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Full text of "Physiologie de l'homme"

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Boston 

Médical  Library 

Association, 

19    BOYLSTON    PLACE, 


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Received       K.\A^-V^-J..:M^./--Q^f-M9-- 

By  Gift  of . 


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PHYSIOLOGIE 


DE  L'HOMME. 


CET    OUVRAGE    SE    VEND    AUSSI  : 

A  MONTPELLIER, 
CHEZ  SÉYALLE,  LIBRAIRE. 


IMPRIMERIE   D'HIPPOLLYTE    TILLURD 

BDE    DE    LA    BAEPEf    Re    7§. 


PHYSIOLOGIE 


DE  L'HOMME, 


PAR 


N.-P.  ADELON,  D.  M.  P., 

PROFESSEUR    DE    MÉDECINE    LÉGALE    A    LA    FACULTÉ    DE    MEDECINE    DE    PARIS  , 
MEMBRE  ADJOINT  DU  CONSEIL    DE  SALUBRITE  DE  LA  VILLE  DE  PARIS  , 
HEHBRB    TITULAIRE    DE    l'aCADÉMIE    KOTALE    DE    MEDECINB  ,    DE    LA    SOCIÉTÉ    PQILOMATnjUf 
DE  L'ACADÉMIE  DES  SCIENCES,   ARTS  ET  BELLES-LETTRES    DE  DIJON  , 
DES  SOCIÉTÉS  DE  WÉrECINE  D'ÉVKErX  ,  LOCVAIK  ,  elC. 


ècCOttDC    é&tttOH  9 
REVUE,    CORRIGÉE  ET   AUGMENTÉE. 


t    r  sludy  of  mankiiul,  is  man. 
f*\  N       wl  F  /*)  /V  I'ope's  ,  Essay  on  mai. 


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Pati# , 


COMPÈRE  JEUNE  ,  LIBRAIRE-ÉDITEUR  , 

RUE    DE    L'ÉCOLE    DE    MÉDECINE,    N.  8, 

1829. 


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PHYSIOL 


DE  L 


tlWIIVVI/ViVVXVVVVVl\VM/VVVVVVlVVVtVVVvVUlVVVVlVSn  VtlH»  WV\  &/VWWV%''W4<*i  WV%  VWVMMWI/» 


TROISIÈME  CLASSE  DES  FONCTIONS. 


FONCTIONS  DE    REPRODUCTION  ,    OU  DE    LA   GENERATION. 

Tous  les  êtres  organisés  et  vivants  se  reproduisent  3  c'est- 
à-dire  donnent  naissance  à  des  individus  semblables  à  eux, 
et  à  l'aide  desquels  ils  perpétuent  leur  espèce.  La  nature  les 
ayant  condamnes  à  mourir,  devait  leur  donner  cette  pré- 
cieuse faculté  ,  sans  laquelle  l'univers  n'aurait  eu  qu'une 
courte  durée.  C'est  par  la  faculté  de  reproduction  que  le 
Créateur  a  assuré  la  conservation  de  notre  monde;  aussi 
semble-t-elle  lui  être  plus  chère  que  la  faculté  de  nutrition 
elle-même  :  les  individus  ne  semblent  vivre  que  pour  son 
accomplissement.  Dans  les  derniers  animaux,  beaucoup  ne 
paraissent  exister  que  pour  se  reproduire .,  et  meurent  aussi- 
tôt après.  Dans  les  animaux  supérieurs,  les  individus  ne 
sont  parfaits  qu'à  l'âge  auquel  la  reproduction  est  possible; 
et  ils  cessent  de  l'être  et  commencent  à  mourir  ,  si  l'on  peut 
parler  ainsi ,  dès  que  cette  faculté  ne  peut  plus  s'accomplir. 
Qui  ne  sent,  d'ailleurs,  que  la  faculté  de  nutrition  n'a  trait 
qu'à  l'individu,  lequel  n'est  qu'un  infiniment  petit  dans  le 
grand  ensemble,  et  qu'au  contraire,  la  reproduction  a  trait 
à  la  conservation  des  espèces  ?  La  reproduction  fonde  donc 
un  des  plus  importants  phénomènes  de  la  vie.  Destinée  à  ré- 
parer les  pertes  continuelles  que  cause  la  mort,  elle  impose 
Tome  IY.  -  L 


2  FONCTION    DE    LA    GÉNÉRATION, 

à  son  tour  l'inexorable  nécessité  de  celle-ci;  sans  la  mort , 
la  reproduction,  toujours  agissante,  aurait  bientôt  sur- 
chargé l'univers  de  trop  d'êtres  vivants. 

Bien  que  les  actes  par  lesquels  s'accomplit  la  reproduc- 
tion soient  souvent  assez  nombreux  et  assez  divers  ,  on  n'en 
a  pas  fait,  comme  de  ceux  qui  opèrent  la  nutrition,  plu- 
sieurs fonctions  distinctes  ^  on  les  a  tous  réunis  en  une  seule, 
qu'on  appelle  génération.  La  génération  est  une  fonction 
exclusive  aux  êtres  vivants.  On  ne  peut  pas,  en  effet,  appeler 
de  ce  nom  la  manière  dont  les  minéraux  se  forment  les  uns 
des  autres  :  quand  un  minéral  donne  l'être  à  un  autre,  c'est 
en  fournissant  toutou  partie  des  éléments  qui  le  composent, 
et  en  cessant  d'exister  lui-même  :  l'être  vivant,  au  contraire, 
se  reproduit  sans  mourir  ,  fournissant  seulement  une  partie 
de  lui-même,  qui,  à  la  suite  de  plusieurs  développements, 
devient  un  individu  nouveau  semblable  à  lui. 

Les  procédés  par  lesquels  s'accomplit ,  dans  l'univer- 
salité des  êtres  vivants,  la  génération,  sont  très  divers;  et 
nous  allons  nous  borner  à  les  rappeler  brièvement ,  les 
ayant  indiqués  déjà  quand  nous  avons  traité  des  animaux  en 
général. 

D'abord  ,  peut-être  existe-t-il  quelques  êtres  vivants  qui 
se  forment,  de  toutes  pièces  en  quelque  sorte,  par  la  réu- 
nion de  leurs  éléments  constituants  ,  à  la  manière  d'un  mi- 
néral, mais  consécutivement  à  une  force  autre  que  l'attrac- 
tion moléculaire,  puisqu'elle  a  pour  résultat  la  formation 
d'un  corps  vivant:  c'est  ce  qu'on  appelle  la  génération  spon- 
tanée. A  la  vérité,  la  plupart  des  physiologistes  récusent  ces 
générations  équivoques ,  admettant  que  dans  les  cas  où  on 
les  suppose ,  ont  été  apportés  par  l'air  ou  par  l'eau  des  œufs 
ou  des  graines  que  leur  petitesse  n'a  pas  permis  d'apercé-' 
cevoir.  Mais  peut-être  que  leur  assertion  est  trop  absolue  ; 
et  quelques  faits  rendent,  sinon  démontrée,  au  moins 
très  probable,  une  génération  spontanée  pour  les  derniers 
degrés  de  l'échelle  végétale  et  animale.  Par  exemple ,  des 
animaux  infusoires  se  sont  montrés  dans  des  liqueurs  aux- 
quelles on  avait  fait  subir  auparavant  une  ébuliition  pro- 
longée; peut-on  croire  ,  avec  Spallanzani ,  que  les  œufs  qui 


FONCTION    DE    LA    GENERATION.  3 

leur  ont  donné  l'être  ont  résisté  à  cette  forte  chaleur  ?  Plu- 
sieurs  êtres  vivants,   comme  des  nostocs  ,    des   tremeïles,, 
dans  le  règne  végétal;  le  rotifère,  l'anguille  des  toits,  dans 
le  règne  animal,  après  être  restés  des  années  entières  immo- 
biles, et  paraissant  n'être  que  des  cadavres  desséchés,  tout 
à  coup  ont  été  rendus  à  la  vie  par  l'influence  de  l'humidité  : 
cela  a  été   fait  plusieurs  fois  de  suite;   et,   par  exemple, 
Spallanzani  a  fait  ainsi  sécher  et  revivre  onze  fois  le  roti- 
fère. Dira-t-on  que  ces  êtres  avaient  conservé  en  eux  ,  lors 
de  leur  dessiccation  ,  une  vie  latente  ?  et  n'est-ce  pas  plutôt , 
qu'ayant  toujours  la  structure  matérielle  qui  les  rend  pro- 
pres à  recevoir  la  cause  excitatrice  de  la  vie  ,  quelle  qu'elle 
soit ,  ils  ont  à  chaque  fois  reçu  une    nouvelle  animation  ? 
Parmi  les   vers  intestinaux,  plusieurs    sont   placés   en  des 
lieux  où  nui  germe  n'a  pu  pénétrer  du  dehors  :  les  filai res , 
par  exemple ,  qui  sont  situés  le  long  de  la   colonne  verté- 
brale;  les  gordyles,  qu'on  trouve  dans  les  chairs  des  mus- 
cles ;  les  hydatides  ,  qu'on  observe  dans  les  parenchymes  des 
viscères  :  faut-il,  avec  Spallanzani ,  en  faire  provenir  les 
germes   des  aliments ,    et   faire  arriver  ces  germes  avec  le 
sang?  ou  croire,  avec  Rudolplii ,  Brernsèr?  qui  sont  d'im- 
posantes autorités  sur  ce  sujet ,  que  ces  vers  proviennent  par 
génération  spontanée?  Dans  de  certains  temps  ,  lors  de  pluies 
soudaines,  par  exemple,  on  voit  tout  à  coup  apparaître  des  my- 
riades d'êtres  vivants,  et  il  serait  souvent  difficile  d'indiquer 
d'où  auraient  pu  provenir  alors  les  nombreux  germes  qu'il 
nécessiteraient.  Enfin  ,  on  dit  avoir,  dans  des  expériences, 
réussi  à  faire  des  êtres  vivants  de  toutes  pièces  :  Wiegmann 
a  mis  dans  un  vase  un  demi-gros  de  corail  blanc  ou  rouge  , 
avec  six  onces  d'eau  distillée  ;  il  a  exposé  le  vase  aux  rayons  du 
soleil ,  ayant  soin  de  l'agiter  plusieurs  fois  par  jour,  et  de 
décanter  de  temps  en  temps;  et ,  après  quinze  jours,  il  a  vu  se 
•former,  d'abord  de  la  matière  verte,  puis  des  conferves ,  et 
enfin  ,  après  deux  ou  trois  mois ,   des   monocles  du  genre 
des   cyprides    detectœ.     Ayant   fait   l'expérience   dans    un 
étroit  et  long  cylindre,  il  a  vu  se  former  des  espèces  d'alves 
qui,  après  un  certain  temps,  se  sont  converties  en  daphniœ 
longispinœ.  M.  Frej  a  fait  en  France  de  semblables  essais  : 


i . 


4  FONCTION    DE    LA    GÉNÉRATION, 

ayant  fait  macérer  dans  des  vasesbien  cîos  ,  avec  de  l'eau  dis- 
tillée ,  tantôt  des  matières  végétales  et  animales  ,  tantôt  des 
gaz  seuls,  il  dit  avoir  vu  se  former  de  même,  par  le  con- 
cours de  la  lumière  et  de  îa  chaleur ,  des  êtres  vivants,  vé*- 
gétaux  et  animaux.  Sans  doute  nous  ne  voulons  pas  trop 
accorder  à  ces  expériences,  non  plus  qu'aux  considérations 
précédentes;  mais  il  nous  semble  que  tous  ces  faits  comman- 
dent au  moins  le  doute  ,  et  justifient  MM.  Lamarck  et  Geof- 
froy de  croire  probables  les  générations  spontanées  aux  der- 
niers degrés  de  l'échelle  vivante. 

Au-delà  de  ce  premier  mode  de  génération,  le  plus  sim- 
ple de  tous  ,  la  reproduction  ne  s'accomplit  plus  qu'à  l'aide 
d'une  partie ,  qui  est  toujours  fournie  par  un  corps  vivant , 
et  qui  devient  un  individu  nouveau  semblable  à  celui  qui 
la  portait.  Dès  lors  tout  individu  provient  nécessairement 
d'un  autre  ,  et  les  êtres,  dans  leur  succession  ,  sont  dépen- 
dants les  uns  des  autres.  Mais  nous  allons  trouver  encore 
beaucoup  de  modes  divers,  et  de  plus  en  plus  compliqués. 
Ainsi  ,  au-delà  de  la  génération  spontanée  est  d'abord  la  gé- 
nération Jissipare ,  ou  par  scission  du  corps  mère  ,  dont  les 
animaux  infusoires  nous  offrent  un  exemple  :  l'être,  à  une 
certaine  époque  de  sa  vie,  se  partage  de  lui-même  en  plu- 
sieurs fragments  ,  qui  forment  autant  d'individus  nou- 
veaux. A  un  second  degré  déjà  pins  élevé,  mais  encore  bien 
inférieur  ,  est  la  génération  gemmipare  ,  qui  consiste  en  ce 
que  l'être  pousse ,  à  un  certain  endroit  de  son  corps  ,  de 
petits  bourgeons,  des  gemmes ,  qui ,  à  une  époque  détermi- 
née aussi,  se  détachent  pour  former  autant  d'individus 
nouveaux.  Selon  que  c'est  à  la  surface  externe  du  corps  ,  ou 
dans  un  lieu  spécial  et  intérieur  que  se  développent  les  bour- 
geons, cette  génération  gemmipare  est  dite  externe  ou  in- 
terne. Dans  ces  divers  modes,  un  individu  peut  se  repro- 
duire seul.  Enfin,  apparaissent  des  organes  spéciaux  pour 
la  génération ,  ce  qu'on  appelle  les  sexes  ;  organes  qui  sont 
de  deux  espèces,  les  femelles  et  les  mâles  ,  et  qui  fournis- 
sent ,  d'après  l'opinion  la  plus  universellement  reçue,  les 
premiers ,  un  germe  contenant  les  rudiments  de  l'indi- 
vidu nouveau,  et  les  seconds,  une  semence,  un  fluide  qui 


FONCTION    DE    LA    GENERATION.  5 

avive  le  germe  ,  et  en  détermine  le  développement  et  le  dé- 
tachement. 

Dans  ce  dernier  mode ,  qui  est  celui  de  l'homme  ,  tantôt 
les  deux  sexes  sont  réunis  sur  un  seul  individu,  qui  peut 
se  reproduire  seul ,  et  qui  est  ce  qu'on  appelle  hermaphro- 
dite, comme  cela  est  dans  presque  toutes  les  plantes  ,  beau- 
coup de  mollusques  ;  tantôt  ils  sont  réunis  sur  un  seul  être, 
mais  qui  ne  peut  plus  se  reproduire  seul ,  et  qui  exige,  pour 
sa  reproduction,  le  concours  d'un  autre,  chaque  individu 
remplissant  même  à  la  fois  le  double  office  de  mâle  et  de  fe- 
melle ;  quelquefois  enfin  ,  chaque  sexe  est  porté  par  un  in- 
dividu différent ,  et  l'espèce  animale  est  composée  de  deux 
individus  ,  le  mâle  et  \&  femelle,  dont  le  concours  est  abso- 
lument nécessaire  pour  la  reproduction. 

Mais,  deux  nouvelles  différences  se  présentent  dans  le 
mode  selon  lequel  se  fait  ce  concours.  Quelquefois  le  fluide 
du  sexe  mâle  n'est  appliqué  à  l'œuf  du  sexe  femelle  .  que 
lorsque  celui-ci  a  été  excrété ,  pondu,  comme  dans  les  pois- 
sons ;  et ,  dans  ce  cas,  le  mâle  ne  connaît  pas  la  femelle  qui 
concourt  à  sa  reproduction.  D'autres  fois  >  au  contraire,  le 
fluide  du  sexe  mâle  est  appliqué  à  l'œuf  du  sexe  femelle  , 
quand  celui-ci  est  encore  renfermé  dans  l'intérieur  de  la  fe- 
melle ,  comme  dans  les  oiseaux  ,  les  mammifères;  l'œuf  ne 
pourrait  plus  être  fécondé  après  la  ponte;  et  ,  dans  ce  der- 
nier cas,  il  y  a  nécessairement  dans  la  génération  ce  qu'on 
appelle  un  rapprochement ,  une  copulation. 

Enfin  ,  la  génération  diffère  encore  dans  les  animaux,  re- 
lativement à  ce  que  devient  l'œuf  immédiatement  après 
l'accouplement  et  la  fécondai  ion.  i°  Dans  les  ovipares,  l'œuf 
est  pondu  aussitôt,  et  ce  n'est  qu'après  la  ponte  qu'il  écîôt, 
et  qu'apparaît  l'individu  nouveau.  2°  Dans  les  ovo-vivi- 
pares ,  il  est  aussi  détaché  aussitôt  de  l'ovaire,  et  en  voie 
d'être  pondu;  mais  parcourant  avec  lenteur  les  voies  de  son 
excrétion,  il  éciôt  pendant  la  ponte,  de  sorte  que  l'individu 
nouveau  sort  du  sein  de  sa  mère  avec  sa  forme  propre. 
3°  Enfin,  dans  les  vivipares ,  l'œuf  se  détache  aussi  de  l'o- 
vaire immédiatement  après  la  copulation;  mais,  au  lieu 
d'être  pondu,  il  va  se  placer  dans  un  réservoir,  appelé  ma 


6  FONCTION    DE   LA    GENERATION. 

trice ,  utérus  ;  il  y  prend  attache  ?  en  tire  des  sucs  utiles  à 
son  développement;  et  ,  croissant  ainsi  aux  dépens  de  sa 
mère,  il  éclôtdansce  réservoir,  de  manière  que  l'individu 
nouveau  naît  sous  sa  forme  propre.  De  plus.,  cet  individu, 
après  sa  naissance,  doit  à  une  sécrétion  de  sa  mère  son  pre- 
mier aliment,  le  lait.  Dans  ce  dernier  cas,  la  génération 
comprend  nécessairement,  outre  la  copulation ,  ce  qu'on 
appelle  une  gestation  ou  grossesse,  et  Y  allaitement. 

Tels  sont  les  modes  divers  par  lesquels  s'accomplit  la  gé- 
nération dans  l'ensemble  des  animaux.  Quelques  divers 
que  soient  ces  modes,  il  y  a  des  formes  qui  sont  comme  au- 
tant de  passages  des  uns  aux  autres.  Ainsi,  la  génération 
gemmipare  interne  évidemment  conduit  à  la  génération  par 
sexes.  Les  animaux  qui ,  bien  que  possédant  les  deux  sexes, 
ont  besoin  du  concours  d'un  autre  pour  leur  reproduction, 
conduisent  à  ceux  chez  lesquels  ces  sexes  sont  séparés.  Enfin, 
ces  reptiles  batraciens  qui  se  cramponnent  à  leurs  femelles  , 
et  qui  vivifient  de  leur  sperme  les  œufs  au  moment  même  où 
ceux-ci  sont  pondus ,  forment  évidemment  le  passage  des 
animaux  qui  n'ont  pas  de  copulation  à  ceux  qui  en  ont  une. 

Au  milieu  de  toutes  ces  différences,  voici  ce  qui  est  de  la 
génération  de  l'espèce  humaine  :  elle  se  fait  à  l'aide  de  sexes; 
ces  sexes  sont  séparés  et  portés  chacun  par  un  individu  dis- 
tinct, l'homme  et  la  femme;  c'est  lorsque  l'œuf  est  encore 
intérieur  que  s'en  fait  la  fécondation  ,  de  sorte  qu'il  faut  un 
rapprochement ,  une  copulation  ;  enfin  la  génération  est  vi- 
vipare ,  et  comprend  une  grossesse  et  un  allaitement.  Nous 
allons  commencer  son  étude  par  l'examen  anatomique  des 
organes  qui  l'accomplissent. 

CHAPITRE  PREMIER. 
Ànatomie  de  V appareil  générateur. 

Dans  ce  chapitre,  nous  allons  traiter  successivement  :  de 
l'appareil  génital  de  l'homme ,  de  celui  de  la  femme ,  et  des 
différences  que  présentent,  sous  tous  les  autres  rapports  et 
dans  les  autres  points  de  leur  économie ,  les  deux  sexes. 


APPAREIL    GENITAL    DE   L  HOMME.  7 

ARTICLE   PREMIER. 
De  l'appareil  ge'nital  de  l'homme. 

L'appareil  génital  de  l'homme  se  compose  de  deux  sorles 
de  parties,  celles  qui  forment  le  fluide  destiné  à  féconder  le 
germe  ,  et  qui  fondent  l'appareil  de  fécondation  ;  et  celles 
qui  portent  profondément  ce  fluide  dans  les  parties  de  la 
femme ,  pour  qu'il  aille  au  loin  atteindre  le  germe ,  et  qui 
constituent  V appareil  de  copulation. 

§  1er.  Appareil  de  fécondation. 

H  faut  étudier,  dans  cet  appareil  ,  les  parties  qui  le  com- 
posent, le  mécanisme  par  lequel  ces  parties  préparent,  fa- 
briquent et  conservent  le  fluide  fécondant;  enfin  ce  fluide 
fécondant  lui-même  ,  le  sperme. 

i°  L'appareil  de  fécondation  chez  l'homme  est  pair,  et  se 
compose  de  deux  glandes,  les  testicules;  de  leur  canal  ex- 
créteur ,  les  conduits  déférents  ;  et  de  deux  réservoirs ,  les 
vésicules  séminales. 

A.  Testicules.  Les  testicules  sont  deux  glandes  situées  dans 
une  cavité  placée  au  bas  du  pubis,  et  appelée  scrotum  ;  le 
droit  est  un  peu  plus  élevé  que  le  gauche.  Leur  forme  est 
celle  d'un  ovoïde  comprimé  de  droite  à  gauche;  leur  vo- 
lume ,  celui  d'un  petit  œuf  de  pigeon  ;  leur  poids ,  de  trente 
à  trente-deux  grammes.  Puisque  les  testicules  sont  des  glan- 
des ,  parmi  leurs  éléments  sont  deux  systèmes  vasculaires 
opposés  l'un  à  l'autre  par  leurs  ramifications  dernières  :  l'un 
est  Y  artère  spermatique,  qui  apporte  le  sang  qui  fournit  à  la 
sécrétion  :  née  de  l'aorte  dans  l'abdomen  ,  sous  un  angle 
très  aigu,  cette  artère,  fort  petite,  fort  flexueuse ,  gagne 
l'anneau  inguinal  ou  sus -pubien,  le  traverse,  atteint  le 
testicule,  et  s'y  divise  en  deux  sortes  de  rameaux,  les  uns 
qui  se  distribuent  à  ce  que  nous  verrons  être  appelé  Vépi- 
diilyme,  les  autres  qui  pénètrent  dans  le  testicule  par  son 


8  FONCTION    DE   LA    GENERATION, 

bord  supérieur,  et  concourent  à  former  son  tissu;  l'autre 
est  le  système  vasculaire  sécréteur,  dont  les  radicules,,  pro- 
bablement continus  aux  dernières  ramifications  de  l'artère 
spermatique  ,  font  le  sperme ,  ou  au  moins  excrètent  ce 
fluide.  Les  vaisseaux  de  ce  système  constituent  dans  le  tes- 
ticule ce  qu'on  appelle  les  vaisseaux  séminifères,  et  abou- 
tissent à  un  cordon  blanc  situé  au  bord  supérieur  et  interne 
de  l'organe,  auquel  commence  le  canal  excréteur,  et  qu'on 
appelle  corps  d'Hygmor,  ou  sinus  des  vaisseaux  séminifères. 
A  ces  deux  premiers  ordres  de  vaisseaux ,  il  faut  ajouter^ 
comme  éléments  composants  des  testicules  :  1°  des  veines, 
dites  spermatique s ,  qui  rapportent  de  l'organe  le  superflu 
du  sang  qui  a  servi  à  sa  nutrition  et  à  la  sécrétion.  Nées, 
par  des  racines  capillaires ,  dans  le  tissu  du  testicule  ,  ces 
veines  y  forment  d'abord  un  plexus  appelé  spermatique  , 
dont  les  divisions  se  rassemblent  en  plusieurs  branches  qui 
passent  par  l'anneau  inguinal ,  et  se  fondent  en  un  seul 
tronc  :  ce  tronc  alors  se  divise  de  nouveau  en  un  autre  plexus 
appelé  corps  pampiniforme ,  que  l'on  dit  être  particulier  à 
l'espèce  humaine,  et  que  l'on  croit  servir  de  diverticulum 
du  sang,  pour  le  testicule  dont  les  fonctions  sont  presque 
intermittentes  ;  enfin,  au-delà,  ces  veines  vont  s'ouvrir  du 
côté  droit  dans  la  veine  cave,  et  du  côté  gauche  dans  la 
veine  rénale.  2°  Des  vaisseaux  lymphatiques  en  fort  grand 
nombre,  dont  les  troncs,  après  avoir  traversé  l'anneau, 
vont  aboutir  aux  ganglions  lombaires.  3°  Des  nerfs  fournis  , 
en  partie  par  les  plexus  rénaux,  mésentériques  ,  le  grand 
sympathique;  en  partie  par  les  nerfs  lombaires,  et  qui  sont 
si  petits  qu'on  ne  peut  les  poursuivre  jusque  dans  le  tissu 
du  testicule.  4°  Enfin  une  membrane  extérieure  à  tout  l'or- 
gane, appelée  albuginée,  périteste.  Cette  membrane,  d'un 
blanc  opaque,  évidemment  fibreuse,  d'un  tissu  serré,  en- 
veloppe l'organe,  dont  elle  détermine  la  forme;  de  plus,  elle 
envoie  dans  son  intérieur  beaucoup  de  prolongements  fili- 
formes, aplatis,  qui  constituent  des  espèces  de  cloisons  in- 
complètes ;  celles-ci  séparent  des  espèces  de  loges  triangu- 
laires, remplies  par  les  vaisseaux  séminifères,  et  se  dirigent 
toutes,  avec  une  espèce  de  symétrie,  vers  le  bord  supérieur, 


APPAREIL    GÉNITAL   DE    L'HOMME.  9 

vers  ce  que  nous  avons  appelé  le  corps  d'Hygmor.  De  ces  di- 
vers éléments  résulte  le  tissu  du  testicule ,  qu'il  est  difficile 
de  spécifier;  la  substance  en  est  molle,  d'un  gris  jaunâtre, 
et  partagée ,  par  les  prolongements  de  la  membrane  capsu- 
laire,  en  un  grand  nombre  de  lobes  et  de  lobules.  Son  pa- 
renchyme semble   être  formé  d'une  immense  quantité  de 
filaments  très  ténus,  très  flexueux,  entrelacés  et  repliés  en 
tous  sens,  lâchement  unis  les  uns  aux  autres ,  et  entre  les- 
quels se  voient  les  ramifications  des  artères  et  veines  sper- 
matiques.  Ces  filaments  sont  les  conduits  séminifères ,  dont 
Monro   a  évalué  le  nombre  à  625oo,  la  longueur  à    5208 
pieds,  le  calibre  à  un  deux  centième  de  pouce  de  diamètre  , 
et  qui  sont  si  fins  qu'on  n'a  pu  encore  les  injecter,  ni  par  le 
canal  excréteur,  ni  par  l'artère  speimia tique.  Disposés  le  long 
des  cloisons  que  fait  dans  l'intérieur  de  l'organe  la  mem- 
brane albuginée ,  ils  présentent ,  de  distance  en  distance ,  de 
petits  renflements  que  les  uns  ont  pris  pour  des  granulations 
glanduleuses ,  les  autres  pour  des  replis.  Se  dirigeant  vers  le 
bord  supérieur  de  l'organe ,  ils  se  réunissent  en  douze  à  vingt 
troncs ,  alors  assez  considérables  pour  qu'on  puisse  les  injec- 
ter par  le  canal  excréteur:  et  traversant  le  corps  d'Hygmor, 
ils  s'abouchent  pour  former  le  conduit  qui  constituera  l'épi- 
didyme.  Nous  avons  déjà  dit  qu'on  appelle  corps  d'Hygmor 
une  saillie  oblongue  ,  blanche ,  située  le  long  du  bord  supé- 
rieur du  testicule,  et  qui,  selon  M.  Chaussier,  est  un  canal 
dans  lequel  se  réunissent  ces  troncs  communs  des  vaisseaux 
séminifères  ,  lorsqu'ils  vont  former  le  canal  excréteur. 

Le  testicule  est  soutenu  dans  la  cavité  du  scrotum  ,  par  ce 
qu'on  appelle  le  cordon  des  vaisseaux  spermaliques ,  assem- 
blage des  vaisseaux  et  des  nerfs  appartenants  à  cet  organe , 
savoir  :  l'artère  spermatique ,  les  veines  spermatiques,  les 
vaisseaux  lymphatiques,  les  nerfs  de  l'organe  ,  et  le  conduit 
déférent,  qui  est  son  canal  excréteur.  Un  tissu lamineux  unit 
entre  elles  toutes  ces  parties.  Extérieurement,  une  gaine 
membraneuse,  de  nature  fibreuse  ,  enveloppe  ce  cordon,  et 
l'isole  des  parties  circonvoisines ,  et  spécialement  du  scro- 
tum. Du  bord  supérieur  du  testicule,  lieu  de  son  attache  , 
ce  cordon  se  porte  verticalement  vers  l'anneau  inguinal  ;  et, 


10  FONCTION    DE   LA    GÉNÉRATION. 

après  l'avoir  traversé,  ses  divers  éléments  se  séparent  pour 
se  rendre  chacun  à  leur  destination  respective. 

Quant  au  scrotum,  c'est  une  cavité  membraneuse,  dé- 
pendante de  l'abdomen,  el  formée  par  la  superposition  de 
quatre  tuniques.  10  Extérieurement  est  la  peau,  qui  ici  est  de 
couleur  brune,  ridée  et  parsemée  de  follicules  et  de  poils  : 
un  raphé  règne  sur  la  ligne  médiane ,  et  annonce  le  partage 
du  scrotum  en  deux  moitiés.  2  °  Au-dessous,  est  une  membrane 
cellulo-filamenteuse,  rougeâtre,  appelée  dartos ,  et  formant 
une  cloison  médiane  qui  sépare  les  deux  testicules.  Il  y  a  eu 
beaucoup  de  débatssur  la  nature  de  ce  dartos;  tour-à-tour  on 
l'a  dit  musculeux,  vasculaire  ,  celluleux  :  MM.  Breschet  et 
Lobstein  ont  trouvé  qu'il  n'existait  pas  dans  le  scrotum 
avant  que  les  testicules  y  fussent  descendus,  et  le  croient 
formé  par  l'épanouissement  du  cordon  qui  y  attache  cet  or- 
gane; Meckel  le  présente  comme  faisant  le  passage  du  tissu 
muqueux  proprement  dit  au  tissu  musculaire.  3°  Au-dessous 
du  dartos,  est  une  couche  musculeuse,  appelée  membrane 
érythroïde  ,  formée  par  un  muscle  nommé  crémaster ,  qui , 
né  du  petit  oblique  de  l'abdomen  ,  près  l'épine  iliaque  an- 
térieure et  supérieure  ,  traverse  l'anneau ,  concourt  à  la 
formation  du  cordon  ,  et  va  se  terminer  insensiblement  à  la 
surface  interne  du  scrotum.  4°  Enfin  tout-à-fait  en  dedans, 
est  la  membrane  vaginale  ou  élytroïde ,  véritable  membrane 
séreuse ,  enveloppant  le  testicule ,  ayant  conséquemment 
deux  portions  ,  une  scrotale,  qui  tapisse  le  scrotum  ,  et  une 
testiculaire,  qui  revêt  le  testicule.  A  sa  surface  externe ,  elle 
offre  un  feuillet  fibreux ,  analogue  à  celui  qui  fortifie  en 
dehors  la  membrane  séreuse  du  péricarde  :  quelques  anato- 
mistes  en  ont  fait  une  cinquième  tunique  distincte  ,  sous  le 
nom  de  tunique  fibreuse,  ou  vaginale  commune.  Cette  tu- 
nique vaginale  est  évidemment  une  dépendance  du  péri- 
toine. Le  testicule,  en  effet,  jusqu'au  septième  mois  de  la 
vie  fœtale,  est  placé  dans  l'abdomen,  au-dessous  du  rein, 
sur  la  partie  antérieure  du  muscle  psoas;  ce  n'est  qu'après 
cette  époque  que,  par  le  jeu  d'un  ligament  appelé  guberna- 
culum  testis ,  il  est  attiré  dans  le  scrotum.  Or,  pour  cela  il 
Lraverse  tout  l'abdomen,  et  entraîne  devant  lui  le  péritoine  : 


APPAREIL    GÉNITAL    DE    L'HOMME.  il 

avec  le  temps  ,  la  portion  du  péritoine  qui  a  accompagné 
l'organe  se  sépare,  et  forme  la  tunique  vaginale.  Si  cette 
séparation  n'a  pas  lieu,  que  l'anneau  reste  très  ouvert,  des 
portions  d'intestins  peuvent  passer  dans  le  scrotum,  et  il  en 
résulte  ce  qu'on  appelle  des  hernies  congéniales.  Cette  des- 
cente du  testicule  n'est  pas  ,  du  reste ,  une  chose  nécessaire  ; 
on  a  vu  des  hommes  chez  lesquels  elle  ne  s'était  pas  faite, 
se  reproduire  de  même  :  dans  beaucoup  d'animaux^  le  testi- 
cule est  toujours  intérieur;  et  chez  quelques-uns,  il  rentre 
et  sort  tour-à-tour;  dans  les  rats,  par  exemple,  il  n'est  dans 
le  scrotum  que  lors  de  l'époque  du  rut. 

B.  Conduits  déférents,  canaux  excréteurs.  Le  long  du  bord 
supérieur  de  chaque  testicule,  règne  un  petit  corps  oblong, 
de  couleur  grisâtre ,  qui  est  comme  surajouté  à  l'organe,  et 
qu'on  appelle  èpididyme.  Ce  corps  est  un  conduit  formé  par 
la  réunion  des  vaisseaux  séminifères  qui  ont  traversé  le  corps 
d'Hygmor.  Roulé  beaucoup  de  fois  sur  lui-même,  des  brides 
celluleuses  unissent  ses  différents  contours;  et  déplissé  ,  il 
a  ,  selon  Monro ,  une  longueur  de  trente-deux  pieds.  Son  ca- 
libre augmente  de  sa  partie  supérieure,  qu'on  appelle  sa 
tête,  à  sa  partie  inférieure,  ou  sa  queue.  Celle-ci  se  con- 
tinue par  un  canal  blanc ,  très  ferme  ,  appelé  conduit  défé- 
rent ,  et  qui  est,  à  proprement  parler,  l'excréteur.  Ce  canal, 
après  avoir  quitté  le  testicule,  se  joint  au  cordon  des  vais- 
seaux spermatiques ,  traverse  l'anneau,  se  sépare  des  vais- 
seaux sanguins  à  son  entrée  dans  l'abdomen  ,  et  descend  en 
arrière  et  en  dedans,  gagnant  la  partie  postérieure  et  infé- 
rieure de  la  vessie,  croisant  en  cet  endroit  l'uretère  ;  là, 
changeant  de  direction  ,  il  marche  presque  horizontalement 
d'arrière  en  avant ,  et  de  dehors  en  dedans ,  le  long  du  côté 
interne  des  vésicules  séminales.  Parvenu  à  la  base  de  la 
prostate  ,  il  reçoit  un  canal  né  de  ces  vésicules  ,  et  se  conti- 
nue sous  le  nom  de  canal  èjaculateur.  Traversant  alors  la 
prostate,  placé  près  du  canal  du  côté  opposé,  mais  sans 
communiquer  avec  lui ,  l'un  et  l'autre  vont  s'ouvrir  dans 
Turèthre,  sur  les  côtés  du  vérumuntanum  ;  sa  longueur, 
dans  ce  dernier  trajet,  est  d'un  pouce.  Assez  grêle  à  son  ori- 


12  FONCTION    DE    LA    GENERATION, 

gine ,  le  conduit  déférent  devient  plus  gros  du  double  au- 
delà  de  Fanneau ,  et  près  les  vésicules  ;  mais  il  redevient 
capillaire  à  sa  terminaison.  Quoique  ayant  des  parois  fort 
épaisses,  son  calibre  est  presque  capillaire.  Il  est  formé  de 
deux  tuniques,  une  extérieure,  très  ferme,  pour  ainsi  dire 
cartilagineuse,  qui  en  forme  presque  toute  l'épaisseur;  et 
une  intérieure,  muqueuse  ,  si  mince,  qu'on  ne  peut  la  dé- 
montrer. 

C.  Vésicules  séminales.  On  appelle  ainsi  deux  petites  po- 
ches membraneuses  ,  longues  de  deux  pouces  et  demi,  larges 
de  six  à  sept  lignes  à   leur  fond,   situées  au-dessous  de  la 
vessie,  et  servant  de  réservoirs  au  sperme.  Placées  au-devant 
de  l'insertion  des  uretères  dans  la  vessie ,  derrière  la  pros- 
tate ,  et  en  dehors  des  conduits  déférents  ,  elles  ne  commu- 
niquent chacune  qu'avec  le  testicule  qui  est  de  leur  côté, 
et  sont  dirigées  obliquement  de  derrière  en  avant ,  de  de- 
hors en  dedans ,  et  un  peu  de  haut  en  bas  ;  elle  sont  irré- 
gulièrement conoïdes,  et  ont  une  apparence  bosselée  en  de- 
hors. Leur  cavité  estanfractueuse,  présente  des  cellules  sé- 
parées par  des  cloisons ,  et  consiste  dans  un  canal  flexueux , 
terminé  supérieurement    en    cul-de-sac,  mais  dans  lequel 
s'ouvrent  latéralement  dix  à  douze  appendices  unis  entre  eux 
par  des  brides  celluieuses;  en  détruisant  celles-ci  ,  on  voit 
la   vésicule   s'agrandir  de   cinq   ou    six    fois  sa    longueur. 
M.  Amussat  a  contesté  récemment,  cette  disposition  ,  et  dit 
avoir   reconnu  que  ces   vésicules   séminales   ne   sont  qu'un 
canal   étroit  d'une  longueur  considérable  ,  replié  plusieurs 
fois  sur  lui-même  en  divers  sens,  et  dont  les  contours  sont 
rendus  fixes  par  des  brides  cellulaires,  à   la  manière   des 
vaisseaux  spermifères.  De  leur  partie  antérieure,  qu'on  ap- 
pelle leur  col,  se  détache  un  petit  canal  fort  court,  qui  va 
s'unir  sous  un  angle  très  aigu  avec  le  canal  déférent,  pour 
former  le  canal  èjaculateur.  Ces  vésicules  sont  formées  par 
la  superposition  de  deux  membranes  ,  une  extérieure,  dense, 
blanche,  assez  semblable  à  celle  qui   forme  le  canal  défé- 
rent, et  qui  probablement  n'est  quecelluîeuse  _,  quoiqu'elle 
se  contracte  dans   l'acte  de  l'éjaculation  ;    une  intérieure, 


APPAREIL    GÉNITAL    DE    L'HOMME.  i3 

fine  y  blanche ,  un  peu  semblable  à  celle  qui  tapisse  Tinté- 
rieur  de  la  vésicule  biliaire,  et  probablement  muqueuse  : 
ou  n'a  jamais  pu  démontrer  de  fibres  musculaires  dans  ces 
organes.  Un  fluide  opaque,  épais,  jaunâtre,  différent 
par  son  aspect  du  sperme  qui  est  éjaculé  pendant  la  vie, 
remplit  ces  vésicules.  Elles  n'existent  pas  dans  tous  les 
animaux. 

A  îa  description  de  ces  parties  ,  qui ,  chez  l'homme ,  for- 
ment l'appareil  de  fécondation,  nous  ajouterons  celle  d'or- 
ganes qui  ont  quelque  rapport  avec  leur  fonction,  la  pros- 
tate et  les  glandes  de  Cowper.  La  première  est  un  organe 
d'un  blanc  grisâtre,  d'un  tissu  fort  dense,  ayant  le  volume 
d'une  grosse  châtaigne,  la  forme  d'un  cône  tronqué,  et  qui 
par  sa  base  embrasse  le  col  de  la  vessie  ,  et  par  son  sommet 
se  termine  en  s'amincissant  sur  le  commencement  de  l'urè- 
thre.  Jadis  elle  était  considérée  comme  une  glande,  mais 
aujourd'hui  on  îa  regarde  comme  une  agglomération  de 
beaucoup  de  petits  follicules  remplis  d'un  fluide  visqueux 
et  blanchâtre;  de  ces  follicules  naissent  des  conduits  excré- 
teurs qui  ,  au  nombre  de  douze  ou  quinze ,  viennent  s'ou- 
vrir dans  l'urèthre,  sur  les  côtés,  et  à  la  surface  même  du 
vérumontanum.  Les  glandes  de  Cowper  sont  deux  petits 
corps  oblongs  ,  du  volume  d'un  pois,  d'une  couleur  rou- 
geâtre,  d'un  tissu  assez  ferme,  et  placés  parallèlement  au- 
devant  de  la  prostate,  sur  les  côtés  du  canal  de  l'urèthre  : 
elles  ont  chacune  un  canal  excréteur,  long  d'un  demi- 
pouce  ,  qui ,  rampant  obliquement  dans  le  tissu  spongieux 
du  bulbe  de  l'urèthre,  va  s'ouvrir  aussi  devant  le  véru- 
montanum. Leur  volume  est  considérable  en  certains  ani- 
maux ,  ce  qui  peut  faire  croire  qu'elles  sont  plus  importantes 
qu'on  ne  l'a  dit. 

20.  Les  parties  que  nous  venons  de  décrire  ont  pour 
usages  de  fabriquer ,  préparer  et  conserver  le  fluide  fécon- 
condant,  le  sperme.  Ce  sont  les  testicules  qui  sont  les  agents 
fabricateurs  ;  la  preuve  en  est  donnée  par  l'opération  de  la 
castration  ,  et  par  les  maladies  de  ces  organes»  Ils  produisent 
le  sperme  par  une  action  de  sécrétion;  le  sang  de  l'artère 
spermatique ,  arrivé  dans  leur  parenchyme ,  est  changé  par 


j4  fonction  de  la  génération. 

une  action  vitale  en  ce  liquide.  Les  Anciens  croyaient  que 
c'était  le  système  nerveux  qui  fournissait  les  matériaux 
de  la  semence  ;  ils  se  fondaient  sur  le  grand  affaiblisse- 
ment ,  sur  les  douleurs  lombaires  qui  s'observent  à  la  suite 
des  excès  vénériens  :  mais  le  premier  fait  s'explique  assez  par 
la  volupté  vive  qui  accompagne  l'accomplissement  de  la  gé- 
nération ;  et . ,  quant  au  second,  il  tient  à  ce  que  le  testi- 
cule reçoit  plusieurs  nerfs  du  plexus  lombaire;  d'ailleurs, 
ces  douleurs  se  font  sentir  dans  toutes  les  maladies  de  cet 
organe.  C'est  certainement  du  sang  de  l'artère  sperma tique 
que  provient  le  sperme ,  bien  qu'on  ne  puisse  d'avance  si- 
gnaler ce  sperme,  ni  aucun  de  ses  éléments  ,  dans  ce  fluide, 
pas  plus  que  ceux  d'aucune  autre  humeur  sécrétée. 

Fait  aux  dernières  extrémités  de  l'artère  spermatique, 
au  point  où  les  ramifications  de  cette  artère  se  confondent 
avec  les  premiers  radicules  du  système  vasculaire  sécréteur, 
le  sperme  chemine  dans  les  conduits  séminifères  dont  ces 
radicules  sont  les  origines;  il  arrive  à  l'épididyme,  au  con- 
duit déférent,  et  enfin  dans  les  vésicules  séminales,  où  il 
reste  en  dépôt  jusqu'au  moment  où  il  est  projeté  au  dehors 
pour  l'accomplissement  de  la  génération.  Ce  cours  est  sans 
doute  assez  indiqué  par  la  disposition  des  parties  et  les  né- 
cessités de  la  fonction,  mais,  de  plus,  de  GraafYa  prouvé 
par  une  expérience  :  ayant  lié  sur  un  chien  le  canal  dé- 
férent, ce  savant  a  vu  le  testicule  se  gonfler,  et  à  la  fin  le 
canal  déféreut  se  rompre  entre  le  testicule  et  la  ligature. 
Les  causes  qui  font  cheminer  le  fluide,  sont  :  la  continuité 
de  la  sécrétion  dans  le  testicule,  une  contraction  tonique 
des  conduits  séminifères,  et,  de  plus,  selon  quelques-uns, 
une  influence  mécanique  due  à  la  capillarité  de  toutes  ces 
voies.  A  la  vérité,  c'est  une  question  de  savoir  si  la  sécré- 
tion du  sperme  se  fait  d'une  manière  continue.  Comme  la 
fonction  de  la  génération  ne  s'accomplit  que  d'intervalles 
en  intervalles ,  quelques  physiologistes  ont  pensé  que  la  sé- 
crétion du  sperme  ne  se  faisait  aussi  que  par  intermittence. 
Peut-être  est-ce  vrai  de  ceux  des  animaux  chez  lesquels  la 
génération  n'est  possible  qu'à  de  certaines  époques  de  Fan- 
née;  mais  il  y  a  lieu  d'en  douter  pour  l'homme.  Cet  être, 


APPAREIL   GÉNITAL    DE   L'HOMME.  l5 

une  fois  parvenu  à  l'âge  de  la  reproduction,  est  apte  en 
tout  temps  à  accomplir  cette  fonction;  si  le  sperme  n'était 
sécrété  qu'au  moment  où  il  se  livre  à  l'exercice  de  cette  ac- 
tion, ce  fluide  aurait  un  trop  grand  trajet  à  parcourir  avant 
d'arriver  à  l'urèthre  :  à  quoi  d'ailleurs  serviraient  les  vési- 
cules séminales  ?  pourquoi  ces  réservoirs,  ainsi  que  la  longue 
série  des  vaisseaux  séminifères,  contiennent-ils  toujours  du 
sperme  ?  n'observe-t-on  pas  que  les  émissions  du  sperme  dans 
la  génération  sont  d'autant  plus  abondantes  qu'elles  sont 
moins  fréquentes?  enfin,  n'en  survient-il  pas  d'involon 
taires ,  après  une  continence  un  peu  prolongée  ?  Sans  doute  , 
la  quantité  de  la  sécrétion  n'est  pas  la  même  dans  le  repos 
des  organes,  et  lors  de  leur  action;  certainement  dans 
ce  dernier  moment  elle  redouble;  certainement  aussi  les 
testicules  sont,  parmi  les  organes  du  corps,  de  ceux  qui 
sont  le  plus  tributaires  de  l'babitude;  sauf  les  cas  d'une  or- 
ganisation prononcée,  on  peut  rendre  leur  service  très  ac- 
tif ,  ou  le  réduire  presque  à  rien ,  selon  qu'on  se  livre  fré- 
quemment ou  non-à  l'exercice  de  la  génération  :  peut-être 
enfin  que  l'existence  des  plexus  sperma tique  et  pampini- 
forme  a  trait  à  cette  espèce  d'intermittence  obligée,  qui 
doit  survenir  dans  les  fonctions  de  cet  organe;  mais  néan- 
moins, je  crois  qu'il  n'y  a  ici  que  des  différences  d'ac- 
tivité, et  qu'au  fond  la  sécrétion  se  fait  d'une  manière 
continue. 

Le  sperme  chemine  avec  lenteur  dans  les  voies  que  nous 
venons  de  lui  voir  parcourir  ;  cela  doit  résulter ,  et  du  peu 
d'activité  de  sa  sécrétion,  et  de  la  disposition  des  parties 
qu'il  traverse.  Voyez  combien  sont  longs  et  flexueux  les  con- 
duits séminifères!  quel  retard  doit  résulter  de  l'abouche- 
ment de  ces  vaisseaux  dans  le  corps  d'Hygmor ,  des  longs 
contours  de  l'épididyme,  de  la  longueur  et  de  l'étroitesse 
du  conduit  déférent.,  de  la  disposition  anfractueûse  des 
vésicules  séminales!  On  peut  considérer  tous  les  Vaisseaux 
qui  précèdent  les  vésicules  comme  un  premier  réservoir  du 
sperme;  et ,  en  effet,  chez  beaucoup  d'animaux,  les  vésicules 
séminales  manquent.  Ce  manque  des  vésicules  séminales 
en  certains  animaux  suffit  pour  réfuter  cette  idée  de  War- 


16  FONCTION   DE   LA    GÉNÉRATION. 

thon  et  de  Hunter ,  que  les  vésicules  séminales  ne  reçoivent 
pas  le  sperme,  mais  sécrètent  un  fluide  particulier,  qui  se 
mêle  à  ce  sperme ,  et  qui  serait  la  semence  proprement  dite. 
S'il  se  fait  quelque  sécrétion  spéciale  dans  les  vésicules  sé- 
minales, certainement  le  produit  de  cette  sécrétion  n'est 
pas  l'agent  générateur;  il  ne  sert  qu'à  élaborer  le  sperme 
qui  vient  se  mêler  à  lui  dans  la  vésicule.  Ici  on  peut  se  de- 
mander pourquoi  le  sperme ,  arrivé  à  la  hauteur  des  vési- 
cules séminales  ,  va  s'y  mettre  en  dépôt  en  traversant  le  ca- 
nal rétrograde  qui  y  conduit ,  plutôt  que  de  suivre  sa  route 
directe  par  le  canal  éjaculateur.  Il  existe  en  effet  ici  une 
disposition  semblable  à  celle  que  nous  avons  vue  aux  voies 
biliaires  :  de  même  que  la  bile ,  au  lieu  de  continuer  sa 
route  par  les  canaux  hépatique  et  cholédoque  dans  le  duo- 
dénum ,  reflue  par  le  canal  cystique  contre  son  propre  poids 
dans  la  vésicule  biliaire  ,  de  même  le  sperme  reflue  dans  la 
vésicule  séminale.  On  en  donne  pour  raisons  la  pression 
qu'exerce  la  prostate  sur  le  canal  éjaculateur,  et  la  petitesse 
de  l'embouchure  de  ce  canal  dans  l'urèthre  :  mais  il  y  a  ici 
quelques  lumières  à  désirer.  On  ne  sait  si  dans  ce  long  tra- 
jet, le  sperme  contiuue  de  s'élaborer,  et  surtout  s'il  se  ruo-^ 
difie  dans  la  vésicule.  On  a  dit  qu'il  était  résorbé  en  partie 
dans  ce  réservoir  ,  afin  que,  porté  dans  le  sang,  il  puisse 
imprimera  ce  fluide  un  peu  de  la  vitalité  dont,  en  sa  qua- 
lité de  principe  vivifiant,  on  le  suppose  essentiellement  pé- 
nétré. On  s'est  fondé  sur  les  grands  changements  qui  sur- 
viennent dans  l'économie  à  la  puberté,  lorsque  sa  sécrétion 
commence  à  se  faire;  sur  l'affaiblissement  qui  résulte  de  ses 
émissions  prématurées  ou  abusives  ;  sur  les  troubles ,  les  ac- 
cidents qu'ont  quelquefois  entraîné  une  trop  grande  conti- 
nence. Mais  ces  changements  ^  ces  effets  peuvent  s'expliquer 
sans  le  concours  de  ce  transport  matériel  du  sperme  dans 
le  sang,  et  peuvent  tenir  aux  connexions  des  différentes 
parties  nerveuses  du  corps;  du  reste,  nous  reviendrons  là- 
dessus  à  l'article  des  tempéraments.  11  est  sûr  au  moins  que 
dans  les  vésicules  séminales  l'absorption  enlève  au  sperme 
sa  partie  la  plus  aqueuse,  car  ce  fluide  se  montre  d'autant 
plus  épais  que  ses  émissions  sont  moins  fréquentes. 


APPAREIL    GÉNITAL    DE    L'HOMME.  17 

3°  Le  sperme   est  un  liquide    d'une    couleur    blanche, 
d'une  odeur  fade,  sui generis  ,  d'une  consistance  visqueuse  , 
d'une  saveur  généralement  salée  et  irritante,  et  qui  paraît 
composé  de  deux  parties,  une  plus  liquide,  transparente; 
et  une  plus  épaisse  ,  grumeleuse  ,  filamenteuse,  dont  la  pro- 
portion, sur  la  première  ,  est  d'autant  plus  grande  que  l'in- 
dividu est  plus  fort,  et  ses  émissions  de  sperme  moins  fré- 
quentes. En  peu  de  temps,  ces  deux  parties  se  mêlent,  et  il  en 
résulte  une  matière  plus  fluide  qui  se  détruit  promptement. 
Examiné  chimiquement,  le  sperme  paraît  avoir  une  nature 
alcalineetalbumineuse,  car  d'une  part  appliqué  à  l'œil,  à  la 
langue,  il  y  cause  une  constriction;  à  une  plaie,  il  l'enflamme; 
et  d'autre  part  il  se  coagule  par  la  chaleur,  les  acides.  M.  Kau- 
quelin  en  a  fait  l'analyse:  sur  1000  parties,  il  y  a  trouvé  :  eau, 
900;  mucilage  animal ,  60  ;  soude  ,  10  ;  etphosphatecalcaire, 
3o.M.  Berzelius  ditqu'il  contientles mêmes  sels  que  le  sang, 
et  une  matière  animale  particulière.  Il  faut  remarquer  que 
tout  ceci  ne  s'applique  pas  au  sperme  pur ,  car  il  n'est  ja- 
mais excrété  tel;  il  est  toujours  projeté,  mêlé  au  suc  de   la 
prostate  et  à  celui  des  glandes  de  Cowper.  On  croit  que  la 
partie  grumeleuse  est  ce  qui,  principalement,  le  constitue, 
et  que  la  partie  liquide  est  formée  par  ces  sucs   accessoires 
qui  en  seraient  les  véhicules.  Certains  auteurs  ont  admis  en 
lui  une  troisième  partie,  sous  forme  de  gaz,  qu'ils  ont  ap- 
pelé aura  seminalis ;  mais  jamais  on  n'a  pu  recueillir  ce  gaz, 
et  Spallanzani  nie  son  existence,  sur  ce  qu'il  n'a  jamais  pu 
opère r   de  fécondation  artificielle   sans  un  contact.  On  l'a 
examiné  au  microscope,  et  chacun  y  a  vu  ce  qui  convenait 
à  l'hypothèse  qu'on  s'était  faite  sur  la  génération.  Leuwen- 
hoeck,   par  exemple,   et  Hartzoeclîer  ,    y  ayant  remarqué 
beaucoup  de  petits  corps  en  mouvement ,  ont  fait  de  ces  pe- 
tits corps  autant  d'animalcules,  auxquels  ils  ont  fait  jouer, 
comme  nous  le  dirons,  un  grand  rôle  dans  la  génération. 
Au  contraire,  Buffon ,  Needham  ,  ne  voulurent  voir  dans 
ces  petits  corps  que  des   animaux  infusoires  du  genre  de 
ceux  qu'on  trouve  dans  tous  les  liquides;  ou  que  ce  qu'ils 
appelaient  leurs  molécules  organiques.  M.  Virey  conjecture 
que ,  de  même  que  le  pollen  des  végétaux  est  un  assemblage 
Tome  IV.  2 


18  FONCTION   DE    LA    GENERATION, 

de  petites  capsules  qui  contiennent,  dans  leur  intérieur  , 
ïe  véritable  principe  fécondant,  qui  est  d'une  subtilité  ex- 
trême, xle  même  les  prétendus  animalcules  spermatiques 
sont  des  tubes  qui  contiennent  le  véritable  sperme ,  et  que 
les  mouvements  qu'on  a  remarqués  en  eux  sont  dus  à  la 
rupture  de  ces  tubes,  à  leur  explosion;  il  invoque,  à  l'ap- 
pui de  cette  opinion ,  l'exemple  des  Sèches  ,  chez  lesquels  le 
sperme  paraît  présenter  une  semblable  disposition.  Le 
sperme  étant  chargé  de  vivifier  un  germe  ,  ou  peut-être  de 
concourir  à  sa  formation  ,  est  sans  contredit  à  ce  double 
titre  un  des  premiers  fluides  de  l'économie  ;  et,  à  cause  de 
cela,  plusieurs  physiologistes  Fout  dit  formé  des  matériaux 
les  plus  animalisés  du  corps ,  de  ceux-là  même  qui  en  forment 
le  rouage  suprême,  le  système  nerveux. 

Nous  reviendrons  sur  toutes  ces  opinions  ,  en  traitant  du 
mécanisme  de  la  génération  ,  et  particulièrement  nous  di- 
rons que  MM.  Prévost  et  Dumas  de  Genève  ,  dont  l'habileté 
dans  l'emploi  du  microscope  est  bien  connue,  ont  retrouvé, 
avec  cet  instrument,  les  animalcules  spermatiques  dans  le 
sperme  de  tous  les  mammifères ,  oiseaux  et  reptiles  ,  sur  les- 
quels ils  ont  expérimenté ,  lapin,  cochon  d'Inde,  héris- 
son ,  chat,  chien,  putois,  cheval,  souris  blanche ,  bélier, 
bouc,  coq,  canard,  moineau,  vipère,  grenouille,  sala- 
mandre, etc. 

Quant  à  la  quantité  du  sperme ,  elle  n'est  pas  apprécia- 
ble. Probablement  elle  est  peu  considérable,  à  juger  par  la 
petitesse  des  testicules,  par  celle  de  l'artère sperma tique  ,  la 
ténuité  des  conduits  séminifères,  l'intermittence  de  la  fonc- 
tion de  génération  ,  la  petite  quantité  de  sperme  qui  est  pro- 
jeté à  chaque  coït ,  la  promptitude  avec  laquelle  la  source  de 
ce  fluide  est  tarie,  quand  on  en  renouvelle  plusieurs  fois 
de  suite  l'émission.  Elle  doit  varier  selon  chaque  tempéra- 
ment ,  chacun  ayant  sous  ce  rapport  sa  mesure,  et.  selon 
l'emploi  qu'on  fait  de  la  fonction . 


APPAREIL    GENITAL    DE    L  HOMME.  19 

§  II.    Appareil  de  Copulation. 

I/appareil  de  copulation  comprend  le  pénis  ,  ou  la  verge , 
organe  cylindroïde ,  alongé,  érectile,  formé  de  deux  parties 
principales ,   le  corps  caverneux  ,  et  le  canal  de  ïurèthre. 
i°  Le  corps  caverneux  est  une  partie  essentiellement  for- 
mée de  tissu  érectile ,  et  qui  détermine  presque  à  elle  seule 
le  volume  et  la  longueur  du  pénis.  Il  commence  par  deux 
racines  alongées  en  pointe,  longues  de  deux  pouces,  et  at- 
tachées aux  branches  des  ischions  et  pubis ,   au-dessus  des 
tubérosités  ischiatiques  :  ces  deux  racines  bientôt  se  rap- 
prochent pour  former  une  grosse  masse  qui  se  prolonge  jus- 
qu'au gland,  et  au-dessous  de  laquelle  est  l'urèthre.  Il  est 
composé  d'une  membrane  extérieure    qui  en  détermine  la 
forme,  et  d'un   tissu  spongieux  intérieur.  La  première  est 
d'un  blanc  opaque,  évidemment  fibreuse    et    fort  épaisse; 
son  épaisseur  cependant   n'est  pas   égale  partout;   elle   est 
moindre  aux  racines ,  sous  le  gland  ,  et  à  la  gouttière  infé- 
rieure dans  laquelle  est  logée  l'urèthre.    Percée  de  trous , 
par  lesquels  passent  les  nerfs  et  vaisseaux  qui  vont  au   pa- 
renchyme intérieur ,   elle  détache  intérieurement  des   pro- 
longements qui  servent  d'appui  à  ce  parenchyme  :  quelques- 
uns  de  ces  prolongements  forment  comme  une  cloison  mé- 
diane, qui  semble  partager  en  deux  le  corps  caverneux,  sur- 
tout en  arrière.  Le  tissu  intérieur  a  pour  éléments  ,  les  ra- 
mifications  d'une  artère  dite  caverneuse  provenant  de  la 
branche   supérieure  de  la  honteuse  interne  ,   celles  d'une 
veine  portant  le  même    nom,   et  probablement  des  nerfs, 
bien  que  l'anatomie  n'ait  pu  les   poursuivre  jusque  là  ;  le 
tout  est  soutenu  par  les  brides  qu'a  détachées  la  membrane 
externe.  Les  anatomistes  ne  sont  pas  d'accord  sur  ce  qu'il  est 
réellement.  Les  uns  le  font  consister  en  cellules,  enspongio- 
sités,  sur  les  lames  desquelles  se  terminent  les  ramifications 
de  l'artère  et  de  la  veine  caverneuses  ,  celles  des  nerfs ,  et 
dans  lesquelles  le   sang  est  épanché,   infiltré.  Les  autres, 
avec  plus  de  raison,  disent   qu'il  consiste  en  un  lacis  d'ar- 
térioles  et  de  veinules ,  soutenues  par  les  lames  de  la  mem- 

2. 


20  FONCTION    DE   EA    GENERATION. 

brane  externe,  entrelacées  entre  elles  à  la  manière  des  ré- 
seaux capillaires  ,  mais  avec  ce  trait  de  plus ,  que  les  vei- 
nules, au  lieu  d'être  capillaires  en  ce  lacis,  y  ont  plus  d'am- 
pleur, y  forment  des  renflements  très  extensibles ,  et  des 
plexus  mille  fois  anastomosés  entre  eux.  On  verra,  en  effet, 
que  ce  n'est  pas  dans  des  cellules,  mais  dans  les  vaisseaux 
du  corps  caverneux,  dans  les  veines  surtout,  qu'afflue  le 
sang  dans  l'érection.  Si  on  injecte  l'artère  caverneuse,  la  ma- 
tière remplit  d'abord  les  ramifications  de  cette  artère,  puis 
le  plexus  veineux  intérieur  qui  constitue  le  corps  caver- 
neux, et  enfin  elle  revient  par  la  veine  caverneuse,  après 
avoir  produit  l'érection.  Le  même  effet  est  obtenu  plus  facile- 
ment encore,  en  injectant  la  veine  caverneuse.  Enfin  ,  si 
on  insuffle  de  l'air  dans  ce  qu'on  supposait  les  cellules  du 
corps  caverneux,  et  que  nous  disons  avec  Bèclard  n'être 
que  des  racines  larges  de  veines  formant  un  plexus  com- 
pliqué, on  voit  cet  air  pénétrer  dans  la  veine  caverneuse. 

2°  Le  canal  de  l'urèthre  a  déjcà  été  décrit  à  l'article  de  la 
sécrétion  urinaire.  Nous  avons  dit  que,  dans  sa  longueur, 
on  lui  distinguait  trois  parties  :  la  portion  prostatique,  la 
portion  membraneuse  et  la  portion  spongieuse.  Dans  la  pre- 
mière, se  voit  en  arrière,  sur  la  ligne  médiane,  une  saillie 
oblongue ,  apnelée  vérumontanum ,  et  qui  offre  à  sa  sur- 
face les  orifices  des  canaux  de  la  prostate,  en  avant  ceux 
des  glandes  de  Cowper^  et  sur  les  cotés  ceux  des  canaux 
éjaculateurs.  La  portion  spongieuse  de  l'urètlire  est ,  en 
quelque  sorte ,  la  seule  qui  fasse  partie  de  la  verge  :  située 
dans  la  gouttière  que  présente  à  sa  partie  inférieure  le 
corps  caverneux,  elle  se  termine  en  avant  par  ce  qu'on  ap- 
pelle le  gland.  Le  gland,  en  effet,  ne  dépend  pas  du  corps 
caverneux ,  une  portion  de  la  membrane  externe  de  celui-ci 
l'en  sépare;  aussi,  les  érections  de  ces  deux  parties  se  font 
souvent  isolément,  et  les  injections  du  corps  caverneux 
de  l'une  ne  pénètrent  pas  dans  le  corps  caverneux  de 
l'autre.  Ce  gland  semble  être  la  terminaison,  sous  forme 
de  bourgeon,  du  tissu  érectile  qui  enveloppe  cette  troi- 
sième partie  de  l'urèthre.  L'urèthre  étant  dans  l'espèce 
humaine  le  canal  excréteur  du  sperme  ,  aussi -bien  que  celui 


APPAREIL    GÉNITAL    DE    l'hOMME.  2  1 

de  l'urine,  et  ce  sperme  devant  être   porté  profondément 
dans  les  parties  de  la  femme ,  la  nature  a  dû  placer  ce  ca- 
nal excréteur  au  milieu   du  corps   caverneux  ,  parce   que 
celui-ci  est  seul  susceptible  d'acquérir  par  l'érection  toute 
la  roideur  que  réclame  un  tel  office.  Cela  est  si  vrai ,  qu'en 
quelques  animaux  ce   corps   caverneux  contient    dans  son 
épaisseur  un  os.  C'est  pour  la  même  raison  que  ceturèthre 
est  dans  sa  partie  spongieuse  enveloppé  d'une  masse  de  tissu 
érectile,  analogue  à  celai  qui  forme  le  corps  caverneux,  et 
limité  de  même  par  une  membrane  extérieure  propre.  C'est 
un  prolongement  de  ce  tissu  érectile  qui  forme  le  gland  , 
cependant  avec  quelques  différences;  le  tissu  spongieux  in- 
térieur du  gland  est  plus  considérable ,   plus   ténu ,    plus 
ferme,  moins  abreuvé  de  sang;  sa  membrane  extérieure  est 
plus  fine,  et  offre  à  sa  surface  un  épanouissement  de  papilles 
nerveuses,  qui  sont,  lors  de  l'accomplissement  de  la  fonc- 
tion ,  le  siège  d'une  sensation  tactile  très  voluptueuse.  Nous 
avons  indiqué  la  texture  de  l'urèlhre  :  ce  canal  est  tapissé 
intérieurement  par  une  membrane  muqueuse,  plissée  sur 
elle-même  dans  le  sens  de  sa  longueur,  et  garnie  de  beau-v 
coup  de  petits  trous ,  qui  sont  les  orifices  de  conduits  obli- 
ques, placés  dans  sou  épaisseur,  et  qu'on  appelle  lacunes , 
ou  sinus  de  Morgagni.  Immédiatement  avant  de  s'ouvrir  au 
dehors  ,  il  présente  une  dilatation  assez  prononcée  ,  appelée 
fosse  nauiculaire. 

Ces  deux  parties  constituantes  du  pénis  sont  recouvertes- 
par  la  peau,  qui  forme  vers  le  gland  un  repli  particulier  ap- 
pelé prépuce.  Le  tissu  cellulaire  qui  sert  de  moyen  d'union 
est  lâche,  et  ne  se  laisse  jamais  pénétrer  par  de  la  graisse. 
Un  faisceau  fibreux ,  appelé  ligament  supérieur  de  la  verge , 
étendu  de  la  symphyse  du  pubis  au  corps  caverneux,  dans 
le  vide  que  laissent  les  deux  racines  de  celui-ci ,  soutient 
tout  l'organe.  Nous  terminerons  cette  description  de  l'or- 
gane de  copulation  ,  en  mentionnant  quelques  muscles  déjà 
décrits,  mais  que  nous  verrons  agir  dans  l'acte  de  la  copula- 
tion ,  et  lors  de  l'émission  du  sperme  ;  savoir  :  le  releveur  de 
l'anus,  le  sphincter  de  l'anus,  le  transverse  du  périnée,  que 
nous  avons  décrits  avec  le  rectum ,  et  surtout  les  bulbo  et 


2  2  FONCTION    DE    LA    GÉNÉRATION. 

iskio-caverneux ,  dont  il  a  été  question  à  l'article  de  Pu- 
re thre. 

ARTICLE   II. 

B«  Fappareil  génital  de  la  femme. 

La  femme  ,  dans  l'acte  de  la  reproduction  ,  remplit  un 
plus  grand  nombre  d'offices  que  l'homme;  elle  fournit  le 
germe  ou  l'œuf;  en  elle  est  le  réservoir  dans  lequel  ce  germe 
subit  ses  premiers  développements;  enfin,  elle  allaite  après 
sa  naissance  l'individu  nouveau.  Les  parties  qui  composent 
son  appareil  génital  sont  donc  plus  nombreuses ,  et  nous  les 
rapportons  à  quatre  groupes,  savoir  :  V appareil  de  germiji- 
cation,  celui  de  gestation  ou  grossesse,  celui  de  copulation  , 
et  celui  d'allaitement. 

§  Ier.   Appareil  de  Germification . 

Cet  appareil,  qui  produit  le  germe  ,  l'œuf,  en  un  mot  ce 
que  fournit  la  femme  dans  la  génération  ,  est  pair,  et  se  com- 
pose des  ovaires,  et  de  leurs  canaux  excréteurs,  qu'on  appelle 
les  trompes. 

10  Les  ovaires  sont  deux  corps  ovoïdes ,  d'un  rouge  pale  , 
rugueux  et  comme  bosselés  à  leur  surface ,  de  la  grosseur  à 
peu  près  des  testicules,  ayant  six  à  huit  lignes  de  longueur 
sur  trois  de  largeur  et  d'épaisseur,  du  poids  d'un  gros  et 
demi  à  deux  gros  ,  et  situés  dans  le  petit  bassin  ,  dans  la  du- 
plicature  d'un  repli  du  péritoine,  appelé  ligament  large  de 
la  matrice  ,  de  chaque  côté  de  cet  organe.  Long-temps  ils  fu- 
rent considérés  comme  des  glandes ,  et  appelés  les  testicules 
de  la  femme;  mais  le  nom  d'ovaires  leur  a.  été  donné  dans 
le  dernier  siècle ,  parce  qu'on  les  regarda  comme  fournis- 
sant les  œufs  ,  desquels  ,  dans  ce  temps ,  on  fit  provenir 
loule  génération.  Si  leur  structure  ne  donne  pas  une  dé- 
nions ira  lion  absolue  de  cette  dernière  opinion  ,  au  moins 
est-il  sûr  quelle  diffère  de  celle  des  testicules.  Leurs  élé- 
ments composants  sont  :  i°Yartère  spermatique ,  qui,  ana- 
logue de  celle  qui  se  rend  au  testicule  chez  l'homme,  se  dis- 


APPAREIL    GÉNITAL    DE    LA    FEMME.  2 S 

tribue  pour  la  plus  grande  partie  à  l'ovaire  ,  et  donne  aussi 
quelques  canaux  à  la  trompe ,  et  aux  parues  latérales  de  l'u- 
térus; 20  la  veine  spermatique ,  dont  les  ramifications  for- 
ment aussi  dans  l'intérieur,  et  à  la  surface  de  l'ovaire ,  un 
plexus  ,  dont  plusieurs  branches  s'anastomosent  avec  des 
veines  de  l'utérus  et  de  la  trompe;  3°  des  vaisseaux  lym- 
phatiques ;  4°  des  nerfs  fournis  par  les  plexus  rénaux.  Il  faut 
y  ajouter,  outre  le  repli  péritouéal  dans  lequel  ces  organes 
sont  situés,  une  membrane  qui  leur  est  propre,  qui  les  en- 
veloppe, et  qui,  blanche,  compacte,  adhère  assez  à  leur 
parenchyme.  Celui-ci,  formé  par  ces  divers  éléments,  est 
mou,  spongieux,  et  paraît  composé  de  lobules  celluleux  et 
vasculaires ,  grisâtres ,  gorgés  de  beaucoup  de  fluide ,  et  entre 
lesquels  sont  de  petites  vésicules  qu'on  a  supposées  être  les 
germes,  les  œufs.  Ces  vésicules  transparentes  sont  formées 
d'une  membrane  très  fine  ,  dans  laquelle  est  renfermé  un 
fluide  visqueux,  jaunâtre  ou  rougeâtre,  dans  lequel  on  ne 
peut  rien  voir  de  solide  :  autour  d'elles,  les  ramifications 
vasculaires  sont  plus  nombreuses  et  plus  déliées.  Le  nombre 
de  ces  vésicules  est  de  quinze  à  vingt ,  dit  Haller,  dans  cha- 
que ovaire;  les  plus  superficielles  sont  grosses  comme  un 
grain  de  ehenevis  ;  celles  qui  sont  situées  plus  profondément 
ont  le  volume  d'un  grain  de  millet. 

Les  ovaires  sont  un  peu  mobiles  dans  la  cavité  du  bassin; 
cependant,  outre  le  repli  péritouéal  dans  lequel  ils  sont 
placés,  ils  sont  encore  fixés  à  leur  extrémité  interne  ,  par  ce 
qu'on  appelle  le  ligament  de  l'ovaire ,  et,  à  leur  extrémité 
externe,  par  une  des  languettes  du  pavillon  de  la  trompe. 
Le  ligament  de  l'ovaire  est  un  petit  cordon  filamenteux, 
long  d'un  pouce  et  demi,  qui,  de  l'ovaire,  va  s'attacher  à 
l'utérus,  derrière  la  trompe;  les  Anciens  le  croyaient  creux, 
et  destiné  à  excréter  le  sperme  qu'ils  supposaient  fourni  par 
l'ovaire;  mais  il  est  tout  solide,  et  c'est  la  trompe  qui  est 
le  canal  excréteur  de  cet  organe. 

Nous  verrons  que  les  ovaires ,  quelle  que  soit  la  matière 
qu'ils  fournissent  dans  la  génération,  sont  certainement  les 
parties  de  l'appareil  génital  de  la  femme  desquelles  provien- 
nent les  éléments  de  l'individu  nouveau. 


2  4  FONCTION    DE    LA    GÉNÉRATION. 

20  Les  trompes ,  dites  de  Fallope,  sont  deux  conduits  co- 
niques ,  tortueux ,  vermiformes ,  longs  de  quatre  à  cinq  pou- 
ces ,  situés  dans  le  même  ligament  large  qui  contient  l'ovaire, 
et  étendus  depuis  cet  ovaire,  auquel  ils  adhèrent  par  une 
des  franges  qui  les  terminent  de  ce  côté,  jusqu'à  l'utérus, 
auquel  ils  sont  continus,  et  dans  la  cavité  duquel  ils  abou- 
tissent. Parce  qu'ils  s'abouchent  dans  l'utérus ,  on  les  a  rap- 
portés à  cet  organe,  et  appelés  trompes  utérines  ;  mais  c'est 
à  tort,  ils  sont  des  dépendances  de  lovai  re ,  ils  en  sont  les 
véritables  canaux  excréteurs  ,  à  tel  point  qu'en  beaucoup 
d'animaux  ils  lui  sont  continus.  Du  côté  de  l'utérus,  leur 
calibre  est  fort  étroit,  et  tel  qu'à  peine  une  soie  y  pénètre; 
mais  vers  leur  milieu  ,  ce  calibre  s'élargit  pour  se  rétrécir  de 
nouveau  au-delà;  et  enfin,  du  côté  de  l'ovaire,  ils  se  ter- 
minent par  une  surface  évasée  ,  qu'on  appelle  le  pavillon  de 
la  trompe.  Ce  pavillon  est  découpé  en  plusieurs  franges , 
dont  une  plus  longue  adhère  à  l'extrémité  externe  de  l'o- 
vaire ;  sa  surface  est  dirigée  en  arrière.  Ainsi ,  les  trompes, 
d'un  côté,  communiquent  avec  la  cavité  de  l'utérus,  et  de 
l'autre,  présentent  une  ouverture  béante  dans  la  cavité  de 
l'abdomen.  Dans  leur  structure,  on  remarque,  outre  l'en- 
veloppe séreuse  que  leur  forme  le  ligament  large  :  i°  inté- 
rieurement une  membrane  muqueuse  qui  les  tapisse,  qui 
est  molle,  villeuse ,  et  offre  plusieurs  plis  longitudinaux; 
2°  extérieurement  une  couche  de  tissu  spongieux,  érectile, 
analogue  à  celui  du  corps  caverneux  du  pénis.  Quelques-uns 
veulent  qu'il  y  ait  quelques  fibres  musculaires ,  surtout  dans 
les  franges  du  pavillon.  Santorini  dit  que  ,  chez  les  femmes 
robustes ,  la  membrane  moyenne  des  trompes  offre  deux  cou- 
ches musc ule uses  ,  une  externe ,  dont  les  fibres  sont  longi- 
tudinales ,  et  une  interne ,  dont  les  fibres  sont  circulaires. 

§  II.   Appareil  de  Gestation  ou  de  Grossesse. 

L'appareil  de  gestation  comprend  un  seul  organe ,  Mute- 
ras ou  la  matrice,  viscère  creux,  destiné  à  recevoir  le  fœtus 
et  à  lui  donner  asile  depuis  le  moment  de  la  conception  jus- 
qu  à  celui  de  la  naissance.  Cet  organe ,  situé  dans  le  bassin  , 


APPAREIL    GÉNITAL    DE    LA   FEMME.  2  5 

entre  la  vessie  qui  est  en  avant,  le  rectum  qui  est  en  arrière , 
au-dessous  des  circonvolutions  inférieures  de  l'intestin  grêlé; 
a  la  forme  d'un  conoïde  aplati  sur  ses  deux  faces  opposées  , 
arrondi  à  sa  base,  qui  est  en  haut,  et  tronqué  à  son  sommet, 
qui  est  en  bas.  Son  volume  est  fort  petit;  sa  longueur  n'est 
que  de  deux  pouces  et  demi ,  sa  largeur  d'un  pouce  et  demi 
à  son  fond ,  et  de  dix  lignes  à  son  col ,  son  épaisseur  d'un 
pouce.  On  lui  distingue  trois  parties  :  son  fond ,  son  corps, 
et  son  col.  Le  fond  est  sa  partie  supérieure,  celle  qui  est 
au-dessus  de  l'insertion  des  trompes.  Le  corps  est  celle  qui, 
du  point  auquel  s'insèrent  les  trompes  ,   s'étend  jusqu'au 
col.  Enfin ,  le  col  en  est  la  partie  inférieure ,  celle  qui ,  ré- 
trécie,  fait  saillie  dans  le  vagin  par  une  ouverture.  L'or- 
gane, dans  son  ensemble,  est  pyriforme ,  a  la  figure  d'un 
triangle  aplati  de  devant  en  arrière,  et  dont  la  base  est  en 
liaut.  A  chacun  des  deux  angles  supérieurs  se  voient  les  em- 
bouchures des  trompes,  les  attaches  des  ligaments  de  l'o- 
vaire ,  et  d'un  autre  ligament  appelé  le  ligament  rond,  dont 
nous  parlerons  ci-après.  L'angle  inférieur  est  formé  par  le 
col,  qui  fait  dans  le  vagin  une  saillie  de  quatre  à  cinq  li- 
gnes ,  et  s'y  termine  par  une  fente  située  en  travers  ,  appelée 
museau  de  tanche ,  ou  orifice  vaginal  de  Vulèrus.  Cette  ou- 
verture est  bornée  par  deux  lèvres,  qui  sont  lisses  et  arron- 
dies chez  les  femmes  qui  n'ont  pas  eu  d'eufants ,  crevassées 
et  rugueuses  chez  celles  qui  ont  été  mères,  et  dont  l'anté- 
rieure est  toujours  un  peu  plus  épaisse  que  la  postérieure  : 
longue  de  trois  à  cinq  lignes  ,  elle  est  généralement  toujours 
béante  ,  surtout  chez  les  femmes  qui  ont  fait  des  enfants. 

La  cavité  intérieure  de  cet  organe  est  fort  petite,  relati- 
vement à  son  volume  et  à  l'épaisseur  de  ses  parois;  ceux-ci 
même  se  touchent  presque.  On  la  partage  en  celle  du  corps 
et  celle  du  col.  La  première  est  triangulaire;  à  ses  angles 
supérieurs  aboutissent  les  embouchures  des  trompes;  et  en 
avant  et  en  arrière,  elle  offre  sur  la  ligne  médiane  une  es- 
pèce de  raphé  qui  accuse  sa  disposition  symétrique.  La  se- 
conde est  alongée,  ressemble  davantage  à  un  canal;  plus 
large  dans  son  milieu,  elle  offre  du  côté  du  corps  de  l'utérus 
une  ouverture  qu'on  appelle  V orifice  interne  de  V utérus,  et 


26  FOJNCTION    DE    LA    GÉNÉRATION, 

à  son  autre  extrémité,  Y  orifice  vaginal,  que  nous  avons  dé- 
crit :  on  voit  aussi  sur  ses  faces  antérieure  et  postérieure  la 
trace  du  raphé ,  et  quelques  rides  transversales  à  peine  sen- 
sibles. Toute  cette  surface  est  couverte  de  villosités  très 
fines,  et  offre  les  orifices  de  quelques  cryptes  muqueuses. 

L'organisation  de  l'utérus  est  surtout  ce  qu'il  nous  im- 
porte de  connaître.  La  plupart  des  anatomistes  le  disent 
formé  de  deux  parties,  une  membrane  muqueuse  à  l'inté- 
rieur, et  un  tissu  propre  qui  en  constitue  la  substance  prin- 
cipale. 1°  La  première  est  dite  un  prolongement  de  celle 
qui  tapisse  le  vagin;  elle  est  très  mince,  rouge  dans  la  ca- 
vité du  corps,  blanche  dans  celle  du  col,  et  a  la  texture 
propre  à  ce  genre  de  membrane.  M.  Cliaussier  en  nie  l'exis- 
tence :  ayant  fait  macérer  l'utérus  avec  une  partie  du  vagin 
dans  de  l'eau,  du  vinaigre,  des  liqueurs  alkalines;  ayant 
soumis  ces  parties  à  une  ébuliition  prolongée ,  il  a  toujours 
vu  que  la  muqueuse  du  vagin  s'arrêtait  au  bord  de  l'orifice 
de  l'utérus,  et  ne  se  prolongeait  pas  au-delà.  M.  Ribes 
pense  de  même;  et  madame  Boivïn3  auteur  de  dissections 
délicates  sur  la  structure  de  l'utérus  pendant  la  grossesse, 
dissections  dont  nous  parlerons  ci-après,  dit  aussi  avoir  vu 
nettement  la  muqueuse  vaginale  se  terminer  par  de  petits  plis 
expansibles,  et  par  une  sorte  de  prépuce  sous  la  lèvre  anté- 
rieure du  museau  de  tanche.  Dès  lors,  la  surface  interne 
de  l'utérus  serait  formée  par  le  même  tissu  propre  qui  en 
constitue  la  substance  principale.  20  Celui-ci,  dense,  com- 
pact, serré,  difficile  à  couper,  semble,  par  sa  couleur,  sa 
résistance,  son  élasticité,  se  rapprocher  du  cartilage  :  c'est 
une  substance  blanchâtre,  homogène,  parsemée  de  beau- 
coup de  petits  vaisseaux,  dans  laquelle  il  est  difficile  de 
signaler  des  fibres  à  direction  distincte,  et  dont  la  nature 
organique  n'est  pas  moins  difficile  à  caractériser.  Cependant, 
à  juger  par  ce  que  devient  ce  tissu  lors  de  la  grossesse,  par 
la  puissante  force  de  contraction  qu'il  exerce  dans  l'accou- 
chement, on  peut  croire  qu'il  est  de  nature  musculeuse  ,  ou 
du  moins  qu'il  est  apte  à  revêtir  cet  état.  Nous  renvoyons  à 
l'histoire  de  la  grossesse  l'indication  des  différents  faisceaux 
musculeux  que  les  anatomistes  ont  spécifiés  en  lui ,  lors  de 


APPAREIL    GÉNITAL    DE    LA    FEMME-  27 

ce  grand  changement.  Toutefois,  il  forme  à  lui  seul  les  pa- 
rois de  l'organe,  qui  ont  de  six  à  quinze  lignes  d'épaisseur  : 
il  est  moins  dense  et  plus  gris  au  corps  qu'au  col.  Ses  élé- 
ments sont  des  artères  ,  des  veines  ,  des  vaisseaux  lymphati- 
ques ,  et  des  nerfs.  Les  artères  proviennent  de  deux  sources  , 
des  spermatiques ,  qui  se  distribuent  surtout  au  fond  de 
l'organe,  et  vers  le  lieu  où  s'abouchent  les  trompes,  et  des 
hypogas triques,  qui  se  distribuent  surtout  au  corps  et  au 
col  :  leurs  branches  principales,  faciles  à  apercevoir  sous  le 
péritoine  qui  recouvre  l'organe,  sont  très  flexueuses,  fré- 
quemment anastomosées  entre  elles,  et  leurs  ramifications 
se  perdent  profondément  dans  le  tissu  du  viscère  et  jusqu'à 
sa  surface  interne.  Les  veines  se  rendent  aussi ,  en  partie 
dans  les  spermatiques,  et  en  partie  dans  les  hypogastriques  ; 
leur  disposition  dans  l'utérus  est  la  même  que  celle  des  ar- 
tères, sinon  qu'elles  sont  plus  flexueuses  encore,  et  que  se 
dilatant  beaucoup  lors  de  la  grossesse,  elles  forment  alors 
ce  qu'on  a  appelé  les  sinus  utérins.  Les  nerfs  enfin  dérivent, 
les  uns  du  grand  sympathique,  les  autres  des  paires  sacrées. 
Toute  cette  description  ne  s'applique  qu'à  l'utérus  vide  et 
hor^  l'état  de  grossesse  ;  nous  renvoyons  à  cet  article  l'indi- 
cation des  changements  importants  qui  se  font  alors  en  ce 
viscère. 

L'utérus  est  maintenu  de  champ  dans  le  bassin  par   le 
ligament    large   de   la   matrice,  et    par  d'autres    faisceaux 
semblables  situés  en  avant  et  en  arrière  de  lui.  i°  Le  liga- 
ment large  de  la  matrice  est  une  dépendance  du  péritoine  , 
cette  membrane  séreuse  qui  tapisse  l'abdomen,  et  se  réflé- 
chit sur  la  plupart  des  viscères  qui  y  sont  contenus  :  recou- 
vrant les  faces  antérieure,  postérieure  et  le  fond  de  l'utérus, 
ce  repli  semble  partager  perpendiculairement  le  bassin  en 
deux  cavités,  une  antérieure  où  est  la  vessie,  et  une  posté- 
rieure où  est  le  rectum  ;  dans  sa  duplicature  se  trouve  l'o- 
vaire,   la   trompe  et  le  fond  de  l'utérus  ;   il   soutient   tous 
ces  organes.  20  Quatre  autres  replis  du  péritoine,  étendus, 
deux  en  avant  entre  l'utérus  et  la  vessie,  deux  en  arrière 
entre  le  rectum  et  l'utérus,  concourent  aussi  à  fixer  cet  or- 
gane, et  sont  appelés  ses  ligaments  antérieurs  et  postérieurs. 


'2  8  FONCTION    DE   LA   GÉNÉRATION. 

3°  Enfin,  de  la  pari  ie  latérale,  supérieure  et  antérieure  de 
l'utérus,  au-devant  et  au-dessous  de  l'insertion  des  trom- 
pes ,  part  de  chaque  côté  un  cordon  qui ,  se  dirigeant  vers 
J 'ami eau  inguinal,  le  traverse  et  va  se  perdre  dans  ie  tissu 
cellulaire  des  aines  ;  c'est  ce  qu'on  appelle  le  ligament  rond 
de  la  matrice,  ou  cordon  sus-pubien.  Ce  cordon,  blanchâtre, 
assez  dense ,  est  formé  par  un  assemblage  de  vaisseaux 
flexueux  tant  sanguins  que  lymphatiques ,  de  nerfs  et  de 
fibres  longitudinales,  que  long-temps  on  crut  musculeuses, 
mais  qui  ne  paraissent  être  que  du  tissu  cellulaire  con- 
densé. On  lui  a  attribué  beaucoup  d'usages  évidemment 
hypothétiques  ,  comme  de  fournir  de  l'air  au  fœtus,  de  li- 
vrer passage  au  sperme  ;  de  transmettre ,  lors  de  la  gros- 
sesse, aux  vaisseaux  fémoraux  une  partie  du  sang  qui  sur- 
charge la  matrice;  de  rapprocher  l'utérus  des  parties  exté- 
rieures lors  de  l'accomplissement  de  la  génération,  etc.  Il 
est  probable  qu'il  sert  seulement ,  ainsi  que  les  autres  liga- 
ments que  nous  venons  de  décrire,  à  assurer  la  situation 
de  la  matrice.  Meckel  admet  que  ces  divers  ligaments  con- 
tiennent, entre  les  divers  feuillets  qui  les  constituent,  des 
libres  musculaires  plus  ou  moins  prononcées,  qui  partent 
du  bord  latéral  de  la  matrice. 

§  III.   Appareil  de  Copulation. 

L'appareil  de  copulation  consiste  en  un  canal ,  d'un 
côté  communiquant  au  dehors  par  une  ouverture  appelée 
vulve,  étendu  d'autre  part  jusqu'à  l'utérus  dont  il  embrasse 
le  col,  et  destiné  à  recevoir  le  pénis.  Ce  canal,  vasculo- 
membraneux ,  appelé  vagin  ou  vulvo-utérin,  a  une  longueur 
de  cinq  à  six  pouces,  un  calibre  d'un  pouce.  Situé  dans  le 
petit  bassin  entre  la  vessie  en  avant,  et  le  rectum  en  ar- 
rière ,  il  a  une  direction  oblique  de  bas  en  haut  et  de  devant 
en  arrière.  Il  diffère  en  ceci  de  ce  qu'il  est  chez  les  animaux, 
dans  lesquels  il  se  dirige  dans  l'axe  même  de  l'abdomen , 
ce  qui  donne  plus  de  facilité  à  l'accouchement.  Son  inté- 
rieur est  garni  de  rides  généralement  transversales ,  peu 
nombreuses  et  irrégulières  en  haut,  plus  nombreuses  et 


APPAREIL    GÉNITAL    DE   LA    FEMME.  29 

plus  saillantes  en  bas.  Ces  rides  ne  sont  pas  passagères 
comme  celle  que-J'on  voit  à  la  surface  des  autres  membranes 
muqueuses;  mais  elles  ne  s'effacent  qu'avec  l'âge  ,  et  consé- 
cutivement à  de  fréquentes  approches  et  à  de  nombreux  ac- 
couchements. Le  vagin,  dans  son  organisation,  présente  : 
10  intérieurement  une  membrane  muqueuse,  rouge  et 
vermeille  en  bas,  plus  grise  en  haut,  plus  épaisse  exté- 
rieurement que  profondément ,  revêtue  évidemment  d'un 
épiderme,  offrant  les  rides  dont  nous  avons  parlé  tout  à 
l'heure,  et  parsemée  de  cryptes  muqueux  extrêmement  nom- 
breux; 20  en  dehors ,  une  membrane  celluîeuse  assez  dense; 
3°  entre  ces  deux  membranes,  une  couche  de  tissu  éreetile. 
d'autant  plus  épaisse  qu'on  approche  plus  de  la  vulve,  se 
prolongeant  cependant  jusqu'à  l'utérus;  4°  enfin,  en  haut, 
une  dépendance  du  péritoine.  Sur  les  côtés  est  un  muscle 
dit  constricteur  du  vagin,  anneau  charnu  formé  de  deux 
plans  de  fibres,  qui,  partant  de  la  membrane  fibreuse  du 
clitoris,  contournent  le  vagin,  et  vont  se  confondre  avec 
celles  du  transverse  du  périnée  et  du  sphincter  de  la  vulve. 

Près  de  l'ouverture  externe  du  vagin  ou  de  la  vulve,  se 
trouve  une  membrane  appelée  hymen,  de  forme  semi- 
lunaire,  parabolique  ou  circulaire,  et  qui  semble  destinée 
à  empêcher  l'entrée  dans  le  vagin,  mais  sans  clore  tout-à- 
fait  ce  canal.  Cette  membrane,  dont  à  tort  l'existence  a  été 
long-temps  contestée,  mais  dont  l'intégrité  ou  l'absence 
sont  des  signes  équivoques  de  virginité,  se  déchire  dans  les 
premières  approches;  et  alors  on  trouve  à  sa  place  de  petits 
tubercules  rougeàtres,  arrondis  ou  aplatis  .  dont  le  nombre 
varie  de  deux  à  six ,  et  qu'on  appelle  caroncules  myrli- 
formes ;  on  considère  ces  tubercules  comme  étant  ses  débris. 

L'ouverture,  dite  vulve,  est  bordée  de  deux  replis  appe- 
lés grandes  lèvres,  dont  l'organisation  nous  offre,  de  dedans 
en  dehors,  une  couche  muqueuse,  prolongement  de  la 
muqueuse  vaginale  ;  une  couche  musculeuse  formée  par  un 
muscle  qui  circonscrit  l'ouverture  de  la  vulve,  et  appelé 
muscle  sphincter  de  la  vulve;  une  couche  de  tissu  éreetile; 
et  enfin  une  couche  de  peau  garnie  de  follicules  et  de  poils. 
À  leur  commissure  supérieure ,  est  un  organe  ressemblant 


3o  FONCTION    DE   LA    GÉNÉRATION, 

au  pénis,  appelé  clitoris.  Ce  clitoris,  en  effet,  est  également 
formé  par  un  corps  caverneux,  et  terminé  en  avant  par  un 
gland  que  recouvre  un  prépuce  formé  aux  dépens  de  la  mu- 
queuse vaginale.  Cependant,  il  y  a  quelques  différences  que 
voici  :  le  clitoris  est  généralement  beaucoup  plus  petit  que 
le  pénis;  son   corps  caverneux  est  beaucoup  plus  dense  et 
moins  apte  à  se  laisser  pénétrer  par  le  sang;  le  muscle  iskio- 
caverneux  qui  entoure  ses  origines  est  beaucoup  plus  petit; 
enfin  l'urèthre  ne  traverse  pas  cet  organe  ;  mais  a  son  orifice 
ex  cerne  au-dessous  ,  à  une  distance  à  peu  près  égale  des  deux 
commissures  de  la  vulve.    Du  prépuce  de  ce  clitoris,  qui 
quelquefois  a  un  volume  égal  à  celui  de  la  verge,  s'étendent 
à  la  face  interne  des  grandes  lèvres  ,  et  jusqu'à  leur  milieu  , 
deux  autres  replis  qu'on  appelle  les  petites  lèvres  ou  nym- 
phes ,    et  dont  l'organisation  est  la  même   que    celle  des 


grandes  lèvres. 


§  IV.  Appareil  ds  Lactation. 


Enfin,  l'appareil  de  lactation  se  compose  des  mamelles , 
glandes  situées  dans  une  masse  de  tissu  cellulaire,  à  la  par- 
tie antérieure  et  supérieure  du  thorax ,   dans  ce   qu'on  ap- 
pelle les  seins.  Leur  nombre,  chez  les  animaux,  est  géné- 
ralement en  raison   de  celui  des  petits.  11  doit  nous  suffire 
d'indiquer   dans  le  sein  les  éléments  qui  le    constituent. 
io  TJne  glande  appelée    mammaire ,  est  au  centre  du  sein  , 
plongée  dans  la  masse  graisseuse  qui  forme  celui-ci ,  repré- 
sentant une  espèce  de  gâteau  convexe   à  surface   fort  iné- 
gale, et  appuyé  sur  le  muscle  grand  pectoral.  Le  tissu   de 
cette  glande  résulte  de  l'assemblage  de  plusieurs  lobes,  réunis 
entre  eux  par  un  tissu  cellulaire  assez  dense,  et  formés  de 
lobules  plus  petits,  qu'on  peut    eux-mêmes  ramener  à  des 
granulations  arrondies,  d'un  blanc  rosé,  et  du  volume  d'une 
semence  de  pavot.  Ces  grains  glanduleux  donnent  naissance 
aux  conduits  sécréteurs  ,  appelés   ici  lac  tif ères  ou  galacto- 
phores  ,  qui ,  flexueux ,  extensibles ,  transparents ,  grossissent 
en  se  réunissant  les  uns  dans  les  autres ,  mais  de   manière 
cependant   que  ceux  de  chaque   lobe  restent    isolés,   et    ne 


APPAREIL    GÉNITAL    DE    LA    FEMME.  3l 

communiquent  pas  avec  ceux  d'un  autre  lobe.  Tous  enfin 
se  terminent  à  des  sinus  placés  près  de  la  base  du  mame- 
lon du  sein  ,  et  qui.  au  nombre  de  quinze  à  dix-huit, 
viennent  s'ouvrir  à  son  pourtour  et  à  son  sommet  sans  com- 
muniquer ensemble.  Des  artères,  des  veines,  des  vaisseaux 
lymphatiques  en  grand  nombre,  et  un  système  vasculaire 
sécréteur  sont,  avec  des  nerfs  ,  les  éléments  de  cette  glande; 
mais  Haller  prétend  que  le  système  vasculaire  sécréteur, 
non- seulement  communique  à  son  origine  avec  les  dernières 
ramifications  des  artères,  mais  encore  pénètre  dans  le  tissu 
graisseux  qui  avoisine  la  glande.  2°  Une  masse  de  tissu  cellu- 
laire graisseux,  dans  lequel  est  plongée  la  glande,  est  surtout 
l'élément  auquel  le  sein  doit  son  volume  et  sa  forme.  3°  Enfin, 
extérieurement  est  une  couche  de  peau,  qui  est  ici  très  fine, 
très  douce,  plus  délicate  et  plus  blanche  qu'ailleurs,  sans 
rides  ni  plis.  Du  milieu  du  sein  s'élève  un  tubercule  qu'on 
appelle  le  mamelon ,  qui  n'est  autre  chose  qu'une  masse  de 
tissu  spongieux,  érectile,  autour  de  laquelle  sont  disposés  les 
orifices  des  conduits  excréteurs.  A  ce  mamelon,  la  peau 
prend  une  autre  couleur  et  un  autre  caractère  ;  elle  forme 
à  l'entour  une  auréole,  de  couleur  rose  dans  la  jeunesse  , 
d'une  couleur  plus  brune  dans  un  âge  plus  avancé,  etdont  le 
système  capillaire  est  si  délicat  qu'il  rougit,  de  même  que 
le  visage,  dans  la  pudeur  et  les  passions.  Des  lymphatiques 
en  grand  nombre ,  et  surtout  des  nerfs,  entrent  clans  la 
structure  de  ce  mamelon;  la  peau  y  a  un  aspect  rugueux, 
dû  à  la  présence  d'un  certain  nombre  de  follicules  sébacés  , 
destinés  à  sécréter  une  mucosité  propre  à  défendre  le  ma- 
melon de  l'action  de  la  salive  de  l'enfant  qui  le  suce. 

Il  existe  chez  l'homme  un  rudiment  de  cet  appareil; 
mais  la  glande  mammaire,  très  petite,  n'y  est  qu'en  ves- 
tige; l'auréole  du  mamelon  est  d'une  couleur  moins  vive, 
moins  rugueuse  ,  et  couverte  de  poils.  Cependant  on  voit 
cette  glande  se  gonfler  à  la  puberté;  et  ,  dans  quelques  cas 
rares,  on  l'a  vu  ,  par  la  pression ,  fournir  un  fluide.  M.  de 
Hwnboldt ,  dans  son  Voyage  aux  régions  équinoxiales  du 
nouveau  continent,  rapporte  l'observation  d'un  homme  de 
trente-deux  ans,  qui  nourrit  pendant  cinq  mois  son  enfant 


32  FONCTION  DE  LA  GENERATION. 

avec  un  liquide  sucré  que  fournissaient  ses  seins,  et  sans  lui 

donner  aucun  autre  aliment. 


Tels  sont  les  organes  génitaux  de  l'un  et  l'autre  sexe  dans 
l'espèce  humaine.  Dans  cette  espèce  ,  pas  plus  que  dans  les 
animaux  supérieurs,  jamais  ces  sexes  ne  sont  réunis  sur  un 
même  individu.  En  vain  les  arts  ont  supposé  des  herma- 
phrodites humains;  la  nature  n'en  a  jamais  présenté  ,  et  les 
êtres  qu'on  a  considérés  comme  tels  n'étaient  que  des  indi- 
vidus difformes,  offrant  quelque  conformation  vicieuse  des 
organes  génitaux ,  et  qui ,  loin  de  pouvoir  se  reproduire 
seuls,  le  plus  souvent  ne  pouvaient  remplir  la  fonction 
d'aucun  sexe.  D'après  la  seule  comparaison  des  organes, 
Galien ,  Avicenne ,  avaient  dit  que  les  deux  sexes  ne  diffé- 
raient que  par  îa  situation  et  le  développement,  les  parties 
étant  extérieures  dans  l'homme,  et  intérieures  chez  la 
femme;  dans  l'homme,  l'utérus  étant  renversé  en  dehors, 
et  contenant  les  ovaires  ou  testicules;  dans  la  femme,  ces 
parties  étant  rentrées  en  dedans.  Les  testicules  et  les  ovai- 
res ,  comme  fournissant  la  matière  par  laquelle  chaque  sexe 
concourt  à  la  génération;  les  conduits  déférents  et  les  trom- 
pes de  Fallope ,  comme  conducteurs  de  cette  matière;  les 
vésicules  séminales  et  l'utérus,  comme  étant  les  réservoirs 
où  elle  est  mise  en  dépôt;  enfin,  le  pénis  et  le  vagin  , 
comme  servant  à  son  élimination  ,  étaient  des  parties  con- 
sidérées dans  chaque  sexe  comme  analogues.  Mais  lorsque 
plus  tard  le  système  des  ovaristes  fut  adopté  par  presque 
tons  les  physiologiste,  on  rejeta  cette  comparaison;  on  re- 
garda le  sexe  femelle  comme  le  principal  ,  et  le  sexe  mâle 
comme  en  étant  une  dégénération.  Aujourd'hui ,  que  les  ef- 
forts des  zoologistes  tendent  à  ramener  toutes  les  différences 
que  présentent  les  animaux  et  les  organes  à  l'unité  d'orga- 
nisation ,  on  est  revenu  à  l'idée  des  Anciens ,  mais  mieux 
conçue,  et  appuyée  sur  ce  que  M.  Geoffroy  Saint-Hilaire 
appelle  le  principe  des  connexions  :  non -seulement  on 
trouve  analogie  d'organisation  entre  les  deux  sexes,  mettant 
en  regard  dans  chacun  les  testicules  et  les  ovaires,  les  épi- 
didymeseties  trompes  de  Fallope,  les  angles  ou  cornes  de  la 


APPAREIL    GÉNITAL    DE    LA    FEMME.  33 

matrice  et  les  canaux  déférents,  les  vésicules  séminales 
et  le  corps  de  l'utérus ,  le  pénis  et  le  vagin  ;  mais  encore  on 
atteste  cette  même  analogie  dans  les  vivipares  et  les  ovi- 
pares. En  effet ,  d'abord  M.  Emmert  a  prouvé  que  les  oi- 
seaux ,  chez  lesquels  on  n'avait  trouvé  primitivement  qu'un 
seul  ovaire,  en  ont  deux,  et  deux  oviductus.  Ensuite 
M.  F.  Tiédemann  a  distingué  dans  cet  oviductus  trois 
parties,  qu'il  a  dit  des  analogues  de  la  trompe  de  l'u- 
térus et  du  vagin  des  mammifères.  Enfin,  si  M.  Geoffroy 
Saint-Hilaire  ne  trouve  dans  ces  oviductus  que  deux  par- 
ties, l'une  qui  correspond  à  la  trompe,  l'autre  à  la  corne 
de  la  matrice,  cet  anatomiste  rapporte  au  corps  de  la  ma- 
trice ce  qu'on  appelle  dans  les  oiseaux  la  bourse  de  Fabri- 
cius ,  et  au  vagin  ,  ce  qu'on  appelle  la  bourse  de  copulation. 
Il  n'est  pas  de  notre  objet  de  discuter  les  motifs  par  les- 
quels ces  savants  démontrent  la  réalité  de  ces  analogies  : 
nous  nous  arrêterons  à  une  seule,  qui  tient  de  plus  près  à 
notre  sujet,  c'est  la  possibilité  de  reconnaître  dans  l'utérus 
unique  de  la  femme,  des  ressemblances  avec  l'utérus  bi- 
corne des  mammifères.  Ce  qu'on  appelle  les  angles  supé- 
rieurs de  l'organe  dans  notre  espèce,  sont,  en  effet,  les 
analogues  des  cornes  de  l'utérus  dans  les  quadrupèdes;  et  , 
ce  qui  le  prouve  ,  c'est  que  ce  sont  les  mêmes  vaisseaux  qui 
se  distribuent  aux  unes  et  aux  autres.  M.  Geoffroy  Saint- 
Hilaire  pense  que  les  cornes  et  le  corps  de  la  matrice  ,  que 
d'après  l'anatomie  humaine  on  considère  comme  des  dépen- 
dances d'un  même  organe,  en  forment  deux  distincts  :  l'un, 
les  cornes,  étant  alimenté  par  les  artères  sperniatiques  ; 
l'autre,  le  corps,  recevant  les  artères  utérines.  Tous  deux 
peuvent  être,  dans  les  animaux,  dans  des  rapports  de  dé- 
veloppement inverse;  et ,  par  exemple  ,  l'espèce  humaine  et 
le  lapin  offrent,  sous  ce  rapport,  les  deux  extrêmes;  dans  la 
première,  le  corps  de  l'utérus  est  très  volumineux,  et 
les  cornes  à  peine  appréciables;  et  dans  le  lapin,  au  con- 
traire ,  le  corps  de  l'utérus  est  rudimentaire ,  presque  nul , 
et  les  cornes  très  considérables.  M.  Geoffroy  propose  même 
de  donner  aux  cornes  de  l'utérus  un  nom  particulier,  celui 
à'aduterum. 

Tome  IV.  3 


34  FONCTION    DE    LA    GÉNÉRATION. 

ARTICLE    III. 

Différences  générales  des  Sexes. 

L'homme  et  la  femme  ne  diffèrent  pas  seulement  par  les 
organes  génitaux  proprement  dits;  toutes  les  autres  parties 
de  leur  organisation ,  quoique  analogues ,  portent  l'em- 
preinte de  la  différence  de  leur  sexe;  il  n'est  aucun  des  or- 
ganes qui  leur  sont  communs,  aucune  de  leurs  fonctions, 
qui  ne  présentent  quelques  spécialités.  Dans  l'exposition 
que  nous  avons  faite  des  diverses  fonctions  qui  accomplis- 
sent la  vie ,  nous  n'avons  pas  paru  faire  de  distinction  en- 
tre ces  deux  êtres;  c'est  ici  le  lieu  de  traiter  de  leurs  diffé- 
rences. 

Dans  toute  la  nature  vivante  ,  généralement  le  sexe  mâle 
se  distingue  par  quelques  parties  exubérantes,  qui  man- 
quent, ou  sont  moindres  dans  le  sexe  femelle:  on  dirait 
que  celui-ci  est  comme  épuisé,  parce  qu'il  a  à  créer  le  germe 
du  nouvel  individu,  et  à  fournir  à  ses  premiers  développe- 
ments. Ainsi,  dans  plusieurs  espèces  animales,  les  mâles 
seuls  offrent  des  cornes ,  des  crêtes  ,  une  crinière  ,  etc.  ;  ceux 
des  oiseaux,  par  exemple  ,  sont  remarquables  par  un  plus 
beau  plumage,  de  plus  brillantes  couleurs.  Or  ,  cela  est  vrai 
aussi  dans  l'espèce  humaine;  la  barbe  est  un  caractère  dis- 
tinctif  de  l'homme  ;  cette  partie  est  à  cet  être  ce  que  sont 
ces  crêtes ,  ces  panaches ,  que  dans  certaines  espèces  ani- 
males présentent  exclusivement  les  mâles.  Mais  cette  pre- 
mière différence  est  encore  une  dépendance  en  quelque 
sorte  des  organes  génitaux  proprement  dits;  elle  ne  se  pro- 
nonce, en  effet,  qu'à  l'âge  auquel  ces  organes  peuvent  être 
mis  en  jeu  ;  ces  parties  distinctives  des  mâles  manquent 
avant  l'époque  de  la  puberté;  souvent,  chez  les  animaux, 
elles  se  détruisent  par  la  vieillesse  ,  ou  même  chaque  année, 
après  la  saison  des  amours  ;  souvent  la  castration  les  fait  dis- 
paraître. 

Arrivons  donc  à  d'autres  différences  portant  sur  d'autres 
points  de  vue  de  l'organisation  ;  et  comme  dans  tout  ce  que 


DIFFÉRENCES    GÉNÉRALES    DES    SEXES.  35 

nous  avons  dit  jusqu'ici  de  la  physiologie  humaine,  nous 
avons  eu  en  vue  l'homme  surtout,  faisons  ici  particulière- 
ment l'histoire  de  la  femme. 

io  La  femme  a  généralement  une  stature  moins  élevée  que 
l'homme ,  comme  cela  est  presque  de  toutes  les  femelles  des 
animaux;  la  différence  est  d'un  douzième  à  peu  près.  Les 
parties  principales  de  son  corps  n'ont  pas  entre  elles  les 
mêmes  proportions.  La  tête  est  plus  petite,  plus  arrondie* 
l&face  plus  courte  :  le  tronc  est  plus  long  ,  et  dans  le  tronc, 
les  lombes  et  le  col  surtout;  les  extrémités  inférieures,  la 
cuisse  particulièrement,  sont  au  contraire  plus  courtes;  et 
de  cette  disposition  ,  il  résulte  que  la  moitié  du  corps  ne 
correspond  plus,  comme  chez  l'homme,  au  pubis  même, 
mais  au-dessus.  Le  col,  cette  colonne  qui  est  un  caractère 
distinctif  de  l'espèce  humaine,  ayant  chez  la  femme  plus 
de  longueur,  a  par  suite  chez  elle  plus  de  grâce.  Le  thorax 
a  moins  de  hauteur;  son  diamètre  s Lerno- vertébral  répond 
en  arrière ,  non  à  la  neuvième  vertèbre  dorsale ,  mais  à  la 
septième,  comme  chez  l'enfant;  par  compensation,  ce  tho- 
rax est  un  peu  plus  évasé;  la  clavicule  est,  sinon  plus  lon- 
gue, au  moins  moins  courbée,  afin  de  fournir  un  plus  grand 
espace  au  sein.  V abdomen  est  plus  large  ,  plus  ample  et  plus 
saillant.  La  plus  grande  longueur  de  la  région  des  lombes, 
jointe  à  la  plus  grande  largeur  des  hanches,  rend  la  taille 
plus  svelte.  Le  bassin  a  plus  de  capacité,  afin  d'être  apte 
aux  fonctions  de  la  grossesse  et  de  l'accouchement  ;  il  est 
plus  évasé,  plus  circulaire  ,  mais  a  moins  de  hauteur,  et  est 
plus  incliné  sur  le  rachis;  le  pubis  est  plus  bas,  le  sacrum 
est  plus  relevé,  et  fait  plus  de  saillie  en  avant;  l'arcade  du 
pubis  est  plus  élevée;  les  hanches  sont  plus  étendues,  les 
cavités  cotyloïdes  moins  profondes  et  plus  écartées  ,  les  fesses 
plus  saillantes  et  plus  élevées.  Aux  membres  inférieurs ,  les 
genoux  sont  plus  gros  et  un  peu  tournés  en  dedans  ,  les  jam- 
bes plus  courtes;  les  pieds  sont  petits,  et  ne  forment  plus 
la  sixième  partie  et  demie  du  corps,  comme  cela  doit  êtie 
chez  l'homme.  Aux  membres  supérieurs  enfin ,  les  épaules 
sont  moins  développées  ;  les  bras  sont  moins  longs,  mais 
plus  gros  et  plus  arrondis  ;  il  en  est  de  même  des  avant-bras  * 

3. 


36  FONCTION    DE    Li    GENERATION. 

la  main  est  plus  petite,  douce,  blanche,  plus  potelée,  les 
doigts  sont  plus  grêles.  Quand  on  étudie  la  pose  générale  de 
la  femme,  on  voit  que  chez  elle  la  tête,  les  épaules  et  le 
bassin  sont  placés  plus  en  arrière  ;  les  fémurs  sont  plus  écar- 
tés en  haut,  et  les  genoux  plus  rapprochés;  les  courbures 
du  rachis  sont  moins  prononcées.  Le  torse  ressemble  à  une 
pyramide ,  dont  le  bassin  est  la  partie  la  plus  large ,  et  le 
thorax  la  partie  la  plus  étroite  ,  disposition  inverse  de  celle 
qu'on  observe  dans  l'homme;  dans  celui-ci,  le  développe- 
ment semble  s'être  fait  davantage  vers  la  partie  supérieure 
du  tronc ,  tandis  que  dans  la  femme  il  s'est  fait  plus  gran- 
dement vers  la  partie  inférieure,  le  bassin»  Le  corps  de  la 
femme  est  aussi  plus  mince  :  les  os  sont  plus  petits  ,  d'un 
tissu  moins  compact;  leurs  aspérités  extérieures  font  moins 
de  saillies;  les  muscles  sont  moins  forts,  moins  prononcés; 
aussi  le  poids  total  du  corps  est-il  moindre  d'un  tiers.  Le 
tissu  cellulaire  sous-cutané  est  plus  abondant,  il  est  rempli 
d'une  graisse  plus  blanche  et  plus  compacte;  un  semblable 
tissu  cellulaire  graisseux  remplit  les  intervalles  des  muscles  ; 
aussi  la  femme  n'ofTre-t-elle  pas  les  formes  carrées,  toreuses 
de  l'homme  ;  chez  elle,  les  contours  des  membres  ne  sont 
pas  aussi  fortement  exprimés  ;  ils  sont  arrondis,  coulants.  La 
peau  est  plus  fine  ,  plus  blanche ,  plus  riche  en  vaisseaux 
capillaires,  et  moins  couverte  de  poils;  les  cheveux,  au 
contraire,  sont  plus  longs,  plus  fins  et  plus  flexibles  :  les 
ongles  sont  plus  mous,  ont  une  couleur  plus  rosée.  Au  vi- 
sage, les  muscles  sont  moins  distincts,  et  fondus  dans  plus 
de  graisse,  ce  qui  fait  que  la  physionomie  des  femmes  tient 
plus  à  l'expression  de  l'œil  et  au  sourire  qu'au  jeu  des  autres 
traits.  Enfin  la  texture  générale  de  toutes  les  parties  est  plus 
lâche  et  plus  molle. 

2°  Si,  cle  cette  observation  de  l'habitude  extérieure  du 
corps  de  la  femme,  nous  passons  à  l'examen  de  ses  fonctions , 
et  si  nous  comparons  ces  fonctions  avec  ce  qu'elles  sont  dans 
l'homme  nous  trouverons  des  différences  aussi  importantes. 

A.  Sensibilité.  Sans  doute  le  système  nerveux  est,  chez 
la  femme ,  composé  des  mêmes  parties  que  chez  l'homme  ; 
mais  certainement  ce  système  offre  quelques  différences  , 


DIFFÉRENCES    GENERALES    DES    SEXES.  3 7 

puisque,  comme  on  va  le  voir,  la  femme  présente  ,  dans  ses 
diverses  actions  sensoriales,  quelques  particularités.  Peut- 
être  est-il,  proportionnellement  aux  autres  systèmes,  un  peu 
plus  volumineux ,  ou  a-t-il  intrinsèquement  une  sensibilité 
plus  exquise  ?  au  moins,  il  a  d'autres  proportions  entre  ses 
diverses  parties? 

Chez  la  femme  ,  les  sens  sont  généralement  plus  délicats , 
soit  que  les  extrémités  nerveuses  qui  aboutissent  à  la  peau,  à 
la  langue,  à  l'œil,  etc.,  soient  plus  développées,  soit  qu'elles 
se  terminent  en  papilles  moins  rigides,  plus  pulpeuses,  plus 
afléctibles  :  tous  repoussent  des  impressions  un  peu  fortes. 
Voyez  la  peau;  elle  est  évidemment  plus  nerveuse ,  recouverte 
d'un  épidémie  plus  mince;  aussi  généralement  les  femmes  sont 
plus  sensibles  au  froid  ,  recherchent  des  vêtements  plus 
doux.  Le  goût,  chez  elles,  répugne  aussi  à  des  saveurs  trop 
fortes,  comme  le  prouve  leur  gourmandise,  qui  est,  en  géné- 
ral, plus  raffinée  que  celle  de  l'homme.  Il  en  est  de  même 
des  autres  sens.  Le  goût  pour  les  parfums  et  les  fleurs  n'est-il 
pas  universel  chez  les  femmes  ?  et  le  sens  de  l'odorat  n'est-il 
pas  plus  pour  elles  que  pour  nous  une  source  de  jouissances 
ou  de  souffrances  ?  Leur  vue  n'est-elle  pas  promptement  bles- 
sée d'une  lumière  trop  vive,  et  leur  oreille  d'un  son  trop 
fort?  Cependant  les  différences  dans  les  sens  sont  bien 
moindres  que  celles  que  va  nous  présenter  l'intellect  et  le 
moral. 

Sous  ce  rapport  >  en  effet,  l'homme  et  la  femme  diffèrent 
beaucoup,  et  ce  point  de  leur  organisation  est  certaine- 
ment, après  l'appareil  génital,  celui  qui  les  différencie  le 
plus.  Malheureusement  les  dissidences  des  psychologistes 
sur  les  facultés  vraiment  primitives  de  notre  moral ,  et  l'im- 
possibilité dans  laquelle  sont  encore  les  physiologistes  d'in- 
diquer les  rapports  qui  existent  entre  la  structure  du  cerveau 
et  le  caractère  des  intelligences ,  des  talents  et  des  affections, 
ne  permettent  pas  qu'on  traite  cette  matière  avec  la  ri- 
gueur et  la  précision  que  réclame  la  science.  M.  Gall  seul, 
dans  son  système  des  organes  cérébraux ,  explique  organi- 
quement les  différences  que  présente  le  moral  chez  la  femme. 
En  établissant  que  dans  ce  sexe  les  organes  cérébraux  ont 


38  FONCTION  DE  LA  GENERATION. 

des  degrés  de  développement  et  d'activité  autres  que  chez 
l'homme,  il  se  rend  compte  de  sa  supériorité  sous  certains 
rapports  ,  de  son  infériorité  sous  d'autres,  et  en  général  de 
toutes  les  particularités  de  sa  psychologie.  Mais  on  a  vu  que 
tout  en  applaudissant  aux  efforts  de  M.  Gall,  nous  avons 
cru  devoir  attendre  que  le  temps  ait  donné  sa  sanction  à  sa 
théorie.  Nous  sommes  donc  réduits  ici  à  ce  que  l'observa- 
tion seule  du  moral,  dans  l'un  et  l'autre  sexe,  a  pu  faire 
constater  ,  et  voici  en  peu  de  mots  ce  que  nos  moralistes  ont 
signalé  à  cet  égard.  i°  Généralement  les  facultés  affectives 
prédominent  chez  la  femme,  et  les  facultés  intellectuelles 
chez  l'homme;  c'est  ce  que  prouvent  l'observation  de  l'un 
et  l'autre  sexe  dans  toutes  les  circonstances  de  leur  vie  , 
leur  rôle  respectif  dans  nos  sociétés ,  et  ce  qui  convenait  du 
reste  à  leur  destination.  Evidemment,  les  affections  sont  ce 
qui  domine  dans  la  vie  morale  des  femmes;  dès  leur  enfance, 
elles  manifestent  la  prédominance  des  sentiments  qui  doi- 
vent successivement  les  rendre  amantes,  épouses  et  mères  : 
aimer,  sous  quelque  titre  que  ce  soit,  est  la  grande  affaire 
de  leur  vie;  les  travaux  d'esprit  y  occupent  une  bien  moin- 
dre place;  et,  tandis  que  ces  travaux  sont  chez  l'homme 
l'objet  principal ,  le  plus  souvent  ils  ne  sont  pour  elles  que 
des  délassements.  Nous  l'avons  déjà  dit  souvent  :  l'espèce 
humaine  ne  peut  vivre  sur  la  terre  que  par  ses  efforts;  il 
faut  qu'elle  en  fasse  la  conquête;  mais  c'est  à  l'homme 
surtout  qu'est  imposée  cette  noble  tâche;  c'est  son  esprit 
qui  conçoit ,  son  bras  qui  exécute  :  la  femme,  plus  faible 
sous  l'un  et  l'autre  rapport,  a  une  autre  destination,  celle 
de  dispensera  la  famille  les  soins  que  celle-ci  réclame.  Com- 
bien n'étail-il  pas  nécessaire  dès  lors  qu'il  fût  donné  à  l'un 
une  plus  grande  force  d'esprit ,  et  à  l'antre  une  plus  grande 
délicatesse  et  vivacité  de  sentiments?  Les  observations  ana- 
tomiques  de  M.  Gall  confirment  la  différence  première  que 
nous  accusons  ici;  il  a  remarqué  q\xe  les  femmes  avaient 
généralement  la  lête  plus  grosse  en  arrière  ,  et  le  front  plus 
étroit;  et  l'on  a  vu  que  c'est  aux  parties  postérieures  du 
cerveau  qu'il  rapporte  les  facultés  affectives  ,  et  aux  parties 
antérieures  les   facultés  intellectuelles.    2  »  Le  caractère  de 


DIFFERENCES    GÉNÉRALES    DES    SEXES.  09 

l'esprit  des  femmes  et  le  genre  de  talents  auquels  elles  se 
montrent  propres,  est  en  rapport  avec  ce  premier  trait  que 
nous  venons  de  signaler  dans  leur  psychologie.  Leur  esprit 
est  plus  fin  et  gracieux  que  fort:  leur  imagination  plus 
riante  et  vive  que  profonde;  leurs  pensées  plus  faciles  et 
brillantes  que  justes  et  étendues;  leur  intellect  plus  natu- 
rellement s'applique  aux  objets  de  leurs  affections,  et  ce 
n'est  qu'alors  qu'elles  obtiennent  quelques  succès.  Par 
exemple ,  dans  ce  genre  de  composition  littéraire  qui  a  pour 
objet  la  peinture  des  scènes  habituelles  de  la  vie,  des  mou- 
vements du  cœur  humain  ,  dans  la  composition  des  ro- 
mans, elles  ont  souvent  une  supériorité  que  l'homme  leur 
dispute  en  vain.  Elles  réussissent  aussi,  et  pour  la  même 
raison,  dans  quelques  arts  d'agrément,  la  peinture,  la  mu- 
sique. Mais  leur  esprit  n'est  pas  propre  aux  hautes  concep- 
tions scientifiques.  En  général,  il  y  a  eu  très  peu  de  femmes 
savantes  :  celles  qui  se  disent  telles  ,  le  plus  souvent  ne  sont 
que  ridicules  ;  et  quant  à  celles  qui  ont  réellement  mérité 
ce  titre,  elles  avaient  pour  la  plupart  perdu,  même  au 
physique,  les  attributs  qui  font  le  charme  de  leur  sexe, 
tant  il  est  vrai  qu'elles  étaient  sorties  des  voies  que  leur  a 
tracées  la  nature.  En  vain  dira -t -on  que  c'est  à  l'éduca- 
tion trop  souvent  futile  que  reçoivent  les  femmes ,  qu'on 
doit  attribuer  l'infériorité  qu'elles  nous  présentent;  sans 
doute  cette  éducation  y  contribue  ;  mais  c'est  surtout  à  leur 
nature  propre  qu'elle  est  due.  La  femme,  pour  parler  le 
langage  éloquent  de  Cabanis,  n'est  pas  plus  faite  pour  fi- 
gurer dans  le  lycée  ou  le  portique ,  que  dans  le  gymnase  et 
l'hippodrome;  et  sa  destination  étant  de  fonder  le  charme 
et  le  lien  de  la  famille,  il  n'était  pas  trop  de  sa  vie  entière 
pour  les  soins  si  délicats  et  si  multipliés  que  celle-ci  réclame. 
La  femme  savante  voudrait-elle,  dit  Cabanis,  descendre  du 
haut  de  son  génie,  pour  veiller  à  ses  enfants  ,  à  son  ménage? 
3°  La  sensibilité  plus  exquise  que  nous  avons  reconnue  dans 
les  sens  de  la  femme  se  montre  aussi  dans  les  facultés  de 
son  esprit  et  de  son  cœur  ;  et  de  là  cette  plus  grande  finesse, 
cette  plus  grande  promptitude  dans  toutes  ses  idées,  cette 
plus  grande  délicatesse  dans  tous  ses  sentiments;  de  là  aussi 


4o  FONCTION    DE    LA    GENERATION, 

sa  susceptibilité  à  des  impressions  que  l'homme  aperçoit  à 
peine;  sa  disposition  à  tout  porter  à  l'extrême  dans  le  mal 
comme  dans  le  bien  ;  le  caractère  passionné  qu'elle  imprime 
à  tout  ce  qu'elle  dit ,  à  tout  ce  qu'elle  fait.  Dans  cette  exces- 
sive impressionnabilité  qui  est  propre  aux  femmes,  et  que  ré- 
clamait aussi  leur  destination  particulière  dans  la  société 
humaine,  git  la  source  de  leur  active  bienveillance,  de  cet 
élan  sympathique  qui  en  fait  les  êtres  les  plus  accessibles  à 
la  pi  lié  ,   les  plus  capables  d'un  héroïque  dévouement;  la 
facilité  qu'elles  ont  à  partager  les  sentiments,  les  opinions, 
les  manières  des  personnes  avec  lesquelles  elles  vivent;  leur 
tendance  à  l'imitation  ,  etc.  4°  Enfin  ,  un  dernier  trait  de  la 
psychologie  des  femmes,  et  qui  est  encore  une  conséquence 
de  cette  plus  grande  impressionnabilité  dont  nous  venons  de 
parler,  est  leur  mobilité;  tout  faisant  impression  sur  elles, 
elles  passent  rapidement  d'un  objet  à  un  autre;  et  une  mé- 
ditation un  peu   prolongée  leur  est,  sinon  tout-à-fait  im- 
possible, au  moins  plus  difficile  qu'à  l'homme.  De  là,  une 
nouvelle  cause  de  leurs  insuccès  dans  les  hautes  sciences  ;  de 
là  cette  légèreté  dont  on  leur  fait  un  reproche.  Parmi  les 
impressions  continuelles  qui  reten  tissent  sans  cesse  dans  leur 
système  nerveux,  et  qui  amènent  dans  leurs  déterminations 
des  changements  subits ,  il  en  est  qui  se  succèdent  si  rapide- 
ment ,  que  les  femmes  ne  s'en  rendent  pas  compte;  et  de  là 
ces  caprices  que  nous  ne  pouvons  concevoir,  et  que  souvent 
elles  ne  peuvent  s'exoliquer  à  elles-mêmes.  Il   n'est  donc 
aucun  des  traits  de  leur  caractère  dont  on  ne  puisse  indiquer 
la  cause.   U instinct  de  la  coquetterie 3   le  besoin  de  plaire, 
devaient  être  innés  à  des  êtres  qui  ne  sentent  la  vie  que  par 
les  affections  qu'elles  éprouvent  et  celles  qu'elles  inspirent. 
Si  tous  les  moralistes  ont  signalé  leur  dissimulation  natu- 
relle, la  disposition  qu'elles  ont  généralement  à  arriver  à 
leur  but  par  finesse  et  par  des  voies  détournées,  ces  traits  de 
caractère  n'étaient- ils  pas  nécessaires  à  un  être  faible,  et 
que  la  nature  et  les  lois  sociales  ont  également  fait  dépen- 
dant? Ce  n'est  pas  que  nous  blâmions  ces  dernières;  nous 
croyons  qu'elles  ont  été  sages,   lorsque,   dans  nos  sociétés, 
ellesoot  exclu  les  femmes  de  toutes  les  hautes  magistratures, 


DIFFÉRENCES    GÉNÉRALES    DES    SEXES.  4» 

et  les  ont  subordonnées  à  l'homme.  Mais,  d'autre  pari ,  on 
ne  doit  faire  aux  femmes  aucun  reproche  des  traits  spéciaux 
que  nous  a  offerts  leur  moral  ;  ces  traits  importaient  à  leur 
destination  ;  c'est  par  eux  qu'elles  nous  charment  et  nous 
servent  :  voudrait-on  qu'elles  cessassent  d'être  de  leur  sexe? 
Mais  bornons-nous  à  cette  briéve  indication  ,  et  renvoyons  , 
sur  cet  article  ,  aux  nombreux  écrivains  qui  ont  si  bien  traité 
de  cette  partie  de  l'histoire  morale  de  l'espèce  humaine. 

B.    Locomotilité ,  expressions ,  sommeil.  Les  autres  fonc- 
tions de  relation  nous  offriront  moins  de  différences.  Rela- 
tivement à  la  locomolilité ,  nous  avons  déjà  dit  que  les  os 
de  la  femme  sont  généralement  plus  petits,  ont  des  émi- 
nences  moins  prononcées  ,  que  ses  muscles  sont  plus  faibles. 
A  tous  ces  titres ,  la  force  musculaire  chez  eile  sera  moindre. 
Le  plus  grand  écartement  des  cavités  cotyloïdes,   la  plus 
grande  largeur  du  bassin  ,  impriment  à  sa  marche  un  carac- 
tère particulier.  La  femme  est  moins  capable  d'efforts  que 
l'homme  ;  et  sa  faiblesse  au  physique  n'est  pas  moins  évi- 
dente que  celle  que  nous  avons  signalée  dans  son  moral.  Les 
phénomènes  d'expression  sont  chez  elle  en  rapport  avec  le 
caractère  des  actes  intellectuels  et  moraux.  D'abord,  i  or- 
gane vocal  offre  quelques  différences ,  auxquelles  doivent  être 
attribuées  celles  que  présente  physiquement  la  voix  :  la  poi- 
trine et  le  poumon  sont  moins  amples  ,  la  trachée  a  un  moin- 
dre diamètre,   le  larynx  est  plus  petit,  la  glotte  est  plus 
étroite ,  ce  qu'on  appelle  la  pomme  d'Adam  fait  moins  de 
saillie  ,  les  anfractuosités  nasales  sont  moins  profondes.  Ces 
dispositions  anatomiques  font  que  la  voix ,  chez  les  femmes  , 
est  moins  forte,  mais  plus  douce,  plus  tendre,  et  surtout 
plus  aiguë.  Les  muscles  de  la  glotte  sont  plus  vifs  et  plus 
souples,  d'où  résulte  plus  de  facilité  de  varier  les  tons,  et 
plus  de  disposition  pour  le  chant.  Nous  avons  déjà  dit  qu'à 
la  face  ,  les  muscles  de  la  physionomie  étant  moins  distincts 
et    entourés    de   plus    de  graisse  ,    l'expression  du   visage , 
chez  les  femmes ,  était  due  surtout  au  regard  et  à  l'état  de 
la  bouche.  Quant  aux  ohénomènes  d'expression,  considérés 
sous  le  point  de  vue  de  leur  qualité  expressive  ,  ce  que  nous 
avons  dit  de  la  psychologie  de  la  femme  doit  faire  pressentir 


42  FONCTION  DE   LA    GENERATION, 

ce  qu'ils  doivent  être.  La  femme  étant  très  sensible,  et 
recevant  de  continuelles  impressions  ,  doit  abonder  en 
phénomènes  expressifs  :  son  langage  affectif  n'est  jamais 
muet;  son  regard,  son  sourire  parlent  sans  cesse;  le 
rire,  le  pleurer  éclatent  chez  elle  à  la  moindre  cause;  ses 
mains,  ses  pieds  sont  dans  des  mouvements  continuels;  sa 
respiration  fréquemment  se  modifie ,  et  revêt  les  formes  de 
soupir,  de  sanglot;  enfin,  quelle  abondance  de  paroles! 
quelle  loquacité  !  Non-seulement  les  phénomènes  expressifs 
répondent,  par  leur  multiplicité,  au  nombre  des  senti- 
ments, mais  ils  en  ont  aussi  le  caractère;  comme  eux,  ils 
sont  mobiles ,  et  se  succèdent  avec  la  plus  incroyable  rapi- 
dité; comme  eux,  ils  sont  délicats,  et  peignent  toutes  les 
grâces  et  tout  le  piquant  de  l'esprit  des  femmes  ,  toutes  les 
nuances  si  variées  des  mouvements  de  leur  cœur.  Enfin,  il 
est  impossible  que  la  femme  présente  tant  de  différences 
dans  l'exercice  de  ses  facultés  sensoriales  ,  sans  en  offrir  dans 
la  fonction  du  sommeil;  ce  phénomène ,  destiné  à  réparer 
les  pertes  du  système  nerveux,  fait  chez  elle  sentir  plus  sou- 
vent son  besoin  ,  mais  il  a  moins  de  profondeur  et  moins  de 
durée;  il  est  plus  souvent  troublé  par  des  rêves,  ou  accom- 
pagné de  somnambulisme  :  des  influences  extérieures  peuvent 
plus  facilement  déterminer  ce  dernier,  et  Ton  sait  qu'en 
effet  les  femmes  sont  les  sujets  magnétiques  par  excellence. 
Ceci  est  encore  une  conséquence  de  la  plus  grande  suscepti- 
bilité du  système  nerveux  dans  leur  sexe. 

C.  Fonctions  de  nutrition.  Chacune  offre  ,  dans  la  femme , 
quelques  particularités.  La  digestion,  généralement,  exige 
moins  d'aliments  ;  l'estomac  est  moins  ample  ,  le  foie  moins 
gros;  fort  souvent  les  deux  dernières  dents  ne  se  dévelop- 
pent pas.  La  fairn  est  moins  impérieuse,  et  porte  plus  sur  des 
aliments  légers  et  agréables  que  sur  ceux  qui  nourrissent 
beaucoup;  mais  elle  est  plus  mobile,  plus  fantasque,  et  re- 
vient plus  souvent,  parce  que  la  digestion  est  assez  rapide, 
et  que  tout  l'appareil  digestif  montre  aussi  plus  de  sensibi- 
lité et  d'irritabilité.  Cependant  cette  fonction  peut  plus  fa- 
cilement se  suspendre  pendant  quelque  temps;  ce  sont  les 
femmes  qui  ont  fourni  les  exemples  de  plus  longue  absti- 


DIFFÉRENCES    GÉNÉRALES    DES    SEXES.  43 

neuce.  Des  différents  systèmes  vasculaires  absorbants  ,  le 
lymphatique  prédomine  ,  et  de  là  la  plus  grande  disposition 
des  femmes  aux  maladies  de  ce  système, au  cancer,  aux  scro- 
pliules.  Le  thorax  étant  moins  ample,  et  le  poumon  un  peu 
plus  petit,  la  respiration  fait  une  moindre  quantité  de  sang  : 
mais  généralement  les  mouvements  respirateurs  sont  plus 
rapprochés,  abstraction  faite  des  modifications  fréquentes 
que  leur  impriment  les  passions;  les  inspirations  sont  plus 
effectuées  par  le  jeu  des  côtes  que  par  celui  du  diaphragme  , 
et  le  poumon  manifeste  plus  de  susceptibilité  relativement 
aux  qualités  de  l'air  :  il  est  probable  que  l'hématose  se  fait 
aussi  plus  rapidement.  Le  cœur  a  un  volume  moindre  que 
chez  l'homme:  et  cependant  la  circulation  est  généralement 
plus  vive;  le  pouls  est  moins  ample,  mais  plus  prompt  et 
plus  serré  :  chez  la  femme  aussi ,  l'aorte  descendante  est  plus 
grosse,  et  les  artères  du  bassin  plus  considérables,  afin  de 
fournir  au  grand  développement  des  organes  génitaux  dans 
ce  sexe.  Tous  les  parenchymes  nutritifs  sont  en  elle  plus 
humides,  la  température  du  corps  plus  élevée.  Parmi  les  sé- 
crétions récrémentitielles,  celle  de  la  graisse  seule  demande 
à  être  mentionnée  :  elle  est  généralement  plus  abondante, 
et  son  produit  plus  compact.  Quant  aux  sécrétions  excré- 
mentitielles  ,  toutes  offrent  quelques  différences;  et  de  plus, 
la  femme  en  offre  une  qui  lui  est  propre ,  et  dont  nous  de- 
vons une  histoire  détaillée,  la  menstruation.  La  transpira- 
tion cutanée  est  moins  active  ,  et  sa  matière  a  une  odeur  plus 
acidulé.  L'urine  est  moins  abondante,  chargée  de  moins  de 
sels,  d'où  résulte  moins  de  disposition  aux  maladies  calcu- 
leuses  :  ajoutons  que  l'urèthre  est  chez  les  femmes  plus 
court,  plus  droit,  a  un  plus  gros  calibre,  de  sorte  qu'un 
calcul  est  plus  souvent  excrété  dès  les  premiers  moments  de 
sa  formation.  Cependant,  malgré  cette  activité  moindre  de 
]a  sécrétiou  urinaire,  le  besoin  d'uriner  se  fait  sentir  plus 
souvent,  à  raison  de  la  susceptibilité  plus  grande  de  tout  le 
système  nerveux.  En  somme,  les  excrétions  sont,  comme 
les  ingestions  ,  moins  abondantes  chez  la  femme  que  chez 
l'homme,  et  leurs  produits  un  peu  moins  animalisés. 

Si  on  ajoute  que  la  femme  généralement  parcourt  plus  ra~ 


44  FONCTION    DE    LA    GÉNÉRATION, 

pidement  ses  premiers  âges  que  l'homme ,  et  au  contraire 
pousse  plus  loin  le  dernier;  que  les  différences  des  tempéra- 
ments sont  en  général  moins  prononcées  chez  elle,  et  que 
toujours  en  elle  le  caractère  du  sexe  domine;  que  son  appa- 
reil génital  réagit  plus  sur  toute  son  économie  que  ne  le  fait 
celui  de  l'homme ,  ou  qu'au  moins  cet  appareil ,  chargé  chez 
elle  déplus  de  fonctions,  devient,  dans  les  temps  plus  pro- 
longés pendant  lesquels  il  agit,  la  source  d'un  plus  grand 
nombre  de  réactions  sympathiques,  on  aura  le  tableau  de 
toutes  les  différences  physiques  qui  caractérisent  cet  être. 
Les  anciens  auteurs  avaient  même  exagéré  ce  dernier  trait, 
jusqu'au  point  de  rapporter  à  la  réaction  de  l'utérus  toutes 
les  particularités  que  nous  présentent  le  physique  et  le  moral 
des  femmes  en  santé  et  en  maladie:  utérus  est  animal  vivens 
m  muliere ;  propter  soiuni  uterum  est  rnulier  id  quod  est, 
ont-ils  dit.  Mais  nous  croyons  que  cette  réaction  n'est  réelle 
que  lorsque  cet  organe  est  en  fonction,  lorsqu'il  accomplit 
les  actes  de  menstruation,  de  grossesse,  d'accouchement; 
lorsque  l'âge  de  la  puberté  et  l'âge  critique  lui  impriment 
ou  lui  retirent  le  degré  d'activité  qui  rend  possible  son  ser- 
vice ;  hors  de  là ,  son  influence  est  moindre  qu'on  ne  l'a  dit. 
Mais  nous  reviendrons  là-dessus  à  l'article  des  sympathies. 

3°  Terminons  cette  histoire  de  la  femme  par  la  descrip- 
tion de  l'excrétion  qui  lui  est  exclusive  ,  la  menstrua- 
tion . 

On  appelle  ainsi  un  écoulement  de  sang  qui  se  fait  par  la 
vulve,  et  revient  périodiquement  trois,  quatre  ,  cinq  ou  six 
jours  de  chaque  mois,  pendant  tout  le  temps  de  sa  vie  que 
la  femme  est  apte  à  se  reproduire ,  c'est-à-dire  depuis  l'épo- 
que de  la  puberté  jusqu'à  ce  qu'on  appelle  son  âge  critique. 
11  est  exclusif  à  l'espèce  humaine  :  on  ne  l'observe  dans  au- 
cune autre  espèce  animale;  cependant  M..  F.  Cuvier  dit  en 
avoir  reconnu  quelque  indice  dans  quelques  femelles  d'ani- 
maux. Chez  quelques  femmes  ,  cet  écoulement  s'établit  sou- 
dain ,  et  sans  aucuns  symptômes  précurseurs.  Dans  le  plus 
grand  nombre,  au  contraire,  il  est  précédé  et  accompagné 
de  quelques  incommodités  :  la  femme  accuse  quelques  signes 
de  pléthore  ou  d'orgasme  général,   comme  rougeur  de   la 


DIFFERENCES    GÉNÉRALES    DES    SEXES.  4 5 

peau,  chaleur,  pesanteur  de  tête,  oppression,  pouls  élevé 
et  fébrile;  elle  se  plaint  de  douleurs  dans  les  lombes  ,  quel- 
quefois de  coliques ,   phénomènes  qui  annoncent  une  con- 
gestion locale  sur  l'utérus,  ou  au  moins  une  irritation  de  ce 
viscère.  Alors  l'écoulement  s'établit;  il  ne  se  fait  que  goutte 
à  goutte,  mais  d'une  manière  continue.  Le  premier  jour,  il 
est  fort  peu  considérable,  et  même  souvent  il  paraît  et  dis- 
paraît alternativement;  le  deuxième  jour,  il  est  déjà  plus 
abondant;  c'est  le  troisième  qu'il  est  le  plus  considérable; 
et  enfin  les  jours  suivants  il  diminue  graduellement,  et  se 
termine  pour  ne  reparaître  que  dans  vingt-cinq  à  vingt-six 
jours.  A  mesure  que  cet  écoulement  se  fait ,  la  femme  semble 
éprouver  un  soulagement  marqué,  il  lui  reste  seulement  un 
air  de  langueur  sur  le  visage.  Pendant  sa  durée  ,  elle  a  plus 
d'irritabilité  au  physique,  plus  de  susceptibilité  au  moral, 
et  est  généralement  plus  disposée  aux  plaisirs  de  l'amour.  Le 
plus  souvent  l'écoulementest,  dans  le  commencement,  moitié 
séreux,  mais  bientôt  il  devient  exclusivement  sanguin.  Sou- 
vent, après  qu'il  a  cessé,  il  est  rem  placé  pendant  quelques  jours 
par  un  écoulement  muqueux,  blanchâtre.  Sa  quantité  ,  pen- 
dant loutela  durée  de  la  période,  est  généralement  de  six  à  huit 
onces  :  Hippocrate  disait  deux  bénîmes  ,  ou  vingt  onces.  Du 
reste,  nous  ne  décrivons  iciquecequi  estle  plus  ordinaire,  car 
de  nombreuses  variétés  s'observent  relativement  à  la  durée, 
la  quantité,  les  phénomènes  précurseurs  et  concomitants  de 
cet  écoulement,  ses  retours,  son  invasion,  sa  disparition,  etc. 
Chez  certaines  femmes,  il  ne  dure  que  deux  à  trois  jours; 
chez  d'autres,  il  se  prolonge  pendant  huit  ou  dix.  Chez  les 
unes ,  la  quantité  de  sang  qui  est  excrétée  est  à  peine  de  deux 
à  trois  onces;  chez  d'autres  ,  elle  est  considérable,  constitue 
une  véritable  hémorrhagie  ,  ce  qu'on  appelle  une  perle.  Pour 
certaines  femmes,  la  menstruation  est  facile,  exempte  de 
toutes  incommodités  ;  chez  d'autres ,  elle  est  précédée  et  ac- 
compagnée d'accidents ,   de  coliques ,  qui  en  font  presque 
une  maladie.  Le  plus  souvent  cette  excrétion  revient  après 
vingt-quatre,  vingt-six  jours  d'interruption;  mais  il  est  des 
femmes  qui  sont  réglées  deux  fois  par  mois.  Toutes  ces  varia- 
tions tiennent  au  degré  d'activité  de  la  constitution  en  gé- 


46  FONCTION    DE    LA.    GÉNÉRATION. 

uéral ,  et  surtout  de  l'utérus  eu  particulier,  car  il  est  l'agent 

de  cette  excrétion. 

