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Full text of "Pensées. Nouv. éd., collationnée sur le manuscrit autographe, et publiée avec une introd. et des notes"

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LES 

GRANDS  ÉCRIVAINS 

DE  LA  FRANCE        l'^ZO 

NOUVELLES    ÉDITIONS 


A  LA  MhMh  LIHUAIHIE 


RRmooi'CTioR  su  raoroTmi  ou  Maiivm:«it  or*  Pwéw  di 
Blaivk  Pakal.  fl*  Qsoa  fofxk  français  d*  U  BibiioUiiqa«  IbUo* 
naU  (Pari»)  «ree  la  laila  impriBé  aa  lagard  «I  da»  Mias.  par 
M.  Ltos  DM-jacmnoo,  doelaur  es  bUras,  |iiHfiMiiir  agrifé 
au  lyeia  Henri  IV.  —  Un  voluma  in-folio  (45  X  Ss)  eaoïpfa» 
naol  environ  a6o  |4ancbas  an  piMilotTpia  al  s6o  pagw  3a  lasla 
et  variaDle*  :  aoo  fr. 


Les  pRormctALBa.  Édition  daa  Grondé  Èfrivcàu  ds  la  Fraar*  poMiia 
par  M-  PnosfCR  Favoêkk.  —  a  volamea  in-8«.  brodiéa.  .     i5  fr. 

Paitaiaa  bt  OroacvLsa,  publiés  avec  une  inlrodnelion,  daa 
notices,  dea  noiea  et  deui  fac-similés  du  manoacrit  des  Pem$ia, 
par  M.  Léoh  Bmmcartco.  —  3*  édition,  i  voluma  petit  in«i6. 
cartonné 3  fr.  5o 

PaoTiNciALEs,  lettres  1,  IV  et  Mil.  et  estraita.  Nowalle  édition 
complétée,  publiée  avee  une  introduction,  des  notes  et  un  appen- 
dice, par  M.  F.  BmautnÈKt.  de  l'Andénie  fraaçaiaa.  —  i  vol. 
petit  io-i6,  cartonné i  fr.  8o 


Pascal,    par  M.  B.    BovTHOVX.   membre  do   1  li>  i  ;    t     <      r-ùon 
éet  Grand*  Éerivaint  fmnçûW).  —  l  toI.  in-i(V  irorl»-  3  fr. 


ŒUVRES 


DE 


BLAISE  PASCAL 


PENSEES 
I 


CHARTRES.  IMPRIMERIE  Dl  RAND 
rue  Fulbert,  9 


UTj 


A  MONSIEUR 

LUDOVIC    HALÉVY 

DE  L'ACADÉMIE  FRANÇAISE 


CETTE   ÉDITION   EST  DÉDIÉE 

EN    TÉMOIGNAGE   DE   PROFONDE   AFFECTION 

ET  OB  PROFONDE  RECONNAISSANCE 


L.    B. 


^C^ÇjpwC) 


PENSEES 


DE 


BLAISE    PASCAL 


kl 


NOUVELLE   ÉDITION 

COLLATIO?i:féE    SUR    LE    MA?(USCRIT    AUTOGRAPHE 

ET    PVBLléE 
AVEC    UNS    INTRODUCTION    ET    DES    NOTES 


LÉON  BRLNSCHVICG 


Professeur  de  Philosophie  au  Lycée  Henri  IV 


TOME     PREMIER 


PARIS 

LIBRAIRIE  HACHETTE 

ET 

c» 

79. 

•OOtlTAIIO  ■AlNT-OnMAIN 

.  79 

1904 

Tooa  drolU  réMTTët. 

\' 

3 


NTRODUCTION  AL\  i*ENSÉES  DE  PASCAL 


La  biographie  de  Pascal,  et  la  bibliographie  qui  le 
Gonoemc,  rcssortissent  à  renscmble  de  rédition  de  ses 
œuvres.  L'inlroduclion  aux  fragments  posthumes  qui  ont 
le  litre,  maintenant  consacré,  de  Pensées  a  seulement  ce 
triple  objet  :  i"  résumer  l'histoire  complexe  de  la  publi- 
cation du  livre;  2"  étudier  le  manuscrit  original  qui  est 
la  base  de  la  présente  édition,  et  par  là  chercher  à  jus 
tifier  la  méthode  que  nous  y  avons  suivie:  3"  retracer  les 
conditions  intellectuelles  dans  lesquelles  les  Pensées  ont 
M  écrites,  et  la  conception  générale  qu'elles  expriment. 


fBMén  01  rASCAL.  I  -'  t 


PREMIÈRE    PARTIE 


La  préface  qu'Etienne  Périer  écrivit  pour  Tédition  de 
Port-Royal  nous  apprend  dans  quel  état  étaient  ses  manus- 
crits au  moment  de  sa  mort  :  «  On  les  trouva  tous 
ensemble  enfilés  en  diverses  liasses,  mais  sans  aucun 
ordre,  sans  aucune  suite,  parce  que,  comme  je  Tai  déjà 
remarqué,  ce  n'étaient  que  les  premières  expressions  de 
ses  pensées  qu'il  écrivait  sur  de  petits  morceaux  de  papier 
h  mesure  qu'elles  lui  venaient  dans  l'esprit.  Et  tout  cela 
était  si  imparfait  et  si  mal  écrit,  qu'on  a  eu  toutes  les 
peines  du  monde  à  le  déchiffrer.  »  On  commença  donc 
par  en  faire  une  copie.  Cette  copie  est-elle  celle  que  nous 
possédions  à  la  Bibliothèque  Nationale,  manuscrit  9  2o3 
f.  fr.,?  et  dans  ce  cas  est-il  vrai  que  cette  copie  reproduise 
l'ordre  des  cahiers  autographes,  «  tels  qu'ils  étaient,  et  dans 
la  même  confusion  qu'on  les  avait  trouvés  »  ?  S'il  en  était 
ainsi,  cette  copie  constituerait  en  fait  la  première  et  la  plus 
lidèlc  édition  des  Pensées,  d'une  autorité  supérieure,  pour 
Contre  des  pensées,  au  manu.scrit  autographe;  car  l'auto- 
graphe, aujourd'hui,  est  une  collection  de  feuilles  séparées 
ou  de  |)etil«4  morceaux  dn  papier,  collés  comme  sur  un 
album  à  une  date  qui  n'est  pas  antérieure  h  171 1,  c'est- 
à-dire  presque  cinquante  ans  après  la  mort  de  Pascal. 
C'est  donc  par  l'examen  de  cette  copie  que  doit  être  abordée 
l'étude  de  la  publication  dos  Pensées. 


1^  LES  COPIES  MANDSCRITRS. 

I^  copie  manuscrite  vient  du  bén^ictin  Jean  Guerrier'  : 
il  la  tenait  de  Margucrit<*  Périer  qui  la  lui  avait  donnée 
avec  la  biblioth^que  de  Pascal.  Elle  reproduit  un  état  où 
auraient  été  À  un  moment  donné  les  Pensées  de  Pascal  : 
niais  il  parait  bien  que  ce  ne  peut  être  l'état  initial  de» 
fragments  posthumes.  En  cfTct  le  recueil  manuscrit,  d^écri- 
ture  et  d^aspect  homogène»,  est  pourtant  un  double  recueil. 
Jusqu'à  la  page  i88,  les  fragments  sont  daaaéa  lous  un 
certain  nombre  de  titres  empruntés  k  Pascal,  comme  s'il^ 
étaient  disposés  pour  Timprc^ision.  L'nc  table  des  mati/rrs 
rappelle  les  titres  et  en  établit  le  lien;  elle  nous  fournit 
ainsi  le  plan  d'une  édition  des  Pensées,  et  nous  le  repro- 
duisons ici  :  Ordre.   Vanité.  Misbre.  Ennui.  [Opi'  '  i 

peuple  saines  *]  Raison  des  effets.  Grandeur,  don 

Divertissement.  Philosophes,  Le  Souverain  bien,  A.  P.  H. 
Commencement.  Soumission  et  usage  de  la  raison.  Excel- 
lence. Transition,  (c'est-à-dire,  comme  il  est  expliqué 
dans  le  Recueil,  Transition  de  l'homme  à  Dieu"),  La  nature 
est  corrompue.  Fausseté  des  autres  religions.  Religion 
aimable.  Fondement,   l^ti  figurai ii^.   R" 

tuité.   Preuves  de  Moïse,  Preuves  de  7t_.w  : 

phéties.  Figures,  Morale  chrétienne.  Conclusion.  —  Après 
cette  conclusion,  k  partir  de  la  page  188,  c'est  comme 
un  second  recueil  qui  commence,  plus  important  que  le 
premier  par  le  nombre  des  fragments,  mai»  «>ù  Ton  cher 
cherait  en  vain  une  volonté  ou  même  une  apparence 
d'ordre.  —  Vne seconde  copie,  qui  est  également  k  la  Biblio 


I .  Ka  l#t«  4*  rteaMl  ml  PaltMtatkNi  nivaal*  :  «  S'il  arriTail  ^mr 
i«  riâtm»  k  «KNirir,  il  hul  fi«ir«  tenir  k  S«iBi-G«nMi»-4**-Pr^»  rr 
pr^Mul  mbier  pour  fbrilitrr  la  lecture  de  l'ongtsal  qai  jr  a  été  dépoté. 
Fait  i  l'abhaj*  dt  SaÏHtJeoik-J'Aitfélr.  et  f*  «mf  17*3.  Sig»4  : 
Pr.  Jtam  Gmtrritr. 

s.  Bajré  d«M  Im  d<«i  eopitt. 


LES  COPIES  MANUSCRITES.  t 

ihèque  Nationale,  et  qui  porte  la  signature  du  Père  Pierre 
Guerrier,  neveu  de  Jean  Guerrier,  reproduit,  avec  quel- 
ques inter>ersions  de  feuilles,  les  deux  parties  de  la  pre- 
mière copiée 

Cette  double  disposition  semble  bien  indiquer  une 
lenlative  qui  aurait  été  faite  entre  1662  et  1669  pour 
publier  les  Pensées.  On  aurait  disposé  un  certain 
nombre  de  fragments  dans  un  ordre  simple  et  rationnel  ; 
on  atirait  lai«?r  en  dehors  du  classement  ceux  que  l'on  se 
proposait  d'éliminer.  Nous  pouvons  même  conjecturer  que 
ce  recueil  manuscrit  a  été  soumis  à  l'examen  du  Comité  qui 
travaillait  à  l'édition  de  Port-Royal  :  il  porte  à  plusieurs 
reprises  des  additions  et  des  corrections  qui  ne  sont  pas 
de  la  main  du  wjpistc  ;  (Faugère  y  a  relevé  l'écriture  de 
Nicole).  Or  elle,s  se  retrouvent  dans  le  livre  imprimé,  et 
il  rsf  assez  peu  vraisemblable  que  l'on  ait  songé  après 
coup  à  modifier  le  texte  d'une  copie,  que  l'on  savait  fidèle, 
pour  la  mettre  en  harmonie  avec  l'édition  de  Port-Royal. 

Tout  ce  que  nous  pouvons  dire  de  celte  copie,  c'est 
qu'elle  nous  introduit  d'emblée  dans  l'intimité  du  travail 
entrepris  par  le,s  premiers  éditeurs  ;  mais  il  semble  bien 
qu'elle  nous  reporte  à  une  phase  intermédiaire  de  ce  travail. 
Dan*,  la  première  [»hasc  on  se  pro|x>sait  de  déchiffrer  les 
papiers  de  Pascal  et  comme  s'exprime  Etienne  Pascal  a  de 
les  faire  imprimer  tout  de  suite  dans  le  même  état  où  on 
les  avait  trcnivés».  Or  les  résultats  fournis  par  cette  copie 
initialo  furent  décourageants,  à  ce  point  que  «  fort  long 
lenipN  0  on  avait  renoncéà  la  publication.  Puis,  quand  on  s'y 
décida,  ce  fut  pour  retomber  dans  de  nouvelles  hésitations. 
I<a   famille  de   Pascal  n'abandonnait    point    le   premier 


I.  Cf.  m*,  niio/./r. 


Tt  PREPARATION  DR  L'ÉDITION  PniNCEPs 

projet.  M.  de  Roannei,  soulrmi  Mns  doute  pnr  crux  qui 
aviient  assisté  i  la  conférence  de  Port-Royal  où  Pascal  avait 
longuement  et  méthodiquement  développé  son  «  proj^^t 
dWpologie  »,  rêvait  «  d*éclaircir  lc«  pensées  obscures, 
d'achever  celles  qui  étaient  imparfaites  ;  et,  en  prenant  dans 
tous  ces  fragments  le  dessein  de  Pauleur,  de  sopi^éer  en 
quelque  sorte  Pouvrage  qu'il  voulait  faire.  Cette  voie, 
continue  Etienne  Pnjtrnl.  n\l  été  assurément  la  meilleure, 
mais  il  était  diflicile  de  la  bien  exécuter.  L'on  s'y  e.«t 
néanmoins  arrêté  assez  longtemps,  et  l'on  avait  en  elTel 
commencé  d'y  travailler  ». 

Les  difficultés  matérielles  que  devait  soulever  la  publi- 
cation des  fragmenta  de  Pascal  étaient  peu  de  chose 
d'ailleurs  en  comparaison  des  difliailtés  internes.  Pascal 
était  mort  au  plus  fort  de  la  lutte  de  Port-Royal  contre 
ses  ennemis,  au  plu.s  fort  aussi  de  la  lutte  de  Porl-Hoyal 
contre  lui-même.  On  ne  saurait  apprécier  avec  équité,  on 
ne  saurait  expliquer  la  première  édition  des  Penséu,  si 
l'on  ne  commence  par  avoir  égard  k  l'histoire  de  Port- 
Royal.  Depuis  l'Assemblée  générale  du  clergé  qui  aux 
derniers  jours  de  1660  reprend  le  Formulaire  pour  le 
mettre  en  vigueur  jusqu'à  Tavéncment  de  Clément  I\  qui 
en  juillet  1667  change  soudain  la  face  des  choses,  il  n'y  a 
point  de  relâche  aux  persécutions.  Les  religieuses  sont 
dispersées,  soumises  k  un  régime  de  surveillance  et  k  des 
tentatives  de  pression  qui  sont  pour  leur  conadcoce  inn 
menace  perpétuelle;  les  solitaires,  inquiets,  aoat  en  fuii<- 
La  publication  eût-elle  été  matériellement  possible  qu'ellr 
eût  été  inopportune:  en  réveillant  les  polémiques  des  Pro 
vineitUes  elle  eût  porté  atteinte  k  Pautorité  religieuse,  & 
Pflfficadté  mortle  de  V Apologie. 

En  1668,  la  paix  de  F  Église  est  signée:    Amauld  est 
reçu  par  le  Roi,  Port-Royal  des  Champa  «t  raoooatitoé. 


PRÉPARATION  DE  L  ÉDITION  PRI\CEP>  vn 

La  situation  est  favorable,  elle  est  encore  délicate.  Les 
jansénistes  se  sont  engagés  à  ne  rien  faire  qui  pût  trou- 
bler la  paix  nouvelle;  or  Pesprit  qui  animait  Pascal  au 
moment  de  sa  mort  est  un  esprit  de  lutte,  de  résistance 
absolue;  les  fragments  posthumes  révèlent  l'exaltation 
croissante  de  Pascal  contre  les  faux  chrétiens  qui  ont 
corrompu  l'Eglise;  si  Pascal  avait  pu  achever  V Apologie 
de  la  Heligion  chrétienne,  elle  eût  été  plus  «  forte  »  contre 
les  jésuites  que  les  Provinciales  l'avaient  été'. 

Ces  dispositions  ne  sont  plus  celles  où  se  trouve 
Amauld  en  1668;  elles  n'ont  jamais  été  exactement  les 
siennes.  La  dernière  année  de  la  vie  de  Pascal  a  été 
attristée  par  la  profonde  douleur  d'un  dissentiment  avec 
ses  amis  de  Port -Royal  ;  l'occasion  peut  en  paraître  légère, 
il  s'agissait  de  rédiger  le  texte  d'un  Formulaire  à  signer; 
mais  ce  fut  en  réalité  un  déchirement  intime  :  la  conscience 
religieuse  était  touchée  en  son  point  le  plus  délicat;  ce 
fut  la  guerre  civile  de  Port-Royal,  pour  parler  avec  Racine. 
Bien  plus,  et  malgré  les  prévenances  touchantes  de 
Nicole  et  d'Arnauld  au  cours  de  la  dernière  maladie  de 
Pascal,  le  débat  se  prolongeait  dans  une  sorte  de  querelle 
posthume  qui  devait  être  des  plus  pénibles  à  la  famille  et 
aux  amis  de  Pascal.  Pascal  avait  fait  confession  à 
.M.  Beurrier,  curé  de  Saint-Étienne-du-Mont,  sa  paroisse, 
des  difllcultés  qui  avaient  surgi  entre  lui  et  Arnauld  ; 
d'où  M.  lieiirricr  avait  conclu  que  Pascal  s'était  rétracté  en 
mourant  et  qu'il  avait  abandonné  le  jansénisme.  Le  Père 
Annal  utilisa  le  prétendu  fait  dans  sa  polémique  contre 
Port- Royal,  l'archevêque  de   Paris  s'en  ût  donner  une 


I.  Cr.  Maurice   Suuriau,   L«  JtuuinJMm*  dê$  PMêèt»  de  Pueal. 

Ileviif  intrrnntu.nnie  de  l' enseignement,  i5  nor.  1896. 


vm        PBÈP^nATIOX  DR  l/^-OITIOX  phiscbps. 

altMUtion;  mir  la  prolMtation  dr  Mme  Périrr',  M.  IWiir 
lier  dut  reconnatirc  aon  erreur;  ce  qui  n*cmpAcha  point 
Tarchevéque  de  Paris  de  profiler  de  la  |    *'     'im  de« 
Pensées  pour  reMusciter  la  légende  et  e»-^'  nnpotar 

l'adjonction  aux  Pensées  de  la  prétendue  rétractation  de 
Pawal  :  il  en  parle  an  libraire  Desprei  le  ai  décembre  1669, 
avant  Papparition  do  rou%ragc'  ;  le  1  man  iftjo.  il  revient 
à  la  cbargc  auprt's  de  M.  Péricr  en  vue  d'une  seconde 
édition,  et  il  fallut  user  d  artifice  pour  qu'il  ne  AU  pas 
fait  injustice  «  à  la  vérité  et  &  I  ire  de  M.  Pa<^al  *  ». 

La  crainte  de  réveiller  cette  ai  renoncer,  même  en 

1678^  à  la  publication  de  la  vie  de  Biaise  Pascal,  écrite 
par  Mme  Périer;  en  1680  enfin  nn  libraire  veut  im 
primer  cette  Vie,  k  Tinsu  de  la  fainillr,  il  m>  propose 
d'y  joindre  l'attestation  de  la  rétractation  de  Pascal  ; 
Mme  Périer  intervient  encore,  et  fait  intervenir  Domat, 
en  termes  très  vifs  et  très  menaçants  V 

De  telles  circonstances  expliquent  la  prudence  qui  était 
imposée  aux  amis  de  Pascal,  et  aussi  la  diversité  de  leur« 
tendance»  et  de  leurs  disposition».  Le  privilège  pour  la 
publication  de»  Pensées  e*l  du  '.17  décembre  1666,  il  e<»t 
enregistre  le  7  janvier  suivant.  Mais  ce  ne  fut  guère  que 
deux  ans  après,  en  octobre  1668,  au  lendemain  de  la  paix 
de  l'Égli  >e  tinrent  les  réunion»  pour  tcplan 

de  la  l'i  n.  Il  est  à  présumer  que  I  !  j.   avait 

été  mis  à  profit  par  le  duc  de  Roannez  pour  Tentreprisc 
qu'il  avait  faite  de  reconstituer  l'.Xpologie  de  Pascal.  I..es 
Périer  étaient  à  Clermont  ;  on  soumit  le  travail  de  M.  de 

I.  Lettre  de  id65  {LéUm,  optmuUi.  0U.  tU  k  /•millt  PMm/. 
publia  par  Fangère,  p.  87). 
3.  /&îrf.,  p.  lis,  tqq. 

3.  Voir  «tti  Pièces  ja«iAcati*e«,  p.  cts&ii. 
i.  Cf.  Recneil  d'L'trecbt,  i7io,  p.  368. 


LE  COMITÉ  DEXAMEN.  n 

Roanne/  h  un  Comité qm  comprenait,  outre  Arnauld  et 
Nicole,  M.  Filleau  de  la  Chaise,  M.  du  Bois  et  M.  de 
Trôvillc. 

\  quel  titre  ces  trois  noms  se  trouvent-ils  réunis? 
L  n  passade  d'une  lettre  que  Nicole  écrit  plus  de  dix  ans 
après  d  Mnoe  de  Saint-Loup  se  trouve  être  significatif  à 
cet  égard  :  «  Il  est  bon,  Madame,  d'accoutumer  le  corps 
aux  viandes  communes,  cl  qu'on  trouve  partout,  pour 
n'être  pas  misérable  quand  on  n'a  pas  ce  (ju'on  se  serait 
rendu  nécessaire  :  il  est  bon  d'accoutumer  son  esprit  aux 
esprits  communs  et  de  pouvoir  se  passer  de  M.  de  Tré- 
villr,  de  M.  (lu  Bois  et  de  M.  de  la  Chaise,  et  enfin  de 
se  défaire  de  l'idée  de  la  nécessité  de  toutes  ces  choses'.  » 
On  le  voit,  Arnauld  et  Nicole  ont  fait  appel  pour  publier 
l'ouvrage  d'un  «  bel  esprit  »  tel  que  Pascal  à  ceux  qui 
parmi  les  amis  de  Port-Royal  avaient  la  réputation  de 
beaux  esprits.  De  Tréville  n'avait  pas  encore  trente  ans, 
c'était  un  des  plus  brillants  gentilshommes  de  la  cour; 
assidu  dans  la  sixiélé  de  Mme  de  Longueville,  il  est  à  la 
veille  de  la  conversion  totale  qu'amena  la  mort  subite 
d'Henriette  d'Angleterre  et  dont  l'éclat  devait  retentir 
jusque  dans  un  sermon  de  Bourdaloue  (i3  décembre  1671). 
Il  est  du  parti  tle  Port  Royal  «  dont  le  genre  de  piété, 
écrit  Saint-Simon  à  son  propos,  était  celui  des  gens 
instruits,  d'esprit  et  de  bon  goût  »  ;  il  y  occupe  cette 
position  "  '    't   unique  que  dit  Saint  Beuve  :    «   il 

était  grand  pour  tous  ses  amis,  il  était  pour  eux 

le  fameux  M.  de  Tréville*.  »  N'est-ce  pas  de  Nicole  même 


rP  I.  L»  U(tr^  <>«i  de  li^oembre  1679;  elle  est  citée  par  Sainte-Beuve, 
Pordi  I  ,  t.  IV,  p.  48i 

a.   ^  ,  Porl-Roral.  '»'  "'<lit  .  «    V,  p.  56.  Cf.  U  Bruyère  : 


1  LE  COMITÉ  D'EXAMEN. 

i|«ir  I  .ihb^  He  Sftint- Pierre  nous  rapporte  œ  trait  :  ■  Je  fii^ 
Burpriit  un  jour  de  lui  voir  préfi^rcr  l'esprit  de  M.  de  Tr^- 
villeiccluide M.  PaM-al  '  »?  —  Gobaud du  Boiseatde TAca- 
démie  française.  —  Filleau  de  la  Ciiaifte  assiatait,  avec  le  duc 
de  Ronnnoz  dont  il  <^Uiit  l'ami,  h  la  conférence  où  Pascal 
exposa  le  plan  de  son  Apologie,  il  s*est  chargé  de  compléter 
le  travail  do  M.  de  Roanne^  par  un  Hiscourx  sur  tes  Pen- 
sées de  Pascal  qui  devait  acrompagner  la  première  édition. 
Ainsi  composé,  le  comité  devait  accueillir  avec  faveur 
le  projet  qui  lui  était  soumis,  de  donner  aux  Pensées  de 
Pascal  la  forme  d'un  ouvrage  achevé.  Arnauld  et  Nicole 
ne  faisaient  pas  d'objection  ;  mais  ils  tenaient  à  ressen- 
timent de  M.  et  Mme  Périer.  Nous  lisons  la  réponse  de 
Gilberte  Périer  &  travers  les  lettres  du  comte  de  Brienne, 
qui  nous  ont  été  conservées  (c'était  un  intermédiaire  assex 
ndieux,  que  des  écarts  de  conduite  et  de  langage  devaient 
vite  empêcher  de  prendre  au  sérieux,  mais  il  apportait 
alors  à  Port  Royal  l'appui  et  l'autorité  du  nom  qu'il 
portait,  des  grandes  charges  qu'il  avait  occupées  dans 
l'État  *).  Visiblement,  pour  Gilberte  Périer,  les  fragments 
écrits  par  Pascal  sont  comme  les  reliques  d'un  saint,  aux- 
quelles il  est  sacrilège  de  toucher.  Elle  s'ôtonne  qu'on  ait 
songé  è  refaire  les  Pensées:  elle  se  plaint  du  long  commen 
taire  où  elle  ne  reconnaît  plus  l'œuvre  de  son  frère  ;  dans 
la  préface,  qui  fut  écrite  par  Etienne  Périer  sous  son  in* 
piration,  et  &  l'insu  du  duc  de  Roannez  et  de  Filleau  de  la 
Chaise,  l'impression  est  traduite  avec  plus  de  vivacité  en 
oore*.  Malgré  l'insistance  de  Brienne,  la  volonté  de  Mme  IN- 

&  peine  le  loiiir  de  pronoacer  quelques  oracles.  »  {JDtê  omMV^Ci  é* 

teaprit,  n«  s4.) 

I.   Sainle-Beiive,  Pori-Hvfl,  S«  Mit.,  I.  III,  p.  384- 
a.  Ihid.,  t.  V,  p.  i8  aqq.  Vide  infn,  p.  uilt,  e^. 
3.  Cf.  Piie«*  JmtifiemU»e$,  p.  cici. 


NICOLE.  XI 

rier  dut  s'imposer  aux  éditeurs  de  Port-Royal  ;  on  renonce 
à  la  restauration  qu'on  avait  commencée,  il  est  convenu, 
selon  les  termes  de  la  préface,  qu'on  publiera  le  texte  de 
Pascal,  sans  y  rien  changer. 

Pourtant  on  ne  peut  empêcher  <<  ces  Messieurs  »  de  melr 
Ire  au  point  les  Pensées  de  Pascal.  Non  seulement,  ils 
devaient  supprimer  soit  des  notes  tout  intimes,  soit  des 
fragments  trop  directement  agressifs  (et  ils  estimaient 
d'ailleurs  que  le  duc  de  Roanncz  avait  pousse  un  peu  loin 
ces  éliminations  inévitables);  mais  ils  devaient  terminer 
les  phrases,  essayer  de  leur  donner  un  peu  de  cette  allure 
égale  et  régulière  qui  était  comme  le  cachet  de  Port-Royal  ; 
il  y  avait  surtout  a  corriger  ce  qui  dans  le  fond  même  pou- 
vait paraître  excessif  et  devenir  dangereux'.  On  se  remit 
de  ce  soin  à  V  exactitude  de  Nicole,  l'éditeur  de  Saint-Cyran, 
et  qui  s'était  déjà  fait  comme  le  collaborateur  de  Pascal 
par  sa  traduction  latine  des  Provinciales.  Nicole  était-il 
pour  cette  tâche  dans  les  dispositions  qu'il  fallait?  Nous 
avons  de  lui,  sur  les  Pensées  de  Pascal,  une  lettre  qui  est 
fort  singulière  et,  s'il  faut  tout  dire,  un  peu  affligeante*. 
File  est  nécessaire  à  rappeler  ;  car,  si  elle  atteste  la  sincé- 
rité candide  des  éditeurs  de  1670  contre  lesquels  Victor 
Cousin  devait  jeter  les  flammes  d'une  éloquence  à  coup 
sûr  exagérée,  elle  nous  avertit  de  ne  pas  leur  reconnaître 
un  crédit  qu'ils    se    sont  refusé  à  eux-mêmes.   De  son 


I.  Un  fleuron  aues  curieux  qui  R^re  en  t^te  de  quelques-unes 
de»  éditions  de  1670  ilInMre  l'exergue  :  Pendent  opéra  inlerrupta.  Au 
rentre  l'édifice  achevé  :  une  église  avec  une  croix.  A  droite,  des 
pierres  éparses.  A  gauche,  un  premier  étage  régulièrement  construit, 
pt  qui  attend  son  couronnement.  J'y  crois  voir  les  trois  conceptions 
qui  avaient  été  proposées  à  Port-Royal  :  celle  de  M.  de  Roannez, 
celle  de  Mme  Périer,  et  enfin  la  solution  moyenne  k  laquelle  on  s'eM 
arrêté. 

a.   Voir  aux  PUcei  jutUfieetivti,  p.  coli. 


iH  ARNACLD. 

|>;  'pir  dMti,  Nicole  n'a  ptn  ri)mpriK|p!«  iù'mfrs  dr  HabciI. 
OiTil  n'ait  vu  dans  ieiir  auleiir  qu'un  ramassew  de 
foquiUes\  c'est  une  boutade  que  nous  ne  Murions  prendre 
au  sérieux.  Mais  à  ses  ^eux  Pascal  rtait  dcmcnn^  le  jeune 
homme  qui  avait  écrit  les  Provinciale*,  et  qui  avait  assuré 
leur  soooès  par  ses  qualités  roondaineit.  C'est  parce  qu'il 
»nrlait  à  peine  du  siècle  qu'il  avait  eu  si  facilement  prise 
sur  le  siècle;  les  influences  profane*"  ^  r    .     . 

trop  par  les  passages  imité»  ou  tran 
par  les  attaques  téméraires  contre  l'ordre  que  Dieu  a  établi 
dans  l'État  et  dans  l'Église  même. 

Sur  ce  dernier  point  les  sentiments  de  Nicole  paraissent 
avoir  été  partagés  par  Amauld.  a  Toujours  occupé  », 
Arnauld  est  surtout  intervenu  vers  la  fin.  Le  livre  est  impri- 
mé, il  lui  faut  des  approbations  :  mais  les  approbateurs 
ont  leurs  exigences.  Arnauld  est  l'arlùtre  désigné  :  il  a 
l'autorité  de  la  doctrine,  et  il  sait  quelles  sont  les  nécessités 
du  moment.  Il  impose  à  Mme  Péricr  les  sacrifices 'qu'il 
juge  inévitables  ;  mais,  après  avoir  envoyé  le  libraire 
Desprez  chez  l'archevêque  de  Paris,  lorsqu'il  est  menacé 
de  recevoir  l'ordre  de  joindre  aux  Pensée*  de  Pascal 
une  attestation  qu'il  savait  inexacte  et  qui  devait  être 
désavouée  par  son  auteur,  lorsqu'il  lui  faut  protéger 
M  l'honneur  «  de  Pascal  contre  les  étemels  faussaires  qtie 
les  Provinciales  n'avaient  pas  corrigés,  il  n'hé>ile  pas,  il 
approuve  le  détour  suggéré  par  Dcsprez,  cl  Ir  premier 
tirage  des  Pensée*  où  Ton  avait  d'ailleurs  quelque  peu 
remanié  l'impression  de  1669  est  mis  en  vente  comme 
Mtcondt  édition* . 


t.  Cr.  Smat«-BMire.  Pori^Rojml,  5«  Mit.,  t.  Itf 
a.  Voir  •■(  PAettjtuttJirclivrt,  p.  cLitiii.  i'lii»i 
MitiMi  rf«  1670  «t  la  collation  avec  lin 


L'ÉDITION  DE  PORT-ROYAL.  xm 

Ouvrons  enfin  le  livre  des  Pensées  tel  qu'il  parut  en 
1670  :  nous  oublierons  alors  la  préparation  trop  laborieuse, 
les  dissentiments  du  duc  de  Roannez  et  de  Gilborte 
Périer,  la  mauvaise  humeur  et  les  boutades  de  Nicole.  Il 
reste  que  l'adaptation  est  parfaite  ;  une  fois  accepté  le  cadre 
auquel  on  destinait  Tœuvre,  elle  y  est  ajustée  avec  une 
exactitude  irréprochable.  L'édition  porte  dans  l'hisloire 
le  nom  d'édition  de  Port-Royal  ;  pourtant  ce  n'est  pas  une 
édition  janséniste,  c'est  une  édition  catholique,  peut- 
être  pourrait-on  dire  une  édition  chrétienne.  Les  amis  de 
Pascal  ont  cru  de  bonne  foi  travailler  pour  la  mémoire  de 
Pascal  en  adaptant  les  Pensées  h  la  situation  nouvelle  de 
Port-Royal,  en  faisant  d'un  livre  écrit  dans  l'ardeur  du 
'  K' le  parti  de.s  Jésuites,  une  œuvre  d'édification, 

,  l(^  calme  et  de  recueillement,  digne  de  servir 

de  profession  et  comme  de  centre  k  l'Église  réconciliée  et 
unifiée.  Ont-ils  été  en  cela  d'accord  avec  ce  que  Pascal 
aurait  voulu  lui-même,  ou  accepté?  La  question,  pour  avoir 
été  jKisée  plusieurs  fois,  et  résolue  en  des  sens  divers,  de- 
meure de  celles  qui  ne  comportent  point  de  réponse  ;  elle 
revient  à  se  demander  si  Pascal  eût  suivi  Nicole  et  .\r- 
nauld  dans  leur  évolution,  s'il  se  fût  résigné  aux  conces- 
sions qui  marquèrent  la  paix  de  Clément  IX,  ou  s'il  se 
fi^t  opposé  à  toute  transaction  comme  en  1662.  C'est 
clierclier  à  forcer  un  secret  qui  n'a  jamais  existé  :  il  nous 
suflitque  les  amis  de  Pascal  aient  obéi  scrupuleusement  k 
un  devoir  de  conscience.  En  prenant  avec  l'écrivain  des 
libertés  qui  nous  paraissent  aujourd'hui  incompatibles  avec 
les  obligations  de  l'éditeur  probe,  ils  n'ont  pas  cessé  de  se 
sentir  en  communion  d'esprit  avec  l'homme  qu'ils  avaient 

;hj,  avec  le  chrétien  qui  avait  voué  toute  sa  vie  à  la 
iit  ><  usede  la  rcUgion  vraie  et  qui  jamais  n'avait  consenti  k 
être  ••  séparé  d'autel  »,  à  désavouer  l'autorité  de  l'Église. 


uv  L'ÉDITION  DE  PORT-RUYAL. 

Quelquefois  même,  et  dans  les  endroits  où  lean  < 
lioM  oou»  paniiftsont  le  plus  choquantes,  ils  n'ont  altéré 
le  texte  qu'afin  de  mieux  appliquer  les  régies  de  style  ou  de 
conduilr  que  Pascal  avait  édictées.  En  voici  un  exemple 
touchant  :  Le  fragment  ^71  de  notre  édition  était  comme 
Mme  Périer  nous  l'apprend  dans  la  Vie  de  Pascal,  une 
instruction  que  Pascal  avait  rédigée  pour  lui  mi^mc  : 
M  li  est  injuste  tju'on  s'attache  à  moi,  etc.  »  Dans  le  texte 
donné  par  Mme  Périer,  dans  la  Copie  que  nous  a  conservée 
le  manuscrit,  le  moi  est  employé  |M)rlout  ;  c'est  l'objet 
ver»  lequel  la  nature  nous  attire,  et  dont  il  faut  que  chacun 
dénonce  en  soi-même  la  fragilité.  Port-Royal  à  moi  sub- 
stitue noiu,  et  ce  n'est  plus  cela  ;  tout  ce  qu'il  y  avait  d'in- 
time et  de  profond  dans  le  fragment  s'évanouit.  C'est  que 
Port- Royal  s'est  souvenu  du  précepte  de  Pascal  :  Le  moi 
est  haïssable;  il  a  corrigé  Pascal,  parce  qu'il  a,  fort  mal 
è  propos  d'ailleurs,  voulu  éviter  de  paraître  le  mettre  en 
contradiction  avec  lui-même'. 

D'une  façon  générale,  si  les  éditeurs  de  Port- Royal,  en 
arrangeant  le  style  de  leur  auteur,  l'ont  rendu  plus  tenir, 
s'ils  ont  atténué,  ><  éteint  »,  pour  le  faire  rentrer  dan»  U> 
rang,  l'incomparable  écrivain  dont  la  moindre  exprci»sion 
faisait  saillie,  c'est  qu'ils  ont  cru  qu'ainsi  les  Pensées 
seraient  plus  conft)rmesà  l'esprit  de  Pascal  lui-même,  à  sa 
volonté  scrupuleuse  de  masquer  sa  personnalité.  Ils  avaient 
lu  dans  les  fragments  posthumes  les  recommandations  qu«> 
Pascal  se  faisait  à  lui-même  :  «  Éteindre  le  flambeau  de 
la  sédition,  trop  luxuriant.  — L'inquiétude  de  son  génie, 

I.  M.  BMimt  de  Hmii  ■  iomué  k  la  BibBotbèy  Natioaal*  l«/ar- 
ibmUf  d'aaa  laltra  mdrmUt  par  Paical  ea   1659  k  Hujrfk*»*    P-^*^** 
«iToia  k  iJajrglMas das  asaoïplairc* de  tet  écriurclatifi  k  la  ru^ 
il  y  aorrife  de  »#ai«  la  aMalioa  parsoaaalla  qa'ii  avait  fcHa  natarpi- 
uâaat  éê  tuu  travail.  J'aj  ri$olm  aM  rsaplsfé  par  Fmmfma  m  risala. 


L'ÉDITION  DE  PORT-ROYAL.  xv 

trop  de  deux  mots  hardis.  »  Ils  ont,  avec  un  zèle  parfois 
maladroit,  mis  à  profit  ces  recommandations.  On  éprouve 
quelque  dépit  à  comparer  les  lignes  sur  Archimède 
telles  que  Pascal  les  avait  écrites,  et  telles  que  Port- 
Royal  les  traduit  :  a  Archimède,  sans  éclat,  serait  en 
même  vénération.  Il  n'a  pas  donné  des  batailles  pour  les 
yeux,  mais  il  a  fourni  à  tous  les  esprits  ses  inventions.  Oh  ! 
qu'il  a  éclaté  aux  esprits.  »  Cela  est  trop  hardi  ;  Port- 
Hoyal  embellit  :  a  Archimède,  sans  aucun  éclat  de  nais- 
sance, serait  en  même  vénération.  Il  n'a  pas  donné  des 
batailles,  mais  il  a  laissé  à  tout  l'univers  des  inventions 
admirables.  0  qu'il  est  grand  et  éclatant  aux  yeux  de  l'es- 
prit !  »  Voici  un  passage  célèbre  :  a  Quelle  chimère  est-ce 
donc  que  l'homme?  Quelle  nouveauté,  quel  monstre, 
quel  chaos,  quel  sujet  de  contradiction,  quel  prodige  !  Juge 
de  toutes  choses,  imbécile  ver  de  terre  ;  dépositaire  du 
vrai,  cloaque  d'incertitude  et  d'erreur;  gloire  et  rebut  de 
l'univers,  »  Port-Royal  retranche  ce  qui  est  «  luxuriant  », 
et  il  imprime  :  «  Quelle  chimère  est-ce  donc  que  l'homme? 
quelle  nouveauté,  quel  chaos,  quel  sujet  de  contradiction? 
Juge  de  toutes  choses,  imbécile  ver  de  terre  ;  dé{)Osilaire 
du  vrai,  amas  d'incertitude  ;  gloire  et  rebut  de  l'univers.  » 
Ailleurs  c'est  une  expression  familière  qu'il  importe  de 
MKHlifier  :  Les  figures  un  j}eu  tirées  par  ies  cheveux  devien- 
nent moins  naturelles  ;  la  terre  grasse  devient  une  terre 
abondante.  Ou  bien  un  détail  pourrait  scandaliser  les  ha- 
bitudes du  lecteur.  Pascal  montre  un  magistrat  à  l'église  : 
«  \  oyez  le  entrer  dans  un  sermon  où  il  apporte  un  zèle 
tout  dévot,  renforçant  la  solidité  de  sa  raison  par  l'ardeur 
de  sa  charité.  Le  voilà  prêt  à  l'ouïr  avec  un  respect  exem- 
plaire. Que  le  prédicateur  vienne  à  paraître,  que  la  nature 
lui  ait  donné  une  voix  enrouée  et  un  tour  de  visage  bi- 
zarre, que  son  barbier  Tait  mal  rasé,  si  le  hasard  l'a  en- 


XVI  I.  f.DITION   DE  PORT-HOYAL. 

oore  bariwuillé  do  surcrott,  quelque  grandes  vériléft  qa^il 
annonce,  je  parie  la  perte  de  la  gravité  de  notre  aénaleur.  » 
Port-Royal  s'eflarouche  de  ce  tableau,  il  transporte  b 
Mène  au  Palais  de  Justice  :  c  Voyu  le  entrer  dans  la 
place  où  il  doit  rendre  la  justice.  Le  voiU  prêt  k  ouïr  avec 
avec  une  gravité  exemplaire.  Si  Pavocat  vient  k  paraftre 
et  que  la  nature  lui  ait  donné  une  voix  enrouée  et  un 
tour  de  visage  bizarre,  que  son  barbier  Tait  mal  rasé,  et  si 
le  hasard  Ta  encore  barbouillé,  je  parie  la  perte  de  la  gra- 
vité du  magistrat.  0 

Avec  le  même  souci  de  la  régularité,  dans  le  même 
esprit  de  prudence,  Port-Royal  a  omis  un  grand  nombre 
de  fragment»,  les  uns  parce  que  ce  sont  des  redites,  des 
phrases  inachevées,  des  réflexions  toutes  personnelles  et 
sans  portée  apparente  pour  le  public,  les  autres  pour  Tau- 
dace  de  pensée  qui  s'yn'vMo.  Deux  groupes  sont  particn 
lièrement  sacrifiés.  |K>ur  les  raisons  que  Nicole  et  Amauld 
nous  ont  dites  :  les  fragments  sur  les  lois  et  sur  la  justice 
politique,  les  fragments  sur  les  miracles  quand  la  théorie 
du  miracle  est  poussée  jusqu'au  temps  1  '  '  t  se  tourne 
en  attaque  contre  les  Jésuites.    Les  «ji  trop   brû 

lantes  sont  écartées.  Même,  lorsque  Port-Royal  reproduit 
les  grands  développonienis  que  Pascal  a  marqués  d'une 
empreinte  inoubliable,  il  use  de  précaution,  .\insi  le 
fragment  sur  les  Deux  infinis  se  trouve  réparti  entre  deux 
chapitres  différents,  et  Port-Royal  fait  précéder  le  début 
de  remarques  didactiques,  destinées  à  diminuer  quelque 
peu  la  portée  de  la  Pensée*.  L'argument  du  pari  est 
publié;  il  y  manque  quelques  phrases.  Port-Royal  im 
prime  :  a  Suives  la  manière  par  où  ils  ont  commencé  ; 


Nom  eil«M cm  rtaiarqucs  ma  aole  dn  fr    -, 


L'ÉDITION   DE  PORT-ROYAL.  xvii 

imitez  leurs  actions  extérieures,  si  vous  ne  pouvez  encore 
entrer  dans  leurs  dispositions  intérieures  ;  quittez  ces 
vains  amusements  qui  vous  occupent  tout  entiers,  » 
lorsque  Pascal  avait  écrit  :  «  Suivez  la  manière  par  où  ils 
ont  commencé  :  c'est  en  faisant  tout  comme  s'ils  croyaient, 
en  prenant  de  l'eau  bénite,  en  faisant  dire  des  messes,  etc. 
Naturellement  même  cela  vous  fera  croire  et  vous  abêtira. 
—  Mais  c'est  ce  que  je  crains.  —  Et  pourquoi?  qu'avez- 
vous  à  perdre?  »  De  plus,  l'éditeur  insère  en  tête  du 
chapitre  vii  :  Qu'il  est  plus  avantageux  de  croire  que  de 
ne  pas  croire  ce  qu'enseigne  la  religion  chrétienne,  un 
Avis  qui  prévient  toute  mauvaise  interprétation  et  qui 
d'ailleurs  implique  une  intelligence  très  pénétrante  du 
Pari'. 

Enfin  et  surtout,  ce  qui  achève  de  donner  sa  physiono- 
mie à  l'édition  de  Port-Royal,  c'est  la  disposition  des 
matières.  Délibérément,  après  un  commencement  d'ex- 
périence qui  leur  parut  décisif  (et  que  confirme  avec 
une  autorité  singulière  l'histoire  de  tous  les  essais  de 
restitutions  tentés  au  xix*  siècle),  les  amis  de  Pascal  ont  fait 
le  sacrifice  de  l'ordre  qu'il  rêvait,  de  la  logique  nouvelle 
qu'il  voulait  y  appliquer,  et  qui  était  k  ses  yeux  aussi 
assurée  de  persuader  des  vérités  morales  que  la  géométrie 
de  démontrer  les  propositions  de  son  ressort.  Mais  au 
moins  ont-ils  tiré  parti  de  ce  sacrifice  pour  donner  aux 
Pensées  un  caractère  d'onction  sereine  qui  devait  lui  con- 
ciher  les  lecteurs  du  xvu*  siècle. 

Rien  de  plus  méritoire  à  ce  point  de  vue  que  l'édition 
de  Port-Royal,  rien  de  plus  «  réussi  n.  Nous  sommes 
tout  de  suite  transportés  en  plein  cœur  de  la  religion  : 
l'exhortation  aux  Athées,  destinée  à  secouer  leur  indiilé- 

I.  Cf.  l'Appcadiet  ta  fr.  933. 

miét»  OB  rASCAL.  i  —  1 


tnu  L'ftDITiu.>   i>K  ruIlT-ROYAL. 

ranoe,  forme  le  premier  chapitre  deTouvrage,  comme  elle 
devait  fiûre  la  prAboe  de  TApologie  ;  puis  aont  eipo- 
tém  les  marques  de  U  religion,  lea  peoaéea  fur  lea  rap- 
ports de  U  foi  et  de  U  raison,  qui  préparent  et  enve- 
loppent l'argument  du  pari  ;  à  ces  preuves  intrioaèques 
s'ajoutent  immédiatement  les  preuves  historiquea  :  les 
Juifs,  Jésus-Christ,  Mahomet.  C*eal  seulement  après 
avoir  médité  ces  pensées  toutes  pieusesi  toutes  pénétrées 
de  la  pure  doctrine  catholique,  que  le  lecteur  eat  invité  à 
des  méditations  qui  se  rapprochent  de  la  philoaopbie. 
Tout  ce  qui  a  trait  à  la  connaissance  générale  de  Thomme, 
k  sa  grandeur  et  à  sa  misère,  est  présenté  comme  le  com- 
plément de  la  doctrine  religieuse,  et  non  comme  une 
introduction.  Pascal  moraliste  ne  précède  pas  Pascal  chré- 
tien ;  il  s'y  appuie  au  contraire  pour  tirer  de  là  son  auto 
rite.  Les  Pensées  sur  la  lieligion  doivent  constituer  la  plus 
importante  et  surtout  la  première  partie  de  Touvrage  ;  les 
Pensées  sur  F  Homme  suivent,  puis  les  Pensées  sur  les  mi- 
racles qui  forment  comme  une  espèce  particulière  de 
pensées  détadiéea.  Enfin  le  volume  est  terminé  par  plu- 
sieurs chapitres  de  fragments  sans  lien  :  Pensées  chré 
tiennes.  Pensées  morales.  Pensées  diverses,  au  miUeu  des- 
quelles s'entremêlent  des  écrits  plus  intimes:  extraits 
des  lettres  à  Mlle  de  Roannez,  de  la  lettre  de  i65i  sur  la 
mort  de  son  père,  la  prière  pour  demander  à  Dieu  le  bon 
usage  des  maladies. 

Le  choix  et  l'arrangement  des  fragments,  auaai  bien 
que  le  remaniement  du  texte,  tout  concourt  à  donner  une 
impression  remarquablement  nette  et  remarquablement 
purr.  De  fragments  écrits  au  moment  où  Pascal  était  le 
plus  ardent,  où  son  âme  était  le  plus  remplie  et  de  Ten- 
thousiasmc  du  miracle  et  du  scandale  de  TÉgliae,  Port- 
hoval  a  fait  un  Uvre  qui   respire  rapaisement  ol  preM^u.- 


I 


LÉDITION    DE  PORT-ROYAL.  m 

la  sérénité  mystique,  un  livre  largement  chrétien,  propre 
k  nourrir  également  toutes  les  âmes  pieuses. 

Pendant  un  siècle  il  n'y  eut  d'autre  édition  des  Pensées 
que  l'édition  de  Port-Royal.  Le  volume  primitif  s'aug- 
mente seulement,  à  diverses  reprises,  de  fragments  nou- 
veaux qui  furent  répartis  à  travers  les  divers  chapitres  du 
recueil.  En  particulier  l'édition  de  1678  porte  ce  titre: 
Nouvelle  édition  augmentée  de  plusieurs  pensées  du  même 
auteur  ;  elle  est  suivie  en  outre  de  diverses  pièces  qui 
avaient  paru  séparément  en  167a  et  qui  deviennent  l'appen- 
dice habituel  des  Pensées  :  le  Discours  sur  les  Pensées  de 
M.  Pascal,  le  Discours  sur  les  preuves  des  livres  de  Moïse, 
le  Traité  qu'il  y  a  des  démonstrations  d'une  autre  espèce, 
et  aussi  certaines  que  celles  de  la  Géométrie  et  qu'on  en 
peut  donner  de  telles  pour  la  religion  chrétienne.  On  avait 
pris  également  en  1 678  privilège  pour  publier  la  Vie  de 
M.  Pascal  par  Mme  Périer,  sa  sœur  ;  mais  elle  ne  parut 
qu'en  i684,  en  tête  d'une  des  nombreuses  réimpressions 
qui  se  faisaient  à  Amsterdam.  Désormais  la  biographie  et 
les  commentaires  qui  avaient  été  écrits  en  vue  de  l'édition 
princeps  encadrent  les  Pensées,  l'aspect  de  l'ouvrage 
demeure  Gxé  jusqu'aux  travaux,  presque  contemporains 
entre  eux,  de  Condorcet  et  de  l'abbé  Bossul  (1776- 1779). 

On  savait  pourtant  que  le  livre  imprimé  était  loin 
d'enfermer  l'intégralité  des  manuscrits  qui  étaient  con- 
servés par  la  famille,  ou  qui  circulaient  dans  les  milieux 
|an■.l'nl^tes.  En  1711  le  bénédictin  dom  Toutée  entretient 
1  dbbf  Périer  du  travail  de  rédaction  qu'il  a  entrepris  sur 
trois  cahiers  qui  lui  ont  été  confiés'.  Ce  travail  n'aboutit 


I .  «  Je  travaille  k  rédiger  en  ordre  les  Penaées  cootenae*  dans  le* 
trot*  cahien  que  vout  m'aves   laiMé*.  Je  croi»  qn'il  ne  hudn  oon- 


tx  LE  P.  DESMOLBTS. 

pas;  il  fut  reprit,  parliellement,  ptr  le  P.  DetinoleU, 
bibliothécaire  de  l'Oratoire,  qui  ioaère  en  1738,  dans  la 
•eoonde  partie  du  tome  V  de  la  continuation  des  mémoires 
de  Littérature  et  d'Histoire,  C Entretien  avec  M.  de  Saci. 
cl  une  a  suite  des  Pensées  de  M.  Pascal,  extraites  du 
manuscrit  de  M.  l'abbé  Périer,  son  neveu  ». 

Ces  oeuvres  posthumes  comprenaient  le  traité  dt  l'Art 
de  penuader,  les  réflexions  sur  V Amour-propre  et  ses 
effets,  enfin  une  série  de  Pensées  diverses,  qui  étaient 
publiées  sans  aucune  espèce  d'ordre,  sans  grand  respect 
du  texte;  Desmolets  choisit  k  l'intérieur  d'un  fragment, 
au  hasard  de  sa  curiosité  ;  il  résume  et  il  aflaiblit,  ave* 
un  souci  visible  de  la  clarté,  ajoutant  des  titres  en  rnarg* 
quand  cela  lui  parait  nécessaire,  comme  pour  mieux 
marquer  la  discontinuité  même  de  sa  publication. 

Tandis  que  le  P.  Desmolets  est  un  curieux  et  un  érudii, 
heureux  de  donner  place  dans  son  recueil  aux  inédits 
d'un  grand  écrivain,  Colbert,  évèque  de  Montpellier, 
est  un  polémiste,  qui  appelle  à  son  secours  le  jansé 
niste  militant.  Dans  une  troisième  lettre  à  M.  de  Soissons 
à  l'occasion  du  miracle  opéré  à  Paris  dans  la  paroisse 
de  Sainte-Marguerite  (du  5  février  1727)  il  écrit  :  «  J« 
consens  de  passer  pour  un  homme  ridicule,  pourvu  qu* 
ce  ne  soit  qu'après  M.  Pascal,  et  en  raisonnant  selon  ses 
principes.  Ce  grand  auteur  fait  mon  apologie.  Je  n'ai  pa^ 


prsadff*  éam  et  rceoeil  que  1«  pwséM  qui  oai  ^aal^v*  okoM  dr 
BOWVMtt,  9t  qai  Mot  «mm  parAiiU*  pour  fkirc  ooaMvoiraa  l#rt«ii. 
dn  moiat  une  partie  de  ce  qu'elles  reafenaest.  C'Mfl  poorq 
UiiMrai  oellet  qui  a'oot  riea  de  aoaveau,  toit  poor  !••«]•(,  wtt  <•.... 
le  toor  tt  daot  la  naaière,  et  ceUe*  qui  Mal  trop  ialbruea,  •■  Mrtc 
q«'«ll«e  ot  p««T«al  préMatvr  uam  parfcilaaeat  Itmr  Ma*.  Je  ae 
rMoaaaad*  à  tm  MÏats  MeriloM  «t  à  vocra  SMivMùr.  • 
«  A  taiiâ  Darif,  «e  as  jm»  1711.  a 


I 


COXDORCET.  XXI 

besoin  de  parler  moi-même:  il  parle  pour  moi ' .  »  El  il 
publie  à  la  suite  de  cette  lettre  une  série  de  fragments 
relatifs  au  miracle  de  la  Sainte-Épine,  que  nécessairement 
Port-Royal  avait  exclus  '. 

L'édition  anonyme  qui  fut  donnée  à  Londres  en  1776* 
a  été  inspirée  par  le  désir  de  reprendre  Tœuvre  de  Port- 
Royal.  Condorcet  en  est  Tauteur;  il  avait  écrit  dans 
V Éloge  de  Pascal,  en  faisant  allusion  au  manuscrit  — 
l'autographe,  dit-on  —  dont  il  avait  eu  communication  : 
a  Ces  pensées  n'ont  pas  été  toutes  imprimées.  Les  amis 
de  Pascal  en  ont  fait  un  choix  dirigé  malheureusement  par 
les  vues  étroites  de  l'esprit  de  parti.  Il  serait  à  désirer 
qu'on  en  Ht  une  nouvelle  édition,  oîi  l'on  imprimerait 
plusieurs  de  ces  pensées  qui  ont  été  supprimées,  soit  par 
une  fausse  délicatesse  pour  la  mémoire  de  Pascal,  soit 
par  politique  ;  mais  il  faudrait  en  retrancher  un  plus  grand 
nombre,  que  les  dévols  éditeurs  ont  publiées,  tout  indignes 
qu'elles  sont  de  Pascal.  »  Condorcet  ne  blâme,  on  le  voit, 
les  libertés  prises  par  les  parents  et  les  amis  de  Pascal 
que  pour  attribuer  à  l'éditeur  futur  le  droit  de  s'en  octroyer 
de  toutes  semblables,  maisen  sens  inverse;  aussi,  lorsqu'il 
réalise  lui-même  en  1776  le  programme  tracé  quelques 
années  auparavant  dans  l'Éloge,  il  ne  faut  pas  s'étonner 


I.  ÛEuvrts,  t.  II,  p.  354. 

3.  Ihid.,  p.  367.  —  Botsat,  à  l'article  XVI  de  sa  seconde  partie,  a 
reproduit  le  texte  tel  qu'il  a  été  donné  et  sur  certains  poinu  com- 
plété par  Colbert.  CF.  fr.  84o  et  853  noUt. 

3.  Sans  nom  d'éditeur.  Il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  Londrea  cat 
ici,  cumine  LauMnne  p<jur  l'édition  BoMut,  une  indication  fictive. 
L'aspect  matériel  des  deux  édition»  présente  d'ailleurs  certaines  r«*- 
temblanoes.  Et  l'abbé  Bossut,  qui  a  collaboré  aui  travaux  scienti- 
fique* <io  Condorcet.  n'était  prut-étre  pas  étranger  k  la  commanication 
de»  uinnuscrita  dont  nous  parions  plus  bas. 


CO.NDORCF.T 

u  son  édition  eat  encore  plus  <•  arrangée  »,  plus  diatante 
da  manuscrit  autographe  que  rédition  de  1670. 

Non  qu*U  y  ait  Heu  de  prêter  k  Condorcet  la  moindre 
intention  de  dénigrer,  ou  de  défigurer  Pascal.  Il  admire 
récrivain,  il  approuve  m  méthode,  qui  s^adresse  au  cœur 
et  passionne  les  hommes  pour  la  vérité  ;  surtout  il  respecte 
le  savant,  qui  a  trouvé,  dit  la  Pré/ace.  a  le  secrel  de 
peser  Tair  et  d'assujettir  au  calcul  les  efEsts  da  hasard  «•. 
Mais  il  juge  Pascal  de  haut,  en  toute  bomie  foi  et  en 
toute  certitude,  avec  le  droit  que  lui  donnent  cent  ans  de 
progris  dans  la  culture  de  la  raison.  Tandis  que  a  Des- 
cartes  opère  dans  les  esprits  »  la  «  révolution  k  laquelle 
rhumanité  devra  son  bonheur,  si  ce  bonheur  est  possible», 
Pascal,  a  grand  géomètre,  doué  d'un  génie  égal  pour 
imaginer  des  eipérienoes  »,  demeure  étrangère  la  |^o- 
sophie;  il  se  retourne  vers  le  passé,  il  en  partage  les  pré- 
jugés, il  en  défend  les  traditions.  Or  cette  contradiction 
tient,  suivant  Condorcet,  à  Tinexactilude  et  k  l'insuffi 
sance  des  applications  que  fait  Pascal  du  calcul  des 
probabilités.  Il  sépare  le  monde  en  deux  :  le  monde  des 
mathématiques  où  il  est  permis  de  posséder  la  vérité,  le 
monde  moral  qui  est  tout  entier  confusion  et  impuissance, 
au  lieu  de  demander  à  la  méthode  des  probabilités  de 
mesurer  le  passage  graduel  qui  se  fait  de  Tignorance  et 
de  rincertitude  k  la  science  et  k  la  lumière,  de  la  passion 
et  de  la  corruption  k  la  raison  et  à  la  sagesse. 

On  comprendra  maintenant  comment  Condoroel  s*y  est 
pris  pour  réparer  «  le  tort  que  le  zèle  aveugle  des  amis  de 
Pascal  a  fait  k  sa  mémoire  ».  A  la  vie  de  Mme  Périer 
«  plus  occupée  de  prouver  que  son  frère  était  un  saint  que 
de  faire  connaître  un  grand  homme  »,  il  a  substitué  V Éloge 
de  Condorcet  qui  a  «  le  mérite,  bien  rare  aujourd'hui,  de 
n'être  point  infecté  de  l'esprit  de  parti  ».  Il  a  ensuite 


CONDORCET.  «m 

supprimé  toutes  lee  pensées  qui  lui  paraissaient  des 
«  puérilités  »  et  qu'on  avait  conservées  pour  «  donner  de 
la  valeur  a  des  misères  scolastiques  ou  mystiques  ».  Il 
signale  lui-même  dans  une  note  de  sa  Préface  quelques- 
unes  de  ces  suppressions  :  elles  portent  en  général  sur 
des  fragments  auxquels  Condorcet,  comme  Voltaire',  ne 
pouvait  attacher  grande  signiGcation  :  «  L'Ancien  Testa- 
ment contenait  les  figures  de  la  joie  future,  etc...  La 
charité  n'est  pas  un  précepte  figuratif,  etc..  Les  faiblesses 
les  plus  apparentes  sont  des  forces  à  ceux  qui  prennent 
bien  les  choses  :  par  exemple  les  deux  généalogies  de 
saint  Mathieu  et  de  saint  Luc,  etc...  Les  septante 
semaines  de  Daniel  sont  équivoques,  etc...  »  Mais  il  y  a 
deux  de  ces  suppressions  qu'il  est  curieux  que  Condorcet 
relève  lui-même.  La  première  porte  sur  un  fragment  que 
Voltaire  avait  vivement  critiqué  :  «  Croyez-vous  qu'il  soit 
impossible  que  Dieu  soit  infini,  sans  parties?  Oui.  Je 
vous  veux  donc  faire  voir  une  chose  infinie  et  indi>isible. 
C'est  un  point,  se  mouvant  partout  d'une  vitesse  infinie  ; 
car  il  est  un  en  tous  lieux  et  tout  entier  en  chaque 
endroit*.  »  Et  la  seconde,  qui  est  tout  de  même  fâcheuse 
pour  un  éditeur  de  Pascal  :  «  La  distance  infinie  des 
corps  aux  esprits  fip^urc  la  distance  infiniment  plus  infinie 
des  esprits  à  la  charité  ;  car  elle  est  surnaturelle.  » 

Dans  ces  conditions  le  travail  de  Condorcet  devait  être 
tm  choix  de  pensées  (suivant  l'expression  des  premiers 
annotateurs  de  se»  Œuvres  complètes),  plutôt  qu'une 
édition  proprement  dite.  Encore  dans  les  passages  qu'il 
conserve,  Condorcet  ne  se  soucie-l-il  pas  d'améliorer  le 


I     VJ    RamarquM  du   lo  mai  17^3  k  propM  de  U  publication  de 
De«inolrt«. 

3.   Cf.  fr.  s3i  et  la  note. 


tm  CO?(DOflCBT. 

texte:  il  reproduit  pieuMmcnt  le«  altération»  et  1m  tnut- 
poaitions  de  Port-Royal.  LUntérétde  l'édition  est  dans  le 
plan  :  il  est  conforme  k  Pidée  systématique  que  Coodocoet 
se  fait  de  Pascal,  et  il  est  clair.  Le  premier  article  contient 
des  réflexiont  sur  ta  géométrie   qui    n'étaient  encore 
connues  que  par  les   extraits  de   la   Logique  de  Port- 
Royal  et  les  passages  du  traité  de  VArt  de  persuader  qui 
avaient  été  publiés  par  Desmolets  ;  les  conditions  de  la  cer- 
titude rigoureuse  sont  donc  définies.  En  regard,  Condorcet 
place  immédiatement,  dans  les  articles  suivants,  le  pro- 
blème de  la  vie  future,  la  nécessité  de  donner  sa  vie  pour 
son  salut,  et  de  parier  pour  la  religion;  mais  aussi  Tin- 
certitude  de  toutes  nos  connaissances,  la  faiblesse  et  la 
misère  de  Thomme.   Il  est  impossible  d'arriver  par  la 
raison  à  quelque  démonstration  de  théologie  ou  de  mo- 
rale ;  et  ainsi  comme  dit  le  titre  curieux  de  Varticie  sep- 
tième où  Condorcet  rassemble  toutes  les  pensées  «  scep- 
tiques »  de  Pascal,  inédites  alors  en  grande  partie,  les 
«  préjugés  »  sont  «  justifiés  ».  Mais  à  défaut  de  démon- 
stration susceptible  d'une  valeur  géométrique,  il  y  a  des 
«  preuves   morales  »  et  des  «  preuves  historiques  »  du 
christianisme  ;  elles  sont  réparties  dans  les  deux  der- 
niers paragraphes  de  Tarticle  neuvième,  et  précédées  d'un 
premier  paragraphe  :   r  Nature  des  preuves  du  christia- 
nisme s  où  sont  réunis  quelques-uns  des  fragments  les 
plus  hardis  sur  Pincertitode  nécessaire  de  U  religion,  sur 
l'ambiguïté  radicale  des  prophéties  et  des  miracles,  sur 
le  rdle  de  la  coutume  et  de  l'automatisme.  Enfin  G>ndorcet 
extrait  des  Mémoires  de  Fontaine  les  passages  «esentiels 
de  VEiùrttien  avec  M.  de  Sad,  et  ajoute  on  chob  de 
petuéeg  divenes.  Quant  au  commentaire,  il  est  composé 
de  quelques  notes  où  G>ndorcct  se  préoccupe  plus  de  sa 
propre  philosophie  que  de  Pascal  ;  le  ton  en  est  dogma- 


VOLTAIRE.  xxr 

tique  et  tranchant,  il  va  parfois  jusqu'à  l'indignation  : 
a  La  superstition,  écrit-il  en  note  du  fragment  sur  les 
Deux  Infinis,  avait-elle  dégradé  Pascal  au  point  de  n'oser 
penser  que  c'est  la  terre  qui  tourne,  et  d'en  croire  plutôt 
le  jugement  des  dominicains  de  Rome  que  les  preuves  de 
Copernic,  de  Kepler  et  de  Galilée'  ?  » 

En  outre  Condorcet  insère,  parmi  les  notes  de  son  édi- 
tion, avec  une  réfutation  du  pari  qu'il  attribue  à  Fonte- 
nelles,  les  Remarques  que  Voltaire  lui-même  avait  jointes 
en  1734  à  ses  Lettres  philosophiques .  Dans  V Éloge  et  dans 
la  Préface  Condorcet  s'était  mis  sous  le  patronage  de 
Voltaire  :  le  premier,  il  avait  rompu  le  charme  en  osant 
critiquer  les  Pensées  qui  étaient  l'objet  d'une  «  sorte  de 
culte  ».  Voltaire  à  son  tour  se  mit  sous  le  patronage  de 
Condorcet;  en  1778,  à  la  veille  de  sa  mort,  il  publia  k 
Genève  une  édition  de  l'Éloge  et  des  Pensées  de  Pascal, 
tels  que  Condorcet  les  avait  donnés  deux  ans  auparavant, 
avec  un  court  avertissement  et  de  nouvelles  remarques. 


Par  de*  DOtes  de  ce  genre,  et  «ossi  en  baptÏMnt  AnudelU  myt- 
tique  la  Mémorial  que  le  Recueil  d'Utrecht  arait  publié  en  17^0, 
Coa<ior>M(  oavre  le«  roiea  à  la  thèse  de  la  folie  de  Pascal,  qae  La  Mettrie 
n-  m  indiquée  d'après  Voltaire  et  que  le  D' Lélut  a  reprise  en 

I  '  '  thèse  trouTfr-t-elle  un  appui  dans  le  texte  même  des  Pen- 

aies?  C'est  TaTU  d'un  aliéniste  contemporain,  le  D'  Binet-Sangié,  et 
▼oiei  les  exemples  qu'il  en  donne  :  «  L'd  dessin  du  manuscrit  dM 
Peaaées  (cf.  p.  ii3,  Fr.  691  de  notre  édition)  rappelle  par  sa  concep- 
tion certain*  deasins  d'aliénés.  >  Puis  des  contradictions  telles  que 
celle»^  :  Lm  merifiee»  plaitent  et  déplaisent  (fr.  683)  ;  et  des  associa- 
tions d'idées  «  abaolnoBent  véaaniquea  »  :  La  grâce  n'e$t  que  la  figure 
de  la  gloire  (fr.  643).  Voir  /.n  maladie  de  Biaise  Patoal,  dans  les 
AmmUt  mééko'peyekologiqaes,  mars  1899.  La  pathologie  mentale,  dont 
i'a«te«r  ae  réelaae,  joait  d'an  crédit  trop  légitime,  elle  provoque  des 
twfénuetm  trop  solide*,  pour  qoe  les  interprétations  du  IV  Binet- 
Seaglé  ne  doivent  pas  être  relevées  ici  —  k  titre  de  document*  sur  la 
ptjrekologie  d'an  aliéniste. 


ttvi  VOLTAIRE 

La  carrière  philosophique  de  Voltaire  m  trouve  ainat 
comme  encadrée  par  deux  études  sur  les  Peruén  de 
Pascal.  Ces  deux  études  ne  portent  pas  tout  h  fait  sur  le 
même  terrain.  En  1784  Voltaire  est  avant  tout  optimista, 
à  la  psychologie  dualiste  de  Pascal  il  oppose  les  analysée 
unilatérales  et  le  naturalisme  simpliste  des  philosophes 
anglais  ;  c'est  ce  qu'il  appelle  «  prendre  le  parti  de  Thu- 
manité  contre  ce  misanthrope  sublime  »  '.  En  1778, 
Voltaire  s'est  depuis  de  longues  années  prononcé  contre 
Leibniz  et  Rousseau  ;  il  est  pessimiste.  Aûn  de  combattre 
Pascal  il  invoque  le  progrès  de  la  science,  qui  permet 
d'être  optimiste  pour  l'avenir.  Aussi  k  on  savant  comme 
Pascal  il  oppose  un  savant  comme  Condorcet  qui,  écrit-t-il 
dans  VAifertùsement  de  1778,  «  est,  ce  me  semble,  autant 
au-dessus  du  géomètre  Pascal  que  la  géométrie  de  nos 
jours  est  au-dessus  de  celle  des  Roberval,  des  Fermât  et 
des  Descartes  ».  Dès  lors  Pascal  n'est  plus  «  ce  géant 
%  ainqueur  de  tant  d'esprits  »  '  dont  Vauvenargoea  subissait 
malgré  lui,  et  surtout  malgré  Voltaire,  n  Pasoeodant  des- 
potique ».  «  Quelle  lumière,  écrit  maintenant  Voltaire, 
s'est  levée  sur  l'Europe  depuis  quelques  années  I...  C'est 
la  lumière  du  sens  commun...  On  a  ri  i  la  mort  du  jan- 
sénisme et  du  molinisme,  et  de  la  grâce  concomitante,  et 
de  la  médicinale,  et  de  la  suffisante,  et  de  l'efficace...  De 
tant  de  disputeurs  éternels,  Pascal  seul  est  resté,  parce  que 
seul  il  était  un  homme  de  génie.  Il  est  encore  debout  sur 
les  ruines  de  ce  siècle.  »  Et  l'esprit  du  conunentaiie 
nouveau,  qui  est  ajouté  k  celui  de  Condorcet,  se  résame 


I.  Cf.  Ssiato-Bcuve,  Porl-RajaL  5*  Mil.,  l.  III,  f.  ioi  t^.,  M 
la  réposM  à*  Bootlier  :  SrntinuHU  é$  M...  Mt  la  eriti^m  4m  PcmAm 
dvpMcal,  p«r  M.  de  Voltaire,  17&1. 

a.   t<ettr«  de  jais  1733,  cit^  par  Sflint*-B*«T«,  Port-Hvytl,  S*  Mit., 

l'ime  III.  p    Mn\. 


L'ABBÉ  BOSSCT  jxm 

dans  la  dernière  note  :  «  Si  mes  lettres  sont  condamnées 
à  Rome,  avait  écrit  Pascal,  ce  que  j'y  condamne  est 
condamné  dans  le  ciel.  »  El  l'édition  de  1778  ajoute: 
a  Hélas  !  le  ciel,  composé  d'étoiles  et  de  planètes  dont 
notre  globe  est  une  partie  imperceptible,  ne  s'est  jamais 
mêlé  des  querelles  d'Arnauld  avec  la  Sorbonne  et  de  Jan- 
sénius  avec  Molina.  0 

La  double  autorité  de  Condorcet  et  de  Voltaire  sem- 
blait devoir  consacrer  l'édition  philosophique  que  le 
xTiii*  siècle  dressait  en  face  de  Tédition  janséniste.  Mais 
en  1779  paraissait  à  Paris'  la  première  édition  complète 
des  œuvres  de  Pascal,  et  elle  prenait  immédiatement  pour 
les  contemporains  le  rang  d'édition  définitive.  L'auteur 
était  l'abbé  Bossut,  un  savant  qui  a  été  l'historien  des 
mathématiques  et  qui  devait  entrer  à  l'Académie  des 
sciences.  Comme  on  le  voit  par  son  Avertissement,  son 
souci  était  beaucoup  moins  de  réimprimer  les  Provin- 
ciales et  les  Pensées  que  d'arracher  à  l'oubli  celles  des 
œuvres  scientifiques  qui  avaient  survécu  à  l'indifférence  de 
Pascal  et  à  Teffet  du  temps,  mais  qui  étaient  ou  demeurées 
manuscrites  ou  devenues  extrêmement  rares.  Aussi 
aborde-t-il  la  publication  des  Pensées  dans  d'excellentes 
dispositions  d'esprit  :  géomètre  et  chrétien,  il  n'avait  ni 
systt^me,  ni  parti  pris  ;  il  ne  se  préoccupait  que  de  (iaire 
complet.  Il  eut  communication  des  copies  manuscrites 
que  Jean  fiuorrier  avait  faites  des  papiers  de  Pascal  ;  il 
s'a|)crrut  combien  l'édition  de  1670  était  incomplète, 
combien  les  additions  de  Desmolets  étaient  insuflisantes  ; 


I  Sur  le  CODMÏI  de  Malesherbcc,  qoi  éuit  alors  garde  des  mmui, 
■  >ri  iir  <1<m.iri<t.t  |>.<s  <|p  privilège  et  l'on  remplaça  le  nom  do  libniir*  : 
A^'  I    I  /'  I  '        '•■  indiratinn  imaginaire  qui  en  tiloail  l'ii 

è   l>lr«nj;iT  :    llrlimr  n  ta  Hojt. 


tmn  L'ABBÉ  BA^f^UT 

il  publia  à  peu  près  tout  ce  quHl  trouva  k  publier,  aani 
indiquer  d'ailleur*  ni  contrôler  les  •ouroea,  sans  véri6er  le 
texte.  Il  conserve  les  arrangements  de  Pédition  de  1670  ; 
il  ajoute,  péle-mèle  avec  les  fragments  inédits  tirés  des 
Copies,  un  fragment  du  Trailé  du  vide  dont  il  fait  un 
premier  article  sous  ce  titre  :  de  V Autorité  en  matière  de 
philosophie  (et  où  Condorcet  a  pu  retrouver  cette  même 
théorie  du  progrès  qu'il  opposait  ii  Pascal),  les  réflexions 
sur  la  Géométrie  et  sur  l'Art  de  persuader,  les  extraits 
sur  Êpictète  et  sur  Montaigne,  les  Discours  sur  la  condi- 
tion des  grands  que  Nicole  avait  publiés  en  1670,  et  jus- 
qa'k  des  souvenirs  de  conversations  empruntés  k  Gilberte 
ou  k  Marguerite  Périer,  jusqu'à  des  pages  démarquées  du 
D'  Besoigne.  Ces  extensions  considérables  Tamènent 
k  abandonner  le  plan  de  Port-Royal  ;  mais  il  n'en  cherche 
pas  un  autre  qui  eût  quelque  rapport  avec  V Apologie 
méditée  par  Pascal  ;  il  se  contente  d'un  classement  qui  lui 
parait  plus  simple  que  celui  de  Port-Royal  (dont  il  conserve 
d'ailleurs  presque  tous  les  titres),  et  il  le  subordonne  k  une 
division  qui  lui  semble  satisfoire  à  la  fois  la  rigueur  du 
géomètre  et  les  scrupules  du  chrétien  :  d'une  part,  les 
Pensées  qui  se  rapportent  à  ta  Philosophie,  à  la  Morale  et 
aux  Belles  Lettres,  d'autre  part  les  Pensées  immédiatement 
relatives  à  la  Religion,  chacune  de  ces  parties  étant  com- 
plétée par  des  chapitres  de  Pensées  diverses,  et  par  les 
opuscules  qui  s*y  rattachent.  Depuis  1779  c'est  à  travers 
le  classement  de  Bossut  qu'on  a  lu  presque  toujours  lea 
Pensées;  non  seulement  jusqu'en  i844  tous  les  éditeurs 
le  reproduisent',  k  l'exception  de  Tabbé  André  et  de 


I  En  partiealier  Reaoaard  qui  avait  pourtant,  dit  Faogèra,  ooaaahA 
la  aaaMerit  aoiographa  (i8oS) at  LaArra  daa»  mm éditioa ém CBimM 
eoai^aïas  da  Pa«r«l  (1819).  Tom  daat  m  bonèraat  k  l'addHtM  éê 


L'ABBÉ  ANDRÉ. 

Frantin;  mais  en  1862,  au  moment  où  il  semble  aban- 
donné, Havet  le  reprend  et  lui  donne  une  nouvelle  auto- 
rité. 

Pourtant  par  son  caractère  Tédition  de  Bossut  semblait 
faite  pour  offrir  une  base  plutôt  que  pour  mettre  un 
terme  au  travail  des  éditeurs.  En  brisant  l'unité  du  re- 
cueil des  Pensées,  pour  en  faire  comme  deux  volumes, 
Tun  profane  et  l'autre  sacré,  elle  défigurait  aux  yeux  des 
familiers  de  Pascal  Taspect  général  et  comme  Tallure  du 
livre  qu'ils  aimaient.  Aussi  s*explique-t-on  la  tentative  de 
Tabbé  André  qui,  au  lendemain  de  la  publication  de 
Bossut,  et  chez  l'éditeur  même  de  Bossut  (Nyon,  1783) 
réimprime  VAncien  recueil  des  Pensées,  c'est-à-dire  l'édi- 
tion de  Port-Royal,  en  ajoutant  sous  forme  de  Supplément, 
et  dans  Tordre  où  Bossut  les  avait  donnés,  tous  les  frag- 
ments qui  avaient  été  misau  jour  de  1670  a  1779'-  Mais 
ce  n'était  encore  qu'une  demi-mesure  :  déjà  au  xvii*  siècle 
dom  Robert  Desgabets,  connu  pour  son  attachement  à 
l'interprétation  cartésienne  de  l'Eucharistie,  avait  projeté 
un  Traité  de  la  Religion  chrétienne  selon  les  Pensées  de 
M.  Pascal  doni  M.  Lemaire  a  signalé  une  ébauche  dans 
les  manuscrits  d'£pinal'.  Voici  que  Condorcet  et  Bossut 
ont  interrompu  la  prescription  qui  semblait  acquise  aux 
premiers  éditeurs  ;  il  était  donc  permis  de  revenir  à  Pascal 


I .  L'abbé  André  ooa|»lèca  «oa  traTmil  p^r  un  Parallèle  de*  édi- 
Cion«,  et  par  ane  ubie  analjrtiqoc  de*  aaatièrM.  Sig^naloas,  ea  debon  d« 
quelque»  ootes,  le  curieux  arrangement  dooné  aux  premiers  fragments 
de  l'article  lli,  seconde  partie,  qui  sont  pour  Bossut  l'introduction  an 
Pari  :  l'abbé  André  en  fait  un  dialogue  entre  Pascal  et  le  mécréant, 
-  i  lui  pcnaatde  sabatituerau  titre  de  Boaaut  {Qu'il  e*l  difficile  dt 
'rtr  l'taiêttmêét  Dit»  par  les  lumiirn  naturelles  ;  mù»  que  le  ptm 
tur  t%i  de  la  croire)  Mlni-ei  qui  loi  paraît  plu  orthodoxe  :  Quand  U 
serait  diffieiU  de  dimamtrar,  etc.,  le  plus  sûr  e$t  de  la  croire. 

a    Cf.  Dom  Robert  DaagahaU.  Paris,  igot,  p.  i3  tt  p.  97S. 


ui  FRANTIN 

lui-même,  au  pkn  quUl  se  proposait  de  suivre  f^t  dont  lee 
amis  nous  avaient  conservé  les  grandes  lignes,  de  rialiser 
ce  qui  avait  été,  on  s'en  souvient,  le  second  projet  de 
Port-Royal  et  de  restaurer  TApologie  de  la  religion. 

En  i835  paraissaient  k  Dijon  les  Peruéu  de  M.  Pascal 
rétablies  suivant  te  plan  de  leur  autêor,  pabliées  par 
l'auteur  des  Annales  du  moyen  âge.  L'auteur  en  était 
Frantin.  Il  avait  comparé  avec  soin  les  textes  déjà  im- 
primés, Port-Koyal,  Condorcet  et  Bossut,  dont  il  publie 
les  variantes  ;  mais  il  ne  se  rallie  à  aucune  de  ces  trois 
Mitions;  il  souligne  la  a  fausse  timidité  »  des  éditeurs  de 
Port-Royal,  il  attaque  le  a  philosophisme  du  dix-hn' 
et  rédition  <<  apocryphe  »  de  Condorcet;  il  regrt  t 
que  Bossut  ait  suivi  Condorcet  dans  le  a  double  plan  de 
pensées  philosophiques  et  de  pensées  religieuses...  ». 
«  Toutefois,  ajoute  Frantin  dans  son  Discours  prélimi- 
naire, le  plan  véritable  était  si  simple,  si  aisé  k  découvrir, 
qu'il  faut  s'étonner  que  le  travail  même  de  cet  éditeur  ne 
lui  ait  point  fait  reconnaître  la  fausse  route  où  il  s'égarait. 
Pour  retrouver  la  clé  du  livre  de  Pascal,  il  n'y  avait 
donc  qu'une  voie  sûre,  c'était  de  chercher  la  liaison  par 
laquelle  les  pensées  philosophiques  tenaient  aux  pensées 
religieuses.  Car,  en  rétablissant  le  point  de  jonction  des 
unes  et  des  autres,  on  découvrait  avec  admiration  Talliaoce 
réelle  de  la  religion  et  de  la  philosophie,  de  Dieu  et  de 
l'homme  qui  est  k  vrai  dire  toute  la  théologie,  et  qui  était 
tout  le  Uvre  de  Pascal.  » 

La  méthode  de  Frantin  est  déji  celle  que  suivront  pres- 
que tous  ceux  qui  ont  essayé  de  restituer  l'ouvrage  de 
Pascal  :  il  met  k  part  tout  ce  qui,  de  son  point  de  vue 
personnel,  ne  lui  paraît  pas  essentiel  k  une  apologie  du 
christianisme,  il  en  fait  une  seconde  partie  qu'il  intitule 
Doctrine  et  morale  chrétienne,  il  y  réunit  )m  fragments 


VICTOR  COUSIN.  xxxi 

sur  VÉglise,  sur  les  miracles,  sur  la  vie  intérieure  du  chré- 
tien (avec  omission  scrupuleuse  de  toutes  les  pensées  qui 
rappellent  de  trop  près  le  jansénisme  et  la  lutte  contre  les 
Jésuites)  et  il  les  fait  suivre  des  Pensées  diverses  de  morale 
et  de  littérature  et  des  Discours  divers  de  philosophie.  Res- 
tent les  Preuves  de  la  religion,  preuves  d'ordre  psycho- 
logique (L'homme  dérive  de  Dieu),  preuves  d'ordre  histo- 
rique ^Le«  yiu/Jr  e/ Afoï**,  Jésus-Christ),  qui  forment,  elles, 
un  ensemble  simple  et  clair,  et  de  nature  à  confirmer 
l'interprétation  que  propose  l'éditeur  de  la  philosophie  de 
Pascal  :  Frantin  la  présente  comme  une  conciliation  entre 
la  foi  et  la  raison,  et  il  la  met  à  cet  égard  en  opposition 
avec  le  cartésianisme  pour  la  rapprocher  du  kantisme. 

Quelques  années  après  ce  premier  et  remarquable  essai 
de  retour  au  plan  primitif  de  VApologie,  Victor  Cousin 
lut  k  IWcadémie  française,  dans  les  séances  qui  se  tinrent 
du  i*'  avril  au  i*'  août  i842,  un  Rapport  qui  fut  imprimé 
dans  le  Journal  des  Savants  :  De  la  nécessité  d'une  nou- 
velle édition  des  h  Pensées  »  de  Pascal.  «  Que  dirait-on 
si  le  manuscrit  original  de  Platon  était,  à  la  connaissance 
de  tout  le  monde,  dans  une  bibliothèque  publique,  et  que, 
au  lieu  d'y  recourir  et  de  réformer  le  texte  convenu  sur 
le  texte  vrai,  les  éditeurs  continuassent  de  se  copier  les 
uns  les  autres,  sans  se  demander  jamais  si  telle  phrase 
Mil  '  '•  on  dispute,  que  ceux-ci  admirent  et  que  ceux- 

li)  at,  appartient  réellement  à  Platon  ?  Voilà  pour- 

tant ce  qui  arrive  aux  Pensées  de  Pascal.  Le  manuscrit 

;'  .raphe  subsiste;  il  est  k  la  Bibliothèque  royale  de 
ruiis  ;  chaque  éditeur  en  parle,  nul  ne  le  consulte,  et  les 
éditions  se  succèdent.  Mais  prenez  la  peine  d'aller  rue  de 
Richelieu,  le  voyage  n'est  pas  bien  long  :  vous  sera 
effrayés  de    la   différence   énorme  que  le  premier  regard 


uut  VICTOR  COUSIN. 

jeté  tur  le  mânoicrit  origiiial  vous  découvrir»  eoire  lee 
PêMéêt  de  Paictl  leUat  qii*en6e  iont  écrilee  de  m  propre 
main  et  toutes  les  éditions,  sans  en  excepter  une  seule,  ni 
celle  Je  1670,  donnée  par  sa  famille  et  ses  amis,  ni  celle 
de  1779,  devenue  le  modèle  de  toutes  les  éditions  que 
chaque  année  voit  paraître.  » 

Toutefois  Cousin  n'entreprend  pas  lui-même  cette  nou- 
velle éili'  nceps.  Il  se  borne  d'une  part  k  éliminer  \es 
longs  fi  ,  ^  incorporés  aux  Pensées  et  qui  n'étaient  ni 
des  fragments  de  V Apologie,  ni  même,  pour  plusieurs . 
des  écrits  de  Pascal  ;  d'outre  part  à  publier  des  fragmeots 
inédits  «  assez  pour  exciter  la  curiosité,  sinon  pour  la 
satisfaire  entièrement  ».  Surtout,  entraîné  par  son  tem- 
pérament oratoire,  il  se  retourne  contre  les  éditeurs  qui 
Pavaient  précédé,  et  prononce  contre  eux  un  réquisitoire 
en  règle.  Port-Royal  lui-même  n'obtient  pas  les  cir- 
constances atténuantes:  «  apparemment  M.  le  duc  de 
Roanoez,  s'est  cru  trop  grand  seigneur  pour  se  contenter' 
du  r&le  de  simple  éditeur  de  Pascal  » .  Et  Victor  Cousin 
énumère  tous  les  genres  d'altérations  qu'on  relève  dans 
l'édition  de  1670  :  a  altérations  de  mots,  altérations  de 
tours,  altérations  de  phrases,  suppressions,  substitutions, 
additions,  compositions  arbitraires  et  absurdes,  tanlAt  d'un 
paragraphe,  tantôt  d'un  chapitre  entier  à  l'aide  de  phrases 
et  de  paragraphes  étrangers  les  uns  aux  autres,  et,  qui  pis 
est,  décompositions  plus  arbitraires  encore  et  vraiment 
inconcevables  de  chapitres  qui,  dans  le  manuscrit  de 
Pascal,  se  présentaient  parfaitement  liés  dans  toutes  leura 
parties  et  profondément  travaillés.  » 

De  plus  il  passe  de  la  restauration  de  la  lettre  à  l'in- 
terprétation de  l'esprit  ;  il  accuse  Port-Royal  et  BoMut 
d*  «  aflaiblir  »  et  de  «  voiler,  autant  qu'il  sera  en  eux... 
le  fond  même  de  l'Ame  de  Pascal,  je  veui  dire  ce  scepti- 


PROSPER  FAUGÉRE.  xxxm 

cbme  universel  contre  lequel  il  ne  trouve  d'asile  que  dans 
les  bras  de  la  grâce  ».  Et  il  ajoutait,  rencontrant  dans  le 
manuscrit  même  le  Pascal  des  romantiques  que  l'imagi- 
nation de  Chateaubriand  avait  suscité  et  qui  allait  suc- 
céder pour  un  temps  au  Pascal  des  jansénistes  et  au  Pascal 
des  philosophes  :  «  Pascal  veut  croire  à  Dieu,  à  une  autre 
vie,  et  ne  le  pouvant  pas  avec  sa  mauvaise  philosophie, 
faute  d'en  posséder  une  meilleure  et  d'avoir  suffisamment 
étudié  et  compris  Descaries,  il  rejette  toute  philosophie, 
renonce  à  la  raison  et  s^adresse  à  la  religion.  Mais  sa  reli- 
gion n'est  pas  le  christianisme  des  Amauld  et  des  Male- 
branche,  des  Fénelon  et  des  Bossuet,  fruit  solide  et  doux 
de  Talliance  de  la  raison  et  du  cœur  dans  une  âme  bien 
faite  et  sagement  cultivée  :  c'est  un  fruit  amer,  éclos  dans 
la  région  désolée  du  doute,  sous  le  souffle  aride  du  déses- 
poir. Une  telle  apologie  du  christianisme  eût  été  un  mo- 
nument tout  particulier,  qui  aurait  eu  pour  vestibule  le 
scepticisme,  et  pour  sanctuaire  une  foi  sombre  et  mal  sûre 
d'elle-même.  Un  pareil  monument  eût  peut-être  convenu 
à  un  siècle  malade  tel  que  le  nôtre  ;  il  eût  pu  attirer  et 
recevoir  René  et  Byron  convertis,  des  hommes  longtemps 
en  proie  aux  horreurs  du  doute  et  voulant  s'en  délivrer  k 
tout  prix.  » 

Enûn  avec  l'édition  Faugère  (i844)  le  texte  de  Pascal 
arrive  au  terme  de  ses  vicissitudes,  ou  peu  s*en  faut. 
Depuis  que  les  Copies  avaient  été  faites,  au  lendemain 
de  la  mort  de  Pascal,  Prosper  Faugère  était  le  premier 
qui  abordait  véritablement  le  manuscrit  autographe.  Cou- 
sin lui-même  ne  parait  guère  s'être  aventuré  hors  des 
(Copies  :  il  avait  négligé  le  mystère  de  Jésus  qui  n'était 
pas  dans  les  Copies;  il  était  réservé  à  la  patience  et  au  lèle 
de  Faugère  de  le  mettre  au  jour  pour  accroître  encore  Tad- 
miration  des  admirateurs  de   Pascal.    Faugère    publiait 

Klitin  M  PASCAL.  I  —  3 


KSBtv  IRNEST  HAVKT. 

égdbOMBt  les  noCes  inacltevéet,  le»  UgOM  d'apptrence 
hMoMraiteqtti  étaient  desttoéet  i  VApohgie  ot  aux  Pro 
vindakt,  1m  cilatioa*  copiées  par  Pascal,  les  oonseilt  «ur 
Vordre  qu^il  te  donnait  à  lui-même.  U  Gt  même  fond  sur 
ma  dernières  pensées  pour  retrouver  U  suite  et  le  cadrr 
des  fragments  destinés  k  PApologic,  qu'il  publie  dan> 
son  second  volume,  quitte  k  suivre  Texcmple  de  Franlin 
et  k  grouper  dans  une  série  d'articles  du  premier  volun; 
tous  les  fragments  de  diverses  sortes  qu'il  n'avait  pai»  laii 
entrer  dans  son  plan  *.  Enfin  il  ne  négligeait  aucune  dei^ 
sources  auxiliaires  qui  pouvaient  accroître  notre  connau- 
aanoe  des  écrits  de  Pascal . 

Le  service  rendu  par  Faugère  au  texte  des  Pentées 
est  incomparable  :  il  dépasse  k  peine  celui  dont  nou5 
sommes  redevables  h  Ernest  Havet.  Le  commentaire  ât 
l'édition  qui  parut  en  i85a  est  un  monument.  C'est  une 
exégèse  littéraire  des  Pensées,  d'un  goût  et  d'une  érudition 
qui  en  ont  fait  un  modèle  pour  les  éditeurs  non  de  Pascal 
seulement,  mais  de  tous  les  grands  écrivains  ;  avr  *  ! 

guide  l'étude  de   Pascal,  comme  l'étude  de  P> 
avec  Sainte-Beuve,  est  un  centre  d'où  s'éclaire  le  xni* 
siècle  tout  entier.  —  Sur  un  {)oint  pourtant,  k  cinquante 
ans  de  distance,  la  perspective  a  changé  :  on  est  tentc 
de  regretter  que  Havet,  critique  si  clairvoyant  des  Re- 
marques de  Voltaire,  se  soit  laissé  entraîner  par  sa  pa»- 
sion  de   la   vérité  jusqu'à  se  faire  le  juge  et  trop  sou 
vent  le  contradicteur  de  Pascal  ;  il  est  è  craindre  que  la 
discmaion  ne  se  brise  k  travers  la  multitude  des  fragments, 
H  que  la  signification  ne  finisse  par  s'en  altérer,  surtout 
dans  le  cadre  artificiel  que  Ha>ri  pinpruntr  à  l'abbé  Bô» 
sut. 

I.  Voir  ••  pba  a«s  PàtmfiiÊÊ^fhttêms,  f.  cccvm 


ASTIÉ.  XXXT 

Après  les  publications  de  Faugère  et  de  Havet,  l'édition 
des  Pensées  n'était  plus  à  faire.  Mais  les  Pensées  de  Pas- 
cal, rendues  plus  accessibles  et  comme  douées  d'une  jeu- 
nesse nouvelle,  devaient  solliciter  davantage  les  recherches 
des  penseurs  et  des  érudits.  Nous  n'avons  pas  à  rappeler 
ici  des  noms  comme  ceux  de  Prévost-Paradol  ou  de  Ra- 
vaisson,  de  M.  Druz  ou  de  M.  Boutroux  ;  nous  devons 
seulement  indiquer  les  éditions  multiples,  qui  ont  été  faites 
de  différents  points  de  vue,  mais  dont  la  diversité  même 
est  un  hommage  k  la  complexité  du  génie  de  Pascal  ;  d'un 
mot  nous  soulignerons  l'intention  qui  a  inspiré  chacun  de 
ces  travaux,  et  qui  en  marque  le  caractère. 

Dans  la  publication  complètedes  fragmentsde  Pascal  qu'il 
a  donnée  en  1807,  .\stié  a  distingué,  comme  Faugère, 
d'une  part,  la  série  des  opuscules  et  des  pensées  diverses, 
d'autre  part,  V Apologie ,  qu'il  a  disposée  sur  un  plan  remar- 
quablement simple  :  Première  partie  :  misère  de  l'homme 
>ans  Dieu  (Du  besoin  de  connaissance.  Du  besoin  de 
Justice.  Du  besoin  de  bonheur.  Grandeur  et  misère  de 
).  5econ(/e/)ar//€:  félicité  de  l'homme  avec  Dieu 
^'  les  de  la  vraie  religion,  moyens  d'arriver  à  la  foi. 

Jésus-Christ.  Du  peuple  juif.  Des  miracles.  Des  figuratifs. 
Des  prophéties.  Ordre).  —  Ce  plan  laisse  apercevoir  le  vrai 
•  araclère  de  l'Apologie  pascahenne  qui  est,   pour  Astié 

ommc  elle  était   pour   Vinet,    essentiellement    psycho- 
quc  et  morale  ;  c'est  sur  le  pessimisme  qu'elle  fonde  le 

?  Ou  (comme  le  dit  l'éditeur,  en  invoquant 

I  agment  290)  :  «  les  preuves  historiques  (mi 
racles  et  prophéties),  après  la  doctrine,  et  la  doctrine  elle- 
iiiéme  après  la  morale  »  —  ordre  de  succession  qui  est 

fi  m<^ine  temps  un  ordre  de  subordination.  Cette  édition 
t  par  excellence  l'édition  a  populaire  »  et  a  théologique  » 
l'Astié  annonçait  dans  sa  préface  ;  comme  Astié  était 


com 


stxn  ASTift. 

prolMUnt  et  qu'elle  a  été  l'occasion  d'une  itiirwioll  fort 
intéreasante  sur  la  valeur  de  l'apologétique  pascaUenne  au 
point  de  vue  du  protestantisme  contemporain,  die  a  éU 
souvent  appelée  l'édition  protestante. 

On  la  distingue  ainsi  des  diverses  éditions  catholiques, 
iMqaellea  tmit  à  notre  connaissance  celle  de  Viishè  Rocher 
(Toura,  ches  Marne,  1873),  de  J.-B.  Jeannin  (Paria, 
i883),  de  l'abbé  Vialard  (Paris,  ches  Poussielgue,  i885), 
du  chanoine  Jules  Didiot  (Paris,  chet  Desdée  et  de 
Brouwer,  Société  de  Satnt-Augustin,  1896),  de  Tabbé 
Guthlin  (Paris,  chei  Lelhielleux.  1896),  de  l'abbé  Mar- 
gival  (Paris,  chez  Poussielgue,  1897,  3*  édit.,  1899). 
Quelque  différentes  que  soient  les  personnalités  de  ces 
éditeurs,  ils  marquent  tous  au  cours  de  leur  travail 
une  même  préoccupation  dominante  :  définir  les  rap- 
ports de  Pascal  avec  le  jansénisme.  Y  a-t-il  des  frag- 
ments entachés  de  jansénisme?  Alors  il  faut  les  supprimer 
comme  fait  M.  Jeannin:  «  Quelques  pensées  sentaient 
plus  ou  moins  le  jansénisme  ;  nous  avons  dû  les  éliminer 
d'une  édition  classique  »'.  Ou  bien,  comme  fait  M.  Via 
lard,  il  faut  en  exorciser  le  venin  par  le  charme  d'une 
a£Brmation  dogmatique.  Pascal  écrit  :  «  Il  y  avait  deux 
partis  au  temps  de  Calvin. . .  il  y  a  maintenant  les  jésuites.  » 
M.  Vialard  ajoute  en  note  :  a  II  y  avait  deux  partis  au 
temps  de  Calvin  :  celui  des  huguenots  dont  Port-Royal 
a  recueilli  l'héritage,  et  celui  des  catholiques,  représenté 
par  quelque  membre  de  la  Compagnie  de  Jésus,  partout 
où  il  y  avait  &  réfuter,  h  combattre  et  i  mourir.  Au  temps 
de  Pascal,  il  y  a  encore  deux  partis  :  ceux  qui  sont  catho- 
lique» et  ceux  qui  ne  le  sont  pas;  les  jéaaitesappai  t 
au  premier  parti  et  ils  en  sont  lea  meillean  wld-:.  . 

I.  P.  S9. 


L'ABBÉ  GUTHLIN.  rxxvn 

jansénistes  appartiennent  à  Pau tre*.  »  A  M.  Didiot,  doven 
de  la  Faculté  de  théologie  de  Lille,  il  su£5t  de  quelques 
mots  :  Pascal  se  trompe. . . ,  Erreur  historique  manifeste. . . . 
Sophisme  absurde  ;  et  il  écrit  dans  sa  préface  :  «  Ainsi  ce 
n'est  pas  seulement  une  nouvelle  édition  que  nous  avons 
voulu  faire;  c'est  une  nouvelle  réfutation,  sans  phrases, 
des  erreurs  qui  déparent  l'un  des  plus  beaux  essais  de 
la  raison  humaine  et  de  l'apologétique  chrétienne  '.  »  — 
M.  Guthlin  et  M.  Margival,  qui  aiment  Pascal,  mani- 
festent une  tendance  contraire  ;  ils  essaient  de  rompre  le 
lien  qui  rattache  les  Pensées  au  mouvement  janséniste. 
Dans  VEssai  sur  V Apologétique  de  Pascal.,  qui  est  en  tête 
de  son  édition  posthume,  M.  Guthlin  fait  un  subtil  et  bien 
touchant  effort  pour  décharger  Pascal  du  crime  d'avoir 
été  corrompu  par  la  doctrine  ou  même  par  l'esprit  du 
jansénisme  :  «  Cet  esprit  n'a  pu  altérer  la  doctrine  des 
Pensées  ;  mais  n'a-t-il  pas  donné  à  leur  expression  quelque 
chose  d'excessif  et  un  remarquable  manque  de  mesure  '  ?  » 
De  même  M.  Margival,  auteur  d'un  pénétrant  et  substantiel 


I.  P.  977.  Cf.  p.  &i  :  «  Si  l'on  n'ect  pM  eatholiqne,  on  ne  peut 
p««  ^tre  chrétien  et  Paical  a'ett  pM  aoit  catholique  »  (note  k\mVude 
Biaise  Pascaf). 

3.  p.  ii.Cf-  p.  VI.  a  II  nous  aurait  ^(^  particulièrement  désagréable 
de  renvoyer  fréquemment  anv  E$sais  de  Montaigne,  n  peu  chrétien*, 
«i  peu  moraux,  «i  juaUaaat  eeawifét  par  l'Église.  Nous  ne  les  avons 
donc  allégués  que  fort  rarcaMiiL,  et  lorsqu'il  y  avait  un  sérieux  inté- 
rêt à  en  signaler  la  néfaste  influence  sur  l'auteur  des  Pensées.  «  Faute 
de  «'être  reporté  aux  Essais  de  Montaigne,  M.  Didiot  n'a  pas  com- 
pris la  phrase  de  Pascal  :  «  Les  sauvages  n'ont  que  hire  de  la  Pro- 
vence •  (CF.  Fr.  98)  ;  et  il  écrit  en  note  :  «  Je  ne  puis  me  persuader 
qu'il  n'y  ail  pas  là  une  hute  d'écriture.  Pascal  a  voulu  dire  Proci- 
denee.  Les  sanTages,  ea  efet,  ae  eroteat  pas  avoir  besoin  de  Provi- 
dence, ni  de  prAvoyaaea,  parée  qa'ib  aoat  généralement  Ibtalistes.  ■ 
(P  93.) 

3.     P.    CLVIII. 


iixnn  L'ABBÊ  ROCHRR 

coiBiiMOUiire,  qui  ne  doate  pa»  que  Pascal  soit  janséniste, 
•e  demande  si  le»  Pensées  sont  une  œuvre  janaéniste,  et 
il  croit  pouvoir  résoudre  négalivement  la  quaation  «  i  la 
condition  qu'il  soit  permis  de  oonaidéfer  le*  pensées  jan 
•éoistes  de  Tarticle  XXIII  comme  se  rattachant  non  k 
V Apologétique  de  Pascal,  mais  k  ses  Prooindala  qui 
en  fait  ne  sont  pas  rest^  nnoins  inachevées  que  ses 
Pensées' 

EnGn,  k  reioeption  de  M.  Margival  qui  reprftduit  k 
peu  de  chose  près  le  classemrnt  de  Havet,  tous  ces  édi- 
teurs sont  également  dogmatiques  en  ce  sens  qu'ils  dispo- 
sait les  Pensées  «  suivant  le  plan  voulu  par  Pauteur  », 
s^appuyai  '  iil  sur  la  préface  d'Etienne  Périer  et  le 
récit  de  l  'la  Chaise,  dont  ils  développent  complai- 

samment  les  divisions  et  les  subdivisions.  Il  suflBt  d'indi- 
quer, comme  type  de  ces  restitutions,  le  travail  du  cha- 
noine Rocher  qui  est  plus  ancien  en  date  (1873)  et  qui 
n'est  pas  le  moins  intéressant.  M.  Rocher  intitule  sa 
publication  :  Apologie  de  la  Religion  disposée  d'après  le 
seul  vrai  plan  de  Pascal  ;  il  imprime  en  tête  le  plan  exposé 
par  Pascal  dans  la  conférence  de  Port- Royal,  et  les 
fragments  sur  Tordre.  La  première  partie  :  Préparation 
des  anus  à  la  foi,  comprend  trois  livres:  i*  Peinture  de 
rhomme  :  Nécessité  pour  lui  de  connaître  son  origine  et  sa 
Jin,  c  est-à-dire  d'Aadier  la  religion  (5  chapitres  subdivi- 
sés eux-mêmes  en  paragraphes)  ;  a*  les  phihtophies,  et  les 
religions  autres  que  te  christianisme,  ne  peuvent  .(  '  '^ 
thomme  qui  veut  connaître  son  origine  et  sa  Jin 
peuple  juif  ;  son  livre  des  écritures  ;  enseignement  qu'il 
contient.  Marques  de  la  vraie  religion.  —  La  deuxième 


I.  P.  lu  (mt0).  —  L'article  WIII  nt  iv  le  miradt. 


M.  MOLINIER.  xxxra 

partie  :  Preuves  de  la  religion  chrétienne,  a  deux  livres  : 
i'  preuves  tirées  de  l'ancien  Testament;  "i" preuves  tirées 
du  nouveau  Testament.  —  Une  troisième  partie  contient  : 
i"  l'Église,  la  prière,  les  Testaments  ;  2°  la  morale  chré- 
tienne. Suit  une  vaste  rubrique  :  Pensées  étrangères  à 
r.Apologie,  où  se  trouvent  des  chapitres  tels  que  Nature 
de  l'homme.  Opinions  du  peuple  saines,  Raison  des  effets. 
Vanités  des  sciences.  De  l'éloquence,  etc.,  et  enfin  les 
Pensées  inspirées  par  la  passion  et  l'hérésie  contre  les 
Jésuites  et  l'Église  elle-même. 

Il  nous  reste  à  mentionner,  outre  l'édition  de  Choix  et 
Extraits  donnée  par  Gidel  chez  Gamier  (sans  date)  et 
qui  est  d'un  lettré  fort  renseigné,  deux  éditions  qui  Tune 
et  l'autre  ont  efleclué  d'importants  progrès  dans  la  con- 
naissance du  texte  de  Pascal,  celle  de  M.  Molinier,  Paris, 
Lemerre,  1877-1879  et  celle  de  M.  Michaut,  Fribourg 
(Suisse)  1896.  Abstraction  faite  de  la  restitution  du  plan 
de  VApologicy  qui  ne  semble  pas  d'ailleurs  avoir  été  le 
principal  souci  de  M.  Molinier,  tout  est  à  louer  dans  son 
travail,  en  particulier  la  fidélité  avec  laquelle  il  a  con- 
trôlé dans  le  détail  la  version  de  Faugère,  le  zèle  avec 
lequel  il  s'est  attaché  aux  variantes  qu'il  était  possible  de 
déchiffrer  dans  l'autographe.  Quant  à  M.  Michaut  il  a 
repris,  à  plus  de  deux  siècles  de  distance,  la  première  idée 
qu'avait  eue  la  famille  de  Pascal  dès  le  lendemain  de  sa 
mort  et  qui  était  de  publier  tels  quels  les  papiers  qu'il 
laissait  ;  il  n'a  pas  reculé  devant  l'excès  de  désordre  auquel 
le  condamnaient  les  vicissitudes  subies  de  1663  &  171 1 
|)ar  le  manuscrit  autographe  ;  h  cette  publication  il  a,  selon 
le  vœu  de  Victor  Cousin,  appliqué  les  règles  de  la  mé- 
thode critique  qui  est  en  usage  pour  les  auteurs  anciens  ; 
il  a  reproduit  avec  les  variantes  manuscrites  les  leçons 
des  éditeurs  qui  l'ont  précédé,  jusqu'à  leurs  inadvertances 


IL  M    MICHACT 

et  leurs  bulee  d'impreMion  ;  on  ne  pouvait  pooteer  plut 
loin  les  tcnipulee  du  philologue,  on  ne  pouvait  dans  le 
détail  de  rexécution  déployer  plus  de  lèle  et  de  pénétra- 
tion. 

Ainsi,  rhistoire  de  cette  odlaboration  qui  s*eat  pour 
suivie  i  travers  tant  d*annéea,  k  travers  tant  d^incertitude* 
aussi  et  tant  de  préjugés,  et  qui  est  aujourd'hui  si  profi- 
table k  réditeur  des  Pensées.  \e  ramène  à  étudier  de  nou- 
veau le  cahier  de  fragments  qui  esti  la  BihUolhkque  natio- 
nal. 


I.  Non»  n'avioB»  pas  k  faire  eatrer  daa*  la  cadra  dto  MO*  4(ada 
Im  tradoetiou  daa  Pemim,  qui,  tuirant  leur  data,  m  réfkrvat  ant 
édition*  MCCMiiyeweBt  aeeréditées  en  Franre.  L'a  détail  a«  poartaat 
k  relever  :  uadi*  qa'aa  Aiflslff  paniaaMt  ploaiMrt  natfselioaa 
ao|(Uiies,  les  Pensit*  feraat  Mutoat  répaadoaa  n  Ail— agat  par 
une  traduction  en  langue  latine  que  Phil.  Adam  Ulrioli  pskita  •■ 
1741  k  Wanbourg  :  fi^ii  PaaehaU»,  êeriptorU  UtUr  Callo'  aruiiMMimi 
projuhdisêimiijue.  tU  verilaU  rttigi/mk  «pu  [nuthawmm. 


DEUXIÈME  PARTIE 


Le  manuscrit  n"  9202  (/.  fr.^de  la  Bibliothèque  natio- 
nale contient  les  papiers  autographes  de  Pascal  ;  il  est  loin 
toutetefois  de  nous  présenter  ces  papiers  tels  qu'ils  furent 
trouvés  en  1662.  La  reliure  porte  au  dos  la  mention  sui- 
vante :  Pensées  de  Pascal.  171 1 .  Elle  est  contemporaine 
de  trois  pièces  fort  importantes  qui  ont  été  plus  tard  insérées 
au  début  du  volume.  Ce  sont  trois  attestations  signées 
dePabbé  Périer,  neveu  de  Pascal.  Voici  la  première  :  cf  Je 
soussigné,  prêtre,  chanoine  de  l'Église  de  Clermont,  cer- 
tifie que  le  présent  volume,  contenant  pages,  dont  la 
première  commence  par  ces  mots  et  la  dernière 
par  ceux  ci  est  composé  des  petits  papiers  écrits 
d'un  cAté,  ou  de  feuilles  volantes  qui  ont  été  trouvées 
après  la  mort  de  .M.  Pascal,  mon  oncle,  permises  papiers, 
et  sont  les  originaux  du  livre  des  Pensées  de  M.  Pascal, 
imprimés  chez  Desprez,  à  Paris,  pour  la  première  foi««  en 
l'année  et  sont  écrits  de  sa  main,  hormis  quelques- 
uns  qu'il  a  dictés  aux  personnes  qui  se  sont  trouvées  auprès 
de  lui  ;  lequel  volume  j'ai  déposé  dans  la  bibliothèque  de 
Saint-Germain  dcs-Prés,  pour  y  être  conservé  avec  les 
autres  manuscrits  que  l'on  y  garde.  Fait  à  Paris,  ce  vingt- 
cinq  septembre  mil  sept  cent  onze. 

Périem.  b 


sui  LE  MAXOSCRIT  ORIGINAL. 

La  Mconde,  qui  est  sur  la  troiiièmê  page  du  mf-wr 
feoUletf  est  ainsi  conçue  :  a  Je  soussigné,  etc.,  certifie  que 
le  présent  volume  contenant  P*8^i  ^^^^  ^^  y  ^" 

a  plusieurs  en  blanc,  a  été  trouvé  après  la  mort  de  M.  Pas 
cal,  mon  oncle,  parmi  ses  papiers,  et  est  en  partie  écrite 
de  sa  main  et  partie  qu'il  a  (ait  copier  au  net  sur  sa  mi- 
nute, lequel  volume  contient  plusieurs  pièces  imparfaites 
sur  la  Grâce  et  le  Concile  de  Trente,  et  je  Tai  déposé  dans 
la  bibliothèque  de  l'abbaye  de  Saint  -  Germain  -  des - 
Prés,  etc. 

Paris,  ce  vingt-cinq  septembre  mil  »epl  cent  onae. 

Piain.  •• 

La  troisième  mentionne  encore  des  originaux  :  c  Je 
soussigné,  etc. ,  certifie  que  les  cahiers  compris  dans  ce 
volume,  qui  sont  des  abrégés  de  la  vie  de  Jésus-Christ, 
sont  écrits  de  la  main  de  M.  Pascal,  mon  oncle,  et  ont 
été  trouvés  après  sa  mort  parmi  ses  papiers,  lequel  vo- 
lume j*ai  déposé,  etc. 

Fait  le  vingt-cinq  septembre  1711. 

Piun.  » 

Cee  trois  attestations  indiquent  trois  volumes,  et  ce  sont 
trois  cahiers  aussi  que  Tabbé  Périer  avait  prêtés  à  dom 
Toutée,  d'après  la  lettre  du  as  juin  1711  que  nous 
avons  déjè  eu  l'occasion  de  citer.  Les  deux  derniers 
ne  nous  sont  pas  parvenus  tels  quels.  Quant  au  prunier, 
il  semble  avoir  été  transformé  en  un  volume  relié,  soit 
par  Pabbé  Périer  qui  le  déposait,  soit  par  la  bibliothèque 
de  Saint-Germain  des  Prés  qui  le  reçut.  Or  cette  transfor- 
mation a  son  importance;  car  elle  fui,  seroble-t-il,  l'oc- 
casion d'un  travail  singulier,  dont  la  photograf^ie  seule 
pourrait  donner  une  idée  suffisante.  On  a  découpé,  au 


LE  MANUSCRIT  ORIGINAL.  xun 

ras  de  Pécriture,  des  feuilles  volanles  en  une  infinité  de 
petits  morceaux  ;  puis  on  s'est  livré  à  un  jeu  de  patience  qui 
consistait  à  en  coller  le  plus  grand  nombre  possible  sur 
une  même  page  du  recueil.  Telle  page  devient  ainsi  une 
véritable  mosaïque  où  on  relève  huit,  neuf,  dix  et  jusqu'à 
onze  tronçons  (cf.  p.  23,  89  ;  79,88,  427  ;  63).  A  ce  jeu, 
combien  avons-nous  perdu  de  lignes  inachevées  ou  bar- 
rée.s  ?  nous  ne  pouvons  que  le  soupçonner,  à  voir  celles 
qui  nous  sont  parvenues  uniquement  parce  qu'elles 
étaient  écrites  au  verso  d'un  fragment  qu'on  a  bien 
voulu  respecter.  Ainsi  page  1^6  le  fragment  870  ;  ainsi 
page  9^  on  a  découpé  le  fragment  qui  débute  par  ces 
mots  :  //  ut  vrai  quil  y  a  de  la  peine  en  entrant  dans 
la  piété,  brouillon  probable  d'une  lettre  à  Mlle  de  Roan- 
ne/ (fr.  ^98),  mais  au  verso  on  a  mutilé  le  fragment  906 
Sur  les  confessions  et  absolutions  sans  marques  de  regret  ; 
de  même,  page  90,  pour  le  fragment  :  le  juste  agit  par  foi 
(fr.  5o4)-  Quelquefois  même  le  papier  lui-même  n'est 
pas  intact  :  tel  est  le  cas  pour  le  fragment  668,  p.  97. 

Même  en  présence  d'un  long  fragment,  le  relieur  ne  se 
soucie  pas  toujours  de  respecter  la  suite  des  pages,  il  ne 
tient  pas  compte  des  signes  de  renvoi  :  le  fragment  sur  le 
Divertissement  court  de  la  page  189  à  la  page  210,  puis 
209,  217,  188  et  217  ;  le  722  (prophéties  de  Daniel)  va 
de  la  page  809  h  la  page  3i5,  pour  se  terminer  h  la  page 
389  ;  le  fragment  43o  (la  conférence  préparée  pour  Port- 
Royal)  ocx:upe  les  pages  de  817  a  826,  puis  il  faut  en  cher- 
tlier  la  fin  à  la  page  âj.  On  a  seulement  pris  la  précaution 
dr  laisser  une  fouille  de  blanc  entre  chaque  page  écrite,  de 
Ullr  sorte  qu'aux  2.58  pag«*s  «'•«rites  jwr  Pascal  correspon- 
drnl  /|92  pages  numérotées  dans  le  recueil.  —  Le  recueil  est 
précédé  des  trois  feuilles  d'attestations  dont  nous  venons  de 
faire  mention,  du  MémoricU  et  de  sa  copie  ;  il  est  suivi  de 


xu«  LC  MANCSCRIT  ORIGINAL 

fr^manU  autographes,  avec  qualqoM  UgSM  de  compte, 
et  un  bout  de  lettre,  qui  y  oot  été  jointe  en  i86é. 

Entre  1669  et  171 1  bien  deefregments avaient étéégiiée 
ou  dispersés,  comme  en  fait  foi  la  comparaison  du  recueil 
original  avec  les  Copiet  ;  en  particulier  la  plupart  des 
fragments  utilisés  par  Mme  Périer  dans  la  Vie  de  son 
frire  n*ont  pas  été  conservés  dans  Tautographe*.  Par 
contre,  des  pages  entières,  soit  des  notes  pour  les  Provin 
datei,  loit  des  méditations  comme  le  Mytièrt  de  Jénu, 
n'ont  pas  été  r^roduites  dans  les  Copies  et  sont  pour  la 
plupart  demeurée»  inédites  jusqu'à  rédition  de  FaugéreV 

Le  recueil  original  lui-même  est  loin  d'être  un  recueil 
entièrement  autographe.  Manifestement  un  grand  nombre 
de  fragments  qui  sont  ëpars  è  travers  Im  diflérentee  par- 
tie» du  recueil,  depuis  la  page  ig  jusqu'à  la  page  485, 
sont  dictés  h  un  domestique  (quelques-uns  peut-être  i 
un  enfant,  le  jeune  Louis  Périer,  dont  Biaise  Pascal  avait 
commencé  Téducation).  L'écriture  est  gauche,  l'ortho- 
graphe déplorable;  un  mol  comme  chanehelier  (fr.  189) 
forait  même  soupçonner  une  origine  clermontaisc.  Dans 
on  même  fragment  il  arrive  que  la  main  étrangère  alterne 
avec  celle  de  Pascal  (ex:  fr.  8a  et  fir.  iSg);  le  fragment 
69,  page  33  du  manuscrit,  n'a  qu'une  ligne;  il  est  moi- 
tié écrit,  moitié  dicté  par  Pascal.  A  cette  écriture  fiuni- 
lière  se  joint  l'écriture  de  Mme  Périer  pour  une  série  de 
fragments,  en  particulier  pour  un  fragment  sur  le»  mi- 
racles qui  est  postérieur,  de  quelques  joura  seule- 
ment selon  toute  vraisemblance,  au  ig  févrimr  1660 
(fr.  817).  Le  fr.  636  doit  avoir  été  transcrit  par  Nicole 
(p.  491).  Aufr.  I  sur  l'esprit  géom^rique,  on  trouve  en- 


I.  Votf  MpitestJMUicatiyoUrtètoiltcowwrdwo.f.ocMStocMi. 
s.  Cf.  ikié,  p.  cciisTi  t^. 


LE  MANUSCRIT  ORIGINAL.  xLV 

core  une  autre  écriture,  élégante  et  correcte  (p.  4o5). 
Souvent  ces  fragments  ont  été  corrigés  ou  complétés  de 
la  main  de  Pascal. 

Un  grand  nombre  de  ces  fragments  sont  précédés  de  la 
croix,  que  Saint  Cyran  recommandait  de  placer  en  tête  de 
tout  écrit,  comme  «  les  armes  du  chrétien  »  ;  mais  il  n'y  a 
pas  à  en  tirer  de  conclusion  sur  le  caractère  intime  du 
fragment,  on  la  retrouve  en  tête  de  remarques  sur  le 
style,  comme  le  fragment  53  qui  est  probablement  de 
1667,  date  où  parurent  les  Plaidoyers  de  M.  Le  Maître. 

11  est  inutile  d'insister  sur  la  diversité  d'aspect  et  de 
a^ntenu  que  présentent  ces  fragments.  Il  y  a  des  pages 
entières  qui  forment  de  véritables  chapitres  de  livre; 
elles  sont  couvertes  de  ratures,  et  témoignent  d'un  travail 
où  l'écrivain  a  déployé  toutes  les  ressources  de  son  art  : 
fragments  sur  les  Deux  Infinis  (72),  sur  V Imagination 
(8a),  sur  le  Divertissement  (iSg),  s\it  h  Justice  (aQ^)^ 
iUT  \e  Péché  originel  (4i5),  sur  Y Incompréhensibilité  de 
l'homme  A.  P.  R.  (43o),  sur  le  Pyrrhonisme  (43^)- 
D'autres  sont  de  longues  traductions  d'Isale  ou  de  Daniel 
qui  concernent  les  prophéties  (71 3  et  7  a  a)-  La  rédac- 
tion du  Pari  est  faite  sur  quatre  pages  du  format  de 
notre  papier  à  lettre  (3,  4,  7  et  8)  ;  Pascal  avant  de  l'avoir 
terminée  avait  écrit  des  fragments  qui  ne  s'y  rattachent 
pas  directement;  puis  il  a  complété  son  argumentation, 
recouvrant  son  papier  dans  tous  les  sens,  d'une  écriture 
de  plus  en  plus  menue  renvoyant  d'une  page  à  l'autre 
il  l'aide  de  petites  figures  géométriques  qui  permettent 
d'ordonner  ce  chaos.  Corrélativement  à  ces  dévelo|^)e- 
nicnts,  on  trouvera  de  longues  suites  de  notes  qui  repré- 
sentent le  travail  antérieur  de  méditation.  Chaque  para- 
graphe ou  chaque  idée  essentielle  est  en  germe  dans  un 
trait  saillant,  dans  un  mot.  En  tête  de   la  page  107,  on 


ilTi  LK  MANUSCHIT  URMiIXAL. 

trouve  cm  roots  Que  me  tervirait  ?  abominabiet.  oè  Vu- 
cal  se  rappelle  à  lui-même  les  fragments  qu'il  va  écrire  sur 
cette  page  même  (fr.  499  ^  '*'■  &&&)  Ailleurs  des  lignes 
éoigmatiques  qui  s'éclairent  par  la  rencontre  du  fragment 
développé  :  «  Il  demeure  su  delA  de  Teaa  (fr.  393).  — Je 
n*ai  pas  d'amis  à  votre  avantage  (fr.  i54).  »  Qu'on  se 
reporte  surtout  aux  fragments  191^  bis  et  19^  ter.  :  on  y 
trouvern  toutes  les  notes  de  Pascal  pour  la  Pré/ace  de  son 
Apologie  ;  lignes  de  rappel  qu'il  barrait  k  mesure  qu'il  les 
utilisait  dans  sa  rédaction.  On  a  dans  le  recueil  msnu» 
crit  un  grand  nomlwe  de  notes  de  ce  genre  qui  étaient 
destinées  aux  Provindatei,  ou  aux  diven  FacUtnu  qui  les 
suivirent,  notes  inachevées  et  parfois  d'apparence  incohé- 
rentf"  qui  ne  prennent  de  sens  que  par  la  comparaison  avec 
les  écrits  auxquels  elles  étaient  destinées  (voir  notre  Sec- 
tion XIV,  particulièrement  du  fr.  920  k  la  fin).  Le  ma 
nuscrit  nous  permet  même  de  remonter  plus  haut  dans 
le  travail  de  préparation  ;  nous  avons  les  noies  prises  par 
Pascal  dans  ses  lectures,  par  exemple  des  résumés  de 
la  préface  du  livre  de  Voisin  au  Pugio  Fidei  (fr.  635) 
ou  de  chapitres  du  Pugio  Fidei  (fr.  i.^6),  des  recueils 
de  citations  latines  empruntés  aux  Essais  de  Mont»>'/'<" 
(fr.  363,  364),  des  copies  des  versets  de  la  Bible  (fr.  ( 
des  extraits  critiques  sur  le  4*  livre  d'Esdras  (fr.  63a) 
ou  sur  la  comparaison  de  la  Vulgate  et  de  la  Bible  de 
Vatable  (fr.  819).  Le  fragment  958  montre  la  collabo- 
ration de  Pascal  avec  un  ami  qu'on  croit  être  Amauld  : 
Amauld  aurait  signalé  à  Pascal  un  certain  nombre  de 
pages  des  livres  des  Généraux  Jésuites^;  Pascal  s'y  reporte 
et  y  joint  ses  réflexions. 

Entre  ces  notes  presque  im|)er9onnelles  et  les  déve 
lopperoents  qui  portent  la  marque  du  génie  de  Pascal,  on 
raoooatre  dans  le  manuscrit  tous  les  types  intermédiaire». 


LE  MANUSCRIT  ORIGINAL.  jtni 

ici  un  souvenir  d'enfance  :  «  quand  j'étais  petit,  je  serrais 
mon  livre  »  (fr.  371),  et  là  le  dialogue  mystique  avec 
Jésus  (fr.  553).  A  la  page  4oi  la  note  sur  les  Hommes 
natutellement  couvreurs  est  en  marge  des  réflexions  sur 
les  miracles.  A  la  page  344  les  mots  «  vertu  apéritive 
d'une  clé,  attractive  d'un  croc  »  (fr.  55)  interrompent  une 
série  de  notes  contre  les  Jésuites  (fr.  924)-  A  U  page 
4o2  se  suivent  immédiatement  une  note  surEscobar,  une 
réflexion  sur  l'éloquence  (26),  une  définition  de  l'égoïsme 
absolu  (457).  Voici  ce  qui  est  dicté  sur  une  même  feuille 
de  papier  recto  ei  verso  aux  pages  201  et  202  :  une  réflexion 
sur  les  mauvaises  raisons  qu'on  se  donne  pour  expliquer 
la  circulation  du  sang(fr.  96),  une  autre  sur  la  meilleure 
méthode  de  persuader  (10),  une  note  sur  le  brochet  et  la 
grenouille  de  Liancourl  (34i)  suivie  immédiatement  de 
ce  fragment  :  La  vérité  est  si  obscurcie  en  ce  temps  (864) 
et  d'une  plainte  contre  les  malingres  (sic)  qui  trahissent 
la  vérité  pour  leur  intérêt  (583),  puis  vient  une  compa- 
raison entre  la  machine  d'arithmétiqueet  les  animaux  (34o), 
une  réflexion  sur  les  personnes  qui  mentent  pour  mentir 
(108)  et  sur  les  persécutions  qui  travaillent  l'Ëglisc  (859). 

L'écriture  elle-même  est  changeante  :  ici  l'auteur  est 
devant  sa  table  de  travail,  et  là  il  semble  qu'il  se  soulève 
sur  son  lit  et  que  d'une  main  fiévreuse,  qui  ne  (leut  suivre 
la  rapidité  de  la  pensée,  il  fixe  en  traits  inachevés  le 
souvenir  d'une  nuit  d'insomnie  ;  il  y  a  des  mots  illisibles, 
non  parce  qu'ils  ont  été  mal  écrits,  mais  parce  qu'ils  n'ont 
été  pour  ainsi  dire  pas  écrits. 

Plusieurs  fragments  ont  été  dictés  au  crayon,  et 
repassés  ensuite  à  la  plume  d'une  écriture  qui  s'est  élargie 
et  espacée.  Le  tout  écrit  tantôt  sur  des  cahiers  uniformes, 
et  tantôt  sur  des  feuillet  volantes  prises  au  hasard  de  la 
rencontn».  Le  fr.  818  est  écrit  au  verso  d'une  lettre  adres- 


iLvui  LA  UAih  lihs  rnAuiitMTS. 

•ée  à  Ptscal  (p.   igS),  au  dot  de  U  page  409  est  une 
•érie  de  calcul»,  un  temme  avec  figurée.  Ailleun  un  reçu 
de  Pascal  (page  lai),  un  brouillon  de  lettre  (p.  2)  et  ju» 
qu'A  des  lignes  telles  que  celles^i  :  (importez  faire  an  tour, 
(^portez  de  la  ehandeUe,  etc.  (p.  44o). 

Sur  ces  caractères  que  présente  le  manuscrit,  est-il 
possible,  comme  on  Ta  proposé,  de  classer  les  fragments 
par  leurs  dates,  en  réunissant  les  fragments  qui  sont  sur 
un  même  papier  ou  qui  ont  la  même  couleur  d'encre? 
L^hypothèse  est  ingénieuse  ;  il  est  probable  qu'elle  ne 
pourrait  être  suivie  bien  loin.  Il  ne  faut  pas  s'imaginer 
Pascal  comme  un  homme  de  lettres  qui  s'installe  k  beare 
fixe  dans  son  cabinet.  C'est  un  méditatif,  et  c'est  un 
malade:  il  saisit  au  hasard  le  premier  papier  qui  lui 
tombe  sous  la  main,  et  il  fixe  ses  souvenirs.  D'ailleurs  il 
voyage:  en  1660  il  est  en  Poitou  chez  le  duc  de  Roannes, 
et  &  Clermont  chez  les  Périer;  en  1 656  il  est  à  Vaumurier, 
puis  i  Porl-Royal-des-Champs  ;  il  se  cache  pendant  qu'il 
écrit  les  Provinciales.  L'encre  comme  le  papier  change 
avec  ces  déplacements  ;  quelquefois  elle  varie  à  l'intérieur 
d*un  même  fragment,  par  exemple,  entre  Épictéte  et 
conclut  (fr.  35o,  p.   i55  du  manuscrit). 

En  fait,  pour  dater  les  frsgments,  nous  n'avons  qu'un 
petit  nombre  de  points  de  repères;  la  lettre  du  19  février 
1660  au  verso  du  fragment  818  dicté  k  Mme  Périer, 
p.  193,  ou  bien  les  allusions  historiquées  notées  par  Havri: 
le  fragment  sur  Cromwell  (fr.  176)  est  postérieur  k  mai 
1 660,  le  fragment  sur  les  Trois  HâUs  est  asset  probable- 
ment de  i656  (177). 

Pour  compléter  ce  travail,  il  faudrait  examiner  la  nature 
intrinsèque  et  la  destination  des  fragments.  En  dehors  de 
VApologie,    un  grand   nombre    de  fragmonts   ^nii  Jcs 


LA  COMPOSITION  DES  FESSÉES.  xux 

notes  pour  les  Provinciales  ou  pour  les  Factums  qui  les 
suivirent:  ils  sont  de  1666-1657.  ^  fragment  AqS  parait 
être  une  première  rédaction  d'une  lettre  à  Mlle  de  Roannez, 
qui  est  contemporaine  des  Provinciales  (a^  septembre 
i656).  Plusieurs  fragments  se  rattachent  à  la  Lettre  sur 
les  Commandements  de  Dieu  qui  doit  être  de  la  même 
époque.  De  longs  développements  sont  écrits  en  vue 
de  la  conférence  de  Port- Royal,  où  Pascal  a  exposé 
le  plan  de  Touvrage  qu'il  méditait,  vers  Tannée  i658 
(fr.  43o,  4 16).  Les  notes  pour  les  Discours  sur  la  condi- 
tion des  Grands  (fr.  3 10)  nous  conduisent  k  Tannée 
1660.  En  revanche  le  fragment  yô  se  rattache  au  Traité 
du  vide  ;  et  quoiqu'il  s'accompagne  d'une  remarque  d'exé- 
gèse biblique  qui  atteste  la  diversité  des  préoccupations 
de  Pascal  à  Tépoque  où  il  a  été  écrit,  il  est  possible  qu'il 
soit  antérieur  à  la  seconde  conversion  de  Pascal.  Ainsi, 
sans  tenir  compte  encore  de  V Apologie,  c'est  presque  dix 
ans  d'activité  intellectuelle  dont  ces  papiers  apportent 
la  confidence,  la  plus  immédiate  peut-être  et  la  plus  intime 
que  Ton  ait  jamais  recueillie. 

Quant  aux  fragments  qui  devaient  fournir  la  matière  de 
V Apologie,  —  et  sans  qu'on  puisse  exclure  l'hypothèse  de 
fragments  antérieurs,  préparés  en  vue  de  V Entretien  avec 
M.  de  Saci,  (i655)  ou  même  des  conférences  avec 
M.  Rebours  *,  — ils  appartiennent  aux  dernières  années  de 
la  vie  de  Pascal;  nous  n'avons  ici  qu'à  recueilUr  le 
témoignage  de  Mme  Périer  :  a  II  avait  environ  trente- 
quatre  ans  quand  il  commença  de  s'y  appliquer.  Il 
employa  un  an  entier  à  s'y  préparer  en  la  manière  que 
ses  autres  occupations  lui  permettaient,  qui  était  de 
recueillir  les  différentes  pensées  qui  lui  venaient  là-dessus; 

I.  Cf.  Lettre k  Uae  Périer  du  a6  janvier  i648. 

mitiu  os  rAscAL.  * 


L  LA  COMPOSITION  DES  PBSSÉËS. 

et  k  la  fin  de  Tannée,  qui  était  la  trente-cinquième  année 
de  ton  à^e  et  la  cinquième  de  m  retraite,  il  retomba 
dans  set  incommodités  d'une  nunière  si  accablante  qu'il 
ne  pouvait  plus  rien  faire  les  quatre  années  quUl  vécut 
encore,  si  on  peut  appeler  vivre  la  Ungueur  si  pitoyable 
dans  laquelle  il  les  passa  '.  »  Etienne  Périer  indique  même 
dans  la  Préface  que  quelques-uns  des  fragments  les  plus 
développés  sont  de  cette  dernière  période'.  Bfarguerite 
Périer  précise  encore  dans  ses  il#/moire«  :  «  M.  Pascal  avait 
accoutumé,  quand  il  travaillait,  de  former  dans  sa  tète 
tout  ce  qu'il  voulait  écrire  sans  presque  en  faire  de  projet 
sur  le  papier;  et  il  avait  pour  cela  une  qiialité  extraordi- 
naire, qui  est  qu'il  n'oubliait  jamais  rien,  et  il  disait  lui- 
même  qu'il  n'avait  jamais  rien  oublié  de  ce  qu'il  avait 
voulu  retenir.  Ainsi  il  gardait  dans  sa  mémoire  les  idées 
de  tout  ce  qu'il  projetait  d'écrire,  jusqu'à  ce  que  cala  fût 
dans  sa  perfection  et  alors  il  récrivait.  C'était  son  usage; 
mais  pour  cela  il  fallait  un  grand  effort  d'imagination,  et 
quand  il  fut  tombé  dans  ses  grandes  infirmités,  cinq  ans 
avant  sa  mort,  il  n'avait  pas  assez  de  force  pour  garder 
ainsi  dans  sa  mémoire  tout  ce  qu'il  méditait  sur  cbaque 
chose.  Pour  donc  se  soulager,  il  écrivait  ce  qui  lui  venait 
à  mesure  que  les  choses  se  présentaient  à  lui,  afin  de  s'en 
servir  ensuite  pour  travailler  comme  il  faisait  auparavant 
de  ce  qu'il  imprimait  dans  sa  mémoire;  et  ce  sont  ces 
morceaux  écrits  ainsi  pièce  par  pièce,  qu'on  a  trouvés 
•près  sa  mort,  qu'on  a  donnés  et  que  le  public  a  reçus 
avec  tant  d'agrément  V  » 

En  définitive,  et  quel  que  soit  leur  intérêt  intrinsèque, 


I.  Cf.  PmUm  tt  afumiu  dt  Paaeal.  Hach«u«,  1897,  p.  sa. 

a.  Cf.  PSkmjmt^/Uaikmt  p.  clkxii. 

3.  Cf.  Pa«f*M*  £'•«'«  "  9fmmlm  4»  U  /•mitU  Pmt^.  p.  456 


L£  PLAN  DE  L'APOLOGIE.  u 

les  indications  que  l'on  peut  rassembler  sur  les  dates  où 
furent  écrits  les  fragments  de  Pascal,  demeurent  beau- 
coup trop  vagues  et  trop  approximatives  pour  offrir  un 
point  d'appui  à  l'éditeur.  Le  problème  de  la  publication 
demeure  intact  ;  nous  devons  l'aborder  directement  et 
pour  notre  compte. 

Or  la  description  du  manuscrit  nous  semble  décisive 
pour  écarter  les  deux  solutions  extrêmes  :  l'une,  la  plus 
simple,  qui  serait  de  le  reproduire  tel  quel  ;  l'autre,  la 
plus  séduisante,  qui  serait  de  le  présenter,  comme  s'ex- 
prime l'im  des  derniers  éditeurs,  «  selon  l'ordre  voulu 
par  l'auteur  ».  —  Certes  nous  n'avons  aucune  objection 
contre  l'entreprise  dont  M.  Michaul  s'est  acquitté  avec 
une  si  admirable  conscience  ;  nous  espérons  bien  que  nous 
pourrons  compléter  son  travail  —  et  le  nôtre  —  en  pu- 
bliant le /ac-«</n/7e  photographique  du  manuscrit  n'gaoa. 
Mais  même  après  la  photographie  l'édition  reste  k  faire  ; 
le  '<  beau  désordre  »  où  un  relieur  malencontreux  a  mis 
les  papiers  de  Pascal  a  son  charme  pour  les  familiers,  il 
est  utile  à  ceux  qui  veulent  se  faire  leur  édition  à  eux-mêmes. 
Mais  à  généraliser  le  procédé  nous  risquerions  de  rendre 
les  Pensées  inintelligibles  et  inaccessibles  à  neuf  lecteurs 
sur  dix  ;  nous  ferions  taire  la  voix  de  celui  qui  &  âii  :  Le 
silence  est  la  plus  grande  persécution. 

Sur  l'autre  solution,  sur  la  restitution  du  plan  de  VApo- 

\hgie,  est-il  besoin  d'insister  encore  ?  Il  suffit  de  rappeler 

ici  les  difficultés  essentielles,  qui  à  notre  sens  ne  peuvent 

surmontées.  Tout  d'abord,  il  y  a  dans  le   manuscrit 

fragments  qui  en  toute  vraisemblance  n'ont  pas  été 

écrits  pour  V Apologie.  Comment  faire  le  départ  ?  Voici  les 

\Ptnsées  sur  C Éloquence  et  le  style,  il  est  fort  possible  que 

les  ait  notées  pour  lui-même,  qu'il  y  ait  fixé  le 

mir  de  conversations  qu'il  avait  euM  avec  Méré,  ou 


ui  LE  PLAN  DE  L'APOLOGIE. 

eooofv  qu'il  ait  évoqué  ce  souvenir  au  moment  de  «on 
entrée  k  Port- Royal  lorsqu'il  écrivait  les  Réflexions  sur 
i'esprit  géométrique  et  sur  l'art  de  persuader,  et  qu'il  se 
proposait  de  rédiger  pour  le  Petites  Écoles  un  Traité  de 
Géométrie,  probablement  aussi  un  Traité  de  Rhétorique 
ou  de  Logique  —  mais  il  est  non  moins  vniiiiwnhhble 
que  Pascal  eût  suivi  les  indications  données  dam  m 
conférence  de  i658,  qu'il  eût  commencé  par  (aire  voir 
«  quelles  sont  les  preuves  qui  font  le  plus  d'impression 
sur  les  hommes,  et  qui  sont  le  plus  propres  i  les  per- 
suader ».  De  même  on  peut  soutenir  que  les  fragments 
polémiques  contre  les  Jésuites  se  rattachent  &  la  querelle 
des  Provinciales^  que  la  théorie  du  miracle  est  faite  pour 
la  Réponse  au  Rabat  Joie,  ou  pour  un  autre  écrit  sur  le 
miracle  dont  parle  dom  Clémencet  ;  —  mais  Etienne  Périer 
rappelle  dans  sa  Pré/ace  que  l'Apologie  était  aussi  bien  tour- 
née contre  les  mauvais  chrétiens  que  contre  les  libertins, 
mais  M"*  Périer  nous  dit  en  termes  formels  que  le  miracle 
de  la  Sainte-Épine  a  été  l'occasion  de  l'Apologie  (ce  qui 
ne  signifie  pas,  comme  l'interprète  subtilement  Astié, 
qu'il  n'ait  été  qu'une  occasion).  De  même  les  traductions 
d'Isale  et  Daniel,  qui  sont  iJaites  avec  un  soin  si  visible, 
devaient-elles  trouver  place  dans  le  tissu  même  de  l'^po- 
iogie?  —  ou  n'étaient-elles  que  pour  l'usage  personnel  de 
Pascal?  ou  enfin  avaient-elles  quelque  rapport  avec  les 
conférences  tenues  au  chAteau  de  Vaumurier  pour  arrêter 
le  style  de  la  version  du  testament  de  Mons  ?  Et  de  même 
encore  pour  l'argument  du  pari  :  Renouvier  en  fait  le 
cceur  même  de  l'Apologie,  il  compte  la  révélation  int^ 
grale  de  l'argument  parmi  les  moments  décisifs  de  la  pen- 
sée humaine  au  xix*  siècle;  —  M.  Lansoo  le  réduit  k  n'être 
qu'un  écrit  de  circonstance. 

S'il  est  difficile  de  déterminer  sans  arbitraire  les  limites 


LE  PLAN  DE  LAPOLOGIE.  un 

de  V Apologie,  il  s«ra  plus  difiBcile  encore  d'en  restituer 
le  plan.  Les  indications  de  Pascal  nous  donnent  des 
lignes  générales  :  une  première  partie  traite  de  Thomme 
et  de  sa  corruption,  elle  est  sur  Adam  et  sur  la  nature  ; 
une  seconde  traite  de  Dieu  et  de  la  religion,  elle  est  sur 
Jésus-Christ  et  sur  la  rédemption.  Mais  comment  ces 
parties  se  divisent-elles  ?  nous  avons  des  titres  généraux  ; 
mais  nous  ignorons  Tordre  des  chapitres,  qui  serait 
Pessentiel.  Pascal  énumère  dans  un  fragment  les  preuves  de 
la  religion  ;  mais  il  paraît  bien  qu'il  ne  s'y  propose  que  de 
les  compter  ;  aucun  rapport  logique  ne  semble  avoir 
décidé  de  leur  rang'.  Ailleurs  il  mentionne  un  dialogue 
avec  l'athée,  ou  une  lettre  de  l'injustice  ;  mais  il  ne  nous 
dit  pas  quelle  en  est  la  place.  Par  contre  nous  le  voyons 
hésiter  sur  le  plan  du  développement  qu'il  vient  d'écrire, 
transporter  au  chapitre  des  fondements  ce  qu'il  avait  écrit 
dans  le  chapitre  des  figuratifs  (fr.  670),  ou  bien  encore 
transposer  après  les  lois  au  titre  suivant  (fr.  78)  une  lettre 
de  la  folie  de  la  science  humaine  et  de  la  philosophie  (7^), 
confirmant  enfin  le  mot,  écrit  ou  prononcé  par  lui,  que 
Port  Royal  nous  a  transmis  dans  l'édition  de  1678  :  «  La 
dernière  chose  qu'on  trouve  en  faisant  un  ouvrage  est  de 
savoir  celle  qu'il  faut  mettre  la  première.  » 

Dans  ces  conditions  on  peut  estimer  la  portée  exacte 
du  plan  que  nous  a  transmis  Filleau  de  la  Chaise  dans 
son  Discours  sur  les  Pensées  de  M.  Pascal.  Cet  exposé, 
que  nous  reproduisons  dans  les  Pièces  justificatives,  est, 
malgré  la  paraphrase  perpétuelle  et  fatigante  qui  est  la  mé- 
thode de  l'auteur,  un  document  capital  pour  l'intelli- 
gence des  Pensées  ;  mais  il  nous  semble  qu'il  n'a  pas  une 
autorité  suIBBante  pour  nous  en  permettre  la  restauration. 

