  ne  pas  souffrir  3,  s'il  le  peut,  et 
qu'il  dise  s'il  souffre.  Mais  mon  âme,  qui  est  celle  qui  éprouve 
la  crainte  ou  le  chagrin,  et  à  qui  seule  il  appartient  d'en  juger, 
mon  àme  ne  souffrira  pas  si  elle  ^  ne  se  pousse  pas  elle-même 
à  juger  qu'elle  souffre. 

i.  o*J  ?oo£î  ia-^TÔ  e\;  E7ri8v|iiav.  Il  est  évident  que  cette  proposition  est  incomplète 
et  que  le  texte  est  altéré.  On  a  proposé  plusieurs  corrections,  entre  autres  o-j  Xuicel 
fcttirré,  justifié  par  poêf]<rai  5)  Xu7rr,(rai,  qui  se  trouvent  à  la  li«,rne  suivante.  On  voit, 
d'ailleurs,  qu'il  y  ;i  opposition  entre  906s!  et  le  verbe  qui  suit.  Je  ne  vois  pas  pour- 
quoi l'on  ne  conserverait  pas  èi?t8u(iictv.  La  crainte  et  le  désir  sont  toujours  associés 
dans  la  morale  stoïcienne.  Je  suppose  donc  que  plusieurs  mots  sont  tombés,  tels  que 

2.  [Goual  :  "  il  ne  B'abandonne  pas  à  de  telles  impulsions.  »  —  L'expression  àyaOai 
tûoicocf,  à  la  dernière  ligne  du  livre  V,  l'emploi  de  Tpair6(A6vcK  à  la  pensée  III,  0 
(en  èxeîvo  ï\  SXyjç  rr(;  ^'j'/j,;  tpaTCÔji-evoç),  témoignent  que  xpiTziiby.'.  et  z^orJr^  peuvenl 
exprimer  L'étal  d'une  Ame  tournée  vers  le  bien.  Cependant  il  est  incontestable  que, 
dans  les  Pensées,  les  orientations  ou  les  directions  de  L'Ame  que  désigne  le  mot  xpoizcà 
De  sont  en  généra]  pas  bonnes;  ce  sont  surtout  des  «  déviations»  de  la  droite  Ligne, 
el  rpoiri),  à  L'usage,  est  presque  synonyme  d'àicooTpofvj.  Par  exemple,  à  la  fin  de 
L'article  III,  7,  où  Marc-Aurèle  nous  recommande  de  ne  pas  «  donner  à  nos  pensées 
le  tour  qui  n'est  pas  celui  de  La  pensée  d  un  être  raisonnable  et  sociable  »,  par  suite, 
comme  j'ai  cru  pouvoir  L'écrire,  «  de  ne  pas  non-  égarer  en  de-  pensées  étrang 

à  l'être  raisonnable;  -  de  même,  à  l'article  VII,  58,  où  M.  Gouat  entendait  par 
àXXotptaç  Tpoiccc;  les  a  agitations  contraires  à  La  nature»;  de  même  encore,  au  début 
de  la  pensée  \I,  19,  où  sont  énumérées  les  ipowàc  dont  il  tant  se  garder. 

L'adverbe  Û7coXr)fmxtôç,  que  je  rencontre  ici  à  coté  de  Tpéttetv,  s'explique  aussi 
aisément  qu'un  peu  plus  haut  (VII,  [3)  L'adverbe  xaTaVqirrixûç  à  côté  d'eùçpatvei. 
Jl  suffit,  de  pari  el  d'autre,  de  convertir  la  locution  verbale  en  Locution  substantive 
(ici  :  &7toXiQirrtXT]  rpoftY)).] 

3.  [Cf.  VII,  l 'j  ;  VIII,  28;  XII,  f,  des  expressions  analogues.  Toutes  sont  ironiques, 
puisqu'il  e>l  entendu  (supra  VI,  02)  que  «le  corps  ne  peut  s'intéresser  à  rien  ».  On 
a  reconnu  Le  même  accent  de  défi  Ironique  dans  la  seconde  phrase  du  présent  article.] 

'»•  oO  yàp  a:s'.:.  Cette  seconde  personne  est  suspecte.  Le  texte  des  manuscrits  donne 
':;£'.;,  qui  esi  évidemment  altéré.  On  a  corrigé  ce  mot  de  différentes  manières.  Je  tra- 
duis  comme  s'il  y  avait  il  u.r,  ::apâ;E'.  ÉavTÔ,  déjà  proposé  par  Coraï. 


CI    \     I   I  l.l       M  \l.<         M    M   I   I 

Le  principe  dii  Igeanl  n  i  par  lui  m  tu(  un  b< 

pleur,  -i  moini  qu'il  ne  ■'*  "  01  ie    p  m  nquill< 

libre,  .'•  iimins  <|ti  il  ne     !•  h  mihlr  cl   m       mil  i    lui  I 

17 

l.,'  bonheur  o*€  I  d'avoir  un  bon  >u  un  bon  principe 

dirigeant  '    Qua  viens-tu  donc  faire  Ici    û  imagination    Va-tn 
par  lea  l  Meus  '  comme  tu  ei  \  enue    je  n  ai  pe  >in  de 

Tu  es  venue  selon  ta  vieille  habitude.  Je  ne  t'en  veui  ; 

\  a  t  en. 

18 

Grains  tu  l«'  changement?  Mais  rien  peu!  il  se  produire 
changement?  Le  changement  n'eal  il  pas  ce  qu'il  j  a  de  pin 
oher  '  ci  île  plus  propre  à   la  nature  universelle?  Toi  n 
peux  tu  prendre  un   bain   Bans  changer  lee  souches  poui   le 
chauffer  3?    Peux-tu   te   nourrir  Bans   changei    tes  aliments 
Peul  on  Bubvenir  à  aucune  des  nécessités  de  la  rie  Bans  chan 
gement?  Eh  bien,  que  tu  changes  toi   même,  ne  rois  tu  pas 
que  c'est  la  même  chose  et  que  c'est  également  □  ire 

la  nature  universelle? 

19 

A    travers    la    matière    universelle,    comme    à    travers    un 
torrent,  passent  tous    les  corps;  ils  ne  font  qu'un  i  avec  elle 

et  coopèrent  avec  elle  comme  nos  membres  entre  eux". 

i.  J*ai  écrit  en  italique  les  mots  qui  traduisent  \  xyot56>    L'absence  Parti       prouve 

qu'àyaOov  n'est  pas  employé  comme  un  substantif,  et  que  cet  adjectif  se  rapport- 
à  un  nom  qui  a  disparu.  Ce  ne  peut  être  qu'vJY€|iovtx6v,  [qui  a  par 

Gataker  et  que  M.  Stich  a  admis  dans  son  texte.  Sur  L'identité  du     -  et  du 

principe  directeur»,  cf.  sapra  V,  27,  el  la  note.] 

2.  [Cf.  tupra  IV.  56.] 

3.  [If.  Gouai  ne  dit  pas  ^*il  préfère  ici  la  Leçon  des  manuscrits  d'extraits  >1     M 
Aurèle,  usTxoâ/.Y;:.  <>u  colle  de  la  vulgate,  •j.i-xoû.'/.r.  Les    l  -ux.  l'actif  et  le  a 
peuvent,  en  effet,  s'admettre  également.  Le  tour  même  de  la  phrase,  qui 

par  crîi  oï  a-^TÔ;.  témoigne  d'ailleurs   que  nous  avons   affair     ici    à   un 
personne;  par  suite  que  p&raêxXi)  n'es!  pas  pris  intransitivement  x  pour 

sujet.  C'est  sans  doute  pour  affirmer  ce  sens  qu     M.  Gouat  a  aj  on  ou  deux 

mots  qui  manquent  au  texte  grec.] 

'j.   [Gouat  :  «  ils  sont  de  même  nature  qu'elle.      Var.  :  •  •  il-  font  corps  avec  el; 
—  Cette  seconde  version,  qui  esl  celle  du  second  manuscrit,  me  p  de  traduire 

exactement   a-^az-^.  Je    l'ai    modifiée   pour  éviter  la   fâcheuse   répétition   du    m  >l 
«  corps  ».] 

5.  Ta  f/jLÉTEpa  |JL£pr(.   Le  texte  de  l'article  i3  du  même  livre:  o:ov...  tî  |i£Xï]   xxX.  , 
nous  autorise  à  lire  ici  usât,  plutôt  que  <j.izrr 


i  \i)  BIBLIOTHÈQUE    DES    iMViitMiis   DU    MIDI 

Combien  l<*  temps  n'a  i  il  pas  englouti  de  Chrysippes,  de 
Socrates,  d'Epic tètes?   Fais  la   même  réflexion    à  propos    de 

tout   homme  et  de  toute  chose  ' . 

20 

I  ne  seule  chose  me  tourmente,  c'est  la  crainte  de  faire  ce 
que  la  constitution  de  l'homme  ne  veut  pas  ou  d'agir  aulre- 
ment  qu'elle  ne  le  veut,  ou  de  faire  ce  qu'elle  ne  veut  pas  en 
ce  moment. 

21 

Bientôt,  tu  auras  tout  oublié;  bientôt  aussi,  tu  seras  oublié 
de  tout. 

22 

C'est  le  propre  de  l'homme  d'aimer  ceux  qui  le  frappent.  Tu 
y  arriveras  en  te  souvenant  qu'ils  sont  tes  frères,  qu'ils  ont  agi 
par  ignorance,  qu'ils  sont  coupables  sans  le  vouloir  %  que  vous 
mourrez  bientôt  les  uns  et  les  autres,  et,  avant  tout,  qu'on  ne 
t'a  pas  fait  de  mal,  puisqu'on  n'a  pas  rendu  le  principe  direc- 
teur de  ton  âme  pire  qu'il  n'était  auparavant  3. 

23 

Avec  la  substance  universelle,  comme  avec  une  cire,  la 
nature  universelle  vient  de  fabriquer  un  cheval;  elle  l'a  ensuite 
défait  et  s'est  servie  de  la  même  matière  '*  pour  créer  un  arbre, 

i.  [Zeller  (Phil.  der  Gr.,  III3,  p.  1 55,  en  note)  rapproche  ce  passade  de  l'article  XI,  i, 
où  est  affirmée  La  «  renaissance  périodique»  (7T£piootxr,  itaXi^fCVEata)  de  l'univers:  les 
Socrales,  Les  Ghrysippes  et  les  Épictètes  dont  nous  parle  ici  Marc-Aurèle  ne  seraient 
en  réalité  qu'un  Socrate,  un  Ghrysippe,  un  Épictète,  qui  aurait  revécu  —  qui  peut 
dire  combien  de  fois? —  la  même  vie  au  retour  du  même  moment  de  chaque 
«grande  année  »  (supra  V,  i3,  note  finale).  A  ce  compte,  ce  texte  ne  prouverait  pas, 
comme  l'a  cru  Pierron,  qu'Épictète  fut  mort  à  L'époque  où  son  admirateur  écrivait 
les  Pensées.] 

■j.  [Mêmes  idées,  II,  i  ;  un  peu  partout,  dans  les  Pensées,  revient  le  précepte 
socratique  que  <<  nul  n'est  méchant  volontairement».] 

3.  [C'est  à  lui  seul  que  le  méchant  fait  tort  (IV,  26;  IX,  4;  V,  22  :  voir  la  note 
rectifiée  aux  Addenda),  «le  même  que  L'homme  de  bien  a  s'oblige  tout  le  premier» 
(MI,  ,3).] 

l\.  [Voici  encore  un  texte  qui  nous  démontre  l'équivalence  parfaite  des  mots  oùm'a 
et  CXtj  ("  substance»  et  «  matière»)  dans  la  langue  du  Portique.  Ils  se  présentent  ici 
a  deux  liâmes  d'intervalle,  et  pourraient  permuter  sans  inconvénient.  Pour  éviter  au 
lecteur  toute  méprise  sur  l<  sens  du  mot  «substance»,  j'ai  constamment  traduit 
oOa:a  comme  :Art  par  «  matière».  Cf.  IV,  21,  note  finale;  et,  un  peu  plus  haut,  la 
pensée  VII,  10. 


i  i  s    i  i        DI     MARi     m  il  i  i 

puis  un  homme    pui    quelque  auti •   ehot<       Chacu 
•  ■ires   n'esl    1 1  >  |  »i  i  ii  '   que  poui    peu   de  tomp      il    n  i   I 
plus  ex ii a< 'i dinaii e  p< »ui   un  a -iii e  d'éta    détruil  que  d 
construl  I 

24 

l  n  \  [sage  ii  «  ii"  e  I  loul  i  rail  contraire  k  la  nature    il  en 
ré  iiiic  Bouvenl  <|in'  l'éclal  de  la  beauté  diaparatl  el  Dnil  |<.n 
< iteindre  ^.m^  pouvoir  jami  ranimai    Mai    <     qu  il  foui 

tâcher  de  comprendre,  c'eal  que  la  colère  elle  même  eal  i  ontre 
lii  raison;  car,  si  uoui  perd  on  a  jusqu'au  senlimenl  de  noi 
fautes,  quel  motif  de  vivre  noua  reate-t-il 

25 

La  nature  qui  régit  l'univers  \ ;i  bientôt  changer  toutes  lea 
choaea  que  tu  vois;  de  leur  matière  I  elle  en  fera  d'autres 
d'autres  encore  de  la  matière  de  celles  ci,  afin  que  le  monde 

soit  toujours  jeune. 

i.  [Après  avoir  rappelé  la  démonstration  (cf.  iqpra  IV.  i  ',.  note  finale)  par  laquelle 
Poaidonius  établi I  que  l*« individu»  ne  se  distingue  pat  de  sa    • 
{BcL,  I,  436),  voulant   prouver  que   ['«individu»  eal    pourtant   attira  chem  qu 
«matière»,  emprunte  à  Ifnésarque  une  série  <!«•  oomparaiaona  analog 
qu'apporte  Marc-Aurèle  en  ce  p;t^»;i-«-.  •«  Si  l'on  modèle  un  cheval,  | 
Mnésarque,   «puis  qu'on  le  brise  soua  nos  yeui  el  < | u'< »n  en  tasse  un  chien,  ne 
pourrons- nous  pas  dire  que  quelque  chose  est  qui  n'était  pas?      En  définitive,  loul 
change  pour  les  stoïciens,  sauf  deui  choses  :  la  somme  totale  de  matière  dans  le 
monde,  et,  dans  l'individu,  pétulant  le  temps  qu'il  \U  ou  dure,  le  principe  formel 
qui  le  définit.  ] 

2.  [Sur  la  traduction  d'v,7i£<TTY;,  cf.  supra  1\  ,  i  \,  note  i.J 

3.  [J'ai  traduit  le  plus  littéralement  possible  cette  pensée,  <pii  manque  dans  le  ma- 
nuscrit d'Aug.Gouat.  Le  texte  en  est  profondément  altéré.  Pour  éviter  des  restitutions 
arbitraires,  je  me  suis  borné  à  des  corrections  très  -impie-,  permettant  de  construire 
la  phrase  la  plus  difficile.  Au  lieu  de  8tow  -o/.Hxi;  èvaicoév^axecv  r,  -sô?-/r;j.x    .j'ai 
lu  k  60=v  içoXXdncic  àvar.oOvr.o-y.st  to  Tipaa/^aa  ».  Ces  corrections  suffisent  à  assurer  la 
suite  des  idées.  11  me  semble,  en  effet,  que  la  pensée  se  partage  en  deui  démonstra- 
tions parallèles  dont  les  termes  importants  se  correspondent  de  l'une  à  l'autre  :   wapà 
qp-jcriv  et  Trapà  Tov  ).cr;ov,  —  £va7ïo0vr(o-x£'.  et  t:;  toO  If,v  a-.Tia;-    enfin  m  hcâtorm 
7rpo<T(i37io'j  et  aOT(i)  to'jtco  (qu'on  pourrait  corriger  en  aOrô  tovi  -a-dire  x\n 
èirtxoTov).  Le  nœud  de  la  pensée  est,  à  mon  sens,  dans  ces  mots  arûtè  coOtq  ou  i 
to'jtu),  qui  opposeraient  la  colère  à  L'expression  de  la  colère.  Ceux  qui  ont  traduit 
a-JTà)  to'jT(o  7rapaxoXo'j6sîv  KV.ptô  par  «  Tâche  de  comprendre  par  là  >>  ou  «  de  conclure 
de  là  »  n'ont  pas  rendu  compte  d'a-jKo,  et  ont  dû  imaginer,  devant  l'expression  - 
xbv  X6vov(£o-tO,  un  sujet  nouveau  qui  permît  d'entendre  la  dernière  phrase. 

Si  Ton  admet  les  explications  qui  précèdent,  on  Nerra  dans  cette  dernière  phrase 
le  développement  non  des  mots  KapaxoXouOstv  xi'.zCo  («  tâche  île  comprendre  »),  mais 
bien  de:  Sri  7iapà  tov  "Àoyov  («  la  colère  est  contre  la  raison  »),  La  colère  nous  enlève 
la  conscience  de  noire  faute,  comme  l'expression  de  la  colère  détruit  l'harmonie  de- 
traits.] 

'a.  [Couat:  «  substance.»  —  Cf.  VII,  20.  et  la  irt  note.] 


\\i  BIBLIOTHEQUE    DES    UNIVERSITÉS    l>«     MIDI 

26 

Lorsque  quelqu'un  s'es!  mal  conduit  à  ton  égard,  demande- 
loi  toul  de  suite  quelle  idée  du  bien  ou  du  mal  lui  a  inspiré 
cette  conduite.  Cette  considération  t'inspirera  de  la  pitié  pour 
lui;  lu  n'auras  plus  ni  étonnemenl  ni  colère.  Ou,  en  effet,  tu 
,i»  encore  la  même  idée  que  lui  ou  une  idée  semblable  de  ce 
(jui  est  bien  :  tu  dois  donc  lui  pardonner.  Ou,  au  contraire,  tu 
ne  juges  plus  comme  lui  du  bien  et  du  mal  :  il  ne  t'en  sera  que 
plus  facile  de  te  montrer  bienveillant  pour  son  aveuglement. 

27 

Ne  pense  point  aux  eboses  que  tu  n'as  pas,  comme  si  elles 
étaient  plus  agréables  que  celles  que  tu  as  l  ;  fais  plutôt  le 
compte  des  biens  les  plus  précieux  que  tu  possèdes,  et  sou- 
viens-toi avec  reconnaissance  de  ce  qu'il  aurait  fallu  faire 
pour  les  recbercher,  si  tu  ne  les  avais  pas.  Prends  garde  en 
même  temps,  à  force  d'y  trouver  du  plaisir,  de  t'babituer  à 
les  estimer  au  point  d'être  troublé  si  jamais  ils  venaient  à  te 
manquer. 

28 

Concentre-toi  en  toi-même!  La  nature  du  principe  raison- 
nable qui  nous  dirige  est  de  se  suffire  à  soi-même  en  agissant 
conformément  à  la  justice,  et  d'y  trouver  la  tranquillité  \ 

29 

Efface  tes  impressions,  contiens  l'agitation  de  ton  âme  3. 
Circonscris  dans  la  durée  le  moment  présent  i.  Connais  les 
événements  de  la  vie,  de  la  tienne  comme  de  celle  d'autrui  •">. 


i.  |Couat  :  «comme  si  elles  étaient  agréables,  »  —  et,  en  note  :  «  w;  :r^r{  ovxa  a  été 
ingénieusement  corrigé  en  r(oÉa  àV:a  par  Schultz.  »  —  Cette  conjecture  a  été  para- 
chevée par  Rendait,  qui  a  lu  rfiitè  orra,  et  permis  ainsi  de  comprendre  (en  l'imputant 
à  L'iotacisme)  l'erreur  des  scribes.] 

2.  [Cf.  passim,  et  notamment  VI,  8,  et  la  note.] 

3.  [Cf.  supra  VI,  28,  et  autres  textes  cités  en  note.] 

'1.   [Couat  :  «  circonscris  le  temps  à  mesure  qu'il  s'avance.  »  —  Cf.  VI,  36,  1"  note.] 

5.   [Couat  :  «observe  ce  qui  arrive  à  toi  ou  à  un  autre.  »  —  Fvwp^w  ne  signifie  pas 

«observer»,  mai*  «connaître»,  —  soit  ((savoir»,  soit  ((comprendre».  Je  préciserai 

le  sens  de  70  o-j{iêalvov  lorsque,  à  l'article  VIII,  7,  nous   rencontrerons  ce  mot  ou 

plutôt  son  dérhé  (<7*jaoa<7i:),  dans  une  énumération  où  figurent  encore,  comme  ici, 


Il     «Il  l'I        M  \  I,'  \  I    1,1    I    I 

I  >i\  ise   6l    pu  lage    ton)    objel  '    en    pi  incipc   oITI  i<  ni    ol 
matièi  <•      Peu  e  i  te  dernii  i  e  h<  m  e    81   l'on  ■•  i  omml    uni 
Faute  an  vers  loi,  lai    e  celle  baie  ■<    i  m  auteoi 

30 

Il  faut  suivre  ce  qu'on  nous  dil  en  \  appliquant  I  ni 

notre  pen  ïée .  il  Paul  que  notre  espi  il    pénèl  re  dan    i     i  b 
el  dans  leur-  causes, 

31 

i  claire  toi   de   simplicité,  de   pudeur,  d'indifli  po  u 

tout  ce  <  |  (  i  i   esl  entre   la   vertu  el    !<•  vicel.    Ume  l<-   genre 

humain.    Suis     Diru    •.     Voici     un    poète  {     <|ui    «lit  l«.:if 

réglé  par  des  lois,  n  I  ta  dit   aussi      que   les  éléments   leuli 

le  temps,  !<•  principe  efflciont  cl  la  matière   La  proposition  t  ml  enl  nie  ni 

expliquée  par  la  dernière  phrase  de  la  pens<  e  IV,       et  la  ]  l\ 

;i    Nous  n   retrouvons,  en  effet,  l<-  mol  -•>  ox  i<    de  l'adjectil 

Marc-Aurèle  ;i  voulu  dire  Ici  :      Fais  que  toui  i  menta  <i  >icnl 

connut  lorsqu'ils  t'arriveront;  —  ne  sois  pas  surpris  de  ce  qui  peu!  t'aniv<  r 

i.  [Cf,  supra  VI,  3  ei  \.  en  notes. i 

i.  [Gouat  :  ci  en  matière  et  en  forme  >•  —  Cf.  l\ .  si,  note  final< 

[\.  [Aristote  distingua  très  nettement  la  voient  du  voO<    l'une  esl  ! 
l'autre  La   pensée  en  puissance.   La  théorie  »!«•  h»  puissance    -  t  d<    l'a 
stoïcienne;  et  Ici,  <in  particulier,  on  ne  saurait  voir  une  antithèse  entre 
suis  La  chercher  aussi  entre  toîç  Xsyopivot;  el  :a  -  or.  il  est  évident  qu 

deux  phrases  qui  constituent  cette  pensée  se  complètent  et  ne  s'opposent  p 
elles  échangeraient  sans  inconvénient  Leurs  premières  moitiés  :  en  effet,  on 
lierait  pas  de  lire  tv.;  yivouivotc  au  lieu  il    : ,  _  :  et  nous  ;i\<»u^  rencontré 

à  L'article  VI,  53,  Les  mots:  sv  t>(  l>j/jt  toO  XIyoa 

Aurèle  une  différence  de  voOç  à  vé-qatç,  cesl  simplement  celle  que  marque  le  se 
-G'.;\   comme  "oir^:;  est    ['action  de   icoteîv,  véijdtç  esl    Vactio 
du  voO;.  Dès  lors,  les  substantifs  employés  s'expliquent  aisémenl  par  Les  verb  -  qui 
le>  précèdent;  et  il  est,  «-u  effet,  presque  indifférent  de  dire  :  <  Paire  enta  r  s 
dans...  »  ou  «  appliquer  L'action  de  sa  pensée  à...  >>] 

V  [C'est-à-dire  «pour  tout  ce  qui  n'est  ni  la  vertu  ni  \>  t  non,  coma 

Laisse  entendre  un  mot  que  j'ai  du  supprimer  dan-  la  traduction  de  If.  I 
tout  ce  qui  esl  intermédiaire  entre  La  vertu  <-t  le  vice.     Il  n'y  a  pas  d<       m  g  l'un 

à  L'autre,  donc  pas  de  milieu  entre  eux,  bien  que,  pour  les  Stoïciens*  t  Marc-Aurèle 
en  particulier,  le>  choses  indifférentes  s'appellent  aussi  bien  Ta  •j.ïiu.  que  -:x  > 

5.  [G'est-è-dire  :  a  sois  libre,  o  —  Cf.  UI,  g,  et  VII,  67,  derniers  mots.] 

6.  [D'ailleurs  inconnu  :  les  mots  cités  sont  une  lin  d'hexamètre.] 

7.  Voici  encore  un  passage  inintelligible.   Les  manuscrits  donnent  h 

-y.  ircor/eïa.    Ces    mots   n'offrent    aucun   sens.   La  phrase   qui   suit   im  m  ut 

indique  que  deux  opinions  viennent  d'être  produites,  dont  une  seulement  doit 
nue.  La  première  de  ces  opinions  :  «  -âvTa  vofuert,  »  est  empruntée  par  llarc-Aurèle 
à  un  poète.  La  seconde  se  trouve  donc  dans  les  m  tjiova  --x  Par- 

tant de  là,  on  est  conduit  à  lire  ï-i  os,  ou  £ct  oô  -a:.  5ti  Se,  ou  i.  ou 

k'v.o'.  ôk  xat.  Ces  mots,  opposés  à  sxeTVoç  ;jl£v  qpv^artv,  annoncent  la  seconde  maxime  qui  va 
suivre.  Cette  maxime  se  cache  sous  les  mots  Soccfiova  rà  rroi^àa,  qui  n'ont  pas  de 
sens,  et  elle  appartient  soit  au  poète  déjà  cité,  soit  à  un  autre  auteur.  Que  peuvent 
élre.  d'ailleurs,  les  mots  représentés  par  caïu.ova  Ta  treot^eîa?  Si  on  lit,  comme  nous 


l'i'l  BIBLIOTHÈQUE    DES    UNIVERSITÉS    M     midi 

existent.   Il   suffît  de  se  rappeler  que  loul  esl   réglé  par  des 

lois  '. 

32 
Sur   la    mort.    S'il   n'y  a   que   <lrs   atomes  '.   elle    tl'esl   qu'une 

dispersion;   si    le   monde  est    un    lout  •>,  elle   n'est   (ju'exlinetion 

ou  déplacement  i. 

33 
Sur  la  douleur,  si  elle  est  intolérable,  elle  nous  emporte;  si 
elle  dure,  e'esl  qu'elle  est  supportable;  la  pensée  peut,  d'ail- 
leurs, en  s'isolant5,  assurer  sa  tranquillité,  el  le  principe  diri- 
geant demeure  intact.  C'est  aux  parties  maltraitées  par  la  dou 
leur  de  dire,  si  elles  le  peuvent  (>,  ce  qu'elles  ont  à  dire. 

34 

Sur  la  gloire.  Vois  leurs'  pensées;  vois  ce  qu'elles  fuient 
el  ee   qu'elles  poursuivent.   Vois   aussi  comment  les   couches 

l'avons  fait,  ïxi  os  */.aî,  ou  k'vtoi  6é,  il  no  reste  plus  que  p.ôva  Ta  n-or/il*.  Mais  ces  mots 
peuvent  être  conservés  et  l'on  arrive  au  sens  que  j'ai  donné:  «on  dit  aussi  que  les  élé- 
ments seuls  existent.  »  Cette  affirmation  contredit  la  précédente;  elle  n'est  donc  pas  du 
même  auteur,  et  c'est  pour  cela  que  j'ai  écrit  les  mots  «on  dit  »,  qui  interprètent  le 
texte.  Nous  nous  trouvons  ainsi  en  présence  d'une  idée  fréquente  dans  Marc-  Aurèle. 
Il  répète  plusieurs  fois  qu'il  y  a,  pour  expliquer  le  monde,  deux  hypothèses  possibles  : 
Dieu,  c'est-à-dire  la  raison  universelle,  ou  les  atomes;  l'ordre  ou  le  hasard.  Dans  les 
deux  hypothèses,  le  sa^c  doit  être  tranquille;  mais  la  plus  vraisemblable  des  deux  est 
la  première.  Marc- Aurèle  dirait  donc,  en  somme,  dans  le  passade  qui  nous  occupe: 
u  L'un  prétend  que  tout  est  réglé  par  des  lois,  l'autre  qu'il  n'y  a  que  des  éléments.  Il 
suffit,  pour  la  conduite  de  la  vie,  de  se  rappeler  la  première  de  ces  aflirmations.» 
Ainsi  le  texte  peut  s'expliquer  aisément,  si,  en  touchant  à  peine  au  texte  donné  par 
les  manuscrits,  on  sous-entend  ça<x\v  ou  çrjaiv  dans  la  seconde  proposition. 

i.  "il  or,  Xiav  oklyoL.  J'ai  supprimé  dans  ma  traduction  ces  trois  mots  par  lesquels 
se  termine  la  pensée;  je  n'ai  pu  arriver  à  leur  trouver  aucun  sens  satisfaisant.  —  [On 
pourrait  les  entendre,  à  la  rigueur,  en  donnant  à  Àîav  un  sens  qu'il  a  assez  souvent 
dans  les  Pensées  (X,  7.  dernière  phrase;  VU,  67,  seconde  phrase;  VII,  2/1,  première 
phrase),  non  celui  de  ((trop»,  mais  celui  de  ((tout  à  fait».  ((Je  pense,  aurait  dit 
Marc- Aurèle,  que  ces  précepte^  sont  assez  peu  nombreux;))  en  d'autres  termes: 
((Est-ce  trop  te  demander?» — Avec  M.  Stich,  je  considère  comme  une  glose  cette 
phrase  pénible  et  dépourvue  d'intérêt;  c'est  pourquoi  je  ne  l'ai  point  admise  dans  la 
traduction.] 

2.  |Var.  :  «  Si  nous  sommes  faits  d'atomes...;»  —  plus  loin  :  «  si  nous  sommes  un 
tout.  »] 

3.  J'ai  suivi  la  correction  nécessaire  indiquée  par  Casaubon  :  et  0  Èfvoxrtç,  au  lieu 
de  r,  svoxriç.  Il  est  facile  de  voir,  d'après  la  construction  de  la  phrase,  comment  le 
copiste  a  été  conduit  [l'iotacisme  aidant]  à  écrire  r.  au  lieu  de  si. 

lx.   [Cf.  supra  IV,  21,  1"  et  dernière  notes.] 

5.  [On  peut,  ce  me  semble,  admettre  cette  traduction  de  xa-r'  àftoXi)4'iv.  Mais 
j'aimerais  mieux,  pour  ma  pari,  lire  y.a;'  àvà/.r/V.v,  qui  serait  beaucoup  plus  clair. 
—  Rapprocher  de  cette  phrase  le  début  de  l'article  IV,  3,  et  tout  l'article  \  II,  28.] 

G.  [Cf.  VII,  16,  3'  note.] 

7.  [Sur  CC  mot  <<  leurs  »  (en  grec  oejraW),  cf.  IV,  iG;  IV,  38;  VI,  G,  et  les  notes.] 


l'I    n      II  l.l       M  \lf         M    ht   M  I   ',    . 

supérieure!  d'un   lui  de  labié  accumulée      ui   l<     inférieu 
le     i  achenl   tuccessl n emenl     l >»■   m<  m<     dan     la   \i  qui 

élève  en  dei  nier  lieu  ca<  he  bien  vil         qui  l'avait  pr< 

35 

Pensée  de  Platon      Penses  tu  (|u  une  i  a  te  intellig<  n<  e  '  apa 
ble  d'embrasser  toute  la  durée  el  toute  la  lub  tant     con  idère 
1,1  vie  humaine  comme  quelque  chose  de  grand        l        impos- 
sible, dit  il        Cet  homme  n<   P(    ardera  dont    pai  non  plu    I  i 
mort  comme  quelque  chose  d'extraordinaire?  —  Certe    non  ' 

36 

Pensée  d'Àntislhène.  «C'esl  le  rôle  d'un  roi  de  (aire  du  bien 
pendant  qu'on  dit  du  mal  de  lui 

37 
Il  est  honteux  que  le  visage  obéisse  à  la  pens<  comj 

et  s'arrange  comme  elle  le  veut,  tandis  qu'elle   ne   peut  pal 

composer  el  s'arranger  elle  même. 

38 

((  Il  ne  faut  pas  s'irriter  contre  les  choses,  car  elles  s'en  sou- 
cient fort  peu 3,  » 

39 

«  Donne  de  la  joie  aux  Dieux  immortels  et  à  nous  e 

40 

«  Il  faut  moissonner  la  vie  comme  les  épis  féconds;  il  faut 
que  les  uns  mûrissent  et  les  autres  non 5.  » 

41 

a  Si  mes  deux  enfants  et  moi  nous  avons  été  négligés  par 
les  Dieux,  cela  même  a  une  raison 6.  > 

i.  [République,  VI,  4S6.] 

2.  [Épictète,  IV,  6  :  BaatXixov,  tô  KOpî,  TipaTTî:/  usv  ri,  y.a/f.«:  or/.o. 

3.  Euripide,  Bellêrophon. 
f4.  Origine  inconnue. 

5.  [Euripide,  Hypsipyle.} 

6.  Origine  inconnue. 

A.    COUAT-P.    FOURMER.  IO 


l  V'  BlBLK  m  BÊQI  I     DES    I  M\  l  ivM  i  ES    D1     IlIDl 

42 

«  Le  bien  et  la  justice  sont  avec  moi  ' .  » 

43 
M  ne  faut  ni  se  lamenter  avec  personne  ni  s'agiter. 

44 

Pensées  de  Platon.  «  El  moi  je  lui  répondrais  justement  en 
ces  termes  :  n  Tu  as  tort,  mon  ami,  de  croire  qu'un  homme 
o  de  quelque  valeur  doive  calculer  la  chance  qu'il  a  de  vivre 
»  ou  de  mourir,  au  lieu  d'examiner  seulement  si  chacune  de 
»  ses  actions  est  juste  ou  injuste,  digne  d'un  homme  de  bien 
»  ou  d'un  méchant.  » 

45 

«  Oui,  Athéniens,  en  vérité,  je  suis  d'avis  que  tout  homme 
doit  affronter  le  danger  au  poste  qu'il  s'est  assigné  lui-même, 
le  jugeant  le  meilleur,  ou  que  lui  a  assigné  son  chef.  11  ne  doit 
tenir  compte  ni  de  la  mort  ni  de  quoi  que  ce  soit,  au  prix  de 

la  honte  2.  » 

46 

«  Mais  prends  garde,  mon  ami,  que  le  courage  et  la  vertu 
ne  soient  tout  autre  chose  que  de  conserver  la  vie  aux  autres 
et  à  soi-même  :  n'est-ii  pas  vrai  que  l'homme  véritablement 
digne  de  ce  nom  doit  laisser  de  côté  tout  souci  de  la  durée 
de  son  existence,  ne  point  s'attacher  à  la  vie,  mais  s'en 
remettre  a  Dieu  de  ce  soin,  et,  se  fiant  à  cet  adage  des  femmes, 
que  personne  ne  peut  éviter  le  destin,  chercher,  en  outre,  de 
quelle  manière  il  usera  le  mieux  possible  du  temps  qu'il  doit 
vivre  3?» 

47-48 

((  Considère  les  mouvements  des  astres  comme  si  tu  les 
suivais  dans  leur  course,  et  réfléchis  aux  changements  réci- 
proques des  éléments.  De  telles  idées  nous  purifient  des 
souillures  de  la  vie  terrestre.  » 

i.  Aristophane,  Acharnions,  66 1. 

2.  [Apologie,  28,  comme  la  citation  précédente. 1 

3.  [Gorgias,  5i  2.] 


1-1   s    I  I         Dl      m  v  i.'      fct'KKI.I 

<  ette  pensée  de  Platon  e  I  belle    Un  I     quand  i  >n  dl 
m    les  hommei    il  faul  con  Idérei   •  •  wihk    d  un  lieu  •  l< 
toutes    lei  ohotei  <  i  «  •  la   lei  re    ti  oujh  aui    ai  met      I  i 
m. n  lag<     divoi  oeSj  nal    in<  e     nu  >i  I      i  gitati<  m  de    •  i  Ibunau  i 
contrées   désortes,   races   voriden  cl   barbare      fêt*       lam< 
ii«ms.  places  publiques,  loul   ce  méli  loul  cel  ordre  fall 

d'éléments  contraires. 

49 

Remonte  dans  tê  contemplation  jusqu  aux  événement    p 
Que  de  changements  d*  hégémonies  !  lu  peux  aussi  prévoii 
l'avenir.  Il  sera  i<>ui  pareil  au  passé.  Noua  ne  pouvons  p  i     ortir 

i.  |Yar.  :    n  Voici   une    bolle   ponsé<    d<    Platon:   quand   on    di irl  ( 

version  est  la  premier*   do  If .  Couat.  Il  n'avait  pas  penai   d'au 
clei  '17  el  ifl  que  les  manuscrits  ai,  d'après  eux ,  losdivei 
de  Marc-  turèle  s'accordonl  s  sépai  ei 

De  toute  façon,  l'une  au  moins  des  deux   pensé©*       ou  des  d< 
pensée  unique      doit  être  attribuée  à  Platon:   la  première,  il   1    n   rapp  ri 
qui  procède  les  mots  *aXb\  11  —  la  *  t>n  1   1  rapp  ••  qui 

suit  et  si  l'on  considère  que  les  mots  xai  8t|  appartienneni  déji  à  la  citai 
annoncée;—  toutes  les  deux,  si  l'on  ouvre  les  guillemets  api 
duirail  par:  «El  encore.»  Dans  ce  cas,  les  mots    rè  roï    11 
l'article  47 »  les  mots  xa(  fi^j  annonceraient  l'arti  Mais  il  but  reconnaître  que 

xot  or(  -ni  H  surtoul  xa\  or,  /.a',  to  introduiraionl  beaucoup  mieux  qu  une 

citation  nouvelle  \  aussi  aucun  éditeur  ni  traducteur  ne  s'est-ii  la  trois 

hypothèse. 

si  donc  il   faul  choisir  entre  Les  deux   pensées  '17  el  \S  celle  qui  peul 
Platon,  —  ni  l'une  ni  L'autre  n'appartenant  aux  œuvres  conservées  du  philosophe,  — 
voici  trois  motifs  de  se  décider  pour  La  première:  i*  Elle  achèverai  I  naturellement, 
au  Lieu  de  L'interrompre,  La  série  des  citations  de  Platon  qui  commence  i  l 
—  2*  Y.Mo  semble  justifier  L'étude  de  L'astronomie;  or  les 
Marc-Aurèle  (voir,  un  peu  plus  bas,  La  ."»*  note  à  La   peni  tandis  q 

n'ontrait  chea  Platon  s'il  n'était  géomètre  »,  —  3*  Les  deux  articles  que  distinguent 
dans  les  textes  les  numéro-  '17  et  (8  onl  exactement  le  même  objet  :  il  y  a  donc  ici 
soit  une  citation  suivie  d'un  commentaire,  soii  une  pensée  de  notre  auteur  justifiée 
par  une  citation  qui  la  suit.  La  copule  xoA  or,  relie  naturellement 
d'un  même  tout:  mais,  dans  la  seconde  hypothèse,  ne  devrait-elle  pas  être  p 
avant  xa/.ov  ro  toC  nXdrcwvoç?  —  Je  pourrais,  enfin,  tirer  argument  du  »tyl< 
articles,  au  moins  de  celui  du  second,  où  l'accumulation  de  treize  substantifs 
mérés  sans  l'aide  d'une  particule  intermédiaire,  et  l'antithèse    finale  de    - 
a  ovrxoo*(iovu.evov  décèlent  la  manière  de  Marc-Aurèle;  pour  l'article  17,  si 
tov  p-jzov  toO  y.a'J-^ù  [Mou  e^t  platonicienne,  les  verbes  à  deux  préiiv  -    - 
et  àTroy.aOat'pov?'.  et  le  tour  même  des  phrases  intinitives  me  laisseraient  incertain. 

En  ce  qui  concerne  tout  le  passage,  je  crois  donc  très  solides  Les  d   n  nclu- 

sions  de  M.  Couat,  qui  contredit  ici  tous  les  autres  traducteur-  français.  Ei 
déjà  indiquées  par  la  ponctuation  du  texte  de  M.  ^tich.  qui  n'est  pourtant  pa?  allé 
jusqu'à  réunir  en  une  seule  les  deux  pen- 

2.   à'vwOsv  ax-x  àyÉ/.x;  :  '/.an,  corrigé  en  xaTio  par  Casaubou.  parait,  en  effet,  fautif. 
Yn  lien  semble  nécessaire  entre  BKtraoïcsfr  xvmOïv  el  Tenu  m*  ration  qui  commence 
par  àyéXa;.  Il  est  donc  possible  que  le  texte  soit  aïtéré,  mais  le  sens  n'est  pas  douteux. 
Pour  ma  part,  je  lirais  volontiers  xàvroc,  au  lieu  de  xx:a  ou  de  xerct»,  et  je  ponc- 
tuerais ainsi  :  sr.'.Txo-sîv  osT  xot  rà  î-;r;z:yL.  (oir.iz  icoQèv  xvtftOcv,  jcohrcot'  ivéXaç  xt/..] 


i  Vs  BIBLIOl  m  Q\  i     DES   I  [fil  BB81  I  ftfi    1-1     MIDI 

du  rythme  des  choses  qui  se  passent  présentement.  Observer 
quarante  ans  de  la  Nie  humaine1  est  donc  la  même  chose 
que  d'en  observer  dix  mille.  En  effet,  que  verras- tu  de  plus!» 

50 
\utrr  pensée  : 

«Ce  qui  esl  issu  de  la  terre  rentre  dans  la  terre;  ce  qui  est 
né  (l<v  réther  retourne  à  l'espace  céleste9.  » 

Sinon  \  ce  sont  des  combinaison-  d'atomes  qui  se  désagrè- 
gent; de  même  ensuite  se  dispersent  ces  éléments  insensibles. 

51 

Encore  : 

«  Par  des  mets,  des  boissons  et  des  sortilèges,  ils  essaient  de 
détourner  la  inarche  de  la  destinée,  et  d'éviter  la  mort.  Il  faut 
supporter  le  vent  qui  souille,  envoyé  par  les  Dieux,  et  souffrir 
des  maux  lamentables  4.  » 

i.  [Cf.  M.  i  :  «  lu  homme  de  quarante  ans...  a  vu  tout  ce  qui  fut  et  tout  ce  qui 
sera.  »] 

2.  Euripide,  Chrysippc. 

3.  [Couat  :  «  En  d'autres  termes,  les  atomes  entrelacés  se  désagrègent,  et  de  même 
les  éléments  insensibles  se  dispersent,  »  et,  en  note  : 

«  r,  roÛTO...  xa\  toioOto:.  Gataker  a  cru  que  r,  el  xat  étaient  corrélatifs  et  qu'il 
fallait  répéter  r,  au  lieu  de  y.au  Mais  il  n'y  a  point,  à  mon  avis,  d'opposition  entre 
les  deux  membres  de  phrase.  Marc-Aurèle  n'oppose  pas,  comme  il  Ta  fait  ailleurs, 
les  atomes  et  l'unité  de  l'univers;  il  interprète  seulement  la  pensée  d'Euripide  qu'il 
vient  de  citer,  et  la  traduit  dans  le  langage  philosophique.  Le  premier  r,  signifie  : 
((Ou  si  l'on  veut  s'exprimer  autrement,»  ce  que  j'ai  traduit  par  la  locution  française  : 
((en  d'autres  termes  ;  >>  le  xat  qui  précède  toioGtoc  marque  simplement  la  continua- 
tion de  la  même  idée.  » 

On  peut  garder  de  cette  note  toute  la  critiquede  la  conjecture  de  Gataker;  il  est 
certain,  eu  effet,  que  les  ((éléments  insensibles»  dont  parle  Marc-Aurèle  sont  les 
atomes  eux-mêmes,  dont  la  dispersion  suit  naturellement  la  dissolution  de  tous 
Les  corps  qu'ils  avaient  formés.  Encore  faudrait-il  expliquer  les  deux  mots  toioOto: 
tic,  après  la  conjonction  xoci.  Marc-Aurèle  veut-il  dire  que  la  «dispersion»  est  comme 
la  "  dissolution  >>,  également  fatale  ou  aveugle?  C'est  ce  que  j'ai  cru  pouvoir 
comprendre.  —  Manque-t-il  dans  nos  manuscrits,  à  côté  de  8taXuoic,  une  épithète 
signifiant  «  fatale  »  ou  «  aveugle»,  qui  rendait  clair  toioOto:  tic?  —  Ou  bien,  toioOtû; 
tiç  est-il  substitué  ici  à  71016;  rtç?  —  Ou  bien  est-ce  une  glose? 

Quoi  qu'il  en  soit,  toute  la  partie  de  la  pensée  qui  suit  la  citation  d'Euripide  nous 
place  incontestablement  dans  l'hypothèse  atomiste.  Dès  lors  est- il  possible  de  voir 
en  elle  la  suite  et  le  développement  naturel  de  la  citation?  Les  vers  d'Euripide 
demandent  à  être  rapprochés  de  telle  pensée  (supra  IV,  &,  2e  note)  où  Marc-Aurèle. 
cette  fois  un  peu  trop  absolu  et  téméraire,  affirme  expressément  que  chaque  élément 
retourne  d'où  il  vient, —  et  aussi  de  celle  (infra  X,  7,  depuis  les  mots  :  \  rpotrrj,  tov  iisv 
aTÊpejiviVj  biç  tô  v£o)6e;  jusqu'à  la  fini  où  il  se  corrige  et  déclare  avec  plus  de  pré- 
cision que  chaque  élément  s'en  va  vers  son  semblable.  Ce  sont  déjà  des  vers  stoïciens. 

La  présente  pensée  est  donc  un  dilemme,  le  même  que  nous  avons  rencontré  un 
peu  plus  haut  (VII,  3s)  et  que  nous  retrouverons  à  l'article  X,  7.  Le  mot  r,  en  sépare 
les  deux  alternatives.] 

1.   Euripide,  Suppliantes,  un.  [Var  :  a  et  souffrir  sans  se  lamenter.»] 


PI    s      !    I  l.l  I   M    |  M    hl    I    I 

52 

Qu6  l'on  loil  '  plui  habile  luttoui     que  loi    m  il    non  pi 
dévoué  au  bien  commun,  ni  plu  -  mod<   le    ni  plu    inti 
en  face  <i<,s  événements,  ni  plus  Indulgent  poui  I 
du  prochain 

53 

Quand  on  p6ul  accomplir  un  acte  conforme  &  la  rai  >m 

inuiic  ;iu\  Dieux  e(  aux  hommes,  on  n'a  rien  •  i  raindi 
on    ne  <!<>ii   appréhender   aucun   domni  qu'on    | 

trouver  profil  ;»  t  i  i  i  i  -  <  - 1  i  son  énergie  daiu  la  bonne  voie,  i  elle 
que  marque  5  la  constitution. 

54 

Partout  el  toujours  il  dépend  de  t<>i  de  te  contenter  pieu 
meut  des  conjonctures  présentes,  <!•'  traiter  avec  justice  les 
hommes  avec  lesquels  tu  es  présentement  <in  rapport,  de 
mettre  tout  ton  art  à  éclaircir  l'idée  présente  en  ce  moment 
à  ton  esprit,  afin  qu'il  ne  s'y  glisse  rien  dont  tu  ne  sois 
parfaitement  sûr  6, 

55 

Ne  regarde  pas  autour  de  toi  dans  le  principe  directeur 
(T  autrui  7;  mais  regarde  en  face  de  toi  où  te  conduit  la  nature, 
la  nature  universelle  par  ce  qui  t'arrive,  ta  nature  propre  par 

i.  [Var.  :  «on  peut  être  plus  habile...»  —  Cette  traduction  semble  justifiée  par 
l'emploi  constanl  dans  le  texte  grec  de  la  négation  oy  ;  mais  la  \      -         qsî  entendue, 
manque  de  modestie.  Rapprocher  L'article  \ .  5.  Je  crois  qu'il  faut  sous-entendr 
au  début  de  la  pensée,  qui  est  à  peine  rédigée,  un  ou  deux  mots  qui  signifieraient: 

«  Puisse-ton  dire  de  toi  :  Un  tel  est  plus  habile,  etc...»] 

2.  J'ai  adopté  la  leçon  xaâéaXtxcîrcepoç,  admise  par  les  éditeurs,  et  la  seule  intelli- 
gible. 

3.  Peut-être,  au  lieu  de  euTOXTOT&po;,  faut-il  lire  QtTatpotXTOTSpo;;  le  manuscrit  A 
ilonne  àtaxioTEpo:. 

6.  [Couat  :  «  dès  qu'il  est  possible  d'atteindre  un  but  utile  en  dirigeant...  —  là  - 
Stoïciens  ne  considèrent  comme  «  profil  o  (ûçéXeia)  que  le  profit  moral,  et  ils  disenl 
(cf.  XI,  4)  qu'on  s'oblige  soi-même  en  obligeant  les  autres.  Cf.  infra  VII.  -  i,  efl  la 
note;  IX,  12.  en  note.] 

5.  [Couat:  «dans  le  sens  que  marque...»—  De  cette  façon,  sûoâo&ryy;  n'est  pas 
traduit.] 

6.  [Couat:  «d'inintelligible.»  —  La  cpavTa^a  xdrraXvpcrtx^  —  dont  nous  avons  donné 
la  définition  un  peu  plus  haut  (VII,  i3,  avant-dernière  note) —  est  pour  les  Stoïciens 
le  critérium  de  la  vérité.] 

7.  [Couat  :  c<  comment  se  conduisent  les  autres.  0  —  Cf.  supra  VI. 


t  .">(>  BIBLIOTIIKQ1  i     DES    I  m\  i  RS1  i  ES    D\     midi 

ce  que  tu  as  à  faire1.  Chacun  doit  agir  suivant  sa  constitution  '  ; 
or  tout  le  reste  a  été  fail  pour  les  êtres  raisonnables,  puisque 

l>;irt<>iii  l'inférieur  a  été  fait  pour  le  supérieur;  quant  aux  rires 
raisonnables,  il>  onl  été  laits  les  uns  pour  les  autres.  Ce  qui 

c>i  supérieur  dans  la  constitution  de  l'homme,  c'est  donc  le 
Bentimenl  de  la  solidarité.  En  second  lieu,  vient  la  résistance 
aux  ébranlements  que  subit  le  ;^  corps,  car  c'est  le  propre  de  la 
raison  et  de  la  pensée,  dans  leurs  mouvements,  de  s'enfermer 
dans  leur  domaine  et  de  ne  se  laisser  vaincre  ni  par  les  mou- 
vements de  la  sensation  ni  par  ceux  des  tendances,  qui  tous 
les  deux  appartiennent  à  la  vie  animale.  Le  mouvement  de  la 
pensée  veut  la  prééminence;  il  ne  consent  pas  à  obéir.  Cela 
est  juste,  puisque  la  pensée  est  faite  pour  se  servir  des  autres 
forces.  En  troisième  lieu,  il  est  dans  la  constitution  de  l'être 
raisonnable  'i  de  réfléchir  et  de  ne  pas  se  laisser  tromper.  Que 
le  principe  dirigeant  s'attache  à  ces  règles  et  poursuive  tout 
droit  sa  route;  il  aura  ainsi  ce  qui  est  à  lui  «">. 

56 

Il  faut,  comme  si  l'on  était  mort,  ou  comme  si  Ton  n'avait 
du  vivre  que  jusqu'au  moment  présent,  vivre  toujours  le  reste 
de  notre  existence  comme  par  surcroît  et  conformément  à 
la  nature. 

57 

Aime  uniquement  ce  qui  t'arrive,  la  destinée  qui  a  été  faite 
pour  toi!  Que  peut-il  y  avoir  de  mieux  réglé 6? 

58 

A  propos  de  chaque  événement  de  ta  vie,  aie  devant  les  yeux 
ceux  à  qui  pareille  chose  est  arrivée,  et  qui  en  ont  été  affligés, 

i.  [Ces  deux  natures  sont,  d'ailleurs,  d'accord  entre  elles.  Cf.  supra,  p.  8o,  note 
finale.] 

2.  [Nous  voyons  une  fois  de  plus  ici  combien  sont  parentes,  pour  Marc-Atirèle. 
les  notions  de  «  constitution  »  et  de  «  nature  ».  Ce  qui  suit  va  nous  montrer  L'idée  <!<• 
finalité  inséparable  de  celle  de  la  «constitution  ».  Cf.  supra  VI,  kf4,  note  finale.] 

[Couat:    «aux  penchants  du  corps.  »—  Cf.  supra  III,  6,  4e  note;  V,   a6,   i1  et 
6*  notes,  etc.] 

'».   [Couat  :  u  la  nature  de  la  raison  est  de...  »] 

5.  [Var.  :  «  tout  ce  qu'il  lui  faut.  »] 

6.  |  Var.  :  «  Quoi  de  plus  en  harmonie  avec  les  choses?  >>] 


Il  >  Il     I  I  I 

rarprl    <•'  -•■    onl  plaint     Où    ont-il    maintenait!    m 
paru.  Pourquoi  donc  reui  tu  lai  imitai    Pourquoi   lai     toi 

tatiom  i  onti •>" e    i  la  natui  i  u i  qui  le    provoq  i 

les  subissent,  ne  t'applique!  tu   pa    de  toute  ta  for©    •  tirei 
parti  des  événements  '  '  n-  te  lei ont  util     i  n  efli  I   en  d 
n.ini  1,1  matière  de  i<>m  eflbrl  '    Meti  seulement  ton  ittentioo  ei 
ta  volonté  à  conserver  dans  toutes  te    a<  tiom  ta  tx  auté  moi 
et  souviens  t<»i  ;  [en  outre    < j m«-  l'objet  innnc  de  I  «»«  t m >n  •   f 

Indifférent. 

59 

Regarde  au  dedans  de  t<>i  même!  Ces!  au  dedans  qu  i  it  la 
source  du  bien;  elle  peut  [toiyours]  en  jaillir,  pourvu  que  ta 
fouilles  toujours, 

60 

11  faut  que  le  corps  lui  même  ait  nne  attitude  ferme  et  ne 
s'abandonne  ni  dans  ses  mouvements  ni  dans  son  maintien. 

La  pensée  se  manifesie  sur  le  \  isage  el  j  fait  régner  l'expression 
de  l'intelligence  et  de  la  modestie;  il  faut  aussi  demander  au 
corps  tout  entier  quelque  chose  d'analogue.  Mais  <ju<'  ce  soit 

toujours  sans  affectation. 

61 
L'art  de  vivre  ressemble  à  celui  de  la  lutte  plus  <ju  à  celui  de 
la  danse;  il  faut  y  être  prêt  aux  coups  imprévus  el  les  attendre 
debout,  sans  tomber. 

62 
Examine   sans  cesse  ce  que   valent   ceux   dont    tu    voudrais 
invoquer  le  témoignage,  et  ce  qu'est  leur  principe  dirigeant. 

i.  ((louât  :  «  à  en  l'aire  ton  profit,  b  —  aOtoî;  ne  peut  représenter  i<  i  que  le  neutre 
Ta   a-jTa  de   la  première  phrase.  —  Théorie  de  L'ûice£<xi'p60i<  :  sapra  IV,    i.  den 
lignes  et  note  finale.] 

a.  tf*tj  (jo-j  Ï9XOLU  Gataker  a  corrigé  avec  raison  <to*j  et  substitue  trot. 

3.  aitxv.'.To  àusorspcov  8ti  -/.ai  Sidtçopov.  Le  mot  Stâçopov  est    évidemment  ah 
et  il  faut  lire,  avec  Gataker,  iôiâçopov.  Marc-Aurèle  veut  dire  que  toute  action  est  pc<r 
elle-même  indifférente  e!  peut  être  une  occasion  de  vertu. 

Le  mot  àa^oTÉptov,  dans  cette  même  phrase,  ne  se  comprend  pas  seul.  Gataker  a 
proposé  in  àiAçoTiotov,  qui  ne  me  parait  guère  meilleur.  Les  deux  alternatives  indi- 
quées par  ce  mot  ne  sont  pas  suggérées  par  ce  qui  précède.  Il  esl  probable  qu'il  \  ■ 

une  lacuneaprès  frn  et  qu'il  faut  traduire  :  souviens-toi  de  deux  chose? et  que.  etc. 

Le  premier  membre  de  la  proposition  a  été  omis. 

[Les  mots  qui  manquent  ne  seraient -ils  pas  simplement  ixstveu  -t.  rappelant 
ce  qui  précède?  Je  lirais  volontiers  :  xaù  uéuvr.cro  àusotipcov.  exet'veu  t£  xaù  ot:  àv.â- 
çocov  xtX. 


[5a  BIBLIOTHÈQUE    DES    DNIVERSITÉfl    Dl     MIDI 

Tu  ne  blâmeras  plus  les  erreurs  involontaires1  et  tu  n'auras 
plus  besoin  de  leur  témoignage,  quand  tu  auras  été  jusqu'à  la 
source  <ie  leurs  opinions  et  de  leurs  tendances 

63 

C'est  malgré  elle,  dit  le  philosophe3,  qu'une  Ame,  quelle 
qu'elle  soit,  est  privée  de  la  vérité.  11  en  est  donc  de  même  de 
la  justice,  de  la  tempérance,  de  la  bienveillance  et  de  toute 
vertu  semblable.  Il  est  tout  à  fait  nécessaire  de  ne  jamais  l'ou- 
blier :  tu  seras  alors  plus  doux  pour  tout  le  monde. 

64 

A  propos  de  toute  douleur,  rappelle -toi  qu'elle  n'a  rien  de 
honteux,  et  qu'elle  n'altère  pas  ton  intelligence,  à  qui  tu  obéis. 
Elle  ne  lui  porte,  en  effet,  aucune  atteinte  en  tant  que  raison- 
nables et  sociable.  Dans  la  plupart  de  tes  douleurs,  appelle 
aussi  à  ton  aide  cette  maxime  d'Épicure,  qu'aucune  souffrance 
n'est  ni  insupportable  ni  éternelle,  pour  peu  que  Ton  réflé- 
chisse à  ses  limites,  et  qu'on  n'y  ajoute  pas  par  l'opinion  qu'on 
s'en  fait'».  Souviens-toi  encore  que  beaucoup  de  nos  sensa- 
tions, de  même  nature  que  la  douleur,  nous  tourmentent  sans 
qu'on  s'en  aperçoive,  par  exemple  l'envie  de  dormir,  l'extrême 
chaleur,  le  manque  d'appétit.  Lorsque  tu  es  gêné  par  quel- 
qu'une de  ces  incommodités,  dis-toi  donc  à  toi-même  :  je 
m'abandonne  à  la  douleur. 


i.  [Involontaires,  parce  que  «  nul  n'est  méchant  volontairement».  Cf.  supra,  p.  48, 
note  2  ;  cf.  surtout  la  pensée  suivante.] 

2.  [Platon,  dans  Kpictète,  Dissert.,  II,  22.] 

3.  OXiXT)  a  été  remplacé  par  XoftXT).  Cette  correction,  proposée  par  Casaubon,  est 
certaine  :  Xoytxr!  est  ici,  comme  en  bien  d'autres  cas,  rapproché  de  xotvwvtxvj. 

[Malgré  le  matérialisme  absolu  des  Stoïciens,  OXtxr,,  qualifiant  la  raison,  ne  me 
-omble,  en  effet,  pas  défendable,  surtout  chez  Marc-Aurèle  (cf.  IV,  4,  et  XI,  20,  notes 
iiiiiilcs).  TXij  lui-même  ne  s'emploie,  au  moins  chez  lui,  que  par  opposition  à  a '.n'a 
ou  à  l'idée  d'oùrc'a;  quand  un  Stoïcien  veut  parler  de  la  «  matière  »  du  «  principe 
efficient»,  c'est  o'jcjîa  qu'il  écrit;  ainsi  Chrysippe,  définissant  la  «  raison  séminale  » 
TrvsOixa  v.ol-'  oOacav  (supra  IV,  i/»,  dernière  note).  Nous  avons  dit  et  répété  qu'CiXY)  et 
o-Itîx  —  «matière»  et  «  substance  »  —  étaient  synonymes  dans  l'école;  peut-être 
conviendrait-il  maintenant  d'observer  qu'il  y  avait  pourtant  des  cas  où  l'on  admettait 
ove-a,  et  où  OXij  no  pouvait  passer.] 

U.   [Couat  :  <(  par  l'imagination.  >>  —  Cf.  les  derniers  mots  de  la  pensée  V.  2O.J 


Il    fftj  I  l.l       M  \lr  |    I  I 

u 

Prendi  garda  d  avoir  pour     lai   homme    Indl  I 

nom      les    srniiiN.nis   (juc      h      hommei      «"ii    poui       l< 
hommei  »  ' . 

66 

D'où  s.i\oiis  nom  que  i  él  iu         m  ralûl  pai   moi alemenl 
mieux  que  Soorate?  il  ne  suffi!  pas,  en  effet,  que  S<x  rafc 
eu  une  morl  plue  glorieuse,  qu'il  lui  plus  habile  •■  discutai 
avec  les  sophistes,  plus  courageux  •<  supporter  le  froid  pendant 
la  nuit,  qu'invite  h  conduire  en  prison  le  Salaminien  l,  il 
généreusement  refusé  d'obéir,  ni  enfin  qu'il  marchai   la  létc 
haute  dans  1rs  rues  ■"».  C'esl  à  cela  surtoul  <j «i*-  l'on  peu!  Wre 


i.  [C'esfl  à -dire:   a  Prendi  garda  de  traiter  oeui  que  tu  /<< , 
d'hommei  oomme  des  hommei  qui  ne  t'enjugenl  pat  indignât  traitent  d*autrei  hommes 
qu'ilt  n'en  jugent  pat  indignée,  o  Ou  encore  :  ■•  L'homme  ne  traite  pai  l'homme  comme 
ion  lemblabie;  kàohe  de  voir  ton  semblable  même  en  oelul  qui  >('  "" [  ,l"' 
L'humanité.»  La  pensée  VII,  70,  aide  i  comprendre  celle-ci  \  le      ril 
dû  non  leulemenl  traduire,  mail  Interpréter  !<•  texte,  qui  eûl  été  beaucoup  plu- 
clair  si,  m  lieu  de  toùc  KvOpc&icouç,  xoo;  Kicav6fR&icou(  et  si  StvQpwicc     Mari    iurèl< 
avail  écrit  roù;  Xrrouivouc  y.nwf)p<ÔTzo'j;  ou  xv6p<*Kou;  el  -,  \\*\- 

cei  participes  Xeyofxévo-j;  et  Xsyôtxsvoi  ne  peuvent  ils  p;i^  être  suppléé*  par  le  ton  'l'»Mt 
on  prononce,  ou  par  les  guillemets  dont  on  entoure,  ou  par  l'écriture  dont 
les  noms  devant  lesquels  on  les  supprime?  N'oublions  pas.  enfin,  que  M 

se  parlant  à  lui-même,  ne  rédige  pas  toujours  08  qu'il  écrit. 

Il  ne  semble  donc  pas  qu'il  y  ait  lieu  ici  de  modifier  le  fcext  GataJber,  au  lieu 
d'ol  àV)p<o7ro'.,  avait  lu  ol  à7iàvOpa)7rot  (traduction  :  o  oe  traite  pas  les  inhumain! 
comme  ceux-ci  traitent  les  hommes»),  oe  qui  donne,  il  tant  l'avouer,  une  p 
parfaitement  claire.  M.  Polak  (Hernies,  \\I,  p.  33i  »  regrette  que  M.  Stich  ait  négligé 
cette  conjecture  «élégante»,  M.  Stich,  p  Mit-ètre  trop  docile,  l'a  introduite  dans  le 
texte  de  sa  seconde  édition.  —  C'est  celui  de  la  première  qui  esl  traduit  ct-desfUS. 

J'ai  ajoute  les  guillemets  qui  manquaient  à  la  version  de  M.  Couat] 

2.  [Philosophe  peu  connu,  dont  Eschine  le  Socratique  avait  donné  le  nom  a  ni 
ses  dialogues.] 

3.  [J'ajoute  cet  adverbe  pour  traduire  Trtv  ôixOstiv.  Littéralement:  «  par  la  dispo- 
sition,» c'est-à-dire  u  par  la  disposition  morale»,  ou  {supra,  p.  92,  note  1)  par  la 
vertu».    La  façon  même  dont  nous  entendons  (voir  trois  notes  plus  bas)  la  p' 

la  moins  certaine  de  la  présente  pensée  implique  la  nécessité  de  ce  mot.] 

'j.   [L'histoire  de  Léon  de  Salamine,  que   les  Trente  voulaient  faire  arrêter  par 

Socrate,  est  racontée  dans  V Apologie.] 

5.  [Marc-Aurèle  reprend  ici  l'expression  même  d'Aristophane.    >  Nous   t'aimons, 

disent  les  Nuées  à  Socrate,  parce  que  tu  vas  dans  1<><  rue>  la  tète  haute,  le  regard 

assuré,  les  pieds  nus...  » 

6x1  pp£v60st  t'  sv  TaÏTiv  oool;  xaà  7*036  a).  ll<o  icapaâaXXeic 
xàvj7iôôr(To;  xxX.  Nuées,  3Ù2.) 

Il  est  possible  que  ce  maintien  en  ait  imposé  à  \?  foule;  que  ce  qui,  pour  Aristo- 
phane, était  motif  de  raillerie,  ait  été,  pour  d'autres,  motif  de  respectueux  étonnement: 
que,  d'ailleurs,  Socrate  n'ait  point  affecté  cette  allure.  Au  fond  (voir  la  note  suivante). 
il  n'en  valait  ni  plus  ni  moins] 


i.Vi  B1B1  i"l  1 1 1  <  >  I  l     Dl  B    UNIVERSITÉfl    l>l     M  11*1 

attention,   $i  encore  cela  est    rrui  ' .    Mais   ce   qu'il    faudrait   6X8 

miner,  c'est  quelle  Ame  a\ait  Socrate,  s'il  savait  se  contenter 
d'être  juste  avec  les  hommes,  pieux  à  l'égard  des  Dieux,  sans 
s'indigner  contre  la  méchanceté  des  uns,  sans  s'asservir  à 
l'ignorance  de  personne;  s'il  n'accueillait  point  comme  n'étant 

pas  lails  pour  lui  les  événements  (pie  lui  réservait  l'univers, 
ou  s'il  ne  les  subissait  pas  comme  un  fardeau  intolérable;  si 
son  esprit  ne  sympathisai!  pas  avec  les  ébranlements  de  sa 
chair  | passive]  '. 

i.  [Couat  :  «  C'est  à  tous  ces  points  que  l'on  s'arrête  le  plus  volontiers  pour  en 
contrôler  l'exactitude,  »  et,  en  oot 

«  7isv.  ou  itat  |idXioV  ocv  ti;  i«(9T^veccv,  eârtp  oàr.Ok;  r(v-  Ménage  a  proposé,  à  tort 
selon  moi,  imor^eciev.  11  ra]>porte  ntpi  ou  au  dernier  membre  de  phrase  seul,  où 
il  68 1  fait  allusion  à  la  démarche  de  Socrate  dans  les  rues.  Traduction  :  «  on  peut 
<■  douter  de  la  vérité  île  ce  fait.  »  Mais,  à  mon  avis,  7rep\  ou  se  rapporte  à  tout  ce  qui 
précède,  à  l'ensemble  des  faits  énumérés  dans  la  phrase.  Marc-Aurèle  ajoute  que  tous 
ces  laits  sont  ce  dont  on  t'occupe  le  plus  volontiers  à  propos  de  Socrate,  tandis  qu'il 
faudrait  surtout  connaître  Le  fond  de  son  àme. 

«Cette  phrase,  ajoute  M.  Couat,  a  été  mal  comprise  parce  qu'on  a  voulu  y  voir 
un  éloge  de  Socrate  qui  n'y  était  pas.  Marc-Aurèle  veut  montrer,  par  l'exemple  du 
plus  réputé  des  sages,  que  la  valeur  morale  consiste  non  dans  l'acte,  mais  dans 
l'intention  et  dans  l'effort.  Or,  cette  intention,  cet  effort  ne  sont  pour  ainsi  dire 
connus  que  de  leur  auteur.  On  peut  constater  les  effets  de  la  vertu  de  Socrate,  mais 
non  cette  vertu  elle-même.  L'allusion  à  la  manière  dont  Socrate  portait  haut  la  tète 
surprend  tout  d'abord  à  la  fin  de  la  phrase.  Marc-Aurèle  a  terminé  par  ce  détail 
anecdotique  pour  mieux  faire  voir  combien  le  jugement  des  hommes  s'attache  à  de 
petites  choses.  >> 

On  peut  admettre,  au  début  de  cette  phrase,  les  mots  7rep\  ou  et  les  comprendre 
comme  M.  Couat,  encore  que  le  pluriel  icepi  wv  eût  été  moins  équivoque.  Mais,  dans 
la  dernière  proposition,  tout  étonne  :  le  temps  employé  (l'imparfait  Jjv),  et  même 
l'emploi  d'un  verbe;  puis  le  doute  même  que  semblerait  concevoir  Marc-Aurèle  sur 
le  courage  de  Socrate  devant  la  mort,  sur  son  habileté  dans  la  discussion,  sur  son 
rôle  dans  l'affaire  de  Léon  de  Salamine.  Cette  fin  de  phrase  ne  se  comprend  que  si 
on  ne  l'applique  qu'à  ce  qui  est  rapporté  du  maintien  et  de  l'allure  de  Socrate;  mais 
alors  7rep\  ou  n'a  plus  le  sens  que  lui  donne  M.  Couat;  il  n'en  a  plus  aucun,  car  c'est 
la  phrase  entière  qui  ne  s'explique  plus.  Cette  contradiction  de  ses  deux  parties 
dénote  une  glose:  elle  condamne  sinon  la  ligne  tout  entière,  que  M.  Stich  admet 
difficilement,  du  moins  les  trois  mots  :  gfasp  à>r,0à:  r,v.  L'addition  de  ceux-ci  s'expli 
quera  aisément  par  une  méprise  d'un  lecteur  ou  d'un  scribe  sur  le  sens  d'èêpevôûsTo 
et  la  portée  de  icepfc  ou;  dans  une  certaine  mesure,  elle  garantit  ce  singulier. 

J'ai  exprimé  ci-dessus  mon  doute  en  écrivant  en  italiques   la  traduction  d'efteep 

2.  [Couat  :  ((  avec  les  impressions  de  sa  chair.  »  —  Cf.  supra  III,  G,  k*  note.  —  Sur 
les  deux  sens  possibles  des  mots  «sympathie»  et  «sympathiser)»  chez  Marc-Aurèle. 
cf.  supra  V,  26,  4e  et  6e  notes.  Les  Stoïciens  n'ont  pas  toujours  du  faire  ce  distinguo: 
ceux -là  seuls  s'y  sont  contraints  qui,  sacrifiant  la  vérité  psychologique  à  l'idéal 
moral,  ont  admis  comme  un  dogme  que  «  les  choses  extérieures  ne  touchaient  point 
L'âme».  Nous  avons  vu  que,  pour  Marc-Aurèle  lui-même  (V,  19:  note  rectifiée  aux 
Addenda;  VI,  11,  et  la  note),  ce  dogme  n'était  ni  absolu  ni  intangible.  Au  temps  de 
Cléanthe,  il  n'existait  pas  encore,  comme  en  témoigne  une  phrase  de  ce  philosophe 
rapportée  par  saint  Grégoire  de  Nysse,  qui  contredit  formellement  le  jir,...  è|Airapé*/ci>v 
oru|iiia8fj  de  Marc-Aurèle  :  Supucàv^ci  yàp  f,  ^u*/r,  t«>  arojjiaT:  voaoOvrc  xaà  TpîULoaéva), 


PP.PI      II  1)1        M   M.-  M    CM    I 

fi  7 

I  ,i  n.iiiii  .•  M.-  i  .i  |>.i    tellement  m'  l<  d< >nl  tu  loi 

partie,  une  tu  ne  i""    6    t6  i  enfei  mei  en  loi   même  i  ! 
maître  <'<•  ce  qui  est  à  toi.  Il  ést'trè    po    Ible  <i    I       mbi  imme 
divin  lana  être  connu  d€  personne,  Souvien     toi  mn  de 

cela;    rappelle  toi  aussi  qu  il   foui   bien   peu  «i»*  1 i<"  e   poui 
vivre  '  heureux,  si  i«i  dése  [>''<•    < i  «  icellei  dans  la  dialecl 
ou  dans  I.»  physique  ;.  dc  renonce  pat  poui  cela 
modeste,  animé  du  sentiment  <!<•  la  solidarité  el  o 

Dieux  ». 

68 

Tu  peux  vivre  à  l'abri  <!<•  toute  violence,  dans  le  plu-  pai 
contentement  de  rftme,  quand  même  tous  les  hommes  cric 
raient  contre  i<>i  ^  l'envi,  quand   même  les    bêtes   sauvai 
déchireraient  tes  membres,  matière  mêlée  qui  s'épaissit  autour 

de  loi  \  QuVst  ce  qui  empêche  la  pensée,  parmi  <  idents, 

de  garder  sa  sérénité,  par  le  jugement  véridique  qu'elle  porte 
sur  ee  qui  L'entoure,  et  par  l'usage  qu'elle  est  prête  à  faire  <!»• 
tout  ce  qui  survient?  Le  jugement  (1  dirait  ainsi  ;•  l'objet  qui 

s'ollïe  à  lui  :  «Voici  tout  ee  que  tu  es  dans  ton  fond  matériel  7, 

bien  que,  d'après  l'opinion,  tu  semblés  être  autre  chose.     Et  l<- 

pouvoir  d'en  faire  u$a<>e  lui  dirait  :  «  Je  te  cherchais;  tout  ce 
qui  s'offre  à  moi  m'est  une  matière 8  à  exercer  la  vertu  d'un 

i.   o>/  o-jto);  (Tv/r/.spaiE.    Vvec  (iatak<r,  j'ai  ajouté  <;i. 

a.  [En  grec.  ^-.â  >?*-..  plus  précis  (supra  VI,  i5,  qoIc  .<>  que 
d'ailleurs,  employé  dans  le  même  sens  au  début  de  la  pense»-  -mvante.] 

Mari   Wirèle  nous  a  déjà  fait  le  même  aveu  aux  dernières  lignes  du  li\r-   I 
Là,  il  rend  grâces  aux  dieux  de  ne  s'être  pas  ((appesanti...  à  décomposer  des  s\ll.>- 
gismes,  à  étudier  les  phénomènes  célestes  ».  —  Vu  livre  II.  il  -e  donne  plusieurs  rois 
le  conseil  de  «  laisser  là  les  livres  >>.] 

'j.  [C'est  précisément  celte  obéissance  qui  définit  la  («liberté  i  (cf.  III.  g  ;  VII,  3i  : 
XI,  20,  note  finale,  etc.).] 

5.  [Couat  :  «  les  membres  de  ce  composé  de  matières  qui  L'enveloppe.  »] 

6.  [Couat  (rr  manuscrit)  :  «Entant  que  juge,  elle  peut  dire...      PI  En 
tant  qu'apte  à  utiliser  les  choses...)) — Le  texte  grec  est  autrement  hardi  que 
traduction.  Il  donne  la  parole  —  comme  j'ai  du  essayer  de  le  faire  en  français  —  non 
seulement  à  l'âme,  mais  aux  pouvoirs  de  l'âme. 

Variante  (2*  manuscrit):   ((Elle  peut  dire  à  l'accident  comment  elle  le  juge 
Plus  bas  :  «  Elle  peut  lui  dire  aussi  comment  elle  utilise  ce  qui  se  présente  à  elle...  >• 
—  Kpfow  et  */pfÉ(T'.v  ont  été  pris  cette  t'ois  pour  les  régimes  el  non  pour  les  sujets  du 
verbe  Xsysiv.  Du  coup,  le  texte  grec  perd  la  hardiesse  dont  nous  le  parions:  je  n'ai 
pas  trouvé  que  cette  seconde  interprétation  en  fût  plus  naturelle.] 

7.  [Cf.  supra  III,  11,  s"  note.] 

8.  [Cf.  la  fin  de  la  pensée  IV,  1.] 


l5fi  BIBLIOTHÈQ1  I.    DES    I  M\  BE81  i  flfl    Dl     MIDI 

être  raisonnable  el  citoyen  du  monde,  l'art  propre  à  l'homme 
ou  à  Dieu.  Tout  événement  m'unit  plus  intimement  à  Dieu 
ou  à  l'homme1,  aucun  n'est  pour  moi  ni  nouveau  ni  intrai 

table;  tous,  au  contraire,  me  sont  connus  '  et  d'un  maniement 

Facile.  » 

69 

\i\re  chaque  jour  comme  s'il  était  le  dernier,  sans  agita- 
tion, sans  torpeur,  sans  dissimulation,  voilà  en  quoi  consiste 

la  perfection   morale. 

70 

Les  Dieux,  qui  sont  immortels,  ne  s'indignent  pas  à  l'idée 
d'avoir  à  supporter  pendant  [tous  les  instants  d'June  telle 
durée  tant  d'êtres  méprisables  [et  à  quel  degré!];  que  dis-je? 
ils  leur  donnent  tous  leurs  soins.  Et  toi,  tu  t'y  refuses,  toi 
qui  es  sur  le  point  de  disparaître,  toi  qui  es  un  de  ces  êtres 
méprisables. 

71 

Combien  il  est  ridicule  de  ne  point  chercher  à  éviter  sa 
propre  méchanceté,  ce  qui  est  possible,  et  de  vouloir  éviter 
celle  des  autres,  ce  qui  ne  Test  pas! 

