LES
GRANDS ÉCRIVAINS
DE LA FRANCE l'^ZO
NOUVELLES ÉDITIONS
A LA MhMh LIHUAIHIE
RRmooi'CTioR su raoroTmi ou Maiivm:«it or* Pwéw di
Blaivk Pakal. fl* Qsoa fofxk français d* U BibiioUiiqa« IbUo*
naU (Pari») «ree la laila impriBé aa lagard «I da» Mias. par
M. Ltos DM-jacmnoo, doelaur es bUras, |iiHfiMiiir agrifé
au lyeia Henri IV. — Un voluma in-folio (45 X Ss) eaoïpfa»
naol environ a6o |4ancbas an piMilotTpia al s6o pagw 3a lasla
et variaDle* : aoo fr.
Les pRormctALBa. Édition daa Grondé Èfrivcàu ds la Fraar* poMiia
par M- PnosfCR Favoêkk. — a volamea in-8«. brodiéa. . i5 fr.
Paitaiaa bt OroacvLsa, publiés avec une inlrodnelion, daa
notices, dea noiea et deui fac-similés du manoacrit des Pem$ia,
par M. Léoh Bmmcartco. — 3* édition, i voluma petit in«i6.
cartonné 3 fr. 5o
PaoTiNciALEs, lettres 1, IV et Mil. et estraita. Nowalle édition
complétée, publiée avee une introduction, des notes et un appen-
dice, par M. F. BmautnÈKt. de l'Andénie fraaçaiaa. — i vol.
petit io-i6, cartonné i fr. 8o
Pascal, par M. B. BovTHOVX. membre do 1 li> i ; t < r-ùon
éet Grand* Éerivaint fmnçûW). — l toI. in-i(V irorl»- 3 fr.
ŒUVRES
DE
BLAISE PASCAL
PENSEES
I
CHARTRES. IMPRIMERIE Dl RAND
rue Fulbert, 9
UTj
A MONSIEUR
LUDOVIC HALÉVY
DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE
CETTE ÉDITION EST DÉDIÉE
EN TÉMOIGNAGE DE PROFONDE AFFECTION
ET OB PROFONDE RECONNAISSANCE
L. B.
^C^ÇjpwC)
PENSEES
DE
BLAISE PASCAL
kl
NOUVELLE ÉDITION
COLLATIO?i:féE SUR LE MA?(USCRIT AUTOGRAPHE
ET PVBLléE
AVEC UNS INTRODUCTION ET DES NOTES
LÉON BRLNSCHVICG
Professeur de Philosophie au Lycée Henri IV
TOME PREMIER
PARIS
LIBRAIRIE HACHETTE
ET
c»
79.
•OOtlTAIIO ■AlNT-OnMAIN
. 79
1904
Tooa drolU réMTTët.
\'
3
NTRODUCTION AL\ i*ENSÉES DE PASCAL
La biographie de Pascal, et la bibliographie qui le
Gonoemc, rcssortissent à renscmble de rédition de ses
œuvres. L'inlroduclion aux fragments posthumes qui ont
le litre, maintenant consacré, de Pensées a seulement ce
triple objet : i" résumer l'histoire complexe de la publi-
cation du livre; 2" étudier le manuscrit original qui est
la base de la présente édition, et par là chercher à jus
tifier la méthode que nous y avons suivie: 3" retracer les
conditions intellectuelles dans lesquelles les Pensées ont
M écrites, et la conception générale qu'elles expriment.
fBMén 01 rASCAL. I -' t
PREMIÈRE PARTIE
La préface qu'Etienne Périer écrivit pour Tédition de
Port-Royal nous apprend dans quel état étaient ses manus-
crits au moment de sa mort : « On les trouva tous
ensemble enfilés en diverses liasses, mais sans aucun
ordre, sans aucune suite, parce que, comme je Tai déjà
remarqué, ce n'étaient que les premières expressions de
ses pensées qu'il écrivait sur de petits morceaux de papier
h mesure qu'elles lui venaient dans l'esprit. Et tout cela
était si imparfait et si mal écrit, qu'on a eu toutes les
peines du monde à le déchiffrer. » On commença donc
par en faire une copie. Cette copie est-elle celle que nous
possédions à la Bibliothèque Nationale, manuscrit 9 2o3
f. fr.,? et dans ce cas est-il vrai que cette copie reproduise
l'ordre des cahiers autographes, « tels qu'ils étaient, et dans
la même confusion qu'on les avait trouvés » ? S'il en était
ainsi, cette copie constituerait en fait la première et la plus
lidèlc édition des Pensées, d'une autorité supérieure, pour
Contre des pensées, au manu.scrit autographe; car l'auto-
graphe, aujourd'hui, est une collection de feuilles séparées
ou de |)etil«4 morceaux dn papier, collés comme sur un
album à une date qui n'est pas antérieure h 171 1, c'est-
à-dire presque cinquante ans après la mort de Pascal.
C'est donc par l'examen de cette copie que doit être abordée
l'étude de la publication dos Pensées.
1^ LES COPIES MANDSCRITRS.
I^ copie manuscrite vient du bén^ictin Jean Guerrier' :
il la tenait de Margucrit<* Périer qui la lui avait donnée
avec la biblioth^que de Pascal. Elle reproduit un état où
auraient été À un moment donné les Pensées de Pascal :
niais il parait bien que ce ne peut être l'état initial de»
fragments posthumes. En cfTct le recueil manuscrit, d^écri-
ture et d^aspect homogène», est pourtant un double recueil.
Jusqu'à la page i88, les fragments sont daaaéa lous un
certain nombre de titres empruntés k Pascal, comme s'il^
étaient disposés pour Timprc^ision. L'nc table des mati/rrs
rappelle les titres et en établit le lien; elle nous fournit
ainsi le plan d'une édition des Pensées, et nous le repro-
duisons ici : Ordre. Vanité. Misbre. Ennui. [Opi' ' i
peuple saines *] Raison des effets. Grandeur, don
Divertissement. Philosophes, Le Souverain bien, A. P. H.
Commencement. Soumission et usage de la raison. Excel-
lence. Transition, (c'est-à-dire, comme il est expliqué
dans le Recueil, Transition de l'homme à Dieu"), La nature
est corrompue. Fausseté des autres religions. Religion
aimable. Fondement, l^ti figurai ii^. R"
tuité. Preuves de Moïse, Preuves de 7t_.w :
phéties. Figures, Morale chrétienne. Conclusion. — Après
cette conclusion, k partir de la page 188, c'est comme
un second recueil qui commence, plus important que le
premier par le nombre des fragments, mai» «>ù Ton cher
cherait en vain une volonté ou même une apparence
d'ordre. — Vne seconde copie, qui est également k la Biblio
I . Ka l#t« 4* rteaMl ml PaltMtatkNi nivaal* : « S'il arriTail ^mr
i« riâtm» k «KNirir, il hul fi«ir« tenir k S«iBi-G«nMi»-4**-Pr^» rr
pr^Mul mbier pour fbrilitrr la lecture de l'ongtsal qai jr a été dépoté.
Fait i l'abhaj* dt SaÏHtJeoik-J'Aitfélr. et f* «mf 17*3. Sig»4 :
Pr. Jtam Gmtrritr.
s. Bajré d«M Im d<«i eopitt.
LES COPIES MANUSCRITES. t
ihèque Nationale, et qui porte la signature du Père Pierre
Guerrier, neveu de Jean Guerrier, reproduit, avec quel-
ques inter>ersions de feuilles, les deux parties de la pre-
mière copiée
Cette double disposition semble bien indiquer une
lenlative qui aurait été faite entre 1662 et 1669 pour
publier les Pensées. On aurait disposé un certain
nombre de fragments dans un ordre simple et rationnel ;
on atirait lai«?r en dehors du classement ceux que l'on se
proposait d'éliminer. Nous pouvons même conjecturer que
ce recueil manuscrit a été soumis à l'examen du Comité qui
travaillait à l'édition de Port-Royal : il porte à plusieurs
reprises des additions et des corrections qui ne sont pas
de la main du wjpistc ; (Faugère y a relevé l'écriture de
Nicole). Or elle,s se retrouvent dans le livre imprimé, et
il rsf assez peu vraisemblable que l'on ait songé après
coup à modifier le texte d'une copie, que l'on savait fidèle,
pour la mettre en harmonie avec l'édition de Port-Royal.
Tout ce que nous pouvons dire de celte copie, c'est
qu'elle nous introduit d'emblée dans l'intimité du travail
entrepris par le,s premiers éditeurs ; mais il semble bien
qu'elle nous reporte à une phase intermédiaire de ce travail.
Dan*, la première [»hasc on se pro|x>sait de déchiffrer les
papiers de Pascal et comme s'exprime Etienne Pascal a de
les faire imprimer tout de suite dans le même état où on
les avait trcnivés». Or les résultats fournis par cette copie
initialo furent décourageants, à ce point que « fort long
lenipN 0 on avait renoncéà la publication. Puis, quand on s'y
décida, ce fut pour retomber dans de nouvelles hésitations.
I<a famille de Pascal n'abandonnait point le premier
I. Cf. m*, niio/./r.
Tt PREPARATION DR L'ÉDITION PniNCEPs
projet. M. de Roannei, soulrmi Mns doute pnr crux qui
aviient assisté i la conférence de Port-Royal où Pascal avait
longuement et méthodiquement développé son « proj^^t
dWpologie », rêvait « d*éclaircir lc« pensées obscures,
d'achever celles qui étaient imparfaites ; et, en prenant dans
tous ces fragments le dessein de Pauleur, de sopi^éer en
quelque sorte Pouvrage qu'il voulait faire. Cette voie,
continue Etienne Pnjtrnl. n\l été assurément la meilleure,
mais il était diflicile de la bien exécuter. L'on s'y e.«t
néanmoins arrêté assez longtemps, et l'on avait en elTel
commencé d'y travailler ».
Les difficultés matérielles que devait soulever la publi-
cation des fragmenta de Pascal étaient peu de chose
d'ailleurs en comparaison des difliailtés internes. Pascal
était mort au plus fort de la lutte de Port-Royal contre
ses ennemis, au plu.s fort aussi de la lutte de Porl-Hoyal
contre lui-même. On ne saurait apprécier avec équité, on
ne saurait expliquer la première édition des Penséu, si
l'on ne commence par avoir égard k l'histoire de Port-
Royal. Depuis l'Assemblée générale du clergé qui aux
derniers jours de 1660 reprend le Formulaire pour le
mettre en vigueur jusqu'à Tavéncment de Clément I\ qui
en juillet 1667 change soudain la face des choses, il n'y a
point de relâche aux persécutions. Les religieuses sont
dispersées, soumises k un régime de surveillance et k des
tentatives de pression qui sont pour leur conadcoce inn
menace perpétuelle; les solitaires, inquiets, aoat en fuii<-
La publication eût-elle été matériellement possible qu'ellr
eût été inopportune: en réveillant les polémiques des Pro
vineitUes elle eût porté atteinte k Pautorité religieuse, &
Pflfficadté mortle de V Apologie.
En 1668, la paix de F Église est signée: Amauld est
reçu par le Roi, Port-Royal des Champa «t raoooatitoé.
PRÉPARATION DE L ÉDITION PRI\CEP> vn
La situation est favorable, elle est encore délicate. Les
jansénistes se sont engagés à ne rien faire qui pût trou-
bler la paix nouvelle; or Pesprit qui animait Pascal au
moment de sa mort est un esprit de lutte, de résistance
absolue; les fragments posthumes révèlent l'exaltation
croissante de Pascal contre les faux chrétiens qui ont
corrompu l'Eglise; si Pascal avait pu achever V Apologie
de la Heligion chrétienne, elle eût été plus « forte » contre
les jésuites que les Provinciales l'avaient été'.
Ces dispositions ne sont plus celles où se trouve
Amauld en 1668; elles n'ont jamais été exactement les
siennes. La dernière année de la vie de Pascal a été
attristée par la profonde douleur d'un dissentiment avec
ses amis de Port -Royal ; l'occasion peut en paraître légère,
il s'agissait de rédiger le texte d'un Formulaire à signer;
mais ce fut en réalité un déchirement intime : la conscience
religieuse était touchée en son point le plus délicat; ce
fut la guerre civile de Port-Royal, pour parler avec Racine.
Bien plus, et malgré les prévenances touchantes de
Nicole et d'Arnauld au cours de la dernière maladie de
Pascal, le débat se prolongeait dans une sorte de querelle
posthume qui devait être des plus pénibles à la famille et
aux amis de Pascal. Pascal avait fait confession à
.M. Beurrier, curé de Saint-Étienne-du-Mont, sa paroisse,
des difllcultés qui avaient surgi entre lui et Arnauld ;
d'où M. lieiirricr avait conclu que Pascal s'était rétracté en
mourant et qu'il avait abandonné le jansénisme. Le Père
Annal utilisa le prétendu fait dans sa polémique contre
Port- Royal, l'archevêque de Paris s'en ût donner une
I. Cr. Maurice Suuriau, L« JtuuinJMm* dê$ PMêèt» de Pueal.
Ileviif intrrnntu.nnie de l' enseignement, i5 nor. 1896.
vm PBÈP^nATIOX DR l/^-OITIOX phiscbps.
altMUtion; mir la prolMtation dr Mme Périrr', M. IWiir
lier dut reconnatirc aon erreur; ce qui n*cmpAcha point
Tarchevéque de Paris de profiler de la | *' 'im de«
Pensées pour reMusciter la légende et e»-^' nnpotar
l'adjonction aux Pensées de la prétendue rétractation de
Pawal : il en parle an libraire Desprei le ai décembre 1669,
avant Papparition do rou%ragc' ; le 1 man iftjo. il revient
à la cbargc auprt's de M. Péricr en vue d'une seconde
édition, et il fallut user d artifice pour qu'il ne AU pas
fait injustice « à la vérité et & I ire de M. Pa<^al * ».
La crainte de réveiller cette ai renoncer, même en
1678^ à la publication de la vie de Biaise Pascal, écrite
par Mme Périer; en 1680 enfin nn libraire veut im
primer cette Vie, k Tinsu de la fainillr, il m> propose
d'y joindre l'attestation de la rétractation de Pascal ;
Mme Périer intervient encore, et fait intervenir Domat,
en termes très vifs et très menaçants V
De telles circonstances expliquent la prudence qui était
imposée aux amis de Pascal, et aussi la diversité de leur«
tendance» et de leurs disposition». Le privilège pour la
publication de» Pensées e*l du '.17 décembre 1666, il e<»t
enregistre le 7 janvier suivant. Mais ce ne fut guère que
deux ans après, en octobre 1668, au lendemain de la paix
de l'Égli >e tinrent les réunion» pour tcplan
de la l'i n. Il est à présumer que I ! j. avait
été mis à profit par le duc de Roannez pour Tentreprisc
qu'il avait faite de reconstituer l'.Xpologie de Pascal. I..es
Périer étaient à Clermont ; on soumit le travail de M. de
I. Lettre de id65 {LéUm, optmuUi. 0U. tU k /•millt PMm/.
publia par Fangère, p. 87).
3. /&îrf., p. lis, tqq.
3. Voir «tti Pièces ja«iAcati*e«, p. cts&ii.
i. Cf. Recneil d'L'trecbt, i7io, p. 368.
LE COMITÉ DEXAMEN. n
Roanne/ h un Comité qm comprenait, outre Arnauld et
Nicole, M. Filleau de la Chaise, M. du Bois et M. de
Trôvillc.
\ quel titre ces trois noms se trouvent-ils réunis?
L n passade d'une lettre que Nicole écrit plus de dix ans
après d Mnoe de Saint-Loup se trouve être significatif à
cet égard : « Il est bon, Madame, d'accoutumer le corps
aux viandes communes, cl qu'on trouve partout, pour
n'être pas misérable quand on n'a pas ce (ju'on se serait
rendu nécessaire : il est bon d'accoutumer son esprit aux
esprits communs et de pouvoir se passer de M. de Tré-
villr, de M. (lu Bois et de M. de la Chaise, et enfin de
se défaire de l'idée de la nécessité de toutes ces choses'. »
On le voit, Arnauld et Nicole ont fait appel pour publier
l'ouvrage d'un « bel esprit » tel que Pascal à ceux qui
parmi les amis de Port-Royal avaient la réputation de
beaux esprits. De Tréville n'avait pas encore trente ans,
c'était un des plus brillants gentilshommes de la cour;
assidu dans la sixiélé de Mme de Longueville, il est à la
veille de la conversion totale qu'amena la mort subite
d'Henriette d'Angleterre et dont l'éclat devait retentir
jusque dans un sermon de Bourdaloue (i3 décembre 1671).
Il est du parti tle Port Royal « dont le genre de piété,
écrit Saint-Simon à son propos, était celui des gens
instruits, d'esprit et de bon goût » ; il y occupe cette
position " ' 't unique que dit Saint Beuve : « il
était grand pour tous ses amis, il était pour eux
le fameux M. de Tréville*. » N'est-ce pas de Nicole même
rP I. L» U(tr^ <>«i de li^oembre 1679; elle est citée par Sainte-Beuve,
Pordi I , t. IV, p. 48i
a. ^ , Porl-Roral. '»' "'<lit . « V, p. 56. Cf. U Bruyère :
1 LE COMITÉ D'EXAMEN.
i|«ir I .ihb^ He Sftint- Pierre nous rapporte œ trait : ■ Je fii^
Burpriit un jour de lui voir préfi^rcr l'esprit de M. de Tr^-
villeiccluide M. PaM-al ' »? — Gobaud du Boiseatde TAca-
démie française. — Filleau de la Ciiaifte assiatait, avec le duc
de Ronnnoz dont il <^Uiit l'ami, h la conférence où Pascal
exposa le plan de son Apologie, il s*est chargé de compléter
le travail do M. de Roanne^ par un Hiscourx sur tes Pen-
sées de Pascal qui devait acrompagner la première édition.
Ainsi composé, le comité devait accueillir avec faveur
le projet qui lui était soumis, de donner aux Pensées de
Pascal la forme d'un ouvrage achevé. Arnauld et Nicole
ne faisaient pas d'objection ; mais ils tenaient à ressen-
timent de M. et Mme Périer. Nous lisons la réponse de
Gilberte Périer & travers les lettres du comte de Brienne,
qui nous ont été conservées (c'était un intermédiaire assex
ndieux, que des écarts de conduite et de langage devaient
vite empêcher de prendre au sérieux, mais il apportait
alors à Port Royal l'appui et l'autorité du nom qu'il
portait, des grandes charges qu'il avait occupées dans
l'État *). Visiblement, pour Gilberte Périer, les fragments
écrits par Pascal sont comme les reliques d'un saint, aux-
quelles il est sacrilège de toucher. Elle s'ôtonne qu'on ait
songé è refaire les Pensées: elle se plaint du long commen
taire où elle ne reconnaît plus l'œuvre de son frère ; dans
la préface, qui fut écrite par Etienne Périer sous son in*
piration, et & l'insu du duc de Roannez et de Filleau de la
Chaise, l'impression est traduite avec plus de vivacité en
oore*. Malgré l'insistance de Brienne, la volonté de Mme IN-
& peine le loiiir de pronoacer quelques oracles. » {JDtê omMV^Ci é*
teaprit, n« s4.)
I. Sainle-Beiive, Pori-Hvfl, S« Mit., I. III, p. 384-
a. Ihid., t. V, p. i8 aqq. Vide infn, p. uilt, e^.
3. Cf. Piie«* JmtifiemU»e$, p. cici.
NICOLE. XI
rier dut s'imposer aux éditeurs de Port-Royal ; on renonce
à la restauration qu'on avait commencée, il est convenu,
selon les termes de la préface, qu'on publiera le texte de
Pascal, sans y rien changer.
Pourtant on ne peut empêcher << ces Messieurs » de melr
Ire au point les Pensées de Pascal. Non seulement, ils
devaient supprimer soit des notes tout intimes, soit des
fragments trop directement agressifs (et ils estimaient
d'ailleurs que le duc de Roanncz avait pousse un peu loin
ces éliminations inévitables); mais ils devaient terminer
les phrases, essayer de leur donner un peu de cette allure
égale et régulière qui était comme le cachet de Port-Royal ;
il y avait surtout a corriger ce qui dans le fond même pou-
vait paraître excessif et devenir dangereux'. On se remit
de ce soin à V exactitude de Nicole, l'éditeur de Saint-Cyran,
et qui s'était déjà fait comme le collaborateur de Pascal
par sa traduction latine des Provinciales. Nicole était-il
pour cette tâche dans les dispositions qu'il fallait? Nous
avons de lui, sur les Pensées de Pascal, une lettre qui est
fort singulière et, s'il faut tout dire, un peu affligeante*.
File est nécessaire à rappeler ; car, si elle atteste la sincé-
rité candide des éditeurs de 1670 contre lesquels Victor
Cousin devait jeter les flammes d'une éloquence à coup
sûr exagérée, elle nous avertit de ne pas leur reconnaître
un crédit qu'ils se sont refusé à eux-mêmes. De son
I. Un fleuron aues curieux qui R^re en t^te de quelques-unes
de» éditions de 1670 ilInMre l'exergue : Pendent opéra inlerrupta. Au
rentre l'édifice achevé : une église avec une croix. A droite, des
pierres éparses. A gauche, un premier étage régulièrement construit,
pt qui attend son couronnement. J'y crois voir les trois conceptions
qui avaient été proposées à Port-Royal : celle de M. de Roannez,
celle de Mme Périer, et enfin la solution moyenne k laquelle on s'eM
arrêté.
a. Voir aux PUcei jutUfieetivti, p. coli.
iH ARNACLD.
|>; 'pir dMti, Nicole n'a ptn ri)mpriK|p!« iù'mfrs dr HabciI.
OiTil n'ait vu dans ieiir auleiir qu'un ramassew de
foquiUes\ c'est une boutade que nous ne Murions prendre
au sérieux. Mais à ses ^eux Pascal rtait dcmcnn^ le jeune
homme qui avait écrit les Provinciale*, et qui avait assuré
leur soooès par ses qualités roondaineit. C'est parce qu'il
»nrlait à peine du siècle qu'il avait eu si facilement prise
sur le siècle; les influences profane*" ^ r . .
trop par les passages imité» ou tran
par les attaques téméraires contre l'ordre que Dieu a établi
dans l'État et dans l'Église même.
Sur ce dernier point les sentiments de Nicole paraissent
avoir été partagés par Amauld. a Toujours occupé »,
Arnauld est surtout intervenu vers la fin. Le livre est impri-
mé, il lui faut des approbations : mais les approbateurs
ont leurs exigences. Arnauld est l'arlùtre désigné : il a
l'autorité de la doctrine, et il sait quelles sont les nécessités
du moment. Il impose à Mme Péricr les sacrifices 'qu'il
juge inévitables ; mais, après avoir envoyé le libraire
Desprez chez l'archevêque de Paris, lorsqu'il est menacé
de recevoir l'ordre de joindre aux Pensée* de Pascal
une attestation qu'il savait inexacte et qui devait être
désavouée par son auteur, lorsqu'il lui faut protéger
M l'honneur « de Pascal contre les étemels faussaires qtie
les Provinciales n'avaient pas corrigés, il n'hé>ile pas, il
approuve le détour suggéré par Dcsprez, cl Ir premier
tirage des Pensée* où Ton avait d'ailleurs quelque peu
remanié l'impression de 1669 est mis en vente comme
Mtcondt édition* .
t. Cr. Smat«-BMire. Pori^Rojml, 5« Mit., t. Itf
a. Voir •■( PAettjtuttJirclivrt, p. cLitiii. i'lii»i
MitiMi rf« 1670 «t la collation avec lin
L'ÉDITION DE PORT-ROYAL. xm
Ouvrons enfin le livre des Pensées tel qu'il parut en
1670 : nous oublierons alors la préparation trop laborieuse,
les dissentiments du duc de Roannez et de Gilborte
Périer, la mauvaise humeur et les boutades de Nicole. Il
reste que l'adaptation est parfaite ; une fois accepté le cadre
auquel on destinait Tœuvre, elle y est ajustée avec une
exactitude irréprochable. L'édition porte dans l'hisloire
le nom d'édition de Port-Royal ; pourtant ce n'est pas une
édition janséniste, c'est une édition catholique, peut-
être pourrait-on dire une édition chrétienne. Les amis de
Pascal ont cru de bonne foi travailler pour la mémoire de
Pascal en adaptant les Pensées h la situation nouvelle de
Port-Royal, en faisant d'un livre écrit dans l'ardeur du
' K' le parti de.s Jésuites, une œuvre d'édification,
, l(^ calme et de recueillement, digne de servir
de profession et comme de centre k l'Église réconciliée et
unifiée. Ont-ils été en cela d'accord avec ce que Pascal
aurait voulu lui-même, ou accepté? La question, pour avoir
été jKisée plusieurs fois, et résolue en des sens divers, de-
meure de celles qui ne comportent point de réponse ; elle
revient à se demander si Pascal eût suivi Nicole et .\r-
nauld dans leur évolution, s'il se fût résigné aux conces-
sions qui marquèrent la paix de Clément IX, ou s'il se
fi^t opposé à toute transaction comme en 1662. C'est
clierclier à forcer un secret qui n'a jamais existé : il nous
suflitque les amis de Pascal aient obéi scrupuleusement k
un devoir de conscience. En prenant avec l'écrivain des
libertés qui nous paraissent aujourd'hui incompatibles avec
les obligations de l'éditeur probe, ils n'ont pas cessé de se
sentir en communion d'esprit avec l'homme qu'ils avaient
;hj, avec le chrétien qui avait voué toute sa vie à la
iit >< usede la rcUgion vraie et qui jamais n'avait consenti k
être •• séparé d'autel », à désavouer l'autorité de l'Église.
uv L'ÉDITION DE PORT-RUYAL.
Quelquefois même, et dans les endroits où lean <
lioM oou» paniiftsont le plus choquantes, ils n'ont altéré
le texte qu'afin de mieux appliquer les régies de style ou de
conduilr que Pascal avait édictées. En voici un exemple
touchant : Le fragment ^71 de notre édition était comme
Mme Périer nous l'apprend dans la Vie de Pascal, une
instruction que Pascal avait rédigée pour lui mi^mc :
M li est injuste tju'on s'attache à moi, etc. » Dans le texte
donné par Mme Périer, dans la Copie que nous a conservée
le manuscrit, le moi est employé |M)rlout ; c'est l'objet
ver» lequel la nature nous attire, et dont il faut que chacun
dénonce en soi-même la fragilité. Port-Royal à moi sub-
stitue noiu, et ce n'est plus cela ; tout ce qu'il y avait d'in-
time et de profond dans le fragment s'évanouit. C'est que
Port- Royal s'est souvenu du précepte de Pascal : Le moi
est haïssable; il a corrigé Pascal, parce qu'il a, fort mal
è propos d'ailleurs, voulu éviter de paraître le mettre en
contradiction avec lui-même'.
D'une façon générale, si les éditeurs de Port- Royal, en
arrangeant le style de leur auteur, l'ont rendu plus tenir,
s'ils ont atténué, >< éteint », pour le faire rentrer dan» U>
rang, l'incomparable écrivain dont la moindre exprci»sion
faisait saillie, c'est qu'ils ont cru qu'ainsi les Pensées
seraient plus conft)rmesà l'esprit de Pascal lui-même, à sa
volonté scrupuleuse de masquer sa personnalité. Ils avaient
lu dans les fragments posthumes les recommandations qu«>
Pascal se faisait à lui-même : « Éteindre le flambeau de
la sédition, trop luxuriant. — L'inquiétude de son génie,
I. M. BMimt de Hmii ■ iomué k la BibBotbèy Natioaal* l«/ar-
ibmUf d'aaa laltra mdrmUt par Paical ea 1659 k Hujrfk*»* P-^*^**
«iToia k iJajrglMas das asaoïplairc* de tet écriurclatifi k la ru^
il y aorrife de »#ai« la aMalioa parsoaaalla qa'ii avait fcHa natarpi-
uâaat éê tuu travail. J'aj ri$olm aM rsaplsfé par Fmmfma m risala.
L'ÉDITION DE PORT-ROYAL. xv
trop de deux mots hardis. » Ils ont, avec un zèle parfois
maladroit, mis à profit ces recommandations. On éprouve
quelque dépit à comparer les lignes sur Archimède
telles que Pascal les avait écrites, et telles que Port-
Royal les traduit : a Archimède, sans éclat, serait en
même vénération. Il n'a pas donné des batailles pour les
yeux, mais il a fourni à tous les esprits ses inventions. Oh !
qu'il a éclaté aux esprits. » Cela est trop hardi ; Port-
Hoyal embellit : a Archimède, sans aucun éclat de nais-
sance, serait en même vénération. Il n'a pas donné des
batailles, mais il a laissé à tout l'univers des inventions
admirables. 0 qu'il est grand et éclatant aux yeux de l'es-
prit ! » Voici un passage célèbre : a Quelle chimère est-ce
donc que l'homme? Quelle nouveauté, quel monstre,
quel chaos, quel sujet de contradiction, quel prodige ! Juge
de toutes choses, imbécile ver de terre ; dépositaire du
vrai, cloaque d'incertitude et d'erreur; gloire et rebut de
l'univers, » Port-Royal retranche ce qui est « luxuriant »,
et il imprime : « Quelle chimère est-ce donc que l'homme?
quelle nouveauté, quel chaos, quel sujet de contradiction?
Juge de toutes choses, imbécile ver de terre ; dé{)Osilaire
du vrai, amas d'incertitude ; gloire et rebut de l'univers. »
Ailleurs c'est une expression familière qu'il importe de
MKHlifier : Les figures un j}eu tirées par ies cheveux devien-
nent moins naturelles ; la terre grasse devient une terre
abondante. Ou bien un détail pourrait scandaliser les ha-
bitudes du lecteur. Pascal montre un magistrat à l'église :
« \ oyez le entrer dans un sermon où il apporte un zèle
tout dévot, renforçant la solidité de sa raison par l'ardeur
de sa charité. Le voilà prêt à l'ouïr avec un respect exem-
plaire. Que le prédicateur vienne à paraître, que la nature
lui ait donné une voix enrouée et un tour de visage bi-
zarre, que son barbier Tait mal rasé, si le hasard l'a en-
XVI I. f.DITION DE PORT-HOYAL.
oore bariwuillé do surcrott, quelque grandes vériléft qa^il
annonce, je parie la perte de la gravité de notre aénaleur. »
Port-Royal s'eflarouche de ce tableau, il transporte b
Mène au Palais de Justice : c Voyu le entrer dans la
place où il doit rendre la justice. Le voiU prêt k ouïr avec
avec une gravité exemplaire. Si Pavocat vient k paraftre
et que la nature lui ait donné une voix enrouée et un
tour de visage bizarre, que son barbier Tait mal rasé, et si
le hasard Ta encore barbouillé, je parie la perte de la gra-
vité du magistrat. 0
Avec le même souci de la régularité, dans le même
esprit de prudence, Port-Royal a omis un grand nombre
de fragment», les uns parce que ce sont des redites, des
phrases inachevées, des réflexions toutes personnelles et
sans portée apparente pour le public, les autres pour Tau-
dace de pensée qui s'yn'vMo. Deux groupes sont particn
lièrement sacrifiés. |K>ur les raisons que Nicole et Amauld
nous ont dites : les fragments sur les lois et sur la justice
politique, les fragments sur les miracles quand la théorie
du miracle est poussée jusqu'au temps 1 ' ' t se tourne
en attaque contre les Jésuites. Les «ji trop brû
lantes sont écartées. Même, lorsque Port-Royal reproduit
les grands développonienis que Pascal a marqués d'une
empreinte inoubliable, il use de précaution, .\insi le
fragment sur les Deux infinis se trouve réparti entre deux
chapitres différents, et Port-Royal fait précéder le début
de remarques didactiques, destinées à diminuer quelque
peu la portée de la Pensée*. L'argument du pari est
publié; il y manque quelques phrases. Port-Royal im
prime : a Suives la manière par où ils ont commencé ;
Nom eil«M cm rtaiarqucs ma aole dn fr -,
L'ÉDITION DE PORT-ROYAL. xvii
imitez leurs actions extérieures, si vous ne pouvez encore
entrer dans leurs dispositions intérieures ; quittez ces
vains amusements qui vous occupent tout entiers, »
lorsque Pascal avait écrit : « Suivez la manière par où ils
ont commencé : c'est en faisant tout comme s'ils croyaient,
en prenant de l'eau bénite, en faisant dire des messes, etc.
Naturellement même cela vous fera croire et vous abêtira.
— Mais c'est ce que je crains. — Et pourquoi? qu'avez-
vous à perdre? » De plus, l'éditeur insère en tête du
chapitre vii : Qu'il est plus avantageux de croire que de
ne pas croire ce qu'enseigne la religion chrétienne, un
Avis qui prévient toute mauvaise interprétation et qui
d'ailleurs implique une intelligence très pénétrante du
Pari'.
Enfin et surtout, ce qui achève de donner sa physiono-
mie à l'édition de Port-Royal, c'est la disposition des
matières. Délibérément, après un commencement d'ex-
périence qui leur parut décisif (et que confirme avec
une autorité singulière l'histoire de tous les essais de
restitutions tentés au xix* siècle), les amis de Pascal ont fait
le sacrifice de l'ordre qu'il rêvait, de la logique nouvelle
qu'il voulait y appliquer, et qui était k ses yeux aussi
assurée de persuader des vérités morales que la géométrie
de démontrer les propositions de son ressort. Mais au
moins ont-ils tiré parti de ce sacrifice pour donner aux
Pensées un caractère d'onction sereine qui devait lui con-
ciher les lecteurs du xvu* siècle.
Rien de plus méritoire à ce point de vue que l'édition
de Port-Royal, rien de plus « réussi n. Nous sommes
tout de suite transportés en plein cœur de la religion :
l'exhortation aux Athées, destinée à secouer leur indiilé-
I. Cf. l'Appcadiet ta fr. 933.
miét» OB rASCAL. i — 1
tnu L'ftDITiu.> i>K ruIlT-ROYAL.
ranoe, forme le premier chapitre deTouvrage, comme elle
devait fiûre la prAboe de TApologie ; puis aont eipo-
tém les marques de U religion, lea peoaéea fur lea rap-
ports de U foi et de U raison, qui préparent et enve-
loppent l'argument du pari ; à ces preuves intrioaèques
s'ajoutent immédiatement les preuves historiquea : les
Juifs, Jésus-Christ, Mahomet. C*eal seulement après
avoir médité ces pensées toutes pieusesi toutes pénétrées
de la pure doctrine catholique, que le lecteur eat invité à
des méditations qui se rapprochent de la philoaopbie.
Tout ce qui a trait à la connaissance générale de Thomme,
k sa grandeur et à sa misère, est présenté comme le com-
plément de la doctrine religieuse, et non comme une
introduction. Pascal moraliste ne précède pas Pascal chré-
tien ; il s'y appuie au contraire pour tirer de là son auto
rite. Les Pensées sur la lieligion doivent constituer la plus
importante et surtout la première partie de Touvrage ; les
Pensées sur F Homme suivent, puis les Pensées sur les mi-
racles qui forment comme une espèce particulière de
pensées détadiéea. Enfin le volume est terminé par plu-
sieurs chapitres de fragments sans lien : Pensées chré
tiennes. Pensées morales. Pensées diverses, au miUeu des-
quelles s'entremêlent des écrits plus intimes: extraits
des lettres à Mlle de Roannez, de la lettre de i65i sur la
mort de son père, la prière pour demander à Dieu le bon
usage des maladies.
Le choix et l'arrangement des fragments, auaai bien
que le remaniement du texte, tout concourt à donner une
impression remarquablement nette et remarquablement
purr. De fragments écrits au moment où Pascal était le
plus ardent, où son âme était le plus remplie et de Ten-
thousiasmc du miracle et du scandale de TÉgliae, Port-
hoval a fait un Uvre qui respire rapaisement ol preM^u.-
I
LÉDITION DE PORT-ROYAL. m
la sérénité mystique, un livre largement chrétien, propre
k nourrir également toutes les âmes pieuses.
Pendant un siècle il n'y eut d'autre édition des Pensées
que l'édition de Port-Royal. Le volume primitif s'aug-
mente seulement, à diverses reprises, de fragments nou-
veaux qui furent répartis à travers les divers chapitres du
recueil. En particulier l'édition de 1678 porte ce titre:
Nouvelle édition augmentée de plusieurs pensées du même
auteur ; elle est suivie en outre de diverses pièces qui
avaient paru séparément en 167a et qui deviennent l'appen-
dice habituel des Pensées : le Discours sur les Pensées de
M. Pascal, le Discours sur les preuves des livres de Moïse,
le Traité qu'il y a des démonstrations d'une autre espèce,
et aussi certaines que celles de la Géométrie et qu'on en
peut donner de telles pour la religion chrétienne. On avait
pris également en 1 678 privilège pour publier la Vie de
M. Pascal par Mme Périer, sa sœur ; mais elle ne parut
qu'en i684, en tête d'une des nombreuses réimpressions
qui se faisaient à Amsterdam. Désormais la biographie et
les commentaires qui avaient été écrits en vue de l'édition
princeps encadrent les Pensées, l'aspect de l'ouvrage
demeure Gxé jusqu'aux travaux, presque contemporains
entre eux, de Condorcet et de l'abbé Bossul (1776- 1779).
On savait pourtant que le livre imprimé était loin
d'enfermer l'intégralité des manuscrits qui étaient con-
servés par la famille, ou qui circulaient dans les milieux
|an■.l'nl^tes. En 1711 le bénédictin dom Toutée entretient
1 dbbf Périer du travail de rédaction qu'il a entrepris sur
trois cahiers qui lui ont été confiés'. Ce travail n'aboutit
I . « Je travaille k rédiger en ordre les Penaées cootenae* dans le*
trot* cahien que vout m'aves laiMé*. Je croi» qn'il ne hudn oon-
tx LE P. DESMOLBTS.
pas; il fut reprit, parliellement, ptr le P. DetinoleU,
bibliothécaire de l'Oratoire, qui ioaère en 1738, dans la
•eoonde partie du tome V de la continuation des mémoires
de Littérature et d'Histoire, C Entretien avec M. de Saci.
cl une a suite des Pensées de M. Pascal, extraites du
manuscrit de M. l'abbé Périer, son neveu ».
Ces oeuvres posthumes comprenaient le traité dt l'Art
de penuader, les réflexions sur V Amour-propre et ses
effets, enfin une série de Pensées diverses, qui étaient
publiées sans aucune espèce d'ordre, sans grand respect
du texte; Desmolets choisit k l'intérieur d'un fragment,
au hasard de sa curiosité ; il résume et il aflaiblit, ave*
un souci visible de la clarté, ajoutant des titres en rnarg*
quand cela lui parait nécessaire, comme pour mieux
marquer la discontinuité même de sa publication.
Tandis que le P. Desmolets est un curieux et un érudii,
heureux de donner place dans son recueil aux inédits
d'un grand écrivain, Colbert, évèque de Montpellier,
est un polémiste, qui appelle à son secours le jansé
niste militant. Dans une troisième lettre à M. de Soissons
à l'occasion du miracle opéré à Paris dans la paroisse
de Sainte-Marguerite (du 5 février 1727) il écrit : « J«
consens de passer pour un homme ridicule, pourvu qu*
ce ne soit qu'après M. Pascal, et en raisonnant selon ses
principes. Ce grand auteur fait mon apologie. Je n'ai pa^
prsadff* éam et rceoeil que 1« pwséM qui oai ^aal^v* okoM dr
BOWVMtt, 9t qai Mot «mm parAiiU* pour fkirc ooaMvoiraa l#rt«ii.
dn moiat une partie de ce qu'elles reafenaest. C'Mfl poorq
UiiMrai oellet qui a'oot riea de aoaveau, toit poor !••«]•(, wtt <•....
le toor tt daot la naaière, et ceUe* qui Mal trop ialbruea, •■ Mrtc
q«'«ll«e ot p««T«al préMatvr uam parfcilaaeat Itmr Ma*. Je ae
rMoaaaad* à tm MÏats MeriloM «t à vocra SMivMùr. •
« A taiiâ Darif, «e as jm» 1711. a
I
COXDORCET. XXI
besoin de parler moi-même: il parle pour moi ' . » El il
publie à la suite de cette lettre une série de fragments
relatifs au miracle de la Sainte-Épine, que nécessairement
Port-Royal avait exclus '.
L'édition anonyme qui fut donnée à Londres en 1776*
a été inspirée par le désir de reprendre Tœuvre de Port-
Royal. Condorcet en est Tauteur; il avait écrit dans
V Éloge de Pascal, en faisant allusion au manuscrit —
l'autographe, dit-on — dont il avait eu communication :
a Ces pensées n'ont pas été toutes imprimées. Les amis
de Pascal en ont fait un choix dirigé malheureusement par
les vues étroites de l'esprit de parti. Il serait à désirer
qu'on en Ht une nouvelle édition, oîi l'on imprimerait
plusieurs de ces pensées qui ont été supprimées, soit par
une fausse délicatesse pour la mémoire de Pascal, soit
par politique ; mais il faudrait en retrancher un plus grand
nombre, que les dévols éditeurs ont publiées, tout indignes
qu'elles sont de Pascal. » Condorcet ne blâme, on le voit,
les libertés prises par les parents et les amis de Pascal
que pour attribuer à l'éditeur futur le droit de s'en octroyer
de toutes semblables, maisen sens inverse; aussi, lorsqu'il
réalise lui-même en 1776 le programme tracé quelques
années auparavant dans l'Éloge, il ne faut pas s'étonner
I. ÛEuvrts, t. II, p. 354.
3. Ihid., p. 367. — Botsat, à l'article XVI de sa seconde partie, a
reproduit le texte tel qu'il a été donné et sur certains poinu com-
plété par Colbert. CF. fr. 84o et 853 noUt.
3. Sans nom d'éditeur. Il y a tout lieu de croire que Londrea cat
ici, cumine LauMnne p<jur l'édition BoMut, une indication fictive.
L'aspect matériel des deux édition» présente d'ailleurs certaines r«*-
temblanoes. Et l'abbé Bossut, qui a collaboré aui travaux scienti-
fique* <io Condorcet. n'était prut-étre pas étranger k la commanication
de» uinnuscrita dont nous parions plus bas.
CO.NDORCF.T
u son édition eat encore plus <• arrangée », plus diatante
da manuscrit autographe que rédition de 1670.
Non qu*U y ait Heu de prêter k Condorcet la moindre
intention de dénigrer, ou de défigurer Pascal. Il admire
récrivain, il approuve m méthode, qui s^adresse au cœur
et passionne les hommes pour la vérité ; surtout il respecte
le savant, qui a trouvé, dit la Pré/ace. a le secrel de
peser Tair et d'assujettir au calcul les efEsts da hasard «•.
Mais il juge Pascal de haut, en toute bomie foi et en
toute certitude, avec le droit que lui donnent cent ans de
progris dans la culture de la raison. Tandis que a Des-
cartes opère dans les esprits » la « révolution k laquelle
rhumanité devra son bonheur, si ce bonheur est possible»,
Pascal, a grand géomètre, doué d'un génie égal pour
imaginer des eipérienoes », demeure étrangère la |^o-
sophie; il se retourne vers le passé, il en partage les pré-
jugés, il en défend les traditions. Or cette contradiction
tient, suivant Condorcet, à Tinexactilude et k l'insuffi
sance des applications que fait Pascal du calcul des
probabilités. Il sépare le monde en deux : le monde des
mathématiques où il est permis de posséder la vérité, le
monde moral qui est tout entier confusion et impuissance,
au lieu de demander à la méthode des probabilités de
mesurer le passage graduel qui se fait de Tignorance et
de rincertitude k la science et k la lumière, de la passion
et de la corruption k la raison et à la sagesse.
On comprendra maintenant comment Condoroel s*y est
pris pour réparer « le tort que le zèle aveugle des amis de
Pascal a fait k sa mémoire ». A la vie de Mme Périer
« plus occupée de prouver que son frère était un saint que
de faire connaître un grand homme », il a substitué V Éloge
de Condorcet qui a « le mérite, bien rare aujourd'hui, de
n'être point infecté de l'esprit de parti ». Il a ensuite
CONDORCET. «m
supprimé toutes lee pensées qui lui paraissaient des
« puérilités » et qu'on avait conservées pour « donner de
la valeur a des misères scolastiques ou mystiques ». Il
signale lui-même dans une note de sa Préface quelques-
unes de ces suppressions : elles portent en général sur
des fragments auxquels Condorcet, comme Voltaire', ne
pouvait attacher grande signiGcation : « L'Ancien Testa-
ment contenait les figures de la joie future, etc... La
charité n'est pas un précepte figuratif, etc.. Les faiblesses
les plus apparentes sont des forces à ceux qui prennent
bien les choses : par exemple les deux généalogies de
saint Mathieu et de saint Luc, etc... Les septante
semaines de Daniel sont équivoques, etc... » Mais il y a
deux de ces suppressions qu'il est curieux que Condorcet
relève lui-même. La première porte sur un fragment que
Voltaire avait vivement critiqué : « Croyez-vous qu'il soit
impossible que Dieu soit infini, sans parties? Oui. Je
vous veux donc faire voir une chose infinie et indi>isible.
C'est un point, se mouvant partout d'une vitesse infinie ;
car il est un en tous lieux et tout entier en chaque
endroit*. » Et la seconde, qui est tout de même fâcheuse
pour un éditeur de Pascal : « La distance infinie des
corps aux esprits fip^urc la distance infiniment plus infinie
des esprits à la charité ; car elle est surnaturelle. »
Dans ces conditions le travail de Condorcet devait être
tm choix de pensées (suivant l'expression des premiers
annotateurs de se» Œuvres complètes), plutôt qu'une
édition proprement dite. Encore dans les passages qu'il
conserve, Condorcet ne se soucie-l-il pas d'améliorer le
I VJ RamarquM du lo mai 17^3 k propM de U publication de
De«inolrt«.
3. Cf. fr. s3i et la note.
tm CO?(DOflCBT.
texte: il reproduit pieuMmcnt le« altération» et 1m tnut-
poaitions de Port-Royal. LUntérétde l'édition est dans le
plan : il est conforme k Pidée systématique que Coodocoet
se fait de Pascal, et il est clair. Le premier article contient
des réflexiont sur ta géométrie qui n'étaient encore
connues que par les extraits de la Logique de Port-
Royal et les passages du traité de VArt de persuader qui
avaient été publiés par Desmolets ; les conditions de la cer-
titude rigoureuse sont donc définies. En regard, Condorcet
place immédiatement, dans les articles suivants, le pro-
blème de la vie future, la nécessité de donner sa vie pour
son salut, et de parier pour la religion; mais aussi Tin-
certitude de toutes nos connaissances, la faiblesse et la
misère de Thomme. Il est impossible d'arriver par la
raison à quelque démonstration de théologie ou de mo-
rale ; et ainsi comme dit le titre curieux de Varticie sep-
tième où Condorcet rassemble toutes les pensées « scep-
tiques » de Pascal, inédites alors en grande partie, les
« préjugés » sont « justifiés ». Mais à défaut de démon-
stration susceptible d'une valeur géométrique, il y a des
« preuves morales » et des « preuves historiques » du
christianisme ; elles sont réparties dans les deux der-
niers paragraphes de Tarticle neuvième, et précédées d'un
premier paragraphe : r Nature des preuves du christia-
nisme s où sont réunis quelques-uns des fragments les
plus hardis sur Pincertitode nécessaire de U religion, sur
l'ambiguïté radicale des prophéties et des miracles, sur
le rdle de la coutume et de l'automatisme. Enfin G>ndorcet
extrait des Mémoires de Fontaine les passages «esentiels
de VEiùrttien avec M. de Sad, et ajoute on chob de
petuéeg divenes. Quant au commentaire, il est composé
de quelques notes où G>ndorcct se préoccupe plus de sa
propre philosophie que de Pascal ; le ton en est dogma-
VOLTAIRE. xxr
tique et tranchant, il va parfois jusqu'à l'indignation :
a La superstition, écrit-il en note du fragment sur les
Deux Infinis, avait-elle dégradé Pascal au point de n'oser
penser que c'est la terre qui tourne, et d'en croire plutôt
le jugement des dominicains de Rome que les preuves de
Copernic, de Kepler et de Galilée' ? »
En outre Condorcet insère, parmi les notes de son édi-
tion, avec une réfutation du pari qu'il attribue à Fonte-
nelles, les Remarques que Voltaire lui-même avait jointes
en 1734 à ses Lettres philosophiques . Dans V Éloge et dans
la Préface Condorcet s'était mis sous le patronage de
Voltaire : le premier, il avait rompu le charme en osant
critiquer les Pensées qui étaient l'objet d'une « sorte de
culte ». Voltaire à son tour se mit sous le patronage de
Condorcet; en 1778, à la veille de sa mort, il publia k
Genève une édition de l'Éloge et des Pensées de Pascal,
tels que Condorcet les avait donnés deux ans auparavant,
avec un court avertissement et de nouvelles remarques.
Par de* DOtes de ce genre, et «ossi en baptÏMnt AnudelU myt-
tique la Mémorial que le Recueil d'Utrecht arait publié en 17^0,
Coa<ior>M( oavre le« roiea à la thèse de la folie de Pascal, qae La Mettrie
n- m indiquée d'après Voltaire et que le D' Lélut a reprise en
I ' ' thèse trouTfr-t-elle un appui dans le texte même des Pen-
aies? C'est TaTU d'un aliéniste contemporain, le D' Binet-Sangié, et
▼oiei les exemples qu'il en donne : « L'd dessin du manuscrit dM
Peaaées (cf. p. ii3, Fr. 691 de notre édition) rappelle par sa concep-
tion certain* deasins d'aliénés. > Puis des contradictions telles que
celle»^ : Lm merifiee» plaitent et déplaisent (fr. 683) ; et des associa-
tions d'idées « abaolnoBent véaaniquea » : La grâce n'e$t que la figure
de la gloire (fr. 643). Voir /.n maladie de Biaise Patoal, dans les
AmmUt mééko'peyekologiqaes, mars 1899. La pathologie mentale, dont
i'a«te«r ae réelaae, joait d'an crédit trop légitime, elle provoque des
twfénuetm trop solide*, pour qoe les interprétations du IV Binet-
Seaglé ne doivent pas être relevées ici — k titre de document* sur la
ptjrekologie d'an aliéniste.
ttvi VOLTAIRE
La carrière philosophique de Voltaire m trouve ainat
comme encadrée par deux études sur les Peruén de
Pascal. Ces deux études ne portent pas tout h fait sur le
même terrain. En 1784 Voltaire est avant tout optimista,
à la psychologie dualiste de Pascal il oppose les analysée
unilatérales et le naturalisme simpliste des philosophes
anglais ; c'est ce qu'il appelle « prendre le parti de Thu-
manité contre ce misanthrope sublime » '. En 1778,
Voltaire s'est depuis de longues années prononcé contre
Leibniz et Rousseau ; il est pessimiste. Aûn de combattre
Pascal il invoque le progrès de la science, qui permet
d'être optimiste pour l'avenir. Aussi k on savant comme
Pascal il oppose un savant comme Condorcet qui, écrit-t-il
dans VAifertùsement de 1778, « est, ce me semble, autant
au-dessus du géomètre Pascal que la géométrie de nos
jours est au-dessus de celle des Roberval, des Fermât et
des Descartes ». Dès lors Pascal n'est plus « ce géant
% ainqueur de tant d'esprits » ' dont Vauvenargoea subissait
malgré lui, et surtout malgré Voltaire, n Pasoeodant des-
potique ». « Quelle lumière, écrit maintenant Voltaire,
s'est levée sur l'Europe depuis quelques années I... C'est
la lumière du sens commun... On a ri i la mort du jan-
sénisme et du molinisme, et de la grâce concomitante, et
de la médicinale, et de la suffisante, et de l'efficace... De
tant de disputeurs éternels, Pascal seul est resté, parce que
seul il était un homme de génie. Il est encore debout sur
les ruines de ce siècle. » Et l'esprit du conunentaiie
nouveau, qui est ajouté k celui de Condorcet, se résame
I. Cf. Ssiato-Bcuve, Porl-RajaL 5* Mil., l. III, f. ioi t^., M
la réposM à* Bootlier : SrntinuHU é$ M... Mt la eriti^m 4m PcmAm
dvpMcal, p«r M. de Voltaire, 17&1.
a. t<ettr« de jais 1733, cit^ par Sflint*-B*«T«, Port-Hvytl, S* Mit.,
l'ime III. p Mn\.
L'ABBÉ BOSSCT jxm
dans la dernière note : « Si mes lettres sont condamnées
à Rome, avait écrit Pascal, ce que j'y condamne est
condamné dans le ciel. » El l'édition de 1778 ajoute:
a Hélas ! le ciel, composé d'étoiles et de planètes dont
notre globe est une partie imperceptible, ne s'est jamais
mêlé des querelles d'Arnauld avec la Sorbonne et de Jan-
sénius avec Molina. 0
La double autorité de Condorcet et de Voltaire sem-
blait devoir consacrer l'édition philosophique que le
xTiii* siècle dressait en face de Tédition janséniste. Mais
en 1779 paraissait à Paris' la première édition complète
des œuvres de Pascal, et elle prenait immédiatement pour
les contemporains le rang d'édition définitive. L'auteur
était l'abbé Bossut, un savant qui a été l'historien des
mathématiques et qui devait entrer à l'Académie des
sciences. Comme on le voit par son Avertissement, son
souci était beaucoup moins de réimprimer les Provin-
ciales et les Pensées que d'arracher à l'oubli celles des
œuvres scientifiques qui avaient survécu à l'indifférence de
Pascal et à Teffet du temps, mais qui étaient ou demeurées
manuscrites ou devenues extrêmement rares. Aussi
aborde-t-il la publication des Pensées dans d'excellentes
dispositions d'esprit : géomètre et chrétien, il n'avait ni
systt^me, ni parti pris ; il ne se préoccupait que de (iaire
complet. Il eut communication des copies manuscrites
que Jean fiuorrier avait faites des papiers de Pascal ; il
s'a|)crrut combien l'édition de 1670 était incomplète,
combien les additions de Desmolets étaient insuflisantes ;
I Sur le CODMÏI de Malesherbcc, qoi éuit alors garde des mmui,
■ >ri iir <1<m.iri<t.t |>.<s <|p privilège et l'on remplaça le nom do libniir* :
A^' I I /' I ' '•■ indiratinn imaginaire qui en tiloail l'ii
è l>lr«nj;iT : llrlimr n ta Hojt.
tmn L'ABBÉ BA^f^UT
il publia à peu près tout ce quHl trouva k publier, aani
indiquer d'ailleur* ni contrôler les •ouroea, sans véri6er le
texte. Il conserve les arrangements de Pédition de 1670 ;
il ajoute, péle-mèle avec les fragments inédits tirés des
Copies, un fragment du Trailé du vide dont il fait un
premier article sous ce titre : de V Autorité en matière de
philosophie (et où Condorcet a pu retrouver cette même
théorie du progrès qu'il opposait ii Pascal), les réflexions
sur la Géométrie et sur l'Art de persuader, les extraits
sur Êpictète et sur Montaigne, les Discours sur la condi-
tion des grands que Nicole avait publiés en 1670, et jus-
qa'k des souvenirs de conversations empruntés k Gilberte
ou k Marguerite Périer, jusqu'à des pages démarquées du
D' Besoigne. Ces extensions considérables Tamènent
k abandonner le plan de Port-Royal ; mais il n'en cherche
pas un autre qui eût quelque rapport avec V Apologie
méditée par Pascal ; il se contente d'un classement qui lui
parait plus simple que celui de Port-Royal (dont il conserve
d'ailleurs presque tous les titres), et il le subordonne k une
division qui lui semble satisfoire à la fois la rigueur du
géomètre et les scrupules du chrétien : d'une part, les
Pensées qui se rapportent à ta Philosophie, à la Morale et
aux Belles Lettres, d'autre part les Pensées immédiatement
relatives à la Religion, chacune de ces parties étant com-
plétée par des chapitres de Pensées diverses, et par les
opuscules qui s*y rattachent. Depuis 1779 c'est à travers
le classement de Bossut qu'on a lu presque toujours lea
Pensées; non seulement jusqu'en i844 tous les éditeurs
le reproduisent', k l'exception de Tabbé André et de
I En partiealier Reaoaard qui avait pourtant, dit Faogèra, ooaaahA
la aaaMerit aoiographa (i8oS) at LaArra daa» mm éditioa ém CBimM
eoai^aïas da Pa«r«l (1819). Tom daat m bonèraat k l'addHtM éê
L'ABBÉ ANDRÉ.
Frantin; mais en 1862, au moment où il semble aban-
donné, Havet le reprend et lui donne une nouvelle auto-
rité.
Pourtant par son caractère Tédition de Bossut semblait
faite pour offrir une base plutôt que pour mettre un
terme au travail des éditeurs. En brisant l'unité du re-
cueil des Pensées, pour en faire comme deux volumes,
Tun profane et l'autre sacré, elle défigurait aux yeux des
familiers de Pascal Taspect général et comme Tallure du
livre qu'ils aimaient. Aussi s*explique-t-on la tentative de
Tabbé André qui, au lendemain de la publication de
Bossut, et chez l'éditeur même de Bossut (Nyon, 1783)
réimprime VAncien recueil des Pensées, c'est-à-dire l'édi-
tion de Port-Royal, en ajoutant sous forme de Supplément,
et dans Tordre où Bossut les avait donnés, tous les frag-
ments qui avaient été misau jour de 1670 a 1779'- Mais
ce n'était encore qu'une demi-mesure : déjà au xvii* siècle
dom Robert Desgabets, connu pour son attachement à
l'interprétation cartésienne de l'Eucharistie, avait projeté
un Traité de la Religion chrétienne selon les Pensées de
M. Pascal doni M. Lemaire a signalé une ébauche dans
les manuscrits d'£pinal'. Voici que Condorcet et Bossut
ont interrompu la prescription qui semblait acquise aux
premiers éditeurs ; il était donc permis de revenir à Pascal
I . L'abbé André ooa|»lèca «oa traTmil p^r un Parallèle de* édi-
Cion«, et par ane ubie analjrtiqoc de* aaatièrM. Sig^naloas, ea debon d«
quelque» ootes, le curieux arrangement dooné aux premiers fragments
de l'article lli, seconde partie, qui sont pour Bossut l'introduction an
Pari : l'abbé André en fait un dialogue entre Pascal et le mécréant,
- i lui pcnaatde sabatituerau titre de Boaaut {Qu'il e*l difficile dt
'rtr l'taiêttmêét Dit» par les lumiirn naturelles ; mù» que le ptm
tur t%i de la croire) Mlni-ei qui loi paraît plu orthodoxe : Quand U
serait diffieiU de dimamtrar, etc., le plus sûr e$t de la croire.
a Cf. Dom Robert DaagahaU. Paris, igot, p. i3 tt p. 97S.
ui FRANTIN
lui-même, au pkn quUl se proposait de suivre f^t dont lee
amis nous avaient conservé les grandes lignes, de rialiser
ce qui avait été, on s'en souvient, le second projet de
Port-Royal et de restaurer TApologie de la religion.
En i835 paraissaient k Dijon les Peruéu de M. Pascal
rétablies suivant te plan de leur autêor, pabliées par
l'auteur des Annales du moyen âge. L'auteur en était
Frantin. Il avait comparé avec soin les textes déjà im-
primés, Port-Koyal, Condorcet et Bossut, dont il publie
les variantes ; mais il ne se rallie à aucune de ces trois
Mitions; il souligne la a fausse timidité » des éditeurs de
Port-Royal, il attaque le a philosophisme du dix-hn'
et rédition << apocryphe » de Condorcet; il regrt t
que Bossut ait suivi Condorcet dans le a double plan de
pensées philosophiques et de pensées religieuses... ».
« Toutefois, ajoute Frantin dans son Discours prélimi-
naire, le plan véritable était si simple, si aisé k découvrir,
qu'il faut s'étonner que le travail même de cet éditeur ne
lui ait point fait reconnaître la fausse route où il s'égarait.
Pour retrouver la clé du livre de Pascal, il n'y avait
donc qu'une voie sûre, c'était de chercher la liaison par
laquelle les pensées philosophiques tenaient aux pensées
religieuses. Car, en rétablissant le point de jonction des
unes et des autres, on découvrait avec admiration Talliaoce
réelle de la religion et de la philosophie, de Dieu et de
l'homme qui est k vrai dire toute la théologie, et qui était
tout le Uvre de Pascal. »
La méthode de Frantin est déji celle que suivront pres-
que tous ceux qui ont essayé de restituer l'ouvrage de
Pascal : il met k part tout ce qui, de son point de vue
personnel, ne lui paraît pas essentiel k une apologie du
christianisme, il en fait une seconde partie qu'il intitule
Doctrine et morale chrétienne, il y réunit )m fragments
VICTOR COUSIN. xxxi
sur VÉglise, sur les miracles, sur la vie intérieure du chré-
tien (avec omission scrupuleuse de toutes les pensées qui
rappellent de trop près le jansénisme et la lutte contre les
Jésuites) et il les fait suivre des Pensées diverses de morale
et de littérature et des Discours divers de philosophie. Res-
tent les Preuves de la religion, preuves d'ordre psycho-
logique (L'homme dérive de Dieu), preuves d'ordre histo-
rique ^Le« yiu/Jr e/ Afoï**, Jésus-Christ), qui forment, elles,
un ensemble simple et clair, et de nature à confirmer
l'interprétation que propose l'éditeur de la philosophie de
Pascal : Frantin la présente comme une conciliation entre
la foi et la raison, et il la met à cet égard en opposition
avec le cartésianisme pour la rapprocher du kantisme.
Quelques années après ce premier et remarquable essai
de retour au plan primitif de VApologie, Victor Cousin
lut k IWcadémie française, dans les séances qui se tinrent
du i*' avril au i*' août i842, un Rapport qui fut imprimé
dans le Journal des Savants : De la nécessité d'une nou-
velle édition des h Pensées » de Pascal. « Que dirait-on
si le manuscrit original de Platon était, à la connaissance
de tout le monde, dans une bibliothèque publique, et que,
au lieu d'y recourir et de réformer le texte convenu sur
le texte vrai, les éditeurs continuassent de se copier les
uns les autres, sans se demander jamais si telle phrase
Mil ' '• on dispute, que ceux-ci admirent et que ceux-
li) at, appartient réellement à Platon ? Voilà pour-
tant ce qui arrive aux Pensées de Pascal. Le manuscrit
;' .raphe subsiste; il est k la Bibliothèque royale de
ruiis ; chaque éditeur en parle, nul ne le consulte, et les
éditions se succèdent. Mais prenez la peine d'aller rue de
Richelieu, le voyage n'est pas bien long : vous sera
effrayés de la différence énorme que le premier regard
uut VICTOR COUSIN.
jeté tur le mânoicrit origiiial vous découvrir» eoire lee
PêMéêt de Paictl leUat qii*en6e iont écrilee de m propre
main et toutes les éditions, sans en excepter une seule, ni
celle Je 1670, donnée par sa famille et ses amis, ni celle
de 1779, devenue le modèle de toutes les éditions que
chaque année voit paraître. »
Toutefois Cousin n'entreprend pas lui-même cette nou-
velle éili' nceps. Il se borne d'une part k éliminer \es
longs fi , ^ incorporés aux Pensées et qui n'étaient ni
des fragments de V Apologie, ni même, pour plusieurs .
des écrits de Pascal ; d'outre part à publier des fragmeots
inédits « assez pour exciter la curiosité, sinon pour la
satisfaire entièrement ». Surtout, entraîné par son tem-
pérament oratoire, il se retourne contre les éditeurs qui
Pavaient précédé, et prononce contre eux un réquisitoire
en règle. Port-Royal lui-même n'obtient pas les cir-
constances atténuantes: « apparemment M. le duc de
Roanoez, s'est cru trop grand seigneur pour se contenter'
du r&le de simple éditeur de Pascal » . Et Victor Cousin
énumère tous les genres d'altérations qu'on relève dans
l'édition de 1670 : a altérations de mots, altérations de
tours, altérations de phrases, suppressions, substitutions,
additions, compositions arbitraires et absurdes, tanlAt d'un
paragraphe, tantôt d'un chapitre entier à l'aide de phrases
et de paragraphes étrangers les uns aux autres, et, qui pis
est, décompositions plus arbitraires encore et vraiment
inconcevables de chapitres qui, dans le manuscrit de
Pascal, se présentaient parfaitement liés dans toutes leura
parties et profondément travaillés. »
De plus il passe de la restauration de la lettre à l'in-
terprétation de l'esprit ; il accuse Port-Royal et BoMut
d* « aflaiblir » et de « voiler, autant qu'il sera en eux...
le fond même de l'Ame de Pascal, je veui dire ce scepti-
PROSPER FAUGÉRE. xxxm
cbme universel contre lequel il ne trouve d'asile que dans
les bras de la grâce ». Et il ajoutait, rencontrant dans le
manuscrit même le Pascal des romantiques que l'imagi-
nation de Chateaubriand avait suscité et qui allait suc-
céder pour un temps au Pascal des jansénistes et au Pascal
des philosophes : « Pascal veut croire à Dieu, à une autre
vie, et ne le pouvant pas avec sa mauvaise philosophie,
faute d'en posséder une meilleure et d'avoir suffisamment
étudié et compris Descaries, il rejette toute philosophie,
renonce à la raison et s^adresse à la religion. Mais sa reli-
gion n'est pas le christianisme des Amauld et des Male-
branche, des Fénelon et des Bossuet, fruit solide et doux
de Talliance de la raison et du cœur dans une âme bien
faite et sagement cultivée : c'est un fruit amer, éclos dans
la région désolée du doute, sous le souffle aride du déses-
poir. Une telle apologie du christianisme eût été un mo-
nument tout particulier, qui aurait eu pour vestibule le
scepticisme, et pour sanctuaire une foi sombre et mal sûre
d'elle-même. Un pareil monument eût peut-être convenu
à un siècle malade tel que le nôtre ; il eût pu attirer et
recevoir René et Byron convertis, des hommes longtemps
en proie aux horreurs du doute et voulant s'en délivrer k
tout prix. »
Enûn avec l'édition Faugère (i844) le texte de Pascal
arrive au terme de ses vicissitudes, ou peu s*en faut.
Depuis que les Copies avaient été faites, au lendemain
de la mort de Pascal, Prosper Faugère était le premier
qui abordait véritablement le manuscrit autographe. Cou-
sin lui-même ne parait guère s'être aventuré hors des
(Copies : il avait négligé le mystère de Jésus qui n'était
pas dans les Copies; il était réservé à la patience et au lèle
de Faugère de le mettre au jour pour accroître encore Tad-
miration des admirateurs de Pascal. Faugère publiait
Klitin M PASCAL. I — 3
KSBtv IRNEST HAVKT.
égdbOMBt les noCes inacltevéet, le» UgOM d'apptrence
hMoMraiteqtti étaient desttoéet i VApohgie ot aux Pro
vindakt, 1m cilatioa* copiées par Pascal, les oonseilt «ur
Vordre qu^il te donnait à lui-même. U Gt même fond sur
ma dernières pensées pour retrouver U suite et le cadrr
des fragments destinés k PApologic, qu'il publie dan>
son second volume, quitte k suivre Texcmple de Franlin
et k grouper dans une série d'articles du premier volun;
tous les fragments de diverses sortes qu'il n'avait pai» laii
entrer dans son plan *. Enfin il ne négligeait aucune dei^
sources auxiliaires qui pouvaient accroître notre connau-
aanoe des écrits de Pascal .
Le service rendu par Faugère au texte des Pentées
est incomparable : il dépasse k peine celui dont nou5
sommes redevables h Ernest Havet. Le commentaire ât
l'édition qui parut en i85a est un monument. C'est une
exégèse littéraire des Pensées, d'un goût et d'une érudition
qui en ont fait un modèle pour les éditeurs non de Pascal
seulement, mais de tous les grands écrivains ; avr * !
guide l'étude de Pascal, comme l'étude de P>
avec Sainte-Beuve, est un centre d'où s'éclaire le xni*
siècle tout entier. — Sur un {)oint pourtant, k cinquante
ans de distance, la perspective a changé : on est tentc
de regretter que Havet, critique si clairvoyant des Re-
marques de Voltaire, se soit laissé entraîner par sa pa»-
sion de la vérité jusqu'à se faire le juge et trop sou
vent le contradicteur de Pascal ; il est è craindre que la
discmaion ne se brise k travers la multitude des fragments,
H que la signification ne finisse par s'en altérer, surtout
dans le cadre artificiel que Ha>ri pinpruntr à l'abbé Bô»
sut.
I. Voir •• pba a«s PàtmfiiÊÊ^fhttêms, f. cccvm
ASTIÉ. XXXT
Après les publications de Faugère et de Havet, l'édition
des Pensées n'était plus à faire. Mais les Pensées de Pas-
cal, rendues plus accessibles et comme douées d'une jeu-
nesse nouvelle, devaient solliciter davantage les recherches
des penseurs et des érudits. Nous n'avons pas à rappeler
ici des noms comme ceux de Prévost-Paradol ou de Ra-
vaisson, de M. Druz ou de M. Boutroux ; nous devons
seulement indiquer les éditions multiples, qui ont été faites
de différents points de vue, mais dont la diversité même
est un hommage k la complexité du génie de Pascal ; d'un
mot nous soulignerons l'intention qui a inspiré chacun de
ces travaux, et qui en marque le caractère.
Dans la publication complètedes fragmentsde Pascal qu'il
a donnée en 1807, .\stié a distingué, comme Faugère,
d'une part, la série des opuscules et des pensées diverses,
d'autre part, V Apologie , qu'il a disposée sur un plan remar-
quablement simple : Première partie : misère de l'homme
>ans Dieu (Du besoin de connaissance. Du besoin de
Justice. Du besoin de bonheur. Grandeur et misère de
). 5econ(/e/)ar//€: félicité de l'homme avec Dieu
^' les de la vraie religion, moyens d'arriver à la foi.
Jésus-Christ. Du peuple juif. Des miracles. Des figuratifs.
Des prophéties. Ordre). — Ce plan laisse apercevoir le vrai
• araclère de l'Apologie pascahenne qui est, pour Astié
ommc elle était pour Vinet, essentiellement psycho-
quc et morale ; c'est sur le pessimisme qu'elle fonde le
? Ou (comme le dit l'éditeur, en invoquant
I agment 290) : « les preuves historiques (mi
racles et prophéties), après la doctrine, et la doctrine elle-
iiiéme après la morale » — ordre de succession qui est
fi m<^ine temps un ordre de subordination. Cette édition
t par excellence l'édition a populaire » et a théologique »
l'Astié annonçait dans sa préface ; comme Astié était
com
stxn ASTift.
prolMUnt et qu'elle a été l'occasion d'une itiirwioll fort
intéreasante sur la valeur de l'apologétique pascaUenne au
point de vue du protestantisme contemporain, die a éU
souvent appelée l'édition protestante.
On la distingue ainsi des diverses éditions catholiques,
iMqaellea tmit à notre connaissance celle de Viishè Rocher
(Toura, ches Marne, 1873), de J.-B. Jeannin (Paria,
i883), de l'abbé Vialard (Paris, ches Poussielgue, i885),
du chanoine Jules Didiot (Paris, chet Desdée et de
Brouwer, Société de Satnt-Augustin, 1896), de Tabbé
Guthlin (Paris, chei Lelhielleux. 1896), de l'abbé Mar-
gival (Paris, chez Poussielgue, 1897, 3* édit., 1899).
Quelque différentes que soient les personnalités de ces
éditeurs, ils marquent tous au cours de leur travail
une même préoccupation dominante : définir les rap-
ports de Pascal avec le jansénisme. Y a-t-il des frag-
ments entachés de jansénisme? Alors il faut les supprimer
comme fait M. Jeannin: « Quelques pensées sentaient
plus ou moins le jansénisme ; nous avons dû les éliminer
d'une édition classique »'. Ou bien, comme fait M. Via
lard, il faut en exorciser le venin par le charme d'une
a£Brmation dogmatique. Pascal écrit : « Il y avait deux
partis au temps de Calvin. . . il y a maintenant les jésuites. »
M. Vialard ajoute en note : a II y avait deux partis au
temps de Calvin : celui des huguenots dont Port-Royal
a recueilli l'héritage, et celui des catholiques, représenté
par quelque membre de la Compagnie de Jésus, partout
où il y avait & réfuter, h combattre et i mourir. Au temps
de Pascal, il y a encore deux partis : ceux qui sont catho-
lique» et ceux qui ne le sont pas; les jéaaitesappai t
au premier parti et ils en sont lea meillean wld-:. .
I. P. S9.
L'ABBÉ GUTHLIN. rxxvn
jansénistes appartiennent à Pau tre*. » A M. Didiot, doven
de la Faculté de théologie de Lille, il su£5t de quelques
mots : Pascal se trompe. . . , Erreur historique manifeste. . . .
Sophisme absurde ; et il écrit dans sa préface : « Ainsi ce
n'est pas seulement une nouvelle édition que nous avons
voulu faire; c'est une nouvelle réfutation, sans phrases,
des erreurs qui déparent l'un des plus beaux essais de
la raison humaine et de l'apologétique chrétienne '. » —
M. Guthlin et M. Margival, qui aiment Pascal, mani-
festent une tendance contraire ; ils essaient de rompre le
lien qui rattache les Pensées au mouvement janséniste.
Dans VEssai sur V Apologétique de Pascal., qui est en tête
de son édition posthume, M. Guthlin fait un subtil et bien
touchant effort pour décharger Pascal du crime d'avoir
été corrompu par la doctrine ou même par l'esprit du
jansénisme : « Cet esprit n'a pu altérer la doctrine des
Pensées ; mais n'a-t-il pas donné à leur expression quelque
chose d'excessif et un remarquable manque de mesure ' ? »
De même M. Margival, auteur d'un pénétrant et substantiel
I. P. 977. Cf. p. &i : « Si l'on n'ect pM eatholiqne, on ne peut
p«« ^tre chrétien et Paical a'ett pM aoit catholique » (note k\mVude
Biaise Pascaf).
3. p. ii.Cf- p. VI. a II nous aurait ^(^ particulièrement désagréable
de renvoyer fréquemment anv E$sais de Montaigne, n peu chrétien*,
«i peu moraux, «i juaUaaat eeawifét par l'Église. Nous ne les avons
donc allégués que fort rarcaMiiL, et lorsqu'il y avait un sérieux inté-
rêt à en signaler la néfaste influence sur l'auteur des Pensées. « Faute
de «'être reporté aux Essais de Montaigne, M. Didiot n'a pas com-
pris la phrase de Pascal : « Les sauvages n'ont que hire de la Pro-
vence • (CF. Fr. 98) ; et il écrit en note : « Je ne puis me persuader
qu'il n'y ail pas là une hute d'écriture. Pascal a voulu dire Proci-
denee. Les sanTages, ea efet, ae eroteat pas avoir besoin de Provi-
dence, ni de prAvoyaaea, parée qa'ib aoat généralement Ibtalistes. ■
(P 93.)
3. P. CLVIII.
iixnn L'ABBÊ ROCHRR
coiBiiMOUiire, qui ne doate pa» que Pascal soit janséniste,
•e demande si le» Pensées sont une œuvre janaéniste, et
il croit pouvoir résoudre négalivement la quaation « i la
condition qu'il soit permis de oonaidéfer le* pensées jan
•éoistes de Tarticle XXIII comme se rattachant non k
V Apologétique de Pascal, mais k ses Prooindala qui
en fait ne sont pas rest^ nnoins inachevées que ses
Pensées'
EnGn, k reioeption de M. Margival qui reprftduit k
peu de chose près le classemrnt de Havet, tous ces édi-
teurs sont également dogmatiques en ce sens qu'ils dispo-
sait les Pensées « suivant le plan voulu par Pauteur »,
s^appuyai ' iil sur la préface d'Etienne Périer et le
récit de l 'la Chaise, dont ils développent complai-
samment les divisions et les subdivisions. Il suflBt d'indi-
quer, comme type de ces restitutions, le travail du cha-
noine Rocher qui est plus ancien en date (1873) et qui
n'est pas le moins intéressant. M. Rocher intitule sa
publication : Apologie de la Religion disposée d'après le
seul vrai plan de Pascal ; il imprime en tête le plan exposé
par Pascal dans la conférence de Port- Royal, et les
fragments sur Tordre. La première partie : Préparation
des anus à la foi, comprend trois livres: i* Peinture de
rhomme : Nécessité pour lui de connaître son origine et sa
Jin, c est-à-dire d'Aadier la religion (5 chapitres subdivi-
sés eux-mêmes en paragraphes) ; a* les phihtophies, et les
religions autres que te christianisme, ne peuvent .( ' '^
thomme qui veut connaître son origine et sa Jin
peuple juif ; son livre des écritures ; enseignement qu'il
contient. Marques de la vraie religion. — La deuxième
I. P. lu (mt0). — L'article WIII nt iv le miradt.
M. MOLINIER. xxxra
partie : Preuves de la religion chrétienne, a deux livres :
i' preuves tirées de l'ancien Testament; "i" preuves tirées
du nouveau Testament. — Une troisième partie contient :
i" l'Église, la prière, les Testaments ; 2° la morale chré-
tienne. Suit une vaste rubrique : Pensées étrangères à
r.Apologie, où se trouvent des chapitres tels que Nature
de l'homme. Opinions du peuple saines, Raison des effets.
Vanités des sciences. De l'éloquence, etc., et enfin les
Pensées inspirées par la passion et l'hérésie contre les
Jésuites et l'Église elle-même.
Il nous reste à mentionner, outre l'édition de Choix et
Extraits donnée par Gidel chez Gamier (sans date) et
qui est d'un lettré fort renseigné, deux éditions qui Tune
et l'autre ont efleclué d'importants progrès dans la con-
naissance du texte de Pascal, celle de M. Molinier, Paris,
Lemerre, 1877-1879 et celle de M. Michaut, Fribourg
(Suisse) 1896. Abstraction faite de la restitution du plan
de VApologicy qui ne semble pas d'ailleurs avoir été le
principal souci de M. Molinier, tout est à louer dans son
travail, en particulier la fidélité avec laquelle il a con-
trôlé dans le détail la version de Faugère, le zèle avec
lequel il s'est attaché aux variantes qu'il était possible de
déchiffrer dans l'autographe. Quant à M. Michaut il a
repris, à plus de deux siècles de distance, la première idée
qu'avait eue la famille de Pascal dès le lendemain de sa
mort et qui était de publier tels quels les papiers qu'il
laissait ; il n'a pas reculé devant l'excès de désordre auquel
le condamnaient les vicissitudes subies de 1663 & 171 1
|)ar le manuscrit autographe ; h cette publication il a, selon
le vœu de Victor Cousin, appliqué les règles de la mé-
thode critique qui est en usage pour les auteurs anciens ;
il a reproduit avec les variantes manuscrites les leçons
des éditeurs qui l'ont précédé, jusqu'à leurs inadvertances
IL M MICHACT
et leurs bulee d'impreMion ; on ne pouvait pooteer plut
loin les tcnipulee du philologue, on ne pouvait dans le
détail de rexécution déployer plus de lèle et de pénétra-
tion.
Ainsi, rhistoire de cette odlaboration qui s*eat pour
suivie i travers tant d*annéea, k travers tant d^incertitude*
aussi et tant de préjugés, et qui est aujourd'hui si profi-
table k réditeur des Pensées. \e ramène à étudier de nou-
veau le cahier de fragments qui esti la BihUolhkque natio-
nal.
I. Non» n'avioB» pas k faire eatrer daa* la cadra dto MO* 4(ada
Im tradoetiou daa Pemim, qui, tuirant leur data, m réfkrvat ant
édition* MCCMiiyeweBt aeeréditées en Franre. L'a détail a« poartaat
k relever : uadi* qa'aa Aiflslff paniaaMt ploaiMrt natfselioaa
ao|(Uiies, les Pensit* feraat Mutoat répaadoaa n Ail— agat par
une traduction en langue latine que Phil. Adam Ulrioli pskita •■
1741 k Wanbourg : fi^ii PaaehaU», êeriptorU UtUr Callo' aruiiMMimi
projuhdisêimiijue. tU verilaU rttigi/mk «pu [nuthawmm.
DEUXIÈME PARTIE
Le manuscrit n" 9202 (/. fr.^de la Bibliothèque natio-
nale contient les papiers autographes de Pascal ; il est loin
toutetefois de nous présenter ces papiers tels qu'ils furent
trouvés en 1662. La reliure porte au dos la mention sui-
vante : Pensées de Pascal. 171 1 . Elle est contemporaine
de trois pièces fort importantes qui ont été plus tard insérées
au début du volume. Ce sont trois attestations signées
dePabbé Périer, neveu de Pascal. Voici la première : cf Je
soussigné, prêtre, chanoine de l'Église de Clermont, cer-
tifie que le présent volume, contenant pages, dont la
première commence par ces mots et la dernière
par ceux ci est composé des petits papiers écrits
d'un cAté, ou de feuilles volantes qui ont été trouvées
après la mort de .M. Pascal, mon oncle, permises papiers,
et sont les originaux du livre des Pensées de M. Pascal,
imprimés chez Desprez, à Paris, pour la première foi«« en
l'année et sont écrits de sa main, hormis quelques-
uns qu'il a dictés aux personnes qui se sont trouvées auprès
de lui ; lequel volume j'ai déposé dans la bibliothèque de
Saint-Germain dcs-Prés, pour y être conservé avec les
autres manuscrits que l'on y garde. Fait à Paris, ce vingt-
cinq septembre mil sept cent onze.
Périem. b
sui LE MAXOSCRIT ORIGINAL.
La Mconde, qui est sur la troiiièmê page du mf-wr
feoUletf est ainsi conçue : a Je soussigné, etc., certifie que
le présent volume contenant P*8^i ^^^^ ^^ y ^"
a plusieurs en blanc, a été trouvé après la mort de M. Pas
cal, mon oncle, parmi ses papiers, et est en partie écrite
de sa main et partie qu'il a (ait copier au net sur sa mi-
nute, lequel volume contient plusieurs pièces imparfaites
sur la Grâce et le Concile de Trente, et je Tai déposé dans
la bibliothèque de l'abbaye de Saint - Germain - des -
Prés, etc.
Paris, ce vingt-cinq septembre mil »epl cent onae.
Piain. ••
La troisième mentionne encore des originaux : c Je
soussigné, etc. , certifie que les cahiers compris dans ce
volume, qui sont des abrégés de la vie de Jésus-Christ,
sont écrits de la main de M. Pascal, mon oncle, et ont
été trouvés après sa mort parmi ses papiers, lequel vo-
lume j*ai déposé, etc.
Fait le vingt-cinq septembre 1711.
Piun. »
Cee trois attestations indiquent trois volumes, et ce sont
trois cahiers aussi que Tabbé Périer avait prêtés à dom
Toutée, d'après la lettre du as juin 1711 que nous
avons déjè eu l'occasion de citer. Les deux derniers
ne nous sont pas parvenus tels quels. Quant au prunier,
il semble avoir été transformé en un volume relié, soit
par Pabbé Périer qui le déposait, soit par la bibliothèque
de Saint-Germain des Prés qui le reçut. Or cette transfor-
mation a son importance; car elle fui, seroble-t-il, l'oc-
casion d'un travail singulier, dont la photograf^ie seule
pourrait donner une idée suffisante. On a découpé, au
LE MANUSCRIT ORIGINAL. xun
ras de Pécriture, des feuilles volanles en une infinité de
petits morceaux ; puis on s'est livré à un jeu de patience qui
consistait à en coller le plus grand nombre possible sur
une même page du recueil. Telle page devient ainsi une
véritable mosaïque où on relève huit, neuf, dix et jusqu'à
onze tronçons (cf. p. 23, 89 ; 79,88, 427 ; 63). A ce jeu,
combien avons-nous perdu de lignes inachevées ou bar-
rée.s ? nous ne pouvons que le soupçonner, à voir celles
qui nous sont parvenues uniquement parce qu'elles
étaient écrites au verso d'un fragment qu'on a bien
voulu respecter. Ainsi page 1^6 le fragment 870 ; ainsi
page 9^ on a découpé le fragment qui débute par ces
mots : // ut vrai quil y a de la peine en entrant dans
la piété, brouillon probable d'une lettre à Mlle de Roan-
ne/ (fr. ^98), mais au verso on a mutilé le fragment 906
Sur les confessions et absolutions sans marques de regret ;
de même, page 90, pour le fragment : le juste agit par foi
(fr. 5o4)- Quelquefois même le papier lui-même n'est
pas intact : tel est le cas pour le fragment 668, p. 97.
Même en présence d'un long fragment, le relieur ne se
soucie pas toujours de respecter la suite des pages, il ne
tient pas compte des signes de renvoi : le fragment sur le
Divertissement court de la page 189 à la page 210, puis
209, 217, 188 et 217 ; le 722 (prophéties de Daniel) va
de la page 809 h la page 3i5, pour se terminer h la page
389 ; le fragment 43o (la conférence préparée pour Port-
Royal) ocx:upe les pages de 817 a 826, puis il faut en cher-
tlier la fin à la page âj. On a seulement pris la précaution
dr laisser une fouille de blanc entre chaque page écrite, de
Ullr sorte qu'aux 2.58 pag«*s «'•«rites jwr Pascal correspon-
drnl /|92 pages numérotées dans le recueil. — Le recueil est
précédé des trois feuilles d'attestations dont nous venons de
faire mention, du MémoricU et de sa copie ; il est suivi de
xu« LC MANCSCRIT ORIGINAL
fr^manU autographes, avec qualqoM UgSM de compte,
et un bout de lettre, qui y oot été jointe en i86é.
Entre 1669 et 171 1 bien deefregments avaient étéégiiée
ou dispersés, comme en fait foi la comparaison du recueil
original avec les Copiet ; en particulier la plupart des
fragments utilisés par Mme Périer dans la Vie de son
frire n*ont pas été conservés dans Tautographe*. Par
contre, des pages entières, soit des notes pour les Provin
datei, loit des méditations comme le Mytièrt de Jénu,
n'ont pas été r^roduites dans les Copies et sont pour la
plupart demeurée» inédites jusqu'à rédition de FaugéreV
Le recueil original lui-même est loin d'être un recueil
entièrement autographe. Manifestement un grand nombre
de fragments qui sont ëpars è travers Im diflérentee par-
tie» du recueil, depuis la page ig jusqu'à la page 485,
sont dictés h un domestique (quelques-uns peut-être i
un enfant, le jeune Louis Périer, dont Biaise Pascal avait
commencé Téducation). L'écriture est gauche, l'ortho-
graphe déplorable; un mol comme chanehelier (fr. 189)
forait même soupçonner une origine clermontaisc. Dans
on même fragment il arrive que la main étrangère alterne
avec celle de Pascal (ex: fr. 8a et fir. iSg); le fragment
69, page 33 du manuscrit, n'a qu'une ligne; il est moi-
tié écrit, moitié dicté par Pascal. A cette écriture fiuni-
lière se joint l'écriture de Mme Périer pour une série de
fragments, en particulier pour un fragment sur le» mi-
racles qui est postérieur, de quelques joura seule-
ment selon toute vraisemblance, au ig févrimr 1660
(fr. 817). Le fr. 636 doit avoir été transcrit par Nicole
(p. 491). Aufr. I sur l'esprit géom^rique, on trouve en-
I. Votf MpitestJMUicatiyoUrtètoiltcowwrdwo.f.ocMStocMi.
s. Cf. ikié, p. cciisTi t^.
LE MANUSCRIT ORIGINAL. xLV
core une autre écriture, élégante et correcte (p. 4o5).
Souvent ces fragments ont été corrigés ou complétés de
la main de Pascal.
Un grand nombre de ces fragments sont précédés de la
croix, que Saint Cyran recommandait de placer en tête de
tout écrit, comme « les armes du chrétien » ; mais il n'y a
pas à en tirer de conclusion sur le caractère intime du
fragment, on la retrouve en tête de remarques sur le
style, comme le fragment 53 qui est probablement de
1667, date où parurent les Plaidoyers de M. Le Maître.
11 est inutile d'insister sur la diversité d'aspect et de
a^ntenu que présentent ces fragments. Il y a des pages
entières qui forment de véritables chapitres de livre;
elles sont couvertes de ratures, et témoignent d'un travail
où l'écrivain a déployé toutes les ressources de son art :
fragments sur les Deux Infinis (72), sur V Imagination
(8a), sur le Divertissement (iSg), s\it h Justice (aQ^)^
iUT \e Péché originel (4i5), sur Y Incompréhensibilité de
l'homme A. P. R. (43o), sur le Pyrrhonisme (43^)-
D'autres sont de longues traductions d'Isale ou de Daniel
qui concernent les prophéties (71 3 et 7 a a)- La rédac-
tion du Pari est faite sur quatre pages du format de
notre papier à lettre (3, 4, 7 et 8) ; Pascal avant de l'avoir
terminée avait écrit des fragments qui ne s'y rattachent
pas directement; puis il a complété son argumentation,
recouvrant son papier dans tous les sens, d'une écriture
de plus en plus menue renvoyant d'une page à l'autre
il l'aide de petites figures géométriques qui permettent
d'ordonner ce chaos. Corrélativement à ces dévelo|^)e-
nicnts, on trouvera de longues suites de notes qui repré-
sentent le travail antérieur de méditation. Chaque para-
graphe ou chaque idée essentielle est en germe dans un
trait saillant, dans un mot. En tête de la page 107, on
ilTi LK MANUSCHIT URMiIXAL.
trouve cm roots Que me tervirait ? abominabiet. oè Vu-
cal se rappelle à lui-même les fragments qu'il va écrire sur
cette page même (fr. 499 ^ '*'■ &&&) Ailleurs des lignes
éoigmatiques qui s'éclairent par la rencontre du fragment
développé : « Il demeure su delA de Teaa (fr. 393). — Je
n*ai pas d'amis à votre avantage (fr. i54). » Qu'on se
reporte surtout aux fragments 191^ bis et 19^ ter. : on y
trouvern toutes les notes de Pascal pour la Pré/ace de son
Apologie ; lignes de rappel qu'il barrait k mesure qu'il les
utilisait dans sa rédaction. On a dans le recueil msnu»
crit un grand nomlwe de notes de ce genre qui étaient
destinées aux Provindatei, ou aux diven FacUtnu qui les
suivirent, notes inachevées et parfois d'apparence incohé-
rentf" qui ne prennent de sens que par la comparaison avec
les écrits auxquels elles étaient destinées (voir notre Sec-
tion XIV, particulièrement du fr. 920 k la fin). Le ma
nuscrit nous permet même de remonter plus haut dans
le travail de préparation ; nous avons les noies prises par
Pascal dans ses lectures, par exemple des résumés de
la préface du livre de Voisin au Pugio Fidei (fr. 635)
ou de chapitres du Pugio Fidei (fr. i.^6), des recueils
de citations latines empruntés aux Essais de Mont»>'/'<"
(fr. 363, 364), des copies des versets de la Bible (fr. (
des extraits critiques sur le 4* livre d'Esdras (fr. 63a)
ou sur la comparaison de la Vulgate et de la Bible de
Vatable (fr. 819). Le fragment 958 montre la collabo-
ration de Pascal avec un ami qu'on croit être Amauld :
Amauld aurait signalé à Pascal un certain nombre de
pages des livres des Généraux Jésuites^; Pascal s'y reporte
et y joint ses réflexions.
Entre ces notes presque im|)er9onnelles et les déve
lopperoents qui portent la marque du génie de Pascal, on
raoooatre dans le manuscrit tous les types intermédiaire».
LE MANUSCRIT ORIGINAL. jtni
ici un souvenir d'enfance : « quand j'étais petit, je serrais
mon livre » (fr. 371), et là le dialogue mystique avec
Jésus (fr. 553). A la page 4oi la note sur les Hommes
natutellement couvreurs est en marge des réflexions sur
les miracles. A la page 344 les mots « vertu apéritive
d'une clé, attractive d'un croc » (fr. 55) interrompent une
série de notes contre les Jésuites (fr. 924)- A U page
4o2 se suivent immédiatement une note surEscobar, une
réflexion sur l'éloquence (26), une définition de l'égoïsme
absolu (457). Voici ce qui est dicté sur une même feuille
de papier recto ei verso aux pages 201 et 202 : une réflexion
sur les mauvaises raisons qu'on se donne pour expliquer
la circulation du sang(fr. 96), une autre sur la meilleure
méthode de persuader (10), une note sur le brochet et la
grenouille de Liancourl (34i) suivie immédiatement de
ce fragment : La vérité est si obscurcie en ce temps (864)
et d'une plainte contre les malingres (sic) qui trahissent
la vérité pour leur intérêt (583), puis vient une compa-
raison entre la machine d'arithmétiqueet les animaux (34o),
une réflexion sur les personnes qui mentent pour mentir
(108) et sur les persécutions qui travaillent l'Ëglisc (859).
L'écriture elle-même est changeante : ici l'auteur est
devant sa table de travail, et là il semble qu'il se soulève
sur son lit et que d'une main fiévreuse, qui ne (leut suivre
la rapidité de la pensée, il fixe en traits inachevés le
souvenir d'une nuit d'insomnie ; il y a des mots illisibles,
non parce qu'ils ont été mal écrits, mais parce qu'ils n'ont
été pour ainsi dire pas écrits.
Plusieurs fragments ont été dictés au crayon, et
repassés ensuite à la plume d'une écriture qui s'est élargie
et espacée. Le tout écrit tantôt sur des cahiers uniformes,
et tantôt sur des feuillet volantes prises au hasard de la
rencontn». Le fr. 818 est écrit au verso d'une lettre adres-
iLvui LA UAih lihs rnAuiitMTS.
•ée à Ptscal (p. igS), au dot de U page 409 est une
•érie de calcul», un temme avec figurée. Ailleun un reçu
de Pascal (page lai), un brouillon de lettre (p. 2) et ju»
qu'A des lignes telles que celles^i : (importez faire an tour,
(^portez de la ehandeUe, etc. (p. 44o).
Sur ces caractères que présente le manuscrit, est-il
possible, comme on Ta proposé, de classer les fragments
par leurs dates, en réunissant les fragments qui sont sur
un même papier ou qui ont la même couleur d'encre?
L^hypothèse est ingénieuse ; il est probable qu'elle ne
pourrait être suivie bien loin. Il ne faut pas s'imaginer
Pascal comme un homme de lettres qui s'installe k beare
fixe dans son cabinet. C'est un méditatif, et c'est un
malade: il saisit au hasard le premier papier qui lui
tombe sous la main, et il fixe ses souvenirs. D'ailleurs il
voyage: en 1660 il est en Poitou chez le duc de Roannes,
et & Clermont chez les Périer; en 1 656 il est à Vaumurier,
puis i Porl-Royal-des-Champs ; il se cache pendant qu'il
écrit les Provinciales. L'encre comme le papier change
avec ces déplacements ; quelquefois elle varie à l'intérieur
d*un même fragment, par exemple, entre Épictéte et
conclut (fr. 35o, p. i55 du manuscrit).
En fait, pour dater les frsgments, nous n'avons qu'un
petit nombre de points de repères; la lettre du 19 février
1660 au verso du fragment 818 dicté k Mme Périer,
p. 193, ou bien les allusions historiquées notées par Havri:
le fragment sur Cromwell (fr. 176) est postérieur k mai
1 660, le fragment sur les Trois HâUs est asset probable-
ment de i656 (177).
Pour compléter ce travail, il faudrait examiner la nature
intrinsèque et la destination des fragments. En dehors de
VApologie, un grand nombre de fragmonts ^nii Jcs
LA COMPOSITION DES FESSÉES. xux
notes pour les Provinciales ou pour les Factums qui les
suivirent: ils sont de 1666-1657. ^ fragment AqS parait
être une première rédaction d'une lettre à Mlle de Roannez,
qui est contemporaine des Provinciales (a^ septembre
i656). Plusieurs fragments se rattachent à la Lettre sur
les Commandements de Dieu qui doit être de la même
époque. De longs développements sont écrits en vue
de la conférence de Port- Royal, où Pascal a exposé
le plan de Touvrage qu'il méditait, vers Tannée i658
(fr. 43o, 4 16). Les notes pour les Discours sur la condi-
tion des Grands (fr. 3 10) nous conduisent k Tannée
1660. En revanche le fragment yô se rattache au Traité
du vide ; et quoiqu'il s'accompagne d'une remarque d'exé-
gèse biblique qui atteste la diversité des préoccupations
de Pascal à Tépoque où il a été écrit, il est possible qu'il
soit antérieur à la seconde conversion de Pascal. Ainsi,
sans tenir compte encore de V Apologie, c'est presque dix
ans d'activité intellectuelle dont ces papiers apportent
la confidence, la plus immédiate peut-être et la plus intime
que Ton ait jamais recueillie.
Quant aux fragments qui devaient fournir la matière de
V Apologie, — et sans qu'on puisse exclure l'hypothèse de
fragments antérieurs, préparés en vue de V Entretien avec
M. de Saci, (i655) ou même des conférences avec
M. Rebours *, — ils appartiennent aux dernières années de
la vie de Pascal; nous n'avons ici qu'à recueilUr le
témoignage de Mme Périer : a II avait environ trente-
quatre ans quand il commença de s'y appliquer. Il
employa un an entier à s'y préparer en la manière que
ses autres occupations lui permettaient, qui était de
recueillir les différentes pensées qui lui venaient là-dessus;
I. Cf. Lettre k Uae Périer du a6 janvier i648.
mitiu os rAscAL. *
L LA COMPOSITION DES PBSSÉËS.
et k la fin de Tannée, qui était la trente-cinquième année
de ton à^e et la cinquième de m retraite, il retomba
dans set incommodités d'une nunière si accablante qu'il
ne pouvait plus rien faire les quatre années quUl vécut
encore, si on peut appeler vivre la Ungueur si pitoyable
dans laquelle il les passa '. » Etienne Périer indique même
dans la Préface que quelques-uns des fragments les plus
développés sont de cette dernière période'. Bfarguerite
Périer précise encore dans ses il#/moire« : « M. Pascal avait
accoutumé, quand il travaillait, de former dans sa tète
tout ce qu'il voulait écrire sans presque en faire de projet
sur le papier; et il avait pour cela une qiialité extraordi-
naire, qui est qu'il n'oubliait jamais rien, et il disait lui-
même qu'il n'avait jamais rien oublié de ce qu'il avait
voulu retenir. Ainsi il gardait dans sa mémoire les idées
de tout ce qu'il projetait d'écrire, jusqu'à ce que cala fût
dans sa perfection et alors il récrivait. C'était son usage;
mais pour cela il fallait un grand effort d'imagination, et
quand il fut tombé dans ses grandes infirmités, cinq ans
avant sa mort, il n'avait pas assez de force pour garder
ainsi dans sa mémoire tout ce qu'il méditait sur cbaque
chose. Pour donc se soulager, il écrivait ce qui lui venait
à mesure que les choses se présentaient à lui, afin de s'en
servir ensuite pour travailler comme il faisait auparavant
de ce qu'il imprimait dans sa mémoire; et ce sont ces
morceaux écrits ainsi pièce par pièce, qu'on a trouvés
•près sa mort, qu'on a donnés et que le public a reçus
avec tant d'agrément V »
En définitive, et quel que soit leur intérêt intrinsèque,
I. Cf. PmUm tt afumiu dt Paaeal. Hach«u«, 1897, p. sa.
a. Cf. PSkmjmt^/Uaikmt p. clkxii.
3. Cf. Pa«f*M* £'•«'« " 9fmmlm 4» U /•mitU Pmt^. p. 456
L£ PLAN DE L'APOLOGIE. u
les indications que l'on peut rassembler sur les dates où
furent écrits les fragments de Pascal, demeurent beau-
coup trop vagues et trop approximatives pour offrir un
point d'appui à l'éditeur. Le problème de la publication
demeure intact ; nous devons l'aborder directement et
pour notre compte.
Or la description du manuscrit nous semble décisive
pour écarter les deux solutions extrêmes : l'une, la plus
simple, qui serait de le reproduire tel quel ; l'autre, la
plus séduisante, qui serait de le présenter, comme s'ex-
prime l'im des derniers éditeurs, « selon l'ordre voulu
par l'auteur ». — Certes nous n'avons aucune objection
contre l'entreprise dont M. Michaul s'est acquitté avec
une si admirable conscience ; nous espérons bien que nous
pourrons compléter son travail — et le nôtre — en pu-
bliant le /ac-«</n/7e photographique du manuscrit n'gaoa.
Mais même après la photographie l'édition reste k faire ;
le '< beau désordre » où un relieur malencontreux a mis
les papiers de Pascal a son charme pour les familiers, il
est utile à ceux qui veulent se faire leur édition à eux-mêmes.
Mais à généraliser le procédé nous risquerions de rendre
les Pensées inintelligibles et inaccessibles à neuf lecteurs
sur dix ; nous ferions taire la voix de celui qui & âii : Le
silence est la plus grande persécution.
Sur l'autre solution, sur la restitution du plan de VApo-
\hgie, est-il besoin d'insister encore ? Il suffit de rappeler
ici les difficultés essentielles, qui à notre sens ne peuvent
surmontées. Tout d'abord, il y a dans le manuscrit
fragments qui en toute vraisemblance n'ont pas été
écrits pour V Apologie. Comment faire le départ ? Voici les
\Ptnsées sur C Éloquence et le style, il est fort possible que
les ait notées pour lui-même, qu'il y ait fixé le
mir de conversations qu'il avait euM avec Méré, ou
ui LE PLAN DE L'APOLOGIE.
eooofv qu'il ait évoqué ce souvenir au moment de «on
entrée k Port- Royal lorsqu'il écrivait les Réflexions sur
i'esprit géométrique et sur l'art de persuader, et qu'il se
proposait de rédiger pour le Petites Écoles un Traité de
Géométrie, probablement aussi un Traité de Rhétorique
ou de Logique — mais il est non moins vniiiiwnhhble
que Pascal eût suivi les indications données dam m
conférence de i658, qu'il eût commencé par (aire voir
« quelles sont les preuves qui font le plus d'impression
sur les hommes, et qui sont le plus propres i les per-
suader ». De même on peut soutenir que les fragments
polémiques contre les Jésuites se rattachent & la querelle
des Provinciales^ que la théorie du miracle est faite pour
la Réponse au Rabat Joie, ou pour un autre écrit sur le
miracle dont parle dom Clémencet ; — mais Etienne Périer
rappelle dans sa Pré/ace que l'Apologie était aussi bien tour-
née contre les mauvais chrétiens que contre les libertins,
mais M"* Périer nous dit en termes formels que le miracle
de la Sainte-Épine a été l'occasion de l'Apologie (ce qui
ne signifie pas, comme l'interprète subtilement Astié,
qu'il n'ait été qu'une occasion). De même les traductions
d'Isale et Daniel, qui sont iJaites avec un soin si visible,
devaient-elles trouver place dans le tissu même de l'^po-
iogie? — ou n'étaient-elles que pour l'usage personnel de
Pascal? ou enfin avaient-elles quelque rapport avec les
conférences tenues au chAteau de Vaumurier pour arrêter
le style de la version du testament de Mons ? Et de même
encore pour l'argument du pari : Renouvier en fait le
cceur même de l'Apologie, il compte la révélation int^
grale de l'argument parmi les moments décisifs de la pen-
sée humaine au xix* siècle; — M. Lansoo le réduit k n'être
qu'un écrit de circonstance.
S'il est difficile de déterminer sans arbitraire les limites
LE PLAN DE LAPOLOGIE. un
de V Apologie, il s«ra plus difiBcile encore d'en restituer
le plan. Les indications de Pascal nous donnent des
lignes générales : une première partie traite de Thomme
et de sa corruption, elle est sur Adam et sur la nature ;
une seconde traite de Dieu et de la religion, elle est sur
Jésus-Christ et sur la rédemption. Mais comment ces
parties se divisent-elles ? nous avons des titres généraux ;
mais nous ignorons Tordre des chapitres, qui serait
Pessentiel. Pascal énumère dans un fragment les preuves de
la religion ; mais il paraît bien qu'il ne s'y propose que de
les compter ; aucun rapport logique ne semble avoir
décidé de leur rang'. Ailleurs il mentionne un dialogue
avec l'athée, ou une lettre de l'injustice ; mais il ne nous
dit pas quelle en est la place. Par contre nous le voyons
hésiter sur le plan du développement qu'il vient d'écrire,
transporter au chapitre des fondements ce qu'il avait écrit
dans le chapitre des figuratifs (fr. 670), ou bien encore
transposer après les lois au titre suivant (fr. 78) une lettre
de la folie de la science humaine et de la philosophie (7^),
confirmant enfin le mot, écrit ou prononcé par lui, que
Port Royal nous a transmis dans l'édition de 1678 : « La
dernière chose qu'on trouve en faisant un ouvrage est de
savoir celle qu'il faut mettre la première. »
Dans ces conditions on peut estimer la portée exacte
du plan que nous a transmis Filleau de la Chaise dans
son Discours sur les Pensées de M. Pascal. Cet exposé,
que nous reproduisons dans les Pièces justificatives, est,
malgré la paraphrase perpétuelle et fatigante qui est la mé-
thode de l'auteur, un document capital pour l'intelli-
gence des Pensées ; mais il nous semble qu'il n'a pas une
autorité suIBBante pour nous en permettre la restauration.