C'est  en  eiïet  de  la  surface  interne  de  la  cavité  de  cet  or- 
gane que  provient  le  sang  menstruel,  et  non  du  vagin, 
comme  quelques-uns  l'avaient  dit.  Jadis  on  croyait  que, 
pendant  l'intervalle  des  règles,  le  sang  qui  les  constitue  se 
ressemblait  peu  à  peu  dans  quelques  parties  de  l' utérus;  et 
que  celles-ci,  arrivées  enfin  à  un  certain  degré  de  plénitude, 
se  crevaient  et  le  laissaient  couler.  Tel  était,  par  exemple, 
le  rôle  qu'on  faisait  jouer,  ou  à  des  cellules  qu'on  disait  exis- 
ter dans  le  parenchyme  de  l'utérus ,  et  être  intermédiaires 
aux  artères  et  aux  veines  utérines;  ou  aux  veines  elles-mêmes, 
qui,  fort  dilatées  alors,  avaient  paru  être  des  réservoirs  parti- 
culiers, et  qu'on  avait  appelées  sinus  utérins,  ou,  avec  Astruc, 
appendices  cœcales.  On  avait,  en  ce  dernier  point,  été  in- 
duit en  erreur  par  l'état  de  grossesse  ,  les  veines  de  l'utérus 
offrant  alors  une  très  grande  dilatation  ,  comme  nous  le  di- 
rons. Mais  cette  idée  d'une  accumulation  graduelle  dans 
l'utérus,  dans  l'intervalle  des  règles,  du  sang  qui  doit  les 
constituer,  et  ceile  qui  attribue  l'écoulement  de  ce  fluide 
à  la  crevasse,  à  la  rupture  des  cavités,  des  vaisseaux  où  il  se 
serait  accumulé ,  sont  également  fausses.  D'un  côté  ,  ce  n'est 
qu'au  moment  delà  menstruation  que  le  sang  qui  doit  ali- 
menter cette  sécrétion  afflue  en  plus  grande  abondance  dans 
le  viscère  qui  doit  l'effectuer,  et ,  d'autre  par  l,  c'est  par  exha- 
lation que  ce  saug  est  rejeté.  Qu'on  examine  la  surface  in- 
terne de  l'utérus  chez  une  femme  morte  à  l'époque  des 
règles  ,  on  n'y  peut  découvrir  aucune  trace  d'érosion  et  de 
rupture;  on  n'en  voit  pas  davantage  après  avoir  lavé  l'uté- 
rus, l'avoir  fait  macérer,  et  en  l'examinant  au  microscope. 
Si  l'écoulement  tenait  à  ces  prétendues  crevasses,  il  ne 
cesserait  que  lorsque  ces  crevasses  se  seraient  cicatrisées; 
alors  on  devrait  trouver  à  la  surface  interne  de  l'utérus  des 
traces  de  ces  cicatrices;  cet  organe  en  devrait  être  criblé. 
Nous  avons  dit,  d'ailleurs,  que  souvent  dans  une  même 
journée,  l'écoulement  tour-à-tour  s'interrompt  et  reparaît; 
et  ce  fait  ne  peut  s'accorder  avec  la  cause  mécanique  qu'on 
avait    supposée.     La    menstruation    est    une    sécrétion   du 


DIFFÉRENCES    GÉNÉRALES    DES    SEXES.  4j 

genre  des  exhalations ,  effectuée  par  ia  surface  interne  de 
l'utérus,  et  qui  n'est  distincte  des  autres  qu'en  ce  que  son 
produit  est  dusangniême.  On  avait  voulu  faire  provenir  ce- 
lui-ci des  veines;  on  arguait  de  l'analogie  des  hémorrhoïdes , 
de  la  couleur  noire  du  sang  menstruel,  du  gonflement  des 
veines  de  Futérus  dans  le  moment  de  la  menstruation  : 
mais  toutes  les  sécrétions  étant  alimentées  par  le  sang  ar- 
tériel, et  la  menstruation  étant  évidemment  une  action  de 
ce  genre,  c'est  des  artères  qu'on  fait  provenir  aujourd'hui 
le  sang  qu'elle  excrète.  D'ailleurs,  une  injection  poussée 
dans  les  artères  de  l'utérus  transsude  avec  facilité  à  la  sur- 
face interne  de  cet  organe.  Nous  admettons  donc  que  les 
artères  de  l'utérus  se  terminent  à  la  surface  interne  de  cet 
organe  par  un  appareil  exhalant  qui ,  à  de  certaines  époques 
du  mois,  acquiert  la  propriété  d'agir,  et  alors  perspire  ,  ou 
le  sang  lui-même  ,  ou  ce  sang  un  peu  modifié  ,  mais  conser- 
vant sa  couleur  rouge.  Ne  voit-on  pas  de  semblables  hé- 
morrhagies  se  faire  souvent  par  les  autres  membranes  mu- 
queuses du  corps?  On  dira  peut-être  que  M.  Chaussier  nie 
l'existence  de  la  muqueuse  utérine;  mais  il  n'y  a  pas  plus 
de  difficulté  à  concevoir  que  c'est  le  parenchyme  même  de 
l'organe  qui,  à  la  surface  interne  de  sa  cavité,  effectue 
l'exhalation  :  n'y  a-t-il  pas  aussi  des  hémorrhagies  dans  les 
parenchymes?  11  est  certain  que  la  menstruation  est  un 
symbole  parfait  de  toutes  les  hémorrhagies  médicales;  il  y 
a  de  même,  irritation  préalable  de  l'organe  qui  en  est  le 
siège,  tuméfaction,  sensibilité  de  l'utérus  ,  gonflement  des 
vaisseaux  utérins;  l'écoulement  semble  être  comme  la  crise 
de  la  congestion  ;  il  procure  du  soulagement;  l'unique  dif- 
férence, c'est  que  la  congestion  entrait  dans  le  plan  de 
santé,  et  se  renouvelle  périodiquement  chaque  mois.  Véri- 
table phénomène  organique ,  cette  menstruation  se  montre 
dépendante  de  toutes  les  irritations  externes  et  internes; 
et  sa  susceptibilité  à  être  modifiée,  perturbée,  par  ces  irri- 
tations ,  est  extrême. 

On  a  beaucoup  cherché  la  cause  de  la  périodicité  de  la 
menstruation.  10  Comme  ses  intervalles  ont  précisément  la 
durée  des  révolutions  de  la  lune  autour  de  la  terre,  Mèad 


48  FONCTION    DE    LA    GÉNÉRATION, 

et  autres  ont  voulu  la  rapporter  à  l'influence  de  cette  pla- 
nète; mais  alors  les  règles  devraient  correspondre  à  une  des 
phases  du  cours  de  la  lune  ,  et  cela  n'est  pas.  2°  Van  Hel- 
mont,  Paracelse,  ont  accusé  la  présence  d'un  ferment  dans 
l'utérus;  mais  d'où  viendrait  ce  ferment ,  comment  se  re- 
nouvellerait-il? ne  rongerait-il  pas  l'utérus  dans  les  longues 
suppressions  des  menstrues  ?  qui  l'a  vu  ?  une  cause  aussi 
constante  pourrait-elle  ne  produire  qu'un  phénomène  aussi 
mobile  ?  cette  hypothèse  ne  touche  pas  à  la  difficulté  ,  car 
il  faudrait  expliquer  pourquoi  le  ferment  se  renouvelle  à 
chaque  mois,  oun'agitqu'à  ces  époques.  3°  Nous  ne  pouvons 
nous  contenter  de  l'opinion  de  Stahl,  qui  en  appelle  à  l'âme, 
et  qui  dit  que  cet  être,  universellement  régulateur  de  notre 
économie,  travaille  aux  tempsopportuns  à  faire  débarrasser  la 
femme  d'un  superflu  qui  la  surcharge.  4°  On  aaccuséunétat 
de  pléthore  générale,  amenant  à  un  certain  degré  ,  et  à  un 
degré  qui  est  acquis  à  une  époque  régulière  ,  une  excrétion 
qui  y  remédie  :  on  s'est  fondé  sur  ce  que  souvent  les  mens- 
trues sont  utilement ,  pour  la  santé  ,  remplacées  par  un 
écoulement  qui  se  fait  par  d'autres  voies.  Il  est  certain 
qu'on  a  vu  des  hémorrhagies  par  divers  points  de  la  peau , 
par  l'angle  de  l'œil ,  par  les  narines  ,  les  lèvres,  les  oreilles  , 
des  vomissements  de  sang,  etc.  ,  remplacer  les  règles  et  se 
renouveler  aux  mêmes  époques  et  avec  la  même  régularité. 
Alors  il  faudrait  admettre  que  ,  chez  la  femme,  à  cause  du 
double  office  de  mère  et  de  nourrice  qu'elle  a  à  remplir  ,  les 
mouvements  vitaux  sont  réglés  de  manière  à  amener  de 
mois  en  mois  cette  pléthore.  5°  Enfin,  on  a  rapporté  le  re- 
tour des  règles  à  une  pléthore  locale  de  l'utérus  :  les  ar- 
tères du  bassin  sont^  a-t-on  dit,  plus  lâches  dans  la  femme 
que  dans  l'homme;  les  veines,  au  contraires,  sont  plus 
fermes;  et  de  là  résulte  que  les  premiers  de  ces  vaisseaux 
apportent  plus  de  sang  que  les  seconds  n'en  remportent.  On 
a  dit  encore  que  ,  taudis  que  chez  l'homme  il  y  avait  prédo- 
minance des  artères  céphaliques,  à  cause  de  la  plus  grande 
prédisposition  de  cet  être  à  une  vie  intellectuelie,  il  y  avait 
chez  la  femme  prédominance  des  artères  pelviennes  et  uté- 
rines, à  cause  de  sa  destination  plus  spéciale  à  la  reproduc- 


DIFFÉRENCES    GÉNÉRALES    DES    SEXES.  4  9 

tion.  Il  est  certain  que  c'est  un  état  de  phéthore  ,  ou  plu- 
tôt d'iritation  de  l'utérus  ,  qui  détermine  le  retour  des  rè- 
gles; mais  il  n'est  pas  plus  possible  de  àVre  pourquoi  cette 
irritation  se  renouvelle  tous  les  mois  ,  que  d'expliquer  pour- 
quoi dans  la  révolution  des  âges  la  prédominance  de  tel 
organe  succède  à  celle  de  tel  autre.  Cela  tient ,  sans  contre- 
dit, au  caractère  de  vitalité  de  l'utérus,  et  à  son  office  pour 
la  reproduction,  car  l'écoulement  menstruel  généralement 
n'a  plus  lieu  pendant  la  grossesse  et  l'allaitement:  mais  il 
n'est  pas  possible  d'aller  au-delà  de  cette  généralité.  Cepen- 
dant M.  Gall  croit  qu'une  cause  générale  et  étrangère  à 
l'individu,  mais  autre  que  la  lune,  a  ici  une  influence; 
il  dit  avoir  vérifié  dans  sa  nombreuse  pratique  ,  et  cela  dans 
tous  les  pays ,  que  c'est  généralement  aux  mêmes  époques 
que  toutes  les  femmes  sont  réglées ,  et  qu'il  est  des  temps  du 
mois  où,  par  conséquent,  aucunes  ne  le  sont;  il  ajoute  que 
toutes  les  femmes  sont ,  à  cet  égard.,  partagées  en  deux  sé- 
ries ,  une  de  celles  qui  sont  réglées  dans  les  huit  premiers 
jours  du  mois,  et  une  autre  de  celles  qui  le  sont  dans 
ceux  de  la  seconde  quinzaine;  mais  il  ne  peut  indicruer 
quelle  est  cette  cause. 

Toutefois,  la  menstruation  étant  une  action  d'exhalation 
de  l'utérus  ,  on  conçoit  que  la  quantité  et  la  qualité  du 
sang  rejeté  doivent  être  en  raison  de  la  vitalité  de  ce  vis- 
cère ;  souvent  des  femmes  pâles  perdent  plus  que  des  femmes 
colorées  et  qui  paraissent  sanguines  et  fortes,  parce  que 
l'état  de  l'utérus  a  plus  d'influence  ici  que  l'état  de  la 
constitution  générale.  Il  est  difficile  de  dire  si  le  sang  rejeté 
est  du  sang  artériel  pur ,  ou  du  sang  un  peu.  modifié  par 
l'action  exhalante  qui  en  produit  l'excrétion  :  ce  qu'il  y  a  de 
sûr  ,  c'est  qu'il  n'a  aucune  des  qualités  vénéneuses  que  les 
Anciens  lui  avaient  attribuées.  Son  excrétion  s'accomolit 
mécaniquement,  par  le  fait  seul  de  la  disposition  des 
parties. 

Il    paraît  évident  que  cette  excrétion  a  trait  à  la  généra- 
tion ,  car  elle  ne  commence  qu'à  la  puberté,  elle  disparaît 
à  l'âge  critique ,  et  elle  manque  pendant  la  grossesse  et  l'al- 
laitement ;  mais  on  ne  sait  en  quoi  elle  y  sert.  On  dit  yul- 
Tome  TV.  4 


50  FONCTION    DE    LA    GÉNÉRATION . 

gairement  qu'elle  est  destinée  à  entretenir  l'équilibre  ,  mal^ 
gré  le  surplus  de  sang  qui  est  préparé  pour  nourrir  le  fœtus 
et  alimenter  la  sécrétion  du  lait.  On  croit  qu'elle  est  l'an- 
nonce de  l'aptitude  qu'ont  les  femmes  à  être  fécondées  en 
tout  temps,  à  la  différence  des  femelles  des  animaux,  qui  ne 
peuvent  l'être  qu'à  une  seule  époque,  celle  du  rut.  On  lui  as- 
signe, en  effet,  pouranalogue  dans  les  animaux,  l'écoulement 
séreux,  sanguinolent,  odorant,  qui  se  fait  alors  parla  vulve 
des  femelles.  Ce  qu'il  y  a  de  sûr,  c'est  que  la  menstruation 
n'est  pas  primitivement  une  excrétion  de  dépuralion;  elle 
ne  le  devient  que  secondairement,  comme  il  en  est  de  toutes 
les  autres  excrétions.  Quelques  physiologistes  ont  ditqu'elle 
était  une  suite  mécanique  de  la  station  bipède.  Roussel 
voulait  qu'elle  n'eût  pas  taiMmirn  esi*té .  et  que,  produit 
artificiel  d'un  régime  Jkt&|Xsi£ccuientV«g*Kse  fût  ensuite 
propagée  de  générati»iOeii  gélôeraEîon  :  mafckles  livres  les 
plus  anciens  ,  ceux  deproïjJJJ^/j^g>of^te,  en  «ont  mention. 
Aubert,  dans  sa  dissertation  inauguraïe^^prAendu  que,  si 
les  femmes  satisfaisaiew^i^^rëmîe:rTlM^m^e  l'amour  dès 
leur  première  appaiùtionvJjgLSjûs^ggii^'fui  en  résulterait 
empêcherait  à  jamais  l'établissement  de  la  menstruation; 
mais  on  voit  des  femmes  qui  continuent  d'être  réglées  pen- 
dant leur  grossesse  ,  d'autres  qui  ne  le  sont  que  pendant  cet 
état.  Tout  porte  à  croire  que  la  menstruation  est  un  phéno- 
mène propre  à  la  constitution  de  la  femme. 

CHAPITRE  II. 

Mécanisme  de  la  Génération. 

Les  généralités  que  nous  avons  présentées  sur  la  généra- 
tion tracent  d'avance  la  subdivision  à  établir  dans  l'étude  des 
actes  nombreux  qui  constituent  cette  fonction.  Dans  l'espèce 
humaine,  les  sexes  sont  portés  par  deux  individus  distincts, 
et  la  génération  est  vivipare;  de  là,  déjà,  distinction  de  ce 
qu'on  appelle  une  copulation,  une  grossesse  et  un  allaite- 
ment. Déplus  ,  on  appelle  du  nom  de  conception  ou  de  fécon- 
dation f  l'action  qui  avive  le  germe  et  qui  suit  le  rapproche- 


DIFFÉRENCES    GENERALES   DES    SEXES.  5i 

ment;  et  de  celui  à?  accouchement,  l'acte  par  lequel  l'individu 
nouveau  est  excrété ,  pour  commencer  sa  vie  indépendante. 
Nous  rapporterons  donc  tous  les  actes  qui  constituent  la  gé- 
nération, à  cinq  groupes,  qui  sont  la  copulation  ou  le  rap- 
prochement, la  conception,  la  grossesse  ,  Y  accouchement  et 
Y  allaitement;  et  c'est  dans  cet  ordre  ,  qui  est  celui  selon  le- 
quel ils  se  succèdent,  que  nous  allons  en  traiter.  Seulement, 
faisons  auparavant  deux  remarques. 

Dans  l'accomplissement  de  toutes  ces  actions  ,  le  rôle  des 
deux  sexes  n'est  ,  ni  le  même,  ni  également  important. 
L'homme  ne  fait  que  fournir  ou  aviver  le  germe  ;  consé- 
quemment  il  n'a  part  qu'à  la  copulation  et  à  la  conception. 
La  femme,  au  contraire,  sert  ,  en  outre,  à  porter  le  nou- 
vel individu,  à  le  mettre  au  jour,  et  à  le  nourrir  dans  les 
premiers  mois  de  la  vie;  seule,  elle  effectue  la  grossesse, 
l'accouchement  et  l'allaitement. 

La  génération  est  une  fonction  qui  exige  un  rapport  avec 
l'extérieur,  au  moins  dans  les  espèces  dans  lesquelles  les 
sexes  sont  portés  par  deux  individus  distincts,  et  qui  ont 
besoin  de  se  rapprocher,  comme  chez  l'homme.  Or,  ce  rap- 
port, comme  tout  autre,  est  laissé  à  la  volonté  de  l'être  , 
et  perçu  par  lui  ;  il  n:y  a  d'irrésistibles  et  d'inaperçus  , 
comme  dans  la  nutrition,  que  les  actes  qui  le  suivent.  Le 
rapprochement  des  sexes  est  en  effet  un  acte  tout-à-fait  vo- 
lontaire; la  naissance  du  nouvel  individu,  ou  l'accouche- 
ment, est  de  même,  sinon  tout-à-fait  dépendant  de  la  vo- 
lonté, au  moins  aidé  par  elle,  et  également  perçu  :  il  n'y 
a  d'irrésistibles  et  de  non  sentis  que  les  actes  intermédiaires 
à  ceux-là,  la  conception  et  la  grossesse.  C'est  absolument 
comme  dans  le  mécanisme  général  de  la  nutrition.  Dès  lors, 
on  ne  sera  pas  étonné  si  la  génération  nous  offre  dans  sa 
généralité  ,  et  des  sensations  pour  nous  exciter  aux  rapports 
qu'elle  exige  ,  et  nous  en  donner  la  conscience  ,  et  des  ac- 
tions musculaires  volontaires  pour  établir  ces  rapports. 


52  FONCTION    DE   LA    GÉNÉRATION. 

ARTICLE   PREMIER. 
Du  rapprochement  des  Sexes,  ou  de  la  Copulation  ,  du  Coït. 

Dans  l'espèce  humaine ,  les  deux  sexes  étant  portés  cha- 
cun par  un  individu  séparé,  et  le  germe  ou  l'œuf  fourni  par 
la  femme  ne  pouvant  être  fécondé  que  lorsqu'il  est  encore 
intérieur;  il  faut  absolument,  pour  la  reproduction  ,  un 
rapprochement  à  l'aide  duquel  le  fluide  fécondant  de 
l'homme  puisse  aller  au  loin  dans  l'intérieur  des  organes  de 
la  femme ,  toucher  le  germe  et  l'aviver.  C'est  donc  par  l'é- 
tude de  ce  rapprochement  qu'il  faut  commencer  l'histoire 
de  la  génération.  Nous  allons  étudier  successivement  la 
sensation  qui  y  excite,  et  la  part  qu'y  a  chacun  des  deux 
sexes. 

§  Ier.   Du  besoin ,  de  P instinct  de  la  Reproduction. 

Nous  avons  dit  souvent  qu'une  sensation  interne  était 
attachée  à  toutes  celles  de  nos  fonctions  qui  exigent  pour 
leur  accomplissement  un  rapport  avec  l'extérieur;  nous 
avons  présenté  cette  sensation  comme  une  espèce  de  senti- 
nelle ,  destinée  à  nous  exciter  à  l'établissement  de  ce  rap- 
port. C'est  ainsi  que  nous  avons  vu  la  faim  nous  solliciter 
aux  temps  opportuns  à  prendre  les  aliments  qui  nous  sont 
nécessaires.  Or,  la  nature  n'a  pas  été,  en  ce  qui  concerne 
la  conservation  de  l'espèce  ,  moins  précautionneuse  ,  qu'en 
ce  qui  a  trait  à  la  conservation  de  l'individu;  elle  n'a  pas 
voulu  davantage ,  en  ce  qui  regarde  notre  reproduction  , 
s'en  reposer  sur  notre  raison  ;  et  elle  a  placé  en  nous  un 
instinct  impérieux,  une  sensation  interne,  qui  nous  excite 
à  remplir  son  vœu.   C'est  de  cet  instinct  dont  nous  devons 

parler  ici. 

Personne  n'en  peut  contester  la  réalité.  Nul  dans  l'en- 
fance, âge  auquel  l'homme  ne  peut  se  reproduire,  il  se  mon- 
tre tout  à  coup  à  la  puberté,  éclate  avec  énergie  pendant 
toute  la  jeunesse,  se  prolonge  au  loin  dans  l'âge  adulte,  et 
enfin  disparaît  dans  la   vieillesse,  quand  l'être  n'est  plus 


DE    LA   COPULATION.  53 

apte  à  se  reproduire.  Cet  instinct  est  surtout  évident  dans 
les  animaux  chez  lesquels  la  génération  n'est  possible  qu'à 
des  époques  déterminées  de  Tannée,  au  temps  du  rut;  alors 
il  prédomine  tellement  dans  leur  système  intellectuel ,, 
qu'il  constitue  presque  une  fureur,  une  manie,  un  pen- 
chant irrésistible  qui  les  subjugue. 

Mais  les  physiologistes  ne  sont  pas  d'accord  sur  sa  nature 
et  sur  son  siège.  La  plupart,  voyant  que  son  apparition 
coïncide  avec  l'âge  auquel  l'appareil  génital  entre  en  action, 
et  que  son  énergie  est  généralement  proportionnelle  au  degré 
d'activité  de  cet  appareil ,  eu  ont  fait  une  sensation  interne 
siégeant  dans  les  organes  génitaux,  et  qui  est  à  ces  organes  ce 
qu'est  la  sensation  interne  de  la  faim  à  l'estomac.  En  effet, 
indépendamment  de  ce  que  dans  la  suite  de  la  vie,  cet  instinct 
suit  le  sort  des  organes  génitaux ,  c'est-à-dire  se  prononce 
quand  ils  entrent  en  action,  disparaît  quand  ils  ne  peuvent 
plus  agir,  il  est  sûr  qu'il  ne  se  fait  jamais  sentir  lorsque 
dans  le  premier  âge  on  a  pratiqué  la  castration.  Dans  cette 
manière  devoir,  il  serait  une  véritable  sensation  interne, 
dont  il  faudrait  spécifier  le  siège  et  la  cause ,  mais  sur  la- 
quelle on  serait  dans  la  même  ignorance  que  sur  toutes  les 
autres  sensations  internes.  En  effet,  relativement  au  siège, 
le  sentiment  intime  ne  fait  rien  connaître;  aucune  partie 
ne  paraît  sentir  plus  qu'une  autre;  c'est  comme  une  in- 
quiétude générale.  Sans  doute  les  organes  génitaux  sont  un 
peu  excités,  mais  ils  ne  le  sont  pas  assez,  pour  qu'on  les 
constitue  avec  certitude  le  siège  de  la  sensation;  et  ce 
qu'ils  éprouvent  peut  dépendre  de  la  connexion  existante 
entre  eux  et  le  siège,  quel  qu'il  soit,  delà  sensation.  Rela- 
tivement à  la  cause ,  elle  n'est  pas  plus  facilement  appré- 
ciable que  dans  les  autres  sensations  internes.  On  a  présenté 
comme  telle  le  séjour  et  la  présence  du  sperme  dans  les  vési- 
cules séminales;  mais  les  eunuques  ont  souvent  des  désirs; 
il  en  est  de  même  des  libertins  épuisés  ;  et  au  contraire  ces 
désirs  souvent  sont  nuls  chez  des  hommes  robustes,  mais 
qui  ont  l'habitude  delà  chasteté;  chez  la  femme,  ce  senti- 
ment existe,  et  cependant  dans  ce  sexe  il  n'y  a  pas  de  sé- 
crétion sperma tique-.  On  a  dit  que  ce  sentiment  annonçait 


54  FONCTION    DE   LA    GÉNÉRATION, 

le  besoin  qu'a  l'appareil  génital  d'être  employé,  de  même 
qu'un  sentiment  éclate  dans  l'appareil  locomoteur  pour 
nous  exciter  à  nous  mouvoir;  mais,  à  supposer  cette  expli- 
cation bonne,  on  n'en  sent  pas  moins  combien  cette  cause 
est  vague,  comparativement  à  celle  de  toute  sensation  ex- 
terne quelconque. 

Aussi,  à  cause  de  ces  difficultés  ,  et  par  plusieurs  autres 
raisons  que  nous  allons  faire  connaître,  beaucoup  de  phy- 
siologistes considèrent  le  sentiment  dont  nous  traitons  ici 
comme  un  phénomène  cérébral,  une  faculté  affective,  une 
dépendance  delà  psychologie  de  l'être.  Tels  sont,  par  exem- 
ple, Cabanis*  M.  Broussais,  qui,  seulement  dans  leur  théorie 
des  impressions  internes,  en  font  provenir  les  matériaux 
des  organes  génitaux.  Tel  est  surtout  M.  Gall,  qui  ailecte 
une  partie  cérébrale,  le  cervelet,  à  sa  production,  et  admet 
parmi  les  facultés  primitives  de  l'ame  un  instinct  de  la  re- 
production. Sans  revenir  ici  sur  les  détails  que  nous  avons 
donnés  à  cet  égard,  l'organe  et  l'instinct  de  la  propagation 
étant  ceux  que  nous  avons  pris  pour  exemple  quand  nous 
avons  parlé  de  la  manière  de  philosopher  de  M.  Gall ,  nous 
rappellerons  seulement  comme  preuves  justificatives  de 
l'idée  qui  fait  du  sentiment  dont  nous  traitons  un  instinct 
cérébral,  que  ce  sentiment  a  été  observé  en  des  individus 
chez  lesquels,  par  Un  vice  de  conformation  originelle,  les 
principaux  des  organes  génitaux  manquaient,  et  qu'il  a 
persisté  en  des  eunuques  qui  n'avaient  été  castrés  qu'après 
l'âge  de  la  puberté.  Ce  sentiment  ne  pouvant  être  qu'une 
sensation  interne,  ou  un  instinct  cérébral,  et  les  derniers 
faits  que  nous  venons  de  citer  le  montrant  existant  en  l'ab- 
sence des  Organes  génitaux,  il  faut  bien  qu'il  siège  dans  le 
cerveau.  Du  reste  ,  nous  renvoyons  à  cet  égard  à  ce  que  nous 
avons  dit  à  l'article  psychologie. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  controverse,  il  n'est  pas  pos- 
sible non  plus  de  peindre  par  des  mots  ce  sentiment  ;  il  faut 
en  appeler  à  la  conscience  de  chacun  *  mais  il  est  bien  dis- 
tinct de  tout  autre ,  et  bien  caractérisé  d'ailleurs  par  son 
but.  Comme  toute  sensation  interne  ou  toute  faculté  affec- 
tive, il  est  plaisir  quand  on   le  satisfait,  peine  quand  on 


DE    LA    COPULATION.  .     55 

lui  résiste.  Il  est  susceptible  de  mille  degrés,  et  même  apte 
à  revêtir  un  caractère  opposé ,  celui  de  dégoût ,  ce  qui  con- 
stitue ce  qu'on  appelle  Yanaphrodisie.  On  ne  peut  préciser 
son  énergie;  cela  varie  selon  les  sexes,  les  tempéraments  , 
les  constilutions  individuelles,  l'état  de  santé,  de  maladie; 
ies  circonstances  extérieures  d'aliments,  de  saisons,  de  cli- 
mats; la  mesure  dans  laquelle  on  use  des  plaisirs  de  l'a- 
mour, etc.  Chacun  a,  à  cet  égard,  sa  constitution  propre; 
les  hommes  sont  généralement  plus  ardents  que  les  femmes; 
les  tempéraments  sanguins  et  bilieux  plus  que  les  lympha- 
tiques :  certains  aliments  évidemment  sont  aphrodisiaques, 
tandis  que  d'autres  sont,  comme  on  le  dit,  réfrigérants  : 
enfin,  il  faut  surtout  signaler  ici  la  part  des  habitudes  ;  si 
c'est  l'organisation  qui  d'abord  les  commande  ,  les  habitudes 
ensuite  renforcent  l'organisation. 

§  II.    Office  de  V homme  dans  la  Copulation. 

Dans  l'acte  du  rapprochement,  le  rôle  de  l'homme  est 
d'introduire  dans  les  parties  de  la  femme  l'organe  chargé 
de  projeter  le  fluide  de  la  fécondation  ,  c'est-à-dire  le  pénis , 
et  d'excréter  pendant  cette  introduction  ce  fluide.  Mais 
pour  que  ce  double  objet  puisse  être  rempli,  il  faut  que  le 
pénis  acquière,  par  un  phénomène  appelé  érection,  une 
roideur  suffisante;  et  c'est  ce  phénomène  de  l'érection  que 
nous  avons  à  décrire  d'abord. 

Quand  l'homme  est  sollicité  par  le  désir  de  la  généra^ 
tion ,  le  pénis  chauge  d'élat;  de  mou,  petit  et  pendant 
qu'il  était,  il  devient  roide,  gros  et  relevé  contre  l'ab- 
domen; ses  artères  battent  avec  force,  ses  veines  sont  plus 
gonflées ,  la  peau  qui  le  rêvet  est  plus  colorée ,  sa  chaleur 
est  augmentée;  de  rond  qu'il  était,  il  est  devenu  triangu- 
laire; par  suite  de  son  redressement,  les  courbures  de  l'u- 
rèthre  sont  effacées  ;  enfin,  une  légère  sensation  de  plaisir 
marque  le  grand  changement  qui  s'est  fait  en  lui,  et  qu'on 
appelle  érection. 

Due  à  la  dilatation  active  qu'a  développée  tout  à  coup  le 
corps  caverneux  du  pénis,  et  à  un  plus  grand  afflux  de  sang 


56  FONCTION    DE    LA    GÉNÉRATION, 

dans  ce  parenchyme,   cette  érection,  tantôt  se   fait  d'une 
manière  soudaine,   tantôt  ne  s'établit  qu'avec  lenteur  et 
graduellement.  Ses  causes  occasionelles  sont  :  tantôt  l'irri- 
tation qu'irradie  sur  le  corps  caverneux  le  désir  ardent  de 
la  génération  ;  tantôt  celle  qu'éprouve  ce  corps  caverneux, 
consécutivement  à  une  stimulation  directe  du  pénis  ,  ou  de 
quelques  autres  organes  appartenant  à  l'appareil  génital, 
ou  enchaînés  au  pénis  par  quelques  sympathies  intimes.  De 
ces  causes,  la  première  est  la  plus  énergique;  savoir  :  l'in- 
fluence de  la  partie  cérébrale,  qui  est  le  siège  de  l'instinct 
de  la  propagation.  La  subordination  du  pénis  à  cette  partie 
est  telle  que,  lorsque  celle-ci  est  irritée  mécaniquement,  et 
non  par  les  idées  de  volupté  ,  l'érection  se  manifeste  égale- 
ment. Ainsi,  l'érection  est  un  symptôme  constant  des  apo- 
plexies cérébelleuses;   on  l'observe   fréquemment  chez  les 
pendus,  à  cause  de  la  congestion  de  sang  dont  le  cervelet 
est  alors  le  siège;  parla  même  raison,   elle  survient  fré- 
quemment pendant  le  sommeil  ;   enfin ,  c'est  encore  parce 
que  l'opium  porte  le  sang  à  la  tête ,  que  cette  substance  a 
la  propriété  de  provoquer. des  érections  ;  on  sait  l'abus  qu'en 
font  les  Turcs  dans  des  vues  de  volupté. 

Quoique  indispensable  pour  l'accomplissement  de  la  gé- 
nération ,  l'érection  n'est  pas  un  phénomène  dépendant  de 
noire  volonté  ;  tantôt  elle  éclate  contre  notre  vœu  ,  et  tantôt 
elle  ne  lui  obéit  pas.  Plus  qu'aucun  autre  phénomène  ,  elle 
veut  l'exclusion  de  tout  autre  acte ,  et  ne  souffre  aucune 
distraction.  Rien  n'est  plus  remarquable  que  le  peu  de  con- 
stance ,  le  caprice  en  quelque  sorte,  avec  lesquels  le  pénis 
répond  aux  irritations,  soit  directes,  soit  sympathiques, 
qui  le  provoquent.  Quelquefois,  c'est  en  vain  qu'agissent 
toutes  ces  irritations,  l'homme  se  trouve  enchaîné  au  mi- 
lieu de  ses  plus  vifs  désirs.  Ces  mécomptes  qui  l'affligent  et 
le  piquent  sont  sans  doute  souvent  la  suite  de  la  faiblesse 
ou  de  l'abus;  mais  souvent  aussi  ils  proviennent  de  trop 
d'amour,  ou  d'un  sentiment  de  réserve  et  de  crainte.  On 
sait  que  jadis  on  les  rapportait  à  une  influence  magique, 
et  qu'on  dirigeait  les  foudres  de  l'Eglise  contre  ce  qu'on 
appelait   les   noueurs   d'aiguillette.   Par   la    même    raison  , 


DE    LA    COPULATION.  S'j 

l'érection  est  un  phénomène  très  mobile;  le  même  instant 
la  voit  tour-à-tour  s'établir,  cesser  et  revenir.  Elle  est  en 
général  peu  durable;  après  quelques  minutes  elle  cesse ,  et 
laisse  l'organe  revenir  à  sa  flaccidité  première.  Elle  est  aussi 
susceptible  de  degrés  divers,  depuis  l'érection  extrême,  dans 
laquelle  le  pénis  a  acquis  une  très  grande  roideur  ,  jusqu'à 
cette  érection  comme  passive,  dans  laquelle  cet  organe  n'a 
fait  qu'augmenter  de  volume  sans  devenir  résistant,  et  ne 
peut,  ni  vaincre  les  obstacles  qu'opposent  à  l'approche  les 
parties  extérieures  de  la  génération  de  la  femme,  ni  pro- 
jeter le  sperme  assez  loin  pour  effectuer  la  fécondation.  Dans 
le  dernier  âge,  elle  n'est  plus  possible,  et  s'est  anéantie  avec 
la  faculté  de  reproduction,  dont  elle  est  l'acte  préparatoire. 

Qu'est-ce  qu'est  cette  érection  ,  et  quelle  en  est  la  cause  ? 
Evidemment  elle  consiste  en  une  congestion  du  sang  dans 
le  tissu  érectile  du  corps  caverneux,  de  l'urèthre  et  du 
gland.  Nous  avons  vu,  en  effet,  que  les  artères  du  pénis 
battaient  avec  plus  de  force,  que  ses  veines  étaient  plus 
grosses,  que  la  peau  était  plus  colorée.  Swammcrdam  et  de 
Graaf  ayant  coupé  la  verge  d'un  chien,  dans  le  temps  de 
l'érection,  non-seulement  trouvèrent  le  tissu  tout  gorgé  de 
sang,  mais  ils  virent  l'organe  revenir  à  sa  petitesse,  à  sa 
flaccidité,  à  mesure  que  le  sang  en  coulait.  On  a  fait  la 
même  observation  chez  l'homme  ,  dans  certains  cas  chez 
lesquels  l'érection  s'était  conservée  après  la  mort.  Enfin, 
Pechlin,  de  Graaf,  M.  Chaussier,  ont,  par  des  injections, 
provoqué  des  érections  artificielles  dans  des  cadavres.  Nul 
doute  donc  que  le  pénis  ne  soit  devenu  plus  gros  et  plus 
roide,  par  suite  de  la  plus  grande  quantité  de  sang  qui  a 
pénétré  son  tissu.  Mais  quelle  cause  à  déterminé  en  lui  cette 
congestion  sanguiue  ?  Il  y  a  eu  ici  plusieurs  hypothèses. 

Les  Anciens  accusaient  une  cause  mécanique,  la  compres- 
sion de  la  veine  honteuse  interne  contre  la  symphyse  du 
pubis ,  lors  du  redressement  de  la  verge  vers  l'abdomen  : 
comme  c'est  à  cette  veine  honteuse  qu'aboutit  la  veine  ca- 
verneuse, il  devait  résulter  de  sa  compression  stagnation  du 
sang  dans  le  corps  caverneux,  et  par  conséquent  gonflement 
de  son  parenchyme.  Les  artères  caverneuses  étant    plus  so- 


58  FONCTION    DE    LA    GENERATION. 

lides  ,  ne  cédaient  pasà  la  pression,  et  continuaient  d'apporter 
du  sang.  C'étaient  les  muscles  iskio -caverneux,  qui  en  redres- 
sant la  verge,  produisaient  cette  compression,  et  ils  étaient  à 
cause  de  cela  appelés  les  muscles  èrecteurs.  Cette  première 
théorie  de  l'érection  est  inadmissible.  D'abord,  toutannonce 
que  la  congestion  sanguine  qui  constitue  l'érection  estactive, 
et  non  l'effet  passif  d'une  compression  :  celane  résulte-t-il  pas, 
et  du  battement  des  artères  du  pénis,  et  de  la  sensation  de 
plaisirqui  précède  et  accompagne  l'érection,  et  de  l'augmen- 
tation de  chaleur  de  l'organe  ?  En  second  lieu,  dans  les  autres 
parties  du  corps  où  s'observent  des  érections,  au  mamelon  du 
sein,  par  exemple,  on  ne  voit  aucune  compression  propre  à 
produire  le  phénomène.  Enfin  ,  quel  que  soit  le  redresse- 
ment de  la  verge  contre  l'abdomen  ,  jamais  la  veine  honteuse 
interne  n'est  comprimée  assez  pour  entraver  la  circulation 
veineuse  dans  le  corps  caverneux.  On  avait  même  nié  qu'elle 
le  fut  le  moindrement ,  et  on  avait  dit  que  les  muscles  iskio- 
caverneux,  loin  d'élever  la  verge,  la  tiraient  en  bas  et  en 
arrière  :  mais  on  était  en  ceci  tombé  dans  un  extrême  in- 
verse. Evidemment  les  muscles  iskio  et  buibo- caverneux 
portent  la  verge  en  haut  et  en  avant,  surtout  dans  le  pre- 
mier temps  de  l'érection  ,  quand  l'organe  est  encore  pen- 
dant; car,  lorsqu'il  est  redressé  tout-à-fait,  ils  la  tirent  en 
bas;  et  lorsqu'il  est  dans  une  situation  moyenne,  ils  n'en 
changent  pas  la  direction.  11  est  sûr  aussi  qu'ils  contribuent, 
par  leur  contraction ,  à  l'érection  ,  en  exerçant  une  compres- 
sion directe  sur  le  corps  caverneux  dout  ils  embrassent  les 
racines  ,  et  en  pressant  la  veine  honteuse  contre  le  ligament 
périnéal.  Mais  il  faut  reconnaître,  d'abord  que  leur  con- 
traction est  convulsive;  ensuite,  que  la  compression  de  la 
veine  honteuse  a  la  moindre  part  à  la  congestion  de  sang  qui 
constitue  l'érection. 

Aujourd'hui,  cette  congestion  est  dite  active,  et  est  attri- 
buée à  l'irritation  que  développe  le  tissu  érectile  du  corps 
caverneux.  Cette  irritation  est,  en  eflet,  ce  qui  commence 
le  phénomène,  comme  le  prouve  la  sensation  de  volupté  qui 
le  précède  et  l'accompagne.  La  dilatation  du  tissu  érectiie, 
et  l'afflux  du  sang  dans  son  intérieur,  ne  viennent  qu'en- 


DE    LA    COPULATION.  5 9 

suite  ,  et  coïncidemment;  et,  par  exemple,  l'afflux  du  sang 
est  si  peu  la  cause  de  la  dilatation,  que  celle-ci  souvent  le 
précède.  D'ailleurs  ,  toute  irritation  n'a-t-eîle  pas  pour  effet 
d'appeler  plus  de  sang  dans  l'organe  qui  en  est  le  siège?  et 
n'est-ce  pas  surtout  un  phénomène  propre  au  tissu  érectile  ? 
ce  tissu  n'a-t~il  pas  une  organisation  telle  qu'il  peut,  ou  se 
dilater  sous  l'influence  d'uue  irritation  ,  ou  permettre  l'accès 
d'une  quantité  plus  grande  de  sang  en  son  parenchyme? 
On  peut  presque  considérer  l'érection  comme  une  sorte  de 
phlegmasie,  mais  qui  n'est  que  passagère,  et  qui  permet  au 
sang,  dont  l'afflux  a  produit  la  congestion  ,  de  retourner  sans 
désordre  dans  le  torrent  circulatoire.  Nous  n'avons  pas  besoin 
de  dire  que  la  membrane  fibreuse  externe  du  corps  caverneux 
est  étrangère  à  l'action;  remplissant  un  pur  office  de  conten- 
tion ,  elle  sert  seulement  à  contenir  l'érection  en  de  justes 
bornes.  C'est  le  tissu  érectile  du  corps  caverneux,  et  celui 
de  la  partie  spongieuse  de  l'urèthre  et  du  gland,  qui  seuls 
l'effectuent  :  peut-être  cependant  il  y  a  aussi  redressement 
spasmodique  des  lames  que  la  membrane  externe  envoie  dans 
l'intérieur  du  corps  caverneux,  pour  soutenir  les  ramifications 
vasculaires.  Jadis,  on  croyait  que  le  sang  qui  a  afflué  était 
épanchédansdescelîuîes,  etparconséquentétait  hors  des  vais- 
seaux ;  mais  c'était  dans  le  temps  où  l'on  n'avait  pas  saisi  la 
véritable  disposition  du  corps  caverneux,  lorsqu'onavait  mé- 
connu que  ce  corps  caverneux  consiste  spécialement  en  des 
plexusveineux.  Aujourd'hui,  on  reconnaît  que  le  sang  est  seu- 
lementaccumuiédans  ces  plexus  veineux  ;  M .  Cuvier,  en  injec- 
tant la  verge  de  l'éléphant,  MM.  Chaussier,  Béclard,  par  des 
injections  sur  l'homme,  s'en  sont  assurés.  Dans  l'idée  que  le 
sang  qui  cause  l'érection  est  dans  des  cellules  et  hors  des  vais- 
seaux, comment  concevoir  d'ailleurs  la  promptitude  avec 
laquelle  cette  érection  disparaît  ?  On  s'est  demandé  si  la  con- 
gestion du  sang  tient,  ou  à  un  afflux  plus  grand  de  ce  liquide 
par  les  artères,  ou  à  un  spasme  et  à  une  diminution  d'action 
des  veines,  qui  conséquemment  en  exportent  moins,  ou  à  ces 
deux  causes  à  la  fois.  M.  Cuvier  professe  cette  dernière  opi- 
nion ,  en  ajoutant  cependant  que  le  spasme  des  veines  doit  y 
avoir  la  plus  grande  part;  il  se  fonde  sur  ce  que  ce  sont  les 


60  FONCTION    DE    LA    GÉNÉRATION, 

veines  qui  prédominent  dans  la  structure  du  corps  caver- 
neux, et  sur  ce  que  c'est  surtout  aux  veines  que  se  terminent 
les  nerfs  qui  sont  les  conducteurs  de  l'irritation  mentale. 
Sans  doute  il  faut  bien  une  action  spéciale  de  ces  veines, 
puisque  ce  sont  elles  qui  forment  plus  particulièrement  le 
tissu  érectile  du  corps  caverneux,  et  que  c'est  ce  tissu  érec- 
tile  qui,  en  vertu  de  l'irritation  dont  il  est  le  siège,  ap- 
pelle en  lui  le  sang;  mais  cet  appel  prouve  que  le  sang  arté- 
riel doit  affluer  aussi  en  plus  grande  quantité,  et  tous  les 
autres  phénomènes  qui  accusent,  dans  cet  acte  d'érection, 
une  exaltation  de  la  vitalité ,  en  sont  aussi  la  preuve. 

Toutefois  ,  par  cette  érection  ,  le  pénis  a  acquis  la  solidité 
qui  lui  est  nécessaire  pour  effectuer  son  introduction  dans  le 
canal  vulvo  -  utérin  ,  malgré  les  résistances  physiques  que 
peut  présenter  ce  canal. 

Mais  pendant  le  séjour  que  cet  organe  fait  dans  les  parties 
de  la  femme ,  il  faut  que  soit  excrété  le  sperme  qui  doit  ef- 
fectuer la  fécondation  ;  et  voici  le  mécanisme  de  cette  excré- 
tion. L'introduction  du  pénis  étant  forcément  accompagnée 
de  frottements,  qui  sont  l'occasion  d'une  sensation  tactile 
voluptueuse,  l'état  d'érection  persiste.  L'excitation  évidente 
dans  laquelle  est  cet  organe  se  propage  au  reste  de  l'appa- 
reil. D'un  côté,  le  testicule  augmente  sa  sécrétion,  comme 
le  font  les  glandes  salivaires ,  lorsque  la  présence  d'un  ali- 
ment dans  la  bouche  les  excite;  dès  lors  le  sperme  arrive 
avec  plus  d'abondance  aux  vésicules.  On  croit  d'ailleurs  que 
ce  testicule  est  alors  soulevé,  rapproché  de  l'anneau  ,  comme 
secoué  par  les  contractions  convulsives  sympathiques  du 
dartos  et  du  muscle  crémaster,  et  que  le  sperme  qui  remplit 
ses  vaisseaux  intérieurs  est  alors  poussé  mécaniquement  vers 
les  vésicules.  Au  moins  ,  par  ce  soulèvement  du  testicule,  le 
canal  déférent  est  devenu  moins  long  et  moins  flexueux. 
D'autre  part,  l'excitation  saisit  la  vésicule  elle-même;  ce 
réservoir  se  contracte  ,  et  projette,  par  le  canal  éjaculateur, 
le  sperme  dans  l'urèthre.  Est-ce  une  contraction  brusque, 
énergique ,  qu'effectue  la  vésicule  ?  ou  seulement  une  ré- 
traction lente ,  en  vertu  de  laquelle  le  sperme  serait  amené 
doucement  dans  l'urèthre,  le  dardemeiit  de  ce  fluide  ne  se 


DE    LA    COPULATION.  61 

faisant  qu'au-delà  ?  On  ne  peut  rien  assurer;  mais  comme  la 
vésicule  n'a  dans  sa  texture  rien  de  musculeux,  qu'on  ne 
peut,  déterminer  en  elle  artificiellement  aucune  contraction 
forte  ,  et  qu'enfin  une  sensation  de  plaisir  qui  augmente 
progressivement  semble  marquer  le  passage  graduel  du 
sperme  dans  l'urèthre ,  le  dernier  fait  paraît  être  le  plus 
probable.  Toutefois  ,  le  sperme  arrivé  dans  l'urèthre  porte  , 
par  sa  présence,  ce  canal  au  plus  haut  degré  d'orgasme  ;  cet 
urèthre  se  rétracte  avec  énergie  ;  les  muscles  iskio  et  bulbo- 
caverneux  ,  transverse  du  périnée  et  releveur  de  l'anus,  en- 
trent sympathiquement  dans  une  contraction  convulsive  ; 
en  même  temps  que  les  premiers  maintiennent  le  pénis  re- 
dressé et  dans  une  direction  qui  est  en  rapport  avec  l'orifice 
de  l'utérus  au  fond  du  vagin ,  ils  concourent  à  exprimer  dé 
l'urèthre  le  sperme  qui  y  est  parvenu;  et,  par  le  concours 
de  toutes  ces  puissances ,  ce  fluide  est  dardé,  projeté  au  loin, 
avec  une  sensation  de  volupté  qui  est  la  plus  vive  de  toutes 
celles  que  l'homme  peut  éprouver.  Tout  l'appareil  est  dans 
un  état  d'orgasme  extrême;  l'urèthre  a  revêtu  une  sensibi- 
lité qui  lui  est  nouvelle;  dans  tout  autre  temps,  l'excrétion 
du  sperme  ne  procurerait  pas  la  même  sensation  de  plaisir; 
la  volupté  ressentie  est  telle,  que  l'homme  est  mis  momen- 
tanément hors  de  lui-même,  et  comme  jeté  dans  une  con- 
vulsion générale.  L'excrétion  ne  se  fait  pas  d'une  manière 
continue,  mais  par  jets,  par  saccades.  Remarquons  encore 
en  passant  la  bonté  de  la  nature,  qui,  ici  comme  dans  la 
nutrition  ,  a  attaché  une  vive  sensation  de  plaisir  à  l'accom- 
plissement de  l'acte  qui  était  pour  elle  et  pour  nous  d'un  si 
grand  intérêt.  La  quantité  de  sperme  qui  est  projetée  a  été 
évaluée  à  deux  gros  ;  mais  nécessairement  ceî  a  doit  varier  selon 
le  degré  d'exaltation  avec  lequel  l'acte  s'accomplit,  selon  la 
constitution  individuelle,  le  temps  qui  s'est  écoulé  depuis 
le  dernier  coït.  On  s'est  demandé  si  les  vésicules  séminales 
se  vident  en  entier,  ou  si  elles  conservent  encore  un  peu  de 
sperme?  on  ne  peut  le  savoir;  ce  qu'il  y  a  de  sûr,  c'est 
qu'une  seconde  copulation  peut  suivre  d'assez  près  une  pre- 
mière. En  même  temps  que  le  sperme  est  excrété,  les  sucs 
de  la  prostate  et  des  glandes  de  Cowper  le  sont  aussi  :  la 


G 2  FONCTION    DE   LA   GENERATION, 

projétion  de  ceux-ci  s'observe  même  dès  les  premiers  temps 
de  l'érection,  et  précède  l'éjaculation  proprement  dite.  Toute 
cette  scène  s'accomplit  assez  rapidement ,  surtout  l'excrétion 
spermatique.  Cependant  chez  certains  animaux,  ceux  sur- 
tout qui  n'ont  pas  de  vésicules  séminales,  elle  comporte  un 
temps  assez  long;  et.  par  exemple,  c'est  pour  que  le  sperme 
ait  tout  le  temps  d'être  déposé  dans  les  parties  de  la  femelle , 
que  chez  le  chien,  qui  n'a  pas  de  vésicules  séminales,  le 
pénis,  une  fois  introduit,  se  gonfle  de  manière  à  ne  pouvoir 
plus  être  retiré  que  lorsque  l'excrétion  du  sperme  achevée 
en  fera  cesser  l'érection. 

L'éjaculation  spermatique  effectuée ,  l'éréthisme  du  pé- 
nis cesse,  les  parties  reviennent  lentement  à  leur  état 
naturel,  et  le  rôle  de  l'homme  dans  la  génération  est  ac- 
compli :  cet  être  éprouve  un  sentiment  général  de  lan- 
gueur, d'abattement  et  souvent  de  tristesse,  comme  s'il 
sentait  qu'il  vient  de  donner  l'être  à  ses  dépens,  et  qu'il 
a  diminué  son  fonds  de  vie. 

§  III.    Office  de  la  femme  dans  la  Copulation. 

Chez  la  femme,  les  parties  extérieures  de  la  génération 
sont  disposées  de  manière  à  permettre  mécaniquement  l'in- 
troduction du  pénis;  il  n'y  a  pas  besoin  chez  elle  de 
ce  phénomène  de  Férection  ,  que  nous  venons  de  voir  être 
un  préalable  indispensable  pour  l'homme  ;  la  vulve  laisse 
libre  l'entrée  du  canal  vuWo- utérin.  Ce  n'est  pas  cepen- 
dant qu'il  n'y  ait  à  l'introduction  du  pénis  des  difficultés 
physiques  plus  ou  moins  grandes.  Ces  difficultés  tiennent ,  à 
la  présence  de  la  membrane  hymen,  à  l'étroitesse  naturelle 
du  vagin,  à  la  turgescence  du  tissu  érectile  qui  garnit  l'in- 
térieur de  la  vulve  et  du  vagin  ,  turgescence  qui  se  fait 
alors  par  les  mêmes  influences  voluptueuses  que  l'érection 
chez  l'homme,  à  la  contraction  du  muscle  constricteur  de 
la  vulve  :  ces  difficultés  sont  grandes  surtout  aux  premières 
approches,  et  tellement  que  ces  premières  approches  sont 
généralement  douloureuses  pour  les.  deux  sexes,  accompa- 
gnées de  quelques  déchirements  et  d'écoulement  de  sang, 


DE    LA    COPULATION.  65 

cruenta  Venus.  Mais  c'est  à  l'homme  à  vaincre  ces  difficul- 
tés physiques  ;  elles  ne  sont  pour  la  femnie  qu'une  occasion 
de  douleurs.  Du  reste ,  elles  entraient  dans  le  plan  de  la 
nature;  d'un  côté,  elles  piquent  moralement  l'homme  et 
augmentent  son  ardeur  ;  d'autre  part ,  le  pénis  une  fois  in- 
troduit dans  le  vagin  ,  est  mieux  embrassé  par  ce  canal;  les 
frottements  qu'exercent  sur  lui  les  rides  qui  en  hérissent  la 
surface  interne,  entretiennent  mieux  son  excitation.  D'ail- 
leurs ^  ces  résistances  ne  sont  que  légères;  il  y  a  rapports  de 
grandeur,  de  calibre  entre  le  pénis  et  le  vagin;  et  les  mu- 
cosités qui  suintent  de  la  surface  interne  de  celui-ci,  l'ex- 
pansibilité  dont  est  susceptible  ce  canal ,  permettent  tou- 
jours de  les  vaincre. 

Mais  si,  à  l'égard  de  cette  introduction  ,  la  femme  paraît 
être  passive,  elle  ne  l'est  pas  dans  le  reste  de  l'acte;  elle 
participe  de  l'orgasme  voluptueux  de  l'homme.  Ainsi  que 
nous  l'avons  dit ,  il  y  a  turgescence  érectile  du  clitoris  et  de 
tout  le  tissu  spongieux  qui  tapisse  l'intérieur  de  la  vulve  et 
du  vagin;  cette  turgescence  se  fait  par  le  même  mécanisme 
quel'éreclionchez  l'homme,  et  par  les  mêmescauses,  savoir, 
l'influence  mentale  du  désir  ,  et  la  stimulation  exercée  par 
l'approche  elle-même.  Le  spasme  voluptueux  se  continue 
pendant  tout  le  temps  du  rapprochement,  et,  augmentant 
graduellement,  il  arrive  à  un  si  haut  degré,  que  la  femme 
est  jetée  dans  un  état  convulsif  et  extatique  ,  semblable  à 
celui  qu'a  présenté  l'homme  lors  de  l'émission  du  sperme. 
Il  se  fait  probablement  alors  dans  les  ovaires  et  les  trompes 
quelques  mouvements  que  nous  chercherons  à  caractériser 
a  l'article  de  la  conception,  et  qui  sont  les  analogues  de 
ceux  qu'ont  présentés  chez  l'homme  les  vésicules  séminales 
et  l'urèthre.  Il  est  certain  au  moins,  que  la  volupié  vive 
qu'éprouve  alors  la  femme  ne  tient  pas  au  contact  du  sperme 
qui  est  projeté  ,  mais  au  jeu  même  de  ses  organes;  car  il  est 
possible  que  les  moments  auxquels  les  deux  individus  éprou- 
vent le  plus  grand  spasme  ne  coïncident  pas.  Il  est  certain 
encore  qu'il  n'y  a  pas  chez  la  femme  d'éjaculation  sperma- 
tique;  et  les  fluides  que  quelques  femmes  excrètent  alors  ne 
sont  que  de  simples  mucosités  vaginales. 


64  FONCTION    DE    LA    GÉNÉRATION. 

On  peut  donc,  à  la  rigueur,  faire  dans  le  rôle  de"  la 
femme  pour  la  copulation,  le  même  partage  que  dans  les 
acles  par  lesquels  l'homme  l'a  accomplie.  Observons  cepen- 
dant que  les  femmes  présentent  ici  beaucoup  de  variétés; 
chez  les  unes,  cet  acte  est  accompagné  de  sensation  déplai- 
sir; chez  d'autres,  il  est  sans  jouissance  aucune  ,  ou  même 
douloureux.  Jadis  une  thèse  fut  soutenue  sur  cette  ridi- 
cule question  :  Est  ne  f démina  viro  salacior?  Généralement 
dans  toutes  les  espèces  animales  le  mâle  est  plus  ar- 
dent que  la  femelle,  et  cela  est  vrai  aussi  de  l'espèce  hu- 
maine. On  a  demandé  lequel  des  deux  sexes  éprouve  dans 
le  coït  plus  de  volupté ,  comme  si  l'on  pouvait  comparer  des 
sensations  qu'autant  qu'on  les  éprouve  soi-même.  Après  le 
coït  ,  la  femme  a  le  même  sentiment  de  faiblesse,  de  lan- 
gueur et  de  tristesse  que  l'homme. 

ARTICLE   II. 

De  la  Conception  ou  Fécondation. 

La  copulation ,  dont  nous  venons  de  traiter  ,  est  le  seul 
acte  génital  qui,  comme  commençant  la  reproduction  ,  soit 
laissé  à  notre  volonté,  Tous  ceux  qui  vont  le  suivre  se  pro- 
duiront irrésistiblement ,  et  sans  que  nous  en  ayons  con- 
science. C'est  de  même  que  dans  la  fonction  de  digestion  ; 
la  préhension  de  l'aliment  était  le  seul  acte  volontaire, 
tous  ceux  qui  ont  fait  suite  se  sont  accomplis  d'eux-mêmes , 
indépendamment  de  toute  volonté  et  sans  aucune  percep- 
tion. Cette  copulation,  en  outre,  n'est  qu'un  acte  prépara- 
toire de  la  génération;  elle  ne  sert  qu'à  produire  la  fusion  , 
le  rapprochement  des  matières  ,  quelles  qu'elles  soient, 
que  fournissent  l'un  et  l'autre  sexe  pour  la  formation  de 
l'individu  nouveau;  c'est  cette  formation  ,  qu'on  appelle^e- 
condation  ,  conception ,  qui  est  vraiment  la  chose  impor- 
tante. En  effet,  dans  beaucoup  d'animaux,  dans  tous  ceux 
chez  lesquels  l'œuf  n'est  fécondé  qu'après  avoir  été  pondu  , 
il  n'y  a  pas  de  copulation  ;  et  dans  les  animaux  ,  pour  les- 
quels un  accouplement  est  nécessaire ,  souvent  il  y  a  con- 


DE   LA   CONCEPTION    OU    FECONDATION.  65 

ception,  bien  que  cet  accouplement  n'ait  pas  eu  lieu,  ou 
n'ait  été  effectué  que  d'une  manière  incomplète.  Il  suffit 
que,  d'une  manière  quelconque,  y  ait  eu  rapprochement  des 
matières  que  fournissent  l'un  et  l'autre  sexe,  pour  qu'il  en 
résulte  formation  de  l'individu  nouveau,  ou  du  moins  d'un 
corpsqui  sera  apte  à  ie  constituer  après  un  certain  nombre 
d'évolutions,  de  métamorphoses  déterminées.  Or  ,  c'est  de 
cette  formation,  de  la  conception ,  de  la  fécondation  ,  dont 
nous  avons  à  nous  occuper  maintenant.  Recherchons  quelles 
sont  les  matières  fournies  par  l'un  et  l'autre  sexe  ,  comment 
ces  matières  sont  mises  en  contact,  et  comment  de  ce  con- 
tact résulte  l'individu  nouveau. 

D'abord,  la  substance  que  fournit  l'homme,  et  par   la- 
quelle  il  concourt    à    la  génération ,    est    évidemment    le 
sperme;  c'est  en  effet  ce  qu'il  projette  dans  la  copulation. 
Il  excrète  bien  aussi  les  liqueurs  de  la  prostate  et  des  glan- 
des de  Cowper ,  mais  ces  sucs  n'existent  pas  dans  tous  les 
animaux,  et  probablement  ils  ne  servent  qu'à  la  lubréfac- 
tion   des  parties,  ou  à  la  dilution  du  sperme.    Au  moins, 
dans   les  fécondations  artificielles  que  divers  expérimenta- 
teurs ont  faites,  et  dont  nous  devons  parler  ci-après,  on  a 
observé  que  le  sperme,  pour  jouir  de  toute  sa  puissante  fé- 
condante, avait  besoin  de   dilution,  d'être  délayé  ,  d'être 
étendu  dans  une  liqueur.  Au  contraire ,  les  testicules  existent 
en  tous  les  animaux,  et  leur  ablation  suffit  pour  produire 
la  stérilité ,  bien  que  tout  le  reste  de  l'appareil  génital  sub- 
siste et  puisse  effectuer  le  coït.  On  peut  d'ailleurs  en  appe- 
ler sur  ceci  aux  animaux  chez  lesquels  la  fécondation  s'ac- 
complit à  l'extérieur;  on  voit  en  eux,   qu'évidemment  le 
sperme  est  projeté  sur  les  œufs  ;  que ,  sans  l'influence  de  ce 
sperme,  il  n'y  a  pas  de  fécondation  ,  et  que  c'est  par  ce 
fluide  seul  qu'elle  a  lieu.  Spallanzani  examine  comparati- 
vement, dans  de  l'eau  très  limpide  et  hors  de  l'eau,   des 
grenouilles  pendant  qu'elles  sont  accouplées;  il  voit  qu'au 
moment  où  la  femelle  pond  les  œufs,  le   mâle  lance,  par 
une  pointe  gonflée  qui  sort  de  son  anus ,  une  liqueur  trans- 
parente qui  arrose  ces  œufs  et  les    féconde.  Pour  avoir  la 
certitude  que  c'est  la  liqueur  projetée  par  le  mâle  sur  les 
Tome  IV.  5 


66  FONCTION    DE   LA    GÉNÉRATION, 

œufs  ,  qui  a  effectué  la  fécondation  ,  Spallanzani  habille 
le  mâle  avec  une  culotte  de  taffetas  ciré  ,  et  il  observe  alors, 
d'une  part,  que  la  fécondation  n'a  plus  lieu,  et ,  d'autre 
part,  que  la  culotte  est  remplie  d'assez  de  sperme  pour  qu'on 
puisse  en  recueillir.  Enfin ,  Spallanzani  imprègne  un  pin- 
ceau du  sperme  recueilli  dans  l'expérience  précédente ,  et 
tous  les  œufs  qu'il  louche  avec  ce  pinceau  sont  fécondés. 
Cette  fécondation  artificielle  lui  réussit,  soit  qu'il  opère 
sur  des  œufs  déjà  pondus,  soit  qu'il  agisse  sur  des  œufs  en- 
core renfermés  dans  l'oviductus,  soit  qu'il  emploie  le  sperme 
pur  ou  mêlé  à  d'autres  liquides  ,  du  sang,  de  l'urine  ,  de  la 
bile ,  du  vinaigre  ,  etc.  Trois  grains  de  ce  sperme  lui  ont 
suffi  pour  spermatiser  et  rendre  fécondante  une  livre  d'eau; 
il  suffisait  pour  la  fécondation  ,  d'un  globule  de  cette  eau, 
qui  ne  devait  contenir  qu'un  2,994,687,500e  de  grain.  Ce- 
pendant ,  au-delà  d'un  certain  degré  d'extension  du  sperme, 
il  vit  diminuer  la  puissance  fécondante ,  à  mesure  qu'il 
augmentait  la  quantité  du  véhicule.  Déjà  Jacobi  avait  fé- 
condé artificiellement  des  œufs  de  poissons,  en  exprimant 
sur  eux  la  laite  des  mâles.  Comme  on  pouvait  objecter  la 
grande  différence  qui  existe  entre  les  batraciens  et  l'homme, 
Spallanzani  opéra  sur  un  animal  plus  rapproché  de  notre 
espèce;  il  choisit  une  chienne  de  la  variété  des  barbets ,  et 
qui  avait  déjà  engendré  plusieurs  fois  ;  il  l'enferma  quel- 
ques temps  avant  l'époque  du  rut;  il  attendit  qu'elle  en 
présentât  tout  les  signes  ,  ce  qui  ne  fut  qu'après  vingt-trois 
jours  de  réclusion  ;  et  lui  injectant  alors  dans  le  vagin  et  la 
matrice,  à  l'aide  d'une  seringue  chaude  à  trente  degrés,  dix- 
neuf  grains  de  sperme  qu'il  avait  retiré  d'un  chien ,  il  vit  la 
ehienne  au  bout  de  deux  jours  cesser  d'être  en  chaleur,  et 
mettre  bas  ,  au  terme  ordinaire ,  trois  petits  ,  qui  ressem- 
blaient à  la  fois  et  à  elle  et  au  chien  qui  avait  fourni  le  sperme. 
Rossi  de  Pise ,  et  Buffolini  de  Césène  ont  répété  cette  expé- 
rience avec  le  même  succès.  Enfin ,  MM.  Damas  et  Pré- 
vost ,  dans  une  suite  d'expériences  nouvelles  sur  la  généra- 
tion ,  ont  aussi ,  avec  du  sperme ,  fécondé  artificiellement 
des  œufs  de  grenouille.  Ayant  délayé  dans  de  l'eau  le  suc 
exprimé  de  plusieurs  testicules,  et  y  ayant  ensuite  plongé 


DE  LA  CONCEPTION  OU  FECONDATION.        67 

des  œufs  de  grenouilles,  ils  ont  vu  ces  œufs  successive- 
ment se  gonfler  et  se  développer;  d'autres  œufs,  plongés 
par  comparaison  dans  de  l'eau  ordinaire,  n'ont  fait  que 
se  gonfler,  et  après  quelques  jours  se  sont  pourris..  Dans 
leurs  expériences,  ces  savants  ont  reconnu  que  le  mucus 
dont  les  œufs  de  grenouilles  se  revêtent  dans  la  seconde 
partie  de  Toviductus ,  sert  à  absorber  le  sperme  ,  et  à  con- 
duire cefluide  à  la  surface  de  l'œuf;  que,  pour  réussir  dans 
ces  fécondations  artificielles ,  il  importe  conséquemment 
que  le  sperme  soit  délayé  ;  s'il  est  trop  concentré  ,  son  ac- 
tion est  moindre.  Ils  se  sont  assurés  enfin,  que  ce  n'est  pas 
seulement  la  partie  aqueuse  du  sperme  qui  est  absorbée,  mais 
sa  partie  principale,  puisqu'ils  ont  retrouvé  des  animalcules 
mouvants  dans  l'épaisseur  du  mucus,  et  jusqua  la  surface 
de  l'œuf  proprement  dit:  et  nous  verrons  que  ce  sont  ces 
animalcules  qu'ils  considèrent  comme  la  partie  agissante 
du  sperme. 

Il  est  donc  certain  déjà  que  le  sperme  est  la  matière  four- 
nie par  l'homme  pour  la  génération.  Ce  oremierfait  con- 
staté, recherchons  jusqu'à    quel  point  de  l'appareil  génital 
de  la  femme  ce  fluide  est  projeté,  et  en  quel  lieu  il  agit. 
L  es  physiologistes  ont  ici  émis  des  assertions  différentes  ,  se- 
lon le  système  qu'ils  ont  adopté  sur  l'essence  de  la  généra- 
tion. Selon  les  uns,   le  sperme  ne  parvient  qu'à  la  partie 
supérieure  du  vagin,  sans  pénétrer  dans  l'intérieur  de  l'u- 
térus; et  c'est  parce  que  les  vaisseaux  du  vagin  l'absorbent 
et  le  portent  par  les  voies  de  la  circulation  jusqu'à  l'ovaire 
ou  parce  qu'il  dégage  une  émanation  spiritueuse  qui  se  pro- 
page jusqu'à  cet  organe ,  qu'il    accomplit  la  fécondation. 
Quel  que  soit ,  en  effet ,  le  trajet  que  parcourt  le  sperme ,  il 
faut  qu'il  agisse  sur  l'ovaire  ;  car  nous  allons  prouver  tout 
à  l'heure  que  c'est  à  cet  organe  que  se  fait  la  fécondation. 
Selon  d'autres ,    le  sperme  est  dardé  jusque  dans  l'utérus 
mais  il  ne  va  pas  au-delà  ;  et    c'est   dans   cet   état  que ,  se 
mêlant   à  la  matière,    quelle  qu'elle  soit,   que   fournit  la 
femme,  il  accomplit  la  fécondation.  Enfin,  dans  une  troi- 
sième opinion  ,   l'on  dit  que  le  sperme ,  porté  par  l'éjacu- 
lation  jusque  dans  l'utérus ,  y  est  saisi  par  la  trompe      et 

5. 


68  FONCTION  DE  LA  GÉNÉRATION. 

est  porté  par  cet  organe,  qui  est  alors  en  érection,  jusqu'à 
l'ovaire,  auquel  sa  portion  frangée,  son  pavillon,  sont  alors 
appliqués. 

De  ces  diverses  opinions ,  la  dernière  est  la  plus  vraisem- 
blable ,  pour  ce  qui  est  de  l'espèce  humaine  au  moins.  Dans 
cette  espèce,  en  effet ,  il  est  sûr,  en  premier  lieu,  que  c'est 
à  l'ovaire  que  se  fait  la  conception  ;  les  grossesses  extra-uté- 
rines en  sont  la  preuve.  On  a  vu  des  fœtus  se  développer 
dans  l'ovaire  même;  on  en  a  vu  le  faire  dans  le  ventre, 
les  ovules  ayant  probablement  échappé  à  la  trompe  au 
moment  où  celle-ci,  par  son  pavillon,  les  prend  dans  l'o- 
vaire pour  les  conduire  à  l'utérus  ;  on  a  vu  enfin  des  gros- 
sesses de  la  trompe  elle-même,  les  œufs  s'y  arrêtant  et  ne 
parvenant  pas  jusqu'à  l'utérus.  Nuck  a  une  fois  déterminé 
*  cette  dernière  ;  ayant  appliqué  sur  une  chienne ,  trois  jours 
après  son  accouplement,  une  ligature  à  l'une  des  cornes  de 
la  matrice,  il  trouva  deux  fœtus  arrêtés  dans  la  trompe, 
entre  la  ligature  et  l'ovaire.  Ces  cas  insolites  prouvent  que 
c'est  à  l'ovaire  même  que  s'est  formé  l'individu  nouveau  ;  s'il 
s'était  formé  à  des  parties  moins  profondes  ,  il  aurait  dû  être 
reporté  à  l'ovaire ,  et  cela  n'est  pas  probable ,  car ,  pour  quel 
but  le  serait-il  ?  On  sait ,  d'ailleurs  ,  qu'il  suffit  qu'une  poule 
soit  cochée  une  fois  pour  pondre  vingt  œufs  féconds;  or  ces 
œufs  ne  sont  excrétés  que  l'un  après  l'autre  ;  ils  n'ont  pu 
conséquemment  être  fécondés  qu'au  lieu  où  ils  étaient  réu- 
nis, c'est-à-dire  à  l'ovaire  même.  A  la  vérité  ,  MM.  Dumas 
et  Prévost  croient  devoir  conclure  de  leurs  derniers  tra- 
vaux ,  que  le  siège  de  la  fécondation  est  l'utérus.  Us  se  fon- 
dent sur  les  trois  raisons  suivantes  ;  10  dans  leurs  expérien- 
ces 3  ils  ont  toujours  trouvé  le  sperme  remplissant  les  cornes 
de  la  matrice  ;  et  n'est-il  pas  naturel  dès  lors  de  ne  placer  le 
siège  de  la  fécondation  ,  que  là  où  le  sperme  est  présent  et 
a  pu  agir?  2°  dans  les  animaux  dont  les  œufs  ne  sont  fé- 
condés qu'après  avoir  été  pondus,  évidemment  la  féconda- 
tion se  fait  à  un  lieu  autre  que  l'ovaire  ;  3»  enfin  ,  dans 
leurs  expériences  de  fécondations  artificielles,  jamais  ils  n'ont 
pu  féconder  d'œufs  pris  à  l'ovaire.  Mais  aucuns  de  ces  argu- 
ments ne  me  semble  une   démonstration.  Le  premier  n'est 


DE   LA   CONCEPTION    OU    FECONDATION.  69 

qu'un  fait  négatif;  et  dans  une  matière  aussi  délicate  ,  est- 
on  sûr  de  tout  voir,  de  ne  rien  laisser  échapper  ?  Haller  dit 
avoir  trouvé  le  sperme  jusque  sur  l'ovaire;  et  c'est  un  fait 
positifà  opposer  aux  observations  négatives  de  MM.  Dumas  et 
Prévost.  D'ailleurs,  ces  expérimentateurs  disent  que  le  pre- 
mier jour  après  la  copulation ,  le  sperme  n'était  qu'au  mi- 
lieu des  cornes  utérines  ;  que  ce  n'était  qu'après  vingt-qua- 
tre heures  qu'il  était  parvenu  à  leur  sommet;   ils  disent 
l'avoir  vu  une  fois  jusque  dans  la  trompe;  or,  ne  sont-ce 
pas  là  des  indices  du  transport  de  ce  fluide  au-delà  de  l'u- 
térus? et,  particulièrement,  aurait-on  jamais  dû  le  trouver 
dans  la    trompe,  si  c'est  à  l'utérus  que  se  fait  la  féconda- 
tion? Le  second  argument  n'est  qu'une  analogie  dont  on 
peut  contester  l'application  aux  animaux  supérieurs;  d'a- 
près cette  analogie  ,  la  fécondation  ne  se  ferait  pas  même  à 
l'utérus,  mais    en   dehors  de  tous  les    organes.    Quant  au 
troisième  argument ,   l'impossibilité  de   féconder  des  œufs 
pris  à  l'ovaire ,  d'abord  MM.  Dumas  et  Prévost  conviennent 
n'avoir  jamais  pu  détacher  ces  œufs  sans  les  blesser  ,  et  cela 
a   pu  empêcher  leur  fécondation  ;  ensuite ,  Spallanzani  a 
réussi  à  l'effectuer.  Concluons  donc  que ,  dans  les  animaux 
supérieurs  au  moins  ,  c'est  à  l'ovaire  que  se  fait  la  féconda- 
tion;  et  dès  lors  se  trouve  ruinée  déjà  cette  première  opi- 
nion ,  qui  plaçait  le  siège  de  cette  opération  dans  l'utérus. 
En  second  lieu  ,  il  est  également  sûr  que  le  sperme  est 
projeté  au-delà  du  vagin,  et  jusque  dans  l'utérus.  En  effet, 
dans  le  coït,  l'extrémité  du  pénis  est  placée  dans  le  fond  du 
vagin,  jusque  contre  l'ouverture  de  l'utérus;  et  que  servi- 
rait le  rapport  entre  ces  deux  organes ,  si  ce  n'était  pour  que 
le  fluide  projeté  par  l'un  pénétrât  dans  la  cavité  de  l'autre? 
On  avait  même  ditquel'extrémitédupénis  s'engageait  lorsdu 
coït,  dans  l'orifice  de  l'utérus ,  mais  cela  est  faux  ;  il  est  plus 
probable  que  l'orifice  de  l'utérus,   alors  à  moitié   ouvert, 
et  dansun  état  de  spasme,  aspire  le  sperme.  En  second  lieu, 
l'idée  que  le  sperme  est  absorbé  par  les  vaisseaux'du  vagin, 
et  va ,  par  la  voie  de  la  circulation  ,  influencer  l'ovaire  ,  est 
inadmissible.  Enfin,  on  a  des  preuves  directes  de  la  pénétra- 
tion de  ce  fluide  dans  l'utérus;  si  Fabrice  d'Jquapendente, 


;o  FONCTION    DE   LA    GÉNÉRATION. 

Harvej ,  disent  ne  l'y  avoir  pas  trouvé,  d'autres  expéri- 
mentateurs ont  été  plus  heureux;  Ruisch  l'a  reconnu  dans 
l'utérus  d'une  femme  surprise  en  adultère  par  son  mari,  et 
tuée  par  lui;  HallerYa.  retrouvé  dans  la  matrice  d'une  bre- 
bis tuée  quarante  -  cinq  minutes  après  l'accouplement; 
MM.  Dumas  et  Prévost  ont  signalé  ce  même  fait,  et  en 
avaient  conclu  ,  comme  nous  venons  de  le  dire  ,  que  la  fé- 
condation se  faisait  dans  l'utérus. 

Enfin,  comme  la  conception  a  certainement  lieu  àl'ovaire, 
il  faut,  ou  que  le  sperme  soit,  lors  de  la  copulation, projeté, 
non-seulement  jusque  dans  Tutérus,  mais  encore  jusqu'à 
l'ovaire;  ou  que  de  l'utérus,  ce  fluide  agisse  sur  l'ovaire  , 
par  un  aura  seminalis  ;  ou  bien  enfin  que  ,  par  une  action 
spéciale  de  la  trompe,  il  soit  conduit  de  Futérus  à  l'ovaire. 
La  première  de  ces  suppositions  ne  peut  être  admise  ;  cer- 
tainement, lors  de  l'éjaculation  spermatique,  le  fluide  ne 
va  pas  jusqu'à  l'ovaire  ,  ou  du  moins  ce  n'est  pas  par  l'in- 
fluence du  mâle  ;  les  trompes  ont  trop  d'étroitesse  pour  per- 
mettre d'une  manière  aussi  mécanique  la  projétion  du 
fluide.  La  supposition  de  Vaura  seminalis  n'est  pas  mieux 
fondée;  car,  dans  les  animaux  chez  lesquels  la  fécondation 
se  fait  à  Fextérieur,  on  voit  qu'il,  y  a  contact  direct  du 
sperme;  et  Spallanzani  et  MM.  Dumas  et  Prévost,  dans 
leurs  expériences  de  fécondations  artificielles,  ont  reconnu 
que  ce  contact  était  nécessaire ,  et  que  ces  fécondations  n'é- 
taient jamais  obtenues  quand  on  soumettait  seulement  les 
œufs  aux  émanations  du  sperme.  Voici  l'expérience  par  la- 
quelle Spallanzani  constata  ce  résultat  :  il  prit  deux  verres 
de  montre  susceptibles  de  s'adapter  l'un  à  l'autre;  dans 
l'inférieur,  il  mit  dix  à  douze  grains  de  sperme,  et  dans 
l'autre  une  vingtaine  d'oeufs;  après  quelques  heures,  la  se- 
mence s'était  évaporée  au  point  que  les  œufs  en  étaient  hu- 
mectés, et  cependant  ils  ne  furent  pas  fécondés  ;  ils  le  furent 
au  contraire  dès  qu'on  les  eut  touchés  avec  ce  qui  restait  de 
la  semenca.  L'expérience  de  MM.  Dumas  et  Prévost  est  en- 
core plus  concluante.  Ils  préparèrent  cinquante  grammes 
d'une  liqueur  fécondante,  avec  le  suc  exprimé  de  douze 
testicules  et  d'autant  de  vésicules  séminales  ;  avec  dix  gram- 


DE    LA   CONCEPTION    OU    FÉCONDATION.  71 

mes  de  cette   liqueur  ils  fécondèrent  plus  de  deux  cents 
œufs.  Les  quarante  grammes  restants  furent  mis  dans  une 
petite  cornue  à  laquelle  on   adapta  une  alonge  ;   on  plaça 
dans  celle-ci  quarante  œufs,  dont  dix  occupaient  la  partie 
la  plus  creuse,  tandis  que  les  autres  étaient  placés  près  du 
bec  delà  cornue;  l'appareil  alors  fut  mis  sous  le  récipient 
de  la  machine  pneumatique  ,  et  on  enleva  assez  d'air  pour 
diminuer  de  moitié  la  pression  atmosphérique;  on  dirigea 
ensuite  sur  la  panse  de  la  cornue  les  rayons  solaires ,  la  tem- 
pérature  à  l'intérieur   s'éleva    à   25  degrés;    après    quatre 
heures  on  arrêta  l'expérience  ,  et  voici  ce  qu'on  trouva  :  les 
œufs  qui  étaient  au  fond  de  l'alonge  étaient  baignés  dans 
un  liquide  clair,  qui  était  le  produit  de  la  distillation;  ils 
s'étaient  gonflés  comme  dans  de  l'eau  pure;  mais  ils  ne  se 
développèrent  pas;  il  fallut  pour  cela  les  plonger  dans  la 
liqueur  qui  était  restée  dans  la  cornue;  les  œufs  qui  étaient 
placés  tout  près  du  bec  de  la  cornue   n'éprouvèrent  aucun 
changement.  Ainsi,  la  partie  de  la  semence   qui  avait  été 
retirée    par   la   distillation,   n'était   pas   apte  à  féconder, 
tandis  que  celle   qui  restait  avait  conservé  cette  aptitude. 
Certes ,  ce  fait  est  tout-à-fait  opposé  à  la  supposition  d'un 
aura  seminalis.  Il  faut  donc  que  le  sperme  aille  de  l'utérus 
à  l'ovaire ,  par  la  trompe.  Or,  voici  ce  qu'on  croit  :  dans  le 
spasme    voluptueux   qui    existe    lors  de  la  copulation ,  la 
trompe  s'érige ,  applique  son  pavillon  à  l'ovaire  ,  et  apporte 
le  sperme  à  cet  organe  ;  Haller  dit  qu'en  injectant  sur  le 
cadavre  les  vaisseaux  de  la  trompe ,  il  a  vu  ce  canal  se  com- 
porter ainsi;  il  dit  avoir  reconnu  plusieurs  fois,  dans  des 
lapines,  le  sperme  dans  les  trompes  et  jusque  sur  l'ovaire* 
Qu'on  réfléchisse  d'ailleurs  ,  combien  il  faut  peu  de  sperme 
pour  la  fécondation ,  à  juger  par  les  expériences  de  Spallan- 
zani.  Opposerait-on  l'étroitesse  des  trompes  ?  mais  dans  les 
végétaux ,  ne  faut-il  pas  que  le  pollen  traverse  les  vaisseaux 
du  style  ?  et  ce  «passage  est-il  moins  étroit?  On  verra  d'ail- 
leurs la  trompe  se  dilater  assez  pour  permettre  plus  tard 
le  passage  de  l'ovule.  Enfin ,  sans  anticiper  sur  ce  que  nous 
avons  à  dire  des  animalcules  sperma tiques ,  il  n'est  pas  pro- 
bable ,  ai  c'est  un  animalcule  qui  fait  la  fécondation,  que 


72  FONCTION   DE   LA    GÉNÉRATION, 

ce  soit  par  une  action  de  sa  pain  que  cet  animalcule  gagne 
l'ovaire.  Tout  annoncedonc  que  c'est  une  action  directede  la 
trompe ,  qui  conduit  à  l'ovaire  la  portion  du  sperme,  quelle 
qu'elle  soit,  qui  effectue  la  fécondation. 

Maintenant  il  faudrait  caractériser  l'action  qu'exerce  ce 
sperme  :  mais  auparavant,  cherchons  quelle  malière  fournit 
de  son  côté  la  femme.  Ce  n'est,  ni  de  l'appareil  de  copula- 
tion, ni  de  celui  de  gestation  ,  que  provient  cette  matière , 
mais  de  l'appareil  de  gerniification.  L'ovaire  est  en  effet 
dans  le  sexe  femelle  l'analogue  du  testicule  dans  le  sexe 
maie  ;  son  ablation  rend  stérile  aussi-bien  que  celle  du  tes- 
ticule; il  en  est  de  même  de  ses  maladies;  il  est,  de  tous 
les  organes  génitaux,  celui  qui  éprouve  Jes  plus  grands 
changements  à  la  puberté  ;  il  prend  alors  tout  à  coup  un 
tel  accroissement,  que  son  poids,  qui  égalait  à  peine  dix 
grains,  s  élève  jusqu'à  deux  gros;  à  sa  surface  apparaissent 
de  petites  vésicules ,  appelées  vésicules  de  de  Graaf,  qu'on 
n  y  voyait  pas  auparavant ,  et  que  la  plupart  des  physiolo- 
gistes considèrent  comme  devant  fournir  un  œuf;  il  se  flé- 
trit aussi ,  et  disparaît  presque  à  l'âge  critique  ;  nous  avons 
vu  que  c'était  en  lui  que  se  passait  la  conception  ;  enfin  ce 
sont  les  ovaires  qui  vont  nous  offrir  les  plus  grands  change- 
ments, immédiatement  après  un  coït  fécondant. 

Fabrice  d' '  Aquap  en  dente  ayant  tué   des  poules,  peu  de 
temps  après   qu'elles  avaient  été  cochées,    examina  leurs 
ovaires,  et  vit  que  parmi  les  petits  grains  jaunes,   ronds, 
qui,  disposés  comme  une  grappe  de  raisin,  constituent  ces 
organes,  il  y  en  avait  un  qui  offrait  une  petite  tache,  dans 
lequel  se  développaient  des  vaisseaux,  qui  prenait  du  vo- 
lume, puis  se  détachait,  était  reçu  par  l'oviductus,  se  re- 
vêtait en  traversant  ce  canal  tortueux  et  le  cloaque  de  di- 
verses couches  etparticulièrement  d'une  enveloppe  crétacée, 
et  était  pondu  sous   la  forme  d'œuf.    Harvey  expérimen- 
tant sur  des  biches,  sur  des  femelles  de  daims ,  fit  les  mêmes 
observations ,  et  dit  positivement  que  l'ovaire  fournit  un 
œuf,  et  qu'il  n'y  a  d'autres  différences  entre  les  animaux 
sous  ce  rapport,  sinon  que  chez  les  uns  cet  œuf  éclôt  en  de- 
hors après  avoir  été  pondu,  et  que  chez  les  autres  il  éclôt 


DE   LA   CONCEPTION    OU    FECONDATION.  7 3 

dans  un  réservoir  de  dépôt,  dans  une  matrice.  A  l'appui  de 
cette  opinion ,  militait  l'analogie  des  animaux  chez  lesquels 
la  fécondation  a  lieu  à  l'extérieur,  et  dans  lesquels  ce  que 
fournissent  les  femelles  paraît  être  des  œufs  qu'avivent  les 
mâles  en  les  arrosant  de  leur  sperme. 

De  Graaf,  Malpighi ,  Valisnieri  ,  H  aller  et  beaucoup 
d'au  1res  ,  multiplièrent  alors  les  expériences  de  ce  genre , 
soit  pour  vérifier  cette  assertion  de  la  fourniture  d'un  œuf, 
soit  pour  découvrir  en  entier  la  série  des  changements  qu'of- 
frent les  organes,  depuis  le  moment  même  de  la  conception 
jusqu'à  la  ponte  de  l'œuf  ou  la  naissance  de  l'individu  nou- 
veau. De  Graaf  expérimenta  sur  des  lapines  :  une  demi- 
heure  après  l'accouplement  il  n'aperçut  rien  encore ,  sinon 
que  les  cornes  de  la  matrice  lui  parurent  un  peu  plus  rou- 
ges ;  après  six  heures,  les  enveloppes  des  vésicules  des  ovaires 
lui  semblèrent  rougeâtres  ;  après  un  jour,  évidemment  trois 
vésicules  à  l'un  des  ovaires ,  et  cinq  à  l'autre,  se  montrèrent 
altérées  ,  étaient  devenues  opaques  ,  rougeâtres  ;  après  vingt- 
sept,  quarante,  cinquante  heures  ,  les  cornes  de  la  matrice 
et  leurs  conduits  avaient  acquis  beaucoup  de  rougeur,  et 
l'un  des  conduits  embrassait  l'ovaire  ;  après  trois  jours  , 
l'extrémité  supérieure  du  conduit  embrassait  l'ovaire,  une 
vésicule  était  dans  ce  conduit,  et  deux  dans  la  corne  droite 
de  la  matrice  ;  ces  vésicules  étaient  grosses  comme  des  grains 
de  moutarde,  dix  fois  plus  petites  que  lorsqu'elles  étaient 
attachées  à  l'ovaire;  elles  étaient  formées  de  deux  mem- 
branes ,  et  remplies  intérieurement  d'une  liqueur  limpide. 
Au  quatrième  jour,  l'ovaire  n'offrait  plus  qu'une  espèce 
d'enveloppe ,  que  de  Graaf appelle  follicule ,  et  qui  semblait 
être  la  capsule  dans  laquelle  était  l'œuf;  celui-ci  était  alors 
dans  la  matrice,  y  avait  déjà  grossi ,  et  ses  deux  enveloppes 
étaient  bien  distinctes.  Y  flottant  jusqu'au  septième  jour, 
ce  n'était  qu'alors  qu'il  contractait  avec  cet  organe  une  ad- 
hérence. Au  neuvième  jour,  dans  un  point  de  la  liqueur 
claire  qui  remplissait  l'œuf,  de  Graaf  commença  à  aperce- 
voir un  petit  point  opaque ,  une  espèce  de  nuage.  Au  dixième 
jour,  ce  point  avait  la  figure  d'un  petit  ver.  Au  onzième ,  on 
distingua  en  lui  nettement  l'embryon;  et,  à  partir  de  cette 


74  FONCTION    D£   LA.    GÉNÉRATION. 

époque,  cet  embryon  alla  croissant  jusqu'au  trente-unième 

jour,  qu'arriva  le  part. 

Les  travaux  de  Malpighi ,  de  Valisnieri  font  reconnaître 
de  même  ,  qu'à  la  suite  d'un  coït  fécondant ,  un  corps  se  dé- 
veloppe, grossit  à  la  surface  de  l'ovaire,  puis  se  rompt  pour 
laisser  échapper  un  corps  plus  petit  que  saisit  la  trompe, 
et  que  ce  canal  conduit  dans  l'utérus.  Il  y  a  seulement  dé- 
bats pour  caractériser  rigoureusement,  ce  qu'est  le  corps  qui 
se  rompt ,  et  celui  qui  s'en  échappe.  Ce  dernier  est ,  selon  les 
uns  ,  un  sperme  analogue  à  celui  du  mâle  ;  selon  les  autres  , 
un  œuf;  enfin,  selon  Valisnieri,  Haigton ,  Baller ,  une 
substance  amorphe ,  mais  qui ,  par  des  développements  suc- 
cessifs ,  deviendra  l'individu  nouveau. 

Entre  ces  expérimentateurs  se  distingue  surtout  H  aller  y 
qui ,  faisant  couvrir  le  même  jour  un  certain  nombre  de 
brebis,  de  femelles  d'animaux,  les  tue  ensuite  à  des  inter- 
valles de  plus  en  plus  éloignés  du  moment  de  la  copulation  , 
afin  d'embrasser  toute  la  série  des  changements  par  lesquels 
la  vésicule  est  détachée  de  l'ovaire  et  conduite  dans  l'utérus. 
Une  demi-heure  après  le  coït ,  une  des  vésicules  de  l'ovaire 
lui  paraît  faire  saillie ,  offrir  sur  sa   convexité   une  tache 
rouge,  sanglante,  et  être  prête  à  se  rompre.  Après  une  heure 
et  plus,  la  vésicule  est  rompue,  et  son  intérieur  est  comme 
saignant,  enflammé.  Graduellement,  ce  qui  reste  de  la  vé- 
sicule à  l'ovaire,  et  qui  semble  être  son  enveloppe,  s'épais- 
sit ,   et  se  change  en  un  corps  de  couleur  jaunâtre  ,  que 
Haller  appelle,  à  cause  de  cela  ,  corpus  luteum.  La  fente  par 
laquelle  la  vésicule  s'est  vidée ,  se  voit  encore  quelque  temps 
dans  ce  corpus  luteum;  mais  vers  le  huitième  jour,  on  ne  l'y 
voit  plus.  Au  douzième  jour,  ce  corps  pâlit,  commence  à 
diminuer;  dès  lors  il  continue  de  le  faire  jusqu'au  terme  de 
la  gestation  ;  et  il  se  réduit  à  la  fin  à  un  petit  corps  dur, 
jaunâtre,  noirâtre,  qui  se  laisse  toujours  distinguer  dans 
l'ovaire ,  ou  au  moins  laisse  en  cet  organe  l'empreinte  d'une 
cicatrice.  Quelquefois  il  persiste  jusqu'après  l'accouchement. 
Son  volume  est  d'autant  plus  gros,  qu'on  est  plus  près  de 
l'instant  de  îa  conception.  Dans  la  chienne,  par  exemple  ,  au 
dixième  jour,  il  a  plus  de  grosseur  que  la  moitié  de  l'ovaire;. 


DE   LA    CONCEPTION    OU    FÉCONDATION.  7 5 

cependant  il  ne  provient  que  d'une  seule  vésicule.  Dans 
les  animaux  multipares,  il  y  a  autant  de  corps  jaunes  que 
de  fœtus. 

Des  physiologistes  de  notre  temps,  MM.  Magendie,  Du- 
mas et  Prévost  ont  aussi  reconnu  les  mêmes  faits.  M.  Ma- 
gendie ,  opérant  sur  des  chiennes ,  vit  que  trente  heures 
après  l'accouplement,  les  vésicules  les  plus  grosses  de  l'ovaire 
avaient  beaucoup  augmenté;  le  tissu  de  l'ovaire  qui  les  en- 
vironnait était  devenu  plus  consistant,  avait  changé  de 
couleur,  était  d'un  gris  jaunâtre.  Cette  partie  était  le  cor- 
pus  luteum;  elle  grossit  les  trois  et  quatre  jours  suivants , 
ainsi  que  les  vésicules;  elle  semblait  contenir  dans  ses  aréo- 
les un  liquide  blanc,  opaque,  analogue  à  du  lait.  Alors  les 
vésicules  rompirent  successivement  la  tunique  externe  de 
l'ovaire,  et  se  portèrent  à  la  surface  de  cet  organe,  lui  ad- 
hérant cependant  encore  par  un  de  leurs  côtés  ;  leur  volume 
était  quelquefois  celui  d'une  noisette  ordinaire;  rien  en 
elles  n'annonçait  un  germe.  Leur  surface  était  lisse  ,  et  leur 
intérieur  rempli  d'un  liquide,  mais  qui  ne  se  prenait  plus 
en  masse  comme  avant  la  fécondation.  Pendant  qu'elles 
étaient  conduites  dans  l'utérus  ,  le  corps  jaune  restait  à 
l'ovaire,  et  s'y  comportait  ainsi  que  l'avait  dit  Hallcr. 

Selon  MM.  Dumas  et  Prévost,  rien  n'apparaît  encore  dans 
les  ovaires  le  premier  jour  qui  suit  la  fécondation  ;  mais  dès 
le  deuxième  jour,  on  voit  plusieurs  de  leurs  vésicules  aug- 
menter en  dimension  ,  et  elles  continuent  de  le  faire  pen- 
dant les  quatre  ou  cinq  jours  suivants ,  de  telle  manière  que 
de  deux  à  trois  millimètres  de  diamètre  qu'elles  avaient, 
elles  arrivent  à  en  avoir  huit.  Du  sixième  au  huitième  jour, 
les  vésicules  se  rompent,  et  laissent  échapper  un  ovule, 
qui  le  plus  souvent  a  été  inaperçu ,  parce  qu'il  n'a  qu'un 
demi-millimètre  de  diamètre  ,  mais  que  le  microscope  a  fait 
voir  nettement  aux  expérimentateurs  dont  nous  rapportons 
les  travaux.  Jls  appellent  cette  partie  ovule,  par  opposition 
à  la  partie  qui  s'est  développée  dans  l'ovaire ,  et  qu'ils  nom- 
ment vésicule.  Celle-ci  offre  alors  à  sa  surface  externe  une 
fente  sanglante,  dans  laquelle  on  peut  glisser  un  stylet;  et 
par  ce  moyen  l'on  constate  que  cette  vésicule  offre  alors  une 


7 6  FONCTION    DE   LA    GENERATION, 

cavité  intérieure,  qui  est  le  vide  qu'a  laissé  l'ovule  en  pas- 
sant dans  la  trompe  et  la  matrice.  C'est  au  huitième  jour, 
dans  la  chienne ,  que  se  fait  le  passage  de  l'ovule  dans  l'uté- 
rus ;  tous  les  ovules  ne  passent  pas  en  même  temps ,  chacun 
ne  traverse  la  trompe  que  successivement,  et  cela  comporte 
un  intervalle  de  trois  à  quatre  jours.  Arrivés  dans  la  ma- 
trice, ils  y  sont  d'ahord  libres  et  flottants;  examinés  à  un 
microscope  qui  grossissait  douze  fois  les  objets  ,  ils  ont  paru 
être  une  petite  vésicule  remplie  d'un  liquide  albumineux 
transparent.  Observés  dans  l'eau ,  ils  présentaient  à  leur  sur- 
face supérieure  une  apparence  mamelonnée ,  avec  une  tache 
blanche  sur  le  côté;  cette  tache  blanche  est  la  cicatricule. 
Bientôt  ces  ovules  ont  grossi ,  et  au  douzième  jour  on  a  pu 
reconnaître  en  eux  les  fœtus. 

De  tous  ces  travaux,  on  a  généralement  conclu  ,  que  le 
sperme ,  porté  par  la  trompe  à  l'ovaire ,  a  touché  une  ou 
plusieurs  des  vésicules  de  cet  organe  ;  que  par  suite  ces  vési- 
cules d'abord  se  sont  gonflées,  puis  ont  brisé  leur  enveloppe; 
qu'alors  elles  ont  laissé  échapper  un  corps  quelconque,  qu'on 
a  généralement  considéré  comme  un  œuf,  et  qui  aété conduit 
à  l'utérus,  pour  y  être  le  rudiment  de  l'individu  nouveau. 
À  l'ovaire  est  resté  le  débris  de  la  vésicule,  ce  qui  était  la 
cupule,  le  péricarpe  de  l'ovule.  Puisqu'en  effet  c'est  à  l'o- 
vaire que  se  fait  la  conception,  et  dans  l'utérus  qu'a  lieu  la 
grossesse,  et  puis  qu'il  n'y  a  que  la  trompe  qui  puisse  conduire 
d'un  de  ces  organes  à  l'autre,  il  faut  bien  admettre  que  ce 
canal ,  dans  un  premier  temps ,  a  porté  le  sperme  à  l'ovaire , 
et,  dans  un  second,  a  transporté  le  corps  quelconque  que 
fournit  l'ovaire  dans  l'utérus.  On  en  a  d'ailleurs  des  preuves 
multipliées  :  dans  le  spasme  de  la  génération ,  toujours  le 
pavillon  de  la  trompe  s'applique  à  l'ovaire;  de  Qraaf,  dans 
ses  expériences,  l'a  trouvé  y  adhérant  encore  vingt-sept  heu- 
res après  l'accouplement  ;  pourquoi  cette  application,  si  ce 
n'est  pour  porter  et  prendre  tour-à-tour  quelque  chose  à  cet 
ovaire  ?  M.  Magendie  a  vu  l'extrémité  de  la  trompe  appli- 
quée à  une  vésicule.  Les  grossesses  abdominales  et  tubaires 
sont  surtout  un  fort  argument;  si  le  pavillon  de  la  trompe 
laisse  échapper  la  vésicule  qu'il  a  saisie,  il  y  a  grossesse  ab- 


DE   LA   CONCEPTION    OU    FECONDATION.  77 

dominale;  si  la  vésicule  s'arrête  dans   la  trompe,    il  y  a 
grossesse  tubaire.  Nous  avons  déjà  cité  cette  expérience  de 
Nuck ,  qui,  ayant  lié  la  trompe  à  une  chienne,  détermina 
chez  cet  animal  une  grossesse  tubaire.  Haiglon  ayant  coupé 
une  des  trompes  à  des  lapines  ,  et  ayant  fait  ensuite  couvrir 
ces  animaux,  vit  qu'elles  n'eurent  de  gestation  qne  du  côté 
sain  ;  ayant  fait  cette  section  après  Faccouplement ,   il  vit 
que,  s'il  opérait  dans  les  deux  premiers  jours,  il  prévenait 
la  descente  des  ovules  ,   mais  que  s'il    n'opérait  qu'après 
soixante  heures ,  les  vésicules  avaient  déjà  traversé  la  trompe, 
et  la  gestation  avait  lieu.  Enfin ,  on  a  une  observation  cu- 
rieuse d'un  chirurgien  appelé  Bussières ,  qui  a  vu  un  sac 
ovoïde,  gros  comme  une  noisette ,  et  contenant  un  embryon, 
qui  était  à  moitié  déjà  engagé  dans  la  trompe  ,  et    à  moitié 
encore  adhérent  à  l'ovaire.  En  vain  opposera-t-on  l'étroitesse 
de  la  trompe  ;  M.  Magendie  a  vu  une  fois  ce  canal  ayant  ac- 
quis, dans  ce  cas  ,  jusqu'à  un  demi-pouce  de  diamètre.  Ce  n'est 
pasdansle  moment  même  de  la  copulation  que  sefaitce  pas- 
sage; tout  au  plus  alors  la  trompe  conduit  le  sperme;  cen'est 
que  plus  tard  que  ce  canal  conduit  l'ovule.  L'époque ,  dit-on , 
diffère  selon  les  espèces  d'animaux;  c'est  au  troisième  jour 
après  la  copulation,  dans  les  lapines;  au  cinquième  jour ,  dans 
^bs  chiennes  ;  plus  tard  encore  dans  les  femmes,  M.  Maygrier 
dit  avoir  observé  un  avortement  de  douze  jours,  et  dont  le 
produit  consistait  en  une  vésicule  tomenteuse  à  sa  surface  , 
et  pleine  d'un  liquide  transparent.  Il  y  a  cependant,  dans 
la  thèse  de  M.  Lallemand 3   une  observation  qui  pourrait 
faire  croire  que  la  vésicule  de   l'ovaire  est  saisie  lors   du 
spasme  qui  accompagne  l'acte  de  la  copulation  ;  une  femme 
succombaau  septième  mois  d'unegrossesse  extra -utérine;  elle 
avait  raconté  qu'ayant  été  surprise,  à  l'instant  du  coït,  par  un 
indiscret,  elle  avait  éprouvé  tout  à  coup  une  douleur  à  l'ab- 
domen, à  l'endroit  même  où  se  trouva  par  la  suite  le  fœtus  : 
d'où   il  semblerait  que  l'impression  morale  qu'éprouva  la 
femme  fit  cesser  tout  à  coup  l'érectilité  en  vertu  de  laquelle 
la  trompe  saisissait  la  vésicule,  et  que  celle-ci  dès  lors  tomba 
dans  le  ventre.  Mais  ce  récit  n'a  peut-être  été  fait  par  cette 
femme  qu'après  l'événement,  et  il  ne  suffit  pas  pour  contre- 


78  PONCTION  DE  LA  GÉNÉRATION. 

balancer  tous  les  faits  qui  portent  à  croire  que  ce  n'est  que 

tard  que  la  vésicule  quitte  l'ovaire. 

Plusieurs  questions  se  présentent  ici.  D'abord  ,  par  quel 
mécanisme  agit  la  trompe  ,  soit  pour  conduire  le  sperme  de 
l'utérus  à  l'ovaire,  soit  pour  transmettre  lavésicule  de  l'ovaire 
àl'utérus?On  a  dit  que  ce  canal  était  de  texture  musculeuse, 
et  contractile  à  volonté  :  ces  deux  assertions  sont  également 
fausses;  il  est  plus  probable  que  cet  organe  opère  par  une 
action d'érectilité  provoquée  par  l'orgasme,  dans  lequel  sont 
alors  toutes  les  parties  génitales. 

Eu  second  lieu,  est-ce  le  hasard  qui  décide  celle  des  vési- 
cules de  l'ovaire  qui  est  fécondée?  ou  en  est-il  une  qui ,  par 
une  sorte  de  maturité,  se  prépare  à  la  fécondation?  Ce  dernier 
fait  paraît  certain  des  ovipares.  MM.  Dumas  et  Prévost  ont 
reconnu,  non-seulement  que  les  vésicules  des  ovaires  des  gre- 
nouilles étaient  de  diverses  grosseurs;  mais  que  les  plus  grosses 
étaient  celles  qui  étaient  pondues  immédiatement  ,  tandis 
que  les  plus  petites  ne  l'étaient  que  dans  les  années  subsé- 
quentes. Dans  tous  les  animaux  chez  lesquels  les  œufs  ne 
sont  fécondés  qu'à  l'extérieur,  et  après  avoir  été  pondus, 
ces  œufs  sont  évidemment  préparés  pour  la  ponte.  "Enfin ,  si 
dans  les  oiseaux,  jamais  les  œufs  ne  peuvent  être  fécondée 
après  la  ponte,  au  moins  celle-ci  peut  se  faire  d'elle-même, 
indépendamment  de  toutes  approches;  beaucoup  d'oiseaux, 
quoique  vierges ,  pondent.  Mais  se  passe-t-il  quelque  chose 
d'analogue  dans  les  vivipares  ?  Plusieurs  physiologistes  le 
croient.  Déjà  Buffon  avait  avancé  que  le  corps  jaune  deHal~ 
1er,  au  lieu  d'être  le  débris  de  l'ovule,  en  était  le  rudi- 
ment; il  disait  que  ce  corps  jaune  était  préexistant  à  la  fécon- 
dation ,  et  qu'il  l'avait  trouvé  dans  des  filles  vierges.  Depuis , 
Cruiksanck  a  dit  avoir  signalé  sur  des  ovaires  de  lapines  vierges 
tous  les  changements  relatifs  à  ce  corps  jaune;  et  Valisnieri, 
Santorini,  Bertrandi ,  M.  Home  surtout ,  l'ont  dit  aussi  de 
l'espèce  humaine.  Voici  ce  que  professe  ce  dernier  sur  cette 
question.  A  la  puberté,  apparaissent  tout  à  coup  à  la  sur- 
face des  ovaires,  des  vésicules  qu'on  n'y  avait  pas  aperçues 
d'abord.  Dans  les  femelles  des  animaux,  au  temps  du  rut, 
et  dans  les  femmes,  à  des  époques  indéterminées,  on  voit 


DE   LA    CONCEPTION    OU    FÉCONDATION.  79 

tout  à  coup  l'ovaire  devenir  vasculaire ,  et  développer  un 
corps  jaunâtre  ,  glandiforme  ,  arrondi ,  très  vasculeux  , 
lobuleux,ouformé  de  circonvolutions  mollasses  qui  saillent  à 
sa  surface  comme  un  mamelon.  Dans  la  femme  etles  animaux 
unipares,  ce  corps  est  unique  et  gros  comme  la  quatrième  ou 
cinquième  partie  de  l'ovaire;  dans  les  animaux  multipares, 
il  est  multiple  et  petit  à  proportion.  A  un  certain  degré  de 
grosseur,  il  se  crève  ,  et  laisse  échapper  une  substance  qu'on 
ne  connaît  pas;  la  crevasse  se  remplit  d'un  sang  qui  se  coa- 
gule; le  tout  ensuite  est  succesivement  résorbé  ,  et  à  la  fin 
il  ne  reste  sur  l'ovaire  qu'une  cicatrice.  Ces  phénomènes 
se  répètent  à  toutes  les  époques  du  rut  chez  les  animaux  ,  et 
dans  tous  les  temps  chez  la  femme  jusqu'à  l'âge  critique. 
Pendant  que  des  vésicules,  par  une  sorte  de  maturité  ,  se 
développent  ainsi  dans  les  ovaires  ,  les  trompes  sont  en  tur- 
gescence ,  en  érection  ;  leurs  franges  sont,  appliquées  à  l'o- 
vaire ,  probablement  pour  recueillir  ce  qui  échappera  de 
l'intérieur  de  la  vésicule;  leur  attache  à  l'ovaire  est  telle, 
qu'on  les  déchirerait  plutôt  que  de  les  en  séparer.  Ainsi , 
les  femelles  des  vivipares  rejetteraient  continuellement  des 
œufs  inféconds  ,  comme  celles  des  ovipares;  et  la  fécondité 
dépendrait  de  la  coïncidence  de  vésicules  mûres  avec  la  co- 
pulation. Ainsi  ,  ce  qu'on  avait  pris  jadis  pour  des  effets  de 
la  fécondation  pourrait  bien  n'en  être  que  les  conditions. 
M.  Home  assure  avoir  trouvé  dans  des  ovaires  de  femmes 
grosses,  avec  le  corps  jaune  provenant  de  la  fécondation 
qui  avait  donné  lieu  à  la  grossesse,  plusieurs  autres  corps 
jaunes  qui  semblaient  préparés  pour  les  fécondations  à  ve- 
nir ;  ceux-ci  seulement  différaient  du  premier  en  ce  qu'ils 
n'offraient  aucune  déchirure ,  l'œuf  étant  encore  dans  leur 
intérieur.  Haigton,  dans  son  expérience  de  la  section  d'une 
des  trompes  pour  empêcher  toute  gestation  de  ce  côté, 
trouva  cependant  des  corps  jaunes  sans  déchirure  dans  l'o- 
vaire isolé. 

Enfin ,  on  s'est  demandé  si  la  vésicule ,  en  traver- 
sant la  trompe,  ne  s'est  pas  modifiée,  n'a  pas  acquis  quel- 
ques parties  nouvelles  *  à  l'instar  de  ce  qui  est  des  œufs  des 
ovipares.  Celui  des  batraciens  se  revêt. ,  dans  Ja  seconde  par- 


8o  FONCTION    DE   LA   GÉNÉRATION, 

lie  de  la  trompe,  d'une  couche  de  mucus  épaisse  d'un  mil- 
limètre; ceux  des  oiseaux  ne  sont  à  l'ovaire  composés  que 
du  jaune  et  de  la  cicatricuîe  ou  embryon;  et  c'est  dans  l'o- 
viductus  et  le  cloaque  qu'ils  se  revêtent  des  blancs  et  de 
l'enveloppe  crétacée.  Mais  il  est  difficile  de  répondre  à  ce 
.  fait  pour  ce  qui  regarde  l'espèce  humaine  ;  et  d'ailleurs 
nous  reviendrons  là-dessus,  en  faisant  l'histoire  delà  vési- 
cule elle-même  et  de  ses  développements. 

Tel  est  l'état  de  nos  connaissances  actuelles  sur  ce  que 
la  femme  fournit  dans  l'acte  de  la  génération.  Maintenant , 
il  faudrait  caractériser  quelle  espèce  d'action  exerce  le 
sperme  sur  les  vésicules  de  l'ovaire,  et  comment  de  cette 
action  résulte  l'individu  nouveau.  On  sent  que  c'est  dans 
cette  double  connaissance  que  réside  le  mystère  de  la  con- 
ception. Or,  on  est  en  ceci  dans  une  ignorance  absolue  :  on 
ne  sait  rien,  sinon  que  le  contact  du  sperme  est  une  con- 
dition nécessaire  pour  cette  étonnante  action.  D'abord  l'ac- 
tion est  toute  moléculaire,  conséquemment  échappe  aux 
sens,  et  son  résultat  est  ce  qui  seul  annonce  qu'elle  a  eu 
lieu.  Ensuite  l'essence  de  cette  action  n'est  pas  plus  péné- 
trable  que  celle  de  toute  autre;  et  tout  ce  qu'on  peut  en 
dire ,  c'est  qu'à  l'instar  de  toutes  les  autres  actions  de  l'éco- 
nomie humaine  ,  elle  exige  l'intégrité ,  la  vie  des  parties 
qui  l'accomplissent;  et  qu'opposée  à  toute  action  physique 
et  chimique  de  la  nature ,  elle  doit  être  dite  organique  et 
vitale  y  et,  partant,  être  déclarée  inconnue.  D'une  part, 
il  faut  intégrité  et  du  sperme  et  des  vésicules  de  l'ovaire  , 
pour  que  la  fécondation  ait  lieu.  D'autre  part ,  il  n'y  a  ici 
aucune  application  physique  possible;  soit  qu'on  admette 
la  théorie  dite  de  Y  épigénèse  3  dans  laquelle  on  croit  que 
l'individu  nouveau  se  forme  de  toutes  pièces  par  le  mélange 
de  ce  que  fournit  l'un  et  l'autre  sexe;  soit  qu'on  admette 
celle  dite  de  Y  évolution  ,  dans  laquelle  l'un  des  sexes  est  dit 
fournir  un  germe  ,  lequel,  à  la  suite  de  divers  développe- 
ments ,  constituera  l'individu  nouveau.  Dans  le  premier 
cas,  quelle  force  chimique  peut-on  invoquer?  est-ce  une 
précipitation,  une  cristallisation?  Dans  le  second  cas,  est- 
il  davantage  possible  de  concevoir  physiquement  ou  chimi- 


DE   LA    CONCEPTION    OU    FÉCONDATION.  8l 

quement,  et  ce  qu'est  un  germe,  et  ce  qu'est  l'avive-* 
ment  qui  serait  imprimé  à  ce  germe?  Il  s'agit  ici  du 
passage  de  ce  qui  n'est  pas  vie  à  ce  qui  est  vie;  et  ne  con- 
naissant de  la  vie  que  son  opposition  avec  la  nature  géné- 
rale, iguorant  ]a  modification  qu'ont  subie  les  forces  gé- 
nérales pour  produire  les  phénomènes  vitaux ,  on  doit 
ignorer  ce  qu'est  le  phénomène  de  la  fécondation.  C'est  une 
action  tout  aussi  inconnue ,  et  encore  plus  incompréhen- 
sible que  toutes  les  actions  vitales  que  nous  avons  exami- 
nées jusqu'ici.  Quelques  efforts  qu'aient  fait  les  hommes 
pour  la  pénétrer,  ils  ne  sont  arrivés  qu'à  des  conjectures 
plus  ou  moins  spécieuses.  Nous  devons  néanmoins  rappeler 
brièvement  les  hypothèses  qui  ont  été  faites  à  cet  égard; 
elles  ont  occupé  trop  de  place  dans  la  science  pour  que  nous 
les  passions  sous  silence  ;  et,  d'ailleurs  ,  elles  nous  serviront 
à  approfondir  davantage  quelques  faits. 

Comme  on  le  conçoit,  les  théories  diverses  sur  la  génération 
ont  dû  dépendre  des  idées  qu'on  a  adoptées  sur  la  nature  du 
spermeet  de  l'opinion  qu'on  s'est,  faite  de  la  matière  fournie 
par  l'ovaire.   Relativement  au  sperme,  les  uns  Font  dit  un 
fluide  formé  des  éléments  de  chacune  des  parties  du  corps  hu- 
main, et  destiné  conséquemment  à  reformer  chacune  de  ces 
parties;  les  autres  l'ont  considéré  comme  le  véhicule  d'ani- 
malcules destinés  à  devenir,  à  la  suite  de  plusieurs  métamor- 
phoses, l'individu  nouveau,  ou  à  en  constituer  l'élément 
principal,  le  système  nerveux  ;    la  plupart  enfin  l'ont  dit 
un  fluide,   dont  l'office    unique  était  d'aviver   un  germe, 
d'imprimer  à  ce  germe  le  mouvement  de  vie  et  de  dévelop- 
pement.   Relativement  à  la  matière  fournie  par  l'ovaire  , 
mêmes  dissidences  :  c'est  une  vésicule  pleine  d'un  sperme , 
formé ,  comme  celui  du  mâle,  des  éléments  de  chacune  des 
parties  du  corps ,    disent  les  uns  ;    c'est  une  vésicule  desti- 
née à  servir   de  nid  à  l'animalcule  spermatique,    ou  à  lui 
fournir  de  la  matière  nutritive,  disent  les  autres;   ceux-ci 
en  font  une  substance  amorphe  ,  mais   ayant  cette  nature 
gélatineuse  qui  la  rend  apte  à  recevoir  la  cause  de  la  vie,  à 
développer  le  mouvement  vital  ;  ceux-là  en  font  un  germe, 
un  œuf  préexistant  dans  la  femelle,  ayant  l'aptitude  à  for-. 
Tome  IV.  6 


8a  FONCTION  DE  LA  GENERATION. 

mer,  sous  l'influence  fécondante  du  sperme ,  un  individu 
semblable  à  celui  qui  l'a  fourni.  De  là  ,  tant  de  systèmes 
divers  sur  la  génération;  on  en  compte  plus  de  200;  mais 
tous  peuvent  être  ramenés  à  deux,  le  système  de  Y épigénèse , 
et  celui  de  {'évolution. 

10  Système  de  l'éplgénèse.  Dans  ce  système  ,  on  admet 
que  l'individu  nouveau  est  formé  de  toutes  pièces  ,  par  le 
rapprochement  de  molécules  qui  avaient  d'avance  la  dispo- 
sition propre  à  le  constituer,  ou  qui  soudain  l'ont  reçue.  Une 
force,  inconnue  en  elle-même,  mais  différente  des  forces  géné- 
rales de  la  matière,  puisqu'elle  a  pour  résultat  la  création 
d'un  être  vivant,  appelée  tonr-à-tour  force  cosmique ,  plas- 
tique, essentielle,  nisus  formativus ,  force  de  formation  ,  a 
présidé  à  ce  rapprochement ,  et  même  a  donné  aussitôt  à 
l'être  nouveau  toutes  ses  parties  avec  leur  coordination  et 
leurs  propriétés.  Du  reste,  les  auteurs  ont  beaucoup  varié 
dans  la  manière  dont  ils  ont  conçu  l'épigénèse;  d'autant 
plus  qu'ils  ont  voulu  faire  l'application  de  ce  système ,  non- 
seulement  à  la  reproduction  journalière  des  êtres  vivants 
actuels,  mais  encore  à  leur  origine  première. 

Ainsi,  pour  commencer  par  ce  qui  est  de  ce  dernier  ob- 
jet, rappellerons-nous  cette  théorie    des  philosophes  grecs, 
Leucippe  et  Empédocle ,  qui  disaient  que  l'univers  avait  été 
primitivement  un  composé  d'atomes  errants  dans  un  vide 
infini,  et  que  tous  les  corps  qui  y  existent  aujourd'hui  ont 
été  formés  par  la  réunion  fortuite  de  ces  atomes?  A  raison 
du    nombre     infini    de  ces    atomes,   et   des    combinaisons 
également  infinies  qu'ils  ont  dû  former,  furent  produits, 
il  est  vrai,  beaucoup  d'êtres  incapables   de  prolonger  leur 
existence  ;  mais  il  s'en  forma  aussi  quelques-uns  capables  de 
pouvoir  continuer  de  vivre ,  et  ce   sont  ceux-ci  que  nous 
voyons  aujourd'hui.  Malgré  l'absurdité  de  cette  hypothèse, 
desmodernes  l'ont  accueillie:  par  exemple,  Bourguet,  qui  dit 
que  les  cristaux  décèlent  un  commencement  d'organisation, 
et  que  les  premiers  êtres  organisés  ont  été  formés  de  même 
que  ces  cristaux,  par  une  sorte  de  cristallisation  et  de  pré- 
cipitation chimique.  Tout  ce  que  l'on  sait  de  la  différence 
des  corps  inorganiques  et  organiques,  sous  les  rapports  de 


DE   LA   CONCEPTION   OU   FÉCONDATION.  83 

îa  structure  et  des  actions ,  ne  permet  pas  qu'on  accueille 
ce  rapprochement.  Parlerons-nous  de  ces  savants  qui  ,  par 
la  supposition  d'une  force  occulte,  croient  avoir  surpris  le 
secret  du  Créateur,  et  avoir  franchi  l'abîme  qui  arrête  ici 
notre  raison  ?  de  Needham ,  qui  admet,  sous  le  nom  de  force 
végétative e ,  une  puissance  chargée  de  la  formation  et  du 
gouvernement  du  monde  organique  ?  de  TVolf,  de  B lumen- 
bach  ,  qui  admettent  de  semblables  forces  ,  sous  les  noms  de 
force  essentielle ,  de  nisus  formatwus  ?  Il  est  trop  évident 
que  ces  savants  ne  font  qu'exprimer  le  fait ,  et  que,  res- 
tant sur  la  connaissance  de  la  chose  dans  la  même  igno- 
rance, ils  se  sont  payés  d'un  mot.  Dans  ces  derniers  lemos, 
M.  Lamarck  a  abordé  aussi  cette  question  ,  et  voici  ses  idées 
à  cet  égard.  Les  premiers  êtres  organisés  furent  formés  de 
toutes  pièces  par  une  véritable  génération  spontanée  ;  ils 
durent  l'existence  à  l'influence  d'une  cause  excitatrice  de  la 
vie,  probablement  fournie  par  le  milieu  ambiant,  et  con- 
sistant dans  la  lumière  et  le  fluide  électrique.  Dès  que  cette 
cause  rencontra  une  matière  de  consistance  gélatineuse., 
assez  dense  pour  pouvoir  retenir  des  fluides,  elle  l'organisa 
en  tissu  cellulaire,  et  un  être  vivant  fut  fait.  C'est  ce  qui 
arrive  encore  tous  les  jours  ,  dit  le  savant  d'après  lequel 
nous  parlons,  à  l'estrémilé  de  chacun  des  règnes  végétal  et 
animal.  Cet  être  dès  lors  manifesta  les  trois  facultés  de  la 
vie,  nutrition,  accroissement  et  reproduction  ;  mais  il  ne 
les  manifesta  que  dans  les  modes  les  plus  simples.  Bientôt 
il  se  compliqua,  car  le  propre  du  mouvement  vital  est  de 
tendre  toujours  à  composer  davantage  l'organisation,  à 
créer  des  organes  particuliers,  à  diviser  et  multiplier  les 
divers  centres  d'activité;  et  la  reproduction  ensuite  conser- 
vant constamment  tout  ce  qui  avait  été  acquis,  de  cette 
manière  se  formèrent  successivement  des  espèces  nombreuses 
et  diverses,  jouissant  de  facultés  de  plus  en  plus  étendues. 
Ainsi,  dans  ce  système,  la  nature  n'a  créé  directement 
que  les  premières  ébauches  de  la  vie  ;  ce  n'est  qu'indirec- 
ment  qu'elle  participe  à  l'existence  des  corps  vivants  plus 
composés;  ceux-ci  proviennent  des  premiers  à  la  suite  d'un 
temps  énorme  }  de  changements  infinis,  et  d'une  composi- 

6. 


84  FONCTION    DE    LA    GÉNÉRATION, 

tion  toujours  croissante  dans  l'organisatiou  .  la  reproduc- 
tion conservant  toutes  les  modifications  acquises,  tous  les 
perfectionnements  obtenus.  Ainsi,  un  seul  et  même  acte  au- 
rait suffi  au  Créateur  pour  produire  la  série  si  variée  des 
êtres  vivants  ,  et  pour  y  ajouter  encore.  Mais  il  n'est  pas  de 
notre  sujet  de  nous  égarer  davantage  dans  ces  profondeurs; 
arrivons  aux  applications  faites  de  l'épigénèse  à  la  repro- 
duction des  êtres  vivants  actuels. 

Hippocrate  admettait  que  chacun  des  deux  sexes  possé- 
dait deux  semences,  qui  étaient  l'une  et  l'autre  le  superflu 
de  leur  nourriture,  et  des  fluides  constitués  par  des  maté- 
riaux provenant  de  toutes  les  parties  de  leur  corps  ,  et  sur- 
tout des  plus  essentielles,  des  parties  nerveuses  :  de  ces  deux 
semences ,  la  plus  forte  engendrait  les  mâles ,  et  la  plus 
faible  les  femelles.  Dans  l'acte  de  la  génération,  ces  semen- 
ces se  mélangeaient  dans  l'utérus,  et  par  l'influence  de  la 
chaleur  de  cet  organe,  formaient,  par  une  sorte  de  cristal- 
lisation animale,  le  nouvel  individu  :  celui-ci  était  un 
garçon  ou  une  fille,  selon  que  c'étaient  les  semences  fortes 
ou  faibles  qui  prédominaient.  Hippocrate  ne  dit  pas  ce  qui 
arrivait  quand  il  y  avait  prédominance  de  la  semence  forte 
de  l'un  des  sexes,  et  de  la  semence  faible  de  l'autre.  Cette 
hypothèse  se  réfute  d'elle-même  ;  l'existence  des  deux  se- 
mences dans  l'homme  est  un  fait  faux;  celle  d'une  semence 
dans  la  femme  est  justement  ce  qui  est  en  question;  cer- 
tainement au  moins ,  la  scène  ne  se  passe  pas  dans  l'utérus  , 
mais  à  l'ovaire  :  que  dire  de  cette  idée  qui  fait  provenir  les 
semences  de  toutes  les  parties  du  corps?  Tout,  dans  cette 
théorie,  montre  l'imagination  faisant  des  suppositions,  sans 
même  s'inquiéter  si  ce  qu'elle  suppose  est  en  rapport  avec 
ce  qu'on  a  pénétré  des  phénomènes. 

Aristote  est  aussi  peu  positif.  Ce  n'est  pas  par  une  semence 
que  la  femme  sert  matériellement  à  la  génération,  mais  par 
le  sang  de  la  menstruation  ;  ce  sang  est  ce  qui  forme  la  base 
de  l'individu  nouveau ,  et  c'est  le  principe  de  l'individu 
mâle  qui  lui  imprime  le  mouvement  vital  et  le  façonne. 
Dans  un  style  métaphorique ,  Aristote  dit  que  le  sang  mens- 
truel est  le  marbre,  le  sperme  le  sculpteur,  et  le  fœtus  la 


DE   LA   CONCEPTION    OU    FÉCONDATION.  85 

statue.  Si  ces  deux  grands  homme,  Hippocrate  et  Àristote, 
n'avaient  jamais  procédé  que  de  cette  manière  dans  les 
sciences ,  ils  n'auraient  pas  acquis  les  droits  éternels  qu'ils 
ont  à  notre  reconnaissance  et  à  notre  admiration. 

Beaucoup  de  modernes  ont  adopté  la  théorie  à! Hippo- 
crate 3  en  la  modifiant  seulement  selon  les  idées  scientifi- 
ques de  leur  temps.  Ainsi,  Descartes  dit  que  c'est  consécu- 
tivement  à   un  mouvement  de  fermentation  qui  s'établit 
dans  les  semences  de  l'un  et  de  l'autre  sexe,  que  se  forme 
l'individu  nouveau.  Paschal,  admettant  que  la  semence  du 
mâle  est  acide  ,  et  celle  de  la  femelle  alkaline,  dit  que  ces 
deux  semences  se  combinent  en  raison  de  cette  diversité  de 
nature,  pour  constituer  l'être  nouveau.  Mauperluis  avance 
que   dans  chaque   semence   existent  des  parties  propres   à 
former  chacun  des  organes  du  corps ,   et  que  ,  lors  du  mé- 
lange de  ces  semences  dans   la  génération,   chacune  de  ces 
parties  s'attire  et  s'agrège  par  une  sorte  de  cristallisation. 
Buffon  lui-même,  par  son  fameux  système  des  molécules  or- 
ganiques, ne  fit  que  ressusciter  les  idées  d: Hippocrate.  Selon 
cet  éloquent  naturaliste  ,  il  existe  dans  la  nature  deux  sortes 
de  matières  ,  une  vivante  et  une  morte.  La  première,  à  ja- 
mais permanente  dans  son  état  de  vie,  consiste  en  une  infi- 
nité de  petites  particules  incorruptibles,  qu'il  appelle  mo- 
lécules organiques.  Ces  molécules,  en  se  combinant  en  plus 
ou  moins  grande  quantité  avec  la  matière  morte,  forment 
tous  les  corps  organisés;   et  sans  jamais  se  détruire,  elles 
passent  sans  cesse  des  végétaux  aux  animaux  par  la  nutri- 
tion de  ceux-ci,  et  retournent  des  animaux  aux  végétaux, 
par  la  mort  et  la  putréfaction  des  premiers.  Leur  quantité 
dans  l'univers  est  à  jamais  déterminée.  D'un  autre  côté,  les 
divers  végétaux  et  animaux  forment  comme  autant  démoules 
divers  dans  lesquels  se  rassemblent  les  molécules  organi- 
ques.   D'abord,    ces   êtres  ne  font    servir   celles-ci  qu'à  se 
nourrir  et  se  développer;  mais   quand  ils  ont  acquis  tout 
leur   développement,    ils  renvoient  en  dépôt,   dans  leurs 
organes  génitaux,  les  molécules  organiques  superflues,  ce- 
pendant après  que  ces  molécules  ont,  dans  chaque  partie  du 
corps,  revêtu  la  forme  de  cette  partie.  C'est  ainsi   que  se 


86  FONCTION    DE   LA    GÊNÉ  NATION, 

forment   les  semences  de  l'un  et  l'autre  sexe ,  et  que  ces 
semences  sont  des  extraits  de  toutes  les  parties  du  corps. 
Enfin ,  comme  ces  semences  ne  peuvent  à  elles  seules  en- 
gendrer un  individu  nouveau,  elles  se  mêlent  dans  la  gé- 
nération; et  alors,  la  même  force  qui  assimilait  ces  molé- 
cules organiques  aux  parties  du  corps  pour  nourrir  et  faire 
croître   celles-ci  ,   les   fait   s'agréger   pour    constituer    un 
être  nouveau.  Selon  que  dans  le  mélange  prédominent  les 
molécules  du  mâle  ou  celles  de  la  femelle,  le  fœtus  est  un 
garçon  ou  une  fille.  Dans  ce  système,  se  nourrir,  se  déve- 
lopper et  se  reproduire  ,  sont  des  effets  d'une  seule  et  même 
cause  ;  on  s'explique  pourquoi  la  génération  n'est  possible 
qu'après  l'âge  de  développement:  pourquoi  son  abus  mai- 
grit et  épuise;    pourquoi,  au  contraire,  les  eunuques,  les 
animaux  mutilés  sont  plus  gras.  Si  les  foetus  ressemblent 
tantôt  à  leur  père,  et  tantôt  à  leur  mère,  c'est  que  tour-à- 
tour  chacun  de  ces  deux  individus  fournit  plus  de  molé- 
cules organiques  ;  et  si  généralement  dans  l'espèce  liumaine 
il  naît  plus  de  garçons  que  de  filles,  c'est  que  les  femmes  , 
généralement  plus  faibles,   fournissent  une  semence  plus 
faible  aussi,  ou  en  fournissent  une  moins  grande  quantité. 
Selon  Buffbn ,  enfin,  les  animalcules  sperma tiques  ne  sont 
que  les  molécules  organiques,  et  la  vésicule  de  l'ovaire,  la 
capsule  portative  de  la  semence  de  la  femme.  Malgré  tout 
le  talent  que  ce  grand  écrivain   mit   dans  l'exposition  de 
ce  système,  il  est  trop  contraire  aux  faits  pour  être  adopté. 
Les  molécules  organiques  sont  une  supposition  gratuite;  il 
n'y  a  pas  deux  matières  dans  la  nature;  la  matière  orga- 
nisée n'est  que  la  matière  générale  que  la  vie  a  modifiée; 
et  sans  cesse  on  voit  cette  matière  organisée  se  détruire,  et 
au  contraire  la  matière  générale  s'organiser.  D'autre  part , 
quelle  idée  vague  que  celle  des  moules  formés  par  les  divers 
végétaux  et  animaux!  Est-il  sûr  que  la  vésicule  de  l'ovaire 
contienne  une  semence?  Ces  semences,  surtout,  sont-elles 
formées  d'autant  de  molécules  diverses  qu'il  y  a  d'organes 
particuliers  dans  le  corps  humain  ?  Où  est  la  preuve  d'une 
pareille  assertion?  Si  cela  est,  pourquoi  des  individus  qui 
ont  éprouvé  une  mutilation  quelconque  engendrent-ils  des 


DB   LA   CONCEPTION    OU   FÉCONBATION*  87 

enfants  bien  conformés  ?  D'où  viennent  dans  ce  cas  les  mo- 
lécules des  parties  nouvelles  dont  étaient  privés  les  parents? 
D'où  viennent  celles  qui  forment  les  parties  annexes  des 
fœtus  ? 

20  Système  de  l'évolution.  Dans  cette  autre  théorie,  il 
est  dit  que  l'individu  nouveau  préexiste  sous  une  forme 
quelconque  dans  l'un  des  sexes  ,  et ,  qu'avivé  par  l'autre 
dans  l'acte  de  la  génération,  il  commence  dès  lors  à  éprou- 
ver la  série  des  développements  qui  doivent  l'amener  à  for- 
mer un  individu  indépendant.  Les  physiologistes  n'ont  pas 
moins  varié  dans  l'exposition  qu'ils  ont  faite  de  ce  système; 
et  l'on  peut  à  son  égard  les  partager  en  deux  sectes,  les 
ovaristes  et  les  animalculistes . 

Les  ovaristes  professent  que  ce  que  fournit  l'ovaire  est  un 
œuf;  et  ils  définissent  l'œuf,  une  partie  organisée,  formée 
d'un  embryon  et  d'organes  particuliers  destinés  à  servir  à  la 
nutrition  et  aux  premiers  développements  de  cet  embryon, 
et  apte  à  devenir, après  une  série  de  développements,  un  in- 
dividu semblable  à  celui  dont  elle  provient.  Tandis  que  les 
partisans  de  l'épigénèse  faisaient  remplir  aux   deux  sexes 
un  rôle  également  important  dans  l'acte  de  la  génération, 
les  ovaristes  attribuent  le  premier  rôle  au  sexe  femelle ,  et 
disent  que  c'est  plus  particulièrement  lui  qui  constitue  les 
espèces.  Il  est  certain  qu'en  beaucoup  d'espèces  animales, 
la  reproduction  n'exige  qu'un  seul  individu,  et  alors  il  est 
plus  naturel  de  croire  cet  individu  femelle,  que  de  le  dire 
mâle.  Ce  système  des  œufs  aduêtre  inspiré  par  l'observation 
des  nombreux  animaux  ovipares  :  chez  ces  animaux,  ce  que 
fournit  la  femelle  pour  lagénération  est  évidemment  un  œuf; 
et  chez  beaucoup  d'entre  eux,  cet  œuf  est  pondu  avant  le- 
rapprochement  des  deux  sexes  ,  <et  est  fécondé  à  l'extérieur. 
Il  était  dès  lors  naturel  d'étendre  par  analogie  cette  dispo- 
sition aux  autres  animaux  ;  et  c'est  ce  que  Harvey  fit  le  pre- 
mier quand  il  posa  cet  axiome  :  omne  vivum  ab  ow.  Plus 
tard,  Stenon3  adoptant  cette  analogie,  donna  le  nom  d'o- 
vaires  aux  testicules  des  femelles;  et  ensuite  les  travaux  suc- 
cessifs de  de  Graaf3  de  Malpighi,  de  Falisnieri ,  de  Bonnet. 
de  Spallanzani ,  etc. ,  sur  la  vésicule  fournie  par  l'ovairev 


83  FONCTION   DE   LA   GÉNÉRATION, 

et  sur  la  marche  de  cette  vésicule  à  travers  la  trompe,  et 
sur  son  arrivée  dans  l'utérus,  parurent  donner  de  ce  sys^ 
tème  une  démonstration  directe. 

On  invoquait  d'ailleurs  à  son  appui  les  considérations 
suivantes  :  i°\&  préexistence  du  germe  a  la  fécondation  dans 
beaucoup  d'êtres  vivants.  Dans  les  plantes ,  par  exemple,  la 
graine  existe  en  rudiments  dans  la  fleur  ,  bien  avant  que  le 
pollen  ,  destiné  à  effectuer  la  fécondation ,  soit  arrivé  à  sa 
maturité.  L'œuf  préexiste  de  même  dans  les  oiseaux  ,  à  tel 
point  que  des  oiseaux  vierges  pondent.  Cela  est  encore  plus 
évident  dans  beaucoup  de  poissons ,  dans  les  reptiles  batra- 
ciens, chez  lesquels  l'œuf  n'est  fécondé  qu'après  avoir  été 
excrété.  Spallanzani ,  d'ailleurs,  a  signalé  la  présence  de 
têtards  dans  des  œufs  de  grenouilles  non  fécondés,  elHaller 
a  fait  la  même  remarque  dans  l'œuf,  à  l'égard  du  poulet;  du 
moins  Hal/erdi  vu  que  les  œufs  de  poule  non  fécondés  conte- 
naient un  jaune  ,  et  comme  le  jaune,  selon  lui,  n'était  qu'une 
dépendance  de  l'intestin  du  fœtus,  il  en  résultait  que  si  le 
jaune  préexiste,  le  poulet  préexiste  aussi.  2°  La  partie  nia* 
rite  qu'offrent  quelques  espèces  animales  de  voir  une  seule 
copulation  féconder  chez  elles  plusieurs  générations  succès-? 
sives.  Ce  fait  extraordinaire  est  réel  en  certaines  espèces. 
Par  exemple,  l'effet  d'une  fécondation  s'étend  chez  les  pu> 
cerons,  jusqu'à  neuf  générations,  et  chez  les  monocles,  jus- 
qu'à la  quinzième.  Or,  pour  que  ces  diverses  générations 
aient  pu  ainsi  être  fécondées  ,  il  fallait  bien,  disait-on,  que 
les  germes  dont  elles  proviennent  préexistassent  dans  la 
première.  3°  Les  emboîtements  naturels  et  accidentels .  L'oi- 
gnon de  jacinthe  offre  déjà  les  rudiments  de  la  fleur  qu'il 
doit  fournir;  dans  les  bourgeons  des  arbres  on  signale, 
mais  repliées  sur  elles-mêmes  et  beaucoup  plus  petites,  les 
branches  ,  les  feuilles  et  les  fleurs  :  dans  les  mâchoires  de 
certains  animaux,  se  voient  les  germes  de  plusieurs  séries 
de  dents;  le  volvoce,  animal  transparent,  laisse  voir  dans 
son  intérieur  plusieurs  petits  emboîtés  les  uns  dans  les  au- 
tres :  qui  n'a  vu  un  œuf  contenu  dans  un  autre?  enfin  ,  on 
a  trouvé  déjà  plusieurs  fois  des  fœtus  htrflpains  dans  des 
corps  d'hommes;  et  nul  fait  de  ce  genre  n'est  plus  remar- 


DE   LA   CONCEPTION   OU   FÉCONDATION.  89 

quabîe,  et  mieux  constaté  que   celui  de  ce  garçon  de  Ver- 
neuil ,    en  Normandie  ,  appelé  Bissieu ,    qui  vécut  jusqu'à 
Vàge   de  quatorze   ans,  et  dont  M.   Dupujtren  a  consigné 
l'histoire  dans  les  bulletins  de  la  Faculté  pour  l'année  1804. 
4°  Les  métamorphoses.  Dans  les  insectes  et  les  batraciens, 
qui  sont  les  animaux  qui  nous  offrent   les  métamorphoses 
les  plus  saillantes,  on  voit  que  les  formes  qu'ils  nous  pré-, 
sentent   successivement    sont    évidemment    emboîtées    les 
unes  dans   les  autres;  par  exemple,  dans  la  chrysalide,    se 
distinguent  déjà  les  linéaments  de  la  forme  future  du  pa- 
pillon ;   et  dans  la   chenille    se  voyaient  déjà   ceux  de  la 
chrysalide  :  la  grenouille  aussi   se  laisse   déjà  voir  sous  la 
peaudu  têtard.  5°Siles  deux  considérations  précédentes  ne 
fondaient  que  des  analogies  plus    ou  moins  spécieuses,  il 
n'en  est  pas  de  même  des  expériences  de  fécondations  arti- 
ficielles, faites  d'abord  par  Swammerdam sur  clés  grenouilles, 
par  Ro'êsel  sur  d'autres  reptiles  ,  et  que  Spallanzani  répéta 
ensuite  avec  tant  de  succès,  comme  nous  l'avons  vu;  elles 
semblaient  constituer  une  démonstration  directe,  d'autant 
plus  que  la  quantité  de   sperme   employée    clans  ces  expé- 
riences  paraissait  trop  petite  pour  former  l'individu  nou- 
veau, et  pour  être  autre  chose  qu'un  fluide  d'avivement.  6° 
Enfin,  les  ovaristes  s'appuyaient  sur  les  reproductions  par- 
tielles qu'offrent  plus  ou  moins  tous  les  êtres  vivants.  Il  est 
certain  que  tous  les  animaux  peuvent  plus  ou  moins  repro- 
duire les  par  ties  de  leur  corps  qu'ilsont  perdues  ;  ils  le  peuven  t 
d'autant  moins  qu'ils  sont  plus  élevés  dans  l'échelle.  Ainsi, 
les  mammifères  et  les  oiseaux  ne  régénèrent  guère  que  les 
pièces  cornées  de  leurs  enveloppes  tégumentaires,  les  poils, 
les  ongles,  les  plumes:  déjà  certains  reptiles,  les  lézards,  par 
exemple  ,  reproduisent  leur  queue  ;  Les  crustacés  repoussent 
leurs  pattes;  le  limaçon,  sa  tête;  le  ver  de  terre  reproduit 
sa  tète  et  sa  queue;  les  étoiles  de  mer,  les  oursinset  autres 
radiaires  ,  régénèrent  les  filaments  qui  leur    ont  été  arra- 
chés; enfin,  dans  le  polype,   cette  puissance  de  reproduc- 
tion est  portée  au  point,  que  cet  être  étant  coupé  en  plu- 
sieurs morceaux,  chacun  de  ces  morceaux  régénère  ce  qui 
lui  manque  ,  et  devient  un  individu  parfait.  Pour  expliquer 


90  FONCTION   DE   LA   GÉNÉRATION. 

ces  faits,  les  ovaristcs  disaient  que  chaque  partie  avait  en 
elle-même  des  germes  destinés  à  la  reproduire,  et  n'atten- 
dant pour  cela  que  des  circonstances  favorables;  et  ils  ap- 
puyaient cette  singulière  idée  sur  ce  que  Ton  voit  quelque- 
fois les  parties  perdues  se  reproduire  doubles.  Mais  cet  ar- 
gument est  bien  loin  d'avoir  la  force  des  précédents,  et 
même  il  peut,  à  meilleur  droit,  être  invoqué  par  les  secta- 
teurs de  l'épigénèse. 

Cependant  on  faisait  aussi  quelques  objections  à  es  sys- 
tème. 10  On  objecta  la  ressemblance  des  fœtus  avec  les 
pères.  Les  ovaristes  ,  à  la  vérité  ,  expliquaient  cette  ressem- 
blance par  l'influence  qu'exerce  le  sperme  fécondateur  :  ils 
disaient  que,  hors  d'état  de  spécifier  en  quoi  consiste  cette 
influence,  il  leur  était  impossible  surtout  de  la  limiter  et 
de  fixer  le  terme  auquel  elle  s'étend  ;  ils  ajoutaient  que  la 
ressemblance  avec  les  mères  est  encore  plus  fréquente  et 
plus  étendue.  Mais  il  est  quelques  ressemblances  qui  sem- 
blent contredire  l'idée  d'un  germe  préexistant  :  par  exem- 
ple ,  celles  qui  portent  sur  quelques  monstruosités.  On  a 
vu  des  hommes  sex-digitaires  donner  le  jour  constamment  à 
des  enfants  également  sex-digitaires.  Faudra-t-il  admettre, 
avec  les  ovaristes  ,  des  germes  originairement  monstrueux  ? 
Certaines  grossesses  composées  ,  doubles  ou  triples,  ont  paru 
l'être  par  la  seule  influence  paternelle.  2°  On  objecta  le 
mélange  possible  des  diverses  espèces  vivantes.  Dans  le  rè- 
gne végétal ,  le  mélange  entre  des  espèces  différentes  est  fré- 
quemment observé  ,  et  donne  lieu  à  ce  qu'on  appelle  des 
plantes  hybrides.  11  en  est  de  même  dans  le  règne  animal, 
quoique  avec  moins  de  fréquence  et  de  généralité  :  on  con- 
naît, dans  notre  économie  rurale,  le  mulet  et  le  bardot, 
qui  sont  des  produits  de  l'âne  et  de  la  jument ,  du  cheval 
et  de  l'anesse;  des  métis  sont  fréquemment  obtenus  chez  les 
oiseaux,  entre  le  serin  et  le  chardonneret,  par  exemple.  Enfin, 
si  on  marie  une  femme  blanche  avec  un  nègre  ,  l'enfant  est 
déjà  un  peu  nègre;  et  si  les  générations  successives  de  cette 
femme  sont  unies  continuellement  à  des  individus  de  la  race 
nègre,  leurs  produits  s'éloignent  de  plus  en  plus  de  leur 
souche  primitive,  et  finissent  par  être  des  nègres  parfaits. 


DE   LA   CONCEPTION    OU    FÉCONDATION.  91 

Or,  ces  faits  ,  qui  montrent  tous  la  grande  influence  qu'ont 
les  pères  sur  les  qualités  des  fœtus,    ne  sont-ils  pas  autant 
de   contradictions  au  système   des  œufs   préexistants?  Les 
ovaristes  répondaient  ,  d'abord,  que  ces  accouplements  ir- 
réguliers ne  sont  guère  possibles  qu'entre  des  espèces  et  des 
variétés  fort  rapprochées ,  et  qu'on  ne  les  a  jamais  observés 
entre   des   espèces   un  peu  distantes,    par  exemple,  entre 
l'homme   et  tout  autre  animal  ;  en  second  lieu ,  qu'ils  ne 
sont  pas  dans  le  vœu  de  la  nature,  et  exigent  toujours,  pour 
être  obtenus,   les  efforts  de  l'homme;  on  ne  voit  pas,  en 
effet ,  dans  nos   bois  le  lièvre  et  le  lapin  s'accoupler,  mal- 
gré le  rapprochement  qui  existe   entre  ces   deux   espèces; 
enfin,  que  si  ces  métis  sont  laissés  à  eux-mêmes,  dans  les 
générations  successives  ,  ils  reviennent  tous  à  la  tige  mater- 
nelle.   Kolkreulher  ayant  fait  des  hybrides  avec  des  espèces 
de  nicotiane  ,  des  œillets,  des  jusquiames,   a  vu  que,  pour 
les  empêcher  de  revenir  à  la  tige  maternelle,   il  fallait  à 
chaque  production  nouvelle  recourir  à  une  aspersion  nou- 
velle de  pollen.  Cette  objection  ,  d'ailleurs,  rentrait  dans  la 
précédente,  étant  relative  aussi  à  la  grande  influence  exercée 
sur  les  produits  par  les  pères;  et  cette  influence,  les  ovaristes , 
loin  de  la  nier,  l'expliquaient  par  l'influence  du  sperme  fé- 
condateur. 3° Enfin,  à  ce  système  des  œufs  préexistants,  on 
a  opposé,  et  on  oppose  encore  aujourd'hui  les  changements, 
que  la  suite  des  siècles  apporte  sans  cesse  dans  les  espèces  végé- 
tales et  animales  qui  vivent  à  la  surface  de  notre  globe.  Déjà 
Litmœus  avait  émis  l'idée  hardie,  que  de  son  temps  il  existait 
plus  d'espèces  de  végétaux  que   dans  les  temps  anciens,  el 
qu'ainsi  il  s'était  formé  de  nouvelles  espèces  végétales.  Wilde- 
now  a  adopté  cette  idée  de  Linnœus. Bonnet,  quoique  sectateur 
zélé  du  système  des  œufs,  a  penséaussi  que  les  espaces  vivantes 
se  modifiaient  avec  le  temps.    Enfin,  aujourd'hui,  M.  La- 
marck  professe  que  les  végétaux  et  les  animaux  changent  con- 
tinuellement par  les  influences  des  climats,  des  aliments,  par 
les  effets  de  la  domesticité,  parle  croisement  des  races.  Si  les 
espèces  actuelles  nous  paraissent  constantes ,  c'est,  dit-il, 
que  les  climats,  et  toutes  les  circonstances  qui  modifient  ces 
espèces,  n'agissent  sur  elles  qu'après  un  temps  énorme;  et 


92  FONCTION-   DE   LA    GENERATION, 

qu'ainsi  il  faudrait  beaucoup  de  vies  d'hommes  pour  assister 
à  ces  modifications  et  les  constater.  Selon  lui ,  les  effets  bien- 
avérés  des  climats,  des  aliments,  etc.,  sur  les  végétaux  et 
animaux,  ne  permettent  pas  de  nier  théoriquement  ces  mu- 
tations; et  ce  qu'on  appelle  en  histoire  naturelle  les  espèces 
perdues,  ne  sont  peut-être  que  nos  espèces  actuelles  avant 
qu'elles  n'eussent  été  modifiées.  Cette  opinion  de  M.  La- 
marck  est  d'ailleurs  en  harmonie  avec  celle  qu'il  a  émise 
relativement  à  l'origine  des  êtres  organisés  :  le  mouvement 
vital  ayant  ,  selon  lui ,  pour  attribut,  de  compliquer  tou- 
jours de  plus  en  plus  l'organisation,  il  y  a  nécessité  que  les 
espèces  aillent  aussi  en  changeant  sans  cesse.  Or  ,  ce  fait, 
s'il  est  vrai ,  est  encore  contradictoire  à  l'idée  d'un  œuf  pré- 
existant. Mais  les  ovaristcs  répondent  que  ce  fait  de  la  mu- 
tabilité des  espèces  est  loin  d'être  rigoureusement  démontré; 
qu'évidemment  on  peut  reprocher  à  M.  Laniarck  quelque 
exagération  ,  comme  quand  on  le  voit  faire  provenir  de 
l'exercice  presque  toutes  les  parties  de  l'organisation  des  ani- 
maux; et  qu'enfin,  en  admettant  cette  mutabilité  des  es- 
pèces ,  on  peut  concevoir  que  l'œuf  préexistant  est  modifié 
aussi  avec  le  reste  du  corps. 