72 

La  puissance  de  raison  et  de  solidarité  qui  est  en  nous  consi- 
dère justement  comme  indigne  d'elle  tout  ce  qui  n'est  ni  intel- 
ligent ni  conforme  au  bien  universel. 

73 

Quand  tu  as  fait  le  bien  et  qu'un  autre  en  a  profité,  pourquoi 
rechercher,  en  outre,  comme  un  insensé,  une  troisième  satis 
faction,  celle  de  paraître  avoir  fait  le  bien,  ou  d'être  payé  de 
retour? 

74 

Personne  ne  se  lasse  de  ce  qui  lui  est  utile.  Or,  agir 
conformément    à     la    nature    nous    est    utile.     Ne    te     lasse 

i.    [Var.  :  u  me  rend  plus  dieu  <>u  plus  homme.  »] 

2.   [Cf.  supra  1\  .  33,  et  IV,  &&,  dernières  lignes;  VII,  29.  3*  note.] 


|'|    NI    I   -      10       M  \  Kl         M    I    I    M 

donc      pa.S     <|(!      I   rlir       Utile      .1      loi      IIP    !  .1       llUI<         II» 

autres  ' . 

75 

i,.,  nature  uni \ ei selle    '<   tmisi    •  *  t  •  »  1  •  -  \ium<\<-  h  m 
nant,  ou  bien  loul  oe  <im    '    i" odoi!  e  I   la   lointaine 
quence de  son  acte  initial,  ou  bien  il  a')  b  pa    de  rai  on  dan 
les  êtres,  même  supérieure,  que  le  principe  dirigeant  du  monde 

.  m.  i  i  créer  individuellement    Rappelle  I ilte  vérité    elle 

te  rendra  plus  patient  à  l'égard  de  bien  des  cho 

LIVRE  Mil 


Voici  qui   doit  encore  te  conduire  au  mépris  de  la  raine 
gloire.  Tu  ne  peux  plus  faire  que  lu  aies  vécu  toute  la  \i* 
philosophe,  du  moins  depuis  la  jeunesse.  Beaucoup  d'autres 

i.  [Cette  pensée  doit  être  rapprochée  du  texte  suivant,  que  nous  aurons,  d  ail! 
l'occasion  (  IX,  i  i,en  note)  d'expliquer  lui-même  :     I  ■  i  v|  riteiena,  dit  SI  ;  ,11. 

188)1  pensenl  que  quiconque  oblige  autrui  -<>liiiu'-  autant  pat  oeil  même,  al  que 
seuls  les  gêna  de  l  >i«  n  peuvenl  être  utiles  <>u  être  aidés  :  cai  ôtn    itil<  :  lenii 

dana  la  vertu;  être  aidé,  c'esl  être  mû  par  la  vertu.  >> 

llavTa  roN  ôvttvoOv  ùaeXoOvrot  '.T',  tow  oticoXau>6avctt  vouiÇovoi 

[xr(o:va  ùi  savi/.ov  |xr(r£  ùçeXstoDai  \ir~i  uçsXetV  atvai  ràp  -,  /y.>   Jtfltl 

•ni  t'o  waeXeta&at  xtvste6at  /.ai'  àp£Tr,v.l 

2.  [Cette  pensée,  donl  le  texte,  d'ailleurs,  est  i»i«'ii  établi,  n'eal   pas,  comme  on 
pourrait  le  croire,  en  contradiction  avec  la  plupart  de  celles  où  Marc-  kurele  explique 
l'origine  el  l'histoire  du  monde,  mais  en  progrès  -ur  ell<  a.  v.i  do  ttrioe  -ur  la  o 
gonie  el  la  Pro>  idence  a  évolué.  Trois  aériea  de  textea  en  marquent  les  clivera  mon* 

D'abord,  si  Ton  nul  à  part  la  conception  atomiate,  à  laquelle  il  ne  s'est  jamais  an 
longtemps,  il  semble  admettre  également  d<  ux  hypothi  ses (VI, 44;  IX, a8;  \  1 1.  i  . 
bien  le  monde  a  été  créé  une  fois  pour  toutes  (les  mot-  Sua*  el  kccvtmc,  qui  m 
pas  exprimés  ici,  se  trouvent  respectivement  dans  les  pensées  \  I.  14,  et  l\.    x 
les  êtres  sont  créés  indh  iduellement,  successivement  el  comme  au  jour  le  jour.  1 
de  ces  créations  successives  est  rendue  par  les  mot>  èç*  ax«<rcov  ieuâ  à  la  peoaée  1\. 
j8;  ici,  par  les  mots  presque  identiques  sç,'  5  KOiatTOU  !o:av  6p(lT)V.   Dan-  le  pr- 
cas,  tout  ce  qui  existe  actuellement  résulte  de  l'évolution  logique  de   la   prei 
forme  du  monde,  et  était  déjà   impliqué  en  elle;  tout  a  dû  être  réglé  d'avau 
ce  que  Marc-Àurèle  exprime  en  quatre  passages  (VI,  36  et  \\\  I\.  ?s.  et  ici)  par  les 
mots  xa:'  S7iaxoÀo\>0r,<rtv. 

11  y  a  des  moments  où  l'auteur  des  Pensées  est  si  indifférent  entre  ces  deux  b 
thèses  que  non  seulement  il   nous  les  présente   en  même  temps,    mais   les   O] 
toutes  deux.  —  comme  également  plausibles  —  à  une  troisième  qu'il  réfute  au  — 
il  serait  absurde  de  supposer,  dit-il,  qu'il  >  a  des  Dieux  et  qu'ils  ne  a'occupetil  p 
monde  (VI,    44);  autant   vaut  (IX,   28)  admettre,  au  lieu  «le  la  Providence,  le  hasard 
et  les  atomes.—  Or,  ici,  Marc-Aurèle  fait  une  simplification  nouvelle.  Il  choisit  entre 
les  deux   hypothèses  qui  lui  restaient   ouvertes;  et   c'est    la   seconde    qu'il   sacrifie. 
A  l'article  X,  5,  il  ne  nous  proposera  plus  qu'une  seule  explication  du  monde:  ce 
sera  le  dernier  mot  de  sa  doctrine. 

Il   parait    pourtant   possible  de  sauver  l'hypothèse   d'une   divinité   s'interessanl 


r.î8  BIBLIOTHEQUI     i>f «    UNIVERSITÉS    m     midi 

hommes  (ml  vu  ci  lu  as  vu  toi  même  combien  lu  (Hais  loin  <]<> 
la  philosophie.  Te  voilà  confondu1.  Il  lest  difficile  maintenant 
d'acquérir  la  réputation  d'un  philosophe;  les  faits  mêmes  b'j 
opposent3,  si  lu  as  bien  reconnu  ce  qui  est  essentiel,  laisse  là 
toul  .souci  de  paraître  :  qu'il  le  sullisc  do  \  i\  \c  le  reste  de  ta  vie 
connue  le  \eul  la  nature  •">.  Réfléchis  à  ee  qu'elle  veut,  et  ne  le 

directement  i  nous;  même  de  la  concilier  avec  la  doctrine  d'un  monde  déterminé, 
ou  notre  place  el  notre  rôle  Boni  fixés  d'avance.  Il  est  sûr  que  jamais  la  divinité  ne 
saurait  intervenir  dans  les  affaires  du  monde  pour  en  trani  les  lois  el  boule- 

verser l'ordre  établi  (c'est  ce  que  signifient  i<  i  les  mois  àyôy.TTa  xoù  -.x  /•vv.oi:a:a); 
on  peut  même  aire  que  Dieu  ne  s'intéresse  ;i  noui  que  parce  qu'il  s'occupe  de 
l'univers  dont  nous  faisons  partie.  Et  néanmoins,  en  -<•  réservant  <!<•  redresser  notre 
action  ou  ses  >uite<  cl  do  nous  faire  coopérer,  bon  gré  ma]  gré  (VI,  '12),  à  s<m  œuvre, 
il  a  pu  nous  laisser  ($upra  II.  11.  noie  ■>)  la  liberté  de  lui  désobéir,  c'est-à-dire  de 
nous  enchaîner  (VII,  67,  note  finale),  \insi.  d'une  part,  nos  écarts  n'importent  g 
a  -ii  Providence,  qui  les  avait  prévus,  comme  tout  le  reste  :  et  c'est  en  ce  sens  qu'un 
Stoïcien  peut  dire  dans  Cicéron  :  magna  DU  curant,  parva  negligant  (\at.  Deor.,  II,  GO, 
167);  —  d'autre  part,  Dieu  peut  nous  donner  ou  nous  rendre,  et  jamais  il  ne  nous 
refusera,  si  nous  \oulons  seulement  le  lui  demander,  le  seul  bien  qui  soit  pour 
l'homme,  une  ame  libre  :  et  c'est  cette  idée  qui  justifie  les  actes  de  la  piété  humaine, 
les  actions  de  grâces  et  même  les  prières,  —  du  moins  les  prières  «  simples  et  libres», 
comme  celle  des  Athéniens  (supra  V,  7  :  voir  la  note  rectifiée  aux  Addenda),  —  mieux 
encore,  comme  celle  de  Marc-Aurèle  (infra  IX,  4o). 

Sir  les  rapports  des  Dieux  et  de  L'homme  dans  le  Stoïcisme,  cf.  Zeller,  PkU,  der 
Gr.,  IIP,  p.  iG3.] 

i.  |IÏ£5jp7ai  ojv.  M.  Couat,  qui  a  traduit  plus  haut  (VI,  16)  zs^pOa-.  par  «  être 
troublé»,  est  d'accord  avec  lui-même  et  se  conforme,  en  somme,  à  l'usage  du  mot  en 
écrivant  ici:  «Te  voilà  confondu.  »  Pourtant  le  passage  reste  douteux  parce  que 
le  mot  fi><T7£  qui  introduit  la  phrase  suivante  établit  entre  elle  et  tAï-jç,<jol:  o-jv  un 
rapport  de  conséquence.  Est-ce  donc  parce  que  Marc-Aurèle  est  confondu  qu'il  doit 
renoncer  à  la  réputation  d'un  philosophe?  Non;  mais  parce  qu'il  s'est  mis  en  état 
d'être  confondu.  Cette  distinction  semblera  peut-être  bien  subtile;  il  est  pourtant 
certain  que  si,  à  coté  de  7isï>up?ai,  on  pouvait  sous-entendre  tov  ftfov,  et  traduire  ce 
verbe  par  :  «  Il  y  a  du  mélange  dans  ta  vie,  »  on  assurerait  plus  aisément  la  liaison 
des  phrases  et  la  suite  du  sens.] 

2.  [Couat  :  «  la  réalité  s'y  oppose.  »  —  Plus  loin  (X,  3i),  Ottôûes'.;  s'oppose  à  uXi) 
précisément,  comme  l'hypothèse  ou  la  chimère  à  la  réalité;  plus  loin  encore  (XI,  7), 
le  même  mot  désigne  la  «  base  »  et  par  suite  le  «  plan  »  et  la  «  direction  »  d'une  vie. 
Ce  sont  là  des  acceptions  divergentes,  mais  également  usuelles  d'-jTioÔETi;  :  on  ne  les 
rattache  l'une  à  l'autre  qu'en  recourant  à  l'étymologie,  qui  donne  le  sens  premier. 
Or,  c'est  celui  qui  convient  ici.  'Yizôbimz  (littéralement:  «fondement»  ou  «base») 
désigne  ici  «les  faits»  sur  lesquels  Marc-Aurele  devrait  fonder  sa  prétention.  J'ai  dû 
écourter  ci -dessus  cette  traduction  littérale  d'un  seul  mot.] 

3.  £1  /av  TO  XOITTÔV  TOO   ftfaU,   0<70V  £r(7T07£  Tj  <7T,   ^'jG'.Z  Oî'/.S'.,    [ii'.aSTSIV. 

Cette  phrase  est  évidemment  altérée;  la  conjonction  si  gouverne  un  verbe  à  un 
mode  personnel,  qui  est  sans  doute  flico-rr,,  au  lieu  de  £j'.u><7civ.  Il  y  a  une  autre  incor- 
rection dans  la  proposition  o<rov  StJicots  r(  <rr,  qp-j<rcç  ftlXet.  L'idée  est  qu'il  faut  vivre 
conformément  aux  prescriptions  de  la  nature.  Si  donc  l'on  conserve  otov  ôt.ttotc,  qui 
se  rapporterait  à  aoctiov  toO  (Î''o«j  et  signifierait  «le  reste  de  ta  vie,  quelle  qu'en  soit 
la  durée»,  il  faut  ajouter  to;  avant  r,  <rr,  z-iv.;.  C'est  le  texte  qu'a  adopté  Gataker.  Plus 
simplement  encore,  on  peut  changer  otov  en  J>;  av  et  6ÉAEt  en  GéVrç.  Les  deux  correc- 
tions sont  plausibles,  et  le  sens  reste  le  même.  [Mais  la  dernière,  due  à  Coraï,  est 
incontestablement  la  meilleure,  étant  non  seulement  la  plus  simple,  mais  tout  à  fait 
conforme  aux  tendances  de  la  langue  commune,  qui  employait  très  volontiers  J>:  oev, 
et  par  îà  s'acheminait  du  m;  des  Attiques  au  vas  des  Grecs  modernes.] 


Mil         M      M  \  le      \  I   mi  i  i 

lai  1e  détournai  pai  aucune  autre  pan  &     ipn     bi(  n  d< 
tativai   aprè    .w  oii  h  aw  oup  ei  ré  à  I  tventure   tu  n'a    tro 
nulle  pari  !<•  bien  \  h  re    I  a  ne  l'ai  trouvé  ni  dan    I  «  dial  i 
tique  ' .  ni  dam  la  i  lobe    i     ni  dan  i  la  n  putation    ni  dan    le 
jouissance,  ni  nulle  pari    Où  asl  il  donc?  Dan    une  conduite 
conforme  aui    \  olontéa  de  la  nature  humaine    El  comn 
suivras  in  cciic  conduite  '  '  En  ayanl  dei  pi  in<  Ipe  i  où 

découleront  tea  tendancea  el  les  acte     (  fuel    pi  ln<  h 
<|ui  concernent   !<■  bien  el   i«'  mal,  &    avoir  qu'il  n'j  a  point 
<lr  bien  pour  l'homme,  <'n  dehors  de   ce  qui   l<*  rend   juste 
tempérant,  courageux,  libre,  el   point  de  mal  en  dehors  des 
\  icea  contraires  ;«  ces  \  ertus. 


A  chacune  de  1rs  actions  demande  toi  :  <piV>i  elle  pai 
rapport  à  moi:»  N'aurai  je  pas  lieu  de  m'en  repentir?  Encore 
un  instant,  H  je  serai  mort,  cl  tout  aura  disparu.  Si  mou 
action  présente  est  celle  (l'un  rire  intelligent,  animé  de  l'esprit 
de  solidarité,  soumis  aux  marnes  lois  que  Dieu,  pourquoi 
chercherai  je  autre  chose? 

3 

Qu'est-ce  qu'  Vlexandre,  César  et  Pompée,  à  coté  de  Diogène, 
d'Heraclite  et  de  Socrate?  Ceux-ci  voyaient  les  choses;  il-  en 
connaissaient  le  principe  efficient 3  et  la  matière;  leur  principe 
dirigeant  était  toujours  le  même 4.  Les  autres,  au  contraire 
que  de  choses  ils  devaient  prévoir,  que  de  servitudes  il- 
devaient  subir! 

4 

Tu  aurais  beau  crever  d'indignation,  ils  n'en  continueront' 
pas  moins  à  faire  la  même  chose. 

i.  [Cf.  supra  VII,  G;  :    ifrqXiri?aç  BiaXexTixb;...  ftreoOai,  —  el    toute    la   den  . 

phrase.] 

2.  Los  deux  verbes  à  la  3'  personne,  -oir^z:  et  r/r(,  supposent  un  sujet  à  la  3*  pet 
sonne,  le  pronom  tiç,  qui  a  disparu. 

3.  [Couat  :  e  la  matière  et  la  forme.  »  —  Cf.  supra  IV.  ji,  note  finale. ] 

'».  rà  r(v£aovixà  r(v  a-jTwv  Ta-JTa.  Le  pronom  tocCt*  n'est  pas  clair.  Le-  uns  écrivent 
raûra,  d'autres  ra'jTa.  d'autres  enfin  roiaOroc.  Je  préfère  towtck,  qui  me  paraît  plu- 
conforme  à  la  suite  des  idées;  mais  il  semble  que  l  abverbe  àr.  serait  nécessaire. 

5,  [Var.  :  «  Sache  qu'ils  n'en  continueront...  0  En  grec,  la  phrase  n'est  pas  faite. 
Le  premier  mot,  ot:,  est  de  trop  ou  suppose  la  chute  d'un  verbe  principal. I 


l  fio  MBLIOTHÈQUI    DBS    DUlTEESITÉfl    I>1     MIDI 

5 

D'abord,  ne  te  trouble  pas:  tout  se  passe  conformémenl  à  la 
nature  universelle;  avant  peu  tu  ne  seras  rien,  ni  nulle  part1, 
comme  Hadrien,  comme  Auguste.  Ensuite,  considère  attenti- 
vement la  réalité,  reconnais  la,  et,  le  souvenant  que  tu  dois 
être  un  homme  de  bien,  sachant  ce  que  réclame  la  nature 
humaine,  fais  le  sans  te  retourner,  et  dis  ce  qui  te  paraîtra 
le  plus  juste;  que  ce  soit  seulement  avec  bienveillance,  avec 
modestie,   avec  franchise. 

6 

La  nature  universelle  a  pour  fonction  de  déplacer  et  de 
changer  ce  qui  est,  en  prenant  ici  ce  qu'elle  rapporte  là2.  Tout 
évolue3.  Ne  t'en  effraie  pas'»  cependant;  il  n'y  a  rien  de  nou- 
veau; tout  est  accoutumé;  et  tout  aussi  est  réparti  également^. 

7 

Toute  nature  est  contente  de  bien  suivre  sa  voie.  Une  nature 

raisonnable  suit  bien  sa  voie  lorsque,  dans  ses  représentations", 

elle  n'acquiesce"  à  rien  de  faux  ni  d'incertain;  quand  elle  ne  se 

portée  en  ses  mouvements  qu'à  des  actes  de  solidarité;  quand 

1.   [Cf.  les  mêmes  mots,  infra  XII,  si.] 

a.  [Couat  :  «  de  le  prendre  et  de  le  transporter  de  coté  et  d'autre.  »  —  Cf.  supra  IV, 
30,  et  la  note  (aux  Addenda).} 

3.  [Couat:  «Tout  est  métamorphose.  »  Var.  :  «Tout  est  en  mouvement.»  — 
J'aurais  admis  cette  variante,  qui  est  la  première  version  de  M.  Couat,  si  le  mot 
..  mouvement  »  pouvait  en  français,  comme  xivtjat;  en  grec  (supra  VI,  17,  en  note), 
designer  le  changement  de  forme  aussi  bien  que  le  changement  de  lieu.  Le  mot 
<(  changement»  lui-même  ne  serait  pas  exact,  car  il  n'éveille  pas  l'idée  de  direction 
qui  est  toujours  en  tporcat,  ni  celle  de  retour  au  point  de  départ  que  Marc- Aurèle 
y  a  mise  parfois  (cf.  \,  7  :  tgotty-,  toO  <7T£p£u.vio'j  etc  xh  vôcoôe:). 

Nous  avons  eu  l'occasion  (supra  VII,  iO,  seconde  note)  de  définir  l'expression  xpoTir, 
roO  r(y£fj.oviy.o0,  ou  tijc  tyvffît  ou  tt(;  Stavofeç.  Les  deux  sens,  psychologique  et  phy- 
sique, que  les  Stoïciens  donnent  au  mot  -rpoTtr,,  pourraient  être  exprimés  graphique- 
ment :  le  premier  par  une  ligne  droite,  ordinairement  une  oblique;  le  second  par  un 
arc  de  cercle,  et  à  l'occasion  par  un  cercle  entier.] 

k.  o>/  (otte  po6T)6r,vat.  Les  deux  mots  o>/  et  o>ot£  ont  étj  intervertis;  il  faut  lire: 
w<tt£  o'j/î  [et  sous-en tendre  Ô£Î.] 

5.  [Couat:  «la  répartition  des  choses  est  toujours  la  même.»  —  Marc- Aurèle 
précise  sa  pensée  à  l'article  suivant  lorsqu'il  dit  que  la  nature  universelle  «  distribue 
rquitablement  à  chacun,  selon  son  mérite,  la  durée,  la  matière,  etc.  »] 

6.  [Couat:  «  idée.  »] 

7.  [Couat  :  «  elle  ne  s'arrête  à  rien  de  faux.  »  —  Cf.  supra  V,  10,  première  note.) 

8.  [Couat  :  «  quand  elle  dirige  ses  désirs  uniquement  vers  des  actes  de  solidarité.  » 
—  Le  mot  «désirs»  restreint  beaucoup  trop  le  sens  d'ôpjxat.  Les  opé;a;,  «inclina- 
tions, »  dont  il  va  être  question  a  la  phrase  suivante,  sont  encore  des  6pfj.au.  Cf.  supra 
111,  iG,  3'  note.] 


Il    \     M   9     l»l       M  \l\<         \  l    Kl   I   I 

elle  n'a  d'inclination  ni  d'avei  ion  <|U'-  potu  dei  objel  qui 
dépendent  d'elle;  lorsque  enfin  elle  accueille  ave<  empn 
ini'iii  toul  06  « | < t î  lui  < ial  attribué  pai  la  nature  univei  elle 
i  (|u  elle  «ii  esl  une  pai  lie,  i  omme  la  natui  e  de  la  Feuille 
cvi  une  pai  lie  <!<•  [celle  de  la  plante  Mal  la  natui  e  d<  la 
Feuille  rail  pari i<-  d'une  natui  <■  In  en  ible  an  raison  et  qui 
peul  être  asservie;  la  nature  de  I  homme,  au  i  ontraii  une 

partie  d'une   nature  Indépendante,   Intelligente  el  juste,  qui 
distribue1   équitablemenl    à   chacun,   luivanl   son    mérite     la 
durée,  la  matière,  l<i  principe  efficient  et  formel  '.  I  a<  lion,  le 
circonstances  extérieures3,  Cherche  à  découvrit  cetl  lité, 

non  en  comparant  4  toujours  les  viea  détail  par  détail,  mais 
en  comparant  à  la  fois  tout  ce  «ju  a  re<  a  l'un  avt ■<  l'ensemble 
de  ce  qu'a  reçu  Tanin 

i  i  .1  <  « <\  i.'.  Lion  rjyt,  proposé)  par  (  asaubon,  doil  i 

•j.  [Coual  :  <<  ta  durée,  la  lubatance,  la  forma      —  Cf.  <ni>r,t  l\ .  •  i ,  nota  Bnala 

.;.  [Coual  :  «  L'énergie,  l'accident,  »    •  Les  mota  ..■.-.•■.■*.  el  clairentrun 

l'autre.  La  pensée  IX,  3it  en  précisera  l'opposition:  -j  x- , 
vovra  j  représente  el  >  définit  7\>\L&a9i;',  el  :x 

développe  el  y  définit  ivépYSta.  Mémea  expressions,  ou  peu  s'en  faut,  .m*  p. 
1 1,  el  \ll,  i\.  On  peut,  enfin,  reconnaître  la  même  antithèse  au  début  d<  \  II. 

S5  :  y)  cp-JTt;  (te  ôo^ys».  r,  ts  toO  8Xo*j  v.a  afin  ffvuletivoVnav  va 
rltav (c'eat-J  dire  rvepY7)Técov) ôiro  a*oû    Lea  deux  naturel  qu'j  distingu    Mar  -  \ 
étanl  d'ailleurs  d'accord  entre  elles,  lea  deux.  Dotions  de  ce  que  noua  devi  na  n  i] 
vement  à  chacune  —  «activité»  el  «  circonstance!  »  —  sont  inséparables.  !>•   Fait,  lea 
circonatancea  ne  nous  sont  données  que  pour  solliciter  notre  activité,  qui  dm 
(lue  sur  elles.  Elles  sonl  h  la  matière  »  (IV,  i)  de  l'action. 

Il  est  donc  naturel  de  comprendre  dan-  la   même  énumération  L'alita  i  t 
d'une  part,  l'ivépveia  e<  les  aupâdasic  de  l'autre,  dèa  qu'on  fait  tant  quedistini 
L'alita  de  l'evéoysta.  Noua  en  avons  plus  hauti\       ;.      note)  défini  le  rapport   i 
en  un  sens,  celui  de  la  cause  efficiente  el  tonnelle  à  la  cause  finale    I  maté- 

rielle avant  été  également  nommée  à  côté  de  celles-là,  le  temps,  qui  esl  aussi  un 
principe  ou  une  cause  pour  Marc- Aurèlc  (supra  IV,  si,  début  de  la  note  finale),  trou- 
vai! enfin  sa  place  dans  rémunération.  Il  est  même  nommé  le  premier  par  qui 
l'inégalité  la  plus  apparente  des  vies  humaines  est  en  leur  dui 

L'énumération  du  temps,  de  la  matière,  du  principe  efficient,  de  l'activité  ei 
circonstances  est  intéressante  à  un  autre  point  de  vue.  Les  quatre  catégories 
donnes  (supra  VI,  i4,  ir*  note)  sont  représentées  en  ces  cinq  mots:  le  substrat,  par 
O'jffîa;   la  détermination  première,   par  otittov;  les  qualités   secondes,   par  y:o 
èvÉpvr::x  ;  la  relation,  enfin,  par  a-juLoaat:.  Car  les  a  circonstances  h  ne  valent  qu 
rapport  à  nous  et  par  l'usage  que  nous  en  faisons.] 

'i.  Je  lis  ainsi  cette  phrase  :  ijlt,  z\  to  ev  ttc'o:  isaubon. 

5.  [Couat  :  «  mais  en  comparant  à  la  fois  tous  les  attributs  d'une  même  i 
avec  l'ensemble  des  attributs  d'une  autre.  >>  —  Un  peu  plus  haut  :  Us  «  hosea  une  par 
une,»  où  j'ai  écrit:  «les  vies  détail  par  détail.»  Marc-Aurèle  veut  dire,  selon  moi, 
(pie  si  l'on  ne  comparaît  que  la  durée  d'une  vie  à  la  durée  d'une  autre,  les  événe- 
ments d'une  vie  à  ceux  d'une  autre,  et  la  santé  et  même  l'intelligence  d'un  homme 
à  la  santé  et  à  l'intelligence  d'un  autre,  on  n'arriverait  qu'à  la  constatation  d'une 
inégalité  révoltante.  Mais,  tout  compte  fait,  la  nature  a  donne  autant  à  chacun, 
puisqu'a  chacun  elle  a  donné  du  temps,  un  corps,  une  âme,  une  raison  agissante,  et 

A.    COLAT-P.     FOLRMER.  II 


l6a  BIBLIOTHEQUE    DES    UIlIVERSlTÉa    Dl     MIDI 

8 

Tu  n';i^  |);is  besoin  <lc  Lire  '.  Mais  tu  ;is  le  loisir  de  réprimer 
ton  orgueil;  tu  as  le  loisir  de  vaincre  le  plaisir  cl  la  douleur; 
lu  as  le  loisir  <l<v  l'élever  au-dessus  de  la  vaine  gloire;  tu  as 
le  loisir  de  supporter  sans  colère  les  sots  et  les  ingrats;  que 

dis  je?  <le  ^occuper  d'eux. 

9 

Que  personne  ne  l'entende  pins  blâmer  la  \ie  qu'on  mène 
à  la  COUI*,  pas  même  loi  \ 

10 

Le  repentir  csl  un  reproche  que  Ton  s'adresse  pour  avoir 
négligé  une  chose  utile;  or  le  bien  ne  saurait  être  qu'une  chose 
utile  :  el  l'honnête  homme  s'en  doit  préoccuper^.  Mais  aucun 

les  r\  énements  d'une  t  îe,  c'est-à-dire  en  somme  toul  ce  qu'il  faut  pour  être  vertueux. 
Pour  compter  ainsi,  il  faut  accepter  les  dogmes  du  Portique,  se  dire  que  l'action 
conforme  à  la  vertu  seule  a  du  prix  et  qu'elle  nous  est  toujours  permise,  que  les 
choses  nous  sont  indifférentes,  que  le  corps  même  <<  ne  nous  louche  pas»,  que  a 
pièce  est  toujours  achevée  quand  elle  s'interrompt,  et  que  deux  heures  bien  employées 
suffisent. 

Kien  dans  le  texte  grec  ne  me  semble  exprimer  l'idée  de  «catégories»  d'êtres. 
Il  paraît,  au  contraire,  évident  que  toOoî  et  toO  ItipotJ  dans  la  dernière  phrase 
équivalent  à  Ixaoroiç,  qui  est  écrit  a  la  (in  de  la  précédente.  —  L'interprétation  de 
M.  Couat,  qui  remonte  à  Pierron  et  qu'on  retrouve  dans  le  livre  de  M  Michaut, 
aurait  d'ailleurs  besoin  d'être  elle-même  interprétée.] 

i.  àvayiyvroT/.îtv  oûx  è'^ttiv.  Ces  mots  peuvent  s'expliquer  de  plusieurs  manières. 
Si  Marc-  \urèle,  selon  son  habitude,  s'adresse  à  lui-même,  ils  ont  nécessairement  le 
sens  que  je  leur  ai  donné  :  Marc  -  Aurèle  a  plusieurs  fois  exprimé  l'idée  que  le  philo- 
sophe devait  agir  et  non  pas  lire  (II,  2,  3;  III,  i4).  Au  lieu  de  avay.7vfo7y.civ,  Xauck  a 
proposé  ivaêiojvat,  qui  est  ingénieux,  mais  hypothétique.  Le  sens  de  la  pensée  serait 
le  Buivant  :  il  y  a  des  choses  que  l'homme  ne  peut  pas  faire,  par  exemple  ressusciter; 
mais  il  peut  toujours  être  homme  de  bien.  Je  m'en  tiens  au  texte  des  manuscrits,  qui 
oiTre  un  sens  acceptable. 

?..  Le  texte  des  manuscrits  |itj8e  9\i  ffeauToO,  et  non  toî  creauroO,  signifie  que  Marc- 
\urèle  ne  doit  pas  mal  parler  de  la  vie  à  la  cour,  non  seulement  devant  les  autres, 
mais  à  soi-même. 

3.  [Couat:  «<  or  l'utile  ne  saurait  se  distinguer  du  bien,  et  l'honnête  homme  ne 
saurait  éviter  de  s'en  préoccuper,  »  —  et,  en  note  :  «  Le  progrès  naturel  du  raisonnement 
me  paraît  presque  exiger  que  la  seconde  phrase  admette  comme  premier  terme. 
c'est-à-dire  comme  sujet,  le  dernier  ternie,  c'est-à-dire  l'attribut,  de  la  précédente. 
D'autre  part,  l'ordre  des  mots  xpr,ot(tw  et  àyaOov  es!  Bxé  par  la  dernière  phrase.  Il 
faut  avoir  établi  que  ce  qui  e>t  utile  est  un  bien  pour  pouvoir  écrire  que  le  plaisir, 
n'étant  pas  utile,  n'est  pas  un  bien.  Cela  étant,  il  convient  d'écrire,  comme  l'a  fait 
K<  i-ke,  dans  la  seconde  proposition  :  70  os  ypr^iuov  àyaOov  ti  oïl  eïvat,  au  lieu  de  xo 
xGbv  yj}7)OiU.ov.  » — Les  deux  arguments  de  M.  Couat  m'ont  paru  plus  spécieux 
que  forts.  Ils  ne  sauraient  suffire  à  légitimer  une  correction.  Je  m'en  suis  tenu  au 
texte  des  manuscrits,  qui  est  d'ailleurs  clair  et  logique. 

L'identité  de  Y  «  utile  »,  du  moins  de  ce  qui  est  vraiment  «  utile  »  (supra  III,  G,  fin), 
et  du  «  bien  »  est  un  dogme  pour  le  Portique.  Mais  l'utilité  n'est  qu'un  attribut  du 


M  'I         M   \  I    '  \  I     !     I    I    I 

honnête    homme    n  ir.i     j.im  n       •••    i  •  jh-hIii     .1  .i\  oii     i  |, 

plaisir  |  i<*  plal  11  n'wl  dont   ni  une  i  h<  »  ••  al  lit    ni  an  bien 

H 

Qu'es!  C6(  i  en  soi  tnêmeel  par  ia  propre  «  onstitatioi  Ile 

en  eel  la  substance  el  la  mail  Quel  sn  esl  le  principe 
efficient  el  formel1?  Que  rail  il  dam  le  tnond  >mbien  de 
temps  dure  t-ilî 

12 

Quand  tu  as  de  la  peine  •■  te  réveillei  rappelle  toi  qu  il 
conforme  à  ta  constitution  el  à  la  nature  humaine  d'a<  i  omplii 
des  actes  de  solidarité.  Le  sommeil,  au  oontraire,  t'esl  commun 
avec  les  êtres  sans  raison  .  or  ce  qui  esl  conforme  à  la  nature 
de  chacun  lui  esl  plus  propre,  plus  naturel  I  et,  par  suite, 
plus  agréable. 

13 

Ne  manque  jamais  d'examiner  chacune  de  tes  représenta 
lions»,  autant  que  possible,  au  point  de  nie  de  la  physique, 
<le  la  morale  el  de  la  dialectique 6. 

bien,  d'ailleurs  le  plus  important  peut-être,  en  tout  cai  celui  qu'on  nomme  d'al 
et  le  plus  souvent,   puisqu'on  a  trouvé  (Diogène,  VU,  \w.  98)  au   moins  q 
appellations  différentes  pour  le  désigner:  Tuu??pov,  XuorrtXlc,    /- 
Une  eû(  suffi,  la  dernière,  d'autant  mieux  que  la  définition  qu'on  nous  doôn 
trois  autres  U-s  ramène  ii  celle-là.  Pour  ne  rappeler  que  celle  «lu  m->t  qu*i  choisi 
Marc-Aurèle  en  ce  passage,  le  bien  esl  dil  xp^etpav,  5n  xptfav  ûfeXetotç  xapéxrrat.  — 
En  écrivant  co  ok  gyocObv  xpv)<ri|Ad\  ri  5aî  slvat,  ootre auteur  n'a  «loue  (ail  que  rapj 
une  formule  consacrée  dans  l'École,  el  à  laquelle  nous  n'avons  pas  à  toucher. 

La  présente  pensée,  comme  tant  d'autres  qu'on  en  peut  rapproefo 
V,  1 5),  implique  que  la  conscience  de  l'honnête  homme  e*t  le  critérium  du  bien  --t 
de  l'utile.] 

1.  [Gouat  :  ((Quelle  en  est  la  substance,  la  matière,  la  cause?    —  Cf.  IV,  a 
finale.  Pour  la  suite,  cf.  III.  11,  ;V  nolc.| 

2.  [Cf.  supra  V,  1.] 

3.  [Cf.  supra  VI,  Vi,  V  note.] 

'1.   [Couat  :  «(  plus  particulier,  plus  inné.  »  —  Sur  le  sens  d'otxâov,  cf.  Wpr     \  I, 
en  note.  Pour  la  traduction  de  itpofffuéorspov,  je  me  suis  d'autant  moins  fl 
dissimuler  la  tautologie  apparente  qui  est  déjà  dans  le  texte  <jrec,  que  le  Iran.;  us  donne 
volontiers  au  mot  «  naturel  »  le  sens  de  «  facile  »,  et  que  par  là  le  troisième  ad j 
«  plus  agréable,  »  s'expliquera  aisément.] 

5.  [Couat  :  «  idées.  »] 

(î.  [Ce  sont  les  trois  divisions  de  la  philosophie  pour  les  Stoïciens.  Le-  fondateurs 
de  l'École,  Zenon  et  Chrysippe,  les  rangeaient,  au  rapport  de  Diogène  tierce  \  II. 
xxxiii,  09)  dans  un  ordre  différent,  commençant  par  la  logique  pour  finir  par 
la  morale.  D'autres  {ibUL,  \o)  disaient  que  la  logique  est  le  squelette  ou  le  système 
nerveux  d'un  vivant,  dont  l'éthique  serait  les  chairs,  et  la  physique  l'âme;  ou  bien,  la 
coque  d'un  œuf,  dont  l'éthique  serait  le  blanc,  et  la  physique  le  jaune.  Ces  méta- 
phores indiquent  une  distribution  différente,  qui  est  celle  d'Apollodore.   D'autres, 


l(i'l  BIBUOTHÊQUI     DES    UNIVERSITÉS    DI     UID) 

14 

Qui  que  ce  soii  que  lu  rencontres,  commence  par  te  dire 
immédiatement  U  toi-même  :  quels  principes  cel  homme  a  t  il 
sur  le  bien  et  le  mal?  Car  s'il  a  i<Is  principes  sur  le  plaisir  el 
la  douleur  et  sur  ce  qui  les  l'ail  naître,  sur  la  gloire,  l'obscurité, 

là  mort,  la  Nie  je  n'aurai  ni  à  inYlonncr  ni  à    trouver  étrange 

qu'il  fasse  lelle  action.  Je  me  rappellerai  qu'il  ne  peul  pas 
agir  autrement  ' . 

15 

Rappelle-toi  que  s'il  est  honteux  de  s'étonner  qu'un  figuier 
porte  des  figues'*,  il  ne  l'est  pas  moins  de  s'étonner  que  le 
monde  porle  tels  événements  qui  sont  ses  fruits  naturels.  De 
même,  il  serait  honteux  pour  un  médecin  el  pour  un  pilote^ 
de  s'étonner,  l'un  qu'un  tel  ait  la  fièvre,  l'autre  qu'il  s'élève 
un  vent  contraire. 

16 

Souviens-toi  que  tu  n'aliènes  ta  liberté  ni  en  changeant 
d'avis  ni  en  suivant  qui  te  redresse'*.  Cette  action,  en  effet, 
est  encore  tienne,  puisque,  en  l'accomplissant,  lu  suis  le 
mouvement  de  ton  âme,  ton  jugement,  et.  pour  tout  dire, 
ta  raison"». 

17 

Si  cela  dépend  de  toi,  pourquoi  le  fais-tu?  Si  cela  dépend 
d'un  autre,  qui   accuses-tu?  Les  atomes  ou  les  dieux?  Folie 

comme  Panétius  et  Posidonius,  nommaient  d'abord  la  physique:  c'est  l'ordre  cura 
suivi  Marc-Aurèle.  On  ne  peut  que  s'en  étonner:  car  la  morale  est  pour  lui  de 
beaucoup  la  plus  importante  partie  de  la  philosophie  ;  c'est  même  la  seule  qui  l'inté- 
resse, ainsi  qu'il  le  déclare  à  maintes  reprises  (I,  17,  lin;  VII,  67,  fin;  VIII,  1).  11  eût 
donc  dû  la  nommer  en  dernier  lieu,  comme  Zenon  et  Chrysippe,  —  ou  en  premier, 
comme  Sénèque  (ad  Lucilium,  89).] 

1.  [C'est  le  corollaire  du  principe  socratique  :  «  la  vertu  est  science;  le  vice, 
ignorance,»  qu'ont  adopté  les  derniers  Stoïciens,  —  et  que  repoussaient  les  premiers. 
malgré  leur  déterminisme,  pour  ne  pas  laisser  d'excuse  à  la  faute  :  7râv7k)v  vas  àixap- 
TavôvTwv  uapà  rr,v  lotav  xav.cav...  uv^os  T'jyyvoWr, v  £/stv  toi;  àjiotpTavoudrv  (Stobée,  Ed.. 
II,  190;  cf.  Zeller,  Pkil.  der  Gr.,  III3,  p.  229.  Noir  aussi  supra  p.  'j8,  note  2).] 

2.  [Même  image,  IV,  6,  et  XII,  16.] 

3.  [Cf.   VI,  55,  une  comparaison  analogue.  | 

\.  [Cf.  supra  IV,   12;  VII,  7,  et  l'exemple  d'Antonin,  I,   16. j 

."..  [Et  puisque  suivre  sa  raison,  ou,  comme  disent  les  Stoïciens,  «suivre  Dieu,  » 
c'est  être  libre.  —  Couat  :  «C'est  un  résultat  de  ton  action  personnelle,  s'exerçant 
suivant  tes  tendances  et  ton  choix,  suivant  la  décision  de  ton  esprit.  » —  Sur  le  sens 
<\y!)V)r.  cf.  supra  III,  16,  ,He  note. 


Il     >      Il  l.l        M  M'  M    M    M 

diuis  les  deux  «  ,i     M  m-   Paul  •" ■«  us6i   i"  i  i tnnc    SI  lu  I 
.  (,i  i  [ge  l'auteur  <in  Lut      i  in  ne  i«   peui  |  I 

lui  même.    Mui  <    -i    lu    in;    peu  i    pi     même   col 
ierl   il  '  d '.'<  i  u  i  i  '  il  ne  ruul  i  ien  faii e  I nutilemenl 

18 
<  e  qui  eal  morl  '  ne  tombe  pai  bon  de  l'uni  S  il 

re8td,    C'esl    pour   [y]   changer   ri    se  dissoudrr   'ii      •       pari 

éléments  qui  composent  l'univers  el  toi   même    l       éléments 
eux  mêmes  changent  el  ne  murmurent  pas. 

19 

Chaque   être,   cheval,    vigne,   <  ^  i   né  pour  quelque  cho 
Pourquoi   t'en  étonner?   Le  soleil  lui-même  te  dira     je  suis 
né  pour  une  certaine  œuvre,  el  ainsi  les  autres  dieux I    roi 
donc,  pour  quoi  es-tu  né?  Tour  le  plaisir?  Vois  si   ta  raison 
admet  cette  réponse  3, 

20 

Comme  un  joueur  qui  lance  une  balle,  la  nature  poursuit 
un  but  dans  chacun  de  ses  actes,  dans  la  tin  non  moins  que 
dans  le  commencement  et  dans  la  durée  de  chaque  être.  Quel 
bien  y  a-t-il,  d'ailleurs,  pour  la  balle  à  monter  en  l'air,  ou  quel 
mal  à  descendre  ou  même  à  tomber?  Quel  bien  \  al  il  pour 
une  bulle  d'eau  à  se  former l,  ou  quel  mal  à  se  dissoudre?  Il 
en  est  de  même  d'une  lampe  \ 


i.  kûoc  ri  En  ïoc  aspsi.  Vu-dessus  de  En  trot  pipcc,  ud  manuscrit  donne  - 
qui  doit  ôire  la  vraie  leçon. 

2.  [Cf.  IV,  ai,   i"  note  (à  l'Appendice).] 

5.  [Cf.  supra  V.  i.] 

!i.  [Goual  :  «à  se  maintenir.  »  —  En  grec,  <ruvE<m*rn.  M.  Mondry-Beaudouin,  rendanl 

compte  dans  la  Revue  critique  de  la  traduction  île  Si.   Miehant.   j    a  déjà  "»m_ 
faux-sens,  qui  remonte  à  Pierron  et  à  Barthélemy-Saint-Hilaire.  Nous  avons 

3'  note)  que  g-jg-:x<j:;  était  synonyme  de  xaTGUTxeVTj, 

On  se  souvient  qu'à  l'article  VII.  ->3.  Mare-Aurèle  demandait:  quel  bien  y  a-t-il 
pour  un  coffre  à  être  construit,  quel  mal  à  être  démonte?] 

5.  [On  achève  aisément  la  comparaison,  puis  la  pensée.  La  lampe.  quVn  l'allume 
ou  qu'on  réteigne,  re^te  indifférente.  Et  l'homme,  chez  qui  la  \ie  s'allume,  puis 
s'éteint  ?1 


iGG  mm. loi  mi loi  i     DBS    i  m\  i  RS1 1 1  8   DU    midi 

21 
Retourne  le  corps1  el  vois  ce  que  font  do  lui  lia  vieillesse,  la 
maladie,  les  plaies  '. 

Celui  qui  loue  cl  celui  qui  esl  loué:  le  panégyriste  et  l'objet 

du  panégyrique  ont  une  \ie  également  courte.  Et,  eu  outre, 
même  dans  un  coin  de  celte  contrée  où  ils  se  trouvent,  tous 
les  hommes  ue  sont  pas  d'accord  entre  eux;  chacun  n'est 
même  pas  daeeord  avec  soi  même.  VA  la  terre  tout  enlière 
n'osi  elle  même  qu'un  point  3, 

22 
Fais  attention  à  l'objet  de  ta  représentation,  à  ton  jugement, 
à  ton  action,  au  sens  de  tes  paroles  '». 

22  bis 
C'est  justement  que  tu  te  trouves  dans   cet  état;   mais  tu 
aimes  mieux  devenir  un  homme  de  bien  demain  que  de  l'être 
aujourd'hui^. 

i.  [Ce  mot  a  dû  être  ajouté  pour  la  clarté  de  la  t-aduction.  Marc-Aurèle  avait  écrit 
simplement  :  «  Ketourne-le.  »] 

2.  [Couat  :  ((  la  débauche,  »  —  et,  en  note  : 

«  J'ai  maintenu  le  texte  des  manuscrits  7topvcOTav,  tout  en  reconnaissant  qu'il  est 
fort  douteux.  Marc-Aurèle  dit  que  le  corps  de  l'homme  se  dégrade  vite  par  l'effet 
seul  <lc  la  vie;  L'idée  <1<'  la  débauche  intervient  ici  d'une  manière  inattendue  et  même 
déplacée.  »  —  ("est  la  correction  de  M.  Rendall,  à7t07rjr(<rav,  qui  est  traduite  ci-dessus.] 

3.  [Cf.  supra  IV,   3.] 

4.  [Couat:  «  au  sujet  présent,  ou  à  ton  jugement,  ou  à  ton  action,  ou  au  sens  de 
tes  paroles.  »  —  Le  sens  de  to  *j7roy.£''[X£vov  nous  est  donné,  entre  autres  passages,  par  la 
pensée  VU,  29  :  «  Divise  et  partage  tout  objet  (to  ùttoxeiuevov)  en  principe  efficient  et 
matière.  »  C'en  est,  d'ailleurs,  pour  les  Stoïciens  l'acception  la  plus  usuelle  (supra  VI. 
i'i,  1"  note).  —  Plus  loin,  me  rappelant  qu'à  la  pensée  VU,  4,  où  reparaît  le  mot 
70  i^aaivôij-Evov,  Marr-Aurèle  s'exhortait  à  taire  attention  «  à  ce  qui  se  dit  et  à  ce  qui 
se  fait  »,  j'ai  hésité  à  écrire  :  «  cette  »  action,  «  ces»  paroles,  au  lieu  de  :  «  ton  »  action. 
«tes»  paroles.  Mais  il  est  probable  que  les  deux  pensées  sont  indépendantes;  et 
M.  Couat,  en  écrivant:  «ton»  action,  et  «tes»  paroles,  a  dû  fidèlement  interpréter 
h-  texte  grec  :  le  mot  qui  précède  (ooypiaTi)  ne  peut,  en  effet,  désigner  qu'une  opéra- 
tion de  notre  pensée,  celle  d'autrui  nous  étant  fermée,  ou  ne  nous  étant  connue  que 
par  les  «actions»  et  les  ((paroles»  qui  la  manifestent;  la  suite  naturelle  du  sens 
parait  donc  appeler,  après  «  ta  »  représentation  et  «  ton  »  jugement,  ((tes»  actions 
et  ((  tes  »  paroles. 

On  remarquera  l'ordre  de  cette  énumération,  qui  suffirait  à  fixer  le  sens  des 
mots.  Des  représentations  se  tire  le  jugement  qui  (III,  iG,  dernières  lignes  de  la  note 
finale,  à  V Appendice)  règle  la  conduite  de  la  vie,  et  qui  est  impliqué  en  tout  ce  que 
nous  pouvons  faire  ou  dire.  Ce  sont  ici  les  représentations  que  Marc-Aurèle  nomme 
d'abord,  c'est  par  les  actes  et  les  paroles  qu'il  finit;  et  ce  n'est  pas  sans  raison  que, 
pour  désigner  l'opération  intermédiaire,  il  choisit,  des  trois  termes  qui  servaient  aux 
logiciens  de  l'École  (xpiotç,  uittftrj'J/iç  et  ôoyaa),  celui  que,  presque  seul,  on  employait 
en  morale.  —  Cf.  in/ra  NUI,  /»;,  note  1.] 

j.  On  ne  voit  pas  comment  le  second  paragraphe  de  cette  pensée  se  rattache  au 


II.      Il  l.l        M  \h<         M    HJ    I    I 

23 

SI  J 'accomplit  quelque  action   je  l'accompli    en  la  rappoi 
1,1  ti i  au  bien  des  hommes*  \i  ai  i j  \  t  I  il  '  quelque  cho  i      Fe  le 

»is  en  l<'  rapportant  au  i  dieu  %  el  à  la    joui  «  •    de  loul 
principe  d'où  le  déroule  la  chaîne    d<  m  m<  al 

24 

Tel  que  t**  pareil  un  bain,  c'eal  i  <lir<'  de  l'huile,  de  la    netu 
de  la  s;ilch;,  mie  c;mi  grasse,  un  mélange  d'ordures,  lell< 
toute  partie  <ir  la  \  le,  tel  t  «  m  1 1  objet  ; 

25 

\\ani  Lucilla  «  mourut  \  érus •»,  puis  ce  fui  Lucilla;  avant 
SecundaG,  Afaximus7,  puis  Secunda;  ayant  Epitynchanus,  Dio 
time,  puis  Epitynchanus;  avant  rVntonin,  Paustine,  puis 
Anlonin.  [vont  Celer%t  Hadrien,  puis  Celer.  El  partout  <!<- 
même  9,  Et  ces  hommes  à  l'esprit  pénétrant  el  divinateur,  ou 
enivrés  des  fumées  de  l'orgueil,  où  sont-ils?  Où  sont,  par 
exemple,  ces  esprits  pénétrants,  Gharax10,  Démétriua11  le  pla 
tonicien,  Eudémon13,  et  leurs  pareils?  I« >ut  cela  était  éphé- 
mère; tout  cela  est  mort  depuis  longtemps.  Quelques  uns 
n'ont  pas  même  laissé  un  bref  souvenir  :  d'autres  sont  devenus 
des  légendes;  d'autres  sont  même  déjà  sortis  de  la  légende. 

premier.   Dans  tous  le>  cas,  la  conjonction  os,  qui  relie  tefl  deux  meml  :irav; 

île  ce  second  paragraphe,  est  sans  doute  mise  là  pour  yâp.  [C'est  pour  répondre  à  la 
première  de  ces  observations  que  j'ai  distingué  de  l'article  22  un  article  2?.  bis.] 

1.  [Sur  les  rapports  de  Plvépyeia  (ou  TrpaTTousva)  et  de  la  ru|i6a9i; 
vovra),  cf.  supra  VIII,  7,  G*  note.] 

3.  [Var.  :  a  d'où  sort  la  série  continue  des  événements.  »] 

3.  [Cf.  supra  VI,  i3;  infra  IX,  06.] 

4.  [Fille  de  Marc-Aurèle  et  femme  de  Yérus.  sou  collègue  à  l'empire. j 
T>.   [En  1 69 ;  ce  renseignement  peut  aider  à  dater  le  livre  \  lit  dea  Peu* 

6.  [Inconnue,  comme  Diotime  et  Epitynchanus.] 

7.  [Le  Stoïcien,  supra  I,  i5.] 

8.  [Caninius  Celer,  rhéteur,  maître  de  Marc-Aurèle.] 

9.  [J'ai  transposé  cette  phrase,  qui.  dans  le  texte  grec,  précède  celle  dont  j'ai 
imprimé  la  traduction  en  italiques.  Il  me  parait,  comme  à  M.  Stich.  difficile 
d'admettre  que  Marc-Aurèle  ait  interrompu,  puis  repris  rémunération  des  noms 
propres  par  laquelle  commence  la  pensée.] 

10.  [Inconnu.] 

11.  [Sans  doute  Démétrius  de  Phalère.] 

12.  [Astrologue.] 


|68  BIBLIOTHBQUI     DES    UTUVERSITÉS    Dt      MIDI 

Rappelle-toi  donc  cette  alternative:  ou  bien1  le  composé  dont 
lu  es  fait  devra  se  disperser;  [ou  bien]  ton  souille  devra 
s'éteindre,   OU    prendre    la    place    nouvelle    qui    lui    aura    été 

marquée. 

26 

La  joie  de  l'homme  est  de  Taire  ce  qui  appartient  à  l'homme. 
11  appartient  à  l'homme  d'être  bon  pour  ses  semblables,  de 
mépriser  les  mouvements"  des  sens,  de  discerner  parmi  les 
vraisemblances 3,  de  contempler  la  nature  universelle  et  ce  qui 
arrive  suivant  ses  lois. 

27 

Trois  relations  '\  :  l'une  avec  le  vase  corporel  qui  nous  en- 
toure^, l'autre  avec  la  cause  divine  d'où  vient  tout  ce  qui 
arrive  à  tous,  la  troisième  avec  ceux  qui  vivent  en  même 
temps  que  nous. 

i.  [Couat:  «  Rappelle-toi  donc  que  le  composé  dont  tu  es  fait  devra  se  disperser; 
ton  souille  devra  s'éteindre...  »  —  Ni  M.  Couat,  ni  Pierron,  ni  Barthélemy-Saint-Hilaire, 
ni  If.  Michaut  ne  se  sont  avisés  que  les  conjonctions  rjxoi...  r(...  marquaient  une 
alternative.  La  première  hypothèse  qu'envisage  Marc-Aurèle  est  l'hypothèse  ato- 
miste  ;  le  mot  <nteôa<xÔYJvat  en  rend  témoignage  {ci  supra  p.  6o,  note  6);  les  deux 
suivantes  (tosti:  et  |*eTàaTaaiÇ,  cf.  IV,  21,  irr  et  dernière  notes)  sont  des  théories 
stoïciennes.  On  remarquera  que  le  mot  irveu|ià*ctov  désigne  ici  à  la  fois  l'âme  et  le 
souffle  vital  (cf.  p.   102,  note  4).] 

2.  [Couat  :  «  les  impulsions  des  sens.  »  —  Cf.  supra  V,  26,  et  les  notes.] 

3.  [Couat:  a  de  discerner  les  idées  plausibles.»—  IliOavo;  n'est  pas  àÀr/Jr,;  ;  et  il 
y  a  loin  encore  de  l'idée  «  plausible»  à  l'idée  sure.  On  peut  ajouter  qu'il  n'y  a  nulle 
peine  à  discerner  les  idées  plausibles;  qu'au  contraire  tout  le  mérite  —  et  toute  la 
joie  —  est  à  les  éclaircir  et  à  éviter  d'en  être  la  dupe.  Ne  sont-ce  pas  précisément  1« >s 
vraisemblances  qui  nous  trompent i ? 

Dans  la  version  de  M.  Couat,  «  plausible»  signifie  presque  a  certain  »;  c'est  l'équi- 
valent des  mots  «digne  de  confiance»  ou  de  ((créance»,  qu'ont  écrits  les  autres 
traducteurs  français.  «  Plausible»  est  donc  ambigu,  tant  que  le  tour  de  la  phrase  ne 
permet  pas  de  comprendre:  «plausible,  mais  seulement  plausible  ;  plausible,  mais 
non  assuré.»  Il  n'en  est  pas  ainsi  de  rciOavo;.  L'usage  constant  de  Marc-Aurèle, 
l'usage  ordinaire  des  autres  auteurs  grecs  a  fixé  le  sens  de  ce  mot.  Dans  les  Pensées, 
il  est  toujours  possible  d'entendre  par  Savoir,;  (IV,  12)  une  ((conviction  »  —  mais 
non  une  certitude  absolue  —  qui  nous  détermine  de  bonne  foi,  quand  il  n'est  pas 
nécessaire  de  reconnaître  que  ce  nom  ou  l'adjectif  correspondant  ne  désigne  que  la 
«  vraisemblance  »  (VIII,  3i>),  et  même  la  vraisemblance  qui  nous  abuse  (III,  2,  fin  :  o-j 
iriOavév,  invraisemblable,  et  pourtant  vrai;  V,  6,  fin:  XoyiXTJ  tivi  7r:fJavo7r(7'.  Tzxoôi.y  z<jHxi. 
èlre  dupe  d'une  vraisemblance  logique).] 

\.  [Couat  :  «Trois  manières  d'être:  l'une  avec  le  corps  ...»  —  Cf.  supra  VI,  38,  1"  note.  | 
~>.  Trpb;  xo  xîrtov  xo  icsptxesf&svoV'  Gataker  a  conservé  le  mot  afetov,  qui  n'a  ici 
aucun  sens,  et  qui  ferait  double  empl  >i  avec  xix''av,  qui  vient  plus  loin.  On  a  corrigé 
otÎTtov  en  àyyôlov  (Walkenaer)  et  T^ixâx'.ov  (Corai).  Cette  dernière  correction  me 
parait  la  meilleure.  —  |  Les  deux,  d'ailleurs,  donnent  à  peu  près  le  même  sens, 
puisque  Marc-Aurèle  désigne  volontiers  (III,  $;  \,  38;  XII,  2)  le  corps  par  àyyeîov  ou 
KYYEtcitôeç  iceptxet(&evov.  J'ai,  pour  ma  part,  préféré  la  conjecture  de  Walkenaer,  en 
raison  de  la  ressemblance  graphique  des  mots  AIT  El  ON  (peut-être  écrit,  par  iotacisme, 
MTION)  et  A1TION.  —  Cf.  Polak,  In  M.  Antonini  Commentarios,  Hermès  XXI,  p.  33 1  .J 


i-i  ssi'i  s    in:    m  i  i  i  i  i 

(  )u    |a  dOllleUI    e    '   uii   m. il   pom    le   rurp       i-l    i  lui   <|.     I 

proclamer  '  ;  ou  elle  en  es)  un  poui  l'im<    Mal    I  ime  a  le  pou 
\  oir  de  conserver    b    érénil    el    on  i  aime  en  m  m\  pi 

que  ta  douleur  es!  un  mal  En  effet,  toul  jugement,  toute 
tendance,  i < >i  1 1  désir,  toute  aversion  «  I  en  nou  tin  I  il  ne 
peul  venir  du  dehors  jusqu  à  noua  aucun  mal 

29 

Bfface  les  idées  qui  se  présentent  •>  toi,  en  le  disant  ani 
cesse:  il  dépend  de  moi  que  mon  Ame  n'ail  ni  méchanceté, 
ni  désir,  ni  rien  qui  la  trouble.  Je  n'ai  qu'à  considérer  toute 
chose  en  elle  même,  et  à  faire  de  chacune  le  cas  qu'elle  mérite. 
Rappelle  loi  que  1  « t  nature  t'a  donne  ce  pouvoir. 

30 

Si  lu  adresses  la  parole  au  Sénat  ou  à  qui  que  ce  soit,  Fais  le 
avec  modestie  el  netteté**,  parle  un  langage  Bain. 

31 

La  cour  d'Auguste,  sa  femme,    sa  fille,  ses   petits   Bis,  ses 

descendants,  sa  sœur,  VgHppa,  ses  parents,  ses  proche-. 
ses  amis,  Aréosî,  Mécène,  ses  médecins,  ses  sacrificateurs, 
enfin  tout  ce  qui  composait  cette  cour  est  mort.  Considérant 
maintenant  •">  d'autres  groupes,  par  exemple  celui  des  Pom 
péiens,  pense  non  à  chaque  mort  individuelle,  mais  à  l'ins 
cription  qu'on  lit  sur  les  tombeaux:  le  dernier  de  sa  race: 
réfléchis  aux  efforts  qu'ont  faits  ceux  qui  venaient  avant  ceux-ci 

i.  [Cf.  supra  Vil,  iV,  VII,  16;  VII,  33,  etc.  | 
•>.  [Cf.  supra  V,  19,  et  la  note,  rectifiée  aux  Addenda,] 

3.  Il  m'est  impossible  de  comprendre   cette   phrase  en  conservant   la    1 
7T£piTpâvo);.    Ce  mot   signifie  clairement,  et  il  e>t   inadmissible  que    Marc-Aurèle    se 
recommande  à  lui-même  de  ne  pas  parler  avec  clarté.  En  admettant  même  que 
7iîptTpàvco;  signifie  parfois  «  avec  une  élégance  affectée  »,  et  que  ce  mot  soit  opposé  à 
ùyist  Xôyto,  la  construction  grecque  exigerait  vyiû  5é.  Le  plus  simple  est  donc  Je 
supprimer  la  négation  jxr,,  où  est  toute  la  difficulté,  et  de  la  remplacer  par  /.a.. 
!\.  [Le  philosophe  d'Auguste  (Sénèque,  ad  Marciam.  '»,  sqq).J 
5.  elxa  £7u6t...  IIo(im)iwv.  Il  manque  probablement  quelque  chose  à  cette  ph 
dont  le  sens  se  devine,  mais  dont  la  construction  est  incorrecte. 


i;<>  MBLI0THSQU1     DES    immk-iii's    m     midi 

pour  laisser  un  successeur  :  et  qu'il  tau!,  malgré  tout,  que 
quelqu'un  soil  le  dernier,  \insi  tu  en  arriveras  à  considérer  la 
mort  de  toute   une   race 

32 
Arrangeons  notre  \ie  action  par  action,  satisfaits  si  chacune 
produit  tout  ce  qu'elle  peut.  Or,  nul  ne  peut  nous  empêcher 
de  le  lui  faire  produire.  —  Mais  quelque  obstacle  extérieur 
m'arrêtera.  —  Il  n'en  est  point  pour  la  justice,  la  tempérance, 
la  raison.  —  Mais  peut-être  que  mon  activité,  sur  d'autres 
points,  sera  entravée.  —  Par  ta  résignation  à  l'obstacle  même, 
par  la  douceur  avec  laquelle  tu  te  plies  aux  circonstances 
données,  immédiatement  tu  engages  une  autre  action  qui 
s'accorde  avec  cet  arrangement  de  la  vie  dont  je  parlais1. 

33 

Recevoir  sans  orgueil,  quitter  avec  détachement. 

34 
As-tu  vu  quelquefois  une  main  ou  un  pied  coupé,  une  tête 
tranchée,  gisant  loin  du  reste  du  corps?  Tel  est  l'état  dans 
lequel  se  met,  autant  qu'il  est  en  lui,  celui  qui  repousse  ce  qui 
lui  arrive,  qui  se  retranche  du  monde,  ou  qui  commet  un 
acte  contraire  à  la  solidarité.  Tu  t'es  rejeté  hors  de  l'unité 
voulue  par  la  nature,  car  tu  n'étais  qu'une  partie2,  et  voilà 
que  tu  t'es  retranché  du  tout.  Mais  voici  qui  est  admirable  : 
il  test  possible  de  rentrer  dans  cette  unité.  Dieu  n'a  permis 
à  aucune  autre  partie,  séparée  et  retranchée  du  tout,  de  s'y 
rajuster  de  nouveau.  Vois  donc  quelle  bonté,  quels  égards  il  a 
eus  pour  3  l'homme.  Il  a  fait  dépendre  de  lui  d'abord  de  ne  pas 
se  séparer  du  tout;  une  fois  séparé,  il  lui  a  permis '»  de  revenir 
s'y  souder  et  y  reprendre  sa  place  à  côté  des  autres  parties. 

i.  [Cf.  supra  IV,  i.j 

a.  Iftsqpuxeic  yap  uipoç.  J'ai  conservé  le  mot  {jlsoo;,  qui  est  répété  plusieurs  fois 
dans  ce  morceau.  Peut-être  \lï1o;  vaudrait -il  mieux;  d'ailleurs,  les  mots  [xsXo;  et 
|iipo;,  employés  tour  à  tour  par  Marc-Aurèle  dans  des  pensées  analogues,  ont  le 
même  sens.  —  [Cf.  supra  IV,  1/4  :  IwicéaTTQÇ  w;  fjiÉpo;.] 

3.  [Couat  :  «  quelle  bonté  il  a  témoignée  à  l'homme.  »  —  C'est  Ttxiw*t  que  je 
traduis  par  «  quels  égards  ».] 

A.  [Couat:  «Il  a  fait  dépendre  de  lui  que  l'extrémité  (?)  ne  fût  pas  séparée  du 
tout,  et  qu'après  en  avoir  été  détachée  elle  put  revenir...  »} 


PI    Itl   I         M      M\ll'      M   i'.l  I  I  I-  I 

35 

La  M.ihur  universelle1  i  donné  ••  chaque  être  do 
ses  diverses  facultés;  entre  autres,  nom  en  avon    reçu  celle 
que  soici.  De  même  qu'elle  accommode  el  range  t  la  de  lii 
pour  <in  faire  une  partie  d'elle  même]  loul  <  e  qu  elle  lrouv( 
^;i  route  «i  loul  oe  «pii  lui  r<  de  même  I  être  rai  onnable 

peut    iiliiv   de    loul    Obstacle    une    malirrr     i       i    J)i«.|)i'    ii<  lion 

s'en  servir  l,  quel  »|u';iii  été  son  premier  dessein. 

36 

\c  le  trouble  pas  en  te  représentant  l'ensemble  <i<"  la  rie 
Ne  considère  pas  combien  <lr  peines  et  combien  lourdes  le  soi 
viendront ^  probablement;  mais,  à  propos  de  chacun  des 
Déments  présents,  demande- toi  :  Qu'j  a  t  il  d'insupportable, 
[d'intolérable]  dans  ce  que  je  lais!»  Tu  rougiras  de  le  confei 

i.  âeicso  tî;  tl'ù -x;...  ^i:;.  Cette  première  phrtM  esl  tout  à  f;«it  Incorrecte  et  sûre- 
ment altérée,  i  n  des  manuscrits  donne  biofory  au  Ueu  de  ExawToç.  n  lemble,  en 
qu'il  convienne  de  lire  txàoru  et  d'ajouter  ou  detubatituer  à  un  autre  mol  le 
dont  aûenc  est  Le  sujet  Les  mots  9y,s8ôv  otov  ne  sont  pas  U  i  à  leur  i 
plique  pas  cette  restriction.  C'est  bien  à  t«»uv  les  êtres  que  la  nature  •«  donné  leun 
facultés.  11  faut  donc  substituer  à  ces  deui  mot>  Le  verbe,  quel  qu'il  >oit,  signifiant 
donner,  distribuer,  qui  a  pour  sujet  pfaiç. 

Les  mots  i|  tô>v  Xoyixûv  aû*i<  doivent  aussi  être  changés  en  r,  t«J\ 
expression  familière  à  Marc- Aurèle ;  r«fr  Xoycxûv,  qui  se  trouve  1  l<«  ligne  précédente, 
est  répété  ici  par  erreur. 

|  Le  verbe  que  réclame  M.  Couat  el  qui  doit,  autant  que  possible,  ressembler 
phiquement  à  EXEAONOXON,  n'est  malheureusement  pas  aisé  i  trom  ubon 

avail  voulu  lire  E£KEAA£EN;  mais  ce  mot,  dont  le  sens  est  -i  nel  (cf.  supra  p 
note  S),  n'indiquerait-il  pas  une  répartition  arbitraire  des  dons  de  la  nature,  faite 
parle  hasarde!  non  par  la  Providence?  J'aimerais  mieux  Lire  EXOPIimiEN,  qui 
compte  autant  de  lettres  que  EXEAONOION,  et  nous  présente  les  mêmes  aux  m 
plaees  (X,  £,  N,  sans  compter  l'initiale:  entre  un  I  et  un  E  Lunaires  la  ditférence  est, 
en  effet,  imperceptible).  Ma  conjecture  ne  suppose  guère,  en  somme,  qu'une  seule 
grosse  tache  ou  un  gros  trou  dans  L'archétype,  à  la  place  des  einq  lettre-  médianes 
du  mot.] 

a.  [Couat  :  «  tout  accident  et  toute  contrariété.  »  —  Cf.  supra  VI,  42. J 

3.  [Cf.  IV,  1,  et  VIII,  3?.  Ainsi,  pour  les  Stoïciens,  non  seulement  la  souffre 
n'est   pas   un    mal,    mais   c'est   pour   le   sage   une   chance   heureuse,   une   occa>ion 
d'éprouver  et  d'exercer  sa  vertu  et  d'acquérir  ainsi  le  bien  véritable,  en  suivant  les 
voies  mêmes  de  Dieu.] 

4.  [Couat:  «et  l'utiliser  pour  le  but,  quel  qu'il  soit,  qu'il  poursuit.  »  —  Ce 
peut-il  traduire  l'aoriste  »v  (opur.ffs?  En  changeant  d'action,  n'avons-nous  pas  changé 
de  but?  ou  bien  si  notre  but  a  toujours  été  et  est  encore  d'agir  bien,  sans  nous 
préoccuper  de  la  matière  de  notre  action  (VI,  5o),  que  signifieraient  ici  ces  mots: 
«  quel  qu'il  soit,  »  appliqués  au  but?  —  Je  ne  vois  pas  d'autre  interprétation  possible 
de  ce  passage  que  celle  de  M.  Michaut.] 

5.  s7iiv=v£v>(7Ôat.  Bien  que  ce  parfait  puisse,  à  la  rigueur,  s'expliquer  comme  un 
futur  antérieur,  le  futur  serait  plus  correct  et  plus  clair:  j'ai  traduit  comme  s'il  y 
avait  ÈTTiysvTrdîcrOa'.,  adopté  par  Gataker. 


l~2  B1BLIOTHEQU1    DBfl    I  M\l  KSITKS    hl     midi 

Kappellc-toi  ensuite  que  ni  l'avenir  ni  le  passé  ne  pèsent  sur 
loi,  mais  seulement  le  présent.  Or,  il  se  rapetisse  de  plus  en 
plus,  si  tu  le  réduis  à  s;i  vraie  mesure,  et  si  tu  lais  honte  ;i  ta 
pensée  de  ne  pouvoir  résister  à  ce  rien1. 


37 

Est-ce  que  Panthée  OU  Pergame  sont  encore  maintenant  assis 
auprès  du  tombeau  d<i  Vérus*?  Et  Chéréas3  ou  Diotime 
auprès  de  celui  d'Hadrien?  Supposition  ridicule.  Eh  quoi? 
S'ils  y  étaient  assis,  leurs  maîtres  s'en  apercevraient  ils?  Et  s'ils 
s'en  apercevaient,  en  éprouveraient  ils  du  plaisir?  Et  s'ils  en 
éprouvaient  du  plaisir,  les  autres 4  seraient- ils  immortels? 
N'était-il  pas  prévu  d'abord  par  le  destin  qu'à  leur  tour  ils 
deviendraient  l'une  une  vieille  femme,  l'autre  un  vieillard,  et 
qu'ensuite  ils  mourraient?  Que  devaient  donc  devenir  les 
maîtres  après  la  mort  des  serviteurs?  Ordure  que  tout  cela,  et 
pourriture  dans  un  sac. 

38 

Si  tu  as  la  vue  perçante,  tâche  d'avoir  dans  tes  jugements 
les  yeux  les  plus  clairvoyants  •>. 

i.   [Cf.  supra  II,  i',.| 

2.  Le  nom  de  Vérus  a  été  restitué  par  Saumaise.  [Nous  avons  déjà  rencontré  un  peu 
plus  haut  (VIII,  25)  le  nom  de  Vérus  à  côté  de  celui  de  Diotime.  Pergame  était  un  des 
affranchis  du  premier;  Panthée,  son  affranchie  et  sa  maîtresse.  C'est  elle  qu'a  célébrée 
Lucien  dans  les  Portraits.] 

3,  Au  lieu  de  Xaupfaç  ou  Xa6pta:,  j'ai  adopté  la  leçon  Xcupéa;,  proposée  par  Reiske. 
[Ghéréas  ou  Chabrias  nous  est  d'ailleurs  inconnu.] 

'\.  [Couat  :  «  s'ils  en  éprouvaient  du  plaisir,  seraient-ils  pour  cela  immortels? ►>  —  et. 
à  la  ligne  suivante  :  «  qu'à  leur  tour  les  affranchis  deviendraient...» —  En  grec  :  ËpeXXov 
outoi  àGâvaxo:  eïvai;  oO  y.  ai  toutou  ç...  M.  Couat,  qui  a  rigoureusement  traduit 
toutou;,  et,  à  lavant-dernière  phrase,  exeîvoi  et  tojtwv,  semble  n'avoir  pas  aperçu  le 
premier  pronom,  ouroi.  Peut-être  aussi  l'a-t-il  supprimé  délibérément,  en  considérant 
qu'ici  comme  en  d'autres  passages  (cf.  surtout  IV,  21)  Marc- AurMe  professait  la 
doctrine  de  la  survivance  temporaire  des  âmes.  Cette  correction,  si  c'en  est  une,  serait, 
d'ailleurs,  assez  arbitraire;  et  je  me  demande  si  la  suite  des  phrases  n'est  pas  beau- 
coup plus  naturelle  dans  le  texte  non  corrigé.  —  Par  les  mots:  «■  les  autres  seraient- 
ils  immortels:1))  entendez:  «  le^  autres  pourraient-ils  éternellement  rester  près  du 
tombeau  du  maître?  et  le  plaisir  de  celui-ci  éternellement  durer  ?  »] 

5.  Le  texte  de  cette  phrase  est  inintelligible.  Depuis  Saumaise  jusqu'à  Reiske,  bien 
des  corrections  ont  été  proposées.  L'altération  du  texte  se  trouve,  à  mon  avis,  dans  les 
deux  derniers  mots.  Je  ne  crois  pas  que  xpi'vwv  soit  altéré;  l'auteur  semble  avoir 
opposé  ici  le  regard  des  yeux  à  celui  de  la  pensée.  Pour  obtenir  ce  sens,  il  suffirait  de 
corriger  çr(<r:.  Reijriœ  a  proposé  çpeart*,  j'aimerai  mieux  ojjLfxaai.  Platon  a  employé 
l'expression  ou.ua  'VJ7/.î  dans  la  République  (533,  D):  j'écrirais  donc  ojjLuaTi  TOSooTaToi;. 


Il    s      I    I  |)|        MM-  \  I    III    I   I 

39 

Je  ne  i <>"    dan    la    i m  titution  de  l'élu    i •»•  i mnabl  inc 

vertu  conti  aire  ï  ta  ju  I i(  «•    mal    l'en  roi    un<   contraii  t  an 

plaisir,   l,i   Irinpri  ,hm  <• 

40 

Supprime  ton  jugement1  au  si^jel  de  ce  qui  te  semble  pënibl 
el  tu  ei  parfaitement  à  l'abri.      Oui,  tu  '      La  mi  «on         M 
je  ne  suis  pas  raison  '        Soit.  Que  ta  raison  donc  ne     ufTl 
paa  elle  même.  Mais  s'il  \  a  quelque  autre  ch         n  toi  qui 
souffre,  laisse  l'en  juger  pour  ion  propre  compte 

41 

Ce  qui  fail  obstacle  à  la  sensation  esl  un  mal  pour  la  nature 
animale.  Ce  qui  foil  obstacle  à  la  tendance  esl  également  un 
mal  pour  la  nature  animale.  El  il  >  a  de  même  dea  obstaclea 
qui  Boni  des  maux  pour  la  constitution  de  la  plante 4,  Par 
conséquent,  ce  qui  Fait  obstacle  à  la  raison  es!  un  mal  pour  la 
nature  raisonnable,  \pplique  toi  toute-  ces  observations.  La 
douleur  ou  le  plaisir  t'atteignent* ils 5?  C'est  à  la   sensation 6 

i .  [Cf.  supra  l\ ,  7.] 

■2.  [L'objection  sérail  plus  forte  si  l'on  ajoutait  Ici,  devant  «  raison  .  un  seul  mol  : 
«  uniquement  »  —  Cf,  XI,  so,  note  finale.  ] 

3.  [cr.  supra  vu.  r,,  16,  33;  VIII,  a8;  infra  VIII,  fci,  ',;.  \ll.  1.  etc.  -  La  pei 
suivante  est  le  développement  de  celle-ci.  j 

'».  |  Var.  :  «  Et  il  y  a  tle  même  d'autres  obstacles  et  d'autres  maui  p  mr  toute  1 
nisation  naturelle.  >>  —  Celle  version  (la  seconde)  est  justifiée  par  la  note  suivant 

«Toutes  les  éditions  donnent,  avec  la  plupart  des  manuscrits,  x-.y. 

'jxsvV,;.  Le  manuscrit  A  donne  puem-qç.  Je  préfère  cette  leçon.  On  ne  voit  pas  pourquoi, 
après  avoir  parlé  de  la  nature  des  animaux.  Ifarc-Aurèle  parlerait  de  celle  des  plantée, 
pour  passer  ensuite  à  celle  de  l'intelligence.  La  phrase  s'en  Si*  n  SXàoxtX.  me  parait 
avoir  un  sens  général  et  s'appliquer  à  toute  organisation  naturelle.  Autrement,  il  y 
aurait  çutixtjç  s^rtzioç,  comme  ^toTixr,;  pwrewç.  » 

Les  mots  puetc  («nature»)  et  xarrounieuY)  («constitution  »)  étant  à  peu  près  syno- 
nymes (supra  VI,  V'j,  \*  note),  on  s  explique  que  le  premier  Je  ces  noms  soit  remplacé 
à  côté  d'un  adjectif  île  même  racine  que  lui  (çunx^|  puei<  |  par  le  second  ;  en  revanche. 
on  ne  saurait  admettre  l'expression  puerai  xorraexaui)  («constitution  naturelle 
t'ait  en  grec  un  pléonasme  intolérable.  Ce  serait  se  payer  de  mots  que  prétendre  la 
traduire  littéralement  en  français  par  n  constitution  physique  ». 

Je  suis  donc  revenu  à  la  première  version  de  M.  Couat.  tout  en  m'étounant 
lui  que  Marc-Aurèle  ait  nommé  la  nature  de  la  plante  entre  celle  de  l'animal  et  celle 
de  l'être  raisonnable.] 