I. Pr. sgo; cf. fr. 589.
ur LE PLAN DE L'APOLOGIE.
D'abord k le suivre dam le déUil, le plan »e dérobe i
tnvw« une série de oompUcations, qui expUqoeot les
emberras et les divergences de oeus qui ont cru pouvoir
s'y fier. De plus il a été écrit au moins huit ans après la
eimfértnce de Pascal, et »ans autre document que les
cahiers de Pascal auxquels Filleau de la ChaiM s*est mani-
festement référé. Or k supposer que la mémoire de Tau-
dilenr ait conservé fidèlement chacun des détails de la
eonlérence, il ne s'ensuit pas qu'il en ait retenu Tordre
avec la dernière exactitude. Surtout cette conférenoe même
précède de plus de quatre années la mort de Pascal, de
sorte que nous y aurions un état du plan de Pascal qui
ne s'applique pas nécessairement aux fragments écrits de
i658 k 1663. L'autorité du plan diminue d'autant qu'on
suppose plus de flexibilité et d'extension dans le génie
même de Pascal. Cette conclusion est confirmée par la
comparaison du plan rapporté par Filleau de la Chaise
avec le témoignage de Mme Périer, consigné dans des
pages qui avaient appartenu k la vie de Biaàê Pateal et
que le docteur Besotgne nous a conservées dans sa pré-
cieuse Histoire de l'abbaye de Port-Royal (et peut-être
ne les a-t-on retranchées de la biographie imprimée que
parce qu'elles faisaient double emploi avec le Discours de
Filleau de la Chaise — an le contredisant). Nous repro-
duisons ces pages dans nos Pièces JusUfieaiwes ; ce qui
nous dispense de (enter un parallèle entre deux documents
qui ne se prêtent sur aucun point k un rapprochement.
Il suffit de les lire l'un k la suite de l'autre, pçur que le
contraste éclate. Dira-t-on, pour employer une expression
lamilière k Pascal, qu'il faut Hitcerner les temps ? Ce
diaoemement est bien difficile : on serait tenté de conclure
que lea réflexions sur le miracle sont surtout de i656 et
contemporaines de Pév^nr mon t : on »r tromperait pourtant
LE PLAN DE L'APOLOGIE. lv
L'n hasard veut que plusieurs pensées sur les miracles
dictées par Pascal soient de la main même de Mme Périer ;
or Tune d'entre elles est écrite au verso d'une lettre datée
du 19 février 1660. Il est donc à présumer que les indi-
cations transmises par Mme Périer sont de deux ou troLs
ans postérieures à ia conférence de Port-Royal, qu'elles
reflètent un état plus récent du plan de V Apologie.
Enfin, une formule expresse de Pascal, le témoignage
autorisé d'un contemporain nous permît-il d'établir entre
les fragments un ordre qui fût k l'abri de toute objection
et de toute contestation, nous n'aurions pas le droit d'en
conclure encore que nous possédons Y Apologie dans
son aspect d'ensemble et dans son ordonnance générale.
Un Charron procède par divisions : son Traité des Trois
vérités se compose de trois parties entre lesquelles nous
pourrions répartir aussi les pensées de Pascal : i"* qu'il y a
une religion, s" que la vraie religion est le christianisme,
3" que la seule expression authentique du christianisme
est le catholicisme, c* est-à-dire pour Pascal le jansénisme.
Mais c'est précisément de Charron, du Traité des Trois
vérités ou des Livres de la Sagesse, que Pascal se proposait
de parler dans la préface de sa première partie ; il devait y
condamner les « divisions qui attristent et qui ennuient n '.
Sur une matière grave et aride entre toutes, les Provin-
ciales n'avaient ni attristé ni ennuyé ; elles avaient la
liberté et la diversité d'allure, la verve débordante, la vie
passionnante de la meilleure des comédies; de même
V Apologie, qu'on imagine trop souvent comme une série
de dissertations théoriques, devait être un drame. C'est
avec le souvenir des Provinciales qu'il convient d'inter-
préter des indications comme celles-ci : « Ordre par Dia-
I. Fr. 6s.
i«i LE PLAN DE L'APOLOGIB.
hguês. Que dot»-je faire? Je ne vois partout qu*obacu
ril4a. Croirai-je que je ne tuii rien? croirai'je que je suis
Dieu ? Toute» cboiea changent et m succèdent. Voua vous
trompez, il y a ...» ou bien : « Dana la lettre De fin
justice peut venir la plaisanterie dea aînés qui ont tout :
Mon ami, vous êtes né de ce côté de la montagne ; il
est donc juste que votre aîné ait tout. — Pourquoi me
toet-vous ' ? » — Montaigne est transcrit presque tout entier
dans les notes de Pascal, c*est sans doute que le personnage
principal était le libertin qui a lu Montaigne. — Mme Pc-
rier nous bisse entendre que les preuves des miradu
devaient former le premier chapitre de l'ouvrage; c^est
peut-être que Pascal voulait se jeter brusquement dans
lee événements, prendre comme point de départ les con-
versations qu'il eut « avec Thomme sans religion > à la
veille du miracle de la Sainte-Épine, et de U revenir sur
les fondements de la religion chrétienne... Sans multiplier
les conjectures, une chose est acquise, c'est que quel que
soit Tordre dans lequel un éditeur publiera aujourd'hui
les Pensées, l'Apologie de Pascal en eût différé du tout
au tout ; car elle aurait été en dehors de tout ordre déter-
miné, conduite par un génie qui se moquait des r^rlea
didactiques.
Ces raisons littéraires, et encore extérieures, ne font que
traduire des raisons intimes et profondes. L'ordre analy-
tique n'est pas l'ordre vrai : il juxtapose des formules, il
les enchaîne suivant les lois du raisonnement, il demeure
aoolastique et superficiel. L'ordre vrai, celui qui engendre
la conviction, est un ordre synthétique ; en apparence il
rompt le discours, en réalité il va droit au but : « Cet
ordre consiste principalement & la digression sur chaque
I. Fr. SS7 M fr. «91.
LE CLASSEMENT DES PESSÉES. Lvn
point qu'on rapporte à la fin, pour la montrer toujours'.
Chacune des lettres, chacun des dialogues dont se serait
composée V Apologie devait ainsi former un tout et se suf-
fire à lui-même ; point d'examen préliminaire ni de dis-
cussion provisoire, chaque acte du drame devait conduire
à la même conclusion : la vérité du christianisme intégral
qui est le jansénisme, la nécessité de s^y convertir immé-
diatement avec son esprit, avec son cœur, d'y soumettre
jusqu'à la discipline de son corps.
Ce serait donc compromettre également les Pensées que
de les laisser dispersées à travers le chaos du manuscrit
actuel, ou de les ajuster au cadre d'une restauration
arbitraire. Il faut se résigner à un classement, et puis-
qu'il est inévitable, le choisir le moins mauvais possible.
Or le moins mauvais en l'occurrence, n'est-ce pas celui
qui est consacré par l'usage, celui de Bossut, complété
par Havet? Pour notre part, nous l'aurions accepté si
nous ne nous étions heurté à une impossibilité matérielle.
.\fin de conserver le bénéfice de la concordance avec
Bossut et Havet, il eût fallu respecter la fragmentation des
fragments telle que Bossut l'avait pratiquée après Port-
Royal, publier en neuf tronçons le fragment 8^3, en
dix tronçons le fragment 556 dont les manuscrits — et
sur ce point la publication de M. Michaut a fait une
lumière décisive — nous obligent à restituer l'unité.
Entre l'arrangement de Bossut et les manuscrits, il n'y
a pas à hésiter ; mais alors ces remaniements suppriment
tout l'avantage matériel que nous attendions. A fortiori.
nous ne pourrions, sans être infidèles au manuscrit,
reprendre les divisions de Port-Royal et y répartir les
I. Fr. 383.
irm LE CLASSEMENT DES PESSÊBS.
fragmanlt publia depuis 1670 ; d'ailleurs nout n'y
tnmvBriont guère d'avanUge moral. Quand on invoque
en faveur de la première édition Tautoritè des amis de
Port-Royal, on oublie qu'ils ont abandonné l'édition
poêealmnne k laquelle ils avaient travaillé << asaei long-
tempt », le duc de Roannex en particulier. Le projel
qu^ils exécutèrent ne fut qu'un troisième projet, une
sorte de pis aller; nous n'avons aucune raison de noua eo
contenter, n'étant plus obligé de plier la pensée vraie de
Pascal aux conventnoea dea autorités eocléaiastiques.
Un seul parti n'était pas abaolument impoaaible. C'était
— sans tenir compte des témoignages qui se rapportaient
1 l'œuvre littéraire de Pascal — de faire fond exclusi-
vement sur les fragments écrits par Pascal lui-même, de
rechercher de quelle façon ils se rapprochaient les uns des
autres par l'identité de leur contenu, de quelle façon ils
se liaient entre eux pour offrir une continuité logique.
Une telle recherche ne pouvait assurément nous conduire
k un plan que Pascal eût effectivement suivi : elle pro
cède, nous l'avons dit, d'une méthode tout analytique, et
elle est opposée k l'ordre synthétique que Pascal lui-même
donna comme le secret de son génie. Mais la modestie
même de notre ambition nous permettait d'espérer que
nulle part nous ne trahirions la pensée de notre auteur, que.
nous pourrions rendre intelligible la lecture intégrale des
Pensées, que nous aurions en un mot rempli en oonsdence
notre devoir d'éditeur.
Dans l'exécution de cette têche, Pascal devait être notre
seul guide: non seulement k maintes reprises, il avait
marqué lui-même par l'indication d'un titre le chapitre
auquel le fragment devait se rapporter, et il avait ainsi
commancé le travail que notis avions à oomplétar ; mais
LE CLASSEMENT DES PENSÉES. va
il avait aussi jeté quelques points de repère qui nous
renseignent sur le but du chapitre et sur la liaison des
fragments qui le composent.
Les renseignements sont surtout précis et concordants
pour cette partie considérable des Pensées qui est en
quelque sorte la partie technique : des chapitres s'y
dessinent d'eux-mêmes, relatifs aux Figuratifs, aux Pro-
phéties, aux Miracles. Ainsi Pascal a écrit : « Preuve des
deux Testaments à la fois. — Pour prouver tout d'un
coup les deux, il ne faut que voir si les prophéties de
l'un sont accomplies en l'autre. Pour examiner les pro-
phéties, il faut les entendre ; car, si on croit qu'elles n'ont
qu'un sens, il est sûr que le Messie ne sera point venu ;
mais si elles ont deux sens, il est sûr qu'il sera venu en
Jésus-Christ. Toute la question est donc de savoir si elles
ont deux sens (fr. 642). » Donc il faut partir de l'Ancien
Testament. De la multiplicité des religions qui s'offrent
k l'examen du penseur — religions de la Chine, de
la Grèce ou de l'Arabie — le judaïsme se détache, comme
seul capable de servir de fondement à la religion vraie, de
démontrer la perpétuité de l'Église : 0 Voir ce qu'il y a
de clair dans tout l'état des Juifs, et d'incontestable »
(fr. 602), afin d'établir que la religion a toujours été,
que c'est aux livres des Juifs que doit s'attacher celui
qui cherche Dieu. Il y a donc lieu de fournir trois démons-
trations pour rétablir l'unité entre le livre des Juifs et le
livre des Chrétiens : i** l'Ancien Testament a un sens lit-
téral et un sens figuré ; a* PAncien Testament annonçait
im Messie spirituel ; 3* Jésus-Christ a été ce Messie.
La démonstration du premier point forme le chapitre
des Figuratifs auquel Pascal a fait allusion, et dont il s'est
tracé le plan de la manière suivante : « Pour montrer que
l'Ancien Testament n'est que figuratif, et que lespropbèiet
L1 LE CLASSEMENT DES FESSÉES.
entendaient ptr les biens temporels d*autne biens,
c*est : I* que cela serait indigne de Dieu ; a* que leurs
discours expriment très clairement la promeaae dea biens
temporeb, et qu'ils disent néanmoins que leurs discours
sont obscurs et que leur sens ne sera point entendu... La
trMaème preuve est que leurs discours sont contraires
et se détruisent (fr. ôSg). »
Apr&s le chapitre des Figuratifs prend naturellement
place le recueil des prophéties que Pascal avait dreaaé et
qui comprend des traductions des livres d*lsale ei de
Daniel. Ce recueil prépare la séné des fragments relatifs
k Jésus, considéré comme prophète, puisqu'il s'agit de
montrer comment les caractères du Messie attendu se
retrouvent véritablement dans le Christ. — De là un cha-
pitre sur Jésus-Christ, auquel se rattachent des réflexions
sur le style de TÉvangile et sur la véracité des apAtres que
Pascal se proposait de développer assez longuement.
Enfin la preuve la plus forte de Jésus-Christ, ce sont
les miracles : Pascal avait formé une théorie des mira-
cles, dont il expose le principe: « Commencement. — Les
miracles discernent la doctrine, et la doctrine discerne les
miracles. Il y a de faux et de vrais. Il faut une marque
pour les connaître ; autrement ils seraient inutiles. Or,
ils ne sont pas inutiles, et sont au contraire fondement.
Or, il faut que la règle qu'il nous donne soit telle, qu'elle
ne détruise la preuve que les vrais miracles donnent de la
vérité, qui est la fin principale des miracles. Moïse en a
donné deux(fr. 8o3). »
La théorie des miracles relie TÉglisc de Jésus-Christ k
rÉglise contemporaine ; elle nous introduit dana la polé-
mique entre Jésuites et Jansénistes où était aux yeux
de Pascal le secret et comme la clé du cbristianisme vrai.
Ainsi nous semblent s'ordonner sans effort les sii der-
LE CLASSEMENT DES PENSÉES. lxi
nières sections entre lesquelles nous répartissons les
fragments de Pascal : La Perpétuité — les Figuratifs —
les Prophéties — Preuves de Jésus Christ — les Miracles
— Fragments polémiques.
Pouvons-nous appliquer un pareil traitement au reste
des écrits posthumes de Pascal? Tout d'abord nous devons
isoler une série de fragments relatifs aux qualités de
l'esprit et aux particularités du style, qui, destinées ou
non à faire corps avec TApologie, forment une première
section naturellement distincte et qui sera comme une
introduction sur la méthode. — Puis nous trouvons dans
Pascal lui-même l'indication d'une première partie qui
devait être intitulée : Misère de l'homme sans Dieu. De
toute évidence, c^est une étude psychologique de l'homme;
dans la Pré/ace, Pascal devait y poser le problème de la
connaissance de soi-même ; la réponse est donnée par les
fragments des deux infinis, l'analyse des puissances
trompeuses, les réflexions sur le divertissement et la
misère.
Une fois l'homme amené à prendre conscience de sa
condition naturelle, il faut lui inspirer le désir d'en
sortir : « Lettre pour porter k rechercher Dieu. Et puis le
faire chercher chez les philosophes, pyrrhoniens et dog-
niatistes, qui travaillent celui qui les recherche » (fr. i84}-
D'une part donc, exhorter le libertin k se tourner vers
la religion, opposer son souci des petites choses k sa
négligence vis-i-vis de l'éternité, préciser même cette
opposition en lui donnant la force et la valeur d'un argu-
ment mathématique — passer d'autre part en revue les
diflerents systèmes philosophiques afin que, par le spectacle
de leur impuissance, l'âme soit préparée à comprendre la
profondeur, à désirer la vérité du christianisme. Deux
moments de l'Apologie sont ainsi distingués : le premier
110 LE CLASSEMENT DBS ^BNSÉBS.
ne toache encore qu'i U forme de U vérité ; il aboutit k
oel état que Patctl a décrit dAni une pensée qu*il avait
intitnlée Ordre, comme pour se nppeler à loi-même la
limite d'un chapitre : « J'aurais bien plus de peur de me
tromper, et de trouver que It reUfion chrétienne soit vraie,
que non pes de me tromper en la croyant Yraie » (fr. a4 1 )•
Le second touche au fond même de cette vérité, il ne se
contente plus de la faire désirer, il la prouve. Entre ces
deux moments se placeraient les fragments, si importants
dans Tœuvre de Pascal, qui déterminent les rapports
entre la volonté de croire et la valeur de la croyance,
entre le cœur et la raison ; « il y a trois moyens de
croire: la raison, la coutume, Tinspiration » (fr. a45).
Ainsi se trouvent déterminées la substance et la liaison
des sections auxquelles on peut donner des titres teb
que ceux-ci : Misère de l'homme sans Dieu — IS'écessité
du pari — des Moyens de croire — tes Philosophes —
la Morale et ta doctrine chrétienne.
Une série de fragments relatifs k l'homme n'a pas
trouvé place dans ce classement ; ce sont ceux qui ont une
portée sociale, pour lesquels Pascal songeait au titre:
Us Lois (fr. 7$) et qui, à un autre moment devaient être
réunis dans une lettre que Pascal appelait ta lettre de
l'Injustice (fr. agi). Ils sont distincts de Tétude psycholo-
gique de rhomme en lui-même, et d'autre part ils ne
paraiaeent pas se rapporter directement à la diacotiioo
des lytlàmes philosophiques. Un indice rependant pwmet
de résoudre la difiDculté. L'enchaînement dea fragmenta
sur l'injustice se trouve expliqué par Pascal dans la pen-
sée 337, dont nous donnons ici le cadre: t Gradation. Le
peuple honore les peraonnaa de grande naiaaance... Les
demi-habilea... Les habiles... Les dévota... Lea chrétiens
par&its... Ainsi se vont les opinions suocédant do pour
LE CLASSEMENT DES PESSÊES. lziu
au contre, selon qu'on a de lumière. » Or le titre de cette
pensée est Raison des Effets (cf. fr. aSi et 235, 334, 335
et 336), et Pascal a reproduit ce même litre en tête d'une
réflexion qui vise Épictète et montre Timpuissance du natu-
ralisme stoïcien en face de la grâce chrétienne (fr. 467).
Ne pouvons-nous conclure de ce rapprochement que la
supériorité des chrétiens apparaît également h Pascal et
dans la controverse qui divise le peuple et les demi-habiles
sur le sujet de la justice sociale, et dans le débat sur la vé-
rité qui met aux prises les pyrrhoniens et les dogmatiques ?
Seuls les chrétiens ont vu la cause, « la raison des effets » ;
seuls ils justifient, en s'élevant à un point de vue supé-
rieur qui fait apercevoir les racines de Tune et de Tautre,
la thèse affirmative et la thèse négative. La dialectique
de la justice dont Pascal a marqué les degrés avec tant de
précision nous paraît donc préluder à la dialectique sur
la vérité qui accuse par les oppositions des philosophes les
deux aspects inséparables de la nature humaine, la misère
et la grandeur, afin de montrer comment la noblesse et
rhuuiilité se complètent et se corrigent dans la croyance
au divin Médiateur.
Reste enfin à relier cette Apologétique abstraite et inté-
rieure à la partie externe et positive que nous avons
d'abord décrite. Telles que Pascal les présente, la morale
et la doctrine du christianisme offrent une ambiguïté
essentielle, puisqu'elles doivent être lettre close pour ceux
à qui Dieu n'a pas accordé sa grâce, comme elles seront
transparentes pour ceux qui ont l'inspiration du cœur.
C'est à celte ambiguïté qu'il convient de se référer pour
comprendre le caractère que la religion chrétienne a dû
présenter dans l'histoire, et la nature nécessairement
équivoque des preuves qui peuvent être tirées des pro-
phéties et des miracles. Ainsi se fait la transition entre
tuv LE CLASSEMENT DBS FENSBêS,
le» deux parties >i disUnctei d'allure et de contenu qui
devaient composer VApohgie de Pascal. A la Sedton qui
rianitces fragments de transition, Pascal parait avoir
donné un titre dans le fragment 670 : « Il faut mettre au
chapitre des Fondements ce qui est en celui des Figuratifs
touchant la cause des Ggures : pourquoi Jésus-Christ pro-
phétisé en son premier avènement ; pourquoi prophétisé
obscurément en la manière. »
La méthode que nous venons de retracer nous conduit
donc à une classiGcalion, qui ne sera peut-être jugée trop
complexe, si Ton a égard à la richesse de la pensée de
Pascal, à la nature de son génie qui déconcerte toute
division simpliste et tout ordre linéaire. Elle comprend
quatorae sections, dont voici le tableau :
I. Pensées sur l'Esprit et sur le Style.
II. Misère de l'homme sans Dieu.
III. De la Nécessité du pari.
IV. Des Moyens de croire.
V. La Justice et la Rcdson des Effet*.
VI. Les Philosophes.
VII. La Morale et la Doctrine.
VIII. Les Fondements de la Religion chrétienne.
IX. La Perpétuité.
X. Les Figuratifs.
XI. Les Prophéties.
XII. Preuves de Jésus-Christ.
XIII. Les Miracles.
XIV. Fragments polémitjaes.
Nous voudrions que les fragments eux-mêmes de
Pascal, tels que nous les publions, fournissent au lecteur
la justiGcation de ce tableau; subsidiairement nous le
LE CLASSEMENT DES PENSÉES. lxv
renvoyons aux Pièces justificatives \ il trouvera une série
d 'arguments où nous avons marqué la sorte de continuité
logique qui apparaît selon nous d'une section à Tautre, et
dans une même section d'un fragment à Tautre. Mais, si
l'existence même de cette continuité logique nous assure
de n'avoir pas été absolument inGdèle à Pascal, nous
voudrions aussi qu'on ne s'en exagérât pas le caractère
ou la prétention. Nous n'avons pas échappé à l'arbitraire
et nous n'avons pas évité toute incertitude ; nous savons
en particulier qu'il n'y a pas de distinction expresse entre
certains fragments de la section II qui visent à établir par
la psychologie la misère de l'homme et certains fragments
de la section VI qui tirent des oppositions entre les
philosophics la preuve de sa double nature, ou encore
entre ceux de la section VII sur Jésus-Christ rédempteur,
et ceux de la section XII sur Jésus-Christ personnage
historique. Nous avons conscience que nous publions,
non un ouvrage de Pascal, mais ses écrits posthumes.
Nous tenons par-dessus tout à respecter le caractère
fragmentaire que la mort leur a imposé, limitant le
contenu, et masquant ainsi la portée, d'une « digression »
que l'ordre du cœur devait pousser jusqu'à la fin com-
mune.
I. Vide p. ccLV, tqq.
rtHSÉK* Ul fAtCAL. I — 8
TROISIÈME PARTIE
Dans l'élan de son admiration pour Pascal, un des
approbateurs de l'édition de 1670 se laisse entraîner à
dire : a Tant s'en faut que nous devions regretter qu'il n'ait
pas achevé son ouvrage que nous devons remercier au
contraire la Providence divine, de ce qu'elle l'a permis
ainsi. Comme tout y est pressé, il en sort tant de lumières
de toutes parts qu'elles font voir à fond les plus hautes
vérités en elles-mêmes, qui peut-être auraient été obscur-
cies par un plus long embarras de paroles. » Il faut recon-
naître que cette louange fut médiocrement accueillie par
les amis de Pascal ; ils la jugèrent « assez extraordinaire * » ;
au témoignage de Le Nain de Tillemont, ils se met-
taient presque en colère contre M. de Ribeyran : a ceux
qui ont un amour particulier pour la doctrine de la grâce »
n'attendaient-ils pas de cet ouvrage « la ruine du Pélé-
gianisme et de toutes ses branches »? comment ne pas
s'affliger de voir à jamais épars en mille tronçons le
glaive qui devait restaurer le Christ dans son Église, le
Pugio Fidei adversus Jesuitas? Nos contemporains com-
prennent le sentiment de Le Nain de Tillemont; pourtant
ils ne le partagent pas ; ils tco^teot la a consolation bien
Rectteil d'ttrechi, i74u. |j b^^. Vidg Ut/rc, p. clx et p. ccl.
vrm LES LECTURES DK PASCAL.
facile » que leur donne M. de Ribeyran ; s'ils ne pooMent
pat rimprudence jusqu'à prétendre ■ que la brièveté de
ces fragmeoto est plus lumineuse que n'aurait été le
diaconn entier et étendu », ib sentent qu'elle est plus
émouvante et plus pathétique; elle a moins de force
doctrinale, mais elle leur parle de plus près, elle leur
révèle plus directement, selon l'expression de Vinet,
Pascal non Vauieiw, mais l'homme. Il est là, dans sa
chambre et voici les feuilles volantes, qui sont couvertes
d'écriture dans tous les sens, avec dea aignaa de renvois,
des phrases barrées, des scmpules et des retours sans fin ;
voilà les courtes Ugnes qu*il a tracées ou dictées, en
attendant une heure de loisir, une heure de trêve k ses
perpétuelles douleurs. Voici enfin ses Hvres : la Vuigate,
saint Augustin, Jansénius, Saint-C^ran et les écrits de ces
Messieurs, puis Charron, Grotius, et Montaigne: le Mon-
taigne in-^" de 1 636 où sont ses rétoences, le Montaigne
in-P* de i635, où il a marqué un rond à la page i84'
Il y a lieu d'insister sur les lectures de Pascal. U est
de tradition de répéter que Pascal avait peu lu. Du moins
Pascal n'a-t-il jamais dédaigné la science qui s'acquiert
par les livres. Au rebours d'un Descartes ou d'un Malc-
branche, il n'attend pas la vérité d'une déduction que
l'homme serait capable d'engendrer par le seul effort de
sa réflexion. La théologie, écrit-il a la suite de Janaénius
dans le fragment du Traité du vide, recherche seulement
de savoir ce que les auteurs ont écrit ; or ce qui est écrit
c'est l'histoire de l'humanité, c'est le fait du péché, le lait
de la rédemption qui contiennent le secret de sa destinée.
Aussi, sans se piquer d'érudition, Pascal veut-il tirer parti
de toutes les ressources que lui offrent l'érudition. Dans
la Préface qu'il aurait mise en tète de chacune des parties
de V Apologie (fr. 6a et a4a), il devait « parler de ceux
LES LECTURES DE PASCAL. txn
qui ont traité de la matière », de Montaigne et de Charron
pour la connaissance de soi, de Raymond Sebon et de
Grotius pour la vérité de la religion chrétienne. Enfin à
chaque page de V Apologie devait apparaître, comme la
source et l'inspiration de toutes les doctrines, TÉcriture
qui apporte la parole de Dieu, avec l'autorité décisive des
interprétations données par saint Augustin et par Jansé-
nius. En plus d'un endroit même, à la faveur des lettres
et des dialogues qui devaient être insérés dans le corps de
l'ouvrage, Pascal se serait efiFacé devant les maîtres pro-
fanes ou sacrés qu'il s'était choisis.
Mais Pascal ne lit pas seulement en auteur et pour
son Apologie, il lit pour lui : « Ce n'est pas dans Mon-
taigne, mais dans moi que je trouve tout ce que j'y vois
(fr. 64). » Non seulement il est doué d'une mémoire sin-
gulière, à ce point qu'il n'aurait jamais oublié ce qu'il
avait lu seulement une fois ; mais l'imagination égale en
lui la mémoire : elle évoque le fait concret derrière la
description abstraite, et par delà l'auteur elle fait surgir
l'hi T' il a connu Montaigne, il a causé avec lui,
l'ji^ iii faisant des reproches. Il a entendu dans
la Bible la voix même des Jérémie et des Isale ; il a gravi
le mont des Oliviers à la suite des Évangélistes, il a vu
Jésus, et la goutte de sang qui tombait pour lui à l'heure
de l'agonie.
Aussi, travaillant à son « ouvrage contre les athées »,
Pascal n'a jamais été seul. Il a besoin de « cr)mmuni
cation » ; il s'est « dégoûté » des sdenoes abstraites parce
qu'elles l'isolaient de l'humanité; il vit désonnais avec
les hommes, avec les mauvais chrétiens qu'il combat,
avec les libertins qu'il veut convertir, comme avec les
prophètes d'Isra(^l dont il partage les luttes et les espoirs,
comme avec le Médiateur qui le fait entrer en société
MONTAIGNE.
avec Dieu. Si donc nous nous reportons aux
dont les Pensées portent le louvenir, ce n'eal ptt teole-
ment pour y chercher U genèse de telle ou tdla doctrine,
l'explication do tel ou tel fragment, c*eet pour comprendre
et reoonttitiMr le milieu intellectuel où s*est dévdoppé,
où 8*e8t fécondé Pesphl même de Pascal.
Les Euais de Montaigne ont été, suivant le mot
heureux de M. Stapfer, la Bible profane de Pascal. Leur
influence est profonde, et elle est constante. Pascal con-
duit Montaigne k Port-Royal non pas, comme il fait pour
Epictète. en ennemi qu'il faut abattre et immoler k la
gloire du Christ, mais comme un auxiliaire, parfob même
comme un guide. Les emprunts, ou les allusions, k Mon-
taigne — en si grand nombre qu'une édition des Pensées
est en même temps une réédition partielle des Essais —
ne sont point des souvenirs persistants de la période mon-
daine, et comme un réveil du Pascal d'autrefois. Pascal
a sans doute, de son point de vue, dépassé Montaigne et
Méré ; k aucun moment il ne s'est détaché de l'un ou de
Pautre. Montaigne n'a pas cessé de vivre en hii, se trans-
formant et grandissant avec lui ; il est devenu l'humanité
au sens le plus étendu, au sens le plus profond. Ce n'est
pas un siècle que Pascal demande k Montaigne de lui faire
connaître, mais tous les siècles, les coutumes des peuples
et les maximes des sages, les anecdotes de l'histoire et les
aventures de b philosophie; ce n'est pas un pays, mai^
tout lea pays : avec lui il visite les cannihalea que Ton fit
venir k Rouen devant le roi Charles IX, il découvre les
habitants du Mexico et leurs merveilleuses légendes. Autant
il participe k cette curiosité univendle, autant il goùle
la sagacité merveilleaae dont Montaigne l'accompagne :
il a relevé les erreurs des diplomates ou des capitaines,
comme les contradictions dea légistes ou des savants ; il a
MONTAIGNE. txxi
dénoncé la fragilité des empires, et celle des systèmes.
Nul n'apprend à mieux connaître tous les hommes ; nul
n'apprend à mieux juger tout Thomme. Pascal s'attache à
Montaigne, comme Montaigne s'était attaché à Plutarque :
a il est si universel et si plein qu'à toutes occasions, et
quelque subiect extravagant que vous ayez prins, il s'in-
gère à vostre besongne, et vous tend une main libérale
et inespuisable de richesses et d'embellissements. »
(III, 5.) Et Pascal ne se défait pas plus de Montaigne
que Montaigne ne pouvait se défaire de Plutarque. Dans
sa polémique avec les Jésuites sur le gouvernement de
l'Église, c'est une phrase de Montaigne que Pascal oppose
à ses adversaires : « La juridiction ne se donne pas pour
[le] juridiciant, mais pour le juridicié (fr. 879). » S'il
s'agit de défendre l'autorité du miracle, c'est à Montaigne
qu'il en appelle : a Que je hais ceux qui font les douteurs
de miracles ! Montaigne en parle comme il en faut dans
les deux endroits... » (fr. 8i3 et fr. 81 4)- Et c'est au
Père Annat, à l'auteur du Rabat-joie des Jansénistes, qu'il
s'adresse, en lui citant le titre même d'un Essai: « II faut
, sobrement juger des ordonnances divines, mon Père
(fr. 853). »
Pour Pascal les Essau sont à ce point représentatifs et
compréhensifs que la personnalité même de leur auteur
fînit par lui causer, sinon quelque gêne, du moins une
sorte d'agacement. Non par son scepticisme : les doutes qui
Mrandalisent de Saci ou .\rnauld, édifient Pascal, car ils
témoignent de la c prudence » et du scrupule qu'il
< nruiiiii (r.ippnrter dans la recherche de la justice et de
il N< ni* , iiidi^ bien plutAt par son christianisme même.
Si les Essais ont touché le fond de la nature humaine,
si VApoiogie de Haimond Sebon, sous les apparences
d'une esquisse légère, marque avec netteté les contours
uni MONTA IGKC.
du plan qur TApologétique de Paicftl devait remplir, ai
elleeel Taflirmation de la religion vraie qui eat aelon
saint Paul, comment expliquer que Montaigne lui-même
pour son compte et dans sa vie ne se soit pas arrêté k b
vérité qu'il fait apparaître comme le terme de sa réfleiion?
comment a-t-il démenti par sa conduite renseignement
de son œuvre? Pascal ne s'y est pas trompé : la foi dont
Montaigne fait profession, si elle n'est ni de commande
ni de parade, n*est du moins que de surfiMe. Vis-à-vis de
rÉglise dominante il garde Tattitude que lea aagea de la
Grèce ont eue presque tous k Tégard des cultea paient ; il eat
respectueux et distant; ou, pour prendre ses expreniooa,
il demeure libre et délié. A Tépreuve décisive il se déclare
enfin. Pour Montaigne la mort n'est pas Taurore de la
vie étemelle, elle est la fin de Thomme. Montaigne ne
connaît pas Tangoisse du jugement; il travaille seule-
ment à chasser la crainte et le tremblement, k demeurer
nonchalant et voluptueux, homme enfin au sens où
rhomme s oppose au chrétien. Voilà pourquoi les Eisaîs,
si bienfaisants pour celui qui reçoit d'ailleurs la lumière,
sont en eux-mêmes si inquiétants. Qui donc croira
lorsque Montaigne, qui a si profondément jugé de toutes
choses et de la religion même, ne croit pas, de la foi sincère
et fervente qui renouvelle le cœur et qui transforme h
vie ? Voilé pourquoi il faut s'armer des Essais contre
Montaigne lui-même, lui reprocher d'avoir diminué
comme k plaisir la portée de son œuvre en se complaiaant
dans l'étalage de son moi : a Le sot projet qu'il a de se
peindre (fr. 62). » Voilé pourquoi il faut enfin redreaaer
cet homme qui s'abat dans la conscience tranquille de aa
faiblesse et de sa lAcheté, l'élever, avec le secourt de Dieu,
jusqu'à Dieu même.
Gomment compléter Montaigne? ett-ce <>n r<>mnniAnt
RAYMOND SEBON. Lxxin
jusqu'à Raymond Sebon? est-ce en descendant jusqu'à
Charron?
Si Montaigne avait donné à Pascal la curiosité de
Raymond Sebon, il lui en avait aussi donné la défiance.
V Essai sur Raymond Sebon n'était pas fait pour pré-
venir Pascal en sa faveur; l'expression même de Théologie
naturelle devait lui apparaître comme une contradiction
dans les termes, d'autant que Raymond Sebon n'est nulle-
ment suspect de relâcher quoi que ce soit de la rigueur
du dogme pour l'accommoder aux exigences de la nature.
L'influence de saint Augustin est évidente : définition de
la justice et de la vérité par la volonté de Dieu, opposition
de l'amour de Dieu et de l'amour de soi, nécessité de
choisir entre la haine de Dieu et la haine de soi, subordi-
nation de la raison démonstrative à l'autorité de l'Ecriture,
Raymond Sebon a marqué ces points essentiels avec une
netteté, à laquelle — plus d'un fragment des Pensées en
témoignerait — Pascal n'a pas dû rester insensible. Mais
alors le contraste n'en est que plus choquant entre la
doctrine de Raymond Sebon, et sa méthode qui est
faite tant<St de déductions abstraites et tantôt de compa-
raisons familières. La chute originelle est expliquée par
l'exemple du vin qui peut se troubler à demi, ou bien se
transformer en vinaigre, « ne retenant rien de son ancien
goût, or... c'est d'un tel changement que nous sommes
changés : nous ne sommes pas le vin trouble, mais le pur
vinaigre'. •> Raymond Sebon ne respecte pas plus le
mystère de la Rédemption que celui de la Corruption. Il
tl. Si^aloa* MM y iaMter one analogie médicale qoe Rapsopd
pUk*B développe arec qaelqae eoapUtMMe : « Le bapUae me d'aa
HMtt •• ht comme purgeant par le deeeoai, et la péaiteaee de baaaa
Lxm RAYMOND SEBON.
établit un k ud, par une suite de râiconneinentft mélaphy-
siqoM qui se déroulent k priori, les conditions que doit
remplir le Rédempteur, pour conclure enfin que « Tbomme
duquel il a été parié jusqu*à présent, c'est Jésua-Christ n.
Pascal ne sera carias pas le lecteur docile auquel Raymond
Sebon « présente cette belle université des choses et des
créatures comme une voie droite et une ferme échelle
ayant de» marches tris assurées par où il puisse arriver k
son naturel domicileetse remontrer k la vraie connaissance
de sa nature.. . par la Mie des choses inférieures, il s'ache-
minera jusques k l'homme et tout d'un fil il enjambera
de rhomme jusques k Dieu ». — Et cependant Pascal ne
rejettera pas complètement l'idée de cette hiérarchie des
êtres dont Raymond Sebon a fait la base de son Apologé-
tique; il n'oubliera pas les u trois fraternités des chrétieiia:
fraternité de la chair dans le premier homme, fraternité
de l'âme qu'ils reçoivent de Dieu, fraternité du bien-être
qu'engendre en eux Jésus-Christ, leur tiers père ». Seule-
ment il ne croira pas si facile d'« enjamber » d'un ordre
k l'autre; la gradation, qui était continue pour Raymond
Sebon, devient pour lui opposition perpétuelle, « renver-
sement du pour au contre ». Dans cette hiérarchie même
il remarque la place éminente que Raymond Sebon a
(aile au jugement et k la connaissance de soi : la réflexion
de Raymond Sebon est retenue et immortalisée dans le
fragment du Roseau pensant. Mais, tandis que Raymond
Sebon fait croître parallèlement la grandeur effective de
l'homme et la conscience de cette grandeur, Pascal mettra
en opposition la dignité que donne la connaissance de
soi, et la réalité misérable que cette conacieooe éclaire.
Enfin Pascal emprunte à Raymond Sebon cette idée que
l'intelligence est pour nous un instrument pratâqoe,
qu'elle doit travailler k notre avantage et le proDOOcer
CHARRON. Lxxv
pour notre profit, que, dès lors, elle ne peut hésiter à
trancher le problème de la vie étemelle dans le sens où
se rencontre l'espoir de la béatitude infinie. Et Pascal
développant, peut-être à la suggestion de Raymond Sebon,
l'argument du pari, y verra non plus une propriété seule-
ment, mais la limite même de notre pouvoir intellectuel.
Assurément l'ouvrage de Pascal n'aurait guère ressemblé
à la Théologie naturelle de Raymond Sebon; quelque
chose cependant en eût reparu transformé et transposé,
tant l'esprit de Pascal était ouvert à toutes les influences
et capable de les dominer pour les faire converger au but
qu'il s'était fixé.
Comme Raymond Sebon, et plus que lui encore, Char
ron s'inspire de saint Augustin. Pascal connaissait l'ou-
vrage anonyme où Saint-Cyran l'avait défendu contre le
Père Garasse, et il avait lu dans les Discours chrétiens
le chapitre sur la PréHestination qui forme comme un
manuel anticipé de jansénisme. Pascal était ainsi préparc
à trouver dans Charron non .seulement un précurseur,
mais un guide. Oe fait, en lisant Charron, il pouvait dire
que son œuvre à lui y était déjà tout entière — et que tout
entière elle restait à faire. Elle était faite tout entière.
Dans ses Discours chrétiens, en particulier dans son Dis-
cours sur la Rédemption, Charron avait marqué, en traits
que Pascal n'oubliera pas, la personne et l'œuvre du
Rédempteur ; il avait du coup atteint l'essence et le cœur
de la religion chrétienne. — De là il est fondé k faire
œuvre d'apologiste et de polémiste, en démontrant ces
Trois Vérités : n la première qu'il y a religion recevable de
tous rt d'un chacun — contre tous athées et irreligieux ; la
seconde qui est Tcxcellcnce de la religion chrétienne par-
dessus les autres — contre tous mécréants, gentils, juifs,
n)alK>n)i'lans; la troisième qui est Pautorité de l'Église
usTt CHARRON
ratholique romaine — contre les hérétiques et le» schi»
matiques. » En changeant le titre de U troisième vérité
pour faire porter tout Peffort des catholiques non plu»
contre les protestants, comme au ivi* siècle, mais contre
les Nouveaux Pélagiens et les Jésuites, ces Trois Yérilés
sont précisément cellee dont la démonstration devait
remplir TApologic pascalienne. Bien plus, i ces Trois
Vérités, Charron donne la base qui convient en les ap-
puyant sur la science de Thomme. Les trois livres de la
Sagêue forment un traité de psychologie et de morale.
La morale est empruntée aux Stoïciens, et en particulier,
comme le déclare formellement Charron, aux exposés du
chancelier de du Yair qui avaient joué un rAle considé-
rable dans la première éducation littéraire et philoso-
phique de Pascal. La psychologie est surtout tirée de
Montaigne, non dans son esprit seulement, mais dans la
lettre même : avec autant de candeur que de gaucherie.
Charron encastre dans le tissu généralement lourd et
terne de ses déductions abstraites les phrases pimpantes ei
lumineuses des Essais ; les anecdotes et les saillies pro-
fondes de Montaigne sont distribuées dans un ordre didac-
tique, elles se déroulent en séries régulières sous des titres
que Pascal avait notés, avec le dessein de les reprendre :
Vanité, Faiblesse, Inconstance, Misère, Présomption
Seulement cette encyclopédie qui semble contenir ■'<
Tavance toutes les matières des Pensées est encore un
bloc informe : il lui manque non pas seulement d*éCre
animée par le souffle du génie, mais de vivre au sens
organique du mot. Nulle part on n'aperçoit le lie4i qui
rejoint les parties, cl les fait converger vers un but com-
mun de bçon è constituer un organisme véritable. Quand
Charron aperçoit enfin la difficulté, c'est pour s'en tirer
par une défaite charmante qui est aux yeux de Pascal un
CHARRON. LMvn
aveu terrible : « Comme il n'est pas impertinent ni
étrange de se laisser rechercher et courtiser un temps de
son ami avant que de l'épouser et recevoir avec crainte
et révérence les commandements de son mari, ainsi ne
sera-t-il que bon de jardiner et s'égayer un peu par les
jardins et faubourgs plaisants des beaux discours phi-
losophiques, puis avec modestie et révérence pour monter
et entrer en la haute et sainte cité de la Théologie
chrétienne (a* Vér. chap. m). » Pour Charron philo-
sophie et religion correspondent à deux états différents
de l'esprit, qui s'excluent et qui se succèdent. Le philo-
sophe n'est j>as encore chrétien ; le chrétien n'est plus
philosophe. Or le problème est d'être à la fois philosophe
et chrétien. Il y a plus : ce n'est pas seulement entre
la philosophie et le christianisme que Charron ne réussit
à établir l'unité, c'est à l'intérieur de la philosophie.
11 est tout à la fois disciple de du Vair et disciple
de Montaigne ; mais, quand il s'attache à l'un, il oublie
l'autre. De là un résultat singulier. Sa morale tout
entière respire la conGance en l'humanité, l'attache-
ment à la règle de nature, l'appel aux forces vives de la
raison et de la volonté. Mais sa psychologie est aussi pes-
simiste que sa morale était optimiste, elle étale à plaisir
les vices et les misères de l'homme, elle relève ses
contradictions et ses défaillances, elle les multiplie par la
variété des pays, des Ages, des individus. Qu'un tel con-
traste ne soit pas sans s'expUqucr, qu'il fournisse même
un argument profond en faveur den doctrines qui lui étaient
chères. Charron le savait sans doute; mais celte vérité
suprême demeure cachée dans son œuvre. Il a conservé
la méthode scolastique, il a écrit une Somme, mettant
bout à bout les aflirmations comme si elles étaient du
même ordre et comme si elles se démontraient de la
Lxxvn
mUè.
même fiiçofi. Mail auMÎ comme il éUrgÎMait «m oonoep-
tiooi au souffle de la Renaissance, comme il avait péo^
tré les aspects divers et même contradictoires de Hioma-
nité, TappUcation d'une méthode uniforme k une matière
hélfaogène ne pouvait plus produire que désordre et
confusion. Ces divisions perpétuelles attristent et en-
nuient, dit Pascal, c'est qu'en même temps elles obscur-
cissent et brouillent ; c'est k la lettre que dans Charron
les arbres cachent la forêt. Ou plus exactement Charron
juxtapose deux images différentes de l'humanité vues sous
deux angles différents et comme par chacun de nos deux
yeux ; Pascal seul était capable de ramener cette double
vision k l'unité, en lui donnant du même coup le relief
et la profondeur, en lui donnant la vie. Par Pascal Char
ron existe.
Il est donc vrai que riiéntier légitime de Montai^e
ne peut être Charron ; c'est Méré.
L'humanité, que Montaigne étendait k travers la divcr
site des peuples et des siècles, semble se concentrer en
ce qu'elle a de plus rare et de plus délicat pour devenir
l'honnêteté de Méré. C'est encore la nature, sans contrainte
et sans affectation, qui demeure absolument naturelle, et
qui {wurlant est poussée à son dernier degré de raffine-
ment, qui « excelle en tout ce qui regarde les agréments
et les bienséances de la vie ». Et c'est la joie, joie de jouir
et plus encore déjuger, de s'approuver au fond d<
dans la conscience intime de sa supériorité. Pui:..
mules, point de règles ; point de métier surtout. L'honnê
teté s'adresse k l'homme tout entier ; elle atteint en lui la
source profonde qui est le sentiment et le goât. Nul n'est
' séduisant comme IHiomiéte homme ; il a un instinct qui
lui (ait c connaître les sentiments et les pensées par des
signes presque imperceptibles, » et sa pénétration lui per
MÉRÉ. Lxxii
met de a découvrir la manière la plus conforme aux gens
qu'il fréquente». Il plaît sans qu'il ait paru chercher
à plaire, il semble qu'il s'efUace toujours devant les
autres, et d'autant plus irrésistiblement il attache les
autres k soi. Telle est l'impression que produisit sur Pascal
le chevalier de Méré ; elle survit aux années de vie mon-
daine. Si l'homme est purement homme, il est vrai de
dire avec Méré, sinon qu' « on doit principalement s'étu-
dier à devenir honnête homme », — car l'honnêteté n'est
pas objet d'étude ni d'artifice, — du moins que l'honnêteté
est « la quintessence de toutes les vertus ». Méré ajoutait :
« Vous ne songez pas qu'il est bien rare de trouver un
honnête homme. J'ai un ami, qui ferait le voyage des
Indes pour en voir un seulement. » En 1660 Pascal écrit à
Fermai: « Si j'étais en santé, je serais volé à Toulouse...
Quoique vous soyez celui de toute l'Europe que je tiens
pour le plus grand géomètre, ce ne serait pas cette qua-
lité là qui m'aurait attiré; mais... je me figure tant
d'esprit et d'honnêteté en votre conversation que c'est
pour cela que je vous rechercherais. » Quand les hommes
se rencontrent les uns les autres, du dehors pour ainsi dire
et sans communiquer par leurs « pensées de derrière »,
sans confronter leurs âmes, c'est sur le terrain de l'honnê-
teté qu'ils se rejoignent et qu'ils s'accordent. Aussi faut-il
que le chrétien connaisse et pratique les règles de l'hon-
nêteté ; il le faut surtout s'il obéit à l'élan de la charité,
s'il travaille à la conversion totale de ceux qui se coni-
[)l.iis< nt dans les jouissances du monde ; l'honnêteté seule
lui ilminera les armes qui le rendront capable de la com-
battre en la dépassant. Les conversations de Méré ne
revivent pas seulement dans la mémoire de Pascal, dans
son expérience générale de la vie ; il les transcrit sur le
papier, il les rédige comme pour en tirer une • Rhéto-
uux MITON.
rique » qui ferait pendant aux DUcoun de MM aur b
Conversation, les AgrémenU^ VÙoqaence, etc. Cette
Rhétorique ae rattache aans doute au& réflexions tur
V Esprit géométrique et sur VArt de persuader ; mais par-
fois aussi elle se relie étroitement A la méthode même et
au fond de V Apologie. Que Ton ouvre la Domine eu-
rieuse des Beaux Esprits de ce temps, par le Père Garasse
de la Compagnie de Jésus (i6a3) ', et qu'on la compare
avec V Apologie que Pascal dirigeait contre les libertins et
les athées, on apercevra la part de collaboration inron
sciente qu'il convient d'attribuer à Méré
Pourtant, dans le souvenir de cette séducli* i
qui sera comme sanctifiée si Dieu veut qu'elle luutiur .■ i.i
conquête des Ames et à la gloire de la vérité, une imagi*
se dresse plus profonde et plus vive encore que celle de
Méré. C'est Miton que Pascal prend k partie dans ses
fragments ; c^est à lui qu'il reproche l'injustice du moi,
la feinte vertu de l'honnêteté qui couvre Tamour-propre
et qui ne Tôte pas; c'est lui enfin qu'il somme de se
I. Vuici uo Acbantillon de re style: « Sappoaé qac Mil* MSKioie
•oit véritable qu'il fiiut laiwer rhacuo en n rrAiMcc, païaqu'il s'y a
rien «le plu« libre au monde que le croire : Il me plaît de croire que
no* nouveaut dogmaliMnta toot des faquins, des inTroga«U, daa eab»-
reliers, des eacomifleurs, des yucui, des cbercbtor* d« r«p«i Attache,
daa aiais qui n'ont ni esprit ni cenrelle, dca «Kittchwot et tavwtt*,
<l« pwwiaes de cour; et s'ils sont si Home» qa< d« 9*9Êtmt»r 4» mm
parelM, je dirai qac telle art ■• oréeaee et q«e «oiTmat leen pria-
eipea il se hot biea garder de iMver o« coatraiadre la créaaee daa
hoMaiei. . . Je dirai k ee eoaipte qa'Aaasagorai avait raison de dire qaa
la seife «M aotre, ef poar toote csouc qii'il le croyait aiaai, que
Péaiocrite était na bel entendement quand il diaeil qae le Ciel eal
eeapoaé d'atomes, car il le croyait ainsi, que CopMvicat était aa
kabÛe hoaae, disaat qae la terre aMrebe coatiaaalleieat et qae le
Gel •'arrête, car il le crorait eiaM, etc • (L lit. s«ct. V. C 3 et S.
p. sS3.)
MITON. Lzzzi
remuer, avant que Diea même le condamne. Et en eflet
Méré conserve à travers l'éclat et Tentramement du
monde une richesse de vie, une sorte de sève morale qui
permet à Pascal d'espérer en lui ; mais avec Miton le
chrétien mesure Tabime du doute tranquille et de la néga-
tion ; l'ardeur qui travaille Pascal ne rencontre que
sécheresse et stérilité. Miton ne croit à rien ; il n'est dupe
ni du « bon air » ni des « grands mots », il ne s'étour-
dit pas comme Méré dans l'étalage de sa propre supériorité,
il ne prodigue pas ses conseils et ses jugements ; il est déta-
ché des hommes, détaché des plaisirs, détaché de la vanité'.
Sa clairvoyance est impitoyable, comme sa correction et
sa politesse. En face de la religion, son attitude est exacte-
ment celle qui est définie dans le Mont des Oliviers : le
I . Nous ne connaissons Miton directement que par sa correspon-
dance arec Méré. Il écrit à Méré qui son^e à un ouvrage qui ne
périsse jamais : « Le monde en raut-il la peine ? ces choses ne se font
pas sans beaucoup de travail. On incommode sa santé par des médi-
tations profondes, et la récompense en est bien légère ; le parti le
plus sûr, ce me semble, est de ne songer qu'à des choses simples, et
même badines, et d'en revenir toujours là. » Ailleurs, soupçonnant
Méré de se consoler facilement de son absence dans le jeu et les
divertissements de Paris, il ajoute : « Quand des songe-crans eommm
nous rencontrent par hasard quelque plaisir, il ne faut paa leur ea
savoir mauvais gré. Pour mot je me trouve si peu content de tout qu«
«aas quelques pensées qui m'amusent dont les unes sont pleines de
iblaâae, et les autres de vanité, je donnerais tout pour peu de chose.
ais cela est bien triste ; il faut doubler le pas pour s'en éloigner. »
oici enBn un passage mystérieux où l'on ne peut s'empêcher de peaMr
Pascal : o Ce que vous me mandez de notre ami est admirable, M
ta préférence sur Descartes et sur Platon dont il m'honore m'a bitM
fait rire. Ne vous souvient-il pas que je lui disais toujours qa« jt
n'étais pas en peine de son approbation, et que je la regardais eommf»
un bien qui m'était assuré ? Je vous supplie très humblement de lui
dire ti'i'- \r lui en suis très obligé, et que l'espérance de passer encore
d'nf;' '-es ensemble me dono* bcaoooop de joie. • ((EavrM
liu > i. rr, I. I,p. a53.) Cf VApptndiet aa tr. a33.
rcKsiti pt PAiCAL. 1 — 6
LU» VAVGVSTISVS.
m dédain » et le « froid silence. » Comment faire naître dans
cette âme Tinquiétude de la destinée, qui est le ferment de
la foi? comment faire surgir de ce fond de ioei>'
de pessimisme le souci de la vérité étemelle ci .
de la béatitude? ce problème tragique qui donne aux
Pmséei leur accent incomparable, c'est Miton qui Ta
poeé à Pascal.
La religion fournit la réponse k la question ; mais en
core iàut-il qu'elle soit le christianisme vrai, dans sa pureté
et dans son intégrité. C'est de ce christianisme que Pascal
s'inspire et se nourrit, du jour où il fut initié aux doctrines
qui se répandaient autour de Saint-Cyran : Jansénius est k
ses yeux l'interprète authentique du Christ. VAugustinus
contient toute la matière de renseignement religieux.
exposée suivant la méthode propre k la théologie qui est
l'histoire, et pourtant liée de façon h satisfaire la rigueur
du logicien qui y comprend, en même temps que l'enchai
nement des mystères de la corruption et de la rédemp
tion, la misère de l'homme qui cherche k vivre sa vji
naturelle, la ruine et la perversion de toute philosophir
qui prétend définir la vérité k la mesure de la raison. < • t
la Somme du christianisme restauré ; elle se dres^
contraste absolu, de forme et de fond, avec la N
Théologigae de saint Thomas dWquin qui n'est pluc;
yeux de Jansénius qu'un manuel d'éclectisme k ten
dancea philosophiques et paiennee. « Je suis dégoûté un pc <
de saint Thomas, après avoir sucé saint Augustin '. » v
dédut des preuves internes, que fournissent les citation
de Jansénius éparses dans les fragmeota, Pallusion iJ'
la Première Prwinciaie n*atteste-t-elle pM à quel point
I. L«i. du 5 «an i6ai uiS«ial»>B««Tt,PlBr<-lk7«/, 5*éd.,t. I,p. 193
se
i
L'AVGUSTINVS. Luxni
Pascal était familier avec l'œuvre P La doctrine théolo-
gique des Pensées s'éclaire en sa dernière profondeur par
l'analyse de Touvrage de Jansénius.
En voici le titre intégral : » Doctrine de saint Augustin
sur la santé, la maladie et « la médecine » de la nature
humaine, contre les Pélagiens et les Marseillais, en trois
tomes. — Premier tome, où sont passées en revue, d'après
saint Augustin, l'hérésie et les mœurs de Pelage contre
la santé, la maladie et « la médecine » de la nature hu-
maine. — Second tome, ou la doctrine propre de saint
Augustin sur l'état et la force de la nature humaine j à
l'état de déchéance et à l'état de pureté, est approfondie et
développée. — Troisième tome, où la pensée propre du très
profond auteur A ugustin sur le secours de la grâce médi-
cinale du Christ sauveur, sur la prédestination des hommes
et des anges, est exposée et élucidée. — Appendice gui met
en parallèle et examine l'erreur des Marseillais et de
quelques modernes (ces modernes, il n'est pas indifférent
de le noter en passant, sont trois jésuites, Suarez, Vasquez
et Molina). On aperçoit le but de Jansénius : entre l'an-
cienne hérésie qu'a combattue saint Augustin, et la nou-
velle qu'ont ressuscitée les jésuites, il s'agit de dégager
l'orthodoxie catholique. Cette orthodoxie est déGnie par
son organe, qui est saint Augustin : la méthode de Jansé-
iu8 est purement théologique, ses arguments sont des
tati ' aint Augustin. Ce qu'il veut, consciemment
et « \_ lent, c'«st un retour à la parole révélée.
Son œuvre, à cet égard, est inverse et complémentaire
de l'œuvre de Descartes. Descartes ruine la Scolastique
parce qu'il renverse le principe d'autorité dont elle
avait fait le critérium de la vérité philosophique, et qu'il
rétablit les droits de la raison. Jansénius, dont l'ouvrage
parait trois ans seulement après le Discours de la méthode,
uiuv L'AVaVSTISUS.
ruine i ton tour la ScoUstique, en renversant la rataon
naturelle dont elle avait fait le critérium de la vérité théo-
logique pour rétablir les droits de Tautorité. Qui dit phi-
loaophie, dit raison ; qui dit théologie, dit autorité. C'est
pour avoir interverti les deux ordres et les deux principes
que la Scolastique tombe en même temps sous une double
condamnation, ainsi que le montre Pascal dans on frag-
ment de préface au Traité du vide, qui est tout pénétré
du souvenir de Jansénius. Parmi nos connaissances, écrit
Pascal a il faut considérer que les unes dépendent seu-
lement de la mémoire et sont purement historiques,
n^ayant pour objet que de savoir ce que les auteurs ont
écrit; les autres dépendent seulement du raisonnement,
et sont entièrement dogmatiques, ayant pour objet de
chercher et découvrir les vérités cachées. . . L'éclaircissement
de cette différence doit nous faire plaindre l'aveuglement
de ceux qui apportent la seule autorité pour preuve dans
les matières physiques, au lieu du raisonnement ou des
expériences ; et nous donner de Thorreur pour la malice
des autres, qui emploient le raisonnement seul dans la
théologie au lieu de Tautorité de T Écriture et des Pèrea ».
Aussi, dès le premier livre de VAugiutinut, la condam-
nation de Pelage est-elle présentée par Jansénius comme
la condamnation de la philosophie : « La première origine
de toute Thérésie de Pelage et de tous les ennemis de la
Grâce, c'est la Philosophie. » Par Origène, la doctrine
remonte aux Stoïciens : de part et d'autre, c'est la même
confiance dans la nature, la même exaltation de la liberté
propre i l'homme; par suite le même orgueil qoi sa
met au-dessus de la Grâce, qui rend inutile la croix du
Christ, qui, sans qu'un Médiateur l'ait rachetée, érige
la créature en Dieu. Si l'homme est libre, il n'y a plus
de libérateur à chercher ; si la nature est sauve, le sauveur
I
L'ADGOSTISUS. Llxxv
est superflu ; le christianisme est nié. Se servant pour
connaître des mêmes moyens que les philosophes païens,
les Pélagiens sont redevenus païens: « De même qu'elle
est la mère des hérésies, la philosophie, appliquée à la
définition des mystères diWns, est la mère des erreurs. »
La vérité religieuse n'est pas accessible à la raison humaine,
parce qu'elle vient de Dieu, non de Thomme. Elle se
compose de faits ; or, ces faits nous ne pouvons ni les
inventer ni les deviner; ils ont été révélés, et il ne s'agit
que de les connaître, tels qu'ils ont été révélés, dans leur
pureté et leur intégrité; pour cela, il faut en avoir fidè-
lement conservé la mémoire. La théologie est une science
historique ; Jansénius se propose de raconter une histoire,
dont il emprunte les traits à saint Augustin, a le premier
des Docteurs, le premier des Pères, le premier des Écri-
vains ecclésiastiques après les Docteurs canoniques, Père
des Pères, Docteur des Docteurs, subtil, soUde, irréfra-
gable, angéUque, séraphique, très excellent, et inefiia-
blement admirable ><. Les versets de l'Écriture, eux-
mêmes, ne figurent dans Jansénius qu'accompagnés des
commentaires de saint Augustin ; cette unité de source
donne à VAugustinus une cohésion et une solidité qui en
rendent la lecture encore aujourd'hui facile et attachante.
Si, à la différence des ouvrages scolastiques, il soutient
l'attention, c'est qu'il révèle dans le seul choix des cita-
tions le travail d'un penseur qui s'est identifié à son
guide, qui a v^u de son esprit, qui a refait pour son
compte la synthèse de sa doctrine. La doctrine augus-
te Jansénius la restitue, consiste eséen-
I liistoirede l'humanité, dans la sucoenion
des quatre états qu'elle a été destinée & traverser : i* avant
la loi ; a* après la loi ; 3* l'état de grâce ; ^' l'état de gloire.
i" Le premier homme a été créé dans un état d'bar-
uam VAV0V8TINVS.
monie et de liberté. Aumî on peut affirmer avec vérité
de œt état de perfection primitive tout ce que lee PéU-
giens ont dit de notre humanité actuelle. La liberté de
rhomme était alors quelque chose d'efficace et de positif.
Non que cette liberté rendit inutile la grâce de Dieu : la
grâce est un secours nécessaire, rien ne se fait sans elle ;
mais il était vrai alors que Thomme n'agissait pas uni-
quement par elle, la grâce n'était qu'adjuvante et coop^
rente. C'est pourquoi l'homme a pu opposer â la tendance
qui le poussait vers Dieu une autre tendance qui le diri-
geait vers lui-même et vers les créatures ; maître de choisir
entre lui et Dieu, il s'est choisi, il a opposé l'ingratitude à
la grâce, il a fait le Dieu et il s'est perdu. Le péché s'est
transmis, par voie naturelle d'hérédité et par voie légi-
time de solidarité, du premier homme à sa postérité ; il
eet devenu le péché d'origine, qui a pesé sur lee généra-
tions successives.
i" Quelles ont été les conséquences du péché originel ?
Tout d'abord Dieu s'est retiré de l'homme; l'homme a
été abandonné à ses propres forces. Mais que fout-il en-
tendre par là? Faut-il admettre avec les Pélapi--- —^
l'homme puisse être dans un état d'équilibre, ii>
au bien et au mal, accomplissant l'un ou l'autre suivant
l'usage qu'il fait de sa liberté? Selon Jansénius, l'état de
pure nature est une chimère ; et voici comment il établit
cette proposition fondamentale de sa doctrine : D n'y a de
véritable amour en l'homme et de véritable jouissanco
que l'amour et la jouissance de Dieu ; tout ce qui n'a
pas Dieu pour principe et pour fin est dépravé et funeste ;
point de milieu entre la misère et la béatitude ; donc, oommr
il n'y a point de béatitude sans Dieu, il ne peut y avoir
•ans Dieu que misère : dans l'âme, le déeir avec rarmée
dea pÉsaions, les regrets, les haine», les ofJèrea, le déaea-
L'AUGUSTiSUS. lxmvu
poir, le crime ; dans le corps, les maladies et la mort.
Même considéré chez les païens, l'état de pure nature est
le plus triste de tous, puisqu'il ne laisse place ni au sou-
venir ni à l'espérance, puisque rien n'y peut atténuer la
déplorable facilité qu'a l'homme de pécher. « Tu nous as
faits pour toi, dit saint Augustin dans les Confessions, et
notre cœur est dans l'inquiétude jusqu'à ce qu'il se re-
pose en toi. » Mais ce n'est pas tout: non seulement, à la
suite du péché, la concupiscence a occupé l'homme tout
entier, destitué du secours de la grâce ; mais encore la loi
a été promulguée, loi qui a défendu la concupiscence et
qui a menacé des peines éternelles. Seulement qu'a fait
cette défense, sinon d'irriter en nous cette concupiscence?
« La loi fait non la mort, mais la force du péché » ; elle
en atténue à peine les effets par la terreur de Dieu, qui
est une nouvelle forme de concupiscence et de misère. La
punition du péché, c'est d'errer et de pécher encore, par
une sorte de fatalité intime. La grâce divine est le seul
lien qui unisse l'intelligence à la vérité, la volonté à la
charité. Sans elle tout est dépravé en l'homme, tout est
voué k la triple concupiscence dont a parlé saint Jean :
concupiscence des sens, concupiscence du savoir, concu-
piscence de l'ambition. Or, comme l'a dit saint Augustin,
le propre de la concupiscence, c'est de nous rattacher à
un bien qui peut nous échapper malgré nous, qui est in-
capable par conséquent de nous satisfaire, qui ne peut pas
ne pas être une cause de malheur. La concupiscence est à
la fois le péché et la misère, et voilà le fruit de la loi. La
loi fait des méchants et des coupables ; elle est simple-
ment venue avant le médecin pour révéler au malade son
état qu'il ignorait ; elle est comme un pédagogue qui
[mène à la grâce par la terreur.
3* La terreur ne saurait ni détruire la volonté de pécher,
tiuvin L'ÀUGVSTIM s
ni donner la véritable liberté. La grâce «culc est libéri-
trice, et le Rédempteur seul a rendu la grAce aui hommes.
Or quelle a été la vertu de cette rédemption? a-tr-elle
réintégré Thomme dans la liberté que possédait le premier
Adam, de telle sorte que par la seule efficacité du baptême
chaque chrétien fût désormais maître de ne plus pécher,
qu'il pût par ses seules forces parvenir k la béatitude?
S'il en était ainsi, il s'ensuivrait cette étrange consé-
quence que ToBuvre de la Rédemption aurait été de rendre
désormais la grice superflue, que le Médiateur dispense-
rait rhomme de recourir actuellement à Dieu. Encore une
fois rhomme, repris du fol orgueil de T indépendance,
s'érigerait en Dieu: ce serait la négation du Christ,
« révacuation n de la Croix, le retour au péché originel.
Encore une fois il apparaît que le pélagianisme détruit le
mystère le plus sacré du christianisme. L*état de grâce
est un état de dualité, de combat ; la concupiscence a
survécu à la rédemption; elle est indéracinable du cœur
de rhomme ; « elle peut diminuer tous les jours, elle ne
peut pas finir; » et la délectation de la concupiscence
l'emporte si elle n'est surmontée par une délectation
plus forte, la délectation victorieuse de la grâce. Or de
ces deux délectations qui se combattent en l'homme,
l'une est inhérente à notre nature : le péché, une fois
commis, a été une source de corruption universelle qui a
pénétré l'homme dès sa naissance ; l'autre, au contraire,
est un don gratuit de Dieu, qui ne nous est point dû,
puisque nous ne tenons de nous que la concupiscence et
le péché, qui est seulement accordé pour les mérites de
Jésus qui s'est sacrifié : la grâce n'est point de devoir et de
justice, elle est de bonté et de miséricorde. Loin de se
plaindre k Dieu qu'elle soit donnée »i rar ' i un si
petit nombre de fidèles, il faut le remercie i i r^nnn.'^
L'AUGUSTINOS. lxxxu
quelquefois et à quelques-uns. Selon Jansénius, le dogme
essentiel du vrai christianisme, c'est la nécessité que le
mystère de la rédemption se renouvelle en chaque homme
et pour chaque action ; dès que la créature est abandonnée
à elle-même, elle ne peut manquer d'être entraînée par
le poids du corps et du péché ; la chute est fatale si Dieu
n'intervient pas. A aucun moment par conséquent, la
créature ne peut se fier à elle-même ; a toute charité vient
de Dieu », et en nous il y a une source perpétuelle de
mal. Le dogme aboutit à la parole de l'Apôtre: le salut
s'opère avec crainte et tremblement.
4* L'état de gloire enfin est le couronnement de l'œuvre
que la grâce divine a accomplie en l'homme: c'est la
félicité dont les élus jouiront après le jugement, non
parce qu'il a été juste que leurs mérites fussent récom-
pensés, mais parce qu'à la faveur de la grâce divine ils
ont échappé à la punition de leurs péchés. Le petit
nombre de ceux que Dieu a réservés à la béatitude est
ime nouvelle cause de perfection pour les élus: la
« masse des perdus », en même temps qu'elle orne le
monde, qu'elle exerce et éprouve les fidèles, est pour eux
un témoignage perpétuel de la puissance et de la miséri-
cx)rde de Dieu
L'Augiutinus est pour Pascal le livre de la vraie doc-
trine ; c'est le foyer autour duquel rayonnent ses lectures
« chrétiennes et spirituelles ». Tout d'abord il remonte à
la source, à saint Augustin ; il lit non seulement les tra-
ductions que publient les Arnauld, mais encore dans le
texte même les Lettres, les Sermons, les traités sur la Doc-
trine chrétienne ti V Utilité de croire, les commentaires de
l'Écriture sainte, les livres contre Pelage. D'autre part,
depuis que les disciples de saint Cyran lui ont mis entre
les mains le Discours sur la Réformation de l'homme inté-
xc LE PVOIO FIDEI
rtMiT traduit de Janséniui par Arnautd d Andill), In
iAttrti de Saint-Cyran, la Fréqiutdt communion d*Ar-
nauld, il D*eat reat^ étranger à rien de ce qui exprimait
la pensée commune de aea amis : a Nous avons ici la
lettre de M. de Saint-Cyran, imprimée depuis peu... Nous
la lisons ; nous te renverrons après, d écrivent Jacqueline et
Biaise Pascal le i" avril i648 k leur sœur Gilberte. Mais
il n*est point question de séparer ce qui dans Teaprit de
Pascal était inséparable, ni de chercher des marques parti-
culières et extérieures d'une influence qui était perpétuelle.
Au contraire on peut s'attendre À retrouver des réiS^
rences précises pour les ouvrages que Pascal avait lus
spécialement en vue de son Apologie. Dans la préface de
la Seconde partie, qui devait démontrer la vérité de la reli>
gion, il se proposait de « parler de ceux qui ont traité de la
matière », rencontrant, avec Charron et Raymond Sebon,
le Balxac du SocreUe chrétien, Grotius surtout dont il avait
étudié de près le Traité de la Religion chrétienne, k qui il
emprunte plus d'un détail d'érudition, et aussi le fond de
sa polémique contre Mahomet. D'autres ouvrages lui ont
été indiqués en vue d'informations k prendre sur des
points particulière. Tel est le cas pour le livre de Joa^»he
contre A pion, pour les Annaies de Baronius ou pour les
notes de Yatable sur les miracles. Tel semble être éga-
lement le cas pour le Pugio Fidei de Raymond Martin
dont voici le titre complet : Pugio christianorum ad im-
piorum perfidiam jugulandam et maxime judmorum.
M. Molinier l'a décrit dans la Pré/ace de son édition
des Pensées. Il a insisté sur la relation curieuse que les
notes retrouvées dans le manuscrit établissent entre le
dominicain du xiii* siècle et le janséniste du xvn* siècle.
A y regarder de près, pourtant cette relation n'est nul-
lement celle de maître & diMriple. La philosophie propre 1
LE PLGIO FIDEl. xci
Raymond Blartin demeure complètement étrangère à
l'esprit de Pascal. Sa polémique contre Aristote, contre les
Stoïciens, contre les Turcs, contre les hérétiques ne le
touche point; il ne s'occupe que du débat avec les
rabbins juifs, encore se soucie-t-il moins de la thèse
posée par Tauteur que des arguments auxquels il répond.
Le livre de Raymond Martin est pour Pascal comme un
manuel d'exégèse juive; les interprétations des Rabbins y
sont recueillies dans le texte original. Pascal se fait un
devoir de les dépouiller et de les discuter, comme il avait
fait au moment des Provinciales pour les écrits des
casuistes. C'est dans cet esprit que Raymond Martin
avait lui-même écrit dans le Pugio Fidei: « Hinc igitur
animadverte, lector, quam sit utile fidei cbristians lit-
teras non ignorare hebraïcas. Quis enim unquam nisi ex
suo Talmud sua posset in eos pro nobis jacula contor-
quere?» (p. 358). C'est dans cet esprit que Bosquet,
évéque de Lodève, avait imprimé en 1 65 1 le manuscrit de
Raymond Martin ; et que Joseph de Voisin avait rédigé
une savante préface qui formait à elle seule tout un livre
et qui a paru a part dès i65o sous ce titre: De Lege
Divina. Cette préface, dit dom Clemencet', est un tableau
des « connaissances préliminaires qu'il est nécessaire
d'avoir à l'esprit pour bien entendre la doctrine des
anciens Hébreux ». Pascal s'y réfère naturellement pour
débrouiller le chaos des antiquités juives; nous trou-
vons dans ses papiers des listes de commentateurs juifs,
et les calculs qu'il fait pour traduire en fonction de
l'ère chrétienne les dates que de Voisin rapporte h la
I. Il «•! k remarquer que dsM son HUloire lUUnùre (inédite)
d* Port-Royal, dom Clémencet hit une place à de Voittn parmi lea
éerivaiM jansénittet. On voit ainsi rommnnt l'aUention de Paaoel tml
attirée »ar le Po^io Fidfi.
scn LE POGIO FIDBI.
destniclion du temple de Jérusalem ' ; n>n concluoiu pat
que Pascal devait Iraniporter dans VApoiogù une simple
note faite pour la commodité de la lecture. — Qoant
aux textes transcrits du Pugio Fidei. un chapitre que
Pascal résume entièrement rappelle rinterprétatioa que
les rtbbtns ont domiie de certains passages de TAndeo
Testament, où se retrouverait •< la tradition ample du péché
originel selon les Juifs* »; Tautre série, la plus nombreuse
et la plus importante', vise les prophéties sur le Meaaie.
Or, lorsque Pascal demande k Raymond Martio de loi
fournir avec précision les thèses du Talmud, et de lui
permettre ainsi d'argumenter contre les rabbins qui nient
la divinité de Jésus-Christ, faut-il dire que les suggeetions
venues du Pugio Fidei lui font oublier les préoccupations
de ses contemporains et de ses amis? ou au contraire
n^est-ce pas dans un esprit rigoureusement janséniste
qu'il met è profit la science hébraïque de Raymond
Martin ? C'a été le caractère propre de Jansénius de cher-
cher à restaurer contre la scolastique le christiamime dent
sa vérité originelle. Le problème reUgienx est poor loi on
problème historique. U est tout entier dans l'autorité du
Nouveau Testament, lequel n'a de sens qu'à la condition
d'être l'interprétation authentique de l'Ancien. L'Histoire
de la Bible que Fontaine rédigea pour Le Maître de Saci
et qui fut célèbre au xvii* siècle sous le nom de Bible de
Boyaumoni, est d'un bout à l'autre présentée ctnnme un
système de figuratifs : V Ancien Testament est fût de 1 83
figures; et le Nouveau de 8^. Le caractère figuratif de la
loi juive est une doctrine fondamentale de saint Paul, de
I. Pr. 635.
». Fr. m
S. Pr. 6|a, 687, 7*6, 760, «(c.
L'ÉCRITURE SAINTE. xcm
8aint Augustin, de Jansénius*. Puisque les juifs qui
récusent le Nouveau Testament au nom de l'Ancien inter-
prètent eux aussi TÉcriture à Taide des figures, il est
nécessaire d'opposer un système à leur système ; Pascal,
avec Taudace et la sincérité qui sont les marques de sa
nature intellectuelle, va chercher la doctrine de ses adver-
saires dans la publication contemporaine qui la lui présente
sous la forme la plus précise et la plus coordonnée,
exactement comme il demande au père Martini de le
renseigner sur les objections que l'histoire de Chine
permet d'élever contre la chronologie judéo-chrétienne.
Mais quand il s'agit de la solution, ce n'est plus au
Pugio Fideiqxi'W l'emprunte, c'est i l'Écriture elle-même.
Au témoignage de Mme Périer, « il s'y était si fortement
appliqué, qu'il la savait toute par cœur; de sorte qu'on
ne pouvait la lui citer à faux ; car lorsqu'on lui disait une
parole sur cela, il disait positivement : « Cela n'est pas de
l'Écriture sainte, n ou » Cela en est ; » et alors il marquait
précisément l'endroit. » Il lisait aussi les commentaires
avec grand soin. Il avait rédigé d'après un traitéde Jansénius,
Séries ViUt J.-C. juxta ordinem temporum un Abrégé de
la vie de Jésus-Christ ^ pour concilier les discordances des
Évangélistes. De même il se préoccupe de s'appliquer à
rétablir la correspondance entre les deux Testaments.
Les passages qu'il commente de préférence sont ceux où
les Évangélistes et les Apôtres citent des textes de l'Ancien
Testament, et on en trouve de curieux témoignages dans
sa façon de citer. Les versets qu'il écrit de mémoire sont
parfois comme une sorte de synthèse entre les différentes
I Cf. fr. 64a s<|q.
a. Cf. l'édiiion de VAbrigi par Miehaut (FribooiY. 1896) •( i*>
iitm* eritiqu* du 94 «•> >897-
XOT L'tCRITDIIE SAINTE.
venions que la VaigaU donne k différents endroits d'un
même leite hâ>ren'. Enfin dam rÊcritare même U pré-
dilection de Paaeel ett manifeste pour les prophètes juifs,
pour les Isale, les Éiéchiel et les Jéréroie. Non qu'il soit
ému par le souffle de poésie orientale qui traverse leurs
prophéties; mais il se sent en communion d'âme avec
eux : comme eux il vit devant Dieu et devant le même
Dieu, le Dieu jaloux qui a créé Thumanité pour son ser-
vice, le Dieu qui enverra Taveaglement el qui pour-
tant le punira, le Dieu qui s'est réservé des adorateurs
cadiés. Tandis qu'un Spinoza, libéré par Descartes de la
tradition rabbiniqiie, rêve de fonder sur l'unité absolue
de Dieu la catholicité vraie, Pascal, élevé en géomètre,
se retire dans le cercle étroit où sont les serviteurs
secrets, les élus qui s'effraient eux-mêmes de leur petit
nombre en comparaison de la masse innombrable des
perdus. Bossuet — qui, lui aussi, est pénétré de l'Ancien
Testament et de l'esprit juif — a été salué comme un
Père de TÉglise ; Pascal est, à la lettre, le dernier pro-
phète d'Israël.
Montaigne, Charron et Méré d'une part — de l'autre,
Jansénius, saint Augustin et l'Écriture, voilé, sembl»-t-il,
toute l'Apologie que Pascal méditait. Faut -il en conclure,
comme on l'a (ait, que l'Apologie ne devait pas être une
œuvre proprement originale ? Non certes que nous ayons
è envisager ici la thèse de Charies Nodier sur Paicai pla-
giaire. Pour fameuse que soit cette thèse, il ne lui manque
que d'avoir un sens : elle transforme en un livre publié
du consentement et sous la surveillance de l'auteur les
feuillet volantes qui ont été trouvées à la mort de Pascal ;
I. Cf. fr. ^^h M 7S6. h. 779.
PLACE DES PENSÉES DANS L'HISTOIRE. xcv
elle ignore la place que Pascal réservait à Montaigne dans
la Préface de sa première partie, la forme sous laquelle
il se proposait de publier les longs passages imités
des Essais, et qui est bien caractéristique : Lettre de
l'Injustice, lettre de la folie de la science humaine et
de la philosophie ; mais f)ar-dessus tout elle a cette naï-
veté incomparable de s'imaginer que l'on pouvait en
plein xYii* siècle s'approprier du Montaigne à Tinsu du
lecteur.
Mais dans un meilleur sens on peut se demander si
Pascal a voulu faire œuvre originale. Pascal n'invente
pas un système pour le proposer à ses contemporains;
Pascal est un chrétien qui veut convertir les libertins h
l'autorité de l'Église ; il prêche la vérité révélée. Toute
addition, étant humaine, serait sacrilège ; au contraire
il faut la dégager, cette vérité, de toutes les inventions
et de toutes les mutilations que la Scolastique et les
Jésuites lui ont fait subir pour la mettre au niveau de
nos besoins logiques, ou de nos faiblesses morales ; il faut
la rétablir dans sa pureté. Pascal se serait donc dans son
Apologie défendu contre sa propre originalité ; il se serait
scrupuleusement renfermé dans le programme que VEn-
tretien avec M. de Saci avait tracé : emprunter à Montaigne,
pour lui assurer toute garantie d'impartialité et d'objecti
vite, son expérience de l'homme, montrer comment, k
moins de s'abandonner soi-même dans la conscience de
sa corruption, l'homme réclame la source de vie et de
vérité, qui est le Rédempteur. Première partie : Adam,
par Montaigne. Seconde p<wtie : Dieu, par Jémift-
Christ.
Quelle sera donc la portée de cette conception, qui de
loin parait plausible? C'est ce qu'il est bien difficile
d'apercevoir, dès qu'on veut préciser. Plus on diminue
icn PLACE DES l'K\iif:KS DANS L HISTOIRE
rorigioâlité de U doctrine propre aui Pensées, plut on
met en relief TécUt incomparable de la forme. Maia est-
il poaaible chei Pascal de séparer ainsi la forme et le fond?
Le style, surtout dans les fragments de son œuvre der-
nière, est autre chose que le produit d'un art consommé;
c*est le geste de TAme le plus intime. Il n'apporte pat MO-
lement à la pensée une eipression d'une transparence
miique, il lui marque une profondeur qu'elle n*avait pas
encore atteinte. Rapprochées par Pascal, la vérité de Mon-
taigne et la vérité de l'Écriture reçoivent une clarté nou-
velle. Une route inattendue est tracée de Tune & l'autre, si
lumineuse pourtant qu'il semble impossible d'en suivre
une autre. Aussi certains lecteurs de Pascal s'y sont-ils
trompés : ce libertin, que l'ardeur de sa charité fait vivre
k travers son œuvre et qu'il force d'entrer dans la voie du
salut, ils ont cru que c'était Pascal lui-même: ib l'ont
imaginé révolté contre sa propre foi, se faisant violence
pour « ployer la machine » et prosterner son incrédulité
devant les autels. Rien mieux que cette étrange erreur
ne permet de comprendre le caractère propre de VApolo
gie pascalienne, et le contraste qu'elle devait offrir avec le-^
traités traditionnels. Au lieu de faire dérouler devut un
lecteur immobile une série de vérités qui démettrait en
quelque sorte à leur proche hauteur, par delà la région
des nuages, et d'où la lumière descend uniforme et ^«oée,
Pascal devait marcher sur le libertin, lui reprocher de ne
pea te remuer, l'embarquer ou plutôt lui montrer qu'il
est embarqué, que le chemin marche pour lui et le con-
duit où il faut aller.
Comment contester l'originalité etaentieUe d'une telle
Apologie ? elle est, ainsi que doit être le chef-d'œuvre
uton Gœthe, l'œuvre de circonstance qui pénètre en sa
profiradeur entière et qui juge la pensée d'un siècle.
PLACE DKS PESSÈES DANS L'HISTOIRE. xcvii
Le libertin, auquel s^adresse Pascal et qui aurait été
comme le héros de 8on>l po/o^jV, c'est Thomme des temps
nouveaux qu'après la renaissance des lettres antiques et le
réveil de la pensée libre la science moderne commence de
lormcr, l'homme qui s'attache à la nature et qui prétend
se développer suivant les lois de la raison. Il fait un acte
de foi, et il dit : « Je crois que a et 2 sont 4 » ; il lait un
acte de charité, et il dit au pauvre : « Va, je te le donne
pour Tamour de l'humanité. » Pour cet homme nouveau
quelle est la vérité et quelle est la morale du christia-
nisme ? Ni Descartes, ni ses disciples qui pourtant ont tous
été profondément religieux, Spinoza comme Malebranche,
Leibniz comme Fénelon, n'ont répondu à cette question:
ils ont mis Dieu au centre de leur doctrine, mais c'est un
Dieu vers lequel convergent, sans inversion de mouve-
ment, sans rupture de continuité, toutes les forces de la
nature et toutes les ressources de l'humanité. L'esprit
l'aperçoit par intuition; il est capable de donner à cette
intuition la forme rationnelle de l'argument ontologique.
La science procède de Dieu et nous rapproche de Dieu ;
Ir- ()ro2rAs moral prescrit aux sociétés humaines des lois
(jii il justifie, |)ermet à la vertu de réaliser dès ce monde
le règne de la Grâce et l'union avec r\bsolu. A l'ombre
In mmÎ- tisme de Spinoza ou de Fénelon, de l'optimisme
l1( M.tlcliranche ou de Leibniz, la civilisation moderne
grandit et se développe, l'esprit humain conquiert son
lutnnomie, il définit lui-même les conditions de la vérité,
vn même temps qu'il aflirme h titre de donnée positive
l'autorité de la conscience morale et qu'il établit les bases
de la justico sociale. Si l'œuvre du xviii* siècle, malgré les
apparences, continue l'œuvre du siècle précédent, c'est
que le xvu' siècle — tout en le faisant reposer sur une
doctrine de Dieu — , a [lourtant élevé l'édiGcede la raison:
PKX»^* 01 FASCAL. I — 7
irviti PLAOR DES PBNSÊBS DANS L'HISTOiHR.
il • élA infidèle au chrislianisme vrai qui e*l TaoUgo-
nisme, « ropposition invincible » do rhorome et de Dieu.
VoilA ce qu'a vu, ce qu'a prévu Pascal ; voiU pourquoi
il refuse de chercher une conciliation entre la vérité
nouvelle de Descartes et la vérité ancienne de l'Évangile.
Juxtaposer le christianisme au monde et à la civilÎMtion,
les laisser subsister côte à cdte comme s'ils ne devaient
pas être modifiés par leur contact réciproque, c^est la
marque d'une mauvaise conscience religieuse. Il appartient
au jansénisme de réveiller le chrétien qui s'assoupit dans
les formes littérales et superficielles du culte, de le con-
vertir k sa propre foi qu'il ignore. Dieu est le principe et
la fin de rhonimc à cause de l'impuissance de l'homme ;
mais, parce que l'homme est impuissant, riiomme est
incapable de connaître naturellement et directement •K)n
principe et sa fin. La religion doit être vraie pour
l'homme, et elle ne peut être vraie que contre l'homme.
Cette contradiction, que ses contemporains essaient
d'atténuer ou de dissimuler, apparaît À Pascal comme li
raison d'être du christianisme. C'est trahir Jésus que
de le mettre à la remorque de Descartes, comme la théo-
logie de l'École l'avait mis à la remorque d*Aristote païen
ou de Philon juif: « Pour les religions il faut être sincère:
vrais païens, vrais juifs, vrais chrétiens*. »
On comprend dès lors la destinée de Pascal dans
l'histoire de l'esprit humain. Il ne s'est pas contenté de
nier la vérité de la philosophie moderne; il a rcfnsê
d'aborder le problème de la vérité dans les termes nou
veaux où cette philosophie le pose. Tandis que le carté-
sianisme inaugure la méthode critique qui devait trans-
former les conditions de la pensée, Pascal emprunte à Mon-
I. Pr. 590.
PLACE DES PENSÉES DANS L'HISTOIRE. xm
taigne les cadres du dogmatisme antique ; il demande à la
raison de définir tous ses termes et de justifier tous ses
[irincipes, de dire ce que c'est que est, avant d'alErmer
l'être. Car il faut bien que la question soit ainsi posée
pour qu'on se croie obligé de recourir à une autorité
extérieure ; et c'est seulement à une question ainsi posée
que pourra s'adapter la réponse de la révélation. Il est
donc inévitable que la pensée propre à Pascal ne repa-
raisse plus après lui chez les philosophes mêmes qui se
sont inspirés ou réclamés de son œuvre : un Vauvenargues,
un Rousseau, un Jacobi élèvent le sentiment au-dessus de
la raison ; un Kant et un Schopenhauer cherchent, l'un
dans le respect de la loi, l'autre dans le renoncement ù
ivre, le remède à leur pessimisme radical ; un Renouvier
ou un Secrétan placent à la base de toute certitude une
sorte de pari où est engagée la responsabilité de la per-
^nne tout entière; mais tous se heurtent à la pierre
iigulaire du christianisme selon Pascal, puisque tous se
M fii-t'nt à la négation de la liberté morale chez l'homme.
< -< tle pensée s'est-elle du moins conservée à l'intérieur
de la religion même? Elle étonnait M. de Saci, elle a
rouble les éditeurs de 1670. Qui la reprendra au xnii*
■ '■? lorsque Voltaire s'attaque au « géant », qui se
-ora de lui faire remarquer qu'il se satisfait bien faci-
lement k ne pas apercevoir la réalité de la misère de
l'homme et la duplicité de sa nature ? les jansénistes
s^mt tout entiers aux miracle» du cimetière Saint-Médard ;
ils laissent ce soin à un ministre protestant réfugié en Hol-
l'iixic, M. Boullicr*. Qui répondra plus tard à l'édition de
( iuiidorcct? il faut attendre Chateaubriand, et qui explique
Vide supra, p. isvii.
c PLACE DES PBNSÊÊS DANS L'HISTOIRE.
1m Penséet d'une manière bien inquiéUnte. Certe* le Ira
ditionalismo radical de Joaeph de Maistre serait plu«
conforme k Tospril de Pascal; mais le jansénisme r~
pour Tauteur du Pape Thérésie par excellence, et tel sem
désormais renseignement o£Bciel de TÉglise. Qu'on lise
les leçons dogmatiques profesiéea en Sorbonne par Tabbé
Lavigerie (^Exposé des erreurs doctrinales du jansénU me
Paris, 1860), qu'on les rapproche des pamphlets il'
MM. Ricard et Fuzet, ou de l'édition de M. Didiot; ot
sera persuadé, selon une formule des Pensées, et peut
être trop. Récemment enfin, lorsqu'à la suite des pn>
fondes éludes de Tccole protestante, de Vinet surtout et
d'Astié, certains penseurs catholiques ont tenté de réédificr
PApologétiquc sur la base psychologique et morale qu-
Pascal lui avait assignée, ils ont tracé entre Tbomme ti
Dieu une voie de continuité qui contredit expressément la
transcendance radicale des ordres pascaliens '. Pour
entendre des accents qui pourraient être rappelés après
t. Noos ne voudrioM pas alMiser de l'eipraniim 4c • mMmém
d'inmanenre » que MM. Blondel et Labertboaoiire oat enplojrée, ci
dont l'application est iri ^quivoqiir. Il nous tafflni, poor établir A c«t
^iprd l'objectivité de notre critique, de citer c«tt« proftMMoa iatMM
du cbeF de r.\polo(f^tique nouTclle : intére«MBt« •( rt«ar^o«l>l» M
toi, elle e«t un désaveu formol non du procM^ de Puni MMllMMaly
mais de sa conception religieu»e tout entière : ■ Il Ibadf* ■■•«> ana
je Tasse un petit traité sur le rôle de la Philosophie dans le r
ment de* esprits. La tâche des petit*, de* médiocrea, dM nodt..* -
pas petite ni nédiocre : élucider notions et hits.
l ne première philosophie, où je Tondrais qm tOM Im Mpritt,
même positivistes, Aissent d'accord avec aMÏ.
Lia* s«ooad« philoMphie, où je Tondrais qaa qaieoaqac MiaKi
qaaiqaa ehoM d'idial, •• donnAt raison.
Et je aMatarais pan k peu. J'arrÏTcrai* an tbéisma. J'arri** ^
la philosophie chrétienne, «ruTre de raiton, mai* d'une raison pu:
giUMa, Ibrtiléa, Malaaaa, capable alors d'aller au boet d'alla-ii<
M «alla da s* dépasser, c« qai n'est pa* se mettra bon d« touu •
m
PLACE DES FESSÉES DANS L HISTOIRE. ci
les Pensées de Pascal, on est réduit h sortir de son église,
à évoquer les hommes qui ont, à la lueur d'une crise
intime, renouvelé leur propre vie religieuse, qui ont su
lire dans les Évangiles, avec la condamnation de Thumanité
telle qu'elle est, la nécessité de secouer l'inertie de ceux
qui se croient les fidèles du Christ, de troubler la quiétude
de ceux qui se prétendent ses représentants officiels'.
son, mais reconnaître par raison qu'il y a une Raison supérieure k la
notre. » (Ollé-Laprune, La vitalité chrétienne, 1901, p. 33o.) — Ce»
liffnes étaient écrites quand nous avons reçu la brochure de
M. (iiraud : La philosophie religieuse de Pascal et la pensée contempo-
raine. Paris, 1905. L'auteur, avec son étendue d'information et sa
pénétration habituelles, y soutient, sur l'influence de Pascal comme
«écrivain et comme apolo^ste, une thèse qui parait en contradiction
avec celle que nous indiquons ici. !Vlais c'est qu'il ne veut voir, en
pMwaI, que le peintre te plus profond du trouble qu'introduit dans
l'âme le souci de sa destinée, et comme le représentant le plus élo-
' de l'orthodoxie catholique. Il choisit dans Pascal ; en parti-
il sépare complètement les Pensées des Provinciales sur les-
(jm Ile», dans le< notes de son cours très brillant et très complet sur
l'aval, il avait déjà émis des réserves un peu hardies et mémedange-
rriisrs (cp. Pascal, a« édit. 1900, p. 96, où il se transforme en auteur
j^riM prnir réhabiliter la légitimité probable du vol domestique). Mais
' les Pensées, si elles ne s'éclairent pas par les Provinciales
'ic justifient pas par elles, c'est \' Apologétique de qui l'on
><)udra, sauf de Pascal lui-même. Qu'on se rappelle ces lignes du
ni..iiiis<rii « Il y q une sculc hérésic qu'on explique différemment
•■ et dans le monde. » (Vr. 933.) Les Apologistes d'an-
• >nt hérétiques pour les Jansénistes, et les Jan<iénistes sont
rétiques pour eut ; si les uns sont élus, Icji autres sont réprouvés ;
ne se rencontreront pas dans le ciel, parce qu'ils n'ont pas parlé
U même lan(;ui' sur l.i terre, alors même, alors surtout qu'ils em-
ii le» niAmes mots de croyance, d'intuition ou de sentiment. Il
.t pas rognc-r Us ongles du lion. Pascal a lutté toute sa vie contre
tiens qui se sentaient de bonne foi, ne evacuetur erux Chritti ;
ien de Pnsr.-il, qui ne ^ciit é(r« qu'historien, csl obligé de se
rer d'amis et d'admirateurs des Pensées dont le lèle et les inten-
ns sont au-iicstiis de tout *(iup<-on, ne evacuetur ingenium Pasealis.
I On liévitr h indiquer ici des noms qui ne traduisent sans donl«
'titii- iiiiiirc>Miiii |i<'rv>nni!lle. Miti« invinrilili'inotit i>l ni.iliTt' tant
rji PLACE DES PESSBES DANS L'HISTOIRE.
Pour avoir porté trop haut Texigence de Dieu, Pascal
demeure sans postérité philosophique, uns poalérité reli-
gieoae. L^hommage que nous lui devons n'têi pas de
traniformer en émule ou en disciple quiconque n'a pu été
indifférent ou étranger k Tascendant de son génie, c'est
d'oser le suivre sur le rocher solitaire qui est un des
sommets spirituels de l'humanité.
de rétn— f^**t <>■> •<>■§« k LaaMimaU •( ■■« ParoUi d'an CnjniU.
h Toittoi et à U Lettre au Synode ; on tonge Mrtout k ce Soren
Kirkepard que M. DeUcroit noiu ■ fbil entrevoir eomoM ■■ eepril
de la rare de Pascal. Tout dant Soren Kirkegaard Hwaifcrtt cette
reaarquable parente, depuU le» titre» de aetonvregM: Le mêladi» à la
mort, VExrrciee dont U ehr'utian'ume , juaqn'à n eoaecptioa dm ta rdifioa
MMdale et di$e$poir. jusqu'à se* âpres ali.<<i ' i^^wi
M wiêtmaUi hmgi. Cf. la monographie d'H ;<ri.
1891) au rh. V, et l'article de Delacroix (/)' .. ,, rr(ry,-
«orale, année 1900, p. ^76).
II
La superstition des genres littéraires avait entraîné
Tassimilation des fragments posthumes de Y Apologie aux
Maximes détachées Ae. La Rochefoucauld ou de la Bniyère,
et Pascal a été longtemps rangé parmi les moralistes. La
superstition des règles scolastiques a souvent empêché
Pascal d'être considéré comme un philosophe. Sans
doute, si nous nous réservons de déGnir la philosophie
par une certaine méthode rationnelle et positive de démon-
stration, nous nous autorisons à nier que Pascal soit un
philosophe; mais de quel droit astreindre Pascal à des
conventions qui viennent de nous, et qui ne regardent
que nous? La philosophie veut être, selon la formule de
Leibniz, un enchaînement de vérités. Tout homme est
philosophe qui a su dominer, et ramener à l'unité, l'en-
semble de ses conceptions scientifiques, psychologiques,
sociales et religieuses. Pascal a-t-il parcouru, par un
progrès de pensée dont il a déterminé les étapes, l'inter-
valle qui sé|)are l'expérience du Puy-de-Dôme et le miracle
de la Sainte-Épine? a-t-il relié l'une à l'autre, pour en
faire l'objet d'une même synthèse, la conduite de l'homme
dans le monde et la conduite de Dieu vis-i-vis de son
l^glise? A-t-il, en un mot, conçu dans son int^ralité le
monde intellectuel? S'il l'a fait, il y a lieu de décrire le
OT LA VÊRlTfc.
monde de Piectl, comme on ferait pour le mon
brandie oa de Spinoia, de Schopenhaucr ou t
LA viaiTi
A la base du monde intellectuel, est Taffirmation de la
M grandeur » et de la « dignité » que la pensée donne
k Thomme. I^ pensée tend au vrai; elle ne pourra se
reposer que dans la sécurité d'une poaaeaaion légitime.
Aussi lui faut-il la vérité intégrale et irrécusable. Pour
décider »i Thomme est capable de Tatteindre, il importe
donc de savoir quelle serait cette vérité, par quelle
méthode elle se formerait. Une telle description n'aura
peut-être qu'une valeur idéale ; tout au moins elle nous
fournira les conditions que la raison requiert avant de se
déclarer convaincue. Ces conditions, Pascal les détermine
avec une rigoureuse précision dans les Béjlexions sur la
géométrie qui paraissent postérieures à sa conversion défi-
nitive. « Le véritable ordre » qui seul satisferait la raison,
la méthode d'infaillibilité d'où itortirait la certitude abeoloe,
consiste à « définir tous les termes et k prouver toutes les
propositions. » Sur ce principe repose Tidée mattreaae
qu'il se fait de la vérité, le critérium auquel il va mesurer
toutes les tentatives effectives de l'homme pour parvenir
au vrai.
Or parmi ces tentatives la géométrie doit être oomidé-
rée la première ; c'est elle qui présente de l'art de définir
et de l'art de démontrer l'exemple le plus accompli,
c'est sur elle que toutes les autres sciences humaines
doivent prendre modèle. « Ce qui ptiee la géométrie
nous surpasse. » Cependant la géométrie ne satisfiût pas
d'une manière oom|^te aux exigences de b méthode ra-
LA VÉRITÉ. CT
tionnellc. Elle définit et elle démontre, de la façon
qu'il faut définir et démontrer ; mais elle n'est pas capable
de définir tout et de démontrer tout. Les premiers termes
supposeraient d'autres termes qui auraient à leur tourbe-
soin d'être définis, les premières propositions suppose-
raient d'autres propositions qui auraient à leur tour besoin
d'être démontrées. La raison humaine se sent faite pour
l'infini ' ; il faut pourtant qu'elle s'arrête à des mots
primitifs et à des principes irréductibles, il faut donc
qu'elle s'avoue impuissante à réaliser la perfection
de l'ordre qu'elle avait conçu. Sans doute cette im-
puissance n'est pas un obstacle pour le géomètre ; il se
sent soutenu par un instinct qui lui fait apercevoir, avec
une clarté supérieure à toute explication logique, lesprin
cipes auxquels devra se suspendre la chaîne des défini-
tions et des démonstrations ; il y a un esprit géométrique
qui ' 'à une intuition du cipur*. Mais la méthode
gco , n'en reste pas moins en défaut aux yeux de
la raison qui réclame une justification infaillible ; en dévoi-
lant l'incertitude des axiomes, l'impossibilité d'établir des
définitions pour les termes primitifs, la raison se condamne
elle-même au pyrrhonisme * ; si dans la pratique et pour
le savant la géométrie est certaine, théoriquement et pour
le I ' ' lie, elle n'est pas convaincante. Dès lors, s'il
adM . i y ait contestation sur les principes de la géo-
métrie, comment trancher le débat ? A qui n'accepte pas
la proposition suivante de Tarithmétique : « retranchez
I. <• L'bomoie qui R'est produit que pour l'infini. • fPmgmeMd'iM
ti-ûité du 9Êdt.)
a. Fr. I et i8s.
3. EtUrettem OMC If. d* Stei.
en LA VÉRITÉ.
4 de o, il reste o », nous n'aurons d'autre reatource que
de dire ce que Pascal disait de Méré : « il n'eet pas géo-
mètre' ». Si Ton nie la possibilité de diviser respace 4
Tinfini (ce qui est pourtant une vérité fondamentale de la
scieoce, et la condition de son extension), nous n'aurons
pta le moyen de la faire apercevoir directement, nous ne
pouvons pas faire toucher du doigt ces infiniment petits
qui sont l'objet de nos raisonnemenU ; nous ne sommes
capables de démontrer que l'absurdité des indivisibles,
nous substituons à rafllrmation de la vérité la négation de
Terreur*. Ainsi, même sur ce terrain privilégié de la
géométrie où elle semble être seule en face d'elle-même,
où elle est assurée d'un consentement presque unanime,
la raison apparaît impuissante à posséder directement la
vérité ; elle ne termine pas son œuvre suivant le modèle
qu'elle avait tracé.
Qu'arrive-t-il alors dans une science comme la phy-
sique, qui doit laisser place aux impressions des sens? La
raison réclame comme siens les principes sur lesqueb
elle s'appuie. Or il se trouve que ces principes sont contra-
dictoires entre eux. Au nom de la raison il a paru légi-
time de soutenir qu'il ne pouvait y avoir de vide dans la
nature, et qu'il fallait corriger les illusions nées de l'appa-
rence sensible — mais ce prétendu principe de la raison
est-il autre cho5e qu'un préjugé né de l'autorité? n'est-ce
)X)int l'École qui sur ce point comme sur tent d'autres
a corrompu le a sens commun'»? La raison est inca-
paUe de résoudre le problème qu'elle a soulevé ; elle veut
en appeler à l'évidence, et elle ne peut envelopper sous
I. Fr. 7a, «t I (aote, M/rap. iS).
9. D* Vnprii yéçmiUijm.
3. Fr. $3.
à
LA VÉRITÉ. cm
ces prétendues intuitions que des hypothèses incertaines
comme le mécanisme de Descartes ' ; elle se rend prison-
nière de ses principes, et les faits de nature lui deviennent
incompréhensibles*. Concluons donc que la raison ne sau-
rait fournir aux raisonnements de la physique un point
de départ authentique et irrécusable. Il faut, pour demeu-
rer raisonnable, qu'elle se soumette à l'expérience : à
l'épreuve des faits tombent l'un après l'autre les faux prin-
cipes que l'homme avait invoqués, et qui se révèlent k
l'analyse comme les produits de la coutume ou de l'ima-
gination '.
Ainsi le rôle de la raison diminue à mesure que nous
nous éloignons de l'abstraction pour entrer directement
en contact avec la réalité. Quand nous sommes en présence
de la rie, quand nous avons à diriger notre conduite, nous
faisons encore appel à la raison ; nous réfléchissons, et nous
délibérons. Mais notre réflexion et notre délibération ne
sauraient enfermer en elles la vérité ; ici encore, si la
raison est capable d'enchaîner des propositions par la vertu
démonstrative du raisonnement, elle est incapable d'établir
les principes qui doivent serrir de base à son raisonne-
ment. La raison décide des moyens ; mais le but lui
échappe: il s'impose du dehors, et malgré elle*. L'homme
ne délibère jamais sur la fin ; car cette fin n'est pas ma
tière à délibération, elle est ce qui se sent immédiate-
ment, sans art et sans réflexion, elle est le bonheur'.
Mais au moins la raison peut-elle espérer qu'elle saura
1. Fr. 78.
a. Fr. a3i.
