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Full text of "Percier et Fontaine : biographie critique"

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WELLESLEY  COLLEGE 


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in  2010  with  funding  from 

Boston  Library  Consortium  IVIember  Libraries 


http://www.archive.org/details/percieretfontainOOfouc 


LES   GRANDS  ARTISTES 


PERCIER  et  FONTAINE 


i.^.:^    ,.  ANDS  ARTISTES 

COLLECTION     T-' F  N  :  -i    GN  EME  N  T     ET     DE    VULGARISATION 

Placée  sous  le  Haut  Patronage 

DE 

L'ADMINISTRATION  DES  BEAUX-ARTS 


Volumes   parus  : 

Boucher,  par  Gustave  Kahn. 

Chardin,  par  Gaston  Schefer. 

Louis  David,  par  Charles  Saunier. 

Eugène  Delacroix,  par  Maurice  Tourneux. 

Donatello,  par  Arsène  Alexandre. 

Douris  et  les  peintres  de  vases  grecs,  par  E.  Pottier. 

Albert  Durer,  par  Auguste  Marguillier. 

Fragonard,  par  Camille  Mauclair. 

Gros,  par  Henry  Lemonnier.  - 

Hogarth,  par  François  Benoit. 

Ingres,  par  Jules  Momméja. 

Jordaëns,  par  Fierens-Gevaert. 

La   Tour,  par   Maurice  Tourneux. 

Léonard  de  Vinci,  par  Gabriel  Séailles. 

Claude  Lorrain,  par  Raymond  Bouyer. 

Lysippe,  par  Maxime  Collignon. 

J.-F.  Millet,  par  Henry  Marcel. 

Percier  et  Fontaine,  par  Maurice  Fouché. 

Poussin,  par   Paul   Desjardins. 

Praxitèle,   par  Georges  Perrot. 

Pierre  Puget,  par  Philippe  Auquier. 

Raphaël,  par  Eugène  Muntz. 

Rembrandt,    par  Emile  Verhaeren. 

Rubens.  par  Gustave  Geffroy. 

Titien,  par  Maurice  Hamel. 

Van  Dyck,  par  Fierens-Gevaert. 

Velazquez,  par  Élie  Faure. 

Watteau,  par  Gabriel  Séailles. 


Volumes  a  paraître  : 

Fra  Angelîco,  par  André  Pératé. 
Jean  GoujoUj  par  Paul  Vitry. 
Metssonier,  par  Léonce  Bénédite. 
Ruysdael,  par  Georges   Riat. 


365-04.  —  Corbeil.  Imprimerie  Éd.  Crété. 


LES   GRANDS   ARTISTES 

LEUR   VIE  -  LEUR  ŒUVRE 


Percier  et  Fontaine 


PAR 


MAURICE    FOUCHE 

Professeur  agrégé  de  l'Université 

BIOGRAPHIE   CRITIQUE 

ILLUSTRÉE      DEVINGT-QUATRE      REPRODUCTIONS      HORS      TEXTE 


*1SL 


PARIS 

LIBRAIRIE    RENOUARD 

HENRI    LAURENS,    ÉDITEUR 

6,   RUE   DE   TOURNON   (VI«) 


'SIP  2  8  193#î 


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PERGIER  ET  FONTAINE 


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Les  noms  de  Percier  et  Fontaine  sont  restés  insépa- 
rables dans  l'histoire  de  l'art.  Unis  par  une  amitié  réci- 
proque, les  deux  artistes  ont  conduit  ensemble  à  terme 
presque  tous  leurs  ouvrages  et  rien  n'est  moins  aisé  que 
de  déterminer  dans  leur  collaboration  ce  qui  appartient 
en  propre  à  chacun  d'eux. 

On  les  connaît  surtout  comme  architectes  ;'mais  Tinté- 
rieur  des  édifices  ne  les  préoccupait  pas  moins  que  l'exté- 
rieur. La  décoration  des  appartements,  les  meubles,  les 
tentures,  les  pièces  de  bronze  et  d'ortèvrerie,  tout  ce 
qui  concerne  Fameublemeût  savait  encore  solliciter  leur 
invention.  Fatigués  de  la  mièvrerie  et  fortement  épris  de 
l'antiquité  qui  avait  recommencé,  depuis  Gaylus,  à  hanter 
Fimagination  des  artistes,  ils  en  ont  mieux  que  personne 
compris  la  grandeur;  mais,  ainsi  qu'on  l'a  remarqué, 
«  cette  grandeur  n'a  rien  de  solennel,  de  guindé;  la  grâce 
et  le  charme  familiers  au  xvin''  siècle  la  tempèrent  ». 
Leurs  entreprises  furent  favorisées  par  la  mode  qu'ils 
surent  diriger  dans  la  voie  du  bon  goût  et  de  la  saine 
raison.   Aussi  leurs  noms  dominent  toute  l'histoire  du 


6  PERCIER  ET  FONTAINE. 

style  empire  dont  ils  demeurent  les  maîtres  incontestés. 

Leur  jeunesse  fut  laborieuse  et  leurs  débuts  difficiles  ; 
plus  tard  seulement  ils  connurent  la  fortune,  les 
lionneurs;  d'ailleurs,  les  péripéties  de  leur  vie  sont  inti- 
mement liées  à  l'bistoire  même  de  leurs  ouvrages.  Sans 
doute  par  crainte  des  inexactitudes  coutumières  aux 
biographes.  Fontaine  a  pris  soi  a  de  se  raconter  lui- 
même.  Le  10  septembre  1839,  le  jour  même  oii  il  entrait 
dans  sa  soixante-dix-huitième  année,  il  commença  des 
mémoires  intitulés  Mia  vila.  La  rédaction  s'en  poursuit 
jusqu'au  10  septembre  1844;  à  cette  date.  Fontaine  s'in- 
terrompt pour  reprendre  la  plume  quatre  années  plus 
tard,  et  narrer,  à  sa  façon,  la  révolution  de  1848.  C'est 
de  ce  manuscrit  que  se  servit  Fromenthal  Halévy  pour 
écrire  la  notice  sur  Fontaine,  lue  à  l'Académie  des  Beaux- 
Arts,  le  7  octobre  1854,  un  an  après  la  mort  du  célèbre 
architecte  [\).  En  dehors  de  ce  document,  presque  tous 
les  renseignements  nécessaires  nous  ont  été  fournis  par 
les  ouvrages  que  Percier  et  Fontaine  prirent  le  soin  de 
faire  paraître  au  sujet  de  leurs  travaux  Parmi  les  autres 
publications  auxquelles  nous  avons  dû  recourir,  il  convient 
de  citer  le  mémoire  sur  l'école  de  Percier,  par  Victor  Bal- 
tard,  architecte,  fils  de  Pierre  Baltard,  architecte  lui  aussi 
et  l'un  des  amis  de  Percier,  mémoire  qui  fut  lu  dans 
la  séance  annuelle  de  l'Académie  des  Beaux-Arts,  le 
15  novembre  1873. 

Percier,    qui    appartint    également   à    l'Académie   des 

(1)  Cette  notice  a  été  réimprimée  clans  Souvenirs  et  Portraits,   1861. 


PERCIER  ET   FONTAINE.  7 

Beaux- Arts,  est  mort  en  1838  et  son  éloge  fut  prononcé, 
selon  la  coutume,  par  le  secrétaire  perpétuel  d'alors  qui 
n'était  autre  que  Raoul  Rochette.  Admirateur  fervent 
de  l'antiquité  et  archéologue  réputé,  Raoul  Rochette  ne 
pouvait  manquer  d'apprécier  à  toute  sa  grande  valeur  le 
talent  de  Percier. 


Pierre-François-Léonard  Fontaine  naquit  à  Pontoise, 
le  10  septembre  1762.  Il  était  l'aîné  de  sept  enfants.  Son 
grand-père,  architecte,  s'était  occupé  d'aménager  les  eaux 
et  de  décorer  les  jardins.  Son  père,  architecte  aussi,  était 
devenu  entrepreneur  de  bâtiments,  puis  plombier.  Pierre 
Fontaine  quitta  h  seize  ans  le  collège  de  Pontoise,  et  fut 
envoyé  à  l'Isle-Adam  oii,  sous  la  direction  de  l'architecle 
André,  son  père  exécutait  de  grands  travaux  dans  le 
château  du  prince  de  Conti.  André  reconnut  vite  le  goût 
et  les  aptitudes  artistiques  du  novice,  mais  il  estima  utile 
de  le  pourvoir  d'une  solide  éducation  pratique.  Aussi  Pierre 
Fontaine  s'en  vint  travailler  sur  les  chantiers  avec  les 
ouvriers,  à  la  pose  des  conduites  et  à  la  construction  des 
aqueducs.  Un  peu  plus  tard,  il  fut  employé  à  des  travaux 
de  comptabilité.  Voulait-on  lui  donner  quelque  témoignage 
de  satisfaction,  il  était  admis  à  entrer  dans  le  bureau  de 
l'architecte,  à  examiner  les  dessins  et  les  plans  ;  convenait- 
ilde  le  récompenser  davantage  encore,  André  lui  faisait 
copier  des  dessins  et  lui  enseignait  les  éléments  de 
l'architecture. 


8  PERGIER  ET   FONTAINE. 

Vers  ce  temps  arriva  de  Paris  un  jeune  homme,  Thibaut, 
destiné  à  un  bel  avenir,  qui  avait  pour  tâclie  de  mettre 
au  nettes  projeis  de  l'arcliilecte  :  un  peu  plus  âgé  que 
Fontaine,  et  beaucoup  plus  habile  que  lui,  Thibaut  fut 
d'un  grand  secours  à  son  jeune  camarade  et  lui  donna  les 
premières  leçons  véritablement  profitables.  Avec  la  fougue 
de  leur  âge,  leur  ardeur  pour  Tétude  de  l'art  devint  une 
véritable  passion  et  les  entraîna  aune  dangereuse  équipée. 
Tous  les  ans,  à  Paris,  le  jour  de  la  Saint-Louis,  les  travaux 
des  concurrents  pour  le  prix  de  Rome  étaient  exposés. 
Les  deux  jeunes  gens  brûlaient  de  les  voir.  Certains 
qu'André  leur  refuserait  l'autorisation,  ils  escaladèrent 
une  nuit  les  murs  du  château,  et  firent  à  pied  les  dix 
lieues  qui  séparent  l'Isle-Adam  de  Paris.  Ils  arrivèrent 
épuisés,  affamés  et  sans  argent.  On  devine  qu  ils  n'en 
coururent  pas  moins  à  l'exposition  et  que  l'examen  attentif 
des  projets  les  dédommagea  un  instant  de  leurs  fatigues  ; 
mais  il  leur  fallut  refaire  le  chemin,  regagner  à  grand'- 
peine  leur  résidence  oii  ils  ne  trouvèrent,  pour  les 
accueillir,  que  gourmades  et  réprimandes.  Fontaine, 
quoique  vigoureux,  ne  put  supporter  l'épreuve;  il  prit  la 
fièvre  et  faillit  mourir. 

Son  père,  éclairé  par  l'événement,  reconnut  la  vocation 
de  son  fils  et  cessa  de  la  vouloir  contrarier;  il  comprit 
qu'elle  réclamait  des  études  mieux  entendues  et  la  direc- 
tion d'un  maître.  Vers  la  fin  d'octobre  1779,  Pierre 
Fontaine  vint  à  Paris  et  fut  présenté  à  Peyre  jeune, 
inspecteur  des  bâtiments  du  roi,  dont  l'école  d'architecture 


LA    PLACE    DU    PEUPLE    A    ROME,    LE    i*^^'   MARS    1791 
D'après  une  aquarelle  de  Percier  conservée  à  la  Bibliolhèqiie  de  l'Institut. 


PERGIER  ET   FONTAINE.  H 

était  justement  réputée.  Peyre  l'admit  au  nombre  de  ses  élè- 
ves. C'est  là  que  Pierre  Fontaine  devait  rencontrer  Percier. 

Les  premières  années  de  Charles  Percier-Bassant 
s'étaient  écoulées  plus  tranquillement.  Il  était  né  à  Paris 
en  1764;  son  père  avait  la  charge  de  concierge  du  pont 
tournant  des  Tuileries  ;  sa  mère  était  attachée  à  la  lingerie 
de  la  reine.  Il  montra  un  goût  précoce  pour  l'art. 
Un  aquarelliste  de  goût,  Poisson,  qui  allait  enseigner 
le  dessin  aux  dames  de  la  cour,  remarqua  le  jeune 
Percier  qui,  à  dix  ans,  dessinait  déjà  avec  une  per- 
fection désespérante  les  brandebourgs  et  les  galons  dont 
les  uniformes  étaient  chamarrés.  Tout  de  suite  apparaît 
chez  l'enfant  cet  amour  du  soin  qu'il  a  gardé  toute  sa  vie. 
Quelques  années  plus  tard,  on  le  trouve  élève  du  peintre 
Jacques  Lagrenée,  puis  il  passe  par  l'école  de  Peyre  avant 
de  fréquenter  l'atelier  que  Guy  de  Gisors  vient  d'ouvrir  à 
son  retour  de  Rome.  Tout  en  poursuivant  ses  études, 
Percier  travaillait  pour  Chalgrin,  architecte  de  Monsieur, 
et  pour  Pierre-Adrien  Paris,  dessinateur  de  la  chambre  et 
du  cabinet  du  roi. 

A  cette  époque,  l'Académie  des  Beaux-Arts  admettait 
deux  sortes  d'étudiants  :  les  uns  pouvaient  suivre  les 
cours  et  se  disputer  chaque  mois  les  médailles.  C'est 
ainsi  que  Percier  obtint  plusieurs  récompenses.  Les  autres, 
appelés  élèves  de  F  Académie^  avaient  seuls  le  droit  de 
concourir  pour  le  grand  prix  de  Rome.  Chacun  des  membres 
de  l'Académie  pouvait  désigner  un  élève  et  le  présenter 
au  concours.  Mais,  si  l'Académie  décernait  le  prix,  c'était 


12  PERGIER  ET  FONTAINE. 

le  ministre  de  la  maison  du  roi  qui  donnait  la  pension 
permettant  à  l'artiste  d'aller  étudier  à  Rome,  et  les  deux 
récompenses  ne  tombaient  pas  toujours  sur  la  même  tête  (1  ) . 

L'année  1785,  Fontaine  fut  présenté  au  concours  du  prix 
de  Rome  par  Heurtier,  architecte  du  roi,  auteur  de  l'ancien 
théâtre  de  l'Opéra-Gomique.  Le  sujet  du  concours  était 
un  Projet  pour  la  Sépulture  des  Rois  et  des  Princes  de  la 
Famille  royale. 

«  J'avais  imaginé,  dit  Fontaine  dans  Mia  vita^  de  placer 
sur  le  sommet  de  la  montagne  de  Montmartre  Tédifice 
demandé.  Après  avoir  indiqué,  par  des  étages  de  portiques 
différents  au-dessus  les  uns  des  autres,  les  rangs  qui  dis- 
tinguaient les  sépultures  des  souverains,  celles  des  princes 
et  celles  des  grands,  je  consacrais  dans  un  ordre  métho- 
dique et  dans  une  disposition  régulière  le  reste  de  la 
montagne,  jusqu'au  boulevard  extérieur,  à  la  sépulture 
des  habitants  de  la  capitale.  J'avais,  dans  le  dessin  de  ma 
façade  générale,  supposé  l'effet  d'un  coup  de  tonnerre  qui 
éclairait  le  sommet  de  la  pyramide  circulaire,  sur  laquelle 
on  voyait,  au  centre  d'un  cercle  de  coursiers  lancés  au 
galop,  la  statue  du  Destin  qui  portait  sur  le  monde,  la  faux 
à  la  main,  la  mort  dans  toutes  les  directions.  J'ai  lieu  de 
croire  que  ma  pensée  un  peu  alambiquée,  et  à  laquelle  je 
n'avais  pu  joindre  aucune  explication,  n'a  pas  été  com- 
prise, et  que  mon  coup  de  tonnerre  seul,  quoique  assez 
mal  rendu,  m'a  fait  avoir  le  second  prix  auquel  je  n'aurais 
pas  même  osé  prétendre.  » 

(i)  F.  Halévv,  Souvenirs  et  Portraits. 


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PERGIER  ET   FONTAINE.  15 

Les  élèves  de  IWcadémie  des  Beaux-Arts  étaient  peu 
patients  ;  ils  n'acceptaient  pas  toujours  en  silence  les 
décisions  de  leurs  juges  et  ne  se  retenaient  pas  de  mani- 
fester leurs  sentiments  à  haute  voix.  Le  premier  prix  avait 
été  accordé  à  un  certain  Moreau,  fort  oublié  aujourd'hui. 
Les  élèves,  et  même  quelques  professeurs,  scandalisés 
par  ce  jugement,  projetèrent  un  mouvement  en  faveur  de 
Fontaine.  Celui-ci,  d'un  caractère  modeste  et  tranquille, 
ne  fut  qu'à  moitié  satisfait  du  bruit  qui  se  méditait  autour 
de  son  nom.  11  s'employa  de  son  mieux  à  empêcher  la 
démonstration  projetée  et  ne  réussit  qu'à  la  rendre  moins 
éclatante.  Cependant,  renonçant  pour  jamais  au  concours, 
il  résolut  de  faire  le  voyage  de  Rome  avec  ses  seules  res- 
sources. Son  père  lui  donna  vingt-cinq  louis,  et  lui  pro- 
mit en  plus  une  pension  annuelle  de  quatre  cents  francs. 

Le  séjour  de  Rome  eut  une  influence  décisive  sur  le 
développement  du  talent  de  Fontaine  ;  mais  il  ouvrit 
aussi  l'ère  des  difficultés  et  des  luttes.  Les  subsides  pater- 
nels étaient  bien  faibles  et  n'arrivaient  pas  régulièrement. 
Fontaine  commençait  à  se  décourager.  Force  lui  fut  de 
travailler  pour  vivre.  11  entreprit  des  vues  de  Rome, 
coloriées  à  l'aquarelle,  afin  de  les  vendre  aux  étrangers, 
«  mais,  dit-il,  après  plusieurs  essais  qui  eurent  peu  de 
succès,  je  reconnus  que  je  devais,  avant  tout,  étudier  le 
dessin  que  je  savais  fort  peu,  et  apprendre  la  perspective, 
que  j'ignorais  entièrement.  » 

Ces  aveux  sont  précieux.  Quelle  critique  plus  sévère 
pourrait-on  faire  de  l'enseignement  que  recevaient  alors 


16  PERGIER  ET   FONTAINE. 

à  Paris  les  jeunes  architectes  ?  D'autre  part,  ils  nous 
éclairent  sur  le  caractère  de  Fontaine,  sur  sa  modestie  et 
son  aptitude  à  discerner  ce  qui  lai  manque.  11  eut  la  chance 
de  rencontrer  dans  un  café  de  la  rue  du  Cours  un  gentil- 
homme français,  M.  deNainville,  excellent  dessinateur  qui 
s'intéressa  à  lui.  Il  accompagnait  Fontaine  dans  ses  visites 
au  Forum  et  aux  monuments  antiques,  se  plaisant  à  lui  en 
rappeler  les  origines  et  l'histoire.  Entre  temps,  il  lui  parlait 
des  auteurs  anciens,  lui  expliquait  Virgile,  Cicéron,  Tacite, 
et  le  préparait  ainsi  à  cette  intelligence  de  l'antiquité  qui 
a  été  de  si  grande  influence  sur  son  œuvre. 

Cependant  Fontaine  avait  laissé  d'excellents  souvenirs 
à  Paris  ;  ses  amis  et  ses  maîtres  s'occupaient  de  lui. 
Heurtier,  qui  jouissait  de  quelque  crédit,  lui  fit  obtenir 
la  pension  royale.  Le  jeune  artiste  se  trouvait  ainsi  tiré 
d'embarras.  En  même  temps  que  cette  bonne  nouvelle,  il 
apprit  que  Percier  venait  de  remporter  le  prix  au  con- 
cours de  1786,  avec  un  projet  de  Palais  pour  la  réunion 
des  Académies^  et  allait  arriver  à  Rome. 

L'école  de  Rome,  fondée  par  Golbert  en  1666,  semblait 
à  cette  époque  ne  plus  répondre  à  sa  mission.  Nul  pension- 
naire qui  eût  osé  envoyer  une  copie  sincère  et  conscien- 
cieuse d'une  statue  antique,  d'un  morceau  de  Raphaël  ou 
de  Michel-Ange.  L'art  des  anciens  maîtres  devait  être  cor- 
rigé, habillé  au  soût  moderne.  Les  caractères  les  mieux 
trempés  n'échappaient  pas  àlacontagion.  David  lui-même, 
le  grand  David,  le  maître  de  l'Ecole  classique,  n'avait-il 
pas  sacrifié,  un  instant,  au  dieu  de  la  mode  et  au  préjugé? 