5.  [Nous  savons  qu'ils  ne  sauraient  «  toucher  »  ou  «  atteindre  >»  l'âme.  —  Cf.  supra 
IV,  3,  avant-dernière  note;  Y.  19,  et  la  note  rectifiée  aux  Addenda.] 

6.  [C'est-à-dire  au  corps.  —  Cf.,  d'une  part.  p.  43,  note  8.  et  97,  note  5;  d'autre 
part,  l'article  précèdent  et  les  pensées  analogues  citées  à  la  dernière  note.] 


,-',  BIBLIOTHiEQU]     DE8    DTIITEliSITÉS    i>l     MIDI 

d'y  pourvoir.  Quelque  chosç  a -i  il  Bail  obstacle  a  la  tendance? 
Si  tu1  ne  l'as  point  soumise  ii  certaines  réserves,  c'est  cela  ' 
d'abord  qui  est  Un  mal  pour  L'être  raisonnable.  Mais  si  lu 
regardes  comme  indifférente  une  aventure  commune-'*,  tu  n'as 
pas  encore  souffert  de  dommage,  tu  n'as  pas  rencontré  d'oba 
tacle.  Les  opérations  propres  à  ta  raison  ne  sont  ordinaire- 
ment i  entravées  que  par  toi  seul,  car  ni  le  feu.  ni  le 
fer,  ni  un  tyran,  ni  une  calomnie,  ni  rien  ne  peut  l'atteindre. 
Quand  la  sphère  est  achevée,  elle  demeure  ronde  ;. 

42 

Je  ne  mérite  pas  de  me  faire  de  la  peine  à  moi  même,  car 
jamais  je  n'en  ai  fait  volontairement  à  autrui. 

43 

\  chacun  ses  joies.  La  mienne  est  de  tenir  mon  principe 
dirigeant  en  bonne  santé,  de  ne  me  détourner  d'aucun  homme 
ni  de  rien  de  ce  qui  arrive  aux  hommes,  de  regarder  et  d'ac 
cueillir  toute  chose  avec  des  yeux  bienveillants,  et  d'en  user 
selon  ce  qu'elle  vaut. 

i.  [Théorie  de  L'uireÇaCpeotc.  —  Cf.  supra  IV,  i  ;  V,  20;  \  I.  .">•.;  \  111,  35.] 

2.  [Gouat  :  «  voilà  d'abord  un  mal.  »  —  J'ai  tenu  à  affirmer  le  sens  de  jj&q  £  :,  et 
non  rfir,  u  ;,  que  donnent  les  manuscrits,  et  qui  ne  s'explique  pas.  Si  Ton  adopte  la 
correction,  fort  plausible,  de  Coraï  (loîo>:),  on  traduira  :  «  C'est  cela  précisément  qui  est 
un  mal...  »] 

3.  [La  leçon  traditionnelle  (to  xotvcw  Xafi6dtvetc)  est  inadmissible;  on  n'a  pu  la 
traduire  sans  forcer  le  sens  des  mots  (Michaut  :  «  si  tu  acceptes  le  sort  commun  »), 
OU  Bans  ajouter  au  texte  dans  la  proposition  suivante  (Barthélemy-Saint-Hilaire  :  «  <i 
tu  subis  le  sort  commun,  tu  n'as  pas  le  droit  de  dire  que...  »);  il  doit  y  avoir  là  une 
lacune  à  combler.  La  traduction  de  M.  Couat  indique  assez  qu'il  l'avait  aperçue.  On 
peut  lire,  en  n'ajoutant  que  six  lettres  entre  ro  et  xotvév:  roSÔ*  o>;  xt  xoivév,  qui  donne 
un  sens  très  clair;  c'est  la  conjecture  que  se  trouve  avoir  traduite  Pierron ;  la  plus 
simple  mais  aussi  la  plus  suspecte,  car  la  chute  de  ces  six  lettres  ne  peut  s'expliquer 
que  par  un  accident  matériel,  tache  ou  déchirure,  qui  eut  nécessairement  attiré 
l'attention  du  copiste;  le  vide  eût  donc  été  comblé,  bien  ou  mal.  Il  est  plus  vraisem- 
blable que  l'erreur  est  imputable  au  scribe  lui-même,  et  qu'il  manque  ici  soit  un 
mot  omis  par  étourderie  et  dont  Le  précédent  aura  pris  la  finale  (par  exemple, 
ooxîî;  après  Xotuâaveiv),  soit  plutôt  toute  une  Ligne  commençant  ou  finissant  dans 
l'archétype  par  le  même  groupe  de  lettres  que  la  précédente.  Par  exemple  :  z\  oï  tô 
y.otvbv  [70Î;  te  àyaOoi;  y.  ai  toi:  y.axol:  &»(  n  àoià?opov]  Xa(l6àveiç...  C'est  une  phrase 
analogue  qui  e^t  traduite  ci -dessus.  —  Si  l'on  préfère  lire  st  oï  to  y.oivbv  >>aii.6dc/£'.v 
Soxâç,  on  traduira:  «  mais  si  tu  t<-  dis  que  tu  subis  (?)  le  sort  commun.»] 

'1.  [Par  le  mot  stwftev,  Marc-Aurèle  a  dû  réserver  le  cas  de  maladie,  de  a  icil  i 
ou  de  folie.] 

[Voir  à  la  pensée  MI,  3,  le  vers  d'Empédocle  auquel  sont  empruntés  ces  mot*, 
et  Le  commentaire  qu'en  donne  Marc-Aurèle  lui-même.] 


l'I    N    >l    I  M  M    Ut'  S   t     11  I    I    I 

44 

\  oia  .•   ne  I  &<  «  01  dei  i  loi  menu]  que  le  pi ésenl    (  eu i 
préfèrent  la  gloire   posthume   ne  t'avl  entpa    qu<   l<     bommc 
;i  \  «m i i i   seronl  pareili  1  oeui  d'Ai^jourd'hui,  qu'ih  on)  de  le 
peine  ;i  suppoi  'ter  ;  <tu\    Ii  .m    i   iero  ni   morteli    (  |ue  tfim- 

pOrtenl   donc   ni  (Irlinilixr    le-  rchos    <tr    leur   \«.i\    ou    I  <i|hhi<mi 

qu'ils  peuvent  ;i\<>ir  de  loi  ' 

45 
Prends  moi,  jette  moi  où  tu  voudras!  IÀ  aussi  mon  génie 
conservera   sa  sérénité;  je  veux  dire  qu'il  se  contentera  d  être 
el  d'agir  d'accord  .née  la  loi  de  sa  propre  constitution 

45*, 

Ceci  vaut  il  donc  la  peine  que  mon  âme  soil  en  mauvais 
état,  inférieure  à  elle  même,  rapetissée,  troublée,  pleine  de 
désira  el  de  craintes 3?  Trouveras  tu  même  quelque  chose  qui 
vaille  ce  prix? 

46 

A  aucun  homme  il  ue  peut  rien  arriver  qui  ne  soil  un  événe 
ment  humain:  ni  à  un  bœuf  rien  qui  ne  soit  fait  pour  un 
bœuf;  ni  à  une  vigne  rien  qui  ne  soit  propre  à  une  vigne;  ni  à 
une  pierre  rien  qui  ne  soit  fait  pour  une  pierre.  Si  donc  il 
n'arrive  à  tout  être  que  des  événements  habituels  et  naturels. 
pourquoi  t'indigner?  Car  la  nature  universelle  ne  te  destinait 
rien  d'insupportable 4. 

47 
Quand  lues  affligé  par  une  chose  extérieure  à  toi,  ce  n'es! 

pas  cette  chose  qui  te  pèse,  mais  ton  jugement   sur  elle.  Or, 

i.  [Gouat  :  «d'accord  avec  sa  propre  nature.  »  —  Cf.  supra  IV,  S,  el  la  noie,  el  I  I. 
m,  note  finale.] 

2.  Dans  le  manuscrit  A,  les  deux  paragraphes  forment  deux  pei  séec 
Elles  ne  me  paraissent,  en  effet,  avoir  aucun  rapport. 

3.  On  a  hésité  sur  le  sens  des  deux  participes  ffuvâuouiw]  et  ossyou?/.*.  Le  premier 
n'est  pas  grec,  et  c'est  avec  raison  que  Gataker  a  proposé  i:-//:  m  n  fré- 
quente  dans  Mare-Aurèlc.  Le  sens  de  opsvo'jLÉvr,  est  clair:  il  s'oppose  à  rrjpofiivi).  On 
sait  l'importance  qu*  les  Stoïciens  donnaient  dans  leur  morale  au  désir  et  à  la   peur. 

!\.  [Couat:  ((N'est-il  pas  vrai  que  la  nature  universelle  ne  t'a  rien  infligé  d'insup- 
portable?»— Marc-Aurèle  lui-même  a  détini  à  la  pensée  Y,  8,  l'imparfait  ïzizt.} 


I76  BfBLiOTUÈQUJ     DM    UNIVBESlTfifl    ni     midi 

il  tYsi   possible  de  l'effacer  immédiatement.  Que  si   la  cause 
de   ton  affliction  est  dans  la  disposition  intérieure,  qui  t'em 
pêche  de  rectifier  tes  principes1?  Si  enfin  lu  es  affligé  parce 
que  lu  n'accomplis  pas  tel  acte  (jui  te  paraît  bon.  pourquoi  ne 
l'accomplis -tu  pas  plutôt  que  de  l'affliger?  —  Mais  quelque 

chose  de  plus  Tort  que  moi  s'y  oppose.  —  Alors  ne  t'afflige 
point,  car  la  cause  de  ton  impuis>anee  ne  dépend  pas  de  toi. 
—  Mais  il  ne  vaut  pas  la  peine  de  vi\rc  si  je  ne  fois  pas 
cela.  —  Sors  donc  de  la  vie  sans  amertume,  ainsi  (pie  meurt 
celui  qui  accomplit  ce  qu'il  a  résolu,  el  sans  en  vouloir  à  ce 
qui  t'a  lait  obstacle  \ 

1.  [Cette  pensée  accuse  nettement  la  valeur  propre  du  mol  ooyua  parmi  tes  divers 
termes  par  lesquels  les  Stoïciens  désignent  le  «jugement».  Kp-.ua,  à  la  première 
phrase,  n'exprime  qu'un  jugement  particulier,  (pie  nous  portons  à  un  moment 
ilonné  sur  une  chose  donnée.  Le  dogme  est  un  jugement  fixe,  résultant  d'expériences 
antérieures,  el  promu  à  la  dignité  de  règle  de  conduite.  Non  seulement  notre  action. 
mais  la  «disposition»  dan^  laquelle  nous  agissons,  le  fond  même  de  notre  être 
moral  dépend  de  lui.  11  peut  d'ailleurs,  comme  tout  jugement,  être  redressé,  à  la 
suite  dune  expérience  nouvelle  qui  le  condamne. J 

3.  [Marc-Aurèle  n'a  consacré  à  la  mort  volontaire  que  de  rares  et  courts  passages 
de  ses  Pensées;  à  vrai  dire,  les  circonstances  de  sa  vie  —  qui  ne  pouvait  être  celle  d'un 
Caton  ou  d'un  Thraséas  —  ne  devaient  pas  lui  en  rendre  l'idée  bien  familière.  Même 
le  nom  stoïcien  du  suicide  (Èçaywyr,)  ne  se  rencontre  pas  dans  son  livre.  Malgré  tout, 
nous  pouvons  essayer  de  rassembler  son  témoignage  sur  la  question  et  le  confronter 
avec  la  doctrine  de  l'École. 

Toute  doctrine  stoïcienne  du  suicide  commence  par  affirmer  (pie  la  vie  et  la  mort 
sont  choses  indifférentes.  Il  s'agit  d'établir  que  l'acte  par  lequel  on  choisit  entre  elles 
ne  l'est  pas.  Toute  ou  presque  toute  la  théorie  intermédiaire  manque  dans  les 
Pensées.  Mais  on  y  trouvera  le  dogme  initial  et  la  conclusion.  L'un  est  nettement 
formulé  en  plusieurs  passages,  notamment  à  la  tin  de  l'article  II.  11,  et  au  milieu  de 
l'article  V,  29;  l'autre  est  impliquée  clan-  cette  affirmation  du  début  du  livre  III  que, 
pour  choisir  le  temps  de  «se  donner  congé»  (s^âys'.v  éotutov),  comme  pour  accomplir 
le  devoir  en  sa  perfection,  il  faut  «  une  raison  exercée  ». 

Marc-Aurèle  n'a  guère  considéré  que  deux  cas  possibles  de  mort  volontaire.  Il 
nous  indique  l'un  aux  articles  8  et  32  de  son  livre  X.  Là,  c'est  la  seule  crainte  d'une 
défaillance  qui  le  fait  penser  à  quitter  la  vie.  «  Sois  résolu  à  t'en  aller,  si  tu  perds  la 
vertu.  A  quoi  bon  vivre  sans  vertu?»  —  A  la  pensée  V,  29,  et  ici,  il  s'engage  à  partir 
si  un  obstacle  extérieur  empêche  l'action  qu'il  a  jugée  digne  de  lui  :  exercice  de  la 
raison  et  accomplissement  du  devoir,  surtout  du  devoir  de  solidarité.  Cette  fois,  le 
suicide  est  la  dernière  résistance  à  une  contrainte  immorale,  et  l'affranchissement. 

Ces  deux  cas  sont  contestables,  et  surtout  le  premier.  Si  la  mort,  qui  est  indiffé- 
rente, vaut  mieux  que  la  déchéance  morale,  qui  est  mauvaise,  quelque  chose  vaut 
mieux  que  la  mort,  c'est  la  vertu.  Le  suicide  par  crainte  de  défaillance  n'est  qu'une 
compromission;  c'est  déjà  une  défaillance.  Aussi,  Marc-Aurèle  ne  le  recommande-t-il 
que  comme  un  moindre  mal  à  défaut  du  bien.  —  Au  contraire,  il  n'est  pas  douteux 
qu'à  son  avis,  dans  les  circonstances  qu'il  suppose  ici  même,  la  mort  soit  le  meilleur 
et  le  seul  parti  à  prendre.  Il  ne  s'agit  d'ailleurs  pas  de  choisir  entre  un  bien  et  un 
mal,  ni  entre  une  chose  indifférente  et  un  bien  :  tout  comme  la  mort,  la  contrainte 
extérieure  que  nous  pouvons  subir  doit  nous  être,  semble-t-il,  indifférente,  puis- 
qu'elle n'affecte  que  notre  action,  non  notre  volonté,  et  qu'elle  peut  devenir  elle- 
même  (IV,  1)  une  matière  à  exercer  notre  vertu.  Mais  il  y  a  des  degrés  dans 
l'indifférence;  certaines  choses,  sans  être  bonnes,  sont  souhaitables (7rpor,y|xÉva  :  ef.  la 


Il    n     II  IM       M  \  l.i         \  I    l;  I   I   I 

48 

Souvient  toi  que  le  principe  dirigcanl  i    I  Invincil  ind 

il  se  replie  en  lui  même  el  v«    mfiil  '  .«  lui  même    quand  II  ne 

fa  il  pai  ce  qui  lui  déplatl .  même  |  >     u   n  '  >  '  i  m  ■    <  ■  • 

note  h   II  pen  éo  IV,  i;  ou 

.  i    /.  n-  i     /■/.  ni  \n  docdI 

,1,  ii i  faut  comptai  II  contraint  d'un  homtni  d(    bfc  n  qui   n  mplii 

l'acte  qu'il  Juge  utile  lui  hommes,  tu  nombre  d<     prem 
niir  belle  ni"i  i  I  Stoto  e,  I  lot  il.,  VII,  16) 

i ,  mol  ne  nous  trouvon    l<  I  mena  i  •  i  m  "  Il  ' 

mots  i  "■  "'    i" '  i  "•'  nt  le  iui<  Ide  •  omo 

pouvons  |  le  11  pen  la  llbei 

1,1  pure  doctrine  de  l'I  colc  (  >n  i<  i  spp<  Ile  l'<  loquen(  n 
de  la  Providence  (II,  9),  Sénèqw    1  1  iton  d  1  tlqu<        I  m  manu  latara  fié 

viam    lltud    faciei..    ;    liherhilrm,    <|ii.iin    |..i|m.m-  QOD  DOtult,  CltOOl  dftbit         Si  qu 

ohoêe  distingue  Ici  Sénèque  <i<-  Mari  •  turélt  .  ce  n'<  il  que  le  Ion  don!  il*  onl  exprime* 

les  mêmes  Idées,  >;ms  doute,  quand  je  Ht  I  li  pen  6e  V,  99:  «Il  3 

je  m'en  \.u«<  :  li  i»<-iir  affaire  '     Je  ne  croie  pat  que  oei  mole,  qui  l 

dédain  il'-  Is  mort,  déprécienl  en  < i l '* »'  que  ce  loil  II  mort  volontain     M        il  r-st 

certain  que,  pour  parier  du  luicide,  Marc  lurèle  ne  l'eel  jamaii  mis  en  ; 

Lhousiasme,  C'esl  peul   être  que  I»'  problème  «!«•  la  liberté  n'avail  pai  p  m   lui  le 

même  intérêt  dramatique  (cf.  infra  \l,  10,  note  1  i  r  1 .- 1 1  #  -  >  <ju<'  poui  d'auti 

C'esl  aussi  qu'il  n'a  jamais  eu  .'<  prévoir  pour  lui  même  i«-  lui  idi 

étail  pas  moins  homme  à  comprendre  !<•  m<>t  héroïque  du  chel  républicain  lorsqu'il 

eut  assuré  i«'  sorl  de  ses  amis  el  ie  Fui  fait  apporter  son  épée  :     Maintenant,  j< 

mon  maître.  0 

Mais  le  cas  de Gaton  <st  rare;  c'est  le  premier  qu'on  p  dans  ri 

quand  on  traite  du  suicide,  celui  sur  lequel  on  n'hésite  jamais.   Il  j  eut  ùa  -  maitree 
du  Portique  qui  se  donnèrenl  la  morl  à  la  Buite  d'accidents  tans  impoli 
avoir,  comme  Gaton,  une  grande  cause  à  honorer,  /('-non,  lui-même,  étant  vieux,  m 
pendit  pour  un  doigt  cassé.  Or,  les  stoïciens  ont  reconnu  légitime  et  raisonnable 
(E'j'Àoyo;  s^aywyr,)  le  suicide  de  leur  fondateur.  C'est  qu'ils  ont  estimé  que,  dans  sa 

sse,  leur  premier  maître  a\aii  compté  et  pesé  toutes  les  rai-nu-  contraire 
mourir  ou  de  demeurer;  ainsi  l'on  admettait  qu'il  avait  dû  considérer  l'impossibilité 
matérielle  de  continuer  à  remplir  tout  son  rôle  d'homme,  le  peu  de  jours  dont  il 
tenait  quitte  le  destin,  l'heureuse  occasion  qui  lui  était  offerte,  peut-être  la  den 
de  partir  librement,  la  vertu  qu'il  exerçait  en  renonçant  à  la  rie.  Mais  le  besoin  de 
fuir  la  douleur  physique  n'avait  certainement  été  pour  rien  dans  son  ge-te;  et  il 
n'avait  pas  du  s'arrêter  un  instant  à  l'idée  qu'en  devançant  l'heure  lixée  par  Dieu 
il  entreprenait  sur  sa  toute-puissance;  les  Stoïciens  ont  cru  (cf.  dans  Sénèque  le 
passage  du  De  Providentiel  cité  un  peu  plus  haut)  que  rien  ne  devait  plus  réjouir  les 
regards  de  Jupiter  qu'une  mort  vraiment  libre. 

On  ne  pouvait,  certes,  se  proposer  avec  la  même  assurance  l'exemple  de  Caton 
d'U  tique  et  celui  de  Zenon.  C'est  que,  les  motifs  qui  déterminèrent  celui-ci  étant 
beaucoup  moins  éclatants,  le  calcul  en  devait  être  beaucoup  plus  délicat;  mal  inter- 
prètes, ils  pouvaient  autoriser  des  morts  volontaires  qui  eussent  été  déjà  de?  LâcJ 
Pour  comprendre  absolument  le  suicide  philosophique  de  Zenon,  il  eût  fallu  pouvoil 
entrer  dans  son  àme.  Pour  essayer  seulement  de  le  comprendre,  et  pour  l'imiter, 
il  faut  une  liberté  d'esprit  et  une  assurance  de  jugement  singulières,  <  une  r 
exercée,  »  a  dit  Mare-Aurèle  (111,  1).  Ce  mot  ne  s'applique  évidemment  pas  au 
suicide  que  prévoit  la  présente  pensée.  11  faut  en  conclure  que  notre  auteur  admettait 
au?si  le  plus  curieux,  et,  si  l'on  peut  ainsi  dire,  le  plus  savant  des  suicides  stoïciens  : 
celui  auquel  on  se  résout  dans  les  circonstances  ies  plus  banales  par  de*  raison- 
justes  et  bien  déduites.] 

1.  [Cf.  VII,  28.] 

v.    GO  t  AT -P.    FOURNIE  H.  »  I 


i  'je  BIBLIOTHEQUE    DEà    UNIVERSITES    m     >tit>ï 

raison.  Qu'es!  ce  donc  quand  il  juge  les  choses  d'après  la 
raison  el  après  mûr  examen?  L'intelligence  libre  de  passions 
esl  une  acropole;  l'homme  n'a  rien  de  plus  solide  où  il  puisse 
se  réfugier  el  être  toujours  imprenable.  Celui  qui  n'a  pas  vu 
cela  est  ignorant;  celui  qui  Ta  vu  et  qui  ne  cherche  pas  ce 
refuge  esl  malheureux. 

49 

\c  le  dis  rien  de  plus  à  toi-même  que  ce  que  te  rapportent 
les  représentations  qui  s'offrent  d'abord  à  toi.  On  t'a  rapporté 
qu'un  tel  dit  du  mal  de  toi;  voilà  ce  qu'on  t'a  rapporté,  mais 
non  que  tu  en  es  blessé.  Tu  vois1  que  ton  petit  enfant  est 
malade.  Tu  le  vois;  mais  qu'il  soit  en  danger,  tu  ne  le  vois 
pas.  C'est  ainsi  qu'il  faut  t'en  tenir  à  tes  premières  représen- 
tations3 et  n'y  rien  ajouter  de  toi-même;  ainsi  il  n'y  a  rien  H. 
Ou  plutôt  ajoutes-y,  mais  en  homme  qui  a  l'expérience  de  ce 
qui  arrive  dans  l'univers. 

50 

Ce  concombre  est  amer.  —  Laisse-le.  —  Il  y  a  des  buissons 
sur  le  chemin.  —  Laisse-les;  cela  suffit.  Ne  dis  pas  en  outre  : 
pourquoi  de  pareilles  choses  existent-elles  dans  le  monde?  Tu 
prêterais  à  rire  à  un  naturaliste,  de  même  que  tu  prêterais 
à  rire  à  un  charpentier  et  à  un  cordonnier  si  tu  te  plaignais  de 
voir  dans  leur  atelier  des  copeaux  et  des  rognures  \.  Encore  ces 
ouvriers  ont-ils  où  jeter  ces  débris;  mais  la  nature  universelle 
n'a  rien  en  dehors  d'elle.  Ce  qu'il  y  a  d'admirable  dans  son 
art,  c'est  qu'enfermée  dans  les  limites  qu'elle  s'est  tracées,  elle 
transforme    en    elle-même •">    ce    qu'elle    contient  qui    semble 

i.  Le  texte  donne  $\ïtzm.  Cette  première  personne  ne  s'accorde  pas  avec  ce  qui 
précède.  La  seconde  personne,  proposée  par  Nauck,  parait  nécessaire. 

2.  [(loua!  :  «  impressions,  »  —  de  même  qu'à  la  première  phrase.] 

3.  [Conat:  «  alors  il  ne  t'arrivera  rien.  »  —  Même  traduction  chez  Pierron  et 
M.  Micliiut  du  présent  yiverai.  Si  la  catastrophe  doit  se  produire,  en  quoi  la  suspen- 
sion du  jugement  pourrait-elle' l'éviter?  —  Cf.  supra  IV,  7.] 

!\.  [Les  mots  tô>v  xara9XSuaÇo|iivc*v  sont  traduits  à  la  phrase  suivante  par  les  mot> 
«ces  ouvriers».  Littéralement:  «les  copeaux  et  les  rognures  de  leur  travail.  Encore 
ceux-ci...»  Nous  avons  déjà  vu  (VI,  4o)  le  verbe  xxtaoxeuâ(e?0at  appliqué  à  «un 
instrument,  un  outil,  un  ustensile  quelconque».] 

5.  [Couat  :  «  elle  transforme  en  son  sein  ce  qui  est  en  elle  et  qui  semble  dépérir.  » 
—  J'ai  voulu  traduire  etç  et  Ivdov.  Ce  qui  rend  ce  passage  difficile,  c'est  que  tout  ce 


M    S     II  >      l.l       M  UU        M    II   I  I 

dépérir,  i  lellllr  el  devenir  Inutile    I  >•■  tonl  «  ela  ell<    I  il 

choses  nom  elles,   pour  n.i\oii    besoin    ni  de   matière1    em 

pmntée  eu  debon   ni   d'un  rmlrnil  ou  jrln      ,,    |M,inMhji«      l-.lli- 

se  contente  de  l'espace  el  de  la  matière  qui  lui  appartiennent 

el  de  i  art  qui  lui  est  propi 

51 

Dans  tes  actea  point  d'indolence;  poinl  de  désordre  d  i 
entretiens;  tache  i<i  retrouver  parmi  tes  représentatio         que 
ion  (me  ne  soi!  pas  toute  contractée,  puis  toute  emportée  pai 

la  joie:   ne  t'embarrasse  pas  d'uiTaires  dans  la  de 

Ils  tuent,  ils  distribuent  la  chair  des  victime-,  il-  lancent 
malédictions.  Quel  rapport  >  a  t  il  entre  ces  actes  el  le  (ail  de 
conserver  ta  pensée  pure,  [raisonnable. I  modérée,  juste?  vi  an 
homme  se  tenant  près  d'une  source  claire  el  douce  l'invecti 

vait,  l'eau  appétissante  ne  cesserait  pas  pour  cela  <lc  jaillir  II 
aurait  beau  y  jeter  de  la  boue,  de  l'ordure,  elle  disperserait 
\  ite  ces  immondices  el  entraînerait  tout  sans  en  être  souillée. 
Comment  donc  te  procureras-tu  une  source  intarissable?  En 
conservants  à  toute  heure  de  ta  vie  ta  liberté,  en  restant 
bienveillant,  simple,  modeste*». 


que  s'assimile  la  nature  (dont  Mare-Aurèle  a  dû  comparer  l'œuvre  à  La  1  de* 

vivants)   faisait   déjà   partie  d'elle-même.    La  comparaison  est  donc    nécessairement 
inexacte.    Pour  faire   bien   comprendre    la   pensée   de    l'auteur,    il    faudrait   aj 
quelques  mots  à   son   texte,   ditv  par  exemple:   «La   nature  transforme  en   parties 
d'elle-même,  et  non  en  objets  distincts  d'elle,  des  matériaux  qu'elle  ne  tire  pas  d'ailleurs, 
mais  trouve  en  soi.  »] 

i.  [Gouat  :  «  substance.  »] 

3.  [Var.  :  «  ne  laisse  pas  vagabonder  tes  idées.  »] 

3.   [Gouat:   «ne  passe   pas   ta  vie   dans  les  affaires.  »  —  Je    n'ai  voulu    quY 
l'amphibologie.] 

\.  Otte  pensée  est,  dans  toutes  les  éditions,  rattachée  à  la  précédente,  avec  laquelle 
elle  n'a  aucun  rapport.  Cependant,  d'après  les  manuscrits  A  et  D,  elle  formerait  un 
article  isolé. 

5.  La  leçon  ordinaire  (Hst:  xa\  ur,  sssap;  pSov  ueaurtfv)  est  évidemment  inaccep- 
table. Il  faut  adopter  celle  des  manuscrits  A  et  D  :  ïli'.;\  *v  puXaettpc  vueutov,  qui  esl 
très  claire. 

6.  [On  ne  peut  guère  admettre  la  leçon  courante:  u.=-x  toO  eupavâç,  /.a:  à-Vtb:. 
y.a\  aiÔ7j|j.ovo);.  La  conjecture  de  Reiske  :  evjlsvoO:...  kicXoûç...  a:or,u.ovo:  est  très  claire: 
mais,  si  on  l'admet,  comment  expliquer  la  faute?] 


1H0  BIBU01  ni  <  »i  i     i»i  8   i  Mvrnsiiis   ix     midi 

52 

Celui  qui  ne  sait  pas  ce  qu'est  l'univers  ne  sait  pas  où  il  est. 
Celui  qui  ne  sait  pas  pour  quelle  fin  '  existe  l'univers  ne  sait  ni 
qui  il  est  ni  ce  qu'est  l'univers2.  Celui  qui  a  négligé  de  s'en- 
quérir dune  de  ces  choses  ne  pourrait  même  pas  3  dire  pour 
quelle  fin  il  existe  lui-même.  Que  penses-tu  donc  de  celui  qui 
fuit  [les  reproches  et  les  injures  ou  recherche'»  [les  éloges  et] 
les  applaudissements  d'hommes  qui  ne  savent  ni  où  ils  sont 
ni  ce  qu'ils  sont? 

53 

Tu  veux  être  loué  par  un  homme,  qui  se  maudit  lui-même 
trois  fois  dans  une  heure?  tu  veux  plaire  à  un  homme,  qui  ne 
se  plaît  pas  à  lui-même?  Peut-il,  en  effet,  se  plaire  à  lui-même, 
celui  qui  se  repent  de  presque  tout  ce  qu'il  fait? 

54 

Il  ne  faut  pas  seulement  s'unir  par  le  souffle  à  l'air  qui 
nous  enveloppe,  mais  aussi  par  la  pensée  à  l'intelligence  qui 
embrasse  tout  !  La  force  intelligente  n'est  pas  moins  répandue 

i.  Tipb;  o  n  7i£cp\jy.cv;  de  même  un  peu  plus  bas.  Si  l'on  maintient  ces  deux 
membres  de  phrase,  il  y  a  dans  le  raisonnement  une  tautologie.  Mais  le  pronom 
a-jxo:,  qui  se  trouve  seulement  dans  le  second  membre  de  phrase,  indique  que  dans  le 
premier  le  verbe  icéçuxev  doit  avoir  un  autre  sujet.  J'écrirais  donc  la  première  fois 
irpbt  o  -i  icéçuxcv  6  %6g\loç.  Le  raisonnement  de  Marc-Aurèle  est  le  suivant:  La 
connaissance  de  l'univers  est  la  condition  de  la  connaissance  de  nous-mêmes.  La 
plupart  des  hommes  n'ont  pas  cette  connaissance. 

■>.  [Et  par  conséquent:  ni  qui  il  est,  ni  où  il  est,  —  comme  il  va  être  dit  à  la 
dernière  phrase.] 

3.  [Il  est  nécessaire  de  restituer,  dans  le  texte  grec,  la  particule  av  devant  le  verbe 
Eiiroi.] 

'».  cpE\lyo)v  f,otov  n'a  aucun  sens.  La  correction  qui  se  présente  immédiatement 
à  l'esprit  est  peuywv  r,  ouo/.iov.  Cette  correction  est  la  meilleure  de  toutes.  Marc-Aurèle 
déclare  ici,  comme  il  l'a  fait  ailleurs  (XI,  n),  que  le  sage  ne  doit  s'occuper  de  la 
louange  des  hommes,  ni  pour  la  rechercher  ni  pour  la  fuir.  —  [A  la  pensée  XI,  u,  il 
n'est  nullement  question  de  la  louange  des  hommes.  Ici,  on  ne  comprendrait  pas 
«lue  Marc-Aurèle  nous  blâmât  de  la  fuir.  J'admets,  d'ailleurs,  la  correction  de  rçôiov 
en  y,  SuÂxuv:  elle  ne  suffit  pas;  il  faut  trouver  un  régime  à  çevywv  et  construire  la 
phrase  de  telle  sorte  que  rbv  Ë7iaivov  se  rattache  naturellement  à  5u&xwv  et  à  Su&xow 
Beul.  Gataker  avait  senti  cette  nécessité.  Il  avait  voulu  lire:  6  tcôv  xootojvtwv  r,  <{/ôyov 
ç>EU*f»v  r,  ëk&ivov  oiwxwv.  Sa  correction,  qui  ne  se  borne  pas  à  compléter  le  texte,  mais 
bouleverse  l'ordre  des  mots  et  en  fausse  le  sens  (twv  xporouvrwv  ne  peut  désigner 
ceux  qui  blâment),  est  malheureusement  arbitraire.  J'ai  supposé  la  chute  d'une  ligne 
'Mitre  deux  mots  identiques  et  restitué  :  6  [:ov  :ùv  y.axaoocovTwv  bôyos  rt]  xbv  :wv 
xpoTOUVTW  ETiaivov  çe>;'(ov  r,  Stwxcov.  Les  mots  que  j'ai  imprimés  ci-dessus  en  italiques 
correspondent  à  ceux  que  je  suppose  disparus  du  texte  grec.] 


ii  «si  i  -  di    m  tav     m  ni  i  » 

en  toul  i i<i i  el  n'« itl  pai  oioim  i  la  portée  <!••  i  bomra  ible 

de  se  l'assimiler  que  l'aérienne1  ••  Is  portée  elui  qui  p 

i.i  respirei 

55 

Tas  plus  que  le  irics  en  général  ne  Fait  de  mal  .«  i  unirai     k 
\k c  d'un  Individu  ne  peut  nuire  ■>  un  autre   il  ne  peul  nui 
m  effet,  qu'à  relui  ;i  qui  ;•  été  donné    !<•  p<»u\<)ii    <i 
délh rer  dès  qu'il  le  voudra 

56 
Le  libre  arbitre  ;  du  voisin  es)  indifférent  au  mien  comme 
respiration  et  sou  corps.  Car,  bien  que  nous  soyoni  précisé 
ment  ués  les  nus  pour  les  autres,  nos  principe-  dirigeants  ont 
pourtant  leur  autonomie  personnelle;  autrement  le  rice  du 
voisin  deviendrait  mon  propre  mal.  Dieu  ne  l'a  pas  voulu,  afin 

qu'il  ne  lut  au  pouvoir  d'aucun  autre  que  je  fusse  malheureux 

57 
Le   soleil  semble   se    répandre   partout,    et   il   est.    en    effet, 
répandu  partout,  mais  sans  s'écouler  '».  Cet  épanchement  est  le 
résultat  d'une  tension.    Vussi  donne-t  on  aux  rayons  du  soleil 

i.  |Couat:  «que  la  niasse  de  l'air.» — Il  n'y  i  nulle  raison  de  modifier  devant 
l'adjectif  qui  traduit  àsfxo&q;,  le  substantif  qu'on  a  écrit  devant  l'adjectif  qui  traduit 
vospà:  c'est  le  môme  en  grec.  Il  faut  interpréter  littéralement  cette  pensée;  elle  ne 
saurait  étonner  un  lecteur  accoutumé  au  matérialisme  <'l  au  dynamisme  stoïciens. 
D'une  part,  l'intelligence  ou  la  raison  est,  pour  afarc-Aurèle,  en  particulier,  an 
élément  distinct  des  quatre  traditionnels:  terre,  eau,  air  e(  feu  (snpTO  1\.  \.  noir 
finale;  VI,  17.  voir  la  note  complétée  aux  Addenda;  infra  IX.  9,  s"  note);  m  matière 
est  celle  même  de  l'éther,  ou  du  feu  «artiste»,  qui  est  à  l'extrémité  du  cercle  du 
monde,  et  qui  enveloppe  l'air  et  le  feu  moins  pur.  Nous  avons  tu  d'autre  part  (IV,  si, 
re  note,  reportée  à  V Appendice)  les  Stoïciens  repartir  en  deux  groupes  les  éléments 
éléments  actifs  —  l'âme  du  monde  —  el  éléments  inertes  —  le  corps  du  monde.  — 
L'air  est  déjà  un  élément  actif;  il  y  a  de  l'air  dans  notre  âme,  au  moins  dans  notre 
àme  animale.  C'est  cette  activité  qu'exprime  ici  le  mol  S-jvouuc-] 

3.  [Cf.  supra  Y,  23,  et  la  note,  rectifiée  aux  Addenda;  VII,  33,  et  la  note  finale.] 

3.  (Il  est  difficile  de  donner  de  to  icpogciperixcw  une  traduction  littérale.  Ce  noi 

un  de  ceux  (cf.  IV,  as,  lin  de  la  note)  par  lesquels  1  -  Stoïciens  < 01 1  désigné  le  prin- 
cipe dirigeant».  La  pensée  ci-dessus  nous  présente,  d'ailleurs,  KpooctpetCM 
r,y£u.ovixbv  comme  synonymes.  —  La  fonction  du  principe  dirigeant  que  les  Stoïciens 
nommaient  Tzpoxipzv.;  est  définie  par  Stobée  (Ecl  .  II,  i6&).  Us  entendaient,  nou- 
dit-il,  par  ai'psT:;  une  volonté  réfléchie  {po.Wr^:;  ï\  àva/.v '.7;j.v1  ».  et  par  ■poacpeoi; 
une  a;.ps<7'.;  qui  en  précède  une  autre  (aîpetFt;  ~zb  xlpéaewç),  c'est-à-dire  un  d 
réfléchi  et  prémédité.] 

4.  èxxé^vTou.  Ce  mot  est  expliqué  par  la  suite  du  raisonnement.  Il  ne  s'agit  pas 
d'épuisement,  comme  on  l'a  cru  à  tort,  mais  d'écoulement  sans  direction,  paroi! 
à  celui  d'une  eau  qui  s'en  va  sur  une  pente.  —  [Cf.  snprn  IV,  11,  3"  note] 


iSa  BIBLIOTHÈQUE   DBfl    l  M\  Kltsi  i  l'.s    i>l     MIDI 

le  nom  d'ttrtftcç1,  du  verbe  bctcfvcoOat  (s'étendre).  Ce  qu'est  un 
rayon,  tu  peux  t'en  assurer  en  regardant  la  lumière  du  soleil 
qui  pénètre  par  une  étroite  ouverture  dans  une  chambre  noire; 
elle  se  dirige  en  ligne  droite-  et  va  pour  ainsi  dire  s'appuyer °> 
sur  le  corps  solide  qu'elle  rencontre  et  qui  intercepte  le  pas 
sage  de  l'air  situé  de  l'autre  enté:  là,  elle  s'arrête,  sans  glisser, 
sans  tomber,  \insi  doit  s'épancher  et  se  répandre  la  pensée  '«, 
sans  se  laisser  couler,  mais  en  se  tendant;  ainsi  elle  doit  peser 
sur  les  obstacles  qu'elle  rencontre,  sans  violence,  sans  empor- 
tement; il  ne  faut  pas  qu'elle  tombe,  mais  qu'elle  se  tienne 
droite,  éclairant  l'objet  qui  la  reçoit.  Ce  qui  refuse  de  la 
réfléchir  5  se  prive  de  sa  lumière. 

58 

Celui  qui  craint  la  mort  craint  ou  de  ne  plus  sentir  ou  de 
sentir  autrement.  Mais  si  l'on  cesse  de  sentir,  on  ne  doit  plus 
sentir  aucun  mal;  si  Ton  acquiert  une  autre  sensibilité,  on 
devient  un  autre  animal 6,  et  Ton  ne  cesse  pas  de  vivre. 

i .  [11  est  à  peine  utile  de  relever  l'invraisemblance  de  cette  étymologie.] 

2  .  yîv£Tat  xoex'  vJ):j  n'est  pas  clair;  Tecverai,  proposé  par  Coraï,  vaut  mieux. 

3.  Le  substantif  £r:Ép£tatç,  qui  se  trouve  plus  loin  dans  le  second  terme  de  la  com- 
paraison, justifie  la  correction  de  Reiske,  SiepEiorcai,  au  lieu  de  SiaiseÏTou. 

'i.  |Couat  :  «  ta  pensée.  »  —  Voir  la  note  suivante.] 

5.  [Couat  :  «de  la  suivre.  » —  Je  ne  suis  pas  sur  du  sens  de  cette  dernière  phrase. 
Cependant  il  me  semble  impossible  de  traduire  7rapa7téu7rciv  par  «  suivre  ».  Les 
dictionnaires  n'indiquent  pas  et  le  contexte  n'impose  pas  cette  acception  du  mot. 
Chez  les  meilleurs  auteurs,  ce  verbe  s'applique  à  la  montagne  qui  renvoie  un  écho; 
pourquoi  n'exprimerait-il  pas  aus<i  la  réflexion  de  la  lumière?  Il  est  vrai  que,  dans 
les  lignes  qui  précèdent,  il  s'agit  inoins  d'un  miroir  que  d'un  écran.  Faut-il  donc, 
pour  donner  ici  à  7iapa7i i\nzio  un  sens  qu'il  a  souvent,  celui  de  «  laisser  passer  », 
supprimer  la  négation  du  texte  grec,  comme  le  demande  Coraï?  On  traduirait  alors 
ainsi  la  dernière  phrase  :  «  Ce  qui  laisse  passer  à  côté  de  soi  le  rayon  de  la  pensée  se 
prive  de  sa  lumière.  » 

De  toute  manière,  on  n'aboutit  qu'à  une  traduction  en  somme  assez  obscure,  Elle 
s'éclaire,  elle  aussi,  quand  on  rapproche  l'article  VIII,  54,  de  celui-ci.  «S'unir  par 
la  pensée,  »  disait  plus  haut  Marc-Aurèle,  «à  l'intelligence  qui  embrasse  tout.»  Il 
dirait  ici  :  «  Se  laisser  pénétrer  par  l'intelligence  qui  se  répand  partout,  et  la  réfléchir 
comme  un  miroir.  »  Les  deux  textes  s'accordent  aisément.  Je  ne  doute  guère  que  to 
-apa7:£ti7:ov  ne  désigne  ici  la  raison  humaine,  reflet  de  la  raison  divine.  Un  peu  plus 
haut,  à  l'endroit  où  j'ai  corrigé  «  ta  pensée  »  en  «  la  pensée  »  (je  ne  vois  pas  ao-j  dans 
le  texte  grec),  j'entends  qu'il  s'agit  de  toute  pensée,  de  la  notre  aussi  bien  que  de  celle 
qu'elle  réfléchit.  ] 

0.  [Marc-Aurèle  a  toujours  attribué,  comme  on  l'a  vu  (supra  III,  16,  3*  note; 
V,  26,  avant-dernière  note),  la  sensation  au  corps.  A  la  fin  de  l'article  III,  3,  envisa- 
geant les  mêmes  hypothèses  qu'ici,  il  écrit  :  «  Si  tu  ne  dois  plus  rien  sentir,  tu 
cesseras...  d'être  l'esclave  du  corps...»  Ces  divers  passages  nous  donnent  le  sens  des 
mots  a-Vjr.Ttv  ÉTSpoiav  et  àV/.oîov  ^oov  ï<jrr  Aux  trois  conceptions  de  notre  destinée 
future  entre  lesquelles  il  se  partage  ordinairement  :  dissolution,  extinction  et  dépla- 
cement {supra  \\  .   m.  note  finale:  VII,  3a),  Marc-Aurèle  ajoute  ici  la  métemp^ychose.] 


il-    »  »       ni       i  m  •      ^  •  i  i  i 

1rs    hommes    ion!    i\6.\    le     un*    p<nir    le-    ;iuln-       m  |. 

donc,   on  IlippOl  l€    l< 

60 

(  m  (lèche  i€  mou i  autrement  que  l'esprit  cependant  I 
prit]  même  quand  il  prend  ic  précaution!  el  tourne  aul 
des  choses  qu'il  examine1!  n'en  \.«  pai  moini  toul  droil  ren 

son    hut  '. 

61 

Entre  dans  le  for  intérieur  «le  chacun  ;.   maie   permet! 

chacun  d'entrer  dans  le  tien. 


LIVRE  l\ 

l 

Celui  qui  commet  l'injustice  est  impie.  En  effet,  la  nature 
universelle  a  créé  les  êtres  raisonnables  les  uns  pour  les 
autres 4;  elle  a  voulu  qu'ils  s'entr'aidassenl  les  uns  les  autres 
selon  leur  mérite,  et  qu'ils  ne  se  fissent  jamais  aucun  tort. 
Celui  qui  transgresse  cetle  volonté"'  de  la  nature  est  évidem 
ment  impie  envers  la  plus  antique  des  divinités. 

Celui  qui  ment  est  également  impie  à  l'égard  de  la  même 
divinité.  En  effet,  la  nature  universelle  comprend  toute  réalité. 
Or,  tout  être  est  parent 6  de  toute  réalité.  En  outre,  la  nature 

i.  [Var.  (a*  manuscrit):  «  et  se  met  à  faire  l'examen  d<  -    I    ses 
».  [Cf.  supra  VI,  17,  et  la   note,  complétée  aui     1  la.    Le  \  .    «rai,   qui 

convient  au  mouvement  d'une  Qèche,  D'exprimé  pas  très  exactement   la  dém 
de  l'esprit.  Mais  Ktv&tat,  qui  admet  voû:  comme  sujet,  ne  serait  pas  moins  impi 

à  coté  de  péXo:,  et  il  ne  fallait  qu'un  seul  verbe  à  la  fin  de  la  première  phras 

3.  [Je   n'ai   pas  jugé  plus   nécessaire    ici    qu'à    l'article    IV,    38   <\oir   la    1 
substituer  aux  mots  u  for  intérieur»  la  traduction  ordinaire  de  m  Dans 
une  pensée  du  livre  IX,  27,  qui  explique  celle-ci,  Ifarc-Aurèle  lui-n                .rit  : 
k'p^o'j  litt  :à  'Vj^âpta  ûcOtcov,  et  non  plus  :  tdc  vjys|iovtxà  k*jt«v.] 

4.  [Cf.  supra  II,  1  ;  V,  16;  V.  3e;  VII,  55;  VIII,  5q,  etc.] 

5.  [Couat  :  «Celui  qui  transgresse  l'ordre  de  la  nature.  —  Cf.  supra  IV,  49. 
V  note.] 

0.  [Couat  :  «  Or,  toutes  les  parties  de  la  réalité  sont  unies  entre  elles  par  des  liens 
étroits.  0  —  Il  m'a  semblé  que  peut-être  o'.xsko:  voulait  être  traduit  avec  plu>  de 
cision;  ensuite  que  la  distinction  —  si  vague  qu'ePe  lïit  —  de  rà  S  rca  el  rà  l 
pouvait  être  maintenue  dans  la  traduction.  La  pensée  de  Marc- Aurèle  est  celle  - 
m  L'homme  ne  peut  pas  plus  être  indifférent,  à  plus  forte  raison  hostile,  à  la  réalité, 
donc  à  la  vérité,  qu'à  un  allié  ou  à  un  parent.  >>) 


1 84  mr.i.h  u  m  oi  i     m^    UNIVERSITÉS    M     MIDI 

s'appelle  aussi  vérité;  elle  est  la  cause  première  de  tout  ce 
qui  esl  vrai.  Celui  qui  ment  avec  intention  est  donc  impie,  en 
tant  cpie  c'est  une  injustice  de  tromper;  celui  qui  ment  sans 
le  savoir  l'est  aussi,  en  tant  qu'il  se  met  en  désaccord  avec 
la  nature  universelle  et  qu'il  dérange  le  monde  en  entrant  en 
lutte  avec  la  nature  du  monde.  Il  lui  fait  la  guerre,  en  effet,  en 
se  portant,  même  involontairement,  vers  ce  qui  est  contraire 
à  la  vérité.  Il  a  négligé  les  moyens1  qu'il  avait  reçus  de  la 
nature  de  distinguer  le  faux  du  vrai,  au  point  qu'il  n'en  est 
plus  capable. 

Impie  aussi  celui  qui  poursuit  le  plaisir  comme  un  bien  et 
qui  fuit  la  douleur  comme  un  mal.  Celui-là,  en  effet,  ne  peut 
manquer  d'accuser  souvent u  la  nature  [commune]  de  répartir 
injustement  ses  dons  entre  les  bons  et  les  méchants,  parce  que 
les  méchants  vivent  souvent  dans  le  plaisir  et  possèdent  ce 
qui  le  procure,  tandis  que  les  bons  vivent  dans  la  douleur 
et  sont  exposés  à  ce  qui  la  fait  naître.  En  outre,  celui  qui 
craint  la  douleur  craindra,  sans  doute,  ce  qui  survient  dans 
le  monde;  or,  c'est  là  une  impiété.  D'autre  part,  celui  qui 
poursuit  les  plaisirs  ne  s'abstiendra  pas  de  commettre  l'injus- 
tice; voilà  encore  une  incontestable  impiété.  Ceux  qui  veulent 
suivre  la  nature  doivent  donc,  d'accord  avec  elle,  être  prêts 
également  à  ce  qu'elle  admet  également,  car  elle  n'aurait  pas 
créé  les  biens  et  les  maux  si  elle  ne  les  admettait  également. 
Ainsi  donc,  celui  qui  n'est  pas  également  prêt  à  la  douleur  et 
au  plaisir,  à  la  mort  et  à  la  vie,  à  la  gloire  et  à  l'obscurité, 
que    la    nature   admet   également 3,   celui-là   est  évidemment 

i.  [D'après  Stobée  {Ed.,  II,  i(>2),  les  Stoïciens  entendaient  par  àsopu.r,  le  contraire 
de  l'opjxr,,  c'est-à-dire  un  «  mouvement  de  L'Ame  qui  se  détourne  d'un  objet  ».  Mais 
ils  ont  en  même  temps  conservé  l'acception  usuelle  et  classique  du  mot,  le  sens  que 
M.  Gouat  lui  donne  ici.  Sauf  peut-être  en  un  passage  (XII,  17),  où  kzoyyr,  n'es! 
restitué  que  par  conjecture,  Marc-Aurèle  désigne  toujours  ainsi  (IX,  &a;  \,  12)  les 
«moyens»  de  savoir  la  vérité  ou  de  se  conduire  suivant  la  justice.  Cf.  aussi  Ëpictète 
(Diss.  IV,  1,  5i):  ïyv.;  à^opuoe:  Trapà  TÎj;  puaecoc  icpoç  Bupeffiv  ir,:  xkrfigiaç. 

Les  «  moyens  »  de  connaissance  que  Mnrc-Aurèle  appelle  ici  gçoppLflà  sont  surtout 
la  raison  et  le  pouvoir  de  suspendre  son  jugement.  Il  faut,  sans  doute,  y  joindre 
certaines  croyances  innées  el  communes  a  tous  Les  hommes,  dont  le  consentement 
universel  sutïit,  pour  les  Stoïciens,  à  garantir  la  certitude,  les  xotval  evvotai  ou 
r.zoVr^v.z  (Zeller,  Pliil.  des  Gr.,  III3,  p.  7^)  :  ici  le  verbe  rcpoeiXrjçet  en  rappelle  au 
moins  le  nom.] 

•.  [Cf.' supra  VI.  16.] 

.'*.   [Cf.  supra   II,    1 1 .  | 


1-1  (   I  I  «  hl  I  I 

impie  Je  dis  <|u«-  i.i  nature  le   idmci  •  '•; ■■•!•  ;m<-ni    « 

«,,!,•  rrs  rlinsri  .ni  iwn!    i       ilrniflil  il   tOU      l«      I  tlt     <|<n   n 

ei  se  m  i  rcleiii,  oomme  ta  oon  6quen<  e  l(  iqu<  d  un  intiquc 
déorel  de  la  Proi  Idenoe,  qui,  ayant  •  l'orl  fine  dé  tdé  I  un 
oartain  momenl  d'organiseï  ce  mond<  conçul  telle  bI  tell 
raisons  '   el   détermina   telle  el   lelle   foi  a  ratrleei   de 

êtres  à  venir,  avec  leur  existence,  leurs  tnétamorpho  i  leui 
succession,  telles  que  nous  les  voyon 

2 

Il  serait  digne  d'un  homme  supérieur' de  sortir  «lu  milieu 
des  hommes  sans  avoir  même  goûté  au  mensonge,  t  l'hypo 
crisie,  à  la  luxure  et  à  l'orgueil.  Il  >  s  encore  une  ressoui 
si  l'on  échoue  »,  o'esl  de  mourir  dégoûté  de  tout  cela.  Pi 
rerais  lu   demeurer  auprès   du    vice,   et    l'expérience    ne    te 
persuade-t-elle  pas  encore  de  l'enfuir  loin  de  cette  peste?  La 
corruption  de  la  pensée  est  une  peste  [en  effet,  ei  bien]  plus 

terrible  que  celle  qui  altère  et  corrompt  I  air  dont  non- 
sommes   enveloppés.    Celle-ci    n'est   que    la    peste   des    êtres 

i.  [Le  texte  du  passage  est  contesté.  If.  Coual  i  traduit  Is  leçon  du  manuscrifl  \. 
qui  est  devenue  celle  de  M   Stich  :  xarà  to  i;r;  to-.;  ri 

tivi  apvata  t?,;  Trpovota;.  Dana  la  vulgate  To-;  manque.  Coraî  s'est  autorisé  d< 
lacune  pour  corriger  le  texte  de  A,  où  l'article  indispensable  aurait  été,  selon  lui, 
arbitrairement  replacé.   Il   lit:  -o\;  xauck  ~<>  V-.r:  ytvouivotc,  ce  qui  lait  presque  on 
pléonasme  avec  lesdeui  mots  qui  suivent.  Y>  aurait-il  pas  la  une  glose?  M    Etendall 
l'a  pensé. 

Le  sens  ordinaire  de  xottoi  to  i;/-,;  dans  les  Penséei  ne  me  paratl  guère  justifier 
deux    corrections.    Suivie    le    plus    souvent    d'un    régime   au    datif   (voir    17  de 

M.  Stich),  cette  expression  marque  moins  la  succession  que  la  conséqu  ffique 

D'autre  part,  les  dernières  lignes  du   présent  article  expriment  un  déterminisme 
absolu,  qui  fait  tout  découler  d'un  acte  initial  et  unique  de  la  Providence  :  ce 
pas  la  première  fois  (voir  la  dernière  note  au  livre  VU)  que  non-  renc  Mitrons 
doctrine  dans  les  Pensées.  11  est  extrêmement  vraisemblable  que  les  mots  xarà  to 
£:r(:  tiennent  lieu  ici  de  la  formule  habituelle  -n:'  UcaxoXo'jOiptv. 

C'est  du  moins  ainsi  que  les  a  interprétés  M.  Gouat.  —  Je  me  demande  si  k  -  mots 
xarà  to  i;r,:  n'ont  pas  été  déplacés  dans  les  manuscrits.  La  phrase  sérail 
plus  claire  s'ils  précédaient  immédiatement   àzar,  revu] 

3.  [Gouat  :  «en  conçut  Tordre  logique  et  détermina  la  Loi  des  puissai      a  - 
triées  des  êtres  à  venir.  »  —  Évidemment,  le  mot  Xrfyouc  et  la  périphrase  qui  l'a 
pagne,  Suvàtietç  yovijiou;,  désignent  ici  les  i  raisons  séminales  »,  que  j'ai  définies  à  la 
seconde  note  de  l'article  IV.   i'j.) 

3.  [Sur  le  sens  de  gapièVraTo;,  cf.  la  V  note  à  la  pensée  VI.  i  |.j 

4.  [Le  proverbe  Bsuxspoç  ttaoO:  [d\  Platon.  PhéJon.  99  D),  dont  les  mots  •  si  l'on 
échoue»  ne  donnent  qu'une  traduction  bien  terne,  désigne  la  navigation  à  la  rame, 
lorsque  le  vent  contraire  ne  permet  pas  de  tendre  les  voiles,  et  par  suite  tout  expé- 
dient qui,  à  défaut  du  meilleur  moyen,  permet  encore  de  se  tirer  d'affaire.  —  Goual  : 
k  11  y  a  encore  une  bonne  manière  de  les  quitter.  »] 


i8(i  BIBLIOTHEQUE    DBfl    UNIVERSITÉS    i>l    MIOJ 

vivants    en    tant    qu'êtres    vivants  ;    l'autre    est    la    peste    de 
l'homme,  en  tant  qu'homme. 

3 

Ne  méprise  pas  la  mort;  tais-lui,  au  contraire,  bon  visage, 
parce  qu'elle  est  aussi  voulue  par  '  la  nature.  La  dissolution 
de  notre  être  J  est  un  fait  naturel,  tout  comme  la  jeunesse  et  la 
vieillesse,  comme  grandir,  être  adulte,  avoir  des  dents,  de  la 
barbe,  des  cheveux  blancs,  comme  la  procréation,  la  grossesse, 
l'enfantement  et  les  autres  phénomènes  qui  arrivent  avec  les 
saisons  de  la  vie.  L'homme  se  conforme  donc  à  la  raison, 
lorsqu'au  lieu  de  se  montrer  vis-à-vis  de  la  mort  mal  disposé  3, 
emporté,  orgueilleux,  il  l'attend  comme  un  des  actes  de  la 
nature  i.  Et  de  même  que  tu  attends  en  ce  moment  le  jour  où 
ton  enfant  sortira  du  ventre  de  ta  femme,  accueille  de  même 
l'heure  où  ton  âme  s'échappera  de  son  élytre.  Mais  veux -tu 
une  règle,  sans  doute  assez  vulgaire,  capable  néanmoins  de 
fortifier  ton  cœur~>?  Ce  qui  te  rendra  surtout  bienveillant  pour 
la  mort,  c'est  d'examiner  les  objets  qui  t'entourent,  et  dont  tu 
vas  te  séparer,  c'est  de  te  dire  avec  quelles  mœurs  ton  âme  ne 
sera  plus  mêlée.  Ne  t'irrite  pas  cependant  le  moins  du  monde 
contre  ceux-ci  6;  tu  dois,  au  contraire,  t'intéresser  à  eux  et  les 
traiter  avec  douceur,  mais  en  te  rappelant  que  ces  hommes 
dont  tu  vas  être  délivré  n'ont  pas  les  mêmes  dogmes"  que 
toi.  Un  seul  motif,  si  même  il  pouvait  y  en  avoir  un,  était 
capable  de  t'attirer  vers  la  vie  et  de  t'y  rattacher,  c'eût  été 

i.  |\ar.  :  «parce  qu'elle  est  aussi  une  des  lois  de  la  nature.  »1 

?..  [Couat  :  «  de  notre  corps.  »] 

3.  [Couat  :  «  téméraire.  »  —  C'est  ô).oT/£po>;  que  M.  Couat  essaye  de  traduire  ainsi. 
Pierron  avait  écrit  «  méprisant  »  ;  Bartliélcmy-Saint-Hilaire  «oublieux));  M.  Michaut 
'préoccupé».  '0>.oT/Ep(o:  ne  signifie  ni  l'un  ni  l'autre;  il  ne  signifie  rien  ici.  J'ai 
admis  la  conjecture  de  M.  Rendait,  Sva^epto;.] 

h.   [Cf.  supra  m,  7.] 

5.  [Couat:  «de  fortifier  particulièrement  ton  cœur.»  —  L'adverbe  que  j'ai  sup- 
primé semble  traduire  pour  la  seconde  fois  lâicimxôv,  qui  l'a  été  très  exactement  — 
et  suffisamment  —  par  les  mots  «assez  vulgaire»  (cf.  supra  II,  10,  en  note).  | 

6.  [Couat  :  «  contre  les  hommes.  »  —  Renan  (Marc-  \urele6,  p.  48o)  :  «  Ce  n'est  pas 
qu'il  faille  te  brouiller  avec  eux;  loin  de  là.  »  Sur  cet  emploi  assez  fréquent  du 
pronom  a-jTwv,  ocOtoîç,  kvtoÙ;  dans  les  Pensées,  cf.  supra  VI,  <>,  en  note.  Marc-Aurèle 
ne  désigne  ainsi  «  que  d'une  manière  vague  ceux  qu'il  a  en  vue.  Il  paraît  bien,  ajoute 
Renan  (l.  L),  que  Commode  était  du  nombre.  »] 

-.  [Couat  :  «  croyances.  »  —  De  même  un  peu  plus  bas.  Cf.  supra  \  111,  4;,  i"  note; 
111,  iG.  note  finale  (en  Appendice);  VIII,  i4,  etc.] 


il.      Il  l>l       M  MU         M    M   I   « 


(If     \i\n*     li\i'i      «les     liuiniiH's    pn.l«-        ifil      \(         iir:n<  <;§  ' . 

Mais   lu  \ois   main  tenu  ni   coinmr   lu   r  ,   I  rjui 

la  léparenl  d€  orai  n  ce  qui  tu  vil    in  en  arrivt     i  l'écriai 
Vient  plui  vite,  ô  mort,  <  i  «  *  p<m  que  je  ne  Bnl    i   pti  m'oa 
blier  moi  même  ' 

4 

cdui  qui  commet  nne  Faute  la  oommel  contre  lui  mén 
celui  qui  oommel  nue  Injustice  la  commet  contre  lui  mén 

en   se   rendant   méchant. 

5 
On  est  injuste  souvent  par  ce  que  l'on  ne  fait  pas  autant  que 
par  ce  que  l'on  fait. 

6 

Il  sutlii  que  notre  jugement  présent  soit  <t  se  sache  vrai 

que    notre   aelion    présente   soit    une    aelion   de   solidarité.    <jue 

notre  disposition  présente  nous  fasse  accueillir  Favorablement 

tout  ce  (jui  nous  Aient  de  la  cause  universelle. 

7 

Efface  î  tes  représentations,  contiens  les  mouvements  de 
ton  àme  5,  étouffe  tes  désirs;  sois  maître  de'1  ton  principe 
dirigeant. 

8 

Une  seule  àme  vivante  a  été  répartie  entre  les  animaux 
dépourvus  de  raison,  une  seule  àme  intelligente"  distribuée 
entre  les  animaux  raisonnables.   Il   n'y   a   qu'une   terre   pour 

i.   :à  TOiaCra  côyaaTa.   C'esl   avec  raison  que  Gataker  a  sub>titué  à   eetto    le 
Ta  aCxà  ooyaaTa. 

2.  [Cf.  supra  IV,  26.) 

3.  [Couat:  «Il  suffit  de  juger  et  de  comprendre  actuellement  les  cho>e-,  d'agir 
actuellement  dans  un  esprit  de  solidarité,  d'être  actuellement  dispose  à  accueillir...  1 
Sur  le  sens  de  xaTOMU)irrtxéç,  cf.  supra  VII,  i3,  3'  note.] 

&.  |Cf.  supra  VII,     1 

5.  [Couat  :  «  tes  tendances.  »  —  Cf.  supra  VIII.  7,  3*  note.] 

6,  [Var,  :  u  tiens  la  bride  à.  »] 

-.  [Sur  la  distinction  de  L'aâme»  et  de  l*«âme  raisonnable  >,  cf.  supr'i  III. 
r*  note.  A  la  fin  de  la  présente  pensée,  le  mot  sa!/-. /a  est  au  verbe  àcvaicvéonav  dans  le 
même   rapport  qu'épxrtxà  au  verbe  optousv.  On  peut  donc  préciser  ici  —  en  ajoutant 
«vivante» — la  traduction  de  'i>'jyr,.  d'autant  plus  qu'en  d'autres  passages  le  même 
mot  signifie  «la  raison  *>.] 


[88  BIBLIOTHEQUE    DES    UMVEB81TB8    i>»      MIDI 

toutes  les  choses  terrestres  '  ;  une  seule  lumière  nous  éclaire 
et  nous  respirons  le  même  air,  nous  tous  qui  vivons  et  qui 
y  voyons. 

9 
Tout  ce  qui  participe  à  une  nature*  commune  est  attiré 
vers  son  semblable.  Ce  qui  est  de  nature  terrestre  rampe  vers 
la  terre,  ce  qui  est  humide  coule  vers  ce  qui  est  humide; 
pareillement,  ce  qui  est  aérien.  C'est  à  ce  point  qu'il  faut  des 
obstacles  pour  en  maintenir  de  force  la  séparation.  Le  feu 
s'élève  dans  l'air,  attiré  par  le  feu  élément 3,  et  il  conserve  sur 
la  terre  une  telle  aptitude  à  confondre  sa  flamme  avec  celle 
d'un  autre  feu  que  toute  matière  tant  soit  peu  sèche  s'en- 
flamme aisément,  et  d'autant  mieux  qu'elle  est  moins  mêlée 
d'éléments  qui  s'opposent  à  l'incandescence.  Par  conséquent, 
tout  ce  qui  participe  à  une  [commune]  nature  intelligente  est 
aussi  attiré  vers  son  semblable,  et  l'est  même  davantage.  Car 
plus  l'intelligence  l'emporte  sur  tout  le  reste,  plus  elle  est 
disposée  à  se  mêler  et  à  se  confondre  avec  ce  qui  est  de  même 
origine  qu'elle.  Voilà  pourquoi  l'on  remarque  déjà  chez  des 
animaux  privés  de  raison  des  essaims,  des  troupeaux,  une 
éducation  des  petits  et  des  espèces  d'amours  '»;  c'est  que  déjà 
il  y  avait  en  eux  des  âmes  ;  c'est  qu'on  peut  découvrir  en  ces 
êtres  plus  avancés  un  instinct  qui  travaillait  à  les  réunir  et 
qui    n'existait   pas  encore  5  dans  la   plante,   la   pierre,   ni   le 

i.  [Voir  la  pensée  suivante.] 

2.  [Var.  :  «  Tout  ce  qui  provient  d'une  origine  commune.  »  —  Cf.  supra  IV,  &,  ol 
la  seconde  note.] 

3.  [Marr-Aurèle,  comme  on  l'a  vu  (VI,  17,  en  note  rectifiée  aux  Addenda),  distingue 
le  «  feu  élément  »  du  feu  «  artiste  »  ou  éther,  qui  l'entoure  et  l'emporte  dans  son 
mouvement.  Le  feu  terrestre  ne  se  distingue  du  feu  élément  que  par  sa  direction.] 

U.  [J'ai  cité  en  note  à  la  pensée  IV,  22,  un  texte  de  Ghrysippe  qui  refusait  aux 
animaux  toute  <<  passion»,  parce  que  la  passion  est  toujours  l'œuvre  d'un  principe 
dirigeant.  Marc-  Vurèle,  qui  a  admis  cette  doctrine  (XI,  20;  cf.  la  fin  de  la  r*  note 
à  la  pensée  III,  iO,  reportée  en  Appendice),  devait  considérer  l'amour  soit  comme  le 
mouvement  normal  d'une  âme  raisonnable  (supra  III,  iG,  3'  note),  soit  comme  une 
«passion».  Les  animaux  ont.  d'ailleurs,  des  instincts  qui  peuvent  —  de  loin  — 
rappeler  les  nôtres.  Cf.  Sénèque  (De  Ira,  1,  3)  :  «Muta  animalia  humanis  aflectibus 
carent;  habent  autem  similes  illis  quosdam  impulsus.  Alioqui,  si  amor  esset,  et 
odium  esset,  etc.  »  Pierron,  qui  cite  ce  passage,  observe  très  justement  qu'«  il  n'y 
a  qu'un  pas  de  la  théorie  des  Stoïciens  à  celle  de  Descartes  sur  l'organisation  des 
animaux  ».] 

!  Var.  :   «c'est  que  déjà  il  y  avait  en  eux  des  âmes  et  une  force  qui  travaillait 
à    reunir    les    êtres   <-n    ce  qu'ils    ont   de   meilleur,  telle  qu'elle  n'existo  pas  dans    la 


I  II  1)1        Vf  \  114         \  I    JU    I   I 


l>nis.  ( Ihes  lei  animaux  doué    de  raison    11  )  i   de    gou 

iiciixiils,   d61    aUililic'H,    <1<"      mu   on       de     .1     oci.iliori      ■  •!     |»<  n 

(l.llll     1,1     -un  i  r.     dr        lliulrs     r|     <!.-,     ,i|  un     lu  .  |',,i  un     |.         (  I  | 

encore  plus  parfaits,  al  cjul  s<»ni  éloignés  le    uni  de     luta 
il  \  m  cependant   une  sorte  d'unité,  par  exemple  parmi  l< 
astres  ' ,  Mnsi,  !<•  piv  le    «  ii «•    ai i  i\<  n  mti -  um  la 

sympathie,  même  quand  il-  son!  répart     i     an    de    autre 

pilota,       <  elle  h  adu<  lion  d< 
pourrait!  lemble  I  11,  -  sppuyi  i    m   l'expr     loi 

trouvera  plui  loin,  i  oondltlon  qu'on  l'interpi  nmc  \i   Coual    M 

que  la  préposition    >  puisse  remplit   le  rôle  de  non  i  ou  d'un  simple  sa  u  util  d<   n  le- 
tton, et  Je  m'en  tiens  à  la  version  du  premiei  manuscril   mil  ratta<  h 
m<  il  et  1<    oppo*       mn  Sui  la  bfc  i 

chie  des  êtres,  cf.  supra  VI,  <'i.  et  lea  notes  | 

i .  |  Les  astres  (cf.  VIII,  ig)  sont  des  dieux  pour  les  Stoïciens.] 
i.  [Coual  :    ■  Mnsl   i«'  désir  <i<*  s'élever  à  un  de^ré  supérieui  <  r- ■••  une 
sympathie   môme  entre  des  êtres  qui  son!  sépan     lai  uni  d<     ;oitrcs.  » — i 
sicavà6a9tc  signifie  ■  ascension,  progrès    .  mais  non     désir  de  s'él<  rci     ;  i  I  rien,  I 
les  phrases  qui  précèdent,  n'implique  l'idée  d'un  tel  désir,  afin    kurèle  i'j  an 
successivement  aux  divers  degrés  de  l'échelle  des  êtres  :  plus  11  s'élève,  plus  [|  trouve 
développé  l'instinct  de  sociabilité.  C'esl  li   i<>oi  ce  qu'exprime  la  présente  phrs 
Seulement,  au  lieu  d'écrire  qu*«au  progrès  des  ôtn  ipond  le  développement 

ti<%  la  sympathie»,  Marc-Àurèle,  préférant  un  tour  plus  hardi  et  plus  rapide,  i  dil 
que  "le  progrès  des  êtres  développait  la  sympathie». 

Noua  retrouvons  ici,  dans  une  acception  nouvelle,  un  mol  auquel  Marc-Aurèle 
(V,  M'»,  V  note;  VII,  66,  note  finale  rectifiée  aux  Addenda)  s  déjà  donné  deui  sens  bien 
distincts:  l'un  vulgaire,  l'autre  proprement  stoïcien.  Les  Stoïciens  prétendaient, 
rapport  de  Sextus  Empiricuet  que  la  «  sympathie»  ne  saurait  exister  qu'entre  les 
parties  d'une  unité  simple,  non  entre  les  unités  d'un  même  total  :  j<"  traduis  Ici  n 
librement  les  mois  y)vwuiva,  TwaTtiôuEva,  ix  Bisarwrwv,  *1« m t  <>n  trom  Lni- 

tion  plus  exacte  dans  une  note  (la  rf)  à  la  pensée  \  II,  i3.  Voici,  d'ailleurs,  1<-  texte  de 

Sextus  {ado.  Math.,  IX,  8o)  :  ï~\  ukv  :wv  sx  euvairtO|livMV  r,  Su  ï*j  r/j-ïiy:;  Ta 

[i.iprt  aXXv)Xot;*...  èic\  oï  raiv  Tjvwjjivwv  <j'ju.xibi'.-x  nç  ëotiv.  Cette  première  définition  est 
illustrée  par  do  clairs  exemples:  on  disait  dans  l'École,  ajoute  Sextus,  que  le  corps 
tout  entier  pâtit  d'un  doigt   coupé,  tandis  que  la  mort  de  dix  mille  hommes  dans  EU 

bataille  n'atteint   pas  les  soldats  survivants. 

Or  la  «  sympathie  »  dont  il  est  question  dans  la  présente  pensée  est  toute  diffél 
«le  celle  que  nous  venons  de  définir.  Marc-Aurèle  le  reconnaît,  en  écrivant  i<  i  les 
trois  mots  y.  ai  ht  Stearàtoiv  («  quand  même  ils  sont  séparés  »).  Pourtant  cette     sympa- 
thie »  des  âmes  entre  elles  est  naturelle  et  légitime.  Marc-Aurèle  n'est  d'ailleurs  | 
seul  à  l'affirmer,  et  la  démonstration  qu'il  en  donne  ne  lui  appartient  pas  en  propi 
comme  lui,  tous  les  Stoïciens  ont  conçu  la  cité  des  intelligences.  D'autre-  «pie  lui  ont 
même  pensé  que  la  «  sympathie  »  pouvait  rendre  compte  de  laits  très  particulier- 
insolites.  Ainsi,  on  lui  demandait,  dit  Plutarque  (Plac.  phil..  V,  ia),  d'expliquer  la 
ressemblance  de  l'enfant  avec  une  personne   étrangère  à  la   famille,   ou   avec  une 
œuvre  d'art  :   on  disait  dans  ce  cas  que  la  pensée  de  la  mère  avait  dû  être  toucli 
non    certes    par    une    a  image  n    détachée   d'ailleurs,    mais    par   un     r  courant»,    un 
«rayon»  droit  et  continu  ^àxTiç,  cf.  supra  VIII,  5;),  qui,  émanant  de  l'âme  d'une 
autre  personne  ou  du  principe  formel   d'une   statue  ou  d'un   tableau,   l'avait   unie 
à  cette  forme,  ou  à  cette  âme;  et  dans  l'École  cette  union  temporaire  et  accidentelle 
s'appelait  encore  a  sympathie  ». 

Gomment  les  Stoïciens  ont-ils  pu  concilier  et  désigner  du  même  nom  deux  ch<  -  - 
en  apparence  si  différentes  :  l'union  des  parties  d'un  même  vivant,  l'union  de- 
intelligences?  Si  l'on  admet  avec  eux  que  l'univers  n'est  qu'un  vivant,  la  définition 


If)0  BIBLIOTHEQUE    DEfl    UlfITERSITES    Dl     MIDI 

Vois  pourtant  ce  qui  se  passe  autour  <l<i  toi.  Les  rires  intelli- 
gents  onl  seuls  oublié  cette  bienveillance  cl  ces  liens  récipro- 
ques: il  n  \  a  (|ue  chez  eux  qu'on  ne  découvre  pas  ce  concours 
sympathique1.  Néanmoins,  les  hommes  ont  beau  se  fuir:  ils 
son!  repris;  la  nature  est  la  plus  forte.  Observe,  et  tu  remar 
queras  ce  que  je  viens  de  dire.  On  verrait  plutôt  un  objet 
fait  de  terre  détaché  de  tout  élément  terrestre,  qu'un  homme 
entièrement   séparé  de  tout  homme. 

10 

L'homme  porte  son  fruit,  comme  Dieu,  comme  le  monde2; 
chaque  être  porte  son  fruit  dans  sa  saison.  Peu  importe  que 
l'usage  n'emploie  ce  mot  qu'à  propos  de  la  vigne  ou  de 
choses  semblables.  La  raison  a  aussi  son  fruit  commun  à 
tous  et  propre  à  chacun  3  ;  de  ce  fruit  en  naissent  d'autres  de 
même  nature  que  la  raison  elle-même. 

H 

Si  tu  le  peux,  dissuade-les  i;  sinon  rappelle-toi  que  c'est 
pour  ce  cas  que  la  bienveillance  t'a  été  donnée.  Les  Dieux 
eux-mêmes  5  sont  pleins  de  bienveillance  pour  de  tels  hommes  ; 
ils  sont  même  assez  bons  parfois  pour  leur  venir  en  aide,  soit 

même  qu'a  rapportée  Sextus  permet  d'affirmer  avant  toute  autre,  avant  celle  d'une 
âme  individuelle  pour  son  corps  ou  des  membres  de  ce  corps  entre  eux,  la  «  sympa- 
thie universelle  »,  même  celle  de  toutes  les  parties  de  la  matière  inerte,  en  tant  qu'elles 
sont  animées  et  organisées  par  une  raison  unique  (cf.  Zeller,  Pfiil.  der  Gr.,  III3,  p.  i33, 
note  »)  :  a  fortiori  celle  de  toutes  les  intelligences  qui  émanent  de  cette  raison.] 

i.  [Couat  :  «  À  peine  découvre -t- on  chez  eux  ce  concours  sympathique.)»  —  Il 
faut  ajouter  une  négation  à  la  phrase  grecque  pour  en  tirer  ce  sens  (to  a'jppo-jv  J>os 
•xovov  où*/\  o*j  ^AÉTTîTai).  Les  mots  txovov  où  signifient  ((presque)»,  et  non  «  a  peine». 
La  seule  interprétation  qu'impose  le  texte  lorsqu'on  ne  veut  pas  le  modifier  est  celle 
que  j'ai  admise,  à  la  suite  des  autres  traducteurs  :  on  disjoint  les  mots  aôvov  où,  pour 
grouper  le  premier  avec  J)6c,  le  second  avec  fi'/.ii;z-z'..\ 

2.  [Cf.  supra  VIII,  i5  :  6  /.otulo:  râcî  nvà  cpip£'.,  :»v  za''.  sopo:.] 

3.  [Les  mots  «à  tous»  et  «à  chacun  »  ne  sont  pas  exprimés  dans  le  texte  grec, 
dont  M.  Couat  n'a  pu  que  très  légèrement  forcer  le  sens,  en  les  ajoutant.  Marc-Aurèlc 
veut  dire  apparemment  que  Tordre  «juc  chacun  de  nous  reçoit  de  sa  raison  doit  être 
valable  pour  tous  les  êtres  raisonnables;  que  l'action  droite  —  qui  est  le  fruit  de  la 
raison  —  intéresse  et  son  auteur  et  l'humanité.  Le  commentaire  du  mot  xotvov  est, 
à  la  pensée  VII,  9,  la  définition  de  la  loi  :  }.ôyo:  xotvb;  7râv7<ov  :wv  vospoiv  Çoxov,  le 
commentaire  du  mot  ïotov  est,  à  la  pensée  XI,  3,  dans  les  mots  tov  xaprrôv  ov  zioz'. 
a-.Tr  y.aoTroCxa-.,  <(  le  fruit  que  porte  l'âme  raisonnable,  c'est  elle-même  qui  le  cueille.»] 