3. Fr. 89 et a33.
4. Fr. 08.
5. Fr. ii5.
cvw LA VtRlTt
ooottniire une science du bonheur, qu'elle aura le droit
de faire fond sur des principes stables et droits, d où elle
déduira des conséquences assurées ; les hommes devront h la
raison de connaître le chemin du bonheur. Il y aurait ainsi
une vérité morale qui, sans être absolument rationnelle,
serait du moin» analogue k la vérité d'ordre géométrique
ou d'ordre phvsique ; V « art d*agréer » serait aussi aooes-
sible que l'art do démontrer. Mais cela n'est pas: la notion
du bonheur est impossible h fixer, elle se résout dans
une expérience du plaisir qui est essentiellement diver-
sité*. Le plaisir varie avec les individus; pour chaque
individu même il change avec les années, avec les heure;*,
avec les minutes. Rien n'arrête la o volubilité » de notre
esprit, ou rinconslance de notre volonté. Kn vain essaie-
rons-nous de cacher sous le nom de sentiment les contra
dictions et la fragilité de notre être intime. Nul n'n
damné, avec plus de netteté que Pascal, cette philo> ,
du sentiment dont on a voulu qu'il fût un précur^- m
c Tout notre raisonnement se réduit à céder au senli
ment. Mais la fantaisie est semblable rt contraire' au sen
timent, de sorte qu'on ne peut distinguer entre ce-
contraires. L'un dit que mon sentiment est fantaisie,
Tautre que sa fantaisie est sentiment. Il faudrait avoir un*
règle. La raison s*ofire, mais elle est ployable à tous sens:
et ainsi il n'y en a point' ». La raison ne saurait don*
échapper k la conscience de sa propre dégradation. Tous
les principes auxquels l'homme la soumet ne sont que
les résultats de la coutume ou les fantômes de l'imagina»
lion. Aussi, lorsque la raison tente de les justifier, M
figurant augmenter son empire, il arrive qu'elle ne fail
1. Cf. h. Ito M|q.
a. Fr. t^k
LA VÉRITÉ. ciz
que manifester par là sa faiblesse et son humiliation : elle
est comme Tavocat, pour qui le procès change d'aspect
suivant la somme qu'on lui a promise. La raison est un .
instrument à tout faire, la volonté Tinclinc du côté qui I
lui plaît : nous croyons que nous désirons ou que nous \
craignons pour les raisons que nous disons, mais en réalité
c'est parce que nous désirons ou parce nous craignons
que nous avons trouvé ces raisons*. En vain nous essayons
de nous insurger contre les caprices de notre volonté ; si,
apercevant la fragilité de nos désirs, la vanité de nos joies,
la misère du divertissement perpétuel où nous oublions
ce qui devrait être notre essence et notre bien, nous
concentrions notre pensée sur nous-même et sur notre
destinée, nous achèverions de détruire notre propre vie;
car il ne nous resterait plus alors, pour asseoir nos raison-
nements, cette ombre de plaisir qui avait du moins comme
effet de faire passer le temps et d'écarter de notre vue le
malheur de notre condition ^ La raison ne vaut pas une
heure de peine, parce qu'elle ne peut pas nous apporter
une heure de joie'. Mise en face d'elle-même, elle ne
trouve plus que le néant.
Ainsi à aucun moment Pascal ne récuse la lumière de
la raison. Mais ù ses yeux cette lumière est double : d'une |
part elle définit la loi idéale qui fournit à l'honimc lame-
sure de la vérité, d'autre part elle fait éclater la vanité de
la réalité effective qui est mesurée par cette loi ; la raison
est l'aspiration h la grandeur, mais elle est aussi la con-
science de la misère. L'homme porte en lui l'infinité de la
pcnséi:; seulement la nature normale de l'être pensant
I. Fr. i'/t.
3. Fr. i64
3 Fr
;a
xc LA VÊRITft.
Ml oomms raooayerte en lai par une nature (acUoe, qui
Mt le produit de puiaaanoea trompeuses telles que Tiina-
gination et lamour-propre. A celte nature, lliérédité et la
coutume ont donné la profondeur de l'instinct. Quelque
chose commande à la raison, et qui vaut moins que la
raison.
Mais alors, en éclairant la contradiction intime qui est
le caractère de rhonimc naturel, la raison a marqué sa
propre limite ; car elle est la fonction de Tunité, et elle se
heurte à une a duplicité «radicale*. Il lui est donc impossible
de conclure ; s'il y a une solution, elle se trouvera plus haut
que la région de la raison, sur un sommet que la lumière
naturelle n*a jamais éclairé. Il y a des raisons qui passent
notre raison ' ; il y a des expériences qui sont au deU de
notre expérience. Sans doute ces raisons et ces expériences
sont consignées dans ce qui est écrit, comme les faits de
rhistoire; mais ce n*est plus Thomme qui a écrit, c'est
Dieu. Le témoignage direct de Dieu, la révélation faite
aux Juifs, est la clé de Ténigme, parce qu'elle est U base
de toute psychologie : a Vous n'êtes pas dans Tétat de votre
création' ». Vous ne trouverez pas Punité, puisque voua
n*avei plus Tintégrité ; vous apercevrez dans toutes lea
démarches de votre pensée la corruption de votre intel-
ligence, vous reconnaîtrez dans tous les actes de votre vie
la dépravation de votre volonté, et vous mesurerez ainsi la
pn^ndeur de la chute originelle. Le péché du premier
homme expUque la disproportion entre la vérité qui
demeure tout idéale et U réaUté qui est toute miaérable ;
I. Cr. fr. 417 •( (MU la Mclioa VI, eo«Mcré« à aMCirt é»m lo«t
•OB jour ropfotilioa MSMtitUt d« la ■ (nadcar ■ •( J« la «aitèrt a.
ï. Cf. fr. »67.
S. Fr. 43o.
LA VÉRFTÉ. xa
elle explique aussi l'impuissance de la raison à rejoindre
elle-même ses propres débris.
Y a-l-il un remède? S'il y a un remède, ce n'est pas de
la raison qu'il convient de l'attendre, puisque sa propre
impuissance lui est un mystère. Il y faut une seconde
révélation, celle qui a été promise aux Juifs, qui leur a
été donnée et dont ils n'ont pas su profiter ; il y faut le
Messie rédempteur. Le Judaïsme était le règne de la loi,
or la loi s'adresse aux corrompus qu'elle maintient dans
la terreur du châtiment ; mais les chrétiens sont ceux qui
tendent leurs mains et leur cœur vers le Libérateur. Quelle
a donc été l'œuvre de la médiation ? Consiste-t-elle h avoir
rendu à l'homme l'intégrité de sa nature, à lui avoir
rouvert le chemin de la raison, à lui permettre de saisir
la vérité suivant une méthode directe et par une pos-
session effective. C'est ce que pense un Malebranche, et
il écrit : « L'homme renversé par terre s'appuie sur la
terre, mais c'est pour se relever. Jésus-Christ s'accommode
à notre faiblesse, mais c'est pour nous en tirer. La foi ne
parle à l'esprit que par le corps, il est vrai ; mais c'est
afin que l'homme n'écoute plus son corps, ... c'est afin
qu'il commence sur la terre à faire de son esprit l'usage
qu'il en fera dans le ciel, où l'intelligence succédera à la
foi, où le corps sera soumis à l'esprit, où la raison seule
sera la maltresse*. » Mais la religion de Pascal est exac-
tement contradictoire à celle de Malebranche; celui-ci est
chrétien selon saint Jean, celui-là est chrétien selon saint
Paul. A ses yeux, comme & ceux de saint Augustin ou de
Jinsénius, la vérité fondamentale du christianisme, qui
I. Troili de mormU, part. I, ck. v, § t3.
cxn LA VàRITl
demeure lettre morte pour U ineue des fidilee, pour la
plupart des autorités qui se sont introduites dans PÉgUse,
est que la révélation religieuse commence par confirmer
rhomme dans son état de péché et de corruption. Et
quand U religion nous (ait connaître qu*il est venu un
Rédempteur pour les hommes corrompus, elle ajoute que
cette rédemption est seulement raiinonciati<m et la pro-
messe de la vérité. Ceux-U seuls y parviendront, qui
sauront ne rien attendre de leur raison propre, qui auront
renoncé à leur jugement, & leur libre examen, qui se
seront abandonnés eux-mêmes. Car cette vérité n*a rien
d'humain; par son origine et par son contenu elle est
toute divine.
Cette vérité divine, qu'il est & jamais interdit de traduire
en conception positive et en démonstration rationnelle, il
est du moins nécessaire que nous nous la figurions de
façon si indirecte que ce soit; autrement nous serions
tout k fait incapables d*y tourner notre attention, d'y
attacher notre pensée, incapables de faire de notre intel-
ligence Tauxiliairc de notre salut. Et ainsi se pose,
sous sa forme originale, le problème pascalien de b
vérité : comment Tœuvre de la rédemption peut-elle te
représenter, à nous qui ne connaissons que notre corrup
tion? Une seule réponse est possible, c'est par notre
corruption même que nous devons chercher à comprendre
la rédemption; la rédemption fait le contraire de ce que
faisait la corruption, sans pourtant être moins opposée à
la raison humaine. C'est nier la religion que de la sou-
mettre i la raison ; puisque la reUgion est vraie, et puis-
que la nature est corrompue, il faut qu'il y ait un ordre
de vérité supérieur k la raison, qui soit exactement Tin-
versé de l'imagination que la raison condamnait comme
inférieure à elle. La philosophie du sentiment est fausse,
LA VÉRITÉ. cxm
parce que, hors peut-être les intuitions de la géométrie,
tous les instincts que Ton veut élever au-dessus des lois
rationnelles se résolvent dans les fantaisies d'une volonté
dépravée; il suffit qu'ils soient nés avec Thomme pour
porter la marque de son dérèglement. La religion du sen-
timent est vraie, parce que la foi ne doit rien au déve-
loppement interne de notre raison, parce qu'elle vient d'une
autre origine : elle est un don gratuit que nous recevons
d'un être différent de nous et extérieur à nous ; elle est,
au sens littéral et matériel du mol, une inspiration *.
Sans doute il n'y aurait pas lieu d'entendre ainsi la
religion, si nous étions en réalité ce que nous nous flattons
d'être, des créatures de raison faites pour démontrer sûre-
ment et pour posséder directement la vérité ; car pour la
raison la voie est unique qui va vers la vérité. Mais déjà
n mathématiques nos plus fermes convictions s'appuient
!^ur l'impossibilité d'admettre la thèse contraire; comme
nous l'avons dit, nous croyons à l'infinie divisibilité,
parce que l'hypothèse des indivisibles est contradictoire.
La vérité de la religion se concevra également par voie
d'opposition : la rédemption agit exactement comme la
rorruption, mais en sens contraire; de même que la cor-
iption avait dégradé l'homme jusqu'au règne des puis-
.nances trompeuses, la rédemption établit au-dessus de la
raison l'ordre du sentiment qui est inverse et symétrique.
La raison serait placée entre les deux. Elle conserve la
juridiction des choses qui se démontrent, et il est vrai
qu'elle demande & la volonté de se régler sur la lumière
de l'esprit ; mais l'homme est destiiié à ne Técouter jamais.
Li malice de la concupiscence fait que pour le persuader
Fr. i45.
rCXiéS* DC PASCAL. I — 8
catiT LA VtRITE.
il faut, non le convaincre, mais le flatter; c*eat Pattreit du
plaisir qui entraîne Tadhéaton, Part d' c agréer » oontiatr
à chercher ce qu'il y a d^aimable dâna lea cfaoaes et à les
frire regarder du cdté où eUet peuvent pleire. Or de la
même façon les vérités divines doivent entrer « du cœur
dans Tesprit, et non pas de Tesprit dans le coeur... En
quoi il parait que Dieu a établi cet ordre surnaturel,
et tout contraire k Tordre qui devait être naturel aux
hommes dans les choses naturelles '
Ainsi trois ordres de connaissance se superposent chez
Pascal: imagination, raison, sentiment, et sa philoiophie
semble k cet égard toute proche de la doctrine de Spinon.
En fait le rapprochement fait éclater le contraste. Pour
Spinoza l'homme est naturellement esprit, et il lui appar-
tient d'atteindre la vérité pr le seul développement de
son activité interne ; de Pimagination k la raison, et de U
raison raisonnante k la raison intuitive il se fait un progrès
continu, à l'intcrieur d'une même pensée. Pour Pascal les
trois ordres de connaissance se superposent, non en se
complétant, mais en se contredisant ; ils attestent dans
rhomme une diversité incompatible avec Tunité de
Testence spirituelle, ils portent la trace des révolutions
qui ont bouleversé la nature originelle de Thomme: la
déchéance du péché qui a soumis l'esprit au corps, le
salut par la rédemption qui loin de rendre l'homme k lui-
même et de lui donner l'autonomie de sa vie intellectuelle
l'humilie devant la vérité qu'il doit subir, devant l'être
qui consent k s'unir k lui, sans que par aucun effort qui
lui soit propre il ait mérité de le connaître. Telle est la
pensée fondamentale dont Pascal donne la formule lumi-
t . D« /'«n ci* ^trtnitr.
LA VÉRITÉ. Œv
neuse lorsqu'il décrit la gradation qui monte du peuple
aux demi-habiles, aux habiles, puis aux dévots, et enfin
aux chrétiens parfaits: « Ainsi se vont les opinions
succédant du pour au contre'. Renversement continuel du
pour au contre*. »
C'est donc une méprise que d'enfermer Pascal dans
le cercle du Credo quia absurdum. Pascal a brisé les
cadres du rationalisme ; mais ce qui dépasse encore la
raison est encore à certains égards une logique : logique
des contraires, comme la logique de Hegel, mais qui,
n'accordant pas la relativité des contradictoires, met entre
les différents degrés de la dialectique une essentielle
hétérogénéité. Une telle logi(|ue renverse le rapport direct
que d'ordinaire les philosophes étabUssent entre la faculté
de connaître et la vérité : par l'expérience et par le raison-
nement nous nous assurerons seulement de ce qui n'est pas
I ' et nous saurons que pour avoir quelque chance
<; ndre, nous devons retourner Tattitude normale de
la raison, chercher dans une direction opposée à celle que
notre nature aurait prise si elle avait encore son intégrité
et son autonomie.
Subordonné à cette conception maîtresse, Targument
du pari' prend une portée nouvelle. Il n'est pas conforme
n la raison commune de* hommes ; car il est contraire k
(Cite raison que l'attention se détourne du contenu propre
des choses et de leur vérité intrinsèque, pour n'envisager
que leur rapport à nos désirs et à notre satisfaction. N'est-ce
|Mo lu plus grand dérèglement, répète-l-on après Bossuet,
. Pr. S37.
Fr. 3a8
.>. Puur l'interprptMtion de l'argaaMil eoviMg^ tn mi, voir Im aote«
et WijiiftnUct du fr 333.
esvi LA VfrRiTtt.
«Taffirmer que les chotet existent parce qu*on veut qa'eUee
•oient? L'art d'agréer, qui flatte la malice de b conaniii-
oence, est la perversion de Kart de démontrer. Mais c'est
la dernière ressource de la lumière naturelle qu'elle fassr
servir l'aveu de son impuissance & triompher de cette
impuissance même. Elle renonce k l'affirmation de
rintcUigible ; mais peut-être fallait-il que le foyer fât
éteint pour qu'appariât enfm le reflet d'une lueur qui etti
le pressentiment d'une clarté supérieure. Ou, pour parler
avec le philosophe contemporain de Pascal qui a décrit
la même angoisse, l'homme se sent envahi par une para
Ijsie mortelle, il soulève le bras dans un eflbrt suprême
pour tenter la chance de Tunique remède'.
L'argument du pari marque avec précision la limite de
l'eflort humain vers la vérité. Or, s'il y a un ordre supérieur
et contraire k Tordre de la spéculation pure, cette limite
peut se trouver en même temps un point de départ. L'ar-
gument du pari, que la logique des contraires pose comme
une limite lliéoriquc, ne va- t-il pas devenir un pointde départ
pour la pratique? Et en eflet ce serait Tinterpréter i contre
sens que d'y terminer la vie religieuse et morale suivant Pis
cal ; car ce qui serait inconcevable, c'est l'état de l'homme
qui subjugué par la force apparente de la démonstration se
serait engagé à parier, et qui n'aurait pour soutien de -^.i
foi que l'intérêt évident de cet engagement. Il est im|><»
sible de comprendre comment il pourrait supputer les
avantages de sa détermination, sans y apercevoir autant de
I . ■ VidebflM eain •« ia tamao Tvnari pariculo, M aierofi i
diaa, qaaav» iaotftmB, MUiaN Tiriba* ^■■raw : T«l«ti cgvr
ttotko laboran* qai abi matiam oaHaai prwMal ai adliiWatur rei
«liaa, iliad iptaai, qaaaiTU iaeartaa, Maiau TtnfcaaoOfitari
aaaipa in eo tau aja* i|»aa «•! itla. a (Spiaoaa, Ot htiHttim
é&tim* Trmeêaêm, g s.)
LA VERITE. cx\tt
motifs de se roidir contre ; il est inévitable que des causes
d^espérance gratuite deviennent des raisons légitimes de
doute et d'inquiétude. L'argument du pari, à le borner
à lui-même, est dépourvu de toute efïicacilé; et il faut
bien qu'il en soit ainsi, puisque cette efficacité serait la
justification de l'apologétique utilitaire et, dans le triomphe
apparent d'une Église, l'irréfutable démonstration de
l'athéisme pratique — nous n'avons pas à nous demander
ce que l'auteur des Provinciales penserait de pareilles con-
versions'. Mais l'argument du pari n'est pas destiné à
fournir la règle de la vie morale; il enseigne seulement le
renversement de la r^le. Nous prétendons fonder notre
conduite sur la vérité, et nous l'ignorons, et nous
échouons dans la servitude des puissances trompeuses. Il
faut maintenant mériter par notre conduite de connaître
la vérité, sanctifier, en les tournant au profit de la reli-
gion, les facultés telles quelles de notre nature corrompue.
La coutume a lentement façonné notre être, et remis notre
raison au gouvernement de notre corps ; c'est h la coutume
qu'il appartient de refaire un être nouveau. Que l'homme
se fasse automate pour Dieu ; qu'il soumette son corps au
système religieux des habitudes ; qu'il plie la machine
aux formules de la prière et aux gestes de l'adoration. La
Sageue nous envoie à l'enfance y et le commerce de l'esprit
I. Fr. 470 ' * Si j'avaU vu un miracle, disent-ils, je me cooTerti-
CoBOieat atsur«n(-il« qu'il» feraient ce qu'ils ignorent ? Ils s'ima-
oent que cette iNinversion consiste en une adoration qui se fait de
r>i«u comme un commerce et une eoBvenation telle qu'ils s« la flgtH
Irent. La conTersion T^ritable coaaïa(« k s'anéantir devant cet ^tre
Vniversel qu'on a irrité tant de fois, et qui peut vous perdre lé^tim»-
■cnt k toute heure ; k reconnaître qu'on ne peut rien sans lui, et qu'on
■'a mérité rien de lui que sa disgrâce. Elle consiste A connaître qu'il
m a une opposition invincible entre Dieu e( nous, et que, sans un
r '■
cxnn LA JUSTICE.
avec le corps, qui avait dans la vie du monde renouvelé
la déchéance du péché originel, prélude, dani la diid-
pline de PÉglise, au renouvellement qui sera TcBuvre
de la rédemption. Déji, la contrainte que l'on impoae k
Végotamt naturel laisse le champ libre k des aenlimenta
qui ne sont plus exclusivement Tamour, couvert ou déguisé,
du moi pour le moi. L'homme connaît dans leur réalité
les vertus dont Phonnéteté la plus raffinée donnait la
seule apparence : le désintéressement, la sincérité, la Gdélité,
la vérité de Tamitié ; il est juste, et il veut Tordre de la jus-
tice.
Après la règle des partis qui montre qu on doit « tra-
vailler pour rincertain », sacrifier sa vie pour une religion
même incertaine, qui conGrme les opinions du peuple
contre les maximes des prétendus habiles, le raisonne-
ment n'a plus rien à nous apprendre ; le problème de la
vérité s'efliace devant le problème moral, qui est pour
Pascal le problème de la justice.
LA it'SnCB
Pascal a posé le problème religieux comme étant dans
son essence un problème moral. Les attaques qu'il a diri-
gées contre la justice des hommes, et dont les Arnauld et
les Nicole ont été les premiers à méconnaître le carac-
tère, n'auraient pas cette âpre ironie, si Pascal n^avait
pas connu dans toute sa profondeur le sentiment de la
justice, s'il n'avait pas vu quelles angoisses il soulevait
dans les âmes. Le libertin k qui s'adrease Y Apologie, ce
n*eal pu seulement Des Barreaux qui ne peut aller à la
foi parce qu'il ne peut pas quitter le plaisir; c*est un
Méré ou un Miton qui rqwoaaent la religioa, parce
LA JUSTICE. dis
qii^ils demeurent attachés <'i la justice. Pascal a entendu
leurs doutes et leurs objections.
Si une seule chose est nécessaire, qui est le salut éter-
nel, comment est réparti le salut ? Comment les unsont-ils
mérité, et les autres ont-ils démérité? C'est un crime de ne
pas être sauvé, et ce sera le châtiment des réprouvés de se
sentir condamnés par cette même raison sur laquelle leur
orgueil avait fait fond'. Mais « les élus ignoreront leurs
vertus' » : leur piété est l'œuvre continue, l'œuvre exclusive
de la grâce que Dieu s'est réservé de donner selon sa mys-
térieuse et imprévisible volonté? Il est donc impossible de
découvrir la justice dans la conduite de Dieu vis-à-vis
de« hommes. Non seulement dans l'éternité, l'inégalité de
récompense ou de châtiment ne correspond pas à l'inéga-
lité des mérites; mais puisqu'en définitive les hommes
sont incapables de mérite, nous ne comprenons plus pour
quoi il y aurait récompense ni pourquoi il y aurait châti-
ment, pourquoi a de deux hommes également coupables,
il (Dieu) sauve celui-ci, et non pas celui-là'. » L'idée de
justice ne subsiste donc plus dans notre esprit que pour
nous conduire à l'alternative que Pascal pose sans trem-
bler : a il faut que nous naissions coupables, ou Dieu
serait injuste*
Seulement la possibilité même de cette alternative sup-
pose que nous avons le droit déjuger au nomde la justice;
les hommes l'admettent naïvement parce qu'ils se détour-
nent de leur nature pour soulever des questions qui
^'^'^ dépajisent. Us croient à la justice, sur le témoignage,
Fr. 5i
LcOfC «iir ips < .onifD«nd««M«ta de Uiau, tnhjbtt.
Fr. 489
en LA JUSTICE.
pour ainsi dire, de leur» sent, ptrce qu'ib voient qu'il existe
un ordre social. Mais qu'ils recherchent le ibndenwnt de
ce qu'on respecte et de ce qu'on (ait respeclBr tous le
nom de justice. La raison est unité et unhwaalilé ; les
lois sont multiples, et pour arriver & les ocmcilier entre
elles il faut faire tant d^eflbrts laborieux, manquer si sou-
vent k la lettre ou À Tesprit, que la muiliplicité des lois
équivaut presque k Tabsence de lois. Les lois surtout sont
diverses ; alors qu'elles tracent avec netteté la distinction
du licite et de l'illicite, leur pouvoir s*arr6te il une fron-
tière. Un fleuve ou une montagne tient en édiec la rai-
son de l'homme, et tourne en dérision ses prétentions à
gouverner le monde'. La justice, pour paraître juste,
invoque Tappui de la raison, et elle se détruit elle-même
du moment qu'elle prétend satisfaire aux exigences de
la raison.
La justice est la coutume reçue en chaque pays. Or nous
avons beau, pour arracher au peuple le respect et l'admi-
ration, invoquer l'antiquité delà coutume : il faut bien que
de siècle en siècle et de génération en génération on en
découvre le fondement intrinsèque et objectif. Pourquoi
cette loi plutôt que cette autre, pourquoi ici et non U, au-
jourd'hui et non hier ? A cette question point de réponse.
La loi réclamait la force, parce qu'elle se donnait ocnnme
juste ; dès qu'elle veut se justifier, il ne lui reste [rfus
que la force brutale. Les forts tuent les Itiblee, ils les
font esclaves, ils leur arrachent leurs biens et leurs
propriétés ; plus encore, les vainqueurs ont imposé aux
vaincus de reconnaître la légitimité do leur victoire ; ils
ont inventé « le droit de l'épée' », et ils ont divinisé laj
I. Fr. 99^.
s. Fr. 878.
I
LA JUSTICE. uxi
guerre. Choee phis admirable encore : les vaincus, incli-
nés par la nécessité, ont fini par ressentir réellement le
respect qu^on leur imposait. L'imagination a travaillé en
eux, elle a rendu « doux et volontaire » en apparence le
joug qui reposait en réalité sur la tyrannie de la force'.
Le peuple croit lire sur le visage des princes un caractère
de majesté auguste et sacrée, alors que s'y reflète seule-
ment une impression de crainte vulgaire, due aux trognes
armées, aux pompes et aux cavalcades au milieu desquelles
la personne des rois leur est apparue d'abord*. L'ima-
gination brodant sur la trame de la nécessité, la tradition
de la coutume transformant en autorité « mystique » les
fantaisies les plus faibles et les plus légères, voilà ce que
la raison trouve au fond de ce qu'elle appelait sa justice.
Que conclure de cet examen ? qu'il faut revenir aux
coutumes reçues, renverser les lois établies, afin d'inau-
gurer le règne de la justice ? Mais pour subordonner la
force à la justice il faudrait qu'il y eût une règle capable
de rassembler les hommes dans un consentement una-
nime, que tous d'une seule voix reconnussent le mérite
supérieur d'un seul individu ; autrement la prétention de
chacun à suivre les principes de la raison mettra tous les
hommes aux prises avec tous les hommes; il n'y aura
plus à se plaindre que les lois sont mauvaises, il n'y aura
plus de lois du tout ; l'ordre établi s'efibndrera pour ne plus
laisser place qu'à la guerre civile. Qu'il s'agisse d'édiGer
la vérité ou d'édifier la justice, la raison idéale qui est en
nous et qui fait notre dignité d'être pensant, apparaît inca-
pable de devenir raison réelle, de s'appliquer aux choses,
d'y laisser l'empreinte de l'unité et de l'universalité.
I. Fr. 3o8, 8s, 89.
3. Fr. 3ii «t fr. 3o3.
Aussi rien ne ««rait plut d^rtUonnabir que de vouloir
«nfiBmier la loctélé dans les Umitas de U raison. Ce wrait
troubler le monde, et ce serait mal juger de tout. Ce qui
importe k la société, c'est la paix ; les coutumes aoraci
nées dans le peuple ont le mérite d'assurer b paix*.
L'usage qui désigne les gouvernants par la naissance et
les distingue par le costume, est assurément ridicule ;
roab ce qui est plus ridicule, c'est de ne pas comprendre
à quel point cet usage est bienfaisant. L'imagination seule
fait que les uns se regardent et sont regardés comme nobles,
les autres comme légitimes possesseurs du sol ; mais il est
pourtant nécessaire qu'il y ait des souverains et des rirho..
si vous supprimez rimagination sans pouvoir su; ,
mer la nécessité, vous n'avez porté aucun remède à l'in-
justice qui vous choque, vous avez simplement rendu
impossible Texistence de U société. La paix est le bien
essentiel ; la croyance du peuple qui s'incline devant les
grands, parce que dans son imagination ils sont supé-
rieun k lui, est une folie aux yeux de ces demi-habiles
qui font les entendus ; mais grâce k cette folie, Tordre
étabh est l'objet d'un respect universel ; cette prétendue
folie est la sagesse même pour ceux qui ont pénétra
la nature vraie et les conditions vraies des sociétés hu-
maines. Il faut savoir ne pas être dupe de la raiaon, ne
pas sacrifier k l'abstraction, incapable de se traduire dans
les faits, ce qui est la réalité essentielle : la paix entre les
hommes. Le peuple qui vit sait ce que c'est que la vie en
commun, et il faut vivre avec le peuple, mettre tout le
monde d'accord en distinguant les hommes par les qualités
cxténcure.«i, qui sont visibles k tous, par les dignités al par
Fr .1..T
•flf
LA JUSTICE. cxxni
les uniformes. Il suffît de ne pas élrc dupe du peuple, de
ne pas appeler raison Tillusion née de la coutume et de
r imagination, de ne pas confondre avec la justice ce
qui est l'effet nécessaire de la force '.
Ainsi la justice des hommes ne conserve une appa-
rence et une ombre d'existence qu'à la condition de
désavouer toute justification rationnelle ; il est donc
impossible que la justice des hommes juge la justice de
Dieu. Le devoir de l'homme est de taire toute récrimi-
nation et toute revendication : la religion est contre la
raison, mais c'est en vertu de sa réalité même. Déjà, pour
comprendre l'ordre établi par la société il faut savoir
renoncer aux préjugés de la raison; de même, pour
apercevoir l'ordre voulu par Dieu, il faut dépasser l'ho-
rizon du raisonnement. L'ignorance naturelle du peuple
et la science surnaturelle du chrétien sont aux deux
extrémités opposées, mais toutes deux également con-
traires a la raison. Instruits donc du néant de notre
justice, nous sommes capables d'écouter Dieu: « il est
sans doute qu'il n'y a rien qui choque plus notre raison
que de dire que le péché du premier homme ait rendu
coupables ceux qui, étant si éloignés de celte source,
semblent incapables d'y participer. Cet écoulement ne
nous parait pas seulement impossible, il nous semble
même très injuste; car qu'y a-t-il de plus contraire aux
règles de notre misérable justice que de damner élernel-
ement un enfant incapable de volonté, pour un péché où
il parait avoir si peu de part, qu'il est commis six mille
ans avant qu'il fût en être? Certainement rien ne nous
ieurte plus rudement que cette doctrine... ' b Sans doute
rr
i
I. Pr. 337, 335, 336, ««e.
S. Pr. 434.
anv LAJUSTICK.
nom pourrions avec les théologiens, avec saint Augustin
dont VÀugiutiruu codifie en quelque sorte la doctrine',
diercfaer dans le bit même de la génération, dans la loi
biologique d'hérMité une lumière pour comprendre la
perpétuité du péché. Mais ce serait encore juger Dieo par
la nature, ce serait traduire le mystère dans la langue de
la raison, et déjè le nier. Aussi Pascal — ne s^écartant de
Jansénius que pour être si Ton peut dire plus janséniste
que lui, comme il ne s*est séparé de Nicole et d'Amauld
dans l'aflaire du Formulaire que pour demeurer plus
inflexiblement attaché à Tindépcndance de Port-Royal —
écrit-il ces lignes qui ont paru trop hardies aux éditeurs
de 1670 : « Nous ne concevons ni Tétat glorieux d*Adam,
ni la nature de son péché, ni la transmission qui s'en est
faite en nous ; ce sont choses qui se sont passées dans
Tétat d'une nature toute différente de la nôtre, el qui
passent Pétat de notre capacité présente*. »
Poaons le péché originel, tel qu'il doit être posé selon la
logique de* contraires : il est le renverMment de notre
justice, puisqu'on nous est la perversion de toute justice.
Que Ton comprenne bien : la transmission du péché con-
siste, non pas seulement à nous faire supporter le poid^
d'une faute k laquelle notre volonté demeure étrangère,
mais k dépraver dans sa racine notre volonté. Nous deve-
nons source vivante d'iniquité ; rien ne peut plus être bon de
oequi vient de nous*. L'amour de la vérité, si nous croyions
engendrer la vérité par un effort qui nous fftt propre et
l'apercevoir au regard cUir et direct de notre intelligence,
dissimulerait la concupiscence de l'orgueil. Le désir de la
I . D* Slata «Ov» kfêm. I,
s Fr 56o.
3. Fr. 47««» 4-»
LA JDSTICE. cxxv
justice, la politesse et la charité même sont encore des
feintes et des déguisements sous lesquels se reconnaît la
volonté propre, rattachement du moi au moi*. Pour
l'homme corrompu être, c'est être injuste.
Dès lors, de quel droit déclarer que Dieu est injuste? il
serait contraire à la justice humaine de punir celui qui
n'a pas commis la faute ; or la justice divine nous fait parti-
ciper non pas au châtiment seulement du péché, mais au
péché lui-même ; nous ne sommes pas condamnés sans
avoir mérité le châtiment, c'est à mériter le châtiment
que nous sommes condamnés. Aucun homme n'échap-
perait & Tétemelle damnation que Dieu serait absolument
exempt d'injustice*.
Voici qui achève enfin de confondre, par un nouveau
renversement, toutes les lois de notre raison : au-dessus
de cette justice qui n'a pas de commune mesure avec
notre justice, s'élève l'édifice de la miséricorde, a énorme »
comme la justice elle-même*. Quelques-uns seront sauvés
de ceux qui devaient être perdus. Sans doute leur salut
{>araîlra juste puisqu'il est obtenu par les vertus, par la
prière qui est la première de toutes les vertus ; grâce k la
prière l'homme parait avoir « la dignité de la causalité »,
il paraît vtrc lui-même l'auteur de son salut. Mais qu'on
y prenne garde : cette apparence est la tentation la plus
forte à laquelle le chrétien soit en lutte, celle qui doit lui
inspirer, avec le plus d'humilité, la crainte et le trem-
blement qui sont |)erpéluellement nécessaires à l'œuvre
du salut ; car c'est la négation même du christianisme que
I Fr. 455.
a. L«Ur« mr Im ComaasiiMBCiiU île Dîmi, âahjbki.
3. Fr. a83
envi LA JUSTICE.
d'ériger l'homme en puÎManoe qui m dreuerait au regard
de Dieu. Toute bérétie a la louroe dans l'orgueil : « Le
lieu propre k la superiie eet la Mgeue, car oo ne peut
accorder k un homme qu'il s'est rendu sage, et qu'il a
tort d'être glorieux ; car cela est de justice. Aussi Dieu
seul donne la sagesse; et c'est pourquoi : Qui gloriaiur,
in Domino glorietur. » Lorsque dans la prière, par
laquelle il implore le secours de Dieu, l'homme s'attribue
la moindre part de liberté, lorsqu'il est induit k (aire un
retour sur son propre mérite, il détruit cette vérité fonda-
mentale de la religion : Dieu a donne la prière à qui il lui
platt » '. 11 faut que toute notion de mérite ou de démé-
rite propre à la personne morale, toute idée de justice
selon rhumanité ait disparu pour que le mystère de la
grftce soit accessible : « Pour faire d'un homme un saint,
il faut bien que ce soit la grâce; et qui en doute ne sait ce
que c'est que saint et qu'homme '. »
La grAce est le renversement de l'humanité; le pre-
mier effet de la grâce est de faire que l'homme se haïsse
lui-même. Or, dans l'ordre de la nature, la haine est
concevable d'un être vis-à-vis d'un autre être, mais d'un
être pour soi elle n'a rigoureusement aucun sens; car la
volonté d'un être est par essence la volonté du bien de œl
être. Le christianisme, lorsqu'il commande de se haïr soi-
même, commande à l'homme de n'être plus homme : il lui
interdit non seulement d'être le but de son activité mais
d'en être l'origine. Pascal le dit littéralement : « Il est
impossible que Dieu soit jamais U Gn, s'il n'est le prin-
cipe*. » C'est par là que le christianisme s'ofi^KMe A la
I. Fr. 5i3.
s. Fr. 608, ef. h. 490.
S. Fr. 4M.
LA JUSTICE. cxxvii
philosophie rationnelle, alors même qu'il lui emprunte ses
formules. Rien n'est significatif k cet égard comme les
admirables fragments du chapitre dont Pascal nous révèle
ainsi rintention: ((Membres, commencer par là: Pour
régler Tamour qu'on se doit a soi-même, il faut s'imaginer
un corps plein de membres pensants, car nous sommes
membres du tout, et voir comment chaque membre devrait
s'aimer, elc' » Que Ton suive cette analogie dans l'ordre
de la raison, comme Ta fait le naturalisme stoïcien ou le
spiritualisme spinoziste, on aboutit à un panthéisme
moral : l'homme s'élève progressivement à Dieu par le
développement de son être intime, il suffit au moi de
s'élargir, pour dépouiller l'individualité qui le restreignait,
et embrasser en lui la totalité des êtres ; il devient donc
légitimement un centre parce qu'il s'identifie à Dieu, et
qu'en Dieu il se sent identifié à toutes les créatures; il
pratique alors la charité de l'univers, et en particulier la
charité du genre humain. Rien de plus contraire à la
pensée de Pascal. Dieu est une personne; si l'on peut
dire qu'il est l'être universel, le tout, ce n'est pas qu'il
contienne en lui tous les autres êtres, c'est que rien n'existe
véritablement que lui. Sa personnalité exclut toute autre
personnalité, et c'est pourquoi il faut avoir renoncé k soi
pour l'atteindre. Pascal est incompréhensible sans a l'op-
position invincible » de l'homme et de Dieu, sans l'anta-
gonisme de la charité stoïcienne et de la charité chré-
tienne. La charité est l'amour de Dieu ; la première
condition de la charité c'est d'avoir sacrifié tout atta-
< tii iiitnt humain, celui qu'on éprouve aussi bien que
celui qu'on inspire*. On ne passe pas par les créatures
I. Ff 474
a. Fr. 471 tqq.
txxrm LAJOSTICR
pour aller à Dieu, toute créature doit être égAlaoïMt
anéantie devant l'infinité de Dieu. Si la charité eat oim
grandeur supérieure et irréductible k l'esprit, autant que
Tetprit est lui-même supérieur et irréductible au corps,
oeUe hiérarchie est non un progrès continu, comme thm
les philosophes, mais, encore une fois, tin renvenemênt
continuel du pour au contre.
Le charité est inverse de Pcsprit. Archiin' I ! < i ' i
conscience do sa liberté spirituelle, s'attp)>u
le mérite de ses inventions, il se glorifn . : . ..i
vérité qu'il a mise au jour par la force propre de sa raison'.
La charité seule déracine Torgucil philosophique qui a cm
concilier Tamour de Dieu avec l'amour de l'homme ; clic
demande k Thomme non pas de s'abaisser, mais d'être
bas, non pas la fausse humilité qui est une marque de
l'orgueil, mais l'humiliation véritable qui est la conscience
de n'avoir plus rien k soi, pas même les mouvemeotade
grandeur par lesquels on monterait de quelques d^rés
vers le désintéressement de la volonté.
On ne saurait posséder effectivement la grâce si l'on n'a
le sentiment de ne pas l'avoir méritée, bien plus le sen-
timent de ne pas l'avoir reçue soi-même, ai Ton ne s'est
effiicé, «< renoncé b devant un être d'essence supérieure
qui ne se contente pas de nous apporter la grâce, qui habite
en nous pour que la grâce y demeure. La rédemption n'est
pas un événement historique qui aurait ramené la nature
de l'homme k son intégrité originelle, et l'aurait rendu
apte k communiquer directement avec Dieu; Jésus-
Christ est étemel ; c'est une nécessité perpétueUe que non
seuleoient en chaque individu, mais k chaque moment
I. Fr. 793.
à
LA JUSTICE. cxxiz
de sa vie, Pacte de libération se renouvelle. L'œuvre du
salut s'accomplit dans la crainte et dans le tremblement
parce qu'il ne dé[)end pas de notre volonté qu'en nous la
puissance divine du Médiateur maintienne la vertu puri-
ficatrice de la charité. En définitive la charité ne vient
pas de nous, ni quand elle nous détourne de nous pour
faire que nous nous haïssions, ni quand elle s'attache
I Dieu pour faire que nous l'aimions. La Croix n'est pas
un symbole, il n'y a pas à chercher une interprétation
-[>irituelle qui atténue, et compromette, la vérité du dogme.
(Je que Jésus fait entendre k celui qui médite le mystère
de son sacrifice, est exact à la lettre : « Je pensais à toi
dans mon agonie, j'ai versé telles gouttes de sang pour
toi'. » Le sang de Jésus a fait pénétrer dans l'homme une
••econde nature, étrangère à son humanité, un « sujet diffé-
rent », comme il est dit dans V Entretien avec M. de Saci,
et qui seul a la capacité de la grandeur et de la sainteté :
• Je te suis présent par ma parole dans l'Écriture, par
mon esprit dans l'Église et par les inspirations, par ma
piii>sance dans les prêtres, par ma prière dans les fidèles.»
Le Médiateur n'unit pas l'homme à Dieu, mais il se
substitue h l'homme pour rendre la créature digne de
Dieu. Jésus, c'est la causalité de Dieu dans l'homme; à
Dieu seul l'initiative de désirer Dieu, la puissance de le
conquérir. « Tout pour lui, tovU par lui. » De le cher-
'i r c'est le signe qu'on le possède: « il sera donné &
\ qui ont déjàV » Après avoir fait que l'homme est
mort k l'humanité, la grâce fait surgir de cette mort la
i >i' nouvelle: semblable k la mère qui se fait silencieuse
1 I sentir les mouvemcats du fils qui tressaille en elle,
Kr. 553.
l^fUre» (i Madi-ntmuil. ilf i{u,iiinr:. 111, oitm j
nwtics DB rA>c4i.. i - V
on LAJDSTICB.
dans la renonciation totale al doooe A tout ce qui était lui
dans le don absolu do son être, le chrétien tralira Jésus
qui a obtenu que Dieu travaille en lui, et qu'en lui
s^accomplisse Tacte inystérieut de la réconciliation entre
la créature et le Créateur
Dès lors rinlerversion cnlre 1 esprit et le ooMir — dont
nous avions montré la nécessité pour des raisons né^-
Uves et encore extérieures — prend un sens positif et
profond. Ce n'est plus la substitution d'une faculté de
Pètre à une autre faculté, comme dans l'Apologétique
contemporaine qui procède de l'Eclectisme ; ce n*est pas
un choix entre des procédés divers de démonstration, qn
laisserait intact leur objet. La foi doit entrer par le
ooBur dans l'esprit, parce qu'il n'y doit rien subsister de
comparable à la vérité des géomètres ou à la justice d<
moralistes ; la foi est un attachement de personne k pei
sonne, un don de Dieu qui a élu le cœur où il se rendi.i
sensible. Point de loi qui domine la rencontre de nJont4;>
singulières, et permette d'en rendre raison : c Nos prières
et nos vertus sont abominables devant Dieu, si elles n<
sont les prières et vertus de Jésus-Christ. Et nos péch< -
ne seront jamais l'objet de la [miséricorde]y mais de la
justice de Dieu, s'ils ne sont [ceux de] Jésu» Christ. Il
adopté nos péchés, et nous a [admis à son] alli'^"-'- ■
les vertus lui sont [propres, et les] péchés étran^
vertus nous [sont] étrangères, et nos péchés nous soni
propres. Changeons la règle que nous avons prise ju>
qu'[ici] pour juger de ce qui est bon. Noos en avions pou'
r^le notre volonté, prenons maintenant la volonté d>
[Dieu] : tout ce qu'il veut nous est bon et juste, tout ( •
qu'il ne veut [pas, mauvaisy. » Plus étonnant eniin qu<
i. IV. M8.
L' ÉGLISE. cxxxi
ces «étonnantes paroles, par-dessus ce désaveu de la justice
qui ne serait que juste, le désaveu de la vérité qui ne
serait que vraie: « On se fait une idole de la vérité même;
car la vérité hors de la charité n'est pas Dieu, et est son
Irnuge et une idole, quUI ne faut point aimer, ni
adorer...' » Pascal a écrit admirablement dans ses
fragments contre les Jésuites : « On attaque la plus
u'rande des vérités chrétiennes, qui est Tamour de la
vérité*, n Mais Tamour de la vérité est k la fois stérile et
sacrilège, s'il se limite à lui-même et s'érige en passion
indépendante, s'il s'isole de « l'ordre de Dieu » qui est
dans la lettre de la révélation, et dans le corps de
l'Église.
L'éCLISS
Voici la clé de voûte du christianisme, tel que Pascal
le conçoit : Dieu est une personne vivante, il est la seule
personne à qui appartienne, d'une façon absolue, la
< itisalité de la volonté. L'histoire de l'univers prend un
M Ils; par la diversité de ses aspects successifs, elle témoigne
•i'j la conduite que Dieu a résolu de suivre h l'égard de
l'univers. En permettant de reconstituer le plan divin,
flic éclaire aux yeux de Pascal les événements dont ses
irain» et lui st)nt non seulement les témoins mais
, et où se trouve engagée pour l'éternité la des-
tinée de chaque créature. Le miracle de la Sainte Épine
' i anneau, k nous connu, d'une chaîne tout
> 'o ' P^r L)>cu, et qui fait à vrai dire toute la
I Fr. .S8>.
axin L'ftOLISB.
réalité du monde et toute m raison d*ètre. Or cette ditiM
remonte par delà même rétablissement de l'Église chré-
tienne; Jésus n*est pas Dieu tout entier, la rédemption
nW qu'un moment de la vie divine. Le Dieu que Plaçai
oppoae au Dieu des philosophes, au « Dieu simplement
auteur des vérités géométriques et de Tordre des éléments»
est celui qu*il appelle lui mt^uic a le Dieu d'Abraham, le
Dieu d'Isaac, le Dieu de Jacob, le Dieu des Chrétiens. »
L'Évangile de Jésus n'est absolument intelligible et abao-
lumcnt vrai qu'en rapport avec l'Ancien Testament où s'ac-
cusent d'une façon si énergique l'action de Dieu dans le
monde et la marque de sa volonté toute-puissante sur
chaque événement de l'histoire.
Pour un Spinoza, le Christ est, comme le rapporte Tschir-
nhaus, le philosophe par excellence' : k la religion juive
privilège d'un peuple élu, fondée sur les images sen-
sibles, confirmée par le signe matériel du miracle, com-
mandant l'obéissance et la justice sans rendre un compte
clair de ses prescriptions, le Christ a lait succéder la
religion do l'esprit pur, accessible k l'universalité dea
homme», puisqu'elle est tout entière une aflirmation de la
vérité éternelle, démontrable par la raison qui est pour
chaque être la révélation intérieure et étemelle de Dieu.
Dans les Pensées qui ont été publiées la même année que
le Tractatus Theologico-Politicus le christianisme n*est
plus la négation, il est au contraire la confirmation et le
prolongement prévu, prédit, du judaïsme. Voilà i
Paacal se dégoûte et se détourne de la science rui
voilà pourquoi il demande aux textes révélés de lui faire
connaître la vérité qui seule désormais lui importe. Il
api^ique toutes ses forces à rintaprétatioo de oea lexles,
I . Àpud Ladwif 8l«ta, LM»u md Spiitoi», 1 890. BtUaft II, p. s8S.
L'EGLISE. cxxxin
il devient le disciple non seulement des écrivains hébreux
qui avaient rédigé l'Ancien Testament, mais des rabbins
''"- qui en avaient découvert et établi le sens Gguratif.
i 'le à la tradition de saint Paul, fidèle à Tespnt de Jan-
sénius qui ne cesse de dénoncer la corruption d'Origène et
de la Scolastique, et qui purge la religion de toute trace
de métaphysique platonicienne ou de morale stoïcienne,
c'est-à-dire au fond de tout paganisme, Pascal travaille à
retrouver le christianisme originel, en le dégageant de tout
contact avec Tcsprit occidental, en le soudant fortement
au judaïsme qui en est la source.
Et en effet si la religion est autre chose qu'un tissu
d'abstractions philosophiques, si elle est avant tout une
réalité concrète qui enveloppe Pâme tout entière, la baigne
de son atmosphère et la nourrit de sa substance, la plus
forte preuve de la religion c'est sa perpétuité. Elle a
toujours été. Le christianisme s'est en quelque sorte pré-
i ♦'lit' lui-même dans le judaisme*. Le Dieu des chrétiens
était déjà le Dieu des Juifs*. Un trait commun marque
l'identité des deux Testaments : Dieu n'y est connu et
aimé que d'une petite élite de serviteurs fidèles, parce que
telle est en effet sa volonté que quelques-uns seulement
parmi les hommes soient éclairés, que quelques-uns
seulement tournent vers lui leur cœur et leur amour. La
conduite de Dieu envers le monde tend à l'établissement
d'une l^glisc choisie pour la pratique du culte et de l'ado-
ration ; lo mémo soin jaloux qui veille à la conservation de
cett«- Kf^'llse, {'Il t'carle ceux qui ne sont pas appelés. Aussi
est-il nécpsHnirc que la conduite de Dieu paraisse ambiguC;
mais cette ambiguïté, dont la raison naturelle fait un scan-
I. Fr. 601, «qq.
È. Pr. 610.
cssnv L'ÉGLISE.
date, Mt là raison surnaturel Ip qui oxpliqnt •! éclaira
toat. C'eat elle qui justifie en dernier reaaort wlla logiqat
étt œntrairfs que Ton avait appuyée proviaoiremani aor
dea eumples humains ; c'eat elle qui noua élève jusqu'au
Dieu vivant qui agit dans l'histoire.
Voici la règle de la foi : •• Les deux raisons contrairea.
Il faut commencer par U : sans cela on n'entend rien, et
tout est hérétique ; et même, k la fin de chaque vérité, il
faut ajouter qu'on m «ouvicnt de la vérité opposée*. » Et
voici le fondement de cette règle : « On n'entend rien aoi
ouvrages de Dieu, si on ne prend pour principe qu'il a
voulu aveugler les una, et éclairer les autres*. »
Dèa lors le proUèroe de la religion qui avait été d'abord
poaé en termes généraux, comme le problème de la vérité
ou de la justice, prend ce caractère personnel, tragique,
que le génie de Pascal a si admirablement • ' II ne
me suffit plus de savoir que l'Évangile eat a .:.. :...^ue et
que Jéeus est le médiateur. Mai» sui»-je ou non appelé k
faire partie de l'Église que Dieu a choisie ? me donnera-t-il
jusqu'à la fin de mes jours cette grâce sans laquelle la
foi en sa parole et la bonne volonté absolue aéraient de
Bnlle efficacité? échapperai -je enfin k la damnation éter-
nelle que tous les hommes ont méritée en Adam? une
miséricorde, d'autant plus grande qu elle est plus rare,
me tirera-t-elle de la « masse des perdus » pour me faire
parvenir k la béatitude de l'éternité?
La question capitale devient ainsi la question de
TÉglise.
Le judaïsme a connu l'Église. Avant même que Jéeos
ait paru sur la terre pour rompre le sceau et dévoiler le
I. Fr. 5«7.
s. Pr. 566.
L' K G L I s E. rjcxxv
sens clair de l'Écritare, Dieu avait choisi un peuple
parmi les peuples, et une élite parmi ce peuple : je m'en
suis réservé 7000, dit un texte que Pascal aimait à citer'.
De là cette doctrine essentielle a que les vrais Juifs et
les vrais chrétiens n'ont qu'une même religion* ». Dieu a
donné la loi aux Juifs pour lesaveugler ; et en effet ils ontcru
que Dieu leur commandait la circoncision, les sacrifices
el les cérémonies, qu'il leur promettait pour prix de leur
obéissance les richesses de la terre et la joie de la domi-
nation. Pourtant quelques Juifs ont été éclairés par ces
mêmes paroles qui avaient égaré la plupart de leurs core-
ligionnaires, quelques-uns ont dégagé le sens spirituel
de ces commandements et le sens moral de ces promesses:
ils ont compris et pratiqué la circoncision du cœur, ils
ont attendu le Messie, qui apporterait définitivement aux
hommes la puissance de renoncer à la terre et de vivre
dans la charité. L'Ancien Testament semble fait pour
dr'fnnrner de croire, et il faut qu'il en soit ainsi : il doit
f'ioigner ceux qui s'éloignent eux mêmes de la charité;
Dieu n'y parle qu'à ceux h qui il s'est déjà fait entendre
intérieurement et qui savent découvrir dans le précepte
littéral la figure du Dieu caché ^.
Grâce à cette ambiguïté l'Ancien Testament peut à la
fois subsister par lui-même, et devenir le fondement du
christianisme. Il subsiste par lui-même, aux yeux des
Juifs qui n'ont pas pu reconnaître en Jésus le Messie
qui leur était annoncé. Et les prophéties doivent être
telles qu'elles justifient du même coup et l'endurcissement
des Juifs destinés à demeurer dans la suite des siècles les
I. Pr. 788 ; cf. iMLrûtà Mattémoiutte de ftoaniui. \ll, otim 5.
a. Fr. 610.
CXKXTt t/^.GtlSR.
témoin» involontaire» de lavérilé de rÉvangile, et la croyance
à» chrétiens pour qui Jésua a accompli dans le lempa
auioiioé exactement ce qui avait été annoncé : « Les pro-
phéCiet dtéM dans TÉvangile, vous croyez qu*eUea sont
rapportées pour vous faire croire? Non, c*est pour voua
éloigner de croire'. » L'incrédule lire vanité des olijadioiis
que le raisonnement oppose k Pinterprétation chrélieone
de la Bible ; en réalité rien ne devrait Tépouvanter comme
cette révolte de la raison contre l'autorité de la parole
révélée ; n'est-ce pas le signe que Ton est exclu et réprouvé?
Au contraire, pour ceux qui lisent avec la véritable ir '^
nation du cœur, pour les élus, o tout tourne au i
jusqu'aux obscurités de l'Écriture* » ; toute leur pensée est
orientée vers l'amour exclusif de Dieu, tout devient une
occasion de le retrouver derrière les images sensibles et
matérielles qui plaisaient aux Juifs « La charité, dit
Pascal, n'est pas un précepte figuratif » ; elle n'est pas k
interpréter, mais elle est au contraire la clé de Tinlerpré-
tation, la vérité absolue qui discerne le sens et mesure la
portée de tout le reste. Aussi on a compris que Jésus est
le Messie, dès qu'on a compris qu'il devait renverser
toutet les idées du vulgaire sur le Messie. Les Juifs charnels
■tiendiient le Roi de la terre, dispensateur de richesses
et de joies sensibles ; fatalement ils devaient méconnaître,
blasphémer, tuer celui qui, humble, ignoré de loua,
venait t dans un avènement de douceur » inaugurer le
règne de la baiaeaie et de la charité. « Chacun trouve ce
qu'il a dans le fond de son cœur*. » Déji il faut être
saint pour comprendre la sainteté.
I. Fr. S68.
s. Fr. &^b.
S. Fr. 665.
4 Fr «75.
L'ÉGLISE. cxxx%-n
\ ou 1 qui est plus terrible encore : cette opposition des
Juifs charnels et des Juifs spirituels se continue dans la
société des chrétiens. Il y a un christianisme libertin qui
s'oppose au christianisme vrai, et où tout ce qui devait être
raison de croire devient motif de réprobation. Le Dieu qui
s'est voulu cacher à la foule des hommes a aussi voulu
aveugler la plupart de ceux qui se réclamaient de son nom.
Ainsi la croyance à la rédemption deviendra un danger :
si Ton croit que Jésus en mourant a réparé le désordre
de la nature, qu'il nous a rendu Tintégrité de notre libre
arbitre et la pureté de notre raison, Ton tombe dans
Tabîme où sont les philosophes et les païens. Le respect
de l'Église devient un danger : on se sert des autorités
reconnues pour couvxir des tolérances morales qui sont le
-rarulalc des consciences chrétiennes. L'observation minu-
tnii'ie du culte est un danger: a Jésus-Christ, selon les
Chrétiens charnels, est venu nous dispenser d'aimer Dieu,
et nous donner des sacrements qui opèrent tous sans
nous'. » Le christianisme est une religion vivante, qui
nous a imposé de vivre pour Dieu, c'est-à-dire de lutter
contre nous-mêmes. « Jésus est venu apporter le couteau
et non pas la paix*. » La lutte de l'homme contre sa
nature sans cesse renaissante, c'est aussi la lutte de l'Eglise
contre elle-même, contre le poids mort qu'elle traîne avec
soi: « l'Église a trois sortes d'ennemis: les Juifs qui n'ont
jamais été de son corps ; les hérétiques qui s'en sont
retirés; et le» mauvais Chrétien», qui la déchirent au
dedans \
La terre est un lieu d exercice ; dans chaque cotts-
I Kr. 607.
■1 Letlrn à MademoiaetU d* BotiMêS, U, oUm 4 ; cf. fr.
^ Fr. 84o.
axiTm L'ÉGLISE.
deDoe de chrétien doit m renouveler le drame qui agite
le monde depuis le jour du péché, et qui doit tubeialer
tans interruption jusqu'au jour du jugement. Il faut que
d'un cAté soit la puisMnce chamelle, le triomphe apparent
qui fascine le vulgaire, les applaudissements du peuple
et la laveur des grands ; de Tautrc, le renoncement k tous
les biens terreatres, rattachement k Jésus crucifié, Thumilité
sinoÀre et la charité secràte : il faut donc que d'un cAté
lea Jésuites triomphent, qu'ils entraînent la Sorbonnc, qu'ils
surprennent le Pape ; il faut que de l'autre, les religieuses
de Port-Royal n'aient plus à offrir k Dieu que la pureté
de la doctrine et de la vie, avec les souffrances de la
persécution.
L'histoire tout entière, l'essence même de l'Église exi-
gent qu'il en soit ainsi. Et pourtant aucune considération
abstraite, aucune analogie historique ne suffit k nous
rassurer ; ce sont encore des choses humaines. Il ne suffit
même pas d'invoquer l'ardeur de la piété ou la vertu ; car
qui peut dire que Dieu les agrée? et n'est-ce pas le
propre d'une conscience chrétienne, de s'incliner avec
crainte et avec tremblement devant le jugement mystérieux
du Dieu qui prononce sur les Ames? Il faut que Dieu
parie : la seule marque de piété c'est qu'on ait mérité
d'obtenir, qu'on ait mérité surtout de comprendre la
réponse. Ou ce que Pascal a cru, ce pourquoi il a aouflert
et espéré, ce qu'il a aimé de toute l'ardeur de son laie
eat laux — ou le miracle de la Sainte Épine est un miracle
authentique, dissipant d'un coup les nuagea accumulés
sur la question de la grâce et sur la bonne foi dea jan-
•éniatee, marquant d'un trait de feu l'intervention de Dieu
même dans 1m querelles de l'Église. Le christianiame,
tel que compreiîd Pascal, implique tnivant sa propra
parole u un devoir réciproque entre Dieu et les bommes...
L'ÉGLISE. cxzxn
Les hommes doivent à Dieu de recevoir la religion
qu'il leur envoie. Dieu doit aux hommes de ne les point
induire en erreur'. » Dieu a donc accompli ce que Pas-
cal appelle son devoir, et il Ta fait dans le temps qu^il
devait — non après la condamnation des propositions,
« car la vérité n'était pas attaquée' » — mais après la
censure de la Sorbonne et la bulle du pape, qui dénon-
çaient expressément Jansénius, afin d'émouvoir ceux qui
y cherchaient faussement leur tranquillité, afin de ras-
surer ceux qui avaient assumé le dépôt de la vérité. Avant
les miracles de Jésus-Christ : « les prophéties étaient équi-
voques, elles ne le sont plus*. » Avant le miracle de la
Sainte Épine : « les cinq propositions étaient équivoques,
elles ne le sont plus*. ■ Le miracle avait discerné entre
les païens et les juifs, entre les juifs et les chrétiens ;
il discerne entre les calomniateurs et les calomniés*. Mais il
a fait ce discernement — et ainsi Texige la conception que
Pascal s'est formée de la conduite de Dieu — de façon à
justifier l'endurcissement des uns en même temps que
la reconnaissance des autres. « Les miracles ne servent
pas k convertir, mais à condamner*. » Pascal dit aux
Jésuites ce que les Apôtres disaient aux Juifs témoins de
Jésus : « ce qui fait qu'on ne croit pas les vrais miracles,
est le manque de charité^. »
Mais pour ceux qui ayant dans le cœtir la charité de
I Fr. 843.
9. Fr. 85o.
3. Fr. 83o.
4. Fr. 8.1 1
5. Fr. 84 1.
6. Fr. 8)5.
J4roB ont Ml entendre U ptrole MinU* qui venait à «»iu,
quelle joie et quel tremblement k sentir qu'au plus pro-
fond d'eui-mémes, au deli de la partie humaine de letir
être, habile le Dieu qui s'est fait homme et qui a mérité
U grâce du Père pour la créature de péché ! Sur les ruines
des plaisirs humains et des affections naturelles, au terme
de la renonciation totale, fleurit enfin la douceur d'un
amour ineffable : « joie, joie, joie, pleurs de joie. > Les
larmes que Pascal a versées dans la nuit d'extase et devant
le feu de la certitude intérieure se renouvellent au miracle
de la Sainte Épine ; dans un « éclair » s*est manifesté
le Dieu vivant, qui a discerné ses vrais adorateurs et les
a marqués du sceau des élus. Pascal répète la parole de
saint Augustin : « Je ne serais pas chrétien sans les mira-
cles'. M
Les Pensées sont nées du miracle ; c'est de lui qu'elles
reçoivent l'unité de leur inspiration en même temps que
Tespoir de leur efficacité. Les Pensées sont un hymme
de reconnaissance, et une prière ardente pour le salut des
hommes: «< Sur le miracle. — Comme Dieu n'a pas
rendu de famille plus heureuse, qu'il fasse aussi qu'il
n'en trouve point de plus reconnaissante*. » Elles âihor^
dent de bonheur : a Nul n'est heureux comme un vrai
chrétien' ». L'excès d'un tel bonheur serait même k
redouter, si on devait le sentir k la façon des hommes,
en faisant retour sur soi pour s'en attribuer la causalité.
Plus l'œuvre est sainte devant Dieu, plus elle deviendrait
mortelle, si elle nous induisait k nous en attribuer l'ini-
I. Fr. 8ia.
s. Fr. 856.
8. Fr. &ii.
L'ÉGLISE. cxLi
tiallve el le mérite. La prière elle-même est dangereuse,
si en demandant nous allions croire que nous avons quel-
que droit à obtenir. A plus forte raison, celui qui entre-
prend de découvrir aux hommes la vérité, de leur montrer
les routes du salut s'expose k la tentation naturelle qui
est de faire le Dieu. Au moment où Tauteur des Pensées
s'élève le plus haut dans la conscience claire de son
génie, il se fait scrupule, il offre en sacrifice la joie dont
il ne peut se défendre, il s'abaisse dans un mouvement
d'humilité : l'incrédule qu'il aura retiré du milieu d'ini-
quité et qu'il aura conduit à Dieu, sera peut-être demain
revêtu de cette grâce que demain peut-être lui-même implo-
rera en vain. Même illuminé par la flamme d'un bonheur
céleste, le chrétien ne peut pas se reposer dans ce bonheur,
et le faire sien ; il doit l'accueillir dans les larmes et dans
l'anxiété. Voilà sans doute le dernier secret des Pensées ;
voilà pourquoi ces Fragments, destinés pour la plupart à
une Apologie du christianisme, tournés contre les libertins
et les mauvais chrétiens, sont pleins pourtant de l'âme
même de Pascal ; c'est de lui qu'ils nous entretiennent et
c'est vers lui qu'ils dirigent notre esprit ; c'est l'angoisse
d'un drame intérieur qui de l'auteur se communique aux
lecteurs. La légende romantique veut qu'il lutte contre
SCS doutes, qu'il travaille inutilement à aflirmer en lui la
conviction qu'il voudrait imposer à autrui. En réalité
Pascal est inquiet non de sa foi mais de son salut : a Toute
condition, et même les martyrs, ont i craindre, par
rl'À'riturc'. » Il n'est ni un théologien spéculatif, ni un
docteur qui parle du haut de la chaire, en représentant
d'une autorité « reconnue » ; il est à genoux, il prie, et
IV. 5i8.
vÈQum.
U taigne sous les poinlet de m ceinlure de fSer. Li croix
quHl trace en tète de tes fragments n*est pts une arme
pour appeler au combat le« fidèles, pour menacer le»
mécréante ou les hérétiques; c'est la propre croix du
Christ sous laquelle il a succombé au chemin du calvaire :
« Jéma sera en agonie jusqu'à la fin du monde, il ne
faut pas dormir pendant ce temps-U. »
PIÈCES JUSTIFICATIVES
PIÈCES JUSTIFICATIVES
POUR LA PREMIÈRE PARTIE
DE L'INTRODUCTION
I
LA PRÉPARATION DE LEDITION
LETTRES DE M. DE BRffiNNE A Mme PÉRIER»
Première lettre.
Ce i6 novembre [1668].
On ne peut pas, madame, avoir céans M. votre (ils qui nous
fait l'honneur de coucher ce soir chez le mien après y avoir
dln(S ce matin et avoir travaillé tout le jour céans pour mettre
enfin la dernière main aux fragments de Monsieur votre illustre
et bienheureux frère, après qu'ils ont subi tous les examens
de M. de Roannez. ce qui n'est pas peu de chose, et ne vous
pas dire un mot d'une si agréable occupation que nous avons
présentement. M. de Koannez est très content, et assurément
l'on peut dire que lui et ses amis ont extrêmement travaillé.
Je crois que vous l'en derei remercier. Nous allons encore
faire une revue. M. votre très cher fils et moi. après laquelle
il n'y aura plus rien à refaire, et je crois que notre dessein ne
vous déplaira pas, ni à M. Périer que je salue ici avec votre
permission, puisque nous ne faisons autre chose que de voir
si l'on ne peut rien restituer des fragmenUque M. de Roannei
I. II* Recaeil MS. da P. Guerrier, p. 71. Cf. M*. 11988, p. 7S.
rcNtâu om fakal. i — 10
eu.n LETTRES DE BRIENNE.
a 6iét. Dsmain nous ach&Teroof ce tnivail. t'il pblt à Dien.
J'ai prétentement de la tHe et de la aanté k revendre, gr&oe à
voa prierai et à celle* de nos amU et amiei k qui j'attribue nu
goériaon. car j'ai élé trop mal et me* incommodité* avaient
dur^ trop longtemps pour que j'auaie osé têpint eo être quitte
si tât. ce qui fait que je regarde ma guériaoo oomiiM an petit
miracle. Notre bon Dieu en soit béni, et qu'il me fasse la grioe
s'il lui plaît, de mieux user de ma santé que je n'ai fait par le
passé.
Je ne sais, madame, comment vous remercier de vo* beUe*
pommes : vous moquez-vous de faire de tais préaents? Je ne
aais ce qui me tient que je ne vous gronde au lieu de vous
remercier. Car je suis encore trop glorieux pour pouvoir souf-
frir qu'on me donne, sans rendre un présent qui puisse égaler
celui qu'on m'a fait, et par maibeur je n'ai T>i ni
pommes k vous envoyer. Je ne me vante de rien, m <i«-n
envie un de ces jours de vous faire aussi quelque trait à mon
tour. Au moins ne refuserez -vous pas des livres de ma Csçon
et de la nature de celui qui est présentomeot sous la presse,
ni mes chères sœurs aussique je von^ " «l'embnaer pour
moi et de les assurer que je ne 1< i .li jamais derant
notre Seigneur. Comment va la t^tc de M. Domat? Je le salue
avec votre permission, comme aussi MM. vos fils et M. leur
précepteur que j'aime h cause d'eux et de vous plus que je ne
puis dire. Je voudrais que vous nous les envoyassiez tous : je
vais établir un petit collège chez mon fils, et If. de Rebergue
ne serait pas un de nos moindres maîtres, et vos deux enlknts
de nos moindres écoliers : au moins ne m'en saurait-il venir
qui me soient plus chers. Auriez-vous jamais espéré de me
voir principal de collège? Envoyez-nous au plus tôt les
cahiers de M. Pascal qui vous restent, et qui nous manquent,
et mandea-nous votre dernière volonté : nous reiéculerons
très ponctneOement. Quelle joie n'ai-je point de trouver une
fois en ma vie une petite occasion de vous servir, en la per-
sonne du monde qui vous était la plus chère et qui était
aussi la plus digne d'être aimée! J'ai rendu lelfonlo^à
M. votre iiU; quelles obligations ne vous ai>je point?
Il nous manque diverses pensées sur les divert ten» de
VÈeritare, que la loi e$t figaraûiMf «io., et encore (es pmnei
de la virUMe reUgion par lu eonlrarUlk qui g* Irommtt ioM
LETTRES DE BRIENNE. cxlmi
la nature de V homme et par le péché originel; cela doit être
admirable.
Je suis si content du pauvre Ferrand que je ne vous le
puis assez dire. Il m'édifie tous les jours de plus en plus et
toute cette maison, et me sert d'une manière qui ne me peut
permettre sans ingratitude de n'avoir pour lui beaucoup
d'afTection : c'est le meilleur garçon du monde.
Quand on a été autant de temps qu'il y a d'ici au 3^ de
juillet dont est datée votre dernière lettre sans y répondre, on
peut s'en dispenser. Cependant, je l'ai encore sur ma table,
et je la conserve chèrement comme tout ce qui me vient de
vous. Je viens de la relire et il se trouve que j'y ai répondu
sans le savoir, car vous ne me parliez que des admirables
fragments de notre saint. Recommandez-moi s'il vous platt à
ses prières et me croyez tout à vous en notre S. J. C. Adieu;
et mille amitiés encore une fois à toute la chère famille.
Deuxième lettre.
Ce 7 déeembre 1668.
M. votre (Us m'apporta hier votre lettre du 37* du mois
pa.ssé; nous la lûmes ensemble et pesÂmes plus toutes vos
raisons que vous n'auriez pu faire vous-même, quand vous
y auriez été présente pour répondre i nos objections. Il est
certain que vous avez quelque raison, madame, de ne vouloir
pas qu'on change rien aux pensées de M. votre frère. Sa mé-
iii' ' ' -l dans une si grande vénération que. quand il n'y
ui. moi tout seul, je serais entièrement de votre avis,
si M. de Koannez et ceux qui ont pris la peine de revoir ces
fragments avaient prétendu substituer leurs pensées à la place
de celles de notre saint, ou les changer de manière qu'on ne
put |)as (lire sans mensonge ou sans équivoque qu'on les
donne an public telles qu'on lésa trouvées sur de méchants
petits morceaux de papier après sa mort. Mais comme œ
qu'on y a fait ne change en aucune façon le sens et les expres-
sions de l'auteur, mais ne fait que les éclaircir et les embellir,
•l qu'il est certain que s'il vivait encore il souscrirait sans
''difiiculté à tous CCS petits embellissements et éclaircissementa
aLTn Ur.TTRBS DE BRIRNNK.
qu'on • donné» à tei peniéM. et qu'il les aurait iiti^os lut-
tn^iiio en cet état «'il avait vécu davantage et «'il a\ait eu la
loikir de les repauer. pui<H|ue l'on n'a rien mb que da né-
onaaire et qui vient naturrllement dan» l'esprit à la premièn
lecture qu'on fait des fragmenta, je ne vois pas que voua
puiaiiei raiaonnableroent et par un scrupule que voua me
pennettrei de dire qui serait tr^s mal Tonde, voua oppoaar k
la gloire dr celui que vou« aimez. Les autres ouvragaa que
nous avons de lui nous disent assez qu'il n'aurait pas lauaé
ses premières pensées en l'état qu'il les avait écrites d'abord ;
et quand nous n'aurions que l'exemple de la i8* Lettre qu'il
a refaite jusqu'à la i3 fois, nous serions trop forts, et nous
aurions droit de vous dire que l'auteur serait parfailemeol
d'accord avec ceux qui ont osé faire dans ses écrits œs pelitei
corrections, s'il était encore en état de pouvoir nous dire lui-
même son avis. C'est, madame, ce qui a fait que je me suis
rendu au sentiment de M. dcRoannez.deM.Arnauld.de
M. Nicole, de M. du Bois et de M. de la Chaiae. qui loua
conviennent d'une voix que lea pensées de M. Pascal sont
mieux qu'elles n'étaient, sans toutefois qu'on puisse dire
Qu'elles soient autres qu'elles étaient lorsqu'elles sont sorties
B lea mains, c'est-à-dire sans qu'on ait changé quoi que œ
aoit k son sens ou à ses expressions, (^r d'y avoir ajouté de
petits mots, d'y avoir fait de petites transpositions, mais en
gardant toujours les mêmes termes, ce n'est pas k dire qu'on
ait rien changé i ce bel ouvrage. La réputation de M. Pascal
est trop établie pour que le public s'imagine, lorsqu'il trou-
vera ce» fragments admirables, et plus suivis et plus liés si
vous voulez qu'il n'appartient à des fragments, que ce soient
d'autres pcrsonnea que M. Pascal qui les aient mis en cet
état. Cette pensée ne viendra jamais à personne, et on ne
blessera point la sincérité chrétienne même la plus exacte en
disant qu'on donne ces fragments tels qu'on les a trouvés et
qu'ils sont sortis des mains de l'auteur, et tout le reate que
vous dites si bien et d'une manière si agréable que voos
m'entraîneriez k votre sentiment, pour peu que je vtaM que
le monde fût capable d'entrer dans les soupçons que voua
appréhende!. L'ouvrage, en l'état qu'il est. e«t lo in
fragment, et cela suffît pour que tout ce que l'on .< |^<
TOUS voulez qu'on dise soit véritable.
LETTRES DE BRIENNE. cxlxix
Mais afin que vous puissiez mieux juger de la vérité de ce
que j'avance, et que je ne voudrais pas vous dire pour quoi
que ce soit au monde si je ne le croyais très vrai en toutes
ses circonstances, je vous envoie une feuille d'exemple des
corrections qu'on a faites, que je dictai hier à M. votre fils.
Je suis assuré, madame, que quand vous aurez vu ce que
c'est, vous êtes trop raisonnable pour ne vous pas rendre et
pour n'être pas bien aise que la chose soit au point qu'elle
est. c'est-à-dire aussi parfaite que des fragments le peuvent
être. Quand vous verrez après cela la préface qu'on a faite et
que je tAcherai de vous envoyer mardi prochain ou au moins
d'aujourd'huit en huit jours tout au plus tard, vous ne vous
contenterez pas de donner simplement les mains à ce qu'on a
fait ; mais vous en aurez de la joie, et vos entrailles tressail-
leront d'allégresse, selon l'expression de l'Écriture, en voyant
combien dignement l'on a parlé d'un frère aussi digne de
louanges et d'estime que celui que vous aviez, et qui vous
doit être bien plus cher où il est qu'il ne l'était lorsqu'il était
sur la terre.
Je vous dirai encore, sans craindre de vous importuner et
sans faire même de réflexion comme vous, que je suis à la fin
dr la quatrième page, qui est le seul endroit de votre lettre
qui m'a d«*plu ; car à quoi bon de faire de semblables excuses
à ses amis, principalement lorsqu'on écrit aussi agréablement
que vous faites. Pardonnez-moi cette petite digression qui est
venue si à propos que je n'ai pu m'empêchcr de la faire. Je
vous dirai (dis-je), madame, que j'ai examiné les corrections
n\or un front aussi rechigné que vous auriez pu faire; que
j'étais aussi prévenu et aussi chagrin que vous contre ceux
qui avaient oaé m rendre de leur autorité privée et sans votre
aveu les correcteurs de M. Pa.scal : mais que j'ai trouvé leurs
changements et leurs |)etits embellissements si raisonnables
(\\u' mon chagrin a bientôt été dissip<', et que j'ai été forcé,
malgré que j'en eusse, à changer ma malignité en reconnais-
sance et en estime pour ces mêmes personnes que j'ai reconnu
n'avoir eu que la gloire de M. votre frère en vue en tout ce
qu'ils ont fait. J'espère que M. Périer et vous en jugerez
tout comme moi et ne voudrez plus, après que vous aurex vu
ce que je vous envoie, qu'on relarde davantage l'impression
du plus bel ouvrage qui fut jamais. Je me charge des appro-
a. LETTRES DE BRIBNNE.
bâtions et de tout le r«sl« ; que ne ferab-je point pour de lab
•mi> que vous?
Si j'avaiii cru M. de Roannei et tous Toa amis, c'wl > dire
11. Arnauld. M. Nicole, etc.. qui n'ont qu'un mèuM MOli-
ment dans cette aflaire. quoique ces deux derniers cnicMnt
plus que M. de Roannes do rien faire qui vous puisse déplaire,
parce que peut-être ils ne sont pas aussi assurés que M. àê
Roanne dit qu'il l'est que vous trouvercx bon tout oe qu'il
liBra ; si. dis-je. je les avais crus, les fragments de M. Pascal
aéraient bien avancés d'imprimer. 11 est assurémeot deooos^
quence de ne pas retarder davantage l'impressioa. et je vous
supplie, en nous envoyant la copie des deux cahiers qui nous
manquent et que je vous ai marqués dans ma demifae lettre,
de nous envoyer aussi une permission de mettre cet ouvrage
sous la presse, et d'avoir assex de confiance en tous vos amis,
au nom desquels je vous écris et qui joignent leurs prières
aux miennes, pour croire que l'on ne fait rien en tout œd.
que de très bien et de très avantageux à celui que vous aimes
et qui est si digne d'être aimé. Je vous conjure de mereoom-
oiaiidar à aea saintes prières lorsque vous vous y reoominan-
deres vouannème. et de lui bien dire, dans le secret de votre
oraison, que je suis ausai sensible pour tout ce qui peut le
toucher, c'est-4-dirc les siens et sa mémoire hienhenreuse.
que si j'avais l'avantage d'être son propre frère. Je vous dis
œd avec une cfTusion qu'il n'y a que Dieu et celui qui
est mort en lui qui puisse voir, et je lui demande de tout
mon cœur de vous la faire connaître telle qu'dle est effscti-
vement.
Que pui»-je vous avoir mandé dans ma lettre préoédenle
qui vous accable ? Vous m'aoeaUei hien davantage en om
parlant de ce prétendu aocahlement. Je vous supplie, madame,
de supprimer k l'avenir ces expresaions qui flattent l'amour-
propre et qui respirent un certain air flatteur qui ne doit
point être entre des personnes aussi unies que nous par lea
iieoa de la charité : je vous demande cette grftoe à maiiia
jointes.
Je me sens encore obligé de vous dire en relisant votre
lettre, quoiqu'il me semble que j'aie déjè aatiafait et auffiaani-
ment, si je ne me trompe, k vos appréheoaioos, que voua m
devei point craindre qu on diminue la gloire de l'auteur en
LETTRES DE BRIENNE. eu
voulant l'augmenter, et que le monde, sachant qu'on a tra-
vaillé sur ses écrits, ne puisse plus discerner ce qui est de
l'auteur et ce qui est des correcteurs. Vous souhaitez qu'on
dise positivement que ce sont de petits morceaux de papier
qu'on a trouvés mal écrits et que c'étaient les premières
expressions des pensées qui lui venaient lorsqu'il méditait sur
son grand ouvrage contre les athées ; que ni lui ni personne
n'a repassé dessus que pour les mettre en ordre seulement :
qu'on a encore les originaux en la manière qu'on les a
trouvés, etc. On dira tout cela, et on l'a dit par avance dans
la préface de la manière dont vous le voulc2. et ce qui est de
mieux, c'est que tout cela est vrai et exact à la lettre, et sans
équivoque aucune, comme je crois vous l'avoir déjà dit
ci-dessus. Que voulez-vous de plus P Cela fera tous les bons
effets que vous espérez, et le meilleur encore que vous ne
dites pas. c'est qu'on ne trouvera rien qui mérite d'être
excusé, et qu'on regrettera seulement que l'auteur n'ait pas
assez vécu pour achever un ouvrage qui. tout imparfait qu'il
est. est si achevé et si admirable. Après cela, je ne sais plus
que vous dire : et si vous n'êtes pas contente, vous avez tort.
Voilà comment il faut parler à ses amis, et de tels amis que
M. PiTirr et vous qui ne pwuvez trouver mauvaise ma liberté.
connaisvint mon cœur au point que vous le connaissez, et
étant toujours pour vous tel que je dois être, c'est-à-dire plus
à vous qu'à moi-même.
On n'a pas fait une seule addition. Vous avez r^ardé le
travail de Si. de Roannoz comme un grand commentaire, et
rirn n'est moins semblable à ce qu'il a fait que cette idée que
vou» vous en étiez formée.
Je ne parle point des pensées qu'on a retranchées, puisque
vous n'en parlez pas et que vous y consentes. Mais je vous
dirai (Kxirtnnt que j'en ai fait un petit cahier que je garderai
toute ma vi<- coin rue un trésor pour me nourrir en tout
temps ; car je ne voudrais pas laisser perdre la moindre chose
de M. Pascal, dont il ne nous reste rien que d'infmiment pré-
cieux, ne fût-ce que le petit billet du mois que vous m'avez
donné.
Ce serait i moi à faire des excuses, puisque me voici à la
ncuvièiiM ptge* Mais je n'ai garde afM^ ce que je vous ai
dit. J'embrasse toute la chère bunille. Adieu. Je vous supplie
eut LETTRES DE BRIENRE.
de OM faire faire une copie de cette leltre-d par oa de
MM. vm enfants, ou de me la renvoyer ai vous ne la vonlet
pas garder, comme elle ne le mérite pas. parce que j'en aurai
à faire pour la montrer à M. de Roannei ; je croii que cela
fera un bon cITel ; je lui lirai la vAtre : et si je n'n' ' m
preMé. il aurait vu celle-ci avant que de vous l'en^*'; <i<«
je n'ai eu que le temps de l'ik^rire. et encore bien à la hâte.
Lises mon griffonnage, si vous pouvei.
On m'a dit que vous aaviei des histoires admirablea de
«011^, de êoreien, sortUège$p appmritiotu, etc. J'en fais un
petit recueil et je voudrais que vous pOMÎei voir ce que j'ai
déjà écrit. Je ne mets rien dan» mon livre que de trèa eûct
et de très vrai, et le plus circonstancié que je puis. Si voua
poaves m'envoyer quelque chose de ce genre ou si vous en
apptenei de personnes bien sùrea. je vous supplie de me fiûre
oelte grâce. Toutes oea dioaea. lorsqu'elles sont véritables,
sont de grandes (weavea de la religion.
Faites-moi. à propos de cela, faire une copie du billet
qu'on trouva sur M. Pascal, dont M. de Roannei m'a parlé.
6guré conune il t^. Jeu, J\amme,joar de êoint Chjtogome, etc.
Je serais bien aise de l'avoir.
Encore une fois, mille adieux. Je suis tout i voos. N'ou-
blies pas de faire mes compliments k mes chères soBors et à
M. Domat. Adieu encore une fois : je ne saurais trop vous le
dire.
Ce II*.
l'r p. s, _ Qoand j'eus achevé ma lettre, il était trop
tard pour l'envoyer à la poste, de sorte que j'ai été ddigé
de différer jusqu'aujourd'hui ; et comme j'en ai fait ce que
je désirais, il n'est pas nécessaire que vous m'en fiusies Caire
une copie.
a* P.-S. — Il est arrivé quelque chose depuis qui m'oblige
i vous prier de m'en faire faire une copie par un de voseofrnts
ou de Mlles vos filles. Je leur serai trèe-obl^ de la peine
qu'elles prendront.
Je ne voos puis dire, madame. U joie que j'ai eue de voir
la lettre du 3o novembre que vous avei écrite à M. de Roan-
oea. et qu'il m'a envoyée anaaiiôt ; c'est une réponse par
avance k celte grande lettre que je vous écris présentement.
Cependant je ne ferai point commencer k imprimer, quoique
LETTRES DE BRIENNE. cun
la rhose presse extrêmement, que je n'aie eu votre dernière
réponse ï tout ce que je vous mande, quoique ce que voas
avez mandé i M. de Roannez me donne lieu d*es[)érer que
votre rrponse sera aussi favorable que nous le souhaitons. Je
vous dois dire, madame, que M. votre fils est bien aise de se
voir bientôt au bout de ses sollicitations auprès de moi et de
vos autres amis, et de n'être plus obligé à nous tenir tète
avec l'opiniâtreté qu'il faisait et dont nous ne pénétrions pas
bien le» raisons. Car la force de la vérité l'obligeait à se
rendre, et cependant il ne se rendait ptoint et revenait tou-
jours à la charge ; et la chose allait quelquefois si loin que
nous ne le regardions plus comme un Normand, qui sont
gens naturellement complaisants, mais comme le plus opi-
niâtre Auvergnat qui fût jamais : c'est tout dire. Mais main-
tenant nous ferons bientôt la paix, et j'espère que votre satis-
faction, et la gloire, et l'applaudissement, qui sont inséparables
de la publication de cet ouvrage, achèveront de mettre fin
aux petits différends que nous avons eus, M. de Roannez et
moi, avec M. votre fils. J'aurais mille choses à vous dire de
lui qui vous consoleraient infiniment : mais je n'ai pas asMi
de temps : ce sera pour une autre fois. N'oubliez pas mes
histoires. Je suis tout à vous ; vous le savez.
Il
L ÉDITION DE 1669 ET LES éoiTIONS
DE 1670
APPROBATIONS DE NOSSEIG.>ELR> 11- Il MM-
.4ppro6a/ion df Momeigneur de 1 , <.
Cm peniiécs de M. Pasral font voir la bemiléde - i'*.
M solide piét^ et sa profonde érudition. Elles donnent une si
excellente id^ de la Religion, que l'on acquiesce sans peine
k oe qu'elle contient de plus impénétrable. Elles toodienl ■
bien les principaux points de U Morele. qu'elles décourreoi
d'ebord la source et le progris de nos dësordres et les moyens
de nous en délivrer, et elles effleurent les autres ■ciences avec
tant de sutrisanoe, que l'on s'aperçoit aisément que M. Pascal
ignorait peu de dioaes de ce que les hommes savent. Quoique
ces Pensées ne soient que les commencements des raiionn»*
ments qu'il méditait, elles ne laiaaeat pas d'instruire profon-
dément. Ce ne sont que des semences : mais dles produisent
leurs fruits en même temps qu'elles sont répandues. L'on
achève naturellement ce que ce savant homme avait eu dessein
de composer, et les lecleun» deviennent eui-mèmes auteurs
en nn moment pour peu d'application qu'ils aient. Rien n'est
donc plus capable de nourrir utilement et agréablement
l'esprit que la lecture de ces casais, quelqtie informes qu'ils
paraissent, et il n'y a guère eu de production parfaite
depuis longtemps qui ait mieux mérité seloa mon ji^ement
TEXTE DES APPROBATIONS. ctv
d'être imprimée que ce livre imparfait. A Paris, le 4 sep-
tembre i66g.
Gilbert. E. de Comenge*.
De Monseigneur tÊvéqae iTAulonne, saffraganl de Clermonl.
Après avoir lu fort exactement et avec beaucoup de conso-
lation les Pensées de M. Pascal touchant la religion chrétienne,
il me semble que les vérités qu'elles contiennent peuvent être
fort bien comparées aux essences, dont on n'a point accou-
tumé de donner beaucoup à la fois pour les rendre plus utiles
aux corps malades, parce qu'étant toutes remplies d'esprit,
on n'en saurait prendre si peu que toutes les parties du corps
ne s'en ressentent. Ce sont les images des pensées de ce re-
cueil. Une seule peut suffire à un homme pour en nourrir
son âme tout un jour, s'il les lit à cette intention, tant elles
sont remplies de lumières et de chaleur. Et bien loin qu'il y
ait rien dans ce recueil qui soit contraire à la foi de l'Église
I. L'évoque de Comminge* envoya en outre la lettre suivante i
M. Parier:
D« Pari*, k 11 de janvier 1670.
Monsieur, on voyage que j'ai fait m'a empêcha de fîiire plus tAt
r^iponse h la lettre que vous m'avex si obligeamment écrite ; je ne
mérite aucun remerclment de l'approbation que j'ai donnée aux pen-
sées de M. Pascal, mais je vous en dois beaucoup de l'honneur que
vont m'avez hit de vouloir que mon nom parût dans cet excellent
ouvrage. Pour les endroits, Monsieur, sur lesquels j'ai proposé des
doutes, j'ai sujet de me louer de la bonlé de ceux qui ont pris soin de
l'impreaaion, et ils ont bien voulu avoir asseï de condescendance
pour faire les changements qui m'ont paru nécessaires : je vous sup-
plie d'excuser en cela ma faiblesse, et d'être persuadé que je n'ai
point eu In présomption de croire que mon sentiment dût prévaloir ;
mais j'ai pensé devant Dieu être obligé de l'exposer sincèrement. Au
•surplus, Monsieur, je vous dis en vérité que je n'ai nrn lu qui m'ait
paru si plein de lumière que ces pensées. Nous n'étions pas di|;ncsde
U perfection de cet ouvrage. Je suis, lloaaieur, votre trèa bumble et
Irr* ob«^i«vint serviteur.
GlLSBaT OB CllOT«Bt}IL, MçOI d* CoNWMÇ*.
ctTi TEXTE DES APPROBATIONS
calholiqtw. apostolique et romaine, tout y eat MiliircmenI
coafbriM ft ta doctrine et k m* nuxime* dans las maors : car
l'auteur était trop bien intormé de la doctrine dfli Pèras et
des G>nciles pour penser ou parler un autre langage que le
leur, ainsi que tous les lecteurs le pourront facilement recon-
naître par la lecture de tout cet ouvrage, et particolièramant
par cette excellente pensée de la page a4a. dont void les
propres termes : Le eorpê n*mt nonpUu vivant êanâltekêftpu ie
ehêfêOM le eorp*. Quiconque u iipare de Fun ou de Vautre «Vsf
fin du eorpê et n appartient plue à Jésos-Chkist. Toelai le»
vertui, le martyre, le$ auttiriik et toute» le» bonne» œuere» mtnt
itmtile» kor» de CÈglise et de la communion du Chef de PÊ^iee,
quiett le Pape. Fait en l'abbaye de Saint-André-lee Clermont.
le a4 novembre 1669.
Jbah, B. d*Aulonne, suffragant de Clermont.
De Jfamymar FÈuéque d'Amien».
Nous avons lu le livre posthume de M. Pascal, qui aurait
en besoin des derniers soins de son auteur. Quoiqu'il ne
contienne que des fragments et des semences des diaoours. on
ne .laisse pas d'y remarquer des lumières tria sublimes el des
délicatesses très agréablr5. î^ force et la hardiease des pensées
•orprennent quelquefois l'esprit ; mais plus on y faitd'atteo-
tion. plus on les trouve saines et tir^ de la philoaophie el
de la théologie des Pères. Un ouvrage si peu adievé nous
remplit d'admiration et de douleur de ce qu'il n'y a point
d'autre main qui puisse donner b perfection à ces premiers
traits que celle qui en a su graver une idée si vive et ■ remar-
quable, ni nous consoler de la grande perte que nous avons
faite par sa mort. Le public est obligé aux personnes qui lui
ont conaeiié des pièces à préôenaes. quoiqu'elles ne soient
point limées: et, telles qu'dles sont, nous ne doutons pas
qu'elles ne soient très utiles à ceux qui aimeront la vérité K
leur salut. Donné è Paris, où nous nous sommai troavéa
pour les aflaires de noire £glise. le premier jour de aovambfe
1669.
PâARçois. E. dtAî
TEXTF h^- \PPROBATIOXS.
Approbation des Docteurs.
Nous soiissienfe, docteurs en théologie de la Faculté de
Paris, cerlilions avoir lu le recueil des Pensées de M. Pascal,
trouvées dans son cabinet après sa mort, que nous avons
jugées catholiques et pleines de piété. Le public a beau-
coup perdu de ce que l'auteur n'a pas eu le temps de donner
à cet ouvrage toute sa perfection. Les athées en eussent encore
été plus pleinement convaincus, la religion catholique plus
puissamment confirmée et la piété des fidèles plus vivement
eicitée : c'est ce que nous crovons et attestons. A Paris, le
5 septembre 1669.
De Breda. curé de Saint- A ndré-des- Arts.
Lb Vaillaîct. caré de Saint-Christophe.
GiiE?(BT, curé de Saint-Benoit.
Marli.>. curé de Saint- Eustaehe.
J. l'Abbé. PrriTPiEO.
L. Marais. T. Roullatid.
Ph. le Keron.
Approinilion particulière de M. Le \ aillant, docteur delà Faculté
de l'aris, ancien prédicateur, curé de Saint-Christophe, et
ei-devant théologal de Céglise de Reinu.
Quelle ap{>arencc de prendre tant de plaisir à lire les
Pensées de M. Pascal et de n'en dire pas et témoigner les
siciiiio fil particulier. Je savais aaiet. avec tous les honnêtes
gens, ce quo |Miii>ail ce rare esprit en tant d'autre;» matières
et surtout dans m-s Lettres, qui ont surpris et étonné tout ie
monde ; mais qu'il dût nous donner et laisser une méthode
si naturelle et néanmoins si extraordinaire pour montrer,
déroiidrc et appuver l'excellence et la grandeur de notre reli-
gion, c'vsl cr i|H Kse pas pensé si je n'en eusse pas vu
li'!t prrii><-> trts ^ dans cet ouvrage. 11 est vrai qu'il
n'est {MIS achevé, et les raisonnements n'ont pas toujours leur
étendue et leur perfection, ce ne sont souvent que des corn-
tvm TEXTB DBS APPROBATIONS.
nMOMOieaU. des «nais et oommo des restes de pensées d'une
baale ei menreUleose élévation ; nuis telles que paissant être
cas pâmées, elles méritent hianjuateroent l'tiogedn psopbèla:
Rebqmm eogilaUonii diemfabim agent tibi, restes précieoies
«•rtaincnient. Disons hardini<>nt reliques honorables d'un
illustre mort, qui du jour auquel elles paraîtront en public
en feront un jour de fAte et de joie pour tous les udèles,
mais de honte aussi et de confusion pour tous les impies, les
libertins et les athées, pour tous ceux qui. se piquant de fort
esprit, n'ont dans leurs forces imaginaires que de la faiblease
et de l'infirmité : Infirmas dieel egoforlu tum. Ces malbeoreai
infirmes verront dans ce livre leur misère et leur vanité: ils
trouveront leur défaite et leur déroute dans la victoire et le
triomphe de l'auteur des Pensées, que j'ai lues avec tant
d'admiration, que j'approuve avec tant de reconnaissance et
que je certifie dan» la dernière sincérité être très conformes
à la foi et très avantageuses aux bonnes mœurs. Fait à Paris,
le sixième septembre 1669.
A. La Vaili iiT.
De M. For lin. docteur en théologie de la FaeaUi de Paris,
proviseur du eoUige d'Hareoart.
L étroite liaison que j ai puo aNfc M. I'.immI dnr.iiit >>.t \ n-
m'a fait prendre un .singulier pLiisir a lue n-v Pi-n»»-!-*. ijuf
j'avais autrefois entendues de sa propre bouche. O v>iit U-s
entretiens qu'il avait d'ordinaire avec ses amis. Il leur parlait
des choses de Dieu et de la religion avec tant de science et de
aoumission. qu'il est difficile de trouver un esprit plus élevé
el plus humilie tout ensemble. Ceux qui liront c<* r4vu»l.
qui contient des discours tous divins, jugeront aiséti '1
grandeur de son Ame et de la f(m« de la grâce qui 1
Ils ne trouveront rien qui ne soit dans les règles de la ni
et qui n'inspire des sentiments d'une véritable ' '
piété. C'est le témoignage que je me sens obligé d
au public. A Paris, ce 9 août 1669.
T. FosTin.
TEXTE DES APPROBATIONS.
De M. Le Camus, docteur en théologie de la Faculté de Paris,
conseiller et aumônier ordinaire du roi.
Il m'est arrivé, en examinant cet ouvrage en l'état qu'il
est, ce qui arrivera presque à tous ceux qui le liront, qui est
de regretter plus que jamais la («rte de l'auteur, qui était
seul capabled'achever ce qu'il avait si heureusement commencé.
En efTet. si ce livre, tout imparfait qu'il est. ne laisse pas
d'émouvoir puissamment les personnes raisonnables et de
faire connaître la vérité de la religion chrétienne à ceux qui
la chercheront sincèrement, que n'eùt-il pas fait si l'auteur
y eût mis la dernière main ? Et si ces diamants bruts épars
çà et là jettent tant d'éclat et de lumière, quel esprit n'aurait-il
pas ébloui, si ce savant ouvrier avait eu le loisir de les polir
et de les mettre en œuvre P Au reste, s'il eût vécu plus long-
temps, ses secondes pensées auraient été sans doute dans un
meilleur ordre que ne le sont les premières que l'on donne
au public dans cet écrit, mais elles ne pouvaient être plus
sages: elles auraient été plus polies et plus liées, mais elles ne
pouvaient être ni plus solides ni plus lumineuses. C'est le
témoignage que nous en rendons, et que nous n'y avons rien
remarqué qui ne soit conforme à la créance et à la doctrine
de l'Eglise. A Paris, le aide septembre 1669.
E. Lb Camos, docteur de la Faculté
de théologie de Paris, conseiller et
aumônier du roi.
De Monsieur de liibeyran, archidiacre de Comminges.
J'ai lu avec admiration ce livre posthume de M. Pascal. Il
semble que œt homme incomparable non seulement voit.
roi unie tesanget. le* conséquences dans leurs princi|)e3, mais
<ju il iioufl parie comme ces purs esprits, par la seule direction
de ses pensées. Souvent un seul mot est un discours tout
entier. Il fait comprendre tout d'un coup à ses lecteurs ce
qu'un autre aurait bien de la peine d'expliquer par un rai-
■ooncment fort étendu. Et tant s'en faut que noua devions
CXI TF.XTB DBS APPROBATIONS.
ngreCtar qu'il n'ait pu achevé ton ouTrage. que noua devon»
remercier au contraire la Providence divine de ce qu'elle l'a
pannis ainai. Gmune tout j eat preiaé. il en tort tant de
tumlèrea de toatea parta. qu'dlea (bat voir h fond let plua
hautea véritéa en «lea-mèiiiea. qui peut-être auraient été
obacurdes par un plut long embarras de paroles. Mais « cet
peniéea sont dea flairs qui découvrent les vérités cachén aux
esprits dociles et équitables, ce sont des foudres qui accablant
les libertins et les athéea:et puisque nous devons désirer poorb
gloire de Dieu l'instruction des uns et la confusion dea aulrea.
il n'y a rien qui ne doive porter les amb de M. Pascal k
publier ces eicellentes productions de ce rare esprit, qui ne
contiennent rien, selon mon jugement, qui ne soit très catho-
lique et très édiliant. Fait k Paris, le 7 a^tembre 1669.
Di RiBiTRAN, arehidiaat de Comenge.
De Monsieur de Dntbee, docteur de Scrboime,
abbi de Boulancourl.
Un ancien a dit asseï élégamment que l'on doit oonsidém*.
eu égard k la postérité, tout ce que les auteurs n'achèvent
pas. comme s'il n'avait jamais été commencé: mais je Depuis
faire ce jugement des Penséea de M. Pascal. II me semble que
l'on ferait grand tort k la postérité aussi bien qu'à notre
siècle, de supprimer ces admirables productions, encore
qu'elles ne puissent non plus recevoir leur perfection que ces
anciennes figtves que l'on aime mieux laisser imparfaitea que
de les faire retoucher. Et. comme lea plus excellents ouvriers se
servent plus utilement de ces morceaux pour former les idées
des ouvrages qu'ils méditent, qu'ils ne feraient de beaucoup
d'autres pièces plus finies, ces fragments de M. Pascal donnent
dea ouvertures sur toutes les matières dont ils traitent qu'on
ne trouverait point dans des volumes achevés. Ainsi, selon
mon jugement, on no doit pas envier au public le préaeol que
lui font les amis de ce philoaophe chrétien dea précianaes
reliques de son esprit, et non seulement je ne trouve rien qui
puisse empêcher l'impression, mau je crois que nous leur
LETTRE lyARNAULD.
devons beaucoup de reconnaissance du soin qu'ils ont pris de
les ramasser. Donné à Paris, le 5 septembre 1669.
Fbaxçois Malet db Gratille Dkvbbc.
LETTRE DE M. ARWl LD A M PÉRIER. CONSEILLER DE
LA COLR DES AIDES A CLERMONT
Ce 30 novembre (1669)'.
Je dois commencer, monsieur, par me réjouir de votre con-
valescence après une si grande maladie et vous Taire des excuses
de ce que je vous réponds si tard sur une affaire qui vous
tient beaucoup èi cœur : je l'aurais fait dès le dernier ordinaire
sans un accident qui m'a tout à fait troublé. Un fort hon-
nête homme nommé M. G>llé. qui était un des précepteurs
des enfants qui étaient au Chesnay. était venu demeurer avec
moi depuis trois mois ; j'en étais satisfait autant qu'on peut
l'être d'une personne pour bien des raisons qu'il serait trop
long de vous écrire. Dimanche, descendant pour aller voir un
de ses amis qui le demandait, il tomba sur les degrés et se fit
un trou à la tète qui ne paraissait rien d'abord et n'avait au-
cun mauvais accident. Mais a^ heures après il lui a pris une
grande fièvre et des vomissements continuels dont il mourut
mercredi. Cela m'a causé une très sensible affliction aussi bien
(|ue M. et Mme Angra qui ne s'en peuvent consoler, non seu-
lement parce qu'il prenait la peine d'instruire leur fils, mais
auan parce qu'ils avaient pour lui une tendresse et une afTeo-
tion inimaginable, étant de l'humeurdu monde la plus accom-
modante et la plus douce.
Voilà, monsieur, ce qui m'a empêché, non seulement de
vous iTriro plus tât. mais aussi de conférer avec ces messieurs
.sur les diilicultés de M. Le Camus. J'espère que tout s'ajus-
tera, et que. hors quelques endroits qu'il sera assurément bon
I. III* Recueil MS. du P. (lurrrier, p. 986. — Cette lettre ■ été
inpriiDéed«n* lei (dirret d'.Vmauld, avec U date iacttCW 4» 1668
(cf. Ed. de Leaaeue, t. 1, p. 6ia).
KHSàSS »■ r*SCAL. I — Il
Gun LETTRK lyAKNADLD.
de changer, on 1« Csra convenir de luMer lee anlre* comme
Us tonl : nuis souffres, monsieur, que je vous dise qu'il ne
faut paj Hrr si dilTicile, ni si religieux k laisser un ouvrage
comme il est sorti des mains de l'auteur, quand on le veut
eipoier à la censure publique. On ne saurait éCre trop eiect
quand on a affaire k des ennemis d'aussi médiante humeur
que les nôtres. Il est bien plus & propos de provenir les chi-
caneries par quelque petit changement, qui ne fait qu'adou-
cir une expression, que de se réduire à la nécessité de faire
des apologies. C'est la conduite que nous avons tenue touchant
des considérations sur les dimanches et les fttes, de feu M. de
Saint-Cyran, que feu Savercux a imprimées. Quelquea-ons
de nos amis les avaient revues avant l'impression; et M. Ni-
cole, qui est fort exact, les ayant encore examinées depuis
l'impression, y avait fait faire beaucoup de cartons. Cepen-
dant lesdocteurs.àqui on les avait données pour les approuver.
y ont encore fait beaucoup de remarques, dont plusieurs nous
ont paru raisonnables et qui ont obligé à faire encore de noo>
veaux carions. Les amis sont moins propres à faire ces sortes
d'examen que les personnes indifférentes, parce que l'affection
qu'ils ont pour un ouvrage les rend plus indulgents sans qu'ils
le pensent, et moins clairvoyants, kinii. monsieur, il ne faut
pas vous étonner, si ayant laissé passer de certaines choses
sans en être choqués, nous trouvons maintenant qu'on lesdoit
changer, en y faisant plus d'attention aprî's que d'autres les
ont remarquées. Par exemple, l'endroit de la page agS' me
parait maintenant «nudrir de grandes difficulté*, et ce que
vous dites pour I r. que. selon s.v ' ^ i
point en nous dr ^ ^ui soit essentiel i \, , < il
en est de même de toutes les autres vertus, ne me satisfait
point. Car vous reconnaîtrez, si vous y prenei bien garde,
que M. P. n'y parle pas de la justice, vertu qui fait dire qu'un
homme est juste, mais de la justice qur jm est, qui fait diit'
qu'une cImmc est juste, comme : il est juste d'honorer
son père et sa mère, de ne tuer point, de ne oommctln*
point d'adultère, de ne point calomnier, etc... Or. en
prenant le mot de justice en ce sens, il est (aux et tn^
I. Voir fias ba« p«g« oLsxvui.
I
L'ARCHEVÊQUE DE PARIS. clxiii
dangweox de dire qu'il n'y ait rien parmi les hommes d'es-
sentiellement juste : et ce qu'en dit M. Pascal peut être venu
d'une impression qui lui est restée d'une maxime de Mon-
tagne, que les lois ne sont point justes en elles-mêmes, mais
seulement parce qu'elles sont lois. Ce qui est vrai, au regard
de la plupart des lois humaines qui règlent des choses indif-
férentes d'elles-mêmes, avant qu'on les eût réglées, comme
que les aines aient une telle part dans les biens de leurs père
et mère : mais très faux, si on le prend généralement, étant,
par exemple, très juste de soi-même, et non seulement parce
que les lois l'ont ordonné, que les enfants n'outragent pas
leurs pères. C'est ce que saint Augustin dit expressément de
certains désordres infâmes, qu'ils seraient mauvais et défen-
dus, quand toutes les nations seraient convenues de les regar-
der comme des choses permises. Ainsi, pour vous parler fran-
chement, je crois que cet endroit est insoutenable, et on vous
supplie de voir parmi les papiers de M. Pascal, si on n'y
trouvera point quelque chose qu'on puisse mettre à la place.
Enfin, vous pouvez, monsieur, vous assurer que je travaille-
rai dans cette alTaire avec tout le soin et toute l'afTection qui
me sera possible. Je salue Mlle Périer et tous vos enfants, et
je m'estimerai toujours heureux de pouvoir faire quelque
chose pour votre service.