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PERGIER  ET  FONTAINE.  19 

Sans  doute  une  réaction  s'annonçait  contre  les  miè- 
vreries en  vogue,  mais  à  l'école  de  Rome  la  tradition 
et  la  routine  dominaient*  encore.  En  présence  des  chefs- 
d'œuvre  de  l'antiquité,  Percier  et  Fontaine  furent  vive- 
ment frappés  du  caractère  de  calme  et  de  sérénité  qui 
donne  une  si  grande  majesté  aux  ouvrages  des  anciens. 
C'est  l'un  de  leurs  plus  beaux  titres  de  gloire,  que  d'avoir 
su  rendre  la  beauté  antique,  et  surtout  de  l'avoir  fait  sen- 
tir et  aimer  de  leurs  contemporains  en  leur  montrant  dans 
quelle  mesure  elle  peut  s'adapter  à  l'idéal  artistique  et 
aux  besoins  de  la  société  moderne. 

Percier,  dont  l'instruction  générale  avait  été  vrai- 
semblablement négligée,  se  trouva  fort  dépaysé  en  arri- 
vant dans  la  Ville  éternelle.  Il  ne  savait  discerner  parmi 
les  merveilles  qui  l'entouraient,  comprenait  mal  la  destina- 
tion des  monuments  en  ruines,  et  confondait  les  époques.  Il 
lui  fallait  un  guide  ;  il  le  trouva  parmi  ses  camarades.  Ce 
fut  le  peintre  Drouais  qui  lui  prodigua  les  conseils  et  les 
leçons  ;  Percier  se  passionna  vite  pour  l'étude  des  chefs- 
d'œuvre;  il  accumulait  les  études  et  les  documents.  Il 
voulait  tout  voir,  tout  connaître.  Pour  pénétrer  dans  les 
maisons  religieuses,  il  s'habillait  en  moine,  prenait  un 
cierge,  suivait  la  procession  ou  servait  la  messe,  quitte 
à  braver  les  plaisanteries  de  ses  camarades  (1). 

Fontaine  et  Percier  avaient  renoué  les  liens  d'une  ami- 
tié qui  datait  de   leur  séjour  à  l'école  de  Peyre.  «  Nous 

1)  Éloge  de  Percier  par  Raoul  Rochette,  publié  par  la  Revue  des  Deux 
Mondes  (15  octobre  1840). 


20  PERGIER  ET  FONTAINE. 

fîmes,  Percier  et  moi,  dit  Fontaine,  sans  bruit,  sans 
éclat,  un  pacte  d'amitié  fondé  sur  Testime  et  la  confiance. 
Nous  concertâmes  ensemble  un  plan  d'études  qui  plus 
tard  nous  a  été  très  utile.  »  Séparés  de  leurs  camarades, 
ils  fuyaient  de  grand  matin  l'Académie  pour  s'aller  en- 
fermer dans  un  atelier  à  la  strada  Rosella  ou  au  monte 
Pincio^  ou  bien  encore  ils  s'échappaient  dans  la  campagne 
et  y  demeuraient  jusqu'au  soir.  Cette  sauvagerie,  jointe 
au  culte  qu'ils  professaient  à  l'endroit  de  l'architecture  pri- 
mitive, leur  avait  valu  d'être  surnommés  les  Étrusques. 
Vers  ce  temps,  Percier  entreprit  de  faire,  d'après  le 
Voyage  d'Anacliarsis^  la  restauration  complète  d'une  mai- 
son de  campagne  de  Pline  appelée  le  Laurentin.  Le  dessin, 
assez  heureux,  mais  que  Fauteur  lui-même  avait  jugé 
sévèrement,  ne  fut  pas  exposé.  Du  moins  prépara-t-il  le 
jeune  artiste  à  des  travaux  du  même  genre  mais  d'une 
tout  autre  portée. 

Un  événement  douloureux  permit  aux  deux  amis  d'as- 
socier pour  la  première  fois  leurs  talents  dans  une  œuvrcj 
durable.  En  1788,  Drouais  mourut,  victime  du  climat  d( 
Rome  et  d'excès  de  travail.  Chacun  reconnaissait  la  v 
leur  de  Drouais.  Sa  fin  prématurée  infligea  un  deuil  cruel 
dont  on  voulut  perpétuer  le  souvenir  :  un  projet  de  monu- 
ment fut  demandé  à  Percier  et  Fontaine  ;  le  sculpteur 
Michallon  l'exécuta  dans  l'église  de  Santa  Maria  in  via  Lata. 

Le  culte  que  nos  deux  artistes  avaient  voué  à  l'anti- 
quité ne  les  empêchait  pas  d'observer  attentivement  les 
constructions  modernes.    Ils    s'avisèrent  qu'à    côté    des 


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PERCIER  ET  FONTAINE.  23 

ruines,  Rome  offre  des  merveilles  plus  récentes,  des 
églises,  des  palais,  des  villas,  des  jardins  dignes  du  plus 
haut  intérêt.  Tandis  qu'une  partie  de  leur  vie  restait 
consacrée  aux  devoirs  des  pensionnaires  et  à  l'étude  de  la 
Rome  païenne,  le  reste  de  leur  temps  se  passait  à  explorer 
la  cité  moderne.  De  cette  période  datent  les  deux  beaux  des- 
sins de  Fontaine  qui  ornaient  son  cabinet  et  qui  sont  au- 
jourd'hui la  propriété  de  M.  Meunié  :  ce  sont  deux  vues 
prises  de  Monte  Mario  :  l'une  de  la  Rome  antique  restau- 
rée, l'autre  de  la  Rome  actuelle.  Les  héritiers  de  Fontaine 
conservent  aussi  de  son  séjour  à  Rome  quelques  albums 
de  croquis,  de  dessins  et  d'aquarelles,  petits  ouvrages 
délicieux  où  l'antiquité  apparaît  vue  par  le  côté  gracieux, 
tout  à  fait  à  la  façon  du  xviii"  siècle  (1). 

A  cette  époque,  Pierre- Adrien  Paris,  architecte  de 
rOpéra,  fit  abroger  par  l'Académie  d'architecture  l'obli- 
gation, imposée  aux  architectes  pensionnaires  du  roi 
à  Rome,  d'envoyer  chaque  année  des  projets  à  l'Acadé- 
mie :  on  voulait  ainsi  les  laisser  consacrer  tout  leur  temps 
à  l'art  antique.  En  revanche,  et  pour  constituer  à  l'Aca- 
démie un  fonds  précieux  de  dessins  de  tout  ce  que  Rome 
et  l'Italie  possèdent  d'intéressant,  on  exigea  que  chacun 
des  architectes  fût  chargé  de  faire  l'étude  complète  d'un 
monument  déterminé  (2).  On  avait  remarqué  à  l'Académie 
les  nombreux  dessins  que  Percier  avait  envoyés.  Paris 

(1)  Percier  a  rapporté  d'Italie  une  quantité  considérable  de  dessins 
croquis,  aquarelles,  qui  sont  réunis  à  la  Bibliothèque  de  l'Institut  dans 
plusieurs  gros  volumes  in-folio. 

(2)  Pierre-Adrien  Paris,  Éludes  d'Architecture. 


24  PERGIER  ET  FONTAINE. 

lui  donna  pour  sujet  d'étude  \d.  colonne  Trajane\  le  tra- 
vail exigeait  des  frais  assez  considérables  et  réclamait  du 
temps.  Paris  fit  prolonger  d'une  année  la  pension  de  Per- 
cier,  et  obtint  que  les  échafaudages  seraient  établis  aux 
frais  de  la  cassette  royale.  La  latitude  fut  ainsi  laissée  à 
Percier  d'examiner  la  colonne  de  fort  près;  il  affirme  n'y 
avoir  pas  trouvé  trace  de  l'or  et  des  couleurs  dont  certains 
historiens  prétendent  qu'elle  aurait  été  décorée.  La  res- 
tauration qu'on  lui  doit  comportait  huit  grands  dessins  : 
exposés  à  la  fin  de  1790  à  l'Académie  des  Beaux-Arts,  ils  y 
obtinrent  un  éclatant  succès  (1),  N'omettons  pas  que,  du- 
ra at  cette  dernière  année  de  son  séjour  à  Rome,  Percier 
s'était  lié  avec  le  sculpteur  Ganova,  lequel  lui  confia  plu- 
sieurs travaux. 

Le  moment  du  retour  était  arrivé,  et  avec  lui  les 
mauvais  jours.  Fontaine  quitta  Rome  le  premier. 
Son  père,  ruiné  dès  le  début  de  la  Révolution,  récla- 
mait le  secours  de  l'aîné  de  ses  enfants.  Il  partit  à 
pied,  par  économie,  avec  Dufour,  et  rejoignit  après  cinq 
années  sa  famille.  11  s'aperçut  vite  qu'à  Pontoise,  où  elle 
habitait,  rien  n'était  à  espérer,  ni  pour  lui,  ni  pour  les 
siens,  tandis  qu'à  Paris  ses  talents  pouvaient  trouver 
à  s'employer  utilement.  Il  s'en  vint  donc  trouver  le 
père  de  Thibaut,  son  ancien  camarade    de   ITsle-Adam, 

(1)  Restaurations  des  monuments  antiques  par  les  x\rcliitectes  pension- 
naires de  l'Académie  de  France  à  Rome  depuis  1788  jusqu'à  nos  jours. 
Paris.  Firmin-Didot,  1872.  Citons  aussi  le  Mémoire  historique  rédigé  en  1839 
par  Thomas  Vaudoyer  sur  le  projet  de  restauration  de  la  colonne  Trajane, 
exécuté  en  1788  par  feu  Ch.  Percier.  8  planches. 


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PERGIER  ET  FONTAINE.  2*7 

devenu   pensionnaire  de  l'Académie  de   France   à  Rome. 

M.  Thibaut  consentit  à  louer  à  Fontaine  le  logement  de 
son  fils  avec  le  mobilier,  pour  150  francs  par  an.  C'était 
une  pauvre  demeure,  au  fond  d'une  allée  obscure,  dans 
une  de  ces  petites  rues  fangeuses  qui  reliaient  alors  la 
rue  Saint-Denis  à  la  rue  Saint-Martin.  Fontaine  réussit  à 
se  procurer  quelque  travail  assez  mal  rétribué  :  des  mo- 
dèles de  papiers  peints,  de  décoration.  Enfin  il  fut  occupé 
par  l'architecte  Ledoux  qui  avait  construit,  pour  la  ferme 
générale,  le  mur  d'octroi  et  les  barrières  de  Paris,  au 
sujet  desquelles  il  préparait  un  ouvrage.  Ces  barrières, 
destinées  à  abriter  les  commis  de  l'octroi  et  à  leur  servir 
de  bureaux,  avaient  été  construites  en  forme  de  temple 
grec,  dans  un  style  lourd  et  massif  dont  la  barrière  d'Enfer 
et  la   barrière   du   Trône  offrent  de  typiques  spécimens. 

Cependant  Percier  avait  terminé  ses  études  sur  la 
colonne  Trajane.  Les  événements  qui  s'accomplissaient 
à  Paris  étaient  jugés  sévèrement  à  Rome,  et  la  population 
se  montrait  hostile  aux  Français.  Percier  jugea  prudent 
de  ne  pas  utiliser,  dans  ce  séjour  devenu  difficile,  la  pro- 
longation d'une  année  qui  lui  avait  été  accordée  ;  mais  il 
ne  pouvait  aisément  se  résoudre  à  abandonner  un  pays  si 
fertile  en  chefs-d'œuvre.  Il  partit  à  pied  vers  la  fin  de  1790, 
traversa  lentement  la  marche  d'Ancône,  les  légations,  la 
Lombardie,  entra  en  France,  visita  la  Provence,  Arles, 
Nîmes,  Orange,  etc.,  s'arrêtant  curieusement  à  tout  ce 
qu'il  rencontrait  sur  son  passage  et  accumulant  de  pré- 
cieux documents.  Il  mit  un  peu  plus  d'un  an  à  accomplir 


28  PERGIER  ET  FONTAINE. 

ce  trajet.  Arrivé  à  Paris,  il  se  hâta  d'aller  retrouver  Fon- 
taine et  s'installa  chez  lui  très  modestement  ;  un  peu 
plus  tard,  ils  hahitèrent  rue  Montmartre  un  appartement 
plus  confortable. 

Leur  vie  fut  la  continuation  de  celle  que  menait  Fon- 
taine depuis  une  année  :  ils  ne  trouvaient  à  mettre  leur 
talent  qu'au  service  de  l'industrie  et  ne  comprenaient  pas 
encore  l'importance  de  l'espèce  de  révolution  qu'ils  étaient 
en  train  d'accomplir  dans  les  arts  d'application.  Le  plus 
habile  ébéniste  de  ce  temps  était  Jacob  :  il  avait  exécuté  le 
mobilier  dessiné  par  David  et  Moreau  le  jeune,  et  venait 
d'obtenir  la  fourniture  du  mobilier  de  la  Convention.  Quoi- 
que dessinateur  de  goût,  il  crut  mieux  faire  de  demander 
des  modèles  à  Percier  et  Fontaine.  Après  quelques  hési- 
tations, nos  deux  artistes  se  hasardèrent  à  restaurer  le 
style  antique.  Cette  tentative  hardie  réussit  complète- 
ment, et  la  faveur  avec  laquelle  elle  fut  accueillie  leur  va- 
lut d'autres  commandes  de  la  part  des  orfèvres,  des  bijou- 
tiers, des  fabricants  de  tapis  et  d'étoffes  d'ameublements. 

Ce  genre  de  travaux  plaisait  à  Percier.  Fontaine,  plus 
ardent,  plus  actif,  plus  ambitieux,  préférait  être  archi- 
tecte que  décorateur.  Las,  enfm,  de  la  lutte  stérile  sou- 
tenue depuis  deux  années,  il  prit  le  parti  d'aller  avec 
Bonnard  tenter  la  fortune  en  Angleterre.  Cette  résolution 
était  malheureuse.  Les  deux  artistes  avaient  assez  de 
travail  pour  s'assurer  une  existence  sinon  luxueuse,  du 
moins  suffisante.  Percier  comptait  déjà  des  élèves.  Leurs 
compositions  étaient  goûtées,  leur  réputation  commençait 


YUE   DES   TUILERIES 
D'après  une  aquarelle  de  Fontaine.  (Collection  G.   Meunié.) 


PERCIER  ET  FONTAINE.  31 

à  s'établir.  Mieux  eût  valu  persévérer  clans  le  travail,  et 
attendre.  Fontaine  ne  trouva  pas  à  s'occuper  à  Londres, 
et  ce  fut  Percier,  resté  à  Paris,  qui  lui  fournit,  au  retour, 
le  moyen  de  développer  ses  talents. 

Un  peu  avant  le  départ  de  Fontaine,  un  poète,  Arnault, 
plus  tard  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  française 
et  mieux  connu  par  ses  fables  que  par  ses  œuvres 
dramatiques,  faisait  répéter  à  la  Comédie-Française  une 
tragédie  ayant  pour  titre  Lucrèce.  Il  voulait  que  la  mise 
en  scène  eût  un  caractère  sérieux  de  vérité  historique  ; 
c'était  peut-être  la  première  fois  qu'un  pareil  souci  se 
manifestait  parmi  les  hommes  de  théâtre.  Au  fait  des  tra- 
vaux de  Percier,  Arnault  obtint  qu'on  lui  commandât  cinq 
décors  représentant  la  ville,  les  champs,  les  habitations 
intérieures  de  la  Rome  de  Tarquin.  Les  maquettes  furent 
naturellement  exécutées  en  commun  par  Percier  et  Fon- 
taine. La  pièce,  représentée  après  le  départ  de  Fontaine, 
n'eut  aucun  succès  ;  mais  les  décors,  très  remarqués,  atti- 
rèrent l'attention  sur  Percier.  Le  mieux  venu  d'entre  eux 
était  celui  de  lachambre  de  Lucrèce.  Le  directeur  des  décora- 
tions de  l'Opéra  était  alors  ce  même  Paris  dont  nous  avons 
parlé.  Il  donna  sa  démission  en  1793,  quelques  mois  après  la 
représentation  de  Lucrèce^  et  l'ou  offrit  sa  place  à  Percier 
avec  4500  francs  de  traitement.  Celui-ci  ne  voulut  accep- 
ter que  si  on  lui  adjoignait  Fontaine,  lequel  se  hâta  de 
revenir  à  Paris.  La  musique  était  assez  délaissée  en  1793  ; 
l'Opéra  donnait  surtout  des  ballets.  Télémaque,  le  Juge- 
ment de  Pâris^  Psyché  fournirent  aux  décorateurs  l'occa- 


32  PERCIER  ET  FONTAINE. 

sion  d'œuvres  remarquables.  On  admira  aussi  le  camp 
romain  dans  le  drame  lyrique  les,  Horaces^  du  composi- 
teur italien  Bernardo  Porta. 

L'entrée  de  Percier  et  Fontaine  à  l'Opéra  marqua  la  fin 
de  leurs  déboires.  Fontaine  avait  trente  et  un  ans,  Percier 
vingt-neuf.  A  partir  de  cette  époque,  leur  succès  ira 
toujours  grandissant.  Ils  vont  devenir  à  la  mode.  Posséder 
des  meubles  dessinés  par  Percier  et  Fontaine  sera,  sous 
l'Empire  et  sous  la  Restauration,  le  dernier  mot  de  l'élé- 
gance et  du  bon  ton.  Aussi  les  travaux  ne  leur  manquent 
pas.  De  l'étranger  même  leur  arrivent  des  commandes. 

Sans  cesser  de  s'occuper  des  décorations  de  l'Opéra  et 
de  créer  ces  jolis  modèles  que  les  ébénistes,  les  fondeurs 
et  les  orfèvres  commençaient  à  se  disputer,  ils  allaient 
enfin  pouvoir  s'adonnera  l'architecture.  Dès  le  retour  de 
Fontaine,  un  membre  de  la  section  de  Brutus  (quartier 
Montmartre), devenu  possesseur  de  l'église  Saint-Joseph, 
leur  demanda  une  restauration  de  la  façade  principale 
et  la  transformation  de  l'intérieur  en  salle  de  séance 
pour  la  section.  Ce  fut  leur  premier  travail  de  construc- 
tion, qui  du  reste  ne  fut  pas  payé.  Cet  édifice  a  été  démoli 
plus  tard,  du  vivant  même  de  Percier. 

La  Convention  avait  décidé  d'installer  la  salle  de  ses 
séances  dans  l'ancien  théâtre  des  Tuileries.  Elle  avait 
chargé  de  cette  transformation  l'ancien  maître  de  Percier, 
Guy  de  Gisors,  qui  n'avait  point  tenu  les  promesses 
qu'avaient  fait  concevoir  ses  débuts.  11  s'adressa  à  Percier 
et  Fontaine  qui,  cette  fois,  furent  rémunérés  en  paquets  de 


MONUMENT    DE    D  E  S  A I X 


PERGIER  ET   FONTAINE.  35 

chandelles.  La  salle,  connue  sous  le  nom  de  salle  des 
Machines,  disparut  sous  le  Consulat.  On  se  rappelle  que 
Percier  et  Fontaine  avaient  déjà  dessiné  les  meubles  de 
la  salle  de  la  Convention.  Leur  nouveau  travail  achevait 
de  leur  donner  l'expérience  de  ce  genre  particulier  d'ar- 
chitecture ;  aussi  lorsque,  peu  après,  s'ouvrit  un  concours 
pour  une  salle  d'Assemblée  nationale,  leur  projet  fut 
jugé  le  meilleur  et  leur  valut  la  commande  ;  mais  les 
événements  politiques  se  précipitaient  et  le  monument 
ne  fut  jamais  exécuté.  Ainsi  en  alla-t-il  pour  quantité 
d'autres  concours  restés  sans  résultats,  faute  d'argent, 
et  auxquels  Percier  et  Fontaine  prirent  part  avec  succès. 
On  peutciter  un  concours  pourl'achèvementdu  Panthéon, 
un  autre  pour  une  colonne  à  élever  au  Panthéon,  d'autres 
pour  différents  projets  d'embellissements  de  Paris,  qui 
leur  valurent  des  prix  de  4  OOOet  3  000  francs,  payés,  il  est 
vrai,  en  assignats. 

En  revanche,  plus  tard,  en  1798,  Guy  de  Gisors  et 
Lecomte  les  associèrent  à  la  transformation  des  grands 
salons  de  réception  du  palais  Bourbon  en  une  salle 
de  séance  pour  le  Conseil  des  Cinq-Cents.  Ce  travail  leur 
est  dû,  pour  la  meilleure  part.  La  construction  était 
élégante,  avec  des  bas-reliefs  de  marbre  à  la  tribune, 
une  mosaïque  sur  le  plancher.  Vers  la  même  époque, 
de  fougueux  républicains,  entraînés  par  leur  haine 
pour  tout  ce  qui  rappelait  la  monarchie,  voulaient 
détruire  les  arcs  de  triomphe  connus  sous  les  noms 
de  porte  Saint-Martin  et  porte  Saint-Denis  ;    Percier  et 


36  PERGIER  Eï  FONTAINE. 

Fontaine  réussirent  à  empêcher  cet  acte  de  vanda- 
lisme. 