I.  Pr.  sgo;  cf.  fr.  589. 


ur  LE  PLAN  DE  L'APOLOGIE. 

D'abord  k  le  suivre  dam  le  déUil,   le  plan  »e  dérobe  i 
tnvw«  une  série  de  oompUcations,  qui  expUqoeot  les 
emberras  et  les  divergences  de  oeus  qui  ont  cru  pouvoir 
s'y  fier.  De  plus  il  a  été  écrit  au  moins  huit  ans  après  la 
eimfértnce  de   Pascal,  et  »ans  autre  document  que  les 
cahiers  de  Pascal  auxquels  Filleau  de  la  ChaiM  s*est  mani- 
festement référé.  Or  k  supposer  que  la  mémoire  de  Tau- 
dilenr  ait  conservé  fidèlement  chacun  des  détails  de  la 
eonlérence,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'il  en  ait  retenu  Tordre 
avec  la  dernière  exactitude.  Surtout  cette  conférenoe  même 
précède  de  plus  de  quatre  années  la  mort  de  Pascal,  de 
sorte  que  nous  y  aurions  un  état  du  plan  de  Pascal  qui 
ne  s'applique  pas  nécessairement  aux  fragments  écrits  de 
i658  k  1663.  L'autorité  du  plan  diminue  d'autant  qu'on 
suppose  plus  de  flexibilité  et  d'extension  dans  le  génie 
même  de  Pascal.  Cette  conclusion  est  confirmée  par  la 
comparaison  du  plan  rapporté  par  Filleau  de  la  Chaise 
avec  le  témoignage  de  Mme  Périer,  consigné  dans  des 
pages  qui  avaient  appartenu  k  la  vie  de  Biaàê  Pateal  et 
que  le  docteur  Besotgne  nous  a  conservées  dans  sa  pré- 
cieuse  Histoire  de  l'abbaye  de  Port-Royal  (et  peut-être 
ne  les  a-t-on  retranchées  de  la  biographie  imprimée  que 
parce  qu'elles  faisaient  double  emploi  avec  le  Discours  de 
Filleau  de  la  Chaise  —  an  le  contredisant).  Nous   repro- 
duisons ces  pages  dans  nos  Pièces  JusUfieaiwes  ;  ce  qui 
nous  dispense  de  (enter  un  parallèle  entre  deux  documents 
qui  ne  se  prêtent  sur  aucun  point  k  un  rapprochement. 
Il  suffit  de  les  lire  l'un  k  la  suite  de  l'autre,  pçur  que  le 
contraste  éclate.  Dira-t-on,  pour  employer  une  expression 
lamilière  k  Pascal,  qu'il    faut  Hitcerner  les    temps  ?  Ce 
diaoemement  est  bien  difficile  :  on  serait  tenté  de  conclure 
que  lea  réflexions  sur  le  miracle  sont  surtout  de  i656  et 
contemporaines  de  Pév^nr mon t  :  on  »r  tromperait  pourtant 


LE  PLAN   DE  L'APOLOGIE.  lv 

L'n  hasard  veut  que  plusieurs  pensées  sur  les  miracles 
dictées  par  Pascal  soient  de  la  main  même  de  Mme  Périer  ; 
or  Tune  d'entre  elles  est  écrite  au  verso  d'une  lettre  datée 
du  19  février  1660.  Il  est  donc  à  présumer  que  les  indi- 
cations transmises  par  Mme  Périer  sont  de  deux  ou  troLs 
ans  postérieures  à  ia  conférence  de  Port-Royal,  qu'elles 
reflètent  un  état  plus  récent  du  plan  de  V Apologie. 

Enfin,  une  formule  expresse  de  Pascal,  le  témoignage 
autorisé  d'un  contemporain  nous  permît-il  d'établir  entre 
les  fragments  un  ordre  qui  fût  k  l'abri  de  toute  objection 
et  de  toute  contestation,  nous  n'aurions  pas  le  droit  d'en 
conclure  encore  que  nous  possédons  Y  Apologie  dans 
son  aspect  d'ensemble  et  dans  son  ordonnance  générale. 
Un  Charron  procède  par  divisions  :  son  Traité  des  Trois 
vérités  se  compose  de  trois  parties  entre  lesquelles  nous 
pourrions  répartir  aussi  les  pensées  de  Pascal  :  i"*  qu'il  y  a 
une  religion,  s"  que  la  vraie  religion  est  le  christianisme, 
3"  que  la  seule  expression  authentique  du  christianisme 
est  le  catholicisme,  c* est-à-dire  pour  Pascal  le  jansénisme. 
Mais  c'est  précisément  de  Charron,  du  Traité  des  Trois 
vérités  ou  des  Livres  de  la  Sagesse,  que  Pascal  se  proposait 
de  parler  dans  la  préface  de  sa  première  partie  ;  il  devait  y 
condamner  les  «  divisions  qui  attristent  et  qui  ennuient  n  '. 
Sur  une  matière  grave  et  aride  entre  toutes,  les  Provin- 
ciales n'avaient  ni  attristé  ni  ennuyé  ;  elles  avaient  la 
liberté  et  la  diversité  d'allure,  la  verve  débordante,  la  vie 
passionnante  de  la  meilleure  des  comédies;  de  même 
V Apologie,  qu'on  imagine  trop  souvent  comme  une  série 
de  dissertations  théoriques,  devait  être  un  drame.  C'est 
avec  le  souvenir  des  Provinciales  qu'il  convient  d'inter- 
préter des  indications  comme  celles-ci  :  «  Ordre  par  Dia- 

I.  Fr.  6s. 


i«i  LE  PLAN  DE  L'APOLOGIB. 

hguês.  Que  dot»-je  faire?  Je  ne  vois  partout  qu*obacu 
ril4a.  Croirai-je  que  je  ne  tuii  rien?  croirai'je  que  je  suis 
Dieu  ?  Toute»  cboiea  changent  et  m  succèdent.  Voua  vous 
trompez,  il  y  a  ...»  ou  bien  :  «  Dana  la  lettre  De  fin 
justice  peut  venir  la  plaisanterie  dea  aînés  qui  ont  tout  : 
Mon  ami,  vous  êtes  né  de  ce  côté  de  la  montagne  ;  il 
est  donc  juste  que  votre  aîné  ait  tout.  —  Pourquoi  me 
toet-vous  '  ?  »  —  Montaigne  est  transcrit  presque  tout  entier 
dans  les  notes  de  Pascal,  c*est  sans  doute  que  le  personnage 
principal  était  le  libertin  qui  a  lu  Montaigne.  —  Mme  Pc- 
rier  nous  bisse  entendre  que  les  preuves  des  miradu 
devaient  former  le  premier  chapitre  de  l'ouvrage;  c^est 
peut-être  que  Pascal  voulait  se  jeter  brusquement  dans 
lee  événements,  prendre  comme  point  de  départ  les  con- 
versations qu'il  eut  «  avec  Thomme  sans  religion  >  à  la 
veille  du  miracle  de  la  Sainte-Épine,  et  de  U  revenir  sur 
les  fondements  de  la  religion  chrétienne...  Sans  multiplier 
les  conjectures,  une  chose  est  acquise,  c'est  que  quel  que 
soit  Tordre  dans  lequel  un  éditeur  publiera  aujourd'hui 
les  Pensées,  l'Apologie  de  Pascal  en  eût  différé  du  tout 
au  tout  ;  car  elle  aurait  été  en  dehors  de  tout  ordre  déter- 
miné, conduite  par  un  génie  qui  se  moquait  des  r^rlea 
didactiques. 

Ces  raisons  littéraires,  et  encore  extérieures,  ne  font  que 
traduire  des  raisons  intimes  et  profondes.  L'ordre  analy- 
tique n'est  pas  l'ordre  vrai  :  il  juxtapose  des  formules,  il 
les  enchaîne  suivant  les  lois  du  raisonnement,  il  demeure 
aoolastique et  superficiel.  L'ordre  vrai,  celui  qui  engendre 
la  conviction,  est  un  ordre  synthétique  ;  en  apparence  il 
rompt  le  discours,  en  réalité  il  va  droit  au  but  :  «  Cet 
ordre  consiste  principalement  &  la  digression  sur  chaque 

I.  Fr.  SS7  M  fr.  «91. 


LE  CLASSEMENT  DES  PESSÉES.  Lvn 

point  qu'on  rapporte  à  la  fin,  pour  la  montrer  toujours'. 
Chacune  des  lettres,  chacun  des  dialogues  dont  se  serait 
composée  V Apologie  devait  ainsi  former  un  tout  et  se  suf- 
fire à  lui-même  ;  point  d'examen  préliminaire  ni  de  dis- 
cussion provisoire,  chaque  acte  du  drame  devait  conduire 
à  la  même  conclusion  :  la  vérité  du  christianisme  intégral 
qui  est  le  jansénisme,  la  nécessité  de  s^y  convertir  immé- 
diatement avec  son  esprit,  avec  son  cœur,  d'y  soumettre 
jusqu'à  la  discipline  de  son  corps. 

Ce  serait  donc  compromettre  également  les  Pensées  que 
de  les  laisser  dispersées  à  travers  le  chaos  du  manuscrit 
actuel,  ou  de  les  ajuster  au  cadre  d'une  restauration 
arbitraire.  Il  faut  se  résigner  à  un  classement,  et  puis- 
qu'il est  inévitable,  le  choisir  le  moins  mauvais  possible. 
Or  le  moins  mauvais  en  l'occurrence,  n'est-ce  pas  celui 
qui  est  consacré  par  l'usage,  celui  de  Bossut,  complété 
par  Havet?  Pour  notre  part,  nous  l'aurions  accepté  si 
nous  ne  nous  étions  heurté  à  une  impossibilité  matérielle. 
.\fin  de  conserver  le  bénéfice  de  la  concordance  avec 
Bossut  et  Havet,  il  eût  fallu  respecter  la  fragmentation  des 
fragments  telle  que  Bossut  l'avait  pratiquée  après  Port- 
Royal,  publier  en  neuf  tronçons  le  fragment  8^3,  en 
dix  tronçons  le  fragment  556  dont  les  manuscrits  —  et 
sur  ce  point  la  publication  de  M.  Michaut  a  fait  une 
lumière  décisive  —  nous  obligent  à  restituer  l'unité. 
Entre  l'arrangement  de  Bossut  et  les  manuscrits,  il  n'y 
a  pas  à  hésiter  ;  mais  alors  ces  remaniements  suppriment 
tout  l'avantage  matériel  que  nous  attendions.  A  fortiori. 
nous  ne  pourrions,  sans  être  infidèles  au  manuscrit, 
reprendre  les  divisions  de   Port-Royal   et  y  répartir  les 


I.  Fr.  383. 


irm  LE  CLASSEMENT  DES  PESSÊBS. 

fragmanlt  publia  depuis  1670  ;  d'ailleurs  nout  n'y 
tnmvBriont  guère  d'avanUge  moral.  Quand  on  invoque 
en  faveur  de  la  première  édition  Tautoritè  des  amis  de 
Port-Royal,  on  oublie  qu'ils  ont  abandonné  l'édition 
poêealmnne  k  laquelle  ils  avaient  travaillé  <<  asaei  long- 
tempt  »,  le  duc  de  Roannex  en  particulier.  Le  projel 
qu^ils  exécutèrent  ne  fut  qu'un  troisième  projet,  une 
sorte  de  pis  aller;  nous  n'avons  aucune  raison  de  noua  eo 
contenter,  n'étant  plus  obligé  de  plier  la  pensée  vraie  de 
Pascal  aux  conventnoea  dea  autorités  eocléaiastiques. 

Un  seul  parti  n'était  pas  abaolument  impoaaible.  C'était 
—  sans  tenir  compte  des  témoignages  qui  se  rapportaient 
1  l'œuvre  littéraire  de  Pascal  —  de  faire  fond  exclusi- 
vement sur  les  fragments  écrits  par  Pascal  lui-même,  de 
rechercher  de  quelle  façon  ils  se  rapprochaient  les  uns  des 
autres  par  l'identité  de  leur  contenu,  de  quelle  façon  ils 
se  liaient  entre  eux  pour  offrir  une  continuité  logique. 
Une  telle  recherche  ne  pouvait  assurément  nous  conduire 
k  un  plan  que  Pascal  eût  effectivement  suivi  :  elle  pro 
cède,  nous  l'avons  dit,  d'une  méthode  tout  analytique,  et 
elle  est  opposée  k  l'ordre  synthétique  que  Pascal  lui-même 
donna  comme  le  secret  de  son  génie.  Mais  la  modestie 
même  de  notre  ambition  nous  permettait  d'espérer  que 
nulle  part  nous  ne  trahirions  la  pensée  de  notre  auteur,  que. 
nous  pourrions  rendre  intelligible  la  lecture  intégrale  des 
Pensées,  que  nous  aurions  en  un  mot  rempli  en  oonsdence 
notre  devoir  d'éditeur. 

Dans  l'exécution  de  cette  têche,  Pascal  devait  être  notre 
seul  guide:  non  seulement  k  maintes  reprises,  il  avait 
marqué  lui-même  par  l'indication  d'un  titre  le  chapitre 
auquel  le  fragment  devait  se  rapporter,  et  il  avait  ainsi 
commancé  le  travail  que  notis  avions  à  oomplétar  ;  mais 


LE  CLASSEMENT  DES  PENSÉES.  va 

il  avait  aussi  jeté  quelques  points  de  repère  qui  nous 
renseignent  sur  le  but  du  chapitre  et  sur  la  liaison  des 
fragments  qui  le  composent. 

Les  renseignements  sont  surtout  précis  et  concordants 
pour  cette  partie  considérable  des  Pensées  qui  est  en 
quelque  sorte  la  partie  technique  :  des  chapitres  s'y 
dessinent  d'eux-mêmes,  relatifs  aux  Figuratifs,  aux  Pro- 
phéties, aux  Miracles.  Ainsi  Pascal  a  écrit  :  «  Preuve  des 
deux  Testaments  à  la  fois.  —  Pour  prouver  tout  d'un 
coup  les  deux,  il  ne  faut  que  voir  si  les  prophéties  de 
l'un  sont  accomplies  en  l'autre.  Pour  examiner  les  pro- 
phéties, il  faut  les  entendre  ;  car,  si  on  croit  qu'elles  n'ont 
qu'un  sens,  il  est  sûr  que  le  Messie  ne  sera  point  venu  ; 
mais  si  elles  ont  deux  sens,  il  est  sûr  qu'il  sera  venu  en 
Jésus-Christ.  Toute  la  question  est  donc  de  savoir  si  elles 
ont  deux  sens  (fr.  642).  »  Donc  il  faut  partir  de  l'Ancien 
Testament.  De  la  multiplicité  des  religions  qui  s'offrent 
k  l'examen  du  penseur  —  religions  de  la  Chine,  de 
la  Grèce  ou  de  l'Arabie  —  le  judaïsme  se  détache,  comme 
seul  capable  de  servir  de  fondement  à  la  religion  vraie,  de 
démontrer  la  perpétuité  de  l'Église  :  0  Voir  ce  qu'il  y  a 
de  clair  dans  tout  l'état  des  Juifs,  et  d'incontestable  » 
(fr.  602),  afin  d'établir  que  la  religion  a  toujours  été, 
que  c'est  aux  livres  des  Juifs  que  doit  s'attacher  celui 
qui  cherche  Dieu.  Il  y  a  donc  lieu  de  fournir  trois  démons- 
trations pour  rétablir  l'unité  entre  le  livre  des  Juifs  et  le 
livre  des  Chrétiens  :  i**  l'Ancien  Testament  a  un  sens  lit- 
téral et  un  sens  figuré  ;  a*  PAncien  Testament  annonçait 
im  Messie  spirituel  ;  3*  Jésus-Christ  a  été  ce  Messie. 

La  démonstration  du  premier  point  forme  le  chapitre 
des  Figuratifs  auquel  Pascal  a  fait  allusion,  et  dont  il  s'est 
tracé  le  plan  de  la  manière  suivante  :  «  Pour  montrer  que 
l'Ancien  Testament  n'est  que  figuratif,  et  que  lespropbèiet 


L1  LE  CLASSEMENT  DES  FESSÉES. 

entendaient  ptr  les  biens  temporels  d*autne  biens, 
c*est  :  I*  que  cela  serait  indigne  de  Dieu  ;  a*  que  leurs 
discours  expriment  très  clairement  la  promeaae  dea  biens 
temporeb,  et  qu'ils  disent  néanmoins  que  leurs  discours 
sont  obscurs  et  que  leur  sens  ne  sera  point  entendu...  La 
trMaème  preuve  est  que  leurs  discours  sont  contraires 
et  se  détruisent  (fr.  ôSg).  » 

Apr&s  le  chapitre  des  Figuratifs  prend  naturellement 
place  le  recueil  des  prophéties  que  Pascal  avait  dreaaé  et 
qui  comprend  des  traductions  des  livres  d*lsale  ei  de 
Daniel.  Ce  recueil  prépare  la  séné  des  fragments  relatifs 
k  Jésus,  considéré  comme  prophète,  puisqu'il  s'agit  de 
montrer  comment  les  caractères  du  Messie  attendu  se 
retrouvent  véritablement  dans  le  Christ.  —  De  là  un  cha- 
pitre sur  Jésus-Christ,  auquel  se  rattachent  des  réflexions 
sur  le  style  de  TÉvangile  et  sur  la  véracité  des  apAtres  que 
Pascal   se  proposait  de   développer    assez   longuement. 

Enfin  la  preuve  la  plus  forte  de  Jésus-Christ,  ce  sont 
les  miracles  :  Pascal  avait  formé  une  théorie  des  mira- 
cles, dont  il  expose  le  principe:  «  Commencement.  —  Les 
miracles  discernent  la  doctrine,  et  la  doctrine  discerne  les 
miracles.  Il  y  a  de  faux  et  de  vrais.  Il  faut  une  marque 
pour  les  connaître  ;  autrement  ils  seraient  inutiles.  Or, 
ils  ne  sont  pas  inutiles,  et  sont  au  contraire  fondement. 
Or,  il  faut  que  la  règle  qu'il  nous  donne  soit  telle,  qu'elle 
ne  détruise  la  preuve  que  les  vrais  miracles  donnent  de  la 
vérité,  qui  est  la  fin  principale  des  miracles.  Moïse  en  a 
donné  deux(fr.  8o3).  » 

La  théorie  des  miracles  relie  TÉglisc  de  Jésus-Christ  k 
rÉglise  contemporaine  ;  elle  nous  introduit  dana  la  polé- 
mique entre  Jésuites  et  Jansénistes  où  était  aux  yeux 
de  Pascal  le  secret  et  comme  la  clé  du  cbristianisme  vrai. 
Ainsi  nous  semblent  s'ordonner  sans  effort  les  sii  der- 


LE  CLASSEMENT  DES  PENSÉES.  lxi 

nières  sections  entre  lesquelles  nous  répartissons  les 
fragments  de  Pascal  :  La  Perpétuité  —  les  Figuratifs  — 
les  Prophéties  —  Preuves  de  Jésus  Christ  —  les  Miracles 
—  Fragments  polémiques. 

Pouvons-nous  appliquer  un  pareil  traitement  au  reste 
des  écrits  posthumes  de  Pascal? Tout  d'abord  nous  devons 
isoler  une  série  de  fragments  relatifs  aux  qualités  de 
l'esprit  et  aux  particularités  du  style,  qui,  destinées  ou 
non  à  faire  corps  avec  TApologie,  forment  une  première 
section  naturellement  distincte  et  qui  sera  comme  une 
introduction  sur  la  méthode.  —  Puis  nous  trouvons  dans 
Pascal  lui-même  l'indication  d'une  première  partie  qui 
devait  être  intitulée  :  Misère  de  l'homme  sans  Dieu.  De 
toute  évidence,  c^est  une  étude  psychologique  de  l'homme; 
dans  la  Pré/ace,  Pascal  devait  y  poser  le  problème  de  la 
connaissance  de  soi-même  ;  la  réponse  est  donnée  par  les 
fragments  des  deux  infinis,  l'analyse  des  puissances 
trompeuses,  les  réflexions  sur  le  divertissement  et  la 
misère. 

Une  fois  l'homme  amené  à  prendre  conscience  de  sa 
condition  naturelle,  il  faut  lui  inspirer  le  désir  d'en 
sortir  :  «  Lettre  pour  porter  k  rechercher  Dieu.  Et  puis  le 
faire  chercher  chez  les  philosophes,  pyrrhoniens  et  dog- 
niatistes,  qui  travaillent  celui  qui  les  recherche  »  (fr.  i84}- 
D'une  part  donc,  exhorter  le  libertin  k  se  tourner  vers 
la  religion,  opposer  son  souci  des  petites  choses  k  sa 
négligence  vis-i-vis  de  l'éternité,  préciser  même  cette 
opposition  en  lui  donnant  la  force  et  la  valeur  d'un  argu- 
ment mathématique  —  passer  d'autre  part  en  revue  les 
diflerents  systèmes  philosophiques  afin  que,  par  le  spectacle 
de  leur  impuissance,  l'âme  soit  préparée  à  comprendre  la 
profondeur,  à  désirer  la  vérité  du  christianisme.  Deux 
moments  de  l'Apologie  sont  ainsi  distingués  :  le  premier 


110  LE  CLASSEMENT  DBS  ^BNSÉBS. 

ne  toache  encore  qu'i  U  forme  de  U  vérité  ;  il  aboutit  k 
oel  état  que  Patctl  a  décrit  dAni  une  pensée  qu*il  avait 
intitnlée  Ordre,  comme  pour  se  nppeler  à  loi-même  la 
limite  d'un  chapitre  :  «  J'aurais  bien  plus  de  peur  de  me 
tromper,  et  de  trouver  que  It  reUfion  chrétienne  soit  vraie, 
que  non  pes  de  me  tromper  en  la  croyant  Yraie  »  (fr.  a4 1  )• 
Le  second  touche  au  fond  même  de  cette  vérité,  il  ne  se 
contente  plus  de  la  faire  désirer,  il  la  prouve.  Entre  ces 
deux  moments  se  placeraient  les  fragments,  si  importants 
dans  Tœuvre  de  Pascal,  qui  déterminent  les  rapports 
entre  la  volonté  de  croire  et  la  valeur  de  la  croyance, 
entre  le  cœur  et  la  raison  ;  «  il  y  a  trois  moyens  de 
croire:   la  raison,  la  coutume,  Tinspiration  »  (fr.  a45). 

Ainsi  se  trouvent  déterminées  la  substance  et  la  liaison 
des  sections  auxquelles  on  peut  donner  des  titres  teb 
que  ceux-ci  :  Misère  de  l'homme  sans  Dieu  —  IS'écessité 
du  pari  —  des  Moyens  de  croire  —  tes  Philosophes  — 
la  Morale  et  ta  doctrine  chrétienne. 

Une  série  de  fragments  relatifs  k  l'homme  n'a  pas 
trouvé  place  dans  ce  classement  ;  ce  sont  ceux  qui  ont  une 
portée  sociale,  pour  lesquels  Pascal  songeait  au  titre: 
Us  Lois  (fr.  7$)  et  qui,  à  un  autre  moment  devaient  être 
réunis  dans  une  lettre  que  Pascal  appelait  ta  lettre  de 
l'Injustice  (fr.  agi).  Ils  sont  distincts  de  Tétude psycholo- 
gique de  rhomme  en  lui-même,  et  d'autre  part  ils  ne 
paraiaeent  pas  se  rapporter  directement  à  la  diacotiioo 
des  lytlàmes  philosophiques.  Un  indice  rependant  pwmet 
de  résoudre  la  difiDculté.  L'enchaînement  dea  fragmenta 
sur  l'injustice  se  trouve  expliqué  par  Pascal  dans  la  pen- 
sée 337,  dont  nous  donnons  ici  le  cadre:  t  Gradation.  Le 
peuple  honore  les  peraonnaa  de  grande  naiaaance...  Les 
demi-habilea...  Les  habiles...  Les  dévota...  Lea  chrétiens 
par&its...  Ainsi  se  vont  les  opinions  suocédant  do  pour 


LE  CLASSEMENT  DES  PESSÊES.  lziu 

au  contre,  selon  qu'on  a  de  lumière.  »  Or  le  titre  de  cette 
pensée  est  Raison  des  Effets  (cf.  fr.  aSi  et  235,  334,  335 
et  336),  et  Pascal  a  reproduit  ce  même  litre  en  tête  d'une 
réflexion  qui  vise  Épictète  et  montre  Timpuissance  du  natu- 
ralisme stoïcien  en  face  de  la  grâce  chrétienne  (fr.  467). 
Ne  pouvons-nous  conclure  de  ce  rapprochement  que  la 
supériorité  des  chrétiens  apparaît  également  h  Pascal  et 
dans  la  controverse  qui  divise  le  peuple  et  les  demi-habiles 
sur  le  sujet  de  la  justice  sociale,  et  dans  le  débat  sur  la  vé- 
rité qui  met  aux  prises  les  pyrrhoniens  et  les  dogmatiques  ? 
Seuls  les  chrétiens  ont  vu  la  cause,  «  la  raison  des  effets  »  ; 
seuls  ils  justifient,  en  s'élevant  à  un  point  de  vue  supé- 
rieur qui  fait  apercevoir  les  racines  de  Tune  et  de  Tautre, 
la  thèse  affirmative  et  la  thèse  négative.  La  dialectique 
de  la  justice  dont  Pascal  a  marqué  les  degrés  avec  tant  de 
précision  nous  paraît  donc  préluder  à  la  dialectique  sur 
la  vérité  qui  accuse  par  les  oppositions  des  philosophes  les 
deux  aspects  inséparables  de  la  nature  humaine,  la  misère 
et  la  grandeur,  afin  de  montrer  comment  la  noblesse  et 
rhuuiilité  se  complètent  et  se  corrigent  dans  la  croyance 
au  divin  Médiateur. 

Reste  enfin  à  relier  cette  Apologétique  abstraite  et  inté- 
rieure à  la  partie  externe  et  positive  que  nous  avons 
d'abord  décrite.  Telles  que  Pascal  les  présente,  la  morale 
et  la  doctrine  du  christianisme  offrent  une  ambiguïté 
essentielle,  puisqu'elles  doivent  être  lettre  close  pour  ceux 
à  qui  Dieu  n'a  pas  accordé  sa  grâce,  comme  elles  seront 
transparentes  pour  ceux  qui  ont  l'inspiration  du  cœur. 
C'est  à  celte  ambiguïté  qu'il  convient  de  se  référer  pour 
comprendre  le  caractère  que  la  religion  chrétienne  a  dû 
présenter  dans  l'histoire,  et  la  nature  nécessairement 
équivoque  des  preuves  qui  peuvent  être  tirées  des  pro- 
phéties et  des  miracles.    Ainsi  se  fait  la  transition  entre 


tuv  LE  CLASSEMENT  DBS  FENSBêS, 

le»  deux  parties  >i  disUnctei  d'allure  et  de  contenu  qui 
devaient  composer  VApohgie  de  Pascal.  A  la  Sedton  qui 
rianitces  fragments  de  transition,  Pascal  parait  avoir 
donné  un  titre  dans  le  fragment  670  :  «  Il  faut  mettre  au 
chapitre  des  Fondements  ce  qui  est  en  celui  des  Figuratifs 
touchant  la  cause  des  Ggures  :  pourquoi  Jésus-Christ  pro- 
phétisé en  son  premier  avènement  ;  pourquoi  prophétisé 
obscurément  en  la  manière.  » 

La  méthode  que  nous  venons  de  retracer  nous  conduit 
donc  à  une  classiGcalion,  qui  ne  sera  peut-être  jugée  trop 
complexe,  si  Ton  a  égard  à  la  richesse  de  la  pensée  de 
Pascal,  à  la  nature  de  son  génie  qui  déconcerte  toute 
division  simpliste  et  tout  ordre  linéaire.  Elle  comprend 
quatorae  sections,  dont  voici  le  tableau  : 

I.  Pensées  sur  l'Esprit  et  sur  le  Style. 

II.  Misère  de  l'homme  sans  Dieu. 

III.  De  la  Nécessité  du  pari. 

IV.  Des  Moyens  de  croire. 

V.  La  Justice  et  la  Rcdson  des  Effet*. 

VI.  Les  Philosophes. 

VII.  La  Morale  et  la  Doctrine. 

VIII.  Les  Fondements  de  la  Religion  chrétienne. 

IX.  La  Perpétuité. 

X.  Les  Figuratifs. 

XI.  Les  Prophéties. 

XII.  Preuves  de  Jésus-Christ. 

XIII.  Les  Miracles. 

XIV.  Fragments  polémitjaes. 

Nous  voudrions  que  les  fragments  eux-mêmes  de 
Pascal,  tels  que  nous  les  publions,  fournissent  au  lecteur 
la  justiGcation  de  ce  tableau;  subsidiairement  nous  le 


LE  CLASSEMENT  DES  PENSÉES.  lxv 

renvoyons  aux  Pièces  justificatives  \  il  trouvera  une  série 
d 'arguments  où  nous  avons  marqué  la  sorte  de  continuité 
logique  qui  apparaît  selon  nous  d'une  section  à  Tautre,  et 
dans  une  même  section  d'un  fragment  à  Tautre.  Mais,  si 
l'existence  même  de  cette  continuité  logique  nous  assure 
de  n'avoir  pas  été  absolument  inGdèle  à  Pascal,  nous 
voudrions  aussi  qu'on  ne  s'en  exagérât  pas  le  caractère 
ou  la  prétention.  Nous  n'avons  pas  échappé  à  l'arbitraire 
et  nous  n'avons  pas  évité  toute  incertitude  ;  nous  savons 
en  particulier  qu'il  n'y  a  pas  de  distinction  expresse  entre 
certains  fragments  de  la  section  II  qui  visent  à  établir  par 
la  psychologie  la  misère  de  l'homme  et  certains  fragments 
de  la  section  VI  qui  tirent  des  oppositions  entre  les 
philosophics  la  preuve  de  sa  double  nature,  ou  encore 
entre  ceux  de  la  section  VII  sur  Jésus-Christ  rédempteur, 
et  ceux  de  la  section  XII  sur  Jésus-Christ  personnage 
historique.  Nous  avons  conscience  que  nous  publions, 
non  un  ouvrage  de  Pascal,  mais  ses  écrits  posthumes. 
Nous  tenons  par-dessus  tout  à  respecter  le  caractère 
fragmentaire  que  la  mort  leur  a  imposé,  limitant  le 
contenu,  et  masquant  ainsi  la  portée,  d'une  «  digression  » 
que  l'ordre  du  cœur  devait  pousser  jusqu'à  la  fin  com- 
mune. 


I.  Vide  p.  ccLV,  tqq. 


rtHSÉK*   Ul   fAtCAL.  I  —  8 


TROISIÈME   PARTIE 


Dans  l'élan  de  son  admiration  pour  Pascal,  un  des 
approbateurs  de  l'édition  de  1670  se  laisse  entraîner  à 
dire  :  a  Tant  s'en  faut  que  nous  devions  regretter  qu'il  n'ait 
pas  achevé  son  ouvrage  que  nous  devons  remercier  au 
contraire  la  Providence  divine,  de  ce  qu'elle  l'a  permis 
ainsi.  Comme  tout  y  est  pressé,  il  en  sort  tant  de  lumières 
de  toutes  parts  qu'elles  font  voir  à  fond  les  plus  hautes 
vérités  en  elles-mêmes,  qui  peut-être  auraient  été  obscur- 
cies par  un  plus  long  embarras  de  paroles.  »  Il  faut  recon- 
naître que  cette  louange  fut  médiocrement  accueillie  par 
les  amis  de  Pascal  ;  ils  la  jugèrent  «  assez  extraordinaire  *  »  ; 
au  témoignage  de  Le  Nain  de  Tillemont,  ils  se  met- 
taient presque  en  colère  contre  M.  de  Ribeyran  :  a  ceux 
qui  ont  un  amour  particulier  pour  la  doctrine  de  la  grâce  » 
n'attendaient-ils  pas  de  cet  ouvrage  «  la  ruine  du  Pélé- 
gianisme  et  de  toutes  ses  branches  »?  comment  ne  pas 
s'affliger  de  voir  à  jamais  épars  en  mille  tronçons  le 
glaive  qui  devait  restaurer  le  Christ  dans  son  Église,  le 
Pugio  Fidei  adversus  Jesuitas?  Nos  contemporains  com- 
prennent le  sentiment  de  Le  Nain  de  Tillemont;  pourtant 
ils  ne  le  partagent  pas  ;  ils  tco^teot  la  a  consolation  bien 

Rectteil  d'ttrechi,  i74u.  |j    b^^.   Vidg  Ut/rc,  p.  clx  et  p.  ccl. 


vrm  LES  LECTURES  DK  PASCAL. 

facile  »  que  leur  donne  M.  de  Ribeyran  ;  s'ils  ne  pooMent 
pat  rimprudence  jusqu'à  prétendre  ■  que  la  brièveté  de 
ces  fragmeoto  est  plus  lumineuse  que  n'aurait  été  le 
diaconn  entier  et  étendu  »,  ib  sentent  qu'elle  est  plus 
émouvante  et  plus  pathétique;  elle  a  moins  de  force 
doctrinale,  mais  elle  leur  parle  de  plus  près,  elle  leur 
révèle  plus  directement,  selon  l'expression  de  Vinet, 
Pascal  non  Vauieiw,  mais  l'homme.  Il  est  là,  dans  sa 
chambre  et  voici  les  feuilles  volantes,  qui  sont  couvertes 
d'écriture  dans  tous  les  sens,  avec  dea  aignaa  de  renvois, 
des  phrases  barrées,  des  scmpules  et  des  retours  sans  fin  ; 
voilà  les  courtes  Ugnes  qu*il  a  tracées  ou  dictées,  en 
attendant  une  heure  de  loisir,  une  heure  de  trêve  k  ses 
perpétuelles  douleurs.  Voici  enfin  ses  Hvres  :  la  Vuigate, 
saint  Augustin,  Jansénius,  Saint-C^ran  et  les  écrits  de  ces 
Messieurs,  puis  Charron,  Grotius,  et  Montaigne:  le  Mon- 
taigne in-^"  de  1 636  où  sont  ses  rétoences,  le  Montaigne 
in-P*  de  i635,  où  il  a  marqué  un  rond  à  la  page  i84' 

Il  y  a  lieu  d'insister  sur  les  lectures  de  Pascal.  U  est 
de  tradition  de  répéter  que  Pascal  avait  peu  lu.  Du  moins 
Pascal  n'a-t-il  jamais  dédaigné  la  science  qui  s'acquiert 
par  les  livres.  Au  rebours  d'un  Descartes  ou  d'un  Malc- 
branche,  il  n'attend  pas  la  vérité  d'une  déduction  que 
l'homme  serait  capable  d'engendrer  par  le  seul  effort  de 
sa  réflexion.  La  théologie,  écrit-il  a  la  suite  de  Janaénius 
dans  le  fragment  du  Traité  du  vide,  recherche  seulement 
de  savoir  ce  que  les  auteurs  ont  écrit  ;  or  ce  qui  est  écrit 
c'est  l'histoire  de  l'humanité,  c'est  le  fait  du  péché,  le  lait 
de  la  rédemption  qui  contiennent  le  secret  de  sa  destinée. 
Aussi,  sans  se  piquer  d'érudition,  Pascal  veut-il  tirer  parti 
de  toutes  les  ressources  que  lui  offrent  l'érudition.  Dans 
la  Préface  qu'il  aurait  mise  en  tète  de  chacune  des  parties 
de  V Apologie  (fr.  6a  et  a4a),  il  devait  «  parler  de  ceux 


LES  LECTURES  DE  PASCAL.  txn 

qui  ont  traité  de  la  matière  »,  de  Montaigne  et  de  Charron 
pour  la  connaissance  de  soi,  de  Raymond  Sebon  et  de 
Grotius  pour  la  vérité  de  la  religion  chrétienne.  Enfin  à 
chaque  page  de  V Apologie  devait  apparaître,  comme  la 
source  et  l'inspiration  de  toutes  les  doctrines,  TÉcriture 
qui  apporte  la  parole  de  Dieu,  avec  l'autorité  décisive  des 
interprétations  données  par  saint  Augustin  et  par  Jansé- 
nius.  En  plus  d'un  endroit  même,  à  la  faveur  des  lettres 
et  des  dialogues  qui  devaient  être  insérés  dans  le  corps  de 
l'ouvrage,  Pascal  se  serait  efiFacé  devant  les  maîtres  pro- 
fanes ou  sacrés  qu'il  s'était  choisis. 

Mais  Pascal  ne  lit  pas  seulement  en  auteur  et  pour 
son  Apologie,  il  lit  pour  lui  :  «  Ce  n'est  pas  dans  Mon- 
taigne, mais  dans  moi  que  je  trouve  tout  ce  que  j'y  vois 
(fr.  64).  »  Non  seulement  il  est  doué  d'une  mémoire  sin- 
gulière, à  ce  point  qu'il  n'aurait  jamais  oublié  ce  qu'il 
avait  lu  seulement  une  fois  ;  mais  l'imagination  égale  en 
lui  la  mémoire  :  elle  évoque  le  fait  concret  derrière  la 
description  abstraite,  et  par  delà  l'auteur  elle  fait  surgir 
l'hi  T'       il  a  connu  Montaigne,  il  a  causé  avec  lui, 

l'ji^  iii  faisant  des  reproches.  Il  a  entendu  dans 

la  Bible  la  voix  même  des  Jérémie  et  des  Isale  ;  il  a  gravi 
le  mont  des  Oliviers  à  la  suite  des  Évangélistes,  il  a  vu 
Jésus,  et  la  goutte  de  sang  qui  tombait  pour  lui  à  l'heure 
de  l'agonie. 

Aussi,  travaillant  à  son  «  ouvrage  contre  les  athées  », 
Pascal  n'a  jamais  été  seul.  Il  a  besoin  de  «  cr)mmuni 
cation  »  ;  il  s'est  «  dégoûté  »  des  sdenoes  abstraites  parce 
qu'elles  l'isolaient  de  l'humanité;  il  vit  désonnais  avec 
les  hommes,  avec  les  mauvais  chrétiens  qu'il  combat, 
avec  les  libertins  qu'il  veut  convertir,  comme  avec  les 
prophètes  d'Isra(^l  dont  il  partage  les  luttes  et  les  espoirs, 
comme  avec  le  Médiateur  qui  le  fait  entrer  en  société 


MONTAIGNE. 

avec  Dieu.  Si  donc  nous  nous  reportons  aux 
dont  les  Pensées  portent  le  louvenir,  ce  n'eal  ptt  teole- 
ment  pour  y  chercher  U  genèse  de  telle  ou  tdla  doctrine, 
l'explication  do  tel  ou  tel  fragment,  c*eet  pour  comprendre 
et  reoonttitiMr  le  milieu  intellectuel  où  s*est  dévdoppé, 
où  8*e8t  fécondé  Pesphl  même  de  Pascal. 

Les  Euais  de  Montaigne  ont  été,  suivant  le  mot 
heureux  de  M.  Stapfer,  la  Bible  profane  de  Pascal.  Leur 
influence  est  profonde,  et  elle  est  constante.  Pascal  con- 
duit Montaigne  k  Port-Royal  non  pas,  comme  il  fait  pour 
Epictète.  en  ennemi  qu'il  faut  abattre  et  immoler  k  la 
gloire  du  Christ,  mais  comme  un  auxiliaire,  parfob  même 
comme  un  guide.  Les  emprunts,  ou  les  allusions,  k  Mon- 
taigne —  en  si  grand  nombre  qu'une  édition  des  Pensées 
est  en  même  temps  une  réédition  partielle  des  Essais  — 
ne  sont  point  des  souvenirs  persistants  de  la  période  mon- 
daine, et  comme  un  réveil  du  Pascal  d'autrefois.  Pascal 
a  sans  doute,  de  son  point  de  vue,  dépassé  Montaigne  et 
Méré  ;  k  aucun  moment  il  ne  s'est  détaché  de  l'un  ou  de 
Pautre.  Montaigne  n'a  pas  cessé  de  vivre  en  hii,  se  trans- 
formant et  grandissant  avec  lui  ;  il  est  devenu  l'humanité 
au  sens  le  plus  étendu,  au  sens  le  plus  profond.  Ce  n'est 
pas  un  siècle  que  Pascal  demande  k  Montaigne  de  lui  faire 
connaître,  mais  tous  les  siècles,  les  coutumes  des  peuples 
et  les  maximes  des  sages,  les  anecdotes  de  l'histoire  et  les 
aventures  de  b  philosophie;  ce  n'est  pas  un  pays,  mai^ 
tout  lea  pays  :  avec  lui  il  visite  les  cannihalea  que  Ton  fit 
venir  k  Rouen  devant  le  roi  Charles  IX,  il  découvre  les 
habitants  du  Mexico  et  leurs  merveilleuses  légendes.  Autant 
il  participe  k  cette  curiosité  univendle,  autant  il  goùle 
la  sagacité  merveilleaae  dont  Montaigne  l'accompagne  : 
il  a  relevé  les  erreurs  des  diplomates  ou  des  capitaines, 
comme  les  contradictions  dea  légistes  ou  des  savants  ;  il  a 


MONTAIGNE.  txxi 

dénoncé  la  fragilité  des  empires,  et  celle  des  systèmes. 
Nul  n'apprend  à  mieux  connaître  tous  les  hommes  ;  nul 
n'apprend  à  mieux  juger  tout  Thomme.  Pascal  s'attache  à 
Montaigne,  comme  Montaigne  s'était  attaché  à  Plutarque  : 
a  il  est  si  universel  et  si  plein  qu'à  toutes  occasions,  et 
quelque  subiect  extravagant  que  vous  ayez  prins,  il  s'in- 
gère à  vostre  besongne,  et  vous  tend  une  main  libérale 
et  inespuisable  de  richesses  et  d'embellissements.  » 
(III,  5.)  Et  Pascal  ne  se  défait  pas  plus  de  Montaigne 
que  Montaigne  ne  pouvait  se  défaire  de  Plutarque.  Dans 
sa  polémique  avec  les  Jésuites  sur  le  gouvernement  de 
l'Église,  c'est  une  phrase  de  Montaigne  que  Pascal  oppose 
à  ses  adversaires  :  «  La  juridiction  ne  se  donne  pas  pour 
[le]  juridiciant,  mais  pour  le  juridicié  (fr.  879).  »  S'il 
s'agit  de  défendre  l'autorité  du  miracle,  c'est  à  Montaigne 
qu'il  en  appelle  :  a  Que  je  hais  ceux  qui  font  les  douteurs 
de  miracles  !  Montaigne  en  parle  comme  il  en  faut  dans 
les  deux  endroits...  »  (fr.  8i3  et  fr.  81 4)-  Et  c'est  au 
Père  Annat,  à  l'auteur  du  Rabat-joie  des  Jansénistes,  qu'il 
s'adresse,  en  lui  citant  le  titre  même  d'un  Essai:  «  II  faut 
,  sobrement  juger  des  ordonnances  divines,  mon  Père 
(fr.  853).  » 

Pour  Pascal  les  Essau  sont  à  ce  point  représentatifs  et 
compréhensifs  que  la  personnalité  même  de  leur  auteur 
fînit  par  lui  causer,  sinon  quelque  gêne,  du  moins  une 
sorte  d'agacement.  Non  par  son  scepticisme  :  les  doutes  qui 
Mrandalisent  de  Saci  ou  .\rnauld,  édifient  Pascal,  car  ils 
témoignent  de  la  c  prudence  »  et  du  scrupule  qu'il 
<  nruiiiii  (r.ippnrter  dans  la  recherche  de  la  justice  et  de 
il  N<  ni*  ,  iiidi^  bien  plutAt  par  son  christianisme  même. 
Si  les  Essais  ont  touché  le  fond  de  la  nature  humaine, 
si  VApoiogie  de  Haimond  Sebon,  sous  les  apparences 
d'une  esquisse  légère,   marque  avec  netteté  les  contours 


uni  MONTA  IGKC. 

du  plan  qur  TApologétique  de  Paicftl  devait  remplir,  ai 
elleeel  Taflirmation  de  la  religion  vraie  qui  eat  aelon 
saint  Paul,  comment  expliquer  que  Montaigne  lui-même 
pour  son  compte  et  dans  sa  vie  ne  se  soit  pas  arrêté  k  b 
vérité  qu'il  fait  apparaître  comme  le  terme  de  sa  réfleiion? 
comment  a-t-il  démenti  par  sa  conduite  renseignement 
de  son  œuvre?  Pascal  ne  s'y  est  pas  trompé  :  la  foi  dont 
Montaigne  fait  profession,  si  elle  n'est  ni  de  commande 
ni  de  parade,  n*est  du  moins  que  de  surfiMe.  Vis-à-vis  de 
rÉglise  dominante  il  garde  Tattitude  que  lea  aagea  de  la 
Grèce  ont  eue  presque  tous  k  Tégard  des  cultea  paient  ;  il  eat 
respectueux  et  distant;  ou,  pour  prendre  ses  expreniooa, 
il  demeure  libre  et  délié.  A  Tépreuve  décisive  il  se  déclare 
enfin.  Pour  Montaigne  la  mort  n'est  pas  Taurore  de  la 
vie  étemelle,  elle  est  la  fin  de  Thomme.  Montaigne  ne 
connaît  pas  Tangoisse  du  jugement;  il  travaille  seule- 
ment à  chasser  la  crainte  et  le  tremblement,  k  demeurer 
nonchalant  et  voluptueux,  homme  enfin  au  sens  où 
rhomme  s  oppose  au  chrétien.  Voilà  pourquoi  les  Eisaîs, 
si  bienfaisants  pour  celui  qui  reçoit  d'ailleurs  la  lumière, 
sont  en  eux-mêmes  si  inquiétants.  Qui  donc  croira 
lorsque  Montaigne,  qui  a  si  profondément  jugé  de  toutes 
choses  et  de  la  religion  même,  ne  croit  pas,  de  la  foi  sincère 
et  fervente  qui  renouvelle  le  cœur  et  qui  transforme  h 
vie  ?  Voilé  pourquoi  il  faut  s'armer  des  Essais  contre 
Montaigne  lui-même,  lui  reprocher  d'avoir  diminué 
comme  k  plaisir  la  portée  de  son  œuvre  en  se  complaiaant 
dans  l'étalage  de  son  moi  :  a  Le  sot  projet  qu'il  a  de  se 
peindre  (fr.  62).  »  Voilé  pourquoi  il  faut  enfin  redreaaer 
cet  homme  qui  s'abat  dans  la  conscience  tranquille  de  aa 
faiblesse  et  de  sa  lAcheté,  l'élever,  avec  le  secourt  de  Dieu, 
jusqu'à  Dieu  même. 

Gomment  compléter  Montaigne?  ett-ce  <>n  r<>mnniAnt 


RAYMOND  SEBON.  Lxxin 

jusqu'à  Raymond  Sebon?  est-ce  en  descendant  jusqu'à 
Charron? 

Si  Montaigne  avait  donné  à  Pascal  la  curiosité  de 
Raymond  Sebon,  il  lui  en  avait  aussi  donné  la  défiance. 
V Essai  sur  Raymond  Sebon  n'était  pas  fait  pour  pré- 
venir Pascal  en  sa  faveur;  l'expression  même  de  Théologie 
naturelle  devait  lui  apparaître  comme  une  contradiction 
dans  les  termes,  d'autant  que  Raymond  Sebon  n'est  nulle- 
ment suspect  de  relâcher  quoi  que  ce  soit  de  la  rigueur 
du  dogme  pour  l'accommoder  aux  exigences  de  la  nature. 
L'influence  de  saint  Augustin  est  évidente  :  définition  de 
la  justice  et  de  la  vérité  par  la  volonté  de  Dieu,  opposition 
de  l'amour  de  Dieu  et  de  l'amour  de  soi,  nécessité  de 
choisir  entre  la  haine  de  Dieu  et  la  haine  de  soi,  subordi- 
nation de  la  raison  démonstrative  à  l'autorité  de  l'Ecriture, 
Raymond  Sebon  a  marqué  ces  points  essentiels  avec  une 
netteté,  à  laquelle  —  plus  d'un  fragment  des  Pensées  en 
témoignerait  —  Pascal  n'a  pas  dû  rester  insensible.  Mais 
alors  le  contraste  n'en  est  que  plus  choquant  entre  la 
doctrine  de  Raymond  Sebon,  et  sa  méthode  qui  est 
faite  tant<St  de  déductions  abstraites  et  tantôt  de  compa- 
raisons familières.  La  chute  originelle  est  expliquée  par 
l'exemple  du  vin  qui  peut  se  troubler  à  demi,  ou  bien  se 
transformer  en  vinaigre,  «  ne  retenant  rien  de  son  ancien 
goût,  or...  c'est  d'un  tel  changement  que  nous  sommes 
changés  :  nous  ne  sommes  pas  le  vin  trouble,  mais  le  pur 
vinaigre'.  •>  Raymond  Sebon  ne  respecte  pas  plus  le 
mystère  de  la  Rédemption  que  celui  de  la  Corruption.  Il 

tl.  Si^aloa*  MM  y  iaMter  one  analogie  médicale  qoe  Rapsopd 
pUk*B  développe  arec  qaelqae  eoapUtMMe  :  «  Le  bapUae  me  d'aa 
HMtt  ••  ht  comme  purgeant  par  le  deeeoai,  et  la  péaiteaee  de  baaaa 


Lxm  RAYMOND  SEBON. 

établit  un  k  ud,  par  une  suite  de  râiconneinentft  mélaphy- 
siqoM  qui  se  déroulent  k  priori,  les  conditions  que  doit 
remplir  le  Rédempteur,  pour  conclure  enfin  que  «  Tbomme 
duquel  il  a  été  parié  jusqu*à  présent,  c'est  Jésua-Christ  n. 
Pascal  ne  sera  carias  pas  le  lecteur  docile  auquel  Raymond 
Sebon  «  présente  cette  belle  université  des  choses  et  des 
créatures  comme  une  voie  droite  et  une  ferme  échelle 
ayant  de»  marches  tris  assurées  par  où  il  puisse  arriver  k 
son  naturel  domicileetse  remontrer  k  la  vraie  connaissance 
de  sa  nature.. .  par  la  Mie  des  choses  inférieures,  il  s'ache- 
minera jusques  k  l'homme  et  tout  d'un  fil  il  enjambera 
de  rhomme  jusques  k  Dieu  ».  —  Et  cependant  Pascal  ne 
rejettera  pas  complètement  l'idée  de  cette  hiérarchie  des 
êtres  dont  Raymond  Sebon  a  fait  la  base  de  son  Apologé- 
tique; il  n'oubliera  pas  les  u  trois  fraternités  des  chrétieiia: 
fraternité  de  la  chair  dans  le  premier  homme,  fraternité 
de  l'âme  qu'ils  reçoivent  de  Dieu,  fraternité  du  bien-être 
qu'engendre  en  eux  Jésus-Christ,  leur  tiers  père  ».  Seule- 
ment il  ne  croira  pas  si  facile  d'«  enjamber  »  d'un  ordre 
k  l'autre;  la  gradation,  qui  était  continue  pour  Raymond 
Sebon,  devient  pour  lui  opposition  perpétuelle,  «  renver- 
sement du  pour  au  contre  ».  Dans  cette  hiérarchie  même 
il  remarque  la  place  éminente  que  Raymond  Sebon  a 
(aile  au  jugement  et  k  la  connaissance  de  soi  :  la  réflexion 
de  Raymond  Sebon  est  retenue  et  immortalisée  dans  le 
fragment  du  Roseau  pensant.  Mais,  tandis  que  Raymond 
Sebon  fait  croître  parallèlement  la  grandeur  effective  de 
l'homme  et  la  conscience  de  cette  grandeur,  Pascal  mettra 
en  opposition  la  dignité  que  donne  la  connaissance  de 
soi,  et  la  réalité  misérable  que  cette  conacieooe  éclaire. 
Enfin  Pascal  emprunte  à  Raymond  Sebon  cette  idée  que 
l'intelligence  est  pour  nous  un  instrument  pratâqoe, 
qu'elle  doit  travailler  k  notre   avantage  et  le  proDOOcer 


CHARRON.  Lxxv 

pour  notre  profit,  que,  dès  lors,  elle  ne  peut  hésiter  à 
trancher  le  problème  de  la  vie  étemelle  dans  le  sens  où 
se  rencontre  l'espoir  de  la  béatitude  infinie.  Et  Pascal 
développant,  peut-être  à  la  suggestion  de  Raymond  Sebon, 
l'argument  du  pari,  y  verra  non  plus  une  propriété  seule- 
ment, mais  la  limite  même  de  notre  pouvoir  intellectuel. 
Assurément  l'ouvrage  de  Pascal  n'aurait  guère  ressemblé 
à  la  Théologie  naturelle  de  Raymond  Sebon;  quelque 
chose  cependant  en  eût  reparu  transformé  et  transposé, 
tant  l'esprit  de  Pascal  était  ouvert  à  toutes  les  influences 
et  capable  de  les  dominer  pour  les  faire  converger  au  but 
qu'il  s'était  fixé. 

Comme  Raymond  Sebon,  et  plus  que  lui  encore,  Char 
ron  s'inspire  de  saint  Augustin.  Pascal  connaissait  l'ou- 
vrage anonyme  où  Saint-Cyran  l'avait  défendu  contre  le 
Père  Garasse,  et  il  avait  lu  dans  les  Discours  chrétiens 
le  chapitre  sur  la  PréHestination  qui  forme  comme  un 
manuel  anticipé  de  jansénisme.  Pascal  était  ainsi  préparc 
à  trouver  dans  Charron  non  .seulement  un  précurseur, 
mais  un  guide.  Oe  fait,  en  lisant  Charron,  il  pouvait  dire 
que  son  œuvre  à  lui  y  était  déjà  tout  entière  —  et  que  tout 
entière  elle  restait  à  faire.  Elle  était  faite  tout  entière. 
Dans  ses  Discours  chrétiens,  en  particulier  dans  son  Dis- 
cours sur  la  Rédemption,  Charron  avait  marqué,  en  traits 
que  Pascal  n'oubliera  pas,  la  personne  et  l'œuvre  du 
Rédempteur  ;  il  avait  du  coup  atteint  l'essence  et  le  cœur 
de  la  religion  chrétienne.  —  De  là  il  est  fondé  k  faire 
œuvre  d'apologiste  et  de  polémiste,  en  démontrant  ces 
Trois  Vérités  :  n  la  première  qu'il  y  a  religion  recevable  de 
tous  rt  d'un  chacun  —  contre  tous  athées  et  irreligieux  ;  la 
seconde  qui  est  Tcxcellcnce  de  la  religion  chrétienne  par- 
dessus les  autres  —  contre  tous  mécréants,  gentils,  juifs, 
n)alK>n)i'lans;  la  troisième  qui  est  Pautorité  de  l'Église 


usTt  CHARRON 

ratholique  romaine  —  contre  les  hérétiques  et  le»  schi» 
matiques.  »  En  changeant  le  titre  de  U  troisième  vérité 
pour  faire  porter  tout  Peffort  des  catholiques  non  plu» 
contre  les  protestants,  comme  au  ivi*  siècle,  mais  contre 
les  Nouveaux  Pélagiens  et  les  Jésuites,  ces  Trois  Yérilés 
sont  précisément  cellee  dont  la  démonstration  devait 
remplir  TApologic  pascalienne.  Bien  plus,  i  ces  Trois 
Vérités,  Charron  donne  la  base  qui  convient  en  les  ap- 
puyant sur  la  science  de  Thomme.  Les  trois  livres  de  la 
Sagêue  forment  un  traité  de  psychologie  et  de  morale. 
La  morale  est  empruntée  aux  Stoïciens,  et  en  particulier, 
comme  le  déclare  formellement  Charron,  aux  exposés  du 
chancelier  de  du  Yair  qui  avaient  joué  un  rAle  considé- 
rable dans  la  première  éducation  littéraire  et  philoso- 
phique de  Pascal.  La  psychologie  est  surtout  tirée  de 
Montaigne,  non  dans  son  esprit  seulement,  mais  dans  la 
lettre  même  :  avec  autant  de  candeur  que  de  gaucherie. 
Charron  encastre  dans  le  tissu  généralement  lourd  et 
terne  de  ses  déductions  abstraites  les  phrases  pimpantes  ei 
lumineuses  des  Essais  ;  les  anecdotes  et  les  saillies  pro- 
fondes de  Montaigne  sont  distribuées  dans  un  ordre  didac- 
tique, elles  se  déroulent  en  séries  régulières  sous  des  titres 
que  Pascal  avait  notés,  avec  le  dessein  de  les  reprendre  : 
Vanité,  Faiblesse,  Inconstance,  Misère,  Présomption 

Seulement  cette  encyclopédie  qui  semble  contenir  ■'< 
Tavance  toutes  les  matières  des  Pensées  est  encore  un 
bloc  informe  :  il  lui  manque  non  pas  seulement  d*éCre 
animée  par  le  souffle  du  génie,  mais  de  vivre  au  sens 
organique  du  mot.  Nulle  part  on  n'aperçoit  le  lie4i  qui 
rejoint  les  parties,  cl  les  fait  converger  vers  un  but  com- 
mun de  bçon  è  constituer  un  organisme  véritable.  Quand 
Charron  aperçoit  enfin  la  difficulté,  c'est  pour  s'en  tirer 
par  une  défaite  charmante  qui  est  aux  yeux  de  Pascal  un 


CHARRON.  LMvn 

aveu  terrible  :  «  Comme  il  n'est  pas  impertinent  ni 
étrange  de  se  laisser  rechercher  et  courtiser  un  temps  de 
son  ami  avant  que  de  l'épouser  et  recevoir  avec  crainte 
et  révérence  les  commandements  de  son  mari,  ainsi  ne 
sera-t-il  que  bon  de  jardiner  et  s'égayer  un  peu  par  les 
jardins  et  faubourgs  plaisants  des  beaux  discours  phi- 
losophiques, puis  avec  modestie  et  révérence  pour  monter 
et  entrer  en  la  haute  et  sainte  cité  de  la  Théologie 
chrétienne  (a*  Vér.  chap.  m).  »  Pour  Charron  philo- 
sophie et  religion  correspondent  à  deux  états  différents 
de  l'esprit,  qui  s'excluent  et  qui  se  succèdent.  Le  philo- 
sophe n'est  j>as  encore  chrétien  ;  le  chrétien  n'est  plus 
philosophe.  Or  le  problème  est  d'être  à  la  fois  philosophe 
et  chrétien.  Il  y  a  plus  :  ce  n'est  pas  seulement  entre 
la  philosophie  et  le  christianisme  que  Charron  ne  réussit 
à  établir  l'unité,  c'est  à  l'intérieur  de  la  philosophie. 
11  est  tout  à  la  fois  disciple  de  du  Vair  et  disciple 
de  Montaigne  ;  mais,  quand  il  s'attache  à  l'un,  il  oublie 
l'autre.  De  là  un  résultat  singulier.  Sa  morale  tout 
entière  respire  la  conGance  en  l'humanité,  l'attache- 
ment à  la  règle  de  nature,  l'appel  aux  forces  vives  de  la 
raison  et  de  la  volonté.  Mais  sa  psychologie  est  aussi  pes- 
simiste que  sa  morale  était  optimiste,  elle  étale  à  plaisir 
les  vices  et  les  misères  de  l'homme,  elle  relève  ses 
contradictions  et  ses  défaillances,  elle  les  multiplie  par  la 
variété  des  pays,  des  Ages,  des  individus.  Qu'un  tel  con- 
traste ne  soit  pas  sans  s'expUqucr,  qu'il  fournisse  même 
un  argument  profond  en  faveur  den  doctrines  qui  lui  étaient 
chères.  Charron  le  savait  sans  doute;  mais  celte  vérité 
suprême  demeure  cachée  dans  son  œuvre.  Il  a  conservé 
la  méthode  scolastique,  il  a  écrit  une  Somme,  mettant 
bout  à  bout  les  aflirmations  comme  si  elles  étaient  du 
même  ordre  et  comme   si  elles  se  démontraient  de  la 


Lxxvn 


mUè. 


même  fiiçofi.  Mail  auMÎ  comme  il  éUrgÎMait  «m  oonoep- 
tiooi  au  souffle  de  la  Renaissance,  comme  il  avait  péo^ 
tré  les  aspects  divers  et  même  contradictoires  de  Hioma- 
nité,  TappUcation  d'une  méthode  uniforme  k  une  matière 
hélfaogène  ne  pouvait  plus  produire  que  désordre  et 
confusion.  Ces  divisions  perpétuelles  attristent  et  en- 
nuient, dit  Pascal,  c'est  qu'en  même  temps  elles  obscur- 
cissent et  brouillent  ;  c'est  k  la  lettre  que  dans  Charron 
les  arbres  cachent  la  forêt.  Ou  plus  exactement  Charron 
juxtapose  deux  images  différentes  de  l'humanité  vues  sous 
deux  angles  différents  et  comme  par  chacun  de  nos  deux 
yeux  ;  Pascal  seul  était  capable  de  ramener  cette  double 
vision  k  l'unité,  en  lui  donnant  du  même  coup  le  relief 
et  la  profondeur,  en  lui  donnant  la  vie.  Par  Pascal  Char 
ron  existe. 

Il  est  donc  vrai  que  riiéntier  légitime  de  Montai^e 
ne  peut  être  Charron  ;  c'est  Méré. 

L'humanité,  que  Montaigne  étendait  k  travers  la  divcr 
site  des  peuples  et  des  siècles,  semble  se  concentrer  en 
ce  qu'elle  a  de  plus  rare  et  de  plus  délicat  pour  devenir 
l'honnêteté  de  Méré.  C'est  encore  la  nature,  sans  contrainte 
et  sans  affectation,  qui  demeure  absolument  naturelle,  et 
qui  {wurlant  est  poussée  à  son  dernier  degré  de  raffine- 
ment, qui  «  excelle  en  tout  ce  qui  regarde  les  agréments 
et  les  bienséances  de  la  vie  ».  Et  c'est  la  joie,  joie  de  jouir 
et  plus  encore  déjuger,  de  s'approuver  au  fond  d< 
dans  la  conscience  intime  de  sa  supériorité.  Pui:.. 
mules,  point  de  règles  ;  point  de  métier  surtout.  L'honnê 
teté  s'adresse  k  l'homme  tout  entier  ;  elle  atteint  en  lui  la 
source  profonde  qui  est  le  sentiment  et  le  goât.  Nul  n'est 
'  séduisant  comme  IHiomiéte  homme  ;   il  a  un  instinct  qui 
lui  (ait  c  connaître  les  sentiments  et  les  pensées  par  des 
signes  presque  imperceptibles,  »  et  sa  pénétration  lui  per 


MÉRÉ.  Lxxii 

met  de  a  découvrir  la  manière  la  plus  conforme  aux  gens 
qu'il  fréquente».  Il  plaît  sans  qu'il  ait  paru  chercher 
à  plaire,  il  semble  qu'il  s'efUace  toujours  devant  les 
autres,  et  d'autant  plus  irrésistiblement  il  attache  les 
autres  k  soi.  Telle  est  l'impression  que  produisit  sur  Pascal 
le  chevalier  de  Méré  ;  elle  survit  aux  années  de  vie  mon- 
daine. Si  l'homme  est  purement  homme,  il  est  vrai  de 
dire  avec  Méré,  sinon  qu'  «  on  doit  principalement  s'étu- 
dier à  devenir  honnête  homme  »,  —  car  l'honnêteté  n'est 
pas  objet  d'étude  ni  d'artifice,  —  du  moins  que  l'honnêteté 
est  «  la  quintessence  de  toutes  les  vertus  ».  Méré  ajoutait  : 
«  Vous  ne  songez  pas  qu'il  est  bien  rare  de  trouver  un 
honnête  homme.  J'ai  un  ami,  qui  ferait  le  voyage  des 
Indes  pour  en  voir  un  seulement.  »  En  1660  Pascal  écrit  à 
Fermai:  «  Si  j'étais  en  santé,  je  serais  volé  à  Toulouse... 
Quoique  vous  soyez  celui  de  toute  l'Europe  que  je  tiens 
pour  le  plus  grand  géomètre,  ce  ne  serait  pas  cette  qua- 
lité là  qui  m'aurait  attiré;  mais...  je  me  figure  tant 
d'esprit  et  d'honnêteté  en  votre  conversation  que  c'est 
pour  cela  que  je  vous  rechercherais.  »  Quand  les  hommes 
se  rencontrent  les  uns  les  autres,  du  dehors  pour  ainsi  dire 
et  sans  communiquer  par  leurs  «  pensées  de  derrière  », 
sans  confronter  leurs  âmes,  c'est  sur  le  terrain  de  l'honnê- 
teté qu'ils  se  rejoignent  et  qu'ils  s'accordent.  Aussi  faut-il 
que  le  chrétien  connaisse  et  pratique  les  règles  de  l'hon- 
nêteté ;  il  le  faut  surtout  s'il  obéit  à  l'élan  de  la  charité, 
s'il  travaille  à  la  conversion  totale  de  ceux  qui  se  coni- 
[)l.iis<  nt  dans  les  jouissances  du  monde  ;  l'honnêteté  seule 
lui  ilminera  les  armes  qui  le  rendront  capable  de  la  com- 
battre en  la  dépassant.  Les  conversations  de  Méré  ne 
revivent  pas  seulement  dans  la  mémoire  de  Pascal,  dans 
son  expérience  générale  de  la  vie  ;  il  les  transcrit  sur  le 
papier,  il  les  rédige  comme  pour  en    tirer  une   •  Rhéto- 


uux  MITON. 

rique  »  qui  ferait  pendant  aux  DUcoun  de  MM  aur  b 
Conversation,  les  AgrémenU^  VÙoqaence,  etc.  Cette 
Rhétorique  ae  rattache  aans  doute  au&  réflexions  tur 
V Esprit  géométrique  et  sur  VArt  de  persuader  ;  mais  par- 
fois aussi  elle  se  relie  étroitement  A  la  méthode  même  et 
au  fond  de  V Apologie.  Que  Ton  ouvre  la  Domine  eu- 
rieuse  des  Beaux  Esprits  de  ce  temps,  par  le  Père  Garasse 
de  la  Compagnie  de  Jésus  (i6a3)  ',  et  qu'on  la  compare 
avec  V Apologie  que  Pascal  dirigeait  contre  les  libertins  et 
les  athées,  on  apercevra  la  part  de  collaboration  inron 
sciente  qu'il  convient  d'attribuer  à  Méré 

Pourtant,  dans  le  souvenir  de  cette  séducli*  i 
qui  sera  comme  sanctifiée  si  Dieu  veut  qu'elle  luutiur  .■  i.i 
conquête  des  Ames  et  à  la  gloire  de  la  vérité,  une  imagi* 
se  dresse  plus  profonde  et  plus  vive  encore  que  celle  de 
Méré.  C'est  Miton  que  Pascal  prend  k  partie  dans  ses 
fragments  ;  c^est  à  lui  qu'il  reproche  l'injustice  du  moi, 
la  feinte  vertu  de  l'honnêteté  qui  couvre  Tamour-propre 
et  qui  ne  Tôte   pas;  c'est  lui  enfin  qu'il  somme  de  se 


I.  Vuici  uo  Acbantillon  de  re  style:  «  Sappoaé  qac  Mil*  MSKioie 
•oit  véritable  qu'il  fiiut  laiwer  rhacuo  en  n  rrAiMcc,  païaqu'il  s'y  a 
rien  «le  plu«  libre  au  monde  que  le  croire  :  Il  me  plaît  de  croire  que 
no*  nouveaut  dogmaliMnta  toot  des  faquins,  des  inTroga«U,  daa  eab»- 
reliers,  des  eacomifleurs,  des  yucui,  des  cbercbtor* d«  r«p«i  Attache, 
daa  aiais  qui  n'ont  ni  esprit  ni  cenrelle,  dca  «Kittchwot  et  tavwtt*, 
<l«  pwwiaes  de  cour;  et  s'ils  sont  si  Home»  qa<  d«  9*9Êtmt»r 4» mm 
parelM,  je  dirai  qac  telle  art  ■•  oréeaee  et  q«e  «oiTmat  leen  pria- 
eipea  il  se  hot  biea  garder  de  iMver  o«  coatraiadre  la  créaaee  daa 
hoMaiei. . .  Je  dirai  k  ee  eoaipte  qa'Aaasagorai  avait  raison  de  dire  qaa 
la  seife  «M  aotre,  ef  poar  toote  csouc  qii'il  le  croyait  aiaai,  que 
Péaiocrite  était  na  bel  entendement  quand  il  diaeil  qae  le  Ciel  eal 
eeapoaé  d'atomes,  car  il  le  croyait  ainsi,  que  CopMvicat  était  aa 
kabÛe  hoaae,  disaat  qae  la  terre  aMrebe  coatiaaalleieat  et  qae  le 
Gel  •'arrête,  car  il  le  crorait  eiaM,  etc  •  (L  lit.  s«ct.  V.  C  3  et  S. 
p.  sS3.) 


MITON.  Lzzzi 

remuer,  avant  que  Diea  même  le  condamne.  Et  en  eflet 
Méré  conserve  à  travers  l'éclat  et  Tentramement  du 
monde  une  richesse  de  vie,  une  sorte  de  sève  morale  qui 
permet  à  Pascal  d'espérer  en  lui  ;  mais  avec  Miton  le 
chrétien  mesure  Tabime  du  doute  tranquille  et  de  la  néga- 
tion ;  l'ardeur  qui  travaille  Pascal  ne  rencontre  que 
sécheresse  et  stérilité.  Miton  ne  croit  à  rien  ;  il  n'est  dupe 
ni  du  «  bon  air  »  ni  des  «  grands  mots  »,  il  ne  s'étour- 
dit pas  comme  Méré  dans  l'étalage  de  sa  propre  supériorité, 
il  ne  prodigue  pas  ses  conseils  et  ses  jugements  ;  il  est  déta- 
ché des  hommes,  détaché  des  plaisirs,  détaché  de  la  vanité'. 
Sa  clairvoyance  est  impitoyable,  comme  sa  correction  et 
sa  politesse.  En  face  de  la  religion,  son  attitude  est  exacte- 
ment celle  qui  est  définie  dans  le  Mont  des  Oliviers  :  le 


I .  Nous  ne  connaissons  Miton  directement  que  par  sa  correspon- 
dance arec  Méré.  Il  écrit  à  Méré  qui  son^e  à  un  ouvrage  qui  ne 
périsse  jamais  :  «  Le  monde  en  raut-il  la  peine  ?  ces  choses  ne  se  font 
pas  sans  beaucoup  de  travail.  On  incommode  sa  santé  par  des  médi- 
tations profondes,  et  la  récompense  en  est  bien  légère  ;  le  parti  le 
plus  sûr,  ce  me  semble,  est  de  ne  songer  qu'à  des  choses  simples,  et 
même  badines,  et  d'en  revenir  toujours  là.  »  Ailleurs,  soupçonnant 
Méré  de  se  consoler  facilement  de  son  absence  dans  le  jeu  et  les 
divertissements  de  Paris,  il  ajoute  :  «  Quand  des  songe-crans  eommm 
nous  rencontrent  par  hasard  quelque  plaisir,  il  ne  faut  paa  leur  ea 
savoir  mauvais  gré.  Pour  mot  je  me  trouve  si  peu  content  de  tout  qu« 
«aas  quelques  pensées  qui  m'amusent  dont  les  unes  sont  pleines  de 
iblaâae,  et  les  autres  de  vanité,  je  donnerais  tout  pour  peu  de  chose. 
ais  cela  est  bien  triste  ;  il  faut  doubler  le  pas  pour  s'en  éloigner.  » 
oici  enBn  un  passage  mystérieux  où  l'on  ne  peut  s'empêcher  de  peaMr 
Pascal  :  o  Ce  que  vous  me  mandez  de  notre  ami  est  admirable,  M 
ta  préférence  sur  Descartes  et  sur  Platon  dont  il  m'honore  m'a  bitM 
fait  rire.  Ne  vous  souvient-il  pas  que  je  lui  disais  toujours  qa«  jt 
n'étais  pas  en  peine  de  son  approbation,  et  que  je  la  regardais  eommf» 
un  bien  qui  m'était  assuré  ?  Je  vous  supplie  très  humblement  de  lui 
dire  ti'i'-  \r  lui  en  suis  très  obligé,  et  que  l'espérance  de  passer  encore 
d'nf;'  '-es  ensemble  me  dono*  bcaoooop  de  joie.  •  ((EavrM 

liu  >  i.  rr,  I.  I,p.  a53.)  Cf  VApptndiet  aa  tr.  a33. 


rcKsiti  pt  PAiCAL.  1  —  6 


LU»  VAVGVSTISVS. 

m  dédain  »  et  le  «  froid  silence.  »  Comment  faire  naître  dans 

cette  âme  Tinquiétude  de  la  destinée,  qui  est  le  ferment  de 

la  foi?  comment  faire  surgir  de  ce  fond  de  ioei>' 

de  pessimisme  le  souci  de  la  vérité  étemelle  ci  . 

de  la  béatitude?  ce  problème  tragique  qui   donne   aux 

Pmséei  leur  accent   incomparable,    c'est  Miton  qui  Ta 

poeé  à  Pascal. 

La  religion  fournit  la  réponse  k  la  question  ;  mais  en 
core  iàut-il  qu'elle  soit  le  christianisme  vrai,  dans  sa  pureté 
et  dans  son  intégrité.  C'est  de  ce  christianisme  que  Pascal 
s'inspire  et  se  nourrit,  du  jour  où  il  fut  initié  aux  doctrines 
qui  se  répandaient  autour  de  Saint-Cyran  :  Jansénius  est  k 
ses  yeux  l'interprète  authentique  du  Christ.  VAugustinus 
contient   toute  la   matière  de   renseignement  religieux. 
exposée  suivant  la  méthode  propre  k  la  théologie  qui  est 
l'histoire,  et  pourtant  liée  de  façon  h  satisfaire  la  rigueur 
du  logicien  qui  y  comprend,  en  même  temps  que  l'enchai 
nement  des  mystères  de  la  corruption  et  de  la  rédemp 
tion,  la  misère  de  l'homme  qui  cherche  k  vivre  sa  vji 
naturelle,  la  ruine  et  la  perversion  de  toute  philosophir 
qui  prétend  définir  la  vérité  k  la  mesure  de  la  raison.  <   •   t 
la  Somme  du  christianisme  restauré  ;  elle  se  dres^ 
contraste  absolu,  de  forme  et  de  fond,  avec   la  N 

Théologigae  de  saint  Thomas  dWquin  qui  n'est  pluc; 

yeux  de  Jansénius  qu'un  manuel  d'éclectisme  k  ten 
dancea  philosophiques  et  paiennee.  «  Je  suis  dégoûté  un  pc  < 
de  saint  Thomas,  après  avoir  sucé  saint  Augustin  '.  »  v 
dédut  des  preuves  internes,  que  fournissent  les  citation 
de  Jansénius  éparses  dans  les  fragmeota,  Pallusion  iJ' 
la  Première  Prwinciaie  n*atteste-t-elle  pM  à  quel  point 

I.  L«i.  du  5  «an  i6ai  uiS«ial»>B««Tt,PlBr<-lk7«/,  5*éd.,t.  I,p.  193 


se 

i 


L'AVGUSTINVS.  Luxni 

Pascal  était  familier  avec  l'œuvre  P  La  doctrine  théolo- 
gique des  Pensées  s'éclaire  en  sa  dernière  profondeur  par 
l'analyse  de  Touvrage  de  Jansénius. 

En  voici  le  titre  intégral  :  »  Doctrine  de  saint  Augustin 
sur  la  santé,  la  maladie  et  «  la  médecine  »  de  la  nature 
humaine,  contre  les  Pélagiens  et  les  Marseillais,  en  trois 
tomes.  —  Premier  tome,  où  sont  passées  en  revue,  d'après 
saint  Augustin,  l'hérésie  et  les  mœurs  de  Pelage  contre 
la  santé,  la  maladie  et  «  la  médecine  »  de  la  nature  hu- 
maine. —  Second  tome,  ou  la  doctrine  propre  de  saint 
Augustin  sur  l'état  et  la  force  de  la  nature  humaine j  à 
l'état  de  déchéance  et  à  l'état  de  pureté,  est  approfondie  et 
développée.  —  Troisième  tome,  où  la  pensée  propre  du  très 
profond  auteur  A  ugustin  sur  le  secours  de  la  grâce  médi- 
cinale du  Christ  sauveur,  sur  la  prédestination  des  hommes 
et  des  anges,  est  exposée  et  élucidée.  —  Appendice  gui  met 
en  parallèle  et  examine  l'erreur  des  Marseillais  et  de 
quelques  modernes  (ces  modernes,  il  n'est  pas  indifférent 
de  le  noter  en  passant,  sont  trois  jésuites,  Suarez,  Vasquez 
et  Molina).  On  aperçoit  le  but  de  Jansénius  :  entre  l'an- 
cienne hérésie  qu'a  combattue  saint  Augustin,  et  la  nou- 
velle qu'ont  ressuscitée  les  jésuites,  il  s'agit  de  dégager 
l'orthodoxie  catholique.  Cette  orthodoxie  est  déGnie  par 
son  organe,  qui  est  saint  Augustin  :  la  méthode  de  Jansé- 
iu8  est  purement  théologique,  ses  arguments  sont  des 
tati  '  aint  Augustin.  Ce  qu'il  veut,  consciemment 
et  «  \_  lent,    c'«st   un    retour  à  la  parole  révélée. 

Son  œuvre,  à  cet  égard,  est  inverse  et  complémentaire 
de  l'œuvre  de  Descartes.  Descartes  ruine  la  Scolastique 
parce  qu'il  renverse  le  principe  d'autorité  dont  elle 
avait  fait  le  critérium  de  la  vérité  philosophique,  et  qu'il 
rétablit  les  droits  de  la  raison.  Jansénius,  dont  l'ouvrage 
parait  trois  ans  seulement  après  le  Discours  de  la  méthode, 


uiuv  L'AVaVSTISUS. 

ruine  i  ton  tour  la  ScoUstique,  en  renversant  la  rataon 
naturelle  dont  elle  avait  fait  le  critérium  de  la  vérité  théo- 
logique pour  rétablir  les  droits  de  Tautorité.  Qui  dit  phi- 
loaophie,  dit  raison  ;  qui  dit  théologie,  dit  autorité.  C'est 
pour  avoir  interverti  les  deux  ordres  et  les  deux  principes 
que  la  Scolastique  tombe  en  même  temps  sous  une  double 
condamnation,  ainsi  que  le  montre  Pascal  dans  on  frag- 
ment de  préface  au  Traité  du  vide,  qui  est  tout  pénétré 
du  souvenir  de  Jansénius.  Parmi  nos  connaissances,  écrit 
Pascal  a  il  faut  considérer  que  les  unes  dépendent  seu- 
lement de  la  mémoire  et  sont  purement  historiques, 
n^ayant  pour  objet  que  de  savoir  ce  que  les  auteurs  ont 
écrit;  les  autres  dépendent  seulement  du  raisonnement, 
et  sont  entièrement  dogmatiques,  ayant  pour  objet  de 
chercher  et  découvrir  les  vérités  cachées. . .  L'éclaircissement 
de  cette  différence  doit  nous  faire  plaindre  l'aveuglement 
de  ceux  qui  apportent  la  seule  autorité  pour  preuve  dans 
les  matières  physiques,  au  lieu  du  raisonnement  ou  des 
expériences  ;  et  nous  donner  de  Thorreur  pour  la  malice 
des  autres,  qui  emploient  le  raisonnement  seul  dans  la 
théologie  au  lieu  de  Tautorité  de  T Écriture  et  des  Pèrea  ». 
Aussi,  dès  le  premier  livre  de  VAugiutinut,  la  condam- 
nation de  Pelage  est-elle  présentée  par  Jansénius  comme 
la  condamnation  de  la  philosophie  :  «  La  première  origine 
de  toute  Thérésie  de  Pelage  et  de  tous  les  ennemis  de  la 
Grâce,  c'est  la  Philosophie.  »  Par  Origène,  la  doctrine 
remonte  aux  Stoïciens  :  de  part  et  d'autre,  c'est  la  même 
confiance  dans  la  nature,  la  même  exaltation  de  la  liberté 
propre  i  l'homme;  par  suite  le  même  orgueil  qoi  sa 
met  au-dessus  de  la  Grâce,  qui  rend  inutile  la  croix  du 
Christ,  qui,  sans  qu'un  Médiateur  l'ait  rachetée,  érige 
la  créature  en  Dieu.  Si  l'homme  est  libre,  il  n'y  a  plus 
de  libérateur  à  chercher  ;  si  la  nature  est  sauve,  le  sauveur 


I 


L'ADGOSTISUS.  Llxxv 

est  superflu  ;  le  christianisme  est  nié.  Se  servant  pour 
connaître  des  mêmes  moyens  que  les  philosophes  païens, 
les  Pélagiens  sont  redevenus  païens:  «  De  même  qu'elle 
est  la  mère  des  hérésies,  la  philosophie,  appliquée  à  la 
définition  des  mystères  diWns,  est  la  mère  des  erreurs.  » 
La  vérité  religieuse  n'est  pas  accessible  à  la  raison  humaine, 
parce  qu'elle  vient  de  Dieu,  non  de  Thomme.  Elle  se 
compose  de  faits  ;  or,  ces  faits  nous  ne  pouvons  ni  les 
inventer  ni  les  deviner;  ils  ont  été  révélés,  et  il  ne  s'agit 
que  de  les  connaître,  tels  qu'ils  ont  été  révélés,  dans  leur 
pureté  et  leur  intégrité;  pour  cela,  il  faut  en  avoir  fidè- 
lement conservé  la  mémoire.  La  théologie  est  une  science 
historique  ;  Jansénius  se  propose  de  raconter  une  histoire, 
dont  il  emprunte  les  traits  à  saint  Augustin,  a  le  premier 
des  Docteurs,  le  premier  des  Pères,  le  premier  des  Écri- 
vains ecclésiastiques  après  les  Docteurs  canoniques,  Père 
des  Pères,  Docteur  des  Docteurs,  subtil,  soUde,  irréfra- 
gable, angéUque,  séraphique,  très  excellent,  et  inefiia- 
blement  admirable  ><.  Les  versets  de  l'Écriture,  eux- 
mêmes,  ne  figurent  dans  Jansénius  qu'accompagnés  des 
commentaires  de  saint  Augustin  ;  cette  unité  de  source 
donne  à  VAugustinus  une  cohésion  et  une  solidité  qui  en 
rendent  la  lecture  encore  aujourd'hui  facile  et  attachante. 
Si,  à  la  différence  des  ouvrages  scolastiques,  il  soutient 
l'attention,  c'est  qu'il  révèle  dans  le  seul  choix  des  cita- 
tions le  travail  d'un  penseur  qui  s'est  identifié  à  son 
guide,  qui  a  v^u  de  son  esprit,  qui  a  refait  pour  son 
compte  la  synthèse  de  sa  doctrine.  La  doctrine  augus- 
te Jansénius  la  restitue,  consiste  eséen- 
I  liistoirede  l'humanité,  dans  la  sucoenion 
des  quatre  états  qu'elle  a  été  destinée  &  traverser  :  i*  avant 
la  loi  ;  a*  après  la  loi  ;  3*  l'état  de  grâce  ;  ^'  l'état  de  gloire. 
i"  Le  premier  homme  a  été  créé  dans  un  état  d'bar- 


uam  VAV0V8TINVS. 

monie  et  de  liberté.  Aumî  on  peut  affirmer  avec  vérité 
de  œt  état  de  perfection  primitive  tout  ce  que  lee  PéU- 
giens  ont  dit  de  notre  humanité  actuelle.  La  liberté  de 
rhomme  était  alors  quelque  chose  d'efficace  et  de  positif. 
Non  que  cette  liberté  rendit  inutile  la  grâce  de  Dieu  :  la 
grâce  est  un  secours  nécessaire,  rien  ne  se  fait  sans  elle  ; 
mais  il  était  vrai  alors  que  Thomme  n'agissait  pas  uni- 
quement par  elle,  la  grâce  n'était  qu'adjuvante  et  coop^ 
rente.  C'est  pourquoi  l'homme  a  pu  opposer  â  la  tendance 
qui  le  poussait  vers  Dieu  une  autre  tendance  qui  le  diri- 
geait vers  lui-même  et  vers  les  créatures  ;  maître  de  choisir 
entre  lui  et  Dieu,  il  s'est  choisi,  il  a  opposé  l'ingratitude  à 
la  grâce,  il  a  fait  le  Dieu  et  il  s'est  perdu.  Le  péché  s'est 
transmis,  par  voie  naturelle  d'hérédité  et  par  voie  légi- 
time de  solidarité,  du  premier  homme  à  sa  postérité  ;  il 
eet  devenu  le  péché  d'origine,  qui  a  pesé  sur  lee  généra- 
tions successives. 

i"  Quelles  ont  été  les  conséquences  du  péché  originel  ? 
Tout  d'abord  Dieu  s'est  retiré  de  l'homme;  l'homme  a 
été  abandonné  à  ses  propres  forces.  Mais  que  fout-il  en- 
tendre par  là?  Faut-il  admettre  avec  les  Pélapi---  —^ 
l'homme  puisse  être  dans  un  état  d'équilibre,  ii> 
au  bien  et  au  mal,  accomplissant  l'un  ou  l'autre  suivant 
l'usage  qu'il  fait  de  sa  liberté?  Selon  Jansénius,  l'état  de 
pure  nature  est  une  chimère  ;  et  voici  comment  il  établit 
cette  proposition  fondamentale  de  sa  doctrine  :  D  n'y  a  de 
véritable  amour  en  l'homme  et  de  véritable  jouissanco 
que  l'amour  et  la  jouissance  de  Dieu  ;  tout  ce  qui  n'a 
pas  Dieu  pour  principe  et  pour  fin  est  dépravé  et  funeste  ; 
point  de  milieu  entre  la  misère  et  la  béatitude  ;  donc,  oommr 
il  n'y  a  point  de  béatitude  sans  Dieu,  il  ne  peut  y  avoir 
•ans  Dieu  que  misère  :  dans  l'âme,  le  déeir  avec  rarmée 
dea  pÉsaions,  les  regrets,  les  haine»,  les  ofJèrea,  le  déaea- 


L'AUGUSTiSUS.  lxmvu 

poir,  le  crime  ;  dans  le  corps,  les  maladies  et  la  mort. 
Même  considéré  chez  les  païens,  l'état  de  pure  nature  est 
le  plus  triste  de  tous,  puisqu'il  ne  laisse  place  ni  au  sou- 
venir ni  à  l'espérance,  puisque  rien  n'y  peut  atténuer  la 
déplorable  facilité  qu'a  l'homme  de  pécher.  «  Tu  nous  as 
faits  pour  toi,  dit  saint  Augustin  dans  les  Confessions,  et 
notre  cœur  est  dans  l'inquiétude  jusqu'à  ce  qu'il  se  re- 
pose en  toi.  »  Mais  ce  n'est  pas  tout:  non  seulement,  à  la 
suite  du  péché,  la  concupiscence  a  occupé  l'homme  tout 
entier,  destitué  du  secours  de  la  grâce  ;  mais  encore  la  loi 
a  été  promulguée,  loi  qui  a  défendu  la  concupiscence  et 
qui  a  menacé  des  peines  éternelles.  Seulement  qu'a  fait 
cette  défense,  sinon  d'irriter  en  nous  cette  concupiscence? 
«  La  loi  fait  non  la  mort,  mais  la  force  du  péché  »  ;  elle 
en  atténue  à  peine  les  effets  par  la  terreur  de  Dieu,  qui 
est  une  nouvelle  forme  de  concupiscence  et  de  misère.  La 
punition  du  péché,  c'est  d'errer  et  de  pécher  encore,  par 
une  sorte  de  fatalité  intime.  La  grâce  divine  est  le  seul 
lien  qui  unisse  l'intelligence  à  la  vérité,  la  volonté  à  la 
charité.  Sans  elle  tout  est  dépravé  en  l'homme,  tout  est 
voué  k  la  triple  concupiscence  dont  a  parlé  saint  Jean  : 
concupiscence  des  sens,  concupiscence  du  savoir,  concu- 
piscence de  l'ambition.  Or,  comme  l'a  dit  saint  Augustin, 
le  propre  de  la  concupiscence,  c'est  de  nous  rattacher  à 
un  bien  qui  peut  nous  échapper  malgré  nous,  qui  est  in- 
capable par  conséquent  de  nous  satisfaire,  qui  ne  peut  pas 
ne  pas  être  une  cause  de  malheur.  La  concupiscence  est  à 
la  fois  le  péché  et  la  misère,  et  voilà  le  fruit  de  la  loi.  La 
loi  fait  des  méchants  et  des  coupables  ;  elle  est  simple- 
ment venue  avant  le  médecin  pour  révéler  au  malade  son 
état  qu'il  ignorait  ;  elle  est  comme  un  pédagogue  qui 
[mène  à  la  grâce  par  la  terreur. 

3*  La  terreur  ne  saurait  ni  détruire  la  volonté  de  pécher, 


tiuvin  L'ÀUGVSTIM  s 

ni  donner  la  véritable  liberté.  La  grâce  «culc  est  libéri- 
trice,  et  le  Rédempteur  seul  a  rendu  la  grAce  aui  hommes. 
Or   quelle  a  été   la  vertu  de  cette  rédemption?  a-tr-elle 
réintégré  Thomme  dans  la  liberté  que  possédait  le  premier 
Adam,  de  telle  sorte  que  par  la  seule  efficacité  du  baptême 
chaque  chrétien  fût  désormais  maître  de  ne  plus  pécher, 
qu'il  pût  par  ses  seules   forces  parvenir  k  la  béatitude? 
S'il   en   était  ainsi,   il  s'ensuivrait   cette   étrange   consé- 
quence que  ToBuvre  de  la  Rédemption  aurait  été  de  rendre 
désormais  la  grice  superflue,  que  le  Médiateur  dispense- 
rait rhomme  de  recourir  actuellement  à  Dieu.  Encore  une 
fois   rhomme,   repris  du    fol   orgueil  de  T indépendance, 
s'érigerait   en  Dieu:   ce  serait  la   négation  du  Christ, 
«  révacuation  n  de  la  Croix,  le  retour  au  péché  originel. 
Encore  une  fois  il  apparaît  que  le  pélagianisme  détruit  le 
mystère  le  plus  sacré  du  christianisme.  L*état  de  grâce 
est  un  état  de  dualité,   de  combat  ;  la  concupiscence  a 
survécu  à  la  rédemption;  elle  est  indéracinable  du  cœur 
de  rhomme  ;  «  elle  peut  diminuer  tous  les  jours,  elle  ne 
peut  pas  finir;  »  et  la  délectation   de  la  concupiscence 
l'emporte    si  elle   n'est   surmontée  par  une   délectation 
plus  forte,  la  délectation  victorieuse  de  la  grâce.  Or  de 
ces  deux  délectations   qui   se  combattent  en  l'homme, 
l'une  est  inhérente  à  notre  nature  :  le  péché,  une  fois 
commis,  a  été  une  source  de  corruption  universelle  qui  a 
pénétré  l'homme  dès  sa  naissance  ;  l'autre,  au  contraire, 
est  un   don  gratuit  de  Dieu,  qui  ne  nous  est  point  dû, 
puisque  nous  ne  tenons  de  nous  que  la  concupiscence  et 
le  péché,  qui  est  seulement  accordé  pour  les  mérites  de 
Jésus  qui  s'est  sacrifié  :  la  grâce  n'est  point  de  devoir  et  de 
justice,  elle  est  de  bonté  et  de  miséricorde.  Loin  de  se 
plaindre  k  Dieu  qu'elle  soit  donnée  »i  rar  '  i  un  si 

petit  nombre  de  fidèles,  il  faut  le  remercie i  i  r^nnn.'^ 


L'AUGUSTINOS.  lxxxu 

quelquefois  et  à  quelques-uns.  Selon  Jansénius,  le  dogme 
essentiel  du  vrai  christianisme,  c'est  la  nécessité  que  le 
mystère  de  la  rédemption  se  renouvelle  en  chaque  homme 
et  pour  chaque  action  ;  dès  que  la  créature  est  abandonnée 
à  elle-même,  elle  ne  peut  manquer  d'être  entraînée  par 
le  poids  du  corps  et  du  péché  ;  la  chute  est  fatale  si  Dieu 
n'intervient  pas.  A  aucun  moment  par  conséquent,  la 
créature  ne  peut  se  fier  à  elle-même  ;  a  toute  charité  vient 
de  Dieu  »,  et  en  nous  il  y  a  une  source  perpétuelle  de 
mal.  Le  dogme  aboutit  à  la  parole  de  l'Apôtre:  le  salut 
s'opère  avec  crainte  et  tremblement. 

4*  L'état  de  gloire  enfin  est  le  couronnement  de  l'œuvre 
que  la  grâce  divine  a  accomplie  en  l'homme:  c'est  la 
félicité  dont  les  élus  jouiront  après  le  jugement,  non 
parce  qu'il  a  été  juste  que  leurs  mérites  fussent  récom- 
pensés, mais  parce  qu'à  la  faveur  de  la  grâce  divine  ils 
ont  échappé  à  la  punition  de  leurs  péchés.  Le  petit 
nombre  de  ceux  que  Dieu  a  réservés  à  la  béatitude  est 
ime  nouvelle  cause  de  perfection  pour  les  élus:  la 
«  masse  des  perdus  »,  en  même  temps  qu'elle  orne  le 
monde,  qu'elle  exerce  et  éprouve  les  fidèles,  est  pour  eux 
un  témoignage  perpétuel  de  la  puissance  et  de  la  miséri- 
cx)rde  de  Dieu 

L'Augiutinus  est  pour  Pascal  le  livre  de  la  vraie  doc- 
trine ;  c'est  le  foyer  autour  duquel  rayonnent  ses  lectures 
«  chrétiennes  et  spirituelles  ».  Tout  d'abord  il  remonte  à 
la  source,  à  saint  Augustin  ;  il  lit  non  seulement  les  tra- 
ductions que  publient  les  Arnauld,  mais  encore  dans  le 
texte  même  les  Lettres,  les  Sermons,  les  traités  sur  la  Doc- 
trine chrétienne  ti  V Utilité  de  croire,  les  commentaires  de 
l'Écriture  sainte,  les  livres  contre  Pelage.  D'autre  part, 
depuis  que  les  disciples  de  saint  Cyran  lui  ont  mis  entre 
les  mains  le  Discours  sur  la  Réformation  de  l'homme  inté- 


xc  LE  PVOIO  FIDEI 

rtMiT  traduit  de  Janséniui  par  Arnautd  d  Andill),  In 
iAttrti  de  Saint-Cyran,  la  Fréqiutdt  communion  d*Ar- 
nauld,  il  D*eat  reat^  étranger  à  rien  de  ce  qui  exprimait 
la  pensée  commune  de  aea  amis  :  a  Nous  avons  ici  la 
lettre  de  M.  de  Saint-Cyran,  imprimée  depuis  peu...  Nous 
la  lisons  ;  nous  te  renverrons  après,  d  écrivent  Jacqueline  et 
Biaise  Pascal  le  i"  avril  i648  k  leur  sœur  Gilberte.  Mais 
il  n*est  point  question  de  séparer  ce  qui  dans  Teaprit  de 
Pascal  était  inséparable,  ni  de  chercher  des  marques  parti- 
culières et  extérieures  d'une  influence  qui  était  perpétuelle. 

Au  contraire  on  peut  s'attendre  À  retrouver  des  réiS^ 
rences  précises  pour  les  ouvrages  que  Pascal  avait  lus 
spécialement  en  vue  de  son  Apologie.  Dans  la  préface  de 
la  Seconde  partie,  qui  devait  démontrer  la  vérité  de  la  reli> 
gion,  il  se  proposait  de  «  parler  de  ceux  qui  ont  traité  de  la 
matière  »,  rencontrant,  avec  Charron  et  Raymond  Sebon, 
le  Balxac  du  SocreUe  chrétien,  Grotius  surtout  dont  il  avait 
étudié  de  près  le  Traité  de  la  Religion  chrétienne,  k  qui  il 
emprunte  plus  d'un  détail  d'érudition,  et  aussi  le  fond  de 
sa  polémique  contre  Mahomet.  D'autres  ouvrages  lui  ont 
été  indiqués  en  vue  d'informations  k  prendre  sur  des 
points  particulière.  Tel  est  le  cas  pour  le  livre  de  Joa^»he 
contre  A  pion,  pour  les  Annaies  de  Baronius  ou  pour  les 
notes  de  Yatable  sur  les  miracles.  Tel  semble  être  éga- 
lement le  cas  pour  le  Pugio  Fidei  de  Raymond  Martin 
dont  voici  le  titre  complet  :  Pugio  christianorum  ad  im- 
piorum  perfidiam  jugulandam  et  maxime  judmorum. 

M.  Molinier  l'a  décrit  dans  la  Pré/ace  de  son  édition 
des  Pensées.  Il  a  insisté  sur  la  relation  curieuse  que  les 
notes  retrouvées  dans  le  manuscrit  établissent  entre  le 
dominicain  du  xiii*  siècle  et  le  janséniste  du  xvn*  siècle. 
A  y  regarder  de  près,  pourtant  cette  relation  n'est  nul- 
lement celle  de  maître  &  diMriple.  La  philosophie  propre  1 


LE   PLGIO  FIDEl.  xci 

Raymond  Blartin  demeure  complètement  étrangère  à 
l'esprit  de  Pascal.  Sa  polémique  contre  Aristote,  contre  les 
Stoïciens,  contre  les  Turcs,  contre  les  hérétiques  ne  le 
touche  point;  il  ne  s'occupe  que  du  débat  avec  les 
rabbins  juifs,  encore  se  soucie-t-il  moins  de  la  thèse 
posée  par  Tauteur  que  des  arguments  auxquels  il  répond. 
Le  livre  de  Raymond  Martin  est  pour  Pascal  comme  un 
manuel  d'exégèse  juive;  les  interprétations  des  Rabbins  y 
sont  recueillies  dans  le  texte  original.  Pascal  se  fait  un 
devoir  de  les  dépouiller  et  de  les  discuter,  comme  il  avait 
fait  au  moment  des  Provinciales  pour  les  écrits  des 
casuistes.  C'est  dans  cet  esprit  que  Raymond  Martin 
avait  lui-même  écrit  dans  le  Pugio  Fidei:  «  Hinc  igitur 
animadverte,  lector,  quam  sit  utile  fidei  cbristians  lit- 
teras  non  ignorare  hebraïcas.  Quis  enim  unquam  nisi  ex 
suo  Talmud  sua  posset  in  eos  pro  nobis  jacula  contor- 
quere?»  (p.  358).  C'est  dans  cet  esprit  que  Bosquet, 
évéque  de  Lodève,  avait  imprimé  en  1 65 1  le  manuscrit  de 
Raymond  Martin  ;  et  que  Joseph  de  Voisin  avait  rédigé 
une  savante  préface  qui  formait  à  elle  seule  tout  un  livre 
et  qui  a  paru  a  part  dès  i65o  sous  ce  titre:  De  Lege 
Divina.  Cette  préface,  dit  dom  Clemencet',  est  un  tableau 
des  «  connaissances  préliminaires  qu'il  est  nécessaire 
d'avoir  à  l'esprit  pour  bien  entendre  la  doctrine  des 
anciens  Hébreux  ».  Pascal  s'y  réfère  naturellement  pour 
débrouiller  le  chaos  des  antiquités  juives;  nous  trou- 
vons dans  ses  papiers  des  listes  de  commentateurs  juifs, 
et  les  calculs  qu'il  fait  pour  traduire  en  fonction  de 
l'ère  chrétienne  les  dates  que    de  Voisin   rapporte  h    la 


I.  Il  «•!  k  remarquer  que  dsM  son  HUloire  lUUnùre  (inédite) 
d*  Port-Royal,  dom  Clémencet  hit  une  place  à  de  Voittn  parmi  lea 
éerivaiM  jansénittet.  On  voit  ainsi  rommnnt  l'aUention  de  Paaoel  tml 
attirée  »ar  le  Po^io  Fidfi. 


scn  LE  POGIO  FIDBI. 

destniclion  du  temple  de  Jérusalem  '  ;  n>n  concluoiu  pat 
que  Pascal  devait  Iraniporter  dans  VApoiogù  une  simple 
note  faite  pour  la  commodité  de  la  lecture.  — Qoant 
aux  textes  transcrits  du  Pugio  Fidei.  un  chapitre  que 
Pascal  résume  entièrement  rappelle  rinterprétatioa  que 
les  rtbbtns  ont  domiie  de  certains  passages  de  TAndeo 
Testament,  où  se  retrouverait  •<  la  tradition  ample  du  péché 
originel  selon  les  Juifs*  »;  Tautre  série,  la  plus  nombreuse 
et  la  plus  importante',  vise  les  prophéties  sur  le  Meaaie. 
Or,  lorsque  Pascal  demande  k  Raymond  Martio  de  loi 
fournir  avec  précision  les  thèses  du  Talmud,  et  de  lui 
permettre  ainsi  d'argumenter  contre  les  rabbins  qui  nient 
la  divinité  de  Jésus-Christ,  faut-il  dire  que  les  suggeetions 
venues  du  Pugio  Fidei  lui  font  oublier  les  préoccupations 
de  ses  contemporains  et  de  ses  amis?  ou  au  contraire 
n^est-ce  pas  dans  un  esprit  rigoureusement  janséniste 
qu'il  met  è  profit  la  science  hébraïque  de  Raymond 
Martin  ?  C'a  été  le  caractère  propre  de  Jansénius  de  cher- 
cher à  restaurer  contre  la  scolastique  le  christiamime  dent 
sa  vérité  originelle.  Le  problème  reUgienx  est  poor  loi  on 
problème  historique.  U  est  tout  entier  dans  l'autorité  du 
Nouveau  Testament,  lequel  n'a  de  sens  qu'à  la  condition 
d'être  l'interprétation  authentique  de  l'Ancien.  L'Histoire 
de  la  Bible  que  Fontaine  rédigea  pour  Le  Maître  de  Saci 
et  qui  fut  célèbre  au  xvii*  siècle  sous  le  nom  de  Bible  de 
Boyaumoni,  est  d'un  bout  à  l'autre  présentée  ctnnme  un 
système  de  figuratifs  :  V Ancien  Testament  est  fût  de  1 83 
figures;  et  le  Nouveau  de  8^.  Le  caractère  figuratif  de  la 
loi  juive  est  une  doctrine  fondamentale  de  saint  Paul,  de 


I.  Pr.  635. 
».  Fr.  m 
S.  Pr.  6|a,  687,  7*6,  760,  «(c. 


L'ÉCRITURE  SAINTE.  xcm 

8aint  Augustin,  de  Jansénius*.  Puisque  les  juifs  qui 
récusent  le  Nouveau  Testament  au  nom  de  l'Ancien  inter- 
prètent eux  aussi  TÉcriture  à  Taide  des  figures,  il  est 
nécessaire  d'opposer  un  système  à  leur  système  ;  Pascal, 
avec  Taudace  et  la  sincérité  qui  sont  les  marques  de  sa 
nature  intellectuelle,  va  chercher  la  doctrine  de  ses  adver- 
saires dans  la  publication  contemporaine  qui  la  lui  présente 
sous  la  forme  la  plus  précise  et  la  plus  coordonnée, 
exactement  comme  il  demande  au  père  Martini  de  le 
renseigner  sur  les  objections  que  l'histoire  de  Chine 
permet  d'élever  contre  la  chronologie  judéo-chrétienne. 
Mais  quand  il  s'agit  de  la  solution,  ce  n'est  plus  au 
Pugio  Fideiqxi'W  l'emprunte,  c'est  i  l'Écriture  elle-même. 
Au  témoignage  de  Mme  Périer,  «  il  s'y  était  si  fortement 
appliqué,  qu'il  la  savait  toute  par  cœur;  de  sorte  qu'on 
ne  pouvait  la  lui  citer  à  faux  ;  car  lorsqu'on  lui  disait  une 
parole  sur  cela,  il  disait  positivement  :  «  Cela  n'est  pas  de 
l'Écriture  sainte,  n  ou  »  Cela  en  est  ;  »  et  alors  il  marquait 
précisément  l'endroit.  »  Il  lisait  aussi  les  commentaires 
avec  grand  soin.  Il  avait  rédigé  d'après  un  traitéde  Jansénius, 
Séries  ViUt  J.-C.  juxta  ordinem  temporum  un  Abrégé  de 
la  vie  de  Jésus-Christ  ^  pour  concilier  les  discordances  des 
Évangélistes.  De  même  il  se  préoccupe  de  s'appliquer  à 
rétablir  la  correspondance  entre  les  deux  Testaments. 
Les  passages  qu'il  commente  de  préférence  sont  ceux  où 
les  Évangélistes  et  les  Apôtres  citent  des  textes  de  l'Ancien 
Testament,  et  on  en  trouve  de  curieux  témoignages  dans 
sa  façon  de  citer.  Les  versets  qu'il  écrit  de  mémoire  sont 
parfois  comme  une  sorte  de  synthèse  entre  les  différentes 


I    Cf.  fr.  64a  s<|q. 

a.  Cf.   l'édiiion  de  VAbrigi  par  Miehaut  (FribooiY.    1896)  •(  i*> 
iitm*  eritiqu*  du  94  «•>  >897- 


XOT  L'tCRITDIIE  SAINTE. 

venions  que  la  VaigaU  donne  k  différents  endroits  d'un 
même  leite  hâ>ren'.  Enfin  dam  rÊcritare  même  U  pré- 
dilection de  Paaeel  ett  manifeste  pour  les  prophètes  juifs, 
pour  les  Isale,  les  Éiéchiel  et  les  Jéréroie.  Non  qu'il  soit 
ému  par  le  souffle  de  poésie  orientale  qui  traverse  leurs 
prophéties;  mais  il  se  sent  en  communion  d'âme  avec 
eux  :  comme  eux  il  vit  devant  Dieu  et  devant  le  même 
Dieu,  le  Dieu  jaloux  qui  a  créé  Thumanité  pour  son  ser- 
vice, le  Dieu  qui  enverra  Taveaglement  el  qui  pour- 
tant le  punira,  le  Dieu  qui  s'est  réservé  des  adorateurs 
cadiés.  Tandis  qu'un  Spinoza,  libéré  par  Descartes  de  la 
tradition  rabbiniqiie,  rêve  de  fonder  sur  l'unité  absolue 
de  Dieu  la  catholicité  vraie,  Pascal,  élevé  en  géomètre, 
se  retire  dans  le  cercle  étroit  où  sont  les  serviteurs 
secrets,  les  élus  qui  s'effraient  eux-mêmes  de  leur  petit 
nombre  en  comparaison  de  la  masse  innombrable  des 
perdus.  Bossuet  —  qui,  lui  aussi,  est  pénétré  de  l'Ancien 
Testament  et  de  l'esprit  juif  —  a  été  salué  comme  un 
Père  de  TÉglise  ;  Pascal  est,  à  la  lettre,  le  dernier  pro- 
phète d'Israël. 

Montaigne,  Charron  et  Méré  d'une  part  —  de  l'autre, 
Jansénius,  saint  Augustin  et  l'Écriture,  voilé,  sembl»-t-il, 
toute  l'Apologie  que  Pascal  méditait.  Faut -il  en  conclure, 
comme  on  l'a  (ait,  que  l'Apologie  ne  devait  pas  être  une 
œuvre  proprement  originale  ?  Non  certes  que  nous  ayons 
è  envisager  ici  la  thèse  de  Charies  Nodier  sur  Paicai  pla- 
giaire. Pour  fameuse  que  soit  cette  thèse,  il  ne  lui  manque 
que  d'avoir  un  sens  :  elle  transforme  en  un  livre  publié 
du  consentement  et  sous  la  surveillance  de  l'auteur  les 
feuillet  volantes  qui  ont  été  trouvées  à  la  mort  de  Pascal  ; 

I.  Cf.  fr.  ^^h  M  7S6.  h.  779. 


PLACE  DES  PENSÉES  DANS  L'HISTOIRE.         xcv 

elle  ignore  la  place  que  Pascal  réservait  à  Montaigne  dans 
la  Préface  de  sa  première  partie,  la  forme  sous  laquelle 
il  se  proposait  de  publier  les  longs  passages  imités 
des  Essais,  et  qui  est  bien  caractéristique  :  Lettre  de 
l'Injustice,  lettre  de  la  folie  de  la  science  humaine  et 
de  la  philosophie  ;  mais  f)ar-dessus  tout  elle  a  cette  naï- 
veté incomparable  de  s'imaginer  que  l'on  pouvait  en 
plein  xYii*  siècle  s'approprier  du  Montaigne  à  Tinsu  du 
lecteur. 

Mais  dans  un  meilleur  sens  on  peut  se  demander  si 
Pascal  a  voulu  faire  œuvre  originale.  Pascal  n'invente 
pas  un  système  pour  le  proposer  à  ses  contemporains; 
Pascal  est  un  chrétien  qui  veut  convertir  les  libertins  h 
l'autorité  de  l'Église  ;  il  prêche  la  vérité  révélée.  Toute 
addition,  étant  humaine,  serait  sacrilège  ;  au  contraire 
il  faut  la  dégager,  cette  vérité,  de  toutes  les  inventions 
et  de  toutes  les  mutilations  que  la  Scolastique  et  les 
Jésuites  lui  ont  fait  subir  pour  la  mettre  au  niveau  de 
nos  besoins  logiques,  ou  de  nos  faiblesses  morales  ;  il  faut 
la  rétablir  dans  sa  pureté.  Pascal  se  serait  donc  dans  son 
Apologie  défendu  contre  sa  propre  originalité  ;  il  se  serait 
scrupuleusement  renfermé  dans  le  programme  que  VEn- 
tretien  avec  M.  de  Saci  avait  tracé  :  emprunter  à  Montaigne, 
pour  lui  assurer  toute  garantie  d'impartialité  et  d'objecti 
vite,  son  expérience  de  l'homme,  montrer  comment,  k 
moins  de  s'abandonner  soi-même  dans  la  conscience  de 
sa  corruption,  l'homme  réclame  la  source  de  vie  et  de 
vérité,  qui  est  le  Rédempteur.  Première  partie  :  Adam, 
par  Montaigne.  Seconde  p<wtie  :  Dieu,  par  Jémift- 
Christ. 

Quelle  sera  donc  la  portée  de  cette  conception,  qui  de 
loin  parait  plausible?  C'est  ce  qu'il  est  bien  difficile 
d'apercevoir,  dès  qu'on   veut  préciser.  Plus  on  diminue 


icn        PLACE  DES  l'K\iif:KS  DANS  L  HISTOIRE 

rorigioâlité  de  U  doctrine  propre  aui  Pensées,  plut  on 
met  en  relief  TécUt  incomparable  de  la  forme.  Maia  est- 
il  poaaible  chei  Pascal  de  séparer  ainsi  la  forme  et  le  fond? 
Le  style,  surtout  dans  les  fragments  de  son  œuvre  der- 
nière, est  autre  chose  que  le  produit  d'un  art  consommé; 
c*est  le  geste  de  TAme  le  plus  intime.  Il  n'apporte  pat  MO- 
lement  à  la  pensée  une  eipression  d'une  transparence 
miique,  il  lui  marque  une  profondeur  qu'elle  n*avait  pas 
encore  atteinte.  Rapprochées  par  Pascal,  la  vérité  de  Mon- 
taigne et  la  vérité  de  l'Écriture  reçoivent  une  clarté  nou- 
velle. Une  route  inattendue  est  tracée  de  Tune  &  l'autre,  si 
lumineuse  pourtant  qu'il  semble  impossible  d'en  suivre 
une  autre.  Aussi  certains  lecteurs  de  Pascal  s'y  sont-ils 
trompés  :  ce  libertin,  que  l'ardeur  de  sa  charité  fait  vivre 
k  travers  son  œuvre  et  qu'il  force  d'entrer  dans  la  voie  du 
salut,  ils  ont  cru  que  c'était  Pascal  lui-même:  ib  l'ont 
imaginé  révolté  contre  sa  propre  foi,  se  faisant  violence 
pour  «  ployer  la  machine  »  et  prosterner  son  incrédulité 
devant  les  autels.  Rien  mieux  que  cette  étrange  erreur 
ne  permet  de  comprendre  le  caractère  propre  de  VApolo 
gie  pascalienne,  et  le  contraste  qu'elle  devait  offrir  avec  le-^ 
traités  traditionnels.  Au  lieu  de  faire  dérouler  devut  un 
lecteur  immobile  une  série  de  vérités  qui  démettrait  en 
quelque  sorte  à  leur  proche  hauteur,  par  delà  la  région 
des  nuages,  et  d'où  la  lumière  descend  uniforme  et  ^«oée, 
Pascal  devait  marcher  sur  le  libertin,  lui  reprocher  de  ne 
pea  te  remuer,  l'embarquer  ou  plutôt  lui  montrer  qu'il 
est  embarqué,  que  le  chemin  marche  pour  lui  et  le  con- 
duit où  il  faut  aller. 

Comment  contester  l'originalité  etaentieUe  d'une  telle 
Apologie  ?  elle  est,  ainsi  que  doit  être  le  chef-d'œuvre 
uton  Gœthe,  l'œuvre  de  circonstance  qui  pénètre  en  sa 
profiradeur  entière  et  qui  juge  la  pensée  d'un  siècle. 


PLACE  DKS  PESSÈES  DANS  L'HISTOIRE.        xcvii 

Le  libertin,  auquel  s^adresse  Pascal  et  qui  aurait  été 
comme  le  héros  de  8on>l po/o^jV,  c'est  Thomme  des  temps 
nouveaux  qu'après  la  renaissance  des  lettres  antiques  et  le 
réveil  de  la  pensée  libre  la  science  moderne  commence  de 
lormcr,  l'homme  qui  s'attache  à  la  nature  et  qui  prétend 
se  développer  suivant  les  lois  de  la  raison.  Il  fait  un  acte 
de  foi,  et  il  dit  :  «  Je  crois  que  a  et  2  sont  4  »  ;  il  lait  un 
acte  de  charité,  et  il  dit  au  pauvre  :  «  Va,  je  te  le  donne 
pour  Tamour  de  l'humanité.  »  Pour  cet  homme  nouveau 
quelle  est  la  vérité  et  quelle  est  la  morale  du  christia- 
nisme ?  Ni  Descartes,  ni  ses  disciples  qui  pourtant  ont  tous 
été  profondément  religieux,  Spinoza  comme  Malebranche, 
Leibniz  comme  Fénelon,  n'ont  répondu  à  cette  question: 
ils  ont  mis  Dieu  au  centre  de  leur  doctrine,  mais  c'est  un 
Dieu  vers  lequel  convergent,  sans  inversion  de  mouve- 
ment, sans  rupture  de  continuité,  toutes  les  forces  de  la 
nature  et  toutes  les  ressources  de  l'humanité.  L'esprit 
l'aperçoit  par  intuition;  il  est  capable  de  donner  à  cette 
intuition  la  forme  rationnelle  de  l'argument  ontologique. 
La  science  procède  de  Dieu  et  nous  rapproche  de  Dieu  ; 
Ir-  ()ro2rAs  moral  prescrit  aux  sociétés  humaines  des  lois 
(jii  il  justifie,  |)ermet  à  la  vertu  de  réaliser  dès  ce  monde 
le  règne  de  la  Grâce  et  l'union  avec  r\bsolu.  A  l'ombre 
In  mmÎ-  tisme  de  Spinoza  ou  de  Fénelon,  de  l'optimisme 
l1(  M.tlcliranche  ou  de  Leibniz,  la  civilisation  moderne 
grandit  et  se  développe,  l'esprit  humain  conquiert  son 
lutnnomie,  il  définit  lui-même  les  conditions  de  la  vérité, 
vn  même  temps  qu'il  aflirme  h  titre  de  donnée  positive 
l'autorité  de  la  conscience  morale  et  qu'il  établit  les  bases 
de  la  justico  sociale.  Si  l'œuvre  du  xviii*  siècle,  malgré  les 
apparences,  continue  l'œuvre  du  siècle  précédent,  c'est 
que  le  xvu'  siècle  —  tout  en  le  faisant  reposer  sur  une 
doctrine  de  Dieu  — ,  a  [lourtant  élevé  l'édiGcede  la  raison: 

PKX»^*   01   FASCAL.  I  —  7 


irviti     PLAOR  DES  PBNSÊBS  DANS  L'HISTOiHR. 

il  •  élA  infidèle  au  chrislianisme  vrai  qui  e*l  TaoUgo- 
nisme,  «  ropposition  invincible  »  do  rhorome  et  de  Dieu. 

VoilA  ce  qu'a  vu,  ce  qu'a  prévu  Pascal  ;  voiU  pourquoi 
il  refuse  de  chercher  une  conciliation  entre  la  vérité 
nouvelle  de  Descartes  et  la  vérité  ancienne  de  l'Évangile. 
Juxtaposer  le  christianisme  au  monde  et  à  la  civilÎMtion, 
les  laisser  subsister  côte  à  cdte  comme  s'ils  ne  devaient 
pas  être  modifiés  par  leur  contact  réciproque,  c^est  la 
marque  d'une  mauvaise  conscience  religieuse.  Il  appartient 
au  jansénisme  de  réveiller  le  chrétien  qui  s'assoupit  dans 
les  formes  littérales  et  superficielles  du  culte,  de  le  con- 
vertir k  sa  propre  foi  qu'il  ignore.  Dieu  est  le  principe  et 
la  fin  de  rhonimc  à  cause  de  l'impuissance  de  l'homme  ; 
mais,  parce  que  l'homme  est  impuissant,  riiomme  est 
incapable  de  connaître  naturellement  et  directement  •K)n 
principe  et  sa  fin.  La  religion  doit  être  vraie  pour 
l'homme,  et  elle  ne  peut  être  vraie  que  contre  l'homme. 
Cette  contradiction,  que  ses  contemporains  essaient 
d'atténuer  ou  de  dissimuler,  apparaît  À  Pascal  comme  li 
raison  d'être  du  christianisme.  C'est  trahir  Jésus  que 
de  le  mettre  à  la  remorque  de  Descartes,  comme  la  théo- 
logie de  l'École  l'avait  mis  à  la  remorque  d*Aristote  païen 
ou  de  Philon  juif:  «  Pour  les  religions  il  faut  être  sincère: 
vrais  païens,  vrais  juifs,  vrais  chrétiens*.  » 

On  comprend  dès  lors  la  destinée  de  Pascal  dans 
l'histoire  de  l'esprit  humain.  Il  ne  s'est  pas  contenté  de 
nier  la  vérité  de  la  philosophie  moderne;  il  a  rcfnsê 
d'aborder  le  problème  de  la  vérité  dans  les  termes  nou 
veaux  où  cette  philosophie  le  pose.  Tandis  que  le  carté- 
sianisme inaugure  la  méthode  critique  qui  devait  trans- 
former les  conditions  de  la  pensée,  Pascal  emprunte  à  Mon- 

I.  Pr.  590. 


PLACE  DES  PENSÉES  DANS  L'HISTOIRE.       xm 

taigne  les  cadres  du  dogmatisme  antique  ;  il  demande  à  la 
raison  de  définir  tous  ses  termes  et  de  justifier  tous  ses 
[irincipes,  de  dire  ce  que  c'est  que  est,  avant  d'alErmer 
l'être.  Car  il  faut  bien  que  la  question  soit  ainsi  posée 
pour  qu'on  se  croie  obligé  de  recourir  à  une  autorité 
extérieure  ;  et  c'est  seulement  à  une  question  ainsi  posée 
que  pourra  s'adapter  la  réponse  de  la  révélation.  Il  est 
donc  inévitable  que  la  pensée  propre  à  Pascal  ne  repa- 
raisse plus  après  lui  chez  les  philosophes  mêmes  qui  se 
sont  inspirés  ou  réclamés  de  son  œuvre  :  un  Vauvenargues, 
un  Rousseau,  un  Jacobi  élèvent  le  sentiment  au-dessus  de 
la  raison  ;  un  Kant  et  un  Schopenhauer  cherchent,  l'un 
dans  le  respect  de  la   loi,  l'autre  dans  le  renoncement  ù 

ivre,  le  remède  à  leur  pessimisme  radical  ;  un  Renouvier 
ou  un  Secrétan  placent  à  la  base  de  toute  certitude  une 
sorte  de  pari  où  est  engagée  la  responsabilité  de  la  per- 
^nne   tout  entière;  mais   tous  se    heurtent  à    la  pierre 

iigulaire  du  christianisme  selon  Pascal,  puisque  tous  se 

M  fii-t'nt  à  la  négation  de  la  liberté  morale  chez  l'homme. 

<  -<  tle  pensée  s'est-elle  du  moins  conservée  à  l'intérieur 

de  la  religion  même?  Elle  étonnait  M.  de  Saci,  elle  a 

rouble  les  éditeurs  de  1670.  Qui  la  reprendra  au  xnii* 
■  '■?  lorsque  Voltaire  s'attaque  au  «  géant  »,  qui  se 
-ora  de  lui  faire  remarquer  qu'il  se  satisfait  bien  faci- 
lement k  ne  pas  apercevoir  la  réalité  de  la  misère  de 
l'homme  et  la  duplicité  de  sa  nature  ?  les  jansénistes 
s^mt  tout  entiers  aux  miracle»  du  cimetière  Saint-Médard  ; 
ils  laissent  ce  soin  à  un  ministre  protestant  réfugié  en  Hol- 
l'iixic,  M.  Boullicr*.  Qui  répondra  plus  tard  à  l'édition  de 
(  iuiidorcct?  il  faut  attendre  Chateaubriand,  et  qui  explique 


Vide  supra,  p.  isvii. 


c  PLACE  DES  PBNSÊÊS  DANS  L'HISTOIRE. 

1m  Penséet  d'une  manière  bien  inquiéUnte.  Certe*  le  Ira 
ditionalismo   radical  de  Joaeph  de   Maistre  serait  plu« 
conforme  k  Tospril  de  Pascal;  mais  le  jansénisme  r~ 
pour  Tauteur  du  Pape  Thérésie  par  excellence,  et  tel  sem 
désormais  renseignement  o£Bciel  de  TÉglise.  Qu'on  lise 
les  leçons  dogmatiques  profesiéea  en  Sorbonne  par  Tabbé 
Lavigerie  (^Exposé  des  erreurs  doctrinales  du  jansénU me 
Paris,    1860),   qu'on    les    rapproche  des  pamphlets  il' 
MM.   Ricard  et  Fuzet,  ou  de  l'édition  de  M.  Didiot;  ot 
sera  persuadé,  selon  une  formule  des  Pensées,  et  peut 
être  trop.   Récemment  enfin,   lorsqu'à  la   suite  des  pn> 
fondes  éludes  de  Tccole  protestante,  de  Vinet  surtout  et 
d'Astié,  certains  penseurs  catholiques  ont  tenté  de  réédificr 
PApologétiquc  sur  la  base  psychologique  et  morale  qu- 
Pascal  lui  avait  assignée,  ils  ont  tracé  entre  Tbomme  ti 
Dieu  une  voie  de  continuité  qui  contredit  expressément  la 
transcendance   radicale    des   ordres    pascaliens  '.     Pour 
entendre  des  accents  qui  pourraient  être   rappelés  après 


t.  Noos  ne  voudrioM  pas  alMiser  de  l'eipraniim  4c  •  mMmém 
d'inmanenre  »  que  MM.  Blondel  et  Labertboaoiire  oat  enplojrée,  ci 
dont  l'application  est  iri  ^quivoqiir.  Il  nous  tafflni,  poor  établir  A  c«t 
^iprd  l'objectivité  de  notre  critique,  de  citer  c«tt«  proftMMoa  iatMM 
du  cbeF  de  r.\polo(f^tique  nouTclle  :  intére«MBt«  •(  rt«ar^o«l>l»  M 
toi,  elle  e«t  un  désaveu  formol  non  du  procM^  de  Puni  MMllMMaly 
mais  de  sa  conception  religieu»e  tout  entière  :  ■  Il  Ibadf*  ■■•«>  ana 
je  Tasse  un  petit  traité  sur  le  rôle  de  la  Philosophie  dans  le  r 
ment  de*  esprits.  La  tâche  des  petit*,  de*  médiocrea,  dM  nodt..*  - 
pas  petite  ni  nédiocre  :  élucider  notions  et  hits. 

l  ne  première   philosophie,   où  je   Tondrais  qm  tOM  Im  Mpritt, 
même  positivistes,  Aissent  d'accord  avec  aMÏ. 

Lia*  s«ooad«  philoMphie,  où   je  Tondrais  qaa  qaieoaqac  MiaKi 
qaaiqaa  ehoM  d'idial,  ••  donnAt  raison. 

Et  je  aMatarais  pan  k  peu.  J'arrÏTcrai*  an  tbéisma.  J'arri**  ^ 
la  philosophie  chrétienne,  «ruTre  de  raiton,  mai*  d'une  raison  pu: 
giUMa,  Ibrtiléa,  Malaaaa,  capable  alors  d'aller  au  boet  d'alla-ii< 
M  «alla  da  s*  dépasser,  c«  qai  n'est  pa*  se  mettra  bon  d«  touu     • 


m 


PLACE  DES  FESSÉES  DANS  L  HISTOIRE.  ci 

les  Pensées  de  Pascal,  on  est  réduit  h  sortir  de  son  église, 
à  évoquer  les  hommes  qui  ont,  à  la  lueur  d'une  crise 
intime,  renouvelé  leur  propre  vie  religieuse,  qui  ont  su 
lire  dans  les  Évangiles,  avec  la  condamnation  de  Thumanité 
telle  qu'elle  est,  la  nécessité  de  secouer  l'inertie  de  ceux 
qui  se  croient  les  fidèles  du  Christ,  de  troubler  la  quiétude 
de  ceux  qui  se  prétendent  ses  représentants  officiels'. 


son,  mais  reconnaître  par  raison  qu'il  y  a  une  Raison  supérieure  k  la 
notre.  »  (Ollé-Laprune,  La  vitalité  chrétienne,    1901,  p.  33o.)  —  Ce» 
liffnes    étaient    écrites    quand    nous     avons     reçu     la     brochure    de 
M.  (iiraud  :  La  philosophie  religieuse  de  Pascal  et   la  pensée  contempo- 
raine.  Paris,   1905.   L'auteur,  avec   son   étendue  d'information   et  sa 
pénétration  habituelles,  y  soutient,   sur  l'influence  de  Pascal    comme 
«écrivain  et  comme  apolo^ste,  une  thèse   qui  parait    en   contradiction 
avec   celle  que   nous  indiquons  ici.    !Vlais  c'est  qu'il  ne  veut  voir,  en 
pMwaI,  que  le  peintre  te  plus  profond   du   trouble  qu'introduit  dans 
l'âme  le  souci  de  sa  destinée,  et  comme  le   représentant  le  plus  élo- 
'   de  l'orthodoxie  catholique.   Il    choisit  dans  Pascal  ;   en   parti- 
il  sépare   complètement    les   Pensées   des  Provinciales  sur  les- 
(jm  Ile»,  dans  le<  notes  de  son  cours  très  brillant  et    très  complet  sur 
l'aval,  il  avait  déjà  émis  des  réserves  un  peu  hardies  et  mémedange- 
rriisrs  (cp.  Pascal,  a«  édit.   1900,  p.  96,  où  il  se  transforme  en  auteur 
j^riM    prnir  réhabiliter  la  légitimité  probable  du  vol  domestique).  Mais 
'  les  Pensées,  si  elles  ne  s'éclairent  pas  par  les  Provinciales 
'ic  justifient  pas  par  elles,    c'est  \' Apologétique  de  qui   l'on 
><)udra,    sauf  de   Pascal   lui-même.  Qu'on  se  rappelle  ces   lignes  du 
ni..iiiis<rii     «  Il  y   q    une  sculc   hérésic  qu'on  explique   différemment 
•■   et  dans  le   monde.    »  (Vr.   933.)  Les  Apologistes  d'an- 
•  >nt  hérétiques  pour  les  Jansénistes,  et  les  Jan<iénistes  sont 
rétiques  pour  eut  ;  si  les  uns  sont  élus,   Icji  autres  sont  réprouvés  ; 
ne  se   rencontreront  pas  dans  le  ciel,  parce  qu'ils   n'ont  pas   parlé 
U  même  lan(;ui'  sur  l.i   terre,    alors    même,   alors    surtout    qu'ils   em- 
ii  le»    niAmes   mots  de  croyance,    d'intuition  ou  de  sentiment.  Il 
.t  pas  rognc-r  Us  ongles  du  lion.  Pascal  a  lutté  toute  sa  vie  contre 
tiens  qui  se  sentaient  de  bonne  foi,  ne  evacuetur  erux  Chritti  ; 
ien  de  Pnsr.-il,   qui  ne  ^ciit  é(r«  qu'historien,   csl    obligé  de  se 
rer  d'amis  et  d'admirateurs  des  Pensées  dont  le  lèle  et  les  inten- 
ns  sont  au-iicstiis  de  tout  *(iup<-on,  ne  evacuetur   ingenium  Pasealis. 
I     On  liévitr  h  indiquer  ici  des  noms  qui  ne  traduisent  sans  donl« 
'titii-  iiiiiirc>Miiii   |i<'rv>nni!lle.    Miti«    invinrilili'inotit      i>l    ni.iliTt'   tant 


rji  PLACE  DES  PESSBES  DANS  L'HISTOIRE. 

Pour  avoir  porté  trop  haut  Texigence  de  Dieu,  Pascal 
demeure  sans  postérité  philosophique,  uns  poalérité  reli- 
gieoae.  L^hommage  que  nous  lui  devons  n'têi  pas  de 
traniformer  en  émule  ou  en  disciple  quiconque  n'a  pu  été 
indifférent  ou  étranger  k  Tascendant  de  son  génie,  c'est 
d'oser  le  suivre  sur  le  rocher  solitaire  qui  est  un  des 
sommets  spirituels  de  l'humanité. 


de  rétn—  f^**t  <>■>  •<>■§«  k  LaaMimaU  •(  ■■«  ParoUi  d'an  CnjniU. 
h  Toittoi  et  à  U  Lettre  au  Synode  ;  on  tonge  Mrtout  k  ce  Soren 
Kirkepard  que  M.  DeUcroit  noiu  ■  fbil  entrevoir  eomoM  ■■  eepril 
de  la  rare  de  Pascal.  Tout  dant  Soren  Kirkegaard  Hwaifcrtt  cette 
reaarquable  parente,  depuU  le»  titre»  de  aetonvregM:  Le  mêladi»  à  la 
mort,  VExrrciee  dont  U  ehr'utian'ume ,  juaqn'à  n  eoaecptioa  dm  ta  rdifioa 
MMdale  et  di$e$poir.  jusqu'à  se*  âpres  ali.<<i  '  i^^wi 

M  wiêtmaUi  hmgi.  Cf.  la  monographie  d'H  ;<ri. 

1891)  au  rh.  V,  et  l'article  de  Delacroix  (/)'  ..  ,,  rr(ry,- 

«orale,  année  1900,  p.  ^76). 


II 


La  superstition  des  genres  littéraires  avait  entraîné 
Tassimilation  des  fragments  posthumes  de  Y  Apologie  aux 
Maximes  détachées  Ae.  La  Rochefoucauld  ou  de  la  Bniyère, 
et  Pascal  a  été  longtemps  rangé  parmi  les  moralistes.  La 
superstition  des  règles  scolastiques  a  souvent  empêché 
Pascal  d'être  considéré  comme  un  philosophe.  Sans 
doute,  si  nous  nous  réservons  de  déGnir  la  philosophie 
par  une  certaine  méthode  rationnelle  et  positive  de  démon- 
stration, nous  nous  autorisons  à  nier  que  Pascal  soit  un 
philosophe;  mais  de  quel  droit  astreindre  Pascal  à  des 
conventions  qui  viennent  de  nous,  et  qui  ne  regardent 
que  nous?  La  philosophie  veut  être,  selon  la  formule  de 
Leibniz,  un  enchaînement  de  vérités.  Tout  homme  est 
philosophe  qui  a  su  dominer,  et  ramener  à  l'unité,  l'en- 
semble de  ses  conceptions  scientifiques,  psychologiques, 
sociales  et  religieuses.  Pascal  a-t-il  parcouru,  par  un 
progrès  de  pensée  dont  il  a  déterminé  les  étapes,  l'inter- 
valle qui  sé|)are  l'expérience  du  Puy-de-Dôme  et  le  miracle 
de  la  Sainte-Épine?  a-t-il  relié  l'une  à  l'autre,  pour  en 
faire  l'objet  d'une  même  synthèse,  la  conduite  de  l'homme 
dans  le  monde  et  la  conduite  de  Dieu  vis-i-vis  de  son 
l^glise?  A-t-il,  en  un  mot,  conçu  dans  son  int^ralité  le 
monde  intellectuel?  S'il  l'a  fait,  il  y  a  lieu  de  décrire  le 


OT  LA  VÊRlTfc. 

monde  de  Piectl,  comme  on  ferait  pour  le  mon 
brandie  oa  de  Spinoia,  de  Schopenhaucr  ou  t 


LA  viaiTi 

A  la  base  du  monde  intellectuel,  est  Taffirmation  de  la 
M  grandeur  »  et  de  la  «  dignité  »  que  la  pensée  donne 
k  Thomme.  I^  pensée  tend  au  vrai;  elle  ne  pourra  se 
reposer  que  dans  la  sécurité  d'une  poaaeaaion  légitime. 
Aussi  lui  faut-il  la  vérité  intégrale  et  irrécusable.  Pour 
décider  »i  Thomme  est  capable  de  Tatteindre,  il  importe 
donc  de  savoir  quelle  serait  cette  vérité,  par  quelle 
méthode  elle  se  formerait.  Une  telle  description  n'aura 
peut-être  qu'une  valeur  idéale  ;  tout  au  moins  elle  nous 
fournira  les  conditions  que  la  raison  requiert  avant  de  se 
déclarer  convaincue.  Ces  conditions,  Pascal  les  détermine 
avec  une  rigoureuse  précision  dans  les  Béjlexions  sur  la 
géométrie  qui  paraissent  postérieures  à  sa  conversion  défi- 
nitive. «  Le  véritable  ordre  »  qui  seul  satisferait  la  raison, 
la  méthode  d'infaillibilité  d'où  itortirait  la  certitude  abeoloe, 
consiste  à  «  définir  tous  les  termes  et  k  prouver  toutes  les 
propositions.  »  Sur  ce  principe  repose  Tidée  mattreaae 
qu'il  se  fait  de  la  vérité,  le  critérium  auquel  il  va  mesurer 
toutes  les  tentatives  effectives  de  l'homme  pour  parvenir 
au  vrai. 

Or  parmi  ces  tentatives  la  géométrie  doit  être  oomidé- 
rée  la  première  ;  c'est  elle  qui  présente  de  l'art  de  définir 
et  de  l'art  de  démontrer  l'exemple  le  plus  accompli, 
c'est  sur  elle  que  toutes  les  autres  sciences  humaines 
doivent  prendre  modèle.  «  Ce  qui  ptiee  la  géométrie 
nous  surpasse.  »  Cependant  la  géométrie  ne  satisfiût  pas 
d'une  manière  oom|^te  aux  exigences  de  b  méthode  ra- 


LA   VÉRITÉ.  CT 

tionnellc.  Elle  définit  et  elle  démontre,  de  la  façon 
qu'il  faut  définir  et  démontrer  ;  mais  elle  n'est  pas  capable 
de  définir  tout  et  de  démontrer  tout.  Les  premiers  termes 
supposeraient  d'autres  termes  qui  auraient  à  leur  tourbe- 
soin  d'être  définis,  les  premières  propositions  suppose- 
raient d'autres  propositions  qui  auraient  à  leur  tour  besoin 
d'être  démontrées.  La  raison  humaine  se  sent  faite  pour 
l'infini  '  ;  il  faut  pourtant  qu'elle  s'arrête  à  des  mots 
primitifs  et  à  des  principes  irréductibles,  il  faut  donc 
qu'elle  s'avoue  impuissante  à  réaliser  la  perfection 
de  l'ordre  qu'elle  avait  conçu.  Sans  doute  cette  im- 
puissance n'est  pas  un  obstacle  pour  le  géomètre  ;  il  se 
sent  soutenu  par  un  instinct  qui  lui  fait  apercevoir,  avec 
une  clarté  supérieure  à  toute  explication  logique,  lesprin 
cipes  auxquels  devra  se  suspendre  la  chaîne  des  défini- 
tions et  des  démonstrations  ;  il  y  a  un  esprit  géométrique 
qui  '  'à  une  intuition  du  cipur*.   Mais  la  méthode 

gco  ,      n'en  reste  pas  moins  en  défaut  aux  yeux  de 

la  raison  qui  réclame  une  justification  infaillible  ;  en  dévoi- 
lant l'incertitude  des  axiomes,  l'impossibilité  d'établir  des 
définitions  pour  les  termes  primitifs,  la  raison  se  condamne 
elle-même  au  pyrrhonisme  *  ;  si  dans  la  pratique  et  pour 
le  savant  la  géométrie  est  certaine,  théoriquement  et  pour 
le  I  '  '  lie,  elle  n'est  pas  convaincante.  Dès  lors,  s'il 
adM  .  i  y  ait  contestation  sur  les  principes  de  la  géo- 
métrie, comment  trancher  le  débat  ?  A  qui  n'accepte  pas 
la  proposition  suivante  de  Tarithmétique  :  «  retranchez 


I.   <•  L'bomoie  qui  R'est  produit  que  pour  l'infini.  •  fPmgmeMd'iM 
ti-ûité  du  9Êdt.) 
a.  Fr.  I  et  i8s. 
3.  EtUrettem  OMC  If.  d*  Stei. 


en  LA  VÉRITÉ. 

4  de  o,  il  reste  o  »,  nous  n'aurons  d'autre  reatource  que 
de  dire  ce  que  Pascal  disait  de  Méré  :  «  il  n'eet  pas  géo- 
mètre' ».  Si  Ton  nie  la  possibilité  de  diviser  respace  4 
Tinfini  (ce  qui  est  pourtant  une  vérité  fondamentale  de  la 
scieoce,  et  la  condition  de  son  extension),  nous  n'aurons 
pta  le  moyen  de  la  faire  apercevoir  directement,  nous  ne 
pouvons  pas  faire  toucher  du  doigt  ces  infiniment  petits 
qui  sont  l'objet  de  nos  raisonnemenU  ;  nous  ne  sommes 
capables  de  démontrer  que  l'absurdité  des  indivisibles, 
nous  substituons  à  rafllrmation  de  la  vérité  la  négation  de 
Terreur*.  Ainsi,  même  sur  ce  terrain  privilégié  de  la 
géométrie  où  elle  semble  être  seule  en  face  d'elle-même, 
où  elle  est  assurée  d'un  consentement  presque  unanime, 
la  raison  apparaît  impuissante  à  posséder  directement  la 
vérité  ;  elle  ne  termine  pas  son  œuvre  suivant  le  modèle 
qu'elle  avait  tracé. 

Qu'arrive-t-il  alors  dans  une  science  comme  la  phy- 
sique, qui  doit  laisser  place  aux  impressions  des  sens?  La 
raison  réclame  comme  siens  les  principes  sur  lesqueb 
elle  s'appuie.  Or  il  se  trouve  que  ces  principes  sont  contra- 
dictoires entre  eux.  Au  nom  de  la  raison  il  a  paru  légi- 
time de  soutenir  qu'il  ne  pouvait  y  avoir  de  vide  dans  la 
nature,  et  qu'il  fallait  corriger  les  illusions  nées  de  l'appa- 
rence sensible  —  mais  ce  prétendu  principe  de  la  raison 
est-il  autre  cho5e  qu'un  préjugé  né  de  l'autorité?  n'est-ce 
)X)int  l'École  qui  sur  ce  point  comme  sur  tent  d'autres 
a  corrompu  le  a  sens  commun'»?  La  raison  est  inca- 
paUe  de  résoudre  le  problème  qu'elle  a  soulevé  ;  elle  veut 
en  appeler  à  l'évidence,  et  elle  ne  peut  envelopper  sous 


I.  Fr.  7a,  «t  I  (aote,  M/rap.  iS). 
9.  D*  Vnprii  yéçmiUijm. 
3.  Fr.  $3. 


à 


LA   VÉRITÉ.  cm 

ces  prétendues  intuitions  que  des  hypothèses  incertaines 
comme  le  mécanisme  de  Descartes  '  ;  elle  se  rend  prison- 
nière de  ses  principes,  et  les  faits  de  nature  lui  deviennent 
incompréhensibles*.  Concluons  donc  que  la  raison  ne  sau- 
rait fournir  aux  raisonnements  de  la  physique  un  point 
de  départ  authentique  et  irrécusable.  Il  faut,  pour  demeu- 
rer raisonnable,  qu'elle  se  soumette  à  l'expérience  :  à 
l'épreuve  des  faits  tombent  l'un  après  l'autre  les  faux  prin- 
cipes que  l'homme  avait  invoqués,  et  qui  se  révèlent  k 
l'analyse  comme  les  produits  de  la  coutume  ou  de  l'ima- 
gination '. 

Ainsi  le  rôle  de  la  raison  diminue  à  mesure  que  nous 
nous  éloignons  de  l'abstraction  pour  entrer  directement 
en  contact  avec  la  réalité.  Quand  nous  sommes  en  présence 
de  la  rie,  quand  nous  avons  à  diriger  notre  conduite,  nous 
faisons  encore  appel  à  la  raison  ;  nous  réfléchissons,  et  nous 
délibérons.  Mais  notre  réflexion  et  notre  délibération  ne 
sauraient  enfermer  en  elles  la  vérité  ;  ici  encore,  si  la 
raison  est  capable  d'enchaîner  des  propositions  par  la  vertu 
démonstrative  du  raisonnement,  elle  est  incapable  d'établir 
les  principes  qui  doivent  serrir  de  base  à  son  raisonne- 
ment. La  raison  décide  des  moyens  ;  mais  le  but  lui 
échappe:  il  s'impose  du  dehors,  et  malgré  elle*.  L'homme 
ne  délibère  jamais  sur  la  fin  ;  car  cette  fin  n'est  pas  ma 
tière  à  délibération,  elle  est  ce  qui  se  sent  immédiate- 
ment, sans  art  et  sans  réflexion,  elle  est  le  bonheur'. 
Mais  au  moins  la  raison  peut-elle  espérer  qu'elle  saura 


1.  Fr.  78. 

a.  Fr.  a3i. 