Desprez me vient présentement d'apporter votre réponse
aux difficultés de M. l'abbé Le C... J'en suis ravi, parce que
cela facilitera bien toutes choses. Vous verrez dans cette lettre
|K>iit(|uoi on a trouvé à redire à la page 396. et que ce n'est
IMiiiil à cause de la transposition.
RELATION D'UN ENTRETIEN DE Mgr L ARCHEVÊQUE DE
PARIS AVEC M. DESPREZ, LIBRAIRE. E.NVOYÉE PAR
CELUI CI A MADAME PÉRIER.
Le dimanche de devant Noèl. M. l'archevêque envoya chef
nous M. Mes<iat. l'un do ao» aumônien. pour me demander
de sa part les l'entées àt M. Paacal. mais n'ayant rencontré
t|ue ma cou<»i(ie. il s'en retourna sans lui rien dire: et le len-
demain, sur lo cinq heures du soir, cet aumônier revint chcs
L'ARCHEVÊQUR DE PARIS.
nous ; il me dit qu'il venait de la part de ce prélat, BM d^
mander, qu'on lui avait dit qu'il y en avait de deux impree-
ôone. qu'il désirait le» voir toute* les deux pour en «mr la
difliraoce : je lui di» qu'il n'y en avait point de raBéa. que
je le suppliais tr^s instamment d'assurer M. l'Aicbevéqtte
qu'il n'y avait qu'une édition de ce livre, et que ceux qui
l'avaient voulu persuader du contraire avaient imposé k la
vérité. Il me dit encore que puiM|u'il n'y en avait point de
reliés je lui en donnasse en fcuillrs. Je lui répondis que j'avab
envoyé toute l'édition chez les relieurs. Il me dit de lui en
faire faire un incessamment et qu'il n'importait pasoommeot
il fut complet. Je lui demandai qui avait ses armes et ses
chiffres, il me l'enseigna et s'en alla ensuite. Je fus à l'heure
même prendre l'avis de M. Arnauld sur ce que j'avais i faire,
il me dit qu'il craignait qu'il n'y eût quelque cabale pour
empêcher le débit de ce livre : néanmoins qu'il ne croyait pas
qu'il y eût lieu de l'appréhender à cause des approbations ei
qu'il fallait que je lui |K>rtas»e ce livre le lendemain. J'en Gs
relier un toute la nuit; je lis mettre dessus ses armes et ses
chiffres en sorte qu'il pouvait passer |)our raisonnable. Comme
j'étais prêt h partir, ce même aumônier revint encore cbet
nous, il me dit qu'il ne s'était pas bien expliqué le jour pré-
cédent : qu'il venait me dire do la part de M. l'archevêque
qu'on avait dit au prélat qu'il y avait (|u ' ' <sc dans ce
livre qui pourrait lui faire donner quel)} . u* si on ne
le changeait, et qu'il valait mieux y faire un carton avant que
de l'exposer en vente, afm qu'on le pût voir dans un étal où
personne n'y pût trouver à redire, et que M. l'archevêque me
priait de ne le point débiter avant qu'il ne l'eût vu. Je lui dis
que la famille de feu M. Pascal et tous ses amis étaient
bien obligés h M. l'archevêque de la bonté qu'il avait et de
la part qu'il voulait bien prendre dans ce qui regardait la
mémoire de M. Pascal, que je ne manquerais pas de vous le
témoigner lorsque j'aurais l'honneur de vous écrire. Enfin il
ma demanda s'il n'y avait pas moyen d'avoir un livre en quel>
que état qu'il fût. relié ou non relié. Je lui dis <] i«
faire tous mes efforts pour en pouvoir porter un ei> ^ li
i M. l'archevêque (j'en avais pourtant un dans ma poche). Il
s'en retourna comme il était venu. Je crus qu'il était néces-
saire de revoir encore M. Arnauld. Je le fus trouver à lliûtel
L'ARCHEVÉQCE DE PARIS. cuv
de Longucville où il était avec Son Altesse*. M. doComminges.
MM. les abbés de Lalane, de Lavergne, M. le promoteur d'Alet
cl quelques autres, où après avoir exposé mon aiTaire. on dit
qu'on craignait que M. l'archevêque ne voulût se rendre
maître des livres qu'on imprimerait à Paris en ne permettant
pas qu'on en imprimât qu'il ne les eût vus ou son conseil, et
que ce serait établir une manière d'inquisition et qu'il fallait
empocher cela: enfin on arrêta que j'irais incessamment lui
|x>rfor notre livre. M. de Comminges dit qu'il saurait bien le
dt-lpruirc à la cour et partout ailleurs en cas qu'on voulût faire
quelque chose contre. Je m'en allai donc à la garde de Dieu
voir ledit Seigneur ; mais par malheur pour moi je n'avais pas
ce jour-là mon habit à mong ' , mais je crus que ce bon
prélat n'y prendrait pas garde de si près. Étant arrivé je de-
mandai au suisse si je pourrais avoir l'honneur de parler à
Monseigneur, il me dit que personne ne pouvait parler à lui
et que ce prélat se préparait pour aller à vêpres faire l'ofBce.
Je demandai l'aumùnier qui était venu chez nous ; je le fus
trouver en son appartement que le suisse m'avait enseigné,
où l'ayant trouvé, il eut une très grande joie de voir le livre
que j'apportais. Il loua extrêmement mon exactitude et médit
que M. l'archevêque allait être ravi de l'avoir, de sorte qu'il
me mena par plusieurs petits escaliers dérobés à la grande
sallequi précède l'antichambrede M . l'archevêqueoù il me laissa
un moment pendant qu'il fut voir si je pourrais avoir au-
dienrn de M. rarchcv«V]UP. A peine fut-il entré qu'il rouvrit
la porte et me fit »ignc d'avancer. Il ne me le fallut pas faire
dire deux fois. A l'entrée do la chambre je fis une très profonde
révérence et continuai à en faire jusqu'à ce que je fusse auprès
de lui. I^ prélat m'aborda par un 6on/oMr, .V. Dntprrz ! (\ui en
\ ■ •. tant la manière dont il fut prononcé
• 1 H'imc grande bonté : ce bonjour-là ron-
Irihiia Ihmih<)ii| irer dans le» réponse» que je me pré-
|>arai» de lui fan. i .• i<il moi qui eus l'honneur de parler le
prrmicr. Je di's à M. l'archevêque que j'étais extrêmement
I. Madame de Looguevillc
a. L« Mot a'Mt pa» ackcvé dans le MS. du IV (nnirirr \ >' ■''■
Fougère).
CLxn LAKCHEVKgrK UK PAHIS
Aché de oe qu« le d^ir qu'il avait d« voir le livre de M V <^
cal eût prévenu mon devoir, que je n'auraia eu garde de 1 1 >
qner dr lui en apporter un ; maisquc j'espérais d'avoir l'hon-
neur de le lui prÂwnter d'une manière plus propre. Apr^ qu'il
eut regardé la couverture, il me dit : il est fort bien, il est
fort bien. Cette continuation de bonté releva de beau-
coup mon courage qui n'avait pas toute la fermeté que je
désirais.
Ensuite ce prébt me dit : M. Despres. il y a un fort babile
homme qui m'est venu voir ; ce n'est pourtant pas. me dit-il.
un bomme de notre métier, je vcui dire qu'il n'est pas théo-
logien, mais c'est un fort habile homme et fort éclairé : il
m'a dit qu'il avait lu le livre de M. Pascal et qu'il Tnllnlt
demeurer d'accord que c'était un livre admirable : niai^ (|iril
y avait un endroit dans ce livre où il y avait quelque chose
qui semblait favoriser la doctrine des jansénistes et qu'il
valait mieux faire un carton que d'y laisser qudqoe clioec qui
en put troubler le débit : qu'il en serait Aché à cause de
l'estime qu'il avait pour la mémoire de feu M. Pascal.
Je lui exprimai de mon mieux quelle était la grandeur des
obligations que lui avaient non seulement les parents, mais
même les amis de M. Pascal, de la grâce qu'il leur faisait de
vouloir bien s'intéresser dans ce qui r^ardait la conservation
de sa réputation. Je le suppliai très humblement de vouloir
bien me permettre de vous écrire ce qu'il avait la bonté de
médire : il y consentit volontiers. — Et que pour ce que lui
avait dit cette personne je ne lui en pouvais pas parler parce
que cela n'était pas de mon métier, mais qm ' i^
•saurer que depuis qu'on imprime on n'avait |
de livre qui ait été examiné avec plus de rigueur et plus de
sévérité que celui-lji : que les approbateurs l'avaient gardé six
mois pendant lesquels ils l'avaient lu et relu, et que tous les
dtangeoMots qu'ils ont trouvé k propos de faire on les avait
faila sans en excepter un seul : que personne ne pouvait lui
en rendre un compte plus exact que moi. d'autant que M.
votre fils m'avait chargé du soin de ces approbations : que
c'était moi qui en avais été le solliciteur auprès de measei-
gneurs les prélats et de MM. les docteurs ; que c'était pour-
ouoi je pouvais lui en parler positivement et partant qu'il
devait Hn assuré qu'on n'y avait rien laisié paiaer qui pAl
I
L'ARCHEVÊQUE DE PARIS. cuvn
commettre ni celui qui en était l'auteur, ni sa mémoire. Il
me dit : Voilà qui est bien ; qui sont les approbateurs ? Je les
lui nommai : il dit : « Ce sont de fort honnêtes gens ; je suis
a-viuré, conlinua-t-il, que M. l'abbé le Camus n'y aura rien
l.'ii-><'' passer que de fort à propos. Voyons un peu son appro-
bation. » Il la lut tout au long et la trouva bien écrite et
bien d'un homme de qualité ; et après avoir regardé dans le
livre le nom de tous les approbateurs, il dit en branlant la
tête : « Hum I hum ! voilà de leurs gens. » Je lui dis qu'il
|v>ii><-iit bien voir qu'on ne les avait point affectés. Puis il
(uninionça à dire r « C'est un grand fait que ces gens-là ne
sauraient s'empêcher de parler de leurs grâces. Une chose où
il faut dire 0 altiiudo, ils la veulent faire passer pour article
de foi. et ils regardent comme des hérétiques ceux qui ne la
croient pas comme eux. » — A cela je ne lui répondis rien.
Il me dit ensuite : « J'ai une chose qui pourrait bien servir
à faire vendre votre livre, et qui serait bonne à mettre au
commencement. » — Je lui dis que je ne savais pas ce que
c'était, c C'est, me dit-il. un témoignage par écrit qu'a rendu
le curé de Saint-Etienne, de l'esprit dans lequel est mort
M. Pascal. » Je lui dis qu'il n'était pas encore venu jusqu'à
moi. — ail faut, me dit-il, que je vous le montre. » Il s'en
alla dans son cabinet le prendre et me laissa avec son aumô-
nier, lequel me dit : « Ce témoignage que vous va faire voir
M. l'archevêque contribuerait beaucoup au débit de votre
livre, il ne ferait au plus qu'un petit carton lequel on pour-
rait inetlre au commencement. Je lui répondis que je ne
pouvais pas ajouter une (lanse d'A sans votre permission. Il
me dit que cela était juste et d'un fort honnête homme.
M. l'Archevêque revint sur ses pas et le peu de temps qu'il
fut me fit croire que le témoignage était toujours sur sa table
pour le montrer à tons venants, comme le rouleau de parche-
min sur UH|uel on fait signer la censure de M. Arnauld est
toujours sur la table du syndic de la faculté. Il vint donc à
moi avec ce [lapier à la main. — « Tcnei. M. Desprcx, me
dit le prélat, lisez. » — Je pris donc ce papier fort respec-
tueusement et le lut. Il contenait en substance que feu
M. Pai4cal doux ans avant sa mort s'était séparé de ces Mes-
sieurs à cause qu'ils étaient trop attachés à soutenir ou défen-
dre la doctrine de Jansénius et à combattre l'autorité du
asm» L'ARCHEV^.QDF. nC PARIS.
Pnfw; il Ml KNncrit de M. le rur^ de SainUEtiauM. Tai
r< 'lue tout c« qui est contenu dâm ce papiar «1
^ ( manière de lettre bâtarde aiMi kmgna. qui ait
d'un raracière tout difî^renl de la «ignaturr. Pour moi je
crus en le voyant qu'on avait donn^ k ce bon homme loo
•flaire toute dreasée et qu'il l'avait signée, parce que l'appa-
rence y eat tout enti^^r. Api^a donc qur je l'eut lu en lui
remettant entre le» main» il me dit : « Eh bien M. Deiprei
que ditp»-vous de cela ?» — Je lui dis que je n'avais rien k lui
dire : que M. le curé de Saint-fltienne était un fort honnête
homme et un des cur^ de ton dioci^c qui faisait le mieui
son devoir. — « Voili. continua le prélat, un témoignage
fort authentique b ; et commença à dire tout le bien powihle
de M. Paiical. que rr^glise avait beaucoup perdu k sa mort ei
qu'il était une des plus brillantes lumières de notre âède,
qu'il avait tant de vénération pour sa mémoire que pour peu
qu'on lui eût témoigné de désirer v i : ' ,î' V i.iit
donnée de tout son copur. — Jeliiid. • nr
la plus considérable que cet ouvrage aurait pu recevoir. — il me
dit : « Je l'aurais fait très volontiers » ; et ensuite, comme
revenant de bien loin, et regardant ce lirre qu'il avait entre
les mains, il dit h son aumAnier : • Je trouve étrange qu'on
imprime comme cela des livres qui regardent la religion sans
m'en parler et sans ma participation : il n'y a qu'k Paru oà
cela ne se pratique {ms ; car dans tous les autres diocèaes oa
n'oserait rien imprimer qui regarde la piété sans la partici*
pation de l'évèque ou de ses grands vicaires. N'est-il pas vrai,
dit-il à cet aumônier ?» — Il lui répondit : c il est vrai Monsei-
gneur et cela est même très important. » — Il faut, dit le prélat.
Sue je pense un peu k cela. Puis, s'adressant k moi. il me
it : « Q«ie n'aves-vous pris l'approbation de nos profeiaeurt ?
« Vraiment, lui di»-je. Monseigneur, si nous en étions
réduits \k. nous n'aurions qu'il fermer nos boutiques, parce
que comme ces messieurs-là ont d'autres choses » rio
se donnent bpetne de lire nos livres que quand il ; In^
rien qui les occupe. Que je leur porte un livre comme celui do
M. Pascal, ils me le garderont six mois : et après œ Iemp*-IÀ.
si c'est un livre qu'ils ne veuillent pas qui paraiiae. il» le
rendent sans donner d'approbation et sans vouloir même dire
la raison pourquoi ils ne la donnent pas. — Point du tout.
LARCHEVÊQCE DE PARIS. clxix
reprit le prélat : donnex-moi un livre comme celui-là. je voua
le rendrai tu et examiné dans quinze jours. — Je n en doute
point. M ' rieur, répliquai-jc au prélat : mais ils le feront
par o! >■[ par le respect qu'Us portent à votre auto-
rité. Mais qu'un homme comme moi s'adresse à eux pour
cela, ils me considéreront comme rien. *>
Ensuite le prélat parla à son aumônier de l'estime qu'avait
faite du livre de M. Pascal celui qui l'avait lu et qui lui en
avait parlé. C'est, lui dit-il. M. de Lamotbc-Fénelon. G:t
aumônier lui dit qu'il le savait bien.
« Je dis à Monseigneur l'archevêque qu'il fallait qu'il prît
la peine de commencer la lecture de ce livre par la préface,
parce que cette lecture était nécessaire pour bien entendre le
livre et qu'il ne fallait pas même omettre le petit avertisse-
ment, et ayant pris le livre d'entre ses mains pour le lui
montrer, et l'ayant trouvé, je lui demandai s'il trouverait
bon que je le lusse ; il me dit que je lui ferais plaisir. Je le
lus donc et lui fîs remarquer l'endroit où il est parlé du fleu-
ron. Il me dit qu'il cesserait toute autre lecture jusqu'à ce
qu'il eût lu notre livre : ensuite il me parla de la personne
particuliî-re de M. Pascal, d'où il était, de sa famille, etc. Je
le lui dis : je lui lis une discussion autant exacte que je pus
des grâces que Dieu a répandues si abondamment sur toute
voire maison ; je m'arrêtai beaucoup à lui établir le mérite
particulier de Mme Périer qui ne dégénère en rien de celui
de feu M. son frère. Je lui parlai de M. Périer le jeune, et ce
qui m'en donna l'occasion fut la machine de feu M. Pascal
dont je parlai à ce prélat d'une manière qu'il me témoigna
me vouloir du mal de ne lui avoir pas procuré la vue d'une si
admirable chose, et d'autant plus qu'étant entre les mains de
M. Périer il aurait eu le bien de le connaître. Ce qui aug-
menta son déplaisir fut le plan de son esprit que je lui fis
autant que je le pus et autant que mes faibles lumières et
l'habitude que j'ai eu l'honneur d'avoir avec lui me le put
permettre, si bien que comme il était la veille de NoCl, le
dernier coup de Vêpres sonnant on lui vint dire qu'il était
l<" l'église. Je lui demandai s'il n'avait rien h
ni' Il me fit toulM les amitiés imaginables, il
me Ht l'honneur de me venir conduire jusques sur le pas de
la porte de sa chambre et me dit en le quittant de lui faire
.L.. L'ARCHEVÊQUR DR PARIS.
l'amitié de le venir \tûr fc^ tonl •» niAiiif>* i<>rmM) el que )•
lui ferais plaisir '
LETTRE DE M ri lU.l l\h. MU.MI.n flQI'E DE PARIS
A MONSIEUR PÉRIEii.CONShlLLKil A L\ COtR DES AIDES
DE CLERMOKT
Du a naar» 1670.
Monaieur, je puis vous assurer que si j'ai reçu avec beau-
coup de joie le Livre de M. Pascal qu'il vous a plu de me
faire présenter par le sieur Desprcx, je ne l'ai pas lu avec
moins de satisfaction. Mais je vous avoue que quelques témoi-
gnages que j'aie pu donner de l'estime tris particulière que
je disais de sa personne, je n'eusse jamais espéré qu'ils
m'eussent dû procurer une Lettre aussi obligeante et aussi
pleine de reconnaissance que la vôtre. C'est à mon avis bien
payer l'acceptation d'un présent, qui porte avec soi sa recom-
mandation et son prix. Car quelque éloge que j'en puisse
faire, je sais bien que mes paroles ne répondront jamais k
l'idée que j'en ai conçue. Mais je croirais faire tort à la
mémoire d'un si grand homme de supprimer un Ade que
j'ai par devers moi, qui le r^rdeet qui rends le témoignage
le plus authentique et le plus avantageux qu'on puisse donner
de la pureté de ses sentiments. Comme vous prenes part.
Monsieur, à son honneur et à sa gloire, je ne fais pas de diffi-
culté. Monsieur, de voua le conGer et de vous en envoyer une
Copie. Il serait & souhaiter qu'on l'ei'^t mis à la tète de son
Livre : mau comme la première I->lition ne durera pas long-
temps, on pourrait faciienimt le faire ajouter k la seconde.
Quand on aura ce dessein, voai me ferez plaisir. Monneur.
de m'en donner avis. Car quoique cet Acte seul puisse tenir
lieu d'une Approbation générale el universelle, je ne laisserai
pas d'avoir une trj^ grande satisfaction de l'acoompagMr de
la mienne, puisqu'en donnant au public les marques des
■entimenta d'estime que j'avais pour Monsieur votre beau-
I . .\otr iu P. Cmertter : «
LARCHEVÈQUE DE PARIS. ctxxi
fn'TO, je pourrai avoir lieu en même temps de vous faire
connaître en particulier que je suis véritablement, ele...
Hardouin. Archevêque de Paris.
RÉPONSE A LA PRÉCÉDENTE
De Clermont, ce la mars 1670.
MOK SEIGNEUR.
Je vous étais infiniment obligé de la manière avantageuse
dont Votre Grandeur avait parlé de M. Pascal lorsque son
livre lui fut présenté par le sieur Desprez ; mais je vous le
suis à présent incomparablement davantage par le témoignage
que vous m'en avez donné par la lettre qu'il vous a plu de
me faire l'honneur de m'écrire, que je reçus avant-hier,
puisque le nom est le plus glorieux titre que nous puissions
jamais avoir pour l'honneur de la mémoire de M. Pascal, et
la plus importante et la plus authentique approbation de son
livre comme venant d'une personne des plus éclairées de ce
siècle et que nous considérons ainsi que tout le monde pour
la deuxième personne de l'Église.
Cotte obligation. Monseigneur, est si grande que je ne sais
comment vous en faire mes remerciements, parce qu'en
quelque manière que je les fasse, ils seraient toujours beaucoup
au-des.sous de ce que je dois, je vous supplie néanmoins.
Monseigneur, de les recevoir et de les avoir pour agréables,
vous les faisant tels que je les puis faire, pénétré de senti-
ments de reconnaissance, prosterné k vos pieds, comme je
m'y mets d'esprit, et avec toute l'humilité et le respect qui
me sont possibles.
Pour le regard de la Déclaration que vous m'avez fait
l'honneur de me confier, et que vous proposez de faire mettre
h la tète du livre de M. Pascal en une seconde édition, je
vous supplie. Monseigneur, de me perraettre de vous dire
avec tout le re$p<>ct que je vous dois, que les sentiments de
M. Pascal ont toujours été universellement connus si catho-
liques et orthodoxes. (Kirticulièrement |)ar tous ceux qui l'ont
I fréquenté, et la pureté de sa foi paraît si clairement dans
cuiii t. Mu.MKV^.QnR nR PARIS.
tout CF qu on a VU de lui. auMÎ birn qu« dan« ce petit livre
que non» voaon» de donner au public qui contient tea véri-
tablea penséea ior U relifion et qui • èUt honora de tant
d'tUuitrea approbation», que je n'rstime pat qu'il j ait per-
fonne qui puiiac douter de m foi. ni par conséquent qu'il
•oit néœaaaire d'avoir des justifications sur œ sujet. Ainsi.
Ifoonignear, pour cette raison qui. ce me aérobie, peut
•ufBre. et pour quelques aulrc« qui ne ae peuvent bien eipli-
quer que de boocbe et qui d'ailleurs sont trop pa^1iculi^rcs
pour lea confier h une lettre, je m'assure que vous ne déaap-
prouveret pas que je n'ajoute rien à ce livre. Auaai bien,
puisqu'il a l'honneur d'être estimé de Votre Grandeur, et
«lu'il a été approuvé par de tri« illustrea prflats et de plu-
sieurs oéltf»res docteurs, il y a sujet de croire qu'il eai à
couvert de toute atteinte, etc.
LETTRE DE M. ARN.\LLO A M. PBRBB. A L'OCCASIOIN
DE LA PRÉGÉDEimS
C« 33 mars i&'jo.
Jp vicn*. MMiiMriir <l. [.<t\()ir votre lettre et j'y réponds à
rin»tant. ('.•(!•' I< tiir (pi ' \<>us avez écrite à M. de Paris est fort
jiulirjpu.v. et vous m» pouviez «rabord prendre un meilleur
teinpérainenl. Mais »i M. de Paris vous écrit encore, comme
il a dit il M. D... qu'il le ferait, je ne vois pas que vous
putssiei vous dispenser d'éclaircir les choses davantage et de
faire voir q«ie Monsieur le curé de Saint-Êtienne f'ert méprb
sur rettr ' n rt qurllo n été la cause de celle mépriae.
C'est un j • que vous devez à la vérité el k kméôooire
de M. Pascal que de ne pas laisser triompher M. de Paris
de cette fausse attestation ' . vous savei encore qu'on a fait
une lettre sur ce sujet où tout cela eat parfaitement bien
expliqué, laquelle a été imprimée i la fin d'une réponae à un
I . D«B» le RtemU daa lellrw d'AnMaM la fànm m M aUiwi^e et
la hçoa tai«ani« : m Nt pu letwsr IfsifaT di Paru Smm têtt» Jmmmt
L'ÉDITION DE 1669. cLxxin
écrit du P. Annat contre M. d'Alet'. Il est nécessaire ou
d'envoyer cette lettre à M. de Paris ou d'en prendre les prin-
cipaux points, en les insérant dans la réponse que vous seret
obligé de lui Taire, s'il vous récrit.
Au reste M. Desprez m'a demandé mon avis s'il mettrais
deuxi«'me édition à celle qu'il débite présentement et je lui ai
dit qu'il était très important de le faire, afin que M. de Paris
ne priât plus d'y rien ajouter, voyant que c'est une chose
faite. Quand il ne le trouverait pas bon. il ne saurait à qui
s'en prendre, parce que M. Desprez doit prétendre cause
d'ignorance de tout ce qui se passe entre vous et M. de Paris.
Je salue Madame votre femme, et tous Messieurs vos enfants:
je vous prie aussi de faire mes baise-mains à M. de Fontenilles
et à M. Freval : je suis tout à vous*.
l'Édition de 16G9
Les dernières lignes de la lettre d'Arnauld apportent la
solution d'un problème qui a été longtemps une énigme pour
les bibliophilfx^ ; fim-lle est l'édition princeps des Pensées? En
effet, la plu|)art do cxt-mplaires connus de 1670 portaient
Seconde édition, cl n-ux qui n'avaient pas cette mention
étaient suspects. Mais la Bibliotlièque Nationale a fait en
i85i une acquisition qui a tranché le débat: elle pomède
un • V ' ':•■ de 1669. sans approbations ni avertissements
n\>-< le des matières incomplète. C'est une sorte
.ivant la lettre qui donne la primauté aux éditions
- .- , -jiitcs du même type, c'est-à-dire à 365 pages, avec
XL! feuillets préliminaires et 10 feuillets de table. — Ensuite
vient l'édition do 334 pages numérotées (avec une double
erreur do pa^nnation : 3ia suivi d'une reprise de 307; puis
3i.'i iiiipritnr [Huir 33i. et suivi de 3i4 au lieu de 33a ; ce
qui fdit S'oS [Mgos) qui avait été longtemps prise pour l'édition
princeps. — Deux éditions suspectes sont également de 1670:
I. Lettre d'un théologien i un de $es amû éaUt ds l5 juillet 1666
l{Cr. !• Hetueil it'i'lrecht, 1740, p. 349)-
S. Pour U «uile de eoUa aftiire, qui ne co»Mni« plu* IVJiiion des
I, voir l« Retueild'Utrtehi, p. 871 t^^.
cutiv
L'^niTlUN DK 1609.
l'une en 348 ptgM. l'autre en 365 pages (mais avec XL fcuillrlt
préliminaires, lo feuilleb de table et un fleuron rcmplaranl
sur le titre le chifl're de De^wei*).
D'autre part entre l'impresaion de 1669 qui ■ proprement
parler n'est pas une édition, et l'édition prùtcepi de 1670. il
y a des diiTéreooea qui ont f'ié masquées par des cartons, ou
quand elles ne portaient que sur un mot. signalées dans un
erratum. Ces diiïérenœs sont remarquables, par» qu'elles
représentent le« derniers Mcrifires exigés par les approbateurs
qui ont examiné le Hccucil pendant qu'on l'imprimait, quel-
ques-uns même après l'impression et sur un riemplaire ana-
logue à celui qui nous est parvenu. Aussi avons-nous cru
qu'il convenait de reproduire dans le Tableau suivant celles
que nous avions pu relever.
Ëdit. de 1669
Trraa I. Page 3. — Mais
en vérité je ne puis m'empé-
dier de leur dire que cette
négligence n'est pas suppor-
Uble.
Trraa II. Page a6. — La
seule religion contre la na-
ture, contre le sens commun,
contre nos plaisirs, est la
seule qui ait toujours été.
TiTKB V. Page Itg. — (En-
tre le § 5 : La tupeniUion est
différente île la suprrstilion,
et § 6 : // n'y a rien de $i
conforme à la raison que le
désaveu de la raison dans les
choses ifui sont de la foi.)
Éorr. DB 1670
Mais en vérité je ne puis
m' ' ' I de leur dire ce
qii ^cuvent que cette
ni n'est pas suppor-
tai.. .
La seule religion contraire
' I dure, en l'état qu'elle
Il combat tous nos pUi-
sin, et qui parait d'abord
contraire au sens commun.
est la seulequi ait toujours été.
I. Cf. l'avast-propM à la rapraJaelion de VMUhm de 1670 doaa^
k U UkrmrJÊ des fUktwpêtiln (1874), M l'article de F. Coaoi a>n.
ias Blades rsligiemses ds la Compofnie et Jetas (i5 j»ia 189^)
L'ÉDITION DE 1669. clxxv
ËdIT. de 1669 ÊOIT. DB 1670
C'est une impiété de ne
pas croire rEucharistie, parce
qu'on n'y voit pas Jésus-
Christ, car on ne l'y doit pas
voir, quoiqu'il y soit. Mais
quand il s'agit d'une chose
qui tombe sous les sens, c'est
une superstition de la croire
si on ne la voit ; parce qu'on
doit la voir si elle est.
TiTRB IX. 9* et dernier
fragment. — Si c'est un
aveuglement surnaturel de
vivre sans cbocher ce qu'on
est...
TiTRB XII, en tète. — Tout
ce qui ne va point à la charité
dans l'évangile est Ggures.
Titre XVI. fr. IX. — Les
Juifs refusent, non pas tous.
Jésu»-Christ n'a pas dompté
les nations en main armée.
Titre XMII. fr. 11. —
J(''sU"»-( Christ est venu aveu-
gler ceux qui von aient clair :
guérir les malades et laisser
mourir les sains : appeler les
|MVheiirs à la pénitence et les
juslitier. et laisser les justes
dans leurs péchés ; remplir
les indigents et laisser les ri-
ches vides.
Titre XIX. fr. 1. 3* parth-
graphe. — Que Dieu n'avait
point d'égard à la postérité
charnelle d'Abraham.
Paragraphe supprimé.
Si c'est un aveuglement
qui n'est pas naturel de vivre
sans chercher ce qu'on est...
Ligne supprimée.
Les Juifs le refusent, non
pas tous.
Jésus-Christ n'a pas dompté
les nations à main armée.
Jésus-Christ est venu, afin
que ceux qui ne voyaient point
vissent et que ceux qui
voyaient devinssent aveugles :
il est venu guérir les malades,
et laisser mourir les sains : ap-
peler les pécheurs k la péni-
tence, et lea joatifier : et lais-
ser ceux qui se croyaient
justes dans leurs péchés, rem-
Elir les indigents, et laisser
• riches vides.
Que Dieu n'avait point
d'égard au peuple charnel
qui devait sortir d'Abraham.
CLUtn L'EDITION DE 1069.
Êdit. m 1669 £orT. Di 1670
Kr. a. début. — Je dit que
\c sabbat n'éUit qu'an signe :
institué en mémoire de la
aortie d'CgypIe. Donc il n'est
plus néceiieire. puisqu'il faut
oublier r£gyptc.
Fr. 3. — Je dis que U
circoncision n'était qu'une
Figure.
TiTRi XX. d^but. - J'ad-
mire avec quelle hardiesse
quelques personnes entre-
prennent de parler de Dieu,
en adreMent leurs ditooursaux
impies. Leur pronier cha-
pitre est de prouver la Divi-
nité par les ouvrages de la
nature. Je n'attaque pas la
!iolidité de ces preuves ; mais
je doute beaucoup de l'uti-
lité et du Fruit qu'on en veut
tirer, et m elles me paraissent
assez conformes à la raison,
elles ne me paraissent pas
assez conformes, cl assez pro-
portionnées à la di.<<(tosition
de l'esprit de ceux [lour qui
elles sont destinées.
TiTaa XXVII. fr. 4- — Si
opéra non fecUtem in ei$ qtue
mémo aliiu fecil, peeeaium non
habereni.
Ibid. C'est particulièrement
les iitirades qui rendent les
Juif» coupables dans leur in-
crédulité. Car les preuves que
PangnpkÊ iwpprimi.
Je dis que la cirooadsMMi
était une figure.
1^ plupart de oeui qui
entreprennent de prouver b
Divinité aux Impies, com-
mencent d'ordinaire par les
ouvrage* de U naiore. el ib
y réussissent rarement : je
n'attaque pas k solidité de
ces preuves consacrées par
l'Écriture sainte : elles sont
conformes k la raison, mau
souvent elles ne sont pas
asMt conCorme* et aases pro-
portionnées à la disposition
de l'esprit de ceux pour qui
elles sont destinées.
"^rm m eu
Si opéra t—~ '-
qaaenemo a!
non habereni. bi je n'avais
fait parmi eux des œuvres qur
jamaisaucuneautre n'a faites,
ils n'auraient point de pécli<-
... C'est particulièrenirnt
les miracles qui rendaient les
Juifs coupables dans leur in-
crédulité. Car les preu\<N
L'ÉDITION DE 1669. cuczvu
£oiT. DE 1669 £dIT. de 1670
i
Jésus-Chri<(t et les apôtres
tir- riturenesontpas
(Ifi! i\ es. Ils disent seu-
lement que Moïse a dit qu'un
propli.'-le viendrait : mais ils
ne prouvent pas que ce soit
celui-là et c'est toute la ques-
tion. Ces passages ne servent
donc qu'à montrer qu'on
n'est pas contraire à l'Écri-
ture, et qu'il n'y parait point
de rëpugnance. mais non pas
qu'il ) ait accord. Or, cela
suffit : exclusion de répu-
gnance avec miracles.
IbUi., fr. 5. — Les prophé-
li<- lient pas prouver
J»-' i [jondant sa vie.
Et ainsi on n'eût pas été cou-
pable de ne pas croire en lui
avant sa mort, si ses miracles
n'eussent pas sufli sans la
dcKlriue. Or, ceux qui ne
cro>;iicnl |)as en lui en-
core vivant étaient pécheurs.
comme il le dit lui-même, et
sans excuse. Donc il fallait
qu'ils eussent une démonstra-
tion à l.i(|uelle ils résistassent.
Or. ils n'avaient pas des
preuves suffisantes dans !'£-
criture. les prophéties n'étant
pas encore accoiiiplics; mais
seni , [Xinc
iU loctrino
n'r^! j i.iuifcstcment con-
trait «■. il oii y doit croire.
Jésus-Christ a vérifié qu'il
rtfisin M PASCAL.
qu'on eût pu tirer de l'Écri-
ture pendant la vie de Jésus-
Christ n'auraient {>as été
démonstratives. On y voit,
par exemple, que Moïse a dit
qu'un Prophète viendrait ;
mais cela n'aurait pas prouvé
que Jésus-Christ fut ce Pro-
phète, et c'était toute la ques-
tion. Ces passages faisaient
voir qu'il pouvait être le Mes-
sie, et cela avec ses miracles
devait déterminer à croire
qu'il l'était effectivement.
Les prophéties seules ne
pouvaient pas prouver Jésus-
Christ pendant sa vie. Et
ainsi on n'eût pas été cou-
pable de ne pas croire en lui
avant sa mort, si les miracles
n'eussent pas été décisifs.
Donc les miracles suffisent
quand on ne voit pas que la
doctrine soit contraire, et on
y doit croire.
I- Il
cuuvn L'ÉDITION DE 1069.
EoiT. DB 1669 Êorr. M 1670
était le MMiie. jamai» en vé-
rifiant M doctrine sur l'Ëcri-
ture ou le* prophéties, et
toujours par Ma miradea.
ibid., fr. 6. — Quand donc
on voit les miracles et la
doctrine non suspecte, tout
ensemble d'un côté, il n'y a
pas dr '"'' 'i'- Mais quand
on voii u'Ies et la doc-
trine suspecte du même côté,
alors il faut voir lequel est le
plus clair des miracles ou de
la doctrine. Et c'est encore
ici une des régies pour discer-
ner les miraclen, qui est fon-
dée sur ce principe immobile.
que Dieu ne peut induire en
erreur.
TiTM XXVIII, fr. 5i. —
Voilà ce que c'est que la foi :
Dieu sensible au cœur.
Ibid., fr. 68. — U faut
donc, après avoir connu la
vérité par la raison, tâcher de
U sentir et de mettre notre
loi dans le sentiment.
TiTRB XXIX. Page agS.—
J'ai passé longtemps de ma
vie, en croyant qu'il y avait
une justice ; et en cela je ne
me trompais pas ; car il y en
a selon que Dieu nous l'a
voulu révéler. Mais je ne le
prenais paa ainn. et c'est en
quoi je me trompau ; car je
crojrai» watt notre justice était
eMentiilUment juste, et tpie
Ainsi, quand même la doc-
trine serait suspecte comme
celle de Jtsus-Cnnr pouvait
l'être k Nicodéme. à cause
qu'elle semblait détruire les
traditions des Pharisiens, s'il
y a des miradea dain et évi-
dents du même o6té. il faut
que l'évidence du mirade
l'emporte SI II "î v pour-
rait avoir «1< ii- de la
part de la doctrine, ce qui est
fondé sur ce principe immo-
bile, que Dieu ne peut induire
en erreur.
Voilà ce que c'est oue la
foi parfaite : Dieu seoaihle au
coeur.
Il faut donc, apré» avoir
connu la vérité par b raison,
tlcbcr de la sentir, et de
mettre notre foi dans le sen-
timent du cœur.
Fragment tapprimi (Cf. la
lettre d'Amattld du 30 nt/vem'
bre 16G9. supra p. cLii).
L'ÉDITION DE 1669. clxxu
Édit. de 1669 Édit. de 1670
j'avais de quoi la connaître
el en juger. Mais je me suis
trouvé tant de fois en faute
de jugement droit, qu'en-
fin je suis entré en défiance
de moi. et puis des autres.
J'ai vu tous les pavs. et tous
les hommes changeants. Et
ainsi après bien des change-
ments de jugement touchant
la véritable justice, j'ai connu
que notri." nature n'était
qu'un continu*'! ch.tngcment ;
et je n'ai plus ciiangé depuis ;
et si je changeais, je confir-
merais mon opinion.
Pensées sur la mort: Car si
nous ne passons par le milieu,
nous ne trouvons en nous...
Cet horrible changement,
ayant infecté une si sainte
vie...
L'Âme ressuscite à une nou-
velle vie dans le même bap-
tême. L'âme quitte la terre et
monte au ciel à l'heure de la
mort. Et clic >'arrétc à la
droite au temps où Dieu l'or-
dotine.
Après le Jugement il mon-
tera au dei.. et aéra k la
droite.
Si nous ne passons sur le
milieu, etc. (avec division da
paragraphe en trois).
Ce changement, ayant, etc.
(avec paragraphe nouveau).
L'âme ressuscite à une nou-
velle vie dans les sacrements.
Et enfin l'âme quitte la terre,
et monte au ciel en menant
une vie céleste, ce qui fait
dire à saint Paul : Conversa-
tio nostro in arlis est.
Après le Jugement il mon-
tera au ciel el y demeurera
élemelletnent.
III
LA PRÉFACE DE PORT-ROYAL ET LE PLAN
DE LAPOLOGIE
PR^:FACE de L'ÉDITION DE PORT-BOYAL
Où Von fait voir de quelle manière cet Pensht ont Hi ienim et
reciteillies : ce qui en a fait retarder Fimpreuion ; qugl Hait te
deuein de Vauleur dans cet ouvrage et commmi it n paui le»
dernières années de sa vie*.
Pascal, ayant quitté fort jeune létude des malhémaliquct.
I. Mme IVrier donne l'hifluire de rettc Préface àtnt nneleUrcdii
!•* avril 1670 irrite k M. Vallant pour Mate de Sabl^ : « Je vota ^«e
—date la narquite t^oaoifne de dé«rer de savoir qui a hit la prf-
fcoe de notre livre. Voua aaves, raoasieor, que je ne doia rien avoir
de aerret pour elle ; c'est pourquoi je vont aupplie de lui dire que
c'eat non BU qai l'a fcite. Mai» je la aupplie très humblement de n'en
rien témoigner à peraonne ; je n'en eirepte rien et je vous demande
U même gréce, et aBn que vous en sacbiex la raison, je voua dirai
IIMrta l'histoire. Vous savex que M. de I^chaise en avait hit nne qui
4uit naaaréaeat fort belle ; «mis ooaime U ■• aoas •■ avait riaa
commoaiqaé, aova Maea biea larprU, lonfae mnm b vtaMt, ém m
qu'elle ■• eoateaail rien de lautea laa eboeoe qae aoaa vonlioM dira,
•I qa'elle aa ooatenait plusieurs qaa aoaa aa voalioaa pas dire. Cala
oUifaa M. Périar da lai écrira poar le prier de troavar boa qa'oa y
ebaafeât 00 qa'oa aa fh aaa aatra ; et M. Périar sa rèeatat, aa affala
d'en hire nne ; mais comme il n'a jamais aa ■oaïaat de loisir, aprèa
avoir bien attendu, comme il vit que le taaipa pra«ait, il manda aaa
iatoalieu à oHm Bla at lai ordonna de la Hùra. CeyaailaH aoiia
aMM fia voyait qaa ea procédé hiaait de la peine 4 M. da ll(aaaiie/),
è M. de Lacbaise et ans autres, il ne sa vanta point do cala a( Bl
comnM si ceUe préhce éuit veauo d'ici [de CtenmtiU] toata hita.
Ainsi, monsieur, vous voyea bien que entra toataa laa aatraa raiaeai
qa'ils prélaadaal avoir de se plaindre, cotte Baaaea 4eat mom Bis a
■aé laa ebo^pMrail aaaaréaiaat... »
PRÉFACE DE PORT-ROYAL. clxmi
de la physique, et dos antres vrienœs profanes, dans lesquelles
il avait fait un si grand progrès, commença, vers la trentième
année de son Age, à s'appliquer à des choses plus sérieuses et
plus n'iovées. et à s'adonner uniquement, autant que sa santé
le put permettre, à l'étude de l'Flcriture, des Pères, et de la
iiior.ile chétienne.
M.iix quoiqu'il n'ait pas moins excellé dans ces sortes de
sri«rirr>s. comme il l'a bien fait paraître par des ouvrages qui
p.t*-<'iil pour assez arhe>és en leur genre, on peut dire néan-
ini)iii> que, si Dieu eût permis qu'il eût travaillé quelque
temps à celui qu'il avait dessein de faire sur la religion, et
auquel il voulait employer tout le reste de sa vie, cet ouvrage
eût beaucoup surpassé tous les autres qu'on a vus de lui :
parce qu'en effet les vues qu'il avait sur ce sujet étaient
inOniment au-dessus de celles qu'il avait sur toutes les autres
choses.
Je crois qu'il n'y aura personne qui n'en soit facilement
persuadé en voyant seulement le peu que l'on en donne à
proNent, quelque imparfait qu'il paraisse; et principalement
sa( li.mt la manière dont il y a travaillé, et toute l'histoire du
ronu'il qu'on en a fait. Voici comment tout cela s'est passé.
l'.iscal conçut le dessein de cet ouvrage plusieurs années
avant sa mort; mais il ne faut pas néanmoins s'étonner s'il
fut si longtemps sans en rien mettre par écrit: car il avait
toujours accotitnmé de songer beaucoup aux choses, et de les
disposer dans ton esprit avant que de les produire au dehors,
pour bien considérer et examiner avec soin celles qu'il fallait
mettre les premières ou les dernières, et l'ordre qu'il leur
devait donner à toutes, afm qu'elles pussent faire l'effet qu'il
désirait. Et comme il avait une mémoire excellente, et qu'on
peut (lir 11 sorte qu'il a souvent assuré
(|n'il ti de ce qu'il avait une fois bien
iiri| : i.ins son esprit; lorsqu'il s'était ainsi quelque temps
n|<l ! jiR .1 un sujet, il ne craignait pas que les pensées qui
lui 1 lient venues lui pussent jamais échapper: et c'est pour-
<pioi il différait asses souvent de les écrire, soit qu'il n'en eût
pas \r \nWir. soit que m santé, qui • presque toujours été
languissante, ne fût pas aaaes forte pour lui permettre de
travailler avec application.
C'est ce qui a été cause que l'on a perdu à sa mort la plus
auxn PRÊPACR nK PORT-ROYAt
gruide partie de oe qu'il •▼•il déji conçu io<irlian( v>n
dcaein: car il n'a proque rien écrit des priiici|>alt<a raiioiu
dont il voulait le wnrir. des foodementa lur leMpeit il nr^
tendait appuyer «on ouvrage, el de l'ordre qu'il voulait j
garder: oe qui était aflaarémenl trèa conadérable. Tout «la
étiiii ' 'i<-iiiriit bien grav^ dani mn esprit et dans M m^
Dii I > ayant n(''glig<^ dr l'ëcrirc lorM|u'il l'aurait peut-
^trc pu faire, il m> trouva, lonqu'il l'aurait bien voulu, bon
d'état d'y pouvoir du tout travailler.
Il se rencontra néanmoins une occaaion. il y a environ dix
ou douze ans*, rn laquelle on l'obligea, non pas d'écrire ce
qu'il avait danii l'esprit sur ce sujet-U'. mais d'en dire
quelque cho%c de vive voix. Il le fit donc en préaeDce et à la
prière de plusieurs personnes très considérablea de aea amis.
Il leur développa en peu de mots le plan de tout son ouvrage;
il leur représenta ce qui en devait faire le sujet et la matière;
il leur en rapporta en abrégé lea raisons et les prindpee, et il
leur expliqua l'ordre et la suite des choses qu'il y voulait
traiter. Et ces personnes, qui sont aussi capables qu'on le
puisae être de juger de ces sortes de cboaes. avouent qu'elles
n'ont jamais rien entendu de plus beau, de plus fort, de plus
touchant, ni do plu.<i convaincant : qu'ollesen furent cliArméea;
et que ce qu'elles virent de ce projet et de ce dessein dans un
discours de deux ou troi.n heures fait ainsi sur-le-champ, et
sans avoir été prémédité ni travaillé, leur fit juger ce que ce
pourrait être un jour, s'il était jamais exécuté et conduit k
sa perfection par une personne dont elles connaissaient la
force et la capacitif ; qui avait accoutumé de travailler telle-
ment tous ses ouvrages, qu'il no se contentait presque jamais
de ses premières pensées, quelque bonnes qu'elles parussent
aux autres : et qui a r^ait souvent, jusqu'à huit ou dix fois.
I. C'Mt-4Hiir« (b préhes éUiat de la fin de i66ç)^ 1667A iftSç.
S. Catts iaeidsate «si ««et iaiporUnt»; n o» la prsad k la laUfv,
il hat es eoacl«r« qu«> Pntml n'avait p«> ^ril d'avaac* SOS sipesi
lioa orale; la résan^ d'Éli«ane Parier aaniit éi* fait SSsISMSat à
i*ai4s 4ss soevsain d«a aaditrars. C«pee4aat Is aMaasaril eosliat ■■
loag fragaisat avse osUa iadieatioM A. P. A. <|«t asaiMe as rappoifr
k la roaWrsaea duat paria Êtiaase Patral (tt. it6 aC kdo).
PRÉFACE DE PORT-ROYAL. CLXxxm
drs pièces que tout autre que lui trouvait admirables d>*>s U
première*."'
Après qu'il leur eut fait voir quelles sont les preuves (jiu
font le plus d'impression sur l'esprit des hommes, et qui sont
les plu* propres h les persuader, il entreprit de montrer que
i.i religion chrétienne avait autant de marques de certitude
cl d'évidence que les choses qui sont reçues dans le monde
[>our les plus indubitables.
Il commença d'abord par une peinture de l'homme, où il
n'oiihlia rien de tout ce qui le pouvait faire connaître et au
(li'il.ms et au dehors de lui-même, et jusqu'aux plus secrets
mouvements de son cœur. Il supposa ensuite un homme qui,
avant toujours véai dans une ignorance générale, et dans
l'indiiTércnce à l'égard de toutes choses, et surtout à l'égard
df soi-même, vient enfin à se considérer dans ce tableau, et à
examiner ce qu'il est. Il est surpris d'y découvrir une infinité
de choses auxquelles il n'a jamais pensé ; et il ne saurait
remarquer, sans étonnemcnt et sans admiration, tout ce que
Pascal lui fait sentir de sa grandeur et de sa bassesse, de ses
avantages et de ses faiblesses, du peu de lumière qui lui reste,
cl drs ténèbres qui l'environnent presque de toutes parts, et
enfin de toutes les contrariétés étonnantes qui se trouvent
dans sa nature. 11 ne peut plus après cela demeurer dans
l'indifTérence, s'il a tant soit peu de raison ; et quelque
insensible qu'il ait été jusqu'alors, il doit souhaiter, après
a\oir ainsi connu ce qu'il est, de connaître aussi d'où il vient
et ce qu'il doit devenir.
I. Klienne Parier fait alluMon à re que dit Wendrock (Nicole)
dans M Prèfaer à la tradurtion latine des Prm'meiaU» : « Il éuit
souvent vini^t i<><irt entier* sttr une seule Lettre. Il en raeomaençait
nêne qurlqiip»-unes jusqu'à sept ou huit fais, afin de les Bettre au
degré de perfsction où nous les voyons. On ne doit point être surpris
qu'un eeprit ausai vif que Montalte ait eu cette patience. Autant qu'il
il de vivacité, autant a-t-il de pAnétmtion pour découvrir les moindres
fli^fMuu dans les ouvrages d'esprit : souvent à peine trouve-t-il sap-
port.ililece qui fait presque l'admiration des antres, a I^ dix-huitième
l'ruvinciaU ^t la plus travaillée de toutes. Pascal la refit treite fois,
plus pent-^tre d'ailleurs par scrupule ih^ulogiquc que par srmpala
littéraire Cf. la lettre it Brieime, eupra. p. cxlviii.
GLXUtv PRftrACR nK PORT-ROYAL.
pMcal. l'ayant mi* dans cette dinpontion de fhewim à
s'instruira sur no doute ai important, l'adreaae premiènoMnt
aux phikMopliei. el c'eat là qu'aprèa lui avoir développé tout
oe que lea plui grands philosophes de toutes les sedea ont dit
sur le sujet de l'homme, il lui fait observer tant de défauts,
tant de faiblesses, tant de contradictions, et tant de fauuetés
dans tout ce qu'ik en ont avancé, qu'il n'est pas difficile k
cet homme de juger que ce n'est pa» U où il doit s'en tenir.
Il lui fait ensuite parcourir tout l'univers et tout les âges,
pour lui faire remarquer une infinitr de religions qui s'y
rencontrent : mais il lui fait voir en même temps, par des
raisons si fortes et si convaincantes, que toutes ces retigions
ne sont remplies que de vanité, de folies, d'erreort. d'égaré»
ments et d'extravagances, qu'il n'y trouve rien eocore qui le
puisse satisfaire.
Enfm il lui fait jeter les yeux sur le peuple juif : et il lui
en fait observer des circoniÂanccs si extraordinaires, qu'il
attire facilement son attention. Après lui avoir représenté
tout ce que ce peuple a de singulier, il s'arrête particulière-
ment k lui faire remarquer un livre unique par lequel il se
gouverne, et qui comprend tout ensemble son histoire, sa loi
et sa religion. A peine a-l-il ouvert ce livre, qu'il y apprend
que le monde est l'ouvrage d'un Dieu, et que c'est ce même
Dieu qui a créé l'homme à son image, et qu'il l'a doué de
tous les avantages du corps et de l'esprit qui convenaient à
cet état. Quoiqu'il n'ait rien encore qui le convainque de cette
vérité, elle ne laisse pas de lui plaire ; et la raison seule suffit
pour lui faire trouver plus de vraisemblance dans cette
supposition, qu'un Dieu est l'auteur des hommes et de tout
ce qu'il y a dans l'univers, que dans tout ce que ces mêmes
hoounes se sont imaginé par leurs propres lumières. Ce qui
l'arrête en cet endroit est de voir, par la peinture qu'on lui a
faite de l'homme, qu'il est bien éloigné de posséder tous ces
avantages qu'il a dû avoir lorsqu'il est sorti des mains de son
auteur ; mais il ne demeura pas longtemp dans ce doute :
car dès qu'il poursuit la ledora de ce même li>re. il y trouve
qu'après que l'homme eut été créé de Dieu dans l'état d'inno-
oeooe, el avec toute sorte de perfections, sa première action
fut de ae révolter contra son créateur, et d'employer à
l'ofifenser tous les avantages qu'il en avait reçus.
PRÉFACE DE PORT-ROYAL. cuuxv
Pascal lui fait alors comprendre que ce crime ayant été le
plu» grand de tous les crimes en toutes ces circonstances, il
avait été puni non seulement dans ce premier homme, qui.
étant déchu par là de son état, tomba tout d'un coup dans la
misère, dans la faiblesse, dans l'erreur et dans l'aveuglement,
mais encore dans tous ses descendants à qui ce même homme
a communiqué et communiquera encore sa corruption dans
toute la suite des temps.
Il lui montre cnî<uile divers endroits de ce livre où il a
découvert cette vérité. Il lui fait prendre garde qu'il n'y est
plus parlé de l'homme que par rapport à cet état de faiblesse
et de désordre ; qu'il y est dit souvent que toute chair est
corrompue, que les hommes sont abandonnés à leurs sens, et
qu'ils ont une pente au mal dès leur naissance. Il lui fait voir
encore que celte première chute est la source, non seulement
de tout ce qu'il y a de plus incompréhensible dans la nature
de l'homme, mais aussi d'une infinité d'effets qui sont hors
de lui, et dont la cause lui est inconnue. Enfin il lui repré-
sente l'Ii' !»ien dépeint dans tout ce livre, qu'il ne lui
parait pi ni de la première image qu'il lui en a tracée.
Ce n'est pa» assez d'avoir fait connaître à cet homme son
état plein de misère : Pascal lui apprend encore qu'il trouvera
dans ce même livre de quoi se consoler. Et en efTct. il lui fait
remarquer qu'il y est dit que le remède est entre les mains
de Dieu ; que c'est à lui que nous devons recourir pour avoir
les forces qui nous manquent ; qu'il se laissera fléchir, et
qu'il enverra même aux hommes un libérateur, qui satisfera
pour eux. et qui suppléera à leur impuissance.
Après qu'il lui a expliqué un grand nombre de remarques
trî^s particulières sur le livre de ce peuple, il lui fait encore
considérer que c'est le seul (|ui ait parlé dignement de l'Ktrc
souverain, et qui ait donni' l'idée d'une véritable religion. Il
lui en fait concevoir les marques les plus sensibles qu'il
applique à celles que ce livre a enseignées: et il lui fait faire
une attention particulière sur ce qu'elle fait consister l'essence
'I' - ■■>ur de Dieu «|u'ellc adore; ce qui est
'111 ilier. et qui la distingue visiblement de
toutes it'?< autres religions, dont la fauiaeté parait par le
défaut de cette marque si essentielle.
Quoique Pascal, après avoir conduit si avant cet homme
CLXSiM PR^.PACR DR PORT-ROYAL.
qu'il «V>i «A de penuader inaentibleni' li ait
«noore ri< ^ m le puitM convaincro des vfi i lui
• (ail découvrir, il l'a mit nAantnoin» dans b di»poiiition de
lea recevoir avec plaisir, pounrti qu'on puisse lui faire voir
qu'il doit n'y rendre, el de souhaiter m^^nie de tout «on cœur
qu'elles soient solides et bien fondées, piiî trouve de
li grands avantages pour son repos et |)nin '<iMement
de ses doutes. C'est aussi l'état où devrait être tout homme
raisonnable, s'il était une foi» bien entré dans la suite de
Unîtes les choses que Pasral vient de repréjienter : il y a sujet
de croire qu'sprj^ rela il se rendrait facilement h toutes les
preuves que l'auteur apportera ensuite |)our ronPirmer la
certitude et l'évidence de toutes ce» vérit«''s importantes dont
il avait parlé, et qui font le fondement de la religion chré-
tienne, qu'il avait dessein de persuader.
Pour dire en peu de mots quelque chose de ces preuve*»,
aprfs qu'il eut montré en général que les vérités dont il
s'agissait étaient rnnlenues dans un livre de fa certitude
duquel tout homme do Imn sens ne pouvait douter, il s'arrêta
principalement au livre de Moïse, où ces vérités sont particu-
lièrement rép.r ' il fit voir, par un très grand nombre
de circonstani • i.ihles. qu'il était également impossible
que Moïse eût laissé par écrit des choses fauves, ou que le
peuple à qui il les avait laissées s'y fût bissé tmmn^r nnaiwl
même MoSse aurait été capable d'être fourbe.
Il parla aussi des grands miracles qui sont i.i|<| ■>it>^ :
ce livre; et comme ils sont d'une grande conM'ijn-tni- ivr
religion qui y ert enseigmV^. il prouva «pj'il n
possible qu'ils ne fussent vrais, non seulement par i
du livre où ib sont contenus, mais encore par toutes les
ri rrctnstances qui les accompagnent et qui les rendent indu-
l.il.iMeti.
Il t irore de quelle mai '• la loi ' '
était I; ' ; que tout ce qui • ' •- aux Juii
été que la figure des vérité accomplies à la venue du Messie,
et que. le voile qui rouvrait ces figures ayant été levé, il
était aisé d'en voir l'aroom plissement et b conaommation
parfaite en faveur de reux qui ont reçu h'- '
11 entreprit ensuite de prouver la véritr ngion par
lea prophéties; et ce fut sur ce sujet qu'il s'etrndit beaoootip
PRÉFACE DE PORT-ROYAL. clxxxvii
plus que sur les autres. Comme il avait beaucoup travaillé
là-dessus, et qu'il y avait des vues qui lui étaient toutes parti-
culières, il les expliqua d'une manière fort intelligible : il en
Ht voir le sens et la suite avec une facilité merveilleuse, et il
les mit dans tout leur jour et dans toute leur force.
Enfin, après avoir parcouru les livres de l'Ancien Testa-
ment, et fait encore plusieurs observations convaincantes
pour <iervir de fondements et de preuves à la vérité de la
rr!i::iori. il entreprit encore de parler du Nouveau Testament,
et (le tirer ses preuves de la vérité môme de l'F^vangile.
Il commença par Jésus-Christ: et quoiqu'il l'eût déjà prouvé
invinciblement par les prophéties et par toutes les figures de
la loi. dont on voyait en lui l'accomplissement parfait, il
apporta encore beaucoup de preuves tirées de sa personne
même, de ses miracles, de sa doctrine et des circonstances de
sa vie.
Il s'arrêta ensuite sur les apôtres : et pour faire voir la vérité
de la foi qu'ils ont publiée hautement partout, après avoir
établi qu'on ne pouvait les accuser de fausseté qu'en supposant
ou qu'ils avaient été de» fourltes, ou qu'ils avaient été trompés
eux-mêmes, il (it voir clairement que l'une et l'autre de ces
suppositions était également impossible.
Enfm il n'oublia rien de tout ce qui pouvait servir à la
vérité de l'hisl^Hre évancélique, faisant de très belles remar-
ques sur l'Kvangilo inèrne. sur le style des évangélistes. et sur
leurs personnes ; sur les apôtres en particulier, et sur leurs
écriU; sur le nombre prodigieux de miracles: sur les martyrs:
sur les saints: en un mot. sur toutes les voies par lesquelles
la rr-ii^'inn chrétienne s'est entièrement établie. Et quoiqu'il
n't'ùt |>.is le loisir, dans un simple discours, de traiter au
long une si vaste matière, comme il avait deaaein de faire dans
son ouvrage, il en dit néanmoins asseï pour convaincre que
tout cela ne pouvait être l'ouvrage des hommes, et qu'il n'y
avait que Dieu seul qui eôt pu conduire l'événement de tant
«r«'fr»'U <Jinv'T«»nt» qui concourent tous également k prouver
Me la religion qu'il est venu lui-même
Voilà en substance les principales choses dont il entreprit
de parler dans tout ce discours, qu'il ne proposa à ceux qui
l'entendirent que comme l'abrégé du grand ouvrage qu'il
euxivm PRftrACK DE PORT-ROYAL.
mMiUit : ri r'r»t par 1« moyen d'un de ceux qui y furent
pféeenU qu'on a au flcnui» le pr» (ftip in vtrn« d'en rap-
porter*.
Parmi lea fra^mnitii iiur ion ii4>iiiir .m publu. m
quelque choae de ce grand dessein : mai* on y m \< ■
peti : et lea cboaea mAmea que l'on > irnini ■
faitr». si peu étendœa. eC ai peu digônt'*, <{< i' - <>, j. nw m
donner qu'une idé« trfa groaaiftre de la manière dont il ae
proposait de les traiter.
Au rciite. il ne faut pas s'étonner si. dans le pea qu'on en
«ioimo. on n'a pas gardé son ordre et sa suite pour la distri>
liiilion des matières. Comme on n'avait presque rien qui se
suivit, il eût été inutile de s'attacher i oel ordre ; et l'on s'est
contenté de les disposer à peu pria en la manière qu'on a
jugé être plus propre et plus convenable k ce que l'on en
avait. On espère même qu'il y aura pou de personnes qui.
après avoir bien conçu une fois le dessein de l'auteur, ne sup-
pléent d'eux-mêmes au défaut de cet ordre, et qui. en con-
aidérant avec attention les diverses matières répanduea dans
ces fragments, ne jugent facilement où elles doirentMre rap-
portées suivant l'idée de celui qui les avait écrites.
Si l'on avait seulement ce disoour»-lè par écrit tout au long
et en la manière qu'il fut prononcé, l'on aurait quelque snji l
de se consoler de la perte de cet ouvrage, et l'on pourrait dur
qu'on en aurait au moins un petit échantillon, quoique fort
imparfait. Mais Dieu n'a pas permis qu'il nous ait Uiss<' ni
l'iiii ni l'autre; car peu de temps après il tomba maladed' tin*-
maladie de langueur et de faiblesse qui dura les quatra der-
nières années de sa vie. et qui. quoiqu'elle parût fort peu an
dehors, et qu'elle ne l'obligeât pas de garder le lit ni la
dwmbre, ne laiaaait pas de l'incommoder Immiik
rendre preaque incapable de s'appliquer k quoi •
aorte que le plus grand aoin et la principale >
ceux qui étaient auprès de lui était de le déton
et même de parler de tout ce qui demandait qn iten-
I . Cf. la Discaars âmt U$ Pmmém et M. I^n«al. ^«i a Mé terit
riaarsaaMk «tOa Pré/met, 9i qn'6û«na« Parier n'a pMii-AtM hit qaai
rétuaMT, ia/ra, p. cxus.
PRÉFACE DE PORT-ROYAL. clxxxix
tion d'esprit, et de ne rentrelenir que de choses indifférentes
et incapables de le fatiguer.
C'est néanmoins pendant ces quatre dernières années de
' ' et de maladie qu'il a fait et écrit tout ce que l'on a
■ cet ouvrage qu'il m(kJitait, et tout ce que l'on en
donne au public. Car, quoiqu'il attendit que sa santé fût
entièrement rétablie pour y travailler tout de bon, et pour
écrire les choses qu'il avait déjà digérées et disposées dans son
esprit, cependant, lorsqu'il lui survenait quelques nouvelles
pensées. (]uclqucs vues, quelques idées, ou même quelque
tour et quelques expressions qu'il prévoyait lui pouvoir un
jour servir pour son dessein, comme il n'était pas alors en
état de s'y appliquer aussi fortement que lorsqu'il se portait
bien, ni de les imprimer dans son esprit et dans sa mémoire,
il aimait mieux en mettre quelque chose par écrit pour ne
les pas oublier ; et pour cela il prenait le premier morceau
de papier qu'il trouvait sous sa main, sur lequel il mettait
sa pensée en peu de mots, et fort souvent même seulement à
demi-mot: car il ne l'écrivait que pour lui. et c'est pourquoi
il se contentait de le faire fort légèrement, pour ne pas se
fatif^uer l'esprit, et d'y mettre seulement les choses qui étaient
nécessaires pour le faire ressouvenir des vues et des idées
qu'il avait.
C'est ainsi qu'il a fait la plupart des fragments qu'on trou-
YCra dans ce recueil : de sorte qu'il ne faut pas s'étonner s'il
y en a quchjucs-uns qui semblent assez imprfaits, trop courts
et trop p«'u expliqués, dans lesquels on peut même trouver
des termes et des expressions moins propres et moins élé-
gantes. 11 arrivait néanmoins quelquefois, qu'ayant la plume
à la main, il ne pouvait s'emp«V:her, en suivant son inclina-
.lion, de {tousser ses pensées, et de les étendre un peu davan-
'tage. quoique ce ne fût jamais avec la même force et la même
application d'esprit que s'il eût été en parfaite santi^. El c'est
pounpiui l'on en trouvera aussi quelques-unes plus étendues
et mieux écrites, et des chapitres plus suiyU «t plus parfaits
que les autres.
V oilà de quelle manière ont été écrites ces Pensées. Et je
^crois qu'il n'y aura |)ersonne qui ne juge facilement, par ces
k'grr» conmit'ncement.<«et |»r ces faibles essais d'une personne
malade, qu'il n'avait écrits que pour lui seul, et |K)ur se n-
cit PRÉFACE DR PORT-ROYAI.
nu'Itrr <i.iii« Tf^pril drti prnfléw qu'il craignait de panlie*
qu'il n'a>ait jamais rr%u» ni r«IOUchét. qu«l CÙt élé l*Oltvni§e
entier, s'il eût pu recouvrer m parfaite lantA et y mettre la
dernière main, lui qui «avait di^poter les clioaea dans on si
beau jour cl un si bel ordre, qui donnait un tour si parti-
culier, si noble et si relevé, à tout ce •: ' tit dire, qui
avait dessein de travailler cet outrage pi' ni ceux qu'il
avait jamais faits, qui j voulait cmploer toute la force
d'esprit et tous les talents que Dieu lui avait donnés, et
duquel il a dit souvent qu'il lui fallait dix ans de santé pour
l'acbever.
Comme l'on savait le dessein qu'avait Pascal de travailler
sur la religion, l'on eut un tr^s grand soin, après sa mort,
de recueillir tous les écrits qu'il avait faits sur cette manière.
On les trouva loiu ensemble enfilés en diverses liasses, mais
sans aucun ordre, sans aucune suite, parce que. comme
je l'ai déjà remarqué, ce n'étaient que les premières eipfee-
sions de ses |)en»écs qu'il écrivait sur de petits morceaux de
papier h mesure qu'elles lui venaient dans l'esprit. Et tout
cela était si imparfait et si mal écrit, qu'on a eu toutes les
peines du monde à le déchiffrer.
Le première chose que l'on fit fut de les faire copier tds
qu'ils étaient, et dans la même confusion qu'on les avait
trouvés. Mais lorsqu'on les vit en cet état, et qu'on eut plus
de facilité de les lire et de les examiner que dans les originaux,
ils parurent d'abord si informes, si peu suivis, et le plupart
si peu ei|)li(]ué4, qu'on fut fort longtemps sens penser du
tout à les faire inipriiner. quoique plusieurs penoones de
très grande considération le demendeasent souvent avec des
instances et des sollicitations fort pressantes : parce que l'on
jugeait bien qu'en donnant ces écrits en l'état où ils étaient,
on ne pouvait pas remplir l'attente et l'idée que le monde
•Tait de cet ouvrage, dont on avait déjà beaucoup entendu
perler.
Mau enfin on fut obligé de céder è l'impatienoe et au grand
désir que tout le monde témoignait de les voir imprimés. Et
l'on s'y porta d'autant plus aisément, que l'on crut que ceux
qui les liraient seraient aaaet équitables pour faire le disoer-
nanont d'un dessein ébeuehé d'avec une pièce achevée, et
pour juger de l'ouvrage par l'échantillon, quelque imparlait
PRÉFACE DE FORT-ROYAL. aa
qu'il fût. El ainsi l'on se résolut de le donner au public.
Mais comme il y avait plusieurs manières de l'exécuter, l'on
a été quelque temps à se déterminer sur celle que l'on devait
prendre.
La première qui vint dans l'esprit, et celle qui était sans
doute la plus facile, était de les faire imprimer tout de suite
dans le même état où on les avait trouvés. Mais l'on jugea
bientôt que. de le faire de cette sorte, c'eût été perdre presque
tout le fruit qu'on en pouvait espérer, parce que les pensées
plus suivies, plus claires et plus étendues, étant mêlées et
ronmie absorbées parmi tant d'autres à demi digérées, et
quelques-unes même presque inintelligibles à tout autre qu'à
celui qui les avait écrites, il y avait tout sujet de croire que
les unes feraient rebuter les autres, et que l'on ne considérerait
ce >olunic, grossi inutilement de tant de pensées imparfaites,
que comme un amas confus, sans ordre, sans suite, et qui ne
pouvait servir à rien.
Il y avait une autre manière de donner ces écrits au public,
qui était d'y travailler auparavant, d'éclaircir les pensées ob-
scure», d'acliever celles qui étaient imparfaites; et. en prenant
ll;^l^ tntis ces fragments le dessein de l'auteur, de suppléer
<'ii i|ii<'l(|uc sorte l'ouvrage qu'il voulait faire. Cette voie eût
<■(<• assiiirmcnt la meilleure; mais il était aussi très difticile
(le la bien exécuter. L'on s'y est néanmoins arrêté assez long-
temps, et l'on avait en effet commencé à y travailler. Mais
enfin on s'est résolu de la rejeter aussi bien que la première,
parce que l'on a considéré qu'il était pres({ue impossible de
bien entrer dans la |X'nsée et dans le dessein d'un auteur, et
surtout d'un auteur tel que Pascal ; et que ce n'eût pas éU*
donner son ouvrage, mais un ouvraee tout différent.
I Ainsi. |. ^ qui se trouvaient dans
l'une et !.. 'V paraître ws écrits, on
kn a clioisi une entre deux, qui est celle que l'on a suivie
■ans ce recueil. On a pri.<i seulement parmi ce grand nombre
|e pensées ci-iles qui ont paru les plus clairet et les plus
b' ' ' et on l<>H donne telles qu'on les a trouvées, sans j
r <'r ni cliiin^'iT: si ce n'est qu'au lieu qu'elles étaient
. Hiins liaisoii, et disfiersécs confusément décote et
. Il lo a niivs dans quelque sorte d'ordre, et réduit
sous le!i niêni)>s titres iflles qui étaient sur les mêmes sujets;
eiai PRÉFACB DB PORT-ROTAL.
el ToD • supprimé toute* \m autres qui éUiont m Inp
ofatcdrei. ou trop irocwrfaitci.
Ce n'oit pat qu'eflet ne oontinaent aoan de tria héùm
dioaea. et quVlln ne foiaent capables de donner de grtadaa
Toea à ceux qui lea entendraient bien. Ilaia eomme on n«
voulait pas travailler k les fdaircir et k lea achever, ellea
eussent été enti^ment inutiles en l'état où ellea aont. El
afin que l'on en ait quelque idée, j'en rapporterai ici aaole-
ment une pour servir d'exemple ; et par laquelle on poonra
juger de toutes les autres que l'on a retrandiéaa. Void dooe
quelle eat cette pensée, et en quel état on l'a Iroavée parmi
œa firagments : « Un artisan qui parle des richeaaea, on pro*
cureur qui parle de la guerre, de la rovauté. etc. Mais le riche
parle bien des richesses, le roi parle froidement d'un grand
don qu'il vient de faire, et Dieu parle bien de Dieu. •
Il y a dans œ fragment une fort belle pensée : mais il J a
peu de personnes qui la puissent voir, parce qu'elle y eat
expliquée très imparfaitement et d'une manière fort obscure,
fort courte et fort abrégée; en sorte que. si on ne lui avait
oui dire de bouche la même pensée, il serait difficile de la
reconnaître dans une expression si confuse él ai embrouillée.
Voici k peu près à quoi elle consiste.
Il avait fait plusieurs remarques très particulières sur le style
del'Écriture, et principalement de l'Évangile, et il y trouvait de:i
beautés que peul-^lre personne n'avait remarquées avant lui. Il
■ ' 'os choses 1 ■
li . ur avec laiji. , '
{).iil< ili's (li<>M>9 les plus grandes et les plus relevées, comme
sont |iai ciLOinpIe. lero)faumodcDieu. la gloire que poaaéderont
Il s s. unis dans le ciel, les peines de l'enfer, sans s'y étendre.
coiiiiiK ont fait les Pères et tous ceux qui ont éôil aor ces
ni.iiK t<M Ht il disait que la véritable cause de cela était que
ci> > In •.<••«. qui à la vérité sont infiniment grandea eCrelevéeak
nolti- « gard. no le sont |)as de mémo i l'égard de Jéaua-
Christ ; et qu'ainsi il ne faut pas trouver étrange qu'il en
parle de cette sorte sans étonnement et aana àdmintioa :
comme l'on voit, sans comparaison, qu'un général d'armée
parle tout simplement et sans s'émouvoir du siège d'une place
importante, et du gain d'une grande bataille; et qu'un roi
parle froidement d'une somme de quinxe ou vingt millions.
PRÉFACE DE PORT-ROYAL. don
dont un particulier et un artisan ne parleraient qu'avec de
grandes exagérations.
Voilà quelle est la pensée qui est contenue et renfermée
sous le peu de paroles qui composent ce fragment ; et dans
l'esprit des personnes raisonnables, et qui agissent de bonne
foi. cette considération, jointe à quantité d'autres semblables,
pouvait servir assurément de quelque preuve de la divinité
de Jésus-Christ.
Je crois que ce seul exemple peut suflire. non seulement
pour faire juger quels sont à peu près les autres fragments
qu'on a retranchés, mais aussi pour faire voir le peu d'appli-
cation et la négligence, pour ainsi dire, avec laquelle ils ont
presque tous été écrits ; ce qui doit bien convaincre de ce que
j'ai dit. que Pascal ne les avait écrits en effet que pour lui
seul, et sans présumer aucunement qu'ils dussent jamais pa-
raître en cet état. Et c'est aussi ce qui fait espérer que l'on
sera assez porté à excuser les défauts qui s'y pourront ren-
contrer.
Que s'il se trouve encore dans ce recueil quelques pensées
un peu obscures, je pense que, pour peu qu'on s'y veuille
appliqtier. on les comprendra néanmoins très facilement, et
qu'on demeurera d'accord que ce ne sont pas les moins belles,
et qu'on a mieux fait de les donner telles qu'elles sont, que
de les éclaircir par un grand nombre de paroles qui n'auraient
servi qu'à les rendre traînantes et languissantes, et qui en
auraient à\è une des principales beautés, qui consiste à dire
beaucoup de choses en peu de mots.
L'on en peut voir un exemple dans un des fragments du
chapitre dc^ Preuves de Jésus-ChrUl par Us prophéties, qui est
conçu en ces termes : c Les prophètêi sont mèl^ de prophéties
particulières, et de celles du Messie: aGn que les prophéties
.du Messie ne fussent pas sans preuves, et que les prophéties
rticulièrcs ne fussent pas sans fruit. » Il rapporte dans ce
ragmcnt la raison pour laquelle les prophètes, qui n'avaient
en vue que le Messie, et qui semblaient ne devoir prophétiser
que de lui et di; ce qui le regardait, ont néanmoins souvent
prédit des choses particulières qui paraissaient assez indiiïé-
P inutiles à leur dessein. Il dit que c'était afin que ces
ts prticulicrs s'accomplissant de jour en jour aux
out le monde, en la manière qu'ils les avaient pré-
l^àn M fAMAL. I — 13
aw ntfkCK DE PORT-IIUYAL.
dits. Ut fittMot inoootaïUfaltnMat reoooniu pour propbèlti.
et qu'ainû l'on ne pèt douter de la vérité et de la oartitnde
de tontes les dioses qu'ib propbéttMÎent du Meaie. De lorte
que. perce mojen. le» prophétieeduMeMietiraieDl, en quelque
façon, leur» preuve» et leur autorité de œ» propliétie» parti-
ciûière» vérifiée» et accomplie» ; et ce» pronbéCie» particuUèrM
serrant ainsi à prouver et à autoriser oMiea du Messie, ellfli
n'étaient pas inutiles et infructueuse». Voili le sent de ce
fragment étendu et développé. Mais il n'y a sans doute per-
sonne qui ne prit bien plus de plaisir de le découvrir soi-
même dans les seules paroles de l'auteur, que de le voir ainsi
édairci et expliqué.
Il est encore, ce me semble, asses à propos, pour détromper
quelques personnes qui pourraient peut-être s'attendre de
trouver id des preuves et des démonstrations géométriques de
Tesistence de Dieu, de l'immortalité de l'âme, et de plusieurs
autres articles de foi chrétienne, de les avertir que ce n'était pas
li le dessein de Pascal. Il ne prétendait point prouver toutes
ces vérités de la religion par de telles démonstrations fondée»
sur des principes évidents, capables de convaincre l'obstination
des plus endurcis, ni par des raisonnements métapbTsiqur»
qui souvent égarent plus l'esprit qu'ib ne le pertoaoent. m
par des lieux communs tirés de divers effets de la nature,
mais par des preuves morales qui vont plus au coeur qu'à
l'esprit. C'est-à-dire qu'il voulait plus travailler à toucher et
i disposer le cœur, qu'à convaincre et k persuader l'esprit
parce qu'il savait que les passions et les attacbemenb videur
qui corrompent le oceur et la volonté, sont le» plot grands
obstacles et les principaux empêchements que noua aurons à b
foi. et que. pourvu que l'on pût lever ces obstades. il n'était
pas difficile de faire recevoir à l'esprit les lumièrea el les rai-
sons qui pouvaient le convaincre.
On sera fadlemeni persuadé de tout œU en Usant ces écrits.
Mais Pascal s'en est encore expliqué lui-même dans un de ses
fragments qui a été trouvé parmi les autres, et que l'on n'a
point mû dans ce recueil. Void ce qu'il dit dans ce fragment :
« Je n'entreprendrai pas id de prouver par des raisons natu-
relles, ou i'eiittenoe de Dieu, ou la Trinité, ou l'immortalité
de l'âme, ni aucam dea choses de cette nature; non seolemenl
parce que je ne me aentirais pas asset fort pour trouver dans
PRÉFACE DE PORT-ROYAL. cxcv
la nature de quoi oon'vaincre des athées endurcis, mais encore
parce que cette connaissance, sans Jésus-Christ, est inutile
et stérile. Quand un homme serait persuadé que les propor-
tions <k's nombres sont des vérités immatérielles, éternelles,
et dé|j«^iidântes d'une première vérité en qui elles subsistent
t qu'on appelle Dieu, je ne le trouverais pas beaucoup
d^ancé pour son salut. »
On s'étonnera peut-être aussi de trouver dans ce recueil
-ilé de pensées, dont il y en a même plu-
assez éloignées du sujet que Pascal avait
entrepris de traiter. Mais il faut considérer que son dessein
•^tait bien plus ample et plus étendu qu'on ne se l'imagine,
l qu'il ne se bornait pas seulement à réfuter les raisonne-
ments des athées, et de ceux qui combattent quelques-unes
de* vérités de la foi chrétienne. Le grand amour et l'estime
lièrc qu'il avait pour la religion faisait que non scule-
..!. il ne pouvait souffrir qu'on la voulût détruire et anéantir
>ut à fait, mais même qu'on la blessât et qu'on la corrompit
• n la moindre chose. De sorte qu'il voulait déclarer la guerre
.1 (oii« rrux qui en attaquent ou la vérité ou la sainteté:
( ' non seulement aux athées, aux infidèles et aux
II' ^ ^. qui refusent de soumettre les fausses lumières de
leur raison & la foi. et de reconnaître les vérités qu'elle nous
' -'.-ne; mais même aux chrétiens et aux catholiques, qui.
lians le corpsde la véritable Eglise, ne vivent pas n^n-
W- des maximes de l'Evangile, qui nous y
ne le modèle sur lequel nous devons nous
cl conformer toutes nos actions.
! t (\nc\ était son dessein : et ce dessein était assez vaste
. I atid pour pouvoir comprendre la plupart des choaw
'lans ce recueil. 11 s'y en pourra néan-
jiievunc^ qui n'y ont nul rapport, et qui
<i riïet n'y étaient |>a<« destinées, comme, par exemple, la
>lii|t.irtde celles qui sont dans le chapitre des Pensées diverse$,
•^'l'ii'llcs on a aussi trouvées panni les papiers de Pascal, et
|ur Ion a jugé & pro[K>s de joindre aux autres: parce que
l'on ne donne pas ce livre-ci simplement comme un ouvrage
it contre les athées ou sur la religion, mais comme un
I ili- P>-mteê sur la religion et sur quelques autres
aen PRtrACK DK PORT-ROYAL.
J« panie qu'il ne reste pliii. pour «cfaeTer O0II0 prélaor.
que à» dira quelque cboM d« l'auteur aprè* airoir parié de
aoD oorrage. Je crou que noo teulemeot oeb lera aaaei à
propoa, mab que ce que j'ai dettetn d'en écrira pourra
mêoM étra trèa utile pour faire connaîtra comment Pascal
ait entré dans l'estime et dans le» sentiments qu'il avait pour
k religion, qui lui firent concevoir le deacin d'entreprendra
cet ouvrage.
On voit, dans la préface des Traité* de réquilibra dea
liqueurs, de quelle manière il a passé sa jenneaae. el le grand
progrès qu'il y fit en peu de temps dans toutes Im ioencg*
humaines et profanes auxquelles il voulut s'appliquer, et par-
ticulièrement en la géométrie et aux mathématiques : la ma-
niera étrange et surprenante dont il les apprit à l'âge de onae
ou douae ans: les petits ouvrages qu'il faisait quelqoelbia. el
qui surpassaient toujours beaucoup la force et la portée d'une
personne de son Age; l'eflbrt étonnant et prodigieux de son
imagination et de son esprit qui parut dans sa machine aritb»
métique. qu'il inventa. Agé seulement de dix-neuf à vingt
ans; et enfin les belles expériences du vide qu'il fit en pré-
sence dea personnes les plus considérables de la ville de
Rouen, où il demeon pendant quelque temps, pendant q
le préaident Pascal son père j était employé pour le ser^ •
du roi dans la fonction d'intendant de justice. Ainsi je 1
r^iéterai rien ici de tout cela, et je me contenterai senlem*
de représenter en peu de mois comment il a méprisé tout<
ces choses, et dans quel cspnt il a passé les dernières anné<
de sa vie, en quoi il n'a pas moins fait paraître la grandi-
et la solidité de sa vertu et de sa piété, qu'il avait mont
auparavant la force, Pélandae et le pénétration admirable
aon esprit.
Il avait été préservé pendant sa jeunesse, par une protedioi
particulièra de Dieu, des vices où tombent la plupart <)
jeunes gens: et ce qui est asses extraordinaire k un espi
aussi curieux que le sien, il ne s'était jamab porté au lib<
tinage pour ce qui regarde la rdigion. ayant toujours pou
sa curiosité aux choaes naturellea. Et il a dit ploiiaiira f«
qu'il joignait cette obligation à toutes lea autres qu'il .iv.iit .
son père, qui. ayant lui-même un très grand respect pour Ij
religion, le lui avait inspiré dès Tenfanoe. lui donnant poi.
ur
PREFACE DE PORT-ROYAL. cxcm
rii;i\iine. que tout ce qui est l'objet de la foi ne saurait l'être
<]p la raison, et beaucoup moins y être soumis.
('.os instructions, qui lui étaient souvent réitérées par un
père pour qui il avait une très grande estime, et en qui il
voyait une grande science accompagnée d'un raisonnement
fort et puissant, faisaient tant d'impression sur son esprit,
que. quoique discours qu'il entendit faire aux libertins, il
r rnent ému; et. quoiqu'il fût fort jeune, il les
I ne des gens qui étaient dans ce faux principe,
(ue la raison humaine est au-dessus de toutes choses, et qui
ne connaissaient pas la nature de la foi.
Mais enfin, après avoir ainsi passé sa jeunesse dans des
occupations et des divertissements qui paraissaient assez inno-
cents aux yeux du monde. Dieu le toucha de telle sorte, qu'il
lui fit comprendre parfaitement que la religion chrétienne
nous oblige à ne vi\Te que pour lui. et à n'avoir point d'autre
'bjet que lui. Et celte vérité lui parut si évidente, si utile et
ire. qu'elle le fit résoudre de se retirer, et de se
i'*<u à peu de tous les attachements qu'il avait au
monde pour pouvoir s'y appliquer uniquement.
Ce désir de la retraite, et de mener une vie plus chrétienne
t plus réglée, lui vint lorsqu'il était encore fort jeune: et U
lo [Kirta dès lors h quitter entièrement l'étude des sciences
prof.me* pour ne s'appliquer plus qu'à celles qui pouvaient
à son salut et à celui des autres. Mais de conti-
ijladies qui lui survinrent le détournèrent quelque
!'>mp9 de son dessein, et l'empêchèrent de le pouvoir exécuter
|ilus tôt qu'à l'Âge de trente ans.
Ce fut alors qu'il commença à y travailler tout de bon : et.
pour y parxonir plus facilement, et rompre tout d'un coup
toutes M's liahitudes. il changea de quartier, et ensuite se
retira à U campagne*, où il demeura quelque temps; d'où,
«'-tant de retour, il témoigna si bien qu'il voulait quitter le
'I tonde, qu'enfin le monde le quitta. Il établit le règlement
'!'- ^1 vie dans sa retraite sur deux maximes principales, qui
^'■iit (le renoncera tout plaisir et à toute superfluité. Il les
rm, doal oa rMurque la ducrftion, à la r«Crail« à Port-
bamps.
excTtn PRfcPACR DR PORT-ROYAI.
avait Miu «tir devant 1m veux, ri il Urhait dr » v Rvancrr ri
de t'y perfectionner toujour» de plu» en plut.
C'est l'appliration continuelle qu'il avait il oea deax grandea
maximes qui lui faiMit témoigner une m grande patience
dans lea maux et dan* aea maladies, qui ne l'ont presque
jamais laissé sans douletir pendant toute sa vie ; qui lui fkiaait
pratiquer des mortifirations tr^ rudes et très sévères eBTer*
Ini-mAme: qui faiMit que non seulement il refoMÎt à aaaaens
tout ce qui pouvait leur être agréable, mab encore qu'il
prenait sans peine, mus dégoût, et m^me avec joie, lorsqu'il
le fallait, tout ce qui leur pouvait déplaire, soit pour la nour*
riture. soit pour les remèdes: qui le portait k se retrancher
tous les jours de plus en plus tout ce qu'il ne jugeait pas lui
être absolument n^essaire. soit pour le vêtement, soit pour
la nourriture, pour les meubles, et pour toutes lea auti
choses; qui lui donnait un amour si grand et si ardent pr».
la pauvreté, qu'elle lui ^iait toujours présente, et q«i'
lorsqu'il voulait entreprendre quelque chose, la première
pensée qui lui venait en l'esprit, était de voir si la pauvreté
pouvait être pratiquée, et qui lui faisait avoir en même temps
tant de tendresse et tant d'aiïeclion pour les pauvres, qu'i*
ne leur a jamais pu refuser l'aumAne. et qu'il en a fait mên
fort souvent d'assez considérables, quoiqu'il n'en fit que '
son nécessaire: qui faisait qu'il ne pouvait souffrir qu'< >
cherchât avec soin toutes commodité», et qu'il blâmait tant
cette recherche curieuse et cette fantaisie de vouloir exoell«^r
en tout, comme de se servir en toutes choae» dea meilleti'
ouvriers, d'avoir toujours du meilleur et du mieux fait,
mille atitres choses semblables qu'on fait Mns scrupule. p.tr
qu'on ne croit pas qu'il y ait de mal. mais dont il ne '
pas de même: et enfm qui lui a fait faire plusieurs .1;;.
très remarquables et très chrétiennes, que je ne rapporte |
ici. de peur d'être long, «t '
de faire une Vie*, mais m
de la piété et de la vertu de M. 1' ux qui ne 1 «
I. filÏMM Péffiar pMua à h Vis éerît* par sa aère, à I*^mII«
aifinf la •■ d« ■■ Pré/tt*. H doal la pradMM polilH|a« i
Port-Rojral retards ionglMapt la paUiesiMMi.
DISCOURS SUR LES PENSÉES. r.xax
pas connu ; car, pour ceux qui l'ont vu et qui l'ont un peu
fréquente pendant les dernières années de sa vie. je ne pré-
tends pas leur rien apprendre par là ; et je crois qu'ils juge-
ront, bien au contraire, que j'aurais pu dire encore beaucoup
d'autres choses que je passe sous silence.
DISCOl'RS SUR LES PENSÉES DE M. PASCAL
OU L'ON ESSAIE DE FAIRE VOIR QUEL ÉTAIT SON DESSEIN •
Avri'utiement. — Ce discours avait ét^ i^it pour servir de préhce
;iii rt'ctuil des Pensées de M. Pascal, mais parce qu'il fut trouvé trop
étendu pour lui donner re nom, on ne voulut point s'en servir : et il
était même bien juste qu'il cédât à la préface qu'on voit au commen-
cement de ce recueil, quand ce n'aurait été qu'afiu de ne rien mêler
d'étranger aux Pensées de M. Pascal et de n'y rien joindre qui ne
vint de la même famille et du même esprit. Depuis, comme on a ju^é
qne ce discours pourrait n'être pas tout à fait inutile pour fîiire voir
k peu prés quel était le dessein de M. Pascal, on a voulu le rendre
public ; parce que ce dessein était si grand et si important qu'on a
cru qu'il ne fallait rien négliger, pour petit qu'il fût, de ce qui pou-
vait y avoir quelque rapport. C'est par cette même raison qu'à ce
discours on en a joint un autre sur les preuves des livres de Moïse
qui n'avait pas été fait pour voir le jour, non plus que le traité où
l'on fait voir qu'il y a des démonstrations d'une autre espèce et aussi
certainei que i-ellcs de la géométrie et qu'on en peut donner de telles
pour la rriifpon chrétienne. Quelque succès qu'ils aient les uns et
les autres, on s'e^timeruit trop heureux, s'il plaisait k Dieu, qui fait
servir les moindres choses h ses plus grands desseins, qu'une seule
personne dans le monde en profitai.
Ce qu'on a vu jusqu'ici de M. Pascal a donné une si haute
idée de la grandeur de son esprit qu'il ne faut pas s'étonner
que ceux qui savaient qu'il avait dessein d'écrire sur la vérité
de la religion, aient eu beaucoup d'itnpatience de voir ce
qu'on en avait trouvé dans 8M papiers après sa mort. Ses amis,
de leur côté, n'en avaient pas moins de le publier ; et. comme
I. Diamars écrit par Filleau de la Chaise (vide tupra, p. tut et
f. CLixv); il parut en 1673, sons le nom de Dubois de la Cour. Voir
Sainte-Beuve, Port-ltornl, .V édit., I. III. p. 386.
ce DISCOURS son LES PRNSftRS.
ib ttvaimt encore mieui le prix de ce qui leur reclâit de lui.
mut ceux qui n'en jugeaient que par conjecture, il ne faut pai
dooler qu'iU ne se soient lenlia preaiés île rendre oe dernier
devoir à un homme dont la mémoire leur est n dière et de
faire part au monde d'une chose qu'ib croyaient avec raison
lui devoir tire si utile.
Car quoique M. Pascal n'eût encore rien écrit sur ce sujet
que quelques pensées détachées, qui auraient pu trouver leur
plaee dans l'ouvrage qu'il méditait, mab qui n'en auraient
fait qu'une tria petite partie et qui n'en sauraient donner
qu'une idée fort imparfaite, on peut dire néanmoins qu'on
n'a encore rien vu d'approchant sur cette mattire. Cependant
on ne saurait presque prévoir de quelle manière les précieux
restes de ce grand dessein seront reçus dans le monde. Quan-
tité de gens seront sans doute choqués d'y trouver si peu d'or-
dre, de œ que tout j est imparfait et de ce qu'il j a même
quantitéde pensées sans suite ni liaison et dont on ne voit point
où elles tendent : mais qu'ib considèrent que ceque M. Pascal
avait entrepris, n'étant pasde ces choses qu'on peut dire ache-
vées d^s qu'on en a conçu le dessein, ou de ces ouvrages dans
le train ordinaire et qui sont aussi bons d'une façon que d'une
autre, il y avait encore bien loin du projet à l'exécution. Ce
devait être un composé de quantité de pièces et de ressorts
diiïérents. il y fallait désabuser le monde d'une infinité
d'erreurs et lui apprendre autant de vérités: enfin il y
fallait parler de tout et en parler raisonnablement : à quoi le
chemin n'est guère frayé. Car en cflet tout conduit k la reli-
gion ou tout en détourne : et comme c'est le plus grand des
desseins de Dieu ou plutôt le centre de tous ses desaeina et
qu'il n'a rien fait que pour Jésus-Christ, il n'y a rien dans
le monde qui n'ait rapport à lui. rien dans les choses rivantes
ou inaniinéea, rien dans iesi actions ou les penaéee des
hommes, qui ne soit des suites du péché ou des e8eU de U
grâce et dans quoi Dieu n'ait pour but de dissiper nos tén^-
bres. ou de les augmenter lonmie nous les aimons. Ainsi tout
pouvait entrer dans le livre de M. Peacal ; et quelque caprit
qu'il e6t. il aurait pu emplojer m vie au seul amas de tant
de matières et laiseer enoore bien des choses à dire. Faut-il
donc s'étonner que n'y ayant donné que les quatre ou cinq
dernières annéea de sa rie. et enoore avec beaucoup d'inter-
DISCOURS SDR LES PENSÉES. oa
niption, on n'ait trouvé après sa mort que des matériaux
informes et en petite quantité?
D'ailleurs, comme la plupart se sont voulu figurer par
avance ce que ce pourrait être que cet ouvrage et que chacun
s'est imaginé que M. Pascal aurait dû s'y prendre comme il
aurait fait lui-même, il est certain que bien des gens y seront
tromfK's.
Ceux qui ne trouvent rien d'assuré que les preuves de géo-
métrie en veulent de l'existence de Dieu et de l'immortalité
de l'âme qui les conduisent de principe en principe comme
leurs démonstrations. D'autres demandent de ces raisons com-
munes qui prouvent peu ou qui ne prouvent qu'à ceux qui
sont déjà persuadés ; et d'autres des raisons métaphysiques,
qui ne sont souvent que des subtilités peu capables de faire im-
pression sur l'esprit et dont il se défie toujours. Enfin il y en a
qui n'ont de goût que pour ce qu'on appelle lieux communs et
pour je ne sais quelle éloquence de mots, dénuée de vérité,
qui ne fait qu'éblouir et ne va jamais jusqu'au cœur.
Il est certain que ni les uns ni les autres ne trouveront pas
ce qu'ils demandent dans ces fragments : mais il est vrai aussi
qu'ils l'y trouveraient s'ils n'étaient abusés par de fausses idées
de ce qu'ils cherchent. Tout y est plein de traits d'tme élo-
quence inimitable et de cette éloquence qui vient d'un senti-
ment vif des choses et d'une profonde intelligence et qui ne
manque jamais de remuer et de produire quelque effet. Il y
a des preuves métaphysiques aussi convaincantes qu'on en
peut donner en cette matière ; des démonstrations même pour
ceux qui s'y connaissent, fondées sur des principes aussi incon-
testables que rem des géomètres.
Mais le malheur est que ces principes appartiennent plus
au cœur qu'à l'esprit et que les hommes sont si peu accou-
tumés à étudier leur CŒur qu'il n'y a rien qui leur soit plus
inconnu. Ce n'ont i i.imais là quese portent leurs médi-
tations: et quoiqii II iit tonte leur vieeten toutes choses,
que suivre les mouvements de leur ccrur, ce n'est que comme
des aveugles qui se laissent mener sans savoir comment leurs
guides sont faits et sans rien connaître de ce qui se trouve
Idans leur chemin. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner qu'ils
•oient insensibles aux lumières que Dieu y a mises, s'ils ne
tournent jamais les yeux de œ o6lé-U et qu'ils ne cessent
I
i
on DISCOnRft HrR Lr.% PKNSÈBS.
même de te remplir de cfamet qui leur en ôlent k vue : el
s'ib l'en trouve quelquet-ons qui t'appliquenl k l'élode du
OEBur humain. peuvent-IU te vanter d'aller juaqu'au fond el
de percer cet abîme de préjugea, de faux aentimenbelde pee*
aiona, oà oeite lumière eat preaque élouflifte }
La v^rit^ cul qu'il ne faut pas tant penaer à prouver Dieu
qu'à le faire wntir rt que ce dernier même est le plue utile
et tout ensemble le plu» aisé : et pour le lentir. il faut le cher-
cher dans les sentiments qui subsistent encore en nous et qui
nous restent de la grandeur de notre première nature. Car
enfin si Dieti a laiss<^ de sea marques dans tout ses ouvrages.
comme on n'en peut pas douter, nous les trouverons bien
plutAt en nous-mêmes que dans les cboaes eitérieures qui ne
nous parlent |>oint el dont nous n'apercevons qu'une Mgère
superficie, exclus pour jamais d'en connaître le food et la
nature : et s'il est inconcevable qu'il n'ait pa^ (H^vé dans ses
créatures ce qu'elles lui doivent pour l'être qu'il leur a donné,
ce sera bien plutôt dans son propre cœur que l'homme pourra
trouver cette importante leçon que dans les choses inanimées,
qui accomplissent la volonté de Dieu sans le savoir el pour
qui l'être ne dilTÎTe point du néant.
Tant s'en faut donc qu'il faille s'étonner qu'on puiase trou-
ver Dieu par cette voie qu'une des choses du monde la plus
étonnante, c'est que nous ne l'y trouvions pas : et il n'y avait
qu'un renversement pareil h celui que le péché a fait
dan5 l'homme, qui lui put 6ter le sentiment de celle présence
(le Dieu, que son immennté rend perpétuelle partout. Qu'il
se console pourtant : ce sceau de Dieu dans sea ouvrages est
éternel et ineiïaçable. et le sentiment n'en saurait Aire éteint,
que la faculté de connaître et de sentir n'y soit détruite. Elle
ôt faible, h la vérité, et languissante ; mais de cela même
qu'elle connaît sa langueur, elle subsiste et elle peut être ré-
tablie. Elle le sera mène IM ou tard si elle la reconnaît an-
oèrement et qu'elle en gémisse; el die fera trouver k l'homme,
dans son propre coeur, ces traces de Dieu, qu'il chercherait en
vain dans les ouvragée morts de la nature, puiaqu'ib ne lui
apprendraient jamais ni quel est œ Dieu ni œ qu'il demande
dfijjjj.
/ Voilà proprement qnd était le deaaein de M. Pascal : il
I voulait rappeler les hoawies à leur osnir et leur (aire comme»-
DfSCOCRS SUR LES PENSÉES. caa
cer par v bien connaltr*» eux-m^me<«. Toute autre voie, quoi-
que bonne en soi, ne convenait point, selon lui, à la ma-
nière dont ils sont faits ; au lieu que celle-ci lui paraissait
conforme à l'étatdelcurcœuretdc leur esprit, et d'autant plus
propre à les rendre capables de connaître Dieu et d'y croire
qu'elle les porte à souhaiter qu'il soit et à faire consister tout
leur bien et toute leur consolation à n'en pouvoir douter? — >/
C'est ce qui parait par tout ce qu'on voit dans ces fragments
et par diverses choses qu'on en a retranchées, comme trop
i m [VI r faites et qui ne marquaient que l'ordre qu'il se propo-
sait de garder. Mais, outre cela, on le fait encore par un dis-
cours qu'il fit un jour en présence de quelques-uns de ses
amis et qui fut comme le plan de l'ouvrage qu'il méditait. II
parla pour le moins deux heures ; et quoique ceux qui s'y
trouvèrent fussent des gens d'un esprit à admirer peu de
choses, comme on en conviendrait aisément si je les nommais,
ils rPCOfinais>rnt encore présentement qu'ils en furent trans-
portés : que cette ébauche, toute légère qu'elle était, leur
donna l'idée du plus grand ouvrage dont un homme puisse
être captable : et que l'éloquence, la profondeur, l'intelligence
de ce qu'il y a de plus caché dans l'Ecriture, la découverte de
quantité de choses qui avaient jusqu'ici échappé k tout le
monde, et tout ce qu'ils virent de l'esprit de M. Pascal, dans
ce peu de temp, ne leur permit pas de douter qu'il ne fût
propre à exécuter un si grand dessein et leur persuada de plus
que, s'il ne l'achevait, il demeurerait longtemps imparfait.
Soit qu'à ce qu'il y avait d'effectif et de sa part et de la leur,
il s'v joipnlt encore quelque chose de cette union d'esprit et
de sentiments qui échauffe et donne de nouvelles forces, ou
que ce fût un de ces moments heureux où les plus habiles se
surpassent eux-mêmes et où les impressions se font si vives et
si profondes : tout ce que dit alors M. Pascal leur est encore
présent et c'est d'un d'eux que plus de huit ans après on a
appris ce qu'on en va dire.
Après donc qu'il leur eut exposé ce qu'il pensait des preuves
dont on se sert d'ordinaire, et fait voir combien celles qu'on
tire des oiivra^ros de Dieu sont peu proportionnées à l'état
naturel du cmir liuinain. et combien les hommes ont la tète
peu propre aux rai'<4)nnemenis métaphysiques, il montra
clairement qu'il n'y a que les preuves morales et historiques.
COT DISCOURS SDR LES Pt:>^i > ^
d de certains tantiuMeto qai vitoiMnt de ia n«tiirr rt dr
r«Bpéri«ooe qui «Mnl de leor portée: et il fit voir que ce
n'ert que »ur des preuves de cette sorte que sont fondiéw las
dioses qxii sont reoonnties dans le monde pour les phis
certaines. Et en effet, qu'il j ait une ville qu'on appelle
Rome, que Mahomet ait M. que l'embrasenient de Londres
soit véritable, on aurait de la peine à le démontrer : cepen-
dant ce serait être fou d'en douter et de ne pas exposer sa vie
là-dessus, pour peu qu'il y eût à gagner. Les toies par oà
nous acquérons ces sortes de certitudes, pour n'être pas
gfométriques. n'en sont pat moins infaillibles, et ne nous
doivent pas moins porter k agir : et ce n'est même que là-
dessua que nous agissons presque en toutes choses.
M. Pascal entreprit donc de faire voir que b religion
chrétienne était en aussi forts termes que ce qu'on reçoit de
plus indubitablement entre les hommes ; et suivant son
dessein de leur apprendre à se conn*»»»*, fT'cp'*''**'»T* r***
une peinture de l'homme, qui, pour n'être qu'un fVn^
nr Tnmait pas de contenir tout ce qu'on a jamais dit da
' sur ce sujet, et ce qu'il en avait peméjoj
.,... „V„kH bien au delàc-ianuus ceuaqui ont le plus
l'homme n'ont poi^«» l^iff •*»" '"»**dll1Wi ^ corrnptiofT
ses ténfebrw ; et jamais ss grandeur et ses avaijUaBS-n'ont été
portés si "Haut par ceui qui l'ont le plus relevé. Tout ce qu'on
voit dans ces fragments touchant I' ill iM«ni» de l'imagi-
nation, la vanité, l'envie, l'orgn"-' i propre, l'égare-
ment des païens, l'aveuglement de l'autre côté,
ce qu'on y trouve de la pensée ' ic. de la lecherche
du vrai bien, du sentiment d' rc. de l'amour da la
«TBpM Inomme, et l'aurait bie-n miam fait encory, s'il avait
plu à Dieu qu II y mit U f«*mff*rt P*'" ~^
Que diacun s'examine sérianseaiant sur ce qu'il trouvera
dans ce recueil, et qu'on se mette à la place d'un honme
que M. Pascal supposait avoir fait du sens, et qu'il se propo-
sait en idée de pousser à bout, et d'atterrer, pour le mener
ensuite pied à pied à la connaissance de la vérité : on verra
aana doute qu'il n'est pu possiUe qu'il ne vienne eoauite à
s'aflkajar de ce qu'il découvrira en lui. et à sa raguder
conoM un awamhlsga oMosInieux de parties inoompatiblas .
DISCOURS SDR LES PENSÉES. ocr
que cet amour pour la vérité, qui ne peut s'effacer de son
cœur, joint à une si grande incapacité de la bien connaître,
ne le surprenne: que cet orgueil né avec lui et qui trouve
à se nourrir dans le fond même de la misère et de la bassesse
nelVi^nnc; que ce sentiment sourd, au milieu des plus
n». qu'il lui manque quelque chose, quoiqu'il ne
|i; yie rien de ce qu'il connaît, ne l'attriste : et qu'enGn
ces mouvements involontaires du cœur qu'il condamne, et
qu'il a la peine de combattre lors même qu'il se croit sans
défauts, et ceux qui lui causent toujours quelque trouble,
s'il veut bien s'observer, quelque abandonné qu'il soit au
crime, ne le démontent, et ne lui fassent douter qu'une
nature si pleine de contrariétés, et double et unique tout
ensemble, comme il sent la sienne, puisse être une simple
production du hasard, ou être sortie telle des mains de son
auteur.