ICf.  supra  V,  28,  et  VIII,  5<j.] 
5.  [Cf.  supra  Vil,  70.] 


il  n-  i  i  •      m      M  \  i.       \ir.il.E 

(ju'ils  désirent  la   ranté    la  ricli  loin     lu  p  i 

luire  .iiiI.iiiI  .    OU    M6I1    dil    mol    qui    I  611    I ni|>'  I  h( 

12 

Travaille,  mm  comme  un  malheureux,  1 1 *  * 1 1  pooi   le  b 
plaindre  ou  admirer.   Nfaie  point  d'autre  volonté  que  d#« 

ou   de  le   contenir1    comme    l.i    raison    I  oxi^c    [ »<  »i i r     Le 

de  la  cite. 

13 

Aujourd'hui  même  j<'  suis  sorti  dea  diffi<  ultéi  qui  m  em 
barrassaient,  on   plutôt  j'ai   écarté  cei   difficultés]   cai    ellei 
n'étaient  pas  au  dehors,  mais  au  dedans  <i<'  moi  même   dani 

mes  jugements  ' 

14 

Tout  oect3  est  devenu  banal  par  l'usage,  la  durée  en  est 
éphémère,  la  matière  vile.  Tout  est   maintenant  comme  «lu 

temps  de  ceuv  que  nous  avons  ensevelis. 

15 

Les  choses  restent  à  notre  porte  les  unes  sur  les  autres,  ne 
sachant  et  ne  révélant  rien  d'elles-mêmes.  Qui  est-ce  qui  nous 
les  fait  connaître?  Le  principe  dirigeant. 

i.  [douai:  <<  de  rester  «mi  repos.  »  —  Pour  comprendre  les  verbes  xivetefai  et 
i'cr/sffOa'.,  il  est  nécessaire  de  se  reporter  à  la  définition  «lu  mot  ûçtXeia,  que  nous 
a  conservée  Stobée,  el  que  j'ai  citée  un   peu  plus  liant  (VII,  74,  en  note).  le  n'en 

retiendrai  que  les  derniers  mots:   ihxi  y«P  ro  (o^sAEîv   Kr^eiv  xar'otf  ici  ce 

(oçsAS'.TOac  xtvtfffOat  xa:'  àpSTr.v.   Le  véritable  intérêt  de  tY-tn-   moral   étant  dans   -    D 
action  (xiveî<x6at),  il  est  impossible  qu'^rgeiv,  dans  la  définition  rapportée  par  v* 
puisse  signifier  ««arrêter»;  par  suite,  qu'Io^eodai  veuille  ici  dire     rester  en  rej 

Ce  n'est  pas  en  empêchant  mon  action  qu'on  peut  m'être  utile,  c'est  en  l'empêchant 
</c  devenir  mauvaise.  La  passion  (7iiQo:),  qui  n'est  jamais  bonne,  n'est  autr«'  chos  1  qu'un 
mouvement  de   l'âme  qui   n'a   pas  subi  cette   retenue  salutair  v.Ta  : 

supra  IU,  16,  3*  note).  Au  reste  (supra  VII,  7,  et  surtout  \  III,  16),  l'aide  d'autrui  ne 

nous  enlève  ni  notre  initiative  ni  le  mérite  de  notre  action  :  c'est  ce  que  les  Stoïciens 
expriment  en  définissant  wçeXeIv  non  par  frgew  xx\  xwefv,  mais  par  .7/;.,  seul.  Au 
contraire,  pour  marquer  que  l'aide  d'autrui  ne  peut  nous  servir  que  si  nous  ne  ce--  ri- 
de nous  aider  nous-mêmes,  les  Stoïciens  définissent  h^ù.-l'jhx'..  comme  ici.  parles 
deux  verbes  xtvetofat  xoù  i'Tyiabx'.  /ai'  àpz-rr.v,  dont  le  premier  au  moins  est  pour  eux 
un  réfléchi,  non  un  passif,  et  dont  le  second  (voir  le  texte  de  Stobée)  ne  leur  semble 
même  pas  nécessaire.  —  Les  mots  ro:  ô  KoXtTtxbç  Xoyo;  «Çiot,  qui  terminent  la  pen>ée. 
attestent  une  fois  de  plus  que  l'«  utilité»  de  l'agent  moral  ne  se  distingue  pas  de  celle 
de  l'univers.] 

2.  [Cf.  supra  II,  i5;  IV,  7;  V,  2.  etc.] 

o.  [Couat:  «Tout  ce  qui  nous  entoure.  »  —  Cf.  supra  VII,  2.  note  2.] 


M}3  BIBLIOTHEQUI     DE8    UNIVERSITES    i>f     MIDI 

16 

Le  bien  et  le  mal  de  l'être  raisonnable  et  sociable  résident 
dans  son  activité  et  non  dans  sa  sensibilité,  (Je  même  que  dans 
son  activité  et  non  dans  sa  sensibilité  résident  ses  vices  et  ses 
\ertus. 

17 

Lancez  une  pierre;  elle  ne  sent  pas  plus  de  mal  à  tomber 
que  de  bien  à  monter1. 

18 

Pénètre  dans  leur  'A  for  intérieur  •>,  et  tu  verras  quels  juges 
tu  redoutes,  et  comment  ils  se  jugent  eux-mêmes. 

19 

Tout  est  dans  un  changement  continuel.  Toi-même  tu  ne 
cesses  pas  de  changer  'i  et  de  mourir  par  quelque  côté;  il  en 
est  de  même  de  l'univers  tout  entier. 

20 
Il  faut  laisser  là 5  les  fautes  des  autres. 

21 

La  fin  d'une  action,  le  repos  et  pour  ainsi  dire  la  mort  d'un 
désir  et  d'un  jugement  ne  sont  point  un  mal.  Repasse  mainte- 
nant la  suite  des  âges  de  la  vie,  l'enfance,  l'adolescence,  la 
jeunesse,  la  vieillesse;  tous  les  changements  ti  de  l'un  à  l'autre 
sont  autant  de  morts.  Y  a-t-il  là  rien  de  terrible?  Repasse 
maintenant  la  vie  que  tu  menais  avec  ton  grand-père,  puis 
avec  ta  mère,  ensuite  avec  ton  père;  enfin,  après  avoir  décou- 
vert en  toi  bien  d'autres  différences,  et  d'autres  changements, 

i.  [Cf.  supra  VIII,  20.J 

2.  [Cf.  supra  IV,  16;  IN,  38;  VI,  6;  VI,  5o;  VII,  3',.  e1  Les  notes.] 

3.  [Cf.  supra  VIII,  6i,  et  la  note] 

'».  |M.  Couat  traduit  par  un  même  mot  les  deux  mots  grecs  {j.îiaooV.r,  et  oû/aoio)?-:  : 
et  en  effet  ils  semblent  être  ici  rigoureusement  synonymes.  On  les  retrouvera  encore 
associes  à  la  dernière  phrase  de  l'article  IX,  29.  Voir  supra  IV,  3,  note  finale,  le  sens 
propre  d'àXXotWi;.] 

5.   [C'est-à-dire  «  là  où  elles  sont  ».  —  Cf.  supra  VII,  29.  dernière  phrase.] 

').   (Cf.  aupra  IX.  19;   infra  X.  7.  etc.l 


I  I  I   I  I      I  \  I  1,1  I  I 

[et d'autre    morl    partielle      demande-toi     y  avail  il  i  ■  i 

tei  i  ii>i«  ?  il  n  \  .1  <i<»iK  i  [en  non  pin  i  de  U  i  lbl< 

daiu  un  repos,  dan    un  changement  de  le  t  enti 

22 
(  on  sidère  -.m     lardei   ton  propre  principe  -lui  eanl     celui 
de  l  uiii\ ers  el  celui  <i«'  cel   homme     le  tien    poui   l'en  I 
une  raison  pénétrée  <!<•  ju  li<  elui  de  l  univei     afin  •  !«•  te 

rappeler  de  quel  toul  lu  faii  partie 4;  celui  de  cel  homme,  afin 
que  in  sachei  s'il  agil  par  Ignorance  ou  ave<  réfl<  non  i  I  que 
lu  réfléchisses  en  même  temps  -<  la  parenté  qui  voui  unit. 

23 
Gomme  in  ea  i<>i  même  in'-  pour  contribuer  ■■  parfaire  I  oi 
ganisme  social,  ainsi,  que  chacune  de  tes  actions  i  ontribue  -i 
parfaire  5  la  vie  de  la  société.  Toute  action  qui  ne  se  rapporte ( 

i.  [Marc*  Aurèlo  ne  compte  ici  pour  rien  la  personne  Cl 
a ii  livre  11  ;  infraf  la  n<>t<-  finale  b  la  pensé  i  V  7.] 
Coual  :  -  t;i  conscience,  celle  de  l'univers...  »] 

;>.  [Coual  :  a  la  tienne  1      ta  consi  ien  le  Ion  inb  llig 

la  justice.»  Var  :      afin  de   lui    inspirer   la  justice.  >   —  1 
s'accompagne  de  la  note  luh  ante  : 

y.  voOv  Sixavixov  a-^To  (ou  stutô)  "v./7r;  esl  li  1 
général  en  esl  asseï  clair,  à  condition  toutefois  de  changi  1 

ici,  en  ôixoùxov  :  ce  dernier  mot,  synonyme  de  Îikœ  mtre  une  fois  dans  les 

Pensées  (V,  34).  Mais  cette  correction,  qui  s'impose,  ne  parait  p  suffisant 

doil  y  avoir  une  autre  tache  dans  \<-  texte.  Gataker  a  1  -r-.  qui  ne  1 

L'explication  plus  facile.  L'altération  doit  être  dans  1<-  mol   *o0v,  qui  □ 
[ki>  ici;  la  conjecture  yoûv,  proposée  p  .  esl  la  meilleur 

La  conjecture  de  M.  Rendall  (Journal  of  Philology,  WIII.  pi. 
n'a  pu  connaître,  vaut  celle  de  Coraï,  —  <-t  ne  s'impose  pasd  n 

ici  l'air  de  chevilles.  \  t«>ut  prendre,  peut-être  autant  vaut-il  garder  1 
tionnelle.  L'identité  du  sens  des  mots  fjyejiovtxov  et 
par  une  foule  de  textes.  Elle  ressort  en  particulier  de  la  seule  compai 
énumérations :  aapxta,  rcveuu-àTtov,  rrY6(iovixév  (supra  II. 

voû;  {infra  \ll,  3).   Des  expressions  composées  réunissenl   ass       -    ivenl  dans  les 
Pensées  les  deux  mots  TjYqiovtxbv  et  voOç,  ou  un  synonyme  de  l'un  avec  un  déri 
l'autre  :  Siàvoia  xi»6epvôo>a  (1  II,  64);  Xoyixo  ./.ôv  (VII, 

vqO:  r(Ysaovi/.ô:  (XII,  i4).    Dans  la  phrase   :va  voOv  fctxatx 

représente  le  principe  dirigeant  (rfreu-ovtxov),  voOv  n'es!  donc  pas  illogiqu    :   m    -  il 
est  parfaitement  inutile,  hien  que  certains  exemples  atténuent  la  singularité 
pléonasme.  Cesl  plutôt  oeveo  que  je  serais  tenté  de  corrigi  utanl  plus 

mot  n'est  pas  m'it.  Les  meilleurs  manuscrits  donnent  zùrù,  au  datif.  Si   l'on  n    ut  lire 
ffeaurw,  il  me  semble  que  toutes  les  obscurités  sonl  dissipées.] 

'\.  xYvota  r,  yv(ôu.rr  Ces  deux  substantifs  restant  au  nominatif  -  sujet  d'un 

verbe  qu'il  n'est  pas  aisé  de  suggérer.  Au  contraire,  s'ils  sont  au  data' 
ils  deviennent  le  complément  indirect  d'un  verbe  tel  que  ;  lent  dans 

Marc-Aurde.  [La  seconde  orth  ^graphe  esl  celle  iker.] 

5.  [Sur  le  sens  de  cruu.it>.Yipamxo£,  cf.  supra  IV,  a,  en  note.] 

6.  [Sur  le  sens  d'àvaipopâ,  cf.  supra  III,  n,  'y  note:  \  II.  '». 

A.    COLATP.    FOIRMER, 


I.,',  BIBLIOI  HBQI  B    m  ES    I  M\  I  R81  rÉS    i>l      Mihl 

pas  immédiatemenl  ou  de  loin  à  celle  lin  commune  est  dans 
ta  vie  un  élément  de  discorde  el  de  sédition;  elle  en  rompt 
l'unité,  de  même  que  dans  un  peuple  l'homme  qui,  pour  sa 
part,  s'écarte  de  l'unanime  accord  des  volontés. 

24 

Colères   et  jeux    d'enfants,    petites   Aines    portant  des   cada 
\res',  cela   ne  fait  il  pas  assez  bien  comprendre  l'évocation 

«1rs  morts    dans  l'Odyssée]  a  ? 

25 
[Va  droit 3  à  la  détermination  du  principe  eilicient  et  formel. 

i.  [Nous  savons  par  Marc- Aurèle  lui-même  (IV,  &i)que  ces  mots  ^<>nt  une  ci  ta- 
lion d'Êpictète.] 

2.  J'ai  conservé  le  texte  et  le  sens  généralement  adoptés,  mais  sans  les  trouver 
satisfaisants.—  [  \  nr.  :  «La  vie  humaine  ne  montre  que  colères  et  jeux  d'enfants, 
petites  âmes  portant  des  cadavres,  comme  pour  confirmer  l'exactitude  des  peintures 
de  la  Nékuia.  »] 

3.  [Dans  le  premier  manusciil  de  M.  Couat,  cette  pensée  est  ainsi  traduite  :  «  Exa- 
mine la  qualité  de  la  forme  en  la  séparant  de  la  matière  ;  puis  détermine  le  temps  que 
peut  durer  ce  qui  a  celle  qualité  particulière.»  Ensuite,  une  rature  a  couvert  ces 
lignes,  qui  iront  pas  été  remplacées  dans  le  second  manuscrit.  —  M.  Couat 
arrêt»'1  devant  les  mots  ttjv  -o-.ÔT^îa  toy  kitIov,  dans  lesquels  il  s'est  refusé  à  voir  une 
tautologie,  mais  dont  il  n'a  pas  eu  le  temps  de  découvrir  le  rapport.  Ce  n'est  pas  du 
seul  texte  de-  Pensées  qu'il  l'eut  pu  déduire:  le  nom  de  la  koi6xi\q  n'y  reparaît  plus 
qu'une  fois,  et  en  compagnie  des  mots  rj  xj;ia,  «  la  valeur  >>  (VI,  3).  Ils  témoignent  que 
l'acception  de  icoiot^ç,  en  cet  autre  passage,  est  tout  abstraite.  Par  contre,  on  trou- 
vera, en  dehors  des  Pensées,  certaine  explication  matérialiste  de  la  <<  détermination  » 
ou  «qualité»,  qui  semble  pouvoir  définir  aussi  bien  le  «  principe  efficient  »  ou  la 
«forme.).  C'est  celle  que  rapporte  Plutarque  (de  Stoîc.  repugn.,  43),  et  que  j'ai 
traduite  dans  une  note  antérieure  :  Ta:  ok  TrocoT^ra:  T^iju.y.~x  o&rac  XOK  rrfvouc 
xspcoâsic,  o.':  xv  iyyhtûvxau  \xisi7i  tt^  vXtj?  s'.oqtio'.S'.v  iv.xrs-y.  xàfc  G'/uTt\j.'i-i^ivi  (supra, 
page  i  io;  voir  la  partie  de  la  note  rectifiée  aux  Addenda). 

J'ai  déjà  indiqué  incidemment  (supra  IV,  i4,  note  2)  la  différence  que  je  croyais 
apercevoir  entre  la  icoiozrfi  et  L'afrtov.  Je  dois  ici  préciser  et  justifier  cette  doctrine,  en 
l'appuyant,  autant  que  possible,  sur  le  témoignage  même  de  Marc- Aurèle,  et, 
à  défaut  de  celui-ci,  sur  des  textes  qui  ont  été  déjà  cités  au  cours  de  ces  notes  el 
confrontés  avec  les  Pensées.  Je  n'en  ajouterai  que  deux,  empruntés  au  môme  auteur. 
L'un  est  une  définition  de  la  icoi6rr)Ç,  celle  qu'on  peut  considérer  comme  la  plus  pré- 
cise et  la  plus  exacte,  et  dont  les  autres,  et  en  particulier  celle  que  je  rappelais  tout 
à  l'heure,  ne  seront  que  les  corollaires.  Elle  paraît  distinguer  nettement  les  notions 
de  la  «détermination»  et  du  «  principe  efficient  et  formel»,  sans  pourtant  les 
opposer  comme  irréductibles  entre  elles;  les  définitions  par  corollaire  dont  il  vient 
d'être  question  sortiront  en  effet  de  la  conciliation  de  ces  deux  concepts  : 

Oi  ok  TT(i)V/.o\  rb  xoivbv  Tf(r  icoiotiqto;  to  et;:  tojv  (twjxxtwv  XIyoinxi  oiasopàv   civat 
oyffiaç   O'jx  aicoStaXvjirrqv   xaû'    aùrrjv,    à/./.'    etç  îv  vôr.aa   xat    !o:ÔT/(Ta    iitOAT,YO\><jav, 
o(/ts  '/oovfo    otfxe   i<ryyï  s'.ooTroio'JîxÉvvy/.   àXXà  trj    s;    aOrijç  to'.o-jtotc,-:'.    y.a(T    r,v   iroto'j 
carat  yhsvi;  (Scholia  in  Aristotetem,  dans 'Brandis,  t.  IV,  p.  Gq  a,  ligne  3o). 

J'ai  du,  avant  de  l'interpréter,  transcrire  en  entier  ce  long  texte  grec,  à  cause  de 
l'abondance  des  terme-  abstraits  qui  s'y  trouvent,  et  dont  je  ne  pouvais  donner 
qu'une  traduction  approchée.  r<  Les  Stoïciens,  dit  Simplicius  dans  son  commentaire 


I  '  I     l      II  I  •  I        \  I   \  I  V  I    I    I    I    I 

(  ion  Idèi  e  i<    abati  action  faite  de  la  matièi  e    Supputa  i 

d'Arlstol      d  i"n      ni    mil 

;  ||  .1.   lu. 

dimmenl    dn    <  •  H       mal      i        LU'       <■    i  un.  n      ..    i  un 

h  .1    |.  .  1 1 1 . .   m  p  n    on  lut  nsit<   ni  p 

0(   qu  ■  M-  if  t    'i  'i1"'  '  IncJI  \  ldu  qui    I  i  d<  i-  rtn  mpll 

i  m    m  manque  pa    de  rolovor  «  r<  d<  llnillon  qui   i 

toute  réalité  Indépendante,  al  n'en  fa  II  qu  un 

proposition  d<    Plolln  {Et  VI    i 

.1   i.i 

«  m  ,  poui  Man     luri  le   le    d<  m  n 
. -Mi-  lonl     ion!  •  onnexea  1 1  I   infre  \ .    ••  i  I  l<  l(    nom 

.  e  qua  nom  appelons   la  «eau 

quel  détoui   i  au  prjj  i<  n/  interne  ci  pi  lm< 

chacun  de  ces  dou  i  i-  i  n ■•    ,  op]  mmo  lacauno  et  I 

.  m  lenl  el   la  matière  ln<  i  te    Par©    qui    1 1  d(  finition  ri  n< 

io*p  n.  pas  de  i  .>  ,  la  pan  e  qu  <  ell<    li    n 

oppose  pas  l'une  a  l'autre,  parce  qu'elle  noui  donne  enfin  la 
conecj  i .  dirons*  noua  donc  que  cette  notion  •  I  i  -  Ile  que  Mai    -  iuri  loexprin 
mota  a;.:'.'a,  xtrio\  ni  contradicl  Simplicius  eûl  Irouvi    la  défi  i 

moins  •  cir.in  n "ii  rappel    une  aul i 

qu'il  .i\,ui  rapportée  lui   méane  quelques  pages  plus  haut,  •  I  p<  ni  -•  tre  i  mprunl 
môme  endroil  ;  ce  aéra  i«-  second  texl  •  que  J'ai  annoncé.  Li  (dans  Bi  /  .  i    l  \ 

l>.  (»;  a,  ligne  6),  Siuiplicius,  après  avoir  dit  que  pour  lea  Stoi  l<  ni  I  i  d'un 

ôtre  corporel  c>i  toujours  corporelle,  observe  que  lea  philosophe! 
sur  l'explication  de  cell    «i,  lea  una  soutenant  qu'elle  eal  non  seulemenl  le  prii 
efficient  des  êtres  et  de  leur  individualité  distineth  Ile  se 

détermine  elle-même  ;■  lea  déterminer  ;«iri^i  |  ,   .  .  /-x    x£ 

tt,v  autfav  tmpipovtxiv,   xùto 7 j rcor.ro (  o^a:  koi 

qu'elle  dépend  elle   même  d'un  autre  principe  (altf a),  et  celui-ci  d'un 
ainsi  de  suite  à  l'infini.  La  première  de  ces  explications,  qui  affir  ne  l'imm  inen 
la  cause,  r>t  panthéislique,  donc  stoïcienne:  et  l'on  y  peul  >. - > i r  lea  notions  d<   i 
el  d<>  la  T:o:oTr,:  si  étroitemenl  unies  que  le  nom  de  l'une  y  sert  ï  •  ipliquer  Pauln 
il  eal  naturel,  en  effet,  que  le  princip  i  qui  organise  ou  qui  maintien!  soil  le  même 
qui  définisse.  Si,  dans  l«-  il  irnier  l  ixte  que  j'1  viens  de  rapp  lier,  la  koi  '•>-.  -..-  parail 
confondue  avec  ce  principe  môme  et  dbuée  d'une  activité  ou  d'une  puisa 
au  lieu  d'être  donnée  seulemenl  pour  le  concept  de  celt»'  activité,  c'est  par  nn  abus 
de  langage  donl  j'aurai  à  rendre  compte.  Mais  on  peut  fori  aisémenl 
abua  et  restituer  ainsi  une  définition  moyenne  où  se  concilient  lc<  deux  que 
a  conservées  Simplicius,  sans  en  avoir  aperçu  la  parenté.  On  arriverait  i  peu  pi 
même  résultai  en  se  bornant  à  changer  dans  la  traduction  de  l'autre  I    \t        m  lli 
en  «principe  efficient»,  et  «individu»  en  ((principe  efficient  de  l'individ 
substitutions  sembleront  légitimes  à  quiconque  aura  pris  le  mot  «  matière 
dans  son  acception  la  plus  large,  el   se  souviendra  que  pour  les  Stoïciens  le  principe 
efficient  lui  aussi  est  matériel.  Elles  permettront  de  préciser  la  nature  et  la  port 
la  définition  encore  toute  logique  que  Simplicius  a  trouvée  étrange  pour  s'<  tre  trop 
pressé  d'identifier  une  catégorie  avec  un  principe  métaphysique:  Le  moment  de  la 
doctrine  où  elle  trouve  >a  place  est  antérieur  à  toute  spéculation  métaphysique. — 
Mais  lorsque  Mare   AmMe  réunit  les  mots  rtoiotik  wj   oûrteu,  ce  moment  e?t  pass 
atmoù  l'atteste.  La  définition  de  la  jrotoT/jç  que  l'on  pourrait  déduire  de  cette  syntaxe 
est  précisément  celle  qui  fait   transition  entre  les   deux  que  rapporte  Simplicius: 
Marc-Aurèle,  en  effet,  a  su  garder  ici  au  mot  KotOTT);  son  acception  propre  et  pre 
mière.  Non  seulement  il  a  séparé,  conformément  à  la  définition  fondamentale,  les 
deux  notions  de  la  détermination  et  de  la  durée:  mais  le  mot  jcoi<k/jr,  i   i  comme 
plus  haut  (VI,  3),  n'exprime   rien  de  plus  qu'une  ;ibs  raction,  dont  toute  la  realité 
est  dans  son  substrat,  l'afcrov,  et  dans  l'esprit  qui  la  conçoit.  Je  serais  même  presque 
tenté  de  considérer  ici   l'expression    koiotjk   toC  butîoii  comme  équivalente  à   une 
phrase  où  pourrait  disparaître  lo  mot   roiotv£,  par  exemple  à    -  '----.  -yt  a 


i<)()  BIBLIOTHÈQUE    Dl  9    UNIVERSITÉS    Dl     MIDI 

toul  le  temps  que  peut  exister  l'individu  ou  la  chose  eu 
question] Q. 

26 
Tu  as  souffert  mille  peines  parce  qu'il  ne  te  suffisait  pas  que 

Quel  | > *  lit  donc  rire  le  principe  effi<  Lent  I  ne  simple  détermination,  une  nature,  une 
Ame?  La  hiérarchie  des  êtrei  que  Marc  turèle  i  fondée  plus  haut  (VI,  ik  >  N«>ii 
i,i  seconde  unie  n  ctiflée  aux  iddenda)  sur  L'afrtov  qui  ',v  liMl  être  ou  la  icotorqç  qui  les 
définit  m<'  paratl  fournir  le  commentaire  naturel  <ie  ce  paaai 

Il  resterai I  à  montrer  comment  d'autres  Stoïciens  <|u<'  Marc-  iurèle  onl  pu 
confondre  la  rcoioT/j;  al  L'ot&tov,  c'est-à-dire  l'attribut  et  son  sujet,  et  définir  la  pre- 
mière comme  une  réalité  concrète,  et  comme  une  matière.  On  expliquerait  la  chose 
aaseï  ai-<  menl  en  distinguant  deux  groupes  d'objets  ou  d'êtres  individuels  :  d'abord 
le>  êtres  qui  croissent  et  vivent,  ceux  que  Marc-  lurèle  désigne  quelque  i>;irt  (jmpra 

\  I,  ko  :  voir  la  y  note  rectifiée  ;iu\    iddendd)  par  le>  mots  Ta  :jTj>  pUfffttC  (TUVSYô'ptva, 

et  qui  ont  toujours  porté  en  eux-mêmes  le  principe  efficient  qui  les  fait  être  et 
croître  et  qui  les  conduit  à  leur  fin;  ensuite  les  objets  «dont  le  fabricant  est  loin 
(ibid.)y  les  œuvres  des  hommes,  auxquelles  on  pourrait  joindre  l<s  déchets  de  la 
nature,  et  la  pierre,  el  le  bois.  L'auteur  de  ces  eboses,  homme  ou  nature  qui  en  est 
le  véritable  xfrtov,  a  dû,  disent  les  Stoïciens,  enfermer  en  elles  et  intimement  mêler 
«à  leur  matière  un  souille  qui  les  maintient,  qui  en  garde  la  forme  et  toutes  les 
qualités,  et  que  l'on  appelle  fort  improprement  acnov,  parce  que  dans  Les  vivants 
et  dans  les  plantes  on  nomme  ainsi  le  principe  de  vie  opposé  à  la  matière  inerte.  Or 
ici  la  icoiôVqc  exprime  toujours  exactement  toute  l'action  de  cet  outiov.  Us  sont,  en 
quelque  sorte,  également  immobiles,  et  ne  disparaissent,  l'une  avec  l'autre,  qu'à  la 
volonté  d'un  modeleur  qui  «  changera  en  chien  le  cheval  de  cire  :  et  ce  sera  pourtant 
toujours  la  même  cire»  (cf.  supra,  page  i'ji,  note  i).  —  Dans  un  système  matéria- 
liste, on  admettra  donc  aisément  la  substitution  du  premier  de  ces  termes  au  second, 
c'est-à-dire  la  conception  matérielle  de  la  uoioTr,;  :  et  môme  l'inexactitude  pourra 
sembler  moindre  qu'à  donner  le  nom  de  «cause  »  à  quelque  chose  qui  ne  cause  rien. 

Dans  les  plantes  et  les  êtres,  au  contraire,  le  principe  efficient,  nature  ou  âme.  est 
toujours  en  action;  et,  tout  en  agissant,  il  se  renouvelle  sans  cesse,  par  la  transpira- 
tion, la  respiration,  la  transformation  des  aliments:  cette  instabilité  est  formelle- 
ment proclamée  par  Marc-Aurèle  en  plusieurs  passages,  et  notamment  à  l'article  V. 
a3  (voir  la  seconde  note),  et  à  la  fin  de  la  pensée  X,  7.  Mais  en  même  temps,  il  est 
contraint  de  reconnaître  pour  un  moment,  pour  l'espace  d'une  vie,  la  persistance  en 
nous  de  quelque  chose  (xt  :  X,  7,  lin)  en  quoi  réside  notre  identité.  Peut-être  même  — 
car  le  texte  n'est  pas  sur — a  - 1-  il  aussi  donné  le  nom  d'tStw;  itotbv  à  ce  principe 
stable,  et  presque  retrouvé  la  proposition  de  Posidonius  (Stobée,  EcL.  I,  'j3G  =  supra. 
page  56,  en  note)  :  7iapa|X£V£i  r,  tcoiot/);  àno  ttjç  y£V£<jsu>;  jj-i/pc  -r(:  àva-.pz(7£w:. 

Il  serait  malaisé  de  dire  si  dans  une  telle  phrase  noiÔTr^  désigne  encqre  le  concept 
de  notre  identité  et  de  tous  les  attributs  qui  nous  définissent  pendant  le  temps  de 
notre  vie,  ou  si  déjà  il  exprime  le  fond  de  notre  être,  et  comme  l'âme  de  notre  âme. 
Il  est  en  revanche  assez  facile  d'expliquer  le  passage  de  la  première  acception  à  la 
seconde  :  il  suffira  d'invoquer  ici  encore  l'impropriété  du  mot  aïtiov,  —  incapable 
cette  fois  d'exprimer  un  principe  stable. 

Pour  Marc-Aurèle,  qui,  dans  celles  de  ses  Pensées  dont  le  texte  est  sur,  semble 
avoir  évité  de  donner  à  icoi6tï)C  un  sens  concret,  il  a  préféré  au  moins  une  fois 
appeler  y.aTaTxsjaaaaa  8uvot(M<  (supra  VI,  !\o)  «  ce  qui  est  et  demeure  en  nous  »  ] 

2.  [Beaucoup  de  textes  stoïciens  (cf.  Zeller,  Phil.  der  Gr.,  III3,  pp.  90  sqq.,  et 
notamment  p.  96,  note  1)  nous  donnent  les  deux  expressions  Iota  tcoiottj;  et  coi'a>; 
Tiotbv  comme  synonymes.  Mais  ib  igiw;  tioiov  avait  aussi  un  sens  concret,  et  s'em- 
ployait aussi  bien  pour  désigner  l'individu  déterminé  que  la  détermination  de  l'indi- 
vidu. C'est  le  sens  que  prend  cette  locution  ici  même,  où  elle  se  distingue  si  nettement 
île  710:67/);;  c'est  celui  qu'elle  a  probablement  (voir  la  note)  à  la  dernière  phrase  de 
l'article  X,  7;  celui  que  lui  donne  encore  notre  auteur  la  troisième  fois  où  il 
remploi,-  (XII,   3o). 


im  .m      m    .1   Ki     m  m  i  i 

ton  principe  dii  Igeanl  fil  ce  poui  quoi   il  i 
m. m    en  voilà  a    wa 

27 

Les  autrei  i«'  blftmenl  il  .  te  haïssenl  il      parlent  il    d<    toi 
de  i<'llc  <mi  telle  tnanièi e    pénal i e  au  fond  de  leui 

irdc  ce  qu'ils  sonl .    lu  verrai   qu'il  ne  faul   p  i    te   low 
menter  afin  qu'ils  aient  de  toi  une  opinion  quel  >nqu     Séan 
moins,  sois  bon  pour  eux    il     <»ni  tes  amia  d'aprè    I  •  nature 
Les  Dieux  aussi  1  les  aident  de  toute  façon,  pai  de     lonj 
par  des  oracles    ,  fa  obtenir  précisément  ces  biens  qui  leur 
tiennent  i  cœui 

28 
Le  monde  tourne  toujours  dans  le  même  cercle,  en  haut,  en 
bas,  de  siècle  en  siècle".  I lu  bien  l'intelligence  universel!* 
met  en  mou veme ni  pom*  chaque  objet  particulier,  et,  s'il  en  est 

ainsi,  lu  dois  suiwe  ee  mouvement;  OU  bien  elle  s'est  mise  <n 

mouvement  une  lois  pour  toutes,  et  chaque  événement  est  la 
conséquence  de  cette  impulsion  unique  :  et  alors  pourquoi  te 
troubler?  ou  enfin autant  vaut  parler  des  atomes,  des  indi- 
visibles S.  Bref,  s'il  y  a  un  Dieu,  tout  va  bien:  s'il  n'y  a  que  le 
hasard,  tâche  de  ne  pas  l'abandonner  toi -ma  me  au  hasard. 

Bientôt  la  terre  nous  recouvrira   tous;  puis  elle  changera 
elle-même;  puis  les  choses  changeront  à  l'infini;  puis  encore 

i.  [Couat  :  «  créé.  >>  —  Cf.  supra  VI,  m.  note  \.\ 

2.  Le   texte  donne   kXkk  StXiç,   que  j",ii  traduit  littéralement.  Mai-  je 

texte  est  altéré,  et  que  la  conjonction  àWa  annonce  la  contre  partie  de  ce  qui  pr 
On  peut  supposer  qu'il  y  avait  :  «  niais  tu  lui  demandais  autre  chose,  le  n  pi 
d'ailleurs,  aucune  correction, 

3.  \CA\  supra  IX,  18,  etc.] 

[\.  [Cf.  supra  VII,  70,  el  1\,  11.] 

5.  |  Mare-Aurèle  lui-même,   à  la  tin  du  livre  I,  remercie  les  dieui  des   ivei 
ments  qu'il  en  a  reçus  en  songe.  —  Sur  leur  intervention  dans  les  artïiir  s  ho 
cf.  supra  VII.  75,  el  la  note  rectifiée  aux  Addenda.] 

6.  [Couat:  «ces  biens  qu'ils  recherchent  en  ?' agi  tant  de  tout  côté.   •  —  Cette  tra- 
duction m'a  paru  forcer  le  sens  de  o'.acpioeTO*'..  —  Cf.  supra  VI,  3  •.  n    t 

7.  [Ici,  Mare-Aurèle  affirme  avec  assurance  une  doctrine  dont  il  .1  parfois  douté, 
et  qu'il  a  même  contestée  (cf.  supra  Y,  i3,  note  finale,  complétée  aux    1  Idenda).] 

S.   [Couat  :  «  toute  chose  provient  d'une  autre:  le  monde,  en  effet,  ne  peut  qu'être 
composé  d'atomes  ou  former  un  tout  indivisible.  1 —  Le  t  \t     grec:  *at  - 
xpÔTTov  yàp  T'.va  à'Toaoi,  r,  i'J.£pr  est  inextricable:  Pierron  déclare  le  pa<sau"e  d 
Le  dernier,  à  ma  connaissance,  qui  s'y  soit  attaqué  esl  M    Etendall  (Journal  of  Philo- 
logy,  XXIII,  p.  i5o).  De  xoà  t\  èv  «vi,  il  tire  le  verbe  que  nous  jugeons  soush  ni 
dans  la  phrase  précédente:  xatexTervet.  Puis,  s'offensant  de   la  redondance  rcouot 


ig8  BIBLIOTHÈQUE    DES    UNIVERSITÉS    Dl     MIDI 

à  l'infini1.  Contemple  ces   marées  [des  changements  et]  des 

métamorpho8(        el  leur  marche  rapide;  tu  mépriseras  alors 

tout  ce  qui  est  mortel  3, 

29 

La  cause  universelle  est  comme  un  torrent;  elle  emporte 
tout.  Qu'ils  sont  simples,  ces  pauvres  hommes  d'Etat,  qui 
s'imaginent  agir  en  philosophes  S  !  Les  morveux^!   Fais  donc, 

il  u  refuse  à  voir  une  glose  dans  Le*  mots?)  Ruspfj,  parce  qu'$xouoi  n't  pas 
besoin  d'explication,  el  qu'il  ('xl  d'ailleurs  plus  usuel  et  plus  clair  qu'à(Uprr  Fina- 
lement, il  corrige  ce  dernier  m«>t  en  ilpLapjiiv/j.  Ainsi  restauré  par  lui,  le  pat 
peut  avoir  le  sens  suivant:  «et  cette  impulsion  unique,  elle  (l'intelligence  univer- 
selle) la  développe  dans  tous  les  événements  ultérieurs,  qui  en  sont  la  conséquence  : 
le  monde,  en  effet,  ne  peut  qu  être  composé  d'atomes  ou  régi  par  une  de-tinée.  » 
On  peu!  objecter  à  (••■Me  lecture,  d'abord  que  le  verbe  xa  tcxTes'vet,  si  régulièrement 
tonné  (pi "il  soit,  si  admissible  même  dans  la  langue  d'un  auteur  qui  semble  affec- 
tionner les  verbes  composés  de  deux  prépositions,  n'existe  pas  ailleurs:  M.  Hcndall 
lui- même  l'a  reconnu;  ensuite,  que  Marc-Aurèle,  à  l'ordinaire,  oppose  par  les  deux 
mots  7T0'...  r(...  (Vil,  75  ;  Vil,  32;  XII,  14,  et  ici  même,  dans  la  première  partir  de 
la  pensée),  plutôt  que  par  un  simple  y\  (cf.  pourtant  VII,  5o)  deux  alternative^  qui 
s'excluenl  ;  ensuite,  que  ~oô-oj...  Tiva,  les  corrections  faites,  n'a  plus  de  sens;  enfin, 
que  !<•  mol  £'.;xaofxfv/(  n'exprime  que  la  seconde  des  deux  hypothèses  stoïciennes 
exposées  ici  par  Marc-Aurèle.  —  Ces  deux  dernières  objections  s'adressent  aussi  à  la 
conjecture  de  M.  Couat,  qui  a  dû  corriger  ocusor,  en  àusps:.  Comment,  d'ailleurs,  ce 
mot  pourrait-il  désigner  le  monde?  Il  contredit  tous  les  textes  qui  nous  définiss  ni 
comme  des  «parties»  ou  des  «membres»  du  tout.  J'ajoute  enfin  qu'il  me  parait 
impossible  de  donner  un  sens  à  fi  êv  tivi. 

Ces  mots  avaient  été  ingénieusement  corrigés  par  Coraï  en  xàt  ~.i  ÈvrecVn.  La  même 
correction,  proposée  par  le  même  savant,  a  paru  évidente  à  M.  Stich  au  cours  de  la 
pensée  X,  3i,  et  M  Polak  se  demande,  non  sans  raison,  pourquoi  elle  lui  a  semblé 
inadmissible  ici  (Hermès,  XXI,  p.  332).  Je  l'ai  reprise  et  traduite.  J'ai  supposé 
ensuite  la  chute  de  toute  une  ligne,  où  devait  être  exprimée  une  troisième  hypo- 
thèse,  déjà  envisagée  par  Marc-Aurèle  dans  une  pensée  analogue  (supra  VI,  (6  :  «ou 
bien  il  y  a  des  dieux,  mais  ils  ne  délibèrent  sur  rien»),  et  qui  devait  se  terminer 
par  les  mots  :  o-jTce.  ok  xi  £'.<rtv  èv  tîv.  ;  ou  simplement  :  outoi  6î  t:  èv  nvt  ;  —  c'est-à-dire 
par  cette  idée:  «Mais  alors,  qu'est-ce  que  le  monde  et  qu'est-ce  qu'ils  y  font.'.- 
La  phrase  qui  suit,  où  j'ai  pu  traduire  toôtiov  ttvâ,  se  rattache  logiquement  à 
celle  ci.  On  comprend,  d'ailleurs,  comment  une  ligne  a  pu  disparaître  entre  deux 
groupes  de  sons  identiques:  xi  svtîivï]  et  ti  Iv  Ttvt.  Ce  genre  de  fautes  est  assez 
commun. 

Pour  la  doctrine,  comparer  surtout  les  pensées  XII,  i'i,  et  VII,  70;  voir  la  note 
à  cette  dernière  et  la  rectification  aux  Addenda.] 

1.  [Comme  l'a  reconnu  Marc-Aurèle  lui-même  à  la  lin  de  la  pensée  V,  i3,  l'idée 
de  ces  transformations  à  l'infini  n'est  nullement  contradictoire  avec  celle  des  révolu- 
tions périodiques  auxquelles  il  faisait  (voir  la  première  note)  tout  à  l'heure  allusion.] 

2.  [Cf.  supra  1\,  19,  en  note,  et  IV,  3,  note  finale.] 

3.  [Ici  s'arrête  le  second  manuscrit  de  M.  Couat.] 

'i.  [Couat  :  «Combien  vulgaires  sont  toutes  ces  questions  politiques,  et  pour  qui 
wusc  en  philosophe,  toutes  ces  affaires  humaines!  »  —  M.  Couat  a  dû  lire  :  u>;  0^72: 
/.oTÔsto:,  àvOpfôrrs'.a  7isiy;j.aTa.  La  correction  ne  s'imposait  pas.] 

5.  [Couat:  «  quelle  sécrétion  parasitaire!  »  —  J'ai  préféré  le  sens  de  Picrron  et  de 
M.  Micb  >ut,  celui  aussi  de  Renan,  qui  développe  en  une  phrase  le  |rj££>v  u.sTTâ  :  «  ce 
sont  des  bambins  dont  on  débarbouille  le  nez  avec  un  mouchoir  »  (Marc-Aurele  et  la 
fut  <lu  monde  antique*,  p.  52). 


Il       Nil  Ml  M     \    ||(  \    I       l.l      I      I 

ô  homme,  il  jamal    tu  dol    le  faii  <|u.  la  natui  i  réel 

|  maintenant   '  de  toi    I  nti  epi  end    I  oui  pc  qui  t'etl  donn 
ol  ne  regai  de  pi    autoui  de  loi    I  on  le    ail  la 

i  épublique  de  Plab m    Sol       itisfail     I  l<     cli  >nl  un  pu 

en  avantj  el  oonsidèi  e  ce    i  et  Altaï  «  omme   un 
pourra,  en  effet,  changei  le    pi  iiicipr      m  l<   rj m  i  i- ut 

les  hommes?  El  pourtant,  en  dehoi    de  «  e  i  hangi  mer  (  il 

autre  ohose  que  lervitude,  gémissement     -  onvictl 
il  maintenant,  parle  moi  d'Alexandre,  de  Philippe,  de  D 
irius  de  Phalère,  Je  les  inlvraH  s'ils  onl  comprit  la  rolon 
de  lit  nature  universelle,  l'ils  onl  m  être  leur*  propi  la 

gogues,  S'ils  nom,  au  contraire,  été  que  dei  acteun  tragique 
personne  ne  m'a  condamné  à  les  Imiter    L'œuvn  de  la  philo 
sophie  est  -impie  ci  modeste;  ne  me  pousse  pas  i  i  il 

30 

Regarde  de  haurl  ers  troupeaux  innombrables,  cet   innom 
brables  cérémonies,  toutes  ces  traversées  entreprises  sur  des 
mers  orageuses  ou  tranquilles,  celle  variété  de  gens  «pu  nais 

seul,  vivent  autour  de  toi,  et  meurent.  Pen86  aussi  à  tous  I 
autres  qui  ont  vécu  autrefois,  et  à  ceux  qui  vivront  après  toi, 
et  à  ceux  qui  vivent  en  ce  moment  chez  les  peuples  barbatf 
Que  d'hommes  ne  connaissent  même  pas  ton  nom!  Combien 
l'oublieront  bien  vite!  Combien,  après  l'avoir  loue  peut  être 
aujourd'hui,  te  dénigreront  demain!  Conclus  que  rien  n'a 
aucun  prix,  ni  la  mémoire  des  hommes,  ni  la  gloire,  ni 
quelque  autre  chose  que  ce  soit. 

i.  [Au  lieu  do  xi  iroxe,  dont  le  sens  est  p  u  satisfaisant,  M.  Couat  i  lu  t\  note-  — 
Je  préfère  cotte  conjecture  à  celle  de  M.  Rendait  (Journal  of  Phttoloyy,  WIII.  i5i) 
qui  prétend  corriger  une  tMgraphie  en  Lisant:  xi  ko«  icoûj;  o  vOv..  .  au  lieu 

~oi=  ;  irotr,<rov,  S  vyv...  Que  signifierait  dans  la    leçon  de   M.    Rendait   vî 
«le  xi   1COTS?] 

.->.  [Le  mol  vùv,  oublié  par  M.  Couat,  me  semble  avoir  ici  la  même  im; 
que  les  mots  it«poj<rn,  et  icspoOffa  aux  pensées  VIL  ô;.  el  1\.  6,  où  ils  -  >nt  chacun 
exprimés  trois  fois.] 

3.  [La  conjecture  de  M.  Couat  est  ici  celle  même  de  II.  Rendait  (ibid.):  -, 
o  av  SiSûrai,  au  lieu  de  :  lav  8tôVî»rat.] 

4.  [Couat:  «qui  sait  s'ils  ont  compris...  ?>»  — Je  ne  puis  retrouver  la  correction 
que  suppose  celte  traduction.  Le  texte  (otyovratt  et  eiôov)  me  semble  d'ailleurs  inin- 
telligible. J'ai  admis  la  lecture  de  M.  de  Wilamowits,  E^ojiat.  I  p  peu  plus  haut,  en 
écrivant:  «qui  pourra  changer  les  principes?»,  ce  qui  suppose  la  correction  dans  le 
texte  de  uEraoâAAE».  en  uETaoaAEi,  M.  Couat  s'était  rencontré  avec  lui.] 


mm)  B1B1  LOI  HBQ1  I    DES   I  DIVERS]  i  ES    i»i     midi 

31 

Ne  te  laisse  jamais  troubler1  par  les  événements  qui  pro- 
viennenl  de  la  cause  extérieure2;  observe  la  justice  dans 
toutes  les  actions  dont  la  cause 3  est  en  toi;  je  veux  dire'» 
que  le  bul  de  toutes  lea  tendances  el  <lc  toutes  les  actions 
doil  être  précisémenl  d'agir  pour  la  cité,  parce  que  cela  es) 

couronne  ;i    l;i    nature. 

i .  |  L'àtapa(fa  entraîne  L'àitdtOeia  :  pas  de  trouble, pas  de  passions,  —  <-t  l'absence  de 
passions,  c'est  La  vertu.  —  Voir  la  même  recommandation  au  début  de  la  pensée  VHI,  5.] 

•>.  |(  louât:  «d'une  cause  extérieure.  »—  L'article  est  exprimé  en  grec;  cette 
cause  extérieure»,  c'esl  La  cause  universelle,  opposée  à  notre  principe  efficient  ou 
à  notre  activité  propre,  que  Marc-Aurele  désigne  ici  du  même  nom  d'atTta(cf.  supra  V, 
.;.  note  ■•)■  L'antithèse  de  La  <•  cause  extérieure  »  el  de  La  a  cause  interne  <>  peu!  aider 
à  relier  Les  divers  sens  de  ce  mot.  Sauf  Les  cas  où  il  signifie  "motif'»  ou  «raison 
d'agir»,  nous  ne  voyons  pas  que  Marc-Aurèle  L'ait  jamais  distingué  d'afctov,  bien 
que  Chrysippe  (dans  Stobée,  /•>/..  I,  338)  ait  opposé  Les  deux  termes  en  taisant 
exprimer  au  premier  «  la  raison  qui  esl  dan-  Le  second  >>:  octifav  5'  ilvai  X6yov  ottTtou, 
r,  XôyoN  tov  ~iy.  to*J  KtTÎO'j  ci»;  aUtou-  Non-  pouvons  donc  d'abord  définir  ottritt  comme 
tous  Les  Stoïciens  oui  (ail  outiov.  Zenon,  Chrysippe,  Posidonius  (dans  Stobée,  ibid.) 
voient  dans  l.i  «cause»  le  pourquoi  des  choses,  ou  plutôt  Le  "par  quoi  »,  co  5i'  S. 
L'antécédenl  invariable  peut  ainsi  porter  le  nom  d'afciov;  mais  les  exemples  que 
donnent  les  maîtres  du  Stoïcisme  de  la  relation  de  causalité  sont  moins  ceux  d'un 
antécédent  el  de  son  conséquent  que  ceux  d'un  sujet,  ou,  comme  il-  disent,  d'un 
corps  (<7ûu.a),  et  de  son  verbe  (xaxrryoprjiia  :  sur  le  sens  du  mot,  cf.  Zeller,  Phil.  der 
Gr.y  III3,  p.  8(),  note  2),  c'est-à-dire  d'une  action;  puis  d'une  qualité  du  sujet,  c'est- 
à-dire  encore  d'un  corps  (supra  I\,  26,  i"  note),  et  de  l'action  qui  la  manifeste. 
Ainsi,  «lit  /«'non  (dan»  Stobée,  /.  /.,  p.  336),  "  la  sagesse  esl  cause  de  l'action  d'être 
sage.  "  On  voit  comment  l'ànie  a  pu  être  désignée  du  nom  d'atn'ot  :  elle  est,  en  effet, 
Le  principe  efficient  el  formel  de  L'individu  humain,  elle  est  «  cause  »  qu'il  est;  et  elle 
est,  en  outre,  la  «cause))  de  ses  actions.  Nous  avons  vu  dans  une  note  antérieure 
(IV  25)  comment  Les  Stoïciens  avaient  été  conduits  à  reconnaître  aussi  un  «  principe 
efficient  et  formel  »  dans  les  choses  inertes. 

Ainsi,  la  «cause»  qui  intéresse  surtout  les  Stoïciens  est  la  cause  interne,  dans 
laquelle  ils  ont,  comme  on  l'a  vu,  intégré  la  forme  (IV,  21,  note  finale).  Leur  système 
panthéiste  leur  a  même  permis  de  ramener  toutes  les  causes  externes  à  une  seule 
cause  interne  totale  (supra  VII,  10),  celle  qu'ils  appellent  ici  la  «  cause  extérieure  », 
saus  qu'ils  perdissent  jamais  pourtant,  chaque  fois  qu'ils  écrivaient  le  mot  ouriov,  la 
notion  très  nette  de  l'opposition  de  deux  termes,  aussi  distincts  que  peut  L'être  pour 
nous  une  caude  de  son  effet.  Nous  avons  vu  encore  (IX.,  2.5,  r*  note)  comment  le  concept 
de  l'a.Tiov  avait  pu  d'abord  par  là  se  différencier  pour  eux  de  celui  de  la  noiotrj;. 

Le  terme  opposé  à  la  cause,  ou  «  l'effet»,  s'appelait  dans  l'Ecole,  nous  dit  Stobée, 
'j.-rj-ï/,zi'yx  ou  Tj[j.o£o/y/.ô:.  Quand  IVllW  est  rapporté  à  la  cause  universelle,  on 
l'appelle  plutôt  ffujxêaîvov  :  ce  mol  peut  ainsi  désigner  les  ((circonstances  extérieures  », 
qui  sont  la  «  matière  »  de  notre  action,  et  servir  d'antithèse  au  mot  Êvépveia  (cf.  supra, 
page   161 ,   note  3). 

Tandis  qu'aitcov  et  a'.Tt'a  dans  le^  Pensées  désignent  indifféremment  le  «principe 
efficient  interne»  et  la  cause  extérieure,  le  mot  oc'.tuooî:  n'y  est  employé  que  dans 
•     premier  sens,  et  toujours  en  opposition  avec  le  nom  du  principe  matériel.] 

3.  [Le  sens  que  nous  sommes  ici  contraint  de  donner  à  Tcapa  (sv  toi;  rcapà  rïjv  ex 
a-.Tiav  Èvepyoujxévot;)  est  tout  à  fait  insolite.  Faut-il  lire  oii?  ou  remplacer  Tr,v... 

oe.TÎav  par  rrjç...  a;.T:a:.'') 

4.  [Gouat  :  «je  veux  dire  que  tes  désirs  et  ton  activité  doivent  tendre  au  bien 
commun,  conformément  à  ta  nature.  >>] 


I  I  «I         Ml'  \  I     Hl.l.l 


32 


i  u  peux  lupprimei  nombi  e  de  i  au  t      iin<     di   in  uble 
n  exl  itenl  que  dan    ton  jugement  '     I  u  le  melti  i 
,,  i  aii  e  ru  embi  b  isanl  pai  la  pen  M$e  le  monde  enti<  i 
chissanl  b  la  durée  éternelle,  aux  Iran  fi  u  mal  iom  »  api 
i, mies  choses,  <'M  toutes  leurs  pai  Li<      en  voyanl  i   imbl  n 
courl  l<*  i < m 1 1 1 > ^  <|in  sépare,  pour  chaque  i  tre    lo  n  ii    ari< 
la  dissolution,  tandis  <|u<-  le  temps  antérieui  1  la  aal 
Infini,  et  sans  terme  également  '  celui  qui  suivra  ladl  solution. 

33 

Toutes  les  choses  que  tu  voia  périront  bientôt  el  ceux  qui 
les  auront  vues  périr  périront  bientôt  à  leur  tour.  L'homme 
mort  à  l'extrême  vieillesse  en  sera  au  même  point  que  celui 
dont  la  mort  aura  été  prématurée. 

34 

Que  sont  les  âmes 3  de  ces  hommes?  De  quoi  se  préoccu 
pent-ils?  Quels  soûl   les  mobiles  de  leur  amitié  et    de   leur 

estime?  Suppose  que  tu  vois  leurs  Ames  toutes  nues.  Ils 
croient  nuire  par  leurs  blâmes  ou  se  rendre  utile-  i  par  leurs 
louanges.  Quelle  présomption! 

35 

La  perte  de  la  vie  n'est  qu'une  transformation.  <;<■>  transfor- 
mations plaisent  à  la  nature  universelle  dont  la  je  a  lait 
naître  toutes  les  choses,  les  a  fait  naître  de  toute  éternité 
suivant  le  même  type  et  ne  cessera  d'en  produire  de  semblables 
à  l'infini.  Que  dis- tu  donc?  Que  tout  a  été  et  sera  ton  jour- 
mal,  et  que  parmi  tant  de  Dieux  il  ne  s'en  est  pas  trouvé  un 
qui  eut  la  puissance  d'y  remédier,  et  que  le  monde  est  con- 
damné à  une  suite  indéfinie  de  misères  ! 

i.  [Gouat:  «  ta  pensée.»—  Cf.  supra.  IV.  7:  VIII,  &o,  etc.] 

2.  [Cf.  supra  V,  2  3,  note  3.J 

3.  [Gouat  :  «  les  consciences.  »] 

'a.  [Gouat  :  «  ou  rendre  service.  0  —  Sur  le  sens  du  verbe  &?sXstv,  cf.  les  notes  aux. 
pensées  VII,  -'j.  el  1\.  la.J 


2uy  BIBLIOTHÈQUE    Dl  >    UNIVERSITÉS    hl     midi 

36 

La  pourriture  est  le  tond  de  la  matière  dont  se  compose 
chaque  être  vivant;  o'esl  de  l'humeur,  de  la  poussière,  des  os, 
de  la  puanteur,  D'autre  pari,  les  marbres1  ne  sont  que  les 
callosités  de  la  terre;  l'or  et  l'argent  en  sont  les  sédiments; 
nos  vêtements  ne  Boni  (pie  des  poils  de  bêtes;  la  pourpre  n'est 
que  du  sang,  et  de  même  pour  tout  le  reste.  Le  souille  vital 
n'est,  lui-même,  pas  autre  chose;  il  change  en  passant  d'un 
èlre  à  l'autre  a. 

37 

En  voilà  assez  de  cette  vie  misérable,  et  de  toutes  ces 
plaintes,  et  de  toutes  ces  singeries!  Qu'est-ce  qui  te  trouble? 
Qu'y  a-t-il  de  nouveau  dans  tout  cela?  Qu'est-ce  qui  te  met 
hors  de  toi?  Le  principe  efficient  et  formel 3?  Vois  ce  qu'il 
est.  La  matière?  Vois  aussi  ce  qu'elle  est.  En  dehors  du 
principe  efficient  et  de  la  matière,  il  n'y  a  rien.  Hâte-toi 
plutôt  d'être  au  regard  des  Dieux  plus  simple  et  meilleur. 
C'est  la  même  chose  d'avoir  observé  ce  monde  pendant  cent 
ans  ou  pendant  trois  ans  V 

38 

S'il  a  commis  une  faute,  c'est  là  qu'est  le  mal  S.  Mais  peut 
être  n'en  a-t-il  pas  commis. 

39 

Ou  bien  il  n'y  a  qu'une  intelligence,  source  unique  de  tout, 
d'où    proviennent    les   événements  qui   atteignent   les   choses 

i.  [Voir  supra  VI,  i3;  \  III.  2  »  et  :>;,  des  développements  analogues.] 

2.  [Var.  :  «il  vient  de  l'humeur  <•!  retourne  à  la  pourriture.  » —  Le  débul  de  la 
pensée,  où  il  n'esl  question  (pic  d'humeur  et  de  pourriture,  permet  cette  interpré 
tation  des  mots  èx  :oJ:o)v  sic  TaOra  [MtaêâXXav i  mais,  outre  que  ce  sens  est  un  peu 
cherché,  la  seconde  traduction  de  M.  (louât  s'accorde  mieux,  ce  me  semble,  avec  un 
autre  passage  (II,  2)  où  Marc-Aurèle  a  voulu  avil  r  le  soufTle  vital.] 

3.  [Couat  :  «  la  l'orme.  »  —  De  même  à  la  ligna  suivant  \  —  (X  supra  I\  ,  21,  note 
tin  aie;  l\.  •>.">.  r    note;  IX,  3i,  note  2.] 

i.  [Cf.  supra  \  11,  1  ;  infra  \I.  i  :  «  un  homme  de  quarante  ans  a  vu  tout  ce  qui 
lut  et  tout  ce  ci  ni  sera.  »] 

Même  idée  et  même  expression,  Vil.  ■><».  et  1\.  20.  Ici.  Marc-Aurèle  ajoute  une 
restriction  admirable. 


X  I     I     I    I    I 


i.ii  mi  o< imtne  un  coi  p    unique  B9  al   H  ne  i  om  ienl  p 
1,1  partie  n  plaigne  de  oe  qui  lui  a  I  Intel  I  d 

«Mi  bien  II  n\  a  que  dei  atome    et,  pai  mite,  i  len  qu(  i  dre 

ci  dispersion    Pourquoi  donc  te  troublai  >  Di    I  ton  prin<  ipe 
dirigeant  '    tu  n'es  plus  qu'une  bête  brute,  faite  poui  la  m 
el  la  corruption  ;  tu  joues  ton  rôle,  tu  fol    pai  lie  du  troup 
el  tu  t.-  repaia  ny  ec  lui 

40 

Ou  les  Dieux  ne  peuvent  rien,  ou  lia  peuvent  quelque  chose. 
S'ils    ne   peuvent    rien,    pourquoi    les  pri<  "il-    peuvent 

quelque  chose,  au  lieu  de  leur  demander  d  6<  arter  de  toi  i 
ou  cela,  ou  de  te  le  procurer,  pourquoi  ne   lea  pries  tu  paa 
plutôt   de   faire  que  tu    n'éprouves    ni   crainte,  ni    désir,   ni 
chagrin,  à  propos  de  ceci  ou  de  celai?  En  effet,  s'ils  peuvent 
venir  en  aide  aux  hommes,  il>  le  peuvent  aussi  en  ce  point 
Mais  peut  être  diras  tu  :   «  Les  Dieux  m'ont  accordé  ce  pou 
voir,  o  Eh  bien,  ne  vaut  il  pas  mieux  user  librement  de  ce  qui 
est  en  ton  pouvoir  que  de  te  porter^,  en  l'abaissant  au  i 
d'un  esclave,  vers  ce  qui  ne  dépend  pas  de  toi?  Qui  t'a  dit, 
d'ailleurs,  que  1rs    Dieux   ne  nous   aident    pas  également    poui 
ce  qui  esl  en  notre  pouvoir?  Commence  donc  par  les  priei 
à   ce  propos,   et   tu  verras.    Un  tel   l'ait   cette  prière:  Comment 
pourrais -je    posséder    cette   femme!*    Toi,    tu    feras    celle-ci: 
Comment  pourrais -je  ne  pas  désirer  posséder  cette  femi 
Un  autre  :  Comment  me  débarrasser  de  ceci?  El  toi  :  Comment 
n'avoir  pas  besoin  de  m'en  débarrasser?  Un  autre  :  Oli  !  si  je 
pouvais  ne  pas  perdre  mon  enfant!  Et  toi:  Oh!  si  je  pouvais 


i.  [Sur  cette  doctrine,  cf.  notamment  les  notes  au*  pensées  IV,  4,  et  IX,  Si  ;  sur 
le  dilemme,  cf.  N  11.  7Ô,  efl  la  note  rectifiée  aux    iddendeu] 

2.  [Couat  :  «  à  ta  conscience.  »  —  On  a  adopté  ici  la  conjectu  •  <*u 

lieu  de  XiyeiQ  J 

$.  [Même  argument  VI,  M  (entre  les  notes  2  et  3).] 

.4.  [Cf.  une  doctrine  analogue,  à  la  fin  de  l'article  I\  .    1»:  et   surtout    Di   - 
Laërce,   VII,   19&:  e3£srat  ù  <xo?o;,  xitojuîvo;   Ta  Kfatà  -asa  rû*  fcwv.  —  Voici   la 
définition  de  la  prière  «  libre»,  dont  a  déjà  parlé  Marc-Aurèle  à  la  pens     \     - 
la  note  rectifiée  aux    iddenda):  le  m«>t  a  librement  1  se  trouvera,  d'ailleurs,  trois 
lignes  plus  bas. —  Sur  le^  rapports  de  Dieu  et  de  l'homme,  cf.   la  note  finale  du 
livre  \  II.  rectifiée  aux  Addenda.] 

ô.  [Couat  :  m  te  porter  de  côlé  et  d'autre.  <> —  Cf.  la  note  finale  à  L'article  IV    - 


ao'i  DIBLIOTHÈQU]     DES    UNITE R SITES    Di     MIDI 

ne  pas  craindre  de  le  perdrel  En  un  mot,  dirige  dans  ce  sens 
tes  prières  et  observe  ce  <iui  arrivera. 

41 

I  picure  dit  :  o  Quand  j'étais  malade,  je  ne  m'entretenais  pas 
souffrances  de  mon1  corps,  el  je  ne  parlais  jamais  de  ce 
sujet  à  ceux  qui  venaient  me  voir.  Je  continuais  comme  aupa- 
ravant à  philosopher  sur  la  nature9;  je  m'appliquais  à  savoir 
comment  noire  pensée,  tout  en  participant  à  ces  mouvements 
intérieurs  de  la  chair  3,  pouvait  demeurer  tranquille  el  con- 
server ce  qui  est  son  bien  propre.  Je  ne  permettais  pas  non 
plus  aux  médecins  de  se  flatter  de  leur  importance;  ma  vie 
était  encore  calme  et  heureuse.»  Imite  son  exemple,  dans  la 
maladie  4  et  dans  toutes  les  autres  circonstances.  C'est  une 
recommandation  commune  à  toutes  les  écoles  de  ne  point 
s'écarter  de  la  philosophie  au  milieu  de  tous  les  accidents  et 
de  ne  point  partager  les  propos  frivoles  des  ignorants  et  des 
profanes.  Il  faut  être  uniquement  attentif  à  ce  que  l'on  fait 
el  à  l'instrument  avec  lequel  on  le  fait 

42 

Lorsque  tu  t'es  heurté  à  l'impudence  d'un  homme,  demande- 
toi  immédiatement  :  est-il  possible  qu'il  n'y  ait  pas  d'impu- 
dents dans  le  monde?  Ce  n'est  pas  possible.  Ne  demande  donc 
pas  l'impossible.  Cet  homme  est,  en  effet,  un  de  ces  impudents 
qui  existent  nécessairement  dans  le  monde.  Fais-toi  le  même 
raisonnement  à  propos  des  scélérats,  des  traîtres  et  de  toutes 

i.   [Couat  :  <(  du  corps.  »] 

2.  [Couat  :  «Je  continuais  à  philosopher  sur  les  principes  de  la  nature.  » —  Sur  le 
sens  de  -y.  icpOY)YO'JU£Va,  voir  la  note  à  la  pensée  IV,  i. —  <I>jT'.OAoy£:v  ne  désigne  pas 
ici,  comme  à  l'article  NUI,  i3,  une  partir  seulement  du  la  philosophie,  mais  la 
philosophie  tout  entière.  On  sait  que  le  poème  de  l'épicurien  Lucrèce  est  intitulé 
De  rerum  Natural  (pic  le  maître  lui-même,  Épicure,  n'avait  pas  composé  moins  de 
trente-sept  traités  sur  la  Nature  (Diogène,  \,  27),  où,  apparemment,  devait  tenir 
toute  sa  doctrine] 

3.  [Nous  avons  vu  (supra  V.  ai'»,  avant- dernière  note)  qu'Épicure,  comme  Marc- 
Vurèle,  attribuait  la  sensation  au  corps,  et  la  ramenait  aussi  à  un  mouvement.  Dans 
la  Langue  d'Épicure,  i'j\).\).z-ùï\j.'yhzvi  doit  signifier  ce  que  signifie  o-ja-aO^v  dans 
celle  »]<■  Mur-  Aurèle.] 

V  [M.  Couat,  sur  les  indications  de  M.  Stich,  a  supprimé  les  mots  l\  v6<jw, 
inutiles  devant  èorv  vocr-.l 


PE.1      I    I  I)|        M  M..         M    I    I    I   I 

i        m    \  [(  [eu i    En  li  rappelant  qu'il <    I  i i     • 
que  <!<•  telle      i  n     n  exl  lenl  pa     lu      i  a     plu     bfem  eillanl 
pour  chocun  <l  eu  n    11  est  bon  aussi  de   le  demandei   iim 
dialomenl  <  |  <  i  «  •  1 1  »  •  vertu   la  nature  ■•  donnée  u  l'homi  ntre 

tel  vice.   Elle   lui  ;>  donné,  en  effel    comme   conta    ; 
i.i  douceur  contre  l'ingratitude,  el  contre  i  haque  auti 
une  n  ertu   particulièi  e    Enfin,  tu   peu  i   instruire  el  i  am< 
dans  le  droil  chemin  celui  qui  s'en  e  I  écart    cai  toul 

re  l'homme  <vi  l'éloigné  «lu  bul  de  la  vie    D'ailli 
éprouvé  un   domina         M        aucun   de  ceui   contre  qui    tu 
t'irrites  n'a  jamais  rian  rail  de  tel  que  ta  p<  en   \ 

moins;  or,  c'esl  en  cela  seulemenl  que  consiste  toul  mal,  toul 
dommage.  Qu'y  a  I  U  donc  de  mauvais  el  d'étrange  poui  toi 
à  ce  que  l'ignorant  '  agisse  en  ignorant?  Vois  plutôt  si  tu  ne 
devrais  pas  te  reprocher  à  toi-même  de  n'avoir  pas  prévu  qu'un 
tel  homme  commettrai!  une  telle  faute.  La  raison  t'avail  donné 
le  moyen :;  de  comprendre  que  vraisemblablement  cet  homme 
commettrait  cette  faute,  mais  tu  l'as  oublié  el  tu  t'étonnes 
qu'il  l'ail  commise.  C'esl  surtout  lorsque  tu  reproches  à  quel 
qu'un  son  ingratitude  ou  son  manque  de  foi  qu'il  faut  faire 
re  retour  sur  toi-même.  C'esl  évidemment  ta  faute  ou  d'avoir 
cru  qu'un  homme  doué  d'un  tel  caractère  »  garderai!  m  foi, 
ou,  en  lui  rendant  Bervice,  de  l'avoir  fait  incomplètement  el 
sans  penser  recueillir 5  immédiatement  par  ton  action  elle 
même  [fout]  le  fruit  du  bienfait.  Que  veux  tu  de  plus  quand 
tu  fais  du  bien  à  un  homme?  Ne  te  suffit  il  pas  d'avoir  agi 
conformément  à  ta  nature,  et  cherches-tu  à  en  tirer  un 
salaire1»?  C'est  comme  si  l'œil  voulait  être  récompensé  d'y 
voir  et  les  pieds  de  marcher.  De  même  que  ces  rganes 
on!  été  créés  pour  une  certaine  fonction,  et  qu'en  la  remplis- 

i.  [Couat  :  «n'a  jamais  rien  fait  qui  put  rendre  ton  âme  pire  qu'elle  n'était  ••] 

2.  [Cf.  supra j  p.  iAo,  note  2.] 

3.  [Cf.  supra,    p.  184,  note  1.] 

t\.  [Sur  le  sens  de  ôiàOeatç,  cf.  supra,  p.  9?.  note  a,  el  p.  i53,  noie  3.] 
5.   [Voir  les  derniers  mots  de  la  pens<     VII,  i3.  Peut-être  faudrait-il.  ici  au   lieu 
de  ixr,  x.axaXir)XTixâ>£  («  incomplètement »),  écrire,  comme  en  cel  autre       ss  g 
/aTaAr.-Tixco:  («sans  réfléchir  ni   comprendre  »).  — Couat  :      el    comme   -i    tu    qc 
recueillais  pas  immédiatement.  »] 

0.  [Cf.   Sénèque,  De'  Benefieiis,  IV.  12  :  quid   reddal  beneficium?...  -i  quicquam 
praeter  ipsas  (virtutes),  ipsas  non  expeti>. 


mm.  mhUMiiu.ui  i     DES    LMVERSITLS    m     m 1 1  » i 

smt  selon  leur  constitution  propre]1,  ils  reçoivent  tout  ce 
qui  leur  révient,  de  même  l'homme  né  bienfaisant,  quand  il 
rend  un  service,  quand  il  vienl  en  aide  aux  autres  pour  dés 
choses  en  ('Ile-  mêmes  indifférentes9,  ne  fait  qu'accomplir  sa 
Fonction  naturelle,  cl  il  a  lout  ce  qui  lui  est  <lù. 


LIVRE  \ 


Quand  donc,  ô  mon  àme,  seras-tu  bonne,  simple,  une,  nue, 
plus  visible  que  le  corps  qui  t'enveloppe?  Quand  donc  auras-tu 
le  goût  d'une  disposition  affectueuse <*  et  tendre?  Quand  donc 
seras- lu  satisfaite,  sans  besoins,  sans  regrets,  sans  désirer 
aucun  plaisir,  aucun  objet  de  ton  plaisir,  animé  ou  inanimé? 
Quand  ne  souhaiteras-tu  ni  le  temps,  pour  prolonger  autant 
que  possible  tes  jouissances,  ni  le  lieu,  ni  tel  séjour,  ni  telle 
température  plus  douce,  ni  même  tel  milieu  plus  sociable? 
Quand  donc,  au  contraire,  contente  de  ton  état  présent, 
heureuse  de  tout  ce  que  tu  possèdes,  te  persuaderas- tu  que 
tu  as  reçu  des  Dieux  tout  ce  qu'il  te  faut,  que  tout  est  bien 
[en  ce  qui  te  concerne],  et  sera  toujours  bien  à  l'avenir,  selon 
leur  volonté,  selon  ce  qu'il  leur  plaira  d'accorder  pour  la 
conservation  de  l'être  parfait,  qui  comprend  toute  bonté, 
toute  justice,  toute  beauté,  qui  produit,  conserve  S  et  contient 
tout,  qui  reprend,  pour  en  faire  sortir  d'autres  êtres  sembla- 
bles, tous  ceux  que  la  mort  a  dissous?  Quand  donc  seras-tu 
capable  de  vivre  dans  la  cité  des  Dieux  et  des  hommes  sans 
te  plaindre  d'eux  et  sans  qu'ils  te  condamnent? 

r.  [Couat  :  «selon  leur  conformation.  >> —  Sur  le  sens  de  xarotôxeur,,  cf.  supra  IV. 
'i'i.  note  \.  Je  n'ai  pas  eu  la  moindre  hésitation  à  garder,  qualro  lignes  plus  bas,  les 
mois  «  fonction  naturelle  »,  traduisant  icpo;  o  y.aTET/sOaTTac] 

2.  [M.  Couat  semble  avoir  corrigé  zXXcoç  —  qui  n?a  guère  de  sens,  il  faut  l'avouer 
—  en  xXXotç.  —  Nous  devons  aider  le  prochain,  même  pour  des  choses  moralement 
indifférentes  (xà  |is<7a,  cf.  supra,  p.  iA3,  note  /j),  comme  font  les  dieux  (supra  LX,  27) 
par  les  songes  qu'ils  envoient  aux  hommes  ou  par  leurs  oracles  ] 

3.  [Couat  :  «  le  goût  de  L'affection  et  de  la  tendresse.  »  —  J'ai  dû  traduire  SidtOeffiç-] 
!\.  [Sur  le  sens  exact  de  T-jvéystv,  cf.  supra  IV,   i'j.    le  dernier  paragraphe  de  la 

seconde  note.1 


I  I    I  l-l       VI  \  l;«         M    l\l 


( )Iim-i\ e  ce  que    ' '  '  lame  de  i«»i   la    natoi t    an   lanl   ara 
oc  n  aal  qu'une  simple  natui  •  •  qui  te  gotn  ai  n<     pu  i 

opte  le,  il  la  natui  e  d  ôli  e  \  Ivanl  ne  doil  p  i  tufli  h 

Observe  ensuite  ce  que  réclame  la   nature  d'être    rivanl   al 
accepte  le  sans  réserve,  si  la  nature  d'être  raisonnable  ne  doil 
pa    <'n  souffrir,  La  raison  mène,  d'ailleurs,  droit  k  la    olidai 
Suis  ces  règles  el  ne  cherche  rien  <!«•  plu 

3 

roui  ce  <pii  l'arrivé  eal  le!  que  tu  es  naturellement  capable 
ou  incapable  <1<'  l<i  supportai  S'il  l'arrivé  des  choses  telles 
que  tu  sois  [naturellement]  capable  de  les  supporter,  ne  te 
fâche  point,  mais  supporte  les  comme  tu  <'n  es  capable.  Si 
elles  sont  telles  que  tu  sois  naturellement  incapable  de  les 
supporter,  ne  te  tâche  point;  elles  épuisent  tes  forces,  mais 
s'anéantissent  elles-mêmes  ru  même  temps.  Rappelle  -toi, 
toutefois,  que  tu  es  naturellement  capable  de  supporter  tout 
ce  qu'il  dépend  de  ton  jugement  de  rendre  supportable  el 
tolérable,  en  te  représentant  que  tel  est  ton  intérêt  OU  ton 
devoir  \ 

4 

S'il  se  trompe,  avertis-le  avec  bonté,  et  montre-lui  son 
erreur.  Si  tu  n'y  réussis  pas,  accuse-toi  toi  même,  ou  mieux 
ne  t'accuse  même  pas'». 


Quelque  chose  qui  l'arrivé,  elle  t'avait  été  préparée  à  l'avance 
de  toute  éternité:  l'enchaînement  des   causes   comprenait   de 

i.  [Coiiiit  :  «puisque  c'est  la  nature  seule  qui  te  gouverne.  >> — Sur  le  sent  du 
mot  pO<rt;,  sur  la  gradation  de  la  «simple  nature»  qui  est  dans  la  plante  à  l'âme 
raisonnable  et  sociable,  cf.  supra  VI.  t'j.  note  t,  rectifiée  aux  Addenda.  Voir  aussi  U 
débul  de  la  pensée  VI,  iG.J 

2.  [Sur  le  sens  île  to  (TU(i6atvov,  cf.  supra  IX.  3i,  2'  note;  VIII,  7.  'V-  note.] 

3.  [Couat  :  «  de  rendre  tolérable  ou  intolérable,  selon  l'idée  que  tu  te  fais  de  Ion 
intérêt  ou  de  Ion  devoir.»  —  La  méprise  du  traducteur  a  propos  d'àvsxTO*  est  évidente. 
Sur  le  rapport  des  leux  notions  du  /t-julsésov  et  du  xocOr)x<rv  (l'intérêt  et  le  devoir), 
cf.  la  dernière  note  du  livre  lit  reportée  en  Appendice.] 

\.  [Car  (supra  VIII,  17"»  "il  ne  faut  rien  faire  inutilement».] 


BIBLI01  m  v'i  i     DES    i  M\  i  R8J  i  i  S    m     MIDI 

toul  temps  dans  la  môme  trame   ce  que  tu  devais  cire  cl  cette 
chose  qui  dcvail  t'arrh  er  ' . 


Qu'il  n'y  ail  (|iic  des  atomes  OU  une  nature*,  ceci  doit  etre 
établi  d'abord  :  je  suis  une  partie  du  tout  que  gouverne  la 
nature,  el  ensuite  je  suis  lié  par  un  rapport 3  de  parenté  avec 
les  parties  de  même  espèce  que  moi.  Me  rappelant,  en  effet,  que 

je  ne  suis  qu'une  partie,  je  ne  verrai  d'un  mauvais  œil  rien  de 
ce  qui  m'esl  attribué  par  le  tout,  car  rien  de  ce  qui  est  utile  au 
toul  ne  peut  être  nuisible  à  la  partie.  Le  tout  ne  contient  rien 
qui  ne  lui  soit  utile;  c'est  là  une  propriété  commune  à  toutes 
les  natures,  et  celle  de  l'univers  s'est  arrangée,  en  outre,  de 
manière  à  n'être  forcée  par  aucune  cause  extérieure  '»  à  engen- 
drer quelque  chose  qui  lui  fût  nuisible.  Me  rappelant  donc  que 
je  suis  une  partie  d'un  tel  tout,  je  ferai  bon  visage  à  tout  ce 
qui  m'arrivera.  En  raison  de  ce  que  je  suis  lié  par  un  rapport 
de  parenté  avec  les  parties  de  même  espèce  que  moi,  je  ne 
ferai  rien  de  contraire  aux  lois  de  la  solidarité;  bien  plus, 
je  m'attacherai  à  ce  qui  esl  de  même  espèce  que  moi,  je  diri- 
gerai tous  mes  efforts  vers  le  bien  commun  et  je  les  détour- 
nerai de  ce  qui  lui  est  hostile.  Ces  choses  ainsi  faites,  la  vie 


i.   |  Cf.  supra  IV,  26.] 