3.  Fr.  89  et  a33. 

4.  Fr.  08. 

5.  Fr.  ii5. 


cvw  LA  VtRlTt 

ooottniire  une  science  du  bonheur,  qu'elle  aura  le  droit 
de  faire  fond  sur  des  principes  stables  et  droits,  d  où  elle 
déduira  des  conséquences  assurées  ;  les  hommes  devront  h  la 
raison  de  connaître  le  chemin  du  bonheur.  Il  y  aurait  ainsi 
une  vérité  morale  qui,  sans  être  absolument  rationnelle, 
serait  du  moin»  analogue  k  la  vérité  d'ordre  géométrique 
ou  d'ordre  phvsique  ;  V  «  art  d*agréer  »  serait  aussi  aooes- 
sible  que  l'art  do  démontrer.  Mais  cela  n'est  pas:  la  notion 
du  bonheur  est    impossible  h  fixer,   elle  se  résout  dans 
une  expérience  du  plaisir  qui  est  essentiellement  diver- 
sité*. Le  plaisir  varie  avec  les  individus;   pour  chaque 
individu  même  il  change  avec  les  années,  avec  les  heure;*, 
avec  les  minutes.   Rien  n'arrête  la  o  volubilité  »  de  notre 
esprit,  ou  rinconslance  de  notre  volonté.  Kn  vain  essaie- 
rons-nous de  cacher  sous  le  nom  de  sentiment  les  contra 
dictions  et  la  fragilité  de  notre  être  intime.  Nul  n'n 
damné,  avec  plus  de  netteté  que  Pascal,  cette  philo>  , 
du  sentiment  dont  on  a  voulu  qu'il  fût  un   précur^-  m 
c  Tout  notre   raisonnement  se   réduit  à  céder  au  senli 
ment.  Mais  la  fantaisie  est  semblable  rt  contraire'  au  sen 
timent,    de    sorte    qu'on  ne    peut    distinguer  entre  ce- 
contraires.   L'un  dit   que   mon  sentiment  est  fantaisie, 
Tautre  que  sa  fantaisie  est  sentiment.  Il  faudrait  avoir  un* 
règle.  La  raison  s*ofire,  mais  elle  est  ployable  à  tous  sens: 
et  ainsi  il  n'y  en  a  point'  ».  La  raison  ne  saurait  don* 
échapper  k  la  conscience  de  sa  propre  dégradation.  Tous 
les  principes  auxquels  l'homme  la  soumet  ne  sont  que 
les  résultats  de  la  coutume  ou  les  fantômes  de  l'imagina» 
lion.  Aussi,  lorsque  la  raison  tente  de  les  justifier,   M 
figurant  augmenter  son  empire,  il  arrive  qu'elle  ne  fail 


1.  Cf.  h.  Ito  M|q. 

a.  Fr.  t^k 


LA  VÉRITÉ.  ciz 

que  manifester  par  là  sa  faiblesse  et  son  humiliation  :  elle 
est  comme  Tavocat,  pour  qui  le  procès  change  d'aspect 
suivant  la  somme  qu'on  lui  a  promise.  La  raison  est  un  . 
instrument  à  tout  faire,  la  volonté  Tinclinc  du  côté  qui  I 
lui  plaît  :  nous  croyons  que  nous  désirons  ou  que  nous  \ 
craignons  pour  les  raisons  que  nous  disons,  mais  en  réalité 
c'est  parce  que  nous  désirons  ou  parce  nous  craignons 
que  nous  avons  trouvé  ces  raisons*.  En  vain  nous  essayons 
de  nous  insurger  contre  les  caprices  de  notre  volonté  ;  si, 
apercevant  la  fragilité  de  nos  désirs,  la  vanité  de  nos  joies, 
la  misère  du  divertissement  perpétuel  où  nous  oublions 
ce  qui  devrait  être  notre  essence  et  notre  bien,  nous 
concentrions  notre  pensée  sur  nous-même  et  sur  notre 
destinée,  nous  achèverions  de  détruire  notre  propre  vie; 
car  il  ne  nous  resterait  plus  alors,  pour  asseoir  nos  raison- 
nements, cette  ombre  de  plaisir  qui  avait  du  moins  comme 
effet  de  faire  passer  le  temps  et  d'écarter  de  notre  vue  le 
malheur  de  notre  condition  ^  La  raison  ne  vaut  pas  une 
heure  de  peine,  parce  qu'elle  ne  peut  pas  nous  apporter 
une  heure  de  joie'.  Mise  en  face  d'elle-même,  elle  ne 
trouve  plus  que  le  néant. 

Ainsi  à  aucun  moment  Pascal  ne  récuse  la  lumière  de 
la  raison.  Mais  ù  ses  yeux  cette  lumière  est  double  :  d'une  | 
part  elle  définit  la  loi  idéale  qui  fournit  à  l'honimc  lame- 
sure  de  la  vérité,  d'autre  part  elle  fait  éclater  la  vanité  de 
la  réalité  effective  qui  est  mesurée  par  cette  loi  ;  la  raison 
est  l'aspiration  h  la  grandeur,  mais  elle  est  aussi  la  con- 
science de  la  misère.  L'homme  porte  en  lui  l'infinité  de  la 
pcnséi:;  seulement   la  nature  normale  de  l'être  pensant 


I.   Fr.  i'/t. 
3.  Fr.  i64 


3     Fr 


;a 


xc  LA  VÊRITft. 

Ml  oomms  raooayerte  en  lai  par  une  nature  (acUoe,  qui 
Mt  le  produit  de  puiaaanoea  trompeuses  telles  que  Tiina- 
gination  et  lamour-propre.  A  celte  nature,  lliérédité  et  la 
coutume  ont  donné  la  profondeur  de  l'instinct.  Quelque 
chose  commande  à  la  raison,  et  qui  vaut  moins  que  la 
raison. 

Mais  alors,  en  éclairant  la  contradiction  intime  qui  est 
le  caractère  de  rhonimc  naturel,  la  raison  a  marqué  sa 
propre  limite  ;  car  elle  est  la  fonction  de  Tunité,  et  elle  se 
heurte  à  une  a  duplicité  «radicale*.  Il  lui  est  donc  impossible 
de  conclure  ;  s'il  y  a  une  solution,  elle  se  trouvera  plus  haut 
que  la  région  de  la  raison,  sur  un  sommet  que  la  lumière 
naturelle  n*a  jamais  éclairé.  Il  y  a  des  raisons  qui  passent 
notre  raison  '  ;  il  y  a  des  expériences  qui  sont  au  deU  de 
notre  expérience.  Sans  doute  ces  raisons  et  ces  expériences 
sont  consignées  dans  ce  qui  est  écrit,  comme  les  faits  de 
rhistoire;  mais  ce  n*est  plus  Thomme  qui  a  écrit,  c'est 
Dieu.  Le  témoignage  direct  de  Dieu,  la  révélation  faite 
aux  Juifs,  est  la  clé  de  Ténigme,  parce  qu'elle  est  U  base 
de  toute  psychologie  :  a  Vous  n'êtes  pas  dans  Tétat  de  votre 
création'  ».  Vous  ne  trouverez  pas  Punité,  puisque  voua 
n*avei  plus  Tintégrité  ;  vous  apercevrez  dans  toutes  lea 
démarches  de  votre  pensée  la  corruption  de  votre  intel- 
ligence, vous  reconnaîtrez  dans  tous  les  actes  de  votre  vie 
la  dépravation  de  votre  volonté,  et  vous  mesurerez  ainsi  la 
pn^ndeur  de  la  chute  originelle.  Le  péché  du  premier 
homme  expUque  la  disproportion  entre  la  vérité  qui 
demeure  tout  idéale  et  U  réaUté  qui  est  toute  miaérable  ; 


I.  Cr.  fr.  417 •(  (MU  la  Mclioa  VI,  eo«Mcré«  à  aMCirt  é»m  lo«t 
•OB  jour  ropfotilioa  MSMtitUt  d«  la  ■  (nadcar  ■  •(  J«  la  «aitèrt  a. 
ï.  Cf.  fr.  »67. 
S.  Fr.  43o. 


LA  VÉRFTÉ.  xa 

elle  explique  aussi  l'impuissance  de  la  raison  à  rejoindre 
elle-même  ses  propres  débris. 

Y  a-l-il  un  remède?  S'il  y  a  un  remède,  ce  n'est  pas  de 
la  raison  qu'il  convient  de  l'attendre,  puisque  sa  propre 
impuissance  lui  est  un  mystère.  Il  y  faut  une  seconde 
révélation,  celle  qui  a  été  promise  aux  Juifs,  qui  leur  a 
été  donnée  et  dont  ils  n'ont  pas  su  profiter  ;  il  y  faut  le 
Messie  rédempteur.  Le  Judaïsme  était  le  règne  de  la  loi, 
or  la  loi  s'adresse  aux  corrompus  qu'elle  maintient  dans 
la  terreur  du  châtiment  ;  mais  les  chrétiens  sont  ceux  qui 
tendent  leurs  mains  et  leur  cœur  vers  le  Libérateur.  Quelle 
a  donc  été  l'œuvre  de  la  médiation  ?  Consiste-t-elle  h  avoir 
rendu  à  l'homme  l'intégrité  de  sa  nature,  à  lui  avoir 
rouvert  le  chemin  de  la  raison,  à  lui  permettre  de  saisir 
la  vérité  suivant  une  méthode  directe  et  par  une  pos- 
session effective.  C'est  ce  que  pense  un  Malebranche,  et 
il  écrit  :  «  L'homme  renversé  par  terre  s'appuie  sur  la 
terre,  mais  c'est  pour  se  relever.  Jésus-Christ  s'accommode 
à  notre  faiblesse,  mais  c'est  pour  nous  en  tirer.  La  foi  ne 
parle  à  l'esprit  que  par  le  corps,  il  est  vrai  ;  mais  c'est 
afin  que  l'homme  n'écoute  plus  son  corps,  ...  c'est  afin 
qu'il  commence  sur  la  terre  à  faire  de  son  esprit  l'usage 
qu'il  en  fera  dans  le  ciel,  où  l'intelligence  succédera  à  la 
foi,  où  le  corps  sera  soumis  à  l'esprit,  où  la  raison  seule 
sera  la  maltresse*.  »  Mais  la  religion  de  Pascal  est  exac- 
tement contradictoire  à  celle  de  Malebranche;  celui-ci  est 
chrétien  selon  saint  Jean,  celui-là  est  chrétien  selon  saint 
Paul.  A  ses  yeux,  comme  &  ceux  de  saint  Augustin  ou  de 
Jinsénius,  la  vérité  fondamentale  du  christianisme,  qui 


I.   Troili  de  mormU,  part.  I,  ck.  v,  §  t3. 


cxn  LA  VàRITl 

demeure  lettre  morte  pour  U  ineue  des  fidilee,  pour  la 
plupart  des  autorités  qui  se  sont  introduites  dans  PÉgUse, 
est  que  la  révélation  religieuse  commence  par  confirmer 
rhomme  dans  son  état  de  péché  et  de  corruption.  Et 
quand  U  religion  nous  (ait  connaître  qu*il  est  venu  un 
Rédempteur  pour  les  hommes  corrompus,  elle  ajoute  que 
cette  rédemption  est  seulement  raiinonciati<m  et  la  pro- 
messe de  la  vérité.  Ceux-U  seuls  y  parviendront,  qui 
sauront  ne  rien  attendre  de  leur  raison  propre,  qui  auront 
renoncé  à  leur  jugement,  &  leur  libre  examen,  qui  se 
seront  abandonnés  eux-mêmes.  Car  cette  vérité  n*a  rien 
d'humain;  par  son  origine  et  par  son  contenu  elle  est 
toute  divine. 

Cette  vérité  divine,  qu'il  est  &  jamais  interdit  de  traduire 
en  conception  positive  et  en  démonstration  rationnelle,  il 
est  du  moins  nécessaire  que  nous  nous  la  figurions  de 
façon  si  indirecte  que  ce  soit;  autrement  nous  serions 
tout  k  fait  incapables  d*y  tourner  notre  attention,  d'y 
attacher  notre  pensée,  incapables  de  faire  de  notre  intel- 
ligence Tauxiliairc  de  notre  salut.  Et  ainsi  se  pose, 
sous  sa  forme  originale,  le  problème  pascalien  de  b 
vérité  :  comment  Tœuvre  de  la  rédemption  peut-elle  te 
représenter,  à  nous  qui  ne  connaissons  que  notre  corrup 
tion?  Une  seule  réponse  est  possible,  c'est  par  notre 
corruption  même  que  nous  devons  chercher  à  comprendre 
la  rédemption;  la  rédemption  fait  le  contraire  de  ce  que 
faisait  la  corruption,  sans  pourtant  être  moins  opposée  à 
la  raison  humaine.  C'est  nier  la  religion  que  de  la  sou- 
mettre i  la  raison  ;  puisque  la  reUgion  est  vraie,  et  puis- 
que la  nature  est  corrompue,  il  faut  qu'il  y  ait  un  ordre 
de  vérité  supérieur  k  la  raison,  qui  soit  exactement  Tin- 
versé  de  l'imagination  que  la  raison  condamnait  comme 
inférieure  à  elle.  La  philosophie  du  sentiment  est  fausse, 


LA  VÉRITÉ.  cxm 

parce  que,  hors  peut-être  les  intuitions  de  la  géométrie, 
tous  les  instincts  que  Ton  veut  élever  au-dessus  des  lois 
rationnelles  se  résolvent  dans  les  fantaisies  d'une  volonté 
dépravée;  il  suffit  qu'ils  soient  nés  avec  Thomme  pour 
porter  la  marque  de  son  dérèglement.  La  religion  du  sen- 
timent est  vraie,  parce  que  la  foi  ne  doit  rien  au  déve- 
loppement interne  de  notre  raison,  parce  qu'elle  vient  d'une 
autre  origine  :  elle  est  un  don  gratuit  que  nous  recevons 
d'un  être  différent  de  nous  et  extérieur  à  nous  ;  elle  est, 
au  sens  littéral  et  matériel  du  mol,  une  inspiration  *. 

Sans  doute  il  n'y  aurait  pas  lieu  d'entendre  ainsi  la 
religion,  si  nous  étions  en  réalité  ce  que  nous  nous  flattons 
d'être,  des  créatures  de  raison  faites  pour  démontrer  sûre- 
ment et  pour  posséder  directement  la  vérité  ;  car  pour  la 
raison  la  voie  est  unique  qui  va  vers  la  vérité.  Mais  déjà 

n  mathématiques  nos  plus  fermes  convictions  s'appuient 
!^ur  l'impossibilité  d'admettre  la  thèse  contraire;  comme 
nous  l'avons  dit,  nous  croyons  à  l'infinie  divisibilité, 
parce  que  l'hypothèse  des  indivisibles  est  contradictoire. 
La  vérité  de  la  religion  se  concevra  également  par  voie 
d'opposition  :  la  rédemption  agit  exactement  comme  la 
rorruption,  mais  en  sens  contraire;  de  même  que  la  cor- 

iption  avait  dégradé  l'homme  jusqu'au  règne  des  puis- 
.nances  trompeuses,  la  rédemption  établit  au-dessus  de  la 
raison  l'ordre  du  sentiment  qui  est  inverse  et  symétrique. 
La  raison  serait  placée  entre  les  deux.  Elle  conserve  la 
juridiction  des  choses  qui  se  démontrent,  et  il  est  vrai 
qu'elle  demande  &  la  volonté  de  se  régler  sur  la  lumière 
de  l'esprit  ;  mais  l'homme  est  destiiié  à  ne  Técouter  jamais. 
Li  malice  de  la  concupiscence  fait  que  pour  le  persuader 


Fr.  i45. 

rCXiéS*  DC  PASCAL.  I  —  8 


catiT  LA  VtRITE. 

il  faut,  non  le  convaincre,  mais  le  flatter;  c*eat  Pattreit  du 
plaisir  qui  entraîne  Tadhéaton,  Part  d'  c  agréer  »  oontiatr 
à  chercher  ce  qu'il  y  a  d^aimable  dâna  lea  cfaoaes  et  à  les 
frire  regarder  du  cdté  où  eUet  peuvent  pleire.  Or  de  la 
même  façon  les  vérités  divines  doivent  entrer  «  du  cœur 
dans  Tesprit,  et  non  pas  de  Tesprit  dans  le  coeur...  En 
quoi  il  parait  que  Dieu  a  établi  cet  ordre  surnaturel, 
et  tout  contraire  k  Tordre  qui  devait  être  naturel  aux 
hommes  dans  les  choses  naturelles  ' 

Ainsi  trois  ordres  de  connaissance  se  superposent  chez 
Pascal:  imagination,  raison,  sentiment,  et  sa  philoiophie 
semble  k  cet  égard  toute  proche  de  la  doctrine  de  Spinon. 
En  fait  le  rapprochement  fait  éclater  le  contraste.  Pour 
Spinoza  l'homme  est  naturellement  esprit,  et  il  lui  appar- 
tient d'atteindre  la  vérité  pr  le  seul  développement  de 
son  activité  interne  ;  de  Pimagination  k  la  raison,  et  de  U 
raison  raisonnante  k  la  raison  intuitive  il  se  fait  un  progrès 
continu,  à  l'intcrieur  d'une  même  pensée.  Pour  Pascal  les 
trois  ordres  de  connaissance  se  superposent,  non  en  se 
complétant,  mais  en  se  contredisant  ;  ils  attestent  dans 
rhomme  une  diversité  incompatible  avec  Tunité  de 
Testence  spirituelle,  ils  portent  la  trace  des  révolutions 
qui  ont  bouleversé  la  nature  originelle  de  Thomme:  la 
déchéance  du  péché  qui  a  soumis  l'esprit  au  corps,  le 
salut  par  la  rédemption  qui  loin  de  rendre  l'homme  k  lui- 
même  et  de  lui  donner  l'autonomie  de  sa  vie  intellectuelle 
l'humilie  devant  la  vérité  qu'il  doit  subir,  devant  l'être 
qui  consent  k  s'unir  k  lui,  sans  que  par  aucun  effort  qui 
lui  soit  propre  il  ait  mérité  de  le  connaître.  Telle  est  la 
pensée  fondamentale  dont  Pascal  donne  la  formule  lumi- 


t .  D«  /'«n  ci*  ^trtnitr. 


LA  VÉRITÉ.  Œv 

neuse  lorsqu'il  décrit  la  gradation  qui  monte  du  peuple 
aux  demi-habiles,  aux  habiles,  puis  aux  dévots,  et  enfin 
aux  chrétiens  parfaits:  «  Ainsi  se  vont  les  opinions 
succédant  du  pour  au  contre'.  Renversement  continuel  du 
pour  au  contre*.  » 

C'est  donc  une  méprise  que  d'enfermer  Pascal  dans 
le  cercle  du  Credo  quia  absurdum.  Pascal  a  brisé  les 
cadres  du  rationalisme  ;  mais  ce  qui  dépasse  encore  la 
raison  est  encore  à  certains  égards  une  logique  :  logique 
des  contraires,  comme  la  logique  de  Hegel,  mais  qui, 
n'accordant  pas  la  relativité  des  contradictoires,  met  entre 
les  différents  degrés  de  la  dialectique  une  essentielle 
hétérogénéité.  Une  telle  logi(|ue  renverse  le  rapport  direct 
que  d'ordinaire  les  philosophes  étabUssent  entre  la  faculté 
de  connaître  et  la  vérité  :  par  l'expérience  et  par  le  raison- 
nement nous  nous  assurerons  seulement  de  ce  qui  n'est  pas 
I  '    et  nous  saurons  que  pour  avoir  quelque  chance 

<;  ndre,  nous  devons  retourner  Tattitude  normale  de 

la  raison,  chercher  dans  une  direction  opposée  à  celle  que 
notre  nature  aurait  prise  si  elle  avait  encore  son  intégrité 
et  son  autonomie. 

Subordonné  à  cette  conception  maîtresse,  Targument 
du  pari'  prend  une  portée  nouvelle.  Il  n'est  pas  conforme 
n  la  raison  commune  de*  hommes  ;  car  il  est  contraire  k 
(Cite  raison  que  l'attention  se  détourne  du  contenu  propre 
des  choses  et  de  leur  vérité  intrinsèque,  pour  n'envisager 
que  leur  rapport  à  nos  désirs  et  à  notre  satisfaction.  N'est-ce 
|Mo  lu  plus  grand  dérèglement,  répète-l-on  après  Bossuet, 


.    Pr.  S37. 
Fr.  3a8 
.>.   Puur  l'interprptMtion  de  l'argaaMil  eoviMg^  tn  mi,  voir  Im  aote« 

et  WijiiftnUct  du  fr    333. 


esvi  LA  VfrRiTtt. 

«Taffirmer  que  les  chotet  existent  parce  qu*on  veut  qa'eUee 
•oient?  L'art  d'agréer,  qui  flatte  la  malice  de  b  conaniii- 
oence,  est  la  perversion  de  Kart  de  démontrer.  Mais  c'est 
la  dernière  ressource  de  la  lumière  naturelle  qu'elle  fassr 
servir  l'aveu  de  son  impuissance  &  triompher  de  cette 
impuissance  même.  Elle  renonce  k  l'affirmation  de 
rintcUigible  ;  mais  peut-être  fallait-il  que  le  foyer  fât 
éteint  pour  qu'appariât  enfm  le  reflet  d'une  lueur  qui  etti 
le  pressentiment  d'une  clarté  supérieure.  Ou,  pour  parler 
avec  le  philosophe  contemporain  de  Pascal  qui  a  décrit 
la  même  angoisse,  l'homme  se  sent  envahi  par  une  para 
Ijsie  mortelle,  il  soulève  le  bras  dans  un  eflbrt  suprême 
pour  tenter  la  chance  de  Tunique  remède'. 

L'argument  du  pari  marque  avec  précision  la  limite  de 
l'eflort  humain  vers  la  vérité.  Or,  s'il  y  a  un  ordre  supérieur 
et  contraire  k  Tordre  de  la  spéculation  pure,  cette  limite 
peut  se  trouver  en  même  temps  un  point  de  départ.  L'ar- 
gument du  pari,  que  la  logique  des  contraires  pose  comme 
une  limite  lliéoriquc,  ne  va- t-il  pas  devenir  un  pointde départ 
pour  la  pratique?  Et  en  eflet  ce  serait  Tinterpréter  i  contre 
sens  que  d'y  terminer  la  vie  religieuse  et  morale  suivant  Pis 
cal  ;  car  ce  qui  serait  inconcevable,  c'est  l'état  de  l'homme 
qui  subjugué  par  la  force  apparente  de  la  démonstration  se 
serait  engagé  à  parier,  et  qui  n'aurait  pour  soutien  de  -^.i 
foi  que  l'intérêt  évident  de  cet  engagement.  Il  est  im|><» 
sible  de  comprendre  comment  il  pourrait  supputer  les 
avantages  de  sa  détermination,  sans  y  apercevoir  autant  de 


I .   ■  VidebflM  eain  •«  ia  tamao  Tvnari  pariculo,  M  aierofi  i 
diaa,  qaaav»  iaotftmB,  MUiaN  Tiriba*  ^■■raw  :  T«l«ti  cgvr 
ttotko  laboran*  qai  abi  matiam  oaHaai  prwMal  ai  adliiWatur  rei 
«liaa,  iliad  iptaai,  qaaaiTU  iaeartaa,  Maiau  TtnfcaaoOfitari 
aaaipa  in  eo  tau  aja*  i|»aa  «•!  itla.  a  (Spiaoaa,  Ot  htiHttim 
é&tim*  Trmeêaêm,  g  s.) 


LA  VERITE.  cx\tt 

motifs  de  se  roidir  contre  ;  il  est  inévitable  que  des  causes 
d^espérance  gratuite  deviennent  des  raisons  légitimes  de 
doute  et  d'inquiétude.  L'argument  du  pari,  à  le  borner 
à  lui-même,  est  dépourvu  de  toute  efïicacilé;  et  il  faut 
bien  qu'il  en  soit  ainsi,  puisque  cette  efficacité  serait  la 
justification  de  l'apologétique  utilitaire  et,  dans  le  triomphe 
apparent  d'une  Église,  l'irréfutable  démonstration  de 
l'athéisme  pratique  —  nous  n'avons  pas  à  nous  demander 
ce  que  l'auteur  des  Provinciales  penserait  de  pareilles  con- 
versions'. Mais  l'argument  du  pari  n'est  pas  destiné  à 
fournir  la  règle  de  la  vie  morale;  il  enseigne  seulement  le 
renversement  de  la  r^le.  Nous  prétendons  fonder  notre 
conduite  sur  la  vérité,  et  nous  l'ignorons,  et  nous 
échouons  dans  la  servitude  des  puissances  trompeuses.  Il 
faut  maintenant  mériter  par  notre  conduite  de  connaître 
la  vérité,  sanctifier,  en  les  tournant  au  profit  de  la  reli- 
gion, les  facultés  telles  quelles  de  notre  nature  corrompue. 
La  coutume  a  lentement  façonné  notre  être,  et  remis  notre 
raison  au  gouvernement  de  notre  corps  ;  c'est  h  la  coutume 
qu'il  appartient  de  refaire  un  être  nouveau.  Que  l'homme 
se  fasse  automate  pour  Dieu  ;  qu'il  soumette  son  corps  au 
système  religieux  des  habitudes  ;  qu'il  plie  la  machine 
aux  formules  de  la  prière  et  aux  gestes  de  l'adoration.  La 
Sageue  nous  envoie  à  l'enfance  y  et  le  commerce  de  l'esprit 


I.  Fr.  470  '  *  Si  j'avaU  vu  un  miracle,  disent-ils,  je  me  cooTerti- 

CoBOieat  atsur«n(-il«  qu'il»  feraient  ce  qu'ils  ignorent  ?  Ils  s'ima- 

oent  que  cette  iNinversion  consiste  en  une  adoration  qui  se  fait  de 

r>i«u  comme  un  commerce  et  une  eoBvenation  telle  qu'ils  s«  la  flgtH 

Irent.  La  conTersion  T^ritable  coaaïa(«  k  s'anéantir  devant  cet  ^tre 
Vniversel  qu'on  a  irrité  tant  de  fois,  et  qui  peut  vous  perdre  lé^tim»- 
■cnt  k  toute  heure  ;  k  reconnaître  qu'on  ne  peut  rien  sans  lui,  et  qu'on 
■'a  mérité  rien  de  lui  que  sa  disgrâce.  Elle  consiste  A  connaître  qu'il 
m  a  une  opposition  invincible  entre  Dieu  e(  nous,  et  que,  sans  un 
r '■ 


cxnn  LA  JUSTICE. 

avec  le  corps,  qui  avait  dans  la  vie  du  monde  renouvelé 
la  déchéance  du  péché  originel,  prélude,  dani  la  diid- 
pline  de  PÉglise,  au  renouvellement  qui  sera  TcBuvre 
de  la  rédemption.  Déji,  la  contrainte  que  l'on  impoae  k 
Végotamt  naturel  laisse  le  champ  libre  k  des  aenlimenta 
qui  ne  sont  plus  exclusivement  Tamour,  couvert  ou  déguisé, 
du  moi  pour  le  moi.  L'homme  connaît  dans  leur  réalité 
les  vertus  dont  Phonnéteté  la  plus  raffinée  donnait  la 
seule  apparence  :  le  désintéressement,  la  sincérité,  la  Gdélité, 
la  vérité  de  Tamitié  ;  il  est  juste,  et  il  veut  Tordre  de  la  jus- 
tice. 

Après  la  règle  des  partis  qui  montre  qu  on  doit  «  tra- 
vailler pour  rincertain  »,  sacrifier  sa  vie  pour  une  religion 
même  incertaine,  qui  conGrme  les  opinions  du  peuple 
contre  les  maximes  des  prétendus  habiles,  le  raisonne- 
ment n'a  plus  rien  à  nous  apprendre  ;  le  problème  de  la 
vérité  s'efliace  devant  le  problème  moral,  qui  est  pour 
Pascal  le  problème  de  la  justice. 


LA   it'SnCB 

Pascal  a  posé  le  problème  religieux  comme  étant  dans 
son  essence  un  problème  moral.  Les  attaques  qu'il  a  diri- 
gées contre  la  justice  des  hommes,  et  dont  les  Arnauld  et 
les  Nicole  ont  été  les  premiers  à  méconnaître  le  carac- 
tère, n'auraient  pas  cette  âpre  ironie,  si  Pascal  n^avait 
pas  connu  dans  toute  sa  profondeur  le  sentiment  de  la 
justice,  s'il  n'avait  pas  vu  quelles  angoisses  il  soulevait 
dans  les  âmes.  Le  libertin  k  qui  s'adrease  Y  Apologie,  ce 
n*eal  pu  seulement  Des  Barreaux  qui  ne  peut  aller  à  la 
foi  parce  qu'il  ne  peut  pas  quitter  le  plaisir;  c*est  un 
Méré  ou  un   Miton  qui  rqwoaaent   la   religioa,   parce 


LA  JUSTICE.  dis 

qii^ils  demeurent  attachés  <'i  la  justice.  Pascal  a  entendu 
leurs  doutes  et  leurs  objections. 

Si  une  seule  chose  est  nécessaire,  qui  est  le  salut  éter- 
nel, comment  est  réparti  le  salut  ?  Comment  les  unsont-ils 
mérité,  et  les  autres  ont-ils  démérité?  C'est  un  crime  de  ne 
pas  être  sauvé,  et  ce  sera  le  châtiment  des  réprouvés  de  se 
sentir  condamnés  par  cette  même  raison  sur  laquelle  leur 
orgueil  avait  fait  fond'.  Mais  «  les  élus  ignoreront  leurs 
vertus'  »  :  leur  piété  est  l'œuvre  continue,  l'œuvre  exclusive 
de  la  grâce  que  Dieu  s'est  réservé  de  donner  selon  sa  mys- 
térieuse et  imprévisible  volonté?  Il  est  donc  impossible  de 
découvrir  la  justice  dans  la  conduite  de  Dieu  vis-à-vis 
de«  hommes.  Non  seulement  dans  l'éternité,  l'inégalité  de 
récompense  ou  de  châtiment  ne  correspond  pas  à  l'inéga- 
lité des  mérites;  mais  puisqu'en  définitive  les  hommes 
sont  incapables  de  mérite,  nous  ne  comprenons  plus  pour 
quoi  il  y  aurait  récompense  ni  pourquoi  il  y  aurait  châti- 
ment, pourquoi  a  de  deux  hommes  également  coupables, 
il  (Dieu)  sauve  celui-ci,  et  non  pas  celui-là'.  »  L'idée  de 
justice  ne  subsiste  donc  plus  dans  notre  esprit  que  pour 
nous  conduire  à  l'alternative  que  Pascal  pose  sans  trem- 
bler :  a  il  faut  que  nous  naissions  coupables,  ou  Dieu 
serait  injuste* 

Seulement  la  possibilité  même  de  cette  alternative  sup- 
pose que  nous  avons  le  droit  déjuger  au  nomde  la  justice; 
les  hommes  l'admettent  naïvement  parce  qu'ils  se  détour- 
nent de  leur  nature  pour  soulever  des  questions  qui 
^'^'^  dépajisent.  Us  croient  à  la  justice,  sur  le  témoignage, 


Fr.  5i 

LcOfC  «iir  ips  <  .onifD«nd««M«ta  de  Uiau,  tnhjbtt. 
Fr.  489 


en  LA  JUSTICE. 

pour  ainsi  dire,  de  leur»  sent,  ptrce  qu'ib  voient  qu'il  existe 
un  ordre  social.  Mais  qu'ils  recherchent  le  ibndenwnt  de 
ce  qu'on  respecte  et  de  ce  qu'on  (ait  respeclBr  tous  le 
nom  de  justice.  La  raison  est  unité  et  unhwaalilé  ;  les 
lois  sont  multiples,  et  pour  arriver  &  les  ocmcilier  entre 
elles  il  faut  faire  tant  d^eflbrts  laborieux,  manquer  si  sou- 
vent k  la  lettre  ou  À  Tesprit,  que  la  muiliplicité  des  lois 
équivaut  presque  k  Tabsence  de  lois.  Les  lois  surtout  sont 
diverses  ;  alors  qu'elles  tracent  avec  netteté  la  distinction 
du  licite  et  de  l'illicite,  leur  pouvoir  s*arr6te  il  une  fron- 
tière. Un  fleuve  ou  une  montagne  tient  en  édiec  la  rai- 
son de  l'homme,  et  tourne  en  dérision  ses  prétentions  à 
gouverner  le  monde'.  La  justice,  pour  paraître  juste, 
invoque  Tappui  de  la  raison,  et  elle  se  détruit  elle-même 
du  moment  qu'elle  prétend  satisfaire  aux  exigences  de 
la  raison. 

La  justice  est  la  coutume  reçue  en  chaque  pays.  Or  nous 
avons  beau,  pour  arracher  au  peuple  le  respect  et  l'admi- 
ration, invoquer  l'antiquité  delà  coutume  :  il  faut  bien  que 
de  siècle  en  siècle  et  de  génération  en  génération  on  en 
découvre  le  fondement  intrinsèque  et  objectif.  Pourquoi 
cette  loi  plutôt  que  cette  autre,  pourquoi  ici  et  non  U,  au- 
jourd'hui et  non  hier  ?  A  cette  question  point  de  réponse. 
La  loi  réclamait  la  force,  parce  qu'elle  se  donnait  ocnnme 
juste  ;  dès  qu'elle  veut  se  justifier,  il  ne  lui  reste  [rfus 
que  la  force  brutale.  Les  forts  tuent  les  Itiblee,  ils  les 
font  esclaves,  ils  leur  arrachent  leurs  biens  et  leurs 
propriétés  ;  plus  encore,  les  vainqueurs  ont  imposé  aux 
vaincus  de  reconnaître  la  légitimité  do  leur  victoire  ;  ils 
ont  inventé  «  le  droit  de  l'épée'  »,  et  ils  ont  divinisé  laj 


I.  Fr.  99^. 
s.  Fr.  878. 


I 


LA  JUSTICE.  uxi 

guerre.  Choee  phis  admirable  encore  :  les  vaincus,  incli- 
nés par  la  nécessité,  ont  fini  par  ressentir  réellement  le 
respect  qu^on  leur  imposait.  L'imagination  a  travaillé  en 
eux,  elle  a  rendu  «  doux  et  volontaire  »  en  apparence  le 
joug  qui  reposait  en  réalité  sur  la  tyrannie  de  la  force'. 
Le  peuple  croit  lire  sur  le  visage  des  princes  un  caractère 
de  majesté  auguste  et  sacrée,  alors  que  s'y  reflète  seule- 
ment une  impression  de  crainte  vulgaire,  due  aux  trognes 
armées,  aux  pompes  et  aux  cavalcades  au  milieu  desquelles 
la  personne  des  rois  leur  est  apparue  d'abord*.  L'ima- 
gination brodant  sur  la  trame  de  la  nécessité,  la  tradition 
de  la  coutume  transformant  en  autorité  «  mystique  »  les 
fantaisies  les  plus  faibles  et  les  plus  légères,  voilà  ce  que 
la  raison  trouve  au  fond  de  ce  qu'elle  appelait  sa  justice. 
Que  conclure  de  cet  examen  ?  qu'il  faut  revenir  aux 
coutumes  reçues,  renverser  les  lois  établies,  afin  d'inau- 
gurer le  règne  de  la  justice  ?  Mais  pour  subordonner  la 
force  à  la  justice  il  faudrait  qu'il  y  eût  une  règle  capable 
de  rassembler  les  hommes  dans  un  consentement  una- 
nime, que  tous  d'une  seule  voix  reconnussent  le  mérite 
supérieur  d'un  seul  individu  ;  autrement  la  prétention  de 
chacun  à  suivre  les  principes  de  la  raison  mettra  tous  les 
hommes  aux  prises  avec  tous  les  hommes;  il  n'y  aura 
plus  à  se  plaindre  que  les  lois  sont  mauvaises,  il  n'y  aura 
plus  de  lois  du  tout  ;  l'ordre  établi  s'efibndrera  pour  ne  plus 
laisser  place  qu'à  la  guerre  civile.  Qu'il  s'agisse  d'édiGer 
la  vérité  ou  d'édifier  la  justice,  la  raison  idéale  qui  est  en 
nous  et  qui  fait  notre  dignité  d'être  pensant,  apparaît  inca- 
pable de  devenir  raison  réelle,  de  s'appliquer  aux  choses, 
d'y  laisser  l'empreinte  de    l'unité  et  de   l'universalité. 


I.  Fr.  3o8,  8s,  89. 
3.  Fr.  3ii  «t  fr.  3o3. 


Aussi  rien  ne  ««rait  plut  d^rtUonnabir  que  de  vouloir 
«nfiBmier  la  loctélé  dans  les  Umitas  de  U  raison.  Ce  wrait 
troubler  le  monde,  et  ce  serait  mal  juger  de  tout.  Ce  qui 
importe  k  la  société,  c'est  la  paix  ;  les  coutumes  aoraci 
nées  dans  le  peuple  ont  le  mérite  d'assurer  b  paix*. 
L'usage  qui  désigne  les  gouvernants  par  la  naissance  et 
les  distingue  par  le  costume,  est  assurément  ridicule  ; 
roab  ce  qui  est  plus  ridicule,  c'est  de  ne  pas  comprendre 
à  quel  point  cet  usage  est  bienfaisant.  L'imagination  seule 
fait  que  les  uns  se  regardent  et  sont  regardés  comme  nobles, 
les  autres  comme  légitimes  possesseurs  du  sol  ;  mais  il  est 
pourtant  nécessaire  qu'il  y  ait  des  souverains  et  des  rirho.. 
si  vous  supprimez  rimagination  sans  pouvoir  su;  , 
mer  la  nécessité,  vous  n'avez  porté  aucun  remède  à  l'in- 
justice qui  vous  choque,  vous  avez  simplement  rendu 
impossible  Texistence  de  U  société.  La  paix  est  le  bien 
essentiel  ;  la  croyance  du  peuple  qui  s'incline  devant  les 
grands,  parce  que  dans  son  imagination  ils  sont  supé- 
rieun  k  lui,  est  une  folie  aux  yeux  de  ces  demi-habiles 
qui  font  les  entendus  ;  mais  grâce  k  cette  folie,  Tordre 
étabh  est  l'objet  d'un  respect  universel  ;  cette  prétendue 
folie  est  la  sagesse  même  pour  ceux  qui  ont  pénétra 
la  nature  vraie  et  les  conditions  vraies  des  sociétés  hu- 
maines. Il  faut  savoir  ne  pas  être  dupe  de  la  raiaon,  ne 
pas  sacrifier  k  l'abstraction,  incapable  de  se  traduire  dans 
les  faits,  ce  qui  est  la  réalité  essentielle  :  la  paix  entre  les 
hommes.  Le  peuple  qui  vit  sait  ce  que  c'est  que  la  vie  en 
commun,  et  il  faut  vivre  avec  le  peuple,  mettre  tout  le 
monde  d'accord  en  distinguant  les  hommes  par  les  qualités 
cxténcure.«i,  qui  sont  visibles  k  tous,  par  les  dignités  al  par 


Fr     .1..T 


•flf 


LA  JUSTICE.  cxxni 

les  uniformes.  Il  suffît  de  ne  pas  élrc  dupe  du  peuple,  de 
ne  pas  appeler  raison  Tillusion  née  de  la  coutume  et  de 
r imagination,  de  ne  pas  confondre  avec  la  justice  ce 
qui  est  l'effet  nécessaire  de  la  force  '. 

Ainsi  la  justice  des  hommes  ne  conserve  une  appa- 
rence et  une  ombre  d'existence  qu'à  la  condition  de 
désavouer  toute  justification  rationnelle  ;  il  est  donc 
impossible  que  la  justice  des  hommes  juge  la  justice  de 
Dieu.  Le  devoir  de  l'homme  est  de  taire  toute  récrimi- 
nation et  toute  revendication  :  la  religion  est  contre  la 
raison,  mais  c'est  en  vertu  de  sa  réalité  même.  Déjà,  pour 
comprendre  l'ordre  établi  par  la  société  il  faut  savoir 
renoncer  aux  préjugés  de  la  raison;  de  même,  pour 
apercevoir  l'ordre  voulu  par  Dieu,  il  faut  dépasser  l'ho- 
rizon du  raisonnement.  L'ignorance  naturelle  du  peuple 
et  la  science  surnaturelle  du  chrétien  sont  aux  deux 
extrémités  opposées,  mais  toutes  deux  également  con- 
traires a  la  raison.  Instruits  donc  du  néant  de  notre 
justice,  nous  sommes  capables  d'écouter  Dieu:  «  il  est 
sans  doute  qu'il  n'y  a  rien  qui  choque  plus  notre  raison 
que  de  dire  que  le  péché  du  premier  homme  ait  rendu 
coupables  ceux  qui,  étant  si  éloignés  de  celte  source, 
semblent  incapables  d'y  participer.  Cet  écoulement  ne 
nous  parait  pas  seulement  impossible,  il  nous  semble 
même  très  injuste;  car  qu'y  a-t-il  de  plus  contraire  aux 
règles  de  notre  misérable  justice  que  de  damner  élernel- 
ement  un  enfant  incapable  de  volonté,  pour  un  péché  où 
il  parait  avoir  si  peu  de  part,  qu'il  est  commis  six  mille 
ans  avant  qu'il  fût  en  être?  Certainement  rien  ne  nous 

ieurte  plus  rudement  que  cette  doctrine...  '  b  Sans  doute 


rr 

i 


I.  Pr.  337,  335, 336,  ««e. 
S.  Pr.  434. 


anv  LAJUSTICK. 

nom  pourrions  avec  les  théologiens,  avec  saint  Augustin 
dont  VÀugiutiruu  codifie  en  quelque  sorte  la  doctrine', 
diercfaer  dans  le  bit  même  de  la  génération,  dans  la  loi 
biologique  d'hérMité  une  lumière  pour  comprendre  la 
perpétuité  du  péché.  Mais  ce  serait  encore  juger  Dieo  par 
la  nature,  ce  serait  traduire  le  mystère  dans  la  langue  de 
la  raison,  et  déjè  le  nier.  Aussi  Pascal  — ne  s^écartant  de 
Jansénius  que  pour  être  si  Ton  peut  dire  plus  janséniste 
que  lui,  comme  il  ne  s*est  séparé  de  Nicole  et  d'Amauld 
dans  l'aflaire  du  Formulaire  que  pour  demeurer  plus 
inflexiblement  attaché  à  Tindépcndance  de  Port-Royal  — 
écrit-il  ces  lignes  qui  ont  paru  trop  hardies  aux  éditeurs 
de  1670  :  «  Nous  ne  concevons  ni  Tétat  glorieux  d*Adam, 
ni  la  nature  de  son  péché,  ni  la  transmission  qui  s'en  est 
faite  en  nous  ;  ce  sont  choses  qui  se  sont  passées  dans 
Tétat  d'une  nature  toute  différente  de  la  nôtre,  el  qui 
passent  Pétat  de  notre  capacité  présente*.  » 

Poaons  le  péché  originel,  tel  qu'il  doit  être  posé  selon  la 
logique  de*  contraires  :  il  est  le  renverMment  de  notre 
justice,  puisqu'on  nous  est  la  perversion  de  toute  justice. 
Que  Ton  comprenne  bien  :  la  transmission  du  péché  con- 
siste, non  pas  seulement  à  nous  faire  supporter  le  poid^ 
d'une  faute  k  laquelle  notre  volonté  demeure  étrangère, 
mais  k  dépraver  dans  sa  racine  notre  volonté.  Nous  deve- 
nons source  vivante  d'iniquité  ;  rien  ne  peut  plus  être  bon  de 
oequi  vient  de  nous*.  L'amour  de  la  vérité,  si  nous  croyions 
engendrer  la  vérité  par  un  effort  qui  nous  fftt  propre  et 
l'apercevoir  au  regard  cUir  et  direct  de  notre  intelligence, 
dissimulerait  la  concupiscence  de  l'orgueil.  Le  désir  de  la 


I .  D*  Slata  «Ov»  kfêm.  I, 

s    Fr  56o. 

3.  Fr.  47««»  4-» 


LA  JDSTICE.  cxxv 

justice,  la  politesse  et  la  charité  même  sont  encore  des 
feintes  et  des  déguisements  sous  lesquels  se  reconnaît  la 
volonté  propre,  rattachement  du  moi  au  moi*.  Pour 
l'homme  corrompu  être,  c'est  être  injuste. 

Dès  lors,  de  quel  droit  déclarer  que  Dieu  est  injuste?  il 
serait  contraire  à  la  justice  humaine  de  punir  celui  qui 
n'a  pas  commis  la  faute  ;  or  la  justice  divine  nous  fait  parti- 
ciper non  pas  au  châtiment  seulement  du  péché,  mais  au 
péché  lui-même  ;  nous  ne  sommes  pas  condamnés  sans 
avoir  mérité  le  châtiment,  c'est  à  mériter  le  châtiment 
que  nous  sommes  condamnés.  Aucun  homme  n'échap- 
perait &  Tétemelle  damnation  que  Dieu  serait  absolument 
exempt  d'injustice*. 

Voici  qui  achève  enfin  de  confondre,  par  un  nouveau 
renversement,  toutes  les  lois  de  notre  raison  :  au-dessus 
de  cette  justice  qui  n'a  pas  de  commune  mesure  avec 
notre  justice,  s'élève  l'édifice  de  la  miséricorde,  a  énorme  » 
comme  la  justice  elle-même*.  Quelques-uns  seront  sauvés 
de  ceux  qui  devaient  être  perdus.  Sans  doute  leur  salut 
{>araîlra  juste  puisqu'il  est  obtenu  par  les  vertus,  par  la 
prière  qui  est  la  première  de  toutes  les  vertus  ;  grâce  k  la 
prière  l'homme  parait  avoir  «  la  dignité  de  la  causalité  », 
il  paraît  vtrc  lui-même  l'auteur  de  son  salut.  Mais  qu'on 
y  prenne  garde  :  cette  apparence  est  la  tentation  la  plus 
forte  à  laquelle  le  chrétien  soit  en  lutte,  celle  qui  doit  lui 
inspirer,  avec  le  plus  d'humilité,  la  crainte  et  le  trem- 
blement qui  sont  |)erpéluellement  nécessaires  à  l'œuvre 
du  salut  ;  car  c'est  la  négation  même  du  christianisme  que 


I    Fr.  455. 

a.    L«Ur«  mr  Im  ComaasiiMBCiiU  île  Dîmi,  âahjbki. 
3.  Fr.  a83 


envi  LA  JUSTICE. 

d'ériger  l'homme  en  puÎManoe  qui  m  dreuerait  au  regard 
de  Dieu.  Toute  bérétie  a  la  louroe  dans  l'orgueil  :  «  Le 
lieu  propre  k  la  superiie  eet  la  Mgeue,  car  oo  ne  peut 
accorder  k  un  homme  qu'il  s'est  rendu  sage,  et  qu'il  a 
tort  d'être  glorieux  ;  car  cela  est  de  justice.  Aussi  Dieu 
seul  donne  la  sagesse;  et  c'est  pourquoi  :  Qui  gloriaiur, 
in  Domino  glorietur.  »  Lorsque  dans  la  prière,  par 
laquelle  il  implore  le  secours  de  Dieu,  l'homme  s'attribue 
la  moindre  part  de  liberté,  lorsqu'il  est  induit  k  (aire  un 
retour  sur  son  propre  mérite,  il  détruit  cette  vérité  fonda- 
mentale de  la  religion  :  Dieu  a  donne  la  prière  à  qui  il  lui 
platt  »  '.  11  faut  que  toute  notion  de  mérite  ou  de  démé- 
rite propre  à  la  personne  morale,  toute  idée  de  justice 
selon  rhumanité  ait  disparu  pour  que  le  mystère  de  la 
grftce  soit  accessible  :  «  Pour  faire  d'un  homme  un  saint, 
il  faut  bien  que  ce  soit  la  grâce;  et  qui  en  doute  ne  sait  ce 
que  c'est  que  saint  et  qu'homme  '.  » 

La  grAce  est  le  renversement  de  l'humanité;  le  pre- 
mier effet  de  la  grâce  est  de  faire  que  l'homme  se  haïsse 
lui-même.  Or,  dans  l'ordre  de  la  nature,  la  haine  est 
concevable  d'un  être  vis-à-vis  d'un  autre  être,  mais  d'un 
être  pour  soi  elle  n'a  rigoureusement  aucun  sens;  car  la 
volonté  d'un  être  est  par  essence  la  volonté  du  bien  de  œl 
être.  Le  christianisme,  lorsqu'il  commande  de  se  haïr  soi- 
même,  commande  à  l'homme  de  n'être  plus  homme  :  il  lui 
interdit  non  seulement  d'être  le  but  de  son  activité  mais 
d'en  être  l'origine.  Pascal  le  dit  littéralement  :  «  Il  est 
impossible  que  Dieu  soit  jamais  U  Gn,  s'il  n'est  le  prin- 
cipe*. »  C'est  par  là  que  le  christianisme  s'ofi^KMe  A  la 


I.  Fr.  5i3. 

s.  Fr.  608,  ef.  h.  490. 

S.  Fr.  4M. 


LA  JUSTICE.  cxxvii 

philosophie  rationnelle,  alors  même  qu'il  lui  emprunte  ses 
formules.  Rien  n'est  significatif  k  cet  égard  comme  les 
admirables  fragments  du  chapitre  dont  Pascal  nous  révèle 
ainsi  rintention:  ((Membres,  commencer  par  là:  Pour 
régler  Tamour  qu'on  se  doit  a  soi-même,  il  faut  s'imaginer 
un  corps  plein  de  membres  pensants,  car  nous  sommes 
membres  du  tout,  et  voir  comment  chaque  membre  devrait 
s'aimer,  elc'  »  Que  Ton  suive  cette  analogie  dans  l'ordre 
de  la  raison,  comme  Ta  fait  le  naturalisme  stoïcien  ou  le 
spiritualisme  spinoziste,  on  aboutit  à  un  panthéisme 
moral  :  l'homme  s'élève  progressivement  à  Dieu  par  le 
développement  de  son  être  intime,  il  suffit  au  moi  de 
s'élargir,  pour  dépouiller  l'individualité  qui  le  restreignait, 
et  embrasser  en  lui  la  totalité  des  êtres  ;  il  devient  donc 
légitimement  un  centre  parce  qu'il  s'identifie  à  Dieu,  et 
qu'en  Dieu  il  se  sent  identifié  à  toutes  les  créatures;  il 
pratique  alors  la  charité  de  l'univers,  et  en  particulier  la 
charité  du  genre  humain.  Rien  de  plus  contraire  à  la 
pensée  de  Pascal.  Dieu  est  une  personne;  si  l'on  peut 
dire  qu'il  est  l'être  universel,  le  tout,  ce  n'est  pas  qu'il 
contienne  en  lui  tous  les  autres  êtres,  c'est  que  rien  n'existe 
véritablement  que  lui.  Sa  personnalité  exclut  toute  autre 
personnalité,  et  c'est  pourquoi  il  faut  avoir  renoncé  k  soi 
pour  l'atteindre.  Pascal  est  incompréhensible  sans  a  l'op- 
position invincible  »  de  l'homme  et  de  Dieu,  sans  l'anta- 
gonisme de  la  charité  stoïcienne  et  de  la  charité  chré- 
tienne. La  charité  est  l'amour  de  Dieu  ;  la  première 
condition  de  la  charité  c'est  d'avoir  sacrifié  tout  atta- 
<  tii  iiitnt  humain,  celui  qu'on  éprouve  aussi  bien  que 
celui  qu'on  inspire*.  On  ne  passe  pas  par  les  créatures 


I.  Ff  474 

a.  Fr.  471  tqq. 


txxrm  LAJOSTICR 

pour  aller  à  Dieu,  toute  créature  doit  être  égAlaoïMt 
anéantie  devant  l'infinité  de  Dieu.  Si  la  charité  eat  oim 
grandeur  supérieure  et  irréductible  k  l'esprit,  autant  que 
Tetprit  est  lui-même  supérieur  et  irréductible  au  corps, 
oeUe  hiérarchie  est  non  un  progrès  continu,  comme  thm 
les  philosophes,  mais,  encore  une  fois,  tin  renvenemênt 
continuel  du  pour  au  contre. 

Le  charité  est  inverse  de  Pcsprit.  Archiin'  I       !  <  i     '  i 
conscience  do  sa  liberté  spirituelle,  s'attp)>u 
le  mérite  de  ses  inventions,  il  se  glorifn  .  :    .    ..i 

vérité  qu'il  a  mise  au  jour  par  la  force  propre  de  sa  raison'. 
La  charité  seule  déracine  Torgucil  philosophique  qui  a  cm 
concilier  Tamour  de  Dieu  avec  l'amour  de  l'homme  ;  clic 
demande  k  Thomme  non  pas  de  s'abaisser,  mais  d'être 
bas,  non  pas  la  fausse  humilité  qui  est  une  marque  de 
l'orgueil,  mais  l'humiliation  véritable  qui  est  la  conscience 
de  n'avoir  plus  rien  k  soi,  pas  même  les  mouvemeotade 
grandeur  par  lesquels  on  monterait  de  quelques  d^rés 
vers  le  désintéressement  de  la  volonté. 

On  ne  saurait  posséder  effectivement  la  grâce  si  l'on  n'a 
le  sentiment  de  ne  pas  l'avoir  méritée,  bien  plus  le  sen- 
timent de  ne  pas  l'avoir  reçue  soi-même,  ai  Ton  ne  s'est 
effiicé,  «<  renoncé  b  devant  un  être  d'essence  supérieure 
qui  ne  se  contente  pas  de  nous  apporter  la  grâce,  qui  habite 
en  nous  pour  que  la  grâce  y  demeure.  La  rédemption  n'est 
pas  un  événement  historique  qui  aurait  ramené  la  nature 
de  l'homme  k  son  intégrité  originelle,  et  l'aurait  rendu 
apte  k  communiquer  directement  avec  Dieu;  Jésus- 
Christ  est  étemel  ;  c'est  une  nécessité  perpétueUe  que  non 
seuleoient  en  chaque  individu,  mais  k  chaque  moment 


I.  Fr.  793. 


à 


LA  JUSTICE.  cxxiz 

de  sa  vie,  Pacte  de  libération  se  renouvelle.  L'œuvre  du 
salut  s'accomplit  dans  la  crainte  et  dans  le  tremblement 
parce  qu'il  ne  dé[)end  pas  de  notre  volonté  qu'en  nous  la 
puissance  divine  du  Médiateur  maintienne  la  vertu  puri- 
ficatrice de  la  charité.  En  définitive  la  charité  ne  vient 
pas  de  nous,  ni  quand  elle  nous  détourne  de  nous  pour 
faire  que  nous  nous  haïssions,  ni  quand  elle  s'attache 
I  Dieu  pour  faire  que  nous  l'aimions.  La  Croix  n'est  pas 
un  symbole,  il  n'y  a  pas  à  chercher  une  interprétation 
-[>irituelle  qui  atténue,  et  compromette,  la  vérité  du  dogme. 
(Je  que  Jésus  fait  entendre  k  celui  qui  médite  le  mystère 
de  son  sacrifice,  est  exact  à  la  lettre  :  «  Je  pensais  à  toi 
dans  mon  agonie,  j'ai  versé  telles  gouttes  de  sang  pour 
toi'.  »  Le  sang  de  Jésus  a  fait  pénétrer  dans  l'homme  une 
••econde  nature,  étrangère  à  son  humanité,  un  «  sujet  diffé- 
rent »,  comme  il  est  dit  dans  V Entretien  avec  M.  de  Saci, 
et  qui  seul  a  la  capacité  de  la  grandeur  et  de  la  sainteté  : 
•  Je  te  suis  présent  par  ma  parole  dans  l'Écriture,  par 
mon  esprit  dans  l'Église  et  par  les  inspirations,  par  ma 
piii>sance  dans  les  prêtres,  par  ma  prière  dans  les  fidèles.» 
Le  Médiateur  n'unit  pas  l'homme  à  Dieu,  mais  il  se 
substitue  h  l'homme  pour  rendre  la  créature  digne  de 
Dieu.  Jésus,  c'est  la  causalité  de  Dieu  dans  l'homme;  à 
Dieu  seul  l'initiative  de  désirer  Dieu,  la  puissance  de  le 
conquérir.  «  Tout  pour  lui,  tovU  par  lui.  »  De  le  cher- 
'i  r  c'est  le  signe  qu'on  le  possède:  «  il  sera  donné  & 
\  qui  ont  déjàV  »  Après  avoir  fait  que  l'homme  est 
mort  k  l'humanité,  la  grâce  fait  surgir  de  cette  mort  la 
i  >i'  nouvelle:  semblable  k  la  mère  qui  se  fait  silencieuse 
1      I  sentir  les  mouvemcats  du  fils  qui  tressaille  en  elle, 


Kr.  553. 

l^fUre»  (i  Madi-ntmuil.  ilf  i{u,iiinr:.  111,  oitm  j 

nwtics  DB  rA>c4i..  i  -  V 


on  LAJDSTICB. 

dans  la  renonciation  totale  al  doooe  A  tout  ce  qui  était  lui 
dans  le  don  absolu  do  son  être,  le  chrétien  tralira  Jésus 
qui  a  obtenu  que  Dieu   travaille  en  lui,   et  qu'en  lui 
s^accomplisse  Tacte  inystérieut  de  la   réconciliation  entre 
la  créature  et  le  Créateur 

Dès  lors  rinlerversion  cnlre  1  esprit  et  le  ooMir  —  dont 
nous  avions  montré  la  nécessité  pour  des  raisons  né^- 
Uves  et  encore  extérieures  —  prend  un  sens  positif  et 
profond.   Ce  n'est  plus  la  substitution  d'une  faculté  de 
Pètre   à  une  autre  faculté,  comme  dans  l'Apologétique 
contemporaine  qui  procède  de  l'Eclectisme  ;  ce  n*est  pas 
un  choix  entre  des  procédés  divers  de  démonstration,  qn 
laisserait    intact  leur  objet.    La    foi  doit  entrer  par   le 
ooBur  dans   l'esprit,  parce  qu'il  n'y  doit  rien  subsister  de 
comparable  à  la  vérité  des  géomètres  ou  à  la  justice  d< 
moralistes  ;  la  foi  est  un  attachement  de  personne  k  pei 
sonne,  un  don  de  Dieu  qui  a  élu  le  cœur  où  il  se  rendi.i 
sensible.  Point  de  loi  qui  domine  la  rencontre  de  nJont4;> 
singulières,  et  permette  d'en  rendre  raison  :  c  Nos  prières 
et  nos  vertus  sont  abominables  devant  Dieu,   si   elles  n< 
sont  les  prières  et  vertus  de  Jésus-Christ.  Et  nos  péch<  - 
ne  seront  jamais  l'objet  de  la  [miséricorde]y  mais  de  la 
justice  de  Dieu,  s'ils  ne  sont  [ceux  de]  Jésu»  Christ.  Il 
adopté  nos  péchés,  et  nous  a  [admis  à  son]  alli'^"-'-    ■ 
les  vertus  lui  sont  [propres,  et  les]  péchés  étran^ 
vertus  nous  [sont]  étrangères,  et  nos  péchés  nous  soni 
propres.  Changeons  la  règle  que  nous  avons  prise  ju> 
qu'[ici]  pour  juger  de  ce  qui  est  bon.  Noos  en  avions  pou' 
r^le  notre  volonté,   prenons  maintenant  la  volonté  d> 
[Dieu]  :  tout  ce  qu'il  veut  nous  est  bon  et  juste,  tout  (  • 
qu'il  ne  veut  [pas,  mauvaisy.  »  Plus  étonnant  eniin  qu< 

i.  IV.  M8. 


L' ÉGLISE.  cxxxi 

ces  «étonnantes  paroles,  par-dessus  ce  désaveu  de  la  justice 
qui  ne  serait  que  juste,  le  désaveu  de  la  vérité  qui  ne 
serait  que  vraie:  «  On  se  fait  une  idole  de  la  vérité  même; 
car  la  vérité  hors  de  la  charité  n'est  pas  Dieu,  et  est  son 
Irnuge  et  une  idole,  quUI  ne  faut  point  aimer,  ni 
adorer...'  »  Pascal  a  écrit  admirablement  dans  ses 
fragments  contre  les  Jésuites  :  «  On  attaque  la  plus 
u'rande  des  vérités  chrétiennes,  qui  est  Tamour  de  la 
vérité*,  n  Mais  Tamour  de  la  vérité  est  k  la  fois  stérile  et 
sacrilège,  s'il  se  limite  à  lui-même  et  s'érige  en  passion 
indépendante,  s'il  s'isole  de  «  l'ordre  de  Dieu  »  qui  est 
dans  la  lettre  de  la  révélation,  et  dans  le  corps  de 
l'Église. 


L'éCLISS 

Voici  la  clé  de  voûte  du  christianisme,  tel  que  Pascal 
le  conçoit  :  Dieu  est  une  personne  vivante,  il  est  la  seule 
personne  à  qui  appartienne,  d'une  façon  absolue,  la 
<  itisalité  de  la  volonté.  L'histoire  de  l'univers  prend  un 
M  Ils;  par  la  diversité  de  ses  aspects  successifs,  elle  témoigne 
•i'j  la  conduite  que  Dieu  a  résolu  de  suivre  h  l'égard  de 
l'univers.  En  permettant  de  reconstituer  le  plan  divin, 
flic  éclaire  aux  yeux  de  Pascal   les  événements  dont  ses 

irain»  et  lui  st)nt  non  seulement  les  témoins  mais 

,  et  où  se  trouve  engagée  pour  l'éternité  la  des- 
tinée de  chaque  créature.  Le  miracle  de  la  Sainte  Épine 
'  i   anneau,  k  nous  connu,  d'une  chaîne  tout 

>        'o  '    P^r  L)>cu,  et  qui  fait  à  vrai  dire  toute  la 


I     Fr.  .S8>. 


axin  L'ftOLISB. 

réalité  du  monde  et  toute  m  raison  d*ètre.  Or  cette  ditiM 
remonte  par  delà  même  rétablissement  de  l'Église  chré- 
tienne; Jésus  n*est  pas  Dieu  tout  entier,  la  rédemption 
nW  qu'un  moment  de  la  vie  divine.  Le  Dieu  que  Plaçai 
oppoae  au  Dieu  des  philosophes,  au  «  Dieu  simplement 
auteur  des  vérités  géométriques  et  de  Tordre  des  éléments» 
est  celui  qu*il  appelle  lui  mt^uic  a  le  Dieu  d'Abraham,  le 
Dieu  d'Isaac,  le  Dieu  de  Jacob,  le  Dieu  des  Chrétiens.  » 
L'Évangile  de  Jésus  n'est  absolument  intelligible  et  abao- 
lumcnt  vrai  qu'en  rapport  avec  l'Ancien  Testament  où  s'ac- 
cusent d'une  façon  si  énergique  l'action  de  Dieu  dans  le 
monde  et  la  marque  de  sa  volonté  toute-puissante  sur 
chaque  événement  de  l'histoire. 

Pour  un  Spinoza,  le  Christ  est,  comme  le  rapporte Tschir- 
nhaus,  le  philosophe  par  excellence'  :  k  la  religion  juive 
privilège  d'un  peuple  élu,  fondée  sur  les  images  sen- 
sibles, confirmée  par  le  signe  matériel  du  miracle,  com- 
mandant l'obéissance  et  la  justice  sans  rendre  un  compte 
clair  de  ses  prescriptions,  le  Christ  a  lait  succéder  la 
religion  do  l'esprit  pur,  accessible  k  l'universalité  dea 
homme»,  puisqu'elle  est  tout  entière  une  aflirmation  de  la 
vérité  éternelle,  démontrable  par  la  raison  qui  est  pour 
chaque  être  la  révélation  intérieure  et  étemelle  de  Dieu. 
Dans  les  Pensées  qui  ont  été  publiées  la  même  année  que 
le  Tractatus  Theologico-Politicus  le  christianisme  n*est 
plus  la  négation,  il  est  au  contraire  la  confirmation  et  le 
prolongement  prévu,  prédit,  du  judaïsme.  Voilà  i 

Paacal  se  dégoûte  et  se  détourne  de  la  science  rui 

voilà  pourquoi  il  demande  aux  textes  révélés  de  lui  faire 
connaître  la  vérité  qui  seule  désormais  lui  importe.  Il 
api^ique  toutes  ses  forces  à  rintaprétatioo  de  oea  lexles, 

I .  Àpud  Ladwif  8l«ta,  LM»u  md  Spiitoi»,  1 890.  BtUaft  II,  p.  s8S. 


L'EGLISE.  cxxxin 

il  devient  le  disciple  non  seulement  des  écrivains  hébreux 
qui  avaient  rédigé  l'Ancien  Testament,  mais  des  rabbins 
''"- qui  en  avaient  découvert  et  établi  le  sens  Gguratif. 
i  'le  à  la  tradition  de  saint  Paul,  fidèle  à  Tespnt  de  Jan- 
sénius  qui  ne  cesse  de  dénoncer  la  corruption  d'Origène  et 
de  la  Scolastique,  et  qui  purge  la  religion  de  toute  trace 
de  métaphysique  platonicienne  ou  de  morale  stoïcienne, 
c'est-à-dire  au  fond  de  tout  paganisme,  Pascal  travaille  à 
retrouver  le  christianisme  originel,  en  le  dégageant  de  tout 
contact  avec  Tcsprit  occidental,  en  le  soudant  fortement 
au  judaïsme  qui  en  est  la  source. 

Et  en  effet  si  la  religion  est  autre  chose  qu'un  tissu 
d'abstractions  philosophiques,  si  elle  est  avant  tout  une 
réalité  concrète  qui  enveloppe  Pâme  tout  entière,  la  baigne 
de  son  atmosphère  et  la  nourrit  de  sa  substance,  la  plus 
forte  preuve  de  la  religion  c'est  sa  perpétuité.  Elle  a 
toujours  été.  Le  christianisme  s'est  en  quelque  sorte  pré- 
i  ♦'lit' lui-même  dans  le  judaisme*.  Le  Dieu  des  chrétiens 
était  déjà  le  Dieu  des  Juifs*.  Un  trait  commun  marque 
l'identité  des  deux  Testaments  :  Dieu  n'y  est  connu  et 
aimé  que  d'une  petite  élite  de  serviteurs  fidèles,  parce  que 
telle  est  en  effet  sa  volonté  que  quelques-uns  seulement 
parmi  les  hommes  soient  éclairés,  que  quelques-uns 
seulement  tournent  vers  lui  leur  cœur  et  leur  amour.  La 
conduite  de  Dieu  envers  le  monde  tend  à  l'établissement 
d'une  l^glisc  choisie  pour  la  pratique  du  culte  et  de  l'ado- 
ration ;  lo  mémo  soin  jaloux  qui  veille  à  la  conservation  de 
cett«-  Kf^'llse,  {'Il  t'carle  ceux  qui  ne  sont  pas  appelés.  Aussi 
est-il  nécpsHnirc  que  la  conduite  de  Dieu  paraisse  ambiguC; 
mais  cette  ambiguïté,  dont  la  raison  naturelle  fait  un  scan- 


I.  Fr.  601,  «qq. 

È.  Pr.  610. 


cssnv  L'ÉGLISE. 

date,  Mt  là  raison  surnaturel Ip  qui  oxpliqnt  •!  éclaira 
toat.  C'eat  elle  qui  justifie  en  dernier  reaaort  wlla  logiqat 
étt  œntrairfs  que  Ton  avait  appuyée  proviaoiremani  aor 
dea  eumples  humains  ;  c'eat  elle  qui  noua  élève  jusqu'au 
Dieu  vivant  qui  agit  dans  l'histoire. 

Voici  la  règle  de  la  foi  :  ••  Les  deux  raisons  contrairea. 
Il  faut  commencer  par  U  :  sans  cela  on  n'entend  rien,  et 
tout  est  hérétique  ;  et  même,  k  la  fin  de  chaque  vérité,  il 
faut  ajouter  qu'on  m  «ouvicnt  de  la  vérité  opposée*.  »  Et 
voici  le  fondement  de  cette  règle  :  «  On  n'entend  rien  aoi 
ouvrages  de  Dieu,  si  on  ne  prend  pour  principe  qu'il  a 
voulu  aveugler  les  una,  et  éclairer  les  autres*.  » 

Dèa  lors  le  proUèroe  de  la  religion  qui  avait  été  d'abord 
poaé  en  termes  généraux,  comme  le  problème  de  la  vérité 
ou  de  la  justice,  prend  ce  caractère  personnel,  tragique, 
que  le  génie  de  Pascal  a  si  admirablement  •  '    II  ne 

me  suffit  plus  de  savoir  que  l'Évangile  eat  a  .:..  :...^ue  et 
que  Jéeus  est  le  médiateur.  Mai»  sui»-je  ou  non  appelé  k 
faire  partie  de  l'Église  que  Dieu  a  choisie  ?  me  donnera-t-il 
jusqu'à  la  fin  de  mes  jours  cette  grâce  sans  laquelle  la 
foi  en  sa  parole  et  la  bonne  volonté  absolue  aéraient  de 
Bnlle  efficacité?  échapperai -je  enfin  k  la  damnation  éter- 
nelle que  tous  les  hommes  ont  méritée  en  Adam?  une 
miséricorde,  d'autant  plus  grande  qu  elle  est  plus  rare, 
me  tirera-t-elle  de  la  «  masse  des  perdus  »  pour  me  faire 
parvenir  k  la  béatitude  de  l'éternité? 

La  question  capitale  devient  ainsi  la  question  de 
TÉglise. 

Le  judaïsme  a  connu  l'Église.  Avant  même  que  Jéeos 
ait  paru  sur  la  terre  pour  rompre  le  sceau  et  dévoiler  le 


I.  Fr.  5«7. 
s.  Pr.  566. 


L' K  G  L I  s  E.  rjcxxv 

sens  clair  de  l'Écritare,  Dieu  avait  choisi  un  peuple 
parmi  les  peuples,  et  une  élite  parmi  ce  peuple  :  je  m'en 
suis  réservé  7000,  dit  un  texte  que  Pascal  aimait  à  citer'. 
De  là  cette  doctrine  essentielle  a  que  les  vrais  Juifs  et 
les  vrais  chrétiens  n'ont  qu'une  même  religion*  ».  Dieu  a 
donné  la  loi  aux  Juifs  pour  lesaveugler  ;  et  en  effet  ils  ontcru 
que  Dieu  leur  commandait  la  circoncision,  les  sacrifices 
el  les  cérémonies,  qu'il  leur  promettait  pour  prix  de  leur 
obéissance  les  richesses  de  la  terre  et  la  joie  de  la  domi- 
nation. Pourtant  quelques  Juifs  ont  été  éclairés  par  ces 
mêmes  paroles  qui  avaient  égaré  la  plupart  de  leurs  core- 
ligionnaires, quelques-uns  ont  dégagé  le  sens  spirituel 
de  ces  commandements  et  le  sens  moral  de  ces  promesses: 
ils  ont  compris  et  pratiqué  la  circoncision  du  cœur,  ils 
ont  attendu  le  Messie,  qui  apporterait  définitivement  aux 
hommes  la  puissance  de  renoncer  à  la  terre  et  de  vivre 
dans  la  charité.  L'Ancien  Testament  semble  fait  pour 
dr'fnnrner  de  croire,  et  il  faut  qu'il  en  soit  ainsi  :  il  doit 
f'ioigner  ceux  qui  s'éloignent  eux  mêmes  de  la  charité; 
Dieu  n'y  parle  qu'à  ceux  h  qui  il  s'est  déjà  fait  entendre 
intérieurement  et  qui  savent  découvrir  dans  le  précepte 
littéral  la  figure  du  Dieu  caché  ^. 

Grâce  à  cette  ambiguïté  l'Ancien  Testament  peut  à  la 
fois  subsister  par  lui-même,  et  devenir  le  fondement  du 
christianisme.  Il  subsiste  par  lui-même,  aux  yeux  des 
Juifs  qui  n'ont  pas  pu  reconnaître  en  Jésus  le  Messie 
qui  leur  était  annoncé.  Et  les  prophéties  doivent  être 
telles  qu'elles  justifient  du  même  coup  et  l'endurcissement 
des  Juifs  destinés  à  demeurer  dans  la  suite  des  siècles  les 


I.   Pr.  788  ;  cf.  iMLrûtà  Mattémoiutte  de  ftoaniui.  \ll,  otim  5. 
a.   Fr.  610. 


CXKXTt  t/^.GtlSR. 

témoin»  involontaire»  de  lavérilé  de  rÉvangile,  et  la  croyance 
à»  chrétiens  pour  qui  Jésua  a  accompli  dans  le  lempa 
auioiioé  exactement  ce  qui  avait  été  annoncé  :  «  Les  pro- 
phéCiet  dtéM  dans  TÉvangile,  vous  croyez  qu*eUea  sont 
rapportées  pour  vous  faire  croire?  Non,  c*est  pour  voua 
éloigner  de  croire'.  »  L'incrédule  lire  vanité  des  olijadioiis 
que  le  raisonnement  oppose  k  Pinterprétation  chrélieone 
de  la  Bible  ;  en  réalité  rien  ne  devrait  Tépouvanter  comme 
cette  révolte  de  la  raison  contre  l'autorité  de  la  parole 
révélée  ;  n'est-ce  pas  le  signe  que  Ton  est  exclu  et  réprouvé? 
Au  contraire,  pour  ceux  qui  lisent  avec  la  véritable  ir  '^ 
nation  du  cœur,  pour  les  élus,  o  tout  tourne  au  i 
jusqu'aux  obscurités  de  l'Écriture*  »  ;  toute  leur  pensée  est 
orientée  vers  l'amour  exclusif  de  Dieu,  tout  devient  une 
occasion  de  le  retrouver  derrière  les  images  sensibles  et 
matérielles  qui  plaisaient  aux  Juifs  «  La  charité,  dit 
Pascal,  n'est  pas  un  précepte  figuratif  »  ;  elle  n'est  pas  k 
interpréter,  mais  elle  est  au  contraire  la  clé  de  Tinlerpré- 
tation,  la  vérité  absolue  qui  discerne  le  sens  et  mesure  la 
portée  de  tout  le  reste.  Aussi  on  a  compris  que  Jésus  est 
le  Messie,  dès  qu'on  a  compris  qu'il  devait  renverser 
toutet  les  idées  du  vulgaire  sur  le  Messie.  Les  Juifs  charnels 
■tiendiient  le  Roi  de  la  terre,  dispensateur  de  richesses 
et  de  joies  sensibles  ;  fatalement  ils  devaient  méconnaître, 
blasphémer,  tuer  celui  qui,  humble,  ignoré  de  loua, 
venait  t  dans  un  avènement  de  douceur  »  inaugurer  le 
règne  de  la  baiaeaie  et  de  la  charité.  «  Chacun  trouve  ce 
qu'il  a  dans  le  fond  de  son  cœur*.  »  Déji  il  faut  être 
saint  pour  comprendre  la  sainteté. 

I.  Fr.  S68. 

s.  Fr.  &^b. 

S.  Fr.  665. 

4  Fr  «75. 


L'ÉGLISE.  cxxx%-n 

\  ou  1  qui  est  plus  terrible  encore  :  cette  opposition  des 
Juifs  charnels  et  des  Juifs  spirituels  se  continue  dans  la 
société  des  chrétiens.  Il  y  a  un  christianisme  libertin  qui 
s'oppose  au  christianisme  vrai,  et  où  tout  ce  qui  devait  être 
raison  de  croire  devient  motif  de  réprobation.  Le  Dieu  qui 
s'est  voulu  cacher  à  la  foule  des  hommes  a  aussi  voulu 
aveugler  la  plupart  de  ceux  qui  se  réclamaient  de  son  nom. 
Ainsi  la  croyance  à  la  rédemption  deviendra  un  danger  : 
si  Ton  croit  que  Jésus  en  mourant  a  réparé  le  désordre 
de  la  nature,  qu'il  nous  a  rendu  Tintégrité  de  notre  libre 
arbitre  et  la  pureté  de  notre  raison,  Ton  tombe  dans 
Tabîme  où  sont  les  philosophes  et  les  païens.  Le  respect 
de  l'Église  devient  un  danger  :  on  se  sert  des  autorités 
reconnues  pour  couvxir  des  tolérances  morales  qui  sont  le 
-rarulalc  des  consciences  chrétiennes.  L'observation  minu- 
tnii'ie  du  culte  est  un  danger:  a  Jésus-Christ,  selon  les 
Chrétiens  charnels,  est  venu  nous  dispenser  d'aimer  Dieu, 
et  nous  donner  des  sacrements  qui  opèrent  tous  sans 
nous'.  »  Le  christianisme  est  une  religion  vivante,  qui 
nous  a  imposé  de  vivre  pour  Dieu,  c'est-à-dire  de  lutter 
contre  nous-mêmes.  «  Jésus  est  venu  apporter  le  couteau 
et  non  pas  la  paix*.  »  La  lutte  de  l'homme  contre  sa 
nature  sans  cesse  renaissante,  c'est  aussi  la  lutte  de  l'Eglise 
contre  elle-même,  contre  le  poids  mort  qu'elle  traîne  avec 
soi:  «  l'Église  a  trois  sortes  d'ennemis:  les  Juifs  qui  n'ont 
jamais  été  de  son  corps  ;  les  hérétiques  qui  s'en  sont 
retirés;  et  le»  mauvais  Chrétien»,  qui  la  déchirent  au 
dedans  \ 

La   terre  est  un  lieu  d  exercice  ;    dans  chaque   cotts- 


I    Kr.  607. 

■1     Letlrn  à  MademoiaetU  d*  BotiMêS,  U,  oUm  4  ;  cf.  fr. 

^    Fr.  84o. 


axiTm  L'ÉGLISE. 

deDoe  de  chrétien  doit  m  renouveler  le  drame  qui  agite 
le  monde  depuis  le  jour  du  péché,  et  qui  doit  tubeialer 
tans  interruption  jusqu'au  jour  du  jugement.  Il  faut  que 
d'un  cAté  soit  la  puisMnce  chamelle,  le  triomphe  apparent 
qui  fascine  le  vulgaire,  les  applaudissements  du  peuple 
et  la  laveur  des  grands  ;  de  Tautrc,  le  renoncement  k  tous 
les  biens  terreatres,  rattachement  k  Jésus  crucifié,  Thumilité 
sinoÀre  et  la  charité  secràte  :  il  faut  donc  que  d'un  cAté 
lea  Jésuites  triomphent,  qu'ils  entraînent  la  Sorbonnc,  qu'ils 
surprennent  le  Pape  ;  il  faut  que  de  l'autre,  les  religieuses 
de  Port-Royal  n'aient  plus  à  offrir  k  Dieu  que  la  pureté 
de  la  doctrine  et  de  la  vie,  avec  les  souffrances  de  la 
persécution. 

L'histoire  tout  entière,  l'essence  même  de  l'Église  exi- 
gent qu'il  en  soit  ainsi.  Et  pourtant  aucune  considération 
abstraite,  aucune  analogie  historique  ne  suffit  k  nous 
rassurer  ;  ce  sont  encore  des  choses  humaines.  Il  ne  suffit 
même  pas  d'invoquer  l'ardeur  de  la  piété  ou  la  vertu  ;  car 
qui  peut  dire  que  Dieu  les  agrée?  et  n'est-ce  pas  le 
propre  d'une  conscience  chrétienne,  de  s'incliner  avec 
crainte  et  avec  tremblement  devant  le  jugement  mystérieux 
du  Dieu  qui  prononce  sur  les  Ames?  Il  faut  que  Dieu 
parie  :  la  seule  marque  de  piété  c'est  qu'on  ait  mérité 
d'obtenir,  qu'on  ait  mérité  surtout  de  comprendre  la 
réponse.  Ou  ce  que  Pascal  a  cru,  ce  pourquoi  il  a  aouflert 
et  espéré,  ce  qu'il  a  aimé  de  toute  l'ardeur  de  son  laie 
eat  laux  —  ou  le  miracle  de  la  Sainte  Épine  est  un  miracle 
authentique,  dissipant  d'un  coup  les  nuagea  accumulés 
sur  la  question  de  la  grâce  et  sur  la  bonne  foi  dea  jan- 
•éniatee,  marquant  d'un  trait  de  feu  l'intervention  de  Dieu 
même  dans  1m  querelles  de  l'Église.  Le  christianiame, 
tel  que  compreiîd  Pascal,  implique  tnivant  sa  propra 
parole  u  un  devoir  réciproque  entre  Dieu  et  les  bommes... 


L'ÉGLISE.  cxzxn 

Les  hommes  doivent  à  Dieu  de  recevoir  la  religion 
qu'il  leur  envoie.  Dieu  doit  aux  hommes  de  ne  les  point 
induire  en  erreur'.  »  Dieu  a  donc  accompli  ce  que  Pas- 
cal appelle  son  devoir,  et  il  Ta  fait  dans  le  temps  qu^il 
devait  —  non  après  la  condamnation  des  propositions, 
«  car  la  vérité  n'était  pas  attaquée'  »  —  mais  après  la 
censure  de  la  Sorbonne  et  la  bulle  du  pape,  qui  dénon- 
çaient expressément  Jansénius,  afin  d'émouvoir  ceux  qui 
y  cherchaient  faussement  leur  tranquillité,  afin  de  ras- 
surer ceux  qui  avaient  assumé  le  dépôt  de  la  vérité.  Avant 
les  miracles  de  Jésus-Christ  :  «  les  prophéties  étaient  équi- 
voques, elles  ne  le  sont  plus*.  »  Avant  le  miracle  de  la 
Sainte  Épine  :  «  les  cinq  propositions  étaient  équivoques, 
elles  ne  le  sont  plus*.  ■  Le  miracle  avait  discerné  entre 
les  païens  et  les  juifs,  entre  les  juifs  et  les  chrétiens  ; 
il  discerne  entre  les  calomniateurs  et  les  calomniés*.  Mais  il 
a  fait  ce  discernement  —  et  ainsi  Texige  la  conception  que 
Pascal  s'est  formée  de  la  conduite  de  Dieu  —  de  façon  à 
justifier  l'endurcissement  des  uns  en  même  temps  que 
la  reconnaissance  des  autres.  «  Les  miracles  ne  servent 
pas  k  convertir,  mais  à  condamner*.  »  Pascal  dit  aux 
Jésuites  ce  que  les  Apôtres  disaient  aux  Juifs  témoins  de 
Jésus  :  «  ce  qui  fait  qu'on  ne  croit  pas  les  vrais  miracles, 
est  le  manque  de  charité^.  » 

Mais  pour  ceux   qui  ayant  dans  le  cœtir  la  charité  de 


I  Fr.  843. 

9.  Fr.  85o. 

3.  Fr.  83o. 

4.  Fr.  8.1 1 

5.  Fr.  84 1. 

6.  Fr.  8)5. 


J4roB  ont  Ml  entendre  U  ptrole  MinU*  qui  venait  à  «»iu, 
quelle  joie  et  quel  tremblement  k  sentir  qu'au  plus  pro- 
fond d'eui-mémes,  au  deli  de  la  partie  humaine  de  letir 
être,  habile  le  Dieu  qui  s'est  fait  homme  et  qui  a  mérité 
U  grâce  du  Père  pour  la  créature  de  péché  !  Sur  les  ruines 
des  plaisirs  humains  et  des  affections  naturelles,  au  terme 
de  la  renonciation  totale,  fleurit  enfin  la  douceur  d'un 
amour  ineffable  :  «  joie,  joie,  joie,  pleurs  de  joie.  >  Les 
larmes  que  Pascal  a  versées  dans  la  nuit  d'extase  et  devant 
le  feu  de  la  certitude  intérieure  se  renouvellent  au  miracle 
de  la  Sainte  Épine  ;  dans  un  «  éclair  »  s*est  manifesté 
le  Dieu  vivant,  qui  a  discerné  ses  vrais  adorateurs  et  les 
a  marqués  du  sceau  des  élus.  Pascal  répète  la  parole  de 
saint  Augustin  :  «  Je  ne  serais  pas  chrétien  sans  les  mira- 
cles'. M 

Les  Pensées  sont  nées  du  miracle  ;  c'est  de  lui  qu'elles 
reçoivent  l'unité  de  leur  inspiration  en  même  temps  que 
Tespoir  de  leur  efficacité.  Les  Pensées  sont  un  hymme 
de  reconnaissance,  et  une  prière  ardente  pour  le  salut  des 
hommes:  «<  Sur  le  miracle.  —  Comme  Dieu  n'a  pas 
rendu  de  famille  plus  heureuse,  qu'il  fasse  aussi  qu'il 
n'en  trouve  point  de  plus  reconnaissante*.  »  Elles  âihor^ 
dent  de  bonheur  :  a  Nul  n'est  heureux  comme  un  vrai 
chrétien'  ».  L'excès  d'un  tel  bonheur  serait  même  k 
redouter,  si  on  devait  le  sentir  k  la  façon  des  hommes, 
en  faisant  retour  sur  soi  pour  s'en  attribuer  la  causalité. 
Plus  l'œuvre  est  sainte  devant  Dieu,  plus  elle  deviendrait 
mortelle,  si  elle  nous  induisait  k  nous  en  attribuer  l'ini- 


I.  Fr.  8ia. 
s.  Fr.  856. 
8.  Fr.  &ii. 


L'ÉGLISE.  cxLi 

tiallve  el  le  mérite.  La  prière  elle-même  est  dangereuse, 
si  en  demandant  nous  allions  croire  que  nous  avons  quel- 
que droit  à  obtenir.  A  plus  forte  raison,  celui  qui  entre- 
prend de  découvrir  aux  hommes  la  vérité,  de  leur  montrer 
les  routes  du  salut  s'expose  k  la  tentation  naturelle  qui 
est  de  faire  le  Dieu.  Au  moment  où  Tauteur  des  Pensées 
s'élève  le  plus  haut  dans  la  conscience  claire  de  son 
génie,  il  se  fait  scrupule,  il  offre  en  sacrifice  la  joie  dont 
il  ne  peut  se  défendre,  il  s'abaisse  dans  un  mouvement 
d'humilité  :  l'incrédule  qu'il  aura  retiré  du  milieu  d'ini- 
quité et  qu'il  aura  conduit  à  Dieu,  sera  peut-être  demain 
revêtu  de  cette  grâce  que  demain  peut-être  lui-même  implo- 
rera en  vain.  Même  illuminé  par  la  flamme  d'un  bonheur 
céleste,  le  chrétien  ne  peut  pas  se  reposer  dans  ce  bonheur, 
et  le  faire  sien  ;  il  doit  l'accueillir  dans  les  larmes  et  dans 
l'anxiété.  Voilà  sans  doute  le  dernier  secret  des  Pensées  ; 
voilà  pourquoi  ces  Fragments,  destinés  pour  la  plupart  à 
une  Apologie  du  christianisme,  tournés  contre  les  libertins 
et  les  mauvais  chrétiens,  sont  pleins  pourtant  de  l'âme 
même  de  Pascal  ;  c'est  de  lui  qu'ils  nous  entretiennent  et 
c'est  vers  lui  qu'ils  dirigent  notre  esprit  ;  c'est  l'angoisse 
d'un  drame  intérieur  qui  de  l'auteur  se  communique  aux 
lecteurs.  La  légende  romantique  veut  qu'il  lutte  contre 
SCS  doutes,  qu'il  travaille  inutilement  à  aflirmer  en  lui  la 
conviction  qu'il  voudrait  imposer  à  autrui.  En  réalité 
Pascal  est  inquiet  non  de  sa  foi  mais  de  son  salut  :  a  Toute 
condition,  et  même  les  martyrs,  ont  i  craindre,  par 
rl'À'riturc'.  »  Il  n'est  ni  un  théologien  spéculatif,  ni  un 
docteur  qui  parle  du  haut  de  la  chaire,  en  représentant 
d'une  autorité  «  reconnue  »  ;  il  est  à  genoux,  il  prie,  et 


IV.  5i8. 


vÈQum. 

U  taigne  sous  les  poinlet  de  m  ceinlure  de  fSer.  Li  croix 
quHl  trace  en  tète  de  tes  fragments  n*est  pts  une  arme 
pour  appeler  au  combat  le«  fidèles,  pour  menacer  le» 
mécréante  ou  les  hérétiques;  c'est  la  propre  croix  du 
Christ  sous  laquelle  il  a  succombé  au  chemin  du  calvaire  : 
«  Jéma  sera  en  agonie  jusqu'à  la  fin  du  monde,  il  ne 
faut  pas  dormir  pendant  ce  temps-U.  » 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES 

POUR   LA   PREMIÈRE   PARTIE 

DE   L'INTRODUCTION 


I 


LA    PRÉPARATION    DE    LEDITION 


LETTRES   DE   M.    DE    BRffiNNE    A    Mme    PÉRIER» 

Première  lettre. 

Ce  i6  novembre  [1668]. 

On  ne  peut  pas,  madame,  avoir  céans  M.  votre  (ils  qui  nous 
fait  l'honneur  de  coucher  ce  soir  chez  le  mien  après  y  avoir 
dln(S  ce  matin  et  avoir  travaillé  tout  le  jour  céans  pour  mettre 
enfin  la  dernière  main  aux  fragments  de  Monsieur  votre  illustre 
et  bienheureux  frère,  après  qu'ils  ont  subi  tous  les  examens 
de  M.  de  Roannez.  ce  qui  n'est  pas  peu  de  chose,  et  ne  vous 
pas  dire  un  mot  d'une  si  agréable  occupation  que  nous  avons 
présentement.  M.  de  Koannez  est  très  content,  et  assurément 
l'on  peut  dire  que  lui  et  ses  amis  ont  extrêmement  travaillé. 
Je  crois  que  vous  l'en  derei  remercier.  Nous  allons  encore 
faire  une  revue.  M.  votre  très  cher  fils  et  moi.  après  laquelle 
il  n'y  aura  plus  rien  à  refaire,  et  je  crois  que  notre  dessein  ne 
vous  déplaira  pas,  ni  à  M.  Périer  que  je  salue  ici  avec  votre 
permission,  puisque  nous  ne  faisons  autre  chose  que  de  voir 
si  l'on  ne  peut  rien  restituer  des  fragmenUque  M.  de  Roannei 

I.  II*  Recaeil  MS.  da  P.  Guerrier,  p.  71.  Cf.  M*.   11988,  p.  7S. 
rcNtâu  om  fakal.  i  —  10 


eu.n  LETTRES  DE  BRIENNE. 

a  6iét.  Dsmain  nous  ach&Teroof  ce  tnivail.  t'il  pblt  à  Dien. 
J'ai  prétentement  de  la  tHe  et  de  la  aanté  k  revendre,  gr&oe  à 
voa  prierai  et  à  celle*  de  nos  amU  et  amiei  k  qui  j'attribue  nu 
goériaon.  car  j'ai  élé  trop  mal  et  me*  incommodité*  avaient 
dur^  trop  longtemps  pour  que  j'auaie  osé  têpint  eo  être  quitte 
si  tât.  ce  qui  fait  que  je  regarde  ma  guériaoo  oomiiM  an  petit 
miracle.  Notre  bon  Dieu  en  soit  béni,  et  qu'il  me  fasse  la  grioe 
s'il  lui  plaît,  de  mieux  user  de  ma  santé  que  je  n'ai  fait  par  le 
passé. 

Je  ne  sais,  madame,  comment  vous  remercier  de  vo*  beUe* 
pommes  :  vous  moquez-vous  de  faire  de  tais  préaents?  Je  ne 
aais  ce  qui  me  tient  que  je  ne  vous  gronde  au  lieu  de  vous 
remercier.  Car  je  suis  encore  trop  glorieux  pour  pouvoir  souf- 
frir qu'on  me  donne,  sans  rendre  un  présent  qui  puisse  égaler 
celui  qu'on  m'a  fait,  et   par  maibeur  je  n'ai  T>i  ni 

pommes  k  vous  envoyer.  Je  ne  me  vante  de  rien,  m  <i«-n 

envie  un  de  ces  jours  de  vous  faire  aussi  quelque  trait  à  mon 
tour.  Au  moins  ne  refuserez -vous  pas  des  livres  de  ma  Csçon 
et  de  la  nature  de  celui  qui  est  présentomeot  sous  la  presse, 
ni  mes  chères  sœurs  aussique  je  von^  "  «l'embnaer  pour 
moi  et  de  les  assurer  que  je  ne  1<  i  .li  jamais  derant 

notre  Seigneur.  Comment  va  la  t^tc  de  M.  Domat?  Je  le  salue 
avec  votre  permission,  comme  aussi  MM.  vos  fils  et  M.  leur 
précepteur  que  j'aime  h  cause  d'eux  et  de  vous  plus  que  je  ne 
puis  dire.  Je  voudrais  que  vous  nous  les  envoyassiez  tous  :  je 
vais  établir  un  petit  collège  chez  mon  fils,  et  If.  de  Rebergue 
ne  serait  pas  un  de  nos  moindres  maîtres,  et  vos  deux  enlknts 
de  nos  moindres  écoliers  :  au  moins  ne  m'en  saurait-il  venir 
qui  me  soient  plus  chers.  Auriez-vous  jamais  espéré  de  me 
voir  principal  de  collège?  Envoyez-nous  au  plus  tôt  les 
cahiers  de  M.  Pascal  qui  vous  restent,  et  qui  nous  manquent, 
et  mandea-nous  votre  dernière  volonté  :  nous  reiéculerons 
très  ponctneOement.  Quelle  joie  n'ai-je  point  de  trouver  une 
fois  en  ma  vie  une  petite  occasion  de  vous  servir,  en  la  per- 
sonne du  monde  qui  vous  était  la  plus  chère  et  qui  était 
aussi  la  plus  digne  d'être  aimée!  J'ai  rendu  lelfonlo^à 
M.  votre  iiU;  quelles  obligations  ne  vous  ai>je  point? 

Il  nous  manque  diverses  pensées  sur  les  divert  ten»  de 
VÈeritare,  que  la  loi  e$t  figaraûiMf  «io.,  et  encore  (es  pmnei 
de  la  virUMe  reUgion  par  lu  eonlrarUlk  qui  g*  Irommtt  ioM 


LETTRES  DE  BRIENNE.  cxlmi 

la  nature  de  V homme  et  par  le  péché  originel;  cela  doit  être 
admirable. 

Je  suis  si  content  du  pauvre  Ferrand  que  je  ne  vous  le 
puis  assez  dire.  Il  m'édifie  tous  les  jours  de  plus  en  plus  et 
toute  cette  maison,  et  me  sert  d'une  manière  qui  ne  me  peut 
permettre  sans  ingratitude  de  n'avoir  pour  lui  beaucoup 
d'afTection  :  c'est  le  meilleur  garçon  du  monde. 

Quand  on  a  été  autant  de  temps  qu'il  y  a  d'ici  au  3^  de 
juillet  dont  est  datée  votre  dernière  lettre  sans  y  répondre,  on 
peut  s'en  dispenser.  Cependant,  je  l'ai  encore  sur  ma  table, 
et  je  la  conserve  chèrement  comme  tout  ce  qui  me  vient  de 
vous.  Je  viens  de  la  relire  et  il  se  trouve  que  j'y  ai  répondu 
sans  le  savoir,  car  vous  ne  me  parliez  que  des  admirables 
fragments  de  notre  saint.  Recommandez-moi  s'il  vous  platt  à 
ses  prières  et  me  croyez  tout  à  vous  en  notre  S.  J.  C.  Adieu; 
et  mille  amitiés  encore  une  fois  à  toute  la  chère  famille. 


Deuxième  lettre. 

Ce  7  déeembre  1668. 

M.  votre  (Us  m'apporta  hier  votre  lettre  du  37*  du  mois 
pa.ssé;  nous  la  lûmes  ensemble  et  pesÂmes  plus  toutes  vos 
raisons  que  vous  n'auriez  pu  faire  vous-même,  quand  vous 
y  auriez  été  présente  pour  répondre  i  nos  objections.  Il  est 
certain  que  vous  avez  quelque  raison,  madame,  de  ne  vouloir 
pas  qu'on  change  rien  aux  pensées  de  M.  votre  frère.  Sa  mé- 
iii'  '  '  -l  dans  une  si  grande  vénération  que.  quand  il  n'y 
ui.  moi  tout  seul,  je  serais  entièrement  de  votre  avis, 

si  M.  de  Koannez  et  ceux  qui  ont  pris  la  peine  de  revoir  ces 
fragments  avaient  prétendu  substituer  leurs  pensées  à  la  place 
de  celles  de  notre  saint,  ou  les  changer  de  manière  qu'on  ne 
put  |)as  (lire  sans  mensonge  ou  sans  équivoque  qu'on  les 
donne  an  public  telles  qu'on  lésa  trouvées  sur  de  méchants 
petits  morceaux  de  papier  après  sa  mort.  Mais  comme  œ 
qu'on  y  a  fait  ne  change  en  aucune  façon  le  sens  et  les  expres- 
sions de  l'auteur,  mais  ne  fait  que  les  éclaircir  et  les  embellir, 
•l  qu'il  est  certain  que  s'il  vivait  encore  il  souscrirait  sans 
''difiiculté  à  tous  CCS  petits  embellissements  et  éclaircissementa 


aLTn  Ur.TTRBS  DE  BRIRNNK. 

qu'on  •  donné»  à  tei  peniéM.  et  qu'il  les  aurait  iiti^os  lut- 
tn^iiio  en  cet  état  «'il  avait  vécu  davantage  et  «'il  a\ait  eu  la 
loikir  de  les  repauer.  pui<H|ue  l'on  n'a  rien  mb  que  da  né- 
onaaire  et  qui  vient  naturrllement  dan»  l'esprit  à  la  premièn 
lecture  qu'on  fait  des  fragmenta,  je  ne  vois  pas  que  voua 
puiaiiei  raiaonnableroent  et  par  un  scrupule  que  voua  me 
pennettrei  de  dire  qui  serait  tr^s  mal  Tonde,  voua  oppoaar  k 
la  gloire  dr  celui  que  vou«  aimez.  Les  autres  ouvragaa  que 
nous  avons  de  lui  nous  disent  assez  qu'il  n'aurait  pas  lauaé 
ses  premières  pensées  en  l'état  qu'il  les  avait  écrites  d'abord  ; 
et  quand  nous  n'aurions  que  l'exemple  de  la  i8*  Lettre  qu'il 
a  refaite  jusqu'à  la  i3  fois,  nous  serions  trop  forts,  et  nous 
aurions  droit  de  vous  dire  que  l'auteur  serait  parfailemeol 
d'accord  avec  ceux  qui  ont  osé  faire  dans  ses  écrits  œs  pelitei 
corrections,  s'il  était  encore  en  état  de  pouvoir  nous  dire  lui- 
même  son  avis.  C'est,  madame,  ce  qui  a  fait  que  je  me  suis 
rendu  au  sentiment  de  M.  dcRoannez.deM.Arnauld.de 
M.  Nicole,  de  M.  du  Bois  et  de  M.  de  la  Chaiae.  qui  loua 
conviennent  d'une  voix  que  lea  pensées  de  M.  Pascal  sont 
mieux    qu'elles  n'étaient,    sans    toutefois  qu'on   puisse  dire 

Qu'elles  soient  autres  qu'elles  étaient  lorsqu'elles  sont  sorties 
B  lea  mains,  c'est-à-dire  sans  qu'on  ait  changé  quoi  que  œ 
aoit  k  son  sens  ou  à  ses  expressions,  (^r  d'y  avoir  ajouté  de 
petits  mots,  d'y  avoir  fait  de  petites  transpositions,  mais  en 
gardant  toujours  les  mêmes  termes,  ce  n'est  pas  k  dire  qu'on 
ait  rien  changé  i  ce  bel  ouvrage.  La  réputation  de  M.  Pascal 
est  trop  établie  pour  que  le  public  s'imagine,  lorsqu'il  trou- 
vera ce»  fragments  admirables,  et  plus  suivis  et  plus  liés  si 
vous  voulez  qu'il  n'appartient  à  des  fragments,  que  ce  soient 
d'autres  pcrsonnea  que  M.  Pascal  qui  les  aient  mis  en  cet 
état.  Cette  pensée  ne  viendra  jamais  à  personne,  et  on  ne 
blessera  point  la  sincérité  chrétienne  même  la  plus  exacte  en 
disant  qu'on  donne  ces  fragments  tels  qu'on  les  a  trouvés  et 
qu'ils  sont  sortis  des  mains  de  l'auteur,  et  tout  le  reate  que 
vous  dites  si  bien  et  d'une  manière  si  agréable  que  voos 
m'entraîneriez  k  votre  sentiment,  pour  peu  que  je  vtaM  que 
le  monde  fût  capable  d'entrer  dans  les  soupçons  que  voua 
appréhende!.    L'ouvrage,  en  l'état  qu'il  est.  e«t  lo  in 

fragment,  et  cela  suffît  pour  que  tout  ce  que  l'on  .<  |^< 

TOUS  voulez  qu'on  dise  soit  véritable. 


LETTRES  DE  BRIENNE.  cxlxix 

Mais  afin  que  vous  puissiez  mieux  juger  de  la  vérité  de  ce 
que  j'avance,  et  que  je  ne  voudrais  pas  vous  dire  pour  quoi 
que  ce  soit  au  monde  si  je  ne  le  croyais  très  vrai  en  toutes 
ses  circonstances,  je  vous  envoie  une  feuille  d'exemple  des 
corrections  qu'on  a  faites,  que  je  dictai  hier  à  M.  votre  fils. 
Je  suis  assuré,  madame,  que  quand  vous  aurez  vu  ce  que 
c'est,  vous  êtes  trop  raisonnable  pour  ne  vous  pas  rendre  et 
pour  n'être  pas  bien  aise  que  la  chose  soit  au  point  qu'elle 
est.  c'est-à-dire  aussi  parfaite  que  des  fragments  le  peuvent 
être.  Quand  vous  verrez  après  cela  la  préface  qu'on  a  faite  et 
que  je  tAcherai  de  vous  envoyer  mardi  prochain  ou  au  moins 
d'aujourd'huit  en  huit  jours  tout  au  plus  tard,  vous  ne  vous 
contenterez  pas  de  donner  simplement  les  mains  à  ce  qu'on  a 
fait  ;  mais  vous  en  aurez  de  la  joie,  et  vos  entrailles  tressail- 
leront d'allégresse,  selon  l'expression  de  l'Écriture,  en  voyant 
combien  dignement  l'on  a  parlé  d'un  frère  aussi  digne  de 
louanges  et  d'estime  que  celui  que  vous  aviez,  et  qui  vous 
doit  être  bien  plus  cher  où  il  est  qu'il  ne  l'était  lorsqu'il  était 
sur  la  terre. 

Je  vous  dirai  encore,  sans  craindre  de  vous  importuner  et 
sans  faire  même  de  réflexion  comme  vous,  que  je  suis  à  la  fin 
dr  la  quatrième  page,  qui  est  le  seul  endroit  de  votre  lettre 
qui  m'a  d«*plu  ;  car  à  quoi  bon  de  faire  de  semblables  excuses 
à  ses  amis,  principalement  lorsqu'on  écrit  aussi  agréablement 
que  vous  faites.  Pardonnez-moi  cette  petite  digression  qui  est 
venue  si  à  propos  que  je  n'ai  pu  m'empêchcr  de  la  faire.  Je 
vous  dirai  (dis-je),  madame,  que  j'ai  examiné  les  corrections 
n\or  un  front  aussi  rechigné  que  vous  auriez  pu  faire;  que 
j'étais  aussi  prévenu  et  aussi  chagrin  que  vous  contre  ceux 
qui  avaient  oaé  m  rendre  de  leur  autorité  privée  et  sans  votre 
aveu  les  correcteurs  de  M.  Pa.scal  :  mais  que  j'ai  trouvé  leurs 
changements  et  leurs  |)etits  embellissements  si  raisonnables 
(\\u'  mon  chagrin  a  bientôt  été  dissip<',  et  que  j'ai  été  forcé, 
malgré  que  j'en  eusse,  à  changer  ma  malignité  en  reconnais- 
sance et  en  estime  pour  ces  mêmes  personnes  que  j'ai  reconnu 
n'avoir  eu  que  la  gloire  de  M.  votre  frère  en  vue  en  tout  ce 
qu'ils  ont  fait.  J'espère  que  M.  Périer  et  vous  en  jugerez 
tout  comme  moi  et  ne  voudrez  plus,  après  que  vous  aurex  vu 
ce  que  je  vous  envoie,  qu'on  relarde  davantage  l'impression 
du  plus  bel  ouvrage  qui  fut  jamais.  Je  me  charge  des  appro- 


a.  LETTRES  DE  BRIBNNE. 

bâtions  et  de  tout  le  r«sl«  ;  que  ne  ferab-je  point  pour  de  lab 
•mi>  que  vous? 

Si  j'avaiii  cru  M.  de  Roannei  et  tous  Toa  amis,  c'wl  >  dire 
11.  Arnauld.  M.  Nicole,  etc..  qui  n'ont  qu'un  mèuM  MOli- 
ment  dans  cette  aflaire.  quoique  ces  deux  derniers  cnicMnt 
plus  que  M.  de  Roannes  do  rien  faire  qui  vous  puisse  déplaire, 
parce  que  peut-être  ils  ne  sont  pas  aussi  assurés  que  M.  àê 
Roanne  dit  qu'il  l'est  que  vous  trouvercx  bon  tout  oe  qu'il 
liBra  ;  si.  dis-je.  je  les  avais  crus,  les  fragments  de  M.  Pascal 
aéraient  bien  avancés  d'imprimer.  11  est  assurémeot  deooos^ 
quence  de  ne  pas  retarder  davantage  l'impressioa.  et  je  vous 
supplie,  en  nous  envoyant  la  copie  des  deux  cahiers  qui  nous 
manquent  et  que  je  vous  ai  marqués  dans  ma  demifae  lettre, 
de  nous  envoyer  aussi  une  permission  de  mettre  cet  ouvrage 
sous  la  presse,  et  d'avoir  assex  de  confiance  en  tous  vos  amis, 
au  nom  desquels  je  vous  écris  et  qui  joignent  leurs  prières 
aux  miennes,  pour  croire  que  l'on  ne  fait  rien  en  tout  œd. 
que  de  très  bien  et  de  très  avantageux  à  celui  que  vous  aimes 
et  qui  est  si  digne  d'être  aimé.  Je  vous  conjure  de  mereoom- 
oiaiidar  à  aea  saintes  prières  lorsque  vous  vous  y  reoominan- 
deres  vouannème.  et  de  lui  bien  dire,  dans  le  secret  de  votre 
oraison,  que  je  suis  ausai  sensible  pour  tout  ce  qui  peut  le 
toucher,  c'est-4-dirc  les  siens  et  sa  mémoire  hienhenreuse. 
que  si  j'avais  l'avantage  d'être  son  propre  frère.  Je  vous  dis 
œd  avec  une  cfTusion  qu'il  n'y  a  que  Dieu  et  celui  qui 
est  mort  en  lui  qui  puisse  voir,  et  je  lui  demande  de  tout 
mon  cœur  de  vous  la  faire  connaître  telle  qu'dle  est  effscti- 
vement. 

Que  pui»-je  vous  avoir  mandé  dans  ma  lettre  préoédenle 
qui  vous  accable  ?  Vous  m'aoeaUei  hien  davantage  en  om 
parlant  de  ce  prétendu  aocahlement.  Je  vous  supplie,  madame, 
de  supprimer  k  l'avenir  ces  expresaions  qui  flattent  l'amour- 
propre  et  qui  respirent  un  certain  air  flatteur  qui  ne  doit 
point  être  entre  des  personnes  aussi  unies  que  nous  par  lea 
iieoa  de  la  charité  :  je  vous  demande  cette  grftoe  à  maiiia 
jointes. 

Je  me  sens  encore  obligé  de  vous  dire  en  relisant  votre 
lettre,  quoiqu'il  me  semble  que  j'aie  déjè  aatiafait  et  auffiaani- 
ment,  si  je  ne  me  trompe,  k  vos  appréheoaioos,  que  voua  m 
devei  point  craindre  qu  on  diminue  la  gloire  de  l'auteur  en 


LETTRES  DE  BRIENNE.  eu 

voulant  l'augmenter,  et  que  le  monde,  sachant  qu'on  a  tra- 
vaillé sur  ses  écrits,  ne  puisse  plus  discerner  ce  qui  est  de 
l'auteur  et  ce  qui  est  des  correcteurs.  Vous  souhaitez  qu'on 
dise  positivement  que  ce  sont  de  petits  morceaux  de  papier 
qu'on  a  trouvés  mal  écrits  et  que  c'étaient  les  premières 
expressions  des  pensées  qui  lui  venaient  lorsqu'il  méditait  sur 
son  grand  ouvrage  contre  les  athées  ;  que  ni  lui  ni  personne 
n'a  repassé  dessus  que  pour  les  mettre  en  ordre  seulement  : 
qu'on  a  encore  les  originaux  en  la  manière  qu'on  les  a 
trouvés,  etc.  On  dira  tout  cela,  et  on  l'a  dit  par  avance  dans 
la  préface  de  la  manière  dont  vous  le  voulc2.  et  ce  qui  est  de 
mieux,  c'est  que  tout  cela  est  vrai  et  exact  à  la  lettre,  et  sans 
équivoque  aucune,  comme  je  crois  vous  l'avoir  déjà  dit 
ci-dessus.  Que  voulez-vous  de  plus  P  Cela  fera  tous  les  bons 
effets  que  vous  espérez,  et  le  meilleur  encore  que  vous  ne 
dites  pas.  c'est  qu'on  ne  trouvera  rien  qui  mérite  d'être 
excusé,  et  qu'on  regrettera  seulement  que  l'auteur  n'ait  pas 
assez  vécu  pour  achever  un  ouvrage  qui.  tout  imparfait  qu'il 
est.  est  si  achevé  et  si  admirable.  Après  cela,  je  ne  sais  plus 
que  vous  dire  :  et  si  vous  n'êtes  pas  contente,  vous  avez  tort. 
Voilà  comment  il  faut  parler  à  ses  amis,  et  de  tels  amis  que 
M.  PiTirr  et  vous  qui  ne  pwuvez  trouver  mauvaise  ma  liberté. 
connaisvint  mon  cœur  au  point  que  vous  le  connaissez,  et 
étant  toujours  pour  vous  tel  que  je  dois  être,  c'est-à-dire  plus 
à  vous  qu'à  moi-même. 

On  n'a  pas  fait  une  seule  addition.  Vous  avez  r^ardé  le 
travail  de  Si.  de  Roannoz  comme  un  grand  commentaire,  et 
rirn  n'est  moins  semblable  à  ce  qu'il  a  fait  que  cette  idée  que 
vou»  vous  en  étiez  formée. 

Je  ne  parle  point  des  pensées  qu'on  a  retranchées,  puisque 
vous  n'en  parlez  pas  et  que  vous  y  consentes.  Mais  je  vous 
dirai  (Kxirtnnt  que  j'en  ai  fait  un  petit  cahier  que  je  garderai 
toute  ma  vi<-  coin  rue  un  trésor  pour  me  nourrir  en  tout 
temps  ;  car  je  ne  voudrais  pas  laisser  perdre  la  moindre  chose 
de  M.  Pascal,  dont  il  ne  nous  reste  rien  que  d'infmiment  pré- 
cieux, ne  fût-ce  que  le  petit  billet  du  mois  que  vous  m'avez 
donné. 

Ce  serait  i  moi  à  faire  des  excuses,  puisque  me  voici  à  la 
ncuvièiiM  ptge*  Mais  je  n'ai  garde  afM^  ce  que  je  vous  ai 
dit.  J'embrasse  toute  la  chère  bunille.  Adieu.  Je  vous  supplie 


eut  LETTRES  DE  BRIENRE. 

de  OM  faire  faire  une  copie  de  cette  leltre-d  par  oa  de 
MM.  vm  enfants,  ou  de  me  la  renvoyer  ai  vous  ne  la  vonlet 
pas  garder,  comme  elle  ne  le  mérite  pas.  parce  que  j'en  aurai 
à  faire  pour  la  montrer  à  M.  de  Roannei  ;  je  croii  que  cela 
fera  un  bon  cITel  ;  je  lui  lirai  la  vAtre  :  et  si  je  n'n'  '  m 
preMé.  il  aurait  vu  celle-ci  avant  que  de  vous  l'en^*';  <i<« 

je  n'ai  eu  que  le  temps  de  l'ik^rire.  et  encore  bien  à  la  hâte. 
Lises  mon  griffonnage,  si  vous  pouvei. 

On  m'a  dit  que  vous  aaviei  des  histoires  admirablea  de 
«011^,  de  êoreien,  sortUège$p  appmritiotu,  etc.  J'en  fais  un 
petit  recueil  et  je  voudrais  que  vous  pOMÎei  voir  ce  que  j'ai 
déjà  écrit.  Je  ne  mets  rien  dan»  mon  livre  que  de  trèa  eûct 
et  de  très  vrai,  et  le  plus  circonstancié  que  je  puis.  Si  voua 
poaves  m'envoyer  quelque  chose  de  ce  genre  ou  si  vous  en 
apptenei  de  personnes  bien  sùrea.  je  vous  supplie  de  me  fiûre 
oelte  grâce.  Toutes  oea  dioaea.  lorsqu'elles  sont  véritables, 
sont  de  grandes  (weavea  de  la  religion. 

Faites-moi.  à  propos  de  cela,  faire  une  copie  du  billet 
qu'on  trouva  sur  M.  Pascal,  dont  M.  de  Roannei  m'a  parlé. 
6guré  conune  il  t^.  Jeu,  J\amme,joar  de  êoint  Chjtogome,  etc. 
Je  serais  bien  aise  de  l'avoir. 

Encore  une  fois,  mille  adieux.  Je  suis  tout  i  voos.  N'ou- 
blies  pas  de  faire  mes  compliments  k  mes  chères  soBors  et  à 
M.  Domat.  Adieu  encore  une  fois  :  je  ne  saurais  trop  vous  le 
dire. 

Ce  II*. 

l'r  p. s,  _  Qoand  j'eus  achevé  ma  lettre,  il  était  trop 
tard  pour  l'envoyer  à  la  poste,  de  sorte  que  j'ai  été  ddigé 
de  différer  jusqu'aujourd'hui  ;  et  comme  j'en  ai  fait  ce  que 
je  désirais,  il  n'est  pas  nécessaire  que  vous  m'en  fiusies  Caire 
une  copie. 

a*  P.-S.  —  Il  est  arrivé  quelque  chose  depuis  qui  m'oblige 
i  vous  prier  de  m'en  faire  faire  une  copie  par  un  de  voseofrnts 
ou  de  Mlles  vos  filles.  Je  leur  serai  trèe-obl^  de  la  peine 
qu'elles  prendront. 

Je  ne  voos  puis  dire,  madame.  U  joie  que  j'ai  eue  de  voir 
la  lettre  du  3o  novembre  que  vous  avei  écrite  à  M.  de  Roan- 
oea.  et  qu'il  m'a  envoyée  anaaiiôt  ;  c'est  une  réponse  par 
avance  k  celte  grande  lettre  que  je  vous  écris  présentement. 
Cependant  je  ne  ferai  point  commencer  k  imprimer,  quoique 


LETTRES  DE  BRIENNE.  cun 

la  rhose  presse  extrêmement,  que  je  n'aie  eu  votre  dernière 
réponse  ï  tout  ce  que  je  vous  mande,  quoique  ce  que  voas 
avez  mandé  i  M.  de  Roannez  me  donne  lieu  d*es[)érer  que 
votre  rrponse  sera  aussi  favorable  que  nous  le  souhaitons.  Je 
vous  dois  dire,  madame,  que  M.  votre  fils  est  bien  aise  de  se 
voir  bientôt  au  bout  de  ses  sollicitations  auprès  de  moi  et  de 
vos  autres  amis,  et  de  n'être  plus  obligé  à  nous  tenir  tète 
avec  l'opiniâtreté  qu'il  faisait  et  dont  nous  ne  pénétrions  pas 
bien  le»  raisons.  Car  la  force  de  la  vérité  l'obligeait  à  se 
rendre,  et  cependant  il  ne  se  rendait  ptoint  et  revenait  tou- 
jours à  la  charge  ;  et  la  chose  allait  quelquefois  si  loin  que 
nous  ne  le  regardions  plus  comme  un  Normand,  qui  sont 
gens  naturellement  complaisants,  mais  comme  le  plus  opi- 
niâtre Auvergnat  qui  fût  jamais  :  c'est  tout  dire.  Mais  main- 
tenant nous  ferons  bientôt  la  paix,  et  j'espère  que  votre  satis- 
faction, et  la  gloire,  et  l'applaudissement,  qui  sont  inséparables 
de  la  publication  de  cet  ouvrage,  achèveront  de  mettre  fin 
aux  petits  différends  que  nous  avons  eus,  M.  de  Roannez  et 
moi,  avec  M.  votre  fils.  J'aurais  mille  choses  à  vous  dire  de 
lui  qui  vous  consoleraient  infiniment  :  mais  je  n'ai  pas  asMi 
de  temps  :  ce  sera  pour  une  autre  fois.  N'oubliez  pas  mes 
histoires.  Je  suis  tout  à  vous  ;  vous  le  savez. 


Il 

L  ÉDITION  DE    1669  ET  LES   éoiTIONS 
DE    1670 

APPROBATIONS  DE  NOSSEIG.>ELR>   11-    Il  MM- 

.4ppro6a/ion  df  Momeigneur  de  1  ,  <. 

Cm  peniiécs  de  M.  Pasral  font  voir  la  bemiléde  -  i'*. 

M  solide  piét^  et  sa  profonde  érudition.  Elles  donnent  une  si 
excellente  id^  de  la  Religion,  que  l'on  acquiesce  sans  peine 
k  oe  qu'elle  contient  de  plus  impénétrable.  Elles  toodienl  ■ 
bien  les  principaux  points  de  U  Morele.  qu'elles  décourreoi 
d'ebord  la  source  et  le  progris  de  nos  dësordres  et  les  moyens 
de  nous  en  délivrer,  et  elles  effleurent  les  autres  ■ciences  avec 
tant  de  sutrisanoe,  que  l'on  s'aperçoit  aisément  que  M.  Pascal 
ignorait  peu  de  dioaes  de  ce  que  les  hommes  savent.  Quoique 
ces  Pensées  ne  soient  que  les  commencements  des  raiionn»* 
ments  qu'il  méditait,  elles  ne  laiaaeat  pas  d'instruire  profon- 
dément. Ce  ne  sont  que  des  semences  :  mais  dles  produisent 
leurs  fruits  en  même  temps  qu'elles  sont  répandues.  L'on 
achève  naturellement  ce  que  ce  savant  homme  avait  eu  dessein 
de  composer,  et  les  lecleun»  deviennent  eui-mèmes  auteurs 
en  nn  moment  pour  peu  d'application  qu'ils  aient.  Rien  n'est 
donc  plus  capable  de  nourrir  utilement  et  agréablement 
l'esprit  que  la  lecture  de  ces  casais,  quelqtie  informes  qu'ils 
paraissent,  et  il  n'y  a  guère  eu  de  production  parfaite 
depuis  longtemps  qui  ait  mieux  mérité  seloa  mon  ji^ement 


TEXTE  DES  APPROBATIONS.  ctv 

d'être  imprimée  que  ce  livre  imparfait.  A  Paris,   le  4   sep- 
tembre i66g. 

Gilbert.  E.  de  Comenge*. 

De  Monseigneur  tÊvéqae  iTAulonne,  saffraganl  de  Clermonl. 

Après  avoir  lu  fort  exactement  et  avec  beaucoup  de  conso- 
lation les  Pensées  de  M.  Pascal  touchant  la  religion  chrétienne, 
il  me  semble  que  les  vérités  qu'elles  contiennent  peuvent  être 
fort  bien  comparées  aux  essences,  dont  on  n'a  point  accou- 
tumé de  donner  beaucoup  à  la  fois  pour  les  rendre  plus  utiles 
aux  corps  malades,  parce  qu'étant  toutes  remplies  d'esprit, 
on  n'en  saurait  prendre  si  peu  que  toutes  les  parties  du  corps 
ne  s'en  ressentent.  Ce  sont  les  images  des  pensées  de  ce  re- 
cueil. Une  seule  peut  suffire  à  un  homme  pour  en  nourrir 
son  âme  tout  un  jour,  s'il  les  lit  à  cette  intention,  tant  elles 
sont  remplies  de  lumières  et  de  chaleur.  Et  bien  loin  qu'il  y 
ait  rien  dans  ce  recueil  qui  soit  contraire  à  la  foi  de  l'Église 


I.  L'évoque  de  Comminge*  envoya  en  outre  la  lettre  suivante  i 
M.    Parier: 

D«  Pari*,  k  11  de  janvier  1670. 

Monsieur,  on  voyage  que  j'ai  fait  m'a  empêcha  de  fîiire  plus  tAt 
r^iponse  h  la  lettre  que  vous  m'avex  si  obligeamment  écrite  ;  je  ne 
mérite  aucun  remerclment  de  l'approbation  que  j'ai  donnée  aux  pen- 
sées de  M.  Pascal,  mais  je  vous  en  dois  beaucoup  de  l'honneur  que 
vont  m'avez  hit  de  vouloir  que  mon  nom  parût  dans  cet  excellent 
ouvrage.  Pour  les  endroits,  Monsieur,  sur  lesquels  j'ai  proposé  des 
doutes,  j'ai  sujet  de  me  louer  de  la  bonlé  de  ceux  qui  ont  pris  soin  de 
l'impreaaion,  et  ils  ont  bien  voulu  avoir  asseï  de  condescendance 
pour  faire  les  changements  qui  m'ont  paru  nécessaires  :  je  vous  sup- 
plie d'excuser  en  cela  ma  faiblesse,  et  d'être  persuadé  que  je  n'ai 
point  eu  In  présomption  de  croire  que  mon  sentiment  dût  prévaloir  ; 
mais  j'ai  pensé  devant  Dieu  être  obligé  de  l'exposer  sincèrement.  Au 
•surplus,  Monsieur,  je  vous  dis  en  vérité  que  je  n'ai  nrn  lu  qui  m'ait 
paru  si  plein  de  lumière  que  ces  pensées.  Nous  n'étions  pas  di|;ncsde 
U  perfection  de  cet  ouvrage.  Je  suis,  lloaaieur,  votre  trèa  bumble  et 
Irr*  ob«^i«vint  serviteur. 

GlLSBaT  OB  CllOT«Bt}IL,  MçOI  d*  CoNWMÇ*. 


ctTi  TEXTE  DES  APPROBATIONS 

calholiqtw.  apostolique  et  romaine,  tout  y  eat  MiliircmenI 
coafbriM  ft  ta  doctrine  et  k  m*  nuxime*  dans  las  maors  :  car 
l'auteur  était  trop  bien  intormé  de  la  doctrine  dfli  Pèras  et 
des  G>nciles  pour  penser  ou  parler  un  autre  langage  que  le 
leur,  ainsi  que  tous  les  lecteurs  le  pourront  facilement  recon- 
naître par  la  lecture  de  tout  cet  ouvrage,  et  particolièramant 
par  cette  excellente  pensée  de  la  page  a4a.  dont  void  les 
propres  termes  :  Le  eorpê  n*mt  nonpUu  vivant  êanâltekêftpu  ie 
ehêfêOM  le  eorp*.  Quiconque  u  iipare  de  Fun  ou  de  Vautre  «Vsf 
fin  du  eorpê  et  n  appartient  plue  à  Jésos-Chkist.  Toelai  le» 
vertui,  le  martyre,  le$  auttiriik  et  toute»  le»  bonne»  œuere»  mtnt 
itmtile»  kor»  de  CÈglise  et  de  la  communion  du  Chef  de  PÊ^iee, 
quiett  le  Pape.  Fait  en  l'abbaye  de  Saint-André-lee  Clermont. 
le  a4  novembre  1669. 

Jbah,  B.  d*Aulonne,  suffragant  de  Clermont. 


De  Jfamymar  FÈuéque  d'Amien». 

Nous  avons  lu  le  livre  posthume  de  M.  Pascal,  qui  aurait 
en  besoin  des  derniers  soins  de  son  auteur.  Quoiqu'il  ne 
contienne  que  des  fragments  et  des  semences  des  diaoours.  on 
ne  .laisse  pas  d'y  remarquer  des  lumières  tria  sublimes  el  des 
délicatesses  très  agréablr5.  î^  force  et  la  hardiease  des  pensées 
•orprennent  quelquefois  l'esprit  ;  mais  plus  on  y  faitd'atteo- 
tion.  plus  on  les  trouve  saines  et  tir^  de  la  philoaophie  el 
de  la  théologie  des  Pères.  Un  ouvrage  si  peu  adievé  nous 
remplit  d'admiration  et  de  douleur  de  ce  qu'il  n'y  a  point 
d'autre  main  qui  puisse  donner  b  perfection  à  ces  premiers 
traits  que  celle  qui  en  a  su  graver  une  idée  si  vive  et  ■  remar- 
quable, ni  nous  consoler  de  la  grande  perte  que  nous  avons 
faite  par  sa  mort.  Le  public  est  obligé  aux  personnes  qui  lui 
ont  conaeiié  des  pièces  à  préôenaes.  quoiqu'elles  ne  soient 
point  limées:  et,  telles  qu'dles  sont,  nous  ne  doutons  pas 
qu'elles  ne  soient  très  utiles  à  ceux  qui  aimeront  la  vérité  K 
leur  salut.  Donné  è  Paris,  où  nous  nous  sommai  troavéa 
pour  les  aflaires  de  noire  £glise.  le  premier  jour  de  aovambfe 
1669. 

PâARçois.  E.  dtAî 


TEXTF   h^-    \PPROBATIOXS. 


Approbation  des  Docteurs. 

Nous  soiissienfe,  docteurs  en  théologie  de  la  Faculté  de 
Paris,  cerlilions  avoir  lu  le  recueil  des  Pensées  de  M.  Pascal, 
trouvées  dans  son  cabinet  après  sa  mort,  que  nous  avons 
jugées  catholiques  et  pleines  de  piété.  Le  public  a  beau- 
coup perdu  de  ce  que  l'auteur  n'a  pas  eu  le  temps  de  donner 
à  cet  ouvrage  toute  sa  perfection.  Les  athées  en  eussent  encore 
été  plus  pleinement  convaincus,  la  religion  catholique  plus 
puissamment  confirmée  et  la  piété  des  fidèles  plus  vivement 
eicitée  :  c'est  ce  que  nous  crovons  et  attestons.  A  Paris,  le 
5  septembre  1669. 

De  Breda.  curé  de  Saint- A ndré-des- Arts. 

Lb  Vaillaîct.  caré  de  Saint-Christophe. 

GiiE?(BT,  curé  de  Saint-Benoit. 

Marli.>.  curé  de  Saint- Eustaehe. 

J.  l'Abbé.  PrriTPiEO. 

L.  Marais.  T.  Roullatid. 

Ph.  le  Keron. 


Approinilion  particulière  de  M.  Le  \  aillant,  docteur  delà  Faculté 
de  l'aris,  ancien  prédicateur,  curé  de  Saint-Christophe,  et 
ei-devant  théologal  de  Céglise  de  Reinu. 

Quelle  ap{>arencc  de  prendre  tant  de  plaisir  à  lire  les 
Pensées  de  M.  Pascal  et  de  n'en  dire  pas  et  témoigner  les 
siciiiio  fil  particulier.  Je  savais  aaiet.  avec  tous  les  honnêtes 
gens,  ce  quo  |Miii>ail  ce  rare  esprit  en  tant  d'autre;»  matières 
et  surtout  dans  m-s  Lettres,  qui  ont  surpris  et  étonné  tout  ie 
monde  ;  mais  qu'il  dût  nous  donner  et  laisser  une  méthode 
si  naturelle  et  néanmoins  si  extraordinaire  pour  montrer, 
déroiidrc  et  appuver  l'excellence  et  la  grandeur  de  notre  reli- 
gion, c'vsl  cr  i|H  Kse  pas  pensé  si  je  n'en  eusse  pas  vu 
li'!t  prrii><->  trts  ^  dans  cet  ouvrage.  11  est  vrai  qu'il 
n'est  {MIS  achevé,  et  les  raisonnements  n'ont  pas  toujours  leur 
étendue  et  leur  perfection,  ce  ne  sont  souvent  que  des  corn- 


tvm  TEXTB  DBS  APPROBATIONS. 

nMOMOieaU.  des  «nais  et  oommo  des  restes  de  pensées  d'une 
baale  ei  menreUleose  élévation  ;  nuis  telles  que  paissant  être 
cas  pâmées,  elles  méritent  hianjuateroent  l'tiogedn  psopbèla: 
Rebqmm  eogilaUonii  diemfabim  agent  tibi,  restes  précieoies 
«•rtaincnient.  Disons  hardini<>nt  reliques  honorables  d'un 
illustre  mort,  qui  du  jour  auquel  elles  paraîtront  en  public 
en  feront  un  jour  de  fAte  et  de  joie  pour  tous  les  udèles, 
mais  de  honte  aussi  et  de  confusion  pour  tous  les  impies,  les 
libertins  et  les  athées,  pour  tous  ceux  qui.  se  piquant  de  fort 
esprit,  n'ont  dans  leurs  forces  imaginaires  que  de  la  faiblease 
et  de  l'infirmité  :  Infirmas  dieel  egoforlu  tum.  Ces  malbeoreai 
infirmes  verront  dans  ce  livre  leur  misère  et  leur  vanité:  ils 
trouveront  leur  défaite  et  leur  déroute  dans  la  victoire  et  le 
triomphe  de  l'auteur  des  Pensées,  que  j'ai  lues  avec  tant 
d'admiration,  que  j'approuve  avec  tant  de  reconnaissance  et 
que  je  certifie  dan»  la  dernière  sincérité  être  très  conformes 
à  la  foi  et  très  avantageuses  aux  bonnes  mœurs.  Fait  à  Paris, 
le  sixième  septembre  1669. 

A.  La  Vaili  iiT. 


De  M.   For  lin.  docteur  en  théologie  de  la  FaeaUi  de  Paris, 
proviseur  du  eoUige  d'Hareoart. 

L  étroite  liaison  que  j  ai  puo  aNfc  M.  I'.immI  dnr.iiit  >>.t  \  n- 
m'a  fait  prendre  un  .singulier  pLiisir  a  lue  n-v  Pi-n»»-!-*.  ijuf 
j'avais  autrefois  entendues  de  sa  propre  bouche.  O  v>iit  U-s 
entretiens  qu'il  avait  d'ordinaire  avec  ses  amis.  Il  leur  parlait 
des  choses  de  Dieu  et  de  la  religion  avec  tant  de  science  et  de 
aoumission.  qu'il  est  difficile  de  trouver  un  esprit  plus  élevé 
el  plus  humilie  tout  ensemble.  Ceux  qui  liront  c<*  r4vu»l. 
qui  contient  des  discours  tous  divins,  jugeront  aiséti  '1 

grandeur  de  son  Ame  et  de  la  f(m«  de  la  grâce  qui  1 
Ils  ne  trouveront  rien  qui  ne  soit  dans  les  règles  de  la  ni 
et  qui   n'inspire  des  sentiments  d'une  véritable  '  ' 
piété.  C'est  le  témoignage  que  je  me  sens  obligé  d 
au  public.  A  Paris,  ce  9  août  1669. 

T.  FosTin. 


TEXTE  DES  APPROBATIONS. 


De  M.  Le  Camus,  docteur  en  théologie  de  la  Faculté  de  Paris, 
conseiller  et  aumônier  ordinaire  du  roi. 

Il  m'est  arrivé,  en  examinant  cet  ouvrage  en  l'état  qu'il 
est,  ce  qui  arrivera  presque  à  tous  ceux  qui  le  liront,  qui  est 
de  regretter  plus  que  jamais  la  («rte  de  l'auteur,  qui  était 
seul  capabled'achever  ce  qu'il  avait  si  heureusement  commencé. 
En  efTet.  si  ce  livre,  tout  imparfait  qu'il  est.  ne  laisse  pas 
d'émouvoir  puissamment  les  personnes  raisonnables  et  de 
faire  connaître  la  vérité  de  la  religion  chrétienne  à  ceux  qui 
la  chercheront  sincèrement,  que  n'eùt-il  pas  fait  si  l'auteur 
y  eût  mis  la  dernière  main  ?  Et  si  ces  diamants  bruts  épars 
çà  et  là  jettent  tant  d'éclat  et  de  lumière,  quel  esprit  n'aurait-il 
pas  ébloui,  si  ce  savant  ouvrier  avait  eu  le  loisir  de  les  polir 
et  de  les  mettre  en  œuvre  P  Au  reste,  s'il  eût  vécu  plus  long- 
temps, ses  secondes  pensées  auraient  été  sans  doute  dans  un 
meilleur  ordre  que  ne  le  sont  les  premières  que  l'on  donne 
au  public  dans  cet  écrit,  mais  elles  ne  pouvaient  être  plus 
sages:  elles  auraient  été  plus  polies  et  plus  liées,  mais  elles  ne 
pouvaient  être  ni  plus  solides  ni  plus  lumineuses.  C'est  le 
témoignage  que  nous  en  rendons,  et  que  nous  n'y  avons  rien 
remarqué  qui  ne  soit  conforme  à  la  créance  et  à  la  doctrine 
de  l'Eglise.  A  Paris,  le  aide  septembre  1669. 

E.  Lb  Camos,  docteur  de  la  Faculté 
de  théologie  de  Paris,  conseiller  et 
aumônier  du  roi. 


De  Monsieur  de  liibeyran,  archidiacre  de  Comminges. 

J'ai  lu  avec  admiration  ce  livre  posthume  de  M.  Pascal.  Il 
semble  que  œt  homme  incomparable  non  seulement  voit. 
roi  unie  tesanget.  le*  conséquences  dans  leurs  princi|)e3,  mais 
<ju  il  iioufl  parie  comme  ces  purs  esprits,  par  la  seule  direction 
de  ses  pensées.  Souvent  un  seul  mot  est  un  discours  tout 
entier.  Il  fait  comprendre  tout  d'un  coup  à  ses  lecteurs  ce 
qu'un  autre  aurait  bien  de  la  peine  d'expliquer  par  un  rai- 
■ooncment  fort  étendu.  Et  tant  s'en  faut  que  noua  devions 


CXI  TF.XTB  DBS  APPROBATIONS. 

ngreCtar  qu'il  n'ait  pu  achevé  ton  ouTrage.  que  noua  devon» 
remercier  au  contraire  la  Providence  divine  de  ce  qu'elle  l'a 
pannis  ainai.  Gmune  tout  j  eat  preiaé.  il  en  tort  tant  de 
tumlèrea  de  toatea  parta.  qu'dlea  (bat  voir  h  fond  let  plua 
hautea  véritéa  en  «lea-mèiiiea.  qui  peut-être  auraient  été 
obacurdes  par  un  plut  long  embarras  de  paroles.  Mais  «  cet 
peniéea  sont  dea  flairs  qui  découvrent  les  vérités  cachén  aux 
esprits  dociles  et  équitables,  ce  sont  des  foudres  qui  accablant 
les  libertins  et  les  athéea:et  puisque  nous  devons  désirer  poorb 
gloire  de  Dieu  l'instruction  des  uns  et  la  confusion  dea  aulrea. 
il  n'y  a  rien  qui  ne  doive  porter  les  amb  de  M.  Pascal  k 
publier  ces  eicellentes  productions  de  ce  rare  esprit,  qui  ne 
contiennent  rien,  selon  mon  jugement,  qui  ne  soit  très  catho- 
lique et  très  édiliant.  Fait  k  Paris,  le  7  a^tembre  1669. 

Di  RiBiTRAN,  arehidiaat  de  Comenge. 


De  Monsieur  de  Dntbee,  docteur  de  Scrboime, 
abbi  de  Boulancourl. 

Un  ancien  a  dit  asseï  élégamment  que  l'on  doit  oonsidém*. 
eu  égard  k  la  postérité,  tout  ce  que  les  auteurs  n'achèvent 
pas.  comme  s'il  n'avait  jamais  été  commencé:  mais  je  Depuis 
faire  ce  jugement  des  Penséea  de  M.  Pascal.  II  me  semble  que 
l'on  ferait  grand  tort  k  la  postérité  aussi  bien  qu'à  notre 
siècle,  de  supprimer  ces  admirables  productions,  encore 
qu'elles  ne  puissent  non  plus  recevoir  leur  perfection  que  ces 
anciennes  figtves  que  l'on  aime  mieux  laisser  imparfaitea  que 
de  les  faire  retoucher.  Et.  comme  lea  plus  excellents  ouvriers  se 
servent  plus  utilement  de  ces  morceaux  pour  former  les  idées 
des  ouvrages  qu'ils  méditent,  qu'ils  ne  feraient  de  beaucoup 
d'autres  pièces  plus  finies,  ces  fragments  de  M.  Pascal  donnent 
dea  ouvertures  sur  toutes  les  matières  dont  ils  traitent  qu'on 
ne  trouverait  point  dans  des  volumes  achevés.  Ainsi,  selon 
mon  jugement,  on  no  doit  pas  envier  au  public  le  préaeol  que 
lui  font  les  amis  de  ce  philoaophe  chrétien  dea  précianaes 
reliques  de  son  esprit,  et  non  seulement  je  ne  trouve  rien  qui 
puisse  empêcher  l'impression,  mau  je  crois  que  nous  leur 


LETTRE  lyARNAULD. 


devons  beaucoup  de  reconnaissance  du  soin  qu'ils  ont  pris  de 
les  ramasser.  Donné  à  Paris,  le  5  septembre  1669. 

Fbaxçois  Malet  db  Gratille  Dkvbbc. 


LETTRE  DE  M.    ARWl  LD  A  M    PÉRIER.  CONSEILLER  DE 
LA  COLR  DES  AIDES  A  CLERMONT 

Ce  30  novembre  (1669)'. 

Je  dois  commencer,  monsieur,  par  me  réjouir  de  votre  con- 
valescence après  une  si  grande  maladie  et  vous  Taire  des  excuses 
de  ce  que  je  vous  réponds  si  tard  sur  une  affaire  qui  vous 
tient  beaucoup  èi  cœur  :  je  l'aurais  fait  dès  le  dernier  ordinaire 
sans  un  accident  qui  m'a  tout  à  fait  troublé.  Un  fort  hon- 
nête homme  nommé  M.  G>llé.  qui  était  un  des  précepteurs 
des  enfants  qui  étaient  au  Chesnay.  était  venu  demeurer  avec 
moi  depuis  trois  mois  ;  j'en  étais  satisfait  autant  qu'on  peut 
l'être  d'une  personne  pour  bien  des  raisons  qu'il  serait  trop 
long  de  vous  écrire.  Dimanche,  descendant  pour  aller  voir  un 
de  ses  amis  qui  le  demandait,  il  tomba  sur  les  degrés  et  se  fit 
un  trou  à  la  tète  qui  ne  paraissait  rien  d'abord  et  n'avait  au- 
cun mauvais  accident.  Mais  a^  heures  après  il  lui  a  pris  une 
grande  fièvre  et  des  vomissements  continuels  dont  il  mourut 
mercredi.  Cela  m'a  causé  une  très  sensible  affliction  aussi  bien 
(|ue  M.  et  Mme  Angra  qui  ne  s'en  peuvent  consoler,  non  seu- 
lement parce  qu'il  prenait  la  peine  d'instruire  leur  fils,  mais 
auan  parce  qu'ils  avaient  pour  lui  une  tendresse  et  une  afTeo- 
tion  inimaginable,  étant  de  l'humeurdu  monde  la  plus  accom- 
modante et  la  plus  douce. 

Voilà,  monsieur,  ce  qui  m'a  empêché,  non  seulement  de 
vous  iTriro  plus  tât.  mais  aussi  de  conférer  avec  ces  messieurs 
.sur  les  diilicultés  de  M.  Le  Camus.  J'espère  que  tout  s'ajus- 
tera, et  que.  hors  quelques  endroits  qu'il  sera  assurément  bon 


I.  III*  Recueil  MS.  du  P.  (lurrrier,  p.  986.  —  Cette  lettre  ■  été 
inpriiDéed«n*  lei  (dirret  d'.Vmauld,  avec  U  date  iacttCW  4»  1668 
(cf.  Ed.  de  Leaaeue,  t.  1,  p.  6ia). 