Quoiqu'un homme en cet état soit encore bien loin de
connaître Dieu, il est au moins certain que rien n'est plus
propre à lui persuader qu'il peut y avoir autre chose que ce
qu'il connaît et que cette chose inconnue peut lui être d'assez
grande conséquence pour chercher s'il n'y a rien qui puisse
l'en instruire : et même on ne saurait nier que ceux qu'on
aurait mis dans cette disposition ne fussent tout autrement
capbics d'être touchés des autres preuves de Dieu, et qu'ils
ne reçussent avec d'autant plus de joie l'éclaircissement de
leurs doutofl. qu'on leur apprendrait en même temps le
rcm<*<lo à rct a bime de misères dont les hommes sont entourés,
et di\r 'li-s il est inconcevable comment ceux qui n'en
espèn ■ -^ I |M;uvent avoir le moindre repos.
C'est à cet étrange repos que M. Pascal en voulait princi-
palemeot, et on le trouvera poussé dans ses écrits avec tant
de force et d'éloquence, qu'il est mal aisé d'j donner quelque
attention sans en être ému; et que ces gens qui ont pris leur
parti, et qui savent, disent-ils. k quoi ils doivent s'en tenir,
auront peut-être de la peine à s'empêcher d'être ébranlés.
Aussi ne croyait-il pas qu'il pût subsister avec la moindre
étincelle de bon sens : et après avoir supposé qu'un homme
raisonnable n'y pouvait demeurer, non plus que dans l'igno-
rance de son véritable état présent et à venir, il lui fit cher-
cfatr tout ce qui lui pouvait donner quelque lumière, et
ccvi DISCOURS SUR LES PENSÉES.
examinn prvinièrenMnl oe qu'en avaient dit eetu t|«j un
appelle philoaopbet.
Mais il n'eut guàra de peine à montrer qu'il (allait Ali« peu
difficile pour t'en ooatenter. qu'ils n'avaient fait autre caoee
que M contredira lea una les autres et se contredire eux-
mêmes, qu'ils avaient trouvé tant de sortes de vrais biens
qu'il était impossible qu'aucun d'eux eût rencontré, puisque
ap|)areniiiu'nt il doit être de telle nature, ({u'on ne puiaae ê'j
méprendrt*. el (jue les faux biens ne sauraiml lui rnMfimhlflr
Que si quelquvs-uns d'eux avaient connu que les hommes
naissent uicchanLv. aucun ne s'était avisé d'en dire la raison,
ni même de la chercher, quoiqu'il n'y eût rien dans le monde
de si digne de leur curiosité: que les uns avaient fait l'homme
tout grand, malgré ce qu'il sent en lui de baaaeaae; el lea
autres tout inrprlMble, malgré l'instinct qui l'élève; les un»
maître de la félicité, les autres misérable sans ressource ; les
uns ca|)able de tout, les autres de rien: enGn, qu'il n'y avait
point de secte qui en parlât si raisonnablement que chacun
ne sentit en soi de quoi la démentir.
Cet homme ne pouvant donc se satisfaire de cela ni aban-
donner aussi une recherche si importante, et jugeant bien que
oe n'était pas de gens faits comme lui. et aveugles comme lui.
qu'il devait attendre quelque éclairciMement; M. Pascal lui
fit venir à l'esprit, que {x;ut-^trc lui et ses semblables
avaient-ils un auteur qui aurait pu se connuuniquer k eux.
et leur donner des marques de leur origine et du dessein
qu'il aurait eu en leur donnant l'être. Et U-dessus parcou-
rant tout l'univers et tous les &ges. il rencontre une inGnit<-
de religions, mais dont aucune n'est capable de le toucher.
Gomme il a du sens, il conçoit quelque chose de ce qui doit
convenir à l'être souverain s'il y en a un. et de ce qu'il doit
avoir appris aux hommes, au cas qu'il se soit fait connaître i
eux. comme il a dû faire s'il y a une religion véritable.
Mais, au lieu de cela, que trouve-t-iljiaQUxitAjacllSiclM?
Des reli 'MTTH'rjrrtiT i.Mni Jg"]'^
linissen' : ! i i plusirtir^
qui ""'
"qiii
Iftu août sans autorité, aaus preuve.
I
DISCOURS SUR LES PENSÉES. cou
qui n'ont qu'un culte grossier et charnel, où tout est exté-
rieur, tout sentant l'homme, tout indigne de Dieu, et qui, le
iaio«.'uit dans la même ignorance de la nature de Dieu et de
la >itiitie. ne font que lui apprendre de plus en plus jusqu'où
peut aller l'extravagance des hommes. Enfin. plut()t que d'en
choisir aucune, et d'y établir son repos, il prendrait le parti
de se donner lui-même la mort, pour sortir tout d'un coup
d'un état si misérable : lorsque, près de tomber dans le
désespoir, il découvre un certain peuple, qui d'abord attire
son attention par quantité de circonstances merveilleuses et
uniques.
C'est ce peuple juif dont M. Pascal fait remarquer tant de
choses (qu'on trouvera pour la plupart dans le Recueil de ses
Pensées) qu'il faut n'avoir guère de curiosité pour ne pas les
approfundir. Ce sont des gens tout sortis d'un même homme,")
et qui ayant toujours eu un soin extraordinaire de ne point '
s'allier avec les autres Nations et de conserver leurs généalo-
gies, peuvent donner au monde, pluti^t qu'aucun autre peuple,
une histoire digne de créance, puisque enfin ce n'est propre-
ment que l'histoire d'une seule famille, qui ne peut être
sujette à confusion ; mais pourtant d'une famille si nombreuse,
que s'il s'était mêlé de l'imposture, il serait impossible,
comme les hommes sont faits, que quelqu'un d'eux ne l'eût
découverte et publiée: outre que cette histoire étant la plus
anricnne de toutes, elle n'a pu rien emprunter des autres.
cl qiu' par cela seul elle mérite une vénération particulière.
(^ar. quoi qu'on puisse conter touchant les histoires de la
Chine et quelques autres, le moindre discernement suOit pour
voir que ce ne sont que des fables ridicules, et que celle-ci
peut être véritable. Plus on examine celles-là. plus on en sent
la fauj^seté: au lieu qu'à mesure qu'on approfondit celle-ci.
clic m; corilirme eUe-mème el elle devient incontestable. Et
enfin. (|uand il sen question de choisir entre des hommes
tombés du soleil ou sortis d'une montagne, et des hommes
créés par un Dieu tout-puissant, il faut se connaître bien peu
à rc qui a l'air de vérité, pour balancer un moment.
Cet homme donc, ravi de cette découverte, et résolu de la
pousser a)mme sa dernière ressource, trouve d'abord que ce
peuple* si considérable se gouverne par un livre unique, qui
comprend tout ensemble son histoire, ses lois et sa religion ;
eomi DISCO0B8 80» LIS PENStlS.
et tout oeU taUement joint et tntéptrable que ion •ttimtton
en redoaUe. el qu'il croit en pouvoir oondure que «'il j •
quelque cbote de vrai, il faut que tout le reste le toit.
Mais, ce qui est étonnant, il n'a pas ouvert ce livre
qu'avec l'histoire de ce peuple il j trouve aussi celle de b
naissance du monde : que le del et la terre aont l'ouvrait
d'un Dieu : que l'homme a été créé, et que son auteur s'eét
fait connaître à lui : qu'il lui a soumis toutes les autres créa-
tures : qu'il l'a fait k son image, et par conséquent doué d'in-
Idligeoce et de lumière, et capable de bien et de vérité : libre
dans ses jugements et dans sea actions, et dans une parfaite
conformité des mouvements de aon cœur k la justice et à la
droite raison. Car enfin, c'est ce qu'emporte cette ressem-
blance avec Dieu, k qui l'homme ne peut ressembler par le
corps ; et ce souffle de vie dont Dieu l'anima, qui ne peut
être autre chose qu'un rayon de cette vie tout intelligente et
toute pure qui fait son essence.
VoiU, à dire vrai, bien des doutes levés, et par on moyen
bien facile. L'éternité du monde où l'on se perd, et cette ren-
contre fortuite de quelques atomes ne sont assurément pas si
aisés il concevoir ; el lorsqu'il s'agit d'expliquer cet ordre
admirable de l'univers, la génération des plantes et des ani-
maux, l'artifice du corp» humain, et ce qu'on entend surtout
par les noms d'&me et de pensée, qu'il s'en faut que cette
éternité et ces atomes ne paraissent aussi bien imaginés, ri
que l'esprit n'ait autant d'envie de s'y rendre I
Î'^ Que cet homme s'estimerait donc heureux, s'il pouvait
trouver que ce fut \k une vérité! Dans l'espérance qu'il con-
çoit de ce commencement de lumière, il n'est rien qu'il ne
donnAt pour cela. Mais comme il ne voudrait point d'un
repos où il lui restât quelque doute, et qu'il craint autant de
m tromper que de demeurer dans l'incertilude où il est. il
veut voir le fond de la chose et l'examiner avec la dernière
exactitude.
^^ Il remarque premièrement, comme une circonstance qu'on
ne saurait trop admirer, que celui qui a écrit cela ait com
pris tant de choses, et des choses si considérables dans un
seul chapitre, et encore bien court. Et au lieu que loua les
bomnMs sont naturelleroent portés k agrandir les moindres
dwscs. et que tout autre peutrètre aurait cru déahooorer un
DISCOURS SUR LES PENSÉES. cox
si grand sujet, en le touchant si l^èrement. il admire que
celui-ci en ait pu parler d'une manière si simple : et qu'étant,
ou voulant qu'on le crût, choisi pour l'annoncer aux hommes,
il ait si peu songé à se faire valoir, à prévenir l'esprit de ses
lecteurs, à donner du lustre à ce qu'il disait, ou à le prouver.
Un caractère si rare, ou plutôt si unique, mérite sans doute
quelque respect ; et il y a grande apparence que quiconque
a pu traiter ainsi des choses de cette nature, a bien senti que
tout leur prix consistait dans leur vérité, sans qu'elles eussent
aucun besoin d'ornements étrangers, et qu'il était même per-
suadé qu'elles étaient, ou bien connues, ou bien aisées à
ii-i cependant il se présente d'abord une difTiculté qui
parait insurmontable ; et au même temps qu'on voit claire-
ment que si c'est un Dieu qui a créé les hommes, et qu'il
ait lui-même rendu témoignage de la bonté de ses ouvrages,
il faut que l'homme ait été créé dans l'état que j'ai dit : on
s'en sent si éloigné que l'on ne sait plus où l'on en est.
Bien loin qu'on puisse se prendre pour une image de Dieu,
on ne trouve pas en soi le moindre trait de ce qu'on se figure
en lui, et plus on se connaît, moins se trouve-t-on disposé à
révérer un Dieu h qui on ressemblerait.
Il est sans doute qu'on serait ytexi éclairci, si on en demeu-
rait là. liais ce serait être bien négligent et bien coupable
que de ne pousser pas plus avant une recherche si impor-
tante. Car cette ouverture qu'un Dieu nous ait faits, a de si
grandes suites, qu'il n'y a que la crainte de trouver plus
qu'on ne voudrait, qui puisse empêcher de l'approfondir. Cet
homme que M. Pascal supposait inca(>ablc de cette horrible
crainti> d'apprendre son devoir, et qui connaissait trop son
incapacité, pour qu'il pût décider de lui-même une chose si
importante, ne s'en tint donc pas li. et n'attendit guère à en
trouver l'éclaircissement.
(Inr ce qu'il voit incontinent après, c'est que oc même
hottiitie. que nous avons p»«int si éclairé, si maître de lui, eut
•■ connu son auteur, qu'il l'ofTensa : que le premier
:; -^p: qu'il Ht de ce présent si précieux de la liberté, ce fut
de s'en servir à violer le premier commandement qu'il en
it reçu : et qu'oubliant tout d'un coup ce qu'on peut
que devait k Dieu une créature qui venait d'être tirée
' misa» es rAsciL. i — 14
on DISCOURS SUR LES PENSÉES.
do aéÊOl pour pottédcr l'univert et pour en connaître l'au-
teur, il aspira à lortir de m d^Modenoe. à acquérir per loi-
mène les conneiaMOces qu'il avait plu k Dieu de lui cacher,
et en un moi k devenir ion égal.
Il n'cat pas besoin d'eugération pour persuader, m <ii-
beaucoup de lumière pour comprendre que c'a été le plu»
grand de tout li*» crimes, en toutes tes circonstances. Aussi
fut-il puni comme il le iiiôritail : cl outre la mort dont Adam
avait ét^ menacé, il tomba encore dans un état déplorable,
qui ne pouvait être mieux marqué que par cette raillerie ai
aroire. qu'il eut la douleur d'entendre de la propre boocfae
de Dieu : cnr au lieu de demeurer une image dr la sainteté et
de la justice de son auteur, couune il le pouvait, et de lui
devenir égal, comme il l'avait prétendu, il perdit en ce
moment tous les avantages dont il n'avait pas voulu bien
user ; Bon esprit »e remplit de nuages : Dieu se cadia pour
lui dans une nuit impénétrable ; il devint le jouet de la con-
cupiscence et l'esclave du péché ; de tout ce qu'il avait de
lumière et de connaissance, il n'en conserva qu'un déair
impuissant de connaître, qui ne servit plus qu'à le tour-
menter ; il ne lui resta d'usage de sa liberté que pour le pédtr.
et il s*> î pour le bien. Enfin il devint ce
mQii»ti< . qu'on api^elle l'homme: et com-
muniquant dv |>ius sa corruption k tout ce qui sortit de lui.
il peupla l'univers de misérables. d'aveugl(*s et df rriminrls
comme lui.
C'«*»t ce que cet homme rencontre bienltH après, et (ianv
tout le reste de ce livre, car M. Pascal supposant qu'il im>
pouvait manquer d'être attiré par une si grande idée, et Ir
lui faisant parcourir avec avidité, et même tous ceux de I an-
cien Testament, il lui fit remarquer qu'il n'y est plus parl«-
que de la corruption de toute chair, de l'abandonneinent de^
hommes à leur sens, et de leur pente au mal dès leur nais-
•aooe : et puis, s'étendant sur les choses qui rendent ce livre
■JMulier et digne do vénération, il lui fit voir que c'était le
senl livre du monde où la nature de l'homme fût parfaite-
ment peinte, et dans ses grandeurs, et daiu ses misères, et
lui montra le portrait de son cœur en une infinité d'endroits.
Tout ce qu'il avait découvert, en > i lui-roèroe. lui
parut là-dedans au naturel: et crtt uc ayant roAme
DISCOURS SUR LES PENSÉES. ccxi
porté une nouvelle lumière dans les ténèbres de son intérieur,
non seulement il vit plus clairement ce qu'il y avait déjà
aperçu ; mab il y trouva même un nombre infini de choses
qui lui avaient échappé, et qui n'avaient jamais été décou-
vertes par aucun de ceux qui s'y sont le plus appliqués.
Il admire ensuite, non seulement que ce livre fasse mieur~<s
connaître l'homme qu'il ne se connaît lui-même, mais aussi /
qu'il soit le seul au monde qui ait dignement parlé de l'Otre C
souverain, et qui le lui fasse concevoir autant au-dessus de ce (^
qu'il s'en était imaginé, que tout ce qu'il avait vu jusque-là \
lui [>araissait au-dessous: et en effet, quand il n'y aurait que,,^
(l'ia (|u'il est l'unique qui. l'obligeant de connaître un Dieu,
ait parlé de l'aimer et de ne rien faire que pour lui. il est
l'unique qui mérite qu'on s'y arrête. Car enfin, n'ayant rien
que nous ne tenions de Dieu, ni mouvement, ni vie, ni pen-
sée, nous ne faisons rien dont il ne doive être la fin. et toutes
nos actions ne sont bonnes, ou mauvaises, que selon qu'elles
tendent à ce but. ou qu'elles s'en écartent. Je ne parle pas de
ceJles qui sont purement corporelles, et où notre volonté n'a
point de part : celles-là ne sont pas proprement nôtres, et ne
sont qu<> partie des mouvements de ce grand corps de l'uni-
vers, qui glorifient Dieu à leur manière. Mais pour celles qiîï
nous faisons, parce que nous voulons les faire, il n'y en a
point dont nous ne devions lui rendre compte, et qui ne
doive lui marquer que nous ne voulons que ce cpi'il veut,
afin que tous les êtres créés, et ceux qui pensent, et ceux qui|
ne pensent point, soient dans une continuelle soumission à la
volonté de leur auteur, qui ne peut avoir eu d'autre detiein
en les créant. —
Mais comme ce serait encore peu que d'accomplir cette
volonté, si on ne l'aimait, et que ce ne serait presque qu'agir
coinnie le<t choses inanimées, il a plu à Dieu de mettre dans
riioMinie une |)jirti<- <i<>riiinante. ca|)able de choix et d'amour,
et ({iii. iM'iirli.itil loiijDiits du c«^lé qu'elle aime le mieux, don-
nât la |>ente à tout le khIc, et pût lui faire un sacrifice volon-
taire de riioniiiH- tout entier.
C'est en |>cu «!*■ iiiot> l'idi-e d'une religion véritable : ou il
n'y en a \to'u\t. on i est m cela qu'elle doit consister. Car la
crainte, radmiiation. l\-i<ioration même aépai^es de l'amour,
ne sont que iii<^ H,-iiliin<'(iU morts, où le oour n'a point de
ocia |ii>L,iiURS SDR LBS PENSÉES.
part, et qui ne Muraient produire une attache telle que doit
être celle de la crteturc pour ton auteur. Cependant quelle
autre religion que la chrétienne a janiait mia dana tel aroour
reaaenoe de aon culte? Ce aeul défaut suflit. ce me aemble,
pour les croire toutea fauaaet. je ne vois rien qui ait pu
emp^hcT leurs inventeurs de s'en aviser, qu'un aveuglemeoi
furnalurei. et qui vienne de Dieu m^me. qui a'eet voulu
réaerver une choaequi !<■ ' ' si visiblement.
Ce aérait peu encore ({<> i<- fil voir clair i l*hoauiie
dans lui-même, s'il ne lui faisait voir clair dana l'ordre du
monde, et s'il ne démêlait ces questions impénéirahlea qui
ont tant tourmenté les plus grands esprits du pagenwmc.
Pourquoi, par exemple, cette étrange divernlé entre les
hommes. c|ui sont tous de même nature ? Comment la choae
du monde la plus simple, qui est l'âme, ou la penaée, peut-
elle se trouver si diversifiée ? S'ils la tiennent d'un Être supé-
rieur, pourquoi la donne-t-il élevée aux uns et rampante aux
autres, pleine de lumière & reux-ci et de ténèbres 1 ceux-U.
juste et droite k quelques-uns. et i d'autres injuste et portée
au vice : et cela avec tant de diiïérencc et de mélange de ces
qualités l'une avec l'autre, et de celles mêmes qui sont oppo-
sées, qu'il n'y a pas deux hommes au monde qui se ifaam-
bleat. ni même un homme qui ne soit diaaenihUble à lui-
même d'un moment à l'autre 7 Que ai l'âme pasae dea pèraa
aux enfants, comme les philosophes le croyaient, d'où peut
encore venir cette diversité ? Pourquoi un habile homme en
produit-il un sans esprit } Comment un scélérat peut-il venir
d'un honnête homme ? Comment les enfants d'un même pète
peuvrnl-ils naître avec des inclinations diOérenlea? Toulaa
œs (lifFiniltés ne cessent-elles pas par cette chute de la nature
de l'homme, que ce Uvre dit être tombé de aon premier état?
Et ne sont-ce pas dea suites néceaaaires de l'asaujettiasoment
de l'âme au corps, que l'on ne saurait concevoir que comme
un châtiment, et qui la fait dépendre de la naiaaanœ. du
pays, du tempérament, de l'éducatioa. de la coutume et
d'une infinité de dioaea de celte nature, qui n'y devraient
faire aucune impression ?
D'où vient auui cette confusion qu'on voit dans le monde,
qui a fait douter à tant de philoaophea. qu'il y eût une pro-
vidence, et qui le fait paraître, k ceux qui le regardent par
\
DISCOURS SUR LES PENSÉES. ccxm
d'autres jeux que ceux de la foi. un chaos plus confus que
cflui dont Ips païens voulaient que leurs dieux l'eussent tiré?
Pourquoi les nnVhants réussissent-ils presque toujours, et
pourquoi ceux qui semblent justes sont-ils misérables et
accablés ? Pourquoi ce mélange monstrueux de pauvres et de
riches, de sains et de malades, de tyrans et d'opprimés?
Qu'ont fait ceux-là pour naître heureux, et avoir tout à
souhait ; ou par où ceux-ci ont-ils mérité de ne venir au
monde que pour soulTrir? Pourquoi Dieu a-l-il permis qu'il
y eût tant d'erreurs, tant d'opinions, de mœurs, de cou-
tumes, de religions différentes ? Tout cela est encore éclaircî
par un petit nombre de principes qui se trouvent dans ce
livre, et par ceux-ci entre autres : Que ce n'est pas ici le lieu
où Dieu veut que se fasse le discernement des bons et des
méchants, dont la distinction serait visible, si ceux-là étaient
toujours heureux, et les autres toujours aflligés : que ce n'est
pas ici non plus le lieu de la récompense ; que ce jour vien-
dra ; que cefwndant Dieu veut que les choses demeurent dans
l'obscurité ; qu'il a laissé marcher les hommes dans leurs
voies ; qu'il les laisse courir après les désirs de leur cœur, et
qu'il ne veut se découvrir qu'à un petit nombre de gens
qu'il en rendra lui-même dignes, et capables d'une véritable
vertu.
N'est-ce pas encore ici en quoi ce livre est aimable et digne
qu'on s'y attache? Non seulement il «^«^ Ig afiil g»" ^ Lian
connu la misère dtni^hflpnmf • mni» ii.fisLjiiuù-lc seul qui
iï' • ■ --/■ l'id^ ^l'^^p vr^i h'ton et promis xics remcdca
^: irj roau». S'il nous abat, en nous faisant voir
nulle 1 lut jjlu.s déplorable encore qu'il ne nous paraissait, il
nous console aussi, en nous apprenant qu'il n'est pas déses-
|x''ré. Il nous flatte [K*ut-étre ; mais la chose vaut bien la |M?in«
de l'expt'riuuuiter, et le l>onheur qu'il promet réveille au
moins nos espérances, en ce qu'il ne parait pas certainement
r.iii\ . au lieu qu'il ne faut qu'envisager tout ce qu'on a
ijl' I'- jusqu'ici vrai bien, pour en voir la fausseté. Qui n'ad-
mirera encnre que ceux ({ui ont travaillé à ce livre aient pri.s
des voies si particulières, et qu'ils se soient si fort éloignés des
autres dans les remèdes qu'ils promettent aux hommes ? C'est
déjà une maripie qu'ils ont bien vu la faiblesse et l'inutilité
de tous ceux (pic les philosophes nous ont donnés avec tant
DISCOURS SUR LES PENSÉES.
de confitnoe et >i peu do fuooèi. et par coniénueni qa'ib ont
plot TU que tout lie reile de» homm» eowmble.
Mais ce qu'il j a de plus oomidérable. c est qu'ils nous
«ppraniient que oea remidea ne sont point dam no» mains.
Tous les autres ont voulu, les uns. qu'il n'y en eût point, les
antres, que nous en fussions les msllres. et par U ont abusé
tous ceux qui s'y sont fiés : au lieu que ceui-ci. avec une sin-
oérité dont il ne semble pas que jamais un imposteur put
s'aviser, nous assurent que nou» ne pouvons rien de tout re
qu'ils nous prescrivent, que nous naissons corrompus et dan»
l'impuissance de résister k cette corniplion ; et que tant que
nous n'a^ron» que par nos seules forces, nous succomberons
inrailliblcment à ces mêmes pasaidns qu'ils nous ordonnent
de surmonter. Mai» en m^me lemp il» nous avertisnni que
c'est à Dieu que nnu» devons demander ces forces qui nous
manquent, qu'il ne nous les refusera pas. et qu'il enverra
même un libératetir aux hommes qui. satisfaisant pour eux
à la colère de Dieu, réparera cette impuissance, et les rendra
capables de tout ce qu'il demande d'eux.
Que ce système est beau, quoi qu'on en puisse dire, et qu'il
est conforme aux apparences et k la raison même, autant
qu'elle y peut avoir de part ! Considérons -le tout k la fois,
pour en mieux comprendre la grandeur et la majesté. Toutes
choses sont créées par un Dieu à qui rien n'est impoa*
sible. L'homme sort de ses mains en un état digne delà sagesse
de son Auteur. Il se révolte contre lui, et perd tous les svan-
tages de son origine. Le crime et le châtiment passent dans
loos les hommes, et par \k ils doivent naître injustes et
corrompus, comme on voit qu'ils le sont. Il leur reste un
sentiment obscur de leur première grandeur : et il leur est dit
qu'ils j peuvent être rétablis. Il» ne sentent en eux aucune
force pour cela, et il leur est dit qu'ils n'en ont point en effet,
mais qu'ils en doivent demander k Dieu. Us se trouvent dans
un éloignement de Dieu si terrible, qu'ils ne voient aucun
moyen de s'en rapprocher ; et on leur promet un médiateur
qui fera cette grande réconciliation.
Que peut faire là -dessus un homme de sens et de boom
foi. sinon de reconnaître que jamais on n'a rien dit d'appro-
chant, et que ceux qui ont ainsi parlé, pour peu qu'ib aient
àm preuves, méritent assurément qu'on 1m croie? Il y a
I
DISGODRS SDR LES PENSÉES. cczv
m^me bien de» gens pour qui c'en serait déjà unr grande
que d'avoir pu le dire, car en effet cela ne paraîtra pas aisé
à inventer à qui l'examinera de près; il ne faut que voir
ce qu'ont dit les plus habiles de ceux qui ont voulu discourir
sur ce sujet, ou d'eux-mêmes, ou après avoir vu les livres de
Moïse, pour juger que cela n'est pas marque au coin des
hommes. En vérité, ce ne sont pas là leurs voies, et il est
élranpo (|u'ils ne s'en aperçoivent pas. et qu'ils ne se servent
pas en c«'la d'une certaine finesse de discernement, dont ils
usent dans toutes les autres choses. Car il n'y a personne qui
ne convienne qu'à l'égard des choses qui tombent sous nos
sens, nous avons en nous un certain sentiment, qui nous fait
II) il à l'air seulement si ce qui se présente à nos yeux est
i i^rage de la nature ou des hommes. Que nous l'appor-
tions en naissant, ou qu'il vienne de la coutume, il n'im[X)rte; .
jamais il ne nous trompe. Toutes les fois, par exemple, que
dans une montagne d'une Ile inhabitée nous trouverons des
i! ' ' niés avec quelque régularité, ou quelques caractères
I !i>9 gravés sur un rocher, nous ne craindrons point
dii^Mirer qu'il y a passé des hommes avant nous, et que cela
ne saurait être naturel. Cependant, avons-nous examiné ces
deux infinis différents de ce que peuvent l'art et la nature,
pour savoir qu'ils n'ont rien de commun? et si nous en
jii.'ions si bien sans cela, pourquoi ne pas étendre plus loin
le principe qui nous y conduit, et ne pas discerner par ce
que nous sentons en nous, et par ce que nous avons d'expé-
rience, que ces grandes idées sont d'un caractère tout différ
rent de ce que l'esprit humain est capable de produire?
Mais parce que les hommes sont faits de telle sorte, que
dès qu'ils sont accoutumés aux choses, ils ne peuvent pres<jue
plus jtiger s'ils étaient capables ou non de les imaginer, on
ne prétend point qu'ils se rendent à cela. On leur permet de
compter pour rien qu'il n'est point naturel que dans le dessein
d'im|>oser aux hommes, on ait pris à tâche d'assembler co
qu'il v a de plus choquant pour la raison et pour la nature.
Qu'ils croient, s'ils le peuvent, qu'il n'y a nulle impotsibilité
que MoTse et ceux qui l'ont suivi, ces gens si sages ri -^i
habiles d'ailleurs, aient pu avancer de leur tête une chose
aussi incompréhensible que le péché originel, cl qui parait si
contraire à la justice de Dieu, dont ils disent tant de mer-
Gctvi DISCOURS SUR LKS PKNStES.
v«illet; e( pour oomUe. qu'ib aient «wé laor attribuer un
Mpédiant au» étran^ pour en purifier lea hommea. que
odui d'envoyer aon fUs unique nur la tirre. et de loi Cure
■ouffrir la mort. Mais au moinii qu'ils se faaaent justice, et
que, par le peu d'assurance qu'ils trouvent en eux pour jiit;or
le» moindres cfaoaes. ils se reconnaissent incapables de décider
par eux-méines n oelto transmisaion du pécbé où tout roniiale.
est injuste et impossible : et qu'enfin ils s'estiment beareu
de ce qu'en une cbose qui les touche de si près, au lieu d*4lre
à la merci de cctlo pauvre raison à qui il est si aisé d'impoaer.
ils n'ont k examiner, pour toutes preuves, que des faits et des
histoire», c'est-à-dire des dioses pour lesqudles ils ont des
principes infaillibles.
Car convenant une fois (comme il n'est pas besoin de le
prouver) que s'il y a un Dieu, il ne faut pas tant dire qu'il
ne saurait faire ce qui est injuste, comme il faut dire que ce
qu'il fait ne saurait être injuste, puisque sa volonté est
l'unique règle du bien et du mal. il n'est (tas question d'exa-
miner ce qu'est la chose en soi. ma» seulement si ceux qui
nous assurent de la [>art de Dieu qu'elle est. ont de quoi se
faire croire. El il serait inutile de répondre qu'on a des
preuves que ces cboses-U sont injustes et impossibles, pour
montrer qu'elles ne peuvent ^tre. comme on dit qu'on en a
qu'elles sont eflectivement. pour montrer qu'elles ne sont, ni
injustes, ni impossibles. Il ne se peut qu'il y en ait de part
et d'autre, et il faut absolument que les uns ou les autroa se
trompent : et ce qui les abuse en effet, c'est que ks idées que
nous avons de ce qui est juste ou injuste, sont étrangement
bornées, puisqu'entin il no s'agit entre nous que d'une justice
d'homme à homme, c'est-à-dire, entre des frères où tous les
droits sont égaux et réciproques, et qu'il s'agit ici d'une
justice de Créateur k créature, où les droits sont d'une dispro-
portion infinie. Mais après tout, comme ils n'oaeraieot se
vanter de connaître asset i fond jusqu'où va le poovoir de
Dieu, et ce que c'est que la justice à son égard, pour dire que
leurs preuves sont démonstratives, elles ne peuvent être tout
au plus que des raisonnements de nature métaphysique.
fondée sur des principes inventés par des hommes, et par
conséquent suspects : au lieu que ce qu'on leur dottae poar
preuves, étant de la nature des faits. c'est-è>dire capables
DISCOURS SUR LES PENSÉES. cciTn
d'un*" ' 'et d'une évidence entière, la raison cl le bon
sens |i ,t de commencer par celles-ci, et de conclure,
si elles se trouvent convaincantes, qu'ils se trompaient dans
les leurs, quand même ils ne pourraient en découvrir le
défaut.
Or on ne saurait douter que la plus grande de toutes les
autorités, pour attirer la créance des hommes, ne soit celle
des miracles et des prophéties. Il n'y a point de gens assez
fous pour croire que naturellement on puisse fendre la mer
pour la passer, ou prédire une chose deux mille ans avant
qu'elle arrive. Kt quand on prétendrait qu'il y eût eu quelques
miracles, et même des prophéties parmi les païens, c'est
toujours assez pour prouver qu'il y a autre chose que des
liotnincs: et il ne serait pas diflicilc de faire voir qu'il n'y a
rien que d'avantageux à la religion chrétienne dans ces
miracles et dans ces prophéties, s'il y en a eu. Il faut donc
nier absolument qu'il y en ait jamais eu ; ce qui ne serait
pai^ moins extravagant, puisque de toutes les histoires du
monde il n'y en a point de si appuyée que celle de notre reli-
gion, et où tant de choses concourent pour établir la certitude.
C'est ce que M. Pascal aurait fait voir clairement, soit
qu'il la considérât du côté du fait, ou qu'il en examinât le
fond et les beautés; et chacun en pourra juger par un petit
article qu'on a laisse exprès dans ces fragments, et qui n'est
qu'une espèce de table des chapitres qu'il avait dessein de
traiter, et de chacun desquels il tourli.T (|iii>Ii|iir> rhns*» en
passant dans le discours dont j'ai parlé
Premièrement, pour ce qui est de Moim- eu particulier, on
ne doutera pas qu'il n'ait été aussi habile et d'aussi grand
sens qu'homme du moode, et qu'ainsi, si c'avait été un
imposteur, il n'eût prisses voies toutes opposées k celles qu'il
a suivies: puis(|u'à considérer les choses humainement, il
était impossible qu'il réussit. Si ce qu'il a dit des premiers
hommes, par exemple, était faux, il n'y avait rien de si aisé
que de l'en convaincre: car il met si {>eu de générations
depuis la création jus(|u'au déluge, et de là jusqu'à la sortie
de l'F^ypte. que l'histoire de nos derniers Hois ne nous est
pas plus présente que celle-là devait l'être aux Israélites, et
comme il pouvait y avoir de son temps des gens qui devaient
avoir vu Joseph, dont le père avait vu Scm. et que Sem avait
aei?m DISCOURS SIR I.KS l'KNsf KS
pu vivra oenl ant avrr Mnllitivilnn. qui Hi>\ail avoir vu
Adam: il fallait qu'il eût |M'rtlti le »fn», pour oM>r conter k ce
peuple. « aoigneux dr l'hiatoiro de tea anoètrea. dea étéoe
ment» de cette importance, ai c'étaient autant de faiwietéa.
Euaaent-ila ^lé d'aaaei bonne volonté, pour croire que leun
•leos vivaienl aepl ou huit centa an», si eOSadmaMol ila n'en
ptaaaieni paa. non plus qu'etix. crnt ou mx vingts, ci pour
recevoir sur m foi des choses au.%»i rxtraordinaiiea que la
création et le déluge, dont il n'y aurait eu parmi eux ni
traces, ni vestigea. et dont pourtant, à son compte, la mémoire
devait leur être encore toute récente? Il eût fallu qu'il eôt été
bien simple pour prendre un parti si bixarre dans le grand
champ où il était d'inventer et de mentir, et pour croire
gagner quelque choae par le nombre des annéea, et ne pas
voir ce qu'il perdait en faisant si peu de génération»; puis-
qu'il ne faut ciu'un sens médiocre, pour jtigcr s'il serait bien
aisé de persuader aujourd'hui k un peupio qui sait tant soit
peu l'hislniro do ses pères, que le cinquième OU aiième en
remontant a été cré«> avec le monde, et qu'il y a de cela deux
mille ans. Ce serait leur dire deux menaongea ridiculea pour
un : et le plus court serait sans doute de proportionner lea
générations au nombre dea années, pour se oadier dana
l'obscurité.
D'ailleurs. Molsene savait-il point k qui il avait alTaire. lui qui
connaissait si bien les hommes et les Juifs en particulier, ceîte
nation si légère, si capricieuse, si diflicile k gouverner? Et
eat-il croyable que parmi six cent mille hommes qu'il accuse
de tant de défauts et de tant d'in^alitudes. qu'il traitait en
souverain, et si rigoureusement qu'il en faisait mourir vingt
mille k la fois, il ne s'en fût pas trouvé un seul qui se fût
récrié contre ses impostures et ses faux miradea? Car quel
homme a'est jamais vanté de tant de merveilles que celui-là.
6t de merveilles si éclatantes? Il prend pour témoins non
fflolament ceux en faveur de qui il les fait, mais encore
un pays entier d'ennemis contre qui il les fait ; et au lieu de
je ne sais quels miracles sourds et cachés qu'on attribue h
d'autres, on ne voit ici que des miraclea publics qui arrivent
OMp aur coup, et qui désolent et rétabUssent un royaume en
moma de rien. En vérité, il n'eat pas imaginable que l'effron-
tarie d'un homme puisae aller jusque-là : et qu'après tout
DISCOURS SDR LES PENSÉES. ccxtx
ce qui est dil d« plaie» d'Kp>pte, il ail pu ajouter que le
Roi et toute son armée avaient été engloutis par la mer qu'il
venait d'ouvrir à ceux qui le suivaient, sans crainte que
quelqu'un parmi les ÉgypUens en publiât la fausseté, et
comme si ce qu'il prétend avoir fait ensuite dans le désert,
où il n'avait que ceux de sa nation pour témoins, no lui eût pas
suffi. Mais, ce qu'il y a encore d'admirable, quelle gloire
tire cet bomme de tout cela, quel avantage pour lui et pour
sa famille? Songe-t-il seulement à assurer le commandement
à quelqu'un de ses parents? Et avec quelle sincérité rapporte-
t-il jusqu'à ses moindres défauts, les faiblesses de son frère
et les siennes propres, et ce manque de foi surtout qui
parait si étrange après tout ce qui lui est arrivé et qui l'em-
pêcha de jouir du fruit de tant de travaux !
Enfin, qu'on examine quelle est la loi qu'il a donnée aux
Juifs, combien elle est sage et divine; qu'on considère que
tout ce qu'ont de bon toutes les lois du monde en a été tiré,
et à quel point il faut avoir connu la malice des hommes
pour y avoir si pleinement pourvu: et si cela ne suffit, qu'on
la regarde encore sous une autre face. Pleine comme elle
était d'observances et de cérémonies, où le moindre manque-
ment était si sévèrement puni, comment était-il possible
qu'un peuple si changeant, et qui aimait si fort ses aises, et
un peuple qui aurait vécu, ou sans religion, ou dans une
religion païenne, s'y soumit si aveuglément, à moins que de
regarder leur conducteur comme un homme envoyé de Dieu,
et qu'ils ne fussent pemiadÀ par la grandeur de ses actions?
Tout cela est si convaincant que si l'opiniâtreté fait qu'on
y résiste de bouche, il n'y a qu'un aveuglement horrible
qui puisse empj^her qu'on ne s'y rende dans le cœur et qu'on
peut défier hardiment qui que ce soit de forger là-dessus une
supposition, dont un homme tant soit peu raisonnable te puÛM
ronli'nler. Mai» ce serait penln» le temps que de s'amuser
à (It'truire ici de semblables suppositions ; il faudrait entrer
pour cela dans un détail que les l)ornes qu'on s'est prescrites
ne permettent pas : et même comme il est impossible que des
gens s'imaginent que cela puisse être, que parce qu'ils vou-
draient en eiTet qu'il fut et que ce n'est pas aux hommes à
changer le cceur. il serait inutile de les accabler de preuves,
comme on le pourrait aisément. On se contentera de les aver-
een DISCOURS SDR KRS PBNSftRS.
tir dp cr qu'il» ont à faire et h mmbirn âf rhoM» iU doivent
pourvoir, pour donner quelque vraiMmblanoe h leur» ronj«^-
turet.
Qu'ib nous apprennent premiènaient par quel baiard
Moite a trouvé de ti heureui et de li anciens fondemenla k
son deswin. puisque Apparemment il n'anrnlt jnmais dit à oe
peuple qu'il venait à eux de la part du Dieu de leurs p^res,
s'ils n'eusnent eu quehpie tradition qu'ils venaient de Jacob
et d'Abraham, et que Dieu leur avait parl6. El cette tradition.
où l'avaienl-iU priv» } Par où relie opinion, qu'il nailrail un
jour un grand roi de la race de Juda. s'étall-rlle établie et
juM|u'à les obliger de garder si soigneusement leur» généalo-
gies, pour le reconnaître } Comment ce Moïse, ou qui que ce
soit, a-t-il pu si fort imprimer dans l'eaprit de tous les Juif:*
l'attente de ce Messie, que depuis setaecenU ans même qu'ils
sont dispersés, et qu'il» ne voient nul efT' ' ticsM;».
ils l'attendent toujours avec une |)alienr«' >!•' sans
exemple ? Comment cette longue suite de rois et de grands
hommes, comment David et Salomon. ces gens si sages et si
éclairés, ont-ils donné si aveuglément là-dedans et tiré de \k
CCS écrits (|ui paraissent si élevés et si divin* ri qui ne seraient
pourtant que des songea et des illusions? Gmimenl tout ce
qu'il j a de sagesse et de vertu épurée dans le monde ae
trouve-t-il appuyé sur une impoaturest signalée? et comment
jamais cet édifice de niensongea et de diimèrcs ne s'est-il en
rien démenti?
Qu'ils non» fassent voir par quel hasard cette loi. inventée
par un bonintc. se trouve en même temps la seule digne d'un
Dieu, la seule contraire aux inclinations de la nature et la
seule qui ait toujours été. Comment se peut-il faire qu'elle
ait été composée avec tant d'artifice qu'elle subaisie et aoit
abolie et que. comme s'il y avait eu du concert entre Mobe
et Jitsvs-CHRisT. le dernier, venu pour abolir la religion de
l'autre, se fonde presque uniquement sur ce qu'elle |>orte et
en lire se» principale» preuves ; en sorte qu'il semble qu'elle
ne fût <|n' ■ lire de la sienne et qu'il n'y eût qu'à leverun
certain l'y trouver ? D'où vient que depuis que l'on
dit que ces niiaf^s sont dissipés et que l'écorce. qui n'était
rien, a laissé à diVouvrrt l'intérieur qui était tout« il se ren-
contre justement (pie les bénédictions promises à ceux qui
DISCOURS SDR LES PENSÉES. ccxxi
garderaient véritablement cette loi. semblent n'être que pour
les chrétiens qui ont embrassé cet intérieur, et qu'il n'y a que
misère et malédiction pour les Juifs qui demeurent attachés
à cette écorce et qui sont plus exacts et plus fidèles que jamais
dans tous leurs devoir»? Par quelle destinée enfin, par quelle
rencontre des étoiles, la religion de cet homme si indignement
traité par les Juifs, qu'on fait voir n'être eiïectivement que
la leur, se trouve-t-ellc si opiniâtrement rejetce par eux,
rinlirassée par les autres nations et répandue par tout l'uni-
vcf !-• et quelle peut être cette force invisible, qui depuis
seize siècles, conservant ce peuple, sans chef, sans armes, sans
pays, les oblige en même temps de garder avec tant d'exac-
titude les livres qui les déclarent rebelles à Dieu et qui sont
des preuves incontestables pour les chrétiens, qu'ils regardent
cofnme leurs plus grands ennemis?
En vérité, il n'y a guère de têtes que le dessein d'ajuster
tant de hasards ne fit tourner : et pour en épargner la peine
à ceux qui voudraient l'essayer, on veut bien les avertir que
quand ils seraient venus à bout d'aplanir cet abîme de difli-
cultés. ils n'auraient encore rien fait et les prouves de notre
religion n'auraient pas reçu la moindre atteinte; car il fau-
drait qu'ils nous montrassent de plus que tout cela a été
très facile h Moïse et aux prophètes qui ont marché sur ses
traces, de deviner, si longtemp avant qu'elles arrivassent,
tant de choses générales et particulières ; la venue de Jêsus-
diRi<<T. la conversioo des Gentils, la ruine du peuple juif et
l'état où il est ; et cela jusqu'à en marquer le temps et les
circonstances. C'est là véritablement que toutes les supposi-
tions demeurent court et qu'il est inutile de se donner la
gêne à faire des conjectures. Les hommes ne sont point pro-
phètes par des voies naturelles : et comme la nature ne leur
est |K)inl soumise pour faire des miracles, l'avenir ne leur est
|x>int ouvert pour en faire une histoire par avance, comme
on [jouvait voir dans Daniel, dès le temps de Nabucbodonosor,
celle du cltang«'ment des monarchies, celle des successeurs
d'Aleiandre et les années qui restaient jusqu'à la naissance
du Messie.
Ce n'est point non plus par un art humain ni par hasard
que plusieurs prophètes, et surtout Isaie. ont parle de Jtsts-
CumsT si clairement et décrit tant de circon^nces partica-
«nu DISCOURS SDR LES PENSÉES.
lièret d« n naiwmce. de n TÏe et de n mort. qu'iU ne «ont
pts iDoim «et historiens que les AvangéUftei : et que seul
entre les hommes il a l'avantage que son histoire n'ayant été
écrite après sa mort que |>ar se» disciples, elle se trouve faite
et répandue dans le monde plusieurs siècles avant qu'il j
vint, afin qu'il n'en restAt pas le moindre soupçon (>ui a
aussi dicté à Moise ce qu'il dit sut Juif» • t. de
leurs aventures et de leurs infidëlit(^. de li . i^aby-
lone et de leur retour, du dernier siège de Jérusalem où ils
se verraient réduits à manger leur» i • — ■ ' nts. et de
leur dispersion (|ui arriverait quand it venu et
que le pied leur aurait glissé. niai> ' ' n les
ferait toujours subsister, de peur que \<^ lisent
i le méconnaître et à s'attribuer leur ruine ? Enlin. cette
foule d'hommes qui se succèdent pendant deux mille ans les
uns aux autres, pour avertir le peuple juif que la venue de
celui qu'ils attendent approche : qui leur inan{uent précisé-
ment quel sera alors l'étal du monde; qui leur prédisent qu'ils
le feront mourir au lieu de le recevoir et que pour cela ils
tomberont dans des malheurs sans ressource ; qui leur décla-
rent que les Gentils, à qui il a été promis aussi bien qu'à
eux. le recevront à leur défaut: qui ont dit si assurément
que de tous les endroits de la terre, les peuples >iendraient
se soumettre à sa loi. et qui dans tout cela n'ont rien dit qui
ne soit ptmctuellcment «rriv- où l'ont-iN pri*. rt comment
l'ont-ils pu prévoir ?
Si ce qui a été dit ju!«qu m jR'iit tJoiiner i|ii(li|ni' rrv'rel «Ir
la mort de M. Pascal, combien doit -il redoulil< i «ii cil i-iuiroil
et surtout pour ses amis, qui sachant seuls à quel point il
entendait les prophéties, comment il en savait faire voir le
sens et la suite et avec quelle facilité il les rendait intelligi-
bles et les mettait dans tout leur jour et toute leur force,
savent seub aussi ce qu'on a perdu en le perdant! Je sais
bien que ces lambeaux détadiés. qu'on en trouvera dans le
recueil de ses pensées, ne donneront qu'une idée imparfaite
du corps qu'il en aurait fait, et que peu de gens me croiront.
Mais enfin ceux f|ui le savent doivent ce témoignage à la vé-
rité et à sa mémoire. Je dirai donc hardiment que ceux qui
réoootaieotn atlanUvement dans l'occasion que j'ai dite, furent
comme transportés quand il vint ï ce qu'ifavait recueilli des
DISCOURS SUR LES PENSÉES. c
prophéties. Il commença par faire voir que l'obscurité qui s'y
trouve y a été mise exprès, que nous en avons même été aver-
tis et qu'il est dit en plusieurs endroits qu'elles seront inin-
telligibles aux méchants et claires à ceux qui auront le cœur^
droit ; que l'Écriture a deux sens : qu'elle est faite pour
éclairer le» uns et pour aveugler les autres ; que ce but y pa-
rait presque partout et qu'il y est même marqué en termes
formels. ^
Aussi est-ce. h dire vrai, le fondement de ce grand ou-
vrage de l'Ecriture ; et qui l'a bien compris ne trouve plus
de difficulté à quoi que ce soit : au contraire, cela même lui fait
reconnaître cet esprit supérieur, dont tous ceux qui peuvent
> avoir quelque part ont été conduits ; puisque quand ils
auraient tous concerté ensemble et qu'ensuite ils seraient
revenus chacun en leur temps pour y travailler, il ne leur eût
pas été possible de rien imaginer de mieux dans le dessein de
n'y faire trouver que de l'obscurité à ceux qui n'y cherchaient
qu'à s'aveugler et qu'elle fût pleine de lumière pour ceux qui
seraient dans les dispositions qui y conduisent.
S'il avait plu à Dieu de créer tous les hommes dans la gloire,
comme il le pouvait, cela n'eût pas été nécessaire: mais il ne
l'a pas voulu. C'est à nous à prendre ce qu'il lui a plu de
nou« donner : et d'autant plus que n'ayant rien mérité de lui
«]': rp. ce n'est pas à des condamnés à se plaindre des
COI <ie leur grâce. Mais ce qui nous rend bien coupables
et Muvf admirablement la justice de Dieu, c'est que ce sens
grossier et charnel, où les Juifs se sont abusés, est inexpli-
cable en tant de lieux et s'entretient si peu qu'il faut déjà
«\tre av ■ être aveuglé ; et qu'au contraire toutes
les part nie sens ont un tel rap|)ort et se tiennent
par une liaison si indissoluble qu'il faut encore être aveugle
pour ne le pas apercevoir. Il y a bien plus : car cette obscu-
rité, quelle qu'elle soit en quelques endroits, ne saurait em-
p^trher qu'av^T m 'I'>cre et un peu de bonne foi. on
ne trouve plus n i n'en faut. Imaginons-nous cet
homme (|ue M. Pascal menait, pour ainsi dire, par la main ;
et nous verrons sans doute qu'il sent dissiper ses nuages à
nu'Mirc qu'il avance dans l'étude de l'ancien Testament;
et que comparant bien tout ce qu'il voit, et jugeant de ce
qu'il n'entendait pas d'abord par ce qu'il trouve de clair
DISCOURS SOI LIS PINSftiS.
dans la tuile, tout ce grand mytlère m développe il
ment el lui parait praque à découvert.
Il «oit premièrâneot que dès qu'il eat parlé de la chute
d'Adam, il rtt dit au wrpcnt qu'il naîtra de la femme de
quoi lui araser la tète, et il trouve U-dedans comme lee pre-
miers traits et une promesse obscure de ce libérateur attôidu
par les Juifs. Il remarque dans la suite que cette même cfaoae
qu'il avait à {leine inaperçue, va toujours en s'éclairdamnt,
jusque-là qu'elle prend enfin lo dessus et déviait le centre
où tout aboutit : car il voit incontinent a|M^ que cette pro-
mené est faite beaucoup plus clairement à Abraham el qu'elle
cet encore r^it^rée k Jacob, avec assurance que toutes les
nations de la terre seront bénies en leur postérité, dont ce
libérateur naîtra. Puis il rencontre toute la nation juive im-
bue de cette espérance, et attendant de la race de Juda ce grand
rot qui devait les combler de bien et les rendre maîtres de
tous leurs ennemis. David vient ensuite qui compose lous les
Psaumes, cet ouvrage admirable, en vue de oeMcMe. etaou-
pire sans cesM* aprt*^ lui. Enlm arrivent les prophètes, qui lous
unanimement publient (|ue Dimi va accomplir ce qu'il a pro-
mis, que son peuple va être délivré de ses péchés, et que ceux
qui languissaient dans les t<^n^bres vont sortir k b lumière.
Il lui parait encore clairement que le ciel et la terre doivent
concourir h la production de cet homme extraordinaire, lor»>
qu'il voit un de ces prophètes s'^rier : « Quf la rosée découle
du plut haut de$ cieux ei que le juste tombe comme une pluie du
sein des nuées, que la terre s'oin*rr et qu'elle conçoive et pro-
duise le Saui>eur. • Il admire là-dessus les noma qu'ils ont
donnés à cet homme, de Roi éternel, de Prince de paix, de
Père du .MJ'cle futur, de Diou. Il remarque même que les
cooquêtea de Cjrus. d'Alexandre, des Romains et tout ce qui
ae passe de grand dans le monde, no sert qu'à mettre l'uni-
vers dans l'état où il est dit qu'il sera à sa venue. Enfin, il
voit les Juifs répandus par toute la terre, y porter avec eux lei
livrée qui contenaient ces promesses faites à tous les bommea.
comme pour leur mettre entre les mains autant de titres in-
cootertables de la part qu'ils y avaient. Que peut-il donc
conclure de tout cela, sinon que ce libérateur promis ne sau-
rait êlra ce conquérant attendu par les Juif», qui n'aurait été
que pour eux : que ces biena qu'il doit donner et ces ennemis
K»'
DISCOURS SDB LES PENSÉES. ccxxv
qu'il doit détruire ne sauraient être des biens et des ennemis
temporels : et qu'un simple gagneur de batailles ne {xiuvant
être qu'un indigne objet pour de tels préparatifs, il n'y a
véritablement qu'un Dieu qui puisse y répondre?
Mais lorsqu'après une attente de quatre mille ans. le ciel
s'ouvre pour donner JÉsts-t^HKisT à la terre, et qu'il vient
dire lui-même aux hommes : C'est pour moi que tout cela a
été fait, et c'est moi que vous attendez : qu'il parait digne de
tout cet appareil, et que. pour peu qu'il y en eût moins, on
le trouverait indigne de lui ! 11 nait véritablement dans l'ob-
scurité, il vit dan» l'indigence, il meurt avec ignominie ;
mais s'il a caché par là sa divinité, qu'il l'a bien prouvée par
ailleurs ! et que l'aveuglement des Juifs et de tant d'autres a
dû être grand, pour le méconnaître, et pour croire qu'il y
eût d'autre grandeur devant Dieu que celle de la sainteté !
Quand il n'y aurait point de prophéties pour Jésus-Christ,
et qu'il serait sans miracles, il y a quelque chose de si divin
dans sa doctrine et dans sa vie qu'il en faut au moins être
charmé ; et que, comme il n'y a ni véritable vertu ni droi-
ture de cœur sans l'amour de Jéscs-Christ. il n'y a non plus
ni hauteur d'intelligence ni délicatesse de sentiment sans
l'admiration de JÉsts-CaRisT. Rappelons ici le discernement
dont j'ai jwrlé ; et sur ce que nous voyons des derniers efforts
de l'esprit humain, examinons sincèrement s'il est en nous
d'aller jus(]ue-là. Que Socrate et Ëpictète paraissent, et qu'au
même temps que tous les hommes du monde leur céderont
pour l«'5 maiirs, ils reconnaissent, eux-mêmes, que toute leur
jusliri- ri luiilc leur vertu s'évanouit comme une ombre, et
!('aii«-.'iiitit devant celle de Jésus-Christ. Ils nous apprennent,
à la vérité, que tout ce qui ne dépend point de nous ne nous
touche point, que la mort n'est rien, que nous ne devons
faire aux autres que ce que nous voudrions qu'on nous fit.
Ce serait quelque chose, s'il n'y avait que des hommes, et
<|u il ne s'agit que de régler une république, et de passer dou-
(•'iiicnt cette vie. Mais que ce mépris de la mort est difficile
dans l'attente de l'anéantissement, et qu'il est peu capable
d'en consoler ! Et s'il y a un Dieu, qu'ils l'ont cru facile à
ilenter. et que cette vertu toute nôtre, qui ne vient point
de lui. et ne tend |K>int k lui. qui n'est fondée que sur nos
intérêts et nos commodités, doit peu nous faire espérer en
ptiiséis OB rASCfti.. i — 15
Gctsvi DISCOURS SUR LES PENSÉKS.
mourant d'en être bien traita, si nou» avons quelque itUe
de oe qu'on lui doit I
Que nous ont>ib «pprô propremeot qu'à faire bonne mine
au milieu de nos misères ? Et quand ils auraient élé jusqu'à
la source en quelque chose, nous ont-ib découvert à fond
notre corruption et notre impuissance, et d'où nous en devons
attendre les remèdes? Cet amour-propre qui se cfati
tout, et l'orgueil, ou du moins cet applaudissement .
dont on se repaît au défaut de la gloire et des richesse», sont-
ik guéris par leurs préceptes P Kt combien de gens ont euc^
tement pratiqué toutes leurs maximes, et s'en sont préférés
aux autres, qui auraient pourtant eu honte qu'on vit ce qui
se passait dans leur cœur ? Toute l'hoonéli-lé humaine, à le
biMi prendre, n'est qu'une fausse imitation de la charité, celle
divine vertu que Jésus-Curist est venu nous enseigner, et
jamais elle n'en approche. A quelque point qu'elle l'imite, il
y manque toujours quelque chose : ou plutôt tout y manque,
puisqu'elle n'a pas Dieu pour son unique but. car quoi que
puissent prétendre ceux qui l'ont portée le plus haut, la jus-
tice dont ils se vantent a des bornes bien étroites, et ils ne
jugent que de ce qui se passe dans leur enceinte, qui ne va
pas plus loin que l'intérêt et la commodité des hommes. Il
n'y a que les disciples de itsts-CnaisT qui sont dans l'ordre
de la justice v >i«*nt universelle, el qui, portant leur
vue dans l'inii -tit de toutes chosM par une règle
infaillible, c'esl-à-dirc par la justice de Dieu. Que ne doivent-
ils donc point à celui qui a dissipé les nuages qui la cou-
vraient depuis si longtemps, et qui leur a appns qu'ils
devaient aspirera l'éternité, et les véritables movons d'y Arri-
ver? Et comment pourraient-ils prendre pour un honitnc
comme les autres celui qui non seulement a si bien connu («iii-
justice, mais qui l'a encore si ponctuellement accomplie :
Puisqu'à en juger sainement, il n'est pas moins au-dessus de
homme de vivre comme il • vécu, et comme il vent que
nous vivions, que de ressosciler les morts el de trensporler les
montagnes? Enfin, s'il n'y a point de Dieu, il est inconoe-
rable qu'une aussi haute idée que celle de la religion chré-
tienne paisse naître dans l'esprit d'un homme, et qu'il puisse
y ODaiormer se rie : et s'il y en a un. JÉsus-Caaisr a dû avoir
si étroit avec lui pour en parler comme il a
blâCOCRS SUR LES PENSÉES. ccxxvn
fait, qu'il mérite bien d'être cru de tout ce qu'il a dit. jus-
qu'à ne point douter qu'il ne soit son fils, puisqu'il est
impossible qu'une si effroyable imposture eût été accompa-
gnée d'une si grande abondance de grâces.
On ne peut faire que d'inutiles efforts pour exprimer ce
qu'on pense des grandeurs de Jésus-Christ ; et quelque
imparfaites que soient les idées qu'on en peut avoir, elles
passent encore iiiliiiiment nos expressions. Peut-être même
ne ferais-je que rebattre ce que M. Pascal nous en a laissé
dans de certains traits à peine touchés, mais si vifs, qu'il est
aisé de voir que peu de gens en ont été plus pénétrés. J'ajou-
terai sciilemetil que comme la doctrine de Jésls-Christ est
raccoiiipli^sement de la loi. sa personne l'est aussi de nos
prctj\f<« : et (|ii'il a si divinement rempli toutes les merveilles
que les proplii-tes en ont prédites, qu'on ne saurait dire
lequel est le plus extravagant, ou de douter, comme font les
athées, qu'il ait été promis un Messie, ou de croire, avec les
Juifs, qu'il soit encore à venir.
Que ceux qui sentiront quelque doute là-dessus, et que
cette vie divine ne touchera pas. s'examinent à la rigueur :
ils trouveront assurément que la difTiculté qu'ils ont à croire
ne vient que de celle qu'ils auraient à obéir ; et que si Jésus-
CuRisT s'était contenté de vivre comme il a fait, sans vouloir
qu'on l'imitât, ils n'auraient nulle peine à le regarder comme
un objet digne de leurs adorations. Mais au moins que cela
leur rende leurs doutes sus|)ects ; et s'ils connaissent bien le
{louvoir du cœur, et de quelle sorte l'esprit en est toujours
entraîné, qu'ils se regardent comme juges et parties ; et que,
pour en juger équitabicmrnt. ils essa^rent d'oublier pour un
temp le malheureux intérêt qu'ils y peuvent avoir. Autre-
ment il ne faut \ms qu'ils s'attendent de trouver jamais de
lumière : la dureté de leur cœur résistera toujours aux
preuves de sentiment, et jamais les autres ne pourront rien
sur les nuages de leur esprit.
(^la est étrange ; mais cependant il n'est que trop vrai :
non seulement les dioses qu'il faut sentir dépendent du
cœur, mais encore celles qui appartiennent à l'esprit. lont<|ue
le cœur y peut avoir quelque part. En sorte qu'a>ec plus de
lumière et de vérité qu'il n'en faut pour convaincre, elles ne
le font pourtant jamais, et ne portent jamais à agir, que le
DISCOUKS SUR LES PENSÉES.
OQMir ne n toit rendo ; atun ne le feruent^le» cru'inutil^
meal ttnt oeU. Et c'est ce qui fait le mérite dei bonnci
actiont. et la malice de* mauvaise*. Car tant qu'il n'y a que
l'eaprit qui agit, ou il juge bien : et ce n'ett que voir œ qui
est. à quoi il n'j a point de mérite : ou. s'il juge mal. il croit
voir ce qu'il ne voit pat : ce qui n'est qu'une erreur de (ait.
qui ne Murait Atrc criminelle. Mais dès que le cœur s'y
mêle, et qu'il fait que l'esprit juge bien ou mal. selon qu'U
aime, ou qu'il hait : il arrive, ou qu'il satisfait à la loi en
aimant ce qu'il doit aimer, ce qui ne peut être sans mérite ;
ou qu'en aimant ce qu'il doit haïr, il viole la loi. ce qui n'esl
jamais excusable. C'est ce qui fait encore que Dieu ne vou-
lant pas qu'on arrivât à le connaître, comme on arrive aui
véritÂs de géométrie, où le coeur n'a point de part : ni que
lea bons n'eussent aucun avantage sur les méchants dans cette
recherche, il lui a plu de cacher sa conduite, et de mêler
tellement les obscurités et la clarté, qu'il dépendit de b diqx>-
■tioo du cœur de voir, ou de demeurer dans lea ténèlvea.
En sorte que ceux il qui il se cache ne doivent jamais rien
eyérer, qu'ils ne se soient mis. autant qu'ils le peuvent,
dans l'état de ceux qui l'ont trouvé. Mais k peine auront-ils
cessé de compter pour quelque chose ces miséraUet fasens
qu'on veut leur ôter. à peine commenœroni-il* à croire mm
û pauvreté peut n'être pas un mal. qu'on peut aimer les
outrages et les mépris, qu'il n'y a rien à fuir que d'être désa-
gréable à Dieu, et rien à chercher que de lui plaire : que
tout leur sera clair : ou que. s'il leur reste quelque obacurité.
il leur sera clair au moins qu'elle n'est que pour eitax qui
voudront s'y arrêter.
Il a plu i Dieu, par exemple, d'envoyer son Fils unique
sur la terre pour sauver les hommes, et pour y être eo méîne
temps une pierre d'achoppement et un objet de oontndidtoo
à ceux qui s'en rendraient indignes. Pouvait-il rien faire de
mieux que ce qu'il a fait pour cela ? Il a voulu qu'il naquit
de parents obscurs : il lui a fait passer sa vie sans avoir où
reposer sa tète : il ne lui a donné que des gens de la lie du
pcmle à sa suite ; il n'a pas voulu qu'il dit un mol de science,
ni a» toot ce qui passe pour grand entre les hommes : il l'a
fut passer poor un imposteur : il l'a fait tomber entre las
mains de ses eonemb. trahi par un do ses disciples «1 aba»-
DISCOURS SUR LES PENSÉES. ccxxu
donne de tout le reste ; il l'a fait trembler aux approches de
la mort, qu'il a soufferte en public, et comme un criminel :
par où pouvait-il mieux le déguiser k ceux qui n'ont de goût
que pour la grandeur humaine, et qui sont sans yeux pour
la vt-rilablc sagesse?
Mais aussi il lui a fait commander à la mer et aux vents, à
la mort et aux démons ; il lui a fait lire dans l'esprit de ceux
qui lui parlaient : il a répandu son esprit sur lui. et lui a
mis à la bouche des choses qui ne pouvaient venir que d'un
Dieu ; il lui a fait prier de celles du ciel d'une manière qui
Mil |i.isse infiniment tous les bommes : il a voulu qu'il leur
;i[>|)ril l'état de leur coeur, et par où ils pouvaient sortir de
leurs misères ; il l'a fait vivre sans la moindre ombre de
péché, en sorte que ses plus cruels ennemis n'ont pas seule-
ment trouvé de quoi l'accuser ; il lui a fait prédire sa mort
et sa n'*surrection, et il l'a tiré du tombeau. Qu'y avait-il de
plus proprf .1 l'fMiiiMVher d'être méconnu de ceux qui aiment
la vt'rilalilo grarniiMir et la véritable sagesse ? Enfin, parce que
tout l'univers et tous les temps y avaient part, et aux mêmes
conditions d'obscurité pour les uns. et de clarté pour les autres,
il a voulu qiip son histoire ne fût écrite que par ses disciples,
pour ' suspecte à ceux qui cherchent à se tromper ;
et qu • ut ensemble la plus indubitable de toute» les
histoires, alin qu'ils fussent inexcusables.
(^ar en un mot, et sans entrer dans ce champ, infini, si elle
n'est pas véritable, il faut que les apûtres aient été trompés.
ou qn ^ ; et l'un et l'autre sont égale-
ment I it se ptourrait-il qu'ils eussent
été abusés, eux qui non seulement se disent témoins de tous
1rs prrKlipes de la vie de J^.sls-Christ. mais qui crovaient
même avoir roru le don d'en faire de semblables? Pouvaient-
\U V lrom|ior à savoir s'ils guérissaient eux-mêmes les mala-
dies rt » ils ressuM liaient les morts? Et quelle autre marque
eusM>nt-ils pu demander pour s'assurer de cette vérité? Mais
si J^.sls-Christ leur en avait fait accroire pendant sa vie,
comment ne se sont-ils pas désabusés, après l'avoir vu mourir,
puisqu'ils le croyaient véritablement Dieu, c'cst-l-dire. maître
de la mort et de la vie? Car pour les disciples de Mahomet,
par ctcrnpie. qui ne s'est dit que prophète, il est aisé qu'ils
aiint .liiiieuré dans l'erreur apr^ sa mort, et il s'est bien
oexxt DISCOURS SUR LF.S PENSÉES.
gardé de leur promettre qu'ils le revemient. Mab il n'en «A
pu de mèoM de ceux de Jt»os-Cniit«T. qui a bien été phn
hardi. Anaai reconnaiMcnt-ils que s'il n'nt point reaaoadié.
tout ce qu'ils ont dit et fait n'est rien. C'est de là qu'il* ont
tirétoui ' rmet^. et il est hors de toute apparence, et
même i !•■. qu'ils ne cni«ent au moins l'avoir ru
depuiitsa mort, ri qu'il» ne le missent avec la flemière asau-
rancc, pour »'cxpo«cr à tout ce qu'ils ont souffert, et pour
appuyer uniquement U-desaus œ grand ouvrage, où ils ont
si I , I réussi. Or cela étant, comment peut-on
s'il ^ aient tous cru si fortement une chose si
dit' nrr. et dont les yeux seuls sont juges? L'ont-ils
tou ....^■. ! a une nuit ? car ils disent tous l'avoir vu. et nous
les traitons ici de gens de bonne foi. Elst-oe un fantôme qui
les a abusés pendant quarante jours, ou quelque imposteur
qui leur a fait accroire (]u'il était cet homme qui venait de
mourir k leurs veux, et qu'ils avaient mi<> dans le tombeau,
et qui a ensuite trouvé le secret de s'élever dans le del i
leur vue ? Cela serait ridicule k dire, et d'autant plus que
l'on voit asaei, par ce qui nous reste d'eux, qu'ils n'étaient
pas aaseï simples pour croire que si Jésis-Christ n'eût été
qu'un homme ordinaire, il eût pu se reasu»' nième.
On serait tout aussi mal fondé à dire que 1< ' > aient
été des trompeurs, et qu'apr^s la mort de leur .Maître lisaient
concerté entre eux de dire qu'il était ressuscité, et prétendu
que tout l'univers les en crût sur leur parole : car. quoiqu'on
dise que les hommes sont naturellement menteurs, cela n'est
pas vrai dans le sens où on le prend d'nniinaire. Ils naissent
tels véritablement, en ce qu'ils naissent ennemis de Dieu,
qui est la souveraine vérité, et que leur cœur les portée des
dioiea vaines et fausses qu'ils regardent mmme tr^ réellea.
Mab hors de là il est certain qu'ils aiment natorellemenl à
dire vrai, et cela ne saurait être autrement : la pente naturelle
allant i dire ce que l'on sait, ou du moins ce que l'on croit.
c'eat-4-dire ce qui est vrai en soi. ou à l'égard de celui qui
le dit. Au lieu que pour le mensonge, il faut de la délibéra-
tion et du dessein, il faut se donner la peine d'inventer. Auiai
voit -on qu'ils ne mentent jamais que pour l'intérêt, ou pour
la gloire: encore faut-il qu'ils n'y puissent arriver autrement;
et ils prennent même bien earde que re qu'ils disent soit
DISCOURS SUR LES PENSÉES. rcxxxt
vraisemblable, et qu'on n'en puisse découvrir la fausseté, sur-
tout si les conséquences en sont dangereuses : et quand il s'en
trouverait qui prendraient plaisir à mentir pour mentir, ils
ne songi-nl qu'à en jouir dans le moment, et non pas à rien
établir df solide sur leur mensonge. Ainsi il est sans doute que
les apùlrcâ n'ont pu avoir dessein d'imposer dans ce qu'ils
ont dit de la résurrection de Jéscs-Cbrist. Quels gens étaient-
re pour se faire croire ? et quelle autorité leur donnait pour
cola l*»nr rani? entre les Juifs, ou leur mérite? N'avaient-ils
r: le plus fin qu'un mensonge si grossier, dont
il ■ les convaincre, et dont ils n'eussent donné
pour toutes preuves que le rapport de ses disciples? Et
comment pourrait-on se figurer qu'ils eussent été assez hardis
pour aller attaquer, sur un semblable fondement, tout ce
qu'il Y avait de grand parmi les Juifs, et de puissant sur la
terre, et entreprendre de changer une religion aussi ancienne
que le monde, et appuyée sur une infinité de miracles aussi
ixiblir;; que celui-là aurait été particulier pour eux? Il ne
stiilis^iit pas qu'ils fussent fourbes, pour former un si étrange
dessrin: il fallait encore qu'ils eussent jjerdu le sens; et en
ce cas l'imposture n'eût guère duré. Et quand ç'auraient été
les plus habiles gens du monde, comme ils l'ont paru depuis,
ils n'en auraient que mieux vu ce qu'il y avait à craindre,
combien il était difllcile. légers et changeants comme sont
les hommes, que quelqu'un d'eux ne se laissât gagner aux
promesses, ou aux menaces : et enfin qu'il était de la dernière
extravagance de s'exposer do galté de cœur aux tourments, et
à la mort qui leur était assun'r. s<^)it cjnr l'imposliirc fût
découverte, ou qu'elle réussit.
Je n'entreprendrai pas d'entrer jtin* lu-» cr cju on
|M«ut dire pour la vérité de l'histoire évnn. , >ur laquelle
M. Pascal nous a laissé de si belles rrmariiuc:^. mais qui ne
sont presffue rien au prix de ce qu'il eût fait, s'il eût vécu. 11
avait tant de pt^nélration pour ces choses-là. et c'est une
Mtnrrc ù inépuisable, qu'il n'aurait jamais cessé d'y faire de
ti' Il M Iles dÂaouTCfles. Que n'eût-il point dit du style des
«'•*an;:<'li'*l»- ■ ' ' ' > ,'% en particulier
et <!<• jour» ' ton s'est ét.iblie.
et de l'état ou elle est. (i< itilé de miracles,
de martyr* '•' ■'" ""■' ut de choM«s qui
ectsxa DI8G0nR.S 80B LES PENSÉES.
marquent qu'il «al tmpoMible que le« hnmmM Mois •*•«
•oient mêlé» ) Quand je tarais auMÎ capable que je le suis
peu. de Mippléer à ton défaut, oe n'en e«t pas id le lieu : oa
serait achever son ouTra^. dont je n'ai voulu que montrer
le plan. Mats quoique je m'en sois mal acquitté, et quelque
imparfait que nous I ayons, c'est toujours asaei pour faire
voir (|U(>I il eût éiè. et même plu» qu'il n'en faut, pour pro*
duirc l'ciïct qu'il souhaitait dans l'esprit de ceux qui voudront
bien se servir de leur raison. Car. enfin, il n'a pas prétendu
donner la foi aux hommes, ni leur changer le oour. Son but
était de prouver qu'il n'y avait point de vérité mieux appuyée
dans le monde que relie de la religion chrétienne : et que
ceux qui sont assez malheureux pour en douter, sont viâble-
ment coupables d'un aveuglement volontaire, et ne sauraient
•e plaindre (|ue d'eux-mêmes. Et c'est ce qui paraîtra claire-
ment Il quiconque voudra prendre la choêe d'aussi loin que
lui. et envisager tout h la fois, et sans prévention, cette
longue suite de miracles et de prophéties : cette histoire si
suivie, et plus ancienne que tout ce qu'on connaît dans le
monde, et tout ce qu'il trouvera dans ce recueil. Je dis sans
prévention, parce qu'il en faut au moins quitter une. k
laquelle il est bien aisé de renoncer, quand on se fait justice,
c'eat-i-dire k ne vouloir croire que ce qu'on voit sans la
moindre difficulté. Car. quand nous ne serions pas avertis de
la part de Dieu même de ce mélange de l'obsc ' u'-a.
nous sommes faits d'une manière que ceb n< >is
arrêter.
Il est uns doute que toutes les vérités sont étemelles,
qu'elles sont liées et dépendantes les unes des autres ; et cet
enchaînement n'est pas v ' * i les vérités naturellea
et mcn-ales: mais encore | ^ «le fait, qu'on peut
dire auan en quelque f) lisqu'étant toutea
asaignées àdecertainapoiii ^ de l'espace, elles
composent un corps qui subsiste tout à la fois pour Dieu.
Ainsi, si les hommes n'avaient point l'eqirit borné et plein
de nuagea, et que ce grand pays de la vérité leur fût ouvert.
et ezpoaé tout entier k leurs yeux, comme une province dans
une carte géographique, ils auraient raison de ne vouloir rien
recevoir qui ne fût de la dernière évidence, et dont ils ne
vtseent tous les principes et toutes lea suites. Mais puisqu'il
DISCOURS SDR LES PENSÉES. ccxxxm
n'a pas plu à Dieu de les traiter si avantageusement, et qu'il
n'y a point été obligé, il faut qu'ils s'accommodent à leur
condition et à la nécessité, et qu'ils agissent au moins raison-
nablement dans l'étendue de leur capacité bornée, sans se
réduire à l'impossible, et se rendre malheureux et ridicules
tout ensemble.
S'ils peuvent une fois se résoudre à cela; bien loin de
résister, comme ils font souvent, k l'éclat lumineux que cer-
taines preuves répandent dans l'esprit, ils reconnaîtront sans
peine, qu'ils >«' dciivoiit contenter en toutes choses d'un rayon
de lumière, quelque médiocre qu'il leur paraisse, pourvu que
ce soit une véritable lumière; que les preuves qui concluent
sont quelque chose de réel et de positif, et les difficultés de
simples négations, qui viennent de ne pas tout voir; et que,
comme il y a des preuves lumineuses qui ne laissent aucune
obscurité, il y en a aussi qui éclairent assez pour voir sûre-
ment quelque chose : aprt's quoi, quelque difficulté qu'il reste,
elle ne saurait plus empêcher que ce qu'on voit ne soit, et ce
n'est plus que le défaut, ou de celui qui montre, et qui ne
peut tout éclaircir, ou de celui qui veut voir, et qui n'a pas
la vue assez bonne. Car, enfin, il y a une infmité de choses
qui ne laissent pas d'être, pour être incompréhensibles: et il
serait ridicule, par exemple, de vouloir revenir contre des
démonstrations, parce qu'elles auraient des conséquences
dont on ne verrait pas bien clairement la liaison.
S'il n'y avait rien d'incompréhensible que dans la religion,
peut-être y aurait-il quelque chose à dire. Mais ce qu'il y a
de plus connu dans la nature, c'est que presque tout ce que
nous savons qui est, nous est inconnu, passé de certaines
bornes, quoique nous l'ayons comme sous nos yeux, et entre
no4 mains. Au lieu que la religion a cet avantage, que ce que
nous n'en comprenons pas se trouve fondé sur la nature de
Dieu et sur sa justice, dont il est bien certain, quel qu'il
soit, que nous n'en saurions conoaltre que ce qu'il lui plaira
de nous en découvrir. Tenoii»-ooa»-en donc Ik. et lui rendons
grAc«»s <! l'r.' pour marcher en assu-
rance. . |it>s de notre soumission à
des clio^ies qu'on m- Murait comprendre, reconnaissent quelle
est leur injustice; puisqu'on ne la leur demande, qu'après
avoir montré, par une infinité de preuves, qu'il faut être sans
eaim DISCOURS SDR LES PKNSÈRS.
pour ne pu n'y •oiimellre. Car. «pris tout, v a-t-il
quelqu'un ano hardi entre Im hommea pour loutenir que
Dieu ail dû faire quelque cboM de plut que w qu'il a fiut.
et pour M croire ta droit, plutôt qu'un autre, de lui deniAii*
der un miracle en aon particulier, au moindre doute que loo
cour lui Miggérera? ou. s'il» n'ont pas plus de privilège poor
cela let uns que les autres, faut-il qu'il se rende Tiaime à
tous les hommes, et qu'il vienne tous les jours se préaeoler
k leurs yeux comme le soleil ? Et quand il le ferait, que
aavent-iU s'ils n'en douteraient point encore toutea les nuits;
puisqu'cnHn. s'il» n'en ont des nuuques auaat MMÎblea. ib
en ont au moins d'aussi grandes et d'auari oertainea anx-
quellea ils restent, comme l'accomplissement des prophéties
qui est un miracle permanent, et que jusqu'à la Gn du monde
tous les hommes pourront voir de leurs propre* yeux et
loates les fois qu'il leur plaira.
Mais la y/énlé est que ce n'est point le nunqoe de preovea^
qui les arrête: ce n'est que leur négligence h s'éclaircir. et la
dureté de leur cœur; et c'est ce qui fera que. quoiqu'il n'ait
rien paru jusqu'ici de plus propre à tirer les gens de cet
«SKMipiaaement que les écrits de M. Pascal, il cal cependant
comme assuré qu'il n'y en aura que très peu qui en profite-
ront. et qu'à en juger par l'événement, ce ne sera que pour
les vrais chrétiens qu'il aura travaillé, en s'efforcent de
prouver la vérité de leur religion. Je dis ceci sans aucun
égard à la nécesaité de l'inspiration de la foi pour croire avec
utilité, car les hommes n'y peuvent rien. Je parle seulement
de la créiance que la raison |)eul et doit donner : et c'est à
quoi on ne voit guère moins de difliculté. quand on consi-
dère comment les hommes sont faits, et ce qui les occupe
dans le monde.
Les uns s'appliquent aux connaissances, eus recherches de
l'esprit, à l'étude de la nature ; et les autres ne songent pro-
prement à rien, et donnent toute leur vie aux affaires, aux
plaisirs et i la vanité. Pour ceus<i. qui font sans doute le
plus grand nomhre. et même le plus oonsidérehie, il eal eisé
de voir combien il y en aura peu qui emploient seulement
qoeiqqea moments à la lecture de ce recueil ; et permi ceux-
tt oomhien peu sont capables de l'entendre et d'en être
loochés I Gombien il est difficile de faire entrer dans dea
DISCOURS SUR LES PENSÉES. ccxxx»
réflpxions si profondes, des gens qui ont perdu, pour ainsi
dire, l'usage de penser, et qui n'ont jamais fait le moindre
retour sur eux-mêmes ! Ne suffit-il pas que ce soient des
vérités détachées des sens, pour ne faire aucune impression
sur des csprib nourris de faussetés et de chimères, qui ont
ajouté une seconde corruption à la première corruption de la
nature, et qui n'en connaissent pas seulement les misérables
rosles? Les ramènera-t-on tout d'un coup à un point dont ils
ont pris le contre-pied dh le premier pas qu'ils ont fait dans
la vie? ou pour les y ramener peu a peu, doit-on s'attendre
que n'ayant de plaisir qu'à ce qui flatte leurs sens ou leur
intérêt, ils en puissent prendre à se voir continuellement
dire que l'ennui est leur plus grand bien, que leur plus
grand mal est de se croire heureux, qu'ils n'approcheront de
l'être qu'à mesure qu'ils ranimeront en eux le sentiment de
leur» misères, et qu'il n'y a que des fous, ou de vrais chré-
tiens, qui puissent attendre la mort sans désespoir ? Que ces
vérités, toutes consolantes qu'elles sont pour quelques-uns.
leur paraîtront tristes et cruelles ! Qu'elles trouveront peu
d'entrée dans ce violent tourbillon de choses toutes contraires,
dont leur coeur est sans cesse agité, ou qu'elles y feront peu
de séjour ! Il en sera tout au plus comme de ces vaines imagi-
nations des spectres qu'on dissipe en se passant la main sur
le* >oii\; et il'* («Tmeraienl plutôt le livre pour jamais, s'ils
srntairnt fjur <r\n pût tirer à conséquence, et qu'ils y entre-
vissent de loin la ruine de ce faux bonheur qui fait toute
l'occupation et toute la douceur de leur vie.
Il ne serait pas mal aisi^ d'appliquer une partie de cela aux
autrr^ (jui se croient si fort au-dessus de ceux-là, et qui leur
ressemblent f>oiirtant par le plus essentiel. Ils pensent à la
vérité, ils ont en\io de r<»nnaltre. ils rencontrent même quel-
quefois, et par là iU se retfardent comme une espèce d'hommes
différents des aiilrrs. ri les prenùers leur font pitié. Mais
qu'ils s'en feraient à iiu-im'in«'s. s'ils vovaient une fois claire-
ment le peu de \alfiir dr re (|ui irur coûte tant de peine, et
qui les amuse ; et cjnr rrjn même les éloigne de le voir !
Quoique ce soient des vérités qu'ils cherchent, et que toute
vérité ait son prix par la liaison qu'elle a avec la vérité essen-
tielle, elles sont creuses néanmoins et inutiles, si elles n'y
conduiront: et c'en est même si peu le chemin, que de soc-
cciiivi DISCOURS StTR LRS PRNS^.R8.
ruper de celles qui tourmentent tant U plupart d« homoMt.
que Dieu a voulu qu'ellea leur fuMent impéoéCraUfls ; et que
tout ce qu'en ont trouvé le» plus habUaa, e'eit qu'on n'^r
saurait atteindre, et qu'on t'en ptae aiaénMot. CMModanC
comme si oeui-d savaieal sûremoit d'aillflitn qu'il n'y «61
que cela à connaître dans le monde, ils s'y appliquent avec
une ardeur infatigable : et ce peu de suoofcs lea pique, au lieu
de Ica rebuter. Ils se lai«ent U comme des miaérablat indigne»
de leurs soins, et abandonnent la recberdM de oe qu'ils sont,
el de œ qu'ils doivent devenir, pour approfondir oe que les
sdenoes ont de plus vain et de plus cacbé. sans songer qu'il y
a longtemps qu'on en sait asses pour l'usage de la vie. et
qu'elle ne vaut pas la peine, s'il y manque quelque chose.
qu'on s'amuse k le chercher. Aussi n'est-ce. i dire le vrai, ni
la commodité de la vie qui les fait agir, ni l'amour de la
vérité, qu'ils aiment rarciiipnt à voir trouver par d'autres.
La cturigailé ""'^ 'iw _pousse. el la g'^T ^<'*"^ p*"» loin
que if uimij \m «ni fBélÉll^l ' fli 1l |lllH«H même «ui-
rpsToiPs si opposées k la vérité, qu'ils s'en éloignent à
mesure qu'ils avancent. Mais le pis est que oda les rend même
incapables de la voir quand on la leur montre, et que se
remplissant la tète de ce qu'on a inventé de faux, depuis
qu'on raisonne dans le monde, cette étrange eapèce de tra-
dition leur ôte tellement le goût de la vérité, que c'est pour
eux un langage inconnu; et que tout oe qui n'est pas con-
forme aux impressions qu'ils ont reçues, n'en saurait plus
faire sur leur esprit.
Il y en a véritablement quelques-uns parmi ceux-li qui
■ont dans des voies droites, et peu sujettes à l'erreur. Ceux-ci
ne se paient pas de discours, comme les autres: etparœqu'iU
charchent plus i connaître qu'il parler, et qu'ils ne donnmt
leur créance qu'k ce qu'ils voient clairement, il leur arruf
rarement de se tromper. Mais c'est aussi ce qui renferme
leurs connaissances dans des bornes bien étroites, n'y ayant
que tris peu de choses qui soient capables d'one éiridrâce pa-
reille à celles qu'ils demandent. Tout ce qui n'est point dé-
moostration ne lear est rien: et sans songer qu'il y en a de
plus d'une sorte, ils s'établissent juges souverains de toutes
choses sur un petit nombre de principes qu'ils ont. et na
veulent rien croire que oe qu'on leur prouve à leor manière.
DISCOURS SUR LES PENSÉES. ccxxxvn
et dont on ne leur puisse rendre la dernière raison. Mais ils
ne voient pas que l'avantage qu'ils croient en tirer, de ne
rien recevoir que d'incontestable, est bien moindre qu'ils ne
ftensent : et que. bien loin qu'ils se garantissent par là de
l'erreur, c'est au contraire ce qui les y plonge, en les privant
d'une infinité de vérités, dont l'ignorance est une erreur très
grossière et très positive, et qu'ils se rendent néanmoins
presque incapables de goûter. Car l'babitude qu'ils se font de
ce doute [ïerpétuel. et de tout réduire aux figures et aux
mouvements de la matière, leur gâte peu à peu le sentiment,
les éloigne de leur cœur à n'y pouvoir plus revenir, et les
i '' enfin à se traiter eux-mêmes de machines. Qu'y a-t-il
■ lus capable de les rendre insensibles aux raisons et aux
preuves de M. Pascal, quoiqu'ils aient moins de sujet que
|x;rsonne. de croire qu'il fût homme à s'abuser, et que dans
leur ordre même ils l'aient regardé, ou dû regarder au moins
avec admiration?
Enfin, il se trouve une certaine sorte de gens presque aussi
rares que les vrais chrétiens, et qui semblent moins éloignés
que les autres de le pouvoir devenir. Ceux-là ont connu la
( orruption des homm^lp"r« mi»^r«>«, ël la. peiîlesae de leur
j-^rit. Ils en ont recncrché des remèdes, sans connaître le
fond^u mal: cl regardant les choses d'une manière univer-
selle, autant qu'on le peut humainement, ils ont vu ou cru
Noir ce que les hommes se doivent les uns aux autres: et
(|iiel(|ues-uns ont porté aussi loin qu'il se peut les recherches
• le l'esprit, et l'idée des vertus naturelles. S'il y avait quelque
( hose de grand entre les hommes, et que cette gloire qu'ils
|).in(iii i.(.\oir les uns des autres fût de quelque prix, ceux-
l.i -. iiU \ {M.iiiraient prétendre quelque j>arl. Kt comme ce
n'est proprement que parmi eux qu'il y a de l'esprit et de
l'honnêteté, il semble qu'on en puis.se plus espérer que de
tout le reste, et qu'ils n'aient qu'un pas à faire pour arriver
;iu christianisme. Mais c'est, à le prendre en un autre sens.
' «> <|)ii \f^ en éloigne: puisqu'il n'y a point de maladies si
' i'» que celles qui ressemblent à la santé, ni de
|| ^ ad obstacle à la perfrction (|(i(' de croire qu'on l'a
trouvée.
La charité, s'il est permis d uwr de cette comparaison.
|*cut être regardée comme un ouvrage admirable, qui aurait
ccxixvm DISCOURS SUR LES PKNStKft.
élé mit enlrv In inains des liommes. et t^ui. par le peu de
•oÏD qu'ils en ont eu. se serait brisé et mis en pièoaa. Us oal
en t|ut>l(|uc façon senti leur perte; et recueillant oe qui leur
restait du débris, ils en ont oompoaé. comme ib ool pu. ce
qu'ils appellent l'honnêteté. Mais quelle différenoel que de
vides! que de disproportions ! ce n'est qu'une misérable copie
de oe divin original ; et malheur k celui qui s'en oooteote. et
qui ne voit pas que ce n'est que son ouvrage. c'est-&*dire
rien. Cep< > de différence, tout infinie qu'elle est en
soi. est iiii, ie k ceux dont je parle ; et l'état où ik se
sont élevés, étant en efTet quelque chose d'asses grand, de b
manière dont iU le regardent, ils s'en remplissent entière-
ment, ils roulent et subsistent U-dessus jusqu'à la mort; et
rien n'est plus diflicile que de leur faire compter pour rien
ce qui les met si fort au-^esMis du reste des hoounes. «I de
les porter à se reconnaître méchants : ce qui est le rommen-
ccment et la pcrfcrtion du christianisme.
Voilà ce qui donne lieu de croire que peu de gens auraient
profité du livre de M. Pascal, quand même il aurait été dans
l'état où il le pouvait mettre. Qu'ils y songent pourtant les
uns et les autres; la chose en vaut bien la peine ; et que ceux
qui après avoir accommodé la religion chrétienne à leur
cœur, en accomplissent tous les devoirs si à leur aise, aussi
bien que ceux qui se sont déterminés à ne rien croire, appren-
nent une fois, qu'en matière de religion, c'est le comble du
malheur que d'avoir pris son |>arti. si oe n'est h- ! |<i'il
n'y en .1 qu'un qui le soit. Quelque lumière, qui-i _ nr
d'intelligence qu'on ait, rien n'est si aisé que de %'y t
surtout quand on le veut; et de quelque bonne foi a|i,...
qu'on se flatte, il est certain qu'on se repentira d'avoir m •!
choisi, et (|u'on s'en repentira éternellement. Car enfin on ne
fait point que les choses s4)ionl à force de se les persuader : et
quelque fondement qu'on trouve dans ses opinions, l'impor-
tance est qu'elles soient véritables; et qu'à ce triste moment
qui décidmi de notra état pour jamais, à l'ouverture de ce
grand rideau qui noua découvrira pleineaient la vérité, si
nous trouvons plus que nous ne savions, noos ne trouvions
pas au moins le contraire de ce que nous avions cru.
RÉSUMÉ DE NICOLE. ccxxxix
RÉSUMÉ DES PENSÉES PAR NICOLE
(^Traité de l'Éducation d'un Prince. Seconde partie. XLI-XLIII.)
Tout doit tendrr a tonner le jiii;einent des enfants... Pre-
mièrement il faut tâcher de les aiïermir dans la foi. et de les
fortilîer contre les maximes de libertinage et d'impiété, qui
ne se répandent que trop dans la Cour. Ce n'est pas qu'il
faille soumettre la religion à leur examen : mais il faut les
faire entrer dans les preuves de la religion, sans qu'ils les con-
sidèrent prevjue comme des preuves, et les accoutumer à
regarder tous Us impies et les libertins comme les plus imper-
tinents des hommes.
Il faut leur faire remarquer en toutes choses, dans eux-
mêmes et dans les autres, l'effroyable corruption du cœur de
l'homme, son injustice, sa vanité, sa stupidité, sa brutalité,
sa nilsore ; et leur faire comprendre par là la nécessité de la
réforinalion de la nature. Il leur faut dire qiic le* liommes
avant cherché divers remèdes alcuf» malades, a'ont fait que
nionlrïT \n u'randeiir de l«'urs maux, et J'iinpiiiManrf où ils
sonf (le les :.'ii)'iii : (jiic et- remède ne pouvant donc MirwrTer
'par la laî^xin. il fallait l'apprendre de la raligiai»» e^— t>A''<lire
diil^i«Mj nit^me. Tî leur faut dire que cette religion nous
di'couMc foiiTlTiin coup l'origine de nos maux que tous les
philusuphe:) ont inutilement cherchée, en nous instruisant
des deux états de l'homme, de son innocence et de sa chute ;
et qu'il! 'Il apprend en même temps le remède qui
psl U (' > d<> Jésus Christ. Il leur faut faify rBIflif rT"***
«jii "^ de toutgii qu'elle a
Il m t conservée dans un
peuple particulier, qui a gardé le livre qui la contient avec
un soin prodigieux. Il leur faut relever les merveilles de ce
peuple, et la certitude des miracles de Moïse, qui ont été
fait<« il la vue de six cent mille hommes qui n'eussent pas
ntan<]iié de le démentir, s'il eût eu la hardiesse de les inven-
ter et (ïf h*s érrin- dann un livre le plus injurieux qu'il soit
possible d«> <«'imaginer a ce peuple qui le conservait, puisqu'il
découvre partout ses infidélités et ses crimes.
ean. RltSDIlft DE NICOLE.
Il leur faut dire que ce livre prédit la venue d'un IMdia-
iMir et d'un Sauveur : et oue toute b religion â» et PMipl*
ooosutait à l'atlendre et à le figurer par toulet les oérémo-
niet. Que la venue de ce Sauveur a été annoncée par une
luite de prophMes miraculeux, qui lont venus de tempe en
temps pour avertir le monde de m venue, et qui en ont nnarqué
le temps, avec les princi|)ales droonstanoes de sa vie et de sa
mort. Qu'il e»l venu ensuite lui-même dans le temps prédit ;
mais qu'il a été méconnu par les Juifs : parce que les prophètes
ayant prédit deux avènements de ce Sauveur, l'un dans l'hu-
milité et dans la bassesse, l'autre dans l'éclat et dans la gloire,
l'amour que les Juifs avaient pour les grandeurs de la terre
a fait qu'ils ne se sont attachés qu'à œ qui était dit de l'avé-
nement glorieux du Messie : ce qui les a empêchés de le
reconnaître dans son avènement de basseaie et d'humilité. 11
leur faut faire comprendre les raisons de celte conduite de
Jésus-Christ, et leur expliquer les merveilles de sa vie. la
certitude de sa résurrection, pour laquelle tous ceux qui en
ont été témoins se sont fait martyriser : les miracles des
apôtres, la ruine do Jérusalem prédite par Jésus-Christ, la
punition horrible des Juifs, la conversion des peuples, en sorte
qu'en moins de cent cinquante ans la foi de Jéana Christ
était déjà répandue par tout le monde, et parmi les natâoos
les plus barbares, comme saint Justin le remarque expressé-
ment dans son dialogue contre Tryphon ; et enfin la force
admirable de cette religion, qui a subsisté et s'est accrue
nonobstant les cruautés inouïes que les hommes ont exercées
pour la détruire.
Toutes ces choses étant imprimées de bonne heure dans l'es-
prit des enfants, les rendent incapables d'être toudiés des dis-
cours des libertins, et leur font connaître qu'ils ne vien-
nent que d'ignorance et d'aveuglement.
// vient de paraître un livre en public, dont ce diMcoun n'es/
qmt r^bré^, qui ut petU-élte Vuh dm plui ailles çae Ton pm$êe
maître entre Im maitu dm prinem qm ont de Fe^trU, wmt le
recueil des Pensées de M. Pascal. Outre Cavantage ineompa-
rable qu'on en peut tirer pour le* affermir dam la vMabU
reUgion par dm rai$ons qui leur paraîtront d'autant pUu mMdm,
qu'tli Im approfondiront davantage, et qui laismnt eeUe impre»'
iion bii ukU, qu'il n'y a rien de plua ridicule que de faire
PLAN D'APRÈS Mme PÉRIER. ccxu
vanité da libertinage et de Virreligion, ee qai est plat important
qa'on ne saurait croire poar les grands. Il y a de plus un air si
grand, si élevé et en même temps si simple et si éloigné d'affecta-
tion dans tout ce qail écrit, que rien n'est plus capable de leur
former Cesprit, et de leur donner le goût et Vidée d'une manière
noble et naturelle d'écrire et de parler.
Le dessein qu'avait M. Pascal de se renfermer dans les preuves
tirées, ou de la connaissance de l'homme, ou des prophéties et de
diverses remarques sur f Écriture, a fait qu'on n'en a pas trouvé
d'autres dans ses papiers ; et il est certain qu'il avait quelque
éloignement des raisonnements abstraits et métaphysiques, que
plusieurs ont employés pour rétablissement des vérités de la foi.
Mais il ne faisait pas le même jugement de quelques autres preuves
plus sensibles, dont on se peut servir poar la même fin. Il était
persuadé, au contraire, que celle que l'on tire de ce que la matière
est incapable de penser, est fort soUde, et qu'elle fait voir claire-
ment que Vdme n'est point matière, mais une substance d'un autre
genre qui n'est point attaché au corps. Peut-être même que s'il
avait eu U: temps d'exécuter ce qu'il s'était proposé, il aurait
mis cette preuve dans son jour, aussi bien que quelques autres de
même nature ' .
PLAN DE LAPOLOGIE D'APRÈS Mur. PÉRIER
(Extrait du docteur Besoigoe. Hisloire de VatAaje de Port-Royal,
t IV. p. il69 )
\ oici Ir jilfin dr V(,tvrn<je, tel que .Mme Périer, sa soeur, le
rapporte iluns su iic. Jr tupienii sans rien changer ses propres
fHiroles quelle assure à son tour être les propres paroles de son
frère.
S'il y a des miracles, il y a donc quelque chose au-dessus
de ce que nous appelons la nature. La conaéqueoœ est de bon
I. C'mI on àm points qui ImmImoI la plus Nieob; cf. U Diatoart
Itêsdê
-JT.bt
|l délMtdra les voas propra k Pascal, supra p. cxctr «t p. cciliii.
CM<«mMl «a ahré^ les arta»« «aterrUct de FetitUiiee de Dteu et de
Voir les fr.
\rmmoiidUi de Vime. Voir les fr. 77. Sta et l'instsUDce de la famille
it p. CCI
I- 10
PLAN D'APRÈS Mai PitRIBB.
sent: il n'y a qu'à l'awurer de U certitude de la vérité des
miradfli. Or il y a des règles pour oelâ qui loot eooora deaa
le boo Mos. et cm règles te trouvent justes pour les mirides
qui sont dans l'Ancien TesUment. Ces miradâ sont donc vrais.
Il y a donc quelque chose au-dessus de b nature.
Mais ces miracles ont encore des marques que leur principe
est Dieu : et ceux du Nouveau TesUment en particulier, que
celui qui les opérait était le Messie que les hommes devaient
attendre. Donc, comme les miracles tant de l'Ancien que du
Nouveeu Testament prouvent qu'il y a un Dieu, ceux du
Nouveau en particulier prouvent que Jésus-Christ était le
véritable Messie.
11 démêlait tout cela avec une lumière admirable, et quand
nous l'entendions parler, et qu'il développait toutes les cir-
constances de l'Ancien et du Nouveau Testament où étaient
rapportés ces mincies, ils nous paraissaient clairs. On ne
pouvait nier la vérité de ces miracles, ni les conséquences qu'il
eti tirait pour la preuve de Dieu et du Messie, sans choquer
les principes les plus communs, sur lesquels on assure toutes
les choses qui passent pour indubitables. On a recueilli quel-
que chose de ses Pensée* : mais c'est peu. et je croirais ^Ire
obligée de m'étendre davantage pour y donner plus de jour,
selon tout ce que nous lui en avons oui dire, si un de ses
amis ne nous en avait donné une dissertation, sur les œuvres
de Moise. où tout cela est admirablement bien démêlé, et
d'une manière qui ne serait pas indigne de mon frère*.
Je vous renvoie donc à cet ouvrage, et j'ajoute seolemenl
ce qu'il est important de rapporter ici, que toutes les diffé-
rentes réfleiions que mon frère fit sur les miradea lui don
nèrent batncoop de nouvelles lumières sur la rdigion. (>>(ihii<-
toutes les vérités sont tirées les unes des autres. c'< '
qu'il fût appliqué è une. les autres lui venaient tu:
foule, et se démêlaient à son esprit d'une manière qui l'en-
levait lui-même, à ce qu'il nous a dit soir / '' ' '<
cette occasion qu'il se sentit tellement aniin
que. voyant dans les lumières que Dieu lui avait Juuuùo dt*
I . Dmotm mu U$ prwmtm dm tiares dr Jfebr. par M. 4« la Ckaiw,
pahliéae i97S, avae la Dmtmn mt le» pmmit» àt Pmoal, ^a* non,
rsfwéaiseai plas kaat. p. cicii.
PLAN D'APBÈS Mmb PÈRIER. ccxuu
quoi les convaincre et les confondre sans ressource, il s'ap-
pliqua à cet ou\Tage. dont les parties qu'on a ramassées nous
font avoir tant de regrets qu'il n'ait pas pu les rassembler
lui-même, et. avec tout ce qu'il aurait pu ajouter encore, en
faire un composé d'une beauté achevée. Il en était assurément
très capMble. Mais Dieu, qui lui avait donné tout l'esprit né-
cessaire pour un si grand dessein, ne lui donna pas aasex de
santé pour le mettre ainsi dans sa perfection.
il prétendait faire voir que la religion chrétienne avait
autant de marques de certitude que les choses qui sont reçues
dans le monde pour les plus indubitables. Il ne se servait
point pour cela de preuves métaphysiques : ce n'est pas qu'il
les crût méprisables quand elle^ étaient bien mises dans leur
jour ; mai» il disait qu'elles étaient trop éloignées du raison-
nement ordinaire des hommes : que tout le monde n'en était
pas capable, et qu'à ceux qui l'étaient elles ne servaient qu'un
moment, car une heure après ils ne savaient qu'en dire et ils
crai^'iiaieiit d «*tre trompés. Il disait aussi que ces sortes de
preuves ne peuvent nous conduire qu'à une connaissance ^)é-
culative de Dieu : et que connaître Dieu de cette sorte, était
ne le connaître pas. Il ne devait pas non plus se servir des
raisonnements ordinaires que l'on prend des ouvrages de la
naturr : il les respectait pourtant, parce qu'ils étaient con-
sacrés par l'EIcriture sainte et conformes à la raison, mais il
croyait qu'ils n'étaient pas assez proportionnés à l'esprit et à
la disposition du cœur \de eeax] qu'il avait dessein de con-
vaincre. Il avait remarqué par expérience que bien loin qu'on
le!i oniporlàt par ce inuycn. rien n'était plus capable au con-
traire de les rebuter et de leur ôter l'espérance de trouver la
vérité, que de prétendre ainsi les convaincre par ces sortes de
raisonnements contre lesquels ils se sont si souvent raidis, que
l'endurcissement de leur cœur les a rendus sourds k cette
voix dp la nature ; et qu'enfin ils étaient dans un aveuglement
'I >uvaient « |>ar Jésus-Christ, hors duquel
tni/ inication .1 i nous est ôtée. parce qu'il est
écrit que personne ne connaît le Père que le Fils et celui k qui
U plall au Ftls de le révéler ' .
I. Pr. s4s.
ccxuT PLAN D'APRES Mai pfeRIER.
La Divinité des Girétiens ne ooiMwte pas MolonMit ao on
Dimi simplement auUnir de» vérité* géométriquea et da l'ordrr
des éléments ; c'est la part dea palena. Qle na oonsiala paa aii
un Dieu qui eterce sa providence sur la vie et sur les biens
des hommes. |w>iir donner une heureuse suite d'années; c'est
la part des Jitir». Mais le Dieu d'Abraham et de Jaoob, Ir
Dieu des Chrétien*, est un Dieu d'amour et de ooosoktinn
C'est un Dieu qui remplit l'Ame et le cœur de oem qui !•■
possèdent. C'est un Dieu qui leur fait sentir inlérienrcment
leur misère, et sa miséricorde inHnie : qui s'unit au fond de
leur Ame; qui les remplit d'humiliti^, de foi. de confiance et
d'amour : qui les rend incapables d'autre fin que de lui-
même. Le Dieu des Chrétiens est un Dieu qui fait sentir A
l'Ame qu'il est son unique bien : que tout son rmos est en
lui. qu'elle n'aura de joie qu'A l'aimer : et qui lui fait en
même temps abhorrer les obstacles qui la retiennent, et l'em-
pèdient de l'aimer de toutes ses forces. L'amoar-nropre al la
ooncupisoenoe qui l'arrêtent lui sont insupportalNe*. et Dieu
lui fait sentir qu'elle a ce fond d'amour-propre et que lui
seul l'en peut guérir.
VoilA ce que c'est que de connaître Dieu en chrétien. Mais
pour le connaître de cette manière, il faut connaître en même
temps sa raisire et son indignité et le besoin qu'on a d'un
médiateur pour s'approcher de Dieu et pour s'unir à lui. Il
ne iaut point séparer ces connaissance*, parce qu'étant sé-
parées, elles sont non seulement inutiles, mais nuisible*. La
connaissance de Dieu sans celle de notre misère fait l'orgueil :
celle de notre misère sans celle de Jésot-Glirist fait notre
déaespoir : mais la connaissance de Jé*u*-Chrial no«i* eiample
de l'orgueil et du dé*e*poir: parce que non* y troovooa
Dieu, seul consolateur de notre misère, et b voie onique de
la réparer.
Nous pouvons connaître Dieu sans connaître notre misère.
el notre misère sans connaître Dieo : oa Bêma Dieu et notre
misère, sans connaître les moyens de oca* dflivrer des mi-
sères qui nous accablent : mais nous ne pouvons connaître
Jésiu-Ôbrist. sans connaître tout ensemble et Dieu et noire
misère: parce qu'il n'est pas simplement Dieu, mab on Dieu
réparateur.