2.  [Couat  :  ((s'il  n'y  a  pas  seulement  des  atomes,  mais  une  nature  unique.»  — 
M.  Couat  a  dû  rire  choqué  de  la  contradiction  H»1-  deux  premiers  mots  de  la  pensée  : 
EtTc  aToao'.  —  avec  l'affirmation  qui  les  suit  :  ôicb  ^'jik^z  5toixovjiivov.  Marc-Aurèlc 
ne  disait-il  pas  un  peu  plus  haut  (I\,  3q)  :  «  ou  il  n'y  a  que  des  atomes,  et  tout  n'est 
que  désordre  et  dispersion  »?  —  J'ai  d'ailleurs  cherché  en  vain  la  correction  qu'avait 
dû  faire  M.  Coual,  et  d'où  il  a  pu  tirer  sa  traduction.  —  Pour  ma  part,  je  ne  vois  que 
deux  solutions  de  la  difficulté  :  ou  bien  rejeter  sixe  ÎTopot  comme  une  i^lose  absurde, 
qu'auraient  appelée  les  premiers  mots  de  la  pensée,  eÏt6  pu<rtç;  ou  bien  conserver 
résolument  le  texte  el  la  contradiction  qu'il  implique,  el  dire  (pie  Marc-Aurèle  n'est 
pas  un  physicien,  que  la  morale  seule  l'intéresse,  qu'il  affirme  d'abord  son  dogme, 
et  qu'ensuite  il  choisira,  s'il  y  a  lieu,  entre  les  deux  physiques,  celle  qui  lui  paraîtra 
le  mieux  s'accorder  avec  ce  dogme.  Nous  le  -serrons,  au  cours  de  la  pensée  suivante, 
également  indifférent,  ou  feignant  de  l'être,  entre  les  doctrines  de  la  nature,  se 
donner  à  la  lois  trois  explications  de  la  ((mort»  i\i->  choses,  et  ne  tenir  à  chacune 
qu'autant  qu'il  y  peut  trouver  une  assurance,  toujours  la  même,  contre  le>  terreurs 
de  la  mort,  c'est-à-dire  qu'autant  qu'il  y  aperçoit  une  utilité  morale.] 

3.  Clouai  :  «  par  une  sorte  de  parenté.  »  —  De  même  dix.  lignes  plus  bas.  Sur  la 
valeur  de  tio:  dans  la  locution  iyivi  rca>c...  ~y,i  ti,  cî.  supra,  pp.  84,  note  i,et85,  notei.] 

1  jll  n'y  a  pas  de  ((cause  extérieure  >  à  la  nature,  puisqu'elle  est  la  cause  unique, 
ou  mieux  l'unique  principe  efficient,  [ci,  otîtiot  doit  être  traduit  par  «  cause  »,  au  sens 
le  plus  usuel  du  mot.  —  Cf.  supra  1\,  3i,  note  2.] 


Il    -,      I    I  |.|        MM'  \   I     I     !    I    I 

doit   »'écoulei    heures  e    On   w    ird      i  d  effi  I    «  omme  b 
n\w  le  oitoyeo  qui     il  inee  dan    II  \  i<  inni  util.    . 

(•()iicii«,\nis  ,i   <|ui   ,i<(  mil  h-  .i\  •  •<    .  mi  nenl  ton  •    i 

qne  lui  fail  la  cifc 

7 
routei  Ici  parties  du  i<»«ii  qu'es)  i<*  monde      ont  il 

remenl  condamnées  à  la  destruction;  mais,  par  ce  mot,  Je  veui 
dire  l<%  changement  K  Si  <  ette  n.'-.  e  it  i  I  nu  m. il  pour  elle 
l'univers  esl  donc  mil  ordonné 3,  puisque  ici  partie  a  be 
minant  vers  cette  transformation,  ^ «  » r i  •  faites  4  poui  êtn  Bna 
lemenl  détruites  «le  mille  manières.  La  nature  se  -'Lut  ain  I 
appliquée  à  taire  [elle-même  du  mal  aux  partiesdonl  elle 
constituée,  r\  en   les  exposant  au  mal  <■!  en   les  ol  ni  ;i 

y  tomber  :  ou  bien  cette  destruction  aurait  lieu  sans  qu  elle 
s'en  aperçûtl  Les  deux  hypothèses  -<>ut  invraisemblables.. 
Veux  iu\  laissant  là  le  rôle  de  la  nature,  l'en  tenir  à  cette 
explication  :  «C'est  ainsi  »6?  Même  alors,  il  sérail  ridicule  de 

1.  |Tol;  (JLÉpSfft  toO  o/.O'j,  oia  .   :/i'i:  :-',  rO'J  /oTi'/-     M     I  OU  'I    'i    llippi 

ici  le  mot  y/ja:',  qui  n'a  paa  tic  <nh  e(  que  Coral  avait  voulu 

toO  oao'j  et  i~>)  toC  xotiio-j,  3^T£'.  serait  d'ailleurs  un  pléonasme  ■•  p<  ine  I 

Deux  lignes  plus  loir,  le  même  z,tv>.  isl  également  absurde:  Il  n  en  z~- 

défend  mieux  à  celle  place*  M.  Coual  n'i  pas  cru  devoir  l'\  tdm<  tti 

Je  respecte  volontiers  ><>n  scrupule.  On  peut  supposer  que  -r-r.  aura  deux 

toi-,  cent  par  mégarde  >ons  la  dictée  d'une  personne  qui,  ne  se  croyant  pas  eut. 

avait  répété  les  dernier-  mots  dictés,  en  les  annonçant  par  le  verbe       le  dis 

Il   y  a  identité  de  sens  absolue  entre  le-  expressions  roO  SXou  »'t  teO  x6ff|iou.  Aussi 
ai-je  rejeté  une  variante  île  M.  Couat,  qui  semble  impliquer  la  pluralité  des  moi 
o  Toutes  les  parties  île  l'univers  dont  se  compose  notre  monde.  »| 

2.  [Et,  plus  précisément,  le  changement  de-  éléments,   àXXoi»<nç(cf 

note  finale),  ("est  la  doctrine  même  d'Heraclite  :  *;•?;  tévotto;,  •>>•',  vsv&stai  xtà. 
(cf.  sopra  IV,  aO).  J'admets  volontiers,  deux  lignes  plus  ba^,  la  correction  demandée 
par  (iataker  d'àXXoTpiuxriv  en  ôc).),oûi>(riv.] 

3.  [Et,  par  conséquent,  ne  mérite  pas  le  nom  de  monde.] 

\.  iKarsT/.E'jaTULévfov.  Noter  ici  encore  le  rapprochement  des  mots  /a: 
et  qpu?i;,  et  l'idée  de  finalité  impliquée  dans  celle  de  «constitution  »  (sapra  VI,   m. 
note  finale).  Le  mot  «  constituées  »  accuserait  donc  ici.  plus  nettement  que  tout  a 
la  contradiction  dont  Marc-Aurèle  tire  argument  Mais,  If.  Couat  l'ayant  de  lui-même 
ajouté  à  la  phrase  suivante,  j'ai  pu  respecter  sa  traduction.] 

ô.  [Couat:  «Que  si,  méconnaissant  les  intentions  de  la  nature,  on  donnait  pour 
explication  de  ce  fait  que  c'est  un  mal  nécessaire,  ne  serait-il  pas  ridicule...  - 
lignes  traduisent  une  série  de  conjectures  empruntées  aux  Adnotationcs  Mori  (Leipzig, 
1775).  li  m'a  paru  qu'on  pouvait  faire  l'économie  d'une  ou  deux  Je  me  Miis  borné 
à  corriger  xoù  à?su£vo;  zr{z  «p-j<TE(o:,  qui  est  inintelligible,  en  i?S{ievoç  ro  t>:  ;v7:w;, 
et,  une  ligne  plus  bas,  à  accentuer  xa\  to:.] 

6.  [ite^vxsvou  zx-j-x.  Ce  n'est  plus  un  Stoïcien  qui  parle,  puisqu'il  ne  conçoit  plus 
la  puetc  comme  une  Providence.  L'« explication  »  (e^rjyoîxo)  n'explique  rien  :  ce  n'est 
que  l'affirmation  d'un  fait  qu'on  ne  discute  pas.  Pour  celui  qui  dirait  ici  sœanmrvat, 
la  èuetc  peut  avoir  le   même  sens   que  pour  tant  d'Épicuriens  qui  proclament  le 

A  .    COI AT-P.    FOI  RMER.  I  i 


3IO  BtBUOTHEQCJ     DES    UNIVERSITES    Dl     MîDI 

prétendre  que  les  parties  <l<i  l'univers  Boni  faites  pour  changer, 
et  en  même  temps  de  s'en  étonner  et  de  s'en  indigner,  comme 
si  ces  changements  étaient  contraires  aux  lois  de  la  nature1  : 

d'autant  plus  que  la  dissolution  aboutit  aux  éléments  mêmes 
dont  chaque  chose  est  composée.  Ou  bien,  en  effet,  les  élé 
ments  assemblés  en  moi  se  dispersent  '.  ou  bien  ils  font  retour, 
l'élément  solide  à  la  terre,  le  volatil  à  l'air 3;  et  tous  sont 
repris  dans  la  raison  universelle,  soit  que  l'univers  doive  être 
consumé  après  une  période  déterminée,  soit  qu'il  se  renou- 
velle par  d'éternels  échanges 4.  Et  par   cet  élément   solide  et 

hasard  et  Intitulent  leurs  ouvrages:  de  la  Nature.  Seulement,  ces  Épicuriens  ne  sr 
donnent  pas  le  ridicule  de  se  contredire  en  s'étonnant  et  en  l'indignant.  —  Il  était 
bien  difficile  de  conserver  en  français  deux  fois  dans  la  même  phrase  le  rapprochement 
de  pvaiç  et  de  7re;pv/.éva'.,  et  d'écrire:  o  le  rôle  de  la  nature,»  pui^  :  <  c'est  naturel,» 
puis,  une  li^nc  plus  loin:  «les  parties  de  l'univers  sont  naturellement  destinées  à 
changer,»  enfin:  «...aux  lois  de  la  nature.»  Le  lecteur,  en  retrouvant  les  mêmes 
mois,  eût-il  pu  soupçonner  le  changement  de  langue?] 

i.  [La  contradiction  consisterait  non  pas  tant  à  déclarer  contraire  à  la  nature  ce 
qui  y  est  conforme,  qu'à  invoquer  le  nom  de  la  nature  après  avoir  dit  qu'on  ne 
s'occupait  pas  de  son  rôle.  Aucun  artifice  de  langage  (voir  la  note  précédente) 
ne  saurait  la  dissimuler.] 

2.  [Celte  première  hypothèse  est  l'hypothèse  épicurienne  (supra  IX,  3g);  et,  dans 
ce  cas,  les  éléments  (axor/EÎa)  sont  les  atomes.] 

3.  [Couat  :  «ou  bien  ils  se  transforment.  L'élément  solide  redevient  terre,  cl  le 
volatil,  air;  et  tous  font  retour  au  principe  de  l'univers.))  —  Le  sens  de  xpo-r,  (cf. 
supra  VIII,  G,  2*  note)  est  assez  nettement  indiqué  ici  par  la  fin  de  la  phrase  précé- 
dente et  par  les  mots  «sont  repris»  (àvaXqçOyjvat),  qui  vont  suivre.  Il  ne  s'agit  pas 
d'une  «  transformation  ».  La  transformation  qui,  nous  a-t-on  dit,  est  vraiment  la 
mort,  n'aura  lieu  pour  l'homme  qu'une  fois  son  corps  rendu  à  la  terre  et  son  âme 
«transportée»  dans  les  espaces  aériens  (cf.  supra  IV,  3i)  :  c'est  à  ce  moment  que 
tous  les  éléments  qui  l'ont  composé  pourront  être  employés  par  la  nature  à  des 
œuvres  nouvelles,  ou,  comme  dit  Marc-Aurèle,  pourront  être  repris  dans  la  raison 
—  c'est-à-dire  dans  la  raison  séminale  —  universelle,  laquelle  est  recueillie,  on  l'a 
vu  (supra  IV,  i4,  note  2),  dans  toute  la  matière  du  monde. —  «  Retour»  traduirait 
plus  naturellement  et  plus  exactement  rporcr,  :  encore  ne  faudrait -il  pas  entendre 
par  là  la  restitution  de  tout  ce  que  nous  avons  reçu  à  l'élément  môme  où  nous 
l'avons  pris.  La  terre,  par  exemple,  nous  a  peut-être  donné  toute  la  matière  du  corps 
qui  lui  re\ient;  mais  elle  nous  a  donné  aussi  tant  d'aliments  que  nous  avons  trans- 
formés (supra  IV,  21)  en  souftle  et  en  flamme  intérieure!  Entendu  ainsi,  le  «  retour» 
ne  serait  vrai  qu'en  partie.  J'ai  employé  ce  mot  comme  on  dirait  d'un  capital  qu'il 
fait  retour  à  tels  héritiers,  sans  considérer  s'il  leur  revient  intact  ou  diminué.  Ces 
explications  m'ont  semblé  d'autant  plus  nécessaires  que,  si,  en  d'autres  pensées 
(supra  IV,  &,  :>'  note),  Marc-Aurèle  a  peut-être  méconnu  l'importance  des 
xXXot<£?eiÇ  dans  la  vie,  rien  n'indique  qu'ici  il  n'en  ait  pas  tenu  compte.  Même 
lorsqu'il  écrit  que  «  la  dissolution  aboutit  aux  éléments  mêmes  dont  les  choses  sont 
•  imposées»,  il  veut  dire  seulement  ceci:  que  les  quatre  éléments,  ou  les  cinq  (si 
l'on  met  à  part  la  raison),  que  l'on  trouve  en  l'homme  sont  ceux  mêmes  entre 
lesquels  se  partage  la  substance  du  monde. 

On  remarquera  que,  par  un  procédé  de  langage  familier  aux  Stoïciens  (cf.  IV,  21, 
1"  note,  reportée  en  Appendice),  ces  quatre  ou  cinq  éléments  semblent  ici  réduits 
à  deux  :  la  terre,  représentant  les  éléments  inertes,  et  l'air,  les  éléments  actifs.] 

k.  [Sur  ces  deux  hypothèses,  cf.  supra  V,  i3,  note  finale;  sur  la  seconde  en  parti* 
culier,  cf.  IV,  ai,  r*  note,  reportée  en  Appendice  (fin  de  l'avant-dernier  paragraphe).] 


I    .    \      Il  UI        M  M.«         M    RI    I   I 

cet   élément    \ olatil    ii  entend     po     «  eux   qu 

dans  le  coi  i»-   i  lo   nnii  lanoe    Ile  n         n    enl  n     qufli 

avant  hier  par  le  nom  riture  el  la  re  piratit  m  ' 

ce  que  le  corps  .«  reçu  qui  change    non  ce  que  le  mère  avait 

enfante9        Suppose,  d'ailleun    qu'un  lien  trèi  f'»ii  l'uni 

encore  «■  cet  enfant  :  ,j<'  D6  \<>i-  pe    - 1   que  1 1  la  p  luirait  faire 

au  raisonnement  qui  précède 

i .  [Cf,  supra  VI,  iS,    •    uofc 
pour  «in  Stoïcien,  toute  II  \i<'  pouvait  lonli  on  a     deux  m 

i.  [«Ce  que  la  mère  .»  enfant       on  efl  I    w   chan  ■>.mt  /i     r .  mp 

depuis  i"nui<  mps ;  ou  bien,     Il  en  n   I    quoi  |ue  cho*   on  n 
qu'à  l.»  morl    c'est  II  .  * J •  * r » t  M  otl  qu  iti< m  dan    1 1  p 

i.i,  il  n  .1  une  lacune  dans  le  i  ahi<  »  de  M.  Coual    Le  I 
:  A)  o   ) 
i,  d'ailleurs,  Inintelligible,   il  manque   l 

ny,n;\  a  moins  qu'on  ne  I m  ,    -  il  est  évident  qui 

«le  i.i  vulgatc  ./.  :■<'>  est  un  texte  amendé  pour  répondr    i    •    betoin.  D'à  i 

i.i  syntau  il  forl  suspecte,  malgré  l'exemple  <i  un  ■> 

SocraU,    ',i,  ci  el   «l'un    jivjîàv  ffvta;    (  ijoxt   i  roui   I  i   exemples    q 

(Kûhner-Gerth,  Syntaxe,  f    I,  p.  Si)  •!<•  rupture  d'accord  enta 

participe  don I  il  »'^i  l'attribul  conoernenl  l'accord  en  gfenre  el  en  n  >mbi  non 

l'accord  en  ca**  :  <>u  bien  !»•  participe  au  génitif  ou  au  <i  itif,  donl  un  ti  Ucle  indique  i" 

cas,  eel  sous-entendu  à  côté  d'o°j$cv  ou  \Lrfiïv  invariable,  el  l'on  trouve  dans  la  n 

proposition  une  expression  comme  6  oC  qui  atténue  L'étra  i  la  hardies* 

do  ce  tour  (cf.  Ijo»,  i  i3i  :  o  t'oO^b  &s  zrJ-j  u,v)£t\  bnlvxq;  u«i?).  Rien  de  pareil  i<  i. 

lussi  ai  Je  suppose  l<-  déplacement,  dans  noa  manuscrite,  des  deui  li 

vcnl  si  malencontreuse menl  le  participe  ov,  el  qui,  une  ligne  plus  haut,  poun 

servir  de  sujet  au  verbe  -oot-a  :/.£-..  l'écrirais  donc:  c-ôOo*  &'5n  -    iiax 

7rp(iu>£xî'.  ztù  -oui):  7COtto,   oàdrv  Sv  xta.  La  correction  e:*t  dis  in-'  parail  dooœr 

un  sens  satisfaisant. 

M.  Rendait  {Journal  of  Philology,  WIII.  p.  i5a)  prop  >se  fie  lin-  ici  : 
àxci'vd)  <j\i  Xfav  TrpoTTTAixr,  TfD  lôt'co;  Tcotcô,  ovosv  ôVri  xtà.,  el  ie  refuse,  en  interpréta  ni  le 
texte  ainsi  amcnd<\  à  réunir  lo   mots  hcetvw  <•(  -',>  :.o:'.>:  ireià»,  qui   lui   lerablenl  trop 
éloignés  les  uns  des  autres  pour  pouvoir  entrer  dans  la  même  syntaxe.  !)••  i  es  d 
le   second   exprimerait   ce   par  quoi,   le   premier  ce  à   quoi  nous  restons    uni-     Pour 
M.  Rendait,  ftxetap,  c'est  sxeivoi  o  rt  |rv)Tf)p  trexsv; —  ta  t&t»;  ROtcâ  aurait  a  Lie  fois  l< 
sens  abstrait  qu'il  n'a  jamais  dans  Marc-  Aurèle  (ci\  supra  IV  -j'k  note  i),  m.ii>  que 
lui  ont  donné  d'autres  Stoïciens,  et  serait  synonyme  de  rïj  iftca  KOibvrrn>    Dan-  ma 
leçon,  c'est  le  mot  ti  qui  exprime  l'idée  de  «ce  qui  demeure  en  nous  de  la  nain 
jusqu'à  la  mort».  Nos  deux  corrections  aboutiraient  donc  au  même  sens.  Je  recon- 
nais, d'ailleurs,  volontiers  que  le  changement  du  passif  icpooicXéxin  en  L'actif  -:',7- 
Tz\îv.i'.  serait  la  moindre  des  erreurs  imputables  à  l'iotacisme  :  même  que  I.i  sép.  «ration 
des  mots  Èxeivbi  et  tô>  ioûo;  tzouo  est  assez  choquante,  si  l'on  prétjnd  les  grouper  dans 
un  même  accord.  Mais  je  m'étonne  davanl  ige  de  1<i  rencontre  des  mots  s-jôè>y   avri  que 
n'a  pas  songé  à  éviter  M.   Rendait:  et  surtout  je  reproche  à  sa  conjecture  de  ne  pa:* 
porter  sa  justification  eu  elle-même.  Comment  t^  a-t-il  pu  devenir  et?  ^i  la  second»- 
lettre  du  mot  a  été  effacée  dans  l'archétype,  il  était  si  naturel  de  la  rétablir  et  >i 
absurde  de  la  changer,  qu'on  ne  peut  comprendre  l'erreur  commise. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Marc-Aurèle,  après  avoir  défini  la  vie  comme  une  suite 
continue  de  changements,  se  ravise  et  reconnaît  pourtant  que  v«  quelque  choses 
demeure  eu  nous,  et  ne  change  qu'à  la  mort.  La  fixité  relative  de  celle  «  détermi- 
nation» ou  «  qualification  »,  à  laquelle  notre  auteur  attachait  un  peu  plus  d'impor- 
tance lorsqu'il  voyait  en  elle  (supra  \  I,  4o)  «la  force  même  qui  nous  a  constitués», 
ne  saurait,   san*   doute,   nous  empêcher  de   considérer   le   changement    eomm*1   la 


a  i  a  mm  toi  m oi  i    des  i  %u  i  rsi  i  es  di    midi 

8 
Quand  tu  le  seras  appliqué  les  mots  suivants:   hou,  délicat, 
sincère,  prudent,  confiant,  magnanime,  prends  garde  d'avoir 
pris  de   faux   noms,  el,  si   tu  les  perds,  reviens  \   au   plus  vite. 

Souviens  loi  que  piaulent  signifie  l'examen  pénétrant  et  attentif 
de  chaque  objet;  confiant,  \c  consentement  volontaire  à  tout 
ce  qui  nous  est  attribué  par  la  nature  universelle;  magna- 
nime, le  pouvoir,  pour  la  partie  pensante  de  nous-mêmes,  de 
se  tenir  au -dessus  des  mouvemenls  doux  ou  violents  de  la 
chair1,  au-dessus  de  la  réputation,  de  la  mort  et  de  tout  le 
reste.  Si  tu  demeures  fidèle  à  ces  noms,  sansjlésirer  que  les 
autres  te  les  donnent,  tu  seras  un  autre  homme  et  tu  entreras 

nécessité  inévitable,  à  laquelle  il  est  sage  de  se  résigner;  et  de  ce  que  cette  «  détermi- 
nation >>  est  Limitée  il  ne  s'ensuit  pas  davantage  que  la  nature  soit  imprévoyante  : 
aussi  Marc-Aurèle  a-t-il  cru  pouvoir  ici  affirmer  la  réalité  de  la  tcoiôtï;;  sans  nuire 
<<  au  raisonnement  qui  précède».  On  s'étonne  pourtant  que  l'auteur  des  Pensées  ait 
méconnu  ou  dédaigné  l'argument  que  son  aveu  devait  donner  à  ceux  qui  craignent 
la  mort.  Ce  fond  stable  de  l'être,  cette  force  intérieure  qui  nous  constitue  et  nous 
définit,  ce  n'est  rien  moins  que  la  raison,  la  conscience  et  la  personnalité.  C'est  ce  qui 
non-  appartient  vraiment,  ce  qui  fait  que  nous  nous  appartenons  nous-mêmes;  c'est 
ee  qui  conserve  notre  passé  dans  notre  présent;  ce  qui,  de  tant  de  moments  fugitifs,  de 
tant  de  points  du  temps  en  chacun  desquels  Marc-Aurèle  n'a  voulu  voir  que  la  limite 
de  deux  néants,  crée  pour  nous  la  durée,  en  nous  faisant  durer.  Tous  les  change- 
ments qui  renouvellent  sans  cesse  en  nous  le  corps,  le  souffle,  la  partie  inférieure  de 
l'a  me  ne  saliraient  donc  nous  accoutumer  à  celui  où  doit  sombrer  l'identité  person- 
nelle; et  tout  le  reste  de  notre  matière,  dans  laquelle  Marc-Aurèle  a  pensé  la 
confondre  et  la  perdre,  est  sans  valeur  au  prix  de  celle-ci.  C'est  pour  elle  que  les 
hommes  craignent  en  craignant  la  mort,  et  leur  inquiétude  a  semblé  si  légitime  aux 
fondateurs  du  Stoïcisme  qu'ils  se  sont  ingéniés,  comme  on  l'a  vu  (IV,  si,  i"  note, 
reportée  en  Appendice),  à  démontrer  sinon  l'immortalité,  du  moins  la  survivance  de 
la  personne.  Marc-Aurèle,  au  contraire,  s'est  désintéressé  de  ce  problème. 

C'est  que,  pour  lui,  l'homme  n'est  vraiment  (il  l'a  dit,  IV,  id)  qu'une  partie  d'un 
tout.  Quand  il  dit  que  la  nature  ne  saurait  faire  de  mal  aux  parties  qui  la  composent, 
cela  signifie  seulement  qu'elle  ne  saurait  se  nuire  à  elle-même;  il  ne  conçoit  pas  un 
bien  pour  l'individu  hors  des  volontés  générales  de  la  nature,  ni  même  le  besoin 
d'être  et  de  persévérer  dans  son  être  pour  l'individu  en  tant  qu'individu.  Quand  tous 
les  hommes  ne  pensent  qu'à  l'homme,  —  les  meilleurs  à  ce  qu'il  y  a  de  meilleur  en 
lui,  mais  à  lui  encore,  —  Marc-Aurèle  les  entretient  (X,  i)  du  salut  de  l'animal 
parfait  et  unique.  Il  est  lui-même  si  exclusivement  occupé  de  la  nature  et  de  son 
œuvre  qu'il  ne  suppose  même  pas  (cf.  C  notes  plus  haut)  que  d'autres  puissent  éviter 
la  contradiction  de  la  nommer,  lorsqu'ils  se  sont  résolus  à  ns  pas  se  soucier  de  son 
rôle.  C'est  elle  qu'il  vénère  (VI,  5o)  dans  la  force  qui  nous  a  constitués  et  qui  persiste 
en  chacun  de  nous,  encore  que  son  langage  semble  nous  attribuer  une  nature  propre. 
En  réalité,  nous  ne  sommes  à  ses  yeux  rien  par  nous-mêmes.  Délibérément,  comme 
l'a  noté  M.  Couat  (supra  II,  i4,  note  finale),  il  oublie  la  conscience  humaine,  pour 
établir  que  le  temps  n'est  rien  :  il  l'oublie  encore  devant  la  mort,  quand  il  dit  et 
répète  (supra  II,  17,  fin;  IX,  21,  Tin)  que  la  dissolution  totale  de  l'être  n'est  qu'un 
changement  comme  ceux  qui  renouvelaient  sa  matière  pendant  la  vie.  Mais  nulle 
part  il  n'a  plus  manifestement  qu'ici  dédaigné  le  fantôme  de  la  personne,  puisqu'ici 
il  ne  l'a  comptée  pour  rien,  tout  en  reconnaissant  la  réalité  de  l'individu.] 

i.  [C'est-à-dire  des  plaisirs  et  des  douleurs  physiques.  Cf.  supraY,  26,  et  les  notes.  | 


Il    >^|   I  1)1       M  VI. «         \UIIII 

dani   DD€  .nit  i  <    \  ic     lit-   Ici    Ici   c|iie   lu   •  ■     < ■!»'•   ju   <|'i  h  i     t''    ; 

menter  h  I  .^  ilir  dam  l'eil  len<  0  que  ta   mi 
(ruii  homme  [vraiment    dépourvu  de  Bentimenl   qui    «   cram 
ponne  à  la  \i«-,  semblable  1  mi  belluaire    déjà  «  demi  d< 
qui,  rouverts  «ir  blessurei  el  de    sng    demandent  cependant 
d'être  conservés  jusqu'au  lendemain  poui  être  livré    de  non- 
\  eau  aux  mêmes  griffes  el  aux  même    m  Embarqu 

donc,  comme  sur  un  esquif,    111  cei  quelquei  noms.  81  lu  peux 
y  rester,  restes  >   comme    il   tu  avait  été  transporté  dans  de 
nouvelles  Iles  des  Bienheureux;  -1  tu  lens  que  tu  irai  loml 
que  tu  nfea  plus  maître  de  toi,  réfugie  toi  résolument1  dan 
quelque  coin  où  tu  rentreras  en  possession  de  toi   même,  ou 
encore  sors  définitivement  de  I;»  vie,  sans  colère,  simplement, 
librement,  modestement,  ayant  du  moins  fail  quelque  chose 
dans  ta  vie,  puisque  lu  l'auras  ainsi  quittée  '    Tu  seras  puis 
samment  aidé  à  te  souvenir  de  ces  nom-  par  le  souvenir  des 
dieux;  ils  ne  veulent  pas  être  llaiié>.  mais  ils  veulent  que  l 
le^  rires  raisonnables  leur  ressemblent,  que  !<•  figuier  ;  rem 
plisse   sa  fonction  de  figuier,   le   chien    ^a   fonction   de   chien, 
l'abeille  sa  fonction  d'abeille,  l'homme  sa  fonction  d'homme. 

9 
Un   mime,   la  guerre,   la   crainte,   l'indolence,  la   servitude 
effaceront  peu  à  peu  de  ton  esprit  [tous]  ces  dogmes  I  sa< 
que,  faute  de  philosophie 5,  tu  négliges  comme  tu  les  conçois. 

1.  [Var.  :  «  avec  confiance.  "| 

1.  [Sur  la  moralité  du  suicide  stoïcien,  cf.  supra  VIII,  \- .  rmi»-  finale.  C'esl  | 
être  ici  que  Ifaro-Aurèle  noua  fait  voir  le  plus  clairement  dans  la  mort  rolontaire  la 

ressource  suprême  de  la  liberté.  Il  en   parle,  d'ailleurs,  sans  éclat,  »t  en  quelques 
mots,    comme  d'un  acte  tout  ordinaire  et  raisonnable] 

3,  [Le  ti^uier  et  la  tiirue  ont  fourni  à  ilarc-Aurèle  de   fréquentes  <"in; 
Kci\  111.  1;  IV,  6;  VI,  i4;  VIII,  i5;  \,  17;  XI,  33;  Ml,  16).] 

\.  [Gouat  :  «  principes.  »] 

").  [On  ne  peut  conserver  la  leçon  inintelligible  des  manuscrits:  ô-o^a  -',_.- 
pavraÇi)  v.x\  Traoa-su-s::.   M.  Couat  avait  admis  dans  son   texte,  avant   que   M    S 
ne  la  fit  passer  dans  sa  seconde  édition,  la  conjecture  de  Gataker:    x<\ 
M.  Kendall  préfère  lire  o*j  çvxr.o/.oY^Tio:,  parce  que  la  confusion  d'o  et  d'eu  est  plu> 
vraisemblable  que  celle  d'o  et  d'à,  et  qu'on  en  a.  d'ailleurs  I  \.   i5  :   S  pO'jXsTzi  pour 
où  pouXsTat),  un  autre  exemple  dans  les  Pensées.  J'objecterai  à  cette  conjecture  que,  >i 
QteuffioXoYvÎTMC  est   un  terme  aussi  nouveau  que  le  simple  soxrtoAOYi)TttKi  °^11   inoins 
nous  connaissons  par  ailleurs  l'adjectif   içuatOAOfrjroç,    tandis   que    nous    ignorons 
ç'jdtoXovrjToç.  Au  reste,  la  correction  de  M.   Rendall  aboutit  au  même  sens  que  celle 
de  Gataker. 

M.  Couat  avait  traduit  comme  il  suit  le  texte  de  ce  dernier:  «  ces  principe-  sacrés 


>  i  ',  BIBLIOTHEQUE    DES    LMVBKSITKS    Dl     MIDI 

Il  faut  voir  et  agir  en  tout  de  façon  à  accomplir  ce  qui  est 
exigé  par  les  circonstances,  tout  en  exerçant  noire  Faculté 
d'observation1   el   en   conservant   au   fond  de   nous-mêmes, 

sans  le  dissimuler  d'ailleurs,  le  lier  contentement  que  donne 
la  science9  de  chaque  chose.  Quand  donc,  en  effet,  jouiras-tu 
du  plaisir  d'être  simple,  grave,  du  plaisir  de  connaître  chaque 
chose,  ce  qu'elle  est  dans  sa  réalité  matérielle 3,  quelle  place 
elle  occupe  dans  le  monde,  combien  de  temps  elle  doit  durer, 
de  quoi  elle  est  composée,  à  qui  elle  doit  appartenir,  qui  peut 
la  donner  ou  l'enlever? 

10 

Une  araignée  est  fière  d'avoir  pris  une  mouche,  celui-ci 
un  lièvre,  cet  autre  une  sardine  dans  son  filet,  cet  autre  des 
sangliers,  cet  autre  des  ours,  cet  autre  des  Sarmates'».  Tous 
ces  hommes  ne  sont-ils  pas  des  brigands,  si  tu  regardes  leurs 
principes? 

11 

Fais-toi  une  méthode  d'observation,  et  sans  cesse  examiner 
comment  toutes  les  choses  se  transforment  les  unes  dans  les 
autres;  exerce-toi  à  cette  étude  spéciale.  Rien  n'est  mieux  fait 
pour  élever  l'âme  6.   Il  s'est  affranchi  de  son  corps,  celui  qui 

dont  tu  te  glorifies  et  fais  parade  en  homme  qui  n'a  pas  étudié  la  philosophie.  >•  —  La 
signification  d'àçyTtoXoy^Tw;  ne  semble  point  contestée  (cf.  d'ailleurs  supra  I\,  &i, 
a'  note).  J'ai  donné  à  7rapa7:£tx7rsi;  un  sens  qu'il  prend  très  souvent,  et  que  nous 
avons  dû  déjà  lui  attribuer  (I,  8,  fin)  dans  cette  traduction  :  celui  que  proposait 
M.  Couat  est  insolite.  Quant  à  pavrafo,  l'interprétation  nous  on  < «I  suggérée  par  le 
début  de  la  pensée  VU,  2,  où  sont  assez  nettement  marqués  les  rapports  du  oôy|j.a  et 
de  la  cpavTaiia.  Marc-Aurèle  s'accuse  de  ne  pas  prêter  aux  représentations  d'où  il  a  pu 
tirer  les  «  dogmes  sacrés  »  une  attention  suffisante,  et  de  les  submerger  sous  un  flot 
d'autres  représentations  inutiles,  vulgaires,  ou  même  immorales,  parmi  lesquelles 
(VIII,  5i) «il  ne  se  retrouve  plus  ».] 

1.  [Couat  :  unotre  pensée.»  —  Comme  ôiavorj'.xov,  Xoytortxôv,  xaxaXijirrixov, 
TïpoaipSTiy.ôv  (cf.  supra  IV,  22,  en  note),  6su)pr,T».xbv  est  le  nom  du  principe  directeur 
considéré  dans  une  de  ses  fonctions  propres.  Quelle  est  cette  fonction?  C'est  à  la 
traduction  de  le  dire] 

2.  [On  trouvera  énumérées  à  la  fin  de  la  phrase  suivante  les  principales  questions 
auxquelles  celte  a  science  »  répond.] 

5.  [Couat  :  <(  en  quoi  consiste  son  essence.  » —  Cf.  supra  III,  n,  2'  note.] 

l\.  [((Sceptique  sur  la  guerre,  même  en  la  faisant...,  il  doutait  de  la  légitimité  (]<• 
ses  propres  victoires»  (Renan,  Marc-Aurelr,  e/c.6,  p.   207).] 

[Couat  :  «  ne  cesse  pas  d'observer,  en  t'appropriant  la  méthode  spéculative...  »] 

6.  [Même  expression  à  l'article  III.  11  (page  /40.  ligne  3  de  cette  traduction!.  ) 


I    I     >    .1    I  I  >l         M    i  I    '  \  I    I.  I    I    I 

i  oonsidéré1  qu'il  faudra    bientôt]  toul  quittai  en  quitl 
hommes,  <*t  il  l'abandonna  entièrement  li   la   |n  U  e  i  n 

srs   .,,(<•    ,    ;,     ||    m.iIiii.-   imisrisrllr    |  ><  »  1 1 1     h,n       I  ,,t      (j.j, 

lui  arrivent  '    Il  ne  m  demande  même  pfl  [u'on  dira  de 

lui,  <•<•  qu'on  pen  •  i ■•  <!<•  lui    i  è  qu  on  Fera  contre  lui    D 
choses  hn  suffisent     agit  i »'« •  - .  1 1 h.u icu i  ielon  laju  tice   aimei 
la  pari  qui  lui  esl  prësenlemenl  Faite    M  «•  i  libre  d'aflfein 
et  de  préoccupations;  il  n'a  qu'une  volonté,  marchai  l  l'aidi 
de  la  loi  dans  i«i  droit  chemin  <*i  >nni<'  dans  oe  chemin  les 

traces  de   Dieu  '< 

12 

Quel  besoin  de  te   lis  ni    aux   Conjectures    .  quand  lu   peux  U 

rendre  compte  de  ce   que  tu   dois  i'.iiiv  '   SI    in   le  \<»i-.   port 
de  ce  CÔté  de   bonne   humeur,  sanfl   le   ivtoiinier  en   .011 

tu  ne  le  vois  pa>,  attends,  recours  -i  de  sages  conseillers.  vi  tu 
rencontres  quelque  obstacle  sur  ton  chemin 0,  procède  suivant 
la  raison  et  d'après  les  moyens  dont  tu  dispose*;  en  l'attachant 

i.  ['E|«Wffato  to  «rroixa,  xoft  Èwor.T-x;  o:1....  rcàvra...  xorroriu* 
oXov  éa-jTÔv  xxX...  Il  semble  que  le  lujel  <i<s  verbes  ilMaax 
[  \{r  grec.  La  traduction  littérale  de  cette  phrase  srrait  la  suivante  :     //  i*est  afh 
île  >on  corps,  et,  considérant  qu'il  faudra  bientôt  tout  quitter...,   il  l'abandonne 
entièrement...»  —  On  pourrait  encore  supposer  que  xafc  a  été  substitué  au  pronom 
o;,  disparu   sous  une   tache  ou  dans   une  déchirure  du   manuscrit.] 

i.  [Cf.  supra  IX,  Si.  Le  rapprochement  des  deux  pacages  indique  clairement 
que  ces  deux:  expressions:  u  la  cause  extérieure»  et  «la  nature  uni\crctlle  i  sont 
synonymes] 

S.   [Cf.  supra  VIII,  5i  :  u  ne  t'embarra-se  pas  d'affaires  dans  la  vie.  »] 

!*.   [Donc,  être  libre.] 

5.  [Et,  très  vraisemblablement,  à  des  conjectures   sur  la   conduite   et  le-  aA 
d'autrui.  Cf.  supra  III,  'i,  i"  et  8*  notes.  Pour  Ifarc-Aurèle,  le  devoir  esl  encore  ce  qui 
s'aperçoit  le  plus  clairement.] 

6.  [«on  cï  ÉTcpâ  T'.va  Tipô;  TaOïa  àvt'.oa:vré.  Couat  :  fr Si  tu  rencontres  d'autres 
obstacles.  » —  Même  traduction,  à  un  mot  près,  cbez  Pierron,  Barthélemy-Saint-Hilaire 
et  M.  Micbaut.   D'après  eux,  c'est  un  premier  u  obstacle  »  pour  l'honnête  bomm 

ne  pas  reconnaître  son  devoir.  On   pourrait  peut-être    ao  tte    interprétation 

du  passage,  si  Ifarc-Aurèle  avait  écrit  ttco;  toCtq  :  on  pourrait  admettre,  en  effet,  que 
toCto  représentât  ici  l'idée  de  u  taire  son  devoir»,  impliqué-1  plus  haut  dan-  les  mot* 
«voir  ce  qu'il  faut  faire,  »  —  cxott^v  ri  o;:  Tipayjjr.va'..  Mais  c'est  -xl-x  qui  est 
Ce  pluriel  ne  peut  désigner  que  les  deux  actions  exprimées  dans  les  deux  phrases  qui 
précèdent  :  u  se  porter  vers  le  devoir,  quand  on  l'a  vu.  »  ou  u  prendre  —  et  suivre  —  le 
conseil  de  sages  personnes».  Dans  les  deux  cas  -e  trouve  également  supprimé  le 
premier  obstacle  que  semblent  indiquer  les  mots  o  d'autres  »  dans  les  traductions  de 
MM.  Couat  et  Micbaut  et  de  leurs  devanciers.  —  A  quoi  dirons-nous  donc  que 
s'oppose  £T£pa?  Le  texte  grec  signifie  littéralement  :  «  Si  quelque  autre  chose  fait 
obstacle  à  ton  action,  »  —  c'est-à-dire  :  S  Si  ton  action  trouve  en  face  d'elle  quelque 
autre  chose, —  quelque  chose  autre  qu'elle-même,  —  ou,  tout  simplement,  quelque 
chose  —  pour  lui  faire  obstacle.  »] 


MiG  BIBLIOTHEQUE    I>1>    UNIVERSITÉS    Dl     Mii>i 

à  ce  qui  le  paraît  juste.  Il  est  [en  effet  très]  beau  de  réussir 
dans  ce  dessein  puisqu'il  est  [si]  facile  d'y  échouer1.  L'homme 
qui  suit  la  raison  en  tout  est  à  la  fois  tranquille  et  prêt  à 
l'action9:    il  porte  une  aine  sereine  el   sérieuse  cependant 

13 

Demande -toi,  à  l'instant  même  où  tu  te  réveilles,  s'il 
t'importera  qu'un  autre  blâme  ce  que  tu  auras  fait  de  juste  et 
d'honnête  '»?  Cela  t'importera  peu.  As  tu  oublié  ce  que  sont  ces 
gens  qui  montrent  tant  d'arrogance 5  en  louant  ou  en  blâmant 
les  autres,  comment  ils  se  conduisent  au  lit,  à  table,  ce  qu'ils 
font,  ce  qu'ils  cherchent  à  éviter,  ce  qu'ils  poursuivent,  ce 
qu'ils  volent,  ce  qu'ils  ravissent <»,  non  avec  les  pieds  ou  les 
mains,  mais  avec  la  partie  la  plus  auguste  d'eux-mêmes, 
source,  pour  qui  le  veut,  de  la  bonne  foi,  de  la  pudeur,  de 
la  vérité,  de  la  loi,  mère  enfin  de  notre  bon  génie? 

14 

L'homme  qui  s'est  instruit,  l'homme  qui  est  modeste  dit 
à  la  nature,  qui  nous  donne  et  nous  reprend  toutes  choses  : 
a  Donne- moi  ce  que  tu  voudras,  reprends -moi  tout  ce  que  tu 
voudras.  »  Et  il  ne  parle  pas  ainsi  par  orgueil,  mais  dans  un 
sentiment  d'obéissance  et  d'amour  pour  la  nature. 

i.  [On  lit  dans  les  manuscrits  :  èireî  toi  q  ye  ànémtûaiç  oltzo  tovtou  s<ttu>  .  Ces  mots 
n'ont  pas  de  sens.  Sauf  M.  Rendait,  dont  la  conjecture  hardie  —  f,  ys  octtotttoxti; 
xiz6xtvy\L  osa  eoriv  —  me  semble  bien  subtile,  et  s'accorde  d'ailleurs  malaisément 
avec  ce  qui  précède  (xaiTOt,  avant  elle,  ne  serait-il  pas  plus  naturel  qu'sTTEc  toi?),  les 
divers  éditeurs  des  Pensées  ont  respecté  ce  texte  jusqu'au  dernier  mot.  On  a  d'abord 
corrigé  s<ttw  en  ïrjzxi  ou  en  è<roVf  puis,  supposé  la  chute  d'un  adjectif  neutre. 
M.  Skaphidiotis  a  eu  l'idée  de  la  correction  à  la  fois  la  plus  simple  et  la  plus  plau- 
sible :  il  a  vu  dans  ïfj-iù  la  iinale  (-icrrov)  d'un  superlatif,  s'opposant  à  Spurrov,  et  dont 
les  premières  lettres  auraient  disparu.  Il  propose  xdcxwrov,  qui  est,  à  vrai  dire,  assez 
plat.  J'aimerais  mieux  pour  exprimer  le  même  sens  aÎT/t-TTov,  que  me  suggère  la 
conjecture  de  Coraï  (sgtiv  ala/pov).  —  M.  Couat  a-t-il  lu  pa?Tov?  Do  toutes  les 
lectures  proposées,  c'est  celle-là  qui  s'éloignerait  le  moins  de  k'axw.) 

2.  f  Couat  :  «disposé  au  repos  et  au  mouvement.»  —  Le  sens  de  <r/o).aîov  est 
indiqué  par  celui  d'àffYoXt'a;  à  la  pensée  précédente  (note  5).  Ce  mot  désigne  la 
liberté  d'un  esprit  qui,  ne  s'étant  point  embarrassé  d'affaires  dans  la  vie,  n'en  est 
que  mieux  disposé  à  accomplir  la  seule  action  digne  de  lui.] 

3.  [Gomme  le  remarque  justement  Pierron,  ces  derniers  mots  traduisent  la  célèbre 
pensée  de  Sénèque  (ad  Liicilium,  a 3)  :  «  Res  severa  est  verum  gaudium.  »] 

'a.  [Couat:    ((qu'un  autre  ait  agi  justement  et   honnêtement.»  —  J'ai  admis  la 
correction  de  Capel  Lotît,  conservée  par  M.  Rendall  :  «|/éyTjTat,  au  lieu  de  ysvr.ra'..] 
3.  [ySoaTToaîvo:  :  voir  aux  Addenda  la  première  note  à  la  pensée  IV,  48.] 
»).  [u  On  ne  connaît  pas  tous  les  sens  du  verbe  voler...  »  (supra  III,  i5).| 


Il    \     |   I  Dl       M  M'<         WIUII 

45 

C.Vst     Dell     <!<'     ChOSC    (|lir     \r     |rill|i-     qui     \r     H'     («'      i  I  s  f 

comme  il  t  ■  i  était  1111  une  montagne  '    n  Importe  peu,  an  cffel 

(lue   l'on    \i\r    [cl   OU    l«»      pourvu    <|ii«-    l'on    -<>il    parlou!   dan     I 

monde1  comme  dam  une   oltë    Que   lei  bommei  soient 
reconnaissent  en  u>\  un   homme  véritable,  vivant  conformé 

ment    à     la    naluiv      S'ill     QC     p.  usent    \r    - 1 1  j  »  j  m  >i  t  *  i  .    qu'ils     te 

tuent.  Cela  vaul  mieux  que  de  rlvre  comme  aux 

16 

Ne  discute»  pas  sur  ce  que  doit  être  un  honnête  homme 
sois  le. 

17 

Figure-toi  sans  cesse  la  durée  totale  et  la   matière  iotali 
chaque  partie  n'est,  par  rapport  à  la  matière"',  qu'un  grain  de 
figue  G  et,  par  rapport  au  temps,  qu'un  tour  de  vrille. 

18 
En  examinant  avec  soin  chaque  objet,  dis-toi  qu'il   est  en 
train  de  se  dissoudre,  de   se  transformer,  de   se   décompo 
[en  quelque  sorte]  et  de  se  disperser;  enfin,  songe  que  chaque 
chose  meurt,  [si  je  puis  ainsi  dire,]  par  le  fait  qu'elle  est  née. 

19 

Vois  ce  qu'ils  sont,  d'une  part,  quand  ils  mangent,  dorment, 

s'accouplent,  vont  à  la  selle,  etc.;  puis,  au  contraire,  quand 

ils  font  les   hommes",  se  pavanent,    s'irritent,  blâment   sans 

mesure.  Il  n'y  a  qu'un  moment,  de  combien  de  besoins   ils 

i.  [Cf.  supra  VIII,  45;  infra  X,  a3.] 

a.  [èàv  «ri;  7tavxayo'j  (o;  èv  rcôXs:  xm  xodfxto.  N'est -il  pas  nécessaire  d'écrire  un 
second  Èv  devant  t<5  xô<xua>?] 

3.  [Le  mot  oXio;  du  texte  grec  est  rendu  par  le  tour  plus  net  et  l'accent  plus 
impérieux  de  la  phrase  française.  Traduction  littérale:  «  Il  ne  s'agit  pas  do  tout  de 
discuter...,  mais  de  l'être.  »] 

4.  [Couat  :  «  la  durée  éternelle  et  la  matière  infinie.  »  —  Mais,  pour  les  Stoïciens,  le 
monde  est  fini.  Le  contresens,  qu'eût  évité  une  traduction  littérale.  Tient  de  Pierron.j 

5.  [Couat  :  «  substance.  »] 

G.  [Cf.  supra  X,  8,  note  finale.] 

7.  [Le  participe  otvâpovou.o0u£vot  que  présentent  ici  les  manuscrits  ne  se  retrouve 
pas  ailleurs.  L'étymologie  ne  permet  guère,  à  vrai  dire,  d'en  tirer  le  sens  qu'exige 
le  contexte,  et  M.  Rendall  (Journal  of  Philology,  XXIII,  p.  i5*)a  peut-être  raison 
d'appeler  ce  mot  vox  nihili.  En  tout  cas.  la  correction  qu'il  propose.  kv4  icvoi, 


JlS  BIBLIOTHEQUE    l>Efl    iM\ih>ni>    Dl     midi 

étaient   esclaves,  et  par  quels  actes   ils  y   cédaient1!    Et  tout 
à  l'heure  ils  y  reviendront! 

20 
Ce  que  la  nature  universelle  apporte  à  chacun  lui  est  Utile*, 
et  utile  au  moment  où  elle  le  lui  apporte. 

21 
u  La  terre  aime  la  pluie:  le  vénérable  éther  aime  aussi  la 
pluie  3,  »  Le  monde  aime  à  créer  les  êtres  à  venir.  Je  dis  donc 
au  monde  :  «  J'aime  ce  que  tu  aimes.  »  N'emploie-t-on  pas  aussi, 
même  en  parlant  des  choses,  les  mots  :  «  aimer  à,  »  au  sens 
d'«  avoir  coutume  »  4  ? 

est,  quoi  qu'il  en  dise,  en  désaccord  avec  les  mots  voisins:  quel  rapport  peut-on 
imaginer  entre  les  idées  de  «  faire  le  lier,  le  difficile,  le  dédaigneux  »  et  celle  de  la 
pire  débauche?  La  conjecture  de  Reiske,  àopvôuEvoi,  donne  le  sens  désiré:  mais  il 
faut  convenir  qu'elle  s'écarte  bien  du  texte.] 

1.  [èoow.ejov  710(70::,  xàt  ôY  ofa.  Couat  :  «de  combien  de  besoins  ils  étaient 
esclaves,  et  pour  quels  motifs!  » —  On  se  demande  le  sens  précis  de  ces  derniers  mois, 
qu'on  retrouve  dans  la  traduction  de  M.  Michaut.  Je  suppose  que  MM.  Couat  et 
Michaut  se  sont  trompés  pour  avoir  voulu  rapprocher  ce  texte  de  la  dernière  pensée 
du  livre  VI,  où  les  mots  ôY  ota  sont  définis  par  ceux  qui  les  suivent  et  expriment 
nettement  un  motif  ou  un  résultat.  Ils  n'ont  point  assez  remarqué  que,  dans  cet 
autre  texte,  le  premier  pronom  employé  avant  oY  ola  —  oîoe  —  désignait  des  person- 
nes, tandis  qu'ici  c'est  un  neutre — ttoo-ocç:  que  le  sens  général  n'est  donc  pas  le  même 
dans  les  deux  cas;  il  ne  se  sont  pas  avisés  non  plus  qu'il  leur  eut  été  assez  difficile 
de  qualifier  ôY  ota,  ici  comme  là-bas,  par  le  participe  TtEpcycpousva  (littéralement  : 
((  et  pour  qu'il  leur  en  reste  quoi?»). 

La  préposition  oià  suivie  de  l'accusatif  peut  avoir  un  second  emploi,  et,  comme 
lorsqu'elle  s'accompagne  du  génitif,  exprimer  le  moyen.  C'est  le  sens  que  je  lui  ai 
reconnu  en  ce  passage. 

Pierron  a  fait  ici,  comme  à  l'article  VI,  09,  un  masculin  du  premier  pronom 
(ttoo-o:;):  il  a  pu  ainsi  donner  des  deux  textes  une  même  traduction,  et  n'a  pas  été 
embarrassé  par  ôY  ola.  Mais,  à  son  interprétation,  la  pensée  me  semble  perdre  et 
sa  cohésion  et  sa  saveur.  D'ailleurs,  je  crois  impossible  de  tirer  de  la  dernière  phrase, 
où  il  a  vu  une  réponse  aux  interrogations  précédentes,  le  sens  qu'il  lui  attribue  : 
«  A  qui  ne  faisaient-ils  pas  la  cour  naguère,  et  pour  quoi  obtenir?  Dans  peu  ils  seront 
tous  réduits  au  même  état,  »  —  y.  ai  uet'  oXi'yov  èv  7  0  1 0  -j  t  0  1  ;  ë  <r  0  v  t  a  1. 

Rapprocher  du  présent  article  la  fin  de  la  pensée  VIII,  3  :  on  y  trouvera  BouXeta 
avec  un  neutre  pour  régime,  et,  comme  ici  uôo-ot  et  ota,  la  succession  assez  étrange 
des  pronoms  ôo*oi  et  7:60-01  :  ôo*a>v  7ipôvoia  xaù  8ouXeia  7100-wv.] 

2.  [Le  panthéisme  n'admet  pas  l'indépendance  de  l'individu.  Ce  qui  est  apporté 
à  chacun  ne  Lui  est  donc  utile  que  comme  à  une  partie  de  la  nature  universelle.  La 
Nature,  qui  est  aussi  Providence,  ne  veille,  en  somme,  que  sur  elle- même.  Marc- 
Aurèle  ne  saurait  rien  affirmer  de  plus.  —  Cf.  supra  X,  7,  et  les  notes.] 

3.  [Citation  d'un  inconnu.] 

li.  [Couat  :  «  Ne  dit-on  pas  aussi  d'une  manière  courante  :  ceci  a  coutume  d'arri- 
ver?» —  Cette  traduction,  où  disparaissait  le  jeu  de  mots,  a  été  ensuite  effacée,  mais 
non  remplacée  par  son  auteur. 

On  remarquera,  dans  le  texte  grec,  l'emploi  tout  à  fait  insolite  de  fxrjt  au  sens  de 
nonne.  Il  n'est  plus  possible  ici,  comme  en  un  autre  passage  des  Pensées  (IV,  a4, 
4*  note,  complétée  aux  Addenda),  de  supprimer  l'interrogation  et  d'interpréter  ar.-rt 
comme  |it,içots.] 


il  \    i  i   •     il      M  \  t  •■•       \  (  i\  i  i  » 

22 

Ou  ta  \ li  là  où  tu  et,  el  tu  (  habitué    ou  tu 

portai  ailleurs,  el  tu  l'ai  voulu;  ou  lu  m<m-    <-i  »•  •  -  i,«-  «-t 

remplie  En  dehors  de  cela  il  n  >  a  ri  m    \i<-  .loin  imn  <  oui  .../.• 

23 

Que  oeol  soil  toi^joun  ♦'  \  i«i«n  i  i  tei  feux  :  ce  4  dut 

/><>///•  /m' 0),  un  champ  l'est  pour  cel  aulre1;  rirra  id  ou 
lommel  d'une  montagne,  ou  au  bord  de  la  mer,  ou  en  quelque 
lieu  que  ce  soit,  c'est,  en  somme,  la  même  chose   Tu  arriv< 
tout  droit  au  mol  de  Platon  enfermé  dam  un  parc  sur 

la  montagne,  et  tirant  le  lait  de  lei  brebis1 

24 
Quel  est  le  principe  qui  commande  en  moi?  Qu'en  l'ai- 

à  présent?  A  quel  objet  est-ce  que  je  l'applique  présentement? 
Serait-il  dépourvu  d'intelligence?  Se  serait-il  violemment 
détaché  de  tous  sentiments  de  solidarité?  Serait-il  mêlé  à 
cette  misérable  chair  el  confondu  avec  elle  au  point  d'obéir 
à  toutes  ses  impulsions^? 

25 
Celui  qui  fuit  de  chez  son  maître  est  un  déserteur.  La  loi  est 
notre  maîtresse;  par  suite,  celui  qui  la  viole  est  un  déserteur. 
Mais  celui  qui  s'afflige,  qui  s'irrite,  qui  s'effraie,  ne  veut  pas 
que  se  soit  produit  dans  le  passé  ou  se  produise  dans  le  pré 
sent  ou  dans  l'avenir  tel  événement  prescrit  par  l'ordonnateur 
de  toutes  choses,  la  loi,  qui  répartit  à  chacun  ce  qui  lui 
revient.  Donc,  celui  qui  s'effraie,  ou  s'afflige,  ou  s'irrite,  est 
un  déserteur'». 

1.  [oti  to'.oCto  ÈxcSvo  ô  ivpô:  stt'..  Ce  texte  «i<t  très  corrompu.  Couat  :  a  ce  champ 
est  ce  que  tu  voudras.  » —  J'ai  lu  èxstvw,  et  supposé  aprè>  Sn  une  lacune  de  quelque^ 
mots,  par  exemple  :  oiov  <ro\  r,  aOXr;.] 

2.  [Thcétète,  i;4,  D-E  :  w  En  entendant  l'éloge  d'un  tyran  ou  d'un  roi,  le  philo- 
sophe pense  au  pâtre  heureux...  de  tirer  de  ses  troupeaux  beaucoup  de  lait.  Les  rois 
aussi  sont  des  bergers;  ils  ont  charge  de  faire  paître  et  de  traire  une  espèce  d'ani- 
maux plus  difficiles  et  plus  dangereux.  .;  ils  demeurent  clos  dans  leurs  murailles 
comme  le  pâtre  en  son  parc  sur  la  montagne.  »! 

3.  [Cf.  supra  VII,  16,  et  la  seconde  note.] 
'4.  [Cf.  infra  XI,  20.] 


220  BIBLIOTHEQUE    DES    UNIVERSITÉS    Dl     MIDI 

26 

L'homme  s'en  va,  laissant  sa  semence  dans  la  matrice;  puis 
une  autre  cause1  s'en  empare,  ;igit  à  son  tour  et  achève  de 
former  l'enfant.  Quel  point  de  dépari  et  quel  résultat!  Mais 
de  la  nourriture  a  été  introduite  dans  le  gosier  du  nouveau-né; 
alors  une  autre  cause-,  s'en  emparant  à  son  tour,  lui  donne 
la  sensation  et  la  tendance,  en  un  mot,  la  vie,  des  forces  et 
toutes  les  facultés  si  nombreuses  et  si  merveilleuses  du  vivant. 
Contemplons  ces  phénomènes  derrière  le  voile  si  épais  qui  les 
recouvre,  et  nous  reconnaîtrons  aussi  clairement 3  que  si  nous 
la  voyions  de  nos  \eux  la  force'»  qui  les  produit,  comme  nous 
voyons  celle  qui  fait  tomber  les  corps  et  celle  qui  les  élève. 

i.  [La  première  des  «  causes  »  qui  feront  l'homme  est  donc  dans  la  semence.  C'est 
la  «  raison  séminale  »  (supra  IV,  i4,  note  2).  La  seconde  n'est  pas  seulement  l'apport 
de  la  mère,  c'est  le  mélange  de  cet  élément  avec  la  raison  séminale;  c'est  l'a  me 
même  de  l'embryon;  c'est  une  «nature  »  (supra  VI,  i4,  note  2)  semblable  à  celle  des 
plantes.  Nous  devons,  en  effet,  considérer  qu'ici,  comme  à  l'ordinaire,  Marc-Aurèle 
a  désigné  par  les  diverses  aiTcoti  qu'il  énumère  une  série  de  «  principes  efficients  »  ou 
de  causes  internes  (supra  IX,  3i,  2'  note);  l'évolution  de  l'une  à  l'autre  n'est  pas 
seulement  un  accroissement  par  addition  de  matière,  mais  aussi  une  métamorphose.] 

2.  [Cette  autre  cause,  c'est  l'àme  vivante  (supra  VI,  i'i,  même  note),  laquelle, 
rapporte  Stobée  (Ed.,  I,  87/»),  préexiste  à  ses  facultés.  Marc-Aurèle  arrête  à  celle-ci, 
c'est-à-dire  au  premier  jour,  l'histoire  de  l'homme,  et  ne  nomme  ici  ni  ne  désigne 
la  raison.  On  remarquera  le  nom  dont  il  a  appelé  la  vie  :  ^u)rt,  et  non  pto?  (supra  VI, 
i5,  3*  note).  On  remarquera  aussi  qu'il  ne  cite  qu'un  des  deux  facteurs  de  la  vie,  la 
nutrition,  et  oublie  l'autre,  pourtant  le  plus  important,  celui  par  lequel  se  «  trempe» 
l'àme  (supra  VI,  i4,  2*  note),  la  respiration.  Mais  il  nous  suffit  de  considérer  comment 
l'homme  se  renouvelle  chaque  jour  par  la  nutrition  pour  nous  aviser  de  l'instabilité 
de  la  dernière  des  «causes»  que  Marc-Aurèle  énumère  ici.  Si  notre  auteur  avait  voulu 
achever  l'histoire  de  l'homme,  et  désigner  le  principe  d'unité  qui  nous  conduit, 
identiques  à  nous-mêmes,  à  travers  tous  les  changements  de  notre  matière,  depuis 
la  naissance  jusqu'à  la  mort  (àub  ^/«jo-eo);  jjiypi  toO  tt,v  'Jo/r,v  àuooov/at  :  infra  \II, 
2d),  il  eût  nommé  ici  la  710161/);  (supra  IX,  25,  1"  note).  C'est  une  unité  plus  ancienne 
et  plus  merveilleuse  qui  l'intéresse  pour  le  moment  :  non  plus  l'unité  limitée  qui 
nous  donne  l'illusion  de  noire  indépendance,  mais  celle  qui  nous  rattache  à  la  nature 
commune;  l'unité  de  la  «force»  (o\!»vapii;),  qui  du  germe  fait  naître  l'homme,  et, 
après  l'avoir  fait  naître,  le  fait  durer  {supra  VI,  /jo,  3*  note).] 

3.  [«  Ce  n'est  pas  avec  les  yeux,  mais  avec  une  autre  vue  que  l'on  s'en  rend 
compte  »  (supra  IV,  i5).  —  Cf.  encore  VIII,  /»o,  et  la  note.  —  Cf.  encore  le  mot  de 
Platon  à  Antisthène  dans  Simplicius  (Brandis,  Sckolia  in  Arislotelem,  p.  GG-G7):  ïyi'.; 
ixàv  a)  17:710;  ôpâTai  toge  to  ô'^a,  t»  os  lîÇîtéxt^  Ocwpî'Tat  o*joÉtiw  y.ixT^o-a'..] 

4.  [Simplicius  (L  L,  p.  G9  b,  ligne  2)  rapporte  cetle  définition  stoïcienne  de  la 
«  force  >>  :  O'jvajxi:  èotiv  r,  tiXsiovwv  èuoiaTixr,  a'juLTrTwixàTwv,  a>;  r{  spoVr,?!;  toj  t£ 
çpovt'txo);  7i£pi7iaT£'.v  xài  to-j  çpov:'fj.a>;  8ia)iy£(r6at.  —  «  C'est  ce  qui  amène  plusieurs 
événements;  ainsi,  la  sagesse  amène  une  sage  promenade  et  une  sage  conversation.  » 
—  Zenon  avait  dit  (supra  IX,  3i,  2*  note):  «La  sagesse  est  cause  (atTiov)  de  l'action 
d'être  sage.  »   L'identité  des  exemples  invoqués  de  part  et  d'autre  témoigne  suffi- 

.ni ment  de  l'affinité  des  deux  notions  de  l'aiTta  et  de  la  Suvajxi:.  C'est  peut-être  pour 

•   -    distinguer  que  les  Stoïciens  avaient  ajouté  un  complément  à  la  définition  de 

-ci.  La  oOvaat:  est  encore,  rapporte  Simplicius  (ibid..  ligne  7),  «ce  qui  commande 


i      ni    m  \r\<     unr.i.i 


27 


N<-   C€  116    |> M   <!•'   tr  dire  r|iic    loutre   «  h  ni   (oujoiii 

tellei  qu'ellea  sonl  aujourd'hui   el  qu'elli      i  ronl  t.-n. 
dans  l'avenir.  Meta  loi  devanl  le    yetu  toute    le    comédie 
louhvs   les  srrnrs  semblable!  que  Lu  cooual     pai    la   propre 
expérience  e(  par  l'histoire,  loute  la  cour  d  Hadrien,  toute  i    ll< 
d'Antonin,  toute  celle  de  Philippe,  d  Mexandre,  cl 
spectacles  étaient  tous  pareils;  les  acteurs  leuls  onl  i  b  m. 

28 

Figure  t<>i  bien  que  celui  qui  s'afflige  ou  s'irrite  à  proj 
quoi  que  ce  soit  ressemble  au  porc  que  l'on  égorge  et  qui 
regimbe  el  cric.  IV  même  celui  qui,  étendu  sur  son  lit,  gémit 

en    silence    sur    les   liens  <|iii    nous    enelniînenf.     L'obéissance 
volontaire    à   tout   ce   qui    lui   arrive  est   le   privilège   résen 
l'animal  raisonnable;  l'obéissance,  volontaire  OU  non',  est  une 

nécessité  pour  tous. 

aui  actions  qui  Lui  sonl  soumises,  »  —  r\  xaToraporrowa  -■'»<  ûttototee 

—  En  d'autres  termes,  c'est  un  mole  d'activité.  Cette  Interprétation  pourrait  du 
moins  s'appuyer  sur  L'usage  constanfl  de  Ifarc-Aurèle,  qui,  dans  l'homme,  défini  pai 
mif   -x'.-'.i.  appelle  5uvau.i;  toute  fonction  de  l'âme   vivante  (ovaxvcutmxv 

VI,  i5)  el  loute  faculté  de  L'àme  raisonnable  (iin9TQn.ovtxT)  v-v  *■;.•.:.  V, 
oOvauu:.   III,  g;  XoYtXY]  oôva-j.'.:,    VII,   72),  et.  dans   la   nature,  cause  universelle,  tout 
ce  que  nous  entendons  nous-mêmes  par  les  «  forces  naturelles  >>,  la  pesanteur,  par 
exemple,  citée  ici.  Il  est  facile  aussi  d'accorder  celle  explication  avei    le  pféaenl 
On   peut,   en   définitive,   considérer   comme   subordonnées    les    unes    ;nix    nu'r 
O'jvâfjLSv;    et   les   a-.Tia:.    Toute   force   est   soumise   à   la  raison  universelle;  mais  tout 
principe  efficient,  toute  cause  particulière  dépend  d'une  force  de  la  nature.  Cest  une 
même   force   qui    relie   les    métamorphoses   de    notre    principe   efficient   depuis    \a 
conception  jusqu'à  la   mort;    mais    c'est   à   un   même   principe  efficient  —  eon. 
lui-même  de  l'assemblage  essentiellement  instable  de  nombreuses  causes  secondaires 

—  que  nous  rapportons  toutes  les  forces,  tous  les  modes  d'action  que  manifeste  notre 
vie,  tant  animale  que  raisonnable.] 

1.  [Couat  :  «  la  simple  obéissance.  » —  Il  semble  que  ces  mots  soient  la  traduction 
littérale  de  to  ùî  STreTÔat  <piX6v  :  mais,  si  on  l'oppose  à  l'obéissance  volontaire,  n'est-il 
pas  naturel  d'entendre  par  la  «simple  obéissance»  l'abdication  de  toute  liberté/ 
Cette  seconde  expression  est  au  moins  ambiguë,  puisqu'à  cause  d'elle  on  est  un 
moment  tenté  de  compléter  ainsi  la  phrase  finale  de  la  pensée:  ,<la  simple  obéissance 
est  une  nécessité  pour  tous  les  autres.  »  Or,  le  texte  ici  est  fidèlement  conseil 
Marc-Aurèle  a  bien  dit  ce  qu'il  voulait  dire.  L'homme  libre,  à  ses  veux,  doit  obéir. 
lui  aussi,  car  on  peut  être  libre  en  obéissant  (supra  VI,  42.  et  les  notes;  infra  XI.  20, 
note  finale).  Il  n'y  a  pas  lieu,  comme  l'a  fait  Sénèque,  de  corriger  le  «  parère  Deo  »  ; 
le  mot  adsentior,  <  je  consens,  »  dont  le  Stoïcien  c^t  si  fier,  n'est  exact  qu'à  la  condi- 
tion de  ne  pas  être  donné  comme  la  négation  de  la  nécessité  d'obéir.  (Ad  Lucilium. 
9O:  «  Non  pareo  Deo,  sed  adsentior.  Ex  animo  illum,  non  quia  necesse  est,  sequor.    |] 


■2-j?  BIBLIOTHÈQUE    DBS    UNIVERSITÉS    m     MIDI 

29 
Examine  en  détail  chacune  de  les  actions  et  demande-toi  si 
l'obligation  d'y  renoncer  te  rend  la  mort  redoutable. 

30 

Quand  tu  te  heurtes  à  la  Faute  d'un  autre,  délourne-toi 
d'elle  pour  observer  les  fautes  semblables  que  tu  comme!- 
par  exemple  si  tu  considères  comme  un  bien  l'argent,  le 
plaisir,  la  gloire,  ou  autre  ebose  de  ce  genre.  Cet  examen  te 
fera  vile  oublier  ta  colère;  tu  reconnaîtras  que  cel  homme 
subit  une  violence  :  que  pourrait-il  donc  faire?  Ou,  si  tu  le 
peux,  délivre-le  de  ce  qui  lui  fait  violence1. 

31 
Quand  tu  vois  Satyrion,  imagine-toi  un  Socratique,  Eutychès 
ou  Eumène;  quand  tu  vois  Euphrate,  imagine-toi  Eulychion  ou 
Silvanus;  quand  tu  vois  Alciphron,  imagine-toi  Tropéophore; 
en  voyant  Xénophon,  pense  à  Criton  ou  à  Sévérus2;  en  te 
considérant  toi-même,  figure-toi  quelqu'un  des  Césars,  et, 
à  propos  de  chaque  personne,  celle  à  qui  elle  ressemble.  Que 
cette  réflexion  te  vienne  ensuite  à  l'esprit:  Où  sont-ils?  Nulle 
part,  ou  n'importe  où  3.  En  Rappliquant  à  regarder  ainsi  les 
choses  humaines,  lu  verras  qu'elles  ne  sont  qu'une  fumée  4,  un 
rien,  surtout  si  tu  te  rappelles  que  ce  qui  a  une  fois  changé 
ne  reparaîtra  plus  dans  la  durée  infinie^.   Pourquoi  donc  te 

i.  [C'est-à-dire  de  l'ignorance.  —  Cf.  supra  VII,  63.] 

•j.  [La  plupart  de  ces  noms  propres  nous  sont  inconnus  :  deux  ont  été  restituée 
par  conjecture  :  Salyrion,  au  lieu  de  Satyron,  et  Eumène,  nu  lieu  d'Hymen.  Euphrate 
est  un  philosophe  égyptien,  contemporain  d'Epictèle;  Alciphron  est  l'épistolographe, 
ou  un  philosophe  de  Magnésie;  Criton,  l'ami  de  Socrate.  Sur  Sévérus,  cf.  supra  I,  i^.J 

3.  [Je  ne  considère  pas  qu'ici  r,  sépare  deux  alternatives  :  la  première  eût  été, 
suivant  l'usage  de  M;irc-Aurèle,  annoncée  par  r,70'..  Le  sens  de  «ou»  est  tel,  dans 
la  traduction  de  celle  phrase,  qu'on  pourrait  le  remplacer  par  «  et  ».  Qu'on  admette 
la  dispersion  ou  le  retour  à  la  raison  séminale,  nos  éléments,  après  la  mort,  seront 
partout,  et  nous-mêmes  ne  serons  plus  nulle  part.  Il  y  a,  il  est  vrai,  une  autre  hypo- 
thèse que  Marc-Aurèle  a  parfois  considérée  comme  plausible,  et  d'après  laquelle  nous 
serions  transpoi  tés  dans  les  espaces  aériens,  et  survivrions  pendant  un  certain  temps 
(supra  IV,  21).  Ni  les  mots  «  nulle  part»,  ni  les  mots  «  n'importe  où  »  ne  conviennent 
c«  celte  hypothèse,  que  Marc-Aurèle  semble  bien,  pour  le  moment,  avoir  rejetée. ] 

A.  [Même  expression,  infra  XII,  27  et  33.] 

5.  [Ici,  Marc-Aurèle  a  renoncé  à  l'hypothèse  des  révolutions  périodiques  de 
l'univers  {supra  V,  i3,  note  iinale),  comme  tout  à  l'heure  à  celle  de  la  survivance  des 
âmes.  Les  deux  doctrines  sont,  en  effet,  connexes.] 


If   n-  :   I  •      M      M  A  lu       M  II  K|#| 

tOUrmenl    i  '  '   V  t»'   siillil  il  <!•  »n«    p.i^  <l<-  i»  n  «  m. ii  m    (|. 

cette  ooui  '  (  fuelle  matièi  e    quel    rçjel  de 

tu  laissée  échappes  M  Qu'est-ci  en  effet,  que  kml  i  eb  Inon 
une  occasion  d'exercei  notre  rai  on  pai  l'examen  atlentil  e( 
philosophique  <i<%  !«■  vie?  riens  <i<>n<    bon  jusqu  ta 

le  sois  pénétré  de  toutes  ce    féfiii     de  même  qu'un         nuu 

robuste  imilr     Ions     1rs     .ilinirnl        cl     (juuii     |«u     brillant 

transforme  en  Damme  el  en  clarté  tout  oe  qu'on  v  Jette 

32 

Qu'il  ne  soit  permis  ii  personne  de  dire  v  rai  en  disant  de  i<n 
que  tu  u'ea  ni  simple  ni  bon;  que  quiconque  t<i  juge  ainsi  <'n 
ail  menti;  cela  dépend  <le  i<>i.  Qui  peut,  <in  effet,  t'empéchei 
d'être  simple  et  hou?  Sois  seulement  décidé  a  ue  plus  vivre 
si  tu  n'es  pas  ter».  Car  la  raison  ne  te  commande  pas  d< 
si  lu  ne  les  pas. 

33 

Telle  matière  5  nous  étant  donnée,  qu'est- il  possible  de  dur 

ou  de  faire  de  plus  raisonnable?  Quoi  que  ce  soit,  tu  peux  le 
faire  ou  le  dire.  Ne  donne  pas  pour  prétexte  que  tu  en  es 
empêché.  Tant  que  tu  ne  feras  pas,  avec  la  matière  qui  I 
fournie  et  qui  tombe  sous  ton  action,  ce  qui  convient  G  à  ta 
constitution  d'homme";  tant  que  tu  ne  seras  pas  aussi  sen- 
sible à  ce  plaisir  que  l'homme  efféminé  est  sensible  à  la 
volupté,  tu  ne  cesseras  point  de  gémir.  Il  faut  considérer 
comme  une  jouissance  toute  action  possible  conforme  à  notre 

i.  [Sur  la  correction  do  xi  o-jv  bi  xiyi  ou  911  ofc  iv  t:vi,  que  donnent  ici  les 
manuscrits,  en  ~i  EvretvTj,  cf.  supra  IX,  a8,  note  2.  —  Gouat  :  «et  toi,  combien  de 
temps  dureras-tu?»] 

2.  [Sur  Ks  divers  sens  d'OicoQeecc  chez  Marc- Aurèle,  cf.  supra  VIII,  1.  a*  note, 
rectitiée  aux  Addenda.  Nous  connaissons,  d'autre  part,  C/.r,  dans  l'acception  sp 

de  «matière  de  l'action»  (supra  IV,  1).  Ici  les  deux  mots  se  précisent  l'un  l'autre. 
Si  nous  les  avons  bien  entendus,  la  phrase  n'est  pas  interrogative,  comme  ont  pen«é 
les  divers  traducteurs  jusqu'à  M.  Couat,  mais  exclamative.  Or,  c'e>t  le  même  sen- 
qu'exprime  le  pronom  initial  (o"av  et  non  sofav).] 

3.  [Cf.  supra  IV,  i,  dernières  lignes.] 

\.  [Sur  le  suicide,  cf.  supra  VIII,  ^,7.  note  finale.] 

5.  [Entendes  par  la  «matière»  la  «matière  de  l'action  0.  Cf.  trois  notes  plu*  haut. 
G.  [Ici,  il  parait  bien  difficile  de  distinguer  otxstov  de  xaftïjxov.  Cf.  supra  VI.  10, 
en  note.] 

7.   [Couat  :  «à  la  nature  humaine.  » —  Cf.  supra  VI,  '»  1.  note  finale.] 


22 '|  BIBLIOTHEQUE    DEfl    I  NITERS1TÉ8    OV    MIDI 

nature  propre.  Or,  ces  actions  sont  possibles  en  toute  cir- 
constance1. Un  cylindre  ne  peut  pas  toujours  se  mouvoir 
de  soi)  mouvement  propre,  pas  plus  que  l'eau,  le  feu  et  les 
autres  corps  gouvernés  par  une  nature  ou  une  âme  dépourvue 
de  raison9;  ils  trouvent  beaucoup  d'obstacles  et  d'entraves. 
Mais  l'esprit  et  la  raison  peuvent  poursuivre  leur  marebe 
à  travers  toutes  les  difficultés,  suivant  leur  nature  et  leur 
volonté.  Persuadé  de  celte  facilité  avec  laquelle  la  raison  peut 
se  porter  partout,  connue  le  feu  s'élève  dans  l'air,  comme  la 
pierre*  tombe,  comme  le  cylindre  roule  sur  une  pente,  ne 
demande  rien  de  plus.  Les  autres  obstacles 3  ou  bien  ne  sont 
que  pour  le  corps,  ce  cadavre'»;  ou  bien,  si  notre  jugement  et 
notre  raison  ne  se  relâchent  point  5,  ils  ne  blessent  pas,  ils  ne 
font  aucun  mal  :  si  l'on  en  souffrait,  on  serait  par  là  même 
avili.  Tout  [malencontreux]  accident  qui  arrive  à  un  autre 
être  ou  à  un  autre  objet  quelconque  6  enlève  de  sa  valeur  à 
ce  qui  le  subit;  l'homme,  au  contraire,  s'il  est  permis  de  le 
dire,  vaut  davantage  et  mérite  plus  de  louanges  quand  il  sait 
tirer  parti  de  toutes  les  difficultés.  En  un  mot,  souviens-toi 
que  rien  de  ce  qui  ne  nuit  pas  à  la  cité  universelle  ne  nuit  au 
citoyen,  et  que  ce  qui  ne  nuit  pas  à  la  loi  ne  nuit  pas  à  la 
cité;  or.  aucun  de  ces  incidents  que  l'on  impute  à  la  mauvaise 
chance  ne  nuit  à  la  loi.  ^œ  nuisant  pas  à  la  loi,  il  ne  nuit 
donc  ni  à  la  cité  ni  au  citoyen. 