KHSàSS  »■  r*SCAL.  I  —   Il 


Gun  LETTRK  lyAKNADLD. 

de  changer,  on  1«  Csra  convenir  de  luMer  lee  anlre*  comme 
Us  tonl  :  nuis  souffres,  monsieur,  que  je  vous  dise  qu'il  ne 
faut  paj  Hrr  si  dilTicile,  ni  si  religieux  k  laisser  un  ouvrage 
comme  il  est  sorti  des  mains  de  l'auteur,  quand  on  le  veut 
eipoier  à  la  censure  publique.  On  ne  saurait  éCre  trop  eiect 
quand  on  a  affaire  k  des  ennemis  d'aussi  médiante  humeur 
que  les  nôtres.  Il  est  bien  plus  &  propos  de  provenir  les  chi- 
caneries par  quelque  petit  changement,  qui  ne  fait  qu'adou- 
cir une  expression,  que  de  se  réduire  à  la  nécessité  de  faire 
des  apologies.  C'est  la  conduite  que  nous  avons  tenue  touchant 
des  considérations  sur  les  dimanches  et  les  fttes,  de  feu  M.  de 
Saint-Cyran,  que  feu  Savercux  a  imprimées.  Quelquea-ons 
de  nos  amis  les  avaient  revues  avant  l'impression;  et  M.  Ni- 
cole, qui  est  fort  exact,  les  ayant  encore  examinées  depuis 
l'impression,  y  avait  fait  faire  beaucoup  de  cartons.  Cepen- 
dant lesdocteurs.àqui  on  les  avait  données  pour  les  approuver. 
y  ont  encore  fait  beaucoup  de  remarques,  dont  plusieurs  nous 
ont  paru  raisonnables  et  qui  ont  obligé  à  faire  encore  de  noo> 
veaux  carions.  Les  amis  sont  moins  propres  à  faire  ces  sortes 
d'examen  que  les  personnes  indifférentes,  parce  que  l'affection 
qu'ils  ont  pour  un  ouvrage  les  rend  plus  indulgents  sans  qu'ils 
le  pensent,  et  moins  clairvoyants,  kinii.  monsieur,  il  ne  faut 
pas  vous  étonner,  si  ayant  laissé  passer  de  certaines  choses 
sans  en  être  choqués,  nous  trouvons  maintenant  qu'on  lesdoit 
changer,  en  y  faisant  plus  d'attention  aprî's  que  d'autres  les 
ont  remarquées.  Par  exemple,  l'endroit  de  la  page  agS'  me 
parait  maintenant  «nudrir  de  grandes  difficulté*,  et  ce  que 
vous  dites  pour  I  r.  que.  selon  s.v       '  ^  i 

point  en  nous  dr  ^  ^ui  soit  essentiel  i  \,  ,  <  il 

en  est  de  même  de  toutes  les  autres  vertus,  ne  me  satisfait 
point.  Car  vous  reconnaîtrez,  si  vous  y  prenei  bien  garde, 
que  M.  P.  n'y  parle  pas  de  la  justice,  vertu  qui  fait  dire  qu'un 
homme  est  juste,  mais  de  la  justice  qur  jm  est,  qui  fait  diit' 
qu'une  cImmc  est  juste,  comme  :  il  est  juste  d'honorer 
son  père  et  sa  mère,  de  ne  tuer  point,  de  ne  oommctln* 
point  d'adultère,  de  ne  point  calomnier,  etc...  Or.  en 
prenant  le  mot  de  justice  en  ce  sens,  il  est  (aux  et  tn^ 


I.  Voir  fias  ba«  p«g«  oLsxvui. 


I 


L'ARCHEVÊQUE  DE  PARIS.  clxiii 

dangweox  de  dire  qu'il  n'y  ait  rien  parmi  les  hommes  d'es- 
sentiellement juste  :  et  ce  qu'en  dit  M.  Pascal  peut  être  venu 
d'une  impression  qui  lui  est  restée  d'une  maxime  de  Mon- 
tagne, que  les  lois  ne  sont  point  justes  en  elles-mêmes,  mais 
seulement  parce  qu'elles  sont  lois.  Ce  qui  est  vrai,  au  regard 
de  la  plupart  des  lois  humaines  qui  règlent  des  choses  indif- 
férentes d'elles-mêmes,  avant  qu'on  les  eût  réglées,  comme 
que  les  aines  aient  une  telle  part  dans  les  biens  de  leurs  père 
et  mère  :  mais  très  faux,  si  on  le  prend  généralement,  étant, 
par  exemple,  très  juste  de  soi-même,  et  non  seulement  parce 
que  les  lois  l'ont  ordonné,  que  les  enfants  n'outragent  pas 
leurs  pères.  C'est  ce  que  saint  Augustin  dit  expressément  de 
certains  désordres  infâmes,  qu'ils  seraient  mauvais  et  défen- 
dus, quand  toutes  les  nations  seraient  convenues  de  les  regar- 
der comme  des  choses  permises.  Ainsi,  pour  vous  parler  fran- 
chement, je  crois  que  cet  endroit  est  insoutenable,  et  on  vous 
supplie  de  voir  parmi  les  papiers  de  M.  Pascal,  si  on  n'y 
trouvera  point  quelque  chose  qu'on  puisse  mettre  à  la  place. 
Enfin,  vous  pouvez,  monsieur,  vous  assurer  que  je  travaille- 
rai dans  cette  alTaire  avec  tout  le  soin  et  toute  l'afTection  qui 
me  sera  possible.  Je  salue  Mlle  Périer  et  tous  vos  enfants,  et 
je  m'estimerai  toujours  heureux  de  pouvoir  faire  quelque 
chose  pour  votre  service. 

Desprez  me  vient  présentement  d'apporter  votre  réponse 
aux  difficultés  de  M.  l'abbé  Le  C...  J'en  suis  ravi,  parce  que 
cela  facilitera  bien  toutes  choses.  Vous  verrez  dans  cette  lettre 
|K>iit(|uoi  on  a  trouvé  à  redire  à  la  page  396.  et  que  ce  n'est 
IMiiiil  à  cause  de  la  transposition. 


RELATION  D'UN  ENTRETIEN  DE  Mgr  L  ARCHEVÊQUE  DE 
PARIS  AVEC  M.  DESPREZ,  LIBRAIRE.  E.NVOYÉE  PAR 
CELUI  CI  A  MADAME  PÉRIER. 

Le  dimanche  de  devant  Noèl.  M.  l'archevêque  envoya  chef 
nous  M.  Mes<iat.  l'un  do  ao»  aumônien.  pour  me  demander 
de  sa  part  les  l'entées  àt  M.  Paacal.  mais  n'ayant  rencontré 
t|ue  ma  cou<»i(ie.  il  s'en  retourna  sans  lui  rien  dire:  et  le  len- 
demain, sur  lo  cinq  heures  du  soir,  cet  aumônier  revint  chcs 


L'ARCHEVÊQUR  DE  PARIS. 

nous  ;  il  me  dit  qu'il  venait  de  la  part  de  ce  prélat,  BM  d^ 
mander,  qu'on  lui  avait  dit  qu'il  y  en  avait  de  deux  impree- 
ôone.  qu'il  désirait  le»  voir  toute*  les  deux  pour  en  «mr  la 
difliraoce  :  je  lui  di»  qu'il  n'y  en  avait  point  de  raBéa.  que 
je  le  suppliais  tr^s  instamment  d'assurer  M.  l'Aicbevéqtte 
qu'il  n'y  avait  qu'une  édition  de  ce  livre,  et  que  ceux  qui 
l'avaient  voulu  persuader  du  contraire  avaient  imposé  k  la 
vérité.  Il  me  dit  encore  que  puiM|u'il  n'y  en  avait  point  de 
reliés  je  lui  en  donnasse  en  fcuillrs.  Je  lui  répondis  que  j'avab 
envoyé  toute  l'édition  chez  les  relieurs.  Il  me  dit  de  lui  en 
faire  faire  un  incessamment  et  qu'il  n'importait  pasoommeot 
il  fut  complet.  Je  lui  demandai  qui  avait  ses  armes  et  ses 
chiffres,  il  me  l'enseigna  et  s'en  alla  ensuite.  Je  fus  à  l'heure 
même  prendre  l'avis  de  M.  Arnauld  sur  ce  que  j'avais i  faire, 
il  me  dit  qu'il  craignait  qu'il  n'y  eût  quelque  cabale  pour 
empêcher  le  débit  de  ce  livre  :  néanmoins  qu'il  ne  croyait  pas 
qu'il  y  eût  lieu  de  l'appréhender  à  cause  des  approbations  ei 
qu'il  fallait  que  je  lui  |K>rtas»e  ce  livre  le  lendemain.  J'en  Gs 
relier  un  toute  la  nuit;  je  lis  mettre  dessus  ses  armes  et  ses 
chiffres  en  sorte  qu'il  pouvait  passer  |)our  raisonnable.  Comme 
j'étais  prêt  h  partir,  ce  même  aumônier  revint  encore  cbet 
nous,  il  me  dit  qu'il  ne  s'était  pas  bien  expliqué  le  jour  pré- 
cédent :  qu'il  venait  me  dire  do  la  part  de  M.  l'archevêque 
qu'on  avait  dit  au  prélat  qu'il  y  avait  (|u  '  '   <sc  dans  ce 

livre  qui  pourrait  lui  faire  donner  quel)}  .  u*  si  on  ne 

le  changeait,  et  qu'il  valait  mieux  y  faire  un  carton  avant  que 
de  l'exposer  en  vente,  afm  qu'on  le  pût  voir  dans  un  étal  où 
personne  n'y  pût  trouver  à  redire,  et  que  M.  l'archevêque  me 
priait  de  ne  le  point  débiter  avant  qu'il  ne  l'eût  vu.  Je  lui  dis 
que  la  famille  de  feu  M.  Pascal  et  tous  ses  amis  étaient 
bien  obligés  h  M.  l'archevêque  de  la  bonté  qu'il  avait  et  de 
la  part  qu'il  voulait  bien  prendre  dans  ce  qui  regardait  la 
mémoire  de  M.  Pascal,  que  je  ne  manquerais  pas  de  vous  le 
témoigner  lorsque  j'aurais  l'honneur  de  vous  écrire.  Enfin  il 
ma  demanda  s'il  n'y  avait  pas  moyen  d'avoir  un  livre  en  quel> 
que  état  qu'il  fût.  relié  ou  non  relié.  Je  lui  dis  <]  i« 

faire  tous  mes  efforts  pour  en  pouvoir  porter  un  ei>  ^  li 
i  M.  l'archevêque  (j'en  avais  pourtant  un  dans  ma  poche).  Il 
s'en  retourna  comme  il  était  venu.  Je  crus  qu'il  était  néces- 
saire de  revoir  encore  M.  Arnauld.  Je  le  fus  trouver  à  lliûtel 


L'ARCHEVÉQCE  DE  PARIS.  cuv 

de  Longucville  où  il  était  avec  Son  Altesse*.  M.  doComminges. 
MM.  les  abbés  de  Lalane,  de  Lavergne,  M.  le  promoteur  d'Alet 
cl  quelques  autres,  où  après  avoir  exposé  mon  aiTaire.  on  dit 
qu'on  craignait  que  M.  l'archevêque  ne  voulût  se  rendre 
maître  des  livres  qu'on  imprimerait  à  Paris  en  ne  permettant 
pas  qu'on  en  imprimât  qu'il  ne  les  eût  vus  ou  son  conseil,  et 
que  ce  serait  établir  une  manière  d'inquisition  et  qu'il  fallait 
empocher  cela:  enfin  on  arrêta  que  j'irais  incessamment  lui 
|x>rfor  notre  livre.  M.  de  Comminges  dit  qu'il  saurait  bien  le 
dt-lpruirc  à  la  cour  et  partout  ailleurs  en  cas  qu'on  voulût  faire 
quelque  chose  contre.  Je  m'en  allai  donc  à  la  garde  de  Dieu 
voir  ledit  Seigneur  ;  mais  par  malheur  pour  moi  je  n'avais  pas 
ce  jour-là  mon  habit  à  mong  '  ,  mais  je  crus  que  ce  bon 

prélat  n'y  prendrait  pas  garde  de  si  près.  Étant  arrivé  je  de- 
mandai au  suisse  si  je  pourrais  avoir  l'honneur  de  parler  à 
Monseigneur,  il  me  dit  que  personne  ne  pouvait  parler  à  lui 
et  que  ce  prélat  se  préparait  pour  aller  à  vêpres  faire  l'ofBce. 
Je  demandai  l'aumùnier  qui  était  venu  chez  nous  ;  je  le  fus 
trouver  en  son  appartement  que  le  suisse  m'avait  enseigné, 
où  l'ayant  trouvé,  il  eut  une  très  grande  joie  de  voir  le  livre 
que  j'apportais.  Il  loua  extrêmement  mon  exactitude  et  médit 
que  M.  l'archevêque  allait  être  ravi  de  l'avoir,  de  sorte  qu'il 
me  mena  par  plusieurs  petits  escaliers  dérobés  à  la  grande 
sallequi  précède  l'antichambrede  M .  l'archevêqueoù  il  me  laissa 
un  moment  pendant  qu'il  fut  voir  si  je  pourrais  avoir  au- 
dienrn  de  M.  rarchcv«V]UP.  A  peine  fut-il  entré  qu'il  rouvrit 
la  porte  et  me  fit  »ignc  d'avancer.  Il  ne  me  le  fallut  pas  faire 
dire  deux  fois.  A  l'entrée  do  la  chambre  je  fis  une  très  profonde 
révérence  et  continuai  à  en  faire  jusqu'à  ce  que  je  fusse  auprès 
de  lui.  I^  prélat  m'aborda  par  un  6on/oMr,  .V.  Dntprrz  !  (\ui  en 
\  ■  •.  tant  la  manière  dont  il  fut  prononcé 

•  1  H'imc  grande  bonté  :  ce  bonjour-là  ron- 

Irihiia  Ihmih<)ii|  irer  dans  le»  réponse» que  je  me  pré- 

|>arai»  de  lui  fan.  i  .•  i<il  moi  qui  eus  l'honneur  de  parler  le 
prrmicr.  Je  di's  à  M.  l'archevêque  que  j'étais  extrêmement 


I.  Madame  de  Looguevillc 

a.    L«  Mot  a'Mt  pa»  ackcvé  dans  le   MS.   du  IV   (nnirirr      \  >'      ■''■ 
Fougère). 


CLxn  LAKCHEVKgrK  UK  PAHIS 

Aché  de  oe  qu«  le d^ir  qu'il  avait  d«  voir  le  livre  de  M  V  <^ 
cal  eût  prévenu  mon  devoir,  que  je  n'auraia  eu  garde  de  1 1  > 
qner  dr  lui  en  apporter  un  ;  maisquc  j'espérais  d'avoir  l'hon- 
neur de  le  lui  prÂwnter  d'une  manière  plus  propre.  Apr^  qu'il 
eut  regardé  la  couverture,  il  me  dit  :  il  est  fort  bien,  il  est 
fort  bien.  Cette  continuation  de  bonté  releva  de  beau- 
coup mon  courage  qui  n'avait  pas  toute  la  fermeté  que  je 
désirais. 

Ensuite  ce  prébt  me  dit  :  M.  Despres.  il  y  a  un  fort  babile 
homme  qui  m'est  venu  voir  ;  ce  n'est  pourtant  pas.  me  dit-il. 
un  bomme  de  notre  métier,  je  vcui  dire  qu'il  n'est  pas  théo- 
logien, mais  c'est  un  fort  habile  homme  et  fort  éclairé  :  il 
m'a  dit  qu'il  avait  lu  le  livre  de  M.  Pascal  et  qu'il  Tnllnlt 
demeurer  d'accord  que  c'était  un  livre  admirable  :  niai^  (|iril 
y  avait  un  endroit  dans  ce  livre  où  il  y  avait  quelque  chose 
qui  semblait  favoriser  la  doctrine  des  jansénistes  et  qu'il 
valait  mieux  faire  un  carton  que  d'y  laisser  qudqoe  clioec  qui 
en  put  troubler  le  débit  :  qu'il  en  serait  Aché  à  cause  de 
l'estime  qu'il  avait  pour  la  mémoire  de  feu  M.  Pascal. 

Je  lui  exprimai  de  mon  mieux  quelle  était  la  grandeur  des 
obligations  que  lui  avaient  non  seulement  les  parents,  mais 
même  les  amis  de  M.  Pascal,  de  la  grâce  qu'il  leur  faisait  de 
vouloir  bien  s'intéresser  dans  ce  qui  r^ardait  la  conservation 
de  sa  réputation.  Je  le  suppliai  très  humblement  de  vouloir 
bien  me  permettre  de  vous  écrire  ce  qu'il  avait  la  bonté  de 
médire  :  il  y  consentit  volontiers.  —  Et  que  pour  ce  que  lui 
avait  dit  cette  personne  je  ne  lui  en  pouvais  pas  parler  parce 
que  cela  n'était  pas  de  mon  métier,   mais  qm         '  i^ 

•saurer  que  depuis  qu'on  imprime  on  n'avait  | 
de  livre  qui  ait  été  examiné  avec  plus  de  rigueur  et  plus  de 
sévérité  que  celui-lji  :  que  les  approbateurs  l'avaient  gardé  six 
mois  pendant  lesquels  ils  l'avaient  lu  et  relu,  et  que  tous  les 
dtangeoMots  qu'ils  ont  trouvé  k  propos  de  faire  on  les  avait 
faila  sans  en  excepter  un  seul  :  que  personne  ne  pouvait  lui 
en  rendre  un  compte  plus  exact  que  moi.  d'autant  que  M. 
votre  fils  m'avait  chargé  du  soin  de  ces  approbations  :  que 
c'était  moi  qui  en  avais  été  le  solliciteur  auprès  de  measei- 
gneurs  les  prélats  et  de  MM.  les  docteurs  ;  que  c'était  pour- 
ouoi  je  pouvais  lui  en  parler  positivement  et  partant  qu'il 
devait  Hn  assuré  qu'on  n'y  avait  rien  laisié  paiaer  qui  pAl 


I 


L'ARCHEVÊQUE  DE  PARIS.  cuvn 

commettre  ni  celui  qui  en  était  l'auteur,  ni  sa  mémoire.  Il 
me  dit  :  Voilà  qui  est  bien  ;  qui  sont  les  approbateurs  ?  Je  les 
lui  nommai  :  il  dit  :  «  Ce  sont  de  fort  honnêtes  gens  ;  je  suis 
a-viuré,  conlinua-t-il,  que  M.  l'abbé  le  Camus  n'y  aura  rien 
l.'ii-><''  passer  que  de  fort  à  propos.  Voyons  un  peu  son  appro- 
bation. »  Il  la  lut  tout  au  long  et  la  trouva  bien  écrite  et 
bien  d'un  homme  de  qualité  ;  et  après  avoir  regardé  dans  le 
livre  le  nom  de  tous  les  approbateurs,  il  dit  en  branlant  la 
tête  :  «  Hum  I  hum  !  voilà  de  leurs  gens.  »  Je  lui  dis  qu'il 
|v>ii><-iit  bien  voir  qu'on  ne  les  avait  point  affectés.  Puis  il 
(uninionça  à  dire  r  «  C'est  un  grand  fait  que  ces  gens-là  ne 
sauraient  s'empêcher  de  parler  de  leurs  grâces.  Une  chose  où 
il  faut  dire  0  altiiudo,  ils  la  veulent  faire  passer  pour  article 
de  foi.  et  ils  regardent  comme  des  hérétiques  ceux  qui  ne  la 
croient  pas  comme  eux.  »  —  A  cela  je  ne  lui  répondis  rien. 
Il  me  dit  ensuite  :  «  J'ai  une  chose  qui  pourrait  bien  servir 
à  faire  vendre  votre  livre,  et  qui  serait  bonne  à  mettre  au 
commencement.  »  —  Je  lui  dis  que  je  ne  savais  pas  ce  que 
c'était,  c  C'est,  me  dit-il.  un  témoignage  par  écrit  qu'a  rendu 
le  curé  de  Saint-Etienne,  de  l'esprit  dans  lequel  est  mort 
M.  Pascal.  »  Je  lui  dis  qu'il  n'était  pas  encore  venu  jusqu'à 
moi.  —  ail  faut,  me  dit-il,  que  je  vous  le  montre.  »  Il  s'en 
alla  dans  son  cabinet  le  prendre  et  me  laissa  avec  son  aumô- 
nier, lequel  me  dit  :  «  Ce  témoignage  que  vous  va  faire  voir 
M.  l'archevêque  contribuerait  beaucoup  au  débit  de  votre 
livre,  il  ne  ferait  au  plus  qu'un  petit  carton  lequel  on  pour- 
rait inetlre  au  commencement.  Je  lui  répondis  que  je  ne 
pouvais  pas  ajouter  une  (lanse  d'A  sans  votre  permission.  Il 
me  dit  que  cela  était  juste  et  d'un  fort  honnête  homme. 
M.  l'Archevêque  revint  sur  ses  pas  et  le  peu  de  temps  qu'il 
fut  me  fit  croire  que  le  témoignage  était  toujours  sur  sa  table 
pour  le  montrer  à  tons  venants,  comme  le  rouleau  de  parche- 
min sur  UH|uel  on  fait  signer  la  censure  de  M.  Arnauld  est 
toujours  sur  la  table  du  syndic  de  la  faculté.  Il  vint  donc  à 
moi  avec  ce  [lapier  à  la  main.  —  «  Tcnei.  M.  Desprcx,  me 
dit  le  prélat,  lisez.  »  —  Je  pris  donc  ce  papier  fort  respec- 
tueusement et  le  lut.  Il  contenait  en  substance  que  feu 
M.  Pai4cal  doux  ans  avant  sa  mort  s'était  séparé  de  ces  Mes- 
sieurs à  cause  qu'ils  étaient  trop  attachés  à  soutenir  ou  défen- 
dre la  doctrine  de  Jansénius  et  à  combattre  l'autorité  du 


asm»  L'ARCHEV^.QDF.  nC  PARIS. 

Pnfw;  il  Ml  KNncrit  de  M.  le  rur^  de  SainUEtiauM.  Tai 
r<  'lue  tout  c«  qui  est  contenu  dâm  ce  papiar  «1 

^  (  manière  de  lettre  bâtarde  aiMi  kmgna.  qui  ait 

d'un  raracière  tout  difî^renl  de  la  «ignaturr.  Pour  moi  je 
crus  en  le  voyant  qu'on  avait  donn^  k  ce  bon  homme  loo 
•flaire  toute  dreasée  et  qu'il  l'avait  signée,  parce  que  l'appa- 
rence y  eat  tout  enti^^r.  Api^a  donc  qur  je  l'eut  lu  en  lui 
remettant  entre  le»  main»  il  me  dit  :  «  Eh  bien  M.  Deiprei 
que  ditp»-vous  de  cela  ?»  —  Je  lui  dis  que  je  n'avais  rien  k  lui 
dire  :  que  M.  le  curé  de  Saint-fltienne  était  un  fort  honnête 
homme  et  un  des  cur^  de  ton  dioci^c  qui  faisait  le  mieui 
son  devoir.  —  «  Voili.  continua  le  prélat,  un  témoignage 
fort  authentique  b  ;  et  commença  à  dire  tout  le  bien  powihle 
de  M.  Paiical.  que  rr^glise  avait  beaucoup  perdu  k  sa  mort  ei 
qu'il  était  une  des  plus  brillantes  lumières  de  notre  âède, 
qu'il  avait  tant  de  vénération  pour  sa  mémoire  que  pour  peu 
qu'on  lui  eût  témoigné  de  désirer  v  i  :  '  ,î'  V  i.iit 
donnée  de  tout  son  copur.  —  Jeliiid.  •  nr 

la  plus  considérable  que  cet  ouvrage  aurait  pu  recevoir.  —  il  me 
dit  :  «  Je  l'aurais  fait  très  volontiers  »  ;  et  ensuite,  comme 
revenant  de  bien  loin,  et  regardant  ce  lirre  qu'il  avait  entre 
les  mains,  il  dit  h  son  aumAnier  :  •  Je  trouve  étrange  qu'on 
imprime  comme  cela  des  livres  qui  regardent  la  religion  sans 
m'en  parler  et  sans  ma  participation  :  il  n'y  a  qu'k  Paru  oà 
cela  ne  se  pratique  {ms  ;  car  dans  tous  les  autres  diocèaes  oa 
n'oserait  rien  imprimer  qui  regarde  la  piété  sans  la  partici* 
pation  de  l'évèque  ou  de  ses  grands  vicaires.  N'est-il  pas  vrai, 
dit-il  à  cet  aumônier  ?»  —  Il  lui  répondit  :  c  il  est  vrai  Monsei- 
gneur et  cela  est  même  très  important.  »  —  Il  faut,  dit  le  prélat. 
Sue  je  pense  un  peu  k  cela.  Puis,  s'adressant  k  moi.  il  me 
it  :  «  Q«ie  n'aves-vous  pris  l'approbation  de  nos  profeiaeurt  ? 
«  Vraiment,  lui  di»-je.  Monseigneur,  si  nous  en  étions 
réduits  \k.  nous  n'aurions  qu'il  fermer  nos  boutiques,  parce 
que  comme  ces  messieurs-là  ont  d'autres  choses  »  rio 

se  donnent  bpetne  de  lire  nos  livres  que  quand  il  ;  In^ 

rien  qui  les  occupe.  Que  je  leur  porte  un  livre  comme  celui  do 
M.  Pascal,  ils  me  le  garderont  six  mois  :  et  après  œ  Iemp*-IÀ. 
si  c'est  un  livre  qu'ils  ne  veuillent  pas  qui  paraiiae.  il»  le 
rendent  sans  donner  d'approbation  et  sans  vouloir  même  dire 
la  raison  pourquoi  ils  ne  la  donnent  pas.  —  Point  du  tout. 


LARCHEVÊQCE  DE  PARIS.  clxix 

reprit  le  prélat  :  donnex-moi  un  livre  comme  celui-là.  je  voua 
le  rendrai  tu  et  examiné  dans  quinze  jours.  —  Je  n  en  doute 
point.  M  '  rieur,  répliquai-jc  au  prélat  :  mais  ils  le  feront 
par  o!  >■[  par  le  respect  qu'Us  portent  à  votre  auto- 

rité. Mais  qu'un  homme  comme  moi  s'adresse  à  eux  pour 
cela,  ils  me  considéreront  comme  rien.  *> 

Ensuite  le  prélat  parla  à  son  aumônier  de  l'estime  qu'avait 
faite  du  livre  de  M.  Pascal  celui  qui  l'avait  lu  et  qui  lui  en 
avait  parlé.  C'est,  lui  dit-il.  M.  de  Lamotbc-Fénelon.  G:t 
aumônier  lui  dit  qu'il  le  savait  bien. 

«  Je  dis  à  Monseigneur  l'archevêque  qu'il  fallait  qu'il  prît 
la  peine  de  commencer  la  lecture  de  ce  livre  par  la  préface, 
parce  que  cette  lecture  était  nécessaire  pour  bien  entendre  le 
livre  et  qu'il  ne  fallait  pas  même  omettre  le  petit  avertisse- 
ment, et  ayant  pris  le  livre  d'entre  ses  mains  pour  le  lui 
montrer,  et  l'ayant  trouvé,  je  lui  demandai  s'il  trouverait 
bon  que  je  le  lusse  ;  il  me  dit  que  je  lui  ferais  plaisir.  Je  le 
lus  donc  et  lui  fîs  remarquer  l'endroit  où  il  est  parlé  du  fleu- 
ron. Il  me  dit  qu'il  cesserait  toute  autre  lecture  jusqu'à  ce 
qu'il  eût  lu  notre  livre  :  ensuite  il  me  parla  de  la  personne 
particuliî-re  de  M.  Pascal,  d'où  il  était,  de  sa  famille,  etc.  Je 
le  lui  dis  :  je  lui  lis  une  discussion  autant  exacte  que  je  pus 
des  grâces  que  Dieu  a  répandues  si  abondamment  sur  toute 
voire  maison  ;  je  m'arrêtai  beaucoup  à  lui  établir  le  mérite 
particulier  de  Mme  Périer  qui  ne  dégénère  en  rien  de  celui 
de  feu  M.  son  frère.  Je  lui  parlai  de  M.  Périer  le  jeune,  et  ce 
qui  m'en  donna  l'occasion  fut  la  machine  de  feu  M.  Pascal 
dont  je  parlai  à  ce  prélat  d'une  manière  qu'il  me  témoigna 
me  vouloir  du  mal  de  ne  lui  avoir  pas  procuré  la  vue  d'une  si 
admirable  chose,  et  d'autant  plus  qu'étant  entre  les  mains  de 
M.  Périer  il  aurait  eu  le  bien  de  le  connaître.  Ce  qui  aug- 
menta son  déplaisir  fut  le  plan  de  son  esprit  que  je  lui  fis 
autant  que  je  le  pus  et  autant  que  mes  faibles  lumières  et 
l'habitude  que  j'ai  eu  l'honneur  d'avoir  avec  lui  me  le  put 
permettre,  si  bien  que  comme  il  était  la  veille  de  NoCl,  le 
dernier  coup  de  Vêpres  sonnant  on  lui  vint  dire  qu'il  était 
l<"  l'église.   Je  lui  demandai  s'il  n'avait  rien  h 

ni'  Il   me  fit  toulM  les  amitiés  imaginables,  il 

me  Ht  l'honneur  de  me  venir  conduire  jusques  sur  le  pas  de 
la  porte  de  sa  chambre  et  me  dit  en  le  quittant  de  lui  faire 


.L..  L'ARCHEVÊQUR   DR  PARIS. 

l'amitié  de  le  venir  \tûr  fc^  tonl  •»  niAiiif>*  i<>rmM)  el  que  )• 
lui  ferais  plaisir  ' 


LETTRE  DE  M    ri  lU.l  l\h.  MU.MI.n  flQI'E  DE  PARIS 

A  MONSIEUR  PÉRIEii.CONShlLLKil  A  L\  COtR  DES  AIDES 

DE  CLERMOKT 

Du  a  naar»  1670. 

Monaieur,  je  puis  vous  assurer  que  si  j'ai  reçu  avec  beau- 
coup de  joie  le  Livre  de  M.  Pascal  qu'il  vous  a  plu  de  me 
faire  présenter  par  le  sieur  Desprcx,  je  ne  l'ai  pas  lu  avec 
moins  de  satisfaction.  Mais  je  vous  avoue  que  quelques  témoi- 
gnages que  j'aie  pu  donner  de  l'estime  tris  particulière  que 
je  disais  de  sa  personne,  je  n'eusse  jamais  espéré  qu'ils 
m'eussent  dû  procurer  une  Lettre  aussi  obligeante  et  aussi 
pleine  de  reconnaissance  que  la  vôtre.  C'est  à  mon  avis  bien 
payer  l'acceptation  d'un  présent,  qui  porte  avec  soi  sa  recom- 
mandation et  son  prix.  Car  quelque  éloge  que  j'en  puisse 
faire,  je  sais  bien  que  mes  paroles  ne  répondront  jamais  k 
l'idée  que  j'en  ai  conçue.  Mais  je  croirais  faire  tort  à  la 
mémoire  d'un  si  grand  homme  de  supprimer  un  Ade  que 
j'ai  par  devers  moi,  qui  le  r^rdeet  qui  rends  le  témoignage 
le  plus  authentique  et  le  plus  avantageux  qu'on  puisse  donner 
de  la  pureté  de  ses  sentiments.  Comme  vous  prenes  part. 
Monsieur,  à  son  honneur  et  à  sa  gloire,  je  ne  fais  pas  de  diffi- 
culté. Monsieur,  de  voua  le  conGer  et  de  vous  en  envoyer  une 
Copie.  Il  serait  &  souhaiter  qu'on  l'ei'^t  mis  à  la  tète  de  son 
Livre  :  mau  comme  la  première  I->lition  ne  durera  pas  long- 
temps, on  pourrait  faciienimt  le  faire  ajouter  k  la  seconde. 
Quand  on  aura  ce  dessein,  voai  me  ferez  plaisir.  Monneur. 
de  m'en  donner  avis.  Car  quoique  cet  Acte  seul  puisse  tenir 
lieu  d'une  Approbation  générale  el  universelle,  je  ne  laisserai 
pas  d'avoir  une  trj^  grande  satisfaction  de  l'acoompagMr  de 
la  mienne,  puisqu'en  donnant  au  public  les  marques  des 
■entimenta  d'estime  que  j'avais  pour  Monsieur  votre  beau- 


I .  .\otr  iu  P.  Cmertter  :  « 


LARCHEVÈQUE  DE  PARIS.  ctxxi 

fn'TO,  je   pourrai    avoir  lieu  en   même   temps  de  vous  faire 
connaître  en  particulier  que  je  suis  véritablement,  ele... 

Hardouin.  Archevêque  de  Paris. 

RÉPONSE  A  LA  PRÉCÉDENTE 

De  Clermont,  ce  la  mars  1670. 

MOK  SEIGNEUR. 

Je  vous  étais  infiniment  obligé  de  la  manière  avantageuse 
dont  Votre  Grandeur  avait  parlé  de  M.  Pascal  lorsque  son 
livre  lui  fut  présenté  par  le  sieur  Desprez  ;  mais  je  vous  le 
suis  à  présent  incomparablement  davantage  par  le  témoignage 
que  vous  m'en  avez  donné  par  la  lettre  qu'il  vous  a  plu  de 
me  faire  l'honneur  de  m'écrire,  que  je  reçus  avant-hier, 
puisque  le  nom  est  le  plus  glorieux  titre  que  nous  puissions 
jamais  avoir  pour  l'honneur  de  la  mémoire  de  M.  Pascal,  et 
la  plus  importante  et  la  plus  authentique  approbation  de  son 
livre  comme  venant  d'une  personne  des  plus  éclairées  de  ce 
siècle  et  que  nous  considérons  ainsi  que  tout  le  monde  pour 
la  deuxième  personne  de  l'Église. 

Cotte  obligation.  Monseigneur,  est  si  grande  que  je  ne  sais 
comment  vous  en  faire  mes  remerciements,  parce  qu'en 
quelque  manière  que  je  les  fasse,  ils  seraient  toujours  beaucoup 
au-des.sous  de  ce  que  je  dois,  je  vous  supplie  néanmoins. 
Monseigneur,  de  les  recevoir  et  de  les  avoir  pour  agréables, 
vous  les  faisant  tels  que  je  les  puis  faire,  pénétré  de  senti- 
ments de  reconnaissance,  prosterné  k  vos  pieds,  comme  je 
m'y  mets  d'esprit,  et  avec  toute  l'humilité  et  le  respect  qui 
me  sont  possibles. 

Pour  le  regard  de  la  Déclaration  que  vous  m'avez  fait 
l'honneur  de  me  confier,  et  que  vous  proposez  de  faire  mettre 
h  la  tète  du  livre  de  M.  Pascal  en  une  seconde  édition,  je 
vous  supplie.  Monseigneur,  de  me  perraettre  de  vous  dire 
avec  tout  le  re$p<>ct  que  je  vous  dois,  que  les  sentiments  de 
M.  Pascal  ont  toujours  été  universellement  connus  si  catho- 
liques et  orthodoxes.  (Kirticulièrement  |)ar  tous  ceux  qui  l'ont 
I  fréquenté,  et  la  pureté  de  sa   foi   paraît  si  clairement  dans 


cuiii  t.  Mu.MKV^.QnR  nR  PARIS. 

tout  CF  qu  on  a  VU  de  lui.  auMÎ  birn  qu«  dan«  ce  petit  livre 
que  non»  voaon»  de  donner  au  public  qui  contient  tea  véri- 
tablea  penséea  ior  U  relifion  et  qui  •  èUt  honora  de  tant 
d'tUuitrea  approbation»,  que  je  n'rstime  pat  qu'il  j  ait  per- 
fonne  qui  puiiac  douter  de  m  foi.  ni  par  conséquent  qu'il 
•oit  néœaaaire  d'avoir  des  justifications  sur  œ  sujet.  Ainsi. 
Ifoonignear,  pour  cette  raison  qui.  ce  me  aérobie,  peut 
•ufBre.  et  pour  quelques  aulrc«  qui  ne  ae  peuvent  bien  eipli- 
quer  que  de  boocbe  et  qui  d'ailleurs  sont  trop  pa^1iculi^rcs 
pour  lea  confier  h  une  lettre,  je  m'assure  que  vous  ne  déaap- 
prouveret  pas  que  je  n'ajoute  rien  à  ce  livre.  Auaai  bien, 
puisqu'il  a  l'honneur  d'être  estimé  de  Votre  Grandeur,  et 
«lu'il  a  été  approuvé  par  de  tri«  illustrea  prflats  et  de  plu- 
sieurs oéltf»res  docteurs,  il  y  a  sujet  de  croire  qu'il  eai  à 
couvert  de  toute  atteinte,  etc. 


LETTRE  DE  M.  ARN.\LLO  A  M.  PBRBB.    A   L'OCCASIOIN 
DE  LA  PRÉGÉDEimS 

C«  33  mars  i&'jo. 

Jp  vicn*.  MMiiMriir  <l.  [.<t\()ir  votre  lettre  et  j'y  réponds  à 
rin»tant.  ('.•(!•'  I<  tiir  (pi  '  \<>us  avez  écrite  à  M.  de  Paris  est  fort 
jiulirjpu.v.  et  vous  m»  pouviez  «rabord  prendre  un  meilleur 
teinpérainenl.  Mais  »i  M.  de  Paris  vous  écrit  encore,  comme 
il  a  dit  il  M.  D...  qu'il  le  ferait,  je  ne  vois  pas  que  vous 
putssiei  vous  dispenser  d'éclaircir  les  choses  davantage  et  de 
faire  voir  q«ie  Monsieur  le  curé  de  Saint-Êtienne  f'ert  méprb 
sur  rettr   '  n  rt  qurllo  n  été  la  cause  de  celle  mépriae. 

C'est  un  j  •  que  vous  devez  à  la  vérité  el  k  kméôooire 
de  M.  Pascal  que  de  ne  pas  laisser  triompher  M.  de  Paris 
de  cette  fausse  attestation  ' .  vous  savei  encore  qu'on  a  fait 
une  lettre  sur  ce  sujet  où  tout  cela  eat  parfaitement  bien 
expliqué,  laquelle  a  été  imprimée  i  la  fin  d'une  réponae  à  un 


I .  D«B»  le  RtemU  daa  lellrw  d'AnMaM  la  fànm  m  M  aUiwi^e  et 
la  hçoa  tai«ani«  :  m  Nt  pu  letwsr  IfsifaT  di  Paru  Smm  têtt»  Jmmmt 


L'ÉDITION  DE  1669.  cLxxin 

écrit  du  P.  Annat  contre  M.  d'Alet'.  Il  est  nécessaire  ou 
d'envoyer  cette  lettre  à  M.  de  Paris  ou  d'en  prendre  les  prin- 
cipaux points,  en  les  insérant  dans  la  réponse  que  vous  seret 
obligé  de  lui  Taire,  s'il  vous  récrit. 

Au  reste  M.  Desprez  m'a  demandé  mon  avis  s'il  mettrais 
deuxi«'me  édition  à  celle  qu'il  débite  présentement  et  je  lui  ai 
dit  qu'il  était  très  important  de  le  faire,  afin  que  M.  de  Paris 
ne  priât  plus  d'y  rien  ajouter,  voyant  que  c'est  une  chose 
faite.  Quand  il  ne  le  trouverait  pas  bon.  il  ne  saurait  à  qui 
s'en  prendre,  parce  que  M.  Desprez  doit  prétendre  cause 
d'ignorance  de  tout  ce  qui  se  passe  entre  vous  et  M.  de  Paris. 
Je  salue  Madame  votre  femme,  et  tous  Messieurs  vos  enfants: 
je  vous  prie  aussi  de  faire  mes  baise-mains  à  M.  de  Fontenilles 
et  à  M.  Freval  :  je  suis  tout  à  vous*. 


l'Édition  de  16G9 

Les  dernières  lignes  de  la  lettre  d'Arnauld  apportent  la 
solution  d'un  problème  qui  a  été  longtemps  une  énigme  pour 
les  bibliophilfx^  ;  fim-lle  est  l'édition  princeps  des  Pensées?  En 
effet,  la  plu|)art  do  cxt-mplaires  connus  de  1670  portaient 
Seconde  édition,  cl  n-ux  qui  n'avaient  pas  cette  mention 
étaient  suspects.  Mais  la  Bibliotlièque  Nationale  a  fait  en 
i85i  une  acquisition  qui  a  tranché  le  débat:  elle  pomède 
un  •  V  '  ':•■  de  1669.  sans  approbations  ni  avertissements 
n\>-<  le    des    matières   incomplète.   C'est    une   sorte 

.ivant  la  lettre  qui  donne  la  primauté  aux  éditions 
-  .-  ,  -jiitcs  du  même  type,  c'est-à-dire  à  365  pages,  avec 
XL!  feuillets  préliminaires  et  10  feuillets  de  table.  —  Ensuite 
vient  l'édition  do  334  pages  numérotées  (avec  une  double 
erreur  do  pa^nnation  :  3ia  suivi  d'une  reprise  de  307;  puis 
3i.'i  iiiipritnr  [Huir  33i.  et  suivi  de  3i4  au  lieu  de  33a  ;  ce 
qui  fdit  S'oS  [Mgos)  qui  avait  été  longtemps  prise  pour  l'édition 
princeps.  —  Deux  éditions  suspectes  sont  également  de  1670: 

I.  Lettre  d'un  théologien  i  un  de  $es  amû  éaUt  ds  l5  juillet  1666 
l{Cr.  !•  Hetueil  it'i'lrecht,  1740,  p.  349)- 

S.  Pour  U  «uile  de  eoUa  aftiire,  qui  ne  co»Mni«  plu*  IVJiiion  des 
I,  voir  l«  Retueild'Utrtehi,  p.  871  t^^. 


cutiv 


L'^niTlUN  DK  1609. 


l'une  en  348  ptgM.  l'autre  en  365  pages  (mais  avec  XL  fcuillrlt 
préliminaires,  lo  feuilleb  de  table  et  un  fleuron  rcmplaranl 
sur  le  titre  le  chifl're  de  De^wei*). 

D'autre  part  entre  l'impresaion  de  1669  qui  ■  proprement 
parler  n'est  pas  une  édition,  et  l'édition  prùtcepi  de  1670.  il 
y  a  des  diiTéreooea  qui  ont  f'ié  masquées  par  des  cartons,  ou 
quand  elles  ne  portaient  que  sur  un  mot.  signalées  dans  un 
erratum.  Ces  diiïérenœs  sont  remarquables,  par»  qu'elles 
représentent  le«  derniers  Mcrifires  exigés  par  les  approbateurs 
qui  ont  examiné  le  Hccucil  pendant  qu'on  l'imprimait,  quel- 
ques-uns même  après  l'impression  et  sur  un  riemplaire  ana- 
logue à  celui  qui  nous  est  parvenu.  Aussi  avons-nous  cru 
qu'il  convenait  de  reproduire  dans  le  Tableau  suivant  celles 
que  nous  avions  pu  relever. 


Ëdit.  de  1669 

Trraa  I.  Page  3.  —  Mais 
en  vérité  je  ne  puis  m'empé- 
dier  de  leur  dire  que  cette 
négligence  n'est  pas  suppor- 
Uble. 

Trraa  II.  Page  a6.  —  La 
seule  religion  contre  la  na- 
ture, contre  le  sens  commun, 
contre  nos  plaisirs,  est  la 
seule  qui  ait  toujours  été. 

TiTKB  V.  Page  Itg.  —  (En- 
tre le  §  5  :  La  tupeniUion  est 
différente  île  la  suprrstilion, 
et  §  6  :  //  n'y  a  rien  de  $i 
conforme  à  la  raison  que  le 
désaveu  de  la  raison  dans  les 
choses  ifui  sont  de  la  foi.) 


Éorr.  DB  1670 

Mais  en  vérité  je  ne  puis 
m'  '  '  I  de  leur  dire  ce 
qii  ^cuvent  que  cette 

ni  n'est  pas  suppor- 

tai.. . 

La  seule  religion  contraire 

'      I  dure,  en  l'état  qu'elle 

Il  combat  tous  nos  pUi- 

sin,    et    qui   parait   d'abord 

contraire  au   sens  commun. 

est  la  seulequi  ait  toujours  été. 


I.  Cf.  l'avast-propM  à  la  rapraJaelion  de  VMUhm  de  1670  doaa^ 
k  U  UkrmrJÊ  des  fUktwpêtiln  (1874),  M  l'article  de  F.  Coaoi  a>n. 
ias  Blades  rsligiemses  ds  la  Compofnie  et  Jetas  (i5  j»ia  189^) 


L'ÉDITION  DE  1669.  clxxv 

ËdIT.    de    1669  ÊOIT.    DB    1670 


C'est  une  impiété  de  ne 
pas  croire  rEucharistie,  parce 
qu'on  n'y  voit  pas  Jésus- 
Christ,  car  on  ne  l'y  doit  pas 
voir,  quoiqu'il  y  soit.  Mais 
quand  il  s'agit  d'une  chose 
qui  tombe  sous  les  sens,  c'est 
une  superstition  de  la  croire 
si  on  ne  la  voit  ;  parce  qu'on 
doit  la  voir  si  elle  est. 

TiTRB  IX.  9*  et  dernier 
fragment.  —  Si  c'est  un 
aveuglement  surnaturel  de 
vivre  sans  cbocher  ce  qu'on 
est... 

TiTRB  XII,  en  tète.  —  Tout 
ce  qui  ne  va  point  à  la  charité 
dans  l'évangile  est  Ggures. 

Titre  XVI.  fr.  IX.  —  Les 
Juifs  refusent,  non  pas  tous. 

Jésu»-Christ  n'a  pas  dompté 
les  nations  en  main  armée. 

Titre  XMII.  fr.  11.  — 
J(''sU"»-( Christ  est  venu  aveu- 
gler ceux  qui  von  aient  clair  : 
guérir  les  malades  et  laisser 
mourir  les  sains  :  appeler  les 
|MVheiirs  à  la  pénitence  et  les 
juslitier.  et  laisser  les  justes 
dans  leurs  péchés  ;  remplir 
les  indigents  et  laisser  les  ri- 
ches vides. 


Titre  XIX.  fr.  1.  3*  parth- 
graphe.  —  Que  Dieu  n'avait 
point  d'égard  à  la  postérité 
charnelle  d'Abraham. 


Paragraphe  supprimé. 


Si  c'est  un  aveuglement 
qui  n'est  pas  naturel  de  vivre 
sans  chercher  ce  qu'on  est... 


Ligne  supprimée. 


Les  Juifs  le  refusent,  non 
pas  tous. 

Jésus-Christ  n'a  pas  dompté 
les  nations  à  main  armée. 

Jésus-Christ  est  venu,  afin 
que  ceux  qui  ne  voyaient  point 
vissent  et  que  ceux  qui 
voyaient  devinssent  aveugles  : 
il  est  venu  guérir  les  malades, 
et  laisser  mourir  les  sains  :  ap- 
peler les  pécheurs  k  la  péni- 
tence, et  lea  joatifier  :  et  lais- 
ser ceux  qui  se  croyaient 
justes  dans  leurs  péchés,  rem- 

Elir  les  indigents,  et  laisser 
•  riches  vides. 
Que    Dieu    n'avait    point 
d'égard    au    peuple   charnel 
qui  devait  sortir  d'Abraham. 


CLUtn  L'EDITION  DE  1069. 

Êdit.  m  1669  £orT.  Di  1670 


Kr.  a.  début.  —  Je  dit  que 
\c  sabbat  n'éUit  qu'an  signe  : 
institué  en  mémoire  de  la 
aortie  d'CgypIe.  Donc  il  n'est 
plus  néceiieire.  puisqu'il  faut 
oublier  r£gyptc. 

Fr.  3.  —  Je  dis  que  U 
circoncision  n'était  qu'une 
Figure. 

TiTRi  XX.  d^but.  -  J'ad- 
mire avec  quelle  hardiesse 
quelques  personnes  entre- 
prennent de  parler  de  Dieu, 
en  adreMent  leurs  ditooursaux 
impies.  Leur  pronier  cha- 
pitre est  de  prouver  la  Divi- 
nité par  les  ouvrages  de  la 
nature.  Je  n'attaque  pas  la 
!iolidité  de  ces  preuves  ;  mais 
je  doute  beaucoup  de  l'uti- 
lité et  du  Fruit  qu'on  en  veut 
tirer,  et  m  elles  me  paraissent 
assez  conformes  à  la  raison, 
elles  ne  me  paraissent  pas 
assez  conformes,  cl  assez  pro- 
portionnées à  la  di.<<(tosition 
de  l'esprit  de  ceux  [lour  qui 
elles  sont  destinées. 

TiTaa  XXVII.  fr.  4-  —  Si 
opéra  non  fecUtem  in  ei$  qtue 
mémo  aliiu  fecil,  peeeaium  non 
habereni. 


Ibid.  C'est  particulièrement 
les  iitirades  qui  rendent  les 
Juif»  coupables  dans  leur  in- 
crédulité. Car  les  preuves  que 


PangnpkÊ  iwpprimi. 


Je  dis  que  la  cirooadsMMi 
était  une  figure. 

1^  plupart  de  oeui  qui 
entreprennent  de  prouver  b 
Divinité  aux  Impies,  com- 
mencent d'ordinaire  par  les 
ouvrage*  de  U  naiore.  el  ib 
y  réussissent  rarement  :  je 
n'attaque  pas  k  solidité  de 
ces  preuves  consacrées  par 
l'Écriture  sainte  :  elles  sont 
conformes  k  la  raison,  mau 
souvent  elles  ne  sont  pas 
asMt  conCorme*  et  aases  pro- 
portionnées à  la  disposition 
de  l'esprit  de  ceux  pour  qui 
elles  sont  destinées. 


"^rm  m  eu 


Si  opéra  t—~  '- 
qaaenemo  a! 
non  habereni.  bi  je  n'avais 
fait  parmi  eux  des  œuvres  qur 
jamaisaucuneautre  n'a  faites, 
ils  n'auraient  point  de  pécli<- 

...  C'est  particulièrenirnt 
les  miracles  qui  rendaient  les 
Juifs  coupables  dans  leur  in- 
crédulité.   Car    les   preu\<N 


L'ÉDITION  DE  1669.  cuczvu 

£oiT.    DE    1669  £dIT.    de    1670 


i 


Jésus-Chri<(t  et  les  apôtres 
tir-  riturenesontpas 

(Ifi!  i\  es.  Ils  disent  seu- 

lement que  Moïse  a  dit  qu'un 
propli.'-le  viendrait  :  mais  ils 
ne  prouvent  pas  que  ce  soit 
celui-là  et  c'est  toute  la  ques- 
tion. Ces  passages  ne  servent 
donc  qu'à  montrer  qu'on 
n'est  pas  contraire  à  l'Écri- 
ture, et  qu'il  n'y  parait  point 
de  rëpugnance.  mais  non  pas 
qu'il  )  ait  accord.  Or,  cela 
suffit  :  exclusion  de  répu- 
gnance avec  miracles. 

IbUi.,  fr.  5.  —  Les  prophé- 
li<-  lient  pas  prouver 

J»-'  i  [jondant  sa  vie. 

Et  ainsi  on  n'eût  pas  été  cou- 
pable de  ne  pas  croire  en  lui 
avant  sa  mort,  si  ses  miracles 
n'eussent  pas  sufli  sans  la 
dcKlriue.  Or,  ceux  qui  ne 
cro>;iicnl  |)as  en  lui  en- 
core vivant  étaient  pécheurs. 
comme  il  le  dit  lui-même,  et 
sans  excuse.  Donc  il  fallait 
qu'ils  eussent  une  démonstra- 
tion à  l.i(|uelle  ils  résistassent. 
Or.  ils  n'avaient  pas  des 
preuves  suffisantes  dans  !'£- 
criture.  les  prophéties  n'étant 
pas  encore  accoiiiplics;  mais 
seni  ,    [Xinc 

iU  loctrino 

n'r^!  j  i.iuifcstcment  con- 
trait «■.  il  oii  y  doit  croire. 
Jésus-Christ    a    vérifié    qu'il 

rtfisin  M  PASCAL. 


qu'on  eût  pu  tirer  de  l'Écri- 
ture pendant  la  vie  de  Jésus- 
Christ  n'auraient  {>as  été 
démonstratives.  On  y  voit, 
par  exemple,  que  Moïse  a  dit 
qu'un  Prophète  viendrait  ; 
mais  cela  n'aurait  pas  prouvé 
que  Jésus-Christ  fut  ce  Pro- 
phète, et  c'était  toute  la  ques- 
tion. Ces  passages  faisaient 
voir  qu'il  pouvait  être  le  Mes- 
sie, et  cela  avec  ses  miracles 
devait  déterminer  à  croire 
qu'il  l'était  effectivement. 

Les  prophéties  seules  ne 
pouvaient  pas  prouver  Jésus- 
Christ  pendant  sa  vie.  Et 
ainsi  on  n'eût  pas  été  cou- 
pable de  ne  pas  croire  en  lui 
avant  sa  mort,  si  les  miracles 
n'eussent  pas  été  décisifs. 
Donc  les  miracles  suffisent 
quand  on  ne  voit  pas  que  la 
doctrine  soit  contraire,  et  on 
y  doit  croire. 


I-  Il 


cuuvn  L'ÉDITION  DE  1069. 

EoiT.  DB  1669  Êorr.  M  1670 


était  le  MMiie.  jamai»  en  vé- 
rifiant M  doctrine  sur  l'Ëcri- 
ture  ou  le*  prophéties,  et 
toujours  par  Ma  miradea. 

ibid.,  fr.  6.  —  Quand  donc 
on  voit  les  miracles  et  la 
doctrine  non  suspecte,  tout 
ensemble  d'un  côté,  il  n'y  a 
pas  dr  '"''  'i'-  Mais  quand 
on  voii  u'Ies  et  la  doc- 

trine suspecte  du  même  côté, 
alors  il  faut  voir  lequel  est  le 
plus  clair  des  miracles  ou  de 
la  doctrine.  Et  c'est  encore 
ici  une  des  régies  pour  discer- 
ner les  miraclen,  qui  est  fon- 
dée sur  ce  principe  immobile. 
que  Dieu  ne  peut  induire  en 
erreur. 

TiTM  XXVIII,  fr.  5i.  — 
Voilà  ce  que  c'est  que  la  foi  : 
Dieu  sensible  au  cœur. 

Ibid.,  fr.  68.  —  U  faut 
donc,  après  avoir  connu  la 
vérité  par  la  raison,  tâcher  de 
U  sentir  et  de  mettre  notre 
loi  dans  le  sentiment. 

TiTRB  XXIX.  Page  agS.— 
J'ai  passé  longtemps  de  ma 
vie,  en  croyant  qu'il  y  avait 
une  justice  ;  et  en  cela  je  ne 
me  trompais  pas  ;  car  il  y  en 
a  selon  que  Dieu  nous  l'a 
voulu  révéler.  Mais  je  ne  le 
prenais  paa  ainn.  et  c'est  en 
quoi  je  me  trompau  ;  car  je 
crojrai»  watt  notre  justice  était 
eMentiilUment  juste,  et  tpie 


Ainsi,  quand  même  la  doc- 
trine serait  suspecte  comme 
celle  de  Jtsus-Cnnr  pouvait 
l'être  k  Nicodéme.  à  cause 
qu'elle  semblait  détruire  les 
traditions  des  Pharisiens,  s'il 
y  a  des  miradea  dain  et  évi- 
dents du  même  o6té.  il  faut 
que  l'évidence  du  mirade 
l'emporte  SI  II  "î  v  pour- 

rait avoir  «1<  ii-  de  la 

part  de  la  doctrine,  ce  qui  est 
fondé  sur  ce  principe  immo- 
bile, que  Dieu  ne  peut  induire 
en  erreur. 

Voilà  ce  que  c'est  oue  la 
foi  parfaite  :  Dieu  seoaihle  au 
coeur. 

Il  faut  donc,  apré»  avoir 
connu  la  vérité  par  b  raison, 
tlcbcr  de  la  sentir,  et  de 
mettre  notre  foi  dans  le  sen- 
timent du  cœur. 

Fragment  tapprimi  (Cf.  la 
lettre  d'Amattld  du  30  nt/vem' 
bre  16G9.  supra  p.  cLii). 


L'ÉDITION  DE  1669.  clxxu 

Édit.   de   1669  Édit.  de   1670 


j'avais  de  quoi  la  connaître 
el  en  juger.  Mais  je  me  suis 
trouvé  tant  de  fois  en  faute 
de  jugement  droit,  qu'en- 
fin je  suis  entré  en  défiance 
de  moi.  et  puis  des  autres. 
J'ai  vu  tous  les  pavs.  et  tous 
les  hommes  changeants.  Et 
ainsi  après  bien  des  change- 
ments de  jugement  touchant 
la  véritable  justice,  j'ai  connu 
que  notri."  nature  n'était 
qu'un  continu*'!  ch.tngcment  ; 
et  je  n'ai  plus  ciiangé  depuis  ; 
et  si  je  changeais,  je  confir- 
merais mon  opinion. 

Pensées  sur  la  mort:  Car  si 
nous  ne  passons  par  le  milieu, 
nous  ne  trouvons  en  nous... 

Cet  horrible  changement, 
ayant  infecté  une  si  sainte 
vie... 

L'Âme  ressuscite  à  une  nou- 
velle vie  dans  le  même  bap- 
tême. L'âme  quitte  la  terre  et 
monte  au  ciel  à  l'heure  de  la 
mort.  Et  clic  >'arrétc  à  la 
droite  au  temps  où  Dieu  l'or- 
dotine. 

Après  le  Jugement  il  mon- 
tera au  dei..  et  aéra  k  la 
droite. 


Si  nous  ne  passons  sur  le 
milieu,  etc.  (avec  division  da 
paragraphe  en  trois). 

Ce  changement,  ayant,  etc. 
(avec  paragraphe  nouveau). 

L'âme  ressuscite  à  une  nou- 
velle vie  dans  les  sacrements. 
Et  enfin  l'âme  quitte  la  terre, 
et  monte  au  ciel  en  menant 
une  vie  céleste,  ce  qui  fait 
dire  à  saint  Paul  :  Conversa- 
tio  nostro  in  arlis  est. 

Après  le  Jugement  il  mon- 
tera au  ciel  el  y  demeurera 
élemelletnent. 


III 

LA    PRÉFACE    DE    PORT-ROYAL    ET   LE    PLAN 
DE    LAPOLOGIE 

PR^:FACE  de  L'ÉDITION  DE  PORT-BOYAL 

Où  Von  fait  voir  de  quelle  manière  cet  Pensht  ont  Hi  ienim  et 
reciteillies  :  ce  qui  en  a  fait  retarder  Fimpreuion  ;  qugl  Hait  te 
deuein  de  Vauleur  dans  cet  ouvrage  et  commmi  it  n  paui  le» 
dernières  années  de  sa  vie*. 

Pascal,  ayant  quitté  fort  jeune  létude  des  malhémaliquct. 


I.  Mme  IVrier  donne  l'hifluire  de  rettc  Préface  àtnt  nneleUrcdii 
!•*  avril  1670  irrite  k  M.  Vallant  pour  Mate  de  Sabl^  :  «  Je  vota  ^«e 
—date  la  narquite  t^oaoifne  de  dé«rer  de  savoir  qui  a  hit  la  prf- 
fcoe  de  notre  livre.  Voua  aaves,  raoasieor,  que  je  ne  doia  rien  avoir 
de  aerret  pour  elle  ;  c'est  pourquoi  je  vont  aupplie  de  lui  dire  que 
c'eat  non  BU  qai  l'a  fcite.  Mai»  je  la  aupplie  très  humblement  de  n'en 
rien  témoigner  à  peraonne  ;  je  n'en  eirepte  rien  et  je  vous  demande 
U  même  gréce,  et  aBn  que  vous  en  sacbiex  la  raison,  je  voua  dirai 
IIMrta  l'histoire.  Vous  savex  que  M.  de  I^chaise  en  avait  hit  nne  qui 
4uit  naaaréaeat  fort  belle  ;  «mis  ooaime  U  ■•  aoas  •■  avait  riaa 
commoaiqaé,  aova  Maea  biea  larprU,  lonfae  mnm  b  vtaMt,  ém  m 
qu'elle  ■•  eoateaail  rien  de  lautea  laa  eboeoe  qae  aoaa  vonlioM  dira, 
•I  qa'elle  aa  ooatenait  plusieurs  qaa  aoaa  aa  voalioaa  pas  dire.  Cala 
oUifaa  M.  Périar  da  lai  écrira  poar  le  prier  de  troavar  boa  qa'oa  y 
ebaafeât  00  qa'oa  aa  fh  aaa  aatra  ;  et  M.  Périar  sa  rèeatat,  aa  affala 
d'en  hire  nne  ;  mais  comme  il  n'a  jamais  aa  ■oaïaat  de  loisir,  aprèa 
avoir  bien  attendu,  comme  il  vit  que  le  taaipa  pra«ait,  il  manda  aaa 
iatoalieu  à  oHm  Bla  at  lai  ordonna  de  la  Hùra.  CeyaailaH  aoiia 
aMM  fia  voyait  qaa  ea  procédé  hiaait  de  la  peine  4  M.  da  ll(aaaiie/), 
è  M.  de  Lacbaise  et  ans  autres,  il  ne  sa  vanta  point  do  cala  a(  Bl 
comnM  si  ceUe  préhce  éuit  veauo  d'ici  [de  CtenmtiU]  toata  hita. 
Ainsi,  monsieur,  vous  voyea  bien  que  entra  toataa  laa  aatraa  raiaeai 
qa'ils  prélaadaal  avoir  de  se  plaindre,  cotte  Baaaea  4eat  mom  Bis  a 
■aé  laa  ebo^pMrail  aaaaréaiaat...  » 


PRÉFACE  DE  PORT-ROYAL.  clxmi 

de  la  physique,  et  dos  antres  vrienœs  profanes,  dans  lesquelles 
il  avait  fait  un  si  grand  progrès,  commença,  vers  la  trentième 
année  de  son  Age,  à  s'appliquer  à  des  choses  plus  sérieuses  et 
plus  n'iovées.  et  à  s'adonner  uniquement,  autant  que  sa  santé 
le  put  permettre,  à  l'étude  de  l'Flcriture,  des  Pères,  et  de  la 
iiior.ile  chétienne. 

M.iix  quoiqu'il  n'ait  pas  moins  excellé  dans  ces  sortes  de 
sri«rirr>s.  comme  il  l'a  bien  fait  paraître  par  des  ouvrages  qui 
p.t*-<'iil  pour  assez  arhe>és  en  leur  genre,  on  peut  dire  néan- 
ini)iii>  que,  si  Dieu  eût  permis  qu'il  eût  travaillé  quelque 
temps  à  celui  qu'il  avait  dessein  de  faire  sur  la  religion,  et 
auquel  il  voulait  employer  tout  le  reste  de  sa  vie,  cet  ouvrage 
eût  beaucoup  surpassé  tous  les  autres  qu'on  a  vus  de  lui  : 
parce  qu'en  effet  les  vues  qu'il  avait  sur  ce  sujet  étaient 
inOniment  au-dessus  de  celles  qu'il  avait  sur  toutes  les  autres 
choses. 

Je  crois  qu'il  n'y  aura  personne  qui  n'en  soit  facilement 
persuadé  en  voyant  seulement  le  peu  que  l'on  en  donne  à 
proNent,  quelque  imparfait  qu'il  paraisse;  et  principalement 
sa(  li.mt  la  manière  dont  il  y  a  travaillé,  et  toute  l'histoire  du 
ronu'il  qu'on  en  a  fait.  Voici  comment  tout  cela  s'est  passé. 

l'.iscal  conçut  le  dessein  de  cet  ouvrage  plusieurs  années 
avant  sa  mort;  mais  il  ne  faut  pas  néanmoins  s'étonner  s'il 
fut  si  longtemps  sans  en  rien  mettre  par  écrit:  car  il  avait 
toujours  accotitnmé  de  songer  beaucoup  aux  choses,  et  de  les 
disposer  dans  ton  esprit  avant  que  de  les  produire  au  dehors, 
pour  bien  considérer  et  examiner  avec  soin  celles  qu'il  fallait 
mettre  les  premières  ou  les  dernières,  et  l'ordre  qu'il  leur 
devait  donner  à  toutes,  afm  qu'elles  pussent  faire  l'effet  qu'il 
désirait.  Et  comme  il  avait  une  mémoire  excellente,  et  qu'on 
peut  (lir  11  sorte  qu'il  a   souvent  assuré 

(|n'il  ti  de  ce  qu'il  avait  une  fois  bien 

iiri|  :  i.ins  son  esprit;  lorsqu'il  s'était  ainsi  quelque  temps 

n|<l  !  jiR  .1  un  sujet,  il  ne  craignait  pas  que  les  pensées  qui 
lui  1  lient  venues  lui  pussent  jamais  échapper:  et  c'est  pour- 
<pioi  il  différait  asses  souvent  de  les  écrire,  soit  qu'il  n'en  eût 
pas  \r  \nWir.  soit  que  m  santé,  qui  •  presque  toujours  été 
languissante,  ne  fût  pas  aaaes  forte  pour  lui  permettre  de 
travailler  avec  application. 

C'est  ce  qui  a  été  cause  que  l'on  a  perdu  à  sa  mort  la  plus 


auxn  PRÊPACR  nK  PORT-ROYAt 

gruide  partie  de  oe  qu'il  •▼•il  déji  conçu  io<irlian(  v>n 
dcaein:  car  il  n'a  proque  rien  écrit  des  priiici|>alt<a  raiioiu 
dont  il  voulait  le  wnrir.  des  foodementa  lur  leMpeit  il  nr^ 
tendait  appuyer  «on  ouvrage,  el  de  l'ordre  qu'il  voulait  j 
garder:  oe  qui  était  aflaarémenl  trèa  conadérable.  Tout  «la 
étiiii  '  'i<-iiiriit  bien  grav^  dani  mn  esprit  et  dans  M  m^ 
Dii  I  >  ayant  n(''glig<^  dr  l'ëcrirc  lorM|u'il  l'aurait  peut- 

^trc  pu  faire,  il  m>  trouva,  lonqu'il  l'aurait  bien  voulu,  bon 
d'état  d'y  pouvoir  du  tout  travailler. 

Il  se  rencontra  néanmoins  une  occaaion.  il  y  a  environ  dix 
ou  douze  ans*,  rn  laquelle  on  l'obligea,  non  pas  d'écrire  ce 
qu'il  avait  danii  l'esprit  sur  ce  sujet-U'.  mais  d'en  dire 
quelque  cho%c  de  vive  voix.  Il  le  fit  donc  en  préaeDce  et  à  la 
prière  de  plusieurs  personnes  très  considérablea  de  aea  amis. 
Il  leur  développa  en  peu  de  mots  le  plan  de  tout  son  ouvrage; 
il  leur  représenta  ce  qui  en  devait  faire  le  sujet  et  la  matière; 
il  leur  en  rapporta  en  abrégé  lea  raisons  et  les  prindpee,  et  il 
leur  expliqua  l'ordre  et  la  suite  des  choses  qu'il  y  voulait 
traiter.  Et  ces  personnes,  qui  sont  aussi  capables  qu'on  le 
puisae  être  de  juger  de  ces  sortes  de  cboaes.  avouent  qu'elles 
n'ont  jamais  rien  entendu  de  plus  beau,  de  plus  fort,  de  plus 
touchant,  ni  do  plu.<i convaincant  :  qu'ollesen  furent  cliArméea; 
et  que  ce  qu'elles  virent  de  ce  projet  et  de  ce  dessein  dans  un 
discours  de  deux  ou  troi.n  heures  fait  ainsi  sur-le-champ,  et 
sans  avoir  été  prémédité  ni  travaillé,  leur  fit  juger  ce  que  ce 
pourrait  être  un  jour,  s'il  était  jamais  exécuté  et  conduit  k 
sa  perfection  par  une  personne  dont  elles  connaissaient  la 
force  et  la  capacitif  ;  qui  avait  accoutumé  de  travailler  telle- 
ment tous  ses  ouvrages,  qu'il  no  se  contentait  presque  jamais 
de  ses  premières  pensées,  quelque  bonnes  qu'elles  parussent 
aux  autres  :   et  qui  a  r^ait  souvent,  jusqu'à  huit  ou  dix  fois. 


I.  C'Mt-4Hiir«  (b  préhes  éUiat  de  la  fin  de  i66ç)^  1667A  iftSç. 

S.  Catts  iaeidsate  «si  ««et  iaiporUnt»;  n  o»  la  prsad  k  la  laUfv, 
il  hat  es  eoacl«r«  qu«>  Pntml  n'avait  p«>  ^ril  d'avaac*  SOS  sipesi 
lioa  orale;  la  résan^  d'Éli«ane  Parier  aaniit  éi*  fait  SSsISMSat  à 
i*ai4s  4ss  soevsain  d«a  aaditrars.  C«pee4aat  Is  aMaasaril  eosliat  ■■ 
loag  fragaisat  avse  osUa  iadieatioM  A.  P.  A.  <|«t  asaiMe  as  rappoifr 
k  la  roaWrsaea  duat  paria  Êtiaase  Patral  (tt.  it6  aC  kdo). 


PRÉFACE  DE  PORT-ROYAL.  CLXxxm 

drs  pièces  que  tout  autre  que  lui  trouvait  admirables  d>*>s  U 
première*."' 

Après  qu'il  leur  eut  fait  voir  quelles  sont  les  preuves  (jiu 
font  le  plus  d'impression  sur  l'esprit  des  hommes,  et  qui  sont 
les  plu*  propres  h  les  persuader,  il  entreprit  de  montrer  que 
i.i  religion  chrétienne  avait  autant  de  marques  de  certitude 
cl  d'évidence  que  les  choses  qui  sont  reçues  dans  le  monde 
[>our  les  plus  indubitables. 

Il  commença  d'abord  par  une  peinture  de  l'homme,  où  il 
n'oiihlia  rien  de  tout  ce  qui  le  pouvait  faire  connaître  et  au 
(li'il.ms  et  au  dehors  de  lui-même,  et  jusqu'aux  plus  secrets 
mouvements  de  son  cœur.  Il  supposa  ensuite  un  homme  qui, 
avant  toujours  véai  dans  une  ignorance  générale,  et  dans 
l'indiiTércnce  à  l'égard  de  toutes  choses,  et  surtout  à  l'égard 
df  soi-même,  vient  enfin  à  se  considérer  dans  ce  tableau,  et  à 
examiner  ce  qu'il  est.  Il  est  surpris  d'y  découvrir  une  infinité 
de  choses  auxquelles  il  n'a  jamais  pensé  ;  et  il  ne  saurait 
remarquer,  sans  étonnemcnt  et  sans  admiration,  tout  ce  que 
Pascal  lui  fait  sentir  de  sa  grandeur  et  de  sa  bassesse,  de  ses 
avantages  et  de  ses  faiblesses,  du  peu  de  lumière  qui  lui  reste, 
cl  drs  ténèbres  qui  l'environnent  presque  de  toutes  parts,  et 
enfin  de  toutes  les  contrariétés  étonnantes  qui  se  trouvent 
dans  sa  nature.  11  ne  peut  plus  après  cela  demeurer  dans 
l'indifTérence,  s'il  a  tant  soit  peu  de  raison  ;  et  quelque 
insensible  qu'il  ait  été  jusqu'alors,  il  doit  souhaiter,  après 
a\oir  ainsi  connu  ce  qu'il  est,  de  connaître  aussi  d'où  il  vient 
et  ce  qu'il  doit  devenir. 


I.  Klienne  Parier  fait  alluMon  à  re  que  dit  Wendrock  (Nicole) 
dans  M  Prèfaer  à  la  tradurtion  latine  des  Prm'meiaU»  :  «  Il  éuit 
souvent  vini^t  i<><irt  entier*  sttr  une  seule  Lettre.  Il  en  raeomaençait 
nêne  qurlqiip»-unes  jusqu'à  sept  ou  huit  fais,  afin  de  les  Bettre  au 
degré  de  perfsction  où  nous  les  voyons.  On  ne  doit  point  être  surpris 
qu'un  eeprit  ausai  vif  que  Montalte  ait  eu  cette  patience.  Autant  qu'il 
il  de  vivacité,  autant  a-t-il  de  pAnétmtion  pour  découvrir  les  moindres 
fli^fMuu  dans  les  ouvrages  d'esprit  :  souvent  à  peine  trouve-t-il  sap- 
port.ililece  qui  fait  presque  l'admiration  des  antres,  a  I^  dix-huitième 
l'ruvinciaU  ^t  la  plus  travaillée  de  toutes.  Pascal  la  refit  treite  fois, 
plus  pent-^tre  d'ailleurs  par  scrupule  ih^ulogiquc  que  par  srmpala 
littéraire    Cf.  la  lettre  it  Brieime,  eupra.  p.  cxlviii. 


GLXUtv  PRftrACR  nK  PORT-ROYAL. 

pMcal.  l'ayant  mi*  dans  cette  dinpontion  de  fhewim  à 
s'instruira  sur  no  doute  ai  important,  l'adreaae  premiènoMnt 
aux  phikMopliei.  el  c'eat  là  qu'aprèa  lui  avoir  développé  tout 
oe  que  lea  plui  grands  philosophes  de  toutes  les  sedea  ont  dit 
sur  le  sujet  de  l'homme,  il  lui  fait  observer  tant  de  défauts, 
tant  de  faiblesses,  tant  de  contradictions,  et  tant  de  fauuetés 
dans  tout  ce  qu'ik  en  ont  avancé,  qu'il  n'est  pas  difficile  k 
cet  homme  de  juger  que  ce  n'est  pa»  U  où  il  doit  s'en  tenir. 

Il  lui  fait  ensuite  parcourir  tout  l'univers  et  tout  les  âges, 
pour  lui  faire  remarquer  une  infinitr  de  religions  qui  s'y 
rencontrent  :  mais  il  lui  fait  voir  en  même  temps,  par  des 
raisons  si  fortes  et  si  convaincantes,  que  toutes  ces  retigions 
ne  sont  remplies  que  de  vanité,  de  folies,  d'erreort.  d'égaré» 
ments  et  d'extravagances,  qu'il  n'y  trouve  rien  eocore  qui  le 
puisse  satisfaire. 

Enfm  il  lui  fait  jeter  les  yeux  sur  le  peuple  juif  :  et  il  lui 
en  fait  observer  des  circoniÂanccs  si  extraordinaires,  qu'il 
attire  facilement  son  attention.  Après  lui  avoir  représenté 
tout  ce  que  ce  peuple  a  de  singulier,  il  s'arrête  particulière- 
ment k  lui  faire  remarquer  un  livre  unique  par  lequel  il  se 
gouverne,  et  qui  comprend  tout  ensemble  son  histoire,  sa  loi 
et  sa  religion.  A  peine  a-l-il  ouvert  ce  livre,  qu'il  y  apprend 
que  le  monde  est  l'ouvrage  d'un  Dieu,  et  que  c'est  ce  même 
Dieu  qui  a  créé  l'homme  à  son  image,  et  qu'il  l'a  doué  de 
tous  les  avantages  du  corps  et  de  l'esprit  qui  convenaient  à 
cet  état.  Quoiqu'il  n'ait  rien  encore  qui  le  convainque  de  cette 
vérité,  elle  ne  laisse  pas  de  lui  plaire  ;  et  la  raison  seule  suffit 
pour  lui  faire  trouver  plus  de  vraisemblance  dans  cette 
supposition,  qu'un  Dieu  est  l'auteur  des  hommes  et  de  tout 
ce  qu'il  y  a  dans  l'univers,  que  dans  tout  ce  que  ces  mêmes 
hoounes  se  sont  imaginé  par  leurs  propres  lumières.  Ce  qui 
l'arrête  en  cet  endroit  est  de  voir,  par  la  peinture  qu'on  lui  a 
faite  de  l'homme,  qu'il  est  bien  éloigné  de  posséder  tous  ces 
avantages  qu'il  a  dû  avoir  lorsqu'il  est  sorti  des  mains  de  son 
auteur  ;  mais  il  ne  demeura  pas  longtemp  dans  ce  doute  : 
car  dès  qu'il  poursuit  la  ledora  de  ce  même  li>re.  il  y  trouve 
qu'après  que  l'homme  eut  été  créé  de  Dieu  dans  l'état  d'inno- 
oeooe,  el  avec  toute  sorte  de  perfections,  sa  première  action 
fut  de  ae  révolter  contra  son  créateur,  et  d'employer  à 
l'ofifenser  tous  les  avantages  qu'il  en  avait  reçus. 


PRÉFACE  DE  PORT-ROYAL.  cuuxv 

Pascal  lui  fait  alors  comprendre  que  ce  crime  ayant  été  le 
plu»  grand  de  tous  les  crimes  en  toutes  ces  circonstances,  il 
avait  été  puni  non  seulement  dans  ce  premier  homme,  qui. 
étant  déchu  par  là  de  son  état,  tomba  tout  d'un  coup  dans  la 
misère,  dans  la  faiblesse,  dans  l'erreur  et  dans  l'aveuglement, 
mais  encore  dans  tous  ses  descendants  à  qui  ce  même  homme 
a  communiqué  et  communiquera  encore  sa  corruption  dans 
toute  la  suite  des  temps. 

Il  lui  montre  cnî<uile  divers  endroits  de  ce  livre  où  il  a 
découvert  cette  vérité.  Il  lui  fait  prendre  garde  qu'il  n'y  est 
plus  parlé  de  l'homme  que  par  rapport  à  cet  état  de  faiblesse 
et  de  désordre  ;  qu'il  y  est  dit  souvent  que  toute  chair  est 
corrompue,  que  les  hommes  sont  abandonnés  à  leurs  sens,  et 
qu'ils  ont  une  pente  au  mal  dès  leur  naissance.  Il  lui  fait  voir 
encore  que  celte  première  chute  est  la  source,  non  seulement 
de  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  incompréhensible  dans  la  nature 
de  l'homme,  mais  aussi  d'une  infinité  d'effets  qui  sont  hors 
de  lui,  et  dont  la  cause  lui  est  inconnue.  Enfin  il  lui  repré- 
sente l'Ii'  !»ien  dépeint  dans  tout  ce  livre,  qu'il  ne  lui 
parait  pi  ni  de  la  première  image  qu'il  lui  en  a  tracée. 

Ce  n'est  pa»  assez  d'avoir  fait  connaître  à  cet  homme  son 
état  plein  de  misère  :  Pascal  lui  apprend  encore  qu'il  trouvera 
dans  ce  même  livre  de  quoi  se  consoler.  Et  en  efTct.  il  lui  fait 
remarquer  qu'il  y  est  dit  que  le  remède  est  entre  les  mains 
de  Dieu  ;  que  c'est  à  lui  que  nous  devons  recourir  pour  avoir 
les  forces  qui  nous  manquent  ;  qu'il  se  laissera  fléchir,  et 
qu'il  enverra  même  aux  hommes  un  libérateur,  qui  satisfera 
pour  eux.  et  qui  suppléera  à  leur  impuissance. 

Après  qu'il  lui  a  expliqué  un  grand  nombre  de  remarques 
trî^s  particulières  sur  le  livre  de  ce  peuple,  il  lui  fait  encore 
considérer  que  c'est  le  seul  (|ui  ait  parlé  dignement  de  l'Ktrc 
souverain,  et  qui  ait  donni'  l'idée  d'une  véritable  religion.  Il 
lui  en  fait  concevoir  les  marques  les  plus  sensibles  qu'il 
applique  à  celles  que  ce  livre  a  enseignées:  et  il  lui  fait  faire 
une  attention  particulière  sur  ce  qu'elle  fait  consister  l'essence 
'I'   -  ■■>ur  de  Dieu  «|u'ellc  adore;  ce  qui  est 

'111  ilier.  et  qui  la  distingue  visiblement  de 

toutes  it'?<  autres  religions,  dont  la  fauiaeté  parait  par  le 
défaut  de  cette  marque  si  essentielle. 

Quoique  Pascal,  après  avoir  conduit  si  avant  cet  homme 


CLXSiM  PR^.PACR  DR  PORT-ROYAL. 

qu'il  «V>i  «A  de  penuader  inaentibleni'  li  ait 

«noore  ri<  ^  m  le  puitM  convaincro  des  vfi  i   lui 

•  (ail  découvrir,  il  l'a  mit  nAantnoin»  dans  b  di»poiiition  de 
lea  recevoir  avec  plaisir,  pounrti  qu'on  puisse  lui  faire  voir 
qu'il  doit  n'y  rendre,  el  de  souhaiter  m^^nie  de  tout  «on  cœur 
qu'elles  soient  solides  et  bien  fondées,  piiî  trouve  de 

li  grands  avantages  pour  son  repos  et  |)nin  '<iMement 

de  ses  doutes.  C'est  aussi  l'état  où  devrait  être  tout  homme 
raisonnable,  s'il  était  une  foi»  bien  entré  dans  la  suite  de 
Unîtes  les  choses  que  Pasral  vient  de  repréjienter  :  il  y  a  sujet 
de  croire  qu'sprj^  rela  il  se  rendrait  facilement  h  toutes  les 
preuves  que  l'auteur  apportera  ensuite  |)our  ronPirmer  la 
certitude  et  l'évidence  de  toutes  ce»  vérit«''s  importantes  dont 
il  avait  parlé,  et  qui  font  le  fondement  de  la  religion  chré- 
tienne, qu'il  avait  dessein  de  persuader. 

Pour  dire  en  peu  de  mots  quelque  chose  de  ces  preuve*», 
aprfs  qu'il  eut  montré  en  général  que  les  vérités  dont  il 
s'agissait  étaient  rnnlenues  dans  un  livre  de  fa  certitude 
duquel  tout  homme  do  Imn  sens  ne  pouvait  douter,  il  s'arrêta 
principalement  au  livre  de  Moïse,  où  ces  vérités  sont  particu- 
lièrement rép.r  '  il  fit  voir,  par  un  très  grand  nombre 
de  circonstani  •  i.ihles.  qu'il  était  également  impossible 
que  Moïse  eût  laissé  par  écrit  des  choses  fauves,  ou  que  le 
peuple  à  qui  il  les  avait  laissées  s'y  fût  bissé  tmmn^r  nnaiwl 
même  MoSse  aurait  été  capable  d'être  fourbe. 

Il  parla  aussi  des  grands  miracles  qui  sont    i.i|<|  ■>it>^    : 
ce  livre;  et  comme  ils  sont  d'une  grande  conM'ijn-tni-  ivr 
religion    qui   y   ert  enseigmV^.    il  prouva    «pj'il    n 
possible  qu'ils  ne  fussent  vrais,  non  seulement  par  i 
du  livre  où  ib  sont  contenus,   mais  encore  par   toutes  les 
ri  rrctnstances  qui  les  accompagnent  et  qui   les  rendent  indu- 
l.il.iMeti. 

Il  t  irore  de  quelle  mai  '•  la   loi    '        ' 

était  I;  '  ;  que  tout  ce  qui  •  '  •-  aux  Juii 

été  que  la  figure  des  vérité  accomplies  à  la  venue  du  Messie, 
et  que.  le  voile  qui  rouvrait  ces  figures  ayant  été  levé,  il 
était  aisé  d'en  voir  l'aroom plissement  et  b  conaommation 
parfaite  en  faveur  de  reux  qui  ont  reçu  h'-  ' 

11  entreprit  ensuite  de  prouver  la  véritr  ngion  par 

lea  prophéties;  et  ce  fut  sur  ce  sujet  qu'il  s'etrndit  beaoootip 


PRÉFACE  DE  PORT-ROYAL.  clxxxvii 

plus  que  sur  les  autres.  Comme  il  avait  beaucoup  travaillé 
là-dessus,  et  qu'il  y  avait  des  vues  qui  lui  étaient  toutes  parti- 
culières, il  les  expliqua  d'une  manière  fort  intelligible  :  il  en 
Ht  voir  le  sens  et  la  suite  avec  une  facilité  merveilleuse,  et  il 
les  mit  dans  tout  leur  jour  et  dans  toute  leur  force. 

Enfin,  après  avoir  parcouru  les  livres  de  l'Ancien  Testa- 
ment, et  fait  encore  plusieurs  observations  convaincantes 
pour  <iervir  de  fondements  et  de  preuves  à  la  vérité  de  la 
rr!i::iori.  il  entreprit  encore  de  parler  du  Nouveau  Testament, 
et  (le  tirer  ses  preuves  de  la  vérité  môme  de  l'F^vangile. 

Il  commença  par  Jésus-Christ:  et  quoiqu'il  l'eût  déjà  prouvé 
invinciblement  par  les  prophéties  et  par  toutes  les  figures  de 
la  loi.  dont  on  voyait  en  lui  l'accomplissement  parfait,  il 
apporta  encore  beaucoup  de  preuves  tirées  de  sa  personne 
même,  de  ses  miracles,  de  sa  doctrine  et  des  circonstances  de 
sa  vie. 

Il  s'arrêta  ensuite  sur  les  apôtres  :  et  pour  faire  voir  la  vérité 
de  la  foi  qu'ils  ont  publiée  hautement  partout,  après  avoir 
établi  qu'on  ne  pouvait  les  accuser  de  fausseté  qu'en  supposant 
ou  qu'ils  avaient  été  de»  fourltes,  ou  qu'ils  avaient  été  trompés 
eux-mêmes,  il  (it  voir  clairement  que  l'une  et  l'autre  de  ces 
suppositions  était  également  impossible. 

Enfm  il  n'oublia  rien  de  tout  ce  qui  pouvait  servir  à  la 
vérité  de  l'hisl^Hre  évancélique,  faisant  de  très  belles  remar- 
ques sur  l'Kvangilo  inèrne.  sur  le  style  des  évangélistes.  et  sur 
leurs  personnes  ;  sur  les  apôtres  en  particulier,  et  sur  leurs 
écriU;  sur  le  nombre  prodigieux  de  miracles:  sur  les  martyrs: 
sur  les  saints:  en  un  mot.  sur  toutes  les  voies  par  lesquelles 
la  rr-ii^'inn  chrétienne  s'est  entièrement  établie.  Et  quoiqu'il 
n't'ùt  |>.is  le  loisir,  dans  un  simple  discours,  de  traiter  au 
long  une  si  vaste  matière,  comme  il  avait  deaaein  de  faire  dans 
son  ouvrage,  il  en  dit  néanmoins  asseï  pour  convaincre  que 
tout  cela  ne  pouvait  être  l'ouvrage  des  hommes,  et  qu'il  n'y 
avait  que  Dieu  seul  qui  eôt  pu  conduire  l'événement  de  tant 
«r«'fr»'U  <Jinv'T«»nt»  qui  concourent  tous  également  k  prouver 
Me  la  religion  qu'il  est  venu  lui-même 

Voilà  en  substance  les  principales  choses  dont  il  entreprit 
de  parler  dans  tout  ce  discours,  qu'il  ne  proposa  à  ceux  qui 
l'entendirent  que  comme  l'abrégé  du  grand  ouvrage  qu'il 


euxivm  PRftrACK  DE  PORT-ROYAL. 

mMiUit  :  ri  r'r»t  par  1«  moyen  d'un  de  ceux  qui  y  furent 
pféeenU  qu'on  a  au  flcnui»  le  pr»  (ftip  in  vtrn«  d'en  rap- 
porter*. 

Parmi    lea  fra^mnitii  iiur    ion  ii4>iiiir    .m    publu.  m 

quelque  choae  de  ce  grand  dessein  :   mai*  on  y  m  \<  ■ 
peti  :  et  lea  cboaea  mAmea  que  l'on  >  irnini  ■ 
faitr».  si  peu  étendœa.  eC  ai  peu  digônt'*,  <{<     i'  -  <>,  j.  nw  m 
donner  qu'une  idé«  trfa  groaaiftre  de  la  manière  dont  il  ae 
proposait  de  les  traiter. 

Au  rciite.  il  ne  faut  pas  s'étonner  si.  dans  le  pea  qu'on  en 
«ioimo.  on  n'a  pas  gardé  son  ordre  et  sa  suite  pour  la  distri> 
liiilion  des  matières.  Comme  on  n'avait  presque  rien  qui  se 
suivit,  il  eût  été  inutile  de  s'attacher  i  oel  ordre  ;  et  l'on  s'est 
contenté  de  les  disposer  à  peu  pria  en  la  manière  qu'on  a 
jugé  être  plus  propre  et  plus  convenable  k  ce  que  l'on  en 
avait.  On  espère  même  qu'il  y  aura  pou  de  personnes  qui. 
après  avoir  bien  conçu  une  fois  le  dessein  de  l'auteur,  ne  sup- 
pléent d'eux-mêmes  au  défaut  de  cet  ordre,  et  qui.  en  con- 
aidérant  avec  attention  les  diverses  matières  répanduea  dans 
ces  fragments,  ne  jugent  facilement  où  elles  doirentMre  rap- 
portées suivant  l'idée  de  celui  qui  les  avait  écrites. 

Si  l'on  avait  seulement  ce  disoour»-lè  par  écrit  tout  au  long 
et  en  la  manière  qu'il  fut  prononcé,  l'on  aurait  quelque  snji  l 
de  se  consoler  de  la  perte  de  cet  ouvrage,  et  l'on  pourrait  dur 
qu'on  en  aurait  au  moins  un  petit  échantillon,  quoique  fort 
imparfait.  Mais  Dieu  n'a  pas  permis  qu'il  nous  ait  Uiss<'  ni 
l'iiii  ni  l'autre;  car  peu  de  temps  après  il  tomba maladed' tin*- 
maladie  de  langueur  et  de  faiblesse  qui  dura  les  quatra  der- 
nières années  de  sa  vie.  et  qui.  quoiqu'elle  parût  fort  peu  an 
dehors,  et  qu'elle  ne  l'obligeât  pas  de  garder  le  lit  ni  la 
dwmbre,  ne  laiaaait  pas  de  l'incommoder  Immiik 
rendre  preaque  incapable  de  s'appliquer  k  quoi  • 
aorte  que  le  plus  grand  aoin  et  la  principale  > 
ceux  qui  étaient  auprès  de  lui  était  de  le  déton 
et  même  de  parler  de  tout  ce  qui  demandait  qn  iten- 


I .  Cf.  la  Discaars  âmt  U$  Pmmém  et  M.  I^n«al.  ^«i  a  Mé  terit 
riaarsaaMk  «tOa  Pré/met,  9i  qn'6û«na«  Parier  n'a  pMii-AtM  hit  qaai 
rétuaMT,  ia/ra,  p.  cxus. 


PRÉFACE  DE  PORT-ROYAL.  clxxxix 

tion  d'esprit,  et  de  ne  rentrelenir  que  de  choses  indifférentes 
et  incapables  de  le  fatiguer. 

C'est  néanmoins  pendant  ces  quatre  dernières  années  de 
'  '  et  de  maladie  qu'il  a  fait  et  écrit  tout  ce  que  l'on  a 

■  cet  ouvrage  qu'il  m(kJitait,  et  tout  ce  que  l'on  en 
donne  au  public.  Car,  quoiqu'il  attendit  que  sa  santé  fût 
entièrement  rétablie  pour  y  travailler  tout  de  bon,  et  pour 
écrire  les  choses  qu'il  avait  déjà  digérées  et  disposées  dans  son 
esprit,  cependant,  lorsqu'il  lui  survenait  quelques  nouvelles 
pensées.  (]uclqucs  vues,  quelques  idées,  ou  même  quelque 
tour  et  quelques  expressions  qu'il  prévoyait  lui  pouvoir  un 
jour  servir  pour  son  dessein,  comme  il  n'était  pas  alors  en 
état  de  s'y  appliquer  aussi  fortement  que  lorsqu'il  se  portait 
bien,  ni  de  les  imprimer  dans  son  esprit  et  dans  sa  mémoire, 
il  aimait  mieux  en  mettre  quelque  chose  par  écrit  pour  ne 
les  pas  oublier  ;  et  pour  cela  il  prenait  le  premier  morceau 
de  papier  qu'il  trouvait  sous  sa  main,  sur  lequel  il  mettait 
sa  pensée  en  peu  de  mots,  et  fort  souvent  même  seulement  à 
demi-mot:  car  il  ne  l'écrivait  que  pour  lui.  et  c'est  pourquoi 
il  se  contentait  de  le  faire  fort  légèrement,  pour  ne  pas  se 
fatif^uer  l'esprit,  et  d'y  mettre  seulement  les  choses  qui  étaient 
nécessaires  pour  le  faire  ressouvenir  des  vues  et  des  idées 
qu'il  avait. 

C'est  ainsi  qu'il  a  fait  la  plupart  des  fragments  qu'on  trou- 
YCra  dans  ce  recueil  :  de  sorte  qu'il  ne  faut  pas  s'étonner  s'il 
y  en  a  quchjucs-uns  qui  semblent  assez  imprfaits,  trop  courts 
et  trop  p«'u  expliqués,  dans  lesquels  on  peut  même  trouver 
des  termes  et  des  expressions  moins  propres  et  moins  élé- 
gantes. 11  arrivait  néanmoins  quelquefois,  qu'ayant  la  plume 
à  la  main,  il  ne  pouvait  s'emp«V:her,  en  suivant  son  inclina- 
.lion,  de  {tousser  ses  pensées,  et  de  les  étendre  un  peu  davan- 
'tage.  quoique  ce  ne  fût  jamais  avec  la  même  force  et  la  même 
application  d'esprit  que  s'il  eût  été  en  parfaite  santi^.  El  c'est 
pounpiui  l'on  en  trouvera  aussi  quelques-unes  plus  étendues 
et  mieux  écrites,  et  des  chapitres  plus  suiyU  «t  plus  parfaits 
que  les  autres. 

V  oilà  de  quelle  manière  ont  été  écrites  ces  Pensées.  Et  je 

^crois  qu'il  n'y  aura  |)ersonne  qui  ne  juge  facilement,  par  ces 

k'grr»  conmit'ncement.<«et  |»r  ces  faibles  essais  d'une  personne 

malade,  qu'il  n'avait  écrits  que  pour  lui  seul,  et  |K)ur  se  n- 


cit  PRÉFACE  DR  PORT-ROYAI. 

nu'Itrr  <i.iii«  Tf^pril  drti  prnfléw  qu'il  craignait  de  panlie* 
qu'il  n'a>ait  jamais  rr%u»  ni  r«IOUchét.  qu«l  CÙt  élé  l*Oltvni§e 
entier,  s'il  eût  pu  recouvrer  m  parfaite  lantA  et  y  mettre  la 
dernière  main,  lui  qui  «avait  di^poter  les  clioaea  dans  on  si 
beau  jour  cl  un  si  bel  ordre,  qui  donnait  un  tour  si  parti- 
culier, si  noble  et  si  relevé,  à  tout  ce  •:  '  tit  dire,  qui 
avait  dessein  de  travailler  cet  outrage  pi'  ni  ceux  qu'il 
avait  jamais  faits,  qui  j  voulait  cmploer  toute  la  force 
d'esprit  et  tous  les  talents  que  Dieu  lui  avait  donnés,  et 
duquel  il  a  dit  souvent  qu'il  lui  fallait  dix  ans  de  santé  pour 
l'acbever. 

Comme  l'on  savait  le  dessein  qu'avait  Pascal  de  travailler 
sur  la  religion,  l'on  eut  un  tr^s  grand  soin,  après  sa  mort, 
de  recueillir  tous  les  écrits  qu'il  avait  faits  sur  cette  manière. 
On  les  trouva  loiu  ensemble  enfilés  en  diverses  liasses,  mais 
sans  aucun  ordre,  sans  aucune  suite,  parce  que.  comme 
je  l'ai  déjà  remarqué,  ce  n'étaient  que  les  premières  eipfee- 
sions  de  ses  |)en»écs  qu'il  écrivait  sur  de  petits  morceaux  de 
papier  h  mesure  qu'elles  lui  venaient  dans  l'esprit.  Et  tout 
cela  était  si  imparfait  et  si  mal  écrit,  qu'on  a  eu  toutes  les 
peines  du  monde  à  le  déchiffrer. 

Le  première  chose  que  l'on  fit  fut  de  les  faire  copier  tds 
qu'ils  étaient,  et  dans  la  même  confusion  qu'on  les  avait 
trouvés.  Mais  lorsqu'on  les  vit  en  cet  état,  et  qu'on  eut  plus 
de  facilité  de  les  lire  et  de  les  examiner  que  dans  les  originaux, 
ils  parurent  d'abord  si  informes,  si  peu  suivis,  et  le  plupart 
si  peu  ei|)li(]ué4,  qu'on  fut  fort  longtemps  sens  penser  du 
tout  à  les  faire  inipriiner.  quoique  plusieurs  penoones  de 
très  grande  considération  le  demendeasent  souvent  avec  des 
instances  et  des  sollicitations  fort  pressantes  :  parce  que  l'on 
jugeait  bien  qu'en  donnant  ces  écrits  en  l'état  où  ils  étaient, 
on  ne  pouvait  pas  remplir  l'attente  et  l'idée  que  le  monde 
•Tait  de  cet  ouvrage,  dont  on  avait  déjà  beaucoup  entendu 
perler. 

Mau  enfin  on  fut  obligé  de  céder  è  l'impatienoe  et  au  grand 
désir  que  tout  le  monde  témoignait  de  les  voir  imprimés.  Et 
l'on  s'y  porta  d'autant  plus  aisément,  que  l'on  crut  que  ceux 
qui  les  liraient  seraient  aaaet  équitables  pour  faire  le  disoer- 
nanont  d'un  dessein  ébeuehé  d'avec  une  pièce  achevée,  et 
pour  juger  de  l'ouvrage  par  l'échantillon,  quelque  imparlait 


PRÉFACE  DE  FORT-ROYAL.  aa 

qu'il  fût.  El  ainsi  l'on  se  résolut  de  le  donner  au  public. 
Mais  comme  il  y  avait  plusieurs  manières  de  l'exécuter,  l'on 
a  été  quelque  temps  à  se  déterminer  sur  celle  que  l'on  devait 
prendre. 

La  première  qui  vint  dans  l'esprit,  et  celle  qui  était  sans 
doute  la  plus  facile,  était  de  les  faire  imprimer  tout  de  suite 
dans  le  même  état  où  on  les  avait  trouvés.  Mais  l'on  jugea 
bientôt  que.  de  le  faire  de  cette  sorte,  c'eût  été  perdre  presque 
tout  le  fruit  qu'on  en  pouvait  espérer,  parce  que  les  pensées 
plus  suivies,  plus  claires  et  plus  étendues,  étant  mêlées  et 
ronmie  absorbées  parmi  tant  d'autres  à  demi  digérées,  et 
quelques-unes  même  presque  inintelligibles  à  tout  autre  qu'à 
celui  qui  les  avait  écrites,  il  y  avait  tout  sujet  de  croire  que 
les  unes  feraient  rebuter  les  autres,  et  que  l'on  ne  considérerait 
ce  >olunic,  grossi  inutilement  de  tant  de  pensées  imparfaites, 
que  comme  un  amas  confus,  sans  ordre,  sans  suite,  et  qui  ne 
pouvait  servir  à  rien. 

Il  y  avait  une  autre  manière  de  donner  ces  écrits  au  public, 
qui  était  d'y  travailler  auparavant,  d'éclaircir  les  pensées  ob- 
scure», d'acliever  celles  qui  étaient  imparfaites;  et.  en  prenant 
ll;^l^  tntis  ces  fragments  le  dessein  de  l'auteur,  de  suppléer 
<'ii  i|ii<'l(|uc  sorte  l'ouvrage  qu'il  voulait  faire.  Cette  voie  eût 
<■(<•  assiiirmcnt  la  meilleure;  mais  il  était  aussi  très  difticile 
(le  la  bien  exécuter.  L'on  s'y  est  néanmoins  arrêté  assez  long- 
temps, et  l'on  avait  en  effet  commencé  à  y  travailler.  Mais 
enfin  on  s'est  résolu  de  la  rejeter  aussi  bien  que  la  première, 
parce  que  l'on  a  considéré  qu'il  était  pres({ue  impossible  de 
bien  entrer  dans  la  |X'nsée  et  dans  le  dessein  d'un  auteur,  et 
surtout  d'un  auteur  tel  que  Pascal  ;  et  que  ce  n'eût  pas  éU* 
donner  son  ouvrage,  mais  un  ouvraee  tout  différent. 

I    Ainsi.  |.  ^  qui  se  trouvaient  dans 

l'une  et  !..  'V  paraître  ws  écrits,  on 

kn  a  clioisi  une  entre  deux,  qui  est  celle  que  l'on  a  suivie 
■ans  ce  recueil.  On  a  pri.<i  seulement  parmi  ce  grand  nombre 
|e  pensées  ci-iles  qui  ont  paru  les  plus  clairet  et  les  plus 
b'  '  '  et  on  l<>H  donne  telles  qu'on  les  a  trouvées,  sans  j 
r  <'r  ni  cliiin^'iT:  si  ce  n'est  qu'au  lieu  qu'elles  étaient 

.  Hiins  liaisoii,  et  disfiersécs  confusément  décote  et 

.     Il   lo  a  niivs  dans  quelque  sorte  d'ordre,  et  réduit 

sous  le!i  niêni)>s  titres  iflles  qui  étaient  sur  les  mêmes  sujets; 


eiai  PRÉFACB  DB  PORT-ROTAL. 

el  ToD  •  supprimé  toute*  \m  autres  qui  éUiont  m  Inp 
ofatcdrei.  ou  trop  irocwrfaitci. 

Ce  n'oit  pat  qu'eflet  ne  oontinaent  aoan  de  tria  héùm 
dioaea.  et  quVlln  ne  foiaent  capables  de  donner  de  grtadaa 
Toea  à  ceux  qui  lea  entendraient  bien.  Ilaia  eomme  on  n« 
voulait  pas  travailler  k  les  fdaircir  et  k  lea  achever,  ellea 
eussent  été  enti^ment  inutiles  en  l'état  où  ellea  aont.  El 
afin  que  l'on  en  ait  quelque  idée,  j'en  rapporterai  ici  aaole- 
ment  une  pour  servir  d'exemple  ;  et  par  laquelle  on  poonra 
juger  de  toutes  les  autres  que  l'on  a  retrandiéaa.  Void  dooe 
quelle  eat  cette  pensée,  et  en  quel  état  on  l'a  Iroavée  parmi 
œa  firagments  :  «  Un  artisan  qui  parle  des  richeaaea,  on  pro* 
cureur  qui  parle  de  la  guerre,  de  la  rovauté.  etc.  Mais  le  riche 
parle  bien  des  richesses,  le  roi  parle  froidement  d'un  grand 
don  qu'il  vient  de  faire,  et  Dieu  parle  bien  de  Dieu.  • 

Il  y  a  dans  œ  fragment  une  fort  belle  pensée  :  mais  il  J  a 
peu  de  personnes  qui  la  puissent  voir,  parce  qu'elle  y  eat 
expliquée  très  imparfaitement  et  d'une  manière  fort  obscure, 
fort  courte  et  fort  abrégée;  en  sorte  que.  si  on  ne  lui  avait 
oui  dire  de  bouche  la  même  pensée,  il  serait  difficile  de  la 
reconnaître  dans  une  expression  si  confuse  él  ai  embrouillée. 
Voici  k  peu  près  à  quoi  elle  consiste. 

Il  avait  fait  plusieurs  remarques  très  particulières  sur  le  style 
del'Écriture,  et  principalement  de  l'Évangile,  et  il  y  trouvait  de:i 
beautés  que  peul-^lre  personne  n'avait  remarquées  avant  lui.  Il 
■  '  'os  choses  1  ■ 

li  .  ur  avec  laiji.  ,       ' 

{).iil<  ili's  (li<>M>9  les  plus  grandes  et  les  plus  relevées,  comme 
sont  |iai  ciLOinpIe.  lero)faumodcDieu.  la  gloire  que  poaaéderont 
Il  s  s. unis  dans  le  ciel,  les  peines  de  l'enfer,  sans  s'y  étendre. 
coiiiiiK  ont  fait  les  Pères  et  tous  ceux  qui  ont  éôil  aor  ces 
ni.iiK  t<M  Ht  il  disait  que  la  véritable  cause  de  cela  était  que 
ci>  >  In  •.<••«.  qui  à  la  vérité  sont  infiniment  grandea  eCrelevéeak 
nolti-  «  gard.  no  le  sont  |)as  de  mémo  i  l'égard  de  Jéaua- 
Christ  ;  et  qu'ainsi  il  ne  faut  pas  trouver  étrange  qu'il  en 
parle  de  cette  sorte  sans  étonnement  et  aana  àdmintioa  : 
comme  l'on  voit,  sans  comparaison,  qu'un  général  d'armée 
parle  tout  simplement  et  sans  s'émouvoir  du  siège  d'une  place 
importante,  et  du  gain  d'une  grande  bataille;  et  qu'un  roi 
parle  froidement  d'une  somme  de  quinxe  ou  vingt  millions. 


PRÉFACE  DE  PORT-ROYAL.  don 

dont  un  particulier  et  un   artisan  ne  parleraient  qu'avec  de 
grandes  exagérations. 

Voilà  quelle  est  la  pensée  qui  est  contenue  et  renfermée 
sous  le  peu  de  paroles  qui  composent  ce  fragment  ;  et  dans 
l'esprit  des  personnes  raisonnables,  et  qui  agissent  de  bonne 
foi.  cette  considération,  jointe  à  quantité  d'autres  semblables, 
pouvait  servir  assurément  de  quelque  preuve  de  la  divinité 
de  Jésus-Christ. 

Je  crois  que  ce  seul  exemple  peut  suflire.  non  seulement 
pour  faire  juger  quels  sont  à  peu  près  les  autres  fragments 
qu'on  a  retranchés,  mais  aussi  pour  faire  voir  le  peu  d'appli- 
cation et  la  négligence,  pour  ainsi  dire,  avec  laquelle  ils  ont 
presque  tous  été  écrits  ;  ce  qui  doit  bien  convaincre  de  ce  que 
j'ai  dit.  que  Pascal  ne  les  avait  écrits  en  effet  que  pour  lui 
seul,  et  sans  présumer  aucunement  qu'ils  dussent  jamais  pa- 
raître en  cet  état.  Et  c'est  aussi  ce  qui  fait  espérer  que  l'on 
sera  assez  porté  à  excuser  les  défauts  qui  s'y  pourront  ren- 
contrer. 

Que  s'il  se  trouve  encore  dans  ce  recueil  quelques  pensées 
un  peu  obscures,  je  pense  que,  pour  peu  qu'on  s'y  veuille 
appliqtier.  on  les  comprendra  néanmoins  très  facilement,  et 
qu'on  demeurera  d'accord  que  ce  ne  sont  pas  les  moins  belles, 
et  qu'on  a  mieux  fait  de  les  donner  telles  qu'elles  sont,  que 
de  les  éclaircir  par  un  grand  nombre  de  paroles  qui  n'auraient 
servi  qu'à  les  rendre  traînantes  et  languissantes,  et  qui  en 
auraient  à\è  une  des  principales  beautés,  qui  consiste  à  dire 
beaucoup  de  choses  en  peu  de  mots. 

L'on  en  peut  voir  un  exemple  dans  un  des  fragments  du 
chapitre  dc^  Preuves  de  Jésus-ChrUl  par  Us  prophéties,  qui  est 
conçu  en  ces  termes  :  c  Les  prophètêi  sont  mèl^  de  prophéties 
particulières,  et  de  celles  du  Messie:  aGn  que  les  prophéties 
.du  Messie  ne  fussent  pas  sans  preuves,  et  que  les  prophéties 

rticulièrcs  ne  fussent  pas  sans  fruit.  »  Il  rapporte  dans  ce 
ragmcnt  la  raison  pour  laquelle  les  prophètes,  qui  n'avaient 
en  vue  que  le  Messie,  et  qui  semblaient  ne  devoir  prophétiser 
que  de  lui  et  di;  ce  qui  le  regardait,  ont  néanmoins  souvent 
prédit  des  choses  particulières  qui  paraissaient  assez  indiiïé- 

P inutiles  à  leur  dessein.  Il  dit  que  c'était  afin  que  ces 
ts  prticulicrs  s'accomplissant  de  jour  en  jour  aux 
out  le  monde,  en  la  manière  qu'ils  les  avaient  pré- 
l^àn  M  fAMAL.  I  —  13 


aw  ntfkCK  DE  PORT-IIUYAL. 

dits.  Ut  fittMot  inoootaïUfaltnMat  reoooniu  pour  propbèlti. 
et  qu'ainû  l'on  ne  pèt  douter  de  la  vérité  et  de  la  oartitnde 
de  tontes  les  dioses  qu'ib  propbéttMÎent  du  Meaie.  De  lorte 
que.  perce  mojen.  le»  prophétieeduMeMietiraieDl,  en  quelque 
façon,  leur»  preuve»  et  leur  autorité  de  œ»  propliétie»  parti- 
ciûière»  vérifiée»  et  accomplie»  ;  et  ce»  pronbéCie»  particuUèrM 
serrant  ainsi  à  prouver  et  à  autoriser  oMiea  du  Messie,  ellfli 
n'étaient  pas  inutiles  et  infructueuse».  Voili  le  sent  de  ce 
fragment  étendu  et  développé.  Mais  il  n'y  a  sans  doute  per- 
sonne qui  ne  prit  bien  plus  de  plaisir  de  le  découvrir  soi- 
même  dans  les  seules  paroles  de  l'auteur,  que  de  le  voir  ainsi 
édairci  et  expliqué. 

Il  est  encore,  ce  me  semble,  asses  à  propos,  pour  détromper 
quelques  personnes  qui  pourraient  peut-être  s'attendre  de 
trouver  id  des  preuves  et  des  démonstrations  géométriques  de 
Tesistence  de  Dieu,  de  l'immortalité  de  l'âme,  et  de  plusieurs 
autres  articles  de  foi  chrétienne,  de  les  avertir  que  ce  n'était  pas 
li  le  dessein  de  Pascal.  Il  ne  prétendait  point  prouver  toutes 
ces  vérités  de  la  religion  par  de  telles  démonstrations  fondée» 
sur  des  principes  évidents,  capables  de  convaincre  l'obstination 
des  plus  endurcis,  ni  par  des  raisonnements  métapbTsiqur» 
qui  souvent  égarent  plus  l'esprit  qu'ib  ne  le  pertoaoent.  m 
par  des  lieux  communs  tirés  de  divers  effets  de  la  nature, 
mais  par  des  preuves  morales  qui  vont  plus  au  coeur  qu'à 
l'esprit.  C'est-à-dire  qu'il  voulait  plus  travailler  à  toucher  et 
i  disposer  le  cœur,  qu'à  convaincre  et  k  persuader  l'esprit 
parce  qu'il  savait  que  les  passions  et  les  attacbemenb  videur 
qui  corrompent  le  oceur  et  la  volonté,  sont  le»  plot  grands 
obstacles  et  les  principaux  empêchements  que  noua  aurons  à  b 
foi.  et  que.  pourvu  que  l'on  pût  lever  ces  obstades.  il  n'était 
pas  difficile  de  faire  recevoir  à  l'esprit  les  lumièrea  el  les  rai- 
sons qui  pouvaient  le  convaincre. 

On  sera  fadlemeni  persuadé  de  tout  œU  en  Usant  ces  écrits. 
Mais  Pascal  s'en  est  encore  expliqué  lui-même  dans  un  de  ses 
fragments  qui  a  été  trouvé  parmi  les  autres,  et  que  l'on  n'a 
point  mû  dans  ce  recueil.  Void  ce  qu'il  dit  dans  ce  fragment  : 
«  Je  n'entreprendrai  pas  id  de  prouver  par  des  raisons  natu- 
relles, ou  i'eiittenoe  de  Dieu,  ou  la  Trinité,  ou  l'immortalité 
de  l'âme,  ni  aucam  dea  choses  de  cette  nature;  non  seolemenl 
parce  que  je  ne  me  aentirais  pas  asset  fort  pour  trouver  dans 


PRÉFACE  DE  PORT-ROYAL.  cxcv 

la  nature  de  quoi  oon'vaincre  des  athées  endurcis,  mais  encore 
parce  que  cette  connaissance,  sans  Jésus-Christ,  est  inutile 
et  stérile.  Quand  un  homme  serait  persuadé  que  les  propor- 
tions <k's  nombres  sont  des  vérités  immatérielles,  éternelles, 
et  dé|j«^iidântes  d'une  première  vérité  en  qui  elles  subsistent 
t  qu'on  appelle  Dieu,  je  ne  le  trouverais  pas  beaucoup 
d^ancé  pour  son  salut.  » 

On  s'étonnera  peut-être  aussi  de  trouver  dans  ce  recueil 
-ilé  de  pensées,  dont  il  y  en  a  même  plu- 
assez  éloignées  du  sujet  que  Pascal  avait 
entrepris  de  traiter.   Mais  il  faut  considérer  que  son  dessein 
•^tait  bien  plus  ample  et  plus  étendu  qu'on  ne  se  l'imagine, 
l  qu'il  ne  se  bornait  pas  seulement  à  réfuter  les  raisonne- 
ments des  athées,  et  de  ceux  qui  combattent  quelques-unes 
de*  vérités  de  la  foi  chrétienne.   Le  grand  amour  et  l'estime 
lièrc  qu'il  avait  pour  la  religion   faisait  que  non  scule- 
..!.  il  ne  pouvait  souffrir  qu'on  la  voulût  détruire  et  anéantir 
>ut  à  fait,  mais  même  qu'on  la  blessât  et  qu'on  la  corrompit 
•  n  la  moindre  chose.  De  sorte  qu'il  voulait  déclarer  la  guerre 
.1   (oii«  rrux   qui  en  attaquent  ou   la  vérité  ou  la   sainteté: 
(  '  non  seulement  aux  athées,  aux  infidèles  et  aux 

II'         ^     ^.  qui  refusent  de  soumettre  les  fausses  lumières  de 
leur  raison  &  la  foi.  et  de  reconnaître  les  vérités  qu'elle  nous 
'    -'.-ne;  mais  même  aux  chrétiens  et  aux  catholiques,  qui. 
lians  le  corpsde  la  véritable  Eglise,  ne  vivent  pas  n^n- 
W-  des  maximes  de  l'Evangile,  qui  nous  y 
ne  le  modèle  sur  lequel  nous  devons  nous 
cl  conformer  toutes  nos  actions. 

!  t  (\nc\  était  son  dessein  :  et  ce  dessein  était  assez  vaste 

.  I  atid  pour  pouvoir  comprendre  la  plupart  des  choaw 

'lans  ce  recueil.  11  s'y  en   pourra  néan- 

jiievunc^  qui  n'y  ont  nul  rapport,  et  qui 

<i  riïet  n'y  étaient  |>a<«  destinées,   comme,  par  exemple,  la 

>lii|t.irtde  celles  qui  sont  dans  le  chapitre  des  Pensées  diverse$, 

•^'l'ii'llcs  on  a  aussi  trouvées  panni  les  papiers  de  Pascal,  et 

|ur  Ion  a  jugé  &  pro[K>s  de  joindre  aux  autres:  parce  que 

l'on  ne  donne  pas  ce  livre-ci  simplement  comme  un  ouvrage 

it  contre  les  athées  ou  sur  la  religion,   mais  comme   un 

I    ili-    P>-mteê    sur    la    religion   et    sur   quelques    autres 


aen  PRtrACK  DK  PORT-ROYAL. 

J«  panie  qu'il  ne  reste  pliii.  pour  «cfaeTer  O0II0  prélaor. 
que  à»  dira  quelque  cboM  d«  l'auteur  aprè*  airoir  parié  de 
aoD  oorrage.  Je  crou  que  noo  teulemeot  oeb  lera  aaaei  à 
propoa,  mab  que  ce  que  j'ai  dettetn  d'en  écrira  pourra 
mêoM  étra  trèa  utile  pour  faire  connaîtra  comment  Pascal 
ait  entré  dans  l'estime  et  dans  le»  sentiments  qu'il  avait  pour 
k  religion,  qui  lui  firent  concevoir  le  deacin  d'entreprendra 
cet  ouvrage. 

On  voit,   dans  la  préface  des  Traité*  de  réquilibra  dea 
liqueurs,  de  quelle  manière  il  a  passé  sa  jenneaae.  el  le  grand 
progrès  qu'il  y  fit  en  peu  de  temps  dans  toutes  Im  ioencg* 
humaines  et  profanes  auxquelles  il  voulut  s'appliquer,  et  par- 
ticulièrement en  la  géométrie  et  aux  mathématiques  :  la  ma- 
niera étrange  et  surprenante  dont  il  les  apprit  à  l'âge  de  onae 
ou  douae  ans:  les  petits  ouvrages  qu'il  faisait  quelqoelbia.  el 
qui  surpassaient  toujours  beaucoup  la  force  et  la  portée  d'une 
personne  de  son  Age;  l'eflbrt  étonnant  et  prodigieux  de  son 
imagination  et  de  son  esprit  qui  parut  dans  sa  machine  aritb» 
métique.  qu'il  inventa.  Agé  seulement  de  dix-neuf  à  vingt 
ans;  et  enfin  les  belles  expériences  du  vide  qu'il  fit  en  pré- 
sence dea  personnes   les  plus  considérables  de  la  ville  de 
Rouen,  où  il  demeon  pendant  quelque  temps,  pendant  q 
le  préaident  Pascal  son  père  j  était  employé  pour  le  ser^  • 
du  roi  dans  la  fonction  d'intendant  de  justice.  Ainsi  je  1 
r^iéterai  rien  ici  de  tout  cela,  et  je  me  contenterai  senlem* 
de  représenter  en  peu  de  mois  comment  il  a  méprisé  tout< 
ces  choses,  et  dans  quel  cspnt  il  a  passé  les  dernières  anné< 
de  sa  vie,  en  quoi  il  n'a  pas  moins  fait  paraître  la  grandi- 
et  la  solidité  de  sa  vertu  et  de  sa  piété,  qu'il  avait  mont 
auparavant  la  force,  Pélandae  et  le  pénétration  admirable 
aon  esprit. 

Il  avait  été  préservé  pendant  sa  jeunesse,  par  une  protedioi 
particulièra  de  Dieu,  des  vices  où  tombent  la  plupart  <) 
jeunes  gens:  et  ce  qui  est  asses  extraordinaire  k  un  espi 
aussi  curieux  que  le  sien,  il  ne  s'était  jamab  porté  au  lib< 
tinage  pour  ce  qui  regarde  la  rdigion.  ayant  toujours  pou 
sa  curiosité  aux  choaes  naturellea.   Et  il  a  dit  ploiiaiira  f« 
qu'il  joignait  cette  obligation  à  toutes  lea  autres  qu'il  .iv.iit  . 
son  père,  qui.  ayant  lui-même  un  très  grand  respect  pour  Ij 
religion,  le  lui  avait  inspiré  dès  Tenfanoe.  lui  donnant  poi. 


ur 


PREFACE  DE  PORT-ROYAL.  cxcm 

rii;i\iine.  que  tout  ce  qui  est  l'objet  de  la  foi  ne  saurait  l'être 
<]p  la  raison,  et  beaucoup  moins  y  être  soumis. 

('.os  instructions,  qui  lui  étaient  souvent  réitérées  par  un 
père  pour  qui  il  avait  une  très  grande  estime,  et  en  qui  il 
voyait  une  grande  science  accompagnée  d'un  raisonnement 
fort  et  puissant,  faisaient  tant  d'impression  sur  son  esprit, 
que.  quoique  discours  qu'il  entendit  faire  aux  libertins,  il 
r  rnent  ému;  et.  quoiqu'il  fût  fort  jeune,  il  les 

I  ne  des  gens  qui  étaient  dans  ce  faux  principe, 

(ue  la  raison  humaine  est  au-dessus  de  toutes  choses,  et  qui 
ne  connaissaient  pas  la  nature  de  la  foi. 

Mais  enfin,  après  avoir  ainsi  passé  sa  jeunesse  dans  des 
occupations  et  des  divertissements  qui  paraissaient  assez  inno- 
cents aux  yeux  du  monde.  Dieu  le  toucha  de  telle  sorte,  qu'il 
lui  fit  comprendre  parfaitement  que  la  religion  chrétienne 
nous  oblige  à  ne  vi\Te  que  pour  lui.  et  à  n'avoir  point  d'autre 
'bjet  que  lui.  Et  celte  vérité  lui  parut  si  évidente,  si  utile  et 
ire.  qu'elle  le  fit  résoudre  de  se  retirer,  et  de  se 
i'*<u  à  peu  de  tous  les  attachements  qu'il  avait  au 
monde  pour  pouvoir  s'y  appliquer  uniquement. 

Ce  désir  de  la  retraite,  et  de  mener  une  vie  plus  chrétienne 

t  plus  réglée,  lui  vint  lorsqu'il  était  encore  fort  jeune:  et  U 

lo  [Kirta  dès  lors  h  quitter  entièrement  l'étude  des  sciences 

prof.me*  pour  ne  s'appliquer  plus  qu'à  celles  qui  pouvaient 

à  son  salut  et  à  celui  des  autres.    Mais  de  conti- 

ijladies  qui  lui  survinrent  le  détournèrent  quelque 

!'>mp9  de  son  dessein,  et  l'empêchèrent  de  le  pouvoir  exécuter 

|ilus  tôt  qu'à  l'Âge  de  trente  ans. 

Ce  fut  alors  qu'il  commença  à  y  travailler  tout  de  bon  :  et. 
pour  y  parxonir  plus  facilement,  et  rompre  tout  d'un  coup 
toutes  M's  liahitudes.  il  changea  de  quartier,  et  ensuite  se 
retira  à  U  campagne*,  où  il  demeura  quelque  temps;  d'où, 
«'-tant  de  retour,  il  témoigna  si  bien  qu'il  voulait  quitter  le 
'I tonde,  qu'enfin  le  monde  le  quitta.  Il  établit  le  règlement 
'!'-  ^1  vie  dans  sa  retraite  sur  deux  maximes  principales,  qui 
^'■iit  (le  renoncera  tout  plaisir  et  à  toute  superfluité.  Il  les 


rm,  doal  oa  rMurque  la  ducrftion,  à  la  r«Crail«  à  Port- 
bamps. 


excTtn  PRfcPACR  DR  PORT-ROYAI. 

avait  Miu  «tir  devant  1m  veux,  ri  il  Urhait  dr  »  v  Rvancrr  ri 
de  t'y  perfectionner  toujour»  de  plu»  en  plut. 

C'est  l'appliration  continuelle  qu'il  avait  il  oea  deax  grandea 
maximes  qui   lui  faiMit  témoigner  une  m  grande  patience 
dans  lea  maux  et  dan*  aea  maladies,  qui  ne  l'ont  presque 
jamais  laissé  sans  douletir  pendant  toute  sa  vie  ;  qui  lui  fkiaait 
pratiquer  des  mortifirations  tr^  rudes  et  très  sévères  eBTer* 
Ini-mAme:  qui  faiMit  que  non  seulement  il  refoMÎt  à  aaaaens 
tout  ce  qui  pouvait  leur  être  agréable,  mab  encore  qu'il 
prenait  sans  peine,  mus  dégoût,  et  m^me  avec  joie,  lorsqu'il 
le  fallait,  tout  ce  qui  leur  pouvait  déplaire,  soit  pour  la  nour* 
riture.  soit  pour  les  remèdes:  qui  le  portait  k  se  retrancher 
tous  les  jours  de  plus  en  plus  tout  ce  qu'il  ne  jugeait  pas  lui 
être  absolument  n^essaire.  soit  pour  le  vêtement,  soit  pour 
la  nourriture,  pour  les  meubles,  et  pour  toutes  lea  auti 
choses;  qui  lui  donnait  un  amour  si  grand  et  si  ardent  pr». 
la    pauvreté,   qu'elle    lui    ^iait    toujours   présente,   et   q«i' 
lorsqu'il    voulait   entreprendre   quelque  chose,  la    première 
pensée  qui  lui  venait  en  l'esprit,  était  de  voir  si  la  pauvreté 
pouvait  être  pratiquée,  et  qui  lui  faisait  avoir  en  même  temps 
tant  de   tendresse  et  tant  d'aiïeclion  pour  les  pauvres,  qu'i* 
ne  leur  a  jamais  pu  refuser  l'aumAne.  et  qu'il  en  a  fait  mên 
fort  souvent  d'assez  considérables,  quoiqu'il  n'en  fit  que    ' 
son  nécessaire:   qui  faisait  qu'il    ne  pouvait    souffrir  qu'<  > 
cherchât  avec  soin  toutes  commodité»,  et  qu'il  blâmait  tant 
cette  recherche  curieuse  et  cette  fantaisie  de  vouloir  exoell«^r 
en  tout,  comme  de  se  servir  en  toutes  choae»  dea  meilleti' 
ouvriers,  d'avoir  toujours  du   meilleur  et  du   mieux  fait, 
mille  atitres  choses  semblables  qu'on  fait  Mns  scrupule.  p.tr 
qu'on  ne  croit  pas  qu'il  y  ait  de  mal.  mais  dont  il  ne  ' 
pas  de  même:  et  enfm  qui  lui  a  fait  faire  plusieurs  .1;;. 
très  remarquables  et  très  chrétiennes,  que  je  ne  rapporte  | 
ici.  de  peur  d'être  long,  «t  ' 

de  faire  une  Vie*,  mais  m 
de  la  piété  et  de  la   vertu  de  M.  1'  ux  qui  ne  1  « 


I.  filÏMM  Péffiar  pMua  à  h  Vis  éerît*  par  sa  aère,  à  I*^mII« 
aifinf  la  •■  d«  ■■  Pré/tt*.  H  doal  la  pradMM  polilH|a«  i 
Port-Rojral  retards  ionglMapt  la  paUiesiMMi. 


DISCOURS  SUR  LES  PENSÉES.  r.xax 

pas  connu  ;  car,  pour  ceux  qui  l'ont  vu  et  qui  l'ont  un  peu 
fréquente  pendant  les  dernières  années  de  sa  vie.  je  ne  pré- 
tends pas  leur  rien  apprendre  par  là  ;  et  je  crois  qu'ils  juge- 
ront, bien  au  contraire,  que  j'aurais  pu  dire  encore  beaucoup 
d'autres  choses  que  je  passe  sous  silence. 


DISCOl'RS  SUR  LES  PENSÉES  DE  M.  PASCAL 
OU  L'ON  ESSAIE  DE  FAIRE  VOIR  QUEL  ÉTAIT  SON  DESSEIN  • 

Avri'utiement.  —  Ce  discours  avait  ét^  i^it  pour  servir  de  préhce 
;iii  rt'ctuil  des  Pensées  de  M.  Pascal,  mais  parce  qu'il  fut  trouvé  trop 
étendu  pour  lui  donner  re  nom,  on  ne  voulut  point  s'en  servir  :  et  il 
était  même  bien  juste  qu'il  cédât  à  la  préface  qu'on  voit  au  commen- 
cement de  ce  recueil,  quand  ce  n'aurait  été  qu'afiu  de  ne  rien  mêler 
d'étranger  aux  Pensées  de  M.  Pascal  et  de  n'y  rien  joindre  qui  ne 
vint  de  la  même  famille  et  du  même  esprit.  Depuis,  comme  on  a  ju^é 
qne  ce  discours  pourrait  n'être  pas  tout  à  fait  inutile  pour  fîiire  voir 
k  peu  prés  quel  était  le  dessein  de  M.  Pascal,  on  a  voulu  le  rendre 
public  ;  parce  que  ce  dessein  était  si  grand  et  si  important  qu'on  a 
cru  qu'il  ne  fallait  rien  négliger,  pour  petit  qu'il  fût,  de  ce  qui  pou- 
vait y  avoir  quelque  rapport.  C'est  par  cette  même  raison  qu'à  ce 
discours  on  en  a  joint  un  autre  sur  les  preuves  des  livres  de  Moïse 
qui  n'avait  pas  été  fait  pour  voir  le  jour,  non  plus  que  le  traité  où 
l'on  fait  voir  qu'il  y  a  des  démonstrations  d'une  autre  espèce  et  aussi 
certainei  que  i-ellcs  de  la  géométrie  et  qu'on  en  peut  donner  de  telles 
pour  la  rriifpon  chrétienne.  Quelque  succès  qu'ils  aient  les  uns  et 
les  autres,  on  s'e^timeruit  trop  heureux,  s'il  plaisait  k  Dieu,  qui  fait 
servir  les  moindres  choses  h  ses  plus  grands  desseins,  qu'une  seule 
personne  dans  le  monde  en  profitai. 

Ce  qu'on  a  vu  jusqu'ici  de  M.  Pascal  a  donné  une  si  haute 
idée  de  la  grandeur  de  son  esprit  qu'il  ne  faut  pas  s'étonner 
que  ceux  qui  savaient  qu'il  avait  dessein  d'écrire  sur  la  vérité 
de  la  religion,  aient  eu  beaucoup  d'itnpatience  de  voir  ce 
qu'on  en  avait  trouvé  dans  8M  papiers  après  sa  mort.  Ses  amis, 
de  leur  côté,  n'en  avaient  pas  moins  de  le  publier  ;  et.  comme 


I.  Diamars  écrit  par  Filleau  de  la  Chaise  (vide  tupra,  p.  tut  et 
f.  CLixv);  il  parut  en  1673,  sons  le  nom  de  Dubois  de  la  Cour.  Voir 
Sainte-Beuve,  Port-ltornl,  .V  édit.,  I.  III.  p.  386. 


ce  DISCOURS  son  LES  PRNSftRS. 

ib  ttvaimt  encore  mieui  le  prix  de  ce  qui  leur  reclâit  de  lui. 
mut  ceux  qui  n'en  jugeaient  que  par  conjecture,  il  ne  faut  pai 
dooler  qu'iU  ne  se  soient  lenlia  preaiés  île  rendre  oe  dernier 
devoir  à  un  homme  dont  la  mémoire  leur  est  n  dière  et  de 
faire  part  au  monde  d'une  chose  qu'ib  croyaient  avec  raison 
lui  devoir  tire  si  utile. 

Car  quoique  M.  Pascal  n'eût  encore  rien  écrit  sur  ce  sujet 
que  quelques  pensées  détachées,  qui  auraient  pu  trouver  leur 
plaee  dans  l'ouvrage  qu'il  méditait,  mab  qui  n'en  auraient 
fait  qu'une  tria  petite  partie  et  qui  n'en  sauraient  donner 
qu'une  idée  fort  imparfaite,  on  peut  dire  néanmoins  qu'on 
n'a  encore  rien  vu  d'approchant  sur  cette  mattire.  Cependant 
on  ne  saurait  presque  prévoir  de  quelle  manière  les  précieux 
restes  de  ce  grand  dessein  seront  reçus  dans  le  monde.  Quan- 
tité de  gens  seront  sans  doute  choqués  d'y  trouver  si  peu  d'or- 
dre, de  œ  que  tout  j  est  imparfait  et  de  ce  qu'il  j  a  même 
quantitéde  pensées  sans  suite  ni  liaison  et  dont  on  ne  voit  point 
où  elles  tendent  :  mais  qu'ib  considèrent  que  ceque  M.  Pascal 
avait  entrepris,  n'étant  pasde  ces  choses  qu'on  peut  dire  ache- 
vées d^s  qu'on  en  a  conçu  le  dessein,  ou  de  ces  ouvrages  dans 
le  train  ordinaire  et  qui  sont  aussi  bons  d'une  façon  que  d'une 
autre,  il  y  avait  encore  bien  loin  du  projet  à  l'exécution.  Ce 
devait  être  un  composé  de  quantité  de  pièces  et  de  ressorts 
diiïérents.  il  y  fallait  désabuser  le  monde  d'une  infinité 
d'erreurs  et  lui  apprendre  autant  de  vérités:  enfin  il  y 
fallait  parler  de  tout  et  en  parler  raisonnablement  :  à  quoi  le 
chemin  n'est  guère  frayé.  Car  en  cflet  tout  conduit  k  la  reli- 
gion ou  tout  en  détourne  :  et  comme  c'est  le  plus  grand  des 
desseins  de  Dieu  ou  plutôt  le  centre  de  tous  ses  desaeina  et 
qu'il  n'a  rien  fait  que  pour  Jésus-Christ,  il  n'y  a  rien  dans 
le  monde  qui  n'ait  rapport  à  lui.  rien  dans  les  choses  rivantes 
ou  inaniinéea,  rien  dans  iesi  actions  ou  les  penaéee  des 
hommes,  qui  ne  soit  des  suites  du  péché  ou  des  e8eU  de  U 
grâce  et  dans  quoi  Dieu  n'ait  pour  but  de  dissiper  nos  tén^- 
bres.  ou  de  les  augmenter  lonmie  nous  les  aimons.  Ainsi  tout 
pouvait  entrer  dans  le  livre  de  M.  Peacal  ;  et  quelque  caprit 
qu'il  e6t.  il  aurait  pu  emplojer  m  vie  au  seul  amas  de  tant 
de  matières  et  laiseer  enoore  bien  des  choses  à  dire.  Faut-il 
donc  s'étonner  que  n'y  ayant  donné  que  les  quatre  ou  cinq 
dernières  annéea  de  sa  rie.  et  enoore  avec  beaucoup  d'inter- 


DISCOURS  SDR  LES  PENSÉES.  oa 

niption,  on  n'ait  trouvé  après  sa  mort  que  des  matériaux 
informes  et  en  petite  quantité? 

D'ailleurs,  comme  la  plupart  se  sont  voulu  figurer  par 
avance  ce  que  ce  pourrait  être  que  cet  ouvrage  et  que  chacun 
s'est  imaginé  que  M.  Pascal  aurait  dû  s'y  prendre  comme  il 
aurait  fait  lui-même,  il  est  certain  que  bien  des  gens  y  seront 
tromfK's. 

Ceux  qui  ne  trouvent  rien  d'assuré  que  les  preuves  de  géo- 
métrie en  veulent  de  l'existence  de  Dieu  et  de  l'immortalité 
de  l'âme  qui  les  conduisent  de  principe  en  principe  comme 
leurs  démonstrations.  D'autres  demandent  de  ces  raisons  com- 
munes qui  prouvent  peu  ou  qui  ne  prouvent  qu'à  ceux  qui 
sont  déjà  persuadés  ;  et  d'autres  des  raisons  métaphysiques, 
qui  ne  sont  souvent  que  des  subtilités  peu  capables  de  faire  im- 
pression sur  l'esprit  et  dont  il  se  défie  toujours.  Enfin  il  y  en  a 
qui  n'ont  de  goût  que  pour  ce  qu'on  appelle  lieux  communs  et 
pour  je  ne  sais  quelle  éloquence  de  mots,  dénuée  de  vérité, 
qui  ne  fait  qu'éblouir  et  ne  va  jamais  jusqu'au  cœur. 

Il  est  certain  que  ni  les  uns  ni  les  autres  ne  trouveront  pas 
ce  qu'ils  demandent  dans  ces  fragments  :  mais  il  est  vrai  aussi 
qu'ils  l'y  trouveraient  s'ils  n'étaient  abusés  par  de  fausses  idées 
de  ce  qu'ils  cherchent.  Tout  y  est  plein  de  traits  d'tme  élo- 
quence inimitable  et  de  cette  éloquence  qui  vient  d'un  senti- 
ment vif  des  choses  et  d'une  profonde  intelligence  et  qui  ne 
manque  jamais  de  remuer  et  de  produire  quelque  effet.  Il  y 
a  des  preuves  métaphysiques  aussi  convaincantes  qu'on  en 
peut  donner  en  cette  matière  ;  des  démonstrations  même  pour 
ceux  qui  s'y  connaissent,  fondées  sur  des  principes  aussi  incon- 
testables que  rem  des  géomètres. 

Mais  le  malheur  est  que  ces  principes  appartiennent  plus 
au  cœur  qu'à  l'esprit  et  que  les  hommes  sont  si  peu  accou- 
tumés à  étudier  leur  CŒur  qu'il  n'y  a  rien  qui  leur  soit  plus 
inconnu.  Ce  n'ont  i  i.imais  là  quese  portent  leurs  médi- 

tations: et  quoiqii  II  iit  tonte  leur  vieeten  toutes  choses, 

que  suivre  les  mouvements  de  leur  ccrur,  ce  n'est  que  comme 
des  aveugles  qui  se  laissent  mener  sans  savoir  comment  leurs 
guides  sont  faits  et  sans  rien  connaître  de  ce  qui  se  trouve 

Idans  leur  chemin.  Il  n'y  a  donc  pas  lieu  de  s'étonner  qu'ils 
•oient  insensibles  aux  lumières  que  Dieu  y  a  mises,  s'ils  ne 
tournent  jamais  les  yeux  de  œ  o6lé-U  et  qu'ils  ne  cessent 
I 


i 


on  DISCOnRft  HrR  Lr.%  PKNSÈBS. 

même  de  te  remplir  de  cfamet  qui  leur  en  ôlent  k  vue  :  el 
s'ib  l'en  trouve  quelquet-ons  qui  t'appliquenl  k  l'élode  du 
OEBur  humain.  peuvent-IU  te  vanter  d'aller  juaqu'au  fond  el 
de  percer  cet  abîme  de  préjugea,  de  faux  aentimenbelde  pee* 
aiona,  oà  oeite  lumière  eat  preaque  élouflifte  } 

La  v^rit^  cul  qu'il  ne  faut  pas  tant  penaer  à  prouver  Dieu 
qu'à  le  faire  wntir  rt  que  ce  dernier  même  est  le  plue  utile 
et  tout  ensemble  le  plu»  aisé  :  et  pour  le  lentir.  il  faut  le  cher- 
cher dans  les  sentiments  qui  subsistent  encore  en  nous  et  qui 
nous  restent  de  la  grandeur  de  notre  première  nature.  Car 
enfin  si  Dieti  a  laiss<^  de  sea  marques  dans  tout  ses  ouvrages. 
comme  on  n'en  peut  pas  douter,  nous  les  trouverons  bien 
plutAt  en  nous-mêmes  que  dans  les  cboaes  eitérieures  qui  ne 
nous  parlent  |>oint  el  dont  nous  n'apercevons  qu'une  Mgère 
superficie,  exclus  pour  jamais  d'en  connaître  le  food  et  la 
nature  :  et  s'il  est  inconcevable  qu'il  n'ait  pa^  (H^vé  dans  ses 
créatures  ce  qu'elles  lui  doivent  pour  l'être  qu'il  leur  a  donné, 
ce  sera  bien  plutôt  dans  son  propre  cœur  que  l'homme  pourra 
trouver  cette  importante  leçon  que  dans  les  choses  inanimées, 
qui  accomplissent  la  volonté  de  Dieu  sans  le  savoir  el  pour 
qui  l'être  ne  dilTÎTe  point  du  néant. 

Tant  s'en  faut  donc  qu'il  faille  s'étonner  qu'on  puiase  trou- 
ver Dieu  par  cette  voie  qu'une  des  choses  du  monde  la  plus 
étonnante,  c'est  que  nous  ne  l'y  trouvions  pas  :  et  il  n'y  avait 
qu'un  renversement  pareil  h  celui  que  le  péché  a  fait 
dan5  l'homme,  qui  lui  put  6ter  le  sentiment  de  celle  présence 
(le  Dieu,  que  son  immennté  rend  perpétuelle  partout.  Qu'il 
se  console  pourtant  :  ce  sceau  de  Dieu  dans  sea  ouvrages  est 
éternel  et  ineiïaçable.  et  le  sentiment  n'en  saurait  Aire  éteint, 
que  la  faculté  de  connaître  et  de  sentir  n'y  soit  détruite.  Elle 
ôt  faible,  h  la  vérité,  et  languissante  ;  mais  de  cela  même 
qu'elle  connaît  sa  langueur,  elle  subsiste  et  elle  peut  être  ré- 
tablie. Elle  le  sera  mène  IM  ou  tard  si  elle  la  reconnaît  an- 
oèrement  et  qu'elle  en  gémisse;  el  die  fera  trouver  k  l'homme, 
dans  son  propre  coeur,  ces  traces  de  Dieu,  qu'il  chercherait  en 
vain  dans  les  ouvragée  morts  de  la  nature,  puiaqu'ib  ne  lui 
apprendraient  jamais  ni  quel  est  œ  Dieu  ni  œ  qu'il  demande 
dfijjjj. 

/    Voilà  proprement  qnd  était  le  deaaein  de  M.  Pascal  :  il 
I  voulait  rappeler  les  hoawies  à  leur  osnir  et  leur  (aire  comme»- 


DfSCOCRS  SUR  LES  PENSÉES.  caa 

cer  par  v  bien  connaltr*»  eux-m^me<«.  Toute  autre  voie,  quoi- 
que bonne  en  soi,  ne  convenait  point,  selon  lui,  à  la  ma- 
nière dont  ils  sont  faits  ;  au  lieu  que  celle-ci  lui  paraissait 
conforme  à  l'étatdelcurcœuretdc  leur  esprit,  et  d'autant  plus 
propre  à  les  rendre  capables  de  connaître  Dieu  et  d'y  croire 
qu'elle  les  porte  à  souhaiter  qu'il  soit  et  à  faire  consister  tout 
leur  bien  et  toute  leur  consolation  à  n'en  pouvoir  douter? — >/ 

C'est  ce  qui  parait  par  tout  ce  qu'on  voit  dans  ces  fragments 
et  par  diverses  choses  qu'on  en  a  retranchées,  comme  trop 
i m [VI r faites  et  qui  ne  marquaient  que  l'ordre  qu'il  se  propo- 
sait de  garder.  Mais,  outre  cela,  on  le  fait  encore  par  un  dis- 
cours qu'il  fit  un  jour  en  présence  de  quelques-uns  de  ses 
amis  et  qui  fut  comme  le  plan  de  l'ouvrage  qu'il  méditait.  II 
parla  pour  le  moins  deux  heures  ;  et  quoique  ceux  qui  s'y 
trouvèrent  fussent  des  gens  d'un  esprit  à  admirer  peu  de 
choses,  comme  on  en  conviendrait  aisément  si  je  les  nommais, 
ils  rPCOfinais>rnt  encore  présentement  qu'ils  en  furent  trans- 
portés :  que  cette  ébauche,  toute  légère  qu'elle  était,  leur 
donna  l'idée  du  plus  grand  ouvrage  dont  un  homme  puisse 
être  captable  :  et  que  l'éloquence,  la  profondeur,  l'intelligence 
de  ce  qu'il  y  a  de  plus  caché  dans  l'Ecriture,  la  découverte  de 
quantité  de  choses  qui  avaient  jusqu'ici  échappé  k  tout  le 
monde,  et  tout  ce  qu'ils  virent  de  l'esprit  de  M.  Pascal,  dans 
ce  peu  de  temp,  ne  leur  permit  pas  de  douter  qu'il  ne  fût 
propre  à  exécuter  un  si  grand  dessein  et  leur  persuada  de  plus 
que,  s'il  ne  l'achevait,  il  demeurerait  longtemps  imparfait. 

Soit  qu'à  ce  qu'il  y  avait  d'effectif  et  de  sa  part  et  de  la  leur, 
il  s'v  joipnlt  encore  quelque  chose  de  cette  union  d'esprit  et 
de  sentiments  qui  échauffe  et  donne  de  nouvelles  forces,  ou 
que  ce  fût  un  de  ces  moments  heureux  où  les  plus  habiles  se 
surpassent  eux-mêmes  et  où  les  impressions  se  font  si  vives  et 
si  profondes  :  tout  ce  que  dit  alors  M.  Pascal  leur  est  encore 
présent  et  c'est  d'un  d'eux  que  plus  de  huit  ans  après  on  a 
appris  ce  qu'on  en  va  dire. 

Après  donc  qu'il  leur  eut  exposé  ce  qu'il  pensait  des  preuves 
dont  on  se  sert  d'ordinaire,  et  fait  voir  combien  celles  qu'on 
tire  des  oiivra^ros  de  Dieu  sont  peu  proportionnées  à  l'état 
naturel  du  cmir  liuinain.  et  combien  les  hommes  ont  la  tète 
peu  propre  aux  rai'<4)nnemenis  métaphysiques,  il  montra 
clairement  qu'il  n'y  a  que  les  preuves  morales  et  historiques. 