Quand  le  célèbre  imprimeur  Pierre  Didot  commença  la 
publication  de  ses  magnifiques  éditions  in-folio,  il 
invita  Percier  à  collaborer  à  Tillustration  des  œuvres 
d'Horace  (1799)  et  des  fables  de  La  Fontaine  (1802). 

Percier  et  Fontaine  utilisaient  les  rares  loisirs  que  leur 
laissaient  leurs  occupations  professionnelles  à  mettre  en 
ordre  les  souvenirs  rapportés  d'Italie.  En  1798,  parut  leur 
Recueil  des  palais^  7naisons  et  autres  édifices  modernes  des- 
sinés à  Rome.  Percier  en  composa  tous  les  frontispices  ;  le 
succès  encouragea  les  auteurs  à  donner  dans  la  suite  le 
Choix  des  j^lus  célèbres  maisons  de  plaisance  de  Rome  et  des 
environs  \  mais  ce  deuxième  recueil  ne  parut  qu'en  1812, 
alors  que  les  artistes  étaient  en  pleine  possession  de  leur 
renommée  et  chargés  d'emplois;  la  gravure  en  fut  confiée 
aux  plus  habiles  techniciens  du  temps. 

Percier  et  Fontaine  déployaient  une  activité  incroyable, 
et  l'on  reste  confondu  devant  la  quantité  d'ouvrages  dont 
ils  ont  fait  les  projets  ou  assuré  l'exécution.  Et  cependant 
leur  carrière  a  été  surtout  consacrée  à  la  restauration  et  à 
la  mise  en  valeur  des  richesses  architecturales  de  la  France. 
Au  lendemain  de  la  Révolution,  il  y  avait,  sous  ce 
rapport,  d'immenses  travaux  à  entreprendre.  Par  la 
sûreté  de  leur  goût,  la  facilité  qu'ils  avaient  à  s'assimiler 
les  styles  des  différentes  époques,  et  le  caractère  qu'ils 
savaient  donner  à  leurs  moindres  ouvrages,  ils  se  sont 
admirablement   acquittés    de  cette   lourde  tâche.    Deux 


PERGIER  ET   FONTAINE  37 

œuvres  complètes  seulement  nous  sont  restées  d'eux  : 
ce  sont  l'Arc  de  Triomphe  du  Carrousel  et  le  monument 
expiatoire  de  Louis  XVI.  Quel  que  soit  l'intérêt  primordial 
de  ces  deux  ouvrages,  on  n'attribuerait  point  à  leur  œuvre 
l'importance  qu'il  sied  si  l'on  omettait  les  importants 
travaux  accomplis  dans  nos  palais  nationaux,  l'impulsion 
caractéristique  donnée  à  l'art  industriel  de  cette  époque 
et  aussi  l'éclat  des  décorations  inventées  pour  les  fêtes  du 
temps,  œuvres  éphémères  sans  doute,  mais  dont  le  souvenir 
a  hanté  longtemps  la  mémoire  de  nos  aïeux. 

Ces  deux  hommes  se  complétaient  admirablement 
l'un  par  l'autre.  Fontaine  saisissait  du  premier  coup 
l'ensemble  de  l'ouvrage  projeté  et  le  fixait  dans  un  dessin 
très  correctement,  mais  très  largement  exécuté.  Percier 
avait  plus  que  lui  le  souci  de  la  perfection  et  de  tous  les 
détails  de  l'ornementation.  Il  finissait  chaque  partie 
du  projet  avec  une  patience  et  une  minutie  qu'on  trou- 
verait peut-être  aujourd'hui  excessives,  mais  qui  en 
facilitaient  singulièrement  la  réalisation  concrète.  Quand 
il  voulait  mettre  au  net  le  croquis  préalablement  étudié, 
il  couvrait  d'un  papier  blanc  la  feuille  sur  laquelle 
avaient  été  tracées  les  lignes  les  plus  importantes,  afin 
de  la  protéger  contre  le  frottement  des  doigts  et  des  ins- 
truments, et  aussi  contre  les  cendres  de  sa  pipe  qu'il  ne 
quittait  pas  souvent.  Dans  ce  papier  il  découpait  une 
fenêtre  de  quelques  centimètres  carrés  et  poussait  jus- 
qu'au bout  le  rendu  de  ce  petit  coin;  après  quoi,  il 
bouchait  la  fenêtre,  en  ouvrait  une  autre  et  continuait 


38  PERGIER  ET  FONTAINE. 

ainsi  jusqu'au  parfait  achèvement  de  son  travail.  On 
conçoit  qu'une  pareille  méthode  ne  lui  laissait  pas  beau- 
coup de  loisirs.  Aussi  aimait-il  peu  à  sortir  ;  il  ne  se  plai- 
sait que  dans  son  cabinet,  et  pourtant,  quand  l'occasion 
se  présentait,  il  savait  causer  mieux  que  personne  ;  ceux 
qui  l'ont  connu  ont  vanté  le  charme  de  sa  conversation,  mais 
peu  en  ont  joui.  Fontaine,  au  contraire,  était  un  homme  du 
monde.  Levé  de  grand  matin,  il  trouvait  le  temps  d'étudier 
sesprojets,  d'aller  surleschantierssurveillerrexécutiondes 
travaux,  de  faire  les  visites  et  les  démarches  nécessaires, 
de  se  montrer  là  où  il  fallait,  de  soigner  ses  relations. 
C'était  lui  qu'on  connaissait  :  on  ne  pensait  guère  à  Percier. 
Au  temps  où  ils  étaient  architectes  du  Premier  Consul, 
Bonaparte  voulut  un  jour  se  séparer  de  Percier.  «  Votre 
Percier,  disait-il  à  Fontaine,  ne  fait  rien  :  on  ne  le  voit 
jamais.  )>  Fontaine  éprouva  quelque  peine  à  convaincre  le 
Consul  qu'un  homme  qui  ne  venait  pas  aux  Tuileries 
n'était  pas  pour  cela  un  fainéant  ;  il  lui  fallut  employer 
toute  son  éloquence  pour  obtenir  que  son  ami  conservât 
sa  place. 

II 

Un  peu  avant  le  18  brumaire  (9  novembre  1799),  Per- 
cier et  Fontaine  avaient  été  chargés  par  l'ancien  ambas- 
sadeur de  France  à  Londres,  M.  Chauvelin,  de  restaurer 
une  maison  sise  rue  Chantereine,  depuis  nommée  rue  de 
la  Victoire.  La  maison  voisine  appartenait  à  Bonaparte; 


PERCIER   Eï   FONTAINE.  39 

si  le  Premier  Consul  logeait  au  Luxembourg,  Joséphine  ne 
laissait  pas  de  passer  souvent  rue  de  la  Victoire;  et 
elle  pouvait  suivre  l'avancement  des  travaux  confiés  à 
la  direction  de  Percier  et  Fontaine;  frappée  du  grand 
caractère  de  l'ouvrage  et  mécontente  des  services  de 
Vautier  à  la  Malmaison,  elle  songea  à  utiliser  le  talent 
des  architectes  de  M.  Chauvelin.  La  Malmaison  était  une 
vieille  demeure  que  Joséphine  avait  achetée  en  1798  et 
que  Bonaparte  voulait  convertir  en  un  palais  digne  d'un 
chef  d'État.  Le  peintre  Isabey,  qui  s'occupait  alors  au 
portrait  de  Joséphine,  fut  chargé  d'aviser  Percier  et  Fon- 
taine ;  peu  de  temps  après,  David  les  vint  chercher  tous 
deux  pour  les  conduire  au  Luxembourg  oii  ils  furent  reçus 
par  M""^  Bonaparte. 

La  conversation  commençait  à  s'engager  quand  le 
Premier  Consul  entra  et  demanda  incontinent  à  David  oii 
étaient  les  chefs-d'œuvre  envoyés  d'Italie  après  le  traité 
de  Tolentino.  David  répondit  qu'il  les  croyait  au  Louvre. 
«  Pourquoi,  dit  Bonaparte,  ne  mettrait-on  pas  ces  belles 
choses  sous  le  dôme  des  Invalides?  Ce  serait  un  hommage 
rendu  à  l'armée  ».  On  sait  l'ascendant  exercé  par  Bona- 
parte sur  ceux  qui  l'entouraient,  l'espèce  de  crainte  qu'il 
répandait  autour  de  lui  et  combien  il  fallait  d'audace  pour 
exprimer  un  avis  différent  du  sien.  David,  tout  en  sentant 
l'étrangeté  de  la  proposition,  se  borna  à  indiquer  que  le 
monument  serait  sans  doute  trop  exigu,  et,  peut-être 
pour  se  décharger  sur  d'autres  du  soin  d'en  dire  davan 
tage,  il  ajouta  :  «  Voici  deux  architectes  qui  en  connais- 


iO  PERCIER  ET   FONTAINE. 

sent  les  dimensions.  »  Percier,  timide  de  sa  nature, 
ne  répondit  rien,  et  le  Premier  Consul  interpella  di- 
rectement Fontaine.  Fontaine  n'avait  jamais  vu  Bona- 
parte. Peut-être  ignorait-il  quel  était  celui  qui  s'ex- 
primait avec  une  toile  autorité;  ou  bien  son  caractère 
droit  et  son  tempérament  d'artiste  lui  suggérèrent- 
ils  d'échapper  à  la  contrainte  générale  ;  il  répondit 
hardiment  :  a  Je  n'approuve  pas  cette  idée  :  ce  sont 
les  drapeaux  pris  à  l'ennemi  qu'il  faudrait  suspendre 
dans  l'église  des  Invalides.  »  Un  silence  glacial  accueillit 
cette  réplique.  «  Attendez-moi,  dit  enfin  Bonaparte.  Nous 
allons  voir  tout  cela.  »  Ils  attendirent  trois  heures,  durant 
lesquelles  les  assistants  ne  manquèrent  pas  de  mani- 
fester à  Fontaine  l'étonnement  que  leur  avait  causé  son 
audace. 

Enfin  Bonaparte  revient  et  emmène  les  deux  architectes 
au  Louvre  avec  David  et  le  général  Murât.  Ils  y  trouvent 
les  envois  d'Italie.  Bonaparte  contemple  quelques  marbres 
sortis  des  caisses  et  s'éloigne  sans  mot  dire.  Quelques 
jours  après,  David  annonçait  à  Fontaine  que  le  Premier 
Consul  adoptait  son  idée  et  voulait  donner  à  la  translation 
des  drapeaux  aux  Invalides  l'éclat  d'une  fête  nationale. 
Bonaparte  avait  en  effet  trouvé  dans  la  proposition  de 
Fontaine  l'idée  d'une  de  ces  cérémonies  qu'il  savait  si 
adroitement  combiner  pour  entretenir  et  accroître  sa 
popularité.  Il  y  veillait  avec  d'autant  plus  de  soin  qu'à 
cet  instant,  suivant  les  dispositions  accessoires  de  la 
Constitution  de  l'an  VIII,  il  se  préparait  à  élire  demeure 


VUE    DE    l'intérieur   DE   l'ÉGLISE   NOTRE-DAME 

(Recueil  des  décorations  exéculées  pour  la  cérémonie  du  sacre  de  l'Empereur. 


PERGIER  ET   FONTAINE.  43 

aux  Tuileries,  parti  qui  sentait  un  peu  son  souverain  et 
risquait  de  déplaire  aux  partisans  de  la  République. 
Washington  était  mort  au  mois  de  décembre  1799.  Le 
Premier  Consul  ordonna  que  la  France  porterait  pendant 
dix  jours  le  deuil  du  héros  américain.  Gomme  ce  deuil 
consistait  uniquement  à  cravater  de  noir  les  drapeaux,  on 
profiterait  de  l'occasion  pour  déposer  entre  les  mains  du 
ministre  de  la  Guerre  les  drapeaux  conquis  en  Egypte. 
Gette  remise  se  ferait  solennellement  sous  le  dôme  des 
Invalides  qui,  dans  le  langage  pompeux  du  temps,  portait 
le  nom  de  temple  de  Mars.  Un  proscrit  qui  devait  sa 
liberté  au  Premier  Gonsul,  de  Fontanes,  prononcerait 
reloge  funèbre  de  Washington  et  ferait  l'apologie  de  la 
liberté,  et  le  lendemain  le  maître  de  la  France  irait  tran- 
quillement s'établir  aux  Tuileries.  Tout  se  passa  suivant 
le  programme,  au  milieu  de  l'enthousiasme  populaire,  le 
20  pluviôse  an  VIII  (9  février  1800).  On  s'en  était  remis  à 
Percier  et  Fontaine  pour  le  soin  de  disposer  tous  les  amé- 
nagements de  la  fête.  Les  drapeaux  conquis  en  Egypte, 
au  nombre  de  soixante-douze,  non  compris  trois  queues 
de  pacha,  furent  apportés  au  général  Lannes  par  des  cava- 
liers des  différents  corps  de  troupe  de  Paris.  Gelui-ci  les 
remit  à  Berthier,  ministre  de  la  Guerre,  et  prononça  une 
harangue  courte  et  martiale  à  laquelle  répondit  Berthier  qui 
était  assis  entre  deux  invalides  centenaires,  en  face  du 
buste  de  Washington  ombragé  des  mille  drapeaux  con- 
quis sur  l'Europe  par  les  armées  de  la  République.  Puis 
M.  de   Fontanes  prononça  son  discours,   après   quoi  les 


U  PERCIER  ET  FONTAINE. 

crêpes  noirs  furent  attachés    à   tous  les   étendards  (1). 

Dix  jours  auparavant,  Bonaparte  avait  définitivement 
chargé  Percier  et  Fontaine  des  travaux  de  la  Malmaison. 
Par  la  suite,  il  n'accorda  pas  toujours  son  approbation  à 
leurs  projets;  les  jardins  qu'ils  convoitaient  de  tracer 
déplurent  à  Joséphine  :  la  mode  était  aux  jardins  anglais  ; 
Percier  et  Fontaine  n'entendaient  point  y  obéir  et  la  direc- 
tion des  jardins  leur  futretirée.  Plus  tard  le  Premier  Consul 
s'effraya  des  dépenses  proposées.  Les  Mémoires  de  Fon- 
taine portent  trace  de  ces  difficultés,  qui  commencèrent  à 
s'aplanir  à  la  fin  de  1801,  époque  où  on  leur  confia  la 
restauration  du  palais  de  Saint-Cloud  dont  il  ne  reste  mal- 
heureusement rien,  car  il  fut  détruit  le  14  octobre  1870, 
pendant  le  siège  de  Paris  (2). 

Avant  d'être  présenté  au  Premier  Consul  et  pendant 
que  s'effectuaient  les  embellissements  de  la  Malmaison, 
Percier  avait  consacré  son  activité  à  une  tâche  qui 
intéressait  au  plus  haut  point  la  conservation  du  patri- 
moine artistique  de  la  France.  Dès  1790  l'architecte  et 
archéologue  Lenoir  avait  conçu  le  projet  de  rassembler  à 
Paris  les  œuvres  d'art  renfermées  dans  les  couvents  qu'un 
décret  de  l'Assemblée  Constituante  venait  de  supprimer. 
L'Assemblée  favorisa  ses  vues  et  choisit  pour  installer 
l'établissement    Lenoir,   devenu  en  1795    le   Musée    des 

(1)  Thiers,  Histoire  du  Consulat.  Thiers  parle  de  96  drapeaux,  mais  le 
Moniteur  dit  72. 

(2)  Toute  cette  partie  des  Mémoires  de  Fontaine  a  été  citée  par  de  Les- 
cure  dans  son  livre  sur  le  château  de  la  Malmaison.  Elle  contient  des  détails 
intéressants  sur  les  goûts  du  Premier  Consul  et  de  son  entourage. 


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PERGIER  ET  FONTAINE.  47 

Monuments  français,  l'ancien  couvent  des  Petits-Augus- 
tins  qui  est  aujourd'hui  FEcole  des  Beaux-Arts.  En  peu 
de  temps,  Lenoir  réunit  une  foule  de  tableaux,  de  sculp- 
tures et  de  créations  inestimables,  notamment  de  tom- 
beaux de  personnages  illustres.  Percier  en  fit  des  dessins 
précieux,  il  s'intéressait  vivement  à  la  création  de  Lenoir 
qui  fut  assurément  l'une  des  entreprises  artistiques  les 
plus  importantes  et  les  plus  utiles  de  cette  époque.  Miche- 
let  n'assure-t-il  pas  que  le  Musée  des  Petits-Augustins  lui 
révéla  l'histoire?  A  deux  reprises  Lenoir  se  rendit  avec 
Percier  au  château  d'Anet  (Eure-et-Loir),  bâti  par  Phili- 
bert de  Lorme  pour  Diane  de  Poitiers,  d'abord  afin  d'y  mou- 
ler et  dessiner  les  parties  sculpturales  essentielles,  puis 
pour  faire  transporter  au  Musée  les  restes  du  monument 
qui  avaient  échappé  à  la  démolition  ;  seulement  il  fallut 
reconstituer  tous  ces  débris,  ce  à  quoi  s'employa  Per- 
cier, moyennant  une  indemnité  de  600  francs  (1).  La  pièce 
principale  était  un  portique  d'entrée  placé  devant  la  porte 
du  Musée  des  Monuments  français.  II  est  encore  dans  la 
cour  d'entrée  de  l'Ecole  des  Beaux-Arts,  à  côté  d'un  autre 
portique  célèbre,  celui  du  château  de  Gaillon.  Non  loin, 
une  grille  à  trois  pans  conservée  à  l'Ecole  des  Beaux-Arts 
a  été  également  restaurée  par  les  soins  de  Percier. 

Le  12  messidor  an  X  (1"  juillet  1802),  Percier  et  Fon- 
taine  reçoivent  l'ordre  de  remettre  à  Lepère,  architecte 


(1)  Voir  une  lettre  de  Lenoir  du  4  prairial  an  VII  et  une  note  sans  date 
citées  dans  VInventaire  général  des  richesses  d'art  de  la  France.  —  Archi- 
ves du  Musée  des  Monuments  français,  l^e  partie,  p.  142,  154  et  157. 


48  PERGTER  ET  FONTAINE. 

revenu  d'Egypte,  la  direction  des  ouvrages  qui  restent  à 
faire  à  la  Malmaison.  Par  bonheur  ils  avaient  terminé  les 
travaux  de  Saint-Cloud.  Quand  le  Premier  Consul  y  vint 
fixer  son  séjour  le  24  septembre  1802,  il  se  déclara  entiè- 
rement satisfait  des  aménagements.  Dès  lors,  il  accorda 
définitivement  à  ses  deux  architectes  une  estime  pleine 
et  entière.  Le  premier  témoignage  par  oii  elle  se  mani- 
festa fat  leur  nomination  d'architectes  des  Tuileries  et 
du  Louvre  (6  février  1805). 

Napoléon  était  un  maître  exigeant,  il  fallait  toute  l'activité 
de  Percier  et  Fontaine  pour  le  satisfaire.  Une  se  lassa  pas 
d'abuser  de  leur  docilité,  allant  jusqu'à  leur  interdire 
d'accepter  aucune  commande  de  particuliers,  si  bien 
qu'ils  n'ont  pu  fournir  toute  leur  mesure  dans  cette 
architecture  privée  oii  ils  semblaient  prédestinés  à  si  bien 
réussir.  De  plus,  Napoléon  les  accabla  des  projets  qui 
naissaient  chaque  jour  dans  son  imagination  trop  féconde 
et  que  les  circonstances  ne  permettaient  presque  jamais  de 
mener  à  terme.  Les  restaurations  des  palais  impériaux 
absorbèrent  si  bien  le  temps  et  l'argent,  qu'il  ne  resta  plus 
rieri  pour  les  œuvres  originales. 

En  1802,  un  groupe  de  souscripteurs  ouvrit  un  concours 
pour  l'exécution  d'une  fontaine  à  ériger  en  mémoire  du 
général  Desaix,  mort  à  Marengo  le  14  juin  1800.  Cent 
vingt-huit  artistes  présentèrent  des  projets.  Le  premier 
prix  fut  décerné  à  Percier,  et  le  monument  fut  érigé  sur 
la  place  Dauphine,  alors  place  Thionville.  Percier  avait 
choisi  pour  la  construction  Augustin  Beudot,  et  pour  la 


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PERGIER  ET  FONTAINE.  51 

sculpture  Augustin  Fortin.  Le  monument  comportait  un 
soubassement  rond,  sur  lequel  un  fût  également  cir- 
culaire servait  de  piédestal  au  motif  principal  formé  d'un 
socle  à  angles  droits  supportant  un  buste  de  Desaix.  Le 
soubassement  était  placé  au  centre  d'un  bassin  orné  de 
quatre  mascarons  de  bronze  d'oii  l'eau  jaillissait.  Une 
plinthe  de  marbre  s'y  trouvait  encastrée  sur  laquelle 
se  lisaient  la  désignation  des  corps  d'armée  d'Egypte  et 
d'Italie  et  les  noms  des  souscripteurs  ;  un  bas-relief 
déroulait  sur  le  fût  deux  grandes  figures  représentant  le 
Nil  et  FEridan;  deux  Renommées  inscrivaient  dans  des 
cartouches  les  noms  des  principales  victoires  remportées 
par  le  général  Desaix  :  Thèbes  et  les  Pyramides,  Kehl  et 
Marengo.  Un  autre  cartouche,  placé  sur  la  face  principale, 
portait  l'inscription  «  A  Desaix  »,  avec,  plus  bas,  les 
paroles  qu'il  prononça  à  Marengo  au  moment  où  la  mort 
le  frappa  :  «  Allez  dire  au  Premier  Consul  que  je  meurs 
avec  le  regret  de  n'avoir  pas  assez  fait  pour  la  postérité.  » 
Un  jeune  guerrier,  la  tête  couverte  d'un  casque,  couron- 
nait d'une  main  le  buste  du  héros  et  de  l'autre  suspendait 
à  son  cou  un  glaive  antique  (I). 