Du  reste  ,  les  auteurs  de  ce  système  ,  les  ovaristes  ,  offri- 
rent entre  eux  trois  principales  dissidences.  Les  uns  pro- 
fessèrent que  les  œufs  ou  germes  étaient  disséminés  dans 
tout  l'espace  ,  et  ne  se  développaient  que  quand  ils  rencon- 
traient des  corps  capables  de  les  retenir  et  de  les  faire 
croître ,  c'est-à-dire  qui  fussent  semblables  à  eux.  L'univers 
actuel  n'était  que  le  développement  de  beaucoup  de  germes 
primitifs  ,  formant  dans  leur  ensemble  un  univers  en  petit. 
C'est  ce  qui  fonda  le  système  de  la  dissémination  des  germes, 
ou  de  la  panspcrmie ,  que  son  absurdité  a  fait  universelle- 
ment rejeter.  Les  autres  établirent  que  les  germes  sont  ren- 
fermés les  uns  dans  les  autres,  et  successivement  tirés  de 
leur  torpeur,  et  appelés  à  la  vie  par  l'influence  de  la  li- 
queur séminale  :  de  telle  sorte  que ,  non-seulement  l'ovaire 
de  îa  première  femme  contenait  les  œufs  de  tous  les  enfants 
qu'elle  a  faiîs  ,  mais  encore  qu'un  seul  de  ces  œufs  contenait 
la   race    humaine    tout  entière.    C'est    ce  qui  constitue  le 


DE   LA   CONCEPTION    OU   FÉCONDATION.  9 3 

système  de  V emboîtement  des  germes ,  dont  Bonnet  a  été  le 
plus  ardent  défenseur.  Mais  l'esprit,  avec  raison 3  s'effraie 
de  cet  emboîtement  prétendu;  où  en  sera  le  terme?  il  sup- 
pose la  matière  divisible  à  l'infini;  et  si ,  pour  échapper  à 
cette  dernière  objection,  on  dit  que  les  êtres  vivants  actuels 
doivent  finir  un  jour,  et  qu'ainsi  on  doit  à  la  fin  arriver  à 
des  œufs  qui  n'en  contiendront  plus  d'autres,  ii  reste  tou- 
jours à  dire  comment  la  première  reproduction  s'est  faite. 
Enfin,  les  plus  judicieux  des  ovarisîes  établirent  que  chaque 
individu  fait  ses  œufs  par  une  sorte  d'action  sécrétoire  :  le 
fait  des  générations  gemmipares ,  dans  lesquelles  on  voit  la 
surface  externe  du  corps  pousser  des  bourgeons  reproduc- 
tifs; celui  des  nombreuses  reproductions  de  parties  dans 
les  divers  êtres  vivants,  leur  parurent  confirma  tifs  de  cette 
idée. 

En  1 674,  Ham  eiLeeuwenhoeck,  d'une  part ,  et  Hartsœker 
de  l'autre,  ayant  découvert  dans  le  sperme  des  animaux  une 
quantité  prodigieuse  de  petits  corps  mouvants,  et  qui  leur 
paraissaient  animés  ,  cette  découverte  donna  naissance  à  un 
nouveau  système  sur  la  génération,  celui  des  animalcules 
spermaliqu.es.  On  admit  que  ces  animalcules,  à  la  suite  de 
plusieurs  métamorphoses  ,  formaient  l'individu  nouveau. 
Tandis  que  dans  le  système  de  l'emboîtement,  la  première 
femme  avait  été  dite  contenir  tout  le  genre  humain,  ici 
c  était  le  premier  homme  qui  contenait  toutes  les  générations 
futures,  l'animalcule  spermatiqueé  tant  le  germe  préexistant , 
un  petit  homoncule  organisé  ,  dans  lequel  étaient  renfermés 
tous  les  autres.  À  l'appui  de  ce  système,  on  invoquait  les 
raisons  suivantes  :  10  li  existe  des  animalcules  dans  le  sperme 
de  tous  les  animaux,  et,  au  contraire,  on  n'en  trouve  dans 
aucune  des  autres  humeurs  du  corps;  20  ces  animalcules 
diffèrent  d'espèce  à  espèce  ,  et,  au  contraire,  sont  toujours 
semblables  dans  le  sperme  d'un  même  animal  et  dans  celui 
des  individus  d'une  même  espèce;  3°  ils  ne  se  montrent 
dans  le  sperme  de  tout  animal  qu'à  lage  où  la  génération 
est  possible,  et  au  contraire  ils  manquent  dans  le  premier 
âge  comme  dans  le  dernier;  40  leur  nombre  est  si  considé- 
rable ,  que  dans  une  goutte  de  sperme  de  coq,  égalant  à  peine 


94  FONCTION    DE    LA    GÉNÉRATION. 

en  volume  un  grain  de  sable ,  il  était  de  cinquante  mille  :  et 
ce  nombre  prodigieux,  qui  est  en  rapport  avec  la  prodigalité 
que  déploie  généralement  la  nature  pour  la  reproduction  de 
toutes  les  espèces  vivantes,  permet  d'expliquer  pourquoi 
Spallanzani ,  avec  des  atomes  de  sperme  ,  a  pu  effectuer  des 
fécondations  artificielles  ;  5°  enfin  s  on  ne  pouvait  faire  une 
objection  de  la  petitesse  de  ces  animalcules,  car  il  n'y  a  pas 
plus  de  disproportion  entre  eux  et  l'animal  qui  en  provient, 
qu'entre  une  graine  et  un  grand  arbre.  Ainsi ,  L'animalcule 
spermatique  fut  présenté  comme  le  rudiment  de  l'individu 
nouveau.  Il  ne  s'agissait  plus  alors  que  de  décrire  les  phé- 
nomènes ,  et,  à  défaut  de  l'observation  ,  qui  n'avait  rien  ap- 
pris sur  eux,  on  imagina.  Leeuwenhoeck  dit  que  les  animal- 
cules projetés  dans  l'utérus,  y  attiraient  les  œufs,  et  les  y 
convertissaient  en  de  véritables  embryons.  An  dry  professa 
qu'ils  rampaient  par  la  trompe  jusqu'à  l'ovaire  ;  qu'alors 
l'un  d'eux  pénétrait  dans  une  des  vésicules  de  cet  organe, 
s'y  enfermait,  soit  de  lui-même,  soit  par  l'action  d'une 
soupape  qui  l'obligeait  d'y  rester,  puis  revenait  avec  elle 
dans  l'utérus ,  pour  y  commencer  ses  développements  au 
moyen  de  la  substance  nutritive  que  renferme  cette  vésicule. 
Mauperluis  établit  que  les  animalcules  font  prendre  aux 
molécules  de  la  semence  leur  place  propre,  voulant  concilier 
ainsi  ce  système  avec  celui  des  séministes.  Mais  ces  explica- 
tions étaient  trop  évidemment  hypothétiques  pour  réussir. 
Spallanzani  ne  vit  dans  les  animalcules  spermatiques  que 
des  animaux  infusoires  ordinaires,  et  objecta  avoir  effectué 
des  fécondations  artificielles  avec  des  guttules  de  sperme  si 
petites  ,  qu'elles  n'en  contenaient  évidemment  aucun  ;  Baf- 
fon  les  regarda  comme  ses  molécules  organiques;  et  un  mé- 
decin de  Montpellier,  Plantade,  dans  une  brochure  qu'il 
publia  sous  le  faux  nom  de  Dalempatius ,  acheva  de  jeter 
tout  discrédit  sur  ce  système ,  en  disant  avoir  vu  ces  ani- 
malcules se  métamorphoser,  et  montrer  déjà  sous  leur 
enveloppe  les  formes  humaines. 

Cependant  MM.  Dumas  et  Prévost  viennent  de  ramener 
l'attention  des  savants  sur  les  animalcules  spermatiques. 
Non- seule  ment  ils  en  affirment  Fexistence,  mais  encore  ils 


DE   LA   CONCEPTION    OU   FÉCONDATION.  9 5 

les  considèrent  comme  étant,  dans  le  sperme ,  les  agents  di- 
rects de  la  fécondation.  D'abord ,  à  l'aide  du  microscope  y 
ils  les  ont  reconnus  dans  tous  les  animaux  dont  ils  ont  exa- 
miné le  sperme,  et  nous  en  avons  cité  un  assez  grand  nom- 
bre. Soit  qu'ils  examinassent  ce  fluide  après  son  excrétion 
par  un  animal  vivant ,  soit  qu'ils  fissent  l'examen  du  sperme 
pris  après  la  mort  dans  le  canal  déférent  ou  dans  le  paren- 
chyme du  testicule,  ces  animalcules  y  étaient  également  fa- 
cilement apercevables.  Ils  les  considèrent  comme  formant  le 
caractère  spécifique  du  sperme,  parce  qu'ils  n'existent  que 
dans  cette  humeur  ,  et  qu'ils  manquent  dans  tous  les  autres 
liquides  du  corps,  même  dans  ceux  versés  avec  le  sperme  dans 
l'appareil  génital,  comme  les  sucs  de  la  prostate ,  des  glan- 
des de  Cowper,  etc.  Semblables  pour  la  forme,  la  grandeur, 
le  mode  de  locomotion  dans  les  divers  individus  d'une  même 
espèce,  ils  ont  au  contraire ,  dans  chaque  espèce ,  des  formes 
et  des  dimensions  différentes.  Ils  n'éprouvent  aucuns  change- 
ments dans  la  série  des  organes  génitaux  ,  et  sont  aussi  par- 
faits dans  le  testicule  qu'au  moment  de  leur  excrétion; 
c'est  à  tort  que Leeuwenhoeck  avait  dit  en  avoir  trouvé  qui  lui 
paraissaient  avoir  des  âges  différents.  Us  étaient  doués  de 
mouvements  spontanés,  qui  ne  s'arrêtaient  que  graduelle- 
ment; après  deux  à  trois  heures,  dans  le  sperme  obtenu 
pendant  la  vie  par  éjaculation;  après  quinze  à  vingt  minu- 
tes, dans  celui  pris  après  la  mort,  dans  les  vaisseaux;  et 
après  dix-huit  à  vingt  heures,  dans  celui  laissé  après  la  mort 
dans  ses  propres  vaisseaux.  Pour  les  croire  utiles  à  la  géné- 
ration, il  suffisait  sans  doute  d'observer  qu'ils  n'existent 
que  dans  le  sperme;  mais  combien  le  soupçon  devient  plus 
fondé,  s'il  est  vrai  qu'ils  n'y  existent  qu'aux  temps  où  la 
fonction  est  possible  ?  Or,  dans  l'espèce  humaine,  le  sperme 
n'en  offre  aucuns  dans  le  premier  ni  le  dernier  s.ges;  et, 
dans  la  plupart  des  oiseaux,  ils  ne  se  montrent  dans  cette 
humeur  qu'aux  époques  fixées  par  la  nature  pour  l'accouple- 
ment de  ces  animaux.  Ces  mêmes  faits  prouvent  aussi  que 
ces  animalcules  ne  sont  pas  des  infusoires  ,  d'autant  plus 
que  ceux-ci  manquent  généralement  dans  les  humeurs  des 
êtres  vivants.  Il  était  remarquable  d'ailleurs  qu'ils  étaient 


96  FONCTION   DE    LA    GENERATION, 

liés  à  l'état  physiologique  de  l'être  qui  les  fournissait  ;  leurs 
mouvements  étaient  rapides  ou  languissants,  selon  que  l'a- 
nimal qui  avait  fourni  le  sperme  dans  lequel  on  les  obser- 
vait était  jeune  ou  vieux,  en  état  de  santé  ou  malade. 
Enfin  ,  outre  ces  diverses  raisons  ,  voici  quelques  faits  et 
expériences  qui  portent  MM.  Dumas  et  Prévost  à  considérer 
ces  animalcules  comme  les  agents  exclusifs  de  toute  fécon- 
dation :  i°  Dans  leurs  recherches  sur  l'œuf  des  mammifè- 
res, ces  savants  ont  vu  les  animalcules  remplir  les  cornes  de 
la  matrice,  et  y  rester  vivants  et  mouvants,  jusqu'à  la  des- 
cente des  ovules  dans  cet  organe;  ce  n'était  qu'alors  que  ces 
animalcules  graduellement  se  détruisaient  et  disparaissaient. 
2°  Certainement  les  animalcules  sont  ce  qu'il  y  a  de  plus 
notable  dans  la  partie  épaisse  du  sperme;  et  il  a  été  prouvé 
plus  haut  que  le  sperme  ne  féconde  que  par  celle-là,  et  non 
par  aucune  portion  volatile,  ni  par  un  aura  seminalis.  3°  Le 
sperme  ,  après  vingt  heures ,  perd  sa  faculté  fécondante  ;  et, 
dans  ce  même  intervalle  de  temps,  on  voit  les  animalcules 
qui  y  existent  cesser  graduellement  leurs  mouvements  et 
périr.  4°  De  même  que  la  liqueur  recueillie  du  sperme  dis- 
tillé ne  féconde  plus,  tandis  que  ce  qui  est  resté  dans  la 
cornue  a  conservé  la  propriété  fécondante,  de  même  la  se- 
mence évaporée  à  siccité  ,  puis  délayée  dans  de  l'eau  ,  n'a 
plus  fécondé.  5°  Enfin,  daus  deux  expériences,  MM.  Dumas 
et  Prévost  n'ayant  détruit  dans  le  sperme  que  les  animal- 
cules, ont  par  suite  enlevé  à  cette  humeur  sa  faculté  fécon- 
dante. L'une  de  ces  expériences  a  consisté  à  tuer,  par  l'ex-^ 
plosion  suffisamment  répétée  d'une  bouteille  de  Leyde ,  tous 
les  animaux  qui  étaient  dans  une  liqueur  spermatisée,  et 
dont  on  avait  constaté  auparavant  la  puissance  fécondante. 
Dans  l'autre  expérience,  on  a  versé,  à  plusieurs  reprises, 
sur  un  filtre  quintuple ,  de  la  liqueur  spermatisée ,  jusqu'à 
ce  que  tous  les  animalcules  fussent  retenus  sur  le  filtre  ;  et 
on  a  vu  que,  tandis  que  la  liqueur  filtrée  ne  pouvait  plus 
effectuer  de  fécondation,  la  portion  retenue  par  le  filtre 
avait  cette  faculté.  Déjà. Spallanzani  avait  fait  cette  dernière 
expérience,  et  en  avait  obtenu  ce  résultat;  seulement  ce 
savant  ajoute  qu'il  effectua  des  fécondations  avec  l'eau  dans 


DE   LA   CONCEPTION    OU    FÉCONDATION.  97 

laquelle  furent  lavés  les  papiers  qui  avaient  servi  de  filtres. 
Enfin,  MM.  Dumas  et  Prévost,  d'après  ce  qu'ils  ont  pu 
découvrir  des  premiers  linéaments  du  fœtus ,  conjecturent 
que  l'animalcule  spermatique  forme  le  système  nerveux  du 
nouvel  être,  et  que  l'ovule  ne  fournit  que  la  gangue  cel- 
luleuse  dans  laquelle  se  formeront  les  organes.  Pour  prévenir 
l'objection  tirée  des  très  petites  quantités  de  sperme  avec 
lesquelles  Spallanzani  et  eux-mêmes  ont  fait  des  féconda- 
tions artificielles,  ils  ont,  par  une  expérience  positive, 
constaté  la  petitesse  extrême  des  animalcules  spermatiques  : 
il  ont  délayé  les  vésicules  séminales  d'un  mâle  de  grenouille 
dans  dix  grammes  d'eau,  et  mettant  ensuite  une  goutte  de 
la  liqueur  sur  un  micromètre  divisé  en  fractions  de  milli- 
mètres, ils  se  sont  assurés  qu'un  cube  d'un  cinquième  de 
millimètre  de  côté,  contenait  de  cinq  à  six  animalcules;  et 
qu'ainsi  il  existait  de  trois  à  quatre  cents  animalcules  dans 
un  seul  millimètre  cubique  de  la  liqueur. 

Tout  en  applaudissant  à  ces  travaux  de  MM.  Dumas  et 
Prévost,  ils  ne  nous  paraissent  encore  prouver  que  deux 
choses,  savoir,  l'existence  des  animalcules  dans  îe  sperme, 
et  la  part  active  que  ces  animalcules  ont  dans  la  génération  i 
mais  ils  laissent  aussi  ignorer  comment  celle-ci  se  fait,  ce 
qui  était  le  problème  à  résoudre.  Nous  nous  taisons  sur  cette 
idée  que  l'animalcule  forme  le  système  nerveux  du  fœtus; 
MM.  Dumas  et  Prévost  ne  la  donnent  eux-mêmes  que  pour 
une  conjecture. 

De  ces  nombreuses  hypothèses  créées  pour  expliquer  la. 
génération  ,  évidemment  aucune  ne  satisfait  un  esprit  sé- 
vère. D'un  coté ,  comment  appliquer  l'épigénèse  à  la  for- 
mation primitive  de  l'embryon  humain  ?  On  conçoit  la  for- 
mation de  toutes  pièces  d'un  corps  composé  de  molécules 
toutes  semblables,  et  ayant  partout  la  même  figure,  la 
même  nature;  d'un  cristal,  par  exemple.  Mais  dans  un  être 
vivant  les  molécules  primitives  ne  sont  pas  identiques; 
chacune  doit  avoir  dans  l'ensemble  de  l'être  une  place  dé- 
terminée ;  l'être  ne  peut  exister  que  consécutivement  à  leur 
coordination ,  et  non  par  parties  séparées  ;  est-il  possible 
d'accorder  de  pareilles  nécessités,  soit  avec  un  simple  mé- 
TOME  IV.  *  7 


rç8  FONCTION    DE    LA    GÉNÉRATION. 

lange  des  semences,  soit  avec  un  envoi  fait  par  chaque  partie 
du  corps  de  molécules  spéciales  et  aptes  à  former  ces  par- 
ties ?  D'un  autre  côté,  que  d'objections  contre  le  système  de 
révolution  ?  Si  la  première  femme  ou  le  premier  homme 
contenait  tout  le  genre  humain,  chaque  œuf  de  l'une, 
ou  chaque  homoncule  de  l'autre  ,  devrait  contenir  à  la  fois 
deux  espèces  d'œufs  ou  d'animalcules  spermatiques ,  les  uns 
mâles  et  les  autres  femelles;  les  uns  ne  devant  se  déve- 
lopper qu'une  fois,  et  les  autres  au  contraire  devant  ren- 
fermer dans  leur  intérieur  une  suite  indéfinie  de  généra- 
tions. Or,  y  a-t-il ,  dit  Buffon ,  auteur  de  cette  objection, 
la  moindre  probabilité  dans  une  semblable  supposition  ? 
Dans  le  système  de  l'évolution ,  qu'on  admette  un  œuf  ou 
un  animalcule,  ce  rudiment  du  nouvel  être  est  dit  contenir 
en  raccourci,  non-seulement  toutes  les  parties  de  l'individu 
arrivé  à  son  développement  complet ,  mais  encore  tous  les 
individus  oui  doivent  eo  provenir  dans  la  suite  des  temps. 
Or,  cette  dernière  idée,  observe  judicieusement  M.  La- 
marck  ,  ne  peut  s'appliquer  à  ce  genre  d'êtres  vivants  qu'on 
appelle  êtres  composés  ;  et  quant  à  la  première  ,  elle  est 
contredite  par  les  faits  :  quand  on  suit  les  phases  diverses 
par  lesquelles  passent  les  organes  dans  la  suite  des  âges,  on 
se  convainc  que  ces  organes  sont  évidemment  formés  de 
toutes  pièces  ,  en  vertu  de  lois ,  inconnues  sans  doute ,  mais 
qui  les  renferment  en  certains  types  déterminés.  Enfin, 
dans  ce  système  de  la  préexistence  des  germes,  on  ne  fait, 
dit  avec  raison  M.  Geoffroi  Saint-Hilaire ,  que  reculer  la 
difficulté;  ou  mieux,  c'est  déclarer  ,  à  l'aide  d'une  propo- 
sition contradictoire  en  elle-même,  qu'elle  n'existe  pas.  En 
effet,  le  problème  à  résoudre  est  le  mode  de  formation  d'un 
nouvel  être  vivant.  Or,  d'une  part,  supposer  cet  être 
préexistant,  c'est  déjà  déclarer  le  problème  nul;  c'est  sup- 
poser la  chose  faite  de  toute  éternité,  pour  échapper  à  l'em- 
barras de  dire  comment  elle  se  fait  :  c'est  au  moins  ne  faire 
que  reculer  la  difficulté,  ^ car  dans  cette  hypothèse  d'un 
germe  préexistant,  il  reste  toujours  à  dire  ce  qu'est  l'in- 
fluence qui  arrache  soudain  ce  germe  à  sa  torpeur  et  l'ap- 
pelle à  la  vie.  D'autre  part,  que  veulent  dire  rigoureuse- 


DE   LA   CONCEPTION    OU   FÉCONDATION.  99 

ment  ces  mots,  préexistence  du  germe?  D'un  côté,  préexis- 
tence exprime  l'idée  d'une  existence  qui  est  avant  d'être , 
et  il  y  a  là  contradiction.  D'un  autre  côté,  le  mot  germe 
n'est  pas  bien  précisé  ;  en  vain  dira-t-on  que  la  vue  d'une 
graine,  d'un  œuf,  en  donne  l'idée;  en  vain  définira-t-on 
le  germe,  la  réunion  d'une  quantité  quelconque  d'éléments, 
qui  avec  d'autres  qui  sont  puisés  au  dehors,  forment  par 
un  travail  intestin  un  corps  organisé  ;  ce  qui  prouve  qu'à  ce 
mot  on  n'attache  qu'une  idée  vague,  c'est  qu'on  a  successi- 
vement réduit  ce  qui  est  proprement  le  germe  ,  à  une  partie 
de  plus  en  plus  petite  de  la  graine,  de  l'œuf,  à  une  partie 
tellement  petite  qu'elle  n'a  plus  été  vue,  et  n'a  plus  été 
presqu'une  conception  abstraite  de  l'esprit. 

Ces  objections  au  système  de  l'évolution  ont  paru  tel- 
lement fortes  que,  malgré  tout  l'éclat  dont  a  joui  ce  système 
dans  le  siècle  dernier,  la  plupart  des  physiologistes  de  nos 
jours  reviennent  à  celui  de  l'épigénèse,  se  bornant  à  expri- 
mer par  ce  mot  que  l'individu  nouveau  à  son  origine  est 
formé  de  toutes  pièces,  mais  avouant  leur  ignorance  sur  le 
mécanisme  de  cette  formation.  En  effet,  nous  avons  vu, 
d'une  part,  que  plusieurs  naturalistes  croyaient,  avec  assez 
de  vraisemblance,  à  l'existence  de  générations  spontanées 
aux  derniers  degrés  de  l'échelle  végétale  et  animale.  Nous 
verrons,  d'autre  part,  que  le  fœtus  humain  présente,  dans 
la  série  de  ses  développements ,  les  principales  formes  d'or- 
ganisation qu'offre  la  généralité  du  règne  vivant.  Or,  n'est- 
ce  pas  là  un  premier  argument  propre  à  appuyer,  qu'à  sa 
première  origine  il  se  fait  par  une  génération  spontanée, 
par  conséquent  de  toutes  pièces  ?  Un  second  argument  est 
tiré  du  mode  de  développement  des  organes,  qui  évidem- 
ment consiste,  non  en  une  évolution,  mais  en  une  véri- 
table formation  par  l'aggrégation  successive  des  molécules 
matérielles  qui  les  composent?  Mais  les  physiologistes  de 
nos  jours  se  bornent  à  cette  généralité,  et  avouent  leur 
ignorance  sur  le  reste.  Et  en  effet,  s'ils  avaient  découvert  le 
mystère  de  la  génération,  ils  auraient  pénétré  le  secret  de 
la  vie;  et  nous  avons  vu  que  jusqu'à  présent  toutes  les  ac- 
tions vitales  nous  sont  inconnues,  et  que  nous  ne  savons 

7- 


100  FONCTION    DE    LA    GENERATION, 

d'elles  que  leur  opposition  ,  ou  au  moins  leur  dissemblance 
avec  les  actions  physiques  et  chimiques  générales.  Parmi  les 
conjectures  qui  ont  été  faites,  nous  citerons  les  suivantes  : 
M.  Lamarck,  croyant  que  la  cause  de  la  vie  est  matérielle 
et  puisée  dans  l'élément  ambiant,  et  qu'il  se  forme  des 
êtres  vivants  toutes  les  fois  que  cette  cause  de  vie,  quelle 
qu'elle  soit ,  rencontre  uue  matière  gélatineuse  demi-fluide, 
pense  que  c'est  aussi  de  cette  manière  que  se  fait,  à  sa  pre- 
mière origine ,  l'embryon  humain:  il  ajoute  que,  de  même 
que  dans  la  suite  des  temps ,  les  premiers  êtres  vivants  s'é- 
taient compliqués  graduellement  de  manière  à  former  les 
êtres  vivants  actuels,  de  même  aussi  l'embryon  humain  ,  de 
ce  premier  degré  d'organisation  si  simple,  s'élève  successi- 
vement à  celui  qui  constitue  son  espèce.  M.  Rolando,  sem- 
blablement  à  MM.  Dumas  et  Prévost,  exprime  que  l'indi- 
vidu nouveau  résulte  de  la  réunion  du  système  cellulo- 
vasculaire  fourni  par  la  mère,  et  du  système  nerveux  fourni 
par  le  mâle ,  considérant  la  substance  amorphe  qui  provient 
de  l'ovaire  comme  étant  les  rudiments  des  systèmes  vascu- 
laire  et  cellulaire  qui  sont  les  premiers  fondements  de  l'é- 
conomie,  et  l'animalcule  spermatique  comme  étant  celui 
du  système  nerveux.  Mais  c'est  assez  nous  arrêter  à  toutes 
ces  hypothèses;  achevons  l'exposition  de  ce  que  nous  savons 
de  positif  sur  l'acte  de  la  conception. 

La  conception  est  un  acte  qui  s'accomplit  sourdement  et 
sans  être  perçu.  On  a  prétendu  que  quelques  femmes  recon- 
naissaient par  un  frisson,  une  douleur  à  l'ombilic,  un 
trouble  quelconque  dans  l'abdomen  ,  qu'elles  venaient  tout 
à  coup  de  devenir  mères  :  mais  outre  que  ces  signes  préten- 
dus sont  des  plus  vagues ,  le  plus  souvent  la  conception  se 
fait  sans  qu'on  sente  rien,  et  c'est  un  acte  dont  on  a  aussi 
peu  conscience  que  de  celui  de  la  chimification. 

C'est  aussi  un  acte  lout-à-fait  indépendant  de  la  volonté  : 
on  ne  peut  ni  faire  qu'elle  ait  lieu  ,  ni  influer  sur  ses  pro- 
duits. La  première  de  ces  propositions  est  universellement 
avouée;  telle  femme  qui  désire  des  enfants  ne  peut  en  avoir; 
et  telle  autre  devient  enceinte  à  chaque  rapprochement.  Il 
y  a  cependant  à  cet  égard  une  différence  entre  l'espèce  hu- 


DE   JLA   CONCEPTION    OU    FÉCONDATION.  iOi 

maine  et  les  animaux.  Chez  ceux-ci  la  génération  n'est  pos- 
sible qu'à  une  époque  déterminée  de  l'année;  mais  aussi 
presque  toujours  un  premier  accouplement  est  suivi  de  fé- 
condation ,  probablement  parce  que  les  organes  génitaux  de 
l'un  et  l'autre  sexe,  mais  surtout  ceux  de  la  femelle,  sont 
dans  un  état  d'excitation  convenable.  Dans  l'espèce  humaine 
au  contraire,  la  génération  peut  s'accomplir  toute  l'année  ; 
les  organes  génitaux  ont  en  tout  temps  le  degré  d'excitation 
convenable  à  l'accomplissement  de  la  fonction,  ou  au  moins 
peuvent  momentanément  l'acquérir;  mais  il  arrive  bien 
plus  souvent  qu'un  rapprochement  n'est  pas  suivi  de  fécon- 
dation, probablement  parce  que  l'excitation  des  organes  est 
moins  grande.  Du  reste,  les  causes  de  la  stérilité  sont  dif- 
ficiles à  pénétrer,  toutes  les  fois  qu'elles  ne  résident  pas  en 
des  obstacles  physiques  qui  empêchent  l'application  du 
sperme  à  l'ovaire  :  on  parle  de  mauvaises  qualités  dans  ce 
sperme  et  dans  les  vésicules  de  l'ovaire,  mais  sans  préciser 
ces  mauvaises  qualités  :  on  dit  qu'il  faut  un  rapport  entre 
ces  deux  matières  ,  mais  sans  spécifier  en  quoi  consiste  ce 
rapport.  Hippocrate  disait  que  la  fécondation  était  d'autant 
plus  sûre,  que  les  deux  époux  différaient  plus  l'un  de  l'au- 
tre par  le  tempérament;  mais  l'état  particulier  de  l'appa- 
reil génital  doit  avoir  plus  d'influence  ici  que  l'état  général 
du  corps.  Ce  qui  paraît  plus  certain ,  c'est  qu'il  y  a  d'au- 
tant plus  de  probabilité  pour  la  fécondation,  que  les  deux 
individus  éprouvent  dans  le  rapprochement  le  même  spasme, 
et  que  le  pénis  est  plus  en  face  de  l'ouverture  de  l'utérus. 
Elle  arrive  aussi  plus  facilement  quand  l'approche  a  lieu 
après  les  règles,  soit  parce  que  l'utérus  reste  alors  un  peu 
plus  ouvert ,  soit  parce  que  tout  l'appareil  a  conservé  un 
reste  d'excitation.  Deux  thèses  ont  été  faites  sur  les  ques- 
tions de  savoir  si  les  femmes  les  plus  ardentes  et  les  plus 
belles  sont  les  plus  fécondes  :  An  quo  salacior  mulier,  eo 
Jœcundior?  Anformosœfecundiores?  Les  auteurs  de  l'une 
et  de  l'autre  ont  conclu  négativement  :  on  conçoit  que  la 
première  de  ces  circonstances  peut  avoir  une  influence  sur 
la  fécondation;  mais  à  coup  sûr  la  seconde,  c'est-à-dire  la 
beauté,  ne  peut  en  avoir  aucune. 


102  FONCTION  DE  LA  GENERATION. 

Non-seulement  c'est  irrésistiblement  que  la  conception  a 
lieu  ou  n'a  pas  lieu,  mais  encore  c'est  indépendamment  de 
toute  volonté,  que  la  grossesse  est  simple  ou  composée. 
Sans  doute,  la  nature  a  réglé  par  avance  le  sort  de  chaque 
espèce  animale  à  cet  égard;  elle  a  fait  les  unes  multipares , 
et  les  autres  unipares  :  mais  les  lois  qu'elle  a  posées  sous  ce 
rapport  sont  susceptibles  de  quelques  variations ,  et  la  vo- 
lonté ne  peut  rien  sur  ces  variations.  Les  animaux  multi- 
pares, par  exemple,  ne  font  pas  toujours  le  même  nombre 
de  petits;  et  la  femme,  qui  ordinairement  n'accouche  que 
d'un  enfant,  fait  quelquefois  des  jumeaux.  Tout  en  avouant 
notre  ignorance  sur  la  cause  de  ces  variations ,  voici  quel- 
ques observations  faites  à  leur  égard.  Les  jumeaux  survien- 
nent une  fois  à  peu  près  sur  quatre-vingts  grossesses.  Les 
exemples  de  trois  enfants  sont  plus  rares  :  sur  trente-six 
mille  accouchements  qui  ont  été  faits  dans  une  espace  de 
temps  donné  à  l'hospice  de  la  Maternité,  il  n'y  a  eu  que 
quatre  grossesses  triples.  La  femme  d'un  paysan  moscovite  , 
dont  je  vais  parler  tout  à  l'heure,  a  accouché  plusieurs  fois 
de  quatre  enfants;  mais,  sur  cent  huit  mille  accouchements 
qui  ont  été  faits,  dans  un  espace  de  soixante  ans,  tant  à 
l'Hôtel-Dieu  de  Paris  qu'à  l'hospice  de  la  Maternité,  ce  fait 
ne  s'est  pas  présenté.  On  a  parlé  de  grossesses  de  cinq  en- 
fants et  plus;  mais  tous  les  cas  cités  sont  évidemment  apo- 
cryphes. Auquel  des  deux  individus  doit-on  rapporter  les 
grossesses  composées  ?  Les  sectateurs  de  l'évolution  croient 
que  c'est  à  la  femme;  ils  supposent  que  dans  le  coït  plu- 
sieurs vésicules  de  l'ovaire  ont  été  fécondées.  Les  fauteurs 
du  système  des  animalcules  les  rapportent  au  contraire  au 
père.  On  a  des  faits  en  faveur  de  l'une  et  l'autre  opinion  : 
certaines  femmes  ^  mariées  successivement  à  plusieurs 
hommes ,  ont  toujours  eu  des  grossesses  composées;  et 
certains  hommes  ont  présenté  le  phénomène  inverse.  À  ce 
dernier  propos,  nous  citerons  les  faits  suivants  :  Ménage 
parle  d'un  homme  appelé  Brunet,  dont  la  femme,  en  sept 
couches,  fit  vingt-un  enfants,  et  qui ,  ayant  abusé  de  sa  ser- 
vante, la  rendit  enceinte  de  trois  enfants.  En  **j'5>5.,  on 
présenta  à  l'impératrice  de  Russie  un  paysan  appelé  Jacques 


DE   LA   CONCEPTION   OU    FÉCONDATION.  io3 

Kirnhof ,  marié  en  secondes  noces ,  et  âgé  de  soixante-dix 
ans;  sa  première  femme  avait  fait  cinquante-sept  enfants 
en  vingt-une  couches,  elle  avait  eu  quatre  couches  de  quatre 
enfants,  sept  de  trois,  et  dix  de  deux;  sa  seconde  femme 
avait  eu  déjà  sept  couches  de  trois  enfants,  et  six  de  deux. 
Enfin ,  de  même  que  nous  ne  pouvons  pas  faire  que  la 
conception  ait  lieu  ou  n'ait  pas  lieu,  nous  ne  pouvons  pas 
influer  sur  ses  produits  :  par  exemple,  influer  sur  le  sexe  de 
l'enfant,  non  plus  que  sur  ses  qualités  physiques  et  morales 
futures.  A  la  vérité,  quelques  philosophes  et  médecins  an- 
ciens, Anaxagore ,  Aristote,  Hippocrate ,  croyaient  que  le 
testicule  et  l'ovaire  droits  fournissaient  les  rudiments  des 
garçons,  et  que  ces  parties  du  côté  gauche  fournissaient  ceux 
des  filles;  Démocrite,  Pline,  Columelle,  disent  même  l'avoir 
expérimenté  sur  un  bélier.  C'est  sur  cette  assertion  que  fut 
fondé  l'art  prétendu  de  procréer  Les  sexes  àvolontè,  art  qui  a 
de  nouveau  été  préconisé  de  nos  jours  par  le  docteur  Millot. 
Mais  d'abord,  en  supposant  vrai  le  fait  sur  lequel  repose  ce 
système,  il  faudrait  pouvoir  influencer  ou  faire  agir  de  pré- 
férence ou  tel  ovaire  ou  tel  testicule  ,  et  cela  ne  serait  pas 
toujours  possible  dans  le  spasme  de  la  génération.  Ensuite , 
il  est  faux  que  de  l'ovaire  et  du  testicule  droits  proviennent 
les  garçons,  et  de  l'ovaire  et  du  testicule  gauche  les  filles  : 
des  hommes  auxquels  on  avait  enlevé  un  des  testicules  ont 
engendré  également  des  filles  et  des  garçons  ;  il  en  a  été  de 
même  de  femmes  qui  avaient  un  des  ovaires  détruit  par  une 
maladie.  Sur  des  lapines,  on  a  fait  l'ablation  de  l'un  des 
ovaires,  et  ces  animaux,  couverts  ensuite,  n'en  ont  pas 
moins  engendré  des  fœtus  mâles  et  femelles.  Quand  on  ouvre 
une  lapine  pleine,  dans  la  même  corne  de  la  matrice,  on 
trouve  à  la  fois  des  fœtus  mâles  et  femelles ,  bien  que  tous 
ces  fœtus  proviennent  certainement  d'un  même  ovaire  ,  de 
l'ovaire  correspondant.  Celte  particularité  de  la  conception 
est  donc,  comme  toute  autre ,  soustraite  à  l'influence  de  la 
volonté  ;  et  heureusement  pour  nous ,  car  les  vues  privées , 
et  par  conséquent  rétrécies  de  l'homme,  auraient  bientôt 
fait  cesser  l'équilibre  que  le  Créateur  fait  plus  ou  moins, 
selon  les  climats,  régner  entre  les  deux  sexes.  D'ailleurs,  à 


Jo4  FONCTION  DE  LA  GÉNÉRATION. 

l'occasion  de  cette  question ,  nous  devons  dire  que  quelques 
physiologistes  pensent  que  le  sexe  de  l'individu  nouveau 
n'est  pas  fixé  au  moment  même  de  la  conception ,  et  qu'il 
ne  se  détermine  que  plus  tard,  lors  des  développements  sub- 
séquents :  nous  reviendrons  là-dessus  à  l'article  du  fœtus. 

Nous  ne  pouvons  pas  davantage  sur  les  qualités  physiques 
et  morales  futures  de  l'enfant  :  c'est  irrésistiblement  qu'il  a 
tel  tempérament,  telle   constitution,  qu'il  est  bien  fait  ou 
difforme  ,  etc.  ,  tant  la  nature  a  voulu  se  réserver  exclusi- 
vement la  direction   d'un  acte  par  lequel  elle  conserve  la 
perpétuité  de  tous  les  êtres  animés.  Cependant  nous  avons 
ici  plus  de  pouvoir  que  sur  les  circonstances  précédentes  ; 
et  si  nous  ne  pouvons  exercer  une  influence  instantanée  , 
ail  moins  nous  pouvons  déterminer   à  la  longue  quelques 
modifications.  D'abord,  il  est  possible  que  l'état  moral  des 
deux  individus  au  moment  de  l'union,  que  le  degré  d'acti- 
vité avec  lequel   ils  accomplissent   la   fonction,  aient  une 
influence  sur  son  résultat,  et ,  par  conséquent,  sur  les  qua- 
lisés  de  l'individu  nouveau.  Il  est  possible  que  celui-ci  soit 
plus  ou  moins  vivace,  selon  que  sa  création  originelle  aura 
été  effectuée  avec  plus  ou  moins  d'énergie  ou  de  faiblesse.  On 
dit  généralement  que  la  conception  est  d'autant  meilleure 
que  l'abandon  des  deux  époux  est  plus  absolu.  Sans  doute 
Aristote  a  exagéré ,   quand  il  a  attribué  la  plus  grande  fré- 
quence des  difformités  dans  l'espèce   humaine   à  la  négli- 
gence avec  laquelle  s'accomplit  la  génération  ;  mais  on  croit 
avoir  remarqué  que  les   enfants  de  l'amour  sont  générale- 
ment plus  riches  de  vie  et  plus  précoces.  La  nature  ,  lors  de 
l'accomplissement  de  l'acte  génital ,    ôte  l'individu  à  lui- 
même  ,  comme  s'il  fallait  que  toute  sa  vie  fût  employée  à 
l'importante  fonction  à  laquelle  il  se  livre;  et  cela  prouve 
assez  qu'il  faut  ici  l'exclusion  absolue  de  tout  autre  acte.  En- 
suite, en  rejetant  comme  non  suffisammentdémontrée  cette 
première  influence,  il  en  est  une  autre  incontestable,  tenant 
aux  qualités  des  pères  et  mères;  on  voit  les  pères  et  mères 
transmettre  à  leurs  enfants,  et  leur  constitution  ,  et  leurs 
qualité  morales,  et  leurs  maladies,  et  jusqu'à  leurs  formes 
extérieures,  puisqu'on  observe  souvent  entre  eux   les  plus 


DE  LA  CONCEPTION  OU  FÉCONDATION.       lo5 

fortes  ressemblances.  Or,  n'est-il  pas  possible  d'influer  sous 
ce  rapport  sur  les  qualités  des  enfants,  en  réglant  les  con- 
ditions de  rapprochement  ,  en  présidant  aux  choix  des  in- 
dividus qui  s'associent  ? 

Aussi  ,  si  nous  avons  relégué  parmi  les  chimères  l'art  de 
procréer  les  sexes  à  volonté  ,  nous  jugerons  moins  sévère- 
ment celui  de  la  mégalanthropogénésie ,  c'est-à-dire  de  faire 
des  enfants  beaux  et  des   enfants  d'esprit.    Ayant  une  fois 
admis  la  possibilité  d'une  influence  exercée  par  l'état  moral 
des  époux  au  moment  du  coït ,  et  surtout  celle  d'une  trans- 
mission  héréditaire   des  parents   aux  enfants,  on  conçoit 
qu'on  peut  soigner  plus  ou  moins  tout  ce  qui  a  trait  à  ces 
deux  choses.  Nul  doute  que  l'abus  des  plaisirs  de  l'amour 
n'imprime  aux  fœtus  engendrés  une  faiblesse  originelle ,  et 
qu'au  contraire  ,  un  exercice  convenable  ne  fasse  engendrer 
des  enfants  robustes.    Pour  perpétuer  les  animaux  domes- 
tiques et  les  améliorer  sans  cesse,  nous  faisons  un  choix  des 
mâles  et  des  femelles  que  nous  accouplons;   nous  les  pre- 
nons dans  l'âge  de  la  force ,  et  nous  en  croisons  diversement 
les  races  ,  selon  le  genre  de  qualité  que  nous  voulons  impri- 
mer aux  produits.  Qui  oserait  dire  que  tout  ceci  ne  soit  de 
même  applicable  à  l'homme  ?  Loin  de  nous   sans  doute  la 
pensée  de  méconnaître  ce  que  la  haute  dignité  de  notre  es- 
pèce réclame    de    liberté    pour  les  individus   unis  en  état 
social;    mais  la  législation  n'enfreint-elle  pas  les  lois  de  la 
physiologie,  et  par  conséquent  de  la  nature,  quand  elle  per- 
met, par  exemple,  les  mariages  entre  des  personnes  d'un  âge 
extrêmement  disproportionné  ,   entre  des  personnes  saines 
et  des  personnes  affectées  de  maladies  héréditaires  ?  Loin  de 
chercher  à  améliorer,  on  ne  travaille   même  pas  à  prévenir 
les  détériorations. 

Nous  avons  dit  que,  le  plus  souvent,  dans  l'espèce  hu- 
maine, il  n'y  a  qu'un  seul  enfant  de  produit;  cependant 
il  y  a  deux  ovaires  :  est-il  possible  de  dire  lequel  fournit  la 
vésicule  qui  est  le  rudiment  de  l'être  nouveau  ?  On  ne  peut 
pas  plus  répondre  à  cette  question ,  qu'à  celle  de  savoir  si 
c'est  le  hasard  qui  décide  quelle  vésicule  se  détache,  ou  si, 
au  contraire  ,  il  en  est  une  qui  a  mûri  et  s'est  préparée  à  la 


106  FONCTION    DE   LA    GÉNÉRATION, 

fécondation.  Ce  que  l'on  sait    seulement,  c'est  qu'un  seul 
ovaire  suffit  pour  engendrer. 

La  conception  effectuée  ,  et  la  vésicule  de  l'ovaire  portée 
dans  l'utérus,  est-il  possible  à  une  autre  conception  de  se 
faire,  et  à  un  autre  ovule  de  descendre  dans  la  matrice, 
et  d'y  suivre  de  même  la  série  de  ses  développements?  Ce 
fait,  qu'on  appelle  superfètation :-,  est  certain  pour  les  ani- 
maux qui  ont  l'utérus  bicorne  ;  on  conçoit  que  chez  eux  une 
seule  des  cornes  de  la  matrice  peut  se  remplir  lors  d'une 
conception,  et  l'autre  rester  apte  à  le  faire  plus  tard.  Mais, 
dans  l'espèce  humaine,  la  chose  paraît  moins  possible;  car, 
d'un  côté  l'utérus  est  unique,  et  de  l'autre ,  son  orifice  va- 
ginal et  l'entrée  des  trompes  sont  bouchés  dans  la  grossesse; 
de  sorte  qu'il  paraît  impossible  que  de  nouveau  sperme 
puisse  y  pénétrer  et  aller  atteindre  les  ovaires,  ni  qu'un 
nouvel  ovule  puisse  y  descendre.  Aussi,  beaucoup  de  phy- 
siologistes n'admettent  de  superfètation  dans  la  femme,  que 
lorsque,  par  une  monstruosité  ou  par  une  anomalie  ,  l'uté- 
rus est  double  ou  bicorne  ,  ou  partagé  en  deux  par  une  cloi- 
son médiane.  Cependant,  quelques-uns  croient  àdessuper- 
fétations  sans  cette  circonstance ,  en  s'appuyant  sur  les  faits 
suivants.  Buffon  parle  d'une  créole  qui  accoucha  de  deux 
jumeaux,  un  blanc  et  un  noir,  et  qui  avoua  que  le  matin 
d'une  nuit  où  son  mari  avait  approché  d'elle  ,  elle  avait  eu 
à  supporter  la  violence  d'un  de  ses  domestiques  noirs;  il 
est  évident  qu'en  elle  il  y  avait  eu  deux  conceptions,  et  à 
deux  époques  différentes.  Eisennemann  rapporte  que  la 
femme  d'un  infirmier  de  l'hôpital  de  Strasbourg  accoucha, 
à  quatre  mois  et  demi  d'intervalle  ,  le  3o  avril  et  le  16  sep- 
tembre, de  deux  enfants  également  à  terme,  et  qui  vécurent, 
le  premierdeux  mois  et  demi,etle  second  un  an.  Le  docteur 
Desgranges ,  de  Lyon ,  a  vu  une  femme  de  ce  pays  ,  qui  ac- 
coucha de  même  à  cinq  mois  et  demi  d'intervalle ,  de  deux 
enfants  également  à  terme,  et  qui  vivaient  encore  deux  ans 
après,  lorsqu'on  les  présenta  aux  notaires  qui  ont  attesté  le 
fait.  Sans  doute  ces  faits  sont  imposants;  mais  ne  peut-on 
pas  leur  opnoser  les  considérations  suivantes?  Dans  le  cas 
de   Biiffon,  les  époques  des  deux  conceptions  ont   été  assez 


DE    LA    GROSSESSE.  107 

rapprochées,  pour  qu'on  puisse  concevoir  la  descente  du 
second  ovule  après  la  fécondation  du  premier ,  la  clôture 
de  l'orifice  de  l'utérus  et  celle  des  orifices  des  trompes 
n'ayant  pas  encore  eu  le  temps  de  se  faire.  Dans  les  deux 
autres  cas,  il  pouvait  y  avoir  utérus  double  ou  bicorne,  et 
on  n'a  pas  vérifié  ce  fait  chez  la  femme  observée  par  le  doc- 
teur Desgranges.  A  la  vérité,  la  femme  dont  parle  Eisen- 
neman  a  été  ouverte  après  sa  mort,  et  a  présenté  un  utérus 
simple;  mais  son  ouverture  n'a  été  faite  que  sept  ans  après 
la  superfétation  :  et  qui  assure  qu'une  cloison  médiane, 
qui  aurait  alors  partagé  en  deux  l'utérus  et  aurait  permis 
la  double  grossesse,  ne  se  serait  pas  détruite  depuis?  Cette 
supposition  est  aussi  raisonnable  que  celle  qui  nous  présente 
le  sperme  pénétrant  jusqu'à  l'ovaire  ,  malgré  la  clôture  des 
orifices  de  l'utérus  et  des  trompes.  Cependant,  comme  on 
ne  peut  affirmer  qu'il  n'y  ait  pas  des  grossesses  dans  les- 
quelles l'orifice  de  l'utérus  reste  ouvert,  et  les  trompes  ac- 
cessibles, peut-être  est-il  sage  de  ne  pas  nier  absolument  la 
possibilité  des  superférations  ?  On  avait  voulu  regarder  ces 
superfétations  comme  des  grossesses  doubles,  dans  lesquelles 
un  des  fœtus  aurait  vu  se  suspendre  la  série  de  ses  dévelop- 
pements pendant  tout  le  temps  de  l'évolution  du  premier,  et 
ne  lesauraitrepris  qu'après  l'excrétion  de  celui-ci  ;  mais  ceci 
est  trop  évidemment  hypothétique  pour  pouvoir  être  admis. 

ARTICLE   ni. 
De  la  Grossesse. 

Nous  avons  vu  la  vésicule  de  l'ovaire  saisie  parla  trompe 
et  conduite  dans  l'utérus.  Arrivée  dans  cet  organe,  bientôt 
elle  y  prend  attache,  s'y  développe,  et  force  l'utérus  à  se 
développer  lui-même  ,  pour  lui  fournir  à  la  fois  un  asile  et 
les  sucs  nutritifs  nécessaires.  C'est  cet  ensemble  de  nouveaux 
phénomènes  qui  constitue  la  grossesse,  acte  qui  s'entend  du 
séjour  que  fait  l'individu  nouveau  dans  l'utérus,  des  ser- 
vices que  lui  rend  cet  organe,  et  qui  comprend  tout  le 
temps  qui  s'écoule  depuis  l'instant  de  la  conception  jusqu'à 
l'accouchement. 


»o8  FONCTION   DE    LA    GENERATION. 

Immédiatement  après  la  conception  ,  bien  que  les  phé- 
nomènes  principaux  de  cette  action  se  passent  à  l'ovaire, 
déjà,  avant  l'arrivée  de  l'ovule,  surviennent  quelques  chan- 
gements dans  l'utérus.  Selon  les  uns,  cet  organe  se  dilate 
pour  se  préparer  à  recevoir  l'ovule;  du  moins  Bertrandi  l'a 
trouvé  ainsi  dans  des  grossesses  extra-utérines,  et  chez  des 
femmes  qu'il  avait  ouvertes  à  des  époques  si  rapprochées  de 
la  conception, que l'ovuleétait encore  flottant  dans  l'utérus. 
Enmême  temps  sa  substance  rougit,  s'amollit,  devient  moins 
compacte,  plus  vasculeuse;  elle  est  évidemment  le  siéged'une 
congestion  de  sang,  et  Harvey  compare  ce  qu'elle  éprouve 
au  gonflement  qui  survient  à  la  lèvre  d'un  enfant  piquée  par 
une  abeille.  Enfin  il  se  produit  à  sa  surface  interne  une 
membrane  molle,  floconneuse,  appelée  par  Hunier,  qui  le 
premier  l'a  décrite ,  membrane  caduque,  et  par  M.  Chaus- 
sier ,  èpichorion.  Il  y  a  eu  beaucoup  de  débats  sur  la  dispo- 
sition et  le  mode  de  formation  de  cette  membrane.  Selon 
Hunter,  elle  est  d'autant  plus  épaisse  qu'on  est  plus  près  de 
l'instant  de  la  conception  ,  et  s'amincit  au  contraire  à  mesure 
que  la  grossesse  se  prolonge;  elle  existe  cependant  encore  à  l'é- 
poque de  raccouchement,  et  même  est  alors  plus  épaisse  que 
la  première  membrane  de  l'œuf,  le  chorion.  Elle  est  de  cou- 
leur grise  ,  molle ,  pulpeuse  ,  et  assez  semblable  à  la  couenne 
du  sang.  Trois  trous  existent  dans  sa  cavité ,  deux  qui  cor- 
respondent aux  trompes,  et  un  troisième  à  l'orifice  vaginal 
de  l'utérus.  Hunter  l'appela  decidua,  parce  qu'elle  tombe  à 
chaque  grossesse.  Selon  lui  ,  elle  est  produite,  ou  par  une 
exfoliation  de  la  membrane  muqueuse  de  l'utérus ,  ou  par 
une  dégénérescence  du  sperme  projeté  lors  du  coït  dans  cet 
organe  ;  ou  plutôt  enfin,  par  la  coagulation  d'une  lymphe 
plastique  ,  que  ,  consécutivement  à  l'irritation  spéciale  dans 
laquelle  est  alors  l'utérus ,  sécrète  la  surface  interne  de  ce 
viscère.  Dans  son  origine  ,  cette  membrane  n'avait  qu'un 
seul  feuillet  qui  adhérait  à  l'utérus;  mais  dans  la  suite  il 
s'en  forme  un  second,  qui  adhère  à  l'œuf  lui-même,  et 
Hunter  appela  celui-ci  caduque  réfléchie.  Aujourd'hui  les 
anatomistes  professent,  sur  le  mode  de  production  de  la 
membrane  caduque,    l'une   ou  l'autre  des  deux   opinions 


DE    LA    GROSSESSE.  109 

suivantes.  Dans  l'une,   on  établit  que  le  premier  effet  de 
la  conception  estde  faire  sécréter,  par  la  surface  interne  de 
l'utérus,  une  masse  considérable  d'une  substance  séro-al- 
bumineuse  ;  i'utérus  en  est  d'abord  tout  plein  ;  l'ovule,  en 
arrivant,  se   plonge  tout  entier  dans  cette  substance;  peu 
à  peu  il  en  absorbe  une  partie  par  sa  surface  externe  pour 
sa  nutrition,  et  le  reste  s'organise   en    double  membrane, 
une  qui  correspond  à   l'utérus,    et  l'autre    qui    adhère   à 
l'œuf.  On  assimile  cette   matière  séro-albumineuse ,  soit   au 
blanc  dont  se  revêt,  en  traversant  l'oviductus,  l'œuf  des  oi- 
seaux, soit  à  la  substance  visqueuse  qui  enveloppe  les  œufs 
membraneux  de  certains  reptiles.  On  donne  comme  preuves, 
que  ,  dans  le  premier  mois  de  grossesse ,  l'œuf  paraît  plongé 
dans  la  substance  même  de  la  caduque  ;    et   que ,   lorsque 
plus  tard   le  placenta    apparaît,    les  vaisseaux  qui  de    cet 
organe  vont  à  la  matrice  ,  paraissent  plutôt  percer  la  cadu- 
que qu'en  écarter  les  lames.  Haller  cependant  croyait  que 
la  caduque  se  dédoublait  pour  entourer  le  placenta.   Loin 
qu'il  reste   à   cette  caduque  des  trous  correspondants  aux 
trompes  et  à  1  orifice  de  l'utérus ,  comme  l'avait  dit  Hunter, 
la  même  substance  séro-albumineuse  qui  a  formé  cette  mem- 
brane   remplit  et  obstrue   ces    ouvertures;    et,   en  effet, 
Krummacher  et  M.  Dutrochet  disent  avoir  vu  la  caduque 
se  prolonger  jusque  dans  les  trompes;  et  l'on  a  reconnu  sur 
le  sommet  d'œufs  abortifs,   sous  la  forme  d'un   mamelon  , 
le  reste  de  cette  substance,  qui  remplissait  le  col  de  l'uté- 
rus,  et  en  bouchait  l'orifice.  Dans  l'autre  opinion  ,  on  admet 
que  la  caduque  est  déjà  un  peu  organisée  avant  quel'ovule  ar- 
rive, et  que  quand  celui-ci  débouche  par  la  trompe  dans  l'u- 
térus, il  ne  fait  que  la  pousser  devant  lui.  Alors  il  s'en  revêti- 
rait comme  tout  viscère  intérieur  l'est  parla  séreuse  de  la  ca- 
vité splanchnique  dans  laquelle  il  est  situé;  il  lui  devrait 
d'être  maintenu  en  contact  avec  la  portion  de  l'utérus  dans  la- 
quelle il  doit  pousser  ses  racines;  la  caduque  se  réfléchissant  sur 
l'œuf,  à  partir  du  lieu  qui  doit  former  leplacenta,  il  n'y  aurait 
que  cette  partie  de  l'œuf  qui  ne  serait  pas  recouverte  par  elle. 
En  unmot,  au  lieu  d'être,  comme  dans  la  première  opinion, 
une  sorte  de  kiste ,  la  caduque  serait  une  véritable  membrane 


iiO  FONCTION  DE  LA  GÉNÉRATION. 

séreuse  accidentelle,  qui  fixerait  l'œuf  dans  la  cavité  de 
l'utérus;  qui  aurait  deux  portions,  une  utérine  et  une  fœ- 
tale, ce  qui  expliquerait  les  deux  caduques  de  Hunier;  et 
qui  ,  enfin,  libre  et  contiguë  à  elle-même,  à  sa  face  interne, 
serait  de  ce  côté  le  siège  d'une  perspiration  séreuse.  M.  Mo- 
reaudij  le  premier,  soutenu  celte  opinion  dans  sa  disserta- 
tion inaugurale,  et  l'on  ne  peut  disconvenir  que  l'analogie 
ne  la  rende  spécieuse  :  puisque  l'œuf  est  contenu  dans  l'u- 
térus,  ne  fallait-il  pas  une  séreuse  pour  l'y  attacher  ?  De- 
puis, dans  un  Mémoire  présenté  à  l'Académie  royale  de  mé- 
decine, M.  Velpeau  Fa  développée  et  appuyée  sur  l'observa- 
tion et  la  dissection  d'une  douzaine  d'œufs  humains;  et 
M.  Breschet  m'a  assuré  avoir  vu  de  la  sérosité  dans  la  cavité 
de  la  membrane,  entre  les  feuillets  appelés  par  Hunier  ca- 
duque propre  et  caduque  réfléchie.  Quoi  qu'il  en  soit ,  cette 
membrane,  d'abord  fort  épaisse,  et  semblable  à  un  caillot 
de  sang  incolore,  s'amincit  à  mesure  qu'on  avance  dans  la 
grossesse,  restant  néanmoins  toujours  bifoliée;  lors  de  l'ac- 
couchement elle  est  d'un  blanc  jaunâtre,  épaisse  d'une 
demi-ligne  ,  molle,  pulpeuse,  peu  tenace,  et  évidemment 
du  genre  des  concrétions  couenneuses  membraniformes. 
Quoiqu'elle  paraisse  inorganique ,  elle  contient  des  vais- 
seaux qui  sont  d'autant  moins  nombreux,  qu'on  approche 
plus  de  l'époque  de  l'accouchement ,  et  parmi  lesquels  il  y  a 
plus  de  veines  que  d'artères.  Cette  membrane,  enfin,  est 
évidemment  étrangère  à  l'œuf.  On  ne  peut  admettre ,  avec 
M.  Dutrochct,  qu'elle  soit  une  dépendance  de  l'alîantoïde 
ou  de  la  poche  ovo-urinaire  ,  et  qu'elle  soit  nourrie  par  les 
vaisseaux  ombilicaux  du  fœtus;  car,  non-seulement  elle 
précède,  comme  on  vient  de  le  voir,  la  descente  de  l'œuf 
dans  l'utérus ,  mais  encore  elle  se  forme  de  même  dans  les 
grossesses  extra-utérines.  M.  Chaussier  l'a  vue  dans  plu- 
sieurs cas  de  grossesses  tubaires  ;  elle  existait  dans  le  cas  de 
grossesse  abdominale  cité  par  M.  Lallemant ;  M.  Evrat  va 
même  jusqu'à  dire  qu'il  s'en  forme  une  à  la  suite  de  chaque 

approche. 

Bientôt,  à  une  époque  qu'on  ne  peut  fixer,  mais  qui  ne 
paraît  postérieure  que  de  quelques  jours  à  l'instant  de  la 


DE    LA    GROSSESSE.  1  i  1 

conception,  l'ovule  arrive  dans  l'utérus;  et,  se  fixant  dans 
cet  organe  par  l'intermédiaire  d'une  partie  appelée  placenta, 
il  va  y  faire  un  séjour  de  neuf  mois,  y  croître  et  y  prendre 
de  grands  développements.  Pour  cela,  il  faut  nécessairement 
que  l'utérus  se  développe  aussi 5  pour  lui  fournir  et  les  sucs 
que  réclame  sa  nutrition  et  l'espace  dont  a  besoin  son  gros- 
sissement graduel.  C'est  de  ces  faits  dont  nous  devons  nous 
occuper  maintenant.  Dans  les  détails  que  nous  allons  donner, 
nous  nous  bornerons  à  ce  qui  est  de  l'utérus,  abandonnant 
l'ovule  sur  lequel  nous  reviendrons  à  l'histoire  des  âges. 

La  dilatation  de  la  cavité  de  l'utérus  et  le  développement 
de  cet  organe  commencent  dès  les  premiers  instants  de  la 
conception  ,  et  surtout  se  continuent  dès  que  l'ovule  est  ar- 
rivé dans  son  intérieur  :  mais  les  effets ,  dans  les  deux  pre- 
miers mois ,  n  en  sont  pas  visibles  à  l'extérieur.  Le  corps  seul 
de  la  matrice  a  augmenté  ;  devenu  gros  comme  un  œuf  d'oie, 
il  s'est  arrondi  et  enfoncé  dans  le  petit  bassin.  Cependant 
si  le  doigt  est  alors  introduit  dans  le  vagin ,  on  peut  déjà 
observer  quelques  changements  :  le  col  de  l'utérus  est  plus 
bas,  et  plus  près  de  la  vulve  ;  l'orifice  utérin  ,  de  triangu- 
laire qu'il  était,  est  devenu  circulaire,  acuminé;  et  tandis 
que ,  dans  l'état  de  non  grossesse  ,  c'est  la  lèvre  antérieure  de 
cet  orifice  qui  dépassait  la  postérieure,  alors  c'est  cette  der- 
nière qui  fait  saillie.  Cependant  tous  ces  signes  ne  sont  ni 
assez  sûrs,  ni  assez  constants  pour  que,  d'après  eux,  l'on 
puisse  dès  cette  époque  annoncer  une  grossesse.  L'orifice  de 
l'utérus  est  alors  fermé  par  une  substance  glutineuse  fort 
dense.  Le  développement  de  l'organe  continuant  de  se  faire, 
au  troisième  mois  l'utérus  est  déjà  devenu  assez  gros  pour 
remplir  toute  la  cavité  du  petit  bassin;  refoulant  en  haut 
les  viscères  abdominaux ,  il  fait  déjà  faire  une  légère  saillie 
en  avant  à  la  région  hypogastrique;  son  axe  fait  avec  la  per- 
pendiculaire un  angle  de  quarante -cinq  degrés.  Au  qua- 
trième mois,  il  dépasse  le  détroit  supérieur  du  bassin,  et 
l'on  peut  le  sentir  au-dessus  du  pubis ,  à  travers  l'épaisseur 
des  parois  abdominales;  alors  son  orifice  dans  le  vagin  est 
un  peu  plus  élevé ,  et  le  ventre  commence  à  faire  saillie.  Au 
cinquième  mois,  il  est  parvenu  à  deux  travers  de  doigt  de 


112  FONCTION    DE   LA    GENERATION, 

l'ombilic,  et  déjà  les  viscères  abdominaux  sont  gênés  par  son 
voisinage.  A.  six  mois  ,  il  a  dépassé  de  deux  pouces  l'ombilic. 
Jusque  là  son  corps  seul  à  peu  près  a  éprouvé  Fampliation  ; 
mais  à  partir  de  cette  époque ,  son  col  lui-même  évidemment 
grossit,  se  ramollit  et  se  dilate.  Au  septième  mois,  le  fond 
de  l'utérus  occupe  toute  la  région  épigastrique ,   l'ombilic 
saille  en  avant,  et  l'abdomen  se  montre  très  volumineux; 
c'est  surtout  le  col  de  l'organe  qui  prête  alors  à  la  dilata- 
tion ;  ce  col ,  à  cette  époque ,  est  si  relevé  et  si  porté  en  ar- 
rière ,  que  le  doigt  peut  à  peine  l'atteindre  par  le  vagin.  Au 
huitième  mois,  le  volume  de  l'organe  a  encore  augmenté,  à 
tel  point  qu'il  touche  presque  au  bord  antérieur  et  inférieur 
du  thorax.  Au  neuvième  mois  enfin,  quoique  le  volume  de 
l'utérus  augmente  encore,  son  fond  est  moins  haut,  et  le 
ventre  baisse  un  peu;  cela  tient  à  ce  que  le  développement 
s'est  fait  plus  en  travers  et  de  devant  en  arrière ,  que  dans  le 
sens  de  la  longueur  :  le  col  a  achevé  de  se  dilater,  il  est  de- 
venu souple,   mince,  et  souvent  assez  ouvert  pour  qu'on 
puisse ,  au  travers  de  son  orifice ,  toucher  l'œuf  :  dans  le 
mois  précédent,  ce  col  était  à  la  hauteur  des  symphises  sacro- 
iliaques,  et  du  côté  gauche;  dans  celui-ci,  il  est  un  peu  re- 
descendu dans  le  petit  bassin. 

Ainsi  l'utérus  a  augmenté  de  capacité  dans  la  même  pro- 
portion que  l'œuf  a  pris  de  l'accroissement,  et  il  peut  ainsi 
fournir  l'espace  nécessaire  pour  contenir  celui-ci.  A  l'époque 
de  l'accouchement,  il  a,  selon  Haller  et  Levret ,  un  volume 
onze  fois  et  demi  plus  considérable  qu'avant  la  grossesse  ;  sa 
longueur  est  d'un  pied  ,  ses  diamètres  transverse  et  latéraux 
de  neuf  pouces;  sa  circonférence  est,  au  niveau  des  trompes, 
de  vingt-six  pouces,  et  à  la  hauteur  de  la  portion  utérine  du 
col,  de  treize  pouces.  Dans  les  premiers  temps,  il  s'est  accru 
dans  toutes  les  dimensions  ;  du  troisième  au  sixième  mois , 
il  s'est  agrandi ,  surtout  dans  sa  longueur  ;  et  dans  les  der- 
niers mois  ,  dans  les  autres  dimensions.  De  pyriforme  et 
aplati  qu'il  était,  il  est  devenu  ovoïde.  Son  poids,  qui  avant 
la  grossesse  était  de  quatorze  à  dix-huit  gros ,  est  alors  d/une 
livre  et  demie  à  deux  livres.  Dans  les  deux  premiers  mois  , 
l'organe  était  un   peu  descendu  dans  le  bassin  ,  et  le  col 


DE    LA    GROSSESSE.  ]  l  3 

s'était  rapproché  de  la  vulve;  mais  dans  les  mois  suivants, 
il  s'est  élevé,  et  a  repris  la  direction  de  l'axe  du  détroit  su- 
périeur. Le  foud  est  en  avant,  immédiatement  derrière  la 
paroi  antérieure  de  l'abdomen,  et  refoule  l'intestin  grêle  de 
côté  et  en  arrière;  le  col  est  en  arrière.  Souvent,  cependant, 
le  fond  est  un  peu  incliné  sur  le  côté,  le  plus  ordinairement 
à  droite,  parce  que  le  cordon  sus-pubien  droit  est  plus  gros 
et  plus  court,  et  que  le  mésentère  est  disposé  de  manière  à 
retenir  davantage  les  intestins  du  côté  gauche. 

Ces  changements  considérables  dans  l'utérus  en  amènent 
de  fort  importants  dans  les  parties  annexes  de  ce  viscère  et 
dans  les  organes  circonvoîsins.  Les  ligaments  larges  se  dé- 
doublent; les  ovaires  et  les  trompes  s'élèvent  un  peu,  et 
finissent  par  s'appliquer  sur  les  côtés  de  la  matrice  :  les  liga- 
ments ronds  prêtent  à  l'extension ,  et  surtout  éprouvent  le 
même  changement  de  tissu  que  l'utérus  lui-même;  cessant 
à  la  fin  de  s'étendre ,  ils  tirent  en  devant  l'utérus  ,  e.t  parais- 
sent empêcher  que  cet  organe  ne  pèse  trop  sur  les  gros  vais- 
seaux de  l'abdomen  ;  le  vagin  est  tiré  dans  le  sens  de  sa  lon- 
gueur; sur  la  fin  de  la  grossesse,  les  sécrétions  muqueuses 
de  ce  canal  augmentent  beaucoup  ,  comme  pour  ramollir 
d'avance  son  tissu,  le  lubréfier,  et  le  préparer  à  fournir  un 
passage  plus  facile  au  produit  de  la  conception.  Les  organes 
circonvoisins,  savoir,  le  rectum,  la  vessie,  les  vaisseaux  et 
les  nerfs  des  membres  inférieurs,  éprouvent  une  pression 
mécanique  qui  est  la  cause  de  plusieurs  phénomènes  secon- 
daires, dont  nous  parlerons  ci-après.  Enfin  les  parois  abdo- 
minales sont  tellement  distendues,  que  la  peau  du  ventre 
en  éprouve  des  gerçures ,  qui  désormais  ne  s'effaceront  plus. 
Souvent  aussi  les  muscles  abdominaux  présentent  des  érail- 
kments  par  lesquels  peuvent  se  faire  des  hernies.  Ces  érail- 
lements  s'observent  surtout  entre  les  muscles  droits  et  à  la 
région  ombilicale. 

Ce  grand  développement  de  l'utérus  n'est  pas  le  produit 
passif  de  l'accroissement  de  l'œuf,  car  i»  il  commence  avant 
l'arrivée  de  l'ovule  dans  la  matrice;  20  l'utérus  ne  s'est  pas 
borné  à  se  dilater,  sont  issu  a  changé  et  a  revêtu  une  autre 
nature;  3°  enfin  les  parois  de  cet  organe,   loin  de  s'amin- 

Tome  I?.  8 


n4  FONCTION    DE    LA    GÉNÉRATION. 

cir,  ce  qui  aurait  dû  être,  s'il  ne  s'était  agi  que  d'une  disten- 
sion mécanique,  sont  devenues  plus  épaisses.  En  effet,  les 
parois  de  l'utérus,  qui,  dans  l'état  de  vacuité  de  cet  organe, 
ont  quatre  lignes  d'épaisseur,  dans  les  trois  premiers  mois  de 
la  grossesse  en  ont  cinq.  Si ,  sur  la  fin  de  la  grossesse  et  après 
l'accouchement  surtout ,  elles  diminuent  un  peu,  à  cause  de  la 
rétraction  de  l'utérus ,  leur  épaisseur  est  encore  d'un  pouce. 
Ce  développement  est  dû  à  un  nouveau  mode  de  nutrition 
qui  se  fait  dans  ce  viscère  :  évidemment  cet  organe  devient 
un  centre  de  fluxion,  appelle  en  lui  plus  de  sang,  et  par 
suite  voit  changer  et  la  nature  de  son  tissu  et  ses  dimen- 
sions; ses  artères  deviennent  plus  grosses;  il  en  est  de  même 
de  ses  veines,  qui,  à  sa  surface  interne,  présentent  d'énor- 
mes dilatations,  auxquelles  on  a  donné  le  nom  de  sinus  uté- 
rins.  Ses  nerfs  sont  aussi  triplés  de  volume ,  ainsi  que  ses 
vaisseaux  lymphatiques.   Enfin  son  tissu  propre  ,   de  dur, 
blanchâtre  et  non  contractile  qu'il  était,  est  devenu  rouge, 
mou,  spongieux,  et  apte  à  une  énergique  contractilité.  Ses 
parois  n'ont  pas  la  même  épaisseur  partout;  plus  épaisses 
au  lieu  d'attache  du  placenta,  elles  n'ont  souvent  au  col, 
à  la  fin  de  la  grossesse  ,  que  la  minceur  d'une  feuille  de 
papier.  On  observe  ici  quelques  variétés,  et,  par  exemple, 
Hunier  a  vu  un  cas  dans  lequel  la  paroi  antérieure  de  l'uté- 
rus était  très  épaisse,  et  la  postérieure  fort  mince.  En  vain , 
pour  expliquer   ce  développement,  on  avait  supposé  une 
espèce  d'antagonisme  entre  les  fibres  du  fond  de  l'organe  et 
celles  du  col;  les  unes  et  les  autres  n'existent  pas  d'abord, 
et  ne  sont  que  le  produit  de  la  dilatation  active  qu'éprouve 
l'organe.  Le  tissu  de  celui-ci  commence  par  se  ramollir;  il 
paraît  s'infiltrer  d'une  lymphe,  d'une  sérosité  qui  diminue 
sa  densité;  à  cet  infarctus  lymphatique  succède  la  conges- 
tion sanguine;  puis  survient  la  conversion  du  tissu  primi- 
tivement compact  et  grisâtre,  en  un  tissu  mou,  rougeâlre 
et  contractile.  Ces  phénomènes  s'observent  d'abord  dans  le 
fond  de  l'utérus  ,  puis  ils  s'établissent  dans  le  corps  et  dans 
le  col.  Les  auteurs  n'ont  pas  été  d'accord  sur  le  caractère  du 
tissu  nouveau  que  présente  l'utérus  ;  Lobstein  l'assimile  à 
celui  qui  forme  la  tunique  moyenne  des  artères;  d'autres  le 


DE    LA    GROSSESSE.  u5 

disent  en  partie  celluleux  et  en  partie  charnu  ;  îa  plupart 
le  croient  musculeux.  Il  est  certain  que  ,  comme  ce  dernier, 
il  est  très  contractile,  et  qu'on  peut  le  ramener  à  un  certain 
nombre  de  faisceaux  de  fibres ,  ayant  chacun  des  directions 
diverses;  mais  il  s'en  distingue  un  peu  par  la  couleur  et  en 
ce  qu'il  ne  se  paralyse  pas  de  même  par  une  forte  distension 
non  plus  que  par  une  inaction  trop  prolongée.  Presque  tous 
les  anatomistes,  dans  la  vue  de  jeter  du  jour  sur  le  méca- 
nisme de  l'accouchement,  ont  tâché  de  reconnaître  la  di- 
rection des  différents  faisceaux  de  fibres  qu'on  distingue  en 
ce  tissu  :  la  plupart  se  sont  bornés  à  dire  que  les  fibres  les 
plus  extérieures  étaient  dirigées  longitudinalement  du  fond 
et  du  corps  de  l'organe  vers  son  col;  que  les  fibres  situées 
au-dessous  de  celles-là  avaient  une  direction  transversale  et 
s'entre-croisaient  en  réseau  avec  les  précédentes;  et  qu'enfin 
les  plus  profondes  étaient  obliques,  et  même  circulaires, 
surtout  du  côté  des  trompes;  ils  ajoutaient  que,  dans  le  fond 
de  l'utérus,  ces  fibres  formaient  un  tissu  tout-à-fait  inextri- 
cable. Quelques-uns  cependant  ont  spécifié  davantage.  Ainsi 
Ruisch  a  signalé  au  fond  de  l'utérus  un-plan  de  fibres  con- 
centriques, dont  il  a  fait  un  muscle  particulier,  auquel  il  a 
donné  son  nom.  Weitbrecht  a  appelé  muscles  orbiculaires 
deux  plans  de  fibres  circulaires  qui  circonscrivent  l'orifice 
de  chaque  trompe.  /.  Sue  dit  avoir  remarqué  sur  chaque 
côté  de  l'utérus ,  en  avant  et  en  arrière ,  quatre  points  où 
les  fibres  étaient  entrelacées  de  manière  à  figurer  les  nœuds 
qu'on  observe  dans  le  bois;  et  considérant  ces  points  comme 
des  centres  de  contraction  pour  l'utérus,  il  las  a  appelés 
muscles  quadrijumeaux.  Une  sage -femme  fort  instruite, 
madame  Boivin,  a  présenté  récemment  sur  ce  sujet  deux 
Mémoires  à  l'Académie  royale  de  médecine.  Elle  y  expose 
qu'ayant  examiné  l'utérus  sur  onze  femmes  mortes  à  des 
époques  avancées  de  la  grossesse,  et  après  l'accouchement, 
elle  a  reconnu  en  cet  organe  les  faisceaux  musculaires  sui- 
vants :  10  à  l'extérieur,  immédiatement  sous  le  péritoine 
une  première  couche  musculeuse  membraniforme ,  recou- 
vrant comme  une  espèce  de  sac  tout  l'organe ,  à  partir  de  son 
fond  jusqu'à  son  orifice  externe  dans  le  vagin,  et  qu'elle 

8. 


ii6  FONCTION    DE   LA    GENERATION, 

propose  d'appeler  muscle  utèro-sous-péritonéal ;  2°  sous  cette 
couche ,  au  fond  de  l'utérus  et  de  chaque  côté  de  la  ligne 
médiane ,  des  fibres  transversales  en  grand  nombre  ,  formant 
trois  faisceaux  plats  en  avant,  deux  en  arrière,  situés  suc- 
cessivement les  uns  au-dessus  des  autres ,  et  qui ,  après  avoir 
contourné  transversalement  les  angles  arrondis  de  l'utérus , 
et  fourni  des  fibres  aux  parois  antérieure  et  latérales  de  l'or- 
gane, vont  au-delà,  en  s'isolant,  constituer,  les  supérieurs, 
les  cordons  sus-pubiens,  les  moyens  ,  les  trompes  ,  et  les  in- 
férieurs ,  les  cordons  des  ovaires;  3°  toujours  sous  cette 
couche,  mais  dans  le  corps  de  l'utérus,  un  plan  musculaire 
longitudinal,  prenant  naissance  en  bas  à  l'orifice  interne, 
remontant  verticalement  en  haut  sous  forme  de  gerbe  ,  et 
allant  s'entre-croiser  avec  celui  du  côté  opposé,  et  les  fibres 
transversales  du  fond  de  l'organe  ;  4°  à  la  face  interne ,  sur 
la  ligne  médiane  ,  en  avant  et  en  arrière,  des  plans  de  fibres 
verticales,  étendues  aussi  de  l'orifice  interne  jusqu'à  son 
fond,  et  se  recourbant  là  en  dehors  pour  s'entre-croiser  entre 
elles ,  et  former  autour  des  orifices  des  trompes ,  ces  plans 
de  fibres  concentriques  ,  appelés  par  TVeitbrecht  muscles  or- 
biculaires;  5°  enfin,  dans  la  cavité  du  col,  sur  chacune  des 
faces  antérieure  et  postérieure ,  est  un  raphé  médian ,  de 
chaque  côté  duquel  naissent  de  nombreux  replis  disposés 
d'une  manière  régulière,  et  simulant  les  rameaux  d'un  ar- 
buste :  parmi  ces  replis,  plusieurs  remontent  jusqu'au  tiers 
inférieur  de  la  face  interne  de  l'utérus,  et  s'y  effacent  in- 
sensiblement. Cette  disposition,  selon  madame  Boivin ,  fait 
comprendre  le  mécanisme  du  développement  du  col  ,  et 
prouve  que  ce  développement  commence  bien  plus  tôt  qu'on 
ne  le  dit  généralement.  Ainsi  l'utérus  serait  formé  de  cou- 
ches musculaires  multiples  superposées;  et,  eu  effet,  madame 
Boivin  dit  en  avoir  séparé  et  compté  jusqu'à  sept  dans  le 
corps  et  le  fond  de  l'organe.  Ch.  Bell,  en  Angleterre,  a  donné 
des  divers  plans  musculeux  de  l'utérus  une  description  à 
peu  près  semblable.  Au  contraire,  MM.  Chaussier  et  Ribes , 
en  France  ,  disent  qu'ils  ont  trouvé  les  fibres  du  col,  circu- 
laires en  dehors,  et  séparées  de  ce  côté  par  une  ligne  de  dé- 
marcation distincte  des  fibres  longitudinales  du  corps,  Ion- 


DE    LA    GROSSESSE.  117 

gitudinales  en  dedans,  et  se  continuant  sans  interruption 
jusqu'au  fond  de  l'organe;  ils  ajoutent  que  jamais  ils  n'ont 
pu,  par  la  dissection,  suivre  loin  dans  la  substance  de  l'or- 
gane ,  les  faisceaux  qui  leur  paraissaient  d'abord  distincts  et 
isolés ,  ces  faisceaux  bientôt  se  confondant  et  formant  un 
entrelacement  inextricable.  Ceci  se  rapporte  aux  difficultés 
qu'on  trouve  à  spécifier  la  disposition  des  divers  faisceaux 
qui  forment  les  organes  entièrement  musculeux,  comme  le 
cœur,  la  langue ,  etc. 

Quoi  qu'il  en  soit,   l'utérus  est  ainsi  devenu  capable  de 
fournir  à  l'œuf  l'espace  nécessaire  à  ses  développements , 
ainsi  que  les  sucs  que  sa  nutrition   réclame.  C'est  la  fécon- 
dation elle-même  qui  a  imprimé  les  premiers  efforts  de   ce 
grand  travail;  l'ovule  ensuite,   par  sa  présence,  les  a  en- 
tretenus, et  a  maintenu  l'utérus  dans  le  nouveau  mode  de 
sensibilité y  de  vitalité  qu'il  a  revêtu.  Cet  ovule  d'abord  a 
adhéré  à  l'utérus  par  l'intermédiaire   de  vaisseaux  prove- 
nant de  sa  surface  externe ,  et  qui  traversent  la  caduque., 
Mais  bientôt,  au  lieu  où  celle-ci  ne  le  revêt  pas  d'après  le 
système    de  M.  Moreau  ,  et  où  il    touche  immédiatement 
l'utérus  ,  il  se  développe  un  organe  appelé  placenta,  qui  , 
d'un  côté,   est  attaché  à  la  face  interne  de  l'utérus  et  en 
reçoit  des  vaisseaux,  qui,  de  l'autre,  détache    un  cordon 
vasculaire  qui  va  pénétrer  l'ombilic  de  l'enfant  ;  et  c'est 
alors,  par  le  moyen  de  cet  appareil,  que  les  sucs  nutritifs 
de  la  mère  arrivent  au  fœtus.  Mais  nous  reviendrons  là-des- 
sus à  l'article  du  fœtus.  Est-ce  constamment  à  un   même 
lieu  de  l'utérus ,  à  un  point  déterminé ,  que  se  fait  cette 
insertion  du  placenta?  Hanter  croyait  qu'elle  se  faisait  là 
où  tombait  l'œuf;  dans  celte  manière  toute  mécanique  de 
concevoir  le  phénomène  ,  l'insertion  aurait  dû  se  faire  pres- 
que toujours  sur  le  col?  et  heureusement  que  cela  est  rare. 
Le  plus  souvent  cette  implantation  est  au  fond  de  la    ma- 
trice, ou,  selon  Fallope  et  Monro ,   proche  de  l'ouverture 
de  la  trompe  ,  tellement,  que  le  centre  du  placenta  recou- 
vre l'orifice  utérin  de  ce  canal,  ce  qui  est  eu  rapport  avec 
l'opinion  de  M.  Moreau  sur  la  caduque.  Quelques  variétés 
qu'on  observe  dans  le  lieu  où  est  attaché  le  placenta,  il  est 


'  N 


ll8  FONCTION  DE  LA  GÉNÉRATION. 

probable  que  le  mode  de  disposition  de  la  caduque  dans  son 
origine  a  sur  ce  fait  la  plus  grande  influence. 

Comme  on  le  conçoit,  tout  ce  travail  ne  peut  se  faire  sans 
que  les  fonctions  de  l'utérus  ne  soient  modifiées.  Ordinaire- 
ment, il  y  a,  pendant  la  grossesse,  suspension  de  l'excrétion 
menstruelle,  moins  à  cause  de  la  présence  du  fœtus,  que 
par  suite  des  modifications  survenues  dans  la  constitution 
de  l'organe.  La  matrice  est  plus  chaude  ,  et  est  assez  sensi- 
ble pour  faire  percevoir  les  mouvements  du  fœtus.  Des 
changements  se  manifestent  aussi  dans  les  autres  parties  de 
l'appareil  génital;  les  ovaires  sont  plus  gros  et  plus  spon- 
gieux ;  les  cordons  sus-pubiens  ont  éprouvé  le  même  chan- 
gement de  texture  que  l'utérus  ;  les  mamelles  se  déve- 
loppent, et  la  sécrétion  laiteuse  se  prépare  et  même  sou- 
vent commence;  seulement  son  produit  n'est  encore  qu'une 
humeur  séreuse.  Nous  avons  dit  que  le  vagin,  aux  approches 
de  l'accouchement ,  se  dilatait,  et  était  le  siège  de  sécrétions 
muqueuses  plus  abondan  tes  ,  qui  l'assouplissaient  par  avance 
et  le  préparaient  à  être  extensible  et  plus  glissant.  Le  travail 
s'étend  au  bassin  lui-même,  qui  doit  livrer  passage  à  l'indi- 
vidu nouveau  ;  les  symphyses  qui  unissent  les  os  qui  forment 
ce  canal  se  relâchent ,  la  symphyse  du  pubis  surtout;  les 
lames  cartilagineuses  qui  existent  dans  ces  symphyses  se  ra- 
mollissent, deviennent  plus  épaisses;  d'où  plus  d'ampleur 
au  bassin  ,  et  mobilité  des  os  qui  le  constituent.  Sans  doute 
cette  mobilité  n'est  pas  portée  au  point  de  permettre  aux 
os  coxaux  et  sacrum  de  s'écarter  beaucoup,  comme  l'ont  dit 
d'anciens  accoucheurs  ;  mais  elle  n'en  est  pas  moins  une 
prédisposition  à  l'accouchement s  et  M.  Chaussier  a  re- 
connu qu'elle  ne  manquait  jamais. 

Enfin,  l'appareil  génital  n'est  pas  le  seul  qui  soit  ainsi 
modifié  dans  la  grossesse;  toute  l'économie  se  ressent »pl us 
ou  moins  de  cet  état,  en  partie  à  cause  des  influences  sym- 
pathiques qu'exerce  sur  tous  les  autres  organes  l'utérus  ainsi 
surexcité  .  et  eu  partie  à  cause  de  la  pression  mécanique  que 
cet  organe,  devenu  gros,  exerce  sur  les  organes  circonvoi- 
sins.  Ainsi,  d'une  part,  éclatent  dans  l'appareil  digestif 
beaucoup  de  troubles  divers;  ou  un  défaut  absolu  de  faim, 


DE    LA.    GROSSESSE.  119 

des  nausées  fréquentes,  des  vomissements,  de  la  salivation; 
ou  des  appétits  bizarres  ,  ce  qu'on  appelle  le  pica.  Survien- 
nent de  même  des  modifications  sympathiques  dans  le  mo- 
ral ;  les  femmes  ont  alors  généralement  une  susceptibilité 
plus  grande,  et  qui   demande  à  être  ménagée;  plusieurs, 
qui  étaient  avant  d'un  caractère  doux,  se  montrent   impa- 
tientes ,  irascibles  ;  on  a  vu  quelquefois  en  elles  des  anoma- 
lies encore  plus  singulières;   elles  sont  entraînées  par  des 
désirs  bizarres.  Les  appareils  digestifs  et  cérébral  sont  ceux 
qui  sont  les  plus  modifiés;  mais  les  troubles  qu'ils  présen 
tent,  le  plus  souvent  disparaissent  vers  le  quatrième  mois, 
comme  si  l'économie  s'était  habituée  à  l'état  nouveau  dans 
lequel  est  l'utérus.  Il  y  a  aussi  un  grand  changement  dans 
l'état  général  des  humeurs  ;  le  plus  souvent  il  survient  une 
exubérance  lymphatique,  la  plupart  des  femmes  engrais- 
sent pendant  leur  grossesse  :  ceci  cependant  est  sujet  à  de 
nombreuses  exceptions.  D'autre  part,  à  la  fin  de  la  grossesse, 
la  pression  de  l'utérus  sur  les  nerfs  et  les  vaisseaux  qui  vont 
aux  membres  inférieurs,   sur  le  rectum  et  la  vessie,  occa- 
sionent  diverses  incommodités,  comme  des  crampes,    des 
douleurs  dans  les  jambes ,  de  l'enflure  des  pieds ,   de    fré- 
quentes envies  d'aller  à  la  garde-robe  et  d'uriner.  La  gêne 
qu'éprouvent  les  organes  digestifs,  l'obstacle  qu'oppose  l'u- 
térus au  libre  abaissement  du  diaphragme ,  apportent  aussi 
quelques  troubles  mécaniques  dans  la  digestion,  et  delà 
difficulté  dans  la  respiration. 

Parmi  ces  nombreux  phénomènes  concomitants  et  con- 
sécutifs de  la  grossesse,  quels  sont  ceux  qui  peuvent  avec 
certitude  annoncer  cet  état?  D'abord,  ce  ne  sont  pas  les 
phénomènes  sympathiques  que  nous  venons  de  relater  en 
dernier  lieu  ;  ils  peuvent  éclater  lors  d'une  irritation  de 
l'utérus  développée  par  toute  autre  cause.  Ce  ne  sont  pas 
non  plus  les  effets  résultants  de  la  pression  exercée  par  l'u- 
térus sur  les  parties  circonvoisines  ;  on  les  observe  de  même 
lorsque ,  par  une  maladie ,  l'utérus  a  acquis  un  développe- 
ment insolite.  La  suppression  des  règles  n'est  pas  un  signe 
plus  sûr,  puisqu'elle  arrive  souvent  par  des  causes  autres 
que  la  grossesse.  Nous  en  dirons  autant  du  développement 


120  FONCTION  DE  LA  GENERATION. 

du  ventre,  qui  s'observe  de  même  lors  d'une  tumeur  quel- 
conque des  organes  abdominaux.  Les  changement  que  le 
loucher  fait  reconnaître  dans  le  col  de  l'utérus  ne  sont  ni 
assez  considérables  ni  assez  constants  dans  les  premiers 
mois,  pour  que,  par  eux,  on  puisse  affirmer  cet  état;  ils 
peuvent  survenir  d'ailleurs  à  l'occasion  d'une  tumeur  de 
l'utérus.  Les  mouvements  de  l'enfant,  qui  d'ordinaire  se 
font  sentir  de  trois  mois  et  demi  à  quatre  mois,  sont  les 
seuls  signes  qui  permettent  d'assurer  la  grossesse;  avec  tous 
les  autres  phénomènes,  on  n'a  que  des  présomptions.  Ceci 
cependant  ne  doit  s'entendre  que  des  quatre  premiers  mois: 
plus  tard  ,  il  n'y  a  plus  possibilité  de  douter.  D'un  côté, 
les  mouvements  de  l'enfant  sont  chaque  jour  sentis  par  la 
mère.  De  l'autre,  le  toucher  fait  reconnaître  distinctement 
un  fœtus  dans  l'utérus,  en  déterminant  ce  qu'on  appelle  le 
mouvement  de  balottement ;  si  on  le  pratique  à  la  fin  de  la 
grossesse,  le  col  déjà  aminci  et  ouvert  laisse  sentir  au  travers 
de  lui  l'œuf ,  et  même  permet  de  reconnaître  quelle  est  la 
partie  du  corps  de  l'enfant  qui  se  présente.  Enfin,  M.  de 
Kergaradec  a  récemment  découvert  qu'en  appliquant  le 
stésthoscope  à  l'abdomen  d'uae  femme  enceinte,  on  pouvait 
distinguer  et  les  battements  artériels  du  placenta,  et  ceux  du 
cœur  de  l'enfant,  les  premiers,  dès  le  cinquième  mois  de  la 
grossesse,  et  les  seconds,  un  peu  plus  tard.  Ou  n'a  aucun 
moyen  de  deviner  le  sexe  de  l'enfant  que  contient  l'utérus  : 
on  a  dit  que  si  l'utérus  était  incliné  à  droite  ,  que  si  les  mou- 
vements de  Fenfantse  faisaient  sentir  plus  particulièrement 
de  ce  côté,  et  que  si  le  sein  droit  se  gonfloit  le  premier, 
l'enfant  ta  naître  était  un  garçon  ;  mais  ces  signes  sont  aussi 
peu  réels  que  tous  ceux  que  pour  le  même  objet  on  est  allé 
chercher  dans  la  lune.  On  ne  peut  non  plus  savoir  si  îa 
grossesse  est  composée;  cependant  le  ventre  est  alors  plus 
gros  ;  quelquefois,  à  l'extérieur,  il  semble  partagé  en  deux 
moitiés;  la  mère  sent  remuer  en  plusieurs  endroits  à  îa  fois, 
et  en  des  endroits  fort  distants;  si  enûn  on  use  du  stésthos- 
cope ,  d'après  îa  méthode  de  M .  de  Kergaradec ,  et  qu'on  sente 
en  même  temps,  et  en  deux  endroits,  les  mouvements  du 
cœur  du  fœtus;  on  aura  la  certitude  qu'il  existe  deux  jumeaux. 


DE   L'ACCOUCHEMENT.  m 


La  srrossesse  a  une  durée  qui  varie  en  chaque  espèce  ani- 
male :  dans  l'espèce  humaine,  elle  comporte  un  intervalle 
de  neuf  mois,  et  finit  à  la  trente-neuvième  semaine,  du 
deux  cent  soixante-quinzième  au  deux  cent  quatre-vingtième 
jour.  H  y  a  cependant  ici  probablement  quelques  variétés; 
mais  ceci  a  trait  à  la  question  des  naissances  prématuréeset 
tardives,  qui  nous  occuperai  l'article  des  âges. 

ARTICLE    IV. 
De  FAcouchcmeiit. 

L'individu  nouveau,  parvenu  pendant  le  cours  de  la 
grossesse  à  un  certain  degré  de  développement,  doit  enfin 
être  rejeté  hors  de  l'utérus,  et  naître.  C'est  ce  qui  se  fait 
par  Y  accouchement ,  qu'on  peut  définir  l'excrétion  du  fœtus 
et  de  ses  annexes  hors  de  l'utérus  et  du  corps  de  sa  mère. 
Appelé;  avortement  ou  fausse -couche  ,  s'il  se  fait  avant  que 
le  fœtus  soit  assez  développé  pour  pouvoir  vivre  isolé;  ac- 
couchement prématuré  ,  s'il  survient  avant  terme  ,  mais  le 
fœtus  étant  viable,  c'est-à-dire  apte  à  vivre  par  lui-même; 
il  est  dit  naturel,  quand  il  se  fait  à  terme ,  et  par  les  seules 
forces  de  la  nature;  et,  au  contraire,  artificiel,  quand  il 
réclame  les  secours  de  l'art.  Celui-ci  se  subdivise  en  accou- 
chement contre  nature  ,  et  accouchement  laborieux  ,  selon 
qu'il  faut  pour  son  accomplissement  employer  la  main  seule 
ou  quelques  instruments.  On  conçoit  que  dans  notre  ou- 
vrage,  exclusivement  consacré  à  l'étude  des  phénomènes 
de  la  vie  dans  l'état  de  santé  ,  nous  ne  devons  parler  que  de 
l'accouchement  naturel. 

L'accouchement  est  une  action  du  genre  des  excrétions, 
mais  qui  se  distingue  de  toutes  les  autres  excrétions  ,  en  ce 
qu'il  est  accompagné  de  vives  douleurs,  et  nécessite  des  ef- 
forts tels,  qu'on  lui  a  donné  à  juste  titre  le  nom  de  travail. 
Ce  n'est  pas  cependant  une  maladie  ,  mais  une  fonction  de 
ïasanté,  dont  seulement  l'accomplissement  est  très  doulou- 
reux et  fatigaut.  Comme  dans  les  autres  excrétions,  nous 
pourrions  y  étudier  trois  choses  :  la  sensation ,  qui  annonce 


Ï22  FONCTION   DE   LA    GÉNÉRATION, 

que  cette  excrétion  a  besoin  de  se  faire  et  s'effectue  ;  Y  action 
expultrice  du  réservoir  qui  contient  la  matière  à  rejeter;  et 
Y  action  musculaire  auxiliaire  que  la  volonté  ajoute  à  la  pré- 
cédente. Mais  l'importance  dont  est  l'accouchement  nous 
commande  plus  de  détails;  et,  adoptant  l'ordre  suivi  par 
M.  Chaussier ,  dans  sa  Table  synoptique  de  l 'accouchement , 
nous  allons  successivement  en  indiquer  les  causes,  les  con- 
ditions ,  le  mécanisme  et  les  suites. 

i°  Causes  de  l'accouchement.  L'accoucbement  s'accom- 
plit à  une  époque  déterminée,  et  la  première  question  qu'ont 
du  se  faire  les  physiologistes ,  a  été  de  savoir  quelles  causes 
l'occasionent.  Ces  causes  ont  été  tour-à-tour  recherchées  dans 
le  fœtus  et  dans  l'utérus.  Ainsi ,  les  uns  ont  dit  qu'à  la  fin  de  la 
grossesse,  le  fœtus  avait  acquis  un  volume  et  un  poids  tels 
que,  par  sa  présence ,  il  provoquait  irrésistiblement  les  con- 
tractions de  l'utérus.  D'autres ,  avec  moins  de  raison ,  ont 
supposé  des  efforts  directs  de  l'enfant ,  des  mouvements  par 
lesquels  le  fœtus  chercherait  à  sortir  de  son  asile,  afin  de 
satisfaire  aux  divers  besoins  qui  le  pressent,  comme  de  man- 
ger, de  respirer,  d'évacuer  son  urine,  ses  fèces,  etc.  On  a 
accusé  la  distension  de  l'utérus  par  l'eau  de  l'amnios,  son 
irritation  par  le  contact  de  cette  eau  qui,  à  la  fin  de  la 
grossesse,  aurait  acquis  une  acrimonie  extrême.  Buffon  a 
dit  que  la  cause  de  l'accouchement  était  le  décollement  du 
placenta,  qui,  au  degré  convenable  de  développement  du 
fœtus,  se  sépare  de  l'utérus  comme  le  fruit  mûr  se  détache 
de  la  branche  qui  le  porte.  Enfin,  on  a  accusé  un  état  de 
pléthore  générale  ,  suite  de  l'absence  des  menstrues  que  nous 
avons  dit  être  supprimées  pendant  toute  la  grossesse.  Mais 
parmi  ces  causes  prétendues ,  plusieurs  sont  évidemment 
fausses  ,  comme  les  efforts  de  l'enfant,  par  exemple,  cet  être 
étant  passif  dans  l'accouchement;  et  aucune  des  autres  n'est 
absolue.  L'accouchement  est  dû,  d'un  côté,  à  la  disposition 
et  aux  propriétés  de  l'utérus;  et  de  l'autre,  aux  change- 
ments qui  surviennent  dans  l'organe  d'attache  du  fœtus,  le 
placenta.  D'une  part,  l'utérus ,  agent  pi-incipal  de  la  gros- 
sesse et  de  l'accouchement ,  a  revêtu  dans  ces  cas  une  orga- 
nisation qui  le  dispose,  d'abord  à  recevoir  l'embryon  ,  en- 


DE   L'ACCOUCHEMENT.  123 

suite  à  le  conserver  un  certain  nombre  de  mois  pendant 
qu'il  se  développe ,  et  enfin  à  l'expulser  quand  il  sera  apte 
à  vivre  d'une  vie  isolée.  D*abord  il  a  pris  graduellement  le 
développement  nécessaire  pour  pouvoir  fournir  un  asile  au 
fœtus  et  à  ses  annexes  pendant  un  certain  temps.  Ensuite, 
il  a  acquis  une  force  de  contractiiité  à  laquelle  il  devra  de 
pouvoir,  par  la  suite,  expulser  ce  fœtus.  Enfin,  sa  suscep- 
tibilité à  se  contracter  est  allée  graduellement  en  augmen- 
tant, de  manière  qu'à  la  fin  il  suffira  de  la  moindre  irri- 
tation ,  de  la  moindre  stimulation  ,  pour  mettre  en  jeu  cette 
faculté  contractile  ;  et  nous  verrons  tout  à  l'heure  ,  dans  les 
changements  qu'a  éprouvés  le  placenta,  des  causes  suffisantes 
d'irritation.  Le  mode  selon  lequel  se  développe  l'utérus 
doit  même  nécessairement  amener  l'accouchement.  En  effet, 
le  fond  et  le  corps  ont  seuls  d'abord  pris  de  l'amplialion  ;  ce 
n'est  qu'à  la  fin  que  le  col  à  son  tour  s'est  dilaté;  mais  sa 
dilatation  a  été  telle  qu'en  même  temps  il  est  devenu  mince 
comme  une  feuille  de  papier  :  dès  lors  ,  tout  équilibre  entre 
le  fond  et  Je  col  de  l'organe  a  été  rompu:  et  la  rétraction 
continue  de  l'utérus  a  dû  irrésistiblement  avoir  pour  effet 
de  pousser  l'œuf  contre  le  col  ,  d'en  ouvrir  l'orifice ,  et  d'y 
engager  l'enfant.  Cette  idée  à^Jnt.  Petit  est  universellement 
admise  aujourd'hui.  D'autre  part,  le  placenta,  ce  moyen 
d'attache  du  fœtus  à  l'utérus,  éprouve,  par  la  suite  de  la 
grossesse,  des  changements  qui,  à  la  fin,  troubleront  assez  la 
circulation  de  la  matrice,  pour  que  celle-ci  soit  stimulée  à 
se  livrer  aux  contractions  qui  doivent  la  débarrasser,  et  dont 
elle  est  d'ailleurs  si  susceptible.  Ce  placenta  reçoit  d'abord 
avec  toute  facilité,  et  le  sang  que  les  artères  ombilicales  du 
fœtus  lui  apportent,  et  celui  que  les  artères  utérines  lui 
fournissent  ;  mais  à  mesure  que  la  grossesse  approche  de  son 
terme ,  à  l'instar  de  ce  qui  arrive  à  un  fruit  mûr,  une  partie 
de  ses  vaisseaux  s'oblitère,  il  devient  moins  accessible  au 
sang  qui  lui  arrive;  il  survient  un  changement  dans  sa  cir- 
culation ,  et  partant  dans  celle  du  fœtus  et  de  la  mère  dont 
il  est  l'intermédiaire;  une  congestion  de  sang  a  lieu  parti- 
culièrement dans  l'utérus  ,  et  de  là  pour  cet  organe  une  sti- 
mulation qui  le  provoque  à  se  contracter.  Cet  embarras  n'est 


124  FONCTION   DE    LA    GENERATION, 

d'abord  que  léger,  et  la  première  contraction  utérine  qu'il 
provoque  suffit  pour  le  dissiper,  en  poussant  dans  les  vais- 
seaux collatéraux  le  sang  qui  est  en  surcharge  ;  mais  cet  em- 
barras revenant  sans  cesse  et  allant  en  augmentant  par  le 
fait  de  la  maturation  graduelle  du  placenta ,  sans  cesse  aussi 
se  renouvellent  les  contractions  de  l'utérus;  et  à  la  fin  ces 
contractions  se  multiplient  au  point  que  le  travail  s'établit. 
L'influence  qu'exerce  sur  les  contractions  de  l'utérus  une 
surcharge  de  sang  dans  cet  organe  ,  est  si  certaine  ,  que  sou- 
vent il  suffit  de  petites  saignées  pour  prévenir  des  fausses- 
couches  chez  les  femmes  qui  y  sont  sujettes;  que  de  grandes 
hémorrhagies  rendent  toujours  les  contractions  utérines  fai- 
bles et  rares;  et  qu'après  l'accouchement,  les  contractions 
de  l'utérus  continuent  jusqu'à  ce  que  cet  organe  soit  dégorgé 
du  sang  qui  le  remplit.  Du  reste ,  il  semble  que  par  cela  seul 
que  ces  contractions  ont  eu  lieu  une  première  fois,  elles, 
tendent  à  se  renouveler  ;  du  moins  c'est  ce  que  porte  à  croire 
la  facilité  avec  laquelle  surviennent  les  avortements  et  les 
accouchements  prématurés  à  toute  époque  quelconque  de  la 
grossesse.  Mais  on  conçoit  que  cela  doit  encore  bien  plutôt 
arriver  quand  le  col  de  l'utérus  est  tout-à-fait  aminci ,  et  ne 
fait  plus  équilibre  au  fond  et  au  corps  de  l'organe,  comme 
cela  est  à  la  fin  de  la  grossesse.  C'est  par  le  concours  de  ces 
causes  que  survient  l'accouchement. 

La  nature  a  fait  sagement  coïncider  l'instant  où  le  déve- 
loppement de  l'utérus  est  à  son  terme,  et  où  cet  organe  va 
se  livrer  à  son  action  cxpultrice,  avec  celui  où  le  fœtus  est 
assez  développé  pour  pouvoir  vivre  de  la  vie  extérieure ,  et 
n'a  pas  plus  de  volume  que  n'en  comporte  l'étroitesse  des 
parties  qu'il  doit  traverser.  L'époque  de  l'accouchement  est- 
elle  fixe  ?  ou  peut-elle  être  retardée  ou  avancée  un  peu  ?  Cela 
rentre  dans  la  question  des  naissances  précoces  ou  tardives, 
dont  nous  avons  promis  de  nous  occuper  à  l'article  des 
âges.  Disons  seulement  que  la  périodicité  menstruelle  a 
sur  cette  époque  quelque  influence;  la  plupart  des  ac- 
couchements se  font  au  retour  de  la  neuvième  ou  dixième 
menstruation  :  l'utérus  étant  alors  dans  une  exaltation 
de  vitalité,  a  plus  de  susceptibilité,  à  la  moindre  irritation, 


DE    l'aCOUCHEMENT.  iSî5 

à  se  livrer  aux  contractations  qui  doivent  effectuer  Faccou- 


chement. 


Dans  les  autres  excrétions,  une  sensation  éclatait  dans  les 
réservoirs  excrémentitieîs  avant  même  que  ces  réservoirs  en- 
trassent en  contraction,  et  dès  qu'il  y  avait  pour  eux  vel- 
léité de  se  vider.  Ici  il  y  a  quelques  différences  :  d'abord,  il 
n'est  éprouvé  de  sensation  que  lorsque  l'utérus  se  contracte; 
et  ensuite  cette  sensation  a  le  caractère  de  la  douleur,  lors 
même  que  l'excrétion  s'accomplit.  Cette  douleur  cependant 
n'en  est  pas  moins  une  sensation  organique ,  comme  le  sont 
les  sensations  des  besoins  de  la  défécation ,  de  l'excrétion 
de  l'urine;  elle  n'est  pas  due  au  contact  de  l'œuf  sur  l'uté- 
rus ,  mais  reconnaît  pour  cause  la  contraction  de  cet  organe; 
et  Ton  peut  l'assimiler  à  la  sensation  qui  éclate  dans  les 
autres  excrétions,  quand  le  besoin  de  les  accomplir  se  fait 
sentir. 

2<>  Conditions  de  l'accouchement.  Dans  l'expulsion  du 
fœtus  liors  de  l'utérus  et  du  corps  de  sa  mère,  ce  fœtus  a  à 
traverser  le  bassin,  le  vagin  ,  et  les  parties  extérieures  de  la 
génération.  Pour  que  cette  expulsion  se  fasse  le  plus  aisé- 
ment possible,  il  faut  donc  un  rapport  entre  le  volume  de 
son  corps  et  le  diamètre  du  canal  d'excrétion  que  forment 
ces  diverses  parties;  et  ce  rapport  n'existe  qu'autant  qu'il 
y  a  bonne  conformation  de  ces  parties,  bonne  conformation 
du  fœtus ,  et  surtout  qu'autant  que  ce  fœtus  se  présente  au 
passage  en  une  situation  convenable.  De  là,  la  nécessité  de 
certaines  conditions  pour  l'accouchement,  dont  les  unes 
sont  relatives  à  la  mère  et  les  autres  au  fœtus. 

Du  côté  de  la  mère,  ce  qui  importe  surtout  est  une 
bonne  conformation  du  bassin  ;  il  faut  que  ce  canal  osseux, 
que  doit  traverser  le  fœtus,  ne  soit  ni  trop  large  ni  trop 
étroit.  Dans  le  premier  cas,  l'accoucbement  serait  retardé, 
la  tête  de  l'enfant  s'engageant  dans  sa  cavité  avant  que  l'o- 
rifice de  l'utérus  soit  ouvert;  dans  le  second,  il  serait  plus 
retardé  encore,  et  pourrait  même  être  tout-à-fait  impossi- 
ble. Du  reste,  pour  faciliter  l'intelligence  du  mécanisme 
de  l'accouchement ,  rappelons  brièvement  quelques-unes 
des  dispositions  anatomiques  du   bassin.    Les   accoucheurs 


126  FONCTION  DE  LA  GÉNÉRATION. 

ont  distingué  en  lui  le  grand  et  le  petit  bassin;  le  premier 
consiste  dans  ces  ailerons,  ces  appendices  évasés  qui  for- 
ment les  hanches  et  la  partie  supérieure  du  bassin  :  il  est 
étranger  à  l'accouchement,  et  a  une  étendue  de  huit  à  neuf 
pouces.  Le  second  forme  le  canal  osseux  que  le  fœtus  doit 
traverser,  et  on  a  distingué  en  lui  son  ouverture  supérieure, 
son  ouverture  inférieure  et  sa  cavité.  La  première,  appelée 
détroit  supérieur  ou.  abdominal)  a,  dans  son  diamètre  an- 
téro-postérieur  ou  sacro-pubien ,  une  étendue  de  quatre 
pouces,  ou  cent  dix  millimètres;  dans  son  diamètre  iliaque 
ou  transverse,  une  étendue  de  cinq  pouces  ou  cent  trente- 
cinq  millimètres;  enfin,  dans  ses  diamètres  obliques  et 
d'une  symphyse  sacro-iliaque  à  la  cavité  cotyîoïde  du  côté 
opposé,  une  étendue  de  quatre  pouces  et  demi,  ou  cent 
vingt  millimètres.  La  seconde,  appelée  détroit  inférieur  ou 
périnéal 3  a  ses  diamètres  antéro-postérieur ,  transverse  et 
obliques,  à  peu  près  égaux,  longs  de  quatre  pouces,  ou 
cent  dix  millimètres;  cependant  le  coccix ,  qui  termine  en 
arrière  le  diamètre  antéro-postérieur  ou  cocci-pubien  ,  pou- 
vant un  peu  être  repoussé  en  arrière,  ce  diamètre  s'agran- 
dit de  six  lignes  ou  douze  millimètres  à  peu  près  lors  de 
l'accouchement,  et  devient  le  plus  grand.  Enfin,  l'excava- 
tion du  bassin ,  à  cause  de  la  concavité  du  sacrum,  a  un  peu 
plus  d'étendue  que  les  détroits.  Nous  devons  noter  encore 
que ,  le  bassin  formant  avec  le  rachis  un  angle  de  quarante, 
degrés  à  peu  près,  l'axe  de  cette  cavité  n'est  pas  le  même 
que  celui  du  corps  ,  et  même  que  les  axes  de  chacun  des  dé- 
troits diffèrent  :  l'axe  du  détroit  supérieur  est  représenté 
par  une  ligne  qui,  de  l'ombilic  de  la  femme,  irait  se  ter- 
miner au  tiers  inférieur  de  la  concavité  du  sacrum  ;  celui 
du  détroit  inférieur  est  représenté  par  une  autre,  qui, 
de  l'angle  sacro-vertébral ,  irait  passer  au  centre  de  ce  dé- 
troit :  ces  deux  axes  se  rencontrent  ainsi  à  peu  près  au  mi- 
lieu de  la  cavité  pelvienne,  et  forment  un  angle  obtus  en 
avant.  Tl  importe  de  connaître  cette  disposition ,  parce  que 
le  fœtus,  dans  sa  sortie,  devra  suivre  successivement  ces 
deux  axes,  et  conséquemment  changer  de  direction.  Les  au- 
tres conditions  que  doit  présenter  la  mère  pour  l'accomplis- 


DE   L'ACCOUCHEMENT.  127 

sèment  de  l'accouchement  naturel  sont;  un  état  de  souplesse 
et  d'humidité  convenable  dans  les  parties  extérieures  de  la 
génération;  une  situation  de  l'utérus  telle  que  cet  organe 
soit  dans  l'axe  du  détroit  abdominal  ou  à  peu  près;  l'amin- 
cissement de  son  col ,  rendu  ainsi  apte  à  s'ouvrir  et  se  dila- 
ter; enfin,  l'accomplissement  des  changements  qu'amène  en 
ce  viscère  la  grossesse  ^  et  qui  développent  en  lui  la  faculté 
de  contractilité  qui  lui  est  nécessaire.  Nous  ne  pouvons 
nous  refuser  à  faire  remarquer  la  situation  heureuse  du  va- 
gin ,  par  rapport  à  l'utérus;  véritable  canal  d'excrétion 
prolongeant  l'utérus,  il  est  impossible  que  celui-ci  exprime 
de  son  intérieur  le  fœtus  qui  y  est  contenu ,  sans  que  le  va- 
gin ne  livre  aussitôt  passage  à  cet  être. 

Du  côté  du  fœtus,  les  conditions  consistent  dans  sa  bonne 
conformation,    et  surtout   dans   une   situation    telle  qu'il 
puisse  suivre  facilement  la  direction  des  axes  du  bassin  et 
en  traverser  les  détroits.  Il  faut  pour  cela  qu'il  présente  une 
des  extrémités  de  l'ovule  qu'il  forme  dans  sa  totalité,  ou 
la  tête ,  ou  les  pieds,  ou  les  genoux  ,  ou  les  fesses.  Ces  posi- 
tions sont  les  seules  dans  lesquelles  l'accouchement  puisse 
se  faire  naturellement  ;  et  de  toutes  ,  la  plus  fréquente  et  la 
plus  favorable,  c'est  celle  où  l'enfant  présente  le  sommet  de 
la  tête,  dans   une  direction  oblique,  l'occiput  derrière  la 
cavité  cotyloïde  gauche,  et  le  front  au-devant  de  la  sym- 
physe sacro-iliaque  droite  :  dans  cette  position ,  en  effet,  la 
tête  de  l'enfant  présente  ses  plus  petits  diamètres  aux  plus 
grands  diamètres  du  bassin,  et  par  conséquent  doit  pouvoir 
traverser  ce  canal  osseux  avec  plus  de  facilité.  Cette  position 
n'est  pas  l'effet  du  hasard,  mais  est  due  à  la  disposition  des 
parties.  D'abord  la  tête  du  fœtus,  comme  partie  la  plus 
promptement  développée  et  la  plus  lourde,  est  de  bonne 
heure  dans  la  grossesse  située  en  en  bas,  et  appuyée  sur  le 
col  de  l'utérus.  Ensuite,  la  saillie  du  rachis  déjetant  un 
peu  décote  l'utérus,  et  ordinairement  à  droite,  parce  que 
le  cordon  sus-pubien  de  ce  côté  est  plus  court ,   la  tète  de 
l'enfant  partage   cette    obliquité    de    l'organe  qui    le  ren- 
ferme. En  troisième  lieu,  les  muscles  psoas,  qui  sont  situés 
sur  le  côté  du  bassin,  et  qui  agissent  sans  cesse  pour  la  sta- 


128  FONCTION    DE    LA    GENERATION, 

tion  et  la  progression  de  îa  femme ,  influent  aussi  sur  cette 
situation  oblique.  En  quatrième  lieu,  si  l'occiput  se  trouve 
le  plus  souvent  placé  derrière  l'une  ou  l'autre  paroi  antéro- 
latérale  du  bassin ,  c'est  que  le  dos  de  l'enfanl  a  dû  mieux 
s'accommoder  des  parois  molles,  souples  et  élastiques  de 
l'abdomen ,  que  de  la  colonne  rachidienne ,  sur  laquelle 
il  ne  devait  pouvoir  se  fixer,  à  cause  de  sa  convexité. 
Enfin  ,  si  c'est  plus  souvent  à  la  cavité  cotyloïde  gauche  que 
correspond  l'occiput,  c'est  parce  que  ,  le  plus  souvent,  le 
fond  de  l'utérus  est  incliné  à  droite.  La  nature  a  donc  heu- 
reusement disposé  les  parties  de  manière  à  amener  pres- 
que toujours  cette  position  du  fœtus,  qui  est  la  plus  favo- 
rable à  cet  être  et  à  la  mère ,  pendant  la  grossesse  et  lors  de 
l'accouchement.  Tour  ce  qui  est  de  la  grossesse,  le  fœtus 
ayant  ainsi  sa  face  dorsale  en  rapport  avec  l'abdomen  de  sa 
mère  ,  a  moins  à  redouter  les  effets  d'un  coup,  d'une  chute, 
que  s'il  présentait  de  ce  côté  sa  face  sternale  ;  le  contour  du 
colon  et  le  rectum,  qui  sont  à  gauche,  sont  moins  compri- 
més et  partant  moins  gênés  dans  leurs  fonctions.  Pour  ce 
qui  est  de  l'accouchement,  nous  avons  déjà  dit  qu'ainsi  le 
fœtus  présentait  ses  plus  petits  diamètres  aux  plus  grands 
diamèlres  du  bassin;  l'occiput  se  trouve  très  près  de  l'ar- 
cade du  pubis  qu'il  doit  franchir  ;  il  lui  faut  peu  de 
temps  pour  parcourir  un  trajet  de  deux  pouces  sur  les 
plans  inclinés,  lisses,  que  lui  présentent  les  parois  iskia- 
tiques  et  sous-pubiennes;  le  dos  du  fœtus  présente  une 
large  surface  aux  muscles  abdominaux,  lorsque  ceux-ci  se- 
ront appelés  à  seconder  l'action  contractile  de  l'utérus;  Ja 
paroi  postérieure  et  latérale  gauche  de  îa  cavité  du  bassin 
est  presque  libre  ,  et  le  rectum  n'est  que  peu  ou  point  com- 
primé; il  ne  l'est  que  dans  le  dernier  temps  du  travail, 
lorsque  le  front  se  place  dans  îa  courbure  du  sacrum  ,  et  ce 
n'est  que  pour  peu  de  temps,  la  tête  étant  alors  près  de 
franchir  le  détroit  périnéal ,  etc.  Tous  les  avantages  de  cette 
position  seront  sentis  quand  nous  parlerons  du  mécanisme 
de  l'accouchement;  car  c'est  d'après  elle  que  nous  décrirons 
celui-ci.  Du  reste,  voici  quelques  généralités  sur  ce  qui  est 
de  la  position    du  fœtus    relativement   à   l'accouchement. 


DE    L'ACCOUCHEMENT.  129 

Les  accoucheurs  ont  signalé  quatre-vingt-seize  positions 
possibles  de  l'enfant;  vingt-quatre  pour  la  tête,  quatre 
pour  les  pieds,  quatre  pour  les  genoux,  quatre  pour  les 
fesses,  et  soixante  pour  les  quatre  faces  du  tronc.  Nous  ne 
parlerons  pas  de  ces  dernières ,  parce  qu'elles  rendent  tou- 
jours l'accouchement  contre  nature  ou  laborieux.  Sur  vingt 
mille  cinq  cent  dix-sept  accouchements  faits  à  l'hospice  de 
la  Maternité  ,  les  positions  des  pieds  se  sont  présentées  deux 
cent  trente-quatre  fois  ;  celles  des  genoux  quatre,  et  celles 
des  fesses  trois  cent  soixante-treize.  Des  vingt-quatre  posi- 
tions de  la  tête,  huit  seulement  permettent  l'accouchement 
naturel;  ce  sont  celles  où  le  sommet  se  présente,  et  elles  se 
sont  offertes  dix-neuf  mille  sept  cent  trente  fois  sur  le  nom- 
bre total  que  nous  avons  cité.  Les  accoucheurs  leur  ont 
donné  des  noms  qui  suffisent  pour  les  faire  connaître;  sa- 
voir :  position  occipito-cotyloïdienne  gauche  ou  droite, 
occipito-pubienne,  fronto-cotyloïdienne  gauche  ou  droite, 
fronto-pubienne,  et  occipito-iliaque  gauche  ou  droite.  Sur 
le  nombre  d'accouchements  précité,  la  première,  qui  est  la 
plus  fréquente  ,  s'est  présentée  quinze  mille  six  cent  quatre- 
vingt-deux  fois;  la  seconde  trois  mille  six  cent  quatre-vingt- 
deux;  la  troisième,  six;  la  quatrième,  cent  neuf;  la  cin- 
quième, quatre-vingt-douze,  et  la  sixième,  deux.  Ainsi, 
sur  les  quatre-vingt-seize  positions  dans  lesquelles  peut  se 
présenter  l'enfant,  il  n'en  est  que  vingt  qui  permettent 
l'accouchement  naturel. 

3°  Mécanisme  de  l accouchement.  L'accouchement  a  pour 
phénomènes  principaux  une  série  de  contractions  effectuées 
par  l'utérus,  contractions  qui  sont  intermittentes,  mais 
qui  deviennent  par  degrés  de  plus  en  plus  longues,  fré- 
quentes et  énergiques 3  et  qui  appelant  bientôt  à  leur  aide 
le  concours  des  muscles  abdominaux,  parviennent  à  ouvrir 
l'orifice  de  l'utérus,  à  expulser  de  cet  organe  le  fœtus,  et  à 
faire  traverser  à  ce  fœtus  le  bassin,  le  vagin,  et  les  parties 
extérieures  de  la  génération.  Comme  dans  le  travail  de  l'ac- 
couchement, il  faut  que  successivement  l'orifice  de  l'utérus 
s'ouvre  assez  pour  laisser  passer  la  tête  de  l'enfant,  et  que 
cet  être  traverse  le  détroit  abdominal,  l'excavation  du  bas- 
Tome  IV.  9 


i3o  FONCTION   DE   LA   GÉNÉRATION, 

sin,  le  détroit,  périnéal ,  et  enfin  les  parties  extérieures; 
comme  dans  cette  succession  d'actes,  les  phénomènes  exté- 
rieurs, la  fatigue,  les  douleurs,  par  exemple,  ne  sont  pas 
les  mêmes ,  les  accoucheurs  ont  généralement  partagé  l'ac- 
couchement en  plusieurs  temps  :  mais  chacun  en  a  admis 
plus  ou  moins.  Ant.  Petit  en  reconnaissait  trois.  M.  Désor- 
meaux  établit  ce  même  nombre ,  le  premier,  pour  la  dila- 
tation entière  de  l'orifice  de  l'utérus;  le  second,  pour  l'ex- 
pulsion entière  du  fœtus;  et  le  troisième,  pour  ladélivrance. 
Nous  suivrons  le  plan  de  M.  Chaussier,  qui  en  admet  cinq. 

A.  Premier  temps.  Préparation  à  V accouchement.  Ce  pre- 
mier temps,  qui  pourrait  être  rapporté  à  la  grossesse,  est 
caractérisé  par  les  divers  phénomènes  qui ,  dans  les  der- 
niers jours  de  cette  époque,  annoncent  un  prochain  accou- 
chement. La  tête  du  fœtus,  enveloppée  du  col  de  l'utérus, 
est  placée  dans  le  détroit  abdomiual,  quelquefois  même 
dans  l'excavation  du  bassin;  le  ventre  est  abaissé;  par 
suite,  la  respiration  est  plus  libre,  la  circulation  plus  fa- 
cile, la  femme  se  sent  plus  légère;  mais  comme  l'utérus  est 
plus  bas.,  il  y  a  de  fréquentes  envies  d'uriner  ;  les  symphyses 
du  bassin  sont  évidemment  relâchées  ;  le  vagin  s'humecte, 
s'assouplit,  se  dilate,  et  est  le  siège  d'un  écoulement  glai- 
reux, mêlé  quelquefois  de  quelques  gouttes  de  saûg  :  le  col 
de  l'utérus,  tout-à-fait  aminci,  effacé,  commence  à  s'ouvrir; 
enfin ,  de  temps  en  temps  surviennent  quelques  contrac- 
tions de  l'utérus,  mais  fort  éloignées  les  unes  des  autres,  et 
si  légères,  qu'elles  sont  sans  douleurs,  ou  marquées  seule- 
ment par  un  sentiment  d'engourdissement  dans  cet  organe. 

B.  Second  temps.  Dilatation  de  l'orifice  de  l'utérus.  Dans 
le  second  temps,  les  contractions  de  l'utérus  dilatent  l'ori- 
fice de  cet  organe  ,  et  l'amènent  au  point  de  pouvoir  donner 
passage  au  fœtus.  Ces  contractions,  qui  d'abord  n'avaient 
eu  lieu  que  de  loin  en  loin  ,  et  qui  étaient  si  faibles  qu'elles 
n'étaient  pas  senties,  graduellement  deviennent  plus  fortes 
et  surtout  douloureuses.  Bientôt  leur  rapprochement  de- 
vient tel,  et  le  caractère  de  douleur  qu'elles  ont  revêtu  si 
marqué  ,  qu'on  ne  peut  plus  méconnaître  que  le  travail  de 
l'enfantement  a  commencé.  On  est  assuré  d'ailleurs,   aux 


DE   L'ACCOUCHEMENT.  i3l 

caractères  suivants  ,  que  les  douleurs  sont  celles  de  l'accou- 
chement :  d'un  côlé,  elles  sont  intermittentes,  et  séparées 
les  unes  des  autres  par  des  intervalles  de  repos  absolu  ;  d'un 
autre  côté,  si  l'on  touche  la  femme  pendant  qu'elles  ont 
lieu,  on  sent  que  le  col  de  l'utérus  est  tendu,  dur,  par- 
tant en  contraction,  et  même  que  l'œuf  est  poussé  contre 
son  orifice,  ou  saille  au  travers  si  celui-ci  est  déjà  un  peu 
dilaté.  Ces  douleurs  sont  en  efièt  les  annonces  inséparables 
des  contractions  de  l'utérus,  et  c'est  désormais  par  elles 
que  l'on  compte  celles-ci  ;  se  faisant  sentir  dès  qu'elles  ont 
lieu,  quand  même  l'orifice  de  l'utérus  serait  dilaté  et  ou- 
vert, ou  le  fœtus  expulsé,  elles  cessent  quand  l'utérus  se 
relâche.  Au  dire  de  plusieurs  accoucheurs ,  elles  ne  siègent 
que  dans  le  col  de  l'organe;  son  fond  et  son  corps  ne  font 
éprouver  qu'un  sentiment  de  pression  et  d'engourdisse- 
ment ;  au  moins  est-il  sûr  que  la  distension  qu'éprouve  le 
col,  surtout  dans  les  premiers  temps,  ajoute  à  leur  inten- 
sité naturelle  ? 

Le  but  de  ces  contractions  utérines  ou  douleurs  est  de 
dilater  et  d'ouvrir  l'orifice  de  la  matrice,  et  voici  par  quel 
mécanisme.  D'abord,  les  contractions  se  faisant  du  fond  de 
l'organe  à  son  col ,  c'est  sur  celui-ci  que  porte  toute  l'im- 
pulsion ;  et  comme  ce  col  est  alors  très  aminci  par  suite  des 
développements  de  la  grossesse,  cela  doit  tendre  à  l'ouvrir  et 
à  le  dilater.  En  second  lieu,  ces  contractions  détachent 
graduellement  de  la  surface  interne  de  la  matrice  ïes  mem- 
branes de  l'œuf,  depuis  l'ouverture  du  col  jusqu'au  pour- 
tour du  placenta  ;  et  dès  lors,  ces  membranes,  ainsi  que  l'eau 
qui  les  remplit,  sont  aussi  poussées  en  en  bas  sur  l'orifice  , 
qu'elles  doivent  tendre  également  à  dilater  et  à  ouvrir. 
Enfin,  dès  que  l'orifice  utérin  est  un  peu  ouvert,  les  mem- 
branes de  l'œuf  s'y  engagent  sous  forme  de  poche;  et  se  ten- 
dant à  chaque  douleur,  elles  deviennent  un  excellent  moyen 
pour  amener  l'orifice  au  degré  d'ouverture  et  de  dilatation 
convenable. 

Pendant  tout  le  temps  que  comporte  ce  travail,  les  mu- 
cosités glaireuses  qui  coulaient  par  le  vagin  sortent  avec 
plus  d'abondance;  bientôt  elles  sont  mêlées  de  sang,  à  cause 

0- 


l32  FONCTION    DE    LA    GENERATION, 

du  détachement  de  quelques  parties  du  placenta ,  de  la 
rupture  des  vaisseaux  qui  établissaient  les  adhérences  des 
membranes  avec  l'utérus  ,  ou  de  celle  de  quelques  fibres 
du  col  de  cet  organe.  Les  contractions  utérines  se  succédant 
continuellement,  graduellement  l'orifice  se  dilate  de  plus 
en  plus;  à  une  certaine  époque  de  sa  dilatation,  les  mem- 
branes de  l'œuf  se  crèvent;  une  partie  de  son  liquide  inté- 
rieur, ce  qu'on  appelle  ses  eaux,  s'écoule  au  dehors;  la  tête 
de  l'enfant  se  place  immédiatement  sur  le  col,  et  pressée 
sur  lui  avec  énergie  à  chaque  contraction  utérine,  elle  en 
achève  enfin  la  dilatation.  C'est  par  ce  mécanisme,  qu'en 
plus  ou  moins  de  temps,  le  col  de  l'utérus  s'ouvre  au  point 
de  pouvoir  donner  passage  à  la  tête  de  l'enfant,  et  de  ne 
plus  faire  qu'un  canal  non  interrompu  avec  le  vagin. 

C.  Troisième  temps.  Trajet  de  la  tête  à  travers  l'orifice 
utérin.  Les  contractions  et  douleurs  utérines  devenant  de 
plus  en  plus  fortes,  longues  et  rapprochées,  et  l'orifice 
utérin  étant  assez  dilaté  pour  laisser  passer  la  tête  de  l'en- 
fant, celle-ci  paraît  quelque  temps  prête  à  le  franchir,  et 
est  ce  qu'on  appelle  au  couronnement.  Elle  le  traverse  enfin, 
étant  poussée  dans  l'axe  du  détroit  abdominal ,  et  étant 
placée  obliquement,  Tocciput  correspondant  à  la  paroi  co- 
tyloïdienne  du  côté  gauche  ,  et  le  front  à  la  symphyse  sacro- 
iliaque  droite  :  dans  ce  moment,  quelques  fibres  du  col  se 
déchirent.,  ordinairement  au  côté  gauche.  C'est  de  ce  mo- 
ment aussi  qu'aux  contractions  de  l'utérus  vont  s'associer 
irrésistiblement  les  contractions  des  muscles  abdominaux, 
et  que  les  douleurs  deviennent,  comme  on  le  dit,  eocpul- 
sives.  Dans  cette  période,  la  souffrance  de  la  femme  est 
déjà  extrême;  il  y  a  trouble  dans  sa  respiration,  sa  circula- 
tion; le  pouls  bat  avec  force,  la  face  est  colorée.  Le  fœtus, 
pressé  immédiatement  par  l'utérus,  est  dans  un  état  de  tor- 
peur, et  même  d'asphyxie  ou  d'apoplexie  ;  la  partie  de  la 
tête  qui  a  supporté  la  pression  de  l'orifice  utérin  ,  en  a  con- 
servé souvent  une  tuméfaction  ,  un  thrombus,  qui  peut  la 
faire  reconnaître  après  la  naissance. 

D.  Quatrième  temps.  Sortie  du  fœtus.  La  tête  du  fœtus 
ayant  franchi  l'orifice  de  l'utérus,  est  dans  le  vagin,  rem- 


de  l'accouchement.  i33 

plissant  l'excavation  du  bassin  ,  et  placée  obliquement  , 
l'occiput  en  bas  contre  la  paroi  cotyloïdienne  gauche,  et  la 
face  en  haut  dans  la  cavité  du  sacrum  ;  le  menton  est  ap- 
puyé sur  le  sternum.  De  nouvelles  contractions  la  font 
avancer;  mais  à  mesure  qu'elle  cliemine  dans  le  bassin,  elle 
exécute  une  semi-rotation  ;  Focciput  se  porte  sous  l'arcade 
du  pubis  ,  et  le  front  se  place  tout-à-fait  dans  la  cavité  du 
sacrum.  Cela  est  nécessaire  pour  que  la  tête  se  place  toujours 
dans  les  diamètres  les  plus  grands  du  bassin;  et  nous  avons 
dit  que  tandis  que  le  diamètre  le  plus  grand  du  détroit  ab- 
dominal était  le  diamètre  oblique,  celui  du  détroit  périnéal 
était  le  cocci -pubien.  Les  contractions  se  pressant  de  plus 
en  plus  ,  l'occiput  s'engage  sous  l'arcade  du  pubis;  le  coccix 
en  arrière  est  déprimé ,  et  la  tête  s'avance  vers  l'orifice  ex- 
terne du  vagin.  Alors  les  parties  molles  éprouvent  une 
grande  distension  ;  le  périnée  est  tendu;  le  vagin  s'accourcit 
et  s'élargit;  les  caroncules  et  les  nymphes  s'effacent;  les  lè- 
vres de  la  vulve  s'écartent.  La  tête  de  l'enfant  est  si  forte- 
teraent  comprimée,  que  le  cuir  chevelu  se  fronce  pendant 
la  douleur;  elle  exécute  alors  un  mouvement  d'extension, 
le  menton  s'éloignant  de  la  poitrine  sur  laquelle  elle  ap- 
puyait auparavant.  C'est  alors  aussi  qu'irrésistiblement  la 
femme  ajoute  à  l'action  expultrice  de  la  matrice  la  contrac- 
tion des  muscles  abdominaux,  et  même  de  ceux  de  tout  le 
corps.  Les  muscles  des  extrémités  inférieures  agissent  pour 
maintenir  le  bassin  dans  la  situation  la  plus  favorable  à 
l'expulsion  de  l'enfant  ;  ceux  des  membres  supérieurs  et  du 
col  se  contractent  pour  donner  toute  fixité  au  thorax,  sur 
lesquels  les  muscles  abdominaux  prennent  leur  point  d'ap- 
pui ;  on  voit  se  produire  tous  les  phénomènes  qui  s'obser- 
vent dans  les  plus  violents  efforts.  À  chaque  douleur  îa  tête 
paraît  prête  à  sortir;  mais  quand  la  douleur  cesse,  elle  se 
renfonce  de  nouveau,  repoussée  par  la  résistance  physique 
de  la  vulve  et  des  parties.  Enfin  ,  dans  un  de  ces  douloureux 
efforts  }  la  tête  franchit  la  vulve,  présentant  successivement 
à  l'extérieur  la  fontanelle  antérieure,  le  front,  le  nez,  la 
bouche,  le  menton,  et  se  relevant  ainsi  sur  le  pubis  de  la 
mère  ;  les  épaules  traversent  l'orifice  de  l'utérus  ;  bientôt 


1  34  FONCTION    DE   LA    GENERATION. 

le  reste  du  corps  est  expulsé  de  même ,  et  presque  saris 
peine;  l'enfant  sorti  en  enlier  du  flanc  qui  l'a  porté  res- 
pire,  crie;  et  la  circulation  cessant  dans  le  cordon  qui 
l'attache  à  sa  mère ,  on  peut  couper  ce  cordon  et  le  séparer 
tout-à-fait. 

E.  Cinquième  temps.  Délivrance.  À  la  fatigue  extrême 
et  aux  douleurs  excessives  qui  marquaient  le  temps  précé- 
dent, succède  d'abord  un  moment  de  repos  délicieux;  mais 
il  faut  que  soient  expulsés  aussi  le  placenta  et  les  autres 
parties  annexes  du  fœtus.  L'utérus,  libre  d'une  portion 
de  ce  qu'il  contenait,  s'est  resserré  d'autant,  et  restant 
contracté,  il  forme  une  tumeur  ronde,  dure  et  égale  par- 
tout ,  que  l'on  sent  à  travers  les  parois  de  l'abdomen.  Bien- 
tôt de  nouvelles  douleurs  surviennent.  Le  placenta  pressé 
se  fronce,  et  se  détache  des  parois  de  l'utérus;  les  contrac- 
tions qui  ont  précédé  ont  d'ailleurs  préparé  ce  détachement, 
en  troublant  la  circulation  de  cet  orgaue  avec  la  matrice, 
en  rendant  graduellement  moindre  la  quantité  de  sang  qu'il 
en  reçoit.  Si  le  détachement  ne  se  fait  que  successivement , 
le  sang  qui  coule  à  l'occasion  de  la  première  partie  décolée, 
s'accumule  entre  le  reste  de  la  masse  et  l'utérus,  et  concourt 
aussi  à  en  amener  le  décollement  complet.  Alors,  devenu 
corps  étranger  et  libre,  le  placenta  est  poussé  par  les  con- 
tractions utérines  à  travers  l'orifice  de  l'utérus,  le  vagin  et 
la  vulve ,  et  il  entraîne  avec  lui  les  membranes  propres  de 
l'ovule.  Il  ne  reste  qu'une  partie  de  l'épichorion  ou  mem- 
brane caduque,  qui  sortira  avec  les  lochies.  L'écoulement 
d'une  petite  quantité  de  sang  vermeil  marque  ce  dernier 
temps  de  l'accouchement. 

Tout  ce  travail  comporte  un  temps  plus  ou  moins  long  , 
selon  les  conditions  dans  lesquelles  sont  et  la  femme  et  le 
fœtus.  Le  premier  accouchement  est  toujours  plus  long  que 
les  suivants.  Il  est  facile  de  distinguer  dans  cet  acte  ce  qui 
est  de  l'action  expuitrice  du  réservoir  excrémentitiel ,  et  ce 
qui  est  de  l'action  annexe  des  muscles  circonvoisins  :  la  pre- 
mière est  telleriient  la  principale,  qu'on  a  vu  souvent  des 
accouchements  se  faire  après  la  mort ,  ou  pendant  des  éva- 
nouissements,  des  léthargies,  ou  lorsque  l'utérus  était  en 


de  l'accouchement.  i35 

prolapsus ,  et  tout-à-fait  en  dehors  de  la  cavité  abdominale. 
De  toute  certitude ,  le  fœtus  y  est  passif.  En  vain  Hippocj*ate 
attribuait  une  part  quelconque  à  ses  efforts;  en  vain  on  a 
dit,  qu'appuyant  fortement  ses  pieds  contre  le  fond  de  l'u- 
térus, il  poussait,  avec  sa  tête  contre  l'orifice  de  l'organe  : 
dans  l'accouchement  prématuré,  évidemment  le  fœtus  se- 
rait trop  faible  pour  dilater  le  col  de  l'utérus,  qui  en  ce 
cas  est  très  résistant;  n'accoucbe-t-on  pas  d'un  œuf  entier, 
d'une  môle,  d'un  fœtus  mort?  le  fœtus  n'est-t-il  pas  trop 
serré  pour  pouvoir  effectuer  les  mouvements  qu'on  lui  sup- 
pose? ne  sort-il  pas  quelquefois  enveloppé  encore  de  ses 
membranes  ?  Onaccoucbe,  dira-t-on,  moins  vite  d'un  fœtus 
mort;  mais  c'est  qu'alors  ce  fœtus  ne  faisant  aucun  mou- 
vement, ne  réveille  plus  sans  cesse  les  contractions  utéri- 
nes, et  qu'ainsi  il  y  a  souvent  de  grands  intervalles  entre 
chaque  douleur,  La  contraction  de  l'utérus  est  la  puissance 
principale ,  et  son  effet  est  tel  que  la  main  de  l'accoucheur, 
laissée  dans  l'organe  pendant  qu'elle  a  lieu,  en  éprouve  un 
engourdissement  sensible.  On  s'est  demandé  pourquoi  ces 
contractions  ou  douleurs  sont  intermittentes  :  Buffon  en 
accusait  la  séparation  partielle  du  placenta;  mais  quelque- 
fois le  placenta  est  sorti  le  premier,  et  les  douleurs,  dans  le 
reste  du  travail,  se  sont  succédé  comme  à  l'ordinaire.  On 
a  dit  que  l'application  forte  de  l'utérus  au  fœtus  amenait 
une  pression  des  nerfs  de  cet  organe ,  et  par  suite  sa  para- 
lysie momentanée  ;  mais  alors,  pourquoi  les  douleurs  vont- 
elles  en  se  rapprochant  ?  Cette  intermittence  des  douleurs 
est  un  fait  incontestable ,  mais  dont  la  cause  ne  peut  être 
assignée.  Dans  les  premiers  temps,  elles  se  font  sentir  dans 
la  direction  d'une  ligne  qui  se  rendrait  de  l'ombilic  à  la  se- 
conde pièce  du  sacrum;  et  dans  les  derniers,  elles  se  por- 
tent au  contraire  de  ce  point  du  sacrum  au  coccix  :  on  voit 
que  ces  deux  directions  sont  celles  des  deux  axes  des  détroits 
abdominal  et  périnéal ,  que  dans  son  éduction  doit  suivre 
le  fœtus. 

4°  Suites  de  l'accouchement.  Dans  les  premiers  moments 
qui  suivent  Faceouchenient,  la  femme  conserve  un  senti- 
ment de  faiblesse  ,  de  fatigue,  qui  bientôt  amène  un  som- 


1 36  FONCTION    DE    LA    GÉNÉRATION, 

me  il  paisible  ;  toute  sa  personne  offre  des  traces  de  la  grande 
secousse  qu'elle  a  éprouvée  ,  son  œil  est  moins  vif,  sa  face 
est  pâle.  Cependant  les  fonctions  se  remettent  bientôt  du 
grand  trouble  où  elles  étaient;  la  respiration  devient  aisée, 
parce  que  l'abdomen  vidé  permet  mieux  le  jeu  libre  du  dia- 
phragme ;  le  pouls  perd  sa  fréquence ,  devient  ample,  grand, 
et  souple;  ïa  peau  est  molle,  avec  chaleur  douce  et  hali- 
tueuse  ;  une  légère  moiteur  s'établit,  et  cette  moiteur  per- 
sistera pendant  toute  la  durée  de  la  couche.   L'utérus  se 
resserre  de  plus  en  plus  ;  ses  vaisseaux  redeviennent  flexueux, 
petits,   et   leurs  orifices    se   bouchent  :   dans  les  premiers 
temps ,  il  coule  un  peu  de  sang  de  sa  surface  interne;  mais 
«à  mesure  que  son  resserrement  s'effectue  ,  cet  écoulement  di- 
minue et  disparaît  tout-à-fait  pour  faire  place  à  celui  qu'on 
appelle  lochies.  Quand  il  s'est  amassé  quelques  caillots  dans 
sa  cavité,   surviennent  quelques   contractions  et  douleurs 
qui  en  amènent  l'expulsion.   A  mesure  que  l'utérus  se  ré- 
tracte,  les  divers  viscèros  de  l'abdomen   reviennent  à  leur 
position  première  ,  les  muscles  abdominaux  se  rapprochent, 
la  ligne  blanche  se  resserre,   les  ovaires,   les  trompes,  les 
cordons  sus-pubiens,  le  péritoine,    reprennent  aussi  leur 
situation  accoutumée;  les  parties  extérieures  génitales,  qui 
souvent  ont  été   conluses,    graduellement    deviennent  de 
moins  en  moins  douloureuses  et  se  resserrent  aussi.  Tous 
ces    changements    commencent   à  se  faire  immédiatement 
après  îa  délivrance;  niais  les  effets  de  plusieurs  ne  sont  sen- 
sibles qu'après  plusieurs  jours ,  et  il  faudra  un  mois  et  plus 
pour  qu'il  ne  reste  plus  de  traces  de  l'accouchement.  Pen- 
dant les  deux  premiers  jours,  du  sang  coule  par  la  vulve  ;  ce 
sang  provient  des  vaisseaux  qui  étaient  étendus  de  l'utérus  à 
]a  surface  du  placenta  ;  mais  sa  quantité  diminue  à  mesure 
que  l'utérus  se  resserre.  Au  troisième  jour,  il  fait   place  à 
un  écoulement  sanguinolent,  roussâtre.  Le  quatrième  et  le 
cinquième,  la  matière  de  cet  écoulement  devient  épaisse, 
blanchàlre,  puriforme,  a  une  odeur  fétide,  et  se  compose 
évidemment  des    débris    de    Pépichorion    qui    s'exfolie    et 
de  la  sérosité  que  fournissent  les  orifices  des  vaisseaux  de 
l'utérus.  À  mesure,  que  l'épichorion  est  expulsé,  et  que  l'u- 


DE    L'ACCOUCHEMENT.  187 

térus,  consécutivement  à  son  resserrement  qui  continue  de 
se  faire,  est  dégorgé  ,  l'écoulement  perd  de  son  odeur  fétide, 
et  redevient  une  sérosité  muqueuse  et  blanchâUe.  Enfin 
diminuant  par  degrés,  cet  écoulement,  qui  constitue  ce 
qu'on  appelle  les  lochies ,  disparaît  tout-à-fait  après  vingt  à 
trente  jours.  L'utérus  emploie  deux  mois  à  revenir  à  son 
premier  volume;  cependant  il  reste  toujours  un  peu  plus 
gros,  et  un  peu  moins  dense;  ses  lèvres  sont  plus  épaisses, 
plus  longues,  plus  écartées,  surtout  la  postérieure;  et  on 
observe  une  ou  deux  fissures  au  côté  gauche  de  son  orifice 
vaginal.  Les  symphyses  du  bassin  se  raffermissent  aussi,  ce- 
pendant le  bassin  reste  toujours  un  peu  plus  ample,  et  la 
taille  est  moins  svelte.  Quoique  la  peau  de  l'abdomen  se 
soit  resserrée,  elle  conserve  des  éraillures  blanchâtres,  dés- 
ormais indélébiles,  et  sensibles  surtout  vers  l'hypogastre 
et  l'ombilic.  Nous  ne  parlons  pas  de  la  sécrétion  laiteuse 
qui  s'établit  vers  le  troisième  jour  de  la  couche;  nous  allons 
en  traiter  tout  à  l'heure  en  particulier.  Enfin,  pendant  que 
l'écoulement  des  lochies  subvient  aux  changements  locaux 
qui  se  font  dans  l'utérus,  celui  de  la  transpiration  cutanée, 
qui  est  sensiblement  augmentée ,  remédie  à  la  pléthore 
lympbatique  que  l'état  de  grossesse  avait  amené ,  et  est  l'an- 
nonce du  retour  de  l'état  général  des  humeurs  à  ce  que  ces 
humeurs  doivent  être  hors  l'état  d'exercice  de  l'appareil 
génital  :  cependant  quelquefois  l'allaitement  prolonge  cette 
constitution  humorale  particulière;  et  souvent  les  femmes 
conservent  tout  le  temps  qu'elles  nourrissent  3a  surabon- 
dance de  sucs  blancs  et  de  graisse,  la  mollesse  et  la  blan- 
cheur de  la  peau,  qui  s'étaient  développées  en  elles  à  l'oc- 
casion de  la  grossesse. 