Ainsi tous ceux qui cbercfaent Dieu sans Jéaus-Cbrist ne
1
PLAN D'APRÈS Mme PËRIER. ccxlt
trouvent aucanc lumière qui les satisfasse, ou qui leur soit
véritablement utile; car ou ils n'arrivent pas jusqu'à con-
naître qu'il y a un Dieu, ou s'ils y arrivent, c'est inutilement
pour eux, parce qu'ils se forment un moyen de communiquer
sans Médiateur avec le Dieu qu'ils ont connu sans média-
teur : de sorte qu'ils tombent dans l'athéisme et le déisme,
qui sont les deux choses que la religion abhorre presque éga-
lement '.
Il fatit donc tendre uniquement à connaître Jésus-Christ,
puisque c'est par lui que nous pouvons prétendre de con-
naître Dieu d'une manière qui nous soit utile. C'est lui qui
est le vrai Dieu des hommes, des misérables et des pécheurs.
Il est le centre de tout et l'objet de tout: et qui ne le connaît
point ne connaît rien dans l'ordre de la nature du monde, ni
dans soi-même. Car. non seulement nous ne connaissons Dieu
que pr Jésus-Christ, mais nous ne nous connaissons nous-
mêmes que par lui.
Sans Jésus-Christ, il faut que l'homme soit dans le vice et
dans la misère; avec Jésus-Christ, l'homme est exempt de
vice et de misère. En lui est tout notre bonheur, notre
vertu, notre vie, notre lumière, notre espérance; et hors de
lui, il n'y a que vices, que misère, que désespoir, et nous ne
voyons qu'obscurité et confusion dans la nature de Dieu et
dan» In nAtre'.
Dans les pretives que mon frère (continue Mme Pirier) devait
donner de Dieu ot dr la religion chrétienne, il ne voulait rien
dire qui ne fût à la {)ortcc de tous ceux pour qui elles étaient
destinées, et où l'homme ne se trouvAt intér^sé de prendre
part, ou en sentant en lui-même toutes les choses qu'on lui fai-
sait remarquer bonnes ou mauvai.4es, ou en Yoyant clairement
qu'il ne pouvait prendre un meilleur parti, ni plus raison-
nable, que de croire qu'il y a un Dieu dont nous pouvons
jouir, et un Médiateur qui, étant venu pour nous en mériter
la grAre, commence à nous rendre heureux, dès cette vie, par
les vertus qu'il nous inspire, beaucoup plu» qu'on ne le |)eul
être par tout ce que le monde nous promet, et nous donne
I. Fr. 556.
a. Fr. 558.
cciLn PLAN D'APRRS M«> P^.RIBR.
êmnnnce qui» nmi* le mtoos parfaiteniml dans le Cid. »i
nous le mériton» par Im voie» qu'il imnm a préwoléw et dont
il nou» a donn^ lui-m^mr IVxetnpir.
Mais, quoiqu'il (M penuadé qup tout rc qu'il avait ain«i à
dire sur la rrligion aurait ét^ trè» clair et IrÔA convaincant,
il ne croyait pas cependant qu'il dôt l'être h ceux qui étaient
dan» l'indifférenoe. et qui. ne trouvant pas en eux-inèroe»
de» lumières qui les pertuadaMent, négligeaient d'en chercher
ailleurs, et surtout dans l'Eglise où elles éclatent avec plus
d'abondance. Car il établissait ces deux vérités comme cer-
taines : que Dieu a mis dea marques sensibles, particulière-
ment dans l'Flglise. pour se faire connaître k etux qui le
cherchent sincèrement, et qu'il les a couvertes n^mnoins de
trlic sorte qu'il ne sera aperçu que de ceux qui le cherchent
de tout leur cœur.
C'est pourquoi, quand il avait k conférer avec quelques
athées, il ne commençait jamais par la dispute, ni par établir
les prindpra qu'il avait h dire : mai.<i il voulait auparavant
connaître s'ils cherchaient la vérité de tout leur oosiir: et il
agissait suivant cela avec eux, ou pour les aider à trouver la
lumière qu'ils n'avaient pas. s'ils la cherduient sinc^ment,
ou pour les disposer k la chercher et à en faire leur plus
sérieuse occupation, avant que de les instruire, s'ils voaluaot
que son instruction leur fût utile.
Ce furent s(>s in(irmiti'>s qui l'empêchèrent de travailler
davantage k son dessein. 11 avait environ trente-quatre ans
quand il commença de n'y appliquer. 11 employa un an entier
i s'y préparer en la manière que ses autres occupations lui
I >'>nt. qui était de recueillir les différentes Pensées
• I liaient U-dessus: et k la fin de l'année, qui était la
trente-cinquième année de son âge et la cinquième de sa
retraite, il retomba dans ses incommodités d'une manière si
accablante qti'il ne pouvait plus rien faire dans lea quatre
années qu'il vécut encore, si on peut appeler vivre la langu<-<ir
si pitoyable dans laquelle il les pasaa. leiJUùl le lon^ exlnui
qëtfai voulu donner de Mme Parier.
IV
LETTRES SUR l'ÉDITION DE 167O
LETTRE DE M. PAVILLON. ÉVÊQUE DALET
A M. PÉRIERi
Monsieur, quoique la vérité m'oblige de reconnaître que
je ne suis pas tel que vous avez la bonté de me croire, et toute
votre chère famille aussi, je vous avoue néanmoins que j'ai
reçu une très jo^ande consolation des témoignages d'aiïection
que vous me donnrz dans votre lettre, et si cette affection
vous a porté à (pioique excès h mon égard, je ne puis pas dou-
ter pourtant qu'elle ne soit très sincère : ce qui m'en fait
espérer un grand secours, pour obtenir de Dieu les grâces
qui me sont nécessaires dans l'état où il m'a mis. Je vous
prie d'être persuadé. Monsieur, qti'il v a longtemps que Dieu
m'a donné beaucoup d'estime pour votre vertu, aussi bien
que pour celle de Madanjo votre femme, et beaucoup d'affec-
tion pour tous vos enfants ; étant bien didicile de n'en point
avoir pour une maison, à qui Dieu a donné de si grandes
marques de son amour. Je l'ai remercié. Monsieur, de tous
ses bienfaiU : et soyez, s'il vous plaît, persuadé que je conti-
nuerai de le fain> lin ni<'iII«Mit (\r mon cœur. J'accepte \ '
tient If préviil «jin- \(»lrc cIhti- l.iiiiillc a la bonté de m
voyer : et comme il fera une continuelle marque de son amitié
que j'estime l)oauroup. je la prie aussi de tout mon ctrur
de considérer l'arrrptation que j'en fais comme une preuve
do ma reconnaisnancp que je ne cesserai jamais de continuer
dans me» faibir» prières et dans mes sacriiices. Je Ils et relis
I. CMIa Utttf «C da la Sa d« 166g, d'apria te HteiÊtU d'Utneht
(P 360.
ociLvm LETTRE DE M. DE TILLEMONT.
avec beaucoup d'Mificalion et de pl«t«ir le» écrit* de M. Pa»-
cal, n'y trouvant rien qui ne foit digne de la aolidilé al de
la jgUki de Teaprit de l'auteur. Je ne Murait vooa exprtnwr la
vénératioa que Dieu m'a donnée pour na ménMNre. Je ne
doute point qu'ayant eu un ti grand amour pour toute votre
famille pendant m vie. il ne le continue dans le dd en sa
faveur. Je voua supplie d'agréer que je aaloe M. Domai, que
je sais être lié d'une amitié trfs étroite avec vous. C'est une
personne de laquelle en vérité je fais une estime toute parti-
ctili^. Je me recommande à le» prières : et apris vmu avoir
demandé les vôtres et celles de votre famille, il ne me reste
qu'i vooa aamrer que je sais trèa cordialement.... etc.
Signé : Nicolas, Évéqtie d'Alel.
LETTRE DB M. DE TILLEMONT A M. PÉRIBB LB HLS
Ce 3 février 1670.
Monsieur, il n'est pas besoin que je m'étende beaucoup
pour vous dire avec qîielle reconnaiasanoe j'ai reçu le présent
de Monsieur votre p^ '. Le respect que j'ai pour lui ne me
1. Avaal de faire ce pr^wat k M. de TilleaMat, Loaia «
Piriar aa avaiaat réMré à laer af^ra, eewaw oa la voU par la enriaai
paaufa qaa eha Vielor Coaâa (Rapport $ar faa Pmtit» é$ Pmemt.
a* partie, aptàd Éladaa sur Paaral, 5* Mil., p. 160) : « Nom avoM
parl^ k M. GaaIplM mar les pr^seoU que aous devons fkiire dat P«m$U»:
il aous a dit qu'où a'ea doaae fuère qu'aux aoiis pattimltark. No«a
lai avoas demanda s'il en Aillait doaaar plaaiaari : il mhh a dit
^■a, pour M. Amaulil, nous lui e« posTioM doMMr deas o« Irai*.
Voie* la liiu qaa aoaa avioM fciia da eaai ^m aoM aaal veaaa daaa
faipfte, doat voM rauaaeliaiaa o« ajeataraa osas qaa voaa jagaaaa k
propos : MM. Araanld, fîaalpba, de Roaaate, da la Glwtaa, da
TréTilla (qui asaisu k l'eiaaiaa qui sa flt das Pmêtm avae MM. da la
Gkaiaa al Daboia, at qui 7 doaaa da boas avia) ; MM. Daboia,
Nteala, daa Billauaa, e« M. la earé (da SaiatJacqaaa da-Haatpaa), la
P. MalabraadM, la P. d'Vrté, la P. Bloc, la P. Dagaé, hén da
ealai qaa aoaa avoas t« i Clar«H>at, avae qai aoaa avoaa Mt giaada
liaiaoa ; la P. Daboia, la P. Martia, la P. <)aaM«l, qui aat aaai fi^ri
à
LETTRE DE M. DE TILLEMONT. ccxuz
permet pas de reœvoîr avec indifférence ce qui vient de sa
main. Vous savez qu'il y a bien des années que je fais pro-
fession d'honorer, ou plutôt d'admirer les dons tout extraor-
dinaires de la nature et de la grâce qui paraissaient en feu
M. Pascal. Il faut néanmoins que je vous avoue. Monsieur,
que je n'en avais pas encore l'idée que je devais. Ce dernier
écrit a surpass*'- ce que j'attendais d'un esprit que je croyais
le plus grand qui eût paru en notre siècle ; et si je n'ose pas
dire que saint Augustin aurait eu peine à égaler ce que je
vois par ces fragments que M. Pascal pouvait faire, je ne
saurais dire qti'il eût pu le surpasser ; au moins je ne vois
que ces deux que l'on puisse comparer l'un à l'autre.
Je vous avoue encore une fois que je reconnais M. Pas-
cal tout autrement éminent dans ses fragments que dans ce
que j'en avais reconnu jusqu'ici. Je sais bien que les petites
lettres seront toujours un chef-d'œuvres inimitables, et peut-
être (juclles ne me paraissent inférieures que parce que je ne
suis pas capable d'en pénétrer les beautés ; mais peut-être
aussi que la matière y fait quelque chose, et qu'un écrit fait
pour des personnes ordinaires doit presque paraître ordinaire.
Quoi qu'il en soit, on voit ici un homme qui, embrassant le
sujet le plus vaste et le plus élevé qui soit au monde, parait
encore élevé au-dessus de sa matière, et se jouer d'un far-
deau qui étonnerait et accablerait tous les autres. Que s'il
parait tel dans des fragments détachés et qui ne contiennent
presque rien de ce qu'il avait de plus grand dans l'esprit, que
p«Mit-on concevoir de l'ouvrage entier, si Dieu nous avait
accordé la ^tAcc de le voir en sa |)erfection? Je n'oserais dire
que cela me fait regretter tout de nouveau la mort d'un
homme capable de rendre à l'Eglise un service si signalé,
puisque M. Pascal veut qu'on mette au nombre des péchés
ces sortes de dé%irs rontraires en (pielque sorte à la disposi-
tif' ' ' "" 'ins saint .\ugustin n'est pas. ce semble,
si 1 1 I lie qu'il y a des choses que Dieu veut.
de ■MiBu; MM. Toi»aard et Mesaard, le P. de l'Age, MM. Touret
et de (^Mumnrtia, M"" de Saint-Loup. Noiu ne Mvon* «'il en fiiut
donner k P.-R. de» Champ» : « cela était, ce serait à MM. de Sacy,
de Sainte-Marthe et de Tillcmont. »
oo. LETTRK DR M. DR TILLRMONT.
parce qu'il e»i de «on ordre de le* vouloir, et que l'ordre de
l'homme ett de ne lei pM vouloir ; et n'esl-il dm de notre
ordre de vouloir ce qui. Mnt doute, aurait oontnboé aa niai
d'un grand nombre de peraonnea }
Je ui> bien qu'il y a on de MU. voa approbateur» qui noua
donne une ronsnlation bien facile. »i elle ^tait solide, en pi^
tendant que la brièveté de oea fragmoita e»t plus lumineoae
que n'aurait éi^ le diaooon entier et étendu. Pour moi. je
vou» avoue que je n'ai paaaaaei de pénétration d'eaprit pour
me contenter de cea diaooun abrégea, quoique je les trouve
tous admirables. N^anmoin» crut qu'il rtend davantage (ont
une impreiision tout autre sur moi. et je juge par Ut de ce
qu'aurait ^t^ l'ouvrage entier d'une main dont lea premiera
traits ont d^jji tant de beauté. Je reconnaîtrais néanmoins
ma faiblesse et me soumettrai!* volontirn* ot humUemenl au
sentiment de M. de Ribe>ran. si jenevoynisd'autreaperaonnea
plus spirituelles que moi qui n'entrent pas dans m pensée el
qui se mettent presque en colère contre lui. Ceux qui ont un
amour particulier' pour la doctrine de la gràoe. doivent re-
gretter encore plus que les autres que oei ouvrage n'ait pas
été achevé. Car il est aisé de juger que les fondements en au-
raient été établis sur la ruine du pt^latrianisme et de toutes
ses branches.
Je m'étends, Monsieur, plus qur jr n a\ni^ prrtrii<l>i ri
je ferais volontiers r^oge de M. Pascal au lieu de .<>uui>lr>
remerciements que je prétendais vous faire. Mais mon papier
m'avertit ou que j'ai mal pris mes mesures ou que j'ai eu
tort de m 'étendre si fort, contre mon premier deaaein. Quoi
qu'il en soit, il faut finir, en vous suppliant de me continuer
toujours l'honneurde votre amitié, dont le livre de llonaieur
votre oncle me sera un gagr I Je vous supplie de
vouloir assurer M. et M"* V< lue» très humblea ret-
pects et de la reconnaissance que j'ai du présent ai cher et
si précieux, du livre d'une personne avec qui ili ont encore
plus d'union par lea dons de l'esprit et de la grâce que par la
proximité du sang. Je sais bien que c'était k Monsieur votre
pire que je devais adresser le remerciement, mais il me par*
donnera bien d'avoir pris cette occasion d'écrire à un ancien
camarade. Quoi qu'il en soit, si c'est une fiaute. elle est faite
pour l'amour de vous ; c'est k vous à l'excuaer ouè la porter.
LETTRE DE NICOLE. ccli
CpHc familiarilé vous fera une preuve de la sincérité avec
laquelle je veux toujours être. Monsieur, votre très humble
et très obligé serviteur.
Signé : Lb Nain ob Tillemort.
LtrrRE UE MCOLt A M LE MARQUIS DE SÉVIGNÉ
Sur l'éloge qu'une penonne d'esprit faiMit de* Pensfet de M. Pateal
sans en faire connaître et peut-^tre sans en bien connaître elle-même
le mir\%e (^Essais de morale (1733), t. VIII, p. a38).
Quoique je souscrive. Monsieur, aux louanges que M. de
K. a donn»H?*à l'esprit de celle dont vous avez bien voulu que
je \\f9e le billet, je ne vous dissimulerai pas néanmoins que
Ir plaisir que j'ai pris à la lire a été mêlé de quelque sorte de
chagrin. Elle ne la pas fait naître, mais clic l'a renouvelé.
C'est. Monsieur, que j'ai un secret dépit contre ces personnes
d'esprit qui méprisent ceux qui en ont peu. Je pense que
vous jugez bien que j'ai raison de m'intéresser pour eux:
mais, quoi qu'il en soit, vous de^ez avouer, ce me semble,
que l'on n'en a pas assez de pitié et qu'il v a quelque chose de
cette dureté dans ce billet. Car après ce jugement si précis
que M"' de la F... porte que c eut michanl signe pour ceux qui
ne gâcheront pas ce livre, nous voilà réduits à n'oser dire notre
sentiment et h trouver admirable ce que nous n'entendons
pas.
ICIIc devait donc au moins nous instruire plus en particu-
lier de ce que nous y devons admirer, et ne se pas conten-
ter de certaines louanges générales qui ne font que nous
convaincre que nous n'avons pas l'esprit d'y découvrir ce
(|trfll«- y découvre, mais qui ne nous servent de rien pour le
trouver.
Vous direz sans doute que l'on ne devait pas exiger d'elle
qu'elle passât plus avant dans une lettre et que. parlant k vous
et non pas i moi. il lui suffisait que vous l'entendissiez. Je
reconnais tout cela : mais vous ne sauriez empêcher aussi que
quiconque m'avertit de ma bêtise, sans me donner le moyen
de la diminuer, ne me fasse un peu de dépit. Cela est injuste :
mais c'eatune injustice naturelle qui mérite quelque conde»-
I.KTTRK DE NICOLE.
œndancr. Kt rette oondeMendanc<» aorait de tirer de la même
penonnc un jugement plus particulier de l'écrit de M. Paacal
qui ne m'apprit paa aeulemenl qu'il contient bien des duMca
admirables mais qui me <! ' 1u'< dp lumière pourleadia-
oemer. Car. pour voundip . j'ai ru j uniques ici quelque
choae et et méchant tigne. iy ai birti (rouvr un grand nombre
de pierres aaaei bien taillées et capables d'orner un grand bâti-
ment, mais le reste ne m'a paru que des matériaux confus,
sans que je YÎsse asses l'usage qu'il en voulait faire. Il y a
même quekpies sentiments qui ne paraissent |>as tout 1 fait
exacts et qui ressemblent k des pensées hasardées que l'on
écrit seulement pour les examiner avec plus de smn.
Ce qu'il dit. par exemple, titre \XV. i5, que le tUre par
lequel les hommes possèdent leur bien n'est, dans son origine, que
fantaisie, ne conclut rien de ce qu'il en veut conclure, qui est
la faiblesse de l'homme et que nous ne possédons noti« bien
que sur un titre de fantaisie. Car il n'y a nulle faibleae à
établir des lois de fantaisie dans les choses indiflTérentes qui
demandent à être réglées seulement de mani^reou d'autre, et
k ne demeurer pas incertaines : et quand on possède du bien sur
un litre de celte sorte, on le possède avec une vraie et solide
justice, parce qu'il e^t juste selon Dieu et dans la vérité que
le bien appartienne à ceux k qui il est donné par des lois in-
différentes dans leur origine : il n'y a nulle faiblesse en cela.
Ce qu'il dit au même endroit n° 17 touchant les principes
actueU me semble trop général. Nous nous aimons naturelle-
ment, c'est-à-dire notre corps, notre Ame et notre élre. Nous
aimons tout ce qui est naturellement joint k ces premiers
objets de notre amour, comme le plaisir, la vie. l'estime, la
grandeur. Nous haïssons tout ce qui y est contraire, comme
la douleur, la mort, l'infamie : la bizarrerie ' unes n'a
lieu que dans les choses qui ne sont pas n.t: ' nt liées
avec ces premiers objets de nos passions.
n suppose dans tout le discours du divertissement ou de la
misère de l'homme, que l'ennui vient de ce que l'on se voit.
de M que l'on pense à soi et que le bien du di^ ' '
oonriste en ce qu'il nous die cette pensée. Cela <
plus subtil que solide. Mille personnes s'ennuietii
keux. Ils s'ennuient, non de ce qu'ils pensent, mai. : ,
ne pensent puasses. Le plaisir del'êmc consiste à penser vive-
LETTRE DE NICOLE. ccliii
ment et agréablement. Elle s'ennuie sitôt qu'elle n'a plus
que des pensées languissantes, ce qui lui arrive dans la soli-
tude parce qu'elle n'y est pas si fortement remuée. C'est pour-
quoi ceux qui sont bien occupés d'eux-mêmes peuvent s'at-
trister, mais ne s'ennuient pas. La tristesse et l'ennui sont
des mouvements diiTérents. L'ennui cherche le divertissement,
la trâtene le fuit. L'ennui vient de la privation du plaisir et
de la langueur de l'àme qui ne pense pas assez ; la tristesse
vient des pensées vives, mais aflligeantes. M. Pascal confond
tout cela.
Je pourrais vou.s faire plusieurs autres objections sur les
Pensfesqu'i meseniblentquelquefoisun peu trop dogmatiques et
qui incommodent ainsi mon amour-propre qui n'aime pas k
être régenté si fièrement.
PIÈCES JUSTIFICATIVES
POUR LA DEUXIÈME PARTIE
DE L'INTRODUCTION
1
ARGUMENT LOGIQUE DES PENSÉES
DANS LA PRÉSENTE ÉDITION
SBCTIO^s I. Pensées sur l'Esprit el sur le Style.
Les questions de méthode ont toujours préoccupé Pascal :
le savant tente de pénétrer le mécanisme de la démonstration
géométrique et de lui arracher le secret de sa perfection :
I lioiiune du luonde s'entretient avec Méré de VArl de Per-
tuader ; le solitaire de i'ort-Hojal rêve d'unir sa connaissance
d<*s mathématiques à son expérience du cœur humain pour
les tourner d'un commun effort à la gloire de la religion.
Aussi des pensées éparses sur l'esprit et sur le style peut-on
tiriT ce (in'on ap{)elle la fihrtorufue de Pascal. Le fondement
de cftle rh«'-t()ri(|ue est une psychologie. Les esprits distingués
doivent leur supériorité h deux qualités différentes, l'une qui
fait le gi'<omètre, c'est la puissance de déduction qui lie les
unes aux autrt>s des vérités successives et en tire une chaîne
<l'ii v.i à l'infuii ; l'autre qui fait l'homme du moud*', c'est le
^< iihiiient de la compleiité des choses, le discernement des
éléments simultanés qui la composent, l'estimation de leur
valeur réciproque, tout cela se faisant immédiatement et
spontanément avec une sûreté qui tient de l'instinct. Chacun
de ces deux esprits, esprit de géométrie et esprit de finesse,
can ARGDMENT DBS PENStBS.
a n valeur et sa part de vérité : Ir monde est douUanml
infini, il a une infinité de principes qui ont chacun qm infi-
nité de conséquent» ; la aeoonde de ce» infinités est accuirible
i l'esprit des géomMres ; la première est sentie par l'esprit de
fincwe. Aussi le raisonnement afaalrait et simpliste est-il
impuissant devant les problèmes de la vie. Lee rè^ea de
l'école ne suflbent pas plus k créer l'éloquence qu'eUea ne
suffisent à créer la morale et la |Ailo4ophie. L'éloquence
repose sur le sentiment, elle consiste i prendre conscience de
la pensée qui vit au dedans de nous et se développe aponta-
nénaent suivant ses lois propres ; l'orateur doit reproduire ce
mouvement intérieur de la pensée et engendrer einai la vérité
dans l'esprit de l'auteur, il ne persuade pas autrui, il fait
qu'autrui se persuade soi-même. Le discours doit prendre
son point de départ dans les idées que l'auditeur est capable
de oom prend rf. ou mieux encore sur lesquelles l'amour-
propre le dispose h faire réflexion, pu» il laisse ces idées ini-
tiales insinuer d'elles-mêmes leurs conséquences dans l'esprit :
et insensiblement il le conduit où il veut comme un fleuve
porte les barques qui se confient h lui. Aussi l'ordre dans le
discours a-t-il une valeur essentielle ; t' nfre
nouveau est un titre suffisant à l'origin . i . .ible
ne se recommande pas par des qualités extrinsèques, comme
la clarté ou la symétrie ; il doit être fondé dans la nature de
la pensée. A cause de cela on ne peut le saisir que lentement
et difficilement, k mesure qu'on prend conscience de la vie
spirituelle. Mais au moins, puisque cet ordre véritable est
l'ordre de la nature, il est possible de prédire qu'il ne sera
pas un produit de l'art. Tout ce qui tend k faire de l'élo-
qoencc quelque cboae de réel et de subsistant en soi doit
donc être rejeté. Il n'y a pas de beau st ! i f'fiendamment
de la penaéequece style exprime, pe* c n'y a de beau
vêtement indépendamment de la personne que œ vêtement
habille. Sous prétexte d'embellir et d'enrichir, n on multiplie
les broderies et les parures, le vêtement contraste avec la per«
sonne, et U rend ridicule : de même les busaaa beautés du
litjU étooflènt l'homme sous le poète et sons l'aotaur. Entre
le métier et la nature il faut choisir, et cboMir la nature.
savoir être simple quand elle est simple, et quand elle est
complexe, lutter avec elle de subtilité et de compleiité. met-
ARGUMENT DES PENSÉES. ccLvn
tant à profil toutes les ressources que fournit le langage, usant
suivant les circonstances du mot propre ou de la périphrase,
et (tour un même sens variant le langage selon l'intention. En
résumé, beauté signifie vérité.
Section II. Misère de l'Homme $ans Dieu.
Il n'est pas douteux que Pascal se soit proposé de saisir
riioiinne à vif. et de lui donner le sentiment de la misère où
il est sans Dieu. Toute l'expérience de sa vie mondaine, mul-
tipliée par l'étude assidue de Montaigne et la lecture de
Charron, devait être versée dans l'Apologie, où. selon les indi-
cations de Pascal, elle eût fourni la matière d'une Première
Partie. La démarche initiale de la méthode qu'il avait décou-
verte pour entraîner la volonté, c'est de s'associer à cette
volonté même ; l'exposé didactique de la vérité religieuse, si
clair et si bien divisé qu'il soit, laissera indifférent et froid
l'homme sans religion : mais ouvrez devant le libertin le
cœur même du libertin : parlez-lui de lui-même, et il ne
pourra manquer de prendre intérêt à votre discours, de
retrouver en lui la vérité de ce que vous dites : par cette
ouverture vous aurez prise sur lui. et vous communiquerez à
vos paroles leur véritable force de persuasion.
Pascal deniaiido donc à l'homme de se connaître lui-même.
(^>u"csl-cc que Ihomme? et qu'est-ce que l'homme dans le
monde? La science et la philosophie ont pour objet la défini-
tion de l'homme. Il semble que l'homme puisse être défini,
puisqu'il est un être fini. Mais qu'est-ce que le fini ? Dans la
réalité il n') a rien de fini. Dès que l'homme veut s'attacher
k la nature, il se perd dans le double ablmc de l'infiniment
grand et de l'infiniment petit : il ne peut rien savoir de cette
nature, sinon qu'il y a disproportion entre elle et lui. La pre-
mière démarche de lu science, c'est de décrire l'univers, et
cette pn-mièrc démarche Huflit pour manifester l'impossibilité
de la s<rienci*. Se détourne-t-il du monde extérieur pour ren-
trer en lui-même? l'homme ne trouve rien en lui qui ^ut
isl.iniirl il inii lurui'UculB uuelq^ue i6rllé. Il est^c juuci.
lit if est le produit des « puissancea trom-
^. k. iipaginatinn nous dicte DM déûn, comme nos
<t elle «ait nous rendre "BiPlwn -d'Tny-Iwwbeur
rnitàg* Di pAtCAU. 1 — 17
m,nm ARGUMENT DIS UNSÉKS.
hioonsitUnt et Tain. La volonté dirige aecr^tcment rintelli-
^wcèqni croi' noua crève
Ml jéU >. 1. itard des
drconsUnon ' '-n noua.
qui devient n< ^ |uc noua
~ne pouvona m l>ir. n'a |> In ronde-
ment en noii^ ' ' ^
choaea eit^rif
notre cod ' {kmuI de i|iu*li|uea |Mffoi<
entendu ! , ■! auxquelles noua avoii- j
même les examiner. Noua ne sommes paa un principe de
vérité : nous ne délibérona paa la fin en vue de Uqueile noua
agissons ; mais noua aommea pouaate par la nalore. et noua
reflétons dum notre vie aana oease traveraée par des paaaiooa
diverses, dans notre Ame qui sans oeaae se dénient et ae déchire
elle-même, la diversité infinie dea choses ; le cours du temps
nous emporte, nous transforme, nous oppose k nouaHOoéaie.
si bien que nous acceptons volontiers la nîort afin de oooaer^
ver les prétendus biens de la vie. Puisqu'ainai rinlelligeoce
croit naturellement à tout, sans jamais posséder la vérité qui
est son objet, puisque la volonté aime .naturellement tout,
sans jamais atteindre à cette possession tranquille et assurée
qui seule la sati-sferait. que reate-tnl k l'homme sinon de
renoncer k poursuivre un bnt. de céder k l'agitation univer-
selle, d'en perdre de vue la vanité k force de rapidité et de
variété, de ne rechercher la mobilité que pour la nnobilité
elle-même } Le divertissement perpiHuel qui nous dérobe sans
cesse k nouft-même. qui absorlie notre àme dans lea plua fri-
volea et les {dus stériles des occupations, ett bien miaërable.
el c'est pourtant le plus sage. Le malheur de noire condition
est tel qu'il vaut mieux pour l'homme ne paa v songer : pour
avoir quelque ombre et quelque apparence de iMmhÂir. il lui
cal néceasaire d'exister hors de soi. de se créer une personne
inuiginaire k laquelle il sacrifie quelquefois sa peraonne réelle.
L'homme en eal réduit k se fuir lui même, perce qu'il fuit
ainsi la miaêre, et la penaée de la mort.
SwmoN III. De la NktuiU dm ptari.
Que l'homme se détourne de soi pour ne point songer k le
i
ARGUMENT DES PENSÉES. ceux
misère de sa condition, cette nrïisère n'en est pas moins véri-
table : il faut qu'il meure. (^lui-là qui le ramène à la pensée
de la mort, celui-là le ramène h lui-même, il lui fait envisa-
ger son inl#'rAt le plus profond, et c'est ce qu'il doit com-
prendre d'abord. Pour avoir prise sur l'incrédule, il ne faut
se servir ni d'injures qui rebutent, ni de menaces qui irritent ;
il faut s'unir avec lui de volonté, plaindre avec lui sa destinée
et le tourner du dedans par cette communauté de pensée vers
la ri*lii.'ion qui lui apparaîtra vénérable, parce qu'elle aura
connu sa misère, aimable, parce qu'elle y aura promis un
remède. L'athée fait le brave contre Dieu, mais cette pré-
somption n'est que lâcheté ; il se dit indépendant, parce qu'il
refuse de s'examiner : en réalité, il a peur de se regarder.
Ouvrez-lui les yeux, montrez-lui la mort, inévitable, voisine
déjà, et fai'iant sentir son approche par cet horrible et perpé-
tuel a écoulement » de tout ce qu'on possède, la mort qui
nous tire solitaire de notre humanité pour nous transporter
au tribunal de Dieu. Devant cette éternité qui s'ouvre tout
k coup jionr eux. qu'onl-ils à dire, les athées? qu'il faut
rester indifft'Tont ? ne serait-ce point le comble de l'absurdité
et de l'extravagance, alors qu'on prend tant de souci pour les
petites cho^M^. de ne point se poser le problème capital qui
décidera de la béatitude ou de la damnation éternelle ? Pren-
dra-t-on parti ? La raison atlirmera que la religion est incom-
piéhcn^iblr. soir; iii.iis comment 'conélUW BB M tf^ h t^^~
gion n'<*st |»as \raH- ' Hi nature ned^ent-elle pai toajoan les
.jMeiliiiiM inrtniiipliiiiiM-sde la raison ? ne triomphe-t-elle pas
de^ iiii|Mi<><<il)ilil«'-?> |trt'-l«>ndueH? et les mathématiques, qui sont
le^ vitMurt rationnelles |»ar etcellencc. ne nous forcent-elles
pas il r«><-iitiii.iitf*> l'existence d'un inlini, dont la nature est
jmurtaiil iiitoiiic^able h la raison? Mais il n'y a nulle lumière
dans la religion, soit encore : sup|KMons de part et d'autre égale
olMcurité ; « les lumières naturelles * fourniront encore à
l'homme un moyen de se retrouver et de se tracer un chemin.
Qu'il ait d'abord renonct* a la floublc pri'*9oniption de la rai-
tOQ et de l'amour propre : <|u'il minprenne (|ue les seules
rces de son esprit ne Hullisent point à trancher les ques-
qui sont hors de la |:iort<'e humaine, qu'il ne mesure
point aa destinée d'après U règle trompeuse que lui four-
msMol ses passions d'un jour ; et il verra qu'il y a pour lui.
ARGUMENT DES FiNSfKS.
sinon une chance de vérité, du moins une rlunoe de salai.
Entre l'incrédulité et la religion il faut choisir ; ne pas choi-
air. ^•'^i Umi dt "**"»*' jj^i'
*^ ioute
itif est écartée par hypothèse : un p •'^<
que l'autre ; il ne reste donc qu'à < >
lequel vaut le mi»n¥^ Or^ ^ pri.,
le droit de vivre à mon yré. p»
lliscîp^ne intellectuelle, surlotr
j;tffLse.et,e«iime1ar1iafg,tTel
^ poae te fini pour avoir l'infini. '
^^ L^w,^ «M m«^p« |»^.mr»^.
par aveurienMPti car il suffit d'il
en manifester la_vanité et la mis'
de bonne foi et possède toute sa tili .
tit devant l'infini ; la vie présente, «
it exacte-
chrétien est meilleur et plus heureux que l'incrédule ; ne
consullât-on que son avantage d'bonnétc homme, on devra
désirer que la religion soit vraie : l'intérêt hien entendu nr
nou« donne pas la foi. mais il tourne vers la religion noln*
volonté et notre attention: elle nous agrée: or l'art d'agréer e»l.
en rai»on de l'infirmité de l'homme, le commencement de l'art
de persuader.
SacTion IV. De$ Mcytm de eroùr.
La connaissance de son néant et l'argument du pari ont
tourné le Ubertin vers Dieu. Au lieu de la mauvaise crainte.
" lui fait redouter que Dieu soit, il a la t>
, .(lagne l'espérance qu'il ciiste. Il s'agi;
de le persuader des mérités do la n*ligion. ce qui fût vie la
Secondé Partie de l'ouvrage de Pascal. Dans la iWfacr de
cette seconde partie. Pascal devait écarter les raisonnements
par leH|«ieb tes phtioeophea et le» théoiogiena eiaaient de
à
ARGUMENT DES PENSEES. cclxi
prouver Dieu k l'aide de la nature, du ciel et des oiseaux : il
les condamne à la fois en savant qui en mesure la pauvreté,
en jansi-niste qui en pénètre le caractère rationaliste et natu-
raliste. Quelle sera donc la >éritable méthode pour amener
l'homme à Dieu ? Le manuscrit de Pascal contient un grand
nombre de fragments relatifs à ce point qui est capital dans
une Apologie janséniste. Si la grâce vient uniquement de
Dieu, et s il n'y a point de foi sans la grâce, quelle sera
la valeur et l'efficacité de l'effort que fait un homme pour
convertir d'autres hommes, alors que cet homme ne disptose
pas de la grâce divine ? La réponse de Pascal est d'une
admirable netteté : la foi est un don de Dieu, c'est l'inspi-
ration divine qui fait le vrai chrétien ; mais l'homme n'est
pas une créature de pur sentiment ; outre le cœur il y a
en lui un corps et un esprit, il faut que la foi pénètre l'es-
prit et le corps. C'est la coutume qui plie la machine ; mais
la coutume suppose avant elle la raison ; autrement elle est
vide de sens, elle n'est que superstition. Pascal, qui s'acquittait
de ses devoirs religieux avec l'extrême rigueur que l'on sait,
condamne celui qui ne met son espérance qu'en de vaines
formalités. La raison a besoin d'être satisfaite : il faut avoir
soif des vérités spirituelles, et travailler de la pensée pour se
rendre compte par soi-même et se convaincre de ce qu'il faut
croire. Mais, si c'est un excès d'exclure la raison, c'en est un
autre de n'admettre que la raison. La raison, suivant Pascal,
n'est pas une fin en soi ; elle est un moyen. La raison n'est
pas une faculté de principe : elle est ployable en tout sens,
car le raisonnement se suspend avec la même facilité à toute
espèce de préiniss»"«. I/t'tudc de la géométrie et l'expérience
du monde altesleril •>;iilenient aux yeux de Pascal que le»
principes sont dus k une intuition immédiate qui est ce qu'il
y a de plus profoml et de plus sur en nous : c'est le cœur qui
voit les trois dimensions de l'espace : puis, étant donné qu'il
\ < ^ioiu. le géomètre démontre les théorèmes
<l . s propriéléi de cet espace. Dèa lort il est
conforme à la véritable nature de la raison, il est eMentielle-
menl raisonnable que la raison se soumette : die n'a de
taleor que si elle se fonde sur le sentiment pour s'achever dans
te sentiment. Le rôle du raiaonnement est donc nettement
limité : dans l'ordre dea choses naturelles, a Jorliori quand il
oan ARGUMENT DBS fKNSÉBS.
•'agit àê dénMntrer Iw vériiés de la religion, il ne peut
qu'ouvrir la voie au aenliment. qui »eul rai vif et durable,
qui »rul enveloppe l'àme tout entière. A Dieu il eal réaervé
d'incliner le cœur des hommea. et cette ooonaiiaanoe du
opur «tullit il faire le chrétien L'œuvre de l'homme eat d'éclai-
rer IcA esprits afin d'écarter lea obatacles qui t'oppoaeraient au
aen liment ; elle diaaipe lea objections des atbéea qui déioum»*
raient letirs àmea de Dieu, elle lea prépare k recevoir la grèce
et à en proâler. à Dieu veut leur envoyer la grèce.
SicTtoN V . La Jiuitce ei la Hauon d** Effet».
Relativement à la justice qui est dans U aociélé humaine, h
la valeur de la naissance et des dignités, il y a une « grada-
tion » d'opinion qui va du peuple aui demi-habilea. dm demi-
habiles aui habiles, jusqu'aux di'vots et aux chrétiens, et cette
gradation est un « renversement perpétuel du pour au contre •.
Cette réflexion, présentée |)ar Pascal sous difTérentea formes,
nous permet d'ordonner les fragmenta relatifs i l'ordre poli-
tique, en fixant la portée de chacun par le rang qu'il occupe
dans cette hiérarchie d'opinions.
Tout d'abord le peuple croit qu'il eat juste dliOBorar lea
grands et de leur obéir. Mais cette prétendue justice M
supporte pas l'examen. Quelques traits d'une rare énergie,
où l'ironie se mêle à l'indignation et à la pitié. suflBaent i
faire éclater b confusion et la contradiction des coutumea sur
leaquellea reposent les institutions humainea. Fautril conclure,
avec Montaigne, qu'il n'y a paa de justice da tout? Non
point : la né^tion de la justice soulèverait lea homniea contre
l'ordre établi, le désir d'une justice meilleure déchaînerait
lea guerres civiles, qui sont le plus grand des maux. A la
critique dea demi-habiles qui font voir l'injustice de ce que
le peuple appelle justice, a'oppoae la sagease supérieure ém
habiles, qui. comprenant que la paix eal le souverain bioi «1
que la force est seule capable d'assurer la paix, reconnaissent
que la force devient juste par là. La coutume, qui parait
d'abord ridicule et vaine, est raisonnable et bienfaisante
quand elle a'appuie sur la force : car elle en lait acoepler
volootaimncBl «tdoocmient l'empire, qui est nfaxiire pour
ARGUMENT DES PENSEES. ccLXin
le rppo» du moiMie. Donc les opinions du peuple sont saines :
il faut respecter les loi» établies, s'incliner devant les grands
seigneurs : mais ce n'est point parce que cela est juste, comme
!<• |»«Mij)li- Ii^ |x^n<.o, parce que ces lois sont conformes à l'équité
ou fiui^ la ii.ii>>aricc entraîne une supériorité d'esprit, c'est
parce que cela est établi ainsi, et que les qualités extérieures,
étant seules visibles et incontestables, peuvent seules s'imposer
à tous. I>* sa^'p parle donc comme le peuple, mais il n'est pas
dupe des crovarici's populain's. il ne livre à la force que ce
qui est du dom.iirH' de la Corce, il ne confond pas la gran-
deur matérielle avec la grandeur spirituelle qui a droit au
suiïragedc lesprit; il sait que la raison du peuple est au fond
folie, et il se résigne à celte folie, en gardant sa pensée de
derrière la tète. Le sage, le sage chrétien surtout, vise plus
haut que le monde ; de là celte sérénité su|)érieure avec laquelle
il considère l'ordre qui rî'gne dans la so<iété et l'illusion de la
justice qui en esl à la fois le plus misérable et le plus solide
appui.
A quoi devait tendre, dans l'esprit de Pascal, cette série de
réflexions ou les diverses opinions en présence auraient été
développées sons forme de lettres? Sans doute à humilier la
raison, à dévoiler les contradictions et l'impuissance de l'hu-
manité naturelle, à subordonner le cours du monde à une
pensée secrète et supérieure qui l'explique, qui le justifie et
que Pascal nomme: « la raison des effets. » La gradation
d'opinions par laquelle se comprend l'organisation de la
société, est une image de la dialectique qui. appliquée cette
fois h la nature intérieure de l'honune, nous amènera à con-
cevoir « la raison des effets » de cette nature, raison que la
religion nous fournit. En même temps aussi elle écarte seule
de la route de l'apologiste les objections que les esprits forts
ont élevées contre la justice divine en s'appuyant sur la
justice humaine: l'appui s'est écroulé, les objections te sont
i'vaiir>iiu>5.
Sbctiom VL Ln Phitoêopha.
C'est aiu philoaophMqtM l'homme s'adresse pour trouver le
souverain bien. Les philosophes lui font voir d'abord que sa
eom ARGUMENT DRS PBNSÊB».
dignité mi dans b p«naée. Par U peiu^ rhomme compMpd
•n lui O0l univen. qui le comprend en toi. Il ect plm grand
que ce qui est plus fort que lui : car il connaît œlte force, et
ta faiblcwe. L'homme powède donc le principe de toute
morale, la pensée qui suffit k réprimer ne paMÎons. Mab la
grandeur s Inqurlir l'homme peat prétendre n'eil pas dans
l'ordre dr h nature : c« sont des saïUiea exceptionnelles qui
font mieui remarquer sa mMiocrité habiliiclle. Cette penaée,
qui s'érige en souveraine, est en réalité soumise aux moindres
drooniUneea extérieures, sujette k toute* lea infirmités du
corps dont elle dépend. KIIp «iiffit k noua donner l'idée et le
beaoin de la vérité ; mai» rettr vérité même, elle est incapable
de la saisir dans sa substance et dans son esaence. Le aoep-
tique joue avec les multiples aspects des choses, et l'existmce
du dogmatisme lui apparaît comme le plus frappant témoi-
gnage de l'élroitease et de l'infirmité incurafaJe de l'esprit
humain, .\insi il est k la fois vrai que la penaée eet aouteraine
dans l'homme, et que la pensée eet impuissante k s'aaanrer la
possession de son objet, qui est la vérité. C'est pourquoi il j
a entre les philosophes une perpétodle opposition: cette
î l'eflel et la preuve de la double nature de
I ideur et misère tout ensemble. Entre l'instinct
qui i i>lov«> «•( Ipipérienoe qui le déprime, entre la rainnet
les passions, le:* philoaophes ont choisi, et perla ibontexdn:
ils ont été dans l'erreur, n'ayant vu qu'une partie de la vérité.
II est vrai que l'homme est miaérfbla i n^ y ut xnà y '^ ■
deor. La miaère et la ytadenr ipnt tf'flp'
'd»ei rUbmme. et ce foijif JSBSt "'''***^**Vltr** ^"*** ^*
'^iqsnrbi ne pouvant concevoir deux états contraires
dans un hk !■■< -ujet. échoue4-elle inévitablement k rendre
raison dr la nature humaine ; tout ce qu'elle peut fiûre. c'eet
de maintenir dans aon intégrité la notion de la nalnm
humaine, de oonaerver la dualité. U contrariété qui en e»( li-
vrai caractère, de voir au moins la eho$e, puiaqu'eUe ne peut
voir la ooose.
Sktior Vil. La Momie H fa th^tmi.
L'analyse philosophique suffit pour attester que lliomme
ARGUMENT DES PBSSÈES. ^ „
sans la foi ne petit connaître ai le vrai bien ni la Justice; Mito.^
-est convaincu que la nature est corrompue ; mais y a-t-il
quelque chose au delà ? le pessimisme est-il le dernier mot de
loutr «^gene ? L'homme ne peut répondre : qu'il écoute Dieu.
iViit-f'-tre la sagesse divine nous donnera-t-elle la raison des
rffett dont la contrariété nous déconcerte. A elle seule, il
appartient de remonter le cours de temps et d'expliquer par
le mystère de notre origine l'énigme de notre nature,
f/lionime a tour à tour été dans deux états: dans l'état de
rrt'-ation où Dieu l'a mis. et dans l'état de péché où il s'est
mb lui-même: ces états successif, que la religion nous révèle,
expliquent les états simultanés que l'analyse nous découvre ;
car l'homme, en tombant dans la concupiscence et dans la
misère par suite du péché, a conservé cependant le souvenir et
la trace de sa grandeur primitive. Aussi, dès que ce secret est
découvert, qui n'aura du respect pour cette religion qui
enseigne à ses plus humbles enfants ce que les sages de la
terre n'ont pu deviner P surtout qui ne désirera être délivré
de cette concupiscence qui est le fruit et le châtiment du
péché? qui ne désirera rentrer dans la véritable nature et dans
la véritable raison P Par la nature et par la raison, il est aisé
de concevoir l'injustice et le dérèglement de l'amour- propre :
qu'on s'imagine an corps plein de membres pensants (métaphore
d'origine et d'esprit stoïciens qui devait, par l'intermédiaire
de saint Paul, s'introduire en plein centre dans Y Apologie de
Pavai), est-il convenable que la partie s'érige en tout, et qu'elle
poursuive son propre bien à l'exclusion et au détriment du
bien du corps? ou. au contraire, ne lui sulTira-t-il pas de
penser pour reconnaître (|ue là où se trouve l'origine de son
être et de sa vie. là se trouve le véritable bien, pour aimer
le corps? La volonté propre ne se satisfera pas: la satisfaction
de la vninnié ne p«»»it résider que dans l'être universel qui est
à I lis. qui est Dieu. La morale
chi' triomphe de la charité sur la
concupi.scenre ; \v\t la morale la doctrine est éclairée et justi-
fier f * ' luvHg^BfijBLjillMlJûliM», d'm'i
jx ' uT Cm WkWà fm <h 4w-fnéme.
pn > par le péché, puiwjuc
il lUt à. a'ainac ^ i auner
1^ xxA pas U. iùu ail a'«l le
/
ARGUMKNT DKS PËNSÉKH.
P^...^,^. Nouj naisaont -\ '' "i* "♦•
nabnooieoupablM il leraii niv-n.
mrdieuK nous ne Murion* ni 1« connaître, ni I aimT â plij«
forle raison. La charité alff^' ■ '• -^ ^^ '^-^ ' " ■•-ur. le
Médialeur qui a réconcili ' «m et
Jétiu-Ghhst. le péché don
pboeoce et la charité, cette
la foi. et elle en manifnttc la
biiKHB de ITioroine» JJ U rédi
Hbî reodriiisoa de» deux éui
maintient tout enaemble. L'hoiuiiic (|iii v ><>ii
toute communication avec Dieu, s'il ne «c Mit i
perd dans le désespoir: mais celui qui a consdencr
grandeur, s'il ignore le Rédempteur, il croit Imir de I
vertu, et il se perd dans l'orgueil. Par Jésn "-ul la
mi^" ■ ■ ' • -
Pa,
pt'i, I Kcinit!. L IlOln I
Tuii- .-:.: - ; ... ... 11 extatique, fai' n-
lilé. de certitude et d'angoisse, qui arrache à Pascal les san-
glots du Myttère de Jé$u$.
Sktion Vlll. Les Fondemenlt de la Religion chrétienne.
Si. suivant la conception générale de Pascal, la raison nr
peut fournir que des présomption», si le fait seul crée unr
oonvirtinn véritable et définitive, il ne suflini pas que la reli-
gion chrétienne ait par l'excellence de sa morale et la profon-
deur de sa doctrine justifié de sa vérité idéale ; il faudra aussi
prouver sa réalité vivante, en montrant la présence et l'action
du Dieu chrétien dans l'histoire du monde. Ce n'est
pas seulement la nature de l'individu, c'est la conduite de
l'humanité qui e*l inexplicable sans les mytlères dekreligioa.
Or. la preuve de cette réalité doit èlre adaptée au caradAre
essentiel de cette religion. Si le dogme rondameolal du chris
lianisine c'est la dualité actuelle, le combat perpétuel de la
cooeopimaoe. suite du pécbé. et de k grâce, fruit de la ré
deu^tioo. il est nécessaire que ces preuves soient ambiguës.
ABGUMENTS DES PENSÉES. ccuvn
suivant qu'elle» sonl interprétées par l'esprit de conaipiscence
ou par l'esprit de charité. C'eat ce que devait mettre en évi-
dence, si nous ne nous trompons, ce chapitredes Fondements au-
quel Pascal fait allusion, et dont Havel déclarait ne retrouver
aucune trace. Dieu n'a pas voulu la lumière totale ; car les
homme» ayant péché n'en sont pas dignes et ils ne peu>ent
être sauvés par les voies naturelles : Dieu n'a pas voulu
l'obocurité totale, car, étant bon, il leur a envoyé un libéra-
teur. Mais Ua fait qu'il y eût assez de lumière pour éclairer
les élus ;aasez d'obscurité pour aveugler les réprouvés. Ce mé-
lange est essentiel à la doctrine catholique : les faits histori-
ques, pour devenir « les Fondements » du catholicisme, doi-
vent porter en eux le caractère de ce mélange ; il faut qu'ils
soient assez obscurs pour justifier toutes les objections des
hérétiques ou des alh«''cs : mais cette obscurité, loin d'ébranler
celui qui a la foi. le confirme : car celui-là non seulement y
voit assez de clarté pour surmonter cette obscurité, mais en-
core il comprend la nécessité de cette obscurité. Ce n'est donc
pas h la raison qu'il appartiendra de faire le départ entre la
clarté et l'obscurité : elle demeure en équilibre entre l'une et
l'autre ; si nous opposons l'obscurité à la clarté, c'est par l'in-
clination de la concupiscence, comme l'inclination de la grâce
nous permet de concilier l'obscurité et la clarté dans une syn-
thèse où l'une et l'autre sont justifiées. L'histoire du christia-
nisme est faite k la fois pour convertir et condamner ; plus
elleapp.»' •. elle seradaire pour ceux auxquels
Dieu» .1 1 du cœur néceaaaire pour entendre
celle ambiguïté : et aux réprouvés eu x-mèmet. lorsqu'au jour
de la damnation ils saisiront enfin le sens de cette obscurité
qui les rebutait, leur propre raison reprochera leur obstina-
tion, et ce sera pour eux un supplice de plus.
Sfi-tk»^ !\ !yi PerpiUûlé.
Tout (l.il«.ril-i I. ! ut [. I m rollcnce c'est d'être leplus grand
fait historn|iii' <|ii Mn |iui»*r invocpier en faveur de la religion,
c'est sa |MT|Mtinl> jmi h juilu^me qui n'en est que le fon-
dement. If rhr!'«ti.:uii''iiifriMii<>nte aux origines mémesde l'hu-
manité. Yoili ce qui est clair. Mab il faut, d'après le prin-
ccuvm ARGUMENT DES fMSSiE'<
l'aical a poié. que cfftte dailA loil milée
<i K^nc robaeuril^. c'est quaoeUflrtligioa par-
|W>tiirll(< n'mt p«4 unique. Le paganUtnp. rhUloirederEgrplf
et celle de la Chine. Imitwla obacurcit. mais en mèaM lempii
cela éclaire. Et eneflel. c'est ane objection «uperficMUededire :
ce qui n'osi pas uniqtie n'ert pas vrai — et de détourner b tét4>.
Si on a bonne volontt'. on j regardera de plus près, et par la
comparaison de la religion chrétienne et des religions paleones
on se convaincra de la vérité de l'une et de la Ciusaelé des
autres. Les autres rdigions en eOet n'ont pas de témoins ; leurs
livres n'ont pa* d'autorité parce qu'iU n'ont pas eu d'effica-
cit<^. il» ne sont pa^ l'ouvrage d'un peuple. De loin. Mahooiet
peut ressembler au ChrUt ; de près, Mahomet est le contraire
du Chri»t et. par cette contrariété, fait connaître en quoi con-
siste la divinité du Christ : Mahomet n'a pas été prédit. Maho-
met n'a pas fait de miracles. Mahometa réussi hn
En lui nulle clarté supérieure qui donnerait qu.
aux obscuriti^s de l'Alcoran. mais l'obscurité pure, qui est pour
l'esprit un ni'-anl.
Qu'on applique les mêmes principes de critique au peuple
juif : les résultai de l'épreuve sont tout difiikenta. L'anti-
quité de Moïse est telle qu'aucun livre humain ne paut pré-
tendre à l'approcher ; entre la création et lui le nombre des
générations, qui mesure seul l'altération de l'histoire, est si
petit que l'historien peut [être dit contemporain des événe-
ments qu'il raconte. Mais ce n'est pas tout, ce livre a un carac-
tère unique qui le distingue de tout autre livre : il contient une
loi qui est la loi i la fois la plus anôeone ci la plus rigoureuse
de toutes celle qui révèle aux hommes leur corruption et le*
soumet au joug de la terreur. Or. cette loi a subsisté dans ee
peuple, sans interruption ni altération, spectacle si peu con-
NMtne au cours naturel de l'histoire, qu'il apparaît, quand
on y réfléchit, comme un miracle. Ne ' m"-
de cela que les Juifs ont intérêt i l'autr r.v.
el qu'ils sont témoins suspects? Mais, — et cest ce qui
achève la preuve, — ces livres portent la condamnation du
peuple qui s'en est fait le gardien et le défioaseur : ce peuple a
été r< ' .' rt il est misérable, et il snbaiile, afin de
fempi > , au bout le rôle qui lui a été eangné de lémoin
anoere.
ARGUMENT DES PENSÉES. ccuux
Sectiou X. Les Figuratifs.
Pascal expose luî-mètne le sens et l'importance qu'il atta-
che aux Figuratifs. En eiïet le passage de l'Ancien Testament
au Sout-eau se fait au moyen des prophéties : si ce qui est pré-
dit par l'un se vérifie dans l'autre, alors les deux Testaments
sont justifiés en même temps. Or. comment retrouver dans
l'Ancien Testament les événements dont le Nouveau porte le
témoignage? Si l'Ancien Testament do'ii être interprété au sens
littéral, ainsi que lo veulent les rabbins, il est sur. de l'aveu
de Pascal, que les prédictions n'en ont pas encore été réalisées :
Israél, n'ayant ni les richesses ni la domination qui lui ont
été promises, attend encore son Messie. Mais ce sens littéral
est un voile qui obscurcit et qui aveugle, il y a un autre sens
qui éclaire et qui est le vrai, c'est le sens spirituel. Ces deux
sens ne sont pas opposés : ils sont parallèles, le premier est
dans l'ordre de la chair ce qu'est l'autre dans l'ordre de l'es-
prit, l'un est l'image ou là figure de l'autre et ainsi s'explique
qu'un même livre puisse avoir deux sens suivant qu'il est lu
avec les yeux de la concupiscence ou avec les yeux de la cha-
rité. Or. comment prouver que le sens littéral recouvre en
efTet un sens spirituel et que c'est ce sens qui donne la clé de
l Ecriture ? I*a»cal indique lui-même les trois ordres d'ar-
guments auxquels il recourt. En premier lieu cela ne se-
rait pas digne de Dieu, c'est-à-dire que les commandements
donnés par Dieu ne peuvent pas avoir pour fin la satisfaction
de la concupiscence : la promesse des biens temporels est faite
pour aveugler ceux qui n'ont pas le cœur pur ; mais, pour en-
tendre la parole de Dieu, il faut se placer au point de vue de
Dieu et non au point de vue de l'homme. Or. du point de
Dieu le but est la charité ; on s'éloigne en s'éloignant de la
chanté : en rapportant à la charité, on oomprend. En d'autres
termes l'Écriture pi'ut être interprétée ou comme une loi pleine
de menaces et de promesMs chamelles ou comme tendant à
la charité: et ces deux interprétations sont incompatibles.
Mais la charité a une valeur absolue, parce qu'elle unit h Dieu
qui est l'Être absolu, elle n'est donc pas susceptible de repré-
senter autre chose, d'être conTcrtie en Ggure. La loi est 6gu->
OGUU ARtiUMKNT DIS fËMBttB.
raliv«. Undiii ipir la rliaritô n'ciil dm un préoaple Bguratif :
la loi (»l l'imagr et la charité est m vMté: la tidoire nir Ira
ennemia que Dieu a promtae à ion peuple est la mort du p^
cbé, b purrli^ d«> la foi. Olte {wanièie prruve qui est fondée
sur l'esprit de l'Ecriture, te oonfinne par deux autres argu*
menta. tirés de l'examen des textes sacrés. Dans «s testas, en
même temps que la loi est édictée en des termes qui seraient
clairs s'ils ne visaient que les actions tout extérieures comme
les sacrifices, et les réoMopenses toutes matérielles comme les
richesses, il est dit que «s termes ne seront point eoleodos.
que la Im demeurera lettre close pour ceux-là mèmaa qui
croiront voir et entendre. Quel est le sens de ces paroles, si
elles n'indiquent la présence d'un autre sens qui est cadié sous
le premier, qui n'a pas été compris des Juifs et dont Jésus-
Christ a donné lt> <iecn>tî* KnCin. quand on enrisa^ l'ensem-
ble des livres qui fornienl V.Ancifn Trtlament, il apparaît qu'à
les interprf>(rr uniquement dan» le sens de la loi juive, il j a
contradiction, à la fois {larce que certaines prédictions n'ont
pas été suivies d'effet littéral, et parce qu'à cdté des comman-
dements et des promesses d'ordre matériel il y a. nettement
énoncés, des oomm.indrmcntif et dtvi promenés d'ordre spiri-
tuel qui les démtMitrnt. Or. celte double contradiction ne peut
être levée que par une interprétation spirituelle : ce qui
est rau\ litttTalemenl .<era vrai spirituellement : ai le temple
de JéniAfllem a élt> détruit parce que les pi(*rres en ont été
renversées, il n'a pas cessé d'être debout, parce que la Nou-
velle Jérusalem subsiste dans l'Cglise. De même l'opposition
des deux sens disparaît dêsqu'on établit entreeux le rapport de
figure à (îguré : le figuré justifie la figure en même temps
qu'il se justifie lui-même.
Sktiom \I. Le* Prophétie*.
La doctrine dos FigwtUif» permet d'appliquer! Jésus-Christ
les prophéties oootenum dans l'^na^n TetloaMMl. Pascal a
rectiîptlli ces prophéties, il en a mis toute la valeur, b lumière
et il a refait lui-même la traduction d'importants passages
d'isale et de Daniel. Nous ne savons à vrai dire dans quelb
mesure il se pro|iosait de faire passer dans le texte même de
ARGUMENT DES PBSSÈES. ccuaa
son ouvrage les matériaux nombreux et abondants que les
manuscrits nous fournissent et qui ont été naturellement réu-
nis dans cette section. Mais ils témoignent de l'importance
capitale que Pascal accordait aux prophéties et sur laquelle
il avait vivement insisté dans la conférence faite à Port-
Royal. Ce sont elles qui mettent une différence essentielle
entre la religion chrétienne et les autres religions, et en un
sens elles constituent pour Pascal le fondement historique de
la foi ; par elle l'histoire universelle a un sens religieux. Si
l'univers extérieur est muet, l'humanité tout entière parle de
Dieu : « Qu'il est beau de voir par les yeux de la foi. Hé-
rode. César, etc. »
Section XII. Preuves de Jitas-Chrisl.
Les prophéties ont annoncé le Messie, et Jésus-Christ est
venu. L'Ancien Testament est plein de son attente; mais cela
mi-: iiise d'obscurcissement et d'aveuglement : car ce
M» !)ré avec tant d'éclat par Isaïe et j>ar Daniel, est
venu dans une condition si basse que les historiens du monde
l'ont ignoré, que les Juifs, témoins de sa vie. l'ont rejeté
et l'ont crucitié. Or. cette raison, qui est pour les libertins un
prétexte à ne pas croire, est pour les vrais chrétiens une con-
liiuiiilioii de leur croyance. Car les Juifs, étant charnels,
ont attendu le Messie rliarnel. le roi de la concupiscence qui
leur apporterait l«'s richt'^ses de la terre, la domination de
la terre : mais Jésus n'a combattu qu'avec la prière, il n'a
con(|uis que les âmes. Son triomphe a été de se sacrilier pour
rarhi-lcr les honunes. Olui que les Juifs auraient reconnu
n'aurait |kii« été li' vrai Messie, car il n'aurait point libéré du
péché, il n'aurait |K>inl vaincu la concupiscence. Mais celui
qu'ils ont nnconnu. ils l'ont prouve en le faisant mourir
ignominieiiHcment ; d'une part ils ont manifesté la sincérité de
lear témoignage, d'autre part ils ont fait éclater la grandeur
qui était propre au R«'*<lemt)teur. et qui est l'ordre de la
charité*. Pour <|ui sait lire l'hvangile a\ec u les yeux du apur.
qui >nll la sagesse », tout y est transparent et louchant. Quand
la divinité de celui qui les iiupira ne serait pas attestée par la
naïveté desévangélistesqui se traduit jusque dans leur disoor-
ARGUMENT DES PBNSÉKS.
dtnce apparente, pr le couni^ dm «pôlfw qui m font mar-
lyrtaer pour le Christ qu'ils ont vu msuictté. fhaimlilé
nbute « U» grands de chair >. la siniplicitë qui
a \m «april curieiu *, en fourniraient autant de marquea à
b fob tndéfiniaablea et irréatatible».
SBcnoM XIII. Les Miradm.
La justification de la doctrine chrétienne, la oonfinnation
de ta « duplicité » intrinsèque par l'ambigullé eatenlieUe à
l'histoire de la religion, permettent l'interprétation dea mira-
cles, qui devait être, dans V Apologie de Pascal, le centre auquel
tout se rapporterait. Les miracles sont extérieurement, pour
le corps et pour la foule, l'image de ce qu'est la grèce dans
l'intimité de l'Jime individuelle. Par les miradei Dieu naaure
SCS élus, calme pour un temps ce tremblement perpétuel qui
est l'état du vrai chrétien : en même temps il s'impose par le
prestige de la force nutérielle i ceui qui n'ont pts la foi. il
leur donne un avertissement solennel c{ui leur présage leur
condamnation définitive, ou qui prépare leur conversion.
Aussi les miracle» sont-ils le fondement de la foi : c'est d'eui
que Jésus-Christ se réclame, c'est par eux que ceux qui n'ont
pas cru en lui demeurent sans excuse. — Mais il j a de faux
miracles. — Il doit y en avoir de faux afin que la foi demeure
ambiguë, et que le départ se fasse entre l'esprit de charité et
la dureté de cœur. Matériellement les vrais miradea n'ont
rien qui les distingue des faux ; mais ils portent à Dieu, et
les autres en détournent. Ainsi les faux miracles, au temps
de Jésus-Christ, ont confirmé la religion qui les avait prédits;
la doctrine, qui n'était pas douteuse alors, a diaoêmé les
miracles. Depuis, lar^lea changé: l'hérésie ayant rendu la
doctrine douteuse, les miracles ont servi i dtsoemer la doc-
trine ; jamab miracle ne s'est produit en faveur dea scbisma-
tiques ou des hérétiques: Dieu est intervenu ■ dans la
contention du vrai bien • pour le salut de l'Egl*
cette règle qu'il faut appliquer au miracle de la Sain
n est bien vrai, comme le disent les Jésuites, qu'en gcii> r <l
depuis l'établissement du christianisme il ne se pr<>-*"' ■ ' '
de miracles; mais plus rare est la manifestation de I
L'ARGUMENT DES PENSÉES. cclzxui
toute-puissante, plus elle est digne d'attention. Les miracles
condamneront ceux qu'ils n'auront pas convertis, et ils con-
\crlironl: c'est pour({uoi le premier devoir de charité envers
Dieu cl envers les hommes est de défendre et de célébrer « le
miracle ». L'esprit dans lequel l'Apologie a été entreprise
se résume dans cette prière : « Sur le miracle. Comme Dieu
n'a pas rendu de famille plus heureuse, qu'il fasse aussi qu'il
n'en trouve point de plus reconnaissante. »
SiCTiO!! XIV. Appendice : fragments polémiques.
La doctrine du miracle met aux prises Pascal et les Jésuites.
La polémique des Provinciales se serait-elle poursuivie dans
V Apologie? ce\& est probable, si on songe aux circonstances
dans lesquelles fut conçue cette Apologie, et d'ailleurs nous
avons sur ce point le témoignage d'£tienne Périer*. Le
miracle, qui est la justification par excellence, puisqu'il mani-
feslr Dieu, vérifip la doctrine chrétienne, telle qu'elle est
connue par le Jansénisme et telle qu'elle devait être exposée
par Pascal. Mais en même temps elle condamne et la politique
autocratique et la morale probabiliste que les Jésuites avaient
introduites dans l'Église, .\u98i trouve-t-on dans le manuscrit
autographe d(* nombreux fragments relatifs ù ces deux sujets,
qui sont liés à l ifj'Aogie du miracle et qui nous ramènent
en même temps aux Provinciales, qui sont en quelque sorte
intermédiaires entre les deux ouvrages dont ils marquent la
connexion étroite et la suture.
I. Vide sapra, p. cxcr.
I-- 18
Il
TABLE DE CONCORDANCE
POUR LES FRAGMENTS DES PENSEES
I
La table de concordance doit être établie suivant l'ordre
des pages du manuscrit entre l'édition de Port-Royal, l'édition
Bossut qui h certains égards est une édition originale, et
d'autre part les éditions modernes qui se sont elles-mêmes
référées au manuscrit de Pascal, les éditions Faugère.
Havet. Molinier et Michaut. Telles sont d'ailleurs aussi les
conclusions de l'éditeur Michaut qui a déjà fait ce travail et
auquel nous avons emprunté les éléments réunis dans ce
tableau. Dans notre introduction nous avions donné les détails
nt'-cessairps sur les trois types d'éditions dogmatiques, en ana-
lysant le plan de Condorcel. d'Astié et du chanoine Rocher.
Nou» ajoutons ici, pour rendre plus clair et plus significatif
notre tableau de concordance, la table des matières des éditions
que nous y comparons, de façon que le lecteur ait ainsi sous
les yeux les différents aspects qu'a revêtus au cours de son
évolution le livre des Pensées. Nous y avons naturellement
rapproché llavet de Bossut: quant à Michaut. c'est, avec
quelques interversions inévitables dans l'état actuel du recueil,
l'ordre même du manuscrit.
TABLE DE œNCORDANCB
Nota. — Lm hutm bortnatalM <!• U proaièro eoloaaa aépamil Im trfwtaml éaiU mt à
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TABLE DES TITRES DE L'ÉDITION DE 1670.
PsnstBS DE M. Pascal tar la religion et sur qoelquet aatret
sujets. Paris. 1670.
I . Contre l'indifférence des athées,
li. Marques de la véritable religion,
m. Véritable religion prouvée par les contrariétés qui
sont dans l'homme et par le péché originel.
IV. 11 n'est pas incroyable que Dieu s'unisse à nous.
V. Soumission et usage de la raison.
VI. Foi sans raisonnement.
VII. Qu'il est plus avantageux de croire que de ne pas
croire ce qu'enseigne la religion chrétienne.
VIII. Image d'un homme qui s'est lassé de chercher
Dieu par le seul raisonnement, et qui commence
à lire l'EIcrilure.
I\. Injustice et corruption de l'homme.
\. Juifs.
XI. Moïse.
XII. FigurM
XIII. Qm tait figurative.
XIV. h r.
XV. Preuves de Jtsus-CBRisT par les prophéties.
XVI. Diverses preuves de Jésus^bbist.
XVII. G)nlre Mahomet.
WIII. Dessein de Dieu de se cacher aux uns. et de se dé-
couvrir aux autres.
XIX. Que les vrais chrétiens et les vrais Juifs n'ont qu'une
même religion.
XX. On ne connaît Dieu utilement que par Jisu8>
Chkut.
XXI. Contrariétés étonnantes qui se trouvent dans la na-
ture de l'homme k l'^ard de la vérité, du bon-
heur, et de plusieurs autres choses.
XXII. Connaissance générale de l'homme.
rsHstes Mt r*scAL. 1 — tt
eecvt TABLE DKCONGORDANCB.
XXII I. Grandeur de l'homme.
XXIV. Vanité de l'homme.
XXV. FaibleMe de l'homme.
XXVI. Mii^ de l'homme.
XWll. Penaéea sur les miraclei.
XXVllI. Peneéee chrétiennee.
XX1\. Peoaées moralea.
XXX. Peniéea mr la mort, qui ont M extnHti d'une
lettre écrite par M. Pascal sur le sujet de la mort
de M. son père.
XXXI. Pens^ diverse».
XXXII. Prière pour demander à Dieu le bon usage des
maladiee.
TABLE DE L'ÉDITION BOSSUT. ET GORBBSPOXDANCK
AVEC L'ÉDITION HAVBT
PREMIERE PARTIE
OSBiSBast iM PtDaé** qal m rApport«nt à U phUoaophla, à U Bocml*.
•t aaz b«U«ft-Uttr«*.
Aar. 1. De l'autorité en matière de philoaophie.
Art. II. Kénexions sur la gfométrie en général.
Art. III. De l'art de persuader.
Art. IV. Connaissance générale de l'homme (Hatit.
art. I).
A«t. V Vanité de l'homme: otT^i* ili- ramniir-propre
(lUvrr. art. II).
Art. VI. Kaiblease de l'homm* )n-
naissanoea naturell>
Art. VII. Misère de l'homme (Hatkt. art. IV).
Amt VIII Raisons de quelques opinkMu du peuple (Uavr,
art. V).
.\rt. IX. I '..>.'.- n.or.il.-s rf.M.irh.'T.rîIo'KT. art. VI).
AaT. X. i'' >- ' ~ In' <— 'I'' |'lnl--.j,hio et deliltérati
livw . Ml \ Il
Aar. XI. >ur Ijii. t. ir .-t NlMiit.ii^'no.
Art. XII. Sur la condition des grands.
Art.
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Art.
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Art.
IV
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TABLE DE CONCORDANCE. ce
SECONDE PARTIE
Oontflxuuit iM P«ns6es Immédiatement reUtlves à U religion.
Vht. I. Contrariétés étonnantes qui se trouvent dans la
nature de l'homme h l'égard de la vérité, du
bonheur, et de plusieurs autres choses (Havbt,
art. VIII).
Ni'( (•-'*ité d'étudier la religion (Havet. art. IX).
(Jii. 111(1 il serait diflicile de démontrer l'existence
de Dieu par les lumières naturelles, le plus
sûr est de la croire (Havbt, art. X).
Marques de la véritable religion (Havet, art. XI).
Véritable religion prouvée par les contrariétés
qui sont dans l'homme, et par le péché ori-
ginel (Havbt, art. XII).
\rt. Vf. Soumission et usage de la raison (Havkt.
art. XIII).
\ht. Nil. Image d'un homme qui s'est lassé de chercher
Dieu par le seul raisonnement qui commence
à lire l'Ecriture (Havet, art. XIV).
\ht. VIII. Des Juifs considérés par rapport à notre reli-
gion (Havet, art. XV).
\rt. IX. Des figures; que l'Ancienne Loi était figurative
(Havbt. art. XVI).
Art. X. De Jésus-Christ (Havet. art. XVII).
Art. XI. Preuves de Jésu.^Christ par les prophéties
(Havet. art. XVIII).
\rt. Xll. Diverses preuves de Jésus-Christ (Havct,
art. XIX).
.\rt. XIII. Dessein de Dieu de se ctcher aux uns. et de se
découvrir aux autres (Havbt. art. XX).
Art. XIV. Que les vrais Chrétiens et les vrais Juifs n'ont
qu'une même religion (Havbt. art. XXI).
XV. On ne connaît Dieu utilement que par Jésus-
Christ (Havbt. art. XXII).
XVI. Pensées sur les miracles (Havbt. art. XXIII).
TABLE DR CUNCORDANCK.
Aar. XVII. Pefuém diveneg sur U religion (Havbt. art.
XXIV)«.
Amt. XVIII. Pensées lur U mort (extnit de U lettre de
Paacal sur la mort de um pM).
Aar. XIX. Prière pour demander à Dieu la boa oMge de»
maladies.
TABLE DES ÉDITIONS FAUGÈBE (i844. 1897).
PREMIER VOLUME
NouTeau fragment du traiU du vide.
Différence entre Vetpril de géométrie et VetprUit Jbmm.
Géométrie^jinette .
Pensées diverses.
Baviuement el profeuion de foi.
Pensées sur V Eloquence el le $tyle.
Pensées et noies relatives aux Jé$uile$, aux Jansinitlet et aux
Prwineiale$.
Pensées sur le Pape et sur l'Eglise.
Addition au ///* discourt sur la condition des grands.
SECOND VOLUME
FncmanU d^ui* Apolod* du CbrUtlMUnaa, oa
«or U lUUcloo.
Préboe générale.
Variante de la préface générale.
Notes écrites pour la préface générale.
Pamikaa PAana. — Misère de l'homme soiu Dim, oa
nature est corrompue par la nature mém*.
PiéUce de la première partie.
Qur. I. IHoertisêement.
CsAT. II. files /NuasaiMcs trompnmi.
Caar. III. Disjtroporûan i* f homme.
I. Las psaséss ^Jaoawrtw par Coasia al par Psafèra
aitida IXV da i'éditioa Havat.
TABLE DE CONCORDANCE. ccax
Ciur. |\ Cirnndmr ei misère de rhomme. — Système des
philosophes.
Seco>de i>\rtie. — Félicité de rhomme avec Dieu, ou *luU y a
un ré{tarnlenr par r Ecriture.
Préface de In 5rconde partie.
Ch^p. I. Que rhomme sans la foi ne peut connaître le vrai
bien ni la justice.
Caractères de la vraie religion.
Moyens d'arrii^r à la foi : raison, coutume,
inspirniion.
l)u l'eupie juif.
Des ytiraeUs.
De» Figuratifs.
Des Prophéties.
De Jésus-Christ.
Le Mystère de Jésus.
De la religion chrétienne.
Ordre.
Chap.
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Chap.
III
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Chap.
V.
Chap.
VI.
Chap.
VII.
Chap.
VIII
Chap.
IX.
Chap.
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TABLE DE L ÉDITION MOLINIER (1877).
PRrrACK cé^ÉRAI.F..
Note» pour la préface générale.
I . Misère de F homme sans Dieu ou que la nature est corrompue
par la nature même.
Préface de ta première partie.
Diitproportion de l'homme.
Divertissement.
Crandenr et mi«*re de l'homme.
Des puissances trompeuses et de l'imagination.
De la justice. Coutumes et préjugés.
Faiblesse, inquiétude et défauts de l'homme.
I I . Félicité de l'fu>mme avec Dieu ou quil y a un réparateur par
VF.rriture.
Préfare de la seooode partie.
Néce-'-ité de rechercher la vérité.
Dot philoaophM.
TABLR DR CONCORDANCE.
Peniéet tur llâhonu»i <•( Li Chine.
Du peuple juif.
Aolaenticilé des Livr» aainU.
Prophétie!.
Des figures en général el de Inir légitimité.
Que U loi de* Juif» était flgtirativc.
De U vraie religion. Caractères qu'elle doit présenter.
Eicellence de b religion chrétienne.
Du péché originel.
Perpcluilé dp la rrlipion chrétienne.
Preuves de la religion chrétienne.
Preuves de la divinité de Jé»u»-Chri>t.
llÎMon et grandeur de Jésun-Christ.
Le myttire de Jésus.
Du vrai Juste et du vrai Chrétien.
Ordre.
Des miracles en général. Miracle de la Sainte-Epine.
Jésuites et jansénistes.
Pensées sur le style.
Pensées diverses.
Profession de foi de Pascal.
PENSÉES
AVERTISSEMENT
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LA LECTURE DES PENSÉES
Deux chiffres sont en tête de chaque fragment : celui du
milieu est le numéro d'ordre dans la présente édition, en con-
formité avec notre publication antérieure des Opuscules el
P' 'It in-i6, 1897 — a' êdil., 1900).
I _ I'- chiffre à gauche désigne la page du manuscrit
original où est le texte que nous reproduisons. Ce chiffre est
suivi d'un astérisque dans le cas où le fragment est dans ce
même recueil écrit d'une autre main que celle de Pascal — de
doM '|ucs quand l'écriture de Pascal se trouve jointe i
!'«•( trangère soit pour une ptartie du fragment, soit
pour des additions ou des corrections. Quand le fragment est
emprunté soit à la Première copie (manuscrit n' 9308. f. fr.
de la Bihliolhèque Salionale). soit à la seconde copie. n° ia4^9.
soit aux recueils du Père Guerrier ou de Sainte-Beuve con-
sultés par Kaiig«>re. quand nous n'en connai<>«on» qu'un
texte imprimé par Port-Roval ou par Bossut. nous ajoutons
cette indication au chiffre de gauche : nous fournissons ainsi
le certificat d'origine du fragment. En note nous donnons
la référence aux deux Copies (la première désignée par B. la
seconde par G. «luivant la convention posée par M. Michaut).
aux éditions de Port-Royal de Bossut. et aux quatre éditions
nuxlernes (]ui renvoient elle»-ménies au manuscrit : Faugère.
Havet. Molinier. Michaut. d'après les principes qui avaient
servi k établir notre Table de eoneordanee.
Les mots ou phrases de même caractère que le texte qui
sont placés entre crochets sont des mob ou des phrases qui
t AVERTISSEMENT
ont élé njiê par Pascal. Lei mob également entre ctocImI».
maii en UaUqae$t sont des mots que. pour des raiiona oipli-
«niée» en notes, l'éditeur eai dans la oéeaaHié de rilablir oa
de oomger.
Les irariantes sont en noies et entre erochets : elles sool
imprimées en earadAres gras, de façon h faire apparaître im-
médiatement dans les notes oe qui est le teite de Pascal.
Pour les variantes qui ne sont pas de Pascal, c'esl^ènlire les
corrections de Port-Royal, les négligences de Deamoleta. de
Bossotoude tel autre éditeur, ellôi étaient évidemment inu-
tiles à rdever : le manuscrit original est la source anique qui
dispense de toute autre r^férenoe. Nous nous sommes donc
borné aux cas de lectun* douteuse, ou bien aux oorredions
qui présentaient un int^r/^l historique.
Enfin, et quoique la diversité des fragmcnb < '«ule
règle stricte, nous avons surtout insisté dans not neo-
taire sur les rapprochements avec les textes ou des auteurs
que Pascal a lus. depuis la Bible jusqu'au Pagio Fidei de
Raymond Martinet VHUtoria Jesmiiea d'Ilospinianus. ou des
homme» qu'il a connus, tels que le chevalier de Méré ou
Nicole. I)eH fragmenU écrits de premier jet se prêtent mieux
que tout autre ouvrage — nos prédécesseur». Ilavet en parti-
culier, l'avaient fait voir — à des rapprochements de ce
genre qui nous permettent preaque de nous asseoir nous-
méme à la table où travaillait Pascal. Aussi avons-nous cru
qu'il n'était [tas inutile de transcrire, malgré leur aridité, les
textes de Raymond Martin ou de Mutius Vitelescus que Pascal
avait étudiés et sur lesquels il avait pns des notes: nous les
avons cités dans la langue originale, et de même nous avons
donné les ^erset^ de la HMe dans le latin de la Vuligalê,c^
à-dirc tels que Pa^ral |Mirait les avoir lus.
MKMORIAL' DE PASCAL
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L'an de grâce i654.
Lundi, a3 novembre, jour de saint Clément, pape
I . « Peu de joan après la sort de M. Pascal, dit le père Guerrier,
uo domestique de la oiaison s'aperçut par hasard que dans la dou-
blure du pourpoiot de cet illustre défunt il y avait quelque chose qui
paraissait plus épais que le reste, et ayant décousu cet endmit pour
voir ce que c'était, il y trouva un petit parchemin plié et écrit de la
main de M. Pascal, et dans ce parchemin un papier écrit de la aéae
■•ia : l'un était une copie Bdèle de l'autre. Ces deux pièces Aireat
•maitÂt mises entre les maiasde MoM Périer qui les fit voir k plusieurs
de se* amis particuliers. Tooa ooaTÎBrent qu'on ne pouvait pas douter
^■c ce parchemin, écrit avec taat de aoia et avec des caractères si
remarqaaMaa, ae f&t une espèce de Mémorial qu'il gardait très soi-
fBaoMMMU poor eoaterrer le soareair d'oaa eboM qu'il voulait avoir
UMJoon préaeate h ses yeai et k soa esprit, paiaqaa depuis huit ans
il prenait soin de le coudre et découdre k aMsare qu'il changeait
d'habiu. » Nous n'avons plus le parcheaia origiaal ; aMis la copie de
U uinin de Pascal a été jointe aar«ca«ild« la BtUiotktqu» N«iio»aU. a^tc
le* iittcsutions de l'abbé Périer, aecompagaée alla aiêma d'une
atlcMaiion qai est de la aiéme date. ■ Je aonieifaé, prftra, ehaaoinc
de l'égiiae de ÇienaoBt, eertiia qae le papier de l'autre part collé
sur celte fbnile a« éenl de la aMÏa da M. Pascal, mon oncle, et fui
trouvé aprèa M mort eomm daaa son pourpoint soa« ladoablure, myitc
aae bande da parekeaiia oà étaient écrits las ailmaa aMMs et ea la
■éaM forme qu'ils sont ici copiés. Fait k Paris c« sS seplcabra
mil sept cent onae, Piaica. a Ea tète dn recaail sa tfo«va aaeora
la copia doat l'abbè Périer hit maaiioa (aoaa la dMf aoM par C),
s PRNSfeES.
el martyr, et autres au martyrologe',
veille de saint Chrysogone martyr, et autres.
Depuis environ dix heures et demie du soir jus-
qucs environ minuit et demi,
Feu.
Dieu d'Abraham, Dieu d'isaac. Dieu de Jacob*.
non des * philosophes et des savants.
Certitude \ Certitude. Sentiment V Joie. Paix.
* Dieu de Jésus-Christ.
Deum meum et Deum vestnun ' .
« Ton Dieu sera mon Dieu *. r>
Oubh du monde et de tout, hormis Dieu.
el daR( les addiboa» fiiitet ea l86i an naBoacrit urigiaal figure apr^
la page 49$ ■>• antre copie OManaerite, eoaiae il en a ét^ hit un
grand nombre an comnienoenMnt du xtiii* ùècle (nons la déaignon»
parC*). — Le méaorial de PawaI a ^t^ publié ponr la première foi»
dans le rerueil de 1 7^0 connu sou» le nom de Rtmiid'Vlreeht (p. 369).
Coadoroet a trouvé piquant d'ajouter à tea Panai» de Paical ce «|n'il
appelle une « amulette mystique », «1 mé»e taaipa ^a« Vm ■ vert
galants ■ de Fontenay-le-Comte.
I. C roNWM.
a. Bt ait : Bgo $um Deu» palrù iui, Dmu AhrmKam, Dtm Imme «I
Dm* /acoè. Ahteomàit Mcyte» f&dam «mm : non enim amMtt aipintn
MMlrv Deam (Exode, III, 6). Cf. Mata., IXII, 3a. « fl^ aM Dtm
Ahrakam «f Dmu l»aae rt Deus Jmeoi. a A^on «il [hm mortaorwm, aed
3. Première rédaction du manuscrit et C : pMotOfkn tt êtmKt».
4. C/oi#. eeriiUÊdg, ttiUiment, 9têê,joit.
5. C ww, joU, pou.
6. (ne* de Jémmauim.]
7. G et C ajoatoM : Jah,. \X, 17. — Voici la varwl : /
J«nt ; Noli mt Immgért, momdmm mim atetitéà mi Patrtm mmm
•■iMi mifnUrt aMoa. el dlir «•• : AtMnéo ad Pilf«M inaaM, al /
aartram : />Mua mmw #1 Z>aaM eaalraM.
8. G et C ^jealaal AMiL Cf. I, itt : PopalM IMM /ilfihi ai.
Dtm laat Daaa «Mae.
MÉMORfiAL 5
Il ne »e trouve que par les voies enseignées ' dans
l'Evangile.
Grandeur de l'âme humaine.
« Père juste, le monde ne t*a point * connu, mais
je t'ai connu *. »
Joie *, joie, joie, pleurs de joie.
Je m'en suis séparé :
Derellquerunt me fonlem aquse vivœ*.
« Mon Dieu, me quitterez- vous ' ? »
Que je n'en sois pas séparé éternellement.
(( Cette est la vie éternelle, qu'ils te connaissent
seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-
Christ". »
Jésus-Christ.
Jésus-Christ.
Je m'en suis séparé : je l'ai fui, renoncé, crucifié.
Que je n'en sois jamais séparé.
H ne se conserve que par les voies enseignées dans
l'Evangile :
Renonciation totale et douce*.
I. (j^I
s. (Ooaaa lonum.)
3. C tt C ajouteot Jean, XVII. Voir le rtnet aS : Pater jatte,
fWWfflffff le non etninuvil. fifià autetii te rminoiù rt lit coqnui>e runt , ifuia lu
me mUiâti.
i. C et itUui :,
5. Jirinu. Il, i3
6. Et cirea honun nonam riamavU Jetu* voce ma^aa, diceiu : BU, RU,
lamma $abaethani ? hœ e$t D«m «mm. Dmu «mm, al f«M i«r»(tf uu(i
in#?M>tb., XWIl, 46.
7. H Vf est autem vita mtema, ut eognoeeani te mAhh Deam verum,
et ifuem miâisli Jestun Chrùtum. Joan., XVII, 3.
8. La CoftU autographe doaae etc. k la plaea d* cm darnèraa
ligaat qac bom eouMMMBt MulaaMat par la copia da l'abbé Pirier ;
6 PINSftBS.
Souii)i>Mon totale à JétUB-Christ et à mon direc-
tour'.
•aeer* i'abbé P^t ' u aarg* : « Oa n'a po voir itittiart»
■«•t q«« «•rtaùu aoU d« r«» deai ligaea. » A propot d« eai ému
lig««a, Faayira a trooTé daat les BMaaacnU da pèrt Gtwrricr
(lil* Raoaail, p. si 4) «ne aote du i" février 1731 qui ea eipliqn»-
rait l'hiftoire (rf. RmuU d'iUreehl. p. a6o). La pèra G««rhar aTait
Hé iatri^^ d« aa pa« ratroaver eca ligaet daaa la no— «laiia ••
ai pagaa i•-^ qa'avait rédigeât, p«a dataapa après la aoft da Paaeal
na caraM, aai da la fcaiilie Périer, aMÎa M«l«M«t daaa ■■ eom-
aiaataira ea a pagas ia-4 : qui avait été ajouta p<wU»iaaraiat par
Marfvarite Périer : « Je Au hier, 3i janvier I73a, ekaa Mlla Péricr
pour lui BMaCrer l'écrit du canne et lai denaader raiaoa da l'addilioa
faite k cdai de M. Pascal et ao conaeataira de c« religieat. EUeaM
dit qu'on avait onti» ces deui ligaaa paiea ^'allea étaiaat fort bar-
bouillées dans l'original et preaque affaeéaa ea aorte qm e« relîfieax
n'avait pas pu lea lire. Qoo* qu'il en soit, l'addition n'a été fcile,
coaiase je l'ai appris da cette deaioiselle, que trente ans après la aort
de M. Pascal. Ea un mot, ces deux lignes ont été plutAt dcviaéaa q«a
lues. Il hut encore remarquer qu'il n'y en avait pas la moiadra traea
daas le parchemin, et que c'est seulement dans le papier qa'oa a
trouvé ces caractèraa presque cfaoéa. » Cette eiplieatioa ae leva paa
tonte difBcvIté ; k esaoïiaer da près la Copi* aatograpba da la Bi-
bKotbèqaa Natioaaie, il a'apparatt pas qu'oa ait coupé la p«ptar po«r
aa délaebar las dernières lignes, ni ajouté Vête, pour ea aatgaw la
place. Il y a donc lieu de supposer, avec Faugère, que daM la réeit
Aiit soisanle-dii ans après la arart de Pascal il s'ert glisaé ■■• eoafb-
sioa eatrc le parobaasia origiaal et la copie autographe q«a Paacail y
avait joiate ; c'est la parchemia qui éuit seloa toute vraJSMaUaaea la
pl«a eoaiplat at, aussi le plus a aîbeé a.
t. La SMM est éclairé par la lettre que Jacqaaliaa adrassait à
MaM Périer le ib janvier l6>5. Elle y insiste sur les difScaltés que
hisait Pascal k aoeapter M. Singlia comme directeur : « qaoiqu'il ae
pàt penser k d'autres, néanmoins la défiance qu'il avait de luinnéme
Ihiaait qu'il craignait de se tromper par trop d'affectioa, aoa pas daas
las qualités de la persoaaa, mais sur la vocatioa dont il ne voyait pas
da «arques ceruiaes, a'éuat pas aoa paataw aatatal. Je vis daifaaiaat
^M ce a'éuît qa'aa raata d'iadépMdaao» M«bé dans la foad du caMW
qai hisait arme de tout pour éviter aa amajetùssemenl qui ne pouvait
être qaa parfcit daas las dispositions oà il éuit a. Elle lai rappelle
* qM M de Geaèva avait eoasaillé de cboiatr aa dirael««r aatra
MÉMORIAL. 7
Eternellement en joie pour un jour d'exercice sur
la terre.
Non obliviscar sermones tuos '. Amen *.
dis mille, c'e*t-i-dire tel «pi'oa le proférerait à dix mille, s Et plus
loio elle ajoute : « Il n'a rien perdu k m directrice ; car M. Sin^in,
qui a demeuré en cette ville pendant tout ce temps, l'a pourvu d'un
diredavr dont il est tout nri ; anaai est-il de bonne race. » C'était
M. I« Mattre de Snci.
I . /n juslifieationibat fuis medUabor : non (Mivisear termone* tm».
Psaume CXVIII, i6. — C'est le psaume de Pascal, eomme en
té»oiyne Mme Périer : ■ Il avait un amour sensible pour l'office divin,
■wisswtont pour les petites Heures, parce qu'elles sont composées du
psaume CXVIII, dans lequel il trouvait tant de choses admirables,
qu'il tentait de la délectation k le réciter. Quand il s'entretenait avec
•as amis de la beauté de ce psaume, il se transportait en sorte qu'il
paraissait hors de lui-même ; et cette méditation l'avait rendu si sen-
sible à tontes les choses par lesquelles on tâche d'honorer Dieu, qu'il
n'en négligeait pas une. •
a. D'après la copie de l'abbé Périer une croix, entourée de rayons de
fan, était ignrée sur l'original k la fin du Mimorial, comme aoasi en
tétc de la page.
SECTION I
-'io5) I
Différence entre I esprit de géométrie et l'esprit de
finesse \ — En l'un, les principes sont palpables,
mais éloignés de l'usage commun : de sorte qu'on a
peine à tourner la t<>te de ce côté-là, manque d'ha-
bitude ; mais pour peu qu'on l'y tourne, on voit les
principes à plein ; et il faudrait avoir tout à fait l'es-
prit faux pour mal raisonner sur des principes si
gros qu'il est presque impossible qu'ils échappent*.
Ci B, Su; C , 4oi. P. H , \\\l, i, Bm., I. i, t ; F*m , I, i&q .
Ha* , VII, s 6u; Mot., Il, i&i ; Mica , CS9
t . L>e Dûcomrt $ar Ut PattUms de l'Amour contient une première
r«quiM« da e* frafsaat : « Il y a deux tortM d'e«priu, l'un ^éomé-
iriqve, M l'aatre qae l'on peut appeler de finetae. L« prtaicr • 4m
^a«a loBtca, dure* et infleviblet ; mait le dernier a une tooplotM de
ficnt^e qu'il applique en même tempa aui diverMS partie* aimable* de
ri> qu'il aime. De* yeui il va jusque* au r<var, et par le mouTenent
■lu dehors il connaît re qui *e paaae au dedan*. Quand on a l'un et
l'aiiirr esprit tout enaembie, que l'amoar donne de plaiùr ! Car on
(lowftli- ,1 In foi« la force et la flexibilité de l'eaprit, qui est très néctih
<iirr< |>riiir l'iMi>quence de deui peraoaaee. m
■j l,r. pnii. i|>a* de la géométrie «ont éaoaeéa daa* de* déflaitient,
rlK*4l* !>• fAKAL. I - il
10 PBN8ÉBS.
liait dans l'esprit de finesse, les principes sont
dans ' l'usage commun et devant les yeux de tout le
inonde ; on n'a que faire de tourner la tête, ni de se
faire violence, il n'est question que d'avoir bonne
vue, mais il faut l'avoir bonne*, car les principes
sont si déliés et en si grand nombre qu'il est presque
impossible qu'il n'en échappe : or l'omission d'un
principe mène à l'erreur ; ainsi il faut avoir la vue
bien nette pour voir tous les principes, et ensuite
l'esprit juste pour ne pas raisonner faussement sor
des principes connus '.
Tous les géomètres seraient donc fins s'ils avaient
la vue bonne*, car ils ne raisonnent pas faux sur \c>
et i« féoaètre n'a pa* le droit de Ihire appel à •■• propoàtioa o« •
■■e propriété qui ne réeulte pa« d'une déiaitioa doaaée, à aoinv
qn'il ne t'agiaee d'une propoution oo d'une propfMié Wlleient évi-
dente qu'elle ett pin» eleire que tonte déSnition pœaiUa. An dAlmt
■éne de la réflexion ^ométrique, ton* les principe* aar leeqnel»
■'exerce cette réflexion peuvent être conndérée comae diatiacteaent
émmmirit ; l'oaiMÎoa eat à peu prèe iapoeaible.
I. (U boa]
a. L'intuition du féosèCre eat aatériaare au raiaoaaeaMnl, et plu»
claire que lui, parce qu'elle porte wr le* objet» le« plan aiaplea :
nombre, espace, lumière. Ici au contraire il «'agit de l'objet eouiplaie
et qu'on ne peut pat analyaer ponr le retondre ea déflaittoaa, il «'agit de
l'âme bumaine : le juge d'initraeCioa et l'bistoriea, la diploaMte et le
peyeliolofaa, plas ■■pleaaent rboaaie qui vit dans le aMade, qui veut
eoapraadra laa koaaiea qu'il a devant lui, ae fliire nisar d'eut ou m
fcire obéir, déeonvre à ainaure qn'il ekaerva daveataga ém anatiaieatt
pfau aoabreux avee dee auaaeee plat déticataa qai teat da cbaqae
iadivida, k chaqae iaaiaat de aoa axietaaca, aa tout origiaal, irrédoe-
tïMa, perceptible aa aeal teatiaieat iadividaai. On ne peut paa »épe-
rnr, nseore aoin* énuaiérer : il fliut voir l'unité d'entembic, et juger
ta aa coup d'ail du rapport de cbaqne deuil à cette unité totale.
5. Cas daat praaier* peragmpbaa aoat d'nae aMÏa étraagire ; la
MMa da fragaaat aat écrit par Paeeal.
SECTION I. «1
principes qu'ils connaissent ; et les esprits fins
seraient géomètres s'ils pouvaient plier leur vue vers
les principes inaccoulumés' de géométrie.
Ce qui l'ait donc que de certains esprits fîns ne
sont pas géomètres *, c'est qu'ils ne peuvent du tout'
se tourner vers les principes de géométrie ; mais ce
qui fait que des géomètres ne sont pas fins, c'est
qu'ils ne voient pas ce qui est devant eux et qu'étant
accoutumés aux principes nets et grossiers de géo-
métrie, et à ne raisonner qu'après avoir bien vu et
manié leurs principes, ils se perdent dans les choses
de finesse où les principes ne se laissent pas ainsi
manier. On les voit à peine, on les sent plutôt qu'on
ne les voit ; on a des peines infinies à les faire sentir
à ceux qui ne les sentent pas d'eux-mêmes ; ce sont
choses tellement délicates, et si nombreuses, qu'il
I . /noecoatnmi* en curcharge.
a. La aaile à la pa^ 4o6 du manuscrit, arec ce renvoi de Pascal :
Tourner. — A* bas, ce» moU ray^ : [Pour Monsieur Pascal.]
3. [Compruaân.] — .\llu»ion i Mér^ qui aimait i discuter les ques-
tion* mathématique» avec Pascal et è aarpreadre le géomètn ea fla-
grant délit d'absurdité logique. L'éebo de eea discusaioas noiM est
parvenu par les lettrM dc Méré et par quelques passages de Pascal.
Il écrit dans les Hiflexkm» $ur l'Esprit ^iomitriqu» : « Je n'ai jamais
connu personne qui ait pensé qu'un eapae* Be puisse être augmenté.
Mais j'en ai vu quelques-uns, très habiles d'ailleurs, qui ont Maure
qu'un espace pouvait être divisé en deut parties indivisibles, qocl^ttC
.ii>»uriiitA qu'il s'y rencontre. Jt ■• ania attaché è rechercher en eus
<|iM-ll<- piiiivait être la cause de cctt* obaeartté, et j'ai trouvé qu'il n'y
en avait qu'une |)riiiri|iale, qui est qu'ils ne sauraient concevoir un
contenu divimblc à l'inKni : d'où ils concluent qu'il n'y est pas divi-
sible. • Kt ailleurs : a 1 rop de vérité nous étonne : j'en sais qui ne
peuvent comprendre que qui de téro Ate 4 reste léro. • (Fr. 73.)
Voir la dernière note relative à ce fragment, et en particnlier le mot
de Pascal tur Méré : • il a'eel pes g4oaètre. »
If PBNSfCEK.
6at un sens bien délicat et bien net pour les sentir ,
et juger' droit et juste selon ce sentiment, sans pou-
voir le ' plus souvent les d<^montrer par ordre
comme en géométrie, parce qu'on n'en possède pas
ainsi les principes, et que ce serait une chose infinie
de l'entreprendre. Il faut tout d'un coup voir la
chose d'un seul regard, et non pas par progrès de
raisonnement, au moins jusqu'à un certain degré*.
Et ainsi il est rare que les géomètres soient fins et
que les fins soient géomètres, à cause que les géo-
mètres veulent traiter géométriquement ces choses
fines, et se rendent ridicules \ voulant commencer
par les définitions et ensuite par les principes : ce qui
n'est pas la manière d'agir en cette sorte de raison-
nement. Ce n'est pas que l'esprit ne le &sse ; mais
il le fait tacitement, naturellement et sans art*, car
1.(1
». [Dimoatnr.]
3. Au moÎM... dtgri an •nrcbarge.
4. Voici conment Méré parle de Pascal, lonqu'il le rcncoatr* pe«r
la première fois dam le hoseut voyage à Poitier* : « C«t boaia«, ^«i
n'avait ni go6t ni tentimenl, ne laiiaait pat de m aélar mi tout ce que
nous ditioni, mais il nous tarpreanit pmaqaa UMgow* «1 aona fbianil
souvent rire. » CP. Colltt, Fait iiUdit de la wi» dt Pmttt {LAtrté et
Pmutr, fév. 1848).
5. [Et ta mm laMul.] — L'ait, emm. la tacbniqna, l« proeMénbairait
•I <|«i ■'•pprMid. Pnaenl décrit ici l'activité spoauaé* ém l'apprit qm
■• M révéla paa diraeCMsant k la conacianea al ^oi potntuM «xpli^aa
la plupart da mm déaarehas intellactaellaa. 8« «oaeaplioa da l'aaprit
s'oppoaak oaUadaDaaenitaaqni Siisait conatstor IH»Ulli|— cia dans l'ap-
plieatton réflécliia d'MM mèJkoém analogne à la léthoda aal
li^na, at alla kit préasfar te doetrÛM laibniàanna da l'ÙMoaaeiaal.
Ra««i«M, PM(m|PAm rftPMMl, AMMfdat ItmrlfMirfM, 16 Mars 1887,
(oS et 4 10. ^
SECTION I. 13
l'expression en passe tous les hommes, et le senti-
ment n'en appartient' qu'à peu d'hommes.
Et les esprits fins, au contraire*, ayantainsi accou-
tumé à juger d'une seule vue, sont si étonnés — quand
on leur présente des propositions où ils ne com-
prennent rien, et où pour entrer il faut passer par
des définitions et des principes si stériles, qu'ils
n'ont point accoutumé de voir ainsi en détail — qu'ils
s'en rebutent et s'en dégoûtent \
Mais les esprits faux ne sont jamais* ni fins ni
géomètres.
Les géomètres qui ne sont que géomètres * ont
donc l'esprit droit, mais pourvu qu'on leur explique
bien toutes choses par définitions et principes ; au-
trement ils sont faux et insupportables, car ils ne
sont droits que sur les principes bien éclaircis.
El les fins qui ne sont que fins ne peuvent' avoir
la patience de descendre jusque dans les premiers
principes des choses spéculatives et d'imagination '
i . (Oa'cajr grraada bommm.]
1. Il eat «Mes piquant de relerer ici d«nx iDootatioa* manuicrites de
Saint»>BeuTe dan» l'Milion de* Pensées conserrée à la BiMiolhique de
la Soeiiti de l'Histoire du protestantisme ; en hé* dea ^fomèirea, Sainte-
Beuve ^crit : Arnauld ; en liaee de* eaprita Ans : Madame de LongamiU».
3. Nicole reprendra ce* cxpre«ion* dant la Prifaee aax Nomaaax
iUments de giomètrif, où il hît oiention expreaae de Pascal : « Plnsieon
penonnes s'en rebutent [des virUi* difJkUet] par nae certaine parene,
ou plulAi par une d^licateaie d'eepril qui leur donne du d^goôt de
luut ce qui demande quelque effort et quelque sorte de contention •
{OBmres d'Arnauld. Ed. de LauMane, I. XLII, p. 9).
i. Jamais en «urcbarfe.
5. Qai ne mmI 9M géomàtroi ra •orebarg*.
6. (S* porter è oamaUtrtr Jee c*oeea êpéealalhrm.]
7. (si •• iea rendre ramfUert]
Il PRNft^.K».
qu'Us n'ont jamais vues clans le monde, ei loal Ifrit
hors d'usage'.
I . Il y ■ dant e« Ar«faMal plu* que l'aaaljrM é» ému
fnndaaicoUlM dmu» l'aaprit hunain, on de d««x haiinM li'wfrita ;
il cooTtuitd'y voir usa autobiographie intellectuelle de Pawal. DaatM
preaièr* raacoatw avec Mère, il lui apparaît • ua grasd aatMaMt*-
«•• •( ^ ■• tavait que eela ». Méré le forma, du aMHaa il lai 4flri-
vait aar ea toa : a II voaa raeia aaeora uae kabiuida qaa voaa avas
pfÎM aa eatta aeiaMa à aa jafar 4a qaoi qaa aa Mti qaa far vo*
déaaatfratioaa qai la plas MaTaal Mat iba«aa. Cai laagt taÏMaa»
•aatt tîréa da lifaa aa Kfaa voaa aatptehaat d'aairar 4*abaad aa ém
KiaaaJMaanaa plaa liaataa qui aa ifoaipaat jamais. Je voaa avarti*
aasi qaa voaa pardas par là un fraad avantage dan> la maada ; ear
lonqa'oa ■ Paaprit vif a( la* yaui Ans, on raaarqaa k la anaa al k
l'air daa paraoaaaa qa'oa voit quantité de rhoaaaqai paavaat baaaeoap
•arvir, al • voaa daaaadiea, «elon votre coatama, k ealai qui «ait
profltar de eaa aorta* d'obaerrationt, sur qaal pciaeipa allât toat foo»
déae, peat-^tre vous dirait-il qu'il n'en sait riaa, et qaa eaaa toat daa
praavea que pour lui. » Et la diatinction de* daaz aoftae d'aupcita ae
ralfoava daa» la* «uvre* de Méré : a Pour ce qui eat dae jaaiaMa*, j'en
troave de daox aorte*, qui font toujours de boa* alal». L'aaa eoaaïMe
k voir le* eboaaa comme allea aoat et «aa* la* eoaibadre : pear pa«
que l'on y manque en parlant, et même aa agiaaaat, aala aa coaaatt ;
plie dépend de l'esprit et de l'intalKgaace. L'antre jaaiana parait k
juger de la bienséance, et k connaître en de certaine* maaata* jua-
qu'où l'on doit aller, et quand il se faut arrêter. C«ll»«i qaî vient
priaeipalemeat du goAt, et du ■aatimaat, me aamble plas doalaaaa, et
plas difAcile. • (Méré, Oueimn JêimgHmimU, t. I, p. 194.)