Avec  son  fût  cylindrique  et  ses  fines  sculptures,  ce  petit 
monument  offre  ce  mélange  de  régularité  dans  l'ensemble 


(1)  L'administration  a  fait  démolir  la  fontaine  Desaix  en  1875  lors  des 
travaux  de  régularisation  de  la  place  Dauphine  ;  on  devait  la  réédifîer  plus 
tard  sur  quelque  autre  emplacement.  Elle  est  encore  au  magasin  de  la  Ville 
de  Paris  à  Auteuil,  scindée  en  deux  morceaux,  quelque  peu  endommagée. 
Les  bas-reliefs  sont  éraillés  par  endroits  ;  le  pied  gauche  du  jeune  guerrier 
est  brisé. 


52  PER€IEIl  ET  FONTAINEi 

et  de  grâce  dans  les  détails  qui  caractérise  les  créations 
du  style  impérial.  On  y  remarque  aussi  cette  combinai- 
son harmonieuse  des  figures  et  des  ornements  classiques 
avec  l'exacte  reproduction  des  objets  contemporains,  — 
ingénieux  moyen  de  «  moderniser  l'antique  »  auquel  les 
auteurs  auront  plus  tard  recours  dans  l'Arc  de  Triomphe 
du  Carrousel. 

On  sait  quelle  importance  attachait  l'Empereur  à  se 
faire  sacrer  par  le  Pape,  et  quelles  espérances  sa  politique 
fondait  sur  l'effet  moral  d'une  pareille  cérémonie;  aussi 
voulut-il  lui  donner  un  éclat  exceptionnel.  Il  y  eut  des 
fêtes  magnifiques  qui  durèrent  plusieurs  jours.  Percier  et 
Fontaine,  chargés  de  tout  ce  qui  concernait  la  décoration 
des  édifices  et  des  places  publiques,  s'acquittèrent  de  leur 
tâche  avec  un  succès  complet,  et  contribuèrent  dans  la  plus 
large  mesure  à  la  pompe  de  ces  journées.  Le  Pape  était 
arrivé  à  Paris  le  28  novembre  1804.  Le  30,  on  lui  présenta 
le  Sénat,  le  Corps  législatif,  le  Tribunat  et  le  Conseil 
d'Etat.  Ce  fut  le  commencement  des  fêtes.  Devant  la 
façade  du  palais  du  Sénat,  on  avait  élevé  une  charpente 
d'une  prodigieuse  hauteur  représentant  une  montagne 
hérissée  de  rochers;  au  bas,  étaient  de  riantes  prairies 
émaillées  de  fleurs.  Une  colonnade  était  établie  le  long  de 
la  Seine  depuis  les  Tuileries  jusqu'à  l'Hôtel  de  Yille. 

Le  2  décembre  eut  lieu  le  sacre  dan^  l'église  Notre-Dame 
de  Paris.  Nous  ne  raconterons  pas  les  détails  de  cette 
cérémonie  plusieurs  fois  décrite  par  les  historiens  et 
immortalisée  par  le  pinceau  de  David  ;  mais  il  nous  faut 


LE    BA>QUET    IMPÉRIAL    AU    PALAIS     DES    TUILERIES 
(Description  des  cérémonies  et  des  fêtes  du  mariage.) 


..i^         PERCIER  ET  FONTAINE.  55 

dire  quelques  mots  de  la  décoration  intérieure  et  exté- 
rieur«'-de  l'église.  La  grande  entrée,  sur  la  place  du  par- 
vis, avait  été  condamnée  pour  y  adosser  le  troue  impérial. 
On  accédait  par  les  portes  latérales.  Derrière  l'église  était 
une  tente  ronde,  décorée  de  riches  tapis  des  Gobelins  et 
d'aigles  dorés.  Elle  servait  de  vestibule  et  communiquait, 
par  un  escalier,  avec  les  appartements  de  l'archevêché 
où  le  Pape  et  l'Empereur  devaient  se  rendre  pour  revêtir 
leurs  costumes  d'apparat.  Ce  palais,  relié  à  l'église  par 
une  galerie  couverte  d'ardoises  et  ornée  de  tapisseries 
des  Gobelins,  aboutissait  à  l'entrée,  devant  laquelle  se 
dressait  un  portail  de  style  gothique.  Au-dessus  des 
colonnes  qui  le  soutenaient  se  voyaient  les  statues  de 
Glovis  et  de  Gharlemagne.  Les  armes  de  l'Empire,  des 
drapeaux,  des  faisceaux  de  lances  et  d'épées  complétaient 
la  décoration.  A  l'intérieur,  le  trône  du  haut  duquel 
l'Empereur  a  prononcé  son  serment  était  élevé  sur  une 
estrade  de  vingt-deux  degrés  recouverte  d'un  tapis  bleu 
parsemé  d'abeilles.  Ce  trône,  tendu  de  velours  rouge, 
était  placé  au  centre  d'un  pavillon  également  tapissé  de 
draperies  rouges  et  dont  les  ailes  abritaient  les  person- 
nages les  plus  importants  de  la  cour. 

Trois  jours  plus  tard,  l'Empereur  fit  distribuer  à  l'armée 
et  aux  gardes  nationaux  les  aigles  qui  devaient  orner 
les  hampes  des  drapeaux.  La  cérémonie  se  passa  au 
Champ  de  Mars,  devant  l'Ecole  militaire  dont  la  façade 
principale  était  décorée  d'une  grande  tribune  divisée  en 
plusieurs  tentes  à  la  hauteur  du  premier  étage.   Celle  du 


S6  PERGIER  ET  FONTAINE. 

milieu,  supportée  par  quatre  colonues  ornées  de  figures 
de  victoires  en  relief  et  dorées,  couvrait  le  trône  de 
l'Empereur  et  celui  de  l'Impératrice.  On  descendait  au 
Champ  de  Mars  par  un  grand  escalier  ;  les  gradins  en 
étaient  occupés  par  des  invités  de  marque.  Aux  deux  côtés 
de  cet  escalier  se  trouvaient  les  figures  colossales  de  la 
France  donnant  la  paix,  et  de  la  France  faisant  la  guerre. 
Les  armes  de  l'Empire,  sculptées,  avaient  fourni  les 
motifs  de  tous  les  ornements.  C'était  imposant  et  majes- 
tueux, comme  il  convenait  à  l'époque  et  aux  circons- 
tances. 

Tous  les  détails  de  ces  décorations  diverses  nous  sont 
connus  par  un  magnifique  volume  in-folio  intitulé  :  Sacre 
et  Couronnement  de  Napoléon^  empereur  des  Français  et 
roi  d'Italie^  publié  en  1807,  qui  comprend  quarante 
planches  dessinées  par  Foi^taine,  Percier  et  Isabey  (Isabey 
avait  été  chargé  des  costur^ies),  suivies  de  quatorze  autres 
par    Percier   et   Fontaine. 

Parmi  tant  d'autres  fêtes  à  Téclat  desquelles  Percier  et 
Fontaine  apportèrent  plus  tard  la  contribution  de  leur 
talent,  il  n'en  est  pas  de  plus  importantes  que  celles  dont 
le  second  mariage  de  Napoléon  fut  l'occasion.  L'éclat  des 
décorations  imaginées  par  les  deux  artistes  revit  dans  un 
in-folio  de  treize  planches  qui  parut  dès  1810  :  Le  Mariage 
de  S.  M.  /'empereur  Napoléon  avec  S.  A.  I.  f  archiduchesse 
Marie-Louise  d' Autriche.  Cet  ouvrage  renferme  treize  plan- 
ches représentant  les  aménagements  effectués  à  Saint- 
Cloud  pour  le  mariage  civil  (1^'  avril),  au  Louvre  pour  le 


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PERGIER  ET  FONTAINE.  59 

mariage  religieux  et  aux  Tuileries  pour  le  banquet  qui  y 
fut  donné  le  soir  (2  avril). 

Enfin,  l'année  suivante,  à  cause  de  la  naissance  du  roi 
de  Rome  (20  mars  1811),  la  fête  de  l'Empereur  fut  célébrée 
le  15  août  à  Saint-Gloud  avec  nne  pompe  inaccoutumée. 
On  établit  des  galeries,  des  portiques,  des  colonnades,  des 
temples  avec  jets  d'eau,  cascades,  illuminations,  etc.  Dix 
jours  plus  tard,  une  fête  semblable  fut  donnée  dans  les  jar- 
dins de  Trianon  en  l'honneur  de  Marie-Louise. 

Les  restaurations  que  Percier  et  Fontaine  eurent  à 
exécuter  pendant  la  période  impériale  ont  été  décrites  par 
eux-mêmes  dans  un  ouvrage  important  qui  parut  en  1833. 
C'est  le  Parallèle  des  principales  résidences  des  souverains 
d'Europe^  qui  se  compose  d'un  texte  formant  un  volume 
in-4  et  d'un  atlas  in-folio.  En  dehors  du  Louvre,  des 
Tuileries  et  de  Versailles  dont  il  sera  question  plus  loin, 
les  plus  importantes  de  ces  restaurations  sont  celles  de 
Laeken,  en  Belgique,  de  Compiègne,  de  Fontainebleau  et 
du  palais  Pitti,  à  Florence. 

Il  y  a  peu  à  dire  du  château  de  Laeken.  Bâti  en  1781 , 
au  sommet  du  Schoonenberg,  près  Bruxelles,  sur  les 
dessins  de  Montoyer,  architecte  belge,  il  avait  été  acheté 
par  Bonaparte  après  la  paix  d'Amiens  (1"  octobre  1801). 
Plus  tard,  il  devint  la  maison  de  campagne  du  roi  des 
Belges. 

Le  château  de  Compiègne  avait  été  construit  par  ordre 
de  Louis  XV  d'après  les  plans  de  l'architecte  Gabriel.  La 


60  PERGIER  ET   FONTAINE. 

Révolution  y  avait  établi  un  prytanée,  et  le  Consulat  une 
école  d'arts  et  métiers.  En  1806,  l'Empereur  résolut  de 
transférer  cette  école  à  Ghâlons-sur-Marne  et  de  faire  du 
château  une  résidence  impériale.  Entre  autres  améliora- 
tions ,  Percier  et  Fontaine  construisirent  à  l'extrémité  de 
l'aile  gauche  de  la  cour  d'entrée  une  grande  salle  de  bal 
ornée  de  colonnes,  une  petite  chapelle,  un  escalier  princi- 
pal et  les  pièces  précédant  l'appartement  de  l'Impératrice. 
Ils  durent  modifier  les  dispositions  intérieures  pour  agran- 
dir les  salles,  refaire  toute  la  décoration,  et  meubler 
entièrement  toutes  les  pièces.  Fontaine  ne  fat  qu'à  moitié 
satisfait  du  résultat.  On  lit  dans  Les  Résidences  des  Sou- 
verains :  «  Si  les  sommes  qu'il  a  fallu  dépenser  pour  rendre 
commode  un  amas  de  vieilles  bâtisses  avaient  été  employées 
à  l'érection  d'un  édifice  entièrement  neuf,  le  château  de 
Compiègne,  aujourd'hui  peu  remarqué,  serait  cité  comme 
le  modèle  des  résidences  de  France  ». 

Les  travaux  exécutés  à  Fontainebleau  se  rapportent 
presque  entièrement  à  l'intérieur.  Au  dehors  il  n'y  eut 
que  des  réparations  sans  grande  importance;  mais  la 
décoration  des  salles  était  dans  un  tel  état  de  délabrement 
que  tout,  pour  ainsi  dire,  était  à  refaire,  sans  parler  du 
mobilier  à  créer.  Napoléon  y  dépensa  près  de  douze  mil- 
lions. On  admire  encore  aujourd'hui  la  salle  du  trône  et 
les  appartements  dans  lesquels  l'Empereur  retint  prison- 
nier le  pape  Pie  VII  à  la  fin  de  1812. 

Le  palais  Pitti,  à  Florence,  d'une  architecture  toute 
florentine,  a  été  construit  en  1440  pour  un  simple  commer- 


PERGIER  ET   FONTAINE.  (31 

çant,  Luca  Pitti,  par  le  célèbre  architecte  Brunelleschi  ; 
plus  tard  il  passa  aux  niains  de  Gôme  de  Médicis,  lequel 
fit  ajouter  par  Ammanati  la  cour  intérieure  qu'on  admire 
aujourd'hui.  Enfin,  au  xvii-  siècle,  Giulio  Parig;i  éleva 
les  deux  ailes  qui  donnent  à  la  façade  un  développe- 
ment considérable.  Ce  magnifique  édifice  avait  beaucoup 
souffert  des  guerres  et  des  révolutions.  Napoléon  ordonna 
sa  réparation  et  sa  mise  en  harmonie  avec  les  exigences 
des  temps  nouveaux.  Il  fallait  des  hommes  singulièrement 
avertis  pour  s'acquitter  de  cette  tâche  sans  nuire  au  style 
de  l'édifice.  Les  travaux  furent  poursuivis  en  1811 
et   1812. 

Parmi  tous  les  projets  qui  occupèrent  Percier  et  Fon- 
taine sans  recevoir  d'exécution,  les  plus  importants  furent 
ceux  du  palais  du  roi  de  Rome.  Dès  1806,  l'Empereur, 
ayant  résolu  de  bâtir  un  palais  à  Lyon,  avait  chargé  ses 
architectes  de  faire  choix  d'un  emplacement.  Ils  propo- 
sèrent l'île  Perrache  et  présentèrent  plusieurs  projets 
vite  abandonnés.  Napoléon  revint,  maintes  fois,  à  l'idée 
d'ériger  une  résidence  entièrement  neuve.  Percier  et  Fon- 
taine ne  se  lassèrent  pas  de  soumettre,  à  chaque  reprise, 
des  projets  nouveaux.  Un  jour  le  palais  devait  être  construit 
dans  l'île  Perrache,  sur  le  modèle  rectifié  de  celui  de 
Compiègne.  Plus  tard,  il  fut  question  de  Rambouillet, 
dont  les  vieilles  tours  tombaient  en  ruines  ;  on  aurait 
imité  Marly  et  Trianon,  et  construit  plusieurs  pavillons 
séparés  avec  des  jardins  particuliers.  En  fin  de  compte, 
on  se  décida  pour  la  montagne  de  Ghaillot  (le  Trocadéro), 


62  PERGIER  ET  FONTAINE. 

en  face  du  Champ  de  Mars  et  de  l'Ecole  militaire.  Les 
plans  s'inspiraient  du  château  de  Versailles.  Quand  le  fils 
de  Napoléon  fut  né  et  eut  reçu  le  titre  de  roi  de  Rome,  le 
palais,  qui  n'était  encore  qu'à  l'état  de  projet,  lui  fut  con- 
sacré. Les  travaux,  commencés  en  1812,  furent  continués 
pendant  la  malheureuse  campagne  de  Russie;  mais,  après 
le  désastre  de  Leipzig,  l'Empereur  ordonna  de  réduire  les 
constructions  à  «  un  petit  Sans-Souci  ».  L'invasion  de 
1814  arrêta  tout.  Napoléon  manifesta  quelque  velléité  de 
reprendre  les  travaux  pendant  les  Cent  Jours  ;  mais  Percier 
et  Fontaine  avaient  perdu  toute  confiance;  rien  ne  fut 
continué.  L'emplacement  même  est  resté  près  d'un 
demi-siècle  désert  et  lamentable.  Napoléon  avait  eu  une 
grande  part  dans  la  composition  des  projets.  Au  mois  de 
juillet  1833,  Percier  et  Fontaine  ont  publié  dans  la  Revue 
de  Paris  un  curieux  article,  intitulé  Napoléon  architecte, 
oii  ils  concluent  ainsi  :  «  Ceux  qui  pourront  se  repré- 
senter un  palais  aussi  étendu  que  celui  de  Versailles... 
n'hésiteront  pas  à  penser  que  cet  édifice  aurait  été  l'ou- 
vrage le  plus  vaste  et  le  plus  extraordinaire  de  notre 
siècle  ». 

Au  milieu  de  tant  d'occupations,  Percier  et  Fontaine 
trouvaient  encore  le  temps  d'envoyer  régulièrement  des 
dessins  importants  à  l'empereur  de  Russie  qui  «  désirait 
connaître  journellement,  et  par  le  moyen  d'une  sorte  de 
correspondance  périodique,  les  ouvrages  d'art  dont  l'Em- 
pereur des  Français  embellit  la  capitale  de  son  empire  ». 
Cette  correspondance  continue  régulièrement  «  malgré, 


PERGIER  ET  FONTAINE.  63 

dit  Fontaine,  le  mouvement  et  la  grande  préoccupation 
que  nous  donnent  l'habitation  et  le  service  d'un  aussi  grand 
nombre  de  personnages  illustres,  aux  besoins  desquels 
nous  sommes  obligés  de  veiller  »  (1). 

Onze  numéros  sont  envoyés  en  Russie  de  1809  à  1812, 
comprenant  le  plan  général  du  Louvre  et  des  Tuileries 
avec  les  changements  et  embellissements  récents,  l'Arc 
de  Triomphe  du  Carrousel,  le  Musée  Napoléon  (Musée  du 
Louvre),  le  Corps  législatif  et  ses  dépendances,  le  Pan- 
théon, les  Halles  et  les  Marchés. 

«  Le  4  avril  1814,  écrit  Fontaine  dans  ses  Mémoires, 
Tempereur  Alexandre...,  m'ayant  à  son  entrée  dans  le 
palais  (des  Tuileries)  aperçu  en  habit  d'uniforme  avec 
les  épaulcttes  de  chef  de  bataillon  de  la  garde  nationale, 
il  vint  à  moi,  puis  me  saluant  par  mon  nom  :  «  Nous  avons 
«  fait  la  paix,  me  dit-il,  et  vous  allez  sans  doute  reprendre 
«  avec  moi  la  correspondance  d'art  que  la  guerre  a  inter- 
«  rompue.  »  Le  17  mai  suivant,  nous  allions,  mon  ami 
Percier  et  moi,  lui  faire  hommage  du  douzième  numéro  de 
notre  travail.  »  En  septembre  1813,  tous  deux  envoient  en 
Russie  le  treizième  numéro  décrivant  les  fontaines  publi- 
ques de  Paris  ;  mais  l'empereur  Alexandre  ne  leur  accuse 
même  pas  réception  de  leur  envoi,  ce  qui  les  détermine  à 
ne  pas  continuer  (2). 

Pour  terminer  l'histoire  des  travaux  de  la  période  impé- 

(1)  Fontaine,  Mémoires  inédits.   —   Cette  correspondance  a  été  publiée 
chez  Firmin-Didot. 

(2)  Fontaine  envoyait  en  Russie  des  copies  faites  par  ses  élèves  ;  il  gar- 
dait les  dessins  originaux  qui  sont  conservés  par  ses  héritiers. 


64  PERGIER  ET  FONTAINE. 

riale,  mentionnons  les  nombreux  dessins  de  Percierpoiir 
la  Manufacture  de  Sèvres,  et  citons  parmi  les  projets  de 
constructions  non  exécutés  :  une  maison  d'éducation  pour 
les  filles  des  militaires  morts  à  l'armée,  des  prisons,  des 
cimetières  aux  quatre  extrémités  de  Paris,  un  hôtel  des 
ministres,  un  palais  des  Arts,  un  autre  pour  l'Université, 
une  maison  de  retraite  pour  les  professeurs  émérites,  des 
archives  pour  les  titres  de  l'Etat,  des  casernes,  des  établis- 
sements pour  les  administrations  des  postes,  des  douanes, 
de  l'octroi,  etc.,  et  enfin  les  projets  du  port  d'Anvers  qui 
obligèrent  Percier  et  Fontaine,  vers  la  fin  de  1811,  à  un 
voyage  parfaitement  inutile. 

Les  récompenses  de  tant  de  travaux  ne  leur  arrivèrent 
que  tardivement.  L'Empereur,  si  prodigue  de  faveurs 
pour  les  soldats,  attendit  jusqu'en  1807  avant  de  donner 
à  Fontaine  le  titre  de  premier  architecte  de  Sa  Majesté. 
Il  ne  les  fit  chevaliers  de  la  Légion  d'honneur  qu'en  1811, 
l'année  même  où  ils  entrèrent  à  l'Académie  des  Beaux- 
Arts.  Fontaine  avait  quarante-neuf  ans,  Percier  qua- 
rante-sept. 