Tel  est  l'accouchement,  fonction  plus  laborieuse  dans 
l'espèce  humaine  que  dans  les  autres  animaux  ,  parce  que 
le  fœtus  humain  a  une  tête  beaucoup  plus  grosse,  et  que  le 
bassin  ,  au  lieu  d'être  dans  l'axe  même  du  corps,  est  oblique 
sur  le  racbis. 


i38  1- ONCTION    DE    LA    GENERATION. 

ARTICLE    V. 

De  la  Sécrétion  du  lait  et  de  la  Lactalion. 

Bien  qu'après  l'accouchement,  l'enfant  soit  tout-à-fait 
séparé  de  sa  mère  et  ait  sa  vie  isolée ,  le  rôle  de  la  femme 
pour  la  reproduction  n'est  pas  encore  terminé  :  il  faut  en- 
core qu'elle  fournisse  l'aliment  dont  l'enfant  va  user  dans 
les  premiers  mois  de  son  existence,  le  lait.  Celui-ci  est  le 
produit  de  l'action  sécrétoire  des  mamelles;  il  est  créé  par 
le  mécanisme  ordinaire  des  sécrétions;  mais  il  y  a  débats 
sur  les  matériaux  dont  il  émane ,  et  sa  sécrétion  diffère  de 
toutes  les  autres  par  les  circonstances  particulières  qui  la 
mettent  en  jeu. 

Sans  doute  plusieurs  sécrétions  présentent  dans  leur  exer- 
cice des  alternatives  de  grande  activité  et  de  diminution; 
]a  sécrétion  de  la  salive ,  par  exemple ,  est  presque  tarie 
iiors  le  temps  des  repas.  Mais  il  n'en  est  aucune  qui  soit 
aussi  évidemment  intermittente  que  la  sécrétion  du  lait. 
C'est  en  vain  que  son  appareil ,  la  glande  mammaire  ,  reçoit 
le  sang  qui  doit  fournir  à  son  travail  ;  il  faut ,  pour  que  la 
sécréiion  ait  lieu,  que  cette  glande  ait  acquis,  par  l'in- 
fluence de  la  grossesse  et  de  l'accouchement,  un  état  d'exci- 
tation particulier.  En  effet  .  non -seulement  les  glandes 
mammaires  sont  étroitement  unies  à  toutes  les  autres  parties 
de  l'appareil  génital;  elles  n'apparaissent  comme  elles,  ou 
du  moins  ne  prennent  un  grand  développement  qu'à  la  pu- 
berté ;  elles  disparaissent  ou  se  flétrissent  à  l'âge  critique; 
les  seins  grossissent ,  se  gonflent  à  chaque  période  men- 
struelle; ils  s'érigent  un  peu  dans  le  coït  :  mais,  de  plus, 
les  mamelles  n'exercent  d'ordinaire  leur  travail  sécrétoire 
que  consécutivement  à  la  grossesse  et  à  l'accouchement.  On  a 
bien  quelques  exemples  de  filles  vierges  ,  d'hommes  même 
dont  la  mamelle  ,  irritée  par  des  efforts  de  succion  ,  a  fourni 
du  lait  :  nous  avons  cité  ,  d'après  M.  de  Humholdt ,  un 
homme  de  trente-deux  ans  qui  a,  pendant  cinq  mois,  al- 
laité son  enfant;  Baudeloque  a  vu  une  petite  fille  d'Aiençon, 


DE  LA  SÉCRÉTION  DU  LAIT  ET  DE  LA.  LACTATION.  1 3g 
âgée  de  Luit  ans,  qui  allaita  son  frère  pendant  un  mois  : 
l'histoire  a  conservé  le  trait  de  cette  jeune  Romaine  qui 
nourrit  aussi  de  son  lait  son  vieux  père  en  prison  ;  ce  phé- 
nomène a  même  été  observé  chez  des  femmes  septuagénaires. 
Mais  ce  ne  sont  là  que  des  exceptions;  le  plus  ordinaire- 
ment c'est  l'impulsion  que  les  autres  parties  génitales  reçoi- 
vent de  la  conception ,  de  la  grossesse  et  de  l'accouchement , 
qui ,  en  retentissant  dans  les  glandes  mammaires,  détermine 
la  sécrétion  du  lait  ;  et  cette  sécrétion  est  aussi  évidemment 
intermittente  que  la  grande  fonction  dont  elle  fait  partie. 
Dès  lors,  puisqu'elle  n'est  pas  continue,  comme  le  sont 
presque  toutes  les  autres  sécrétions,  il  importe  d'abord  de 
détailler  comment  elle  entre  en  jeu. 

Nous  avons  dit  que ,  dès  les  premiers  temps  de  la  concep- 
tion, les  seins  se  gonflaient  :  cette  augmentation  de  volume 
marque  le  commencement  de  la  sécrétion  du  lait;  souvent 
dès  le  milieu  de  la  grossesse,  ce  fluide  coule  de  lui-même  des 
mamelles;  mais  c'est  moins  un  lait  proprement  dit,  qu'un 
fluide  séreux.  Il  en  est  de  même  le  premier  et  le  deuxième 
jour  qui  suivent  l'accouchement;  déjà  l'enfant  puise  dans 
les  mamelles  du  lait;  mais  ce  lait  est  loin  d'offrir  la  con- 
sistance qu'il  aura  par  la  suite  ,  il  est  très  séreux,  on  l'ap- 
pelle coloslrum;  et  l'on  croit  qu'il  est  un  peu  purgatif,  et  a 
Futilité  de  faire  évacuer  à  l'enfant  son  méconium  :  il  est  sûr 
au  moins  qu'il  est  proportionné  à  la  délicatesse  de  l'estomac 
de  l'enfant.  Mais,  au  troisième  jour  de  la  couche,  tout  à 
coup  les  mamelles  se  gonflent,  durcissent,  deviennent  dou- 
loureuses; elles  sont  évidemment  un  centre  de  fluxion;  de 
la  fièvre  sympa thiquement accompagne  leur  travail;  et  leur 
sécrétion  s'établit  alors  avec  la  forme  qu'elle  aura  désormais 
pendant  toute  la  durée  de  l'allaitement.  L'organe  a  tout  à 
coup  revêtu  une  activité  qui  a,  dans  le  premier  instant,  la 
forme  d'une  maladie  ,  et  c'est  là  une  nouvelle  différence  de 
la  sécrétion  du  lait  avec  les  autres  sécrétions.  Quelle  cause 
détermine  ainsi  cette  fluxion  soudaine  sur  les  mamelles  ?On  a 
parlé  de  la  rétraction  del'utérus  qui  revient  sans  cessedeplus 
en  plus  sur  lui-même,  et  qui,  surtout ,  n'ayant  plus  à  nour- 
rir le  fœtus,  cesse  d'être  un  centre  de  fluxion.  On  a  invoqué 


l4o  FONCTION    DE   LA    GENERATION, 

ia  loi  du  balancement  des  organes  ,  et  surtout  une  harmonie 
préétablie,  en  vertu  de  laquelle  les  diverses  parties  d'un 
même  appareil  deviendraient  tour  à  tour  un  point  fluxion- 
naire.  dans  l'ordre  selon  lequel  leurs  fonctions  doivent  se 
succéder.  Quelques-uns  ont  accusé  l'irritation  résultant  de 
la  succion  exercée  par  l'enfant;  mais  cette  dernière  cause 
n'est  certainement  qu'accessoire,  puisque  sans  elle  les  ma- 
melles ne  se  gonflent  pas  moins.  Toutefois,  la  sécrétion  une 
fois  commencée,  la  succion  exercée  par  l'enfant  en  consomme 
successivement  leproduit  ;  et  en  même  temps,  par  l'irritation 
qu'elle  cause  dans  la  mamelle  ,  cette  succion  en  entretient 
l'activité  sécrétoire.  Ce  n'est  en  effet  que  le  premier  jour, 
que  la  fluxion  a  le  caractère  d'excitation  qui  simule  une 
maladie;  bientôt  l'appareil  fébrile  cesse,  et  désormais  la 
sécrétion  s'effectue  d'une  manière  aussi  calme  que  toutes  les 
autres.  Le  lait,  dans  les  premiers  jours,  est  séreux  encore; 
ensuite  il  devient  de  plus  en  plus  épais  et  consistant,  à  me- 
sure que  la  sécrétion  se  prolonge. 

De  quels  matériaux  provient  le  lait?  les  physiologistes 
sont  ici  dissidents.  M.  Richerand  le  dérive  de  la  lymphe,  et 
se  fonde  ,  i°  sur  ce  qu'il  y  a  dans  les  mamelles  huit  fois  plus 
de  vaisseaux  lymphatiques  que  de  vaisseaux  sanguins  ; 
2°  sur  ce  que  ces  vaisseaux  lymphatiques  évidemment  gros- 
sissent dans  les  temps  de  lactation;  3°  sur  ce  que  Haller 
a  vu,  par  des  injections,  les  conduits  excréteurs  du  lait 
communiquer  évidemment  dans  le  tissu  graisseux  des  seins; 
4°  sur  ce  qu'enfin  ia  glande  mammaire  n'a  pas  une  structure 
aussi  évidemment  granulée  que  celles  des  autres  glandes, 
et  ressemble  davantage  ,  par  sa  texture  ,  aux  ganglions 
lymphatiques.  Mais  aucune  de  ces  raisons  ne  constitue  une 
démonstration  rigoureuse.  Le  volume  du  sein,  et  la  masse 
considérable  de  tissu  cellulaire  graisseux  qui  entre  dans  sa 
structure,  expliquent  pourquoi  les  vaisseaux  lymphatiques 
y  sont  si  abondants.  M.  Sallion ,  auteur  d'un  Mémoire  cou- 
ronné, sur  la  sécrétion  laiteuse,  pense  d'ailleurs  que  M.  Ri- 
cherand  a  pris  pour  des  vaisseaux  lymphatiques  plusieurs 
des  vaisseaux  excréteurs  du  lait.  Si  les  vaisseaux  lymphali- 
ques  des  seins  grossissent  dans  les  temps  de  lactation,  il  en 


DE    LA    SÉCRÉTION   DU    LAIT    ET    DE   LA    LACTATION.     l4l 

est  de  même  de  leurs  vaisseaux  sanguins,  et  particulière- 
ment de  leurs  artères.  Si  les  conduits  excréteurs  du  lait  ont 
des  communications  dans  le  tissu  graisseux  du  sein,  ils  en 
ont  de  plus  évidentes  encore  et  de  plus  faciles  avec  les  vais- 
seaux sanguins  de  cette  partie;  voit-on  d'ailleurs  la  graisse 
du  sein  diminuer  en  proportion  de  la  quantité  du  lait  qui 
est  sécrétée  ?  voit-on  cette  graisse  influer,  par  sa  quantité, 
sur  l'abondance  de  la  sécrétion?  Si  la  glande  mammaire  a 
une  texture  moins  granulée  que  toute  autre  glande,  elle 
n'en  est  pas  moins  bien  différente  des  ganglions  lymphati- 
ques. Enfin ,   si  c'est  la  lymphe- qui  alimente  la  sécrétion 
laiteuse,  pourquoi  les  lymphatiques  qui  de  l'abdomen  vont 
aux  seins,  sont-ils  plus  gros  en  sortant  de  ces  organes  qu'en 
y  entrant?  Nous  n'admettons  donc  pas  l'idée  de  M.  Riche- 
rand.  D'autres  ont  fait  dériver  le  lait  du  chyle,  se  fondant 
sur  ce  que  la  sécrétion  de  ce  fluide  s'active  sensiblement 
après  les  repas,  et  sur  ce  que  le  lait  partage  très  prompte- 
ment  les  qualités  des  aliments  que  l'on  a  pris.  Mais  ce  que 
nous  avons  dit  dans  le  temps  de  la  circulation  du  chyle  et 
de  son  transport  dans  le  sang,   réfute  suffisamment  cette 
assertion.  Ce  ne  serait  que  par  le  sang  que  ce  chyle  arriverait 
à  la  glande  mammaire,  et  encore  il  n'y  arriverait  qu'en  très 
petite  quantité  ,  le  reste  étant  envoyé  aux  autres  parties  du 
corps.  Si  le  lait  des  nourrices  monte,  comme  on  dit,  après 
les  repas,  cela  tient  à  l'excitation  que  les  mamelles  reçoivent 
sympathiquement  du  travail  de  l'estomac;  et  si  ce  fluide 
accuse promptement  quelques-unes  des  qualités  des  aliments 
qui  ont  été  pris,  on  a  vu  qu'il  en  était  de  même  de  toutes 
les  autres  humeurs  sécrétées.  Cependant  il  faut  convenir  que 
la  filière  mammaire  est  plus  accessible  qu'aucune  autre  fi- 
lière sécrétoire,  à  la  pénétration  des  parties  hétérogènes  des 
aliments;  voyez  avec  quelle  facilité  le  lait  de  nos  bestiaux 
accuse  les  qualités  des  pâturages  dont  ils  sont  nourris.  Sur 
cette  facilité  repose ,  dans  notre  espèce ,  la  possibilité  de 
faire  prendre  aux  nourrices  les  médicaments  que  réclament 
les  maladies  des  enfants  à  la  mamelle.  M.  Girard  de  Lyon, 
a  émis,  sur  la  sécrétion  lactée,  une  opinion  moins  fondée 
encore  que  les  précédentes;  selon  lui,  il  existe  clans  l'ab- 


i42  FONCTION    DE   LA   GENERATION, 

domen  un  appareil  de  vaisseaux  intermédiaires  à  L'utérus  et 
à  la  mamelle,  restant  inactifs  hors  les  temps  de  grossesse  et 
d'accouchement ,  entrant  tout  à  coup  en  jeu  à  ces  époques, 
et  conduisant,  de  l'un  de  ces  organes  à  l'autre ,  les  matériaux 
de  la  sécrétion.  Mais  où  est  ce  prétendu  appareil  vasculaire  ? 
l'auteur  de  l'hypothèse  avoue  lui-même  n'avoir  pu  le  dé- 
couvrir. Au  milieu  de  toutes  ces  dissidences ,  il  nous  semble 
évident  que  la  sécrétion  du  lait,  ainsi  que  toutes  les  autres 
sécrétions  du  corps,  est  alimentée  par  le  sang  artériel.  D'a- 
bord ,  nous  venons  de  le  prouver  en  quelque  sorte  par  voie 
d'exclusion ,  puisqu'il  nous  a  été  impossible  d'en  trouver  la 
source  en  aucun  autre  fluide.  En  second  lieu,  c'est  ce  que 
porte  à  croire  l'analogie  des  autres  sécrétions  ?  Enfin  ,  n'en 
a-t-on  pas  une  preuve  directe,  lorsqu'on  voit,  en  de  certains 
cas,  les  efforts  de  la  succion  finir  par  faire  sortir  des  seins 
le  sang  lui-même  ? 

Ces  diverses  questions  discutées,  l'histoire  de  la  sécrétion 
laiteuse  se  réduit  aux  considérations  générales  à  toutes  les 
sécrétions.  Le  sang  artériel,  apporté  par  les  artères  mam^ 
maires  dans  le  parenchyme  de  la  glande ,  est  saisi  par  les 
radicules  sécréteurs,  et  changé  en  lait.  Celui-ci  circule  dans 
les  vaisseaux  sécréteurs.  Les  causes  qui  l'y  fout  cheminer, 
sont  ,  d'une  part,  la  continuité  de  la  sécrétion  aux  origines 
du  système  sécréteur,  et  de  l'autre,  une  action  contractile 
de  ces  vaisseaux.  Sa  progression  y  est  lente,  à  raison  de  la 
faiblesse  de  cette  dernière  cause,  et  parce  que  les  vaisseaux 
lactifères  font  de  longs  replis.  Si  la  sécrétion  est  continue, 
l'excrétion  ne  Test  pas,  et  n'a  lieu  que  d'intervalles  en  in- 
tervalles. Il  semblerait  dès  lors  qu'il  devrait  y  avoir  dans 
l'appareil  lacté  un  réservoir  pour  le  lait,  comme  il  en  est 
un  pour  la  bile,  le  sperme,  dans  les  appareils  biliaire  et 
sperma tique  :  mais  ce  sont  les  vaisseaux  excréteurs  du  lait 
qui  eux-mêmes  en  tiennent  lieu;  la  nature  les  a  faits  dans 
cette  vue  très  longs  et  très  repliés  :  cela  est  si  vrai ,  que  lors- 
que les  nourrices  tardent  quelque  temps  à  donner  à  téter  à 
leurs  enfants,  leurs  seins  se  gonflent  et  deviennent  doulou- 
reux. La  petitesse  des  vaisseaux  sécréteurs  facilite  le  séjour 
du  lait  dans  leur  intérieur;  et  d'ailleurs  leurs  orifices  exté- 


DE  LA  SÉCRÉTION  DU  LAIT  ET  DE  LA  LACTATION.  l4& 
rieurs  sont  bridés  au  mamelon  du  sein  ,  qui  est  le  point 
auquel  ils  aboutissent.  Le  lait ,  pendant  son  cours  dans  ces 
vaisseaux,  est-il  modifié?  il  est  probable  qu'il  ne  fait  que 
s'épaissir  un  peu  par  l'absorption  de  sa  partie  la  plus 
aqueuse. 

Quant  à  l'excrétion,  elle  n'a  lieu  que  d'intervalles  en  in- 
tervalles; et  à  cause  de  cela  on  peut  la  distinguer  de  la  sé- 
crétion qui  est  continue.  Quand  les  vaisseaux  lactifères  de 
la  mamelle  sont  suffisamment  pleins,  un  sentiment  de  pe- 
santeur, de  gonflement ,  de  douleur  à  ce!  te  partie  ,  accuse  le 
besoin  qu'elle  a  d'être  vidée;  quelquefois  alors  l'excrétion 
se  fait  spontanément,  mais  le  plus  souvent  elle  ne  se  fait 
que  consécutivement  à  l'action  de  succion.  Cette  succion  a 
le  double  effet,  d'un  côté,  d'irriter  les  canaux  galactopho- 
res,  et  d'en  provoquer  la  contraction;  d'un  autre  côté,  de 
déterminer  l'érection  du  mamelon  du  sein,  et  de  relâcher 
par  là  les  brides  qui  ferment  les  orifices  des  excréteurs.  Il 
est  d'autant  moins  possible  de  douter  de  ce  dernier  fait, 
qu'une  sensation  de  plaisir  est  éprouvée  alors  par  la  nour- 
rice, et  qu'un  orgasme  voluptueux  s'étend  à  tout  le  sein, 
même  au  tissu  graisseux  qui  le  compose.  Les  petites  mains  de 
l'enfant,  qui  d'ordinaire  se  promènent  sur  l'organe,  et  le 
pressent,  concourent  aussi  à  exciter  son  travail  sécrétoire. 
On  voulait  que  le  vide  fait  dans  la  bouche  par  l'acte  de 
succion  ait  aussi  une  influence  physique  sur  la  projection 
du  lait  dans  la  bouche  de  l'enfant;  mais  cela  n'est  guère 
probable ,  et  la  contraction  des  vaisseaux  excréteurs  est  la 
seule  cause  du  jet  qu'offre  souvent  ce  fluide  au  moment  de 
son  expulsion.  Il  n'y  a  pas  ici  d'appareil  musculaire  volon- 
taire annexé  à  l'organe  d'excrétion  ,  comme  cela  est  dans  la 
plupart  des  autres  excrétions. 

11  nous  reste  à  faire  l'étude  du  lait  lui-même.  C'est  un 
liquide  blanc,  opaque,  d'une  saveur  douce  et  sucrée,  d'une 
odeur  particulière,  et  d'une  pesanteur  spécifique  supérieure 
à  celle  de  l'eau  distillée.  C'est  une  liqueur  très  azotée,  com- 
posée d'eau ,  de  matière  caséeuse ,  de  sucre  de  lait ,  de  quel- 
ques sels  (muriate  de  potasse  ,  phosphate  de  potasse  ,  acétate 
de  potasse  avec  un  vestige  de  lactate  de  fer,  phosphate  ter- 


l44  FONCTION  DE    LA   GENERATION, 

reux),  et  d'un  peu  d'acide  lactique.  M.  Berzèlius  distingue 
en  lui  ia  crème  et  le  lait ,  et  assigne  à  chacune  de  ces  deux 
matières  la  composition  suivante  :  crème,  beurre,  4>5  ; 
fromage,  3,5;  petit-lait,  92,0;  et  dans  ce  petit-lait,  il  y 
a  4>4  de  sucre  de  lait  et  de  sel  :  lait ,  eau,  928,75;  fromage 
avec  une  trace  de  sucre,  28,01;  sucre  de  lait,  3 5, 00  ;  muriate 
de  potasse,  1,70;  phosphate  de  potasse,  o,25;  acide  lacti- 
que, acétate  de  potasse  et  lactate  de  fer,  6,00;  phosphate  de 
chaux,  o,3o.  Il  y  a  dans  le  lait  de  la  femme  plus  de  sucre 
de  lait  et  moins  de  matière  caséeuse ,  que  dans  celui  de  nos 
animaux  domestiques ,  d'où  résulte  que  ce  lait  est  plus  doux, 
plus  liquide,  moins  coagulable,  et  que  jamais  on  n'a  pu 
fabriquer  de  beurre  avec  sa  crème.  Du  reste,  la  nature  chi- 
mique du  lait  varie  un  peu  selon  les  aliments  dont  use  la 
femme;  il  est  plus  abondant,  plus  épais  et  moins  acide, 
quand  ces  aliments  sont  tirés  du  règne  animal.  Quant  à  la 
quantité  du  lait,  cela  varie  encore  selon  la  constitution  de 
la  femme  ,  le  degré  de  vitalité  de  la  mamelle,  la  nature  plus 
ou  moins  bonne  du  régime  alimentaire  de  la  nourrice,  sur- 
tout selonl'époque  de  lalactation.  A  mesure  que  l'allaitement 
se  prolonge  ,  non-seulement  le  lait  devient  de  plus  en  plus 
épais  et  consistant,  mais  il  est  plus  ou  moins  abondant; 
dans  les  premiers  mois  de  la  nourriture,  sa  quantité  paraît 
augmenter;  mais  dans  les  derniers  elle  diminue  graduelle- 
ment, et  à  la  fin  la  sécrétion  se  tarit.  La  quantité  du  lait  est 
généralement  évaluée  au  tiers  de  l'alimentation. 

Telle  est  la  sécrétion  laiteuse  :  comme  toute  autre  sécré- 
tion excrémentitielle ,  elle  est  modifiée  par  les  deux  usages 
spéciaux  des  excrétions,  la  dépuration  du  sang  et  la  décom- 
position du  corps.  D'un  côté,  le  lait  trahit  promptement 
la  présence  des  diverses  substances  hétérogènes  portées  du 
dehors  ou  du  dedans  dans  le  sang.  D'autre  part ,  chez  la 
femme  nourrice,  les  autres  excrétions  du  corps  sont  dimi- 
nuées, ou  au  moins  le  besoin  de  l'alimentation  est  plus 
prononcé  pour  remédier  aux  déperditions  plus  grandes  qui 
sont  faites.  Sous  ce  double  rapport,  la  sécrétion  du  lait 
entre  aussi  en  solidarité  avec  toutes  les  autres.  Du  reste  , 
elle  est  un  des  actes  de  l'économie  les  plus  susceptibles  d'être 


DE  LA  SÉCRÉTION  DU  LAIT  ET  DE  LA  LACTATION.  l45 
modifiés  par  toute  influence,  soit  externe,  soit  organique  - 
qui  ne  sait  quelle  atteinte  prompte  elle  reçoit  d'une  affec- 
tion morale  vive  ? 

Généralement,  pendant  tout  le  temps  qu'elle  a  lieu  l'ex- 
crétion menstruelle  ne  se  fait  pas;  si  celle-ci  survient  le 
plus  souvent  la  sécrétion  du  lait  s'arrête,  ou  son  produit 
est  de  mauvaise  qualité.  Ce  dernier  effet  est  encore  plus 
constant,  s'il  survient  une  nouvelle  grossesse.  Le  retour  des 
règles  annonce  généralement,  que  l'appareil  génital  est 
tout-à-fait  revenu  à  son  type  primitif  d'activité,  et  que  la 
sécrétion  du  lait  va  prochainement  cesser.  La  nature  a  heu- 
reusement proportionné  la  durée  de  cette  sécrétion  au  dé- 
veloppement de  l'enfant;  à  mesure  que  celui-ci  croît  son 
estomac  devient  apte  à  digérer  un  aliment  plus  substantiel  • 
bientôt  le  lait,  quoiqu'il  devienne  de  plus  en  plus  épais 
est  insuffisant;  il  faut  recourir  à  quelques  aliments  artifi- 
ciels ;  la  pousse  des  dents  est  l'annonce  de  ce  progrès*  alors 
l'enfant  demande  moins  souvent  à  tetter,  et  la  mamelle 
moins  irritée  sécrète  moins.  Ainsi,  la  quantité  du  lait  di- 
minue à  mesure  que  le  besoin  de  ce  liquide  devient  moin- 
dre; vers  dix  mois,  un  an,  l'enfant  ne  tetle  plus  que  deux 
à  trois  fois  dans  le  jour;  à  la  fin,  il  refuse  le  sein,  et  l'al- 
laitement est  terminé.  D'un  côté,  l'appareil  utérin  repre- 
nant ses  fonctions  accoutumées  ,  le  sein  a  tendance  à  revenir 
à  son  inaction  première;  il  ne  faut  guère  moins  qu'une 
irritation  renouvelée  plusieurs  fois  le  jour  pour  entretenir 
son  action  de  sécrétion.  D'un  autre  côté,  l'enfant  a  moins 
d'avidité  à  tetter,  et  à  la  fin  se  refuse  à  ce  mode  d'alimen- 
tation. La  sécrétion  doit  donc  se  tarir,  et  c'est  en  effet  ce 
qui  arrive  vers  un  an  ou  deux  au  plus,  si  on  ne  change  pas 
de  nourrisson.  L'allaitement  fini,  la  grande  fonction  delà 
génération  est  accomplie. 


Telle  est  la  génération ,  par  laquelle  se  reproduisent ,  se 
conservent,   et  peut-être  se  perfectionnent  les  espèces  vi-. 
vantes.  Action  exclusive  aux  êtres  vivants,  elle  diffère  de 
toutes  les  autres  fonctions,  en  ce  que  son  accomplissement 
Tome  IV.  10 


i  46  FONCTION  DE  LA  GÉNÉRATION. 

n'est  pas  possible  pendant  tout  îe  cours  de  la  vie  :  n'entrant 
en  exercice  que  lorsque  la  croissance  du  corps  est  achevée , 
par  conséquent  bien  plus  tard  que  toutes  les  autres  fonc- 
tions, elle  cesse  aussi  bien  plus  tôt,  dès  les  premiers  temps 
de  la  vieillesse.  A  l'article  des  âges,  nous  indiquerons  ce 
qui  est  d'elle  en  chacun  d'eux.  Dans  les  animaux,  elle  n'est 
même  possible  qu'à  des  époques  déterminées  de  l'année; 
mais  l'homme  peut  à  peu  près  l'accomplir  en  tout  temps, 
pendant  toute  l'époque  de  sa  vie  dans  laquelle  il  en  a  l'apti- 
tude. Bien  que  l'appareil  génital  ait  des  influences  fort  remar- 
quables sur  tout  le  reste  de  l'économie,  comme  nous  le  ver- 
rons ci-après,  on  peut  cependant  s'abstenir  toujours  de 
l'acte  de  génération,  et  même  extirper  l'organe  principal  de 
cette  fonction,  ie  testicule  ou  l'ovaire,  comme  le  prouve 
l'exemple  des  eunuques.  Du  reste,  sous  le  rapport  philoso- 
phique, on  peut  considérer  la  génération  comme  une  mo- 
dification de  la  propriété  générale  d'expansion  de  la  matière, 
et  dire  avec  les  physiologistes  que  son  but  est  opposé  à  celui 
de  la  nutrition,  puisqu'elle  détruit  l'individu  afin  d'assurer 
l'existence  de  l'espèce. 

«WWWV»  VW\  VWlXWi  MJV\WMlWI«Vlt  VWVWV»  VWX*/W\  WVWWVWWWWV»'V\  VW»  VIWIVM 

APPENDICE 

AUX  DEUX  DERNIÈRES  CLASSES  DE  FONCTIONS. 


De  V innervation. 

Nous  avons  établi  que  dans  les  animaux  supérieurs,  et 
par  conséquent  dans  l'homme,  le  système  nerveux,  non- 
seulement  régissait  toutes  les  actions  sensoriales ,  la  classe 
entière  des  fonctions  de  relation;  mais  encore  ,  qu'il  se  sub- 
ordonnait toutes  les  fonctions  organiques,  toutes  les  ac- 
tions qui  se  produisent  dans  l'économie  irrésistiblement  et 
sans  que  nous  en  ayons  conscience.  Nous  avons  dit  qu'on 
avait  localisé  dans  une  des  portions  de  ce  système ,  le  grand 


DE    L  INNERVATION.  i  £j 

sympathique ,  cette  influence  exercée  par  le  système  ner- 
veux sur  toutes  les  parties  et  sur  toutes  les  actions  de  l'éco- 
nomie des  animaux  supérieurs.  Pour  compléter  l'histoire 
des  fonctions ,  il  faut  donc  traiter  de  cette  action  spéciale 
du  système  nerveux ,  qu'on  appelle  innervation  ,  et  de  l'of- 
fice du  grand  sympathique;  soit  qu'on  considère  cette  par- 
tie nerveuse  comme  servant  tour-à-tour  de  moyen  d'union 
ou  de  moyen  d'isolement  entre  les  organes  des  fonctions  in- 
térieures et  ceux  des  fonctions  extérieures;  soit  qu'on  la 
regarde  comme  le  moteur  principal ,  le  dispensateur  pri- 
mitif de  l'impulsion  vitale,  et  l'agent  de  cette  influence 
nécessaire  à  toute  vie,  et  appelée  innervation.  Nous  allons 
d'abord  rappeler  brièvement  quelle  est  sa  disposition  ana- 
tomique,  ainsi  que  celle  d'un  autre  nerf,  qui,  comme  lui 
semble  être  jusqu'à  un  certain  point  affecté  au  jeu  des  or- 
ganes intérieurs,  le  nerf  vague  ou  moyen  sympathique. 

CHAPITRE  PREMIER. 

Anatomie  du  grand  Sympathique. 

Le  grand  sympathique,  appelé  encore  nerf  trisplanchnU 
que.  système  nerveux  ganglionnaire ,  système  nerveux  de 
la  vie  organique ,  est,  chez  l'homme,  un  long  cordon  ner- 
veux, étendu  de  la  tête  au  bassin,  sur  les  côtés  et  le  long 
du  rachis  ,  et  offrant  dans  ce  trajet  une  série  de  renflements 
appelés  ganglions,  desquels  partent  deux  sortes  de  nerfs; 
les  uns,  originels  ou.  anastomotiques ,  qui  aboutissent  à 
plusieurs  des  nerfs  encéphaliques  età  tous  les  nerfs  spinaux; 
les  autres,  qui  sont  les  nerfs  propres  de  ce  système,  qui 
s'attachent  aux  artères,  et  vont  avec  elles  se  distribuer  aux 
divers  organes  des  fonctions  intérieures  ,  partout  où  se  pro- 
duisent quelques  actes  indépendants  de  la  volonté. 

Des  divers  ganglions  qui  forment  le  nerf,  le  premier  ou 
le  supérieur,  est  appelé  ophtlialmique,  et  situé  dans  le  crâne 
au  côté  externe  du  nerf  optique ,  près  du  lieu  où  ce  nerf 
entre  dans  l'orbite.  De  ce  ganglion,  le  grand  sympathique 
se  continue  sons  la  forme  d'un  filet  nerveux  très  fin,  qu'a 

10. 


i48  de  l'innervation. 

récemment  découvert  Bock,  jusqu'à  un  second  ganglion 
renfermé  dans  le  canal  carotidien  et  le  sinus  caverneux. 
Arrivé  à  la  hase  du  crâne ,  il  descend  le  long  du  col ,  offrant 
dans  ce  trajet  trois  autres  ganglions;  le  ganglion  cervical 
supérieur,  situé  au-devant  des  apophyses  des  trois  premières 
vertèbres  cervicales;  le  ganglion  cervical  moyen,  situé  entre 
les  cinquième  et  sixième  vertèbres  cervicales;  et  le  ganglion 
cervical  inférieur,  situé  entre  la  septième  vertèbre  cervicale 
et  la  première  dorsale.  Plongeant  alors  dans  le  thorax,  et 
se  prolongeant  jusqu'au  coccix  ,  dans  cette  longueur,  il  offre 
de  nouveaux  ganglions,  savoir  :  douze  thoraciques ,  situés 
à  côté  du  corps  des  vertèbres  dorsales  sur  l'extrémité  articu- 
laire des  côtes;  cinq  lombaires ,  au  niveau  du  corps  de  cha- 
cune des  vertèbres  lombaires;  et  quatre  sacrés  sur  la  partie 
antérieure  du  sacrum.  A  son  extrémité  inférieure  ,  le  grand 
sympathique,  ou  s'unit  en  arcade  avec  le  nerf  du  côté  op- 
posé,  ou  se  termine  par  un  dernier  ganglion  ,  le  coccigien. 

Outre  les  cordons  nerveux  que  de  haut  en  bas  s'envoient 
les  divers  ganglions,  et  qui  font  de  tout  le  grand  sympa- 
thique un  système  continu,  chaque  ganglion,  avons-nous 
dit,  fournit  deux  espèces  de  nerfs;  les  uns,  qui  font  com- 
muniquer le  grand  sympathique  à  plusieurs  paires  encé- 
phaliques, et  à  toutes  les  paires  spinales;  et  les  autres,  qui 
s'attachent  aux  artères,  forment  autour  d'elles  des  réseaux, 
les  suivent  dans  toutes  leurs  divisions,  et  se  distribuent 
avec  elles  aux  organes  des  fonctions  involontaires. 

Les  premiers  sont  appelés  des  racines ,  ou  des  rameaux 
anastomotiques ,  selon  qu'on  considère  le  grand  sympathique 
comme  un  nerf  dérivé  de  l'encéphale  ou  de  la  moelle  spi- 
nale, ou  comme  un  système  nerveux  à  part,  mais  mis  en 
communication  avec  ces  deux  centres.  Chaque  ganglion  en 
fournit  qui  se  rendent  aux  nerfs  encéphaliques  et  spinaux 
qui  sont  à  leur  hauteur.  Ainsi  le  ganglion  ophthalmique  en 
détache  qui  vont  s'unir  à  la  troisième  paire  encéphalique, 
et  à  une  des  divisions  delà  cinquième,  la  branche  frontale 
de  l'ophthalmique  de  Willis.  Du  plexus  gangliforme  situé 
dans  le  canal  carotidien ,  il  en  naît  deux  qui  vont  à  la 
sixième  paire  encéphalique  ,  et  un  qui  va  au  nerf  vidien  de 


ANATOMIE    DU    GRAND    SYMPATHIQUE.  i49 

la  cinquième.  Les  ganglions  cervicaux  communiquent  avec 
les  paires  cervicales;  le  supérieur,  avec  les  trois  premières 
paires  et  souvent  la  quatrième  ;  le  moyen,  avec  la  cinquième 
et  la  sixième  ;  et  l'inférieur,  avec  la  septième  et  la  huitième, 
et  avec  la  première  paire  dorsale.  Chaque  ganglion  thora- 
cique  envoie  un  ou  deux  filets  anaslomotiques  à  la  paire 
dorsale  qui  lui  correspond.  Enfin  il  en  est  de  même  des  gan- 
glions lombaires  et  sacrés,  par  rapport  aux  nerfs  lombaires 
et  sacrés. 

Les  seconds  sont  au  contraire  appelés  les  nerfs  propres 
du  grand  sympathique,  parce  que  ce  sont  eux  qui  se  dis- 
tribuent aux  organes ,  et  qui  probablement  leur  apportent 
l'influence  nerveuse  ,  quelle  qu'elle  soit  :  nous  allons  les 
indiquer  selon  qu'ils  proviennent  des  ganglions  de  la  tête, 
du  col ,  du  thorax,  et  des  lombes. 

A  la  tête;  i°  du  ganglion  ophthalmique  partent  dix 
à  douze  filets  qui  s'accolent  aux  artères  ciliaires  ,  et  vont 
avec  elles  se  distribuer  dans  l'œil  à  la  membrane  iris.  2°  Le 
plexus  qui  est  dans  le  canal  carotidien  fournit  plusieurs 
nerfs  qui  s'attachent  à  la  carotide  interne ,  forment  sur  elle 
des  plexus  secondaires,  et  la  suivent  dans  ses  divisions. 

Au  col,  i°  le  ganglion  cervical  supérieur  donne  naissance 
à  de  nombreux  filets,  dont  voici  rénumération  :  les  uns, 
internes,  se  portent  au  pharynx  et  au  larynx,  s'anastomo- 
sant  dans  la  première  de  ces  parties  avec  le  glosso-pharyn- 
gien,  et  dans  la  seconde  avec  les  nerfs  laryngés ,  divisions  de 
la  huitième    paire  encéphalique  :  les  autres,   antérieurs , 
d'un  côté  suivent  l'artère  carotide  primitive,   jusqu'à  son 
origine  à  l'aorte  ou  à  la  sous-clavière ;  de  l'autre  côté,  ac- 
compagnent la  carotide  externe  et  se  subdivisent  en  nom- 
breux plexus,  pour  chacune  des  branches  de  cette  artère, 
savoir,  la  linguale ,  la  labiale,  l'occipitale  ,  la  pharyngienne 
inférieure,  la  temporale.  De  nombreux  filets  des  nerfs  fa- 
cial, vague,  glosso-pharyngien,  et  grand  hypoglosse,  con- 
courent aussi  à  la  formation  de  ces  plexus.  Enfin,  quelques- 
uns  naissant  de  la  partie  inférieure  du  ganglion,  se  réunissent 
bientôt  en  un  seul  cordon  pour  former  un  des  nerfs  du 
cœur,  le  cardiaque  superficiel  ou  supérieur.  2°  Des  nerfs  du 


l5o  de  l'innervation. 

ganglion  cervical  moyen  ,  les  uns  forment  un  plexus  à  l'ar- 
tère thyroïdienne  inférieure  ,  la  suivent  dans  ses  divisions  , 
et  se  distribuent  à  la  thyroïde,  à  l'œsophage,  à  la  trachée; 
les  autres  forment  un  autre  des  nerfs  du  cœur,  le  plus  gros, 
celui  qu'on  appelle  le  nerf  cardiaque  principal  ou  moyen  : 
cependant  ceci  n'est  vrai  que  du  côté  droit;  au  côté  gauche, 
le  plus  souvent  ce  nerf  cardiaque  manque.  3°  Enfin  le  gan- 
glion cervical  inférieur  fournit;  d'abord,  de  nombreux  fi- 
lets qui  suivent,  et  l'artère  vertébrale  dans  le  canal  des  ver- 
tèbres, et  l'artère  sous-davière  dans  ses  divisions  à  l'épaule 
et  au  bras  ;  ensuite,  quelques  nerfs  qui  vont  aux  poumons  , 
à  la  courbure  de  l'aorte ,  s'unissant  dans  leur  trajet  au  ré- 
current et  audiaphragmatique  ;  enfin,  à  sa  partie  inférieure, 
le  dernier  nerf  du  cœur,  le  cardiaque  inférieur.  Remar- 
quons que  ces  trois  nerfs  dits  cardiaques  ne  vont  pas  di- 
rectement au  cœur;  ceux  du  côté  droit  et  ceux  du  côté 
gauche  se  réunissent  en  un  plexus  unique,  situé  à  la  partie 
postérieure  de  la  crosse  de  l'aorte;  et  c'est  de  ce  plexus, 
appelé  par  Scarpa,  ganglion  cardiaque ,  à  la  composition 
duquel  concourent  plusieurs  filets  du  nerf  vague ,  et  dans 
lequel  on  ne  peut  plus  distinguer  ce  qui  est  des  nerfs  car- 
diaques droits,  et  ce  qui  est  des  nerfs  cardiaques  gauches, 
que  naissent  les  nerfs  du  cœur,  qui,  suivant  les  artères  co- 
ronaires antérieure  et  postérieure  ,  se  distribuent  avec  elles 
au  tissu  de  cet  organe  et  à  l'origine  des  gros  vaisseaux. 

De  tous  les  ganglions  thoraciques ,  naissent  d'abord  de 
nombreux  filets  destinés  à  l'intérieur  du  thorax  et  aux  par- 
ties circonvoisines  ,  accompagnant,  par  exemple,  les  artères 
intercostales  jusqu'à  leur  origine,  et  se  prolongeant  sur  le 
tronc  de  l'aorte  pectorale.  En  outre,  des  sept  derniers  de 
ces  ganglions ,  proviennent  deux  gros  nerfs ,  le  grand  splan- 
chnique et  le  petit  splanchnique ,  qui  pénètrent  dans  Fab- 
domen  par  un  écartement  ménagé  entre  les  fibres  du  dia- 
phragme. Le  grand  splanchnique  se  partage  en  plusieurs 
rameaux  assez  gros,  qui  aboutissent  à  un  gros  ganglion, 
placé  sur  les  piliers  du  diaphragme ,  entre  l'aorte  et  les  cap- 
sules surrénales,  et  appelé  semi-lunaire.  Ce  ganglion  est 
uni  à  celui  du  côté  opposé  par  beaucoup  de  rameaux  adhé- 


ANATOMIE   DU    GRAND    SYMPATHIQUE.  l5l 

rcDts  à  l'aorte  abdominale,  el  au  tronc  cœîiaque;  et  de 
leur  réunion  ,  ainsi  que  de  plusieurs  filets  venant  du  nerf 
vague,  résulte  un  vaste  plexus,  appelé  solaire,  situé  au- 
dessous  de  l'estomac  et  au-dessus  du  rachis,  et  dont  quel- 
ques physiologistes  ont  voulu  faire  un  second  centre  ner- 
veux général ,  qu'ils  ont  appelé  cerveau  abdominal.  Alors 
de  ce  plexus  solaire  ,  ainsi  que  des  ganglions  semi-lunaires , 
naissent  de  nombreux  filets  accompagnant  toutes  les  divi- 
sions de  l'aorte  abdominale ,  et  formant  autant  de  plexus 
secondaires  qu'il  y  a  de  branches  à  cette  artère.  Ainsi,  les 
uns,  sous  le  nom  de  -plexus  diapliragmatique ,  accompa- 
gnent l'artère  diapliragmatique  inférieure,  et  dans  le  tissu 
du  diaphragme  s'anastomosent  avec  le  nerf  diaphragmati- 
que.  Les  autres ,  sous  les  noms  de  plexus  coronaire,  stoma- 
chique ,  hépatique,  splénique ,  mésentérique  supérieur, 
mésentérique  inférieur,  rénal,  surrénal,  spermatique,  hy- 
pogastrique ,  suivent  chacune  des  artères  de  ce  nom,  et  se 
distribuent  aux  organes  auxquels  elles  aboutissent,  l'esto- 
mac, le  foie,  la  rate,  l'intestin  grêle,  le  gros  intestin,  les 
reins,  les  capsules  surrénales,  les  testicules,  les  ovaires, 
l'utérus ,  le  vagin  ,  l'anus ,  etc.  A  l'estomac  et  au  foie,  ils  s'a- 
nastomosent avec  des  filets  du  nerf  vague.  Selon  M.  Chaus- 
sier,  dans  le  fœtus,  quelques-uns  des  filets  du  plexus  hé- 
patique s'accolent  à  la  veine  ombilicale,  et  la  suivent 
jusque  dans  le  placenta.  Le  petit  splanchnique  arrive  aussi 
dans  l'abdomen,  et  s'y  partage  en  deux  rameaux,  dont  l'un 
s'unit  au  grand  splanchnique,  et  dont  l'autre  se  divise 
entre  le  plexus  solaire  et  le  plexus  rénal.  Souvent  des  onze 
et  douzième  ganglions  thoraciques  naît  un  troisième  nerf 
splanchnique  ,  appelé,  par  Walter,  nerf  rénal  postérieur, 
parce  qu'il  se  rend  aussi  au  plexus  rénal.  Du  reste,  les 
ganglions  semi-lunaires  sont  moins  deux  ganglions  seule- 
ment ,  qu'un  groupe  formé  par  la  réunion  d'un  très  grand 
nombre  ;  et  le  plexus  solaire  est  plus  formé  par  les  nom- 
breux filets  qu'il  reçoit  de  ces  ganglions  que  par  les  nerfs 
splanchniques,  qui  ne  sont  probablement  que  des  moyens 
de  communication  entre  ces  ganglions  semi-lunaires  et  les 
thoraciques. 


l52  de  l'inwervation. 

Les  ganglions  lombaires  fournissent  des  filets  fort  nom- 
breux et  fort  ténus,  qui  presque  aussitôt  s'entrelacent  en- 
semble, forment  un  plexus  à  l'aorte  abdominale ,  et  vont 
concourir  à  la  formation  des  plexus  splénique ,  hépatique , 
rénaux  et  mésentérique  inférieur  surtout.  Enfin,  ceux  qui 
proviennent  des  ganglions  sacrés  ,  en  partie  s'anastomosent 
avec  ceux  du  côté  opposé ,  et  en  partie  se  portent  dans  le 
plexus  hypogastrique ,  où  ils  s'unissent  à  plusieurs  filets 
des  nerfs  vésicaux,  utérins,  vaginaux  et  hémorroïdaux  du 
plexus  sciatîque.  Nous  avons  parlé  de  la  terminaison  du 
nerf  ;  de  la  convexité  de  l'arcade  qui  résulte  de  son  union 
avec  le  nerf  du  côté  opposé,  ou  du  ganglion  coccigien  ,  nais- 
sent quelques  filets  très  déliée  qui  se  portent  au  rectum  et 
au  tissu  cellulaire  environnant. 

Tel  est  le  nerf  grand  sympathique  dans  l'homme.  Selon 
beaucoup  de  physiologistes ,  c'est  lui  qui,  dans  les  derniers 
animaux,  forme  à  lui  seul  tout  le  système  nerveux;  il  se- 
rait l'analogue  de  ces  ganglions  divers  qui  constituent  en 
ces  êtres  le  système  nerveux.  Ce  n'est  en  effet  que  dans  les 
premiers  des  animaux  i «Vertébrés ,  les  mollusques  céphalo- 
podes, qu'on  commence  à  voir  un  centre  nerveux  propre 
aux  organes  des  sens  et  du  mouvement  ;  dans  tous  les  autres, 
ce  sont  les  mêmes  nerfs  qui  président  à  toutes  les  fonctions. 
Selon  d'autres,  le  grand  sympathique  est  au  contraire  une 
partie  nei'veuse  surajoutée  et  qui  n'existe  que  dans  les  ani- 
maux élevés,  dans  les  animaux  vertébrés.  Chez  ceux-ci,  en 
effet,  il  est  de  plus  en  plus  compliqué;  par  exemple,  il  y 
est  d'autant  plus  développé  que  l'appareil  circulatoire  au- 
quel il  appartient  en  grande  partie  Test  lui-même  davan- 
tage, et  que  l'encéphale    a  plus   d'importance;  à  ce  titre, 
il  va  en  diminuant  de  l'homme  au  dernier  des  poissons.  Son 
développement  est  aussi  dans  un  rapport  inverse  avec  celui 
du  nerf  vague  qui,  dans  les  animaux,  est  d'autant  plus 
gros  que  le  grand  sympathique  est  plus  petit,  et  qui  finit 
par  être  le  seul  nerf  viscéral,  quand  celui-ci,  sous  sa  forme 
spéciale,  disparaît. 

Les  ganglions  qui  le  forment  sont,  comme  tous  les  autres 
ganglions  nerveux,  composés  de  deux  substances;  une  blan- 


ANATOMIE   DU    GRAIVD    SYMPATHIQUE.  l33 

che,  médullaire,  qui,  évidemment,  est  la  continuation  des 
nerfs  qui  arrivent  au  ganglion  ou  qui  en  proviennent;  une 
rougeâtre.,  pulpeuse,  consistant  eu  un  tissu  cellulaire  par- 
ticulier, dont  les  interstices  sont  remplis  d'une  pulpe  mu- 
ciîagineuse  d'un   gris   rougeâtre.    C'est  cette  dernière  qui 
distingue  le  ganglion,  qui  en  est  formé  en  grande  partie, 
du  plexus  où  elle  n'existe  pas.  Wutzer  d'ailleurs  a  prouvé 
que  la  nature  chimique  des  ganglions  n'était  pas  la  même 
que  celle  des  nerfs  et  de  l'encéphale ,  et  qu'il  y  avait  en  eux 
une  plus  grande  proportion  de  gélatine.  Quant  auxnerfs  qui 
émanent  de  ces  ganglions,  les  rameaux  propres  sont  distincts 
des  rameaux   anastomostiques   qui  unissent  les   ganglions 
entre  eux  et  avec  les  paires  encéphaliques  et  spinales.  Ces 
rameaux  restent  grêles,  ou  au  moins  ne  diminuent  pas  de 
volume  à  mesure  qu'ils  s'éloignent  de  leur  point  d'origine; 
ils  sont  plus  mous,  et  formés  des  deux  mêmes  substances 
qui  composent  les  ganglions;  on  ne  peut  pas  les  réduire  de 
même  en  filets  ;  cependant  Scarpa  et  Lobstein  disent  l'avoir 
fait.    Ils    paraissent   spécialement  destinés  aux  vaisseaux; 
Sœmmering  et  Behrens  croyaient  même  qu'ils  se  perdaient 
daus  les  parois  des  artères;  mais  Scarpa  en  a  poursuivi  des 
filets  jusque  dans  les  fibres  musculeuses  du  cœur,  et  Lobslem 
ena  trouvé  de  mêmedanslamembranemuqueuseducanal  di- 
gestif, dans  des  os.  Les  veines  et  les  vaisseaux  lymphatiques 
en  paraissent  dépourvus.   Une  chose  bien  digne  d'être  re- 
marquée,  c'est  que  la  texture  de  ces  nerfs,  ainsi  que  celle 
des  ganglions,  varie  dans  la  longueur  du  grand  sympathi- 
que. Au  contraire,  les  rameaux  auaslomostiques  paraissent 
partout  semblables,  et  en  outre  plus  analogues  à  ce  que  sont 
les  nerfs  spinaux;  ils  sont,  en  effet,  plus  blancs,  plus  fer- 
mes ,  et  ont  une  composition  fibrillaire  évidente. 

Nous  avons,  à  l'article  du  système  nerveux  en  général, 
parlé  des  débats  relatifs  à  Forigine  du  grand  sympathique, 
et  à  la  question  de  son  unité  ou  de  sa  pluralité.  Les  Anciens 
le  disaient  un  nerf  encéphalique,  et  le  dérivaient  de  la 
cinquième  ou  sixième  paire  encéphalique.  Avec  plus  de  rai- 
son ensuite,  on  le  fit  provenir  de  la  moelle  spinale.  Enfin 
Reil  et  Bichat  le  considérèrent,  non-seulement  comme  un 


l54  DE    L 'INNERVATION. 

système  nerveux  indépendant ,  mais  encore  comme  formé 
d'autant  de  parties  distinctes  qu'il  y  a  en  lui  de  ganglions; 
les  branches  qui  s'étendent  des  uns  aux  autres  de  ces  gan- 
glions, et  qui  semblent  faire  de  tous  un  système  continu, 
n  étaient  que  des  rameaux  anastomotiques,  du  même  genre 
que  ceux  qui  font  communiquer  ces  ganglions  aux  nerfs 
spinaux.  Nous  ne  reviendrons  pas  sur  les  raisons  qui  ont 
fait  adopter  presque  généralement  cette  dernière  opinion  ; 
non  plus  que  sur  celte  idée  de  Meckel ,  que  le  grand  sym- 
pathique est  un  nerf  à  la  fois  encéphalique  et  spinal ,  et  qui 
ne  diffère  des  autres  nerfs  que  par  le  nombre  plus  grand  des 
paires  de  nerfs  qui  lui  donnent  naissance ,  et  par  celui  des 
plexus  qu'il  forme  en  son  trajet,  et  des  ganglions  qu'il  tra- 
verse. (Voyez  le  icr  vol. ,  pag.  2o3  et  suiv.  ) 

CHAPITRE   II. 

Ànatomie  du  nerf  vague,  ou  pneumo-gastrique. 

Ce  nerf,  appelé  eucore  la  huitième  paire  encéphalique , 
moyen  symplialique ,  a  son  origine  aux  parties  supérieures 
de  la  moelle,  à  la  portion  qui  est  renfermée  dans  le  crâne, 
dans  la  rainure  qui  sépare  les  éminences  olivaires  qui  sont 
en  avant .,  et  les  corps  restiformes  qui  sont  en  arrière.  Il  naît 
là  par  une  rangée  de  filets  qui ,  bientôt,  se  réunissent  en  un 
cordon  large  et  aplati ,  où  cependant  ils  ne  communiquent 
pas  ensemble.  Ce  cordon  sort  du  crâne  par  le  trou  déchiré 
postérieur,  et  alors  les  filets  qui  le  forment  s'anastomosent 
les  uns  avec  les  autres,  de  manière  à  simuler  un  plexus  fort 
serré.  De  ce  point,  où  il  est  intimement  uni  aux  nerfs  hy- 
poglosse, spinal,  glosso-pharyngien .  et  à  des  filets  du  gan- 
glion cervical  supérieur,  par  un  tissu  cellulaire  serré,  le 
nerf  vague  descend  le  long  du  col,  appuyé  sur  les  muscles 
grand  droit  antérieur  de  la  tête,  et  long  du  col.  Entrant 
ensuite  dans  le  thorax,  il  passe,  celui  du  côté  droit  devant 
l'artère  sous-clavière ,  celui  du  côté  gauche  devant  la  crosse 
de  l'aorte;  et  l'un  et  l'autre  se  dirigent  en  arrière,  derrière 
les  bronches,  en  augmentant  de  volume.  Après,  ils  se  por- 


ANATOMIE  DU  NERF  VAGUE,  OU  PNEUMOGASTRIQUE.  l55 
tent  vers  l'œsophage ,  le  gauche  étant  plus  en  avant  et  le 
droit  plus  en  arrière;  et  parvenus  à  la  partie  inférieure  de 
ce  canal,  ils  passent  avec  lui  par  l'orifice  du  diaphragme  , 
et  vont  se  terminer  à  l'estomac  et  à  quelques  parties  cir- 
convoisines. 

Dans  ce  long  trajet,  ce  nerf  fournit  des  filets  à  un  très 
grand  nombre  de  parties,  d'où  le  nom  de  vague  qui  lui  a 
été  donné.   i°  Dans  le  trou  déchiré  postérieur,  il  envoie  un 
ou  deux  filets  anastomotiques  au  nerf  spinal;  et  en  en  sor- 
tant, il  communique  aussi  avec  le  glosso-pharyngien  ,  l'hy- 
poglosse, et  quelques  filets  du  ganglion  cervical  supérieur. 
2°  Un  peu  plus  bas,  il  envoie  au  pharynx  un  rameau  assez 
considérable,  appelé  pharyngien ,  dont  les  filets  ,  anastomo- 
sés avec  beaucoup  d'autres  venant  du  glosso-pharyngien  , 
du  laryngé  supérieur  et   du   ganglion   cervical   supérieur , 
constituent   un  plexus  destiné  à  cette  partie  première  du 
canal  digestif,   et  appelé  plexus  pharyngien.    3°  Plus  bas 
encore,  il  fournit  un  autre  rameau  plus  gros,  appelé  la- 
ryngé supérieur,  et  qui  bientôt  se  subdivise  en  deux  nerfs; 
l'un,  le  laryngé  externe ,  destiné  aux  parties  extérieures  du 
larynx;  l'autre,  le  laryngé  interne ,  affecté  aux  parties  in- 
térieures de  ce  même  organe ,   et  surtout  à  sa  membrane 
muqueuse  ,  aux  muscles  crico-tbyroïdien  et  arythénoïdien. 
Là  aussi ,    il  envoie  des  filets  anastomotiques  à  la  branche 
cervicale  du  nerf  hypoglosse,  à  la  première  paire  cervicale, 
et  quelques  filaments  qui  accompagnent  l'artère  carotide 
interne.   4°  Au-dessous  du  rameau  précédent,  mais  encore 
pendant  son  trajet  au  col,  le  nerf  vague  détache  plusieurs 
rameaux  dits  cardiaques ,  trois  ou  quatre  du  côté  droit,  et 
un  seul  du  côté  gauche  :  mais  aucun  de  ces  rameaux  n'abou- 
tit directement  au  cœur;  ils  se  mêlent  auparavant  dans  le 
ganglion  cardiaque  ,  avec  les  nerfs  cardiaques  provenant  des 
ganglions  cervicaux.    5°  Aussitôt  après  son  entrée  dans  le 
thorax  ,  le  nerf  vague  fournit  les  rameaux  dits  récurrents 
ou  laryngés  inférieurs.  Celui  du  côté  droit  naît  plus  haut 
que  celui  du  côté  gauche.  Se  recourbant  aussitôt  en  haut, 
il  embrasse  en  forme  d'anse  l'artère  sous-cïavière,  s'applique 
sur  le  côté  de  la  trachée,  et  remonte  jusqu'au  larynx.  De  la 


*56  DE   L'iNKEPtVATIOîS*. 

convexité  de  son  anse,  il  détache  deux  on  trois  filets  cardia- 
ques, qui  s'unissent  à  ceux  que  le  nerf  a  fournis  plus  haut, 
ou  qui  viennent  des  ganglions  cervicaux;   ces  divers  filets 
forment  un  entrelacement  remarquable  entre  l'artère  sous- 
clavièreet  la  trachée-artère.  Plus  haut,  ce  nerf  fournit  des 
filets  pulmonaires,  qui  descendent  sur  le  devant  de  la  tra- 
chée-artère, et  accconipagnent  les  artères  pulmonaires  droi- 
tes. Le  long  de  la  trachée-artère  il  envoie  des  filets  ,  et  dans 
les  parois  de  l'œsophage,  et  à  la  partie  inférieure  de  la  thy- 
roïde ,  et  dans  les  parois  et  à  la  surface  interne  de  la  trachée- 
artère.  Ces  filets  s'anastomosent ,  et  avec  ceux  du  côté  op- 
posé,    et   avec  des    filets    des  ganglions  cervicaux.    Enfin, 
parvenu  à  la  partie  inférieure  du  larynx,  le  nerf  pénètre  cet 
organe,  s'y  anastomose  avec  le  laryngé  interne ,  mais  surtout 
se  distribue  exclusivement  aux  muscles  crieo-ary  thénoïdiens 
postérieur  et  latéral  ,  et  thyro-arylhénoïdien.  Le  nerf  ré- 
current du  côté  gauche  naît  plus  bas,  se  contourne  autour 
de  la  crosse  de  l'aorte,  et  envoie  des  filets  à  la  partie  posté- 
rieure de   l'artère  pulmonaire  et  du  cœur.    60  Après  avoir 
fourni  les  nerfs  récurrents,  le  nerf  vague,  d'abord  envoie 
quelques  filets  à  la  trachée-artère;  les  uns  se  portant  sur  la 
face  antérieure  de  ce  canal ,  s'y  ramifiant  et  s'y  anastomosant 
avec  des  filets  du  récurrent  et  du  ganglion  cervical  infé- 
rieur; les  autres  se  portant  à  sa  face  postérieure,  et  se  dis- 
tribuant à  sa  membraue  muqueuse  et  à  ses  follicules  mu- 
queux.  Ensuite,  au  niveau  de  la  bifurcation  des  bronches, 
le  nerf  augmente  beaucoup  de  volume,  ses  filets  s'écartent 
les  uns  des  autres ,  et  forment  une  espèce  de  trame  mêlée 
de  tissu  cellulaire  et  de  beaucoup  de  vaisseaux;  il  constitue 
derrière  chaque  poumon  un  plexus  fort  compliqué,  appelé 
plexus  pulmonaire.  C'est  de  ce  plexus ,  à  la  composition  du- 
quel concourent  des  filets  du  ganglion  cervical  inférieur,  et 
des  premiers  ganglions  thoraciques ,  dans  îe  réseau  duquel 
sont  renfermés  beaucoup  de  ganglions  bronchiques,  que  se 
détachent  les  nerfs  qui  vont  aux  poumons  ,  lesquels  suivent 
la  distribution  des  bronches,  et  se  distribuent  à  leur  mem- 
brane muqueuse,   sans  paraître  pénétrer  jusqu'au  paren- 
chyme de  l'organe  et  jusqu'à  ses  vaisseaux  sanguins.  70  Au- 


ANATOMIE  DU  NERF  VAGUE  ,  OU  PNEUMOGASTRIQUE,  i  5/ 
delà  des  plexus  pulmonaires,  les  filets  des  nerfs  vagues  se 
réunissent  en  deux  cordons  qui  descendent  le  long  de  l'œso- 
phage, et  qu'on  appelle  œsophagiens  ;  le  cordon  provenant 
du  nerf  vague  du  côté  droit,  est  situé  sur  la  partie  posté- 
rieure de  l'œsophage;  et  celui  du  nerf  vague  gauche,  descend 
sur  la  face  antérieure  de  ce  canal.  Ils  communiquent  sou- 
vent ensemble  par  des  filets  transversaux  en  avant  et  en 
arrière,  et  envoient  quelques  filaments  aux  parois  mêmes 
de  l'œsophage  et  à  l'artère  aorte;  parvenus  au  bas  de  l'œso- 
phage,  ils  pénètrent  avec  lui  par  l'ouverture  œsophagienne 
du  diaphragme  dans  l'abdomen.  La  manière  dont  ces  cor- 
dons œsophagiens  sont  formés  par  les  rameaux  qui  provien- 
nent des  plexus  pulmonaires,  ressemble  assez  à  celle  selon 
laquelle  le  nerf  grand  spîanchuique  provient  des  ganglions 
thoraciques.  8°  Enfin,  les  nerfs  vagues,  arrivés  dans  l'abdo- 
men, se  distribuent  à  l'estomac  et  à  quelques-uns  des  or- 
ganes voisins.  Celui  du  côté  droit,  qui  est  le  plus  gros,  et 
collé  à  la  partie  droite  et  postérieure  de  l'œsophage,  se  di- 
vise d'abord  de  manière  à  former  autour  du  cardia  un  plexus 
très  marqué.  Ensuite  de  ce  plexus  naissent  deux  sortes  de 
filets;  les  uns,  destinés  à  l'estomac,  se  portent  à  la  face 
postérieure  de  ce  viscère ,  de  la  petite  courbure  à  la  grande  , 
et  pénètrent  ses  parois  de  l'extérieur  à  l'intérieur;  les  au- 
tres se  jettent  dans  les  plexus  hépatique,  splénique,  cœlia- 
que,  gastro-épiploïque  droit,  et  s'y  entrelacent  avec  les 
nombreuses  irradiations  du  plexus  solaire;  plusieurs  par- 
viennent au  pancréas ,  au  duodénum  ,  à  la  vésicule  biliaire, 
s'épanouissent  sur  la  veine-porte,  etc.  Le  nerf  vague  du 
côté  gauche  est  sur  la  face  antérieure  de  l'œsophage;  il  suit 
d'abord  la  petite  courbure  de  l'estomac,  du  cardia  au  py- 
lore, envoyant  de  nombreuses  ramifications  à  toute  la  face 
antérieure  de  ce  viscère  :  parvenu  au  pylore,  il  s'y  anasto- 
mose avec  le  nerf  vague  droit;  puis,  il  suit  l'artère  pylori- 
que,  et  va  se  jeter  dans  le  plexus  hépatique. 

Tel  est  le  nerf  pneumo -gastrique,  dont  la  description 
devait  d'autant  plus  être  jointe  à  celle  du  nerf  trisplanchni- 
que  ,  que ,  dans  tout  son  trajet ,  comme  on  vient  de  le  voir, 
ce  nerf  a  les  communications  les  plus  intimes  et  les  plus 


i58  de  l'innervation. 

multipliées  avec  lui;  d'ailleurs,  dans  la  série  ci  esanimaux  ver- 
tébrés, comme  nous  l'avons  déjà  dit,  son  développement  est 
en  raison  inverse  de  celni  du  système  nerveux  ganglionnaire. 

CHAPITRE  III. 

De  l'influence  nerveuse  organique ,  ou  de  l'innervation. 

Jusqu'ici  nous  n'avons  étudié  du  système  nerveux  que 
les  actions  par  lesquelles  il  sert  aux  fonctions  sensoriales  ou 
de  relation ,  savoir  :  celles  par  lesquelles  les  expansions  de 
ce  système ,  dans  les  organes  sensibles ,  effectuent  les  im- 
pressions sensitives  tant  externes  qu'internes  ;  celles  par 
lesquelles  le  cerveau  perçoit  ces  impressions,  accomplit  les 
facultés  intellectuelles  et  affectives,  et  ordonne  les  mouve- 
ments volontaires;  celles  enfin  par  lesquelles  les  nerfs,  fai- 
sant l'ofEce  de  conducteurs,  transmettent,  des  parties  au 
cerveau,  les  impressions  sensitives,  et  du  cerveau  aux  mus- 
cles, les  volitions.  Mais  le  système  nerveux  sert  aussi  aux 
fonctions  organiques;  il  exerce  sur  les  organes  de  ces  fonc- 
tions une  influence  sans  laquelle  ceux-ci  ne  peuvent,  ni  les 
accomplir,  ni  même  continuer  de  vivre.  Au  moins,  c'est 
ce  qui  est  évident  dans  les  animaux  supérieurs,  et  pour  les 
premières  des  fonctions  organiques.  Dans  l'étude  que  nous 
avons  faite  de  ces  fonctions  pour  l'homme,  n'avons-nous  pas 
vu  la  section,  la  ligature  des  nerfs  qui  se  distribuent  à  l'es- 
tomac, au  poumon,  au  cœur,  non-seulement  anéantir  la 
production  de  toutes  sensations ,  de  tous  mouvements  vo- 
lontaires dans  ces  organes,  mais  encore  paralyser  tout-à-fait 
ceux-ci  plus  ou  moins  promptement,  et  amener  la  cessation 
de  la  digestion ,  de  la  respiration ,  de  îa  circulation  ?  De  ce 
dernier  fait,  ne  résulte-t-il  pas  que  les  nerfs  dispensent  à 
ces  organes  une  influence  à  laquelle  ceux-ci  doivent  de  pou- 
voir agir? 

Cette  influence,  qu'on  appelle  innervation ,  qui  fonde  une 
des  conditions  premières  de  la  vie,  et  dans  la  connaissance 
de  laquelle  en  réside  peut-être  tout  le  secret ,  est  un  des 
faits  les  moins  connus  en  physiologie.  Les  auteurs  ne  sont 


LIMITES    DE    i/lNNERVATïON.  i5g 

d'accord,  ni  sur  les  limites  réelles  dans  lesquelles  elle  doit 
être  renfermée,  ni  sur  les  nerfs  qui  la  dispensent,  ni  sur  la' 
source  dont  elle  émane  :  encore  moins  peuventâls  dire  en 
quoi  elle  consiste ,  étant  à  cet  égard  dans  la  même  ignorance 
que  pour  toutes  les  autres  actions  nerveuses. 

§  Ier.  Limites  de  l  Innervation. 

Les  auteurs  à  cet  égard  se  partagent  en  deux  sectes.  Les 
uns  prétendent  que  l'influence  nerveuse  ne  s'étend  pas  à 
toutes  les  fonctions  organiques,  et  n'est  réelle  que  des  pre- 
mières de  ces  fonctions.  Ils  disent,  qu'étant  d'autant  pins 
grande  sur  ces  fonctions  ,  qu'elles  sont  plus  élevées  en  ani- 
malité, elle  va  en  s'affaiblissant  dans  les  fonctions  inférieu- 
res ,  et  finit  par  être  nulle  relativement  aux  derniers  actes  , 
à  ceux  qui  accomplissent  immédiatement  la  nutrition  et  la 
reproduction.  Leurs  arguments  sont:  i°  que  ces  derniers 
actes  existent  dans  l'universalité  des  êtres  vivants,  dans 
les  végétaux  comme  dans  les  animaux,  et  que  cependant  il 
n'existe  pas  de  système  nerveux  dans  les  végétaux  non  plus 
que  dans  les  derniers  animaux;  2"  que  dans  les  animaux  su- 
périeurs, et  même  dans  l'homme,  pour  ne  pas  sortir  de 
notre  sujet,  il  y  a  beaucoup  de  parties  qui  ne  paraissent  pas 
contenir  de  nerfs;  3°  qLie  le  nombre  des  nerfs  va  en  dimi- 
nuant, à  mesure  qu'on  pénètre  dans  le  parenchyme  des 
organes,  dans  la  trame  profonde  des  parties,  à  moins  qu'il 
ne  s'agisse  d'organes  chargés  de  fonctions  sensoriales.  4°  Us 
disent  que  si  l'on  voit  les  orages  des  passions,  les  grands 
troubles  nerveux,  porter  leurs  effets  sur  les  fonctions  nu- 
tritives les  plus  profondes,  ce  n'est  pas  directement,  mais 
par  l'intermédiaire  des  fonctions  organiques  premières» 
5°  Enfin,  considérant  le  système  nerveux  comme  un  système 
qui  a  été  surajouté  aux  êtres  vivants,  quand  ceux-ci  ont  du, 
non-seulement  vivre,  se  nourrir,  se  reproduire,  mais  encore 
sentir,  se  mouvoir,  être  animés;  ils  pensent  que  des  exten- 
sions de  ce  système  ont  dû  alors  être  envoyées  aux  organes 
des  fonctions  intérieures  ou  nutritives,  pour  les  lier  aux 
organes  des  fonctions  extérieures  ou  sensoriales  ;  et  que  c'est 


160  DE   L'INNERVATION. 

en  ces  liaisons  seules  que  consiste  l'innervation.  Ainsi  l'in- 
fluence nerveuse  ne  serait  qu'un  produit  de  la  nécessité  de 
lier  les  organes,  et  elle  ne  serait  condition  de  la  vie  qu'in- 
directement, et  dans  les  animaux  supérieurs  seulement.  Les 
sectatenrs  de  cette  première  opinion  posent  en  effet  à  son 
égard  les  deux  lois  suivantes  :  i°  que  cette  influence  nerveuse, 
d'autant  plus  grande  sur  les  fonctions  organiques  que  ces 
fonctions  sont  plus  élevées  en  animalité,  finit  par  être  nulle 
pour  les  dernières,  si  ce  n'est  dans  les  animaux  supérieurs, 
à  cause  de  la  seconde  loi  qu'on  va  émettre  ;  2°  que  l'empire 
de  cette  influence  est  d'autant  plus  grand,  et  surtout  s'é- 
tend sur  un  nombre  de  fonctions  d'autantplus  considérable, 
que  la  vie  extérieure  a  plus  de  prédominance ,  et  par  consé- 
quent que  le  système  nerveux  a  plus  de  développement. 
Ainsi,  d'après  la  première  de  ces  lois,  l'innervation  serait 
très  puissante  sur  les  fonctions  de  digestion  ,  de  respiration 
et  de  circulation,  qui  sont,  parmi  les  fonctions  organiques, 
les  plus  élevées  en  animalité ,  puisqu'elles  sont  exclusives 
aux  animaux,  et  même  aux  animaux  supérieurs;  et  elle 
s'affaiblirait  graduellement  à  mesure  qu'on  descendrait  dans 
le  mécanisme  de  la  nutrition  et  de  la  reproduction  aux 
actes  les  plus  pi'ofonds.  D'après  la  seconde  de  ces  lois,  cette 
innervation  s'étendrait  chez  l'homme,  qui  est  le  premier 
des  animaux  sous  le  rapport  des  fonctions  sensoriales  et  qui 
a  le  système  nerveux  le  plus  développé ,  sur  le  plus  grand 
nombre  de  fonctions  possible,  et  peut-être  jusqu'aux  fonc- 
tions organiques  les  plus  reculées,  les  sécrétions,  la  calori- 
fication,  la  nutrition  proprement  dite. 

D'autres  physiologistes,  au  contraire,  veulent  que  cette 
innervation  régisse  toutes  les  fonctions  organiques  sans 
exception ,  fonde  la  condition  vitale  par  excellence  ;  ajou- 
tant seulement  que  ses  agents  ou  conducteurs  dans  les  di- 
verses parties ,  sont  d'autant  moins  dépendants  des  centres 
nerveux,  quand  il  en  existe,  qu'il  s'agit  de  fonctions  moins 
élevées  en  animalité,  et  d'animaux  plus  inférieurs.  Ils  la 
disent  donc  commune  à  tous  les  êtres  vivants,  et  à  toutes 
les  parties  du  corps  humain,  et  voici  leurs  raisons.  i°  A 
supposer  qu'il  existe  des  êtres  vivants  sans  système  nerveux 


LIMITES   DE   L'iNJNERVATJOl^.  161 

ou  sans  un  analogue  de  ce  système ,  n'est-il  pas  possible 
que,  dans  ces  êtres  simples  et  chez  lesquels  la  vie  se  réduit 
à  deux  actes,  absorption  composante  et  exhalation  décom- 
posante, le  tissu  même  du  corps  soit  apte  à  puiser  dans  le 
milieu  ambiant  ou  dans  le  fluide  nutritif  le  principe  mo- 
teur de  vie  dont  le  système  nerveux  serait  seul ,  dans  les 
êtres  vivants  plus  compliqués,  l'agent  producteur  ou  con- 
ducteur?   2°  On  dit  les  végétaux  sans  système  nerveux  ; 
mais  cela  est-il  bien  sûr?  il  y  a  dans  ces  êtres  un  système 
qui  paraît  exercer  sur  toutes  leurs  parties  une  influence 
nécessaire  à  leur  vie»,  et  qui,  par  conséquent,  serait  l'ana- 
logue du  système  nerveux  des  animaux;  c'est  celui  de  la 
moelle.  Du  moins  c'est  ce  que  professent  un  certain  nombre 
de  botanistes.   De  la  moelJe  des  végétaux  partent  des  ap- 
pendices   médullaires   qui   se  répandent    dans   toutes   les 
parties  végétales,  et  qui  sont  surtout  abondants  dans  celles 
qui  sont  chargées  de  fonctions  très  actives,  comme  dans  la 
fleur.  Linnœus  et  Haller,  sans  assimiler  la  moelle  des  végé- 
taux  au  système   nerveux  des  animaux,  avaient  proclamé 
la   grande  importance  de  cet  organe  dans   l'économie  des 
plantes;  et,  dernièrement,  un  physiologiste  ,  M.  Brachet, 
a  nettement  émis  l'idée  de  cette  analogie,  sur  ce  que  les 
nouures  de  la  moelle  ressemblent  aux  ganglions  du  système 
nerveux,  et  sur  ce  que  la  destruction  de  la  moelle,  et  sur- 
tout de  ces  nouures ,   entraîne  la  mort  des  parties  qui  en 
reçoivent  leurs  filets.  Dans  un  ouvrage  sur  la  structure  in- 
time des  végétaux  et  des  animaux,  qu'a  récemment  publié 
M.  Dutrochet,  ce  savant  consacre  aussi  l'existence,  dans  la 
moelle  des  végétaux,   de  corpuscules  nerveux ,  constituant 
les  éléments  d'un  système  nerveux;  seulement  dans  ces  êtres 
ce  système  serait  dilfusau  lieu  d'être  réuni  en  masse.  3°  Est-il 
bien  vrai  que  quelques  parties  du  corps  animal  soient  abso- 
lument dépourvues  de  nerfs?  Les  filets  du  grand  sympa- 
thique qui  accompagnent  les  artères ,  paraissent  au  moins 
être  aussi  universellement  répandus  que  ces  vaisseaux,  et 
probablement  concourent  avec  eux  à  la   composition    des 
plus  profonds  parenchymes.  Si  l'on  réfléchit  qu'il  n'est  au- 
cune partie  du  corps  animal  qui  ne  puisse  devenir  doulou- 
Tome  IV.  ii 


l6%  DE   L'INNERVATION. 

reuse ,  on  sera  disposé  à  croire  que  des  nerfs  existent  par- 
tout ;  car  sans  nerfs  ,  aboutissants  à  un  organe  de  percep- 
tion, à  un  cerveau  ,  pas  de  sensation.  Si  ,  dans  certains 
cas,  on  voit  des  passions  étendre  leurs  effets  perturbateurs 
jusque  sur  les  fonctions  qui  se  passent  dans  les  paren- 
chymes les  plus  profonds  ,  n'est-ce  pas  une  preuve  que  le 
système  nerveux  a  des  expansions  jusque  dans  ces  paren- 
chymes? 4°  Enfin,  n'est-on  pas  autorisé  à  considérer  le 
système  nerveux  comme  le  rouage  principal  de  l'économie, 
le  dispensateur  réel  du  moteur  vital  ,  comme,  quand 
on  remarque  que  c'est  lui  qui  apparaît  le  premier  dans  les 
embryons  des  animaux  ?  S'il  n'avait  pas  à  exercer  alors  une 
influence  primitivement  nécessaire  à  la  vie  ,  pourquoi  exis- 
terait-il à  cet  âge  auquel  aucune  fonction  sensoriaîe  n'est 
en  exercice?  Combien  cet  argument  en  faveur  de  l'univer- 
salité de  l'innervation  prend  de  force,  si  les  derniers  tra- 
vaux de  M.  Dumas  sur  la  génération  sont  fondés,  et  si  les 
animalcules  spermatiques,  qui,  selon  lui,  sont  les  agents  de 
la  fécondation,  ne  sont  autre  chose  que  les  rudiments  du 
système  nerveux  de  l'individu  nouveau  !  Ainsi ,  dans  cette 
autre  opinion,  l'innervation  serait  générale  à  toutes  les 
fonctions  ,  fonderait  la  condition  première  de  la  vie  ;  et  dès 
qu'un  système  nerveux  entrerait  dans  le  plan  d'organisation 
d'un  être  vivant,  ce  système  deviendrait  l'agent  producteur 
ou  conducteur  du  principe,  quel  qu'il  soit,  qui  fait  pro- 
duire à  la  matière  les  phénomènes  vitaux.  Seulement,  selon 
que  la  centralisation  de  la  vie  dans  les  animaux  serait  plus 
ou  moins  grande,  les  diverses  parties  du  système  nerveux 
seraient  plus  ou  moins  rattachées  à  une  partie  centrale,  et 
l'innervation  dans  chaque  partie  serait  plus  ou  moins  dé- 
pendante de  cette  partie  centrale.  Cette  dépendance  serait 
en  raison  des  deux  mêmes  lois  indiquées  plus  haut,  l'ani- 
malité de  la  fonction ,  et  le  degré  de  prédominance  du  sys- 
tème nerveux,  d'où  résulte  le  rang  de  l'animal  dans  l'échelle 
des  êtres. 

Quelle  que  soit  celle  de  ces  opinions  qu'on  adopte,  le 
résultat  est  à  peu  près  le  même  pour  ce  qui  est  de  l'homme. 
Dans  la  premièi'e  comme  dans  la  seconde ,  on  admet  en  elTet 


LIMITES    DE    L'INNERVATION.  j  63 

que  chez  cet  être,  vu  son  rang  élevé  dans  l'échelle  animée  ^ 
et  la  prédominance  de  son  système  nerveux ,  l'empire  de 
l'innervation  s'étend  à  toutes  les  fonctions  organiques,  mais 
est  d'autant  plus  grand  sur  ces  fonctions  qu'elles  sont  plus 
élevées  en  animalité,  et  d'autant  moindre  qu'elles  sont  plus 
inférieures.  D'abord,  on  ne  peut  mettre  en  doute  cet  em- 
pire pour  ce  qui  est  de  la  digestion  et  de  la  respiration.  La 
destruction  des  nerfs  qui  se  distribuent  à  l'estomac  et  au 
poumon,  des  pneuroo-gastriques ,  fait  cesser  ces  fonctions: 
on  a  vu  que  la  section  de  ces  nerfs ,  non-seulement  paralyse 
le  poumon  el  l'estomac  sous  le  rapport  des  sensations  que 
ces  organes  peuvent  développer,  mais  encore  les  prive  de  la 
faculté  d'effectuer  leurs  fonctions  propres,  l'hématose  et  la 
chymification,  etleurôte  le  pouvoir  de  se  contracter  etd'exé- 
cuter  les  mouvements  involontaires  et  non  perçus  par  les- 
quels ils  remplissent  leurs  offices.  Il  en  est  de  même  de  la 
circulation.  Hallerk  la  vérité  le  niait,  et  disait  le  coeur  indé- 
pendant en  ses  mouvements  de  toute  influence  nerveuse;  il 
arguait  de  ce  que  la  section  des  nerfs  vagues  et  grands  sym- 
pathiques au  col  n'avait  aucune  influence  sur  les  contractions 
de  cet  organe.  Mais  cette  expérience  n'était  pas  concluante. 
D'un  côté,  les  nerfs  lésés  ne  vont  pas  directement  au  cœur  : 
ils  concourent  seulement  à  former  le  plexus  qui  fournit  les 
nerfs  cardiaques,  et  ce  sont  ceux-ci  qu'il  aurait  fallu  couper. 
D'un  autre  côté,  il  n'est  pas  étonnant  que  la  section  des 
nerfs  vagues  et  grands  sympathiques  au  col   soit  sans  in- 
fluence sur  les  mouvements  du  cœur;  les  premiers  ne  four- 
nissent que  la  plus  petite  partie  des  nerfs  cardiaques  ;  et 
quant  aux  grands  sympathiques,  on  ne  peut  les  couper  que 
très  haut,  d'où  il  résulte  que  la  partie  qui  est  au-dessous 
de  la  section  peut  encore,  par  le  moyen  de  ses  anastomoses 
avec  la  moelle  spinale,  continuer  ses  offices.  Nous  convenons 
qu'on  ne  peut  avoir,  pour  la  fonction  de  la  circulation,  des 
preuves  aussi  directes  que  pour  les  fonctions  précédentes  : 
les  nerfs  cardiaques  sont  situés  trop  profondément,  pour 
qu'on  puisse  les  couper  et  voir  quel  effet  cette  section  a  sur 
les  mouvements  du  cœur.    Mais  à  défaut  de  cette  preuve 
directe ,  on  en  a  d'autres  aussi  convaincantes.  Si  une  in- 


1 1. 


164  de  l'innervation. 

Aiience  nerveuse  ne  présidait  pas  à  l'action  du  cœur,  à  quoi 
serviraient  les  nerfs  si  nombreux  et  si  gros  qui  se  distribuent 
à  cet  organe?  On  ne  peut  pas  dire  qu'ils  y  servent  à  la  pro- 
duction de  sensations  et  de  mouvements  volontaires,  car  le 
cœur  est  un  organe  dont  on  ne  perçoit  pas  les  actions,  et 
sur  le  jeu  duquel  la  volonté  n'a  aucun  empire.  Les  nerfs  du 
cœur  d'ailleurs  sont,  comme  ceux  de  l'estomac  et  du  pou- 
mon, un  mélange  de  filets  venant  de  la  huitième  paire  et 
du  grand  sympathique;  et  si  ceux-ci  président  aux  actions 
de  digestion  et  de  respiration  ,  n'est-il  pas  probable  que  les 
autres  régissent  les  contractions  du  cœur  ?  Les  effets  qu'a- 
mènent dans  ces  contractions  les  passions  et  les  affections  de 
l'ame,  ne  sont-ils  pas  une  preuve  qu'une  influence  ner- 
veuse, qui  alors  est  troublée  ,  d'ordinaire  les  dirige  ?  Enfin, 
voici  une  expérience  de  Legallois ,  tout-à-fait  convaincante  : 
si,  sur  un  animal  vivant,  on  détruit  la  moelle  spinale  jusqu'à 
une  certaine  hauteur,  le  cerveau  étant  laissé  entier,  le  cœur 
cesse  ses  contractions;  ce  ne  peut  être  par  défaut  de  respi- 
ration, car  la  huitième  paire  restée  intacte  peut  commander 
de  même  la  continuation  de  cette  fonction;  il  faut  donc 
bien  que  ce  soit  par  la  cessation  d'une  influence  nerveuse , 
que  la  destruction  de  la  moelle  spinale  a  rendue  impossible. 
Ainsi  déjà  ces  trois  fonctions  premières,  digestion,  respiration 
et  circulation,  sont,  chez  l'homme,  soumises  à  l'innervation. 
Si  de  ces  fonctions  nous  passons  à  celles  qui  ont  lieu  dans 
les  parenchymes  mêmes,  nous  ne  pourrons  pas  constater 
directement  leur  dépendance  de  l'innervation  ;  les  nerfs  de 
ces  parenchymes  ne  sont  pas  isolés,  et  l'on  ne  peut,  dans 
une  expérience,  les  couper,  pour  voir  si  leur  paralysie  en 
résulte;  mais  on  prouve  cette  dépendance  indirectement, 
parle  trouble,  parles  modifications  qu'apportent  dans  ces 
fonctions  les  passions,  les  affections  de  i'ame.  En  effet ,  ces 
irradiations  perturbatrices  ne  peuvent  être  propagées,  du  cer- 
veau aux  parenchymes  des  organes,  que  par  des  nerfs;  et  si 
des  nerfs  existent  dans  ces  parties ,  dont  les  actions  ne  sont 
ni  senties,  ni  dépendantes  de  la  volonté,  ce  ne  peut  être 
que  pour  présider  à  leurs  fonctions  propres.  Or,  c'est  ce  qui 
est  plus  ou  moins  de  toutes  les  fonctions  organiques.  Evi- 


LIMITES    DE   L'iWWERVATJON.  i65 

demnient  Fétat  des  centres  nerveux  modifie  la  circulation 
capillaire  ;  on  voit  la  peau  rougir  ou  pâlir  dans  les  passions. 
11  en  est  de  même  de  la  calorification  ;  que  de  variations 
dans  la  chaleur  animale  ,  selon  les  divers  états  de  l'ame  !  La 
dépendance  où  est  cette  fonction  d'une  influence  nerveuse , 
est  si  évidente ,  que  certains  physiologistes  n'ont  pas  craint 
de  faire  de  cette  fonction  une  des  actions  propres  du  système 
nerveux  :  nous  avons  rapporté  les  opinions  de  Brodie  et  de 
Chossal  à  cet  égard.  L'influence  de  l'innervation  sur  les 
sécrétions  est  aussi  incontestable.  D'abord .  on  peut  la  prou- 
ver directement  à  l'égard  de  certaines  sécrétions  glandu- 
laires; en  coupant  les  nerfs  d'une  glande,  on  en  suspend  la 
sécrétion  (Béclard).  Ensuite,  que  de  faits  nous  montrent 
les  sécrétions  modifiées  par  l'état  des  centres  nerveux!  et, 
encore  une  fois,  ces  irradiations  ne  peuvent  être  apportées 
que  par  des  nerfs,  et  si  des  nerfs  existent  en  ces  parties,  ce  ne 
peut  être  que  pour  exercer  sur  leur  jeu  une  influence  quel- 
conque.  La  sécrétion  des  larmes  s'augmente  dans  les  affec- 
tions de  l'ame.  Toutes  les  sécrétions  de  l'appareil  digestif 
se  tarissent  ou  s'exaltent,  selon  que  l'imagination  se  repré- 
sente le  tableau  d'aliments  qui  dégoûtent  ou  qu'on  appète. 
Celle  du  sperme  est  aussi  modifiée  par  les  idées  qui  ont  trait 
à  la  génération.  Quelles  variations  continuelles  de  la  sécré- 
tion urinaire,  de  la  perspiration  cutanée,  dans  les  orages 
des  passions!  Enfin,  en  vovant  l'état  des  centres  nerveux 
influer  sur  des  fonctions  aussi  moléculaires ,  aussi  profondes 
que  celles  de  la  circulation  capillaire,  de  la  calorification , 
des  sécrétions,  peut-on  croire  qu'il  ne  modifie  pas  aussi  les 
absorptions  et  les  nutritions  proprement  dites?  West-il  pas 
d'observation ,  que  les  contagions  morbifiques  sont  plus  ou 
moins  facilement  propagées ,  selon  le  degré  de  crainte  ou  de 
sérénité  que  manifestent  les  personnes  qui  s'y  exposent?  et , 
dans  l'amaigrissement  qu'amène  le  chagrin ,  n'est-il  pas  pro- 
bable, qu'il  y  a  une  influence  de  la  passion  exercée  directe- 
ment sur  la  nutrition  proprement  dite?  Peut-on  en  douter, 
quand  on  voit  ses  effets  s'étendre  jusqu'aux  cheveux  ,  et  ces 
organes  blanchir  soudain,  par  suite  d'une  affection  morale? 
Enfin,  les  mêmes  considérations  peuvent  s'appliquer  aux 


166  DE   L'iN NERVATION. 

fonctions  delà  reproduction.  Quelle  influence  directe  exer- 
cée par  l'imagination ,  sur  le  phénomène  de  l'érection  qui 
en  ouvre  la  scène  !  Nous  citions  tout  à  l'heure  la  stimula- 
tion qu'impriment  à  la  sécrétion  spermatique  les  idées  qui 
ont  trait  à  la  génération.  Bien  qu'on  ne  connaisse  rien  de 
l'acte  de  la  conception,  son  résultat  n'est  jamais  plus  par- 
fait que  lorsque  toute  l'activité  de  rètre  semble  concentrée 
dans  l'accomplissement  de  cet  acte;  et,  si  alors  une  distrac- 
tion nuit  aux  qualités  du  produit,  n'est-ce  pas  une  preuve 
que  cet  acte  est  lui-même  modifié  par  l'influence  de  ce  sys- 
tème ,  universel  dispensateur  de  la  vie  ?  Enfin  ,  la  grossesse, 
l'accouchement  pourraient -ils  être  affranchis  d'une  in- 
fluence nerveuse  ?  Ne  sont-ce  pas  des  actes  assez  élevés  dans 
l'animalité  ,  et  qui  sont  à  l'acte  de  la  reproduction,  ce  que  les 
fonctions  de  digestion  ,  de  respiration  et  de  circulation  sont 
a  celui  de  la  nutrition  ?  pourquoi  les  nerfs  si  gros  et  si  nom- 
breux qui  se  distribuent  à  l'utérus  ?  A  coup  sûr,  une  in- 
fluence nerveuse  préside  à  la  puissance  contractile  de  la 
vessie  et  du  rectum,  pour  l'excrétion  de  l'urine  et  pour  la 
défécation  ;  la  section  des  nerfs  qui  se  rendent  à  ces  organes  , 
ou  la  destruction  de  la  partie  inférieure  de  la  moelle  spi- 
nale dont  ces  nerfs  proviennent  en  partie ,  paralysent  ces 
organes.  Pourrait-il  n'en  pas  être  de  même  de  la  puissance 
contractile  de  l'utérus  ?  M.  B racket  rapporte  l'observation 
d'une  femme  paraplégique,  qu'il  fallut  accoucher  avec  le 
forceps  ,  parce  que  la  matrice  ne  se  contracta  pas ,  et  qu'il  n'y 
eut  pas  de  douleurs  expulsives  :  cependant  cette  femme ,  avan  t 
sa  paraplégie  ,  avait  été  enceinte  trois  fois,  et  avait  accouché 
naturellement.  Le  même  M.  B racket  a  coupé,  chez  des  la- 
pines, la  moelle  épinière,  tantôt  immédiatement  après  l'ac- 
couplement, tantôt  au  moment  même  de  la  parturition  : 
dans  le  premier  cas ,  les  lapines  chez  lesquelles  la  gestation 
eut  lieu,  moururent  sans  pouvoir  mettre  bas;  dans  le  se- 
cond cas,  les  contractions  utérines  se  ralentirent  et  même 
s'arrêtèrent  :  quelles  preuves  plus  fortes  peut-on  donner  de 
la  dépendance  dans  laquelle  sont  d'une  influence  nerveuse 
les  contractions  de  l'utérus,  et  par  conséquent  l'accouche- 
ment ?  Enfin,  la  question  à  l'égard  de  la  lactation  rentre  dans 


LIMITES   DE    L'iHWERVATIOtf.  167 

ce  que  nous  avons  dit  des  sécrétions  :  qui  ne  sait  avec  quelle 
facilité  la  sécrétion  du  lait  est  modifiée  par  les  passions? 

On  objectera  peut-être  que  tous  ces  faits  que  nous  venons 
de  citer  en  dernier  lieu,  prouvent  bien  que  des  liens  exis- 
tent entre  les  parenchymes  les  plus  profonds  et  le  cerveau 
et  les  centres  nerveux  ,  mais  non  qu'une  influence  nerveuse 
soit  exercée  constamment  sur  ces  parenchymes ,  et  en  régisse 
les  fonctions.   Mais ,  puisque  les   modifications  survenues 
dans  les  centres  nerveux ,  ne  peuvent  être  propagées  que 
dans  des  divisions  de  ce  système,  de  ces  faits  ne  résulte-t-il 
pas  déjà  que  le  système  nerveux  a  des  expansions  jusque  dans 
les  parenchymes  ?  Et  dès  lors  ,  à  quoi  peuvent  servir,  si  ce 
n'est  pour  l'innervation  a  ces  expansions  dans  des  organes 
dont  les  opérations  ne  sont  ni  senties  ni  volontaires  ?  Répon- 
drait-on que  c'est  pour  unir  ces  organes  aux  centres  nerveux? 
On  conçoit  la  nécessité  de  ces  connexions  entre  le  cerveau  et 
les  organes  chargés  d'une  fonction  de  relation  quelconque; 
mais  de  quelle  utilité  seraient-elles  ici,  où  le  travail  des 
organes  se  fait  irrésistiblement,  et  sans  qu'on  en  ait  con- 
science? 11  est  plus  rationnel  de  croire  que,  si  les  passions 
portent  leurs  effets  jusque  dans  les  parenchymes  les  plus 
profonds ,  c'est  parce  que  le  système  nerveux  a  des  expan- 
sions partout,  pour  l'accomplissement   de  l'innervation; 
que  de  penser  que  ,  s'il  existe  des  expansions  nerveuses  par- 
tout, c'est  pour  établir  des  liaisons  dont  on  ne  peut  com- 
prendre l'utilité.  Enfin  ,  n'a-t-on  pas  l'analogie  des  autres 
fonctions  organiques  ?  Evidemment  les  nerfs  des  organes  di- 
gestifs, respiratoires  et  circulatoires,  ne  servent  pas  seule- 
ment à  unir  ces  organes  aux  centres  nerveux;  certainement 
ils  en  régissent  les  actions;  pourquoi  n'en  serait-il  pas  de 
même  des  nerfs  propres  aux  parenchymes  ?  Les  actes  de  la 
chymification  ,   de  l'hématose,    les   contractions  du  cœur, 
sont-ils  des  phénomènes  plus  sentis  et  plus  dépendants  de 
la  volonté,  que  ceux  des  sécrétions,  des  nutritions  ?  et  si 
cependant  une  influence  nerveuse  régit  ceux-ci ,  quelle  pré- 
somption pour  croire  qu'une  influence  semblable  régit  aussi 
ceux-là?   Ces   dernières   considérations    rendent,   ce    me 
semble,  plus  probable,  l'opinion  de  ceux  qui  font  de  Tin- 


j68  de  l'irnervation. 

nervation  une  condition  de  vie  primordiale,  et  commune  à 

tous  les  êtres  vivants  comme  à  toutes  les  fonctions. 

§  II.  Des  nerfs  qui  dispensent  V Innervation. 

Nous  venons  d'exposer  les  débats  des  physiologistes  sur  les 
limites  dans  lesquelles  doit  être  renfermée  l'influence  ner- 
veuse organique.  Ces  physiologistes  ne  sont  pas  plus  d'ac- 
cord, quand  il  s'agit  de  spécifier  quels  nerfs  dispensent  cette 
influence  et  en  sont  les  conducteurs  ou   les  producteurs. 
Presque  tous  croient  que,   dans  les  derniers  animaux  ,  les 
mêmes  nerfs  qui  servent  aux  sensations  et  aux  mouvements  , 
président  à  l'innervation.  On  ne  peut  en  effet,   dans  ces 
animaux ,  faire  aucune  distinction  entre  les  divers  ganglions 
qui  composent  le  système  nerveux;   la  texture  de  ces  gan- 
glions, ainsi  que  celle  des  nerfs  qui   en   naissent,   paraît 
semblable;  et  l'on  voit  les  mêmes  nerfs  se  distribuer  égale- 
ment, et  à  la  peau  externe  pour  y  présider  aux  sensations, 
et  à  la  cavité  digestive  pour  y  régir  les  fonctions  intérieures. 
Mais  les  opinions  sont  divisées  en  ce  qui  regarde  les  ani- 
maux supérieurs  et  l'homme.  Les  uns  veulent  que  tous  les 
nerfs  sans  exception  ,  en  même  temps  qu'ils  servent  aux  sen- 
sations et  aux  mouvements  volontaires,  dispensent  l'inner- 
vation aux  parties  qu'ils  pénètrent,  Les  autres,  et  ce  sont 
les  plus  nombreux  ,  veulent  qu'il  y  ait  un  système  de  nerfs 
spéciaux  pour  régir  les  fonctions  organiques,  et  ils  considè- 
rent comme  tels  les  grands  sympathiques  et  les  nerfs  vagues. 
Il  était  en  effet  impossible  aux  physiologistes  d'observer 
la  disposition  anatomique  de  ces  deux  nerfs,  sans  préjuger 
qu'ils  fondent  une  condition  nécessaire  pour  l'accomplisse- 
ment des  fonctions  organiques.   D'une  part ,  le  nerf  vague 
fournit  le  plus  grand  nombre  de  ses  filets  au  poumon  ,  au 
cœur,  à  l'estomac  ,  et  à  quelques-uns  des  organes  annexes  de 
ce  viscère  principal  de  la  digestion  :  par  conséquent  ce  nerf 
doit  être  utile  au  jeu  de  ces  viscères,  chargés  des  premières 
fonctions  nutritives.  D'autre  part,  le  grand  sympathique, 
dans  son  trajet  de  la  tête  au  bassin  ,  distribue  successive- 
ment ses  rameaux  à  toutes  les  parties,  depuis  l'œil  en  haut, 


DÉS  NERFS  QUI  DISPENSENT  L'iNNERVATION.  169 
jusqu'au  rectum  et  au  vagin  en  bas;  s'accolant  à  toutes  les 
artères ^  il  va,  avec  ces  vaisseaux,  concourir  à  la  composition 
du  parenchyme  de  tous  les  viscères ,  de  tous  les  organes  ;  et 
il  n'est  guère  possible  de  croire  que  ce  soit  sans  motifs  que 
la  nature  ait  établi  une  semblable  disposition. 

Aussi,  tous  les  physiologistes  ont  regardé  ces  deux  nerfs 
comme  ceux  qui  dispensent  l'innervation  aux  viscères.  Mais 
ces  nerfs  sont-ils  les  dispensateurs  uniques  de  toute  innerva- 
tion ,  et  fondent-ils  les  systèmes  nerveux  organiques ,  comme 
on  les  nomme  ?  ou  bien ,  ne  fournissent-ils  l'influence  ner- 
veuse que  là  où  ils  se  répandent  y  pendant  que  les  autres 
nerfs  la  fournissent  de  même  aux  autres  partiesqu'ils  pénè- 
trent ?  Cette  dernière  opinion  était  celle  des  Anciens;  ils 
la  fondaient  :  i«  sur  l'analogie  des  derniers  animaux,  chez 
lesquels  tout  nerf  dispense  également  l'influence  nerveuse; 
2«  sur  ce  que  les  nerfs  vagues  et  grands  sympathiques  sont 
bornés  aux  cavités  splanchniques,  et  ne  fournissent  pas  ou 
peu  de  filets  aux  membres  dans  les  organes  desquels  cepen- 
dant se  produisent  aussi  des  fonctions  organiques ,  la  nutri- 
tion, par  exemple;  3°  sur  ce  que  les  artères  des  membres 
reçoivent  du  système  cérébro-spinal ,  comme  on  le  nomme, 
presque  autant  de  filets  nerveux  que  les  artères  des  viscères 
en  reçoivent  du  grand  sympathique;  40  enfin,  sur  ce  que 
les  nerfs  vague  et  grand  sympathique,  qu'on  met  ici  sur  la 
même  ligne,  sont,  en  parlant  des  idées  professées  par  ceux 
qui  veulent  un  système  nerveux  organique  spécial ,  fort  dif- 
férents l'un  de  l'autre;  le  premier  étant  évidemment  du 
même  genre  que  les  autres  nerfs  encéphaliques  et  spinaux. 
Ce  n'est  pas  qu'ils  ne  considérassent  le  grand  sympathique 
comme  un  nerf  spécial  et  fort  important  :  nous  dirons  ci- 
après  les  usages  qu'ils  lui  attribuaient ,  comme  d'établir 
1  union  entre  toutes  les  parties  du  corps,  comme  d'isoler  du 
cerveau,  par  les  ganglions  qui  sont  dans  sa  longueur,  les 
Viscères  intérieurs  dont  les  opérations  doivent  être  involon- 
taires et  non  senties  ,  etc.  :  mais  ils  n'en  faisaient  pas  le  dis- 
pensateur propre  de  l'influence  nerveuse  organique. 

Au  contraire,  la  plupart  des  physiologistes  modernes  at- 
tribuent cette  influence  nerveuse  organique  à  un  système 


*7°  DE   L'INNERVATION, 

nerveux  spécial;  et  voici  la  suite  de  raisonnements  et  de 
faits  qui  les  conduit  à  considérer  comme  tel  le  grand  sym- 
pathique. 10  D'abord,  tout  prouve  que  ce  nerf  forme  un 
système  nerveux  indépendant,  distinct  du  syslème  cérébYO- 
spinal ,  et  ses  prétendues  origines,  et  sa  texture,  et  ses  pro- 
priétés. En  premier  lieu,  il  est  évident  que  les  filets  par 
lesquels  le  grand  sympathique  en  haut  s'unit  aux  cinquième 
et  sixième  paires  encéphaliques,  comme  ceux  par  lesquels 
chacun  de  ses  gauglions  s'unit  aux  paires  spinales  ,  ne  sont 
pas  les  origines  de  ce  nerf,  comme  on  le  disait  jadis,  mais 
seulement  des  rameaux  anastomotiques  par  lesquels  ce  nerf 
est  mis  en  communication  avec  les  autres  parties  du  sy- 
stème nerveux.  En  second  lieu,  il  n'est  pas  moins  certain 
que  ce  nerf  diffère  anatomiquement  de  tous  les  autres;  ses 
filets  sont  plus  grêles,  plus  mous,  d'une  couleur  grise;  la 
substance  particulière  qui  existe  dans  ses  ganglions ,  et  que 
les  analyses  chimiques  de  Bichat,  Wulzer,  Lassaigne ,  ont 
montré  être  différente  de  la  substance  cérébrale ,  se  pro- 
longe en  eux.  Enfin ,  ce  nerf  a  des  propriétés  opposées  à 
celles  des  autres  :  ceux-ci,  irrités  d'une  manière  quelconque 
sur  un  animal  vivant ,  accusent  une  vive  douleur;  leur  ir- 
ritation entraîne  des  contractions  convulsives  dans  les  mus- 
cles auxquels  ils  se  distribuent  :  au  contraire,  Bichat  et 
beaucoup  d'autres,  ont  vu  les  animaux  ne  manifester  au- 
cune douleur,  quand  on  irritait  chez  eux  les  plexus  de  l'ab- 
domen ,  les  ganglions  du  col  du  grand  sympathique,  ou 
quelques-uns  des  filets  de  ce  nerf.  Ce  même  expérimenta- 
teur n'a  pu  ,  par  le  galvanisme  appliqué  aux  nerfs  du  cœur, 
précipiter  les  contractions  de  cet  organe.  A  la  vérité  ,  Haller 
dit  qu'en  irritant  le  plexus  hépatique  sur  un  chien,  l'a- 
nimal parut  ressentir  de  la  douleur,  visum  est  animai  do- 
luisse ;  et  M.  de  Humboldt  dit  avoir,  par  le  galvanisme 
appliqué  aux  nerfs  du  cœur,  augmenté  les  mouvements  de 
cet  organe.  Mais,  en  admettant  ces  derniers  faits  ,  il  n'en 
resterait  pas  moins  certain  que  le  nerf  grand  sympathique 
est  beaucoup  moins  sensible  et  moins  moteur  que  les  autres 
nerfs,  et  que  la  différence  de  ses  propriétés  à  cet  égard  confirme 
ce  que  celle  de  sa  texture  et  la  nullité  de  ses  origines  por- 


DES   NERFS   QUI   DISPENSENT    L'iNNERVATION.  17 1 

tent  à  admettre  sur  l'indépendance  de  ce  nerf.  Le  grand 
sympathique  est  donc,  dans  l'ensemble  du  système  nerveux, 
un  système  nerveux  spécial.  2°  Il  n'est  pas  moins  certain 
que  ce  système  nerveux  spécial ,  quelle  que  soit  sa  fonction, 
est  destiné  aux  fonctions  organiques;  sa  distribution  prouve 
cette  attribution  spéciale ,  car  c'est  presque  exclusivement 
aux  organes  de  ces  fonctions  qu'il  envoie  tous  ses  filets. 
3°  Certainement  encore ,  ce  n'est  pas  pour  présider  à  des 
sensations  et  à  des  mouvements  volontaires  qu'il  est  envoyé 
à  ces  organes  ;  car  nous  venons  de  voir  que  ce  nerf  ne  se 
montrait  pas  sensible  comme  les  autres,  et  l'on  sait  que  les 
opérations  de  ces  organes  ne  sont  ni  senties,  ni  régies  par 
la  volonté.  Non  cependant  que,  dans  certains  cas,  les  im- 
pressions éprouvées  par  les  viscères  ne  soient  senties  ,  et  par 
conséquent  ne  soient  transmises  par  le  grand  sympathique 
au  centre  de  perception  ;  cela  s'observe  souvent  dans  les 
maladies,  et  même  on  remarque  que  îa  douleur  éprouvée 
a  alors  un  caractère  particulier,  celui  d'abattre  bien  davan- 
tage, de  terrasser  tout-à-fait  l'homme;  mais  il  est  certain 
que  dans  l'état  normal  cela  n'a  pas  lieu  ,  et  que  les  actions 
de  nos  viscères  s'accomplissent  sourdement  et  sans  que  nous 
les  percevions.  Or,  puisque  le  grand  sympathique,  ce  sys- 
tème nerveux  spécial ,  évidemment  destiné  aux  fonctions  or- 
ganiques, n'y  sert  pas  à  la  production  de  sensations  ni  de 
mouvements  volontaires,  on  peut  déjà  conclure,  par  voie 
d'exclusion,  qu'il  doit  y  être  l'agent  de  l'innervation.  Il  a 
d'ailleurs  pour  cet  effet  toute  l'étendue,  toute  la  dissémi- 
nation nécessaires  ;  accolé  aux  artères  ,  il  suit  ces  vaisseaux 
dans  toutes  leurs  ramifications;  ses  filets  s'étendent  jusque 
dans  le  cerveau  avec  l'artère  carotide  interne,  et  jusque 
dans  le  placenta  chez  le  fœtus;  de  sorte  qu'il  n'est  aucune 
partie  du  corps  qu'on  ne  puisse  concevoir  comme  contenant 
quelques  dépendances  de  ce  nerf.  4°  Enfin ,  pour  dernier 
argument,  les  sectateurs  de  l'opinion  que  nous  exposons 
avancent,  que  le  grand  sympathique  est  dans  la  généralité 
des  animaux,  comme  dans  l'évolution  du  fœtus  humain, 
la  première  partie  nerveuse  qui  existe.  D'un  côté,  M.'Gall 
et  autres,  disent  que,  dans  la  complication  successive  que 


172  DE   L INNERVATION, 

présente  le  système  nerveux  dans  la  série  des  animaux ,  le 
grand   sympathique  est  la  partie  qui  existe  la  première; 
qu'il  compose  quelquefois  à  lui  seul  le  système  nerveux  de 
l'être;  et  que  ce  n'est  que  lorsque  les  animaux  doivent  déve- 
lopper les  fonctions  sensoriales,  qu'apparaissent  la  moelle, 
les  nerfs  des  sens  et  le  cerveau.  Or,  en  ces  derniers  êtres, 
c'est  évidemment  lui  qui  a  accompli  l'innervation,   puis- 
qu'il existe  seul;  et  l'analogie  dit  d'autant  plus,  que  c'est 
encoi^e  lui  qui  l'accomplit  dans  les  animaux  supérieurs,  que 
certainement  il  est,  de  toutes  les  parties  de  leur  système  ner- 
veux, celle  qui  ressemble  le  plus  à  ces  ganglions  épars ,  mais 
unis  par  des  branches  communicantes,  qui  forment  le  sy- 
stème nerveux  des  derniers  animaux.  M.  Brachet  l'assimile 
tout-à-fait  à  la  moelle  des  végétaux,  qu'il  considère  comme 
le  système  nerveux  de  ces  êtres.  D'un  autre  côté,   selon 
Ackermann ,  le  grand  sympathique  est  dans  le  fœtus  humain 
la  première  partie  formée;  on  l'a  trouvé  entier  et  bien  dé- 
veloppé dans  des  fœtus  acéphales,  chez  lesquels  n'existaient 
ni  encéphale,    ni  moelle  épinière;   et,  outre   que  ce  fait 
prouve  que  son  existence  est  indépendante  de  celle  de  ces 
centres ,  comme  ces  fœtus  étaient  arrivés  à  terme  et  n'avaient 
aucunes  fonctions  sensoriales,  il  est  certain  que  chez  eux 
c'était  lui  seul  qui  avait  présidé  à  l'innervation,  et  qu'il 
n'avait  pu  y  servir  qu'à  cet  office. 

D'après  cet  ensemble  de  raisonnements  et  de  faits,  Reil, 
Bichat,  Gall,  M.  Broussais ,  et  beaucoup  d'autres,  font  le 
grand  sympathique  l'agent  spécial  de  l'influence  nerveuse 
organique.   Quelque  imposante  que  soit  l'autorité   de  ces 
grands  noms ,  nous  avouerons  que  leur  assertion  ne  nous  pa- 
raît pas  rigoureusement  démontrée.   Nous  convenons  bien 
avec  eux  que  le  grand  sympathique  constitue  un  système 
nerveux  à  part;  de  plus,  qu'il  est  spécialement  affecté  aux 
fonctions  organiques;  nous  reconnaissons  même  qu'il  est  le 
principal  nerf  qui  dispense,  aux  organes  de  ces  fonctions, 
l'innervation.  Mais,  de  ces  faits,  s'ensuit-il  rigoureusement 
qu'il  soit  l'agent  exclusif  de  cette  innervation?  pour  que 
cela  soit,  existe-t-il  partout?  ne  manque-t-il  pas  au  con- 
traire aux  artères  des  membres  ?  et,  à  ces  artères,  ses  filets  ne 


DES   NERFS   QUI   DISPENSENT    i/lNNERVATION.  17a 

sont-ils  pas  remplacés  par  beaucoup  de  nerfs  du  système 
cérébro-spinal  ?  dans  les  viscères  auxquels  il  se  distribue , 
ne  peut-ii  pas  être  relatif  à  quelque  autre  but;  comme  de 
les  isoler  du  cerveau  et  d'empêcher,  d'un  côté,  que  les  im- 
pressions éprouvées  par  ces  organes  soient  portées  au  cer- 
veaux, et  par  conséquent  senties,  et,  de  l'autre,  que  les 
volitions  cérébrales  arrivent  à  ces  organes ,  et  par  conséquent 
ne  subordonnent  leurs  mouvements  à  la  volonté  ?  À  ce  titre, 
on  concevrait,  et  sa  distribution  presque  exclusive  aux  or- 
ganes des  fonctions  nutritives,  et  sa  structure  différente  de 
celle  des  autres  nerfs,  et  son  insensibilité  dans  les  expé- 
riences et  dans  Fétat  normal.  Reste  donc  cet  unique  argu- 
ment, que  le  grand  sympathique  est  la  première  portion 
nerveuse  qui  existe,  soit  dans  l'échelle  des  animaux,  soit 
dans  l'évolution  du  fœtus  humain.  Mais  ces  faits  sont- ils 
bien  sûrs  ?  D'une  part,  si  les  zoologistes,  dans  leurs  considé- 
rations philosophiques,  disent  que  le  grand  sympathique 
des  animaux  supérieurs,  de  l'homme,  est  l'analogue  du 
système  nerveux  ganglionaire  des  derniers  animaux  ,  ils 
se  contredisent  dans  leurs  descriptions  anatomiques;  ils 
avancent  dans  ces  dernières  que  le  grand  sympathique 
n'existe  pas  au-delà  des  animaux  vertébrés,  et  même  que 
son  développement,  le  plus  grand  possible  chez  l'homme, 
va  en  diminuant  de  cet  être  au  dernier  des  poissons.  Or, 
ceci  peut-il  s'accorder  avec  l'idée  que  le  grand  sympathique 
est  l'agent  unique  de  l'innervation,  idée  qui  nécessite  son 
existence  dans  tous  les  animaux,  et  même  dans  les  végétaux? 
Et  au  contraire,  ce  fait  anatomique  ne  trouve-t-il  pas  son 
explication  dans  d'autres  conjectures  faites  sur  ce  grand 
sympathique  ;  par  exemple ,  celle  qu'il  lie  tous  les  organes 
entre  eux;  ou  qu'il  isole  du  cerveau ,  qui  perçoit  et  ordonne 
tous  les  mouvements  volontaires,. les  organes  dont  les  opé- 
rations ne  doivent  être  ni  senties  ni  voulues  ?  D'autre  part, 
Béclard  dit  que  les  ganglions  spinaux  sont  avec  leurs  nerfs 
les  premières  parties  visibles  du  système  nerveux;  et,  dans 
les  cas  d'acéphalie  qui  ont  offert  l'existence  du  grand  sym- 
pathique, malgré  l'absence  de  l'encéphale  et  de  la  moelle 
spinale,  les  nerfs  du  système  cérébro-spinal  existaient  aussi. 


174  de  l'innervation. 

L'association  que  presque  tous  les  physiologistes  ont  faite., 
du  nerf  vague  au  grand  sympathique  pour  présider  aux 
fonctions  organiques ,  prouve  même  contre  l'idée  générale 
qu'ils  ont  voulu  donner  de  ce  dernier  nerf,  et  le  rôle  exclu- 
sif qu'ils  ont  voulu  lui  faire  jouer  dans  4'influence  nerveuse 
organique.  Les  faits  contraignaient  à  admettre  cette  associa- 
tion; le  nerf  vague  se  distribue,  comme  le  grand  sympa- 
thique, aux  organes  des  premières  fonctions  organiques;  ses 
filets  se  mêlent  partout  à  ceux  du  grand  sympathique;  et 
c'est  du  mélange  de  ces  deux  nerfs  que  sont  formés  ceux  qui 
vont  immédiatement  vivifier  le  cœur,  le  poumon,  l'estomac  ; 
son  influence  sur  les  actions  de  ces  viscères  est  telle,  que  sa 
section  au  col  les  paralyse  et  amène  la  mort.  Les  zoologistes 
disent  même  avoir  remarqué;  que  ce  nerf  vague  va  en  aug- 
mentant de  volume  et  d'importance  dans  les  animaux,  à 
partir  de  l'homme,  à  mesure  que  par  contre  le  grand  sympa- 
thique décroît;  et  qu'au-delà  des  vertébrés,  il  finit  par  être 
le  seul  nerf  viscéral  et  le  seul  nerf  dispensateur  de  l'influence 
nerveuse  organique.  Or,  ce  nerf  ne  ressemble  pas  au  grand 
sympathique  ;  c'est  à  tort  que  Reîl  le  disait  formé  de  même 
d'une  série  linéaire  de  ganglions;  il  a  évidemment  la  même 
structure,  les  mêmes  propriétés  que  les  autres  nerfs  spinaux 
et  encéphaliques;  comme  eux  il  est  sensible  ;  son  irritation, 
comme  la  leur,  excite  des  contractions  dans  les  muscles 
auxquels  il  se  distribue;  et  cependant  le  voilà  reconnu  dis- 
pensateur de  l'influence  nerveuse  organique  !  quelle  néces- 
sité, dès  lors,  d'admettre  un  système  nerveux  spécial  pour 
cet  effet  ?  et  au  moins  ,  n'y  a-t-il  pas  ici  contradiction  dans 
les  auteurs  dont  nous  discutons  les  idées? 

A  la  vérité ,  plusieurs  ont  cherché  à  échapper  à  cette  con- 
tradiction, MM.  Qall  et  Brachet,  par  exemple.  Le  premier 
veut  qu'on  restreigne  le  nerf  vague  à  ceux  de  ses  rameaux 
qui  vont  au  larynx,  et  l'appelle  à  cause  de  cela  le  nerf  vocal; 
il  croit  que  ceux  de  ses  filets  qui  vont  au  poumon ,  au  cœur 
et  à  l'estomac,  lui  sont  mal  à  propos  rapportés,  et  appar- 
tiennent au  grand  sympathique.  Mais,  si  cela  était,  la  section 
des  nerfs  vagues  au  col  ne  devrait  pas  avoir  d'autres  effets 
que  celle  des  grands  sympathiques  au  même  lieu;  et  cepen- 


DES   NERFS    QUI    DISPENSENT    L'INNERVATION.  175 

dant ,  tandis  que  celle-ci  n'a  que  peu  d'influence  ,  au  moins 
laisse  survivre  long-temps  les  animaux ,  l'autre  les  fait  périr 
promptement,  après  quelques  jours  au  plus.  M.  Brachet 
veut  ;  que  les  nerfs  vagues  ne  président,  dans  les  organes  in- 
térieurs ,  qu'aux  sensations  dont  ces  organes  sont  le  siège , 
comme  le  besoin  d'inspirer,  d'expirer,  ceux  de  la  faim ,  de 
la  soif,  etc.:  et  que  ce  soit  le  grand  sympathique  qui  y  ré- 
gisse les  actions  organiques  proprement  dites.  Selon  lui,  la 
nature  a  fourni ,  à  tous  les  organes  intérieurs  qui  ont  à  dé- 
velopper des  sensations,  des  nerfs  du  système  cérébro-spi- 
nal ,  en  même  temps  que  des  nerfs  du  trisplanchnique;  et 
c'est  ainsi,  qu'outre  les  rameaux  que  reçoivent  de  ce  nerf 
la  vessie  ,  le  rectum,  l'utérus  ,  ces  organes  en  reçoivent  de  la 
portion  inférieure  de  la  moeîle  spinale,  pour  présider  en 
eux  aux  besoins  d'uriner,  de  la  défécation,  et  aux  douleurs 
de  l'accouchement.  Sans  doute  les  nerfs  vagues  président 
aux  sensations  normales  de  l'estomac  et  du  poumon  ,  comme 
les  nerfs  de  la  partie  inférieure  de  la  moelle  spinale  à  celles 
du  rectum  ,  de  la  vessie  et  de  l'utérus.  Les  animaux  auxquels 
on  a  coupé  les  nerfs  vagues,  ne  sentent  plus  la  faim  ni  la 
saliété,  car  ils  refusent  de  manger;  ou  s'ils  mangent,  ils  le 
font  avec  indifférence,  et  tellement  machinalement,  qu'ils 
continuent  de  le  faire  quoique  l'estomac  soit  plein.  Us  ne 
sentent  pas  plus  le  besoin  de  vomir,  puisqu'on  leur  donne 
en  vain  des  émétiques.  Chez  eux,  les  sensations  d'inspirer  et 
d'expirer  sont  également  anéanties;  car  si  Tou  submerge  à  la 
fois  deux  chiens,  dit  M.  Brachet,  mais  après  avoir  fait  à 
l'un  la  section  des  nerfs  vagues  ,  on  voit  que  le  premier 
s'agitera,  se  débattra  jusqu'à  ce  qu'il  soit  asphyxié,  tandis 
que  l'autre  se  laissera  périr  sans  lutte ,  parce  qu'il  ne  sent 
pas  le  besoin  de  l'inspiration.  Enfin  il  est  sûr  qu'une  lésion 
de  la  partie  inférieure  de  la  moelle  spinale  ,  rend  la  vessie  et 
le  rectum  inaptes  à  produire  les  sensations  qui  se  rapportent 
à  leurs  fonctions  excrémentitielîes.  Mais  si  ces  faits  prouvent 
qu'effectivement  les  nerfs  vagues  et  autres  nerfs  spinaux 
président  aux  sensations  des  organes  auxquels  ils  se  distri- 
buent, n'est-il  pas  d'autres  faits  qui  prouvent  que  ces  nerfs 
font  encore  plus  dans  ces  organes?  D'abord,  à  quoi  servi- 


176  DE   L'INNERVATION. 

raient  les  nerfs  vagues  dans  le  cœur,  organe  qui ,  dans  l'état 
normal ,  n'est  jamais  le  siège  d'aucunes  sensations  ?  Ensuite  , 
par  la  section  des  nerfs  vagues,  sont  anéanties,  non-seule- 
ment les  sensations  de  l'estomac  et  du  poumon  ,  mais  encore 
leurs  fonctions  de  chymification  et  d'hématose;  Brodie  a  vu 
la  sécrétion  des  sucs  intérieurs  de  l'estomac  cesser  de  se  faire 
lors  de  cette  section,  et  les  aliments  rester  dans  l'intérieur  de  ce 
viscère  sans  yêtrechymifiés;  M. Dupuy  dit  que  c'est  impuné- 
ment qu'on  administre  alors  aux  animaux  les  poisons  qui  agis- 
sent par  absorption,  la  noix  vomique,  par  exemple.  Ce  que 
nous  disons  des  actions  de  chymification,  d'hématose  de  ces  or- 
ganes intérieurs,  nous  le  disons  aussi  de  leurs  mouvements. 
Certainement  ces  mouvements  sont  indépendants  de  la  vo- 
lonté; à  ce  titre,  ils  sembleraient  devoir  être  régis  par  le 
grand  sympathique  seul;  et  cependant  ceux  de  l'estomac, 
de  l'intestin,  sont  sous  la  subordination  des  nerfs  vagues; 
et  ceux  du  rectum,  de  la  vessie  ,  et  même  de  l'utérus,  sont 
dépendants  de  la  moelle  spinale.  Si ,  sur  un  animal  vivant, 
on  irrite  les  filets  du  nerf  vague  qui  entourent  l'œsophage,  on 
provoque  le  mouvement  de  péristole  de  l'estomac,  et  le  mou- 
vement péristaltique  de  l'intestin.  Si  les  nerfs  vagues  sont 
coupés,  plus  de  péristole  à  l'estomac,  et  l'animal  ne  vomit 
plus  que  par  régurgitation.  Une  lésion  de  la  moelle  spinale 
à  sa  partie  inférieure,  paralyse  le  rectum  à  tel  point,  que 
c'est  vainement  qu'on  porte  des  lavements  irritants  dans  cet 
intestin.  Il  en  est  de  même  de  la  vessie.  Enfin,  nous  avons 
cité,  d'après  M.  Brochet,  l'observation  d'une  femme  chez 
laquelle  une  paraplégie  empêcha  l'utérus  de  se  contracter 
dans  l'accouchement.  Ainsi,  nul  doute  que  les  nerfs  vagues 
ne  président,  comme  les  grands  sympathiques  ,  à  des  phéno- 
mènes exclusivement  organiques  ,  et  même  que  d'autres 
neifs  spinaux  ne  président  à  des  mouvements  involontaires. 
Concluons  donc;  que,  puisque  le  nerf  grand  sympathique 
n'existe  pas  partout;  que,  puisque  sur  certaines  artères,  celles 
des  membres  et  de  la  face ,  par  exemple  ,  des  filets  nerveux  du 
système  cérébro-spinal  remplacent  ceux  dont  il  entoure  les 
autres  artères;  et  qu'enfin,  puisque  les  nerfs  vagues  sont  indis- 
pensables à  certaines  fonctions  organiques;  concluons ,  dis-je, 


DES    NERFS    QUI    DISPENSENT    i/lNNERVATION.  j  77' 

que  ce  nerf  grand  sympa  Inique  n'est  pas  le  dispensateur  uni- 
que de  l'innervation  ,  mais  seulement  est  le  nerf  qui  princi- 
palement la  fournit  aux  viscères  intérieurs.  À  ce  titre  seul ,  il 
mérite  le  nom  de  système  nerveux  organique  qui  lui  a  été 
donné.  Mais  quand  on  remarque,  en  outre,  que  son  insensibi- 
lité contraste  avec  la  sensibilité  des  autres  nerfs ,  que  proba- 
blement c'est  lui  qui  empêche  que  les  mouvements  des  par-r 
lies  auxquelles  il  se  distribue  soient  sentis  et  régis  par  la 
volonté;  que  de  nouvelles  raisons  pour  en  faire  un  système 
nerveux  distinct  du  système  cérébro-spinal  !  Evidemment  ce 
nerf  est  destiné  aux  fonctions  organiques,  sa  distribution 
le  prouve;  certainement  aussi  il  leur  sert  par  l'innervation  • 
mais  probablement  il  a  encore  quelque  autre  usage  qu'on 
ignore;  la  science  a  besoin  ici  de  nouvelles  lumières.  Tout 
ce  que  l'on  a  dit  ne  peut  être  regardé  que  comme  autant  de 
conjectures  plus  ou  moins  vraisemblables.  Prouvons-le  en 
rappelant  toutes  les  dissidences  des  auteurs  sur  la  structure 
et  les  fonctions  de  ce  nerf. 

Sous  le  rapport  anatomique  ,  d'abord ,  on  le  dit  un  nerf 
encéphalique  ayant,  par  l'intermédiaire  des  cinquième  et 
sixième  paires  encéphaliques,  son  origine  en  ce  centre  ner- 
veux. Ensuite  on  le  présenta  comme  un  nerf  spinal,  consi- 
dérant comme  ses  racines  les  divers  rameaux  qui  l'unissent 
dans  sa  longueur  aux  paires  spinales.  Après,  TVinslow 
jugea  que  tous  les  rameaux  prétendus  originels,  n'étaient 
que  des  rameaux  anastomotîques,  et  il  commença  à  regarder 
les  ganglions  de  ce  nerf  commue  autant  décentres  d'origine 
comme  autant  de  petits  cerveaux.  Meckel 3  Zinn ,  Scarpace- 
pendant,  continuèrent  de  voir  dans  ces  ganglions  une  simple 
disposition  anatomique,  servant  à  séparer,  unir  et  mêler  les 
différents  filets  nerveux;  et  le  grand  sympathique  ne  fut 
encore  pour  eux  qu'un  nerf  unique  ,  mais  formé  par  le 
concours  des  cinquième  et  sixième  paires  encéphaliques  ,  et 
de  toutes  les  paires  spinales.  Bichal ,  au  contraire,  accueillit 
et  étendit  l'idée  de  W inslow  ;  il  cessa  de  considérer  le  grand 
sympathique  comme  un  nerf  unique ,  et  le  dit  un  groupe 
de  plusieurs  systèmes  nerveux  spéciaux,  ou  de  ganglions , 
ayant  chacun  leurs  fondions  propres,  et  unis  entre  eux  par 
Tome  IV.  ,  2 


1^8  DE    L  INNERVATION. 

des  brandies  de  communication.  M.  Gall  adopta  tout-à-fait 
cette  manière  de  voir  de  Bichat.  Il  en  fut  de  même  de  Reil, 
qui,  déplus,  établissant  que  le  plexus  solaire  était  aux  divers 
ganglions  du  grand  sympathique,  comme  un  centre,  un 
cerveau  qui  présenta  les  deux  nerfs  grands  sympathiques 
comme  embrassant"  dans  une  espèce  d'ellipse,  tous  les  or- 
ganes intérieurs,  et  comme  les  tenant  isolés  dans  cette  ellipse, 
dans  laquelleneplongeaitaucunautrenerf  encéphalique  que 
le  nerf  vague.  M.  Lobstein  ,  au  contraire,  reproche  à  Bichat 
d'avoir  accordé  trop  d'importance  aux  ganglions  considérés 
isolément,  et  d'avoir  trop  méconnu  celle  qu'a  le  nerf  dans 
son  ensemble  :  les  ganglions  ,  dit-il ,  ne  sont-ils  pas  souvent 
trop  petits,  relativement  à  la  quantité  des  nerfs  dont  ils 
sont  supposés  l'origine?  on  suit  d'ailleurs  un  même  cordon 
à  travers  plusieurs  ganglions.  M.  de  Blainville ,  admettant 
pour  les  fonctions  organiques  des  ganglions  spéciaux,  autres 
que  ceux  qui  président  aux  fonctions  sensoriaies,  savoir,  le 
ganglion  cardiaque,  le  semi-lunaire  ,  etc.  ,  présente  le  grand 
sympathique  comme  un  grand  appareil  nerveux,  n'existant 
que  dans  les  animaux  supérieurs,  et  destiné  à  unir  les  gan- 
glions des  fonctions  organiques  qui  sont  en  dedans,  avec 
ceux  des  fonctions  sensoriaies  qui  sont  plus  en  dehors  :  nous 
avons  dit,  dans  le  temps,  comment  il  trouvait  la  connexion 
de  ce  nerf  avec  chacun  des  ganglions  encéphaliques,  excepté 
l'olfactif,  aussi  évidente  que  celle  avec  les  ganglions  spi- 
naux. Enfin,  M.  Magendie ,  dégoûté  sans  doute  par  la  di- 
vergence de  toutes  ces  opinioms,  va  jusqu'à  demander  si  le 
grand  sympathique  est  bien  un  nerf,  et  doit  être  rapporté 
au  système  nerveux. 

Sous  le  rapport  physiologique  ,  les  dissidences  ne  sont  pas 
moindres.  i°  On  dit  d'abord  îe  grand  sympathique  destiné  à 
unir  les  diverses  parties  du  corps,  d'où  ce  nom  de  grand 
sympathique  qui  lui  a  été  donné.  En  effet,  son  union  avec 
plusieurs  des  nerfs  encéphaliques  dans  la  tête;  avec  îe  nerf 
vague  ,  dans  les  organes  des  premières  fonctions  organiques; 
et  avec  toutes  les  paires  spinales ,  dans  la  longueur  du  corps, 
autorisait  assez  cette  conjecture.  Comme  le  nombre  des  or- 
ganes augmente  à  mesure  que  l'animal  est  supérieur,  on 


DES    NERFS    QUI    DISPENSENT    l/lNNERVÀTION.  179 

concevait,  dans  cette  hypothèse,  pourquoi  le  grand  sym- 
pathique n'existe  que  chez  les  vertébrés,  et  va  en  augmen- 
tant des  animaux  à  l'homme.  Tous  les  anatomisles  qui, 
avec  Scarpa,  Zinn ,  Meckel ,  n'ont  vu  dans  les  ganglions 
qu'un  artifice  anatomique ,  servant  à  unir,  séparer,  mêler 
les  filets  nerveux  ,  et  à  influer  mécaniquement  sur  leur  dis- 
tribution, n'ont  regardé  le  grand  sympathique  que  comme 
un  moyen  d'union,  d'association  des  organes.  2°  D'autres, 
remarquant  que  tous  les  organes  auxquels  se  distribue  le 
grand  sympathique,  sont  ceux  dont  le  jeu  est  involontaire 
et  non  senti,  regardèrent  les  ganglions  de  ce  nerf  comme 
destinés  à  isoler  du  cerveau  les  organes  intérieurs ,  et  tout 
le  nerf,  comme  un  appareil  d'isolement.  Les  ganglions,  en 
arrêtant  les  impressions  éprouvées  par  les  organes  inté- 
rieurs, et  en  les  empêchant  d'arriver  au  cerveau,  faisaient 
que  ces  impressions  n'étaient  pas  senties;  et  de  même,  en 
arrêtant  les  volitions  cérébrales  ,  et  les  empêchant  d'arriver 
jusqu'aux  organes  intérieurs  ,  ils  rendaient  le  jeu  de  ceux-ci 
indépendant  de  la  volonté.  Si  le  grand  sympathique  ,  outre 
les  nombreux  ganglions  dont  il  est  parsemé,  avait  encore 
une  texture  différente  de  celle  des  autres  nerfs,  c'est  qu'en 
restant  apte  à  produire  l'innervation  ,  il  devait  cesser  d'être 
conducteur  des  impressions  sensitives  et  des  volitions  céré- 
brales. Cependant  cet  office  d'isolement  n'était  réel  que 
dans  l'état  normal  :  dans  certains  cas  d'exaltation ,  soit  des 
organes  intérieurs,  soit  du  cerveau,  le  grand  sympathique 
ne  s'opposait  plus  à  la  communication;  d'un  côté,  les  im- 
pressions éprouvées  par  les  viscères  étaient  propagées  jus- 
qu'au cerveau  qui  en  avait  la  perception,  ou  qui  au  moins 
était  troublé  par  elles  dans  son  travail  propre;  et,  d'un 
autre  côté  ,  les  irradiations  cérébrales  arrivaient  jusque  dans 
les  viscères,  comme  dans  les  passions.  Ainsi  s'expliquait; 
pourquoi,  dans  les  cas  ordinaires,  le  jeu  des  organes  inté- 
rieurs n'est  ni  senti,  ni  dépendant  de  la  volonté;  et  pour- 
quoi ,  clans  d'autres  cas  ,  il  y  a  des  irradiations  continuelles 
des  organes  intérieurs  sur  le  cerveau,  et  du  cerveau  sur  les 
organes  intérieurs.  C'est  dans  ces  dernières  circonstances 
qu'on  faisait  jouer  un  rôle  au  plexus  solaire,  appelé  centre 


1  2. 


180  DE    L'INNERVATION. 

épigastriq ue ,  cerveau  abdominal ,  soit  comme  point  de  dé- 
part des  irradiations  qui  allaient  perturber  le  cerveau  ,  soit 
comme  terme  de  celles  par  lesquelles  le  cerveau  perturbait 
les  organes  intérieurs.  Dans  cette  hypothèse,  on  concevait 
encore  pourquoi  le  grand  sympathique  était  plus  développé 
dans  les  animaux  supérieurs;  à  mesure  que  le  cerveau  avait 
acquis  plus  d'importance,  la  nature  avait  dû  rendre  plus 
complet  l'appareil  d'isolement  destiné  à  arrêter  les  irradia- 
tions de  ce  centre  sur  les  organes  intérieurs.  3°  Dans  une 
troisième  hypothèse  ,  on  considère  les  ganglions  du  grand 
sympathique;  ou  comme  des  centres  nerveux  spéciaux  ,  des- 
tinés à  développer  par  eux-mêmes  l'action  nerveuse  néces- 
saire à  chaque  fonction  ;  ou  comme  des  appareils  destinés  à 
coercer,  rassembler  celle  qui  dérive  de  la  moelle  spinale  ou 
de  l'encéphale,  et  à  influer  sur  sa  distribution.  C'est  ainsi 
que  BicJiat,  M.  Gall  ont  fait  de  chaque  ganglion  un  centre 
d'action  affecté  chacun  à  une  fonction  organique  spéciale; 
s'appuyant  de  l'analogie  des  derniers  animaux,  dans  lesquels 
chaque  ganglion  est  si  bien  indépendant ,  que  ces  animaux , 
coupés  en  autant  de  morceaux  qu'il  y  a  de  ganglions,  de- 
viennent autant  d'êtres  distincts.  C'est  ainsi  que  d'autres, 
sans  admettre  dans  les  ganglions  une  indépendance  aussi 
absolue,  ont  considéré  ces  corps  comme  servant  à  accumuler 
en  eux  l'influx  nerveux  ,  et  à  influer  sur  sa  distribution. 
4°  Enfin  ,  beaucoup  de  physiologistes  ont  fait  jouer  à  la  fois 
aux  grands  sympathiques  ces  divers  usages.  M.  Bée  lard r,  par 
exemple,  dit  que  les  ganglions  ont  le  double  usage;  d'un 
côté ,  d'arrêter  l'influence  du  centre  nerveux  sur  les  organes 
intérieurs ,  et  d'empêcher  la  transmission  des  impressions  au 
centre,  pour  que  les  fonctions  intérieures  soient  isolées  des 
extérieures;  et  d'un  autre  côté,  de  rassembler  la  force  ner- 
veuse qu'ils  puisent  dans  la  moelle  ou  développent  eux- 
mêmes,  pour  la  communiquer  convenablement  aux  nerfs  et 
aux  organes  auxquels  ceux-ci  se  distribuent.  De  même, 
MM.  Broussais,  Lobstein  font  du  grand  sympathique,  non- 
seulement  le  moteur  de  toutes  les  fonctions  organiques, 
mais  encore  l'intermédiaire  entre  le  cerveau  et  les  viscères, 
je  moyen  par  lequel  ceux-ci  expriment  au  centre  de  percep- 


DES   NERFS   QUI   DISPENSENT    L'INNERVATION.  181 

lion  tous  leurs  besoins ,  et  enfin  le  grand  agent  de  toutes  les 
sympathies.  Certainement,  il  n'est  aucun  de  ces  usages  at- 
tribués aux  grands  sympathiques ,  qui  ne  paraisse  plus  ou 
moins  vraisemblable ,  qu'on  ne  puisse  appuyer  sur  quelques 
faits,  sur  quelques  analogies;  mais  certainement  aussi,  il 
n'en  est  aucun  qu'on  puisse  dire  complètement  démontré. 

C'est  en  vain  qu'on  a  cherché  à  s'éclairer  ici  par  des  ex- 
périences sur  des  animaux  vivants.  Bichat  dit,   qu'ayant 
coupé  au  col,  sur  des  chiens,  les  deux  nerfs  grands  sympa- 
thiques, ces  animaux,  non-seulement  survécurent  indéfini- 
ment ,  mais  même  ne  présentèrent  aucuns  troubles  sensibles 
dans  leurs  fonctions.  M,  Magendie  dit  avoir  impunément 
enlevé  tous  les  ganglions  du  col,  et  les  premiers  ganglions 
thoraciques.  M.  Dupuy,  professeur  à  Alfort,  a,  de  concert 
avec  MM.  Dupuytren  et  Breschet,  extirpé  ,  sur  des  chevaux, 
les  ganglions  gutturaux  des  grands  symphatiques  de  l'un  et 
de  l'autre  côté  du  col  ;  un  resserrement  de  la  pupille,  une 
rougeur  de  la  conjonctive  ,   furent  les  phénomènes  qui  se 
présentèrent  d'abord;  ensuite  les  animaux  maigrirent  sen- 
siblement; il  survint  une  infiltration  générale  des  membres, 
une  éruption  de  gale  sur  toute  la  peau  ;  et  enfin ,  après  un  , 
deux  et  souvent  trois  mois  ,  les  animaux  périrent.  Sans  doute 
la  mort  ne  put  ici  être  attribuée  qu'à  la  section  des  nerfs , 
et  elle  prouve  par  conséquent  l'influence  de  ces  nerfs  sur 
les  fonctions  nutritives;  cependant  elle  fut  bien  plus  tar- 
dive que  celle  qui  suit  la  section  des  nerfs  vagues,  et  consé- 
quemment  l'expérience  est  moins  décisive.  Du  reste,  il  est 
facile  d'en  donner  les  raisons.  Les  grands  sympathiques  ne 
peuvent  être  coupés  qu'au  col;  partout  ailleurs,  ils  sont 
situés  trop  profondément.  Or,  leur  section  au  col  ne  les  lèse 
que  légèrement ,  et  ne  doit  avoir  que  des  résultats  faibles  ou 
éloignés.  Dit -on,  en  effet,  avec  Bichat,  que  ces  nerfs  sont 
une  suite  de  ganglions  indépendants?  on  conçoit  que  ceux 
de  ces  ganglions  qui  sont  situés  au-dessous  de  la  section  ,  et 
qui  sont  les  plus  importants,  ont  dû  continuer  leurs  offices. 
Dil-on,  au  contraire,  qu'ils  font  un  seul  système?  après 
leur  section  au  col,  il  leur  reste  assez  de  liaison  ;  et  avec 
l'encéphale,   par  îa  huitième  paire;  et  avec  la  moelle  spi- 


182         -  de  l'innervation. 

nale,  par  le  dernier  ganglion  cervical  et  les  ganglions  tho- 
raciques,  pour  qu'ils  puissent  exercer  leur  influence  sur  les 
organes  centraux  de  la  vie ,  le  poumon  et  le  cœur. 

Toutefois,  bien  qu'on  ne  puisse  faire  un  choix  absolu  en- 
tre toutes  ces  hypothèses,  il  eu  résulte  toujours  que  le  grand 
sympathique  est  un  système  nerveux  spécial,  affecté  aux 
fonctions  organiques,  indispensable  à  leur  accomplissement, 
et  dont  l'étude  devait  se  rattacher  à  celle  de  ces  fonctions 
organiques.  Arrivons  à  une  troisième  question  relative  à 
l'innervation,  celle  de  la  source  dont  elle  émane. 

§  III.   Sources  de  l'Innervation. 

Presque  tous  les  physiologistes  placent  la  source  de  l'in- 
nervation dans  les  grands  centres  nerveux  ,  l'encéphale  et 
la  moelle  spinale,  et  ne  considèrent  les  nerfs  que  comme  de 
simples  conducteurs.  L'analogie  et  des  faits  directs  viennent 
en  effet  à  l'appui  de  cette  opinion.  D'un  côté  ,  les  nerfs  dans 
les  autres  actions  nerveuses  ne  sont  évidemment  que  con- 
ducteurs, soit  des  impressions  sensitives,  soit  des  volitions. 
D  un  autre  côté,  que  les  centres  nerveux  soient  lésés,  ou 
seulement  que  la  communication  avec  eux  soit  détruite  par 
la  section  ou  la  ligature  du  nerf  qui  l'établit,  il  n'y  a  plus 
d'influence  nerveuse  produite,  et  les  organes  meurent, 
quand  bien  même  la  lésion  ne  serait  pas  de  nature  à  arrêter 
les  mouvements  du  cœur.  Cependant  Reil,  Prochaska  ont 
conjecturé,  qu'outre  l'influx  nerveux  évidemment  fourni 
par  les  centres  nerveux,  chaque  nerf  avait  le  pouvoir  de  sé- 
créter lui-même  le  fluide,  quel  qu'il  soit,  qui  consti  tue  cet  in- 
flux. Ils  arguaient,  i<>decequiest  dans  les  derniers  animaux, 
chez  lesquels  chaque  partie  nerveuse  est  si  bien  apte  à  pro- 
duire l'innervation,  que  chaque  fragment  détaché  du  corps 
peut  continuer  de  vivre  ;  2°  de  ce  qui  est  dans  les  embryons 
des  animaux  supérieurs  eux-mêmes  ,  chez  lesquels  les  expan- 
sions nerveuses  sont  développées  avant  les  centres  ;  3o  de  ce 
qu'un  nerf  coupé  et  conséquemment  séparé  des  centres, 
continue  de  provoquer,  quand  on  l'irrite,  des  contractions 
de  muscles  jusque  dans  ses  ramifications  dernières;  4°  enfin, 


SOURCES   DE   L'INNERVATION.  l83 

de  la  persistance  qu'on  observe  encore  dans  les  fonctions 
organiques  dans  3es  movts  subites,  après  la  destruction  des 
centres  nerveux.  C'est  afin  de  fournir  à  cette  sécrétion  ner- 
veuse, disent-ils,  que  ies  nerfs  reçoivent  tant  de  vaisseaux 
artériels,  et  en  sont  partout  pénétrés.  Plusieurs  modernes 
ont  adopté   cette    manière  de   voir  de  Reil  et   Prochaska. 
Nous  citerons  M.  Broussais ,  qui  dit  que  les  nerfs  jouissent 
en  tout  lieu  de  leur  force  et  de  leurs  propriétés,  qu'ils  ne 
les  empruntent  point  au  cerveau ,  et  qu'ils  ne  communi- 
quent  avec  ce  centre  que  pour  la  correspondance  des  or- 
ganes.   Legallois  penchait  aussi  pour  cette  opinion,  bien 
qu'il  eût  vainement  cherché  à  la  démontrer  par  l'expérience 
suivante  :  il  mit  à  nu  dans  un  jeune  chat  les  nerfs  vagues 
au  col ,  et  détruisit  dans  une  étendue  aussi    grande  qu'il 
lui  fut  possible  tous  les  vaisseaux  qui  s'y  rendent;  il  espérait 
que,  si  ces  nerfs  sécrètent  eux-mêmes  le  fluide  nerveux  par 
lequel  ils  agissent,   ces  nerfs  ne  recevant  plus  le  sang  du- 
quel ils  le  retirent,  l'animal  manifesterait  les  mêmes  effets 
que  ceux  qui  résultent  de  la  section  de  ces  nerfs  ;  cela  n'ar- 
riva pas,  et  la  respiration  resta  facile.  Il  est  certainement 
possible  que  les  nerfs  soient,  non-seulement  conducteurs, 
mais  encore  un  peu  producteurs  de  l'influx  nerveux,  quel 
qu'il  soit  :  ne  voit-on  pas  l'irritation  artificielle  d'un  nerf 
amener  des  contractions  musculaires,  quand  l'irritation  du 
centre  nerveux  auquel  aboutit  ce  nerf  ne  suffit  plus  pour 
amener  ce  résultat  ?  Mais  certainement  dans   les  animaux 
supérieurs  chez  lesquels  la  vie  est  centralisée,  la  principale 
source  de  Pinfluence  nerveuse  est  dans  les  centres  ;  et  si  1  on 
veut  que  chaque  nerf  sécrète  le  fluide  nerveux  qu'il  em- 
ploie, comme  il  faut  reconnaître  qu'il  est ,  dans  cette  action 
de  sécrétion,  subordonné  à  l'état  des  centres,  c'est  comme 
si  l'on  disait  qu'il  reçoit  de  ces  centres  l'influx  nerveux.  Il 
est  certain,  en  effet,  que,  dans  les  animaux  supérieurs,  la 
centralisation  de  la  vie  n'est  pas  établie  seulement,  par  le 
concours  des  fonctions  organiques  supérieures  qui  servent  à 
faire  le  sang ,  ce  stimulus  indispensable  de  toute  vie  ;  mais 
qu'elle  résulte  encore  de  la  liaison  qui  est  établie  entre 
toutes  les  parties  nerveuses,  et  de  la  dépendance  dans  la- 


i84  de  l'innervation. 

quelle  sont  toutes  les  parties  nerveuses  d'une  partie  centrale 
qui  fonde  tout-à-fait  l'individualité  de  l'être.  A.  l'article 
des  connexions  des  divers  organes  entre  eux,  nous  recher- 
cherons quelle  est  la  partie  nerveuse  centrale  ,  et  dans  quel 
degré  lui  sont  subordonnées  toutes  les  autres;  nous  verrons 
que  cela  variera  selon  l'espèce  animale,  et  selon  l'âge. 