COT  DISCOURS  SDR  LES  Pt:>^i  >  ^ 

d  de  certains  tantiuMeto  qai  vitoiMnt  de  ia  n«tiirr  rt  dr 
r«Bpéri«ooe  qui  «Mnl  de  leor  portée:  et  il  fit  voir  que  ce 
n'ert  que  »ur  des  preuves  de  cette  sorte  que  sont  fondiéw  las 
dioses  qxii  sont  reoonnties  dans  le  monde  pour  les  phis 
certaines.  Et  en  effet,  qu'il  j  ait  une  ville  qu'on  appelle 
Rome,  que  Mahomet  ait  M.  que  l'embrasenient  de  Londres 
soit  véritable,  on  aurait  de  la  peine  à  le  démontrer  :  cepen- 
dant ce  serait  être  fou  d'en  douter  et  de  ne  pas  exposer  sa  vie 
là-dessus,  pour  peu  qu'il  y  eût  à  gagner.  Les  toies  par  oà 
nous  acquérons  ces  sortes  de  certitudes,  pour  n'être  pas 
gfométriques.  n'en  sont  pat  moins  infaillibles,  et  ne  nous 
doivent  pas  moins  porter  k  agir  :  et  ce  n'est  même  que  là- 
dessua  que  nous  agissons  presque  en  toutes  choses. 

M.  Pascal  entreprit  donc  de  faire  voir  que  b  religion 
chrétienne  était  en  aussi  forts  termes  que  ce  qu'on  reçoit  de 
plus  indubitablement  entre  les  hommes  ;  et  suivant  son 
dessein  de  leur  apprendre  à  se  conn*»»»*,  fT'cp'*''**'»T*  r*** 
une  peinture  de  l'homme,  qui,  pour  n'être  qu'un  fVn^ 
nr  Tnmait  pas  de  contenir  tout  ce  qu'on  a  jamais  dit  da 

'  sur  ce  sujet,  et  ce  qu'il  en  avait  peméjoj 
.,...  „V„kH  bien  au  delàc-ianuus  ceuaqui  ont  le  plus 
l'homme  n'ont  poi^«»  l^iff  •*»"  '"»**dll1Wi  ^  corrnptiofT 
ses  ténfebrw  ;  et  jamais  ss  grandeur  et  ses  avaijUaBS-n'ont  été 
portés  si  "Haut  par  ceui  qui  l'ont  le  plus  relevé.  Tout  ce  qu'on 
voit  dans  ces  fragments  touchant  I'  ill  iM«ni»  de  l'imagi- 
nation, la  vanité,  l'envie,  l'orgn"-'  i  propre,  l'égare- 
ment des  païens,  l'aveuglement  de  l'autre  côté, 
ce  qu'on  y  trouve  de  la  pensée  '  ic.  de  la  lecherche 
du  vrai  bien,  du  sentiment  d'               rc.  de  l'amour  da  la 

«TBpM  Inomme,  et  l'aurait  bie-n  miam  fait encory,  s'il  avait 
plu  à  Dieu  qu  II  y  mit  U  f«*mff*rt  P*'"  ~^ 

Que  diacun  s'examine  sérianseaiant  sur  ce  qu'il  trouvera 
dans  ce  recueil,  et  qu'on  se  mette  à  la  place  d'un  honme 
que  M.  Pascal  supposait  avoir  fait  du  sens,  et  qu'il  se  propo- 
sait en  idée  de  pousser  à  bout,  et  d'atterrer,  pour  le  mener 
ensuite  pied  à  pied  à  la  connaissance  de  la  vérité  :  on  verra 
aana  doute  qu'il  n'est  pu  possiUe  qu'il  ne  vienne  eoauite  à 
s'aflkajar  de  ce  qu'il  découvrira  en  lui.  et  à  sa  raguder 
conoM  un  awamhlsga  oMosInieux  de  parties  inoompatiblas . 


DISCOURS  SDR  LES  PENSÉES.  ocr 

que  cet  amour  pour  la  vérité,  qui  ne  peut  s'effacer  de  son 
cœur,  joint  à  une  si  grande  incapacité  de  la  bien  connaître, 
ne  le  surprenne:  que  cet  orgueil  né  avec  lui  et  qui  trouve 
à  se  nourrir  dans  le  fond  même  de  la  misère  et  de  la  bassesse 
nelVi^nnc;  que  ce  sentiment  sourd,  au  milieu  des  plus 
n».  qu'il  lui  manque  quelque  chose,  quoiqu'il  ne 
|i;  yie  rien  de  ce  qu'il  connaît,  ne  l'attriste  :  et  qu'enGn 

ces  mouvements  involontaires  du  cœur  qu'il  condamne,  et 
qu'il  a  la  peine  de  combattre  lors  même  qu'il  se  croit  sans 
défauts,  et  ceux  qui  lui  causent  toujours  quelque  trouble, 
s'il  veut  bien  s'observer,  quelque  abandonné  qu'il  soit  au 
crime,  ne  le  démontent,  et  ne  lui  fassent  douter  qu'une 
nature  si  pleine  de  contrariétés,  et  double  et  unique  tout 
ensemble,  comme  il  sent  la  sienne,  puisse  être  une  simple 
production  du  hasard,  ou  être  sortie  telle  des  mains  de  son 
auteur. 

Quoiqu'un  homme  en  cet  état  soit  encore  bien  loin  de 
connaître  Dieu,  il  est  au  moins  certain  que  rien  n'est  plus 
propre  à  lui  persuader  qu'il  peut  y  avoir  autre  chose  que  ce 
qu'il  connaît  et  que  cette  chose  inconnue  peut  lui  être  d'assez 
grande  conséquence  pour  chercher  s'il  n'y  a  rien  qui  puisse 
l'en  instruire  :  et  même  on  ne  saurait  nier  que  ceux  qu'on 
aurait  mis  dans  cette  disposition  ne  fussent  tout  autrement 
capbics  d'être  touchés  des  autres  preuves  de  Dieu,  et  qu'ils 
ne  reçussent  avec  d'autant  plus  de  joie  l'éclaircissement  de 
leurs  doutofl.  qu'on  leur  apprendrait  en  même  temps  le 
rcm<*<lo  à  rct  a bime  de  misères  dont  les  hommes  sont  entourés, 
et  di\r  'li-s  il  est  inconcevable  comment  ceux  qui  n'en 

espèn    ■  -^       I  |M;uvent  avoir  le  moindre  repos. 

C'est  à  cet  étrange  repos  que  M.  Pascal  en  voulait  princi- 
palemeot,  et  on  le  trouvera  poussé  dans  ses  écrits  avec  tant 
de  force  et  d'éloquence,  qu'il  est  mal  aisé  d'j  donner  quelque 
attention  sans  en  être  ému;  et  que  ces  gens  qui  ont  pris  leur 
parti,  et  qui  savent,  disent-ils.  k  quoi  ils  doivent  s'en  tenir, 
auront  peut-être  de  la  peine  à  s'empêcher  d'être  ébranlés. 
Aussi  ne  croyait-il  pas  qu'il  pût  subsister  avec  la  moindre 
étincelle  de  bon  sens  :  et  après  avoir  supposé  qu'un  homme 
raisonnable  n'y  pouvait  demeurer,  non  plus  que  dans  l'igno- 
rance de  son  véritable  état  présent  et  à  venir,  il  lui  fit  cher- 
cfatr  tout  ce  qui   lui  pouvait  donner  quelque  lumière,  et 


ccvi  DISCOURS  SUR  LES  PENSÉES. 

examinn   prvinièrenMnl  oe  qu'en    avaient   dit  eetu  t|«j  un 
appelle  philoaopbet. 

Mais  il  n'eut  guàra  de  peine  à  montrer  qu'il  (allait  Ali«  peu 
difficile  pour  t'en  ooatenter.  qu'ils  n'avaient  fait  autre  caoee 
que  M  contredira  lea  una  les  autres  et  se  contredire  eux- 
mêmes,  qu'ils  avaient  trouvé  tant  de  sortes  de  vrais  biens 
qu'il  était  impossible  qu'aucun  d'eux  eût  rencontré,  puisque 
ap|)areniiiu'nt  il  doit  être  de  telle  nature,  ({u'on  ne  puiaae  ê'j 
méprendrt*.  el  (jue  les  faux  biens  ne  sauraiml  lui  rnMfimhlflr 
Que  si  quelquvs-uns  d'eux  avaient  connu  que  les  hommes 
naissent  uicchanLv.  aucun  ne  s'était  avisé  d'en  dire  la  raison, 
ni  même  de  la  chercher,  quoiqu'il  n'y  eût  rien  dans  le  monde 
de  si  digne  de  leur  curiosité:  que  les  uns  avaient  fait  l'homme 
tout  grand,  malgré  ce  qu'il  sent  en  lui  de  baaaeaae;  el  lea 
autres  tout  inrprlMble,  malgré  l'instinct  qui  l'élève;  les  un» 
maître  de  la  félicité,  les  autres  misérable  sans  ressource  ;  les 
uns  ca|)able  de  tout,  les  autres  de  rien:  enGn,  qu'il  n'y  avait 
point  de  secte  qui  en  parlât  si  raisonnablement  que  chacun 
ne  sentit  en  soi  de  quoi  la  démentir. 

Cet  homme  ne  pouvant  donc  se  satisfaire  de  cela  ni  aban- 
donner aussi  une  recherche  si  importante,  et  jugeant  bien  que 
oe  n'était  pas  de  gens  faits  comme  lui.  et  aveugles  comme  lui. 
qu'il  devait  attendre  quelque  éclairciMement;  M.  Pascal  lui 
fit  venir  à  l'esprit,  que  {x;ut-^trc  lui  et  ses  semblables 
avaient-ils  un  auteur  qui  aurait  pu  se  connuuniquer  k  eux. 
et  leur  donner  des  marques  de  leur  origine  et  du  dessein 
qu'il  aurait  eu  en  leur  donnant  l'être.  Et  U-dessus  parcou- 
rant tout  l'univers  et  tous  les  &ges.  il  rencontre  une  inGnit<- 
de  religions,  mais  dont  aucune  n'est  capable  de  le  toucher. 
Gomme  il  a  du  sens,  il  conçoit  quelque  chose  de  ce  qui  doit 
convenir  à  l'être  souverain  s'il  y  en  a  un.  et  de  ce  qu'il  doit 
avoir  appris  aux  hommes,  au  cas  qu'il  se  soit  fait  connaître  i 
eux.  comme  il  a  dû  faire  s'il  y  a  une  religion  véritable. 

Mais,  au  lieu  de  cela,  que  trouve-t-iljiaQUxitAjacllSiclM? 
Des  reli  'MTTH'rjrrtiT  i.Mni  Jg"]'^ 

linissen'  :   !    i  i  plusirtir^ 

qui  ""' 
"qiii 
Iftu  août  sans  autorité,  aaus  preuve. 


I 


DISCOURS  SUR  LES  PENSÉES.  cou 

qui  n'ont  qu'un  culte  grossier  et  charnel,  où  tout  est  exté- 
rieur, tout  sentant  l'homme,  tout  indigne  de  Dieu,  et  qui,  le 
iaio«.'uit  dans  la  même  ignorance  de  la  nature  de  Dieu  et  de 
la  >itiitie.  ne  font  que  lui  apprendre  de  plus  en  plus  jusqu'où 
peut  aller  l'extravagance  des  hommes.  Enfin.  plut()t  que  d'en 
choisir  aucune,  et  d'y  établir  son  repos,  il  prendrait  le  parti 
de  se  donner  lui-même  la  mort,  pour  sortir  tout  d'un  coup 
d'un  état  si  misérable  :  lorsque,  près  de  tomber  dans  le 
désespoir,  il  découvre  un  certain  peuple,  qui  d'abord  attire 
son  attention  par  quantité  de  circonstances  merveilleuses  et 
uniques. 

C'est  ce  peuple  juif  dont  M.  Pascal  fait  remarquer  tant  de 
choses  (qu'on  trouvera  pour  la  plupart  dans  le  Recueil  de  ses 
Pensées)  qu'il  faut  n'avoir  guère  de  curiosité  pour  ne  pas  les 
approfundir.  Ce  sont  des  gens  tout  sortis  d'un  même  homme,") 
et  qui  ayant  toujours  eu  un  soin  extraordinaire  de  ne  point  ' 
s'allier  avec  les  autres  Nations  et  de  conserver  leurs  généalo- 
gies, peuvent  donner  au  monde,  pluti^t  qu'aucun  autre  peuple, 
une  histoire  digne  de  créance,  puisque  enfin  ce  n'est  propre- 
ment que  l'histoire  d'une  seule  famille,  qui  ne  peut  être 
sujette  à  confusion  ;  mais  pourtant  d'une  famille  si  nombreuse, 
que  s'il  s'était  mêlé  de  l'imposture,  il  serait  impossible, 
comme  les  hommes  sont  faits,  que  quelqu'un  d'eux  ne  l'eût 
découverte  et  publiée:  outre  que  cette  histoire  étant  la  plus 
anricnne  de  toutes,  elle  n'a  pu  rien  emprunter  des  autres. 
cl  qiu'  par  cela  seul  elle  mérite  une  vénération  particulière. 

(^ar.  quoi  qu'on  puisse  conter  touchant  les  histoires  de  la 
Chine  et  quelques  autres,  le  moindre  discernement  suOit  pour 
voir  que  ce  ne  sont  que  des  fables  ridicules,  et  que  celle-ci 
peut  être  véritable.  Plus  on  examine  celles-là.  plus  on  en  sent 
la  fauj^seté:  au  lieu  qu'à  mesure  qu'on  approfondit  celle-ci. 
clic  m;  corilirme  eUe-mème  el  elle  devient  incontestable.  Et 
enfin.  (|uand  il  sen  question  de  choisir  entre  des  hommes 
tombés  du  soleil  ou  sortis  d'une  montagne,  et  des  hommes 
créés  par  un  Dieu  tout-puissant,  il  faut  se  connaître  bien  peu 
à  rc  qui  a  l'air  de  vérité,  pour  balancer  un  moment. 

Cet  homme  donc,  ravi  de  cette  découverte,  et  résolu  de  la 
pousser  a)mme  sa  dernière  ressource,  trouve  d'abord  que  ce 
peuple*  si  considérable  se  gouverne  par  un  livre  unique,  qui 
comprend  tout  ensemble  son  histoire,  ses  lois  et  sa  religion  ; 


eomi  DISCO0B8  80»  LIS  PENStlS. 

et  tout  oeU  taUement  joint  et  tntéptrable  que  ion  •ttimtton 
en  redoaUe.  el  qu'il  croit  en  pouvoir  oondure  que  «'il  j  • 
quelque  cbote  de  vrai,  il  faut  que  tout  le  reste  le  toit. 

Mais,  ce  qui  est  étonnant,  il  n'a  pas  ouvert  ce  livre 
qu'avec  l'histoire  de  ce  peuple  il  j  trouve  aussi  celle  de  b 
naissance  du  monde  :  que  le  del  et  la  terre  aont  l'ouvrait 
d'un  Dieu  :  que  l'homme  a  été  créé,  et  que  son  auteur  s'eét 
fait  connaître  à  lui  :  qu'il  lui  a  soumis  toutes  les  autres  créa- 
tures :  qu'il  l'a  fait  k  son  image,  et  par  conséquent  doué  d'in- 
Idligeoce  et  de  lumière,  et  capable  de  bien  et  de  vérité  :  libre 
dans  ses  jugements  et  dans  sea  actions,  et  dans  une  parfaite 
conformité  des  mouvements  de  aon  cœur  k  la  justice  et  à  la 
droite  raison.  Car  enfin,  c'est  ce  qu'emporte  cette  ressem- 
blance avec  Dieu,  k  qui  l'homme  ne  peut  ressembler  par  le 
corps  ;  et  ce  souffle  de  vie  dont  Dieu  l'anima,  qui  ne  peut 
être  autre  chose  qu'un  rayon  de  cette  vie  tout  intelligente  et 
toute  pure  qui  fait  son  essence. 

VoiU,  à  dire  vrai,  bien  des  doutes  levés,  et  par  on  moyen 
bien  facile.  L'éternité  du  monde  où  l'on  se  perd,  et  cette  ren- 
contre fortuite  de  quelques  atomes  ne  sont  assurément  pas  si 
aisés  il  concevoir  ;  el  lorsqu'il  s'agit  d'expliquer  cet  ordre 
admirable  de  l'univers,  la  génération  des  plantes  et  des  ani- 
maux, l'artifice  du  corp»  humain,  et  ce  qu'on  entend  surtout 
par  les  noms  d'&me  et  de  pensée,  qu'il  s'en  faut  que  cette 
éternité  et  ces  atomes  ne  paraissent  aussi  bien  imaginés,  ri 
que  l'esprit  n'ait  autant  d'envie  de  s'y  rendre  I 

Î'^  Que  cet  homme  s'estimerait  donc  heureux,  s'il  pouvait 
trouver  que  ce  fut  \k  une  vérité!  Dans  l'espérance  qu'il  con- 
çoit de  ce  commencement  de  lumière,  il  n'est  rien  qu'il  ne 
donnAt  pour  cela.  Mais  comme  il  ne  voudrait  point  d'un 
repos  où  il  lui  restât  quelque  doute,  et  qu'il  craint  autant  de 
m  tromper  que  de  demeurer  dans  l'incertilude  où  il  est.  il 
veut  voir  le  fond  de  la  chose  et  l'examiner  avec  la  dernière 
exactitude. 
^^  Il  remarque  premièrement,  comme  une  circonstance  qu'on 
ne  saurait  trop  admirer,  que  celui  qui  a  écrit  cela  ait  com 
pris  tant  de  choses,  et  des  choses  si  considérables  dans  un 
seul  chapitre,  et  encore  bien  court.  Et  au  lieu  que  loua  les 
bomnMs  sont  naturelleroent  portés  k  agrandir  les  moindres 
dwscs.  et  que  tout  autre  peutrètre  aurait  cru  déahooorer  un 


DISCOURS  SUR  LES  PENSÉES.  cox 

si  grand  sujet,  en  le  touchant  si  l^èrement.  il  admire  que 
celui-ci  en  ait  pu  parler  d'une  manière  si  simple  :  et  qu'étant, 
ou  voulant  qu'on  le  crût,  choisi  pour  l'annoncer  aux  hommes, 
il  ait  si  peu  songé  à  se  faire  valoir,  à  prévenir  l'esprit  de  ses 
lecteurs,  à  donner  du  lustre  à  ce  qu'il  disait,  ou  à  le  prouver. 
Un  caractère  si  rare,  ou  plutôt  si  unique,  mérite  sans  doute 
quelque  respect  ;  et  il  y  a  grande  apparence  que  quiconque 
a  pu  traiter  ainsi  des  choses  de  cette  nature,  a  bien  senti  que 
tout  leur  prix  consistait  dans  leur  vérité,  sans  qu'elles  eussent 
aucun  besoin  d'ornements  étrangers,  et  qu'il  était  même  per- 
suadé qu'elles  étaient,   ou  bien  connues,  ou   bien  aisées  à 

ii-i  cependant  il  se  présente  d'abord  une  difTiculté  qui 
parait  insurmontable  ;  et  au  même  temps  qu'on  voit  claire- 
ment que  si  c'est  un  Dieu  qui  a  créé  les  hommes,  et  qu'il 
ait  lui-même  rendu  témoignage  de  la  bonté  de  ses  ouvrages, 
il  faut  que  l'homme  ait  été  créé  dans  l'état  que  j'ai  dit  :  on 
s'en  sent  si  éloigné  que  l'on  ne  sait  plus  où  l'on  en  est. 
Bien  loin  qu'on  puisse  se  prendre  pour  une  image  de  Dieu, 
on  ne  trouve  pas  en  soi  le  moindre  trait  de  ce  qu'on  se  figure 
en  lui,  et  plus  on  se  connaît,  moins  se  trouve-t-on  disposé  à 
révérer  un  Dieu  h  qui  on  ressemblerait. 

Il  est  sans  doute  qu'on  serait  ytexi  éclairci,  si  on  en  demeu- 
rait là.  liais  ce  serait  être  bien  négligent  et  bien  coupable 
que  de  ne  pousser  pas  plus  avant  une  recherche  si  impor- 
tante. Car  cette  ouverture  qu'un  Dieu  nous  ait  faits,  a  de  si 
grandes  suites,  qu'il  n'y  a  que  la  crainte  de  trouver  plus 
qu'on  ne  voudrait,  qui  puisse  empêcher  de  l'approfondir.  Cet 
homme  que  M.  Pascal  supposait  inca(>ablc  de  cette  horrible 
crainti>  d'apprendre  son  devoir,  et  qui  connaissait  trop  son 
incapacité,  pour  qu'il  pût  décider  de  lui-même  une  chose  si 
importante,  ne  s'en  tint  donc  pas  li.  et  n'attendit  guère  à  en 
trouver  l'éclaircissement. 

(Inr  ce  qu'il  voit   incontinent  après,   c'est  que  oc  même 

hottiitie.  que  nous  avons  p»«int  si  éclairé,  si  maître  de  lui,  eut 

•■  connu  son  auteur,  qu'il  l'ofTensa  :  que  le  premier 

:;  -^p:  qu'il  Ht  de  ce  présent  si  précieux  de  la   liberté,  ce  fut 

de  s'en  servir  à  violer  le  premier  commandement  qu'il  en 

it  reçu  :  et  qu'oubliant  tout  d'un  coup  ce  qu'on  peut 
que  devait  k  Dieu  une  créature  qui  venait  d'être  tirée 

'  misa»  es  rAsciL.  i  —  14 


on  DISCOURS  SUR  LES  PENSÉES. 

do  aéÊOl  pour  pottédcr  l'univert  et  pour  en  connaître  l'au- 
teur, il  aspira  à  lortir  de  m  d^Modenoe.  à  acquérir  per  loi- 
mène  les  conneiaMOces  qu'il  avait  plu  k  Dieu  de  lui  cacher, 
et  en  un  moi  k  devenir  ion  égal. 

Il  n'cat  pas  besoin  d'eugération  pour  persuader,  m  <ii- 
beaucoup  de  lumière  pour  comprendre  que  c'a  été  le  plu» 
grand  de  tout  li*»  crimes,  en  toutes  tes  circonstances.  Aussi 
fut-il  puni  comme  il  le  iiiôritail  :  cl  outre  la  mort  dont  Adam 
avait  ét^  menacé,  il  tomba  encore  dans  un  état  déplorable, 
qui  ne  pouvait  être  mieux  marqué  que  par  cette  raillerie  ai 
aroire.  qu'il  eut  la  douleur  d'entendre  de  la  propre  boocfae 
de  Dieu  :  cnr  au  lieu  de  demeurer  une  image  dr  la  sainteté  et 
de  la  justice  de  son  auteur,  couune  il  le  pouvait,  et  de  lui 
devenir  égal,  comme  il  l'avait  prétendu,  il  perdit  en  ce 
moment  tous  les  avantages  dont  il  n'avait  pas  voulu  bien 
user  ;  Bon  esprit  »e  remplit  de  nuages  :  Dieu  se  cadia  pour 
lui  dans  une  nuit  impénétrable  ;  il  devint  le  jouet  de  la  con- 
cupiscence et  l'esclave  du  péché  ;  de  tout  ce  qu'il  avait  de 
lumière  et  de  connaissance,  il  n'en  conserva  qu'un  déair 
impuissant  de  connaître,  qui  ne  servit  plus  qu'à  le  tour- 
menter ;  il  ne  lui  resta  d'usage  de  sa  liberté  que  pour  le  pédtr. 
et  il  s*>    î  pour  le   bien.  Enfin  il  devint  ce 

mQii»ti<  .  qu'on  api^elle  l'homme:  et  com- 

muniquant dv  |>ius  sa  corruption  k  tout  ce  qui  sortit  de  lui. 
il  peupla  l'univers  de  misérables.  d'aveugl(*s  et  df  rriminrls 
comme  lui. 

C'«*»t  ce  que  cet  homme  rencontre  bienltH  après,  et  (ianv 
tout  le  reste  de  ce  livre,  car  M.  Pascal  supposant  qu'il  im> 
pouvait  manquer  d'être  attiré  par  une  si  grande  idée,  et  Ir 
lui  faisant  parcourir  avec  avidité,  et  même  tous  ceux  de  I  an- 
cien Testament,  il  lui  fit  remarquer  qu'il  n'y  est  plus  parl«- 
que  de  la  corruption  de  toute  chair,  de  l'abandonneinent  de^ 
hommes  à  leur  sens,  et  de  leur  pente  au  mal  dès  leur  nais- 
•aooe  :  et  puis,  s'étendant  sur  les  choses  qui  rendent  ce  livre 
■JMulier  et  digne  do  vénération,  il  lui  fit  voir  que  c'était  le 
senl  livre  du  monde  où  la  nature  de  l'homme  fût  parfaite- 
ment peinte,  et  dans  ses  grandeurs,  et  daiu  ses  misères,  et 
lui  montra  le  portrait  de  son  cœur  en  une  infinité  d'endroits. 
Tout  ce  qu'il  avait  découvert,  en   >  i   lui-roèroe.  lui 

parut  là-dedans  au  naturel:   et  crtt  uc  ayant   roAme 


DISCOURS  SUR  LES  PENSÉES.  ccxi 

porté  une  nouvelle  lumière  dans  les  ténèbres  de  son  intérieur, 
non  seulement  il  vit  plus  clairement  ce  qu'il  y  avait  déjà 
aperçu  ;  mab  il  y  trouva  même  un  nombre  infini  de  choses 
qui  lui  avaient  échappé,  et  qui  n'avaient  jamais  été  décou- 
vertes par  aucun  de  ceux  qui  s'y  sont  le  plus  appliqués. 

Il  admire  ensuite,  non  seulement  que  ce  livre  fasse  mieur~<s 
connaître  l'homme  qu'il  ne  se  connaît  lui-même,   mais  aussi   / 
qu'il  soit  le  seul  au  monde  qui  ait  dignement  parlé  de  l'Otre  C 
souverain,  et  qui  le  lui  fasse  concevoir  autant  au-dessus  de  ce  (^ 
qu'il  s'en  était  imaginé,  que  tout  ce  qu'il  avait  vu  jusque-là    \ 
lui  [>araissait  au-dessous:  et  en  effet,  quand  il  n'y  aurait  que,,^ 
(l'ia  (|u'il  est  l'unique  qui.  l'obligeant  de  connaître  un  Dieu, 
ait  parlé  de  l'aimer  et  de  ne  rien  faire  que  pour  lui.  il  est 
l'unique  qui  mérite  qu'on  s'y  arrête.  Car  enfin,  n'ayant  rien 
que  nous  ne  tenions  de  Dieu,  ni  mouvement,  ni  vie,  ni  pen- 
sée, nous  ne  faisons  rien  dont  il  ne  doive  être  la  fin.  et  toutes 
nos  actions  ne  sont  bonnes,  ou  mauvaises,  que  selon  qu'elles 
tendent  à  ce  but.  ou  qu'elles  s'en  écartent.  Je  ne  parle  pas  de 
ceJles  qui  sont  purement  corporelles,  et  où  notre  volonté  n'a 
point  de  part  :  celles-là  ne  sont  pas  proprement  nôtres,  et  ne 
sont  qu<>  partie  des  mouvements  de  ce  grand  corps  de  l'uni- 
vers, qui  glorifient  Dieu  à  leur  manière.  Mais  pour  celles  qiîï 
nous  faisons,  parce  que  nous  voulons  les  faire,  il  n'y  en  a 
point  dont   nous  ne  devions  lui  rendre  compte,  et  qui   ne 
doive  lui  marquer  que  nous  ne  voulons  que  ce  cpi'il  veut, 
afin  que  tous  les  êtres  créés,  et  ceux  qui  pensent,  et  ceux  qui| 
ne  pensent  point,  soient  dans  une  continuelle  soumission  à  la 
volonté  de  leur  auteur,  qui  ne  peut  avoir  eu  d'autre  detiein 
en  les  créant.  — 

Mais  comme  ce  serait  encore  peu  que  d'accomplir  cette 
volonté,  si  on  ne  l'aimait,  et  que  ce  ne  serait  presque  qu'agir 
coinnie  le<t  choses  inanimées,  il  a  plu  à  Dieu  de  mettre  dans 
riioMinie  une  |)jirti<-  <i<>riiinante.  ca|)able  de  choix  et  d'amour, 
et  ({iii.  iM'iirli.itil  loiijDiits  du  c«^lé  qu'elle  aime  le  mieux,  don- 
nât la  |>ente  à  tout  le  khIc,  et  pût  lui  faire  un  sacrifice  volon- 
taire de  riioniiiH-  tout  entier. 

C'est  en  |>cu  «!*■  iiiot>  l'idi-e  d'une  religion  véritable  :  ou  il 
n'y  en  a  \to'u\t.  on  i  est  m  cela  qu'elle  doit  consister.  Car  la 
crainte,  radmiiation.  l\-i<ioration  même  aépai^es  de  l'amour, 
ne  sont  que  iii<^  H,-iiliin<'(iU  morts,  où  le  oour  n'a  point  de 


ocia  |ii>L,iiURS  SDR  LBS  PENSÉES. 

part,  et  qui  ne  Muraient  produire  une  attache  telle  que  doit 
être  celle  de  la  crteturc  pour  ton  auteur.  Cependant  quelle 
autre  religion  que  la  chrétienne  a  janiait  mia  dana  tel  aroour 
reaaenoe  de  aon  culte?  Ce  aeul  défaut  suflit.  ce  me  aemble, 
pour  les  croire  toutea  fauaaet.  je  ne  vois  rien  qui  ait  pu 
emp^hcT  leurs  inventeurs  de  s'en  aviser,  qu'un  aveuglemeoi 
furnalurei.  et  qui  vienne  de  Dieu  m^me.  qui  a'eet  voulu 
réaerver  une  choaequi  !<■  '  '   si  visiblement. 

Ce  aérait  peu  encore  ({<>  i<-  fil  voir  clair  i  l*hoauiie 

dans  lui-même,  s'il  ne  lui  faisait  voir  clair  dana  l'ordre  du 
monde,  et  s'il  ne  démêlait  ces  questions  impénéirahlea  qui 
ont  tant  tourmenté  les  plus  grands  esprits  du  pagenwmc. 
Pourquoi,  par  exemple,  cette  étrange  divernlé  entre  les 
hommes.  c|ui  sont  tous  de  même  nature  ?  Comment  la  choae 
du  monde  la  plus  simple,  qui  est  l'âme,  ou  la  penaée,  peut- 
elle  se  trouver  si  diversifiée  ?  S'ils  la  tiennent  d'un  Être  supé- 
rieur, pourquoi  la  donne-t-il  élevée  aux  uns  et  rampante  aux 
autres,  pleine  de  lumière  &  reux-ci  et  de  ténèbres  1  ceux-U. 
juste  et  droite  k  quelques-uns.  et  i  d'autres  injuste  et  portée 
au  vice  :  et  cela  avec  tant  de  diiïérencc  et  de  mélange  de  ces 
qualités  l'une  avec  l'autre,  et  de  celles  mêmes  qui  sont  oppo- 
sées, qu'il  n'y  a  pas  deux  hommes  au  monde  qui  se  ifaam- 
bleat.  ni  même  un  homme  qui  ne  soit  diaaenihUble  à  lui- 
même  d'un  moment  à  l'autre  7  Que  ai  l'âme  pasae  dea  pèraa 
aux  enfants,  comme  les  philosophes  le  croyaient,  d'où  peut 
encore  venir  cette  diversité  ?  Pourquoi  un  habile  homme  en 
produit-il  un  sans  esprit }  Comment  un  scélérat  peut-il  venir 
d'un  honnête  homme  ?  Comment  les  enfants  d'un  même  pète 
peuvrnl-ils  naître  avec  des  inclinations  diOérenlea?  Toulaa 
œs  (lifFiniltés  ne  cessent-elles  pas  par  cette  chute  de  la  nature 
de  l'homme,  que  ce  Uvre  dit  être  tombé  de  aon  premier  état? 
Et  ne  sont-ce  pas  dea  suites  néceaaaires  de  l'asaujettiasoment 
de  l'âme  au  corps,  que  l'on  ne  saurait  concevoir  que  comme 
un  châtiment,  et  qui  la  fait  dépendre  de  la  naiaaanœ.  du 
pays,  du  tempérament,  de  l'éducatioa.  de  la  coutume  et 
d'une  infinité  de  dioaea  de  celte  nature,  qui  n'y  devraient 
faire  aucune  impression  ? 

D'où  vient  auui  cette  confusion  qu'on  voit  dans  le  monde, 
qui  a  fait  douter  à  tant  de  philoaophea.  qu'il  y  eût  une  pro- 
vidence, et  qui  le  fait  paraître,  k  ceux  qui  le  regardent  par 


\ 


DISCOURS  SUR  LES  PENSÉES.  ccxm 

d'autres  jeux  que  ceux  de  la  foi.  un  chaos  plus  confus  que 
cflui  dont  Ips  païens  voulaient  que  leurs  dieux  l'eussent  tiré? 
Pourquoi  les  nnVhants  réussissent-ils  presque  toujours,  et 
pourquoi  ceux  qui  semblent  justes  sont-ils  misérables  et 
accablés  ?  Pourquoi  ce  mélange  monstrueux  de  pauvres  et  de 
riches,  de  sains  et  de  malades,  de  tyrans  et  d'opprimés? 
Qu'ont  fait  ceux-là  pour  naître  heureux,  et  avoir  tout  à 
souhait  ;  ou  par  où  ceux-ci  ont-ils  mérité  de  ne  venir  au 
monde  que  pour  soulTrir?  Pourquoi  Dieu  a-l-il  permis  qu'il 
y  eût  tant  d'erreurs,  tant  d'opinions,  de  mœurs,  de  cou- 
tumes, de  religions  différentes  ?  Tout  cela  est  encore  éclaircî 
par  un  petit  nombre  de  principes  qui  se  trouvent  dans  ce 
livre,  et  par  ceux-ci  entre  autres  :  Que  ce  n'est  pas  ici  le  lieu 
où  Dieu  veut  que  se  fasse  le  discernement  des  bons  et  des 
méchants,  dont  la  distinction  serait  visible,  si  ceux-là  étaient 
toujours  heureux,  et  les  autres  toujours  aflligés  :  que  ce  n'est 
pas  ici  non  plus  le  lieu  de  la  récompense  ;  que  ce  jour  vien- 
dra ;  que  cefwndant  Dieu  veut  que  les  choses  demeurent  dans 
l'obscurité  ;  qu'il  a  laissé  marcher  les  hommes  dans  leurs 
voies  ;  qu'il  les  laisse  courir  après  les  désirs  de  leur  cœur,  et 
qu'il  ne  veut  se  découvrir  qu'à  un  petit  nombre  de  gens 
qu'il  en  rendra  lui-même  dignes,  et  capables  d'une  véritable 
vertu. 

N'est-ce  pas  encore  ici  en  quoi  ce  livre  est  aimable  et  digne 
qu'on  s'y  attache?  Non  seulement  il  «^«^  Ig  afiil  g»"  ^  Lian 
connu  la  misère  dtni^hflpnmf  •   mni»  ii.fisLjiiuù-lc  seul  qui 

iï' • ■ --/■  l'id^  ^l'^^p  vr^i  h'ton    et  promis  xics  remcdca 

^:  irj  roau».  S'il  nous  abat,  en  nous  faisant  voir 

nulle  1  lut  jjlu.s  déplorable  encore  qu'il  ne  nous  paraissait,  il 
nous  console  aussi,  en  nous  apprenant  qu'il  n'est  pas  déses- 
|x''ré.  Il  nous  flatte  [K*ut-étre  ;  mais  la  chose  vaut  bien  la  |M?in« 
de  l'expt'riuuuiter,  et  le  l>onheur  qu'il  promet  réveille  au 
moins  nos  espérances,  en  ce  qu'il  ne  parait  pas  certainement 
r.iii\  .  au  lieu  qu'il  ne  faut  qu'envisager  tout  ce  qu'on  a 
ijl'  I'-  jusqu'ici  vrai  bien,  pour  en  voir  la  fausseté.  Qui  n'ad- 
mirera encnre  que  ceux  ({ui  ont  travaillé  à  ce  livre  aient  pri.s 
des  voies  si  particulières,  et  qu'ils  se  soient  si  fort  éloignés  des 
autres  dans  les  remèdes  qu'ils  promettent  aux  hommes  ?  C'est 
déjà  une  maripie  qu'ils  ont  bien  vu  la  faiblesse  et  l'inutilité 
de  tous  ceux  (pic  les  philosophes  nous  ont  donnés  avec  tant 


DISCOURS  SUR  LES  PENSÉES. 

de  confitnoe  et  >i  peu  do  fuooèi.  et  par  coniénueni  qa'ib  ont 
plot  TU  que  tout  lie  reile  de»  homm»  eowmble. 

Mais  ce  qu'il  j  a  de  plus  oomidérable.  c  est  qu'ils  nous 
«ppraniient  que  oea  remidea  ne  sont  point  dam  no»  mains. 
Tous  les  autres  ont  voulu,  les  uns.  qu'il  n'y  en  eût  point,  les 
antres,  que  nous  en  fussions  les  msllres.  et  par  U  ont  abusé 
tous  ceux  qui  s'y  sont  fiés  :  au  lieu  que  ceui-ci.  avec  une  sin- 
oérité  dont  il  ne  semble  pas  que  jamais  un  imposteur  put 
s'aviser,  nous  assurent  que  nou»  ne  pouvons  rien  de  tout  re 
qu'ils  nous  prescrivent,  que  nous  naissons  corrompus  et  dan» 
l'impuissance  de  résister  k  cette  corniplion  ;  et  que  tant  que 
nous  n'a^ron»  que  par  nos  seules  forces,  nous  succomberons 
inrailliblcment  à  ces  mêmes  pasaidns  qu'ils  nous  ordonnent 
de  surmonter.  Mai»  en  m^me  lemp  il»  nous  avertisnni  que 
c'est  à  Dieu  que  nnu»  devons  demander  ces  forces  qui  nous 
manquent,  qu'il  ne  nous  les  refusera  pas.  et  qu'il  enverra 
même  un  libératetir  aux  hommes  qui.  satisfaisant  pour  eux 
à  la  colère  de  Dieu,  réparera  cette  impuissance,  et  les  rendra 
capables  de  tout  ce  qu'il  demande  d'eux. 

Que  ce  système  est  beau,  quoi  qu'on  en  puisse  dire,  et  qu'il 
est  conforme  aux  apparences  et  k  la  raison  même,  autant 
qu'elle  y  peut  avoir  de  part  !  Considérons -le  tout  k  la  fois, 
pour  en  mieux  comprendre  la  grandeur  et  la  majesté.  Toutes 
choses  sont  créées  par  un  Dieu  à  qui  rien  n'est  impoa* 
sible.  L'homme  sort  de  ses  mains  en  un  état  digne  delà  sagesse 
de  son  Auteur.  Il  se  révolte  contre  lui,  et  perd  tous  les  svan- 
tages  de  son  origine.  Le  crime  et  le  châtiment  passent  dans 
loos  les  hommes,  et  par  \k  ils  doivent  naître  injustes  et 
corrompus,  comme  on  voit  qu'ils  le  sont.  Il  leur  reste  un 
sentiment  obscur  de  leur  première  grandeur  :  et  il  leur  est  dit 
qu'ils  j  peuvent  être  rétablis.  Il»  ne  sentent  en  eux  aucune 
force  pour  cela,  et  il  leur  est  dit  qu'ils  n'en  ont  point  en  effet, 
mais  qu'ils  en  doivent  demander  k  Dieu.  Us  se  trouvent  dans 
un  éloignement  de  Dieu  si  terrible,  qu'ils  ne  voient  aucun 
moyen  de  s'en  rapprocher  ;  et  on  leur  promet  un  médiateur 
qui  fera  cette  grande  réconciliation. 

Que  peut  faire  là -dessus  un  homme  de  sens  et  de  boom 
foi.  sinon  de  reconnaître  que  jamais  on  n'a  rien  dit  d'appro- 
chant, et  que  ceux  qui  ont  ainsi  parlé,  pour  peu  qu'ib  aient 
àm  preuves,  méritent  assurément  qu'on  1m  croie?  Il  y  a 


I 


DISGODRS  SDR  LES  PENSÉES.  cczv 

m^me  bien  de»  gens  pour  qui  c'en  serait  déjà  unr  grande 
que  d'avoir  pu  le  dire,  car  en  effet  cela  ne  paraîtra  pas  aisé 
à  inventer  à  qui  l'examinera  de  près;  il  ne  faut  que  voir 
ce  qu'ont  dit  les  plus  habiles  de  ceux  qui  ont  voulu  discourir 
sur  ce  sujet,  ou  d'eux-mêmes,  ou  après  avoir  vu  les  livres  de 
Moïse,  pour  juger  que  cela  n'est  pas  marque  au  coin  des 
hommes.  En  vérité,  ce  ne  sont  pas  là  leurs  voies,  et  il  est 
élranpo  (|u'ils  ne  s'en  aperçoivent  pas.  et  qu'ils  ne  se  servent 
pas  en  c«'la  d'une  certaine  finesse  de  discernement,  dont  ils 
usent  dans  toutes  les  autres  choses.  Car  il  n'y  a  personne  qui 
ne  convienne  qu'à  l'égard  des  choses  qui  tombent  sous  nos 
sens,  nous  avons  en  nous  un  certain  sentiment,  qui  nous  fait 
II)  il  à  l'air  seulement  si  ce  qui  se  présente  à  nos  yeux  est 
i  i^rage  de  la  nature  ou  des  hommes.  Que  nous  l'appor- 
tions en  naissant,  ou  qu'il  vienne  de  la  coutume,  il  n'im[X)rte; . 
jamais  il  ne  nous  trompe.  Toutes  les  fois,  par  exemple,  que 
dans  une  montagne  d'une  Ile  inhabitée  nous  trouverons  des 
i!  '  '  niés  avec  quelque  régularité,  ou  quelques  caractères 
I  !i>9  gravés  sur  un  rocher,  nous  ne  craindrons  point 

dii^Mirer  qu'il  y  a  passé  des  hommes  avant  nous,  et  que  cela 
ne  saurait  être  naturel.  Cependant,  avons-nous  examiné  ces 
deux  infinis  différents  de  ce  que  peuvent  l'art  et  la  nature, 
pour  savoir  qu'ils  n'ont  rien  de  commun?  et  si  nous  en 
jii.'ions  si  bien  sans  cela,  pourquoi  ne  pas  étendre  plus  loin 
le  principe  qui  nous  y  conduit,  et  ne  pas  discerner  par  ce 
que  nous  sentons  en  nous,  et  par  ce  que  nous  avons  d'expé- 
rience, que  ces  grandes  idées  sont  d'un  caractère  tout  différ 
rent  de  ce  que  l'esprit  humain  est  capable  de  produire? 

Mais  parce  que  les  hommes  sont  faits  de  telle  sorte,  que 
dès  qu'ils  sont  accoutumés  aux  choses,  ils  ne  peuvent  pres<jue 
plus  jtiger  s'ils  étaient  capables  ou  non  de  les  imaginer,  on 
ne  prétend  point  qu'ils  se  rendent  à  cela.  On  leur  permet  de 
compter  pour  rien  qu'il  n'est  point  naturel  que  dans  le  dessein 
d'im|>oser  aux  hommes,  on  ait  pris  à  tâche  d'assembler  co 
qu'il  v  a  de  plus  choquant  pour  la  raison  et  pour  la  nature. 
Qu'ils  croient,  s'ils  le  peuvent,  qu'il  n'y  a  nulle  impotsibilité 
que  MoTse  et  ceux  qui  l'ont  suivi,  ces  gens  si  sages  ri  -^i 
habiles  d'ailleurs,  aient  pu  avancer  de  leur  tête  une  chose 
aussi  incompréhensible  que  le  péché  originel,  cl  qui  parait  si 
contraire  à  la  justice  de  Dieu,  dont  ils  disent   tant  de  mer- 


Gctvi  DISCOURS  SUR  LKS  PKNStES. 

v«illet;  e(  pour  oomUe.  qu'ib  aient  «wé  laor  attribuer  un 
Mpédiant  au»  étran^  pour  en  purifier  lea  hommea.  que 
odui  d'envoyer  aon  fUs  unique  nur  la  tirre.  et  de  loi  Cure 
■ouffrir  la  mort.  Mais  au  moinii  qu'ils  se  faaaent  justice,  et 
que,  par  le  peu  d'assurance  qu'ils  trouvent  en  eux  pour  jiit;or 
le»  moindres  cfaoaes.  ils  se  reconnaissent  incapables  de  décider 
par  eux-méines  n  oelto  transmisaion  du  pécbé  où  tout  roniiale. 
est  injuste  et  impossible  :  et  qu'enfin  ils  s'estiment  beareu 
de  ce  qu'en  une  cbose  qui  les  touche  de  si  près,  au  lieu  d*4lre 
à  la  merci  de  cctlo  pauvre  raison  à  qui  il  est  si  aisé  d'impoaer. 
ils  n'ont  k  examiner,  pour  toutes  preuves,  que  des  faits  et  des 
histoire»,  c'est-à-dire  des  dioses  pour  lesqudles  ils  ont  des 
principes  infaillibles. 

Car  convenant  une  fois  (comme  il  n'est  pas  besoin  de  le 
prouver)  que  s'il  y  a  un  Dieu,  il  ne  faut  pas  tant  dire  qu'il 
ne  saurait  faire  ce  qui  est  injuste,  comme  il  faut  dire  que  ce 
qu'il  fait  ne  saurait  être  injuste,  puisque  sa  volonté  est 
l'unique  règle  du  bien  et  du  mal.  il  n'est  (tas  question  d'exa- 
miner ce  qu'est  la  chose  en  soi.  ma»  seulement  si  ceux  qui 
nous  assurent  de  la  [>art  de  Dieu  qu'elle  est.  ont  de  quoi  se 
faire  croire.  El  il  serait  inutile  de  répondre  qu'on  a  des 
preuves  que  ces  cboses-U  sont  injustes  et  impossibles,  pour 
montrer  qu'elles  ne  peuvent  ^tre.  comme  on  dit  qu'on  en  a 
qu'elles  sont  eflectivement.  pour  montrer  qu'elles  ne  sont,  ni 
injustes,  ni  impossibles.  Il  ne  se  peut  qu'il  y  en  ait  de  part 
et  d'autre,  et  il  faut  absolument  que  les  uns  ou  les  autroa  se 
trompent  :  et  ce  qui  les  abuse  en  effet,  c'est  que  ks  idées  que 
nous  avons  de  ce  qui  est  juste  ou  injuste,  sont  étrangement 
bornées,  puisqu'entin  il  no  s'agit  entre  nous  que  d'une  justice 
d'homme  à  homme,  c'est-à-dire,  entre  des  frères  où  tous  les 
droits  sont  égaux  et  réciproques,  et  qu'il  s'agit  ici  d'une 
justice  de  Créateur  k  créature,  où  les  droits  sont  d'une  dispro- 
portion infinie.  Mais  après  tout,  comme  ils  n'oaeraieot  se 
vanter  de  connaître  asset  i  fond  jusqu'où  va  le  poovoir  de 
Dieu,  et  ce  que  c'est  que  la  justice  à  son  égard,  pour  dire  que 
leurs  preuves  sont  démonstratives,  elles  ne  peuvent  être  tout 
au  plus  que  des  raisonnements  de  nature  métaphysique. 
fondée  sur  des  principes  inventés  par  des  hommes,  et  par 
conséquent  suspects  :  au  lieu  que  ce  qu'on  leur  dottae  poar 
preuves,  étant  de  la  nature  des  faits.  c'est-è>dire  capables 


DISCOURS  SUR  LES  PENSÉES.  cciTn 

d'un*"  '  'et  d'une  évidence  entière,  la  raison  cl  le  bon 

sens  |i  ,t  de  commencer  par  celles-ci,  et  de  conclure, 

si  elles  se  trouvent  convaincantes,  qu'ils  se  trompaient  dans 
les  leurs,  quand  même  ils  ne  pourraient  en  découvrir  le 
défaut. 

Or  on  ne  saurait  douter  que  la  plus  grande  de  toutes  les 
autorités,  pour  attirer  la  créance  des  hommes,  ne  soit  celle 
des  miracles  et  des  prophéties.  Il  n'y  a  point  de  gens  assez 
fous  pour  croire  que  naturellement  on  puisse  fendre  la  mer 
pour  la  passer,  ou  prédire  une  chose  deux  mille  ans  avant 
qu'elle  arrive.  Kt  quand  on  prétendrait  qu'il  y  eût  eu  quelques 
miracles,  et  même  des  prophéties  parmi  les  païens,  c'est 
toujours  assez  pour  prouver  qu'il  y  a  autre  chose  que  des 
liotnincs:  et  il  ne  serait  pas  diflicilc  de  faire  voir  qu'il  n'y  a 
rien  que  d'avantageux  à  la  religion  chrétienne  dans  ces 
miracles  et  dans  ces  prophéties,  s'il  y  en  a  eu.  Il  faut  donc 
nier  absolument  qu'il  y  en  ait  jamais  eu  ;  ce  qui  ne  serait 
pai^  moins  extravagant,  puisque  de  toutes  les  histoires  du 
monde  il  n'y  en  a  point  de  si  appuyée  que  celle  de  notre  reli- 
gion, et  où  tant  de  choses  concourent  pour  établir  la  certitude. 

C'est  ce  que  M.  Pascal  aurait  fait  voir  clairement,  soit 
qu'il  la  considérât  du  côté  du  fait,  ou  qu'il  en  examinât  le 
fond  et  les  beautés;  et  chacun  en  pourra  juger  par  un  petit 
article  qu'on  a  laisse  exprès  dans  ces  fragments,  et  qui  n'est 
qu'une  espèce  de  table  des  chapitres  qu'il  avait  dessein  de 
traiter,  et  de  chacun  desquels  il  tourli.T  (|iii>Ii|iir>  rhns*»  en 
passant  dans  le  discours  dont  j'ai  parlé 

Premièrement,  pour  ce  qui  est  de  Moim-  eu  particulier,  on 
ne  doutera  pas  qu'il  n'ait  été  aussi  habile  et  d'aussi  grand 
sens  qu'homme  du  moode,  et  qu'ainsi,  si  c'avait  été  un 
imposteur,  il  n'eût  prisses  voies  toutes  opposées  k  celles  qu'il 
a  suivies:  puis(|u'à  considérer  les  choses  humainement,  il 
était  impossible  qu'il  réussit.  Si  ce  qu'il  a  dit  des  premiers 
hommes,  par  exemple,  était  faux,  il  n'y  avait  rien  de  si  aisé 
que  de  l'en  convaincre:  car  il  met  si  {>eu  de  générations 
depuis  la  création  jus(|u'au  déluge,  et  de  là  jusqu'à  la  sortie 
de  l'F^ypte.  que  l'histoire  de  nos  derniers  Hois  ne  nous  est 
pas  plus  présente  que  celle-là  devait  l'être  aux  Israélites,  et 
comme  il  pouvait  y  avoir  de  son  temps  des  gens  qui  devaient 
avoir  vu  Joseph,  dont  le  père  avait  vu  Scm.  et  que  Sem  avait 


aei?m  DISCOURS  SIR  I.KS  l'KNsf  KS 

pu  vivra  oenl  ant  avrr  Mnllitivilnn.  qui  Hi>\ail  avoir  vu 
Adam:  il  fallait  qu'il  eût  |M'rtlti  le  »fn»,  pour  oM>r  conter  k  ce 
peuple.  «  aoigneux  dr  l'hiatoiro  de  tea  anoètrea.  dea  étéoe 
ment»  de  cette  importance,  ai  c'étaient  autant  de  faiwietéa. 
Euaaent-ila  ^lé  d'aaaei  bonne  volonté,  pour  croire  que  leun 
•leos  vivaienl  aepl  ou  huit  centa  an»,  si  eOSadmaMol  ila  n'en 
ptaaaieni  paa.  non  plus  qu'etix.  crnt  ou  mx  vingts,  ci  pour 
recevoir  sur  m  foi  des  choses  au.%»i  rxtraordinaiiea  que  la 
création  et  le  déluge,  dont  il  n'y  aurait  eu  parmi  eux  ni 
traces,  ni  vestigea.  et  dont  pourtant,  à  son  compte,  la  mémoire 
devait  leur  être  encore  toute  récente?  Il  eût  fallu  qu'il  eôt  été 
bien  simple  pour  prendre  un  parti  si  bixarre  dans  le  grand 
champ  où  il  était  d'inventer  et  de  mentir,  et  pour  croire 
gagner  quelque  choae  par  le  nombre  des  annéea,  et  ne  pas 
voir  ce  qu'il  perdait  en  faisant  si  peu  de  génération»;  puis- 
qu'il ne  faut  ciu'un  sens  médiocre,  pour  jtigcr  s'il  serait  bien 
aisé  de  persuader  aujourd'hui  k  un  peupio  qui  sait  tant  soit 
peu  l'hislniro  do  ses  pères,  que  le  cinquième  OU  aiième  en 
remontant  a  été  cré«>  avec  le  monde,  et  qu'il  y  a  de  cela  deux 
mille  ans.  Ce  serait  leur  dire  deux  menaongea  ridiculea  pour 
un  :  et  le  plus  court  serait  sans  doute  de  proportionner  lea 
générations  au  nombre  dea  années,  pour  se  oadier  dana 
l'obscurité. 

D'ailleurs.  Molsene  savait-il  point  k  qui  il  avait  alTaire.  lui  qui 
connaissait  si  bien  les  hommes  et  les  Juifs  en  particulier,  ceîte 
nation  si  légère,  si  capricieuse,  si  diflicile  k  gouverner?  Et 
eat-il  croyable  que  parmi  six  cent  mille  hommes  qu'il  accuse 
de  tant  de  défauts  et  de  tant  d'in^alitudes.  qu'il  traitait  en 
souverain,  et  si  rigoureusement  qu'il  en  faisait  mourir  vingt 
mille  k  la  fois,  il  ne  s'en  fût  pas  trouvé  un  seul  qui  se  fût 
récrié  contre  ses  impostures  et  ses  faux  miradea?  Car  quel 
homme  a'est  jamais  vanté  de  tant  de  merveilles  que  celui-là. 
6t  de  merveilles  si  éclatantes?  Il  prend  pour  témoins  non 
fflolament  ceux  en  faveur  de  qui  il  les  fait,  mais  encore 
un  pays  entier  d'ennemis  contre  qui  il  les  fait  ;  et  au  lieu  de 
je  ne  sais  quels  miracles  sourds  et  cachés  qu'on  attribue  h 
d'autres,  on  ne  voit  ici  que  des  miraclea  publics  qui  arrivent 
OMp  aur  coup,  et  qui  désolent  et  rétabUssent  un  royaume  en 
moma  de  rien.  En  vérité,  il  n'eat  pas  imaginable  que  l'effron- 
tarie  d'un  homme  puisae  aller  jusque-là  :  et  qu'après  tout 


DISCOURS  SDR  LES  PENSÉES.  ccxtx 

ce  qui  est  dil  d«  plaie»  d'Kp>pte,  il  ail  pu  ajouter  que  le 
Roi  et  toute  son  armée  avaient  été  engloutis  par  la  mer  qu'il 
venait  d'ouvrir  à  ceux  qui  le  suivaient,  sans  crainte  que 
quelqu'un  parmi  les  ÉgypUens  en  publiât  la  fausseté,  et 
comme  si  ce  qu'il  prétend  avoir  fait  ensuite  dans  le  désert, 
où  il  n'avait  que  ceux  de  sa  nation  pour  témoins,  no  lui  eût  pas 
suffi.  Mais,  ce  qu'il  y  a  encore  d'admirable,  quelle  gloire 
tire  cet  bomme  de  tout  cela,  quel  avantage  pour  lui  et  pour 
sa  famille?  Songe-t-il  seulement  à  assurer  le  commandement 
à  quelqu'un  de  ses  parents?  Et  avec  quelle  sincérité  rapporte- 
t-il  jusqu'à  ses  moindres  défauts,  les  faiblesses  de  son  frère 
et  les  siennes  propres,  et  ce  manque  de  foi  surtout  qui 
parait  si  étrange  après  tout  ce  qui  lui  est  arrivé  et  qui  l'em- 
pêcha de  jouir  du  fruit  de  tant  de  travaux  ! 

Enfin,  qu'on  examine  quelle  est  la  loi  qu'il  a  donnée  aux 
Juifs,  combien  elle  est  sage  et  divine;  qu'on  considère  que 
tout  ce  qu'ont  de  bon  toutes  les  lois  du  monde  en  a  été  tiré, 
et  à  quel  point  il  faut  avoir  connu  la  malice  des  hommes 
pour  y  avoir  si  pleinement  pourvu:  et  si  cela  ne  suffit,  qu'on 
la  regarde  encore  sous  une  autre  face.  Pleine  comme  elle 
était  d'observances  et  de  cérémonies,  où  le  moindre  manque- 
ment était  si  sévèrement  puni,  comment  était-il  possible 
qu'un  peuple  si  changeant,  et  qui  aimait  si  fort  ses  aises,  et 
un  peuple  qui  aurait  vécu,  ou  sans  religion,  ou  dans  une 
religion  païenne,  s'y  soumit  si  aveuglément,  à  moins  que  de 
regarder  leur  conducteur  comme  un  homme  envoyé  de  Dieu, 
et  qu'ils  ne  fussent  pemiadÀ  par  la  grandeur  de  ses  actions? 

Tout  cela  est  si  convaincant  que  si  l'opiniâtreté  fait  qu'on 
y  résiste  de  bouche,  il  n'y  a  qu'un  aveuglement  horrible 
qui  puisse  empj^her  qu'on  ne  s'y  rende  dans  le  cœur  et  qu'on 
peut  défier  hardiment  qui  que  ce  soit  de  forger  là-dessus  une 
supposition,  dont  un  homme  tant  soit  peu  raisonnable  te  puÛM 
ronli'nler.  Mai»  ce  serait  penln»  le  temps  que  de  s'amuser 
à  (It'truire  ici  de  semblables  suppositions  ;  il  faudrait  entrer 
pour  cela  dans  un  détail  que  les  l)ornes  qu'on  s'est  prescrites 
ne  permettent  pas  :  et  même  comme  il  est  impossible  que  des 
gens  s'imaginent  que  cela  puisse  être,  que  parce  qu'ils  vou- 
draient en  eiTet  qu'il  fut  et  que  ce  n'est  pas  aux  hommes  à 
changer  le  cceur.  il  serait  inutile  de  les  accabler  de  preuves, 
comme  on  le  pourrait  aisément.  On  se  contentera  de  les  aver- 


een  DISCOURS  SDR  KRS  PBNSftRS. 

tir  dp  cr  qu'il»  ont  à  faire  et  h  mmbirn  âf  rhoM»  iU  doivent 
pourvoir,  pour  donner  quelque  vraiMmblanoe  h  leur»  ronj«^- 
turet. 

Qu'ib  nous  apprennent  premiènaient  par  quel  baiard 
Moite  a  trouvé  de  ti  heureui  et  de  li  anciens  fondemenla  k 
son  deswin.  puisque  Apparemment  il  n'anrnlt  jnmais  dit  à  oe 
peuple  qu'il  venait  à  eux  de  la  part  du  Dieu  de  leurs  p^res, 
s'ils  n'eusnent  eu  quehpie  tradition  qu'ils  venaient  de  Jacob 
et  d'Abraham,  et  que  Dieu  leur  avait  parl6.  El  cette  tradition. 
où  l'avaienl-iU  priv» }  Par  où  relie  opinion,  qu'il  nailrail  un 
jour  un  grand  roi  de  la  race  de  Juda.  s'étall-rlle  établie  et 
juM|u'à  les  obliger  de  garder  si  soigneusement  leur»  généalo- 
gies, pour  le  reconnaître  }  Comment  ce  Moïse,  ou  qui  que  ce 
soit,  a-t-il  pu  si  fort  imprimer  dans  l'eaprit  de  tous  les  Juif:* 
l'attente  de  ce  Messie,  que  depuis  setaecenU  ans  même  qu'ils 
sont  dispersés,  et  qu'il»  ne  voient  nul  efT'  '  ticsM;». 

ils  l'attendent  toujours  avec  une  |)alienr«'  >!•' sans 

exemple  ?  Comment  cette  longue  suite  de  rois  et  de  grands 
hommes,  comment  David  et  Salomon.  ces  gens  si  sages  et  si 
éclairés,  ont-ils  donné  si  aveuglément  là-dedans  et  tiré  de  \k 
CCS  écrits  (|ui  paraissent  si  élevés  et  si  divin*  ri  qui  ne  seraient 
pourtant  que  des  songea  et  des  illusions?  Gmimenl  tout  ce 
qu'il  j  a  de  sagesse  et  de  vertu  épurée  dans  le  monde  ae 
trouve-t-il  appuyé  sur  une  impoaturest  signalée? et  comment 
jamais  cet  édifice  de  niensongea  et  de  diimèrcs  ne  s'est-il  en 
rien  démenti? 

Qu'ils  non»  fassent  voir  par  quel  hasard  cette  loi.  inventée 
par  un  bonintc.  se  trouve  en  même  temps  la  seule  digne  d'un 
Dieu,  la  seule  contraire  aux  inclinations  de  la  nature  et  la 
seule  qui  ait  toujours  été.  Comment  se  peut-il  faire  qu'elle 
ait  été  composée  avec  tant  d'artifice  qu'elle  subaisie  et  aoit 
abolie  et  que.  comme  s'il  y  avait  eu  du  concert  entre  Mobe 
et  Jitsvs-CHRisT.  le  dernier,  venu  pour  abolir  la  religion  de 
l'autre,  se  fonde  presque  uniquement  sur  ce  qu'elle  |>orte  et 
en  lire  se»  principale»  preuves  ;  en  sorte  qu'il  semble  qu'elle 
ne  fût  <|n'  ■   lire  de  la  sienne  et  qu'il  n'y  eût  qu'à  leverun 

certain l'y  trouver  ?  D'où  vient  que  depuis  que  l'on 

dit  que  ces  niiaf^s  sont  dissipés  et  que  l'écorce.  qui  n'était 
rien,  a  laissé  à  diVouvrrt  l'intérieur  qui  était  tout«  il  se  ren- 
contre justement  (pie  les  bénédictions   promises  à  ceux  qui 


DISCOURS  SDR  LES  PENSÉES.  ccxxi 

garderaient  véritablement  cette  loi.  semblent  n'être  que  pour 
les  chrétiens  qui  ont  embrassé  cet  intérieur,  et  qu'il  n'y  a  que 
misère  et  malédiction  pour  les  Juifs  qui  demeurent  attachés 
à  cette  écorce  et  qui  sont  plus  exacts  et  plus  fidèles  que  jamais 
dans  tous  leurs  devoir»?  Par  quelle  destinée  enfin,  par  quelle 
rencontre  des  étoiles,  la  religion  de  cet  homme  si  indignement 
traité  par  les  Juifs,  qu'on  fait  voir  n'être  eiïectivement  que 
la  leur,  se  trouve-t-ellc  si  opiniâtrement  rejetce  par  eux, 
rinlirassée  par  les  autres  nations  et  répandue  par  tout  l'uni- 
vcf  !-•  et  quelle  peut  être  cette  force  invisible,  qui  depuis 
seize  siècles,  conservant  ce  peuple,  sans  chef,  sans  armes,  sans 
pays,  les  oblige  en  même  temps  de  garder  avec  tant  d'exac- 
titude les  livres  qui  les  déclarent  rebelles  à  Dieu  et  qui  sont 
des  preuves  incontestables  pour  les  chrétiens,  qu'ils  regardent 
cofnme  leurs  plus  grands  ennemis? 

En  vérité,  il  n'y  a  guère  de  têtes  que  le  dessein  d'ajuster 
tant  de  hasards  ne  fit  tourner  :  et  pour  en  épargner  la  peine 
à  ceux  qui  voudraient  l'essayer,  on  veut  bien  les  avertir  que 
quand  ils  seraient  venus  à  bout  d'aplanir  cet  abîme  de  difli- 
cultés.  ils  n'auraient  encore  rien  fait  et  les  prouves  de  notre 
religion  n'auraient  pas  reçu  la  moindre  atteinte;  car  il  fau- 
drait qu'ils  nous  montrassent  de  plus  que  tout  cela  a  été 
très  facile  h  Moïse  et  aux  prophètes  qui  ont  marché  sur  ses 
traces,  de  deviner,  si  longtemp  avant  qu'elles  arrivassent, 
tant  de  choses  générales  et  particulières  ;  la  venue  de  Jêsus- 
diRi<<T.  la  conversioo  des  Gentils,  la  ruine  du  peuple  juif  et 
l'état  où  il  est  ;  et  cela  jusqu'à  en  marquer  le  temps  et  les 
circonstances.  C'est  là  véritablement  que  toutes  les  supposi- 
tions demeurent  court  et  qu'il  est  inutile  de  se  donner  la 
gêne  à  faire  des  conjectures.  Les  hommes  ne  sont  point  pro- 
phètes par  des  voies  naturelles  :  et  comme  la  nature  ne  leur 
est  |K)inl  soumise  pour  faire  des  miracles,  l'avenir  ne  leur  est 
|x>int  ouvert  pour  en  faire  une  histoire  par  avance,  comme 
on  [jouvait  voir  dans  Daniel,  dès  le  temps  de  Nabucbodonosor, 
celle  du  cltang«'ment  des  monarchies,  celle  des  successeurs 
d'Aleiandre  et  les  années  qui  restaient  jusqu'à  la  naissance 
du  Messie. 

Ce  n'est  point  non  plus  par  un  art  humain  ni  par  hasard 
que  plusieurs  prophètes,  et  surtout  Isaie.  ont  parle  de  Jtsts- 
CumsT  si  clairement  et  décrit  tant  de  circon^nces  partica- 


«nu  DISCOURS  SDR  LES  PENSÉES. 

lièret  d«  n  naiwmce.  de  n  TÏe  et  de  n  mort.  qu'iU  ne  «ont 
pts  iDoim  «et  historiens  que  les  AvangéUftei  :  et  que  seul 
entre  les  hommes  il  a  l'avantage  que  son  histoire  n'ayant  été 
écrite  après  sa  mort  que  |>ar  se»  disciples,  elle  se  trouve  faite 
et  répandue  dans  le  monde  plusieurs  siècles  avant  qu'il  j 
vint,  afin  qu'il  n'en  restAt  pas  le  moindre  soupçon  (>ui  a 
aussi  dicté  à  Moise  ce  qu'il  dit  sut  Juif»  •  t.  de 

leurs  aventures  et  de  leurs  infidëlit(^.  de  li      .  i^aby- 

lone  et  de  leur  retour,  du  dernier  siège  de  Jérusalem  où  ils 
se  verraient  réduits  à  manger  leur»  i  • —  ■  '  nts.  et  de 
leur  dispersion  (|ui  arriverait  quand  it  venu  et 

que  le    pied  leur  aurait  glissé.  niai>  '  '    n  les 

ferait  toujours  subsister,  de  peur  que  \<^  lisent 

i  le  méconnaître  et  à  s'attribuer  leur  ruine  ?  Enlin.  cette 
foule  d'hommes  qui  se  succèdent  pendant  deux  mille  ans  les 
uns  aux  autres,  pour  avertir  le  peuple  juif  que  la  venue  de 
celui  qu'ils  attendent  approche  :  qui  leur  inan{uent  précisé- 
ment quel  sera  alors  l'étal  du  monde;  qui  leur  prédisent  qu'ils 
le  feront  mourir  au  lieu  de  le  recevoir  et  que  pour  cela  ils 
tomberont  dans  des  malheurs  sans  ressource  ;  qui  leur  décla- 
rent que  les  Gentils,  à  qui  il  a  été  promis  aussi  bien  qu'à 
eux.  le  recevront  à  leur  défaut:  qui  ont  dit  si  assurément 
que  de  tous  les  endroits  de  la  terre,  les  peuples  >iendraient 
se  soumettre  à  sa  loi.  et  qui  dans  tout  cela  n'ont  rien  dit  qui 
ne  soit  ptmctuellcment  «rriv-  où  l'ont-iN  pri*.  rt  comment 
l'ont-ils  pu  prévoir  ? 

Si  ce  qui  a  été  dit  ju!«qu  m  jR'iit  tJoiiner  i|ii(li|ni'  rrv'rel  «Ir 
la  mort  de  M.  Pascal,  combien  doit -il  redoulil<  i  «ii  cil  i-iuiroil 
et  surtout  pour  ses  amis,  qui  sachant  seuls  à  quel  point  il 
entendait  les  prophéties,  comment  il  en  savait  faire  voir  le 
sens  et  la  suite  et  avec  quelle  facilité  il  les  rendait  intelligi- 
bles et  les  mettait  dans  tout  leur  jour  et  toute  leur  force, 
savent  seub  aussi  ce  qu'on  a  perdu  en  le  perdant!  Je  sais 
bien  que  ces  lambeaux  détadiés.  qu'on  en  trouvera  dans  le 
recueil  de  ses  pensées,  ne  donneront  qu'une  idée  imparfaite 
du  corps  qu'il  en  aurait  fait,  et  que  peu  de  gens  me  croiront. 
Mais  enfin  ceux  f|ui  le  savent  doivent  ce  témoignage  à  la  vé- 
rité et  à  sa  mémoire.  Je  dirai  donc  hardiment  que  ceux  qui 
réoootaieotn  atlanUvement  dans  l'occasion  que  j'ai  dite,  furent 
comme  transportés  quand  il  vint  ï  ce  qu'ifavait  recueilli  des 


DISCOURS  SUR  LES  PENSÉES.  c 

prophéties.  Il  commença  par  faire  voir  que  l'obscurité  qui  s'y 
trouve  y  a  été  mise  exprès,  que  nous  en  avons  même  été  aver- 
tis et  qu'il  est  dit  en  plusieurs  endroits  qu'elles  seront  inin- 
telligibles  aux  méchants  et  claires  à  ceux  qui  auront  le  cœur^ 
droit  ;  que  l'Écriture  a  deux  sens  :  qu'elle  est  faite  pour 
éclairer  le»  uns  et  pour  aveugler  les  autres  ;  que  ce  but  y  pa- 
rait presque  partout  et  qu'il  y  est  même  marqué  en  termes 
formels.  ^ 

Aussi  est-ce.  h  dire  vrai,  le  fondement  de  ce  grand  ou- 
vrage de  l'Ecriture  ;  et  qui  l'a  bien  compris  ne  trouve  plus 
de  difficulté  à  quoi  que  ce  soit  :  au  contraire,  cela  même  lui  fait 
reconnaître  cet  esprit  supérieur,  dont  tous  ceux  qui  peuvent 
>  avoir  quelque  part  ont  été  conduits  ;  puisque  quand  ils 
auraient  tous  concerté  ensemble  et  qu'ensuite  ils  seraient 
revenus  chacun  en  leur  temps  pour  y  travailler,  il  ne  leur  eût 
pas  été  possible  de  rien  imaginer  de  mieux  dans  le  dessein  de 
n'y  faire  trouver  que  de  l'obscurité  à  ceux  qui  n'y  cherchaient 
qu'à  s'aveugler  et  qu'elle  fût  pleine  de  lumière  pour  ceux  qui 
seraient  dans  les  dispositions  qui  y  conduisent. 

S'il  avait  plu  à  Dieu  de  créer  tous  les  hommes  dans  la  gloire, 
comme  il  le  pouvait,  cela  n'eût  pas  été  nécessaire:  mais  il  ne 
l'a  pas  voulu.  C'est  à  nous  à  prendre  ce  qu'il  lui  a  plu  de 
nou«  donner  :  et  d'autant  plus  que  n'ayant  rien  mérité  de  lui 
«]':  rp.  ce  n'est  pas  à  des  condamnés  à  se  plaindre  des 

COI  <ie  leur  grâce.  Mais  ce  qui  nous  rend  bien  coupables 

et  Muvf  admirablement  la  justice  de  Dieu,  c'est  que  ce  sens 
grossier  et  charnel,  où  les  Juifs  se  sont  abusés,  est  inexpli- 
cable en  tant  de  lieux  et  s'entretient  si  peu  qu'il  faut  déjà 
«\tre  av  ■  être  aveuglé  ;  et  qu'au  contraire  toutes 

les  part  nie  sens  ont  un  tel  rap|)ort  et  se  tiennent 

par  une  liaison  si  indissoluble  qu'il  faut  encore  être  aveugle 
pour  ne  le  pas  apercevoir.  Il  y  a  bien  plus  :  car  cette  obscu- 
rité, quelle  qu'elle  soit  en  quelques  endroits,  ne  saurait  em- 
p^trher  qu'av^T  m  'I'>cre  et  un  peu  de  bonne  foi.  on 

ne  trouve  plus  n  i  n'en  faut.   Imaginons-nous  cet 

homme  (|ue  M.  Pascal  menait,  pour  ainsi  dire,  par  la  main  ; 
et  nous  verrons  sans  doute  qu'il  sent  dissiper  ses  nuages  à 
nu'Mirc  qu'il  avance  dans  l'étude  de  l'ancien  Testament; 
et  que  comparant  bien  tout  ce  qu'il  voit,  et  jugeant  de  ce 
qu'il  n'entendait    pas  d'abord  par  ce  qu'il   trouve  de  clair 


DISCOURS  SOI  LIS  PINSftiS. 

dans  la  tuile,  tout  ce  grand  mytlère  m  développe  il 
ment  el  lui  parait  praque  à  découvert. 

Il  «oit  premièrâneot  que  dès  qu'il  eat  parlé  de  la  chute 
d'Adam,  il  rtt  dit  au  wrpcnt  qu'il  naîtra  de  la  femme  de 
quoi  lui  araser  la  tète,  et  il  trouve  U-dedans  comme  lee  pre- 
miers traits  et  une  promesse  obscure  de  ce  libérateur  attôidu 
par  les  Juifs.  Il  remarque  dans  la  suite  que  cette  même  cfaoae 
qu'il  avait  à  {leine  inaperçue,  va  toujours  en  s'éclairdamnt, 
jusque-là  qu'elle  prend  enfin  lo  dessus  et  déviait  le  centre 
où  tout  aboutit  :  car  il  voit  incontinent  a|M^  que  cette  pro- 
mené est  faite  beaucoup  plus  clairement  à  Abraham  el  qu'elle 
cet  encore  r^it^rée  k  Jacob,  avec  assurance  que  toutes  les 
nations  de  la  terre  seront  bénies  en  leur  postérité,  dont  ce 
libérateur  naîtra.  Puis  il  rencontre  toute  la  nation  juive  im- 
bue de  cette  espérance,  et  attendant  de  la  race  de  Juda  ce  grand 
rot  qui  devait  les  combler  de  bien  et  les  rendre  maîtres  de 
tous  leurs  ennemis.  David  vient  ensuite  qui  compose  lous  les 
Psaumes,  cet  ouvrage  admirable,  en  vue  de  oeMcMe.  etaou- 
pire  sans  cesM*  aprt*^  lui.  Enlm  arrivent  les  prophètes,  qui  lous 
unanimement  publient  (|ue  Dimi  va  accomplir  ce  qu'il  a  pro- 
mis, que  son  peuple  va  être  délivré  de  ses  péchés,  et  que  ceux 
qui  languissaient  dans  les  t<^n^bres  vont  sortir  k  b  lumière. 
Il  lui  parait  encore  clairement  que  le  ciel  et  la  terre  doivent 
concourir  h  la  production  de  cet  homme  extraordinaire,  lor»> 
qu'il  voit  un  de  ces  prophètes  s'^rier  :  «  Quf  la  rosée  découle 
du  plut  haut  de$  cieux  ei  que  le  juste  tombe  comme  une  pluie  du 
sein  des  nuées,  que  la  terre  s'oin*rr  et  qu'elle  conçoive  et  pro- 
duise le  Saui>eur.  •  Il  admire  là-dessus  les  noma  qu'ils  ont 
donnés  à  cet  homme,  de  Roi  éternel,  de  Prince  de  paix,  de 
Père  du  .MJ'cle  futur,  de  Diou.  Il  remarque  même  que  les 
cooquêtea  de  Cjrus.  d'Alexandre,  des  Romains  et  tout  ce  qui 
ae  passe  de  grand  dans  le  monde,  no  sert  qu'à  mettre  l'uni- 
vers dans  l'état  où  il  est  dit  qu'il  sera  à  sa  venue.  Enfin,  il 
voit  les  Juifs  répandus  par  toute  la  terre,  y  porter  avec  eux  lei 
livrée  qui  contenaient  ces  promesses  faites  à  tous  les  bommea. 
comme  pour  leur  mettre  entre  les  mains  autant  de  titres  in- 
cootertables  de  la  part  qu'ils  y  avaient.  Que  peut-il  donc 
conclure  de  tout  cela,  sinon  que  ce  libérateur  promis  ne  sau- 
rait êlra  ce  conquérant  attendu  par  les  Juif»,  qui  n'aurait  été 
que  pour  eux  :  que  ces  biena  qu'il  doit  donner  et  ces  ennemis 


K»' 


DISCOURS  SDB  LES  PENSÉES.  ccxxv 

qu'il  doit  détruire  ne  sauraient  être  des  biens  et  des  ennemis 
temporels  :  et  qu'un  simple  gagneur  de  batailles  ne  {xiuvant 
être  qu'un  indigne  objet  pour  de  tels  préparatifs,  il  n'y  a 
véritablement  qu'un  Dieu  qui  puisse  y  répondre? 

Mais  lorsqu'après  une  attente  de  quatre  mille  ans.  le  ciel 
s'ouvre  pour  donner  JÉsts-t^HKisT  à  la  terre,  et  qu'il  vient 
dire  lui-même  aux  hommes  :  C'est  pour  moi  que  tout  cela  a 
été  fait,  et  c'est  moi  que  vous  attendez  :  qu'il  parait  digne  de 
tout  cet  appareil,  et  que.  pour  peu  qu'il  y  en  eût  moins,  on 
le  trouverait  indigne  de  lui  !  11  nait  véritablement  dans  l'ob- 
scurité, il  vit  dan»  l'indigence,  il  meurt  avec  ignominie  ; 
mais  s'il  a  caché  par  là  sa  divinité,  qu'il  l'a  bien  prouvée  par 
ailleurs  !  et  que  l'aveuglement  des  Juifs  et  de  tant  d'autres  a 
dû  être  grand,  pour  le  méconnaître,  et  pour  croire  qu'il  y 
eût  d'autre  grandeur  devant  Dieu  que  celle  de  la  sainteté  ! 
Quand  il  n'y  aurait  point  de  prophéties  pour  Jésus-Christ, 
et  qu'il  serait  sans  miracles,  il  y  a  quelque  chose  de  si  divin 
dans  sa  doctrine  et  dans  sa  vie  qu'il  en  faut  au  moins  être 
charmé  ;  et  que,  comme  il  n'y  a  ni  véritable  vertu  ni  droi- 
ture de  cœur  sans  l'amour  de  Jéscs-Christ.  il  n'y  a  non  plus 
ni  hauteur  d'intelligence  ni  délicatesse  de  sentiment  sans 
l'admiration  de  JÉsts-CaRisT.  Rappelons  ici  le  discernement 
dont  j'ai  jwrlé  ;  et  sur  ce  que  nous  voyons  des  derniers  efforts 
de  l'esprit  humain,  examinons  sincèrement  s'il  est  en  nous 
d'aller  jus(]ue-là.  Que  Socrate  et  Ëpictète  paraissent,  et  qu'au 
même  temps  que  tous  les  hommes  du  monde  leur  céderont 
pour  l«'5  maiirs,  ils  reconnaissent,  eux-mêmes,  que  toute  leur 
jusliri-  ri  luiilc  leur  vertu  s'évanouit  comme  une  ombre,  et 
!('aii«-.'iiitit  devant  celle  de  Jésus-Christ.  Ils  nous  apprennent, 
à  la  vérité,  que  tout  ce  qui  ne  dépend  point  de  nous  ne  nous 
touche  point,  que  la  mort  n'est  rien,  que  nous  ne  devons 
faire  aux  autres  que  ce  que  nous  voudrions  qu'on  nous  fit. 
Ce  serait  quelque  chose,  s'il  n'y  avait  que  des  hommes,  et 
<|u  il  ne  s'agit  que  de  régler  une  république,  et  de  passer  dou- 
(•'iiicnt  cette  vie.  Mais  que  ce  mépris  de  la  mort  est  difficile 
dans  l'attente  de  l'anéantissement,  et  qu'il  est  peu  capable 
d'en  consoler  !  Et  s'il  y  a  un  Dieu,  qu'ils  l'ont  cru  facile  à 
ilenter.  et  que  cette  vertu  toute  nôtre,  qui  ne  vient  point 
de  lui.  et  ne  tend  |K>int  k  lui.  qui  n'est  fondée  que  sur  nos 
intérêts  et  nos  commodités,  doit   peu  nous  faire  espérer  en 

ptiiséis  OB  rASCfti..  i  —  15 


Gctsvi  DISCOURS  SUR  LES  PENSÉKS. 

mourant  d'en  être  bien  traita,  si  nou»  avons  quelque  itUe 
de  oe  qu'on  lui  doit  I 

Que  nous  ont>ib  «pprô  propremeot  qu'à  faire  bonne  mine 
au  milieu  de  nos  misères  ?  Et  quand  ils  auraient  élé  jusqu'à 
la  source  en  quelque  chose,  nous  ont-ib  découvert  à  fond 
notre  corruption  et  notre  impuissance,  et  d'où  nous  en  devons 
attendre  les  remèdes?  Cet  amour-propre  qui  se  cfati 
tout,  et  l'orgueil,  ou  du  moins  cet  applaudissement  . 
dont  on  se  repaît  au  défaut  de  la  gloire  et  des  richesse»,  sont- 
ik  guéris  par  leurs  préceptes  P  Kt  combien  de  gens  ont  euc^ 
tement  pratiqué  toutes  leurs  maximes,  et  s'en  sont  préférés 
aux  autres,  qui  auraient  pourtant  eu  honte  qu'on  vit  ce  qui 
se  passait  dans  leur  cœur  ?  Toute  l'hoonéli-lé  humaine,  à  le 
biMi  prendre,  n'est  qu'une  fausse  imitation  de  la  charité,  celle 
divine  vertu  que  Jésus-Curist  est  venu  nous  enseigner,  et 
jamais  elle  n'en  approche.  A  quelque  point  qu'elle  l'imite,  il 
y  manque  toujours  quelque  chose  :  ou  plutôt  tout  y  manque, 
puisqu'elle  n'a  pas  Dieu  pour  son  unique  but.  car  quoi  que 
puissent  prétendre  ceux  qui  l'ont  portée  le  plus  haut,  la  jus- 
tice dont  ils  se  vantent  a  des  bornes  bien  étroites,  et  ils  ne 
jugent  que  de  ce  qui  se  passe  dans  leur  enceinte,  qui  ne  va 
pas  plus  loin  que  l'intérêt  et  la  commodité  des  hommes.  Il 
n'y  a  que  les  disciples  de  itsts-CnaisT  qui  sont  dans  l'ordre 
de  la  justice  v  >i«*nt  universelle,  el  qui,  portant  leur 

vue  dans  l'inii  -tit   de   toutes  chosM   par   une  règle 

infaillible,  c'esl-à-dirc  par  la  justice  de  Dieu.  Que  ne  doivent- 
ils  donc  point  à  celui  qui  a  dissipé  les  nuages  qui  la  cou- 
vraient depuis  si  longtemps,  et  qui  leur  a  appns  qu'ils 
devaient  aspirera  l'éternité,  et  les  véritables  movons  d'y  Arri- 
ver? Et  comment  pourraient-ils  prendre  pour  un  honitnc 
comme  les  autres  celui  qui  non  seulement  a  si  bien  connu  («iii- 
justice,  mais  qui  l'a  encore  si   ponctuellement  accomplie  : 

Puisqu'à  en  juger  sainement,  il  n'est  pas  moins  au-dessus  de 
homme  de  vivre  comme  il  •  vécu,  et  comme  il  vent  que 
nous  vivions,  que  de  ressosciler  les  morts  el  de  trensporler  les 
montagnes?  Enfin,  s'il  n'y  a  point  de  Dieu,  il  est  inconoe- 
rable  qu'une  aussi  haute  idée  que  celle  de  la  religion  chré- 
tienne paisse  naître  dans  l'esprit  d'un  homme,  et  qu'il  puisse 
y  ODaiormer  se  rie  :  et  s'il  y  en  a  un.  JÉsus-Caaisr  a  dû  avoir 
si  étroit  avec  lui  pour  en  parler  comme  il  a 


blâCOCRS  SUR  LES  PENSÉES.  ccxxvn 

fait,  qu'il  mérite  bien  d'être  cru  de  tout  ce  qu'il  a  dit.  jus- 
qu'à ne  point  douter  qu'il  ne  soit  son  fils,  puisqu'il  est 
impossible  qu'une  si  effroyable  imposture  eût  été  accompa- 
gnée d'une  si  grande  abondance  de  grâces. 

On  ne  peut  faire  que  d'inutiles  efforts  pour  exprimer  ce 
qu'on  pense  des  grandeurs  de  Jésus-Christ  ;  et  quelque 
imparfaites  que  soient  les  idées  qu'on  en  peut  avoir,  elles 
passent  encore  iiiliiiiment  nos  expressions.  Peut-être  même 
ne  ferais-je  que  rebattre  ce  que  M.  Pascal  nous  en  a  laissé 
dans  de  certains  traits  à  peine  touchés,  mais  si  vifs,  qu'il  est 
aisé  de  voir  que  peu  de  gens  en  ont  été  plus  pénétrés.  J'ajou- 
terai sciilemetil  que  comme  la  doctrine  de  Jésls-Christ  est 
raccoiiipli^sement  de  la  loi.  sa  personne  l'est  aussi  de  nos 
prctj\f<«  :  et  (|ii'il  a  si  divinement  rempli  toutes  les  merveilles 
que  les  proplii-tes  en  ont  prédites,  qu'on  ne  saurait  dire 
lequel  est  le  plus  extravagant,  ou  de  douter,  comme  font  les 
athées,  qu'il  ait  été  promis  un  Messie,  ou  de  croire,  avec  les 
Juifs,  qu'il  soit  encore  à  venir. 

Que  ceux  qui  sentiront  quelque  doute  là-dessus,  et  que 
cette  vie  divine  ne  touchera  pas.  s'examinent  à  la  rigueur  : 
ils  trouveront  assurément  que  la  difTiculté  qu'ils  ont  à  croire 
ne  vient  que  de  celle  qu'ils  auraient  à  obéir  ;  et  que  si  Jésus- 
CuRisT  s'était  contenté  de  vivre  comme  il  a  fait,  sans  vouloir 
qu'on  l'imitât,  ils  n'auraient  nulle  peine  à  le  regarder  comme 
un  objet  digne  de  leurs  adorations.  Mais  au  moins  que  cela 
leur  rende  leurs  doutes  sus|)ects  ;  et  s'ils  connaissent  bien  le 
{louvoir  du  cœur,  et  de  quelle  sorte  l'esprit  en  est  toujours 
entraîné,  qu'ils  se  regardent  comme  juges  et  parties  ;  et  que, 
pour  en  juger  équitabicmrnt.  ils  essa^rent  d'oublier  pour  un 
temp  le  malheureux  intérêt  qu'ils  y  peuvent  avoir.  Autre- 
ment il  ne  faut  \ms  qu'ils  s'attendent  de  trouver  jamais  de 
lumière  :  la  dureté  de  leur  cœur  résistera  toujours  aux 
preuves  de  sentiment,  et  jamais  les  autres  ne  pourront  rien 
sur  les  nuages  de  leur  esprit. 

(^la  est  étrange  ;  mais  cependant  il  n'est  que  trop  vrai  : 
non  seulement  les  dioses  qu'il  faut  sentir  dépendent  du 
cœur,  mais  encore  celles  qui  appartiennent  à  l'esprit.  lont<|ue 
le  cœur  y  peut  avoir  quelque  part.  En  sorte  qu'a>ec  plus  de 
lumière  et  de  vérité  qu'il  n'en  faut  pour  convaincre,  elles  ne 
le  font  pourtant  jamais,  et  ne  portent  jamais  à  agir,  que  le 


DISCOUKS  SUR  LES  PENSÉES. 

OQMir  ne  n  toit  rendo  ;  atun  ne  le  feruent^le»  cru'inutil^ 
meal  ttnt  oeU.  Et  c'est  ce  qui  fait  le  mérite  dei  bonnci 
actiont.  et  la  malice  de*  mauvaise*.  Car  tant  qu'il  n'y  a  que 
l'eaprit  qui  agit,  ou  il  juge  bien  :  et  ce  n'ett  que  voir  œ  qui 
est.  à  quoi  il  n'j  a  point  de  mérite  :  ou.  s'il  juge  mal.  il  croit 
voir  ce  qu'il  ne  voit  pat  :  ce  qui  n'est  qu'une  erreur  de  (ait. 
qui  ne  Murait  Atrc  criminelle.  Mais  dès  que  le  cœur  s'y 
mêle,  et  qu'il  fait  que  l'esprit  juge  bien  ou  mal.  selon  qu'U 
aime,  ou  qu'il  hait  :  il  arrive,  ou  qu'il  satisfait  à  la  loi  en 
aimant  ce  qu'il  doit  aimer,  ce  qui  ne  peut  être  sans  mérite  ; 
ou  qu'en  aimant  ce  qu'il  doit  haïr,  il  viole  la  loi.  ce  qui  n'esl 
jamais  excusable.  C'est  ce  qui  fait  encore  que  Dieu  ne  vou- 
lant pas  qu'on  arrivât  à  le  connaître,  comme  on  arrive  aui 
véritÂs  de  géométrie,  où  le  coeur  n'a  point  de  part  :  ni  que 
lea  bons  n'eussent  aucun  avantage  sur  les  méchants  dans  cette 
recherche,  il  lui  a  plu  de  cacher  sa  conduite,  et  de  mêler 
tellement  les  obscurités  et  la  clarté,  qu'il  dépendit  de  b  diqx>- 
■tioo  du  cœur  de  voir,  ou  de  demeurer  dans  lea  ténèlvea. 
En  sorte  que  ceux  il  qui  il  se  cache  ne  doivent  jamais  rien 
eyérer,  qu'ils  ne  se  soient  mis.  autant  qu'ils  le  peuvent, 
dans  l'état  de  ceux  qui  l'ont  trouvé.  Mais  k  peine  auront-ils 
cessé  de  compter  pour  quelque  chose  ces  miséraUet  fasens 
qu'on  veut  leur  ôter.  à  peine  commenœroni-il*  à  croire  mm 
û  pauvreté  peut  n'être  pas  un  mal.  qu'on  peut  aimer  les 
outrages  et  les  mépris,  qu'il  n'y  a  rien  à  fuir  que  d'être  désa- 
gréable à  Dieu,  et  rien  à  chercher  que  de  lui  plaire  :  que 
tout  leur  sera  clair  :  ou  que.  s'il  leur  reste  quelque  obacurité. 
il  leur  sera  clair  au  moins  qu'elle  n'est  que  pour  eitax  qui 
voudront  s'y  arrêter. 

Il  a  plu  i  Dieu,  par  exemple,  d'envoyer  son  Fils  unique 
sur  la  terre  pour  sauver  les  hommes,  et  pour  y  être  eo  méîne 
temps  une  pierre  d'achoppement  et  un  objet  de  oontndidtoo 
à  ceux  qui  s'en  rendraient  indignes.  Pouvait-il  rien  faire  de 
mieux  que  ce  qu'il  a  fait  pour  cela  ?  Il  a  voulu  qu'il  naquit 
de  parents  obscurs  :  il  lui  a  fait  passer  sa  vie  sans  avoir  où 
reposer  sa  tète  :  il  ne  lui  a  donné  que  des  gens  de  la  lie  du 
pcmle  à  sa  suite  ;  il  n'a  pas  voulu  qu'il  dit  un  mol  de  science, 
ni  a»  toot  ce  qui  passe  pour  grand  entre  les  hommes  :  il  l'a 
fut  passer  poor  un  imposteur  :  il  l'a  fait  tomber  entre  las 
mains  de  ses  eonemb.  trahi  par  un  do  ses  disciples  «1  aba»- 


DISCOURS  SUR  LES  PENSÉES.  ccxxu 

donne  de  tout  le  reste  ;  il  l'a  fait  trembler  aux  approches  de 
la  mort,  qu'il  a  soufferte  en  public,  et  comme  un  criminel  : 
par  où  pouvait-il  mieux  le  déguiser  k  ceux  qui  n'ont  de  goût 
que  pour  la  grandeur  humaine,  et  qui  sont  sans  yeux  pour 
la  vt-rilablc  sagesse? 

Mais  aussi  il  lui  a  fait  commander  à  la  mer  et  aux  vents,  à 
la  mort  et  aux  démons  ;  il  lui  a  fait  lire  dans  l'esprit  de  ceux 
qui  lui  parlaient  :  il  a  répandu  son  esprit  sur  lui.  et  lui  a 
mis  à  la  bouche  des  choses  qui  ne  pouvaient  venir  que  d'un 
Dieu  ;  il  lui  a  fait  prier  de  celles  du  ciel  d'une  manière  qui 
Mil  |i.isse  infiniment  tous  les  bommes  :  il  a  voulu  qu'il  leur 
;i[>|)ril  l'état  de  leur  coeur,  et  par  où  ils  pouvaient  sortir  de 
leurs  misères  ;  il  l'a  fait  vivre  sans  la  moindre  ombre  de 
péché,  en  sorte  que  ses  plus  cruels  ennemis  n'ont  pas  seule- 
ment trouvé  de  quoi  l'accuser  ;  il  lui  a  fait  prédire  sa  mort 
et  sa  n'*surrection,  et  il  l'a  tiré  du  tombeau.  Qu'y  avait-il  de 
plus  proprf  .1  l'fMiiiMVher  d'être  méconnu  de  ceux  qui  aiment 
la  vt'rilalilo  grarniiMir  et  la  véritable  sagesse  ?  Enfin,  parce  que 
tout  l'univers  et  tous  les  temps  y  avaient  part,  et  aux  mêmes 
conditions  d'obscurité  pour  les  uns.  et  de  clarté  pour  les  autres, 
il  a  voulu  qiip  son  histoire  ne  fût  écrite  que  par  ses  disciples, 
pour   '  suspecte  à  ceux  qui  cherchent  à  se  tromper  ; 

et  qu  •  ut  ensemble  la  plus  indubitable  de  toute»  les 

histoires,  alin  qu'ils  fussent  inexcusables. 

(^ar  en  un  mot,  et  sans  entrer  dans  ce  champ,  infini,  si  elle 
n'est  pas  véritable,  il  faut  que  les  apûtres  aient  été  trompés. 
ou  qn  ^  ;  et  l'un  et  l'autre  sont  égale- 

ment I  it   se  ptourrait-il  qu'ils  eussent 

été  abusés,  eux  qui  non  seulement  se  disent  témoins  de  tous 
1rs  prrKlipes  de  la  vie  de  J^.sls-Christ.  mais  qui  crovaient 
même  avoir  roru  le  don  d'en  faire  de  semblables?  Pouvaient- 
\U  V  lrom|ior  à  savoir  s'ils  guérissaient  eux-mêmes  les  mala- 
dies rt  »  ils  ressuM  liaient  les  morts?  Et  quelle  autre  marque 
eusM>nt-ils  pu  demander  pour  s'assurer  de  cette  vérité?  Mais 
si  J^.sls-Christ  leur  en  avait  fait  accroire  pendant  sa  vie, 
comment  ne  se  sont-ils  pas  désabusés,  après  l'avoir  vu  mourir, 
puisqu'ils  le  croyaient  véritablement  Dieu,  c'cst-l-dire.  maître 
de  la  mort  et  de  la  vie?  Car  pour  les  disciples  de  Mahomet, 
par  ctcrnpie.  qui  ne  s'est  dit  que  prophète,  il  est  aisé  qu'ils 
aiint  .liiiieuré  dans  l'erreur  apr^  sa  mort,  et  il  s'est  bien 


oexxt  DISCOURS  SUR  LF.S  PENSÉES. 

gardé  de  leur  promettre  qu'ils  le  revemient.  Mab  il  n'en  «A 
pu  de  mèoM  de  ceux  de  Jt»os-Cniit«T.  qui  a  bien  été  phn 
hardi.  Anaai  reconnaiMcnt-ils  que  s'il  n'nt  point  reaaoadié. 
tout  ce  qu'ils  ont  dit  et  fait  n'est  rien.  C'est  de  là  qu'il*  ont 
tirétoui  '  rmet^.  et  il  est  hors  de  toute  apparence,  et 

même   i  !•■.    qu'ils   ne  cni«ent  au   moins  l'avoir  ru 

depuiitsa  mort,  ri  qu'il»  ne  le  missent  avec  la  flemière  asau- 
rancc,  pour  »'cxpo«cr  à  tout  ce  qu'ils  ont  souffert,  et  pour 
appuyer  uniquement  U-desaus  œ  grand  ouvrage,  où  ils  ont 
si  I     ,  I    réussi.    Or  cela    étant,   comment  peut-on 

s'il  ^   aient  tous  cru  si   fortement  une  chose  si 

dit'  nrr.  et  dont  les  yeux  seuls  sont  juges?  L'ont-ils 

tou  ....^■.  !  a  une  nuit  ?  car  ils  disent  tous  l'avoir  vu.  et  nous 
les  traitons  ici  de  gens  de  bonne  foi.  Elst-oe  un  fantôme  qui 
les  a  abusés  pendant  quarante  jours,  ou  quelque  imposteur 
qui  leur  a  fait  accroire  (]u'il  était  cet  homme  qui  venait  de 
mourir  k  leurs  veux,  et  qu'ils  avaient  mi<>  dans  le  tombeau, 
et  qui  a  ensuite  trouvé  le  secret  de  s'élever  dans  le  del  i 
leur  vue  ?  Cela  serait  ridicule  k  dire,  et  d'autant  plus  que 
l'on  voit  asaei,  par  ce  qui  nous  reste  d'eux,  qu'ils  n'étaient 
pas  aaseï  simples  pour  croire  que  si  Jésis-Christ  n'eût  été 
qu'un  homme  ordinaire,  il  eût  pu  se  reasu»'  nième. 

On  serait  tout  aussi  mal  fondé  à  dire  que  1<  '  >  aient 

été  des  trompeurs,  et  qu'apr^s  la  mort  de  leur  .Maître  lisaient 
concerté  entre  eux  de  dire  qu'il  était  ressuscité,  et  prétendu 
que  tout  l'univers  les  en  crût  sur  leur  parole  :  car.  quoiqu'on 
dise  que  les  hommes  sont  naturellement  menteurs,  cela  n'est 
pas  vrai  dans  le  sens  où  on  le  prend  d'nniinaire.  Ils  naissent 
tels  véritablement,  en  ce  qu'ils  naissent  ennemis  de  Dieu, 
qui  est  la  souveraine  vérité,  et  que  leur  cœur  les  portée  des 
dioiea  vaines  et  fausses  qu'ils  regardent  mmme  tr^  réellea. 
Mab  hors  de  là  il  est  certain  qu'ils  aiment  natorellemenl  à 
dire  vrai,  et  cela  ne  saurait  être  autrement  :  la  pente  naturelle 
allant  i  dire  ce  que  l'on  sait,  ou  du  moins  ce  que  l'on  croit. 
c'eat-4-dire  ce  qui  est  vrai  en  soi.  ou  à  l'égard  de  celui  qui 
le  dit.  Au  lieu  que  pour  le  mensonge,  il  faut  de  la  délibéra- 
tion et  du  dessein,  il  faut  se  donner  la  peine  d'inventer.  Auiai 
voit -on  qu'ils  ne  mentent  jamais  que  pour  l'intérêt,  ou  pour 
la  gloire:  encore  faut-il  qu'ils  n'y  puissent  arriver  autrement; 
et    ils   prennent  même    bien   earde  que  re  qu'ils  disent  soit 


DISCOURS  SUR  LES  PENSÉES.  rcxxxt 

vraisemblable,  et  qu'on  n'en  puisse  découvrir  la  fausseté,  sur- 
tout si  les  conséquences  en  sont  dangereuses  :  et  quand  il  s'en 
trouverait  qui  prendraient  plaisir  à  mentir  pour  mentir,  ils 
ne  songi-nl  qu'à  en  jouir  dans  le  moment,  et  non  pas  à  rien 
établir  df  solide  sur  leur  mensonge.  Ainsi  il  est  sans  doute  que 
les  apùlrcâ  n'ont  pu  avoir  dessein  d'imposer  dans  ce  qu'ils 
ont  dit  de  la  résurrection  de  Jéscs-Cbrist.  Quels  gens  étaient- 
re  pour  se  faire  croire  ?  et  quelle  autorité  leur  donnait  pour 
cola  l*»nr  rani?  entre  les  Juifs,  ou  leur  mérite?  N'avaient-ils 
r:  le  plus  fin  qu'un  mensonge  si  grossier,  dont 

il  ■  les  convaincre,  et  dont   ils  n'eussent  donné 

pour  toutes  preuves  que  le  rapport  de  ses  disciples?  Et 
comment  pourrait-on  se  figurer  qu'ils  eussent  été  assez  hardis 
pour  aller  attaquer,  sur  un  semblable  fondement,  tout  ce 
qu'il  Y  avait  de  grand  parmi  les  Juifs,  et  de  puissant  sur  la 
terre,  et  entreprendre  de  changer  une  religion  aussi  ancienne 
que  le  monde,  et  appuyée  sur  une  infinité  de  miracles  aussi 
ixiblir;;  que  celui-là  aurait  été  particulier  pour  eux?  Il  ne 
stiilis^iit  pas  qu'ils  fussent  fourbes,  pour  former  un  si  étrange 
dessrin:  il  fallait  encore  qu'ils  eussent  jjerdu  le  sens;  et  en 
ce  cas  l'imposture  n'eût  guère  duré.  Et  quand  ç'auraient  été 
les  plus  habiles  gens  du  monde,  comme  ils  l'ont  paru  depuis, 
ils  n'en  auraient  que  mieux  vu  ce  qu'il  y  avait  à  craindre, 
combien  il  était  difllcile.  légers  et  changeants  comme  sont 
les  hommes,  que  quelqu'un  d'eux  ne  se  laissât  gagner  aux 
promesses,  ou  aux  menaces  :  et  enfin  qu'il  était  de  la  dernière 
extravagance  de  s'exposer  do  galté  de  cœur  aux  tourments,  et 
à  la  mort  qui  leur  était  assun'r.  s<^)it  cjnr  l'imposliirc  fût 
découverte,  ou  qu'elle  réussit. 

Je  n'entreprendrai  pas  d'entrer   jtin*  lu-»  cr  cju  on 

|M«ut  dire  pour  la  vérité  de  l'histoire  évnn.  ,  >ur  laquelle 
M.  Pascal  nous  a  laissé  de  si  belles  rrmariiuc:^.  mais  qui  ne 
sont  presffue  rien  au  prix  de  ce  qu'il  eût  fait,  s'il  eût  vécu.  11 
avait  tant  de  pt^nélration  pour  ces  choses-là.  et  c'est  une 
Mtnrrc  ù  inépuisable,  qu'il  n'aurait  jamais  cessé  d'y  faire  de 
ti' Il  M  Iles  dÂaouTCfles.  Que  n'eût-il  point  dit  du  style  des 
«'•*an;:<'li'*l»-  ■       '     '  '  > ,'%  en  particulier 

et  <!<•  jour»  '  ton  s'est  ét.iblie. 

et  de  l'état  ou  elle  est.  (i<  itilé  de  miracles, 

de   martyr*   '•'    ■'"    ""■'  ut  de  choM«s  qui 


ectsxa  DI8G0nR.S  80B  LES  PENSÉES. 

marquent  qu'il  «al  tmpoMible  que  le«  hnmmM  Mois  •*•« 
•oient  mêlé»  )  Quand  je  tarais  auMÎ  capable  que  je  le  suis 
peu.  de  Mippléer  à  ton  défaut,  oe  n'en  e«t  pas  id  le  lieu  :  oa 
serait  achever  son  ouTra^.  dont  je  n'ai  voulu  que  montrer 
le  plan.  Mats  quoique  je  m'en  sois  mal  acquitté,  et  quelque 
imparfait  que  nous  I  ayons,  c'est  toujours  asaei  pour  faire 
voir  (|U(>I  il  eût  éiè.  et  même  plu»  qu'il  n'en  faut,  pour  pro* 
duirc  l'ciïct  qu'il  souhaitait  dans  l'esprit  de  ceux  qui  voudront 
bien  se  servir  de  leur  raison.  Car.  enfin,  il  n'a  pas  prétendu 
donner  la  foi  aux  hommes,  ni  leur  changer  le  oour.  Son  but 
était  de  prouver  qu'il  n'y  avait  point  de  vérité  mieux  appuyée 
dans  le  monde  que  relie  de  la  religion  chrétienne  :  et  que 
ceux  qui  sont  assez  malheureux  pour  en  douter,  sont  viâble- 
ment  coupables  d'un  aveuglement  volontaire,  et  ne  sauraient 
•e  plaindre  (|ue  d'eux-mêmes.  Et  c'est  ce  qui  paraîtra  claire- 
ment Il  quiconque  voudra  prendre  la  choêe  d'aussi  loin  que 
lui.  et  envisager  tout  h  la  fois,  et  sans  prévention,  cette 
longue  suite  de  miracles  et  de  prophéties  :  cette  histoire  si 
suivie,  et  plus  ancienne  que  tout  ce  qu'on  connaît  dans  le 
monde,  et  tout  ce  qu'il  trouvera  dans  ce  recueil.  Je  dis  sans 
prévention,  parce  qu'il  en  faut  au  moins  quitter  une.  k 
laquelle  il  est  bien  aisé  de  renoncer,  quand  on  se  fait  justice, 
c'eat-i-dire  k  ne  vouloir  croire  que  ce  qu'on  voit  sans  la 
moindre  difficulté.  Car.  quand  nous  ne  serions  pas  avertis  de 
la  part  de  Dieu  même  de  ce  mélange  de  l'obsc  '    u'-a. 

nous  sommes  faits  d'une  manière  que  ceb  n<  >is 

arrêter. 

Il  est  uns  doute  que  toutes  les  vérités  sont  étemelles, 
qu'elles  sont  liées  et  dépendantes  les  unes  des  autres  ;  et  cet 
enchaînement  n'est  pas  v    '  *        i  les  vérités  naturellea 

et  mcn-ales:  mais  encore  |  ^  «le  fait,  qu'on  peut 

dire  auan  en  quelque  f)  lisqu'étant  toutea 

asaignées  àdecertainapoiii  ^  de  l'espace,  elles 

composent  un  corps  qui  subsiste  tout  à  la  fois  pour  Dieu. 
Ainsi,  si  les  hommes  n'avaient  point  l'eqirit  borné  et  plein 
de  nuagea,  et  que  ce  grand  pays  de  la  vérité  leur  fût  ouvert. 
et  ezpoaé  tout  entier  k  leurs  yeux,  comme  une  province  dans 
une  carte  géographique,  ils  auraient  raison  de  ne  vouloir  rien 
recevoir  qui  ne  fût  de  la  dernière  évidence,  et  dont  ils  ne 
vtseent  tous  les  principes  et  toutes  lea  suites.  Mais  puisqu'il 


DISCOURS  SDR  LES  PENSÉES.  ccxxxm 

n'a  pas  plu  à  Dieu  de  les  traiter  si  avantageusement,  et  qu'il 
n'y  a  point  été  obligé,  il  faut  qu'ils  s'accommodent  à  leur 
condition  et  à  la  nécessité,  et  qu'ils  agissent  au  moins  raison- 
nablement dans  l'étendue  de  leur  capacité  bornée,  sans  se 
réduire  à  l'impossible,  et  se  rendre  malheureux  et  ridicules 
tout  ensemble. 

S'ils  peuvent  une  fois  se  résoudre  à  cela;  bien  loin  de 
résister,  comme  ils  font  souvent,  k  l'éclat  lumineux  que  cer- 
taines preuves  répandent  dans  l'esprit,  ils  reconnaîtront  sans 
peine,  qu'ils  >«'  dciivoiit  contenter  en  toutes  choses  d'un  rayon 
de  lumière,  quelque  médiocre  qu'il  leur  paraisse,  pourvu  que 
ce  soit  une  véritable  lumière;  que  les  preuves  qui  concluent 
sont  quelque  chose  de  réel  et  de  positif,  et  les  difficultés  de 
simples  négations,  qui  viennent  de  ne  pas  tout  voir;  et  que, 
comme  il  y  a  des  preuves  lumineuses  qui  ne  laissent  aucune 
obscurité,  il  y  en  a  aussi  qui  éclairent  assez  pour  voir  sûre- 
ment quelque  chose  :  aprt's  quoi,  quelque  difficulté  qu'il  reste, 
elle  ne  saurait  plus  empêcher  que  ce  qu'on  voit  ne  soit,  et  ce 
n'est  plus  que  le  défaut,  ou  de  celui  qui  montre,  et  qui  ne 
peut  tout  éclaircir,  ou  de  celui  qui  veut  voir,  et  qui  n'a  pas 
la  vue  assez  bonne.  Car,  enfin,  il  y  a  une  infmité  de  choses 
qui  ne  laissent  pas  d'être,  pour  être  incompréhensibles:  et  il 
serait  ridicule,  par  exemple,  de  vouloir  revenir  contre  des 
démonstrations,  parce  qu'elles  auraient  des  conséquences 
dont  on  ne  verrait  pas  bien  clairement  la  liaison. 

S'il  n'y  avait  rien  d'incompréhensible  que  dans  la  religion, 
peut-être  y  aurait-il  quelque  chose  à  dire.  Mais  ce  qu'il  y  a 
de  plus  connu  dans  la  nature,  c'est  que  presque  tout  ce  que 
nous  savons  qui  est,  nous  est  inconnu,  passé  de  certaines 
bornes,  quoique  nous  l'ayons  comme  sous  nos  yeux,  et  entre 
no4  mains.  Au  lieu  que  la  religion  a  cet  avantage,  que  ce  que 
nous  n'en  comprenons  pas  se  trouve  fondé  sur  la  nature  de 
Dieu  et  sur  sa  justice,  dont  il  est  bien  certain,  quel  qu'il 
soit,  que  nous  n'en  saurions  conoaltre  que  ce  qu'il  lui  plaira 
de  nous  en  découvrir.  Tenoii»-ooa»-en  donc  Ik.  et  lui  rendons 
grAc«»s  <!  l'r.'  pour  marcher  en  assu- 

rance.   .  |it>s  de  notre  soumission  à 

des  clio^ies  qu'on  m-  Murait  comprendre,  reconnaissent  quelle 
est  leur  injustice;  puisqu'on  ne  la  leur  demande,  qu'après 
avoir  montré,  par  une  infinité  de  preuves,  qu'il  faut  être  sans 


eaim  DISCOURS  SDR  LES  PKNSÈRS. 


pour  ne  pu  n'y  •oiimellre.  Car.  «pris  tout,  v  a-t-il 
quelqu'un  ano  hardi  entre  Im  hommea  pour  loutenir  que 
Dieu  ail  dû  faire  quelque  cboM  de  plut  que  w  qu'il  a  fiut. 
et  pour  M  croire  ta  droit,  plutôt  qu'un  autre,  de  lui  deniAii* 
der  un  miracle  en  aon  particulier,  au  moindre  doute  que  loo 
cour  lui  Miggérera?  ou.  s'il»  n'ont  pas  plus  de  privilège  poor 
cela  let  uns  que  les  autres,  faut-il  qu'il  se  rende  Tiaime  à 
tous  les  hommes,  et  qu'il  vienne  tous  les  jours  se  préaeoler 
k  leurs  yeux  comme  le  soleil  ?  Et  quand  il  le  ferait,  que 
aavent-iU  s'ils  n'en  douteraient  point  encore  toutea  les  nuits; 
puisqu'cnHn.  s'il»  n'en  ont  des  nuuques  auaat  MMÎblea.  ib 
en  ont  au  moins  d'aussi  grandes  et  d'auari  oertainea  anx- 
quellea  ils  restent,  comme  l'accomplissement  des  prophéties 
qui  est  un  miracle  permanent,  et  que  jusqu'à  la  Gn  du  monde 
tous  les  hommes  pourront  voir  de  leurs  propre*  yeux  et 
loates  les  fois  qu'il  leur  plaira. 

Mais  la  y/énlé  est  que  ce  n'est  point  le  nunqoe  de  preovea^ 
qui  les  arrête:  ce  n'est  que  leur  négligence  h  s'éclaircir.  et  la 
dureté  de  leur  cœur;  et  c'est  ce  qui  fera  que.  quoiqu'il  n'ait 
rien  paru  jusqu'ici  de  plus  propre  à  tirer  les  gens  de  cet 
«SKMipiaaement  que  les  écrits  de  M.  Pascal,  il  cal  cependant 
comme  assuré  qu'il  n'y  en  aura  que  très  peu  qui  en  profite- 
ront.  et  qu'à  en  juger  par  l'événement,  ce  ne  sera  que  pour 
les  vrais  chrétiens  qu'il  aura  travaillé,  en  s'efforcent  de 
prouver  la  vérité  de  leur  religion.  Je  dis  ceci  sans  aucun 
égard  à  la  nécesaité  de  l'inspiration  de  la  foi  pour  croire  avec 
utilité,  car  les  hommes  n'y  peuvent  rien.  Je  parle  seulement 
de  la  créiance  que  la  raison  |)eul  et  doit  donner  :  et  c'est  à 
quoi  on  ne  voit  guère  moins  de  difliculté.  quand  on  consi- 
dère comment  les  hommes  sont  faits,  et  ce  qui  les  occupe 
dans  le  monde. 

Les  uns  s'appliquent  aux  connaissances,  eus  recherches  de 
l'esprit,  à  l'étude  de  la  nature  ;  et  les  autres  ne  songent  pro- 
prement à  rien,  et  donnent  toute  leur  vie  aux  affaires,  aux 
plaisirs  et  i  la  vanité.  Pour  ceus<i.  qui  font  sans  doute  le 
plus  grand  nomhre.  et  même  le  plus  oonsidérehie,  il  eal  eisé 
de  voir  combien  il  y  en  aura  peu  qui  emploient  seulement 
qoeiqqea  moments  à  la  lecture  de  ce  recueil  ;  et  permi  ceux- 
tt  oomhien  peu  sont  capables  de  l'entendre  et  d'en  être 
loochés  I  Gombien  il  est  difficile  de  faire  entrer  dans  dea 


DISCOURS  SUR  LES  PENSÉES.  ccxxx» 

réflpxions  si  profondes,  des  gens  qui  ont  perdu,  pour  ainsi 
dire,  l'usage  de  penser,  et  qui  n'ont  jamais  fait  le  moindre 
retour  sur  eux-mêmes  !  Ne  suffit-il  pas  que  ce  soient  des 
vérités  détachées  des  sens,  pour  ne  faire  aucune  impression 
sur  des  csprib  nourris  de  faussetés  et  de  chimères,  qui  ont 
ajouté  une  seconde  corruption  à  la  première  corruption  de  la 
nature,  et  qui  n'en  connaissent  pas  seulement  les  misérables 
rosles?  Les  ramènera-t-on  tout  d'un  coup  à  un  point  dont  ils 
ont  pris  le  contre-pied  dh  le  premier  pas  qu'ils  ont  fait  dans 
la  vie?  ou  pour  les  y  ramener  peu  a  peu,  doit-on  s'attendre 
que  n'ayant  de  plaisir  qu'à  ce  qui  flatte  leurs  sens  ou  leur 
intérêt,  ils  en  puissent  prendre  à  se  voir  continuellement 
dire  que  l'ennui  est  leur  plus  grand  bien,  que  leur  plus 
grand  mal  est  de  se  croire  heureux,  qu'ils  n'approcheront  de 
l'être  qu'à  mesure  qu'ils  ranimeront  en  eux  le  sentiment  de 
leur»  misères,  et  qu'il  n'y  a  que  des  fous,  ou  de  vrais  chré- 
tiens, qui  puissent  attendre  la  mort  sans  désespoir  ?  Que  ces 
vérités,  toutes  consolantes  qu'elles  sont  pour  quelques-uns. 
leur  paraîtront  tristes  et  cruelles  !  Qu'elles  trouveront  peu 
d'entrée  dans  ce  violent  tourbillon  de  choses  toutes  contraires, 
dont  leur  coeur  est  sans  cesse  agité,  ou  qu'elles  y  feront  peu 
de  séjour  !  Il  en  sera  tout  au  plus  comme  de  ces  vaines  imagi- 
nations des  spectres  qu'on  dissipe  en  se  passant  la  main  sur 
le*  >oii\;  et  il'*  («Tmeraienl  plutôt  le  livre  pour  jamais,  s'ils 
srntairnt  fjur  <r\n  pût  tirer  à  conséquence,  et  qu'ils  y  entre- 
vissent de  loin  la  ruine  de  ce  faux  bonheur  qui  fait  toute 
l'occupation  et  toute  la  douceur  de  leur  vie. 

Il  ne  serait  pas  mal  aisi^  d'appliquer  une  partie  de  cela  aux 
autrr^  (jui  se  croient  si  fort  au-dessus  de  ceux-là,  et  qui  leur 
ressemblent  f>oiirtant  par  le  plus  essentiel.  Ils  pensent  à  la 
vérité,  ils  ont  en\io  de  r<»nnaltre.  ils  rencontrent  même  quel- 
quefois, et  par  là  iU  se  retfardent  comme  une  espèce  d'hommes 
différents  des  aiilrrs.  ri  les  prenùers  leur  font  pitié.  Mais 
qu'ils  s'en  feraient  à  iiu-im'in«'s.  s'ils  vovaient  une  fois  claire- 
ment le  peu  de  \alfiir  dr  re  (|ui  irur  coûte  tant  de  peine,  et 
qui  les  amuse  ;  et  cjnr  rrjn  même  les  éloigne  de  le  voir  ! 
Quoique  ce  soient  des  vérités  qu'ils  cherchent,  et  que  toute 
vérité  ait  son  prix  par  la  liaison  qu'elle  a  avec  la  vérité  essen- 
tielle, elles  sont  creuses  néanmoins  et  inutiles,  si  elles  n'y 
conduiront:  et  c'en  est  même  si  peu  le  chemin,  que  de  soc- 


cciiivi  DISCOURS  StTR  LRS  PRNS^.R8. 

ruper  de  celles  qui  tourmentent  tant  U  plupart  d«  homoMt. 
que  Dieu  a  voulu  qu'ellea  leur  fuMent  impéoéCraUfls  ;  et  que 
tout  ce  qu'en  ont  trouvé  le»  plus  habUaa,  e'eit  qu'on  n'^r 
saurait  atteindre,  et  qu'on  t'en  ptae  aiaénMot.  CMModanC 
comme  si  oeui-d  savaieal  sûremoit  d'aillflitn  qu'il  n'y  «61 
que  cela  à  connaître  dans  le  monde,  ils  s'y  appliquent  avec 
une  ardeur  infatigable  :  et  ce  peu  de  suoofcs  lea  pique,  au  lieu 
de  Ica  rebuter.  Ils  se  lai«ent  U  comme  des  miaérablat  indigne» 
de  leurs  soins,  et  abandonnent  la  recberdM  de  oe  qu'ils  sont, 
el  de  œ  qu'ils  doivent  devenir,  pour  approfondir  oe  que  les 
sdenoes  ont  de  plus  vain  et  de  plus  cacbé.  sans  songer  qu'il  y 
a  longtemps  qu'on  en  sait  asses  pour  l'usage  de  la  vie.  et 
qu'elle  ne  vaut  pas  la  peine,  s'il  y  manque  quelque  chose. 
qu'on  s'amuse  k  le  chercher.  Aussi  n'est-ce.  i  dire  le  vrai,  ni 
la  commodité  de  la  vie  qui  les  fait  agir,  ni  l'amour  de  la 
vérité,  qu'ils  aiment  rarciiipnt  à  voir  trouver  par  d'autres. 
La  cturigailé  ""'^  'iw  _pousse.  el  la  g'^T  ^<'*"^  p*"»  loin 
que  if  uimij  \m  «ni  fBélÉll^l  '  fli  1l  |lllH«H  même  «ui- 
rpsToiPs  si  opposées  k  la  vérité,  qu'ils  s'en  éloignent  à 
mesure  qu'ils  avancent.  Mais  le  pis  est  que  oda  les  rend  même 
incapables  de  la  voir  quand  on  la  leur  montre,  et  que  se 
remplissant  la  tète  de  ce  qu'on  a  inventé  de  faux,  depuis 
qu'on  raisonne  dans  le  monde,  cette  étrange  eapèce  de  tra- 
dition leur  ôte  tellement  le  goût  de  la  vérité,  que  c'est  pour 
eux  un  langage  inconnu;  et  que  tout  oe  qui  n'est  pas  con- 
forme aux  impressions  qu'ils  ont  reçues,  n'en  saurait  plus 
faire  sur  leur  esprit. 

Il  y  en  a  véritablement  quelques-uns  parmi  ceux-li  qui 
■ont  dans  des  voies  droites,  et  peu  sujettes  à  l'erreur.  Ceux-ci 
ne  se  paient  pas  de  discours,  comme  les  autres:  etparœqu'iU 
charchent  plus  i  connaître  qu'il  parler,  et  qu'ils  ne  donnmt 
leur  créance  qu'k  ce  qu'ils  voient  clairement,  il  leur  arruf 
rarement  de  se  tromper.  Mais  c'est  aussi  ce  qui  renferme 
leurs  connaissances  dans  des  bornes  bien  étroites,  n'y  ayant 
que  tris  peu  de  choses  qui  soient  capables  d'one  éiridrâce  pa- 
reille à  celles  qu'ils  demandent.  Tout  ce  qui  n'est  point  dé- 
moostration  ne  lear  est  rien:  et  sans  songer  qu'il  y  en  a  de 
plus  d'une  sorte,  ils  s'établissent  juges  souverains  de  toutes 
choses  sur  un  petit  nombre  de  principes  qu'ils  ont.  et  na 
veulent  rien  croire  que  oe  qu'on  leur  prouve  à  leor  manière. 


DISCOURS  SUR  LES  PENSÉES.  ccxxxvn 

et  dont  on  ne  leur  puisse  rendre  la  dernière  raison.  Mais  ils 
ne  voient  pas  que  l'avantage  qu'ils  croient  en  tirer,  de  ne 
rien  recevoir  que  d'incontestable,  est  bien  moindre  qu'ils  ne 
ftensent  :  et  que.  bien  loin  qu'ils  se  garantissent  par  là  de 
l'erreur,  c'est  au  contraire  ce  qui  les  y  plonge,  en  les  privant 
d'une  infinité  de  vérités,  dont  l'ignorance  est  une  erreur  très 
grossière  et  très  positive,  et  qu'ils  se  rendent  néanmoins 
presque  incapables  de  goûter.  Car  l'babitude  qu'ils  se  font  de 
ce  doute  [ïerpétuel.  et  de  tout  réduire  aux  figures  et  aux 
mouvements  de  la  matière,  leur  gâte  peu  à  peu  le  sentiment, 
les  éloigne  de  leur  cœur  à  n'y  pouvoir  plus  revenir,  et  les 
i      ''   enfin  à  se  traiter  eux-mêmes  de  machines.  Qu'y  a-t-il 

■  lus  capable  de  les  rendre  insensibles  aux  raisons  et  aux 
preuves  de  M.  Pascal,  quoiqu'ils  aient  moins  de  sujet  que 
|x;rsonne.  de  croire  qu'il  fût  homme  à  s'abuser,  et  que  dans 
leur  ordre  même  ils  l'aient  regardé,  ou  dû  regarder  au  moins 
avec  admiration? 

Enfin,  il  se  trouve  une  certaine  sorte  de  gens  presque  aussi 
rares  que  les  vrais  chrétiens,  et  qui  semblent  moins  éloignés 
que  les  autres  de  le  pouvoir  devenir.  Ceux-là  ont  connu  la 
(  orruption  des  homm^lp"r«  mi»^r«>«,  ël  la.  peiîlesae  de  leur 
j-^rit.  Ils  en  ont  recncrché  des  remèdes,  sans  connaître  le 
fond^u  mal:  cl  regardant  les  choses  d'une  manière  univer- 
selle, autant  qu'on  le  peut  humainement,  ils  ont  vu  ou  cru 
Noir  ce  que  les  hommes  se  doivent  les  uns  aux  autres:  et 
(|iiel(|ues-uns  ont  porté  aussi  loin  qu'il  se  peut  les  recherches 
•  le  l'esprit,  et  l'idée  des  vertus  naturelles.  S'il  y  avait  quelque 
(  hose  de  grand  entre  les  hommes,  et  que  cette  gloire  qu'ils 
|).in(iii  i.(.\oir  les  uns  des  autres  fût  de  quelque  prix,  ceux- 
l.i  -.  iiU  \  {M.iiiraient  prétendre  quelque  j>arl.  Kt  comme  ce 
n'est  proprement  que  parmi  eux  qu'il  y  a  de  l'esprit  et  de 
l'honnêteté,  il  semble  qu'on  en  puis.se  plus  espérer  que  de 
tout  le  reste,  et  qu'ils  n'aient  qu'un  pas  à  faire  pour  arriver 
;iu  christianisme.  Mais  c'est,  à  le  prendre  en  un  autre  sens. 
'  «>  <|)ii  \f^  en  éloigne:  puisqu'il  n'y  a  point  de  maladies  si 
'  i'»  que   celles  qui    ressemblent   à   la  santé,    ni  de 

||  ^  ad  obstacle  à  la  perfrction  (|(i('  de  croire  qu'on  l'a 
trouvée. 

La  charité,  s'il  est  permis  d  uwr  de  cette  comparaison. 
|*cut  être  regardée  comme  un  ouvrage  admirable,  qui  aurait 


ccxixvm  DISCOURS  SUR  LES  PKNStKft. 

élé  mit  enlrv  In  inains  des  liommes.  et  t^ui.  par  le  peu  de 
•oÏD  qu'ils  en  ont  eu.  se  serait  brisé  et  mis  en  pièoaa.  Us  oal 
en  t|ut>l(|uc  façon  senti  leur  perte;  et  recueillant  oe  qui  leur 
restait  du  débris,  ils  en  ont  oompoaé.  comme  ib  ool  pu.  ce 
qu'ils  appellent  l'honnêteté.  Mais  quelle  différenoel  que  de 
vides!  que  de  disproportions  !  ce  n'est  qu'une  misérable  copie 
de  oe  divin  original  ;  et  malheur  k  celui  qui  s'en  oooteote.  et 
qui  ne  voit  pas  que  ce  n'est  que  son  ouvrage.  c'est-&*dire 
rien.  Cep<  >  de  différence,   tout  infinie  qu'elle  est  en 

soi.  est  iiii,  ie  k  ceux  dont  je  parle  ;  et  l'état  où  ik  se 

sont  élevés,  étant  en  efTet  quelque  chose  d'asses  grand,  de  b 
manière  dont  iU  le  regardent,  ils  s'en  remplissent  entière- 
ment, ils  roulent  et  subsistent  U-dessus  jusqu'à  la  mort;  et 
rien  n'est  plus  diflicile  que  de  leur  faire  compter  pour  rien 
ce  qui  les  met  si  fort  au-^esMis  du  reste  des  hoounes.  «I  de 
les  porter  à  se  reconnaître  méchants  :  ce  qui  est  le  rommen- 
ccment  et  la  pcrfcrtion  du  christianisme. 

Voilà  ce  qui  donne  lieu  de  croire  que  peu  de  gens  auraient 
profité  du  livre  de  M.  Pascal,  quand  même  il  aurait  été  dans 
l'état  où  il  le  pouvait  mettre.  Qu'ils  y  songent  pourtant  les 
uns  et  les  autres;  la  chose  en  vaut  bien  la  peine  ;  et  que  ceux 
qui  après  avoir  accommodé  la  religion  chrétienne  à  leur 
cœur,  en  accomplissent  tous  les  devoirs  si  à  leur  aise,  aussi 
bien  que  ceux  qui  se  sont  déterminés  à  ne  rien  croire,  appren- 
nent une  fois,  qu'en  matière  de  religion,  c'est  le  comble  du 
malheur  que  d'avoir  pris  son  |>arti.  si  oe  n'est  h-  !  |<i'il 

n'y  en  .1  qu'un  qui  le  soit.  Quelque  lumière,  qui-i  _  nr 

d'intelligence  qu'on  ait,  rien  n'est  si  aisé  que  de  %'y  t 

surtout  quand  on  le  veut;  et  de  quelque  bonne  foi  a|i,... 

qu'on  se  flatte,  il  est  certain  qu'on  se  repentira  d'avoir  m  •! 
choisi,  et  (|u'on  s'en  repentira  éternellement.  Car  enfin  on  ne 
fait  point  que  les  choses  s4)ionl  à  force  de  se  les  persuader  :  et 
quelque  fondement  qu'on  trouve  dans  ses  opinions,  l'impor- 
tance est  qu'elles  soient  véritables;  et  qu'à  ce  triste  moment 
qui  décidmi  de  notra  état  pour  jamais,  à  l'ouverture  de  ce 
grand  rideau  qui  noua  découvrira  pleineaient  la  vérité,  si 
nous  trouvons  plus  que  nous  ne  savions,  noos  ne  trouvions 
pas  au  moins  le  contraire  de  ce  que  nous  avions  cru. 


RÉSUMÉ  DE  NICOLE.  ccxxxix 

RÉSUMÉ  DES  PENSÉES  PAR  NICOLE 
(^Traité  de  l'Éducation  d'un  Prince.  Seconde  partie.  XLI-XLIII.) 

Tout  doit  tendrr  a  tonner  le  jiii;einent  des  enfants...  Pre- 
mièrement il  faut  tâcher  de  les  aiïermir  dans  la  foi.  et  de  les 
fortilîer  contre  les  maximes  de  libertinage  et  d'impiété,  qui 
ne  se  répandent  que  trop  dans  la  Cour.  Ce  n'est  pas  qu'il 
faille  soumettre  la  religion  à  leur  examen  :  mais  il  faut  les 
faire  entrer  dans  les  preuves  de  la  religion,  sans  qu'ils  les  con- 
sidèrent prevjue  comme  des  preuves,  et  les  accoutumer  à 
regarder  tous  Us  impies  et  les  libertins  comme  les  plus  imper- 
tinents des  hommes. 

Il  faut  leur  faire  remarquer  en  toutes  choses,  dans  eux- 
mêmes  et  dans  les  autres,  l'effroyable  corruption  du  cœur  de 
l'homme,  son  injustice,  sa  vanité,  sa  stupidité,  sa  brutalité, 
sa  nilsore  ;  et  leur  faire  comprendre  par  là  la  nécessité  de  la 
réforinalion  de  la  nature.  Il  leur  faut  dire  qiic  le*  liommes 
avant  cherché  divers  remèdes  alcuf»  malades,  a'ont  fait  que 
nionlrïT  \n  u'randeiir  de  l«'urs  maux,  et  J'iinpiiiManrf  où  ils 
sonf  (le  les  :.'ii)'iii  :  (jiic  et-  remède  ne  pouvant  donc  MirwrTer 
'par  la  laî^xin.  il  fallait  l'apprendre  de  la  raligiai»»  e^— t>A''<lire 
diil^i«Mj  nit^me.  Tî  leur  faut  dire  que  cette  religion  nous 
di'couMc  foiiTlTiin  coup  l'origine  de  nos  maux  que  tous  les 
philusuphe:)  ont  inutilement  cherchée,  en  nous  instruisant 
des  deux  états  de  l'homme,  de  son  innocence  et  de  sa  chute  ; 
et  qu'il!  'Il  apprend  en  même  temps  le  remède  qui 

psl  U  ('  >  d<>  Jésus  Christ.  Il  leur  faut  faify  rBIflif  rT"*** 

«jii  "^  de  toutgii  qu'elle  a 

Il  m  t   conservée  dans  un 

peuple  particulier,  qui  a  gardé  le  livre  qui  la  contient  avec 
un  soin  prodigieux.  Il  leur  faut  relever  les  merveilles  de  ce 
peuple,  et  la  certitude  des  miracles  de  Moïse,  qui  ont  été 
fait<«  il  la  vue  de  six  cent  mille  hommes  qui  n'eussent  pas 
ntan<]iié  de  le  démentir,  s'il  eût  eu  la  hardiesse  de  les  inven- 
ter et  (ïf  h*s  érrin-  dann  un  livre  le  plus  injurieux  qu'il  soit 
possible  d«>  <«'imaginer  a  ce  peuple  qui  le  conservait,  puisqu'il 
découvre  partout  ses  infidélités  et  ses  crimes. 


ean.  RltSDIlft  DE  NICOLE. 

Il  leur  faut  dire  que  ce  livre  prédit  la  venue  d'un  IMdia- 
iMir  et  d'un  Sauveur  :  et  oue  toute  b  religion  â»  et  PMipl* 
ooosutait  à  l'atlendre  et  à  le  figurer  par  toulet  les  oérémo- 
niet.  Que  la  venue  de  ce  Sauveur  a  été  annoncée  par  une 
luite  de  prophMes  miraculeux,  qui  lont  venus  de  tempe  en 
temps  pour  avertir  le  monde  de  m  venue,  et  qui  en  ont  nnarqué 
le  temps,  avec  les  princi|)ales  droonstanoes  de  sa  vie  et  de  sa 
mort.  Qu'il  e»l  venu  ensuite  lui-même  dans  le  temps  prédit  ; 
mais  qu'il  a  été  méconnu  par  les  Juifs  :  parce  que  les  prophètes 
ayant  prédit  deux  avènements  de  ce  Sauveur,  l'un  dans  l'hu- 
milité et  dans  la  bassesse,  l'autre  dans  l'éclat  et  dans  la  gloire, 
l'amour  que  les  Juifs  avaient  pour  les  grandeurs  de  la  terre 
a  fait  qu'ils  ne  se  sont  attachés  qu'à  œ  qui  était  dit  de  l'avé- 
nement  glorieux  du  Messie  :  ce  qui  les  a  empêchés  de  le 
reconnaître  dans  son  avènement  de  basseaie  et  d'humilité.  11 
leur  faut  faire  comprendre  les  raisons  de  celte  conduite  de 
Jésus-Christ,  et  leur  expliquer  les  merveilles  de  sa  vie.  la 
certitude  de  sa  résurrection,  pour  laquelle  tous  ceux  qui  en 
ont  été  témoins  se  sont  fait  martyriser  :  les  miracles  des 
apôtres,  la  ruine  do  Jérusalem  prédite  par  Jésus-Christ,  la 
punition  horrible  des  Juifs,  la  conversion  des  peuples,  en  sorte 
qu'en  moins  de  cent  cinquante  ans  la  foi  de  Jéana  Christ 
était  déjà  répandue  par  tout  le  monde,  et  parmi  les  natâoos 
les  plus  barbares,  comme  saint  Justin  le  remarque  expressé- 
ment dans  son  dialogue  contre  Tryphon  ;  et  enfin  la  force 
admirable  de  cette  religion,  qui  a  subsisté  et  s'est  accrue 
nonobstant  les  cruautés  inouïes  que  les  hommes  ont  exercées 
pour  la  détruire. 

Toutes  ces  choses  étant  imprimées  de  bonne  heure  dans  l'es- 
prit des  enfants,  les  rendent  incapables  d'être  toudiés  des  dis- 
cours des  libertins,  et  leur  font  connaître  qu'ils  ne  vien- 
nent que  d'ignorance  et  d'aveuglement. 

//  vient  de  paraître  un  livre  en  public,  dont  ce  diMcoun  n'es/ 
qmt  r^bré^,  qui  ut  petU-élte  Vuh  dm  plui  ailles  çae  Ton  pm$êe 
maître  entre  Im  maitu  dm  prinem  qm  ont  de  Fe^trU,  wmt  le 
recueil  des  Pensées  de  M.  Pascal.  Outre  Cavantage  ineompa- 
rable  qu'on  en  peut  tirer  pour  le*  affermir  dam  la  vMabU 
reUgion  par  dm  rai$ons  qui  leur  paraîtront  d'autant  pUu  mMdm, 
qu'tli  Im  approfondiront  davantage,  et  qui  laismnt  eeUe  impre»' 
iion  bii  ukU,  qu'il  n'y  a  rien  de  plua  ridicule  que  de  faire 


PLAN  D'APRÈS  Mme  PÉRIER.  ccxu 

vanité  da  libertinage  et  de  Virreligion,  ee  qai  est  plat  important 
qa'on  ne  saurait  croire  poar  les  grands.  Il  y  a  de  plus  un  air  si 
grand,  si  élevé  et  en  même  temps  si  simple  et  si  éloigné  d'affecta- 
tion dans  tout  ce  qail  écrit,  que  rien  n'est  plus  capable  de  leur 
former  Cesprit,  et  de  leur  donner  le  goût  et  Vidée  d'une  manière 
noble  et  naturelle  d'écrire  et  de  parler. 

Le  dessein  qu'avait  M.  Pascal  de  se  renfermer  dans  les  preuves 
tirées,  ou  de  la  connaissance  de  l'homme,  ou  des  prophéties  et  de 
diverses  remarques  sur  f  Écriture,  a  fait  qu'on  n'en  a  pas  trouvé 
d'autres  dans  ses  papiers  ;  et  il  est  certain  qu'il  avait  quelque 
éloignement  des  raisonnements  abstraits  et  métaphysiques,  que 
plusieurs  ont  employés  pour  rétablissement  des  vérités  de  la  foi. 
Mais  il  ne  faisait  pas  le  même  jugement  de  quelques  autres  preuves 
plus  sensibles,  dont  on  se  peut  servir  poar  la  même  fin.  Il  était 
persuadé,  au  contraire,  que  celle  que  l'on  tire  de  ce  que  la  matière 
est  incapable  de  penser,  est  fort  soUde,  et  qu'elle  fait  voir  claire- 
ment que  Vdme  n'est  point  matière,  mais  une  substance  d'un  autre 
genre  qui  n'est  point  attaché  au  corps.  Peut-être  même  que  s'il 
avait  eu  U:  temps  d'exécuter  ce  qu'il  s'était  proposé,  il  aurait 
mis  cette  preuve  dans  son  jour,  aussi  bien  que  quelques  autres  de 
même  nature  ' . 


PLAN  DE  LAPOLOGIE  D'APRÈS  Mur.  PÉRIER 

(Extrait  du  docteur   Besoigoe.   Hisloire    de   VatAaje  de  Port-Royal, 
t  IV.  p.  il69  ) 

\  oici  Ir  jilfin  dr  V(,tvrn<je,  tel  que  .Mme  Périer,  sa  soeur,  le 
rapporte  iluns  su  iic.  Jr  tupienii  sans  rien  changer  ses  propres 
fHiroles  quelle  assure  à  son  tour  être  les  propres  paroles  de  son 
frère. 

S'il  y  a  des  miracles,  il  y  a  donc  quelque  chose  au-dessus 
de  ce  que  nous  appelons  la  nature.  La  conaéqueoœ  est  de  bon 


I.  C'mI  on  àm  points  qui  ImmImoI  la  plus  Nieob;  cf.  U  Diatoart 

Itêsdê 

-JT.bt 

|l  délMtdra  les  voas  propra  k  Pascal,  supra  p.  cxctr  «t  p.  cciliii. 


CM<«mMl  «a  ahré^  les  arta»«  «aterrUct  de  FetitUiiee  de  Dteu  et  de 
Voir  les  fr. 


\rmmoiidUi  de  Vime.  Voir  les  fr.  77.  Sta  et  l'instsUDce  de  la  famille 

it  p.  CCI 

I-  10 


PLAN  D'APRÈS  Mai  PitRIBB. 

sent:  il  n'y  a  qu'à  l'awurer  de  U  certitude  de  la  vérité  des 
miradfli.  Or  il  y  a  des  règles  pour  oelâ  qui  loot  eooora  deaa 
le  boo  Mos.  et  cm  règles  te  trouvent  justes  pour  les  mirides 
qui  sont  dans  l'Ancien  TesUment.  Ces  miradâ  sont  donc  vrais. 
Il  y  a  donc  quelque  chose  au-dessus  de  b  nature. 

Mais  ces  miracles  ont  encore  des  marques  que  leur  principe 
est  Dieu  :  et  ceux  du  Nouveau  TesUment  en  particulier,  que 
celui  qui  les  opérait  était  le  Messie  que  les  hommes  devaient 
attendre.  Donc,  comme  les  miracles  tant  de  l'Ancien  que  du 
Nouveeu  Testament  prouvent  qu'il  y  a  un  Dieu,  ceux  du 
Nouveau  en  particulier  prouvent  que  Jésus-Christ  était  le 
véritable  Messie. 

11  démêlait  tout  cela  avec  une  lumière  admirable,  et  quand 
nous  l'entendions  parler,  et  qu'il  développait  toutes  les  cir- 
constances de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament  où  étaient 
rapportés  ces  mincies,  ils  nous  paraissaient  clairs.  On  ne 
pouvait  nier  la  vérité  de  ces  miracles,  ni  les  conséquences  qu'il 
eti  tirait  pour  la  preuve  de  Dieu  et  du  Messie,  sans  choquer 
les  principes  les  plus  communs,  sur  lesquels  on  assure  toutes 
les  choses  qui  passent  pour  indubitables.  On  a  recueilli  quel- 
que chose  de  ses  Pensée*  :  mais  c'est  peu.  et  je  croirais  ^Ire 
obligée  de  m'étendre  davantage  pour  y  donner  plus  de  jour, 
selon  tout  ce  que  nous  lui  en  avons  oui  dire,  si  un  de  ses 
amis  ne  nous  en  avait  donné  une  dissertation,  sur  les  œuvres 
de  Moise.  où  tout  cela  est  admirablement  bien  démêlé,  et 
d'une  manière  qui  ne  serait  pas  indigne  de  mon  frère*. 

Je  vous  renvoie  donc  à  cet  ouvrage,  et  j'ajoute  seolemenl 
ce  qu'il  est   important  de  rapporter  ici,  que  toutes  les  diffé- 
rentes réfleiions  que  mon  frère  fit  sur  les  miradea  lui  don 
nèrent  batncoop  de  nouvelles  lumières  sur  la  rdigion.  (>>(ihii<- 
toutes  les  vérités  sont  tirées  les  unes  des  autres.  c'<  ' 

qu'il  fût  appliqué  è  une.  les  autres  lui  venaient  tu: 

foule,  et  se  démêlaient  à  son  esprit  d'une  manière  qui  l'en- 
levait lui-même,  à  ce  qu'il  nous  a  dit  soir     /  ''  '  '< 
cette  occasion  qu'il  se  sentit  tellement  aniin 
que.  voyant  dans  les  lumières  que  Dieu  lui  avait  Juuuùo  dt* 

I .  Dmotm  mu  U$  prwmtm  dm  tiares  dr  Jfebr.  par  M.  4«  la  Ckaiw, 
pahliéae  i97S,  avae  la  Dmtmn  mt  le»  pmmit»  àt  Pmoal,  ^a*  non, 
rsfwéaiseai  plas  kaat.  p.  cicii. 