34 

A  celui  sur  qui  ont  pu  mordre"  les  dogmes  vrais,  la  moindre 
chose  et  la  plus  ordinaire  suffit  pour  rappeler  qu'il  ne  doit 
éprouver  ni  chagrin  ni  crainte.  Par  exemple  ces  vers  :  «  Parmi 

i.  [Toute  la  liberté  est  dans  ces  mots.  Cf.  infra  XI,  20,  et  la  note  linale.] 

2.  [Sur  la  hiérarchie  des  êtres,  cf.  supra  VI,  i4;  X,  2,  et  les  notes.] 

.S.  |  Marc-Aurèle  dit  «  les  autres  obstacles  »  par  opposition  à  ceux  qui  viennent  de 

la  raison  elle-même,  d'un  «relâchement  du  jugement»,  et  qui  sont  les  seuls  dont 

elle  puisse  patir.] 

U.  [Cf.  le  mot  d'Kpictète,  supra  IV,  (t.] 

5.   [Le  jugement  se  relâche  en  donnant  de  l'importance  aux  choses  indifférentes. 

Tout  bien  et  tout  mal  sont  en  lui.  —  Supra  IV,  7,  et  vingt  autres  passages.] 

G.   [Littéralement  :  «  à  une  autre  organisation  »  ou  «  constitution  quelconque  ►>.] 
7.   [Couat  :  «à  celui  qui  s'est  bien  pénétré  de...  »] —  Je  crois  qu'on  peut  garder  le 

texte  il  s  manuscrits,  si  étrange  que  paraisse  l'expression  tô>   5eÔTjf|iiv<j).  Elle  peut, 

en  tout  cas.  se  traduire  littéralement  en  français! 


1-1    N       I    I    -      |  -Il 

reuilles,  lai  unes  ionl  jeu  •     l  terre  pai  i« \  y  anl       ainai  i  - 

race  hum, nue  '         l  .<•     nul     m   •■fl'.-l     .|.-      |.  uilk     <|in 

feuilles     ,iu    ^      lotis     nu\     <|in     I  ,n  ihiiiinil     I  I     ta     I1  >U<  ni     | 

iHii\  letton,  ou  i"1  il   au  «  ontraii  e<  la  maudl  I  imenl 

at  ta  raillent  seci ètemenl     reuilli      enlin    ■  f •  ■  j \  mu,  ,i| 
mort,  se  tranamattronl  la  mémoire    roui  cela     nall  au  prin 
tempa  pui     l<i   \  anl    !<•   rail   t<  tmbei     al    la   f<  n  "i    pi  i  tduil 

d'autres  reuilles  &  la  place  da    an<  ienne      I  b  bi  I  le 

sort    commun    à   (nul,  cl    pumUnl    lu    recherchei    OU    In    lui      le 

choses  de  la  vie,  comme  li  elles  devaient  Al  rnellei    Dans 

peu  de  tempa,  tu  fermeras  toi  même  les  yeux;  ei  bientôl  un 
autre  pleurera  celui  qui  t'aura  conduit  au  tombeau* 

35 
Un  œil  sain  doit  voir  toul  ce  qui  eal  visible  al  ne  pas  dire 

u  Je  voudrais  voir  du  vert.  »  Ceci  convient,  en  effet,  aux  yeux 
malades.  Une  ouïe  ou  un  odorat  sain  doit  être  capable  d'en- 
tendre ou  de  sentir  tout  ce  qui  peul  être  entendu  ou  senti. 

Un  estomac  sain  doit  être  prêt  à  accepter  toute  espèce  de 
nourriture,  comme  une  meule  tous  les  objets  qu'elle  eal  deî 
tinée  à  moudre.  De  même,  une  intelligence  saine  doil  être 
préparée  a  tous  les  événements.  Celle  qui  dit  :  «  Que  mes 
enfants  soient  sauvés,  »  ou  :  «  Que  tout  le  monde  me  loue, 
quoi  que  je  fasse,  »  est  l'œil  qui  demande  du  vert,  ou  la  dent 
qui  réclame  des  aliments  tendres. 

36 

Personne  n'est  assez  fortuné  pour  qu'à  sa  mort  aucun  des 
assistants  ne  se  réjouisse  de  son  malheur.  S'agit-il  d'un 
homme  vertueux  et  sage?  Il  se  trouvera  bien  quelqu'un  au 
dernier  moment  pour  se  dire  à  soi-même  :  «  Nous  allons 
enfin  respirer,  délivrés  de  ce  pédagogue.  Sans  doute,  il  n'était 
méchant  pour  aucun  de  nous,  mais  je  sentais  que  dans  son  for 
intérieur  il  nous  condamnait.  »  Voilà  donc  ce  que  l'on  dira  de 
l'homme  vertueux.  Mais  nous,  pour  combien  d'autres  raisons 

i.  [Iliade,  VI,  i*7  et  1*9.] 
a.  [Ibid.,  i48.] 

A.    (JOUAT-P.    FÛUK.MER.  IJ 


22b  BIBLIOTHEQUE    L>LS    LMVEHS1TES    DL     MIDI 

beaucoup  de  gens  ne  désireraient-ils  pas  être  délivrés  par  notre 
mort?  Tu  feras  ces  réflexions  à  les  derniers  moments,  et  tu 
t'en  iras  plus  tranquille  en  te  disant  :  «  Voilà  donc  la  vie  que 
j'abandonne;  mes  compagnons  eux-mêmes1,  pour  qui  je  me 
suis  donné  tant  de  peines,  tant  de  soucis,  pour  qui  j'ai  formé 
tant  de  v(imi\,  veulent  me  mettre  dehors,  espérant  que  mon 
départ  sera  peut  être  pour  eux  une  sorte  de  soulagement,  o 
Pourquoi  donc  s'ohslincrait-on  à  demeurer  ici  pins  longtemps? 
Néanmoins,  que  cela  ne  t'empêche  pas  de  partir  avec  les 
mémos  sentiments  de  bienveillance2  pour  eux  tous;  sois  fidèle 
à  tes  habitudes  (rattachement,  d'indulgence,  de  bonté.  N'aie 
pas  l'air  non  plus  de  t'arracher  d'eux  péniblement  3  ;  sépare- 
t'en  comme  l'âme,  dans  une  mort  heureuse  et  facile,  se  dégage 
du  corps.  La  nature  m'avait  uni  et  attaché  à  eux,  maintenant 
elle  brise  ce  lien;  qu'il  soit  donc  brisé;  je  les  quitte  comme 
des  amis,  mais  sans  violence,  sans  déchirement;  car  cette 
séparation  elle  aussi  est  une  loi  de  nature. 

37 

A  propos  de  tout  ce  que  font  les  autres,  prends  l'habitude, 
autant  que  possible,  de  te  demander  à  toi-même  :  «  Quel  but 
cet  homme  poursuit- il 4 ?  »  Mais  commence  par  toi-même,  en 
^examinant  tout  le  premier. 

38 

Souviens-toi  que  ce  qui  fait  mouvoir  la  marionnette  5,  c'est 
ce  qui  est  caché  au  dedans  de  nous  :  c'est  là  qu'est  le  siège 
de  la  persuasion,  c'est  là  qu'est  la  vie,  c'est  là,  si  je  puis 
dire,  qu'est  l'homme.  Ne  t'imagine  pas  que  ce  soit  l'espèce 
de  vase  qui  te  renferme,  ni  ces  organes  façonnés  pour  toi.  Ils 
sont  comme  la  hache  à  deux  tranchants  qui  n'est  utile  que  si 
elle  est  attachée  à  un  manche.  Toutes  ces  parties  n'ont  pas 

i.  [Et  avant  tous,  sans  doute,  mon  fils  Commode. —  Cf.  Renan,  Marc-Aurele*, 
p.  48o.] 

a.  [Cf.  supra  IX,  3,  0'  note.] 

3.  [Renan  (ibid.)  traduit  dcitoffitc&jievoc  par  les  mots  :  «  de  te  faire  tirer  pour  sortir.  »] 

d,  [La  correction  de  Reiske,  vi  àvaçépet,  pour  r(v«  pépet,  est  évidente.  Sur  le  sens 
d'àvaçopa,  cf.  supra  VII,  h,  note  2.] 

5.  [Couat  :  «  ce  qui  nous  fait  mouvoir.  »  —  Cf.  supra,  la  note  à  la  pensée  IV,  22.] 


l'L.NSkl   ^      1*1-     HA  lli.     Al    1.1   I   t 

plus  d'utilité  pooi  loi]    ••"    la  i  au  e  '  < j n i  l<     m<  t  ra  tm 

llieill     <l     1rs     I  rli.iil  ,    (jljr     |,'|     n,i\  |   II.-     |>..I||      l.i     h 

pour  l'éci  Ivain,  le  Foui  I  poui  le  «  i  m  bei 


\A\wi:  \i 


Propriétés  de  l'Ame  raisonnable  :  elle  se  voit,  elle  m  Façonne 
elle  se  liiii  telle  qu'elle  veul  être9,  elle  recueille  elle-même  le 
iVuii  qu'elle  porte  (ce  sonl  d'autres,  au  contraire,  qui  recueillent 
1rs  fruits  tirs  plantes,  el  il  en  est  de  même  pour  les  anims 
elle  atteint  sa  Bn  propre  lorsqu'esl  arrivé  l<*  terme  de  la  vie* 
Son  action  n'esl  point  comme  une  représenlation  ch 
phique  ou  dramatique,  ou  autre,  où  une  coupure  Fait  tout 
manquer 3,  \  tout  âge  de  la  vie,  à  quelque  endroit  qu'elle 
s'interrompe,  l'âme  a  rempli,  sans  que  rien  y  manque  i,  l'objet 
qu'elle  s'était  propose;  et  elle  peut  dire  :  i  J'ai  tout  ce  qui  me 
revenait 5.»  En  outre,  l'âme  embrasse  le  inonde  et  le  vide  qui 
l'entoure;  elle  en  examine  la  figure;  elle  ('tend  ses  regards 
dans  l'infini  de  la  durée;  (die  comprend  les  renaissances 
périodiques  de  l'univers <>,  et.  en  les  considérant,  elle  se  rend 
compte  que  nos  successeurs  ne  verront  rien  de  nouveau,  que 
nos  prédécesseurs  non  plus  n'ont  rien  vu  de  plus  que  nous, — 
et  qu'un  homme  de  quarante  ans",  pour  peu  qu'il  soit  intelli- 
gent, a  vu,  en  quelque  sorte,  toutes  les  choses  qui  ont  été 
et  toutes  celles  qui  seront,  en  ce  sens  qu'elles  sont  toujours 
semblahles  à  elles-mêmes.  Enfin,  le  propre  de  lame  raison- 
nable est  l'amour  du  prochain,  la  sincérité,  la  pudeur;  elle 
ne  met  rien  au-dessus  d'elle-même,  ce  qui  est  aussi  propre 

i.  [Sur  la  désignation  de  l'âme  par  les  mots  alita,  otmov,  xrruo&e^  (=  «  cause  >•  ou 
«principe  efficient  et  formel»),  cf.  supra  IV,  il,  note  finale:  V,  a3.  note  a:  I\.  2i, 
note  a;  infra  \II,  S,  i"  note.] 

a.  [Cf.  supra  VI.  S,  et  la  note.] 

3.  fCouat  :  «  elle  ne  périt  pas  tout  entière  et  n'est  pas  mutilée  parce  qu'il  v 
manque  quelque  chose.  »j 

4.  [Cf.  infra  XII.  30.] 

5.  [Cf.  les  derniers  mots  du  livre  IX. J 

6.  [Cf.  supra  V,   i3,  note  finale.] 

7.  [Cf.  supra  VII,  kg.] 


2^8  BIBLIOTHÈQUE    DES    IMVEBSITKS    I)L     MIDI 

à  la  loi1.  CCsl  ainsi  < j n " i  1  n'y  a  aucune  différence  entre  la 
raison  droite  et  la  raison  qui  fonde  la  justice5. 

2 

Tu  mépriseras  le  charme  du  chant,  de  la  danse  et  du  pan 
crace  quand   lu   auras  décomposé    une    voix   mélodieuse  en 

chacun  de  ses  sons  el  que  tu  le  seras  demandé,  à  propos  de 
chacun  deux,  si  c'est  là  ce  qui  te  ravit,  car  tu  en  auras  honte; 
quand  tu  auras  fait  la  même  chose  pour  la  danse,  à  propos  de 
chaque  mouvement  et  de  chaque  attitude;  et  de  même,  enfin, 
pour  le  pancrace.  Bref,  pour  tout  ce  qui  n'est  pas  la  vertu  ou 
un  effet  de  la  vertu,  va  droit  aux  éléments  des  choses,  et, 
par  cette  analyse,  arrive  à  les  mépriser;  applique  le  même 
procédé  à  la  vie  tout  entière  3. 

3 

Quelle  âme  que  celle  qui,  dès  qu'il  lui  faut  se  séparer  de 
son  corps,  est  prête  ou  à  s'éteindre,  ou  à  se  disperser,  ou  à 
subsister 41    11   faut  quç5  cette  disposition   soit  l'effet  de  son 

i.  [Couat  :  «  elle  ne  met  rien  au-dessus  d'elle-même  et  de  la  loi.  »  —  Aug.  Couat 
traduit  ainsi  les  mots  xoù  vdjiov,  et  laisse  de  coté  les  deux  qui  précèdent  :  o-r.zp  tJiov, 
qu'il  interprète  sans  doute  comme  une  glose.  Il  est  possible  pourtant  de  comprendre. 
Ici  qui  nous  est  parvenu,  le  texte  des  manuscrits.  —  Le  rapprochement  de  l'àmc 
raisonnable  et  de  la  loi  est  impliqué  dans  la  définition  de  cette  dernière,  soit  qu'on 
dise  avec  Cicéron  :  «C'est  la  raison  droite  qui  ordonne  et  défend»  (supra  IV,  J, 
i"  note),  soit  qu'on  fasse  d'elle,  comme  Marc-Aurèlc  (supra  VII,  19)  la  «commune 
raison  de  tous  les  êtres  raisonnables».  La  phrase  finale  de  la  pensée,  comme  les 
deux  définitions  que  je  viens  de  rappeler,  exprime  l'accord  absolu  de  la  logique 
et  de  la  morale.] 

2.  f  Couat  :  «les  règles  de  la  raison  et  celles  de  la  justice.  »  —  Cf.  supra  IV,  12, 
r*  note.] 

3.  [Nous  connaissons  ce  raisonnement.  Dès  le  livre  II  ($  il;  cf.  aussi  X,  7,  note 
finale),  M.  Couat  a  protesté  au  nom  de  la  conscience  oubliée,  et  rappelé  qu'un 
moment  de  la  vie,  que  tous  les  moments  de  la  vie,  dès  qu'on  prétend  les  considérer 
isolément  et  qu'on  n'en  veut  pas  voir  la  suite  ni  le  lien,  ne  sont  pas  la  vie.  De  même 
l'harmonie  est  tout  autre  chose  que  des  notes  de  musique  :  c'est  une  suite  de  rapports 
de  sons,  et  ces  rapports  ont  une  réalité  telle  qu'il  suffit  d'intervertir  et  de  mêler  les 
notes  pour  que  l'harmonie  périsse.  L'analyse  que  demande  Marc-Aurèle  implique 
déjà  la  négation  des  choses  dont  il  veut,  par  ce  moyen,  démontrer  le  néant.] 

\.  [Couat:  «ou  h  disparaître,  on  à  être  dissipée,  on  à  subsister  >> —  Sur  la 
dotinée  de  L'âme  et  les  trois  hypothèses  de  l'extinction  (<TosŒOf,vaO»  de  la  dispersion 
(<ncc5aaÔ9)vai)  et  du  déplacement  ou  de  la  survivance  (<ru|i(UÎvat  ou  [i£Ta<rra?iç), 
cf.  supra  IV,  21,  première  et  dernière  notes.] 

5.  [M.  Rendall  (Journal  of  Philology,  XXIII,  p.  i55)  signale  ici  l'emploi  non 
classique  de  î'va  (toCto.  iva...  kV/rjxai,  ou  à'p/r(iai)-  Il  le  traduit  par  fac  ut,  c'est-à-dire 
qu'il  admet  devant  cette  conjonction  (non  devant  rovto)  l'ellipse  d'un  verbe.  Une 
telle  ellipse  dans  de  telles  conditions  est  d'ailleurs  fort   rare  en  ancien  grec.  Sauf 


i  I  -1-  i  i    ■     i-i      •■  LE 

propre  jugement ,  el  non  d'une   impie  oh  tinatl  >mme  i 

<hn-li.il  ,  '  ,    (jn'cllc     .•  dri  idc   ;ipi  r      i  «  11-  dOD  •  ilé 

de  manière  «  pouvoii   en  pei  uadei  d  tufa 
tragique  ' 

4 

Ai  je  agi  conformément  atn  principei  de  le  lolidarl 
me  sui>  donc  rendu  services    Que  cette  pen  il  tot^jouri 

présente  à  ton  esprit,  ne  la  quitte  jamais  '». 

5 

Quel  (4si  ton  art&?  D'être  homme  de  bien.  Es)  il  an  ateilleui 
moyen  d'j   parvenir  que  d'avoir  des  principe  oncernanl 

1rs  uns  la  nature  universelle,  el   les  autres   la  constitution 
propre  7  de  L'homme? 

6 

Los  premières  pièces  représentées  furent  des  tragédies  qui 
rappelaient  aux  spectateurs  les  accidents  de  la  vie\  en  leur 

à   l'article  qui  suit  Immédiatement  celui-ci,  on   De  Li   relève  pas  dam  Les  autrei 
passages  des  Pensées  on  "va  s  perdu  le  sens  final  i\lll.  iS:  m     ; 

VIII,  J2  :  xcoXuetv  i'v*...;  VIII,  .''»',  :  i~':  râ  ivOpcoTWi)  Birofqc  n'est  pas, 

union  sens,  une  raison  suffisante  de  suspecter  ce  texte,  et  de  cor'  imnu  Ta 

tenté  M.  Rendait,  celui  de  la  pensée  suivante.  Des  deux  phrases  qui  la  terminent: 
roOro  Iva  xi\  icpé^stpo^  aitavra'  xai  u.r(oau.oO  itauov,  l'éditeur  anglais  n'en  fait  qti 
en  supprimant  xàV,  et  prétend  rattacher  ainsi  "va  à  irauov.  Il  ne  s'avise  pas  que  le 
pléonasme  d'àc\  et  de  ;rr(oau.oO  -x-Wj  dans  la  même  phrase  esl  intolérable.  Dans  ret 
i'va...  sp^tai  et  cet  î'va...  âiravTS  qui  se  suivent  de  Bi  près,  comme  dan-  les  emplois 
non  classiques  de  ivx  au  livre  VIII,  je  reconnais,  pour  ma  part,  Binon  les  premiers 
débuts  (car  il  faudrait  remonter  jusqu'à  Polybe),  du  moins  encore  les  débuts  d'une 
construction  qui  était  appelée  à  une  singulière  fortune,  puisqu'on  grec  moderne 
l'infinitif  est  partout  remplacé  par  va  (c'est-à-dire  iva)  suivi  du  subjonctif.] 

i.  [Pline  le  Jeune  (lettre  à  Trajan)  avait  porte  le  même  jugement  sur  les 
martyrs.] 

3.  [Cf.  supra  111,  5,  ae  note;  III,  7,  3*  note.  L'étalage  tragique  n'est  pas  la  forme 
du  vrai  courage.] 

3.   [Cf.  supra  VII,   i3,  derniers  mots.] 

.'».  [Cf.  la  note  2  à  la  pensée  précédente.] 

5.  [Couat  :  ((ton  métier.  » —  Cf.  supra  IV,  3i  et  la  note.  Cf.  encore  Sénèque  \a-i 
Lucilium.  90,  fin)  :   ars  est  bonum  iieri.] 

6.  [Couat  :  «comment  peut-on  y  arriver,  autrement  qu'en  méditant  sur...  et 
sur...?  »  —  Cf.  supra  IV,  2,  note  finale.  M.  Couat  avait  admis  la  conjecture  de  Corai  : 
7id>:  a/«X(o;...  r,,  au  lieu  de  t.Coz  xaÀto:...  r,...  Est- elle  bien  nécessaire?] 

7.  [Couat  :  «la  condition  particulière  de  l'homme.  »  —  Sur  les  rapports  de  la 
((  nature  »  et  de  la  «  constitution  »,  cf.  supra  VI,  V»  dernière  note;  sur  les  rapports  de 
notre  nature  et  de  la  nature,  supra  V,  3,  dernière  note.] 

8.  [Couat:  «les  événements  historiques.» —  Marc-Aurèle  a  écrit  ffvplatvovwv, 
au  présent.] 


:^o  BIBLIOTITEQUI    in  *>    DNIVEE81TB8    D1     MIDI 

montrant  (juils  sont  dans  l'ordre  de  la  nature1  et  leur2 
enseignant  à  ne  pas  s'affliger 3,  quand  ils  avaient  lieu  sur  une 
scène  pins  grande,  des  événements  qui  les  avaient  intéressés 
sur  relie  du  théâtre.  I  >n  voit,  en  effet,  que  les  choses  ne  doivent 
pas  se  passer  autrement  et  que  ceux  mêmes  qui  s'écrient  : 
«  0  CithéronU»  n'échappent  pas  à  cette  loi.  Les  auteurs  de 
ces  drames  y  expriment  aussi  certaines  vérités  utiles,  comme 
celle  ci  surtout  :  «  Si  les  Dieux  me  négligent,  moi  et  mes  [deux 
enfants,  leur  négligence  même  a  une  raison.  »  —  Et  encore  : 
a  11  ne  faul  \)a<  s'irriter  contre  les  choses.  »  —  Et  :  «  Moissonnez 
la  vie  comme  l'épi  féconde  »  —  Et  d'autres  semhlahles. 

Après  la  tragédie,  parut  l'ancienne  comédie,  capahle,  par 
sa  franchise,  de  faire  utilement  la  leçon  aux  hommes  et  de  les 
rappeler  à  la  modestie  par  la  liberté  [même]  de  son  langage. 
Ce  n'est  pas  pour  autre  chose  que  Diogène  la  lui  emprunta*». 

Considère  pourquoi  l'on  a  ensuite  adopté  ce  qu'on  appelle 
la  comédie  moyenne  et,, en  dernier  lieu,  la  nouvelle,  qui  peu  à 
peu  dégénéra  en  une  imitation  adroite  de  la  réalité.  Je  n'ignore 
pas  qu'il  s'y  trouve  aussi  quelques  bonnes  choses.  Mais  que 
voulaient,  en  définitive,  quel  but  s'étaient  proposé  les  poètes" 
qui  ont  créé  un  tel  genre  de  composition  dramatique? 

7 
Comme  il  tombe  clairement  sous  le  sens  qu'il  n'y  a  pas  de 

i.  [Couat  :  «qu'ils  n'avaient  pas  pu  ne  pas  se  produire.»  —  Voir  la  note  précé- 
dente.] 

a.  [Aucune  traduction  française  n'est  ici  fidèle  au  texte  :  oT;...  'b'jy^iùysXfjbE.  On 
a  pu  s'étonner  de  voir  Marc-  Vurèle  employer  la  seconde  personne  du  pluriel,  comme 
s'il  n'avait  pas  écrit  cette  pensée  «  pour  lui-même  »  et  lui  seul,  mais  l'avait  destinée 
à  la  lecture  (Rendall,  Joarn.  of  Phil.,  XXIII,  p.  i56).] 

3.  [Les  manuscrits  donnent  en  cet  endroit  un  texte  altéré:  xgfc  oti...  tovrotç  |rrj 
ay/JîcrOs  ou  à'yOôdftai.  Le  sens  ne  varie  pas,  quelque  restitution  qu'on  adopte,  celle  de 
Reiske,  xoù  07:03;...  fj.r,  ayOr/rûs,  ou  celle  de  If.  Rendall,  tùtrtz...  jjlt,  StgOeedai,  ou  celle 
de  M.  Stich,  y.  ai  oti...  (jlt,  ârgOeritai  ôsî.  J'hésite,  d'ailleurs,  —  autant  que  M.  Polak 
(Hermès,  XXI,  p.  3^7),  —  à  souscrire  à  cette  dernière,  à  cause  de  la  négation,  qui, 
devant  ûôÎ,  devrait  être  o-j.) 

4.  [C'est-à-dire  les  plus  grands,  comme  Œdipe  (Sophocle,  Œd.-R.y  i3gi).] 

5.  [Cf.  supra  VII,  |i)  Vil,  38,  et  VII,  Ào.] 

C.  [Le  mot  toojti  ne  se  retrouve  pas  dans  tout  le  reste  des  Pensées.  Il  est  ici  plus 
que  suspect.  Il,  Couat  a  traduit  la  correction  de  Reiske,  -a-jTr;;  ûapsHaëave.] 

7.  [Couat:  «mais  quel  était,  en  définitive,  le  but  des  poètes...»  —  J'ai  tâché  de 
traduire  le  mot  £7u6o).r,,  qui,  dans  Stobée  (Ed.,  II,  1C4),  est  défini  opfir,  repo  dpfir,; 
(littéralement  :  «  le  premier  mouvement  »  ou  «  le  premier  dessein  »),  et  qui,  étant  ici 
suivi  des  mots  npo;  -riva  tiote  axo7rbv  octcÉoXs^s,  ne  saurait  presque  rien  ajouter  au 
sens  de  la  phrase.  Voir  un  pléonasme  analogue,  supra  VII,  4  (note  a).] 


l'I     |  ■  |    I   '       M       M  \  I   '        \  I    M   I  E 

le  de  i  onduite  '  plu    pi  i  >pi  i  i  la  pi  stique  de  If  phil<  i    tphic 
que  oelle  que  tu  lui  i  maintenant 

8 

i  (ne  branche  détachée  de  la  braoche  k  laquelle  elle  adl 
c  i  foi  cémenl  déta<  bée  de  l'ai  bi  e  entiei  D  me  rhomme 
retranché  de  la  société  d'un  eul  homme  est  retranché  d<  la 
société  entière.  Maia  c'est  an  autre  qui  ooupe  la  branche, 
landia  que  l'homme  se  sépare  lui  même  de  ion  prochain  pai 
haine  el  par  aversion  il  ne  voii  pas  qu'il  e  I  en  même  lempi 
mia  en  dehors  de  toute  la  cité,  toutefois,  Zeus,  qui  a  formé  I  - 
société,  nous  a  accordé  un  privilège:  noua  avons  le  pouvoir 
de  nous  réunir  à  nouveau  à  celui  à  qui  nous  adhérion 
rentrer  dans  l<*  toul  pour  le  compléter  '  Maia  si  cette  division 
est  hop  Fréquente,  le  retour  el  la  réintégration  dans  l'unité 
sont  difficiles.  Il  y  a  une  différence  entre  la  branche  qni  a 
poussé  avec  les  autres,  qui  a  vécu  avec  elles,  el  celle  qui  a  été 
greffée  de  nouveau  sur  l'arbre,  quoi  qu'en  disent  lea  jardiniei  a. 
Croissons  donc  ensemble  sur  le  même  tronc,  sans  avoir  {joui 
cela  les  mêmes  dogmes 3, 

9 

Ceux  qui  veulent  t'empêcher  de  marcher  suivant  la  raison 
droite  -î  ne  réussiront  pas  à  te  détourner  d'agir  sainement. 
Qu'ils  ne  t'empêchent  pas  non  plus  d'être  bienveillant  pour 

eux.  Tache  de  demeurer  ferme  dans  tes  jugements  et  dan-  tr- 
actions sans  cesser  d'être  doux"*  pour  ceux  qui  essaient  de  te 
faire  obstacle  ou  qui  t'importunent.  Leur  en  vouloir  est  une 
marque  de  faiblesse,  aussi  bien  que  de  renoncer  à  ce  que  tu  as 
entrepris  et  lâcher  pied  parce  que  l'on  t'a  frappé.  On  déserte 
son  postée  en  prenant  en  aversion  celui  que  la  nature  avait 
fait  notre  frère  et  notre  ami,  aussi  bien  qu'en  tournant  le  dos 
dans  la  bataille. 

î.   [Sur  le  sens  d'ûacoOsoïc,  cf.  supra  VIII.  î.  ?'  note,  rectifiée  aux  Addenda.] 

a.  [Cf.  supra  VIII,  34,  et  I\,  i3.j 

3.   [Couat  :  «doctrines.  )>] 

&.  [Couat  :  «  tout  droit  dans  le  chemin  de  la  raison.  »] 

5.  [Cf.  supralX,  Aa.] 

6.  [Cf.  supra  X,  35;  infra  XI,  ao.] 


BiDUO  miq\  b  o\  -  i  mm  rsh  êa  di    midi 

10 
Il  n'\  a  point  de  nature  inférieure  à  l'art,  car  L'art  imite  la 
aature,  S'il  en  est  ainsi,  la  nature  la  plus  parfaite  de  toutes, 
celle  qui  comprend  toutes  choses,  ne  peut  le  céder  en  indus- 
trie ?i  l'art.  Tous  les  arts  font  ce  qui  est  inférieur  pour  le 
subordonner  à  ce  qui  est  supérieur;  la  nature  universelle  ne 
procède  donc  pas  autrement.  Là  est  l'origine  de  la  justice  d'où 
proviennent  les  autres  vertus,  car  on  ne  peut  observer  la 
justice  si  l'on  s'attache1  aux  choses  Indifférentes,  si  l'on  est 
facile  à  tromper,  téméraire  et  changeant. 

11 
Puisque  les  choses  ne  vont  pas  vers  toi2  et  que,  cependant, 
tu  es  tourmenté  par  le  désir  ou  par  la  crainte 3,  c'est  que, 
d'une  façon  quelconque,  tu  vas  vers  elles.  Que  ton  esprit  reste 
en  repos'*  et  s'abstienne  de  les  juger;  comme  elles  demeu- 
reront elles-mêmes  immobiles,  on  ne  te  verra  plus  ni  les 
désirer  ni  les  craindre. 

12 
L'âme  est  une  sphère  parfaite  5  (?)  quand  elle  ne  se  tend  pas 

i.  [Couat:  «  si  l'on  se  porte  avec  ardeur  vers  les  choses  indifférentes.  »  —  Cf.  supra 
VI.  3a,   i"  note;  IX,  4o,  note  finale,  etc.] 

a.  [Cf.  supra  IX,  i5.] 

3.  [Marc  -  Aurèle  a  usé  pour  son  raisonnement  d'un  artifice  de  langage  dont  le 
français  ne  nous  laisse  pas  la  ressource.  Devant  8tcî>Çeiç  et  swyat,  cLv  peut  être  un 
iiénitif  subjectif  et  un  génitif  objectif.  Le  syllogisme,  mis  en  forme,  pourrait  se  pré- 
senter  ainsi  :  Ce  qui  trouble  la  vie  humaine,  ce  sont  des  poursuites  et  des  fuites,  — 
soit  que  les  choses  nous  poursuivent  et  fuient  devant  nous  (génitif  subjectif),  —  soit 
que  nous  les  poursuivions  et  fuyions  devant  elles  (génitif  objectif).  Or,  ce  ne  sont  pas 
les  choses  qui  vont  à  nous  ou  qui  nous  fuient.  C'est  donc  nous  qui  allons  à  elles  ou 
les  évitons.] 

'i.  ['IlTj/a^ÉTto.  Ce  terme  appartient  autant  au  vocabulaire  de  la  logique  qu'à 
celui  de  la  morale.  En  face  d'un  sorite  («  Est-ce  que  ioo  grains  de  blé  font  un  tas? 
Et  5o?  Et  20?  Et  5?  etc..  »),  les  Stoïciens  prenaient  le  parti  d'arrêter  le  raisonnement 
avant  que  la  question  posée  ne  devînt  absurde  :  c'est  ce  qu'ils  appelaient  en  grec 
r)<nr/â£eiv  et,  en  latin,  quieseere.  Cf.  Zeller,  PhU.  der  (ir.,  III3,  p.  n5,  note  2.] 

5.  [Couat:  «  L'àme  est  une  sphère  partout  semblable  à  elle-même...» — Je 
n'admets  qu'avec  peine,  et  faute  d'une  bonne  conjecture,  le  texte  traditionnel, 
kÙtosiSyjç,  qui,  pour  moi  comme  pour  M.  Polak  (Hernies,  XXI,  p.  333),  «ne  signifie 
rien.  »  La  correction  de  M.  Rendall,  kutoï&7)Ç  («  l'âme  est  une  sphère  qui  se  voit  elle- 
même»),  introduit  dans  la  première  partie  de  la  pensée  une  idée  qui  doit  être 
réservée  pour  la  seconde.  Celle  «le  M.  Polak,  ocvroeiSéq  («  sphaera  est  ipsissima  animi 
Imago»),  me  semble  impliquer  une  contradiction  :  comment  la  «forme  en  soi» 
pourrait-elle  être  la  forme  d'une  chose  déterminée?—  En  tout  cas,  la  comparaison 
de  L'âme  et  de  la  sphère,  dont  la  forme  est  parfaite,  nous  est  déjà  connue  (supra  VIII, 
ii),  et  n<>u-  la  retrouverons  plus  loin  (XII,  3).] 


Il  II  f.p 

dam  nue  direction  quel*  onque  ni  ne   i  i  n  elle  tn(  ■ 

quand  <n<'  ne  se  inni  '  i>;i    - i  n"     .mi  i  en 

elle  brille  i<-  feu  qui   lui  pei  mel  de  roii  le  1 61  \U  pai  ton 
en  «'il'*  même 

Quelqu'un  me  mépi  1  ei  1      (  1  isl  ion  affaii  6    Mal  je 

prendrai  garde  à  ne  rien  Faire  el  i  ne  rien  dire  qui  mérite 
le  mépris.  Quelqu'un  me  haïra  (  1  I  ion  affaire  Mail  mol 
je  resterai  bienveillant  el  dévoué  pour  loul  homme,  même 
pour  celui-là,  prél  à  lui  indiquer  son  erreui  ans  lui  dire 
de  reproches,  sans  lui  faire  sentir  que  Je  m'efforce  de  le 
supporter,  mais  sincèrement,  loyalement,  comme  en  osait  le 
grand  Phocion,  à  moins  qu'il  ne  ftl  semblant  •  Tel  doil  être 
l'intérieur  de  notre  Ame;  il  faut  que  les  Dieux  n'j  voient 
aucune  disposition  à  s'indigner  et  à  se  plaindre  I  m  quel 
mal  souffres  lu  si  lu  fais  maintenant  ce  qui  est  conforme  k  ta 
nature  propre,  et  si  lu  reçois  ce  qui  convient  en  ce  moment 
à  la  nature  universelle,  6  homme,  qui  que  tu  sois,  mis  à  ce 
posle  pour  servir  l'intérêt  de  l'univers  l? 

14 
Ils  se  méprisent,  et  ils  se  flattent  les  uns  les  autres:  ils  veu- 
lent se  supplanter,  et  ils  se  font  mutuellement  des  courbettes. 

15 

Gomme  il  faut  être  eorrompu  et  hypocrite  pour  dire  :  «  J'ai 

1.  |  \  ar  :  i  quand  elle  ne  se  disperse  pas.  »  —  Dans  un  cas.  If.  C  tuai  i  lu  ffxeipxrat, 

dans  l'autre  tncsiprjrai.  Le  second  de  ces  mots,  dont  il  a  dû  torturer  le  sens,  est  la 
Leçon  îles  manuscrits.  Le  premières!  une  correction  de  Gorai.  Je  la  considère  comme 
suffisante  el  ne  me  demande  pas,  après  M.  Rendall  (Journ.  ofPhil.,  Wlll.  p.  r- 
le  composé  t,jo--z'.;::x7jC'.  ne  vaudrait  pas  beaucoup  mieux. 1 

2.   [Cf.  supra  Y,  2 5.] 

5,  [Ce  n'est  pas.  sans  doute,  pour  contester  la  sincérité  de  Phocion  que  Marc- 
Aurele  a  ajouté  ici  les  mots  z\  ys  f«|  RpoceicorâTO  :  pas  plus  qu'il  n'avait  voulu 
{supra  VII,  66)  taire  tort  à  la  mémoire  de  Socrate,  en  lui  opposant  Télaugès.  Ce  qu'il 
mel  en  doute,  ici  et  plus  liant,  c'est  la  légitimité  d'une  induction  qui  déterminerai! 
d'après  quelques  actes  la  valeur  d'une  àme.  On  <<  n'entre  vraiment  dans  l'âme  du 
voisin  v.  comme  Marc-Aurèle  a  souvent  conseillé  de  le  faire,  que  si  l'on  vit  aup: 
lui  et  si  Ton  est  témoin  de  ses  actions  les  moins  éclatantes  et  confident  de  ses  pensées 
les  plus  secrètes.  Il  ne  faut  pas  surtout  qu'une  vingtaine  de  traits  qu'on  cite  à  la 
gloire  des  sages,  d'un  Phocion,  d'un  Socrate,  nous  fassent  méconnaître  le  mérite 
d'une  vie  modeste,   toute  de  sincérité  et  de  bonté.] 

/».  [Couat  :  «  né  pour  subir  tout  ce  qui  est  utile  à  l'univers,  a  —  J'ai  considéré  5to\j 
or,  comme  un  masculin.] 


a34  BIBUOTBiQUI    DBS    DMVBRSITÉS    D1     midi 

résolu  d'agir  franchement  avec  vouai  Homme,  que  fais-tu? 
Une  pareille  déclaration  est  déplacée.  On  te  verra  bien  à 
l'œuvre,  C'est  sur  ton  front  que  cela  doit  être  inscrit.  Cela 
s'entend  tout  de  suite  dans  la  voix,  se  lit  tout  de  <uite  dans 
les  yeux1,  de  même  que  dans  les  regards  de  ses  amants  celui 
qu'ils  recherchent  reconnaît  tout  de  suite  leur  passion.  En  un 
mot,  l'homme  simple  et  bon  doit  être  comme  celui  qui  a  une 
mauvaise  odeur;  il  faut  qu'en  l'abordant,  qu'il  le  veuille  ou 
non,  l'on  sente  qui  il  est.  L'affectation  de  la  franchise  est  de 
la  duplicité3.  Rien  n'est  plus  honteux  qu'une  amitié  de  loup  3. 
Carde-t'en  par-dessus  tout.  L'homme  bon,  simple,  bienveillant 
porte  ces  qualités  dans  ses  yeux;  elles  n'échappent  à  personne. 

16 

Nous  trouvons  dans  notre  âme  le  pouvoir  de  vivre  heureux, 
pourvu  que  nous  sachions  être  indifférents  aux  choses  indiffé- 
rentes. Nous  y  serons  indifférents  si  nous  considérons  chacune 
d'elles  à  part  et  dans  son  ensemble  i,  si  nous  nous  rappelons 
qu'aucune  d'elles  ne  met  en  nous  l'opinion  que  nous  en 
avons,  ni  ne  vient  vers  nous;   elles  sont  immobiles 5;   c'est 

i.  [ysypâcpOai  oçsf/.Et  lOOùç  ï)  çtovr,-  ToioOxov  ïyv.,  zibi;  ev  toi;  oaaaTtv  z\ïyi\. 
Couat  :  «  c'est  sur  ton  front  que  cette  parole  doit  être  inscrite.  Si  tel  est  bien  ton 
caractère,  on  le  lira  immédiatement  dans  tes  yeux...  »  —  J'ai  cherché  en  vain  la 
conjecture  qu'avait  dû  faire  M.  Couat  pour  aboutir  à  cette  interprétation.  J'ai  traduit 
ci-dessus  celle  de  M.  Rendall,  qui  met  après  ôfetXei  la  ponctuation  qu'on  écrit  géné- 
ralement après  yitivr,,  et  qui  se  borne  à  corriger  k'/st  en  r^yjX.  Je  reconnais,  d'ailleurs, 
que  les  verbes  simples  r^/il  et  e;i/et  sont  quelque  peu  étonnants  entre  les  locutions 
verbales  yeypafOai  oçeOtet  et  gei...  elvai;  que  le  changement  de  sujets  —  d'V/eî 
à  èliyei  —  rend  la  phrase  assez  dure.  J'avais  moi-même  été  tenté  d'écrire,  en  conser- 
vant la  ponctuation  traditionnelle  :  toiouto  os  Set  eùOù;  èv  toi;  offc|taat?  ï\ïyivt.  Tra- 
duction :  «  cette  parole  doit  s'inscrire  tout  de  suite  sur  ton  front.  La  même  doit  se  lire 
tout  de  suite  dans  tes  yeux...»] 

2.  [Le  texte  des  manuscrits  est  absurde.  A  la  place  du  mot  ffxaXjiY]  (épée  thrace), 
Saumaise  a  conjecturé  un  substantif  a/.auor,,  qui  se  rattacherait  à  l'adjectif  <rxa{x6o; 
(«  tortu  »),  et  que  traduit  ici  le  mot  «  duplicité».] 

3.  [Entendez  :  l'amitié  du  loup  pour  les  brebis  qui,  dans  une  fable  d'Ésope,  se 
laissent  prendre  à  ses  beaux  discours,  et  se  confient  à  lui.  L'expression  XuxoftÀia 
(Platon,  Epist.  3i8  E)  était  proverbiale.] 

t\.  [oi^p^uLÉva);  xcà  &Xtxâ>;.  Le  texte  et,  par  suite,  le  sens  sont  ici  fixés  par  l'expres- 
sion ôXov  ôY  oXcov  8rv)pv)|iiva>{  que  nous  avons  rencontrée  au  début  de  la  pensée  III,  1 1 
(cf.  la  a*  note  à  cette  pensée,  p.  ki).  11  ne  faut  pas,  comme  l'ont  fait  Coraï,  puis 
M.  Stich  et  M.  Couat,  ajouter  la  négation  devant  ôàixw;.  Air(pr(aÉvw:  peut  signifier 
soit  ((séparément»,  soit  :  ((en  faisant  l'analyse».  Si  l'on  préfère  ce  dernier  sens,  on 
écrira  ci-dessus  les  mots  :  «  dans  ses  éléments  et  dans  son  ensemble.  »  —  Couat  :  «  Si 
nous  analysons  les  éléments  de  chacune  d'elles,  au  lieu  de  les  considérer  dans  leur 
ensemble.  »] 

5.   [Cf.  supra  XI,  n.] 


PI  «|  i  i       i,i     ••  HJ  i  r 

nous  qui  rivons  les  Jugement!  tjuc  nom  port  \h 

qui  !<•    :•! a\ ««us  pour  .un  i  dire  en  w >w    mêmes,  quan  I  n 
pourrioni  ne  pti  le  faii  e,  ou     I  nom  le  bl  i  m    p  u  m<?g  u  de, 

.lin  «r    aussitôt  '     Rappelon  -  n<  que 

veillance  durera  peu  al  qu'en  uite  notre  iris  era  Snie  poui 
jamaii  Que  peuvent  donc  lea  ch  avoii  de  pénible  i 
nous  >?  Si  ellei  lonl  conformei  t  le  nature,  U  faul  I  en  réjouii 
et  les  accueillir  de  bon  cœur;  il  ellei  lonl  contrairei  •  te  nature, 
cherche  ce  nui  lui  esl  conforme  el  tâche  de  L'atteindre,  qn 
même  tu  n'en  recueillerai!  aucune  gloire  il  eel  bien  permit 
à  chacun  de  chercher  ion  bien  propi  e 

17 

Examiner  l'origine  de  chaque  objet,  [lea  éléments  qui  le 
constituent  3,]  ses  transformations,  le  résultai  de  ces  transfor- 
mations, et  comment  il  ne  peut  lui  arriver  aucun  mal. 

18 

Et  d'abord  i,  je  dois  considérer  quel  rapport  munit  au\ 
hommes 5;  comment  nous  sommes  nés  les  uns  pour  lea 
autres;  puis,  à  un  autre  point  de  vue,  comment  je  sui<  né 
pour  leur  commander,  de  même  que  le  bélier  ou  le  taureau 
commande  à  son  troupeau.  Remonte  plus  haut  et  pars  de 
ceci  :  si  l'univers  n'est  pas  fait  d'atomes,  c'est  la  nature  qui 
gouverne  tout;  dans  ce  cas,  les  êtres  inférieurs  ont  été  ci 
pour  les  supérieurs,  et  ceux-ci  les  uns  pour  les  autre- 

i.  [Cf.  le  début  de  L'article  VIII,  '»;.] 

2.  [Tî  |isvtot  O'vctxoaov  à'ÀAo;  ïyivj  -x\j-.x\  Toute  la  difficulté  de  cette  phrase,  qui. 
ainsi  écrite,  reste  inintelligible,  est  dans  le  mot  à'ÀXw;.  On  voudrait  à  sa  place  pouvoir 
lire  coxeî;  ou  txsXXsi  <rot.  Aucune  des  conjectures  proposées  (ni  5X<*<  ^/.'-  :ai»  — 
ni  oOx  tfXXwç,  de  M.  Rendall)  ne  m'a  paru  satisfaisante.  Le  sens,  d'ailleurs,  est  peu 
douteux.] 

3.  [Ces  mots  avaient  été  omis  dans  la  traduction  de  M.  Couat.] 

!i.  [Bien  qu'il  ait  écrit  dans  sa  traduction  :  s  Et  d'abord,  o  je  ne  crois  pas  que 
M.  Couat  ait  entendu  conserver  dans  le  texte  grec  le  mot  /.a.,  par  lequel  commence 
la  pensée  :  Kai  7rpÛ)70v  xta...  M.  Rendall  (Journ.  of  Phil.,  XXIII,  p.  i  >:  en  donne  une 
explication  ingénieuse.  11  garde  de  ce  mot  les  deux  lettres  K  et  I,  la  seconde  étant 
pour  lui  le  signe  du  nombre  10,  et  la  première  l'abréviation  du  mot  xEfaXaia. 
On  verra,  en  effet,  que  cette  longue  pensée  comprend  dix  articles.] 

5.  [Couat:  u  quelle  est  ma  situation  vis-à-vii  des  hommes.)' — Sur  le  sens  de 
a^édi;,  cf.  supra  VI,  38,   r*  note;  VIII,   27,  etc.] 

G.  [Cf.  supra  V,  3o;  VII,  55,  etc.] 


230  BIBLIOTHÈQUE    m ifl    imuumm's    ni     midi 

Deuxièmement,  considérer  ce  que  sont  les  hommes,  à  table, 
dans  leur  lit1,  et  ainsi  de  suite;  —  principalement,  à  quelles 
nécessités  leurs  principes  les  assujettissent3,  et  tout  ce  qu'ils 
font,  avec  quel  orgueil  ils  le  font. 

Troisièmement,  si  les  hommes  agissent  ainsi  avec  raison, 
il  ne  faut  pas  s'indigner;  si  ce  n'est  point  avec  raison,  c'est 
évidemment  malgré  eux 3  el  par  ignorance.  C'est  malgré  elle, 
en  effet,  que  toute  aine  esl  privée  tant  de  la  vérité 4  que  du 
pouvoir  d'attribuer  a  chaque  chose  sa  vraie  valeur.  Voilà 
pourquoi  ils  s'indignent  qu'on  les  appelle  injustes,  ingrats, 
cupides,  bref,  coupables  à  l'égard  de  leur  prochain. 

Quatrièmement,  considère  que  tu  es  coupable  toi-même  et 
que  tu  es  un  homme  pareil  à  eux  ;  si  tu  t'abstiens  de  quelques- 
unes  de  leurs  fautes,  tu  n'en  as  pas  moins  l'aptitude  à  les 
commettre^,  bien  que  tu  les  évites  par  lâcheté,  par  vanité  ou 
par  l'effet  de  quelque  vice  semblable. 

Cinquièmement,  tu  ne  sais  pas  même  exactement  s'ils  sont 
coupables,  car  on  agit  souvent  par  ménagement <>.  Enfin,  il 
faut  s'être  d'abord  beaucoup  informé  avant  de  se  prononcer 
en  connaissance  de  cause"  sur  les  actes  d'autrui. 

Sixièmement,  quand  tu  te  laisses  aller  à  l'indignation  ou 
à  l'impatience,  réfléchis  que  la  vie  de  l'homme  a  une  durée 
imperceptible  et  que  bientôt  nous  sommes  tous  étendus  dans 
le  tombeau. 

i.  [Cf.  supra  X,  i3;  X,  19,  etc.] 

2.  [o?aç  àviyy.a;  ooyaaTWv  xet(iivatc  k'/ojTtv.  Couat  :  «à  quels  bas  principes  ils 
obéissent.» — Cette  traduction  est,  d'ailleurs,  contestée  par  son  auteur  lui-même, 
qui,  à  la  suite,  a  marqué  un  point  d'interrogation.  11  semble  peu  probable,  en  effet, 
que  y.eiixéva;  puisse  signifier  ici,  puisse  même  jamais  signifier  de  lui-même  «  bas»  ou 
«  vil  ».  Il  est  bien  plus  naturel  de  donner  à  ce  participe  le  sens  usuel  qu'il  a,  par 
exemple,  quand  il  qualifie  votxoc  («les  lois  établies»).  'Avorptaç  désigne  non  seule- 
ment des  obligations,  mais  de  véritables  fatalités.  Nous  disons  en  français:  «la 
fatalité  de  la  passion.  »  Cette  expression  peut  faire  comprendre  celle  de  Marc-Aurèle  : 
àvayxa:  ôV;'fj.ax<i)v.  Cf.  aussi  dans  Euripide  (Phén.,  iooo)  :  averptt]  oa'.txôvwv.] 

3.  [Cf.  supra  II,  1  ;  VII,  22,  etc.] 

',.   [Mot  de  Platon,  déjà  cité  (VII,  03).] 

5.  Peut-  être  a-t-on  un  peu  hâtivement  corrigé  en  e|w  7rotr(Ttxr(v  la  leçon  de  A  : 
É;:/  s-oitt». y. v-Év.  Nous  avons  rencontré  ce  dernier  mot  dans  la  définition  stoïcienne  de 
la  0-jvûijj.i;  (supra  X,  26,  note  4).  La  correction  importe  assez  peu,  d'ailleurs,  au  sens 
du  passage.] 

6.  [On  pourrait  écrire  aussi  :  «  par  politique.  »  Telle  est  précisément  la  traduction 
qu'  Yug.  Couat  lui-même  a  donnée  du  mot  oixovouta,  à  la  dernière  pensée  du  livre  IV.] 

7.  |Sur  le  sens  de  xaTataprrtxûc  et  la  correction  que  propose,  à  tort,  Reiske  : 
xaToOoQXTtxûç,   cf.  supra  VII,    i3,  3*  note.] 


PI  Nfl  i  s    Dl     M  IRC     I  I 
Seplii  iiiriiiml       I-  m        .m  h.  ►  r  i  h.      ii>  >il       I  o\  j  i  m  \(  m  I.  n  !     j 

cllrs  ii  exi  itonl  que  dam  leur    âm  rai  n  enl 

MU     rllrs    <|ill     lioll       («Mil  iimiiI.iiI        Soppi  mi-      \(        d<  »n«         .im       I  | 

\  olonté  de  renoncei  à  jugei  qu'elh      oienl  un  n  m   loi 

ci  i,i  ci  >lèi  e  b  disparu      (  i  tmmenl  donc    uppi  imei  Ion  ju 
inciii  i  En  i éfl(  chi    anl  qu'il  n'j  i  là  aucune  lu >nlc  poui 
i  n  effet .  s'il  s  in  ail  d  autre  mal  que  ce  qui  «   I  hontec 
commettrais  nécessairement   loi  même  beaucoup  de  crin 
lu  deviendrais  an  brigand  >,  un  bomme  capable  de  tout 

Huitièmement,  considère  que  la  colère  el  le  chagrin  que  n< 
fonl  éprouver  leurs  actions  6  lonl  bien  plus  péniblei  pour  nous 
que  les  actions  mêmes  «pii  nous  irritent  on  nous  chagrinent. 

Neuvièmement]  que  la  bienveillance  esl  invincible  si  elle 
esl  sincère,  si  elle  n'esl  pas  une  hypocrisie,  une  grima* 
Que  pourrait  te  faire  l'homme  l<*  plus  insolent  du  mond< 
lu  persistes  à  le  traiter  avec  bienveillance,  si,  &  l'occasion  el  > 
loisir,  tu  l'exhortes  doucement  el  lui  fais  la  leçon  en  profitant 
de  la  circonstance  même  où  il  cherche  à  te  faire  du   mal? 
«Non,  mon  enfant  S;  nous  sommes  nés  pour  autre  ch< 
n'esl  pas  à  moi  que  tu  peux  nuire,  tu  ne  nuis  qu'à  toi  même  '. 
mon  enfant.  »  Montre-lui  clairement,  par  une  considération  "' 
générale,    que   telle   est   la    règle  :  ni    les  abeilles   n'agissent 
comme   lui   les    unes   envers  les   autres,    ni   les   animaux   qui 
vivent  en  troupeaux11.  Parle  lui  sans  ironie  et  sans  reproche, 

i.  [Gouat  :  «  les  actions  des  autres  hommes,  o  —  Sur  le  mot  kùtûv,  cf.  supra  IV. 
IV,  38;  VI.  6;  VI,  :,o;  VU,  34,  el  les  notes.] 

a.  [Littéralement:  «dans  leur  principe  directeur;  >>  peut-t'-tre.  tout  simplement  : 
o  dans  leurs  intentions.  o  —  Couat  :  «  dans  leurs  consciences.  ><] 

3.  [Cf.  supra  IV,  7;  VII.  e6;  XI,  16,  etc.] 

!i.  [Cf.  supra  II,    i,  3*  pli  rase.] 

5.  [Cette  phrase  reprend  et  corrige  heureusement  l'idée  de  l'article  \.  io.  rjui 
suffit  à  l'expliquer] 

G.   [Couat  :  «  les  actions  des  hommes.  »  —  Voir  cinq  notes  plus  haut.] 

7.  [Nous  sommes  obligés  par  le  contexte  d'ajouter  au  sens  é  :  l'id-'e  d'une 
méchanceté.  Cf.  supra  I,  i5,  1"  note,  un  composé  du  même  mot  avec  une  tout  autre 
signification.] 

8,  [Est-ce  de  Commode  qu'il  s'agit,  comme  l'a  supposé  Renan  1  Harc-Aarèle*,  p.  '1-' 
q.   [Cf.  supra  IV,  36;  IX,  4.  etc.] 

10.  [Reiske  substitue  ici,  comme  à  la  pensée  16  du  même  livre  (note  1),  le  mot 
barbare  ôo-.xto;  («méthodiquement»)  au  moi  barbare  ftitx&ç.  Bien  que  M.  Polak 
défende  énergiquement  cette  correction  (Hernies.  XXI,  p.  533),  qui  lui  paraît  seule 
donner  un  sens  satisfaisant,  je  ne  pense  pas  qu'elle  s'impose.  Ton-  les  traducteurs 
français,  y  compris  Renan,  ont  pu  comprendre  o/.iy.<ô;.| 

11.  [Cf.  supra  1\.  0.  3'  note.] 


238  B1IJLIOI  111  OIE    DES    LMUHMII.S     DU    MIDI 

mais  avec  tendresse,  d'une  âme  qui  ne  soit  point  ulcérée;  ne 
parle  pas  non  plus  comme  à  l'école,  ni  pour  rire  admiré  par 
l'assistance,  mais  comme  s'il  était  seul1,  même  quand  il  y 
aurait  quelques  témoins. 

Retiens   ces   neuf  commandements   essentiels   comme   des 

présents   que   tu   aurais  reçus  des   Muses;    commence,    enfin, 

pendant    que    tu   vis,   à  être   un  homme3.   Il   faut  se  garder, 

d'ailleurs,  de  les  flatter  <>    aussi   bien   que   de    s'irriter   contre 

eux;    dans    les    deux    cas,    on    agit    contrairement   au    bien 

de  la  société  et  on  est  conduit  à  faire  du  mal.  Dans  tes  accès 

de  colère,   rappelle-toi  qu'il   n'est  pas  digne  d'un  homme  de 

s'emporter;  la  douceur  et  le  calme  sont  des  vertus  à  la  fois 

plus  humaines  et  plus  viriles.  C'est  celui  qui  les  possède  qui  a 

réellement  de  l'énergie,  de  la  vigueur  et  du  courage;  non  celui 

qui  s'indigne  et  qui  s'impatiente.  On  a  d'autant  plus  de  force 

qu'on  est  plus  impassible.  La  colère  est,  comme  le  chagrin,  un 

signe  de  faiblesse.  Dans  les  deux  cas,  on  est  blessé  et  Ton  capitule. 

Si  tu  le  veux,  reçois  encore  un  dixième  présent  du  Musa- 

gèle.  Demander'»  que  les  méchants  ne  fassent  point  de  mal  est 

une  folie;   c'est  demander  l'impossible.   Mais  leur  permettre 

d'être  méchants  pour  les  autres  et  vouloir  qu'ils  ne  le  soient 

pas  pour  nous,  c'est  de  la  déraison  et  de  la  tyrannie. 

19 

Il  y  a  quatre  orientations  5  de  ton  principe  directeur  6  dont 
tu  dois  toujours  te  garder  avec  une  attention  particulière.  Dès 
que  tu  surprends  ces  erreurs,  il  faut  les  effacer"  en  te  disant,  à 

i.  [à).//  r.TOt  7ipb;  |j.6vov,  /.ai  èoev  âtXXot  nvà;  TiEpiEffTr.xaxji*.  On  considère,  en 
général,  cette  phrase  comme  inachevée,  ou  plutôt  la  fin  de  cette  phrase  comme 
perdue,  parce  que,  chez  Marc- Aurèle,  r,xoi  a  le  sens  de  aut,  c'est-à-dire  introduit  la 
première  de  deux  alternatives,  dont  la  seconde  sera  annoncée  par  r,.  —  Une  correc- 
tion extrêmement  légère,  puisqu'elle  ne  porte  que  sur  deux  accents,  me  paraît 
permettre  de  donner  au  texte  grec  le  sens  que  lui  attribuent  la  traduction  de 
M.  Couat  et  celle  de  Renan  (l.  l.J,  et  qui  est  tout  à  fait  satisfaisant.  Au  lieu  d'y-To:, 
j'ai  lu  r(  toi  (en  deux  mots).] 

a.  [Cf.  Sénèque,  De /ra,  III,  '»3  :  «Ilumanilalem  colamus,dum  inter  homint   sumus.» 

3.  [Couat:  «de  flatter  les  hommes.»] 

6.  [Cf.  supra  V,  17.] 

5.  [  Var.  :  «  tendances.  »  —  Cf.  supra  VII,  16,  note  2.] 

6.  [Couat  :  «  ta  conscience.  »] 

7.  [Même  recommandation,  dans  les  mêmes  termes,  supra  XI,  16. —  Couat:  «  Dès 
que  tu  les  surprends,  il  faut  t'en  débarrasser.  »] 


PE.19ÉES    Dl  MAI         iV*\  Ll 

propos  de  chacune  d  elle       Cette  rep         I  ition  'n'i      p 

[i.-,-('s^,,Mi ,-  '    «  -r\\f  <  i  <  <mi  i  il»  i  •    i   1 1  .ni|»i  ri  1  universel 

ccii.'  autre  ne  i lenl  i»-<-  ''«•  t""    or,  n  mme  ''-m' 

..h  urde  de  dire  ce  que  lu  ne  i"  \  pi i  le 

quatrième,  tu   le   i epi  ocbei  a     de  wbonioiinri    h   <i  ,i 

la  partie  le  i>i">  divine  de  loi  môme  &  la  partie  mortelle  el  la 

moins  noble,  au  corp     el  i  nu  étions,  i  udc  i  ou 

20 
Ton  souffle  <•!  tout  ce  qu'il  j  a  d  i_rn';  en  loi  qui  -  j   mêle 
quoique  faits  par  l;»  nature  pour  l'élever,  obéissent  cependant 
l\  la  structure  de  toul  i<m  être  el  j  demeurent,  retenus  dans 
l'agrégat  î.  De  même,  toul  ce  qui  esl  terrestre  en  toi,  comme 
toul   ce   qui   esl    humide,   quoique   rail    pour  d< 
redresse  cependant  el  se  maintient  dans  une  place  qui  ne  lui 
esl  pas  naturelle.  \insi   les  éléments  se  conforment  &   la   l<»i 
de  L'ensemble  dont  ils  font  partie  el  où  ils  ont  été  placés,  et 
ils  sont  forcés  d'y  rester  jusqu'à  ce  que  !<•  signal  [du  départ  et] 
de  la  dissolution  \vuv  soii  donné 5,  N'est-il  donc  pas  étrange  que 

i.   [(1ou.it:  «ce  concept  > —  Sur  le  B6II1  de  plVT39(lX,  Cf.  supra.  pa„'e  ii,  note  a.] 
î.  [Cf.  topra  IV,  2.'i.] 

[Couafl  :  «  et  a  tes  app  irenoes  grossières.    —  Le  texte  sinsi  1rs  luit  —  rod 

~y.yz:.y.'.:  '.oia-.;  —  me  paraît  absurde:  la  traduction,  il  faut  l'avouer,  n'est 

claire.  Aucune  des  conjectures  qui  onl  été  proposées  ne  me  satisfait,    l! 

lofa:;,  est  déjà  dans  la  vulgate.   Mais  l'épithète  de  Korgstatc  ne  conrienl  guère  à  ce 

mot.  La  Lecture  de  Nauck,  ppagefaïc  vjfovofç,  ne  rappelle  plus  que  de  très  loin  la 

leçon  des  manuscrits,  Supposant  la  chuté  d'un  m<>t  final,  et  une  déformation  l< 

de  ceux  qui  devaient  le  précéder  dans  l'archétype,  j'écrirais:  --x\:  covrou   tpa) 

r,  >.£:a*.:  xivV)9C9t.  Cette  expression  c-t  usuelle  dans  les  Pensées  pour  r  les 

sensations.] 

'j.  [Gouat  :   «contenus    par    l'ensemble  de    l'organisme.  » — Les   mots 
9\)YXpt'|MCTo;  qui  achèvent  la  phrase  grecque  répètent  la  même  idée  qu'exprimaient, 
deux    lignes  plus  haut,  les  mots  otov  SYxIxpaTttt.    Pour  Marc-Aurèle,  comme 
tous  les  Stoïciens,  l'homme  est  un  mélange  (Stobée,  EeL,  I.  S 7  'i  ;  cf.  Zeller, Pkil .  >icr 
Gr..  III»,  p.  196,  n.  1.] 

5.  [J'ai  du  ajouter  les  mots  «du  départ»  pour  traduire  ixetOev.  J'imagine  que 
to  èvôô(T'.aov  (de  èvo*.oova:,  se  laisser  aller)  devait  désigner  pour  les  Grecs  l'air  de  : 
«Rompes  vos  rangs.  »  —  Je  maintiens  contre  Pierron  et  If.  Miehaut  la  traduction 
donnée  par  M.  Gouat  de  l'expression  oiw  $iy.,  «de  force.))  Il  est  impossible  de 
confondre  ftfot  avec  SuvauiÇ,  et,  puisque  ce  mot  n'a  pas  été  déterminé  par  un  article, 
de  le  sous-entendre  comme  un  sujet  à  côté  de  pig^vi).  (Traduction  de  If.  Miehaut: 
«  ils  y  restent  avec  la  force  qui  les  retient,  jusqu'à  ce  que  d'elle  leur  vienne  le  signal 
de  la  dissolution.  »)  En  réalité,  <i/;u.a:vw,  comme  rjx\-:.Uû.  comme  tous  les  verbes 
grecs  qui  indiquent  un  signal  ou  une  sonnerie  militaire,  se  passe  de  sujet;  ou  plutôt 
le  sujet  de  ces  verbes,  qui  n'est  autre  que  leur  participe  présent,  ne  s'exprime  pas. 
Gf.  Xénophon,  Anabase,  I,  2,  17  :  i-z\  èffaXmvÇe,  c  est-à-dire  i-ù  ô  ffaXinÇtm  ItraXn  '.:. 
«après  la  sonnerie  de  la  trompette;»  Hérodote,  IX,  42:  Ëav)|igMve,  c'est-à-dire 
6  ar(aaivcov  È(7r(u.a:vs,  «  le  signal  était  donné.  »] 


j'\0  BIBLIOTHÈQUE    DBS    UHIVER8ITÉS    Dl     MIDI 

seule  la  partie  raisonnable  '  de  ton  être  soit  désobéissante  et 
s'indigne  de  la  place  où  elle  a  été  mise?  Elle  ne  subit  pourtant 
aucune  violence  ;  on  ne  lui  impose  que  ce  qui  est  conforme  à  sa 
nature;  néanmoins,  elle  ne  se  Boumel  pas,  mais  s'emporte3 
en  sens  contraire.  Tout  inoinciucnl  \crs  l'injustice,  la  licence, 
la  colère,  la  trist68Se,  la  erainle,  n'est  qu'une  manière  de 
s'écarter  de  la  nature.  \VA\  lorsque  ton  principe  dirigeant 3 
se  révolte  contré  un  événement  quelconque,  [alors  aussi]  il 
déserte 4  son  poste.  Car  il  a  été  fait  pour  la  sainteté  et  la  piété 
non  inoins  que  pour  la  justice.  Ces  vertus  sont  aussi  des 
formes  de  la  sociabilité,  ou  plutôt  elles  sont  antérieures"»  à 
la  justice  <;. 

i.  [Couat  :  «  intelligente.  >>  —  Il  ne  faudrait  pas  prendre  à  la  lettre  l'opposition 
de  {jlovov  -ro  vospbv  («seule,  la  partie  raisonnable»)  à  xà  (TTor/£Îa  («les  éléments»). 
Même  la  raison  n'est  pas  immatérielle  :  autrement,  comment  pourrait-elle  agir  sur 
la  matière  et  nous  diriger?  Cf.  supra  IV,  A,  note  finale;  et  la  note  à  l'article  VI,  17, 
rectifiée  aux  Addenda.] 

2.  [Couat  :  «elle  ne  se  soumet  pas  et  elle  veut  suivre  une  direction  contraire.  »  — 
Sur  le  sens  de  ?£pe?6ai,  cf.  le  début  de  la  note  à  la  pensée  VI,  17.] 

3.  [Couat  :  «  ta  conscience.  »] 

'i  [De  y.a7a}.Ei7isiv  geopav,  rapprocher  les  expressions  analogues:  9^72:,  IV,  29; 
6pa7iÉTr(c,  X,  a5;  Ae17107ay.Tr,;,  XI,  9.] 

5.   [Cf.  le  premier  paragraphe  de  la  pensée  IX,   1.] 

G.  [Voici  l'une  des  maîtresses  pensées  du  recueil;  il  faut  la  joindre  à  celle  qui. 
presque  au  début  du  livre  VI  (VI,  8),  est  la  définition  du  principe  dirigeant.  Là, 
Marc-Aurèle,  sans  le  nommer,  affirme  le  libre  arbitre;  ici,  sans  le  nommer  davantage, 
il  le  limite.  En  ces  deux  articles  tient  toute  une  doctrine. 

Lorsqu'il  disait  que  «  le  principe  dirigeant  se  fait  ce  qu'il  veut  être,  et  fait  que  les 
événements  de  la  vie  lui  paraissent  tels  qu'il  veut  qu'ils  soient»,  Marc-Aurèle  ne 
définissait,  en  somme,  que  les  rapports  de  l'homme  avec  le  monde  extérieur,  et  résu- 
mait en  une  ligne  trois  de  ses  dogmes  familiers  :  «  Les  choses  ne  touchent  point 
l'âme»  (V,  19);  le  mal  est  dans  le  jugement  que  nous  portons  sur  elles,  que  nous 
mettons,  en  quelque  sorte,  entre  elles  et  nous,  et  qu'il  nous  appartient  toujours  des 
modifier  (IV,  7;  VII,  2;  XI,  iG;  IV,  39;  etc.);  les  événements  de  la  vie  ne  nous  sont 
donnés  que  comme  la  matière  de  notre  action  (IV,  1  ;  VIII,  32).  Si  l'on  ajoute  à  ces 
dogmes  les  passages  où  Marc-Aurèle  reprend  pour  son  compte  (infra  XI,  36)  ou 
exprime  à  sa  manière  (supra  VIII,  5G;  XI,  18,  70)  la  sentence  d'Épictète  :  «  11  n'est  pas 
de  voleur  du  libre  arbitre,  »  on  aura  recueilli  les  affirmations  les  plus  énergiques  par 
lesquelles  les  Stoïciens  avaient  coutume  d'exprimer  la  liberté. 

Ces  affirmations  étaient  appuyées  par  deux  théories  qui  nous  sont  connues,  mais 
que  Marc-Aurèle  n'avait  pas  à  reprendre  ici.  Je  les  rappelle,  elles  aussi,  à  l'occasion  de 
cette  nouvelle  pensée,  pour  montrer,  la  dernière  fois  où  il  se  pose,  les  diverses  faces 
du  problème  de  la  liberté,  le  lien  des  questions  subsidiaires  qui  en  dépendent,  et 
comment  cet  article  est  vraiment  la  dernière  expression  de  la  doctrine.  La  théorie  do 
l'action  sous  réserve,  O-s;:*!^:?'.:  (V,  20;  VI,  00),  nous  explique  comment  nous 
pouvons  nous  dégager  non  seulement  de  telle  représentation  qui  nous  sollicite  à  agir, 
mais  encore  de  l'action  même  que  nous  avons  commencée.  La  théorie  du  suicide, 
È;ay(.)yr(  (supra  VIII,  47,  note  finale),  nous  avertit  que  la  liberté  n'est  jamais  à  court 
de  ressources.  Elle  donne  une  grandeur  tragique  à  la  lutte  qui  remplit  la  vie  du 
même  quand  c'est  la  nature,  et  non  le  sage,  qui  doit  arrêter  la  pièce  en  plein 
troisième  acte  :   il  suffit  que  nous  puissions   prévoir  le  dénouement   qu'il   lui  eût 


Il        I  •  I      \l  \  I.' 


21 
(  .lui  qui  h  «  pa    <i"'v  Ifl   \  le  "m  Lui  unique,   loujoui     i- 
même     ne    pcul    pa  -   non    plu     n  6ti  e  qu  tin    leul   cl    m 

donné.  La  <>•  rnloi  vonu  d 
i  n  i     ,    i  trini    qui 

t  .  1 1 1 1 1 1 1 .     ||       I  il  llill       l    v  I     i  i  DU  i         |  ii    'in   .  n    | 

,     |,.    |      N.ll||,     II        .,11      ||  lljl     I        I     Mil     IN   t     .11        |    ,,1111!,.        BUUM 

||    Min    I         |        lilJ    .   -    IL  I    ,    Ul|, 

i    ii    i     i   nation   qu'il    n   rlem      I  la    phll 

i  rouvanl ,  d'ailleui     en    i  i  •  i  •  i    oi  on     i  fol  !<    rin*in 
que  li  dan     l'oi    ucil  do  i  m  d 

taiont,  il  n'.i  pai  plu     qu  oui  ch 
cotte  lib  rt  iùi  illu  •  r 1 1 1 . • . ■ 

i,  i  poui  tant,  le  probli  ra  irgi  et  transforn  m  — 

i  iin  de  la  i"  ii  -  c         d<  \  év<  nemcnl    contre  I 
(  >n  ne  .ht  mémo  plus  qu'ils  ne  nou  ni  \<  >int.  N 

lurelo,  de  II  psycholo  le  i  If  m<  taph]  liquc     l'affli  i  I     la  lib 

a  celle  du  déterminisme  univei  el    I  i  question  maint.nani 
tes  rapports  do  l'homme,  non  ave<    li  -  i  bo*  i,  mail  av<     la  Nat 
\urole  n'hésite  pai  b   répondre  que   noua  avoni  le  choii  entre    l'ol>  el  i» 

révolte,      arec  la  oertitude  de  notre   impuissance,   ri  nous  mpra 

\  i.  \i  .  C'est,  d'ailleurs,  la  r  ponae  ordinaire  d<  -  Stoï<  i<  ns  b  pan  ille  d< 
ce  qui  distingue  i>«'ut  être  Marc-  Vurèle  de  tous  les  autres,  i  'cal  la  m 
.«mm-  lesquelles  il  la  fait.  Comme  lui,  les  autres,  sa  m 

leur  action,  ont  déclaré  se  contenter  de  la  liberté  de  leur     I  omme  lui,  Il 

été  fiers  de  dire  :  •■  .iV  supporte, n  et:      l'obéiaà  Dieu 

el  plus  loin  :  oi  {iévroi  ivi^tTai...).  Mais  ensuite  un  mouvement  d 
leur  faisait  reprendre  ce  pénible  mot  d'obéiasano        le  ne  me  soumets  : 
mon  assentiment  n  (Sénèque,  ad  Lucilium,$6\  cf.  supra  \ 

au  coi  il  rai  fi-  (  \.  jS  ;  cf.  encore  VI,  fta)  qu'à  L'endroit  même  où  Ifarc-Aurèle  défini 
la  collaboration  libre  à  L'œuvre  de  Dieu,  cette  liberté,  ou,  comme  eût  .Jit  - 
cet  assentiment,  n'avail  pas  perdu  le  nom  d'obéissant  trois  i 

sous  trois  formes  différentes  que  Ma rc-Aurèle  exprime  notre  dépendance:  non  - 
me  ni.  il  nous  Invite  à  ••  supporter»  el  à     obéir»,  mais  à  a  observer  la  consigni 

Il  <->t  vrai  que  cette  consigne,  c'est  notre  nature  elle-même  qui  la  réclame,  car 
elle  es!  d'accord  avec  La  raison  universelle  (cf.  sopraV,  3,  note  finale  .  Quand  nous 
avons  la  claire  conscience  de  cet  accord,  c'est  ainsi  nous-mêmes  qui  non-  .i  mnons  la 
loi.  «  Autonomes  »  et  «libres»,  ces  deux  mots  se  définissent  l'un  par 
VI,  16).  Or,  qui  nous  empêche  d'être  dignes  .le  l'autonomie  et  d'atteindre  la  lii 
Nous  >cui>,  m>s  passions,  c'est-à-dire  notre  raison  qui  s'abandonne,  quand  elle 
pourrait  rester  maîtresse  d'elle-même.    C'esl   donc  contre  nous-mêm  nous 

devons  soutenir  «  la  lutte  glorieuse  •  (supra  111,  4);  la  liberté  en  «--t  l'arme,  el  surtout 
elle  en  est  le  prix,  la  liberté  qu'on  appelle  ego^ffiot,  Quand  on  ne  voit  encore  en  elle 
qu'un  moyen  {supra  V,  io,  note  finale),  el  ËXeuOepta,  quand  elle  est  vraiment  |  VII 
la  «perfection  morale». 

C'est  pour  se  démontrer  la  réalité  de   cette  liberté   relative   que    Ifarc-Aurèle 
a  commencé  cet  article  par  L'analyse  de  notre  être.  Ce  qui.  pour  lui.  à  la 

raison  s'y  oppose,  sans  doute,  parce  qu-;  cela,  dans  l'homme,  n'est  pas  purement 
humain;  mais  surtout  parce  que  cela  est  contraint  et  serf.  11:. 
c:xzxlz'..  —  -apaxpaTSÎTOa'.,  —  Oicaxw>£iN  toÏ:  o/.v.:,  —  tv.  va  pive  — 
TâTGSTa:,  —  il  était  difficile  d'exprimer  par  une  accumulation  d'expressions  plu- 
énergiques  la  violence  faite  à  la  partie  animale  de  L'homme.  Mais,  à  supposer  le 
contraste  pins  complet  encore  entre  la  chair  ou  le  souffle  et  l'âme  raisonnable,  ce 
divorce  n'est-il  pas,  eu  un  sens,  la  ruine  de  toute  la  théorie?  L'homme  peut-il  donc 
n'être,  comme  l'a  dit  Marc-Aurèle  (VIII,  fto),  que  son  corps  ou  que  sa  raison?  Rien  de 
plus  que  la  nature  qui  le  définit?  Quand  nous  parlons  de  notre  volonté  el  de  notre 
liberté,  est-ce  seulement  de  la  liberté  et  de  la  volonté  dp  notre  nature?) 

i      CQUAT-P.    FOI"  IO  JEU. 


a  'i  I  BlBMOTUEQUfl    L>ES    IMVEHSITÉS    hi     MIDI 

homme  jusqu'à  sa  morl  '.  Mais  ce  que  je  viens  de  dire  ne  suflil 
pas:  il  faut  \  ^jouter  quel  doit  être  ce  but.  Il  n'y  a  p;is  unani 
mité  d'opinion  sur  tous  les  biens  quelconques  qui  paraissent 
tels  au  plus  grand  nombre,  mais  seulement  sur  certains  biens, 
je  veux  dire  ceux  qui  intéressent  la  société  tout  entière;  aussi  '. 
nous  devons  nous  proposer  un  but  utile  à  la  société  et  à  la 
cité.  Celui  qui  dirige  vers  ce  but  touô  ses  efforts  donnera  uV 
l'unité  à  ses  actions  et,  à  ce  point  d<-   vue,   restera   toujours 

le    !  urine. 