§  IV.  Essence  de  V Innervation. 

Enfin,  en  quoi  consiste  cette  innervation,  que  nous  ve- 
nons de  présenter  comme  une  condition  non  moins  néces- 
saire à  la  vie  des  organes  que  celle  du  sang  qui  les  nourrit, 
et  qui  peut-être  est  la  première  et  l'unique,  si  le  sang  ne  sert 
qu'à  fournir  au  système  nerveux  les  matériaux  avec  lesquels  il 
la  produit?  On  est  ici  dans  la  plus  complète  ignorance. 
L'action  n'esl-elle  pas  moléculaire,  et  conséquemment  hors 
la  portée  d'aucun  sens  ?  Avons-nous  pu  pénétrer  toute  autre 
action  nerveuse?  et  pouvons-nous  en  savoir  plus  sur  celle- 
ci,  dans  laquelle  réside  peut-être  tout  le  secret  de  la  vie  ? 
La  science  ne  peut  jusqu'à  présent  offrir,  sur  ce  fait  premier 
de  physiologie,  que  des  conjectures  plus  ou  moins  fondées. 
On  avait  pu  appliquer  quelques  hypothèses  mécaniques  au 
jeu  des  nerfs ,  pour  la  transmission  des  impressions  sensi- 
tives  et  des  voîitions  cérébrales;  par  exemple,  supposer  des 
vibrations  dans  leurs  fibrilles  élémentaires,  dans  les  globules 
qui  les  composent.  Mais  ici  on  a  plutôt  supposé  un  fluide, 
du  genre  des  fluides  impondérables  de  la  nature,  et  étant 
à  la  production  des  phénomènes  vitaux,  ce  que  le  calori- 
que, le  fluide  électrique  sont,  dans  la  physique  générale, 
aux  divers  phénomènes  qu'on  leur  rapporte.  N'est-ce  pas 
en  effet  aux  fluides  impondérables  que ,  dans  la  nature  gé- 
nérale ,  sont  dus  les  plus  importants  phénomènes  ?  et  quelle 
présomption  pour  qu'il  en  soit  de  même  dans  la  nature  or- 
ganisée ? 

Cette  hypothèse,  qui  fut  admise  dès  les  premiers  temps 
de  la  science,  est  encore  celle  à  laquelle  on  s'arrête 
aujourd'hui;  et  depuis  Arislote  jusqu'à  M.  Cuvier,  on  voit 
presque  tous  les  savants  rapporter  à  l'influence  d'un  fluide 


ESSENCE   DE    i/lNNERVATlON.  l85 

nerveux,  tour-à-tour  appelé  pneuma,  èther,  orne  sensitive, 
esprits  animaux ,  fluide  électrique,  galvanique ,  etc. ,  tous 
les  phénomènes  de  la  vie.  3Mais  les  opinions  sur  ce  qu'est  ce 
fluide  sont  très  diverses.  Nul  doute  que  le  système  nerveux 
n'en  soit  l'agent  sécréteur,  ou  du  moins  l'unique  conducteur 
dans  l'économie.  Mais  est-ce  un  fluide  impondérable  spécial 
aux  êtres  vivants?  ou  est-ce  un  de  ceux  admis  dans  la  phy- 
sique générale,  le  fluide  électrique  ,  par  exemple,  ou  le  ca- 
lorique, mais  modifié  par  une  action  particulière  du  système 
nerveux,  et,  par  conséquent,  produisant  cet  ordre  de  phé- 
nomènes nouveaux  dont  l'ensemble  constitue  la  vie?  C'est 
ce  qu'on  ignore,  et  ce  que  chacun  a  conjecturé  tour-à-tour. 
M.  Lamarck  admet  que  la  cause  excitatrice  de  la  vie  est  ré- 
pandue dans  les  milieux  divers  dans  lesquels  sont  plongés 
les  êtres  vivants;  que,  pour  les  plus  simples  de  ces  êtres, 
cette  cause,  qui  est  probablement  un  mélange  de  lumière 
et  de  fluide  électrique,  pénètre  sans  cesse  du  milieu  ambiant 
dans  le  corps  de  ces  êtres,  pour  y  entretenir  la  vie,  et 
même  pour  la  commencer;  mais,  qu'indépendamment  de 
ce  qui  leur  en  est  fourni  par  le  milieu  ambiant,  les  ani- 
maux supérieurs  ont  en  eux  un  moyen  de  la  développer 
toujours.  M.  Cuvier  fait  sécréter  du  sang  ce  principe,  par 
l'action  du  système  nerveux;  et,  des  modifications  qu'a- 
mènent dans  sa  composition  chimique  les  différents  agents 
extérieurs,  résultent  tous  les  phénomènes  de  la  vie  :  bien 
qu'émané  du  sang,  c'est  son  influence  qui  fait  agir  les  vais- 
seaux qui  sont  les  conducteurs  de  ce  fluide;  de  sorte  que 
du  rapport  réciproque  des  vaisseaux  et  des  nerfs,  dépend 
le  degré  d'intensité  des  actes  vitaux. 

Quant  à  la  question  de  savoir  si  le  fluide  nerveux,  au 
lieu  d'être  un  fluide  spécial,  n'est  pas  seulement  un  des 
fluides  impondérables  connus,  mais  modifié  par  des  condi- 
tions qui  sont  encore  à  découvrir,  la  plupart  des  physiolo- 
gistes out  penché  pour  cette  opinion ,  tant  à  cause  de  l'u- 
ni té  de  plan  qu'il  est  raisonnable  d'admettre  dans  l'ordon- 
nance de  tout  l'univers  ,  qu'à  cause  des  faits  nombreux  qui 
semblent  montrer,  entre  les  fluides  nerveux  et  galvanique, 
sinon  une  identité  complète,  au  moins  beaucoup  d'analo- 


J86  DE   i/'lN  NERVATION. 

gîe.  D'un  côté,  bien  que  dans  Fétat  actuel  de  la  science 
tous  les  phénomènes  vitaux  ne  soient  aucunement  explica- 
bles par  les  lois  physiques  et  chimiques  générales,  il  est 
probable  cependant  que  ces  phénomènes  ont  pour  moteurs 
les  mêmes  agents  que  les  phénomènes  physiques;  avec  cette 
addition  seulement  que  ces  agents,  ou  sont  plus  nombreux, 
ou  ont  subi  quelques  modifications;  en  un  mot ,  se  trouvent 
dans  quelques  conditions  nouvelles  ,  dont  la  découverte  se- 
rait celle  de  la  vie.  Beaucoup  de  physiologistes  de  l'époque 
actuelle  présument,  que  les  lois  de  la  vie  ne  sont  que  les 
lois  physiques  générales  modifiées  ;  et  dès  lors ,  ils  s'effor- 
cent,  par  une  investigation  et  une  comparaison  continuelles 
ae  la  nature  morte  et  de  la  nature  vivante,  de  pénétrer  en 
quoi  consistent  ces  modifications.  D'un  autre  côté,  beau- 
coup de  faits  que  nous  allons  rapporter  montrent  de  l'ana- 
logie entre  les  fluides  nerveux  et  galvanique. 

i°  Il  est  remarquable  que  le  système  nerveux,  qui  est 
évidemment  l'agent  sécréteur,  l'unique  conducteur  du  fluide 
de  ce  nom,  est  aussi  le  seul  qui  se  montre  sensible  au  gal- 
vanisme ,  quand  ce  galvanisme  est  appliqué  au  corps  des  ani- 
maux, soit  vivants,  soit  morts.  On  a  même  ,  par  ce  fait  seul , 
soupçonné  d'abord,  ensuite  découvert,  dans  des  animaux, 
des  nerfs  qu'on  n'y  supposait  pas  auparavant.  20  Le  fluide 
galvanique,  appliqué  après  la  mort  à  des  nerfs,  a  déter- 
miné, dans  les  muscles  auxquels  se  distribuent  ces  nerfs, 
aes  contractions  analogues  à  celles  qu'y  provoquent  la  vo- 
lonté ou  leurs  excitants  propres.  Depuis  le  jour  où  le  hasard 
présenta,  pour  la  première  fois,  ce  phénomène  à  Galvarri, 
il  a  été  constaté  par  un  grand  nombre  d'expérimentateurs, 
Bichat,  Aldini,  M.  de  Humboldt,  etc.  ;  et  les  faits  que  nous 
pourrions  citer  ici  se  présentent  en  foule.  Il  en  est  peu  qui 
soient  aussi  remarquables  que  ceux  qu'a  communiqués  ,  àla 
société  littéraire  de  Glascow,  le  docteur  U/e  .-sur  le  cadavre 
d'un  meurtrier  âgé  de  trente  ans, et  mort  du  supplice  de  la 
potence  ,  ce  médecin  a  fait  contracter  violemment  tous  les 
muscles  du  corps,  en  appliquant  les  deux  conducteurs  d'une 
pile  voitaïque  composée  de  deux  cent  soixante-dix  paires 
de  plaques,  î'unàla  moelle épinière  au  col ,  et  l'autre  au  nerf 


ESSENCE    DE    l/lNISERVATION.  187 

sciatique  à  la  hanche  ;  en  opérant  sur  le  nerf  phrénique  ,  il 
détermina  une  véritable  respiration;  et,  en  agissant  sur  le 
nerf  sus-orbitaire  au  front,  il  fit  produire  aux  muscles  de 
îa  face  les  expressions  les  plus  diverses.  3°  En  remplaçant, 
lors  de  la  section  d'un  nerf,  l'influx  nerveux  par  un  courant 
galvanique,  on  a  prévenu  la  paralysie  des  organes  auxquels 
le  nerf  coupé  se  distribuait,  et  on  a  vu  leurs  fonctions  con- 
tinuer. Ainsi  JVilson  Philip  a  vu3  comme  nous  l'avons  dit 
dans  le  temps  ,  que  ,  s'il  faisait  passer,  lors  de  la  section  des 
nerfs  vagues ,  un  courant  galvanique  par  ces  nerfs ,  la  chymi- 
fication  n'était  pas  suspendue  ,  et  la  respiration  ne  manifes- 
tait pas  la  gêne  qui  suit  d'ordinaire  cette  section.  MM.  Ed- 
wards et  Levasseur  ont  vérifié  ce  fait  à  Paris.   Ce  même 
JVilson  a  constaté  la  même  puissance  d'un  courant  galva- 
nique à  l'égard  des  sécrétions,  de  la  calorification.  Ainsi, 
de  même  que  le  fluide  galvanique  produit  sur  les  muscles  , 
pendant  la  vie  et  après  la  mort,  la  même  influence  que  l'in- 
flux nerveux ,  de  même  il  paraît  pouvoir  remplacer  cet  influx 
nerveux  pour  d'autres  actes  organiques,  la  cliymification  , 
l'hématose,  etc.  rappliqué  aux  nerfs  des  sens,  par  eux  il  excite 
la  production  des  sensations  qui  leur  sont  propres;  et  dès 
long-temps,  Sulzer  avait  annoncé  qu'ayant  placé  deux  mé- 
taux différents,  l'un  au-dessus  et  l'autre  au-dessous  de  la 
langue,  et  les  ayant  ensuite  fait  communiquer,  l'individu 
soumis  à  l'expérience  avait  éprouvé  une  sensation  de  saveur. 
4°  Non-seulement  le  fluide  galvanique  a  remplacé  le  fluide 
nerveux,  et  entretenu  les  mouvements  vitaux,  mais  le  sy- 
stème nerveux  seul  a  développé,  en  de  certains  cas,  le  gal- 
vanisme, et  avec  lui  tous  ses  effets.  Aldini ,  au  lieu  de  faire, 
dans  ses  expériences  ,  communiquer  le  nerf  et  le  muscle  par 
un  arc  métallique,  les  a  mis  dans  un  contact  immédiat,  et 
il  a  vu  les  contractions  survenir;  il  fallait  seulement  que  les 
parties  eussent  plus  de  vitalité;  le  phénomène  a  eu  lieu  sui- 
des animaux  à  sang  chaud,   chien,  chat,  comme  sur  des 
animaux  à  sang  froid.  5°  Des  animaux  développent  de  véri- 
tables phénomènes  électriques;  îa  torpille,  par  exemple,  et 
surtout  Y  anguille  tremblante  de  Surinam,  gymnolus  elec- 
tricus.  Or,  l'organe  qui  en  eux  est  l'instrument  de  leur 


*88  de  l'innervation. 

action  électrique,  non -seulement  a  une  structure  qui  est 
assez  analogue  à  une  pile  de  Volta  ,  puisqu'il  est  formé  d'un 
double  étage  de  cellules  ou  tubes  aponévro  tiques,  remplis 
d'une  humeur  gélatineuse  et  afbumineuse ,  et  contigus  su- 
périeurement et  inférieurement  à  la  peau  de  Tune  et  l'autre 
surface  du  poisson  ;  mais  encore  cet  organe  est  très  ricbe  en 
nerfs  qui  se  distribuent  à  chacun  des  tubes  ,  et  la  section  de 
ces  nerfs  le  paralyse,  comme  si  ces  nerfs  étaient  ici  ce  qui 
produit  le  dégagement  du  fluide.  6°  Selon  certains  physio- 
logistes, plusieurs  phénomènes  vitaux  peuvent  être  dits  des 
phénomènes  électriques;  et,  par  exemple,  MM.  Dumas  et 
Prévost  viennent  de  présenter,  comme  tels,  la  contractilité 
musculaire.  Etablissant  que  la  fibre  musculaire ,  au  moment 
de  sa  contraction ,  se  fléchit  en  zigzag ,  et  que  les  angles  de 
flexion  sont  toujours  situés  aux  mêmes  points,  et  là  où  les 
filets  nerveux  coupent  les  fibres  à  angles  droits  ;  ces  physio- 
logistes conjecturent  que  cette  contraction  est  due  au  passage 
d'un  courant  électrique  dans  ces  filets  nerveux  et  à  leurrap- 
prochement,  consécutivement  aux  lois  connues  des  actions 
électro-dynamiques.  70  Enfin,  il  est  entre  les  fluides  nerveux 
et  électrique  des  analogies  qui  justifient  le  rapprochement 
que  les  faits  précédents  ont  fait  établir  entre  eux.  Ainsi ,  le 
fluide  électrique  agit  à  distance ,  il  s'élance  de  ses  conduc- 
teurs sur  les  corps,  avant  que  ceux-ci  soient  au  contact.  Or 
il  en  est  de  même  du  fluide  nerveux.  Dans  les  expériences 
dans  lesquelles  on  a  coupé  les  nerfs  pour  arrêter  l'influx 
nerveux,  on  a  vu  celui-ci  continuer  d'être  propagé,  si  les 
deux  bouts  du  nerf  coupé  restaient  en  contact,  ou  même 
n'étaient  que  peu  éloignés;  le  courant  nerveux  était  au  con- 
traire arrêté ,  si  l'on  avait  retourné  les  deux  extrémités  du 
nerf  coupé.  M.  Desmoulins  vient  d'avancer  que  les  nerfs  en- 
céphaliques et  spinaux,  sauf  l'olfactif  et  l'optique,  ne  sont 
pas  continus  à  l'axe  cérébro-spinal,  mais  seulement  sont 
juxta-posés  à  cet  axe ,  de  sorte  que  ,  pour  l'exécution  de  leurs 
fonctions,  il  faut  bien  admettre  une  transmission  à  di- 
stance :  cette  disposition  anatomique  est  surtout,  dit  ce  na- 
turaliste ,  évidente  dans  les  poissons.  Une  autre  analogie  est 
que  le  fluide  électrique  forme  comme  une  atmosphère  au- 


ESSENCE    DE    i/lNNERVATION.  189 

tour  de  ses  conducteurs;  et  plusieurs  physiologistes,  Reîl , 
M.  de  Humboldl  disent  que  cela  est  aussi  du  fluide  nerveux. 
Reil  avait  supposé  cette  atmosphère,  pour  expliquer  la  sen- 
sibilité des  parties  dans  lesquelles  les  extrémités  nerveuses 
n'avaient  pas  paru  pénétrer;  et  M.  de  Humboldt  l'a  admise 
sur  ce  que,  dans  les  expériences  galvaniques,  il  n'était  pas 
absolument  nécessaire  ,  pour  déterminer  la  contraction  ,  que 
l'arc  métallique  touchât  le  muscle  ,  mais  qu'il  suffisait  qu'il 
en  fût  rapproché  de  la  distance  d'une  ligne.  Enfin  ,  l'inten- 
sité des  phénomènes  électriques  est  en  raison  de  l'étendue 
des  surfaces  desquelles  le  fluide  est  dégagé;  et  de  même  les 
phénomènes  nerveux  sont,  pour  leur  énergie,  en  raison  de 
Tétendue  des  épanouissements  nerveux  auxquels  ils  se  pro- 
duisent. M.  Desmoulins  a  fait  voir  que  la  vision  était  d'au- 
tant plus  étendue,  que  la  rétine  offrait  plus  de  plis  inté- 
rieurs; que  l'intelligence  était  en  raison  ,  non  du  volume  et 
de  la  masse  du  cerveau  ,  mais  de  l'étendue  des  surfaces  ex- 
terne et  interne  de  cet  organe  ,  c'est-à-dire  de  celle  des 
circonvolutions  en  dehors  ,  et  des  ventricules  en  dedans; 
et  c'est  d'après  ces  faits  et  plusieurs  autres  que  ce  natura- 
liste a  admis  cette  loi,  que  l'énergie  de  l'action  nerveuse 
est  toujours  proportionnelle  à  l'étendue  des  surfaces  ner- 
veuses. 

Sans  doute.,  ces  divers  faits  sont  propres  à  justifier  jusqu'à 
un  certain  point,  un  rapprochement  entre  les  fluides  ner- 
veux et  électrique;   et   en   faisant  ce  rapprochement,   les 
physiologistes  imitent  les  physiciens,  qui,  s'efforçant  de  ra- 
mener tous  les  phénomènes  à  un  moteur  unique,  viennent 
de  rattacher  le  magnétisme  à  l'électricité,  comme  ils  l'a- 
vaient fait  déjà  du  galvanisme.  Mais,  cependant,  loin  d'i- 
miter ceux  qui  font  de  l'encéphale  et  de  la  moelle  spinale 
de  purs  électro-moteurs,  nous  ne  présentons  tout  ceci  que 
comme  conjecture.  Si  un  courant  galvanique  a,  lors  de  la 
section  des  nerfs,  entretenu  les  fonctions,  ce  n'a  été  que 
pendant  un  temps  fort  court;  et  le  fluide  galvanique  a  pu 
n'agir  ici  que  comme  stimulus  ,  et  en  déterminant  le  déve- 
loppement de  la   portion  d'influence  nerveuse  qui  n'était 
pas  encore  éteinte.  JNous  bornant  donc  ici  à  rappeler  ce  qui 


190  DE    L  m  NERVATION. 

a  été  présumé,  et  les  faits  d'après  lesquels  on  a  établi  de  pre- 
mières suppositions,  nous  attendons,  pour  prononcer,  que 
le  temps  ait  apporté  de  nouvelles  lumières,  reconnaissant 
toute  la  difficulté  du  problème,  mais  ne  désespérant  pas  de 
la  possibilitédelevoir  résoudre.  Nous  terminons  sur  cet  arti- 
cle ,  en  exposant  les  deux  dernières  tentatives  qui  on  t  été  fai  tes 
en  ce  genre;  l'une  par  M.  Dutrochet,  dans  un  ouvrage  qu'il 
a  publié  l'an  dernier  sous  ce  titre  :  Y  Agent  immédiat  du 
mouvement  vital  dévoilé  dans  sa  nature  et  dans  son  mode 
d'action  chez  les  végétaux  et  chez  les  animaux  ;  l'autre  par 
M.  Bachoué  de  Vialer,  dans  un  mémoire  qu'il  a  présenté  à 
l'Académie  royale  de  médecine,  et  intitulé;  Essai  sur  une 
nouvelle  théorie  des  fonctions  du  système  nerveux  dans  les 
animaux. 

M.  Duirochet  professe  que  le  tissu  qui  constitue  le  corps 
des  végétaux  et  des  animaux,  est  composé  de  vésicules  qui 
contiennent  des  liquides  et  qui  en  sont  entourées;  et  que 
tous  les  phénomènes  de  la  vie  des  végétaux  et  des  animaux, 
tiennent  à  des  courants  électriques  qui  s'établissent  à  tra- 
vers les  parois  de  ces  vésicules,  entre  les  liquides  qui  sont 
dans  leur  intérieur,  et  ceux  qui  sont  à  leur  extérieur,  con- 
sécutivement à  la  différence  de  densité  et  de  nature  chi- 
mique des  uns  et  des  autres.  Un  jour  qu'il  observait  au  mi- 
croscope et  sous  l'eau  ,  une  moisissure  aquatique  qui  s'était 
développée  sur  une  plaie  faite  à  un  petit  poisson  dont  il 
avait  coupé  la  queue,  il  vit  que  l'eau  extérieure  à  la  moi- 
sissure était  introduite  avec  force  dans  les  cellules  qui  la 
composaient,  et  chassait  la  substance  qui  y  était  précédem- 
ment contenue.  Ayant  observé  de  la  même  manière  le  four- 
reau plein  de  sperme  que  laissent  les  limaces  dans  les  par- 
ties de  l'individu  avec  lequel  elles  s'accouplent,  il  vit  de 
même  l'eau  extérieure  pénétrer  dans  ce  fourreau  et  en  ex- 
pulser le  sperme,  quoique  celui-ci  formât  une  pâte  assez 
liquide.  Il  présuma  donc,  d'après  ces  deux  faits,  que  tout 
organe  creux,  quand  il  est  plongé  dans  l'eau,  jouit  de  la 
propriété  d'introduire  avec  violence  dans  son  intérieur  l'eau 
dans  laquelle  il  est  plongé,  et  de  chasser  de  sa  cavité  les 
substances  qui  auparavant  y  étaient  contenues.  Il  appela 


ESSENCE    DE    L'iNNERVATION.  191 

cette  action  physico-organique  endosmose,  et  chercha  à  la 
reproduire  artificiellement  avec  des  cœcums  de  poulet  qu'il 
remplissait  de  lait ,  et  qu'il  plongeait  dans  de  l'eau  de  pluie. 
Toujours  il  vit  l'eau  extérieure  pénétrer  à  travers  les  parois 
du  cœcum  dans  l'intérieur  de  cet  intestin.  Le  phénomène  ne 
cessa  que  lorsque  le  lait  fut  pourri.  Il  éiait  d'autant  plus  pro- 
noncé, que  le  liquide  placé  dans  l'intérieur  du  cœcum  était 
plus  dense  relativement  à  celui  qui  était  extérieur.  Si  celui-ci 
était  au  contraire  supérieur  en  densité,  le  cœcum  se  vidait 
par  une  action  inverse  de  la  précédente,  et  qu'à  cause  de 
cela   M.    Datrocliet.  appela  exosmose;  de  sorte  que  le  cou- 
rant s'établissait  toujours  du  fluide  le  moins  dense  vers  celui 
qui  l'était  le  plus,  Tl  expérimenta  que  la  nature  chimique 
des  liquides  influait  autant  que  leur  densité,  sur  la  direc- 
tion qui  était  imprimée  au  courant;  par  exemple,  la  pré- 
sence  d'un  liquide  alkalin   dans  l'organe  creux,   amenait 
constamment  l'endosmose,    tandis  que  celle  d'un  liquide 
acide  déterminaitl'exosmose;  desorteque  le  courant  s'établis- 
sait toujours  du  fluide  acide  vers  le  fluide  alkalin.  II  constata 
que,  si  on  adapte  un  tube  à  un  organe  creux  qui  est  dans  les 
conditions  de  l'endosmose,  la  force  qui  fait  pénétrer  l'eau 
extérieure  dans  l 'organe  creux,  élevé  en  même  temps  cette 
eau  à  une  assez  grande  bailleur  dans  le  tube.  Il  reproduisit 
ce  fait,  qui  le  portait  à  penser  que  l'endosmose  a  une  grande 
part  à  la  circulation  des  fluides  dans  les  êtres  vivants,  avec 
des  organes  végétaux  et  animaux  divers.  Il  construisit  un 
instrument ,   véritable  endosmomètre  ,  avec   lequel  il  put 
expérimenter  la  puissance  des  divers  liquides  sur  le  phéno- 
mène,  en  raison  de  leur  différence  de  densité  et  de  nature 
chimique.  Enfin  ,  il  reconnut ,  qu'en  même  temps  que  l'en- 
dosmose fait  pénétrer   le  liquide    extérieur   dans  l'organe 
creux,  une  partie  du  liquide  intérieur  à  celui-ci  suinte  en 
dehors  à  travers  ses  parois;  que  de  même,  lorsque  l'exosmose 
vide  l'organe  creux,   une  partie    du  liquide  extérieur  pé- 
nètre dans  sa  cavité  ;  de  sorte  qu'il  y  a  toujours  à  la  fois  en- 
dosmose et  exosmose,  c'est-à-dire  production  de  deux  cou- 
rants qui  sont  opposés,  mais  qui  sont  inégaux  en  intensité, 
le  courant.de  dehors   en  dedans  dominant  dans  l'endos- 


192  DE   L'INNERVATION. 


mose,  et,  au  contraire,  celui  de  dedans  en  dehors  étant  plus 
fort  dans  l'exosmose. 

Ces  deux  actions,  endosmose  et  exosmose,  étant  ainsi 
bien  constatées,  et  bien  distinguées  par  M.  Dutrochet  de 
tout  phénomène  physique,  chimique  et  organique  quel- 
conque ,  ce  savant  prétend;  d'une  part ,  que  ces  actions  sont 
des  phénomènes  électriques;  et  de  l'autre,  qu'elles  sont 
l'ame  de  tous  les  phénomènes  de  la  vie  des  végétaux  et  des 
animaux. 

Pour  preuve  que  c'est  l'électricité  qui  fait  ainsi  passer  à 
travers  une  membrane  organique,  un  liquide  moins  dense 
pour  le  diriger  vers  un  autre  qui  Test  plus,  M.  Dutrochet 
se  fonde  sur  les  considérations  suivantes  :  i<>  sur  ce  que  le 
contact  de  corps  qui  ont  des  densités  différentes  est  toujours 
une  cause  d'électricité;  2°  sur  ce  que  le  fluide  électrique 
accélère  l'écoulement  et  la  vaporisation  des  liquides,  et  par 
conséquent  donne  de  l'impulsion  à  ces  liquides;  3°  sur  une 
expérience  de  Porett ,  qui  semble,  selon  lui,  répéter  l'en- 
dosmose et  que  voici  :  Porett  sépara  un  vase  en  deux  com- 
partiments, à  l'aide  d'une  membrane  mince;  il  remplit 
d'eau  un  des  compartiments ,  et  ne  mit  que  quelques  goutles 
de  liquide  dans  l'autre;  alors  faisant  communiquer  le  pôle 
positif  d'une  pile  avec  le  compartiment  plein  d'eau,  et  le 
pôle  négatif  avec  le  compartiment  vide ,  il  vit  l'eau  passer  à 
travers  la  membrane,  du  compartiment  plein  dans  le  com- 
partiment vide.  4°  Enfin ,  sur  ce  qu'il  a  développé  tour-à- 
tour  les  phénomènes  de  l'endosmose  et  de  l'exosmose,  en 
faisant  communiquer;  dans  le  premier  cas,  le  pôle  négatif 
d'une  pile  avec  le  liquide  qui  remplit  l'organe  creux,  et  le 
pôle  positif  avec  le  liquide  extérieur;  et  dans  le  deuxième 
cas,  au  contraire,  le  pôle  positif  avec  le  liquide  intérieur, 
et  le  pôle  négatif  avec  le  liquide  extérieur.  Telles  sont  les 
considérations  d'après  lesquelles  M.  Dutrochet  assimile  les 
organes  creux  qui  présentent  les  phénomènes  de  l'endosmose 
et  de  l'exosmose ,  à  des  bouteilles  de  Leyde  ,  dont  les  parois 
seraient  perméables;  l'intérieur  et  l'extérieur  de  ces  organes 
creux  sont  dans  des  états  électriques  opposés;  un  courant 
électrique  s'établit  de  la  surface  qui  est  en  électricité  posi- 


ESSENCE    DE   i/lïN NERVATION.  193 

tive  vers  celle  qui  est  en  électricité  négative  ;  et  conséquem- 
ment  il  y  a  endosmose  ,  si  la  surface  interne  de  l'organe 
creux  est  à  l'état  d'électricité  négative ,  l'extérieure  étant  en 
électricité  positive;  et  au  contraire,  il  y  a  exosmose,  si  la 
surface  externe,  étant  en  électricité  négative,  la  surface  in- 
terne est  en  électricité  positive.  Pour  appuyer  toute  cette 
théorie,  M.  Dutrochet  remarque  que,  si  une  augmentation 
de  température  donne  plus  d'intensité  au  phénomène  de 
l'endosmose ,  on  sait  aussi  qu'une  augmentation  de  tempé- 
rature accroît  l'intensité  du  courant  électrique  qui  résulte 
du  contact  de  deux  métaux. 

Quant  à  la  manière  dont  M.  Dutrochet  assimile  les  phé- 
nomènes de  la  vie  végétale  et  de  la  vie  animale  aux  actions 
d'endosmose  et  d'exosmose,  voici  les  idées  de  ce  savant  à 
cet  égard.  On  sait  que,  dans  les  végétaux,  la  sève  monte 
des  racines  à  la  tige;  i<>  par  l'action  des  spongioles,  bour- 
geons terminaux  des  racines,  qui  évidemment  sont  les 
organes  de  l'absorption  et  de  l'impulsion  de  la  sève  lym- 
phatique; 20  par  l'action  des  feuilles  qui,  provoquant  au 
sommet  du  végétal  une  action  de  transpiration  et  d'évapo- 
ration  d'autant  plus  grande,  que  l'air  ambiant  est  plus 
chaud  et  plus  sec ,  exercent  comme  une  sorte  d'aspiration 
sur  la  sève  introduite  par  les  spongioles.  Or,  les  spongioles  , 
dit  M.  Dutrochet ,  sont  des  organes  celluleux  qui  contien- 
nent dans  leur  intérieur  des  fluides  organiques;  et  consé- 
quemment  elles  ne  peuvent  être  plongées  dans  de  l'eau  sans 
que ,  par  endosmose ,  elles  ne  fassent  pénétrer  cette  eau , 
non-seulement  dans  leur  intérieur,  mais  encore  jusqu'au 
sommet  de  la  tige.  C'est  ainsi  que  l'endosmose  est,  selon 
M.  Dutrochet ,  ce  qui  constitue  l'action  d'absorption  des 
spongioles  ,  et  la  cause  de  la  circulation  de  la  sève.  C'est  elUî 
aussi  qui  préside  au  développement  et  k  la  nutrition  des 
plantes,  à  leur  mouvement  de  composition  et  de  décompo- 
sition; car,  consistant  en  deux  courants  électriques  opposés, 
non-seulement  elle  porte  sans  cesse  de  nouvelles  substances 
dans  l'intérieur  des  parenchymes,  et  retire  une  partie  de 
celles  qui  y  existaient,  mais  encore  ell«  entraîne  des  modi- 
fications chimiques  continuelles  dans  ies  éléments  organi- 
Tome  IV.  ,3 


ig4  DE   L'INNERVATION. 

ques  des  parties  ,  toute  action  électrique  modifiant  la  nature 
chimique  de  la  matière,  de  même  que  toute  action  chimi- 
que entraîne  après  soi  un  développement  d'électricité.  Enfin, 
c'est  elle  aussi  qui  opère  les  sécrétions  ainsi  que  l'exhalation , 
laquelle,  du  reste,  n'est  qu'un  mode  de  sécrétion.  Selon 
M.  Dulrochet,  l'exhalation  des  végétaux  n'est  pas  plus  une 
simple  évapora tion  physique  ,  que  leur  absorption  n'est  un 
acte  de  capillarité;  elle  est  aussi  un  phénomène  d'endosmose. 
Ce  savant  ne  conteste  pas  sans  doute  que  la  capillarité,  la 
pesanteur,  l'agitation  par  les  vents,  n'exercent  une  influence 
sur  les  fonctions  des  végétaux;  mais  il  ne  considère  cette  in- 
fluence que  comme  accidentelle,  et  le  véritable  moteur  de 
la  vie  de  ces  êtres  est,  selon  lui,  l'agent  électrique.  Il  re- 
garde la  moelle  végétale  comme  étant  à  l'organisation  des  vé- 
gétaux, ce  que  le  système  nerveux  est  à  l'organisation  des 
animaux,  et  comme  destinée  à  dispenser  partout  l'activité 
vitale  ,  c'est-à-dire  l'électricité. 

Enfin,  les  conditions  de  l'endosmose,  savoir,  une  struc- 
ture vésiculaire,  et  la  présence  de  fluides  organiques  plus 
denses  que  l'eau  dans  les  vésicules,  existant  dans  les  ani- 
maux comme  dans  les  végétaux ,  M.  Dutrochet  fait  jouer  à 
cette  endosmose  le  même  rôle  dans  les  premiers  que  dans  les 
seconds.  Ainsi ,  de  même  qu'elle  était  l'a  me  de  la  progres- 
sion de  la  sève  dans  les  végétaux ,  elle  préside  à  la  circulation 
capillaire  dans  les  animaux ,  et  surtout  à  la  progression  du 
sang  dans  les  veines.  Au  même  titre,  elle  constitue  Y  ab- 
sorption ,  les  sécrétions ,  la  nutrition,  etc.  Seulement ,  toutes 
ces  actions  se  produisent  par  filtration  à  travers  des  mem- 
branes organiques  perméables;  tout  ce  qu'on  a  dit  des  radi- 
cules veineuses  pour  l'absorption,  et  des  extrémités  artérielles 
pour  l'exhalation  et  la  nutrition  ,  sont,  selon  M.  Dutrochet, 
des  fables  physiologiques.  Le  système  sanguin  est  une  cavité 
sans  issue,  et  c'est  par  une  filtration  à  travers  les  parois  des 
vaisseaux  qui  le  forment,  qu'il  reçoit  et  fournit  des  élé- 
ments. En  somme  ,  l'endosmose  est  encore  l'essence  de  toute 
la  vie  des  animaux;  et ,  puisque  cette  endosmose  est  un  phé- 
nomène électrique,  l'électricité  est  îe  moteur  de  la  vie  des 
animaux,  comme  elle  était  déjà  l'agent  de  celle  des  végétaux. 


ESSENCE    DE   L'INNERVATION .  1^5 

M.  Dutrochet  étend  même  sa  théorie  à  la  pathologie:  puis- 
que l'endosmose  est  l'acte  vital  par  excellence  ,  et  puisqu'elle 
est  un  phénomène  d'électricité,  on  conçoit  que  les  maladies 
consisteront  dans  un  vice  de  l'endosmose  ou  d'électricité  et 
que  c'est  à  modifier  cette  endosmose  que  devront  tendre  les 
agents  thérapeutiques  :  l'inflammation  ,  par  exemple ,  n'est , 
selon  M.  Dutrochet,  qu'une  hypérendosmose.  Mais  c'en  est 
assez  sur  la  théorie  électrique  de  ce  savant,  venons  à  celle 
de  M.  Bachoué. 

Le  système  de  M.  Bachoué  de  Violer,  sur  l'innervation 
n'est  qu'une  application  de  cette  loi  électro-chimique  de 
M.  Becquerel  :  que  lorsque  deux  substances,  mises  en  com- 
munication l'une  avec  l'autre,  par  un  fil  conducteur,  exer- 
cent simultanément  une  action  chimique  avec  une  troisième* 
il  se  développe  un  courant  galvanique 3  qui  se  dirige  tou- 
jours de  la  substance  où  cette  action  est  lapins  forte,  vers 
celle  où  elle  l'est  le  moins.  D'une  part,  dit  M.  Bachoué 
du  fluide  électrique  est  toujours  mis  en  évidence ,  toutes  les 
fois  qu'une  action  chimique  quelconque  se  produit.  D'autre 
part,  il  s'exerce  continuellement  dans  tous  les  organes  une 
action  chimique  simultanée,  par  suite  de  l'abord  du  sang  ar- 
tériel et  de  la  transformation  de  ce  liquide  en  sang  veineux. 
Enfin,  les  centres  nerveux  communiquent  par  des  conduc- 
teurs ,  lesnerfs ,  avec  toutes  les  parties  de  l'organisme.  Consé- 
quemment  il  doit  s'établir , dans  chaque  cordon  nerveux  un 
courant  galvanique  continuel ,  allant  de  son  extrémité  cen- 
trale à  son  extrémité  périphérique,  et  vice  versa,  suivant 
que  l'action  chimique  dont  ce  courant  émane  prédomine  à 
l'une  ou  à  l'autre  extrémité.  Or,  ce  courant  est ,  selon  M.  Ba- 
choué, ce  qui  détermine  le  jeu  de  chaque  organe;  et  voici 
comment  ce  médecin  explique,  par  ce  courant,  la  produc- 
tion de  toutes  les  actions  de  l'économie,  de  la  circulation,  des 
fonctions sensoriales,  l'état  de  sommeil ,  celui  de  veille,  etc. 
i°  La  circulation  étant  continue  dans  les  animaux  ,  il  y  a 
nécessité  de  reconnaître  pour  cause  à  cette  fonction,  un  agent 
qui  se  développe,  d'une  manière  continue,  dans  l'intérieur 
de  ces  êtres.  Cet  agent  est  le  fluide  électrique  qui  se  dégage  à 
l'occasion  de  l'action  chimique  que  le  sang  exerce  à  la  fois  et 

i3. 


196  Diz  l'ikjnervation. 

sur  les  centres  nerveux,  et  sur  les  tissus  organiques  à  la  pé- 
riphérie. Mais  comme  cette  action  prédomine  dans  les  cen- 
tres, le  courant  galvanique  qui  en  résulte  est  établi  de  ces 
centres  vers  les  organes  circulatoires ,  et  conséquemment  le 
jeu  de  ceux-ci  est  suscité.  Pour  déterminer  le  courant  dans 
cette  direction ,  la  nature  fait  prédominer  l'afflux  sanguin 
dans  les  ganglions  du  grand  sympathique,  centres  nerveux 
qui  président  à  la  circulation;  il  en  résulte  dans  ces  gan- 
glions une  action  chimique  plus  considérable,  et  par  suite , 
un  courant  galvanique  centrifuge  plus  prononcé.  Cette  dis- 
position a  encore  cet  avantage  de  diminuer  le  pouvoir  con- 
ducteur de  ces  nerfs  ,  d'après  ce  principe  de  physique  qu'un 
corps  est  d'autant  moins  bon  conducteur  du  fluide  électrique, 
qu'il  a  par  lui-même  une  action  électro-motrice  plus  forte; 
d'où  il  résulte  que  la  circulation  est  affranchie  le  plus  possible 
des  perturbations  que  produiraient  en  elle  les  courants  qui 
traversent  sans  cesse  les  autres  parties  du  système  nerveux, 
c'est-à-dire  les  nerfs  cérébraux  et  vertébraux  avec  lesquels 
ceux  du  grand  sympathique  communiquent.  Ainsi,  d'une 
part ,  le  jeu  des  organes  circulatoires  est  continuellement 
provoqué  par  le  courant  galvanique  centrifuge  qui  résulte 
de  l'action  chimique  exercée  simultanément  par  le  sang, 
dans  les  centres  nerveux  et  dans  les  organes  à  la  périphérie  du 
corps;  et  d'autre  part,  l'arrivée  non  interrompue  du  sang 
dans  les  organes  y  détermine,  sans  interruption  aussi ,  l'ac- 
tion chimique  nécessaire  au  développement  de  l'électricité, 
d'où  dépend  la  continuité  de  la  circulation.  2°  M.  Bachoué 
explique  de  même  le  mécanisme  des  fonctions  sensoriales ;  le 
contact  des  agents  extérieurs  sur  les  extrémités  nerveuses 
sensitives ,  y  rend  prédominante  l'action  chimique  qui  s'y 
produit  continuellement  par  l'abord  du  sang  artériel  ;  de  là, 
production  d'un  courant  galvanique  qui  se  dirige  de  la  pé- 
riphérie au  centre  ;  ce  courant  va  déterminer  le  jeu  du 
cerveau  pour  l'accomplissement  des  sensations;  et  cet  or- 
gane, excité  par  ce  travail,  devient  le  siège  d'une  action 
chimique  plus  prononcée  ,  qui  irradie  un  autre  courant  gal- 
vanique centrifuge  dans  les  muscles  qui  doivent  exécuter  les 
mouvements.  3°  Quant  au  sommeil,  il  aura  lieu  toutes  les 


ESSENCE   DE    L'iNNERVATION.  197 

fois  que  les  actions  chimiques  prédomineront  aux  extrémités 
centrales  des  nerfs,  et  que  conséquemmeiit  tous  les  courants 
galvaniques  se  dirigeront  vers  leurs  extrémités  périphéri- 
ques ;  et,  en  effet,  on  peut  remarquer  que  cet  état  s'accom- 
pagne d'une  fluxion  manifeste  du  sang  sur  le  cerveau.  4°  La 
veille  est,  au  contraire,  provoquée  par  la  nécessité  d'ac- 
complir certains  besoins,  certaines  excrétions,  et  par  l'in- 
fluence des  excitants  externes;  toutes  circonstances  qui  font 
prédominer  les  actions  chimiques  de  la  périphérie ,  et  qui 
conséquemment  dirigent  vers  les  centres  les  courants  galva- 
niques. Ainsi  donc,  M.  Bachoué  dérive  tous  les  phénomènes 
de  vie  d'une  action  chimique  donnant  lieu  à  un  dévelop- 
pement d'électricité.  Il  étend  aussi  son  système  à  l'état  pa- 
thologique ;  si  l'action  chimique  est  renfermée  dans  de  justes 
proportions,  tous  les  phénomènes  de  vie  sont  selon  l'ordre 
de  la  santé;  dans  le  cas  contraire,  ces  phénomènes  sont 
morbides;  toutes  les  maladies  reconnaissent  pour  causes  des 
actions  chimiques  contre  nature ,  donnant  naissance  à  des 
courants  galvaniques  irréguliers. 

Nous  avons  déjà  dit  que  nous  ne  présentions  toutes  ces 
théories,  que  comme  des  tentatives  auxquelles  il  fallait 
applaudir  sans  doute,  mais  qu'il  ne  fallait  accueillir  qu'a- 
vec réserve.  Nous  opposerons  même  à  M.  Bachoué ,  des  ex- 
périences qu'a  faites  M.  P oui II et  à  l'hôpital  Saint-Louis,  à 
l'occasion  de  l'acupuncture,  et  qui  contredisent  "cette  idée 
de  courants  galvaniques  centrifuges  ou  centripètes,  déve- 
loppés dans  les  organes  lors  de  la  production  des  phéno- 
mènes vitaux.  Sans  doute  la  théorie  doit  faire  admettre  que 
les  diverses  eauses  capables  de  développer  de  l'électricité, 
sont  sans  cesse  en  jeu  dans  les  corps  organisés,  savoir;  les 
frottements,  les  pressions  et  tensions  des  parties  élastiques, 
les  contacts  de  substances  hétérogènes,  leurs  changements 
de  température,  enfin  les  combinaisons  chimiques  qui  se 
font  à  chaque  instant  dans  tous  les  points  du  corps.  Mais 
il  n'en  faut  pas  moins  que  l'expérience  confirme  ce  que  fait 
préjuger  la  théorie,  et  c'est  ce  qui  n'a  pas  été  jusqu'à  présent. 
M.  Pouillet  a  placé,  dans  l'artère  carotide  d'un  lapin  une 
aiguille  de  platine  adaptée  à  l'une  des  extrémités  du  mal- 


198  DE    L'INNERVATION. 

tiplicateur  de  Shweiger,  et  dans  la  veine  jugulaire  du  même 
animal,  une  autre  aiguille  correspondant  à  l'autre  extré- 
mité du  multiplicateur;  bien  que  la  première  aiguille  fût 
alternativement  retirée  du  sang  et  enfoncée  dans  ce  li- 
quide, bien  qu'on  variât  autant  que  possible  les  contacts,  le 
multiplicateur  est  resté  immobile,  preuve  qu'il  n'y  avait 
aucun  courant  de  l'artère  à  la  veine.  Cependant  on  pou- 
vait croire  que  la  respiration ,  qui  transforme  dans  un  temps 
très  court  un  poids  de  matière  considérable,  devait  entraî- 
ner une  décomposition  des  deux  électricités  dans  le  pou- 
mon ;  une  des  électricités  aurait  dû  passer  dans  le  sang  qui 
arrive,  l'autre  dans  le  sang  qui  sort;  et  par  conséquent  il 
aurait  dû  y  avoir  un  courant  électrique  entre  le  sang  arté- 
riel et  le  sang  veineux.  Cela  n'a  pas  été.  Le  multiplicateur 
n'a  pas  plus  accusé  de  courant,  quand  M.  Pouillel  a  placé 
l'une  des  aiguilles  de  platine  dans  la  partie  supérieure  de 
3a  moelle  épinière  d'un  lapin  ,  et  l'autre  à  l'extrémité  infé- 
rieure de  cette  même  moelle  ;  de  sorte  qu'il  n'y  aurait  pas 
plus  de  courant  galvanique  dans  le  système  nerveux  qu'entre 
les  deux  sangs.  On  conçoit  tout  ce  qu'ont  de  force  contre  le 
système  de  M.  Backouè  de  pareilles  expériences  ,  puis- 
qu'elles mettent  en  doute  le  fait  même  sur  lequel  ce  sy- 
stème repose. 


TROISIEME  PARTIE 


POUR  avoir  une  notion  complète  du  mécanisme  de  la  vie 
de  l'homme,  il  ne  suffit  pas  d'avoir  étudié  isolément  chacune 
des  fonctions  propres  à  cet  être;  il  faut  encore  rechercher 
l'enchaînement,  les  connexions  de  ces  fonctions,  savoir; 
d'après  quel  ordre  elles  concourent  à  constituer  son  indi- 
vidualité, dans  quel  degré  elles  se  subordonnent  ou  se  com- 
mandent les  unes  les  autres.  Il  faut  aussi  étudier  les  rap- 
ports obligés  de  l'homme  avec  toute  la  nature,  rapports 
dont  plusieurs  sont  des  conditions  absolument  nécessaires 
à  la  vie,  et  dont  tous  ont  une  part  à  la  production  des  phé- 
nomènes vitaux,  les  corps  qui  les  fondent  étant,  ou  la  ma- 
tière avec  laquelle  se  produisent  ces  phénomènes  vitaux,  ou 
la  cause  qui  les  excite  à  se  produire.  À  la  vérité,  plusieurs 
des  faits  relatifs  à  ces  deux  objets  ,  ou  ont  été  indiqués 
dans  l'étude  particulière  que  nous  avons  faite  des  fonc- 
tions, ou  se  déduisent  naturellement  de  la  connaissance 
qu'on  en  a  acquise.  Mais  plusieurs  aussi  ont  été  omis,  par 
exemple,  tout  ce  qui  est  relatif  aux  sympathies;  les  autres 
n'ont  été  indiqués  qu'en  passant;  tous  enfin  réclament 
une  étude  spéciale.  Cette  étude  d'ailleurs  sera,  comme  le 
résumé,  la  généralisation  de  tont  ce  que  nous  avons  dit 
jusqu'ici. 


2  00         DES  CONNEXIONS  DES  FONCTIONS. 


SECTION  PREMIERE. 


DES    CONNEXIONS    DES    FONCTIONS. 


Nous  avons  dit  que  le  propre  de  tout  corps  organisé  était 
d'offrir  un  consensus  entre  ses  diverses  parties  constituan- 
tes; que,  tandis  que  les  parties  qui  composent  un  minéral 
peuvent  exister  par  elles-mêmes  ,  et  n'ont  pas  un  lien  obligé 
entre  elles  ,  celles  qui  composent  un  être  vivant  sont  dans 
une  dépendance  mutuelle  les  unes  des  autres  :  nous  avons 
fait  de  ce  trait  un  caractère  distinctif  de  l'organisation  et 
de  la  vie.  Il  est  certain,  en  outre,  que  ce  consensus  entre 
toutes  les  parties  est  dans  les  êtres  vivants  d'autant  plus 
grand  ,  que  la  vie  et  l'organisation  y  sont  plus  compliquées. 
À  ce  double  titre,  il  doit  être  extrême  chez  l'homme;  et, 
en  effet,  les  liens  les  plus  multipliés  unissent  entre  elles 
toutes  les  parties  du  corps  de  cet  être;  une  modification 
imprimée  à  une  de  ces  parties  nécessairement  se  propage  à 
toutes  les  autres. 

Il  s'agit  d'énumérer  tous  ces  liens,  d'assigner  la  condi- 
tion matérielle  qui  les  établit ,  de  rechercher  par  quel  mé- 
canisme elle  le  fait,  de  faire  sentir  toute  leur  importance, 
et  de  montrer  comment  ils  constituent  l'individualité  de 
l'être.  Nous  les  rangeons  en  trois  classes;  les  rapports  mé- 
caniques, tenant  aux  influences  physiques  aue  les  divers 
organes  du  corps  exercent  les  uns  sur  les  autres;  ceux  que 
nous  appelons  liens  ou  rapports  fonctionnels ,  parce  qu'ils 
dépendent  de  l'enchaînement  des  fonctions;  et  ceux  que 
nous  appelons  liens  ou  rapports  sympathiques ,  qui  ne  sont 
dus  ni  à  cet  enchaînement,  ni  aux  connexions  mécaniques 
des  parties,  et  qui  tiennent  à  une  loi  particulière  du  sy- 
stème nerveux,  la  loi  d'irradiation. 


DES   RAPPORTS   MÉCANIQUES   DES   ORGANES.  201 

CHAPITRE  PREMIER. 

Des  Rapports  mécaniques  des  Organes. 

Les  divers  organes  du  corps  humain  ,  par  cela  seul  qu'ils 
sont,  ou  continus,  ou  contigus  et  situés  très  près  les  uns 
des  autres,  ou  réunis  sous  une  même  enveloppe  commune, 
ne  peuvent  agir  sans  s'influencer  respectivement  d'une  ma- 
nière mécanique,  sans  que  l'exercice  des  uns  n'imprime 
quelques  modifications  physiques  aux  autres  ;  par  exemple, 
ne  change  leur  situation,  n'exerce  sur  eux  quelque  pres- 
sion ,  quelque  traction  ,  ou  ne  devienne  pour  eux  l'occasion 
de  quelque  choc ,  de  quelque  secousse  ,  etc.  Cela  fonde  pour 
eux  uu  premier  genre  de  rapports  que  nous  appelons  méca- 
niques; qui,  sans  doute,  sont  moins  importants  que  les 
rapports  fonctionnels  et  sympathiques  qui  nous  occuperont 
ci-après;  mais  qui  cependant  sont  assez  considérables  en 
certaines  fonctions,  et,  à  cause  de  cela,  méritent  d'être 
mentionnés.  Tout  organe  susceptible  d'exécuter  un  mouve- 
ment appréciable ,  influe  d'une  manière  mécanique  sur  les 
organes  voisins;  et,  sous  ce  rapport,  doivent  être  mis  au 
premier  rang  les  organes  de  la  locomotion,  de  la  respira- 
tion, de  la  circulation  ,  de  la  digestion,  et  ceux  chargés  de 
conserver  en  dépôt  et  d'excréter  quelques  matières  solides 
ou  liquides. 

D'abord ,  la  locomotion  ne  peut  s'accomplir  sans  que  les 
muscles  qui  agissent  ne  modifient  mécaniquement  la  situa- 
tion de  beaucoup  de  parties,  n'exercent  quelque  traction 
sur  les  unes,  quelque  pression  sur  les  autres,  n'impriment 
une  secousse  à  presque  toutes.  N'avons-nous  pas  vu  des  ap- 
pareils musculaires  faire  varier  la  situation  des  organes  des 
sens,  selon  que  nous  voulions  soumettre  ou  dérober  ces  or- 
ganes aucontactde  leurs  excitants  propres  ?  Les  divers  réser- 
voirs excrémentitiels  ne  sont-ils  pas  environnés  de  muscles, 
qui ,  en  exerçant  une  pression  sur  eux ,  favorisent  leur  ac- 
tion d'excrétion?  Lors  de  la  contraction  des  muscles,  la 
circulation  des  fluides  ne  s'aecélère-t-elle  pas  dans  tous  les 


202  DES   CONNEXIONS    DES    FONCTIONS, 

vaisseaux  qui  sont  dans  le  voisinage,  et  sur  les  parois  des- 
quels les  muscles  en  action  peuvent  exercer  une  pression  ? 
De  semblables  influences  mécaniques  ne  sont-elles  pas  exer- 
cées sur  tous  les  viscères  intérieurs  par  les  parois  des  cavités 
splanchniques  ,  quand  ces  parois  sont  musculaires  ?  Enfin, 
le  déplacement  seul  du  corps  dans  la  locomotion  générale 
n'imprirae-t-il  pas  nécessairement  à  toutes  les  parties  une 
succussion  mécanique  qui  doit  exciter  en  elles  l'activité  vi- 
tale, et  entrer  pour  quelque  chose  dans  les  effets  de  l'exercice? 
Il  en  est  de  même,  et  au  même  titre,  de  la  respiration, 
ne  voulant  parler  ici  que  des  influences  mécaniques  qu'exerce 
cette  fonction  par  les  mouvements  d'inspiration  et  d'expi- 
ration. Sans  rappeler  la  nécessité  dont  est  sous  le  rapport 
physique  cette  fonction,  pour  la  formation  de  la  voix  d'a- 
bord, elle  exerce  une  grande  influence  sur  le  cours  du  sang  : 
quand  il  y  a  inspiration  ,  le  poumon  dilaté  est  plus  acces- 
sible au  sang  veineux,  et  toute  la  circulation  du  sang  noir 
est,  de  proche  en  proche,  accélérée  mécaniquement  :  quand 
il  y  a  expiration,  le  poumon  comprimé  n'est  pas  aussi  ac- 
cessible au  sang  veineux,  et  la  circulation  de  ce  fluide,  de 
proche  en  proche  ,  se  ralentit  dans  tout  le  cours  du  système 
vasculaire  à   sang  noir.  Sous  ce  rapport,  rinfluence  de  la 
respiration  s'étend  jusqu'aux  extrémités  du  système  circu- 
latoire, et  cette  fonction  se  trouve  intimement  liée  à  celle  de 
lacirculation.  Ainsi  s'explique  pourquoi  l'on  rougi  tdans  tous 
les  cas  d'expiration  prolongée,  lors  des  efforts,  des  excré- 
tions difficiles ,  etc.  En  second  lieu ,  de  même  que  les  muscles 
respirateurs  influent,  par   le  degré  de  pression  auquel  ils 
soumettent  le  cœur  et  les  gros  vaisseaux,  sur  lacirculation; 
de  même,    leur  influence   mécanique  s'étend  aux  organes 
de  l'abdomen  ;  par  exemple  ,  ils  soumettent  l'estomac  à  une 
oscillation   mécanique  favorable  à  ses  fonctions;  ils  aident 
aux  excrétions  du  vomissement,  de  la  défécation  ,  à  celle  de 
l'urine,  en  associant  leur  action  à  celle  des  parois  de  l'ab- 
domen ,  et  en  formant  avec  ces  parois  une  cavité  musculeuse 
qui  enveloppe  de  toutes  parts  les  réservoirs  de  ces  excrétions, 
et  les  comprime.   Par  le  même  mécanisme ,   ils  expulsent 
quelquefois,  par  quelques-unes  des  ouvertures  naturelles  de 


DES   RAPPORTS   MÉCANIQUES   DES    ORGANES.  2o3 

l'abdomen,  plusieurs  des  organes  qui  y  sont  contenus,  et 
produisent  des  hernies.  Enfin  ,  ces  mouvements  respirateurs 
servent  aussi,  lors  de  tout  effort  quelconque,  à  fixer  le 
thorax,  et  à  donner  à  cette  partie  du  tronc  toute  l'immo- 
bilité dont  elle  a  besoin  pour  former  un  point  d'appui  aux 
muscles  nombreux  qui  doivent  agir.  Nous  avons  dit  dans  le 
temps  comment  la  coïncidence  de  contraction  ,  des  muscles 
de  la  glotte  d'une  part ,  pour  retenir  l'air  dans  le  poumon  p 
et  de  tous  les  muscles  expirateurs,  et  particulièrement  des 
muscles  abdominaux  de  l'autre,  pour  expulser  cet  air,  ame- 
nait cette  fixité  du  thorax. 

De  son  côté,  la  circulation  nous  offre  un  certain  nombre 
de  rapports  mécaniques.  D'abord,  le  cœur,  par  la  force  avec 
laquelle  il  projette  le  sang  dans  les  artères,  imprime  à 
toutes  les  parties  que  pénètrent  des  artères  un  peu  grosses, 
ou  qui  sont  en  contact  avec  ces  vaisseaux,  une  succussion 
qui  est  pour  elles  une  stimulation  vitale.  Nous  avons  vu 
un  exemple  sensible  de  cette  succussion  ,  dans  les  mouve- 
ments d'élévation  que  les  artères  qui  sont  à  la  base  de  l'en- 
céphale impriment  à  cet  organe.  En  second  lieu,  dans  l'u- 
nion obligée  qui  existe  entre  la  circulation  générale  ou  des 
gros  vaisseaux,  et  la  circulation  capillaire,  s'il  se  fait  une 
déplétion  soudaine  et  abondante  dans  les  vaisseaux  de  l'une, 
il  en  résulte  une  déplétion  mécanique  dans  les  vaisseaux  de 
l'autre.  Ainsi  ,  l'ouverture  d'une  grosse  artère  ou  d'une 
veine  amène-t-elîe  une  hémorrhagie  abondante  ?  de  proche 
en  proche  les  parenchymes  des  organes  se  vident  de  sang.  Et 
de  même,  une  irritation  appelle- t~elle  dans  un  des  dépar- 
tements du  système  capillaire  une  grande  quantité  de  sang  ? 
mécaniquement  les  parties  voisines,  de  proche  en  proche 
jusqu'aux  gros  vaisseaux,  se  vident  aussi.  Ainsi  l'on  ex- 
plique pourquoi  l'on  pâlit, ,  pourquoi  l'on  tombe  en  syncope 
à  1  occasion  d'une  saignée,  d'une  application  de  sangsues. 

Enfin,  avons-nous  besoin  de  dire  ,  que  les  organes  des  in- 
gestions et. des  excrétions  ne  peuvent  se  remplir  ni  se  vider, 
sans  exercer  des  influences  mécaniques  sur  les  organes  cir- 
convoisins?  Lorsque  l'estomac  est  plein  d'aliments,  les  vis- 
cères abdominaux  sont  plus  comprimés,   l'abdomen  saille 


2  04  DES   CONNEXIONS    DES   FONCTIONS, 

plus  en  dehors  ;  le  diaphragme  peut  moins  s'abaisser  dans 
cette  cavité  ;  les  mouvements  respirateurs  ne  peuvent  être 
aussi  étendus,  et  toutes  les  fonctions  qui  en  dérivent, 
comme  la  voix,  la  parole,  le  chant,  sont  moins  faciles. 
Lorsque  l'utérus  est  distendu  par  le  produit  de  la  concep- 
tion ,  ces  effets  mécaniques  sont  encore  plus  évidents  ;  la 
pression  que  cet  organe  exerce  alors  sur  les  organes  voisins  , 
la  vessie,  le  rectum,  les  nerfs  et  les  gros  vaisseaux  des  mem- 
bres, etc. ^  est  telle,  qu'il  en  résulte  souvent  des  troubles  dans 
les  fonctions  de  ces  organes;  il  y  a  de  continuelles  envies 
d'uriner  et  d'aller  à  la  garde-robe ,  enflure  des  membres  in- 
férieurs, difficulté  de  marcher,  des  crampes  ,  etc.  Mais  c'en 
est  assez  sur  ces  rapports  mécaniques,  qui  se  conçoivent  ai- 
sément, et  que  nous  devions  seulement  indiquer. 

CHAPITRE  IL 

Des  rapports  fonctionnels  des  Organes* 

Il  suffit  de  se  rappeler  que,  dans  le  corps  humain,  c'est 
le  concours  de  beaucoup  d'actes  qui  édifie  les  conditions  de 
la  vie,  et  qui  accomplit  les  diverses  facultés,  pour  conce- 
voir qu'il  doit  y  avoir  sous  ce  double  rapport  des  liens 
forcés  entre  les  parties.  Dans  un  être  vivant  dont  l'organi- 
sation est  simple,  autant  homogène  que  possible,  chaque 
partie  contient  en  elle  les  éléments  de  sa  vitalité  ,  de  sa  fa- 
culté, les  renouvelle  par  elle  seule,  et  par  conséquent  est 
indépendante  de  toutes  autres  ;  la  vie  n'est  aucunement 
centralisée,  et  chaque  fragment  détaché  de  l'être  peut  vivre 
isolément.  Mais  il  n'en  est  pas  de  même  dans  celui  dont 
l'organisation  est  complexe,  et  le  mécanisme  de  la  vie  com- 
pliqué ;  c'est  par  le  concours  d'organes  divers ,  et  souvent 
fort  distants  les  uns  des  autres,  que  la  vitalité  de  chaque 
partie  est  entretenue,  que  s'accomplit  chaque  faculté;  la 
vie  est  centralisée,  se  montre  dépendante  de  l'intégrité  de 
quelques  centres,  et  des  liens  intimes  existent  entre  toutes 
les  parties.  Ce  sont  ces  liens  que  nous  appelons  rapports 
fonctionnels  ;  et  chez  l'homme ,  qui  de  tous  les  êtres  vivants 


DES  RAPPORTS  FONCTIONNELS  DES  ORGANES,    2  05 

est  le  plus  compliqué,  ils  sont  d'un  haut  intérêt.  Dans  l'é- 
tude que  nous  allons  en  faire ,  nous  les  partagerons  en  deux 
ordres,  selon  qu'ils  sont  relatifs  à  l'entretien  de  la  vie  en 
général,  ou  à  l'accomplissement  de  chaque  faculté  en  par- 
ticulier. 

ARTICLE   PREMIER. 

Rapports  fonctionnels  relatifs  à  l'entretien  de.  la  vie  en  général. 

Toute  partie  du  corps  humain ,  pour  continuer  de  vivre 
et  d'être  apte  à  exécuter  sa  fonction,  a  besoin  de  deux  in- 
fluences ou  conditions,  la  présence  du  sang  artériel  et  une 
influence  nerveuse.  Or,  dans  l'homme,  chaque  partie  ne 
peut  à  elle  seule  établir  ces  conditions  ;  elle  ne  les  doit  qu'au 
concours  de  plusieurs  organes,  et  qui  sont  assez  distants;  et 
delà  un  premier  ordre  de  rapports  fonctionnels,  de  liens 
entre  les  organes,  et  une  première  cause  de  la  dépendance 
dans  laquelle  quelques-uns  tiennent  tous  les  autres. 

§  Ier.  Rapports  fonctionnels  relatifs  à  la  première  condition  w'tale ,  la 
présence  du  sang  artériel  dans  les  organes. 

Tout  organe ,  sans  exception ,  cesse  d'exercer  son  office , 
et  meurt ,  quand  le  sang  artériel  ne  lui  arrive  plus.  C'est  ce 
qu'a  montré  l'histoire  que  nous  avons  faite  des  fonctions , 
et  ce  que  vont  prouver  les  détails  dans  lesquels  nous  allons 
entrer  ci-après,  sur  l'asphyxie  et  la  syncope.  Qui  ne  sait 
d'ailleurs  que  toute  partie  meurt,  quand  on  a  lié  ou  coupé 
toutes  les  artères  qui  lui  apportent  le  sang?  Or,  ce  n'est 
que  par  le  concert  de  plusieurs  fonctions,  que  le  sang  arté- 
riel est  fait  et  distribué  sans  interruption  dans  toutes  les 
parties  du  corps;  et  de  là,  une  importance  plus  ou  moins 
grande  des  diverses  fonctions,  selon  la  part  plus  ou  moins 
prochaine  qu'elles  ont  à  l'établissement  de  cette  première 
condition  vitale.  A  cet  égard  ,  nous  en  distinguerons  de  trois 
sortes  :  les  unes  qui  y  concourront  d'une  manière  si  pro- 
chaine,  que  leur  interruption  pendant  quelques  instants 
suffira  pour  amener  la  mort:  les  autres,  dont  la  suspension 


206  DES   CONNEXIONS    DES    FONCTIONS, 

n'entraînera  ce  résultat  funeste  qu'après  quelques  jours; 
les  troisièmes  enfin  ,  qui ,  ne  faisant  qu'influer  sur  la  crâse 
du  sang  ,  auront  des  effets  moi  as  malheureux,  ou  du  moins 
plus  éloignés. 

i°  Il  existe  chez  l'homme  deux  fonctions,  la  respira- 
tion et  la  circulation ,  qui  influent  si  prochainement  sur 
la  condition  vitale  dont  nous  nous  occupons  ici,  qu'elles 
ne  peuvent  se  suspendre  quelques  instants  sans  entraîner 
la  mort. 

A.  La  respiration 3  comme  on  l'a  vu,  est  la  fonction  qui  fait 
le  sang  artériel.  Si,  par  une  cause  quelconque,  elle  est  sus- 
pendue, le  sang  veineux  qu'elle  devait  changer  en  sang  ar- 
tériel,  n'éprouve  pas  ce  changement;  c'est  à  l'état  de  sang 
veineux  qu'il  est  rapporté  aux  cavités  gauches  du  cœur,  et 
de  là  projeté  à  toutes  les  parties;  et  une  mort  prompte  en 
est  la  suite.  C'est  ce  que  montre  l'histoire  de  L'asphyxie, 
dont  c'est  ici  le  lieu  de  donner  la  théorie  physiologique. 

Cette  asphyxie  peut  arriver  de  beaucoup  de  manières.  Ou 
l'air,  aliment  de  la  respiration  ,  manque;  comme  quand  on 
est  dans  îe  vide,  ou  plongé  dans  l'eau.  Ou  l'air  fourni  à  la 
respiration  n'est  pas  respirabie,  est  de  mauvaise  qualité.  Ou 
un  obstacle  quelconque  s'oppose  à  l'introduction  de  l'air 
dans  le  poumon ,  comme  dans  la  strangulation.  Ou  enfin  ,  le 
poumon,  quoique  recevant  de  l'air,  et  un  air  de  bonne 
qualité,  ne  l'élabore  pas;  comme  quand,  par  la  section  de 
la  huitième  paire  ,  on  a  paralysé  son  tissu.  Chacun  de  ces 
modes  d'asphyxie  offre  sans  doute  des  traits  qui  lui  sont 
propres,  parce  qu'à  la  cause  principale  de  mort,  que  nous 
verrons  être  la  non-formation  de  sang  artériel,  souvent  s'en 
ajoutent  d'autres,  comme  l'état  apoplectique  ,  la  congestion 
du  sang  dans  le  cerveau,  quelquefois  la  luxation  d'une  des 
vertèbres  du  col,  etc.,  dans  l'asphyxie  par  strangulation. 
Cela  est  évident  surtout  dans  l'asphyxie  par  les  gaz  non 
respirables,  pour  ceux  de  cesgazqui;  non-seulement  nuisent 
négativement,  parce  qu'ils  ne  contiennent  pas  l'élément 
respirable ,  l'oxygène;  mais  qui  encore  asphyxient  positive- 
ment, parce  qu'à  l'instar  des  substances  vénéneuses,  ils 
exercent  une  action  délétère  directe  sur  le  système  nerveux. 


DES  RAPPORTS    FONCTIONNELS   DES    ORGANES.  2  07 

Mais,  en  outre,  tous  offrent  des  traits  qui  leur  sont  com- 
muns, qui  sont  dus  à  la  suspension  de  la  respiration,  et  ce 
sont  ceux-ci  qu'il  nous  importe  de  faire  connaître. 

Dans  toute  asphyxie,  un  sentiment  d'angoisse  marque 
d'abord  l'impossibilité  de  satisfaire  un  des  besoins  les  plus 
impérieux  de  la  vie ,  celui  de  respirer.  Ce  sentiment  est 
bientôt  porté  à  l'extrême ,  et  s'accompagne  de  soupirs,  de 
bâillements,  d'efforts  inspirateurs  qui  tendent  évidemment 
à  appeler  dans  le  poumon  l'élément  aérien  nécessaire  à  la 
respiration.  Alors  sont  éprouvés  des  vertiges  3  des  lourdeurs 
de  tête;  surtout  si  la  respiration  a  continué  de  se  faire  un 
peu,  et  que  l'asphyxie  ne  soit  que  graduelle.  La  face,  les 
lèvres,  les  origines  de  toutes  les  membranes  muqueuses, 
souvent  toute  la  surface  de  la  peau  ,  deviennent  violettes ,  et 
bleues.  Après  deux  à  trois  minutes  ,  toutes  les  fonctions  sen- 
soriales  se  suspendent;  il  y  a  perte  de  tout  sentiment;  l'in- 
dividu ne  pouvant  plus  se  soutenir,  tombe;  il  est  dans  un 
état  de  mort  apparente;  la  circulation  et  les  fonctions  nu- 
tritives qui  en  dérivent,  sont  tout  ce  qui  reste  de  la  vie. 
Enfin,  ces  fonctions  elles-mêmes  s'arrêtent  aussi;  la  circu- 
lation d'abord,  puis  les  nutritions,  sécrétions  et  calorifica- 
tions.  Le  cadavre  offre  les  traits  suivants  :  les  téguments  sont 
livides;  la  face  surtout,  dont  le  système  capillaire  est  plus 
accessible  et  plus  abondant,  est  toute  bleue  et  gorgée  de 
sang.  Il  en  est  de  même  des  lèvres  ,  des  membranes  muqueu- 
ses, qui  souvent  de  plus  sont  tuméfiées,  du  parenchyme  de 
tous  les  organes,  le  foie,  la  rate,  le  poumon  surtout,  tout 
ce  qu'on  appelle  le  système  capillaire  général.  Toutes  les 
parties  semblent  regorger  de  sang,  et  d'un  sang  noir,  fluide, 
jamais  coagulé.  Ce  sang  est  surtout  rassemblé  dans  le  système 
vasculaire  à  sang  noir,  c'est-à-dire  dans  les  veines  du  corps , 
les  cavités  droites  du  cœur,  l'artère  pulmonaire  et  le  paren- 
chyme du  poumon  :  tout  le  système  vasculaire  à  sang  rouge, 
c'est-à-dire  les  veines  pulmonaires,  les  cavités  gauches  du 
cœur,  et  le  système  artériel ^  est  au  contraire  vide,  ou  n'en 
contient  qu'une  petite  quantité.  Tout  ce  tableau  de  l'as- 
phyxie ,  avant  et  après  la  mort,  est  d'autant  plus  prononcé , 
que  la  respiration  a  été  moins  promptement  et  moins  corn- 


208  DES   CONNEXIONS   DES   FONCTIONS. 

plétement  suspendue;  si  elle  l'a  été  tout  à  coup  et  entière- 
ment, la  mort  est  plus  prompte;  on  éprouve  moins  d'an- 
goisses avant  qu'elle  arrive;  dans  le  cadavre,  la  face,  la 
peau,  les  divers  organes  sont  moins  gorgés  de  sang,  et  ce 
sang  est  moins  exclusivement  concentré  dans  le  système  vas- 
culaire  à  sang  rouge.  Sous  ce  triple  rapport,  de  la  prompti- 
tude avec  laquelle  la  mort  arrive  ,  des  souffrances  qu'endure 
l'asphyxié,  et  de  l'état  du  cadavre ,  il  y  a  mille  degrés,  selon 
que  la  respiration  a  été  plus  ou  moins  promptement  et  com- 
plètement arrêtée  ,  c'est-à-dire  que  l'asphyxie  a  été  subite  ou 
graduelle. 

Quelle  est  la  cause  de  ces  phénomènes  ?  c'est  évidemment 
qu'au  lieu  de  sang  artériel ,  il  n'est  plus  envoyé  aux  parties 
que  du  sang  veineux.  Celles-ci  dès  lors  meurent,  soit  par 
une  action  stupéfiante  directe  qu'exerce  sur  elles  le  sang 
veineux,  soit  au  moins  parce  qu'elles  sont  privées  de  sang 
artériel.  A  la  vérité ,  dans  le  temps  où  l'on  croyait  que  la  re- 
spiration ne  servait  qu'à  dilater,  épanouir  le  poumon ,  pour 
que  le  sang  pût  traverser  son  tissu  ,  et  circuler  des  cavités 
droites  du  cœur  aux  cavités  gauches  de  ce  même  organe  ,  on 
attribua  la  mort  de  l'asphyxie  à  l'arrêt  soudain  de  la  circu- 
lation. De  là  le  nom  d'asphyxie  donné  à  ce  genre  de  mort 
subite  ,  nom  qui  veut  dire  sans  pouls.  Plus  tard,  même  , 
lorsque  l'office  réel  de  la  respiration  eut  été  reconnu ,  on 
persista  dans  cette  explication  :  Gooclwin,  par  exemple,  pré- 
tendaitque  le  sang  veineux  était  incapable  de  provoquer  les 
contractions  des  cavités  gauches  du  cœur,  et  disait  que  dans 
l'asphyxie,  le  sang  arrivant  tel  à  ces  cavités,  celles-ci  ne  se 
contractaient  pas,  dèslors  n'envoyaient  pas  de  sang  aux  orga- 
nes, etque  c'était  faute  de  sang  que  ceux-ci  mouraient.  Maisle 
fait  de  la  cessation  de  la  circulation  dans  l'asphyxie  est  faux. 
Qu'on  ouvre  sur  un  animal  qu'on  asphyxie ,  un  vaisseau  san- 
guin quelconque,  artère  ou  veine,  on  voit  le  sang  en  jaillir, 
et  cela  pendant  quelque  temps  encore,  jusqu'à  ce  que  la 
mort  soit  arrivée.  Qu'où  touche  dans  cet  animal  la  région  du 
cœur,  ou  une  artère ,  on  reconnaîtra  les  battements  de  l'un, 
le  r)Ouls  de  l'autre.  Dans  les  expériences  de  Bichat  sur  la 
respiration,    le  sang   jaillissait  delà  carotide,    tout  aussi- 


DES  RAPPORTS  FONCTIONNELS  DES  ORGANES.  2 09 
bien  quand  le  robinet  de  la  trachée-artère  était  fermé  ,  que 
quand  il  était  ouvert.  Si  l'arrêt  de  la  circulation  était  la 
cause  de  la  mort  dans  l'asphyxie ,  les  fonctions  devraient 
s'interrompre  toutes  en  même  temps  ,  comme  dans  la 
syncope;  au  contraire  on  a  vu  qu'elles  ne  se  suspendent 
que  graduellement ,  et  dans  un  ordre  qui  est  toujours  le 
même  :  les  sensoriales  d'abord,  puis  la  circulation  ,  et  enfin 
celles  qui  font  suite  à  la  circulation.  Si  la  circulation  s'ar- 
rêtait dans  l'asphyxie  dès  le  premier  instant,  verrait-on  la 
face ,  la  peau ,  toutes  les  membranes  muqueuses  remplies 
de  sang,  tous  les  organes  gorgés  de  ce  fluide?  verrait-on  ce 
sang  presque  exclusivement  concentré  dans  le  système  capil- 
laire général  ?  au  lieu  de  laisser  vides  le  système  artériel  et 
les  cavités  gauches  du  cœur  ,  ne  devrait-il  pas  être  accumulé 
entre  le  poumon  et  les  cavités  gauches,  et  remplir  ces  cavi- 
tés gauches  elles-mêmes  ?  Cet  état  de  vacuité  dans  lequel  on 
trouve  ,  dans  les  cadavres  des  asphyxiés  ,  les  cavités  gauches 
du  cœur,  contredit  même  tout-à-fait  cette  assertion  de 
Goodwin ,  que  le  sang  veineux  n'est  pas  apte  à  provoquer 
les  contractions  de  ces  cavités;  il  prouve  que  celles-ci  ont 
continué  de  se  contracter  ;  et  en  effet,  les  systèmes  divers  qui 
en  sont  les  aboutissants,  sont  tous  pleins  du  sang  qu'elles 
ont  projeté.  La  circulation  continue  donc  dans  l'asphyxie  ; 
et  si  celle-ci  cause  la  mort ,  c'est  parce  qu'il  est  alors  envoyé 
dans  les  organes  du  sang  veineux  au  lieu  de  sang  artériel. 

Tout  ce  que  nous  avons  dit  des  symptômes  des  asphyxies, 
des  altérations  que  présente  le  cadavre ,  est  en  effet  d'accord 
avec  cette  théorie.  Ainsi,  les  fonctions  ne  se  sont  suspendues 
qu'à  mesure  que  le  sang  veineux  a  été  envoyé  à  leurs  or- 
ganes, et  ceux-ci  n'ont  manifesté  l'impression  fatale  que 
dans  l'ordre  de  leur  susceptibilité  :  si  les  fonctions  senso- 
riales se  sont  interrompues  les  premières ,  si  le  cerveau  a 
accusé  le  premier  malaise ,  si  cet  organe  est  celui  qui  , 
après  l'axphyxie,  conserve  le  plus  long- temps  l'impres- 
sion du  mal,  c'est  qu'évidemment  il  est  de  tous  le  plus 
délicat.  Ainsi,  c'est  évidemment  du  sang  veineux  qui  rem- 
plit toutes  les  parties  ,  car  ce  sang  est  noir,  fluide,  jamais 
coagulé.  Si  le  sang  est  plus  abondant  dans  le  cadavre  des 

Tome  IV.  14 


2  10  DES   CONNEXIONS    DES    FONCTIONS, 

asphyxiés  qu'en  aucun  autre,  c'est  qu'aucune  partie  n'en  a  été 
employée  aux  nutritions  et  sécrétions.  Si  le  parenchyme  du 
poumon  surtout  en  est  gorgé ,  c'est  que  l'embarras  circula- 
toire a  commencé  en  cet  organe  qui  est  alors  doublement 
paralysé;  d'un  côté  par  le  défaut  d'air  qui  est  pour  lui  un 
stimulant,  sinon  nécessaire,  au  moins  important,  de  l'autre 
par  l'afflux  du  sang  veineux  que  lui  apportent  les  artères 
bronchiques.  Si  enfin  ce  sang  est  plus  particulièrement  con- 
centré dans  le  sytème  vasculaire  à  sang  noir,  et  manque  dans 
le  système  vasculaire  à  sangrouge ,  c'est  que ,  projeté  dans  les 
parties,  ce  fluide  y  est  resté  ,  et  surtout  n'a  pu  franchir  le 
poumon  pour  parvenir  au  système  vasculaire  à  sang  rouge. 

De  même  s'expliquent  toutes  les  différences  que  présentent 
les  symptômes  et  l'état  du  cadavre ,  selon  que  l'asphyxie  est 
soudaine,  ou  graduelle.  Sila  respiration  a  été  suspendue  tout 
d'un  coup  et  complètement ,  c'est  du  sang  entièrement  vei- 
neux qui  est  aussitôt  envoyé  aux  organes;  ceux-ci  dès-lors 
meurent  presque  à  l'instant;  plus  de  sentiment;  le  cœur 
cesse  ses  contractions;  la  mort  est  plus  prompte,  moins  pé- 
nible ;  la  peau  est  moins  livide  ,  la  face  moins  violette,  tous 
les  organes  moins  gorgés  de  sang,  le  cœur  ayant  été  tué 
promptement,  et  n'ayant  pas  eu  le  temps  de  projeter  par- 
tout beaucoup  de  sang  veineux.  Si  au  contraire  la  respira- 
tion a  continué  de  se  faire  un  peu,  il  aura  été  fait  un  peu 
aussi  de  sang  artériel;  ce  sang  envoyé  aux  organes  aura  été 
un  peu  vivifiant  encore;  toutes  les  fonctions  n'auront  par 
été  aussi  promptement  abolies;  les  fonctions  cérébrales,  par 
exemple,  auront  persisté  assez  pour  que  l'asphyxié  appré- 
cie la  pénible  lutte  qui  est  engagée;  le  cœur  aura  continué 
ses. contractions  assez  de  temps  pour  gorger  de  sang  tous  les 
organes  ;  et  c'est  alors  que  la  peau ,  les  systèmes  capillaires  et 
les  veines .  seront  remplis  de  sang  ,  et  que  le  système  artériel 
sera  vide.  Comme  il  peut  y  avoir  mille  degrés  de  rapidité 
de  l'asphyxie  ,  il  y  aura  beaucoup  d'intermédiaires  entre  ces 
deux  extrêmes  ,  et  mille  variétés  dans  la  promptitude  de  la 
mort ,  les  phénomènes  qui  la  marquent  et  l'état  du  cadavre. 

Ce  n'est  pas  qu'à  la  lin  de  l'asphyxie  le  cœur  ne  cesse  ses 
contractions  ,  et  n'ajoute  ainsi  une  cause  nouvelle  de  mort. 


DES    RAPPORTS    FONCTIONNELS    DES   ORGANES.  211 

l'absence  de  tout  sang,  à  celle  qui  a  agi  la  première ,  l'envoi 
d'un  sang  veineux  au  lieu  d'un  sang  artériel.  Cet  organe 
meurt  comme  les  autres,  à  mesure  que  son  tissu  se  pénètre 
de  sang  veineux.  Il  en  est  de  même  du  cerveau  ;  cet  organe 
recevant  des  premiers  l'atteinte  fatale  ,  et  par  conséquent 
suspendant  son  service  ,  vient  ajouter  de  nouvelles  causes  de 
mort  à  la  première;  d'un  côté,  il  arrête  les  mouvements 
respirateurs  auxquels  il  préside;  de  l'autre,  il  fait  cesser 
l'autre  condition  vitale  que  nous  avons  annoncée,  l'inner- 
vation. Mais  ceci  rentre  dans  les  liens  qui  unissent  entre  eux 
les  organes  auxquels  sont  dues  les  deux  conditions  qui  éta- 
blissent la  vitalité;  et  il  n'en  reste  pas  moins  certain  que, 
dans  l'asphyxie  ,  ce  n'est  pas  du  cœur  ni  du  cerveau  aux 
parties  que  procède  la  mort,  mais  que  celte  mort  frappe 
toutes  les  parties  à  la  fois  ,  consécutivement  à  leur  pénétra- 
tion par  le  sang  veineux  :  le  cerveau  et  le  cœur  ne  meurent 
qu'avec  les  autres  organes  ,  et  par  la  même  cause.  Loin  que 
le  cœur  s'arrête  dès  le  principe,  on  peut  même  dire  qu'il 
hâte  la  mort,  en  ce  que,  trop  fidèle  à  son  devoir,  si  l'on 
peut  parler  ainsi ,  il  distribue  partout  le  sang  fatal. 

Ici,  on  s'est  demandé  comment  agit  le  sang  veineux;  si 
c'est  par    une  qualité  stupéfiante   directe  qu'il  frappe  de 
mort ,  ou  s'il  ne  nuit  que  négativement ,  parce  qu'il  n'a  pas 
les  qualités  vivifiantes  ?  Bickat  penchait  pour  la  première 
opinion,  arguant  de  l'opposition  qu'on  remarque  entre  la 
rougeur  de  l'inflammation.,  et  la  lividité  de  la  gangrène  et 
les  taches  scorbutiques;  entre  le  teint  coloré  de  l'individu, 
qui  a  l'appareil  respiratoire  ample  et  énergique,  et  le  teint 
pâle  de  celui  qui  a  la  poitrine  étroite  et  faible;  faisant  re- 
marquer le  rapport  qui  existe   dans  les  animaux  entre  le 
développement  de  leur  appareil  respiratoire  et  le  degré  de 
leur  force  musculaire ,  ainsi  que  la  prédominance  du  système 
artériel  dans  la  jeunesse  ,  et  du  système  veineux  dans  la 
vieillesse,  etc.  Il  s'appuyait  surtout  d'une  expérience  dans 
laquelle  il  avait  asphyxié  un  animal,  en  lui  injectant  dou- 
cement du  sang  veineux  dans  le  cerveau ,  tandis  qu'il  n'avait 
pu  le  faire  par  une  injection  de  sang  artériel ,  toutes  choses 
ayant  été  égales  d'ailleurs  dans  les  circonstances  mécaniaues 

i4.   * 


2  i  2  DES   CONNEXIONS   DES   FONCTIONS, 

de  l'injection,  et  toutes  précautions  ayant  été  prises  pour 
que  rien  ,  dans  les  phénomènes  mécaniques  de  la  circulation 
cérébrale ,  ne  fût  changé.  Mais,  indépendamment  de  ce  que 
plusieurs  des  raisons  invoquées  par  BicSiat  ne  sont  que  spé- 
cieuses, et  qu'aucune  n'est  rigoureusement  démonstrative, 
il  est  une  expérience  de  M.  Edwards ,  qui  rend  probable 
que  le  sang  veineux  ne  nuit  que  négativement.  Ce  savant  a 
asphyxié  comparativement,  en  les  tenant  plongées  dans  de 
l'eau  non  aérée  ,  des  grenouilles,  à  quelques-unes  desquelles 
il  avait  extirpé  le  cœur  ;  et  il  a  vu  que  ,  taudis  que  celles-ci 
mouraient  très  prompternent ,  les  autres,  chez  lesquelles  la 
circulation  continuait,  ne  périssaient  que  vingt  heures  plus 
tard.  N'est-ce  pas  là  une  preuve  que,  chez  ces  dernières,  le 
sang  projeté  par  le  cœur  était ,  quoique  veineux  ,  non-seu- 
lement sans  influence-délétère  directe,  mais  même  ,  a  entre- 
tenu  un  peu  la  vie?  D'ailleurs,  ne  meurt-on  pas  plus  vite 
dans  la  syncope  que  dans  l'asphyxie  ? 

Toutefois,  il  résulte  déjà  de  cette  histoire  de  l'asphyxie: 
i°  que  la  présence  non  interrompue  du  sang  artériel  dans 
les  organes,  est  une  condition  absolument  essentielle  à  la 
vie ,  quelle  que  soit  l'idée  qu'on  se  fasse  de  cette  condition  ; 
et  que  ce  sang  est  pour  eux,  non-seulement  la  matière  qui 
les  nourrit ,  mais  un  stimulus  obligé  \  i°  que  la  respiration  , 
comme  étant  la  fonction  qui  fait  le  sang,  est  dans  l'homme, 
chez  lequel  la  circulation  est  double,  une  fonction  immé- 
diatement nécessaire  à  la  vie. 

B.ïl  en  est  de  même  de  la  circulation,  fonction  qui  envoie 
le  sang  artériel  à  toutes  les  parties.  Comme  ce  sang  est  changé 
en  sang  veineux  aussitôt  qu'il  a  pénétré  les  organes,  il  faut 
que  la  circulation  en  renouvelle  sans  cesse  l'envoi ,  et  par 
conséquent,  ne  s'interrompe  jamais.  Si  cette  fonction  est 
suspendue  ,  il  n'est  plus  envoyé  de  sang  artériel  aux  diverses 
parties,  et  une  mort  prompte  en  est  la  suite,  comme  va  le 
montrer  l'histoire  de  la  syncope. 

La  syncope,  ou  la  cessation  de  la  circulation,  peut  aussi 
arriver  de  diverses  manières  :  ou  par  des  causes  mécaniques, 
comme  quand  il  y  a  rupture,  plaie  du  cœur,  ligature  des 
gros  vaisseaux,  etc.  ;  ou  par  des  causes  organiques  directes  , 


DES   RAPPORTS    FONCTIONNELS    DES   ORGANES.         21 3 

comme  quand  une  vive  affection  de  i'ame  ou  une  lésion  de 
la  moelle  spinale,  privant  le  cœur  de  l'influence  nerveuse 
qui  préside  à  ses  contractions ,  arrêtent  tout  à  coup  le  jeu  de 
cet  organe;  ou  enfin  par  des  causes  organiques  sympathi- 
ques, comme  quand  une  impression  sensitive  quelconque, 
une  odeur,  par  exemple,  la  vue  de  certains  objets  ,  un  mou- 
vement de  tournoiement,  l'affection  de  quelques  organes 
intérieurs,  la  grossesse,  etc.,  arrêtent  aussi  les  contractions 
du  cœur.  Chacun  de  ces  genres  a  aussi  ses  traits  particuliers  ; 
d'autant  plus  que,  dans  plusieurs  des  cas  que  nous  avons 
cités,  le  mal  commence  peut-être  par  le  cerveau,  et  est 
moins  primitivement  une  syncope  proprement  dite,  que  la 
cessation  de  l'innervation.  Mais  tous  ont  des  traits  communs 
tenant  à  la  cessation  de  la  circulation  ,  et  que  voici. 

Si  la  circulation  cesse  tout  à  coup,  subitement  aussi  on 
perd  tout  sentiment, ,  tout  mouvement;  ïa  respiration  s'ar- 
rête, et  presque  instantanément  l'on  tombe  privé  de  vie.  A 
l'ouverture  du  cadavre ,  on  trouve ,  à  la  différence  de  ce  qui 
était  dans  la  mort  par  asphyxie,  les  poumons  et  les  divers 
organes  du  corps  privés  de  sang.  Si,  au  contraire,  la  syn- 
cope n'est  que  graduelle ,  on  éprouve  d'abord  un  sentiment 
d'anxiété,  de  malaise  à  l'épigastre;  puis  les  idées  se  trou- 
blent, la  vue  s'obscurcit;  surviennent  des  tintements  d'o- 
reille ,  des  vertiges  ;  la  respiration  s'embarrasse ,  le  visage 
pâlit,  les  extrémités  deviennent  froides;  la  tête,  le  col  et 
une  grande  partie  du  corps ,  se  couvrent  d'une  sueur  gla- 
cée; enfin  arrive  la  perte  de  tout  sentiment  et  de  tout  mou- 
vement. 

Il  est  évident  que  les  organes  ne  cessent  ici  d'agir  que 
parce  qu'il  ne  leur  arrive  plus  de  sang.  Ils  s'arrêtent  dans 
l'ordre  de  leur  susceptibilité.  Ge  sont  encore  les  fonctions 
cérébrales  qui  manifestent  les  premières  la  langueur  et  la 
suspension  ,  comme  cela  était  déjà  dans  l'asphyxie.  Vient 
ensuite  la  respiration ,  qui  s'embarrasse  et  se  suspend  ;  tant 
parce  que  le  poumon  ne  reçoit  plus,  par  l'artère  pulmo- 
naire, le  sang  veineux  sur  lequel  il  doit  opérer,  et  par  les 
artères  bronchiques ,  le  sang  artériel  qui  doit  vivifier  son 
tissu;   que  parce  que  la  suspension   de  l'action  cérébrale 


2i4  DES    CONNEXIOiNS    DES   FONCTIONS, 

anéantit  les  mouvements  respirateurs.  Enfin,  toutes  les  ac- 
tions qui  se  passent  dans  les  parenchymes,  comme  les  nutri- 
tions, absorptions,  sécrétions,  calorifications,  ne  s'arrêtent 
qu'en  dernier  lieu.  La  susceptibilité  du  cerveau  est  telle, 
qu'il  suffît  souvent  que  cet  organe  reçoive  moins  de  sang 
qu'à  l'ordinaire ,  parce  que  ce  fluide  est  dérivé  vers  d'autres 
parties,  ou  que  la  quantité  en  a  diminué  tout  à  coup,  pour 
qu'il  en  résulte  une  défaillance  qui  est  due  alors  à  la  sus- 
pension d'action  du  cerveau.  Telles  sont,  par  exemple,  les 
syncopes  qui  surviennent  quelquefois  à  Foccasion  d'une  sai- 
gnée ,  d'un  bain  de  pied,  d'une  émission  de  sang  par  les 
sangsues,  de  toute  dérivation  brusque  du  sang  vers  les  par- 
ties inférieures.  C'est  là  ce  que  Cullen  appelait  syncopes 
nerveuses ,  vouîanl  dire  qu'un  trouble  de  la  circulation  avait 
d'abord  suspendu  l'action  cérébrale,  et  qu'ensuite  la  sus- 
pension de  l'action  cérébrale  avait  amené  l'arrêt  du  cœur. 
Il  est  certain  qu'ainsi  sont  produites  plusieurs  des  syncopes 
provoquées  par  des  causes  sympathiques.  Toutefois  la  mort 
qui  succède  à  la  syncope  prolongée  ,  prouve  :  i°  que  la  pré- 
sence du  sang  artériel  dans  les  organes  est,  comme  cela  était 
résulté  déjà  de  l'asphyxie  ,  une  condition  nécessaire  à  la  vie  ; 
2°  que  la  circulation,  comme  étant  la  fonction  qui  distribue 
le  sang  artériel,  est,  ainsi  que  la  respiration,  une  fonction 
qui  ne  peut  être  un  seul  instant  interrompue. 

Mais,  de  là  il  résulte  que  les  organes  principaux  de  ces 
fonctions,  le  poumon  et  le  cœur,  sont  constitués  dans  le 
corps  humain  ,  des  centres  de  vie.  Ces  deux  organes  ,  comme 
influant  prochainement  sur  la  formation  et  l'envoi  du  sang 
artériel  dans  toutes  les  parties ,  tiennent  toute  l'économie 
sous  leur  dépendance.  Un  troisième,  l'encéphale,  a  seul 
avec  eux  cette  suprématie.  Cet  encéphale  aura  ,  nous  le  ver- 
rons, une  part  prochaine  à  la  seconde  condition  vitale  que 
nous  avons  annoncée,  l'innervation,  et  à  ce  titre  se  mon- 
trera un  centre  de  vie;  mais  il  Test  aussi  relativement  à 
celle  dont  nous  nous  occupons  ici  ,  par  la  subordination 
dans  laquelle  il  tient  la  respiration.  En  effet ,  sans  parler  du 
pouvoir  de  l'encéphale  sur  la  respiration  ,  comme  centre  de 
l'innervation;  sans  rappeler  que  cet  organe  régit,  par  la 


DES  RAPPORTS  FONCTIONNELS  DES  ORGANES.  2l5 
huitième  paire  de  nerfs,  Faction  profonde  par  laquelle  le 
poumon  fait  le  sang;  c'est  lui  qui  préside  à  l'action  muscu- 
laire volontaire  par  laquelle  est  pris  l'air  de  la  respiration  , 
et,  à  ce  titre  seul,  son  action  continue  est  absolument  né- 
cessaire à  la  vie.  Comme  l'a  si  bien  exposé  M.  Broussais , 
l'encéphale,  d'abord,  par  la  huitième  paire  de  nerfs,  per- 
çoit dans  le  poumon  la  sensation  interne  qui  accuse  le  besoin 
de  respirer;  et  ensuite ,  consécutivement  à  cette  perception  , 
il  ordonne,  par  les  nerfs  diaphragmatiques  et  ceux  de  la 
moelle  spinale,  le  jeu  des  muscles  respirateurs.  Ainsi  s'expli- 
que; pourquoi  la  respiration  continue  de  se  faire,  tantqu'une 
lésion  de  l'encéphale  est  supérieure  au  point  auquel  aboutis- 
sent les  nerfs  de  la  huitième  paire;  et  pourquoi,  au  contraire, 
cette  fonction  se  suspend  dès  qu'une  lésion  est  inférieure  à 
ce  point,  quand  bien  même  la  partie  de  la  moelle  spinale, 
qui  fournit  les  nerfs  diaphragmatiques  et  autres  nerfs  respi- 
rateurs, serait  intègre,  comme  cela  est  dans  la  décapitation. 
Le  poumon,  le  cœur  et  l'encéphale  sont  donc  trois  or- 
ganes qui,  relativement  à  la  première  condition  vitale, 
tiennent  tous  les  autres  dans  leur  dépendance  ,  dont  le  jeu 
ne  peut  être  un  seul  instant  suspendu,  et  qui  fondent  ce 
que  les  anciens  appelaient  le  trépied  de  la  vie.  Mais  à  ce 
titre,  ils  doivent  s'être  réciproquement  nécessaires.  Le  pou- 
mon, qui  fait  le  sang,  a  besoin;  i«que  le  cerveau  ordonne  les 
mouvements  respirateurs  qui  introduisent  l'air  nécessaire  à 
la  sanguification;  20  que  le  cœur  lui  envoie,  et  le  sang  arté- 
riel qui  le  fait  vivre,  et  le  sang  veineux  sur  lequel  il  doit 
agir.  De  son  côté,  le  cœur  ne  peut  se  contracter  et  projeter 
partout  le  sang,  qu'autant  que  le  poumon  a  fait  du  sang 
artériel  qui  puisse  vivifier  son  tissu.  Enfin,  l'encéphale, 
qui  ordonne  les  mouvements  respirateurs ,  et  qui ,  sous  le 
rapport  de  la  seconde  condition  vitale,  l'innervation,  est 
aussi  un  des  centres  de  la  vie,  a  besoin  que  le  poumon  fasse 
sans  cesse  du  sang  artériel,  et  que  sans  cesse  aussi  le  cœur 
lui  en  envoie.  Aussi,  dès  que  l'un  ou  l'autre  de  ces  trois  or- 
ganes centraux  cesse  d'agir,  à  la  cause  de  mort  qui  résulte 
de  sa  suspension  d'action,  s'ajoutent  bientôt  celles  qui  ré- 
sultent de  l'arrêt  des  deux  autres  organes.  Dans  l'asphyxie, 


2l6  DES    GONINEXTOINS    DES   FONCTIONS. 

par  exemple,  à  la  non  formation  de  sang  artériel,  suite  de 
la  suspension  de  la   respiration ,  s'ajoutent  bientôt  ;  i°  la 
suspension  d'action  de  l'encéphale,  d'où  résulte  une  nou- 
velle cause  d'asphyxie,  et  l'anéantissement  de  la  seconde 
condition    vitale,    l'innervation  ;    20    la   suspension    d'ac- 
tion  du  cœur,  d'où  résultent;    la    paralysie  du  poumon, 
nouvelle    cause    d'asphyxie;    celle    du    cerveau,  nouvelle 
cause  de  la   perte  de    toute    innervation  ;    et    enfin   celle 
de  tous  les  organes.    De  même,   dans  la  syncope,  le  cer- 
veau ne  recevant  plus  de  sang,  cesse  de  dispenser  l'inner- 
vation ,  et  surtout  d'ordonner  les  mouvements  respirateurs  ; 
de  là  l'asphyxie ,  survenant  d'ailleurs   d'autre  part ,  parce 
qu'il  n'arrive  plus  au  poumon  de  sang  artériel  pour  vivi- 
fier son  tissu ,  et  de  sang  veineux  sur  lequel  il  puisse  opé- 
rer. Enfin  ,  est-ce  l'encéphale,  dont  le  service  est  suspendu? 
Les  mouvements  respirateurs  devenant  impossibles  aussitôt, 
plus  de  respiration,  et  dès  lors  toutes  les  suites  qu'entraîne 
l'asphyxie,  etc.  Il  y  a   donc  ici   un  véritable  enchevêtre- 
ment. Bien  que  l'encéphale  ait  une  grande  part  à  la  seconde 
condition  vitale,  l'innervation,  le  premier  phénomène  qui 
s'observe  lors  de  sa  suspension  d'action ,  est  la  cessation  de 
la  respiration  ;   d'où  il  résulte  que  les  effets  successifs  qui 
amènent  alors  la  mort,  et  les  désordres  qu'on  trouve  après 
dans  le  cadavre ,  sont  à  peu  près  ceux  que  nous  avons  indi- 
qués à  l'occasion  de  l'asphyxie,  soit  prompte,  soit  graduelle. 
20  Après  ces  fonctions,  qui  sont  d'une  absolue  nécessité 
pour  la  vie,  celle  qui  est  la  plus  importante  relativement 
à  la  condition  vitale  que  nous  examinons  ici,  est  la  diges^- 
tion.  La  digestion,  en  effet,  est  la  fonction  qui  prend  au 
dehors  et  élabore  la  matière  avec  laquelle  est  continuelle- 
ment renouvelée  la  masse  du  sang.  Si  elle  ne  se  fait  pas,  la 
mort  arrive;  non,  à  la  vérité,  aussi  promptement,  aussi  in- 
stantanément que  dans  l'asphyxie  et  la  syncope,  mais  ce- 
pendant après  un  temps  assez  court,  après  un  intervalle  de 
quelques  jours.  Il  est  aisé  d'en  indiquer  la  cause.  Quand  il 
n'y  a  pas  de  digestion,  il  n'est  plus  fait  de  chyle;  le  sang 
n'est  plus  renouvelé  qu'avec  les  produits  des  absorptions 
internes;  et  ces  produits  bientôt  ne  suffisant  plus,  le  sang 


DES   P, APPORTS    FONCTIONNELS   DES   ORGANES.         217 
n'est  plus  réparé;   ce  fluide  diminue  de  quantité ,  se  dété- 
riore, s'appauvrit,  et  finit  par  n'avoir  plus  la  qualité  vivi- 
fiante et  nutritive.  A  l'article  de  la  faim,  nous  avons  décrit 
la  série  des  phénomènes    de   la   mort  par   abstinence,   et 
quelles  altérations  présentent  alors  les  cadavres.  Peut-être 
voudra-t-on  attribuer  la  mort  qui  survient  alors,  à  la  phleg- 
masie  que  suscite  dans  Festomac  la  continuité  du  sentiment 
douloureux  de  la  faim  ?  Cette  phlegmasie  peut  sans  doute 
y  concourir,  soit  par  elle-même,  soit  en  déterminant  sym- 
pathiquernent  d'autres  phlegmasies  dans  d'autres  organes , 
par    exemple  ,  dans    l'encéphale.    Mais ,  indépendamment 
de  ce  que  la  gastrite  ne   s'observe  pas  toujours  dans  les 
personnes  qui  meurent  de  faim,  il  doit  y  avoir  certaine- 
ment aussi  détérioration  du  sang.  Évidemment  le  produit 
des  aliments  sert  à  renouveler  la  masse  du  sang;  évidem- 
ment l'alimentation    n'a   pas   d'autre  but  que  de  réparer 
les  pertes  de  ce  fluide  :  est-il  possible  dès  lors  que  ce  fluide 
ne    souffre   pas  du  défaut  absolu  de  toute  alimentation  ? 
Du  reste,  si  l'on  veut  que  la  mort,  lors  de  l'abstinence 
complète,  soit  trop  prompte  pour  arriver  par  la  détériora- 
tion du  sang  ,  et  qu'elle  soit  due  à  l'influence  de  la  gastrite 
ou  des  autres  phlegmasies  que  cette  gastrite  détermine;  au 
moins  l'influence  qu'a  sur  toute  l'économie  la  digestion  , 
comme  fonction  qui  renouvelle  la  masse  du  sang,  devient 
manifeste,   quand,  au  lieu  d'une  abstinence  absolue,   on 
s'est  soumis  à  une  alimentation  trop  pauvre  ou  de  mauvaise 
qualité  :  alors  il  n'est  point  fait  assez  de  chyle;  par  suite 
le  sang  n'est  pas  suffisamment  réparé;  l'individu  maigrit, 
est  mal  nourri;   il  développe  moins  d'activité  dans  toutes 
ses  fonctions,  et  est  moins  capable  de  résister  aux  influences 
délétères  ;  en  un  mot ,  le  chyle  étant  en  trop  faible  quan- 
tité, ou  mauvais,  il  en  résulte  un  mauvais  sang.  On  objec- 
tera peut-être  qu'on  ne  peut  saisir  aucunes  différences  de 
chyle  à  chyle,   de   sang  à  sang;  et  qu'on  ne  connaît  pas 
quelles  sont  les  qualités  du  bon  chyle,   du  bon  sang,  par 
rapport  à  celles  du  mauvais  chyle,  du  mauvais  sang.  Mais 
d'abord  le  premier  fait  est  faux  ;  souvent  ces  fluides  diffè- 
rent en  consistance,  plasticité,  odeur,  couleur,  pesanteur 


3i8  DES   COHNEXIOJNS   DES    FONCTIONS. 

spécifique  ;  et  si  on  en  faisait  un  examen  chimique  attentif, 
certainement  on  trouverait  en  eux,  selon  les  différentes 
circonstances  de  la  vie  ,  des  différences  dans  la  nature  et 
les  proportions  de  leurs  éléments  composants.  Ensuite,  à 
supposer  qu'on  ne  pût  signaler  en  eux  aucunes  différences, 
celles-ci  pour  cela  devraient -elles  être  niées?  Ainsi  que  nous 
l'avons  déjà  dit  plusieurs  fois,  dans  notre  science  peut-on 
tout  voir?  et  doit-on  nier  tout  ce  qu'on  ne  voit  pas?  quel 
médecin  pourrait  contester  les  effets  d'une  bonne  et  d'une 
mauvaise  alimentation  sur  l'état  du  sang?  que  de  maladies 
reconnaissent  pour  causes  la  nature  des  aliments  dont  ont 
usé  les  malades  !  et  que  de  fois,  le  choix  des  aliments  four- 
nit un  des  plus  puissants  moyens  de  guérison  !  Or,  c'est  en 
partie  en  altérant  le  sang,  que  dans  le  premier  cas  les  ali- 
ments ont  nui ,  et  c'est  en  influant  sur  sa  composition  que 
dans  le  second  ils  ont  été  utiles.  On  dira  peut-être  que  tous 
ces  effets  doivent  être  attribués  à  l'inliuence  locale  des  ali- 
ments sur  l'estomac,  et  aux  irradiations  sympathiques  de 
ce  viscère  sur  toute  l'économie  :  sans  doute  cette  influence 
locale  peut  concourir  aussi  à  leur  production:  mais  il  y  a 
une  part  tenant  à  la  composition  du  sang  :  et  qui  pourrait 
la  nier,  quand  on  voit  le  scorbut  cesser  chez  les  marins,  par 
cela  seul  qu'ils  recouren  t  pour  aliments  à  des  végétaux  frais  ? 
En  somme,  la  digestion  fournissant  et  préparant  la  matière 
qui  renouvelle  le  sang,  doit,  à  ce  titre,  non-seulement  être 
nécessaire,  mais  encore  influer  sur  toute  l'économie  en 
raison  de  la  quantité  et  de  la  nature  des  matières  qu'elle 
fournit  à  ce  fluide.  Sous  le  premier  rapport,  celui  de  la 
quantité,  l'alimentation  est-elle  trop  abondante,  ou  com- 
posée de  substances  trop  nutritives,  de  felle  manière  ce- 
pendant que  l'excès  ne  dépasse  pas  la  mesure  des  forces  di- 
gestives  ?  il  y  aura  un  chyle  abondant,  un  chyle  riche;  par 
suite,  même  état  du  sang,  et  conséquemment  grand  déve- 
loppement de  vie.  L'alimentation  est-elle  trop  pauvre,  ou 
composée  de  substances  peu  nutritives?  les  résultats  seront 
opposés.  Sous  le  second  rapport,  celui  de  la  qualité,  il  y 
a  deux  influences  à  signaler.  D'un  côté,  selon  que  la  diges- 
tion sera  plus  ou  moins  parfaite,  le  chyle  sera  plus  ou  moins 


DES  RAPPORTS  FONCTIONNELS  DES  ORGANES.  219 
bon  et  fournira  au  sang  des  matériaux  réparateurs  plus  ou 
moins  bien  confectionnés.  D'un  autre  côté,  il  est  toujours 
quelques  parties  des  aliments  qui  résistent  à  l'action  diges- 
tive ,  et  qui  cependant,  pendant  le  travail  de  la  digestion, 
sont  absorbées  sous  leur  forme  étrangère;  alors,  mêlées  au 
sang,  elles  altèrent  ce  fluide  et  font  varier  l'impression  sti- 
mulante qu'il  exerce  sur  tous  les  organes.  Si  l'on  ajoute  à 
cela  la  grande  puissance  de  "  l'estomac,  en  ce  qui  concerne 
ses  rapports  sympathiques,  comme  nous  le  verrons  ci-après 
à  l'article  de  ces  rapports,  on  s'expliquera  toute  l'impor- 
tance de  la  digestion  dans  notre  économie. 

Ce  que  nous  venons  de  dire  en  dernier  lieu  de  la  diges- 
tion,  pourrait  être  dit  aussi  de  la  respiration,  au  moins  en 
ce  qui  concerne  la  dernière  de  ces  trois  influences.  Si  on  a 
tout  lieu  de  présumer,  en  effet,  que  cette  fonction  peut 
consumer  plus  ou  moins  d'oxygène  et  effectuer  plus  ou  moins 
parfaitement  l'hématose  artérielle,  cependant  cela  n'est  que 
probable;  et,  au  contraire,  il  est  certain  que  la  respiration 
peut  puiser  dans  l'air  quelques  principes  étrangers,  les  porter 
dans  le  sang?  et  par  là  altérer  plus  ou  moins  ce  fluide.  N'est- 
ce  pasainsiqu'agissent  les  gaz  qui  asphyxient  positivement, 
de  même  que  c'est  ainsi  qu'ont  agi  dans  l'appareil  digestif  les 
poisons  qui  ont  donné  la  mort  par  absorption  ? 

3°  Enfin,  non-seulement  des  rapports  fonctionnels  fort 
importants  unissent  à  toutes  les  autres  parties  de  l'économie 
les  organes  de  la  respiration,  de  la  circulation  et  de  la  di- 
gestion ,  à  raison  de  la  part  qu'ont  ces  fonctions  à  la  forma- 
tion ,  au  renouvellement  et  à  la  distribution  du  sang  arté- 
riel ;  mais  encore  de  semblables  rapports  s'observent  dans 
les  organes  de  toutes  les  autres  fonctions,  qui  influent  d'une 
manière  quelconque  sur  la  crâse,  la  constitution  de  ce 
fluide,  par  exemple,  dans  les  organes  des  absorptions,  des 
sécrétions,  des  nutritions,  etc. 

A.  Les  absorptions  doivent  avoir  une  influence  assez  pro- 
chaine sur  l'état  du  sang,  car  c'est  à  ce  fluide  qu'aboutissent 
les  matières  qu'elles  recueillent,  et  qui  sont  les  produits  de 
leur  travail.  D'abord  ,  tout  ce  que  nous  avons  dit  de  la  di- 
gestion, s'applique  à  l'absorption   chyleuse   qui    n'en    est 


2  20  DES   CONNEXIONS   DES   FONCTIONS, 

qu'une  dépendance  ;  cette  absorption  influera  sur  le  sang , 
en  raison  de  la  quantité  et  de  la  bonté  du  chyle  qu'elle 
fournira,   et  par  les  diverses    matières   étrangères   qu'elle 
pourra  y  faire  pénétrer  en  même  temps.  N'avons-nous  pas 
dit  que  la  ligature  du  canal  thoracique ,  en  empêchant  le 
transport  du  chyle  dans  le  sang,  avait  amené  la  mort,  tout 
aussi  bien  que  le  défaut  d'alimentation  ?  C'est  même  une 
objection  à  opposer  à  ceux  qui  veulent  que  la  détérioration 
du  sang  n'ait  aucune  part  à  la  mort  par  l'abstinence,  et  que 
celle-ci  ne  soit  due  qu'àlaphlegmasie  gastrique;  clans  les  cas 
de  mort  paria  ligature  du  canal  thoracique,  celle-ci  n  a  pas 
eulieu,  car  l'estomac  a  agi.  Secondement,  toute  autre  absorp- 
tion externe,  soit  par  la  peau,  soit  par  la  surface  respiratoire, 
n'aura  d'influence  que  par  les  matières  étrangères  qu'elle 
pourra  faire  pénétrer  dans  le  sang;  la  matière  nutritive,  à 
l'exception  de  l'eau  pour  la  soif,  n'ayant  d'autre  voie  d'in- 
troduction chez  l'homme  que  la  cavité  digestive.  Quant  aux 
absorptions  internes ,  sans  parler  de  leurs  services  pour  la 
décomposition  des  parties ,  pour  l'équilibre  des  sécrétions 
récrémentitieiies;  s'il  est  vrai  que  leurs  produits  servent, 
comme  le  chyle,  à  faire  le  sang,  elles  devront  influer  sur  ce 
fluide  en  raison  de  la  quantité  et  de  la  qualité  de  ces  pro- 
duits. Or,  la  lymphe  et  le  sang  veineux  qui  sont,  pour  une 
partie  au  moins  ,  aux  absorptions  internés  ,  ce  que  le  chyle 
est  à  l'absorption  alimentaire,  vont  comme  le  chyle  tra- 
verser le  poumon  ;  au-delà  de  cet  organe  ,  ces  fluides  parais- 
sent n'exister  plus,  et  y  avoir  été  changés  de  même  en  sang 
artériel  ;  et  à  ces  titres,  on  peut  les  dire,  comme  le  chyle, 
des  matériaux  préparés  pour   la  formation  du  sang.  Bien 
plus,  c'est  à  ces  produits  des  absorptions  internes  que  l'é- 
conomie  doit   de   pouvoir    vivre    encore   quelque  temps, 
malgré  le  défaut  absolu  de  toute  alimentation;  le  sang  est 
alors  réparé  avec  ce  que  le  corps  prend  en  lui-même  ;  et  ce 
qui  autorise  à  le  penser,  c'est  que,  lors  de  la  faim,  on  voit 
les  absorptions  redoubler  d'activité,  recueillir  dans  toute 
l'économie  les  sucs  qui  y  sont  épars,  la  graisse,  par  exem- 
ple. Ainsi  donc,  les  influences  qu'exerce  sur  le  sang  le  chyle 
en   raison  de  sa  quantité  et  de  sa  qualité,    sont  exercées 


DES   RAPPORTS    FONCTIONNELS   DES    ORGANES.         2  2  l 

Je  même  par  les  fluides  des  absorptions  internes  :  selon  que 
ces  fluides  sont  plus  ou  moins  abondants  et  d'une  na- 
ture plus  ou  moins  bonne ,  ils  fournissent  au  sang  plus 
ou  moins  de  matériaux  réparateurs  ,  et  des  matériaux 
plus  ou  moins  parfaits.  Peut-être  est-ce  à  ce  genre  d'in- 
fluence que  le  système  lymphatique  doit  de  constituer 
par  sa  prédominance  ou  son  infériorité  le  fondement  orga- 
nique d'un  tempérament  ?  Mais  ,  à  supposer  qu'on  rejette 
comme  douteux  l'emploi  que  nous  assignons  ici  aux  pro- 
duits des  absorptions  internes,  de  servir  à  composer  ie  sang, 
ils  ont  au  moins  sur  ce  fluide  deux  influences  qu'on  ne  peut 
contester  :  d'un  côté,  ils  apportent  dans  le  sang,  des  maté- 
riaux, des  principes  dont  ce  fluide  devra  ensuite  se  dépurer, 
les  éléments  de  la  décomposition  des  organes  ,  par  exemple  ; 
d'un  autre  côté,  ils  peuvent  introduire  dans  ce  fluide  di- 
vers principes  étrangers ,  venant  soit  du  dehors ,  soit  de 
l'économie  elle-même,  et  dont  le  sang  recevra  des  qualités 
stimulantes  diverses.  Que  d'empoisonnements  produits  par 
l'application  de  la  substance  vénéneuse  dans  l'intérieur  d'une 
membrane  séreuse,  du  parenchyme  d'un  organe!  Et  com- 
bien de  fois  l'urine,  la  bile  et  autres  fluides  de  l'économie  , 
ont  été  par  l'absorption  portés  en  nature  dans  le  sang  ! 

B.  Nous  devons  en  dire  autant  des  sécrétions.  N'est-ce 
pas  en  effet  dans  le  sang  artériel  qu'elles  puisent  les  maté- 
riaux de  leur  travail  ?  Et  ces  actions,  parce  qu'elles  enlèvent 
au  sang  quelques  éléments,  ne  doivent-elles  pas  influer  sur 
la  crâse  de  ce  fluide  ,  quoique  par  une  raison  inverse,  aussi- 
bien  que  les  absorptions  qui  lui  fournissaient  sans  cesse  de 
nouveaux  principes  ?  D'abord,  l'influence  est  évidente ,  pour 
celles  de  ces  sécrétions  qui  sont  chargées  de  dépurer  le  sang , 
savoir,  la  sécrétion  urinaire ,  la  perspiration  cutanée 3  et 
peut-être  la  sécrétion  biliaire  ;  et,  à  ce  titre ,  nous  aurions  dû 
placer  ces  sécrétions ,  sous  le  rapport  de  leur  importance , 
dans  la  même  catégorie  que  la  digestion.  Non-seulement  le 
sang  demande  à  être  renouvelé  sans  cesse,  et  dans  la  pro- 
portion des  pertes  qu'il  fait  continuellement ,  par  le  service 
de  la  digestion  et  des  absorptions  ;  mais  encore  il  a  besoin 
d'être  dépuré  d'éléments  nuisibles  qui  affluent  en  lui  sans 


222  DES    CONNEXIONS   DES   FONCTIONS. 

interruption.  D'un  côté,  beaucoup  de  matières  étrangères 
pénètrent  jusqu'à  lui  par  les  voies  de  la  respiration,  de  la 
digestion  ,  et  par  l'action  des  nombreux  vaisseaux  absorbants 
qui ,  ouverts  sur  toutes  les  surfaces  externes  et  internes  du 
corps,  mêlent  continuellement  à  ses  globules  les  mille  sub- 
stances diverses  avec  lesquelles  ils  sont  en  contact.  D'un  autre 
côté, c'est  en  lui  que  les  absorptions  interstitielles  reportent 
les  produits  de  la  décomposition  des  organes.  Sous  ce  double 
rapport,  le  sang  réclame  une  dépuration  continuelle.  Or, 
c'est  à  quoi  sont  destinées  certaines  sécrétions,  et  particuliè- 
rement la  sécrétion  urinaire.  Voyez  avec  quelle  promptitude 
se  montrent  dans  le  produit  de  cette  sécrétion,  l'urine  ,  soit 
les  matières  étrangères  qui  ont  pénétré  du  dehors  dans  le  sang, 
soit  les  humeurs  qui  y  ont  été  portées  de  l'économie  elle- 
même  ?  D'ailleurs ,  quel  autre  office  attribuer  à  cette  sécré- 
tion? Pourquoi  est-elle  si  différente  selon  les  âges,  si  ce 
n'est  pour  être  en  corrélation  avec  le  mouvement  nutritif, 
et  parce  qu'elle  est  destinée  à  éliminer  les  éléments  usés  des 
organes?  Delà  sa  grande  importance  dans  l'économie.  Est- 
elle supprimée,  comme  quand  on  a  extirpé  les  reins ,  ou  lié 
les  artères  rénales  dans  dec  expériences  sur  des  animaux  vi- 
vants ?  la  mort  arrive  après  deux  ou  trois  jours.  Elle  est 
aussi  prochainement  nécessaire  à  la  vie  que  la  digestion,  et 
son  interruption  fait  périr  aussi  promptement.  Avons-nous 
besoin  de  dire  dès  lors  qu'il  n'est  pas  indifférent  qu'elle  ac- 
complisse, pleinement  ou  d'une  manière  incomplète,  par- 
faitement ou  imparfaitement,  la  dépuration  dont  elle  est 
chargée  ?  dans  ces  cas ,  le  sang  plus  ou  moins  bien  dépuré 
aura  nécessairement  des  qualités  diverses  :  MM.  Damas  et 
Prévost  oui  trouvé  que  ,  clans  les  animaux  auxquels  ils  avaient 
extirpé  les  reins,  ce  fluide  contenait  de  l'urée. 

Il  faut  en  dire  autant  de  la  perspiradon  cutanée  ,  s'il  est 
vrai  qu'elle  concoure  aussi  à  dépurer  le  sang.  On  le  croit  gé- 
néralement :  dans  beaucoup  d'animaux,  en  effet,  la  transpi- 
ration cutanée  est  la  seule  sécrétion  décomposante  du  corps,- 
et  dans  l'homme,  cette  transpiration  accuse  aussi  prompte- 
ment que  l'urine  la  présence  des  matières  hétérogènes  qui 
ont  été  portées  dans  le  sang.  Cependant  on  ne  peut  pas  en 


DES    RAPPORTS    FONCTIONNELS   DES   ORGANES.         223 

avoir  une  preuve  aussi  directe  que  pour  la  sécrétion  uri- 
naire;  on  ne  peut  pas  supprimer  tout-à-fait  la  transpiration 
cutanée,  et  voir  si  la  mort  résulterait  de  cette  suppression. 
On  a  tenté  d'y  parvenir  en  couvrant  la  peau  d'un  vernis; 
mais  comme  l'expérience  n'était  faite  que  dans  la  vue  de 
porter  la  chaleur  du  corps  humain  à  un  degré  supérieur  à 
celui  qui  lui  est  propre,  elle  n'a  pas  été  prolongée  assez 
long-temps  pour  mettre  à  même  de  vérifier  si  quelque  alté- 
ration était  par  suite  survenue  dans  le  sang.  Il  est  probable 
que  l'importance  de  cette  sécrétion,  sous  ce  rapport,  est 
moindre  que  celle  de  la  sécrétion  urinaire;  car  son  produit 
a  une  composition  chimique  bien  simple  comparativement 
à  celle  de  l'urine.  Néanmoins,  comme  le  danger  attaché  à 
sa  suppression  ,  à  sa  diminution,  est  un  fait  universellement 
reconnu,  on  peut  admettre  une  influence  de  cette  sécré- 
tion sur  la  dépuration  du  sang.  Et,  en  effet ,  n'est-il  pas 
probable  qu'une  détérioration  de  ce  fluide  a  quelque  part 
au  déveîoppemeut  de  ces  constitutions  scrophuleuses ,  ob- 
servées dans  les  individus  qui  habitent  des  lieux  bas ,  hu- 
mides et  froids?  Quant  à  la  sécrétion  biliaire  ,  nous  avons 
dit  que  quelques  physiologistes  soupçonnaient  qu'elle  était 
aussi  destinée  primitivement  à  influer  sur  la  constitution 
du  sang.  Ils  se  fondent;  i°  sur  ce  que  le  foie  paraît  être,  dans 
le  fœtus  ,  un  organe  qui  a  part  à  la  sanguification;  20  sur  ce 
que  c'est  à  lui  qu'aboutit  la  remarquable  exception  qui 
constitue  la  veine-porte;  3°  sur  ce  qu'enfin  l'appareil  biliaire 
est  le  seul  appareil  sécréteur  qui  soit  assez  influent  pour 
fonder  un  tempérament.  Si  cette  conjecture  est  fondée,  la 
sécrétion  de  la  bile  aurait,  indépendamment  de  son  service 
dans  la  digestion,  une  assez  grande  importance  dans  l'éco- 
nomie ,  comme  modifiant  le  sang  en  raison  de  la  quantité  et 
de  la  qualité  de  l'humeur  qu'elle  fabrique  avec  lui. 

Mais  ce  ne  sont  pas  seulement  les  sécrétions  qui"  ont  pour 
office  spécial  de  dépurer  le  sang,  qui  influent  sur  la  crâse  de 
ce  fluide,  et  par  suite  sur  toute  l'économie;  ce  sont,  quoique 
à  un  degré  moindre,  toutes  sécrétions  quelconques,  par  cela 
seul  qu'elles  puisent  dans  le  sang  les  matériaux  des  humeurs 
qu'elles  produisent.  D'abord  ,  nous  avons  dit  que  toutes  nos 


2  24  DES   CONNEXIONS   DES    FONCTIONS, 

sécrétions  excrémentitielles ,  même  morbides,  quand  leur 
ancienneté  les  avait  rendues  habituelles,  concouraient  à  la 
décomposition  du  corps;  conséquemment  elles  ont  sur  la 
dépuration  du  sang  la  même  influence  que  les  sécrétions 
primitivement  dépuratives ,  celle  de  l'urine,  par  exemple. 
Ensuite  toute  sécrétion,  comme  émanée  du  sang,  doit  in- 
fluer sur  ce  liquide ,  au  moins  par  la  dépense  qu'elle  lui  fait 
faire.  Qui  ne  sait  que  tout  flux  abondant,  hydropisie  ,  dia- 
bètes, etc.,  altère  le  sang?  Et  même  c'est  à  cause  de  cela 
qu'éclate  alors  la  soif,  qui  marque  le  besoin  qu'a  cette  hu- 
meur de  réparer  les  pertes  qu'elle  a  faites  en  sa  partie  li- 
quide? La  femme  chez  laquelle  la  sécrétion  laiteuse  est 
en  pleine  activité ,  accuse  de  même ,  par  une  faim  plus 
vive  et  plus  fréquente,  le  besoin  qu'a  le  sang  de  réparer 
le  surcroît  de  dépenses  auquel  il  fournit  alors.  Il  n'est  pas 
possible  de  douter  que  les  sécrétions  n'aient  sur  le  sang  qui 
les  alimente,  en  raison  de  la  quantité  des  humeurs  qu'elles 
en  retirent  et  de  la  qualité  qu'elles  donnent  à  ces  humeurs, 
des  influences  égales  à  celles  qu'exercent  sur  ce  fluide  les 
absorptions  ;  si  celles-ci  réparent ,  les  autres  dépensent , 
épuisent;  et  la  constitution  du  sang  doit  être  également 
modifiée  dans  les  deux  cas. 

C.  Enfin ,  par  une  raison  semblable,  les  nutritions  et  les 
calorifîcations  ont  une  égale  influence  sur  l'état  du  sang, 
et  par  suite  sur  toute  l'économie  en  général.  N'est-ce  pas 
aux  dépens  de  ce  fluide  que  s'accomplissent  les  unes  et  les 
autres  de  ces  actions  ?  et  ne  doivent-elles  pas  conséquemment 
influer  sur  sa  quantité  et  sa  qualité ,  en  raison  de  leur  degré 
et  de  leur  mode  d'activité  ?  Cependant  nous  conviendrons 
qu'ici  les  faits  sont  difficiles  à  constater,  et  que  c'est  moins 
directement  qu'on  arrive  à  la  proposition  que  nous  émet- 
tons ,  que  par  une  suite  de  raisonnements. 

D'abord ,  pour  commencer  par  les  calorifîcations ,  nous 
avons  vu  quels] rapports  existaient  entre  ces  actions  et  la 
respiration, |et  tous  les  auteurs  les  ont  universellement  re- 
connus. Nous  avons  dit  que  de  toutes  les  fonctions  qui  se 
passaientfdans  les  parenchymes  ,  c'étaient  probablement  les 
calorifîcations  qui  avaient  le  plus  de  part  au  changement  du 


DES  RAPPORTS  FONCTIONNELS  DES  ORGANES.    22  5 

sang  artériel  en  sang  veineux.  En  effet ,  la  respiration 
est  la  fonction  qui  fait  le  sang;  et  s'il  y  a  tant  de  rap- 
ports entre  elle  et  les  caiorifications,  n'est-ce  pas  une  pré- 
somption qu'elle  est  destinée  à  réparer  ce  que  celles-ci  ont 
consumé,  et  conséquemment  que  les  caiorifications  font 
subir  au  sang  une  grande  dépense  ?  Dès  lors ,  ces  fonctions 
doivent  exercer  une  influence  sur  la  crâse  du  sang.  D'après 
cela,  comme  l'activité  des  caiorifications  est  en  raison  de  la 
température  extérieure  à  laquelle  on  est  soumis ,  il  ne  doit 
pas  être  indifférent,  pour  l'état  du  sang,  qu'on  soit  soumis 
à  des  influences  de  chaud  e.t  de  froid.  Peut-être  est-ce  aux 
modifications  déterminées  dans  le  sang,  qu'on  doit  rapporter 
partie  des  effets  produits  par  les  influences  prolongées  des 
saisons  et  des  régions  chaudes ,  des  saisons  et  des  régions 
froides ï  Peut-être  que,  dans  les  morts  amenées  par  l'excès 
du  chaud  et  du  froid,  il  y  a  une  altération  profonde  du 
sang  ?  Mais  nous  avouerons  qu'on  a  besoin  ici  de  faits  di- 
rects pour  justifier  ce  que  le  raisonnement  suggère.  On  a 
bien,  à  la  vérité,  présenté  dès  la  plus  haute  antiquité  les 
fortes  chaleurs  comme  amenant  un  état  putride  du  sang; 
on  a  rapporté  à  une  altération  de  ce  fluide  les  fièvres  de 
mauvais  caractère  ,  typhus  ,  fièvres  jaunes,  pestes,  etc.,  qui 
surviennent  plus  particulièrement  dans  les  pays  chauds; 
mais  il  y  a  encore  trop  d'obscurités,  et  trop  de  points  eu 
litige  dans  ce  qui  a  été  dit  sur  l'étiologie  et  la  nature  de 
ces  maladies,  pour  que  nous  nous  en  servions  comme  de 
faits  positifs  dans  la  question  que  nous  agitons  ici. 

On  a  plus  de  preuves  directes  en  ce  qui  concerne  les  nu- 
tritions. Si  ce  que  le  sang  doit  fournir  aux  nutritions  est 
diminué  tout  à  coup,  comme  quand  un  membre  est  am- 
puté ,  souvent  il  en  résulte  un  état  pléthorique,  une  trop 
grande  abondance  de  sang  ;  l'effet  qu'on  observe  est  le  même 
que  si  l'on  avait  supprimé  une  hémorrhagie  habituelle,  ou 
suivi  pendant  quelque  temps  un  régime  trop  succulent. 
C'est  pour  cela  que  souvent  une  personne  primitivement 
débile  et  valétudinaire ,  soudain,  après  une  amputation , 
se  fortifie  et  acquiert  une  bonne  constitution.  ïl  en  est  de 
même,  si  à  une  vie  active,  occupée,  succède  tout  k  coup 
Tome  IV.  i5 


526  DES   CONNEXIONS   DES   FONCTIONS, 

une  vie  oiseuse,  sédentaire;  l'exercice,  en  effet,  hâte  les 
mouvements  nutritifs,  et  par  conséquent  influe  sur  les  dé- 
penses que  fait  le  sang  ;  s'il  est  tout  à  coup  remplacé  par 
le  repos,  la  nutrition  diminue  partout,  et  la  pléthore  sur- 
vient. Si  de  ces  cas ,  dans  lesquels  les  nutritions  sont  dimi- 
nuées ,  on  passe  à  ceux  dans  lesquels  elles  sont  au  contraire 
trop  actives ,  les  effets  seront  aussi  sensibles  ,  mais  inverses  : 
alors  le  sang  fait  trop  de  pertes;  et  si  l'on  ne  prend  pas  des 
aliments  en  proportion  ,  ou  que  les  forces  digestives  ne  puis- 
sent suffire    à    élaborer  la  quantité  d'aliments  qui  serait 
nécessaire,  le  sang,  non-seulement  diminue  de  quantité, 
mais  il  s'appauvrit,  se  détériore;  et  l'on  observe  les  mêmes 
phénomènes  que  ceux  que  nous  avons  dit  succéder  à  une 
alimentation  trop  pauvre.  On  peut  attribuer  à  cette  cause 
partie  des  effets  de  l'exercice  abusif  de  toute  fonction  quel- 
conque, les  suites  des  travaux  d'esprit  exagérés,  des  affec- 
tions del'ame  fortes  et  continuel  les.  Toutes  ces  circonstances 
à  la  longue  amaigrissent,   et  très  probablement  amènent 
une  détérioration  du  sang.  Le  sang,  en  effet,  non-seule- 
ment nourrit  les  organes,  mais  encore  est  pour  eux  un  sti- 
mulus nécessaire  à  leur  jeu  ;  ceux-ci  puisent  en  lui  un  prin- 
cipe, auquel  ils  doivent  de  pouvoir  agir  ;  dès  lors,  la  dépense 
que ,  sous  ce  rapport ,  ils  feront  faire  au  sang ,  sera  en  raison 
de  leur  degré  d'activité;  s'ils  agissent  beaucoup,  elle  sera 
plus  grande  ,  et  vice  versa.  Ces  effets  sont  surtout  sensibles 
en  ce  qui  concerne  les  fonctions  nerveuses;   ces  fonctions 
étant  les  plus  élevées  dans  l'animalité,  doivent  occasioner 
la  plus  grande  dépense  au  sang ,  et  influer  davantage  par 
leur  abus  en  plus  ou  en  moins  sur  l'état  de  ce  fluide.  De  là, 
les  dangers  attachés  aux  excès  du  sommeil  et  de  la  veille  : 
trop  de  sommeil  amène  la  pléthore,  ou  au  moins  l'obésité  , 
parce  que  la  portion  de  sang  qui  surabonde  est  employée  à 
faire  de  la  graisse  :  trop  de  veille,  au  contraire,  amaigrit  et 
épuise  le  sang.  De  là,  les  suites  funestes  des  chagrins,  des 
passions,   des  travaux  intellectuels   abusifs.    Les   gens  du 
monde  désignent  la    détérioration  que   nous  disons  être 
survenue  alors  dans  le  sang,   par  les  mots   de  sang  brûlé, 
sang  calciné  ;  on  peut  leur  contester  la  propriété  de  ces 


DES  RAPPORTS  FONCTIONNELS  DES  ORGANES.  227 
dénominations;  mais  le  fait  d'une  détérioration  du  sang, 
quelle  qu'elle  soit,  me  paraît  indubitable;  tout  trahit 
dans  l'économie  l'altération  de  ce  fluide;  tantôt  il  paraît 
être  appauvri  ;  tantôt  il  semble  avoir  un  excès  d'ani- 
malisation  ;  tous  les  produits  des  sécrétions  sont  altérés  ; 
souvent  surviennent  alors  quelques  excrétions  insolites;  les 
fonctions  accusent  tour-à-tour  ou  de  la  langueur,  ou  une 
excitabilité  importune;  la  composition  chimique  des  par- 
lies  est  changée;  et,  si  on  faisait  alors  du  sang  un  examen 
chimique  attentif,  nul  doute  qu'on  ne  découvrît  en  ce  li- 
quide quelques  différences,  soit  dans  la  nature,  soit  dans 
les  proportions  de  ses  éléments  composants.  Souvent  alors 
l'économie  développe  tout  à  coup  ces  phlegmasies  de  nature 
gangreneuse,  septique,  charbons,  pustules  malignes ,  etc., 
dans  lesquelles  le  sang  est  si  évidemment  le  siège  du  mal, 
que  les  médecins  vétérinaires  ont  transmis  des  maladies  pu- 
trides et  gangreneuses  de  ce  genre ,  en  injectant  dans  les 
veines  d'animaux  sains  le  sang  pris  à  des  animaux  qui  en 
étaient  atteints,  ou  qui  y  avaient  succombé.  Quelques  phy- 
siologistes objecteront  peut-être  que  tous  ces  désordres,  que 
j'attribue  à  une  altération  du  sang ,  sont  dus  à  une  irrita- 
bilité extrême,  à  des  phlegmasies  chroniques  que  l'exercice 
abusif  aura  fait  naître  dans  les  organes  exercés,  et  qui, 
sympathiquementj  se  seront  propagées  à  d'autres  parties. 
Sans  doute  cette  cause  peuteoncourir  aussi  à  leur  production; 
il  y  a  peu  d'effets  simples  dans  la  machine  humaine,  et 
presque  toujours  un  phénomène  reconnaît  le  concours  de  plu- 
sieurs causes;  mais  je  crois  que  l'état  du  sang  a  la  plus  grande 
part  à  ces  maladies.  Sans  vouloir  ressusciter  les  idées  évidem- 
ment erronnées  des  acres ,  des  humeurs  peccantes  des  an- 
ciens médecins,  il  nous  paraît  impossible  de  nier  la  possibi- 
lité de  détériorations  dans  le  sang,  en  raison  de  la  mesure 
dans  laquelle  se  font,  et  les  fonctions  qui  alimentent  ce 
fluide, et  celles  qui  puisent  en  lui  les  matériaux  de  leur  travail. 
Tels  sont  les  liens  que  la  première  des  conditions  vitales, 
la  présence  d'un  sang  artériel  dans  les  organes,  nécessite 
entre  toutes  les  parties  de  l'économie;  et  telle  est  déjà  l'im- 
portance relative  des  diverses  fonctions  ;   en  raison  de  la 

i5. 


510.8  DES    CONNEXIONS   DES    FONCTIONS. 

part  qu'elles  ont  à  l'établissement  de  cette  première  condi- 
tion. Le  sang  artériel  est  évidemment  l'excitant  fonctionnel, 
Vital  de  toute  partie.  Consécutivement  au  jeu  des  divers  or- 
ganes qui  font  ce  fluide,  le  distribuent  et  influent  sur  sa 
constitution,  il  manque,  ou  est  plus  on  moins  parfait  ;  par 
conséauent,  il  exerce  plus  ou  moins  complètement  l'influence 
indispensable  qui  lui  est  propre  ;  et,  par  son  intermédiaire, 
peuvent  éclater  partout  et  au  loin  dans  le  corps  humain  de 
nombreuses  modifications.  En  vain  le  solidisme  exclusif  de 
l'époque  actuelle  voudrait  nier  le  rôle  que  je  fais  jouer  ici 
au  sang.  N'est-ce  pas,  parce  que  ce  fluide  n'est  pas  artériel, 
qu'on  meurt  dans  l'asphyxie  ?  N'est-ce  pas  parce  que  les  or- 
ganes n'en  reçoivent  pas,  qu'on  meurt  dans  la  syncope? 
C'est  évidemment ,  à  lui  qu'aboutissent  les  produits  de  la 
digestion  et  des  absorptions  ,  -et  de  lui  qu'émanent  ceux  des 
sécrétions,  des  nutritions  ;  peut-il  dès  lors  ne  pas  se  res- 
sentir des  modifications  qui  surviennent  en  ces  fonctions, 
et  par  conséquent,  ne  pas  être  la  cause,  le  conducteur  des 
changements  que  ces  modifications  entraînent  consécutive- 
ment dans  toute  l'économie  ? 

Il  resterait  à  spécifier  le  mode  d'action  du  sang  artériel, 
abstraction  faite  de  son  office  pour  la  nutrition  proprement 
dite.  Il  est  sûr  que  ce  fluide,  en  même  temps  qu'il  renou- 
velle la  substance  des  organes,  est  aussi  pour  eux  un  sti- 
mulus vital  nécessaire  :  si  cela  n'était  pas  ,  pourquoi  ceux-ci 
périraient-ils  aussitôt  qu'ils  en  sont  privés?  Mais  en  quoi 
consiste  celte  stimulation?  on  l'ignore;  à  ce  degré  de  pro- 
fondeur, tout  est  inconnu,  et  l'on  ne  peut  faire  que  des 
conjectures.  Comme  dans  la  nature  générale,  les  phéno- 
mènes sont  tous  produits  par  l'action  de  quelques  fluides 
impondérables,  lumière,  calorique,  fluide  électrique,  etc.  ; 
on  a  d'abord  conjecturé  qu'il  en  était  de  même  des  phé- 
nomènes de  la  vie.  En  second  lieu,  comme  les  phénomènes 
vitaux  sont  différents  des  phénomènes  physiques  et  chimi- 
ques ,  on  n'a  pu  les  rapporter  à  l'influence  des  fluides  de  la 
nature  morte,  et  l'on  a  supposé  pour  eux;  ou  un  fluide 
spécial,  vital;  ou  mieux  un  des  fluides  généraux,  mais  qui 
aurait  subi  quelques  modifications.,  quelques  combinaisons 


DES   RAPPORTS    FONCTIONNELS    DES    ORGANES.         229 
auxquelles  il  devrait  de  donner  naissance  à  des  phénomènes 
tout  nouveaux.  Alors  on  a  recherché  si  ce  fluide  vital,  ou 
le  fluide  général  modifié,  était  répandu  dans  toute  la  na- 
ture, d'où  il  serait  ahsorhé  par   le  corps  vivant  qui  ainsi 
recevrait  de  lui  la  vie;  ou  si  le  corps  vivant  le  produisait 
en  lui-même  par  le  travail  de  ses  organes  ;  et,  dans  l'une 
et  l'autre  hypothèse ,   on   a  dit  que   le  sang  artériel  chez 
l'homme,  et  le  fluide  nutritif  en  tout  être  vivant,  en  était 
le  véhicule.    Enfin  ,  on  a  mis  en  question  ,  si  le  sang  arté- 
riel agissait  par  lui-même,  ou  s'il  alimentait  seulement  le 
système  nerveux,  qui ,  rouage  suprême  du  corps,  était  seul 
conducteur,  seul  cohibant  du  fluide  vital,  et  déterminait 
tous   les   phénomènes  de  la  vie.  Dans  l'état  actuel  de  la 
science,  toutes  ces  opinions  ne  sont  que  des  vues  hypothé- 
tiques de  l'esprit.  Sachons  nous  arrêter  où  les  phénomènes 
ne  peuvent  plus  être  saisis.  Peut-être  un  jour  ira-t-on  plus 
loin.   Mais  aujourd'hui  on  sait  seulement  que  le  sang  arté- 
riel est  un  stimulus  vital ,  et  conséquemment  que  toutes 
les  fois  qu'il  différera  de  l'état  normal ,  il  modifiera  les  ac- 
tions. Or,  sa  présence  dans  les  organes  nécessite  le  concours 
de  beaucoup  d'actions;   ces  actions  sont  susceptibles  de  se 
produire  avec  beaucoup  de  variétés  ;  on  devra  donc  obser- 
ver dans  le  cours  de  la  vie  beaucoup  d'états  divers  en  lui , 
et  de  différences  en  ses  effets. 


§   II..  Rapports  fonctionnels  relatifs  à  la  seconde  condition  vitale ,  l'influence 

nerveuse. 

Non-seulement  les  diverses  parties  du  corps  humain  sont 
plus  ou  moins  dépendantes  les  unes  des  autres,  ont  des 
rapports  fonctionnels  entre  elles  ,  parce  que  le  sang  artériel 
dont  elles  ont  besoin  n'est  fait  et  distribué  que  par  le 
concours  de  beaucoup  d'organes  ;  mais  encore  elles  le  sont 
forcément  aussi  par  l'autre  condition  vitale  qu'elles  néces- 
sitent,  l'influence  nerveuse. 

Cette  influence  nerveuse ,  en  effet ,  régit  toute  fonc- 
tion ;  et,  quelle  que  soit  son  essence  et  la  partie  ner- 
veuse qui   y  préside,    elle   est   dépendante,  dans  les  ani- 


50O  DES    CONNEXIONS   DES    FONCTIOLNS. 

maux  supérieurs  ,  et  par  conséquent  dans  l'homme  ,  des 
centres  nerveux  ,  encéphale  et  moelle  spinale.  Pour  que 
tout  nerf  quelconque  exerce  sur  l'organe  auquel  il  se  dis- 
tribue l'irradiation  nerveuse  nécessaire ,  il  faut  qu'il  com- 
munique librement  avec  ces  centres  ,  et  que  ces  centres 
soient  en  état  d'intégrité.  Si  l'une  ou  l'autre  de  ces  condi- 
tions manque ,  l'influence  nerveuse  dont  ils  sont  les  con- 
ducteurs ou  les  producteurs  immédiats,  est  anéantie.  De  là 
une  nouvelle  source  de  rapports  fonctionnels  entre  nos 
parties;  de  là  une  nouvelle  cause  de  la  centralisation  de  la 
vie.  Cependant  cette  dépendance  est  dans  une  mesure  qui 
diffère  selon  les  espèces  d'animaux,  selon  leur  âge,  et  selon 
l'animalité  des  fonctions;  triple  loi  que  nous  avons  souvent 
mentionnée  dans  le  cours  de  cet  ouvrage ,  et  que  c'est  ici  le 
lieu  de  détailler. 

Si ,  sur  un  animal  vivant ,  on  lie  ou  l'on  coupe  les  nerfs 
qui  se  rendent  à  une  partie ,  on  tue  cette  partie  d'autant 
plus  promptement  que  l'animal  sur  lequel  on  fait  l'expé- 
rience est  plus  élevé  dans  l'échelle  des  animaux,  est  plus 
âgé,  et  que  les  nerfs  dont  il  s'agit  président  à  une  fonction 
plus  élevée  en  animalité.  L'effet  est  le  même  si,  au  lieu 
d'interrompre  la  communication  avec  les  centres ,  en  liant 
ou  coupant  le  nerf  qui  l'établit,  on  lèse  les  centres  eux- 
mêmes,  l'encéphale  et  la  moelle  spinale. 