PLAN  D'APBÈS  Mmb  PÈRIER.  ccxuu 

quoi  les  convaincre  et  les  confondre  sans  ressource,  il  s'ap- 
pliqua à  cet  ou\Tage.  dont  les  parties  qu'on  a  ramassées  nous 
font  avoir  tant  de  regrets  qu'il  n'ait  pas  pu  les  rassembler 
lui-même,  et.  avec  tout  ce  qu'il  aurait  pu  ajouter  encore,  en 
faire  un  composé  d'une  beauté  achevée.  Il  en  était  assurément 
très  capMble.  Mais  Dieu,  qui  lui  avait  donné  tout  l'esprit  né- 
cessaire pour  un  si  grand  dessein,  ne  lui  donna  pas  aasex  de 
santé  pour  le  mettre  ainsi  dans  sa  perfection. 

il  prétendait  faire  voir  que  la  religion  chrétienne  avait 
autant  de  marques  de  certitude  que  les  choses  qui  sont  reçues 
dans  le  monde  pour  les  plus  indubitables.  Il  ne  se  servait 
point  pour  cela  de  preuves  métaphysiques  :  ce  n'est  pas  qu'il 
les  crût  méprisables  quand  elle^  étaient  bien  mises  dans  leur 
jour  ;  mai»  il  disait  qu'elles  étaient  trop  éloignées  du  raison- 
nement ordinaire  des  hommes  :  que  tout  le  monde  n'en  était 
pas  capable,  et  qu'à  ceux  qui  l'étaient  elles  ne  servaient  qu'un 
moment,  car  une  heure  après  ils  ne  savaient  qu'en  dire  et  ils 
crai^'iiaieiit  d  «*tre  trompés.  Il  disait  aussi  que  ces  sortes  de 
preuves  ne  peuvent  nous  conduire  qu'à  une  connaissance  ^)é- 
culative  de  Dieu  :  et  que  connaître  Dieu  de  cette  sorte,  était 
ne  le  connaître  pas.  Il  ne  devait  pas  non  plus  se  servir  des 
raisonnements  ordinaires  que  l'on  prend  des  ouvrages  de  la 
naturr  :  il  les  respectait  pourtant,  parce  qu'ils  étaient  con- 
sacrés par  l'EIcriture  sainte  et  conformes  à  la  raison,  mais  il 
croyait  qu'ils  n'étaient  pas  assez  proportionnés  à  l'esprit  et  à 
la  disposition  du  cœur  \de  eeax]  qu'il  avait  dessein  de  con- 
vaincre. Il  avait  remarqué  par  expérience  que  bien  loin  qu'on 
le!i  oniporlàt  par  ce  inuycn.  rien  n'était  plus  capable  au  con- 
traire de  les  rebuter  et  de  leur  ôter  l'espérance  de  trouver  la 
vérité,  que  de  prétendre  ainsi  les  convaincre  par  ces  sortes  de 
raisonnements  contre  lesquels  ils  se  sont  si  souvent  raidis,  que 
l'endurcissement  de  leur  cœur  les  a  rendus  sourds  k  cette 
voix  dp  la  nature  ;  et  qu'enfin  ils  étaient  dans  un  aveuglement 

'I >uvaient  «  |>ar  Jésus-Christ,  hors  duquel 

tni/  inication  .1  i  nous  est  ôtée.  parce  qu'il  est 

écrit  que  personne  ne  connaît  le  Père  que  le  Fils  et  celui  k  qui 
U  plall  au  Ftls  de  le  révéler  ' . 


I.  Pr.  s4s. 


ccxuT  PLAN  D'APRES  Mai  pfeRIER. 

La  Divinité  des  Girétiens  ne  ooiMwte  pas  MolonMit  ao  on 
Dimi  simplement  auUnir  de»  vérité*  géométriquea  et  da  l'ordrr 
des  éléments  ;  c'est  la  part  dea  palena.  Qle  na  oonsiala  paa  aii 
un  Dieu  qui  eterce  sa  providence  sur  la  vie  et  sur  les  biens 
des  hommes.  |w>iir  donner  une  heureuse  suite  d'années;  c'est 
la  part  des  Jitir».  Mais  le  Dieu  d'Abraham  et  de  Jaoob,  Ir 
Dieu  des  Chrétien*,  est  un  Dieu  d'amour  et  de  ooosoktinn 
C'est  un  Dieu  qui  remplit  l'Ame  et  le  cœur  de  oem  qui  !•■ 
possèdent.  C'est  un  Dieu  qui  leur  fait  sentir  inlérienrcment 
leur  misère,  et  sa  miséricorde  inHnie  :  qui  s'unit  au  fond  de 
leur  Ame;  qui  les  remplit  d'humiliti^,  de  foi.  de  confiance  et 
d'amour  :  qui  les  rend  incapables  d'autre  fin  que  de  lui- 
même.  Le  Dieu  des  Chrétiens  est  un  Dieu  qui  fait  sentir  A 
l'Ame  qu'il  est  son  unique  bien  :  que  tout  son  rmos  est  en 
lui.  qu'elle  n'aura  de  joie  qu'A  l'aimer  :  et  qui  lui  fait  en 
même  temps  abhorrer  les  obstacles  qui  la  retiennent,  et  l'em- 
pèdient  de  l'aimer  de  toutes  ses  forces.  L'amoar-nropre  al  la 
ooncupisoenoe  qui  l'arrêtent  lui  sont  insupportalNe*.  et  Dieu 
lui  fait  sentir  qu'elle  a  ce  fond  d'amour-propre  et  que  lui 
seul  l'en  peut  guérir. 

VoilA  ce  que  c'est  que  de  connaître  Dieu  en  chrétien.  Mais 
pour  le  connaître  de  cette  manière,  il  faut  connaître  en  même 
temps  sa  raisire  et  son  indignité  et  le  besoin  qu'on  a  d'un 
médiateur  pour  s'approcher  de  Dieu  et  pour  s'unir  à  lui.  Il 
ne  iaut  point  séparer  ces  connaissance*,  parce  qu'étant  sé- 
parées, elles  sont  non  seulement  inutiles,  mais  nuisible*.  La 
connaissance  de  Dieu  sans  celle  de  notre  misère  fait  l'orgueil  : 
celle  de  notre  misère  sans  celle  de  Jésot-Glirist  fait  notre 
déaespoir  :  mais  la  connaissance  de  Jé*u*-Chrial  no«i*  eiample 
de  l'orgueil  et  du  dé*e*poir:  parce  que  non*  y  troovooa 
Dieu,  seul  consolateur  de  notre  misère,  et  b  voie  onique  de 
la  réparer. 

Nous  pouvons  connaître  Dieu  sans  connaître  notre  misère. 
el  notre  misère  sans  connaître  Dieo  :  oa  Bêma  Dieu  et  notre 
misère,  sans  connaître  les  moyens  de  oca*  dflivrer  des  mi- 
sères qui  nous  accablent  :  mais  nous  ne  pouvons  connaître 
Jésiu-Ôbrist.  sans  connaître  tout  ensemble  et  Dieu  et  noire 
misère:  parce  qu'il  n'est  pas  simplement  Dieu,  mab  on  Dieu 
réparateur. 

Ainsi  tous  ceux  qui  cbercfaent  Dieu  sans  Jéaus-Cbrist  ne 


1 


PLAN  D'APRÈS  Mme  PËRIER.  ccxlt 

trouvent  aucanc  lumière  qui  les  satisfasse,  ou  qui  leur  soit 
véritablement  utile;  car  ou  ils  n'arrivent  pas  jusqu'à  con- 
naître qu'il  y  a  un  Dieu,  ou  s'ils  y  arrivent,  c'est  inutilement 
pour  eux,  parce  qu'ils  se  forment  un  moyen  de  communiquer 
sans  Médiateur  avec  le  Dieu  qu'ils  ont  connu  sans  média- 
teur :  de  sorte  qu'ils  tombent  dans  l'athéisme  et  le  déisme, 
qui  sont  les  deux  choses  que  la  religion  abhorre  presque  éga- 
lement '. 

Il  fatit  donc  tendre  uniquement  à  connaître  Jésus-Christ, 
puisque  c'est  par  lui  que  nous  pouvons  prétendre  de  con- 
naître Dieu  d'une  manière  qui  nous  soit  utile.  C'est  lui  qui 
est  le  vrai  Dieu  des  hommes,  des  misérables  et  des  pécheurs. 
Il  est  le  centre  de  tout  et  l'objet  de  tout:  et  qui  ne  le  connaît 
point  ne  connaît  rien  dans  l'ordre  de  la  nature  du  monde,  ni 
dans  soi-même.  Car.  non  seulement  nous  ne  connaissons  Dieu 
que  pr  Jésus-Christ,  mais  nous  ne  nous  connaissons  nous- 
mêmes  que  par  lui. 

Sans  Jésus-Christ,  il  faut  que  l'homme  soit  dans  le  vice  et 
dans  la  misère;  avec  Jésus-Christ,  l'homme  est  exempt  de 
vice  et  de  misère.  En  lui  est  tout  notre  bonheur,  notre 
vertu,  notre  vie,  notre  lumière,  notre  espérance;  et  hors  de 
lui,  il  n'y  a  que  vices,  que  misère,  que  désespoir,  et  nous  ne 
voyons  qu'obscurité  et  confusion  dans  la  nature  de  Dieu  et 
dan»  In  nAtre'. 

Dans  les  pretives  que  mon  frère  (continue  Mme  Pirier)  devait 
donner  de  Dieu  ot  dr  la  religion  chrétienne,  il  ne  voulait  rien 
dire  qui  ne  fût  à  la  {)ortcc  de  tous  ceux  pour  qui  elles  étaient 
destinées,  et  où  l'homme  ne  se  trouvAt  intér^sé  de  prendre 
part,  ou  en  sentant  en  lui-même  toutes  les  choses  qu'on  lui  fai- 
sait remarquer  bonnes  ou  mauvai.4es,  ou  en  Yoyant  clairement 
qu'il  ne  pouvait  prendre  un  meilleur  parti,  ni  plus  raison- 
nable, que  de  croire  qu'il  y  a  un  Dieu  dont  nous  pouvons 
jouir,  et  un  Médiateur  qui,  étant  venu  pour  nous  en  mériter 
la  grAre,  commence  à  nous  rendre  heureux,  dès  cette  vie,  par 
les  vertus  qu'il  nous  inspire,  beaucoup  plu»  qu'on  ne  le  |)eul 
être  par  tout  ce  que  le  monde  nous  promet,  et  nous  donne 


I.  Fr.  556. 
a.  Fr.  558. 


cciLn  PLAN  D'APRRS  M«>  P^.RIBR. 

êmnnnce  qui»  nmi*  le  mtoos  parfaiteniml  dans  le  Cid.  »i 
nous  le  mériton»  par  Im  voie»  qu'il  imnm  a  préwoléw  et  dont 
il  nou»  a  donn^  lui-m^mr  IVxetnpir. 

Mais,  quoiqu'il  (M  penuadé  qup  tout  rc  qu'il  avait  ain«i  à 
dire  sur  la  rrligion  aurait  ét^  trè»  clair  et  IrÔA  convaincant, 
il  ne  croyait  pas  cependant  qu'il  dôt  l'être  h  ceux  qui  étaient 
dan»  l'indifférenoe.  et  qui.  ne  trouvant  pas  en  eux-inèroe» 
de»  lumières  qui  les  pertuadaMent,  négligeaient  d'en  chercher 
ailleurs,  et  surtout  dans  l'Eglise  où  elles  éclatent  avec  plus 
d'abondance.  Car  il  établissait  ces  deux  vérités  comme  cer- 
taines :  que  Dieu  a  mis  dea  marques  sensibles,  particulière- 
ment dans  l'Flglise.  pour  se  faire  connaître  k  etux  qui  le 
cherchent  sincèrement,  et  qu'il  les  a  couvertes  n^mnoins  de 
trlic  sorte  qu'il  ne  sera  aperçu  que  de  ceux  qui  le  cherchent 
de  tout  leur  cœur. 

C'est  pourquoi,  quand  il  avait  k  conférer  avec  quelques 
athées,  il  ne  commençait  jamais  par  la  dispute,  ni  par  établir 
les  prindpra  qu'il  avait  h  dire  :  mai.<i  il  voulait  auparavant 
connaître  s'ils  cherchaient  la  vérité  de  tout  leur  oosiir:  et  il 
agissait  suivant  cela  avec  eux,  ou  pour  les  aider  à  trouver  la 
lumière  qu'ils  n'avaient  pas.  s'ils  la  cherduient  sinc^ment, 
ou  pour  les  disposer  k  la  chercher  et  à  en  faire  leur  plus 
sérieuse  occupation,  avant  que  de  les  instruire,  s'ils  voaluaot 
que  son  instruction  leur  fût  utile. 

Ce  furent  s(>s  in(irmiti'>s  qui  l'empêchèrent  de  travailler 
davantage  k  son  dessein.  11  avait  environ  trente-quatre  ans 
quand  il  commença  de  n'y  appliquer.  11  employa  un  an  entier 
i  s'y  préparer  en  la  manière  que  ses  autres  occupations  lui 
I  >'>nt.  qui  était  de  recueillir  les  différentes  Pensées 

•  I  liaient  U-dessus:  et  k  la  fin  de  l'année,  qui  était  la 

trente-cinquième  année  de  son  âge  et  la  cinquième  de  sa 
retraite,  il  retomba  dans  ses  incommodités  d'une  manière  si 
accablante  qti'il  ne  pouvait  plus  rien  faire  dans  lea  quatre 
années  qu'il  vécut  encore,  si  on  peut  appeler  vivre  la  langu<-<ir 
si  pitoyable  dans  laquelle  il  les  pasaa.  leiJUùl  le  lon^  exlnui 
qëtfai  voulu  donner  de  Mme  Parier. 


IV 

LETTRES    SUR    l'ÉDITION    DE    167O 


LETTRE  DE  M.  PAVILLON.  ÉVÊQUE  DALET 
A  M.  PÉRIERi 

Monsieur,  quoique  la  vérité  m'oblige  de  reconnaître  que 
je  ne  suis  pas  tel  que  vous  avez  la  bonté  de  me  croire,  et  toute 
votre  chère  famille  aussi,  je  vous  avoue  néanmoins  que  j'ai 
reçu  une  très  jo^ande  consolation  des  témoignages  d'aiïection 
que  vous  me  donnrz  dans  votre  lettre,  et  si  cette  affection 
vous  a  porté  à  (pioique  excès  h  mon  égard,  je  ne  puis  pas  dou- 
ter pourtant  qu'elle  ne  soit  très  sincère  :  ce  qui  m'en  fait 
espérer  un  grand  secours,  pour  obtenir  de  Dieu  les  grâces 
qui  me  sont  nécessaires  dans  l'état  où  il  m'a  mis.  Je  vous 
prie  d'être  persuadé.  Monsieur,  qti'il  v  a  longtemps  que  Dieu 
m'a  donné  beaucoup  d'estime  pour  votre  vertu,  aussi  bien 
que  pour  celle  de  Madanjo  votre  femme,  et  beaucoup  d'affec- 
tion pour  tous  vos  enfants  ;  étant  bien  didicile  de  n'en  point 
avoir  pour  une  maison,  à  qui  Dieu  a  donné  de  si  grandes 
marques  de  son  amour.  Je  l'ai  remercié.  Monsieur,  de  tous 
ses  bienfaiU  :  et  soyez,  s'il  vous  plaît,  persuadé  que  je  conti- 
nuerai de  le  fain>  lin  ni<'iII«Mit  (\r  mon  cœur.  J'accepte  \  ' 
tient  If  préviil  «jin-  \(»lrc  cIhti-  l.iiiiillc  a  la  bonté  de  m 
voyer  :  et  comme  il  fera  une  continuelle  marque  de  son  amitié 
que  j'estime  l)oauroup.  je  la  prie  aussi  de  tout  mon  ctrur 
de  considérer  l'arrrptation  que  j'en  fais  comme  une  preuve 
do  ma  reconnaisnancp  que  je  ne  cesserai  jamais  de  continuer 
dans  me»  faibir»  prières  et  dans  mes  sacriiices.  Je  Ils  et  relis 


I.  CMIa  Utttf  «C  da  la  Sa  d«  166g,  d'apria  te  HteiÊtU  d'Utneht 

(P  360. 


ociLvm  LETTRE  DE  M.  DE  TILLEMONT. 

avec  beaucoup  d'Mificalion  et  de  pl«t«ir  le»  écrit*  de  M.  Pa»- 
cal,  n'y  trouvant  rien  qui  ne  foit  digne  de  la  aolidilé  al  de 
la  jgUki  de  Teaprit  de  l'auteur.  Je  ne  Murait  vooa  exprtnwr  la 
vénératioa  que  Dieu  m'a  donnée  pour  na  ménMNre.  Je  ne 
doute  point  qu'ayant  eu  un  ti  grand  amour  pour  toute  votre 
famille  pendant  m  vie.  il  ne  le  continue  dans  le  dd  en  sa 
faveur.  Je  voua  supplie  d'agréer  que  je  aaloe  M.  Domai,  que 
je  sais  être  lié  d'une  amitié  trfs  étroite  avec  vous.  C'est  une 
personne  de  laquelle  en  vérité  je  fais  une  estime  toute  parti- 
ctili^.  Je  me  recommande  à  le»  prières  :  et  apris  vmu  avoir 
demandé  les  vôtres  et  celles  de  votre  famille,  il  ne  me  reste 
qu'i  vooa  aamrer  que  je  sais  trèa  cordialement....  etc. 

Signé  :  Nicolas,  Évéqtie  d'Alel. 


LETTRE  DB  M.  DE  TILLEMONT  A  M.  PÉRIBB  LB  HLS 


Ce  3  février  1670. 

Monsieur,  il  n'est  pas  besoin  que  je  m'étende  beaucoup 
pour  vous  dire  avec  qîielle  reconnaiasanoe  j'ai  reçu  le  présent 
de  Monsieur  votre  p^  '.  Le  respect  que  j'ai  pour  lui  ne  me 


1.  Avaal  de  faire  ce  pr^wat  k  M.  de  TilleaMat,  Loaia  « 
Piriar  aa  avaiaat  réMré  à  laer  af^ra,  eewaw  oa  la  voU  par  la  enriaai 
paaufa  qaa  eha  Vielor  Coaâa  (Rapport  $ar  faa  Pmtit»  é$  Pmemt. 
a*  partie,  aptàd  Éladaa  sur  Paaral,  5*  Mil.,  p.  160)  :  «  Nom  avoM 
parl^  k  M.  GaaIplM  mar  les  pr^seoU  que  aous  devons  fkiire  dat  P«m$U»: 
il  aous  a  dit  qu'où  a'ea  doaae  fuère  qu'aux  aoiis  pattimltark.  No«a 
lai  avoas  demanda  s'il  en  Aillait  doaaar  plaaiaari  :  il  mhh  a  dit 
^■a,  pour  M.  Amaulil,  nous  lui  e«  posTioM  doMMr  deas  o«  Irai*. 
Voie*  la  liiu  qaa  aoaa  avioM  fciia  da  eaai  ^m  aoM  aaal  veaaa  daaa 
faipfte,  doat  voM  rauaaeliaiaa  o«  ajeataraa  osas  qaa  voaa  jagaaaa  k 
propos  :  MM.  Araanld,  fîaalpba,  de  Roaaate,  da  la  Glwtaa,  da 
TréTilla  (qui  asaisu  k  l'eiaaiaa  qui  sa  flt  das  Pmêtm  avae  MM.  da  la 
Gkaiaa  al  Daboia,  at  qui  7  doaaa  da  boas  avia)  ;  MM.  Daboia, 
Nteala,  daa  Billauaa,  e«  M.  la  earé  (da  SaiatJacqaaa  da-Haatpaa),  la 
P.  MalabraadM,  la  P.  d'Vrté,  la  P.  Bloc,  la  P.  Dagaé,  hén  da 
ealai  qaa  aoaa  avoas  t«  i  Clar«H>at,  avae  qai  aoaa  avoaa  Mt  giaada 
liaiaoa  ;  la  P.  Daboia,  la  P.  Martia,  la  P.  <)aaM«l,  qui  aat  aaai  fi^ri 


à 


LETTRE  DE  M.  DE  TILLEMONT.  ccxuz 

permet  pas  de  reœvoîr  avec  indifférence  ce  qui  vient  de  sa 
main.  Vous  savez  qu'il  y  a  bien  des  années  que  je  fais  pro- 
fession d'honorer,  ou  plutôt  d'admirer  les  dons  tout  extraor- 
dinaires de  la  nature  et  de  la  grâce  qui  paraissaient  en  feu 
M.  Pascal.  Il  faut  néanmoins  que  je  vous  avoue.  Monsieur, 
que  je  n'en  avais  pas  encore  l'idée  que  je  devais.  Ce  dernier 
écrit  a  surpass*'-  ce  que  j'attendais  d'un  esprit  que  je  croyais 
le  plus  grand  qui  eût  paru  en  notre  siècle  ;  et  si  je  n'ose  pas 
dire  que  saint  Augustin  aurait  eu  peine  à  égaler  ce  que  je 
vois  par  ces  fragments  que  M.  Pascal  pouvait  faire,  je  ne 
saurais  dire  qti'il  eût  pu  le  surpasser  ;  au  moins  je  ne  vois 
que  ces  deux  que  l'on  puisse  comparer  l'un  à  l'autre. 

Je  vous  avoue  encore  une  fois  que  je  reconnais  M.  Pas- 
cal tout  autrement  éminent  dans  ses  fragments  que  dans  ce 
que  j'en  avais  reconnu  jusqu'ici.  Je  sais  bien  que  les  petites 
lettres  seront  toujours  un  chef-d'œuvres  inimitables,  et  peut- 
être  (juclles  ne  me  paraissent  inférieures  que  parce  que  je  ne 
suis  pas  capable  d'en  pénétrer  les  beautés  ;  mais  peut-être 
aussi  que  la  matière  y  fait  quelque  chose,  et  qu'un  écrit  fait 
pour  des  personnes  ordinaires  doit  presque  paraître  ordinaire. 
Quoi  qu'il  en  soit,  on  voit  ici  un  homme  qui,  embrassant  le 
sujet  le  plus  vaste  et  le  plus  élevé  qui  soit  au  monde,  parait 
encore  élevé  au-dessus  de  sa  matière,  et  se  jouer  d'un  far- 
deau qui  étonnerait  et  accablerait  tous  les  autres.  Que  s'il 
parait  tel  dans  des  fragments  détachés  et  qui  ne  contiennent 
presque  rien  de  ce  qu'il  avait  de  plus  grand  dans  l'esprit,  que 
p«Mit-on  concevoir  de  l'ouvrage  entier,  si  Dieu  nous  avait 
accordé  la  ^tAcc  de  le  voir  en  sa  |)erfection?  Je  n'oserais  dire 
que  cela  me  fait  regretter  tout  de  nouveau  la  mort  d'un 
homme  capable  de  rendre  à  l'Eglise  un  service  si  signalé, 
puisque  M.  Pascal  veut  qu'on  mette  au  nombre  des  péchés 
ces  sortes  de  dé%irs  rontraires  en  (pielque  sorte  à  la  disposi- 
tif' '  '  ""  'ins  saint  .\ugustin  n'est  pas.  ce  semble, 
si  1 1                 I             lie  qu'il  y  a  des  choses  que  Dieu  veut. 


de  ■MiBu;  MM.  Toi»aard  et  Mesaard,  le  P.  de  l'Age,  MM.  Touret 
et  de  (^Mumnrtia,  M""  de  Saint-Loup.  Noiu  ne  Mvon*  «'il  en  fiiut 
donner  k  P.-R.  de»  Champ»  :  «  cela  était,  ce  serait  à  MM.  de  Sacy, 
de  Sainte-Marthe  et  de  Tillcmont.  » 


oo.  LETTRK  DR  M.  DR  TILLRMONT. 

parce  qu'il  e»i  de  «on  ordre  de  le*  vouloir,  et  que  l'ordre  de 
l'homme  ett  de  ne  lei  pM  vouloir  ;  et  n'esl-il  dm  de  notre 
ordre  de  vouloir  ce  qui.  Mnt  doute,  aurait  oontnboé  aa  niai 
d'un  grand  nombre  de  peraonnea  } 

Je  ui>  bien  qu'il  y  a  on  de  MU.  voa  approbateur»  qui  noua 
donne  une  ronsnlation  bien  facile.  »i  elle  ^tait  solide,  en  pi^ 
tendant  que  la  brièveté  de  oea  fragmoita  e»t  plus  lumineoae 
que  n'aurait  éi^  le  diaooon  entier  et  étendu.  Pour  moi.  je 
vou»  avoue  que  je  n'ai  paaaaaei  de  pénétration  d'eaprit  pour 
me  contenter  de  cea  diaooun  abrégea,  quoique  je  les  trouve 
tous  admirables.  N^anmoin»  crut  qu'il  rtend  davantage  (ont 
une  impreiision  tout  autre  sur  moi.  et  je  juge  par  Ut  de  ce 
qu'aurait  ^t^  l'ouvrage  entier  d'une  main  dont  lea  premiera 
traits  ont  d^jji  tant  de  beauté.  Je  reconnaîtrais  néanmoins 
ma  faiblesse  et  me  soumettrai!*  volontirn*  ot  humUemenl  au 
sentiment  de  M.  de  Ribe>ran.  si  jenevoynisd'autreaperaonnea 
plus  spirituelles  que  moi  qui  n'entrent  pas  dans  m  pensée el 
qui  se  mettent  presque  en  colère  contre  lui.  Ceux  qui  ont  un 
amour  particulier' pour  la  doctrine  de  la  gràoe.  doivent  re- 
gretter encore  plus  que  les  autres  que  oei  ouvrage  n'ait  pas 
été  achevé.  Car  il  est  aisé  de  juger  que  les  fondements  en  au- 
raient été  établis  sur  la  ruine  du  pt^latrianisme  et  de  toutes 
ses  branches. 

Je  m'étends,  Monsieur,  plus  qur  jr  n  a\ni^  prrtrii<l>i  ri 
je  ferais  volontiers  r^oge  de  M.  Pascal  au  lieu  de  .<>uui>lr> 
remerciements  que  je  prétendais  vous  faire.  Mais  mon  papier 
m'avertit  ou  que  j'ai  mal  pris  mes  mesures  ou  que  j'ai  eu 
tort  de  m 'étendre  si  fort,  contre  mon  premier  deaaein.  Quoi 
qu'il  en  soit,  il  faut  finir,  en  vous  suppliant  de  me  continuer 
toujours  l'honneurde  votre  amitié,  dont  le  livre  de  llonaieur 
votre   oncle  me  sera  un  gagr  I    Je  vous  supplie  de 

vouloir  assurer  M.  et  M"*  V<  lue»  très  humblea  ret- 

pects  et  de  la  reconnaissance  que  j'ai  du  présent  ai  cher  et 
si  précieux,  du  livre  d'une  personne  avec  qui  ili  ont  encore 
plus  d'union  par  lea  dons  de  l'esprit  et  de  la  grâce  que  par  la 
proximité  du  sang.  Je  sais  bien  que  c'était  k  Monsieur  votre 
pire  que  je  devais  adresser  le  remerciement,  mais  il  me  par* 
donnera  bien  d'avoir  pris  cette  occasion  d'écrire  à  un  ancien 
camarade.  Quoi  qu'il  en  soit,  si  c'est  une  fiaute.  elle  est  faite 
pour  l'amour  de  vous  ;  c'est  k  vous  à  l'excuaer  ouè  la  porter. 


LETTRE  DE  NICOLE.  ccli 

CpHc  familiarilé  vous  fera  une  preuve  de  la  sincérité  avec 
laquelle  je  veux  toujours  être.  Monsieur,  votre  très  humble 
et  très  obligé  serviteur. 

Signé  :  Lb  Nain  ob  Tillemort. 


LtrrRE  UE  MCOLt  A  M    LE  MARQUIS  DE  SÉVIGNÉ 

Sur  l'éloge  qu'une  penonne  d'esprit  faiMit  de*  Pensfet  de  M.  Pateal 
sans  en  faire  connaître  et  peut-^tre  sans  en  bien  connaître  elle-même 
le  mir\%e  (^Essais  de  morale  (1733),  t.  VIII,  p.  a38). 

Quoique  je  souscrive.  Monsieur,  aux  louanges  que  M.  de 
K.  a  donn»H?*à  l'esprit  de  celle  dont  vous  avez  bien  voulu  que 
je  \\f9e  le  billet,  je  ne  vous  dissimulerai  pas  néanmoins  que 
Ir  plaisir  que  j'ai  pris  à  la  lire  a  été  mêlé  de  quelque  sorte  de 
chagrin.  Elle  ne  la  pas  fait  naître,  mais  clic  l'a  renouvelé. 
C'est.  Monsieur,  que  j'ai  un  secret  dépit  contre  ces  personnes 
d'esprit  qui  méprisent  ceux  qui  en  ont  peu.  Je  pense  que 
vous  jugez  bien  que  j'ai  raison  de  m'intéresser  pour  eux: 
mais,  quoi  qu'il  en  soit,  vous  de^ez  avouer,  ce  me  semble, 
que  l'on  n'en  a  pas  assez  de  pitié  et  qu'il  v  a  quelque  chose  de 
cette  dureté  dans  ce  billet.  Car  après  ce  jugement  si  précis 
que  M"'  de  la  F...  porte  que  c  eut  michanl signe  pour  ceux  qui 
ne  gâcheront  pas  ce  livre,  nous  voilà  réduits  à  n'oser  dire  notre 
sentiment  et  h  trouver  admirable  ce  que  nous  n'entendons 
pas. 

ICIIc  devait  donc  au  moins  nous  instruire  plus  en  particu- 
lier de  ce  que  nous  y  devons  admirer,  et  ne  se  pas  conten- 
ter de  certaines  louanges  générales  qui  ne  font  que  nous 
convaincre  que  nous  n'avons  pas  l'esprit  d'y  découvrir  ce 
(|trfll«-  y  découvre,  mais  qui  ne  nous  servent  de  rien  pour  le 
trouver. 

Vous  direz  sans  doute  que  l'on  ne  devait  pas  exiger  d'elle 
qu'elle  passât  plus  avant  dans  une  lettre  et  que.  parlant  k  vous 
et  non  pas  i  moi.  il  lui  suffisait  que  vous  l'entendissiez.  Je 
reconnais  tout  cela  :  mais  vous  ne  sauriez  empêcher  aussi  que 
quiconque  m'avertit  de  ma  bêtise,  sans  me  donner  le  moyen 
de  la  diminuer,  ne  me  fasse  un  peu  de  dépit.  Cela  est  injuste  : 
mais  c'eatune  injustice  naturelle  qui  mérite  quelque  conde»- 


I.KTTRK  DE  NICOLE. 

œndancr.  Kt  rette  oondeMendanc<»  aorait  de  tirer  de  la  même 
penonnc  un  jugement  plus  particulier  de  l'écrit  de  M.  Paacal 
qui  ne  m'apprit  paa  aeulemenl  qu'il  contient  bien  des  duMca 
admirables  mais  qui  me  <!  '  1u'<  dp  lumière  pourleadia- 
oemer.  Car.  pour  voundip  .  j'ai  ru  j uniques  ici  quelque 

choae  et  et  méchant  tigne.  iy  ai  birti  (rouvr  un  grand  nombre 
de  pierres  aaaei  bien  taillées  et  capables  d'orner  un  grand  bâti- 
ment, mais  le  reste  ne  m'a  paru  que  des  matériaux  confus, 
sans  que  je  YÎsse  asses  l'usage  qu'il  en  voulait  faire.  Il  y  a 
même  quekpies  sentiments  qui  ne  paraissent  |>as  tout  1  fait 
exacts  et  qui  ressemblent  k  des  pensées  hasardées  que  l'on 
écrit  seulement  pour  les  examiner  avec  plus  de  smn. 

Ce  qu'il  dit.  par  exemple,  titre  \XV.  i5,  que  le  tUre  par 
lequel  les  hommes  possèdent  leur  bien  n'est,  dans  son  origine,  que 
fantaisie,  ne  conclut  rien  de  ce  qu'il  en  veut  conclure,  qui  est 
la  faiblesse  de  l'homme  et  que  nous  ne  possédons  noti«  bien 
que  sur  un  titre  de  fantaisie.  Car  il  n'y  a  nulle  faibleae  à 
établir  des  lois  de  fantaisie  dans  les  choses  indiflTérentes  qui 
demandent  à  être  réglées  seulement  de  mani^reou  d'autre,  et 
k  ne  demeurer  pas  incertaines  :  et  quand  on  possède  du  bien  sur 
un  litre  de  celte  sorte,  on  le  possède  avec  une  vraie  et  solide 
justice,  parce  qu'il  e^t  juste  selon  Dieu  et  dans  la  vérité  que 
le  bien  appartienne  à  ceux  k  qui  il  est  donné  par  des  lois  in- 
différentes dans  leur  origine  :  il  n'y  a  nulle  faiblesse  en  cela. 

Ce  qu'il  dit  au  même  endroit  n°  17  touchant  les  principes 
actueU  me  semble  trop  général.  Nous  nous  aimons  naturelle- 
ment, c'est-à-dire  notre  corps,  notre  Ame  et  notre  élre.  Nous 
aimons  tout  ce  qui  est  naturellement  joint  k  ces  premiers 
objets  de  notre  amour,  comme  le  plaisir,  la  vie.  l'estime,  la 
grandeur.  Nous  haïssons  tout  ce  qui  y  est  contraire,  comme 
la  douleur,  la  mort,  l'infamie  :  la  bizarrerie   '  unes  n'a 

lieu  que  dans   les  choses  qui  ne  sont  pas  n.t:  '  nt  liées 

avec  ces  premiers  objets  de  nos  passions. 

n  suppose  dans  tout  le  discours  du  divertissement  ou  de  la 
misère  de  l'homme,  que  l'ennui  vient  de  ce  que  l'on  se  voit. 
de  M  que  l'on  pense  à  soi  et  que  le  bien  du  di^     '  ' 

oonriste  en  ce  qu'il  nous  die  cette  pensée.  Cela  < 
plus  subtil  que  solide.  Mille  personnes  s'ennuietii 
keux.  Ils  s'ennuient,  non  de  ce  qu'ils  pensent,  mai.   :        , 
ne  pensent  puasses.  Le  plaisir  del'êmc  consiste  à  penser  vive- 


LETTRE  DE  NICOLE.  ccliii 

ment  et  agréablement.  Elle  s'ennuie  sitôt  qu'elle  n'a  plus 
que  des  pensées  languissantes,  ce  qui  lui  arrive  dans  la  soli- 
tude parce  qu'elle  n'y  est  pas  si  fortement  remuée.  C'est  pour- 
quoi ceux  qui  sont  bien  occupés  d'eux-mêmes  peuvent  s'at- 
trister, mais  ne  s'ennuient  pas.  La  tristesse  et  l'ennui  sont 
des  mouvements  diiTérents.  L'ennui  cherche  le  divertissement, 
la  trâtene  le  fuit.  L'ennui  vient  de  la  privation  du  plaisir  et 
de  la  langueur  de  l'àme  qui  ne  pense  pas  assez  ;  la  tristesse 
vient  des  pensées  vives,  mais  aflligeantes.  M.  Pascal  confond 
tout  cela. 

Je  pourrais  vou.s  faire  plusieurs  autres  objections  sur  les 
Pensfesqu'i  meseniblentquelquefoisun  peu  trop  dogmatiques  et 
qui  incommodent  ainsi  mon  amour-propre  qui  n'aime  pas  k 
être  régenté  si  fièrement. 


PIÈCES   JUSTIFICATIVES 

POUR   LA    DEUXIÈME    PARTIE 

DE    L'INTRODUCTION 


1 


ARGUMENT    LOGIQUE    DES    PENSÉES 
DANS    LA    PRÉSENTE    ÉDITION 

SBCTIO^s  I.  Pensées  sur  l'Esprit  el  sur  le  Style. 

Les  questions  de  méthode  ont  toujours  préoccupé  Pascal  : 
le  savant  tente  de  pénétrer  le  mécanisme  de  la  démonstration 
géométrique  et  de  lui  arracher  le  secret  de  sa  perfection  : 
I  lioiiune  du  luonde  s'entretient  avec  Méré  de  VArl  de  Per- 
tuader  ;  le  solitaire  de  i'ort-Hojal  rêve  d'unir  sa  connaissance 
d<*s  mathématiques  à  son  expérience  du  cœur  humain  pour 
les  tourner  d'un  commun  effort  à  la  gloire  de  la  religion. 
Aussi  des  pensées  éparses  sur  l'esprit  et  sur  le  style  peut-on 
tiriT  ce  (in'on  ap{)elle  la  fihrtorufue  de  Pascal.  Le  fondement 
de  cftle  rh«'-t()ri(|ue  est  une  psychologie.  Les  esprits  distingués 
doivent  leur  supériorité  h  deux  qualités  différentes,  l'une  qui 
fait  le  gi'<omètre,  c'est  la  puissance  de  déduction  qui  lie  les 
unes  aux  autrt>s  des  vérités  successives  et  en  tire  une  chaîne 
<l'ii  v.i  à  l'infuii  ;  l'autre  qui  fait  l'homme  du  moud*',  c'est  le 
^<  iihiiient  de  la  compleiité  des  choses,  le  discernement  des 
éléments  simultanés  qui  la  composent,  l'estimation  de  leur 
valeur  réciproque,  tout  cela  se  faisant  immédiatement  et 
spontanément  avec  une  sûreté  qui  tient  de  l'instinct.  Chacun 
de  ces  deux  esprits,  esprit  de  géométrie  et  esprit  de  finesse, 


can  ARGDMENT  DBS  PENStBS. 

a  n  valeur  et  sa  part  de  vérité  :  Ir  monde  est  douUanml 
infini,  il  a  une  infinité  de  principes  qui  ont  chacun  qm  infi- 
nité de  conséquent»  ;  la  aeoonde  de  ce»  infinités  est  accuirible 
i  l'esprit  des  géomMres  ;  la  première  est  sentie  par  l'esprit  de 
fincwe.  Aussi  le  raisonnement  afaalrait  et  simpliste  est-il 
impuissant  devant  les  problèmes  de  la  vie.  Lee  rè^ea  de 
l'école  ne  suflbent  pas  plus  k  créer  l'éloquence  qu'eUea  ne 
suffisent  à  créer  la  morale  et  la  |Ailo4ophie.  L'éloquence 
repose  sur  le  sentiment,  elle  consiste  i  prendre  conscience  de 
la  pensée  qui  vit  au  dedans  de  nous  et  se  développe  aponta- 
nénaent  suivant  ses  lois  propres  ;  l'orateur  doit  reproduire  ce 
mouvement  intérieur  de  la  pensée  et  engendrer  einai  la  vérité 
dans  l'esprit  de  l'auteur,  il  ne  persuade  pas  autrui,  il  fait 
qu'autrui  se  persuade  soi-même.  Le  discours  doit  prendre 
son  point  de  départ  dans  les  idées  que  l'auditeur  est  capable 
de  oom  prend  rf.  ou  mieux  encore  sur  lesquelles  l'amour- 
propre  le  dispose  h  faire  réflexion,  pu»  il  laisse  ces  idées  ini- 
tiales insinuer  d'elles-mêmes  leurs  conséquences  dans  l'esprit  : 
et  insensiblement  il  le  conduit  où  il  veut  comme  un  fleuve 
porte  les  barques  qui  se  confient  h  lui.  Aussi  l'ordre  dans  le 
discours  a-t-il  une  valeur  essentielle  ;  t'  nfre 

nouveau  est  un  titre  suffisant  à  l'origin  .         i        .  .ible 

ne  se  recommande  pas  par  des  qualités  extrinsèques,  comme 
la  clarté  ou  la  symétrie  ;  il  doit  être  fondé  dans  la  nature  de 
la  pensée.  A  cause  de  cela  on  ne  peut  le  saisir  que  lentement 
et  difficilement,  k  mesure  qu'on  prend  conscience  de  la  vie 
spirituelle.  Mais  au  moins,  puisque  cet  ordre  véritable  est 
l'ordre  de  la  nature,  il  est  possible  de  prédire  qu'il  ne  sera 
pas  un  produit  de  l'art.  Tout  ce  qui  tend  k  faire  de  l'élo- 
qoencc  quelque  cboae  de  réel  et  de  subsistant  en  soi  doit 
donc  être  rejeté.  Il  n'y  a  pas  de  beau  st  !  i  f'fiendamment 
de  la  penaéequece  style  exprime,  pe*  c  n'y  a  de  beau 

vêtement  indépendamment  de  la  personne  que  œ  vêtement 
habille.  Sous  prétexte  d'embellir  et  d'enrichir,  n  on  multiplie 
les  broderies  et  les  parures,  le  vêtement  contraste  avec  la  per« 
sonne,  et  U  rend  ridicule  :  de  même  les  busaaa  beautés  du 
litjU  étooflènt  l'homme  sous  le  poète  et  sons  l'aotaur.  Entre 
le  métier  et  la  nature  il  faut  choisir,  et  cboMir  la  nature. 
savoir  être  simple  quand  elle  est  simple,  et  quand  elle  est 
complexe,  lutter  avec  elle  de  subtilité  et  de  compleiité.  met- 


ARGUMENT  DES  PENSÉES.  ccLvn 

tant  à  profil  toutes  les  ressources  que  fournit  le  langage,  usant 
suivant  les  circonstances  du  mot  propre  ou  de  la  périphrase, 
et  (tour  un  même  sens  variant  le  langage  selon  l'intention.  En 
résumé,  beauté  signifie  vérité. 

Section  II.  Misère  de  l'Homme  $ans  Dieu. 

Il  n'est  pas  douteux  que  Pascal  se  soit  proposé  de  saisir 
riioiinne  à  vif.  et  de  lui  donner  le  sentiment  de  la  misère  où 
il  est  sans  Dieu.  Toute  l'expérience  de  sa  vie  mondaine,  mul- 
tipliée par  l'étude  assidue  de  Montaigne  et  la  lecture  de 
Charron,  devait  être  versée  dans  l'Apologie,  où.  selon  les  indi- 
cations de  Pascal,  elle  eût  fourni  la  matière  d'une  Première 
Partie.  La  démarche  initiale  de  la  méthode  qu'il  avait  décou- 
verte pour  entraîner  la  volonté,  c'est  de  s'associer  à  cette 
volonté  même  ;  l'exposé  didactique  de  la  vérité  religieuse,  si 
clair  et  si  bien  divisé  qu'il  soit,  laissera  indifférent  et  froid 
l'homme  sans  religion  :  mais  ouvrez  devant  le  libertin  le 
cœur  même  du  libertin  :  parlez-lui  de  lui-même,  et  il  ne 
pourra  manquer  de  prendre  intérêt  à  votre  discours,  de 
retrouver  en  lui  la  vérité  de  ce  que  vous  dites  :  par  cette 
ouverture  vous  aurez  prise  sur  lui.  et  vous  communiquerez  à 
vos  paroles  leur  véritable  force  de  persuasion. 

Pascal  deniaiido  donc  à  l'homme  de  se  connaître  lui-même. 
(^>u"csl-cc  que  Ihomme?  et  qu'est-ce  que  l'homme  dans  le 
monde?  La  science  et  la  philosophie  ont  pour  objet  la  défini- 
tion de  l'homme.  Il  semble  que  l'homme  puisse  être  défini, 
puisqu'il  est  un  être  fini.  Mais  qu'est-ce  que  le  fini  ?  Dans  la 
réalité  il  n')  a  rien  de  fini.  Dès  que  l'homme  veut  s'attacher 
k  la  nature,  il  se  perd  dans  le  double  ablmc  de  l'infiniment 
grand  et  de  l'infiniment  petit  :  il  ne  peut  rien  savoir  de  cette 
nature,  sinon  qu'il  y  a  disproportion  entre  elle  et  lui.  La  pre- 
mière démarche  de  lu  science,  c'est  de  décrire  l'univers,  et 
cette  pn-mièrc  démarche  Huflit  pour  manifester  l'impossibilité 
de  la  s<rienci*.  Se  détourne-t-il  du  monde  extérieur  pour  ren- 
trer en  lui-même?   l'homme  ne  trouve  rien  en  lui  qui  ^ut 

isl.iniirl  il  inii  lurui'UculB  uuelq^ue  i6rllé.  Il  est^c  juuci. 

lit  if  est  le  produit  des  «  puissancea  trom- 

^.  k.  iipaginatinn  nous  dicte  DM  déûn,  comme  nos 

<t  elle  «ait   nous  rendre  "BiPlwn  -d'Tny-Iwwbeur 

rnitàg*  Di  pAtCAU.  1  —  17 


m,nm  ARGUMENT  DIS  UNSÉKS. 

hioonsitUnt  et  Tain.  La  volonté  dirige  aecr^tcment  rintelli- 
^wcèqni  croi'  noua  crève 

Ml  jéU  >.  1.  itard  des 

drconsUnon  '  '-n  noua. 

qui  devient  n<  ^ |uc  noua 

~ne  pouvona  m  l>ir.  n'a  |>  In  ronde- 

ment en  noii^  '       '  ^ 

choaea  eit^rif 

notre  cod  '  {kmuI  de  i|iu*li|uea  |Mffoi< 

entendu   !   ,  ■!   auxquelles  noua  avoii-    j 

même  les  examiner.  Noua  ne  sommes  paa  un  principe  de 
vérité  :  nous  ne  délibérona  paa  la  fin  en  vue  de  Uqueile  noua 
agissons  ;  mais  noua  aommea  pouaate  par  la  nalore.  et  noua 
reflétons  dum  notre  vie  aana  oease  traveraée  par  des  paaaiooa 
diverses,  dans  notre  Ame  qui  sans  oeaae  se  dénient  et  ae  déchire 
elle-même,  la  diversité  infinie  dea  choses  ;  le  cours  du  temps 
nous  emporte,  nous  transforme,  nous  oppose  k  nouaHOoéaie. 
si  bien  que  nous  acceptons  volontiers  la  nîort  afin  de  oooaer^ 
ver  les  prétendus  biens  de  la  vie.  Puisqu'ainai  rinlelligeoce 
croit  naturellement  à  tout,  sans  jamais  posséder  la  vérité  qui 
est  son  objet,  puisque  la  volonté  aime  .naturellement  tout, 
sans  jamais  atteindre  à  cette  possession  tranquille  et  assurée 
qui  seule  la  sati-sferait.  que  reate-tnl  k  l'homme  sinon  de 
renoncer  k  poursuivre  un  bnt.  de  céder  k  l'agitation  univer- 
selle, d'en  perdre  de  vue  la  vanité  k  force  de  rapidité  et  de 
variété,  de  ne  rechercher  la  mobilité  que  pour  la  nnobilité 
elle-même  }  Le  divertissement  perpiHuel  qui  nous  dérobe  sans 
cesse  k  nouft-même.  qui  absorlie  notre  àme  dans  lea  plua  fri- 
volea  et  les  {dus  stériles  des  occupations,  ett  bien  miaërable. 
el  c'est  pourtant  le  plus  sage.  Le  malheur  de  noire  condition 
est  tel  qu'il  vaut  mieux  pour  l'homme  ne  paa  v  songer  :  pour 
avoir  quelque  ombre  et  quelque  apparence  de  iMmhÂir.  il  lui 
cal  néceasaire  d'exister  hors  de  soi.  de  se  créer  une  personne 
inuiginaire  k  laquelle  il  sacrifie  quelquefois  sa  peraonne  réelle. 
L'homme  en  eal  réduit  k  se  fuir  lui  même,  perce  qu'il  fuit 
ainsi  la  miaêre,  et  la  penaée  de  la  mort. 

SwmoN  III.  De  la  NktuiU  dm  ptari. 
Que  l'homme  se  détourne  de  soi  pour  ne  point  songer  k  le 


i 


ARGUMENT  DES  PENSÉES.  ceux 

misère  de  sa  condition,  cette  nrïisère  n'en  est  pas  moins  véri- 
table :  il  faut  qu'il  meure.  (^lui-là  qui  le  ramène  à  la  pensée 
de  la  mort,  celui-là  le  ramène  h  lui-même,  il  lui  fait  envisa- 
ger son  inl#'rAt  le  plus  profond,  et  c'est  ce  qu'il  doit  com- 
prendre d'abord.  Pour  avoir  prise  sur  l'incrédule,  il  ne  faut 
se  servir  ni  d'injures  qui  rebutent,  ni  de  menaces  qui  irritent  ; 
il  faut  s'unir  avec  lui  de  volonté,  plaindre  avec  lui  sa  destinée 
et  le  tourner  du  dedans  par  cette  communauté  de  pensée  vers 
la  ri*lii.'ion  qui  lui  apparaîtra  vénérable,  parce  qu'elle  aura 
connu  sa  misère,  aimable,  parce  qu'elle  y  aura  promis  un 
remède.  L'athée  fait  le  brave  contre  Dieu,  mais  cette  pré- 
somption n'est  que  lâcheté  ;  il  se  dit  indépendant,  parce  qu'il 
refuse  de  s'examiner  :  en  réalité,  il  a  peur  de  se  regarder. 
Ouvrez-lui  les  yeux,  montrez-lui  la  mort,  inévitable,  voisine 
déjà,  et  fai'iant  sentir  son  approche  par  cet  horrible  et  perpé- 
tuel a  écoulement  »  de  tout  ce  qu'on  possède,  la  mort  qui 
nous  tire  solitaire  de  notre  humanité  pour  nous  transporter 
au  tribunal  de  Dieu.  Devant  cette  éternité  qui  s'ouvre  tout 
k  coup  jionr  eux.  qu'onl-ils  à  dire,  les  athées?  qu'il  faut 
rester  indifft'Tont  ?  ne  serait-ce  point  le  comble  de  l'absurdité 
et  de  l'extravagance,  alors  qu'on  prend  tant  de  souci  pour  les 
petites  cho^M^.  de  ne  point  se  poser  le  problème  capital  qui 
décidera  de  la  béatitude  ou  de  la  damnation  éternelle  ?  Pren- 
dra-t-on  parti  ?  La  raison  atlirmera  que  la  religion  est  incom- 
piéhcn^iblr.  soir;  iii.iis  comment  'conélUW  BB  M  tf^  h  t^^~ 
gion  n'<*st  |»as  \raH-  '  Hi  nature  ned^ent-elle  pai  toajoan  les 
.jMeiliiiiM  inrtniiipliiiiiM-sde  la  raison  ?  ne  triomphe-t-elle  pas 
de^  iiii|Mi<><<il)ilil«'-?>  |trt'-l«>ndueH?  et  les  mathématiques,  qui  sont 
le^  vitMurt  rationnelles  |»ar  etcellencc.  ne  nous  forcent-elles 
pas  il  r«><-iitiii.iitf*>  l'existence  d'un  inlini,  dont  la  nature  est 
jmurtaiil  iiitoiiic^able  h  la  raison?  Mais  il  n'y  a  nulle  lumière 
dans  la  religion,  soit  encore  :  sup|KMons  de  part  et  d'autre  égale 
olMcurité  ;  «  les  lumières  naturelles  *  fourniront  encore  à 
l'homme  un  moyen  de  se  retrouver  et  de  se  tracer  un  chemin. 
Qu'il  ait  d'abord  renonct*  a  la  floublc  pri'*9oniption  de  la  rai- 
tOQ  et  de  l'amour  propre  :  <|u'il  minprenne  (|ue  les  seules 
rces  de  son  esprit  ne  Hullisent  point  à  trancher  les  ques- 
qui  sont  hors  de  la  |:iort<'e  humaine,  qu'il  ne  mesure 
point  aa  destinée  d'après  U  règle  trompeuse  que  lui  four- 
msMol  ses  passions  d'un  jour  ;  et  il  verra  qu'il  y  a  pour  lui. 


ARGUMENT  DES  FiNSfKS. 

sinon  une  chance  de  vérité,  du  moins  une  rlunoe  de  salai. 
Entre  l'incrédulité  et  la  religion  il  faut  choisir  ;  ne  pas  choi- 

air.  ^•'^i  Umi  dt  "**"»*' jj^i' 


*^   ioute 
itif  est  écartée  par  hypothèse  :  un  p  •'^< 
que  l'autre  ;  il  ne  reste  donc  qu'à  <  > 
lequel  vaut  le  mi»n¥^  Or^  ^  pri., 

le  droit  de  vivre  à  mon  yré.  p» 

lliscîp^ne    intellectuelle,    surlotr 

j;tffLse.et,e«iime1ar1iafg,tTel 

^  poae  te  fini  pour  avoir  l'infini.  ' 

^^  L^w,^  «M  m«^p«  |»^.mr»^. 

par  aveurienMPti  car  il  suffit  d'il 
en  manifester  la_vanité  et  la  mis' 
de  bonne  foi  et  possède  toute  sa  tili . 
tit  devant  l'infini  ;  la  vie  présente,  « 


it  exacte- 


chrétien  est  meilleur  et  plus  heureux  que  l'incrédule  ;  ne 
consullât-on  que  son  avantage  d'bonnétc  homme,  on  devra 
désirer  que  la  religion  soit  vraie  :  l'intérêt  hien  entendu  nr 
nou«  donne  pas  la  foi.  mais  il  tourne  vers  la  religion  noln* 
volonté  et  notre  attention:  elle  nous  agrée:  or  l'art  d'agréer  e»l. 
en  rai»on  de  l'infirmité  de  l'homme,  le  commencement  de  l'art 
de  persuader. 


SacTion  IV.  De$  Mcytm  de  eroùr. 

La  connaissance  de  son  néant  et  l'argument  du  pari  ont 
tourné  le  Ubertin  vers  Dieu.  Au  lieu  de  la  mauvaise  crainte. 

"  lui  fait  redouter  que  Dieu  soit,  il  a  la  t> 

,  .(lagne  l'espérance  qu'il  ciiste.  Il  s'agi; 

de  le  persuader  des  mérités  do  la  n*ligion.  ce  qui  fût  vie  la 
Secondé  Partie  de  l'ouvrage  de  Pascal.  Dans  la  iWfacr  de 
cette  seconde  partie.  Pascal  devait  écarter  les  raisonnements 
par  leH|«ieb  tes  phtioeophea  et  le»  théoiogiena  eiaaient  de 


à 


ARGUMENT  DES  PENSEES.  cclxi 

prouver  Dieu  k  l'aide  de  la  nature,  du  ciel  et  des  oiseaux  :  il 
les  condamne  à  la  fois  en  savant  qui  en  mesure  la  pauvreté, 
en  jansi-niste  qui  en  pénètre  le  caractère  rationaliste  et  natu- 
raliste. Quelle  sera  donc  la  >éritable  méthode  pour  amener 
l'homme  à  Dieu  ?  Le  manuscrit  de  Pascal  contient  un  grand 
nombre  de  fragments  relatifs  à  ce  point  qui  est  capital  dans 
une  Apologie  janséniste.  Si  la  grâce  vient  uniquement  de 
Dieu,  et  s  il  n'y  a  point  de  foi  sans  la  grâce,  quelle  sera 
la  valeur  et  l'efficacité  de  l'effort  que  fait  un  homme  pour 
convertir  d'autres  hommes,  alors  que  cet  homme  ne  disptose 
pas  de  la  grâce  divine  ?  La  réponse  de  Pascal  est  d'une 
admirable  netteté  :  la  foi  est  un  don  de  Dieu,  c'est  l'inspi- 
ration divine  qui  fait  le  vrai  chrétien  ;  mais  l'homme  n'est 
pas  une  créature  de  pur  sentiment  ;  outre  le  cœur  il  y  a 
en  lui  un  corps  et  un  esprit,  il  faut  que  la  foi  pénètre  l'es- 
prit et  le  corps.  C'est  la  coutume  qui  plie  la  machine  ;  mais 
la  coutume  suppose  avant  elle  la  raison  ;  autrement  elle  est 
vide  de  sens,  elle  n'est  que  superstition.  Pascal,  qui  s'acquittait 
de  ses  devoirs  religieux  avec  l'extrême  rigueur  que  l'on  sait, 
condamne  celui  qui  ne  met  son  espérance  qu'en  de  vaines 
formalités.  La  raison  a  besoin  d'être  satisfaite  :  il  faut  avoir 
soif  des  vérités  spirituelles,  et  travailler  de  la  pensée  pour  se 
rendre  compte  par  soi-même  et  se  convaincre  de  ce  qu'il  faut 
croire.  Mais,  si  c'est  un  excès  d'exclure  la  raison,  c'en  est  un 
autre  de  n'admettre  que  la  raison.  La  raison,  suivant  Pascal, 
n'est  pas  une  fin  en  soi  ;  elle  est  un  moyen.  La  raison  n'est 
pas  une  faculté  de  principe  :  elle  est  ployable  en  tout  sens, 
car  le  raisonnement  se  suspend  avec  la  même  facilité  à  toute 
espèce  de  préiniss»"«.  I/t'tudc  de  la  géométrie  et  l'expérience 
du  monde  altesleril  •>;iilenient  aux  yeux  de  Pascal  que  le» 
principes  sont  dus  k  une  intuition  immédiate  qui  est  ce  qu'il 
y  a  de  plus  profoml  et  de  plus  sur  en  nous  :  c'est  le  cœur  qui 
voit  les  trois  dimensions  de  l'espace  :  puis,  étant  donné  qu'il 
\   <  ^ioiu.  le  géomètre  démontre  les  théorèmes 

<l  .  s  propriéléi  de  cet  espace.  Dèa  lort  il  est 

conforme  à  la  véritable  nature  de  la  raison,  il  est  eMentielle- 
menl  raisonnable  que  la  raison  se  soumette  :  die  n'a  de 
taleor  que  si  elle  se  fonde  sur  le  sentiment  pour  s'achever  dans 
te  sentiment.  Le  rôle  du  raiaonnement  est  donc  nettement 
limité  :  dans  l'ordre  dea  choses  naturelles,  a  Jorliori  quand  il 


oan        ARGUMENT  DBS  fKNSÉBS. 

•'agit  àê  dénMntrer  Iw  vériiés  de  la  religion,  il  ne  peut 
qu'ouvrir  la  voie  au  aenliment.  qui  »eul  rai  vif  et  durable, 
qui  »rul  enveloppe  l'àme  tout  entière.  A  Dieu  il  eal  réaervé 
d'incliner  le  cœur  des  hommea.  et  cette  ooonaiiaanoe  du 
opur  «tullit  il  faire  le  chrétien  L'œuvre  de  l'homme  eat  d'éclai- 
rer IcA  esprits  afin  d'écarter  lea  obatacles  qui  t'oppoaeraient  au 
aen liment  ;  elle  diaaipe  lea  objections  des  atbéea  qui  déioum»* 
raient  letirs  àmea  de  Dieu,  elle  lea  prépare  k  recevoir  la  grèce 
et  à  en  proâler.  à  Dieu  veut  leur  envoyer  la  grèce. 


SicTtoN  V .  La  Jiuitce  ei  la  Hauon  d**  Effet». 

Relativement  à  la  justice  qui  est  dans  U  aociélé  humaine,  h 
la  valeur  de  la  naissance  et  des  dignités,  il  y  a  une  «  grada- 
tion »  d'opinion  qui  va  du  peuple  aui  demi-habilea.  dm  demi- 
habiles  aui  habiles,  jusqu'aux  di'vots  et  aux  chrétiens,  et  cette 
gradation  est  un  «  renversement  perpétuel  du  pour  au  contre  •. 
Cette  réflexion,  présentée  |)ar  Pascal  sous  difTérentea  formes, 
nous  permet  d'ordonner  les  fragmenta  relatifs  i  l'ordre  poli- 
tique, en  fixant  la  portée  de  chacun  par  le  rang  qu'il  occupe 
dans  cette  hiérarchie  d'opinions. 

Tout  d'abord  le  peuple  croit  qu'il  eat  juste  dliOBorar  lea 
grands  et  de  leur  obéir.  Mais  cette  prétendue  justice  M 
supporte  pas  l'examen.  Quelques  traits  d'une  rare  énergie, 
où  l'ironie  se  mêle  à  l'indignation  et  à  la  pitié.  suflBaent  i 
faire  éclater  b  confusion  et  la  contradiction  des  coutumea  sur 
leaquellea  reposent  les  institutions  humainea.  Fautril  conclure, 
avec  Montaigne,  qu'il  n'y  a  paa  de  justice  da  tout?  Non 
point  :  la  né^tion  de  la  justice  soulèverait  lea  homniea  contre 
l'ordre  établi,  le  désir  d'une  justice  meilleure  déchaînerait 
lea  guerres  civiles,  qui  sont  le  plus  grand  des  maux.  A  la 
critique  dea  demi-habiles  qui  font  voir  l'injustice  de  ce  que 
le  peuple  appelle  justice,  a'oppoae  la  sagease  supérieure  ém 
habiles,  qui.  comprenant  que  la  paix  eal  le  souverain  bioi  «1 
que  la  force  est  seule  capable  d'assurer  la  paix,  reconnaissent 
que  la  force  devient  juste  par  là.  La  coutume,  qui  parait 
d'abord  ridicule  et  vaine,  est  raisonnable  et  bienfaisante 
quand  elle  a'appuie  sur  la  force  :  car  elle  en  lait  acoepler 
volootaimncBl  «tdoocmient  l'empire,  qui  est  nfaxiire  pour 


ARGUMENT  DES  PENSEES.  ccLXin 

le  rppo»  du  moiMie.  Donc  les  opinions  du  peuple  sont  saines  : 
il  faut  respecter  les  loi»  établies,  s'incliner  devant  les  grands 
seigneurs  :  mais  ce  n'est  point  parce  que  cela  est  juste,  comme 
!<•  |»«Mij)li-  Ii^  |x^n<.o,  parce  que  ces  lois  sont  conformes  à  l'équité 
ou  fiui^  la  ii.ii>>aricc  entraîne  une  supériorité  d'esprit,  c'est 
parce  que  cela  est  établi  ainsi,  et  que  les  qualités  extérieures, 
étant  seules  visibles  et  incontestables,  peuvent  seules  s'imposer 
à  tous.  I>*  sa^'p  parle  donc  comme  le  peuple,  mais  il  n'est  pas 
dupe  des  crovarici's  populain's.  il  ne  livre  à  la  force  que  ce 
qui  est  du  dom.iirH'  de  la  Corce,  il  ne  confond  pas  la  gran- 
deur matérielle  avec  la  grandeur  spirituelle  qui  a  droit  au 
suiïragedc  lesprit;  il  sait  que  la  raison  du  peuple  est  au  fond 
folie,  et  il  se  résigne  à  celte  folie,  en  gardant  sa  pensée  de 
derrière  la  tète.  Le  sage,  le  sage  chrétien  surtout,  vise  plus 
haut  que  le  monde  ;  de  là  celte  sérénité  su|)érieure  avec  laquelle 
il  considère  l'ordre  qui  rî'gne  dans  la  so<iété  et  l'illusion  de  la 
justice  qui  en  esl  à  la  fois  le  plus  misérable  et  le  plus  solide 
appui. 

A  quoi  devait  tendre,  dans  l'esprit  de  Pascal,  cette  série  de 
réflexions  ou  les  diverses  opinions  en  présence  auraient  été 
développées  sons  forme  de  lettres?  Sans  doute  à  humilier  la 
raison,  à  dévoiler  les  contradictions  et  l'impuissance  de  l'hu- 
manité naturelle,  à  subordonner  le  cours  du  monde  à  une 
pensée  secrète  et  supérieure  qui  l'explique,  qui  le  justifie  et 
que  Pascal  nomme:  «  la  raison  des  effets.  »  La  gradation 
d'opinions  par  laquelle  se  comprend  l'organisation  de  la 
société,  est  une  image  de  la  dialectique  qui.  appliquée  cette 
fois  h  la  nature  intérieure  de  l'honune,  nous  amènera  à  con- 
cevoir «  la  raison  des  effets  »  de  cette  nature,  raison  que  la 
religion  nous  fournit.  En  même  temps  aussi  elle  écarte  seule 
de  la  route  de  l'apologiste  les  objections  que  les  esprits  forts 
ont  élevées  contre  la  justice  divine  en  s'appuyant  sur  la 
justice  humaine:  l'appui  s'est  écroulé,  les  objections  te  sont 


i'vaiir>iiu>5. 


Sbctiom  VL  Ln  Phitoêopha. 

C'est  aiu  philoaophMqtM  l'homme  s'adresse  pour  trouver  le 
souverain  bien.  Les  philosophes  lui  font  voir  d'abord  que  sa 


eom  ARGUMENT  DRS  PBNSÊB». 

dignité  mi  dans  b  p«naée.  Par  U  peiu^  rhomme  compMpd 
•n  lui  O0l  univen.  qui  le  comprend  en  toi.  Il  ect  plm  grand 
que  ce  qui  est  plus  fort  que  lui  :  car  il  connaît  œlte  force,  et 
ta  faiblcwe.  L'homme  powède  donc  le  principe  de  toute 
morale,  la  pensée  qui  suffit  k  réprimer  ne  paMÎons.  Mab  la 
grandeur  s  Inqurlir  l'homme  peat  prétendre  n'eil  pas  dans 
l'ordre  dr  h  nature  :  c«  sont  des  saïUiea  exceptionnelles  qui 
font  mieui  remarquer  sa  mMiocrité  habiliiclle.  Cette  penaée, 
qui  s'érige  en  souveraine,  est  en  réalité  soumise  aux  moindres 
drooniUneea  extérieures,  sujette  k  toute*  lea  infirmités  du 
corps  dont  elle  dépend.  KIIp  «iiffit  k  noua  donner  l'idée  et  le 
beaoin  de  la  vérité  ;  mai»  rettr  vérité  même,  elle  est  incapable 
de  la  saisir  dans  sa  substance  et  dans  son  esaence.  Le  aoep- 
tique  joue  avec  les  multiples  aspects  des  choses,  et  l'existmce 
du  dogmatisme  lui  apparaît  comme  le  plus  frappant  témoi- 
gnage de  l'élroitease  et  de  l'infirmité  incurafaJe  de  l'esprit 
humain,  .\insi  il  est  k  la  fois  vrai  que  la  penaée  eet  aouteraine 
dans  l'homme,  et  que  la  pensée  eet  impuissante  k  s'aaanrer  la 
possession  de  son  objet,  qui  est  la  vérité.  C'est  pourquoi  il  j 
a  entre  les  philosophes  une  perpétodle  opposition:  cette 
î   l'eflel  et  la  preuve  de  la  double  nature  de 

I  ideur  et  misère  tout  ensemble.  Entre  l'instinct 
qui  i  i>lov«>  «•(  Ipipérienoe  qui  le  déprime,  entre  la  rainnet 
les  passions,  le:*  philoaophes  ont  choisi,  et  perla  ibontexdn: 
ils  ont  été  dans  l'erreur,  n'ayant  vu  qu'une  partie  de  la  vérité. 

II  est  vrai  que  l'homme  est  miaérfbla  i  n^  y  ut  xnà  y '^  ■ 

deor.   La  miaère  et  la  ytadenr  ipnt  tf'flp' 
'd»ei  rUbmme.  et  ce  foijif  JSBSt  "'''***^**Vltr**    ^"***  ^* 
'^iqsnrbi  ne  pouvant  concevoir  deux  états  contraires 

dans  un  hk  !■■<  -ujet.  échoue4-elle  inévitablement  k  rendre 
raison  dr  la  nature  humaine  ;  tout  ce  qu'elle  peut  fiûre.  c'eet 
de  maintenir  dans  aon  intégrité  la  notion  de  la  nalnm 
humaine,  de  oonaerver  la  dualité.  U  contrariété  qui  en  e»(  li- 
vrai caractère,  de  voir  au  moins  la  eho$e,  puiaqu'eUe  ne  peut 
voir  la  ooose. 

Sktior  Vil.  La  Momie  H  fa  th^tmi. 
L'analyse  philosophique  suffit  pour  attester  que  lliomme 


ARGUMENT  DES  PBSSÈES.  ^  „ 

sans  la  foi  ne  petit  connaître  ai  le  vrai  bien  ni  la  Justice;  Mito.^ 
-est  convaincu  que  la  nature  est  corrompue  ;  mais  y  a-t-il 
quelque  chose  au  delà  ?  le  pessimisme  est-il  le  dernier  mot  de 
loutr  «^gene  ?  L'homme  ne  peut  répondre  :  qu'il  écoute  Dieu. 
iViit-f'-tre  la  sagesse  divine  nous  donnera-t-elle  la  raison  des 
rffett  dont  la  contrariété  nous  déconcerte.  A  elle  seule,  il 
appartient  de  remonter  le  cours  de  temps  et  d'expliquer  par 
le  mystère  de  notre  origine  l'énigme  de  notre  nature, 
f/lionime  a  tour  à  tour  été  dans  deux  états:  dans  l'état  de 
rrt'-ation  où  Dieu  l'a  mis.  et  dans  l'état  de  péché  où  il  s'est 
mb  lui-même:  ces  états  successif,  que  la  religion  nous  révèle, 
expliquent  les  états  simultanés  que  l'analyse  nous  découvre  ; 
car  l'homme,  en  tombant  dans  la  concupiscence  et  dans  la 
misère  par  suite  du  péché,  a  conservé  cependant  le  souvenir  et 
la  trace  de  sa  grandeur  primitive.  Aussi,  dès  que  ce  secret  est 
découvert,  qui  n'aura  du  respect  pour  cette  religion  qui 
enseigne  à  ses  plus  humbles  enfants  ce  que  les  sages  de  la 
terre  n'ont  pu  deviner  P  surtout  qui  ne  désirera  être  délivré 
de  cette  concupiscence  qui  est  le  fruit  et  le  châtiment  du 
péché?  qui  ne  désirera  rentrer  dans  la  véritable  nature  et  dans 
la  véritable  raison  P  Par  la  nature  et  par  la  raison,  il  est  aisé 
de  concevoir  l'injustice  et  le  dérèglement  de  l'amour- propre  : 
qu'on  s'imagine  an  corps  plein  de  membres  pensants  (métaphore 
d'origine  et  d'esprit  stoïciens  qui  devait,  par  l'intermédiaire 
de  saint  Paul,  s'introduire  en  plein  centre  dans  Y  Apologie  de 
Pavai),  est-il  convenable  que  la  partie  s'érige  en  tout,  et  qu'elle 
poursuive  son  propre  bien  à  l'exclusion  et  au  détriment  du 
bien  du  corps?  ou.  au  contraire,  ne  lui  sulTira-t-il  pas  de 
penser  pour  reconnaître  (|ue  là  où  se  trouve  l'origine  de  son 
être  et  de  sa  vie.  là  se  trouve  le  véritable  bien,  pour  aimer 
le  corps?  La  volonté  propre  ne  se  satisfera  pas:  la  satisfaction 
de  la  vninnié  ne  p«»»it  résider  que  dans  l'être  universel  qui  est 
à  I  lis.  qui  est    Dieu.    La    morale 

chi'  triomphe  de  la  charité   sur   la 

concupi.scenre  ;  \v\t  la  morale  la  doctrine  est  éclairée  et  justi- 
fier f  *  '  luvHg^BfijBLjillMlJûliM»,  d'm'i 
jx  ' uT  Cm WkWà  fm  <h 4w-fnéme. 
pn  >  par  le  péché,  puiwjuc 
il  lUt  à.  a'ainac  ^  i  auner 
1^                                              xxA  pas  U. iùu  ail  a'«l  le 


/ 


ARGUMKNT  DKS  PËNSÉKH. 

P^...^,^.  Nouj  naisaont  -\  ''  "i*  "♦• 

nabnooieoupablM  il  leraii  niv-n. 

mrdieuK  nous  ne  Murion*  ni  1«  connaître,  ni  I  aimT  â  plij« 

forle  raison.  La  charité  alff^' ■  '•    -^  ^^ '^-^  '  "  ■•-ur.  le 

Médialeur  qui  a  réconcili  '  «m  et 

Jétiu-Ghhst.  le  péché  don 

pboeoce  et  la  charité,  cette 

la  foi.  et  elle  en  manifnttc  la 

biiKHB  de  ITioroine»  JJ  U  rédi 

Hbî  reodriiisoa de»  deux  éui 

maintient  tout  enaemble.    L'hoiuiiic  (|iii   v  ><>ii 

toute  communication  avec  Dieu,  s'il    ne  «c  Mit  i 

perd  dans  le  désespoir:  mais  celui  qui  a  consdencr 

grandeur,  s'il  ignore  le  Rédempteur,  il  croit  Imir  de  I 

vertu,   et  il  se  perd  dans  l'orgueil.  Par  Jésn  "-ul  la 

mi^"  ■    ■        '  •  - 

Pa, 

pt'i,  I  Kcinit!.     L  IlOln  I 

Tuii-    .-:.:  -  ;  ...    ...  11  extatique,  fai'  n- 

lilé.  de  certitude  et  d'angoisse,  qui  arrache  à  Pascal  les  san- 
glots du  Myttère  de  Jé$u$. 


Sktion   Vlll.  Les  Fondemenlt  de  la  Religion  chrétienne. 

Si.  suivant  la  conception  générale  de  Pascal,  la  raison  nr 
peut  fournir  que  des  présomption»,  si  le  fait  seul  crée  unr 
oonvirtinn  véritable  et  définitive,  il  ne  suflini  pas  que  la  reli- 
gion chrétienne  ait  par  l'excellence  de  sa  morale  et  la  profon- 
deur de  sa  doctrine  justifié  de  sa  vérité  idéale  ;  il  faudra  aussi 
prouver  sa  réalité  vivante,  en  montrant  la  présence  et  l'action 
du  Dieu  chrétien  dans  l'histoire  du  monde.  Ce  n'est 
pas  seulement  la  nature  de  l'individu,  c'est  la  conduite  de 
l'humanité  qui  e*l  inexplicable  sans  les  mytlères  dekreligioa. 
Or.  la  preuve  de  cette  réalité  doit  èlre  adaptée  au  caradAre 
essentiel  de  cette  religion.  Si  le  dogme  rondameolal du  chris 
lianisine  c'est  la  dualité  actuelle,  le  combat  perpétuel  de  la 
cooeopimaoe.  suite  du  pécbé.  et  de  k  grâce,  fruit  de  la  ré 
deu^tioo.  il  est  nécessaire  que  ces  preuves  soient  ambiguës. 


ABGUMENTS  DES  PENSÉES.  ccuvn 

suivant  qu'elle»  sonl  interprétées  par  l'esprit  de  conaipiscence 
ou  par  l'esprit  de  charité.  C'eat  ce  que  devait  mettre  en  évi- 
dence, si  nous  ne  nous  trompons,  ce  chapitredes  Fondements  au- 
quel Pascal  fait  allusion,  et  dont  Havel  déclarait  ne  retrouver 
aucune  trace.  Dieu  n'a  pas  voulu  la  lumière  totale  ;  car  les 
homme»  ayant  péché  n'en  sont  pas  dignes  et  ils  ne  peu>ent 
être  sauvés  par  les  voies  naturelles  :  Dieu  n'a  pas  voulu 
l'obocurité  totale,  car,  étant  bon,  il  leur  a  envoyé  un  libéra- 
teur. Mais  Ua  fait  qu'il  y  eût  assez  de  lumière  pour  éclairer 
les  élus  ;aasez  d'obscurité  pour  aveugler  les  réprouvés.  Ce  mé- 
lange est  essentiel  à  la  doctrine  catholique  :  les  faits  histori- 
ques, pour  devenir  «  les  Fondements  »  du  catholicisme,  doi- 
vent porter  en  eux  le  caractère  de  ce  mélange  ;  il  faut  qu'ils 
soient  assez  obscurs  pour  justifier  toutes  les  objections  des 
hérétiques  ou  des  alh«''cs  :  mais  cette  obscurité,  loin  d'ébranler 
celui  qui  a  la  foi.  le  confirme  :  car  celui-là  non  seulement  y 
voit  assez  de  clarté  pour  surmonter  cette  obscurité,  mais  en- 
core il  comprend  la  nécessité  de  cette  obscurité.  Ce  n'est  donc 
pas  h  la  raison  qu'il  appartiendra  de  faire  le  départ  entre  la 
clarté  et  l'obscurité  :  elle  demeure  en  équilibre  entre  l'une  et 
l'autre  ;  si  nous  opposons  l'obscurité  à  la  clarté,  c'est  par  l'in- 
clination de  la  concupiscence,  comme  l'inclination  de  la  grâce 
nous  permet  de  concilier  l'obscurité  et  la  clarté  dans  une  syn- 
thèse où  l'une  et  l'autre  sont  justifiées.  L'histoire  du  christia- 
nisme est  faite  k  la  fois  pour  convertir  et  condamner  ;  plus 
elleapp.»'  •.  elle  seradaire  pour  ceux  auxquels 

Dieu»  .1  1  du  cœur  néceaaaire  pour  entendre 

celle  ambiguïté  :  et  aux  réprouvés  eu x-mèmet.  lorsqu'au  jour 
de  la  damnation  ils  saisiront  enfin  le  sens  de  cette  obscurité 
qui  les  rebutait,  leur  propre  raison  reprochera  leur  obstina- 
tion, et  ce  sera  pour  eux  un  supplice  de  plus. 


Sfi-tk»^  !\    !yi  PerpiUûlé. 

Tout  (l.il«.ril-i  I.  !  ut  [.  I  m  rollcnce  c'est  d'être  leplus  grand 
fait  historn|iii' <|ii  Mn  |iui»*r  invocpier  en  faveur  de  la  religion, 
c'est  sa  |MT|Mtinl>  jmi  h  juilu^me  qui  n'en  est  que  le  fon- 
dement. If  rhr!'«ti.:uii''iiifriMii<>nte  aux  origines  mémesde  l'hu- 
manité. Yoili  ce  qui  est  clair.  Mab  il  faut,  d'après  le  prin- 


ccuvm  ARGUMENT  DES  fMSSiE'< 

l'aical  a  poié.  que  cfftte  dailA  loil  milée 
<i  K^nc  robaeuril^.  c'est quaoeUflrtligioa  par- 

|W>tiirll(<  n'mt  p«4  unique.  Le  paganUtnp.  rhUloirederEgrplf 
et  celle  de  la  Chine.  Imitwla  obacurcit.  mais  en  mèaM  lempii 
cela  éclaire.  Et eneflel.  c'est  ane objection  «uperficMUededire  : 
ce  qui  n'osi  pas  uniqtie  n'ert  pas  vrai  —  et  de  détourner  b  tét4>. 
Si  on  a  bonne  volontt'.  on  j  regardera  de  plus  près,  et  par  la 
comparaison  de  la  religion  chrétienne  et  des  religions  paleones 
on  se  convaincra  de  la  vérité  de  l'une  et  de  la  Ciusaelé  des 
autres.  Les  autres  rdigions  en  eOet  n'ont  pas  de  témoins  ;  leurs 
livres  n'ont  pa*  d'autorité  parce  qu'iU  n'ont  pas  eu  d'effica- 
cit<^.  il»  ne  sont  pa^  l'ouvrage  d'un  peuple.  De  loin.  Mahooiet 
peut  ressembler  au  ChrUt  ;  de  près,  Mahomet  est  le  contraire 
du  Chri»t  et.  par  cette  contrariété,  fait  connaître  en  quoi  con- 
siste la  divinité  du  Christ  :  Mahomet  n'a  pas  été  prédit.  Maho- 
met n'a  pas  fait  de  miracles.  Mahometa  réussi  hn 
En  lui  nulle  clarté  supérieure  qui  donnerait  qu. 
aux  obscuriti^s  de  l'Alcoran.  mais  l'obscurité  pure,  qui  est  pour 
l'esprit  un  ni'-anl. 

Qu'on  applique  les  mêmes  principes  de  critique  au  peuple 
juif  :  les  résultai  de  l'épreuve  sont  tout  difiikenta.  L'anti- 
quité de  Moïse  est  telle  qu'aucun  livre  humain  ne  paut  pré- 
tendre à  l'approcher  ;  entre  la  création  et  lui  le  nombre  des 
générations,  qui  mesure  seul  l'altération  de  l'histoire,  est  si 
petit  que  l'historien  peut  [être  dit  contemporain  des  événe- 
ments qu'il  raconte.  Mais  ce  n'est  pas  tout,  ce  livre  a  un  carac- 
tère unique  qui  le  distingue  de  tout  autre  livre  :  il  contient  une 
loi  qui  est  la  loi  i  la  fois  la  plus  anôeone  ci  la  plus  rigoureuse 
de  toutes  celle  qui  révèle  aux  hommes  leur  corruption  et  le* 
soumet  au  joug  de  la  terreur.  Or.  cette  loi  a  subsisté  dans  ee 
peuple,  sans  interruption  ni  altération,  spectacle  si  peu  con- 
NMtne  au  cours  naturel  de  l'histoire,  qu'il  apparaît,  quand 
on  y  réfléchit,  comme  un  miracle.  Ne    '  m"- 

de  cela  que  les  Juifs  ont  intérêt  i  l'autr  r.v. 

el  qu'ils  sont  témoins  suspects?  Mais,  —  et  cest  ce  qui 
achève  la  preuve,  —  ces  livres  portent  la  condamnation  du 
peuple  qui  s'en  est  fait  le  gardien  et  le  défioaseur  :  ce  peuple  a 
été  r<  '  .'  rt  il  est  misérable,  et  il  snbaiile,  afin  de 
fempi  >  ,  au  bout  le  rôle  qui  lui  a  été  eangné  de  lémoin 

anoere. 


ARGUMENT  DES  PENSÉES.  ccuux 


Sectiou  X.  Les  Figuratifs. 

Pascal  expose  luî-mètne  le  sens  et  l'importance  qu'il  atta- 
che aux  Figuratifs.  En  eiïet  le  passage  de  l'Ancien  Testament 
au  Sout-eau  se  fait  au  moyen  des  prophéties  :  si  ce  qui  est  pré- 
dit par  l'un  se  vérifie  dans  l'autre,  alors  les  deux  Testaments 
sont  justifiés  en  même  temps.  Or.  comment  retrouver  dans 
l'Ancien  Testament  les  événements  dont  le  Nouveau  porte  le 
témoignage?  Si  l'Ancien  Testament  do'ii  être  interprété  au  sens 
littéral,  ainsi  que  lo  veulent  les  rabbins,  il  est  sur.  de  l'aveu 
de  Pascal,  que  les  prédictions  n'en  ont  pas  encore  été  réalisées  : 
Israél,  n'ayant  ni  les  richesses  ni  la  domination  qui  lui  ont 
été  promises,  attend  encore  son  Messie.  Mais  ce  sens  littéral 
est  un  voile  qui  obscurcit  et  qui  aveugle,  il  y  a  un  autre  sens 
qui  éclaire  et  qui  est  le  vrai,  c'est  le  sens  spirituel.  Ces  deux 
sens  ne  sont  pas  opposés  :  ils  sont  parallèles,  le  premier  est 
dans  l'ordre  de  la  chair  ce  qu'est  l'autre  dans  l'ordre  de  l'es- 
prit, l'un  est  l'image  ou  là  figure  de  l'autre  et  ainsi  s'explique 
qu'un  même  livre  puisse  avoir  deux  sens  suivant  qu'il  est  lu 
avec  les  yeux  de  la  concupiscence  ou  avec  les  yeux  de  la  cha- 
rité. Or.  comment  prouver  que  le  sens  littéral  recouvre  en 
efTet  un  sens  spirituel  et  que  c'est  ce  sens  qui  donne  la  clé  de 
l  Ecriture  ?  I*a»cal  indique  lui-même  les  trois  ordres  d'ar- 
guments auxquels  il  recourt.  En  premier  lieu  cela  ne  se- 
rait pas  digne  de  Dieu,  c'est-à-dire  que  les  commandements 
donnés  par  Dieu  ne  peuvent  pas  avoir  pour  fin  la  satisfaction 
de  la  concupiscence  :  la  promesse  des  biens  temporels  est  faite 
pour  aveugler  ceux  qui  n'ont  pas  le  cœur  pur  ;  mais,  pour  en- 
tendre la  parole  de  Dieu,  il  faut  se  placer  au  point  de  vue  de 
Dieu  et  non  au  point  de  vue  de  l'homme.  Or.  du  point  de 
Dieu  le  but  est  la  charité  ;  on  s'éloigne  en  s'éloignant  de  la 
chanté  :  en  rapportant  à  la  charité,  on  oomprend.  En  d'autres 
termes  l'Écriture  pi'ut  être  interprétée  ou  comme  une  loi  pleine 
de  menaces  et  de  promesMs  chamelles  ou  comme  tendant  à 
la  charité:  et  ces  deux  interprétations  sont  incompatibles. 
Mais  la  charité  a  une  valeur  absolue,  parce  qu'elle  unit  h  Dieu 
qui  est  l'Être  absolu,  elle  n'est  donc  pas  susceptible  de  repré- 
senter autre  chose,  d'être  conTcrtie  en  Ggure.  La  loi  est  6gu-> 


OGUU  ARtiUMKNT  DIS  fËMBttB. 

raliv«.  Undiii  ipir  la  rliaritô  n'ciil  dm  un  préoaple  Bguratif  : 
la  loi  (»l  l'imagr  et  la  charité  est  m  vMté:  la  tidoire  nir  Ira 
ennemia  que  Dieu  a  promtae  à  ion  peuple  est  la  mort  du  p^ 
cbé,  b  purrli^  d«>  la  foi.  Olte  {wanièie  prruve  qui  est  fondée 
sur  l'esprit  de  l'Ecriture,  te  oonfinne  par  deux  autres  argu* 
menta.  tirés  de  l'examen  des  textes  sacrés.  Dans  «s  testas,  en 
même  temps  que  la  loi  est  édictée  en  des  termes  qui  seraient 
clairs  s'ils  ne  visaient  que  les  actions  tout  extérieures  comme 
les  sacrifices,  et  les  réoMopenses  toutes  matérielles  comme  les 
richesses,  il  est  dit  que  «s  termes  ne  seront  point  eoleodos. 
que  la  Im  demeurera  lettre  close  pour  ceux-là  mèmaa  qui 
croiront  voir  et  entendre.  Quel  est  le  sens  de  ces  paroles,  si 
elles  n'indiquent  la  présence  d'un  autre  sens  qui  est  cadié  sous 
le  premier,  qui  n'a  pas  été  compris  des  Juifs  et  dont  Jésus- 
Christ  a  donné  lt>  <iecn>tî*  KnCin.  quand  on  enrisa^  l'ensem- 
ble des  livres  qui  fornienl  V.Ancifn  Trtlament,  il  apparaît  qu'à 
les  interprf>(rr  uniquement  dan»  le  sens  de  la  loi  juive,  il  j  a 
contradiction,  à  la  fois  {larce  que  certaines  prédictions  n'ont 
pas  été  suivies  d'effet  littéral,  et  parce  qu'à  cdté  des  comman- 
dements et  des  promesses  d'ordre  matériel  il  y  a.  nettement 
énoncés,  des  oomm.indrmcntif  et  dtvi  promenés  d'ordre  spiri- 
tuel qui  les  démtMitrnt.  Or.  celte  double  contradiction  ne  peut 
être  levée  que  par  une  interprétation  spirituelle  :  ce  qui 
est  rau\  litttTalemenl  .<era  vrai  spirituellement  :  ai  le  temple 
de  JéniAfllem  a  élt>  détruit  parce  que  les  pi(*rres  en  ont  été 
renversées,  il  n'a  pas  cessé  d'être  debout,  parce  que  la  Nou- 
velle Jérusalem  subsiste  dans  l'Cglise.  De  même  l'opposition 
des  deux  sens  disparaît  dêsqu'on  établit  entreeux  le  rapport  de 
figure  à  (îguré  :  le  figuré  justifie  la  figure  en  même  temps 
qu'il  se  justifie  lui-même. 


Sktiom  \I.  Le*  Prophétie*. 

La  doctrine  dos  FigwtUif»  permet  d'appliquer!  Jésus-Christ 
les  prophéties  oootenum  dans  l'^na^n  TetloaMMl.  Pascal  a 
rectiîptlli  ces  prophéties,  il  en  a  mis  toute  la  valeur,  b  lumière 
et  il  a  refait  lui-même  la  traduction  d'importants  passages 
d'isale  et  de  Daniel.  Nous  ne  savons  à  vrai  dire  dans  quelb 
mesure  il  se  pro|iosait  de  faire  passer  dans  le  texte  même  de 


ARGUMENT  DES  PBSSÈES.  ccuaa 

son  ouvrage  les  matériaux  nombreux  et  abondants  que  les 
manuscrits  nous  fournissent  et  qui  ont  été  naturellement  réu- 
nis dans  cette  section.  Mais  ils  témoignent  de  l'importance 
capitale  que  Pascal  accordait  aux  prophéties  et  sur  laquelle 
il  avait  vivement  insisté  dans  la  conférence  faite  à  Port- 
Royal.  Ce  sont  elles  qui  mettent  une  différence  essentielle 
entre  la  religion  chrétienne  et  les  autres  religions,  et  en  un 
sens  elles  constituent  pour  Pascal  le  fondement  historique  de 
la  foi  ;  par  elle  l'histoire  universelle  a  un  sens  religieux.  Si 
l'univers  extérieur  est  muet,  l'humanité  tout  entière  parle  de 
Dieu  :  «  Qu'il  est  beau  de  voir  par  les  yeux  de  la  foi.  Hé- 
rode.  César,  etc.  » 


Section  XII.  Preuves  de  Jitas-Chrisl. 

Les  prophéties  ont  annoncé  le  Messie,  et  Jésus-Christ  est 
venu.  L'Ancien  Testament  est  plein  de  son  attente;  mais  cela 
mi-:  iiise  d'obscurcissement  et  d'aveuglement  :  car  ce 

M»  !)ré   avec    tant  d'éclat  par  Isaïe  et  j>ar  Daniel,  est 

venu  dans  une  condition  si  basse  que  les  historiens  du  monde 
l'ont  ignoré,  que  les  Juifs,  témoins  de  sa  vie.  l'ont  rejeté 
et  l'ont  crucitié.  Or.  cette  raison,  qui  est  pour  les  libertins  un 
prétexte  à  ne  pas  croire,  est  pour  les  vrais  chrétiens  une  con- 
liiuiiilioii  de  leur  croyance.  Car  les  Juifs,  étant  charnels, 
ont  attendu  le  Messie  rliarnel.  le  roi  de  la  concupiscence  qui 
leur  apporterait  l«'s  richt'^ses  de  la  terre,  la  domination  de 
la  terre  :  mais  Jésus  n'a  combattu  qu'avec  la  prière,  il  n'a 
con(|uis  que  les  âmes.  Son  triomphe  a  été  de  se  sacrilier  pour 
rarhi-lcr  les  honunes.  Olui  que  les  Juifs  auraient  reconnu 
n'aurait  |kii«  été  li'  vrai  Messie,  car  il  n'aurait  point  libéré  du 
péché,  il  n'aurait  |K>inl  vaincu  la  concupiscence.  Mais  celui 
qu'ils  ont  nnconnu.  ils  l'ont  prouve  en  le  faisant  mourir 
ignominieiiHcment  ;  d'une  part  ils  ont  manifesté  la  sincérité  de 
lear  témoignage,  d'autre  part  ils  ont  fait  éclater  la  grandeur 
qui  était  propre  au  R«'*<lemt)teur.  et  qui  est  l'ordre  de  la 
charité*.  Pour  <|ui  sait  lire  l'hvangile  a\ec  u  les  yeux  du  apur. 
qui  >nll  la  sagesse  »,  tout  y  est  transparent  et  louchant.  Quand 
la  divinité  de  celui  qui  les  iiupira  ne  serait  pas  attestée  par  la 
naïveté  desévangélistesqui  se  traduit  jusque  dans  leur  disoor- 


ARGUMENT  DES  PBNSÉKS. 

dtnce  apparente,  pr  le  couni^  dm  «pôlfw  qui  m  font  mar- 
lyrtaer  pour  le  Christ  qu'ils  ont  vu  msuictté.  fhaimlilé 
nbute  «  U»  grands  de  chair  >.  la  siniplicitë  qui 
a  \m  «april  curieiu  *,  en  fourniraient  autant  de  marquea  à 
b  fob  tndéfiniaablea  et  irréatatible». 


SBcnoM  XIII.  Les  Miradm. 

La  justification  de  la  doctrine  chrétienne,  la  oonfinnation 
de  ta  «  duplicité  »  intrinsèque  par  l'ambigullé  eatenlieUe  à 
l'histoire  de  la  religion,  permettent  l'interprétation  dea  mira- 
cles, qui  devait  être,  dans  V  Apologie  de  Pascal,  le  centre  auquel 
tout  se  rapporterait.  Les  miracles  sont  extérieurement,  pour 
le  corps  et  pour  la  foule,  l'image  de  ce  qu'est  la  grèce  dans 
l'intimité  de  l'Jime  individuelle.  Par  les  miradei  Dieu  naaure 
SCS  élus,  calme  pour  un  temps  ce  tremblement  perpétuel  qui 
est  l'état  du  vrai  chrétien  :  en  même  temps  il  s'impose  par  le 
prestige  de  la  force  nutérielle  i  ceui  qui  n'ont  pts  la  foi.  il 
leur  donne  un  avertissement  solennel  c{ui  leur  présage  leur 
condamnation  définitive,  ou  qui  prépare  leur  conversion. 
Aussi  les  miracle»  sont-ils  le  fondement  de  la  foi  :  c'est  d'eui 
que  Jésus-Christ  se  réclame,  c'est  par  eux  que  ceux  qui  n'ont 
pas  cru  en  lui  demeurent  sans  excuse.  —  Mais  il  j  a  de  faux 
miracles.  —  Il  doit  y  en  avoir  de  faux  afin  que  la  foi  demeure 
ambiguë,  et  que  le  départ  se  fasse  entre  l'esprit  de  charité  et 
la  dureté  de  cœur.  Matériellement  les  vrais  miradea  n'ont 
rien  qui  les  distingue  des  faux  ;  mais  ils  portent  à  Dieu,  et 
les  autres  en  détournent.  Ainsi  les  faux  miracles,  au  temps 
de  Jésus-Christ,  ont  confirmé  la  religion  qui  les  avait  prédits; 
la  doctrine,  qui  n'était  pas  douteuse  alors,  a  diaoêmé  les 
miracles.  Depuis,  lar^lea  changé:  l'hérésie  ayant  rendu  la 
doctrine  douteuse,  les  miracles  ont  servi  i  dtsoemer  la  doc- 
trine ;  jamab  miracle  ne  s'est  produit  en  faveur  dea  scbisma- 
tiques  ou  des  hérétiques:  Dieu  est  intervenu  ■  dans  la 
contention  du  vrai  bien  •  pour  le  salut  de  l'Egl* 
cette  règle  qu'il  faut  appliquer  au  miracle  de  la  Sain 
n  est  bien  vrai,  comme  le  disent  les  Jésuites,  qu'en  gcii>  r  <l 
depuis  l'établissement  du  christianisme  il  ne  se  pr<>-*"'  ■  '  ' 
de  miracles;  mais  plus  rare  est  la  manifestation  de  I 


L'ARGUMENT  DES  PENSÉES.  cclzxui 

toute-puissante,  plus  elle  est  digne  d'attention.  Les  miracles 
condamneront  ceux  qu'ils  n'auront  pas  convertis,  et  ils  con- 
\crlironl:  c'est  pour({uoi  le  premier  devoir  de  charité  envers 
Dieu  cl  envers  les  hommes  est  de  défendre  et  de  célébrer  «  le 
miracle  ».  L'esprit  dans  lequel  l'Apologie  a  été  entreprise 
se  résume  dans  cette  prière  :  «  Sur  le  miracle.  Comme  Dieu 
n'a  pas  rendu  de  famille  plus  heureuse,  qu'il  fasse  aussi  qu'il 
n'en  trouve  point  de  plus  reconnaissante.  » 


SiCTiO!!  XIV.  Appendice  :  fragments  polémiques. 

La  doctrine  du  miracle  met  aux  prises  Pascal  et  les  Jésuites. 
La  polémique  des  Provinciales  se  serait-elle  poursuivie  dans 
V Apologie?  ce\&  est  probable,  si  on  songe  aux  circonstances 
dans  lesquelles  fut  conçue  cette  Apologie,  et  d'ailleurs  nous 
avons  sur  ce  point  le  témoignage  d'£tienne  Périer*.  Le 
miracle,  qui  est  la  justification  par  excellence,  puisqu'il  mani- 
feslr  Dieu,  vérifip  la  doctrine  chrétienne,  telle  qu'elle  est 
connue  par  le  Jansénisme  et  telle  qu'elle  devait  être  exposée 
par  Pascal.  Mais  en  même  temps  elle  condamne  et  la  politique 
autocratique  et  la  morale  probabiliste  que  les  Jésuites  avaient 
introduites  dans  l'Église,  .\u98i  trouve-t-on  dans  le  manuscrit 
autographe  d(*  nombreux  fragments  relatifs  ù  ces  deux  sujets, 
qui  sont  liés  à  l  ifj'Aogie  du  miracle  et  qui  nous  ramènent 
en  même  temps  aux  Provinciales,  qui  sont  en  quelque  sorte 
intermédiaires  entre  les  deux  ouvrages  dont  ils  marquent  la 
connexion  étroite  et  la  suture. 


I.    Vide  sapra,  p.  cxcr. 


I--  18 


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TABLE  DE  CONCORDANCE 
POUR  LES  FRAGMENTS  DES  PENSEES 


I 


La  table  de  concordance  doit  être  établie  suivant  l'ordre 
des  pages  du  manuscrit  entre  l'édition  de  Port-Royal,  l'édition 
Bossut  qui  h  certains  égards  est  une  édition  originale,  et 
d'autre  part  les  éditions  modernes  qui  se  sont  elles-mêmes 
référées  au  manuscrit  de  Pascal,  les  éditions  Faugère. 
Havet.  Molinier  et  Michaut.  Telles  sont  d'ailleurs  aussi  les 
conclusions  de  l'éditeur  Michaut  qui  a  déjà  fait  ce  travail  et 
auquel  nous  avons  emprunté  les  éléments  réunis  dans  ce 
tableau.  Dans  notre  introduction  nous  avions  donné  les  détails 
nt'-cessairps  sur  les  trois  types  d'éditions  dogmatiques,  en  ana- 
lysant le  plan  de  Condorcel.  d'Astié  et  du  chanoine  Rocher. 
Nou»  ajoutons  ici,  pour  rendre  plus  clair  et  plus  significatif 
notre  tableau  de  concordance,  la  table  des  matières  des  éditions 
que  nous  y  comparons,  de  façon  que  le  lecteur  ait  ainsi  sous 
les  yeux  les  différents  aspects  qu'a  revêtus  au  cours  de  son 
évolution  le  livre  des  Pensées.  Nous  y  avons  naturellement 
rapproché  llavet  de  Bossut:  quant  à  Michaut.  c'est,  avec 
quelques  interversions  inévitables  dans  l'état  actuel  du  recueil, 
l'ordre  même  du  manuscrit. 


TABLE  DE  œNCORDANCB 


Nota.  —  Lm  hutm  bortnatalM  <!•  U  proaièro  eoloaaa  aépamil  Im  trfwtaml  éaiU  mt  à 
tmUUmàafmfkÊtrSÊàtmkm,  •(  ^  ont  M  plw  turf  mIU»  *  «m  ■**•  pf*  da  racMll  i 


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TABLE  DES  TITRES  DE  L'ÉDITION  DE  1670. 

PsnstBS  DE  M.  Pascal  tar  la  religion  et  sur  qoelquet  aatret 
sujets.  Paris.  1670. 

I .  Contre  l'indifférence  des  athées, 
li.   Marques  de  la  véritable  religion, 
m.   Véritable  religion  prouvée  par  les  contrariétés  qui 

sont  dans  l'homme  et  par  le  péché  originel. 
IV.   11  n'est  pas  incroyable  que  Dieu  s'unisse  à  nous. 
V.  Soumission  et  usage  de  la  raison. 
VI.   Foi  sans  raisonnement. 
VII.  Qu'il  est  plus   avantageux  de  croire  que  de  ne  pas 

croire  ce  qu'enseigne  la  religion  chrétienne. 
VIII.   Image  d'un  homme  qui    s'est    lassé    de    chercher 
Dieu  par  le  seul  raisonnement,  et  qui  commence 
à  lire  l'EIcrilure. 
I\.   Injustice  et  corruption  de  l'homme. 
\.  Juifs. 
XI.  Moïse. 
XII.    FigurM 

XIII.  Qm  tait  figurative. 

XIV.  h  r. 

XV.   Preuves  de  Jtsus-CBRisT  par  les  prophéties. 
XVI.  Diverses  preuves  de  Jésus^bbist. 
XVII.  G)nlre  Mahomet. 

WIII.  Dessein  de  Dieu  de  se  cacher  aux  uns.  et  de  se  dé- 
couvrir aux  autres. 
XIX.  Que  les  vrais  chrétiens  et  les  vrais  Juifs  n'ont  qu'une 

même  religion. 
XX.  On  ne  connaît    Dieu  utilement    que   par   Jisu8> 
Chkut. 

XXI.  Contrariétés  étonnantes  qui  se  trouvent  dans  la  na- 
ture de  l'homme  k  l'^ard  de  la  vérité,  du  bon- 
heur, et  de  plusieurs  autres  choses. 

XXII.  Connaissance  générale  de  l'homme. 

rsHstes  Mt  r*scAL.  1  —  tt 


eecvt  TABLE  DKCONGORDANCB. 

XXII I.  Grandeur  de  l'homme. 

XXIV.  Vanité  de  l'homme. 
XXV.  FaibleMe  de  l'homme. 

XXVI.  Mii^  de  l'homme. 
XWll.  Penaéea  sur  les  miraclei. 
XXVllI.  Peneéee  chrétiennee. 

XX1\.  Peoaées  moralea. 

XXX.  Peniéea  mr  la  mort,  qui  ont  M  extnHti  d'une 

lettre  écrite  par  M.  Pascal  sur  le  sujet  de  la  mort 
de  M.  son  père. 

XXXI.  Pens^  diverse». 

XXXII.  Prière  pour  demander  à   Dieu  le  bon  usage  des 
maladiee. 


TABLE  DE  L'ÉDITION    BOSSUT.    ET    GORBBSPOXDANCK 
AVEC  L'ÉDITION  HAVBT 

PREMIERE  PARTIE 

OSBiSBast  iM  PtDaé**  qal  m  rApport«nt  à  U  phUoaophla,  à  U  Bocml*. 
•t  aaz  b«U«ft-Uttr«*. 

Aar.  1.  De  l'autorité  en  matière  de  philoaophie. 

Art.  II.         Kénexions  sur  la  gfométrie  en  général. 
Art.  III.       De  l'art  de  persuader. 
Art.  IV.       Connaissance  générale    de   l'homme    (Hatit. 

art.  I). 
A«t.  V  Vanité  de  l'homme:   otT^i*  ili-  ramniir-propre 

(lUvrr.  art.  II). 
Art.  VI.        Kaiblease  de  l'homm*  )n- 

naissanoea  naturell> 
Art.  VII.      Misère  de  l'homme  (Hatkt.  art.  IV). 
Amt    VIII      Raisons  de  quelques  opinkMu du  peuple  (Uavr, 

art.  V). 
.\rt.   IX.        I '..>.'.-  n.or.il.-s  rf.M.irh.'T.rîIo'KT.  art.  VI). 
AaT.  X.         i''  >-  '  ~    In'  <—  'I''  |'lnl--.j,hio  et  deliltérati 

livw   .       Ml      \  Il 

Aar.  XI.       >ur  Ijii.  t.  ir  .-t  NlMiit.ii^'no. 
Art.  XII.      Sur  la  condition  des  grands. 


Art. 

11. 

Art. 

III 

Art. 

IV 

\hi 

V 

TABLE  DE  CONCORDANCE.  ce 

SECONDE  PARTIE 
Oontflxuuit  iM  P«ns6es  Immédiatement  reUtlves  à  U  religion. 


Vht.   I.  Contrariétés  étonnantes  qui  se  trouvent  dans  la 

nature  de  l'homme  h  l'égard  de  la  vérité,  du 
bonheur,  et  de  plusieurs  autres  choses  (Havbt, 
art.  VIII). 
Ni'(  (•-'*ité  d'étudier  la  religion  (Havet.  art.  IX). 
(Jii. 111(1  il  serait  diflicile  de  démontrer  l'existence 
de  Dieu  par  les  lumières  naturelles,  le  plus 
sûr  est  de  la  croire  (Havbt,  art.  X). 
Marques  de  la  véritable  religion  (Havet,  art.  XI). 
Véritable  religion  prouvée  par  les  contrariétés 
qui  sont  dans  l'homme,  et  par  le  péché  ori- 
ginel (Havbt,  art.  XII). 

\rt.  Vf.  Soumission  et  usage  de  la  raison  (Havkt. 
art.  XIII). 

\ht.  Nil.  Image  d'un  homme  qui  s'est  lassé  de  chercher 
Dieu  par  le  seul  raisonnement  qui  commence 
à  lire  l'Ecriture  (Havet,  art.  XIV). 

\ht.  VIII.  Des  Juifs  considérés  par  rapport  à  notre  reli- 
gion (Havet,  art.  XV). 

\rt.  IX.  Des  figures;  que  l'Ancienne  Loi  était  figurative 
(Havbt.  art.  XVI). 

Art.  X.         De  Jésus-Christ  (Havet.  art.  XVII). 

Art.  XI.  Preuves  de  Jésu.^Christ  par  les  prophéties 
(Havet.  art.  XVIII). 

\rt.  Xll.  Diverses  preuves  de  Jésus-Christ  (Havct, 
art.  XIX). 

.\rt.  XIII.  Dessein  de  Dieu  de  se  ctcher  aux  uns.  et  de  se 
découvrir  aux  autres  (Havbt.  art.  XX). 

Art.  XIV.  Que  les  vrais  Chrétiens  et  les  vrais  Juifs  n'ont 
qu'une  même  religion  (Havbt.  art.  XXI). 

XV.  On  ne  connaît  Dieu  utilement  que  par  Jésus- 
Christ  (Havbt.  art.  XXII). 

XVI.  Pensées  sur  les  miracles  (Havbt.  art.  XXIII). 


TABLE  DR  CUNCORDANCK. 

Aar.  XVII.   Pefuém  diveneg  sur  U  religion  (Havbt.  art. 

XXIV)«. 
Amt.  XVIII.  Pensées  lur  U  mort  (extnit  de  U  lettre   de 

Paacal  sur  la  mort  de  um  pM). 
Aar.  XIX.     Prière  pour  demander  à  Dieu  la  boa  oMge  de» 

maladies. 


TABLE  DES  ÉDITIONS  FAUGÈBE  (i844.  1897). 

PREMIER  VOLUME 

NouTeau  fragment  du  traiU  du  vide. 

Différence  entre  Vetpril  de  géométrie  et  VetprUit  Jbmm. 

Géométrie^jinette . 

Pensées  diverses. 

Baviuement  el  profeuion  de  foi. 

Pensées  sur  V Eloquence  el  le  $tyle. 

Pensées  et  noies  relatives  aux  Jé$uile$,  aux  Jansinitlet  et  aux 

Prwineiale$. 
Pensées  sur  le  Pape  et  sur  l'Eglise. 
Addition  au  ///*  discourt  sur  la  condition  des  grands. 

SECOND  VOLUME 


FncmanU  d^ui*  Apolod*  du  CbrUtlMUnaa,  oa 
«or  U  lUUcloo. 
Préboe  générale. 
Variante  de  la  préface  générale. 
Notes  écrites  pour  la  préface  générale. 
Pamikaa  PAana.  —  Misère  de  l'homme  soiu  Dim,  oa 

nature  est  corrompue  par  la  nature  mém*. 
PiéUce  de  la  première  partie. 
Qur.  I.        IHoertisêement. 
CsAT.  II.       files  /NuasaiMcs  trompnmi. 
Caar.  III.     Disjtroporûan  i*  f homme. 


I.  Las  psaséss  ^Jaoawrtw   par  Coasia  al  par  Psafèra 
aitida  IXV  da  i'éditioa  Havat. 


TABLE  DE  CONCORDANCE.  ccax 

Ciur.   |\        Cirnndmr  ei  misère  de  rhomme.  —  Système  des 

philosophes. 
Seco>de  i>\rtie.  —  Félicité  de  rhomme  avec  Dieu,  ou  *luU  y  a 

un  ré{tarnlenr  par  r Ecriture. 
Préface  de  In  5rconde  partie. 

Ch^p.   I.         Que  rhomme  sans  la  foi  ne  peut  connaître  le  vrai 
bien  ni  la  justice. 
Caractères  de  la  vraie  religion. 
Moyens  d'arrii^r    à    la  foi  :   raison,    coutume, 

inspirniion. 
l)u  l'eupie  juif. 
Des  ytiraeUs. 
De»  Figuratifs. 
Des  Prophéties. 
De  Jésus-Christ. 
Le  Mystère  de  Jésus. 
De  la  religion  chrétienne. 
Ordre. 


Chap. 

Il 

Chap. 

III 

CllAP. 

l\. 

Chap. 

V. 

Chap. 

VI. 

Chap. 

VII. 

Chap. 

VIII 

Chap. 

IX. 

Chap. 

\. 

TABLE  DE  L  ÉDITION  MOLINIER  (1877). 

PRrrACK  cé^ÉRAI.F.. 

Note»  pour  la  préface  générale. 

I .  Misère  de  F  homme  sans  Dieu  ou  que  la  nature  est  corrompue 
par  la  nature  même. 

Préface  de  ta  première  partie. 

Diitproportion  de  l'homme. 

Divertissement. 

Crandenr  et  mi«*re  de  l'homme. 

Des  puissances  trompeuses  et  de  l'imagination. 

De  la  justice.  Coutumes  et  préjugés. 

Faiblesse,  inquiétude  et  défauts  de  l'homme. 

I I .  Félicité  de  l'fu>mme  avec  Dieu  ou  quil  y  a  un  réparateur  par 
VF.rriture. 

Préfare  de  la  seooode  partie. 
Néce-'-ité  de  rechercher  la  vérité. 
Dot  philoaophM. 


TABLR  DR  CONCORDANCE. 

Peniéet  tur  llâhonu»i  <•(  Li  Chine. 

Du  peuple  juif. 

Aolaenticilé  des  Livr»  aainU. 

Prophétie!. 

Des  figures  en  général  el  de  Inir  légitimité. 

Que  U  loi  de*  Juif»  était  flgtirativc. 

De  U  vraie  religion.  Caractères  qu'elle  doit  présenter. 

Eicellence  de  b  religion  chrétienne. 

Du  péché  originel. 

Perpcluilé  dp  la  rrlipion  chrétienne. 

Preuves  de  la  religion  chrétienne. 

Preuves  de  la  divinité  de  Jé»u»-Chri>t. 

llÎMon  et  grandeur  de  Jésun-Christ. 

Le  myttire  de  Jésus. 

Du  vrai  Juste  et  du  vrai  Chrétien. 

Ordre. 

Des  miracles  en  général.  Miracle  de  la  Sainte-Epine. 

Jésuites  et  jansénistes. 

Pensées  sur  le  style. 

Pensées  diverses. 

Profession  de  foi  de  Pascal. 


PENSÉES 


AVERTISSEMENT 

POV« 

LA  LECTURE  DES  PENSÉES 


Deux  chiffres  sont  en  tête  de  chaque  fragment  :  celui  du 
milieu  est  le  numéro  d'ordre  dans  la  présente  édition,  en  con- 
formité avec  notre  publication  antérieure  des  Opuscules  el 
P'  'It  in-i6,  1897  —  a'  êdil.,  1900). 

I  _  I'-  chiffre  à  gauche  désigne  la  page  du  manuscrit 

original  où  est  le  texte  que  nous  reproduisons.  Ce  chiffre  est 
suivi  d'un  astérisque  dans  le  cas  où  le  fragment  est  dans  ce 
même  recueil  écrit  d'une  autre  main  que  celle  de  Pascal  — de 
doM  '|ucs  quand  l'écriture  de  Pascal  se  trouve  jointe  i 

!'«•(  trangère  soit   pour  une  ptartie  du  fragment,   soit 

pour  des  additions  ou  des  corrections.  Quand  le  fragment  est 
emprunté  soit  à  la  Première  copie  (manuscrit  n'  9308.  f.  fr. 
de  la  Bihliolhèque  Salionale).  soit  à  la  seconde  copie.  n°  ia4^9. 
soit  aux  recueils  du  Père  Guerrier  ou  de  Sainte-Beuve  con- 
sultés par  Kaiig«>re.  quand  nous  n'en  connai<>«on»  qu'un 
texte  imprimé  par  Port-Roval  ou  par  Bossut.  nous  ajoutons 
cette  indication  au  chiffre  de  gauche  :  nous  fournissons  ainsi 
le  certificat  d'origine  du  fragment.  En  note  nous  donnons 
la  référence  aux  deux  Copies  (la  première  désignée  par  B.  la 
seconde  par  G.  «luivant  la  convention  posée  par  M.  Michaut). 
aux  éditions  de  Port-Royal  de  Bossut.  et  aux  quatre  éditions 
nuxlernes  (]ui  renvoient  elle»-ménies  au  manuscrit  :  Faugère. 
Havet.  Molinier.  Michaut.  d'après  les  principes  qui  avaient 
servi  k  établir  notre  Table  de  eoneordanee. 

Les  mots  ou  phrases  de  même  caractère  que  le  texte  qui 
sont  placés  entre  crochets  sont  des  mob  ou  des  phrases  qui 


t  AVERTISSEMENT 

ont  élé  njiê  par  Pascal.  Lei  mob  également  entre  ctocImI». 
maii  en  UaUqae$t  sont  des  mots  que.  pour  des  raiiona  oipli- 
«niée»  en  notes,  l'éditeur  eai  dans  la  oéeaaHié  de  rilablir  oa 
de  oomger. 

Les  irariantes  sont  en  noies  et  entre  erochets  :  elles  sool 
imprimées  en  earadAres  gras,  de  façon  h  faire  apparaître  im- 
médiatement dans  les  notes  oe  qui  est  le  teite  de  Pascal. 
Pour  les  variantes  qui  ne  sont  pas  de  Pascal,  c'esl^ènlire  les 
corrections  de  Port-Royal,  les  négligences  de  Deamoleta.  de 
Bossotoude  tel  autre  éditeur,  ellôi  étaient  évidemment  inu- 
tiles à  rdever  :  le  manuscrit  original  est  la  source  anique  qui 
dispense  de  toute  autre  r^férenoe.  Nous  nous  sommes  donc 
borné  aux  cas  de  lectun*  douteuse,  ou  bien  aux  oorredions 
qui  présentaient  un  int^r/^l  historique. 

Enfin,  et  quoique  la  diversité  des  fragmcnb  <  '«ule 

règle  stricte,  nous  avons  surtout  insisté  dans  not  neo- 

taire  sur  les  rapprochements  avec  les  textes  ou  des  auteurs 
que  Pascal  a  lus.  depuis  la  Bible  jusqu'au  Pagio  Fidei  de 
Raymond  Martinet  VHUtoria  Jesmiiea  d'Ilospinianus.  ou  des 
homme»  qu'il  a  connus,  tels  que  le  chevalier  de  Méré  ou 
Nicole.  I)eH  fragmenU  écrits  de  premier  jet  se  prêtent  mieux 
que  tout  autre  ouvrage  —  nos  prédécesseur».  Ilavet  en  parti- 
culier, l'avaient  fait  voir  —  à  des  rapprochements  de  ce 
genre  qui  nous  permettent  preaque  de  nous  asseoir  nous- 
méme  à  la  table  où  travaillait  Pascal.  Aussi  avons-nous  cru 
qu'il  n'était  [tas  inutile  de  transcrire,  malgré  leur  aridité,  les 
textes  de  Raymond  Martin  ou  de  Mutius  Vitelescus  que  Pascal 
avait  étudiés  et  sur  lesquels  il  avait  pns  des  notes:  nous  les 
avons  cités  dans  la  langue  originale,  et  de  même  nous  avons 
donné  les  ^erset^  de  la  HMe  dans  le  latin  de  la  Vuligalê,c^ 
à-dirc  tels  que  Pa^ral  |Mirait  les  avoir  lus. 


MKMORIAL'  DE  PASCAL 

t 

L'an  de  grâce  i654. 
Lundi,  a3  novembre,  jour  de  saint  Clément,  pape 


I .  «  Peu  de  joan  après  la  sort  de  M.  Pascal,  dit  le  père  Guerrier, 
uo  domestique  de  la  oiaison  s'aperçut  par  hasard  que  dans  la  dou- 
blure du  pourpoiot  de  cet  illustre  défunt  il  y  avait  quelque  chose  qui 
paraissait  plus  épais  que  le  reste,  et  ayant  décousu  cet  endmit  pour 
voir  ce  que  c'était,  il  y  trouva  un  petit  parchemin  plié  et  écrit  de  la 
main  de  M.  Pascal,  et  dans  ce  parchemin  un  papier  écrit  de  la  aéae 
■•ia  :  l'un  était  une  copie  Bdèle  de  l'autre.  Ces  deux  pièces  Aireat 
•maitÂt  mises  entre  les  maiasde  MoM  Périer  qui  les  fit  voir  k  plusieurs 
de  se*  amis  particuliers.  Tooa  ooaTÎBrent  qu'on  ne  pouvait  pas  douter 
^■c  ce  parchemin,  écrit  avec  taat  de  aoia  et  avec  des  caractères  si 
remarqaaMaa,  ae  f&t  une  espèce  de  Mémorial  qu'il  gardait  très  soi- 
fBaoMMMU  poor  eoaterrer  le  soareair  d'oaa  eboM  qu'il  voulait  avoir 
UMJoon  préaeate  h  ses  yeai  et  k  soa  esprit,  paiaqaa  depuis  huit  ans 
il  prenait  soin  de  le  coudre  et  découdre  k  aMsare  qu'il  changeait 
d'habiu.  »  Nous  n'avons  plus  le  parcheaia  origiaal  ;  aMis  la  copie  de 
U  uinin  de  Pascal  a  été  jointe  aar«ca«ild«  la  BtUiotktqu»  N«iio»aU.  a^tc 
le*  iittcsutions  de  l'abbé  Périer,  aecompagaée  alla  aiêma  d'une 
atlcMaiion  qai  est  de  la  aiéme  date.  ■  Je  aonieifaé,  prftra,  ehaaoinc 
de  l'égiiae  de  ÇienaoBt,  eertiia  qae  le  papier  de  l'autre  part  collé 
sur  celte  fbnile  a«  éenl  de  la  aMÏa  da  M.  Pascal,  mon  oncle,  et  fui 
trouvé  aprèa  M  mort  eomm  daaa  son  pourpoint  soa«  ladoablure,  myitc 
aae  bande  da  parekeaiia  oà  étaient  écrits  las  ailmaa  aMMs  et  ea  la 
■éaM  forme  qu'ils  sont  ici  copiés.  Fait  k  Paris  c«  sS  seplcabra 
mil  sept  cent  onae,  Piaica.  a  Ea  tète  dn  recaail  sa  tfo«va  aaeora 
la  copia  doat  l'abbè  Périer  hit  maaiioa  (aoaa  la  dMf  aoM  par  C), 


s  PRNSfeES. 

el martyr,  et  autres  au  martyrologe', 

veille  de  saint  Chrysogone  martyr,  et  autres. 

Depuis  environ  dix  heures  et  demie  du  soir  jus- 
qucs  environ  minuit  et  demi, 

Feu. 

Dieu  d'Abraham,  Dieu  d'isaac.  Dieu  de  Jacob*. 

non  des  *  philosophes  et  des  savants. 

Certitude  \  Certitude.  Sentiment  V  Joie.  Paix. 

*  Dieu  de  Jésus-Christ. 

Deum  meum  et  Deum  vestnun  ' . 

«  Ton  Dieu  sera  mon  Dieu  *.  r> 

Oubh  du  monde  et  de  tout,  hormis  Dieu. 


el  daR(  les  addiboa»  fiiitet  ea  l86i  an  naBoacrit  urigiaal  figure  apr^ 
la  page  49$  ■>•  antre  copie  OManaerite,  eoaiae  il  en  a  ét^  hit  un 
grand  nombre  an  comnienoenMnt  du  xtiii*  ùècle  (nons  la  déaignon» 
parC*).  —  Le  méaorial  de  PawaI  a  ^t^  publié  ponr  la  première  foi» 
dans  le  rerueil  de  1 7^0  connu  sou»  le  nom  de  Rtmiid'Vlreeht  (p.  369). 
Coadoroet  a  trouvé  piquant  d'ajouter  à  tea  Panai»  de  Paical  ce  «|n'il 
appelle  une  «  amulette  mystique  »,  «1  mé»e  taaipa  ^a«  Vm  ■  vert 
galants  ■  de  Fontenay-le-Comte. 

I.  C  roNWM. 

a.  Bt  ait  :  Bgo  $um  Deu»  palrù  iui,  Dmu  AhrmKam,  Dtm  Imme  «I 
Dm*  /acoè.  Ahteomàit  Mcyte»  f&dam  «mm  :  non  enim  amMtt  aipintn 
MMlrv  Deam  (Exode,  III,  6).  Cf.  Mata.,  IXII,  3a.  «  fl^  aM  Dtm 
Ahrakam  «f  Dmu  l»aae  rt  Deus  Jmeoi.  a  A^on  «il  [hm  mortaorwm,  aed 


3.  Première  rédaction  du  manuscrit  et  C  :  pMotOfkn  tt  êtmKt». 

4.  C/oi#.  eeriiUÊdg,  ttiUiment,  9têê,joit. 

5.  C  ww,  joU,  pou. 

6.  (ne*  de  Jémmauim.] 

7.  G  et  C  ajoatoM  :  Jah,.  \X,   17.  —  Voici  la  varwl  :  / 
J«nt  ;  Noli  mt  Immgért,  momdmm  mim  atetitéà  mi  Patrtm  mmm 
•■iMi  mifnUrt  aMoa.  el  dlir  «••  :  AtMnéo  ad  Pilf«M  inaaM,  al  / 
aartram  :  />Mua  mmw  #1  Z>aaM  eaalraM. 

8.  G  et  C  ^jealaal  AMiL  Cf.  I,  itt  :  PopalM  IMM  /ilfihi  ai. 
Dtm  laat  Daaa  «Mae. 


MÉMORfiAL  5 

Il  ne  »e  trouve  que  par  les  voies  enseignées  '  dans 
l'Evangile. 

Grandeur  de  l'âme  humaine. 

«  Père  juste,  le  monde  ne  t*a  point  *  connu,  mais 
je  t'ai  connu  *.  » 

Joie  *,  joie,  joie,  pleurs  de  joie. 

Je  m'en  suis  séparé  : 

Derellquerunt  me  fonlem  aquse  vivœ*. 

«  Mon  Dieu,  me  quitterez- vous  '  ?  » 

Que  je  n'en  sois  pas  séparé  éternellement. 

((  Cette  est  la  vie  éternelle,  qu'ils  te  connaissent 
seul  vrai  Dieu,  et  celui  que  tu  as  envoyé,  Jésus- 
Christ".  » 

Jésus-Christ. 

Jésus-Christ. 

Je  m'en  suis  séparé  :  je  l'ai  fui,  renoncé,  crucifié. 

Que  je  n'en  sois  jamais  séparé. 

H  ne  se  conserve  que  par  les  voies  enseignées  dans 
l'Evangile  : 

Renonciation  totale  et  douce*. 


I.  (j^I 

s.  (Ooaaa  lonum.) 

3.  C  tt  C  ajouteot  Jean,  XVII.    Voir  le   rtnet  aS  :    Pater  jatte, 

fWWfflffff  le  non  etninuvil.  fifià  autetii  te  rminoiù    rt  lit   coqnui>e runt ,    ifuia    lu 

me  mUiâti. 
i.  C  et  itUui  :, 

5.  Jirinu.  Il,  i3 

6.  Et  cirea  honun  nonam  riamavU  Jetu*  voce  ma^aa,  diceiu  :  BU,  RU, 
lamma  $abaethani  ?  hœ  e$t  D«m  «mm.  Dmu  «mm,  al  f«M  i«r»(tf uu(i 
in#?M>tb.,  XWIl,  46. 

7.  H  Vf  est  autem  vita  mtema,  ut  eognoeeani  te  mAhh  Deam  verum, 
et  ifuem  miâisli  Jestun  Chrùtum.  Joan.,  XVII,  3. 

8.  La  CoftU  autographe  doaae  etc.  k  la  plaea  d*  cm  darnèraa 
ligaat  qac  bom  eouMMMBt  MulaaMat  par  la  copia  da  l'abbé  Pirier  ; 


6  PINSftBS. 

Souii)i>Mon  totale  à  JétUB-Christ  et  à  mon  direc- 
tour'. 


•aeer*  i'abbé  P^t  '  u  aarg*  :  «  Oa  n'a  po  voir  itittiart» 

■«•t  q««  «•rtaùu  aoU  d«  r«»  deai  ligaea.  »  A  propot  d«  eai  ému 
lig««a,  Faayira  a  trooTé  daat  les  BMaaacnU  da  pèrt  Gtwrricr 
(lil*  Raoaail,  p.  si 4)  «ne  aote  du  i"  février  1731  qui  ea  eipliqn»- 
rait  l'hiftoire  (rf.  RmuU  d'iUreehl.  p.  a6o).  La  pèra  G««rhar  aTait 
Hé  iatri^^  d«  aa  pa«  ratroaver  eca  ligaet  daaa  la  no— «laiia  •• 
ai  pagaa  i•-^  qa'avait  rédigeât,  p«a  dataapa  après  la  aoft  da  Paaeal 
na  caraM,  aai  da  la  fcaiilie  Périer,  aMÎa  M«l«M«t  daaa  ■■  eom- 
aiaataira  ea  a  pagas  ia-4  :  qui  avait  été  ajouta  p<wU»iaaraiat  par 
Marfvarite  Périer  :  «  Je  Au  hier,  3i  janvier  I73a,  ekaa  Mlla  Péricr 
pour  lui  BMaCrer  l'écrit  du  canne  et  lai  denaader  raiaoa  da  l'addilioa 
faite  k  cdai  de  M.  Pascal  et  ao  conaeataira  de  c«  religieat.  EUeaM 
dit  qu'on  avait  onti»  ces  deui  ligaaa  paiea  ^'allea  étaiaat  fort  bar- 
bouillées dans  l'original  et  preaque  affaeéaa  ea  aorte  qm  e«  relîfieax 
n'avait  pas  pu  lea  lire.  Qoo*  qu'il  en  soit,  l'addition  n'a  été  fcile, 
coaiase  je  l'ai  appris  da  cette  deaioiselle,  que  trente  ans  après  la  aort 
de  M.  Pascal.  Ea  un  mot,  ces  deux  lignes  ont  été  plutAt  dcviaéaa  q«a 
lues.  Il  hut  encore  remarquer  qu'il  n'y  en  avait  pas  la  moiadra  traea 
daas  le  parchemin,  et  que  c'est  seulement  dans  le  papier  qa'oa  a 
trouvé  ces  caractèraa  presque  cfaoéa.  »  Cette  eiplieatioa  ae  leva  paa 
tonte  difBcvIté  ;  k  esaoïiaer  da  près  la  Copi*  aatograpba  da  la  Bi- 
bKotbèqaa  Natioaaie,  il  a'apparatt  pas  qu'oa  ait  coupé  la  p«ptar  po«r 
aa  délaebar  las  dernières  lignes,  ni  ajouté  Vête,  pour  ea  aatgaw  la 
place.  Il  y  a  donc  lieu  de  supposer,  avec  Faugère,  que  daM  la  réeit 
Aiit  soisanle-dii  ans  après  la  arart  de  Pascal  il  s'ert  glisaé  ■■•  eoafb- 
sioa  eatrc  le  parobaasia  origiaal  et  la  copie  autographe  q«a  Paacail  y 
avait  joiate  ;  c'est  la  parchemia  qui  éuit  seloa  toute  vraJSMaUaaea  la 
pl«a  eoaiplat  at,  aussi  le  plus  a  aîbeé  a. 

t.  La  SMM  est  éclairé  par  la  lettre  que  Jacqaaliaa  adrassait  à 
MaM  Périer  le  ib  janvier  l6>5.  Elle  y  insiste  sur  les  difScaltés  que 
hisait  Pascal  k  aoeapter  M.  Singlia  comme  directeur  :  «  qaoiqu'il  ae 
pàt  penser  k  d'autres,  néanmoins  la  défiance  qu'il  avait  de  luinnéme 
Ihiaait  qu'il  craignait  de  se  tromper  par  trop  d'affectioa,  aoa  pas  daas 
las  qualités  de  la  persoaaa,  mais  sur  la  vocatioa  dont  il  ne  voyait  pas 
da  «arques  ceruiaes,  a'éuat  pas  aoa  paataw  aatatal.  Je  vis  daifaaiaat 
^M  ce  a'éuît  qa'aa  raata  d'iadépMdaao»  M«bé  dans  la  foad  du  caMW 
qai  hisait  arme  de  tout  pour  éviter  aa  amajetùssemenl  qui  ne  pouvait 
être  qaa  parfcit  daas  las  dispositions  oà  il  éuit  a.  Elle  lai  rappelle 
*  qM  M  de  Geaèva  avait  eoasaillé  de  cboiatr  aa  dirael««r  aatra 


MÉMORIAL.  7 

Eternellement  en  joie  pour  un  jour  d'exercice  sur 
la  terre. 

Non  obliviscar  sermones  tuos  '.  Amen  *. 


dis  mille,  c'e*t-i-dire  tel  «pi'oa  le  proférerait  à  dix  mille,  s  Et  plus 
loio  elle  ajoute  :  «  Il  n'a  rien  perdu  k  m  directrice  ;  car  M.  Sin^in, 
qui  a  demeuré  en  cette  ville  pendant  tout  ce  temps,  l'a  pourvu  d'un 
diredavr  dont  il  est  tout  nri  ;  anaai  est-il  de  bonne  race.  »  C'était 
M.  I«  Mattre  de  Snci. 

I .  /n  juslifieationibat  fuis  medUabor  :  non  (Mivisear  termone*  tm». 
Psaume  CXVIII,  i6.  —  C'est  le  psaume  de  Pascal,  eomme  en 
té»oiyne  Mme  Périer  :  ■  Il  avait  un  amour  sensible  pour  l'office  divin, 
■wisswtont  pour  les  petites  Heures,  parce  qu'elles  sont  composées  du 
psaume  CXVIII,  dans  lequel  il  trouvait  tant  de  choses  admirables, 
qu'il  tentait  de  la  délectation  k  le  réciter.  Quand  il  s'entretenait  avec 
•as  amis  de  la  beauté  de  ce  psaume,  il  se  transportait  en  sorte  qu'il 
paraissait  hors  de  lui-même  ;  et  cette  méditation  l'avait  rendu  si  sen- 
sible à  tontes  les  choses  par  lesquelles  on  tâche  d'honorer  Dieu,  qu'il 
n'en  négligeait  pas  une.  • 

a.  D'après  la  copie  de  l'abbé  Périer  une  croix,  entourée  de  rayons  de 
fan,  était  ignrée  sur  l'original  k  la  fin  du  Mimorial,  comme  aoasi  en 
tétc  de  la  page. 


SECTION    I 


-'io5)  I 

Différence  entre  I  esprit  de  géométrie  et  l'esprit  de 
finesse  \  —  En  l'un,  les  principes  sont  palpables, 
mais  éloignés  de  l'usage  commun  :  de  sorte  qu'on  a 
peine  à  tourner  la  t<>te  de  ce  côté-là,  manque  d'ha- 
bitude ;  mais  pour  peu  qu'on  l'y  tourne,  on  voit  les 
principes  à  plein  ;  et  il  faudrait  avoir  tout  à  fait  l'es- 
prit faux  pour  mal  raisonner  sur  des  principes  si 
gros  qu'il  est  presque  impossible  qu'ils  échappent*. 


Ci    B,  Su;  C  ,  4oi.  P.  H  ,  \\\l,  i,    Bm.,  I.  i,  t  ;    F*m  ,  I,    i&q  . 
Ha*  ,  VII,  s  6u;  Mot.,  Il,  i&i  ;  Mica  ,  CS9 

t .  L>e  Dûcomrt  $ar  Ut  PattUms  de  l'Amour  contient  une  première 
r«quiM«  da  e*  frafsaat  :  «  Il  y  a  deux  tortM  d'e«priu,  l'un  ^éomé- 
iriqve,  M  l'aatre  qae  l'on  peut  appeler  de  finetae.  L«  prtaicr  •  4m 
^a«a  loBtca,  dure*  et  infleviblet  ;  mait  le  dernier  a  une  tooplotM  de 
ficnt^e  qu'il  applique  en  même  tempa  aui  diverMS  partie*  aimable*  de 
ri>  qu'il  aime.  De*  yeui  il  va  jusque*  au  r<var,  et  par  le  mouTenent 
■lu  dehors  il  connaît  re  qui  *e  paaae  au  dedan*.  Quand  on  a  l'un  et 
l'aiiirr  esprit  tout  enaembie,  que  l'amoar  donne  de  plaiùr  !  Car  on 
(lowftli-  ,1  In  foi«  la  force  et  la  flexibilité  de  l'eaprit,  qui  est  très  néctih 
<iirr<  |>riiir  l'iMi>quence  de  deui  peraoaaee.  m 

■j    l,r.  pnii.  i|>a*  de  la  géométrie  «ont  éaoaeéa daa*  de* déflaitient, 

rlK*4l*  !>•  fAKAL.  I    -   il 


10  PBN8ÉBS. 

liait  dans  l'esprit  de  finesse,  les  principes  sont 
dans  '  l'usage  commun  et  devant  les  yeux  de  tout  le 
inonde  ;  on  n'a  que  faire  de  tourner  la  tête,  ni  de  se 
faire  violence,  il  n'est  question  que  d'avoir  bonne 
vue,  mais  il  faut  l'avoir  bonne*,  car  les  principes 
sont  si  déliés  et  en  si  grand  nombre  qu'il  est  presque 
impossible  qu'il  n'en  échappe  :  or  l'omission  d'un 
principe  mène  à  l'erreur  ;  ainsi  il  faut  avoir  la  vue 
bien  nette  pour  voir  tous  les  principes,  et  ensuite 
l'esprit  juste  pour  ne  pas  raisonner  faussement  sor 
des  principes  connus  '. 

Tous  les  géomètres  seraient  donc  fins  s'ils  avaient 
la  vue  bonne*,  car  ils  ne  raisonnent  pas  faux  sur  \c> 


et  i«  féoaètre  n'a  pa*  le  droit  de  Ihire  appel  à  •■•  propoàtioa  o«  • 
■■e  propriété  qui  ne  réeulte  pa«  d'une  déiaitioa  doaaée,  à  aoinv 
qn'il  ne  t'agiaee  d'une  propoution  oo  d'une  propfMié  Wlleient  évi- 
dente qu'elle  ett  pin»  eleire  que  tonte  déSnition  pœaiUa.  An  dAlmt 
■éne  de  la  réflexion  ^ométrique,  ton*  les  principe*  aar  leeqnel» 
■'exerce  cette  réflexion  peuvent  être  conndérée  comae  diatiacteaent 
émmmirit  ;  l'oaiMÎoa  eat  à  peu  prèe  iapoeaible. 

I.  (U  boa] 

a.  L'intuition  du  féosèCre  eat  aatériaare  au  raiaoaaeaMnl,  et  plu» 
claire  que  lui,  parce  qu'elle  porte  wr  le*  objet»  le«  plan  aiaplea  : 
nombre,  espace,  lumière.  Ici  au  contraire  il  «'agit  de  l'objet  eouiplaie 
et  qu'on  ne  peut  pat  analyaer  ponr  le  retondre  ea  déflaittoaa,  il  «'agit  de 
l'âme  bumaine  :  le  juge  d'initraeCioa  et  l'bistoriea,  la  diploaMte  et  le 
peyeliolofaa,  plas  ■■pleaaent  rboaaie  qui  vit  dans  le  aMade,  qui  veut 
eoapraadra  laa  koaaiea  qu'il  a  devant  lui,  ae  fliire  nisar  d'eut  ou  m 
fcire  obéir,  déeonvre  à  ainaure  qn'il  ekaerva  daveataga  ém  anatiaieatt 
pfau  aoabreux  avee  dee  auaaeee  plat  déticataa  qai  teat  da  cbaqae 
iadivida,  k  chaqae  iaaiaat  de  aoa  axietaaca,  aa  tout  origiaal,  irrédoe- 
tïMa,  perceptible  aa  aeal  teatiaieat  iadividaai.  On  ne  peut  paa  »épe- 
rnr,  nseore  aoin*  énuaiérer  :  il  fliut  voir  l'unité  d'entembic,  et  juger 
ta  aa  coup  d'ail  du  rapport  de  cbaqne  deuil  à  cette  unité  totale. 

5.  Cas  daat  praaier*  peragmpbaa  aoat  d'nae  aMÏa  étraagire  ;  la 
MMa  da  fragaaat  aat  écrit  par  Paeeal. 


SECTION  I.  «1 

principes  qu'ils  connaissent  ;  et  les  esprits  fins 
seraient  géomètres  s'ils  pouvaient  plier  leur  vue  vers 
les  principes  inaccoulumés'  de  géométrie. 

Ce  qui  l'ait  donc  que  de  certains  esprits  fîns  ne 
sont  pas  géomètres  *,  c'est  qu'ils  ne  peuvent  du  tout' 
se  tourner  vers  les  principes  de  géométrie  ;  mais  ce 
qui  fait  que  des  géomètres  ne  sont  pas  fins,  c'est 
qu'ils  ne  voient  pas  ce  qui  est  devant  eux  et  qu'étant 
accoutumés  aux  principes  nets  et  grossiers  de  géo- 
métrie, et  à  ne  raisonner  qu'après  avoir  bien  vu  et 
manié  leurs  principes,  ils  se  perdent  dans  les  choses 
de  finesse  où  les  principes  ne  se  laissent  pas  ainsi 
manier.  On  les  voit  à  peine,  on  les  sent  plutôt  qu'on 
ne  les  voit  ;  on  a  des  peines  infinies  à  les  faire  sentir 
à  ceux  qui  ne  les  sentent  pas  d'eux-mêmes  ;  ce  sont 
choses  tellement  délicates,  et  si  nombreuses,  qu'il 


I .  /noecoatnmi*  en  curcharge. 

a.  La  aaile  à  la  pa^  4o6  du  manuscrit,  arec  ce  renvoi  de  Pascal  : 
Tourner.  —  A*  bas,  ce»  moU  ray^  :  [Pour  Monsieur  Pascal.] 

3.  [Compruaân.]  —  .\llu»ion  i  Mér^  qui  aimait  i  discuter  les  ques- 
tion* mathématique»  avec  Pascal  et  è  aarpreadre  le  géomètn  ea  fla- 
grant délit  d'absurdité  logique.  L'éebo  de  eea  discusaioas  noiM  est 
parvenu  par  les  lettrM  dc  Méré  et  par  quelques  passages  de  Pascal. 
Il  écrit  dans  les  Hiflexkm»  $ur  l'Esprit  ^iomitriqu»  :  «  Je  n'ai  jamais 
connu  personne  qui  ait  pensé  qu'un  eapae*  Be  puisse  être  augmenté. 
Mais  j'en  ai  vu  quelques-uns,  très  habiles  d'ailleurs,  qui  ont  Maure 
qu'un  espace  pouvait  être  divisé  en  deut  parties  indivisibles,  qocl^ttC 
.ii>»uriiitA  qu'il  s'y  rencontre.  Jt  ■•  ania  attaché  è  rechercher  en  eus 
<|iM-ll<-  piiiivait  être  la  cause  de  cctt*  obaeartté,  et  j'ai  trouvé  qu'il  n'y 
en  avait  qu'une  |)riiiri|iale,  qui  est  qu'ils  ne  sauraient  concevoir  un 
contenu  divimblc  à  l'inKni  :  d'où  ils  concluent  qu'il  n'y  est  pas  divi- 
sible. •  Kt  ailleurs  :  a  1  rop  de  vérité  nous  étonne  :  j'en  sais  qui  ne 
peuvent  comprendre  que  qui  de  téro  Ate  4  reste  léro.  •  (Fr.  73.) 
Voir  la  dernière  note  relative  à  ce  fragment,  et  en  particnlier  le  mot 
de  Pascal  tur  Méré  :  •  il  a'eel  pes  g4oaètre.  » 


If  PBNSfCEK. 

6at  un  sens  bien  délicat  et  bien  net  pour  les  sentir , 
et  juger'  droit  et  juste  selon  ce  sentiment,  sans  pou- 
voir le  '  plus  souvent  les  d<^montrer  par  ordre 
comme  en  géométrie,  parce  qu'on  n'en  possède  pas 
ainsi  les  principes,  et  que  ce  serait  une  chose  infinie 
de  l'entreprendre.  Il  faut  tout  d'un  coup  voir  la 
chose  d'un  seul  regard,  et  non  pas  par  progrès  de 
raisonnement,  au  moins  jusqu'à  un  certain  degré*. 
Et  ainsi  il  est  rare  que  les  géomètres  soient  fins  et 
que  les  fins  soient  géomètres,  à  cause  que  les  géo- 
mètres veulent  traiter  géométriquement  ces  choses 
fines,  et  se  rendent  ridicules  \  voulant  commencer 
par  les  définitions  et  ensuite  par  les  principes  :  ce  qui 
n'est  pas  la  manière  d'agir  en  cette  sorte  de  raison- 
nement. Ce  n'est  pas  que  l'esprit  ne  le  &sse  ;  mais 
il  le  fait  tacitement,  naturellement  et  sans  art*,  car 


1.(1 

».  [Dimoatnr.] 

3.  Au  moÎM...  dtgri  an  •nrcbarge. 

4.  Voici  conment  Méré  parle  de  Pascal,  lonqu'il  le  rcncoatr*  pe«r 
la  première  fois  dam  le  hoseut  voyage  à  Poitier*  :  «  C«t  boaia«,  ^«i 
n'avait  ni  go6t  ni  tentimenl,  ne  laiiaait  pat  de  m  aélar  mi  tout  ce  que 
nous  ditioni,  mais  il  nous  tarpreanit  pmaqaa  UMgow*  «1  aona  fbianil 
souvent  rire.  »  CP.  Colltt,  Fait  iiUdit  de  la  wi»  dt  Pmttt  {LAtrté  et 
Pmutr,  fév.  1848). 