22 

Rappelle-toi  le  rat  montagnard 3  et  le  rat  de  maison,  leur* 

frayeur  et  leur  agitation    éperdue 

23 

Socrate  appelait  les  croyances  de  la  plupart  des  hommes  des 
Lamies\  des  épouvantails  pour  les  enfants. 

24 

Les  Lacédémoniens,  dans  leurs  spectacles,  offraient  aux 
étrang-ers  des  sièges  à  l'ombre;  eux-mêmes  s'asseyaient  nïm 
porte  où. 

25 

Socrate  disait  à  Perdiccas",  qui  lui  reprochait  de  ne  pas 
venir  chez  lui  :   «  J'aurais  peur  de  périr  de   la   mort  la  plus 

i.  [Ainsi,  Marc-  Vurèle  considère  comme  permise  à  l'homme,  bien  plus,  comme  le 
bien  même  de  l'homme,  L'unité  morale:  et  c'csl  lui  pourtant  qui  proclame  que 
L'âme  est  instable,  ut  qui  semble  ne  taire  nul  cas  (supra  X,  7,  fin)  de  l'identité 
personnelle.] 

2.  [Sur  l'importance  accordée  par  les  Stoïciens  et  en  particulier  par  Marc-Aurèlc 
au  consentement  universel,  cf.  supra  II,  10  et  la  note.] 

3.  [Gouat  :  «  le  rat  des  champs.  >>] 

\.  [Aug.  Couat  a  lu  ici,  après  Cor  aï,  rovrwv  au  lieu  de  ro'Jtov.  Même  après  la 
correction,  la  pensée  n'a  pas  grand  sens.  Il  faudrait  pouvoir  intervertir  opetvbv  et 
y.aTO'.y.tv.ov,  en  gardant  ro*JTOi>.  OJto:  signifie,  en  effet,  «  celui-ci,  »  c'est-à-dire  ici:  le 
rat  de  ville.  Or,  dan>  la  fable,  c'est  le  rat  des  champs  qui  s'effraye;  l'exemple  de  son 
compère  peut  montrer  que  l'habitude  a  raison  des  plus  vives  terreurs.] 

5.  [Lamia,  comme  G<>r<r<>,  Mormolykè  et  Ktnpusa,  était  une  sorte  de  Croquc- 
niitaine  femelle,  dont  le  nom  revient  assez  souvent  chez  les  comiques  (cf.  Aristo- 
phane, Paix.  708;  Guêpes,  io35;  Chevaliers,  03<j).  Peut-être  les  mots  7rato:wv  cs-aaTou 
qui  expliquent  Aati/'a:,  ne  sont-ils  qu'une  glose.] 

6.  'Aristote,  qui  rapporte  le  même  trait  de  .Socrate  (Hhétor.  A,  23,  p.  i3q8  a),  lui 
donne  comme  interlocuteur,  non  Perdiccas,  mais  Archélaos.J 


ii  n -i  i     m    m  m.-    ii  m  i  » 

uflVeuse      II  n  oulail  dire      J  aui  il    peoi  de  n< 
les  bionfaiti  que  J'aui  ait  reçu 

Dana  les  <■,  i  ita  dei  Épicui  iciiti  L,-  Il  y  a\  .ni   une  roman 

dation  spéciale  <!<•  tot^joura  avoii  pr(   enl   •  I  i    pril  le  louvenii 
'l'un  des  hommes  vertueui  d'auti ef<  >i 

27 
Les  Pythagoriciens  recommandent  <i<  der  le  ciel  dèi 

l'aurore3,  afin  de  noua  rappeler  ces  étrea  qui  poursuivent  leui 
œuvre  toujours  d'après  les  mêmea  loia  ri  toi^Joura  de  m 
el  de  penser  à  leur  harmonie,  à  leur  pin.  leur  nudité 

car  un  astre  n'a  point  de  n <>il<'  i, 

28 
Tu  te   rappelles   coinnienl  Sociale  s'étail   COUVerl  «i  *  m  r  i  <    peau 

île  mouton,  iin  joui-  (pic  \anihippc  lui  avail  pris  son  niant 

pour  sortir,   cl   ce  qu'il   dil    a    968   disciples   COIlfilS,  qui  ail, lieu! 
se  retirer  eu  le  voyant  dans  cet  équipage. 

29 
Tu  ne  pourrais  être  un  maître  dans  l'art  d'écrire  et  de  lire 
avant  d'avoir  eu  toi-même  des  maîtres.  De  même,  à  plus  forte 

raison,  dans  l'art  de  \  ivre, 

30 
«  Tu  es  né  esclave,  lu  n'as  pas  la  parole"1 

i.  [Conjecture  de  Gataker.  Les  manuscrits  donnent  'E^:t  Misât,  —  el  I 

n'avons  nulle  idée  de  ce  que  pouvaient  être  les  écrits  —  lois,  versets  ou  ma\. 
—  du  peuple,  ou  des  prêtres,  ou  des  sages  d'Épnèse.  Si  éloignés  que  soient  l'un  de 
L'autre  les  mots  'E^ectow  et  'E-r/.o-jsE'.tov,  la  correction  de  Gataker  peul  se  recom- 
mander de  phrw?urs  levte^  de  Sénèque,  qui  attribuent  la  même  prescription 
à  Êpicure.  Cf.  notamment  ad  Lwilmm,  ii  :  .-  Vliqui>  vir  bonus  nobis  eligendiu 
ac  semper  ante  oculos  babendus,  ut  sic  tanquam  illo  spectante  vivamus,  et  onmia 
tanquam  illo  vidente  faciamus.   Hoc  Epicurus  praecepit.  • 

a.  [Cf.  supra    VII,    '17,    mie    pensée   analogue,    vraisemblablement    emprui 
à  Platon.] 

0.   [Couat:«qui,  par  eux-mêmes  et  d'une  manière  égal»',  poursuivenl  >.ui~ 
leur  œuvre.  »  —  Mais  peut-on  confondre  xa:x  Ta  -.:a  cl  a  _  a -Ta?] 

4.  [Cf.   le  début  du  livre  \:   «quand  donc   seras-tu...  nue,  ô  mon  Ame.  et  plus 
visible  que  le  corps  qui  t'enveloppe?  »] 

j.  [Vers  iambique,  d'un  auteur  inconnu.] 


BIBLlOTUfeQUI     DES    USITE  USITÉS    D1     MIDI 

31 
«  El  le  rire  fut  dans  mou  cœur1.» 

32 

Ils  blâmeront  la  vertu  eu  termes  amers 

33 

Chercher  une  figue  pendant  l'hiver  est  une  folie;  c'en  est 
une  aussi  que  de  demander  son  enfant  quand  on  ne  peut 
plus  l'avoir 3. 

34 

En  embrassant  son  enfant,  il  faut,  dit  Épictète,  penser  en 
soi-même:  «  Demain,  peut-être,  il  sera  mort7».  »  —  Voilà  des 
paroles  de  mauvais  augure.  —  Pas  le  moins  du  monde, 
répond-il;  elles  ne  font  que  désigner  une  action  de  la  nature  : 
sinon,  il  serait  de  mauvais  augure  de  dire  qu'on  moissonne 
les  épis. 

35 

Raisin  vert,  raisin  mûr,  raisin  sec,  tous  ces  mots  indiquent 
des  changements,  non  vers  la  non -existence,  mais  vers  une 
autre  existence  que  l'existence  actuelle. 

i.   [Odyssée,  IX,  4i3.J 

2.  [Vers  dactylique  d'un  inconnu.] 

3.  [toioûto;  o  -o  ftai$t'ov  Çijtûv,  oxs  ovx  bti  Si'Sorat. —  Couat  :  «  que  de  vouloir  un 
entant  à  l'époque  où  l'on  n'en  peut  plus  avoir.»—  Il  n'y  a  aucune  raison  de  sup- 
primer devant  Kaiâtov  l'article  xô,  comme  le  demande  Gataker.  Il  est,  au  contraire, 
garanti  par  le  texte  d'Épictète  auquel  Marc-Aurèle  a  emprunté  cette  pensée:  outio  y.av 
tov  \Ahn  Tiofjf,;,  ôte  où  ofooTai  ao:,  ï<j(h  Sti  getpâvo;  <rOxov  liziTiobti;  (Dissert.,  III,  3  4, 
87).  —  On  notera  aussi,  d'un  texte  à  l'autre,  la  correspondance  des  mots  ou  osooxai  et 
oùx  ïxt  otooTat.  Elle  fixe  le  sens  d'un  passage  de  la  pensée  II,  a  (supra,  p.  19,  note  3), 
qui  avait  arrêté  M.  Couat.] 

4.  [Le  texte  d'Épictète  (ibid.,  111,  2/1,  88),  comme  celui  de  Marc-Aurèle,  nous 
présente  ici  une  seconde  personne  :  àTroOavr,,  et  non  une  troisième.  Mais  en  disant  : 
«  tu  mourras  demain,  »  ce  n'est  pas  à  lui-même  que  le  père  pense,  c'est  au  fils  qu'il 
embrasse.  Les  mots  qui  suivent,  dans  Épictète,  ne  permettent  pas  d'en  douter  ::û 
eiXfp  Jxtxjto);'  Aù'piov  âiro$vj{Aq?etC  r,  (tv  f,  eyio.] 

5.  [Les  manuscrits  ne  séparent  pas  cet  article  du  précédent.  —  Dans  Épictète,  la 
comparaison  du  raisin  suit  immédiatement  celle  de  la  moisson  :  mais  si  c'était  une 
raison  suffisante  pour  réunir  ici  encore  deux  images  dont  Marc-Aurèle  a  rompu  le 
lien,  il  ne  faudrait  pas  non  plus  séparer  les  pensées  33  et  34.] 


PI   lnfcKI    M     M  mm      m  i  i  i  » 

M      II    \      .1     |»,is    (lr     lni-.llld     (|UI     |)llissr     I M  H I  -      \<>\i\       Moffr      II. 

m  bilrc   I !\ >sl  un  iimt  d'Épictèta  ' 

37 

Il  '•  disait  qu'il  fallait  oonnaitre  I  arl  d  acquiesçai    sui  rq 
lentationa  sensibles]  el  conserver  toute  ion  attention  an 
qui  touche  lea  tendances,  pour  qu'ellei  fassent  acoomp 
de  réserves^,  conformes  «»'i  bien  universel  el  proportionn 
à  la  valeur  «les  objets;  s'abstenir  absolument  de  tout  désir  et 
n'avoir  jamais  d'aversion  pour  i  î  <  - 1 1  de  ce  qui  ne  dépend  pas 
de  nous  ». 

38 

Ce  n'est  pas  pour  la  première  chose  renne,  disait  il,  que 

nous  luttons,  mais  pour  perdre  ou  conserver  notre  rai>on 

39 
Socrate  disait:  Que  voulez-vous?  avoir  des  âmes  d'être* 
raisonnables  ou  d'êtres  sans  raison?  —  D'êtres  raisonnables 
—  De  quels  êtres  raisonnables?  bons  ou  mauvais?  —  Bons.  — 
Pourquoi  donc  ne  cherchez-vous  pas  à  les  acquérir? —  Parce 
que  nous  les  avons.  —  Alors,  pourquoi  ces  combats  et  ces 
disputes  ti? 


LIVRE    XII 

1 

Tous  ces  biens  que  tu  désires  et  que  tu  cherches  à  atteindre 
par  des  détours,  tu  peux  les  avoir  dès  maintenant,  si  tu  n'es 
pas  ton  propre  ennemi.  Je  veux  dire  si,  laissant  là  tout  le  passé 

i.  [Dissert,,  I,  18,  12.  Sur  le  sons  de  Kpooupcoi;,  cf.  supra  VIII.  56,  en  note.] 

3.  [Épictète.] 

3.  [Sur  la  roptaTetfefftç  («  assentiment  »  ou  a  acquiescement  »),  cf.  supra  V,  10, 
r*  note;  sur  l'ôptir,  {h  tendance  »),  III,  16,  3e  note;  sur  l'àseÇoûpcetC  reserve  ),  IV. 
i,  et  V,  20.] 

fc.  [Cf.  supra  VIII,  7.] 

5.  [Cf.  Dissert.,  I,  22,  17,  sqq.] 

6.  [Nous  ne  savons  à  quoi  rapporter  cette  citation. 


•V>  BIBLIOTHÈQUE    l>l !S    UNIVERSITÉS    1)1      MIDI 

el  le  confiant  pour  l'avenir  à  la  Providence,  tu  ne  t'occupes 
que  du  présent  el  en  disposes  suivant  la  sainteté  el  la  justice. 
Suivant  la  sainteté,  afin  d'aimer  ton  lot,  car  la  nature  l'a  pré 

paré  pour  toi  et  toi  pour  lui.  Suivant  la  justice,  alin  de  dire 
la  vérité  librement  et  Bans  ambages,  afin  d'agir  selon  la  loi  el 
selon  la  valeur  des  choses;  afin  de  n'être  arrêté  ni  par  la 
méchanceté,  ni  par  les  jugements,  ni  par  les  paroles  d'autrui. 
ni  même  par  aucune  sensation  de  la  chair1  qui  t'enveloppe, 
car  cela  n'importe  qu'à  ce  qui  en  souffre9.  Si  donc 3,  au 
moment  quel  qu'il  soit  où  il  faudra  partir,  il  se  trouve  qu'ou- 
bliant tout  le  reste,  tu  as  respecté  [uniquement)  ton  principe 
directeur  '»  et  le  Dieu">  qui  est  en  toi,  et  craint  non  point  de 
cesser  de  vivre,  mais  plutôt  de  n'avoir  jamais  commencé  à 
vivre  conformément  à  la  nature,  tu  seras  un  homme  digne 
du  monde  qui  t'a  engendré  G,  tu  cesseras  d'être  un  étranger 
dans  ta  patrie^,  tu  ne  regarderas  plus  avec  élonnement  les 
événements  de  chaque  jour  comme  s'ils  étaient  inopiné- \ 
tu  ne  seras  plus  suspendu  à  ceci  ou  à  cela. 

2 

Dieu  voit  à  nu  toutes  les  âmes  hors  de  leur  vase  matériel  l-K 
de  Técorce  et  des  souillures  qui  les  recouvrent.  C'est  par  son 
intelligence  seule  qu'il  les  atteint,  et  il  ne  s'attache  qu'à  ce  qui 
émane  et  descend  de  lui  en  elles.  Si  tu  prends  toi  aussi  cette 
habitude,  tu  supprimeras  en  toi  toute  cause  de  tourment.  Celui 
qui  ne  cesse  de  voir  I0  la  chair  qui  l'entoure,  de  fixer  son  regard 

i.  [Sur  l'attribution  de  la  sensation  au  corps,  cf.  supra  V,  2O,  avant-dernière  note.] 

2.  [Cf.  supra  VII,  iG,  noie  3.] 

3.  [Couat  :  «  Si,  au  moment  où  tu  seras  près  du  départ,  oubliant  tout  le  reste,  tu 
respectes  ton  principe  directeur  et  le  Dieu  qui  est  en  toi,  si  tu  crains...»  —  Je  consi- 
dère comme  nécessaire  la  Lecture  de  M.  Rendait,  qui  au  subjonctif  ~'vrrt  substitue 
l'indicatif  y<'vrt,  seul  correct  après  oxs  BiqftQTe.  Dès  lors,  on  ne  peut  éviter  de  tenir 
compte  dans  la  traduction  de  la  succession  des  passés  t'u^ty;:  et  ^r^r^z  A.  tu  as 
respecté...»,  «tu  as  craint...)»)  au  présent  yfvin.] 

U.  [Couat  :  «  ta  conscience.  »] 
5.  [Cf.  infra  MI,  ?J)  :  ô  iy.âo-TO^  voO:  6so;.| 
»">.   [Cf.  supra  IV,  i4,  note  2,  p.  5(i  et  57.] 
7.   [Couat  :  u  un  étranger  sans  patrie.  »  —  Cf.  supra  I\  .  39.] 
S.   [Cf.  supra  Vil,  1,  derniers  mots;  l\.  1 '«  ;  infra  XII,  i3,  etc.) 
9.  [Couat  :  «  hors  de  l'enveloppe  de  matière.  »  —  Cf.  infra  XII,  8,  1"  note.  | 
i<>.  [6  (iv)...  opcbv.  M.  Couat  admet  ici,  après  Morus,  la  suppression  de  la  négation. 
On  peut  la  conserver,  à  condition  de  regarder  la  phrase  comme  întsrrogative  :  c'esl 
I»'  parti  qu'a  pris  M.  Stic  h  dans  ^a  seconde  édition.  Le  sens  qu'il  obtient  ainsi  («Celui 


in    m        m      m  |  i  '       \i  m  i  l 

■  m   l'habit,  la  mal  on    la  n  nomm         m    loul 

(ju'cn\ eloppc  el  mise  an    oèm  toujoui     pi •'•< »«  <  u; 

3 

lu  ei  compose  <!<•  troii  p.u-iir-     i.  \<>   «.ouiiir.    i,j 

on*.  Les  deux  premièrei  ne  t'appartiennent  qu'en 

qu'il    faul    IVii    i)(riip<T;    Ici    liuhirmr    seul     <•   f    \  »'i  it.i  lil.-m'-nt 

tienne    Écarte  donc  <!<'  toi  même,  je  veux  dm-  ■  !••  t.-i  |>< ■n-»-«- 

tout  Ce  qtl€  loul  <Mi  disent   les  ;uitrrs  \   tout  re  <pi«*  tu  ;i>  tint 

dit  toi  même,  i<>ut  ce  que  tu  redoutes  pour  l'avenir,  toul 
qui  te  vicni  du  corps 4  qui  t'enveloppe  ou  <lu  souffle  qw 
nature  t'a  donné  avec  le  reste  .  mais  non  de  ton  libre  arbiti 
toul  ce  que  roule  le  tourbillon  extérieur  qui  t'environne,  afin 
que  ta  force  intelligente 7,  détachée  de  la  Fatalité,  pure  et  libre, 

qui  n'.i  pas  le*  \«mi\  fixés  lur  la  chair  qui  l'entoure,     iert-1  il  loojourt  préo  cu| 
diffère  peu  de  celui  que  donne  la  coirectioo  •  !•    Morus.  Il  «--.t  >r;ii  qa*oa  tdmettn 
difficilement,  dani  ce  cet,  l'omission  <  1  «  *  la  négation  devant  le  second  partfc  Ip 

(Jirr..     6p4>V,     r-'ïl,    yE...     foSuSVOÇ,     SU     lieu     <l«"    |AT|  i,    >t    qil'Ofl     DOUfl 

s'étonner  que  !<■  verbe  xaxoXqffsxac,  étant  int  le   la 

particule  fir,7:.| 

i.  [Couat  :  «  sur  toul  cet  appareil  extérieur  de  la  n i«".  •  —  Les  deux  m 
xa\  f7y.r^r^  résument  très  nettement  l'énumération  qui  précède:  !••  seni  de  c/.-.r ,  m 

peut  ik>us  arrêter,  et  la  conjecture  <!<■  Coral,  Tz:vr;,  parait  inutile.] 

a.  [Gouat  :  «  l'esprit.  »  —  Cf.  supra  V,  33,  note  finale,  <>t,  à  l'Appendice,  1 1  i  '  note 
de  la  pensée  111,  i0.] 

3.   [Cf.  supra  III,  .',,  note  8.] 

't.   [En  vertu  de  la  «  sympathie  >>  naturelle  du  corps  et  de  rame.  Cf.  supra  Y 
t\   note.| 

">.   [Couat  :  u  ou  du  souffle  qui  e<t  né  avec  lui.»  —  Nous  avons  vu  (supra  \. 
note  liuale)  que,  pour  certains  Stoïciens,  les  mots  irvsOua  9U|i?\J  riaient  1' 

il  est  certain  que  tœ  iiù\l%-\  (le  corps)  esl  lu,  régime  sous-entendu  de  cette  express ioa 
Quand   d'autres  Stoïciens,    distinguant   déjà-  sans  doute  l'âme  animale  de   l'âme 
vivante,  ont  reconnu  en   nous  (ibid,),   outre  le    corps,   un  aveOna  .;    et   un»- 

àva6'ju.ia<7'.:,  il  n'est  pas  sur  que,  dans  leur  pensée,  le  régime  de  eufssnjsc  n'ait  pa* 
changé:  pourquoi  ne  serait-ce  pas  aussi  bien  Kvotto|ud*ei  que  nù'ii-.O  Ici,  il  me 
semble  plus  naturel  d'attribuer  à  tÔulvVTov  le  même  complément  qu'au  participe 
voisin  qui  qualifie  qm^-'w^  :  pot,  c'est-à-dire  a  la  raison».  En  tout  cas,  il  esl  fin 
testante  qu'ici  le  souille  esl  nettement  opposé  au  principe  dirigeant,  et  que  I 
Aurèle  lui  attribue,  comme  au  corps,  certaines  sensations.  Ce  n'esl  pas  pour  nous 
une  nouveauté.  Cf.  supra  IV,  3,  .V  note.] 

6.  [Couat  :  «mais  qui  ne  dépend  pas  de  toi.  » —  Ces  mots  traduisent  exactement 
ceux  qui  achèvent,  dans  Marc-AurMe.  l'article  V,  33,  que  je  viens  de  rappeler: 

iiz\  aoi.  A  vrai  dire,  la  différence  de  sens  qui  peut  séparer  cette  expression  du  m<»t  que 
nous  rencontrons  ici,  dticpoaipera,  est  imperceptible.  Pour  l'interprétation  de  ce 
dernier,  je  me  suis  conformé  à  la  traduction  que  M.  Couat  lui-même  a  donnée 
(supra  VIII,  56)  de  Trpoa'.sîT'.xov.] 

7.  [Couat  :  u  ta  puissance  spirituelle.  »  —  J'ai  préféré  la  traduction  que  M.  Couat 
lui-même  donne  ailleurs  des  mêmes  mots  grecs  (VIII,  54),  et  qu'à  la  revision  de  son 
manuscrit  il  eût  sans  doute  reprise  ici.  Sur  le  s.ms  de  fejvatfitç,  —  force  de  la  nature 
ou  faculté  de  l'ùmo.  —  c(.  sapm  \.  26.  note  finale. j 


I  is  lïlRl  i l  <»i  i     DES    I  m\  i  RS1  i  fcfi    im      MIDI 

puisse  vivre  par  elle  même  <in  agissanl  selon  la  justice,  en 
voulant  les  événements  qui  lui  arrivent,  en  disanl  la  vérité  ': 
écarte,  dis  je,  <1<*  ce  principe  qui  l<k  dirige9  les  passions  qui 
lui  viennent  de  certains  attachements  ;.  el  l'idée  du  temps 
futur  ou  le  souvenir  du  passé;  rends  toi  pareil  à  la  sphère 
d'Empédocle,  «  sphère  parfaitement  ronde,  heureuse  el  Bère 
de  sa  stabilité;  o  ne  te  soucie  de  vivre  (pie  l'instant  où  tu  vis, 
e*est  à  dire  l'instant  présent,  et  tu  pourras  passer  tout  le  temps 
qui  te  reste  jusqu'à  la  mort  noblement,  dans  la  paix  morale  î. 
en  souriant  à  ton  génie. 

4 

Je  me  suis  souvent  demandé  avec  étonnement  pourquoi 
chacun  de  nous  s'aime  plus  que  tous  les  autres  et  attache 
cependant  moins  de  prix  à  son  propre  jugement  sur  soi-même 
qu'a  celui  des  autres.  Il  est  certain  que  si  un  Dieu  ou  un 
maître  sage  venait  nous  ordonner  de  ne  jamais  rien  concevoir 
ni  rien  penser  en  nous-mêmes,  sans  aussitôt  l'exprimer  au 
dehors,  le  crier  même  5,  nous  ne  le  supporterions  pas  un  seul 

î.  [Cf.  passim,  et  notamment  XII,  î.] 

2.  [Couat  :  «  cette  conscience  que  tu  sens  en  toi.  »  —  J*ai  rétabli  ici  la  traduction 
qui  ;i  été  presque  partout  admise  d'v)Y£fLOVixov.  Nous  ne  pouvons  plus  être  surpris  par 
les  mol-  «  principe  dirigeant  ».  La  première  phrase  de  la  pensée  établit  nettement 
que  ce  principe  n'est  autre  que  la  raison.] 

3.  [Couat  :  o  les  passions  qui  s'attachent  à  lui.  »  —  Un  signe  marginal  condamne, 
d'ailleurs,  cette  traduction,  qui  n'exprime  guère  que  la  moitié  du  texte  grec  :  Ta 
7:po<7r,pT7;tjiva  ex  7iooT7raO£:a:.  .l'ai  dû  désespérer,  à  mon  tour,  de  le  traduire  succincte- 
ment et  avec  fidélité.  Dans  TTooiTiâOsta,  il  était  nécessaire  de  tenir  compte  du  préfixe. 
Ce  mot  ne  désigne  pas  ici  une  passion  quelconque,  c'est-à-dire  un  mouvement  de 
l'àme  immodéré  ou  déraisonnable  (supra  III,  16,  3e  note),  mais  une  inclination 
déraisonnable  pour  certaine  chose.  Quand  notre  corps  est  l'objet  de  cette  inclination, 
la  solidarité  qu'elle  établit  enlre  l'Ame  et  le  corps,  et  qui  n'est  que  l'a-  ment 
de  rame  à  ce  dernier,  peut    s'appeler  t-ju-v/js1.*  <  X  11,  66,  noie  tinale,  rectifiée  aux 

Iddenda).    \  la  dernière  phrase  «le  l'article  \.  î,  oo  a  rencontré  le  verbe  Kporoadéiv : 
l'objet  du  penchant  qu'il  désigne  est   une  chose  extérieure.  Or.  de  tels  mouvements 
du    principe   directeur    peuvent    engendrer    en    nous    des    passions    «  adventices 
(7rpo?ï)pTï;uiva)  :  la  haine  pour  qui  nous  empêche  de  les  satisfaire,  la  colère,  enfin 
l'impiété  (supra  IV    i).  C'esl   de  ces  tares  ou  de  vitudes  morale-  qu'il  est 

question  ici.] 

\.  [Couat  :  «  tranquillement,  noblement.  >>  —  Pour  préciser  le  sen>  d'àTapây.TM: 
(cf.  supra  IX,  3i,  i"  note),  j'ai  dû  intervertir,  en  traduisant,  l'ordre  des  mots  du  texte 
grec.] 

5.  [Couat:  <<  de  ne  jamais  rien  penser  en  nous-mêmes  sans  l'exprimer  au  dehors 
aussitôt   après   l'avoir  conçu.» — Ces  deux   variantes    traduisent  respectivement   la 
conjecture  de  Reiske  et  de  Nauck,  Y€Yftivî?xo»v,  et  le  texte  de  la  vulgate,  y:vw<r/.o>v.  qui 
n'est,  (railleur-,    pas    celui    de    nos    manuscrits.    Voir,    sur  l'ensemble  «lu    pass 
l'apparat  critique  de  M.  Stich,  dont  la  restitution  me  parait  presque  assurée. | 


Il     '.      I    I  l.l         M   V.  .■  \l    I    I    I    « 

jour,   II  esl  dont    vrai  que  nou     appi  éliendon     l'o|         i  <i<j 
m  »ur  non     na(  me    plu    que  le  en  >l 

5 

immenl  les  Mieux    qui  onl  toul  ordonn         c  sag< 
,i\ ec  bonté,  onl  11     eulemenl  oubl     I    potnl  que  1 1 

des  hommes  que  leurs  vertus  onl  comme  lié    pai  autan) 
contrats  avec   la  divinité,  el  qui  sonl  entréi  dam   l'intim 
des  Dieux  par  leurs  action      unie-  el  pi(  a        Cependant,  une 
fois  morts,  ils  ne  reviennent  plus  &  l'exi  tence,  el  leurs  âmes 
sonl  éteintes  pour  toujours.  Puisque  ces  choseï   lont,  sache 
bien  que,  s'il  avail  fallu  qu'elles  fussent  autrement,  les  Dl 
les  auraient  faites  autrement,  si  cela  avail  été  juste,  -  aie  turail 
aussi  élé  possible;  si  cela  avail  été  conforme  i  la  nature,  la 
nature  >  aurait  consenti1.   Mais  si  cela   n'est  pas, — 
n'esl  pas,  en  effet9,  —  tu  dois  croire  qu'il  ne  fallait  pas  que 
cela  lui.  Tu  vois  bien  toi  même  qu'en  adressant  aui   Dietu 
cette  réclamation  tu  les  fais  juges  de  ta  cause 3.  Mais  nous  ne 
discuterions  pas  ainsi  avec  les  Dieux  s'ils  n'étaient  pas  très 
bons  et  tics  justes.  Et  s'ils  le  sont,  ils  n'ont  pas  pu,  injustement 
el  sans  raison,  négliger  quelque  point  dans  l'ordre  du  munde. 

6 
Exerce- toi  même  à   ce  que   tu  désespères   d'accomplir.   La 
main  gauche,    inhabile  pour  tout  le  reste  parce  quelle  n'en 
a  pas  l'habitude,  tient  les  renés  avec  plus  de  vigueur  que  la 
main  droite  parce  qu'elle  y  est  habituée. 

7 
Rappelle-toi  dans  quel  état  du  corps   et  de    lame  la  mort 

i.   [Littéralement:  «l'aurait  apporté.»  Sur  l'emploi  à  la  fois  vul. 
phique  du  verbe  pépetv,  voir  la  seconde  partie  de  la  pensée  \  .  8.] 

2.  [efoep  o->/  outc*)ç  fyei.  l#a  négation  employée  (où  et  non  [W|]  me  Bemble  fixer  ici 
la  valeur  de  sfaep.  Je  n'hésite  pas  à  donner  à  cette  conjonction  le  sen-  d  -  [ue  », 
et,  par  suite,  à  soutenir  contre  les  autres  la  traduction  de  If.  Goual  (Pierron  : 
«  confirme  -toi  par  cette  considération  même.))  Renan,  de  même.  —  Biarc-AarèU*, 
p.  268.  Michaut  :  «de  ce  qu'il  n'en  est  pas  ainsi —  si  toutefois  il  n'en  est  pa>  ainsi  — 
persuade-toi...»).  Ici,  Marc-  Àurèle  a  bien  fait  son  choix  entre  L'hypothèse  «le  la 
«survivance»  et  celle  de  l'«  extinction  »  (cf.  tupra  IV,  u,  1""  et  dernier*-'  notes, 
la  première  reportée  à  V Appendice).  Il  s'est,  comme  le  dit  Renan  lui-même  ( ibid.j. 
«complètement  mortifié»  et  résigné  à  0  la  colossale  iniquité  de  la  mort  ».] 

3.  fVar.  :  «tu  plaides  auprès  d'eux 


200  Itil'.l  mi  m  mi     hh    UNIVERSITÉS    M      MIDI 

doit  nous  prendre;  la  brièveté  <le  la  vie,  l'immensité  de   la 
durée  derrière  el  devanl  nous,  l'infirmité  de  toute  matière. 

8 
Il  faut  voir  le  principe'  dépouillé  de  son  écorce,  et  le  but 
de  toute  action J;  ce  que  c'est  que  la  douleur,  le  plaisir,  la 
mort,  la  gloire;  comment  on  est  soi-même  cause  de  ses 
ennuis;  comment  aucun  homme  ne  peut  être  empêché  d'agir 
par  un  autre  hommes  que  tout  est  dans  notre  jugement  '«. 

9 
Dans  le  maniement  des  dogmes  •">,  il  faut  imiter  l'athlète  qui 
concourt  pour  le  pancrace  et  non  le  gladiateur;  celui-ci  laisse 
tomber  Tépée  dont  il  se  sert,  et  il  est  tué;  l'autre  a  toujours 
son  poing,  et  il  lui  suffit  de  le  fermer1*. 

10 

11  faut  considérer  la  nature  des  choses  en  en  distinguant 
la  matière,  le  principe  elficient  et  formel,  la  fin". 

11 
Quel  pouvoir  que  celui  de  l'homme!  Il  est  libre  de  ne  faire 
que  ce  .que  Dieu  doit  approuver  et  d'accepter  tout  ce  que  Dieu 
lui  envoie**. 

i.  [Coual  :  <  les  causes  dépouillées  de  leur  écorce.  » —  Pour  le  sens  du  mot  arrutâq, 
qui  est  traduit  ici  par  ((principes»,  cf.  supra  IX,  3i,  2e  note,  et  IV,  ai,  dernière  note. 
On  trouvera  précisée  au  même  endroit  l'opposition  de  ce  terme  au  terme  àvaso^i 
(la  fin)  et  à  L'idée  de  la  matière  qu'exprime  ici  le  mot  ç/o'.o;  (proprement  :  «  l'écorce  » 
ou  (d'enveloppe»).  A  la  pensée  2  de  ce  livre  XII,  cette  «  écorce  »  s'appelle  aussi  un 
((  vase».  Elle  est  impure;  c'est  le  corps.  Je  ne  doute  point  que  le  principe  dont  il  est 
question  ici,  principe  intérieur,  principe  d'action,  ne  soit  notre  àme.  Partout  dans 
les  Pensées,  sauf  en  un  seul  endroit  (III,  ii),  l'épithète  yu[j.vb;  qualifie  les  âmes.  Au 
surplus,  cf.  une  longue  note  à  la  23'  pensée  du  livre  V.] 

a.  [Couat  :  a  les  rapports  des  actions.  » —  Plus  loin,  Aug.  Gouat  lui-même  traduira 
KVOtçoçà  par  a  le  but  ».  Cf.  S  io.  17,  18  et  20] 

3.  [Cf.  supra  V,  3',;  XI,  36;  VIII,  56,  etc.] 

4.  [Cf.  supra  II,  i5.| 

5.  [Couat:  «  des  principes.  »] 

6.  [Couat  :«  l'autre  peut  porter  sans  cesse  son  i>n»*  partout,  et  il  n'a  besoin  que 
de  s'en  couvrir.  »  —  Les  mots  que  nous  n'interprétons  pas  de  même  sont  les  suivants: 
<j'j<j-pï'by.i  tt,v  /sîpa.] 

7.  [Couat:  ((leur  matière,  leur  cause;  leur  but.»  Cf.  supra  IV,  ai,  note  finale; 
VII,  4,  note  2  ;  XII,  8,  1"  note,  etc.] 

S.  [Cf.  supra  V.  10.  note  finale,  rectifiée  aux    iddenda:  XI,  ao.  note  finale.  I 


12 

Ne    hlàimms    p;is    1rs    |)jni\    «le    <»•    (jin    .iriisr   <|,m       I  ,|« 

l.i    liahlie;    ils    ne      r    trompent,    ru    ellel      m     \  -  t|(  m  I  il  I  «lient    m 

Involontairement,  Se  blâmoni  |  * .  ■  -  non  plu    le    boom* 

ih  ne  se  trompent  jamaii  que  mal  1 1     (  lemment, 

ne  blAmoni  personne. 

13 

Comme  il  es!  ridicule  el  1 1 .* 1 1  d(      étonnai  de  quoi  t1, 
Noit  qui  arrive  dam  la  \  le  ' 

14 

Ou  une  nécessite  Fatale,  un  ordre  Immuable,  ou  une  Provi 
dence  que  l'on  peul  Qéchir,  ou  un  chaos  produit  par  le  hasard 
el  sans  direction1.  Si  c'est  une  nécessité  Immuable  qui  mène 
le  monde,  pourquoi  lui  résister?  Si  c'est  une  Providence 

Bible  aux  prières,  rends-toi  digne  du  secours  divin.  S'il  n'\  a 
qu'un  chaos  sans  direction,  réjouis-toi  d'avoir  en  loi-même 

une  raison 3  pour  te  guider  au  milieu  d'un  tel  tourbillon  i.t 
si  ce  tourbillon  t'emporte  à  la  dérive,  qu'il  emporte  ta  chair. 
ton  souffle,  et  tout  le  reste S  :  il  ne  pourra  pas  du  moin- 
emporter  ta  raison. 

15 

|Quoi!j  La  flamme  d'un  flambeau  brille  jusqu'à  ce  qu'il  suit 
éteint  et  ne  perd  rien  de  son  éclat:  et  la  vérité,  la  justice,  la 
tempérance^  qui  sont  en  toi  s'éteindraient  avant  toi  *;  ! 

i.  [Cf.  supra,  paire  ri8,  note  a;  page  I.6&,  note  i  ;  p  ig  .  note  3,  etc. | 

•i.  [Cf.  supra  1\,  a8;  VII,  ;ë,  el  la  note,  rectifiée  aux  Addenda.  La  troisième  I. 
thèse  est  épicurienne.  Les  deu\  antres  sont  stoïciennes    Ces!  dire  <jn 
«fatale»  dont  il  est  question  d'abord  est  une  nécessité  logique  *t  raisonnée.  —  CI 
supra  11,  3,  note  finale.] 

3.  [Couat  :  «  intelligence.  »] 

4.  [Sur  cette  analyse  de  l'homme,  cf.  supra  XII,  .'<.  el  \  .  33,  note  finale. 

5.  [Couat  :  «  la  sagesse.  »  —  Cf.  supra  111,  6,  i"  D< 

»î.  [Couat:  «pourquoi  la  vérité...  s'éteindraient-elles  avanl  loi?)  —  Au  uébut  d<- 
la  pensée,  j'ai  adopté  la  correction,  demander  par  Corai,  de  r  en  r  pj  ne  signifiant 
rien),  et  c'est  cette  correction  que  j'ai  traduite.  Henan  {Marc-Aurele*.  169-270)  a  donné 
le  même  mouvement  à  sa  traduction  de  cet  article.  A  la  fin,  il  a  commis  une  erreur 
étrange,  en  négligeant  le  premier  préfixe  de  itpoairo<ror,<fferai.  Il  écrit  s\  t-indraient 
avec  toi.»  et  voit  dans  cette  pensée  la  preuve  mora!<   de  l'immortalité.] 


î5a  BIBIJ01  m  «h  i     m  B    i  mn  i  RS1  i  É9    Dl     MIDI 

16 

si  tel  homme  te  fait  l'impression  d'avoir1  commis  un* 
faute,  dis-loi  :  «  Sais  jr  si  c'est  une  faute?  •,  et,  si  c'en  est  une, 
dis  toi  qu'il  s'est  condamné  lui-même  et  que  c'est  comme  >'il 
s'était  déchiré  1rs  yeux 

Celui  qui  ne  veut  pas  que  le  méchant  commette  de  mau 
vaises  actions  est  comme  celui  qui  ne  veut  pas  que  les  fruits 
du  figuier  contiennent  du  suc 3,  que  les  petits  enfants  vagifl 
sent,  que  le  cheval  hennisse,  et  pareillement  pour  toutes  les 
autres  choses  nécessaires.  Que  peut-il  faire,  en  effet,  avec  une 
telle  disposition?  Si  tu  as  assez  d'ardeur,  c'est  cette  disposition 
qu'il  faut  guérir  '». 

17  5 

Si  cette  action  ne  convient  pas,  ne  la  fais  pas;  si  cette 
parole  n'est  pas  vraie,  ne  la  dis  pas.  Que  ton  âme  soit  au 
moins  capable  de  se  détourner  6. 


18 

Voir  toujours  et  à  fond"  la  nature  de  ce  qui  a  fait  sur  toi 
une  impression,  l'examiner  dans  tous  ses  détails,  en  distin 
guant  le  principe  efficient  et  formel,  la   matière,  la  fin  8,   le 
temps  où  il  faudra  que  cette  chose  cesse. 

i.  [Couat  :  «  à  propos  de  quelqu'un  qui  te  fait  concevoir  l'idée  qu'il  a...  »] 

2.  [C'est  le  supplice  que  s'inflige  Œdipe.  Cf.  supra  IX,  4  :  «Celui  qui  commet  une 
faute  la  commet  envers  lui-même.  »] 

3.  [Cf.  supra  IV,  O.j 

4.  [llenan  (Marc-Aurhlcê,  p.  67a)  trouve  qu'ici  «la  bonté  est  exagérée  jusqu'à  la 
fausseté.  »] 

5.  [Il  paraît  naturel  de  séparer  les  deux  pensées  qui  suivent,  bien  que  les  manus 
crits  ne  nous  y  autorisent  pas.  La  seconde,  du  moins,  se  suffirait  à  elle-même  et 
formerait  un  tout.  Mais  comment  interpréter  les  derniers  mots  de  la  première,  que 
Casaubon  a  conservés  intacts  :  r,  yàp  ôpixr,  to-j  £(T7o>?  —  J'ai  lu  et  traduit  :  r,  y'  à:popfj.T> 
(to*j  k'dTw.  Rien  de  plus  vraisemblable  que  la  confusion  du  P  et  du  <I>.  Le  sens  que  je 
donne  ici  à  à?opixr(,  pour  être  étranger  à  l'usage  de  Mare-Aurèlc,  n'en  est  pas  moins 
le  sens  stoïcien  du  mot  (cf.  supra,  p.  i8'i,  note  i).J 

6.  [Entendez:  «de  se  détourner  du  mal,  si  elle  ne  l'est  pas  de  se  porter  résolument 
vers  le  bien.  »] 

7.  [M.  Couat  semble  avoir  lu,  en  réunissant  les  deux  pensées  :  r\  yàp  ôpari  (xo*j  tî; 
£<77tv  si;  tb  rziv  dtet  opav.  11  traduit:  ((Il  faut,  à  propos  de  toute  chose,  considérer  la 
tendance  qui  te  pousse,  chercher  la  nature...»  Un  point  d'interrogation  est, 
d'ailleurs,  en  marge  de  ce  passage.] 

8.  [Couat  :  c<  la  cause,  la  matière,  le  but.)»  Cf.  supra  III,  n  ;  Vlll,  n  ;  XII,  10.  etc.] 


Mil  lu        M  MU         \llllll 

19 

\c  ion    lu  p.»  .  enfin,  «|ij<-  lu  a    en  loi  m<  m-   quelqi 
«le  meilleur  el  de  plus  dis  in  que  ce  <i>ji  '      p 

le  un  mouvoir  i<»iii   d'une  pièce  «  orom<    une  mai    >nn<  M 
Qu'est  devenue  en  ce  momenl   ma   jx  "  I    I  i  n-    de  le 

crainte,  «1rs  soupçons,  «lu  dé  ii  nu  <|url<ju<  ri  m.  .  •  .i«-  -nnUii 

20 

Kn  premier  lieu,  ne  jamai  au  hasard  e(    ani  bul    I 

second  lieu,  n'avoir  jamais  d'autre  Bn  que  le  bien  universel 

21 

Rappelle  loi  que  bientôt  lu  ne  seras  plus  rien,    ni  loi,    ni 
aucune  des  choses  que  lu  vois,  ni  aucun  des  hommes  qui 
vivent  en  ce  moment.  Toutes  choses  sonl  nées  pour  chant 
B'aUérer  el    disparaître,   afin   que   d'autres    choses,    totgoun 
renouvelées,  naissent  à  leur  place. 

22 

Tout  es!  dans  le  jugement,  et  le  jugement  dépend  de  loi 
Supprime 3  donc,  quand  lu  le  voudras,  ton  jugement,  el  pareil 
au  matelot  qui  a  doublé  un  cap,  lu  trouveras  le  calme,  l'immo- 

bilité  et  un  port  sans  tempête. 

23 

Une  action  quelconque,  qui  a  pris  fin  en  temps  opportun,  ne 
reçoit  aucun  dommage  par  le  fait  qu'elle  a  pris  fin.  Celui  qui 
Ta  accomplie  ne  reçoit  non  plus  aucun  dommage  par  le  fait 
qu'elle  est  finie.  De  même  la  vie  ».  qui  esl  l'ensemble  de  nos 
actions,  quand  elle  prend  fin  en  temps  opportun,  ne  reçoit 
aucun  dommage  par  le  fait  qu'elle  a  pris  fin.  pas  plus  que 
n'en  pâtit  celui  qui  en  temps  opportun  interrompt  cette  suite 

i.  [Couat  :  «  et  t'agite.» —  Cf.  supra  VII,  3,  a*  note;  II.  t,  dernière  phrase,  rectifiée 
aux  Addenda.] 

2.  [Cf.  supra  V.  1 1  ;  \,  r4.] 

3.  [Var.  :  «  suspends. »  —  Cf.  supra  Ml.  8,  derniers  mots;  II. 
i.r|Cf.  supra  1\.  ai.] 


;,»',  BtBLIO'l  III  ni  I.     M.*>    l\l\I.HMll>    M      MIDI 

d'actions1.  Ce  moment  opportun  el  ce  terme  sont  ii\<>  par  la 
nature,  par  notre  nature  particulière  dans  le  caa  où  nous 
mourons  de  vieillesse,  el  dans  tous  les  «as  par  la  nature  uni 
verselle9.  Le  changement  des  parties  qui  la  composent  main 
tient,  en  effet,  l'univers  dans  sa  fraîcheur  el  dans  sa  force; 
et  toul  ce  (jui  est  utile  à  l'univers  n<i  saurait  être  mauvais  ni 
hors  de  saison 3,  Ainsi  la  fin  de  la  vie  n'est  un  mal  pour  aucun 
de  nous,  puisqu'elle  Fie  comporte  aucune  déchéance  [morale], 
qu'elle  ne  dépend  point  de  nous  et  qu'elle  n'est  pas  contraire 
à  la  solidarité  universelle.  Au  contraire,  elle  est  un  bien  pour 
nous,  puisqu'elle  est  opportune,  utile  à  l'univers  et  conforme  à 
ses  lois  i  Car  il  porte  Dieu  en  lui  nirme~>,  celui  dont  la  pensée 
se  porte  aux  mêmes  fins  et  par  les  mêmes  voies  que  I)ieu(>. 

24 

Vie  toujours  présentes  à  l'esprit  ces  trois  règles.  A  propos 
de  chacune  de  tes  actions,  te  demander  si  tu  as  agi  au  hasard  7 
ou  autrement  que  ne  l'aurait  fait  la  justice  elle-même;  à  propos 
des  accidents  extérieurs,  réfléchir  qu'ils  arrivent  par  hasard 
ou  par  l'effet  de  la  Providence  :  or,  il  n\  a  pas  à  blâmer  le 
hasard  ni  à  se  plaindre  de  la  Providence.  Deuxièmement,  voir 
ce  qu'est  chaque  être  depuis  qu'il  est  à  létal  de  germe  jusqu'au 
moment  où  il  vit,  et  depuis  le  moment  où  il  vit  jusqu'à  celui 
où  il  expire  S,  de  quels  éléments  il  est  composé  et  en  quels 
cléments  il  se  dissout.  Troisièmement,  te  dire  que  si,  enlevé 
tout  à  coup  dans  les  airs,  tu  pouvais  de  là  9  contempler  l'huma- 

i .  [Couat  :  «  pas  plus  que  celui  qui  est  arrivé  au  terme  de  cette  suite  d'actions 
n'est  par  ce  fait  maltraité.  »  —  J'ai  préféré  à  ces  mots  une  traduction  plus  littérale; 
mais,  pas  plus  qu'Aug.  Couat,  je  ne  verrais  dans  ce  passage  ce  qu'y  a  découvert 
Barthélemy-Saint-Hilaire  :  une  justification  du  suicide.  Comment,  en  effet,  accorder 
une  interprétation  si  étroite  avec  la  phrase  qui  suit  immédiatement?] 

i.   [Sur  la  distinction  et  l'accord  des  deux  natures,  cf.  supra  \  ,  3,  note  finale] 

3.  [Compléter  ainsi  la  pensée  de  Marc-Aurèle  :  «ne  saurait  être  pour  l'individu  m 
mauvais  ni  hors  de  saison.»  Cf.  supra  IV,  a3;  \,  ao,  et  la  note.] 

\.  |<T'J!J.?£pov  xa\  <7'juç£p6;xsvov.  Cf.  supra  III,  \  ( ffuwep^sprrxi'  rs  /a*.  7W6p.?3pEt)  et  la 
dernière  note  à  cette  pensée.] 

).  |Ou  :  «  il  est  porté  par  Dieu  même.  »] 

G.  [Couat:  «  C'est  être  inspiré  de  Dieu  que  d'avoir  les  mêmes  inspirations  que  lui 
et  d'aspirer  par  la  pensée  aux  mêmes  lins.  »] 

7.   [Couat:  «  sans  raison.  »  —  Cf.  supra  XII,  20.] 

&   [Sur  l'évolution  du  germe  humain,  cf.  supra  \.  a6,  <ll  les  note*.| 

u.  [Cf.  supra  \  II.  48,  el  IV  3o.] 


M     1      If  l.l        MM  I    ] 

mie  ci   l.i   variété  de    ch<  lu  ii     l<      hoinn 

\  oyanl  quelle  quantité  d  ftti  ei  habitant  autoui 

e(  dan    I  éthei    ejoutei  que  chaque  fol    que  lu 

in  fit  verrai    jamaii  que  lei  mémei  cho*   ,  la  m  uttifoi 

mité]  el  la  môme  brièveté   El  voilà  de  quoi  l'oi  ueillit! 

25 

Eloigne  de  t  <  » î  ion  jugement  el  tu  ei  Oi    qui   p 

l'empêcher  de  ('éloignai 

26 

Lorsque  quelque  chose  le  f&chc,  lu  oublies  que  tout 
conformément  <•  la  nature  universelle,  que  les  foui 
en  dehors  de  toi  ne  te  touchent  p  t,  en  outre,  que  tout  i 

toi^jours  été  ainsi,  et  !<•  sera  et  l'est  actuellement  partout  '  tu 
oublies  quels  liens  de  parenté  rattachent  tous  les  homm< 
toute  la  race  humaine,  car  ils  participent  tous,  non  au  même 
sang  ni  au  même  germe,  mais  à  la  même  Intelligences.  Tu 
oublies  encore  que  la  raison  i  de  chacun  est  Dieu  et  émane  de 
la  divinité,  que  rien  n'appartient  en  propre  à  personne,  mais 
que  l'enfant,  que  le  corps,  que  l'âme  même  de  chacun  de 
nous~>  viennent  de  Dieu;  que  tout  est  dans  notre  jugement #; 
qu'enfin  chacun  ne  vit  que  le  moment  présent  et  ne  perd 
que  ce  moment  ~ . 

27 
Repasse  sans  cesse  dans  ta  mémoire  le  souvenir  de  ceux  qui 
se  sont  emportés  violemment  pour  quoi  que  ce  soit,  de  ceux 
qui  se  sont  signalés  par  une  grande  gloire,  de  grands 
malheurs,  de  grandes  inimitiés  ou  par  une  fortune  quel- 
conque, et  demande-toi  :  Qu'est  maintenant  devenu  tout  cela? 
De  la  fumée,  de  la  cendre,  une  légende,   ou  pas  même  une 

i.  [Cf.  supra  l\,  38.] 

•>.  [Cf.  supra  VI.  ',6:  XI,  i  :  XII,  i\.  etc.  ] 

3.  [Cf.  supra  IV,  ï  :  VIII,  5'».] 

\.  [Couat  :  «  l'intelligence.  »] 

5.  [Couat  :  n  que  l'enfant  de  chacun  de  nous,  et  son  c  ffpg,  et  bob  âme  même.      — 
En  modifiant  cette  traduction,  je  n'ai  voulu  qu'éviter  l'amphibologie.] 

6.  [Cf.  supra  U,  t5;  XII,  S.  32,  etc.| 

7.  [Cf.  supra  II.  i'i.  et  la  nol«*  finale.] 


100  BIBI  II  »  i  Ml  'H  i     DES  UMVJ  KSI  rKS    i»i      MIDI 

légende.  Représente-toi  à  la  fois  tous  cea  exemples  :  Fabius 
Gatullinus  dans  -<m  champ,  Lucius  Lupus  dans  ses  jardins, 
Stertinius  à  Baies,  Tibère  à  Caprée,  Vélius  Rufus1,  bref  tous 
les  efforts  de  la  présomption  humaine  vers  un  bul  quelconque, 
el  vois  la  puérile  vanité  dea  toits  ces  efforts.  Combien  n'esl  il 
pas  plus  philosophique  d'user  de  la  matière  qui  nous  esl 
donnée  pour  devenir  ju^lrs.  leinprnmls  >.  pour  Buivre  les 
Dieux  avec  simplicité,  car  l'orgueil  que  l'on  conçoit  de  son 
humilité  esl  de  tous  le  plus  déplaisant! 

28 
A  eeux  qui  le  demandent  :  «  Pour  honorer  les  Dieux  comme 
lu  le  fais,  où  les  as-tu  vus,  et  qu'est-ce  qui  t'a  convaincu  de  leur 
existence?»  réponds:  «D'abord,  ils  sonl  visibles:  et  puis,  sans 
avoir  jamais  vu  mon  âme,  je  l'honore  néanmoins.  De  même, 
je  reconnais  l'existence  des  Dieux  par  l'expérience  que  je  fai-  à 
chaque  instant  de  leur  puissance,  et,  par  suite,  je  le>  vénère. 

29 
Voici  qui  nous  sauvera  dans  notre  vie  :  voir  à  fond  la 
nature  4  de  chaque  chose,  sa  matière,  son  principe  efficient  et 
formel^,  pratiquer  la  justice  de  toute  son  âme  et  ne  dire  que 
la  vérité.  Que  reste-t-il  après  cela  que  de  jouir  de  la  vie,  en 
ajoutant  Tune  à  l'autre  nos  bonnes  actions,  de  façon  à  ne 
laisser  entre  elles  que  le  plus  petit  intervalle  possible? 

30 
La  lumière  du  soleil^  est  une,  bien  qu'elle  soit  divisée  par 
des  murs,  des  montagnes  et  mille  autres  objets.   La  matière 
commune"  est  une.  bien  qu'elle  soit  divisée  entre  une  mul 

i.  [Gatullinus  fut  consul  sous  Hadrien;  Stertinius,  jçrenénd  sous  Tibère.  Nous  ne 
connaissons  ni  Lupus  ni  Rufus.| 

■2.  [Couat:  «  ce  que  valaient  tous  ces  elïorts.  >,  —  Voir,  au  début  de  l'article  I\.  a.». 
la  même  opposition  des  mots  euteXsc  et  ptXoffoço);.] 

3.  |Var.  :  «  sages.  »  —  Cf.  supra  XI l,  i5.] 

'j.   [Cf.  une  expression  plus  complète  de  la  même  idée,  supra  111,  n,  2'  note.] 

5.  (Couat:  «  sa  cause.  »  —  Cf.  sujtra  IV,  21,  note  finale.] 

G.  [Cf.  supra  VIII,  07,  et  IX,  8.] 

7.  [Couat:  «la  substance  universelle...»  —  La  matière  commune  (où?:a  v.wrk,  ou 
Sbcoto;  uXyj:  cf.  Zeller.  Phil.  <1er  (,r..  III»,  p.  i3o,  note  j),  c'est  ta  matière  encore 
indéterminée. 


PI  >    i  i        i>i     M  I  i  '       v'  i  i  i  l 

titude  de  001  pi  Indh  Idueli  '.  L'Ame  e  I  une    bien  qu  i  II 

,|jN  isr    rnln      ,|.    i     niillirrs    '     intiMiiil.i.il.l.    -     |-i     ..iil.nl     d(      d< 

niin.it i  Ame  i  ai  onnable  esl  une,  bien  qu't  Ile  pai  al 

également  dh  isc'c    i  tan     i<-  rim  |ur   jr  t 1<  d    d  énu 

, r,  \   tout  ce  qui  n'est  pas  la  pen  6e    pai  i  u  mple  le   wuflle 
rt  i,i  matière  Inerte*,  esl  dépourvu  de  senUmenl     et  étran 
;m\  pariies  s(Miihliil)lcss,  bien  que  cellei  ci  rentrenl  dan 
même  unité  &,  el  que  la  pesanteur  les  entraîne  dam  le  m 

i,  [(  .m. ii      qui    <  h  ippropi  1< ml  i  bai  un  une  pti •  ■•  X|»' 

îToiôv,  <ï.  $upra  i X .  i  ».  i  n  note  | 
•    |âui  le    ■  ni  i" ■  ri     d<  -  mi •  • 

>ur    L'opposition    de    I      nu.         ..    I      ,un       i..i>  uni  -t  I  ■  I .  ■     .111 

r  [ppendiet,      Voir  tupra  l\,  Bj  lia  d<  \-  loppomenl  an  i 
I <  un. ii  :  (cou  «'il'1  prend  une  figure  'l' terminée.  »] 
',.  [Goual       Dans  1<  -  i  botes  oju  m  d'énunx  i 

telles  que  le  souffle  et  ce  qui  l<    lupportc,  sont  dépourvues 
relaUooi  lea  unei  avec  lei  auta  -,  bien  que  maintenues  ensemble  par  l'intclli 
et  par  l'action  de  la  pesanteur,  m       Voii  les  notes  lulvantes.] 

i  es  mura,  lea  montag  nés  et  ch  -  la 

propre  de  chaque  chose,      enfin  les  diverses  âmes  raisonnables  dont  ls  pn 
cédente  éveille  l'idée,  sans  l'exprimer,  —  voilà  ce  que  semblent  i   préai  i  l  r 

e»;.  Connue,  en  fait,  le  corps,  ls  nature,  l'âme  raisonnable  d  tmaJi 

que  les  éléments  «>n  les  parties  «l'un  être,  il  est  difficile  de  ne  pas  (aire  équivaloir  rôu< 
a/./.a  [lipt]   :mv  etpi)uivc*v  à   Ta...    ùV/a   lû\ 

considérer  c&v  slpY)pivu>v  comme  «m  génitif  partitif.  Peut-être  aussi  - 
représentent  il  pu;,  où?fx,  •l'jyj,,  el  aurait-on  l«'  droit  d'entendre  ;«  In  1  «  1 1  r-   par  les 
premiers  mois  de  la  phrase  en  question     les  diverses  parties  de  ls  lumière  unique, 
de  la  malien-  unique  et  de  L'âme  unique»,  ;>   l'exclusion  de  celles  de  r    unique 
raison  ».    Mais  on   reconnaîtra  qu'en   ce  cas   il  eût  été  plus  simple  et   plus 
d'écrire  t*...  [liprj  rôv  xXXcov  Etp7j(xévwv  que  Ta...  a/./ a  [iip*]  Tôr/  av.] 

6.  |Sur  le  sens  du  mol  uicox£{|isvov,  cf.  supra,  p.  io5,  note  2.] 

7.  ['Avou'<rOY)To;  s  ici  Le  même  sons  qu'à  la  pensée  X.,  8: 1 

Xfav    èexiv    xvatffO^xou   xxt    piXo^ugeu.     L'attribution    constante,    dans    les    Pensées 
(supra    Y,   16,    avant-dernière  note),  de  la  sensation  au  «corps  a  <>n   au    1  souille 
empêchait  de  traduire  ici  ivatfrônyco;  par  "  insensible».] 

8.  [J'ai  ajoute  dans  la  traduction  le  mot  «semblables»,  qui  n'est  pas  exprimé  en 
grec,  pour  préciser  le  sens  de   ce  passage.    Si   l'on   peut  être  embarrassé  (voir  trois 
notes  plus  haut)  pour  expliquer  isolément   les  mots  ptépt]  et  e'o^jlévco/.  I-  \  pression 
Ta  aXXat  [xspr(  t<ov  glpT)uivw  est  en  somme  assez  nette,  grâce  aux  exemples  qui  suivenl 
(7iv£-jpLaTa  xa\  uicoxetpsva).    De  quelque  manière  qu'on  en  rende  compte,  il  ne  me 
semble  pas  douteux  qu'il  t'aille  entendre  par  les  mots  Ta  a /./.a  pépi]  xxX.  les  part 
matière  inerte  et  les  souilles  qui  entrent  dans  la  composition  des  êtres  ou  des  choses 
Ce  sont    ces   parties  de   matière   et  ces   souffles   qui    sont,    nous   dit   lian  -  kurèle, 
«étrangers  les  uns  aux  autres.')  Dr  ceci  peut  s'entendre  île  d<     1  -  bien, 
l'auteur  a  voulu  dire  que  dans  le  même  vivant  le  souille  est  sans  rapports  ai 
corps;  ou  bien  que  le  souille  de  Dion  est  aussi  étranger  au  souffle   de  Théon   que 
le  corps  de  Platon  est  indépendant  du  corps  d'Euripide.   De  ces  deux  explications, 
une  seule  est  d'accord  avec  la  doctrine  de  Marc-Aurèle,  avec  le  bon  sens  et  avec  le 
contexte.  Il  est  sûr  qu'ici  dtvotxetaxotTOt  àXXr,Xot;  s'oppose  à  ïr..  xè  éuéq  ETai 
qu'on  rencontrera  dans  la  dernière  phrase.] 

9.  [Le  texte  des  manuscrits,  xàxsSva  tov  voCv  ruvl^et,  est  absurde.  M.  Couat  avait 
admis  la  correction  de  Gataker,  to  vooOv.  La  lecture  pins  récente  de  M.  Rendall, 
to  âvoOv,  que  j'ai  traduite,  rappelle  très  heureusement  à  la  lin  de  la  pensée  l'idée 
exprimée  au  début  de  chacune  des  quatre  première-*  phrases  par  les  mots  =v  et  u/'a.  — 

4..    coi  at-i\   roiRMEii.  i- 


■j'-yS  MBLIOTUÈQUE    DES    UNIVERSITES    m     MIDI 

sens1.  \u  contraire,  la  pensée  tond  naturellement  vers  ce  qui 
esl  de  même  origine  qu'elle,  e!  b  >  attache,  Bans  que  celte 
sympathie  cl  celle  union9  rencontrent  aucun  obstacle. 

31 
Ouc  demandes  In?  Prolonger  la    vie?  Tu  demandes  donc  de 

sentir,  de  désirer,  de  grandir,  puis  de  dégénérer 3,  de  parler, 
de  penser?  Qu'j  a  I  il  dans  loul  cela  qui  paraisse  désirable? 
S'il  esl  Facile  de  mépriser  chacun  de  ces  [prétendus]  avantages, 
cherche  donc  le  bien  suprême  i,  qui  est  de  suivre  la  raison  et 
Dieu.  Mais  il  est  contradictoire  de  mépriser  ces  choses  ">  et  de 
gémir  lorsque  la  mort  nous  en  prive. 

32 
Quelle  faible  partie  de  la  durée  infinie  et  insondable  a  été 
attribuée  à  chacun  de  nous!  Elle  s'évanouit  bien  vite  dans 
l'éternité.  Et  quelle  petite  partie  de  toute  la  matière  !  Et  quelle 
petite  partie  de  l'àme  universelle!  Et  sur  quel  grain  de  la 
terre  tout  entière  rampent  tes  pas 6!  Réfléchis  à  tout  cela,  et 
ne  t'imagine  pas  qu'il  y  ait  rien  de  grand,  si  ce  n'est  d'agir 
suivant  ta  nature  et  de  supporter  ce  que  t'apporte  la  nature 
universelle. 

Sur  le  sens  de  ffvvr/eiv,  cf.  supra  VI,  i'i,  i*  note,  (in.  En  général,  ce  verbe  est 
employé  dans  la  définition  des  êtres  individuels;  mais,  ici,  Marc-Aurèle  ne  considère 
qu'un  seul  vivant,  le  monde.] 

i.  [11  y  a  ici  une  inexactitude,  qu'on  ne  pense  pas  d'abord  a  reprocher  à  l'auteur, 
parce  que,  pour  nous,  il  est  établi  que  l'ascension  des  vapeurs  dans  l'air  plus  lourd 
est  encore  un  effet  de  la  pesanteur.  Pour  Marc-Aurèle,  la  force  ascensionnelle  des 
gaz  est  distincte  de  la  pesanteur,  à  laquelle  sont  soumis  les  solides  et  les  liquides 
i supra  \,  i>0,  lin  ;  XI,  ao,  début).  Il  aurait  donc  dû  les  nommer  ici  toutes  les  deux.] 

?..  [Couat  :  «cette  tendance  à  la  solidarité.»  —  L'expression  xoivamxbv  7:iÔo;  est 
évidemment  synonyme  du  mot  <7--»u.~â6î'.a,  employé  et  défini  dans  une  pensée  qu'il 
faut  rapprocher  de  celle-ci  (IX,  9,  0e  note.] 

3.  [tb  av.-e'.v  a-jOi:.  M.  Uendall  (Journ.  of  PfiiL,  XXIII,  p.  1G0),  qui  corrige  X^yeiv 
en  XÉyetv,  prétend  retrouver  ici  rémunération  de  toutes  les  facultés,  sauf  la  «raison 
séminale»  (cf.  supra,  p.  50,  en  note).  Cette  seule  omission  serait  bien  surprenante, 
et  le  rapprochement  de  Xsyew  et  de  porâ  /p^Oat.  quel  que  soit  d'ailleurs  le  sens  de 
/iyîiv,  me  semble  inadmissible.  Je  garde  donc  Xr(y£'.v,  en  avouant  qu'on  ne  peut 
guère  le  comprendre  sans  en  détourner  légèrement  le  sens.] 

l\.  |La  liberté.  Cf.  supra  VII,  0;,  derniers  mots,  et  les  autres  textes  cités  dans  la 
note  correspondante.  | 

5.  [Couat  :  «  ces  biens.  >>  —  En  écrivant  ici  le  verbe  «  mépriser»,  M.  Couat  indique 
qu'il  a  lu  à-rt[xav,  et  non  nuav.  Cette  belle  conjecture  lève  toutes  les  difficultés  du 
passage.  Il  était  invraisemblable  que  les  pronoms  Tavta  et  avttbv  exprimassent  deux 
choses  différentes.] 

6.  [Cf.  supra  IV    3    V,  sV,  VI,  30,  etc.] 


I    I  I    I  M         M  I    | 

33 

(  Somment  is  i  •  impoi  le  !<•  pi  Incipe  dirigeant   d<    l  n       u 
i oui  est  là.   Le  re  le    que  '"  le  \ raille    "<i  non,   d  i      'i". 
oacUn  rc  et  fùmëe  ' 

34 

Même  ceux  '  <i"i  considèrent  i«-  plaisir  comme  an  bien  et  Is 
d  nu  leur  comme  mi  m, il  oui  cependant  méprisé  i'  mort  Est  il 
rien  qui  puisse  mieux  noua  encourager  à  la  mép 

35 

Celui  qui  pense  que  cela   seul  est  bien  I  qui  arrive  en 
saison,  et  à  qui   il  est   indifférent  d'avoir  accompli  plus  on 
moins  d'actions  conformément  à  la  raison    droite  ,  et  d'avoii 
regardé   le   momie  plus  ou   humus   longtemps  5,   celui-là   ne 
crainl  pas  non  plus  la  mort. 


36 

Homme,  tu  as  élé  citoyen  de  cette  grande  cité  :  que  t'im 
porte  de  l'avoir  été  pendant  cinq  ans  ou  pendant  trois  ans? 
Tout  ce  qui  est  conforme  à  la  loi  est  égal  pour  tous.  K<\  -il 
donc  si  terrible  d'être  renvoyé  de  la  cité,  non  par  un  tyran 
ni  par  un  juge  injuste,  mais  par  la  nature  qui  t'y  avait 
introduit?  C'est  comme  si  un  chorege'»  congédiait  de  la  scène 
l'acteur  qu'il  y  avait  reçu!  «Mais  je  n'ai  pas  joué  les  cinq 
actes  de  la  pièce,  je  n'en  ai  joué  que  trois.  —  C'est  vrai;  mais, 

i.  [Cf,  supra  \,  3i,  note  3.] 

3.  [Couat  :  «  Los  philosophes  qui...  »] 

3.  |Couat  :  u  ont  cependant  méprise  la  douleur.  Est-il  rien  qui  puisse  mieux  nous 
encourager  à  mépriser  la  mort?  »  —  Pierron  :    «Une  chose   peut...   nous  exciter  au 
mépris  de  la  mort....  c'est  qu'ils  ont  pourtant  méprisé  la  volupté.  a  —  Mare-Aurèlc  : 
Tzpbz  Oavârov  xataçpQvq9iv  èvspYtxioTSTOV,  8n  xai  o:  tt,v   qoovvp  &|jrttun  /.a:  -. 
xaxov   xp{vovTE:,    olko:   to-J-to-j    y.aTispovr.Tav.  A  quoi    se    rapporte    covro'jî  à    à- 
à  Tuôvov  ou  à  Oavâxo'j?] 

h.  [Cf.  supra  IV,  a3.] 

5.  [Cf.  supra   VI,   20  ;   \1,    1,   etc.;  eu  dehors  des  Pensées,  toute  la   lottre  «,. 
Sénèque  à  Lucilius,  et  Plutarque  (Comm.  not.,  8  :  àyaOov  ô  */pô/o;  oOx  a, 
txsvo:.  Cette  doctrine  est  opposée  à  celle  d'Aristoie.  Elio  esl  peut-étee'eo  contradiction. 
comme  l'a  noté  Plutarque,  avec  une  proposition  de  Chrysippe,  cousidéranl  comme 
sans  valeur  un  bonheur  ou  une  sagesse  d'un  moment.] 
G.  [Conjecture  de  Nauck  :  yisrs;6;  pour  trcparrrpç.] 


a60  MBLIOTHISQfB    DES    UNIVERSITES    Dt    MIDI 

dans  la  vie,  le  drame  loul  entier  n'a  que  trois  actes.  Celui  qui 
en  détermine  la  durée  complète  esl  relui  qui  a  jadis  fait   le 

coinpost-  dont  tu  es  tonné  et  <|ni  maintenant  le  dissout:  lu  n'es 
l'auteur  de  rien  de  tout  cela.  »  Va-t'en  donc  de  bonne  grâce. 
puisque  celui  qui  te  congédie  est  bienveillant1. 


i.  [La  même  mot  fXttfç  admel  leadeui  tenade     souriant»  et  de  «bienveillant 
Cf.,  d'une  part.  11,  3;  III,  iô;  IV,  ',«,  etc.;  d';mtre  part,  IV.  37;  \.  30.] 


APPENDICE 


i  m  nota  « 1 1 1 1  suivent  N  ont  pu  en  ration  de  leui  1 

.i  leur  pia»  <•.  ^(»u>  le  texte  ...n  etpondanl 

m.  161  i '  note  page  '» -i.  noti 

7.    [COU  Intelligent  •  .         -    I  >n  V6I  r.i  I  ||  Q 

koul  i«'  ooun  de  oel  11  ticl<  |  ,,.  int*  ih.  a 

Marc  \  1 1 1-.  - 1  •  -  distinguo  formellement  on  plutieun 
nablc  de  l'Ame  raisonnable,  la    ^>//.  ou   | 

(VI,  1  '1 J  IX,  B;  X  I.   ;m.  X  1 1  qui  ne  l'emporti    pas  «l-  confond! 

l'homme  l'Ame  1 1  la  raison,  el  de  design*  r  a  lie  d<  rni<  re  Indiff  n  mmi  ni  du  n<»rn  <j.- 

ou  de  1  oui  'i  t  d  Cl    l'avant  dei  ni<  n  n 

imis  i\ .  ri  ;  VI,  3  ■.  el  les  autres  passag<  -  "ù  il  opj  1  l'homm 

Nous  avons  l'occasion  de  concilier  ces  deui  groupes  de  lextei  en  donnant 
•!/v/r,  l'acception  la  plus  étendue.  Il   doil  <i<~ilii.i 
nous  <l< ivons  considérer  que  la  raison  n'esl  qu'un-    partie       I 
est  vrai       •!<'  l'Ame  raisonnable.  I  ette  explication  ne  *  mbl<    soûl  me  -iiiii- 

culte;  elle  est,  d'ailleurs,  confirmée  par  ce  qui  suil  :  L'homme  1  m  -  insiiiM  ti  1  omrni 
l'animal;  l'Ame  raisonnable,  ses  mouvements  comme  l'Ame  d 
mots  'v-/r,:  opinât  (l'MNt'iii  pouvoir  s'appliquer  aui  bétes  el  1 

En  interprétant  aussi  largement  le  second  mol  de  la  1  11  loti  rdlaons 

de  voir  dans  l'énumération  où  il  se  trouve  soit  t*annon<  •  el  le  pria  ip  d'une  l. 
chie  des  êtres,  soit  une  analyse  d<-  l'être  humain.  Ces  deui  explications  supi 
effet,  qu'on  fie  définit  •l^/jl  <ju<'  par  opposition  à  voSç,  el  qu'on  prend  i«  I 
dans  le  sens  restreint  d'Ame  animale  ou  d'Ame  vivante. 

La  première  «'-t  proposée  par  M.  Couat.  Dans  un.'  note  aui  m 
r/îiv  èici ta  potivâu>eva  xat8f,xovra,  où  il  défend   le  texte  traditionnel 
il  prétend  que  Marc-Aurèle  distribue  ici  les  êtres  en  quatn  _  r«  •  1 1  j »•  -  :  ■    1    ceux  qui 
n'ont  que  des  sensations;   •'  ceux  qui  onl  uV>  tendances,  el  parmi  1  ux  U  1  monstres 
comme  Phalaris  el  Néron;  3    ceui  qui  possèdent  l'intellig<  1  plutôt  ! 

an  nombre  desquels  se  trouvent  même  les  criminels  el  les  gens  vicieux;  I   le 
dont  le  privilège  n'est  pas  la  possession  exclusive  de  «  l'intelligen  -dire  de  la 

raison), «  niais  la  vertu.  »  —  Je  n'insisterai  ni  -ur  l.  ;    \  I.  1  \  ■ 

d'une  telle  doctrine  avec  îles  textes  >ùrs,  ni  sur  l'impossibilité  d<-  concevoir  un 
capable  de  sensations  et  sans  instincts,  ou  de  fonder  en  raison  la  prétendue  supé- 
riorité des  bètes  du  cirque  >ur  celles  de  la  ferme,  ou  d'attribuer  <ni\  hommes     qui 
osent    tout   faire»   un   principe   directeur  qu'on    refuse   aux   hommes  qui    font   les 
femmes.  Il  me  suffira  de  faire  valoir  contre  l'interprétation  de  M.  Couat  l-l-i 
que  soulève  le  premier  mot  de  la  pensée:  >i  en  tout  objet  et  en    tout    être 
IX,   2o  et  ailleurs)  il  faut  distinguer  le  principe  efficient  «le    la  niati. 
le  principe  efficient  seul  qui  définit,  c'est  par  puai;  ou  E|t;(ia/ra  VI,  i4)ei  non  par 
Twaa,  que  l'énumération  eût  dn  commencer:  par  le  nom  de  ce  qui  détermine  les 
choses  inanimées,  non  par  celui  de  ce  qui,  dans  l'animal  et  dans  l'homme,   est   la 
matière  inerte. 

H  peut  paraître  plus  légitime  de  chercher  dans  le  rapprochement  des  troi>  mots 
sàijia,  'V-r/r,,  vqC:,  une  analyse  de  l'être  humain.  San-;  doute.  Marc-Aurèle  accepte,  en 
général  (j'ai  cité  les   textes   au  début  de  cette  noie»,   la   division   traditionnelle  de 


afÎQ  B1BMOTHKQUE    DES    imviumii's    DU    MIDI 

l'homme  en  corpi  ••!  en  filme  (c'est  à  dire  en  âme  raisonnable):  même  il  lui  arrive 
de  ramener  l'opposition  de  l'âme  el  <lu  c  *pi  ;<  celle  »!<'  It  cause  ou  forme  ei  de  le 
matière  (infra  IV,  n,  note  finale,  et  IV,  40), —  entre  lesquelles,  du  moins,  il  est  sûr 
qu'il  n'\  .1  pai  place  pour  un  troisième  principe.  Mais  <>n  peul  aussi  trouver  dans 
certaines  Pensées  (II,  >;  VIH,  '><>:  XII,  5),  antre  les  nom-  du  corps  h  «lu  principe 

eant,  celui  d'une  autre  partie  constitutive  de  l'homme,  !<■  •  louffle      itvtvu-dh 
dans  d'autres  {infra  l\.  ',,  noie  finale;  \l,  20,  r*6ûi.),  la  Qamme  (i  8*ov 

il  Jointe  nillf.  «•!   l<-  mélange  <!<•  ces  deui  élémenti  distingué* 

de  1,1  raison,  <|ui  semble  ainsi  considérée,  malgré  les  dénégations  de  Zenon,  comme 
une  quinta  natura.  Il  pareil  assex  naturel  (infra  V,  33,  note  finale)  «le  reconnaître  en 
ce  souffle  <-t  cette  Qamme  l'Ame  animale  qui  esl  en  non-  ;  et,  par  suite,  aaaei  aisé 
de  rameneT  ce  nouveau  i> :i  1 1 ;i ^ » •  de  l'homme  à  la  division  traditionnelle  en  corp< 
el  en  âme:  c'est  cette  dernière  qui  est  dédoublée  en  âme  animale  ei  en  raison.  On 
peut,  dès  lor^,  se  demander  si  la  partie  n'a  pas  reçu  Ici  le  nom  du  tout;  si,  par 
opposition  à  la  raison,  'î/v/r,,  devenu  synonyme  de  wvevjiàTtov,  ne  peut  pai 
ici  l'âme  animale,  —  de  même  qu'ailleurs  (infra  I\,  3,  7"  note;  V,  33,  note  finale  . 
p;ir  opposition  au  souille,  il  désignera  la  raison:  les  deux  énumérationi  ffMffcdtrtOv, 
irveu|idtTtov,  voOç  (XII,  3)  et  <7ô)u.a.  'l-jyr,,  voOç  veulent  au  moins  être  confrontées.  — 
Or,  l'assimilation  de  l'une  à  l'autre  esl  interdite  par  les  mots  'Jo/r,:  ôp;j.ac,  du 
moment  que  dans  la  pensée  (XI,  ao)  OÙ  «  l'air  et  la  flamme  »  sont  peut-être  le  plu^ 
nettement  séparés  de  la  raison,  c'est  à  celle  dernière  que  Marc- Aurèle,  comme  tous 
les  Stoïciens,  attribue  non  seulement  nos  instincts  droits  et  nos  sentiments  raison- 
nables, mais  aussi  nos  passions,  c'est-à-dire,  en  somme  (voir  deux  notes  plus  bas), 
toutes  les  6pjj.at,  bonnes  ou  mauvaises,  qu'on  n'observe  que  dans  l'homme.] 