10  Influence  du  degré  de  supériorité  ou  d'infériorité  de 
V animal.  Dans  les  plus  simples  des  animaux,  il  n'y  a  pas 
dans  le  système  nerveux  de  ganglion  central,  et,  par  suite, 
la  vie  n'est  nullement  centralisée  ;  chaque  partie  détachée 
de  l'individu  peut  vivre  par  elle-même,  comme  on  le  voit 
dans  les  animaux  amorphes  et  beaucoup  de  radiaires.  Mais, 
dans  les  animaux  articulés ,  et,  à  plus  forte  raison  ,  dans  les 
animaux  vertébrés,  il  existe  au  système  nerveux,  une  partie 
centrale  située  dans  l'encéphale ,  ou  la  partie  supérieure  de 
la  moelle  spinale;  et  la  vie  générale  de  l'être  est  liée  à  l'in- 
tégrité de  cette  partie  centrale,  et  à  son  influence  sur  le 
reste  du  corps.  Seulement  la  suprématie  de  cette  partie  cen- 
trale est  d'autant  moins  prochaine ,  que  les  animaux  sont 
moins  élevés  dans  l'échelle.  Voici  les  preuves  de  cette  asser- 


DES   RAPPORTS   FONCTIONNELS   DES   ORGANES.  2  3 1 

tien.  Dans  les  animaux  les  plus  simples,  non-seulement 
l'ablation  des  centres  nerveux  n'entraîne  pas  la  mort  des 
individus,  mais  ces  centres  repoussent  ;  voyez  l'hélix,  si  on 
coupe  la  tête  à  cet  animal,  elle  se  reproduit.  Déjà,  dans  les 
reptiles,  il  n'en  est  plus  de  même;  les  centres  nerveux  en- 
levés ne  repoussent  plus;  cela  n'est  plus  possible  que  pour 
quelques  parties  moins  importantes,  la  queue,  par  exemple  : 
mais  au  moins  ces  animaux  privés  de  ces  centres,  de  l'encé- 
phale ,  ne  meurent  qu'après  quelques  jours,  et  même  quel- 
ques mois;  Redi  et  Fontana  ont  constaté  ce  fait  sur  des  tor- 
tues. Dans  les  oiseaux,  l'indépendance  est  encore  moindre; 
non-seulement  toute  reproduction  de  parties  ne  s'observe 
plus,  mais  la  décapitation  entraîne  une  mort  très  prompte, 
après  quelques  minutes  ;  seulement ,  avant  qu'elle  arrive , 
quelques  mouvements  sont  encore  possibles;  qui  n'a  vu 
sauter  et  courir  encore  des  canards  décollés  ?  Au  rapport 
à'Hérodien ,  des  autruches  que  Ton  faisait  courir  dans  le 
Cirque  devant  l'empereur  Commode,  et  auxquelles  celui-ci 
abattait  la  tête ,  continuaient  de  courir  quelques  pas  après 
cette  décapitation.  Kaaw-Boërhaave  dit  avoir  vu  un  coq, 
ainsi  décollé,  courir  encore  l'espace  de  vingt-trois  pieds,  etc. 
Enfin,  dans  les  mammifères  et  dans  l'homme,  la  dépen- 
dance est  aussi  grande  que  possible;  non-seulement  la  déca- 
pitation entraîne  une  mort  encore  plus  prompte,  une  mort 
soudaine  ;  mais  aussitôt  toutes  les  fonctions  cessent ,  et  par- 
ticulièrement les  mouvements.  On  a  bien  cité  quelques  faits 
contradictoires  ,  comme  celui  d'une  femme  qui ,  au  rapport 
de  Ehadskinshi,  marcha  encore,  après  la  décapitation,  l'es- 
pace d'une  aune;  celui  de  cet  homme  qui,  après  la  même 
mutilation,  remua  son  sabre,  ou  se  frappa  la  poitrine,  etc. 
Mais  tous  ces  faits  sont  apocryphes;  et  certainement,  après 
la  décapitation  ,  toutes  fonctions  sensoriales  et  tous  mou- 
vements sont  anéantis  dans  notre  espèce.  Ce  qu'on  dit  ici 
de  la  décapitation  ou  de  l'ablation  de  l'encéphale  entier, 
est  vrai  de  l'ablation  partielle  de  cet  organe;  il  est  d'autant 
plus  possible  de  pousser  loin  clans  des  expériences  sur  des 
animaux  vivants  les  mutilations  partielles  du  cerveau,  que 
les  animaux  sont  plus  inférieurs;   les  derniers  travaux  de 


2  3a  DES   CONNEXIONS   DES   FONCTIONS. 

MM.  Rolando,  Flourens ,  Fodera,  pour  spécifier  l'usage  de 
chaque  partie  encéphalique,  ont  mis  ce  fait  hors  de  doute; 
l'homme ,  à  coup  sûr,  ne  pourrait  pas  supporter  des  lésions 
aussi  fortes  que  des  reptiles  ;  et  il  est  sûr  que  les  maladies 
cérébrales  de  cet  être  sont  bien  plus  promptement  mortelles 
que  celles  des  autres  espèces. 

2°  Influence  de  L'âge.  La  dépendance  dans  laquelle  sont 
des  centres  nerveux  toutes  les  parties  nerveuses  inférieures  , 
est  d'autant  plus  grande  en  toute  espèce  animale,  que  l'in- 
dividu est  plus  jeune.  D'abord,  s'il  est  vrai  qu'un  animal 
quelconque ,  dans  la  série  de  ses  développements ,  parcoure 
Ja  suite  des  formes  que  présente  le  règne  animal  dans  la 
portion  qui  est  inférieure  au  type  auquel  cet  animal  appar- 
tient, on  conçoit  que  plus  il  sera  jeune  ,  plus  il  sera  animal 
inférieur,  et  par  conséquent  moins  sera  grande  en  lui  la 
suprématie  des  centres  nerveux ,  d'après  la  loi  première  que 
nous  venons  de  démontrer.  Ensuite,,  il  est  des  faits  directs 
en  faveur  de  la  seconde  loi  que  nous  posons  ici.  Les  hélix 
repoussent  d'autant  mieux  leur  tête,  qu'ils  sont  plus  jeunes. 
Redi,  dans  ses  expériences  sur  les  tortues  et  les  vipères,  a 
remarqué  que  ces  animaux  survivaient  d'autant  plus  à  l'a- 
blation de  l'encéphale  ,  à  la  décapitation  ,  qu'ils  étaient 
plus  jeunes.  MM.  Rolande*  et  Flourens  ,  etc. ,  ont  vu  de 
même  que  les  animaux  supportaient  d'autant  mieux  les 
mutilations  cérébrales,  qu'ils  étaient  moins  âgés.  Dans  des 
expériences  de  Legallois ,  que  j'ai  déjà  citées  à  l'occasion  de 
la  circulation,  sur  lesquelles  je  vais  revenir  encore  ci-après, 
et  qui  consistaient  à  faire  survivre  des  animaux  mammifères 
à  la  décapitation  ,  en  remplaçant  la  respiration  par  une  in- 
sufflation artificielle  d'air  dans  le  poumon  ,  ce  physiologiste 
réussissait  d'autant  mieux  qu'il  opérait  sur  des  animaux 
plus  jeunes.  À  la  vérité,  ces  expériences  ne  sont  pas  prati- 
cables sur  l'homme;  mais  les  monstruosités  et  les  maladies 
fétales  en  tiennent  lieu.  Dans  l'acéphalie,  la  vie  continue  et 
le  fœtus  arrive  à  terme.  Dans  l'anencéphalie  incomplète,  le 
phénomène  est  encore  plus  sensible;  non-seulement  le  fœtus 
a  continué  de  vivre,  a  pris  de  l'accroissement,  est  venu  à 
terme;  mais  il  naît  vivant,  survit  quelques  jours  après  sa 


DES  RAPPORTS  FONCTIONNELS  DES  ORGANES.  2 33 
naissance,  et  ne  meurt  que  lorsqu'il  est  un  peu  plus 
avancé  dans  la  vie.  Il  semble  que  lorsqu'il  ne  manque 
au  fœtus  que  les  hémisphères  cérébraux,  l'enfant  ne 
devrait  qu'être  idiot,  mais  devrait  pouvoir  vivre;  et  cepen- 
dant il  meurt,  seulement  d'autant  plus  tard  qu'il  est  plus 
jeune;  n'est-ce  pas  là  une  preuve  prise  dans  l'espèce  hu- 
maine elle-même,  de  la  seconde  loi  que  nous  posons  ici? 
D'après  cette  loi,  on  peut  avancer  qu'un  homme  adulte  ne 
supporterait  pas  le  quart  des  maladies  cérébrales  que  peut 
supporter  le  fœtus. 

3°  Influence  du  degré  d'animalité  de  la  fonction.  Enfin, 
dans  la  subordination  où  sont  des  centres  nerveux ,   toutes 
les  fonctions  du  corps,  ce  sont  les  fonctions  sensoriaîes  qui 
sont  dans  la  dépendance  la  plus  prochaine;  et  cette  dépen- 
dance devient  de  moins  en  moins  grande  pour  toutes  les 
autres,  à  mesure  qu'elles  sont  plus  inférieures  eu  animalité. 
Par  exemple,  les  fonctions  des  sens,  des  mouvements,  sont 
dans  une  subordination  absolue;  déjà  les  fonctions  organi- 
ques premières,  la  digestion  ,  la  respiration  ,  la  circulation, 
le  sont  moins;  et  enfin  ,  les  dernières  fonctions  organiques, 
celles  qui  se  passent  dans  la  profondeur  des  parenchymes , 
le  sont  aussi  peu  que  posssible.  Qu'on  coupe  ou  qu'on  lie 
le  nerf  qui  avive  un  sens,  un  muscle  volontaire,  aussitôt  le 
sens ,  le  muscle  sont  paralysés.  Si ,  par  comparaison ,  on  fait 
subir  la  même  lésion  aux  nerfs  qui  vivifient  les  organes  de 
la  digestion,  de  la  respiration  ,  de  la  circulation,  la  para- 
lysie n'est  pas  aussi  soudaine  :  nous  avons  vu  la  digestion  , 
la  respiration  et  la  circulation,  continuer  encore  quelque 
temps  après  la   section  des  nerfs  vagues  et  grands  sympa- 
thiques. La  même  différence  se  remarque  lors  de  l'ablation, 
de  la  lésion  des  centres  nerveux  eux-mêmes,  comme  nous 
allons  le  faire  voir.  Dans  la  décapitation  ,  par  exemple ,  il 
y  a  beaucoup  de  causes  de  mort,  i'héniorrbagie,la  cessation 
de  1  innervation  sur  le  cœur,  la  cessation  des  mouvements 
respirateurs,  etc.  Or,  si  on  remplace  les  mouvements  respi- 
rateurs   artificiellement,    et  qu'en  liant  les  vaisseaux  du 
col ,  on  arrête  l'hémorrhagie ,  il  n'y  a  plus  que  la  perte  de 
l'influence   exercée  par  l'encéphale    sur  l'innervation  ;   et 


2  34  DES   CONNEXIONS   DES   FONCTIONS. 

Ton  voit  que,  tandis  que  sont  anéanties  aussitôt  toutes  les 
fonctions  sensoriales,  continuent  pendant  quelques  heures 
encore  les  fonctions  organiques.  C'est  ce  qu'a  prouvé  Le- 
gallois  dans  d'ingénieuses  expériences  :  liant  les  vaisseaux, 
du  col  à  un  animal  aussitôt  après  l'avoir  décapité,  puis 
remplaçant  la  respiration  par  une  insufflation  artificielle 
d'air  dans  le  poumon  ,  ce  physiologiste  a  vu  la  circulation 
se  continuer,  et  la  vie  se  prolonger  dans  le  tronc  cinq  heures 
encore,  presque  autant  de  temps,  à  une  demi-heure  près, 
que  si  l'on  n'avait  fait  que  lier  les  nerfs  de  la  huitième  paire. 
La  mort  n'arrivait  que  par  la  perte  de  l'influence  nerveuse 
encéphalique  sur  le  tissu  du  poumon  lui-même,  sur  la 
moelle  spinale  et  sur  le  grand  sympathique  qui  avivent 
les  autres  parties;  et,  comme  cette  mort  n'était  pas  sou- 
daine, cela  prouve  que  les  effets  de  cette  perte  sont  ici  plus 
tardifs.  Aussi ,  Legallois  concluait-il  de  ces  expériences  que, 
dans  la  décapitation  ,  la  première  cause  de  mort  est  l'a- 
sphyxie; et  Ton  sent  que  s'il  avait  pu  porter  dans  le  tronçon 
de  la  tête,  du  sang  artériel,  comme  dans  celui  du  corps  il 
pouvait  exécuter  une  respiration  artificielle,  il  aurait  de 
même,  et  plus  facilement  encore,  prolongé  la  vie  dans  la 
tête,  ce  qui  eût  été  bien  plus  étonnant,  à  cause  de  l'émi- 
nence  des  fonctions  qu'exécutent  les  organes  dont  cette 
partie  est  le  siège.  Du  reste,  ce  que  ces  expériences  nous 
apprennent  est  en  rapport  avec  ce  qui  est  observé  dans  les 
maladies  cérébrales  ,  et  dans  les  cadavres  des  personnes 
qu'une  mort  subite  a  frappées  accidentellement.  Quand  les 
maladies  cérébrales  ne  tuent  pas  soudain,  c'est  dans  l'ordre 
de  leur  animalité  qu'on  voit  successivement  toutes  les  fonc- 
tions s'arrêter;  d'abord,  les  sens,  les  mouvements  volon- 
taires, puis  les  fonctions  dites  organiques.  Voyez  l'apoplec- 
tique :  d'abord  il  tombe  sans  sentiment,  n'appréciant  plus 
rien  de  l'univers  extérieur,  ni  de  sa  propre  existence,  ne 
pouvant  ni  se  mouvoir ,  ni  parler ,  ni  effectuer  sa  station  ; 
bientôt  les  mouvements  respirateurs  sont  embarrassés;  ils 
deviennent  de  t>1  us  en  plus  difficiles,  et  souvent  la  mort 
arrive  par  asphyxie,  par  engorgement  du  poumon,  avant 
que  la  perte   de  l'influence   encéphalique  n'ait  arrêté  les 


DES  RAPPORTS  FONCTIONNELS  DES  ORGANES.  2  35 
autres  fonctions.  Voyez  la  même  gradation  dans  les  hydro- 
céphales chroniques;  successivement,  les  enfants  atteints  de 
cette  maladie  perdent  leurs  facultés  intellectuelles,  leurs 
sens,  leur  faculté  de  se  mouvoir;  et  c'est  long- temps  après 
la  cessation  des  fonctions  animales  ,  que  la  mort  arrive. 
Comme  dans  les  morts  accidentelles  (et  nous  verrons  que 
c'est  accidentellement  que  périssent  les  quatre-vingt-dix- 
neuf  centièmes  de  l'espèce  humaine),  il  y  a  d'abord  arrêt 
des  organes  centraux  ,  ou  du  cerveau ,  ou  du  cœur ,  ou  du 
poumon  ;  on  s'explique  pourquoi  les  fonctions  animales 
s'arrêtent  ordinairement  les  premières  ,  tandis  que  les  fonc- 
tions organiques  se  prolongent  plus  long-temps  ,  et  même 
que  quelques-unes  d'elles  se  continuent  encore  quelque 
temps  après  la  mort.  Souvent  on  a  vu  après  la  mort  l'ex- 
crétion des  fèces,  de  l'urine,  l'accouchement  s'accomplir, 
des  absorptions  s'effectuer;  et  les  restes  de  vie  sont  d'autant 
plus  manifestes  que  la  lutte  qui  a  amené  la  mort  a  été  plus 
courte,  plus  douce  ,  et  a  moins  épuisé  le  système  nerveux. 

Ainsi,  sont  certaines  les  trois  lois  que  nous  avons  posées , 
relativement  à  l'influence  des  centres  nerveux  sur  les  por- 
tions nerveuses  inférieures. 

11  s'agit  alors  de  spécifier  quelles  sont  dans  le  système 
nerveux  ces  parties  centrales,  auxquelles  sont  subordonnées 
toutes  les  autres.  Pour  ce  qui  est  des  animaux  vertébrés, 
et  par  conséquent  de  l'homme  ,  on  ne  peut  être  en  doute 
que  sur  l'encéphale  et  la  moelle  spinale.  La  plupart  des 
physiologistes  considèrent  comme  centre  l'encéphale,  et  ne 
font  de  la  moelle  spinale  que  le  conducteur  des  irradiations 
encéphaliques ,  le  moyen  par  lequel  ces  irradiations  arrivent 
aux  parties  nerveuses  inférieures  et  surtout  aux  grands  sym- 
pathiques. Ils  se  fondent  sur  la  mort  prompte  qui  suit  la 
décapitation ,  sur  les  désordres  généraux  qu'amènent  pro- 
chainement les  maladies  graves  de  cet  organe.  Mais  l'encé- 
phale est  une  partie  fort  complexe  ,  et  certainement  ce 
n'est  pas  sa  totalité  qui  exerce  l'influence  absolue  dont  nous 
nous  occupons  ici  :  dans  les  expériences  récentes  faites  par 
MM.  Rolando,  Flourens ,  on  a  souvent  enlevé  des  quantités 
considérables  des  hémisphères  cérébraux  ou  du  cervelet  , 


2  3G  DES   CONNEXIONS   DES    FONCTIONS, 

on  a  mutilé  les  corps  striés,  les  couches  optiques,  etc.,  sans 
qu'il  en  soit  résulté  une  mort  prompte.  M.  Floure?is  a  vu 
survivre  jusqu'à  six,  Luit,  dix  mois,  des  animaux  auxquels 
il  avait  enlevé  la  totalité  des  hémisphères  cérébraux.  On 
peut  couper  successivement  de  haut  en  bas  des  tranches  de 
l'encéphale;  on  voit  graduellement  l'animal  perdre  la  sen- 
sibilité, le  mouvement;  mais  il  ne  meurt  que  quand  on 
arrive  à  ce  qu'on  appelle  la  moelle  alongée  ,  cette  partie 
par  laquelle  la  moelle  spinale  se  prolonge  dans  le  crâne. 
Encore ,  il  est  probable  que  la  mort  ne  survient  alors  que 
par  la  cessation  de  la  respiration,  et  non  par  celle  de  Tin- 
nervation  ;  c'est  en  effet  en  ce  lieu  qu'aboutissent  les  nerfs 
vagues,  c'est  là  qu'est  senti  le  besoin  de  respirer  ;  et  dès  lors 
3a  respiration  doit  s'interrompre.   Ce  qui  le   prouve,  c'est 
qu'en  remplaçant  la  respiration  par  une  insufflation  d'air 
dans  le  poumon  ,  on  a  prolongé  la  vie  dans  les  animaux  aux- 
quels on  avait  enlevé  cette  partie  encéphalique,  dans  les 
animaux  décapités,  par  exemple,  comme  nous  venons  de 
dire  que  l'a  fait  Legallois. 

Dans  cette  impossibilité  de  trouver  dans  l'encéphale  un 
point  précis  qui  exerce  sur  tout  le  système  une  influence 
prochaine  et  immédiate,  d'autres  physiologistes,  MM.  de 
Blainville ,  Baiïly ,  présentent  comme  centre  la  moelle  spi- 
nale, disant  qu'en  avant,  à  la  portion  par  laquelle  elle  se 
prolonge  dans  le  crâne ,  et  sur  ses  côtés  dans  toute  sa  longueur, 
sont  situés  les  divers  ganglions  qui  composent  le  système 
nerveux.  [Ils  s'appuyent  de  faits  anatomiques  et  d'expérien- 
ces. D'un  côté  ,  il  est  certain  que  dans  la  portion  supérieure 
de  la  moelle  spinale,  celle  qui  est  dans  le  crâne,  qui  con- 
séquemment  fait  partie  de  la  masse  encéphalique,  et  qu'on 
appelle  moelle  alongée,  sont  les  faisceaux  originels,  les  ra- 
cines des  diverses  parties  qui  composent  l'encéphale  :  cette 
moelle  alongée,  évidemment  une  suite  non  interrompue  de 
la  moelle  spinale  ,  se  partage  en  haut  en  six  faisceaux  qui 
vont  former;  les  deux  inférieurs ,  les  hémisphères  cérébraux, 
les  deux  latéraux,  les  tubercules  quadri jumeaux  ,  et  les  deux 
supérieurs  le  cervelet  ;  et  de  cette  manière  l'encéphale  ne 
paraît  être  qu'un  amas  de  ganglions  divers,  développés  et 


DES  RAPPORTS  FONCTIONNELS  DES  ORGANES.  lZ~j 
entés  sur  elle.  D'autre  part ,  les  expériences  de  Legallois 
montrent  l'intégrité  de  la  moeîïe  spinale,  plus  prochaine- 
ment nécessaire  à  la  vie  générale,  que  celle  de  Fencéphale. 
Tandis  que  ce  physiologiste  avait  pu,  à  l'aide  de  l'insuffla- 
tion pulmonaire  ,  prolonger  la  vie  pendant  cinq  heures  dans 
le  tronc  d'un  animal  décapité,  il  n'a  pu,  par  ce  moyen, 
retarder  la  mort  que  de  trois  à  quatre  minutes  dans  un  ani- 
mal chez  lequel  il  avait  détruit  îa  moelle  épinière,  bien 
que  cet  animal  ne  fût  pas  décapité,  et  eût  l'encéphale  in- 
tact; bientôt  les  contractions  du  cœur  ont  cessé,  et  la  mort 
est  arrivée  par  défaut  de  circulation.  Ainsi  le  jeu  du  cœur 
est  plus  dépendant  de  la  moelle  spinale  que  de  l'encéphale. 
D'autres  expériences  analogues  prouvent  même,  que  ce  n'est 
pas  seulement  la  moelle  tout  entière  qui  se  subordonne  les 
mouvements  du  cœur,  mais  toute  portion  quelconque  de 
cette  moelle  :  dans  les  expériences  de  Legallois ,  la  destruc- 
tion de  la  portion  lombaire  seule  entraînait  la  mort  après 
quatre  minutes;  celle  de  la  portion  dorsale  après  deux  mi- 
nutes et  demie,  et  celle  de  la  portion  cervicale  plus  promp- 
tement  encore.  Chaque  destruction  partielle  avait  pour  effet 
d'affaiblir  considérablement  les  mouvements  du  cœur,  qui 
dès  lors  ne  suffisait  plus  pour  envoyer  le  sang  dans  tout  le 
corps;  et  c'était  si  bien  par  cette  cause  qu'arrivait  la  mort, 
que  si  on  limitait  en  même  temps,  et  en  égale  proportion, 
le  champ  circulatoire,  par  des  ligatures,  on  en  retardait 
l'instant.  Par  exemple,  si ,  avant  de  détruire  la  moelle  lom- 
baire, Legallois  liait  l'aorte  au-dessous  de  la  cœiiaque,  et 
ainsi  retranchait  du  champ  circulatoire  tout  le  train  de  der- 
rière de  l'animal  ,  alors  le  cœur,  quoiqu'affoibii  ,  suffisait 
pour  entretenir  la  circulation  dans  ce  qui  restait  du  corps  , 
et  la  vie  y  persistait  davantage.  Il  en  était  de  même  si ,  avant 
de  détruire  la  moelle  cervicale,  il  liait  les  vaisseaux  du  col , 
et  retranchait  la  tête  tout  entière  du  champ  circulatoire. 
Ainsi ,  on  arrivait  à  cette  proposition  bizarre  que ,  pour  pro- 
longer, dans  ce  cas,  la  vie  de  ranimai,  il  fallait  lui  couper 
la  tète.  Legallois  a  fait  vivre  ainsi ,  pendant  trois  quarts 
d'heure,  le  tronçon  thoracique  d'un  lapin;  et  même  il  y  a 
encore  rétréci  l'empire  de  la  vie,  en  détruisant  une  petite 


2  38  DES   CONNEXIONS   DES   FONCTIONS, 

portion  de  la  nioelle  dorsale.  On  sent  qu'il  aurait  pu  con- 
server de  même  tout  autre  tronçon ,  s'il  n'eût  été  nécessaire 
que  le  poumon  et  le  cœur  y  fussent  contenus,  pour  que 
soit  fait  et  distribué  le  sang  artériel  que  nous  avons  vu  être 
nécessaire  à  toute  vie.  Toutefois,  Legallois  avait  conclu  de 
ces  expériences  que  le  principe  des  mouvements  du  cœur  est 
dans  la  moelle  spinale ,  et  que  cette  partie  est  en  même 
temps  le  centre  du  système  nerveux. 

Mais  d'abord,  on  peut  remarquer  que  ce  n'est  qu'indi- 
rectement que  la  moelle  spinale  préside  aux  mouvements  du 
cœur;  c'est  par  l'intermédiaire  des  grands  sympathiques; 
ce  sont  ces  nerfs  qui  immédiatement  les  régissent  :  et  la 
moelle  ne  leur  est  si  prochainement  nécessaire,  qu'en  ce  que 
c'est  elle  qui  dispense  aux  grands  sympathiques  l'irradiation 
des  organes  nerveux  supérieurs.  Ce  qui  le  prouve  ,  c'est 
qu'en  quelques  acéphales  chez  lesquels  la  moelle  épinière 
manquait,  le  cœur  agissait  néanmoins.  TVilson,  d'ailleurs, 
a  vu  que,  si  les  expériences  de  Legallois  étaient  faites  sur 
des  animaux  très  jeunes,  les  battements  du  cœur  conti- 
nuaient après  la  destruction  de  la  moelle  ;  et  Clift  a  vu  qu'il 
en  était  de  même,  si  on  les  pratiquait  sur  des  animaux  d'un 
rang  inférieur.  Voilà  autant  de  faits  dont  les  lois  que  nous 
avons  posées  donnent  l'explication.  En  second  lieu,  de  même 
qu'on  avait  pu  enlever  impunément  quelques  tranches  de 
l'encéphale  de  haut  en  bas  ;  de  même  on  peut  détruire  de 
bas  en  haut  quelques  tranches  de  la  moelle  spinale,  sans 
qu'il  en  survienne  davantage  une  mort  soudaine  ,  surtout  si 
on  procède  avec  lenteur,  et  qu'on  limite  en  même  temps, 
et  en  égale  proportion  ,  le  champ  circulatoire,  par  des  liga- 
tures, comme  l'a  fait  Legallois.  Ce  physiologiste  a  même  pu 
en  détruire  impunément  la  portion  supérieure,  mais  en  rem- 
plaçant alors,  par  l'insufflation  de  l'air,  la  respiration ,  qui 
ne  pouvait  plus  se  faire.  D'où  il  résulte  que,  si  la  moelle 
spinale  est  la  partie  centrale  du  système  nerveux ,  elle  ne 
l'est  pas  plus  que  l'encéphale  dans  sa  totalité.  Enfin  ,  il  est 
probable  que  la  destruction  de  la  moelle  spinale  ne  tue 
aussi  promptement  que  par  la  cessation  de  la  circulation , 
et  non  par  celle  de  l'innervation  ;  la  moelle  spinale  étant  la 


DES   RAPPORTS   FONCTIONNELS   DES   ORGANES.  2%g 

partie  qui  dispense  principalement  aux  grands  sympathi- 
ques l'influence  nerveuse,  en  vertu  de  laquelle  ces  nerfs 
régissent  les  mouvements  du  cceur  :  de  sorte  qu'on  ne  trouve 
pas  plus  danslamoelle  spinalequedansl'encéphale,  un  point 
précis ,  duquel  émane  rigoureusement  l'influence  nerveuse. 

Il  faut  reconnaître  que  ces  deux  parties  ,  l'encéphale  dans 
sa  partie  inférieure  ,  dans  ce  qu'on  appelle  la  moelle  alon- 
gée,  et  la  moelle  épinière  dans  sa  partie  supérieure,  sont 
également  le  centre  du  système  nerveux,  en  ce  qui  regarde 
l'homme  et  les  animaux  supérieurs.  Il  n'y  a,  en  effet,  au- 
cune distinction  entre  ces  deux  parties,  et  leur  continuité 
en  fait  réellement  un  seul  et  même  organe.  Mais  il  faut  con- 
sidérer la  centralisation  de  cette  partie  sous  deux  points  de 
vue,  relativement  à  son  influence  sur  les  fonctions  qui  as- 
surent la  première  condition  vitale,  l'existence  du  sang  ar- 
tériel ,  et  relativement  à  l'innervation. 

Sous  le  premier  rapport,  cette  partie  est  un  centre  de 
vie,  comme  présidant  à  la  respiration  et  à  la  circulation. 
L'encéphale,  en  effet,  par  la  partie  dite  moelle  alongée , 
tient  sous  sa  dépendance  la  respiration;  et  la  moelle  spinale, 
parce  qu'elle  fournit  aux  grands  sympathiques  leurs  prin- 
cipales racines,  ou  leurs  principaux  moyens  de  communica- 
tion avec  le  centre  ,  tient  sous  la  sienne  la  circulation.  Par 
cela  seul  donc  que  celte  partie  nerveuse  se  subordonne  les 
deux  fonctions  desquelles  dépendent  la  formation  et  la  dis- 
tribution du  sang  artériel  dans  le  corps  ,  elle  est  prochaine- 
ment et  absolument  nécessaire  à  la  vie.  Ainsi  même,  éclate 
la  nécessité  qui  lie  mutuellement  les  deux  conditions  que 
réclame  la  vie  :  pour  que  le  système  nerveux,  ce  rouage  su- 
prême qui  commande  toutes  les  actions ,  agisse  ,  il  faut  qu'il 
reçoive  un  sang  artériel  que  la  respiration  seule  peut  faire y 
et  que  le  cœur  seul  peut  envoyer  :  et  d'autre  part ,  pour  que 
la  respiration  accomplisse  la  sanguification  ,  et  que  la  cir- 
culation en  distribue  partout  les  produits,  il  faut  que  le 
système  nerveux  commande  le  jeu  des  organes  qui  effectuent 
ces  actions.  C'est  là  ce  concours  réciproque  dont  parlait 
Hippocrate ,  ce  cercle  dans  lequel  il  ne  pouvait  indiquer  le 
commencement  ni  la  fin. 


24o  DES  CONNEXIONS    DES    FONCTIONS. 

D'autre  part,  indépendamment  de  cette  influence  exercée 
par  le  centre  nerveux  sur  toutes  les  parties,  par  l'intermé- 
diaire de  la  respiration  et  de  la  circulation  qu'il  régit,  il  en 
est  une  autre ,  mais  moins  prochaine ,  par  laquelle  il  modifie 
toutes  les  parties  nerveuses  qui  dérivent  de  lui  ou  viennent 
aboutir  à  lui  -,  et  c'est  celle-ci  dont  nous  venons  de  poser  les 
lois.  La  nature,  à  mesure  qu'elle  a  voulu  donner  plus  d'u- 
nité à  un  être,  a  rendu  ses  parties  nerveuses  plus  dépen- 
dantes d'un  centre  ;  et  c'est  ce  qui  est  dans  tous  les  animaux 
supérieurs,  et  surtout  dans  l'homme.  Sans  doute  le  système 
nerveux  n'est  pas  homogène  ;  il  est  formé  de  parties  qui  ont 
chacune  leur  action  propre;  mais  cependant  il  constitue  un 
tout  unique,  dont  toutes  les  parties  conspirent  à  un  même 
but,  et  sont  unies  entre  elles  pour  former  une  individua- 
lité. Nous  avons  été  des  premiers  à  applaudir  aux  idées  qui 
ont  été  émises,  de  nos  jours,  sur  la  pluralité  des  systèmes 
nerveux  ;  mais  il.  ne  faut  pas  que  ces  idées  judicieuses  fassent 
tomber  dans  le  vice  opposé,  et  fassent  méconnaître  que  les 
différents  systèmes  nerveux  sont,  dans  l'homme,  réunis  en 
nn  tout ,  fondus  en  une  unité.  Chaque  système  nerveux  in- 
flue de  haut  en  bas,  en  raison  de  la  supériorité  de  sa  fonc- 
tion ,  sur  l'énergie  des  autres  ;  le  cerveau ,  sur  le  cervelet;  le 
cervelet,  sur  la  moelle  épinière;  et  la  moelle  épinière,  sur 
les  nerfs.  On  n'a  pas  besoin  de  dire  que  l'influence  de  ces 
parties  nerveuses  est  en  raison  de  leur  degré  de  développe- 
ment; à  cause  de  cela  même,  chez  aucun  animal,  le  cerveau 
proprement  dit,  n'influe  sur  le  reste  du  système  nerveux 
autant  que  chez  l'homme  :  cela  rentre  dans  la  première  loi 
que  nous  avons  posée,  celle  qui  est  relative  au  rang  qu'oc- 
cupe l'animal  dans  l'échelle,  ou  plutôt  cela  en  donne  l'exr 
plication.  Non-seulement  la  suspension  complète  d'action 
du  cerveau  doit  amener  à  la  longue  la  suspension  d'action 
de  toutes  les  autres  parties  nerveuses,  et  conséquemment  la 
mort;  mais  encore  ce  qui  arrive  alors  en  plus,  a  lieu  dans 
d'autres  cas  en  moins;  il  suffit  que  l'activité  cérébrale  soit 
modifiée  seulement,  pour  que  l'innervation  générale  le  soit 
aussi  partout  et  au  loin.  Or,  comme  le  cerveau  est  l'agent 
des  facultés  intellectuelles  et  morales,  un  des  organes  les 


DES   RAPPORTS    FONCTIONNELS    DES    ORGANES.  2^\ 

plus  fréquemment  mis  en  jeu  dans  notre  vie  sociale,  on 
conçoit  combien  il  doit  fréquemment  modifier  l'économie , 
sous  le  rapport  de  l'innervation  :  par  l'influence  de  cet  or- 
gane ,  cette  condition  vitale  est  presque  aussi  variable  que 
celle  du  sang  artériel. 


Tels  sont  les  rapports  fonctionnels  tenant  aux  deux  con- 
ditions qui,  dans  les  animaux  supérieurs,  président  à  la 
vie,  et  pour  l'établissement  desquelles  toute  partie  offre , 
parmi  ses  éléments  constituants,  des  ramifications  artérielles 
et  nerveuses.  Il  resterait  à  indiquer  laquelle  de  ces  deux 
conditions  a  la  suprématie,  et  laquelle  est  la  subordon- 
née. Cela  est  impossible  à  dire,  car  elles  se  sont  mutuel- 
lement et  absolument  nécessaires  :  la  vie  est  essentiellement 
liée  à  l'action  réciproque  du  sang  sur  la  substance  nervese  , 
et  de  la  substance  nerveuse  sur  le  sang  (Bée lard) .  Cependant 
on  regarde  le  système  nerveux  comme  ce  qui  forme  prin- 
cipalement l'être;  le  reste  du  corps  est  regardé  comme  ne 
servant  qu'à  nourrir  et  entretenir  ce  système  nerveux,  et  le 
mettre  à  même  d'accomplir  ses  fonctions.  Aussi  dit-on  que, 
dans  toute  asphyxie ,  c'est  moins  parce  que  le  sang  veineux 
imprègne  immédiatement  les  organes  que  ceux-ci  meurent, 
que  parce  que  ce  fluide  pénètre  le  système  nerveux,  qui  dès 
lors  ne  peut  plus  commander  leur  action.  Cette  proposition 
est  peut-être  un  peu  trop  absolue,  si  l'on  embrasse  la  géné- 
ralité des  êtres  vivants;  mais  elle  est  vraie  ,  quand  il  s'agit 
des  animaux  supérieurs  ,  et  surtout  de  Tliomme. 

ARTICLE   II. 

Rapports  fonctionnels  relatifs  à  l'accomplissement  des  diverses  facultés  de 

l'Homme. 

L'homme  se  nourrit,  se  reproduit,  sent,  connaît,  veut, 

agit,  exprime  ce  qu'il  sent ,  etc.  ;  et  presque  toujours,  pour 

l'accomplissement  de  ces   diverses  facultés,   il  lui  faut  le 

concours  de  plusieurs  organes,  de  plusieurs  fonctions.  De 

Tome  IV.  XQ 


242  DES   CONNEXIONS   DES    FONCTIONS, 

là  une  nouvelle  cause  de  liens  entre  les  parties  ,  et  de  rap- 
ports, qu'on  doit  encore  appeler  fonctionnels,  puisqu'ils 
résultent  de  l'enchaînement  connu  des  fonctions. 

§  Ier.   Nutrition. 

L'histoire  que  nous  avons  faite  des  diverses  fonctions , 
l'ordre  que  nous  avons  suivi  dans  leur  étude,  ont  dû  faire 
ressortir  par  quel  concours  d'actes  s'accomplit  la  nutrition 
de  l'homme.  D'abord,  les  sensations  internes,  dites  besoins, 
ont  fait  un  premier  appel ,  et  ont  sollicité  à  l'établissement 
des  rapports  extérieurs  que  nécessite  la  vie.  Les  sens  externes 
ensuite  ont  fait  apercevoir  dans  l'univers  extérieur  les  corps 
qui  pouvaient  satisfaire  aux  besoins.  Alors,  des  actions  mus- 
culaires volontaires  ont  effectué  la  préhension  de  ces  corps  ; 
et  enfin  s'en  est  suivie  la  série  d'actes  que  nous  avons 
vu  faire  le  sang  artériel ,  distribuer  ce  fluide  ,  et  l'assimiler 
aux  organes.  La  disposition  mécanique  des  parties  est  telle, 
qu'il  est  impossible  qu'il  en  soit  autrement;  Je  chyle,  pro- 
duit de  la  digestion,  afflue  dans  la  lymphe;  la  lymphe, 
produit  des  absorptions  internes ,  se  verse  dans  le  sang  vei- 
neux; ces  trois  humeurs  vont  dans  le  poumon  se  changer 
en  sang  artériel  ;  celui-ci  est  conduit  au  cœur,  et  distribué  à 
toutes  les  parties,  pour  qu'elles  se  l'assimilent  et  pour  qu'elles 
s'en  nourrissent.  Pendant  que  la  composition  s'accomplit 
par  cette  série  d'actes  successifs  et  jamais  interrompus  ,  l'ab- 
sorption interstitielle  reprend  dans  les  organes  les  éléments 
usés  dont  ils  doivent  être  débarrassés  ;  elle  les  j-eporte  dans 
le  sang;  et  celui-ci  enfin  en  est  dépuré,  ainsi  que  de  tontes 
les  autres  matières  étrangères  qui  ont  pu  lui  arriver  du  de- 
hors, par  le  travail  des  sécrétions  dépura trices.  Ainsi,  beau- 
coup d/organes  concourent  à  la  nutrition  du  corps.  Or,  de 
ce  concours  résultent  entre  nos  parties  beaucoup  de  rap- 
ports fonctionnels  ,  dont  voici  les  principaux. 

io  D'abord,  il  existe  un  rapport  entre  les  ingestions  qui 
font  le  sang,  et  les  actions  diverses  qui  mettent  en  œuvre  ce 
liquide.  Selon  que  les  premières  sont  augmentées  ou  dimi- 
nuées, les  secondes  se  montrent  plus  ou  moins  énergiques. 


DES   RAPPORTS    FONCTIONNELS    DES    ORGANES.         2  43 

L'homme  qui  use  d'une  alimentation  abondante  et  de  bonne 
qualité,  développe  bien  plus  d'activité  dans  toutes  ses  fonc- 
tions ,  est  capable  de  plus  d'efforts  physiques  et  moraux  ,  que 
celui  qui  est  mal  nourri.  Selon  que  les  fonctions  qui  réparent, 
ne  le  font  pas  en  même  proportion  que  celles  qui  dépensent, 
selon  qu'elles  sont  au-dessus  ou  au-dessous  de  celles-ci,  il  en 
résulte  un  sang  trop  abondaut  et  trop  riche,  et  ce  qu'on 
appelle  la  pléthore,  ou  un  sang  appauvri  et  V épuisement. 
Dans  le  premier  cas,   le   superflu  du  sang  se   change  en 
graisse,   et    amène   Y  obésité,    l'embonpoint;    dans   le    se- 
cond, au  contraire,  cette  graisse  est  résorbée  pour  suppléer 
à  ce  qui  manque  du  côté  de  l'alimentation,  et  l'individu 
maigrit.  La  qualité  des  matières  ingérées  influe  tout  aussi 
bien  que  leur  quantité;  les  aliments,  par  certaines  affinités 
électives,   peuvent  porter  leur  influence  excitante   sur  tel 
appareil  plutôt  que  sur  tel  autre;  ou  sur  le  cerveau,  comme 
le  café ,  ou  sur  l'appareil  génital,  etc.  ;  et  ce  sont  alors  les 
fonctions  intellectuelles   ou  génitales  qui    manifestent   le 
plus  d'activité.  C'est  certainement  le  sang  qui  est  la  cause 
matérielle  de  ces  rapports.  A  ce  genre  de  rapports   se  rat- 
tache celui  qui  existe  entre  la  sécrétion  urinaire  et  les  bois- 
sons; qui  ne  sait  que  la  quantité  de  l'une  est  en  raison  de 
l'abondance  des  autres  ?  Enfin  ce  que  nous  avons  dit  dans 
le  temps,  de  la  dépuration  du  sang,  fait  concevoir  aussi  pour- 
quoi les  matières  excrétées  se  ressentent  souvent  des  qualités 
des  matières  ingérées. 

20  La  chose  inverse,  c  est-à-dire  des  rapports  entre  les 
pertes  que  l'on  fait  et  les  ingestions  qui  sont  destinées  à  ré- 
parer ces  pertes,  doivent  avoir  lieu  aussi.  Si  les  premières 
augmentent  ou  diminuent,  il  en  est  de  même  des  secondes. 
L'homme  qui  mène  une  vie  active  et  laborieuse  a  besoin  de 
plus  d'aliments,  d'être  mieux  nourri,  que  celui  qui  vit 
dans  l'inaction  et  le  repos.  Toute  circonstance  qui  aug- 
mente les  dépenses  que  fait  le  sang,  savoir,. l'exercice  pro- 
longé d'une  fonction  physique  ou  morale,  l'écoulement 
abondant  d'une  excrétion,  etc. ,  nécessite  l'augmentation 
des  fonctions  qui  réparente  les  pertes  qu'a  faites  ce  fluide. 
La  femme  qui  allaite,  l'homme  qui  s'est  livré  aux  plaisirs 

16. 


2  44  DES    CONNEXIONS    DES    FONCTIONS, 

de  l'amour,  n'ont-ils  pas,  après  l'accomplissement  de  ces 
actes,  un  besoin  plus  grand  d'aliments?  Non-seulemeut  se 
montre  ici  un  rapport  de  quantité,  si  l'on  peut  parler  ainsi, 
mais  il  existe  aussi  un  rapport  de  qualité.  Selon  le  genre  de 
pertes  qu'a  faites  le  sang,  c'est  la  faim  ou  la  soif  qui  se 
prononce  :  si  l 'hydropique  est  dévoré  de  soif,  c'est  que  son 
sang  est  surtout  épuisé  de  ses  principes  aqueux.  La  cause 
du  rapport  dont  nous  parlons  ici ,  est  encore  en  partie  dans 
l'état  du  sang,  ce  fluide  duquel  dérivent  tous  les  matériaux 
de  la  décomposition,  et  auquel  aboutissent  tous  ceux  de  la 
composition;  selon  l'état  dans  lequel  l'ont  mis  les  actions 
qui  le  consomment ,  il  influence  plus  ou  moins  les  organes 
destinés  à  appeler  les  matériaux  qui  doivent  servir  à  le  ré- 
parer. M.  Gaspard,  auteur  de  plusieurs  expériences  sur 
les  modifications  que  peut  subir  le  sang,  va  même  jusqu'à 
dire  que  la  stimulation  spéciale  que  ce  fluide  exerce  alors , 
a  quelque  part  au  développement  des  sensations  de  la  faim 
et  de  la  soif;  selon  lui,  l'estomac  est  organisé  de  manière  à 
accuser  par  ces  sensations,  l'état  dans  lequel  est  alors  le  sang, 
consécutivement  au  genre  d'impressions  que  ce  liquide  lui 
fait  éprouver.  Mais  cette  étiologie  delà  faim  et  de  la  soif  ne 
peut  être  admise,  si  l'on  réfléchit  que  ces  sensations  s'apai- 
sent, par  cela  seul  que  des  aliments  et  des  boissons  sont  in- 
troduits dans  l'estomac, et  bien  avant  queles  produits  de  ces 
aliments  et  de  ces  boissons  soient  portés  dans  le  sang  et  aient 
modifié  ce  fluide. 

30  Non-seulement  des  rapports  s'observent  entre  les  ac- 
tions qui  réparent  le  sang  et  celles  qui  le  mettent  en  œuvre, 
mais  il  en  existe  aussi  entre  chacune  de  celles-ci  entre  elles. 
Par  exemple,  il  y  a  entre  les  diverses  absorptions  qui  por- 
tent au  sang  les  matériaux  réparateurs,  faculté  de  se  sup- 
pléer, de  s'équilibrer.  Si  l'alimentation  manque  ou  n'est  pas 
suffisante,  que  par  suite  l'absorption  digestive  chyleuse  soit 
nulle,  l'absorption  interne  s'efforce  d'y  suppléer;  eile  re- 
prend clans  toutes  les  parties  du  corps  les  divers  sucs  qui  y 
sontépars,  la  graisse  surtout, -que  nous  avons  vue  être  sé- 
crétée en  abondance  lors  d'une  alimentation  trop  riche. 
Nous  avons  déjà  dit  qu'à  raison  de  la  particularité  qu'oiire 


DES  RAPPORTS  FONCTIONNELS  DES  ORGANES.    245 

la  graisse  d'être  tour-à-tour  formée  et  reprise,  selon  que  le 
sang  est  trop  ou  pas  assez  réparé,  on  pouvait,  entre  autres 
usages,  assignera  cette  humeur  celui  d'être  une  provision 
que  la  nature  met  en  réserve  pour  servir  en  certains  cas  à 
l'hématose.  Le  sang  accusant  le  besoin  de  la  réparation, 
excite  partout  les  agents  absorbants,  et  ceux-ci  alors  pui- 
sent partout  aussi,  mais  surtout  là  où  des  matériaux  leur 
sont  offerts. 

Ce  balancement,  que  nous  signalons  entre  les  actions  qui 
a]3portent  de  nouveaux  principes  au  sang,  s'observe  de 
même  entre  celles  qui  dépensent  ce  fluide.  Les  sécrétions, 
par  exemple,  se  montrent  solidaires  les  unes  des  autres,  se 
suppléent,  s'équilibrent;  si  l'une  fait  plus,  l'autre  fait 
moins.,  et  vice  versa.  Nous  avons  dit  qu'en  hiver,  saison 
pendant  laquelle  le  froid  diminue  la  perspiration  cutanée, 
la  sécrétion  urinaire  augmentait.,  et  que  le  contraire  était 
observé  pendant  l'été.  Qui  ne  sait  que  toute  sécrétion  trop 
abondante ,  ou  supprime ,  ou  diminue  les  autres  sécrétions  ? 
L'hydropique,  le  diarrhéique  ont  la  peau  sèche,  l'urine 
rare;  et  au  contraire,  l'individu  qui  sue  toujours,  le  plus 
souvent  a  de  la  constipation.  Probablement  c'est  encore  le 
sang  qui,  trahissant  plus  ou  moins ,  par  son  mode  d'impres- 
sion sur  les  organes  sécréteurs,  le  besoin  qu'il  a  d'excrétions, 
est  la  cause  de  ces  rapports.  Si  une  sécrétion  habituelle 
manque  tout  à  coup,  ou  diminue,  il  y  a  rétention,  dans 
ce  fluide,  de  matériaux  dont  il  avait  besoin  d'être  dépouillé; 
et  par  la  présence  de  ces  matériaux  il  stimule  davantage  les 
organes  qui  ont  pour  office  d'effectuer  ce  dépouillement. 
Si  au  contraire  une  sécrétion  nouvelle  s'établit,  ou  qu'une 
habituelle  augmente ,  il  ne  reste  plus  dans  le  sang  autant 
des  matériaux  dont  ce  fluide  demande  à  être  débarrassé ,  et 
les  organes  dépurateurs  moins  stimulés  agissent  moins.  On 
dira  peut-être  que  cet  effet  est  dû,  à  ce  que  quand  un  or- 
gane agit  plus,  un  autre  agit  moins,  d'après  la  loi  de  ba- 
lancement que  nous  devons  exposer  ci-après  :  sans  doute 
cela  y  concourt  en  partie ,  mais  l'état  du  sang  y  a  part  aussi. 
Ces  considérations  ne  s'appliquent  pas  seulement  aux  sécré- 
tions excrémentitielîes,  elles  sont  vraies  aussi  des  sécrétions 


2 46  DES    CONNEXIONS    DES    FONCTIONS. 

récrémentitielles,  car  leurs  oroduits  sont  également  des  dé- 
penses pour  le  sang  :  cela  est  surtout  évident  de  celles  de  ces 
humeurs  récrémentitielles  qui  s'accumulent  accidentelle- 
ment dans  leurs  réservoirs  et  y  séjournent;  on  peut  en  effet 
les  considérer  alors  comme  de  véritables  excrétions.  Dans  ces 
rapports  des  sécrétions  entre  elles,  quelques-unes  parais- 
sent être  constamment  en  quantité  inverse  Tune  de  l'autre, 
les  sécrétions  de  la  graisse  et  du  sperme,  par  exemple; 
quand  l'une  surabonde,  l'autre  est  moindre  :  on  sait  que 
généralement  la  castration  engraisse,  que  les  individus 
chargés  d'embonpoint  son  t  d'ordinaire  peu  portés  aux  plai- 
sirs de  l'amour,  et  que  l'exercice  fréquent  de  ces  plaisirs 
amaigrit.  La  nature  de  ces  deux  humeurs  donne  la  raison 
de  cette  opposition  :  la  sécrétion  spermatique  est  évidem- 
ment une  de  celles  qui  coûtent  le  plus  au  sang  ,  son  produit 
étant  destiné  à  donner  la  vie  à  un  nouvel  individu,  et  de- 
vant à  ce  titre  être  composé  des  principes  les  plus  anima- 
lisés  :  la  sécrétion  de  la  graisse,  au  contraire,  paraît  n'être 
formée  que  de  ce  que  le  sang  a  de  superflu.  Si  donc  la  pre- 
mière surabonde,  il  ne  restera  rien  au  sang  pour  faire  de 
la  graisse;  et  si  au  contraire  l'appareil  génital,  peu  actif, 
ne  fait  pas  faire  au  sang,  sous  le  rapport  de  la  sécrétion 
spermatique ,  les  dépenses  que  ce  fluide  peut  supporter,  la 
graisse  sera  sécrétée  avec  plus  d'abondance. 

Ces  rapports  entre  les  sécrétions,  s'observent  aussi  jus- 
qu'à un  certain  point  entre  tous  les  organes  du  corps ,  sous 
le  rapport  de  leur  nutrition  et  de  leur  degré  d'exercice.  Si 
un  appareil,  par  une  cause  quelconque ,  a  une  nutrition 
plus  active  ,  souvent  la  nutrition  des  autres  parties  se 
montre  moindre;  si  un  organe  est  plus  exercé,  les  autres 
décèlent  une  activité  moindre  :  le  sang  fournissant  plus 
d'un  côté ,  nécessairement  aura  moins  à  donner  de  l'autre. 
Du  reste,  la  diminution  d'action  qu'on  observe  dans  des 
organes  éloignés  ,  à  raison  du  surcroît  d'activité  d'un  seul 
organe,  est  un  effet  complexe ,  dont  c'est  ici  le  lieu  d'ana- 
lyser les  diverses  causes.  La  recherche  que  nous  allons  faire 
a  cet  égard,  aura  même  cet  avantage,  qu'elle  nous  servira  à 
poser  im  certain  nombre   de  lois  premières,  à  l'aide  des- 


DES  RAPPORTS  FONCTIONNELS  DES  ORGANES.  2  47 
quelles  nous  pourrons  distinguer,  classer  les  nombreux  phé- 
nomènes de  rapports  qu'on  observe  dans  notre  économie. 

D'abord,  on  sait  qu'il  est  dispensé  à  tout  organe  une  in- 
fluence nerveuse  à  laquelle  il  doit  de  pouvoir  agir,  et  qu'il 
dépense  par  son  travail.  Selon  que  chaque  organe  agit  avec 
plus  ou  moins  d'énergie ,  il  a  besoin  de  plus  ou  moins  de 
cette  influence  nerveuse  ,  et  conséquemment  il  en  appelle 
à  lui  et  en  consume  des  quantités  diverses.  Ainsi  que  tout 
point  d'irritation  fait  affluer  dans  l'organe  irrité  plus  de 
sang;  ainsi  un  semblable  effet  a  lieu,  et  même  avant,  en  ce 
qui  regarde  l'influence  nerveuse;  et  l'axiome  ubi  stimulus , 
ibi Jïuxus ,  est  vrai  de  l'innervation,  comme  de  la  circula- 
tion. Pour  l'accomplissement  de  tout  acte  quelconque,  ce 
double  effet  a  lieu  :  aucun  organe  n'entre  en  jeu  sans  qu'il 
ne  se  fasse  aussitôt  sur  lui  fluxion,  d'abord  du  principe 
nerveux  ou  moteur,  puis  du  sang.  C'est  ce  que  M.  Broussais 
appelle  érection  vitale,  et  ce  que  je  propose  de  rattacher  à 
une  loi  première  de  la  vie,  qu'on  appellerait  la  loi  de  fluxion 
ou  à'appel.  Certainement,  quand  la  mesure  d'activité  d'un 
organe  dépasse  l'état  normal,  est  ce  qu'on  appelle  une  irri- 
tation ,  la  fluxion  nerveuse  ou  sanguine ,  dont  nous  parlons 
ici ,  est  évidente  ;  c'est  ce  que  prouve  l'augmentation  de 
tous  les  phénomènes  de  la  vie  dans  la  partie  irritée,  et  la 
chaleur,  et  la  circulation  capillaire,  et  la  sensibilité;  la 
partie  d'ailleurs  est  injectée  de  plus  de  sang ,  a  rougi ,  est 
gonflée.  Or,  ce  qui  a  lieu  alors  en  plus,  se  passe  de  même, 
mais  en  moins,  lors  du  jeu  normal  de  tout  organe;  et  c'est 
ainsi  qu'appliquant  le  mot  d'irritation  à  la  santé  comme 
à  la  maladie  ,  distinguant  des  irritations  physiologiques 
comme  des  irritations  pathologiques,  on  peut  dire  que  l'ir- 
ritation est  le  phénomène  le  plus  général  de  la  vie. 

Cette  première  loi  posée,  il  en  est  une  autre  non  moins 
certaine  qui  lui  fait  suite  :  le  système  nerveux  forme  un 
tout  continu,  et  il  y  a,  sous  le  rapport  de  l'innervation, 
un  balancement  entre  ses  diverses  parties  :  si  une  partie 
consume  plus  de  principe  moteur,  il  en  reste  moins  pour 
toutes  les  autres.  C'est  là  un  deuxième  fait  aussi  constaté 
que  le  précédent ,  dont  je  propose  de  faire  une  seconde  loi 


2  48  DES    CONNEXIONS    DES    FONCTIONS. 

de  l'économie,  sous  le  nom  de  loi  de  balancement  ;  et  pour 
revenir  à  l'objet  premier  de  cette  discussion,  celle  loi  sera 
une  première  cause,  pour  qu'il  ne  puisse  arriver  augmen- 
tation d'action  dans  un  point ,  sans  qu'il  survienne  dimi- 
nution d'aclion  dans  d'autres. 

Enfin,  on  sait  que  ce  sont  les  systèmes  capillaires  qui, 
par  une  sorte  d'aspiration,  règlent  la  quantité  de  sang  qui 
les  pénètre,  et  que  pour  leurs  besoins  ils  détournent  du 
torrent  circulatoire  ;  on  sait  que  leur  action  d'aspiration 
est ,  à  cet  égard  ,  en  raison  de  l'influx  nerveux  qui  préside 
à  leur  vie,  et  qui  varie  selon  leur  degré  d'activité;  consé- 
qùemment  elle  augmentera  ou  diminuera  dans  la  même 
proportion  que  celui-ci.  Or,  une  partie  ne  peut  recevoir 
plus  de  sang,  sans  que  la  quantité  de  ce  fluide  ne  diminue 
de  proche  en  proche  dans  toutes  les  autres  ;  et  voilà  une 
seconde  cause,  qui  est  celle  que  nous  avions  indiquée  d'a- 
bord ,  pour  que  le  surcroît  d'action  que  présente  une  partie 
s'accompagne  de  la  diminution  d'action  de  toutes  les  autres: 
l'activité  de  celles-ci  doit  être  moindre,  parce  que  le  sang, 
qui  tout  à  la  fois  les  stimule  et  sert  matériellement  à  leur 
travail ,  est  en  elles  en  moindre  quantité. 

À  l'aide  de  ces  lois  premières,  s'expliquent  aisément  les 
rapports  de  la  circulation  générale  avec  la  circulation  capil- 
laire, et  réciproquement  ceux  des  différents  départements 
de  la  circulation  capillaire  entre  eux.  Sur  elles  aussi  reposent 
la  doctrine  de  l'irritation ,  et  celles  de  la  dérivation ,  de  la 
révulsion  ,  et  des  congestions  ;  abstraction  faite  des  rapports 
sympathiques  qui  viennent  compliquer  les  effets ,  et  dont 
nous  devons  parler  ci-après.  Selon  que  la  circulation  géné- 
rale apporte  aux  systèmes  capillaires  plus  ou  moins  de 
sang  ,  ceux-ci  plus  ou  moins  excités  ,  physioîogiquemenl 
par  le  contact  de  ce  sang,  et  mécaniquement  par  le  choc 
qu'ils  en  reçoivent,  exercent  avec  plus  ou  moins  d'acti- 
vité leurs  actions  diverses,  et  dépensent  plus  ou  moins  de 
ce  fluide.  Selon  qu'une  portion  quelconque  des  systèmes 
capillaires  appelle  en  elle  plus  ou  moins  de  sang,  de  proche 
en  proche  toutes  les  autres  parties  du  corps  s'en  vident  plus 
ou  moins,  et  l'effet  se  fait  sentir  plus  ou  moins  jusque  dans 


DES    RAPPORTS    FONCTIONNELS    DES    ORGANES.         2 /[$ 
la  circulation  générale.  Une  partie  aura  d'autant  plus  d'in- 
fluence sous  ce  rapport ,  qu'elle  sera  plus  nerveuse  et  plus 
vasculaire,  c'est-à-dire  qu'elle  sera  plus  apte  à  appeler  en 
elle  beaucoup  d'influence  nerveuse,  et  par  suite  beaucoup 
de  sang.  Une  partie  passe-t-elle  de  l'état- de  repos  à  l'état 
d'activité,  il  se  fait  afflux  en  elle  de  fluide  nerveux  et  de 
fang;  elle  est  en  état  d'érection  vitale,  d'irritation  phy- 
siologique. Par  une  cause  quelconque,  cette  partie  est-elle 
stimulée  au  point  que  sa  mesure  d'activité  dépasse  l'état 
normal  ?elle  sera  en  état  d'irritation  pathologique,  et,  selon 
îe  degré  de  cette  irritation,   surviendront  ou  des  conges- 
tions, ou  des  inflammations.  Enfin,  quand,  dans  une  vue 
thérapeutique,  on  détermine  artificiellement  une  irritation 
dans  une  partie  quelconque  du  corps,  afin  de  croiser,  d'af- 
faiblir une  autre  irritation  qui  siège  en  une  autre  partie, 
on  opère  ce  qu'on  appelle  une  révulsion  :  et  lorsque  par  une 
saignée  générale  ou  locale ,  ou  par  la  congestion  de  sang 
que  détermine  toute  irritation  dans  la  partie  qui  en  est  le 
siège ,  on  amène  une  déplétion  ,   soit  des   gros  vaisseaux  , 
soit  des  vaisseaux  capillaires  dans  un  des  départements  du 
système  capillaire,   ou  qu'on  imprime  un  autre  cours  à  la 
circulation ,  on  a  effectué  ce  qu'on  appelle  une  dérivation. 
Voilà  autant  de   phénomènes  de  rapports,  dont  les  deux 
lois  d'appel  et  de  balancement  des  influences  nerveuses  dans 
les  diverses  parties  du  corps ,  et  par  suite  de  la  circulation 
capillaire,  donnent  l'explication. 

Enfin  ,  ce  qui  est  des  sécrétions  entre  elles,  des  nutritions 
entre  elles  ,  est  aussi ,  et  par  les  mêmes  raisons ,  de  ces  deux 
sortes  d'action  les  unes  par  rapport  aux  autres.  S'il  existe 
un  flux  excessif  quelconque,  non-seulement  les  autres  sé- 
crétions sont  supprimées,  mais  les  nutritions  languissent, 
l'individu  maigrit,  dépérit. 

§  II.    Reproduction. 

La  reproduction  n'est  pas  plus  que  la  nutrition  un  acte 
simple,  et  il  faut  conséquemment  des  liens  entre  les  organes 
qui  par  leur  concours  l'accomplissent.  Ces  liens  ressortenl 


2  5o  DES   CONNEXIONS   DES   FONCTIONS, 

d'eux-mêmes  dans  l'histoire  que  nous  avons  faite  de  la  géné- 
ralion.  L'instinct,  le  besoin  de  la  reproduction,  en  même 
temps  qu  il  sollicite  au  rapprochement  des  sexes  ,  amène 
dans  le  pénis  l'état  d'érection  sans  lequel  ce  rapprochement 
ne  pourrait  se  faire.  Pendant  ce  rapprochement,  l'éjacu- 
lation  spermatique  a  lieu  ,  et  à  sa  suite  la  conception.  Dès 
lors  se  succèdent  irrésistiblement  les  phénomènes  de  la 
grossesse  ,  de  l'accouchement  et  de  l'allaitement.  Tandis 
que  dans  la  nutrition  on  avait  vu  une  matière  alimentaire 
éprouver  une  suite  de  mutations,  en  fin  desquelles  cette 
matière  avait  été  assimilée  aux  organes;  ici  c'est  un  être 
nouveau  tout  à  coup  formé,  et  parvenant  à  constituer  après 
une  série  de  développements,  un  individu  semblable  à  ceux 
qui,  parleur  réunion,  l'ont  engendré.  Du  reste,  c'est  le 
même  enchaînement  irrésistible  entre  les  actes  qui ,  par 
leur  concours,  amènent  ce  merveilleux  résultat  :  la  con- 
ception une  fois  effectuée,  il  est  impossible  que  ne  s'ensui- 
vent pas,  et  le  développement  du  fœtus,  et  sa  naissance,  etc. 
Mais  nous  avons  exposé  assez  longuement  le  mécanisme  de 
la  reproduction,  pour  être  dispensés  d'en  dire  davantage 
sur  les  rapports  fonctionnels  relatifs  à  l'accomplissement  de 
cette  faculté. 

Seulement,  nous  ferons  remarquer  que  plusieurs  de  ces 
rapports,  soit  qu'ils  aient  lieu  entre  les  divers  organes  géni- 
taux, soit  qu'on  les  observe  entre  cet  appareil  et  les  autres 
appareils  de  l'économie  ,  sont  explicables  par  les  mêmes  lois 
que  nous  avons  posées  à  l'occasion  de  la  nutrition;  ils  dé- 
pendent, ou  de  l'état  du  sang,  ou  du  balancement  des  in- 
fluences nerveuses  et  des  circulations  capillaires,  etc.  Le 
phénomène  de  l'érection,  par  exemple,  qui  ouvre  la  série 
des  actes  générateurs,  est  évidemment  le  symbole  parfait  de 
ce  que  nous  avons  appelé  irritation;  il  résulte  en  effet  d'un 
afflux  plus  grand  de  fluide  nerveux  dans  le  tissu  du  pénis,  et 
par  suite ,  d'un  appel  de  plus  de  sang  dans  le  parenchyme 
de  cet  organe.  L'état  extatique,  convulsif,  dans  lequel  est 
momentanément  l'individu,  lors  de  l'éjection  spermatique, 
se  rattache  aux  rapports  relatifs  à  la  sensibilité ,  et  que  nous 
devon  s  exposer  ci-après .  Nul  doute  qu'il  n'y  ai  t ,  entre  les  qua- 


DES   RAPPORTS    FONCTIONNELS    DES    ORGAJNES.         25  I 

litésde  l'individu  nouveau,  et  la  mesure  d'activité,  de  perfec- 
tion avec  laquelle  aura  été  accomplie  la  fonction,  un  rapport 
semblable  à  celui  qui ,  dans  la  nutrition ,  s'observe  entre  l'ex- 
cellence des  fonctions  nutritives  et  l'état  du  sang  :  mais  l'igno- 
rance dans  laqueïle  on  est  sur  l'essence  de  la  reproduction, 
empêche  qu'on  ne  conçoive  ce  rapport  aussi  nettement  qu'est 
conçu  le  premier.  Nul  doute  aussi  qu'il  n'y  ait  un  semblable 
rapport  entre  les  qualités  de  l'individu  nouveau  ,  et  celles  de 
ses  père  et  mère:  les  ressemblances  ,  les  transmissions  hérédi- 
taires en  sont  la  preuve.  Mais  à  raison  de  cette  même  ignorance 
sur  la  génération,  et  de  l'incertitude  où  l'on  est  sur  le  mode  de 
celte  fonction  par  épigénèseou  par  évolution,  nous  nepouvons 
non  plus  l'expliquer,  aussi  bien  que  nous  expliquons  les  rap- 
ports analogues,  que  dans  la  nutrition  nous  avons  signalés 
entre  les  actions  qui  font  le  sang,  et  celles  qui  le  mettent  en 
œuvre.  Si,  dès  que  la  conception  a  eu  lieu,  l'utérus  déve- 
loppe tous  les  phénomènes  de  la  grossesse,  c'est  que  l'acte 
du  rapprochement  d'abord  ,  puis  la  présence  de  l'ovule  fé- 
condé, ont  exercé  sur  cet  organe  une  irritation,  ont  exalté 
sa  vitalité,  appelé  en  lui  plus  d'influence  nerveuse,  plus  de 
sang;  d'où  le  changement  de  sa  texture,  son  développement 
graduel,  sa  dilatation,  de  manière  à  pouvoir  servir  d'asile 
au  fœtus;  d'où  enfin,  à  un  certain  degré  de  distension, 
l'établissement  de  ses  contractions  pour  accomplir  l'accou- 
chement. Si,  pendant  toute  la  grossesse  et  l'allaitement,  la 
menstruation  n'a  plus  lieu,  c'est  que  l'utérus,  comme  nous 
venons  de  le  dire,  est  changé  dans  sa  texture,  ses  disposi- 
tions, et  que  le  fœtus  consomme  alors,  soit  directement,  soit 
sous  forme  de  lait,  la  portion  de  sang  que  dépensait  la 
menstruation.  Par  la  même  raison,  la  grossesse  et  l'allaite- 
ment sont  deux  états  qui ,  le  plus  souvent ,  ne  coïncident 
pas;  dès  qu'une  femme  nourrice  devient  enceinte  ,  la  sécré- 
tion laiteuse  se  supprime ,  ou  ne  produit  qu'un  lait  de  mau- 
vaise qualité.  Enfin ,  la  grossesse  et  l'allaitement,  constituant 
deux  fonctions  à  ajouter  à  celles  qui  font  faire  des  pertes 
au  sang,  on  conçoit  qu'elles  auront ,  sur  l'état  de  ce  fluide , 
la  même  influence  que  les  actions  nutritives  et  sécrétoires; 
dès  lors  elles  entreront  en  rapport ,  en  solidarité  avec  toutes 


252  DES    CONNEXIONS   DES    FONCTIONS. 

les  autres  fonctions  qui  influent  sur  l'état  de  ce  fluide  : 
souvent  les  ingestions  auront  besoin  d'être  plus  copieuses  , 
pour  subvenir  au  surcroît  de  dépenses;  ou  bien  les  sécré- 
tions seront  moindres ,  et  les  nutritions  et  la  mesure  d'ac- 
tivité des  autres  organes  seront  diminuées.  Si ,  à  cet  égard, 
on  observe  beaucoup  de  variétés,  c'est  qu'outre  les  rapports 
fonclionnels  dont  nous  traitons  exclusivement  ici,  éclatent 
beaucoup  de  rapports  sympathiques  sur  lesquels  nous  nous 
taisons,  parce  qu'ils  doivent  nous  occuper  ci-après.  En  gé- 
néral ,  ce  mélange  de  rapports  fonctionnels  et  de  rapports 
sympathiques,  a  lieu  dans  presque  tous  les  cas  où  une  des 
parties  du  corps  en  modifie  au  loin  plusieurs  autres;  et  il 
n'est  pas  toujours  facile  de  faire  nettement  la  distinction  des 
uns  et  des  autres. 

§  III.   Sensibilité'. 

L'bomme ,  pour  l'accomplissement  de  ses  fonctions  sen- 
soriales  et  de  relation,  emploie  encore  plus  d'organes  que 
pour  sa  nutrition  et  sa  reproduction  ;  et  conséquemment  les 
parties  qui  lui  servent  à  ce  but,  doivent  encore  être  unies 
par  de  nombreux  rapports  fonctionnels.   D'abord,  c'est  à 
l'organe  qui  est  le  siège  du  moi,  de  la  volonté ,  à  l'encé- 
phale ,  qu'aboutissent  toutes  les  sensations ,  c'est-à-dire  tou- 
tes les  impressions  senties  que  font  sur  nous,  soit  les  corps 
extérieurs,   soit  nos  propres   organes  à    l'occasion  de  leur 
service.   Nous  avons  vu  que   toute  sensation  quelconque, 
bien  que  reconnaissant  pour  base  une  impression  sensitive 
produite  par  la  partie  du  corps  à  laquelle  elle  est  rapportée , 
nécessitait  l'intervention  de  l'encéphale;  et,   sous  ce  rap- 
port, l'encéphale  tient  sous  sa  dépendance  toutes  les  parties 
sensibles  du  corps.  Dès  que  cet  encéphale  est  lésé,  ou  qu'on 
a  lié  ou  coupé  le  nerf  par  lequel  une  partie  communique 
avec  lui,  cette  partie  cesse  d'être  sensible,   c'est-à-dire  de 
donner  à  l'ame  la  conscience  des  impressions,  tant  externes 
qu'internes ,  qu'elle  était  auparavant  apte  à  lui  transmettre. 
En  second  lieu,  c'est  clans  ce  même  encéphale,  centre  de 
toutes  les  sensations ,  que  se  produisent  toutes  les  facultés 
intellectuelles  et  affectives  .  ces  autres  actes  sensoriaux  aux- 


DES    RAPPORTS    FONCTIONNELS    DES    ORGANES.         2  53 
quels  nous  devons,  d'un  côté,  toutes  les  idées  qui  fondent 
nos  connaissances ,  et  de  l'autre ,  les  sentiments  qui  sont  les 
mobiles  de  notre  vie  sociale  et  morale.  Sous  ce  second  rap- 
port, il  n'était  pas  moins  nécessaire  que  Fencéphaîe  tînt 
sous  sa  dépendance  tous  les  organes  destinés  aux  fonctions 
animales,  puisque  ses  opérations  spéciales  ont  toujours  trait 
à  des  objets  du  dehors,  dérivent  des  impressions  des  sens, 
ou  leur  font  suite,  ou  consistent  en  des  déterminations  qui 
s'y  rapportent.   En  troisième  lieu,   c'est  encore  de  l'encé- 
pbale  qu'émanent  toutes  les  volontés;  et,  sous  cet  autre 
point  de  vue,  cet  organe  se  subordonne,  non-seulement  les 
muscles  par  lesquels  nous  exécutons  tout  mouvement  volon- 
taire quelconque,  maisencore  les  sens  externes,  instruments 
à  l'aide  desquels  nous  nous  livrons  à  notre  gré  ta  l'explora- 
tion de  l'univers.   Enfin,  les  opérations  intellectuelles,  à 
l'aide  desquelles  nous  idéalisons  ou   systématisons  ce  qui 
n'était  auparavant  que  sensation,  sont  elles-mêmes  suscep- 
tibles d'être  mises  en  jeu  à  notre  gré,  et  s'influencent  réci- 
proquement,*    les  parties  cérébrales,  qui  président  à  cha- 
cune,   sont   unies  entre   elles,    de   manière  que   celle  qui 
actuellement  agit,  appelle  à  son  aide  celles  dont  elle  peut 
avoir  besoin  ,  et  les  associe  à  son  action.  L'encéphale  est  donc 
un  véritable  centre  pour  toute  la  vie  de  relation;  et  c'est 
par  le  système  nerveux  que  sont  établis  les  rapports  fonc- 
tionnels qui  l'unissent  à  toutes  les  parties  qui  lui  sont  sub- 
ordonnées. L'histoire  que  nous  avons  faite  dans  le  temps, 
des  sensations  tant  externes  qu'internes,   des  actes  de   la 
psychologie  et  des  mouvements  volontaires,  nous  dispense 
d'entrer  dans  de  grands  détails.  Le  moi  qui,  pour  les 'ani- 
maux supérieurs  et  pour  l'homme,  siège  dans  l'encéphale, 
d'abord  reçoit ,  par  les  sens  externes  ,  toutes  les  impressions 
qui  sont  relatives  aux  corps  extérieurs,  et  par  les  sensations 
internes .  celles  qui  se  développent  par  des  causes  inhérentes 
à  l'économie,  et  qui  servent  généralement  à  accuser  tous  les 
besoins  physiques;  il  est  de  même  averti  par  les  facultés 
affectives  de  tous  les  besoins  sociaux  et  moraux  :  alors,  pa 
les  facultés  intellectuelles ,  il  se  fait  la  notion  des  causes  de 
tout  ce  qu'il  a  senti;  il  prend  à  leur  égard  des  détermina- 


a54  DES   CONNEXIONS   DES   FONCTIONS, 

tions ,  des  volontés,  basées  sur  l'utilité  dont  elles  lui  peu- 
vent être,  ou  le  plaisir  qu'elles  peuvent  lui  procurer  :  enfin 
il  ordonne  et  fait  produire  les  mouvements  par  lesquels  doi- 
vent s'accomplir  ces  volontés.  Dans  toute  cette  série  d'actes, 
il  y  a  un  enchaînenient  aussi  irrésistible  que  dans  la  série 
des  actes  qui  effectuent  la  nutrition  ou  la  reproduction.  A 
la  vérité,  nous  ne  pouvons  pénétrer  le  mécanisme  de  cet 
enchaînement;  mais  au  moins  il  est  évident  que  c'est  le 
système  nerveux  qui  en  est  l'agent,  et  nous  avons  toujours 
accusé  notre  ignorance  sur  toutes  les  actions  nerveuses. 
Celte  succession  d'actes  fait  d'ailleurs  partie  intégrante  de 
l'histoire  de  la  sensibilité  et  de  la  locomolilité;  et  à  ces  arti- 
cles, nous  avons  dit  par  quelles  hypothèses  on  avait  cherché 
à  l'expliquer. 

Mais  de  cet  enchaînement  forcé  entre  les  fonctions  de  re- 
lation ,  résultent  plusieurs  rapports  fonctionnels  relatifs  à 
ces  fonctions  ,  qu'il  importe  de  faire  connaître.  D'abord  ,  on 
sait  qu'à  leur  égard  la  vie  de  l'homme  se  partage  en  deux 
temps  ;  celui  de  la  veille ,  pendant  lequel  elles  peuvent  être 
mises  en  jeu  à  notre  gré;  et  celui  du  sommeil ,  pendant  le- 
quel se  réparent  les  pertes  qui  ont  été  faites  pendant  l'état 
de  veille.  Or,  de  même  que  dans  les  fonctions  nutritives,  il 
y  avait  des  rapports  entre  les  actes  qui  faisaient  le  sang,  et 
ceux  qui  l'employaient;  de  même  il  y  en  a  ici ,  entre  la  veille 
qui  cause  les  pertes,  et  le  sommeil  qui  les  répare.  La  pre- 
mière influe,  comme  nous  l'avons  dit,  sur  les  époques  de 
retour  du  sommeil,  sur  sa  fréquence,  sa  durée,  son  degré 
de  profondeur  ;  et ,  selon  que  le  sommeil  a  plus  ou  moins 
effectué  la  réparation  qu'il  a  pour  objet ,  la  veille  qui  lui 
succède  est  marquée  par  plus  ou  moins  d'énergie  ou  de 
langueur. 

En  second  lieu ,  il  existe  un  rapport  entre  les  sensations  , 
les  sentiments  et  les  idées  d'une  part,  et  les  mouvements  et 
les  expressions  de  l'autre;  comme  il  en  existait  un  entre  les 
ingestions  et  les  excrétions.  Généralement,  plus  un  être  est 
sensible,  plus  il  se  meut  et  plus  il  exprime.  Cela  est  vrai, 
non-seulement  des  diverses  espèces  animales,  mais  des  di- 
vers individus  d'une  même  espèce;   l'homme,  de  tous  les 


DES  RAPPORTS  FONCTIONNELS  DES  ORGANES.    2  55 

êtres  le  plus  sensible,  est  évidemment  celui  qui  a  le  plus  de 
phénomènes  expressifs;  et  certainement  aussi,  plus  la  sen- 
sibilité a  en  lui  d'extension,  plus  ses  phénomènes  locomo- 
teurs et  expi'essifs  sont  multipliés. 

Enfin ,  le  balancement  que  nous  ayons  signalé  entre  les 
diverses  sécrétions  et  nutritions ,  est  encore  plus  mani- 
feste entre  les  fonctions  de  relation;  l'une  ne  peut  pas  être 
exercée  avec  plus  d'activité ,  sans  qu'il  ne  survienne  de  la 
langueur,  de  la  diminution  dans  toutes  les  autres.  C'est 
surtout  à  l'égard  de  ces  fonctions ,  qui  occasionent  toutes 
une  certaine  dépense  nerveuse,  qu'on  peut  dire,  que  si 
cette  dépense  augmente  d'un  côté  ,  elle  diminuera  irré- 
sistiblement de  l'autre;  comme  si  le  système  nerveux  n'a- 
vait qu'une  certaine  dose  de  fluide  nerveux  à  consumer  , 
ou  qu'une  certaine  somme  de  faculté  à  déployer.  Voyez 
l'athlète;  cet  être  capable  des  plus  grands  efforts  muscu- 
laires, a  une  sensibilité  obtuse;  quel  contraste  entre  lui  et 
la  femme  nerveuse  ,  chez  laquelle  la  sensibilité  est  exaltée  à 
ce  point  que  la  plus  légère  impression  amène  une  syncope, 
et  qui,  maigre,  desséchée,  comme  privée  de  muscles,  ne 
peut  supporter  la  moindre  fatigue  physique  !  dans  l'un  et 
dans  l'autre  ,  il  y  a  une  disproportion  dans  les  fonctions 
de  relation ,  et  les  unes  n'ont  acquis  de  la  prédominance 
qu'aux  dépens  des  autres.  Par  la  même  raison,  si  une  sen- 
sation quelconque  sévit ,  elle  fait  taire  toutes  les  autres;  et, 
par  exemple,  si  le  cerveau  est  livré  tout  entier  à  ses  opéra- 
tions propres,  à  des  méditations  intellectuelles,  à  des  affec- 
tions ,  les  sensations  tant  externes  qu'internes  paraissent 
moins  fortes,  et  souvent  cessent  d'être  perçues  :  c'est  ainsi 
qu?  Archimède ,  tout  entier  à  ses  travaux,  reçoit  la  mort, 
sans  avoir  entendu  les  pas  des  soldats  qui  vont  le  frapper. 
Dans  quelques  cas,  cette  concentration  d'action  dans  le  cer- 
veau est  portée  au  point  de  se  prolonger  quelques  heures, 
un  jour,  de  constituer  une  maladie;  et  telle  est  probable- 
ment la  cause  de  ces  états  d'extase,  dans  lesquels  des  indi- 
vidus ont  paru  quelque  temps  être  sourds  à  toutes  les  sen- 
sations. Au  contraire ,  l'homme  accessible  à  toutes  les 
causes  de  sensations,  peut  moins  se  livrera  une  méditation 


2  56  DES   CONNEXIONS    DES    FONCTIONS, 

prolongée;  et  prompte  nient  distrait^  la  moindre  impression 
l'arrache  aux  pensées,  aux  sentiments  qui  le  remplissaient. 
Cette  loi  de  balancement  ,  qui  s'applique  à  tous  les  or- 
ea  nés ,  à  toutes  les  actions  organiques ,  n'avait  pas  échappé  à 
Hippocrale ,  en  ce  qui  regarde  les  sensations  :  atnbo  partes 
non  possunt  dolere  simul  ;  ducbus  doloribus  simul  oborlis 
vehementior  obscurcit  alterum ,  a  dit  ce  grand  homme;  et, 
sur  ce  principe  ,  repose  l'utilité  des  applications  vésicantes, 
rubéfiantes ,  de  l'emploi  de  la  douceur  comme  médicament, 
dans  la  pratique  de  la  médecine.  Dans  ce  dernier  cas,  il  y  a 
même  un  rapport  de  plus;  l'organe  qui  est  le  siège  de  l'ac- 
tion sensoriaie  ,  de  la  douleur,  devient  le  siège  d'une  fluxion 
nerveuse  et  sanguine;  son  système  capillaire  appelle  en  lui 
plus  d'influx  nerveux  et  plus  de  sang  ;  il  devient  un  centre 
de  fluxion,  d'où  résulte  un  effet  révulsif  et  dérivatif;  ubi 
dolor  ,  ibi  affluil  humor ,  a  dit  encore  Hippocrate;  de  sorte 
que  la  loi  de  balancement  porte  alors  à  la  fois ,  et  sur  les 
phénomènes  sensoriaux  ,  et  sur  les  phénomènes  purement 
organiques. 

Ainsi  peuvent  s'expliquer  partie  des   effets   qu'une  vie 
toute  morale  et  intellectuelle  ,   ou  toute  physique  ,  exerce 
sur  la  santé  générale.  Quand  on  fait  prédominer  les  fonc- 
tions sensoriaies  sur  les  actes  purement  physiques ,  ou  les 
actes  physiques  sur  les  opérations  morales,    il  y  a  oppo- 
sition dans  le  degré  d'énergie  de  ces  facultés.  Toutes  choses 
égales  d'ailleurs  dans  les  conditions  d'alimentation ,  de  cli- 
mats, etc.,  l'homme  qui  se  consume  dans  de  continuels  tra- 
vaux d'esprit,  a  généralement  toutes  les  fonctions  organiques 
plus  languissantes  ;  la  faim  est  chez  lui  moins  impérieuse  , 
la  digestion  plus  lente  et  souvent  moins  parfaite;  le  corps 
est  moins  musclé  ,  moins  capable  d'efforts  musculaires ,  et 
accuse  moins  le  besoin  de  mouvements;  la  fonction  génitale 
est  aussi  moins  énergique.  Mais  tandis  que  les  besoins  et  les 
fonctions  physiques  chez  lui  sont  diminués  ,  les  fonctions 
sensoriaies  ont  la  plus  grande  puissance;   l'esprit  tente  et 
accomplit  les  plus  grands  travaux;  son  besoin  d'agir  est  tel 
que  le  repos  lui  est  impossible  ;  ses  jeux  même  sont  sérieux, 
et  seraient  pour  d'autres  une  étude.  Au  contraire,  l'homme 


DES  RAPPORTS  FONCTIONNELS  DES  ORGANES.  ^5? 
dont  la  vie  est  toute  physique  est  bien  loin  d'avoir  la  même 
puissance  d'esprit;  mais  en  revanche,  il  est  rarement  va- 
létudinaire; l'habitude  extérieure  de  son  corps  annonce 
plus  la  santé ,  parce  que  les  fonctions  organiques  qui  en- 
tretiennent le  bon  état  des  organes,  se  font  chez  lui  avec 
perfection.  Tant  il  est  vrai  que  les  actions  sensoriales  sont, 
de  tous  les  actes  de  la  vie ,  ceux  qui  coûtent  le  plus  d'ef- 
forts et  causent  le  plus  de  dépenses;  tant  il  est  vrai  qu'on 
n'acquiert  de  la  supériorité  sur  un  point  que  par  de  l'infé- 
riorité sur  d'autres,  et  qu'au  physique  comme  au  moral, 
l'universalité  de  puissance  est  impossible. 

Du  reste,  la  double  particularité  qu'offre  le  cerveau; 
d'un   côté  ,  d'influer  sur   l'innervation   générale  ,   comme 
système  nerveux  supérieur;  de  l'autre,  d'être  Je  centre  au- 
quel aboutissent  toutes  les  sensations  9  explique  plusieurs 
des  rapports  qui  éclatent  entre  les  fonctions  intérieures  et 
extérieures  ,  à  l'occasion  de  sensations  vives.  Ainsi,  quand 
une  forte  douleur  amène  une  syncope,  c'est  que  cette  dou- 
leur, retentissant  au  cerveau,  a  tout  à  coup  saisi  tellement 
cet  organe  ,  qu'il  a  suspendu  tout  influx  nerveux  dans  les 
viscères  intérieurs,  et  particulièrement  dans  le  cœur;  c'est 
le  même  mécanisme  que  lorsqu'une  affection  morale  a  pro- 
duit cet  effet.  Ainsi  ,  quand  une  forte  sensation  ,  celle  du 
coït,  ou  du  chatouillement,  jette  toute  Féconomie  dans  un 
état  convulsif  général,  c'est  que  cette  sensation  a  tellement 
ébranlé  le  cerveau  ,  auquel  elle  aboutit ,  que  celui-ci  a  pro- 
pagé l'impression  qu'il  a  reçue,  dans  toutes  les  dépendances 
du  système.  Ceci  nous  mène  à  une  troisième  loi  que  nous 
devons  poser  ci-après,  la  loi  d'irradiation  nerveuse.  Enfin, 
si  une  sensation  forte  jette  le  cerveau  dans  un  état  exta- 
tique prolongé,   comme  cataleptique,  ainsi  que  le  fait  la 
copulation  chez  certains  animaux  qu'alors  on  mutile  en 
vain ,  et  qui  paraissent  insensibles  à  toutes  les  douleurs , 
c'est  que  la  sensation  première  se  continuant,  entretient  la 
concentration  nerveuse  cérébrale  qu'elle  avait  déterminée 
d'abord,  ou  que  le  cerveau  en  a  reçu  un  état  d'irritation 
durable  qui  la  prolonge.  C'est  ainsi  que,  dans  l'explication 
des  différents  phénomènes  de  rapports,  il  faut  avoir  égard 
Tome  IV,  17 


2  58  DES   CONNEXIONS  DES    FONCTIONS, 

à  toutes  les  causes  qui  les  établissent ,  et  les  combiner  entre 
elles;  car,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  dit,  il  est  peu  d'effets 
simples  dans  notre  économie. 

|  IV.  Expressions. 

Enfin ,  dans  cette  étude  des  rapports  fonctionnels,  rela- 
tifs à  l'accomplissement  des  diverses  facultés  de  l'homme ,  il 
ne  reste  plus  à  traiter  que  des  phénomènes  d'expression. 
D'abord  ,  tous  ceux  qui  dans  leur  production  sont  dépen- 
dants de  la  volonté  ,  se  rattachent  aux  mouvements  muscu- 
laires volontaires  ;  le  mécanisme  par  lequel  les  facultés  de 
langage  artificiel  et  de  musique  les  produisent,  est  le  même 
que  celui  par  lequel  la  volonté  fait  produire  tout  mouve- 
ment quelconque.  Quant  à  ceux  qui  éclatent  irrésistible- 
ment,  et  qui  fondent  ce  que  nous  avons  appelé  le  langage 
affectif,  ils  ont  leur  cause  dans  Je  système  nerveux;  ils 
tiennent  à  l'union  des  diverses  parties  de  ce  système  avec 
un  centre,  et  à  l'aptitude  qu'ont,  d'un  côté  ,  ces  parties  de 
transmettre  au  centre  les  impressions  qu'elles  reçoivent , 
et  de  l'autre  ,  ce  centre  de  réfléchir  ces  impressions  jusque 
dans  les  dernières  ramifications.  En  effet,  le  système  ner- 
veux forme  un  tout  continu;  et  quand  une  forte  action  se 
passe  dans  un  de  ses  points  ,  cette  action  retentit  plus  ou 
moins,  d'abord  dans  le  centre  cérébral,  ensuite,  par  l'in- 
termédiaire de  ce  centre  ,  dans  tout  le  reste  du  système;  et 
conséquemment  elle  va  modifier  les  parties  auxquelles  sont 
les  diverses  terminaisons  des  nerfs.  L'ignorance  dans  la- 
quelle on  est  sur  l'essence  de  toutes  les  actions  nerveuses , 
ne  permet  pas  qu'on  sache  davantage  comment  se  fait  cette 
irradiation;  mais  il  est  certain  qu'elle  a  lieu.  Bien  plus, 
chaque  partie  cérébrale  correspond  sous  ce  rapport  à  cer- 
taines parties  déterminées,  leur  imprime  des  modifications 
diverses  selon  l'affection  qu'elle  éprouve;  et  il  y  a  quelque 
chose  d'absolu  dans  la  manière  dont  chaque  partie  répond  à 
l'impression  qui  lui  arrive  du  centre;  c'est  de  là  que  résulte 
la  spécialité  des  mimiques.  On  peut  établir,  comme  règle 
générale, que  toute  sensation  modifie  le  système  entier,  mais 


DES  RAPPORTS  SYMPATHIQUES  ,  OU  DES  SYMPATHIES.  25g 
d'autant  plus  qu'elle  est  plus  forte.  Voyez  l'impression  sen- 
sitive  la  plus  faible,  elle  s'accompagne  irrésistiblement  de 
quelques  phénomènes  expressifs  éloignés  :  les  phénomènes 
sont  déjà  plus  marqués  à  la  suite  de  l'exercice,  même  mo- 
déré, des  facultés  intellectuelles  et  affectives;  enfin  ,  quand 
ces  dernières  facultés  .sont  à  un  haut  degré  d'activité  et 
constituent  des  passions,  alors  l'économie  entière  est  au 
loin  toute  troublée.  11  en  est  de  même,  lorsqu'il  existe  des 
douleurs  physiques  fortes  et  prolongées.  Ainsi ,  toujours  des 
modifications  générales  surviennent  irrésistiblement  à  la 
suite  de  tout  phénomène  sensitif ,  et  sont  proportionnelles 
au  degré  d'intensité  de  ce  phénomène.  Ainsi ,  toute  impres- 
sion va  ,  du  point  où  elle  éclate  d'abord,  retentir  au  cer- 
veau, centre  de  réunion  de  toutes  les  impressions  sensi- 
tives,  puis,  du  cerveau,  parcourir  toutes  les  ramifications 
du  système,  et  à  ses  extrémités  modifier  irrésistiblement 
tous  les  organes.  A  la  vérité,  quelques-uns  de  ceux-ci  sont 
plus  disposés  que  d'autres  à  être  modifiés  par  ces  irradia- 
tions ;  tels  sont ,  les  muscles  de  la  locomotion  ,  de  la 
respiration,  de  la  voix,  de  la  physionomie;  certains  organes 
sécréteurs,  ceux  des  larmes,  par  exemple;  le  cœur;  en 
général  tous  les  organes  que  nous  avons  vus  produire  des 
phénomènes  expressifs;  mais  l'impression  va  de  même  re- 
tentir jusqu'aux  points  les  plus  reculés  de  l'organisation. 

Or,  cette  transmission  des  impressions  d'un  point  quel- 
conque du  système  nerveux  aux  autres  points  de  ce  système, 
et  qui  explique  la  production  de  tous  les  phénomènes  ex- 
pressifs affectifs,  fonde  une  autre  loi  du  système  nerveux, 
non  moins  évidente  que  celle  du  balancement  que  nous 
avons  déjà  posée ,  qui  concourt  avec  elle  à  la  production  des 
divers  phénomènes  de  rapport,  et  qu'on  peut  appeler  la 
loi  d'irradiation.  Par  elle  s'expliqueront  les  effets  funestes 
des  passions.  Les  désordres  que  les  passions  amènent  dans 
les  organes  intérieurs  les  plus  étrangers  à  la  vie  animale , 
tiennent  en  effet  à  la  même  irradiation  nerveuse,  qui  fait 
produire  les  phénomènes  expressifs  irrésistibles  dont  ces 
passions  s'accompagnent;  seulement  les  effets  de  cette  irra- 
diation sont  alors  plus  intenses,  et  portés  au  point  de  con- 


260  DES   CONNEXIONS   DES   FONCTIONS, 

stituer  un  état  morbide.  Non-seulement  cette  irradiation 
a  lieu  lors  de  la  production   de  phénomènes   sensoriaux; 
non-seulement,  comme  dans  le  cas   des  passions,  elle  va 
du  système   cérébro-spinal  au  grand  sympathique,  et  con- 
sécutivement à  une  impression  cérébrale,  trouble  la  vie 
organique;  mais  elle  a  lieu  aussi  lors  de  la  production  de 
phénomènes  purement  organiques,  et  peut  procéder  dans 
un  ordre  inverse,  du  grand  sympathique  au  cerveau.  De 
même  qu'une  affection  de  l'ame ,  du  centre  cérébral  où  elle 
a  son  siège,  avait  irradié  dans  tout  le  système,  et  perturbé 
les  fonctions  intérieures  ;  de  même  une  irritation ,  même 
non  perçue,  des  organes  intérieurs,  une  impression  locale 
du  grand  sympathique,   irradie  au  cerveau ,  et  amène  la 
perversion  d'action  de  cet  organe.  C'est  ainsi,  que  consécu- 
tivement à  l'existence  de  vers  dans  les  intestins,  et  à  Firri- 
"tation  qui  en  résulte,  surviennent  des  convulsions  chez  les 
enfants.  Cette  troisième  loi  fonde  une  nouvelle  source  de 
rapports  entre  les  divers  organes  du  corps  ,  et  surtout  entre 
ceux  chargés  des  fonctions  sensoriales,  et  ceux  qui  accom- 
plissent les  fonctions  nutritives  :  à  cette  loi  doivent  être  rap- 
portés plusieurs  des  effets  qui  résultent  de  l'exercice  abusif 
et  disproportionné  des  organes,  et  les  influences  du  physique 
sur  le  moral  et  du  moral  sur  le  physique  :  à  elle,  enfin, 
doivent  être  rattachés  les  rapports  sympathiques  auxquels 
sa  détermination  nous  conduit ,  et  dont  nous  allons  traiter 
maintenant. 

CHAPITRE  III. 

Des  Rapports  sympathiques ,  ou  des  Sympathies, 

Outre  les  rapports  mécaniques  et  fonctionnels  que  nous 
venons  d'exposer,  il  existe  encore  entre  les  diverses  parties 
du  corps  humain  des  liens  d'un  troisième  ordre,  qui  ne 
sont  ni  moins  nombreux  ni  moins  importants  que  les  pré- 
cédents, sur  la  cause  organique  desquels  on  est  encore  dans 
l'ignorance,  mais  qui  évidemment  au  moins  sont  autres 
£|ue  ceux  dont  nous  venons  de  traiter.  Ce  sont  ceux  qu'on 


DES  RAPPORTS  SYMPATHIQUES,  OU  DES  SYMPATHIES.  2B1 
appelle  sympathiques.  On  nomme  sympathie ,  rapport  sym- 
pathique, la  modification  qui  survient  dans  un  ou  dans 
plusieurs  organes  éloignés  ,  à  l'occasion  de  l'impression 
reçue  par  un  autre,  sans  que  cette  modification  soit  par- 
tagée par  les  organes  intermédiaires,  et  puisse  être  rapportée 
aux  connexions  mécaniques  des  parties,  ni  à  l'enchaîne- 
ment naturel  des  fonctions.  Une  titillation  de  la  luette, 
par  exemple,  excite  la  nausée,  l'envie  de  vomir;  évidem- 
ment la  modification  que  cette  irritation  de  la  luette  dé-* 
termine  dans  l'estomac,  ne  frappe  pas  les  organes  intermé- 
diaires à  ces  deux  parties,  et  n'est  explicable  par  aucuns 
rapports  mécaniques  ni  fonctionnels;  c'est  une  sympathie. 
Il  éclate  dans  l'état  de  santé  ,  encore  plus  dans  l'état  de  ma- 
ladie ,  beaucoup  de  rapports  de  ce  genre ,  entre  les  diverses 
parties  du  corps  humain  ;  et  c'est  de  ces  rapports  dont  nous 
allons  traiter  maintenant. 

L'histoire  des  sympathies  est  un  des  points  les  plus 
obscurs  de  la  physiologie  ;  et  l'on  peut  donner  de  cette  ob- 
scurité les  trois  raisons  suivantes  :  i°  Les  auteurs  ont  sou- 
vent compris  sous  ce  nom  toutes  les  connexions  quelconques 
qui  existent  entre  les  organes,  sans  en  séparer  les  rapports 
mécaniques  et  fonctionnels.  C'est  ainsi  que  Barthez ,  tom- 
bant en  contradiction  avec  la  définition  judicieuse  qu'il 
avait  donnée  lui-même  des  sympathies ,  et  que  nous  allons 
citer  ci-après,  rattache  à  ce  genre  de  rapports,  jusqu'à  la 
gangrène  qui  survient  dans  la  partie  dont  on  a  lié  tous  les 
vaisseaux;  c'était  évidemment  confondre  avec  les  sympathies 
un  phénomène  de  rapport  fonctionnel.  20  Pendant  long- 
temps on  admit ,  pour  expliquer  les  phénomènes  de  la  vie, 
des  forces  occultes,  indépendantes  de  l'organisation;  et, 
attribuant  tous  les  rapports  qui  éclatent  entre  les  organes  à 
l'influence  de  ces  forces  dites  vitales ,  à  leur  transport  d'une 
partie  à  une  autre 3  à  leur  concentration  sur  une  partie 
pendant  qu'elles  abandonnaient  les  autres ,  on  négligea  la 
recherche  des  conditions  matérielles  de  tous  ces  rapports* 
Mais ,  de  même  qu'il  n'y  a  point  d'effets  sans  cause  ,  de 
même  il  n'y  a  rien  dans  l'économie  animale  qui  ne  soit  dé- 
pendant de  l'organisation;  cette  organisation  particulière- 


262  DES   CONNEXIONS   DES   FONCTIONS, 

ment  contient  en  elle  la  raison  des  sympathies;  et  c'est  un 
tort  de  dire,  avec  TVhitt ,  avec  M.  Roux,  que  ce  genre  de 
lien  est  complètement  indépendant  de  toute  disposition  or- 
ganique. 3°  Enfin  ,  la  cause  organique  des  sympathies  n'est 
pas  encore  bien  approfondie,  et  il  faut  avouer  que  nos  con- 
naissances sur  ces  sympathies  se  bornent,  jusqu'à  présent, 
à  savoir  moins  ce  qu'elles  sont  que  ce  qu'elles  ne  sont  pas. 

De  ces  trois  causes  auxquelles  nous  attribuons  l'obscurité 
qui  règne  sur  ce  point  de  la  science,  la  dernière  tient  à  l'es- 
sence même  de  la  chose,  et  ne  peut  être  levée  à  notre  gré. 
Il  n'en  est  pas  de  même  des  deux  autres  ;  elles  consistent  en 
un  mode  vicieux  d'étude,  et  par  conséquent,  on  peut  s'en 
affranchir.  Pour  cela,  il  faut  séparer  soigneusement  des 
sympathies  tous  les  rapports  mécaniques  et  fonctionnels 
dont  nous  avons  traité  dans  les  deux  chapitres  précédents  , 
et  n'appeler  de  ce  nom  que  les  rapports  qui  évidemment  ne 
sont  ni  mécaniques ,  ni  fonctionnels.  Dans  l'impossibilité 
où  l'on  est  dans  l'état  actuel  de  la  science,  de  dire  sûre- 
ment en  quoi  consistent  les  sympathies ,  il  faut  se  borner  à 
dire  ce  qu'elles  ne  sont  pas,  et  signaler  par  voie  d'exclusion 
les  phénomènes  de  consensus  qui  doivent  leur  être  rap- 
portés. C'est  pour  n'avoir  pas  fait  cette  distinction,  et  pour 
avoir  confondu,  sous  le  nom  de  sympathie,  tous  les  rapports 
que  présentent  les  organes,  que  les  auteurs  sont  tant  dissi- 
dents sur  la  cause  organique  qu'ils  assignent  à  ces  sympa- 
thies; les  uns  les  attribuant  à  telle  cause  ,  les  autres  à  telle 
autre,  chacun  pouvant  citer  quelques  faits  à  l'appui  de  son 
système ,  chacun  aussi  étant  arrêté  par  quelques  objections, 
et  aucun  ne  pouvant  appliquer  son  hypothèse  à  tous  les 
phénomènes.  Par  exemple,  Haller  assignait  six  causes  aux 
sympathies;  la  communication  des  vaisseaux;  celle  des 
nerfs;  la  continuité  des  membranes;  celle  du  tissu  cellu- 
laire; l'intervention  de  la  partie  centrale  du  système  ner- 
veux, c'est-à-dire  du  cerveau;  et  enfin  une  analogie  de 
structure  et  de  fonctions  dans  les  parties  qui  présentent  des 
rapports.  Qui  ne  voit,  que  cette  doctrine  de  Haller  n'est 
fondée  qu'autant  que  l'on  comprend  sous  le  nom  de  sym- 
pathie tous  les  rapports  quelconques  qu'on  observe  entre 


DES  RAPPORTS  SYMPATHIQUES ,  OU  DES  SYMPATHIES.  a63 
les  organes;  mais  qu'elle  cesse  de  l'être,  quand  on  n'a  plus 
égard  qu'aux  rapports  purement  sympathiques  ?  Ceux-ci , 
eu  effet,  ne  peuvent  reconnaître  qu'un  même  système  or- 
ganique, probablement  le  système  nerveux,  et  qu'un  même 
mécanisme ,  probablement  la  loi  d'irradiation  nerveuse , 
comme  nous  le  dirons  ci-après. 

Du  reste  ,  plusieurs  physiologistes  avaient  senti  la  néces- 
sité de  la  distinction  que  nous  recommandons,  et  avaient 
déjà  considéré  les  sympathies  comme  nous  venons  de  le  faire. 
Nous  citerons  entre  autres  Barthez,  qui  les  définit  :  L'affec- 
tion  d'un   organe   éloigné,   à  l'occasion   d'une  impression 
reçue  par  un  autre  organe,  sans  que  cette  succession  puisse 
être  attribuée  au  hasard,  au  mécanisme  des  organes,  ni  à 
leur  concours  d'action  dans  une  forme  générique  de  fonc- 
tion ou  d'affection  du  corps  vivant.  C'était,  comme  on  voit, 
suivre  une  méthode  d'exclusion;  et  certes,  on  a  lieu  d'être 
surpris,  quand  on  voit  Barthez ,  après  une  définition  aussi 
précise  ,  comprendre  parmi  les  sympathies  des  faits  qui  évi- 
demment tiennent  à  des  rapports  mécaniques  et  fonction- 
nels, et  au  contraire   rejeter  du  rang  des  sympathies  des 
faits  évidemment   svmpathiques,  sous  le  prétexte  que  ces 
faits  concourent  à  l'accomplissement  d'une  même  fonction. 
Nous   avons  cité  plus  haut  un  exemple  du  premier  de  ces 
torts;  et,  quant  au  second,  il  tient  à  la  distinction  inutile 
que  faisait  Barthez  de  la  synergie  et  de  la  sympathie.  Il 
appelait  synergie  le  concours  ,  le  concert  d'actions  simulta- 
nées ou  successives  de   divers  organes,  pour  l'accomplisse- 
ment d'une  même  fonction ,  et  constituant  par  leur  concert 
cette  fonction;   et  il  appelait  sympathie ,  la  modification 
survenant,  soit  en  santé,  soit  en  maladie,  dans  une  partie, 
consécutivement  à  l'impression  reçue  par  une  autre,  mais 
sans  qu'il  y  ait  dans  l'action  de  ces  parties  unité  de  but. 
Ainsi,  la  puissance  qu'a  le  rectum  de  déterminer,  lors  du 
besoin  de  la  défécation  ,  la  contraction  du  diaphragme,  était 
une  synergie  et  non  une  sympathie,  ces  deux  actes  concou- 
rant à  constituer  la  forme  propre  d'une  même  fonction,  la 
défécation;  et  au  contraire,  les  envies  de  vomir,  les  nau- 
sées qui  surviennent  dans  les  premiers  mois  de  la  grossesse , 


2 64  DES   CONNEXIONS   DES   FONCTIONS, 

comme  ne  concourant  pas  à  la  formation  générique  de  cette 
dernière  fonction,  étaient  des  pliénomènes  sympa thiques. 
Nous  croyons  Cette  distinction  sans  importance  ;  dans 
les  deux  cas ,  le  rapport  est  d'un  même  genre ,  a  la  même 
nature,  tient  à  l'irradiation  nerveuse  qui  se  fait  d'une 
partie  sur  une  autre,  soit  directement,  soit  par  l'intermé- 
diaire du  cerveau;  il  n'y  a  que  des  différences  du  plus  au 
moins;  et  tout  ce  qu'oïl  peut  en  conclure,  c'est  que  sou- 
vent les  rapports  sympa tliiques  sont  établis  nécessairement 
et  pour  l'exercice  régulier  des  fonctions. 

Cette  dernière  proposition  est  en  effet  de  toute  évidence; 
souvent  c'est  en  vertu  de  rapports  sympathiques,  que  des 
organes  divers  et  assez  distants  les  uns  des  autres,  associent 
leur  action  pour  l'accomplissement  de  la  fonction  commune 
à  laquelle  ils  sont  destinés  ;  la  cause  qui  provoque  à  l'action 
ne  porte  que  sur  un  de  ces  organes,  et  aussitôt  les  autres 
agissent,  sans  que  la  corrélation  puisse  se  concevoir  méca- 
niquement et  par  l'enchaînement  des  fonctions.  C'est  ainsi 
qu'une  impression  reçue  par  la  rétine  détermine  l'action 
de  la  membrane  iris;  que  selon  que  la  luette  reçoit  de  l'a- 
liment une  impression  favorable  ou  défavorable ,  l'estomac 
se  dispose  à  bien  recevoir  ou  rejeter  cet  aliment ,  etc.  On  ne 
peut  dès  lors  avec  Bichat  définir  les  sympathies  une  aber- 
ration, un  développement  irrégulier  des  propriétés  vitales  '. 
outre  que  cette  définition  rappelle  la  philosophie  des  causes 
occultes,  que  nous  avons  dit  nuire  à  la  science  en  détour- 
nant par  des  abstractions  de  la  rechercbe  des  faits  positifs, 
elle  pèche  en  méconnaissant  que  les  sympathies  sont  con- 
stantes,  et  entrent  dans  le  plan  de  l'économie.  Ceci  est 
Vrai ,  même  de  celles  qui  n'éclatent  que  dans  l'état  de  ma- 
ladie; les  sympathies  morbides  sont  elles-mêmes  des  résul- 
tats des  connexions  primitivement  établies  entre  les  diverses 
parties  du  corps  humain  ;  il  n'y  a  pas  plus  de  phénomènes 
irréguliers  dans  Féconomie  animale,  que  dans  la  nature  gé- 
nérale; tous  accusent  un  enchaînement  rigoureux  de  causes 
et  d'effets. 

Toutefois,  le  sens  que  nous  attachons  au  mot  sympathie 
tétant  fixé,  et  ce  genre  de  rapport  étant  ainsi  nettement  sé^ 


DES  RAPPORTS  SYMPATHIQUES,  OIT  DES  SYMPATHIES.  2 65 
paré  de  ceux  que  nous  avons  étudiés,  il  s'agit  d'énumérer 
tous  les  rapports  sympathiques  que  présente  l'économie  ani- 
male, de  rechercher  quel  système  organique  en  est  l'agent, 
et  par  quel  mécanisme  ce  système  les  établit.  Sans  doute, 
nous  ne  devons  encore  envisager  dans  cette  recherche  que 
l'état  de  santé;  cependant  nous  interrogerons  davantage  ici 
l'état  de  maladie,  parce  que  les  phénomènes  sympathiques  y 
sont,  ou  plus  manifestes,  ou  plus  nombreux. 

Les  rapports  sympathiques  sont  fort  nombreux  dans  le 
corps  humain  ;  et  tantôt  ils  ont  pour  but  évident  d'associer 
le  jeu  de  plusieurs  organes  pour  l'accomplissement  d'une 
même  fonction;  tantôt  ils  n'ont  pas  cette  unité  de  but,  et 
sont  de  véritables  perturbations  et  modifications  de  fonc- 
tions, survenues  consécutivement  à  l'action  de  quelques  or- 
ganes éloignés. 

i°  Souvent  on  observe  des  liens  sympathiques  entre  des 
parties  d'un  même  organe,  afin  que  l'action  de  ces  parties 
s'associe  pour  l'accomplissement  de  la  fonction  à  laquelle 
l'organe  entier  préside.  Ainsi ,  un  rapport  sympathique  unit 
l'iris  à  la  rétine,  de  sorte  que,  selon  l'impression  que  la 
lumière  fait  sur  celle-ci ,  l'iris  règle  la  dimension  de  la  pu- 
pille ,  et,  par  suite,  la  quantité  de  lumière  qui  pénètre  dans 
l'œil.  Ce  rapport  est  si  évidemment  sympathique,  que  le 
contact  direct  de  la  lumière  sur  l'iris,  n'a  pas,  sur  le  jeu 
de  cette  membrane,  une  influence  égale  à  celle  que  déter- 
mine l'impression  reçue  par  la  rétine.  De  là  l'usage  en  mé- 
decine pratique,  de  juger  par  la  mobilité  de  la  pupille,  du 
degré  de  sensibilité  de  la  rétine.  Un  semblable  rapport  existe 
probablement  dans  l'organe  de  louie,  entre  le  nerf  acousti- 
que et  l'appareil  qui  fait  mouvoir  les  osselets  et  varier  la 
tension  des  membranes  du  tympan  et  de  la  fenêtre  ovale; 
mais  la  profondeur  de  ces  parties,  qui  sont  toujours  sous- 
traites à  nos  regards,  ne  permet  pas  qu'on  soit  aussi  sûr  de 
ce  rapport  sympathique  que  du  précédent. 

2°  Des  rapports  sympathiques  s'observent  entre  des  par- 
ties diverses  de  membranes  continues  :  par  exemple,  l'im- 
pression que  l'aliment,  lors  de  la  déglutition,  fait  sur  la 
luette,  retentit  jusque  dans  l'estomac;  et  celui-ci,  d'après 


26G  DES   CONNEXIONS    DES   FONCTIONS, 

le  caractère  de  cette  impression  ,  accuse  ,  par  un  sentiment  de 
bien-être  ou  par  celui  de  la  nausée,  qu'il  se  dispose  à  bien 
recevoir  l'aliment  ou  à  le  rejeter.  Ce  que  fait  ici  la  luette  r 
toute  partie  d'inteslin  le  fait  également,  si  accidentellement 
elle  est  le  siège  d'une  irritation  quelconque;  et,  par  exem- 
ple, le  pincement  d'une  portion  intestinale  dans  une  hernie 
étranglée,  détermine  aussi  le  hoquet ,  des  envies  de  vomir, 
des  vomissements,  etc.  Il  y  a  plus  :  ce  genre  de  rapport  s'é- 
tend peut-être  plus  loin  encore;  peut-être  que,  par  cela 
seul  que  le  coUtact  des  aliments  dans  la  bouche  active,  les 
sécrétions  de  cette  cavité,  sont  augmentées  aussi  les  sécré- 
tions des  autres  parties  du  canal  intestinal.  On  n'en  a  pas 
une  preuve  directe,  mais  quelques  sympathies  pathologiques 
portent  à  le  croire  :  par  exemple,  l'irritation  des  gencives 
occasione  souvent  une  diarrhée:  et  vice  versa,  une  irrita- 
tion de  l'intestin,  par  la  présence  des  vers,  détermine  des 
douleurs  de  gencives,  le  prurit  du  nez.  Dans  ces  cas,  évi- 
demment l'impression  reçue  par  une  partie  de  la  membrane, 
a  été  portée  dans  le  reste  de  son  étendue,  et  a  surtout  re- 
tenti dans  un  point  de  sa  surface.  Or,  pourquoi  ce  qui  s'est 
fait  alors  en  plus  ne  se  ferait  pas  de  même ,  mais  en  moins, 
dans  l'état  normal?  Hunter  appelait  ces  sympathies,  sym- 
pathies de  continuité.  La  membrane  muqueuse  digestive 
n'est  pas  la  seule  où  il  en  existe;  on  en  voit  aussi  dans  les 
autres  muqueuses;  on  sait,  par  exemple,  que  l'irritation  de 
la  muqueuse  de  la  vessie,  parla  présence  d'un  calcul  ou  par 
toute  autre  cause,  détermine  une  douleur  et  un  sentiment 
de  prurit  au  gland.  Cette  sympathie  pathologique  prouve- 
rait-elle qu'il  existe  dans  l'appareil  urinaire  ,  entre  la  vessie 
et  le  gland ,  un  rapport  sympathique  du  genre  de  celui  qui 
unit  dans  l'appareil  digestif  la  luette  et  l'estomac,  mais  à 
un  degré  moins  prononcé  ? 

A  ces  sympathies  de  continuité  rapporterons-nous  le  lien 
qui  s'observe  entre  les  orifices  excréteurs  et  leurs  glandes  ? 
Bichat  a  fait  voir  que  l'irritation,  appliquée  aux  orifices 
d'un  canal  sécréteur,  excite  l'action  sécrétoire  de  la  glande 
dont  ce  canal  émane  :  la  présence  des  aliments  dans  la  bou- 
che, par  exemple,  en  irritant  les  orifices  des  conduits  de 


DES  RAPPORTS  SYMPATHIQUES ,  OU  DES  SYMPATHIES.  267 
Stenon,  de  Warthon  et  de  Rivinus ,  active  la  sécrétion  sali- 
vaire  ;  celle  du  chyme  dans  le  duodénum  agit  de  même  sur 
les  sécrétions  biliaire  et  pancréatique  ,  etc.  Ces  faits  doivent- 
ils  être  considérés  comme  des  sympathies  ?  Je  ne  le  crois  pas  ; 
on  peut  les  concevoir,  en  admettant  que  l'irritation  éprou- 
vée, par  l'orifice  excréteur  s'est  propagée,  par  l'intermédiaire 
des  nerfs  etsans  interruption,  jusqu'aux  origines  du  système 
sécréteur,  par  conséquent  jusque  dans  le  parenchyme  de  la 
glande  ,  et  dès  lors  en  a  excité  le  travail  ;  ceci  rentre  dans  les 
rapports  fonctionnels  :  c'est  comme  si  l'on  appelait  sympathi- 
ques, les  contractions  qui  surviennent  dans  les  muscles  qui  re- 
çoivent les  rameaux  d'un  même  tronc  nerveux  que  l'on  irrite» 

3°  Outre  ces  sympathies  de  continuité  dont  nous  venons 
de  parler,  Hunier  appelait  sympathies  de  contiguïté,  les 
rapports  sympathiques  qu'on  observe  entre  des  parties  qui 
sont  immédiatement  contiguës;  par  exemple  ,  entre  la  mem- 
brane interne  du  cœur  et  le  tissu  musculeux  de  cet  organe , 
entre  les  membranes  muqueuses  et  la  couche  muscnleuse  a 
laquelle  ces  membranes  sont  unies ,  entre  la  peau  et  le  panni- 
cule  charnu  quand  celui-ci  existe  On  sait  qu'à  peine  le  sang  a 
touché  ]a  membrane  internedu  cœur,  que  le  tissu  musculeux 
de  cet  organe  se  contracte.  Peut-être  ne  voudra-t-onvoirence 
fait  qu'un  rapport  fonctionnel?  Peut-être  dira-t-on  que  les 
nerfs  qui  pénètrent  la  membrane  interne  et  le  tissu  muscu- 
leux, sont  les  mêmes,  ou  du  moins  si  unis  que  1  impres- 
sion ,  dès  l'instant  qu'elle  a  été  reçue  par  la  membrane,  doit 
aussitôt  être  propagée  au  tissu  musculeux.  Mais  ce  qui 
prouve  que  le  rapport  est  sympathique  ,  c'est  que  Bichat  et 
Nysten  ont  expérimenté  qu'une  irritation  directe  du  tissu 
musculeux  du  cœur,  n'a  jamais  autant  d'influence  que  celle 
de  la  membrane  qui  le  tapisse.  Il  y  a  un  semblable  lien 
entre  les  membranes  muqueuses  et  les  membranes  muscu- 
leuses  qui  leur  sont  susjacentes;  selon  l'impression  que  les 
premières  ont  reçu  ,  les  secondes  se  contractent  plus  ou 
moins  :  dans  l'estomac,  selon  l'impression  que  la  muqueuse 
reçoit  de  l'aliment ,  la  muscnleuse  se  dispose  à  conserver  cet 
aliment  ou  à  le  rejeter  par  le  vomissement;  à  mesure  que 
cet  aliment  arrive,  elle  lui  applique  doucement  les  parois 


26$  DES   CONNEXIONS    DES   FONCTIONS, 

de  l'organe ,  de  sorte  que  la  distension  du.  viscère  n'est  point 
passive;  enfin  elle  décide  quel  caractère  aura  le  mouvement 
depéristole,  et  si  ce  mouvement  fera  séjourner  encore  l'ali- 
ment dans  l'estomac,  ou  travaillera  à  l'en  expulser.  Le  py- 
lore, comme  on  l'a  vu,  joue  ici  un  grand  rôle;  et  par  une 
influence  sympathique  spéciale ,  il  est  à  la  musculeuse  de 
l'estomac ,  ce  que  la  luette  est  aux  muscles  de  la  déglutition. 
De  même,  l'impression  reçue  par  la  membrane  muqueuse  du 
rectum ,  par  celle  de  la  vessie ,  détermine  la  contraction  des 
fibres  musculeuses  de  ces  organes.  En  vain ,  pour  expliquer 
fonctionnellement  ces  rapports,  on  arguera  de  l'union  in- 
time qui  existe  dans  ces  organes ,  entre  les  couclies  muqueuse 
et  musculeuse;  en  vain,  dira-t-on  que  ce  sont  les  mêmes 
nerfs  qui  passent  de  l'une  à  l'autre,  et  que  dès  lors  l'impres- 
sion stimulante  est  reçue  par  les  deux  couches  à  la  fois ,  ou 
au  moins  promptement  propagée  de  l'une  à  l'autre  :  encore 
une  fois ,  ce  qui  prouve  que  ces  rapports  sont  sympathiques , 
c  est  que  jamais  ces  couches  musculeuses  ne  se  contractent 
aussi  fortement  par  une  stimulation  directe  que  par  la  sti- 
mulation de  la  couche  muqueuse  qui  les  tapisse. 

4°  Des  liens  sympathiques  aussi  incontestables  s'obser- 
vent entre  les  organes  divers  ,  et  souvent  fort  éloignés ,  d'un 
même  appareil ,  pour  faire  coopérer  tous  ces  organes  à  l'ac- 
complissement d'une  même  fonction.  Plusieurs  des  sympa- 
thies déjà  citées  rentrent  dans  la  catégorie  de  celles  que  nous 
indiquons  ici ,  ce  que  nous  avons  présenté  comme  étant  des 
parties  d'un  même  organe,  étant  bien  plutôt  des  organes 
divers,  mais  appartenant  à  un  même  appareil.  Ainsi,  nous 
avons  parlé  du  lien  existant  entre  la  luette  et  l'estomac.  Dans 
l'appareil  génital ,  quelle  évidente  counexion  sympathique 
entre  l'utérus  et  les  mamelles!  C'e-ot  à  l'âge  auquel  l'utérus 
se  développe  et  commence  sa  fonction  menstruelle ,  que  les 
seins  se  développent  aussi  :  quand  la  vieillesse  flétrit  l'uté- 
rus, elle  frappe  de  la  même  flétrissure  les  mamelles;  lors- 
que, pour  l'excrétion  menstruelle,  la  vitalité  de  l'utérus 
s'exalte ,  les  seins  se  gonflent ,  deviennent  plus  sensibles  ;  ces 
mêmes  organes  enfin  se  ressentent  des  fonctions  génitales 
utérines,  car  ils  s'érigent  clans  le  coït ,  et  c'est  le  travail  de 


DES  RAPPORTS  SYMPATHIQUES,  OU  DES  SYMPATHIES.  269 
la  grossesse  et  de  l'accouchement  qui ,  sympa thiquement , 
leur  imprime  l'excitation  dont  ils  ont  besoin  pour  accomplir 
leur  action  secrétaire.  À  la  différence  de  ce  qui  est  dans  plu- 
sieurs autres  phénomènes  sympathiques ,  le  rapport  ici  est 
réciproque,  et  une  impression  irradie  des  mamelles  à  l'uté- 
rus ,  comme  de  l'utérus  aux  mamelles. 

5°  C'est  encore  une  sympathie,  que  le  lien  qui  unit  la 
membrane  muqueuse  des  organes  d'ingestion  ou  d'excrétion, 
et  les  muscles  qui  forment  les  parois  des  cavités  splanehni- 
ques  dans  lesquelles  ces  organes  sont  contenus  :  dès  que  ces 
organes  sont  touchés  par  la  matière  à  ingérer,  ou  accusent 
le  besoin  d'excrétion,  sympathiquement  se  contractent  les 
muscles  qui  peuvent  exercer  sur  eux  une  pression  favorable , 
et  aider  la  fonction;  ces  muscles,  fussent-ils  primitivement 
volontaires,   sont  souvent  alors  mis  en  jeu,  indépendam- 
ment de  toute  volonté.  Voyez  le  bol  alimentaire;  à  peine 
a-t-il  touché  la  luette  et  l'entrée  du  pharynx,  que  sympa- 
thiquement agissent  tous  les  muscles  qui  doivent  exécuter  la 
déglutition.  Quand  le  rectum  développe  la  sensation  de  la 
défécation,  et  se  contracte  pour  effectuer  cette  excrétion, 
sympathiquement  se  contractent  les  muscles  de  l'abdomen  , 
et  tous  ceux  que  nous  avons  vu  agir  pour  les  expulsions.  On 
dira  peut-être  que  la  coïncidence  que  nous  remarquons  ici 
n'est  pas  due  à  un  lien  sympathique ,  mais  à  l'influence  de 
la  volonté  ;  qu'instruits  par  l'instinct  du  secours  dont  peut 
être  à  l'excrétion  l'action  de  ces  muscles,  alors  nous  les 
mettons  en  jeu.  Cela  est  vrai ,  quand  la  défécation  n'est  pas 
difficultueuse ,  et  que  la  sensation  qui  en  mai^que  le  besoin, 
est  peu  vive;  mais  quand  les  conditions  contraires  se  ren- 
contrent, la  contraction  musculaire  est  si  bien  irrésistible, 
et  partant  sympathique,  qu'on  ne  peut  s'empêcher  de  l'ef- 
fectuer. D'ailleurs,  pour  admettre  le  caractère  sympathique 
de  la  contraction,  on  a  l'analogie  des  autres  excrétions  :  dans 
le  vomissement ,  n'est-ce  pas  involontairement  et  sympathi- 
quement, qu'à  la  swite  de  l'impression  développée  par  la 
muqueuse  de  l'estomac ,  le  diaphragme  et  les  muscles  abdo- 
minaux se  contractent?  et  peut-on  nier  un  lien  sympathi- 
que entre  l'estomac  et  ces  muscles  sous  ce  rapport  ?  Dans 


270  DES   CONNEXIONS   DES   FONCTIONS, 

l'appareil  respiratoire ,  les  liens  sympathiques  entre  la  mem- 
brane muqueuse  de  l'appareil ,  et  les  muscles  respirateurs , 
sont  encore  plus  évidents.  Souvent ,  à  la  vérité ,  c'est  la  vo- 
lonté qui ,  consécutivement  à  l'impression  reçue ,  ordonne 
les  mouvements  respirateurs;  mais  souvent  aussi  ces  mouve- 
ments sont  involontaires,  et  partant  sympathiques  ,  comme 
lorsqu'une  irritation  de  la  muqueuse  nasale  détermine 
Y  été  mue  ment  ;  lors  qu'une  irritation  de  la  muqueuse  pul- 
monaire provoque  la  toux,  le  bâillement  ,  etc.  Enfin,  le 
rapport  sympathique  que  nous  mentionnons  ici  éclate  avec 
toute  évidence  dans  l'accouchement,  lorsque  l'utérus  ap- 
pelle irrésistiblement  à  son  aide  le  secours  de  tous  les  mus- 
cles qui  servent  aux  expulsions. 

6°  Est-ce  à  un  rapport  sympathique  que  doivent  être  at- 
tribués, l'harmonie  qu'on  observe  dans  les  mouvements  des 
yeux ,  le  balancement  en  sens  inverse  l'un  de  l'autre  que 
présentent  les  membres  supérieurs  lors  de  la  progression? 
et  faut-il  établir  en  règle  générale  une  connexion  sympathi- 
que, entre  ceux  de  nos  organes  qui  sont  pairs?  L'exemple 
pris  des  yeux  est  insuffisant  :  il  y  a  nécessité,  pour  la  net- 
teté de  la  vision  ,  que  les  rayons  lumineux  aboutissent  à  des 
points  correspondants  des  deux  rétines,  et  soient,  autant 
que  possible  ,  dans  la  direction  de  l'axe  optique;  les  muscles 
oculaires  dès  lors  doivent  placer  convenablement  les  yeux 
pour  ce  résultat;  et,  ces  muscles  ayant  une  fois  pris  l'habi- 
tude de  se  mouvoir  en  harmonie ,  les  yeux  offriront  désormais 
une  correspondance  constante  dans  tous  leurs  mouvements, 
L'exemple  pris  des  membres  supérieurs  ne  prouve  pas  da- 
vantage ;  leur  balancement  est  l'effet,  ou  de  l'impulsion 
mécanique  que  chacun  reçoit  du  membre  inférieur  qui  est 
de  son  côté,  ou  de  la  tendance  qu'ils  ont  à  se  mouvoir  in- 
stinctivement, en  guise  de  balancier,  pour  maintenir  la 
ligne  de  gravité  dans  la  base  de  sustentation.  Quelques  faits 
pathologiques  sont  plus  favorables  au  rapport  sympathique 
que  nous  mentionnons  ici.  Une  dent  est-elle  cariée  ?  souvent 
la  dent  analogue  de  l'autre  côté  se  carie  aussi.  Y  a-t-il  en- 
gorgement d'une  parotide  à  droite  ?  souvent  la  parotide 
gauche  s'engorge  aussi.  Il  est  assez  fréquent  de  voir,  dans  les 


DES  RAPPORTS  SYMPATHIQUES,  OU  DES  SYMPATHIES.  271 
organes  pairs ,  la  maladie  qui  a  affecté  celui  d'un  des  côtés 
du  corps,  envahir  de  même  celui  de  l'autre  côté.  Mais  cette 
sympathie  peut  tenir  à  l'analogie  de  texture  et  de  fonction 
des  deux  organes,  et  par  conséquent  rentre  peut-être  dans  la 
suivante. 

70  Une  sympathie,    en  effet,  qui    est  signalée  par  tous 
les  auteurs ,  est  celle  qui  unit  les  organes  dont  la  structure 
et  les  fonctions  sont  analogues.  Une  dartre  survient  à  une 
région  de  la  peau,  et  d'autres  régions  de  cette  membrane 
ont  tendance  à  en  développer  aussi.  Une  phlegmasie  rhu- 
matismale ou  goutteuse  saisit  une  partie  du  système  muscu- 
laire ou  fibreux ,  et  par  suite  elle  se  répète  successivement 
dans  toutes  les  autres  parties  de  ces  systèmes.  Un  ganglion 
lymphatique  s'engorge,  et  tous  les  autres  ganglions  ont  ten- 
dance à  le  faire.  Un  des  faits  sympathiques  de  ce  genre  le 
plus  curieux,  est  celui  rapporté  par Barthez ,  d'après  The- 
den ;  un  malade  avait  le  bras  droit  paralysé,  on  appliqua 
sur  ce  bras  un  vésicatoire  qui  n'agit  que  sur  le  lieu  corres- 
pondant de  l'autre  bras  :  le  bras  gauche  s'étant  à  son  tour 
paralysé ,  on  y  appliqua  aussi  un  vésicatoire ,  mais  qui  n'agit 
encore  que  sur  le  point  correspondant  du  premier  bras. 
Voyez  avec  quelle  facilité  les  phlegmasies  des  membranes 
muqueuses  se  propagent  d'une  de  ces  membranes  à  une  au- 
tre !   C'est  sur  ce  genre  de  sympathie  que  M.  Broussais  a 
fondé  cette  loi  pathologique,  que  lorsqu'une  irritation  existe 
depuis  long- temps  dans  un  organe,  les  tissus  analogues  à 
celui  qui  souffre  sont  disposés  à  contracter  les  mêmes  affec- 
tions. Remarquons,  à  cet  égard,  que  cette  condition  d'ana- 
logie,  dans  la  structure  et  les  fonctions,  est  susceptible 
d'une  assez  grande  latitude.  Des  organes  peuvent  être  ana- 
logues sous  quelques  rapports,  et  différents  sous  d'autres; 
et  alors  ils  pourront  sympathiser  à  certains  égards,  et  ne 
pas  le  faire  à  d'autres.  La  peau  et  les  reins,  par  exemple, 
n'ont  d'analogie  que  comme  organes  sécréteurs,  et  sympa- 
thiseront sous  ce  rapport;  tandis  que  la  peau  et  la  mem- 
brane muqueuse  gastro-intestinale,  ayant  des  analogies  bien 
plus  nombreuses,  toutes  deux  étant  des  surfaces  de  rapport, 
des  organes  sécrétoires ,  le  siège  de  sensations,  présenteront 


272  DES   CONNEXIONS   DES   FONCTIONS. 

des  sympa thies  plus  nombreuses  et  plus  constantes.  Avec 
quelle  facilité  les  phlegmasies  cutanées  sont  répétées  par  la 
membrane  muqueuse  intestinale! 

8°  De  même  que  des  liens  sympathiques  avaient  associé  les 
parties  d'un  même  organe,  les  divers  organes  d'un  même 
appareil,  lorsque  ces  parties,  ces  organes  devaient  concourir 
à  l'accomplissement  d'une  même  fonction  ;  de  même ,  de  sem- 
blables liens  unissent  les  divers  appareils  qui  peuvent  s'aider 
dans  l'exercice  de  leur  fonction ,  par  exemple ,  remplir  les 
uns  par  rapport  aux  autres  des  offices  explorateurs.  Ainsi ,  le 
goût,  l'odorat,  sont-ils  frappés  par  l'impression  agréable  ou 
désagréable  d'un  mets  ?  aussitôt  sont  influencés  sympa  inique- 
ment tous  les  organes  de  la  digestion  ;  la  sécrétion  salivaire 
s'active  ou  se  tarit;  le  pbarynx  se  dispose  à  effectuer  ou  em- 
pêcher la  déglutition  ;  l'estomac  développe  la  sensation  du 
désir  de  manger ,  ou  celle  de  la  nausée ,  etc.  Il  en  est  de  même 
delà  vue,  et  même  du  seul  souvenir  :  si  l'on  voit,  ou  si  l'on 
se  représente ,  par  la  mémoire  ou  l'imagination,  un  aliment 
agréable  ,  aussitôt  la  salive  afflue  dans  la  bouche,  et  l'appétit 
est  excité.  Le  rapport  inverse  a  lieu  également;  et,  dès  que 
l'estomac  est  suffisamment  plein ,  les  sens  du  goût ,  de  l'odo- 
rat ,  de  la  vue  ,  cessent  de  trouver  aux  aliments  le  caractère 
d'agrément  qu'ils  leur  avaient  trouvé  d'abord.  Ce  que  nous 
disons  ici  de  la  digestion,  est  applicable  aux  autres  fonctions 
qui  exigent  un  rapport  avec  l'extérieur,  et  par  conséquent 
l'emploi  des  sens ,  à  la  génération ,  par  exemple  :  les  sens 
externes  sont-ils  impressionnés  par  des  objets  qui  ont  trait  à 
l'exercice  de  cette  fonction  ?  l'imagination  s'arrête-t-elle  sur 
les  idées  qui  s'y  rattachent?  aussitôt  le  désir  est  éveillé,  et 
les  organes  génitaux  éprouvent  l'orgasme  qui  annonce  la 
disposition  à  l'accomplissement  de  la  fonction  :  au  contraire , 
la  fonction  a-t-eîle  été  accomplie  ?  les  sens  externes  et  l'es- 
prit cessent  de  trouver  du  charme  aux  objets  qui  avaient 
d'abord  séduit. 

9°  Dans  tous  les  rapports  sympathiques  précédents 3  Ja 
connexion  a  paru  faire  partie  de  l'ordonnance  même  des 
fonctions;  elle  associait  les  diverses  parties  d'un  même  or- 
gane, les  divers  organes  d'un  même  appareil,  les  divers  ap- 


DES  RAPPORTS  SYMPATHIQUES ,    OU    DES   SYMPATHIES.    273 

s 

pareils,  pour  les  faire  coopérer  à  l'accomplissement  d'une 
même  action;  elle  fondait  ce  que  Barihez  appelait  des  syn- 
ergies. Il  est  enfin  des  sympathies  d'un  dernier  ordre,  qui 
n'offrent  plus  cette  unité  de  but,  mais  dans  lesquelles  des 
organes,  consécutivement  à  l'impression  qu'ils  reçoivent ,  à 
l'action  à  laquelle  ils  se  livrent,  modifient  plus  ou  moins 
des  organes  éloignés ,  irradiant  sur  eux  une  stimulation  ou 
favorable  ou  perturbatrice.  L'estomac,  par  exemple,  en  offre 
de  ce  genre;  cet  organe  ne  peut  souffrir  ou  agir,  sans  être  un 
point  de  départ  d'irradiations  diverses  sur  presque  toute 
l'économie  :  souffre-t-il  la  faim  ?  toutes  les  fonctions  sont 
languissantes  :  au  contraire ,  des  aliments  lui  sont-ils  four- 
nis, ou  même  seulement  un  pur  cordial,  un  tonique,  un 
verre  devin?  aussitôt  tous  les  organes  décèlent  une  éner- 
gie nouvelle.  Dans  les  deux  cas,  les  effets  ne  peuvent  être 
attribués  à  l'état  du  sang,  et  par  conséquent  à  des  rap- 
ports fonctionnels.  En  effet ,  lorsqu'on  ne  mange  pas  , 
et  qu'en  même  temps  la  faim  ne  sévit  pas  ,  la  faiblesse  des 
organes  est  bien  moindre  que  si,  lors  de  l'abstinence.,  la 
faim  se  fait  sentir;  et,  d'autre  part,  la  vigueur  nouvelle 
qu'on  éprouve  après  avoir  mangé ,  est  ressentie  immédiate- 
ment après  la  préhension  des  aliments,  long- temps  avant 
que  ces  aliments  soient  changés  en  sang,  lors  même  que  ces 
aliments  sont  insuffisants  pour  effectuer  cette  réparation,  et 
ne  constituent  qu'un  stimulant  gastrique.  Il  est  donc  cer- 
tain que.,  lorsque  l'estomac  agit,  ce  viscère  envoie  dans  tous 
les  organes  du  corps,  plus  ou  moins  loin,  des  irradiations 
qui  diffèrent  selon  le  caractère  et  la  mesure  de  son  action. 

Plusieurs  organes,  autres  que  l'estomac,  sont  évidemment 
dans  le  même  cas ,  et  ne  peuvent  agir  sans  modifier  par  irra- 
diation un  nombre  plus  ou  moins  grand  de  parties  éloi- 
gnées; l'utérus,  par  exemple.  On  a  même  dit  que  cela  était 
de  tous  les  organes  du  corps,  mais  dans  une  mesure  propor- 
tionnelle à  la  prédominance ,  à  l'importance  de  la  fonction  à 
laquelle  ils  se  livrent  :  d'où  il  résulterait  que  le  degré  d'ac- 
tivité de  toute  fonction  tiendrait,  d'abord  à  la  vitalité  in- 
trinsèque de  l'organe  propre  de  cette  fonction,  ensuite  à  la 
stimulation  que  produiraient  en  cet  organe  les  irradiations 
Tome  IV.  ,8 


3 74  DES    CONNEXIONS   DES    FONCTIONS, 

qu'il  recevrait  de  toutes  les  autres  parties  du  corps,  à  l'oc- 
casion de  leur  travail.  On  convenait  bien  que ,  pour  beau- 
coup d'organes  ,  ces  irradiations  ne  sont  pas  manifestes  :  mais 
on  disait  que  c'était  parce  qu'elles  étaient  peu  intenses;  ou 
parce  qu'émanant  d'organes  dont  les  fonctions  sont  conti- 
nues, elles  sont  elles-mêmes  continues,  et  par  conséquent 
inaperçues  ;  et  parce  qu'enfin ,  dans  les  deux  cas ,  leurs  effets 
se  confondent  avec  ce  qui  tient  à  la  vitalité  propre  des  or- 
ganes. On  arguait  de  l'état  de  maladie,  dans  lequel  ces  ir- 
radiations sympathiques  deviennent  évidentes;  et  l'on  éta- 
blissait que  ce  qui  se  fait  en  plus  dans  cet  état ,  a  lieu  aussi 3 
mais  en  moins ,  dans  l'état  de  santé.  Peut-être  cette  dernière 
proposition  est-elle  un  peu  hasardée;  mais  au  moins  il  est 
certain  que  beaucoup  d'organes  en  santé ,  et  tous  en  certains 
cas  de  maladie,  exercent  des  influences  sympathiques  du 
genre  de  celles  dont  nous  parlons  ici.  Or,  pour  signaler  ces 
sympathies,  il  suffit  d'avoir  égard  aux  considérations  suivan- 
tes :  l'examen  comparatif  des  âges;  la  comparaison  de  l'état 
d'action  avec  l'état  d'inaction  des  organes  dont  les  fonctions 
sont  intermittentes;  celle  des  divers  degrés  d'activité  des 
fondions;  celle  des  tempéraments;  et  l'examen  de  l'état  de 
maladie.  En  interrogeant  chacune  de  ces  circonstances,  nous 
mettrons  en  évidence  tous  les  rapports  sympathiques  de  ce 
dernier  ordre. 

A.  Souvent,  dans  la  succession  des  âges,  des  organes  jus- 
qu'alors peu  développés  et  inactifs,  tout  à  coup  crois- 
sent et  entrent  en  action.  Or,  si  ces  organes  sont  le  point 
de  départ  d'irradiations  sympathiques  générales  ou  spé- 
ciales ,  les  parties  qui  sont  le  terme  de  ces  irradiations 
prennent  plus  de  développement  elles-mêmes,  ou  décèlent 
plus  d'activité;  et,  comme  alors  un  état  nouveau  succède  à 
celui  qui  précédait,  les  rapports  sympathiques  sont  mani- 
festés. C'est  ainsi  qu'à  l'âge  de  la  puberté  ,  le  développement 
soudain  de  l'appareil  génital  retentit  plus  ou  moins  dans 
toute  l'économie ,  imprime  à  toutes  les  parties  plus  de  vi- 
gueur, fait  croître  sympathiquement  le  larynx  surtout,  et 
certaines  dépendances  du  système  pileux.  Il  est  vrai  qu'on 
peut  attribuer  une  partie  des  changements  qui  surviennent 


DES  RAPPORTS  SYMPATHIQUES,    OU    DES  SYMPATHIES.    275 

à  cet  âge,  à  l'état  nouveau  dans  lequel  est  le  sang  ,  par  suite 
de  la  sécrétion  nouvelle  qu'alimente  alors  ce  fluide ,  la  sécré- 
tion du  sperme  dans  le  sexe  mâle,  et  celle  des  ovules  dans  le 
sexe  femelle.  Mais,  sans  nier  que  l'état  nouveau  dans  lequel 
est  alors  le  sang,  n'ait  aussi  sa  part  d'influence  dans  les 
changements  survenus  dans  toute  l'économie  ,  lors  du  déve- 
loppement soudain  de  l'appareil  génital,  il  est  certain  que 
cet  appareil  a  concouru  aussi  à  les  produire  par  irradiation 
sympathicfue.  Que  de  fois,  en  effet,  les  organes  génitaux 
agissent  ainsi  !  cela  n'est-il  pas  évident ,  par  exemple,  pour 
l'utérus,  quand  il  exerce  ses  fonctions  de  menstruation  ,  de 
grossesse  ou  d'accouchement?  et  de  ces  cas,  où  l'irradiation 
sympathique  est  évidente ,  ne  peut-on  pas  conclure  au  cas  de 
la  puberté,  le  développement  brusque  qu'éprouvent  alors 
les  organes  génitaux  équivalant  à  leur  mise  en  jeu  ?  Aussi 
bien  que  l'âge  de  puberté,  nous  pouvons  citer  Ykge  dit  cri- 
tique,  cet  âge  auquel  les  organes  génitaux  se  flétrissent  et 
tombent  pour  jamais  dans  l'inaction;  alors  aussi  surviens 
nent  des  modifications  générales  dans  toute  l'économie,  mo- 
difications qui  sont  inverses  de  celles  que  nous  exposions 
tout  à  l'heure,  mais  qui  tiennent  au  même  principe.  Il  y  a 
plus  :  non-seulement  les  organes  génitaux  sont,  aux  deux 
temps  de  la  vie  que  nous  venons  de  citer,  le  siège  d'irradia- 
tions sympathiques,  qu'on  peut  d'autant  moins  contester 
qu'elles  sont  alors  manifestes;  mais  ils  le  sont  de  même  pen- 
dant toute  la  période  de  la  vie  dans  laquelle  ils  sont  actifs; 
seulement  les  effets  de  ces  irradiations  se  confondent  alors 
avec  ce  qui  tient  à  la  vitalité  propre  de  chaque  organe  ,  et  ils 
auraient  été  méconnus,  sans  ce  qu'ont  appris,  sur  la  puis- 
sance sympathique  de  ces  organes ,  les  deux  âges  que  nous 
venons  d'interroger.  Encore  est-il  une  expérience,  celle  de 
la  castration ,  qui  les  fait  reconnaître.  Si  l'homme  est  fait 
eunuque  dans  sa  première  enfance,  il  n'éprouve  pas  à  la 
puberté  les  changements  que  cet  âge  doit  amener.  Si  c'est 
postérieurement  à  l'âge  de  puberté  qu'il  a  été  castré,  il  a 
subi  dans  le  temps  les  mutations  qui  caractérisent  cet  âge  ; 
mais  souvent  alors  il  perd  graduellement  quelques-uns  des 
traits  physiques  et  moraux  qu'il  avait  acquis.  Cela  lui  arrive 


276  DES   CONNEXIONS   DES    PONCTIONS, 

d'autant  plus  promptement  et  plus  complètement,  qu'il 
souffre  la  mutilation  à  un  âge  plus  rapproché  de  celui  de  la 
puberté,  à  une  époque  de  la  vie  où  l'appareil  génital  est 
plus  actif,  et  qu'il  a  une  organisation  plus  impérieuse  sous 
ce  rapport.  Il  faut  donc  une  continuité  d'irradiations  sym- 
pathiques provenant  de  l'appareil  génital,  pour  entretenir 
les  formes  et  l'activité  que  le  premier  travail  de  cet  appareil 
avait  imprimées  à  toutes  les  parties;  et  ces  faits ,  non-seule- 
ment prouvent  la  continuité  d'irradiations  synfpathiques 
génitales,  mais  encore  peuvent  être  invoqués  comme  propres 
à  appuyer  l'idée  que  tous  les  organes  du  corps  sont  points 
de  départ  d'irradiations  sympathiques  semblables. 

Les  organes  génitaux  sont  les  seuls  qui,  relativement  à 
ce  premier  point  de  vue  si  propre  à  déceler  les  sympathies  , 
se  trouvent  dans  une  condition  aussi  heureuse.  Tous  les 
autres  en  effet  ont,  dès  avant  la  naissance,  commencé  la 
série  de  leurs  développements,  et  ]a  continuent  désormais 
jusqu'à  la  mort.  Ce  n'est  pas  que  dans  la  vie  ils  ne  changent 
sans  cesse,  croissant  d'abord,  puis  restant  à  peu  près  station- 
nantes, et  enfin  se  flétrissant ,  s'atrophiant  dans  la  vieillesse; 
dans  cette  succession  de  changements,  il  y  a  même  des  épo- 
ques où  leur  accroissement  et  leur  décroissement  deviennent 
plus  rapides;  dès  lors,  s'ils  sont  le  point  de  départ  d'irra- 
diations sympathiques,  les  effets  de  celles-ci  doivent  changer 
dans  tout  le  cours  de  la  vie,  comme  les  organes  changent 
eux-mêmes  ;  et,  pour  le  dire  en  passant,  cette  considération 
est  une  de  celles  auxquelles  il  faut  avoir  égard  dans  une 
théorie  physiologique  des  âges.  Mais  jamais  les  différences 
ne  sont  aussi  tranchées  que  pour  l'appareil  génital  ;  et 
comme  les  organes,  qui  sont  le  terme  de  l'irradiation  sym- 
pathique et  qui  en  développent  les  effets,  changent  eux- 
mêmes,  on  est  toujours  incertain  de  savoir  si  l'on  doit  rap- 
porter ces  effets  à  l'évolution  propre  de  ces  organes ,  ou  à 
l'irradiation  sympathique  qui  leur  arrive  d  autre  part. 