Un  an  plus  tard,  en  1812,  Percier  abandonna  la  direc- 
tion des  travaux  des  palais  impériaux,  et  Fontaine  resta 
seul  architecte  du  Louvre  et  des  Tuileries.  Percier  vou- 
lait se  consacrer  à  l'école  qu'il  avait  fondée  et  à  ses  études 
de  restauration  des  édifices  de  France  et  d'Italie.  Le 
palais  de  Fontainebleau  lui  inspira  un  recueil  de  dessins 
coloriés  où  l'édifice  reparaît  avec  toute  sa  fraîcheur 
primitive.  Outre  la    galerie  de  Diane   qui  contenait  des 


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PERGIER  ET  FONTAINE.  67 

peintures  d'Ambroise  Dubois,  et  qui  est  aujourd'hui 
détruite,  ce  recueil  contient  une  restitution  de  la  salle 
des  fêtes  telle  qu'elle  avait  été  conçue  par  Serlio  et  le 
Primatice.  Plus  tard,  Percier  restaura  sur  le  papier  le  grand 
hôpital  de  Milan  et  les  palais  de  Gènes.  Il  fit  à  l'intention 
d'un  prince  de  Pologne  les  plans  d'une  petite  église 
gothique.  L'édifice,  conçu  dans  le  pur  style  du  xii*"  siècle, 
est  curieux  à  étudier,  car  il  prouve  la  souplesse  d'un 
talent  qu'on  voue  trop  généralement  au  culte  exclusif  des 
ordonnances  gréco-romaines. 

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Louis  XVIII  continua  à  Fontaine  la  confiance  que  lui 
avait  témoignée  Napoléon.  Les  principaux  travaux  dont  il 
eut  à  s'occuper  sous  la  Restauration  se  rapportent  aux 
Tuileries,  à  Versailles,  au  Palais-Royal  et  à  la  construc- 
tion du  monument  expiatoire  de  la  rue  d'Anjou. 

Le  Palais-Royal,  appelé  d'abord  Palais  Cardinal,  avait 
été  construit  en  1636,  par  le  cardinal  de  Richelieu  qui, 
la  même  année,  le  remit  au  roi  Louis  XIII.  Plus  tard, 
en  1692,  Louis  XIV  en  fit  donation  à  Philippe  d'Orléans, 
duc  de  Chartres,  son  neveu,  à  l'occasion  de  son  mariage. 
Jusqu'en  1793,  il  resta  en  la  possession  de  la  famille 
d'Orléans.  En  1781,  un  incendie  détruisit  l'aile  droite 
du  palais.  Le  duc  d'Orléans  était  à  cette  époque  Philippe 
d'Orléans,  arrière-petit-fils  du  Régent,  qui  prit  sous  la 
Révolution  le  nom  de    Philippe-Egalité.  A  la   suite  de 


68  PERGIER  ET  FONTAINE. 

l'incendie,  il  fit  exécuter  de  grands  travaux  par  l'ar- 
chitecte Louis.  L'aile  droite  fut  dégagée,  et  l'on  perça 
la  rue  de  Valois.  Une  salle  de  spectacle  prit  place  dans 
l'aile  gauche,  là  où  vint  plus  tard  s'établir  la  Comédie- 
Française  (1803).  Dans  un  but  de  spéculation,  le  duc 
d'Orléans  érigea  à  la  même  époque  les  galeries  qui 
entourent  le  jardin  et  où  s'installèrent  des  boutiques, 
des  cafés,  des  restaurants,  des  maisons  de  jeu.  Le  palais 
proprement  dit,  ayant  sa  façade  sur  la  rue  Saint-Honoré, 
était  séparé  du  jardin  par  des  constructions  provisoires 
en  planches  qu'on  appela  le  camp  des  Tartares  et  plus 
tard  les  galeries  de  bois.  Après  la  mort  de  Philippe-Ega- 
lité, le  Palais-Royal,  quelque  peu  diminué  par  les  ventes 
nationales,  devint  le  Palais  elle  Jardin  de  la  Révolution. 
Au  retour  des  Bourbons,  le  fils  de  Philippe-Egalité  (plus 
tard  Louis-Philippe)  rentra  en  possession  de  ce  qui  n'avait 
pas  été  vendu,  et  racheta  les  parties  aliénées.  Dès  1815, 
il  commença  avec  Fontaine  la  restauration  et  l'achève- 
ment du  palais.  Les  dépenses  furent  considérables;  elles 
ont  été  payées  avec  ce  qui  revenait  au  prince  de  la  suc- 
cession de  sa  mère.  On  acheta  les  faisons  particulières 
qui  se  trouvaient  rue  Saint-Honoré  entre  le  palais  et  la 
rue  de  Richelieu,  ainsi  que  le  théâtre,  vendu  à  un  sieur 
JuUien,  qui  le  céda  pour  1200000  francs.  Cette  partie 
du  palais  une  fois  dégagée,  on  put  ouvrir  sur  la  rue 
Saint-Honoré   la   cour   de   Nemours  (1). 

(1)  Inventaire    général  des  Richesses  d'Art  de  la  France.    Monuments 
civils,  tome  I. 


PERGIER  ET  FONTAINE.  69 

Dans  la  crainte  d'assombrir  cette  cour  et  de  trop  dimi- 
nuer le  jardin,  le  duc  d'Orléans  interdit  d'établir  les 
appartements  d'honneur  sur  l'emplacement  des  galeries 
de  bois,  comaie  l'avait  proposé  Louis.  L'exhaussement 
d'un  étage  du  corps  de  bâtiment  principal  situé  entre  les 
deux  cours,  et  actuellement  occupé  par  le  Conseil  d'Etat, 
le  prolongement  de  l'aile  Montpensier,  depuis  le  théâtre 
jusqu'au  jardin,  enfin  la  construction  de  deux  pavillons 
reliant  chacune  des  deux  ailes  avec  les  bâtiments  en 
bordure  sur  le  jardin,  permirent  à  Fontaine  de  donner  au 
duc  de  vastes  salons  de  réception  et  les  appartements 
privés  nécessaires  à  sa  famille  et  à  son  entourage.  Les 
idées  les  plus  heureuses  de  Fontaine  furent  la  création 
de  la  galerie  de  Chartres  et  de  la  grande  galerie  trans- 
versale dite  cV Orléans^  à  la  place  des  galeries  de  bois, 
entre  le  palais  et  le  jardin. 

Le  Théâtre-Français  avait  été  incendié  en  1818.  Il  fut 
entièrement  reconstruit  par  Fontaine.  La  décoration,  les 
communications,  les  entrées  et  les  dégagements  sont 
restés  sans  changement  jusqu'à  l'incendie  de  1899,  qui 
détruisit  partiellement  la  salle.  C'est  à  Fontaine  qu'on 
doit  le  grand  vestibule  de  la  rue  de  Richelieu.  Les  travaux 
du  Théâtre-Français  prirent  fin  en  1822.  Les  autres  parties 
du  Palais-Royal  occupèrent  Fontaine  jusqu'en  1831   (1). 

Après  la  construction,  il  fallut  s'occuper  de  l'ameuble- 
ment  et  de  la  décoration   intérieure.  Fontaine  a  publié 

(1)  Champier  et  Sandoz,  Le  Palnis-Royal^  tome  II. 


70  PERGIER  ET  FONTAINE. 

V Histoire  du  Palais-Royal  en  1830,  et  en  1837  un  autre 
volume  intitulé  le  Palais-Royal  domaine  de  la  couronne. 
Il  a  laissé  le  détail  des  ameublements  et  décors  dans  un 
album  que  conservent  ses  héritiers. 

Lés  rapports  de  Fontaine  avec  le  duc  d'Orléans  établi- 
rent entre  eux  les  liens  d'une  solide  affection.  L'amitié 
de  Louis-Philippe  pour  son  architecte  est  restée  légen- 
daire. L'architecte  avait  plus  de  goût  que  le  roi  et  n'ap- 
prouvait pas  toujours  ses  idées.  Le  roi  n'osait  résister 
ouvertement,  mais  il  était  entêté;  il  éloignait  Fontaine  en 
le  chargeant  de  quelque  besogne  insignifiante  au  château 
d'Eu  ou  ailleurs,  et  profitait  de  son  absence  pour  mettre 
ses  projets  à  exécution.  Au  retour.  Fontaine  se  fâchait, 
mais  on  se  réconciliait  toujours.  Louis  XVIII  avait  nommé 
Fontaine  officier,  de  la  Légion  d'honneur;  Louis-Philippe 
le  promut  au  grade  de  commandeur. 

Pendant  toute  cette  période,  Percier  s'occupa  peu  de 
constructions  d'édifices.  En  1824,  il  fit  le  projet  du  tom- 
beau de  la  comtesse  Âlbany  qui,  veuve  du  prétendant 
Charles-Edouard,  avait  épousé  le  poète  Alfieri.  Ce  tom- 
beau fut  exécuté  dans  l'église  Santa  Croce  à  Florence, 
par  le  sculpteur  Santorelli.  En  dehors  de  son  école  et  de 
ses  restaurations,  il  travailla  à  des  projets  pour  la  manu- 
facture de  Sèvres.  On  conserve  dans  cet  établissement 
une  aquarelle  allégorique  représentant  l'Espérance  et  un 
projet  de  vitrail  pour  la  chapelle  du  château  de  Randan 
(Puy-de-Dôme).  La  première  porte  la  mention  suivante  : 
«Pour  S.  A.  E.  Mademoiselle  d'Orléans,  28  juin  1830  ». 


PERGIER  ET  FONTAINE.  "71 

Quant  au  vitrail,   il  a    été   exécuté  à  la  manufacture  la 
même  année. 

Nommé  officier  de  la  Légion  d'honneur  par  Louis  XVIII 
en  même  temps  que  Fontaine,  Percier  mourut  au  mois 
de  septembre  1838,  dans  le  logement  qu'il  occupait 
depuis  l'Empire  à  l'entresol  du  Louvre,  —  logement 
modeste  et  pauvrement  meublé  dont  se  contentait  celui 
qui  avait  décoré  tant  de  résidences  royales.  Percier  avait 
acquis  une  fortune  honorable:  il  légua  100  000  francs 
à  l'École  gratuite  de  dessin  qu'il  avait  fondée  et  dont  il 
était  administrateur.  Grand  de  taille,  mais  peu  robuste, 
il  avait  des  allures  rappelant  un  peu  celles  de  l'ancien 
militaire  et  rendues  plus  singulières  encore  parle  caractère 
archaïque  de  son  costume  qui  était  le  même  en  toutes 
saisons  et  qui  n'avait  pas  varié  depuis  un  demi-siècle.  Il 
était  sérieux  et  grave,  sa  parole  était  vive  et  abondante. 

Éloigné  de  Paris  à  l'époque  de  la  mort  de  son  ami, 
Fontaine  ne  put  assister  à  ses  obsèques  (7  septem- 
bre 1838).  11  lui  survécut  quinze  années.  Pendant  tout 
le  règne  de  Louis-Philippe,  il  continua,  avec  une  activité 
remarquable  pour  son  âge,  à  diriger  tous  les  travaux 
courants  qu'exigeaient  l'entretien  et  les  améliorations 
des  nombreux  édifices  dont  il  avait  la  charge.  La  Révo- 
lution de  1848  l'affligea  profondément.  Son  amitié  pour 
le  roi  et  les  mauvais  souvenirs  qu'il  avait  gardés  de  la 
première  République  ne  pouvaient  le  disposer  en  faveur 
de  la  seconde.  Il  donna  sa  démission  d'architecte  du 
Louvre   et  des   Tuileries   le   20  septembre  1848,  à  l'âge 


72  PERGIER  ET  FONTAINE. 

de  quatre-vingt-six  ans.  L'année  suivante,  il  fut  nommé 
président  du  Conseil  des  bâtiments,  fonction  qu'il  remplit 
avec  assiduité.  Il  mourut  le  10  octobre  1833,  dans  un  hôtel 
qu'il  s'était  fait  bâtir  depuis  longtemps  à  la  Muette,  à 
Passy,  et  où  il  vint  s'installer  après  sa  démission. 

Dans  Fespèce  de  pacte  d'amitié  que  Fontaine,  Percier 
et  Dernier  avaient  fait  à  Rome,  il  était  stipulé  qu'ils  ne 
se  marieraient  jamais.  Fontaine  tint  parole  comme  avait 
fait  Percier.  Cependant  ses  derniers  jours  ne  furent  pas  so- 
litaires. Il  eut  une  fille  d'adoption  qu'il  éleva  depuis  l'en- 
fance, qu'il  maria,  et  dont  les  enfants  devinrent  pour  lui  de 
véritables  petits-fils.  Cette  famille  était  installée,  près  du 
cimetière  du  Père-Lacliaise,  dans  la  rue  Saint-Maur,  bien 
différente  de  ce  qu'elle  est  aujourd'hui.  Elle  occupait  une 
demeure  luxueuse,  presque  somptueuse,  entourée  de 
vastes  jardins  et  décorée  d'objets  d'arts.  C'est  là  que  Fon- 
taine aimait  à  se  retirer  sa  journée  linie,  pour  travailler 
à  ses  livres,  ou  pour  amuser  ses  petits-enfants  en  faisant 
devant  eux  des  dessins  qu'il  rehaussait  de  couleurs, 
telle  cette  série  de  petites  aquarelles  destinées  à  illustrer 
un  exemplaire  de  Don  Quichotte.  Ces  petits  ouvrages  sont 
traités  avec  une  ampleur  qui  témoigne  de  la  facilité  de 
Fauteur,  en  même  temps  que  des  grâces  alertes  de  son 
esprit. 

La  vie  de  Fontaine  était  ordonnée  avec  une  régularité 
exemplaire.  Il  habitait  l'hôtel  d'Angiviller,  situé  rue  de 
l'Oratoire,  près  du  Louvre.  Il  se  mettait  chaque  jour  au 
travail  dès   5  heures  du   riiatin.  A  midi,  il   allait  visiter 


LE    GRAND    ESCALIER^DU    MUSÉE^DU    LOUVRE 
D'après  une  aquarelle  de  Fontaine   (Collection  G.  Meunié). 


PERGIER  ET  FONTAINE.  75 

ses  travaux  et  rentrait  dîner  à  6  heures,  rue  Saint-Maur, 
d'où  sa  voiture  le  ramenait  à  10  heures.  Il  était  bon  et 
affectueux  avec  ses  amis,  aimable  avec  les  indifférents, 
malgré  une  certaine  raideur  de  caractère  à  laquelle  il  fal- 
lait s'habituer. 

Fontaine  fut  enterré  au  Père-Lachaise  avec  Dernier  et 
Percier  dans  un  tombeau  qu'il  avait  fait  construire  et 
sur  lequel  cette  inscription  était  gravée  :  Hic  très  in 
unum. 

IV 

Le  château  de  Versailles,  oii  Louis  XIV  avait  créé 
tant  de  merveilles,  avait  souffert  de  l'abandon  pendant  la 
Révolution.  Napoléon  aurait  voulu  le  rétablir  dans  sa 
splendeur  primitive  pour  en  faire  une  de  ses  résidences. 
Les  circonstances  l'en  empêchèrent.  On  se  borna  à  res- 
taurer les  palais  de  Trianon.  Percier  et  Fontaine  avaient 
trouvé  les  magasins  et  les  dépôts  de  la  couronne  emplis 
de  marbres  de  grand  prix  destinés  au  Grand  Trianon  et  qui 
n'avaient  pas  été  employés  par  Mansart.  Ils  ne  purent  pas 
non  plus  les  utiliser,  et  les  firent  servir  à  d'autres  usages. 
C'est  de  là  qu'ils  tirèrent  les  colonnes  qui  décorent  plu- 
sieurs galeries  du  Louvre,  et  celles  qui  faisaient  si  bel 
effet  dans   le  grand  escalier  du  Musée. 

A  Trianon,  ils  se  contentèrent  de  remettre  les  appar- 
tements en  état,  de  les  meubler,  de  réunir  les  jardins  du 
Grand  et  du  Petit  Trianon  par  un  pont  jeté  par-dessus 


76  PERGIER  ET  FONTAINE. 

l'allée  qui  les  sépare,  et  enfin  de  régulariser  l'accès  des 
palais  par  des  avenues  et  des  grilles  d'entrée.  Dans  le  parc^ 
ils  firent  réparer  et  reconstruire  les  murs  qui  contiennent 
le  grand  canal  et  ses  deux  bras,  puis  remettre  en  état  de 
service  les  conduites  qui  alimentent  les  jets  et  les  bassins. 

Plus  tard,  Fontaine  présenta  à  Louis  XVill  un  nouveau 
plan  de  restauration.  On  devait  conserver  ou  rétablir  la 
galerie,  les  grands  appartements,  les  pièces  d'apparat, 
tout  ce  qui  datait  de  Louis  XIV.  Les  travaux  furent 
aussitôt  entrepris.  En  1820,  le  pavillon  correspondant  à 
celui  que  Gabriel  avait  bâti  était  élevé,  les  abords  déga- 
gés, les  dépendances  restaurées.  La  dépense  fut  d'environ 
six  millions,  exactement  le  cbifPre  que  Fontaine  deman- 
dait à  Napoléon. 

Le  château  de  Versailles  n'a  pas  été  habité  depuis  la 
Restauration.  Après  la  Révolutionde  1830,  on  abandonna 
toute  idée  de  le  convertir  en  résidence  royale,  et  l'on  com- 
mença d'y  installer  un  musée  d 'œuvres  d'art  relatives  à 
l'histoire  de  France.  Cette  transformation  du  palais  en 
musée,  exécutée  par  l'architecte  Nepveu  qui  a  profité 
largement  des  conseils  et  de  l'expérience  de  Fontaine, 
passe  pour  tout  à  fait  réussie. 

Les  constructions  du  Louvre  et  des  Tuileries  ont  été 
l'objet  des  soins  de  Percier  et  Fontaine  pendant  plus  de 
trente  ans.  Le  palais  du  Louvre,  malgré  les  dépenses  qu'y 
avaient  consacrées  les  rois  de  France  depuis  François  I", 
n'était  pas  achevé  en  1789.  Au  commencement  de  la 
Révolution,  il  fut  littéralement  envahi  par  quantité  de 


LARC     DE    TRIOMPHE     DU     CARROUSEL     DANS     SON    ETAT    PRI3IITIF 

D'après  une  aquarelle  de  Fontaine  (Colleclion  G.  Meiinié). 


PERGIER  ET  FONTAINE.  79 

personnes  qui  vinrent  s'y  loger  sous  différents  prétextes 
et  firent  construire  de  véritables  maisons  bourgeoises 
dans  les  salles  inachevées.  Le  gouvernement  du  Directoire 
essaya  de  mettre  un  terme  à  ces  désordres.  Déjà  en  1793 
la  Convention  avait  fait  rassembler  dans  la  grande  galerie 
des  richesses  artistiques  provenant  des  anciens  palais  ; 
tout  y  était  amoncelé  sans  ordre.  Après  la  campagne 
d'Italie,  lemusée  s'enrichitd'immortels  chefs-d'œuvre  qui 
furent  déposés  dans  la  salle  devenue  plus  tard  la  galerie 
des  Antiques. 

Enfin,  en  1803,  Napoléon  ordonna  l'expulsion  des  parti- 
culiers qui  occupaient  encore  les  intérieurs  et  les  abords 
du  Louvre  ;  il  fit  appel  à  Percier  et  à  Fontaine  pour  la 
reconstruction  et  l'achèvement  des  quatre  ailes  qui  entou- 
rent la  grande  cour.  Ceux-ci  se  trouvaient  en  présence  de 
deux  plans  étudiés  autrefois.  Le  plus  ancien  était  celui 
de  Lescot,  l'architecte  de  François  I",  mais  il  s'accordait 
mal  avec  la  belle  colonnade  élevée  par  Perrault  sous 
Louis  XIV.  L'autre  était  de  Perrault:  le  suivait-on,  il  fallait 
démolir  l'attique  élevé  sur  les  trois  faces  du  nord,  du  sud 
et  du  couchant,  et  l'on  perdait  ainsi  les  belles  sculptures 
dont  ces  faces  sont  ornées.  De  plus  on  devait  supprimer  le 
dôme  et  détruire  la  surélévation  du  pavillon  de  l'Horloge. 
Napoléon  décida  que  la  façade  de  l'Horloge  serait  conservée 
comme  modèle  de  l'ancien  Louvre  et  que  les  trois  autres 
seraient  achevées  et  rattachées  à  la  première  (1).  C'est  ce 
qui  fut  exécuté  avec  un  goût  parfait,  comme  on  peut  s'en 

(1)  Résidences  des  Souverains. 


,80  PERGIER  ET  FONTAINE. 

convaincre  aujourd'hui  en  traversant  la  cour  du  Louvre. 
Les  trois  façades,  décorées  de  trois  ordres  d'architec- 
ture, sont  semblables.  La  quatrième,  avec  deux  ordres, 
unattique  et  le  pavillon  central  couronné  d'un  dôme,  est 
rétablie  et  achevée  suivant  le  plan  de  Lescot. 