5.  [Et  ta  mm  laMul.]  —  L'ait,  emm.  la  tacbniqna,  l«  proeMénbairait 
•I  <|«i  ■'•pprMid.  Pnaenl  décrit  ici  l'activité  spoauaé*  ém  l'apprit  qm 
■•  M  révéla  paa  diraeCMsant  k  la  conacianea  al  ^oi  potntuM  «xpli^aa 
la  plupart  da  mm  déaarehas  intellactaellaa.  8«  «oaeaplioa  da  l'aaprit 
s'oppoaak  oaUadaDaaenitaaqni  Siisait  conatstor  IH»Ulli|— cia  dans  l'ap- 
plieatton  réflécliia  d'MM  mèJkoém  analogne  à  la  léthoda  aal 
li^na,  at  alla  kit  préasfar  te  doetrÛM  laibniàanna  da  l'ÙMoaaeiaal. 
Ra««i«M,  PM(m|PAm  rftPMMl,  AMMfdat  ItmrlfMirfM,  16  Mars  1887, 

(oS  et  4 10.  ^ 


SECTION   I.  13 

l'expression  en  passe  tous  les  hommes,  et  le  senti- 
ment n'en  appartient'  qu'à  peu  d'hommes. 

Et  les  esprits  fins,  au  contraire*,  ayantainsi  accou- 
tumé à  juger  d'une  seule  vue,  sont  si  étonnés  —  quand 
on  leur  présente  des  propositions  où  ils  ne  com- 
prennent rien,  et  où  pour  entrer  il  faut  passer  par 
des  définitions  et  des  principes  si  stériles,  qu'ils 
n'ont  point  accoutumé  de  voir  ainsi  en  détail  —  qu'ils 
s'en  rebutent  et  s'en  dégoûtent  \ 

Mais  les  esprits  faux  ne  sont  jamais*  ni  fins  ni 
géomètres. 

Les  géomètres  qui  ne  sont  que  géomètres  *  ont 
donc  l'esprit  droit,  mais  pourvu  qu'on  leur  explique 
bien  toutes  choses  par  définitions  et  principes  ;  au- 
trement ils  sont  faux  et  insupportables,  car  ils  ne 
sont  droits  que  sur  les  principes  bien  éclaircis. 

El  les  fins  qui  ne  sont  que  fins  ne  peuvent'  avoir 
la  patience  de  descendre  jusque  dans  les  premiers 
principes  des  choses  spéculatives  et  d'imagination  ' 


i .  (Oa'cajr  grraada  bommm.] 

1.  Il  eat  «Mes  piquant  de  relerer  ici  d«nx  iDootatioa*  manuicrites  de 
Saint»>BeuTe  dan»  l'Milion  de*  Pensées  conserrée  à  la  BiMiolhique  de 
la  Soeiiti  de  l'Histoire  du  protestantisme  ;  en  hé*  dea  ^fomèirea,  Sainte- 
Beuve  ^crit  :  Arnauld  ;  en  liaee  de*  eaprita  Ans  :  Madame  de  LongamiU». 

3.  Nicole  reprendra  ce*  cxpre«ion*  dant  la  Prifaee  aax  Nomaaax 
iUments  de  giomètrif,  où  il  hît  oiention  expreaae  de  Pascal  :  «  Plnsieon 
penonnes  s'en  rebutent  [des  virUi*  difJkUet]  par  nae  certaine  parene, 
ou  plulAi  par  une  d^licateaie  d'eepril  qui  leur  donne  du  d^goôt  de 
luut  ce  qui  demande  quelque  effort  et  quelque  sorte  de  contention  • 
{OBmres  d'Arnauld.  Ed.  de  LauMane,  I.  XLII,  p.  9). 

i.  Jamais  en  «urcbarfe. 

5.  Qai  ne  mmI  9M  géomàtroi  ra  •orebarg*. 

6.  (S*  porter  è  oamaUtrtr  Jee  c*oeea  êpéealalhrm.] 

7.  (si  ••  iea  rendre  ramfUert] 


Il  PRNft^.K». 

qu'Us  n'ont  jamais  vues  clans  le  monde,  ei  loal  Ifrit 
hors  d'usage'. 


I .   Il  y  ■  dant  e«  Ar«faMal  plu*  que  l'aaaljrM  é»  ému 

fnndaaicoUlM  dmu»  l'aaprit  hunain,  on  de  d««x  haiinM  li'wfrita  ; 

il  cooTtuitd'y  voir  usa  autobiographie  intellectuelle  de  Pawal.  DaatM 

preaièr*  raacoatw  avec  Mère,  il  lui  apparaît  •  ua  grasd  aatMaMt*- 

«••  •(  ^  ■•  tavait  que  eela  ».  Méré  le  forma,  du  aMHaa  il  lai  4flri- 

vait  aar  ea  toa  :  a  II  voaa  raeia  aaeora  uae  kabiuida  qaa  voaa  avas 

pfÎM  aa  eatta  aeiaMa  à  aa  jafar  4a  qaoi  qaa  aa  Mti  qaa  far  vo* 

déaaatfratioaa  qai  la  plas  MaTaal  Mat  iba«aa.  Cai  laagt  taÏMaa» 

•aatt  tîréa  da  lifaa  aa  Kfaa  voaa  aatptehaat  d'aairar  4*abaad  aa  ém 

KiaaaJMaanaa  plaa  liaataa  qui  aa  ifoaipaat  jamais.   Je  voaa  avarti* 

aasi  qaa  voaa  pardas  par  là  un  fraad  avantage  dan>  la  maada  ;  ear 

lonqa'oa  ■  Paaprit  vif  a(  la*  yaui  Ans,  on  raaarqaa  k  la  anaa  al  k 

l'air  daa  paraoaaaa  qa'oa  voit  quantité  de  rhoaaaqai  paavaat  baaaeoap 

•arvir,  al  •  voaa  daaaadiea,  «elon  votre  coatama,  k  ealai  qui  «ait 

profltar  de  eaa  aorta*  d'obaerrationt,  sur  qaal  pciaeipa  allât  toat  foo» 

déae,  peat-^tre  vous  dirait-il  qu'il  n'en  sait  riaa,  et  qaa  eaaa  toat  daa 

praavea  que  pour  lui.  »  Et  la  diatinction  de*  daaz  aoftae  d'aupcita  ae 

ralfoava  daa»  la*  «uvre*  de  Méré  :  a  Pour  ce  qui  eat  dae  jaaiaMa*,  j'en 

troave  de  daox  aorte*,  qui  font  toujours  de  boa*  alal».  L'aaa  eoaaïMe 

k  voir  le*  eboaaa  comme  allea  aoat  et  «aa*  la*  eoaibadre  :  pear  pa« 

que  l'on  y  manque  en  parlant,  et  même  aa  agiaaaat,  aala  aa  coaaatt  ; 

plie  dépend  de  l'esprit  et  de  l'intalKgaace.  L'antre  jaaiana  parait  k 

juger  de  la  bienséance,   et  k  connaître  en  de  certaine*  maaata*  jua- 

qu'où  l'on  doit  aller,   et  quand  il   se   faut  arrêter.    C«ll»«i  qaî  vient 

priaeipalemeat  du  goAt,  et  du  ■aatimaat,  me  aamble  plas  doalaaaa,  et 

plas  difAcile.  •  (Méré,  Oueimn  JêimgHmimU,  t.  I,  p.  194.) 

Maibaaiaaaaaaat,  aux  yeui  de  Paical,  M4ré  igaaca  b  portée  véri- 
laMa  da  ealta  diitiaction,  qu'il  a  paai-èlfa  wifgirla  k  Paaêal  :  vojrani 
qaa  l'eaprit  de  SaatM  aai  wpériaar  daaa  la  maaëa  à  Paiprit  da  géo> 
mdtria,  il  le  traaaporta  bac*  ëa  meada  al  jaaqaa  daaa  b  géamilrie. 
Il  éerit,  daa*  b  aaita  da  b  laMra  qaa  aea*  vaaoaa  éê  eitar  :  ■  Va«« 
demaararai  loigoar*  daa*  la*  anaan  oè  b*  fbeaeaa  déaMMUtratioa*  de 
b  gdaaiélne  voas  oat  jeté,  at  je  aa  voa*  croirai  poiat  toot  k  hii 
guéri  da*  matbématiqaa*  taot  qaa  voa*  «oatieadrea  qaa  ea*  patiu 
corp*  doat  aoaa  diifrtèma*  raatf*  jour  te  paavaat  diviaar  jaaqaa*  k  l'ia- 
tai.  Gaqaavoaam'aaéerivaama  paiailaaeeraploeébigaédabeaeeas 
qaa  loal  ea  qaa  voa*  m'aa  diia*  daaa  aoiia  dbfata.  B(  qaa  p*diaadaa- 
voai  coaeiafa  da  eatta  Ufaa  qaa  vaaa  oaapaa  aa  daat  éfalaaMat,  de 
eatta  Kgae  efcUaériqaa  doal  voa*  aeapaa  aaaara  aaa  daa  aiaHii*,  at 
to^jeart  de  aidaM  jaaqa'k  l'étaraité  ;  ami*  qai  voa*  a  dit  qaa  voas 


SECTION  I.  15 

-3i3)  a 

Diverses  sortes  de  sens  droit  ;  les  uns  '  dans  un 
certain  ordre  de  choses,  et  non  dans  les  autres 
ordres,  où  ils  extravaguent. 

Les  uns  tirent  bien  les  conséquences  de  peu  de 
principes,  et  c'est  une  droiture  de  sens*. 

Les  autres  tirent  bien  les  conséquences  des  choses 
où  il  y  a  beaucoup  de  principes. 

Par  exemple,  les  uns  comprennent  bien  les  effets  de 
l'eau,  en  quoi  il  y  a  peu  de  principes  ;  mais  les  con- 
séquences en  sont  si  fines  qu'il  n'y  a  qu'une  extrême 
droiture  d'esprit  qui  y  puisse  aller. 

Et  ceux-là  ne   seraient   peut-être  pas   pour  cela 


pouvez  ainsi  diviser  cette  ligne,  «i  re  qui  la  compose  e»t  in^i^al  comme 
un  nombre  impair  ?  Je  vous  apprend»  que,  dès  qu'il  entre  tant  soit  peu 
d'inRni  dans  une  question,  elle  devient  inexplicable,  parce  que  l'esprit 
se  trouble  et  se  confond.  De  sorte  qu'on  en  trouve  mieui  la  v^rit^  par 
le  sentiment  naturel  que  par  vos  démonstrations.  »  K  quoi  Pascal 
répond  parle  juf^ement  suivant,  extrait  d'noe  lettre  i  Fermât  (39  juillet 
iti.î'l)  :  "  Je  n'ai  pas  le  temps  de  vous  envoyer  la  démonstration  d'une 
(lifftcult^  qui  étonnait  fort  M.  de  Méré  :  car  il  a  très  bon  esprit,  mais 
il  n'est  pas  |(^omctr<-  ;  c'eat,  coaiaM  vous  saves,  un  grand  d^fiiut,  et 
mAme  il  ne  comprend  pas  qu'une  ligne  natliénatiqne  soit  divisible  à 
l'inHni,  et  croit  fort  bien  entendre  qu'elle  est  composé*  de  points  en 
nombre  Ini,  et  jamais  je  n'ai  pu  l'en  tirar  ;  si  voos  pouvies  le  (dire, 
f>n  le  rendrait  parllsit.  Il  me  disait  donc  qu'il  avait  trouvé  (buaseté  dans 
Iw  nombras  par  enttn  raison.  •  Tandis  que  Pascal  joint  l'esprit  de 
flnaiM  k  l*«prit  de  géométrie.  Méré  demeure  le  type  des  >  Ans  qui 
ne  sont  que  fins  *. 

t 

a  B  .  317;  C  ,  iot ,  P   R  ,  XWl,  s;  Boa.,  I.  1,  s;  Psen.,  I,  iSs  ; 
H4T  ,  Vit,  t;  Moi  ,  II,  i4fl;  Mtcn..  45s 

I .  C'eai-4-dire  mox  qui  ont  le  «cm  droii.  tournure  qui  n'nal 
pas  une  négligence,  le  ^gment  ayant  été  dicté  par  Pascal. 
a.  lOaa  MM  a'  1 


I«  PENSÉES. 

grtnds  géomètres,  parce  que  la  géomélrie  comprend 
un  grand  nombre  do  principes,  et  qu'une  nature 
d'esprit  peut  ^tre  telle  qu'elle  puisse  bien  pénétrer 
peu  de  principes  jusqu'au  fond,  et  qu'elle  ne  puisse 
pénétrer  le  moins  du  monde  les  cboscs  où  •!  >  -^ 
beaucoup  de  principes. 

Il  y  a  donc  deux  sortes  d'esprits  :  l'une,  d 
trer  vivement  et  profondément  les'  conséquences 
des  principes,  et  c'est  là  l'esprit  de  justesse;  l'autre 
de  comprendre  un  grand  nombre  de  principes  sans 
les  confondre,  et  c'est  là  l'esprit  de  géométrie.  L'un 
est  force  et  droiture  d'esprit,  l'autre  est  amplitude 
d'esprit.  Or  l'un  peut  bien  ^tre  sans  l'autre,  l'esprit 
pouvant  être  fort  ri  rlroit,  et  pouvant  être  aussi 
ample  et  faible  V 


1.  [Priadpm.] 

9.  CeUe  pent^e  doit  ^tra  MMfMaMMent  dittiag*^  de  la  pr*c*- 
deatc,  avec  laquelle  or  a  cherché  k  l'identifler  :  ici  •■  effet  i'eaprit 
féoMétfique  rontitte  k  embrauer  an  grand  nombre  de  principe*  tandi« 
que  tout  k  l'heure  cVuit  l'esprit  de  Aneue  qui  arait  le  privilège  d'être 
ample  et  large.  Peut-^tre  ce»  deu»  pent^es  ne  tont-elles  pat  de  la 
■'■•  époque  ;  peut-^tre  ne  fkul-il  voir  ici  qu'une  aeronde  divi«ton 
greffée  aar  la  première  diitioction  :  l'eaprit  de  g^métrie  devient  le 
$4M  droit,  et  il  y  en  a  diveraeaaortea,  l'une  qui  déduit  rigonrenaemeni 
1m  eoMéqiMBeet  d'nn  muI  principe,  comme  o«  Util  en  phyaiqae,  un 
«More  m  alfèkre,  et  l'autre  qui  ect  aveat  te«t  ui  tfril  de  ayntlièie, 
i|in  eoMtrail  dant  l'aapeoe  de»  Sfares  trèe  eompliquéea,  «ans  ea  ooa- 
feadre  lea  ligne*  :  k  cette  daraièra  Paaed  réeerveraii  maialeaaal  k 
déaomiaatioa  d'eeprit  de  géoiaé«ne.  Ajoutons  qne  Paeeal,  ayaatpefw 
fbetioaaé  la  géométrie  des  mdimiihiêi  qui  avait  poer  principe  la  eoa- 
■idéfatâoB  dee  ieflaimeat  peliu,  avait  le  droit  d'oppoaer  la  completité 
de  la  géométrie  k  la  simplicité  relative  de  la  phvsiqae.  Pour  Ini  en 
effet  la  physique  ea|  une  science  d'ohaervation  :  ce  aoat  im  expériences 
qui  en  sont  les  seuls  et  les  vériublea  principea,  qnitle  k  ea  saivrn  las 
effeu  joaqn'k  lears  ploa  loinuiaes  et  pins  aarpreaaate*  eoaaéqaaaeae, 
telles  qee  le  pemdose  hjrdroetoti^Be.  Avec  Newtoa  et  Laikats,  par  te 


SECTION  l.  J7 

"9l  3 

Ceux  qui  sont  accoutumés  à  juger  par  le  senti- 
ment ne  comprennent  rien  aux  choses  de  raisonne- 
ment, car  ils  veulent  d'abord  pénétrer  dune  vue  '  et 
ne  sont  point  accoutumés  à  chercher  les  principes. 
Et  les  autres,  au  contraire,  qui  sont  accoutumés  à 
raisonner  par  principes,  ne  comprennent  rien  aux 
choses  de  sentiment,  y  cherchant  des  principes  et  ne 
pouvant  voir  d'une  vue. 

169I  *  4 

Géométrie,  finesse.    —    La    vraie   éloquence   se 


découverte  du  calcul  infinitésimal  et  son  application  aux  problèmes  de 
la  mécanique  et  de  la  physique,  la  physique  redeviendra  aussi  subtile 
et  aussi  complexe  que  peut  l'être  la  géométrie.  Le  commentaire  de 
Ravaisson  {PhUoêophie  de  Postal,  lieme  des  Deux-Mondes,  i5  mars 
1887,  p.  4o6)  comapond  plus  k  ce  qu'on  eût  attendu  de  Pascal 
qu'il  re  qu'il  a  dit  réellement  :  «  Daii«  la  physique  déjà  on  a  affaire  à 
de*  réalités.  Les  phénomènes  y  dépendent  d'un  grand  nombre  de  prin- 
cipes différents,  et  de  principes  difficiles  k  saisir  ;  il  liiui  les  démêler 
les  uns  d'avec  les  autres,  et  fWire  exactement  dans  les  c«>nséquences  la 
part  de  chacun.  Il  ne  s'agit  plus  ici  de  principes  qu'on  puisse  appeler, 
dit  Pascal,  gms  ou  grossiers,  et  de  déductions  rigides  :  il  iaut,  au  lieu 
de  l'esprit  géométrique,  un  esprit  de  finesae.  » 


Cf  B,  3o3.  C,  »«3;    Bas.   I    t    i^     }■',■■      1     •■■      M-      vu    i^ 
Mot,  n,  i4i;  Muai.,  m, 

I.  L'evprwaioa  se  retrouve  (lu/  Min-  dant  une  ptir^vc  Uotil  l'ascal 
eAt  sans  doatc  souligné  la  i-niiiusioii  :  «  Ouand  elle  [l'imagination] 
s'accoutaflM  ft  eoasidérvr  eea  objeu  tout  d'une  vue.  ■>  (De  l'Esprit, 
P   9«  ) 

4 
a,  B  ,  3a3,  C  ,  4o3,  Boa  ,  I,  •     >',  ..  i..    i-..,.     1    ...     M..     \ii    ., 
Mot  ,  11,  ti^;  Mtea.,  kii 


M  PF.NSftKft 

moqae  de  l'éloquence  :  U  vraie  morale  se  moque  de 
la  morale.  c'esUk-dire  que  b  morale  du  jugement 
te  moque  de  la  morale  de  l'esprit  —  qui*  est  Mnii 
règles. 

Car  le  jugement  est  celui  h  qui  appartient  le  senti- 
ment, comme  Icr  sciences  appartiennent  à  l'esprit*: 
la  fmesse  est  Ih  part  du  jugement,  la  géométrie  est 
celle  '  de  l'esprit. 

Se  moquer  de  la  philosophie,  c'ett  vraiment  phi- 
losopher*. 


I .  Il  Mt  dans  l«  Ma»  do  fragmeot  que  la  mordt  a«t  rlylM  Mtt 

relie  du  jugement  cl  non  relie  de  l'esprit  :  on  eel  ainà  WNidnl  à  rap- 
porter, avec  Havel,  qui  k  la  morale  du  jugement.  Mai»  ••  wppfoeba»! 
r«  fragoMOt  dn  frayneat  taiTaal,  on  enlrevoil  nae  aalra  «splieatMa, 
qae  M.  Caben  a  tort  henreusement  prf«enl^e  (Soeiéli  dm  kmwmtàlm 
frtHfoU,  n«  g,  t^anre  du  8  janvier  1896)  :  «  r^gle  veal  dira  aoa  pas 
prateripUoa  »  (eonaie  daaa  le  pamge  d«  Méré  qni  cal  dté  daaa  aotra 
daraièr*  aote  k  ce  fragaïaat),  «  BMia  aeraM,  priaetpa  réfvUlaar, 
Arbelle,  point  de  repère  •,  leporl  qni  «'oppaa*  aa  dMgltment  (fr.  38»). 
1^  diffirulif,  signalée  par  M.  Cahen  lui  ai^aie,  «M  qa«  cette  iater- 
pr^lalion  conviendrait  bien  miens  à  r^le  au  «inguliar  ^*a«  planai 
employa  iri  par  Pawal.  A  moin*  d'introduire  daaa  le  testa  WM  nbati- 
tulion  qui  n'est  pat  autnri^^e  par  l'étal  du  mannicril,  il  convient 
donc  de  t'en  tenir  k  l'interprétation  d'Havet  qui  aoaa  lemble  d'ail- 
letira  convenir  k  l'allure  gfn^rale  du  frngaeal. 

a.  Cette  opposition  de  l'esprit  et  dn  ««alinieal  aal  MMifcraa  aa 
voeabalaire  de  Mér^  :  m  L'esprit  ftiit  plus  de  r/fletions  qa«  la  wat»- 
aiant,  et  d'une  manière  plas  pnre  et  plus  distincte,  a  (2>r  VBtpeit 
p.  43.) 

3.   Rtt  etlle  ea  tnrebarge. 

i.  Montaigne  :  ■  La  aaeiaa,  k  qui  on  reprocboil  qu'il  ftiismt  pr> 
I^HMoa  de  la  pbiloaopbie,  da  laquelle  pourunt  en  son  iagaaieal  il  ne 
leaoit  pas  grand  compta,  raapondii  que  •  Cela  c'estoii  vmyaaiaat  pht- 
loaofbar  a.  {Apol  )  —  L'opposition  de  l'intuitioa  oujtgamnU  al  da  la 
dMaetioa  oa  eafrh,  m  poarMit  in  et  se  précise  :  la  jagaiMat  ^aviaat 
le  aenliaiMl  ^ai  aat  la  via  at  la  v^rit^,  Undis  que  le  rai 
daas  l'artiiciel  a(  dan*  i'abalrait.  Il  y  a  dans  iVloqi 
^•a  la  rii#«onqae  d'Ari««t«,  daas  la  «HMvIa  aatra  dMaa  ^aa  Ua  divi- 


^F-TTION    \.  19 

«37I  5 

Ceux  qui  jugent  d'un  ouvrage  sans  règle  sont, 
à  l'égard  des  autres,  comme  ceux  qui  [/i*]ont  [/)asf/e]  ' 
montre  à  l'égard  des  autres.  L'un  dit  :  Il  y  a  deux 


«ions  et  le*  paradoxe*  des  Stoiriens,  dans  la  philosophie  autre  chose 
que  les  syllo(panes  de  la  tcolastique  ou  les  théorènies  du  cartésia- 
nisme ;  et  cette  autre  chose  c'est  une  intuition  profonde  et  complexe 
de  U  réalité,  le  sentiment,  le  cœur.  (Voir  k  ce  sujet  les  fragments  de  la 
Section  IV,  en  particulier  de  374  à  388.)  Mén'  a  exprimé  dans  son 
Discours  de  la  Conversation  une  distinction  toute  voisine  :  ■  Il  y  a  deux 
sortes  d'étude,  l'une  qui  ne  cherche  que  l'art  et  les  règles,  l'autre  qui 
n'y  songe  point  du  tout,  et  qui  n'a  pour  but  que  de  rencontrer  par 
instinct  et  sans  réflexion,  ce  qui  doit  plaire  en  tous  les  sujets  particu- 
liers. S'il  fallait  se  déclarer  pour  l'une  des  deux,  ce  serait  à  mon  sens 
pour  la  dernière,  et  c'est  surtout  par  ce  que  l'on  fait  par  expérience 
ou  par  sentiment  qu'on  se  connaît  k  ce  qui  sied  le  mieux.  Mais  l'autre 
n'est  pas  k  négliger,  pourvu  qu'on  se  souvienne  toujours  que  ce  qui 
réusait  vaut  mieux  que  les  règles  »  (I,  33).  I>a  Rochefoucauld  écrit  : 
«  Le  bon  goût  vient  plus  du  jugement  que  de  l'esprit  (Max.  358).  — 
On  est  quelquefois  un  sot  avec  de  l'esprit,  mais  on  ne  l'est  jamais 
.tvec  du  jugement.  »  (456)  —  Mais  il  écrit  aussi  (97)  :  «  On  s'est 
immpé  lorsqu'on  a  cru  que  l'esprit  et  le  jugement  étaient  deux  choses 
différentes  :  le  jugement  n'est  que  la  grandeur  de  la  lumière  de 
l'esprit.  » 

S 

Cr  B  ,  33o;   C,  sSi  ;   P.  R  .  XXXI,  7:  Bos.,  I.  s,  S;  Psm  ,  1.  sS?  ; 
tUv  ,  VII,  S;  Mot  ,  II,  137;  Mica  .  3h7 

I .  Le  maouscril  porte  :  ont  une  montre  ;  mais  il  est  clair  que  les 
deux  parties  de  la  phrase  ne  se  corresp«tndenl  plus.  Nous  suivons  la 
correction  proposée  par  F'augère  ;  relie  de  Havet  :  cecur  qui  jugent 
d'un  ouvrag*  par  règle  ne  convient  pas  tout  à  fbit  à  la  suite  du  frag- 
ment. —  Dans  une  note  de  la  Revue  d'histoire  littéraire  de  la  France, 
(année  1898,  p.  339)  MM-  Delatouche  et  Amould  défendent  le 
texte  de  Pascal  en  le  rapprochant  du  fragment  précédent  :  juger  sans 
règles  c'est  juger  par  sentiment,  et  le  sentiment  éguiistudrait  à  la  montre 
Mais  celte  inter|>rétation  subtile,  qui  est  bien  paradoxale  en  soi,  n'r^l 
pas  non  plus  très  p<isriilienne  :  au  fr.  374  Pascal  réclame  une  règle 
pi>ur  le  senti  ment. 


m  PCNStES. 

hciHPM  I  aiilrr  dit  :  Il  n'y  a  que  Iroi»  quarts  d'heure. 
Je  regarde  ma  montre,  et  je  dis  à  l'un  :  Voui  vous 
ennuyez  :  et  à  l'autre  :  Le  temps  ne  vous  dure 
gpière  ;  car  il  y  a  une  heure  et  demie  —  et  je  me 
moque  de  ceux  qui  me  disent  que  le  temps  me  dure 
à  moi.  et  que  j'en  juge  par  fantaisie:  ils  ne  savent 
pas  que  je  juge  par  ma  montre  ' . 

6i)  6 

Comme  on  se  gftte  l'esprit,  on  se  gâte  aussi  le  sen- 
timent. 

On  se  forme  l'esprit  et  le  sentiment  par  les  con- 
versations, on  se  gâte  l'esprit  et  le  sentiment  par  les 
conversations*.  Ainsi  les  bonnes  ou  les  mauvaises  le 


I.  G«â  Ml  u  trait  putieali«r  4  Pmeêl  ;  il  «  portait  tmgew»  u« 
■oatr*  rtfe^éo  à  toa  poigaet  ga«ieb«  b,  et  il  pooTait  ûmâ  U  eo— dlir 
■MM  q««  pcrteaae  Mat  apêrçAt.  —  Cette  Boatr*  syaiboliM  ici  la  rèfla 
qu'il  conviendrait  d'appliquer  ani  onvragaa  de  l'aaprit  ;  MaloaMat 
Pascal  recoaaatt  ailleun  que  la  raiaoa  eat  incapable  de  fearair  aae 
rèfla  de  ce  gaare,  et  qu'il  en  hnt  revenir  au  leatineat  qai  lai  aiêaie 
a'a  pas  de  règle.  En  fîit,  du  reste,  la  montre  ellenaAaie  aa  ■■■are 
qn'na  teaipt  id^l,  et  qui  nous  est  indifférent  ;  la  réalité,  e'aat  la  daréa, 
loagaa  avec  l'aaaai  et  courte  avec  le  plaisir.  Cf.  Berfsoa,  Aaal  aar 
Im  doaalH  immêdmtm  de  la  eimadntct,  1889,  cbap.  11. 


a  B..411;  C.SoS;?.  R..  XXXI,  ti;  Bo.  .  1.  i,  16;  fàm.,l,  igS: 
H4«  ,  VII,  16;  lIoL..  Il,  i5o;  Mica  .  iS« 

s.  Moataigae  aTait  écrit  :  ■  Mais  eeauae  aoalfa  esprit  «a  AsrtiSe 
par  la  ee«aiaateattoa  des  espriu  rigoreas  et  raflât,  il  aa  M  paah  dite 
roabiea  il  perd  et  s'abaaiardit  par  le  coatiaael  eoaaMrae  al  l^ayiaa 
latioa  qae  aoas  avoas  avaeqaas  les  espriu  bas  et  aaladifk  :  il  a'asi 
coaUfioa  qai  s'espeade  coauM  ealle  tt  ■  (lit,  8).  —  Voir  aa  h.  SS6 
Tapflieaiion  que  hit  Pascal  de  aa  priaaiya  à  b  saHtada  ■!■■  dn 
alMdliaa  :  •  L'bomae  fliii  lai  saal  aaa  eea»araaliaa  taidriaata,  qu'tl 
iaporta  de  biea  régler  •.Corrampmit  m»tm  èaaos  «efiofia  prmm.  ■ 


nECTIOX   I.  21 

forment  ou  le  gâtent '.  Il  importe  donc  de  tout  de  bien 
savoir  choisir*,  pour  se  le  former  et  ne  le  point 
gâter  ;  et  on  ne  peut  faire  ce  choix,  si  on  ne  l'a  déjà 
formé  et  point  gâté.  Ainsi  cela  fait  un  cercle,  d'où 
sont  bienheureux  ceux  qui  sortent. 

ai3|  7 

A  mesure  qu'on  a  plus  d'esprit,  on  trouve  qu'il  y 
a  plus  d'hommes  originaux;  les  gens  du  commun 
ne'  trouvent  pas  de  diCTérence  entre  les  hommes \ 


I .  (a  U  faut  l'êroir  delà  f.]  Mot  doute  formé. 
s.  [Bttl  Uat.] 

7 

Cf  B,3i7;  P.  R,  XXXI,  i;  Bm  ,  l.i,  i;  Fam,  I,  i86;  Hat  ,  VII,  i  ; 
Mot  ,  II,  i5i;  MicB  ,  &5i 

3.  (MMtMK.j 

4.  Patcal  écrit  dans  le  Discours  sur  les  Passions  de  l'Amour  :  a  A 
BMttre  qoe  l'on  a  plus  d'esprit,  l'on  trouve  plus  de  beautés  origina- 
les. »  Pascal,  on  le  voit,  a  étendu  la  pensée  :  ce  Ait  sans  doute  un 
de  tes  étonnements  et  un  de  ses  plaisirs,  lorsqu'il  s'éehappa  un  moment 
de  ses  travaui  scientifiques  ou  de  ses  méditations  religieuses,  de  di»- 
tioguer  dans  le  monde  la  diversité  presque  infinie  des  visages  ou  des 
caraecèrw,  l'origiitaliU  radicale  de  chaque  individu.  Ce  fut  pour  lui  le 
OMUHaat  de  Vbiéieidualisme,  de  la  réaction  contre  la  doctrine  scolu- 
tique  des  universaui  et  contre  la  généralité  des  lois  scientifiques,  où 
apparaisaent  dans  toute  leur  lumière  la  force  et  l'intérêt  de  ce  moi  que 
lejanséniine  rend  haïssable.  —  Comment  ne  pas  rappeler  à  ce  propos 
que  le  groupe  même  dont  Pascal  faisait  partie  fournil  la  plus  éclatanla 
des  illustrations  de  cette  pensée  ?  Les  solitaires  de  Port-Royal  se  con- 
fondent pour  le  vulgaire  dans  l'uniformité  de  leur  vie  et  dans  la  con- 
formité de  leur  croyance;  la  critique  psychologique  et  individualiste 
d'un  Sainte-Beuve  rend  h  chacun  une  physionomie  morale  qui  lui  est 
propre,  et  fait  de  chacun  un  type  inoubliable:  a  Mon  premier  soin,  ea 
peignant  Nicole,  «eni  de  bien  marquer  en  quoi  sa  physionomie  est  diffé- 
rente de  celle  de  nu*  autre*  pertonnage*  ;  et,  eu  particulier,  différente 
de  ri>ile  d'.\rnauld,  dont  on  la  considère  ordinairemeol  comme  insé- 
parable. Particulariser  Nicole  est  le  plus  grand  service  qu'un  poisse  lai 
rendre,  «ujoard'hui  qn'oa  s'est  habitué  de  loin  k  confondre  les  écri- 


tl  PIRttit. 

•>73|  • 

Il  y  a  beaucoup  de  personnes  qui  entendent  le 
sermon  de  la  même  manière  qu'ils  entendent 
vêpres*. 

4oi)  • 

Quand  on  veut  reprendre  avec  utilité,  et  montrer 
à  un  autre  qu'il  se  trompe,  il  faut  observer  par  quel 
côté  il  envisage  la  chose,  car  elle  est  vraie  ordinai- 
rement de  ce  côté-là,  et  lui  avouer  cette  vérité, 
mais  lui  découvrir  le  côté  par  où  elle  est  fausse.  Il 
se  contente  de  cela,  car  il  voit  qu'il  ne  se  trompait 
pas,  et  qu'il  manquait  seulement  à  voir  tous  les 
côtés  ;  or  on  ne  se  (%che  pas  de  ne  pas  tout  voir, 
mais  on  ne  veut  pas  [«']étre  trompé  '  :  et  peut-être 
que  cela  vient  de  ce  que  naturellement  l'homme 
ne  peut  tout  voir,  et  de  ce  que  naturellement  il  ne 
se  peut  tromper  dans   le  côté    qu'il  '  envisage  : 

«aÏM  jasténistM  ^u'om  eiu  eacorv,  dan*  aae  triiU  iiailbcwilé  et 
teinte,  a  (Seiate-Beave,  Port-Roytl,  Ut.  V,  eUp.  vu,  6«  Mil.  t.  IV, 
p.  4m) 

I 

a.  B,  S07;  C,  S71,   Bo«  ,  I,  I,  S"     p.'"      «     »«*     H».      Vil    II. 
Moi.,  fl,  i&S;  Mica.,  &S9. 

I .  Cf.  fr.  866  :  «  Daas  mrtm»  de  (eu  èfaleat  lea  clio«e«  ■,  et< 

9 
aB,S7t;C,  SS7:  P  R.,XXIX,  tS;  Boa  ,  I,  it,  19;  P4e«  ,  I,  tit  ; 
H««..Vl.  s«;li«..  1,  ia4;llMi.,SU 

s.    (VofL) 

S.  L»  aMBaaeril  porte  étrt  trompé,  aie»  aae  lec<are  alteative 
•ostra  ^a«  la  aaae  asige  <Vlre  tnmpi  ;  aae  lattra  a  M  amim  par 
PMaal  M  alla  daii  être  rétablie. 


SECTION  I.  S 

comme   les  appréhensions   des  sens  sont  toujours 


vraies 


•aoi 


On  se  persuade  mieux,  pour  l'ordinaire,  par  les 
raisons  qu'on  a  soi-même  trouvées,  que  par  celles 
qui  sont  venues  dans  l'esprit  des  autres. 

Premiire  Copie  SyCJ  tl 

'Tous  les  grands  divertissements  sont  dangereux 


I .  Pascal  rappelle  la  doctrine  elaisique  suiTant  laquelle  la  Térité 
det  doaaéea  MOiiblea  ett  évidente  :  si  les  données  sensibles  n'étaient 
pas  «xaelM,  avec  quoi  pourrait-on  les  contrôler  ?  Seulement  les  sens 
nous  induisent  en  erreur,  parce  que  nous  jugeons  par  eux  non  seule- 
ment de  re  que  nous  voyons,  mais  de  ce  que  nous  avons  pris  l'habitude 
d'associer  k  ce  que  nous  voyons.  Il  y  a  donc  dans  notre  erreur  même 
un  fond  de  vérité,  et  une  part  d'illusion  ;  il  est  donc  possible  1  la 
fois  et  de  raaMrar  aoCre  aaoïir-proprc,  •■  eoaaUUnt  que  nous  avons 
bien  vn  eertaioM  elMMea,  et  de  eorrifcr  notre  erreur  en  attirant  notre 
attention  anr  celle*  qne  nona  n'avions  pas  vnea. 


a   B.,  3<m:  C.,3S7;  P.  R  ,  XXIX,  s6,  Bos.,  I,  >,  lo;  Pàse.,  I,  173; 
H««.,  VII.  10;  Mot.,  II,  I&3;  Mica  ,  43S 


Cr  C,  36u,  Bo*  ,  11.  ivu.  ^b,   F*M,  I.  129,  H4*  ,  XklV,  64,  Moi  , 
II.  &3;  Mica  ,9&6. 

1.  BoaMtt  a  publié  en  1779  ce  fragment  qu'il  a  trouvé  daaa  le* 
(jopws  manuscrites  des  papiers  de  Pascal.  Il  avait  déjà  été  iaprimé 
di  it'i-H  comme  étant  la  quatre-vingt-unième  et  dernière  Mmximê  de 
Mme  de  Sablé  ;  mais  la  publication  est  postbume.  Eat-ce  Mae  de  SaMé 
qui  avait  gardé  l'original  de  la  pensée  de  Pascal  ?  ou  a-t-on  pris  la 
copie  de  la  pensée  de  Mme  de  Sablé  pour  un  fragment  écrit  sous  la 
dietde  de  Pascal  ?  Victor  Cousin,  qui  a  publié  ce  teste  d'après  les 
ni  >  lie  Conrart  (avec   d'insigniflantes  variantes)  s'appuie  sur 

I  N'allant  pour  irancber  la  question  en  faveur  de  Mme  de 

Sabir  (A/aJoflw  de  SaM,  l845,  p-  83),  et  il  convient  auaai  de  reaar- 


tl  PENStBS. 

pour  la  vie  chrétienne  ;  mais  entre  tous  ceux  que  le 
monde  a  inventés,  il  n'y  en  a  point  qui  soit  plus  à 
craindre  que  la  comédie  '.  C'est  une  représentation 
•i  naturelle  et  si  délicate  des  passions,  qu'elle  les 
émeut  et  les  fait  naître  dans  notre  cœur,  et  surtout 
celle  de  l'amour  ;  principalement  lorsqu'on  [^J  re- 
présente fort  chaste  et  fort  honnête.  Car  plus  il  partit 
innocent  aux  âmes  innocentes,  plus  elles  sont  capa- 


ipMT  qa*  Im  édilean  d«  1670  avaient  laÏMé  ce  frsfMMl  à»  ébtà.  P»f 
tant  le  doute  est  permit  ;  oe  fQl-ce  qa«  coaune  citation,  le  Aagatnt 
a  M  place  parmi  le*  Peruiet  de  Pateat. 

t .  La  thèM  janaésiau  a  été  mpriae  par  Nieola,  q«i  écrit  •■  t666  : 
■  Lin  hiaenr  de  roman*  M  an  poète  de  thMtre  eat  an  aapoiioaaaar 
publie,  non  daa  corps,  mais  de»  Amet  des  Bdèle»,  qui  M  doit  ragardar 
comme  coupable  d'une  infinité  d'homicides  spirituels,  qu'il  a  eaaaéa 
an  effet  ou  qu'il  a  pu  causer  par  ses  écrits  pernicieux.  Plat  il  a  au 
aoia  da  couTrir  d'un  voila  d'boanétaté  laa  passions  criaiaailaa  qa'il 
y  éémt,  plu*  il  les  a  randaaa  dangaraMaa,  at  capablaa  da  larpraâdra 
al  da  corrompra  las  âmes  simples  et  innocentée.  »  On  sait  qoe  cane 
phraae  des  VUioiutairet,  dirigée  contre  Des  MaraU  de  Seint-Sorlin, 
valut  k  Nicole  ane  réponte  hautaine  de  Corneille  daaa  la  préftMa 
d'Attila,  et  proToqaa  anaai  la  Lettre  de  Hacioe  d  ttmlêv  dm  HMum 
imofmairu,  où  l'ancien  élève  de  Port-Royal  dut  plut  d'aaa  9ai» 
rappeler  k  «et  mahret  l'auteur  des  Prvciiteialet.  Plus  urd  loveqae 
DoMaii  eoadamnera  le  théâtre  dans  ta  Lettre  au  Père  Caffaro  al  dsM 
•aa  Maatiam  ri  Rijlexions  sur  la  comédie,  il  enveloppera,  lai  aaHi, 
daat  cette  condamnation  la  peinlare  de  la  pataioa  hoaaila  a  qai  a'aa 
eat  que  plus  périUente  loraqu'elle  paraît  plut  épurée  a.  A  la  veiUe  de 
«  aM»rt  eaSa,  Amauld  prenant  la  défente  de  Boileaa  coatre  Perrault 
etie  ce  paaaage  d'un  livre  m  imphaié  il  y  a  dit  ans  m  at  qai  aet  «  aaeea 
rare  ■  :  «  Peut-on  avoir  un  peu  de  aèle  pour  le  taint  dae  àaa*  qu'on 
aa  déplore  le  ami  que  foat  dans  l'eaprit  d'une  inSnité  de  peraonnea 
la*  raaMa*,  le*  eomédia*  et  lea  opéra*  ?  Ce  n'eal  pa*  qa'oa  n'ait  aoia 
pré*aalam*Bt  da  a'jr  riaa  BMttr*  qai  toit  gremièr*maat  déaliaaaHa  ; 
•ai*  t^mi  qa'oa  a'jr  éladie  k  hira  parattra  l'aaMar  aawM  la  akoaa 
da  aMMde  la  pla*  ebaraaate  et  la  pla*  doaea.  Il  a'aa  Ibal  pa*  davaa- 
iaf«  poar  doaaar  naa  fiaada  portée  &  ealla  aalkaareaaa  paariaa.  a 
(Lettre  da  5  mai  1694)- 


SECTIGTN  I.  « 

bles  d'en  être  touchées:  sa  violence  plaît  à  notre 
amour- propre,  qui  forme  aussitôt  un  désir  de  causer 
les  mêmes  effets,  que  l'on  voit  si  bien  représentés  : 
et  Ton  se  fait  en  même  temps  une  conscience  '  fondée 
sur  l'honnêteté  des  sentiments  qu'on  y  voit,  qui 
ôtent  la  crainte  des  âmes  pures,  qui  s'imaginent  que 
ce  n'est  pas  blesser  la  pureté,  d'aimer  d'un  amour 
qui  leur  semble  si  sage. 

Ainsi  l'on  s'en  va  de  la  comédie  le  cœur  si  rem- 
pli de  toutes  les  beautés  et  de  toutes  les  douceurs  de 
l'amour,  et  l'âme  et  l'esprit  si  persuadés  de  son 
innocence,  qu'on  est  tout  préparé  à  recevoir  ses 
premières  impressions,  ou  plutôt  à  chercher  l'occa- 
sion de  les  faire  naître  dans  le  cœur  de  quelqu'un, 
pour  recevoir  les  mômes  plaisirs  et  les  mômes  sacri- 
fices que  l'on  a  vus  si  bien  dépoints  dans  la  comé- 
die. 

ia3|  it 

Scaramouche',  qui  ne  pense  qu'à  une  chose. 


I.  CoiueUnee  aa  Moa  de  ce  patuge  de  Bourdaluue  ril^  par  Lillrf  : 
a  Oo  M  hil  aiaémeat  de  fcuaaes  cootcteaces  :  on  ^toufle  loua  lea 
ranorda  dn  p^bé.  ■ 

...     t.  ,.,....  196;  F*««..  I,  1S9:  Hat.,  XXV,  74,   Mot.,  i,  &7; 
Mica  .  317. 

s.  Le  SearMHMcàf  e'aal  Tiberi»  Kiorelli  ;  il  «int  k  Pari«  en  i6V>  et 
y  reau  jaaqa'aa  coaneaccaicat  de  la  Kroode,  puit  revint  en  i653  au 
Petit-Bourbon  (e'eat  le  moment  où  l'un  peut  «uppoaer  que  Pascal 
la  Til)jaaqa'«a  1669;  il  jouait  la  eomtdia  deli  arte  dont  le  Docteur 
t%t  un  peraonaaye  Iraditioaael. 

WtMWàM»  Mt  PASCAL.  I  —  H 


Il  FIRttBS. 

Le  docteur,  qui  parle  un  quart  d'heure  aprèt  avoir 
tout  dit.  tant  il  est  plein  de  désir  de  dire. 

•UiJ  ij 

On  aime  à  voir  l'erreur,  la  passion  de  Cléobuline. 
parce  qu'elle  ne  la  connaît  pas  :  elle  déplairait,  si 
elle  n'était  trompée*. 

4*0)  14 

Quand  un  discours  naturel*  peint  une  passion  ou 
un  efTct.  on  trouve  dans  soi-mOme  la  vérité  de  ce 
qu'en  entend,  laquelle  on  ne  savait  pas  qu'elle  y  fût, 
en  sorte  qu'on  est  porté  à  aimer  celui  qui  nous  Ir 
fait  sentir  :  car  il  ne  nous  a  pas  fait  montre  de  son 


13 

a  B  ,  S65;  C,  Su;    P4M.,  I.  an  ;  U«*.,  XXV,  68;  Moc,  I,  4S  ; 
Mm.,  75e. 

I.  CléobaUsa,  priaoMM,  pau  raîa*  éê  Coriatbt,  ifw»,  dit  HsTtt, 
ca  dÎTOTt  «adroitt  dau  Arimmkm*  oa  1*  Grmmd  Cynm,  é»  MUa  àe 
Seadéri.  Mai*  oa  irouTeni  partirulièreaienl  l'biiuiîra  da  M  paMÏaa  au 
lÏTrc  Mcoad  de  la  teptiène  partie.  Elle  est  aaMaraaaa  d'aa  da  te* 
MJetB,  Mynntbe,  qai  a'esl  pat  bi^om  Corinthien  d'origiaa  ;  Mais  «  allé 
«  rainait  un*  penser  l'ainer,  et  elle  ftot  ■  longtaap*  daaa  eatic 
«  erreur,  que  cette  affection  ne  ht  plu*  en  Mmt  dVtre  mumtomté* 
m  lortqu'elle  t'en  aper^t  ».  Il  hot  ajontar  qaa  CMobaliaa  paanii 
poar  ^tre  le  portrait  de  la  reiae  Cbriatiaa  da  8a4da,  al  il  a'aat  pai 
ddflnda  da  paaaar  que  cette  particularité  aurait  attiré  mt  wa  panaa- 
aaga  l'atlaalioa  da  Paical  ;  lui  qui  d^lare  dan*  la*  l^raetaaalat  a'avoir 
jaaiai*  In  da  rmana,  aarait  fbil  aaa  ascaptioa  poar  aaOa  à  ^  il  écrivit 
la  lettre  qaa  l'oatait. (0|pa»calM  et  ftmUtt  da  Paaeal,  18^.  p.  ii  1  ) 

M 
O  B,  SSS;  C.  Si(;P.  R.  XXXI.  13;  Ba*.,  I.  t.  •«;  F4aa.,  I,  a&i  ; 
H«f  ,  VII,  i«.  Moi.,  il.  iM;  Mica  ,  S80 


9.  a  Ja  gagarais,  éacil  M.  Draa,  ^aa  f  >■§■■■!  fcil  allawoa 
DtMaafa  aar  Im  Pmritm  é$  tAmmr.  ■  Èimia  mt  I»  te^irUm^ 
P»»fl,  p.  348. 


Ha 

m: 


SECTION  I.  17 

bien,  mais  du  nôtre  :  et  ainsi  ce  bienfait  nous  le  rend 
aimable,  outre  que  cette  communauté  d'intelligence 
que  nous  avons  avec  lui  incline  nécessairement  le 
cœur  à  Taimer. 

i3o,  15 

Eloquence  qui  persuade  par  douceur,   non   par 
empire',  en  tyran,  non  en  roi*. 


«5 

a.  B,  3&3,  C.  S96;  Fam  ,  I,   «58;  Hat.,  XXV,  118  ta;   Moi.,  Il, 
i3i;  Mica.,  iik- 

I .  Le  commenuire  de  celle  pensée  est  foomi  par  le  paMsge  tuiTint 
dae  Rifimim*  ntr  l'Art  de  persuader  :  «  Personne  n'ignore  qu'il  y  ■ 
Atn%  eatréc*  par  où  le*  opinions  sont  reçues  dans  l'âme,  qui  soni  ses 
deux  principales  puissances,  l'enlendemenl  et  la  Tolonté.  La  plus 
naturelle  est  celle  de  rentendenent,  car  on  ne  devrait  jamais  con- 
sentir qu'aux  vérités  éémomtrit»  ;  mais  la  plus  ordinaire,  quoique 
contre  la  nature,  ect  Mlle  de  la  volonté  ;  car  tout  ce  qu'il  y  a 
d'hommes  sont  presque  toujours  emportés  à  croire  non  pas  par  la 
preuve,  mais  par  l'agrément.  Cette  voie  est  basse,  indigne  et  étran- 
gère :  aussi  tout  le  monde  la  désavoue.  Chacun  fait  profession  de  ne 
croire  et  même  de  n'aimer  que  ce  qu'il  sait  le  mériter.  »  C'est  k  l'en- 
t«a4eaM«l  qu'appartient  légitimement  l'empire  de  la  persuasion,  il 
est  le  roi  ;  la  volooté  l'uaarpe  par  la  douceur,  et  exerce  la  tyrannie, 
(^ette  distiDettoa  de  rot  «t  du  tjran  éuit  familière  à  Pascal.  Dans 
le  fntgtutnt  3to,  il  aa  doaae  uae  aonvelle  application  :  par  ddà 
l'empire  de  ■  réloqnaaea  M  du  la  a  douceur  »,  il  y  a  celui  de  h 
Force,  qui  est  comme  un  dayré  aonveau  d'usurpation,  et  qui  aat 
comme  une  tyrannie  vis-è-vis  de  cette  royauté  déjà  usurpée  :  ■  L'aut- 
l>ire  fondé  sur  l'opinion  et  l'imagination  règne  quulquu  teaipa,  et  c«t 
rmpire  est  doux  et  volontaire  ;  celui  de  la  force  règne  toujours.  Atasi 
l'opinioa  est  eoaiaie  la  reine  du  monde,  mais  la  force  en  est  le  tyraa.  » 

1.  La  peaaèe  16  de  notre  petite  édition  in- 16,  avec  laquelle  aous 
coaearveaa  la  eoaeordance,  éuit  un  fragaieat  eapraaté.è  l'édition 
BoMat  (SoppUaieal  XXVII)  et  reproduit  par  las  diléreau  éditeurs 

Ai;o.,   I,   947;Hav.,   XXIV,  87;  Mot.,   II,    t3t  ;  Mica.,  989). 

'•hh^  RoMut  n'en  avait  pas  indiqué  l'origiae  ;  aous  l'avons  retrouvée 
■irtde  r abbaye  de  Port •  Hoja l  par  le  docteur  Baaoigae  (U*  par- 
i>r,  iiiii  M;  I   IV,  p.  ^67),  Cologne,  1761.  L'aatear  s'exprime  aiaai 


PINStlS. 


k  Pmmi  :  ■  n 

••  art  d«  Un  l«  ekoMt  d«  t«ll«  Ib^oa  :  >•  ^a*  mmt 
à  ^  Poa  pari*  Im  puMtal  «iteadr*  Ma*  paiaa  •(  ataa  flakîr  ; 
**  ^9'ik  l'v  •eotffol  iptéreMé*,  ra  tort*  qaa  l'aMoai  pteyi»  !«•  fatic 
plat  voleauen  k  j  hirc  réfleiioa.  C'eM  poarqaoi  il  la  lu^nH  aaaaiaUr 
éamê  WM  eofTMpeadaaoc  qo'oa  lâcb*  d'Mablir  aatra  l'aiprit  «1  la 
evar  da  eaas  k  qai  l'oa  parie  d'ua  oAli,  al  da  l'aatra  lat  paaaAaa  ai 
lat  aspraMoa*  doal  oa  m  «art  :  ce  qai  aappoM  qa'oa  aaia  Maa  iHmâU 
la  a«ar  da  lIioauM  poar  aa  «voir  toa»  laa  raMOfta  al  poar  troarer 
aaaaita  la*  jaaia*  ptaportioa*  da  dkeoan  qa'oa  vaat  jr  aaaoHir 
M.  Plaaeal  ••  aattail  k  la  plaça  da  caai  qai  dairaiaat  raaiaadr»,  «I  il 
Maait  a**aî  aar  «oa  propr*  eoar  da  loer  qa'il  doaaah  à  *oa  dÎMoan. 
poar  voir  si  l'aa  éuil  fcit  poar  l'aalr*,  el  «'il  poavail  «'aaiatar  qar 
raadilaar  tarait  coome  forcé  de  le  rendre.  Il  w  reaffenaait  dea«  Ir 
pla*  qa'il  poovait  dam  le  sinple  aatorel  ;  re  qui  étail  pelit,  il  ae  l>- 
fciaail  pas  graad,  ce  qui  était  graad,  il  ne  le  AiiMit  pat  petit  ('.' 
a'étail  pas  smcx  pour  lui  qu'une  chose  fât  belle  :  il  hllait  qu'i  ' 
propre  an  sujet,  qu'il  n'y  eâl  rien  de  trop,  ni  rieada  aaaqoe.  Il  ^  ' 
fait  par  ce  Boven  un  style  naïf,  juste  et  agréabla,  fert,  al  aalaial  ;  et 
ce  style  lui  éuit  si  propre,  que  dès  qu'on  vit  parattra  la*  PimimeiaUs. 
oa  l'en  jugea  auteur,  quelque  soin  qu'il  eAl  pris  de  le  cacher  aiéai*  k  sr« 
proches,  m  — Or  il  n'y  a  pas  de  doute  que  Boaaol  a'ail  «  arraagé  > 
le  fragaieat  du  êuppUment  d'après  la  page  de  Baaoifae,  ea  lii> 
doaaaat  uae  forme  imperaonaelle  :  «  L'iloquêmte  «il  aa  mri...  U  /mut 
m  mritrt  à  la  plaet...  •  Il  saffit  de  coasidérar  daaa  la 
Mfai  la  fragaMal  qui  précède  ;  Daiu  un  iM  élMi  m  RipMifÊH 
VtKÊB»  ac  la  fragaïaat  qui  suit  :  «  L'ÉeriUvt  tmadê  nftH  pm  mm  i 
dr  Vt$pnl.  a  Toa*  la*  trois  sont  reprodaiu  chei  Beaaat  d'aprè*  la 
rédaelioa  da  Baaoifaa  qui  paraphrase  la  Vit  écrit*  par  Madaaa 
Périar.  Poar  ce  qui  concerne  le  passage  sur  i'éloqaaaee,  la  doctaar 
Baaoigae  avait  trouvé  la  page  suivante  dans  la  Vu  da  Madaaia  Périar. 

■  Il  avait  une  éloquence  naturelle  qui  lui  donnait  oaa  IheiKlé  aiar 
veilleuse  k  dire  ce  qu'il  voulait  ;  mais  il  avait  ajouté  k  eala  da*  règlaa 
deat  ea  ae  s'était  pas  encore  avisé,  et  dont  il  se  servait  ai  avaataf  a 
aaaMat,  qu'il  éuil  maître  de  son  style  ;  en  sorte  qo*  aoa  iaal*maat  U 
disait  tout  ce  qu'il  voulait,  mais  il  le  disait  aa  la  amaièra  qa'il  voa- 
lait,  «t  aoa  diacoor*  fbiaait  l'affel  qu'il  s'était  proposé.  El  cetia 
amaièra  d'écrire  aalarelle,  naïve  et  fort*  ea   méma  laaip*,  lai  élail 

■  prapca  et  si  partiealièra,  qv'aaaailAl  qa'oa  rit  poialiia  las  Lettrm 
«a  prmmemi,  oa  rit  hiaa  qa'aOa*  éuieni  de  lui,  qaal^aa  aaia  qa'il  ail 
loiûoanpriada  la  eadier,  aaéaM  k  ta* prêcha*,  a  Baaaîfaaa  rachaialid 
•a*  rèfla*  d*  atyla  daa*  la*  MJUmiom  mu  ttrt  et  P*rwadi»  ;  a  U 
paiafl  da  là  qaa,  qaoi  qaa  ea  aait  qa'oa  vaaiUa  paraaadar,  il  font  > 
égard  k  la  partoaa*  k  qai  oa  aa  «aal,  doal  il  Aial  eoaaaitra  I 
«  la  evar,  qaais  priadpa*  il  ■ceerda,  ^aallaa  ohaaaail  aima  ;  «i  i 


SECTION  I.  » 

439I  17 

Les  rivières  sont  des  chemins  qui  marchent  et 
qui  portent  où  l'on  veut  aller'. 

^m]  18 

Lorsqu'on  ne  sait  pas  la  vérité  d'une  chose,  il  est 


renarqaer,  daju  U  ebow  dont  il  s'*git,  qneb  rapports  elle  a  arec  les 
priaeipw  avonéc,  ou  arec  Im  obj«U  déKeicaz  par  les  charmes  qu'on  loi 
doaae.  De  sorte  qae  l'art  de  penaaiweouute  autant  en  celui  d'amer 
qu'en  celai  de  conTainere,  tant  les  btwea  se  gouvernent  plus  par 
caprice  que  par  raison  !  •  Il  les  réeaae,  et  il  ajoute  un  passage 
qoi  ect  oae  alluiion  au  commentaire  de  F^nelon  dan«  la  Lettrée  l' Aca- 
démie sar  le  mot  d'Isocrate  :  m  Le  discours  a  naturellement  vertu  de 
rendre  les  choMt  gimade*  petites  et  les  petites  grandes.  » 

17 

Cf.  B  .  Ms;  C,  3^1      Bo.     I    »    3«     F.tr.      I     ^o»,     H.»     VII    1^  ; 
Mot  ,  II.  i5i 

I.   Havet    a   retrouvé    dans   cette    n'Hexnin    un    soiiveim  i' 

lais.  Le  chapitre  36  du  \*  livre  est  intitulé  :  «  Comment  r. 
Atmet  en  Cisle  d'Odet,  en  laquelle  les  chemins  cheminent...  l'u.  -  s'- 
gttindans  au  cbema  opportun,  sans  aultreroent  se  poiner  ou  Eau^;»rr. 
se  trooaojreot  an  lien  deatiaé  ;  ooaao  to«i  Toyei  ndoeBir  à  oeaix  qui 
de  Lf on  on  Auignon  et  Arles  se  ■ettaat  ea  bateaa  sar  l«  Rhmae. . .  • 
Pascal  a-t-il  «ealeieat  aocé  aae  expreasioa  qui  l'a  frappé  ?  Cela  est 
possible.  Il  est  égaleaMat  plaaeihle  de  voir  daas  cette  ligne,  avec 
l'autenr  aaeaf  ae  d'nne  élude  sar  Poiea/  ai  $*$  ftmtàet  (traduit  daas  la 
Hevue  BritaiMkpé,  juin  l847),  «  ■■  aphoriaaie  d'éeoaomie  politiqae  • 
que  l'on  citait  en  .Angleterre  aaiM  savoir  k  qui  on  l'empruntait.  Pour 
nous  il  est  surtout  remarquable  que  cette  iaaage  s'adapte  ezacteaMat 
k  la  description  qu'il  aoas  doane  de  l'éloquence.  C'est  le  règae  de  la 
•  douceur  »  :  aoas  aoas  abaadoaaeaa  et  aoos  glissons  k  la  coadasioa 
voulue  par  l'oraiMr,  iaeeMÎMaaMst,  teas  qu'il  y  ait  coaaeieace  d'aa 
effort  pénible  oa  attiieiai,  eeaMM  ■  la  ehwiia  avait  mardié  pow  bow. 


.  XI. 

Hav,  tll.  17  al  17  Ki;  Moc  ,  II.  1&7 


a  B..loi;C.U9.  P   K..  \XXI.  a4;  Bas.,  I,  >.  17;  Psm  ,  I,  a&s  : 
"      ,VII.  •7( 


m  PENSftBS. 

bon  qu'il  y  ait  nne  erreur  commune  qtii  fixe  l'esprit 
des  hommes,  comme,  par  exemple  la  lune,  à  qui 
on  attribue  le  changement  des  saisons,  le  progrès 
des  maladies,  etc.  :  car  la  maladie  principale  de 
l'homme  est  la  curiosité  inquiète  des  choses  qu'il  ne 
peut  savoir  ;  et  il  ne  lui  est  pas  si  mauvais  d*être 
dans  l'erreur,  que  dans  cette  curiosité  inutile. 

'  La  manière  d'écrire  d'Epictète,  de  Montaigne  et 
de  Salomon  de  Tultie,  est  la  plus  d'usage,  qui  s'insi- 
nue le  mieux,  qui  demeure'  [/ej  plus  dans  la  mémoire. 
et  qui  se  fait  le  plus  citer,  parce  qu'elle  est  toute  com- 
posée de  pensées  nées  sur  les  entretiens  ordinaires 
de  la  vie  :  comme,  quand  on  parlera  de  la  commune 
erreur  qui  est  parmi  le  monde  que  la  lune  est  cause 
de  tout,  on  ne  manquera  jamais  de  dire  que  Salo- 
mon de  Tultie  dit  que,  lorsqu'on  ne  sait  pas  la  vérité 
d'une  chose,  il  est  bon  qu'il  y  ait  une  erreur  com- 
mune, etc.,  qui  est  la  pensée  de  l'autre  càVé  *. 


I.  Page  m  dn  oMaoïerii 

)■  U  a'aM  pM  dMU  le  mannsmi,  probabiMMBt  tappnaé  par  l« 
relieur. 

3.  L»  ■■auscrit  porte  U  eorrcetioa  :  ei  ilmi,  fcil*  mm  dovU 
M  vaa  de  IVdition  poelliaaM.  Paeral  avait  dicté  ^  tmlrt  «6U, 
c^»*'^-6in  wr  le  recto  de  la  page  qai  eoatieat  aa  vara»  la  mttmi 
paragraphe  du  fragneat.  La  peat^  e«t  doabla.  La  praiiAw  rIActioa 
ta  lattacka  k  oa  qoa  Paaeal  dit  de  la  aiiaèra  a(  da  l'iayiiétadte  da 
rkMM.  (Saet.  II,  h.  i»7.  .qq  )  Elle  rapfdi*  >«•  hmfiu  lUoriaa 
d'Bpieara  poar  qai  toate  expliraiion  ici— tiiy  a«  boMM  ftmm 
qa'alla  écarta  la  mjth;  avec  U  craiata  raligiaaaa  qai  aa  décoiUa  ; 
pow  miâmM  cliawar  catta  iaqaiétede,  aa  épicariea  aa  •'interdira  pa* 
d'éaaaUrar  A  propos  d'aa  aiéaM  hit  nae  téria  da  tliéoriaa  différaaiM 
aatra  allas  et  iaeoaipatiblee,  aiai*  doat  l'aec«ai«latia«  Ibvtiaa  l'idéa 
aaaaaiialla  qa'aaa  aipticatioa  ratioaaella  aat  poeaiMa. 

La  aaeeada  pcaaéa  tu  «m  remarque  da  Paaeal  aar  ioa  propre  «fia  ; 
•a  aiéaM  raag  ^a'tpktèta  al  MoMaigM,  laa  aduva  et  PMeal  éum 


SECTION  I.  il 

Eé.  1678,  Ck.  ixii]  19 

La  dernière  chose  qu'on  trouve  en  faisant  un 
ouvrage,  est  de  savoir  celle  qu'il  faut  mettre  la  pre- 
mière ' . 

433]  M 

Ordre*. —  Pourquoi  prendrai -je  plutôt  à  diviser 
ma  morale  en  quatre  qu'en  six?  pourquoi  établirai- 
je  plutôt  la  vertu  en  quatre,  en  deux,  en  un  ?  pour- 
quoi '  en    nbstine    et    sustine  *   plutôt   qu'en    suivre 


l'art  d'écrire  oa  piat&t  (paitqo'Épictète  n'a  rien  écrit)  «  de  con- 
férer »,  elle  place  Salomon  de  Tultie.  Qni  est  ce  Salomon  de  Tultie  ? 
Havet  toupçonnait,  k  la  lecture  de  ce  fragment,  qae  ce  pourait  être 
Pascal  lui-même.  Le  pasteur  Chavannes  a  fiit  Toir  que  Salomon  de 
Tultie  était  en  effet  l'anagramme  de  LoaU  de  Montalte,  pseudonyme 
sous  lequel  avaient  paru  les  Pnvmeiales  ;  c'est  ce  nom  qui  deTait  lui 
servir  sans  doute  pour  VApologie  de  la  Religion  chrétienne.  Pascal 
avait,  d'ailleurs,  fcfé  de  la  même  manière  Amos  Dettonville  dont  il 
avait  fiit  l'anteor  dea  opuscules  scientifiques  qu'il  piihlia  xttn  U  fin 
de  1658.  (Ed.  Lahure,  t.  III,  p.  36a  sqq.) 

»9 

Cr   li..     I    1    >9.  FsM.,!.  iSi;  H4V.,  VII,  39;  Mot..  Il,  i33.lliai.. 

y'  ■ 

I .  il  «I  pM  prebaMe  qn«  Mtt«  réfletion  ait  été  écrite  par  Pascal  ; 
c'est  un  i/iavenir  d«  eonvorantîoa,  qni  aurjui  ^1^  ri>riit>illi  p.ir  Port- 
Roy  «l 

so 
a.  B.373;  C,  33o,  P  R.,bA.X\IX  3>;  Bos,   I,   it,    18     K.^     M 


t.  B  ,373;  t.  ,  Sio,   y.  N.,Ba  .  \\l\  i%  ;  Boa 
3W;  Hsv  .  VI,  iS;  Mot  ,  II,  «3;  Mm  ,  ^%t 


3    '  I  imprime  e«  débat:  «  L«*  philoaoflMaaoeroMat  bé«a 

An*  -1  rrrmé  leur  ■Ofl>  MNM  earUiow  diriaioat.  » 

3.  i>«,  aarcharfe. 

k-  \PwÊf%wBt.]  —  Ckarroa  loaa  •  la  grand  philoaopha  ÉpiflCèca  » 
d'avoir  «  tria  bien  aigniflé  a  laa  daat  foraMa  da  la  SafaMa, 


3t  PENStlS. 

nature\  ou*  faire  ses  affaires  pariicnU^res  sans 
injustice,  comme  Platon*,  ou  aulre  chow?  —  Mais 
voilà,  direi-vou8,  tout  renfermé,  en  un  mol.  —  Oui. 
maia  cela  est  inutile,  si  on  ne  l'explique  :  et  quand 
on  vient  à  l'expliquer  \  dès  qu'on  ouvre  ce  précepte 
qui  contient  tous  les  autres,  ils  en  sortent  en  la  pre- 
mière confusion  que  vous  vouliez   éviter  ^   Ainsi. 


prMMBt  ••  ému.  MOU  tonle  lu  philosophie  aoralt,  WMtiiM  •<  tk^ine, 
MNMkaa  Im  «au,  e'wt  l'adTertiU  ;  abctieMA^m  de»  bt«M,  «"Mt-àwlirv 
ém  v«l«plé«  M  de  t*  proipénié.  »  (D«  b  Statut.  II,  tu,  4.) 

I .  MoBUigae  «rail  ^rit  :  «  Vmy  prias,  Wf  ■>  i'ay  diel  atlUar*, 
bi«B  napleoMat  et  enieaent,  pour  moa  rafard,  e«  yracepla  aaciaa  ; 
^a«  «  Noot  ae  •çaarioa»  hillir  A  «ayrre  aatare  :  •  9a*  la  ■oaTWaia 
pfaeapu,  c'att  de  <  Sa  eoafomer  à  elle  »  (III,  xii)  al  «  Natara  aai 
aa  doals  gaida...  ia  gaaila  partant  m  pi«a  :  aoaa  l*aveM  eaafcadaa 
da  trace*  artifldellaa  ;  et  ea  toaTaraia  biaa  aeadaari^aa  al  paripata- 
tiqoe  qui  est  n  rivre  selon  ieelle  »  derient  k  eatta  eaaaa  tfflcilc  k 
borner  et  à  eipliquer.  ■  (III,  i3.)  —  Dans  le  Saeaad  Livra  de  U 
Sajmr,  CiMrroB  intitule  na  parBgrapba(la  MfliAaM  da  eh.  m).  Faai 
•aiar»  aalorr  dont  il  fait  la  9rnM  H  numiieOê  prWkaMJe  :  a  Voilà 
pourquoi  U  doctrine  de  tons  las  lagaa  porte  qae  biea  «ivre,  e*eM  «ivre 
selon  nature,  que  le  souveraia  biea  en  ce  aronde  e'aal  eaaaaatir  ji 
nature,  qu'en  suivant  nature  ooaiaM  guide  et  maitreaae,  l'oa  aa  fbadni 
jaaais.  •  Et  il  cite  Sénèqae  daat  la  Pri/«t*  da  la  Saywf.  oà  il  écrit  : 
m  Seivre  nature,  celni^i  a  grande  élaadaa,  al  prea^aa  iaal  Mfllraii.  ■ 

9.  Ou,  ■ttrelwrga. 

S.  Faraiala  eaipraat^  k  Moataigae,  III,  g  :  «  N'y  daadire  Platon, 
qai  eatime  la  plas  bearaaaa  ooeapatioa  h  ebaaeaa,  fcira  «as  partira- 
lier*  affaires  saas  iaiaatioe.  »  Ce  qai  raavoia  k  ee  paMaga  d'aaa  lettre 
attribaée  k  Platon  (lettre  I\  k  \rch,rtaa,  357,  laè/ae):  •  ^ae  aa  aaii 
le  plat  agréable  dans  la  vie,  de  faire  se*  propret  aCairaa,  Mftaal  ^aaad 
il  s'agit  d'aairapritat  eewe  lea  tieaaaa,  e'esl  ae  fae  prea^ae  taal  le 
monde  reooaaail.  a 

5.  MoaUigaa  avait  daas  aa  aalra  ardre  d'epplieeliea  dl»elepp< 
■ae  pensée  aaaiogae  :  •  Cet  iagaaaaU  aaivaraala,  ^ae  ie  vaais 
ti  ordiaairea,  ae  dtaeat  rîea  ;  ae  aaat  gaau  qai  aalaaal  teal  an 
paapla  ea  foala  et  ea  troepe  :  eeai  qai  ea  oat  vraye  eagaoiasance,  Ir 
aaKieal  1  reiafqaeal  eewaieBual  al  patticaliereoMal  {  ■at'>  ■••><- 

I  eatrepwaae  :  d'aà  i'ay  vaa,  plat  taaiaal  ^tM  laai 


SECTION  I.  .11 

ijuand'  ils  sont  tous  renfermés  en  un,  ils  y  sont  ca- 
chés et  inutiles,  comme  en  un  coffre,  et  ne  parais- 
sent jamais  qu'en  leur  confusion  naturelle.  La  na- 
ture les  a  tous  établis  sans  renfermer  l'un  en  l'autre'. 

4371  ai 

La  nature  a  mis  toutes  ses  vérités  chacune  en  soi- 
même  :  notre  art  les  renferme  les  unes  dans  les 
autres,  mais  cela  n'est  pas  naturel  :  chacune  tient  sa 
place. 

43i|  as 

Qu'on  ne  dise  pas  que  je  n'ai  rien  dit  de  nouveau ': 
la  disposition  des  matières  est  nouvelle  ;  quand  on 
joue  à  la  paume,  c'est  une  même  balle  dont  joue 
l'un  et  l'autre,  mais  l'un  la  place  mieux  ^ 


Mtveair  que  le«  ctpriu  foitlf—t  foadcs,  voulants  faire  les  iaifenienx 
k  remarquer  en  la  lecture  de  q«elq«e  ouvrage  le  poinct  de  la  beauté, 
arresteni  leur  admiration,  d'un  si  mauvais  chois,  qu'au  lieu  de  nous 
apprendre  l'excellence  de  l'auteur,  ils  nous  apprennent  leur  propre 
igmmaen.  »  (III,  vin.) 

I.  Quûitd,  en  surcharge. 

•3.  Addition  de  Port-Royal  :  ■  Ainsi  toutaa  c«a  divisions  et  ces  mots 
n'ont  guères  d'autre  utilité  que  d'aider  la  mémoire  et  de  servir 
d'adreue  pour  prouver  ce  qu'ils  renferment.  » 


a   B  ,  373,  C  ,  ii;.  bo«  ,  i,  II,  ir..  t-«v«  ,  il,  iéé,  H4«      M     ^  >  ' 
Mot  ,  I,  137:  Mica,  70S 

%* 

es  B.  377:0,  U6;  P.  R.  ail..  XXI\.  10;  Bo*     I    1...    K.         I        , 
H»v.,  iil,  g;  Mes  ,  I,  »;  Misa  ,  71I. 

3.  (t'ordr*  aat.] 

V   Pascal  a  lui-méne  donné   la  oomaMataire  de  ce  fragment  dans 
»e*  Réfleiions  sur  VArt  dt  Penaadtr  :  •  Je  voudrais  daaMader  h  de* 


Il  PENSÉES. 

J'aimerais  aoUnt  qu'on  me  dit  que  je  me  nia 
servi  des  mois  anciens.  Et  comme  si  les  méinea 
panaées  ne  formaient  pas  un  autre  corps  de  discours, 
par  une'  disposition  différente,  aussi  bien  que  lea 
mêmes  mots  forment  d'autres  pensées  par  leur  diffé- 
rente disposition  ! 

"51  «3 

Les  mots  diversement  rangés  font  un  di\(Ts  smn. 
et  lea  sens  diversement  rangés  font  différents  cflets*. 


parwMiBM  ^uiUblM*  «•  priaeif:  La  ■■tièw  aM  <!•■•  iw«  iaflayaciti 
natarellc  iariaeibla  da  pauar,  at  ealai-«i  :  Ja  pawa,  éame  ja  màê, 
•oat  aa  afiM  lat  lêwai  daat  l'aiprit  da  Daaeanaa  «t  dau  l'eiprit  da 
aaiat  Aagaada  ^m  a  dit  la  aéaM  ekoM  doaaa  aaaU  ant  aaparavaat... 
Tel  dira  one  ehoM  da  aoi  MÉMa  MM  aa  eoaipfaadfa  Tasealtoaca,  oè 
an  antre  comprendra  aoa  «nia  aiattaillaaaa  da  BeBii^aaaBaa  ^  aoM 
font  dire  hardiment  que  re  n'eft  pin*  le  mimm  mot,  al  ^Sl  m»  la  doit 
non  plus  à  relui  d'où  il  l'a  apprit,  qu'un  arbra  adaitrabla  a*appaftia»dra 
pas  à  celui  qui  en  aorait  jald  la  aaaiaaca,  taB*  y  pauar  al  mm  la  eo»- 
■atlra,  dan*  une  tarra  aboadaaia  ^  aa  aarait  proilé  da  la  aortapar 
M  prepta  fertilité.  La*  mImm  paMdM  poMMal  ^aal^Mlbia  loM 
aatNMaat  dan*  un  aatra  qaa  daM  law  aataar  :  iafeftilM  daM  iaar 
champ  naturel,  aboadaaiM  élaat  traaaplaatdM.  ■  —  Moauigaa  avail 
déjà  dit  :  «  Qu'on  aa  •'attaade  pa«  aai  aMtiarM,  Bui»  k  la  fcfoa  ^«a 
i'jr  donne  :  qu'on  reojre,  en  ce  que  i'enpmala,  ■  i'aj  aaaB  ekoiàr  da 
^aoy  rahaul*er  oa  aaooarir  proprcmeat  l'iavaatioa,  ^aî  viaM  toaaioar* 
de  Moy  ;  car  ie  foy*  dire  aax  aahraa,  aoa  k  bm  laaia,  bmU  k  bm 
Mtta.  »  (II,  lo.) 

t.  [ilBir«.| 

•S 

a  B.,  4oS;  C  .  S8>;   P4na.,  I,  sSi;  Bav.,  IXV.  itS;  Mai ,  I,  19;  . 
Mica.,  47*. 

s.  «  Oat  qai  aat  i'aaprit  de  diacarBaaaat  «avaat  eoaibiaa  il  y  a 
de  diféraace  eatra  deai  bkK*  «•■MbUm,  mIob  la*  liaax  al  Im  cir> 
eeaaiaaeM  qai  1m  acooaapagaaBt.  a  (D*  fArt  de  pamadar).  —  Lt 
laagM  AsafâiM  fb«niit  bm  adiia  d'asaaaplM  feaiiliara  A  Tappai  da  cm 
obaarrattoM  :  talla  la  difféfaaea  aaua  $rmà  ktmmê  al 


SECTION  I.  as 

Langage.  —  Il  ne  faut  point  détourner  l'esprit 
ailleurs,  sinon  pour  le  délasser,  mais  dans  le  temps 
où  cela  est  à  propos,  le  délasser  quand  il  le  faut,  et 
non  autrement:  car  qui  délasse  hors  de  propos,  il 
lasse  ;  et  qui  lasse  hors  de  propos  délasse,  car  on 
quitte  tout  là;  tant  la  malice  de  la  concupiscence' 
se  plaît  à  faire  tout  le  contraire  de  ce  qu'on  *  veut 
obtenir  de  nous  sans  nous  donner  du  plaisir  qui 
est  la  monnaie  pour  laquelle  nous  donnons  tout  ce 
qu'on  veut*. 


yûlÊitt  kommt  «C  hommegalant,  etc.  D'autre  part  des  idées  comme  celle* 
A'originaliti,  de  $implieUé,  de  malice,  donnent  lieu  k  des  interpré- 
Utioos  toate*  dilérestes  MUTint  le  toor  de  U  phraie  :  C'est  un  artitU 
«rigmal  om  et  n'ê$t  f  a'iM  original,  etc.  Cf.  fr.  5o. 


a.  B,  3So:C..  3&o;  P    R,  XXU,  36;   Boa,  I,  i,  3o;  PaM  ,  I.  a&9  ; 
Ha?..  VII,  3o;  Moi  .  Il,  ti3.  Mien  ,  710 

I  ■  La  malice  d«  la  coacapiacMMe  Ml  «ipliq«4«  par  PMeal  Ini- 
méme  :  «  Diea  arait  éuMi  eM  ordre  mrsatoral  (^«îiiirr  onoiil  de  co»- 
naitre  et  de  n'entrer  imtia  wirUi  fw  p«r  fa  dUnfi]  et  to«t  oootfaire  h 
l'ordre  qû  devait  être  aatarel  an«  hoaaMS  dans  lea  cfcoaet  — tareileii 
lu  o«t  nfummaitm  eorroapn  cet  ordre  en  fciaaat  dea  elloeea  ptefcaee 
ce  qu'ils  devaieM  Ihira  daa  choaee  satatM,  parée  qu'en  elét  mmm  ae 
rroyon*  pree^—  ^M  ee  qai  aom  platt.  a  RêfUxioni  mr  fAri  dt  per- 
tumUr. 

>.  (JVoaa  dHM»ia.| 

3.  Souvenir  d'Epiclèta.  «  Lors  donc  qa'il  y  a  «ae  aioaaaie  ^  eoa- 
vieal  à  l'un,  el  une  antre  qai  eoavieat  k  un  antre,  qaieon^ae  lear 
friiiate  cette  BKwnaie-là  obtieat  d'ent  ce  qu'ils  Tendent.  Un  pro- 
consal  volear  est  vena  daaa  la  proviaee  ;  qaalle  ■oaaaie  lai  UhÂhA  ? 
de  l'argent;  aMBtre-l«i-ea  «fteafOffteeaécfcaafeee^aetavaasa,  «le. 
DU$  ,  III.  III,  1 1 


16  PK!f!;ÊES. 

4M)  «s 

Éloquence.  —  Il  faut  de  l'agréable  et  du  réel  ;  m.ii« 
il  faut  que  cet  agréable  soit'  lui-même  pris  du  vrai'. 

l4>|  9ê 

L'éloquence  est  une  peinture  de  la  pensée  '  :  et  ainsi, 
ceux  qui.  après  avoir  peint,  ajoutent  encore,  font  un 
tableau  au  lieu  d'un  portrait  \ 


•5 

C    B.,97o:C.,  S>7;P.  B  ,  IXXI,  3(;  Bm  ,  I.  i.  97:  FâM  .  I.  1I7: 
Ha«.,  Vil,  17;  Woi..  n,  iSi;  Mk».,  SS6 

I.  [AmÊti  rM.) 

1.  G'mi  «aeort  ce  qu'explique  Pascal  daa*  VArt  éê  p$rmadtr.  Il 
y  a  dau  porta»  par  oà  péaAcraat  «  le«  qualité*  daa  eboiM  faa  aoM 
daroaa  panoadar  w,  l'aataadaoïent  qui  aperçoit  laa 
aéeewairei,  la  volonté  qui  t»  porte  ver*  les  objati  4m  ■etra  1 
ttoa.  Or  «  celles  qui  ont  cette  liaiion  toat  aawbla,  al  avae  laa  véfilia 
avoaéaa,  et  avec  lea  déairs  da  e»ar,  aoat  ai  sAra*  de  lear  aBet,  quSl 
a'y  a  rien  qui  le  «oit  davaalafe  daaa  la  nature  >.  Cf.  Méré  :  «  La 
vérité  quand  elle  parle  est  loujoun  éloquente.  •  (£)e  l'BiftU,  p.  64. 
—  Fonteaelte  dira  rinverte  et  il  déduit  aiati  la  aiaiidr*:  ■  SaloaaMN, 
il  a'v  a  paa  jaaqa'aox  vériléa  à  qui  l'agréMaat  ae  toit  adaaaaaire  a 

^EiUrrlirni  tnr  la  nliiralUf  tlf*  iMtnAft  nromior  «/iir). 

Cf.  B..  34):  C  ,  iftS;    Bo.  .  nw>/..  17;   P*m  ,   I,  sfc?;  Ha«  .  lUV, 
87 tù;  Mot  .11.  iSs.Mica..  J&J. 

S.  ■  Cctta  paiatore  aMeeadaieta,  aoa  taat  pardattarité  da  la  aMia, 
oaaaN  poar  avoir  l'obiact  plas  vtsvaaaat  aaipraiael  aa  l'ame.  Gallaa 
parla  iiaiplaaMat,  parce  qu'il  ooacaoit  «aiplaaiaau  »  (Mont.  III.  5.) 

k-  llavet  a  rapproché  de  c«  fragaieat  an  pavage  du  Duecmrt 
dt  la  CoanrrMlioN  de  Méré  :  •  On  compara  aoaveat  l'éltiqucnre  k  la 
paialara  ;  al  ja  croit  que  la  plupart  des  ciiOMt  qai  se  di«eat  dans  la 
aiaada  soat  coaiac  auuni  de  petits  portraits,  qa'oa  rofaide  h  part  al 
aaas  rapport,  et  qui  n'ont  riaa  k  sa  daiaadar.  Oo  a'a  pas  le  Msps 
da  Aiira  da  «m  |iaada  laUaaas  oi  la  ptiawpala  baaaU  sa  iirtu  •• 


SECTION  I.  37 

"71  «7 

'  Miscellan.  Langage.  —  Ceux  qui  font  les  antithèses 
en  forçant  les  mots  font  comme  ceux  qui  font  de 
fausses  fenêtres  pour  la  symétrie  :  leur  règle  n'est  pas 
de  parler  juste,  mais  défaire  des  figures  justes  ^ 

ia5|  aS 

Symétrie,  en  ce  qu'on  voit  d'une  vue,  fondée  sur 


cela  qa«  toutes  les  lignes  qu'on  y  remarque  se  trouTent  dans  une 
juste  proportion.  »  (P.  aa.)  CF.  Ditcourt  de  l'Éloquence  et  de  l'En- 
tretien, p.  ti5.  Si  Pascal  se  sert  des  mêmes  mots,  c'est  pour  une 
pensée  toute  diff^'-rente.  Le  tableau  n'est  plus  un  ensemble,  par  opposi- 
tion au  portrait  d«^tacb^  ;  le  tableau  désigne  la  scène  arrangée  en  vue 
de  l'effet  ettérieur,  l'œuvre  artificielle  et  d'imagination,  par  opposition 
au  portrait  qui  essaie  d'exprimer  la  nature  interne  du  modèle  :  on  dirait 
qu'on  a  de  part  et  d'autre  le  souvenir  d'une  même  conversation,  mais 
qui  a  germé  différemment  dans  l'esprit  des  interlocuteurs.  —  Pascal 
retrouve  ainsi  ce  que  disait  Montaigne  :  «  De  vray,  toute  cette  belle 
peinture  s'efface  par  le  lustre  d'une  vérité  simple  et  naïve,  a  (I,  aS.) 

«7 

a  B  ,  3S«:  C.  >88;  P  R  ,  XXXI,  So;  Boa  ,  I,  s,  ss;  F/im.,  I,  aio 
II«*  ,  VII,  ss;  Moi  .  II,  i3S;  Mica.,  3i6. 

I.  En  tête  quelque*  mots  rayés:  [illai^...  toa/oora  vaioa.) 
a.  Pascal  se  souvient  ici  du  Père  Noél  et  de  l'antithèse  qui  formait 
le  titre  de  ton  écrit  contre  lui  :  Le  Plein  du  Vide.  Dans  la  lettre  de 
M.  Pascal  le  père  au  P.  Noël,  cette  antithèse  est  longuement  eia- 
■iaée  et  elle  est  condamnée  de  par  les  règles  propres  à  l'antithèse. 
Dans  la  lettre  qu'il  adresse  k  M.  le  Pailleur,  Pascal  lui-même  parla 
«  de  ces  antithèses  opposées  avec  tant  de  justesse  qu'il  est  ais4  de 
voir  qu'il  s'est  bien  plus  étudié  à  readre  sas  tenaes  contraires  les  aas 
aui  autres,  que  confomes  k  la  raisoa  et  à  la  vérité  a. 

tt 

a   B  .  S&«.   c  .  loS:  Fàio  .  I.  >Co     Hâ*  .  XXV.  76:   Mot  .  II.  iSfi  ; 
Mica  ,  Zi» 


Il  PINSÉIS. 

oe  qu'il  n'y  a  pas  de  raison  de  faire  autrement '.  et 
fondée  aussi  sur  la  figure  de  l'homnic,  d'où  il  arrive 
qu'on  ne  veut  la  symétrie  qu'en  largeur,  non  en  hau- 
teur ni  profondeur*. 

4*7)  •« 

'  Quand  on  voit  le  style  naturel,  on  est  tout  étonné 
et  ravi,  car  on  s'attendait  de  voir  un  auteur,  et  on 
trouve  un  homme.  Au  Ueu  *  que  ceux  qui  ont  le  goût 
hon  et  qui  en  voyant  un  Uvre  croient  trouver  un 
homme,  sont  tout  surpris  de  trouver  un  auteur  :  Plus 
poetice  quam  humane  locutus  es''.  Ceux-là  honorent 


I.  C'Ml  MM  ocUe  furiae  négative  que  leprùic^  dt$y 
dait  daa*  la  Kiaaccet  qne  Paacal  l'ioToque,  coane  ava  ' 
■M»,  poar  iMidarU  roUod  d'équilibre  :  ■  ToalM  cllowtdui^ 

••  r«po*,  paie*  qn'il  n'y  a  pa>  plus  de  raison,  po»ffoi   ï'uul   

qne  l'autre.  »  Traité  i*  ViqaiIJAr*  <U$  liqumtn,  ek.  it.  Cf.  Cootorat, 
la  Logiqtu  de  Leibiùz,  1901,  p.  337. 

a.  Il  y  a  là  un  eaaai  intéreatanl  d'eiplication  paycbolofi^n*.  C'ait 
pe«r  l'ail,  «t  dan*  les  limitas  da  notra  boriaoa  visnal,  qna  mnm  weliar 
ehoM  la  qnaétrie,  et  noaa  b  votilona  swlont  an  laifvar  paret  qaa 
«*«!  !•  MM  oA  Im  Iwm  ■■!  ■!■■■  aoBt  vpaétnqMa. 


a  B.,  S71  ;  C  ,  Ss8;  P.  R..  XXII,  SS;  Bas  ,  I,  1.  »8;  Pâaa.,  I,  s4y 
lU*.,  VU,  té;  Moi ,  II.  i34;  Mica  .  701. 

S.  L,aa  Qopm  ^jontant  la  titra  StjU. 

5.  a  T«  as  parlé  •■  poèta  pIntAt  qu'an  bunnie  ■  {Jk^tinm»,  ^i>  i.f. 
DiaoMn  d»  iê  Cmtftrmtim,  p.  67  :  «  Ja  disais  k  qaalqa'aa  iMt  savant 
^•II  parlait  an  aataar.  —  Eb  qnoi,  asa  répoadit  ont  Im«mm,  ••  la 
aai»>ja  pas  ?  —  Voos  aa  l'étaa  qaa  trop,  fépoadia  ja  aa  riaat,  ai  voaa 
imim  baaaeoap  aûaas  4a  parlar  aa  |alaat  lieainia.  a  Et  Sainie-Banve, 
éam  m»  PmirÊita  UtUrwirm,  nila  aaa  télaiiaa  4a  Méré  sur  Virgile 
^  a  éeriTait  plataa  paèla  qu'an  galant  hoauna  •■ 


SECTION  1.  39 

bien  la  nature,  qui  lui  apprennent  qu'elle  peut  parler 
de  tout   ci  iiu*me  de  théologie'. 

la)  30 

[Qu'on  voie  les  discours  de  la  a',  4*  et  5*  dn  Jan- 
séniste; cela  est  haut  et  sérieux'. 

Je  hais  également  le  bouffon  ^  et  l'enflé]  :  on  ne 
ferait  son  ami  de  l'un  ni  de  l'autre. 

On  ne  consulte  que  roreille\  parce  qu'on  manque 


I.  Mont.,  III,  V  :  c  Si  i'estois  do  mestier,  ie  oaturaliwrois  l'art, 
■atant  coome  il*  artiaiiient  la  nator«.  »  Cette  thèse  arait  déjà  été 
•ppliqoée  à  la  théologie  par  Bsbae  dans  le  SceraU  ehrétUn  :  a  Ce 
a'Mt  fmt  Mtet  de  saroir  la  tbéolofM  pour  écrire  de  la  théologie.  » 
Diaeoara  X,  ef.  patsim.  Il  resuit  i  mettre  la  théorie  en  pratique,  et 
c'eM  ce  qu'avait  fait  l'auteur  des  ProvineiaU$. 


a  B  ,  354;  C,  3io;  Fam.,  I,  a«i  ;  Hat.,  XXIV,  94  •«  XXV,  i33  ; 
Mot  ,  II,  iiS;  Mica.,  a3. 

9.  Ce  fragment  est  fkit  de  notes,  daatioées  vraiiemblableaent  à  la 
omiimt  Provinciale.  Pascal  derait  s'y  défendre  d'avoir  tourné  Ut  eho$*$ 
êainlti  en  raillerie  :  il  invoque  les  passages  de  ses  premièraa  ProMO- 
àalea  oà  tout  d'an  coap  aor  1«  foad  4«  eoaédie  se  déuche  l'éloqaaaM 
graTC  do  Janséniste. 

3.  Voir  daas  la  oiuikm*  Prommiaiê  la  eoaëaaiaatioa  de  «  l'esprit 
de  booffonaerie  >  qae  Paaeal  reproche  à  aea  adreraaires  —  conne  ils  le 
reprochaient  k  lui-même  :  La  Première  réponse  aux  Janiiniite*  les  traite 
de  «  petits  bouffons  •  ;  le  récit  do  •  Secrétaire  de  Port-Royal  »  est 
one  c  narratÏTe  digne  d'un  brceur  poor  rendre  les  Jésaitas  ridieolea 
auprès  des  espriu  de  son  calibre  par  des  fbçoaa  d«  répondra,  niaises 
et  badines,  qoi  sont  le  pins  bano  da  tm  tfalof—  poérik  ■  (Asewif 
de  tôsS.  p.  tS). 

4-  A  la  Sa  dv  fUeii  et  la  fnmdê  «apIriMM  da  VÉqaUikre  det 
ligueuri,  Pascal  parla  daa  caaaaa  imafinniras  qna  las  boaaos  «  ont 
eipnmépt  par  des  noas  spéei— «  ^n  rampltasnnl  las  oraillas  ot  non 
pas  l'esprit.  »  (CBnrtt  de  Pntai,  4d.  Labnra,  t.  IV,  p.  t46). 


40  PENSftBS. 

de  cœur'  :  la  rè^  est  rhonnèleté.  Poète 6t  non  kioii- 
néte  homme*. 

[Après  ma  8*.  je  croyais  avoir  auex  répondu'.] 

Beauté  d'omission,  de  jugement. 

Toutes  les  fausaes  beautés  que  nous  blAmont  en 
Cicdron  ont  des  admirateurs,  et  en  grand  nombre". 


1.  Cf.  ftaga«at  196  :    «  Le»  ^aa  iMB^a**!  éê  Mrar  ;  m 
ferail  pM  toa  ani.  » 

%.  «  CoaiaM  «'il   a'Hm'ti   défendu  d'être  blaapliéaataar  a* 
^■'•n  proM.  m  XI*  Procine.  —  Cf.  h.  38,  h  aoU  at  «alla  da  ftagawal 
pr^cMenl. 

3.  N'oie  contemporaine  de  la  onxt^M^  Pnmneiah.  Pascal  rcprtad  en 
effet  dan*  la  douzième,  pour  réftiter  le*  ■  chicaae*  ■  da  M*  advafaairM, 
la*  Mgau  qa'il  avait  traité*  daas  la  tiaukm»,  daaa  k  Mplilwt,  daa*  b 
luùûkmt  :  MBoaie*,  aswaa,  railitatioaa.  Oa  rMiwiTa  eut»  h  ê»- 
$gptiimê  Pnmmeial»  l'wprwiioa  :  «  Ma  yiiaiièan  laltra  j  avak  aaiat 
rÂpoada.  » 

31 
a.  B..  S84:  C  ,  344;  Boa..  I,  1.  S6;   F^va  .  I.  «S4:  H**  .  Vil.  3S  1 
Mm,  II.  iSS;  Micb.,  7S9. 

4.  Ca «eas  déiifaa ici  MtMMaigBt (Cf .  huau  11,  s;  11,  xm      >  1 
aaaare  MérA  avae  qai  Paaeal  «'aeeecdait  poar  blâawr  ea  Ci< . 

ce  qui  dépa*ae  la  iiaiple  et  pure  nature,  tout  ce  qui  a'aat  que  pour 
la  pompe  et  l'^lat.  Il*  avaient  contcienre  que  la  déliealaiaa  4a  laar 
foil  éUtt  aa  eoairadicttoB  avec  la  culture  de  la  «  rMcoriqaa  m  doal 
la*  réfaau  da  eolMfa,  laa  prMicateura  ea  ebaira  «C  la*  avoeau  aa 
ParteaMat  flMaiaal  alon  aa  n  Auaaga  aba*.  Méréiarit  poar  m  pan  : 
■  Je  raaarqaa  aaa«  qam  laa  §tm»  da  eofaaaa,  biaa^'ib  laiit  da  la 
Goar,  aoat  paraaadda  qaa  la  plaa  giaada  bsarté  da  l'AlofMaec  «aa- 
■ïMa  aa  eat  AiatMa  panirae  q«a  laa  paiaoaaaa  da  boa  foèl  aa  paatiat 
•oaffrir.  »  (CEaa.  Poêtk  ,  p.  i36.)  Plu*  loin  il  raproebara  4  Cicéroa 
dt  «  t'esplîqaar  toajoart  ea  boama  da  lattraa  •  et  de  a'avoir  poiat  ta 
•  juger  partout  du  jaita  rapport  qai  aa  doit  trouver  eatre  la  p«a*^ 
al  l'cspratmoa  »  (p.  171)  ;  il  aigaalara  daa  pbraaa*  «  qai  «eateat  la 
aiMW  élayaa.  ■  (Dbraan  à»  la  arai«  HmnlMi.  I,  p.  96.)  L'et- 
aiawina  ai^va  da  liHna  baaatia  aa  tra«*a  daa»  aaa  lattea  :  ■  Laa 


SECTION  I.  41 

•'»9l  3a 

Il  y  a  un  certain  modèle  d'agrément  et  de  beauté 
qui  consiste  en  un  certain  rapport  entre  notre  nature, 
faible  ou  forte,  telle  qu'elle  est,  et  la  cbose  qui  nous 
plaît. 

Tout  ce  qui  est  formé  sur  ce  modèle  nous  agrée  : 
soit  maison,  chanson,  discours,  vers,  prose,  femme, 
oiseaux,  rivières,  arbres,  chambres,  habits,  etc.  Tout 
ce  qui  n'est  point  fait  sur  ce  modèle  déplaît  à  ceux 
qui  ont  le  goût  bon  '. 

Et,  comme  il  y  a  un  rapport  parfait  entre  une 
chanson  et  une  maison  qui  sont  fautes  sur  ce  bon 
modèle,  parce  qu'elles  ressemblent  à  ce  modèle  unique 
quoique  chacune  selon  son  genre,  il  y  a  de  même  un 
rapport  parfait  entre  les  choses  faites  sur  le  mauvais 
modèle.  Ce  n  est  pas  que  le  mauvais  modèle  soit 
unique,  car  il  y  en  a  une  infmité'  ;  mais  chaque  mau- 
vais sonnet,  par  exemple,  sur  quelque  faux  modèle 


bcaiit^^  d'^iat  en  hit  de  parole*  loot  poor  l'ordinaire   de  fki 
beauté  qui  n'onl  que  la  preaièr*  rae.  »  (OBn.  Poilk.,  II,  s). 

3« 

a.  B  ,  343;  C  ,  >o6;  P   R-,  IXXI.  3i  ;  Bm.,  1,  i,  sA;  Pam.,  1,  s66; 
H4*  ,  VII,  >4;  Mot  ,  II,  i3>;  Mica  ,  3i8. 

I .  M.  Collet  a  ngaalé  ce  paaeage  de  Mété  d«M  •••  CmMnttknê 
avec  U  maréchal  de  CUrambauU.  «  Il  «erait  4  dé«îrer  de  Aiire  an  lorte 
qu'il  eèt  I*  goAt  bon,  car  si  je  me  reux  etpliquer,  il  hnt  bien  que  je 
■ne  tcrm  6a  «a  mot  dont  tant  de  ^ns  abaaent.  •  Ailleur*  Méré  aaaî- 
Btle  le  hom  goût  k  ce  que  Paical  appelle  le  Mntinient  :  «  La  bon  goét 
M  fonde  UMgoar*  wr  dea  raiaona  Irèt  aolidoa,  aais  l«  plu  MHivmt 
MM  raiaoaanr.  a  (I,  85.) 

a    Cf.  h.  4o8:  c  La  mal  est  aM,  il  jr  en  a  «ne  infinité.  • 

M  PASCAL.  I  <—  13 


41  PBNStlS. 

qu'il  soit  fait,  ressemble  parfàilameol  à  une  feminc 
vêtue  sur  ce  inodMc. 

Rien  ne  fait  mieux  entendre  combien  un  (aux  sonnet 
est  ridicule  que  d'en  considérer  la  nature  et  le  modèle, 
ei  de  s'imaginer  ensuite  une  femme  oa  une  maison 
faite  sur  ce  modèle-là  ' . 

••«9)  3» 

Beauté*  poétUjue.  —  Comme  on  dit  beaaté'  poé- 
tique, on  devrait  aussi  dire  beauté  géométrique  et 
beauté  médicinale  :  mais  on  ne  le  dit  pas  •  •  !^  •  ■•  m 
en  est  qu'on  sait  bien  quel  est  l'objet  de  i.i  .^ 
et  qu'il  consiste  en  preuves,  et  quel  est  l'objet  de  la 
médecine,  et  qu'il  consiste  en  la  guérison  :  mais  on 
ne  sait  pas^  en  quoi  consiste  l'agrément,  qui  <>t 
l'objet  de  la  poésie.  On  ne  sait  ce  que  c'est  que  ce 
modèle  naturel*  qu'il  faut  imiter  ;  et,  à  faute  de  cette 


I .  ■  Qaand  le*  daiMt  Tcnlent  parattre  eoaaa  è  l'esTÎ  d«M  mm 
grande  «Meablée,  voa*  Mvex  qu'elles  •'■jaateat  poar  plaire  plntAl 
^•e  pour  f blottir...  Puisque  j'en  tait  venu  là,  je  troav*  ^«a  Véi»' 
^pascc  qui  pense  bien  et  qui  s'eiprime  mal  «st  à  pM  prêt  eoaas 
■M  balk  teaa*  màk  ajutéa  o«  dav  u  habit  adglifé,  «C  ^m  «tU» 
q«i  se  fbit  pM  eoMÎdértr  da  «M  d«  l'aaprit,  wêù»  fù  m  mit  ém 
langage  adroitement,  représente  une  fcmnM  i4dioM— — t  belle, 
sais  qu'on  tronre  toujours  ajastée,  ou  tos^owa  p«id«,  «1  w  grand 
soin  ne  hit  pas  qu'on  en  soit  ebarmé.  a  (Mdrd,  Cmmtrmlmiâf 
p.  iM.) 

33 

a  B  .  S&i:  C  ,  flo?;  P   R  ,  XXXI,  Si;  Bae.,  I,  t,  t»;  Pana.,  I,  >M; 
H4*  .  VII,  *i,  Mm.  ,  11.  iM;  Utcm.,  St^. 

s.  |rar  (laoffaoe.l 

3.  jtea^aae.) 

4.  |Ai«aal.| 

5.  [Om  ratr4mmL\ 

6.  [àuqmi  U  Itat] 


SECTION  I.  tt 

connaissance,  on  a  invente  de  certains  termes  bizarres  : 
«  siècle  d'or,  merveille  de  nos  jours,  fatal  »,  etc.  ;  et 
on  appelle  ce  jargon  beauté  poétique'. 

Mais  qui  s'imaginera  une  femme  sur  ce  modèle-là, 
qui  consiste  à  dire  de  petites  choses  avec  de  grands 
mots,  verra  ane  jolie  damoi selle  toute  pleine  de 
miroirs  et  de  chaînes',  dont  il  rira,  parce  qu'on  sait 
mieux  en  quoi  consiste  l'agrément  d'une  femme  que 
l'agrément  des  vers.  Mais  ceux  qui  ne  s'y  connaîtraient 
pas  l'admireraient  en  cet  équipage  ;  et  il  y  a  bien  des 
vilbges  où  on  la  prendrait  pour  la  reine  ;  et  c'est 
pourquoi  nous  appelons  les  sonnets  faits  sur  ce 
modèle-là  les  reines  de  village'. 


I .  «  Cic^ron  •  cm  et  quelques  autres  SYSOt  Cicéron  qu'en  chaque 
langue  les  Poètes  araient  une  langue  à  part,  séparée  et  distincte  de 

la  vulgaire Et  quand  tout  le  monde  serait  capable  de  ce  jargon,  je 

crois  avoir  déjîk  dit  qu'il  n'a  lieu  que  dans  la  licence  de  la  raillerie.  » 
(Baixac,  Dissertation  à  M.  Conrart.)  Balnc  cite  *  l'appui  de  ses  re- 
flétions de*  exemples  tels  que  :  des  raitoat  aiuti  fortes  que  le*  Armet 
qui  of^irnt  f(é  fortjéet  [Mr  Vuleain;  les  cjprH  da  Parnasse  et  Us  Aigles 
(if  -  lia  cherché  des  eiemples  plus  simples,  et  qui  paniisasent 

eiiij  Malherbe. 

a.  La  pvaaé*  de  BaUac  et  de  Pascal  a  éié  reprise,  oomae  le  reaer- 
que  Saiate-Beeve,  par  Moatesqoiea  :  c  Ce  sont  ici  les  poècee,  e'eal-è- 
dire  les  auteurs  dont  le  adtiar  est  da  aMUre  dea  eatiavea  aa  boa  seas, 
et  d'aeeabler  la  raisoa  soas  lea  agréaeatt,  eoaaM  oa  easevelisaait 
autrefois  les  Hoaiaee  sons  leurs  parures  et  leurs  onieaeats  »  {Lettres 
Persanes,  187). 

3.  Baixac  avait  déjà  dit,  en  parlant  des  paraphrases  fcaiilières  aui 
traducteurs  des  apètrea  :  «  Ne  peasex  pas  leur  hire  plaisir,  de  leur 
prêter  si  libéfala»eat,  et  sans  qu'ils  ea  aient  besoin,  vos  épitbètes  et 
vos  méupliorae  ;  da  la*  eluryer  de  votre  alefainie  et  de  voe  diamaats 
de  verra,  oa  si  voas  voalea  que  j'en  parie  plus  aetlaaMMt,  de  votre 
bon  or  et  de  vos  perles  orieaUles.  Cet  oraeaieBU  les  ddakoaoraat,  eaa 
faveurs  las  désobligeât.  Vous  paaaaa  les  parar  poar  la  eoar  et  paar 
les  jours  de  oéréaMmia,  a(  votu  lea  eadîac  eeaiae  des  aMriéas  d« 
village  sons  vos  aftqoeCs  al  aeaa  vaa  bgoas.  Voaa  voules  leur  readre 


a  FBNStlS. 

«»9l  34 

On  ne  passe  point  dan»  le  monde  pour  se  connaî- 
tre en  vers  si  l'on  n'a  mis  l'enseigne  de  poète,  de 
mathématicien,  etc.  '.  Mais  les  gens  universels  ne  veu- 
lent point  d'enseigne,  et  ne  mettent  guère  de  difTé- 
renée  entre  le  métier  de  poète  et  celui  de  brodeur. 

Les  gens  universels  ne  sont  appelés  ni  poètes,  ni 
géomètres,  etc.  :  mais  ils  sont  tout  cela,  et  juges  de 
tous  ceux-là.  On  ne  les  devine  point.  Ils  parleront 
de  ce  qu'on  parlait  quand  ils  sont  entrés.  On  ne 
s'aperçoit  point  en  eux  d'une  qualité  plutôt  que 
d'une  autre,  hors  de  la  nécessité  de  la  mettre  en 
usage  ;  mais  alors  on  s'en  souvient,  car  il  est  égale- 
ment de  ce  caractère  qu'on  ne  dise  point  d'eux  qu'ils 
parlent  bien,  quand  il  n'est  pas  question  du  langage, 
et  qu'on  dise  d'eux  qu'ils  parlent  bien,  quand  il  en 
est  question. 


le  TÏMge  plut  agréable,  et  vous  leur  ealevet  U  eorar.  »  (JSœtÊlâ  tktà- 
lien.  dite.  VU.)  Pascal  devait,  cobbm avait  co— — eé  ém  lUrt  BalaM 
Itn-oiAaa,  appliqaOT  ew  priadpw  k  déaM>atr«r  l'aatkcatieilé  éê  l'Eeti» 
t«r«  sainte.  Cf.  fr.  797  et  taiv. 

34 

a.  B.  iik;  C,  198;  P  R  .  X\l\.  th,  Bm.  I,  a,  18;  F^aa.,  1,1(7; 
H«v.,  VI,  16;  Mot  ,  I,  ijo;  Mica  ,  5So 

I .  Nicole  reproduit  et  eowfMf  et  fragaasl  daaa  la  Trmté  ai 
la  ^imnU  tt  dg  l'amoar-proprt,  dMp.  ti  :  L'komêMé  tt  la  «kariti  aaai 
UoigmnU  é»  l'^fftetatim.  D'autre  part,  cobmm  la  rawai^aa  Havat, 
La  Bmjrèrc  s'est  «Mvaaa  de  oee  espreseinaa  daas  la  mtteùre  da 
Cydiai,  qui  parait  biea  être  le  portrait  de  Poataaaile  :  a  Ascagaa  aal 
•tataaira...  et  CjrdiaSf  bal  aiprit,  o'aat  m  piafcwioa.  Il  a  aaa 
aaaaif  a  a,  etc.  (Oe  le  SttUti  al  d^  la  Ca«a<fillaa.  ■•  76),  et  daM 
la  earaelàrv  d'EarjrpjrU  :  a  Je  aai»a  Bwypf  la,  at  vaat  éitas  :  C'aM 
M  M  aifprit...  qaaila  aat  sm  aaaaifaa?  a  (DmjaftmmU,  ■*  so). 


I 


SECTION  I.  45 

C'est  donc  une  fausse  louange  qu'on  donne  à  un 
homme  quand  on  dit  de  lui,  lorsqu'il  entre,  qu'il 
est  fort  habile  en  poésie  :  et  c'est  une  mauvaise 
marque  quand  on  n'a  pas  recours  à  un  homme 
quand  il  s'agit  déjuger  de  quelques  vers'. 

Il  faut  qu  on  n  en  puisse  [rfire]*,  ni  :  il  est  mathé- 
malicien,  ni  prédicateur,  ni  éloquent,  mais  il  est 
honnête    homme'  ;    cette    qualité    universelle   me 


I.  «  M.  Collet  a  juMemeni  rapprocha  ces  fragments  de  dÏTers  pas- 
sages du  cheralier  de  M>^r<^  :  «  La  gaerre  est  le  plus  beau  métier  du 
monde,  il  en  Biut  demeurer  d'accord;  mais,  à  le  bien  prendre,  un 
honnête  homme  n'a  point  de  métier.  Quoiqu'il  sache  parfaitement 
une  cboM,  et  que  même  il  soit  obligé  d'y  passer  sa  rie,  il  me  semble 
que  sa  ■■■ière  d'ag^ir  ni  son  entretien  ne  le  font  point  remarquer  » 
(tome  I,  p.  190).  Et  ailleurs  (tome  II,  p.  80):  «  C'est  un  malheur 
aux  honnêtes  gens  d'être  pris  k  leur  mine  pour  des  gens  de  métier,  et 
quand  on  a  cette  disgrâce,  il  s'en  fiiut  défaire  k  quelque  prix  que  ce 
soit.  »  Le  fbod  de  ces  idées  se  trouve  déjà  dans  Montaigne,  partics- 
lièrement  au  chapitre  </«  l'institution  de$  Bn/oMt»  (1,  aS):  ■  Or  aoas 
qui  cherchons  icy,  au  rebours,  de  fanner,  non  an  graBoiairien  oa 
I<>i;h  ien,  mais  un  gentilhomme  •,  etc.  Et  ailleurs:  «  Les  paiiMiis 
&iœ(>le»  sont  bonnestea  gents,  et  bonnettes  gents  les  philosophes,  m 
(1,  54)  Sole  et  Hmet.  —  Cf.  liv.  111,  cb.  ix:  «  On  dit  bien  vray, 
qu'un  honneate  homme,  c'est  un  bomose  mealé.  »  MetU,  pour  Mon- 
uigne,  veut  dire  qui  sait  se  mêler  à  UNtt  lea  aoMles,  par  opposition 
aat  eoartiaaM  qui  «e  savent  parler  «  qu'aux  boMMes  de  le«r  aorte 
et  det  ohoew  de  b  eoor  a. 

SS 

Cr    B..  367;  C  ,  3>3;  Paee.,  1,  «58:  Bav  .  VI,  iS  i<r;  Mot.,  I,  119; 

MtcM,  ^k^. 

3 .  Le  muti  a'eM  pea  deas  la  rédaction  écrite  soos  la  dictée  de  Paaeal. 
3.  ■  Ce  a'eat  doae  pas  aa  aétier  qae  d'être  boaaéte 
(Méré,  Diâtoan  dt  k  tÊttit  Hc$miUti,  p.  3.) 


U  PBRStBS. 

plaît  »eulc'.  Quand  en  voyant  un  homme  on  le 
souvient  de  son  livre,  c'est  mauvais  signe  ;  je 
voudrais  qu'on  no  s'aperçt'^t  d'aucune  qualité  que 
par  la  rencontre  et  l'occasion  d'en  user  —  Ne  quid 
nirnU  —  de  peur  qu'une  qualil<^  ne  l'emporte,  et  ne 
iasse  baptiser;  qu'on  ne  songe  point  qu'il  parle  bien, 
sinon  quand  il  s'agit  de  bien  parler  :  mais  qu'on  y 
songe  alors*. 


••I 


3« 


L'homme  est  plein  de  besoins  :  il  n'aime  que  ceux 
qui  peuvent  les  remplir  tous.  C'est  un  l)on  mathé- 
maticien, dira-t-on\  —  Mais  je  n'ai  que  faire  de  ma- 
thématiques :  il  me  prendrait  pour  une  proposition. 
—  C'est  un  bon  guerrier.  —  11  me  prendrait  pour 
une  place  assiégée.  11  faut  donc  un  honncMe  homme 
qui  puisse  s'accommoder  à  tous  mes  besoins  géné- 
ralement. 


I.  Mont.,  II,  xTii  :  «  MaU  Ut  bellat  •■••,  c«  iobi  Im  «bm  ■■ivcr- 
mUm,  oarettet,  et  Justes  à  tout  ;  tiaoa  iaatraitas,  ■■  mmm»  iailnii- 
tables.  » 

s.  A  nipproeber  oe  jngeaeat  de  MérA  :  «  C'est  être  sevut  ^«e 
d'sToir  beeaeo«p  de  leetore...  Ma»  dédire  des  boases  ehosee  sar 
loal  ee  qui  se  préseate  et  de  les  dire  agréableaieni...,  l'esprit  ae 
paat  aller  plus  loia,  et  c'est  le  cbef-d'otavni  <lf>  tSnii>lliir>>or<,  ■ 
Dmaan  de  la  eomoenation,  CBwfres,  page  77 


36 


a.  B.3&4;C.,  309;  Bot.,  1,  a, 
Mec,  I,  ii4;  Mtioa.,  si. 


S.  Disas  le  Diiomn  dt  VBtprit.  M- 
qa'aa  liea  de  s'edreseer  k  qaelqe'nn  qn 
aul,  il*  nni  recoars  aas  aMÎllears  NMtbri 
eatreteair  qae  de  Sgaras  et  de  aoabre* 


«  de  oe 

en  et  le 

ni 


SECTION  i.  47 

i9l  37 

[Peu  fie  tout  ' .  —  Puisqu'on  ne  peut  être  universel  et 
savoir  tout  ce  qui  se  peut  savoir  sur  tout,  il  faut 
savoir  peu  de  tout.  Car  il  est  bien  plus  beau  de 
savoir  quoique  chose  de  tout  que  de  savoir  tout  d'une 
chose  :  cette  universalité  est  la  plus  belle.  Si  on  pou- 
vait avoir  les  deux,  encore  mieux,  mais  s'il  faut 
choisir,  il  faut  choisir  celle-là,  et  le  monde  le  sent 
et  le  fait,  car  le  monde  est  un  bon  juge  souvent*.] 

4l3]  38 

Poète  et  non  *  honnête  homme. 


37 

a.  B,  89;C,  iiS;  F«aa.,  I,  >3S;  Mot.,  Il,  iSi  ;  Mica,  is«. 

I .  Cf.  MoBUigne  :  «  Ua  peu  de  cbaïque  chose,  et  rien  do  tout,  à 
la  françoÏM  •  (I,  35). 

3.  Le  aoade  «l  l'eaaeable  de*  boaaes,  pris  en  général,  eicep- 
tion  fvile  dM  yériliwlM,  tm  qs'oa  ■ppellcnit  aujoord'hui  le  grand 
public.  Ceet  le  jnfaaeat  da  «  monde  »  qu'eiprime  Cliundre  dan* 
le«  Femme» . 


Je  consens  qu'une  feaae  ait  des  clartés  de  tout. 

8a«l— MW  lA  oà  Cliuadra,  ^  ait  ■■  aaaiaar  (al  Molière  avec  lui), 
voit  aasas  aaïvaaiaat  an  ifaBwai  da  coaaaiawcaa,  Paaeal,  qui  est  an 
savant,  est  tout  près  da  voir  la  maximam  da  sciaaea  auquel  l'hoaiaia 
paat  attaindra. 

3« 

a.  B.,  ttt;  C,  U?;  Mot ,  II,  11&;  Mmb..  6<o. 

3.  Miekaat  lit  :  Ppar  m  noai;  la  saeeada  eopia  donna  :  porUr  U 
nom  dhctutéU  hommt.  —  Cas  aoU  qai  sa  trowast  déjà  panai  las  ré- 
flanoM  sufgéréas  par  la  poMwiy  daa  PrwmmUt  (voir  frag- 
■Mat  So  et  la  note  da  fr.  99)  Mal  wifMt  à  la  paf*  ilt  da  aiaautcril. 


iK  PENSÉES. 

Si  lefoadre'  tombait  sur  le§  lieux  bu.  etc..  \<- 
poètes  et  ceux  qui  ne  Aavcnt  raisonner  q  ' 

choses  de  cette  tial III P    tii:iii<|(ioriii«*nl  (Ir  | 

iS4|  40 

Les  exemples  qu'on  prend  pour  prouver  d  autn  s 
choses,  si  on  voulait  prouver  les  exemples,  on  prcii 
drait  les  autres  choses  pour  en  ^tre  les  exemples  : 
car,  comme  on  croit  toujours  que  la  difliculi 


Paaeal  eoapuit  Mni  doate  repreadre  Mita  f  Met  f«i  M  wppfOcti< 
6m  TOT*  eoMnas  de  Boileaa  : 

Que  let  vert  ae  loient  pat  votre  étaraal  eaploi  : 
CulÙTet  VM  «nit,  loyei  honaie  de  foi  : 
C'est  peu  d'être  agr^ble  et  chamant  dan»  on  livra, 
Il  hut  MToir  aaeoia  et  ooavener  at  Tivta. 

(ArtpoMjm^  IV,  lai  «ff.) 

Molière  de  ion  c6té  écrit  daai  le  MÎMmlhrop*  (1,  n): 

Et  a'allet  poiat  qaittar,  de  qaoi  qaa  l'oa  mm  MWBa, 
Le  aoa  qae  daa«  la  cour  voai  aves  d'boaaita  iMaiBa, 
Pour  prendre  de  la  roain  d'un  avide  inpriaMar 
Celai  de  ridicula  ti  Miaérable  autear. 

39 

Cf.  B.,  J07;  C  ,  371  ;  P.  R.,  a/l.,  XXXI.  ao;  Bm.,  I,  s.  it;  Faaa.,  I, 
>So;  H«v.,  VII,  18;  Moi..,  II.  3i6;  Mica.,  &S8. 

I .   Même  daa»  aoa  Mat  propre,  /oadlr*  aa  ZTti*  aièela  ifaaplejrail 
aacore  an  aaacalia.  Coraaille  dit  dans  Pofyeaett: 

Cm  hmitm  iaipwMaata  qa'aa  laars  aMÎas  voaa  paifaaa. 

at  Bewaei  daaa  la  Dbman  mr  tHàloin  aahtrmlU  (1,  11)  :  a  Aaa»- 
laaa  aMNmrt  frappé  da  feadra.  » 

4« 
a   B  .  3>8;  C,  178:  P.  R..  XXXl.  4]  Ba».,  I,  t,  t;  P*m..  I,  ni  . 
Hav..  VII.  3;  Mak,  11,  i4i  ;  Mn.,  ItS. 


I 


SECTION   I.  10 

ce  qu  on  veut  prouver,  on  trouve  les  exemples  plus 
clairs  et  aidant  à  le  montrer. 

Ainsi',  quand  on  veut  montrer  une  chose  géné- 
rale, il  faut  en  donner  la  règle  particulière  d'un  cas; 
mais  si  on  veut  montrer  un  cas  particulier,  il  faudra 
commencer  par  la  règle  [générale]*.  Car  on  trouve 
toujours  obscure  la  chose  qu'on  veut  prouver,  et 
claire  celle  qu'on  emploie  à  la  preuve  ;  car,  quand 
on  propose  une  chose  à  prouver,  d'abord  on  se 
remplit  de  cette  imagination  quelle  est  donc  obscure, 
et,  au  contraire,  que  celle  qui  la  doit  prouver  est 
claire,  et  ainsi  on  l'entend  aisément. 

i6S)  41 

Épigrammes  de  Martial.  —  L'homme  aime  la  ma- 
Ugnité  ;  mais  ce  n'est  pas  contre  les  borgnes  ou  les 
malheureux,  mais  contre  les  heureux  superbes.  On 
8C  trompe  autrement. 

Car  la  concupiscence  est  la  source  de  tous  nos 
mouvements,  et  l'humanité,  etc.  \ 


I.  [0..] 

a.  P««cal  aratt  ^rit  partieuliire  ;  il  noiu  Moible  que  U  oorrection 
•'inpoM.  M.  Molinier  (1.  Il,  p.  35o)  coaierve  rigU  pùrtieuliire,  en 
l'eatendani  comnir  r'njle  particulière  d'un  mitre  eat  ;  ce  qui  a'eil  plus 
«Um  le  le«le,  tii,  je  cniit,  dans  re«|irit  de  PaMal. 

rj  B.,  ii3;  C,  SH9;  P.  R.XXXI,  S7;Boa,  1,  a,  M;  Pam.,  I,  a&S  ; 
Il4«  .  VI,  S3;  Mot  .  I,  i>3  :  Mm.,  S^i. 


3.  HaTCC,  ae  référant  i  on  antre  fingimt  de  PaarnI, 
que  U  phrase  avait  éU  achevée  aiiui  :  «I  rkumamité  Jlatle  la 
pitctmu.  Pent-flre,  en  tenant  eomtflM  de  ce  qni  tait,  ronvienl-il  d'np- 
IMMcr  au  cnatraire  KumtanUi  k  eonn^piMMc*  :  la  coneupiaceace  eatntae 
la  malignité,  et  l'haaMBÎti  la  reMf«iat  à  caas  ^  Mst  Im«u««s  M 

orjjuriileo». 


m  PBNSftES. 

Il  faut  plaire  à  ceux  qui  ont  1m  MntimenU  hn 
mains  et  tendres. 

Celle  desdeui  borgnes  ne  vaal  rien,  car  ellr  n* 
les  console  pas,  et  ne  fait  que  donner  une  pointe  ù 
la  gloire  de  l'auteur' .  Tout  ce  qui  n'est  que  pour  l'au- 
teur ne  vaut  rien.  Àmhiiiosa  recUUt  ornamenta* . 

Prince  à  un  roi  plaît,  pourcc  qu'il  dimin  , 

Uté'. 


I.  L'alloson  k  Vépignmmt  des  deax  borfBM  ■  M  parfhitMaeat 
éhMÎdé*  par  Havet:  «  Il  ne  paraît  qae  c«U«  paMéi  a  ék  être 
»aygér4«  k  Patcal  par  l'aiptca  d'Antholo|pe  latiaa  qtM  MM.  Ar 
Port-Royal  publièrent  ea  1669  tout  le  titra  de  E^rtmmtÊti- 
édtetm.  C«  raeaaii  aat  précéda  d'une  diiaaftatioa  ••  latia  (par 
Nieok)  do«t  ui  4«i  panifiâpIiM  •  pour  titre  :  Dt  Bfi^mmmÊiÛ»  Mafi- 
gm».  Oa  y  eomlaaina  la  aialifaîté  qni  «'attaque  aui  4éfcta  eor> 
porels,  «t  k  toat  ce  qni  a«  sa  malheur  pIntAl  qu'usa  fcsia.  Oa 
raproclM  eatta  malignité  k  Martial,  et  on  cite  coaiaM  axaaflM^MlfM^ 
aaaa  da  saa  épiyrammes,  partienlièreaieat  ooatra  daa  borgaca.  Maia 
je  n'ai  pa  troaTCr  daat  Martial  une  ^pigmaïaia  où  il  Mit  qaaetioa 
de  deni  borgaaa.  M.  Sainta-Beava  ne  l'a  pas  tronvéa  aoa  pliu(toaM  III, 
p.  35 1).  Il  aM  M«bla,  d'ailleara,  que,  ù  Martial  avait  fait  aaa  épi- 
granaie  «ur  dans  borjpiat,  tl  m  tarait  fort  peu  touri^  de  les  eoaaolar, 
•(  qu'on  n'aurait  pat  ^t^  lenl^  de  lui  demaader  rela.  Je  croit  donc 
qaa  la  mtox  celle  ne  doit  pat  t'entendra  d'oaa  épiyraaiaia  da  Martial, 
auis  «aplement  d'une  ^pigramme  ;  et  ja  peata  qaa  eecta  ApifraaiaM 
daa  daax  borgaaa  poarrait  biea  étra  ealla-ei,  qai,a«  «MWa,  a(  qa'oa 
a  cild«aoa?«at: 

LMmimê  Aeom  daxU;  mplm  «d  Lwwiffa  tbMn, 

Bt  potk  *$t  forma  aâmrt  attrqm  éam. 
BiÊKÀ$  tttttt  lanM  faarf  AaWi  aoaeadW  p&mUi, 
Sk  ta  «Mai  Amtr,  $k  arU  iUa  Vmm  a. 

a.  GiutioB  d'Horaea,  Âpltn  «cr  Pimm,  447-448- 

4M 

Cf  B,  J65;  C,  <-•      ^•'»     I     •""      "'•      ^^^    «'"     ^«'      '       '"» 
Maoa.,  747. 

S.  Calla  pluaia  elliptique  doit  être  eateadue  aioii  ;  le  noai  de  pnact, 


SECTION  I.  51 

RH.  SoMaf.  ufpUment  sj  43 

Certains  auteurs,  parlant  de  leurs  ouvrages, 
disent  :  Mon  livre,  mon  commenlaire,  mon  his- 
toire, etc.  —  Ils  sentent  leurs  bourgeois  qui  ont  pi- 
gnon sur  rue,  et  toujours  un  a  chez  moi  »  à  la 
bouche.  Ils  feraient  mieux  de  dire  :  Notre  livre, 
notre  commentaire,  notre  histoire,  etc.  — ,  vu  que 
d'ordinaire  il  y  a  plus  en  cela  du  bien  d'autrui  que 
du  leur'. 

iaS)  44 

Voulez-vous  qu'on  croie  du  bien  de  vous?  n'en 
dites  pas*. 


donn^  i  on  roi,  plaît  au  sujet  qui  le  donne;  car  il  diminue  la  qua- 
lité du  aonverain.  La  mAli^ité  de  l'hoBaie  troure  ton  compte  à  un 
laaga^  qui  diminue  les  iitUœt». 

43 
Cl.  P(c«.,  I,  35);  IUt  ,  \XIV,  tM$;  Moi,  II,  i5i;  Micb.,  987 

t.  Ce  fragment  ne  paratt  paa  eorreapondre  k  nn  ^rit  de  Paical  ; 
c'rtl  le  souvenir  d'une  conTerulion  k  laquelle  Bonut  fait  allusion  ft  la  8n 
,)..  ...„  Oueourt  sur  la  VU  et  les  Ouprayet  de  Paseai  :  «  Il  te  peraetuit 
lien  dans  la  toci^t^  re«  raitlerÎM  doocM  et  ingéaîetues,  qai 
u  il'  iiMnt  point,  et  qui  réveillent  la  laagVMir  dot conTenattoBS  :  elles 
■  viu-iit  ordinairement  un  but  moral  ;  aiaâ  par  etemple  il  se  Boqoait 
'  A«  ces  auteurs  qui    disent    sana   cerna  :  non    lirre,  etc.  ■ 

I  '  Poaeal.  1.  I,  p.  1 18).  —  Mais  le  toor  origiaal  da  fragaMat 

pcMiici  du  moia*  d'y  voir  ua  écho  direct  de  la  parole  de  Paieal. 


Cr  B  ,  371;   G.  SsS;   Boa,  I,  a,  59;    Pàoa.,  t,  so4;  Ha*.,  VI,   56 
Mot.,  I,  134;  Mm».,  691. 

t.  Cf.  Montaigae:  «  On   a«   parie  jamais  de  aoy,  aaaa  pctta  :  laa 
propraa   coadamnations    sont    toajoan   accroM,   laa    hwaagw   «M*- 


m  PKNSftBft. 

iio)  4S 

Lm  bungiiM  lont  det  chiffres,  ou  non  Im  leltret 
sont  changiées  en  lettres',  mais  les  mot»  en  mots  ;  de 
sorte  qu'une  langue  inconnue  est  déchirPraliIc'. 

433)  46 

Diseurs  de  bons  mots,  mauvais  caractère'. 


4S 

a  B  ,  335;  C  .  187:  P  R  .  a/i.,  \\\l.  3S;  Bm.,  I,  «,  »i:    Pâw.,  I, 
)5S;  H«v  .  VII,  33;  Mot  .  Il,  ik,  Mica.,  «89. 

1.  AlliuioB  aai  tyUtmt»  aioiti4  •UMfmphiqMS,  aMilM  er]rp«o> 
gnplii^«M  qui  avaieat  été  proposé*  Hulout  en  Anfletem  et  do»t  «m 
ttwt'n  nm  eatai  k  la  paye  ao  da  Baoïuerit.  Chaque  lettre  est  repri> 
MBiéc  par  on  «gne  conveationoel,  barre  ou  note  de  aaaiqaa  diapoeét 
daaa  aae  direction  déterminée.  Un  tel  tystèaie  serait  doac,  aas  yaas 
de  Paaeal,  iniitkiffrnbU.  Cf.  Section  X,  fr.  677  aq^. 

S.  Il  aotts  ataUe  qu'il  y  a  daas  ce  fragment  na  aoareair  de  l'éda- 
catioa  reçaa  par  Paaeal.  .\o  témoifaaga  de  (îilberte  Périer,  eoa  pèra 
ne  voulut  point  oomaMacer  k  lui  apprendre  le  latin  qu'il  n'eèt  doaM 
an»,  aAn  qu'il  le  fit  nrae  plus  de  facilité  :  ■  Pendant  cet  intervalle  il  as 
le  laiwait  pai  inutile,  car  il  l'entretcniiit  de  tontM  les  cliolM  dont  il 
le  voyait  capable.  Il  lui  hitait  voir  en  (général  ce  qaa  e'ëUit  qa«  la» 
laagues;  il  loi  aioatrait  comme  on  let  avait  rédaitai  aa  ffaaaMira* 
aoaa  de  certaines  règles;  que  cet  règle*  avaient  eaeore  dae  aieaptîoae 
qa'on  avait  en  soin  de  reawrqaer  :  et  qu'ainsi  l'on  avait  trouvé  la 
moyen  par  ik  de  rendre  tontes  les  langues  communicablet  d'un  paysea 
an  autre.  Cette  idée  générale  lui  débrouillait  l'esprit,  et  lui  fbisait  voir  la 
raiaoa  des  règles  de  la  grammaire  ;  de  sorte  que,  quand  il  vint  k  l'ap* 
ira,  il  savait  pourquoi  il  le  faisait,  cl  il  s'appliquait  préciiémaaC 
k  qaoi  il  fallait  le  plus  d'appisealioa.  a 


a.  B..  971;  c  .  StS;  P.  R.,  XXII.  17;  Bea.,  I,  n,  it;  Psea.,  I. 

H*v  ,  VI,  19;  Moi..,  I,  lal;  Mica.,  6M. 

3.  On  trouve  une  maiime  aaaiogaa  daas  la  raetMÎI  lalia  qai 
conaa  sous  le  nom  de  PaWias  Sjrras  :  •  MérhaaU  laagaa  est  man 
da  mdekaat eaprit.  a  —  L.a  Brayèra dit  daas taeCaraelirai    -  h-^»'da1 


SECTION  I.  n 

i45)  47 

Il  y  en  a  qui  parlent  bien  et  qui'  n'écrivent  pas 
bien  :  c'est  que  le  lieu,  l'assistance  les  écbaufle.  et 
tire  de  leur  esprit  plus  qu'ils  n'y  trouvent  sans  cette 
chaleur*. 

«09!  4» 

'Quand  dans  un  discours  se  trouvent  des  mots 
répétés,  et  qu'essayant  de  les  corriger,  on  les 
trouve*  si  propres  qu'on  gâterait  le  discours,  il  les 

l>oos  mou,  mauvais  caractère  :  je  le  dirais,  s'il  n'avait  été  dit.  Ceux 
•]ui  naisent  à  la  réputation  ou  à  la  fortune  des  autres,  plutôt  que  de 
perdre  un  bon  root,  méritent  une  peine  infamante.  Cela  n'a  pas  été 
dit,  et  je  l'use  dire.    •  (Chap.  de  la  Cour.) 

47 
a.  B.,  335;  C,  187;  P.  R.,  X\XI,  8;  Bo«.,  1,  1,  C;  Pmm.,  I,  348  ; 
Hat.,  Vil,  6;  Mot.,  Il,  i35;  Mica.,  36i. 

I.  [Jr«  parlant.) 

S.  Réflexion  sur  VBtsai  de  Montai^e  :  Du  parler  prompt,  oa  tardif: 
«  l'oeeaaioo,  la  compaignie,  le  braaaia  ■<■■«  de  ma  voii,  tire  plus 
de  BH>D  eapril,  que  ie  n'y  treuve  loraqae  ie  le  tonde  et  emplojre  k  part 
ni'iv  \ifiM  lai  perolaa  ea  valent  mieux  que  le»  eaeripts...  »  (1,  10). 
Mrr*''  tlis<ate  ee  Béaie  problème:  «  D'où  vient,  reprit  le  Marécbal, 
qu'on  dit  qae  tfas  gesa  parlent  bien,  mais  qu'ils  ne  savent  pas  écrire  ? 
—  On  voit  aeaveat,  répondit  le  Chevalier,  que  de  certaines  personne* 
(•.trient  bien  en  effet,  qui  ne  parlent  pourtant  bien  qu'en  appareaee. 
(!'•-^(  que  lear  aune  ébktait,  on  que  leur  ton  de  voix  surprend.  » 
1 1  n^ersalioBS  ém  elMTalierde  Méré  et  du  asarécbal  de  Clérambault. 
(Àimm  é»  ÊÊM,  toiM  I,  p.  360.) 

4« 

a.  B  ,  3>S;  C  ,  i^i■  p.  R.,  XI\I,  19;  Boa.,  I.  x,  ai;  Pata.,  I,  aSe; 
H««  ,  11.  si;  Mou,  11,  i34;  Mum  ,  378. 

3.  Titre  de  la  Copié  :  Miêcel. 

k.  Vioet  a  fait  rawar^aar  qoa  Paaaal  ripke  d«n  feb  It  aoC 
Irottvtr  ;  mai*  comm»  la  aoc  a'a  paa  éma.  fbb  la  mUmm  aMa,  il 
semble  bien  ^ae  ce  ne  soit  qa'ane  aéglifaaea.  —  Celte  qneitioa  4aa 


54  l'KNSKKS 

faut  laissor.  c'en  csl  la  iiiar(|uo  '  ;  ot  c'est  là  la  part 
de  l'envie,  qui  chI  aveugle,  et  qui  ne  sait  pas  que 
cette  répétition  n'est  pas  faute  en  cet  endroit;  car  il 
n'y  a  point  de  règle  générale. 

ii3)  49 

Masquer  la  nature  et  la  déguiser.  Plut  de  roi.  •!• 
pape,  d'évéque,  mais  auguste  monarque  ;  etc.  :  point 
de  Paris,  capUaie  du  royaume.  Il  y  a  des  lieux  oii 
il  faut  appeler  Paris,  Paris,  et  d'autres  où  il  la  faut 
appeler  capitale  du  royaume*. 

«  mou  r^p^t^t  a  n'«-t-«lle  pat  dA  être  diaeatéc  éauê  Im  eoavWMlioM 
de  Mér^  et  de  Pascal  ?  •  Ce  gnad  koaae,  écrit  Méré  M  pwluM  d« 
Qbar,  éuit  penuadé  qaa  h  bMMé  da  Ungaga  ddpnid  b— cowp 
plos  d'iuer  de*  ■•illean  nou,  «t  dea  plos  aoblea  hyeas  de  p«il«r  q«« 
de  laa  diTenifier,  et  s'il  était  content  d'une  eiprMMoa,  il  ■•  «'en 
laaaait  point  et  ne  craignait  pas  non  pins  d'en  lnaer  lea  antna.  Cic^ 
ron  prenait  le  ooBtre-pied  ;  car  pour  anaver  lea  répétition»,  il  ebe^ 
cbait  tous  lea  détour»  de  «on  latin,  a  (ÛBev.  Po$lk.,  p.  45.) 

i.  C'tn  est  la  maniue,  c'est-à-dire  que  l'impotaibilité  de  le»  rf«> 
placer  «ans  sacrifier  la  propriété  de  l'eipreaaion  et  l'etactitede  da 
diaooars,  est  la  mariât  qu'il  faut  les  laUur;  et  cette  répétition  laisaa 
■ae  part  k  l'earie  qui  applique  la  rèfle  féaérale,  aaa»  regarder  à  la 
jealilcatioo  de  l'eiception. 

49 
a.  B.,  S17:  C,  4oi  ;  P.  R.,  XXXi,  >8;  Bas  ,  I,  t.  so;  Paaa.,  I.  sSo; 
Hat.,  Vil,  so;  Mai.,  Il,  i3S;  Utem.,  kii 

9.  Le  meillear  eeweetaîre  de  cette  rélle«i<>n  «v  iroeve  daaa  «ne 
lettre  de  Miton  adreiiée  à  Méré  qui  l'a  reeaeillie  daaa  ta  Gecraipoa- 
daace  :  <  Je  riea»  d'eianiner  un  auteur  qai  loae  Charte»  Qaiat  à» 
ee  qa'ca  cette  grande  bataille,  où  il  s'agisaait  d'asai^*^'  l'AlllWif  >, 
aMdfré  le»  doaleer»  de  la  goutte,  dont  il  éuit  ce  joar44  si  crvelkn 
■aat  teanaealé,  il  se  6t  lier  aar  eoa  cheval,  sans  sortir  de  la  bataille 
qu'il  ne  l'eAt  gegaée.  El  l'auteur,  peanat  relever  eeUe  ec<ii< 
appelle  toiy^ar»  Cbarlea  Qaint  ce  grand  eiperear.  Mai»  il  nM  aeiuMr 
qe'il  eèt  M  beaaeeap  arien  de  le  aoiaier  Charles  ;  parce  qee 
graad  e«|^efaar  le  eaebe  aaaa  ea  aoai  et  aaiaee  ainsi  l'inwgiaatiea, 
an  liea  qae  Cbarle»  le  aiaalre  h  décoatett,  cl  fcit  voir  pina  elai* 


SECTION  I.  SK 

aaS]  50 

Un  même  sens  change  '  selon  les  paroles  qui 
l'expriment.  Les  sens*  reçoivent  des  paroles  leur 
dignité,  au  lieu  de  la  leur  donner.  Il  en  faut  chercher 
des  exemples... 

4i51  51 

Pyrrhonicn  pour  opiniâtre. 

reaeat  que  c'est  lui.  Et  de  plus,  quand  on  dit  que  Charles  méprise 
la  douleur  et  la  mort  pour  l'ambition,  on  dit  de  lui  de  plus  grande* 
choaes  que  si  on  disait,  ce  grasd  eiperanr  ;  car  il  est  bien  plus  ^rand 
à  Charles,  qui  est  simpleoeat  on  homme,  de  mépriser  la  mort  et  la 
douleur,  qu'il  ne  l'est  à  un  grand  empereur,  dont  le  métier  est  de 
mépriser  tout  pour  la  gloire.  Sur  quoi  il  me  rient  dans  l'esprit  que, 
■i  le  même  auteur  eût  roulu  parler  de  lui  retiré  à  Saint-Just,  après 
qu'il  eut  quitté  ses  royaumes  et  l'empire,  se  promenant  comme  un 
particulier  arec  les  religieux  de  l'abbaye,  il  eât  Ml\i  l'appeler  ce 
grand  empereur...  Je  ne  sais  ce  que  tous  jugerez  de  ces  réflexions  ; 
mais  il  est  vrai  qu'en  r«eberehant  par  cette  voie  la  nature  des  choses, 
on  pourrait  connaître  en  tout  ce  qu'il  y  a  de  bien  et  de  mal,  et  se 
rendre  un  bon  juge  et  même  un  excellent  ouvrier  de  la  btenséanee.  » 
Voluirc  duM  ses  Ramfarqmt»  de  1778  ajoatait  ces  réflczioM:  ■  G««x 
qui  éeriveat  ea  beaa  fraaçais  les  gaaettes  poor  les  propriétaiies  de 
fermes  ae  maaqaeat  jamais  de  dire  :  •  Cette  aagoste  famille  entendit 
vêpres  diouscbe  et  le  sermon  du  révérend  père  N.  —  Sa  Majesté  joua 
ans  dés  ea  hante  persoane.  —  On  flt  l'opération  de  la  fistnie  à  son 
EaMMcace.  » 

50 
a.  B.,  407;  C,  383;  Bo*  ,  1.  x,  33  ;   F*m.,  I,  iSo;  Hav.,  Vil,  3a; 
Moi..,  I,  197;  Mica.,  47S. 

I .  (Poar)  —  les  deraiers  mots  de  la  phreee  ea  sarcbarge. 

a.  [iMifaaMSHt.)  —  Réflesioa  inverse  et  eompléaMataire  de  celle  da 
fr.  a3  ;  oe  a'asi  plas  le  aoc  qai  ekaafe  deseas, c'a*  le  mot  qui  réagit 
sur  le  scas.  Panai  les  «seaiplas  vicadrait  edai  de  roi  et  de  tyran  que 
Paaeal  cite  an  h.  3io,  oa  eaeora  de  at^tslral  et  de  ro^M,  etr 

5» 

a  B,  464    r     ]C3    Faio     I.  iCo     IU«  .  XXV.  iSi:  Mol,  H.  iSfi; 
66. 


4i5|  St 

Nul  ne  dit  cartésien  que  ceai  qui  ne  le  Mmt  pti*: 
pédant,  qu'un  pédant'  ;  provincial,  qu'un  provin- 
cial, et  je  gagerais 'que  c'est  l'imprimeur  qui  l'a 
mis  au  titre  des  Lettres  au  Provinciale 


5« 

a.  B.,  4S4;  C.  i6S;  Pam  ,  I,  >6o;  Ha*.,  XXV,  iSi  ;  Mm.,  Il,  iM  ; 
Mica..  M4. 

I.  CarUtien  qae  ceux  gui  ne  le  $ont  pot  Mfcharf*.  Psacal  aTiit 
écrit  d'abord  :  nul  nedU  pèdaM  qu'm  pédant,  etc.  L«a  Copm,  mirim 
par  !••  éditeurs,  donnent  eourtitan.  Notre  leçon  Mabl*  eoairaéa 
par  c«  fbit  que  le  fhifpnent  immédiatenent  précédaal  da  l'anlofra- 
phe,  écrit  mr  la  aiéaM  iMreaaa  da  p«pi<r,  aat  ralatif  k  Paiaartaa  (Cf. 
h.  78). 

a.  (Cariaaian  ga'ao  qml.]  —  MoataSgaaa  coatacré  aa  /Snti  aa  pédaa- 
tiaaa  (I,  l4)-  D'antre  part  dans  ton  chapitre  mr  Moataigaa  lai- 
■éBP,  Malebrancbe  ■  longvaaMMl  aaaljrté  le  aot  :  «  Ca  laraM  pMaal 
aat  Kirt  équivoque  ;  mai»  l'anga,  oa  aa  aaabla,  al  aéaa  la  raiaon, 
TMdaat  qa'oa  appelle  pédants  ceux  qui  pour  fbire  parada  da  la«r  fbaaaa 
aeiaaM,  eittat  à  tort  et  à  travart  tontes  sortes  d'anUara,  q«i  parlant 
aiaiplaMaat  poor  pariar  al  poar  aa  flsira  adasirar  daa  aola  ^  awMMat 
■ans  jngaaiani  M  saaa  diaearMaMat  daa  apopbtbagaaa  al  d«a  traiu 
d'bisloira,  pour  proaver  on  pour  faire  semblant  de  pronvar  daa  «iMMa 
qui  aa  sa  peuvent  prouver  que  par  des  raisons.  Pédant  aal  oppaaé  à 
raisoaaable,  etc.  »  (Reeh.  de  la  VerUé,  I.  Il,  p.  III  et  5.) 