B.  Une  seconde  circonstance  qui  rend  manifestes  les  rap- 
ports sympathiques,  est  la  particularité  qu'offrent  certaines 
fonctions  de  n'être  jamais  exercées  que  d'intervalles  en  inter- 
valles, et  de  présenter  forcément  des  alternatives  d'activité 


DES  RAPPORTS  SYMPATHIQUES,    OU    DES  SYMPATHIES.    277 

et  de  repos.  En  effet ,  si  lors  de  l'exercice  de  ces  fonctions , 
apparaissent  tout  à  coup  dans  des  organes  éloignés,  et  sans 
aucuns  changements  directs  survenus  dans  ces  organes ,  des 
modifications  qui  n'existaient  pas  lors  de  l'intermittence  de 
ces  fonctions,  il  sera  évident  que  ces  modifications  seront 
survenues  sympathiquement  à  leur  occasion.  Or,  plusieurs 
fonctions  de  l'économie  sont  évidemment  intermittentes, 
les  actions  sensoriales  ,  la  digestion  ,  la  génération  ;  et  l'exa- 
men comparatif  de  leurs  temps  d'activité  et  de  repos  fournit 
un  moyen  de  reconnaître  la  puissance  sympathique  de  leurs 
organes.  D'abord,  nous  ne  ferons  que  mentionner  les  sens 
externes  :  ce  n'est  pas  que  leur  exercice  soit  continu  ;  il  est 
au  moins  interrompu  par  le  sommeil  ;  mais  cet  exercice  est 
si  inséparable  de  l'état  de  veille ,  qu'il  est  presque  continu , 
et  qu'il  est  partant  peu  facile  de  saisir  les  irradiations  sym- 
pathiques qui  en  résultent,  s'il  y  en  a;  ces  irradiations 
étant  habituelles,  et  leurs  effets  se  confondant  avec  ce  qui 
tient  à  la  vitalité  propre  de  chaque  organe,  doivent  être 
méconnues.  Nous  avons  d'ailleurs  parlé  déjà  dès  sympathies 
que  les  sens,  comme  organes  chargés  de  recueillir  les  im- 
pressions des  corps  externes,  exercent  sur  les  parties  dont 
la  fonction  réclame  un  rapport  avec  l'extérieur.  Il  y  a  plus 
à  dire,  touchant  les  facultés  intellectuelles  :  l'exercice  de 
l'intelligeDce  est  moins  obligé,  plus  évidemment  volon- 
taire, intermittent;  et  certainement,  selon  que  l'esprit  est 
en  travail  ou  en  repos,  l'économie  générale  présente  un 
état  différent.  Tantôt  l'irradiation  sympathique  qui  alors 
émane  du  cerveau,  est  une  stimulation  favorable  à  la  vie, 
à  l'exercice  des  fonctions;  comme  dans  tous  les  cas  où  l'ac- 
tivité de  l'esprit  n'est  qu'une  agréable  et  utile  distraction  : 
tantôt  au  contraire  elle  est  perturbatrice  des  fonctions, 
qu'elle  rend  languissantes  ,  ou  aux  organes  desquelles  elle 
imprime  un  érétisme  particulier.  Les  phénomènes  sont 
encore  plus  manifestes  en  ce  qui  concerne  les  facultés  affec- 
tives :  en  effet ,  toutes  les  expressions  qui  accompagnent  ir- 
résistiblement les  passions,  les  affections  de  Famé,  ne  sont 
que  les  suites  de  l'irradiation  sympathique  qui  émane  alors 
du  cerveau  ;  et  si  la  considération  de  la  puberté  a  prouvé  la 


278  DES   CONNEXIOINS    DES    FOJSCTIOKS. 

grande  puissance  sympathique  de  l'appareil  génital,  celle 
des  troubles  qui  suivent  les  passions,  prouve  celle  non  moins 
grande  qu'a  sous  ce  rapport  le  cerveau.  L'exercice  muscu- 
laire ,  qui  est  aussi  forcément  intermittent,  n'a  pas  une 
aussi  grande  influence;  cependant  la  stimulation  que  par 
irradiation  sympathique  il  peut  produire  sur  tous  les  or- 
ganes, doit  peut-être  compter  entre  les  causes  des  bons  ef- 
fets qu'il  a  la  santé.  Enfin,  s'il  est  vrai  que  le  corps,  pen- 
dant le  sommeil,  soit  plus  susceptible  de  se  refroidir  sous 
l'influence  du  milieu  ambiant,  s'il  résiste  moins  à  toutes  les 
influences  délétères ,  par  exemple  ,  et  est  plus  facilement  at- 
teint par  les  contagions;  ne  sont-ce  pas  là  des  preuves  que 
lors  de  la  veille,  les  divers  organes  sensoriaux,  et  surtout  le 
cerveau,  sont,  à  l'occasion  de  leur  exercice,  le  point  de 
départ  de  nombreuses  irradiations  favorables  à  la  vie  de 
tous  les  organes  ? 

Le  caractère  évidemment  intermittent  des  fonctions  de 
la  digestion  et  delà  génération,  fait  nettement  aussi  éclater 
la  puissance  sympathique  des  organes  principaux  de  ces 
fonctions.  Nous  avons  déjà  parlé  de  celle  de  l'estomac;  ce 
viscère  est  évidemment  au  premier  rang  à  cet  égard  ;  point 
de  départ,  dans  l'état  de  santé,  d'irradiations  sympathiques 
continuelles,  puisque  l'économie  paraît  comme  accablée 
dès  qu'il  souffre  la  faim ,  et  au  contraire  paraît  avoir  re- 
couvré toute  sa  force  dès  qu'il  travaille,  on  peut  dire  qu'il 
est  comme  le  point  d'appui  de  tous  les  organes  :  par  lui  se 
soutiennent  ou  faiblissent  les  forces  physiques,  s'exalte  ou 
manque  le  courage  moral,  selon  que  la  stimulation  qu'il 
reçoit  et  qui  va  promptement  retentir  au  loin,  est  dans  la 
mesure  normale ,  ou  maladive.  En  parlant  de  la  puissance 
sympathique  de  l'estomac,  pourrions-nous  taire  le  nom  de 
M.  B rous s ais ,  qui  l'a  si  bien  mise  en  lumière ,  tant  en  santé 
qu'en  maladie  ?  Celle  des  organes  génitaux  est  également 
incontestable;  celle  de  l'utérus,  par  exemple,  avait  été  re- 
connue dès  long-temps,  comme  le  prouvent  ces  axiomes  an- 
ciens ,  utérus  est  animal  vivens  in  muliere  ;  ici  quod  est 
mulier,  propter  uterum.  Voyez  quelles  modifications  géné- 
rales amènent  dans  toute  l'économie,  la  menstruation,  la 


DES  RAPPORTS   SYMPATHIQUES,    OU    DES  SYMPATHIES.    279 

grossesse  et  l'accouchement  !  A  chaque  époque  menstruelle, 
souvent  il  survient  un  petit  état  fébrile;  l'économie  entière 
des  femmes  est  troublée,  leur  moral  accuse  plus  de  suscep- 
tibilité, etc.  Lors  de  la  grossesse,  les  changements  sont  plus 
grands,  il  y  a  souvent  des   troubles  de  la  digestion,  de  la 
pensée,  nausées,  vomissements,  dégoût  pour  les  aliments, 
ou  appétits  bizarres,  dépravés,  etc.  Il  en  est  de  même  enfin 
dans  l'accouchement  :  qui  n'a  remarqué  combien,  dans  leurs 
couches ,  la  sensibilité  morale  des  femmes  est  plus  vive  et 
demande  à  être  ménagée?    La  puissance  sympathique  de 
l'utérus  est  dans  ces  cas  si  évidente,  elle  a  paru  si  grande, 
que  beaucoup  de  médecins  anciens  croyaient  qu'elle  se  con- 
servait de  même  dans  les  temps  de  repos,  dans  les  inter- 
valles des  menstruations  et  des  grossesses  ;  mais  ceci  est  une 
erreur  :  si  l'on  excepte  les  cas  où  une  constitution  éminem- 
ment erotique  entretient  dans  l'utérus  une  irritation  con- 
tinuelle,  la    puissance    sympathique  de   cet   organe   n'est 
énergique  que  lors  de  l'exercice  de  ses  fonctions  propres; 
dans  l'intervalle    de   ces  fonctions   il  est  aussi  passif  que 
tout  autre. 

C.  Ce  que  nous  venons  de  dire  des  alternatives  d'exercice 
et  d'inaction  des  organes  dont  la  fonction  est   forcément 
intermittente,  est  applicable  aussi  à  l'augmentation  ou  à 
la   diminution   d'activité   de   toute    fonction   quelconque» 
11   est  évident  que   si    des   organes  qui  exercent  naturel- 
lement   des    influences    sympathiques    voient    augmenter 
ou   diminuer   leur   action,    leurs   phénomènes   sympathi- 
ques augmenteront  ou  diminueront  aussi,   souvent  même 
seront  autres,    et    dès  lors  deviendront    manifestes.    Mais 
nous  ne   nous   arrêterons  pas  à  cette   considération.  D'un 
côté,   les  fonctions  dont  nous    pouvons  à  notre  gré  aug- 
menter ou   diminuer  l'activité,   sont  celles  sur  lesquelles 
notre  volonté  a  empire,   que   nous  avons  présentées  tout 
à  l'heure   comme   forcément  intermittentes;   et    la  consi- 
dération   de    leur    intermittence   a   suffi  pour   faire    res- 
sortir toutes  les  sympathies  qui  leur  appartiennent.  D'un 
autre  côté,   les  fonctions  sur  lesquelles   notre  volonté  n'a 
pas  prise,   ne  sont  augmentées  ou  diminuées  que  par  des 


280  DES   CONNEXIONS    DES    FONCTIONS. 

causes  organiques;  et  leurs  irradiations  sympathiques,  si 
l'on  veut  qu'elles  en  exercent,  ne  diffèrent  pas  assez  de  ce 
qu'elles  sont  dans  la  mesure  habituelle  d'activité,  pour  être 
sensibles,  sauf  l'état  de  maladie. 

D.  La  considération  des  tempéraments  peut  aussi  être  pré- 
sentée comme  propre  à  déceler  les  sympathies.  Les  tempé- 
raments en  effet  consistent  dans  la  prédominance  ou  l'infé- 
riorité respective  de  quelques-uns  des  organes ,  des  systèmes 
du  corps  ;  et  si  l'organe  ou  le  système  qui  a  un  excès  ou  un 
moindre  degré  de  développement  et  d'activité ,  est  de  ceux 
qui  exercent  des  influences  sympathiques  évidentes,  on 
conçoit  que  celles-ci  devront  être  aussi  plus  ou  moins  pro- 
noncées. La  considération  de  ces  rapports  sympathiques  est 
certainement  un  des  principaux  éléments  de  la  théorie 
physiologique  des  tempéraments.  C'est  ainsi  que,  dans  le 
tempérament  erotique,  caractérisé  par  l'excès  de  dévelop- 
pement et  d'activité  de  l'appareil  génital ,  les  effets  de  la 
réaction  sympathique  de  l'appareil  génital  sur  l'économie 
sont  bien  plus  marqués,  et  que  se  trouve  confirmé  ce  que 
l'observation  de  l'âge  de  la  puberté  a  appris  sur  la  puissance 
sympathique  de  cet  appareil. 

E.  Mais  ce  qui  sans  contredit  met  le  plus  en  évidence  les 
sympathies 3  c'est  l'état  de  maladie.  Tout  organe  malade  est 
dans  une  condition  de  structure  et  d'action ,  autre  que  celle 
qui  lui  est  ordinaire;  et  souvent  alors,  ou  il  a  acquis  une 
puissance  sympathique  qu'il  ne  manifestait  pas  dans  l'état 
de  santé  ,  ou  il  détermine  des  effets  sympathiques  plus  forts 
ou  autres  que  ceux  qu'il  produisait  dans  Fétat  normal  ;  de 
sorte  que,  dans  les  deux  cas,  les  phénomènes  sont  mani- 
festes. Voyez  la  maladie  d'un  des  solides,  d'un  des  organes 
du  corps;  pour  peu  que  cette  maladie  soit  intense,  qu'elle 
consiste  surtout  en  une  augmentation  morbide  de  l'action 
vitale  normale,  elle  entraîne  sympa  thiquement  des  souffran- 
ces dans  beaucoup  d'organes  éloignés  :  cessant  d'être  bornée  à 
la  partie  malade,  cette  maladie  se  généralise;  l'appareil  gas- 
trique reçoit  des  premiers  les  effets  de  l'irritation  sympathi- 
quement  transmise ,  l'appétit  cesse  et  est  remplacé  par  la 
soif,  il  y  a  nausée  ou  douleur  à  Pépigastre;  l'encéphale  estât- 


DES  RAPPORTS    SYMPATHIQUES,    OU    DES  SYMPATHIES.    28  J 
teint  aussi,  d'où  la  céphalalgie,  le  trouble,  la  langueur  des 
fonctions  intellectuelles  ;  il  en  est  de  même  des  autres  fonc- 
tions, la  circulation  est  activée,  la  respiration  se  presse;  il 
y  a  des  douleurs  dans  les  membres ,  chaleur  à  la  peau  ,  en 
un  mot,  ce  qu'on  appelle^èwe.  C'est  ainsi  qu'on  voit  la 
fièvre  survenir  à  l'occasion  d'une  simple  plaie  à  la  peau  : 
nous  choisissons  cet  exemple  d'une  affection  la  plus  locale 
possible,   pour  faire  entendre  comment,  par  les  rapports 
sympathiques,  une  maladie  se  généralise.  C'est  en  effet  par 
les  sympathies  que  les  maladies  des  solides  deviennent  géné- 
rales; une  maladie  primitivement  générale,  ne  peut  avoir 
son  siège  que  dans  les  fluides;  mais  une  maladie  des  solides 
est  toujours  primitivement  locale  ,  elle  a  toujours  son  point 
de  départ  dans  un  seul  organe,  et  elle  ne  devient  générale 
que  lorsque  cet  organe  lésé  irradie  au  loin  l'affection  dont 
il  est  atteint ,  et  détermine  sympathiquement  les  désordres 
généraux  dont  l'ensemble  est  appelé^zèwe.  Ce  n'est  pas  que 
nous  croyions  que  toute  fièvre  est  toujours  sympathique,  et 
qu'ainsi  nous  rejetions  tout -à-fait  i'essentialité  des  fièvres. 
Cette  importante  question  médicale,  sur  laquelle  le  débat 
est  aujourd'hui  ouvert,  n'appartient  pas  à  mon  sujet,  et 
je  n'ai  pas  à  m'expliquer  sur  elle;   je  dirai  seulement  que 
la  fièvre,  considérée  comme  une  maladie  des  solides,  n'est 
jamais  selon  moi  qu'un  effet  de  rapports  sympathiques ,  et 
que  si  la  fièvre  est  quelquefois  une  maladie  essentielle  et 
générale,  ce  n'est  qu'autant  qu'elle  consiste  dans  quelque 
altération  des  fluides,  du  sang.   Toutefois,   dans  l'état  de 
maladie,  les  phénomènes  sympathiques  sont  manifestes;  et 
c'est  à  cause  de  cela  que  c'est  plus  cet  état  que  celui  de 
santé  qu'il  faut  consulter  pour  connaître  les  liens  sympa- 
thiques.   Ce   n'est   pas  que   les  sympathies   pathologiques 
soient  absolument  un  symbole  des  sympathies  physiologi- 
ques;  tel  organe  qui,   en  santé,  n'exerce  aucune  irradia- 
tion sensible,  produit  beaucoup  de  phénomènes  sympathi- 
ques, lorsqu'il  est  malade.  Mais,  sans  parier  de  la  nécessité 
de  l'étude  des  sympathies  pathologiques  pour  la  médecine 
pratique,  cette  étude  est  utile  à  la  physiologie.  D'un  côté, 
toute  sympathie  pathologique  prouve  une  connexion  entre 


282  DES  CONNEXIONS   DES   FONCTIONS, 

les  organes  qui  sympathisent;  et,  comme  cette  connexion 
n'a  pas  été  établie  parla  maladie,  mais  existait  primitive- 
ment, c'est  toujours  une  notion  utile  à  acquérir  pour  ap- 
profondir complètement  le  système  de  notre  économie.  D'un 
autre  côté,  la  considération  de  ces  sympathies  pathologi- 
ques peut  servir  à  faire  pénétrer  quel  tissu  du  corps  établit 
les  liens  sympathiques,  et  par  quel  mécanisme.  Présentons 
donc  quelques  généralités  sur  elles. 

De  même  qu'en  santé,  certains  organes  paraissent  agir, 
sans  que  leur  travail  détermine  aucunes  modifications  sym- 
pathiques dans  les  parties  éloignées,  de  même  aussi  certaines 
maladies  restent  locales.  Mais  le  plus  souvent  cela  n'est  pas , 
et  l'organe  qui  est  malade  produit  au  loin  des  troubles 
sympathiques  ,  qui  généralisent  plus  ou  moins  la  maladie. 
Deux  circonstances  influent  sur  ce  dernier  effet,  la  structure 
et  la  vitalité  de  l'organe  qui  est  le  siège  du  mal,  et  la  nature 
de  la  maladie. 

i°  Pour  apprécier  ce  qui  est  des  organes,  il  faut  les  con- 
sidérer selon  qu'ils  sont  le  point  de  départ,  ou  le  terme  des 
irradiations  sympathiques.  C'est  ce  que  Tissot  et  Bichat 
distinguent  sous  les  noms  de  sympathies  actives  el  passives. 
Un  organe  est  en  sympathie  active,  quand  l'acte  organique 
auquel  il  se  livre  actuellement  détermine  en  d'autres  or- 
ganes des  modifications  sympathiques  ;  et  au  contraire  un 
organe  est  en  sympathie  passive,  quand,  recevant  l'irra- 
diation sympathique,  il  développe  le  phénomène  qui  con- 
stitue la  sympathie.  Tous  les  organes  peuvent  plus  ou  moins 
être  points  de  départ  de  sympathies  pathologiques;  voyez 
l'inflammation  des  os  eux-mêmes  déterminer  la  fièvre.  Mais, 
sans  contredit ,  ceux  qui  sont  au  premier  rang  sous  ce  rap- 
port, sont  ceux  qui  développent  en  santé  la  plus  grande 
puissance  sympathique,  comme  les  membranes  muqueuses, 
la  peau,  l'estomac,  le  cerveau,  etc.;  ce  qui  porte  à  croire 
que  les  sympathies  pathologiques  ne  sont  qu'une  exagé- 
ration des  sympathies  physiologiques.  Qu'une  membrane 
muqueuse  soit  irritée,  enflammée,  non-seulement  survient 
la  fièvre  ,  que  nous  avons  dit  n'être  que  l'ensemble  des 
souffrances  sympathiques  de  tous  les  organes;   mais  il  y  a 


DES  RAPPORTS  SYMPATHIQUES,    OU   DES  SYMPATHIES.    283 

tendance  à  ce  que  l'irradiation  sympathique    fasse  déve- 
lopper en  plusieurs  organes  éloignés  une  irritation,   une 
inflammation  semblable  à  celle  que  présente  la  membrane 
qui  est  le  point  de  départ  de  la  sympathie.  Ce  que  nous 
disons  ici  des  muqueuses,  doit  s'entendre  aussi  de  la  peau  , 
du  cerveau  ,  etc.  De  même  que  dans  la  santé,  chaque  organe 
avait  ses  sympathies  spéciales,  correspondait  plus  particu- 
lièrement avec  tel  autre;  de  même  ces  spécialités  se  mon- 
trent aussi  en  maladie;  et,  par  exemple  ,  l'inflammation  qui 
siège  en  un  organe  pair,  a  tendance  à  se  répéter  sympathi- 
quement  dans  l'organe  pair  de  l'autre  côté  du  corps;  celle 
qui  a  envahi  une  muqueuse ,  une  séreuse ,  tend  à  se  déve- 
lopper en  une  autre  muqueuse ,  une  autre  séreuse  ;  la  peau 
correspond  avec  les  membranes  muqueuses ,  et  vice  versa 
les  membranes  muqueuses  avec  la  peau  ,  etc.  Si  l'on  voulait 
faire  une  échelle  des  différents  tissus  et  organes  du  corps  , 
sous  le  rapport  de  leur  puissance  sympathique ,  et  consi- 
dérés comme  points  de  départ  d'irradiations  sympathiques , 
il  suffirait  d'observer  l'inflammation  aiguë  en  chacun  d'eux, 
et  de  noter  les  phénomènes  généraux  et  fébriles  ,  que  leur 
inflammation  développe  :  on  verrait  que  cette  puissance  est 
en  raison  de  la  structure  vasculaire  et  nerveuse  des  organes , 
et  de  leur  degré  de  sensibilité.  Beaucoup  d'organes  ne  com- 
mencent à  exercer  d'influence  sympathique ,  que  lorsque  la 
maladie  y  a  développé  la  douleur.  Considérés  comme  termes 
des  irradiations  sympathiques  ,  comme  étant  en  sympathies 
passives,  le  nombre  des  organes  qui  appellent  notre  atten- 
tion est  moins  grand  :  beaucoup  de  parties  en  effet  restent 
calmes  au  milieu  du  trouble  des  autres ,  et  paraissent  étran- 
gères à  leurs  souffrances.  Celles  qui  reçoivent  le  plus  fré- 
quemment et  le  plus  facilement  les  irradiations  sympathi- 
ques, sont  encore  celles  qui  ont  le  plus  de  pouvoir  pour 
en  envoyer;  savoir,  l'estomac,  le  cerveau,  les  membranes 
muqueuses  ,  la  peau  ,    etc.  Voyez  la  maladie  d'un  solide 
quelconque  éclater;  aussitôt  l'appétit  cesse,  et  est  remplacé 
par  le  dégoût  des  aliments;  la  langue  rougit  un  peu,  signe 
de  la  souffrance  sympathique  de  l'estomac  ;  la  tête  devient 
lourde,  pesante,   ou  même  il  y  a  céphalalgie;  il  y  a  des 


284  DES   CONNEXIONS   DES    FONCTIONS, 

alternatives  de  frisson  et  de  chaleur,  douleurs  contusives 
des  membres,  modifications  dans  les  excrétions  ,  etc.  C'est  à 
raison  de  cette  plus  grande  susceptibilité ,  qu'offrent  géné- 
ralement les  organes  que  nous  venons  de  citer,  à  répondre 
aux  irradiations  sympathiques ,  que   toutes  les  maladies , 
abstraction  faite  de  leurs  phénomènes  locaux ,  et  considérées 
seulement  dans  leurs  phénomènes  généraux,  se  présentent  à 
peu  près  avec  les  mêmes  traits ,  pour  les  gens  du  monde  au 
moins ,  car  le  médecin  exercé  saisit  bien  vite  les  spécialités  , 
dans  ce  tableau  en  apparence  semblable.  Ainsi  que  nous 
l'avons  dit,  l'organe  qui  reçoit  l'irradiation  sympathique 
a  tendance  à  répéter  l'acte  morbide  qui  a  causé  cette  irra- 
diation; et  c'est  ainsi  que  l'existence  d'une  inflammation, 
par  exemple ,   devient  la  cause   occasionelle  de  plusieurs 
autres.  La  chirurgie  nous  éclaire  ici  sur  ce  qui  arrive  en 
beaucoup  de  cas  de  pathologie  interne  :  une  inflammation 
existe  à  une  partie  extérieure  du  corps ,  consécutivement  à 
une  opération  faite;  et  sympathiquement  surviennent  des 
inflammations  d'organes  intérieurs,  des  gastrites ,  des  pneu- 
monies, des  pleurésies,  des  hépatites,  selon  que  l'estomac, 
le  poumon,  la  plèvre,  le  foie,  auront  eu  une  susceptibilité 
originelle  ou  acquise ,  qui  les  aura  rendus  plus  sensibles  à 
l'irradiation  sympathique.  Il  y  a  plus  :  l'organe  qui  s'est 
enflammé  sympathiquement,  peut  à  son  tour  devenir  point 
de  départ  d'irradiations  sympathiques ,  qui  vont  agir  sur 
d'autres  ou  même  sur  celui  qui  avai  t  été  le  premier  malade  ; 
de  sorte  que  la  connexion  que  la  nature  a  établie  en  Ire  nos 
organes ,  sans  doute  pour  la  plus  grande  perfection  de  notre 
corps ,    devient  aussi   une  cause   de   l'entretien  et    de   la 
propagation  des  maladies.  Souvent  l'impression  qui  déter- 
mine l'irradiation  sympathique ,  n'est  pas  capable  de  pro- 
duire une  maladie  dans  l'organe  qui  reçoit  cette  impression; 
et  c'est  au  contraire  la  partie  dans  laquelle  va  retentir  l'ir- 
radiation sympathique,  qui  développe  la  maladie  :  c'est  ce 
qui  arrive ,  par  exemple ,  quand  une  impression  de  froid  à 
la  peau  détermine  une  pleurésie.  Pour  tout  ce  qui  concerne 
cette  analyse  des  relations  sympathiques  des  organes  dans 
l'état  de  maladie,  la  science  doit  beaucoup  à  M.  Broussais. 


DES  RAPPORTS  SYMPATHIQUES,  OU  DES  SYMPATHIES.  s85 
Seulement  ce  professeur  a  posé  à  leur  égard  deux  proposi- 
tions qui  peuvent  être  contestées  :  l'une  est  que  toute  fièvre 
n'est  jamais  que  l'ensemble  des  phénomènes  sympathiques 
produits  par  l'irritation,  l'inflammation  d'un  solide  quel- 
conque, d'où  il  résulte  qu'il  ne  faut  plus  admettre  de  fièvres 
essentielles;  l'autre,  que  toute  fièvre  n'est  jamais  que  l'effet 
sympathique  d'une  irritation  ,  d'une  inflammation  de  la 
membrane  muqueuse  gastro- intestinale  ,  et  que,  si  une 
maladie  de  tout  autre  solide  du  corps  amène  la  fièvre  ,  ce 
n'est  qu'après  avoir  produit  préalablement ,  par  sympathie  , 
l'inflammation  de  cette  membrane.  Relativement  à  la  pre- 
mière de  ces  propositions,  nous  avons  déjà  dit  que  nous 
pensions  comme  M.  Broussais ,  si  l'on  ne  considère  la  fièvre 
que  comme  une  maladie  des  solides  ;  mais  que  si  quelquefois 
elle  est  un  effet  d'une  altération  des  fluides  ,  on  pourra 
continuer  de  la  dire  une  maladie  essentielle.  Ouant  à  la 
seconde  ,  tout  en  convenant  que  la  muqueuse  gastro-intesti- 
nale est,  de  toutes  les  parties  du  corps,  une  des  plus  promptes 
à  répondre  aux  irradiations  sympathiques ,  il  ne  nous  paraît 
pas  certain  que  ce  soit  son  affection  seule  qui  détermine  la 
fièvre;  il  nous  semble  que  cet  état  succède  à  toute  irritation 
un  peu  vive  :  la  fièvre  ne  survient-elle  pas  à  l'occasion 
d'une  plaie,  d'un  panaris?  et  dans  tous  les  cas  où  il  y  a 
fièvre,  y  a-t-il  toujours  gastrite?  Si  l'irradiation  sympa- 
thique doit  aller  retentir  d'abord  dans  un  premier  organe  , 
pour  que  ses  effets  soient  ensuite  propagés  à  toute  l'écono- 
mie ,  et  pour  qu'elle  détermine  la  fièvre  ,  loin  de  présenter 
l'estomac  comme  étant  cet  organe  important ,  je  croirais 
plutôt,  avec  M.  Georget ,  que  c'est  le  cerveau.  Mais  ceci 
touche  à  la  question  du  mode  de  transmission  des  sympa- 
thies, et  nous  y  reviendrons  ci-après. 

2°  Ce  n'est  pas  seulement  la  structure  et  la  vitalité  des 
organes  qui  décident  si  ces  organes  seront  en  maladie  le  point 
de  départ  d'irradiations  sympathiques;  c'est  encore  la  na- 
ture de  la  maladie.  En  général,  toutes  les  maladies  qui  con- 
sistent en  une  augmentation  vive  et  survenue  rapidement 
du  mouvement  vital  normal ,  s'accompagnent  de  phéno- 
mènes sympathiques;  et,  comme  on  le  conçoit,  l'intensité 


286  DES   CONNEXIONS    DES   FONCTIONS, 

des  phénomènes  sympathiques  sera  en  raison  du  degré  d'aug- 
mentation. Si,  au  contraire,  îes  maladies  consistent  dans 
une  diminution  du. mouvement  vital ,  il  n'y  a  pas  ,  ou  moins 
de  phénomènes  sympathiques.  Il  en  est  de  même  pour  les 
maladies  dans  lesquelles  l'altération  a  commencé  avec  peu 
d'activité ,  et  s'est  continuée  avec  une  extrême  lenteur. 
Quelles  différences  entre  les  maladies  chroniques  et  les  ma- 
ladies aiguës  !  Vovez  de  même  ce  qu'on  appelle  les  maladies 
organiques  ?  l'absence  de  tous  phénomènes  locaux  et  géné- 
raux les  fait  méconnaître  dans  leur  principe  ;  et  ce  n'est  que 
lorsqu'elles  ont  fait  assez  de  progrès  pour  produire  la  dou- 
leur, que  les  effets  sympathiques  commencent  à  se  montrer. 
Ce  que  nous  disons  ici  de  l'influence  exercée  par  la  nature 
de  la  maladie  est  si  vrai,  que  les  organes  qui ,  en  santé,  et 
dans  les  maladies  les  plus  aiguës ,  décèlent  le  plus  de  puis- 
sance sympathique ,  paraissent  alors  muets  :  que  d'altéra- 
tions organiques  de  l'estomac  ,  par  exemple,  qui  ne  sont  pas 
soupçonnées  dans  leur  principe  ,  et  que  rien  n'avait  annon- 
cées dans  tout  le  cours  de  la  vie  ! 

Nous  bornerons  à  ces  considérations  ce  que  nous  avons  à 
dire  sur  les  sympathies  pathologiques ,  et,  ayant  énuméré 
tous  les  rapports  sympathiques  que  présente  le  corps  hu- 
main, nous  allons  rechercher  à  quelle  condition  organique 
ils  sont  dus ,  quel  est  le  système  du  corps  qui  en  est  l'agent. 
Il  est  certain  que  les  sympathies  ont  leur  cause  dans  l'orga- 
nisation ;  ce  n'est  pas  à  l'époque  actuelle  qu'il  est  besoin  de 
prouver  que  tout  phénomène  de  vie  doit  être  rattaché  à  la 
structure.  Dire  des  sympathies,  avec  TVhylt ,  qu'elles 
sont  un  résultat  de  l'arae ,  et  avec  M.  Roux,  qu'elles  sont 
indépendantes  de  toute  connexion  organique;  c'est,  dans  le 
premier  cas ,  se  payer  d'un  mot ,  et  dans  le  second,  donner 
à  la  force  vitale  que  nous  montrerons  n'être  qu'une  abstrac- 
tion ,  une  existence  indépendante  de  l'organisation.  Certai- 
nement un  des  systèmes  du  corps  est  l'agent  des  rapports  im- 
portants dont  nous  traitons  ici;  mais  quel  est  ce  système? 

On  a  tour  à  tour  présenté  comme  tel  les  membranes ,  le 
tissu  cellulaire,,  les  vaisseaux  sanguins,  et  les  nerfs;  parce 
que  ces  parties  sont  les  plus  généralement  répandues  dans 


DES  RAPPORTS  SYMPATHIQUES,  OU  DES  SYMPATHIES-  287 
toute  l'économie,  et  celles  qui  paraissent  davantage  former 
des  systèmes  continus.  Plusieurs  physiologistes,  confondant 
sous  le  nom  de  sympathies  tous  les  genres  de  rapports,  ont 
même  invoqué  à  la  fois,  pour  leur  explication,  le  concours 
de  ces  quatre  parties.  Mais  nous  croyons  que  le  système  ner- 
veux en  est  seul  l'agent.  D'abord,  est-îl  possible  aujourd'hui 
d'admettre  que  les  sympathies  soient  établies  par  le  moyen 
des  membranes  ?  Ces  membranes  sont  des  organes  très  divers 
par  la  structure,  la  vitalité;  elles  forment  autant  d'organes 
isolés,  distincts;  et  l'on  ne  peut  leur  rapporter  l'accom- 
plissement d'un  usage  aussi  spécial  qu'est  celui  qu'on  leur 
attribue  ici.  Cette  idée  est  évidemment  une  suite  de  l'opi- 
nion erronée  que  Baglivi  s'était  faite  de  leur  distribution 
anatomique,  de  leur  dérivation  de  la  dure- mère;  et  elle  a 
dû  être  abandonnée  dès  que  cette  opiniou  a  été  démontrée 
fausse.  En  vain  arguera-t-on  des  sympathies  que  nous  avons 
signalées  entre  certaines  parties  d'une  même  membrane, 
ou  entre  des  membranes  diverses  ?  le  premier  fait  combat 
la  théorie  à  l'appui  de  laquelle  on  le  cite;  et,  quant  au  se- 
cond, il  ne  prouve  rien,  sinon  que  les  membranes,  comme 
tous  les  autres  organes  du  corps ,  peuvent  être  points  de 
départ  ou  termes  d'irradiations  sympathiques. 

Nous  rejetterons  de  même  la  théorie  qui  attribuait  les 
sympathies  au  tissu  cellulaire,  qui  faisait  de  ces  sympathies 
des  séries  de  mouvements  oscillatoires  propagés  par  le  tissu 
cellulaire.  Cette  théorie,  due  à  Bordeu,  repose  encore  sur 
les  idées  hypothétiques  que  ce  médecin  s'était  faites  de  ce 
tissu  ,  et  conséquemment  doit  être  abandonnée  avec  ces 
idées.  On  ne  croit  plus  aujourd'hui  que  le  tissu  cellulaire 
soit  un  organe  mobile  et  sensible ,  continuellement  en  proie 
à  des  dilatations  et  resserrements,  et  imprimant  aux  hu- 
meurs qui  remplissent  ses  cellules  des  courants  divers.  Sans 
doute  le  tissu  cellulaire  forme  un  tout  continu,  comme 
constituant  un  des  éléments  des  organes,  et  comme  étant 
jeté  dans  leurs  intervalles  en  guise  de  spongiosité  pour  en 
remplir  les  vides;  sans  doute  il  peut  se  faire  des  transports 
mécaniques  d'humeurs  à  travers  ses  cellules ,  qui  toutes 
communiquent  entre  elles.  Mais  ce  n'est  pas  par  son  inter- 


288  DES    CONNEXIONS    DES    FONCTIONS, 

médiaire  que  sont  établis  les  rapports  sympathiques  ;  ceux-ci 
éclatent  très  rapidement,  ils  laissent  insensibles  et  muets 
les  organes  intermédiaires  à  ceux  qui  sympathisent  ;  et 
ces  traits  ne  peuvent  convenir  à  l'action  du  tissu  cellu- 
laire, qu'on  faisait  agir  mécaniquement,  lentement  et  par 
voie  de  continuité. 

Le  système  vasculaire  devait  paraître  propre  à  établir  les 
liens  svmpathiques  ;  il  se  répand  en  effet  dans  toutes  les  par- 
ties du  corps,  et  les  unit  toutes.  Cependant  je  suis  sûr  que 
la  seule  énumération  que  nous  avons  donnée  des  sympa- 
thies, suffit  pour  faire  voir  que  ce  système  n'en  peut  être 
l'agent.  On  peut  le  concevoir  comme  présidant  à  des  rap- 
ports fonctionnels,  mais  non  à  des  connexions  dont  les  effets 
sont  aussi  rapides  que  ceux  des  sympathies,  et  qui  ne  por- 
tent pas  sur  des  parties  intermédiaires  à  celles  qui  sont  as- 
sociées. En  vain  on  a  voulu  expliquer  la  liaison  de  l'utérus 
avec  les  mamelles  ,  par  le  moyen  de  l'artère  épigastrique , 
unie  d'un  côté  aux  artères  utérines,  et  de  l'autre  aux  ar- 
tères mammaires  :  certainement  ce  n'est  pas  par  cette  voie 
que  se  fait  sur  le  sein  la  fluxion  sanguine  qui  alimente  la 
sécrétion  laiteuse;  et,  à  supposer  que  cela  fut,  cela  n'expli- 
querait pas  la  sympathie,  caria  stimulation  sympathique  a 
précédé,  et  la  fluxion  sanguine  n'en  est  que  le  produit. 

Ainsi ,  des  quatre  systèmes  organiques  que  les  auteurs 
ont  présentés  comme  agents  présumables  des  sympathies,  en 
voilà  trois  auxquels  on  ne  peut  attribuer  cet  office;  et  cela 
seul  déjà  est  une  raison  à  faire  valoir  en  faveur  de  l'idée 
qui  en  présente  le  quatrième,  le  système  nerveux,  comme 
l'instrument.  Mais,  de  plus,  que  de  considérations  viennent 
appuyer  cette  idée!  Le  système  nerveux  forme  réellement 
un  tout  qui  est  continu,  et  dont  toutes  les  parties  sont 
liées.  Indépendamment  des  nombreuses  anastomoses  qu'of- 
frent les  nerfs  entre  eux ,  toutes  les  parties  de  ce  système 
sont  au  moins  associées  par  l'intermédiaire  de  sa  partie 
centrale,  le  cerveau,  partie  à  laquelle  tout  va  aboutir,  et 
qui  d'autre  part  irradie  une  influence  jusqu'aux  dernières 
extrémités  du  système.  Toutes  les  actions  propres  à  ce 
système  s'accomplissent  avec  la  rapidité  de  l'éclair;  et  dans 


DES    RAPPOPiTS  SYMPATHIQUES,    OU    DES  SYMPATHIES.    289 
toutes  il  a  semblé  être  parcouru  par  des  courants,  dont  la 
vélocité   avait   de   quoi  étonner  l'imagination.   C'est  ainsi 
que  la  conduite  des  impressions  sensi rives  des  extrémités 
des  nerfs  au  cerveau,  pour  la  production  des  sensations  ,  et 
celle  des  volitions  du  cerveau  aux  muscles  pour  la  produc- 
tion des  mouvements  volontaires ,  ont  montré  ce  système 
communiquant  avec  rapidité  d'un  de  ses  points  à  un  autre. 
C'est  ainsi  que  la  loi   de  fluxion  a  appelé  en  un  instant 
incommensurable  plus  de  fluide  nerveux  ou  moteur  sur  une 
partie  irritée ,  qu'il  n'en  était  envoyé  lors  de  l'inaction  de 
cette  partie;  et  que  par  la  loi  de  balancement  la  mesure 
de  dépense  nerveuse  faite  par  un  organe  a  influé  presque 
instantanément  sur  celle  faite  par  d'autres  organes.  Il  nous 
semble  que  ces  faits  ont  une  assez  grande  analogie  avec  ceux 
qui  fondent  les  sympathies,  et  doivent  rendre  très  probable 
que  c'est  le  système  nerveux  qui  en  est  l'agent.  Aussi  est-ce 
une  opinion  presque  universellement  admise  aujourd'hui; 
et  si,  jadis  'on  fit  à  cette  opinion  diverses  objections ,  on  verra 
que  ces  objections  portaient  plus  sur  le  mécanisme  selon 
lequel  le  système  nerveux  établit  les  sympathies,  que  sur 
l'idée  qui  présente  ce  système  comme  en  étant  l'instrument. 
En  procédant  par  la  méthode  d'exclusion  ,  on  ne  voit  pas 
dans  l'économie  d'autre  agent  possible  des  sympathies.  Il 
reste  à  rechercher  le  mécanisme  par  lequel  il  établit  des 
rapports  aussi  merveilleux. 

Le  système  nerveux  ne  paraît  pouvoir  établir  les  liens 
sympathiques  que  de  deux  manières  :  ou  parce  que  les  par- 
ties qui  sympathisent  reçoivent  des  ramifications  des  mêmes 
troncs  nerveux,  ou  sont  unies  par  des  anastomoses  ner- 
veuses; ou  parce  que  l'irradiation  nerveuse,  qui  émane  de 
l'une  des  parties,  va  aboutir  au  centre  cérébral  ,  d'où 
elle  est  ensuite  réfléchie  dans  toutes  les  dépendances  du 
système,  de  telle  manière  cependant  que  certains  orga- 
nes sont  plus  que  d'autres  modifiés  par  cette  réflexion.  Il 
est  même  probable  que  les  divers  phénomènes  sympathi- 
ques sont  produits ,  les  uns  par  le  premier  de  ces  modes , 
les  autres  par  le  second  ;  d'où  la  distinction  faite  de  deux 
espèces  de  sympathies ,  les  sympathies  directes,  et  les  sym- 

TOME  IV.  19 


290  DES   CONNEXIONS    DES    FONCTIONS. 

pathies  cérébrales.  Certainement  il  y  a  des  phénomènes 
sympathiques  qui  sont  dus  à  ce  que  les  parties  qui  sym- 
pathisent reçoivent  leurs  nerfs  d'un  même  tronc,  ou  ont 
leurs  nerfs  unis  par  des  anastomoses.  C'est  à  cette  cause, 
par  exemple,  que  les  membranes  muqueuses  doivent  d'irra- 
dier à  la  membrane  musculeuse  qui  leur  est  susjacente , 
l'impression  qu'elles  ont  reçue.  C'est  également  ainsi 
qu'une  douleur  d'oreille  détermine  une  odontalgie  ,  et,  vice 
versa,  que  des  douleurs  de  dents  se  propagent  à  l'oreille; 
ce  fait  est  dû  à  l'anastomose  qui  existe  entre  le  nerf  facial  et 
le  nerf  lingual,  et  qui  est  connue  sous  le  nom  de  corde  du 
tympan.  TNous  pourrions  citer  plusieurs  autres  sympathies 
analogues  ;  et  probablement  que  le  nombre  des  sympathies 
explicables  par  ce  mode^  augmentera  à  mesure  que  l'on  con- 
naîtra mieux  la  distribution  des  nerfs.  Il  est  intéressant  pour 
cela  de  rechercher,  dans  l'étude  de  ce  système,  la  destination 
des  plus  petits  filets.  Croit-on  ,  par  exemple  ,  que  ce  soit  sans 
nécessité  que  la  nature  ait  affecté  les  trois  divisions  d'un  même 
nerf,  la  cinquième  paire,  aux  sens  de  la  vue,  de  l'odorat  et 
du  goût  ?  et  n'est-il  pas  probable  que  cette  disposition  a 
influence  sur  les  rapports  sympathiques  de  ces  trois  sens  ? 
Peut-on  croire  aussi  que  ce  soit  sans  importance  pour  les 
connexions  des  parties,  que  les  nerfs  vagues  et  grands  sym- 
pathiques se  distribuent  à  presque  toutes  à  la  fois  ?  et  n'était- 
elle  pas  fondée  la  conjecture  que  l'inspection  seule  de  ces 
nerfs  avait  inspirée  aux  anciens ,  et  en  suite  de  laquelle  ils 
les  nommèrent  nerfs  grand  et  petit  sympathiques .  Il  est  diffi- 
cile d'observer  la  distribution  du  nerf  vague  au  larynx,  au 
poumon ,  au  cœur  et  à  l'estomac,  sans  soupçonner  que  cette 
distribution  ne  tende  à  établir  des  connexions  entre  ces  di- 
verses parties  ;  et  à  plus  forte  raison ,  doit-on  penser  de  même 
à  l'égard  du  grand  sympathique  ?  La  grande  difficulté  est  de 
tracer  la  route  des  irradiations  sympathiques,  au  travers  de 
ces  entrelacements  vraiment  inextricables. 

Cependant  il  ne  faut  pas  admettre,  avec  Vieussens , 
Meckel,  Boërhaave ,  que  c'est  exclusivement  de  cette  ma- 
nière que  sont  établies  toutes  les  sympathies  ;  et  probable- 
ment le  nombre  de  celles  qui  sont  établies  par  Finterven- 


DES  RAPPORTS  SYMPATHIQUES,    OU   DES  SYMPATHIES.    291 

tion  cérébrale  est  bien  plus  grand.  En  effet,  beaucoup  de 
phénomènes  sympathiques  ne  peuvent  se  concevoir  dans  ce 
système  d'une  communication  directe  des  nerfs  ;  et  ce  sy- 
stème,  en  outre,  présente  en  plusieurs  points  de  grandes 
difficultés.  Par  exemple,  beaucoup  départies  qui  reçoivent 
des  nerfs  d'un  même  tronc,  ne  sympathisent  pas;  et  au 
contraire,  beaucoup  de  parties  qui  ne  reçoivent  aucuns 
nerfs  communs,  sympathisent.  La  pluralité  des  systèmes 
nerveux  est  un  fait  presque  généralement  admis;  on  dis- 
tingue au  moins ,  depuis  Bichat ,  les  systèmes  nerveux  ani- 
mal j  et  organique  :  or,  beaucoup  de  parties  qui  sympathi- 
sent, reçoivent  chacune  des  nerfs  de  l'un  et  l'autre  système, 
et  sont  séparées  par  des  parties  qui  sont  dans  le  môme  cas  ; 
de  sorte  qu'il  faudrait  admettre  que  l'irradiation  se  transmet 
avec  une  égale  facilité  ,  et  cela  ,  à  plusieurs  reprises  ,  à  tra- 
vers des  systèmes  différents.  Si  ce  sont  les  ramifications 
nerveuses,  et  les  communications  anastomotiques,  qui  pro- 
duisent les  sympathies,  pourquoi  toutes  les  parties  que  vi- 
vifient les  ramifications  d'un  même  nerf,  ne  sympathisent- 
elles  pas  ?  pourquoi  la  sympathie  n'est-elle  pas  réciproque  ? 
Souvent  en  effet ,  l'organe  qui  reçoit  une  irradiation  symna- 
thique  spéciale,  n'est  pas  apte  à  en  exercer  une  réciproque  sur 
celui  qui  l'influence;  par  exemple,  îe  rectum  appelle  symna» 
Iniquement  à  son  aide  le  diaphragme,  et  une  stimulation  du 
diaphragme  est  sans  influence  sur  le  rectum.  D'ailleurs  la 
naissance  des  nerfs  d'un  même  tronc,  ou  leur  union  par 
des  anastomoses ,  est  une  chose  illusoire;  car  les  plus  petits 
filets  ne  se  communiquent  pas ^  il  n'y  a  que  rapprochement 
entre  eux;  et  si  ce  rapprochement  suffit  pour  produire  des 
sympathies,  comment  concevoir  pourquoi  il  n'en  existe  pas 
davantage,  et  pourquoi  il  ne  survient  pas  pour  la  moindre 
cause  des  troubles  plus  nombreux  ?  Ajoutons  que  toute  sym- 
pathie exige  quelque  chose  de  spécial  dans  l'irradiation  qui 
la  détermine.  C'est  à  raison  de  toutes  ces  difficultés,  que 
quelques  physiologistes,  non-seulement  avaient  rejeté  la 
théorie  qui  explique  les  sympathies  par  les  communications 
directes  des  nerfs ,  mais  encore ,  ainsi  que  nous  l'avons  dit , 
avaient  nié  que  le  système  nerveux  eût  part  en  rien  à  leur 


392  DES   CONNEXIONS    DES    FONCTIONS, 

production.  Mais  il  est  évident  que  ces  difficultés  ne  détrui- 
sent aucune  des  raisons  qui  nous  ont  fait  admettre  le 
système  nerveux  comme  la  cause  matérielle  des  sympa thies, 
et  qu'elles  ne  sont  puissantes  que  contre  le  dogme  qui  ne 
reconnaissait  que  des  sympathies  directes ,  et  qui  niait  les 
sympathies  cérébrales. 

Je  crois,  avec  TVillis,  Perrault,  Astruc,  H  aller ,  parmi  les 
anciens,  MM.  Broussaiset  Georget,  parmi  nos  contemporains, 
que  la  plupart  des  sympathies  se  font  par  rintermédiaire  du 
cerveau.  L'impression  qu'éprouve  l'organe  qui  est  le  point 
de  départ  de  la  sympathie ,  va  d'abord  retentir  au  cerveau  ; 
de  là  elle  est  l'éfléehie  dans  tout  le  système  ;  et  chaque  par- 
tie en  est  plus  ou  moins  modifiée  selon  sa  mesure  de  sensibi- 
lité, de  susceptibilité.  Évidemment  le  besoin  de  respirer  ar- 
rive au  cerveau,  puisqu'il  y  est  perçu;  et  évidemment  encore, 
c'est  consécutivement  à  cette  perception,  que  le  cerveau 
ordonne  les  mouvements  respirateurs.  Or,  les  phénomènes 
ne  s'enchaînent-ils  pas  de  la  même  manière,  quand  une  ir- 
radiation de  la  membrane  muqueuse  pulmonaire  ou  nasale, 
détermine  la  toux,  ou  l'éternuement?  Quand  il  y  a  syn- 
cope ,  suspension  momentanée  des  contractions  du  cœur,  et 
qu'en  aspergeant  de  l'eau  froide  au  visage,  ou  irritant  la 
pituitaire  par  la  vapeur  de  l'ammoniaque ,  on  fait  cesser  la 
syncope  ;  n'est-ce  pas  que  l'impression  irritante  qu'on  a  dé- 
terminée, a  d'abord  retenti  au  cerveau,  puis  a  été  réfléchie 
dans  tout  le  système,  et  par  conséquent  dans  les  nerfs  du 
cœur,  qui  aura  ainsi  été  provoqué  à  reprendre  son  service  ? 
Quand  une  affection  se  propage  sympathiquement  de  l'or- 
gane pair  d'un  des  côtés  du  corps,  à  Forgane  pair  de  l'autre 
côté,  peut-il  y  avoir  un  intermédiaire  autre  que  le  cerveau  ? 
N'est-on  pas  en  droit  de  conjecturer  le  même  intermédiaire, 
pour  toutes  les  relations  sympathiques  entre  organes  de 
structure  et  de  fonctions  analogues?  En  ce  cas,  l'irradia- 
tion arrivée  au  cerveau,  et  réfléchie  par  cet  organe  dans  tout 
le  système ,  porte  surtout  sur  les  parties  qui ,  à  raison  de 
leur  texture  et  de  leur  vitalité,  ont  plus  de  rapport  avec 
celie  dont  elle  émane.  Enfin,  quand  les  sympathies  sont 
générales,  portent  à  la  fois  sur  plusieurs  organes y  il  faut  : 


DES  RAPPORTS  SYMPATHIUQEES,    OU    DES  SYMPATHIES.    2g3 
ou  que  la  partie  qui  est  ïe  poiut  de  départ  de  l'irradiation  , 
influence  directement  chacune  des  autres  ;  ou  que  l'irradia- 
tion aille  retentir  d'abord  dans  le  centre  du  système  ,  pour 
être  réfléchie  ensuite   dans  ces  diverses  dépendances.  Or, 
certainement,    cette   dernière  chose  est  la  plus  probable: 
d'un  côté,  le  cerveau  est  l'aboutissant  de  toutes  les  sensa- 
tions; de  l'autre,  dans  les  passions,  il  est  évidemment  la 
source  d'irradiations  qui  s'étendent  au  loin  dans  tout  le 
système;  et  il  nous  semble  qu'on  ne  peut  méconnaître  une 
analogie  entre  ces  deux  faits,  et  le  rôle  que  nous  faisons 
jouer   à    cet   organe    pour    la    production   des  sympathies. 
Celles  de  ces  sympathies  qui  sont  spéciales,  c'est-à-dire  qui 
ne  portent  que   sur    tels    ou   tels  organes,    sans  modifier 
les   autres ,  ne    contredisent    même  pas   l'explication    que 
nous    donnons   ici  ;    c'est    que   ces  organes    ont  été  orga- 
nisés de  manière  à  répondre    exclusivement  à  l'irritation 
que  leur  reflète  le  cerveau.   Si   l'on  conçoit   pourquoi  des 
parties  de  structure  et  de  vitalité  analogues  sympathisent, 
ne  peut-on  pas  concevoir  aussi  des  parties  tellement  organi- 
sées relativement  à  d'autres,  qu'elles   répondront  toujours 
aux  irritations  qu'elles  en  recevront  par  l'intermédiaire  du 
cerveau?  C'est  cette  grande  part  que  nous  attribuons  au 
cerveau  pour  la  production  des  sympathies,  qui  nous  a  fait 
dire  plus  haut ,  relativement  à  l'organe  par  lequel  se  géné- 
ralisent les  maladies,  que   cet  organe  est   moins  la  mem- 
brane muqueuse  gastro-intestinale,  comme  le  dit  M.  Brous- 
sais,  que  le  cerveau ,  comme  l'a  avancé  M.  Georget. 

Enfin,  pour  connaître  l'important  phénomène  des  sym- 
pathies, il  ne  suffit  pas  de  savoir  que  le  système  nerveux  en 
est  l'agent,  et  que  la  communication  entre  les  parties  qui 
sympathisent,  se  fait  tantôt  directement  par  les  anastomoses 
des  nerfs,  et  tantôt  par  l'intermédiaire  du  cerveau  :  il  faut 
encore  savoir  en  quoi  consiste  l'irradiation  sympathique. 
Or  nous  sommes  ,  sur  ce  point-ci,  dans  la  même  ignorance 
que  pour  toutes  les  autres  actions  nerveuses.  Ne  sachant 
pas  ce  qu'est  l'influx  nerveux  qui  constitue  l'innervation; 
ignorant  par  quoi  les  nerfs  effectuent  la  transmission  des 
impressions  sensitives  et  des  voUtions  ;  pouvons-nous  ne  pas 


2 q4  DES   CONNEXIONS   DES    FONCTIONS, 

ignorer  aussi  ce  qu'est  l'irradiation  sympathique?  Proba- 
blement, lors  de  toute  action  organique,  il  se  fait  quelque 
changement  dans  le  fluide  nerveux  de  la  partie  qui  est  le 
siège  de  cette  action  :  pour  concevoir  les  sympathies  ,  ne  peut- 
on  pas  dès  lors  supposer  que   ce  changement,  cette  modi- 
fication ,  s'est ,  par  la  loi  d'irradiation  que  nous  avons  indi- 
quée, propagé  au  centre  du  système,  et  de  ce  centre  a  été 
réfléchi  dans  toutes  ses  dépendances?  S'il  n'y  a  que  quel- 
ques parties  qui  paraissent  recevoir  l'influence  de  cette  ré- 
flexion ,  c'est  qu'elles  sont  organisées  de  manière  à  y  être 
plus  sensibles  ;   absolument ,  comme  lors  de  la  manifesta- 
tion des  passions,  des  affections  de  l'ame,  certaines  parties 
sont  plus  facilement  et  plus  promptement  perturbées  que 
d'autres,  et  à  cause  de  cela,  sont  le  siège  des  phénomènes 
expressifs.  C'est  ainsi  que  la  loi  d'irradiation,  par  l'expres- 
sion de  laquelle  nous  avons  terminé   l'étude  des  rapports 
fonctionnels,  nous  semble  propre  aussi,  non  à  expliquer, 
car  elle  laisse  toujours  leur  essence  inconnue,  mais  à  systé- 
matiser les  rapports  sympathiques.  Du  reste,  le  secret  des 
sympathies  est  probablement  le  même  que  celui  de  l'action 
nerveuse  ;  la  découverte  de  l'un  dépend  de  celle  de  l'autre  ; 
et  en  attendant  qu'on  les  ait  faites,  on  doit  se  borner  à  si- 
gnaler  par  une  observation  attentive  de  notre  économie , 
tant  en  santé  qu'en  maladie,  quels  sont  les  rapports  sym- 
pathiques de  nos  divers  organes. 


Tels  sont  les  trois  genres  de  rapports  qui  unissent  les 
nombreuses  parties  du  corps  humain.  L'histoire  que  nous 
venons  d'en  faire ,  a  fait  ressortir  l'utilité  respective  des  so- 
lides et  des  fluides.  D'un  côté,  nous  avons  vu  le  système 
nerveux  présider  à  toutes  les  actions  des  solides ,  régler 
toutes  les  particularités  du  cours  des  fluides;  et  par  là  la 
prééminence  des  solides  a  été  consacrée.  De  l'autre  côté, 
nous  avons  présenté  le  sang  comme  le  stimulus  obligé  du 
système  nerveux,  comme  l'élément  nutritif  de  toutes  les 
parties;  et,  sous  cet  autre  point  de  vue  /l'importance  des 
fluides  a  été  démontrée.  Enfin,  leur  utilité  réciproque  a  été 


DES   RAPPORTS   DE    L'HOMME   AVEC    LA   NATUJRE.       290 

signalée,  car  c'est  de  Faction  réciproque  du  sang  et  du  sy- 
stème nerveux  que  nous  avons  vu  résulter  la  vie.  Nous 
avons  montré  que  ces  deux  conditions  vitales  étaient  égale- 
ment susceptibles  d'être  altérées,  étaient  conséquemment 
tour-à-tour  le  point  de  départ  des  maladies,  et  surtout  exer- 
çaient l'une  sur  l'autre  une  influence  si  prochaine,  que 
l'une  ne  pouvait  pas  être  altérée  un  peu  gravement,  et  pen- 
dant un  temps  un  peu  long,  sans  que  l'autre  s'altérât  con- 
sécutivement. Or,  toutes  ces  propositions  sont  en  opposition 
avec  toute  théorie  exclusive  de  solidisrne  et  d'humorisnie. 
Arrivons  maintenant  aux  rapports  de  l'homme  avec  les 
corps  extérieurs. 


SECTION  11. 

DES    RAPPORTS    DE    LHOMME    AVEC    LA    NATURE. 

Il  n'y  a  pas  de  vide  dans  la  nature,  et  par  conséquent 
aucun  corps  n'est  isolé;  tout  corps  est  toujours  en  contact 
avec  quelques  autres  qu'il  influence,  ou  par  lesquels  il  est 
influencé,  et  avec  lesquels  conséquemment  il  a  des  rap- 
ports. 

Ces  propositions,  qui  sont  vraies  de  tous  les  corps,  le 
sont  surtout  des  êtres  vivants.  En  effet,  si  aucun  corps 
inorganique  n'est  isolé,  au  moins  il  n'a  pas  besoin  des  au- 
tres corps  pour  exister;  le  plus  souvent  les  corps  divers  avec 
lesquels  il  est  en  contact  ne  tendent  qu'à  le  détruire;  et  si 
on  le  suppose  dans  un  isolement  complet,  sa  conservation 
n'en  sera  que  plus  assurée,  sa  destruction  n'étant  plus  ame- 
née désormais  que  par  la  réaction  chimique  de  ses  propres 
éléments.  Au  contraire,  un  être  organisé,  quelque  simple 
qu'on  le  suppose  ,  ne  pourrait  continuer  de  vivre  dans  l'iso- 
lement; il  faut  au  moins  qu'il  se  nourrisse,  c'est-à-dire  qu'il 
renouvelle  sans  cesse  la  matière  qui  forme  ses  organes;  et  il 
ne  peut  puiser  cette  matière  nouvelle  qu'il  doit  s'appro- 
prier, que  dans  des  corps  autres  que  lui ,  et  avec  lesquels 


a 96       DES   RAPPORTS   DE    L'HOMME   AVEC    LA    NATURE, 
conséquernment  il  doit  avoir  des  rapports .  Les  corps  vivants 
sont  toujours  dépendants ,  comme  l'a  dit  M.  Bourdon,  qui 
fait  de  cette  particularité  le  caractère  distinctif  delà  vie. 

Aussi ,  les  êtres  organisés  ont-ils  avec  la  nature  générale  , 
des  rapports  plus  multipliés  que  les  corps  inorganiques. 
Ceux-ci  n'en  ont  que  d'une  seule  espèce,  des  rapports  mé- 
caniques,  physiques  et  chimiques ,  en  un  mot,  dépendants 
des  lois  générales  de  la  matière.  Les  êtres  vivants  au  con- 
traire, outre  les  rapports  de  ce  premier  ordre  ,  en  ont  d'au- 
tres qui  leur  sont  spéciaux,  qui  tiennent  aux  forces  propres 
qui  les  animent ,  et  qu'à  ces  titres  on  peut  appeler  organi- 
ques. Nous  allons  étudier  successivement  ces  divers  rap- 
ports dans  l'homme;  nous  serons  courts,  parce  que  l'expo- 
sition que  nous  avons  faite  de  la  vie  de  cet  être,  en  a  déjà 
en  grande  partie  donné  la  connaissance. 

§  Ier.  Rapports  mécaniques,  physiques  et  chimiques  de  t  Homme  avec  les 

corps  extérieurs. 

Nous  appelons  ainsi  les  influences  mécaniques,  physiques 
et  chimiques  que  l'homme  reçoit  inévitablement  des  corps 
extérieurs,  par  suite  de  son  contact  obligé  avec  ces  corps. 
En  eflet ,  quoique  cet  être,  par  son  activité  vitale  et  spé- 
ciale, plie  jusqu'à  un  certain  point  ces  corps  à  ses  besoins, 
et  comme  tout  être  vivant,  constitue  à  lui  seul  un  petit 
monde  dans  le  grand  monde;  cependant  il  est  soumis  en 
plusieurs  points  aux  lois  générales  de  celui-ci;  et  ce  sont 
les  phénomènes  de  cet  ordre  que  nous  voulons  énumérer  ici, 
nous  renfermant  dans  l'état  normal  ou  de  santé. 

L'homme  est  attaché  à  la  planète  qui  lui  a  été  assignée 
pour  demeure;  les  lois  de  la  gravitation  Py  enchaînent,  et 
font  de  la  terre  son  point  d'appui.  Animal  aérien,  il  est 
plongé  continuellement  dans  l'atmosphère  qui  enveloppe  le 
globe  terrestre,  et  ce  milieu  exerce  sans  cesse  sur  lui  di- 
verses influences  physiques  et  chimiques  qu'il  faut  d'abord 
indiquer. 

En  premier  lieu,  l'atmosphère  exerce  sur  la  surface  du 
corps  de  l'homme  une  pression  qui  est  en  raison  de  sa  hau- 


DES   RAPPORTS    PHYSIQUES    ET    CHIMIQUES.  297 

leur,  et  qui  par  conséquent  est  fort  considérable  ;  les  physi- 
ciens la  disent  égale  à  un  poids  de  33, 600  livres.  C'est  à  la 
réaction  des  fluides  élastiques  contenus  dans  les  cavités  in- 
térieures de  notre  corps,  que  nous  devons  de  pouvoir  sup- 
porter une  charge  aussi  forte;  charge  qui,  pour  certains 
animaux,  par  exemple,  pour  ceux  des  poissons  qui  vivent 
à  une  profondeur  de  2000  à  3ooo  pieds  dans  la  mer,  est  bien 
plus  grande  encore.  Nul  doute  que  nous  ne  soyons  organisés 
de  manière  à  avoir  besoin  d'une  pression  aussi  énorme  ;  si 
elle  manquait  tout  à  coup  ou  était  de  beaucoup  diminuée, 
les  gaz  qui  sont  dans  l'intérieur  des  parties,  les  liquides 
eux-mêmes  ,  ne  seraient  plus  bornés  dans  leur  expansibilité  ; 
ils  se  dilateraient,  déchireraient  les  solides  qui  les  contien- 
nent, et  l'individu  périrait.  Placez  un  animal 'sous  le  réci- 
pient de  la  machine  pneumatique,  il  se  gonfle  à  mesure 
qu'on  fait  le  vide.  Laissez  à  l'air  le  poisson  destiné  à  vivre 
au  fond  des  eaux ,  sa  vessie  natatoire  se  crève.  Le  malaise 
qu'éprouve  l'homme  sur  le  sommet  d'une  haute  montagne , 
ou  dans  un  aérostat,  tient  sans  doute  en  partie  à  ce  que  l'air 
est  moins  dense  et  ne  fournit  plus  assez  d'oxygène  pour  la 
respiration  ;  mais  il  est  dû.  aussi  un  peu  à  la  diminution  de 
la  pression  atmosphérique;  et  c'est  à  cette  cause  ,  par  exem- 
ple, qu'il  faut  attribuer  les  hémorrhagies  par  les  yeux,  les 
oreilles  ,  les  voies  respiratoires  ,  qui  surviennent  alors.  C'est 
par  suite  de  cette  même  cause,  que  la  peau  se  gonfle  et  rougit 
sous  une  ventouse.  Heureusement  que  les  variations  qui, hors 
ces  cas  insolites,  peuvent  survenir  dans  ce  rapport  ,  et  que 
le  baromètre  fait  connaître,  sont  légères  et  sans  influence 
notable  sur  l'économie. 

En  second  lieu,  l'atmosphère,  appliquée  de  toutes  parts 
au  corps  humain,  doit  agir  physiquement  sur  lui  en  raison 
de  sa  température.  Selon  qu'elle  a  une  température  supé- 
rieure ou  inférieure,  elle  doit  lui  fournir  ou  lui  soutirer  du 
calorique,  et  tendre  à  l'amener  à  son  niveau.  Cette  seconde 
influence  physique  est  aussi  constante  et  aussi  incontestable 
que  la  première  ;  et  voici  en  peu  de  mots  ce  qui  la  concerne. 
A  l'exception  de  quelques  pays  équatoriaux,  et  encore  pen- 
dant la  saison  chaude  et  au  milieu  du  jour,  l'atmosphère  a 


298  DES  RAPPORTS  DE  L'HOMME  AVEC  LA  NATURE, 
toujours  une  température  qui  est  inférieure  à  celle  de 
l'homme;  le  degré  varie  selon  les  climats  et  les  saisons;  con- 
séquemment  l'atmosphère  nous  soutire  sans  cesse  du  calo- 
rique. Si  nous  conservons  néanmoins  notre  température  in- 
dépendante ,  c'est  que  notre  puissance  vitale  renouvelle 
notre  chaleur  à  mesure  qu'elle  nous  est  enlevée.  Nous  som- 
mes encore  organisés  de  manière  à  avoir  besoin  de  cette 
soustraction  continuelle  de  chaleur;  si  elle  cessait  tout  à 
coup  d'avoir  lieu  ,  ou  diminuait  beaucoup  ,  notre  tempéra- 
ture s'élèverait  graduellement ,  et  quand  elle  serait  haussée 
de  sept  à  huit  degrés,  on  périrait.  D'autre  part,  si  cette 
soustraction  devenait  extrême ,  et  telle  que  la  vie  ne  puisse 
pas  renouveler  le  calorique  aussi  promptement  qu'il  est  en- 
levé ,  notre  température  baisserait,  nos  humeurs  se  congé» 
leraient ,  et  quand  la  température  serait  baissée  à  vingt-six 
degrés  f  on  périrait  encore.  Entre  ces  deux  extrêmes,  il  y  a 
de  nombreux  intermédiaires  signalés  par  les  sensations  de 
chaud  et  de  froid.  Nous  n'avons  pas  besoin  de  revenir  sur  ce 
que  nous  avons  dit  des  cas  dans  lesquels  ces  sensations  écla- 
tent, et  des  moyens  par  lesquels  nous  résistons  au  chaud  et 
au  froid.  Rappelons  seulement  que  notre  rapport  forcé  avec 
l'atmosphère  a,  »ous  le  rapport  de  la  température,  nécessité 
chez  nous  l'emploi  de  vêtements;  à  l'aide  de  ces  vêtements , 
nous  maintenons  l'air  immobile  à  la  surface  de  notre  corps  ; 
nous  faisons,  qu'une  fois  échauffé,  cet  air  ne  nous  enlève 
plus  de  chaleur;  et,  par  cet  artifice,  nous  diminuons  beau- 
coup la  dépense  que  nous  ferions  sans  cela. 

En  troisième  lieu,  l'air  jouit  de  la  faculté  de  dissoudre 
l'eau;  et  par  suite,  tous  les  corps  liquides,  tous  ceux  qui 
sont  imprégnés  d'eau,  éprouvent  par  son  contact  une  cer- 
taine évaporation.  L'air  exerce-t-il  sur  le  corps  humain  ,  qui 
est  composé  de  solides  et  de  liquides,  une  semblable  in- 
fluence? Beaucoup  de  physiciens  le  croient,  et  professent 
que  cette  évaporation  physique  concourt  en  partie  à  la  pro- 
duction de  la  transpiration  insensible.  Ils  s'appuient  sur  ce 
qui  arrive  aux  poissons  qui,  par  leur  séjour  prolongé  à  l'air, 
perdent  par  cette  évaporation  une  quantité  considérable  de 
leur  poids.  M.  Edwards  dit  qu'ayant  cherché  à  empêcher 


DES   RAPPORTS    PHYSIQUES    ET    CHIMIQUES.  299 

celte  évaporation  ,  en  plaçant  un  animal  à  sang  froid  dans 
une  atmosphère  humide  et  d'une  température  égale  à  celle 
de  cet  auimal ,  et  qu'ayant  réduit  ainsi  la  transpiration  à  ce 
qu'il  y  a  en  elle  d'organique  ,  il  a  trouvé  que  l'évaporation 
physique  concourait  pour  cinq  sixièmes  à  la  perte  de  la 
transpiration.  Je  pense  qu'on  a  ici  assimilé  à  tort  les  ani- 
maux aériens  et  l'homme,  aux  animaux  aquatiques  :  ceux- 
ci  ^  destinés  à  séjourner  dans  l'eau ,  sont  tout  imprégnés  de 
ce  liquide,  et  lors  de  leur  exposition  à  l'air,  ils  le  laissent 
transsuder.  Mais  il  n'en  est  pas  de  même  de  l'homme  ;  pour 
que  les  liquides  de  son  corps  puissent  se  vaporiser  un  peu  à 
sa  surface  ,  il  faudrait  que  ,  par  traussudation  physique,  ils 
y  fussent  portés ,  et  celte  perméabilité  physique  n'a  pas  lieu 
pendant  la  vie.  Je  crois  qu'il  ne  se  fait  d'évaporalion  que 
celle  de  la  sueur,  que  celle  des  liquides  qu'une  sécrétion  or- 
ganique a  préalablement  portés  à  la  surface  de  la  peau.  Comme 
l'air  ne  touche  pas  seulement  la  surface  de  la  peau,  mais 
encore  pénètre  par  la  respiration  dans  le  poumon ,  on  peut 
se  demander  si  ce  que  nous  venons  de  dire  des  effets  physi- 
ques de  sa  pesanteur,  de  sa  température  et  de  son  action 
dissolvante ,  a  lieu  aussi  dans  cet  organe  ;  cela  est  probable. 
Toutefois,  en  admettant  la  réalité  d'une  évaporation  phy- 
sique des  fluides  du  corps  humain  par  le  contact  de  l'air.,  le 
degré  de  pression  de  ce  gaz  et  son  degré  de  chaleur  devien- 
nent de  nouveau  intéressants  à  considérer  sous  ce  rapport; 
l'évaporation  sera  d'autant  plus  grande ,  que  la  chaleur  de 
l'air  sera  plus  élevée,  et  sa  pression  moindre.  M.  Edwards 
pense  que  l'augmentation  de  l'évaporation  pulmonaire,  par 
suite  de  la  diminution  de  la  pression  atmosphérique,  a  la 
plus  grande  part  au  malaise  que  l'on  éprouve  sur  le  sommet 
des  hautes  montagnes. 

L'air,  selon  qu'il  est  sec  ou  humide ,  exerce  avec  plus  ou 
moins  d'énergie  sur  notre  corps  les  trois  influences  physi- 
ques précédentes.  D'abord,  plus  il  est  sec,  plus  la  pression 
atmosphérique  est  considérable ,  comme  le  prouve  l'ascen- 
sion du  mercure  dans  le  baromètre.  En  second  lieu,  les  im- 
pressions de  chaud  et  de  froid  que  nous  recevons  de  l'air, 
sont  d'autant  plus  grandes  que  ce  gaz  est  plus  humide ,  car 


3 00       DES   RAPPORTS    DE    L'HOMME   AVEC    LA    NATURE. 

l'air  par  lui-même  est  mauvais  conducteur  du  calorique  ; 
mais  la  présence  de  l'eau  entre  ses  molécules ,  ajoute  à  sa 
puissance  conductrice.  Enfin,  la  faculté  dissolvante  de  l'air 
augmentant  en  raison  de  sa  sécheresse,  comme  en  raison  de 
sa  température  ,  si  l'on  admet  que  cette  faculté  agit  sur  les 
liquides  du  corps  humain ,  son  énergie  devra  être  moindre 
dans  l'air  humide  que  dans  l'air  sec. 

L'air  dépose  à  la  surface  de  la  peau  les  diverses  matières 
pulvérulentes  qui  sont  en  suspension  dans  son  sein ,  et  à  la 
longue  cette  membrane  en  est  salie.  Il  lui  applique  de  même 
divers  miasmes  qu'il  contient,  et  offre  ainsi  de  continuels 
aliments  à  l'action  d'absorption  de  cette  membrane.  Pénè- 
tre-t-il ,  en  totalité  ou  en  partie,  la  peau  et  la  surface  in- 
terne du  poumon ,  par  uue  sorte  d'imbibition  physique  ? 
Cela  ne  peut  guère  être  admis  que  pour  l'eau,  et  pour  les 
autres  matières  liquides  qu'il  tient  en  suspension ,  au  mo- 
ment où  ces  matières  se  précipitent  et  s'appliquent  à  la  sur- 
face du  corps.  Encore  cette  imbibition  physique  est  moins 
facile  qu'on  ne  croit  :  la  nature  y  a  mis  des  obstacles  ;  d'un 
côté ,  par  la  sécrétion  sébacée  qui ,  en  raison  de  sa  nature 
huileuse ,  empêche  l'eau  de  s'appliquer  à  la  surface  de  la 
peau;  de  l'autre,  par  l'épiderme.  Des  faits  nombreux  prou- 
vent que  les  imbibitions  physiques  sont  bien  plus  faciles 
aux  surfaces  intérieures  du  corps ,  qu'à  celles  qui  en  forment 
la  périphérie. 

L'air  exeree-t-il  sur  la  peau  quelque  action  chimique  ?  A 
le  considérer  dans  son  état  de  composition  ordinaire,  et  en 
faisant  abstraction  de  son  action  respiratoire ,  qui  est  un 
rapport  organique,  cela  n'est  pas  probable.  Mais,  si  tout  à 
coup  il  était  mêlé  à  une  grande  quantité  d'un  gaz  actif,  à  du 
chlore,  par  exemple,  peut-être  en  serait-il  autrement? 
D'ailleurs ,  si  l'atmosphère  n'exerce  pas  sur  la  peau  de 
l'homme  une  action  chimique  par  l'air  lui-même,  elle  en 
exerce  incontestablement  une  par  la  lumière  qui ,  en  venant 
du  soleil ,  la  traverse.  On  ne  peut  méconnaître  que  les  par- 
ties de  la  peau  que  frappe  la  lumière  solaire ,  n'aient  une 
couleur  plus  foncée  que  celles  que  nos  vêtements  dérobent  à 
son  contact;  et,  bien  que  la  couleur  des  diverses  races  d'hom- 


DES    KAPPOUTS   PHYSIQUES   ET    CHIMIQUES.  3oi 

mes  ait  une  cause  organique ,  l'influence  chimique  de  la  lu- 
mière solaire  a  peut-être  aussi  quelque  part  aux  différences 
que,  sous  ce  rapport,  présentent  les  hommes  dans  les  divers 
climats. 

Enfin  ,  l'atmosphère  ne  peut  manquer  d'exercer  quelques 
influences  physiques  sur  l'homme,  en  raison  des  divers  phé- 
nomènes météorologiques  qui  se  passent  en  elle.  On  conçoit 
quels  effets  physiques  doivent  résulter  des  brouillards,  de 
la  pluie,  de  la  neige,  de  la  grêle.  Quand  de  grands  vents 
agitent  l'air  ,  l'homme  peut  en  recevoir  une  percussion  telle 
qu'il  soit  renversé;  mais  ce  sont  là  des  phénomènes  rares; 
le  plus  souvent  la  mobilité  de  l'air  n'a  d'autre  résultat  que 
d'augmenter  les  effets  dépendants  de  la  température  et  de 
la  faculté  dissolvante  de  l'atmosphère.  Quant  aux  nombreux 
phénomènes  électriques  dont   l'atmosphère  est  le  théâtre  5 
voici  leurs  influences   physiques  sur  l'homme.  L'air  est-il 
très  sec  ,  et  par  conséquent  complètement  isolant,  en  même 
temps  que  les  nuages  sont  très  élevés,  et  à  une  très  grande 
distance  du  globe?  toute  communication  électrique  est  in- 
terceptée ,  et  nul  phénomène   électrique  ne  se  manifeste. 
L'air,  au  contraire  ,  est-il  très  humide  ?  est-il  devenu  par  là 
conducteur  de  l'électricité?  il  y  a  dès  lors  communication 
entre  le  globe  et  les  nuages.   La   communication  est -elle 
immédiate  ou  fort  étendue?  l'équilibre  électrique  s'établit 
insensiblement  et  sans  phénomènes  apparents,  et  l'homme  , 
comme  tous  les  autres  corps  terrestres,   a  sa  part  dans  la 
transmission.  La  communication  n'est-elle  pas  assez  com- 
plète ,  ou  est-elle  trop  peu  étendue  proportionnellement  à 
la  charge  électrique  des  nuages?  l'équilibre  ne  se  rétablit 
que  par  de  violentes  explosions  qui  donnent  lieu  aux  éclairs 
et  au  tonnerre;  et  si  1* homme  se  trouve  sur  le  passage  du 
fluide,  au  moment  de  la  décharge  foudroyante,  il  reçoit 
une  commotion  qui  peut  le  tuer.  Enfin,  comme  il  est  prouvé 
que  la  sphère  de  l'électricité  atmosphérique  s'étend  à  une 
certaine  distance,  l'homme  doit  la  recevoir  comme  les  autres 
corps;  et,  en  effet,  cette  influence  est  manifestée  en  cer- 
taines personnes  par  le  sentiment  de  malaise  qu'elles  éprou- 
vent à  l'approche  des  orages. 


3û2       DES    RAPPORTS   DE    l'hOMME    AVEC    LA    NATURE. 

Tels  sont  les  phénomènes  physiques  et  chimiques  qui 
résultent  pour  nous  de  notre  rapport  obligé  avec  l'atmo- 
sphère; et  c'est  à  eux  que  nous  bornons  ce  que  nous  avons  à 
dire  sur  nos  rapports  mécaniques 3  physiques  et  chimiques 
avec  les  corps  extérieurs.  En  effet,  si  l'on  excepte  nos  vête- 
ments,  tout  autre  corps  n'est  jamais  qu'éventuellement  en 
contact  avec  nous  ;  et  nous  ne  devons  pas  conséquemment 
traiter  de  leur  action  physique  et  chimique  sur  nous  ,  puis- 
que nous  n'avons  à  parler  ici  que  des  rapports  qui  sont  pour 
nous,  ou  nécessaires,  ou  inévitables.  Quant  à  nos  vêtements, 
indépendamment  du  service  qu'ils  nous  rendent  sous  le 
rapport  de  leur  température  et  dont  nous  avons  déjà  parlé , 
leurs  autres  offices  physiques  sont  d'absorber  la  matière  de 
notre  transpiration ,  de  nous  défendre  de  l'influence  chi- 
mique de  la  lumière  ,  de  celle  de  l'humidité ,  et  de  nous 
protéger  contre  tous  les  contacts  qui  pourraient  altérer  le 
tissu  de  nos  organes. 

§  II.   Piavporls  organiques  de  V Homme  avec  les  corps  extérieurs. 

Non-seulement  l'homme  ,  à  cause  de  son  contact  obligé 
avec  les  autres  corps  de  la  nature,  a  avec  eux  les  rapports 
physiques  dont  nous  venons  de  parler;  mais  encore  il  en- 
tretient avec  ces  corps  d'autres  relations  sans  lesquelles  il  ne 
pourrait  ni  vivre ,  ni  accomplir  certaines  de  ses  facul  tés  ; 
i!  reçoit  d'eux  certaines  influences  qui  sollicitent  à  l'action 
sa  puissance  vitale ,  et  en  modifient  les  effets.  Ce  sont  les 
relations  de  cet  ordre,  tenant  à  sa  nature  d'être  vivant  , 
que  nous  appelons  rapports  organiques.  Ces  rapports  sont 
d'autant  plus  nombreux  en  tout  être  vivant,  que  cet  être  a 
une  organisation  plus  compliquée ,  et  un  pouvoir  sur  la 
nature  plus  grand.  Deux  facultés  de  la  vie,  en  effet,  les 
entraînent  forcément  à  leur  suite,  celle  de  se  nourrir,  et 
celle  de  sentir;  et  ils  seront  d'autant  plus  multipliés  que 
la  première  de  ces  facultés  exigera  pour  s'accomplir  un  con- 
cours plus  grand  d'actions  ,  et  que  la  seconde  aura  une  plus 
grande  extension.  À  ces  titres  divers,  ils  doivent  être,  et 
sont  en  effet  considérables  chez  l'homme.  Du  reste,  ils  sont 


DES   RAPPORTS    ORGANIQUES.  3o3 

déjà  connus;  en  faisant  l'histoire  des  fonctions  de  relation  , 
de  nutrition  et  de  reproduction  ,  irrésistiblement  nous 
avons  du  les  signaler.  Nous  allons  nous  borner  à  les  rappeler 
en  peu  de  mots  ,  en  nous  renfermant  encore  dans  ce  qui  est 
de  l'état  normal  ou  de  santé. 

D'abord  ,  nous  retrouvons  encore  ici  au  premier  rang 
cette  même  atmosphère  que  nous  venons  de  voir  exercer 
sur  l'homme  tant  d'influences  physiques.  Nous  puisons  con- 
tinuellement en  elle  l'élément  nécessaire  à  la  formation  de 
notre  sang,  l'oxygène;  et ,  à  ce  titre,  un  rapport  avec  elle 
nous  est  d'une  nécessité  absolue.  Aussi  y  sommes-nous 
plongés  de  toutes  parts!  Aussi  la  concordance  la  plus  heu- 
reuse existe-t-elle  entre  la  composition  de  l'atmosphère,  et 
ce  premier  de  nos  besoins!  Le  poumon  est-il  la  seule  voie, 
par  laquelle  nous  prenons  dans  l'atmosphère  l'oxygène  utile 
à  notre  vie  ?  ou ,  la  peau  ,  qui  est  dans  un  contact  continuel 
avec  l'air,  n'y  puise- t-elle  pas  aussi  un  peu  de  ce  principe? 
Comme  une  respiration  cutanée  exis  te  enbeaucoup  d'animaux, 
on  l'a  admise  par  analogie  dans  l'homme;  mais  nous  avons 
vu  que  relativement  à  cet  être,  cela  est  au  moins  douteux. 
Toutefois,  à  ne  considérer  l'atmosphère  que  sous  ce  premier 
point  de  vue,  qv.e  comme  aliment  de  la  respiration,  de 
quel  intérêt  est  pour  nous  le  rapport]que  uous  avons  avec 
elle  ?  Le  principe  oxygène  existe- t-il  dans  l'air  en  trop  petite 
quantité,  comme  sur  le  sommet  des  hautes  montagnes,  ou 
sous  le  récipient  de  la  machine  pneumatique  quand  on  y  a 
fait  le  vide  ,  ou  dans  un  espace  étroit  où  beaucoup  d'hommes 
sont  rassemblés?  la  respiration  se  presse,  pour  suppléer, 
par  la  précipitation  de  ses  mouvements,  à  ce  qui  manque 
à  la  richesse  de  l'air.  L'air  est-il  remplacé  par  un  gaz  qui  ne 
contient  pas  d'oxygène  ?  il  y  a  asphyxie.  Le  gaz  asphyxiant 
nuit-il,  non-seulement  parce  qu'il  ne  fournit  pas  d  oxy- 
gène ,  mais  encore  par  une  influence  délétère  directe  sur 
quelques-uns  des  organes  ?  l'asphyxie  qui  survient  n'est 
pas  seulement  négative,  mais  elle  est  positive  ,  un  véritable 
empoisonnement. 

Puisons-nous  dans  l'atmosphère  quelques-uns  des  autres 
principes  qui  y  existent,  et  particulièrement  quelques-uns 


3o4  DES  RAPPORTS  DE  L'HOMME  AVEC  LA  NATURE, 
de  ces  fluides  impondérables  qui  ont  généralement  part  à  la 
production  de  tous  les  phénomènes  naturels,  savoir,  calo- 
rique ,  lumière ,  électricité,  etc.  ?  La  chose  n'est  pas  aussi 
démontrée  que  la  préhension  de  l'oxygène  ;  mais  les  considé- 
rations suivantes  portent  à  le  croire.  i°  Ces  matières  existent 
dans  tous  les  corps  vivants  ;  elles  sont  certainement  trop 
subtiles,  pour  croire  qu'elles  y  ont  été  faites  de  toutes  pièces  ; 
s'il  existe  des  corps  véritablement  simples  ,  élémentaires  ,  ce 
doit  être  ceux-là;  et  par  conséquent  les  corps  vivants  ont 
dû  puiser  dans  la  nature  générale  ce  qu'ils  en  contiennent. 
2°  On  sait  que  les  sectateurs  des  générations  spontanées  at- 
tribuent à  l'action  de  ces  agents  la  plus  grande  part  dans 
la  production  des  êtres  vivants,  qui  selon  eux,  sont  for- 
més de  toutes  pièces.  3°  Beaucoup  de  physiologistes  recon- 
naissent la  plus  grande  analogie  entre  le  fluide  nerveux  , 
moteur  principal  de  la  vie,  et  le  fluide  électrique;  et  c'est 
une  présomption  plus  fortement  établie  aujourd'hui  que 
jamais,  que  l'électricité  a  une  grande  part  à  la  production 
des  phénomènes  vitaux  ,  et  constitue  l'essence  de  la  vie. 
4°  Enfin  ,  on  peut  arguer  de  l'heureuse  influence  exercée  par 
ces  agents  sur  la  vie ,  et  du  besoin  que  paraissent  en  avoir 
tous  les  êtres  vivants  quelconques.  Yoyez  les  plantes  lan- 
guir, s'étioler  par  la  privation  de  la  lumière,  et  revêtir  en 
quelque  sorte  une  puissance  motrice,  pour  se  diriger  du  côté 
duquel  elles  peuvent  recevoir  ce  bienfaisant  élément.  Des 
polypes  renfermés  dans  un  vase  qui  ne  reçoit  la  lumière  que 
d'un  côté,  se  dirigent  vers  le  point  par  lequel  leur  arrive  ce 
principe.  Les  animaux  supérieurs  ne  sont  pas  plus  indépen- 
dants de  cet  élément  vivifiant,  du  moins  à  juger  par  la 
force  qu'imprime,  à  ceux  d'entre  eux  qui  sont  faibles,  l'in- 
solation. M.  Edwards  a  expérimenté  que  les  œufs  de  batra- 
ciens fécondés,  ne  se  développent  pas  s'ils  sont  tenus  dans 
l'obscurité,  et  que  la  transformation  des  têtards  de  gre- 
nouille s'y  fait  beaucoup  plus  tard  :  or,  si  la  lumière  est 
ainsi  un  élément  nécessaire  à  ces  premiers  âges  de  la  vie , 
pourrait-elle  être  sans  influence  dans  les  âges  suivants  ?  Ce 
que  nous  disons  de  la  lumière  s'applique  au  calorique.  Voyez 
les  plantes  ralentir  et  même  suspendre  leur  mouvement  vital 


DES   RAPPORTS   ORGANIQUES.  3o5 

pendant  la  saison  froide,  pour  repousser  leurs  feuilles  et 
leurs  fleurs  au  retour  de  la  saison  chaude.  Voyez  la  même 
alternative  de  suspension  et  d'activité  se  montrer  dans  les 
animaux  hybernants.  La  chaleur  est  si  bien  la  cause  de  ces 
grands  changements,  qu'on  peut,  par  le  chaud  artificiel, 
forcer  les  végétaux  à  intervertir  l'ordre  des  saisons.  Les  cli- 
mats, enfin,  démontrent  de  même  l'influence  vivifiante  du 
calorique  :  combien  sont  détériorées,  dans  les  régions  gla- 
cées des  pôles  ,  toutes  les  productions  végétais  et  animales  ! 
et  combien  ces  mêmes  productions  sont  exubérantes  et  gi- 
gantesques dans  les  régions  équatoriales  !  Cependant,  nous 
le  répétons,  l'absorption  de  ces  matières,  lumière,  calori- 
que, par  le  corps  vivant,  n'est  pas  une  chose  aussi  démon- 
trée que  celle  de  l'oxygène;  et  il  est  possible  que  ces  matières 
ne  servent  ici  que  comme  excitateurs,  comme  stimulants 
du  mouvement  vital.  Du  reste,  en  envisageant  de  cette 
manière  l'influence  de  ces  corps,  ils  n'en  fondent  pas  moins 
nn  1-apport  organique  nécessaire  à  notre  vie,  et  que  nous 
devions  noter. 

Outre  ces  matières  premières  que  nous  puisons  dans  l'at- 
mosphère, nous  pouvons  y  prendre  les  diverses  substances 
étrangères,  tant  minérales  que  végétales  et  animales,  qui 
sont  en  suspension  dans  son  sein.  L'air  n'est  jamais  pur; 
toujours  sont  interposés  entre  ses  molécules  divers  produits 
de  l'évaporation  des  substances  solides  et  liquides  du  globe  ; 
et  une  imbibition  ,  les  absorptions  cutanée  et  pulmonaire, 
souvent  font  pénétrer  dans  l'économie  ces  diverses  substan- 
ces. C'est  ainsi  que  des  vapeurs  cuivreuses,  arsenicales,  ré- 
pandues dans  l'air,  ont  occasioné  des  empoisonnements,* 
que  l'air,  chargé  de  miasmes  putrides ,  fait  naître  des  ty- 
phus, etc.  INous  avons  dit  que  l'absorption  pulmonaire  était 
encecibien  plusaetivequei'absorptioncutanée.  Maisvoujant 
nous  renfermer  dans  ce  qui  est  de  l'état  normal,  il  doit 
nous  suffire  de  signaler  ce  rapport ,  comme  devant  fixer 
l'attention ,  quand  il  s'agit  de  déterminer  les  causes  des 
maladies ,  et  de  faire  servir  l'hygiène  à  les  prévenir  et  à  les 
guérir. 

Enfin  l'atmosphère  a  encore,  sur  le  corps  humain,  des 
Tome  IV,  20 


3o6  DES  RAPPORTS  DE  i/HOMME  AVEC  LA  NATURE, 
influences  organiques  bien  dignes  d'être  notées ,  en  raison 
de  sa  température ,  de  son  état  de  sécheresse  et  d'humidité  , 
de  son  état  électrique.  Sous  le  premier  point  de  vue,  elle  est 
pour  nous  une  occasion  continuelle  de  sensation  ;  et  les 
effets  organiques  de  son  action  diffèrent,  selon  que  ces  sen- 
sations sont  de  chaud  ou  de  froid,  et  sont  plus  ou  moins 
intenses.  La  chaleur,  quand  elle  est  modérée,  est  favorable 
à  l'exercice  des  fonctions;  mais  si  elle  est  trop  forte,  elle 
relâche  les  solides,  amène  l'expansion  des  fluides,  augmente 
la  transpiration  cutanée ,  élève  cette  sécrétion  à  l'état  de 
sueur,  et  frappe  de  débilité  toutes  les  fonctions;  l'appétit 
est  peu  vif;  on  est  peu  disposé  à  se  mouvoir,  et  porté  au 
sommeil  ,  etc.  Si  l'influence  de  la  chaleur  est  combinée  avec 
celle  de  la  lumière,  son  impression  débilitante  est  moindre ,  et 
même  est  remplacée  par  une  action  tonique  mai-quée.  Le 
froid  au  contraire ,  resserre  les  solides ,  condense  les  flui- 
des diminue  la  transpiration  cutanée ,  et  généralement 
donne  plus  d'activité  à  toutes  les  fonctions.  Bien  entendu 
que  ceci  n'est  vrai  que  du  froid  modéré  ;  car  le  froid  extrême 
amène  bientôt  la  rigidité  des  membres,  leur  engourdisse- 
ment, leur  insensibilité;  le  sang  s'arrêtant  dans  les  vais- 
seaux de  la  peau,  cette  membrane  devient  crispée,  dure, 
pâle,  violette;  l'immobilité  gagne  de  la  circonférence  au 
centre,  et  l'homme  enfin  tombe  dans  un  sommeil  qui  le 
conduit  doucement  à  la  mort.  Si  l'air  est  humide ,  l'action 
transpiratoire  est  diminuée  ,  et  les  impressions  de  chaud  et 
de  froid  sont  plus  fortes;  l'air  chaud  et  humide,  par  exem- 
ple ,  abat  bien  plus  les  forces  que  l'air  chaud  et  sec  ;  et  l'air 
humide  et  froid  nous  cause  un  froid  bien  plus  pénétrant  que 
tout  autre.  L'air  sec ,  au  contraire,  est  favorable  à  la  transpi- 
ration cutanée,  et  presque  toujours  salubre  ;  il  est  moins  ac- 
cablant quand  il  est  chaud  que  l'air  humide  ,  et  moins  péné- 
trant quand  il  est  froid.  Du  reste  ,  dans  nos  climats,  où  les 
températures  de  l'air  ne  sont  jamais  extrêmes,  ces  tempéra- 
tures ne  nuisent  guère  que  par  leurs  vicissitudes.  La  plus 
nuisible  est  celle  du  chaud  au  froid,  et  surtout  au  froid  hu- 
mide ;  la  peau  eu  reçoit  un  sentiment  de  constriction  dou- 
loureux ,  l'action  de  transpiration  de,cette membrane  est  ar- 


DES   RAPPORTS   ORGANIQUES.  3o? 

rêtée;  et  sympa iniquement  éclatent  au  loin  diverses  phleg*- 
masies  séreuses,  muqueuses,  articulaires,  dans  les  organes 
qui  sont  primitivement  plus  faibles  ou  déjà  souffrants.  Dans 
la  vicissitude  opposée  du  froid  au  chaud  ,  le  principal  phé- 
nomène est  une  expansion  marquée  dans  les  fluides  ,  surtout 
dans  le  sang;  les  vaisseaux  sont  distendus,  et  il  y  a  menace 
de  suffocation,  d'apoplexie.  Enfin,  quand  l'atmosphère  est 
le  siège  de  divers  phénomènes  électriques,  l'économie  s'en 
ressent  ;  le  malaise  qu'éprouvent  alors  certaines  personnes 
nerveuses  en  est  la  preuve;  mais  il  est  difficile  de  caracté- 
riser la  modification  que  subit  alors  le  corps.  Nous  sommes 
courts  sur  toutes  ces  considérations  qui  appartiennent  plus 
à  la  physiologie  appliquée,  c'est-à-dire  à  l'hygiène,  qu'à  la 
physiologie  spéculative. 

Après  le  rapport  avec  l'air,  celui  qui  est  le  plus  prochai- 
nement nécessaire  à  notre  vie  est  celui  de  l'alimentation  ; 
le  sang,  qui  nourrit  nos  organes  et  vivifie  le  système  ner- 
veux, n'est  pas  fait  seulement  à  l'aide  de  l'oxygène  que  nous 
puisons  dans  l'atmosphère  ,  il  est  continuellement  entretenu 
avec  les  produits  convenablement  élaborés  des  aliments  et 
des  boissons;  les  aliments  en  renouvellent  la  partie  globu- 
laire, et  les  boissons  la  partie  liquide.  Nous  avons  dit,  dans 
le  temps,  dans  quelle  limite  est  renfermé  pour  nous  le  be- 
soin  de  l'alimentation ,  dans  quels  règnes  de  la  nature  nous 
puisions  nos  aliments  et  nos  boissons.  Les  diverses  substan- 
ces naturelles  se  partagent  à  cet  égard  en  trois  classes;  celles 
qui,  déposées  dans  l'appareil  digestif  y  subissent  l'élabo- 
ration nutritive;  celles  qui  résistent  au  contraire  à  l'action 
de  cet  appareil,  mais  sans  le  perturber,  et  sans  exercer  au- 
cune influence  sur  nous;  et  enfin  celles  qui  ne  se  digèrent 
pas  dans  l'appareil ,  et  produisent  en  nous  une  modification 
morbide.  Les  premières  de  ces  substances  seules  méritent  le 
nom  à' aliments  ;  les  dernières,  au  contraire,  sont  des  mé- 
dicaments ;  et  parmi  ces  substances  médicamenteuses,  celles 
qui  exercent  une  action  promptement  mortelle  ou  très  éner- 
giquement  délétère ,  ?ont  appelées  poisons.  Une  harmonie  , 
primitivement  établie  par  l'Auteur  des  choses,  décide  quel 
rang  occupe  dans  cette  catégorie  ,  relativement  à  telle  espèce 

20. 


3o8      DES   RAPPORTS   DE   i/HOMME   AVEC   LA   NATURE, 
animale ,  toute  substance  naturelle  quelconque.  Un  rapport 
existe  entre  la  structure  de  l'appareil  digestif  et  l'économie 
générale  de  l'être,  et  la  substance  que  doit  élaborer  l'appa- 
reil, et  dont  les  produits  doivent  être  appropriés  aux  orga- 
nes. Ce  rapport  est  quelquefois  appréciable  dans  ses  traits 
principaux;  on  saisit,  par  exemple,  les  motifs  de  la  diffé- 
rence que  présentent,  dans  leur  appareil  digestif,  les  ani- 
maux herbivores  et  carnivores  ;  mais  le  plus  souvent  ce  rap- 
port échappe,  surtout  en  ce  qui  concerne  les  plus  petites 
spécialités.  Chaque  animal  est  ici  renfermé  dans  de  certaines 
limites  qui  sont  posées  par  la  nature  elle-même;  et  ces  li- 
mites ont  plus  de  latitude  chez  l'homme,  qui  était  destiné 
à  parcourir  en  tout  sens  la  surface  de  la  terre ,  et  à  se  fixer 
en  tous  climats.  L'habitude  d'ailleurs  les  étend  encore.  Ce- 
pendant, se  montrent  ici  souvent  des  sympathies  et  des  an- 
tipathies spéciales.  Ainsi  que  les  divers  organes  du  corps 
étaient  unis  entre  eux  pour  faire  concourir  leur  action  à  un 
même  résultat ,  de  même  l'homme  a  certains  rapports  sym- 
pathiques ou  de  convenance  ,  et  antipathiques  ou  d'opposi- 
tion, avec  les  corps  extérieurs;  et  plusieurs  rapports  de  ce 
genre  se  montrent  dans  l'alimentation.  Sans  doute  la  pré- 
sence des  aliments  dans   l'appareil  digestif  est  une  circon- 
stance qui  stimule  cet  appareil  et  l'excite  à  agir;  mais  il  en 
manifeste  le  besoin  sans  leur  contact,  comme  le  prouve  le 
sentiment  de  la  faim.  Du  reste,  de  même  que  l'atmosphère  , 
ce  milieu  dans  lequel  nous  puisions  notre  autre  élément  de 
vie ,   était  susceptible  de  varier  sans  cesse  dans  sa  compo- 
sition ,  sa  chaleur,  son  degré  de  sécheresse  ,  et  par  suite  im- 
primait de  continuelles  modifications  à  notre  économie;  de 
même  les  aliments  et  les  boissons  présentent  inévitablement 
de  semblables  mutations,  et  sans  cesse  aussi  ils  modifient 
le  corps  en  raison  de  leurs  qualités ,  de  la  quantité  dans  la- 
quelle on  les  prend  ,  des  circonstances  de  leur  ingestion  ,  etc. 
Mais  nous  ne  pouvons  encore  nous  permettre  ici  aucuns  dé- 
tails, sans  empiéter  sur  ce  qui  est  de  la  physiologie  appli- 
quée ,  ou  de  l'hygiène. 

Ces  raonorts  avec  l'air  d'une  part,  et  les  aliments  et  les 
boissons  de  l'autre,  sont  les  seuls  que  réclame  notre  nutri- 


DES   RAPPORTS   ORGANIQUES.  3o0 

tion  ;  car  nous  n'avons  pas  besoin  de  dire,  qu'en  même 
temps  que  l'univers  extérieur  nous  fournit  la  matière  nou- 
velle que  nous  nous  approprions  ,  il  reçoit  celle  dont  nos 
excrétions  nous  dépouillent.  Passons  donc  aux  rapports  qui 
ont  trait  à  notre  faculté  de  sensibilité. 

Nous  trouvons  ici  au  premier  rang  ceux  qui  sont  dus  à 
l'action  de  nos  sens.  Il  y  a  un  rapport  entre  la  lumière  et 
notre  œil,  entre  le  son  et  l'oreille,  les  odeurs  et  l'organe 
de  l'odorat,  les  saveurs  et  la  langue  ,  enfin  entre  la  tempé- 
rature des  divers  corps  et  la  peau.  C'est  au  moyen  de  ces 
rapports  que  nous  avons  une  notion  sentie  de  l'univers,  et 
que  nous  apprécions  les  diverses  qualités  des  corps  qui  le 
composent.  La  nature  a  édifié  en  nous  certains  organes ,  avec 
l'aptitude  de  recevoir  de  ces  corps  diverses  impressions,  au 
moyen  desquelles  nous  en  avons  la  connaissance.  Ici  encore 
éclatent  des  sympathies  et  des  antipathies.  Non-seulement 
telle  substance  qui  est  inodore,  insipide  pour  telle  espèce 
animale,  a  au  contraire  une  odeur  et  une  saveur  marquées 
pour  telle  autre  espèce;  mais  encore  telle  odeur  ou  saveur 
qui  déplaît  à  Fun,  plaît  à  l'autre.  Nul  doute  que  la  cause 
de  ces  sympathies  ou  antipathies  ne  réside  dans  la  structure 
des  nerfs  des  sens ,  et  dans  le  rapport  que  la  nature  a  établi 
entre  ces  nerfs  et  les  corps  qui  doivent  les  impressionner; 
mais  la  condition  matérielle  de  ce  rapport  nous  échappe.  Il 
est  évident  qu'ici  les  corps  extérieurs  sont  les  excitants  obli- 
gés des  organes,  et  que  ,  sans  eux,  le  jeu  de  ceux-ci  n'aurait 
pas  lieu.  Mais  nous  avons  parlé  avec  assez  de  détails  des 
actions  des  sens,  pour  être  dispensé  de  nous  arrêter  plus 
long-temps  aux  rapports  qui  les  concernent.  L'état  de  veille 
est  toujours  accompagné  de  quelques-uns  de  ces  rapports  ;  e  t  ils 
varient  sans  cesse,  comme  l'univers  qui  leur  donne  naissance. 
Nous  ne  ferons  que  mentionner  ici  les  rapports  organi- 
ques dus  aux  sensations  internes  qui  président  à  nos  inges- 
tions et  à  nos  excrétions,  comme  la  faim,  la  soif,  le  senti- 
ment de  la  défécation  ,  etc.  Sans  doute  ces  sensations  ont 
trait  à  des  rapports  avec  l'extérieur;  mais  ces  rapports  ren- 
trent dans  ceux  que  nous  avons  appelés  nutritifs,  et  dont 
nous  avons  parlé  en  premier  lieu. 


3 10       DES    RAPPORTS    DE    l'hOMME    AVEC    LA    WATURE. 

Enfin,  parmi  les  rapports  dus  à  notre  faculté  de  sensibi- 
lité, aucuns  ne  sont  plus  importants  que  ceux  qui  dépen- 
dent de  nos  facultés  intellectuelles  et  affectives,  et  qu'on 
peut  appeler  moraux,  lis  sont  aussi  multipliés  chez  l'homme 
que  les  facultés  dont  ils  dérivent.  Par  eux  ,  non- seulement 
l'homme  est  uni  à  ses  semblables  ,  et  entretient  avec  eux  des 
liens  de  famille  et  de  société  ;  mais  encore  il  est  mis  en  rela- 
tion avec  Dieu  lui-même.  Ayant  en  lui-même  le  sentiment 
instinctif  de  l'existence  d'un  Créateur ,  porté  par  le  même 
instinct  à  en  appeler  à  lui  dans  toutes  les  circonstances  de 
sa  vie,  il  se  rend  ainsi  participant  de  sa  Puissance  et  de  son 
Eternité.  Mais  il  n'est  pas  de  notre  objet  encore  de  détailler 
tout  ce  qui  tient  à  nos  rapports   intellectuels  et  affectifs. 
Nous  aurions  aussi  à  signaler  ici  des  sympathies  et  des  an- 
tipathies; à  nous  étonner  de  la  rapidité  avec  laquelle  les 
impressions  se  communiquent  d'homme  à  homme  ,  et  des 
profonds  bouleversements  que  quelquefois  ces  impressions 
produisent.  Il  faudrait  tracer  les  diverses  circonstances  ex- 
térieures à  Voccasion  desquelles  éclatent  toutes  nos  passions  ; 
et  ceci  rentre  dans  la  science  appelée  morale.   Terminons 
donc  cette  énumération  rapide  de  nos  divers  rapports  orga- 
niques avec  la  nature ,  rapports  que  nous  pourrions  ranger 
en  quatre  classes ,  nutritifs ,  reproductifs ,  sensitifs  et  wo- 
raux ,  en  faisant  remarquer  que  le  sommeil  interrompt  tous 
ceux  des  trois  derniers  ordres,  et  encore  une  partie  de  ceux 
du  premier,  ceux  de  l'alimentation,  par  exemple. 


QUATRIÈME  PARTIE. 


DES  AGES  DE  L'HOMME. 

Ainsi  que  tout  corps  organisé,  l'homme  éprouve,  pen- 
dant la  durée  de  sa  vie,  des  mutations  constantes,  qui 
constituent  ce  qu'où  appelle  ses  âges.  Il  n'a  pas,  dès  son 
origine,  ni  sa  stature,  ni  la  plénitude  des  diverses  facultés 
que  nous  avons  vu  être  ses  attributs;  mais  d'abord  embryon 
débile,  à  peine  apercevable,  il  emploie  des  années  à  par- 
venir par  gradation  à  son  développement  parfait;  ensuite 
il  paraît  y  rester  un  certain  temps;  et  après  il  décline, 
avec  gradation  aussi ,  pour  être  enfin  frappé  de  mort.  Dans 
l'intervalle  qui  s'étend  de  la  conception  à  la  mort,  et  qui 
comprend  sa  vie,  des  changements  considérables  et  succes- 
sifs surviennent  dans  l'état  de  ses  organes,  dans  leurs  rap- 
ports entre  eux,  et  par  conséquent  dans  l'accomplissement 
de  ses  fonctions.  L'étude  de  l'homme,  sous  ce  rapport,  ap- 
partient évidemment  à  la  physiologie  hygiénique,  à  l'his- 
toire de  cet  être  considéré  dans  l'état  normal ,  et  c'est  elle 
qui  va  faire  l'objet  de  la  quatrième  partie  de  cet  ouvrage. 
Nous  allons  remonter  au  moment  où  la  vésicule  ovarienne, 
avivée  par  la  conception,  commence  ses  développements;  nous 
montrerons  cette  vésicule  arrivant  dans  l'utérus,  et  nous  dé- 
crirons les  diverses  phases  qu'elle  y  subit;  puis,  faisant  naître 
l'homme,  nous  indiquerons  les  changements  qui  survien- 
nent en  lui,  à  mesure  qu'il  devient  enfant,  adolescent, 
adulte ,  vieillard  ;  et  nous  suivrons  ainsi  le  cours  de  sa  vie  , 
jusqu'à  la  mort  qui  en  est  le  terme.  Les  changements  qu'é- 
prouve l'homme  dans  cette  durée  sont  immenses,  et  ont 
servi  à  partager  sa  vie  en  plusieurs  époques.  Nous  en  recon- 
naîtrons deux  principales;  celle  où  il  est  encore  dans  le  ssin 
maternel ,  qu'on  appelle  la  vie  intra-utérine  ;  et  celle  où  il 


3i2  -  VIE  INTRA-UTÉRINE. 

en  est  séparé  et  jouit  d'une  vie  indépendante ,  qu'on  appelle 

vie  extra-utérine }  ou  les  âges  proprement  dits. 


SECTION  PREMIERE 


VTE    INTRA-UTERINE. 


Cette  époque  de  la  vie  humaine  embrasse  tout  le  temps 
où  l'homme,  successivement  ovule,  embryon,  fœtus,  est 
renfermé  dans  le  sein  de  sa  mère  ,  c'est-à-dire  les  neuf  mois 
qui  s'écoulent  de  la  conception  à  la  naissance»  Quoique  cet 
intervalle  soit  court  relativement  à  la  durée  du  reste  de  la 
vie,  il  est  marqué  par  beaucoup  plus  de  changements  que 
l'homme  n'en  éprouvera  par  la  suite.  Dans  l'histoire  que 
nous  allons  en  faire,  il  est  plus  utile  que  jamais  de  suivre 
notre  ordre  accoutumé,  c'est-à-dire  de  commencer  par  la 
description  des  parties,  avant  d'en  exposer  le  jeu. 

CHAPITRE  PREMIER. 

Anatomie  du  Foetus. 

Pendant  ïa  vie  intra-utérine,  l'homme  passe  par  beau-' 
coup  d'états,  dont  plusieurs,  les  premiers  surtout,  sont 
couverts  encore  des  plus  épaisses  ténèbres. 

D'abord,  qu  est-il  avant  la  conception  ?  Nous  ne  revien- 
drons pas  sur  ce  qui  a  été  dit  à  cet  égard  à  l'article  de  la  gé- 
nération. Pour  les  sectateurs  de  Tépigénèse ,  il  n'existe  pas 
encore;  chaque  sexe  seulement  prépare  les  matières  qui,  par 
leur  association,  doivent  le  former,  le  sperme  d'une  part,  et 
ia  vésicule  ovarienne  de  l'autre.  Pour  ceux  de  l'évolution  , 
il  existe,  soit  sous  forme  d'animalcule  spermatique  dans  le 
fluide  séminal ,  soit  sous  forme  de  germe  dans  ia  vésicule 
ovarienne.  Celle-ci ,  comme  nous  l'avons  dit  en  parlant  des 


ANATOMIE   DU   FŒTUS.  SiS 

ovaires  ,  est  transparente,  du  volume  d'un  grain  de  millet  ,. 
et  formée  d'une  membrane  fine  que  remplit  un  liquide  jau- 
nâtre ou  rougéâtre  f  dans  lequel  on  ne  distingue  rien  de 
solide. 

En  second  lieu  j  la  vésicule  ovarienne,  qu'elle  soit  un  germe 
contenant  les  rudiments  de  l'individu  nouveau,  et  n'ayant 
besoin  que  d'être  avivé,  ou  qu'elle  soit  seulement  un  des  élé- 
ments destinés  à  former  cet  individu  nouveau,  subit-elle  une 
sorte  dematuration  indispensable,  avant  d'éprouver  la  fécon- 
dation ?  Nous  avons  dit  que  cela  était  sûr  pour  les  animaux 
chez  lesquels  la  fécondation  a  lieu  à  l'extérieur;  que  l'analogie 
portait  à  croire  qu'il  en  était  de  même  cbez  les  autresovipares, 
qui  en  effet  pondent  des  œufs  sans  avoir  souffert  aucunes  ap- 
proches; qu'enfin  quelques  physiologistes  le  croyaient  même 
des  vivipares;  mais  qu'à  l'égard  de  ces  derniers,  cependant, 
la  chose  était  plus  douteuse.  Ceux  c^R  admettent  cette  ma- 
turation, la  font  consister  en  ce  que  la  vésicule  première  a 
beaucoup  grossi,  s'est  crevée,  et  a  laissé  échapper  de  son 
intérieur  une  autre  vésicule  beaucoup  plus  petite,  et  qu  on 
a  appelée  ovule  pour  la  distinguer  de  la  première.  Cet  ovule 
a  paru  être  aussi  une  petite  vessie,  pleine  d'un  liquide  trans- 
parent et  albumineux,  ayant  à  l'extérieur  une  apparence 
mamelonnée  ,  et  offrant  en  un  de  ses  points  une  petite 
tache  blanche,  qu'on  appelle  cicatricule.  Cette  petite  tache 
est  très  importante,  car  elle  est  le  rudiment  de  l'individu 
nouveau  ;  le  reste  de  l'ovule  ne  paraît  être  que  de  la  matière 
nulrive  ,  préparée  pour  ses  développements. 

En  troisième  lieu,  quel  changement  imprime,  soit  a  la 
vésicule  ovarienne  primitive,  soit  à  cette  vésicule  mûrie  et 
dévenue  ovule  ,  la  fécondation  ?  Ce  changement  ne  peut 
encore  être  caractérisé  ,  et  nous  sommes  ramenés  aux  aveux 
d'ignorance  que  nous  avons  faits  à  l'article  de  la  conception. 
Selon  les  uns,  l'ovule  n'a  été  qu'avivé;  selon  d'autres ,  une 
partie  du  sperme,  l'animalcule  spermatique,  par  exemple, 
s'est  joint  à  lui  pour  former  le  rudiment  de  l'individu  nou- 
veau. On  se  rappelle  que  MM.  Damas,  Prévost  et  Rolando > 
ont  professé  cette  dernière  opinion,  disant  que  l'animalcule 
spermatique  s'appliquait  à  la  cicatricule  pour  former  le 


3l4  VIE   INTRA-UTÉRINE. 

système  nerveux  du  nouvel  être,  et  que  celle-ci  et  le  reste 
de  Fovule  n'étaient  que  la  gangue  gélatineuse  avec  laquelle, 
sous  l'influence  du  système  nerveux,  étaient  formés  les  or- 
ganes. C'est  toujours  le  même  débat  de  l'épigénèse  et  de 
l'évolution.  Quoi  qu'il  en  soit,  à  partir  de  ce  moment,  la 
vésicule  ovarienne  représente  l'individu  nouveau,  car  elle 
est  destinée  à  le  devenir,  et  voici  en  quoi  elle  diffère  de  ce 
qu'elle  était  dans  le  temps  précédent  :  la  cicatricule  est  plus 
brillante;  formée  primitivement  d'une  lame  membraneuse 
blanche,  fort  épaisse,  criblée  de  petits  trous  à  travers  les- 
quels on  voyait  le  reste  de   l'ovule ,  cette   cicatricule    est 
devenue   plus    mince ,   transparente  ;  elle  est  partagée  en 
deux  zones ,   une  extérieure  plus  épaisse  ,    appelée  champ 
opaque,  et  une  intérieure  plus  diaphane,  appelée  champ 
transparent  :  au  centre  de  celle-ci,  qui  est  régulièrement 
circulaire  ,  on  voit  urarpetit  trait  d'une  demi-ligne  de  lon- 
gueur ,   qui  est  le  rudiment  du  fœtus  ,  la  première  trace 
de   son   système  nerveux. 

L'ovule  fécondé,  et  tel  qu'on  vient  de  le  décrire,  quitte 
alors  l'ovaire.  Les  uns  disent  que  c'est  au  moment  même  de 
la  conception,  et  nous  avons  cité  une  observation  de  gros- 
sesse extra-utérine ,  qui  semble  devoir  le  faire  croire.  Les 
autres,  et  c'est  le  plus  grand  nombre,  disent  que  ce  n'est 
qu'après  quelques  jours ,  qu'après  un  temps  qui  varie  dans 
chaque  espèce  animale.  Cruiskanck,  expérimentant  sur  des 
lapines,  vit  les  ovules  dès  le  troisième  jour  dans  la  trompe, 
et  dès  le  quatrième,  dans  l'utérus.  Haigton,  détermina  des 
gestations  tubaires  dans  ces  mêmes  animaux,  en  coupant  les 
trompes  dans  les  deux  premiers  jours  ;  mais  s'il  ne  faisait 
la  section  qu'après  soixante  heures,  la  gestation  utérine  avait 
lieu,  preuve  que  les  ovules  à  cette  époque  avaient  déjà  passé. 
Nous  avons  cité  une  expérience  analogue  de  Nuck  ,  de  la- 
quelle on  pouvait  déduire  la  même  conséquence.  MM.  Dumas 
et  Prévost  disent,  que  ce  passage  se  fait  chez  la  chienne,  du 
huitième  au  onzième  jour.  Dans  l'espèce  humaine,  on  a  dit 
le  douzième  jour;  mais  il  se  fait  plus  tôt.  Home,  exami- 
nant le  cadavre  d'une  femme  morte  huit  jours  après  une 
approche,  trouva  déjà  dans  l'utérus  l'ovule  qui  était  mern- 


AJSATOMIE    DU    FOETUS.  3i5 

braneux ,  et  qui  avait  une  ligne  de  longueur  sur  une  demi- 
ligne  d'épaisseur. 

Dans  son  trajet  à  travers  la  trompe,  F  ovule  a-t-il  changé? 
Cela  est  certain  dans  les  ovipares.  Dans  les  oiseaux,  par 
exemple ,  l'ovule  n'est  composé  à  l'ovaire  que  du  jaune , 
substance  nutritive  destinée  à  nourrir  l'individu  nouveau, 
et  de  la  cicatricule  qui  est  le  rudiment  de  celui-ci  :  c'est  en 
traversant  l'oviductus  qu'il  a  acquis  le  blanc  qui  est  extérieur 
au  jaune,  et  en  traversant  le  cloaque ,  qu'il  a  revêtu  l'enve- 
loppe crétacée,  la  coquille.  Mais  cela  est  douteux,  en  ce  qui 
concerne  les  vivipares  et  l'homme.  Cruishanck  dit  que  dans 
le  trajet  à  travers  la  trompe,  l'ovule  s'est  gonflé  comme  un 
pois  chiche.  D'autres  ont  pensé  que  la  substance  séro-albu- 
inineuse  ,  qui ,  immédiatement  après  un  coït  fécondant ,  est 
sécrétée  dans  l'utérus  pour  la  formation  de  la  membrane 
caduque,    est   dans  les  vivipares  l'analogue  des  blancs  de 
l'œuf  des  ovipares.  Récemment,  M.  Geoffroy  St.-Hilaire  a 
soutenu  que  dans  la  trompe,  l'ovule  ne  faisait  que  grossir, 
et  que,  sans  éprouver  aucuns  changements  importants,  il 
arrivait  à  l'utérus   tel  qu'il  était  à  l'ovaire.   Quel  est  en 
effet,  dit  ce  naturaliste ,  le  but  des  changements  qu'éprouve 
dans  la  trompe  l'ovule  des  ovipares?  c'est  d'affranchir  cet 
ovule  du  besoin  de  s'implanter  à  la  mère,  pour  subvenir  à 
ses  développements;  c'est  de  lui  donner  les  formes  qui  per^ 
mettront  ses  développements  sans  le  secours  d'une  commu- 
nication directe  avec  la  mère  :  or ,  ajoute-t-il ,  ces  formes 
n'étaient  pas  nécessaires   à   l'ovule  des  vivipares  ,   et   par 
conséquent ,   cet  ovule  a  pu  parvenir  à  l'utérus  sans  les 
acquérir. 

L'ovule  arrivant  dans  l'utérus  ;  ou  se  plonge  en  entier 
dans  la  substance  séro-albumineuse  qui  remplit  alors  cet 
organe ,  et  voit  s'organiser  autour  de  lui  le  double  feuillet 
membraneux  qui  constitue  la  caduque;  ou  trouvant  déjà 
cette  membrane  organisée  et  tapissant  l'utérus ,  il  la  pousse 
devant  lui  à  mesure  qu'il  pénètre  le  viscère,  et  s'en  entoure 
dans  la  plus  grande  partie  de  son  étendue.  On  admet  l'une 
ou  l'autre  de  ces  deux  manières  de  voir ,  selon  qu'on  a  admis 
l'une  ou  l'autre  des  deux  opinions  coïncidentes  sur  le  mode 


3l6  VIE  INTRA-UTÉRINÈ. 

de  formation  de  la  caduque.  Continuant  de  grossir  dans 
l'utérus,  en  cinq  jours  chez  les  chiens,  il  atteint  le  dia- 
mètre d'un  pois  r  devient  pyriforme  ,  et  bientôt  par  des 
filaments  qui  naissent  de  sa  surface  externe  ,  il  contracte 
des  adhérences  avec  la  caduque  ,  et  cesse  d'être  flottant. 
Examiné  à  cette  époque,  il  ne  paraît  être  encore  que  ce 
qu'il  était  à  l'ovaire  après  la  fécondation,  sauf  qu'il  est 
plus  gros. 

L'époque  à  laquelle  on  commence  à  voir  nettement  dans 
l'ovule  un  rudiment  d'embryon  ,  est  peu  précise ,  même 
dans  les  ovipares,  chez  lesquels  cependant  les  observations 
sont  plus  faciles.  Hallerd.it  que  sur  des  brebis,  animaux  qui 
portent  sept  mois,  il  ne  vit  jusqu'au  dix-septième  jour, 
qu'un  mucus  uniforme  ;  qu'alors  des  membranes  parurent 
former  l'enveloppe  de  l'ovule,  et  en  déterminer  la  forme; 
et  qu'au  vingt-cinquième  jour,  un  point  opaque  annonça 
le  fœtus.  Haigton  ,  observant  sur  des  lapines ,  dont  la  gesta- 
tion est  de  trente  jours,  ne  vit  rien  avant  le  sixième  jour, 
et  le  fœtus  ne  s'annonça  qu'au  dixième.  Dans  l'observation 
de  Home,  que  nous  avons  citée,  et  qui  a  le  mérite  d'être 
relative  à  l'espèce  humaine,  l'ovule  qui  avait  huit  jours, 
offrait  déjà  deux  petits  points  opaques;  il  avait  la  forme 
d'un  flocon  grisâtre ,  semi-transparent;  il  était  prompt  à  se 
liquéfier,  et  son  poids  pouvait,  par  approximation,  être 
évalué  à  un  grain. 

Les  développements  premiers  que  subit  l'ovule,  pour  arri- 
ver au  point  où  l'on  peut  y  distinguer  nettement  i<>  le  nouvel 
être  sous  forme  d'embryon  ou  de  fœtus,  2  °  les  parties  annexes 
qui  sontuniesà  cet  embryon  pour  lefaire  vivre  et  croître,  sont 
inconnus  dans  l'homme.  Chez  cet  être,  ces  développements 
se  font  à  une  époque  trop  rapprochée  de  la  conception  ;  ils  se 
succèdent  avec  trop  de  rapidité,  et  souvent  une  heure  ou  deux 
suffisent  pour  le  passage  d'une  phase  à  une  autre;  l'observa- 
tion en  est  délicate  et  difficile,  parce  que  les  objets  sont  alors 
si  petits,  qu'ils  sont  à  peine  saisissables  par  le  microscope; 
enfin,  les  occasions  de  faire  ces  observations  sont  rares.  Ce 
n'est  que  par  les  recherches  qu'on  a  faites  sur  les  animaux, 
et  surtout  sur  les  animaux  ovipares,  qu'on  a  pu  s'en  faire 


ANATOMIE   DU   FOETUS.  3  J  7 

quelque  idée.  Chez  les  ovipares  ,  tous  ees  développements  se 
faisant  comme  à  l'extérieur,  il  était  plus  facile  de  remonter 
à  leur  origine,  et  d'en  suivre  les  progrès.  Aussi,  telle  a  été  la 
marche  suivie  par  tous  les  physiologistes,  depuis  Aristote,  jus- 
qu'à nos  jours.  Fabrice  d' Jq uapendente,  Malphigi,  Haller, 
Spallanzani y  TVolJ >  MM.  Cuvier ,  Dutrochet,  Pander  et 
Rolando,  etc.  ,  se  sont  efforcés  de  suivre  les  phases  du  déve- 
loppement, soit  du  poulet  dans  l'œuf  de  la  poule,  soit  du 
têtard  et  de  la  grenouille  dans  l'œuf  des  batraciens;  et  ré- 
cemment, de  semblables  travaux  ont  encore  été  entrepris 
par  MM.  Dumas  et  Prévost.  Malheureusement  tous  ces  ex- 
périmentateurs sont  dissidents  ;  il  est  difficile  d'entendre , 
même  avec  le  secours  des  figures,  les  descriptions  forcément 
minutieuses  qu'ils  ont  tracées  ;  souvent  ils  ont  donné  aux 
mêmes  parties  des  noms  différents,  ajoutant  ainsi  aux  diffi- 
cultés de  la  chose  elle-même ,  les  embarras  d'une  nomencla- 
ture peu  fixe;  enfin,  ils  n'ont  fait  que  fournir  des  arguments 
à  l'analogie.  Or,  peut-être  ici  l'analogie  n'est  pas  applicable, 
car  l'œuf  d'un  ovipare,  qui  doit  contenir  en  lui  tous  les 
éléments  de  ses  développements  futurs,  doit  être  différem- 
ment édifié  que  celui  d'un  vivipare  destiné  à  s'implanter 
dans  le  sein  maternel ,  et  à  y  puiser;  et  dès  lors,  les  déve- 
loppements de  l'un  et  de  l'autre  peuvent  se  faire  d'après 
des  lois  diverses.  Toutefois,  voici  quelques  détails  rapides 
sur  les  travaux  de  ce  genre. 

Un  œuf  d'oiseau ,  de  poule  ,  par  exemple,  est  composé  de 
deux  sortes  de  parties  ;  les  unes  qui  ne  prennent  presque 
aucune  part  au  développement  du  nouvel  être,  et  qui  après 
son  éclosion  restent  comme  des  résidus  morts;  les  autres, 
dont  les  métamorphoses  sont  en  rapport  avec  celles  de 
l'embryon,  et  qui  coopèrent  à  sa  formation.  Les  premières 
sont  la  coquille ,  et  la  membrane  qui  la  tapisse;  les  secondes 
sont  le  blanc  de  l'œuf,  le  jaune  et  la  cicatricule.  La  coquille 
est  poreuse,  pour  permettre  l'absorption  de  l'air  extérieur,  et 
l'évapora  lion  d'une  partie  du  blanc  de  l'œuf:  encore  membra- 
neuse à  l'ovaire ,  c'est  dans  le  cloaque  qu'elle  est  devenue 
terreuse.  La  membrane  qui  tapisse  la  coquille  est  blanche, 
bifoîiée;  les  deux  lames  qui  la  forment,  se  séparent  au  gros 


3i8  VIE    INTRA-UTERINE. 

bout  de  l'œuf,  et  y  laissent  un  espace  rempli  d'air,  provenant 
de  l'éyaporation  de  l'albumine  intérieure;  cet  espace  est  d'au- 
tant plus  grand  que  l'œuf  est  plus  vieux.  Le  blanc  n'existait 
pas  dans  l'œuf  attaché  encore  à  l'ovaire;  il  ne  s'est  interposé 
entre  le  jaune  et  la  coque  ,  que  lorsque  l'œuf  a  traversé 
l'oviductus;  il  y  en  a  deux,  un  en  deliors,  mince  ,  fluide  , 
qui  s'évapore  en  partie,  et  qui  est  d'autant  moins  abondant 
que  l'œuf  est  plus  vieux;  un  autre  plus  intérieur ,  beaucoup 
plus  dense ,  enveloppé  par  le  premier  ,  et  qui  ne  touche  à  la 
coque   qu'à  la  pointe  de  l'œuf  par  un  prolongement  de  sa 
substance,  appelée  par  Tredem  le  ligament  du  blanc.  On 
pourrait  croire  que  le  jaune  ou  viiellus  n'est  qu'une  masse 
demi  -  fluide   sans   organisation;     mais    i»  deux  membra- 
nes,   dites   épidermiques  ,    l'enveloppent   en  commun  avec 
la  cicatricule,  et  deux  prolougements  de  ces  membranes, 
appelés  chalazes ,  s'attachent  aux  deux  bouts  de  l'œuf,  et  l'y 
suspendent  comme  à  deux  pôles;    20  il  est  encore  renfermé 
dans  une  membrane  propre  ;  3°  enfin,    sous  les  tuniques 
épidermiques  du  jaune,  et  sur  sa  tunique  propre,  est  la 
cicatricule. 

Tous  les  expérimentateurs  disent  que  c'est  de  cette  der- 
nière partie  de  l'œuf  que  provient  le  nouvel  être ,  et  que  le 
blanc  et  le  jaune  ne  sont  que  des  matières  nutritives  pré- 
parées pour  subvenir  à  ses  développements.  Haller  a  même 
prouvé  que  le  jaune  avait  une  communication  directe  avec 
l'intestin  du  fœtus,  et  paraissait  en  être  une  dépendance. 
Du  reste  ,  sans  remonter  aux  expériences  de  ce  physiologiste 
et  à  celles  des  auteurs  anciens  sur  l'évolution  du  poulet 
dans  l'œuf,  arrêtous-nous  à  celles  plus  récentes  faites  par 
MM.  Cuvier  et  Dutrocket,  Pander  et  Rolando  ;  elles  suffi- 
ront à  notre  objet. 

Selon  MM.  Cmder  et  Dutrochet,  rien  ne  paraît  changé 
encore  dans  l'œuf  dans  les  premières  heures  de  l'incuba- 
tion ;  mais,  vers  ïa  septième  à  peu  près,  la  cicatricule  a  grossi, 
et  représente,  à  la  partie  supérieure  du  jaune,  et  sous  ses 
tuniques  épidermiques,  un  petit  sac  contenant  quelque 
chose  de  fluide;  ce  sac  est  l'embryon,  contenu  dans  une 
membrane  qui  lui  est  propre  et  qu'on  appelle  amnios.  En 


ANÀTOMIE    DU    FOETUS.  3 19 

même  temps  la  chalaze  du  gros  bout  de  l'œuf  s'est  détachée, 
et  a  permis  au  jaune  de  se  porter  de  ce  côté,  pour  que  l'em- 
bryon ou  cicatricule  se  mette  en  rapport  avec  l'air  qui  rem- 
plit l'espace  vide  qui  y  existe;  le  blanc  est  porté  au  contraire 
en  en  bas,  et  d'ailleurs  est  absorbé  successivement  par  le 
jaune,  qui  ainsi  se  fluidifie  et  augmente  de  masse.  Vers  la 
trentième  heure  ,  ce  petit  sac  de  l'embryon ,  successivement 
agrandi ,  offre  dans  son  milieu  un  petit  cercle  de  couleur 
blanchâtre,  dans  le  centre  duquel  est  un  point  semblable 
à  un  ver  ;  ce  point  est  le  rudiment  du  poulet;  et  le  cercle 
est  le  premier  vestige  des  vaisseaux  qui  puisent  dans  le 
jaune ,  ce  que  Haller  appelle  \&  figure  veineuse.  Le  sang  n'y 
pénètre  pas  d'abord;  mais  bientôt  cela  arrive;  un  point 
saillant  et  battant  apparaît  dans  le  poulet,  c'est  le  cœur;  on 
voit  l'aorte  en  naître,  et  ses  branches  se  rendre  dans  la  fi- 
gure veineuse.  Le  poulet  s'offre  alors  sous  l'apparence  d'une 
ligne  courbe,  dont  la  partie  antérieure  renflée  est  la  tête. 
Dans  les  deux  jours  suivants,  le  jaune  continuant  d'absorber 
le  blanc  et  de  grossir,  ses  membranes  épidermiques  se  bri- 
sent et  laissent  le  sac  de  l'amnios  à  nu  :  sur  celui-ci,  la  fi- 
gure veineuse  a  continué  de  s'agrandir.  Il  paraît  que,  dans 
ces  premiers  temps,  c'est  le  jaune  qui  a  nourri  l'embryon  , 
et  que  l'air  renfermé  dans  l'espace  qui  est  au  gros  bout  de 
l'œuf  a  servi  à  sa  respiration.  Dans  le  cours  du  quatrième 
jour,  sort,  entre  les  rudiments  des  pieds  du  poulet,  une 
petite  vessie,  grosse  comme  une  tête  d'épingle  ,  ayant  quel- 
ques vaisseaux  qui  lui  sont  propres  ,  et  communiquant  avec 
le  cloaque.  Cette  vessie  qu'on  a  appelée  allantoïcle ,  grossit 
rapidement;  tellement  qu'à  la  cent  huitième  heure,  elle 
sera  assez  grande  pour  envelopper  tout  le  sac  du  jaune  et  îe 
sac  du  poulet,  bien  que  celui-ci  ait  continué  de  grandir. 
Au  cinquième  jour,  on  distingue  donc  dans  l'œuf  trois  sacs, 
celui  du  jaune,  celui  de  l'amnios  ou  du  poulet,  et  celui  de 
l'allantoïde  ;  et  voici  comment  chacun  se  comporte.  Le  sac 
du  jaune  va  en  diminuant  graduellement ,  et  celui  du  fœ- 
tus en  augmentant;  le  premier,  qui,  d'abord  était  presque 
tout  l'œuf  5  arrive  à  n'être  plus  qu'un  point;  et  le  second 
qui  n'était  primitivement  qu'un  point,  la  cicatricule,  par- 


320  ^IE   INTRA-UTÉRINE, 

vient  à  constituer  presque  tout  l'œuf;   à  mesure  que  l'un 
augmente,  l'autre  diminue,  se  creuse  davantage;  et  lors- 
que ,  vers  la  cent  vingtième  heure  ,  le  fœtus  est  assez  formé 
pour  qu'on  distingue  en  lui  l'intestin,  on  voit  clairement 
que  le  jaune  y  tient  par  un  pédicule ,  et  que  les  vaisseaux 
qui  se  rendent  à  la  membrane  de  ce  jaune  sont  des  vaisseaux 
qui  proviennent  des  troncs  mésentériques  du  fœtus  ,   qui 
sont  sortis  par  son  ombilic ,  et  qu'on  a  appelés  à  cause  de 
cela  omphalo-mésentériques .  À  mesure  que  le  développement 
avance,  le  jaune  se  montre  de  plus  en  plus  une  dépendance 
de  l'intestin  du  poulet;   à  tel  point  qu'aux  approches  de 
l'éclosion  ,  ce  qui  en  reste  rentre  dans  l'abdomen  du  poulet , 
et  que  le  sac  du  jaune  se  remplit  du  même  méconium  vert 
que  contient  l'intestin.  Quant  à  l'allantoïde,  cette  mem- 
brane, continuant  de  croître  avec  rapidité,  bientôt  enveloppe 
tout  l'œuf;  et  dès  le  huitième  jour,  ses  extrémités  venant  à 
se  joindre  vers  le  petit  bout ,  se  col  lent  entre  elles,  et  entou- 
rent l'œuf  d'une  double  tunique ,   une  extérieure ,  qu'on 
appelle  chorion ,  et  une  intérieure,  qu'on  appelle  la  mem- 
brane moyenne ,  parce  qu'elle  est  ainsi  entre  le  chorion  en 
dehors,  et  l'amnios  en  dedans.  Du  moment  de  cette  union, 
la  figure  veineuse  perd  de  son  éclat,  et  il  est  évident  qu'une 
partie  du  sang  qu'elle  recevait  va  à  l'allantoïde.  Les  vais- 
seaux de  celle-ci  viennent  aussi  du  fœtus  ;  ce  sont  ceux 
qu'on  appelle  ombilicaux .  Ils  consistent;  en  une  veine  dite 
ombilicale  ,  qui ,  venant  de  la  veine-cave ,  a  traversé  la  scis- 
sure du  foie  et  est  sortie  par  l'ombilic;  et  en  deux  artères,  por- 
tant le  même  nom,  et  qui  sont  des  continuations  des  iliaques 
primitives.  Jusqu'au  dixième  jour,  la  membrane  moyenne 
de  cette    allantoïde,   communique  avec  le  cloaque  par  un 
canal  particulier,  appelle  ouraque ,  et  contient  un  fluide, 
qu'à  cause  de  cette  communication ,  on  croit  être  de  l'urine  : 
mais  plus  tard  ce  canal  de  communication  se  casse  et  dispa- 
rait, et  le  fluide  est  résorbé  et  réduit  à  une  matière  glaireuse 
et  crayeuse. 

Dans  les  autres  ovipares ,  les  phénomènes,  disent  MM.  Cu- 
vier  et  Dutrochet,  sont  à  peu  près  les  mêmes;  si  ce  n'est  que 
dans  ceux  qui  inspirent  l'air,   l'œuf  ne   contient  pas   de 


ANATOMÏE   DU    FOETUS.      _  32  1 

blanc,  et  que  dans  ceux  qui  respirent  l'eau,  non-seulement 
il  n'y  a  pas  de  blanc,  niais  encore  que  rien  de  ce  qui  ap- 
partient à  l'appareil  de  Fallantoïde  ne  se  développe.  L'œuf 
réduit  au  jaune  et  à  la  cicatricule  ,  se  gonfle  par  suite  de 
son  séjour  dans  Feau  ;  bientôt  le  fœtus  apparaît  attaché  à  la 
boule  du  jaune;  et  celle-ci  est  si  évidemment  un  appen^- 
dice  de  l'intestin  du  fœtus,  que  la  peau  de  cet  être,  son 
péritoine,  son  intestin  lui-même,  en  forment  les  parois. 
Enfin,  dans  les  mammifères  et  dans  l'homme ,  ce  sont  en- 
core, disent  MM.  Cuvier  et  Dutrochet,  les  mêmes  disposi- 
tions i  le  fœtus  est  aussi  renfermé  dans  une  membrane 
propre,  appelée  amnios  ;  une  vésicule  dite  ombilicale ,  terr 
nant  à  son  intestin,  et  recevant  les  mêmes  vaisseaux,  dits 
omphaio-mésentèriques ,  que  la  membrane  du  jaune,  rem- 
plit à  son  égard  les  mêmes  offices  que  ce  jaune;  enfin,  Yal- 
lanlo'ide ,  en  se  développant,  forme  aussi  autour  de  tout 
l'œuf  une  double  membrane,  savoir  un  chorion ,  et  une 
membrane  moyenne,  La  seule  différence  est ,  que  les  vais^ 
seaux  ombilicaux  qui,  dans  l'œuf  de  l'ovipare,  ont  fini 
aux  deux  membranes  dites  chorion  et  membrane  moyenne  3 
dans  l'œuf  du  vivipare  percent  ces  membranes,  et  vont  aur 
delà  former  un  organe  spongieux,  vascujaire,  destiné  à 
s'implanter  dans  l'utérus,  et  appelé  placenta. 

Ces  travaux  de  MM.  Cuvier  et  Dutrochet  nous  donnent 
de  premières  lumières  sur  les  parties  annexes  de  l'individu 
nouveau  ;  ceux  de  Pander  et  de  Rolando  sont  plus  relatifs 
à  cet  être  lui-même,  et  tendent  à  spécifier  l'ordre  dans  le- 
quel apparaissent  ses  diverses  parties.  Pander  dit,  que  la 
cicatricule  est  située  sous  la  membrane  même  du  jaune,  qui 
est  plus  claire,  plus  mince  à  l'endroit  qui  lui  correspond. 
Elle  se  présente  sous  l'apparence  d'une  tache  circulaire  , -de 
deux  lignes  de  diamètre,  dont  le  bord  externe  est  plus  clair 
et  plus  blanc,  et  dans  le  milieu  de  laquelle  est  un  point 
blanc,  se  faisant  remarquer  par  sa  clarté.  Elle  est  composée 
de  deux  parties,  une  qui  est  plongée  dans  le  jauue,  et  Fau-? 
tre  qui  est  disposée  comme  une  couche  sur  sa  surface.  Celle- 
ci  est,  selon  lui,  la  partie  de  laquelle  et  dans  laquelle  se 
forme  le  poulet,  et  il  l'appelle  à  cause  de  cela  la  membrane 
Tome  IV.  21 


32  2  VIE   INTRA-UTÉRINE. 

du  germe y  le  blastoderme;  il  appelle  l'autre,  noyau  de  la 
cicatricule.  Le  blastoderme  est  composé  primitivement 
d'une  couche  simple  de  granulations  ;  mais  par  l'incubation 
il  s'agrandit;  de  nouvelles  granulations  plus  homogènes  se 
développent  à  sa  surface;  il  paraît  partagé  en  deux  zones, 
une  intérieure,  dite  le  champ  transparent,  et  une  exté- 
rieure, dite  le  champ  opaque;  à  son  centre  est  un  point 
brillant;  et  dès  la  douzième  heure,  il  paraît  composé  de 
deux  couches ,  une  plus  épaisse  ,  granuleuse ,  opaque  ,  que 
Pander  appelle  le  feuillet  muqueux,  et  une  autre,  exté- 
rieure, plus  mince,  transparente,  qu'il  appelle  le  feuillet 
séreux.  C'est  sur  lui  que  vont  se  développer  les  germes  im- 
portants des  systèmes  nerveux  et  sanguins.  En  effet,  bien- 
tôt les  granulations  du  feuillet  muqueux  se  retirent  du  mi- 
lieu du  blastoderme  vers  son  bord  externe,  et  il  reste  ainsi 
au  centre  une  place  ronde ,  plus  claire  ,  où  ce  feuille  test  très 
aminci,  et  qui  est.  le  siège  futur  de  l'embryon  ;  c'est  ce  que 
Pander  appelle  Y  aire  du  germe.  Cette  aire,  d'abord  petite 
et  circulaire,  augmente  rapidement  avec  le  blastoderme; 
successivement  elle  devient  ovale,  pyriforme;  et  vers  la 
seizième  heure  ,  se  montrent  en  elle  deux  petites  raies  paral- 
lèles et  longitudinales,  qui  sont  les  premiers  rudiments  de 
l'embryon  ,  et  que  Pander  appelle  les  plis  primitifs  :  d'un 
côté ,  ces  deux  raies  se  réunissent  en  arc  pour  former  la  tête 
du  poulet;  de  l'autre 9  elles  restent  écartées,  et  entre  elles 
naît  un  petit  filament,  qui  est  la  moelle  épinière.  Bientôt  les 
deux  plis  se  rapprochent  pour  entourer  la  moelle ,  mais  cela 
ne  se  fait  que  graduellement,  et  ces  deux  plis  laissent  en 
haut  des  vésicules  dans  lesquelles  plus  tard  se  montrera  le 
cerveau.  De  chaque  côté  ,  apparaissent  des  taches  quadrila- 
tères ,  rudiments  des  vertèbres.  Alors ,  entre  les  deux  feuillets 
du  blastoderme,  se  forme  une  troisième  membrane  ,  dans 
laquelle  se  développent  les  vaisseaux,  et  que  Pander  appelle 
la  membrane  vasculaire.  Enfin  ,  tandis  que  le  développe- 
ment de  cette  troisième  membrane  va  donner  naissance  uc- 
cessivement  à  la  figure  veineuse  ,  aux  vaisseaux  ,  au  cœur  du 
poulet ,  de  seconds  et  de  troisièmes  plis,  disposés  en  sens 
contraire  des  plis  primitifs  ,  vont  former;   les  uns,  les  ca- 


ANATOMIE   DU    FOETUS.  32 3 

viles  thoracique  et  abdominale  et  les  viscères  qui  y  sotrt 
contenus  ;  et  les  autres  .  les  enveloppes  du  fœtus. 

Selon  Rolando,  la  cicatricule  est  composée  de  trois  par- 
ties :  i°  d'une  très  petite  vésicule  qui,  par  ses  développe- 
ments,  donnera   naissance  à   la   membrane  amnîos  et  aux 
téguments   du  nouvel   être;    2"  d'un  disque  de  substance 
spongieuse,  dont  les  développements  produiront  successi- 
vement la  figure  veineuse  de  Halle?*,  le  cœur  et  tout  le  sy- 
stème vasculaire;   3°  enfin,  d'un  petit  corps  de  substance 
blanche,  qui  est  ce  que  Pander  a   appelé  le  noyau  de  la 
cicatricule ,   et  Haller    le  sacculus   vitellarius ,   et  qui   est 
destiné  à  former  le  canal  alimentaire.   A  ces  trois  parties 
constituantes  de  la  cicatricule  ,   la  fécondation   en  ajoute 
une   quatrième,  qui  apparaît  à  son  centre  sous  la  forme 
d'une  demi-ligne  de  long,  et  qui  est  le  rudiment  du  système 
nerveux.  Il  est  aisé  de  reconnaître,    dans  ces  trois  parties 
admises  par  Rolando  dans  la  cicatricule,  les  trois  feuillets, 
séreux,  muqueux  et  membrane  vasculaire ,  que  Pander  a 
signalés  dans  ce  qu'il  a  appelé  le  blastoderme.  Selon  Ro- 
lando, c'est  le  rudiment  nerveux  qui  imprime  le  mouve- 
ment de  développement;  alors  le  disque  de  substance  spon- 
gieuse s'agrandit;  dès  la  sixième  heure  de  l'incubation,  il 
s'est  accru  de  manière  à  faire  voir  nettement  en  lui  beau- 
coup de  vaisseaux  entrecroisés  de  mille  manières,  et  rem- 
plis d'une  liqueur  îougeâtre.  A  la  douzième  heure,  il  forme 
une  aire  pyriforme,  partagée  en  deux  zones  ,  une  intérieure, 
qui  est  le  champ  transparent  de  Pander,  et  une  extérieure, 
qui  est  sou  champ  opaque.  Entre  les  vingtième  et   tren- 
tième heures  ,  se  montrent  les  deux  artères  de  la  figure  vei- 
neuse ,  et,  à  la  trente-sixième,  le  cœur,  qui  provient  d'un 
des  vaisseaux  du  champ  transparent.  Ce  cœur  occupe  d'a- 
bord tout  le  tiers  supérieur  du  fœtus;  mais  à  la  quaran- 
tième heure,  on  y  distingue  trois  dilatations,  qui  sont  l'o- 
reillette gauche ,  le  ventricule  gauche  et  le  bulbe  de  l'aorte. 
A  la  cinquante- huitième   heure,   part  de   l'oreillette,   au 
côté  opposé  à  celui  par  lequel  lui  arrivent  les  veines  caves , 
un  petit  vaisseau  qui  s'applique  à  droite  du  ventricule  gau- 
che, pour  former  le  ventricule  droit.  À  la  quatre-vingtième, 

«  21. 


324  VIE   INTHA-UTÊRINE» 

une  cloison  partage  l'oreillette  en  deux.  Ainsi  le  cœur  est 
primitivement  vascuîaire,  et  il  ne  cesse  de  l'être  qu'à  me- 
sure que  des  fibres  musculaires  se  déposent  sur  le  vaisseau 
qui  le  formait  primitivement.  En  un  mot,  du  réseau  vas- 
culaire  délié  qui  forme  la  figure  veineuse  ,  et  surtout  de  son 
centre,  de  ce  qu'on  a  appelé  le  champ  transparent,  provien- 
nent le  cœur,  et  toutes  les  artères  et  veines  du  corps.  En 
même  temps,  à  mesure  que  le  rudiment  nerveux  se  déve- 
loppe pour  former  la  moelle  spinale  ,  le  sacculus  vitellarius 
se  prolonge  en  avant  sous  lui,  et  s'unit  par  des  vaisseaux 
avec  la  lame  spongioso-vasculaire  ;  sa  figure  est  d'abord  py- 
ri forme  j  mais  comme  il  s'alonge   toujours,  il  arrive  à  for- 
mer un  canal,  étendu   du  bord    antérieur  de  la    tête  au 
cœur,  et  assez  large;  ce  canal  sera  la  bouclie  et  l'œsophage. 
Ce  canal  ensuite  se  prolongeant  en  bas,  dans  la  même  pro- 
portion  que  la  moelle,  le  sacculus    vitellarius   paraît  ne 
plus  exister,   et  est  remplacé  par  un   tube  étendu  de  la 
bouche  à  l'anus x  qui  reste  ouvert  quelque  temps  à  son  bord 
antérieur,  et  qui  est  l'intestin.  Enfin,  ce  canal  continuant 
de  s'alonger,  se  replie  en  avant  pour  former  en  dehors  de 
l'être  une  longue  vessie,  qui  lui  est  continue  sans  inter- 
ruption, et  qu'on  appelle  allanloide.    Dans   les   animaux 
simples,  dépourvus  de  viscères  et  d'organes  sécréteurs,  ce 
canal  reste  ainsi  sans  appendices;  mais  dans  les  autres,  sa 
tunique   ceîluleuse   se  prolonge   pour   constituer   ceux-ci. 
Aux  points  où  ces  organes  annexes  doivent  être  situés,  s'é- 
lèvent de  petits  tubercules ,  qui  s'unissent  avec  des  vaisseaux 
capillaires  sanguins,  pour  former  les  vaisseaux  sécréteurs; 
ceux-ci  ensuite  s'associent  avec  d'autres  vaisseaux  sanguins 
pour  composer  les  organes.  Cela  s'étend  comme  les  branches 
d'un  arbre.  C'est  de  haut  en  bas  que  se  forment  ces  diverses 
parties  ;  c'est-à-dire  les  salivaires  d'abord,  puis  les  trompes 
d'Eustachi ,  les  conduits  aérifères,  cholédoque,  hépatique, 
cystique,  etc.  Quelques-unes  cependant  paraissent  provenir 
de  la  membrane  tégumentaire ,  de  l'amnios,  les  mamelles, 
par  exemple.  Quant  aux  téguments  extérieurs,  d'abord  ils 
recouvrent  sans  interruption  tout  l'animal;  mais  aux  lieux 
où  il  doit  exister  des  ouvertures,  ces  téguments  sont  en  con- 


ÀNÀTOHIU  DU   FOETUS.  3a  5 

tact  immédiat  avec  le  sacculus  viteîlarius,  ou  ie  canal  qu'on 
vient  de  décrire,  et  les  vaisseaux ,  à  une  certaine  époque, 
venant  à  leur  manquer,  ils  se  percent;  si  par  une  cause 
quelconque  ces  vaisseaux  continuent  de  les  pénétrer,  ils 
conservent  toute  leur  densité,  et  il  en  résulte  ce  qu'on  ap- 
pelle des  imperforations . 