Le  palais  des  Tuileries,  incendié  par  la  Commune  en 
1871  et  dont  il  ne  reste  aujourd'hui  que  le  jardin,  avait 
été  commencé  en  1566  par  Catherine  de  Médicis,  puis 
agrandi  par  Henri  IV.  A  l'époque  où  le  Premier  Consul  en 
prit  possession  (10  février  1800),  il  était  dans  un  véritable 
état  de  délabrement.  Les  réparations,  commencées  par 
Lecomte,  furentachevées  par  Percier  et  Fontaine.  La  partie 
comprise  entre  le  pavillon  central  et  le  pavillon  deMarsan, 
et  qui  avait  abrilé  la  Convention,  fut  entièrement  remaniée  ; 
on  y  construisit  vers  1804  une  salle  de  spectacle,  une  salle 
d'assemblée  pour  le  Conseil  d'Etat  et  une  chapelle.  Le 
jardin  fut  dégagé;  il  était  fermé  du  côté  nord  par  un  mur 
qui  fat  abattu  et  remplacé  par  une  grille.  Le  long  de  cette 
grille,  Percier  et  Fontaine  firent  ouvrir  une  large  rue 
bordée  de  maisons  à  arcades  faisant  face  au  jardin;  c'est 
la  rue  de  Rivoli,  qui  s'arrêtait  alors  à  la  rue  de  l'Echelle, 
en  face  du  palais  des  Tuileries,  et  que  Visconti  prolongea 
plus  tard.  L'aménagement  du  jardin  n'alla  pas  sans  diffi- 
cultés. 11  fut  orné  de  nombreuses  statues  de  marbre  pro- 
venant de  diverses  résidences;  mais  Napoléon  fit  essayer 
par  Percier  et  Fontaine,  à  diverses  reprises,  des  projets  de 
temples,  de  kiosques  pour  des  cafés,  de  fontaines  jaillis- 
santes jusque  sous  les  arbres  de  la  futaie  ;  il  aurait  voulu 


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PERGIER  ET  FONTAINE.  83 

un  long  canal  à  la  place  de  la  grande  allée.  Le  bon  sens 
et  la  raison  s'opposèrent  à  ce  que  ces  conceptions  fussent 
toutes  admises  (1). 

Une  œuvre  plus  importante  était  la  réunion  du  Louvre 
aux  Tuileries  dont  il  était  question  depuis  Henri  IV.  Le 
13  février  1806,  Napoléon,  déjeunant  aux  Tuileries  avec 
Fontaine,  l'entretint  de  son  projet.  Il  voulait  déblayer 
l'espace  qui  sépare  les  deux  palais,  ménager  un  grand 
terrain  dans  l'axe  des  deux  entrées,  avec  des  portiques, 
et  placer  aux  extrémités  deux  arcs,  l'un  dédié  à  la  Paix, 
l'autre  à  la  Guerre  (2).  Percier  et  Fontaine  avaient  déjà 
conçu  plusieurs  plans  de  réunion,  mais  ils  raccordaient 
les  palais  au  lieu  de  laisser  un  espace  entre  eux.  Après 
avoir  discuté  la  question  avec  son  architecte.  Napoléon 
dicta  lui-même  à  table,  au  grand  maréchal  du  palais, 
un  plan  qui  comportait  une  rue  conduisant  du  Louvre  aux 
Tuileries,  et  un  arc  de  triomphe  entre  les  deux  palais. 
L'arc  de  triomphe  fut  seul  exécuté.  C'est  le  chef-d'œuvre 
de  Percier  et  Fontaine,  et  le  plus  bel  ouvrage  isolé  d'ar- 
chitecture qui  ait  été  construit  pendant  la  période  impé- 
riale. 

Une  des  principales  difficultés  de  la  réunion  des  deux 
palais  était  leur  défaut  de  parallélisme.  L'axe  des  Tui- 
leries et  du  jardin  n'est  pas  le  prolongement  de  celui  du 
Louvre;  il  s'incline  légèrement  vers  le  nord.  Après  avoir 
demandé  des  plans  à  beaucoup  de  personnes,  Napoléon 

(1)  Résidences  des  Souverains. 

(2)  L.  DE  Beausset,  Mémoires  anecdotiques. 


84  PERGIER  ET  FONTAINE. 

abandonna  le  projet  de  1806  et  décida  que  les  Tuileries 
seraient  séparées  du  Louvre  par  une  aile  transversale 
construite  à  l'est  du  Carrousel.  Cette  aile  devait  contenir 
au  premier  la  Bibliothèque  nationale,  et  au  rez-de-chaus- 
sée un  vaste  portique  s'étendant  jusqu'au  quai.  L'aile 
neuve  des  Tuileries,  destinée  à  loger  les  services  admi- 
nistratifs, serait  continuée  sur  le  quai  jusqu'à  la  rencontre 
du  portique.  Une  fontaine  publique,  ronde,  placée  au  point 
d'intersection  des  axes  des  deux  palais,  entre  l'arc  de 
triomphe  et  l'aile  de  la  bibliothèque,  empêcherait  que 
d'aucun  point  on  ne  pût  découvrir  en  même  teaips  les 
deux  milieux  et,  par  conséquent,  l'irrégularité.  Le  défaut 
de  parallélisme  serait  ainsi  rejeté  sur  l'aile  transversale 
qu'on  ferait  plus  large  du  côté  du  quai.  Percier  et  Fon- 
taine établirent  sur  ces  données  un  projet  important  dont 
voici  les  principales  dispositions  :  l'aile  du  Louvre  (Hor- 
loge) devait  être  précédée  d'une  avant-cour  entourée  de 
portiques  et  de  bâtiments,  avec  salles  d'assemblée  et 
d'exposition  pour  l'Université,  l'Institut,  les  corps  savants, 
les  corporations  utiles,  etc.  La  salle  du  théâtre  de  l'Opéra, 
bâtie  isolément  sur  la  place  du  Palais-Royal,  face  à  l'en- 
trée principale  de  ce  palais,  communiquerait  à  l'aile  des 
fêtes  par  un  arc  couvert.  Un  pavillon,  pareil  à  celui  de 
l'entrée  du  Musée,  formerait  de  l'autre  côté  le  porche  de 
l'église  du  Louvre,  destinée  à  remplacer  l'église  Saint- 
Germain-l'Auxerrois.  Celle-ci  devait  être  démolie  pour 
l'ouverture  d'une  longue  et  large  voie  qui,  partie  de  la 
place   du    Trône,   aujourd'hui  place  de  la  Nation,  dans 


PERGIER  ET  FONTAINE.  87 

le  prolongement  du  cours  de  Vincennes,  serait  arrivée 
en  ligne  droite  jusqu'au  Louvre  en  passant  par  la  place 
de  la  Bastille  sur  laquelle  serait  élevée  une  fontaine 
monumentale  (1).  De  ces  projets  grandioses,  presque 
rien  ne  subsiste  aujourd'hui,  ou  du  moins  une  bien 
petite  partie  en  a  été  réalisée.  L'ouvrage  le  plus  remar- 
quable, exécuté  à  cette  occasion,  était  un  magnifique 
escalier  qui  donnait  accès  dans  cette  partie  du  Louvre 
qu'on  appelait  à  cette  époque  le  Musée  Napoléon.  Cet 
escalier  était,  d'après  Victor  BaJtard,  la  plus  belle  créa- 
tion de  Percier  et  Fontaine.  Malheureusement  il  ne  pouvait 
s'accorder  avec  les  plans  de  Visconti,  l'architecte  de 
Napoléon  III,  et  fut  détruit  sous  le  second  Empire. 

Louis-Philippe,  venant  habiter  les  Tuileries,  les  trouva 
fort  incommodes  et  chargea  Fontaine  de  faire  un  plan 
d'aménagement  qui  fut  exécuté.  Plus  tard,  le  roi  reprit  le 
projet  de  réunion  du  Louvre  aux  Tuileries.  Le  plan  pri- 
mitif subit  encore  quelques  modifications  :  on  prévoyait 
même  le  rattachement  du  Palais-Royal  au  Louvre,  mais 
alors  les  communications  urbaines  devenaient  difficiles. 
Il  fallut  y  renoncer.  La  réunion  du  Louvre  aux  Tuileries 
fut  enfin  réalisée  par  l'architecte  Visconti ,  dès  les  premières 
années  du  second  Empire.  On  sait  combien  la  disposition 
adoptée  s'éloigne  des  plans  de  Fontaine.  Le  prolongement 
«le  la  rue  de  Rivoli  entre  le  Louvre  et  le  Palais-Royal  détrui- 
sait évidemment  toute  l'économie  des  anciens  projets.  La 

(1;  Résidences  des  Souverains. 


88  PERCIER  ET  FONTAINE. 

façade  fut  terminée  en  1853.  Fontaine  put  voir,  dans  ses 
derniers  jours,  se  réaliser,  par  des  moyens  entièrement 
différents  de  ceux  qu'il  avait  conçus,  une  œuvre  à  laquelle 
il  avait  consacré  de  si  longs  efforts, 
f  II  est  difficile  de  se  rendre  compte  de  l'effet  qu'aurait 
produit  l'Arc  de  Triomphe  du  Carrousel  à  côté  des  cons- 
tructions qui,  d'après  le  projet  primitif,  devaient  être 
édifiées  dans  son  voisinage.  Aujourd'hui  que  les  Tuileries 
ont  été  détruites,  il  apparaît  isolé  sur  un  vaste  emplace- 
ment et  doit  être  jugé  en  lui-même. 

Nous  avons  déjà  dit  que  la  construction  en  avait  été 
décidée  le  13  février  1806.  Il  ne  fallut  que  quelques  jours 
à  Percier  et  Fontaine  pour  en  établir  le  plan,  qui  reçut 
aussitôt  l'approbation  de  l'Empereur.  Vivant-Denon,  direc- 
teur général  des  Musées  et  de  la  Monnaie  des  Médailles, 
fut  chargé  de  l'exécution  des  travaux  commencés 
immédiatement  et  poussés  avec  tant  d'activité  que 
l'édifice  fut  presque  complètement  achevé  en  moins  de 
deux  ans,  avec  la  collaboration  des  meilleurs  sculpteurs 
de  l'époque.  Les  dépenses  de  la  construction  ne  dépas- 
sèrent pas  un  million  ;  les  fonds  provenaient  de  la  con- 
quête de  la  Hollande. 

Le  monument  est  établi  sur  le  modèle  des  arcs  romains  à 
trois  ouvertures,  une  centrale  plus  grande  flanquée  de  deux 
autres  plus  petites  ;  il  rappelle  ainsi  les  arcs  de  Constantin 
et  de  Septime-Sévère,  surtout  le  dernier,  dont  on  a  dit  à 
tort  qu'il  n'était  que  la  copie.  L'arc  du  Carrousel  pré- 
sente avec  l'arc  antique  une  différence  capitale  qui  en  fait 


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PERCIER  ET   FONTAINE.  91 

l'originalité  :  il  est  percé  d'une  quatrième  ouverture  dans 
le  sens  longitudinal,  disposition  ingénieuse,  inconnue  des 
anciens,  qui  donne  naissance,  dans  l'intérieur,  à  des  voûtes 
d'arêtes  d'un  bel  effet  décoratif,  et  augmente  ainsi  consi- 
dérablement la  grâce  et  la  légèreté  de  l'ensemble.  La 
décoration,  quoique  faite  dans  le  style  antique,  est  cepen- 
dant plus  riche  et  plus  délicate  ;  on  y  sent  l'influence 
de  l'époque  de  Louis  XVI  ;  on  y  retrouve  le  goût  et 
la  finesse  d'exécution  de  la  Renaissance,  et  enfin  on  y 
remarque  un  souci  particulier  de  l'exactitude  dans  la 
reproduction  des  nombreux  objets  qui  servent  de  motifs, 
spécialement  en  ce  qui  concerne  les  trophées  des  armes 
conquises.  «  Cette  vérité  historique  d'accessoires,  a  dit 
L.  Normand,  ajoute  au  mérite  des  sculptures  déjà  très 
recommandables  en  elles-mêmes....  Nulle  part  on  ne 
retrouve  une  plus  riche,  une  plus  belle  ordonnance,  des 
emblèmes  plus  ingénieux,  plus  significatifs,  mieux  appro- 
priés à  l'objet  du  monument,  une  plus*  grande  variété,  un 
plus  beau  choix  d'ornements  et  une  exécution  plus  par- 
faite. Les  voûtes  d'arêtes  surtout  sont  d'un  ajustement 
très  heureux  dont  les  monuments  anciens  n'offrent  que 
peu  ou  point  d'exemples.  » 

Sur  chacune  des  deux  faces  principales,  en  avant  des 
pieds-droits,  sont  quatre  piédestaux  tenant  à  la  masse  et 
portant  des  pilastres  engagés  et  des  colonnes  corinthiennes 
isolées.  Ces  huit  colonnes  se  prolongent  au-dessus  de  la 
corniche  qui  sépare  l'entablement  de  l'attique  par  autant 
de  piédestaux  sur  chacun  desquels  est  la  statue  en  marbre 


92  PERGIER  ET  FONTAINE. 

d'un  soldat  des  armées  impériales,  représenté  dans  toute 
la  vérité  de  son  costume.  Du  côté  du  Louvre  :  un  Cuiras- 
sier, sculpté  par  Taunay  ;  un  Dragon,  par  Corbet;  un  Chas- 
seur à  cheval,  par  Foucou,  et  un  Grenadier  à  cheval,  par 
Chinard.  Du  côté  des  Tuileries  :  un  Grenadier,  par  Dar- 
del;  un  Carabinier,  parMoutoni;  unCanonnier,  par  Bri- 
dan  fils,  et  un  Sapeur,  par  Dumont. 

Sur  chacune  des  grandes  façades,  l'attique  est  divisé 
en  trois  compartiments  ornés  de  sculptures  qui  représen- 
taient les  armes  de  l'Empire  et  les  armes  dTtalie,  entourées 
de  figures  d'hommes  et  de  femmes  vêtues  à  l'antique, 
quelques-unes  avec  des  ailes,  d'autres  rappelant  les  dieux 
de  l'antiquité  :  Mercure,  Hercule,  Minerve,  Gybèle,  etc. 
Les  faces  planes  de  chaque  côté  de  l'arc  sont  ornées  de 
Renommées  ailées.  Celles  du  côté  du  Louvre  soufflent 
dans  des  trompettes  ;  elles  ont  été  sculptées  par  Taunay; 
les  autres,  sculptées  par  Dupasquier,  portent  des  cou- 
ronnes de  lauriers. 

Les  petites  arcades  sont  décorées  d'objets  empruntés  à 
l'équipement  militaire  et  disposés  d'une  manière  aussi 
ingénieuse  que  gracieuse  :  on  y  voit  des  canons,  des 
haches  de  sapeurs,  des  tambours,  des  sabres,  des  étriers, 
des  casques,  des  bonnets  à  poil,  des  chapeaux  à  plumes, 
des  gibecières,  des  sabretaches,  des  glands,  des  cui- 
rasses, etc.,  le  tout  reproduit  avec  ce  respect  de  la  vérité 
que  Percier  et  Fontaine  apportaient  dans  les  plus  petits 
détails.  Au-dessus  des  petits  arcs,  sont  six  bas-reliefs  en 
marbre  qui  représentent  divers  épisodes  de  la  campagne 


PERGIER  ET  FONTAINE.  93 

de  1805  :  la  Capitulation  devant  IJlm^  par  Gartellier  ;  la 
Victoire  tr Austerlitz  ^  par  Espercieiix;  \ Entrée  à  Vienne^ 
par  Deseine  ;  V  Entrée  de  F  armée  française  à  Munich^ 
par  Glodion  ;  \ Entrevue  des  deux  Empereurs  à  Tilsitt^  par 
Ramey,  et  enfin  la  Paix  de  Presbourg^  par  Lesueur. 

La  décoration  de  l'intérieur  ne  le  cède  en  rien  à  celle 
du  dehors.  Au  centre  du  plafond  de  la  grande  voûle  était 
un  bas-reliefdeLesueurreprésentant  l'Empereur  couronné 
par  la  Victoire  ;  il  a  été  remplacé  sous  la  Restauration  par 
une  composition  sans  grand  intérêt. 

L'ensemble  du  monument  rappelle  l'architecture  poly- 
chrome des  anciens.  Les  massifs  sont  en  pierre  de  Liais, 
les  colonnes  en  marbre  blanc  veiné  de  rouge  du  Langue- 
doc, leurs  bases  et  leurs  chapiteaux  en  bronze.  Ces  co- 
lonnes provenaient  du  château  de  Meudon  construit  au 
xvi^  siècle  et  détruit  par  un  incendie  en  1795  (1).  La  frise  de 
l'entablement  est  en  griote  d'Italie,  les  tables  destinées 
à  recevoir  les  inscriptions  en  marbre  blanc. 

On  plaça  sur  l'attique  des  chevaux  de  bronze  attribués 
à  Lysippe  ou  à  Zénodore  qui  avaient  appartenu  au  temple 
du  Soleil  à  Corinthe.  Transportés  à  Constantinople  par 
ordre  de  l'empereur  Théodose,  ils  avaient  été  pris  par  le 
doge  de  Venise  Dandolo,  lors  de  la  conquête  de  Cons- 
tantinople par  les  Croisés,  en  1204.  Bonaparte  à  son  tour 
les  ravit  à  Venise  et  les  envoya  à  Paris  en  1797.  On  les 
attela  à  un  char  dans  lequel  la  Victoire  et  la  Paix  condui- 

(1)    Les  Châteaux  de  France,  par  l'abbé  Bourassé,   chanoine  de. Tours. 
Tours,  1876. 


94  PERGIER  ET  FONTAINE. 

saient  une  statue  de  Napoléon  ;  cette  statue  déplut  à 
l'Empereur  qui  la  fit  enlever  vingt-quatre  heures  après 
qu'elle  eût  été  posée.  Le  char  et  les  statues  étaient  en 
plomh  doré.  En  1815,  les  Alliés  exigèrent  la  restitution 
des  chevaux,  la  démolition  du  char  et  des  figures  qui  le 
conduisaient  et  l'enlèvement  des  has-reliefs.  Louis  XVIIl 
commanda  de  nouveaux  has-reliefs  dont  les  sujets  étaient 
empruntés  à  la  guerre  d'Espagne,  et  qui  furent  placés, 
en  1828,  en  même  temps  qu'an  char  à  quatre  chevaux 
conduit  par  une  déesse  qui  figure  la  Restauration.  Ce 
quadrige  en  bronze  est  du  sculpteur  Bosio.  En  1830, 
aussitôt  son  arrivée  au  pouvoir,  Louis-Philippe  fit  repla- 
cer les  anciens  bas-reliefs  de  l'Empire. 

Ce  monument  excita  l'admiration  enthousiaste  des 
contemporains  ;  il  valut  à  Percier  et  Fontaine,  en  1810,  le 
prix  décennal  décerné  par  l'Académie  des  Beaux-Arts 
à  Fauteur  du  plus  bel  ouvrage  d'architecture  élevé  dans 
les  dix  dernières  années,  et  contribua  certainement 
pour  beaucoup  à  les  faire  entrer  l'année  suivante  à 
l'Académie. 

Cependant,  il  n'eut  pas  l'approbation  complète  de 
l'Empereur.  «  Cela  ressemble  plus,  disait-il,  à  un  pavillon 
qu'à  un  arc  de  triomphe.  La  porte  Saint-Denis  est  bien 
supérieure.  »  On  trouve  une  opinion  plus  sainement 
motivée  dans  le  mémoire  qui  fut  présenté  à  FEmpereur  le 
5  mars  1808  par  Joachim  Le  Breton,  secrétaire  perpétuel 
de  la  classe  des  Beaux-Arts.  Le  Breton  reconnaît  que  la 
masse    n'est   pas   imposante  ;    mais   il    ajoute    qu'en   lui 


PERGIER  ET  FONTAINE.  95 

donnant  de  plus  grandes  proportions  on  aurait  écrasé,  en 
quelque  sorte,  le  centre  du  palais.  Il  signale  l'innovation 
des  voûtes  d'arêtes  et  loue  le  soin  apporté  à  la  sculpture 
d'ornementation.  «  Il  est  possible  qu'il  y  ait  un  peu  de  pro- 
fusion dans  cette  richesse,  mais  on  ne  saurait  s'empêcher 
de  méconnaître  beaucoup  de  goût  et  d'habileté  dans  la 
manière  dont  on  a  employé  les  armes  et  ustensiles  de 
guerre  modernes  qui  font  partie  de  ce  luxe..:  Un  des 
principaux  mérites  de  ce  monument  est  l'accord  de  toute 
la  sculpture  d'ornement  avec  l'arc liitecture.  »  Dans  le 
même  rapport  Le  Breton  fait  l'éloge  des  salles  qui  ont  été 
construites  et  décorées  dans  Tinté  rieur  des  Tuileries. 