Maibaaiaaaaaaat, aux yeui de Paical, M4ré igaaca b portée véri-
laMa da ealta diitiaction, qu'il a paai-èlfa wifgirla k Paaêal : vojrani
qaa l'eaprit de SaatM aai wpériaar daaa la maaëa à Paiprit da géo>
mdtria, il le traaaporta bac* ëa meada al jaaqaa daaa b géamilrie.
Il éerit, daa* b aaita da b laMra qaa aea* vaaoaa éê eitar : ■ Va««
demaararai loigoar* daa* la* anaan oè b* fbeaeaa déaMMUtratioa* de
b gdaaiélne voas oat jeté, at je aa voa* croirai poiat toot k hii
guéri da* matbématiqaa* taot qaa voa* «oatieadrea qaa ea* patiu
corp* doat aoaa diifrtèma* raatf* jour te paavaat diviaar jaaqaa* k l'ia-
tai. Gaqaavoaam'aaéerivaama paiailaaeeraploeébigaédabeaeeas
qaa loal ea qaa voa* m'aa diia* daaa aoiia dbfata. B( qaa p*diaadaa-
voai coaeiafa da eatta Ufaa qaa vaaa oaapaa aa daat éfalaaMat, de
eatta Kgae efcUaériqaa doal voa* aeapaa aaaara aaa daa aiaHii*, at
to^jeart de aidaM jaaqa'k l'étaraité ; ami* qai voa* a dit qaa voas
SECTION I. 15
-3i3) a
Diverses sortes de sens droit ; les uns ' dans un
certain ordre de choses, et non dans les autres
ordres, où ils extravaguent.
Les uns tirent bien les conséquences de peu de
principes, et c'est une droiture de sens*.
Les autres tirent bien les conséquences des choses
où il y a beaucoup de principes.
Par exemple, les uns comprennent bien les effets de
l'eau, en quoi il y a peu de principes ; mais les con-
séquences en sont si fines qu'il n'y a qu'une extrême
droiture d'esprit qui y puisse aller.
Et ceux-là ne seraient peut-être pas pour cela
pouvez ainsi diviser cette ligne, «i re qui la compose e»t in^i^al comme
un nombre impair ? Je vous apprend» que, dès qu'il entre tant soit peu
d'inRni dans une question, elle devient inexplicable, parce que l'esprit
se trouble et se confond. De sorte qu'on en trouve mieui la v^rit^ par
le sentiment naturel que par vos démonstrations. » K quoi Pascal
répond parle juf^ement suivant, extrait d'noe lettre i Fermât (39 juillet
iti.î'l) : " Je n'ai pas le temps de vous envoyer la démonstration d'une
(lifftcult^ qui étonnait fort M. de Méré : car il a très bon esprit, mais
il n'est pas |(^omctr<- ; c'eat, coaiaM vous saves, un grand d^fiiut, et
mAme il ne comprend pas qu'une ligne natliénatiqne soit divisible à
l'inHni, et croit fort bien entendre qu'elle est composé* de points en
nombre Ini, et jamais je n'ai pu l'en tirar ; si voos pouvies le (dire,
f>n le rendrait parllsit. Il me disait donc qu'il avait trouvé (buaseté dans
Iw nombras par enttn raison. • Tandis que Pascal joint l'esprit de
flnaiM k l*«prit de géométrie. Méré demeure le type des > Ans qui
ne sont que fins *.
t
a B . 317; C , iot , P R , XWl, s; Boa., I. 1, s; Psen., I, iSs ;
H4T , Vit, t; Moi , II, i4fl; Mtcn.. 45s
I . C'eai-4-dire mox qui ont le «cm droii. tournure qui n'nal
pas une négligence, le ^gment ayant été dicté par Pascal.
a. lOaa MM a' 1
I« PENSÉES.
grtnds géomètres, parce que la géomélrie comprend
un grand nombre do principes, et qu'une nature
d'esprit peut ^tre telle qu'elle puisse bien pénétrer
peu de principes jusqu'au fond, et qu'elle ne puisse
pénétrer le moins du monde les cboscs où •! > -^
beaucoup de principes.
Il y a donc deux sortes d'esprits : l'une, d
trer vivement et profondément les' conséquences
des principes, et c'est là l'esprit de justesse; l'autre
de comprendre un grand nombre de principes sans
les confondre, et c'est là l'esprit de géométrie. L'un
est force et droiture d'esprit, l'autre est amplitude
d'esprit. Or l'un peut bien ^tre sans l'autre, l'esprit
pouvant être fort ri rlroit, et pouvant être aussi
ample et faible V
1. [Priadpm.]
9. CeUe pent^e doit ^tra MMfMaMMent dittiag*^ de la pr*c*-
deatc, avec laquelle or a cherché k l'identifler : ici •■ effet i'eaprit
féoMétfique rontitte k embrauer an grand nombre de principe* tandi«
que tout k l'heure cVuit l'esprit de Aneue qui arait le privilège d'être
ample et large. Peut-^tre ce» deu» pent^es ne tont-elles pat de la
■'■• époque ; peut-^tre ne fkul-il voir ici qu'une aeronde divi«ton
greffée aar la première diitioction : l'eaprit de g^métrie devient le
$4M droit, et il y en a diveraeaaortea, l'une qui déduit rigonrenaemeni
1m eoMéqiMBeet d'nn muI principe, comme o« Util en phyaiqae, un
«More m alfèkre, et l'autre qui ect aveat te«t ui tfril de ayntlièie,
i|in eoMtrail dant l'aapeoe de» Sfares trèe eompliquéea, «ans ea ooa-
feadre lea ligne* : k cette daraièra Paaed réeerveraii maialeaaal k
déaomiaatioa d'eeprit de géoiaé«ne. Ajoutons qne Paeeal, ayaatpefw
fbetioaaé la géométrie des mdimiihiêi qui avait poer principe la eoa-
■idéfatâoB dee ieflaimeat peliu, avait le droit d'oppoaer la completité
de la géométrie k la simplicité relative de la phvsiqae. Pour Ini en
effet la physique ea| une science d'ohaervation : ce aoat im expériences
qui en sont les seuls et les vériublea principea, qnitle k ea saivrn las
effeu joaqn'k lears ploa loinuiaes et pins aarpreaaate* eoaaéqaaaeae,
telles qee le pemdose hjrdroetoti^Be. Avec Newtoa et Laikats, par te
SECTION l. J7
"9l 3
Ceux qui sont accoutumés à juger par le senti-
ment ne comprennent rien aux choses de raisonne-
ment, car ils veulent d'abord pénétrer dune vue ' et
ne sont point accoutumés à chercher les principes.
Et les autres, au contraire, qui sont accoutumés à
raisonner par principes, ne comprennent rien aux
choses de sentiment, y cherchant des principes et ne
pouvant voir d'une vue.
169I * 4
Géométrie, finesse. — La vraie éloquence se
découverte du calcul infinitésimal et son application aux problèmes de
la mécanique et de la physique, la physique redeviendra aussi subtile
et aussi complexe que peut l'être la géométrie. Le commentaire de
Ravaisson {PhUoêophie de Postal, lieme des Deux-Mondes, i5 mars
1887, p. 4o6) comapond plus k ce qu'on eût attendu de Pascal
qu'il re qu'il a dit réellement : « Daii« la physique déjà on a affaire à
de* réalités. Les phénomènes y dépendent d'un grand nombre de prin-
cipes différents, et de principes difficiles k saisir ; il liiui les démêler
les uns d'avec les autres, et fWire exactement dans les c«>nséquences la
part de chacun. Il ne s'agit plus ici de principes qu'on puisse appeler,
dit Pascal, gms ou grossiers, et de déductions rigides : il iaut, au lieu
de l'esprit géométrique, un esprit de finesae. »
Cf B, 3o3. C, »«3; Bas. I t i^ }■',■■ 1 •■■ M- vu i^
Mot, n, i4i; Muai., m,
I. L'evprwaioa se retrouve (lu/ Min- dant une ptir^vc Uotil l'ascal
eAt sans doatc souligné la i-niiiusioii : « Ouand elle [l'imagination]
s'accoutaflM ft eoasidérvr eea objeu tout d'une vue. ■> (De l'Esprit,
P 9« )
4
a, B , 3a3, C , 4o3, Boa , I, • >', .. i.. i-..,. 1 ... M.. \ii .,
Mot , 11, ti^; Mtea., kii
M PF.NSftKft
moqae de l'éloquence : U vraie morale se moque de
la morale. c'esUk-dire que b morale du jugement
te moque de la morale de l'esprit — qui* est Mnii
règles.
Car le jugement est celui h qui appartient le senti-
ment, comme Icr sciences appartiennent à l'esprit*:
la fmesse est Ih part du jugement, la géométrie est
celle ' de l'esprit.
Se moquer de la philosophie, c'ett vraiment phi-
losopher*.
I . Il Mt dans l« Ma» do fragmeot que la mordt a«t rlylM Mtt
relie du jugement cl non relie de l'esprit : on eel ainà WNidnl à rap-
porter, avec Havel, qui k la morale du jugement. Mai» •• wppfoeba»!
r« fragoMOt dn frayneat taiTaal, on enlrevoil nae aalra «splieatMa,
qae M. Caben a tort henreusement prf«enl^e (Soeiéli dm kmwmtàlm
frtHfoU, n« g, t^anre du 8 janvier 1896) : « r^gle veal dira aoa pas
prateripUoa » (eonaie daaa le pamge d« Méré qni cal dté daaa aotra
daraièr* aote k ce fragaïaat), « BMia aeraM, priaetpa réfvUlaar,
Arbelle, point de repère •, leporl qni «'oppaa* aa dMgltment (fr. 38»).
1^ diffirulif, signalée par M. Cahen lui ai^aie, «M qa« cette iater-
pr^lalion conviendrait bien miens à r^le au «inguliar ^*a« planai
employa iri par Pawal. A moin* d'introduire daaa le testa WM nbati-
tulion qui n'est pat autnri^^e par l'étal du mannicril, il convient
donc de t'en tenir k l'interprétation d'Havet qui aoaa lemble d'ail-
letira convenir k l'allure gfn^rale du frngaeal.
a. Cette opposition de l'esprit et dn ««alinieal aal MMifcraa aa
voeabalaire de Mér^ : m L'esprit ftiit plus de r/fletions qa« la wat»-
aiant, et d'une manière plas pnre et plus distincte, a (2>r VBtpeit
p. 43.)
3. Rtt etlle ea tnrebarge.
i. Montaigne : ■ La aaeiaa, k qui on reprocboil qu'il ftiismt pr>
I^HMoa de la pbiloaopbie, da laquelle pourunt en son iagaaieal il ne
leaoit pas grand compta, raapondii que • Cela c'estoii vmyaaiaat pht-
loaofbar a. {Apol ) — L'opposition de l'intuitioa oujtgamnU al da la
dMaetioa oa eafrh, m poarMit in et se précise : la jagaiMat ^aviaat
le aenliaiMl ^ai aat la via at la v^rit^, Undis que le rai
daas l'artiiciel a( dan* i'abalrait. Il y a dans iVloqi
^•a la rii#«onqae d'Ari««t«, daas la «HMvIa aatra dMaa ^aa Ua divi-
^F-TTION \. 19
«37I 5
Ceux qui jugent d'un ouvrage sans règle sont,
à l'égard des autres, comme ceux qui [/i*]ont [/)asf/e] '
montre à l'égard des autres. L'un dit : Il y a deux
«ions et le* paradoxe* des Stoiriens, dans la philosophie autre chose
que les syllo(panes de la tcolastique ou les théorènies du cartésia-
nisme ; et cette autre chose c'est une intuition profonde et complexe
de U réalité, le sentiment, le cœur. (Voir k ce sujet les fragments de la
Section IV, en particulier de 374 à 388.) Mén' a exprimé dans son
Discours de la Conversation une distinction toute voisine : ■ Il y a deux
sortes d'étude, l'une qui ne cherche que l'art et les règles, l'autre qui
n'y songe point du tout, et qui n'a pour but que de rencontrer par
instinct et sans réflexion, ce qui doit plaire en tous les sujets particu-
liers. S'il fallait se déclarer pour l'une des deux, ce serait à mon sens
pour la dernière, et c'est surtout par ce que l'on fait par expérience
ou par sentiment qu'on se connaît k ce qui sied le mieux. Mais l'autre
n'est pas k négliger, pourvu qu'on se souvienne toujours que ce qui
réusait vaut mieux que les règles » (I, 33). I>a Rochefoucauld écrit :
« Le bon goût vient plus du jugement que de l'esprit (Max. 358). —
On est quelquefois un sot avec de l'esprit, mais on ne l'est jamais
.tvec du jugement. » (456) — Mais il écrit aussi (97) : « On s'est
immpé lorsqu'on a cru que l'esprit et le jugement étaient deux choses
différentes : le jugement n'est que la grandeur de la lumière de
l'esprit. »
S
Cr B , 33o; C, sSi ; P. R . XXXI, 7: Bos., I. s, S; Psm , 1. sS? ;
tUv , VII, S; Mot , II, 137; Mica . 3h7
I . Le maouscril porte : ont une montre ; mais il est clair que les
deux parties de la phrase ne se corresp«tndenl plus. Nous suivons la
correction proposée par F'augère ; relie de Havet : cecur qui jugent
d'un ouvrag* par règle ne convient pas tout à fbit à la suite du frag-
ment. — Dans une note de la Revue d'histoire littéraire de la France,
(année 1898, p. 339) MM- Delatouche et Amould défendent le
texte de Pascal en le rapprochant du fragment précédent : juger sans
règles c'est juger par sentiment, et le sentiment éguiistudrait à la montre
Mais celte inter|>rétation subtile, qui est bien paradoxale en soi, n'r^l
pas non plus très p<isriilienne : au fr. 374 Pascal réclame une règle
pi>ur le senti ment.
m PCNStES.
hciHPM I aiilrr dit : Il n'y a que Iroi» quarts d'heure.
Je regarde ma montre, et je dis à l'un : Voui vous
ennuyez : et à l'autre : Le temps ne vous dure
gpière ; car il y a une heure et demie — et je me
moque de ceux qui me disent que le temps me dure
à moi. et que j'en juge par fantaisie: ils ne savent
pas que je juge par ma montre ' .
6i) 6
Comme on se gftte l'esprit, on se gâte aussi le sen-
timent.
On se forme l'esprit et le sentiment par les con-
versations, on se gâte l'esprit et le sentiment par les
conversations*. Ainsi les bonnes ou les mauvaises le
I. G«â Ml u trait putieali«r 4 Pmeêl ; il « portait tmgew» u«
■oatr* rtfe^éo à toa poigaet ga«ieb« b, et il pooTait ûmâ U eo— dlir
■MM q«« pcrteaae Mat apêrçAt. — Cette Boatr* syaiboliM ici la rèfla
qu'il conviendrait d'appliquer ani onvragaa de l'aaprit ; MaloaMat
Pascal recoaaatt ailleun que la raiaoa eat incapable de fearair aae
rèfla de ce gaare, et qu'il en hnt revenir au leatineat qai lai aiêaie
a'a pas de règle. En fîit, du reste, la montre ellenaAaie aa ■■■are
qn'na teaipt id^l, et qui nous est indifférent ; la réalité, e'aat la daréa,
loagaa avec l'aaaai et courte avec le plaisir. Cf. Berfsoa, Aaal aar
Im doaalH immêdmtm de la eimadntct, 1889, cbap. 11.
a B..411; C.SoS;?. R.. XXXI, ti; Bo. . 1. i, 16; fàm.,l, igS:
H4« , VII, 16; lIoL.. Il, i5o; Mica . iS«
s. Moataigae aTait écrit : ■ Mais eeauae aoalfa esprit «a AsrtiSe
par la ee«aiaateattoa des espriu rigoreas et raflât, il aa M paah dite
roabiea il perd et s'abaaiardit par le coatiaael eoaaMrae al l^ayiaa
latioa qae aoas avoas avaeqaas les espriu bas et aaladifk : il a'asi
coaUfioa qai s'espeade coauM ealle tt ■ (lit, 8). — Voir aa h. SS6
Tapflieaiion que hit Pascal de aa priaaiya à b saHtada ■!■■ dn
alMdliaa : • L'bomae fliii lai saal aaa eea»araaliaa taidriaata, qu'tl
iaporta de biea régler •.Corrampmit m»tm èaaos «efiofia prmm. ■
nECTIOX I. 21
forment ou le gâtent '. Il importe donc de tout de bien
savoir choisir*, pour se le former et ne le point
gâter ; et on ne peut faire ce choix, si on ne l'a déjà
formé et point gâté. Ainsi cela fait un cercle, d'où
sont bienheureux ceux qui sortent.
ai3| 7
A mesure qu'on a plus d'esprit, on trouve qu'il y
a plus d'hommes originaux; les gens du commun
ne' trouvent pas de diCTérence entre les hommes \
I . (a U faut l'êroir delà f.] Mot doute formé.
s. [Bttl Uat.]
7
Cf B,3i7; P. R, XXXI, i; Bm , l.i, i; Fam, I, i86; Hat , VII, i ;
Mot , II, i5i; MicB , &5i
3. (MMtMK.j
4. Patcal écrit dans le Discours sur les Passions de l'Amour : a A
BMttre qoe l'on a plus d'esprit, l'on trouve plus de beautés origina-
les. » Pascal, on le voit, a étendu la pensée : ce Ait sans doute un
de tes étonnements et un de ses plaisirs, lorsqu'il s'éehappa un moment
de ses travaui scientifiques ou de ses méditations religieuses, de di»-
tioguer dans le monde la diversité presque infinie des visages ou des
caraecèrw, l'origiitaliU radicale de chaque individu. Ce fut pour lui le
OMUHaat de Vbiéieidualisme, de la réaction contre la doctrine scolu-
tique des universaui et contre la généralité des lois scientifiques, où
apparaisaent dans toute leur lumière la force et l'intérêt de ce moi que
lejanséniine rend haïssable. — Comment ne pas rappeler à ce propos
que le groupe même dont Pascal faisait partie fournil la plus éclatanla
des illustrations de cette pensée ? Les solitaires de Port-Royal se con-
fondent pour le vulgaire dans l'uniformité de leur vie et dans la con-
formité de leur croyance; la critique psychologique et individualiste
d'un Sainte-Beuve rend h chacun une physionomie morale qui lui est
propre, et fait de chacun un type inoubliable: a Mon premier soin, ea
peignant Nicole, «eni de bien marquer en quoi sa physionomie est diffé-
rente de celle de nu* autre* pertonnage* ; et, eu particulier, différente
de ri>ile d'.\rnauld, dont on la considère ordinairemeol comme insé-
parable. Particulariser Nicole est le plus grand service qu'un poisse lai
rendre, «ujoard'hui qn'oa s'est habitué de loin k confondre les écri-
tl PIRttit.
•>73| •
Il y a beaucoup de personnes qui entendent le
sermon de la même manière qu'ils entendent
vêpres*.
4oi) •
Quand on veut reprendre avec utilité, et montrer
à un autre qu'il se trompe, il faut observer par quel
côté il envisage la chose, car elle est vraie ordinai-
rement de ce côté-là, et lui avouer cette vérité,
mais lui découvrir le côté par où elle est fausse. Il
se contente de cela, car il voit qu'il ne se trompait
pas, et qu'il manquait seulement à voir tous les
côtés ; or on ne se (%che pas de ne pas tout voir,
mais on ne veut pas [«']étre trompé ' : et peut-être
que cela vient de ce que naturellement l'homme
ne peut tout voir, et de ce que naturellement il ne
se peut tromper dans le côté qu'il ' envisage :
«aÏM jasténistM ^u'om eiu eacorv, dan* aae triiU iiailbcwilé et
teinte, a (Seiate-Beave, Port-Roytl, Ut. V, eUp. vu, 6« Mil. t. IV,
p. 4m)
I
a. B, S07; C, S71, Bo« , I, I, S" p.'" « »«* H». Vil II.
Moi., fl, i&S; Mica., &S9.
I . Cf. fr. 866 : « Daas mrtm» de (eu èfaleat lea clio«e« ■, et<
9
aB,S7t;C, SS7: P R.,XXIX, tS; Boa , I, it, 19; P4e« , I, tit ;
H««..Vl. s«;li«.. 1, ia4;llMi.,SU
s. (VofL)
S. L» aMBaaeril porte étrt trompé, aie» aae lec<are alteative
•ostra ^a« la aaae asige <Vlre tnmpi ; aae lattra a M amim par
PMaal M alla daii être rétablie.
SECTION I. S
comme les appréhensions des sens sont toujours
vraies
•aoi
On se persuade mieux, pour l'ordinaire, par les
raisons qu'on a soi-même trouvées, que par celles
qui sont venues dans l'esprit des autres.
Premiire Copie SyCJ tl
'Tous les grands divertissements sont dangereux
I . Pascal rappelle la doctrine elaisique suiTant laquelle la Térité
det doaaéea MOiiblea ett évidente : si les données sensibles n'étaient
pas «xaelM, avec quoi pourrait-on les contrôler ? Seulement les sens
nous induisent en erreur, parce que nous jugeons par eux non seule-
ment de re que nous voyons, mais de ce que nous avons pris l'habitude
d'associer k ce que nous voyons. Il y a donc dans notre erreur même
un fond de vérité, et une part d'illusion ; il est donc possible 1 la
fois et de raaMrar aoCre aaoïir-proprc, •■ eoaaUUnt que nous avons
bien vn eertaioM elMMea, et de eorrifcr notre erreur en attirant notre
attention anr celle* qne nona n'avions pas vnea.
a B., 3<m: C.,3S7; P. R , XXIX, s6, Bos., I, >, lo; Pàse., I, 173;
H««., VII. 10; Mot., II, I&3; Mica , 43S
Cr C, 36u, Bo* , 11. ivu. ^b, F*M, I. 129, H4* , XklV, 64, Moi ,
II. &3; Mica ,9&6.
1. BoaMtt a publié en 1779 ce fragment qu'il a trouvé daaa le*
(jopws manuscrites des papiers de Pascal. Il avait déjà été iaprimé
di it'i-H comme étant la quatre-vingt-unième et dernière Mmximê de
Mme de Sablé ; mais la publication est postbume. Eat-ce Mae de SaMé
qui avait gardé l'original de la pensée de Pascal ? ou a-t-on pris la
copie de la pensée de Mme de Sablé pour un fragment écrit sous la
dietde de Pascal ? Victor Cousin, qui a publié ce teste d'après les
ni > lie Conrart (avec d'insigniflantes variantes) s'appuie sur
I N'allant pour irancber la question en faveur de Mme de
Sabir (A/aJoflw de SaM, l845, p- 83), et il convient auaai de reaar-
tl PENStBS.
pour la vie chrétienne ; mais entre tous ceux que le
monde a inventés, il n'y en a point qui soit plus à
craindre que la comédie '. C'est une représentation
•i naturelle et si délicate des passions, qu'elle les
émeut et les fait naître dans notre cœur, et surtout
celle de l'amour ; principalement lorsqu'on [^J re-
présente fort chaste et fort honnête. Car plus il partit
innocent aux âmes innocentes, plus elles sont capa-
ipMT qa* Im édilean d« 1670 avaient laÏMé ce frsfMMl à» ébtà. P»f
tant le doute est permit ; oe fQl-ce qa« coaune citation, le Aagatnt
a M place parmi le* Peruiet de Pateat.
t . La thèM janaésiau a été mpriae par Nieola, q«i écrit •■ t666 :
■ Lin hiaenr de roman* M an poète de thMtre eat an aapoiioaaaar
publie, non daa corps, mais de» Amet des Bdèle», qui M doit ragardar
comme coupable d'une infinité d'homicides spirituels, qu'il a eaaaéa
an effet ou qu'il a pu causer par ses écrits pernicieux. Plat il a au
aoia da couTrir d'un voila d'boanétaté laa passions criaiaailaa qa'il
y éémt, plu* il les a randaaa dangaraMaa, at capablaa da larpraâdra
al da corrompra las âmes simples et innocentée. » On sait qoe cane
phraae des VUioiutairet, dirigée contre Des MaraU de Seint-Sorlin,
valut k Nicole ane réponte hautaine de Corneille daaa la préftMa
d'Attila, et proToqaa anaai la Lettre de Hacioe d ttmlêv dm HMum
imofmairu, où l'ancien élève de Port-Royal dut plut d'aaa 9ai»
rappeler k «et mahret l'auteur des Prvciiteialet. Plus urd loveqae
DoMaii eoadamnera le théâtre dans ta Lettre au Père Caffaro al dsM
•aa Maatiam ri Rijlexions sur la comédie, il enveloppera, lai aaHi,
daat cette condamnation la peinlare de la pataioa hoaaila a qai a'aa
eat que plus périUente loraqu'elle paraît plut épurée a. A la veiUe de
« aM»rt eaSa, Amauld prenant la défente de Boileaa coatre Perrault
etie ce paaaage d'un livre m imphaié il y a dit ans m at qai aet « aaeea
rare ■ : « Peut-on avoir un peu de aèle pour le taint dae àaa* qu'on
aa déplore le ami que foat dans l'eaprit d'une inSnité de peraonnea
la* raaMa*, le* eomédia* et lea opéra* ? Ce n'eal pa* qa'oa n'ait aoia
pré*aalam*Bt da a'jr riaa BMttr* qai toit gremièr*maat déaliaaaHa ;
•ai* t^mi qa'oa a'jr éladie k hira parattra l'aaMar aawM la akoaa
da aMMde la pla* ebaraaate et la pla* doaea. Il a'aa Ibal pa* davaa-
iaf« poar doaaar naa fiaada portée & ealla aalkaareaaa paariaa. a
(Lettre da 5 mai 1694)-
SECTIGTN I. «
bles d'en être touchées: sa violence plaît à notre
amour- propre, qui forme aussitôt un désir de causer
les mêmes effets, que l'on voit si bien représentés :
et Ton se fait en même temps une conscience ' fondée
sur l'honnêteté des sentiments qu'on y voit, qui
ôtent la crainte des âmes pures, qui s'imaginent que
ce n'est pas blesser la pureté, d'aimer d'un amour
qui leur semble si sage.
Ainsi l'on s'en va de la comédie le cœur si rem-
pli de toutes les beautés et de toutes les douceurs de
l'amour, et l'âme et l'esprit si persuadés de son
innocence, qu'on est tout préparé à recevoir ses
premières impressions, ou plutôt à chercher l'occa-
sion de les faire naître dans le cœur de quelqu'un,
pour recevoir les mômes plaisirs et les mômes sacri-
fices que l'on a vus si bien dépoints dans la comé-
die.
ia3| it
Scaramouche', qui ne pense qu'à une chose.
I. CoiueUnee aa Moa de ce patuge de Bourdaluue ril^ par Lillrf :
a Oo M hil aiaémeat de fcuaaes cootcteaces : on ^toufle loua lea
ranorda dn p^bé. ■
... t. ,.,.... 196; F*««.. I, 1S9: Hat., XXV, 74, Mot., i, &7;
Mica . 317.
s. Le SearMHMcàf e'aal Tiberi» Kiorelli ; il «int k Pari« en i6V> et
y reau jaaqa'aa coaneaccaicat de la Kroode, puit revint en i653 au
Petit-Bourbon (e'eat le moment où l'un peut «uppoaer que Pascal
la Til)jaaqa'«a 1669; il jouait la eomtdia deli arte dont le Docteur
t%t un peraonaaye Iraditioaael.
WtMWàM» Mt PASCAL. I — H
Il FIRttBS.
Le docteur, qui parle un quart d'heure aprèt avoir
tout dit. tant il est plein de désir de dire.
•UiJ ij
On aime à voir l'erreur, la passion de Cléobuline.
parce qu'elle ne la connaît pas : elle déplairait, si
elle n'était trompée*.
4*0) 14
Quand un discours naturel* peint une passion ou
un efTct. on trouve dans soi-mOme la vérité de ce
qu'en entend, laquelle on ne savait pas qu'elle y fût,
en sorte qu'on est porté à aimer celui qui nous Ir
fait sentir : car il ne nous a pas fait montre de son
13
a B , S65; C, Su; P4M., I. an ; U«*., XXV, 68; Moc, I, 4S ;
Mm., 75e.
I. CléobaUsa, priaoMM, pau raîa* éê Coriatbt, ifw», dit HsTtt,
ca dÎTOTt «adroitt dau Arimmkm* oa 1* Grmmd Cynm, é» MUa àe
Seadéri. Mai* oa irouTeni partirulièreaienl l'biiuiîra da M paMÏaa au
lÏTrc Mcoad de la teptiène partie. Elle est aaMaraaaa d'aa da te*
MJetB, Mynntbe, qai a'esl pat bi^om Corinthien d'origiaa ; Mais « allé
« rainait un* penser l'ainer, et elle ftot ■ longtaap* daaa eatic
« erreur, que cette affection ne ht plu* en Mmt dVtre mumtomté*
m lortqu'elle t'en aper^t ». Il hot ajontar qaa CMobaliaa paanii
poar ^tre le portrait de la reiae Cbriatiaa da 8a4da, al il a'aat pai
ddflnda da paaaar que cette particularité aurait attiré mt wa panaa-
aaga l'atlaalioa da Paical ; lui qui d^lare dan* la* l^raetaaalat a'avoir
jaaiai* In da rmana, aarait fbil aaa ascaptioa poar aaOa à ^ il écrivit
la lettre qaa l'oatait. (0|pa»calM et ftmUtt da Paaeal, 18^. p. ii 1 )
M
O B, SSS; C. Si(;P. R. XXXI. 13; Ba*., I. t. •«; F4aa., I, a&i ;
H«f , VII, i«. Moi., il. iM; Mica , S80
9. a Ja gagarais, éacil M. Draa, ^aa f >■§■■■! fcil allawoa
DtMaafa aar Im Pmritm é$ tAmmr. ■ Èimia mt I» te^irUm^
P»»fl, p. 348.
Ha
m:
SECTION I. 17
bien, mais du nôtre : et ainsi ce bienfait nous le rend
aimable, outre que cette communauté d'intelligence
que nous avons avec lui incline nécessairement le
cœur à Taimer.
i3o, 15
Eloquence qui persuade par douceur, non par
empire', en tyran, non en roi*.
«5
a. B, 3&3, C. S96; Fam , I, «58; Hat., XXV, 118 ta; Moi., Il,
i3i; Mica., iik-
I . Le commenuire de celle pensée est foomi par le paMsge tuiTint
dae Rifimim* ntr l'Art de persuader : « Personne n'ignore qu'il y ■
Atn% eatréc* par où le* opinions sont reçues dans l'âme, qui soni ses
deux principales puissances, l'enlendemenl et la Tolonté. La plus
naturelle est celle de rentendenent, car on ne devrait jamais con-
sentir qu'aux vérités éémomtrit» ; mais la plus ordinaire, quoique
contre la nature, ect Mlle de la volonté ; car tout ce qu'il y a
d'hommes sont presque toujours emportés à croire non pas par la
preuve, mais par l'agrément. Cette voie est basse, indigne et étran-
gère : aussi tout le monde la désavoue. Chacun fait profession de ne
croire et même de n'aimer que ce qu'il sait le mériter. » C'est k l'en-
t«a4eaM«l qu'appartient légitimement l'empire de la persuasion, il
est le roi ; la volooté l'uaarpe par la douceur, et exerce la tyrannie,
(^ette distiDettoa de rot «t du tjran éuit familière à Pascal. Dans
le fntgtutnt 3to, il aa doaae uae aonvelle application : par ddà
l'empire de ■ réloqnaaea M du la a douceur », il y a celui de h
Force, qui est comme un dayré aonveau d'usurpation, et qui aat
comme une tyrannie vis-è-vis de cette royauté déjà usurpée : ■ L'aut-
l>ire fondé sur l'opinion et l'imagination règne quulquu teaipa, et c«t
rmpire est doux et volontaire ; celui de la force règne toujours. Atasi
l'opinioa est eoaiaie la reine du monde, mais la force en est le tyraa. »
1. La peaaèe 16 de notre petite édition in- 16, avec laquelle aous
coaearveaa la eoaeordance, éuit un fragaieat eapraaté.è l'édition
BoMat (SoppUaieal XXVII) et reproduit par las diléreau éditeurs
Ai;o., I, 947;Hav., XXIV, 87; Mot., II, t3t ; Mica., 989).
'•hh^ RoMut n'en avait pas indiqué l'origiae ; aous l'avons retrouvée
■irtde r abbaye de Port • Hoja l par le docteur Baaoigae (U* par-
i>r, iiiii M; I IV, p. ^67), Cologne, 1761. L'aatear s'exprime aiaai
PINStlS.
k Pmmi : ■ n
•• art d« Un l« ekoMt d« t«ll« Ib^oa : >• ^a* mmt
à ^ Poa pari* Im puMtal «iteadr* Ma* paiaa •( ataa flakîr ;
** ^9'ik l'v •eotffol iptéreMé*, ra tort* qaa l'aMoai pteyi» !«• fatic
plat voleauen k j hirc réfleiioa. C'eM poarqaoi il la lu^nH aaaaiaUr
éamê WM eofTMpeadaaoc qo'oa lâcb* d'Mablir aatra l'aiprit «1 la
evar da eaas k qai l'oa parie d'ua oAli, al da l'aatra lat paaaAaa ai
lat aspraMoa* doal oa m «art : ce qai aappoM qa'oa aaia Maa iHmâU
la a«ar da lIioauM poar aa «voir toa» laa raMOfta al poar troarer
aaaaita la* jaaia* ptaportioa* da dkeoan qa'oa vaat jr aaaoHir
M. Plaaeal •• aattail k la plaça da caai qai dairaiaat raaiaadr», «I il
Maait a**aî aar «oa propr* eoar da loer qa'il doaaah à *oa dÎMoan.
poar voir si l'aa éuil fcit poar l'aalr*, el «'il poavail «'aaiatar qar
raadilaar tarait coome forcé de le rendre. Il w reaffenaait dea« Ir
pla* qa'il poovait dam le sinple aatorel ; re qui étail pelit, il ae l>-
fciaail pas graad, ce qui était graad, il ne le AiiMit pat petit ('.'
a'étail pas smcx pour lui qu'une chose fât belle : il hllait qu'i '
propre an sujet, qu'il n'y eâl rien de trop, ni rieada aaaqoe. Il ^ '
fait par ce Boven un style naïf, juste et agréabla, fert, al aalaial ; et
ce style lui éuit si propre, que dès qu'on vit parattra la* PimimeiaUs.
oa l'en jugea auteur, quelque soin qu'il eAl pris de le cacher aiéai* k sr«
proches, m — Or il n'y a pas de doute que Boaaol a'ail « arraagé >
le fragaieat du êuppUment d'après la page de Baaoifae, ea lii>
doaaaat uae forme imperaonaelle : « L'iloquêmte «il aa mri... U /mut
m mritrt à la plaet... • Il saffit de coasidérar daaa la
Mfai la fragaMal qui précède ; Daiu un iM élMi m RipMifÊH
VtKÊB» ac la fragaïaat qui suit : « L'ÉeriUvt tmadê nftH pm mm i
dr Vt$pnl. a Toa* la* trois sont reprodaiu chei Beaaat d'aprè* la
rédaelioa da Baaoifaa qui paraphrase la Vit écrit* par Madaaa
Périar. Poar ce qui concerne le passage sur i'éloqaaaee, la doctaar
Baaoigae avait trouvé la page suivante dans la Vu da Madaaia Périar.
■ Il avait une éloquence naturelle qui lui donnait oaa IheiKlé aiar
veilleuse k dire ce qu'il voulait ; mais il avait ajouté k eala da* règlaa
deat ea ae s'était pas encore avisé, et dont il se servait ai avaataf a
aaaMat, qu'il éuil maître de son style ; en sorte qo* aoa iaal*maat U
disait tout ce qu'il voulait, mais il le disait aa la amaièra qa'il voa-
lait, «t aoa diacoor* fbiaait l'affel qu'il s'était proposé. El cetia
amaièra d'écrire aalarelle, naïve et fort* ea méma laaip*, lai élail
■ prapca et si partiealièra, qv'aaaailAl qa'oa rit poialiia las Lettrm
«a prmmemi, oa rit hiaa qa'aOa* éuieni de lui, qaal^aa aaia qa'il ail
loiûoanpriada la eadier, aaéaM k ta* prêcha*, a Baaaîfaaa rachaialid
•a* rèfla* d* atyla daa* la* MJUmiom mu ttrt et P*rwadi» ; a U
paiafl da là qaa, qaoi qaa ea aait qa'oa vaaiUa paraaadar, il font >
égard k la partoaa* k qai oa aa «aal, doal il Aial eoaaaitra I
« la evar, qaais priadpa* il ■ceerda, ^aallaa ohaaaail aima ; «i i
SECTION I. »
439I 17
Les rivières sont des chemins qui marchent et
qui portent où l'on veut aller'.
^m] 18
Lorsqu'on ne sait pas la vérité d'une chose, il est
renarqaer, daju U ebow dont il s'*git, qneb rapports elle a arec les
priaeipw avonéc, ou arec Im obj«U déKeicaz par les charmes qu'on loi
doaae. De sorte qae l'art de penaaiweouute autant en celui d'amer
qu'en celai de conTainere, tant les btwea se gouvernent plus par
caprice que par raison ! • Il les réeaae, et il ajoute un passage
qoi ect oae alluiion au commentaire de F^nelon dan« la Lettrée l' Aca-
démie sar le mot d'Isocrate : m Le discours a naturellement vertu de
rendre les choMt gimade* petites et les petites grandes. »
17
Cf. B . Ms; C, 3^1 Bo. I » 3« F.tr. I ^o», H.» VII 1^ ;
Mot , II. i5i
I. Havet a retrouvé dans cette n'Hexnin un soiiveim i'
lais. Le chapitre 36 du \* livre est intitulé : « Comment r.
Atmet en Cisle d'Odet, en laquelle les chemins cheminent... l'u. - s'-
gttindans au cbema opportun, sans aultreroent se poiner ou Eau^;»rr.
se trooaojreot an lien deatiaé ; ooaao to«i Toyei ndoeBir à oeaix qui
de Lf on on Auignon et Arles se ■ettaat ea bateaa sar l« Rhmae. . . •
Pascal a-t-il «ealeieat aocé aae expreasioa qui l'a frappé ? Cela est
possible. Il est égaleaMat plaaeihle de voir daas cette ligne, avec
l'autenr aaeaf ae d'nne élude sar Poiea/ ai $*$ ftmtàet (traduit daas la
Hevue BritaiMkpé, juin l847), « ■■ aphoriaaie d'éeoaomie politiqae •
que l'on citait en .Angleterre aaiM savoir k qui on l'empruntait. Pour
nous il est surtout remarquable que cette iaaage s'adapte ezacteaMat
k la description qu'il aoas doane de l'éloquence. C'est le règae de la
• douceur » : aoas aoas abaadoaaeaa et aoos glissons k la coadasioa
voulue par l'oraiMr, iaeeMÎMaaMst, teas qu'il y ait coaaeieace d'aa
effort pénible oa attiieiai, eeaMM ■ la ehwiia avait mardié pow bow.
. XI.
Hav, tll. 17 al 17 Ki; Moc , II. 1&7
a B..loi;C.U9. P K.. \XXI. a4; Bas., I, >. 17; Psm , I, a&s :
" ,VII. •7(
m PENSftBS.
bon qu'il y ait nne erreur commune qtii fixe l'esprit
des hommes, comme, par exemple la lune, à qui
on attribue le changement des saisons, le progrès
des maladies, etc. : car la maladie principale de
l'homme est la curiosité inquiète des choses qu'il ne
peut savoir ; et il ne lui est pas si mauvais d*être
dans l'erreur, que dans cette curiosité inutile.
' La manière d'écrire d'Epictète, de Montaigne et
de Salomon de Tultie, est la plus d'usage, qui s'insi-
nue le mieux, qui demeure' [/ej plus dans la mémoire.
et qui se fait le plus citer, parce qu'elle est toute com-
posée de pensées nées sur les entretiens ordinaires
de la vie : comme, quand on parlera de la commune
erreur qui est parmi le monde que la lune est cause
de tout, on ne manquera jamais de dire que Salo-
mon de Tultie dit que, lorsqu'on ne sait pas la vérité
d'une chose, il est bon qu'il y ait une erreur com-
mune, etc., qui est la pensée de l'autre càVé *.
I. Page m dn oMaoïerii
)■ U a'aM pM dMU le mannsmi, probabiMMBt tappnaé par l«
relieur.
3. L» ■■auscrit porte U eorrcetioa : ei ilmi, fcil* mm dovU
M vaa de IVdition poelliaaM. Paeral avait dicté ^ tmlrt «6U,
c^»*'^-6in wr le recto de la page qai eoatieat aa vara» la mttmi
paragraphe du fragneat. La peat^ e«t doabla. La praiiAw rIActioa
ta lattacka k oa qoa Paaeal dit de la aiiaèra a( da l'iayiiétadte da
rkMM. (Saet. II, h. i»7. .qq ) Elle rapfdi* >«• hmfiu lUoriaa
d'Bpieara poar qai toate expliraiion ici— tiiy a« boMM ftmm
qa'alla écarta la mjth; avec U craiata raligiaaaa qai aa décoiUa ;
pow miâmM cliawar catta iaqaiétede, aa épicariea aa •'interdira pa*
d'éaaaUrar A propos d'aa aiéaM hit nae téria da tliéoriaa différaaiM
aatra allas et iaeoaipatiblee, aiai* doat l'aec«ai«latia« Ibvtiaa l'idéa
aaaaaiialla qa'aaa aipticatioa ratioaaella aat poeaiMa.
La aaeeada pcaaéa tu «m remarque da Paaeal aar ioa propre «fia ;
•a aiéaM raag ^a'tpktèta al MoMaigM, laa aduva et PMeal éum
SECTION I. il
Eé. 1678, Ck. ixii] 19
La dernière chose qu'on trouve en faisant un
ouvrage, est de savoir celle qu'il faut mettre la pre-
mière ' .
433] M
Ordre*. — Pourquoi prendrai -je plutôt à diviser
ma morale en quatre qu'en six? pourquoi établirai-
je plutôt la vertu en quatre, en deux, en un ? pour-
quoi ' en nbstine et sustine * plutôt qu'en suivre
l'art d'écrire oa piat&t (paitqo'Épictète n'a rien écrit) « de con-
férer », elle place Salomon de Tultie. Qni est ce Salomon de Tultie ?
Havet toupçonnait, k la lecture de ce fragment, qae ce pourait être
Pascal lui-même. Le pasteur Chavannes a fiit Toir que Salomon de
Tultie était en effet l'anagramme de LoaU de Montalte, pseudonyme
sous lequel avaient paru les Pnvmeiales ; c'est ce nom qui deTait lui
servir sans doute pour VApologie de la Religion chrétienne. Pascal
avait, d'ailleurs, fcfé de la même manière Amos Dettonville dont il
avait fiit l'anteor dea opuscules scientifiques qu'il piihlia xttn U fin
de 1658. (Ed. Lahure, t. III, p. 36a sqq.)
»9
Cr li.. I 1 >9. FsM.,!. iSi; H4V., VII, 39; Mot.. Il, i33.lliai..
y' ■
I . il «I pM prebaMe qn« Mtt« réfletion ait été écrite par Pascal ;
c'est un i/iavenir d« eonvorantîoa, qni aurjui ^1^ ri>riit>illi p.ir Port-
Roy «l
so
a. B.373; C, 33o, P R.,bA.X\IX 3>; Bos, I, it, 18 K.^ M
t. B ,373; t. , Sio, y. N.,Ba . \\l\ i% ; Boa
3W; Hsv . VI, iS; Mot , II, «3; Mm , ^%t
3 ' I imprime e« débat: « L«* philoaoflMaaoeroMat bé«a
An* -1 rrrmé leur ■Ofl> MNM earUiow diriaioat. »
3. i>«, aarcharfe.
k- \PwÊf%wBt.] — Ckarroa loaa • la grand philoaopha ÉpiflCèca »
d'avoir « tria bien aigniflé a laa daat foraMa da la SafaMa,
3t PENStlS.
nature\ ou* faire ses affaires pariicnU^res sans
injustice, comme Platon*, ou aulre chow? — Mais
voilà, direi-vou8, tout renfermé, en un mol. — Oui.
maia cela est inutile, si on ne l'explique : et quand
on vient à l'expliquer \ dès qu'on ouvre ce précepte
qui contient tous les autres, ils en sortent en la pre-
mière confusion que vous vouliez éviter ^ Ainsi.
prMMBt •• ému. MOU tonle lu philosophie aoralt, WMtiiM •< tk^ine,
MNMkaa Im «au, e'wt l'adTertiU ; abctieMA^m de» bt«M, «"Mt-àwlirv
ém v«l«plé« M de t* proipénié. » (D« b Statut. II, tu, 4.)
I . MoBUigae «rail ^rit : « Vmy prias, Wf ■> i'ay diel atlUar*,
bi«B napleoMat et enieaent, pour moa rafard, e« yracepla aaciaa ;
^a« « Noot ae •çaarioa» hillir A «ayrre aatare : • 9a* la ■oaTWaia
pfaeapu, c'att de < Sa eoafomer à elle » (III, xii) al « Natara aai
aa doals gaida... ia gaaila partant m pi«a : aoaa l*aveM eaafcadaa
da trace* artifldellaa ; et ea toaTaraia biaa aeadaari^aa al paripata-
tiqoe qui est n rivre selon ieelle » derient k eatta eaaaa tfflcilc k
borner et à eipliquer. ■ (III, i3.) — Dans le Saeaad Livra de U
Sajmr, CiMrroB intitule na parBgrapba(la MfliAaM da eh. m). Faai
•aiar» aalorr dont il fait la 9rnM H numiieOê prWkaMJe : a Voilà
pourquoi U doctrine de tons las lagaa porte qae biea «ivre, e*eM «ivre
selon nature, que le souveraia biea en ce aronde e'aal eaaaaatir ji
nature, qu'en suivant nature ooaiaM guide et maitreaae, l'oa aa fbadni
jaaais. • Et il cite Sénèqae daat la Pri/«t* da la Saywf. oà il écrit :
m Seivre nature, celni^i a grande élaadaa, al prea^aa iaal Mfllraii. ■
9. Ou, ■ttrelwrga.
S. Faraiala eaipraat^ k Moataigae, III, g : « N'y daadire Platon,
qai eatime la plas bearaaaa ooeapatioa h ebaaeaa, fcira «as partira-
lier* affaires saas iaiaatioe. » Ce qai raavoia k ee paMaga d'aaa lettre
attribaée k Platon (lettre I\ k \rch,rtaa, 357, laè/ae): • ^ae aa aaii
le plat agréable dans la vie, de faire se* propret aCairaa, Mftaal ^aaad
il s'agit d'aairapritat eewe lea tieaaaa, e'esl ae fae prea^ae taal le
monde reooaaail. a
5. MoaUigaa avait daas aa aalra ardre d'epplieeliea dl»elepp<
■ae pensée aaaiogae : • Cet iagaaaaU aaivaraala, ^ae ie vaais
ti ordiaairea, ae dtaeat rîea ; ae aaat gaau qai aalaaal teal an
paapla ea foala et ea troepe : eeai qai ea oat vraye eagaoiasance, Ir
aaKieal 1 reiafqaeal eewaieBual al patticaliereoMal { ■at'> ■••><-
I eatrepwaae : d'aà i'ay vaa, plat taaiaal ^tM laai
SECTION I. .11
ijuand' ils sont tous renfermés en un, ils y sont ca-
chés et inutiles, comme en un coffre, et ne parais-
sent jamais qu'en leur confusion naturelle. La na-
ture les a tous établis sans renfermer l'un en l'autre'.
4371 ai
La nature a mis toutes ses vérités chacune en soi-
même : notre art les renferme les unes dans les
autres, mais cela n'est pas naturel : chacune tient sa
place.
43i| as
Qu'on ne dise pas que je n'ai rien dit de nouveau ':
la disposition des matières est nouvelle ; quand on
joue à la paume, c'est une même balle dont joue
l'un et l'autre, mais l'un la place mieux ^
Mtveair que le« ctpriu foitlf—t foadcs, voulants faire les iaifenienx
k remarquer en la lecture de q«elq«e ouvrage le poinct de la beauté,
arresteni leur admiration, d'un si mauvais chois, qu'au lieu de nous
apprendre l'excellence de l'auteur, ils nous apprennent leur propre
igmmaen. » (III, vin.)
I. Quûitd, en surcharge.
•3. Addition de Port-Royal : ■ Ainsi toutaa c«a divisions et ces mots
n'ont guères d'autre utilité que d'aider la mémoire et de servir
d'adreue pour prouver ce qu'ils renferment. »
a B , 373, C , ii;. bo« , i, II, ir.. t-«v« , il, iéé, H4« M ^ > '
Mot , I, 137: Mica, 70S
%*
es B. 377:0, U6; P. R. ail.. XXI\. 10; Bo* I 1... K. I ,
H»v., iil, g; Mes , I, »; Misa , 71I.
3. (t'ordr* aat.]
V Pascal a lui-méne donné la oomaMataire de ce fragment dans
»e* Réfleiions sur VArt dt Penaadtr : • Je voudrais daaMader h de*
Il PENSÉES.
J'aimerais aoUnt qu'on me dit que je me nia
servi des mois anciens. Et comme si les méinea
panaées ne formaient pas un autre corps de discours,
par une' disposition différente, aussi bien que lea
mêmes mots forment d'autres pensées par leur diffé-
rente disposition !
"51 «3
Les mots diversement rangés font un di\(Ts smn.
et lea sens diversement rangés font différents cflets*.
parwMiBM ^uiUblM* «• priaeif: La ■■tièw aM <!•■• iw« iaflayaciti
natarellc iariaeibla da pauar, at ealai-«i : Ja pawa, éame ja màê,
•oat aa afiM lat lêwai daat l'aiprit da Daaeanaa «t dau l'eiprit da
aaiat Aagaada ^m a dit la aéaM ekoM doaaa aaaU ant aaparavaat...
Tel dira one ehoM da aoi MÉMa MM aa eoaipfaadfa Tasealtoaca, oè
an antre comprendra aoa «nia aiattaillaaaa da BeBii^aaaBaa ^ aoM
font dire hardiment que re n'eft pin* le mimm mot, al ^Sl m» la doit
non plus à relui d'où il l'a apprit, qu'un arbra adaitrabla a*appaftia»dra
pas à celui qui en aorait jald la aaaiaaca, taB* y pauar al mm la eo»-
■atlra, dan* une tarra aboadaaia ^ aa aarait proilé da la aortapar
M prepta fertilité. La* mImm paMdM poMMal ^aal^Mlbia loM
aatNMaat dan* un aatra qaa daM law aataar : iafeftilM daM iaar
champ naturel, aboadaaiM élaat traaaplaatdM. ■ — Moauigaa avail
déjà dit : « Qu'on aa •'attaade pa« aai aMtiarM, Bui» k la fcfoa ^«a
i'jr donne : qu'on reojre, en ce que i'enpmala, ■ i'aj aaaB ekoiàr da
^aoy rahaul*er oa aaooarir proprcmeat l'iavaatioa, ^aî viaM toaaioar*
de Moy ; car ie foy* dire aax aahraa, aoa k bm laaia, bmU k bm
Mtta. » (II, lo.)
t. [ilBir«.|
•S
a B., 4oS; C . S8>; P4na., I, sSi; Bav., IXV. itS; Mai , I, 19; .
Mica., 47*.
s. « Oat qai aat i'aaprit de diacarBaaaat «avaat eoaibiaa il y a
de diféraace eatra deai bkK* «•■MbUm, mIob la* liaax al Im cir>
eeaaiaaeM qai 1m acooaapagaaBt. a (D* fArt de pamadar). — Lt
laagM AsafâiM fb«niit bm adiia d'asaaaplM feaiiliara A Tappai da cm
obaarrattoM : talla la difféfaaea aaua $rmà ktmmê al
SECTION I. as
Langage. — Il ne faut point détourner l'esprit
ailleurs, sinon pour le délasser, mais dans le temps
où cela est à propos, le délasser quand il le faut, et
non autrement: car qui délasse hors de propos, il
lasse ; et qui lasse hors de propos délasse, car on
quitte tout là; tant la malice de la concupiscence'
se plaît à faire tout le contraire de ce qu'on * veut
obtenir de nous sans nous donner du plaisir qui
est la monnaie pour laquelle nous donnons tout ce
qu'on veut*.
yûlÊitt kommt «C hommegalant, etc. D'autre part des idées comme celle*
A'originaliti, de $implieUé, de malice, donnent lieu k des interpré-
Utioos toate* dilérestes MUTint le toor de U phraie : C'est un artitU
«rigmal om et n'ê$t f a'iM original, etc. Cf. fr. 5o.
a. B, 3So:C.. 3&o; P R, XXU, 36; Boa, I, i, 3o; PaM , I. a&9 ;
Ha?.. VII, 3o; Moi . Il, ti3. Mien , 710
I ■ La malice d« la coacapiacMMe Ml «ipliq«4« par PMeal Ini-
méme : « Diea arait éuMi eM ordre mrsatoral (^«îiiirr onoiil de co»-
naitre et de n'entrer imtia wirUi fw p«r fa dUnfi] et to«t oootfaire h
l'ordre qû devait être aatarel an« hoaaMS dans lea cfcoaet — tareileii
lu o«t nfummaitm eorroapn cet ordre en fciaaat dea elloeea ptefcaee
ce qu'ils devaieM Ihira daa choaee satatM, parée qu'en elét mmm ae
rroyon* pree^— ^M ee qai aom platt. a RêfUxioni mr fAri dt per-
tumUr.
>. (JVoaa dHM»ia.|
3. Souvenir d'Epiclèta. « Lors donc qa'il y a «ae aioaaaie ^ eoa-
vieal à l'un, el une antre qai eoavieat k un antre, qaieon^ae lear
friiiate cette BKwnaie-là obtieat d'ent ce qu'ils Tendent. Un pro-
consal volear est vena daaa la proviaee ; qaalle ■oaaaie lai UhÂhA ?
de l'argent; aMBtre-l«i-ea «fteafOffteeaécfcaafeee^aetavaasa, «le.
DU$ , III. III, 1 1
16 PK!f!;ÊES.
4M) «s
Éloquence. — Il faut de l'agréable et du réel ; m.ii«
il faut que cet agréable soit' lui-même pris du vrai'.
l4>| 9ê
L'éloquence est une peinture de la pensée ' : et ainsi,
ceux qui. après avoir peint, ajoutent encore, font un
tableau au lieu d'un portrait \
•5
C B.,97o:C., S>7;P. B , IXXI, 3(; Bm , I. i. 97: FâM . I. 1I7:
Ha«., Vil, 17; Woi.. n, iSi; Mk»., SS6
I. [AmÊti rM.)
1. G'mi «aeort ce qu'explique Pascal daa* VArt éê p$rmadtr. Il
y a dau porta» par oà péaAcraat « le« qualité* daa eboiM faa aoM
daroaa panoadar w, l'aataadaoïent qui aperçoit laa
aéeewairei, la volonté qui t» porte ver* les objati 4m ■etra 1
ttoa. Or « celles qui ont cette liaiion toat aawbla, al avae laa véfilia
avoaéaa, et avec lea déairs da e»ar, aoat ai sAra* de lear aBet, quSl
a'y a rien qui le «oit davaalafe daaa la nature >. Cf. Méré : « La
vérité quand elle parle est loujoun éloquente. • (£)e l'BiftU, p. 64.
— Fonteaelte dira rinverte et il déduit aiati la aiaiidr*: ■ SaloaaMN,
il a'v a paa jaaqa'aox vériléa à qui l'agréMaat ae toit adaaaaaire a
^EiUrrlirni tnr la nliiralUf tlf* iMtnAft nromior «/iir).
Cf. B.. 34): C , iftS; Bo. . nw>/.. 17; P*m , I, sfc?; Ha« . lUV,
87 tù; Mot .11. iSs.Mica.. J&J.
S. ■ Cctta paiatore aMeeadaieta, aoa taat pardattarité da la aMia,
oaaaN poar avoir l'obiact plas vtsvaaaat aaipraiael aa l'ame. Gallaa
parla iiaiplaaMat, parce qu'il ooacaoit «aiplaaiaau » (Mont. III. 5.)
k- llavet a rapproché de c« fragaieat an pavage du Duecmrt
dt la CoanrrMlioN de Méré : • On compara aoaveat l'éltiqucnre k la
paialara ; al ja croit que la plupart des ciiOMt qai se di«eat dans la
aiaada soat coaiac auuni de petits portraits, qa'oa rofaide h part al
aaas rapport, et qui n'ont riaa k sa daiaadar. Oo a'a pas le Msps
da Aiira da «m |iaada laUaaas oi la ptiawpala baaaU sa iirtu ••
SECTION I. 37
"71 «7
' Miscellan. Langage. — Ceux qui font les antithèses
en forçant les mots font comme ceux qui font de
fausses fenêtres pour la symétrie : leur règle n'est pas
de parler juste, mais défaire des figures justes ^
ia5| aS
Symétrie, en ce qu'on voit d'une vue, fondée sur
cela qa« toutes les lignes qu'on y remarque se trouTent dans une
juste proportion. » (P. aa.) CF. Ditcourt de l'Éloquence et de l'En-
tretien, p. ti5. Si Pascal se sert des mêmes mots, c'est pour une
pensée toute diff^'-rente. Le tableau n'est plus un ensemble, par opposi-
tion au portrait d«^tacb^ ; le tableau désigne la scène arrangée en vue
de l'effet ettérieur, l'œuvre artificielle et d'imagination, par opposition
au portrait qui essaie d'exprimer la nature interne du modèle : on dirait
qu'on a de part et d'autre le souvenir d'une même conversation, mais
qui a germé différemment dans l'esprit des interlocuteurs. — Pascal
retrouve ainsi ce que disait Montaigne : « De vray, toute cette belle
peinture s'efface par le lustre d'une vérité simple et naïve, a (I, aS.)
«7
a B , 3S«: C. >88; P R , XXXI, So; Boa , I, s, ss; F/im., I, aio
II«* , VII, ss; Moi . II, i3S; Mica., 3i6.
I. En tête quelque* mots rayés: [illai^... toa/oora vaioa.)
a. Pascal se souvient ici du Père Noél et de l'antithèse qui formait
le titre de ton écrit contre lui : Le Plein du Vide. Dans la lettre de
M. Pascal le père au P. Noël, cette antithèse est longuement eia-
■iaée et elle est condamnée de par les règles propres à l'antithèse.
Dans la lettre qu'il adresse k M. le Pailleur, Pascal lui-même parla
« de ces antithèses opposées avec tant de justesse qu'il est ais4 de
voir qu'il s'est bien plus étudié à readre sas tenaes contraires les aas
aui autres, que confomes k la raisoa et à la vérité a.
tt
a B . S&«. c . loS: Fàio . I. >Co Hâ* . XXV. 76: Mot . II. iSfi ;
Mica , Zi»
Il PINSÉIS.
oe qu'il n'y a pas de raison de faire autrement '. et
fondée aussi sur la figure de l'homnic, d'où il arrive
qu'on ne veut la symétrie qu'en largeur, non en hau-
teur ni profondeur*.
4*7) •«
' Quand on voit le style naturel, on est tout étonné
et ravi, car on s'attendait de voir un auteur, et on
trouve un homme. Au Ueu * que ceux qui ont le goût
hon et qui en voyant un Uvre croient trouver un
homme, sont tout surpris de trouver un auteur : Plus
poetice quam humane locutus es''. Ceux-là honorent
I. C'Ml MM ocUe furiae négative que leprùic^ dt$y
dait daa* la Kiaaccet qne Paacal l'ioToque, coane ava '
■M», poar iMidarU roUod d'équilibre : ■ ToalM cllowtdui^
•• r«po*, paie* qn'il n'y a pa> plus de raison, po»ffoi ï'uul
qne l'autre. » Traité i* ViqaiIJAr* <U$ liqumtn, ek. it. Cf. Cootorat,
la Logiqtu de Leibiùz, 1901, p. 337.
a. Il y a là un eaaai intéreatanl d'eiplication paycbolofi^n*. C'ait
pe«r l'ail, «t dan* les limitas da notra boriaoa visnal, qna mnm weliar
ehoM la qnaétrie, et noaa b votilona swlont an laifvar paret qaa
«*«! !• MM oA Im Iwm ■■! ■!■■■ aoBt vpaétnqMa.
a B., S71 ; C , Ss8; P. R.. XXII, SS; Bas , I, 1. »8; Pâaa., I, s4y
lU*., VU, té; Moi , II. i34; Mica . 701.
S. L,aa Qopm ^jontant la titra StjU.
5. a T« as parlé •■ poèta pIntAt qu'an bunnie ■ {Jk^tinm», ^i> i.f.
DiaoMn d» iê Cmtftrmtim, p. 67 : « Ja disais k qaalqa'aa iMt savant
^•II parlait an aataar. — Eb qnoi, asa répoadit ont Im«mm, •• la
aai»>ja pas ? — Voos aa l'étaa qaa trop, fépoadia ja aa riaat, ai voaa
imim baaaeoap aûaas 4a parlar aa |alaat lieainia. a Et Sainie-Banve,
éam m» PmirÊita UtUrwirm, nila aaa télaiiaa 4a Méré sur Virgile
^ a éeriTait plataa paèla qu'an galant hoauna •■
SECTION 1. 39
bien la nature, qui lui apprennent qu'elle peut parler
de tout ci iiu*me de théologie'.
la) 30
[Qu'on voie les discours de la a', 4* et 5* dn Jan-
séniste; cela est haut et sérieux'.
Je hais également le bouffon ^ et l'enflé] : on ne
ferait son ami de l'un ni de l'autre.
On ne consulte que roreille\ parce qu'on manque
I. Mont., III, V : c Si i'estois do mestier, ie oaturaliwrois l'art,
■atant coome il* artiaiiient la nator«. » Cette thèse arait déjà été
•ppliqoée à la théologie par Bsbae dans le SceraU ehrétUn : a Ce
a'Mt fmt Mtet de saroir la tbéolofM pour écrire de la théologie. »
Diaeoara X, ef. patsim. Il resuit i mettre la théorie en pratique, et
c'eM ce qu'avait fait l'auteur des ProvineiaU$.
a B , 354; C, 3io; Fam., I, a«i ; Hat., XXIV, 94 •« XXV, i33 ;
Mot , II, iiS; Mica., a3.
9. Ce fragment est fkit de notes, daatioées vraiiemblableaent à la
omiimt Provinciale. Pascal derait s'y défendre d'avoir tourné Ut eho$*$
êainlti en raillerie : il invoque les passages de ses premièraa ProMO-
àalea oà tout d'an coap aor 1« foad 4« eoaédie se déuche l'éloqaaaM
graTC do Janséniste.
3. Voir daas la oiuikm* Prommiaiê la eoaëaaiaatioa de « l'esprit
de booffonaerie > qae Paaeal reproche à aea adreraaires — conne ils le
reprochaient k lui-même : La Première réponse aux Janiiniite* les traite
de « petits bouffons • ; le récit do • Secrétaire de Port-Royal » est
one c narratÏTe digne d'un brceur poor rendre les Jésaitas ridieolea
auprès des espriu de son calibre par des fbçoaa d« répondra, niaises
et badines, qoi sont le pins bano da tm tfalof— poérik ■ (Asewif
de tôsS. p. tS).
4- A la Sa dv fUeii et la fnmdê «apIriMM da VÉqaUikre det
ligueuri, Pascal parla daa caaaaa imafinniras qna las boaaos « ont
eipnmépt par des noas spéei— « ^n rampltasnnl las oraillas ot non
pas l'esprit. » (CBnrtt de Pntai, 4d. Labnra, t. IV, p. t46).
40 PENSftBS.
de cœur' : la rè^ est rhonnèleté. Poète 6t non kioii-
néte homme*.
[Après ma 8*. je croyais avoir auex répondu'.]
Beauté d'omission, de jugement.
Toutes les fausaes beautés que nous blAmont en
Cicdron ont des admirateurs, et en grand nombre".
1. Cf. ftaga«at 196 : « Le» ^aa iMB^a**! éê Mrar ; m
ferail pM toa ani. »
%. « CoaiaM «'il a'Hm'ti défendu d'être blaapliéaataar a*
^■'•n proM. m XI* Procine. — Cf. h. 38, h aoU at «alla da ftagawal
pr^cMenl.
3. N'oie contemporaine de la onxt^M^ Pnmneiah. Pascal rcprtad en
effet dan* la douzième, pour réftiter le* ■ chicaae* ■ da M* advafaairM,
la* Mgau qa'il avait traité* daas la tiaukm», daaa k Mplilwt, daa* b
luùûkmt : MBoaie*, aswaa, railitatioaa. Oa rMiwiTa eut» h ê»-
$gptiimê Pnmmeial» l'wprwiioa : « Ma yiiaiièan laltra j avak aaiat
rÂpoada. »
31
a. B.. S84: C , 344; Boa.. I, 1. S6; F^va . I. «S4: H** . Vil. 3S 1
Mm, II. iSS; Micb., 7S9.
4. Ca «eas déiifaa ici MtMMaigBt (Cf . huau 11, s; 11, xm > 1
aaaare MérA avae qai Paaeal «'aeeecdait poar blâawr ea Ci< .
ce qui dépa*ae la iiaiple et pure nature, tout ce qui a'aat que pour
la pompe et l'^lat. Il* avaient contcienre que la déliealaiaa 4a laar
foil éUtt aa eoairadicttoB avec la culture de la « rMcoriqaa m doal
la* réfaau da eolMfa, laa prMicateura ea ebaira «C la* avoeau aa
ParteaMat flMaiaal alon aa n Auaaga aba*. Méréiarit poar m pan :
■ Je raaarqaa aaa« qam laa §tm» da eofaaaa, biaa^'ib laiit da la
Goar, aoat paraaadda qaa la plaa giaada bsarté da l'AlofMaec «aa-
■ïMa aa eat AiatMa panirae q«a laa paiaoaaaa da boa foèl aa paatiat
•oaffrir. » (CEaa. Poêtk , p. i36.) Plu* loin il raproebara 4 Cicéroa
dt « t'esplîqaar toajoart ea boama da lattraa • et de a'avoir poiat ta
• juger partout du jaita rapport qai aa doit trouver eatre la p«a*^
al l'cspratmoa » (p. 171) ; il aigaalara daa pbraaa* « qai «eateat la
aiMW élayaa. ■ (Dbraan à» la arai« HmnlMi. I, p. 96.) L'et-
aiawina ai^va da liHna baaatia aa tra«*a daa» aaa lattea : ■ Laa
SECTION I. 41
•'»9l 3a
Il y a un certain modèle d'agrément et de beauté
qui consiste en un certain rapport entre notre nature,
faible ou forte, telle qu'elle est, et la cbose qui nous
plaît.
Tout ce qui est formé sur ce modèle nous agrée :
soit maison, chanson, discours, vers, prose, femme,
oiseaux, rivières, arbres, chambres, habits, etc. Tout
ce qui n'est point fait sur ce modèle déplaît à ceux
qui ont le goût bon '.
Et, comme il y a un rapport parfait entre une
chanson et une maison qui sont fautes sur ce bon
modèle, parce qu'elles ressemblent à ce modèle unique
quoique chacune selon son genre, il y a de même un
rapport parfait entre les choses faites sur le mauvais
modèle. Ce n est pas que le mauvais modèle soit
unique, car il y en a une infmité' ; mais chaque mau-
vais sonnet, par exemple, sur quelque faux modèle
bcaiit^^ d'^iat en hit de parole* loot poor l'ordinaire de fki
beauté qui n'onl que la preaièr* rae. » (OBn. Poilk., II, s).
3«
a. B , 343; C , >o6; P R-, IXXI. 3i ; Bm., 1, i, sA; Pam., 1, s66;
H4* , VII, >4; Mot , II, i3>; Mica , 3i8.
I . M. Collet a ngaalé ce paaeage de Mété d«M ••• CmMnttknê
avec U maréchal de CUrambauU. « Il «erait 4 dé«îrer de Aiire an lorte
qu'il eèt I* goAt bon, car si je me reux etpliquer, il hnt bien que je
■ne tcrm 6a «a mot dont tant de ^ns abaaent. • Ailleur* Méré aaaî-
Btle le hom goût k ce que Paical appelle le Mntinient : « La bon goét
M fonde UMgoar* wr dea raiaona Irèt aolidoa, aais l« plu MHivmt
MM raiaoaanr. a (I, 85.)
a Cf. h. 4o8: c La mal est aM, il jr en a «ne infinité. •
M PASCAL. I <— 13
41 PBNStlS.
qu'il soit fait, ressemble parfàilameol à une feminc
vêtue sur ce inodMc.
Rien ne fait mieux entendre combien un (aux sonnet
est ridicule que d'en considérer la nature et le modèle,
ei de s'imaginer ensuite une femme oa une maison
faite sur ce modèle-là ' .
••«9) 3»
Beauté* poétUjue. — Comme on dit beaaté' poé-
tique, on devrait aussi dire beauté géométrique et
beauté médicinale : mais on ne le dit pas • • !^ • ■• m
en est qu'on sait bien quel est l'objet de i.i .^
et qu'il consiste en preuves, et quel est l'objet de la
médecine, et qu'il consiste en la guérison : mais on
ne sait pas^ en quoi consiste l'agrément, qui <>t
l'objet de la poésie. On ne sait ce que c'est que ce
modèle naturel* qu'il faut imiter ; et, à faute de cette
I . ■ Qaand le* daiMt Tcnlent parattre eoaaa è l'esTÎ d«M mm
grande «Meablée, voa* Mvex qu'elles •'■jaateat poar plaire plntAl
^•e pour f blottir... Puisque j'en tait venu là, je troav* ^«a Véi»'
^pascc qui pense bien et qui s'eiprime mal «st à pM prêt eoaas
■M balk teaa* màk ajutéa o« dav u habit adglifé, «C ^m «tU»
q«i se fbit pM eoMÎdértr da «M d« l'aaprit, wêù» fù m mit ém
langage adroitement, représente une fcmnM i4dioM— — t belle,
sais qu'on tronre toujours ajastée, ou tos^owa p«id«, «1 w grand
soin ne hit pas qu'on en soit ebarmé. a (Mdrd, Cmmtrmlmiâf
p. iM.)
33
a B . S&i: C , flo?; P R , XXXI, Si; Bae., I, t, t»; Pana., I, >M;
H4* . VII, *i, Mm. , 11. iM; Utcm., St^.
s. |rar (laoffaoe.l
3. jtea^aae.)
4. |Ai«aal.|
5. [Om ratr4mmL\
6. [àuqmi U Itat]
SECTION I. tt
connaissance, on a invente de certains termes bizarres :
« siècle d'or, merveille de nos jours, fatal », etc. ; et
on appelle ce jargon beauté poétique'.
Mais qui s'imaginera une femme sur ce modèle-là,
qui consiste à dire de petites choses avec de grands
mots, verra ane jolie damoi selle toute pleine de
miroirs et de chaînes', dont il rira, parce qu'on sait
mieux en quoi consiste l'agrément d'une femme que
l'agrément des vers. Mais ceux qui ne s'y connaîtraient
pas l'admireraient en cet équipage ; et il y a bien des
vilbges où on la prendrait pour la reine ; et c'est
pourquoi nous appelons les sonnets faits sur ce
modèle-là les reines de village'.
I . « Cic^ron • cm et quelques autres SYSOt Cicéron qu'en chaque
langue les Poètes araient une langue à part, séparée et distincte de
la vulgaire Et quand tout le monde serait capable de ce jargon, je
crois avoir déjîk dit qu'il n'a lieu que dans la licence de la raillerie. »
(Baixac, Dissertation à M. Conrart.) Balnc cite * l'appui de ses re-
flétions de* exemples tels que : des raitoat aiuti fortes que le* Armet
qui of^irnt f(é fortjéet [Mr Vuleain; les cjprH da Parnasse et Us Aigles
(if - lia cherché des eiemples plus simples, et qui paniisasent
eiiij Malherbe.
a. La pvaaé* de BaUac et de Pascal a éié reprise, oomae le reaer-
que Saiate-Beeve, par Moatesqoiea : c Ce sont ici les poècee, e'eal-è-
dire les auteurs dont le adtiar est da aMUre dea eatiavea aa boa seas,
et d'aeeabler la raisoa soas lea agréaeatt, eoaaM oa easevelisaait
autrefois les Hoaiaee sons leurs parures et leurs onieaeats » {Lettres
Persanes, 187).
3. Baixac avait déjà dit, en parlant des paraphrases fcaiilières aui
traducteurs des apètrea : « Ne peasex pas leur hire plaisir, de leur
prêter si libéfala»eat, et sans qu'ils ea aient besoin, vos épitbètes et
vos méupliorae ; da la* eluryer de votre alefainie et de voe diamaats
de verra, oa si voas voalea que j'en parie plus aetlaaMMt, de votre
bon or et de vos perles orieaUles. Cet oraeaieBU les ddakoaoraat, eaa
faveurs las désobligeât. Vous paaaaa les parar poar la eoar et paar
les jours de oéréaMmia, a( votu lea eadîac eeaiae des aMriéas d«
village sons vos aftqoeCs al aeaa vaa bgoas. Voaa voules leur readre
a FBNStlS.
«»9l 34
On ne passe point dan» le monde pour se connaî-
tre en vers si l'on n'a mis l'enseigne de poète, de
mathématicien, etc. '. Mais les gens universels ne veu-
lent point d'enseigne, et ne mettent guère de difTé-
renée entre le métier de poète et celui de brodeur.
Les gens universels ne sont appelés ni poètes, ni
géomètres, etc. : mais ils sont tout cela, et juges de
tous ceux-là. On ne les devine point. Ils parleront
de ce qu'on parlait quand ils sont entrés. On ne
s'aperçoit point en eux d'une qualité plutôt que
d'une autre, hors de la nécessité de la mettre en
usage ; mais alors on s'en souvient, car il est égale-
ment de ce caractère qu'on ne dise point d'eux qu'ils
parlent bien, quand il n'est pas question du langage,
et qu'on dise d'eux qu'ils parlent bien, quand il en
est question.
le TÏMge plut agréable, et vous leur ealevet U eorar. » (JSœtÊlâ tktà-
lien. dite. VU.) Pascal devait, cobbm avait co— — eé ém lUrt BalaM
Itn-oiAaa, appliqaOT ew priadpw k déaM>atr«r l'aatkcatieilé éê l'Eeti»
t«r« sainte. Cf. fr. 797 et taiv.
34
a. B. iik; C, 198; P R . X\l\. th, Bm. I, a, 18; F^aa., 1,1(7;
H«v., VI, 16; Mot , I, ijo; Mica , 5So
I . Nicole reproduit et eowfMf et fragaasl daaa la Trmté ai
la ^imnU tt dg l'amoar-proprt, dMp. ti : L'komêMé tt la «kariti aaai
UoigmnU é» l'^fftetatim. D'autre part, cobmm la rawai^aa Havat,
La Bmjrèrc s'est «Mvaaa de oee espreseinaa daas la mtteùre da
Cydiai, qui parait biea être le portrait de Poataaaile : a Ascagaa aal
•tataaira... et CjrdiaSf bal aiprit, o'aat m piafcwioa. Il a aaa
aaaaif a a, etc. (Oe le SttUti al d^ la Ca«a<fillaa. ■• 76), et daM
la earaelàrv d'EarjrpjrU : a Je aai»a Bwypf la, at vaat éitas : C'aM
M M aifprit... qaaila aat sm aaaaifaa? a (DmjaftmmU, ■* so).
I
SECTION I. 45
C'est donc une fausse louange qu'on donne à un
homme quand on dit de lui, lorsqu'il entre, qu'il
est fort habile en poésie : et c'est une mauvaise
marque quand on n'a pas recours à un homme
quand il s'agit déjuger de quelques vers'.
Il faut qu on n en puisse [rfire]*, ni : il est mathé-
malicien, ni prédicateur, ni éloquent, mais il est
honnête homme' ; cette qualité universelle me
I. « M. Collet a juMemeni rapprocha ces fragments de dÏTers pas-
sages du cheralier de M>^r<^ : « La gaerre est le plus beau métier du
monde, il en Biut demeurer d'accord; mais, à le bien prendre, un
honnête homme n'a point de métier. Quoiqu'il sache parfaitement
une cboM, et que même il soit obligé d'y passer sa rie, il me semble
que sa ■■■ière d'ag^ir ni son entretien ne le font point remarquer »
(tome I, p. 190). Et ailleurs (tome II, p. 80): « C'est un malheur
aux honnêtes gens d'être pris k leur mine pour des gens de métier, et
quand on a cette disgrâce, il s'en fiiut défaire k quelque prix que ce
soit. » Le fbod de ces idées se trouve déjà dans Montaigne, partics-
lièrement au chapitre </« l'institution de$ Bn/oMt» (1, aS): ■ Or aoas
qui cherchons icy, au rebours, de fanner, non an graBoiairien oa
I<>i;h ien, mais un gentilhomme •, etc. Et ailleurs: « Les paiiMiis
&iœ(>le» sont bonnestea gents, et bonnettes gents les philosophes, m
(1, 54) Sole et Hmet. — Cf. liv. 111, cb. ix: « On dit bien vray,
qu'un honneate homme, c'est un bomose mealé. » MetU, pour Mon-
uigne, veut dire qui sait se mêler à UNtt lea aoMles, par opposition
aat eoartiaaM qui «e savent parler « qu'aux boMMes de le«r aorte
et det ohoew de b eoor a.
SS
Cr B.. 367; C , 3>3; Paee., 1, «58: Bav . VI, iS i<r; Mot., I, 119;
MtcM, ^k^.
3 . Le muti a'eM pea deas la rédaction écrite soos la dictée de Paaeal.
3. ■ Ce a'eat doae pas aa aétier qae d'être boaaéte
(Méré, Diâtoan dt k tÊttit Hc$miUti, p. 3.)
U PBRStBS.
plaît »eulc'. Quand en voyant un homme on le
souvient de son livre, c'est mauvais signe ; je
voudrais qu'on no s'aperçt'^t d'aucune qualité que
par la rencontre et l'occasion d'en user — Ne quid
nirnU — de peur qu'une qualil<^ ne l'emporte, et ne
iasse baptiser; qu'on ne songe point qu'il parle bien,
sinon quand il s'agit de bien parler : mais qu'on y
songe alors*.
••I
3«
L'homme est plein de besoins : il n'aime que ceux
qui peuvent les remplir tous. C'est un l)on mathé-
maticien, dira-t-on\ — Mais je n'ai que faire de ma-
thématiques : il me prendrait pour une proposition.
— C'est un bon guerrier. — 11 me prendrait pour
une place assiégée. 11 faut donc un honncMe homme
qui puisse s'accommoder à tous mes besoins géné-
ralement.
I. Mont., II, xTii : « MaU Ut bellat •■••, c« iobi Im «bm ■■ivcr-
mUm, oarettet, et Justes à tout ; tiaoa iaatraitas, ■■ mmm» iailnii-
tables. »
s. A nipproeber oe jngeaeat de MérA : « C'est être sevut ^«e
d'sToir beeaeo«p de leetore... Ma» dédire des boases ehosee sar
loal ee qui se préseate et de les dire agréableaieni..., l'esprit ae
paat aller plus loia, et c'est le cbef-d'otavni <lf> tSnii>lliir>>or<, ■
Dmaan de la eomoenation, CBwfres, page 77
36
a. B.3&4;C., 309; Bot., 1, a,
Mec, I, ii4; Mtioa., si.
S. Disas le Diiomn dt VBtprit. M-
qa'aa liea de s'edreseer k qaelqe'nn qn
aul, il* nni recoars aas aMÎllears NMtbri
eatreteair qae de Sgaras et de aoabre*
« de oe
en et le
ni
SECTION i. 47
i9l 37
[Peu fie tout ' . — Puisqu'on ne peut être universel et
savoir tout ce qui se peut savoir sur tout, il faut
savoir peu de tout. Car il est bien plus beau de
savoir quoique chose de tout que de savoir tout d'une
chose : cette universalité est la plus belle. Si on pou-
vait avoir les deux, encore mieux, mais s'il faut
choisir, il faut choisir celle-là, et le monde le sent
et le fait, car le monde est un bon juge souvent*.]
4l3] 38
Poète et non * honnête homme.
37
a. B, 89;C, iiS; F«aa., I, >3S; Mot., Il, iSi ; Mica, is«.
I . Cf. MoBUigne : « Ua peu de cbaïque chose, et rien do tout, à
la françoÏM • (I, 35).
3. Le aoade «l l'eaaeable de* boaaes, pris en général, eicep-
tion fvile dM yériliwlM, tm qs'oa ■ppellcnit aujoord'hui le grand
public. Ceet le jnfaaeat da « monde » qu'eiprime Cliundre dan*
le« Femme» .
Je consens qu'une feaae ait des clartés de tout.
8a«l— MW lA oà Cliuadra, ^ ait ■■ aaaiaar (al Molière avec lui),
voit aasas aaïvaaiaat an ifaBwai da coaaaiawcaa, Paaeal, qui est an
savant, est tout près da voir la maximam da sciaaea auquel l'hoaiaia
paat attaindra.
3«
a. B., ttt; C, U?; Mot , II, 11&; Mmb.. 6<o.
3. Miekaat lit : Ppar m noai; la saeeada eopia donna : porUr U
nom dhctutéU hommt. — Cas aoU qai sa trowast déjà panai las ré-
flanoM sufgéréas par la poMwiy daa PrwmmUt (voir frag-
■Mat So et la note da fr. 99) Mal wifMt à la paf* ilt da aiaautcril.
iK PENSÉES.
Si lefoadre' tombait sur le§ lieux bu. etc.. \<-
poètes et ceux qui ne Aavcnt raisonner q '
choses de cette tial III P tii:iii<|(ioriii«*nl (Ir |
iS4| 40
Les exemples qu'on prend pour prouver d autn s
choses, si on voulait prouver les exemples, on prcii
drait les autres choses pour en ^tre les exemples :
car, comme on croit toujours que la difliculi
Paaeal eoapuit Mni doate repreadre Mita f Met f«i M wppfOcti<
6m TOT* eoMnas de Boileaa :
Que let vert ae loient pat votre étaraal eaploi :
CulÙTet VM «nit, loyei honaie de foi :
C'est peu d'être agr^ble et chamant dan» on livra,
Il hut MToir aaeoia et ooavener at Tivta.
(ArtpoMjm^ IV, lai «ff.)
Molière de ion c6té écrit daai le MÎMmlhrop* (1, n):
Et a'allet poiat qaittar, de qaoi qaa l'oa mm MWBa,
Le aoa qae daa« la cour voai aves d'boaaita iMaiBa,
Pour prendre de la roain d'un avide inpriaMar
Celai de ridicula ti Miaérable autear.
39
Cf. B., J07; C , 371 ; P. R., a/l., XXXI. ao; Bm., I, s. it; Faaa., I,
>So; H«v., VII, 18; Moi.., II. 3i6; Mica., &S8.
I . Même daa» aoa Mat propre, /oadlr* aa ZTti* aièela ifaaplejrail
aacore an aaacalia. Coraaille dit dans Pofyeaett:
Cm hmitm iaipwMaata qa'aa laars aMÎas voaa paifaaa.
at Bewaei daaa la Dbman mr tHàloin aahtrmlU (1, 11) : a Aaa»-
laaa aMNmrt frappé da feadra. »
4«
a B . 3>8; C, 178: P. R.. XXXl. 4] Ba»., I, t, t; P*m.. I, ni .
Hav.. VII. 3; Mak, 11, i4i ; Mn., ItS.
I
SECTION I. 10
ce qu on veut prouver, on trouve les exemples plus
clairs et aidant à le montrer.
Ainsi', quand on veut montrer une chose géné-
rale, il faut en donner la règle particulière d'un cas;
mais si on veut montrer un cas particulier, il faudra
commencer par la règle [générale]*. Car on trouve
toujours obscure la chose qu'on veut prouver, et
claire celle qu'on emploie à la preuve ; car, quand
on propose une chose à prouver, d'abord on se
remplit de cette imagination quelle est donc obscure,
et, au contraire, que celle qui la doit prouver est
claire, et ainsi on l'entend aisément.
i6S) 41
Épigrammes de Martial. — L'homme aime la ma-
Ugnité ; mais ce n'est pas contre les borgnes ou les
malheureux, mais contre les heureux superbes. On
8C trompe autrement.
Car la concupiscence est la source de tous nos
mouvements, et l'humanité, etc. \
I. [0..]
a. P««cal aratt ^rit partieuliire ; il noiu Moible que U oorrection
•'inpoM. M. Molinier (1. Il, p. 35o) coaierve rigU pùrtieuliire, en
l'eatendani comnir r'njle particulière d'un mitre eat ; ce qui a'eil plus
«Um le le«le, tii, je cniit, dans re«|irit de PaMal.
rj B., ii3; C, SH9; P. R.XXXI, S7;Boa, 1, a, M; Pam., I, a&S ;
Il4« . VI, S3; Mot . I, i>3 : Mm., S^i.
3. HaTCC, ae référant i on antre fingimt de PaarnI,
que U phrase avait éU achevée aiiui : «I rkumamité Jlatle la
pitctmu. Pent-flre, en tenant eomtflM de ce qni tait, ronvienl-il d'np-
IMMcr au cnatraire KumtanUi k eonn^piMMc* : la coneupiaceace eatntae
la malignité, et l'haaMBÎti la reMf«iat à caas ^ Mst Im«u««s M
orjjuriileo».
m PBNSftES.
Il faut plaire à ceux qui ont 1m MntimenU hn
mains et tendres.
Celle desdeui borgnes ne vaal rien, car ellr n*
les console pas, et ne fait que donner une pointe ù
la gloire de l'auteur' . Tout ce qui n'est que pour l'au-
teur ne vaut rien. Àmhiiiosa recUUt ornamenta* .
Prince à un roi plaît, pourcc qu'il dimin ,
Uté'.
I. L'alloson k Vépignmmt des deax borfBM ■ M parfhitMaeat
éhMÎdé* par Havet: « Il ne paraît qae c«U« paMéi a ék être
»aygér4« k Patcal par l'aiptca d'Antholo|pe latiaa qtM MM. Ar
Port-Royal publièrent ea 1669 tout le titra de E^rtmmtÊti-
édtetm. C« raeaaii aat précéda d'une diiaaftatioa •• latia (par
Nieok) do«t ui 4«i panifiâpIiM • pour titre : Dt Bfi^mmmÊiÛ» Mafi-
gm». Oa y eomlaaina la aialifaîté qni «'attaque aui 4éfcta eor>
porels, «t k toat ce qni a« sa malheur pIntAl qu'usa fcsia. Oa
raproclM eatta malignité k Martial, et on cite coaiaM axaaflM^MlfM^
aaaa da saa épiyrammes, partienlièreaieat ooatra daa borgaca. Maia
je n'ai pa troaTCr daat Martial une ^pigmaïaia où il Mit qaaetioa
de deni borgaaa. M. Sainta-Beava ne l'a pas tronvéa aoa pliu(toaM III,
p. 35 1). Il aM M«bla, d'ailleara, que, ù Martial avait fait aaa épi-
granaie «ur dans borjpiat, tl m tarait fort peu touri^ de les eoaaolar,
•( qu'on n'aurait pat ^t^ lenl^ de lui demaader rela. Je croit donc
qaa la mtox celle ne doit pat t'entendra d'oaa épiyraaiaia da Martial,
auis «aplement d'une ^pigramme ; et ja peata qaa eecta ApifraaiaM
daa daax borgaaa poarrait biea étra ealla-ei, qai,a« «MWa, a( qa'oa
a cild«aoa?«at:
LMmimê Aeom daxU; mplm «d Lwwiffa tbMn,
Bt potk *$t forma aâmrt attrqm éam.
BiÊKÀ$ tttttt lanM faarf AaWi aoaeadW p&mUi,
Sk ta «Mai Amtr, $k arU iUa Vmm a.
a. GiutioB d'Horaea, Âpltn «cr Pimm, 447-448-
4M
Cf B, J65; C, <-• ^•'» I •"" "'• ^^^ «'" ^«' ' '"»
Maoa., 747.
S. Calla pluaia elliptique doit être eateadue aioii ; le noai de pnact,
SECTION I. 51
RH. SoMaf. ufpUment sj 43
Certains auteurs, parlant de leurs ouvrages,
disent : Mon livre, mon commenlaire, mon his-
toire, etc. — Ils sentent leurs bourgeois qui ont pi-
gnon sur rue, et toujours un a chez moi » à la
bouche. Ils feraient mieux de dire : Notre livre,
notre commentaire, notre histoire, etc. — , vu que
d'ordinaire il y a plus en cela du bien d'autrui que
du leur'.
iaS) 44
Voulez-vous qu'on croie du bien de vous? n'en
dites pas*.
donn^ i on roi, plaît au sujet qui le donne; car il diminue la qua-
lité du aonverain. La mAli^ité de l'hoBaie troure ton compte à un
laaga^ qui diminue les iitUœt».
43
Cl. P(c«., I, 35); IUt , \XIV, tM$; Moi, II, i5i; Micb., 987
t. Ce fragment ne paratt paa eorreapondre k nn ^rit de Paical ;
c'rtl le souvenir d'une conTerulion k laquelle Bonut fait allusion ft la 8n
,).. ...„ Oueourt sur la VU et les Ouprayet de Paseai : « Il te peraetuit
lien dans la toci^t^ re« raitlerÎM doocM et ingéaîetues, qai
u il' iiMnt point, et qui réveillent la laagVMir dot conTenattoBS : elles
■ viu-iit ordinairement un but moral ; aiaâ par etemple il se Boqoait
' A« ces auteurs qui disent sana cerna : non lirre, etc. ■
I ' Poaeal. 1. I, p. 1 18). — Mais le toor origiaal da fragaMat
pcMiici du moia* d'y voir ua écho direct de la parole de Paieal.
Cr B , 371; G. SsS; Boa, I, a, 59; Pàoa., t, so4; Ha*., VI, 56
Mot., I, 134; Mm»., 691.
t. Cf. Montaigae: « On a« parie jamais de aoy, aaaa pctta : laa
propraa coadamnations sont toajoan accroM, laa hwaagw «M*-
m PKNSftBft.
iio) 4S
Lm bungiiM lont det chiffres, ou non Im leltret
sont changiées en lettres', mais les mot» en mots ; de
sorte qu'une langue inconnue est déchirPraliIc'.
433) 46
Diseurs de bons mots, mauvais caractère'.
4S
a B , 335; C . 187: P R . a/i., \\\l. 3S; Bm., I, «, »i: Pâw., I,
)5S; H«v . VII, 33; Mot . Il, ik, Mica., «89.
1. AlliuioB aai tyUtmt» aioiti4 •UMfmphiqMS, aMilM er]rp«o>
gnplii^«M qui avaieat été proposé* Hulout en Anfletem et do»t «m
ttwt'n nm eatai k la paye ao da Baoïuerit. Chaque lettre est repri>
MBiéc par on «gne conveationoel, barre ou note de aaaiqaa diapoeét
daaa aae direction déterminée. Un tel tystèaie serait doac, aas yaas
de Paaeal, iniitkiffrnbU. Cf. Section X, fr. 677 aq^.
S. Il aotts ataUe qu'il y a daas ce fragment na aoareair de l'éda-
catioa reçaa par Paaeal. .\o témoifaaga de (îilberte Périer, eoa pèra
ne voulut point oomaMacer k lui apprendre le latin qu'il n'eèt doaM
an», aAn qu'il le fit nrae plus de facilité : ■ Pendant cet intervalle il as
le laiwait pai inutile, car il l'entretcniiit de tontM les cliolM dont il
le voyait capable. Il lui hitait voir en (général ce qaa e'ëUit qa« la»
laagues; il loi aioatrait comme on let avait rédaitai aa ffaaaMira*
aoaa de certaines règles; que cet règle* avaient eaeore dae aieaptîoae
qa'on avait en soin de reawrqaer : et qu'ainsi l'on avait trouvé la
moyen par ik de rendre tontes les langues communicablet d'un paysea
an autre. Cette idée générale lui débrouillait l'esprit, et lui fbisait voir la
raiaoa des règles de la grammaire ; de sorte que, quand il vint k l'ap*
ira, il savait pourquoi il le faisait, cl il s'appliquait préciiémaaC
k qaoi il fallait le plus d'appisealioa. a
a. B.. 971; c . StS; P. R., XXII. 17; Bea., I, n, it; Psea., I.
H*v , VI, 19; Moi.., I, lal; Mica., 6M.
3. On trouve une maiime aaaiogaa daas la raetMÎI lalia qai
conaa sous le nom de PaWias Sjrras : • MérhaaU laagaa est man
da mdekaat eaprit. a — L.a Brayèra dit daas taeCaraelirai - h-^»'da1
SECTION I. n
i45) 47
Il y en a qui parlent bien et qui' n'écrivent pas
bien : c'est que le lieu, l'assistance les écbaufle. et
tire de leur esprit plus qu'ils n'y trouvent sans cette
chaleur*.
«09! 4»
'Quand dans un discours se trouvent des mots
répétés, et qu'essayant de les corriger, on les
trouve* si propres qu'on gâterait le discours, il les
l>oos mou, mauvais caractère : je le dirais, s'il n'avait été dit. Ceux
•]ui naisent à la réputation ou à la fortune des autres, plutôt que de
perdre un bon root, méritent une peine infamante. Cela n'a pas été
dit, et je l'use dire. • (Chap. de la Cour.)
47
a. B., 335; C, 187; P. R., X\XI, 8; Bo«., 1, 1, C; Pmm., I, 348 ;
Hat., Vil, 6; Mot., Il, i35; Mica., 36i.
I. [Jr« parlant.)
S. Réflexion sur VBtsai de Montai^e : Du parler prompt, oa tardif:
« l'oeeaaioo, la compaignie, le braaaia ■<■■« de ma voii, tire plus
de BH>D eapril, que ie n'y treuve loraqae ie le tonde et emplojre k part
ni'iv \ifiM lai perolaa ea valent mieux que le» eaeripts... » (1, 10).
Mrr*'' tlis<ate ee Béaie problème: « D'où vient, reprit le Marécbal,
qu'on dit qae tfas gesa parlent bien, mais qu'ils ne savent pas écrire ?
— On voit aeaveat, répondit le Chevalier, que de certaines personne*
(•.trient bien en effet, qui ne parlent pourtant bien qu'en appareaee.
(!'•-^( que lear aune ébktait, on que leur ton de voix surprend. »
1 1 n^ersalioBS ém elMTalierde Méré et du asarécbal de Clérambault.
(Àimm é» ÊÊM, toiM I, p. 360.)
4«
a. B , 3>S; C , i^i■ p. R., XI\I, 19; Boa., I. x, ai; Pata., I, aSe;
H«« , 11. si; Mou, 11, i34; Mum , 378.
3. Titre de la Copié : Miêcel.
k. Vioet a fait rawar^aar qoa Paaaal ripke d«n feb It aoC
Irottvtr ; mai* comm» la aoc a'a paa éma. fbb la mUmm aMa, il
semble bien ^ae ce ne soit qa'ane aéglifaaea. — Celte qneitioa 4aa
54 l'KNSKKS
faut laissor. c'en csl la iiiar(|uo ' ; ot c'est là la part
de l'envie, qui chI aveugle, et qui ne sait pas que
cette répétition n'est pas faute en cet endroit; car il
n'y a point de règle générale.
ii3) 49
Masquer la nature et la déguiser. Plut de roi. •!•
pape, d'évéque, mais auguste monarque ; etc. : point
de Paris, capUaie du royaume. Il y a des lieux oii
il faut appeler Paris, Paris, et d'autres où il la faut
appeler capitale du royaume*.
« mou r^p^t^t a n'«-t-«lle pat dA être diaeatéc éauê Im eoavWMlioM
de Mér^ et de Pascal ? • Ce gnad koaae, écrit Méré M pwluM d«
Qbar, éuit penuadé qaa h bMMé da Ungaga ddpnid b— cowp
plos d'iuer de* ■•illean nou, «t dea plos aoblea hyeas de p«il«r q««
de laa diTenifier, et s'il était content d'une eiprMMoa, il ■• «'en
laaaait point et ne craignait pas non pins d'en lnaer lea antna. Cic^
ron prenait le ooBtre-pied ; car pour anaver lea répétition», il ebe^
cbait tous lea détour» de «on latin, a (ÛBev. Po$lk., p. 45.)
i. C'tn est la maniue, c'est-à-dire que l'impotaibilité de le» rf«>
placer «ans sacrifier la propriété de l'eipreaaion et l'etactitede da
diaooars, est la mariât qu'il faut les laUur; et cette répétition laisaa
■ae part k l'earie qui applique la rèfle féaérale, aaa» regarder à la
jealilcatioo de l'eiception.
49
a. B., S17: C, 4oi ; P. R., XXXi, >8; Bas , I, t. so; Paaa., I. sSo;
Hat., Vil, so; Mai., Il, i3S; Utem., kii
9. Le meillear eeweetaîre de cette rélle«i<>n «v iroeve daaa «ne
lettre de Miton adreiiée à Méré qui l'a reeaeillie daaa ta Gecraipoa-
daace : < Je riea» d'eianiner un auteur qai loae Charte» Qaiat à»
ee qa'ca cette grande bataille, où il s'agisaait d'asai^*^' l'AlllWif >,
aMdfré le» doaleer» de la goutte, dont il éuit ce joar44 si crvelkn
■aat teanaealé, il se 6t lier aar eoa cheval, sans sortir de la bataille
qu'il ne l'eAt gegaée. El l'auteur, peanat relever eeUe ec<ii<
appelle toiy^ar» Cbarlea Qaint ce grand eiperear. Mai» il nM aeiuMr
qe'il eèt M beaaeeap arien de le aoiaier Charles ; parce qee
graad e«|^efaar le eaebe aaaa ea aoai et aaiaee ainsi l'inwgiaatiea,
an liea qae Cbarle» le aiaalre h décoatett, cl fcit voir pina elai*
SECTION I. SK
aaS] 50
Un même sens change ' selon les paroles qui
l'expriment. Les sens* reçoivent des paroles leur
dignité, au lieu de la leur donner. Il en faut chercher
des exemples...
4i51 51
Pyrrhonicn pour opiniâtre.
reaeat que c'est lui. Et de plus, quand on dit que Charles méprise
la douleur et la mort pour l'ambition, on dit de lui de plus grande*
choaes que si on disait, ce grasd eiperanr ; car il est bien plus ^rand
à Charles, qui est simpleoeat on homme, de mépriser la mort et la
douleur, qu'il ne l'est à un grand empereur, dont le métier est de
mépriser tout pour la gloire. Sur quoi il me rient dans l'esprit que,
■i le même auteur eût roulu parler de lui retiré à Saint-Just, après
qu'il eut quitté ses royaumes et l'empire, se promenant comme un
particulier arec les religieux de l'abbaye, il eât Ml\i l'appeler ce
grand empereur... Je ne sais ce que tous jugerez de ces réflexions ;
mais il est vrai qu'en r«eberehant par cette voie la nature des choses,
on pourrait connaître en tout ce qu'il y a de bien et de mal, et se
rendre un bon juge et même un excellent ouvrier de la btenséanee. »
Voluirc duM ses Ramfarqmt» de 1778 ajoatait ces réflczioM: ■ G««x
qui éeriveat ea beaa fraaçais les gaaettes poor les propriétaiies de
fermes ae maaqaeat jamais de dire : • Cette aagoste famille entendit
vêpres diouscbe et le sermon du révérend père N. — Sa Majesté joua
ans dés ea hante persoane. — On flt l'opération de la fistnie à son
EaMMcace. »
50
a. B., 407; C, 383; Bo* , 1. x, 33 ; F*m., I, iSo; Hav., Vil, 3a;
Moi.., I, 197; Mica., 47S.
I . (Poar) — les deraiers mots de la phreee ea sarcbarge.
a. [iMifaaMSHt.) — Réflesioa inverse et eompléaMataire de celle da
fr. a3 ; oe a'asi plas le aoc qai ekaafe deseas, c'a* le mot qui réagit
sur le scas. Panai les «seaiplas vicadrait edai de roi et de tyran que
Paaeal cite an h. 3io, oa eaeora de at^tslral et de ro^M, etr
5»
a B, 464 r ]C3 Faio I. iCo IU« . XXV. iSi: Mol, H. iSfi;
66.
4i5| St
Nul ne dit cartésien que ceai qui ne le Mmt pti*:
pédant, qu'un pédant' ; provincial, qu'un provin-
cial, et je gagerais 'que c'est l'imprimeur qui l'a
mis au titre des Lettres au Provinciale
5«
a. B., 4S4; C. i6S; Pam , I, >6o; Ha*., XXV, iSi ; Mm., Il, iM ;
Mica.. M4.
I. CarUtien qae ceux gui ne le $ont pot Mfcharf*. Psacal aTiit
écrit d'abord : nul nedU pèdaM qu'm pédant, etc. L«a Copm, mirim
par !•• éditeurs, donnent eourtitan. Notre leçon Mabl* eoairaéa
par c« fbit que le fhifpnent immédiatenent précédaal da l'anlofra-
phe, écrit mr la aiéaM iMreaaa da p«pi<r, aat ralatif k Paiaartaa (Cf.
h. 78).
a. (Cariaaian ga'ao qml.] — MoataSgaaa coatacré aa /Snti aa pédaa-
tiaaa (I, l4)- D'antre part dans ton chapitre mr Moataigaa lai-
■éBP, Malebrancbe ■ longvaaMMl aaaljrté le aot : « Ca laraM pMaal
aat Kirt équivoque ; mai» l'anga, oa aa aaabla, al aéaa la raiaon,
TMdaat qa'oa appelle pédants ceux qui pour fbire parada da la«r fbaaaa
aeiaaM, eittat à tort et à travart tontes sortes d'anUara, q«i parlant
aiaiplaMaat poor pariar al poar aa flsira adasirar daa aola ^ awMMat
■ans jngaaiani M saaa diaearMaMat daa apopbtbagaaa al d«a traiu
d'bisloira, pour proaver on pour faire semblant de pronvar daa «iMMa
qui aa sa peuvent prouver que par des raisons. Pédant aal oppaaé à
raisoaaable, etc. » (Reeh. de la VerUé, I. Il, p. III et 5.)
3. Pascal avait d'abord écrit ^'r (oroia) ; la correctioa MaUa iadi-
qoar qu'il oa voulait point paraître coanattra la
4. a Caa laltraa, éotit Nieola, oat M «ppdéaa PraaifiWa», pan»
qm l'aataar ayaat adraaaé las praaièras lallraa Maa aaeaa aoa k
•a da sas anis da la oanpagna, l'iaipriaMar laa paMia aow ea titra :
LtUra èeria i an pnmmâal for tm d$ êm «m» mt U njH 4m dK»>
pirt« priunlm éa Im SariaM*. a PaM««lra, ajeata M. Paagèra,
l'iwpriiaar s'é|ail41 smvmb d'aa écrit déjà publié awH oa Utra :
Laftra d'à» JariÉtomaull* à an PrtmmetÊl da tas «aiit met tmtt. Moas,
1598.
SECTION I. W
laS) 53
Carrosse versé ou renversé, selon l'intention.
Répandre ou verser, selon l'intention'. — Plai-
doyer de M. Le Maître* sur le cordelier par force.
i45] 54
Miscell. Façon de parler* : Je m'étais voulu appli-
quer à cela.
53
Cf. B., 343 ; C , 3'jG; Faw»., I, a«o; Hat., XXV, i3a; Mot., il, i36;
MicM., 319.
I. Selon l'inUiUion, c'est-à-dire mIob qn'il y a ea oa non intention.
Un carroue a verti, *'il t'a^t d'un aoeident véritable, ou il a été ren-
versé, «i on l'a renversé. On répand un liquide par mé^rde, on le
verte à deaaein. Verser marque l'intention au sens actif, l'absence
d'intention an sens neatre.
a. .\ntoia« Le Maiatre, petit-fiU par sa mère d'Antoine Arnauld,
se fit au barrMO la plus brillante répuution d'éloquence ; à vingt-
huit ans il i« retira k Port-Royal où il vécut jusqu'en t658, parU-
gcant ton teapa entre les travaux manuels et les publications pieuse»,
édifiant par aa piété et son humilité les soliuires qui l'appelaient
leur Pfrf. En 1667 parut un recueil de ses Plaidoyers et Harangues,
me Raetae écrit d'Usés (16 mai 166a) : « Tout le monde a
I ••n de M. la Maistre. » Le VI* est intitulé: Pour uii//jinii
en re ^rce. Havet y signale, à la première page, le mot ripant
dre: <> ■ ^ répand des aveaglemenu et dea ténèbres sar les pa*-
aions illégitimes... » Si aoM «voM biea iaterprélé 1* rtaarqM à»
P»*f»\ il pùt f^.illu dire nerse pour marquer l'inteatioB dhriac.