3.  Pascal  avait  d'abord  écrit  ^'r  (oroia)  ;  la  correctioa  MaUa  iadi- 
qoar  qu'il  oa  voulait  point  paraître  coanattra  la 


4.  a  Caa  laltraa,  éotit  Nieola,  oat  M  «ppdéaa  PraaifiWa»,  pan» 
qm  l'aataar  ayaat  adraaaé  las  praaièras  lallraa  Maa  aaeaa  aoa  k 
•a  da  sas  anis  da  la  oanpagna,  l'iaipriaMar  laa  paMia  aow  ea  titra  : 
LtUra  èeria  i  an  pnmmâal  for  tm  d$  êm  «m»  mt  U  njH  4m  dK»> 
pirt«  priunlm  éa  Im  SariaM*.  a  PaM««lra,  ajeata  M.  Paagèra, 
l'iwpriiaar  s'é|ail41  smvmb  d'aa  écrit  déjà  publié  awH  oa  Utra  : 
Laftra  d'à»  JariÉtomaull*  à  an  PrtmmetÊl  da  tas  «aiit  met  tmtt.  Moas, 
1598. 


SECTION  I.  W 

laS)  53 

Carrosse  versé  ou  renversé,  selon  l'intention. 
Répandre  ou  verser,   selon  l'intention'.  —  Plai- 
doyer de  M.  Le  Maître*  sur  le  cordelier  par  force. 

i45]  54 

Miscell.  Façon  de  parler*  :  Je  m'étais  voulu  appli- 
quer à  cela. 


53 
Cf.  B.,  343  ;  C  ,  3'jG;  Faw».,  I,  a«o;  Hat.,  XXV,  i3a;  Mot.,  il,  i36; 
MicM.,  319. 

I.  Selon  l'inUiUion,  c'est-à-dire  mIob  qn'il  y  a  ea  oa  non  intention. 
Un  carroue  a  verti,  *'il  t'a^t  d'un  aoeident  véritable,  ou  il  a  été  ren- 
versé, «i  on  l'a  renversé.  On  répand  un  liquide  par  mé^rde,  on  le 
verte  à  deaaein.  Verser  marque  l'intention  au  sens  actif,  l'absence 
d'intention  an  sens  neatre. 

a.  .\ntoia«  Le  Maiatre,  petit-fiU  par  sa  mère  d'Antoine  Arnauld, 
se  fit  au  barrMO  la  plus  brillante  répuution  d'éloquence  ;  à  vingt- 
huit  ans  il  i«  retira  k  Port-Royal  où  il  vécut  jusqu'en  t658,  parU- 
gcant  ton  teapa  entre  les  travaux  manuels  et  les  publications  pieuse», 
édifiant  par  aa  piété  et  son  humilité  les  soliuires  qui  l'appelaient 
leur  Pfrf.  En  1667  parut  un  recueil  de  ses  Plaidoyers  et  Harangues, 
me  Raetae  écrit  d'Usés  (16  mai  166a)  :  «  Tout  le  monde  a 
I  ••n  de  M.  la  Maistre.  »  Le  VI*  est  intitulé:  Pour  uii//jinii 

en  re  ^rce.  Havet  y  signale,  à  la  première  page,  le  mot  ripant 

dre:  <>  ■    ^  répand  des  aveaglemenu  et  dea  ténèbres  sar  les  pa*- 

aions  illégitimes...  »  Si  aoM  «voM  biea  iaterprélé  1*  rtaarqM  à» 
P»*f»\   il  pùt  f^.illu  dire  nerse  pour  marquer  l'inteatioB  dhriac. 

54 
a.  B.,  SSo;  C,  99s;  fàm.,  I,  »6«;  Hav.,  XXV,  iJo;  Mm.,  II,  iS5; 

3.  M.  Michwrt  iatarprèu  :  /•  m'étaû  vonfa  ipflifMr  à  MMr  Us/mçom 
de  parler,  j'y  ai  renoncé.  Now  erajrOM  q«'U  Mt  pOMÎble  de  joatilar 
b  lecture  traditionnel!*,  qvi  dU  e«tt«  iifoa  de  pârkr  oomae  reaar- 
quable.  Il  semble  en  «fiât  ^M  l'application  dépeod*  de  la  ▼oloaté 

ramÉsa  Ds  rAtcAL.  1  —  M 


m  PEMSÈKS. 

m\  ss 

Yerlu  apirUive  d'uno  clé,  aUractive  d'un  croc*. 

iSo)  s« 

Deviner':  La  part  que  je  prends  à  votre  dé- 
plaisir. —  M.  le  cardinal  ne  voulait  point  être 
deviné*. 


••■le,  et  qu'il  y  ait  contradiction  à  dire  qoe  noire  Toloaté  ■'«  pas 
réuei  à  ce  qui  est  prf  cit^ment  le  propre  de  la  voloaté.  C«(t«  eontra- 
iàttàom  ■•(  m  relief  la  hibleae  de  notre  Toloaté,  la  aMèr*  d«  aolre 
■•tarv  eorronpae, 

5S 

Cf.  B.,  471  .  t.  .  Î71  ,   K»i..      I,  3^1.    n»T  ,  \XV,  iSokf,  U*»»..,  Il, 


iSS;  Mk 


,  M 


I.  Quelle  eat  b  port/e  <!•  <  >  >  <|M'  l.j;.  >.  iiim(>.  ,.-tr«  «or  le  manoicrit 
entre  deui  fragmenta  sur  l.i  ri\\\\\><\\  i'.iM  il  M^nale-t-tl  parmi  let 
c  Ihfoas  da  parlar  »  eallaa  qai  doBneat  an  iaagafa  la  plan  da  pr»- 
friiU  ?  on  biea  aa  hii-il  paa  allastoa  aai  babiladaa  aMlatti^aaa  dat 
médecins  qui  inv(»quaient  les  vtrlut  attraelives,  laa  vtrtm  4i|pdrftJMa,  aa 
r^nrant  de  montrer  combien  l'ctplication  derient  ridieala  qaaad  aa 
l'applique  à  des  exemples  de  m^anique  où  la  acicace  a  déjà  porté  la 
lumière? 

56 

a.  B  .  3&S:  c.  ao«;  Paea.,  I,  a&8;  Ha«.,  XXV,  »S,  s5  Au;  Mai..,  Il, 
i3&;  Mica.,  33V 

».  (Je  prie.) 

3.  Voici  le  commentaire  de  llavet  :  «  C«  ftafasal  a  M 
aipl^aé  par  M.  Fr.  Collet  dans  l'écrit  intitulé.  Fait  médit  d»  Im  m 
dt  Ptêealf  par  ta  rapprooliemaat  d'aa  paaaafa  da  diaTaliar  da  Méré 
(DJMMDV  dt  la  CoMMrastioN,  p.  7s).  «  Laa  ekaaai  ^  a'oat  riaa  da 
a  raaiaf^uable  ne  laiaaent  pas  de  plaire  qnaadallaa  aaatda  ■aade... 
a  II  aa  feat  pourtant  pas  qu'elles  soient  si  commaaaa^a  oaila  ffi,  qaa 
■  tout  le  monde  tait  par  cvur,  la  part  fo»  jt  pramdâ  i  Mtra  diplaiâir. 
m  J'ai  TM  pariar,  aa  ouvrant  naa  lattra  da  eoMolatiea,  ^aa  cala  t'y 
«  troavarait  ;  al  aaa  dame  furt  triste  qui  Tarait  raçaa  aa  pat  s'empârbar 
«  d'aa  rira.  »  Paaeal  Teut  donc  dire  qu'il  ne  Aiat  paa  éerire  da  cas 
baaaliUa  qa'oa  paat  ifaiaer.  a  Le  rapprocbaaaataaltafdMa«i;ilM 


SECTION  I.  m 

'J'ai  l'esprit  plein  d'inquiétude.  —  Je  suis  plein 
d'inquiétude  vaut  mieux. 

«341  57 

Je  me  suis  mal  trouvé  de  ces  compliments  :  Je 
vous  ai  bien  donné  de  la  peine  ;  Je  crains  de  vous 
ennuyer  ;  Je  crains  que  cela  soit  trop  long.  —  Ou  on 
entraîne*,  ou  on  irrite'. 


nou*  hit  p«f  comprendre  la  réflexion  cor  M.  le  cardinal  qui  ne  Toolait 
point  être  deviné  et  non  plus  deviner.  Comme  le  dit  La  Rochefoucauld 
(Max.  3oo,  f*  ^dit).  «  On  aime  à  deviner  les  autres,  mais  l'on  n'aime 
pas  k  tire  devint.  •  Le  cardinal  pourrait  ^trc  Mazariu  qui  recher- 
chait les  gens  heureux,  et  qui  avait  pour  tactique  de  faire  contre 
mauvaise  fortune  bon  cœur .  On  pourrait  conjecturer  aussi  qu'il  s'agit 
de  Richelieu,  et  on  arriverait  h  une  précision  intéressante  en  rappe- 
lant la  lettre  que  Balrac  lui  adressa  en  lui  envoyant  le  Prince  (l.  VIII, 
55o)  ;  c'était  en  i63i  au  moment  où  Richelieu  a  obtenu  l'exil  de 
Marie  de  M^dicis,  et  Balzac  écrit  :  a  Je  ne  doute  point  que  vous  ne 
pleuriex  t'infiirtune  d'une  Maîtresse  que  vous  aviex  conduite  par  vos  ser- 
vices au  dernier  degré  de  Félicité,  et  qu'ayant  si  longtemps  et  si  effi- 
cacement travaillée  la  parfaite  union  de  leurs  Majestés,  ce  ne  vous  soit 
uu  sensible  déplaisir  de  voir  aujourd'hui  vos  travaux  ruinés  et  votre 
ouvrage  par  terre.  Vous  voudriez,  je  m'en  aasare,  être  mort  à  La 
Rochelle,  puisque  jusque-14  vous  avez  vécu  dans  la  bienveillance  de 
la  reine.  »  Sur  quoi  Richelieu  dit  un  jour  à  Boi»-Robert  :  «  Votre  ami 
est  un  étourdi.  Qui  lui  n  dit  que  je  suis  mal  avec  la  Reine-Mère  ?  Je 
croyais  qu'il  e6t  du  sens  ;  mais  ce  n'eat  qu'un  fat  a  {Sainte -Beune, 
Port  Royal.  5»  édit.,  t.  II,  p.  Sa). 
I.   \Mom.] 

57 

a.  B.,  3»8;  C,  «79;  Boa  ,  î,  11,  67;   Fsoo.,  I,  ne;   Ha».,  VI,  S4  ; 
Mot,  II,  i5>;  Mica,  339. 

3.  «  Quand  on  est  le  preaier  k  déeappriMTtr  qaaiqm  eboM  de 
«oiinf^inc,  on  trouve  uaes  de  eompUiMoce.  »  (Méré,  Dite,  et  U  dm- 

vitittuiii,  p.  64.) 

3.  Un  entraîne,  c'est-à-dire  on  fait  réfléchir  k  la  peiaa  rMlMMSt 
donnée  k  autrui  et  on  le  convainc,  ou  on  irrite  par  le  dùpropoftion 
du  r—erciement  au  senrice  rendu  ;  dans  les  deux  cas  00  indispose 


PENSÉES. 


>&i| 


Vous  avei  mauvaise  grâce  :  excusef-moi.  a'il  vont 
platt.  —  Sans  cette  eicuse,  je  n'eusse  point  aperçu 
qu'il  y  eût  d'injure.  Révérence  parler,  il  n'y  a  rien  de 
mauvais  que  leur  excuse. 

•441)  59 

Éteindre  le  flambeau  de  la  sédition  —  trop  luxu- 
riant'. 

L'inquiétude  de  son  génie  —  trop  de  deux  mots 
hardis  '. 


autrui.  Pascal  donne  aillenn  l«  dévtloppenent  de  oatU  fbmala  :  M 
M  «Uraùu  l'imagination  à  ee  jmftmÊHt^  ou  on  l'irrite  am  «onlmirv  (fraf> 
•Mrt  106,  qui  daaa  l'antograpli*  prAoède  i«iédinH«— t  k  57). 

5» 

Cr.  B.,  ioi;  C,  376;  Boa.,  I,  a,  6&;   Pam.,  I,  aïo;  Hav.,  VI,  &t  ; 
Moi»,  11,  i5i;  Mica.,  Saç. 

59 
a  B,  36S;C.,  Sit;  Pam.,  I.aSi;  Ha*.  XXV,  aSlr;  Mot.,  II,  iSS; 
Mm.,  7&3. 

I.  Dut  le  ■uiMerit,  laxarianU  a  éié  écrit  mm  la  dietéc  éê  Pasenl. 
9.  Il  eat  curieux  de  oonatater  que   Racine  n'a  pa»  recuU  davant 
l'allianee  de  cet  deui  nota  hardii  : 

Mon  génie  étonné  tremble  devant  le  tien. 

dit  Néfoa  M  parlant  d'Afrippine.  Le  vura  de  Racine  «al  trèa  bueu, 
la  rinrqM  de  l'atcal  n'es  «et  p««t-étr«  pae  aoiM  juau. 


SECTION  II 


35)  60 

Première  partie  :  Misère  de  l'homme  sans  Dieu. 

Seconde  partie  :  Félicité  de  l'homme  avec  Dieu. 

Autrement  : 

Première  partie  :  Que  la  nature  est  corrompue. 
par*  la  nature  môme. 

Seconde  partie  :  Qu'il  y  a  un  Réparateur,  par 
l'Ecriture. 

Première  copie  376)  6t 

Ordre.  —  J'aurais  bien  pris  ce  discours  d'ordre* 


60 

a.  B.,s;C.,  i4;  P«m.,  II,  389;  llAf.,  \\1I,  1;  Mol.,  II,  61;  Mica., 
60. 

I.  Par  indique  d'où  U  preare  nt  tir^.  Dans  c«  plan  liaple 
iiu(|a«l  Pnaeal  ■  «ongé  nn  aonMnt  poar  Mn  Apologie  M  q«i  rappelle 
les  divitioas  dee  tensoM  de  BoMoet,  il  y  aurait  one  preâière  pertie 
iMte  de  peyelMlogie  ;  la  Mcoade  ferait  appel  k  l'autorité  de  la  réréla- 
tk». 

61 
a.  C,  SSS     F..«     Il    xnn     H..      XXV,  loS;   Mot.,  II,  64;   Mica., 

a.  D'ordre  «u  iieu  d«  par  ortirt  ■  u  touraare  t'eal  eoatervée  deae 


M  PBNSfcBS. 

comme  celui-ci  :  pour  montrer  la  vanité  de  tooles 
sorles  de  conditions,  montrer  la  vanit<$  des  vies  com- 
munes, et  puis  la  vanité  des  vies  philosophiques 
pyrrhonienncs,  stoïques  :  mais  l'ordre  n'y  serait  pas 
gard<5.  Je  sais  un  peu  ce  que  c'est,  et  combien  peu 
de  gens  l'entendent.  Nulle  science  humaine  ne  le 
peut  garder  :  Saint  Thomas  ne  l'a  pas  gardé.  La 
mathématique  le  garde',  mais  elle  est  inutile  en  sa 
profondeur*. 


la  tradition  du  lan^g«  diplomatique  :  D'ordre  <U  < 
fragment  aSS  :  On  ne  prouve  pat  qu'on  doit  être  mmi  M  « 
In  camtn  de  ToMoar. 

I.  ■  La  aétkoda  de  ne  point  «rar  Ml  ra^«ffdké«d«l«atl«  «mmI*. 
Lm  logicien»  font  proFeMion  d'y  conduire,  les  géonètres  seuU  y  arn- 
Teat,  et,  hors  de  leur  tcience,  et  de  ce  qui  l'imite,  il  n'r  a  point  de 
Téritablea  démonstrations  »  (De  l'art  de  persuader). 

S.  Saint  Thomas  est  l'organisateur  de  la  méthode  teolMliqm  q«i 
inspirait  an  temps  de  Pascail  l'enseignement  de  la  théologie  M  Im 
doetmira  de  la  Sorbonne  :  cette  méthode  eoaaiate  daaa  aa«  éMHBé- 
rattoa  de  propoeitions  jattapoeéea  Im  «bm  ««s  antrM  M  reitagiiéee 
par  le  awyen  da  syHogiMM  à  de»  postulats  que  l'on  poM  comaia  aai- 
varaellameal  admis  oa  comme  autorisa»  par  la  révélatioa.  Cette  mé- 
thode glisM  k  la  sarhce  de  l'esprit,  parce  qu'elle  ne  hit  aulleawnt 
comprendre  comment  la  vérité  s'engendre  dans  l'esprit  ;  elle  apporte 
an  Trai  un  appui  eitérienr,  elle  ne  lui  donne  p«»  de  mciaM  ea  aoae. 
La  mathématique  est  une  méthode  de  génération  intellectaella,  at  e'eat 
poarqaoi  Pascal  lui  attribue  cette  profbadaar  qu'il  relSma  à  toat  pr»> 
eédé  d'éanaiération  cbet  saint  Thoaaas  <hi  ch«  Charroa.  Maie  aile  aat 
inutile,  parce  qu'elle  ne  porte  que  sur  des  doaaéM  hore  de  l'asaga 
commun  et  aans  relation  avec  notre  destinée  morale.  Quelle  serait 
doae  la  scieaca  à  la  frtis  profonde  et  utile  ?  c'est  celle  qui  par  soa 
prapra  déraloppament  forait  surgir  en  noas  la  lumière  aowvalla,  qui 
•aas  aafaadiwait  k  la  vérité  ea  aoae  doaaaat  le  sentiaMat  qai  août 
aa  raad  eapabla  ;  Toedra  da  eacia  MJaaw,  aa  Itaa  d'être  unilinéairr. 
a  eaaaiata  priacipaUmeat  k  la  digraMiaa  Mr  ehaqae  point  qu'on  rap- 
porta k  la  8n,  poar  le  aMatrar  uxgoare.  a  (fr.  98S.) 


SECTION  II.  63 

-ao6)  6s 

Préface  de  la  première  partie.  —  Parler  de  ceux 
qui  ont  traité  de  la  connaissance  de  soi-même:  des 
divisions  de  Charron',  qui  attristent  et  ennuient; 
de  la  confusion  de  Montaigne  ;  qu'il  avait  bien  senti 
le  défaut  [d'une  droite]  *  méthode,  qu'il  l'évitait  en 
sautant  de  sujet  en  sujet,  qu'il  cherchait  le  bon  air\ 
Le  sol  projet  qu'il  a  de  se  peindre  *  !  et  cela  non  pas 
en  passant  et  contre  ses  maximes',  comme  il  arrive  à 
tout  le   monde  de  faiUir;   mais    par   ses   propres 

6a 

a.  B.,  4o&;  C  ,  379;  p.  R.,  XXIX,  3i  ;  Bo*.,  I,  11,  36;  Fam.,  Il,  17  ; 
Ha*.,  VI,  33;  Mot.,  I,  ai  ;  Mica  ,  4&6. 

I.  Qui  attristent  et  quiennaient  snreliarge  aatographe.  —  Le  premier 
lirre  de  la  Sageue,  «  qui  est  de  la  rognoiuanre  de  toy  »,  est  dirisé 
en  toisante-dcux  chapitres  qui  reprennent  l'étude  de  l'hoaiine  selon 
«  cinq  considérations  »  dont  la  dernière  comporte  encore  a  cinq  di»- 
tinctions  »,  etc.  Cf.  Introd.,  p.  lxxt  sqq. 

a.  Le  manuscrit  porte  du  droit  de  méthode  ;  mais  le  Fragment  a  été 
dicté,  la  correction  proposée  par  Fangère  s'impose.  La  droite  mé- 
thode, c'est  la  méthode  rectiligne  qui  dispose  les  argumeats  à  la  suite 
les  nas  des  aatrea,  niu  relief  et  sans  profondeur. 

3.  Bon  air.  Pour  l'emploi  que  Pascal  (hit  d«  cette  expression,  Toir 
le*  liregaeau  19^  et  igi'"*  (9  et  is). 

4.  Pascal  pensait  surtout  au  dernier  livre  de  Montaigne  et  parti- 
colièrenent  an  chapitre  xiii  où  se  troure  une  multitude  de  passages 
tels  qne  celui-ri  :  «  Tonte  c«>lle  fricassée  que  ie  barbouille  ici  n'est 
qn'on  registre  des  essais  de  ma  vie.  »  —  La  Logique  de  Port-Rojal, 
immédiatei— t  après  avoir  rappelé  la  condamnation  du  moi  par  Pascal, 
se  livre  k  une  longue  et  violente  digression  contre  Montaigne,  qui 
semble  inspirée  du  souvenir  de  Pascal  :  «  un  des  caractères  les  plus 
indignes  d'un  honnête  iHMnae  est  celui  que  Montaigne  a  affecté  de  n'en- 
tntMiir  aee  leei««r»  ^«n  é»  tm  biwwiw,  ém  sm  inclinations,  de  ses 
Ihnuiaiee,  d«  tu»  aalndiM,  àm  ses  vwtas  M  dn  aet  vice*.  >  CIII,  si, 
seet.  VL) 

5.  ^'  ■■'■'''      propret  maiimet  addition  «ntographc. 


•4  PKNSÈE8. 

maximes,  et  par  un  dessein  premier  et  principal. 
Car  de  dire  des  sottises  par  hasard  et  par  (aiUesse, 
c'est  un  mal  ordinaire  ;  mais  d'en  dire  par  dessein, 
c'est  ce  qui  n'est  pas  supportable,  cl  d'en  dire  de 
telles  que  ctUes-ci... 

k*b]  63 

Montaigne.  —  Les  défauts  de  Montaigne  sont 
grands.  Mots  lascifs  ;  cela  ne  vaut  rien,  malgré 
Mademoiselle  de  Goumay  '.  Crédule,  gens  sans 
yeux*.  Ignorant,  quadrature  du  cercle*,  monde  plus 


«3 

a  B.,  37»;  C,  3>q;  p.  R..  WVIII,  36;  Bm  ,  II,  tnt,  S4;  P*m.,  I, 
s5i;  H4T.,  XXIV,  s&;  lioi„,  I,  11;  Mica.,  69s. 

I.  Marie  1«  Jmn  de  Goarnay,  net  à  Parii  en  l56S,  Mt  eoanae  par 
1«  évita  qu'elle  avait  voué  k  l'antenr  des  Essais  ;  «  l'adairation  dont 
ik  aie  tmntir«iit,  ^rit-elle  dans  la  Préfaee  de  i635,  lortqa'iU  ■• 
fÉrtat  fortahaaieat  niteo  naip  an  aortir  de  Penfiioce,  n'allait  Aura 
réf«t«r  Ttaioa—tre  »  ;  elle  publia  en  i5g5  l'Mition  dMnitive  d««  Bêêêû 
d'aprAa  le«  aanoarrits  que  Maa  de  Montaigne  lui  avait  ramia  aprèa 
la  aH>rt  de  wn  mari.  Dana  aa  Prifmt*  da  l635  alla  iéhmi  kw- 
gnaaant  la  liberté  «  d'anatoniaar  »  l'anMur,  qu'on  prowrit  a  naa  aaa» 
laaaat  pour  impudique  et  dan|{«renM  mai*  pour  je  ne  açajr  qaoi  daaafcs, 
uoBi  da  oe  terme.  Ce  ne  lont  pat  las  diaconis  fraacsal  ip4B«lntift 
mr  l'aaonr  qui  lont  dangereui,  ce  aoat  la*  aolt  al  ddlieata,  l«  fdda 
artitlaa  at  elialooilleui  de»  paerio—  aacNwaaaaa  qai  «a  voiaat  ans 
rooMaa,  ans  poètes  et  en  tellaa  aapèeaa  d'éCTbnina.  s 

s.  c  Qui  en  Touldra  croira  Pline  et  Harodola,  il  y  a  daa  aapacM 
d'komaM*,  en  oaruina  androtels,  qni  ont  fort  pan  da  faawblanra  à 
la  aoatra...  ;  il  jr  a  daa  ooatnaa  où  laa  bonunaa  naiwa»!  aaai  taaia, 
portant  las  yanls  at  la  boneha  aa  la  poicirina...  ;  [falrm]  oè  itc 
n'ont  qu'un  œil  an  front,  a  (Apot.). 

i,  m  Qni  iotadroit  aacota»  à  eaey  laa  ptopaaitioaa  faewatoigaai  qni 
eoaeinaat  par  la  aaititada  da  laaf*  daMaartfatieM  la  eaaiaaa  plaa 
grand  que  le  rontanant,  le  caaira  aaai  gmad  qna  an  etreeaforaara,  at 
qai  trouvent  dent  lignas  s'approehaala  aaaa  eaaaa  Tana  da  l'antre,  at  na 
aa  pottvanu  ioiadre  iamais  ;  at  la  piarra  pbilaaapbala,  at  qaadratnra 
daearda...o«ila  raison  et  l'afaetaoatM  oppoettaa,aalït«raitàradvaa> 


SECTION  II.  65 

grand*.  Ses  sentiments  sur  l'homicide  volontaire*, 
sur  la  mort.  Il  inspire  une  nonchalance  du  salut, 
sans  crainte  et  sans  repentir^.  Son  Uvre  n'étant  pas 
fait  pour  porter  à  la  piété,  il  n'y  était  pas  obligé  ; 
mais  on  est  toujours  obligé  de  n'en  point  détourner. 
On  peut  excuser  ses  sentiments  un  peu  Ubres  et 
voluptueux  en  quelques  rencontres  de  la  vie 
(730, 33i)'  :  mais  on  ne  peut  excuser  ses  sentiments 


tare  quelque  argument  pour  secourir  ce  mot  hardy  de  Pline  :  tolum 
cerlam  nihil  et$e  certi,  et   homine 'nihil  miterius  aut  tuperbius  (Mont., 

Il,  .4). 

I.  ■  ...Si  Ptoleaee  t'y  Mt  trompé  aultrefois  sur  les  fondements  de 
sa  raison,  si  ce  se  leroit  pas  sottise  de  me  fier  maintenant  âi  ce  que 
ceuls  cy  en  dÎMat,  et  s'il  n'est  pas  plus  rraysemblable  que  ce  grand 
corp«  que  nous  appelons  le  Monde  est  chose  bien  aultre  que  nous  ne 
iogeons.  a  {Apol.). 

3.  «  La  pins  Toloniaire  mort,  c'est  la  plus  belle...  Le  rivre,  e'eM 
serrir,  si  la  liberté  de  mourir  en  est  à  dire...,  »  ete. 

3.  (XI  m'ett  pan  méeemmire  go*  [U  »Êt  aéemmin  de  Bout  dAoorser.]  — 
«  le  reois  nonchalamment  la  mort  quand  îe  la  reois  universellement, 
eoBiOM  fin  de  la  vie  »  (III,  ^).  Le  second  Essai  du  Livre  III  est  inti- 
UM  du  Repentir  ;  Montaigne  dit  Ilavet,  le  blâme  comme  une  hibleaae 
de  l'àme,  et  s'y  d^lare totalement  étranger:  >  ie  me  repens  rarement 
et  ma  conscience  se  contente  de  soy...  Si  i'avois  à  revivre,  ie  revi- 
TTois  comme  i'ay  vescu  ;  ni  ie  ne  plainds  le  paaaé,  ni  ie  ne  crainds  de 
l'avenir.   » 

V  Havet,  qui  avait  d^jà  indiqué  les  renvois  àm  BOtM  précédentes,  a 
retrouvé  la  pr«aière  référence  de  Pascal  d'aprèa  la  pagination  de  l'édi- 
tion in-80  de  l636,  qui  soit  la  seconde  édition  de  Mlle  de  Goumay. 
On  lit  à  la  page  780  :  «  Les  aoaffrances  qui  nooa  loadMat  aiaplcaeat 
par  l'ame,  m'affligent  beaocoup  moins  qa'dlM  se  feat  la  plos  part 
de*  aaltiM  boaimea  :  partie,  par  iugement,  car  le  aioade  wdaie  pla- 
sienra  cboeaa  borribles  on  evitablea  an  prit  de  la  vie,  qai  m«  aoat  à 
peu  prez  indifférentes  ;  partie,  par  aa«  eoaiplexion  stupide  et  insensible 
que  i'ay  ans  accidents  qui  me  doaaaat  à  BH>y  de  droict  fil  ;  laquelle 
easplaxion  i'esiimt  l'ea*  daa  aMillearM  piacM  éê  bm  aaturalle 
coadition  :  mai*  les  loaffraaea  vrayaiaat  aaaaatiallaa  M  corporel lea,  ie 
las  gouste  bien  visv— at...  a  (II,  37).  —  La  aeeoada  citation  a'eac 
pas  de  la  page  al^i     '«•)   ^-vm.t   .-herchée   Havet,  se   référant  à   ane 


M  PENSÉES. 

tout  païens  sur  la  mort  :  car  il  faut  renoncer  à  tonte 
piété,  si  on  ne  veut  au  moins  mourir  chrëlienne- 
ment  :  or,  il  ne  pense  qu'à  mourir  lâchement  et 
mollement  par  tout  son  livre*. 

43i]  64 

Ce  n'est  pas  dans  Montaigne,  mais  dant  moi,  que 
je  trouve  tout  ce  que  j'y  vois  '. 

fcoMe  lecture,  naii  k  la  p«(re  33 1  ;  on  j  lit  cette  pbraM  :  ■  L«  rie* 
eoBtfmire  à  la  carioaité,  c'ett  la  noorhalance  vers  laqaalle  M  peadM 
erideaiBeat  de  ma  completion  »  (II,  4)- 

I.  «Qaieteoipnt  et  ■ourdement  a,  dit  Munlaifae(I,  18).  — Mais  il 
écrit  aussi  :  «  Ma  principale  profession  en  celte  vie  eatoit  de  la  rivre 
aollement  et  Haschenent  pluslmt  qu'affaireusemeat  »  (III,  9):  «  Noos 
troublons  la  vie  par  le  soing  de  la  mort  ;  et  la  mort  par  le  aoiog  de  la 
▼te  :  l'une  nous  ennuyé  ;  l'aullre  nous  effraye.  Ce  n'eel  pM  eoatre  U 
mort  que  oon»  «ont  préparons,  c'est  cboae  trop  nKimaatuiM  ;  ■•  qaart 
d'beore  de  puaioa,  mm  eoaMqaaaee,  •■■«  ■■ianaee,  ■•  ■arits  paa 
daa  praeeptM  particuliers  ;  k  dire  rrmy,  nous  nous  prfnro—  eoair* 
lea  prapamtioas  de  la  mort  (III,  1  a).  •  Et  III,  g  :  «  Je  vess  eatM  lofé 
•alMsqai  me  soit  bien  particulier,  sans  bruit,  non  manianito,twi  IblWi, 
ou  étouffa,  le  cherche  k  flatter  la  mort  par  ces  frivole*  etrooMtaaeea ; 
ou,  pour  mieulx  dire,  k  me  deacbarger  de  tout  aultre  «apMehMBMitT 
afln  que  ie  n'aye  qu'k  m'attendre  k  elle,  qui  me  poiaera  votoatiert 
UMs,  aans  aullre  recharge,  le  veulx  qu'elle  ayt  sa  pari  k  l'aysanee  n 
eoaaodité  de  ma  vie  ;  c'en  e<M  un  ^nd  lupin,  et  d'importance  ;  n 
•^pere  meabay  qu'il  ne  desmentira  pas  le  paaaé...  Puisque  la  AiaU*i<- 
d'an  cbasrun  treuve  du  plus  et  da  moins  en  son  aigreur,  puiaqur 
cbascun  a  quelque  chois  entre  les  formas  de  mourir,  essayons  un  p<-ii 
piaa  avant  d'en  trouver  queiqa'aaa  daaebargea  de  toat  deaplaisir 
Paarroit-on  pas  la  raadre  aacora*  volaptaaaae  comaM  laa  CoaiaK»»- 
rants  d'.Vntnnius  et  de  Claopatra?  etc.  a  Cf.  le  jagaaMat  «U  Nieolc 
sur  Montaigne  (BttatB  de  MoroU,  t.  VI,  p.  »3,  Ptnâitê  éktnm^ 
XXIX,  cité  par  Saiata-Baava,  Port-Bcjat,  t.  II,  p.  S99). 

64 

(XB.,  376;  r.  ^^^    f^i».,  i   «Si    iià« .  iiv.  is.  Voi. .  t.  >> 


a.  C'aal  aae  peniée  de  Montaigne  lui-mv^ige  dont  i^awai  se  t*ti  ici 


SECTION  11.  «7 

•44o)  65 

Ce  que  Montaigne  a  de  bon  ne  peut  être  acquis 
que  difficilement.  Ce  qu'il  a  de  mauvais,  j'entends 
hors  les  mœurs,  peut  être  corrigé  en  un  moment,  si 
on  l'eût  averti  qu'il  faisait  trop  d'histoires,  et  qu'il 
parlait  trop  de  soi'. 

75)  w 

Il  faut  se  connaître  soi-même  *  :  quand  cela  ne 


l'application,  c  La  Tcrité  et  la  raison  lont  communes  à  un  rhascun, 
et  ne  sont  non  plus  à  qui  les  a  dictes  premièrement,  qu'à  qui  les  dict 
après:  ce  n'est  non  plus  selon  Platon  que  selon  moy,  puisque  luy  et 
moy  l'entendons  et  reoyons  de  roesme  »  (I,  a5).  Ailleurs:  «  Chasque 
homme  porte  la  forme  entière  de  l'humaine  condition.  Les  aucteurs  i« 
communiquent  au  peuple  par  quelque  marque  spéciale  et  estrangiere  ; 
moy,  le  premier  par  mon  estre  universel  ;  comme  Michel  de  Mon- 
taigne, non  comme  grannairien,  ou  poëte,  ou  iurisconsulte.  Si  le 
monde  se  plaind  dequoy  ie  parle  trop  de  moy,  ie  me  plainds  dequoy 
il  ne  pense  seulement  pas  h  soy.  »  (III,  a.) 

65 
Cr.  B,  36;;  C,  3i4;  P.  R.,  a/(  .  \\\I.g;Boe.,  I,  i,  7  ;  Pam.,  I,  aSa  ; 
Ha*.,  vil,  7iMoi,  I,  13;  Mk».,  7S0. 

I.  Il,  Tt.  «  le  m'estale  entier. . .  Ce  ne  sont  met  geataa  ifoe  î'Mcris  ; 
c'eat  moy,  c'est  mon  esaence  »  et  II,  x  :  «  (le  sont  icy  mes  fantasiea, 
par  lesquellea  ie  ne  ta«cbe  point  de  donner  k  cognoistre  les  choses, 
OMIS  Boy.  m 

66 

a.  B.,  ai;  C,  60;   Pam.,  I,  aaS;   Ha*.,  XXV,  60;    Mot.,  I,  i54; 
Mm».,  aog. 

a.  Dès  le  premier  ihapitre  de  ■■  Tkàologi*  Mtwttf,  Rayaead 
Sebon  demande  à  l'homme  «  qu'il  coaaeoee  à  te  eogaoMtre  loi  aéwe 
et  sa  nature  a.  MonUi|{iie  à  son  tour  écrit  :  •  Ce  grand  preeepta  ml 
souvent  allègue  en  IMaton  :  Fay  ton  hict,  et  te  cognoy.  Chnean 
de  ces  deui  memhrns  enveloppe  généralement  tout  notre  debvoir,  et 
semblablement  enveloppe  aon  compaignon.  Qui  auroit  k  hire  son 
fnict,  verroit  qa«  M  preaiere  leçoo,  e'eet  eofooistre  ce  qu'il  est,  et 
ce  qui   iny  aat  propre  :  al  q«û  M  eofoin  ■■  pread  plw  U  fciet 


m  PEICStBS. 

servirait  pts  h  trouver  le  vrai,  cela  au  moins  sert  k 
régler  sa  vie,  et  il  n'y  a  rien  de  plus  juste  ' 

8i]  67 

Vanité  des  iciencet.  —  La  science  des  choses  exté- 
rieures ne  me  consolera  pas  de  l'ignorance  de  la 
morale,  au  temps  d'aflliction  ;  mais  la  science  dea 
mœurs  me  consolera  toujoun  de  l'ignorance  des 
sciences  extérieures. 

169)  es 

On  n'apprend  pas  aux  hommes  à  être  honnêtes 


Mlfui^er  pour  le  «ien  ;  •'■¥»«  et  le  eultiTC  mmnl  toata  aaltr*  rkmt  ; 
r«Au«  le*  oceapatioDt  superflues  et  lei  peumm  at  ptopotitioM  iaa- 
UIm.  m  (I,  3  ;  cf.  m,  t3.)  —  De  U  naiioM  A»  Soenita,  Cbarroa, 
après  Raymond  Sebon,  hit  l'introductioa  au  ehriatiaBisme  (cf.  la 
praaier  livre  du  Traité  de  la  Sageau  «  qui  est  U  cogaoiasaaca  da  soy 
et  da  l'humaine  condition  »).  Socrate  ast  an  awltra  da  MgaMa  poar 
Moalaigne,  an  mattre  «  d'honnêteté  a  poar  MilMi  M  poar  Méré. 
Paical  daoMnda  donc  aui  libertins,  qui  toat  aaa  iatarloealana  a(  eaa 
laetaart,  da  ekarrher  k  se  connaître  eux-m^mas  ;  ils  y  oat  iatérét  da 
le«r  poiat  da  rse.  Mais,  une  fois  qu'il  «ura  M  sairi  par  0ax  daaa 
eacia  étada  psfcboiogique,  il  s'efforrera  de  moatrar  ^aa  eatta  dlada 
na  paat  être  la  Térilé  d^flnitiTe,  qu'elle  impliqaa  aa  eoatiaira  daa 
problème*  auxquels  seule  la  religion  peut  répondre,  et  ca  aara  la  poîal 
d^isif  de  l'Apologie  :  m  Mitoa  Toit  bien  que  U  nature  atl  eorroaipaa, 
•I  qaa  les  hoiaaMa  toat  «oattairea  à  l'hoanéteté  ;  aMia  il  aa  sait 
paa  poarqnoi  ils  aa  paavaat  volar  plat  baat  »  (f^.  448). 

I.  Cf.  Nicole,  De  I»  eKariU  tt  de  l'moiÊr-proprt  ;  ék.  xi:  L'aaiaar- 
propr*  éelairé  pourrait  eorriger  tout  lu  éé/tat»  agUritan  dm  «aada.  tt 
former  aaa  $oeiàlé  trt$  rigÙa. 

•7 
a.  B,  «;C,  19;  P.  a.,  XXVIII.  5i;  Bo*  .  1    .t    Û    F»i*     I    108; 
Hat.,  VI,  4i;  Mat.,  1,  is«;  Mica.,  siS. 

68 

a  ».,  4al:  C,  S7S;  P.  a.,  XXIX.  So;  Bas..  I,  n,  U;  Psaa.,  I,  a»; 
Hâv.,  VI,  Ss;  Mat.*  I,  119;  Mica.,  |i4. 


SIECTION  II.  m 

hommes  ' ,  et  on  leur  apprend  tout  le  reste  ;  et  ils  ne 
se  piquent  jamais  tant  de  savoir  rien  du  reste, 
comme  d'être  honnêtes  hommes.  Ils  ne  se  piquent 
de  savoir  que  la  seule  chose  qu'ils  n'apprennent 
point*. 

Quand  on  lit  trop  vite,  ou*  trop  doucement,  on 
n'entend  rien. 

439]  69  bis 

Deux  infinis^  milieu.  —  Quand  on  lit  trop  vite,  ou 
trop  doucement,  on  n'entend  rien. 

iio]  70 

Nature nep...  —  [La  nature  nous  a  si  bien  mis  au 

I.  Cf.  MoBUigne,  I,  35  :  «  On  noni  apprend  à  vÏTre  quand  la  vie 


a.  Cf.  Nicole  :  «  Ce  qoi  est  admirable  est  qa'iU  reconnatMeat  qa'ils 
ont  beaoin  de  nattre  et  d'instruction  ponr  tontes  les  antres  choses  ; 
ils  les  étodieat  avec  quelque  soin  ;  il  n'y  a  qne  la  science  de  lim 
qu'ilt  o'appreaneat  point  et  qu'ils  ne  désireut  point  d'apprendre.  » 
(^Dueoun  tar  la  tUcemti  de  ne  pas  $e  conduire  au  hasard.) 

69 

a.  B.,  8  Us;  C,  9$;  Pam.,  Il,  76;  Hat.,  11  kt;  Mok,  I,  4s  ;  Mn., 

S3. 
3.  Les  fnmian  «oc*  de  l'Aeritare  de  Paaeal,  lee  te«ien  d«  Jomm 

tique. 

69  bis 

a.  B.,  MS;  C,  S49;  Pas*.,  Il,  76;  Hav  .  I,  t  Ut;  Moi.,  I,  4a;  Mmb., 
U. 

70 
a.  B,  Sa«;  C,  S3o;  Psee.,  11.  -ji;  Mei.,  I,  39;  Mmm.,  tSs. 


70 


l'KNSKKS 


milieu  que  ai  uouh  chnngcons  un  cAté  de  U  hê- 
lance,  nous  changeons  aussi  1  autre  :  Je  fetonSt  zôa 
Irékei^.  Cela  me  fait  croire  qu'il  y  a  des  reetorts 
dans  notre  tête,  qui  sont  tellement  disposés  que  qui 
touche  l'un  touche  aussi  le  contraire.] 

«»1  Ti 

Trop  et  trop  peu  de  vin  '  :  ne  lui  en  donnez  pas, 
il  ne  peut  trouver  la  vérité  ;  donnez-lui  en  trop,  de 
même. 

347)  1% 

H.  DisprofMriion*  de  l'f tomme.  —  ^ [Voilà où  nous 


I.  Peasée  barrée,  eo»Mnr4«  parce  qu'elle  était  a«  vtfM»  d'aa- 
tret  fragments  ;  il  r*n»  «acore  aa  p  apréa  ut  :  le  aene  ait  «pie  la 
Nature  ne  peut  •'arrAteraai  evlréme*.  —  De  celle  loi  d'Mcillalioa  qai 
•eaable  révéler  romme  un  jeu  de  contrep<>id«  dan*  aotre  aiécaaiaaM 
intellectuel,  l'aM-al  donne  re  rurieus  exemple  :  En  fraa^ia,  taivaat 
un  UMge  qui  a'eat  couerré  dans  pln«  d'un  patois,  le  sajet  aingalier 
je  est  arooaipagaé  da  varba  aa  plariel,  taadis  qa'aa  gme,  coaMM 
l'indique  l'exaaipla  clawiqaa  :  le»  cmmau»  court,  avec  le  sajet  au  plu- 
riel neutre  on  met  le  varba  aa  nagalîar. 

7« 

a.  B.,  9;  C.  >3;  Fâva,  III,  7S;  Hsv.,  1,  1  far;   Mes,  I,  4>;lliea., 
61. 


S.  IJ 


a.  B,  gt;  c.  117;  P.  R,  XXII:  XXXI,  aS;  Bas.,  I,  ir,  1  ;  I,  n,  t4, 
s6;  F*M.,  11,  63;  Hst  ,  1,  1  ;  Moi.,  1,  a& ;  Miea.,  «aa. 

>  Pascal  avait  d'abord  écrit  laavpaelW.  aa  mm  prnpra  da  mal; 
il  a  écrit  Pisproportion  (une  rapacité  Saia  aat  dkprepefUe«aéa  4  la 
double  inSnité  da  la  nature),  rc  qui  arcaaa  aaeora  liai  l*itatioa  da 
«•  mayaiSqua  dlvlappwat  «  sar  lat  daat  iaflais  a,  la  plaa  laag  al 
la  plas  aebavé  dai  frafaau  da  VApologi».  La  faaèaa  aa  a«  fceila  à 
«^ttqaar,  par  la*  aaapmau  fciu  h  Moauifaa  al  k   h  frétea  d« 


SECTION  II.  71 

mènent  les  connaissances  naturelles.  Si  celles-là  ne 
sont  véritables,  il  n'y  a  point  de  vérité  dans  l'homme  ; 
et  si  elles  le  sont',  il  y  trouve  un  grand  sujet  d'humi- 
liation, forcé  à  s'abaisser  d'une  ou  d'autre  manière. 
Et,  puisqu'il  ne  peut  subsister  sans  les  croire,  je 
souhaite,  avant  que  ^  d'entrer  dans  de  plus  grandes 
recherches  de  la  nature,  qu'il  la  considère  une  fois 
sérieusement  et  à  loisir,  qu'il  se  regarde  aussi  soi- 


Mlle  de  Cfournay,  surtout  par  ce  passage  du  chapitre  i,  35  (D«  l'Insti- 
tution des  enfants  :  «  Qui  se  présente  comme  dans  un  tableau  cette 
grande  image  de  nostre  mère  nature  en  son  entière  maiest^  ;  qui  lit  en 
ton  visage  une  si  générale  et  constante  variété  ;  qui  se  remarque  là 
dedans,  et  non  soy,  mais  tout  un  royaume,  comme  un  traict  d'une 
poincte  tres-delicate,  celuy  \h  seul  estime  les  choses  selon  leur  iuste 
grandeur.  Ce  grand  monde,  que  les  uns  multiplient  encores,  comme 
espèces  soubs  un  genre,  c'est  le  mirouer  où  il  nous  fault  regarder  pour 
nous  cognoiitre  de  bon  biais,  n  Mais  k  ces  pensées  de  Montaigne  déjà 
imitées  par  (ihamtn  (.Sof/rsic,  II,  il,  7)  se  suspendent  tout  de  suite,  pour 
le  mntliémulicien  qu'est  Pascal,  les  réflexions rfr  l'esprit gèomètrufue  sur 
l'inRuiinciit  (^rand  et  sur  l'infiniroent  petit,  avec  les  étonnements  où 
elles  jctiiient  Méré  et  qui  »<>nndalisaicnt  Pascal.  (l'est  sur  un  fond 
de  démonstration  géométrique  que  t'enflamment  l'imagination  et  la 
patsion  de  Pascal. 

4.  Dans  l'édition  de  Port-Royal,  le  passage  barré  que  nous  repro- 
duisons ci-4l«ssus  entre  crochets  est  remplacé  par  les  lignes  suivantes  : 
c  La  première  <-lio«e  qui  s'oiïre  à  l'homme  quand  il  te  regarde, 
c'est  ton  corpn,  c'rsl-ù-dire  une  certaine  portion  de  matière  qui  lui 
etl  propre.  Mais,  pour  comprendre  ce  qu'elle  est,  il  faut  qu'il  la 
compare  avec  t4)ul  ce  qui  est  au-dessus  de  lui  et  tout  ce  qui  est  au- 
deMOtia,  afin  de  reconnaître  ses  justes  bornes.  Qu'il  ne  t'arrête 
donc  pat  k  regarder  timplement  les  objett  qui  l'environnent.  Qu'il 
contemple  »,  etc. 

I.  [L'bomm».] 

a.  [Dt  pmÊÊêr  entré  M.)  —  Patcil  se  prop<M«  d'arrêter  le  savant 
dogmatique  en  tiraot  argument  de  cette  science  nuéme  par  laquella 
l'homme  prétend  faire  la  conquête  et  pénétrer  les  tecreU  de  la  natare. 
Ou  celte  science  est  fautae,  et  l'homme  est  incapable  de  vérité  ;  ou 
elle  eM  vraie,  et  aile  écrate  l'iiomm*  tOM  la  double  iafiait4  de  Ut 
aature. 


71 


PENSÊBS. 


même,  et'  connaissant  quelle  proportion  il  y  a...]  Qne 
l'homme*  contemple  donc  la  nature  entière  dans  aa 
haute  et  pleine  majesté,  qu'il  éloigne  sa  vue  deaobjeta 
bas  qui  l'environnent  '.  Qu'il  regarde  cette  éclatante 
lumière,  mise  comme  une  lampe  éternelle  *  pour  éclai- 
rer l'univers  que  la  terre  lui  paraisse  comme  un  point 
au  prix  du  vaste  tour*  que  cet  astre  décrit*  et  qu'il 
s'étonne  de  ce  que  ce  vaste  tour  lui-môme  n'est 
qu'une  pointe  très  délicate^  à  l'égard  de  celui  que 
les  astres  qui  roulent  dans  le  firmament  embrassent. 
Mais  si*  notre  vue  s'arrête  là,  que*  l'imaginatioo 
passe  outre  :  elle  se  lassera  plutôt  de  concevoir'*,  que 
la  nature"  de  fournir".  Tout  ce  monde  visible  n'est 


I.  [Jmgt  tù  ■  gtlgt  rraporttom  «rae  «Ht  par  !■  MMparalHa  ^fttl 
Htm  é»  em  tfMur  oblata.] 
a.   [CoBMidén.] 

3.  [on'ii  réuoO»  à  cm  tmu  lùaombrmUm  «al  roalMt  at  Binmmt  mr 
M,  qm  oMt  Immmm  <!■■<■■  éê  fao/vcrt  faf  panim»  (M  tmm  (omm 
VMM  rosit  «MtoaoMIdtfdrflMaM  tour.]  — Cf.  Mont  :  «Qoi  iay  apcr^ 
«udé  qae  le  bnule  adminible  de  la  voalto  e«l«tte,  b  Iwaicr*  «tar- 
■•Ile  et  OM  fludMaax  rouUnu  ti  SerMMat  êot  m  tMte,  !«  momt^ 
wttmU  flipemtabiM  de  ceUe  mtr  ieflaie,  tojeet  eMeUiâ...  pov  m 
oewBodhé  »  (Apot.). 

4.  \âq  œairt  de]  rnoiTen  («■•  ao«]  veate  toer. 

5.  Qatallel 

6.  (Loi /aaaa  rvffarierlBMrre  aeaaeHpe<M...MfweevMieloarM' 
aHm»  ee  aeli  ooaaiâér4  qm comm»  wa  poUu  [pour  mmê  polam  lrieMMaeM.| 

7.  CoBiae  oa  le  voit,  Pascal  a  «abatitaé  ea  teraM  abatfmil  point 
l'aipiaaiioa  eonetèU  de  pointti  délioêU  a  le  mbs  de  /lar,  oà  il  eat 
■oias  BiiU  e^joafd'hai.  L'eipreîrioa  appartient  d'aillean  à  Moauifae 
(t,  a5,  eitA  plu*  iiaet). 

8.  (m  a'aiT«ia  là  m  rm  (a'arrMow  potol  iâ  ae<r«  vw.) 

«•  l*»») 
10. 
11. 

la.  e  La  aatara  paat  talaÎMaat  pla»  q—  l'art  a  (M/êxitm  WÊT 
fewrjl  téottêlfivttj  » 


[orm. 


SECTION  II.  73 

qu'un'  trait  imperceptible  dans*  l'ample  sein  de  la 
nature.  Nulle  idée'  n'en  approche*.  Nous  avons  beau 
enfler  nos  conceptions,  au  delà  des  espaces  imagina- 
bles ^  nous  n'enfantons  que  des  atomes,  au  prix  de 
laréalité  des  choses*.  C'est  une  sphère'  infinie  dont 
le  centre  est  partout,  la  circonférence  nulle  part*. 
Enfin  c'est  le  plus  grand*  caractère  sensible  de  la 
toute-puissance  de  Dieu  que  notre  imagination  se 
perde  dans  cette  pensée. 

'"Que  l'homme",  étant  revenu'*  à  soi,  considère 


I.   [Polat[Mtom0.] 

9.  [Le  rajte  (i'/mmeiiM  [l'ampUtade.] 

3.  [Nt.\ 

4.  [NooM  n'IauglaoBê.] 

5.  Au  delà  des  espaces  imaginables,  furcharge. 

6.  [Oturunitade  tattnie...] 

7.  [ÉtOattMBU.] 

8.  Havet  a  fait  l'histoire  de  cette  célèbre  comparaison,  il  l'a 
retrouva  dans  des  rerueils  du  moyen  Age  où  elle  est  attribuée  h 
Empédocle,  et  quelquefois  aussi  k  Hermès  Trismé^ste.  Fin  tout  cas 
pascal  avait  lu  la  l'réfacr  de  Mlle  de  (f  uurnay  aux  Essais  de  Montaigne  : 
«  Trisniégiste,  y  est-il  dit,  appelle  la  Déit^  cercle  dont  le  centre  est 
partout,  la  circonft^rence  nulle  part.  »  CF.  Giordano  Bruno  :  «  L'uni- 
ver*  n'est  que  centre,  ou  plutôt  son  centre  est  partout.  Sa  circonfiérence 
n'eat  nulle  part.  »  De  la  Causa,  Principio  et  Lno  (4*  dialogue)  d/Mid 
Biirth(ilme«,«,  Jordano  Bruno,  t.  II,  p.  l45.  —  Dans  l'ouvrage  de 
M.  Couturat  sur  V Infini  mathématique,  l8g6  (p.  199),  M  trouve  un 
rapprochement  fort  inléresaaat  entre  la  fomule  de  Pascal  et  les 
notions  inflnitittea  de  la  géométrie  projective  :  c  Le  centre  du  plan 
Mt  partout,  car  l'origine  est  un  point  quelconque  pris  k  volonté  dans 
le  flni  du  plan  ;  la  cireonfér«iio«  du  plan  n'est  nulle  part,  car  si  on 
l'imagine  dans  le  Ani,  on  toppOM  la  plan  limité,  ce  qui  est  contraire 
I^  «on  id^e  ;  et  si  on  la  conçoit  rejetée  h  l'inHni,  ce  s'ait  pins  une  rir> 
ronf^rrnce  ;  c'est  une  droite  ou  un  point.  » 

9.  |Oea.| 

10.  \Malê  pour  oooa.)  —  A  la  page  348  da  ■aaoaent. 

11.  I..e  mouvement  de  c«  fragneat  M  retroava  daas  la  S«ùntt  Plùlo' 
Sophie  de  du  Vair  :  «  Qaa  l'boaiaM  t'arrêta  aa  paa  k  aoÎHaéaia...  a 
Mais  l'inspiration  da  da  Vair  aal  toole  ratioaalùla  at  tout  optiaiiata. 

13.  (Oaaaeatia.) 

PtKtftM  01  PASCAL.  I  —  15 


:\  PENStES. 

ve  (|u  il  o>t  .111  prix  de  ce  qui  est*,  qu'il  se  regarde 
comme  égaré  dans  ce  canton 'détourné de  la  nature'  ; 
et  que  de  ce  petit  cachot  où  il  se  trouve  logé,  j'en- 
tends l'univers  *,  il  apprenne  à  estimer*  b  terre,  les 
royaumes,  les  villes*  et  soi-même  son  juste  prix. 
Qu'est-ce  qu'un  homme  dans  ^  l'infuii  ? 

Mai»  pour  lui'  présenter  un  autre  prodige  au.ssi 
étonnant,  qu'il  recherche  dans  ce  qu'il  connaît  les 
choses  les  plus*  délicates".  Qu'un  ciron"  lui  olTrc 


I.   «  Veoyont  si  nous  aTons  quelque  peu  plus  de  clarté  en  i  < 
nnce  des  choses  humaines  et  naturelles.  »  Mont.,  Apol. 

a.  Canton  avait  originellement  dans  la  langue  frna(«iM  U -^ 

«MA. 

3.  [DmoM  rimmtam  Oantf—  dm  eftoM*.  et  qu'U  têtomaê  ê»  m  fw  éam 
M  petit  oaeftot  oA  il  M  lro«T*  logtf  (rtftoone  «m  rmaittn  mtatiré  [mtp» 
de  ee  eeebot  où  U  m  mwre  logé  (et  logé  éom  m  petft  Piefcet  «iri  ■•  M 
dtowif  te  VM  «se  de  rvatton  gwt  M  iiirelweli  d*aae  grmaâmir  ai  dMa- 

M  fpl  (ea  Um  qm  M  qal  a'mt  qWaa  potoi  [aloaM  taenelMe  dtae 
rfittle  dee  efeeeee.  Pv  là  a  epprendra.)  —  Peeeel  •'«et  eiw- 
vcaa  de  lioatatgne  :  «  Tu  ne  Teois  que  l'ordre  et  U  police  de  ce  petit 
eavean  eàta  es  logé...  cette  pièce  n'est  rien  .nu  prix  Hii  innt    n  (  \pot.) 

4.  JVntofwif /'ufiMen,  en  surcharge. — Cf  ^  firi- 
luellet,  tx)  :  «  Qtt'eet-c*  que  toute  la  terro  ^  oob- 
ticnt,  selon  tous  les  mathématiciens,  qu'un  point,  et  qn'esi-allc  Mioa 
l'Ecriture,  qu'une  prison  }  » 

5.  (L'nnirera  «n'ii  Mooorre  (le  terre  eollére  (le  eM.) 

6.  (Lee  meteom  ) 

7.  [lo  MOV*.) 

8.  [rtbr:] 

9.  (faperoaptfMea.) 

10.  M.  HauMd  a  signalé  une  imiution  de  e«  peeeef*  par  Boaaaet 
dans  le  Troiti  du  libre  arbitre  :  «  Comme  la  gmadear  peot  être  eesçac 
•'angaieater  joeqn'i  l'inAni  sans  détruire  la  raison  du  corps,  il  fbut 
juger  de  •#■•  de  la  petitesse.  >  (Cf.  Haufeld,  Pateal,  Fans  igoi). 
PeeenI  «t  également  imité  de  très  près  par  Fénelon,  TroiU  i»  Team* 
leaee  dt  Dim,  f*  partie,  cb.  11  tubfiiu,  et  par  La  Bnifèra,  iet fi^prte 
/ortt. 

1 1 .  Le  eiroa  «et  aa  iaearte  qai  paaaait  poar  la  plw  patil  dae  aai- 
BMax  Ytaiblas  A  l'oril  aa  et  qai  était  aiati  dertaa,  avaat  riaveatioa 


SECTION  M.  75 

dans  la  petitesse  de  son  corps  des  parties  incompa- 
rablement plus  petites,  des  jambes  avec  des  join- 
tures, des  '  veines  dans  ces  jambes,  du  sang  dans 
ces'  veines,  des  humeurs  dans  ce  sang,  des  gouttes 
dans  ces  bumeurs,  des  vapeurs  dans  ces'  gouttes; 
que,  divisant  encore  ces  ^  dernières  choses,  il  épuise 
ses  forces  en  ces  conceptions,  et  que  le  dernier  objet 
où  il  peut  arriver  soit  maintenant  celui  de  notre  dis- 
cours*: il  pensera  peut-être  que  c'est  là  l'extrême^'' 
petitesse  de  la  nature*.  Je  veux  lui  faire  voir  là- 
dedans  un  abtme'  nouveau.  Je  lui  veux  peindre 
non  seulement  l'univers  visible,  mais  l'immensité' 
qu'on  peut  concevoir  de  la  nature,  dans  l'enceinte 
de  ce  raccourci  d'atome.  Qu'il  y  voie*  une  infi- 
nité'"d'univers,  dont  chacun  a"  son  firmament,  ses 


du  micnHicope,   le  symbole  de   l'infiniment  petit.  Liltr^  cite  cet  vert 
de  la  Chronii^ue  de  Du  Guetclin  (iS.gii)  : 

Et  eilz  Frnii(;<M<i  droit  là,  c'estoient  bon  Brelon 
Qui  ne  prisent  Euglois  la  queue  d'un  siron. 
Mooui^e  emploie  h  diverses  reprises  eiron  à  ce  sens  (cf.  fir.  QaS  et 
la  BOte)  ;  l'eipression  m  retrouve  rhes  La  Fontaine,  chex  Voltaire 
et  jusque  chez  Béraager.  Cf.  Malebranche,  Hecherehe  de  la  vérité,  I, 
▼I,  I  :  «  l/eipérieae«  Dout  a  déjà  détrompés  en  partie  eo  nout  hiMnt 
voir  dea  animaux  mille  fois  plus  petits  qu'un  ciron  »,  eU. 

I.  (iverft.j 

3.  [Mu-n] 

3.  (jroamn.  Qu'il.) 

4-  |OoatfM.| 

5.  La  fln  de  la  phrase  en  saroharge. 

6.  (/•  venx  lai  «n  mocuw  riallale  grmaàmv.\ 

7.  |D#  grmadmr] 

8.  |Iiiooaoevai>ie.| 

9.  Qu'il  j  voie  en  surcharge. 

10.  (De  leadee.  daae  efeaona  oae  imtlmHé  de.) 

11.  PreaMèra  rédaction  :  |aaj  firmament,  (dee)  planètes,  («m]  terre  ; 
dans  cette  terre  des  aaimaut  et  des  cirons. 


n  PBNStlS. 

planètes,  n  terre,  en  la  m^me  proportion  que  le 
monde  visible  ;  dans  cette  terre,  des  animaux,  et  enfin 
des  cirons*,  dans  lesquels  il  retrouvera  ce  que  les 
premiers  ont  donné  ;  et  trouvant  encore  dans  les 
autres  la  même  chose'  sans  fin  et  sans  repos',  qu'il 
se  perde  dans  ces  merveilles,  aussi  étonnantes  dans 
leur  petitesse  que  les  autres  par  leur  étendue*  ;  car 
qui  n'admirera  que  notre  corps,  qui  tantAt  n'était 
pas  perceptible  dans  l'univers,  imperceptible  lui- 
mrmc  dans  le  sein  du  tout,  soit  à  présent  un 
colosse  *,  un  monde,  ou  plutôt  un  tout,  à  l'égard  du 
néant  où  l'on  ne  peut  arriver*? 


I .  [St  Oaa»  OM  dromB  mm  follalM  éTmatftn  êmMÊàlm  à  «mut  «a*!! 
vttat  d'êttuadn.  M  tomtoan  àm  ému  ^otomâaun  pÊntOm,  mmt  tin  «t 
MiM  Ttpoa.\ 

I.  [Il  M  p«rdr«.) 

3.  A  la  paf*  35 1  daman  II 
êm  Utoam,  lagaaHt  qaleooqiic 

«0*11  état  («t  cura   on  |la  rm^tak  pour  I*  aalura  M  poitt  aM  1»  mépriê  à 
pas  préê  qa'U  doit  aroir]  qvi  m»  m  ptrén  é»m  ma  pttttm.] 

4.  C«r  n  aarebarge. 

5.  ]lUftplMM.( 

6.  Paical  M  Marient  naaifeataoMnt  ici  d'une  Icttr*  ^< 
éeririt  en  t654  contre  l'inBnie  diviaibililé  de  l'eapaca  •€  n--    ■  ,    - 
eonne  hit  Paical  ici  m^me  de  l'étendue  abstraite  h  l'anivart  concret  : 
a  Je  voa«  demande  encore  h  root  coroprenes  diatinctMMOt  qo'en  la 
cent  millième  partie  d'un  ^ain  de  pavot,  il  j  pèt  avoir  nn  monde, 
■on  aeolemmu  eomae  celait,  mai»  encore  toss  ee«s  qa'Épicure  a 
■oayét.  Pe«Y«»-vo«a  eoipc— 4f>  dans  «•  li  petit  «epeee  la  différence 
et»  greadenra,  celle  dea  aoavemenu  et  de*  dittaneea,  de  combien  le 
•oleîl  eM  pin*  ^rand  i|ae  ee  petit  animal  qui  luit  qoel^veAm  dan«  la 
■«il,  et  de  combien  U  vive  clarté  de  ce  greod  oalre  aarmeMe  r<>ti<> 
Ibible  Imitf  ?  Ponves-TOtu  coaceroir  •■  ee  petit  Mpaee  de  rombir»  ir 
eoMI  va  plu  vite  qrn  Selanie,  o«  ai  le  eoleil  eM  ioMaoh 
yielq— ■  ■■■  ea  toat  pariaadéa.  Poartiea-voaa  aapfalar,  •> 
Arehimède,  ea  aa  liea  m  aerré,  de  coibiea  le  aieatamam  da  bouirt 
^!  tort  da  eeaoa  earpame  l'allara  d'aae  tortae  ?  Treaverea  loaa  dan« 


SECTION  II.  77 

Qui  se  considérera  de  la  sorte  s'effraiera  de  soi- 


on  coin  si  étroit  les  justes  proportions  des  éloi^ements,  de  combien 
les  étoiles  sont  an-deiMM  de  la  terre  au  prix  de  la  lune  ?  Mais  sans 
aller  si  loin,  voas  poorei  tous  figurer  dans  ce  petit  monde  de  rotre 
fiiçoa  la  Mrface  de  la  terre  et  de  la  mer,  tant  de  profDnds  abîmes  dans 
Tnae  «(  daos  l'antre,  tant  de  montagnes,  tant  de  râlions,  tant  de  fon- 
taines, de  ruisaeanz  et  de  fleures,  tant  de  campagnes  cultirées,  tant 
de  moissons  qui  se  recueillent,  tant  de  forêts,  dont  les  unes  sont  debout 
et  les  autres  coupées,  tant  de  villes,  tant  d'ouvriers  dont  les  uns 
bâtissent,  les  autres  démolissent,  et  quelques-uns  font  des  lunettes 
d'approche  qui  ne  laissent  pas  de  servie  parmi  ces  petits  hommes, 
perce  que  leur*  yeux  et  tons  leurs  sens  sont  proportionnés  à  ce  petit 
■onde  ?  Qaoi  donc,  tons  ces  voyages  de  long  cours,  ces  grands  et  ce* 
pei  <iix  qui  ^>nt  le  tour  du  monde,  et  dont  les  uns  sont  si  bons 

vo  >  ne  craignent  point  les  corsaires  ;  ce  grand  nombre  de 

coiuImu  sur  la  terre  et  sur  la  mer  ;  la  bataille  d'.\rbelles,  où  le  roi  de 
Per«e  fot  vaincu  au  milieu  de  deux  cent  mille  chevaux  et  de  huit  cent 
mille  hommes  de  pied,  sans  compter  tant  de  chariots  armés  !  Consi- 
dères aussi  la  bataille  de  Pharsale,  où  César  mit  Pompée  en  fuite  ; 
et  celle  qu'Aagaaie  donna  snr  la  mer,  où  tant  de  vaisseaux  Fureat 
brâlés  et  toutas  les  forces  du  Levant  dissipées.  La  bataille  de  Lépaata 
me  semble  encore  plus  considérable  en  ce  petit  monde,  à  cause  du 
grand  bruit  de  l'artillerie  :  et  cet  épourantable  combat  des  souris  et 
des  grenouilles  qu'Homère  a  chanté  d'un  si  haut  ton  !  En  vérité, 
Mobsienr,  je  ne  crois  pas  qu'en  votre  petit  monde  on  pAt  ranger  daas 
nne  juste  proportion  tout  ce  qui  se  passe  en  celui-ci,  et  dans  un  ordre 
si  réglé  et  sansembarms  ;  Mutont  en  des  villes  si  serrées,  l'on  devrait 
bien  craindre,  pour  le  daogar  das  aabraaaaaeats,  de  foira  des  fenx  de 
joie,  et  de  fondra  des  canons  et  des  cloebas.  Peaaes  aosa  qa'aa  cac 
univers  de  si  pan  d'étendue  il  se  trouverait  das  g^éossèCras  de  voCia  sa»- 
timent,  qui  foraiaat  oa  iKiada  aussi  petit  au  prix  du  leur  que  l'asl 
celui  que  vous  tormta  aa  comparaison  du  n^tre,  et  que  ces  dimina- 
tions  n'auraient  point  de  fin.  Je  vous  en  laisse  tirer  la  eons^aaMca...  » 
—  La  logique  de  Port-Royal  se  souvient  de  Pascal,  at  pant-Mre  aaan 
.l<-  M> f  (  >'!.  I  ooyaa  da  eoapraadra  que  le  plus  petit  grain  de 
iii.iti. f  ^<Mi  (liMMblaà  riaiai,  at  qoa  l'on  ne  puisse  jaaMÎs  arriver  A 
un.-  p  irtie  si  petite,  q«a,  aos  «aalasMat  elle  n'en  aafonaa  plasiaaw 
.luin-s,  mni*  qu'elle  n'en  aafonaanaa  infinité  ;  que  la  plus  petit  graia 
d«!  blé  enferma  an  soi  autant  de  parties,  quoique  h  proportion  plus 
petites,  que  le  monde  entier  ;  que  toutes  les  figures  imaginables  s'y 
trouvent  actuellement,  et  qu'il  contienne  en  soi  un  petit  aM>ada  avae 
toulas  sa*  parties,  ua  soleil,  un  cial,  das  étotlas,  «las  plaaètaa,  aaa 


78  PBNSftKft. 

mAmc  .  .1.  <  «  «>n!(idërant  soutenu  dans  la  masse 
que  la  nature  lui  a  donnée,  entre  ces  deux  abîmes'  de 
l'infini  et  du  néant,  il  tremblera  dans  la  vue  de  ses 
merveilles  :  et  je  crois  que  sa  curiosité  se  changeant 
en  admiration,  il  sera  plus  disposé  11  les  contempler 
en  silence  qu'à  les  rechercher  avec  présomption. 

Car,  enfin,  qu'est-ce  que  l'homme  dans  la  nature? 
Un  néant  à  l'égard  de  l'infini,  un  tout  à  l'égard  du 
néant,  un  milieu  entre  rien  et  tout.  Infiniment  éloi- 
gné de  comprendre  le»  extrêmes,  la  fin  des  choses 
et  leur  principes  sont  pour  lui  invinciblement  cachés 
dans  un  secret  impénétrable  *.  également  incapable 
de  voir  le  néant  d'où  *  il  est  tiré,  et  l'infini  où  *  il  est 
englouti. 

Que  fera-t-il  donc,  sinon*  d'apercevoir  [quelque] 
apparence  du  milieu  des  choses  \  dans  un  désespoir 


terre  daai  uoe  jiuieMe  admirable  de  proportions  ;  et  qa'il  u'j  ait 
•aenae  des  parties  de  ce  grain  qui  ne  contienne  evcore  ■•  aMMide 
proportioaael  !  Quelle  peut  ^tre  U  partie  dans  ce  peik  aonde,  qai 
répond  à  la  grotaear  d'un  grain  de  bl^,  et  quelle  cAojaMe  JiférMce 
doit-il  y  avoir,  afln  qu'on  puiue  dire  v^ritableaaMlt  ^«c  en  ^'Ml  ■■ 
grain  de  bl^  à  l'égard  du  monde  entier,  cette  partie  l'ait  à  l'égard 
d'un  grain  de  h\è  }  Néanmoins  celle  partie,  dont  la  petitCM*  aca*  eM 
d^jk  incomprébenùble,  contient  encore  un  autre  moada  proportionnel, 
et  ainsi  à  l'infini,  sans  qu'on  ea  puisse  trouver  ancaa*  qai  a'ait  autant 
de  parties  proportioaaailas  qae  toat  la  aMtade,  ^aalqaa  étam4m»  qa'oa 
lai  doaae  a  (4*  part.,  ek.  i). 

I.  [n  «ara  pour  la  aaiare.) 

9.  (Da  ««aatl 

3.  joae  poarra-t-u  àmo  aemaamir  r  aera-ea  rimttmi.  M  fal  a«  Saratf  t 
•ira-m  le  adaat  r  m  «si  aa  «ra.  Ijaleaiiai  ) 

4.  (Toal  an  tirt.] 

6.  (iraairavaftr.) 
7-  (aaae  a^p*aaca.) 


SECTION   II.  7» 

éternel  de  connaître  ni  leur  principe  ni  leur  fin? 
Toutes  choses  sont  sorties  du  néant  et  portées  jus- 
qu'à l'infini  '.  Qui  suivra  ces  étonnantes  démarches? 
L'auteur  de  ces  merveilles  les  comprend.  Tout  autre 
ne  le  peut  faire*. 

^  Manque  d'avoir  contemplé  ces  infinis  \  les  hom- 
mes se  sont  portés  témérairement  à  la  recherche  de 
la  nature,  comme  s'ils  avaient  quelque  proportion 
avec  elle.  C'est  une  chose  étrange  qu'ils  ont  voulu 
comprendre*  les  principes  des  choses,  et*  de  là  arri- 
ver jusqu'à  connaître  tout,  par  une^  présomption 
aussi  infinie  que  leur  objet  ;  car  il  est  sans  doute 
qu'on  ne  peut  former  ce  dessein  sans  une  présomp- 
tion ou  sans  une  capacité  infinie,  comme  la  nature*. 


I .  Qui. . .  dimarehes  ?  eo  surcharge. 

3.  (o*  OM  âmu  iÊliatÊ  é»  matmrm,  m  anmJÊmr  M  m  ^mHhm.  rhommt 
«■  ooaç€ttt  piM  alaimtmt  ottaf  d*  gramdêar  gat  Mtaf  tf«  pMttmae.] 

3.  A  la  page  35)  du  manuscrit.  —  [L'bomma  faat.) 

4.  [L'bomm»  Ê'nt.] 

5.  [^aa«iia.i 

6.  [Mêma  mrrirer  à  ()na«u«.  | 

7.  jr«B4riU.] 

8.  Quoique  Patral  parie  enrore,  (voir  le  fr.  3 18),  comme  ai  le 
v>leil  et  le«  actr««  tournaient  autour  de  la  terre,  on  voit  aaaei  combien 
le  touchent  les  r^r^lation»  de  la  icience  moderne  wr  l'uniTer*  exté- 
rieur :  ••  Que  Mvail-on  de  l'infini,  avant  if>oo?  rien  du  tout.  Rien  de 
l'infiniment  grand,  rien  de  l'infiniment  petit.  La  page  célèbre  de  Pa»- 
imI,  tJint  rit^e  »ur  ce  Mijel,  e*t  Tâtonnement  naiFde  l'humanité,  si 
M>'>ll>'  pt  si  jeune,  qui  commence  à  l'apercevoir  de  n  prodigteuM 
ii;ii'>i  Mire,  ouvre  enfin  les  yeui  au  réel  et  «'éveille  entre  deax  aUmee. 
l'ervinne  n'ignore  qu'en  i6lof>Mlilée,  ayant  re^'U  de  Hollande  le  verre 
gr«>««i&unl,  construisit  le  télescope,  le  braqua  et  vil  le  ciel.  Mais  on 
sNil  nir>in«  communément  que  Swammerdam,  s'emparant  avec  génie 
du  mirruv<>|io  ébauché,  le  touma  en  bas,  et,  le  premier,  entrevit  l'in- 
finiment vivant,  le  monde  de*  atomea  animés  !  lia  se  soceèdent.  A 
IVf>.ii|iic  où  meurt  le  grand  Ii^tlirn  (|63)),  naît  >*«*  Ilitllanddis.  le  («a- 


M> 


PBNSÊB8. 


Quand  on  est  instruit,  on  comprend  que'  b  na- 
ture ayant  gravé  son  imago  et  celle  de  son  auteur 
dans  toutes  choses,  elles  tiennent  presque  toutes  de 
sa  double  infmité.  C'est  ainsi  que  nous  voyons  que 
toutes  les  sciences  sont  infinies  en  l'étendue  de  leurs 
recherches  ;  car  qui  doute  que  la  géométrie,  par 
exemple,  a  une  infinité  d'infinités  de  propositions  à 
exposer?  Elles  sont  aussi'  infinies  dans  la  multitude 
et  la  délicatesse  de  leurs  principes  ;  car  qui  ne  voit 
que  ceux  qu'on  propose  pour  les  derniers  ne  se 
soutiennent  pas  d'eux-mômes,  et  qu'ils  sont  appuyés 
sur  d'autres  qui,  en  ayant  d'autres  pour  appui,  ne 
souffrent  jamais  de  dernier?  Mais*  nous  faisons  des 
derniers  qui  paraissent  à  In  raison  comme  on  fait 
dans  les  choses  matérielles,  où  nous  appelons  un 
point  indivisible  celui  au  delà  duquel  nos  sens  n'aper- 
çoivent plus  rien,  quoique  divisible  infiniment  et 
par  sa  nature  \ 


lil^  de  l'inSninent  petit  (i63^).  »  (Mirhelel,  l'ItOfeU,  riii,  rit/  p«r 
Havet.)  L«  pent^  de  Puaral  derance  la  dfrouTWtc  da  Swa»- 
■Mrdaa,  dont  il  aat  inutile  de  dire  b  Meoadité  apria  l«a  travavs  d« 
Paatrar. 

I.  (rooiea  Jea.] 

s.  [ÉlaadMa.| 

3.  (CoaMw  aom  «fi^aloM  tfaa*  la  Mjnffw)  «oaa  (■•]  fkiaoM  (fat)  ém 
d«f«i«i«  mm  (aoaB.] 

4.  PaaMl  avait  janillé  cette  eoaecfNkw  daM  tas  RèJLtmkm  «r 
VBtprit  féomitriqmr  :  «  Qu'y  a-t-îl  de  ploa  abewde  q««  6»  ptHMmàn 
qa'ea  dtTtaaat  toajoun  un  eapnce,  on  arriva  aaia  k  ana  divtâen  talla 
^'an  b  diTtanni  an  denv,  cbacana  daa  aMitida  raaia  ia^hriiiMa  al  anaa 
aac«aa  élandaa,  et  qa'ainai  oaa  dan  adanla  d'Itandna  êmmu  ■■■awhla 
MM  éwdna  ?  Car  ja  voadmia  daiander  k  etmM  ^  oal  eaue  idée, 
B*fla  eoBfoivaal  naOaaaat  qna  daai  indiviaiblaa  aa  Umèkftan  :  ■  c'aM 
pailMtt,  Ua  M  aont  qn'naa  mimt  ékom,  a(  parunt  laa  da«i  aaaaable 


SECTION  II.  M 

De  ces  deux  infinis  de  sciences,  celui  de  grandeur 
est  bien  plus  sensible,  et  c'est  pourquoi  il  est  arrivé 
à  peu  de  personnes  de  prétendre  connaître  toutes 
choses.  Je  vais  parler  de  tout,  disait  Démocrite'. 

'Mais  l'infinité  en  petitesse  est  bien  moins  visible. 
Les  philosophes  ont  bien  plutôt  prétendu  d'y  arriver, 
et  c'est  là  où  tous  '  ont  achoppé  *.  C'est  ce  qui  a 
donné  lieu  à  ces  titres  si  ordinaires.  Des  principes 
des  choses,  des  principes  de  la  philosophie*,  et  aux 
semblables,  aussi  fastueux  en  effet,  quoique  moins 


•ont  indÏTicibles  ;  et  «i  ce  n'est  pas  partout,  ce  n'est  donc  qu'en  une 
partie  :  donc  ils  ont  des  parties,  donc  ils  ne  sont  pas  indivisible*.  Qae 
s'ils  confesaent,  coasae  en  effet  ils  l'avouent  quand  on  les  presse,  qoe 
leur  proposition  est  aasai  ineoncevable  que  l'autre,  qu'ils  reconnai»- 
seat  qae  o«  n'est  pas  par  notre  capacité  à  concevoir  ces  choses  que 
•ou  derOM  jager  de  leur  v^rit^,  puisque  ces  deux  contraires  étant 
toM  étmx  toeoncevables,  il  est  néanaioins  nécessairement  certain  que 
l'an  dM  dm»  est  vériuble.  » 

t.  Mont.,  Apot.  :  m  De  mesme  inpadsoee  9ti.  oetle  prowesae  dn 
livre  de  Democritus  :  Je  m'en  voys  parlar  et  toote*  ckiMe*.  »  D'après 
Cit.,  Aead.,  II,  a3. 

3.  A  la  page  355  du  oMnascrit,  avae  rappel  du  titre:  (faonyafrt.) 
DùproportiM  ée  Vhomim.  —  (Oatre  «at  tfmi  \pm  (de  gtatn  (d'à*  perler 
affliMMMal.  «■■•  provrar  et  eoaacttre. /I  est  adeaaofM  fatpoMiMe  d*  Je  IWre, 
le  aalMBde  laflaie  de*  eàicmm  mom  dtant  il  oeeMe  o*  (oM  m  fM  mom 
pomnoB  «xprfaar  pw  paroim  oa  par  peaedM  a'aei  gVwa  trait  tevMMe. 
iroê  a  parmlt  ooaiMaa  aet  eoc  râla  •(  Ifaorut  ce  titre  de  «aetfaee  Urrm  : 
De  omni  $eihiU.  Mata  rtatlaM  de  fittliais  mt  Mea.*  [Ou  volt  d'aaa  pr»> 
aldre  rae  qm  rarithméaqa»  amii»  tomntt  ém  proprlâtit  Mae  aoaiftfa,  et 

3.  (A*  eoM  meitoppéB  «vee  It  saeade  «a'oa  sait  [peat  r«ir.] 
h.  Dapais  e'esl  joaqa'à  U  me  faiU  pat  «oiNS  de  ttpmeilé  addilioa 
BMrgiaala.  —  Aehopper  ae  se  troare  gaère  qaa  ekei  Pfeisai  •• 
XVII*  siècle;  Calvin  l'emploie  k  diverses  reprises,  et  ea  partiealiar 
dans  cette  phrase  int^reamate  citée  par  Littré  :  «  Nwstre  rnieoa 
«tiihoppe  k  tant  d'tmpaïc  liemeat»,  et  si  «onvent  tombe  en  perpinité 
quVIle  est  bien  Iota  de  aoaegaider  certainement,  s  /mI.  ekr.,  x». 
i.  DaKartae  pablie  ea  i644  •••  Prmeipia  PKikto^ùa. 


M  PBNSftES. 

en  apparence,  que  cet  autre  qui  *  <  ro\f>  les  yeui,  Uc 
omniscibili*. 

On  se  croit  nalurcllcmenl  bien  plus  capable  d'ar 
river*  au  centre  des  cboses  que  d'embrasser*  leur 
circonf(5rence  ;  Trlenduc  visible  du  inonde  nous  sur- 
passe visiblement  :  mais  comme  c'est  nous  qui  sur- 
passons les  petites  choses,  nous  nous  croyons  plus 
capables  do  les  pusstkler',  et  cependant*  il  ne  faut  pas 
moins  de  capacité  pour  aller  jusqu'au  néant  que  jus- 
qu'au tout  :  il  la  faut  infînic  '  pour  l'un  et  l'autre,  et 
il  me  semble  que  (|ui  aurait  compris  les  derniers 
principes  des  choses  pourrait  aussi  arriver  jusqu'à 
connaître  l'infini.  I/un  dépend  de  l'autre,  et  l'un 
conduit  à  l'autre.  Ces  extrémités  se  touchent  et  se 
réunissent  à  force  de  s'être  éloignées,  et  se  retrou- 
vent en  Dieu,  et  en  Dieu  seulement'. 


lê  T9».] 

a.  Tiire  de  Tnaa  dea  neoF  oeaU  tlièft  q««  Pie  de  la  Miraadole 
M  proposait  de  Matenir  publiqueoient  Ji  Roaie  e«  l4M  (la  dia- 
COMioa  ea  tut  d'ailleurs  interdite  par  le  pape)  :  P«r  HmmufOi  Itaèêlur 
•M  ad  onuÛM  tàhiUâ  mmsIs^oImami  et  iiUtUeetioitem  ad  tym  a—thiioiMi 
•cr(/lnlM««R  poUietor  m*  «d  infn  teriplm  LXXIV  «iimtlimm  p»r  mmi 
■— trorui  rmpommnm.  Thèaea  mathématiqaea,  a*  \I  (cité  par  HavM). 

8.  iJwÊqwfam  Mat) 

|.  (TBlaa  ofcaaaa.) 

5.  «  Ja  n'ai  jainaia  eoaaa  pf  ■oaaa  qvî  ût  paaaé  qa'ui  aapaea  ■• 
paiase  ^Ire  au^roealA.  Mai*  j'ea  ai  «u  quelque«-uns,  très  kabilea  d'ail- 
lears.  qui  oal  assuré  qu'an  espace  pouvait  Mr*  dirisé  ea  deax  parti** 
indirisibles,  quelque  abaardité  qu'il  s'y  rencontre  a  (Rifmtiom  aar 
tttprii  fèomHrifit). 


1 

7.  (toj  l'aa  et  («a|  l'antre. 

8.  Paaeal  retrouve  ici  daa  peaaéee  voiaiaM  dea  fcaieaaea  fonaaka 
de  Giofdaao  Braao  aar  Diaa  aaild  da  mmàamm  «1  da  ■talw—  (cf. 
BaiikolaMaa,  «p.  ni.,  X.  U,  p.  §48,  334.  •«  aariont  to6-ao7)- 


SECTION  II.  83 

Connaissons  donc  notre  portée  :  nous'  sommes 
quelque  chose,  et  ne  sommes  pas  tout'  ;  ce  quenoas 
avons  d'être  *  nous  dérobe  la  connaissance  des  pre- 
miers principes,  qui  ^  naissent  du  néant  ;  et  le  peu 
que  nous'  avons  d'être  nous  cache  la  vue  de  l'infini. 

Notre  intelligence  tient  dans  l'ordre  des  choses 
intelligibles  le  même  rang  que*  notre  corps  dans^ 
l'étendue  de  la  nature. 

Bornés  en  tout  genre*,  cet  ctat  qui  tient  le  milieu 
entre  deux  extrême»  se  trouve  en  '  toutes  nos  '"  puis- 
sances. Nos  sens  n'a{)erçoivent  rien  d'extrême,  trop 
de  bruit  nous  assourdit,  trop  de  lumière  "  éblouit, 
trop  de  distance  et  trop  de  proximité  empêche  la  vue, 
trop  de  longueur  et  trop  de  brièveté  de   discours 


I .  [Oecupom  aa«  ptae».] 

3.  \Hotn  étn  o'mt  ai.]  —  Mont.,  Apol.  :  m  Nous  n'aroas  aalcaae 
comBunication  &  l'estre,  parce  que  tonte  hamaine  natnre  est  tonsioan 
aa  milien,  entre  le  aaistre  et  le  mourir,  ne  baillant  de  loy  qu'une 
obicare  appareM^  •(  aaibra,  et  oaa  iacertaine  et  débile  opiaioa.  m 
Cf.  Bniao,  d*  Immtmo  H  i—w tnlffiHai  (Eiorde)  :  ■  L'iKNBaM  m 
Irouve  plac4  sur  laa  lianlM  dn  temps  et  de  l'éternité,  eatre  un 
modèle  accompli  et  dea  eepiea  imparfaites,  entre  la  raison  et  les  sens  ; 
il  participa  d«ee  doaUe  état,  de  l'une  et  l'autre  eitrémité,  il  se  tient 
debout  ea  qaaiqaa  aorte,  k  rbori«>n  de  la  nature  »  (cité  par  Bactbo- 
Imew,  /ordoao  Bnmo,  iSh',  t.  Il,  p.  aaS). 

.3.  [nom  «talgae-l 

\.  jSorlMl  da  a4nal  (rtewMot  da.) 

5.  (m.] 

6.  \VHmâm$.] 

7.  \Lm  etomê.] 

B.  Tout  ce  paragraphe  «a  aurg*. 
9.  [L'bomm».] 

10.  Je  lis  dans  le  manaaerit  cette  première  veraîoa  :  «a  (leaMa]  U» 
puitunen  (de  rboaaM).  Pascal  m  n\é  d*  l'homm*.  a  ajoaté  «ot  «C  a 
né|(Hfé  de  barrer  Irt.  Molinier  et  Michant  liaaat 

11.  ((Maoaratt.) 


St  PKNSfteS. 

l'obscurcit,  trop  de  vérité  nous  dtonnc  '  :  j'en  sai» 
qui  ne  peuvent  comprendre  que  qui  de  zéro  Aie  4 
reste  zéro  '  :  les  premiers  principes  ont  trop  d'évi- 
dence pour  nous,  trop  de  plaisir  incommode',  trop 
de  conHonanccs  déplaisent  dans  la  musique  ;  et  trop 
de  bienfaits*  irritent,  nous  voulons  avoir  de  quoi  sur- 
payer la  dette*:  Bénéficia  eo  usque  bêla  sont  dum 
videntur  exsolvi  posse  ;  uhi  multum  anlevenere,  pm 
graiia  odium  reddilur*.  Nous  ne  sentons  ni^  l'ei- 


I.  Étoum*  I  ici  le  miis  le  plus  fort  :  ooiu  frappe  de  itapear,  paniljrM 
l'esprit  et  enp^he  de  romprendrp.  C'mI  l'exprcMion  doat  w  tert 
MoBtaigne  daDt  an  pana|fedont  l'B*r«l  se  souvienl  quelques  lignas  plos 
ItM  :  «  La  surprinse  d'an  plaisir  inespéré  nous  eslonne  de  mesme  ■  (1,  a). 

S.  Pent-^tre  est-ce  MArf ,  qui  redisait,  romae  on  sait,  d'ndaettr* 
les  subtilité  des  mathématiques.  La  proposition  de  Paaeal  eet  rtfoa- 
reuensent  rraie  dans  l'arithmétique  uù  séro  est  pris  abeolaaMst 
eoi—  ■ynonjrne  de  néant.  En  algèbre,  où  l'on  introduit  les  aoakfM 
négatifs,  o  —  4  =  —  k- 

3.  Mont  :  ■  La  volupté  ■ee«e  Mt  doutourMiae  •■  m  profoMkar  » 
(III,  lo)  et  ailleurs  :  c  No^tre  extrême  Tolnplé  a  quelque  air  de  gMDÎa- 
senenl  et  de  plainte  »  (II,  ao).  Pascal  avait  rencontré  ausaî  les 
•naplw  MUTants  dans  Montaigne  :  ■  Oultre  la  femme  romaine  qui 
■KNUtit  eurprinse  d'avse  de  veoir  son  Als  revenant  de  la  route  de 
Cannes,  Sophocles  et  I)enys  le  tyran  qui  treapaMwant  d'ayM,  et  Talva 
qui  mourut  eo  Corsegue.  lisant  les  nouvelles  des  honneur*  qae  le  Sénat 
de  Rome  luy  avoit  décernes  ;  nous  tenons,  en  nostre  siècle,  que  le  pape 
L>eon  diiiesae,  ayant  esté  adverty  de  la  prinse  de  Milan  qu'il  avait 
extrêmement  souhaitée,  entre  en  tel  excès  de  ioye,  que  la  fiebvre  l'en 
print,  et  en  mourut.  »  (I,  a.  Cf.  Charron,  SayeM*.  I,  xxxvii,  3.) 
«  Il  y  a,  écrit  la  nocheFourauld  (Mor.  46^),  na  aseèi  de  bieas  et  de 
auiux  qui  passe  notre  sensibilité.  » 

k.  (JVons  rendeai  lograu.) 

5.  (SI  âne  oeae ^aass.  elle  feJeasa.) 

6.  K  catte  première  citation  Pascal  avait  ajoali  eae  bhKs  qn'il  a 
barré*  (aoa  rail].  —  .\n  livre  III,  rh.  8  da*  £iMii.  Mon'  la 
pawaga  da  Tacite  (Hn«..  IV,  8)  que  PasenI  a  raarodait  i«il 
Mtvra  da  eatia  pliiaaa  da  SéaAye  (Lattra  8t  aaàjlae)  :  Nmmfdfmtal 

^.  l&efraad.) 


SECTION   II.  85 

Irème  chaud  ni  rexirême  froid'.  Les  qualités  exces- 
sives nous  *  sont  ennemies,  et  non  pas  sensibles  '  : 
nous  ne  les  sentons  plus,  nous  les  souffrons.  Trop 
de  jeunesse  et  trop  de  vieillesse  *  empêchent  l'esprit*, 
trop  et  trop  peu  d'instruction  *  ;  enfin  les  choses  ex- 
trêmes ^  sont  pour  nous  *  comme  si  elles  n'étaient 
point,  et  nous  ne  sommes  point  à  leur  égard  :  elles 
nous  échappent,  ou  nous  à  elles. 

Voilà  notre  état  véritable  :  c'est  ce  qui  nous  rend 
incapables  de  savoir'  certainement  et  d'ignorer  ab- 
solument. Nous"*  voguons  sur  un  milieu  vaste,  tou- 
jours incertains  et  flottants,  poussés  d'un'*  bout  vers 
l'autre.  '*  Quelque  ''  terme  où  nous  pensions  nous  atta- 
cher et  nous  affermir,  il  branle'*  et  nous  quitte";  et 


I.  «  L'extrême  froideur  et  l'eitreme  chaleur  coiaent  et  rostÏMcnt.  m 
(Mont.,  I,  55.) 

a.  [BtoaMot  plus  qae  août.) 

3.  (Noua  i«s  touttrooê,  boom  ne  tee  Motoiw  phw.) 

4.  ((Mt«nl.| 

5.  Port-Royai  ajoute  :  n  trop  et  trop  peu  de  nourriture  troublent  tes 
aetioiu  ;  trop  et  trop  peu  d'iattruclioa  Vabetistent  ». 

6.  «  Si  c'est  un  enfant  qui  iuge,  il  ne  sçait  que  c'est  ;  ai  c'est  on 
•çarant,  il  est  préoccupa...  La  An  et  le  commencement  de  fcienee  M 
tiennent  en  pareille  bestitc.  »  (Mont.,  Apoi.) 

7.  ■  Lea  eitremitei  de  aostre  perqaiiitioB  tanbent  toatM  m 
eiblooiMement.  a  (/&i(i.) 

8.  [toatoMtUm.] 
g.  [Abaotammtt] 

10.  [MommêÊ  ioa/oan.) 

1 1 .  [Cûté  et  d'autre  muu  lêtuJa  rtut  «roir  où  mom  pnattn  al  d'à  ai 
d'autre  o6té.] 

13.   A  la  paye  356  du  manascrit. 

i3.  [Fin  «aeaow.) 

i4-  (A  •'«■Ml  (•'dMfM.  Mt  rue  AdtedMnMUe.) 

|5.  [Bn  Viattaité] 


si  nous  le  suivons '.  il  échappe  h  nos  prises,  nous 
gUsse  et  fuit  d'une  fuite  éternelle.  Bien  ne  '  s'arrête 
pour  nous.  C'est  l'état  qui  nous  est  naturel,  et  tou- 
tefois le  plus  contraire  à  notre  inclination  :  noua 
brûlons  de  désir  de  trouver  une  assiette  ferme,  et  une 
dernière  base  constante'  pour  y  édifier  une  tour  qui 
t*élève  h  l'infini  ;  mais  tout  notre  fondement  craque, 
et  la  terre  s'ouvre  jusqu'aux  abîmes. 

Ne  cherchons  donc  point  d'assurance  et  de  fer- 
meté. Notre  raison  ^  est  toujours  déçue  par*  l'incon- 
atance  des  apparences,  rien  ne  peut  fixer*  le  fini  entre 
les  deux  infinis',  qui  l'enferment  et  le  fuient*. 

*  Cela  étant  bien  compris,  je  crois  qu'on  se  tiendra 
en  repos,  chacun'*  dans  l'état  où  la  nature  l'a  placé. 
Ce  miUeu  qui  nous  est  échu  en  partage  étant  tou- 
jours distant  des  extrêmes,  qu'importe  qu'un  homme 
ait  un  peu  plus  d'inteUigence  des  choses?  S'il  en  a, 
il  les  prend  un  peu  de  plus  haut  :  n'est-il  pas  tou- 


(n  ê'éofuit.] 

[Itoaa]  arrête.  C'est  l'eut  [qui  wt]  le  plut  roniraire. 

[tar  qaoi  août  palealooe.) 

[Déçmt  loM  à  tait) 


I. 

9. 

3. 

4 

5   . 

6.  [Htin  «fflort  à  pamrttr  êttUmat.) 

8.  •  Si  de  foHane  tou*  flches  voetre  pente*  k  Toaloir  preWrt  wa 
Mlre,ee  Mra  ne  pin*  ne  mointqae  qai  voaldroit  empoigner  de  l'een  ; 
eer  tant  plut  il  «errera  et  pretsera  ce  qui  de  m  wUnre  conle  par  toal, 
Unt  plnt  il  perdra  ce  qu'il  voaloit  Unir  et  empoifaer.  Ainai  ven  qne 
tMtM  dMMe  eoM  «ibiMtM  à  pewr  d'aa  eiMBfMMal  m  •nîtn,  U 
nimm,  q«i  y  okerelu  ■■*  reeilla  MkeiiUaM,  ■•  ir*u*a  d»cmu*..  * 
(Mont.,  Apol). 

9.  Lf  dent  paragmplie*  MiiTanU  *•  terge . 
10.  CAaniN  en  mrebarge. 


SECTION  II.  87 

jours  infiniment  éloigné  du  boul,  el  la  durée  de  notre 
vie  ne  l'csl-elle  pas  également  infiniment  de  l'éter- 
nité, pour  durer  dix  ans  davantage'  ? 

Dans  la  vue  de  ces  infinis,  tous  les  finis  sont  égaux  ; 
el  je  ne  vois  pas  pourquoi  asseoir  son  imagination 
plutôt  sur  un  que  sur  l'autre.  La  seule  comparaison 
que  nous  faisons  de  nous  au  fini  nous  fait  peine. 

Si  l'homme  s'étudiait'  le  premier,  il  verrait  com- 
bien ^  il  est  incapable  de  passer  outre  \  Comment  se 
pourrait-il  qu'une  partie  connût  le  tout*?  —  Mais  il 
aspirera  peul-elre  à  connaître  au  moins  les  parties 
avec  lesquelles  il  a  de  la  proportion?  —  Mais*  les 
parties  du  monde  ont  toutes  un  tel  rapport  et  un  tel 
enchaînement  l'une  avec  l'autre,  que  je  crois  impos- 
sible de  connaître  l'une  sans  l'autre  et  sans  le  tout. 

L'homme,  par  exemple,  a  rap{K)rt  à  tout  ce  qu'il 
connaît.  Il  a  besoin  ^  de  lieu  pour  le  contenir,  de 
temps  pour  durer,  de  mouvement  pour  vivre,  d'élé- 
ments pour  le  composer*,  de  chaleur  et  d'aliments 
pour  se^  *  nourrir,  d'air  pour  respirer  ;  il  voit  la  lu- 


I .  ■  Dix  aaa  «st  le  parti  »  (tr.  iiS). 

3.  [Ptatât.] 

3.  (Ouw  Mal  â»  OM  onMt  ât  mb  (riHpafmaot  où  a  att) 

4-  (Ob'U  /  feonMrali  ai  mrloatti,  uutê  fl  sa  la  voli  paa.  J*  cntfa  qtfom 
toit  «aaaa  pmr  là  qm»  rboaaa  0'aal  p«a.|  Lne  partie  (ae  paot  eooMfir^ 
le  loat. 

5.  «  Mai*  nosire  eonditioa  porte  qoe  la  cognoitMaoe  de  ee  qae 
noos  avosa  ealrc  bmio*  est  aaaai  ealoiagaee  de  aoos,  et  anaai  biea  as 
deMu  de«  auea.  qae  celle  dea  aatraa  a  (lloal.,  Apol.). 

6.  Le  preaier  aiou  éaoaee  WM  iBMaace,  M  le  Meoad  iiati  la  ré- 
poaae  k  cette  iaalaaet. 

7.  [BraUmtmt»  pomr  m  aomrrtr,  d'air  pom  raiplrar.] 

8.  (OelaaMrv.) 

9.  Paacal  a  écrit  peur  Hoarrir. 


m  PBN8ÉKS. 

mière,  il  sent  les  coqis  :  enfin  tnut  tombe  sous  '  ton 
alliance'.  Il  faut  donc  pour  connaître  l'homme  savoir' 
d'où  vient  qu'il  a  besoin  d'air  pour  subsister:  et 
pour  connaître  l'air,  savoir  par  où  il  a  ce  rapport  à 
la  vie  de  l'iiomine,  ctc/.  La  (lamine  ne  subsiste 
point  sans  l'air  ;  donc,  pour  connuin'*  l'un  il  faut 
connaître  l'autre. 

Donc,  toutes  choses  étant  (mum  •>  <  t  caiiHantes, 
aidées  et  aidantes,  médiates  et  immédiates,  et  toutes 
s'cntretcnant  pur  un  lien  naturel  et  insensible  qui  lie 
les'  plus  éloignées  et  les  plus  dilTérentes,  je  tiens 
impossible  ^  de  connaître  les  parties  sans*  connaître  le 
tout,  non  plus  que  de  connaître  le  tout  sans  con- 
naître particulièrement  les  parties*. 


I.  [Sm  r*obwcbm[m  déptoâame».] 

a.  Ce  mot,  «Met  inattand*,  ett  an  loaTenirileRayaeail  Scbon.  La 
chapitre  ii  d«  la  TkMogi*  matmrelU  n'a  pai  Hé  ^tnDgvr  k  l'iaiyif 
tion  de  I*a«r«l  dan*  o«  puMye  :  «  Il  [l'homme]  te  rapporta  am  eorpa 
iaMBtiblei...  il  en  eu  noarri,  il  loge  ehea  eus,  il  rit  par  laar  aojraa, 
at  na  peut  s'en  paaaar  an  aanl  oioaant...  Il  a  nne  grande  alliaaca, 
eoBTcnance  et  amitié  arae  la«  aotraa  créatarat.  m 

3.  (Ceavl.) 

4-  Page  359  dn  manucrit. 

5.  [U  naoMM.] 

6.  i«*irfia.| 

7.  (irao  eooaaftrt  amtmm  mtÊê  mm  tatitm  tm  mwttm.  tftmà  <tr>  é»- 
peaifMa.  paremeal  al  ataolaaaaL] 

8.  (lae  ooaaafira  loaMa.] 

9.  «  Theopliraela»  diaoit  que  l'humaine  eogvoimanra,  acbaminaa 
par  laa  tant,  pouvoit  iugar  da«  ranaet  de>  rboM*  iaaqnaa  à  «na  oar* 
laiaa  maaara  ;  mai*  qv'aalanl  arrÏTee  ani  canae«  aitramaa  at  praaiaraa, 
U  Mloit  i|a'aUa  •'arratUM,  at  qu'alla  rabourhau,  à  raiwa,  o«  da  m 
IbiMana,  o«  da  U  difKeaité  ^n  eboea*...  L'homma  aal  capaUa  da 
lovlaa  eheaai,  eoima  d'aaleanaa  :  at  a'il  advoua,  romaM  did  TIm»- 
pliwafi,  i'if»OT«Bea  daa  canaaa  pramiaraa  at  da*  ptineipa»,  qn'il  m» 
quitta  hardiamant  tout  la  ra«U  da  m  iciaaca.  »  (llaMidfaa,  Apol.) 


SECTION  II.  m 

[L'ëlemité  de»  choses  en  elle-même  ou  en  Dieu 
doit  encore  étonner  notre  petite  durée.  L'immobilité 
fixe  et  constante  de  la  nature,  comparaison  au  chan- 
gement continuel  qui  se  passe  en  nous,  doit  faire  le 
même  effet.] 

*  Et  ce  qui  achève  notre  impuissance  à  connaître 
les  choses,  est  qu'elles  sont  simples  en  elles-mêmes 
et  que  nous  sommes  composés  de  deux  *  natures 
opposées  et  de  divers  genre,  d'âme  et  de  corps.  Car 
il  est  impossible  que  la  partie  qui  raisonne  en  nous 
soit  autre  que  spirituelle  ;  et  quand  on  '  prétendrait 
que  nous  serions  simplement  corporels,  cela  nous 
exclurait  bien  davantage  de  la  connaissance  des 
choses,  n'y  ayant  rien  de  si  inconcevable  que  de 
dire  que  la  matière  se  ^  connaît  soi-même  *  :  il  ne 
nous  est  pas  possible  de  connaître  comment  elle  se 
connaîtrait. 

Et  ainsi*  si  nous  [sommes]  simplement  matériels, 

I  ■  Voici  BM  antre  rMjiction  de  ce  pmmagt  :  c  Et  M  mû  aelièTe  notre 
iapnieMBoa  («M  la  rtapWalK  4m  oteew  «omipÊNê  «fw  aotre  «M  tfooM» 
««B^peei.  n  y  •  ém  aàmÊr^UéB  Imvimnitèm  à  mmhutn  ee  poimt,  eer  il 
e«  êaml  ■>»<■  ^i^fiiH  et  mêtr  qm  ràamm»  mt  cctmptaê  éa  éêêm  par- 
Um  4a  dittirmita  aman,  é'âma  ai  éa  oarpa.  OaU  mam  ramé  «apalMuli  4 
oaaaattre  io«m  eàaaaa.  Qm  tf  m  aJe  oeoe  aaaveMtaa  «l  fa^ea  /Htamêa 
fw  aeae  ■oimm  le«  aorparaia.  la  laima  à  tagat  acmàêam  ta  mafUàn  am 
tmaaimbia  de  ooaaaf ire  le  matiêra  ec  ce  qm  paat  éa  la  fteae  toar  aam- 
■iMre.  [mam  o'eM  pbm  impeaaiÈta  fw  eeta.  Comaaroma  dMe  fM  aa  mé- 

tÊa§a  faafHt  «  de  aMMr*  [berna  maaa  dhpiipiiiil (ei  almat  h  êara 

•oM  mmértl  ma  poarratt  aa  eonaellre.) 

s.  (Ooeet-l 

S.  (Toadrait.] 

i.  Se  nfcharfe. 

5.  (jrtfteat) 

6.  [toit  «ne)  no«e  iOjroM  :  Paacel  en  barrent  Mcl  fM  avait  leiaié  le 
•ubjoadif  ne»  aajamê. 

tmuàn  M  r*scAL.  i  —  M 


«0  PENSEES. 

nous  ne  pouvons  rien  du  tout  connaître,  et  si  nons 
sommes  composés  d'esprit  ei  de  matière,  nous  ne 
pouvons  connaître  parfaitement  les  choses  simples', 
spirituelles  ou  corporelles. 

De  \h  vient  que  '  presque  tous  les  philosophes  con- 
fondent les  idées  des  choses,  et  parlent  des  choses 
corporelles  spirituellement  et  des  spirituelles  corpo- 
rellement*.  Car  ils  disent  hardiment  que  les  corps 


I.  Ahp«geS6odaa«Baaerit. — [Car* 
UmemmmtlÊ  — tfért,  yHft  aMn  mippôt^êtttmoMtn 
m  fÊTtiê  ipft'HBtl.  «c  cwwii  eouMftrtoM-. 
tptrhmOm,  cyasi  u  oorpt  fut  aom  aggrmra  «c  aoai  àala»  rtn  to  iht*  t| 

a.  (Toia.) 

3.  Havet  a  fort  k  propo*  rapproché  4«  M  paatage  «■  tattm  im  niai 
Attgnttin  qu'Arnaud  avait  traduit  ea  l656:  ■  Voabat  OOMUiflf*  par 
l'eaprit  et  par  riateilifeaee  Im  cboMt  oorporallaa  et  voir  par  le*  ««M 
les  ■pirituelle*  ;  ce  qui  ne  ae  peat  m  (^D*  taviritM»  rtiigiom.ch.  xkktii, 
«ai  fut*).  —  Ce  paaaage  est  développé  oC  eoaMBeaié  daaa  la  Lofiqmda 
Puri-Rojal:  «  Ainsi,  trouvant  ea  Booe-méaiw  deux  \àits,  eella  et  la 
Mibetaaee  qaî  peaae,  et  relie  de  la  substance  étendue,  il  arrive  soavcat 
^pa  loroqaa  aoos  considérons  notre  âme,  qui  eat  la  substance  qai 
poMO,  aoaa  f  aiéloM  iaïaawbiaiBat  qaal^aa  ekoae  de  l'idée  de  la 
Mihalaaea  étaadoe,  coaiM*  qvaad  aooa  aoaa  iangiaons  qu'il  fbal  que 
aoire  âme  remplisse  un  lieu,  ainsi  que  le  remplit  un  corps,  et  qu'elle 
ne  le  serait  point,  si  elle  n'était  nulle  part,  qui  sont  des  choaea  qui  ne 
conviennent  qu'au  corps,  et  c'est  do  là  qu'est  née  l'erroar  iaipie  do 
cous  qui  offoiont  l'àaM  aM>rtollo.  On  peut  voir  un  evcelleat  diacoers 
êm  ioîat  AafUtia  sor  eo  •^j*^  ^**  ^  '■*'^  ^  ^^  '■  Trinité,  o<k  il 
■eatre  qu'il  n'y  a  rioa  do  pias  fceilo  à  eoaaahre  qao  b  mMwo  do 
■otre  âme  ;  mais  que  oo  qai  brooillo  loo  koaiaos  ool  f«o,  loalaot  b 
ooonattre,  ils  ne  sa  coatoatoat  pat  do  eo  qa'ils  oa  eoaaoioooal  toas 
^ae,  qui  est  qao  e'wt  aao  «ibolaneo  qai  poaao,  qai  voal,  qai  doalo, 
qai  tait  ;  auiia  ils  joifaoat  à  00  4|B'otto  Ott  00  q«'olb  a'oot  pot,  to  b 
Toabat  imaginer  toao  qaolqaot  a»  do  oot  iiatAaMt  teao  looqatls  ib 
OBt  ooooataaié  do  ooaooroir  lot  cImoob  oorporoUot.  Qoaad  d*oalro  port 
aew  eoooidéroat  lot  eorpt,  aoot  avoat  bioa  do  b  poiao  k  aoaa  oaâpé- 
ohor  d'y  ■<ior  qaolqao  ekooo  de  l'idée  de  la  subsuaoo  q»  poaao  ;  eo 

qoiaoat  lût  dira  daa  corps  pasanu   i^u'ili  «i<ul«>nl  allvr  au  cealrv  ;  air.  ■ 
(D,  Tll.) 


SECTION  II.  M 

tendent  en  bas,  qu'ils  aspirent  à  leur  centre,  qu'ils 
fuient  leur  destruction,  qu'ils  craignent  le  vide, 
qu'elle'  a  des  inclinations,  des  sympathies,  des  anti- 
pathies, qui  sont  toutes  choses  qui  n'appartiennent 
qu'aux  esprits*.  Eten  parlant  des  esprits,  ils*  les  con- 
sidèrent comme  en  un  Ueu,  et  leur  attribuent  le  mou- 
vement' d'une  place  à  une  autre,  qui  sont  choses 
qui  n'appartiennent  qu'aux  corps. 

Au  heu  de  recevoir  les  idées  de  ces  choses*  pures, 
nous  les  teignons  de  nos  quahtés,  et  empreignons 
[de]  notre  être  composé  toutes  les  choses  simples* 
que  nous  contemplons. 

Qui  ne  croirait,  à'  nous  voir  composer  toutes 
choses  d'esprit  et  de  corps',  que  ce  mélange-là*  nous 
serait  très  compréhensible  P  C'est  néanmoins  la  chose 
qu'on  comprend  le  moins "*.  L'homme  est  à  lui-même 
le  plus  prodigieux  objet  de  la  nature  ;  car  il  ne  peut 
concevoir  ce  que  c'est  que  corps,  et  encore  moins 


I .  Elle,  c'Ml-i-dire  la  matière. 

a.  SoavMur  d«s  écriu  ■BJMHH^aei  mu  Vhydroêtatufur .  voir  m  parti- 
culier la  fla  à»  Rieil  d»  l»  frmàt  «apintmtt  :  «  C'eal  ainsi  que  l'on 
dit  que  b  ijrnipatliie  et  antipatJiie  dai  eorpe  antareb  aoat  Iw  eeaaea 
efficiente*  et  nniroque*  de  piusiear*  efleta,  emaae  «  d«a  eorpe  îaa- 
nimé*  étaient  rapabletde  syaiiNithie  et  aatipathie.  »  OBÊmrm  et  Ptat^^ 
éA.  Lahure,  t.  III,  p.  l46. 

3.  [Vmr  awttaaai  Je  ■otimi  tomt  et] 

&.  [D'ualieB.] 

5.  \U  Jm  Mtat)  de  (•••)  qoalit^  (et  jwfre  de  mm.] 

6.  |Od'M  cemmmpt»  ;  «rmi  timit  «a*!!  iorae  raatfers  (^ree  fa*!!  aai 
boné.  U  Mrae  raairera  ce] 

•j.  Voir  [qttU]  compote. 

8.  (Foor  Im  oomyreadre.] 

9.  jtaf]  terail  [fort) 

10.  (aj 


M  PINSftiS. 

ce  que  c'eit  qii*esprit,  et  moins  qu'aucune  chose 
comme  un  corpe  peut  Hro  uni  avec  un  esprit.  C'est 
là  le  comble  de  ses  dilTicuUds',  et  cependant  c'est 
son  propre  être':  Modtu  quo  corporibat  atUutrent 
spirilus  comprehendi  ah  hominibu»  nonpotett,  et  hoc 
tamen  homo  est'. 

Enfin  pour  consommer  la  preuve  de  notre  faiMasse, 
je  finirai  par  ces  deux  considérations*... 

70)  73 

[Mais  pcut-ôtre  que  ce  sujet  passe  la  portée  de  la 
raison.  Examinons  donc  ses  inventions  sur  les  choses 
de  sa'  force.  S'il  y  a  quelque  chose  où  son  intérêt 
propre  ait  dû  la  faire  appliquer  de  son  plus  sérieux, 
c'est  à  la  recherche  de  son  souverain  bien.  Voyons 
donc  où  ces  âmes  ibrtcs  et  clairvoyantes  l'ont  placé, 
et  si  elles  en  sont  d'accord. 


I.  (( 
s. 

3.  St  Kug.,  De  ein.  Dei,  XXI,  10,  op.  Moil.,  Apol.  prAeMA  d« 
M  ooaineauire  :  m  Conme  une  impre«ioa  •piritoell*  Ham  mmm  l*IU 
tbolcM  dan*  on  tubiel  mawif  el  tolide,  el  la  oature  de  la  liaitoa  «1 
cottstare  d*  om  adaùniblM  raaaorta,  iamatt  boaa«  at  l'a  «eca  a. 

4.  (ValiÉ  —  parut  êm  mÊÊmqwt  rmémt  rSo—  1 1mkêia»  à  oa»» 
Mfm  li  aatart.  as»  ««  faflafa  «■  ému  ■fUffM.  Utm  immMmm, 
aa»  dB«  •<  ■•  ptrpttm  («mIMImi  ^«ydlMaMMai  m  aom  Sir»  ;  O  fÊtm 
M  mt  aonal.  Aaa  afeotM  'aa  paittaritar  ■•  oarroaipaai  M  ••  oiaafaai  à 
ataf»  laaiaai.  tt  a»  Im  volt  fa*aa  »■— ai  aBM  oat  aa  (Jaar  frtmtif*  ai 
m»]  IMT  fla.  O  aa  aoapoli  al  raa  al  raairv.  aaaa  aoai  ÊtÊÊ^èm  ma  m» 

ÉUMnmÊm.  ai  pear  aoaaoauBar  la  jwaava  da 
I.  I0  fliAntf  par  om  ëMS  riflaglaM  sar  rtfiat  da  aocr» 
•1. 

73 
a.  B..  s«:C.,  &i:  P*o«  ,  il,  isi;  Mol..  I,  i;i  H  i.  1S8:  M»  ,  19!. 

5.  iPorMa.l 


SECTION  II.  n 

[L'un  (lil  que'  le  souverain  bien  est  en  la  vertu, 
l'autre  le  met  en  la  volupté  :  Tun  [en  la]  science  de  la 
nature,  l'autre  en  la  vérité*  :  Félix  qui  poluil  rerum 
cognoscere  causas*,  l'autre  en  l'ignorance  totale, 
l'autre  en  l'indolence  \  d'autres  à  résister  aux  appa- 
rences, l'autre  à  n'admirer  rien  ,  nihil  mirari  prope 
res  una  quœ  possil  facere  et  servare  bealum,  et  les 
vrais  pyrrhoniens  en  leur  ataraxie,  doute  et  suspen- 
sion perpétuelle*;  et  d'autres,  plus  sages,  pensent 
trouver  un  peu  mieux.  Nous  voilà  bien  payés. 

[Transposer  après  les  lois,  au  titre  suivant*. 

[Si  faut-il  voir  si  cette  belle  philosophie^  n'a  rien 
acquis  de  certain  par  un  travail  si  long  et  si  tendu. 


1.  [L'lioinaM.i 

X.  (£t  M  la  coiiinl— M  ém  eftOMs]  l'antre  en  riodoleace.  —  Moat. 
Apol.  :  «  Les  uns  diwilt  aotre  bien  estre  logf  en  la  vertn  ;  d'antras,  m 
la  volupté  ;  d'autres,  au  conientir  à  la  aaUire  ;  qni  ea  la  tciaace,  qai 
it  n'avoir  point  de  douleur,  qui  à  ne  te  laiiaer  emporter  au  appareaeea; 
et  k  cette  fanutie  aenble  retirer  rett'aultre  de  l'ancten  Pjrtha^ras  : 
Mil  admirari,  prope  est  una,  Numiei, 
Solaqat,  fa*  pot$U  faeert  et  seroore  beatoM, 
qni  eat  la  fla  de  la  aecta  pjrrrboaieaaa.  m  (Cf.  Charroa,  Sn^ene  H, 

««.  7) 

3.  Georg.  Il,  490,  cité  par  MoataigM  (III,  10).  —  D«  l'aatrw  k 
rien,  snrrharge. 

4.  a  Voilà  pofurqooy  la  Meta  da  pluloaapbie,  qoi  a  la  plaa  fctec 
valoir  la  volaplé,  aaeofva  l*a  alla  raagaa  k  la  tanla  iadelaaca  a 
(Apol). 

5.  Et  <rautre$  k  m  ptm  «M0,  — fdiarfe. 

6.  Ea  aur^.  —  La  àifriopfumaM  mt  It»  lok  t  tronT«d'aillear« 
k  la  paga  69,  sur  la  aitaia  fbailla  ém  mmmmatrit  {h.  i^).  Le*  iadi- 
cation»  de  re  gaara,  qa'oa  tfoava  4aa«  la  aManarrit  da  Paaeal,  aalft- 
•aat  poar  déaK»atrar  qaa  Paaeal  teh  laia  d'avoir  arrflé  d*aaa  iiçea 
détaitiTa  l'ordre  de  \' Apologie,  et  coaibiaa  il  aérait  t^aéraira  d'ea 
prélaadra  doaaar  aae  racoaatitution. 

7.  Bette  eagtme,  dit  Moauifsa  (Apoiojie). 


M  PBNStBS. 

pcut-Atrc  qu'au  moins  l'âme  se  connaîtra  soi-m^mcV 
ÉoGutons  les  régents  du  monde  sur  ce  sujet.  Qu'ont- 
ils  pensé  de  sa  substance?  395*.  Ont-iU  été  plus 
heureux  à  la  loger?  896 '.  Qu'ont-ils*  trouvé  de  son 
origine,  de  sa  durée,  et  de  son  départ?  399. 

*[ Est-ce  donc  que  l'Ame  est  encore  un  sujet*  trop 
noble  pour  ses  faibles  lumières?  Abaissons-la^  donc 
à  la  matière,  voyons  si  elle  sait  de  quoi  est  Cut*  le 
propre  corps  qu'elle  anime  et*  les  autres  qu'elle  con- 
temple et  qu'elle  remue  à  son  gré.  Qu'en  ont-ils 
connu,  ces  grands  dogmatistes  qui  n'ignorent  rien? 
393  '",  Harum  sentent iarum. 

[Cela  sufFirait  sans  doute  si  la  raison  était  raison- 
nable*'. Elle  l'est  bien  assez  pour  avouer  qu'elle  n'a 
encore  pu  trouver  rien  de  ferme  :  mais  elle  ne  déses- 
père pas  encore  d'y  arriver  :  au  contraire  elle  eat 
aussi  ardente  que  jamais  dans  cette  recherche,  et 


I.  «  Noat  l'tvoRt  prope<é  lay  «eii»  k  toj  ;  et  n  niitoa,  à  «  rai- 
na, pour  veoir  ce  qu'elle  bous  en  diroit.  »  Mont.,  Àpt^. 

s.  Renvoi  k  Monuigne  (Apol.)  :  ■  Or,  Toeyaoa*  oa  qaa  l'Iiaaaiaa 
raiton  nouia  «pprini  de  loy  et  de  l'ane...  a 

3.  «  Il  n'y  a  pa«  aïoiat  de  dUeentioa  ai  de  àtkaà  à  la  toftr.  ■ 
ilhid.) 

i.  (ra]d«|fladar«a.) 

5.  Paye  360  da  aMianaerit,  aprèe  la  Ha  da  fr.  i^. 

6.  (/a  tujftf  tu  Mreharge. 

7.  Lm,  ea  •arebarge. 

9.  (OMur.) 

10.  Le  chiffre  iadi^ae  nae  doaie  qae  Paaeal  le  pMfMiill  4sMa>> 
fleur  la  ciutioa  :  Apolofiê  :  m  Bl  aptaa  loat  ee  deaeelbfWMal  «Pey^ 
aioa»  :  Hvmm  êmîmikrwm  fm  mrm  ùt,  Dtt»  eiifati  mâtriL  a  (Cie., 
Ta*..  I,  II.) 

II.  [«att eut  ero— Ti  Hm fa'aUa.) 


SECTION  II.  fn 

s'assure  d'avoir  en  soi  les  forces  nécessaires  pour 
celle  conquôle.  Il  faul  donc  l'achever,  el  après  avoir 
examine  ses'  puissances  dans  leurs  effets,  reconnais- 
sons-les en  elles-mêmes;  voyons  si  elle  a  quelques 
formes*  cl  quelques  prises  capables  de  saisir  la 
vérité*.) 

487)  74 

Une  lettre  *  de  la  folie  de  la  science  humaine  et  de 
la  philosophie. 

Cette  lettre  avant  le  divertissement . 

Félix  qui  potuit. . .  Nihil  adnûrari  '. 

a8o  sortes  de  souverains  biens  dans  Montaigne*. 


I.    M.  Michant  lit  tet. 

a.  Xou*  lisons  forme*.  M.  Motinier  donne  force*  qui  serait 
enc«>re  satitfîiisant  poor  le  wnt.  Cf.  Mont.,  Apol.  m  Les  yenlx  ha- 
ntai ns  ne  pearent  aperrevoir  lee  eboMt  que  par  les /ormes  de  lear 
rognoîteance.  » 

3.  L'esprewioa  est  eacore  ne  aooTenir  de  Moalaîgae,  Apol.  :  «  si 
les  prinses  hsaaiace  estoieat  esses  espeUes  e(  Bities  peer  saisir  le 
vérité.  » 

74 

a.  R.,  197:  C  ,  8;  FàM.,  II,  391  ;  H«*.,  \XV,  109  kt;  Mol.,  Il,  «i; 

Mica  .  Md.,. 

4.  Vw  lettre,  sarrbarge. 

5.  Cf.  ftp.  73. 

6.  \u  (irbut  de  V Apologie,  MonteifM  repporte  l'opieioa  ém  pMlno 
phe  Herillut  qui  logeait.dans  la  srience  lesoeverain  biea.  Kt  pies  leia: 
«  il  n'est  point  de  eonbot  si  violent  entre  les  philosophes,  et  si  aspre, 
que  reluy  qui  se  dresse  sar  la  qneuion  du  souverain  bien  de  l'boeiBe, 
duquel,  par  le  ralcal  de  Varro,  nasquirent  deux  cent  quatre  vin^ 
huit  sertet.  ■  I^  teste  de  Varron  auquel  MonUigne  ftiit  alleaioM 
s«  trouve  dans  Ut  CUi  dt  Dieu  de  saint  Augustin  (XIX,  s)  ;  eaari 
est-il  an  de  ceut  que  Jsnséaios  rite  daes  soa  Awjmimm. 


N  PINSftlS. 

Pnmàrt  Copw  »^^]  74  bU 

Pour  les  philosophes  a 80  souverains  biens. 

Part.  1. 1.  a.  c.  I,  Section  V. 

[Conjeclure.  llneserapasdiflicilcdelain  !•  -<  •  ndie 
encore  d'un  degré  cl  de  la  faire  paraître  ridicule.  Car 
pour  commencer  en  elle-môme],  qu'y  a-t-il  de  plus 
absurde  que  de  dire  que  des  corps  inanimés  ont  des 


74  bi« 

II.  86,  HitT  ,  WII/Sj  l«r;  Mot..  I.  17S  :  Micb  , 


Cf.  C,  47S;    F»ta 
936. 


75 


a.  P*o«.,  I,  101  ;  Mat.,  XXV,  «07;  Mol.,  II,  i5o;  Mua..  617. 

t.  BoMot  a  publia,  à  la  sait«  de«Tr«itA«  mr  v6qmlAn  en U^man 
et  Mr  la  Pesanteur  de  l'Air,  quelque*  pages  aooa  e«  titre  :  «  FragmêKt 
d'un  autre  plut  long  ouvrage  de  Pateat  tur  la  mitna  matUra,  àhoiai  m 
partiiu,  livret,  ehapitret,  teetiont  et  artlelet,  dont  il  ne  t'est  tnmti  fM 
ttei  parmi  tes  papiert  :  Part.!,  Lit.  III.  chat.  i.  ascr.  net  m.  a  Le 
lÎTre  II  derait  contenir  un«  doute  la  diieuMion  det  hypotlièm  ae»- 
lastique»  ;  le  livre  III  devait  expoaer  les  résolUU  aaïqacU  PMeal 
était  arrÏT^,  si  on  en  jage  par  les  sujeu  dee  StClioas  II  et  III,  qai 
■OM  ont  Hè  conserrées  :  ■  Sbctiou  II.  —  Qm  lê$  affett  tant  vanMt$ 
MtMnl  la  variiti  ée$  tampê^  tt  fs'ib  $oiU  d'aaltM  pbu  om  moiatfnmât^ 
qme  Fair  ett  plat  om  mojm  émrfi.  Baonoii  III.  —  De  fa  rkffa  àm 
•arMlioM  fw  vrvmd  à  et»  *ffet$  par  la  mnUà  de»  ttatp»  m.  C'««  à  eae 
flrafaMla  qaa  ••  réfkrmt  les  ligaa*  eoaaerrAee  4sm  le  awaMerit. 
Paseal  «bamloBM  eee  diTÙioM,  «  eeadMia  m  p—iée  iam»  Im  éun 
T/vilis,  qni  farMt  paUiia  •■  i663.  LaCbnefaMM  de  Me  TratU»  tMaya 
aToir  gardé  quelque  trace  du  fragment  que  BOW  eoi— tOM  :  a  II 
est  aaaiatenant  assuré  qu'il  n'arrÏTe  aucun  effet  dans  to«l«  b  aatare 
qu'elle  produise  pour  éTÏter  le  TÏde.  Il  ne  sera  pas  difBdIa  de  paeaef 
de  là  à  Mootror  qu'elle  n'en  a  point  d'horreur  ;  car  celte  fbfoa  de 
perler  a'eat  pee  propre,  puisque  la  nature  crMe,  qui  eet  mD«  doat  il 
a'afit,  n'étant  pas  animée  n'est  pe*  capeUe  depeeaioa.  »  (QBwrei  é» 
Fucal.éà.  Uhure,  t.  III,  p.  is|.) 


SECTION  II.  91 

passions,  des  craintes,  des  horreurs'?  que  des  corps' 
insensibles,  sans  vie  et  même  incapables  de  vie  aient 
des  passions,  qui  présupposent  une  âme  au  moins 
sensitive  pour  les  ressentir?  de  plus',  que  l'objet  de 
cette  horreur'  fût  le  vide?  qu'y  a-t-il  dans  le  vide  qui 
leur  puisse  faire  peur'?  Qu'y  a-t-il  de  plus  bas  et 
plus  ridicule?  Ce  n'est  pas  tout*  qu'ils  aient  en  eux- 
mêmes  un  principe  de  mouvement  pour  éviter  le 
vide:  ont-ils  des  bras,  des  jambes,  des  muscles,  des 
nerfs? 

Première  copie  335 1  76 

Ecrire  contre  ceux  qui  approfondissent  les  sciences  : 
Descartes'. 


I.   (Oefl  déplu.] 

S.   [tnaolmét,  morts,  et  gnJ  ne  les.] 

3.  [Pottrqaol  ut-ce  qti'UM  oat  [aâtiçaet-on  de  [à  Mile]. 

4.  [On  dit  qae  to.) 

5.  [tl  n'y  a  tien  da  tout  [ea  effet  [tiM  oat  dooe  pMB*  4»  rtee.] 

6.  [Leur  horreur  Berett  sana  effet  ê'ila  a'mratmat  &m  Hmm  pour  texé- 
tmmr;  mhk  oo  tour  «a  »mitMM  M  de  tr«a  pul— wrw  Oa  dfi  «m  om  msI»» 
tÊtm  m  OBI  pmtr  du  rtâê,  maia  qurm  Ml  ISmbM  dt  rérhtr]  m  ■Mnreir 
pour  rértter.] 

76 

Cr  C  .  187;  Fais..  I.  i3S;   H**.,  XXIV,  100;  Mot.,  11.  t48;  Mica.. 

•i'ii 

7.  Le  m.l.  M  \|.  .  r  iloiit  Paicnl  «viiil  fiiil  ronn«i»Mnce  par  l'in- 
termAdiairr  d.-  Mm.  <)'■  >.iblé,  frrtt  à  Huet  le  3i  joillet  168g,  (Un*  une 
lettre  %»r  ta  pliiloiopbie  de  Dcarartes.  «  Il  ftwrt  ttftmiuwÊ  do— r  cette 
gloire  à  feu  M.  Pascal,  que  «es  granda  eff  •■—te  «vœ  la  diari- 
pline  de  Jant^nio»  ne  l'ont  pa«  emp^cli^  de  t'en  Boqner  ouvertement 
et  de  la  qualifier  do  booi  de  RoOMO  de  la  Nature.  »  (Cil>  par  lUr- 
tholneM,  //urf,  p.  91.) 


M  PINStES. 

'  Je  no  puis  pardonner  à  Descartes  ;  il  aurait  bien 
voulu,  dans  toute  sa  philosophie,  pouvoir  se  poaaer 
de  Dieu  :  mais  il  n'a  pu  s'empêcher  de  lui  faire  donner 
une  chiquenaude,  pour  mettre  le  monde  en  mouve- 
ment; après  cela,  il  n'a  plus  que  faire  de  Dieu. 

4i51  7l 

Descartes  inutile  et  incertain*. 


7T 
a.  Boa.,  I,  X,  kl  ;  P4M.,  I,  3<9;  Moi..,  H,  i48;  Mmb.,  toœ. 

I .  Ce  fragment  a'eat  mu  douta  q««  le  ■onvcair  d'wM  etmtmmtàom 
de  Paical  :  «  M.  Paaeal,  rapporte  Margeerile  Périer,  parlait  pe«  de 
•rtenrea  ;  cependaot,  quand  l'ocraiion  f'en  pr^aentait,  il  dÏMit  toa 
•enliment  sur  le»  choaea  dont  on  lui  parlait.  Par  exemple,  sur  la  pki- 
loiophie  de  M.  Deeoartee,  il  disait  aaaei  ce  qu'il  pensait.  Il  était  da 
snn  sentiment  sur  l'aotomate,  et  n'en  était  point  sur  la  matière  aabtile, 
dont  il  se  moquait  fort.  Mais  il  ne  pouTait  souffrir  sa  aMaière  d'expli- 
quer la  Formation  de  toutes  rboses,  et  il  disait  tris  soaveM  :  Je  ae 
puis,  fte.  •  {Bihl.  Nat.  ms.  iSaSi,/.  fr.,  p.  177).  Cf.  tr.  5ia. 


Cr.  B.,  «64;  C,  >63;  Fâve.,  I,  tSi  aoto;  Hsv.,  XXIV,  100  iv; 
II,  iS6;Mioa,  M3. 

s.  Inutile,  parce  qaa  m  adtBplijreiqae  ae  loaebe  pae  k  c  l'aaiqaa 
aéeemiira  »  ;  iaeertaia,  parce  qu'il  édifie  soa  êjnkmtt  ém  dMeaeear 
de*  priacipea  e  priori  qui  ne  peuvent  être  qae  des  hypetlièeat.  Il  at 
fcat  pat  Yoir  daas  eeue  critique  de  Deeearlae  par  Pascal  aa  dii?ea 
de  eoa  paaaé  aeieatilqtte.  (l'est  aa  eoatraîre  ea  savant  ^ae  Paaeal  parla 
ici  ;  ai  ea  géométrie  ai  en  physique  il  ae  sait  la  aiétlHide  eaitémaaaa, 
il  ae  croit  ni  k  l'évideace  des  idées  simples  ai  k  la  poasikiKté  de  «••- 
atraire  ratioaaalleaMat  le  aM>ade.  Se  f  éométtie  eet  sy  tàéti^ae  et  eoa- 
erèce,  sa  pbym^aa  eel  e«périmeaule  et  aaUmétapliyeiye.  La  PMeal 
eartériea,  aa  im»  abeela  oà  oa  Pa  eal— da,  an  «ae  llgaait. 


SECTION  II.  « 

i5a)  79 

[Descaries.  —  Il  faut  dire  en  gros  :  Cela  se  lait 
par  figure  et  mouvement  — ,  car  cela  est  vrai.  Mais  de 
dire  quels,  et  composer  la  machine,  cela  est  ridicule. 
Car  cela  est'  inutile  et  incertain  et  pénible.  El 
quand  cela  serait  vrai,  nous  n'estimons  pas  que  toute 
la  philosophie  vaille  une  heure  de  peine  VJ 

aSaj  80 

D'où  vient  qu'un  boiteux  ne  nous  irrite  pas,  et 
un  esprit  boiteux  nous  irrite*?  à  cause  qu'un  boiteux 


79 

a.  B  ,  Si;  C,  &S;  Bm.,  If,  p.  bki;  Fam.,  I,  181;   Hat.,  XXIY,  100 

6ù;  Mot.,  Il,  1^48;  Mica  ,$71 

I.  (raox.) 

J.  On  voit  par  la  suite  îles  nlr-es  If  sens  i^iii>  I'.inciI  «lnniM-  m  iii"! 
de  philosophie.  Sniv.«nt  I'uvijjp  .t  peu  (>rc<  (-■■ii-.l.irit  ilc  «^rs  i  .iii|tMii(>..- 
raina,  el  de  t)e»carte$  lui-n^roe  {De*  l'rincipe*  He  l'hHo$opHir)^  U  pht- 
loaophie  s'eotend  de  la  philosophie  naturelle,  de  la  ■  icienre  des 
cboiM  extérieures  n.  Paseal,  oomaM  Socrate,  se  détourne  de  la  philo- 
aophi«  naturelle  pour  se  toamer  y*r%  la  philosophie  morale  ;  mais,  sai- 
Tant  la  remarque  profonde  de  M.  Bontroux,  leurs  rootih  sont  iavsraaa. 
Pour  Socrate,  l'univers  extérieur  étant  l'truvre  des  Dieui,  e'aat  aapi^ 
Mr  mÊf  laar  dcMMÙas  ^m  de  rechercher  les  causes  des  phéaewènee 
■atarab  ■■  lien  de  c  ealitTer  nolfe  jardin  »,  c'est-à-dire  au  lîeo  de  mmm 
connaître  et  de  nous  corriger  nons-mémes.  Pour  Pairal  l'homme  a  biea 
U  capacité  de  connaître  l'anivers;  mais  cet  univers  est  c  mnet  •,  il  an 
■èae  pas  à  Dien,  et  e'eet  pourquoi  U  eon— imeace  •■  est  stérile. 

So 

a.  B..  s6:  C.S3:  P.  R  ,  XXIX.  5:  Bp.  .  I.  »»..  n;  Fàaa  ,  I      '- 
lU*  .  V.  10:  Moi..  I.  «7:  Hks  .  Soi. 

S.  MoaUigae  III,  8  (Oe  Vvt  de  tm/értr)  :  a  De  vrajr,  pourquoi, 
•■■s  BOUS  eemouToir,  reueoatre—  uous  quelqu'un  qui  ayt  le  eerpe 
lortu  et  mal  basti  ;  et  ae  pouvons  souffrir  le  reaeoatre  d'un  eaprit  ami 


100  PBNStlS. 

reconnaît  qne  nous  allons  droit,  et  qu'un  esprit  boi- 
teux dit  que  c'est  nous  qui  boitons;  sans  cela  nous 
en  aurions  pitié  et  non  colère. 

Épiclète  demande  bien  plus  fortement  :  Pourquoi 
ne  nous  (âchons-nous  pas*  si  on  dit  que  nous  avons 
mal  h  la  ti^te,  et  que  nous  nous  H^cbons  de  ce  qu'on 
dit  que  nous  raisonnons  mal.  ou  que  nous  choisis- 
sons mal  '.  —  Ce  qui  cause  cela  est  que  nous  sommes 
bien  certains  que  nous  n'avons  pas  mal  à  la  télé,  et 
que  nous  ne  sommes  pas  boiteux  :  mais  nous  ne 
sommes  pas  si  assurés  que  nous  choisissons  le  vrai. 
De  sorte  que,  n'en  ayant  d'assurance  qu'à  cause  que 
nous  le  voyons  de  toute  notre  vue,  quand  un  autre 
voit  de  toute  sa  vue  le  contraire,  cela  nous  met  en 
suspens  et  nous  étonne,  et  encore  plus  quand  mille 
autres  se  moquent  de  notre  choix;  car  il  faut  pré- 
férer nos  lumières  h  celles  de  tant  d'autres,  et  cela  est 
hardi  et  diflicile.  Il  n'y  a  jamais  cette  contradiction 
dans  les  sens  touchant  un  boiteux. 


rwfé  MM  BOlu  MMn  M  ebolera  ?  C«tu  TioiMM  upraU  tiMt  pl« 
•■  iogs  qn'k  U  (hultc.  ■ 

I .  (O*  M  go'oo  dit] 

s.  Voir  Épictète,  Entretiens,  IV,  6  :  «  Tu  l'inquiètes  û  le*  aatrea 
oat  pitié  de  toi.  —  Oui,  parce  qu'il*  me  plaignent  mq*  que  j«  le 
■léril*...  —  Coaaent  ta  pUi^ent-ils  «an»  que  tu  le  mérites.  En  aa- 
■îHMtaat  riapretaioa  qoa  U  pitié  fait  tur  toi  tu  te  préqarca  à  t'en 
raa^rt  digaa...  J'ai  la  t#ta  aaiaa,  al  ponrtani  tout  le  monde  voit  que 
j'ai  «al  k  la  téta.  Qae  ai'iaiporta  ?  ■  (Trad.  Thuroi,  p.  44o)-  — Cf. 
fn«ola  :  ■  Nom  aa  aoM  «attOM  pM  aa  eelèra  lonfv'oa  «'iaMsiae 
qaa  bom  avoaa  b  Serra,  quad  aoM  wiaa  awaréi  da  aa  pM  l'avoir. 
Poarqooi  doae  a'aigrit-oa  ooatfa  eaai  qat  eroiani  qaa  aoM  avoaa 
eoMeiaaaa  ém  fcaiM  qaa  «dm  a'avoM  pM  aoaaiiaae  »,  aie.  (Oa 
M^fw  iê  mmmm  k  fdm  mm  Im  kmmm,  s*  patt.,  oh.  tu). 


SECTION  II.  Ml 

493]  Sx 

L'esprit  croit  naturellement,  et  la  volontë  aime 
naturellement;  de  sorte  que,  faute  de  vrais  objets, 
il  faut  qu'ils  s'attachent  aux  faux*. 


8i 

Cr.  B.,  36o;  C,  Ss6;  P.  R.,  XXI,  is;  Bos.,  I,  i,  ii;  Fam.,  I,  mi  ; 
Hmj.,  VII,  ii;  Mm-,  I,  117;  Mica.,  688. 

I.  Le  chapitre  tr  do  i"  livre  des  B$$4Ùs  est  intitulé  :  Comme  l'amg 
de$ehûrye  $a  poitkmt  iur  dm  tèjeta  /oais,  qwaitd  tei  vrais  lay  dé- 
faillent. C'est  n  recueil  d'eseodotes  dont  la  pins  mal  connue  et  la 
plu»  MÏsisHBte  eat  celle-ci  :  «  Xenes  fouetta  la  mer,  et  escririt  un 
cartel  de  deafi  au  mont  .\tbot.  »  Il  a  suggéré  à  Pascal  une  pensée 
d'une  portée  générale,  et  singulièrement  plus  profonde  :  notre  nature  est 
toute  connaissance  et  tout  amour,  nos  erreurs  et  nos  misères  Tiennent 
de  ce  que  le  milieu  où  nous  rivons  n'est  point  capable  de  satisfiiire 
cette  soif  de  connaître  et  ce  besoin  d'aimer. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


INTRODUCTION  AUX  PE\SÉES  DE  PASCAL 

PagM. 
l'REMItJlE  PARTIE 

Histoire  de  la  publication i 

DEUXIÈME  PARTIE 

Lciiii;:    :it  original xli 

Le  >.li~' un  ui  des  Pensées xlviii 

TROISIÈME  PARTIE 

'Lectures  et  influences lxvii 

La  conception  générale  des  Pensées cm 

PIÈCES  JUSTIFICATIVES 

I 
Lettres  de  Bricnnc  à  Mme  Périer cttv 


II 

Texte  des  approbations cuv 

Lettre  d'Arnauld  k  M.  Périer. .  clxi 

Entretien  de  l'arcbevèque  de  Paris  a\oc  M.  Dcsprei.  clsiii 

Lettre  de  l'arcbevèque  de  Paris  à  M.  Périer.  .     .           eus 

Réponse  de  M.  Périer  et  lettre  d'Arnauld.  .  .     .          cutu 

L'édition  de  1669.     .  r4.ixiii 


Ml  TABLE  DES  MATIÈRES. 

m 

Prélaoe  de  Port-Royal i  x  x  v  t 

DÎMoan  sur  les  PtntU»  de  Filleau  de  la  Chaise.  .  cxcix 

Résamé  des  Ptmiet  par  Nicole ocxxku 

Plan  do  l'Apologie  par  Mme  Përier.  .     .  ccxli 

IV 

Lettre  sur  les  Ptfiui«<,  de  M.  Pavillon •  <  \i.vii 

—  de  M.  de  Tillcmont.  >(\i.\iii 

—  de  Nicole iili 

Argument  logique  des  Reniées oclv 

M 

Tableau  de  oonoordance  entre  les  «klitions. .     .     .  cclixt 

PENSÉES 

Mémorial  de  Pascal 3 

Sktior  I  9 

Secnmt  11  Tu 


caAiTaas.  —  nirtmiua  »ciuiid,  roi  rvtanT. 


B 
1901 

t.l 


Pascal,   HLaii 
Pensas 


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UNIVERSITY  OF  TORONTO  UBRARY 


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