Normand,  que  nous  avons  déjà  cité,  après  avoir  loué 
rharmoniede  l'ensembleetlaperfection  des  détails,  ajoute: 
«  Le  premier  sentiment  qu'inspire  l'ouvrage  est  l'admi- 
ration, mais  un  examen  réfléchi  porte  à  blâmer  ce  mé- 
lange des  dieux  du  paganisme  et  des  héros  de  notre 
France  qui  en  énerve  le  caractère  national.  »  Nous  avouons 
ne  pas  comprendre  ce  scrupule.  Le  monument  n'a  aucun 
caractère  religieux,  et  les  figures  de  fleuves,  d'Hercule, 
de  Minerve,  etc.,  ne  sont  que  des  représentations  décora- 
tives auxquelles  il  serait  déplacé  de  vouloir  donner  une 
signification  mystique.  Elles  ont  pourtant  une  significa- 
tion historique  que  les  artistes  n'ont  pas  soupçonnée, 
parce  qu'ils  n'ont  fait  en  les  plaçant  que  suivre  les  ins- 
tincts de  leur  nature,  en  accord  du  reste  avec  la  manière 
de  penser  de  leurs  contemporains.  Elles  rappellent  le 
besoin  de  rapprocher  de  l'antiquité  les  événements  et  les 


96  PERGIER  ET  FONTAINE- 

institutions  du  jour,  préoccupation  dont  les  monuments 
devaient  logiquement  porter  la  trace. 

Une  œuvre  d'architecture  n'est  pas  un  décor  de  théâtre 
soumis  aux  lois  sévères  de  la  reconstitution  archéolo- 
gique. L'artiste  prend  son  bien  oi^i  il  le  trouve  ;  toutes 
les  époques  sont  à  lui,  toutes  les  formes  lui  sont  permises, 
pourvu  qu'il  sache  rassembler  ces  éléments  épars  et  les 
fondre  en  un  ensemble  bien  ordonné,  dans  lequel  toutes 
les  parties,  sans  se  heurter,  contribuent  à  l'effet  général. 
Tel  était  le  grand  mérite  de  Percier  et  Fontaine.  Loin  de 
les  blâmer,  il  faut  les  louer  hautement  d'avoir  su  com- 
biner avec  tant  de  discernement  des  éléments  divers  et 
d'avoir  rajeuni  et  renouvelé  leur  évocation  du  passé  par 
la  présence  de  motifs  de  décoration,  pris  autour  d'eux  et 
empruntés  directement  à  la  réalité  contemporaine. 


Sous  la  Terreur,  les  corps  des  condamnés  à  mort 
étaient  inhumés  dans  le  petit  cimetière  de  la  Madeleine 
de  la  Ville-l'Evêque.  Peu  de  temps  après,  ce  cimetière 
fut  désaffecté  et  vendu  comme  bien  national  à  un  certain 
Descloseaux,  qui  acheta  aussi  la  maison  attenante,  rue 
d'Anjou,  48,  pour  l'habiter  avec  son  gendre  Emma- 
nuel Danjou,  un  ancien  avocat  qui  avait  joui  d'une 
certaine  célébrité.  Le  but  secret  de  l'acquéreur  était  de 
veiller  à  la  conservation  des  restes  de  la  famille  royale. 
En   1814,   lorsque   Louis   XVIIl   eut   pris   possession   du 


PERCIER  ET   FONTAINE.  99 

trône  de  France,  un  de  ses  premiers  soins  fut  de  rétablir 
à  Saint-Denis  les  tombeaux  de  ses  aïeux  que  la  Révolu- 
tion avait  détruits  ou  transportés  au  Musée  des  Monu- 
ments français,  et  de  faire  transférer  dans  la  nécropole 
des  rois  de  France  les  dépouilles  de  Louis  XVI  et  de 
Marie-Antoinette.  Il  décida  aussi  qu'un  monument  serait 
élevé  en  expiation  du  crime  de  régicide.  Un  instant  il  fut 
question  d'affecter  à  cet  usage  l'édifice  de  la  Madeleine, 
alors  en  construction.  Mais  Descloseaux  fit  don  au  roi 
Louis  XVIII  du  jardin  de  son  hôtel,  à  la  condition 
expresse  qu'une  chapelle  expiatoire  serait  élevée  sur  cet 
emplacement.  L'acte  de  donation  portait  que  si  jamais,  à 
quelque  date  que  ce  soit,  le  terrain  est  employé  à  un 
autre  usage,  il  fera  retour  aux  héritiers  naturels  et  légi- 
times dudit  Descloseaux.  C'est  peut-être  à  cette  disposi- 
tion que  l'on  doit  la  conservation  du  monument,  car  il 
fut  sérieusement  question  de  le  démolir  en  1902. 

Le  jour  même  de  la  translation  des  restes  de  Louis  XVI 
à  Saint-Denis,  le  21  janvier  1815,  la  première  pierre  de 
la  chapelle  fut  posée  par  le  comte  d'Artois,  frère  du  roi, 
et  ses  deux  fils,  le  duc  de  Berry  et  le  duc  d'Angoulême. 
Fontaine  fut  chargé  du  projet;  il  s'adjoignit  Percier, 
au  moins  officiellement,  car  l'opinion  générale  des  archi- 
tectes est  que  Percier  n'y  travailla  point.  L'exécution  fut 
confiée  à  Lebas  ;  on  y  dépensa  près  de  trois  millions  pris 
sur  la  cassette  particulière  du  roi.  Le  travail  dura  plus 
de  dix  ans  et  ne  fut  achevé  qu'en  1826,  sous  le  règne  de 
Charles  X. 


100  PERGIER  ET  FONTAINE. 

Le  monument  se  compose  de  la  chapelle  proprement 
dite,  d'un  vestibule  placé  en  avant  et  de  deux  galeries 
reliant  le  vestibule  à  la  chapelle,  le  tout  entourant  un 
espace  rectangulaire  surélevé  par  les  terres  provenant 
des  fouilles  du  cimetière,  sorte  de  jardin  oii  l'on  cultive 
des  rosiers  rares  provenant  de  Versailles,  en  souvenir  de 
Marie-Antoinette  qui  adorait  les  roses.  Le  vestibule,  avec 
entrée  monumentale  du  côté  de  la  rue  Pasquier,  a  l'as- 
pect d'un  tombeau  antique.  Sa  façade  unie  est  ornée  de 
trois  avant-corps,  et  un  large  escalier  de  sept  marches 
donne  accès  à  l'édifice  :  il  communique  à  droite  et  à 
gauche  avec  les  galeries  qui  sont  appelées  galeries  des 
tombeaux  parce  qu'elles  ont  été  élevées  à  la  mémoire  des 
gardes-suisses  qui  ont  trouvé  la  mort  en  défendant  les 
Tuileries  pendant  l'insurrection  du  10  août  1792. 

La  chapelle  a  la  forme  d'une  croix  grecque  dont  le 
centre  est  occupé  par  une  coupole;  trois  branches  se  ter- 
minent en  demi-coupole  ou  cul-de-four,  tandis  que  la 
quatrième,  quadrangulaire,  sert  de  porche.  Vue  de  l'exté- 
rieur, du  côté  de  la  rue  d'Anjou,  elle  présente  une  rotonde 
surmontée  d'un  fronton  flanqué  de  trois  tourelles  couvertes 
de  trois  coupoles  hémisphériques.  Du  côté  du  jardin,  le  por- 
che est  précédé  d'un  péristyle  de  quatre  colonnes  doriques 
supportant  un  fronton  surmonté  d'une  croix  de  pierre.  Au 
milieu  du  tympan  sont  sculptés  deux  anges  à  genoux 
adorant  un  monogramme  du  Christ  qu'entoure  une  cou- 
ronne de  fleurs.  A  l'intérieur,  au  milieu  de  l'hémicycle 
qui  fait  face  à  l'entrée,  est  placé  l'autel  de  marbre  blauc 


PERCIER  ET  FONTAINE.  101 

sur  lequel  on  a  dit  la  messe  jusqu'à  la  fin  de  la  Restau- 
ration. Cet  autel  était  décoré  d'un  Christ  de  bronze.  Dans 
l'hémicycle  de  droite,  une  statue  de  Bosio  montre 
Louis  XVI,  en  manteau  royal,  à  genoux  devant  un  ange, 
dans  l'attitude  de  la  prière,  la  tête  et  le  regard  vers  le 
ciel,  les  bras  ouverts.  Dans  l'hémicycle  de  gauche  est  un 
groupe  sculpté  par  Cor  tôt  :  Marie-Antoinette  y  paraît 
ployée  sous  la  douleur;  elle  est  soutenue  dans  sa  rési- 
gnation par  la  Religion,  ici  figurée  sous  les  traits  de 
M""^  Elisabeth;  la  chevelure  de  la  reine  flotte  sur  ses 
épaules;  à  ses  pieds  gît  la  couronne. 

La  décoration  intérieure  de  la  chapelle,  très  remar- 
quable en  elle-même,  s'allie  harmonieusement  aux 
formes  architecturales.  Les  métopes  de  la  frise  sont 
ornées  de  fleurs  de  lis;  le  plafond  à  caissons  est  copié 
sur  celui  du  Panthéon  de  Rome.  Les  quatre  pendentifs  de 
la  coupole  centrale  sont  décorés  de  bas-reliefs  dus  à 
Gérard,  représentant  des  anges  en  adoration.  Le  morceau 
capital  est  un  bas-relief  de  Lemaire,  situé  au-dessus  du 
porche  intérieur.  Il  représente  la  translation  des  cendres 
du  roi  à  Saint-Denis,  et  la  figuration,  qui  est  nombreuse, 
s'y  trouve  disposée  avec   art. 

La  crypte  offre  une  disposition  analogue  à  celle  de 
la  chapelle.  Dans  les  quatre  piliers  on  a  déposé  les  osse- 
ments retirés  du  cimetière  pendant  les  fouilles.  Juste 
au-dessous  de  l'autel  de  la  chapelle,  se  trouve  un  autre 
autel  dont  la  forme  est  celle  d'un  cénotaphe  antique,  sur 
la  place  même  oii  furent  enterrées  les  victimes  royales. 


lOâ  PERCIER  ET  FONTAINE. 

Ce  monument,  que  les  artistes  considèrent  comme  un 
chef-d'œuvre,  ne  plaît  pas  en  général  au  Parisien  qui  ne 
comprend  pas  l'aspect  imposant  et  grave  de  l'extérieur 
et  n'y  voit  qu'une  lourdeur  sans  grâce  ;  les  arcades  en 
plein  cintre  dont  il  ne  saisit  pas  la  signification  l'étonnent 
plus  qu'elles  ne  l'émeuvent.  Pénètre-t-on  à  l'intérieur, 
l'impression  se  modifie.  Le  petit  jardin,  borné  en  face  par 
la  colonnade  dorique  et  latéralement  par  les  galeries  cou- 
vertes d'ornements  funéraires,  dispose  au  calme  et  au 
recueillement;  malheureusement,  dès  qu'on  a  franchi  la 
porte  de  la  chapelle  on  est  indisposé  par  la  nudité  de 
l'intérieur.  Il  faut  un  effort  d'imagination  pour  recons- 
tituer en  pensée  l'ameublement  et  les  ornements  absents, 
et  se  reporter  à  l'époque  où  cette  enceinte  servait  réelle- 
ment aux  cérémonies  du  culte.  Alors  seulement  on  peut 
comprendre  et  apprécier  le  grand  caractère  de  cet  édifice, 
dont  le  principal  mérite  est  la  parfaite  appropriation  de 
l'ouvrage  à  sa  destination.  Tout  y  a  été  combiné  en  vue 
de  favoriser  une  double  émotion  :  le  souvenir  de  la  fin 
tragique  des  souverains  et  la  résignation  religieuse.  Les 
dimensions  restreintes  de  la  chapelle  et  la  disposition 
en  forme  de  croix  avec  les  trois  hémicycles  s'accordent 
au  mieux  avec  le  caractère  funéraire  que  des  espaces 
plus  larges  et  plus  ouverts  auraient  certainement  com- 
promis. L'éclairage  a  été  étudié  avec  un  soin  tout  parti- 
culier, non  seulement  dans  la  chapelle,  mais  aussi  dans 
le  reste  de  l'édifice.  C'est  ainsi  que  le  vestibule  ne  reçoit 
le  jour  que  parles  portes,  et  que  les  galeries  restent  dans 


PERGIER  ET  FONTAINE.  103 

une  obscurité  relative  où  la  clarté  ne  tombe  que  d  en 
haut.  Dans  la  chapelle,  la  lumière  vient  également  d'en 
haut,  par  des  rosaces;  douce,  tamisée,  elle  se  répand  en 
nappe  sans  effets  heurtés.  La  décoration  est  celle  qui  con- 
vient à  une  chapelle;  sa  sévérité,  commandée  par  l'austé- 
rité du  lieu,  n'exclut  ni  l'élégance,  ni  la  richesse  que 
réclame  la  dignité  royale  ;  mais  on  y  a  évité  avec  le  plus 
grand  soin  tout  ornement  superflu,  tout  ce  qui  peut  dis- 
traire la  pensée  au  lieu  de  la  ramener  à  la  méditation. 
Cette  préoccupation  se  retrouve  dans  tous  les  détails 
aussi  bien  à  l'intérieur  qu'à  l'extérieur,  tels  les  flambeaux 
placés  extérieurement  entre  chaque  arcade  pour  masquer 
les  conduites  qui  servent  à  l'écoulement  des  eaux  plu- 
viales. Quant  à  l'aspect  massif  du  monument  vu  de 
l'extérieur,  c'est  justement  ce  qui  lui  attribue  son 
caractère  propre.  Avec  ses  lignes  descendantes  et  ses 
masses  qui  semblent  s'enfoncer  dans  la  terre,  il  ne  donne 
pas  seulement  l'impression  de  deuil,  il  évoque  aussi  le 
souvenir  d'un  grand  drame  historique.  Rarement  on  a 
su  faire  parler  à  la  pierre  un  aussi  éloquent  langage. 
Une  vingtaine  d'années  plus  tard.  Fontaine  fut  chargé 
d'édifier  un  autre  monument  religieux,  de  moindre  impor- 
tance, en  commémoration  de  la  mort  tragique  du  duc 
d'Orléans,  Ferdinand,  fils  aîné  du  roi  Louis-Philippe,  tué 
à  la  suite  d'un  accident  de  voiture  près  de  la  porte  Maillot, 
le  13  juillet  1842.  Sur  un  espace  de  3  250  mètres,  on 
éleva  une  chapelle  consacrée  à  saint  Ferdinand,  et  un 
bâtiment  destiné  à  l'habitation  du  chapelain  et  du  sacris- 


i04  PERGIER  ET  FONTAINE. 

tain.  La  chapelle,  qui  appartient  à  la  famille  d'Orléans, 
subsiste  encore  en  parfait  état.  Commencée  en  1843,  elle 
est  construite  sur  le  plan  d'une  croix  grecque  et  formée  de 
deux  voûtes  en  plein  cintre  se  coupant  à  angle  droit;  l'une 
des  branches  de  la  croix  aboutit  au  porche  d'entrée,  tandis 
que  la  branche  opposée  est  continuée  par  un  petit  pavillon 
servant  de  sacristie.  Le  porche  est  précédé  d'un  avant-corps 
rectangulaire  où  se  trouve  la  porte  élégamment  décorée 
de  deux  colonnes,  de  consoles  et  surmontée  d'une  croix  de 
pierre.  Les  deux  autres  branches  de  la  croix  se  terminent 
par  des  façades  en  plein  cintre  sans  autre  ouverture  qu'une 
rosace  centrale  avec  vitrail.   Chacun  des  quatre  espaces 
formant  les  côtés  des  croisillons  d'avant  et  d'arrière  com- 
porte un  grand  arc  circulaire  dont  l'intérieur  est  divisé 
par  deux  fines  colonnes  en  trois  arcs  plus  petits  ;  ceux-ci 
sont  ouverts  et  occupés  par  des  verrières  qui  descendent 
jusqu'au    bas    des  colonnes;    elles  ont    été  exécutées    à 
Sèvres  sur  les  dessins  d'Ingres  et  représentent  des  person- 
nages bibliques  auxquels  le  peintre  a  donné  la  ressem- 
blance du  roi  et  des  personnes  de  sa  famille.  A  l'intérieur 
les  murs  sont  presque   sans  décoration  ;  on  n'y  voit  que 
des   cartouches    surmontés    d'une    couronne    royale    et 
contenant  les  initiales  du  duc.   L'effet  est  obtenu  par  la 
voûte   d'arête  centrale  et  les  colonnes  qui  la  supportent. 
L'autel,  placé  au  fond  du  carré  formé  par  la  réunion  des 
branches    de    la    croix,   est  élevé    à  l'endroit  même    où 
expira  le  prince.  Derrière  l'autel,  une  Descente  de  croix 
de  Triqueti.  Au  fond  de  la  branche  de  droite  on  voit  le 


CHEMINÉE    EXÉCUTÉE    SUR    UN    FOND    EN    GLACE 

(Recueil  des  décorations  intérieures.) 


PERCIER  ET  FONTAINE.  107 

tombeau  ou  plutôt  le  cénotaphe  du  duc  d'Orléans  dont  le 
corps  fat  transporté  à  Dreux  dans  la  sépulture  de  sa 
famille.  Cette  œuvre,  qui  passe  pour  une  des  meilleures 
deTriqueti,  montre  le  duc  sur  son  lit  de  mort.  A  côté,  un 
ange  est  agenouillé,  les  mains  jointes  et  étendues  au- 
dessus  du  corps.  11  a  été  sculpté  par  la  princesse  Marie 
d'Orléans,  sœur  du  défunt. 

Ce  petit  monument,  d'un  aspect  simple  et  sévère,  est 
une  œuvre  très  personnelle  où  se  manifeste  nettement  la 
préoccupation  constante  de  l'artiste  qui  arrive  à  l'origi- 
nalité en  adaptant  rationnellement  à  la  destination  de 
l'édifice  les  principes  traditionnels  dont  il  ne  veut  pas 
s'écarter. 


VI 


On  sait  les  modifications  profondes  qu'ont  subies  vers 
la  fin  du  xviii''  siècle  les  formes  des  objets  mobiliers  et 
les  motifs  de  décoration  intérieure  des  appartements. 
Sous  Louis  XV  on  ne  connaît  que  le  gracieux  et  le  joli, 
les  contours  arrondis  et  moelleux,  les  couleurs  claires 
et  tendres,  les  dessins  légers  ;  c'est  un  art  aimable  qui 
devait,  en  sa  décadence,  cboir  dans  l'afféterie  et  la  pué- 
rilité. Après  la  Révolution,  on  n'accepte  que  des  formes 
rectilignes,  des  ornements  quasi  géométriques,  des  cou- 
leurs plus  chaudes  ou  mêmes  violentes.  L'élégance  se 
fait  d'abord  austère,  et  quand,  sous  l'Empire,  elle  se  pare 
de  majesté,  c'est  d'une  majesté  sévère  et  rigide  qui  im- 


108  PERGIER  ET  FONTAINE. 

pose  plus  qu'elle  ne  charme,  et  qui  parfois  ressemble  à 
la  sécheresse  et  à  la  raideur.  Le  contraste  est  frappant, 
et  les  deux  conceptions  esthétiques  répondent  si  bien 
chacune  au  tempérament  et  aux  mœurs  de  leur  époque 
que  l'on  est  tenté  d'imaginer  qu'il  s'est  fait  dans  la  mode 
une  révolution  subite,  compagne  et  conséquence  de  la 
révolution  politique.  On  l'a  cru  effectivement  longtemps, 
et  certains  historiens  signalent,  comme  origine  du  style 
Empire,  les  meubles  dans  le  goût  classique  de  l'atelier 
de  David  et  surtout  le  mobilier  de  la  Convention  exécuté 
par  Jacob  d'après  les  dessins  de  Percier  et  Fontaine.  En 
réalité,  la  transformation  remonte  beaucoup  plus  haut  ; 
elle  avait  commencé  dès  les  premières  années  du  règne 
de  Louis  XVL 

Les  principaux  motifs  de  décoration  employés  sous 
l'Empire  se  retrouvent,  en  effet,  dans  des  meubles  exé- 
cutés bien  avant  la  Révolution.  On  voit,  au  musée  du 
Louvre,  des  commodes  et  des  bureaux  de  Carlin  et  de 
Levasseur  qu'on  pourrait  parfaitement  croire  de  l'époque 
impériale.  On  y  trouve  les  plaques  décoratives  en  faïence 
de  WedgwooJ,  les  incrustations  de  cuivre,  et  même  des 
aigles  et  des  sphinx  qui,  si  ce  n'était  l'époque  de  la  fabri- 
cation du  meuble,  évoqueraient  le  souvenir  de  la  cam- 
pagne d'Egypte  et  des  armées  impériales.  M.  Lafond  a 
donc  raison  de  dire  (1)  que  le  style  Empire  se  rattache 
au  style  Louis  XVI  dont  il  n'est  que  la  continuation.  Il 

(1)  L'art  décoratif  sous  la  République  et  sous  l'Empire  (Laurens,  édi- 
teur). 


LIT 

(Recueil  des  décorations  intérieures.) 