54
a. B., SSo; C, 99s; fàm., I, »6«; Hav., XXV, iJo; Mm., II, iS5;
3. M. Michwrt iatarprèu : /• m'étaû vonfa ipflifMr à MMr Us/mçom
de parler, j'y ai renoncé. Now erajrOM q«'U Mt pOMÎble de joatilar
b lecture traditionnel!*, qvi dU e«tt« iifoa de pârkr oomae reaar-
quable. Il semble en «fiât ^M l'application dépeod* de la ▼oloaté
ramÉsa Ds rAtcAL. 1 — M
m PEMSÈKS.
m\ ss
Yerlu apirUive d'uno clé, aUractive d'un croc*.
iSo) s«
Deviner': La part que je prends à votre dé-
plaisir. — M. le cardinal ne voulait point être
deviné*.
••■le, et qu'il y ait contradiction à dire qoe noire Toloaté ■'« pas
réuei à ce qui est prf cit^ment le propre de la voloaté. C«(t« eontra-
iàttàom ■•( m relief la hibleae de notre Toloaté, la aMèr* d« aolre
■•tarv eorronpae,
5S
Cf. B., 471 . t. . Î71 , K»i.. I, 3^1. n»T , \XV, iSokf, U*»».., Il,
iSS; Mk
, M
I. Quelle eat b port/e <!• < > > <|M' l.j;. >. iiim(>. ,.-tr« «or le manoicrit
entre deui fragmenta sur l.i ri\\\\\><\\ i'.iM il M^nale-t-tl parmi let
c Ihfoas da parlar » eallaa qai doBneat an iaagafa la plan da pr»-
friiU ? on biea aa hii-il paa allastoa aai babiladaa aMlatti^aaa dat
médecins qui inv(»quaient les vtrlut attraelives, laa vtrtm 4i|pdrftJMa, aa
r^nrant de montrer combien l'ctplication derient ridieala qaaad aa
l'applique à des exemples de m^anique où la acicace a déjà porté la
lumière?
56
a. B . 3&S: c. ao«; Paea., I, a&8; Ha«., XXV, »S, s5 Au; Mai.., Il,
i3&; Mica., 33V
». (Je prie.)
3. Voici le commentaire de llavet : « C« ftafasal a M
aipl^aé par M. Fr. Collet dans l'écrit intitulé. Fait médit d» Im m
dt Ptêealf par ta rapprooliemaat d'aa paaaafa da diaTaliar da Méré
(DJMMDV dt la CoMMrastioN, p. 7s). « Laa ekaaai ^ a'oat riaa da
a raaiaf^uable ne laiaaent pas de plaire qnaadallaa aaatda ■aade...
a II aa feat pourtant pas qu'elles soient si commaaaa^a oaila ffi, qaa
■ tout le monde tait par cvur, la part fo» jt pramdâ i Mtra diplaiâir.
m J'ai TM pariar, aa ouvrant naa lattra da eoMolatiea, ^aa cala t'y
« troavarait ; al aaa dame furt triste qui Tarait raçaa aa pat s'empârbar
« d'aa rira. » Paaeal Teut donc dire qu'il ne Aiat paa éerire da cas
baaaliUa qa'oa paat ifaiaer. a Le rapprocbaaaataaltafdMa«i;ilM
SECTION I. m
'J'ai l'esprit plein d'inquiétude. — Je suis plein
d'inquiétude vaut mieux.
«341 57
Je me suis mal trouvé de ces compliments : Je
vous ai bien donné de la peine ; Je crains de vous
ennuyer ; Je crains que cela soit trop long. — Ou on
entraîne*, ou on irrite'.
nou* hit p«f comprendre la réflexion cor M. le cardinal qui ne Toolait
point être deviné et non plus deviner. Comme le dit La Rochefoucauld
(Max. 3oo, f* ^dit). « On aime à deviner les autres, mais l'on n'aime
pas k tire devint. • Le cardinal pourrait ^trc Mazariu qui recher-
chait les gens heureux, et qui avait pour tactique de faire contre
mauvaise fortune bon cœur . On pourrait conjecturer aussi qu'il s'agit
de Richelieu, et on arriverait h une précision intéressante en rappe-
lant la lettre que Balrac lui adressa en lui envoyant le Prince (l. VIII,
55o) ; c'était en i63i au moment où Richelieu a obtenu l'exil de
Marie de M^dicis, et Balzac écrit : a Je ne doute point que vous ne
pleuriex t'infiirtune d'une Maîtresse que vous aviex conduite par vos ser-
vices au dernier degré de Félicité, et qu'ayant si longtemps et si effi-
cacement travaillée la parfaite union de leurs Majestés, ce ne vous soit
uu sensible déplaisir de voir aujourd'hui vos travaux ruinés et votre
ouvrage par terre. Vous voudriez, je m'en aasare, être mort à La
Rochelle, puisque jusque-14 vous avez vécu dans la bienveillance de
la reine. » Sur quoi Richelieu dit un jour à Boi»-Robert : « Votre ami
est un étourdi. Qui lui n dit que je suis mal avec la Reine-Mère ? Je
croyais qu'il e6t du sens ; mais ce n'eat qu'un fat a {Sainte -Beune,
Port Royal. 5» édit., t. II, p. Sa).
I. \Mom.]
57
a. B., 3»8; C, «79; Boa , î, 11, 67; Fsoo., I, ne; Ha»., VI, S4 ;
Mot, II, i5>; Mica, 339.
3. « Quand on est le preaier k déeappriMTtr qaaiqm eboM de
«oiinf^inc, on trouve uaes de eompUiMoce. » (Méré, Dite, et U dm-
vitittuiii, p. 64.)
3. Un entraîne, c'est-à-dire on fait réfléchir k la peiaa rMlMMSt
donnée k autrui et on le convainc, ou on irrite par le dùpropoftion
du r—erciement au senrice rendu ; dans les deux cas 00 indispose
PENSÉES.
>&i|
Vous avei mauvaise grâce : excusef-moi. a'il vont
platt. — Sans cette eicuse, je n'eusse point aperçu
qu'il y eût d'injure. Révérence parler, il n'y a rien de
mauvais que leur excuse.
•441) 59
Éteindre le flambeau de la sédition — trop luxu-
riant'.
L'inquiétude de son génie — trop de deux mots
hardis '.
autrui. Pascal donne aillenn l« dévtloppenent de oatU fbmala : M
M «Uraùu l'imagination à ee jmftmÊHt^ ou on l'irrite am «onlmirv (fraf>
•Mrt 106, qui daaa l'antograpli* prAoède i«iédinH«— t k 57).
5»
Cr. B., ioi; C, 376; Boa., I, a, 6&; Pam., I, aïo; Hav., VI, &t ;
Moi», 11, i5i; Mica., Saç.
59
a B, 36S;C., Sit; Pam., I.aSi; Ha*. XXV, aSlr; Mot., II, iSS;
Mm., 7&3.
I. Dut le ■uiMerit, laxarianU a éié écrit mm la dietéc éê Pasenl.
9. Il eat curieux de oonatater que Racine n'a pa» recuU davant
l'allianee de cet deui nota hardii :
Mon génie étonné tremble devant le tien.
dit Néfoa M parlant d'Afrippine. Le vura de Racine «al trèa bueu,
la rinrqM de l'atcal n'es «et p««t-étr« pae aoiM juau.
SECTION II
35) 60
Première partie : Misère de l'homme sans Dieu.
Seconde partie : Félicité de l'homme avec Dieu.
Autrement :
Première partie : Que la nature est corrompue.
par* la nature môme.
Seconde partie : Qu'il y a un Réparateur, par
l'Ecriture.
Première copie 376) 6t
Ordre. — J'aurais bien pris ce discours d'ordre*
60
a. B.,s;C., i4; P«m., II, 389; llAf., \\1I, 1; Mol., II, 61; Mica.,
60.
I. Par indique d'où U preare nt tir^. Dans c« plan liaple
iiu(|a«l Pnaeal ■ «ongé nn aonMnt poar Mn Apologie M q«i rappelle
les divitioas dee tensoM de BoMoet, il y aurait one preâière pertie
iMte de peyelMlogie ; la Mcoade ferait appel k l'autorité de la réréla-
tk».
61
a. C, SSS F..« Il xnn H.. XXV, loS; Mot., II, 64; Mica.,
a. D'ordre «u iieu d« par ortirt ■ u touraare t'eal eoatervée deae
M PBNSfcBS.
comme celui-ci : pour montrer la vanité de tooles
sorles de conditions, montrer la vanit<$ des vies com-
munes, et puis la vanité des vies philosophiques
pyrrhonienncs, stoïques : mais l'ordre n'y serait pas
gard<5. Je sais un peu ce que c'est, et combien peu
de gens l'entendent. Nulle science humaine ne le
peut garder : Saint Thomas ne l'a pas gardé. La
mathématique le garde', mais elle est inutile en sa
profondeur*.
la tradition du lan^g« diplomatique : D'ordre <U <
fragment aSS : On ne prouve pat qu'on doit être mmi M «
In camtn de ToMoar.
I. ■ La aétkoda de ne point «rar Ml ra^«ffdké«d«l«atl« «mmI*.
Lm logicien» font proFeMion d'y conduire, les géonètres seuU y arn-
Teat, et, hors de leur tcience, et de ce qui l'imite, il n'r a point de
Téritablea démonstrations » (De l'art de persuader).
S. Saint Thomas est l'organisateur de la méthode teolMliqm q«i
inspirait an temps de Pascail l'enseignement de la théologie M Im
doetmira de la Sorbonne : cette méthode eoaaiate daaa aa« éMHBé-
rattoa de propoeitions jattapoeéea Im «bm ««s antrM M reitagiiéee
par le awyen da syHogiMM à de» postulats que l'on poM comaia aai-
varaellameal admis oa comme autorisa» par la révélatioa. Cette mé-
thode glisM k la sarhce de l'esprit, parce qu'elle ne hit aulleawnt
comprendre comment la vérité s'engendre dans l'esprit ; elle apporte
an Trai un appui eitérienr, elle ne lui donne p«» de mciaM ea aoae.
La mathématique est une méthode de génération intellectaella, at e'eat
poarqaoi Pascal lui attribue cette profbadaar qu'il relSma à toat pr»>
eédé d'éanaiération cbet saint Thoaaas <hi ch« Charroa. Maie aile aat
inutile, parce qu'elle ne porte que sur des doaaéM hore de l'asaga
commun et aans relation avec notre destinée morale. Quelle serait
doae la scieaca à la frtis profonde et utile ? c'est celle qui par soa
prapra déraloppament forait surgir en noas la lumière aowvalla, qui
•aas aafaadiwait k la vérité ea aoae doaaaat le sentiaMat qai août
aa raad eapabla ; Toedra da eacia MJaaw, aa Itaa d'être unilinéairr.
a eaaaiata priacipaUmeat k la digraMiaa Mr ehaqae point qu'on rap-
porta k la 8n, poar le aMatrar uxgoare. a (fr. 98S.)
SECTION II. 63
-ao6) 6s
Préface de la première partie. — Parler de ceux
qui ont traité de la connaissance de soi-même: des
divisions de Charron', qui attristent et ennuient;
de la confusion de Montaigne ; qu'il avait bien senti
le défaut [d'une droite] * méthode, qu'il l'évitait en
sautant de sujet en sujet, qu'il cherchait le bon air\
Le sol projet qu'il a de se peindre * ! et cela non pas
en passant et contre ses maximes', comme il arrive à
tout le monde de faiUir; mais par ses propres
6a
a. B., 4o&; C , 379; p. R., XXIX, 3i ; Bo*., I, 11, 36; Fam., Il, 17 ;
Ha*., VI, 33; Mot., I, ai ; Mica , 4&6.
I. Qui attristent et quiennaient snreliarge aatographe. — Le premier
lirre de la Sageue, « qui est de la rognoiuanre de toy », est dirisé
en toisante-dcux chapitres qui reprennent l'étude de l'hoaiine selon
« cinq considérations » dont la dernière comporte encore a cinq di»-
tinctions », etc. Cf. Introd., p. lxxt sqq.
a. Le manuscrit porte du droit de méthode ; mais le Fragment a été
dicté, la correction proposée par Fangère s'impose. La droite mé-
thode, c'est la méthode rectiligne qui dispose les argumeats à la suite
les nas des aatrea, niu relief et sans profondeur.
3. Bon air. Pour l'emploi que Pascal (hit d« cette expression, Toir
le* liregaeau 19^ et igi'"* (9 et is).
4. Pascal pensait surtout au dernier livre de Montaigne et parti-
colièrenent an chapitre xiii où se troure une multitude de passages
tels qne celui-ri : « Tonte c«>lle fricassée que ie barbouille ici n'est
qn'on registre des essais de ma vie. » — La Logique de Port-Rojal,
immédiatei— t après avoir rappelé la condamnation du moi par Pascal,
se livre k une longue et violente digression contre Montaigne, qui
semble inspirée du souvenir de Pascal : « un des caractères les plus
indignes d'un honnête iHMnae est celui que Montaigne a affecté de n'en-
tntMiir aee leei««r» ^«n é» tm biwwiw, ém sm inclinations, de ses
Ihnuiaiee, d« tu» aalndiM, àm ses vwtas M dn aet vice*. > CIII, si,
seet. VL)
5. ^' ■■'■''' propret maiimet addition «ntographc.
•4 PKNSÈE8.
maximes, et par un dessein premier et principal.
Car de dire des sottises par hasard et par (aiUesse,
c'est un mal ordinaire ; mais d'en dire par dessein,
c'est ce qui n'est pas supportable, cl d'en dire de
telles que ctUes-ci...
k*b] 63
Montaigne. — Les défauts de Montaigne sont
grands. Mots lascifs ; cela ne vaut rien, malgré
Mademoiselle de Goumay '. Crédule, gens sans
yeux*. Ignorant, quadrature du cercle*, monde plus
«3
a B., 37»; C, 3>q; p. R.. WVIII, 36; Bm , II, tnt, S4; P*m., I,
s5i; H4T., XXIV, s&; lioi„, I, 11; Mica., 69s.
I. Marie 1« Jmn de Goarnay, net à Parii en l56S, Mt eoanae par
1« évita qu'elle avait voué k l'antenr des Essais ; « l'adairation dont
ik aie tmntir«iit, ^rit-elle dans la Préfaee de i635, lortqa'iU ■•
fÉrtat fortahaaieat niteo naip an aortir de Penfiioce, n'allait Aura
réf«t«r Ttaioa—tre » ; elle publia en i5g5 l'Mition dMnitive d«« Bêêêû
d'aprAa le« aanoarrits que Maa de Montaigne lui avait ramia aprèa
la aH>rt de wn mari. Dana aa Prifmt* da l635 alla iéhmi kw-
gnaaant la liberté « d'anatoniaar » l'anMur, qu'on prowrit a naa aaa»
laaaat pour impudique et dan|{«renM mai* pour je ne açajr qaoi daaafcs,
uoBi da oe terme. Ce ne lont pat las diaconis fraacsal ip4B«lntift
mr l'aaonr qui lont dangereui, ce aoat la* aolt al ddlieata, l« fdda
artitlaa at elialooilleui de» paerio— aacNwaaaaa qai «a voiaat ans
rooMaa, ans poètes et en tellaa aapèeaa d'éCTbnina. s
s. c Qui en Touldra croira Pline et Harodola, il y a daa aapacM
d'komaM*, en oaruina androtels, qni ont fort pan da faawblanra à
la aoatra... ; il jr a daa ooatnaa où laa bonunaa naiwa»! aaai taaia,
portant las yanls at la boneha aa la poicirina... ; [falrm] oè itc
n'ont qu'un œil an front, a (Apot.).
i, m Qni iotadroit aacota» à eaey laa ptopaaitioaa faewatoigaai qni
eoaeinaat par la aaititada da laaf* daMaartfatieM la eaaiaaa plaa
grand que le rontanant, le caaira aaai gmad qna an etreeaforaara, at
qai trouvent dent lignas s'approehaala aaaa eaaaa Tana da l'antre, at na
aa pottvanu ioiadre iamais ; at la piarra pbilaaapbala, at qaadratnra
daearda...o«ila raison et l'afaetaoatM oppoettaa,aalït«raitàradvaa>
SECTION II. 65
grand*. Ses sentiments sur l'homicide volontaire*,
sur la mort. Il inspire une nonchalance du salut,
sans crainte et sans repentir^. Son Uvre n'étant pas
fait pour porter à la piété, il n'y était pas obligé ;
mais on est toujours obligé de n'en point détourner.
On peut excuser ses sentiments un peu Ubres et
voluptueux en quelques rencontres de la vie
(730, 33i)' : mais on ne peut excuser ses sentiments
tare quelque argument pour secourir ce mot hardy de Pline : tolum
cerlam nihil et$e certi, et homine 'nihil miterius aut tuperbius (Mont.,
Il, .4).
I. ■ ...Si Ptoleaee t'y Mt trompé aultrefois sur les fondements de
sa raison, si ce se leroit pas sottise de me fier maintenant âi ce que
ceuls cy en dÎMat, et s'il n'est pas plus rraysemblable que ce grand
corp« que nous appelons le Monde est chose bien aultre que nous ne
iogeons. a {Apol.).
3. « La pins Toloniaire mort, c'est la plus belle... Le rivre, e'eM
serrir, si la liberté de mourir en est à dire..., » ete.
3. (XI m'ett pan méeemmire go* [U »Êt aéemmin de Bout dAoorser.] —
« le reois nonchalamment la mort quand îe la reois universellement,
eoBiOM fin de la vie » (III, ^). Le second Essai du Livre III est inti-
UM du Repentir ; Montaigne dit Ilavet, le blâme comme une hibleaae
de l'àme, et s'y d^lare totalement étranger: > ie me repens rarement
et ma conscience se contente de soy... Si i'avois à revivre, ie revi-
TTois comme i'ay vescu ; ni ie ne plainds le paaaé, ni ie ne crainds de
l'avenir. »
V Havet, qui avait d^jà indiqué les renvois àm BOtM précédentes, a
retrouvé la pr«aière référence de Pascal d'aprèa la pagination de l'édi-
tion in-80 de l636, qui soit la seconde édition de Mlle de Goumay.
On lit à la page 780 : « Les aoaffrances qui nooa loadMat aiaplcaeat
par l'ame, m'affligent beaocoup moins qa'dlM se feat la plos part
de* aaltiM boaimea : partie, par iugement, car le aioade wdaie pla-
sienra cboeaa borribles on evitablea an prit de la vie, qai m« aoat à
peu prez indifférentes ; partie, par aa« eoaiplexion stupide et insensible
que i'ay ans accidents qui me doaaaat à BH>y de droict fil ; laquelle
easplaxion i'esiimt l'ea* daa aMillearM piacM éê bm aaturalle
coadition : mai* les loaffraaea vrayaiaat aaaaatiallaa M corporel lea, ie
las gouste bien visv— at... a (II, 37). — La aeeoada citation a'eac
pas de la page al^i '«•) ^-vm.t .-herchée Havet, se référant à ane
M PENSÉES.
tout païens sur la mort : car il faut renoncer à tonte
piété, si on ne veut au moins mourir chrëlienne-
ment : or, il ne pense qu'à mourir lâchement et
mollement par tout son livre*.
43i] 64
Ce n'est pas dans Montaigne, mais dant moi, que
je trouve tout ce que j'y vois '.
fcoMe lecture, naii k la p«(re 33 1 ; on j lit cette pbraM : ■ L« rie*
eoBtfmire à la carioaité, c'ett la noorhalance vers laqaalle M peadM
erideaiBeat de ma completion » (II, 4)-
I. «Qaieteoipnt et ■ourdement a, dit Munlaifae(I, 18). — Mais il
écrit aussi : « Ma principale profession en celte vie eatoit de la rivre
aollement et Haschenent pluslmt qu'affaireusemeat » (III, 9): « Noos
troublons la vie par le soing de la mort ; et la mort par le aoiog de la
▼te : l'une nous ennuyé ; l'aullre nous effraye. Ce n'eel pM eoatre U
mort que oon» «ont préparons, c'est cboae trop nKimaatuiM ; ■• qaart
d'beore de puaioa, mm eoaMqaaaee, •■■« ■■ianaee, ■• ■arits paa
daa praeeptM particuliers ; k dire rrmy, nous nous prfnro— eoair*
lea prapamtioas de la mort (III, 1 a). • Et III, g : « Je vess eatM lofé
•alMsqai me soit bien particulier, sans bruit, non manianito,twi IblWi,
ou étouffa, le cherche k flatter la mort par ces frivole* etrooMtaaeea ;
ou, pour mieulx dire, k me deacbarger de tout aultre «apMehMBMitT
afln que ie n'aye qu'k m'attendre k elle, qui me poiaera votoatiert
UMs, aans aullre recharge, le veulx qu'elle ayt sa pari k l'aysanee n
eoaaodité de ma vie ; c'en e<M un ^nd lupin, et d'importance ; n
•^pere meabay qu'il ne desmentira pas le paaaé... Puisque la AiaU*i<-
d'an cbasrun treuve du plus et da moins en son aigreur, puiaqur
cbascun a quelque chois entre les formas de mourir, essayons un p<-ii
piaa avant d'en trouver queiqa'aaa daaebargea de toat deaplaisir
Paarroit-on pas la raadre aacora* volaptaaaae comaM laa CoaiaK»»-
rants d'.Vntnnius et de Claopatra? etc. a Cf. le jagaaMat «U Nieolc
sur Montaigne (BttatB de MoroU, t. VI, p. »3, Ptnâitê éktnm^
XXIX, cité par Saiata-Baava, Port-Bcjat, t. II, p. S99).
64
(XB., 376; r. ^^^ f^i»., i «Si iià« . iiv. is. Voi. . t. >>
a. C'aal aae peniée de Montaigne lui-mv^ige dont i^awai se t*ti ici
SECTION 11. «7
•44o) 65
Ce que Montaigne a de bon ne peut être acquis
que difficilement. Ce qu'il a de mauvais, j'entends
hors les mœurs, peut être corrigé en un moment, si
on l'eût averti qu'il faisait trop d'histoires, et qu'il
parlait trop de soi'.
75) w
Il faut se connaître soi-même * : quand cela ne
l'application, c La Tcrité et la raison lont communes à un rhascun,
et ne sont non plus à qui les a dictes premièrement, qu'à qui les dict
après: ce n'est non plus selon Platon que selon moy, puisque luy et
moy l'entendons et reoyons de roesme » (I, a5). Ailleurs: « Chasque
homme porte la forme entière de l'humaine condition. Les aucteurs i«
communiquent au peuple par quelque marque spéciale et estrangiere ;
moy, le premier par mon estre universel ; comme Michel de Mon-
taigne, non comme grannairien, ou poëte, ou iurisconsulte. Si le
monde se plaind dequoy ie parle trop de moy, ie me plainds dequoy
il ne pense seulement pas h soy. » (III, a.)
65
Cr. B, 36;; C, 3i4; P. R., a/( . \\\I.g;Boe., I, i, 7 ; Pam., I, aSa ;
Ha*., vil, 7iMoi, I, 13; Mk»., 7S0.
I. Il, Tt. « le m'estale entier. . . Ce ne sont met geataa ifoe î'Mcris ;
c'eat moy, c'est mon esaence » et II, x : « (le sont icy mes fantasiea,
par lesquellea ie ne ta«cbe point de donner k cognoistre les choses,
OMIS Boy. m
66
a. B., ai; C, 60; Pam., I, aaS; Ha*., XXV, 60; Mot., I, i54;
Mm»., aog.
a. Dès le premier ihapitre de ■■ Tkàologi* Mtwttf, Rayaead
Sebon demande à l'homme « qu'il coaaeoee à te eogaoMtre loi aéwe
et sa nature a. MonUi|{iie à son tour écrit : • Ce grand preeepta ml
souvent allègue en IMaton : Fay ton hict, et te cognoy. Chnean
de ces deui memhrns enveloppe généralement tout notre debvoir, et
semblablement enveloppe aon compaignon. Qui auroit k hire son
fnict, verroit qa« M preaiere leçoo, e'eet eofooistre ce qu'il est, et
ce qui iny aat propre : al q«û M eofoin ■■ pread plw U fciet
m PEICStBS.
servirait pts h trouver le vrai, cela au moins sert k
régler sa vie, et il n'y a rien de plus juste '
8i] 67
Vanité des iciencet. — La science des choses exté-
rieures ne me consolera pas de l'ignorance de la
morale, au temps d'aflliction ; mais la science dea
mœurs me consolera toujoun de l'ignorance des
sciences extérieures.
169) es
On n'apprend pas aux hommes à être honnêtes
Mlfui^er pour le «ien ; •'■¥»« et le eultiTC mmnl toata aaltr* rkmt ;
r«Au« le* oceapatioDt superflues et lei peumm at ptopotitioM iaa-
UIm. m (I, 3 ; cf. m, t3.) — De U naiioM A» Soenita, Cbarroa,
après Raymond Sebon, hit l'introductioa au ehriatiaBisme (cf. la
praaier livre du Traité de la Sageau « qui est U cogaoiasaaca da soy
et da l'humaine condition »). Socrate ast an awltra da MgaMa poar
Moalaigne, an mattre « d'honnêteté a poar MilMi M poar Méré.
Paical daoMnda donc aui libertins, qui toat aaa iatarloealana a( eaa
laetaart, da ekarrher k se connaître eux-m^mas ; ils y oat iatérét da
le«r poiat da rse. Mais, une fois qu'il «ura M sairi par 0ax daaa
eacia étada psfcboiogique, il s'efforrera de moatrar ^aa eatta dlada
na paat être la Térilé d^flnitiTe, qu'elle impliqaa aa eoatiaira daa
problème* auxquels seule la religion peut répondre, et ca aara la poîal
d^isif de l'Apologie : m Mitoa Toit bien que U nature atl eorroaipaa,
•I qaa les hoiaaMa toat «oattairea à l'hoanéteté ; aMia il aa sait
paa poarqnoi ils aa paavaat volar plat baat » (f^. 448).
I. Cf. Nicole, De I» eKariU tt de l'moiÊr-proprt ; ék. xi: L'aaiaar-
propr* éelairé pourrait eorriger tout lu éé/tat» agUritan dm «aada. tt
former aaa $oeiàlé trt$ rigÙa.
•7
a. B, «;C, 19; P. a., XXVIII. 5i; Bo* . 1 .t Û F»i* I 108;
Hat., VI, 4i; Mat., 1, is«; Mica., siS.
68
a »., 4al: C, S7S; P. a., XXIX. So; Bas.. I, n, U; Psaa., I, a»;
Hâv., VI, Ss; Mat.* I, 119; Mica., |i4.
SIECTION II. m
hommes ' , et on leur apprend tout le reste ; et ils ne
se piquent jamais tant de savoir rien du reste,
comme d'être honnêtes hommes. Ils ne se piquent
de savoir que la seule chose qu'ils n'apprennent
point*.
Quand on lit trop vite, ou* trop doucement, on
n'entend rien.
439] 69 bis
Deux infinis^ milieu. — Quand on lit trop vite, ou
trop doucement, on n'entend rien.
iio] 70
Nature nep... — [La nature nous a si bien mis au
I. Cf. MoBUigne, I, 35 : « On noni apprend à vÏTre quand la vie
a. Cf. Nicole : « Ce qoi est admirable est qa'iU reconnatMeat qa'ils
ont beaoin de nattre et d'instruction ponr tontes les antres choses ;
ils les étodieat avec quelque soin ; il n'y a qne la science de lim
qu'ilt o'appreaneat point et qu'ils ne désireut point d'apprendre. »
(^Dueoun tar la tUcemti de ne pas $e conduire au hasard.)
69
a. B., 8 Us; C, 9$; Pam., Il, 76; Hat., 11 kt; Mok, I, 4s ; Mn.,
S3.
3. Les fnmian «oc* de l'Aeritare de Paaeal, lee te«ien d« Jomm
tique.
69 bis
a. B., MS; C, S49; Pas*., Il, 76; Hav . I, t Ut; Moi., I, 4a; Mmb.,
U.
70
a. B, Sa«; C, S3o; Psee., 11. -ji; Mei., I, 39; Mmm., tSs.
70
l'KNSKKS
milieu que ai uouh chnngcons un cAté de U hê-
lance, nous changeons aussi 1 autre : Je fetonSt zôa
Irékei^. Cela me fait croire qu'il y a des reetorts
dans notre tête, qui sont tellement disposés que qui
touche l'un touche aussi le contraire.]
«»1 Ti
Trop et trop peu de vin ' : ne lui en donnez pas,
il ne peut trouver la vérité ; donnez-lui en trop, de
même.
347) 1%
H. DisprofMriion* de l'f tomme. — ^ [Voilà où nous
I. Peasée barrée, eo»Mnr4« parce qu'elle était a« vtfM» d'aa-
tret fragments ; il r*n» «acore aa p apréa ut : le aene ait «pie la
Nature ne peut •'arrAteraai evlréme*. — De celle loi d'Mcillalioa qai
•eaable révéler romme un jeu de contrep<>id« dan* aotre aiécaaiaaM
intellectuel, l'aM-al donne re rurieus exemple : En fraa^ia, taivaat
un UMge qui a'eat couerré dans pln« d'un patois, le sajet aingalier
je est arooaipagaé da varba aa plariel, taadis qa'aa gme, coaMM
l'indique l'exaaipla clawiqaa : le» cmmau» court, avec le sajet au plu-
riel neutre on met le varba aa nagalîar.
7«
a. B., 9; C. >3; Fâva, III, 7S; Hsv., 1, 1 far; Mes, I, 4>;lliea.,
61.
S. IJ
a. B, gt; c. 117; P. R, XXII: XXXI, aS; Bas., I, ir, 1 ; I, n, t4,
s6; F*M., 11, 63; Hst , 1, 1 ; Moi., 1, a& ; Miea., «aa.
> Pascal avait d'abord écrit laavpaelW. aa mm prnpra da mal;
il a écrit Pisproportion (une rapacité Saia aat dkprepefUe«aéa 4 la
double inSnité da la nature), rc qui arcaaa aaeora liai l*itatioa da
«• mayaiSqua dlvlappwat « sar lat daat iaflais a, la plaa laag al
la plas aebavé dai frafaau da VApologi». La faaèaa aa a« fceila à
«^ttqaar, par la* aaapmau fciu h Moauifaa al k h frétea d«
SECTION II. 71
mènent les connaissances naturelles. Si celles-là ne
sont véritables, il n'y a point de vérité dans l'homme ;
et si elles le sont', il y trouve un grand sujet d'humi-
liation, forcé à s'abaisser d'une ou d'autre manière.
Et, puisqu'il ne peut subsister sans les croire, je
souhaite, avant que ^ d'entrer dans de plus grandes
recherches de la nature, qu'il la considère une fois
sérieusement et à loisir, qu'il se regarde aussi soi-
Mlle de Cfournay, surtout par ce passage du chapitre i, 35 (D« l'Insti-
tution des enfants : « Qui se présente comme dans un tableau cette
grande image de nostre mère nature en son entière maiest^ ; qui lit en
ton visage une si générale et constante variété ; qui se remarque là
dedans, et non soy, mais tout un royaume, comme un traict d'une
poincte tres-delicate, celuy \h seul estime les choses selon leur iuste
grandeur. Ce grand monde, que les uns multiplient encores, comme
espèces soubs un genre, c'est le mirouer où il nous fault regarder pour
nous cognoiitre de bon biais, n Mais k ces pensées de Montaigne déjà
imitées par (ihamtn (.Sof/rsic, II, il, 7) se suspendent tout de suite, pour
le mntliémulicien qu'est Pascal, les réflexions rfr l'esprit gèomètrufue sur
l'inRuiinciit (^rand et sur l'infiniroent petit, avec les étonnements où
elles jctiiient Méré et qui »<>nndalisaicnt Pascal. (l'est sur un fond
de démonstration géométrique que t'enflamment l'imagination et la
patsion de Pascal.
4. Dans l'édition de Port-Royal, le passage barré que nous repro-
duisons ci-4l«ssus entre crochets est remplacé par les lignes suivantes :
c La première <-lio«e qui s'oiïre à l'homme quand il te regarde,
c'est ton corpn, c'rsl-ù-dire une certaine portion de matière qui lui
etl propre. Mais, pour comprendre ce qu'elle est, il faut qu'il la
compare avec t4)ul ce qui est au-dessus de lui et tout ce qui est au-
deMOtia, afin de reconnaître ses justes bornes. Qu'il ne t'arrête
donc pat k regarder timplement les objett qui l'environnent. Qu'il
contemple », etc.
I. [L'bomm».]
a. [Dt pmÊÊêr entré M.) — Patcil se prop<M« d'arrêter le savant
dogmatique en tiraot argument de cette science nuéme par laquella
l'homme prétend faire la conquête et pénétrer les tecreU de la natare.
Ou celte science est fautae, et l'homme est incapable de vérité ; ou
elle eM vraie, et aile écrate l'iiomm* tOM la double iafiait4 de Ut
aature.
71
PENSÊBS.
même, et' connaissant quelle proportion il y a...] Qne
l'homme* contemple donc la nature entière dans aa
haute et pleine majesté, qu'il éloigne sa vue deaobjeta
bas qui l'environnent '. Qu'il regarde cette éclatante
lumière, mise comme une lampe éternelle * pour éclai-
rer l'univers que la terre lui paraisse comme un point
au prix du vaste tour* que cet astre décrit* et qu'il
s'étonne de ce que ce vaste tour lui-môme n'est
qu'une pointe très délicate^ à l'égard de celui que
les astres qui roulent dans le firmament embrassent.
Mais si* notre vue s'arrête là, que* l'imaginatioo
passe outre : elle se lassera plutôt de concevoir'*, que
la nature" de fournir". Tout ce monde visible n'est
I. [Jmgt tù ■ gtlgt rraporttom «rae «Ht par !■ MMparalHa ^fttl
Htm é» em tfMur oblata.]
a. [CoBMidén.]
3. [on'ii réuoO» à cm tmu lùaombrmUm «al roalMt at Binmmt mr
M, qm oMt Immmm <!■■<■■ éê fao/vcrt faf panim» (M tmm (omm
VMM rosit «MtoaoMIdtfdrflMaM tour.] — Cf. Mont : «Qoi iay apcr^
«udé qae le bnule adminible de la voalto e«l«tte, b Iwaicr* «tar-
■•Ile et OM fludMaax rouUnu ti SerMMat êot m tMte, !« momt^
wttmU flipemtabiM de ceUe mtr ieflaie, tojeet eMeUiâ... pov m
oewBodhé » (Apot.).
4. \âq œairt de] rnoiTen («■• ao«] veate toer.
5. Qatallel
6. (Loi /aaaa rvffarierlBMrre aeaaeHpe<M...MfweevMieloarM'
aHm» ee aeli ooaaiâér4 qm comm» wa poUu [pour mmê polam lrieMMaeM.|
7. CoBiae oa le voit, Pascal a «abatitaé ea teraM abatfmil point
l'aipiaaiioa eonetèU de pointti délioêU a le mbs de /lar, oà il eat
■oias BiiU e^joafd'hai. L'eipreîrioa appartient d'aillean à Moauifae
(t, a5, eitA plu* iiaet).
8. (m a'aiT«ia là m rm (a'arrMow potol iâ ae<r« vw.)
«• l*»»)
10.
11.
la. e La aatara paat talaÎMaat pla» q— l'art a (M/êxitm WÊT
fewrjl téottêlfivttj »
[orm.
SECTION II. 73
qu'un' trait imperceptible dans* l'ample sein de la
nature. Nulle idée' n'en approche*. Nous avons beau
enfler nos conceptions, au delà des espaces imagina-
bles ^ nous n'enfantons que des atomes, au prix de
laréalité des choses*. C'est une sphère' infinie dont
le centre est partout, la circonférence nulle part*.
Enfin c'est le plus grand* caractère sensible de la
toute-puissance de Dieu que notre imagination se
perde dans cette pensée.
'"Que l'homme", étant revenu'* à soi, considère
I. [Polat[Mtom0.]
9. [Le rajte (i'/mmeiiM [l'ampUtade.]
3. [Nt.\
4. [NooM n'IauglaoBê.]
5. Au delà des espaces imaginables, furcharge.
6. [Oturunitade tattnie...]
7. [ÉtOattMBU.]
8. Havet a fait l'histoire de cette célèbre comparaison, il l'a
retrouva dans des rerueils du moyen Age où elle est attribuée h
Empédocle, et quelquefois aussi k Hermès Trismé^ste. Fin tout cas
pascal avait lu la l'réfacr de Mlle de (f uurnay aux Essais de Montaigne :
« Trisniégiste, y est-il dit, appelle la Déit^ cercle dont le centre est
partout, la circonft^rence nulle part. » CF. Giordano Bruno : « L'uni-
ver* n'est que centre, ou plutôt son centre est partout. Sa circonfiérence
n'eat nulle part. » De la Causa, Principio et Lno (4* dialogue) d/Mid
Biirth(ilme«,«, Jordano Bruno, t. II, p. l45. — Dans l'ouvrage de
M. Couturat sur V Infini mathématique, l8g6 (p. 199), M trouve un
rapprochement fort inléresaaat entre la fomule de Pascal et les
notions inflnitittea de la géométrie projective : c Le centre du plan
Mt partout, car l'origine est un point quelconque pris k volonté dans
le flni du plan ; la cireonfér«iio« du plan n'est nulle part, car si on
l'imagine dans le Ani, on toppOM la plan limité, ce qui est contraire
I^ «on id^e ; et si on la conçoit rejetée h l'inHni, ce s'ait pins une rir>
ronf^rrnce ; c'est une droite ou un point. »
9. |Oea.|
10. \Malê pour oooa.) — A la page 348 da ■aaoaent.
11. I..e mouvement de c« fragneat M retroava daas la S«ùntt Plùlo'
Sophie de du Vair : « Qaa l'boaiaM t'arrêta aa paa k aoÎHaéaia... a
Mais l'inspiration da da Vair aal toole ratioaalùla at tout optiaiiata.
13. (Oaaaeatia.)
PtKtftM 01 PASCAL. I — 15
:\ PENStES.
ve (|u il o>t .111 prix de ce qui est*, qu'il se regarde
comme égaré dans ce canton 'détourné de la nature' ;
et que de ce petit cachot où il se trouve logé, j'en-
tends l'univers *, il apprenne à estimer* b terre, les
royaumes, les villes* et soi-même son juste prix.
Qu'est-ce qu'un homme dans ^ l'infuii ?
Mai» pour lui' présenter un autre prodige au.ssi
étonnant, qu'il recherche dans ce qu'il connaît les
choses les plus* délicates". Qu'un ciron" lui olTrc
I. « Veoyont si nous aTons quelque peu plus de clarté en i <
nnce des choses humaines et naturelles. » Mont., Apol.
a. Canton avait originellement dans la langue frna(«iM U -^
«MA.
3. [DmoM rimmtam Oantf— dm eftoM*. et qu'U têtomaê ê» m fw éam
M petit oaeftot oA il M lro«T* logtf (rtftoone «m rmaittn mtatiré [mtp»
de ee eeebot où U m mwre logé (et logé éom m petft Piefcet «iri ■• M
dtowif te VM «se de rvatton gwt M iiirelweli d*aae grmaâmir ai dMa-
M fpl (ea Um qm M qal a'mt qWaa potoi [aloaM taenelMe dtae
rfittle dee efeeeee. Pv là a epprendra.) — Peeeel •'«et eiw-
vcaa de lioatatgne : « Tu ne Teois que l'ordre et U police de ce petit
eavean eàta es logé... cette pièce n'est rien .nu prix Hii innt n ( \pot.)
4. JVntofwif /'ufiMen, en surcharge. — Cf ^ firi-
luellet, tx) : « Qtt'eet-c* que toute la terro ^ oob-
ticnt, selon tous les mathématiciens, qu'un point, et qn'esi-allc Mioa
l'Ecriture, qu'une prison } »
5. (L'nnirera «n'ii Mooorre (le terre eollére (le eM.)
6. (Lee meteom )
7. [lo MOV*.)
8. [rtbr:]
9. (faperoaptfMea.)
10. M. HauMd a signalé une imiution de e« peeeef* par Boaaaet
dans le Troiti du libre arbitre : « Comme la gmadear peot être eesçac
•'angaieater joeqn'i l'inAni sans détruire la raison du corps, il fbut
juger de •#■• de la petitesse. > (Cf. Haufeld, Pateal, Fans igoi).
PeeenI «t également imité de très près par Fénelon, TroiU i» Team*
leaee dt Dim, f* partie, cb. 11 tubfiiu, et par La Bnifèra, iet fi^prte
/ortt.
1 1 . Le eiroa «et aa iaearte qai paaaait poar la plw patil dae aai-
BMax Ytaiblas A l'oril aa et qai était aiati dertaa, avaat riaveatioa
SECTION M. 75
dans la petitesse de son corps des parties incompa-
rablement plus petites, des jambes avec des join-
tures, des ' veines dans ces jambes, du sang dans
ces' veines, des humeurs dans ce sang, des gouttes
dans ces bumeurs, des vapeurs dans ces' gouttes;
que, divisant encore ces ^ dernières choses, il épuise
ses forces en ces conceptions, et que le dernier objet
où il peut arriver soit maintenant celui de notre dis-
cours*: il pensera peut-être que c'est là l'extrême^''
petitesse de la nature*. Je veux lui faire voir là-
dedans un abtme' nouveau. Je lui veux peindre
non seulement l'univers visible, mais l'immensité'
qu'on peut concevoir de la nature, dans l'enceinte
de ce raccourci d'atome. Qu'il y voie* une infi-
nité'"d'univers, dont chacun a" son firmament, ses
du micnHicope, le symbole de l'infiniment petit. Liltr^ cite cet vert
de la Chronii^ue de Du Guetclin (iS.gii) :
Et eilz Frnii(;<M<i droit là, c'estoient bon Brelon
Qui ne prisent Euglois la queue d'un siron.
Mooui^e emploie h diverses reprises eiron à ce sens (cf. fir. QaS et
la BOte) ; l'eipression m retrouve rhes La Fontaine, chex Voltaire
et jusque chez Béraager. Cf. Malebranche, Hecherehe de la vérité, I,
▼I, I : « l/eipérieae« Dout a déjà détrompés en partie eo nout hiMnt
voir dea animaux mille fois plus petits qu'un ciron », eU.
I. (iverft.j
3. [Mu-n]
3. (jroamn. Qu'il.)
4- |OoatfM.|
5. La fln de la phrase en saroharge.
6. (/• venx lai «n mocuw riallale grmaàmv.\
7. |D# grmadmr]
8. |Iiiooaoevai>ie.|
9. Qu'il j voie en surcharge.
10. (De leadee. daae efeaona oae imtlmHé de.)
11. PreaMèra rédaction : |aaj firmament, (dee) planètes, («m] terre ;
dans cette terre des aaimaut et des cirons.
n PBNStlS.
planètes, n terre, en la m^me proportion que le
monde visible ; dans cette terre, des animaux, et enfin
des cirons*, dans lesquels il retrouvera ce que les
premiers ont donné ; et trouvant encore dans les
autres la même chose' sans fin et sans repos', qu'il
se perde dans ces merveilles, aussi étonnantes dans
leur petitesse que les autres par leur étendue* ; car
qui n'admirera que notre corps, qui tantAt n'était
pas perceptible dans l'univers, imperceptible lui-
mrmc dans le sein du tout, soit à présent un
colosse *, un monde, ou plutôt un tout, à l'égard du
néant où l'on ne peut arriver*?
I . [St Oaa» OM dromB mm follalM éTmatftn êmMÊàlm à «mut «a*!!
vttat d'êttuadn. M tomtoan àm ému ^otomâaun pÊntOm, mmt tin «t
MiM Ttpoa.\
I. [Il M p«rdr«.)
3. A la paf* 35 1 daman II
êm Utoam, lagaaHt qaleooqiic
«0*11 état («t cura on |la rm^tak pour I* aalura M poitt aM 1» mépriê à
pas préê qa'U doit aroir] qvi m» m ptrén é»m ma pttttm.]
4. C«r n aarebarge.
5. ]lUftplMM.(
6. Paical M Marient naaifeataoMnt ici d'une Icttr* ^<
éeririt en t654 contre l'inBnie diviaibililé de l'eapaca •€ n-- ■ , -
eonne hit Paical ici m^me de l'étendue abstraite h l'anivart concret :
a Je voa« demande encore h root coroprenes diatinctMMOt qo'en la
cent millième partie d'un ^ain de pavot, il j pèt avoir nn monde,
■on aeolemmu eomae celait, mai» encore toss ee«s qa'Épicure a
■oayét. Pe«Y«»-vo«a eoipc— 4f> dans «• li petit «epeee la différence
et» greadenra, celle dea aoavemenu et de* dittaneea, de combien le
•oleîl eM pin* ^rand i|ae ee petit animal qui luit qoel^veAm dan« la
■«il, et de combien U vive clarté de ce greod oalre aarmeMe r<>ti<>
Ibible Imitf ? Ponves-TOtu coaceroir •■ ee petit Mpaee de rombir» ir
eoMI va plu vite qrn Selanie, o« ai le eoleil eM ioMaoh
yielq— ■ ■■■ ea toat pariaadéa. Poartiea-voaa aapfalar, •>
Arehimède, ea aa liea m aerré, de coibiea le aieatamam da bouirt
^! tort da eeaoa earpame l'allara d'aae tortae ? Treaverea loaa dan«
SECTION II. 77
Qui se considérera de la sorte s'effraiera de soi-
on coin si étroit les justes proportions des éloi^ements, de combien
les étoiles sont an-deiMM de la terre au prix de la lune ? Mais sans
aller si loin, voas poorei tous figurer dans ce petit monde de rotre
fiiçoa la Mrface de la terre et de la mer, tant de profDnds abîmes dans
Tnae «( daos l'antre, tant de montagnes, tant de râlions, tant de fon-
taines, de ruisaeanz et de fleures, tant de campagnes cultirées, tant
de moissons qui se recueillent, tant de forêts, dont les unes sont debout
et les autres coupées, tant de villes, tant d'ouvriers dont les uns
bâtissent, les autres démolissent, et quelques-uns font des lunettes
d'approche qui ne laissent pas de servie parmi ces petits hommes,
perce que leur* yeux et tons leurs sens sont proportionnés à ce petit
■onde ? Qaoi donc, tons ces voyages de long cours, ces grands et ce*
pei <iix qui ^>nt le tour du monde, et dont les uns sont si bons
vo > ne craignent point les corsaires ; ce grand nombre de
coiuImu sur la terre et sur la mer ; la bataille d'.\rbelles, où le roi de
Per«e fot vaincu au milieu de deux cent mille chevaux et de huit cent
mille hommes de pied, sans compter tant de chariots armés ! Consi-
dères aussi la bataille de Pharsale, où César mit Pompée en fuite ;
et celle qu'Aagaaie donna snr la mer, où tant de vaisseaux Fureat
brâlés et toutas les forces du Levant dissipées. La bataille de Lépaata
me semble encore plus considérable en ce petit monde, à cause du
grand bruit de l'artillerie : et cet épourantable combat des souris et
des grenouilles qu'Homère a chanté d'un si haut ton ! En vérité,
Mobsienr, je ne crois pas qu'en votre petit monde on pAt ranger daas
nne juste proportion tout ce qui se passe en celui-ci, et dans un ordre
si réglé et sansembarms ; Mutont en des villes si serrées, l'on devrait
bien craindre, pour le daogar das aabraaaaaeats, de foira des fenx de
joie, et de fondra des canons et des cloebas. Peaaes aosa qa'aa cac
univers de si pan d'étendue il se trouverait das g^éossèCras de voCia sa»-
timent, qui foraiaat oa iKiada aussi petit au prix du leur que l'asl
celui que vous tormta aa comparaison du n^tre, et que ces dimina-
tions n'auraient point de fin. Je vous en laisse tirer la eons^aaMca... »
— La logique de Port-Royal se souvient de Pascal, at pant-Mre aaan
.l<- M> f ( >'!. I ooyaa da eoapraadra que le plus petit grain de
iii.iti. f ^<Mi (liMMblaà riaiai, at qoa l'on ne puisse jaaMÎs arriver A
un.- p irtie si petite, q«a, aos «aalasMat elle n'en aafonaa plasiaaw
.luin-s, mni* qu'elle n'en aafonaanaa infinité ; que la plus petit graia
d«! blé enferma an soi autant de parties, quoique h proportion plus
petites, que le monde entier ; que toutes les figures imaginables s'y
trouvent actuellement, et qu'il contienne en soi un petit aM>ada avae
toulas sa* parties, ua soleil, un cial, das étotlas, «las plaaètaa, aaa
78 PBNSftKft.
mAmc . .1. < « «>n!(idërant soutenu dans la masse
que la nature lui a donnée, entre ces deux abîmes' de
l'infini et du néant, il tremblera dans la vue de ses
merveilles : et je crois que sa curiosité se changeant
en admiration, il sera plus disposé 11 les contempler
en silence qu'à les rechercher avec présomption.
Car, enfin, qu'est-ce que l'homme dans la nature?
Un néant à l'égard de l'infini, un tout à l'égard du
néant, un milieu entre rien et tout. Infiniment éloi-
gné de comprendre le» extrêmes, la fin des choses
et leur principes sont pour lui invinciblement cachés
dans un secret impénétrable *. également incapable
de voir le néant d'où * il est tiré, et l'infini où * il est
englouti.
Que fera-t-il donc, sinon* d'apercevoir [quelque]
apparence du milieu des choses \ dans un désespoir
terre daai uoe jiuieMe admirable de proportions ; et qa'il u'j ait
•aenae des parties de ce grain qui ne contienne evcore ■• aMMide
proportioaael ! Quelle peut ^tre U partie dans ce peik aonde, qai
répond à la grotaear d'un grain de bl^, et quelle cAojaMe JiférMce
doit-il y avoir, afln qu'on puiue dire v^ritableaaMlt ^«c en ^'Ml ■■
grain de bl^ à l'égard du monde entier, cette partie l'ait à l'égard
d'un grain de h\è } Néanmoins celle partie, dont la petitCM* aca* eM
d^jk incomprébenùble, contient encore un autre moada proportionnel,
et ainsi à l'infini, sans qu'on ea puisse trouver ancaa* qai a'ait autant
de parties proportioaaailas qae toat la aMtade, ^aalqaa étam4m» qa'oa
lai doaae a (4* part., ek. i).
I. [n «ara pour la aaiare.)
9. (Da ««aatl
3. joae poarra-t-u àmo aemaamir r aera-ea rimttmi. M fal a« Saratf t
•ira-m le adaat r m «si aa «ra. Ijaleaiiai )
4. (Toal an tirt.]
6. (iraairavaftr.)
7- (aaae a^p*aaca.)
SECTION II. 7»
éternel de connaître ni leur principe ni leur fin?
Toutes choses sont sorties du néant et portées jus-
qu'à l'infini '. Qui suivra ces étonnantes démarches?
L'auteur de ces merveilles les comprend. Tout autre
ne le peut faire*.
^ Manque d'avoir contemplé ces infinis \ les hom-
mes se sont portés témérairement à la recherche de
la nature, comme s'ils avaient quelque proportion
avec elle. C'est une chose étrange qu'ils ont voulu
comprendre* les principes des choses, et* de là arri-
ver jusqu'à connaître tout, par une^ présomption
aussi infinie que leur objet ; car il est sans doute
qu'on ne peut former ce dessein sans une présomp-
tion ou sans une capacité infinie, comme la nature*.
I . Qui. . . dimarehes ? eo surcharge.
3. (o* OM âmu iÊliatÊ é» matmrm, m anmJÊmr M m ^mHhm. rhommt
«■ ooaç€ttt piM alaimtmt ottaf d* gramdêar gat Mtaf tf« pMttmae.]
3. A la page 35) du manuscrit. — [L'bomma faat.)
4. [L'bomm» Ê'nt.]
5. [^aa«iia.i
6. [Mêma mrrirer à ()na«u«. |
7. jr«B4riU.]
8. Quoique Patral parie enrore, (voir le fr. 3 18), comme ai le
v>leil et le« actr«« tournaient autour de la terre, on voit aaaei combien
le touchent les r^r^lation» de la icience moderne wr l'uniTer* exté-
rieur : •• Que Mvail-on de l'infini, avant if>oo? rien du tout. Rien de
l'infiniment grand, rien de l'infiniment petit. La page célèbre de Pa»-
imI, tJint rit^e »ur ce Mijel, e*t Tâtonnement naiFde l'humanité, si
M>'>ll>' pt si jeune, qui commence à l'apercevoir de n prodigteuM
ii;ii'>i Mire, ouvre enfin les yeui au réel et «'éveille entre deax aUmee.
l'ervinne n'ignore qu'en i6lof>Mlilée, ayant re^'U de Hollande le verre
gr«>««i&unl, construisit le télescope, le braqua et vil le ciel. Mais on
sNil nir>in« communément que Swammerdam, s'emparant avec génie
du mirruv<>|io ébauché, le touma en bas, et, le premier, entrevit l'in-
finiment vivant, le monde de* atomea animés ! lia se soceèdent. A
IVf>.ii|iic où meurt le grand Ii^tlirn (|63)), naît >*«* Ilitllanddis. le («a-
M>
PBNSÊB8.
Quand on est instruit, on comprend que' b na-
ture ayant gravé son imago et celle de son auteur
dans toutes choses, elles tiennent presque toutes de
sa double infmité. C'est ainsi que nous voyons que
toutes les sciences sont infinies en l'étendue de leurs
recherches ; car qui doute que la géométrie, par
exemple, a une infinité d'infinités de propositions à
exposer? Elles sont aussi' infinies dans la multitude
et la délicatesse de leurs principes ; car qui ne voit
que ceux qu'on propose pour les derniers ne se
soutiennent pas d'eux-mômes, et qu'ils sont appuyés
sur d'autres qui, en ayant d'autres pour appui, ne
souffrent jamais de dernier? Mais* nous faisons des
derniers qui paraissent à In raison comme on fait
dans les choses matérielles, où nous appelons un
point indivisible celui au delà duquel nos sens n'aper-
çoivent plus rien, quoique divisible infiniment et
par sa nature \
lil^ de l'inSninent petit (i63^). » (Mirhelel, l'ItOfeU, riii, rit/ p«r
Havet.) L« pent^ de Puaral derance la dfrouTWtc da Swa»-
■Mrdaa, dont il aat inutile de dire b Meoadité apria l«a travavs d«
Paatrar.
I. (rooiea Jea.]
s. [ÉlaadMa.|
3. (CoaMw aom «fi^aloM tfaa* la Mjnffw) «oaa (■•] fkiaoM (fat) ém
d«f«i«i« mm (aoaB.]
4. PaaMl avait janillé cette eoaecfNkw daM tas RèJLtmkm «r
VBtprit féomitriqmr : « Qu'y a-t-îl de ploa abewde q«« 6» ptHMmàn
qa'ea dtTtaaat toajoun un eapnce, on arriva aaia k ana divtâen talla
^'an b diTtanni an denv, cbacana daa aMitida raaia ia^hriiiMa al anaa
aac«aa élandaa, et qa'ainai oaa dan adanla d'Itandna êmmu ■■■awhla
MM éwdna ? Car ja voadmia daiander k etmM ^ oal eaue idée,
B*fla eoBfoivaal naOaaaat qna daai indiviaiblaa aa Umèkftan : ■ c'aM
pailMtt, Ua M aont qn'naa mimt ékom, a( parunt laa da«i aaaaable
SECTION II. M
De ces deux infinis de sciences, celui de grandeur
est bien plus sensible, et c'est pourquoi il est arrivé
à peu de personnes de prétendre connaître toutes
choses. Je vais parler de tout, disait Démocrite'.
'Mais l'infinité en petitesse est bien moins visible.
Les philosophes ont bien plutôt prétendu d'y arriver,
et c'est là où tous ' ont achoppé *. C'est ce qui a
donné lieu à ces titres si ordinaires. Des principes
des choses, des principes de la philosophie*, et aux
semblables, aussi fastueux en effet, quoique moins
•ont indÏTicibles ; et «i ce n'est pas partout, ce n'est donc qu'en une
partie : donc ils ont des parties, donc ils ne sont pas indivisible*. Qae
s'ils confesaent, coasae en effet ils l'avouent quand on les presse, qoe
leur proposition est aasai ineoncevable que l'autre, qu'ils reconnai»-
seat qae o« n'est pas par notre capacité à concevoir ces choses que
•ou derOM jager de leur v^rit^, puisque ces deux contraires étant
toM étmx toeoncevables, il est néanaioins nécessairement certain que
l'an dM dm» est vériuble. »
t. Mont., Apot. : m De mesme inpadsoee 9ti. oetle prowesae dn
livre de Democritus : Je m'en voys parlar et toote* ckiMe*. » D'après
Cit., Aead., II, a3.
3. A la page 355 du oMnascrit, avae rappel du titre: (faonyafrt.)
DùproportiM ée Vhomim. — (Oatre «at tfmi \pm (de gtatn (d'à* perler
affliMMMal. «■■• provrar et eoaacttre. /I est adeaaofM fatpoMiMe d* Je IWre,
le aalMBde laflaie de* eàicmm mom dtant il oeeMe o* (oM m fM mom
pomnoB «xprfaar pw paroim oa par peaedM a'aei gVwa trait tevMMe.
iroê a parmlt ooaiMaa aet eoc râla •( Ifaorut ce titre de «aetfaee Urrm :
De omni $eihiU. Mata rtatlaM de fittliais mt Mea.* [Ou volt d'aaa pr»>
aldre rae qm rarithméaqa» amii» tomntt ém proprlâtit Mae aoaiftfa, et
3. (A* eoM meitoppéB «vee It saeade «a'oa sait [peat r«ir.]
h. Dapais e'esl joaqa'à U me faiU pat «oiNS de ttpmeilé addilioa
BMrgiaala. — Aehopper ae se troare gaère qaa ekei Pfeisai ••
XVII* siècle; Calvin l'emploie k diverses reprises, et ea partiealiar
dans cette phrase int^reamate citée par Littré : « Nwstre rnieoa
«tiihoppe k tant d'tmpaïc liemeat», et si «onvent tombe en perpinité
quVIle est bien Iota de aoaegaider certainement, s /mI. ekr., x».
i. DaKartae pablie ea i644 ••• Prmeipia PKikto^ùa.
M PBNSftES.
en apparence, que cet autre qui * < ro\f> les yeui, Uc
omniscibili*.
On se croit nalurcllcmenl bien plus capable d'ar
river* au centre des cboses que d'embrasser* leur
circonf(5rence ; Trlenduc visible du inonde nous sur-
passe visiblement : mais comme c'est nous qui sur-
passons les petites choses, nous nous croyons plus
capables do les pusstkler', et cependant* il ne faut pas
moins de capacité pour aller jusqu'au néant que jus-
qu'au tout : il la faut infînic ' pour l'un et l'autre, et
il me semble que (|ui aurait compris les derniers
principes des choses pourrait aussi arriver jusqu'à
connaître l'infini. I/un dépend de l'autre, et l'un
conduit à l'autre. Ces extrémités se touchent et se
réunissent à force de s'être éloignées, et se retrou-
vent en Dieu, et en Dieu seulement'.
lê T9».]
a. Tiire de Tnaa dea neoF oeaU tlièft q«« Pie de la Miraadole
M proposait de Matenir publiqueoient Ji Roaie e« l4M (la dia-
COMioa ea tut d'ailleurs interdite par le pape) : P«r HmmufOi Itaèêlur
•M ad onuÛM tàhiUâ mmsIs^oImami et iiUtUeetioitem ad tym a—thiioiMi
•cr(/lnlM««R poUietor m* «d infn teriplm LXXIV «iimtlimm p»r mmi
■— trorui rmpommnm. Thèaea mathématiqaea, a* \I (cité par HavM).
8. iJwÊqwfam Mat)
|. (TBlaa ofcaaaa.)
5. « Ja n'ai jainaia eoaaa pf ■oaaa qvî ût paaaé qa'ui aapaea ■•
paiase ^Ire au^roealA. Mai* j'ea ai «u quelque«-uns, très kabilea d'ail-
lears. qui oal assuré qu'an espace pouvait Mr* dirisé ea deax parti**
indirisibles, quelque abaardité qu'il s'y rencontre a (Rifmtiom aar
tttprii fèomHrifit).
1
7. (toj l'aa et («a| l'antre.
8. Paaeal retrouve ici daa peaaéee voiaiaM dea fcaieaaea fonaaka
de Giofdaao Braao aar Diaa aaild da mmàamm «1 da ■talw— (cf.
BaiikolaMaa, «p. ni., X. U, p. §48, 334. •« aariont to6-ao7)-
SECTION II. 83
Connaissons donc notre portée : nous' sommes
quelque chose, et ne sommes pas tout' ; ce quenoas
avons d'être * nous dérobe la connaissance des pre-
miers principes, qui ^ naissent du néant ; et le peu
que nous' avons d'être nous cache la vue de l'infini.
Notre intelligence tient dans l'ordre des choses
intelligibles le même rang que* notre corps dans^
l'étendue de la nature.
Bornés en tout genre*, cet ctat qui tient le milieu
entre deux extrême» se trouve en ' toutes nos '" puis-
sances. Nos sens n'a{)erçoivent rien d'extrême, trop
de bruit nous assourdit, trop de lumière " éblouit,
trop de distance et trop de proximité empêche la vue,
trop de longueur et trop de brièveté de discours
I . [Oecupom aa« ptae».]
3. \Hotn étn o'mt ai.] — Mont., Apol. : m Nous n'aroas aalcaae
comBunication & l'estre, parce que tonte hamaine natnre est tonsioan
aa milien, entre le aaistre et le mourir, ne baillant de loy qu'une
obicare appareM^ •( aaibra, et oaa iacertaine et débile opiaioa. m
Cf. Bniao, d* Immtmo H i—w tnlffiHai (Eiorde) : ■ L'iKNBaM m
Irouve plac4 sur laa lianlM dn temps et de l'éternité, eatre un
modèle accompli et dea eepiea imparfaites, entre la raison et les sens ;
il participa d«ee doaUe état, de l'une et l'autre eitrémité, il se tient
debout ea qaaiqaa aorte, k rbori«>n de la nature » (cité par Bactbo-
Imew, /ordoao Bnmo, iSh', t. Il, p. aaS).
.3. [nom «talgae-l
\. jSorlMl da a4nal (rtewMot da.)
5. (m.]
6. \VHmâm$.]
7. \Lm etomê.]
B. Tout ce paragraphe «a aurg*.
9. [L'bomm».]
10. Je lis dans le manaaerit cette première veraîoa : «a (leaMa] U»
puitunen (de rboaaM). Pascal m n\é d* l'homm*. a ajoaté «ot «C a
né|(Hfé de barrer Irt. Molinier et Michant liaaat
11. ((Maoaratt.)
St PKNSfteS.
l'obscurcit, trop de vérité nous dtonnc ' : j'en sai»
qui ne peuvent comprendre que qui de zéro Aie 4
reste zéro ' : les premiers principes ont trop d'évi-
dence pour nous, trop de plaisir incommode', trop
de conHonanccs déplaisent dans la musique ; et trop
de bienfaits* irritent, nous voulons avoir de quoi sur-
payer la dette*: Bénéficia eo usque bêla sont dum
videntur exsolvi posse ; uhi multum anlevenere, pm
graiia odium reddilur*. Nous ne sentons ni^ l'ei-
I. Étoum* I ici le miis le plus fort : ooiu frappe de itapear, paniljrM
l'esprit et enp^he de romprendrp. C'mI l'exprcMion doat w tert
MoBtaigne daDt an pana|fedont l'B*r«l se souvienl quelques lignas plos
ItM : « La surprinse d'an plaisir inespéré nous eslonne de mesme ■ (1, a).
S. Pent-^tre est-ce MArf , qui redisait, romae on sait, d'ndaettr*
les subtilité des mathématiques. La proposition de Paaeal eet rtfoa-
reuensent rraie dans l'arithmétique uù séro est pris abeolaaMst
eoi— ■ynonjrne de néant. En algèbre, où l'on introduit les aoakfM
négatifs, o — 4 = — k-
3. Mont : ■ La volupté ■ee«e Mt doutourMiae •■ m profoMkar »
(III, lo) et ailleurs : c No^tre extrême Tolnplé a quelque air de gMDÎa-
senenl et de plainte » (II, ao). Pascal avait rencontré ausaî les
•naplw MUTants dans Montaigne : ■ Oultre la femme romaine qui
■KNUtit eurprinse d'avse de veoir son Als revenant de la route de
Cannes, Sophocles et I)enys le tyran qui treapaMwant d'ayM, et Talva
qui mourut eo Corsegue. lisant les nouvelles des honneur* qae le Sénat
de Rome luy avoit décernes ; nous tenons, en nostre siècle, que le pape
L>eon diiiesae, ayant esté adverty de la prinse de Milan qu'il avait
extrêmement souhaitée, entre en tel excès de ioye, que la fiebvre l'en
print, et en mourut. » (I, a. Cf. Charron, SayeM*. I, xxxvii, 3.)
« Il y a, écrit la nocheFourauld (Mor. 46^), na aseèi de bieas et de
auiux qui passe notre sensibilité. »
k. (JVons rendeai lograu.)
5. (SI âne oeae ^aass. elle feJeasa.)
6. K catte première citation Pascal avait ajoali eae bhKs qn'il a
barré* (aoa rail]. — .\n livre III, rh. 8 da* £iMii. Mon' la
pawaga da Tacite (Hn«.. IV, 8) que PasenI a raarodait i«il
Mtvra da eatia pliiaaa da SéaAye (Lattra 8t aaàjlae) : Nmmfdfmtal
^. l&efraad.)
SECTION II. 85
Irème chaud ni rexirême froid'. Les qualités exces-
sives nous * sont ennemies, et non pas sensibles ' :
nous ne les sentons plus, nous les souffrons. Trop
de jeunesse et trop de vieillesse * empêchent l'esprit*,
trop et trop peu d'instruction * ; enfin les choses ex-
trêmes ^ sont pour nous * comme si elles n'étaient
point, et nous ne sommes point à leur égard : elles
nous échappent, ou nous à elles.
Voilà notre état véritable : c'est ce qui nous rend
incapables de savoir' certainement et d'ignorer ab-
solument. Nous"* voguons sur un milieu vaste, tou-
jours incertains et flottants, poussés d'un'* bout vers
l'autre. '* Quelque '' terme où nous pensions nous atta-
cher et nous affermir, il branle'* et nous quitte"; et
I. « L'extrême froideur et l'eitreme chaleur coiaent et rostÏMcnt. m
(Mont., I, 55.)
a. [BtoaMot plus qae août.)
3. (Noua i«s touttrooê, boom ne tee Motoiw phw.)
4. ((Mt«nl.|
5. Port-Royai ajoute : n trop et trop peu de nourriture troublent tes
aetioiu ; trop et trop peu d'iattruclioa Vabetistent ».
6. « Si c'est un enfant qui iuge, il ne sçait que c'est ; ai c'est on
•çarant, il est préoccupa... La An et le commencement de fcienee M
tiennent en pareille bestitc. » (Mont., Apoi.)
7. ■ Lea eitremitei de aostre perqaiiitioB tanbent toatM m
eiblooiMement. a (/&i(i.)
8. [toatoMtUm.]
g. [Abaotammtt]
10. [MommêÊ ioa/oan.)
1 1 . [Cûté et d'autre muu lêtuJa rtut «roir où mom pnattn al d'à ai
d'autre o6té.]
13. A la paye 356 du manascrit.
i3. [Fin «aeaow.)
i4- (A •'«■Ml (•'dMfM. Mt rue AdtedMnMUe.)
|5. [Bn Viattaité]
si nous le suivons '. il échappe h nos prises, nous
gUsse et fuit d'une fuite éternelle. Bien ne ' s'arrête
pour nous. C'est l'état qui nous est naturel, et tou-
tefois le plus contraire à notre inclination : noua
brûlons de désir de trouver une assiette ferme, et une
dernière base constante' pour y édifier une tour qui
t*élève h l'infini ; mais tout notre fondement craque,
et la terre s'ouvre jusqu'aux abîmes.
Ne cherchons donc point d'assurance et de fer-
meté. Notre raison ^ est toujours déçue par* l'incon-
atance des apparences, rien ne peut fixer* le fini entre
les deux infinis', qui l'enferment et le fuient*.
* Cela étant bien compris, je crois qu'on se tiendra
en repos, chacun'* dans l'état où la nature l'a placé.
Ce miUeu qui nous est échu en partage étant tou-
jours distant des extrêmes, qu'importe qu'un homme
ait un peu plus d'inteUigence des choses? S'il en a,
il les prend un peu de plus haut : n'est-il pas tou-
(n ê'éofuit.]
[Itoaa] arrête. C'est l'eut [qui wt] le plut roniraire.
[tar qaoi août palealooe.)
[Déçmt loM à tait)
I.
9.
3.
4
5 .
6. [Htin «fflort à pamrttr êttUmat.)
8. • Si de foHane tou* flches voetre pente* k Toaloir preWrt wa
Mlre,ee Mra ne pin* ne mointqae qai voaldroit empoigner de l'een ;
eer tant plut il «errera et pretsera ce qui de m wUnre conle par toal,
Unt plnt il perdra ce qu'il voaloit Unir et empoifaer. Ainai ven qne
tMtM dMMe eoM «ibiMtM à pewr d'aa eiMBfMMal m •nîtn, U
nimm, q«i y okerelu ■■* reeilla MkeiiUaM, ■• ir*u*a d»cmu*.. *
(Mont., Apol).
9. Lf dent paragmplie* MiiTanU *• terge .
10. CAaniN en mrebarge.
SECTION II. 87
jours infiniment éloigné du boul, el la durée de notre
vie ne l'csl-elle pas également infiniment de l'éter-
nité, pour durer dix ans davantage' ?
Dans la vue de ces infinis, tous les finis sont égaux ;
el je ne vois pas pourquoi asseoir son imagination
plutôt sur un que sur l'autre. La seule comparaison
que nous faisons de nous au fini nous fait peine.
Si l'homme s'étudiait' le premier, il verrait com-
bien ^ il est incapable de passer outre \ Comment se
pourrait-il qu'une partie connût le tout*? — Mais il
aspirera peul-elre à connaître au moins les parties
avec lesquelles il a de la proportion? — Mais* les
parties du monde ont toutes un tel rapport et un tel
enchaînement l'une avec l'autre, que je crois impos-
sible de connaître l'une sans l'autre et sans le tout.
L'homme, par exemple, a rap{K)rt à tout ce qu'il
connaît. Il a besoin ^ de lieu pour le contenir, de
temps pour durer, de mouvement pour vivre, d'élé-
ments pour le composer*, de chaleur et d'aliments
pour se^ * nourrir, d'air pour respirer ; il voit la lu-
I . ■ Dix aaa «st le parti » (tr. iiS).
3. [Ptatât.]
3. (Ouw Mal â» OM onMt ât mb (riHpafmaot où a att)
4- (Ob'U / feonMrali ai mrloatti, uutê fl sa la voli paa. J* cntfa qtfom
toit «aaaa pmr là qm» rboaaa 0'aal p«a.| Lne partie (ae paot eooMfir^
le loat.
5. « Mai* nosire eonditioa porte qoe la cognoitMaoe de ee qae
noos avosa ealrc bmio* est aaaai ealoiagaee de aoos, et anaai biea as
deMu de« auea. qae celle dea aatraa a (lloal., Apol.).
6. Le preaier aiou éaoaee WM iBMaace, M le Meoad iiati la ré-
poaae k cette iaalaaet.
7. [BraUmtmt» pomr m aomrrtr, d'air pom raiplrar.]
8. (OelaaMrv.)
9. Paacal a écrit peur Hoarrir.
m PBN8ÉKS.
mière, il sent les coqis : enfin tnut tombe sous ' ton
alliance'. Il faut donc pour connaître l'homme savoir'
d'où vient qu'il a besoin d'air pour subsister: et
pour connaître l'air, savoir par où il a ce rapport à
la vie de l'iiomine, ctc/. La (lamine ne subsiste
point sans l'air ; donc, pour connuin'* l'un il faut
connaître l'autre.
Donc, toutes choses étant (mum •> < t caiiHantes,
aidées et aidantes, médiates et immédiates, et toutes
s'cntretcnant pur un lien naturel et insensible qui lie
les' plus éloignées et les plus dilTérentes, je tiens
impossible ^ de connaître les parties sans* connaître le
tout, non plus que de connaître le tout sans con-
naître particulièrement les parties*.
I. [Sm r*obwcbm[m déptoâame».]
a. Ce mot, «Met inattand*, ett an loaTenirileRayaeail Scbon. La
chapitre ii d« la TkMogi* matmrelU n'a pai Hé ^tnDgvr k l'iaiyif
tion de I*a«r«l dan* o« puMye : « Il [l'homme] te rapporta am eorpa
iaMBtiblei... il en eu noarri, il loge ehea eus, il rit par laar aojraa,
at na peut s'en paaaar an aanl oioaant... Il a nne grande alliaaca,
eoBTcnance et amitié arae la« aotraa créatarat. m
3. (Ceavl.)
4- Page 359 dn manucrit.
5. [U naoMM.]
6. i«*irfia.|
7. (irao eooaaftrt amtmm mtÊê mm tatitm tm mwttm. tftmà <tr> é»-
peaifMa. paremeal al ataolaaaaL]
8. (lae ooaaafira loaMa.]
9. « Theopliraela» diaoit que l'humaine eogvoimanra, acbaminaa
par laa tant, pouvoit iugar da« ranaet de> rboM* iaaqnaa à «na oar*
laiaa maaara ; mai* qv'aalanl arrÏTee ani canae« aitramaa at praaiaraa,
U Mloit i|a'aUa •'arratUM, at qu'alla rabourhau, à raiwa, o« da m
IbiMana, o« da U difKeaité ^n eboea*... L'homma aal capaUa da
lovlaa eheaai, eoima d'aaleanaa : at a'il advoua, romaM did TIm»-
pliwafi, i'if»OT«Bea daa canaaa pramiaraa at da* ptineipa», qn'il m»
quitta hardiamant tout la ra«U da m iciaaca. » (llaMidfaa, Apol.)
SECTION II. m
[L'ëlemité de» choses en elle-même ou en Dieu
doit encore étonner notre petite durée. L'immobilité
fixe et constante de la nature, comparaison au chan-
gement continuel qui se passe en nous, doit faire le
même effet.]
* Et ce qui achève notre impuissance à connaître
les choses, est qu'elles sont simples en elles-mêmes
et que nous sommes composés de deux * natures
opposées et de divers genre, d'âme et de corps. Car
il est impossible que la partie qui raisonne en nous
soit autre que spirituelle ; et quand on ' prétendrait
que nous serions simplement corporels, cela nous
exclurait bien davantage de la connaissance des
choses, n'y ayant rien de si inconcevable que de
dire que la matière se ^ connaît soi-même * : il ne
nous est pas possible de connaître comment elle se
connaîtrait.
Et ainsi* si nous [sommes] simplement matériels,
I ■ Voici BM antre rMjiction de ce pmmagt : c Et M mû aelièTe notre
iapnieMBoa («M la rtapWalK 4m oteew «omipÊNê «fw aotre «M tfooM»
««B^peei. n y • ém aàmÊr^UéB Imvimnitèm à mmhutn ee poimt, eer il
e« êaml ■>»<■ ^i^fiiH et mêtr qm ràamm» mt cctmptaê éa éêêm par-
Um 4a dittirmita aman, é'âma ai éa oarpa. OaU mam ramé «apalMuli 4
oaaaattre io«m eàaaaa. Qm tf m aJe oeoe aaaveMtaa «l fa^ea /Htamêa
fw aeae ■oimm le« aorparaia. la laima à tagat acmàêam ta mafUàn am
tmaaimbia de ooaaaf ire le matiêra ec ce qm paat éa la fteae toar aam-
■iMre. [mam o'eM pbm impeaaiÈta fw eeta. Comaaroma dMe fM aa mé-
tÊa§a faafHt « de aMMr* [berna maaa dhpiipiiiil (ei almat h êara
•oM mmértl ma poarratt aa eonaellre.)
s. (Ooeet-l
S. (Toadrait.]
i. Se nfcharfe.
5. (jrtfteat)
6. [toit «ne) no«e iOjroM : Paacel en barrent Mcl fM avait leiaié le
•ubjoadif ne» aajamê.
tmuàn M r*scAL. i — M
«0 PENSEES.
nous ne pouvons rien du tout connaître, et si nons
sommes composés d'esprit ei de matière, nous ne
pouvons connaître parfaitement les choses simples',
spirituelles ou corporelles.
De \h vient que ' presque tous les philosophes con-
fondent les idées des choses, et parlent des choses
corporelles spirituellement et des spirituelles corpo-
rellement*. Car ils disent hardiment que les corps
I. Ahp«geS6odaa«Baaerit. — [Car*
UmemmmtlÊ — tfért, yHft aMn mippôt^êtttmoMtn
m fÊTtiê ipft'HBtl. «c cwwii eouMftrtoM-.
tptrhmOm, cyasi u oorpt fut aom aggrmra «c aoai àala» rtn to iht* t|
a. (Toia.)
3. Havet a fort k propo* rapproché 4« M paatage «■ tattm im niai
Attgnttin qu'Arnaud avait traduit ea l656: ■ Voabat OOMUiflf* par
l'eaprit et par riateilifeaee Im cboMt oorporallaa et voir par le* ««M
les ■pirituelle* ; ce qui ne ae peat m (^D* taviritM» rtiigiom.ch. xkktii,
«ai fut*). — Ce paaaage est développé oC eoaMBeaié daaa la Lofiqmda
Puri-Rojal: « Ainsi, trouvant ea Booe-méaiw deux \àits, eella et la
Mibetaaee qaî peaae, et relie de la substance étendue, il arrive soavcat
^pa loroqaa aoos considérons notre âme, qui eat la substance qai
poMO, aoaa f aiéloM iaïaawbiaiBat qaal^aa ekoae de l'idée de la
Mihalaaea étaadoe, coaiM* qvaad aooa aoaa iangiaons qu'il fbal que
aoire âme remplisse un lieu, ainsi que le remplit un corps, et qu'elle
ne le serait point, si elle n'était nulle part, qui sont des choaea qui ne
conviennent qu'au corps, et c'est do là qu'est née l'erroar iaipie do
cous qui offoiont l'àaM aM>rtollo. On peut voir un evcelleat diacoers
êm ioîat AafUtia sor eo •^j*^ ^** ^ '■*'^ ^ ^^ '■ Trinité, o<k il
■eatre qu'il n'y a rioa do pias fceilo à eoaaahre qao b mMwo do
■otre âme ; mais que oo qai brooillo loo koaiaos ool f«o, loalaot b
ooonattre, ils ne sa coatoatoat pat do eo qa'ils oa eoaaoioooal toas
^ae, qui est qao e'wt aao «ibolaneo qai poaao, qai voal, qai doalo,
qai tait ; auiia ils joifaoat à 00 4|B'otto Ott 00 q«'olb a'oot pot, to b
Toabat imaginer toao qaolqaot a» do oot iiatAaMt teao looqatls ib
OBt ooooataaié do ooaooroir lot cImoob oorporoUot. Qoaad d*oalro port
aew eoooidéroat lot eorpt, aoot avoat bioa do b poiao k aoaa oaâpé-
ohor d'y ■<ior qaolqao ekooo de l'idée de la subsuaoo q» poaao ; eo
qoiaoat lût dira daa corps pasanu i^u'ili «i<ul«>nl allvr au cealrv ; air. ■
(D, Tll.)
SECTION II. M
tendent en bas, qu'ils aspirent à leur centre, qu'ils
fuient leur destruction, qu'ils craignent le vide,
qu'elle' a des inclinations, des sympathies, des anti-
pathies, qui sont toutes choses qui n'appartiennent
qu'aux esprits*. Eten parlant des esprits, ils* les con-
sidèrent comme en un Ueu, et leur attribuent le mou-
vement' d'une place à une autre, qui sont choses
qui n'appartiennent qu'aux corps.
Au heu de recevoir les idées de ces choses* pures,
nous les teignons de nos quahtés, et empreignons
[de] notre être composé toutes les choses simples*
que nous contemplons.
Qui ne croirait, à' nous voir composer toutes
choses d'esprit et de corps', que ce mélange-là* nous
serait très compréhensible P C'est néanmoins la chose
qu'on comprend le moins "*. L'homme est à lui-même
le plus prodigieux objet de la nature ; car il ne peut
concevoir ce que c'est que corps, et encore moins
I . Elle, c'Ml-i-dire la matière.
a. SoavMur d«s écriu ■BJMHH^aei mu Vhydroêtatufur . voir m parti-
culier la fla à» Rieil d» l» frmàt «apintmtt : « C'eal ainsi que l'on
dit que b ijrnipatliie et antipatJiie dai eorpe antareb aoat Iw eeaaea
efficiente* et nniroque* de piusiear* efleta, emaae « d«a eorpe îaa-
nimé* étaient rapabletde syaiiNithie et aatipathie. » OBÊmrm et Ptat^^
éA. Lahure, t. III, p. l46.
3. [Vmr awttaaai Je ■otimi tomt et]
&. [D'ualieB.]
5. \U Jm Mtat) de (•••) qoalit^ (et jwfre de mm.]
6. |Od'M cemmmpt» ; «rmi timit «a*!! iorae raatfers (^ree fa*!! aai
boné. U Mrae raairera ce]
•j. Voir [qttU] compote.
8. (Foor Im oomyreadre.]
9. jtaf] terail [fort)
10. (aj
M PINSftiS.
ce que c'eit qii*esprit, et moins qu'aucune chose
comme un corpe peut Hro uni avec un esprit. C'est
là le comble de ses dilTicuUds', et cependant c'est
son propre être': Modtu quo corporibat atUutrent
spirilus comprehendi ah hominibu» nonpotett, et hoc
tamen homo est'.
Enfin pour consommer la preuve de notre faiMasse,
je finirai par ces deux considérations*...
70) 73
[Mais pcut-ôtre que ce sujet passe la portée de la
raison. Examinons donc ses inventions sur les choses
de sa' force. S'il y a quelque chose où son intérêt
propre ait dû la faire appliquer de son plus sérieux,
c'est à la recherche de son souverain bien. Voyons
donc où ces âmes ibrtcs et clairvoyantes l'ont placé,
et si elles en sont d'accord.
I. ((
s.
3. St Kug., De ein. Dei, XXI, 10, op. Moil., Apol. prAeMA d«
M ooaineauire : m Conme une impre«ioa •piritoell* Ham mmm l*IU
tbolcM dan* on tubiel mawif el tolide, el la oature de la liaitoa «1
cottstare d* om adaùniblM raaaorta, iamatt boaa« at l'a «eca a.
4. (ValiÉ — parut êm mÊÊmqwt rmémt rSo— 1 1mkêia» à oa»»
Mfm li aatart. as» «« faflafa «■ ému ■fUffM. Utm immMmm,
aa» dB« •< ■• ptrpttm («mIMImi ^«ydlMaMMai m aom Sir» ; O fÊtm
M mt aonal. Aaa afeotM 'aa paittaritar ■• oarroaipaai M •• oiaafaai à
ataf» laaiaai. tt a» Im volt fa*aa »■— ai aBM oat aa (Jaar frtmtif* ai
m»] IMT fla. O aa aoapoli al raa al raairv. aaaa aoai ÊtÊÊ^èm ma m»
ÉUMnmÊm. ai pear aoaaoauBar la jwaava da
I. I0 fliAntf par om ëMS riflaglaM sar rtfiat da aocr»
•1.
73
a. B.. s«:C., &i: P*o« , il, isi; Mol.. I, i;i H i. 1S8: M» , 19!.
5. iPorMa.l
SECTION II. n
[L'un (lil que' le souverain bien est en la vertu,
l'autre le met en la volupté : Tun [en la] science de la
nature, l'autre en la vérité* : Félix qui poluil rerum
cognoscere causas*, l'autre en l'ignorance totale,
l'autre en l'indolence \ d'autres à résister aux appa-
rences, l'autre à n'admirer rien , nihil mirari prope
res una quœ possil facere et servare bealum, et les
vrais pyrrhoniens en leur ataraxie, doute et suspen-
sion perpétuelle*; et d'autres, plus sages, pensent
trouver un peu mieux. Nous voilà bien payés.
[Transposer après les lois, au titre suivant*.
[Si faut-il voir si cette belle philosophie^ n'a rien
acquis de certain par un travail si long et si tendu.
1. [L'lioinaM.i
X. (£t M la coiiinl— M ém eftOMs] l'antre en riodoleace. — Moat.
Apol. : « Les uns diwilt aotre bien estre logf en la vertn ; d'antras, m
la volupté ; d'autres, au conientir à la aaUire ; qni ea la tciaace, qai
it n'avoir point de douleur, qui à ne te laiiaer emporter au appareaeea;
et k cette fanutie aenble retirer rett'aultre de l'ancten Pjrtha^ras :
Mil admirari, prope est una, Numiei,
Solaqat, fa* pot$U faeert et seroore beatoM,
qni eat la fla de la aecta pjrrrboaieaaa. m (Cf. Charroa, Sn^ene H,
««. 7)
3. Georg. Il, 490, cité par MoataigM (III, 10). — D« l'aatrw k
rien, snrrharge.
4. a Voilà pofurqooy la Meta da pluloaapbie, qoi a la plaa fctec
valoir la volaplé, aaeofva l*a alla raagaa k la tanla iadelaaca a
(Apol).
5. Et <rautre$ k m ptm «M0, — fdiarfe.
6. Ea aur^. — La àifriopfumaM mt It» lok t tronT«d'aillear«
k la paga 69, sur la aitaia fbailla ém mmmmatrit {h. i^). Le* iadi-
cation» de re gaara, qa'oa tfoava 4aa« la aManarrit da Paaeal, aalft-
•aat poar déaK»atrar qaa Paaeal teh laia d'avoir arrflé d*aaa iiçea
détaitiTa l'ordre de \' Apologie, et coaibiaa il aérait t^aéraira d'ea
prélaadra doaaar aae racoaatitution.
7. Bette eagtme, dit Moauifsa (Apoiojie).
M PBNStBS.
pcut-Atrc qu'au moins l'âme se connaîtra soi-m^mcV
ÉoGutons les régents du monde sur ce sujet. Qu'ont-
ils pensé de sa substance? 395*. Ont-iU été plus
heureux à la loger? 896 '. Qu'ont-ils* trouvé de son
origine, de sa durée, et de son départ? 399.
*[ Est-ce donc que l'Ame est encore un sujet* trop
noble pour ses faibles lumières? Abaissons-la^ donc
à la matière, voyons si elle sait de quoi est Cut* le
propre corps qu'elle anime et* les autres qu'elle con-
temple et qu'elle remue à son gré. Qu'en ont-ils
connu, ces grands dogmatistes qui n'ignorent rien?
393 '", Harum sentent iarum.
[Cela sufFirait sans doute si la raison était raison-
nable*'. Elle l'est bien assez pour avouer qu'elle n'a
encore pu trouver rien de ferme : mais elle ne déses-
père pas encore d'y arriver : au contraire elle eat
aussi ardente que jamais dans cette recherche, et
I. « Noat l'tvoRt prope<é lay «eii» k toj ; et n niitoa, à « rai-
na, pour veoir ce qu'elle bous en diroit. » Mont., Àpt^.
s. Renvoi k Monuigne (Apol.) : ■ Or, Toeyaoa* oa qaa l'Iiaaaiaa
raiton nouia «pprini de loy et de l'ane... a
3. « Il n'y a pa« aïoiat de dUeentioa ai de àtkaà à la toftr. ■
ilhid.)
i. (ra]d«|fladar«a.)
5. Paye 360 da aMianaerit, aprèe la Ha da fr. i^.
6. (/a tujftf tu Mreharge.
7. Lm, ea •arebarge.
9. (OMur.)
10. Le chiffre iadi^ae nae doaie qae Paaeal le pMfMiill 4sMa>>
fleur la ciutioa : Apolofiê : m Bl aptaa loat ee deaeelbfWMal «Pey^
aioa» : Hvmm êmîmikrwm fm mrm ùt, Dtt» eiifati mâtriL a (Cie.,
Ta*.. I, II.)
II. [«att eut ero— Ti Hm fa'aUa.)
SECTION II. fn
s'assure d'avoir en soi les forces nécessaires pour
celle conquôle. Il faul donc l'achever, el après avoir
examine ses' puissances dans leurs effets, reconnais-
sons-les en elles-mêmes; voyons si elle a quelques
formes* cl quelques prises capables de saisir la
vérité*.)
487) 74
Une lettre * de la folie de la science humaine et de
la philosophie.
Cette lettre avant le divertissement .
Félix qui potuit. . . Nihil adnûrari '.
a8o sortes de souverains biens dans Montaigne*.
I. M. Michant lit tet.
a. Xou* lisons forme*. M. Motinier donne force* qui serait
enc«>re satitfîiisant poor le wnt. Cf. Mont., Apol. m Les yenlx ha-
ntai ns ne pearent aperrevoir lee eboMt que par les /ormes de lear
rognoîteance. »
3. L'esprewioa est eacore ne aooTenir de Moalaîgae, Apol. : « si
les prinses hsaaiace estoieat esses espeUes e( Bities peer saisir le
vérité. »
74
a. R., 197: C , 8; FàM., II, 391 ; H«*., \XV, 109 kt; Mol., Il, «i;
Mica . Md.,.
4. Vw lettre, sarrbarge.
5. Cf. ftp. 73.
6. \u (irbut de V Apologie, MonteifM repporte l'opieioa ém pMlno
phe Herillut qui logeait.dans la srience lesoeverain biea. Kt pies leia:
« il n'est point de eonbot si violent entre les philosophes, et si aspre,
que reluy qui se dresse sar la qneuion du souverain bien de l'boeiBe,
duquel, par le ralcal de Varro, nasquirent deux cent quatre vin^
huit sertet. ■ I^ teste de Varron auquel MonUigne ftiit alleaioM
s« trouve dans Ut CUi dt Dieu de saint Augustin (XIX, s) ; eaari
est-il an de ceut que Jsnséaios rite daes soa Awjmimm.
N PINSftlS.
Pnmàrt Copw »^^] 74 bU
Pour les philosophes a 80 souverains biens.
Part. 1. 1. a. c. I, Section V.
[Conjeclure. llneserapasdiflicilcdelain !• -< • ndie
encore d'un degré cl de la faire paraître ridicule. Car
pour commencer en elle-môme], qu'y a-t-il de plus
absurde que de dire que des corps inanimés ont des
74 bi«
II. 86, HitT , WII/Sj l«r; Mot.. I. 17S : Micb ,
Cf. C, 47S; F»ta
936.
75
a. P*o«., I, 101 ; Mat., XXV, «07; Mol., II, i5o; Mua.. 617.
t. BoMot a publia, à la sait« de«Tr«itA« mr v6qmlAn en U^man
et Mr la Pesanteur de l'Air, quelque* pages aooa e« titre : « FragmêKt
d'un autre plut long ouvrage de Pateat tur la mitna matUra, àhoiai m
partiiu, livret, ehapitret, teetiont et artlelet, dont il ne t'est tnmti fM
ttei parmi tes papiert : Part.!, Lit. III. chat. i. ascr. net m. a Le
lÎTre II derait contenir un« doute la diieuMion det hypotlièm ae»-
lastique» ; le livre III devait expoaer les résolUU aaïqacU PMeal
était arrÏT^, si on en jage par les sujeu dee StClioas II et III, qai
■OM ont Hè conserrées : ■ Sbctiou II. — Qm lê$ affett tant vanMt$
MtMnl la variiti ée$ tampê^ tt fs'ib $oiU d'aaltM pbu om moiatfnmât^
qme Fair ett plat om mojm émrfi. Baonoii III. — De fa rkffa àm
•arMlioM fw vrvmd à et» *ffet$ par la mnUà de» ttatp» m. C'«« à eae
flrafaMla qaa •• réfkrmt les ligaa* eoaaerrAee 4sm le awaMerit.
Paseal «bamloBM eee diTÙioM, « eeadMia m p—iée iam» Im éun
T/vilis, qni farMt paUiia •■ i663. LaCbnefaMM de Me TratU» tMaya
aToir gardé quelque trace du fragment que BOW eoi— tOM : a II
est aaaiatenant assuré qu'il n'arrÏTe aucun effet dans to«l« b aatare
qu'elle produise pour éTÏter le TÏde. Il ne sera pas difBdIa de paeaef
de là à Mootror qu'elle n'en a point d'horreur ; car celte fbfoa de
perler a'eat pee propre, puisque la nature crMe, qui eet mD« doat il
a'afit, n'étant pas animée n'est pe* capeUe depeeaioa. » (QBwrei é»
Fucal.éà. Uhure, t. III, p. is|.)
SECTION II. 91
passions, des craintes, des horreurs'? que des corps'
insensibles, sans vie et même incapables de vie aient
des passions, qui présupposent une âme au moins
sensitive pour les ressentir? de plus', que l'objet de
cette horreur' fût le vide? qu'y a-t-il dans le vide qui
leur puisse faire peur'? Qu'y a-t-il de plus bas et
plus ridicule? Ce n'est pas tout* qu'ils aient en eux-
mêmes un principe de mouvement pour éviter le
vide: ont-ils des bras, des jambes, des muscles, des
nerfs?
Première copie 335 1 76
Ecrire contre ceux qui approfondissent les sciences :
Descartes'.
I. (Oefl déplu.]
S. [tnaolmét, morts, et gnJ ne les.]
3. [Pottrqaol ut-ce qti'UM oat [aâtiçaet-on de [à Mile].
4. [On dit qae to.)
5. [tl n'y a tien da tout [ea effet [tiM oat dooe pMB* 4» rtee.]
6. [Leur horreur Berett sana effet ê'ila a'mratmat &m Hmm pour texé-
tmmr; mhk oo tour «a »mitMM M de tr«a pul— wrw Oa dfi «m om msI»»
tÊtm m OBI pmtr du rtâê, maia qurm Ml ISmbM dt rérhtr] m ■Mnreir
pour rértter.]
76
Cr C . 187; Fais.. I. i3S; H**., XXIV, 100; Mot., 11. t48; Mica..
•i'ii
7. Le m.l. M \|. . r iloiit Paicnl «viiil fiiil ronn«i»Mnce par l'in-
termAdiairr d.- Mm. <)'■ >.iblé, frrtt à Huet le 3i joillet 168g, (Un* une
lettre %»r ta pliiloiopbie de Dcarartes. « Il ftwrt ttftmiuwÊ do— r cette
gloire à feu M. Pascal, que «es granda eff •■—te «vœ la diari-
pline de Jant^nio» ne l'ont pa« emp^cli^ de t'en Boqner ouvertement
et de la qualifier do booi de RoOMO de la Nature. » (Cil> par lUr-
tholneM, //urf, p. 91.)
M PINStES.
' Je no puis pardonner à Descartes ; il aurait bien
voulu, dans toute sa philosophie, pouvoir se poaaer
de Dieu : mais il n'a pu s'empêcher de lui faire donner
une chiquenaude, pour mettre le monde en mouve-
ment; après cela, il n'a plus que faire de Dieu.
4i51 7l
Descartes inutile et incertain*.
7T
a. Boa., I, X, kl ; P4M., I, 3<9; Moi.., H, i48; Mmb., toœ.
I . Ce fragment a'eat mu douta q«« le ■onvcair d'wM etmtmmtàom
de Paical : « M. Paaeal, rapporte Margeerile Périer, parlait pe« de
•rtenrea ; cependaot, quand l'ocraiion f'en pr^aentait, il dÏMit toa
•enliment sur le» choaea dont on lui parlait. Par exemple, sur la pki-
loiophie de M. Deeoartee, il disait aaaei ce qu'il pensait. Il était da
snn sentiment sur l'aotomate, et n'en était point sur la matière aabtile,
dont il se moquait fort. Mais il ne pouTait souffrir sa aMaière d'expli-
quer la Formation de toutes rboses, et il disait tris soaveM : Je ae
puis, fte. • {Bihl. Nat. ms. iSaSi,/. fr., p. 177). Cf. tr. 5ia.
Cr. B., «64; C, >63; Fâve., I, tSi aoto; Hsv., XXIV, 100 iv;
II, iS6;Mioa, M3.
s. Inutile, parce qaa m adtBplijreiqae ae loaebe pae k c l'aaiqaa
aéeemiira » ; iaeertaia, parce qu'il édifie soa êjnkmtt ém dMeaeear
de* priacipea e priori qui ne peuvent être qae des hypetlièeat. Il at
fcat pat Yoir daas eeue critique de Deeearlae par Pascal aa dii?ea
de eoa paaaé aeieatilqtte. (l'est aa eoatraîre ea savant ^ae Paaeal parla
ici ; ai ea géométrie ai en physique il ae sait la aiétlHide eaitémaaaa,
il ae croit ni k l'évideace des idées simples ai k la poasikiKté de «••-
atraire ratioaaalleaMat le aM>ade. Se f éométtie eet sy tàéti^ae et eoa-
erèce, sa pbym^aa eel e«périmeaule et aaUmétapliyeiye. La PMeal
eartériea, aa im» abeela oà oa Pa eal— da, an «ae llgaait.
SECTION II. «
i5a) 79
[Descaries. — Il faut dire en gros : Cela se lait
par figure et mouvement — , car cela est vrai. Mais de
dire quels, et composer la machine, cela est ridicule.
Car cela est' inutile et incertain et pénible. El
quand cela serait vrai, nous n'estimons pas que toute
la philosophie vaille une heure de peine VJ
aSaj 80
D'où vient qu'un boiteux ne nous irrite pas, et
un esprit boiteux nous irrite*? à cause qu'un boiteux
79
a. B , Si; C, &S; Bm., If, p. bki; Fam., I, 181; Hat., XXIY, 100
6ù; Mot., Il, 1^48; Mica ,$71
I. (raox.)
J. On voit par la suite îles nlr-es If sens i^iii> I'.inciI «lnniM- m iii"!
de philosophie. Sniv.«nt I'uvijjp .t peu (>rc< (-■■ii-.l.irit ilc «^rs i .iii|tMii(>..-
raina, el de t)e»carte$ lui-n^roe {De* l'rincipe* He l'hHo$opHir)^ U pht-
loaophie s'eotend de la philosophie naturelle, de la ■ icienre des
cboiM extérieures n. Paseal, oomaM Socrate, se détourne de la philo-
aophi« naturelle pour se toamer y*r% la philosophie morale ; mais, sai-
Tant la remarque profonde de M. Bontroux, leurs rootih sont iavsraaa.
Pour Socrate, l'univers extérieur étant l'truvre des Dieui, e'aat aapi^
Mr mÊf laar dcMMÙas ^m de rechercher les causes des phéaewènee
■atarab ■■ lien de c ealitTer nolfe jardin », c'est-à-dire au lîeo de mmm
connaître et de nous corriger nons-mémes. Pour Pairal l'homme a biea
U capacité de connaître l'anivers; mais cet univers est c mnet •, il an
■èae pas à Dien, et e'eet pourquoi U eon— imeace •■ est stérile.
So
a. B.. s6: C.S3: P. R , XXIX. 5: Bp. . I. »».. n; Fàaa , I '-
lU* . V. 10: Moi.. I. «7: Hks . Soi.
S. MoaUigae III, 8 (Oe Vvt de tm/értr) : a De vrajr, pourquoi,
•■■s BOUS eemouToir, reueoatre— uous quelqu'un qui ayt le eerpe
lortu et mal basti ; et ae pouvons souffrir le reaeoatre d'un eaprit ami
100 PBNStlS.
reconnaît qne nous allons droit, et qu'un esprit boi-
teux dit que c'est nous qui boitons; sans cela nous
en aurions pitié et non colère.
Épiclète demande bien plus fortement : Pourquoi
ne nous (âchons-nous pas* si on dit que nous avons
mal h la ti^te, et que nous nous H^cbons de ce qu'on
dit que nous raisonnons mal. ou que nous choisis-
sons mal '. — Ce qui cause cela est que nous sommes
bien certains que nous n'avons pas mal à la télé, et
que nous ne sommes pas boiteux : mais nous ne
sommes pas si assurés que nous choisissons le vrai.
De sorte que, n'en ayant d'assurance qu'à cause que
nous le voyons de toute notre vue, quand un autre
voit de toute sa vue le contraire, cela nous met en
suspens et nous étonne, et encore plus quand mille
autres se moquent de notre choix; car il faut pré-
férer nos lumières h celles de tant d'autres, et cela est
hardi et diflicile. Il n'y a jamais cette contradiction
dans les sens touchant un boiteux.
rwfé MM BOlu MMn M ebolera ? C«tu TioiMM upraU tiMt pl«
•■ iogs qn'k U (hultc. ■
I . (O* M go'oo dit]
s. Voir Épictète, Entretiens, IV, 6 : « Tu l'inquiètes û le* aatrea
oat pitié de toi. — Oui, parce qu'il* me plaignent mq* que j« le
■léril*... — Coaaent ta pUi^ent-ils «an» que tu le mérites. En aa-
■îHMtaat riapretaioa qoa U pitié fait tur toi tu te préqarca à t'en
raa^rt digaa... J'ai la t#ta aaiaa, al ponrtani tout le monde voit que
j'ai «al k la téta. Qae ai'iaiporta ? ■ (Trad. Thuroi, p. 44o)- — Cf.
fn«ola : ■ Nom aa aoM «attOM pM aa eelèra lonfv'oa «'iaMsiae
qaa bom avoaa b Serra, quad aoM wiaa awaréi da aa pM l'avoir.
Poarqooi doae a'aigrit-oa ooatfa eaai qat eroiani qaa aoM avoaa
eoMeiaaaa ém fcaiM qaa «dm a'avoM pM aoaaiiaae », aie. (Oa
M^fw iê mmmm k fdm mm Im kmmm, s* patt., oh. tu).
SECTION II. Ml
493] Sx
L'esprit croit naturellement, et la volontë aime
naturellement; de sorte que, faute de vrais objets,
il faut qu'ils s'attachent aux faux*.
8i
Cr. B., 36o; C, Ss6; P. R., XXI, is; Bos., I, i, ii; Fam., I, mi ;
Hmj., VII, ii; Mm-, I, 117; Mica., 688.
I. Le chapitre tr do i" livre des B$$4Ùs est intitulé : Comme l'amg
de$ehûrye $a poitkmt iur dm tèjeta /oais, qwaitd tei vrais lay dé-
faillent. C'est n recueil d'eseodotes dont la pins mal connue et la
plu» MÏsisHBte eat celle-ci : « Xenes fouetta la mer, et escririt un
cartel de deafi au mont .\tbot. » Il a suggéré à Pascal une pensée
d'une portée générale, et singulièrement plus profonde : notre nature est
toute connaissance et tout amour, nos erreurs et nos misères Tiennent
de ce que le milieu où nous rivons n'est point capable de satisfiiire
cette soif de connaître et ce besoin d'aimer.
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION AUX PE\SÉES DE PASCAL
PagM.
l'REMItJlE PARTIE
Histoire de la publication i
DEUXIÈME PARTIE
Lciiii;: :it original xli
Le >.li~' un ui des Pensées xlviii
TROISIÈME PARTIE
'Lectures et influences lxvii
La conception générale des Pensées cm
PIÈCES JUSTIFICATIVES
I
Lettres de Bricnnc à Mme Périer cttv
II
Texte des approbations cuv
Lettre d'Arnauld k M. Périer. . clxi
Entretien de l'arcbevèque de Paris a\oc M. Dcsprei. clsiii
Lettre de l'arcbevèque de Paris à M. Périer. . . eus
Réponse de M. Périer et lettre d'Arnauld. . . . cutu
L'édition de 1669. . r4.ixiii
Ml TABLE DES MATIÈRES.
m
Prélaoe de Port-Royal i x x v t
DÎMoan sur les PtntU» de Filleau de la Chaise. . cxcix
Résamé des Ptmiet par Nicole ocxxku
Plan do l'Apologie par Mme Përier. . . ccxli
IV
Lettre sur les Ptfiui«<, de M. Pavillon • < \i.vii
— de M. de Tillcmont. >(\i.\iii
— de Nicole iili
Argument logique des Reniées oclv
M
Tableau de oonoordance entre les «klitions. . . . cclixt
PENSÉES
Mémorial de Pascal 3
Sktior I 9
Secnmt 11 Tu
caAiTaas. — nirtmiua »ciuiid, roi rvtanT.
B
1901
t.l
Pascal, HLaii
Pensas
PLEASE DO NOT REMOVE
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UNIVERSITY OF TORONTO UBRARY
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