Même  pensée,  note  finale  (page  45,  note  S): 

'1.  [J'ai  réservé  pour  une  note  finale  l'examen  de  la  conjecture  de  Gataker  que 
If.  Couat  avait  adoptée  d'abord  (cf.  quatre  notes  plus  haut).  Elle  est  certes  élégante 
et  séduisante:  très  simple,  puisqu'elle  se  réduit  à  la  transposition  d'une  ligne;  très 
claire,  puisqu'elle  laisse  aux  mots  leur  acception  naturelle.  Je  n'en  pui-  mieux 
montrer  les  mérites  qu'en  empruntant  au  premier  manuscrit  de  M.  Couat,  pour  la 
reproduire  ici,  la  traduction  de  tout  ie  passage  : 

«  Etre  tiré  en  sens  divers  par  l'instinct  est  aussi  un  privilège  des  bêtes,  <!<■*>  indro- 
gynes,  d'un  Phalaris,  d'un  Néron,  de  ceux  qui  ne  croient  pas  aux  dieux,  de  ceux  qui 
trahissent  leur  patrie,  de  ceux  qui  osent  tout  faire,  une  fois  la  porte  fermée.  Si  ces 
facultés  appartiennent  aussi  aux  diverses  catégories  que  j'ai  nommées,  quel  est  donc 
le  bien  propre  à  l'homme  vertueux  ?  C'est  de  prendre  pour  guide  sa  raison  dans  la  pratique 
de  ce  qui  lui  apparaît  comme  le  devoir,  d'aimer  et  d'accueillir,  etc.  » 

Mais  cette  lecture  n'appelle -t Jéi\e  pas  quelque  objection?  Dans  une  note  qu'il  est 
inutile  de  reproduire  en  entier.  M.  Couat  lui  reproche  d'abord  de  n'être  qu'une  conjec- 
ture :  et  cette  critique  est  sans  réplique,  si  la  correction  n'était  pas  nécessaire.  -  En 
second  lieu.  Gataker  aurait  eu  le  tort  de  sacrifier  la  c  hiérarchie  des  êtres  ».  J'ai  cité 
plus  haut  (r«  note  de  la  pensée)  les  termes  mêmes  de  l'objection  et  essayé  de  montrer 
qu'elle  ne  portait  pas.  —  Nous  n'avons  donc  à  examiner  que  le  premier  grief:  la 
correction  serait-elle  inutile? 

«  Le  texte  traditionnel,  »  écrit  M.  Couat,  a  ne  parait  pas  d'abord  d'une  interprétation 
facile.  Les  athées,  les  traîtres,  les  débauchés  ont  l'intelligence,  [même  la  raison,]  mais 
s'en  servent-ils,  comme  l'aurait  prétendu  Marc-Aurèle,  «  lia  :à  patvéuava  xaQjjxovTa  »? 
Il  est  impossible,  dira  ton,  qu'il  ait  pu  s'exprimer  ainsi.  —  Si  l'on  traduit  ces  mots, 
comme  je  l'ai  fait,  par  «  ce  qui  leur  paraît  convenable  »,  le  sens  est  satisfaisant.  Le 
mot  xaÔr(xov  diffère  essentiellement  d'àyaObv  et  a  un  sens  très  relatif.  La  classe  des 
xaOr.xovTa  comprend  bien  des  degrés.  En  ajoutant  au  mot  y.aOr.xovTa  le  participe 
yatvôtjLîva,  Marc-Aurèle  en  a  encore  atténué  la  signification,  au  point  de  l'identifier 
presque  avec  le  mot  Ta  TvusÉpovTa,  l'utile.  Je  reconnais,  d'ailleurs,  que,  dans  les 
autres  endroits  où  l'auteur  emploie  le  mot  y.aOr.xov,  il  lui  donne  le  sens  de  «ce  qui 
convient  à  l'homme  de  bien»,  c'est-à-dire   «  le  devoir». 

Si  favorable  que  soit  ou  semble  être  cet  aveu  à  la  conjecture  de  Gataker,  je  n'hési- 
terais pas,  pour  ma  part,  à  l'aggraver  en  distinguant  l'usage  de  Marc-Aurèle  de  celui 
des   autres    Stoïciens,    au   moins  des   Stoïciens  dont   Diogène  (VII.    107)   et   Stobée 


kiih  i 


i  /  cl   II. 

lui  laola    •  -I' 

,i.,  s ,.  ,ii.        -il  i  ,  loqu<  • 
i,  i  m.  i      i  u|      qui   i 

,  ,,!,,      ,  |  :  m,i,  Mal    M  11      \'ti.  i- 

IN  i,   noi  II  i  m.  «  >  >  ■••■  'i  m«  ni  .!• 

para    qui  I  "i.  t.  i  m.    ,i,    i..  moi  ftl<    i"    tlqn  I«  "■ 

lombl  Int  n        kfan    turele,  el  i  lin  k  »  n 

llMlllllll-       I   .M   «         <     I       .ll\    III     I 

tdmettoni  don<  qu<    poui   Man    iuri  i 
mm,p  (infr*  \  il.  iS,  nota  Bnali  H  " 

moins  poi  un-  de  fair<    une  notable  dlflî  n  n. 

i .  j.-  demandi      i    I     o  Ici  Mai     lurl  la  qui  i,n  '"  •  " 
plutôt  les  tthéet,  Ica  traîtres,  loi  pire    di  qu'il  f -•  •  t  pai  loi     II  • 

que  lai  mémoi  moii  ne  doivent  poi  ni  ivoii  poui 
pour  lui,  encore qa'Ui  en  pumuni  donner,  eux  >>  lui,  lu  n 
appelaient  xa69jxov  l'acte  qui  to  Justifie  comme  fondé  on  raison,! 

-,-,v;  (Dlogène,  \  II,  >■•-  l  :  or,  <»n  ne  peut  douta 
Iraitrei  ne  trouvent  toujours  •  !<•  bonnes  raisons  pour  rendre  i  ompte  <\<  I  luili 

Plus  haut  (III,  6,  fin),  Man     lurèleadû  s'expliquer  sur  lo  mol  Ileal 

possible  d'équivoquer  sur  xaOTixov  i""i  aussi  bien  que  lui 

Bft,  malgré  ces  explications,  -dont  le  grand  loti  esl  sans  douti 
saires,  —  «>n  ge  rallie  au  texte  de  Gataker  pour  conservei  avs^xw  le  seos  strictde 
«devoir»,  il  n'est  pai  douteux  qu'il  faille  Ici  traduire  vrô<  ptr     raisoi  4  que 

par  «  intelligence  •>.  Car  c'esl  la  i  raison  o  <iui  aide  ''"  devoir.  Mais  n»  i  qui 

respectent  le  tr\t<'  traditionnel  m-  sauraient  interpréter  autrement  le  nu 
cause  ,i<>  l'axiome  vo\3  SéYuara.  Il  se  peut  <|n'il  y  ait  dea  trattrei  et  d<  que 

noua  nous  trompions,  que  m^  «jugements»  (&6y\Laxai)  aient  besoin  d\ 
(cf,  \  III,  '»;  :  8cop0<5*ott  to  oôvixa,  —  I\.  *)î  <"<"'  '■  M 

pari,  île  ces  jugements  <ùr-  qui  règlent  la  conduite,  les  «  principes  i  ou  les  <  maxii 
(supra II,  3;  III,  i3;în/rnIV,  i6;VH,  s,  etc.) qu'à  l'imitation  deJuvéneJ  (XHI,  iai  : 
stoïca  dogmaia)  un  peut,  en  français  comme  eu  latin  et  en  -  ro  ,  sppej  i 
or,  pour  peu  qu'on  pense  aux  dogmes    t-;  comment  n*j  paa  penser  lorsqu'on  lit  le 
mot  ooYfxaTa:1)?  dira -t- on  que  c'est  de  r  •  intelligence  n  ou  de  la    i  raison     que  bous 
viennent  (ou*  nos  jugements?] 

IV,  si,  ir*  note  (page  6o,  note  4): 

\.  [Gouat:  a  Si  les  âmes  ne  périssent  pas.»  —  Cette  traduction  était  déjà  celle  de 
Pierron.  Prise  dans  son  sen<  usuel  et  chrétien,  une  telle  expression  ne  peut  manquer 
d'éveiller  l'idée  d'une  âme   immortelle,  gardant  à  jamais  dans  une  autre  vie 
identité  et  la  conscience  de  son  identité.  Or,  pour  les  Stoïciens,  l'àme  est  matéri 
et  la  somme  de  matière  invariable  dans  le  monde  Uni;  d'où  il  suit  que  la  multipli- 
cation et  la  persistance  des  âmes  doivent  être  limitées;  sinon,  l'univers  finirait  par 
n'être  plus  qu'une  somme  d'âmes,  et  son  histoire  se  bornerait  là.  Tôt  ou  tard,  fût    ■• 
à  la  sortie  du  corps,  fût-ce  au  jour  de  l'embrasement  unher^el.  il  fallait  donc  que 
chaque  âme,   sans  être  anéantie  cependant  (car  rien  ne  disparait  dans  le  non 
ovSkv  s::  to  (xr(  Ôv  iulpxexat  :  IV,  \\  ou  çOs'.psra'.  :   V,   i3),  trouvât,  pour  ainsi  parler, 
un  emploi  nouveau,  —  bref,  subît  un  changement,  où  ^ombrât  son  identité.  Distinct 
pour  la  plupart  des  Stoïciens  île  la  mort  de  l'homme,  qui  n'e^t  que  la  réparation  des 
deux  principes  qui  le  composent,  ce  changement  (;jL£7aoo/.rè  ou  àX>ofe»<rt;)  -  «   vrai- 
ment la  mort  de  l'àme  :  Xeréofa  ok  cp6£:p£<j6a:  crr.aavT'./.tb:  toC  arillotoûatai    V 

La  présente  pensée  est  une  théorie  de  la  survie  et  de  la  mort  de  l'àme.  Le  com] 
ô:ati£v£tv,  qui   exprime  ici  l'état  de  l'àme  survi  ante,  y  reçoit  donc  une  tout  autre 
signification  que  le  simple  ;jl:vz:v  à  la  pensée  VIII,  iS,  qui  commence  ainsi  :  u  Ce  qui 
est  mort  (-h  àr:oOavb^)  ne  tombe  pa<  hors  du  monde.  S'il  y  demeure  (si  '^oe  [lêvei),  c'est 


<»,',  HIBLIOTHBQLI     i>i ;S    U!UVEKSITÉS    i » i      MOI 

poui   chani    i  l      texte,   en  effet,  n'est  que  le  corollaire  de  l'axiome  célèbre: 

In  iiiliiliuit  fiil  po$$6  reverti,  et  r i *.« 1 1 î r 1 1 1 < -  que  l'éternité  d'un  leul  être,  le  monde,  i 

envient  à  ce  qui  fut  l'homme,  quand  l'homme  n'esl  plu-  ;  il  se  d 
de  même  «i«-  ce  qui  fut  l'âme,  après  la  moii  de  l'âme.  Jusque  i  i  [u'on 

emploiera.  Le  aujel  (x:.  Vy/y.  et  non  tb  ïiroOavov)  suffirait  ici  à  fixer  le  lem  du  verbe. 
Le  i"  j   ;•.  d'ailleurs,  sa  râleur  propre  ($ià,  à   travers;  8tau£vtcv,  rester 

à  traven  les  choses  qui  changent  t.  qui  se  pr<  i  ise  i  la  troisième  phrase  de  la  pen 
où  alternenl  comme  synonymes  les  deui  expressions  yi-y.  icoeijv  ::va  Mttâtot|t<f 
et  T/rj.'./ïTa:  Itn icoeov.  8i  le  préflx<     -    n'ajoute  rien  de  plus  au  sens  de  liap 
que  le  moi  «encore)   au  sens  <hi   moi   «restei  ■  .  el    -i    le   préfixe  aw-  lignifie  la 
constitution  ou  le  maintien  «l'un  tout,  8ta  pour  l'Ami 

non  seulemeni  rester,  mais  rester  l'âme,  el  encore  vivre,  —  la  survivance  n'étant  pas 
l'immortalité. 

Le  lieu  de  cette  survivance  esl  le  ciel,  le  «ici  qui  enveloppe  la  terre  el  contient  les 
astres,  le  <  i«  i  qui  comprend  à  la  fois  l'air  et  l'éther.  C'esi  dans  ce  sens  ti 
mais  non  insolite,  qu'i]  convient  de  prendre  le  mot  «air»  employé  ici  par  Marc- 
Aurèle.  Pour  la  commodité  <le  leur-  raisonnements,  les  Stoïciens  ont,  en  effet,  volon- 
tiers réparti  en  deux  groupes  les  quatre  éléments:  à  la  terre  et  à  l'eau,  <{  1 1  i  consti- 
tuaient pour  eux  comme  le  corps  du  monde,  ils  opposaient  l'air  el  le  feu,  qui  en 
étaient  comme  l'âme  (Xeller,  Phil.  der  Gr.,  1113,  p.  i84).  Bien  que  Marc-Aurèle  ait 
parfois  (supra  IV,  4,  note  finale)  ;*  <  1 1 1 1  i  --  dan-  l'homme  comme  un  cinquième  élément  ; 
bien  qu'à  la  fin  de  la  présente  pensée  les  mots  to  àiofoos:  r,  KUpâ&tC,  qui  évidemment 
ne  sauraient  exprimer  pour  lui  la  matière  d'une  âme  raisonnable,  impliquent  la 
même  hypothèse,  il  n'hésite  pas  à  faire  ici  la  simplification  do  langage  admise  dans 
l'école.  Il  la  fera  encore  au  livre  \  (art.  7),  lorsqu'ayant  dit  que  chaque  élément  de 
l'homme  retourne  à  son  semblable,  il  se  contentera  de  nommer  l'élément  solide  ou 
terrestre  et  l'élément  volatil  ou  aérien. 

Quant  à  l'idée  «le  la  survivance  temporaire  des  ùmes,  elle  est  antérieure  au  Por- 
tique :  Cébès  l'expose  à  sa  manière  dans  le  Phédon  (86  D  -  88  G;  cf.  g5  C  :  ocf)ava<T''xv 
jxàv  fj.TQ,  TtoA'j/pôv'.ov  os).  Sauf  quelques  dissidences,  elle  devint  courante  parmi  les 
Stoïciens  qui,  prolongeant  la  survivance  au  besoin  des  siècle-  et  des  siècles,  sans 
compter  (cf.  Zeller,  Phil.  der  Gr.,  1113,  p.  2o3),  purent  se  contenter  de  cette  sanction 
morale.  Et  il  est  \rai  qu'ils  ont  réussi  sans  trop  de  peine  à  concilier  cette  hypothèse 
avec  leurs  dogmes  et  à  l'introduire  dans  une  métaphysique  qu'en  somme  elle  ne 
contredit  pas.  Mais  c'est  pour  des  raisons  étrangères  au  système  qu'ils  l'ont  tenté. 
Si  celles-ci  n'avaient  pas  eu  à  leurs  yeux  l'importance  qu'ils  leur  ont  donnée,  il  leur 
eût  siii-  doute  été  plus  facile  «le  laisser  mourir  l'àme  de  la  même  façon  et  en  même 
temps  que  l'homme  lui-même. 

Car,  même  dégagée  du  souffle  que  nous  aspirons  et  rejeton-  -an-  cesse,  et  que 
Marc-Aurèle  s'est  parfois  (II,  2)  complu  à  avilir,  elle  n'est,  pour  les  Stoïciens,  pas 
plus  que  l'homme,  quelque  chose  de  simple.  A  côté  de  textes  (cités  dans  Zeller,  Phil, 
der  Gr.,  III3,  p.  iy5,  note  2)  qui  la  définissent  d'un  seul  mot,  soit  nOp,  soit  uvsCfjLa,  et 
dont  la  contradiction  permettrait  déjà  de  se  la  représenter  comme  une  matière  mixte 
(«  intlammata  anima»,  écrit  Cicéron  dans  les  Tusculanes,  I,  9,  19),  d'autres  nous  la 
donnent  expressément  pour  un  composé  d'air  el  de  feu  (Alexandre  d'Aphrodisia-. 
de  .in..  127  G  :  7ivs0u.a...  eruyx£''(JL£vov...  ex  -.1  nvpo;  xx\  asoo:).  Pour  Marc-Aurèle, 
nous  le  voyons  ici  même  (à  la  lin  de  la  pansée),  cet  air  et  ce  feu  ne  sont  que  l'àme 
animale;  et  il  y  a  encore  en  non-,  à  côté  d'eux,  la  raison,  faite  d'une  matière  plus 
subtile  et  plu-  pure.  Tout  cela,  d'ailleurs,  se  renouvelle  sans  cesse  en  nous,  l'air  et 
le  feu  par  tes  xXXotcucrei;,  la  raison  par  xva6ufiia<nç  (  V,  33,  V  note). 

On  -e  souvient  que  Platon  concluait  de  la  simplicité  à  l'immortalité  de  l'àme. 
Si  l'àme.  au  dire  tics  Stoïcien-,  e-t  un  mélange,  elle  pourra  périr  d'elle-même, 
comme  l'homme,  par  dissociation  de-  éléments  dont  elle  se  compose.  «  Tout  ce  qui 
participe  à  une  nature  commune  est  attiré  \ers  son  semblable»  (infra  I\,  9).  La  terre 
attire  à  elle  ce  qui  est  terrestre,  l'air  ce  qui  est  aérien  en  nous;  la  flamme  de  vie 
remonte  an  feu  élément  ;  comment  la  llanime  de  raison  ne  tendrait-elle  pas  à  s'élever 
plus  haut  encore,  jusqu'au  grand  foyer  de  l'intelligence  universelle?  Or,  il  suffit  du 
départ  de  la  raison  —  imper>onnelle  pourtant  —  pour  que  la  personnalité  disparaisse 
et  que  la  survivance  de  l'àme  démembrée  perde  à  nos  yeux  tout  intérêt.  —  Telle 
parait  être  l'interprétation  la  plus  naturelle  d'un  mot  que  Marc-Aurèle  n'a  pas  eu  à 


•  Il  I 

..III-  I.    I  III    il 

>hi.  .    fulun     i  i 

|  |    ||   Il  ... .m.    J|     ...  i.  In.  ni   il'i  II  .lu    'il   I'    •!■•■. 

Cornutu  .  m  i  ippoi  '  A    lambllqui 

,,,,,,  |   ,|,      |  .,.|.        .   IL     ..H    ■   ii    m.   M  ll>       l.i     II 

,  ,,h,  i     M, h.     \ui.  Ii  .  qui  op|*i  •    toiijoiii  i  I  •  itiiK  ii 

,,i.    pti    l'hj  poilu   i    di    '  "i  mitti      I'    " 
,,  i   ptuUi  •■'  ,  IV,        ;  l<  '   il ■  ■   i  iloniw   un  p  >,  cette  empli* 

.  ..h. ,n  .i.    i  •  m.  .i  t  .i.    i  M, 

.i.M.i  pi    i  .  itini  Lion  di   i  ••ni-  ai  la  mort  tk   I 

un  Si .m  ill  l*i  mi'  poncif    •'  '(•  'i  v 

il    qui  .i  Lui  ioi  in  I  ..m.  du  corp      poui  ra  lilx  r-  r   la 
1 1  .iiiiiii  ni  .  om  i  voir  ii  \  ta  do  collo-cl  dao    i  inli  rvall 
i      S(   i,  ions,  qui  idroi  ltai<  ni  l'I  la  r  ni 

,   I     ,|.  .    i    t  1 1 .  I  ■  mu  |         i  x  .il.   ni    .   llhJi   i     II    |,|.   ii,i.   t.  •   -I       ■  ■    -    'lllll 

iubsi*lei  l'Ame  jn-«|ii  ••  il  «  "M  M. i-i.i  h.,  m  uiiivcrwlli 

de  i. —  1 1 1 1 . i .  i  autant  que  possibl<    la   lurvivana    I  l'immortallb        H 

à  expliquai   l.i  survivance      II  pareil  poa*iblc  d'en  dodu  in    II  I 

pensée,  bien  que  Mari  «Auri  l<  n  j  »  mbl<  plun  Umii  dm  de  I  ami  i 

monda 

i  'âme,  dit-il  d'abord,  démettra  pour  an  tanpa  dam  I  omu» 

la  ml.  Mala,  même  pour  lui,  ce  n'es!  Il  qu'une  comparaison  ft  l9appul  d'une 
thèse;  et  oette  oomparaiaon  ne  tend  qu'à  montrei  la  du  changement  qui 

achèvoreil  !«•  séjour  de  l'âme,  non  la  possibilité  de  oe  léjour  même  I  mil 

est  heureusement  plus  explicite  :  un  chan£<m«nt  *«•  produit  ;  r  ird<ux  i, -t  — 

plusbi  lubtiïise    al    l'enflamme».  Qu'est-ce  à  dire, sinon  que  laps  ienne 

cl  irrationnelle  de  l'âme  se  convertit  en  feu,  puis  en  feu  artitte,  ou  en  raii 
la  mort  de  l'homme,  la  raison  qui,  durant  sa  vie,  était  déjà  en  lui  le     prlni  ipe  diri- 
geant patt,  pour  ainsi  dire,  du  reste  de  ion  âme?  Unsi  peu!  se  traduit 
langage  matérialiste  —  et  se  justifier  dana  la  métaphysique  stoîi  ienne  —  la  pui 
qui,  d'après  Sénèque  (ad  Mareiam,  \  Mil  ».  attarde  les  âmes  sur  la  route  'i<i  1 ici. 

Cette  théorie  (si  d'une  ligne  de  texte  il  n'est  point  trop  arbitraii  mira  une 

théorie)  n'est  pas  sans  analogue  dans  la  métaphysique  stoïcienne;  l'embrasement 
de  l'âme  humaiiu-  qui  en  doit  épurer  et  subtiliser  la  matière,  annonce  l'immense 
incendie  qui,  au  tenue  de  la  «grande  année  »,  prendra  toute  la  matière  dn  m 

mcuir  inanimée,   pour  en   faire  de   l'âme.   ï  -ri1,   /.a.  Ta   '/I^ya   roi 

çaa\v  s-.;  to  £|j.V^yov  roéicsotai  (Plutarque,  et  S  tôle,  repaya.,  ioi  symétrie 

est  séduisante,  si  elle  n'ajoute  rien   à  la  cohésion  du  système;  -t  la  plupart  des 
Stoïciens  se  sont  complu  à  la  prolonger.  !>••  même  que  Zeus,  une  fois  que  l'en 
sèment  général  a  t'ait    rentrer  toute  matière  en  lui,  se  repose  |  il  sibl 

Sénèque,  ad  Lucil.  1\.  16)  avant  de  réorganiser  l'univers,  d<*  même  l'âme,  disi  nt-ils, 
lorsqu'elle  n'est  plus  que  flamme  et  raison,  n'a  plus  de  transformations  à  subir, 
jusqu'à  ce  que  Zeus  la  reprenne  en  son  sein  :  Maxpx;  -:^x:  gpevbw  - 
oûpocvâ  nepi7co>ouaa;,  à'-/p:  oi  euv&taXuOftetv...  £•.;  rôp  voepov  Kvaeêeteau  (Plutaf 
Non  pûssc  suaviter  vivi  sec,  Ep.f  dernières  phrases).  Cette  très  longue  péri  [>our 

l'àme  celle  de  la  vie  bienheureuse,  don!  Sénèque  a  décrit  les  dél 

de  la  consolation  à  Marcia).  Il  y  a  ainsi  pour  l'homme,  dan>  la  doctrine,  un  motif 
d'espérance,  et  le  platonicien  Plutarque  en  a  pu  l'aire  gloire  au  stoïcisme.  Mai-  la 
théorie  avait  reçu  de  Chrysippe  un  dernier  perfectionnement.  Avant  lui,  Cléanthe 
(Diogène,  VII,  167)  laissait  subsister  toutes  les  âmes  sans  distinction;  sans  refuser  un 
certain  répit,  même  aux  plus  vulgaires,  Chrysippe  tit  de  cette  le  _  1  irvivance 
le  privilège  des  seules  âmes  de  sages.  La  distinction  qu'il  établit  ain>i  entre  les  âmes 
—  et  dut  justifier  par  des  raisons  physiques  —  donnait  à  1".  autre  vi-  ikur 

morale.  C'est  sans  doute  sa  doctrine,  acceptée  communément  pal  ses  fl         sa  ur-.  que 
résume  en  quelques   mots   Plutarque  dans  les  Placita  philosophorum  (IV,  -.    v 
Exeaïxot  [y*^  ~V  '-r^'/V'î  BÇwOcfaw  ixtûv  dcouxTiir./  ovttco  pdetpeeOatt  xX 
Ttvà;    xpôvoy;   v.xb'  xi-f^r   xa\  rr.v  akv  Kafevearréearif  i-'  oXrrov  (-x-irr 
twv  auatôs-JTtov),  tt,v  oï  I(r/vpo7£px\  (ota  11-'.  ~£p\  tqO:  e&pau;)  xr.  ;jlé/c:  -rz  iy.-.scjtîio:. 
L'àme  la  plus  forte,  celle  du  sage,  e<t  celle  où  domine  la  flamme  de  raison,  celle  qui 


266  mm. loi  ni  ou    Di  v    immhmh'v   ix     midi 

pourri  m  consumer,  c'est  à-dire  l'épurer  el  l'alléger,  «'t.  l'étant  allégée,  monter 
Jusqu'à  l'éther;  l'Ame  la  plus  bible,  celle  du  vulgaire,  est  celle  d'où  li  flamme, 
étouffée  par  l'épaisseur  •!<•  L'air  qui  i'j  mêle,  se  retire,  aprèi  ;i % < »î r  vainement  lutté. 

J'ai  dû  rappeler  lu  théorie  traditionnelle  pour  qu'on  \it  mieui  à  quelle  distance 
l'en  tient  l'auteur  dei  Pensées,  même  quand  il  accepte  l'idée  <i<  la  survivance; 
chemin  faisant,  j'aH&ché  de  faire  valoir  lei  avantages  de  cette  doctrine.  Le  moment 
est  irenu  d'exprimer  les  critiques  qu'elle  soulève  ol  qui  onl  du  en  détacher  Marc- 
turèle.  D'abord,  il  esl  asseï  difficile  de  concevoir  l'indépendance  des  âmes  réunies 
dam  la  cité  céleste,  et  toutes  lea  j<»i«,v  supérieures  qui  Impliquenl  le  sentiment  de 
cette  Indépendance:  celles  qu'éprouverait,  selon  Bénèque,  le  lil-  de  Mai  titrer 

dans  1,1  société  sainte  des  Scipion  et  des  Caton  -,  •*  se  Caire  «  initier  j>.i r  son  aïeul  aux 
secrets  de  la  nature  »,  à  «  contempler^du  haut  de  sa  gloire  II  terre  qu'il  i  quiU 
Dans  la  rie  bienheureuse,  toutes  i<s  âmes  ne  s(,nt  que  raison,  et  la  raison  esl  une. 
Puis,  deux  flammes  raisinés,  <iui  tiennent  une  fois  a  se  toucher,  ne  se  séparenl  plus. 
Puis,  rien  ne  doit  alimenter  ces  flammes  et  les  fixer  on  quelque  sorte,  alors  que  le 
soleil  el  les  astres  —  des  dieux  —  don!  elles  sont  iî  proches  s'entretiennent  perpé- 
tuellement, par  une  KvaOv(&fao,iç,  <l< «  émanations  de  la  terre.  On  se  demande  donc 
comment  Sénèque  conciliait  avec  la  pénétration  réciproque  (<<  Invicem  pervii  lunt  »  : 
ad  Warciam,  \\\  ides  âmes  la  presque  Immortalité  personnelle  qu'il  promet  à  ceux 
qu'il  console,  lu  reste,  il  a  douté,  tout  le  premier,  de  la  sûreté  de  sa  doctrine;  el  il  a 
prévenu  l'auteur  des  Pensées  lorsqu'il  a  écrit  (ad  Luciliam,  LXXI):  «Au!  in  meliorem 
emittitur  vitam,  lucidius  tranquilliusque  inter  divina  mansurus;  au!  certe,  sine  ullo 
futurus  incommodo,  suae  naturae  remiscebitur,  ti  revertetur  in  totum. 

Les  deux  objections  suivantes  viennent  en  quelque  sorte  de  Marc-Aurèle  lui- 
même:  i°  Depuis  si  longtemps  que  le  monde  dure,  sans  s'être  encore  embrasé, 
comment  les  âmes  survivantes  n'auraient-elles  pas  encombré  le  ciel?  Par  suite, 
comment  les  nouvelles  venues  y  trouveraient -elles  de  la  place?  A  quoi  l'on  pourrait 
ajouter:  comment  resterait-il  au  monde  de  l'air  respirable,  de  la  flamme  pour 
entretenir  la  vie?  L'interrogation  par  laquelle  commence  cette  pensée  et  qui  Intro- 
duit la  théorie  pmpre  à  Marc-Aurèle  renferme,  en  deux  mots,  s;  a'tôt'ou,  une  critique, 
peut-être  une  réfutation  de  Chrysippe  et  de  Sénèque.  2°  La  simplicité  même  des 
explications  de  Marc-Aurèle  accuse  ce  qu'il  y  a  de  laborieux  et  d'arbitraire  dans 
la  trop  poétique  construction  de  ses  maîtres;  évidemment,  c'est  moins  là  pour  lui 
une  démonstration  qu'un  beau  conte.  Il  y  a  surtout  un  long  détour  qu'il  se  refuse 
à  faire,  une  hypothèse  —  pourtant  fondamentale  du  système  —  dont  il  s'affranchit. 
En  Faisant  coïncider,  en  effet,  l'embrasement  de  l'âme  humaine  et  son  retour  non 
dans  les  régions  célestes,  non  même  dans  l'àmc  de  l'univers,  mais  dans  sa  «  raison 
séminale  >.,  il  admet  la  possibilité  d'un, réemploi  immédiat;  c'est-à-dire  que,  prenant 
parti  entre  deux  théories  qui  l'ont  laissé  parfois  indécis  (V,  i3,  fin;\,7),  il  considère 
qu'au  lieu  de  «  s'embraser  périodiquement»* le  monde  «se  renouvelle  par  d'éternels 
échanges  »  (infra  X,  7  :  »<rc€  xai  raura  otvaXrjcpOr,va'.  s'.:  tov  to\J  oao-j  Xéyov,  iiti  -/arà 
Tispiooov  èxicupoupivou,  sî'te  Kïdcotç  àuLQ'.oai;  àvaveoufiivov).  Sur  ces  «éternels  échan. 
il  ne  s'est  d'ailleurs  pas  expliqué;  et,  à  défaut  d'aucun  texte  qui  reprenne  et  tranche 
la  question,  nous  en  sommes  réduits  aux  conjectures.  Ce  qui  est  sûr,  c'est  que  la 
doctrine  appelle  un  complément  :  car  l'équilibre  i\i^  éléments  semble  exiger  une 
compensation  constante  entre  les  «(embrasements))  et  les  «  extinctions».  Nous  pren- 
drions cette  fois  Le  terme  d*«  extinction  m  dans  |(-  sens  même  qu'au  rapport  de  Piu- 
tarque  lui  donnaient  les  Stoïciens  quand  ils  parlaient  de  la  renaissance  du  monde  : 
7r,  8c  volai:  ftàXtv  xou  tt,v  '\rj'/j^...  |X£Ta6àXX[etv]  ùç  to  9e*u.aT0ei$£c  (de  Stoïc.  repwjn.. 
io53,  C, —  suite  d'un  texte  cité  plus  haut). 

D'ailleurs,  on  ne  saurait  trop  le  redire,  Marc-Aurèle  ne  hasarde  que  sous  condition 
la  doctrine  qu'il  expose  ici.  Dans  tout  le  reste  des  Pensées  (textes  cités  à  la  note 
finale),  nous  le  verrons  presque  constamment  opposera  la  thèse  du  «déplacement» 
et  de  la  «survivance  m  (uETaTTa?'.:,  (ru(ifi£ivat,  tenue-  que  détinit  le  présent  passage) 
celle  (Je  l'a  extinction  »,  et  d'une  extinction  qui,  comme  il  résulte  de  cette  opposition 
môme,  ne  souffrirait  aucun  délai.  Ce  passage,  le  seul  qui  nous  présente  une  théorie 
un  peu  développée  de  la  persistance  des  âmes,  commence  par  le  mot  si.  Au  cours 
d'une  phrase  qui  nous  arrêtera  tout  à  l'heure  (cf.  quatre  notes  plus  bas),  et  dont 
Auguste  Couat,  après  Nauck,  me  paraît  avoir  à  tort  contesté  l'authenticité,  Marc- 
Aurèle  déclare  formellement  que  la  survivance  n'est  qu'une   hypothèse;  et.  comme 


I     III      M)|l      I 


III     I 


il   .|.  .  hn  lit  la  H     |MU1     'l.ihl. 

i     i   |,.  .mi     .m,  i.     mu  \mi  i   |,  -h  rail  on  i 

,i  i.ui  nu    uni    •  om  lltlontifllli  •  !• 

.  ni  ,n,ini.i   i   tin 

.i    (l.  |  i ri     li      i 

i   .m.    iiMiiMin.    n'en  .    i  pi     ni.  i-  .  I     II  h  s  .•  | 

,i.    s i.    in.  nhotiivM        i  ni,     lui. .     i  |uVII(    i, 

I     lllll  |i(  'Il         I.        I    MU I  I  .  I  I  I  I  •  •         Il      il      fit      il       |  >  1 1 J         |ll  llll       M. If  i        \ 

m  \  '  U)l l«l II    <|u<-    r.Min      \  Il  I 

que  l'âne  du    i   •        trouv<  èln  rolli  qui    ui  ^  ii  i.  pi 


ADDENDA   ET  CORRIGENT 


N.  B.  —  Le  second  manuscrit  de  M.  Coual,  dont  la  découverte 

devait  culminer  In  refonte  de  tout  le  travail  antérieur,  n  ayant  été 
retrouvé  que  longtemps  après  le  premier,  lorsque  suc  livres  des 
Pensées  étaient  déjà  composés  et  prêts  à  la  mise  en  pages,  on 
a  dû  donner  le  bon  à  tirer  de  la  première  moitié  de  ce  volume 
avant  que  la  seconde  fût  entièrement  rédigée.  Ces  circonstances 
malencontreuses  expliqueront  au  lecteur  la  longueur  démesurée 
de  cet  Erratum,  qu'on  s'est  efforcé  d'abréger,  en  remplaçant 
dans  la  composition  antérieure  plusieurs  cartons  et  trois  feuilles 
entières.) 


I,  17,  3e  note  —  page  17,  note  2.  A  V antépénultième  ligne  de  la  note,  au  lieu 

de  :  En  définitive,  lire  :  On  voit  ici  que... 

//,  1,  2e  note  =  page  19,  note  I.  Ajouter  les  mots  :  [que  semblent  exiger 
d'abord  la  division  de  sens  marquée  par  la  répétition  de  offre  (zrÀyf)i(jft*\ 
ne  s'oppose  pas  à  opyi^e<r6ai),  ensuite  les  dernières  lignes  de  la  pensée.] 

//,  2,  /"  note  ==  même  page,  note  3.  Ajouter  les  mots:  Cf.  aussi  infra  XI,  33. 
et  la  note.J 

Même  pensée  =  page  20,  ligne  2,  lire  :  Se  mouvoir  comme  une  marionnette 
au  gré  de  ses  impulsions,  et,  en  tète  des  notes  de  la  page,  insérer 
la  suivante: 

i.  [Gouat  :  «se  mouvoir  capricieusement  et  céder  à  des  impulsions.  »  — 
Sur  le  sens  de  vtupoffica«reta6«i,  cf.  infra  VI,  28,  et  VII,  3,  en  note.  J'ai  préféré 
«  ses  »  à  «  des  ».  parce  que  le  principe  directeur  est  l'auteur  même  des  senti- 
ments auxquels  il  s'asservit  (cf.  IV.  32.  en  note).] 

II,  10,  en  note  =  page  23,   note  3.  A  la  première  et  à  la  seconde  lignes  du 

second  alinéa,  supprimer  les  mots  :  et  sans  compter  un  passage  où  j'ai 
cru  pomoir  le  rétablir  par  conjecture  (cf.  infra  VIII.  4l)« 


\  ftM  m.  \     il     -   I  >f  HfGI  M>\ 

//,  //        /""/<•   '•'.  /''/'"    '    /  pi]    •  m     rn  pi 

///    Ufi(  ,       .ni     I. 
smrnrtlf 

i      i  :..u  ii       que  rtiomnw  pût  -  «n  i  n  i 

qu'on  croirai!  traduire  an  ajoutant  le  mol     loujoun     .1  la 

ti.idii.  lion    ilr    \l      I  1  Mi.il  ,    r,l    I..i  I     h    |in  I.-     ,    ,i  .!    || 

h.  1  .ii  poui  1  ni  adoptai  li  même  1 1  idui  lion 

1  ta  ni  cette  hj  pothète  1  l<  nii  ni  1  »  -  x  1  »  1 1  «  1  »  1  «  - 1  1 

toul  i'  1  li  001  rei  lion  que  1  •"  «  ept 

//,  t  :.  /    noie      page  26,  noie  1     [fouler  U 

1  .  i.ui  iani  doute  ta  m'aul  :  m  une  • 

pour  restituer,  une  ligne  pliu  haut  d  rite,  antre 

1  deux  moti  iri>  que  q         mblcnl   indi 

Mes  m  MMi\  al  avaient  dû  disparaître  «le  l'archétyp  1   menu 

tache  <>u  dans  le  même  trou  que  ~-.| 

//.  13,  v  ticit-  a  paget  26  ci  27,  Remplacer  ta  tiotepar  (a  $uivcnie: 

Couat:     à  cauae  de  i»*u  1  perfection.         Ce  mol  ne  m  1  pas  lembM 
traduire  avec  une  précision  suffisante  le  gre<  if       Ifak  j'ai  jug  ne 

M.  Couat,  qu'il  était  par  trop  contraire  h  notre  usage  <!<•  parler  de  II  vertu 
des  dieux.  Nos  vertus  9ont  tout  humaines  :  elles  Impliquent  toqjours  une 
conscience  scrupuleuse  dans  l'accomplissement  du  devoir,  <>u  bien  une 
constante  victoire  sur  la  passion;  ou  encore  une  immolation  de  soi.  Les 
dieux  n'ont  pas  do  passions  à  vaincre,  n'accomplissent  pas  de  devoirs; 
Ils  sont  Infiniment  bons,  mais  ne  se  dévouent  j> 

L'àpiTr,  des  Stoïciens  dépasse  l'humanité.  Sans  doute,  il-  ne  diraient  1 
comme  Brutus  mourant,  que  ce  n'est  qu'un  mot.  Mais  Us  avouent  qu 
un  idéal  rarement  atteint.  Cette  disposition  constante    »  suivre  la  nature, 
laquelle  ils  voient  le  souverain  bien,  n'appartient  en  propre  qu'aux  dieux 
ou  au  sage,  homme  divin.  Elle  implique  la  science  et  l'ataraxie  pai 
l'assurance  et  l'infaillibilité  du  jugement.   C'est    la    raison   même.       • 
adopté  dans  cette  traduction  l'expression  qui  m'a  semblé  le  mieux  répondre 
a  la  définition  des   Tusculanes  (IV.    i5,   3'0  :   ipso   virtus   brevissime   recto- 
ratio   dici  pot  est.] 

///,  1,  antépénultième  liane  —-paye  30.  Lire:  parce  que  la  notion  et  l'intelli- 
gence des  choses  cessent 3  en  nous...  Ajouter  à  cette  paye  une  dernière 
note,  ainsi  conçue  : 

S.  [Couat  :    <  l'intelligence    de  la  suite  des  choses  cesse  en  nous.     —  Le 
mot  7iapaxo).oj6r,(Ti;  ne  reparaîtra  plus  dans  les  Pensées.  Le  sens  que  je  lui 
donne  s'accorde  avec  celui  que  M.  Couat  attribue  ailleurs   V,  6,  par  exemple 
à  TraGxxo/.o'jOîtv.] 

Ul,  "2  =  paye  31,  lignes  ik  et  15.  Lire  :  quiconque  sent  profondément1  °  la 
vie  de  l'univers  doit  trouver...   Intercaler,  au  bas  «le  la  page,  la  note 

suivante  : 

1  bis.  .Couat  :   «  Il  suftît  de  sentir  et  de  comprendre  profondément  la  vie 


BIBI  lOl  m  Ql  i     DES   I  KITBRSI  i  rs    Dl     MIDI 


de  [*uaiverd  pour  Irouvci  La  Leçon  des  manuscrits,  nàfk*  na 

n'a  pai  d<-  lens:  Morus  a  fort  Ingénieusement  corrigé  stfta  en 

rejeté  les  trois  mots  suivants  comme  une  «dose.  I  n  peu  plus  loin. 
,11X  (|r,,\  tien  «!«'  la  pensée  III,  '».  la  même  confusion  de«6tocefl  deftâtoc 

trait  dans  les  manuscrits  \  <'i  D  :  (*£•©<  t  une  expression  classique, 

qu'on  trouve  dans  U*  ThéitèU  (page  i83,  E  au  sens  même  que  Je  lui  donne 
jri  _  l'emprunte  ces  arguments  ;»  un  article  de  If.  H.  Polak  (In  II.  Anto/iini 
comnuntorioi,  Hermès  XXI,  i>  346).  On  pourrait  observer,  en  outre  que  les 
Stoïciens  donnaient  <l<>  k&os  (cf.  în/V"0  ,,ï-  liK  '*r  f»0,«4'  une  définition  très 

Isa,  ;«  laquelle  liarc-Aurèle  a  toujours  rigoureusement  conformé  l'usage 
du    mol    dans    ses    Pennées.    Pourrait -ou    admettre   qu'il    n'en    fui   pas    de 


même  ici 


///.  .7.  'Jr  note  -----  paye  32,  note  2,  Lire  à  l'avant* dernière  ligne  de  la  note  : 
sont  matière, —  matière  active,  sans  doute,  et  non  inerte,  plus  subtile 
et  plus  pure  que  la  terre... 

///,  //.  dernier  alinéa  de  la  2*  note  -paye  '//,  7e  ligne  des  notes,  lire: 
celui  que  lui  donnent  les  lexiques  et  qu'a  pu  lui  attribuer  Marc- 
Aurèle. 

Ligne  suivante,  au  lieu  de:  \lï,  2,  lire:  XI,  2. 

M,  3  =  page  '/#,  %tte  f6\  Lire:  propre  indépendance  .V'%  et  ajouter  à  sa 
place,  sous  ce  numéro  3  bis,  la  note  suivante: 

:\  bis.  [Je  ne  doute  pas  qu'il  ne  faille  entendre  ici  par  Ègowfav  le 
«  pouvoir»  de  se  retirer  en  soi-même  dont  il  était  question  au  début  de 
la  pensée,  et  que  Marc-Aurèle  y  a  exprimé  par  le  mot  i\h>.  Sur  la  valeur 
du  mot  ifcov<na,  cf.  V,  10,  note  finale  rectifiée  aux  \ddenda,  et  XI,  20,  note 
linale.] 

IV.  '/,  note  finale  —  page  oi,  3e  ligne  des  notes.  Lire  :  et  plus  pur  que  le  feu 
lui  même,  —  si  subtil  et  si  pur  que  notre  auteur  (voir  la  note  à  la 
pensée  VI,  17,  rectifiée  aux  Addenda)  hésite  à  lui  donner  le  nom 
d'élément. 

Ligne  suivante,  au  lieu  de  :  note  finale,  lire  :  note  3. 

Même  page,  17e  ligne  des  notes,  au  lieu  de:  XI,  20;  ii,  etc.,  lire:  XI,  20:  XII. 
1 1,  etc. 

IV.  M,  :)e  note  =  page  56,  après  le  second  alinéa  des  notes,  lire:  On  me 
pardonnera  ce  développement  accessoire,  que  j'aurai  d'ailleurs  à 
reprendre  plus  bas  (IX.  20,  et  IX,  3i)... 

I\.  1o\  tn  note  =  page  57,  note  2.  Ajouter  un  dernier  paragraphe  ainsi 
conçu:  M.  Rendall  (Journal  of  Philology,  XXIII.  p.  1 32)  propose  ingé- 
nieusement d'insérer  le  mot  Oeotç  entre  6so:  et  K'taEç  (la  faute  s'expli- 
querait d'elle-même).  La  pensée  se  traduirait  dès  lors  ainsi  :  «  Veux-tu 
qu'en  dix  jours  les  dieux  eux-mêmes  te  traitent,  etc..  »  Je  deman- 
derai seulement  :  pourquoi  en  dix  jours?] 


M. IM    \|.\      Il      f.<  .i.l.h.l    M»A 

/   noté  finale      page  0  '.  note  '•   I  fa  et  i  b  /"-  Ug  -    b  h     \  ni 

nu  lieu  fU     VIII,   B     /""       "/''  '      ''"  '""Z  I       •"  I 

.   I    |.i     •      Ilote 

Mrme  pensrc.   nxnie  unir,  />>i,/r  h),   nruf  li,/nr.  n<>n,l  /,/   /, 
\  1 1 ,    i  i      h  %) 

in,- .  i aremonl  i  elle  du  dépUu  ement 

Mrtne    pensrc      no  ni,     imlr,    inrinr    pùÇei    ai'finl  ilrrm >  |  f    //-/'/-        lpf< 

Ld  LuclUum,  XXXVI,  g9  Krt    el  surtout  de  P  fia,  VI   B    i 

mon  &ut  finit  nui  transfert  noua  j   présentent   la   même  alternat 

(Jlir    |r  <lr     Mai  I      \  UM'Ir. 

/i    "•   en  note      page  >>>    \  la  fin  de  la  ItyfM   >  du  dernUr  parc 

lire  :  les  mots  \  1 1 1     ••■  \  i     ;  -   el 

\.  .i   pourraient  compléter  cette  ii>i<%. 

i\  ,  24,  v  note      pagre  '»'».  ""Ir  •»    I  l'H'imi  dernière  ligne  de  fa  noU 

le  mot:  nom,  "jouter:  Cf.  Pape,  Dictionnaire  grée  allemand^  ».  u. 
p.    i65  a  el   b;  îrç/hi   VI,  13;  \.   i3;   v    >\.  etc.;  roir  cependant 

M  .  .';;.  /;•  noie      pages  70  et  ;  /.  Ajouter t  à  la  fin  de  la  note:  quelque 

plus  haut,  à  la  lin  de  la  pensée  18  de  ce  même  livre,  <>n  pouvait 
relever  une  lacune  de  cette  sorte  dans  !<■  manuscrit  \  :  toute  une 
ligne  avait  disparu  entre  lea  deux 

i\ .  .7>;  -page  72,  à  l'avant-dernière  ligne  de  ta  paye,  innoncer  aux  mots: 
toutes  [semblables],  une  note  <jui  serait  ainsi  conçue  : 

<>.  [Cf.  la  lin  de  la  définition  do  la  pieic  dans  Diogène,  VU,  (48  :   rotavxa 

rjpûvx  à?'  oifov  Kirsxpifai.  J'ai  cité  plus  bas  ( :>e  note  à  la  pensée  VI,   ii    ce  l 
tout  entier.] 

M  .  39  -  />"</<'  7à,  ligne  t.  Lire  :  ce  n'est  pas  non  plus  dans  [un  changement 
ou] l  une  modification  du  corps,  et  insérer  en  tête  des  notes  de  la  paye 
eelte  <pii  suit  : 

i.  [Cette  modification  ou   ce  changement  firspocuffi;)  du  corps,  c'est   le 

principe  de  toute  sensation.  C'est  ce  que  Mare-Aurèle  appelle  ailleurs  ■ 
(V,   26).  Ici,  il  n'est  pas  question  de  la    «  représentation  »    (fovtoaria)   qui 
accompagne  ou  achève  la  sensation,   et  qui   est,   suivant  la  définition  de 
Chrysippe,  le  changement  ou  ia  modification  (l-repoctwiç)  de  l'âme  (Sextas 
Empiricus,  adv.  Math..  VII,  2291.] 

IVS  40  =  même  page.  Lire,  à  partir  de  ta  2e  ligne  de  ta  pensée:  tout 
aboutit  à  une  seule  sensation,  la  sienne  *  *";  tout  s'accomplit  par  son 
unique  impulsion;  tout  est  la  cause  de  tout.  La  note  2  bis  serait  ainsi 

conçue  : 

2  bis.  [Couat:  «toute  sensation  se  ramène  s  sa  sensibilité,  qui  est  une; 
tout  acte  est  accompli  par  son  activité,  qui  est  une.  »  —  Sur  le  sens  du 
verbe  àva$too<rOat,  cf.  V,  26,  \c  note.  Sur  celui  dopar,,  cf.  III.  16,  3~  note.] 


BIBLIOTHEQUI     DE*    DÏUVER3ITÉ8    ni     MIDI 

l\\  r4$      page  76,  I  la  ligne  7  de  la  pensée   au  lieu  ci' «  arrogance  »,  lire  : 
insolence  i'   .  Au  bat  de  la  page,  min-  le$  notée  f  et  2,  intercaler  celle 

<jui  suif  : 

\  bis.  [Couat  :  arrogance.»  Le  voisinage  du  verbe  «s'arroger  m'a  forcé 
de  changer  ce  nom.  Ni  •  arrogance  -  ni  «  insolence  »  ne  traduisent, 
d'ailleurs,  exactement  Ce  mot  signifie  proprement  o  hennissement  ■■: 

par  métaphore,  hennissement  d'orgueil,  orgueil.  >>  Comme  toutes  les  méta- 
phores outrées,  nées  sur  Le  déclin  des  Langues,  celle-ci  ;>  dû  s'user  tris  \  i t**  : 
et  il  est  possible  que  Marc-Aurèle  n'ait  pas  pensé,  en  écrivant  ce  mot. 
comparer  la  superbe  du  tyran  à  La  fierté  <in  cheval.  Dans  le  doute,  j'ai 
supprimé  toute  image,  pour  ne  pas  risquer  de  traduire  par  un  effet  nV  style 
une  banalité.] 

Même  pensée,  même  page,  '/  liy  nés  plus  bas.  Annoncer,  aux  mots  a  <m  quantité 

une  note  ainsi  conçue  : 

3.  ['ÀvapfôjMjtoi  :  exagération  stoïcienne.  Ou  bien  faut-il  faire  entrer  en 
compte  les  villes  détruites  par  les  hommes?] 

I".  5,  ¥  note  =  page 82,  note  /.   A  la  ■¥  ligne  de  la  noie,  lire:  *.0LX*fiv<*<nu9ba:. 

V,  7  =page  83.  Lire,  à  la  fin  de  la  pensée  :  simplement,  et  d'un  cour  libre. 

Rétablir  ainsi  la  note  3  : 

3.  [Couat:  -  librement.  »  Var.  :  «libéralement.  >  —  Cette  seconde  traduc- 
tion devait  se  justifier  dans  l'esprit  de  M.  Couat,  comme  le  mot  «  noblement 
pour  Pierron.  Barthélémy  Saint-Hilaire  et  M.  Michaut,  par  ce  que  rapporte 
Pausanias  (I,  xxiv,  3).  Un  Athénien,  nous  dit  le  Périégète.  priait  non  seu- 
lement pour  lui-même,  mais  pour  toute  l'Attique,  sinon  pour  toute  la 
Grèce.  Il  ne  semble  pas  douteux,  cependant,  qu'il  faille  préférer  ici  le  mot 
«  librement  »,  qui,  pour  les  Stoïciens,  signifie  :  «  sans  passion  et  sans 
intérêt,  »  et  aussi  :  «  d'accord  avec  Dieu.  »  La  prière  libre  est  la  seule  digne 
de  Dieu.  Elle  n'est  pas  plus  inutile  que  l'action  de  grâces  :  toutes  deux  sont 
des  actes  de  piété:  l'une  de  confiance,  l'autre  de  remerciement.  Cf.  infra  la 
note  à  la  dernière  pensée  du  livre  VII,  rectifiée  aux  Addenda,  et  tout  l'ar 
ticle  IX,  4o.] 

y}  jQ^page  s?.  A  V  antépénultième  ligne  de  la  pensée,  au  lieu  de:  j'ai  la 

liberté  ',  lire  :  il  est  en  mon  pouvoir  \  —  Commencer  ainsi  la  dernière 

phrase  :  Nul  ne  saurait  me  contraindre.  —  Corriger  la  note  ainsi  qu'il 

suit  : 

a.  [Couat:  «j'ai  la  liberté  de...  »  —  Cf.  infra  XI,  io,  note  finale.  L'obéissance 

à  Dieu,  c'est  précisément  la  «  liberté  »  (èXeuOspCa),  qui  se  trouve  ici  très  nelli'- 

ment  distinguée  de  la  «  faculté  »  ou  du  «  pouvoir  »  (l£ov*ta).  Car  la  phrase 

de  Marc-Aurèle  revient  à  celle-ci  :  «  J'ai  le  pouvoir  d'être  libre.  »] 

V,  13,  note  finale  =  page  89,  lignes  8  et  9  des  notes.  Lire:  ont  appelées 
«  grandes  années  ».  Il  est  encore  plus  net  à  l'article  IX,  28.  On  pourrait 
enfin  mentionner...  Quatre  lignes  plus  bas:  àvaveou|*svou.  Ailleurs  même 
(X.  3i»,  il  la  nie  :  ro  -xTtaH  pLETaêaXov  ov/i?'.  zn-*r.  h  r«  àicsipu  XP^*?-  Tout 
compte  fait... 


\  I  »  I  »  I    \  I  •  \      Il      '   '  •  I  '.  I   I  '  .  I   \  I  »  \ 

i     r>   ,  i,  note     page  91 

',.    r  ii       1 1 1 1 •  -      entendre   ici   le  prlndj  l'A   i 

,,,,i,  lt»i    i  Man   \ ni 61c    \upra  l \ 

lui  toute    h  morale    «  otnp<  »i  i<   nu  m 
,.iui  ni  .mu  i.l.i  ei  qu'il  nie  In  p<  i    ihililr  «!•■  I.i   i  «  pi  ■'•  •  •  ■  ■  ■ 
Intel  -il  le  toul  jugement   cl     exi  lue  lui-même    La  On  mAm<    d 
m  limite  la  portée    (  il    nu    nrplu  ■•••  \  Il 

i  ,h  ouvoqi  le  dog  m  me  foi  me  rmuM  il-    i  ne  autn 

i  l'article  V]    m    voli  loa  notes   pai  Mai  i   lurèle  I 


note  finale     pagr  ''.\  noie  6.  Remplacer  U    tk 
celle  ci  .     en  ic  i  endanl  meV  hant.  »  Au  I  du 

torl  ï  la  cité  univei  selle      [\     •  •   cl    tu    I  VIII 

u  est  Inutile  d'observel  Id  une  foli  de  plua  que  poai  Man    turèb 
i  omme  pour  Socrate  la  i 

I   noie     page  95j  nola  comméne^a  d  hi  précédente*  i.irr.  à  la  ligne  6 
des  notai  de  celle  page:  supra  IV,  u.  »«  note,  ai  IV,  n,  noie  Si 
ta/Vu  i\.  *5,  en  nota). 

i  /.  .'>\  an  noie  =a page  f05,  /"»^  2.  [jouter  ce  qui  suit  :  infm  \\.  \\ 

i\.  ••:>.  et  la  note. >| 

i/,  / '/  /w|/(  //o.  /,/><•,  dans  /a  traduction:  que  par  une  simple  qualité 
première  ou  [par  une]  nature  [propre]  '. 

Iflme  penser.  'J  nofc:  même  paye,  note  I.  Lire,  à  partir  de  la  ligne  3:  Foui 
ces  derniers,  lorsqu'il;  ne  désigne  pas  un  mode  de  la  *otdr*Ki  il  est  exac- 
tement synonyme  de  iroidtïjç  :  ixaXouvjd 

iroâ:  (Simplicius,  Catégories,  dans    L'Aristote  de    Brandis,   t.   IV, 
p.   67a,  Ligne  i3).  Ces  mots  désignent  également... 

fi  lignes  plus  bas  :  Seulement,  cette  notion  n'est  d'abord  rien  de  plus  poui 

les  Stoïciens  qu'un  concept  pur  et  une  unité  abstraite:  nous  verrons 
plus  loin  >l\.  25,  en  note)  ((miment  kq\6tt£  et  encore  plus  U  -'  'Simpli- 
cius. ibid.,  p.   71   a,   ligne  a  :  tiç    os  s;s::  Taî:  s:   éopjtwv  h 

ptÇsofai)  ont  fini  par  l'exprimer  comme  réalité  et  même  comme  activité; 

comment,  en  d'autres  termes,  le  principe  logique,  la  catégorie, 
devenu  un  principe  métaphysique:  comment,  enfin,  lc^  Stoïciens, 
pour  qui  tout  est  matière,  ont  pu  définir  matériellement  l'Ifo  ou 
la  tto'.ôt/,;.  Ils  ont  dit  que  les  IÇsiç  n'étaient  pas  autre  chose  que 
des  souffles  d'air,  àspa:  (Chrysippe,  dans  Plu tarque,  de  Stoïc.  repugn.. 
13),  et  les  icoioTi)Te;  que  des  souilles.  RveupaTa  (ibid.  .  qui  spéci- 
tient.  etc.. 

VI,  17.  en  note  =  page  113.  Substituer  ce  qui  suit  au  dernier  paragraphe  de  la 
note  commencée  à  la  page  précédente  : 

On  n'en  pourra  trouver  que  plus  étrange  l'opposition  des  <  éléments     el 
de  la  vertu,  c'est-à-dire,  en  tin  de  compte,  des     éléments     et  de  la  raison. 

\.    COI    v  l     P.    FOURMI  K  r£ 


Jt-\  l'.n-.i  loi  1 1 1  <  »  i  i.    DES    i  mn  ERhl  i  i  (S    ni      Mini 

(  le  n'est  pas  wna  doute  La  premlèi  e  fols  [$upra  i\ .  i,  note  finale)  que   Marc- 
kurèle  a  distingué  celle-ci  de  la  terre,  de  L'eau,  «le  L'air  ef  même  du  feii  : 
mais  c'est  La  première  où  il  lemblese  refusera  voir  en  elle  un  «élément 
Il  montrera  encore  le  même  scrupule  au  cours  de  La  peu -ce  \i.  •><»  (ta  tw 
£wax<  ptfvcrou  a-i'.'):i.  ei  surtout  au  début  de  La  pensée  IX.  9, 

où  avant  d'établir  que  la  raison  attire  La  raison,  il  écrira  que  Le  feu  monte 
en  L'air  pour  rejoindre  le  <•  feu  élément  ».  Jamais  pourtant  il  n'a  été  plus 
terme  qu'ici  en  son  matérialisme.  \  aurait-il  donc  pour  Marc-Àurèle  de  la 
matière  hors  des  «  éléments  »?  —  Mais  <  p  1  i  empêche  de  L'admettre,  et  de 
résoudre  ainsi  en  La  définition  d'un  mot  L'apparente  contradiction  qui  nous 
arrête? 

J'estime  donc  qu'ici  et  dans  les  plissages  analogues  Marc  Vurèle  a  pris 
le   mol  tto'./z'.ov  dans   m>ii    acception    la    plus   USlielle,    el    par   «  Les  éléments 

a  simplement  entendu  «  les  quatre  éléments  ».  Ainsi  il  ne  serait  pas  absolu- 
ment exact  de  prétendre  que  La  raison  n'est  pas  pour  lui  <<  un  élément  »; 

c'est  "  un  des  quatre  éléments  »  qu'il  faudrait  dire.  —  et  cela  reviendrait 
presque  à  la  présenter  comme  un  cinquième  élément. 

Si  l'on  veut  maintenant  observer  que  pour  Marc-Aurèle  les  astres  sont  divins 
(VIII,  19;  IV  <>•  ">r  note),  et  que  la  raison,  qui  est  le  dieu  intérieur  (III, 
5,  etc.),  doit  être  faite  de  la  même  flamme  qu'eux:  que  la  force  intelligente 
(VIII,  54)  embrasse  tout  et  enveloppe  tout,  on  arrivera  à  considérer  l'éther, 
qui  est  au  plus  haut  du  monde  (àvoraTu)  \ih  ojv  slvat  70  icvp,  8  or,  xlbïç,* 
xaXefoOat:  Diogène,  VII,  137).  comme  distinct  des  éléments  ou  comme  un 
cinquième  élément.  D'après  S tobée  (Ecl.t  I.  136),  des  Stoïciens  qui  ne  sépa- 
raient pas  comme  Marc-Aurèle  l'éther  du  «  feu  élément  »  prétendaient  que 
celui-là  se  meut  circulairement  (to  51  Kiôipirt  nepiçepâ;  xtveÎTai),  à  la  différence 
de  la  lumière  ou  de  la  flamme  terrestre  dont  le  mouvement  est  rectiligne. 
Ici.  lorsque  Marc- Vurèle  parle  du  déplacement  circulaire  d'un  élément,  ce 
n'est  évidemment  pas  à  l'éther  qu'il  pense;  ce  n'est  pas  non  plus  à  la  terre, 
ni  à  l'eau,  ni  à  l'air,  ni  au  feu  terrestre,  qui  pour  lui,  comme  pour  les  autres 
Stoïciens,  montent  ou  descendent  en  ligne  droite  (XI,  :jo);  c'est  le  «feu 
élément  »  qu'ici  le  mot  xvxàw  nous  représente  emporté  (?opà)  dans  le  mou- 
vement (xfoïjffiç)  du  «  feu  artiste  ». 

Quant  à  la  vertu,  nous  apprenons  que  le  mouvement  n'en  est  ni  recti- 
ligne ni  curviligne.  En  la  définissant  «la  raison  droite»  (Tusculanes,  IV, 
r5,  34),  les  Stoïciens  ne  voulaient  donc  pas  tant  marquer  la  direction  de 
sa  roule  que  le  don  qu'elle  avait  reçu  de  n'en  pas  dévier.  Les  mots  :  «  c'est 
quelque  chose  de  plus  divin  »  ne  nous  indiquent  pas  la  nature  de  sa 
démarche.  Mais  l'avant- dernière  pensée  du  livre  VIII  est  peut-être  plus 
explicite  :  Les  mots  CTplçyjxat  et  v.aT  i-lbi  («  tourne  »  et  «  tout  droit»)  y  sem- 
blent indiquer  une  combinaison  de  mouvements.  IN'est-ce  pas  le  procédé 
même  du  «feu  artiste»  ou  «raison  universelle»,  qui  tourne  autour  du 
monde  et  «  se  répond  partout  »?  (infra  VIII,  â'i  et  57.)] 

VI,  36  =  page  123,  Vigne  h.  Annoncer,  aux  mots  «  par  conséquence  »,  une  note, 
qui  serait  ainsi  conçue  : 

1  bis.  [Sur  l'opposition  de  ces  deux  hypothèses,  cf.  injra  VIL  75,  et  la  note, 
rectifiée  aux  Addenda  A 


\  1)1)1    M»  \      I l.l'.l   M»\ 

i  /,  v>      page  / ."/   i  lret  au  i  Ugnêi  3 
que  défi  ni I  une  n 
m  \  el  n  demou  i 

Miiih'    jicnsic,       I        flolê  un  me     page,      OOtê       '/       /  m      m/i>,i      In 

phrase     i  tans  un  outil  i  ks  rappoi  i  du  pi  ln<  Ipe  efll 

i<H  m.  i  c'(  '  i-dlre  de  l'arii  un  de  i  h  oh  ,.ï  m.ii 

n  .1  en  d'auti  ei  tei  me    I  Idée  i  éall  ée  pei  I'ouyi  lei    I 
,i  l'outil,  «-I  .m  ii  e  Anale 

Rétablir  ainsi  la  noir  salvanti 

Coual  :     poui  les  œuvrai  de  la  nature         On  la  Un  de  1 1 

i   note  .»  la  pensée  NI,  i  î.  l'analyse  de  iv\pi 

Je  ne  i  i  que      i  w    puisse  déaignei   i,  i  i.(  nature  unirai  i  Ile 

la  pierre  et  le  bote,  el  beaucoup  <r<>i>i«u  <|ui  ne  ><mi  déterminé-  <|u<-  pu  une 
simple         lonl  aussi  des    œuvres  de  la  nature»!  el    i  celle  qui  mstl 

tués    n'est  pas  loin  »  (car  elle  est  partoul  ,  on  ne  peut  dire  pourtant  qu'une 
force  demeure  en  ces  choses  informes  el  Inertei   Pai  les  mots 
9uvtxrf|uv«,  j'entends  loul  ce  qui  croit  ei  \  i  f  la  plante,  l'animal 

l'homme.  —  Il  est  d'ailleurs  entendu  que  la     nature  propre     d'un  être  Bail 
partie  de  la  nature  universelle  et  ne  saurait  lui  être  oppoc 

Même  pensée,  &  note    :  pages  f24  (note  6J  ei  t25.  Supprimer  le*  lignes  3  ei  S 

de  la  note  («OU   du    moins...   qu'à   celle   nature 

17,   42,   /     note  =  page  f25,  note  1    Vax  7(  et  8   lignes  de  la  noie,  lire: 
celles  qui  concourent  solidairement  et  également  à   un  même  effet 
«comme  deux  bœufs  attelés  à  la  même  charrue,     celles  qui  ne 

que  les  auxiliaires  d'autres  causes,  «comme  l'homme  qui  vient,  d'un 
léger  effort,  diminuer  la  charge  sous  laquelle  plient  deux  autre- 

17.  C>9.  Supprimer  la  note  (page  13 1.  noie  ftj. 

\H,   13  =  page  13ti.   Au    début   de  la  pensée,    écrire   en   italiques   les  m 
«  unit  »  et  :  «  associe. 

Même  pensée,  lrc  note  =  même  page,  noie  2.  .1  la  fin  du  îei  paragraphe 
de  la  note  ajouter  cette  parenthèse;  (cf,  infra  l\,  o,  6*  note,  les  deux 
conceptions  stoïciennes  de  la  sympathie.) 

Même  pensée,  3e  note  =  page  137.  \  la  3e  ligne  des  noies  de  la  page,  changer 
xaToXexTtx&c  en  xaTotXvpenxi&ç. 

Vil,  50,  2('  noie  =  page  148,  noie  3.  Commencer  ainsi  le  second  paragraphe  de 

la  note  : 

M.  Gouat  s'est  mépris  sur  la  place  de  la  conjecture  de  Gataker.  Des  deux 
xa\  qu'on  trouve  dans  cette  pensée,  c'est  le  second,  non  le  premier,  que 
(sans  doute  pour  faire  passer  roiovHe*  -:;)  Gataker  a  voulu  changer  en  rr  Cette 
correction  était,  d'ailleurs,  assez  mal  venue:  elle  prêtait  à  l'équivoque,  en 
laissant  croire  que  les  deux  r,  opposaient  (comme  5xoi •..  r ..-.  ou  comme  en 
latin  oui...  aut...)  deux  alternatives  qui  s'excluent.  Or.  il  est  certain  que  les 
«  éléments  insensibles  a  dont  parle  Marc-\urèle.  etc... 


MB1  i<  'i  Mi  «m  i     DES    UNI  VI  RSI  i  i  B    in      MIDI 

\  il,  66,  ->r  note  =  page  />'/.  note  i.  Rectifier  ainsi  le  début  de  lavant-dernier 
paragraphe  de  l<i  note 

le  n'ai  garde  de  contester  L'interprétation  que  M.  <:<>n;it  donne  de 
Je  dois  observer  pourtant  qu  n'es!  i>.»^  comme  '-•      el  comme  il  semble 

L'avoir  cru  une  particule  interrogative,  Cette  conjonction  signifie  uni- 
quement :     si  toutefois.     La  correction  de  Ménage  nous  obligerai  donc 

à  traiter  ausp  à)  comme  une  glose,  car  ««'Me  proposition  ne  lait  que 

traduire  à   nouveau   l'idée  exprimée   par   1rs  mol-  i...  av  tt<  à-iiT/TscE'/. 

Même  si    l'on    refuse   de    lire    XTUffnfaetev,   je   crains   que    Les    trois   mots  qui 

suivent  ne  puissent  pas  être  défendus.  ESn  effet,  ils  Limitent  le  sens  de 

ou,  Marc  Aurêle  n'ayant  pu  mettre  en  doute  ni  le  courage  de  Sociate.  ni 
son  habileté  à  discuter,  \-t-il  donc  pu  dire  (pie.  lorsque  nom  voulons 
concevoir  la  vertu  et  la  sagesse  de  Socrate,  les  traits  qu'on  en  cite  nous 
intéressent  moins  que  sa  démarche  ou  son  port  de  lète?  Noter  la  précision 
de  deux  termes  essentiels  de  la  première  proposition  :  d'abord,  \l*/.'.'7-i 
(«avant  tout»),  et  non  jxaXa  (((beaucoup»);  puis  tiç,  c'est-à-dire  rA;  xiç 
(u  un  chacun»),  et  non  tivs;  (((certains»)  ou  ol  icoXXot  («la  foule»).  Us 
semblent  réclamer  pour  7tep\  ©î  l'acception  la  plus  large.  Les  deux  parties 
de  la  phrase  des  manuscrits  sont  donc  en  désaccord,  à  moins  que  le  même 
pronom  deux  fois  sous -entendu,  d'abord  comme  antécédent  de  *spfc  ou, 
ensuite  comme  sujet  d'àVr/jk:  r,v  («  cela  »,  dans  notre  traduction),  n'ait  dû 
exprimer,  sans  que  rien  pût  avertir  le  lecteur  de  ce  changement  d'extension, 
d'abord  un  ensemble,  puis  une  partie  seulement  de  cet  ensemble.  On  ne 
peut  pallier  la  contradiction  du  texte  qu'en  le  supposant  incorrect  ou 
ambigu.  Ces  difficultés  dénotent  une  glose  :  elles  condamnent  sinon  la 
ligne  tout  entière,  etc. 

Dans  la  même  note,  changer  le  3e  mot  du  paragraphe  précédent  :  «  ajoute  » 
en  :  «  poursuit.  » 

Même  pensée,   note  finale  —  même  page,  note  2.  Modifier  la  note  ainsi  qu'il 
suit  : 

•i.  [Gouat  :  «avec  les  impressions  de  sa  chair.» — Cf.  supra  III,  6, 
4e  note;  V,  26,  avant-dernière  note.  Sur  les  deux  sens  possibles  des  mots 
«sympathie»  et  «  sympathiser  »  chez  les  Stoïciens,  cf.  supra  V,  2G,  4e  note; 
infra  IX,  9,  6e  note.  Ici  le  mot  <j'j>j~xçyr{  n'admet  aucune  de  ces  deux 
acceptions.  Nous  devons  l'interpréter  à  la  lettre,  en  considérant  qu'il  est 
voisin  de  ftiôew,  et  que  les  «  mouvements  déraisonnables  »  de  l'âme  (111,  16, 
3e  note),  qui  sont  les  «  passions  »,  peinent,  eu  ^rec.  être  désignés  du  même 
nom  que  les  «  mouvements»  de  la  chair,  qui  sont  les  sensations.  Pour  que 
les  sensations  puissent  troubler  l'entendement  et  devenir  des  passions,  il 
faut  que  le  principe  directeur  ait  abdiqué.  Autrement  dit,  la  «  sympathie  » 
sans  réserves  et  toute  vulgaire  de  i'àme  pour  le  corps,  que  Marc-Aurèle 
condamne  en  ce  passage,  n'est  qu'une  servitude.  C'est  le  seul  texte  des 
Pensées  où  les  mots  i-jUTraOr,:  et  Tj:j.zâOî.a  soient  pris  dans  ce  sens.] 

17/,  75  =  page  157.  Aua   4e  et  5e  lignes  de  la  pensée,  lire  :  les  êtres,  même 
supérieurs,  dont  le  principe  dirigeant  du  monde  s'occupe  spécialement. 


V  t  H  H    n  I  »  V       II       '    '  •  I    I .  I  '  .  I 

Même  p<  ■><■  fin  \l 

l     mm       que  le  I"  lin  Ipc  «lu  igcanl  du  m  i    : 
duollomi  ni  Mal  i  i  le  mol 

|e    ii  m   pu   croli  e  que   Mai  i    lui  èli  i   de 

i  baque  ôti  o  on  pai  tl<  ulk  i  a  la  en  idion  iu 

m  ■    i  i  tome  ni  llmlb     i  .  i  passai* 

peu  plus  baa  |c  i  appi •  >■  lie  de  celui-ci    el  n  >l  immeol  i- 
l'article  VI,   m        I   lea  dieux  ont  délibéré]  sui    mol  el  t  <\ui  ,l> 

m'ai  en  donnenl  l'intei  prëtaiion  réi  Idiqui 

(  Setie  pens(  i 

Huit  lign$ê  plus  loin,  au  lieu  de:   «ou  l  >  i  «  *  i  ■  i<  '  <i»v>  mdi\  idueiii- 

menl      l'idée  i  éal  loni  iu<  rendue 

il  va,  à  la  libre  volonté  de  I  >ieu,  el  commi  n  le  jour.  I 

ces  Interventions  successives  de  la  divinité  est  rendue,  <t 

Même  note,  page  f58,  De  laô(  «  lu  t\'  ligtu  denoie$i  au  lieu  de:     on  ; 
iiit'inc  dire  que   i  >i<  »  i    etc.,»  lire:      mais  il  n'esl   pas  question  de 
demander  à  Dieu  l'impossible.  Lorsqu'on  rend  compte  de  l'exisfc 
du  mal  dans  le  monde   Japra  II,  u,  note  a),  on  l'impute  à  la  liberté 
qui  a  été  laissée  à  l'bomme  pour  qu'il  eût  du  mérii 
On  ajoute  que  le  mal  rail  par  l'homme  ne  saurai!  nuire  à  l'uni. 
parce  que  Dieu  s'est  réservé  de  redresser  notre  action  ou  ses  suit 
nous  faire  coopérer  hou  gré  mal  gré  (VI,   la    t  wn  œuvre.   \in>i  le 
mal    exige,   la    liberté  de   l'homme  Implique  la   liberté  pour   Dieu 
d'intervenir  présentement   dans   le>  affaires   humain*  i   même 

a  été  prévu  dès  l'origine  du  monde.  \u\  Stoïciens  qui  soutenaient  que 
la  Providence  ne  s'intéresse  à  nous  que  parce  qu'elle  s'occup 
l'univers,  à  ceux  qui  jugeaient  indigne  d'elle  qu'elle  se  souciai  des 
affaires  de  l'homme:  Magné  dix  curant,  parva  negliguni  Cicéron, 
Nat.  Deor.,  II,  66,  167), —  Marc-Aurèle  lui-même  a  répondu  en  invo- 
quant la  boulé  divine  :  Si.  par  des  songes  ou  par  ses  oracles,  la  divinité 
peut  nous  venir  en  aide  (infra  I\,  27)  pour  des  choses  moraiemenl 
indifférentes,  et  seulement  souhaitables  («ponyiUv»),  à  plus  forte  raison 
nous  indiquera-t-elle,  à  notre  prière,  l'action  droite  et  le  bien  moral 
Dieu  peut  nous  donner  ou  nous  rendre,  etc.. 

Même  page,  même  note.  Relier  le  dernier  paragraphe  au  précèdent  par  les 

lignes  suivantes  :  Dira-t-on  que  la  faveur  de  Dieu  diminue  notre  mérite? 
Mais  le  mérite  est  déjà  à  la  demander,  si  on  lu  demande  comme  il  faut  : 
d'ailleurs,  «il  n'y  a  pas  de  honte  {supra  VII,  7)  à  être  aidé.  —  Pour 
plus  de  détails  sur  les  rapports  des  dieux  et  de  l'homme,  etc. 

MU y  i  ==  page  loS.  Rectifier  ainsi  le  début  de  la  '2e  note  : 

2.  [Couat  :  «  la  réalité  s'y  oppose.  »  —  Plus  haut  (IV,  21),  -  signifie 

simplement  «  hypothèse  »  ;  plus  bas  (X,  3i  >,  A  est  joint  à  SXq,  dont  il  prend 
presque  le  sens  («matière  d'action  ou  de  réflexion»);  plus  loin  encore 
(XI,  7).  etc. 


•j-S  BIBLIOTHÈQUE    DES    UNIVERSITÉS    Dl     MIDI 

r///.  m,  en  noir      page  f65,  nole3.  Lire: 

\c\\  tapra  \,  ..] 

17//.  w  —page  I7'i.  Fï/i  tfe  /"  pentêe.  Au  feu  de:  elle  demeure  rondes, 
///v  .-  elle  demeure  ronde  ■. 

/\.  19,  en  note      page  l'rj.  note  '/.  .1  l'avant-dernière  Hune  de  la  noie^  au 
lieu  de:  IV  39,  lire .  i\.  28. 

/\,    52,   note  finale  =  paye  \'ur,.  note  2.   Ajouter  ce   qui   suit:   A    plus   forte 
raison  (lésons  nous  aider  le  \oi>in  à  <e  conduire  suivant  la  raison  el   la 

sagesse.  Cesl  là.  nous  L'avons  ni  (VII,  74,  el  IV  12,  en  note),  le  vrai 

m'ds  stoïcien  des  mois  «aider »  ou  «rendre  service».  C'est  celui  <jui 
doit  distinguer  ici  rjspYeuxbv  rcpaacrciv  de  frvvepYijTcxfcv  TrpàTTS'.v.] 


Bordeaux.  —  Impr.  G.  Goinouilhoc,  rue  Guiraude,    i  i 


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1  0  AOUT  199^ 

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'•Niw^ 

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333    06       12        02       11     03    4