PERGIER  ET  FONTAINE.  111 

ajoute  même  qu'il  en  est  la  continuation  logique  et  fatale. 
Fatale  est  peut-être  exagéré  ;  il  ne  faut  pas  mécon- 
naître l'influence  des  événements  et  des  changements 
considérables  qu'ils  ont  apportés  dans  les  mœurs  et  les 
sentiments ,  et  aussi  dans  la  société  capable  d'acquérir 
les  œuvres  des  artistes  ;  enfin  il  est  permis  de  se  deman- 
der à  quoi  aurait  abouti  cette  tentative  de  retour  à  des 
formes  archaïques,  si  elle  s'était  trouvée  sans  rapport 
avec  les  besoins  de  l'époque.  Un  style  nouveau,  au  sens 
véritable  du  mot,  n'est  pas  seulement  le  résultat  d'un  chan- 
gement dans  les  formes  générales  du  mobilier  et  les  motifs 
des  décorations.  Il  y  faut  une  certaine  homogénéité,  une 
sorte  d'unité,  d'harmonie  d'ensemble,  qui  est  comme  la 
réalisation  matérielle  d'une  conception  artistique  uni- 
forme, commune  à  la  majorité  des  gens  de  goût.  On  l'a 
bien  vu  pendant  tout  le  cours  du  xix"  siècle.  Depuis 
l'Empire,  les  artisans  n'ont  pas  manqué  de  varier  leurs 
inventions  ;  les  goûts  et  les  modes  se  sont  à  plusieurs 
reprises  modifiés  ;  les  meubles,  les  pièces  d'orfèvrerie, 
quand  ils  n'étaient  pas  la  simple  copie  d'un  des  styles 
précédents,  présentaient,  eux  aussi,  un  aspect  caractéris- 
tique qui  permettrait  aux  connaisseurs  de  leur  assigner 
une  date,  et  cependant  on  ne  parle  ni  du  style  Louis- 
Philippe,  ni  du  style  Napoléon  III.  Si  l'on  ne  tient  pas 
compte  des  tentatives  contemporaines  sur  lesquelles  il 
serait  prématuré  de  porter  un  jugement,  on  peut  dire  que 
le  style  Empire  est  le  dernier  qu'ait  connu  l'art  industriel 
français. 


112  PERGIER  ET  FONTAINE. 

On  ne  peut  méconnaître  que  l'affectation  craustérité  sous 
la  République,  la  sévérité  d'allure  qui  convient  au  des- 
potisme militaire  sous  l'Empire,  la  prétention,  sous  les 
deux  époques,   de  faire  revivre  les  vertus  et  les  senti- 
ments de  l'antiquité,  et,  à  un  autre  point  de  vue,  la  dif- 
fusion des  connaissances  artistiques  par   l'ouverture  du 
Musée   du    Louvre    oii   l'on  avait    rassemblé  les   chefs- 
d'œuvre  rapportés  d'Italie  et  d'Egypte,  constituaient  un 
terrain    éminemment   favorable  à  l'épanouissement   des 
idées  inspirées  de  l'art  antique.  Ces  circonstances  étaient 
nécessaires  pour  que  l'évolution   de   la   mode,   au  lieu 
de   se   perdre    dans   une  copie  servi! e  de  modèles  peu 
appropriés  à  notre  époque,  aboutît,  comme  il  est  arrivé, 
à  cette  puissante  unité  aussi  originale  que  majestueuse. 
Cependant,   cela   ne  suffisait   pas  encore.   Deux  théories 
opposées  divisaient  alors   les  artistes.  La  première,  qui 
sera  soutenue  avec  éclat  quelques  années  plus  tard  par 
Quatremère  de   Quincy,   est  celle  de  l'exclusivisme  an- 
tique et  de  l'imitation  servile;  elle  se  résume  en  ceci  : 
les  anciens  ayant   atteint  la  perfection   de   l'art,    il  est 
déraisonnable  de  chercher  autre  chose,  et  il  n'y  a  qu'à  les 
copier.  La  seconde,  par  réaction,  condamne  absolument  les 
modèles   antiques,   qu'elle   déclare    d'une  appropriation 
impossible  à  notre  climat  et  à  nos  besoins.  Celle-ci,  n'ayant 
pas  la  mode  pour  elle,  est  réduite  à  l'impuissance.  Si  l'autre 
eût  présidé  à  la  conception  des  objels  mobiliers,  elle  n'eût 
fourni  que  des  pastiches  ridicules.  Les  fameuses  barrières 
de  Ledoux  ont  montré  comment  on  comprenait  l'antique. 


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Que  serait-il  advenu  d'un.art  industriel  inspiré  de  pareilles 
idées?  Il  fallait  des  artistes  d'un  goût  sûr,  sachant  im- 
poser leur  autorité  et  diriger  le  mouvement  dans  le  sens 
de  la  raison,  pour  arriver  à  cette  harmonieuse  unité  sans 
laquelle  il  n'y  a  qu'incohérence  et  désordre.  Ces  artistes 
furent  Percier  et  Fontaine,  Percier  surtout  qui  s'intéres- 
sait plus  que  son  ami  à  cette  partie  de  son  art. 

Percier  et  .Fontaine  aimaient  l'antiquité,  mais  ils 
n'étaient  pas  antiquomanes,  et  répudiaient  complètement 
les  exagérations  et  le  parti  pris.  Nous  avons  vu  combien 
ils  avaient  été  frappés,  à  Rome  même,  par  les  monuments 
et  les  habitations  de  la  Renaissance  ;  ils  apportent  dans 
leurs  jugements  et  leurs  conceptions  un  éclectisme  éclairé  : 
ils  croient  que  les  formes  les  plus  pures  sont  celles  des 
anciens,  et  que  c'est  là  qu'il  faut  chercher  les  modèles  ; 
mais  ces  modèles  ne  doivent  pas  être  calqués  :  il  faut  les 
adapter  à  notre  temps  et  à  nos  mœurs  en  y  mêlant,  si 
c'est  nécessaire,  les  aspirations  des  âges  plus  récents. 
D'autre  part,  ils  voient  les  monuments  antiques  en  hommes 
du  xviu^  siècle  et  non  en  archéologues  ;  l'élégance  les 
préoccupe  au  moins  autant  que  la  majesté,  plus  que  la  rude 
sévérité  des  premiers  âges. 

Pour  bien  comprendre  leur  pensée,  rien  ne  vaut  la  lec- 
ture du  Discours  préliminaire  qu'ils  ont  écrit  pour  le 
Recueil  des  décorations  intérieures^  ouvrage  d'une  impor- 
tance capitale  pour  l'histoire  de  l'art,  publié  en  1812  (1). 

(1)  C'est  un  in-folio  qui   se  compose  de  soixante-douze  planches,  repré- 
sentant les  principales  décorations  que  Percier  et  Fontaine  ont  exécutées 


/-  ^ 


li6  PERCIER  ET  FONTAINE. 

Cette  dissertation  est  un  chef-d'œuvre  de  critique  dont 
notre  époque  pourrait  encore  faire  son  profit. 

«  L'ameublement,  disent-ils,  se  lie  de  trop  près  à  la 
décoration  des  intérieurs  pour  que  Farchitecte  puisse  y 
être  indifférent.,..  La  construction  est  dans  les  édifices  ce 
que  l'ossature  est  au  corps  humain  ;  on  doit  l'embellir 
sans  la  masquer  entièrement.  C'est  la  construction  qui, 
selon  les  pays,  les  climats,  les  genres  d'édifices,  donne  le 
motif  des  ornements.  La  construction  et  la  décoration  sont 
dans  un  rapport  intime  et,  si  elles  cessent  de  le  présenter, 
il  y  a  un  vice  d'ensemble.... 

«  La  théorie  du  goût  ne  saurait  séparer' les  plus  légers 
produits  de  l'art  de  ses  plus  vastes  ouvrages.  Un  nœud 
commun  les  rassemble,  une  active  et  réciproque  influence 
s'exerce  sur  eux 

«  C'est  là  le  caractère  du  goût  des  modernes  qui,  pos- 
sédés en  tous  genres  d'une  incroyable  manie  de  change- 
ment, n'ont  cherché  dans  toutes  les  parties  des  arts  qu'à 
faire  autrement  qu'on  avait  fait,  sans  s'inquiéter  des  rai- 
sons fondamentales,  des  principes  naturels  et  des  lois  que 
la  convenance  prescrit  à  chaque  chose....  On  ne  veut  pas 
ces  choses  parce  qu'on  les  trouve  belles,  mais  on  les 
trouve  belles  parce  qu'on  les  veut....  « 

Le  remède  à  la  tyrannie  de  la  mode  est  dans  la  préoc- 
cupation constante  des  convenances  relatives  à  chaque 
objet,  et  comme,  suivant  eux,  jamais  ces  convenances 

dans  les  palais  impériaux  ou  pour  de  riches  particuliers,  des  meubles,  des 
objets  d'art,  etc. 


FAUTEUIL,     PENDULE    ET    VASE 
(Recueil     des    décorations  intérieures. 


PERGIER  ET  FONTAINE.  H9 

n'ont  été  mieux  observées  que  dans  l'antiquité,  l'étude  de 
l'antiquité  excelle  à  mettre  en  garde  contre  les  caprices 
de  la  mode. 

Ainsi,  ce  n'est  pas  par  suite  d'un  parti  pris  esthétique 
qu'ils  recommandent  l'antiquité  :  c'est  au  nom  de  la 
raison  qui  doit  présider  à  l'établissement  de  chaque 
ouvrage.  Les  formes  des  objets  sont  déterminées  par  leurs 
usages.  La  règle  de  ne  pas  masquer  la  construction  s'ap- 
plique aux  meubles  comme  aux  édifices  ;  la  matière  pre- 
mière ne  doit  jamais  être  dissimulée  et  le  choix  des  orne- 
ments est  entièrement  dicté  par  cette  matière. 

Telle  est  la  doctrine  de  Percier  et  Fontaine  :  elle  fait 
d'eux  les  représentants  du  bon  sens  et  de  la  logique  à  ime 
époque  si  féconde  en  divagations.  Sans  doute  il  y  a  quelque 
exagération  à  soutenir  que  l'antiquité  seule  a  connu  la 
convenance  artistique  :  on  ne  le  dirait  plus  aujourd'hui, 
mais  les  principes  exposés  dans  le  Recueil  des  décorations 
intérieures  n'en  contiennent  pas  moins  les  règles  indiscu- 
tées de  l'art  industriel.  Là  est  le  secret  de  l'influence 
qu'ont  exercée  les  deux  artistes  et  la  véritable  origine  de 
l'adaptation  parfaite  aux  besoins  de  l'époque  d'un  style 
qu'ils  n'ont  pas  imaginé,  mais  dont  ils  ont  si  bien  dirigé 
l'évolution  qu'ils  méritent  d'en  être  appelés  les  créateurs. 

Ce  style,  après  une  période  de  succès  prodigieux  dans 
toute  l'Europe,  a  été  longtemps  méconnu.  On  lui  a  repro- 
Iché  l'aridité,  le  manque  de  souplesse  et  d'imagination, 
l'abus  des  formes  géométriques,  les  dessins  singuliers  des 
monstres  et  des  chimères,  et  surtout,  et  à  plus  juste  titre. 


120  PERCIER  ET  FONTAINE. 

le  peu  de  souci  du  bien-être  et  le  manque  de  confort.  Sur 
ce  dernier  point  il  semble  en  effet  que,  en  dépit  de  leur 
théorie,  les  artistes  n'aient  pas  tenu  un  assez  grand  compte 
du  but  d'usage  ;  aussi  bien  les  besoins  n'étaient-ils  pas 
tout  à  fait  les  mêmes  qu'aujourd'hui.  Les  sièges  n'étaient 
pas  faits  pour  favoriser  la  mollesse  ;  ce  sont  ceux 
qui  conviennent  à  des  hommes  d'action.  Aujourd'hui,  le 
style  Empire  est  revenu  en  faveur.  On  rend  justice  à  ses 
qualités  incontestables.  Il  ne  convient  certes  pas  à  l'inti- 
mité et  à  la  rêverie,  mais  il  est  imposant  et  grave  et 
sied  admirablement  aux  réceptions  d'apparat.  On  ne 
peut  rêver  de  cadre  mieux  approprié  aux  fêtes  de  la 
période  impériale  ;  les  défauts  qu'on  lui  reproche  de- 
viennent à  cet  égard  des  qualités.  A  aucune  époque  la 
décoration  intérieure  n'a  présenté  à  un  tel  degré  ce  carac- 
tère d'harmonie  dans  l'ordonnance  de  toutes  les  parties, 
et  c'est  pourquoi,  malgré  les  critiques  plus  ou  moins 
fondées,  le  style  Empire  restera  dans  l'histoire  comme 
une  des  expressions  les  plus  intéressantes  de  la  pensée 
et  du  bon  goût  français. 

Ainsi,  dans  toutes  les  branches  de  leur  art,  qu'il  s'agisse 
de  la  construction  d'un  édifice  nouveau,  de  la  restauration 
d'un  ancien  monument,  ou  simplement  du  dessin  d'un 
fauteuil  ou  d'un  vase,  les  mêmes  règles  de  logique  et 
de  raison  ont  toujours  guidé  Percier  et  Fontaine.  Le  ratio- 
nalisme est  le  principe  fondamental  de  leur  art;  on  le 
retrouve  dans  toutes  leurs  CEuvres  ;  il  domine  toutes  leurs 
créations.  S'ils  n'ont  pas  ces  grandes  envolées  d'imagina- 


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PERCIER  ET  FONTAINE.  123 

tion  qu'on  admire  chez  d'autres  artistes,  ils  ont  toujours 
évité  les  entraînements  irréfléchis.  Tout  ce  qu'ils  ont  fait 
peut  servir  de  modèle,  et  c'est  pourquoi  leur  influence 
s'est  étendue  jusqu'à  leurs  successeurs.  L'excellent  ensei- 
gnement de  Percier  y  a  puissamment  contribué  :  pendant 
plus   de  vingt  ans,  tous   les  architectes  de  talent  sont 

sortis  de  son  école. 

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Cependant  Percier  et  Fontaine  n'ont  pas  toujours  été 
appréciés  comme  il  convient.  Le  mouvement  romantique, 
en  glorifiant  le  moyen  âge,  leur  a  fait  tort,  et,  sous  le 
second  Empire,  on  les  confondait  volontiers  avec  les  par- 
tisans de  l'imitation  servile  des  antiques  ;  mais  n'était-ce 
pas  aussi  l'époque  oii  le  style  Empire  se  trouvait  le  plus 
décrié  ? 

Il  seaible  qu'on  apporte  aujourd'hui  plus  d'équité  et  de 
clairvoyance  dans  les  jugements.  Quelques-uns  trou- 
veront peut-être  trop  exclusive  une  aussi  fervente  admira- 
tion de  l'antique;  mais  ce  qu'il  faut  retenir,  c'est  la  manière 
dont  Percier  et  Fontaine  avaient  étudié  l'antiquité,  non 
pour  la  copier,  mais  pour  y  découvrir  des  règles  sûres. 
Ils  nous  ont  montré  qu'il  y  a  des  principes  supérieurs,  qui 
ne  sont  pas  particuliers  à  l'art  antique,  mais  qui  peuvent 
%d  poivent  s'appliquer  à  toutes  les  créations  du  génie 
humain  ;  c'est  par  leur  intelligence  à  comprendre  ces 
principes  et  par  leur  fidélité  à  les  observer  que  Percier 
et  Fontaine  ont  conquis  dans  l'histoire  de  l'art  une  préé- 
minence légitime  et  désormais  irrévocable. 


3I0NUMEM   DROUAIS 

(Bibliothèque    de    l'Institul. 


TABLE  DES  GRAVURES 


La  Place  du  peuple  à  Rome,  le  1^''  mars  1791,  d'après  une  aqua- 
relle de  Percier  conservée  à  la  Bibliothèque  de  l'Institut ....         9 

Vue  du  V^atican,  d'après  une  aquarelle  de  Percier  conservée  à 
la  Bibliothèque  de  l'Institut 13 

Villa  Farnèse,  d'après  une  aquarelle  de  Percier  conservée  à  la 
Bibliothèque  de  llnstitui 17 

Jardins  du  palais  Colonna,  d'après  une  aquarelle  de  Percier 
conservée  à  la  Bibliothèque  de  l'Institut 21 

Vue  du  Colisée,  d'après  une  aquarelle  de  Fontaine  (Collection 
G.  Meunié) 25 

Vue  des  Tuileries,  d'après  une  aquarelie  de  Fontaine  (Collec- 
tion G.  Meunié) 29 

Monument  de  Desaix 33 

Vue  de  l'intérieur  de  l'église  iNotre-Dame  (Recueil  des  décora- 
tions exécutées  pour  la  cérémonie  du  sacre  de  l'Empereur)..       41 

Élévation  géométrale  de  la  grande  tribune  sur  la  façade  de 
l'École  militaire  (Recueil  des  décorations  exécutées  pour  la 
fête  de  la  distribution  des  aigles) 45 

Entrée  des  Souverains  dans  le  jardin  des  Tuileries  le  jour  de 
la  cérémonie  de  leur  mariage  (Description  des  cérémonies  et 
des  fêtes  du  mariage) 49 

Le  Banquet  impérial  au  palais  des  Tuileries  (Description  des 
cérémonies  et  des  fêtes  du  mariage) 53 

La  Salle  des  x\ntiques  au  musée  du  Louvre,  d'après  une  aqua- 
relle de  Fontaine  (Collection  G.  Meunié) 57 

Décoration  des  voûtes  de  la  salle  de  Vénus  (Musée  du  Louvre), 
d'après  une  aquarelle  de  Fontaine  (Collection  G.  Meunié). . .       65 

Le  grand  escalier  du  musée  du  Louvre,  d'après  une  aquarelle 
de  Fontaine  (Collection  G.  Meunié) 73 


126  TABLE  DES   GRAVURES. 

L'Arc  de  Triomphe  du  Carrousel  dans  son  état  primitif,  d'après 

une  aquarelle  de  Fontaine  (Collection  G.  Meunié) 77 

L'Arc  de  Triomphe  du  Carrousel,  état  actuel 81 

Le  Monument  expiatoire. . 85 

Le  Monument  expiatoire  (Entrée  de  la  chapelle,  vue  de  l'inté- 
rieur du  jardin) 89 

La  Chapelle  Saint-Ferdinand 97 

Cheminée  exécutée  sur  un  fond  en  glace  (Recueil  des  décora- 
tions intérieures) 105 

Lit  (Recueil  des  décorations  intérieures) 109 

Vue  perspective  d'une  chambre  à  coucher  (Recueil  des  décora- 
tions intérieures) 113 

Fauteuil,    Pendule    et    Vase    (Recueil    des    décorations    inté- 
rieures)    117 

Miroir,  légumier  et  coupes  (Recueil  des  décorations  intérieures).  121 

Monument  Drouais  (Bibliothèque  de  l'Institut) 124 


TABLE   DES   MATIÈRES 


I 


Enfance  et  adolescence.  —  Premières  études.  —  Séjour  à 
Rome.  —  La  colonne  Trajane.  —  Retour  à  Paris.  —  Temps 
difficiles.  —  Percier  et  Fontaine  décorateurs  de  l'Opéra.  — 
L'art  induslriel.  —  Premières  publications.  —  Caractère  des 
deux  artistes.  —  Méthode  de  travail ....         5 

LI 

Premiers  rapports  avec  Bonaparte.  —  La  Malmaison  et  Saint- 
Cloud.  —  Travaux  archéologiques  de  Percier.  —  La  fontaine 
Desaix  par  Percier.  —  Les  fêtes  du  Sacre.  —  Restauration  des 
palais  de  Compiègne  et  de  Fontainebleau.  —  Le  palais  Pitti  à 
Florence.  —  Pi  ojet  d'un  palais  pour  le  roi  de  Rome.  —  Corres- 
pondance avec  l'empereur  de  Russie.  —  Entrée  à  l'Académie .       38 

m 

La  Restauration.  —  Le  Palais-Royal.  —  Le  Théâtre-Français. 
Louis-Philippe  et  Fontaine.  —  Mort  de  Percier.  —  La  Révo- 
lution de  1848.  —  Vieillesse  de  Fontaine.  —  Sa  mort 67 


128  ^    TABLE  DES  MATIÈRES. 


IV 

Versailles.  —  Le  Louvre  et  les  Tuileries.  —  La  rue  de  Rivoli.  — 
Projet  de  réunion  du  Louvre  aux  Tuileries.  —  L'Arc  de 
Triomphe  du  Carrousel 7 


La  Cliapelle  expiatoire  et  la  chapelle  Saint-Ferdinand 96 

VI 

Le  style  Empire.   —  Les  principes  supérieurs    du   goût.  — 
Caractère  logique  du  talent  de  Percier  et  de  Fontaine 107 


365-04.  —  CoRBK[i..    Imprimerie    Éd.    Crète. 


Date  Due                           { 

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Library  Bureau  Cat.  no.  1137 

f    SEP.  1942 


725.144  P41f 


3  5002  00033  1582 

Fouche,  Maurice. 

Percier  et  Fontaine  :  biographie  critiqu 


Art    NA    1053    . P5    F7  7904 
Fouche,     Maurice. 
Percier   et    Fontaine