Nous  ne  dissimulerons  pas  que  ces  diverses  descriptions 
laissent  beaucoup  à  désirer;  lues  dans  les  expérimentateurs 
eux-mêmes,  elles  m'ont  semblé  insuffisantes;  à  plus  forte 
raison  doivent-elles  le  paraître  ,  étant  réduites  à  un  si  court 
exposé.  Cependant  on  verra  que  celle  de  MM.  Cuvier  et  Du- 
trochct  nous  servira  lors  de  l'étude  des  parties  annexes  du 
fœtus  humain  ,  et  que  celle  de  M.  Roiando  éclairera  aussi 
l'évolution  du  fœtus  lui-même.  Du  reste,  ces  descriptions 
sont  en  quelque  sorte  hors  de  notre  sujet;  nous  avons  déjà 
dit  qu'il  fallait  être  très  circonspect  dans  les  analogies  à  éta- 
blir entre  les  ovipares  et  les  vivipares.  Il  est  une  famille 
d'animaux  qui  aurait  pu  fournir  plus  de  lumières,  celle 
des  marsupiaux;  chez  ces  animaux  l'ovule  arrive,  dès  les 
premiers  jours  de  ses  développements,  dans  la  bourse  extér 
rieure;  par  conséquent  on  pourrait  voir  en  quel  état  il  est 
alors,  et  quelles  métamorphoses  successives  il  éprouve, 
car  c'est  presque  comme  une  gestation  qui  se  ferait  à  l'exté- 
rieur :  mais  ce  sont  autant  d'observations  à  faire. 

Abandonnant  donc  ce  qui  est  des  premiers  développements 
de  l'ovule  humain,  parce  qu'ils  n'ont  jamais  été  reconnus, 
et  parce  que  ce  qu'on  en  a  observé  dans  les  autres  animaux 
est  peu  de  chose  encore  et  peut-être  ne  lui  est  pas  ap- 
plicable; nous  arrivons  tout  de  suite  au  moment  où  l'on 
peut  distinguer  en  lui  l'être  nouveau,  et  les  parties  qui  lui 
sont  annexées  pour  le  nourrir  et  le  faire  croître.  Cette  dis- 
tinction peut  se  faire  dès  le  quinzième  jour  de  la  conception  ; 
elle  devient  ensuite  de  plus  en  plus  prononcée,  et  dans  la 
description  à  donner  de  l'ovule,  on  peut  alors  séparer, 
comme  nous  allons  le  faire,  ce  qui  est  des  parties  annexes 
du  fœtus,  de  ce  qui  est  du  fœtus  lui-même.  L'ovule  n'en 
reste  pas  moins,  pendant  tout  le  cours  de  la  vie  intra-uté- 
rine, une  vessie  globuleuse  ;  mais  cette  vessie,  remplie  d'un 


3 2 6  VIE    IJNTIi  A-UTÉRINE. 

liquide  dans  lequel  est  plongé  le  fœtus,  va  en  grossissant 
continuellement;  et  l'augmentation  de  son  volume  peut  se 
mesurer  par  le  degré  de  dilatation  qu'éprouve  l'utérus  pen- 
dant la  grossesse,  car  celui-ci  est  en  proportion  de  celle-là. 


ARTICLE   PREMIER. 

Des  parties  annexes  du  Fœtus. 


On  appelle  ainsi  les  parties  de  l'ovule  qui  en  constituent 
les  parois,  qui  l'attachent  à  l'utérus,  l'unissent  au  fœtus, 
et  servent  à  la  nutrition  et  à  l'accroissement  de  cet  être. 
Elles  consistent  :  i°  en  deux  membranes  qui  font  les  paroisde 
1  ovule;  concentriques  Tune  à  l'autre,  Tune  est  en  dehors, 
et  s'appelle  le  chorion ,  l'autre  est  intérieure  ,  remplie  d'un 
fluide    dans  lequel  est  plongé  le  fœtus,    et  s'appelle   Yam- 
nios ;  2°  en  une   masse  spongieuse,  vasculaire ,  circulaire, 
située  en  dehors  du  chorion  dans  le  quart  de  l'étendue  de 
l'ovule,  et  qui,  moyen    d'implantation    de  l'ovule    dans 
l'utérus  .  est  ce  qu'on  appelle  le  placenta;  3°  en  un  cordon 
de  vaisseaux ,  étendu  de  ce  placenta  au  fœtus  par  l'ombilic 
duquel  il  pénètre,  qui  est  le  grand  moyen  d'union  de  la 
mère  à  l'enfant,  et  qu'on  appelle  cordon  ombilical  ;  4°  en  une 
vésicule  pleine  d'un   liquide  supposé  nutritif,  communi- 
quant avec  l'intestin  du  fœtus,  qu'on  assimile  au  jaune  de 
l'œuf  des  ovipares,  et  qui  est  nommée  vésicule  ombilicale  ; 
5°  enfin,  en  une  autre  vésicule  qu'on  n'admet  dans  l'œuf 
humain  que  parce  qu'on  la   trouve  dans  celui  des  autres 
mammifères,  et  qu'on  appelle  allantoïde.  Dans  la  descrip- 
tion que  nous  allons  donner  de  ces  diverses  parties ,  on  verra 
qu'elles  n'existent  pas  toutes  en  même  temps,  et  qu'à  me- 
sure que  quelques-unes  se  détruisent,  d'autres  se  forment. 
D'autant  plus  amples,  épaisses  et  pesantes,  relativement  au 
fœtus,  que  celui-ci  est  plus  jeune,  elles  pèsent  plus  que  lui 
jusqu'à  trois  mois  :  à  cette  époque  de  la  grossesse,  le  fœtus 
pèse  autant  qu'elles;  plus  tard,   le  fœtus  les  surpasse  en 
poids  ;  et  lors  de  l'accouchement,  elles  ne  forment  plus  que 
la  huitième  partie  de  sa  pesanteur. 


AJNATOMIE    DU    FOETUS.  32  7 

Chorion.   Le  chorion  ,  appelé   membrane  moyenne  par 
Haller,  endochorion  par   M.   Dutrochet,  esl  la  plus  exté- 
rieure des  membranes  qui  forment  l'enveloppe  de  l'ovule. 
Distincte,  dit  M.  Velpcau ,  dès  le  douzième  jour  après  la 
conception,  elle  est  alors  fort  épaisse,  opaque,  résistante, 
plus  large  que   l'amnios  qui  est  dans  son  intérieur,   velue 
et  tomenteuse  à  ses  deux  faces.  En  dehors  elle  correspond  à 
la  membrane  caduque  ,   dont  nous  avons   fait  l'histoire  à 
l'article  de  la  grossesse.  Si  on  admet  le  mode  de  formation 
de  cette  membrane  indiqué  par  M.  C haussier ,  elle  en  est 
complètement  entourée;    si,   au  contraire,  on  admet  celui 
indiqué  par  MM.  Morceau  et  F'elpeau,  elle  ne  lui  correspond 
que  dans  les  trois  quarts  de  son  étendue;  et  dans  l'autre 
quart ,  qui  est  celui  où  se  développera  le  placenta ,  elle  est 
en  contact  avec  l'utérus  lui-même.  Selon  ces  derniers,  le 
cercle  que  trace  sur  l'ovule,  sur  le  chorion  ,   la  caduque 
réfléchie,  marque  dès  l'origine  le  lieu  où  se  formera  le  pla- 
centa, et  l'étendue  qu'aura  cet  organe.  A  cette  surface  ex- 
terne, le  chorion  est  hérissé  de  villosités  vasculaires  ,  de 
granulations  ,  sur  lesquelles  nous  reviendrons  à  l'occasion 
du  placenta.  Ces  villosités  ,  dans  toute  la  portion  de  l'ovule 
qui  correspond  à  la  caduque,  servent  à  le  faire  adhérer  à 
cette  membrane  ;   mais  clans  la  portion  qui  correspond  à 
l'utérus ,  elles  se  développeront  pour  constituer  le  placenta. 
A  sa  face  interne  ,  le  chorion  correspond  à  l'amnios;  dans 
les  premiers  temps  de  la  vie ,  un  liquide  séreux  sépare  ces 
deux  membranes;  mais,  vers  trois  mois,  ce  liquide  a  dis- 
paru ,  et  elles  sont  alors  en  contact  immédiat.  Hewson ,  Bo- 
janus,  M.  Dutrochet ,  disent  que  le  chorion  est,  dans  son 
origine,  bifolié;  et  nous  verrons  que  plusieurs  feront  pro- 
venir le  placenta  du  dédoublement  de  ses  lames  ,   et  du 
développement    des    vaisseaux    qui    rampent    entre    elles. 
M.  Velpeau,  au  contraire,  prétend  qu'il  est  toujours  uni- 
folié,  et  que  ,  sur  des  ovules  de  quinze  jours  comme  sur  des 
ovules  à  terme,  il  n'a  jamais  pu  le  séparer  en  lames,  même 
après  l'avoir  fait  macérer  préalablement.  Ce  qui,  selon  lui, 
a  induit  en  erreur  les  anatomistes  qui  ont  dit  le  contraire, 
c'est  qu'il  se  forme ,  entre  le  chorion  et  le  placenta  ,  lorsque 


028  VIE   INTRA-UTÉRINE, 

celui-ci  est  développé ,  une  concrétion  menibraniforme  assez 
épaisse,  et  qu'on  peut  séparer  en  plusieurs  feuillets.  Comme 
c'est  en  dehors  du  chorion  que  le  placenta  se  développe  j 
ainsi  que  nous  le  verrons  ,  cette  membrane  revêt  la  face 
fœtale  de  cet  organe;  elle  se  réfléchit  même  sur  le  cordon 
ombilical ,  et  va  avec  ce  cordon  jusqu'à  l'ombilic  du  fœtus, 
où  elle  se  confond  avec  le  derme  de  la  peau  de  cet  être , 
dont  elle  paraît  être  ainsi  une  dépendance.  Du  moins,  c'est 
ce  qu'assure  Ms  Velpeau;  non  qu'il  ait  pu  par  la  dissection 
isoler  le  chorion  et  le  poursuivre  jusqu'à  ce  point  d'union  ; 
mais  il  a  pu  faire  cette  dissection  à  l'égard  de  l'amnios; 
et  au-dessous,  il  a  vu  nettement  le  chorion  se  continuer 
jusqu'à  la  peau  de  l'abdomen.  À  mesure  que  la  grossesse 
avance,  le  chorion  perd  de  son  épaisseur  -,  de  sa  ténacité,  de 
sa  densité.  A  terme ,  il  n'est  plus  qu'une  membrane  mince  , 
transparente,  incolore,  beaucoup  plus  fine  que  l'amnios. 
Selon  Haller  et  Blumenbacli ,  il  est  entièrement  sans  vais- 
seaux; selon  JVrisberg,  il  en  reçoit  des  troncs  ombilicaux 
du  fœtus;  et  selon  Sandifort,  de  la  membrane  caduque. 
M.  Dutrochel  en  fait  une  extension  de  la  vessie  du  fœtus. 

Amnios.  Cette  membrane,  concentrique  à  la  précédente, 
est  remplie  d'un  liquide  séreux ,  et  contient  immédiatement 
le  fœtus.  Dans  les  premiers  jours  de  la  vie  intra-utérine  > 
elle  est  mince,  transparente,  facile  à  déchirer,  et  assez  sem-* 
blable  à  la  rétine.  N'adhérant  d'abord  au  chorion  que  pat- 
Un  point  e(ûi  répond  à  l'abdomen  du  fœtus,  elle  en  est, 
jusqu'à  trois  mois,  séparée  dans  le  reste  de  son  étendue  par 
un  fluide  que  nous  avons  déjà  mentionné,  et  qu'on  appelle 
fausse  eau  de  l'amnios;  mais  à  cette  époque,  les  deux  mem- 
branes se  mettent  en  contact,  et  adhèrent  par  des  filaments 
celluleux  très  déliés;  cette  adhérence  est  faible,  sinon  au 
placenta  et  au  cordon.  Avec  le  temps,  l'amnios  prend  de 
l'épaisseur,  de  la  résistance;  et  à  terme  cette  membrane 
est  plus  épaisse,  plus  tenace  que  le  chorion,  élastique,  demi- 
transparente,  d'une  couleur  blanche,  comme  laiteuse.  Ayant 
la  même  étendue  que  le  chorion,  elle  s'étend,  ainsi  que  lui, 
sur  le  placenta  ,  sur  le  cordon  ;  et  à  l'ombilic  du  fœtus ,  elle 
se  confond  avec  1'épiderme  de  la  peau  de  cet  être.  M.  V'-eU 


AKATO&IE   DU    FOETUS.  3âf| 

peau  assure  être  parvenu  à  la  détacher  du  placenta,  du 
cordon  ;  et  s'être  convaincu  de  sa  dérivation  de  l'épiderme. 
Cette  membrane  a-t-elle  des  vaisseaux?  Huiler  le  croyait, 
pour  avoir  vu  ramper  en  elle  une  branche  de  l'artère  ombi- 
licale, avant  son  arrivée  au  placenta.  D'autres  l'ont  pensé 
aussi  ,  à  cause  du  liquide  qu'elle  contient,  et  qu'on  a  dit 
sécrété  par  elle.  Mais  alors,  ces  vaisseaux  viennent- ils  de 
la  mère  ou  du  fœtus?  Selon  les  uns,  des  vaisseaux  de  la 
mère  passent  de  l'utérus  à  la  caduque,  de  celle-ci  au  cho~ 
rion,  et  enfin  du  chorion  à  l'aninios  •  mais  en  examinant  les 
villosités,  les  filaments  qui  Unissent  l'utérus  à  la  caduque, 
la  caduque  au  chorion  ,  et  le  chorion  à  l'aninios,  leur  vas- 
cularité  devient  de  plus  en  plus  douteuse,  à  mesure  qu'on 
arrive  à  un  point  plus  intérieur*.  Il  est  plus  probable  que 
les  vaisseaux  viennent  du  fœtus.  Cependant  on  ne  peut  faire 
à  cet  égard  que   des  conjectures.   A  la  vérité,    Monro  dit 
qu'ayant  injecté  de  l'eau  tiède  dans  les  artères  ombilicales 
du  fœtus,  cette  eau  suinta  en  gouttelettes  à  la  surface  de 
l'amnios;  mais  PVrisberg  a  vu  l'injection  s'arrêter  entre  le 
chorion  et  l'amnios;  et  M.  Ckaussier  a  obtenu  le  même  ré^- 
sultat  que  Monro  ,  en  injectant  les  vaisseaux  de  la  mère. 

L'amnios  contient  un  liquide  séreux,  dont  la  quantité 
relative  est  d'autant  plus  grande  que  le  fœtus  est  plus  jeune* 
son  poids,  par  exemple,  est  déjà  de  plusieurs  gros,  quand 
celui  du  fœtus  n'est  encore  que  d'un  à  deux  grains.  Dans 
l'origine  ,  cette  humeur  est  claire  ,  transparente  •   mais  ,  à 
terme  ,  elle  a  une  couleur  laiteuse,  qu'elle  doit  à  des  flocons 
d'une  matière  caséeuse  qu'elle  tient  en  suspension.  Elle  a 
alors  une  saveur  salée  ,  une  odeur  de  sperme  ,  un  toucher 
visqueux  et  gluant.  Elle  n'est  plus  au  fœtus  que  dans  la  pro-* 
portion  d'un  tiers  ,  et  sa  quantité  absolue  est  d'une  livre  et 
demie  à  deux  livres.  Ruisch ,  Harvey ,  H  aller ,  Osiander  , 
disent  qu'elle  contient  plus  de  matière  animale  au  comment 
cernent  qu'à  la  fin  de  la  grossesse.  On  ignore  quelle  influence 
a,  sur  la  quantité  de  cette  humeur,  la  constitution  ,  soit  de 
la  mère,  soit  de  l'enfant.  M.  Vauquelin  y  a   trouvé  pour 
éléments  :  de  l'eau,  98,8;  de  l'albumine,  de  l'hydrochlorate 
de  soude ,  de  la  soude ,  du  phosphate  de  chaux  et  de  la 


33o  VIE   INTRA-UTÉRINE, 

chaux,  1,2.  M.  Berzelius  y  a  signalé  aussi  de  l'acide  hydro- 
phtorique  ou  fluorique.  Suivant  Scheel ,  elle  contiendrait 
de  l'oxygène  à  l'état  libre.  M.  Lassaigne  crut  d'abord  y  avoir 
trouvé  les  4/i3i  en  volume,  d'un  gaz  composé  à  peu  près 
comme  l'air  atmosphérique  ;  mais  l'expérience,  refaite  avec 
soin  par  ce  chimiste  et  par  M.  Chevreul,  n'a  plus  démontré 
que  la  présence  d'un  gaz  composé  d'acide  carbonique  et 
d'azote  ;  et  il  faut  de  nouveaux  travaux  ,  pour  affirmer 
l'existence  de  l'oxygène  dans  l'eau  de  l'amnios. 

D'où  vient  cette  humeur  ?  Les  auteurs  sont  divisés  ;  les 
uns  la  font  provenir  de  la  mère,  les  autres  du  fœtus.  Haller 
l'attribuait  à  la  mère,  la  faisant  sourdre  de  l'utérus  à  travers 
les  membranes,  par  des  voies  inconnues.  Scheel,  Lobstein , 
lui  assignent  la  même  origine ,  mais  la  disent  sécrétée  par  la 
membrane  amnios  ,  sa  sécrétion  dans  cette  membrane  étant 
alimentée  par  les  vaisseaux  qui  arrivent  de  l'utérus  :  les 
vaisseaux  qui,  de  cet  organe  vont  à  la  caduque,  leur  pa- 
raissent trop  abondants,  pour  ne  servir  qu'à  la  nutrition  de 
cette  membrane,  et  ils  présument  qu'ils  vont  au-delà  fournir 
dans  l'amnios,  à  la  sécrétion  dont  il  s'agit.  V ancien- Bosch  , 
au  contraire  ,  fait  provenir  des  vaisseaux  ombilicaux,  et  par 
conséquent  du  fœtus,  le  sang  qui  alimenterait  cette  sécré- 
tion. Le  doute  dans  lequel  on  est  ici,  tient  à  celui  dans 
lequel  on  est  relativement  à  la  source  réelle  des  vaisseaux 
qui  vivifient  la  membrane  ,  car  il  est  très  probable  que  c'est 
elle  qui  est  l'agent  sécréteur  :  nous  avons  déjà  dit  que  des 
injections  faites  dans  les  artères  ombilicales  et  utérines  , 
parvenaient  également  dans  la  cavité  de  l'amnios.  Pour 
prouver  que  la  liqueur  de  l'amnios  provient  de  la  mère, 
on  a  dit  que  cette  liqueur  participait  de  l'état  des  humeurs 
de  la  mère  ;  que  ,  par  exemple ,  on  y  avait  trouvé  du  mercure 
dans  une  femme  soumise  à  un  traitement  anti-vénérien  : 
mais  ce  fait  s'accorde  aussi  avec  l'opinion  qui  en  place  la 
source  dans  le  fœtus,  à  moins  que  ce  fœtus  ne  soit  mort. 
Considèrerait-t-on  cette  liqueur,  ainsi  qu'on  Fa  fait,  comme 
le  produit  de  la  transpiration  du  fœtus,  comme  son  urine  ? 
mais  sa  quantité  est  d'autant  plus  grande ,  que  le  fœtus  est 
plus  petit.  M.  Meckel  croit  qu'elle  provient  principalement 


ANATOMIE    DU    FOETUS.  33 1 

de  la  mère;  mais  qu'au  terme  de  la  grossesse,  elle  est  eut 
partie  fournie  par  le  fœtus. 

Placenta.  On  nomme  ainsi  une  masse  molle,  spongieuse, 
vasculaire,  développée  dans  un  point  de  la  surfaee  du  cho- 
rion ,  adhérant  d'une  part  à  l'utérus  ,  et  communiquant  de 
l'autre  par   le  cordon  vasculaire,  dit  ombilical,  au  fœtus. 
Aux   premiers  jours  de  la  vie  intra-utérine ,    ce    placenta 
n'existe  pas;    ou  ne  voit  sur  toute  la  surface  externe  de 
l'ovule  et  du  chorion ,  que  ces  villosités,  ce  tomentum,  ces 
granulations  qui  doivent,  dans  la  portion  de  l'ovule  qui 
correspond  à   la   caduque  ,    établir  l'adhérence   avec   cette 
membrane,  et  dans  celle  qui  correspond  à  l'utérus,  former 
l'organe  dont  il  s'agit  ici.  Du  reste,  à  raison  de  la  dissidence 
des  opinions  sur  le  mode  de  formation  de  la  membrane  ca- 
duque, les  auteurs  sont  aussi  dissidents  sur  celui  du  pla- 
centa.  j°  Selon  les  uns,  les  villosités,  qui  d'abord  sont  ré- 
pandues   uniformément   sur    toute   la    surface    externe    du 
chorion,  se  rassemblent  graduellement  de   tous  les  points 
de  cette  surface  en  un  seul,  pour  y  former,  conjointement 
avec  d'autres  vaisseaux  qui  viennent  de  l'utérus ,  et  qui  tra- 
versent la  caduque,  le  placenta.  Ce  corps  ,  par  conséquent, 
a  une  étendue  d'autant  plus  grande  ,  qu'on  est  plus  près  du 
commencement  de  la  vie  ;  occupant  d'abord  les  trois  quarts , 
puis  les  deux  tiers,  la  moitié  de  la  surface  du  chorion,  il 
arrive  à  n'en  occuper  plus  que  le  tiers  :  mais ,  en  compen- 
sation ,  de  très  mince  qu'il  était  d'abord ,  il  devient  de  plus  en 
plus  épais  et  dense.  Les  vaisseaux  qui  le  forment  ont  évidem- 
ment deux  origines;  les  uns  proviennent  des  villosités  du 
chorion ,  et  s'offrent  d'abord  sous  l'apparence  de  divisions 
vasculaires,  semblables  à  des  branches  de  corail;  les  autres 
proviennent  de  l'utérus.  La  double  dérivation  de  ces  vais- 
seaux ,  de  la  mère  d'une  part,  et  de  l'enfant  de  l'autre,  sera 
encore  bien  plus  certaine,  quand  on  examinera  le  placenta, 
lors  de  son  développement  complet,  à  l'époque  de  l'accou- 
chement. Vers  le  milieu  de  la  grossesse  ,  la  caduque  disparaît 
derrière  le  placenta;  de  ce  côté  la  surfaee  de  cet  organe  de- 
vient lisse,  et  serait  en  contact  immédiat  avec  l'utérus,  sans 
l'intervention  d'une  nouvelle  membrane  mince,  qui  se  forme 


33  2  VIE   INTllA-tîTÉRiiïÈ". 

entre  l'un  et  l'autre.  20  Selon  d'aulres  ,  le  placenta  se  forme 
par  le  dédoublement  des  lames  du  chorion,  et  par  le  déve- 
loppement des  divers  vaisseaux  qui  rampent  entre  ces  lames. 
3°  Enfin,  selon  M.  Velpeau,  le  placenta  ne  se  forme  qu'au 
point  de  l'ovule  que  ne  revêt  pas  la  caduque,  et  qui  est 
aussitôt  en    contact  immédiat  avec  l'utérus;  il  résulte  du 
développement  des  granulations  qui  recouvrent  ce  point  du 
chorion.  Le  cliorion  ,  en  effet,  adhérant  bientôt  à  la  portion 
de  la  caduque  qui  lui  Correspond,  on  ne  peut  concevoir* 
dit  M.  Velpeauy  cette  concentration  successive  de  toutes  ses 
villosités  extérieures  en  un  seul  point,  pour  constituer  le 
placenta,    comme   le  Veulent  les  fauteurs  de  la   première 
théorie;  et  on  ne  peut  pas  davantage  admettre  la  seconde, 
puisque  le  chorion  n'est  évidemment  formé  que  d'une  seule 
lame.  Selon  lui ,  le  placenta  ne  se  forme  qu'au  point  où  la 
caduque  ne  recouvre  pas  l'ovule;  et  le  disque  que  fait  cette 
membrane  en  se  réfléchissant  sur  l'ovule,  marque,  dès  les 
premiers  temps  de  la  conception,  la  place  qu'occupera  ce 
corps ,  et  quelle  sera  son  étendue.  Il  résulte  du  développe- 
ment des  granulations  qui  recouvrent  en  ce  point  la  surface 
du  chorion,  granulations  que  les  auteurs  qualifient  de  vil- 
losités vasculaires,  mais  qui  sont,  selon  M.  Velpean,  des 
organes  gangliformes ,  contenant  les  rudiments  des  vaisseaux 
placentaires.  Existant  sur  le  chorion,  dès  l'instant  où  l'ovule 
était  encore  attaché  à  l'ovaire  ,  ces  granulations  lui  sont 
étrangères  en  quelque  sorte,  mais  s'implantent  en  lui  par 
des  pédicules  d'une  demi-ligne  de  longueur.  Toutes  celles 
qui  recouvrent  la  portion  du  chorion  qui  correspond  à  la 
caduque,,  ne  se  développent  pas;  mais,  avortant,  en  quelque 
sorte,  elles  se  bornent  à  faire  adhérer  entre  elles  ces  deux 
membranes.  Toutes  celles,  au  contraire,  qui  existent  à  la 
portion  du  chorion  que  la  caduque  réfléchie  a  laissée  libre  et 
en  contact  immédiat  avec  l'utérus,  se  développent,  devien- 
nent vasculaires  et  forment  le  placenta.  M.  Velpeau ,  pour 
justifier  ce  mode  de  formation,  dit  qu'ayant  détaché  la  cadu- 
que réfléchie  du  chorion,  il  a  vu  lesgranulalions  être  d'autant 
moins  grosses,  d'autant  plus  longues  et  d'autant  plus  écartées, 
qu'elles  étaient  plus  loin  du  disque  de  la  caduque  réfléchie. 


A.NATOMIE   DU   FOETUS.  333 

Quoi  qu'il  en  soit  du  mode  selon  lequel  se  forme  origw 
nellement  le  placenta,  il  est  déjà  apparent  et  reconnaissable 
dans  le  cours  du  second  mois.  Il  va  ensuite  en  s'accroissant 
successivement;  de  telle  manière  cependant  qu'à  la  fin  de  la 
grossesse  ii  est  moins  pesant ,  plus  dense  ,  moins  vascuîaire, 
parce  que  plusieurs  des  vaisseaux  qui  le  forment,  et  que 
nous  allons  décrire  ,  se  sont  oblitérés,  et  se  sont  changés  en 
filaments  fibreux,  durs,  et  même  en  filaments  calcaires.  Ce 
changement ,  qui  est  un  signe  de  maturité  du  fœtus  ,  et  un 
prélude  à  la  naissance  de  celui-ci ,  apparaît  même  quelque- 
fois hors  des  vaisseaux,  et  surtout  à  la  face  utérine  du  pla- 
centa, qui  est  toujours  plus  dense  et  plus  unie. 

Voici  quelles  sont  à  terme  sa  conformation  et  sa  texture. 
Son  étendue  est  le  quart  de  la  surface  de  l'ovule;  son  dia- 
mètre, de  six  à  huit  pouces;  sa  circonférence,  de  vingt- 
quatre  pouces;  son  épaisseur,  de  douze  à  quinze  lignes  au 
centre  ,  et  de  quelques  lignes  à  la  circonférence;  son  poids , 
avec  le  cordon  et  les  membranes  ,  de  dix-huit  à  vingt  onces. 
Sa  forme  est  orbiculaire ,  et  le  cordon  est  implanté  à  son 
centre.  Cependant,  en  tout  ceci,  on  observe  de  nombreuses 
variétés;  on  a  trouvé  le  placenta  ,  mince  comme  une  mem- 
brane, ovalaire  ,    bilobé  ,  multilobé,  réniforme;  on  l'a  vu 
ayant  le  cordon  attaché  à  son  bord  ,  ou  les  vaisseaux  de  ce  cor- 
don déjà  séparés  avant  de  l'atteindre,  et  le  pénétrant  en  des 
points  divers,  d'où  les  noms  de  placenta  en  raquette,  en 
parasol ,  qui  lui  ont  été  donnés  en  ces  deux  derniers  cas.  Il 
peut  être  situé  à  tous  les  points  de  la  matrice,  même  à  son 
col;  mais  il  l'est  le  plus  souvent  à  la  région,  qui  correspond 
à  l'ouverture  des  trompes.  De  ses  deux  faces,  celle  qui  cor- 
respond à  l'utérus  est  divisée  en  lobes  ou  cotylédons  irré- 
gulièrement arrondis  ;   une  membrane   cellulo-vasculaire . 
molle  et  peu  tenace,  la  recouvre.   Cette  membrane,  selon 
Chaus s 1er ,  cii'est  que  la  caduque,  qui,  dans  son  système  > 
enveloppe  l'œuf  entier  :  selon  Wrisberg ,   MM.  Lobstein , 
Désormeaax ,  la  caduque  a  disparu  derrière  le  placenta , 
vers  quatre  à  cinq  mois  ,  et  y  a  été  remplacée  par  cette  menw 
brane  nouvelle  :  selon  M.  Velpeau,  jamais  la  caduque  n'a 
existé  là ,  et  la  membrane  dont  il  s'agit  ici  ne  peut  être  con- 


334  VIE    INTRÀ-UTÉRIKE. 

fondue  avec  elle.  Quelques-uns  y  admettent  des  vaisseaux 
intermédiaires  à  ceux  de  l'utérus  et  du  placenta.  L'autre 
face  du  placenta,  d'île  foetale,  est  lisse,  polie,  recouverte 
par  le  chorion  et  l'amnios ,  et  présente  l'implantation  du 
cordon,  dont  les  principaux  troncs  et  rameaux  se  dessinent 
à  sa  surface. 

Le  placenta  a  pour  éléments  constituants  :   i°  Des  vais- 
seaux  sanguins    qui  proviennent  de  deux   sources ,    de   la 
mère  et  du   fœtus.   Les   premiers   viennent    de    l'utérus  : 
connus  par  Albinus ,  injectés ,  il  y  a  plus  de  trente  années, 
par  notre  célèbre  professeur  Dubois ,  ils  consistent  en   ar- 
tères, et   en    veines.   Les  artères   fort  tortueuses  ont  sou- 
vent jusqu'à  une  ligne  de  diamètre.  Les  veines  plus  grosses 
encore,   se  distinguent  par  des  renflements  ou  cellules  qui 
les  font  différer  des  autres  radicules   veineuses;  elles  sont 
comme  les    premiers  rudiments  d'un  développement    vas- 
culaire  ,    et    ressemblent    beaucoup   aux  vaisseaux   qu'on 
voit   se  former  dans  les  concrétions   qui    s'organisent.   Les 
vaisseaux  sanguins   qui  proviennent  du  fœtus,   sont  ceux 
que  nous  verrons   former  le  cordon  ombilical  :  savoir,  une 
veine  appelée  ombilicale  ,  venant  de  la  veine  cave  inférieure 
du  fœtus;  et  deux  artères  dites  aussi  ombilicales,  qui  sont 
des  divisions  des  deux  iliaques  primitives  de  cet  être.  Ces 
vaisseaux,  après  avoir  pénétré  la  face  fœtale  du  placenta, 
se  ramifient  dans  la  substance  de  cet  organe ,  de  telle  ma- 
nière qu'il  y  a  pour  chaque  lobe  un  rameau  artériel  et  un 
rameau  veineux ,  qui  s'y  divisent  à  l'infini ,  mais  sans  s'a- 
nastomoser avec  les  vaisseaux  des  autres  lobes.  En  exami- 
nant au  microscope  les  dernières  ramifications,  on  voit  que 
toujours  une  artériole  et  une  veinule  marchent  de  concert, 
étant  enfermées  dans  une  même  gaîne  celluleuse  ,  et  présen- 
tant de  distance  en  distance  des  nodosités,  comme  nous  en 
verrons  dans  le  cordon.  20  Des  expansions  du  chorion  ,  qui 
se  divisent,  dit-on,  en  gaines  celluleuses  pour  accompagner 
les  vaisseaux  jusqu'à  leurs  dernières  ramifications  :  M.  Vel- 
peau  nie  ce  fait  anatomique.  3°  Des  filaments  blancs  ,  qui 
sont  d'autant  plus  nombreux,  que  la  vie  intra-utérine  est 
plus  avancée ,  et  qui  paraissent  n'être  que  des  vaisseaux  obli- 


ANATOMIE   DU    FOETUS.  335 

térés.  4°  Une  substance  intermédiaire,  sorte  de  tissu  cellu- 
laire, servant  à  unir  les  vaisseaux  entr'eux,   et  qu'on  a  dit 
être  un  prolongement  de  la  caduque  qui  a  suivi  ces  vais- 
seaux. 5o  Enfin,  une  certaine  quantité  de  sang  infiltré  dans 
ce  tissu  cellullaire  intermédiaire  aux  vaisseaux,  et  qu'on  en 
retire  par  le  lavage.  Littre  admettait  aussi  dans  le  placenta, 
mais  à  tort ,  des  glandes  :  Schrêger ,  des  vaisseaux  lymphati- 
ques ,  surtout  à  la  face  utérine  ;  et  MM.  Chaussierel  Ribes , 
des  nerfs  provenant  du  trisplanchiquedu  fœtus.  Tous  cesélé- 
ments,  par  leur  association,  forment  un  organe  spongieux, 
mollasse,   facile   à  déchirer,  dont  la  couleur    rouge  dispa- 
raît par  le  lavage,  dont  les  lobes  enfin  sont  réunis  en  une 
seule  masse,  à  la  différence  de  ce  qui  est  en  beaucoup  de 
mammifères  chez  lesquels  ce  placenta  est  composé  de  cotylé- 
dons séparés.  Du  reste,  cette  différence  est  plus  apparente 
que  réelle;  car  chaque  lobe  du  placenta  humain  a  ses  vais- 
seaux propres  ,  qui  ne  communiquent  pas  avec  ceux  des  au- 
tres lobes.  On  peut  même  dire  qu'il  y  a  deux  placentas,  un 
utérin  et  un  fœtal ,  le  premier  formé  par  les  ramifications 
des  vaisseaux  utérins  ,  et  le  second  formé  par  celles  des  vais- 
seaux ombilicaux  :  distincts  dans  les  deux  premiers  mois  de 
la  vie,  ils  se  confondent  ensuite  en  une  seule  masse.  Néan- 
moins leurs  vaisseaux  respectifs  restent  toujours  séparés  : 
dans  le  placenta  utéi'in  ,  les  artères  et  veines  utérines  com- 
muniquent directement entr'elles,  comme  dans  le  placenta 
fœtal  communiquent  directement  les  artères  et  veines  ombi- 
licales; mais  il  n'y  a  pas  communication  directe  des  vais- 
seaux utérins  aux  vaisseaux  ombilicaux,  et  des  vaisseaux  om- 
bilicaux aux  vaisseaux  utérins. 

Quant  à  l'attache  du  placenta  à  l'utérus,  tour-à-tour  on 
l'a  assimilée  à  une'greffe,à  l'enracinement  des  plantes  para- 
sites, à  l'enchâssement  du  noyau  avec  la  pulpe  dans  un 
fruit  drupacé  ,  etc.  Elle  est  due  aux  vaisseaux  utéro-placen- 
taux  de  M.  Dubois ,  lesquels  pénétrent,  soit  la  caduque  et 
le  chorion  ,  soit  les  granulations  qui  sont  à  l'extérieur  de  ce 
chorion,  selon  la  théorie  que  l'on  admet  sur  la  formation 
de  la  caduque  et  du  placenta. 

Cordon  ombilical.  De  la  face  interne  du  placenta  ,  part  un 


336  VIE   INTRA-UTÉRINE. 

cordon  vascuîaire  qui  va  pénétrer  l'ombilic  du  fœtus,  et 
par  conséquent  faire  communiquer  le  placenta  avec  cet  être. 
Jusqu'à  îa  fin  du  premier  mois  ,  ce  cordon  n'existe  pas;  et 
l'embryon  est,  par  la  face  antérieure  de  son  corps,  immé- 
diatement appliqué  à  Tamnios,  aux  enveloppes  de  l'œuf. 
Béclard ,  sur  un  embryon  d'un  mois,  n'a  vu  que  des  vaisseaux 
qui  rampaient  pendant  un  certain  espace  entre  les  membra- 
nes de  l'œuf,  depuis  l'abdomen  du  fœtus  jusqu'à  l'endroit 
du  cliorion  où  se  voyaient  les  rudiments  du  placenta  futur. 
C'esuvers  la  cinquième  semaine  qu'apparaît  la  première  trace 
du  cordon.  Selon  tous  les  auteurs,  il  est  alors  tout  droit, 
très  court,  mais  très  gros,  parce  qu'il  contient  une  partie 
du  canal  intestinal;  il  semble  même  n'être  qu'un  prolon- 
gement de  l'abdomen ,  et  est  situé  tout-à-fait  au  bas  de  cette 
cavité.  Selon  M.  P'elpeau ,  il  consiste  d'abord  en  quatre 
renflements,  séparés  par  autant  de  rétrécissements  ou  col- 
lets; l'un,  plus  alongé,  adhérant  au  placenta;  l'autre  for- 
mant l'anneau  ombilical  ;  les  deux  autres,  si  tués  dans  l'inter- 
valle. Ensuite,  ces  renflements  disparaissent;  en  premier 
lieu,  celui  qui  adhère  au  placenta;  en  second  lieu,  celui 
qui  est  à  l'anneau  ombilical  ;  en  troisième  lieu,  celui  qui  fait 
suite  au  premier  qui  a  disparu;  enfin  ,  en  dernier  lieu  celui 
dans  lequel  était  l'intestin.  Ce  n'est  qu'alors  que  le  cor- 
don se  présente  avec  l'aspect  d'une  corde.  M.  Ollivier,  sur 
un  embryon  d'un  mois,  a  reconnu  ces  quatre  renflements 
décrits  par  M.  Velpeau.  Successivement  le  cordon  s'alonge, 
devient  plus  grêle  ;  son  attache  à  l'abdomen  devient  moins 
large,  et  correspond  à  un  point  de  cette  cavité  de  moins 
en  moins  élevé  ;  enfin  il  se  contourne ,  ordinairement  de 
gauche  à  droite,  et  finit  par  présenter  des  nœuds  souvent 
assez  compliqués. 

A  terme,  sa  longueur  est  généralement  celle  du  fœtus; 
elle  varie  de  quelques  pouces  à  quelques  pieds  :  sa  grosseur 
égale  celle  du  petit  doigt.  11  est  composé  de  trois  vaisseaux, 
îa  veine  ombilicale  et  les  deux  artères  du  même  nom,  et 
d'une  substance  gélatiniforme  particulière.  La  veine  onibi* 
licale  est  aussi  grosse  à  elle  seule  que  les  deux  artères  om- 
bilicales; elle  vient  de  la  veine  cave  inférieure  du  fœtus. 


AJNATOMIE    DU    FOETUS.  33* 

Après  avoir  communiqué  clans  l'abdomen  de  cet  être ,  avec 
la  veine-porte  et  les  veines  sous-hépatiques ,  elle  sort  par 
1  ombilic,  suit  le  cordon  ,  et  va  se  ramifier  dans  le  placenta 
fœtal;  elle  est  sans  valvule,  et  doit  être  considérée  comme 
une  expansion  radiculaire  du  fœtus.  La  suppose-t-on  ,   au 
contraire,  provenir  du  placenta?  à  peine  a-t-eîle  pénétré 
dans  l'abdomen  du  fœtus,  qu'elle  s'y  partage  en  deux  bran- 
ches; une  gauche,  qui  va  au  côté  gauche  du  foie  et  paraît 
être  la  division  gauche  de  la  veine-porte  ;  et  une  autre  qui , 
sous  le  nom  de  canal  veineux ,  va  s'ouvrir  dans  la  veine- 
cave  inférieure.  Une  valvule  existe  au   point  de  la  bifur- 
cation, comme  au  lieu  de  la  jonction  avec  la  veine-cave 
inférieure.  Les  deux  artères  ombilicales  sont  des  continua- 
tions des  iliaques  primitives  du  fœtus;  la  veine  tourne  eu 
spirale  autour  d'elles;  après  leur  sortie  par  l'ombilic,  elles 
viennent  se  ramifier  aussi   au  placenta  fœla!.  Nous  avons 
dit  que  Chaussier  et  M.  Ribes  avaient  suivi  le  long  de  ces 
vaisseaux,  jusque  dans  le  placenta,  des  filets  du  nerf  tri- 
splanchnique.  Un  tissu  cellulaire  ,   infiltré  d'une  humeur 
albumineuse  épaisse,  attache  ces  vaisseaux  entre  eux,   et 
constitue  cette  substance  gèlatinij orme  que  nous  avons  an- 
noncée comme  le  troisième  élément  du  cordon.  Sa  quantité 
est  variable,  et  détermine  ce  qu'on  appelle  les  cordons  gras 
et  les  cordons  maigres.  On  parvient  difficilement  à  pousser 
de  l'air  ou  une  injection  mercurielle  dans  les  cellules  de  ce 
tissu;  cependant  elles  sont  perméables;  car  si  on  plonge  le 
cordon  dans  l'eau  par  un  de  ses  bouts,  on  voit    le  liquide 
monter  jusqu'à  l'autre  bout.  Sur  ce  fait,   on  avait  avancé 
qu'il  se  faisait  dans   ce  tissu  une  circulation  de   l'humeur 
gélatineuse  dont  il  est  infiltré.  Du  coté  du  fœtus  ,  ce  tissu 
se  continue  avec  le  tissu  cellulaire  sous-péritonéal ,  et,  du 
côté  du  placenta,    il   accompagne  les  vaisseaux   dans   leurs 
divisions.  Le  cordon  ,  enfin  ,  est  revêtu  extérieurement  par 
le  chorion  et  l'amnios,  comme  nous  l'avons  dit. 

Dans  le  cordon  ombilical  ,   se   trouvent   encore  :   10   uu 
canal  dont  nous  devons  parler  ci-après,  dit  ouraque ,  étendu 
du  sommet  de  la  vessie  à  l'ombilic  ,  et  se  prolongeant  par 
cette  ouverture  dans  ie  cordon;  20  des  vaisseaux  très  grêles 
Tome  IV.  22 


338  VIE   INTRA-UTÉRINE, 

dits  omphalo-mésentériques  ,  sortant  aussi  par  l'ombilic  , 
pour  se  rendre  à  la  vésicule  ombilicale  qui  va  nous  occuper. 
Vésicule  ombilicale.  On  appelle  ainsi  un  petit  sac  rempli 
d'une  liqueur  jaunâtre,  situé  d'abord  à  la  partie  inférieure 
de  la  face  antérieure  de  l'embryon,  mais  qui  s'en  écartant  à 
mesure  que  le  cordon  se  forme ,  arrive  successivement  à  la 
face  fœtale  du  placenta,  et  enfin  disparaît  vers  le  troisième 
mois  de  la  vie  intra-utérine.  Cette  vésicule  a  donné  lieu  à 
de  nombreux  débats,  relativement  à  son  origine,  ses  rap- 
ports avec  le  fœtus  et  ses  usages.  Osiander  voulait  qu'elle 
ne  fût  qu'une  difformité;  mais  il  est  sûr  qu'elle  appartient 
à  Fétat  normal.  On  ignore  à  quelle  époque  précise  de  la 
grossesse  elle  apparaît  ;  mais,  s'il  est  vrai  qu'elle  soit,  comme 
on  va  le  dire ,  l'analogue  du  jaune  de  l'œuf  des  ovipares,  elle 
doit  exister  la  première;  et  peut-être  que  la  vésicule  pleine 
de  liquide,  qui  constitue  primitivement  l'ovule.,  n'est  que 
cette  vésicule  ombilicale  à  laquelle  est  annexée  la  cicatri- 
cule ,  alors  si  petite  qu'on  ne  peut  la  voir.  Quand  on  peut 
la  distinguer  du  fœtus,  elle  a  pour  paroi  une  membrane 
granuleuse,  solide,  très  résistante;  et  elle  est  remplie  d'un 
liquide  primitivement  limpide,  mais  qui,  par  les  progrès 
de  l'évolution  ,  devient  blanc,  s'épaissit,  s'endurcit,  et  di- 
minue de  quantité.  D'autant  plus  grosse  proportionnelle- 
ment que  l'embryon  est  plus  jeune,  elle  reçoit  des  vaisseaux, 
provenant  des  vaisseaux   mésentériques  de  cet  être,  appelés 
omphalo-mésentériques,  et  consistant  en  une  artère  et  une 
veine.  L'artère  vient  de  la  mésentérique  supérieure,  et  est 
à  gauche  ;  la  veine  vient  de  la  veine-porte  ventrale  ,  et  est  à 
droite.  C'est  parce  que  ces  vaisseaux  sont  les  mêmes  qu*e 
ceux  qui  se  distribuent  dans  l'œuf  des  ovipares  à  la  mem- 
brane du  jaune,  qu'on  a  fait  généralement  de  la  vésicule  om- 
bilicale, l'analogue  du  jaune.  Ces  vaisseaux  ordinairement 
disparaissent  avec  la  vésicule;  M.  Ribes ,   qui  en  a  donné 
une  bonne   description,   ne  les  a  jamais  trouvés  dans  les 
embryons  âgés  de  plus  de  deux  mois  et  demi.  Cependant 
quelquefois  ils  ont  encore  été  trouvés  dans  le  cordon  à  l'in- 
stant de  la  naissance ,  et  M.  Béclard  dit  en  avoir  aperçu  une 
fois  les  restes  à  l'ombilic,  sur  un  enfant  de  douze  ans. 


AKATOM1E    DU    FOETUS.  339 

Cette  vésicule  est  généralement  considérée  comme  l'ana- 
logue du  sac  vitellaire  ,  du  jaune  de  l'œuf  des  oiseaux.  On  se 
fonde  sur  la  transparence  de  ses  parois,  sur  l'existence  du 
liquide  limpide  qui  est  dans  son  intérieur,  sur  sa  situation  en 
dehors  ou  dans  l'intervalle  des  autres  membranes,  sur  les  vais- 
seaux qui  lui  arrivent  et  qui  sont  les  mêmes  que  ceux  qui  sont 
au  sac  du  jaune,  enfin  ,  sur  sa  communication  avec  la  cavité 
de  l'intestin.  A  la  vérité,  ce  dernier  fait  est  encore  un  point 
contesté.  Cependant  si   quelques  physiologistes,  Emmert  , 
M.  Cuvier,  disent  que  cette  communication  n'est  pas  prouvée, 
la  plupart  des  auteurs  ,  au  contraire  ,  l'admettent  d'après  les 
raisons  suivantes  :   i°  l'analogie  des  oiseaux,  des  reptiles  et 
des  poissons.  J-Volf  a  fait  voir  qu'évidemment ,  dans  les  oi- 
seaux,   le    canal    intestinal   procède  de  la    membrane  du 
jaune;  d'abord,  ces  parties  paraissent  n'en  former  qu'une  ; 
ensuite,  à  mesure  que  l'intestin   se  forme,  il    reste,    à   la 
partie  inférieure   de    l'intestin  grêle  ,   une  ouverture  qui 
donne  passage  à   un  conduit   qui   va   au  jaune;    enfin   ce 
conduit  s'oblitère ,  et  laisse  comme  un  appendice  en  cul-de- 
sac  suspendu  à  l'intestin.   Dans  les  détails  que  nous  avons 
donnés  sur  le  développement  du  poulet  dans  l'œuf,  on  a  vu 
que  le  jaune  communiquait  avec  l'intestin,  et  finissait  par 
en  être  une  dépendance.  2°  Dans  l'origine  du  fœtus,  le  canal 
intestinal  est  placé  dans  la  base  du  cordon  ,  hors  l'abdomen  , 
conséquemment  le  plus  près  possible  de  la  vésicule  ombili- 
cale. 3°  M.  Meckel  a  trouvé  une  fois,  sur  un  embryon  long 
de  cinq  lignes ,  un  filament  de  connexion  entre  la  vésicule 
ombilicale  et  l'intestin,  et  il  est  très  probable  que  ce  fila- 
ment avait  été  creux  dans  son  origine.  En  effet ,  il  contenait 
une  artère  et  une  veine,  qui  évidemment  étaient  les  vais- 
seaux omphalo-mésentériques;  ensuite  un  semblable  fila- 
ment  a   été  trouvé   creux   par   Oken ,    Bojanus  ,    sur   des 
embryons  de   mammifères  ;   enfin  ,   Hunter  l'a   trouvé  tel 
une  fois  sur  un  embryon  humain  ;  il  put  pousser  par  lui  , 
dans  l'abdomen  ,   tout  le  fluide  qui  remplissait  la  vésicule 
ombilicale. 

Alors  ,  dans  quelle  région  de  l'intestin  est  la  communica- 
tion supposée?  Oken  dit  que  la  vésicule  envoie  haut  et  bas 

22, 


34o  VIE   INTRA-UTÉRINE, 

deux  prolongements  qui  se  rendent,  l'un  à  l'intestin  supé- 
rieur ou  stomacal,  et  l'autre  à  l'intestin  inférieur  ou  anal  ; 
et  que,  lorsqu'elle  se  détruit,  elle  laisse  à  l'intestin  un  reste, 
qui  est  le  cœcum  ou  son  appendice.  M.  Meckel9  au  con- 
traire ,  veut  que  la  communication  soit  à  la  partie  inférieure 
de  l'intestin  grêle  ,  à  l'iléon  ;  objectant  que ,  d'après  l'idée 
à?Oken  ,  il  devrait  y  avoir  un  cœcum  dans  tous  les  animaux 
qui  ont  une  vésicule  ombilicale;  arguant  de  l'analogie  des 
oiseaux  chez  lesquels  la  communication  a  lieu  au  point  qu'il 
indique,  tellement  que  l'intestin  en  conserve  toute  la  vie  la 
marque,  par  une  petite  bosselure;  établissant  enfin  que  les 
diverticules  qu'on  trouve  quelquefois  à  la  partie  inférieure 
de  l'iléon  en  sont  les  restes. 

M.  ydpeau  ne  croit  pas  non  plus  que  l'appendice  ccecal 
soit  le  reste  de  la  vésicule  ombilicale  ;  il  se  fonde  sur  ce  qu'il 
a  trouvé  cet  appendice  dans  des  embryons  si  jeunes  ,  que 
l'intestin  était  encore  renfermé  dans  le  cordon.  La  vésicule 
ombilicale  est,  selon  lui,  un  ou  plusieurs  des  renflements, 
qu'il  dit  composer  primitivement  le  cordon  ;  il  a  vu  ,  en 
effet,  ces  renflements  communiquer  ensemble,  et  contenir 
un  fluide  séreux,  limpide;  le  second  était  même  rempli 
d'une  matière  jaune.  Au  lieu  d'être  située  entre  le  chorion 
et  l'amnios  ,  comme  le  disent  tous  les  auteurs  ,  elle  serait 
en  dehors  du  chorion  ,  qui  lui  fournirait  une  gaîne  sur 
le  cordon. 

Allantoïde.  Enfin ,  dans  les  œufs  des  quadrupèdes  ,  on 
trouve,  entre  le  chorion  et  Tamnios,  disent  la  plupart  des 
auteurs  ,  et  en  dehors  du  chorion  ,  dit  M.  F~elpeau ,  un 
réservoir  membraneux  qui,  par  un  canal  appelé  ouraque  , 
va  communiquer  avec  la  vessie.  Ce  réservoir  a  une  forme 
alongée  ,  et  a  reçu  son  nom  de  sa  ressemblance  avec  un 
boudin,  une  saucisse.  Rempli  d'un  liquide  que  les  uns  di- 
sent être  l'urine  du  fœtus,  que  les  autres  considèrent  comme 
une  substance  nutritive  mise  en  réserve  pour  lui,  il  se  con- 
tinue avec  le  canal  appelé  ouraque.  Celui-ci  se  place  dans  le 
cordon  ombilical,  pénètre  par  l'ombilic  dans  l'abdomen  ,  et 
vient  s'ouvrir  dans  la  vessie. 

Dans  l'œuf  humain  ,  on  n'a  encore  trouvé  de  cet  appareil , 


AINATOMIE    DU    FŒTUS.  34  l 

que  l'ouraque.  Mais,  néanmoins,  on  en  admet  l'existence  : 
i°  à  cause  de  l'analogie  des  autres  mammifères;  2°  à  cause 
de  la  présence  de  l'ouraque,  qui  doit  faire  supposer  l'allan- 
toïde; 3°  parce  qu'on  a  trouvé  quelquefois  l'intervalle  entre 
le  chorion  et  l'amnios  pleins  d'eau  ;  certains  physiologistes 
disent  même  que  le  chorion  est  tapissé  intérieurement  d'une 
membrane  très  fine,  qui  s'est  collée  à  lui  au  point  de  lien 
êterè  plus  séparable ,  et  qui  serait  l'allantoïde;  4°  enfin, 
parce  que  M.  Meckel  dit  avoir  trouvé,  sur  un  embryon  de 
quatre  semaines  ,  une  vésicule  plus  grande  que  l'ombili- 
cale, qui  évidemment  n'était  pas  elle  ,  et  qui  probablement 
éiait  l'allantoïde.  MM.  de  Blainville  et  Lobsiein  croient 
qu'on  fait,  dans  l'espèce  humaine,  un  double  emploi  ,  et 
que  ce  qu'on  y  appelle  la  vésicule  ombilicale,  n'est  que 
l'allantoïde. 

Pour  ce  qui  est  de  l'ouraque,  les  uns  le  disent  un  simple 
ligament  étendu  du  sommet  de  la  vessie  à  l'ombilic,  et  se 
prolongeant  dans  le  cordon;  les  autres  le  disent  un  canal. 
Il  est  creux,  en  effet,  dans  son  origine;  il  ne  s'oblitère  qu'à 
trois  mois;  avant  cette  époque,  on  a  pu  l'injecter  avec  du 
mercure,  assez  loin  dans  le  cordon.  Haller,  Sabotier ,  disent 
môme  l'avoir  vu  plusieurs  fois,  creux  encore  du  coté  de  la 
vessie  dans  des  enfants  nouveaux-nés;  et  l'on  cite  des  cas  où 
il  est  resté  ouvert  toute  la  vie,  et  où  l'urine  était  excrétée 
par  l'ombilic.  Du  reste,  il  est  d'autant  plus  considérable, 
d'autant  olus  large,  relativement  à  la  vessie,  et  d'autant 
plus  prolongé  dans  le  cordon ,  que  l'embryon  est  plus  jeune. 


Telles  sont  les  parties  annexes  du  fœtus.  En  ces  derniers 
temps ,  M.  Pockels  a  signalé  encore  une  nouvelle  partie  sous 
le  nom  àe  vésicule  eiythroïde.  Jusqu'au  quatorzième  jour, 
dit-ii,,  l'œuf  est  de  la  grosseur  d'une  aveline  ;  il  est  dans  la 
caduque  ,  sans  qu'il  y  ait  de  communication  entre  cette 
membrane  et  le  chorion.  Celui-ci  est  rempli  d'un  fluide 
rouge,  transparent,  de  la  consistance  du  blanc  d'œuf ,  tra- 
versé en  plusieurs  sens  par  une  membrane  incolore  très 
ténue,  et  qui  est  disposée,   à  l'égard  de  ce  fluide,  comme 


342  VIE    TNTRA.-UTÉRINE. 

l'est  la  membrane  hyaloïde  à  regard  du  corps  vitré.  En  de- 
dans du  chorion  est  l'amnios,  qui  ressemble  alors  à  une 
petite  vessie  oblongue  ou  globuleuse,  ayant  le  volume  d'un 
haricot  ou  d'un  pois.  L'embryon  est  d'abord  en  dehors  de 
cet  amnios,  lui  adhérant  par  sa  partie  postérieure,  tandis 
que,  par  sa  partie  antérieure ,  il  correspond  au  chorion; 
mais  vers  le  seizième  jour,  il  s'y  enfonce,  et  alors  appa- 
raissent en  dehors  de  lui ,  et  réunies  à  lui ,  deux  parties  im- 
portantes, la  vésicule  êrythroïde  et  la  vésicule  ombilicale. 
Celle-ci  est  globuleuse,  d'une  couleur  blanche- jaunâtre, 
remplie  d'un  fluide  diaphane  comme  de  l'eau,  et  située  un 
peu  au-dessus  du  sommet  de  Fembryon ,  qu'elle  surpasse 
d'abord  en  volume;  elle  ne  croît  que  jusqu'au  moment  où 
le  cordon  apparaît,  n'a  jamais  plus  de  deux  lignes  de  dia- 
mètre, se  sépare  ensuite  du  lieu  où  elle  était  d'abord  atta- 
chée et  de  l'insertion  du  cordon ,  et  envoie  dans  l'intestin 
de  l'embryon  un  canal.  La  vésicule  êrythroïde  est  py ri- 
forme;  par  sa  grosse  extrémité,  elle  repose  sur  l'amnios ,  du 
côté  de  la  partie  la  plus  basse  de  l'embryon  ;  et  par  la  petite , 
elle  va  s'ouvrir  dans  l'abdomen  de  cet  être.  Transparente, 
d'une  couleur  blanche  laiteuse  dans  les  œufs  de  huit  à 
douze  jours,  elle  a  trois  fois  la  grosseur  de  l'embryon,  et 
vers  la  quatrième  semaine,  elle  a  déjà  disparu.  Au  moment 
où  l'embryon  s'enfonce  dans  l'amnios  et  s'enveloppe  de  cette 
membrane,  on  la  voit  manifestement  donner  naissance  au 
cordon  ombilical,  et  engendrer  l'intestin  dans  sa  cavité. 
M.  Pockels  considère  ces  deux  organes  comme  essentielle- 
ment nécessaires  au  développement  de  l'embryon;  il  assigne 
surtout  cet  usage  au  fluide  que  contient  la  vésicule  ombi- 
licale, jusqu'au  moment  de  la  formation  des  vaisseaux  om- 
bilicaux, lesvaisseaux  omphalo-mésentériquess'ouvrant  alors 
dans  la  vésicule  êrythroïde,  et  celle-ci .  plus  tard,  donnant 
naissance  aux  vaisseaux  ombilicaux.  M.  Pockels  nie  l'exi- 
stence de  l'allantoïde. 

Il  nous  reste  à  dire  ce  qui  est  de  ces  parties  annexes  du 
fœtus ,  quand  la  grossesse  est  composée.  Alors  le  plus  sou- 
vent les  œufs  ne  sont  que  contigus.  Quelquefois  cependant 
cela  n'est  pas;  dans  quelques  cas,  on  a  trouvé  les  placentas 


ANATOMIE    DU    FOETUS.  343 

confondus  en  un  seul,  ayant  entre  eux  les  communications 
vasculaires  les  plus  intimes.  Dans  d'autres,  il  n'y  avait  évi- 
demment qu'un  seul  placenta  ,  donnant  naissance  à  deux 
cordons,  ou  même  à  un  seul,  mais  qui  se  bifurquait  pour 
chacun  des  deux  fœtus.  On  conçoit  que,  dans  ce  dernier 
cas  ,  il  faut  lier  le  cordon  après  la  sortie  du  premier  enfant, 
si  l'on  ne  veut  pas  que  le  second  meure  d'hémorragie. 

ARTICLE   II. 

Du  Fœtus  lui-même. 

Nous  avons  déjà  dit  qu'il  n'y  avait  rien  de  fixe  relative- 
ment à  l'époque  à  laquelle  on  commence  à  voir,  dans  la 
vessie  pleine  d'un  liquide  transparent  qui  constitue  l'ovule , 
un  petit  point  nuageux,  solide,  opaque,  annonçant  l'in- 
dividu nouveau.  On  ne  le  voit  que  postérieurement  à  l'ovule 
proprement  dit,  car  il  en  provient,  du  moins  à  juger  d'a- 
près les  ovipares  chez  lesquels  l'embryon  naît  de  la  cicatri- 
cule  qui  se  développe  sur  le  jaune  et  à  ses  dépens.  Si  la 
vésicule  ombilicale  est  dans  l'espèce  humaine  l'analogue  du 
jaune,  c'est  à  sa  surface  qu'il  doit  apparaître.  Selon  les  uns, 
il  est,  dès  son  origine  ,  lié  à  ses  enveloppes;  selon  d'autres, 
il  naît  libre  au  milieu  du  liquide  de  l'œuf.  Bien  distinct 
vers  la  troisième  semaine  ,  il  est  alors  oblong  ,  vermiforme  , 
renflé  à  son  milieu ,  obtus  à  l'une  de  ses  extrémités ,  terminé 
en  pointe  mousse  à  l'autre,  droit  ou  faiblement  courbé  en 
avant.  Il  n'est  alors  qu'un  petit  corps  gélatineux,  d'un  blanc 
grisâtre,  demi -opaque,  sans  consistance,  long  de  deux  à 
trois  lignes,  et  du  poids  de  deux  à  trois  grains.  Il  est  réduit 
au  torse;  il  n'y  a  pas  encore  en  lui  trace  de  la  tête;  on  voit 
seulement  en  avant  une  petite  saillie  séparée  du  reste  par 
une  entaille.  11  n'y  a  pas  davantage  trace  des  membres,  ni 
vestige  d'aucune  proéminence  ,  d'aucune  ouverture  à  la  sur- 
face du  corps.  Le  ventre  apparaît  sous  forme  d'une  saillie 
conique;  et  à  sa  partie  tout-à-fait  inférieure  et  antérieure, 
au  point  où  naîtra  le  cordon ,  il  appuie  immédiatement  sur 
l'enveloppe  intérieure  de  l'œuf.  Celui-ci ,  dans  son  entier,  a 


344  VIE    I3NTR A-UTÉRINE. 

Je  volume  d'une  grosse  noisette,  ou  d'une  petite  noix;  au- 
cun organe  ne  peut  y  être  distingué,  même  au  microscope. 
L'embryon  humain  a  alors  la  texture  homogène  du  plus 
simple  des  êtres  organisés. 

De  la  cinquième  à  la  sixième  semaine ,  il  est  devenu  plus 
consistant,  et  ses  parties  sont  plus  distinctes  :  sa  longueur 
est  de  cinq  à  six  lignes ,  son  poids  d'environ  dix-neuf  grains; 
sa  forme  a  été  comparée  par  Aristote ,  à  une  fourmi;  par 
Burton,  à  un  grain  d'orge;  à  l'os  du  marteau ,  par  Baude- 
locqiie.  La  tête  a  grossi  considérablement  à  proportion  du 
reste,  et,  à  cette  époque,  fait  à  elle  seule  la  moitié  du  corps; 
la  face  y  est  beaucoup  plus  petite  que  le  crâne,  et  généra- 
lement le  sera  d'autant  plus  que  l'embryon  sera  plus  jeune. 
On  y  distingue  déjà  supérieurement  deux  points  noirs  tour- 
nés de  côté  ,  qui  sont  les  rudiments  des  yeux  ,  et  une  petite 
fente  transversale  pour  la  bouche.  Sur  les  côtés  du  tronc, 
deux  petits  mamelons  obtus  annoncent  le  prochain  déve- 
loppement des  membres  thoraciques.  Il  n'y  a  pas  encore 
trace  de  col.  Le  thorax  est  ouvert  par  devant ,  et  laisse  voir 
le  cœur,  dont  ]es  battements  sont  déjà  appréciables.  Mais  le 
sang  qui  circule  dans  les  vaisseaux  est  encore  blanc.  L'ab- 
domen saille  en  avant,  et ,  dans  sa  partie  inférieure  ,  adhère 
encore  aux  membranes  de  l'œuf,  ou  offre  déjà  un  premier 
rudiment  du  cordon.  Sur  ses  côtés,  deux  mamelons  obtus 
marquent  l'emplacement  des  membres  abdominaux.  L'ex- 
trémité inférieure  du  rachis  fait  une  saillie ,  fléchie  en  avant 
et  en  haut,  et  qui  constitue  une  queue.  L'œuf,  dans  son 
entier,  a  de  quinze  à  dix-huit  lignes  de  long,  sur  douze  à 
quinze  de  large. 

De  la  septième  à  la  huitième  semaine,  l'embryon  acquiert 
une  longueur  de  douze  à  quinze  lignes,  un  poids  de  deux 
à  quatre  gros.  La  tête  n'est  déjà  plus  que  le  tiers  de  tout  le 
corps.  Aux  rudiments  des  yeux  et  de  la  bouche,  se  sont 
ajoutés  ceux  des  narines,  qui  cependant  sont  encore  con- 
fondus avec  la  bouche,  et  deux  petites  fossettes  pour  les 
emplacements  des  oreilles.  Dans  les  membres  supérieurs 
dont  le  développement  est  commencé,  on  peut  déjà  distin* 
çuer  l'avant-bras  et  la  main:    mais  îe  bras  manque,   et  la 


AWATOMIE    DU    FOETUS,  345 

main  est  plus  grande  que  l'avant-bras,  et  n'est  pas  encore 
digitée.  Le  cordon  ombilical  apparaît;  long  de  quatre  à  cinq 
lignes,  il  a  la  forme  d'un  entonnoir,  paraît  se  continuer 
immédiatement  avec  l'abdomen ,  et  est  très  gros ,  parce  qu'il 
contient  alors  une  grande  portion  de  l'intestin  :  il  est  situé 
tout-à-fait  au  bas  de  l'abdomen.  Entre  le  point  de  son  im- 
plantation et  la  fin  duracliis,  se  montre  un  petit  tubercule 
garni  d'une  ou  plusieurs  ouvertures  étroites,  qui  sont  les 
rudiments  de  l'anus  et  des  organes  sexuels. 

Aux  neuvième  et  dixième  semaines  ,  l'embryon  est  long  de 
deux  pouces ,  et  pèse  d'une  once  à  une  once  et  demie.  À  la 
face,  le  nez  commence  à  se  montrer,  et  à  son  sommet  se 
voient  les  deux  narines ,  qui  sont  dirigées  en  avant.  On  com- 
mence aussi  à  voir  les  paupières  et  les  lèvres  :  auparavant 
les  paupières  n'existaient  pas ,  ou  étaient  transparentes  ,  car 
le  pigmentum  noir  des  yeux  était  apparent  :  dès  lors  l'œil 
est  caché.  Les  ouvertures  auriculaires  apparaissent  sous  la 
forme  de  fentes  oblongues  ,  bordées  en  avant  et  en  arrière 
de  tubercules  destinés  a  former  le  pavillon  de  IWeille.  Il 
y  a  enfin  trace  du  col.  Les  téguments  et  les  parois  du  thorax 
sont  formés,  les  côtes  au  moins;  et  par  conséquent,  le 
cœur  n'est  plus  à  découvert.  Les  membres  tboraciques  plus 
développés,  présentent  distinctement  les  trois  brisures  qui 
les  composent,  bras,  avant-bras  et  main  ;  mais  la  main  est 
comme  palmée ,  les  doigts  sont  réunis  par  une  substance 
molle.  Le  cordon  ,  dont  la  longueur  surpasse  celle  de  l'em- 
bryon, commence  à  se  tordre;  quoique  contenant  encore 
une  portion  de  l'intestin,  il  n'est  plus  autant  en  enton- 
noir, et  paraît  déjà  implanté  à  une  partie  moins  inférieure 
de  l'abdomen.  Les  membres  abdominaux  ont  suivi  le  déve- 
loppement des  tboraciques  ;  cependant  ils  restent  un  peu 
au-dessous  ;  les  pieds  sont  encore  sans  orteils  >  et  ont  la 
plante  tournée  en  dedans ,  et  le  dos  en  debors  ;  la  cuisse  est 
encore  plus  courte  que  la  jambe  ,  comme  aux  membres  tbo- 
raciques il  en  était  du  bras  par  rapport  à  l'avant-bras.  La 
partie  inférieure  du  racbis  qui  faisait  une  queue,  diminue 
graduellement  et  disparaît.  Le  sexe  n'est  pas  encore  dis- 
tinct;  on  voit  seulement  saillir  un  tubercule  qu'on  croit 


346  VIE   INTRA-UTERINE, 

être  le  clitoris;  les  ouvertures  anus  et  génitales  sont  réunies. 
C'est  à  cette  époque  que  disparaît  la  vésicule  ombilicale  ;  il 
reste  seulement  un  vestige  du  pédicule  qui  l'unit  à  l'intes- 
tin. L'œuf  entier  a  le  volume  d'un  œuf  de  poule. 

Pendant  le  cours  de  la  onzième  et  de  la  douzième  semaines, 
l'embryon  acquiert  une  longueur  de  cinq  à  six  pouces ,  un 
poids  de  trois  onces.  La  tête,  quoique  grosse  encore  pro- 
portionnellement au  reste  du  corps,  est  déjà  moins  dispro- 
portionnée. Les  paupières  bien  distinctes  sont  fermées  et 
collées  l'une  à  l'autre.  Le  nez  proémine.  Le  front  et  la 
bouche  sont  bien  dessinés;  celle-ci  est  close.  Les  éminences 
du  pavillon  de  l'oreille  sont  formées,  mais  non  encore  réu- 
nies. Le  col  est  distinct.  Le  thorax  est  tout-à-fait  fermé  ;  le 
sternum,  que  TVolf  appelle  la  eicatrice  du  thorax,  est 
formé.  Le  cordon  ne  contient  plus  dans  son  intérieur  au- 
cune portion  intestinale  ,  et  l'intestin  est  dès  lors  en  entier 
dans  l'abdomen.  Aux  membres  supérieurs,  le  bras  s'est 
alongé,  et  est  plus  en  proportion  avec  l'avant-bras;  les 
doigts  sont  séparés ,  et  une  ébauche  des  ongles  apparaît  sous 
la  forme  de  petites#  plaques  membraneuses  et  minces;  ces 
membres  sont  abaissés  sur  les  côtés  du  corps.  La  région  du 
bassin  est  distincte ,  et  les  membres  inférieurs  présentent 
des  progrès  analogues  ;  ces  membres  sont  relevés  contre  l'ab- 
domen.  Le  tubercule  saillant  qu'on  croit  être  le  clitoris, 
est  fort  long  ;  au-dessous  de  lui ,  est  une  fente  longitudinale, 
dont  les  rebords  paraissent  être  les  grandes  lèvres  de  la 
vulve;  une  lame  transversale  sépare  cette  fente  en  deux 
parties,  et  annonce  la  séparation  qui  commence  à  se  faire 
de  l'anus  et  des  voies  génitales.  La  peau  qui,  dans  les  deux 
premiers  mois  était  un  enduit  visqueux  ,  mou,  dans  le  troi- 
sième commence  à  se  former;  mais  elle  est  mince,  trans- 
parente, facile  à  déchirer,  et  encore  sans  apparence  fi- 
breuse. 

Au  quatrième  mois,  quoique  l'accroissement  soit  moins 
rapide  que  dans  les  temps  précédents ,  les  formes  devien- 
nent déplus  en  plus  prononcées;  l'être  nouveau  n'est  plus 
un  embryon  ,  mais  un  fœtus  ,  parce  qu'alors  toutes  les  par- 
ties de  son  corps  sont  distinctes.   Sa  longueur  est  de  six  à 


ANATOMIE    DU    FOETUS.  34/ 

sept  pouces,  son  poids  de  six  à  sept  onces.  La  tête  devient 
de  moins  en  moins  disproportionnée  ;  quoique  Fossifî cation, 
qui  dès  la  neuvième  semaine  a  commencé  dans  les  os  du 
crâne,  continue,  cependant  les  fontanelles  sont  encore  très 
amples,  et  les  commissures  du  crâne  très  larges.  La  face  est 
encore  peu  développée.  Les  yeux  sont  fermés  ^  le  nez  et  les 
oreilles  bien  distincts,  les  lèvres  formées;  la  langue  se  voit 
dans  la  bouche.  A  l'abdomen  ,  le  cordon  paraît  implanté 
plus  haut  que  dans  les  temps  précédents,  et  la  moitié  du 
corps  du  fœtus  répond  à  plusieurs  centimètres  au-dessus  de 
l'ombilic.  Dans  les  membres,  la  proportion  s'établit  davan- 
tage entre  les  supérieurs  et  les  inférieurs,  et  dans  chacun 
entre  les  bras  et  les  avant-bras ,  les  avant-bras  et  les  mains  , 
entre  les  cuisses  et  les  jambes,  les  jambes  et  les  pieds.  Le  sexe 
alors  est  distinct  ;  on  voit  le  scrotum  et  son  raphé ,  mais  il 
ne  contient  pas  encore  les  testicules;  le  pénis  est  grand,  et 
a  le  gland  dénudé  :  ces  deux  dispositions  sont  d'autant  plus 
prononcées  que  l'embryon  est  plus  jeune.  Si  c'est  une  fe- 
melle ,  le  clitoris  paraît  moins  grand  que  dans  les  mois  pré- 
cédents. La  peau  a  une  couleur  rosée  ,  ressemble  à  un  satin 
mince,  et  déjà  est  recouverte  d'un  léger  duvet;  quelques 
cheveux  fort  courts,  rares,  blancs  et  argentins,  paraissent 
à  la  tête.  Une  graisse  rougeâtre  existe  dans  les  aréoles  du 
tissu  cellulaire ,  et  déjà  les  muscles  peuvent  exécuter  des 
mouvements  notables. 

À  cinq  mois  ,  le  fœtus  est  long  de  huit  à  onze  pouces ,  et 
pèse  de  huit  à  dix  onces.  La  tête  n'est  déjà  plus  que  le  quart 
de  tout  le  corps  ;  et  devenant  la  partie  la  plus  pesante  ,  elle 
commence  à  se  placer  en  bas.  De  meilleures  proportions 
s'observent  entre  toutes  les  parties  :  les  membres  abdomi- 
naux, qui  jusque  là  avaient  été  plus  petits  que  les  thoraci- 
ques,  commencent  à  avoir  plus  de  longueur.  La  peau  offre 
de  petits  poils  soyeux  blancs.  Les  mouvements  du  fœtus  sont 
alors  nettement  sentis  par  la  mère,  parce  que,  d'une  part, 
ses  muscles  sont  plus  énergiques;  et  d'autre  part,  parce 
qu'ayant  plus  de  volume,  cet  être  remplit  davantage  Lœuf. 
Si  le  fœtus  naissait  alors,  il  pourrait  vivre  quelques  minutes. 

A  six  mois,  le  fœtus  a  une  longeur  de  onze   à   quatorze 


348  VIE    INTRA-UTÉRINE. 

pouces,  un  poids  de  douze  à  seize  onces.  La  tête,  encore  assez 
grosse  relativement  au  reste  du  corps ,  est  couverte  de  petits 
cheveux  blancs  argentés.  Les  paupières  sont  collées;  et  à 
leurs  bords,  ainsi  qu'aux  sourcils,  apparaissent  de  petits 
poils  déliés.  Le  sternum  est  tout-à-fait  ossifié,  et  l'union  de 
ses  deux  moitiés  s'est  faite  de  haut  en  bas.  A  la  peau ,  on 
commence  à  pouvoir  distinguer  le  derme  et  l'épidémie. 
Cette  membrane  est  fine,  mince,  lisse,  et  a  une  couleur 
pourprée,  surtout  à  la  face,  aux  lèvres,  aux  oreilles,  à  la 
mamelle,  à  la  paume  des  mains,  à  la  plante  des  pieds.  Elle 
paraît  plissée ,  parce  qu'il  n'y  a  pas  encore  de  graisse  dans 
le  tissu  cellulaire  sous-cutané.  Le  scrotum  est  petit,  d'un 
rouge  vif;  la  vulve  est  saillante  ,  et  ses  lèvres  écartées  par  la 
saillie  du  clitoris.  Les  ongles  sont  déjà  assez  solides.  Si  le 
fœtus  naissait  alors,  son  développement  est  assez  grand 
pour  qu'il  puisse  respirer,  crier,  commencer  la  vie  exté- 
rieure, mais  il  mourrait  après  quelques  heures. 

Pendant  le  cours  du  septième  mois,  toutes  les  parties  ac- 
quièrent plus  de  consistance,  grossissent,  s'arrondissent, 
se  proportionnent  mieux.  La  longueur  totale  du  fœtus  est 
de  treize  à  seize  pouces;  son  poids,  de  deux  livres  et  demie. 
La  tête  s'est  dirigée  vers  l'orifice  de  l'utérus,  et  l'on  peut 
l'y  sentir  avec  le  doigt  introduit  dans  le  vagin;  mais  elle 
est  encore  bien  mobile.  Les  paupières  commencent  à  s'en- 
tr 'ouvrir  ,  et  alors  disparaît  la  membrane  qui  clôt  le  trou 
pupillaire.  La  graisse  plus  abondante  donne  plus  de  rondeur 
aux  formes.  La  peau  est  plus  rosée;  ses  follicules  sébacés 
sont  formés,  et  sécrètent  à  sa  surface  un  enduit  blanc, 
graisseux.  Les  cheveux  sont  plus  longs,  et  d'une  couleur  déjà 
plus  foncée.  Les  testicules  descendent  dans  le  scrotum. 

Dans  le  huitième  mois,  le  fœtus  croît  plus  en  grosseur 
qu'en  lougueur  ;  sa  longueur  est  de  seize  à  dix-huit  pouces, 
son  poids  de  quatre  à  cinq  livres.  Toutes  ses  parlies  sont  de 
plus  en  plus  fermes  et  formées.  A  la  tète  les  fontanelles  sont 
moins  évasées  que  dans  les  mois  précédents;  les  paupières 
sont  ouvertes.  Le  testicule  gauche  au  moins,  est  descendu 
dans  le  scrotum. 

Dans  le  neuvième  mois,  le  fœtus  estlongde  dix-huit  à  vingt 


AWATOMIE    DU    FOETUS.  34$ 

pouces ,  il  pèse  de  six  à  sept  livres.  Le  duvet  des  paupières 
et  des  sourcils  est  remplacé  par  de  véritables  poils. 

A  terme,  c'est-à-dire  au  moment  de  la  naissance,  voici, 
d'après  une  table  qu'a  établie  M.  Chaussier  sur  l'examen 
de  plus  de  quiuze  mille  enfants  naissants  ,  les  proportions 
les  plus  ordinaires.  La  longueur  totale  du  fœtus  est  de 
quatre  cent  quatre-vingt-neuf  millimètres  ,  ou  dix-huit 
pouces  :  du  sommet  de  la  tête  à  l'ombilic,  il  a  deux  cent 
quatre-vingts  millimètres,  ou  dix  pouces  quatre  lignes;  et  de 
l'ombilic  aux  pieds,  deux  cent  neuf  millimètres ,  ou  sept 
pouces  huit  lignes  :  du  sommet  de  la  tête  au  pubis,  deux 
cent  quatre-vingt-dix  millimètres  ,  ou  onze  pouces,  neuf 
lignes  ;  et,  du  pubis  aux  pieds,  cent  soixante-dix  millimètres 
ou  six  pouces  trois  lignes  :  de  laclavicuîeaubasdu  sternum, 
la  longueur  est  de  cinquante-cinq  millimètres  ,  ou  deux 
pouces  trois  lignes,  et  du  bas  du  sternum  au  pubis  de  cent 
soixante  millimètres,  ou  six  pouces.  L'étendue  transversale 
du  fœtus  est;  du  sommet  d'une  épaule  à  l'autre,  de  cen! 
vingt  millimètres,  ou  quatre  pouces  six  lignes;  du  sternum 
au  raehis,  de  quatre-vingt-treize  millimètres ,  ou  trois  pou- 
ces six  lignes;  d'un  os  des  îles  à  l'autre,  de  soixante-quinze 
millimètres  ,  ou  trois  pouces;  d'une  tubérosité  fémorale  à 
l'autre,  de  quatre-vingt-quatre  millimètres,  ou  trois  pou- 
ces trois  lignes.  La  tête  a  :  à  son  diamètre  transversal,  trois 
pouces,  quatre  lignes;  à  son  grand  diamètre  ,  quatre  pouces, 
trois  lignes;  à  son  diamètre  diagonal  ou  occipito-mentonnier, 
cinq  pouces;  à  son  diamètre  sphœno-bregmatique,  trois  pou- 
ces, quatre  lignes.  Sa  circonférence  est  de  treize  à  quinze 
pouces.  Les  os  du  crâne,  quoique  mobiles  encore,  sont  ar- 
rivés à  se  toucher  par  leurs  bords  :  cependant  la  grande 
fontanelle  est  encore  large  d'un  pouce.  Les  cheveux  sont 
assez  épais,  blonds,  et  longs  d'un  pouce.  La  face  n'a  plus 
autant  l'aspect  de  la  vieillesse.  Le  thorax  est  court  et 
aplati.  L'abdomen  est  ample,  fort  étendu,  arrondi  ,  et 
fait  saillie  au  niveau  de  l'ombilic,  qui  se  trouve  juste  au 
milieu  de  la  longueur  du  corps.  Le  bassin  est  étroit  et 
peu  développé.  Le  scrotum  est  moins  rouge  et  ridé.  Les 
ongles  sont  prolongés  jusqu'à  l'extrémité  des  floigî  s  et  souvent 


35 O  VIE   INTRA-UTÉRINE. 

les  dépassent.  Dès  cette  époque,  on  peut,  dit  Sœmmering , 

saisir  les   différences  générales  des  deux   sexes. 

Comme  on  le  conçoit,  nous  ne  disons  que  ce  qui  est  le 
plus  général;  il  y  a  dans  tout  ceci  beaucoup  de  variétés, 
surtout  en  ce  qui  concerne  les  premiers  mois.  Tous  les  au- 
teurs diffèrent  dan  s  les  évaluations  qu'ils  ont  données  à  leur 
égard,  et  sont  plus  d'accord  en  ce  qui  regarde  la  dernière 
moitié  de  la  grossesse  :  M.  Chaussier  dit  qu'à  partir  du 
cinquième  mois,  le  fœtus  croît  d'un  pouce  tous  les  quinze 
jours.  Le  trait  le  plus  important  à  noter  est  la  diminution 
progressive  delà  moitié  supérieure  du  corps ,  le  cordon,  qui 
d'abord  était  au  bas  du  torse,  arrivant  à  être  au  milieu  du 
corps  :  non  que  ce  soit  ce  cordon  qui  se  déplace,  mais  parce 
que  les  parties  du  corps  qui  sont  au-dessous  de  son  point 
d'insertion,  et  qui  n'existaient  pas  d'abord  ou  à  peine,  se 
développent. 

Quant  à  la  situation  du  fœtus  :  dans  les  premiers  temps , 
cet  être  est  suspendu  parle  cordon,  dans  l'eau  de  l'amnios 
dont  la  poche  est  alors  fort  étendue  ;  sa.  tête  plus  pesante  se 
porte  en  bas  :  ses  premiers  mouvements  ne  sont  peut-être 
qu'un  pivotement  sur  ce  cordon;  et  c'est  peut-être  à  cela 
qu'est  due  la  torsion  qu'offre  celui-ci.  Quand  le  cordon  a 
pris  plus  de  longueur,  le  fœtus  peut  se  livrer  à  des  mouve- 
ments plus  étendus ,  et  il  est  possible  que  quelquefois  les 
fesses  soient  en  bas.  Jusqu'au  milieu  de  la  grossesse,  il  n'a 
pas  déposition  fixe  ;  mais,  après  cette  époque,  l'espace  qui  lui 
est  offert  devenant  chaque  jour  moindre,  et  son  volume  au 
contraire  augmentant  toujours,  il  est  obligé  de  rester  dans 
une  même  attitude  ,  et  voici  celle  qui  est  la  plus  ordinaire. 
Il  est  courbé  en  avant,  le  menton  appuyé  sur  le  thorax,  l'oc- 
ciput incliné  vers  l'ouverture  supérieure  du  bassin  ,  les  bras 
rapprochés  en  devantet  les  mains  portées  vers  la  face  ;  les  cuis- 
ses fléchies  sur  l'abdomen,  les  genoux  écartés ,  et  les  jambes 
croisées,  de  manière  que  le  talon  gauche  est  sur  la  fesse  droite, 
et,  vice  versa,  enfin  les  pieds  fléchis  sur  la  face  antérieure  de 
la  jambe.  Il  représente  dans  son  ensemble  un  ovoïde  long  de 
dix  pouces;  et  sa  position  est  telle,  que  sa  tête  à  la  nais- 
sance repose  sur  le  col  de  l'utérus,  et  répond  à  l'entrée  du 


ANATOMIE    DU    FOETUS.  35  I 

bassin,  tandis  que  ses  fesses  répondent  au  fond  de  l'organe. 
Jadis  on  croyait,,  mais  à  tort,  que  cette  position,  qui  est  la 
plus  favorable  à  raccoucbement,  était  due  à  une  culbute 
que  faisait  spontanément  le  fœtus  dans  les  deux  derniers 
mois  de  la  grossesse. 

Mais  ce  n'est  pas  assez  d'avoir  décrit  semaine  par  semaine  , 
mois  par  mois  ,  les  développements  successifs  de  l'embryon 
et  fœtus  bumain  ,  considéré  dans  ses  formes  extérieures  et 
dans  ce  qui  est  apparent  à  la  surface  de  son  corps  :  il  faut 
pénétrer  dans  son  intérieur  ,  et  indiquer  les  cbangements 
graduels  de  ses  principaux  organes  et  appareils.  Dans  son 
origine,  l'embryon,  avons-nous  dit,  est  une  masse  gélati- 
neuse sans  consistance  ,  où  aucun  organe  n'est  distinct  ;  tout 
semble  être  tissu  celluleux  ou  muqueux,  comme  dans  le  plus 
simple  des  animaux.  Les  auteurs  sont  partagés  sur  celui  des 
systèmes  généraux  ,  nerfs  ou  vaisseaux ,  qui  apparaît  le  pre- 
mier dans  cette  masse  homogène.  Les  uns,  d'après  les  obser- 
vations sur  l'œuf  des  oiseaux,  croient  que  les  vaisseaux  sont 
les  premiers  formés,  et  par  conséquent  que  ces  vaisseaux  sont 
l'élément  organisateur.  D'autres,  Rolando,  par  exemple,  di- 
sent que  ce  sont  les  nerfs.  Quelques-uns  enfin,  comme  Meckel, 
n'admettent  pas  d'élément  organisateur  primitif ,  et  croient 
que  le  premier  rudiment  du  fœtus  contient  la  base  de  toutes  les 
parties,  comme  dans  les  animaux  inférieurs  toute  l'organisa- 
tion est  représentée  par  la  substance  bomogène  qui  forme  le 
corps.  Notre  ignorance  sur  l'essence  de  la  génération  et  sur  les 
premiers  développements  de  l'embryon  bumain,  rend  peut- 
être  ce  problème  insoluble.  Cependant  les  derniers  travaux 
de  M.  Serres ,  sur  le  mode  de  développement  du  système 
nerveux,  nous  portent  à  croire  que  ce  sont  les  vaisseaux  qui 
apparaissent  les  premiers.  En  effet,  les  diverses  parties  ner- 
veuses ne  se  montrent  que  postérieurement  aux  artères  qui 
leur  sont  destinées;  elles  apparaissent  dans  le  même  ordre 
que  sont  créées  leurs  artères;  leur  développement  se  fait 
dans  la  même  direction  que   ces  vaisseaux  ;    leur  volume 
enfin,  et  les  degrés  divers  d'activité  de  leur  accroissement, 
sont  en  raison  du  nombre  et  du  calibre  de  ces  artères.  Voici 
les  faits  confirma  tifs  de  ces  diverses  propositions  :    i"  La 


352  VIE    1MTRA-TJTÉRJNE. 

moelle  épinière  apparaît  avant  le  cerveau  ,  et  le  cerveau 
avant  le  cervelet  ;  or,  les  artères  de  la  moelle  épinière  de- 
vancent celles  du  cerveau  ,  et  celles-ci  celles  du  cervelet. 
Dans  l'encéphale  proprement  dit,  les  tubercules  quadriju- 
meaux  sont  plus  précoces  que  le  cerveau ,  et  le  cerveau  que 
le  cervelet;  or,  les  artères  des  tubercules  quadrijumeaux 
apparaissent  avant  les  carotides  internes  qui  fournissent  au 
cerveau  ,  et  les  carotides  internes  avant  les  vertébrales  qui 
se  distribuent  au  cervelet.  2°  Les  vertébrales  qui  fournissent 
au  cervelet  sont  dirigées  d'arrière  en  avant ,  et  c'est  aussi 
dans  cette  direction  que  se  fait  le  développement  de  cette 
partie  nerveuse  :  au  contraire  ,  les  carotides  internes  qui 
alimentent  ie  cerveau  sont  dirigées  d'avant  en  arrière  ,  et 
c'est  en  ce  sens  que  se  développe  le  cerveau.  3°  Toute  partie 
nerveuse  ne  se  développe  que  consécutivement  à  l'appa- 
rition des  artères  qui  leur  apportent  du  sang;  par  exemple, 
les  couches  optiques,  les  corps  striés,  le  corps  calleux,  avec 
les  artères  choroïdienne,  striée,  cérébrale  postérieure;  le 
lobe  médian  du  cervelet  avec  la  cérébelleuse  antérieure 3  et 
les  hémisphères  de  cet  organe  avec  la  cérébelleuse  posté- 
rieure. 4«  Toujours  il  y  a  un  rapport  entre  les  diverses 
parties  encéphaliques  et  les  artères  qui  les  alimentent  , 
non-seulement  aux  diverses  phases  des  développements  de 
l'embryon  humain ,  mais  encore  dans  les  diverses  classes 
d'animaux.  Ainsi,  dans  l'embryon  humain,  ce  sont  d'abord 
les  tubercules  quadrijumeaux  qui  prédominent ,  et  ce  n'est 
qu'à  la  fin  que  l'emportent  les  hémisphères  du  cerveau  et  du 
cervelet  :  or,  les  arlères  des  tubercules  quadrijumeaux  sont 
d'abord  les  plus  grosses,  et  elles  diminuent  de  calibre  a 
mesure  que  se  développent  les  cérébrales  et  les  cérébelleuses. 
Le  poisson  a  les  tubercules  quadrijumeaux  énormes,  et  les 
hémisphères  du  cerveauetdu  cervelet  très  petits;  or,  coïn- 
cidemment ,  sont  très  grosses  en  lui  les  artères  des  lobes 
optiques,  et  très  grêles  celles  du  cerveau  et  du  cervelet. 
Dans  le  reptile  ,  les  lobes  optiques  ont  déjà  diminué  au 
profit  des  hémisphères  cérébraux  :  dans  les  oiseaux ,  le  cer- 
velet ,  presque  rudimentaire  dans  la  classe  précédente,  a 
pris  un  grand  accroissement  :  enfin,  dans  les  mammifères, 


ATÎATOMIE    DU    FOETUS.  353 

les  lobes  optiques  sont  tout-à-fait  dominés  par  les  hémi- 
sphères du  cerveau  et  du  cervelet.  Or  les  mêmes  proportions 
s'observent  dans  les  artères  de  ces  diverses  parties.  Nous  ne 
parlons  ici  que  des  trois  parties  fondamentales  de  l'encé- 
phale; savoir,  tubercules  quadrijumeaux,  cerveau,  et  cer- 
velet ;  mais  le  rapport  que  nous  signalons  s'observe  aussi 
dans  chacune  des  dépendances  de  ces  trois  parties.  5°  Enfin, 
ce  qui  achève  de  faire  croire  ,  avec  M.  Serres ,  que  les  con- 
ditions d'existence  du  système  nerveux  et  de  l'encéphale 
sont  subordonnées  aux  dispositions  du  système  sanguin  , 
c'est  que  si  une  artère  manque  ou  est  double,  la  partie 
nerveuse  manque  ou  est  double  aussi ,  comme  le  prou- 
vent les  monstres.  Voyez  les  monstres  par  défaut;  des  ar- 
tères manquent  ou  sont  oblitérées;  dans  les  anencéphaîes  , 
pas  de  carotides  primitives;  dans  les  fœtus  sans  membres 
thoraciques  ou  pelviens  ,  pas  d'artères  axillaires  ou  fémo- 
rales ,  etc.  C'est  le  contraire  dans  les  monstres  par  excès;  les 
bicéphales  ,  les  tricéphales  ,  ont  les  carotides  primitives 
doubles,  triples;  ceux  qui  ont  deux  cervelets  ,  deux  troncs, 
ontdoubles  les  artères  vertébrales,  l'aorte  descendante,  etc. 
Si  tous  ces  faits  sont  vrais  ,  il  est  évident  qu'ils  fondent  une 
forte  présomption  pour  l'opinion  à  l'appui  de  laquelle  nous 
les  présentons,  Toutefois  ,  sans  nous  arrêter  davantage  à  ce 
point  de  la  science ,  nous  allons  nous  borner  à  passer  succes- 
sivement en  revue,  sous  le  rapport  de  leurs  développements 
progressifs,  chacun  des  principaux  appareils  et  organes  du 
corps ,  en  prenant  pour  point  de  départ  ce  que  nous  savons 
de  l'âge  adulte. 

i°  Système  vascuiaire  sanguin»  Nous  allons  dire  d'abord 
ce  qu'il  est  chez  l'oiseau.  Dès  la  douzième  heure  de  l'incu- 
bation, on  voit  se  former,  entre  les  membranes  du  jaune,  des 
globules  ou  vésicules  éparses ,  qui  sont  des  rudiments  de 
veines;  peu  à  peu  ces  vésicules  se  réunissent  entre  elles,  et 
il  en  résulte  un  réseau  évidemment  vascuiaire.  Ce  ne  sont 
pas  d'abord  des  veines  proprement  dites,  car  elles  sont  sans 
parois;  ce  sont  de  simples  trajets  que  le  liquide  s'est  creusés 
danslasubstancequile  renferme  ;  mais  bientôt  les  paroisse 
forment  ,  et  la  texture  vascuiaire  est  manifeste,  Après  la 
Tome  IV.  23 


354  VIE   I'HTRA -UTERINE. 

trentième  heure,  un  des  vaisseaux  de  ce  réseau  prend  un 
grand  développement,  et  devient  3e  cœur.  Au  troisième  jour, 
ce  cœur  présente  des  renflements  distincts;  bientôt  les  ar- 
tères apparaissent ,  un  sang  rouge  y  circule ,  l'allantoïde  et 
les  vaisseaux  ombilicaux  se  montrent;  et  enfin  le  système 
circulatoire  va  en  se  développant  successivement.  Ainsi,  ce 
sont  les  veines  qui  se  montrent  d'abord,  puis  le  cœur,  et  en 
dernier  lieu,  les  artères.  Cependant  Rolando,  comme  on  a 
pu  le  voir  dans  la  description  que  nous  avons  donnée  d'après 
lui  du  développement  du  disque  de  substance  spongieuse  de 
la  cicatricule ,  fait  développer  les  artères  en  premier  lieu. 
Dans  les  mammifères  et  dans  l'homme ,  on  ne  peut  saisir, 
dès  le  premier  instant  de  leur  formation  ,  les  vaisseaux  de 
la  vésicule  ombilicale  ;  on  ne  peut  donc  assurer  s'ils  sont 
des  veines  ou  des  artères;  mais  les  vaisseaux  qu'on  distingue 
les  premiers  dans  les  villosités  du  chorion  ,  sont  des  veines. 
L'analogie  porte  à  croire  que  ces  vaisseaux,  quels  qu'ils 
soient ,  se  forment  de  la  même  manière  que  dans  l'oiseau; 
c'est-à-dire  qu'ils  sont  d'abord  de  simples  vésicules  isolées , 
puis  des  canaux  creusés  dans  la  substance  gélatineuse  qui 
forme  l'embryon  ,  et  enfin  des  vaisseaux  à  parois  distinctes. 
C'est,  en  effet,  en  passant  par  ces  trois  degrés,  que  l'on  voit 
se  former  les  vaisseaux  qui  apparaissent  dans  les  membranes 
accidentelles  qui  s'organisent;  et  les  premiers  vaisseaux  qui 
sont  visibles  dans  le  placenta,  ne  laissent  voir  ni  couches, 
ni  fibres  distinctes  dans  leurs  parois. 

Toutefois  ,  la  veine-porte  ,  dont  la  veine  omphalo-mésen- 
térique,  qui  va  à  la  membrane  du  jaune  dans  l'oiseau,  et  à 
celle  de  la  vésicule  ombilicale  dans  les  mammifères ,  est  une 
branche ,  est  le  premier  tronc  qui  se  montre.  Cela  devait 
être ,  puisque  l'embryon  est  d'abord  réduit  au  torse  ,  à 
l'abdomen.  Ensuite  apparaît  la  veine  ombilicale.  Les  deux 
veines-caves  sont  plus  tardives;  elles  ne  se  montrent  qu'a- 
vec les  parties  desquelles  elles  rapporteront  le  sang  ,  et 
lorsque  se  forment  les  deux  artères  qui  leur  correspondent. 
La  supérieure  reste  distincte  ;  mais  l'inférieure  est  unie 
avec  la  veine  ombilicale  par  un  rameau  assez  gros ,  dit 
canal  veineux. 


ÀNATOMIE    DU    FŒTUS.  355 

La  veine-porte  existe  seule  encore,  quand  le  cœur  com- 
mence à  être  visible.  Cet  organe  n'est  d'abord  qu'un  renfle- 
ment irrégulier  de  cette  veine;  mais  bientôt  il  se  courbe  en 
demi-cercle,  et  offre  trois  dilatations,  et  deux  rétrécisse- 
ments manifestes.  Les  dilatations  sont  l'oreillette  ,  le  ven- 
tricule gauche,  et  le  bulbe  de  l'aorte;  le  ventricule  paraît 
avant  l'oreillette.  A  mesure  que  ces  dilatations  se  rappro- 
chent, les  rétrécissements  qu'on  voyait  entre  elles  dispa- 
raissent. Le  cœur  est  d'autant  plus  gros  que  l'embryon  est 
plus  jeune;  à  la  septième  semaine,  qui  est  l'époque  à  la- 
quelle paraît  le  diaphragme,  il  remplit  tout  le  thorax  et 
l'abdomen  ,  et  est  dirigé  tout  droit  en  avant  et  en  bas.  Bien- 
tôt l'oreillette  se  partage  en  deux  par  une  cloison  incom- 
plète qui  se  développe  dans  son  intérieur,  mais  qui  cependant 
laisse  entre  les  deux  une  grande  ouverture  de  communica- 
tion ,  dite  trou  de  Botal.  Du  deuxième  au  troisième  mois? 
apparaît  sur  cette  cloison  mitoyenne  des  oreillettes,  une 
valvule  qui,  en  croissant  de  haut  en  bas,  diminue  chaque 
jour  de  plus  en  plus  l'ouverture  interauricuîaire  :  l'occlu- 
sion ne  sera  complète  qu'à  la  naissance,  par  l'application 
définitive  de  cette  valvule  contre  la  paroi  inférieure  de  la 
cloison.  En  même  temps  que  l'oreillette  devient  double,  il 
part  de  la  base  du  ventricule  gauche  un  petit  prolongement 
qui  va  constituer  un  second  ventricule,  le  ventricule  droit» 
Le  cœur  alors  a  les  quatre  cavités  que  nous  lui  avons  re- 
connues. Les  oreillettes  sont  d'abord  plus  grandes  que  les 
ventricules  ,  et  la  droite  plus  que  la  gauche.  Le  ventricule 
gauche  est  d'abord  le  plus  grand ,  mais  à  partir  du  sixième 
mois,  c'est  le  droit.  Les  parois  du  cœur,  des  ventricules 
surtout,  sont  d'abord  fort  épaisses.  A  l'embouchure  de  la 
veine-cave  inférieure  dans  l'oreillette  droite,  est  une  valvule 
dite  à' Eustachi }  que  nous  verrons  influer  d'une  manière 
remarquable  sur  le  mode  de  circulation  du  fœtus. 

Quant  aux  artères,  l'aorte  est  la  seule  qui  existe  jusqu'à 
la  septième  semaine.  A  cette  époque  apparaît  l'artère  pulmo- 
naire, qui  d'abord  est  sans  rameaux,  et  va  à  l'aorte,  dont  elle 
semble  être  une  racine.  Vers  la  huitième  semaine,  cette  artère 
pulmonaire  détache  de  petites  branches  pour  le  poumon. 

23. 


356  VIE    I1NTRA-UÏUNAIRE. 

Ces  petites  branches,  d'autant  plus  grêles  que  l'embryon  est 
plus  jeune ,  grossissent  graduellement  ;  vers  le  cinquième 
mois,  elles  égalent  en  volume  le  troue  primitif  de  la  pul- 
monaire ,  qui  est  toujours  continu  à  l'aorte ,  et  qu'on  appelle 
canal  artériel;  à  la  naissance,  chacune  d'elles  enfin  l'égale 
et  même  le  surpasse.  De  même,  le  canal  veineux ,  ou  la 
communication  de  la  veine  ombilicale  avec  la  veine-cave  in- 
férieure, se  rétrécit  à  mesure  qu'on  approche  de  la  fin  de  la 
vie  intra-utérine. 

A  la  description  de  l'artère  pulmonaire ,  nous  rattache- 
rons celle  des  poumons  ;  les  rudiments  en  apparaissent  vers 
la  sixième  ou  septième  semaine.  Ces  organes  sont  alors  petits, 
blancs,  très  rapprochés  l'un  de  l'autre,  tout  lisses,  et  situés 
tout  en  bas  de  la  poitrine,  au-dessous  du  cœur  qui  les  dépasse 
beaucoup.  Bientôt  apparaissent  sur  leur  côté  externe  des 
échancrures  qui  annoncent  leur  séparation  en  lobes.  Après, 
ils  paraissent  lobuleux,  granuleux,  mais  solides  et  pleins. 
Vers  quatre  mois,  leur  couleur,  de  blanche  qu'elle  était, 
devient  rose.  Quelque  développement  qu'ils  prennent,  ils 
restent  denses.  En  eux,  les  artères  bronchiques  se  forment 
avant  les  branches  de  l'artère  pulmonaire.  A  terme,  la  tra- 
chée-artère est  étroite,  remplie  d'un  liquide  transparent; 
les  pièces  du  larynx  qui,  dans  l'origine  étaient  membra- 
neuses, sont  devenues  cartilagineuses,  mais  non  encore 
osseuses. 

Nous  ne  nous  astreignons  pas  à  indiquer  les  développe- 
ments semaine  par  semaine,  mois  par  mois  ,  car  nous  serions 
entraînés  à  des  détails  infinis.  Il  doit  nous  suffire  d'indiquer 
la  série  des  formes  principales ,  et  celles  qui  influent  sur  le 
mécanisme  des  fonctions.  Chaque  artère  se  forme  avec  la 
partie  qu'elle  doit  alimenter.  Une  différence  que  présente  le 
système  artériel  du  fœtus ,  consiste  dans  les  artères  ombili- 
cales, qui  sont  la  continuation  des  iliaques  primitives. 

Il  est  quelques  organes  que  leur  développement  précoce  , 
l'abondance  des  vaisseaux  qui  les  pénètrent,  et  leur  voisi- 
nage de  la  veine -cave,  font  présumer  influer,  soit  sur  la 
formation  du  sang,  soit  sur  sa  circulation,  et  dont  nous 
pouvons,  à  ce  litre,  rattacher  la  description  à  celle  de  l'ap- 


ANATOMIE    DU   FOETUS.  35; 

pareil  circula toîre  sanguin.  Tels  sont  la  thyroïde  et  les  cap- 
sules surrénales  que  nous  avons  décrits  dans  l'âge  adulte  , 
et  le  thymus ,  qui  est  un  organe  exclusif  à  la  vie  fœtale.  La 
thyroïde  est  en  effet  de  bonne  heure  apparente  ;  et,  pendant 
toute  la  vie  intra-utérine  ,  elle  est  proportionnellement  plus 
volumineuse,  plus  mollo,  plus  pénétrée  de  sang,  que  dans 
les  âges  suivants.  Il  en  est  de  même  des  capsules  surrénales; 
distinctes  déjà  dans  l'embryon  de  deux  mois,  et  plus  grosses 
que  les  reins ,  elles  sont  sans  doute  ,  par  la  suite  ,  surpassées 
en  volume  par  ces  organes;  mais  elles  restent  toujours  fort 
grosses,  comparativement  à  ce  qu'elles  sont  dans  les  autres 
âges;  car  à  la  naissance,  leur  poids  est  à  celui  des  reins 
comme  un  à  trois,  tandis  que  dans  l'âge  adulte  elles  sont 
aux  reins  comme  un  à  vingt-huit.  Quant  au  thymus,  c'est 
un  organe  de  structure  vésiculeuse  ,  qui  ne  se  prolonge  guère 
au-delà  de  la  vie  fœtale,  et  qui  est  situé  clans  le  thorax,  à 
sa  partie  antérieure  et  supérieure  ,  derrière  le  sternum  :  non 
visible  avant  le  troisième  mois,,  il  croît  rapidement ,  car  au 
septième,  il  a  dix-huit  lignes  de  long,  et  à  terme,  sa  lon- 
gueur est  de  deux  pouces  et  demi,  et  son  poids  de  quatre  à 
cinq  gros.  C'est  un  assemblage  de  cinq  à  six  lobes  qui,  bien 
qu'unis  par  une  enveloppe  commune  assez  dense,  sont  dis- 
tincts ,  et  peuvent  être  considérés  comme  autant  de  thymus 
séparés ,  car  chacun  a  ses  vaisseaux  propres  :  chaque  lobe  est 
divisé  en  lobules,  et  ceux-ci  en  grains.  Dans  chaque  lobule 
est  une  petite  cavité  cou  tenant  un  suc  blanchâtre,  visqueux, 
coagulable  par  l'alcool ,  semblable  à  du  lait,  ou  mieux  à  du 
pus.  On  avait  supposé  à  ce  thymus  un  conduit  excréteur 
aboutissant  dans  l'œsophage,  ou  le  péricarde;  mais  cela 
n'est  pas.  Il  croît  encore  pendant  les  deux  années  qui  sui- 
vent la  naissance. 

20  Système  nerveuoo.  Rien  n'en  apparaît  encore  dans  le 
premier  mois  ,  à  cause  de  l'état  fluide  dans  lequel  est  d'abord 
ce  système  ;  la  tête  et  la  carène  paraissent  transparentes  et  rem- 
plies d'un  fluide  diaphane.  Danslesecond  mois,  on  distingue, 
dans  la  carène  un  canal  qui  en  parcourt  la  longueur ,  et  à  la 
tête  une  vésicule  arrondie,  distendue  par  un  fluide  blanc  et 
transparent.  Bientôt  le  microscope  fait  reconnaître  dans  ce  ca- 


358  VIE   INTRA-UTÉRINE, 

nal  et  cette  vésicule  les  méninges,  et  la  masse  nerveuse  qui  res- 
semble alors  à  du  blanc  d'oeuf.  Sionsouruetcelle-ci  à  l'action  de 
l'alcool,  comme  Ta  fait  Tiedemann>  auteur  d'un  beau  travail 
sur  ce  sujet,  et  auquel  j'emprunte  tous  les  détails  que  je  vais 
donner,  on  voit  nettement  le  rudiment  du  système  nerveux 
cérébro-spinal ,  sous  la  forme  d'un  cordon  aplati ,  à  peine 
plus  large  à  l'extrémité  céplialique  qu'ailleurs,  et  divisé  en 
arrière  sur  toute  sa  longueur.  Au  troisième  mois,  l'extré- 
mité céphalique  a  crû  assez  pour  être  bien  distincte  de  la 
moelle.  Celle-ci,  à  sa  partie  supérieure,  à  ce  qu'on  appelle 
la  queue  de  la  moelle  alongée,  forme  une  saillie  intermé- 
diaire au  cerveau  et  au  cervelet ,  et  qui ,  pour  le  volume , 
tient  le  milieu  entre  ces  deux  parties.  Elle  offre  distincte- 
ment les  trois  faisceaux  dits  pyramides  antérieures  ,  cordons 
olivaires  ,  et  pyramides  postérieures,  qui  vont  former  le 
cerveau  et  le  cervelet.  Comme  le  pont  de  Varole  manque 
alors,  on  voit  nettement  les  deux  premiers  de  ces  faisceaux 
d'abord  se  porter  dans  les  pédoncules  du  cerveau ,  ensuite 
les  pyramides  antérieures  dans  les  corps  striés,  les  cordons 
olivaires  dans  les  couches  optiques,  et  enfin  les  uns  et  ]es 
autres  rayonner  au-delà  de  ces  parties  en  éventail ,  et  former 
la  membrane  future  des  hémisphères.  De  même,  les  pyra- 
mides postérieures  vont  former  le  cervelet.  I/eneépbaJe  est 
alors  fendu  en  arrière  dans  toute  sa  longueur  ;  la  membrane 
des  bémisplières ,  que  nous  venons  de  voir  se  former  par  les 
radiations  des  pyramides  antérieures  et  des  cordons  olivai- 
res ,  commence  bien  à  se  recourber  par  ses  bords  en  dedans 
et  en  arrière;  mais  elle  laisse  encore  à  découvert  les  pédon- 
cules du  cerveau,  les  corps  striés  ,  les  couches  optiques,  les 
tubercules  quadrijumeaux,  toutes  parties  qui  sont  déjà  ap- 
parentes. Les  éminences  mamilîaires  ,  la  glande  pituitaire  , 
les  nerfs  optiques,  olfactifs ,  sont  aussi  visibles  déjà.  Les  lobes 
antérieurs  sont  déjà  assez  gros;  les  lobes  moyens  et  posté- 
rieurs ne  sont  que  naissants.  Quant  à  la  moelle  spinale  ,  elle 
s'offre  sous  la  forme  d'une  lame  dont  les  bords  se  renversent 
en  dedans  et  en  arrière,  et  se  réunissent  pour  constituer 
dans  son  intérieur  un  canal  :  ce  canal  se  continue  dans  l'en- 
céphale avec  le  quatrième  ventricule ,  qui  lui-même  est  con- 


ANATOMIE   DU   FOETUS.  35 9 

fcinu  avec  la  troisième  par  1  aqueduc  de  Sylvius;  celui-ci 
est  alors  une  assez  grande  cavité. 

Au  quatrième  mois,  les  cordons  olivaires  sont  plus  gros; 
le  corps  calleux  commence  à  se  montrer,  mais  il  est  situé 
verticalement;  le  pont  de  Varole  apparaît;  les  lobes  posté- 
rieurs du  cerveau  ne  dépassent  pas  encore  les  tubercules 
quadrijumeaux,   mais  latéralement  ils  ont  atteint  le  cer- 
velet. Celui-ci  a  une  cavité  dans  chacun  de  ses  côtés.  La 
voûte  à  trois   piliers  apparaît  formée  de  deux  rubans  dis- 
tincts ,  ses  piliers  antérieurs  se  recourbent  sur  les  couches 
optiques,  et  ses  piliers  postérieurs  se  continuent  avec  les 
cornes  d'Ammon  :  ces   dernières  parties  sont  apparentes, 
ainsi  que  la  glande  pinéale  et  ses  pédoncules  :  les  ventricules 
latéraux  existent,  et  les  bords   recourbés  de  la  membrane 
des  hémisphères  étant  alors  réunis,  ces  hémisphères  ressem- 
blent à  deux  vésicules  membraneuses.  La  moelle  spinale  s'é- 
tend en  queue  de  cheval  jusque  dans  le  sacrum;  elle  con- 
serve encore  son  canal  intérieur  dans  lequel  se  dépose  de 
la  substance  nerveuse  grise. 

A  cinq  mois,  le  cerveau  couvre  déjà  en  arrière  les  tuber- 
cules quadrijumeaux;  la  réunion  des  bords  recourbés  de  la 
membrane  des  hémisphères  ne  permet  plus  de  voir  aucune 
de  ses  parties  intérieures.  Le  corps  calleux  est  plus  étendu  , 
et  la  commissure  antérieure  est  visible;  les  premiers  rudi- 
ments des  circonvolutions  se  montrent.  Le  cervelet  offre 
dessillons  qui  le  divisent  en  cinq  lobes,  et  sa  cavité  inté- 
rieure a  beaucoup  diminué. 

A  six  mois,  les  lobes  postérieurs  sont  arrivés  à  couvrir  une 
partie  du  cervelet  :  le  corps  calleux  n'est  pas  encore  assez 
étendu  pour  couvrir  toute  la  couche  optique  ;  mais  il  la 
cache  déjà  en  partie.  On  voit  distinctement  les  fibres  des 
pédoncules  du  cerveau  aller,  en  divergeant,  se  répandre  sur 
tout  l'intérieur  des  ventricules  latéraux.  Le  septum  luci- 
tum  est  très  apparent.  Dans  le  cervelet ,  on  distingue  l'é- 
minence  vermicuîaire  supérieure,  l'arbre  de  vie. 

A  sept  mois,  les  lobes  postérieurs  du  cerveau  dépassent 
le  cervelet;  les  circonvolutions  sont  distinctes;  on  peut 
déjà  retrouver  tous  les  traits  de  Tàge  adulte ,  comme  les  il- 


36o  VIE    INTRA-UTÉRINE. 

bres  transversales  de  la  protubérance  annulaire,  et  les  fibres 
longitudinales  des  pédoncules  du  cerveau.  Alors  apparaissent 
les  lobes  et  lobules  foliés  du  cervelet.  L'origine  de  tous  les 
nerfs  est  facile  à  démontrer;  ces  nerfs  sont  plus  mous,  plus 
gros,  plus  rouges  que  dans  les  âges  suivants;  les  points  de 
l 'encéphale  où  ils  aboutissent,  sont  les  premiers  qui  se 
montrent  consistants.  La  moelle  spinale  voit  son  canal  in- 
térieur s'oblitérer,  et  graduellement  elle  descend  moins  bas, 
de  manière  à  finir  aux  vertèbres  lombaires. 

Enfin  ,  dans  les  huitième  et  neuvième  mois,  c'est  surtout 
la  périphérie  de  l'encéphale  qui  croît  en  volume  et  en  con- 
sistance; les  circonvolutions  deviennent  plus  saillantes;  les 
lamelles  du  cervelet  se  multiplient.  On  voit  distinctement 
l'entrecroisement  des  fibres  des  pyramides  antérieures,  le 
passage  de  ces  fibres  au-dessous  du  pont  de  Varole  dans  les 
pédoncules  du  cerveau  ,  et  leur  divergence  au-delà  des  corps 
striés  dans  les  hémisphères. 

Cette  recherche  du  mode  de  développement  de  l'encé- 
phale est  utile  pour  éclairer  la  question  des  rapports  qu'ont 
entre  elles  les  diverses  parties  cérébrales;  elle  a  justifié 
en  beaucoup  de  points  les  idées  de  M.  Gall  sur  l'ana- 
tomie  du  cerveau  ,  par  exemple  ,  en  tout  ce  qui  concerne 
les  fibres  divergentes.  En  d'autres,  au  contraire,  elle  les  a 
contredites;  par  exemple,  la  substance  blanche  apparaît 
avant  la  grise,  et  conséquemment  ne  peut  en  provenir,  etc. 
C'est  la  surface  interne  de  la  pie-mère  tant  interne  qu'ex- 
terne, qui  sécrète  la  substance  nerveuse,  et  celle-ci  est  dé- 
posée successivement  de  dehors  en  dedans.  Il  est  difficile  de 
savoir  lesquels  sont  les  plus  précoces  des  systèmes  nerveux 
animal  et  organique  :  Ackermann  prétend  que  c'est  ce 
dernier;  il  n'a  en  effet  manqué  jamais  dans  les  acéphales. 
M.  Serves  dit  que  tous  les  nerfs  sans  exception  ,  se  dévelop- 
pent avant  les  centres;  leur  développement  paraît  être  in- 
dépendant de  celui  des  parties  auxquelles  il  se  distribuent. 
Tiêdemann,  dans  le  beau  travail  auquel  nous  avons  em- 
prunté ces  détails,  dit  qu'il  résulte  de  ses  recherches ,  que 
l'encéphale  du  fœtus  humain  est  d'abord,  celui  de  l'animal 
vertébré  le  plus  simple;  et  qu'ensuite,  tant  par  l'addition 


ÀNATOMIE   DU    FOETUS.  3fîf 

<îe  nouvelles  parties ,  que  par  le  développement  de  celles 
qu'il  avait  d'abord,  il  passe  successivement  par  chacune  des 
formes  qui  appartiennent  à  chacune  des  quatre  classes  d'a- 
nimaux vertébrés  ,  à  commencer  par  les  poissons. 

M.  Serres,  dans  un  ouvrage  qu'il  vient  de  publier  sur 
l'anatomie  comparée  du  cerveau  dans  les  quatre  classes  d'a- 
nimaux vertébrés,   et  qui  a  été  couronné  par  l'Institut,  a 
mieux  encore  mis  hors  de  doute  ce  fait  important,  en  même 
temps  qu'il  a  donné  de  nouveaux  détails  sur  le  mode  de  dé- 
veloppement de  l'encéphale.   D'après  ce  savant ,  le  système 
nerveux,   comme  tout  le  corps  en  général,  se  développe, 
non  du  centre  à  la  circonférence,  ainsi  qu'on  l'avait  dit, 
mais  de  la  circonférence  au  centre.  Ainsi  les  nerfs  latéraux 
de  la  tête,  du  tronc,  du  bassin,  sont  déjà  formés,  que  l'axe 
cérébro-spinal  est  encore  liquide  ;  conséquemment  ces  nerfs 
n'y  ont  pas  leur  origine,  comme  on  l'avait  dit,  mais  seu- 
lement y  aboutissent;  et  en  effet,  il  est  un  temps  où  ils  ne 
communiquent  même  pas  avec  cet  axe.  Ensuite  apparaît  la 
moelle  épinière  ;  en  troisième  lieu  l'encéphale";  et  dans  l'en- 
céphale, ce  sont  les  tubercules  quadrijumeaux  qui  se  mon- 
trent les  premiers,   puis  le  cerveau,  et  enfin  le  cervelet. 
Cela  est  subordonné  à  l'ordre   selon  lequel  paraissent   les 
artères.    Toutes   ces  parties  sont  primitivement   doubles, 
composées  de  deux  moitiés,  qui,  en  se  développant.,  mar- 
chent l'une  vers  l'autre  pour  se  réunir  sur  la  ligne  médiane. 
Par  exemple ,  la  moelle  épinière  est  d'abord  composée  de 
deux  cordons  séparés;  bientôt  les  cordons  se  réunissent  en 
avant,  et  font  de  cet  organe  une  véritable  gouttière;  plus 
tard,  ils  se  réunissent  de  même  en  arrière,  et  laissent  dans 
son  intérieur  un  canal;  ce  canal  enfin  disparaît,  à  mesure 
que,  de  dehors  en  dedans,  de  la  matière  nerveuse  y  est  dé- 
posée. La  même  disposition  s'observe  dans  toutes  les  autres 
parties  encéphaliques,  tubercules  quadrijumeaux,  pédun- 
cuîes  du  cerveau,  cervelet;  et  la  réunion  des  deux  moitiés 
primitives  sur  la  ligne  médiane,  est  ce  qui  donne  naissance 
dans  l'encéphale  à  ces  parties  appelées  commissures ,  et  à 
ces  trous,  ces  cavités  connues  sous  le  nom  de  ventricules  ; 
ces  ventricules  sont  les  analogues  du  canal  primitif  de  la 


36*  VIE    INTR A- UTÉRINE. 

moelle  épinière.  Quant  au  fait,  que  l'encéphale  du  fœtus 
humain  offre  successivement  les  formes  de  l'encéphale  de 
chacune  des  quatre  classes  d'animaux  vertébrés,  M.  Serres 
en  a  donné  la  démonstration  la  plus  directe ,   en  détermi- 
nant le  premier  avec  rigueur  les  éléments  de  l'encéphale 
dans  les  quatre  classes  d'animaux  ^  et  en  fournissant   ainsi 
des  principes  fixes  à  l'anatomie  comparée.  Ou  sait  que  le 
système  nerveux  de  ces  êtres  se  compose  de  la  moelle  épi- 
nière et  de  l'encéphale  ;  et  que,  dans  la  masse  dite  encéphale, 
on  doit  distinguer  les  tubercules  quadrijumeaux,  les  lobes 
olfactifs,    le    cervelet  et  les  hémisphères    cérébraux.   Or, 
M.  Serres  a  vu  que  chacune  de    ces  parties  fondamentales 
du  système  étaient  dans  les  quatre  classes  d'animaux  verté- 
brés, tour-à-tour  dominantes  et  dominées  ,  et  que  les  pre- 
mières formes  que  présentaient  les  embryons  des  classes  su- 
périeures   étaient    les    formes    permanentes    des    animaux 
inférieurs.  Ainsi,  dans  les  poissons  ,  il  y  a  grand  développe- 
ment des  lobes  optiques  et  olfactifs,   du  lobe  médian  du 
cervelet,  et  de  la  moelle  épinière;  et  au  contraire,   les  hé- 
misphères du  cerveau  et  du  cervelet  sont  réduits  à  zéro;  la 
moelle  épinière,  les  tubercules  quadri jumeaux  sont  creux, 
ainsi  que  l'est  toute  partie  de  l'encéphale  très  développée. 
Dans  les  reptiles,  déjà  les  lobes  optiques  sont  moindres, 
parce  que  les  hémisphères  cérébraux  sont  un  peu  dévelop- 
pés ;  mais  le  cervelet  est  plus  petit  encore  que  dans  les  pois- 
sons; les  tubercules  quadrijumeaux  sont  creux  encore,  et 
les  hémisphères  cérébraux  ,  qui  étaient  tout  solides  dans  les 
poissons,  ont  déjà  aussi  une  cavité  intérieure.  Dans  les  oi- 
seaux, c'est  le  cervelet  qui  est  l'élément   dominateur,  et 
qui  a  pris  la  place  des  tubercules  quadrijumeaux;  aussi  a-t- 
il  une  cavité  dans  son  lobe  médian.  Enfin,  dans  les  mam- 
mifères ,  les  hémisphères  cérébraux  sont  à  leur  summum 
de  développement,  et  les  lobes  optiques  tout-à-fait  étouffes. 
Or,  ces  formes  sont  celles  que  présente  successivement  l'en- 
céphale de  l'embryon  humain.   N'avons-nous  pas  dit  que 
les  tubercules  quadrijumeaux  étaient  les  parties  encéphali- 
ques qui  paraissaient  d'abord?  Ajoutons  que  dans  leur  ori- 
gine ,  ces  tubercules  sont ,  comme  dans  les  poissons ,  creux 


ANATOMIE   DU   FOETUS.  363 

et  doubles  ;  ce  n'est  que  plus  tard  que  leur  cavité  s'oblitère, 
et  qu'ils  se  divisent  en  quatre   par  un  sillon  transversal. 
.Nous  avons  vu  aussi  la  moelle  offrir  primitivement  un  canal 
dans  son  intérieur.  Les  hémisphères  cérébraux  ont  été  d  a- 
bord  deux  petites  vésicules  isolées  l'une  de  l'autre,  comme 
dans  les  poissons  :  et  le  cervelet ,  une  petile  languette  sans 
hémisphères,    comme   dans   les    reptiles.    En  somme,    dit 
M.  Serres ,  en  remontant  dans  la  vie  utérine  d'un  mammi- 
fère ,  on  voit  les  parties  de  l'encéphale  disparaître ,  de  ma- 
nière que  cet  organe  présente  successivement  les  formes  de 
l'oiseau,  du  reptile  et  du  poisson;  comme  en  remontant 
l'échelle  des  animaux,  du  poisson  au  mammifère ,  on  voit 
l'encéphale  se  compliquer  d'après  les  mêmes  lois;  de  telle 
sorte  que  les  premières  formes  des  embryons  supérieurs  re- 
présentent les  formes  permanentes  des  animaux  inférieurs. 
3°  Appareil  digestif.  Puisque   l'embryon  est  primitive- 
ment réduit  au  torse,  que  le  ventre  est  en  lui  la  première 
partie  formée,  le  premier  organe  digestif  qui  apparaît  est  le 
canal  intestinal  :  mais  les  auteurs  sont  très  dissidents  sur 
le  mode  de  développement  de  ce  canal.  TVolf,  d  après  ses 
observations  sur  l'œuf  des  oiseaux  ,  le  fait  provenir  de  la 
membrane  vitellaire  :  celle-ci  est  d'abord  appliquée  sur  la 
colonne  vertébrale  de  l'embryon;  mais  tout  le  long  du  rachis 
se  développe  bientôt  un  demi -canal,  qui  se  réunit  par  les 
côtés   depuis  le  haut  jusqu'en  bas  avec  la  membrane  du 
jaune,  et  qui  finit  par  former  un  canal  entier  qui  reste 
appliqué  au  rachis  dans  toute  sa  longueur.   Ce  canal  ne 
communique  plus  à  sa  partie  inférieure  avec  le  vitellus  que 
par  un  conduit  étroit  qui  se  rétrécit  chaque  jour  de  plus  en 
plus;  et  quand  le  reste  du  vitellus  rentre  dans  l'abdomen, 
on  ne  voit  plus  à  la  partie  inférieure  de  l'intestin ,  qu  un 
petit  appendice  en  cul-de-sac,  vestige  de  la  communication 
avec  le  jaune.  Oken  dérive  l'intestin  de  la  vésicule  ombili- 
cale :  celle-ci  lui  donne  naissance  par  deux  prolongements, 
un  inférieur  pour  l'intestin  anal ,  et  un  supérieur  pour  l'in- 
testin stomacal  ;  la  portion  intestinale  inférieure  se  forme 
avant  la  supérieure ,  comme  le  prouvent  les  monstres  acé- 
phalo-gastres.  Le  cœcum,  qui  est  situé  entre  les  deux  parties 


364  VIE   INTRA-UTÉRINE. 

intestinales  ,  est  considéré  par  Oken  comme  le  reste  de  la 
vésicule  ombilicale.  Selon  Meckel ,  l'intestin  est  d'abord  un 
canal  droit  et  court,  placé  au-devant  du  racbis;  ce  canal 
ensuite  se  recourbe  en  avant  ,  s'engage  dans  la  base  du 
cordon  ,  qui  alors  est  si  ample  qu'on  peut  le  considérer 
comme  un  prolongement  de  l'abdomen;  là,  il  s'unit  à  la 
vésicule  ombilicale,  mais  à  la  fin  de  l'iléon,  et  non  pas  au 
ccecum  ,  comme  le  dit  Oken;  après  ,  il  s'en  sépare  pour 
rentrer  dans  le  veutre.  Nous  avons  dit  comment  Rolando 
faisait  provenir  l'intestin  du  sacculus  vitellarius,  sous  l'in- 
fluence du  système  nerveux;  il  forme  d'abord  un  canal  étendu 
de  la  bouche  à  l'anus;  puisse  il  replie  en  avant  pour  constituer 
la  vessie  ;  et  enfin  il  va,  au  dehors  de  l'être  ,  former  l'allan- 
loiàe.Tièdemanri,  arguant  des  occlusions  etdesdiverticulums 
qu'on  trouve  quelquefois  dans  la  longueur  de  l'intestin,  pré- 
tend que  cet  intestin  se  forme  de  plusieurs  pièces  qui  se  réu- 
nissent ensuite  les  unes  aux  autres.  Enfin, M.  Velpeau.  nie 
toutes  ces  origines,  et  dit  que  l'intestin  est  primitivement 
renfermé  dans  l'un  des  quatre  renflements  qu'il  a  signalés  dans 
le  cordon  ;  qu'il  y  est  enveloppé  d'un  fluide  séreux  limpide  , 
dans  lequel  on  voit  une  petite  quantité  de  matière  jaune, 
ressemblant  à  du  jaune  d'œuf  cuit;  et  que  dès  ce  lieu  il  a 
déjà  ses  circonvolutions. 

Sans  prétendre  indiquer  quelle  est  parmi  ces  descriptions 
celle  qui  est  conforme  à  la  nature ,  nous  allons  nous  borner 
à  spécifier  les  différences  que  présente  pendant  la  vie  fœtale 
l'intestin  ,  sous  les  rapports  de  sa  longueur,  de  son  calibre, 
de  sa  situation,  etc.  Plus  le  fœtus  est  jeune,  plus  l'intestin 
est  court;  mais  aussi  plus  il  est  ample.  Il  a  d'abord  partout 
le  même  calibre;  puis  il  se  partage  en  grêle  et  en  gros,  à 
mesure  que  le  méconium  se  fait.  L'intestin  grêle  est  d'abord 
beaucoup  plus  court  que  le  gros;  à  six  semaines,,  époque  à 
laquelle  le  cœcum  apparaît ,  il  est  de  moitié  moins  long  : 
mais  ensuite  ces  deux  proportions  diminuent ,  de  sorte  qu'à 
six  mois,  le  gros  intestin  est  le  plus  court,  a  avec  le  grêle 
le  rapport  qu'il  aura  toute  la  vie,  et  qu'à  la  maturité  l'un 
et  l'autre  sont,  dans  leurs  rapports  avec  la  longueur  du 
corps,  ce  qu'ils  sont  dans  l'âge  adulte  :  il  y  a  même  un 


ANATOMIE    DU    FOETUS.  365 

moment  où  l'intestin  grêle  ,  d'abord  si  court ,  est  propor- 
tionnellement au  corps  plus  long  qu'il  ne  sera  jamais. 
Toutes  ces  dispositions  successives  sont  celles  des  animaux 
des  classes  inférieures  ,  et  sont  importantes  à  noter,  parce 
qu'elles  sont  en  rapport  avec  le  besoin  de  l'alimentation  , 
et  le  degré  d'activité  qu'aura  la  fonction.  À  la  fin  de  la 
grossesse  ,  l'intestin  d'abord  si  large  ,  est  proportionnelle- 
ment plus  étroit  qu'il  ne  sera  par  la  suite  ,  et  le  gros  intestin 
est  tout-à-fait  devenu  le  plus  gros,  ce  qui  n'était  pas  d'a- 
bord. L'estomac  est  d'abord  situé  verticalement  ;  par  degrés, 
il  se  place  horizontalement;  il  est  d'abord  alongé;  ensuite 
il  s'arrondit ,  parce  que  son  cul-de-sac  ,  qui  n'existait  pas 
d'abord,  se  forme,  et  même  est  beaucoup  plus  grand  pro- 
portionnellement ,  qu'il  n'est  dans  1  âge  adulte  :  vers  le 
troisième  mois,  cet  excès  de  grandeur  commence  à  dimi- 
nuer. C'est  à  cette  époque  que,  dans  l'intérieur  de  l'intestin, 
commencent  à  être  visibles  les  vilîosités  :  ces  villosités  sont 
d'abord  uniformément  répandues  dans  toute  sa  longueur; 
mais  à  partir  du  moment  de  leur  formation  ,  elles  vont  en 
diminuant,  surtout  dans  le  gros  intestin  ,  et  au  septième 
mois,  celui-ci  n'en  offre  plus.  C'est  à  sept  mois  qu'appa- 
raissent les  valvules  conniventes ,  sous  forme  de  légères 
élévations  qui  s'effacent  quand  on  distend  le  canal  ;  ces 
valvules  sont  encore  peu  formées  à  terme.  La  valvule  iléo- 
cœcale  est  déjà  très  visible  à  trois  mois,  et  est  complète  au 
moment  de  la  naissance.  Le  pylore  ne  commence  à  se  former 
qu'à  quatre  mois  et  demi,  et  son  développement  n'est  pas 
encore  complet  à  terme.  A  la  fin  du  cinquième  mois  appa- 
raissent les  bosselures  du  colon;  c'est  la  portion  transversale 
qui  en  offre  le  plus;  la  portion  iliaque  n'en  a  pas  encore  à  la 
naissance.  Le  grand  épiploon  apparaît  dès  l'âge  de  deux  mois 
au  bord  de  l'estomac  ;  au  troisième  mois ,  apparaît  la  portion 
colique  vers  le  pancréas ,  et  à  quatre  mois ,  ces  deux  portions 
se  réunissent.  A  mi-terme,  apparaissent  les  appendices  épi- 
ploïques  ;  mais  toutes  ces  parties  n'offrent  pas  encore  de 
graisse,  même  à  la  naissance.  Quant  à  la  situation  de  l'in- 
testin, M.  Velpeau ,  qui  fixe  dans  le  cordon  le  lieu  de  sa 
première  formation,  dit  qu'il  y  est  d'abord  renfermé.  La 


366  VIE   ESTRA-UTÈRINÈ. 

plupart  des  autres  anatornistes  disent  au  contraire,  qu'il 
est  d'abord  situé  tout  droit  le  long  du  rachis ,  et  que  ce  n'est 
que  lorsque  le  cordon  s'est  formé,  qu'il  s'y  est  introduit. 
Il  est  certain  qu'il  y  est  contenu  en  partie  jusque  vers  le 
deuxième  mois.  Alors,  à  mesure  que  la  vésicule  ombilicale 
s'éloigne  de  l'abdomen  ,  que  le  cordon  se  resserre  .  l'intestin 
rentre  dans  le  ventre ,  le  gros  d'abord  ,  puis  le  grêle.  A  deux 
mois  ,  le  cœcum  est  placé  derrière  l'ombilic;  à  trois,  il  est 
déjà  au-dessus;  à  quatre,  il  est  près  l'extrémité  supérieure 
du  rein  droit;  à  cinq,  près  l'extrémité  inférieure  de  cet 
organe;  à  sept,  dans  la  fosse  iliaque  droite,  où  il  doit 
toujours  rester;  de  sorte  que  le  colon  est  d'abord  tout  entier 
descendant,  puis  transverse,  puis  ascendant,  et  enfin  à  la 
fois  ascendant,  transverse  et  descendant.  Le  mésocolon  est 
d'autant  plus  large  que  le  fœtus  est  plus  jeune.  En  somme, 
le  canal  alimentaire  présente  aussi  dans  ses  développements 
successifs  les  formes  propres  à  chaque  division  du  règne  ani- 
mal, comme  cela  avait  été  des  systèmes  nerveux  et  circula- 
toire, du  cerveau  et  du  cœur. 

Quant  à  la  portion  supérieure  de  l'appareil  digestif,  nous 
avons  dit  que  la  bouche  avait  paru  à  la  face,  sous  la  forme 
d'une  fente ,  dans  le  premier  mois.  Dès  le  quarantième  jour, 
il  y  a  déjà  commencement  d'ossification  dans  les  mâchoires  : 
les  os  maxillaires  sont,  après  les  clavicules,  ceux  où  l'ossi- 
cation  est  la  plus  précoce.  A  deux  mois  et  demi,  les  lèvres 
sont  formées,  et  la  bouche  clo.se;  la  lèvre  inférieure  offre, 
sur  la  ligne  médiale ,  une  échancrure  ;  et  la  supérieure ,  un 
lobe  moyen  et  deux  échancrures  latérales.  Dès  le  commen- 
cement du  deuxième  mois,  sont  visibles,  dans  les  mâchoires, 
les  germes  des  dents.  Ce  sont,  d'abord,  de  petites  vésicules 
membraneuses,  miliaires,  suspendues  aux  nerfs  et  aux  vais- 
seaux; ensuite  ce  sont  des  follicules  membraneux,  formés  de 
deux  lames,  enveloppant  un  bulbe  nerveux  et  vasculaire,  te- 
nant par  une  extrémité  à  la  gencive  et  par  l'autre,  au  pédicule 
vasculaire  et  nerveux  qui  le  pénètre.  A  trois  mois,  l'ossifi- 
cation de  ces  germes  commence  successivement  à  la  pre- 
mière, deuxième  incisive,  première  molaire,  à  la  canine,  et 
à  la  deuxième  molaire  :  le  travail  est  toujours  un  peu  plus 


ANATOMIE   DU    FOETUS,  36 7 

liâtif  à  la  mâchoire  inférieure.  A  la  naissance,  ces  cinq  dents 
ne  sont  pas  encore  achevées,  et  elles  sont  encore  cachées 
sous  la  gencive.  La  langue  paraît  dès  le  deuxième  mois  ; 
d'abord  elle  pend  hors  de  la  bouche ,  mais  bientôt  elle  y 
rentre,  et  dès  le  quatrième  mois,  on  peut  distinguer  à  sa 
surface  les  papilles. 

A  la  description  de  l'appareil  digestif,  nous  rattacherons 
celles  des  glandes,  qui  ,  dans  l'adulte,  en  sout  des  annexes; 
les  salivaires  ,  le  pancréas  et  le  foie.  Les  salivaires  et  le  pan- 
créas ne  paraissent  qu'à  quatre  mois  ,  et  restent  peu  déve- 
loppés pendant  toute  la  vie  fœtale.  Il  n'en  est  pas  de  même 
du  foie ,  un  des  plus  gros  et  des  plus  précoces  organes  du 
fœtus.  Il  est  en  effet  visible  dès  la  troisième  semaine,  dit 
TVallher ;  à  la  quatrième ,  il  occupe  presque  tout  l'abdo- 
men ,  dont  il  soulève  la  paroi  antérieure  ;   il  pèse  alors  ?  à 
lui  seul  j  presque  autant  que  le  corps  entier.  Sa  face  convexe 
est  tournée  en  avant ,  sa  face  concave  en  arrière ,  et  son  bord 
antérieur  descend  jusqu'au  bassin  ,  au  lieu  où  le  cordon  est 
implanté.  Il  est  alors  composé  de  deux  lobes  égaux  en  vo- 
lume, et  symétriques.  Ce  volume  énorme  et  disproportionné 
du  foie  commence  à  diminuer  à  partir  du  quatrième  mois; 
à  mesure  que  les  intestins  se  forment,  il  se  place  aussi  plus 
horizontalement.  A  la  naissance  ,  il  occupe  encore  la  moitié 
de  l'abdomen  ,  descend  jusqu'à  l'ombilic,  et  le  lobe  gauche 
a  commencé  à  avoir  un  volume  moindre  que  le  droit.  A  la 
quatrième  semaine,  sa  substance  était  presque  diffluente; 
à  trois  mois  et  demi,  sa  texture  molle  et  pulpeuse  ressem- 
blait, pour  la  couleur  et  la  consistance,  à  celle  du  cerveau; 
à  cinq  mois  et  demi,  il  est  déjà  ferme,  granuleux,  d'un 
rouge  foncé.   Quant  à  la  vésicule  biliaire,   elle  apparaît, 
au  quatrième  mois ,  sous  la  forme  d'un  fil  dans  lequel  on 
distingue  à  peine  une  cavité  ;   elle  commence  à   contenir 
du  mucus ,  au  cinquième  mois  ;  puis ,  de  la  bile  jaune ,  au 
sixième  et  septième;  à  terme  ,  elle  en  est  remplie;  mais  cette 
bile  est  muqueuse  et  insipide.  La  rate  ne  se  montre  qu'au 
deuxième  mois,  et  reste  petite  relativement  au  gros  volume 
du  foie. 

4°  Appareil  sécréteur.  Nous  avons  déjà  parlé  de  plusieurs 


368  VIE   INTRA-UTÉRINE, 

organes  sécréteurs.  En  général ,  les  glandes  se  forment  après 
le  système  vasculaire  ,  et  par  l'agglomération  de  granu- 
lations ,  de  lobes  primitivement  isolés.  Les  reins  ,  par 
exemple  ,  sont  d'abord  formés  de  beaucoup  de  lobules  , 
qui  ensuite  se  rapprochent  et  se  confondent.  Ces  lobules  , 
d'abord  ,  ne  se  réunissent  que  par  leur  sommet ,  qui  aboutit 
à  un  bassinet  commun  ;  mais  graduellement  ils  se  confon- 
dent dans  toute  leur  longueur.  Les  reins  ont  d'abord  une 
forme  irréguîière  ,  assez  mal  déterminée  :  primitivement 
ils  sont  plus  volumineux  que  dans  l'âge  adulte,  et  d'autant 
plus  que  le  fœtus  est  plus  jeune.  Ce  n'est  qu'à  six  mois  qu'on 
distingue,  dans  leur  parenchyme ,  la  substance  corticale; 
à  la  naissance  ,  leur  disposition  lobuleuse  est  encore  si 
marquée  ,  qu'on  compte  quinze  à  seize  lobes  dans  chacun 
d'eux.  La  vessie  est  apparente  dès  la  quatrième  semaine; 
elle  est  longue  ,  cylindrique  ,  et  confondue  en  un  seul  canal 
avec  l'ouraque,  dont  elle  paraît  être  un  renflement.  Ce  canal 
peut  alors  être  suivi  jusqu'au  milieu  du  cordon  ombilical. 
A  cause  de  l'étroitesse  du  bassin,  la  vessie  ne  peut  se  loger 
en  cette  cavité  ,  et  pendant  toute  la  grossesse  elle  est  dans 
l'abdomen. 

La  graisse  n'existe  pas  pendant  la  première  moitié  de  la 
grossesse;  à  cinq  mois,  elle  commence  à  s'amasser  en  pelo- 
tons sous  la  peau,  et  à  la  naissance,  il  n'y  en  a  encore  qu'à 
ce  lieu. 

5°  Appareils  des  sens.  Ils  nous  ont  déjà  occupé,  lorsque 
nous  avons  décrit  le  fœtus ,  sous  le  rapport  de  ses  apparences 
extérieures. 

Jusqu'à  deux  mois  ,  la  peau  est  moins  une  membrane 
qu'un  enduit  visqueux,  tenace.  Elle  reste  mince,  incolore, 
transparente,  jusqu'à  mi-terme.  Alors,  elle  devient  plus 
solide ,  et  prend  une  couleur  rosée.  A  cinq  mois ,  les  ongles 
apparaissent,  et  à  six  mois  ils  ont  déjà  de  la  consistance. 
A  cette  même  époque,  l'épiderme  est  apparent,  et  les  folli- 
cules sébacés  sont  formés.  A  sept,  toute  la  peau  est  recou- 
verte d'un  enduit  graisseux  d'un  blanc  jaunâtre ,  que  les 
chimistes  disaient  être  un  dépôt  des  eaux  de  l'amnios,  mais 
qui  est  évidemment  un  produit  de  la  sécrétion  des  folli- 


AWATOMIE   DU    FOETUS.  36*9 

cules,  puisqu'il  n'existe  que  sur  le  fœtus,  et  non  sur  le 
plaeenta  et  le  cordon. 

Les  yeux ,  visibles  dès  la  fin  du  premier  mois,  comme 
nous  l'avons  dit,  ont  un  accroissement  rapide,  et  toujours 
un  volume  considérable,  proportionnellement  à  celui  de  la 
tête;  à  quatre  mois,  ils  en  forment  le  tiers.  Les  paupières 
apparaissent  à  trois  mois,  ferment  l'œil  à  cette  époque,  et 
le  tiennent  clos  jusqu'à  huit  mois.  La  sclérotique  est  pri- 
mitivement si  mince  et  si  transparente,  qu'on  voit  au  tra- 
vers d'elle  la  choroïde  et  son  pigmentum.  La  cornée,  dont 
le  développement  est  précoce,  est  d'abord  molle,  épaisse  et 
opaque;  elle  touche  immédiatement  la  face  antérieure  du 
cristallin  ;  à  six  mois,  elle  s'amincit,  et  devient  ferme  et 
transparente.  La  membrane  iris  se  forme  à  six  semaines, 
est  achevée  à  trois  mois;  son  trou  central  est  fermé  par  une 
membrane  ,  dite  pupilîaire  ,  qui  se  déchire  au  huitième 
mois,  par  la  rétraction  des  vaisseaux  qui  la  forment.  L'hu- 
meur vitrée  est  rougeàtre  jusqu'à  sept  mois.  Le  cristallin, 
d'abord  fluide,  acquiert  consécutivement  de  la  consistance  ; 
sphérique  à  mi-terme  ,  il  devient  par  degrés  lenticulaire. 
L'humeur  aqueuse  n'existe  pas  d'abord  ;  ensuite  elle  appa- 
raît entre  l'iris  et  le  cristallin;  et  enfin,  lorsque  la  pupille 
s'est  ouverte  ,  elle  passe  dans  la  chambre  antérieure,  dont  la 
formation  tient  à  l'amincissement  de  la  cornée  transparente. 

Les  oreilles  se  développent  de  bonne  heure,  surtout  dans 
leur  partie  intérieure.  A  deux  mois  et  demi,  les  parties  du 
labyrinthe  sont  distinctes,  mais  leurs  parois  sont  membra- 
neuses et  cartilagineuses.  A  trois  mois,  elles  commencent  à 
s'ossifier,  le  promontoire  d'abord,  puis  les  contours  des 
fenêtres  ovale  et  ronde,  les  canaux  demi-circulaires,  le  li- 
maçon, etc.  La  caisse  du  tympan,  d'abord  petite,  s'élargit 
à  mesure  que  la  base  du  rocher  s'ossifie;  la  membrane  du 
tympan  d'abord  est  ronde.  A  la  naissance,  le  conduit  auri- 
culaire est  encore  cartilagineux. 

Les  rudiments  du  nez  apparaissent  à  sept  semaines;  les 

ailes  et  le  dos  du  nez,  à  trois  mois.  Les  masses  latérales  de 

l'ethmoïde  commencent  à  s'ossifier  au  milieu-  de  la  grossesse  ; 

la  partie  médiane  ne  l'est  pas  encore  à  la  naissance.  Dans 

Tome  IV.  24 


3;0  VIE    I3NTIIA-UTÉIUKE. 

l'enfant  naissant ,  le  nez  est  court ,  petit ,  peu  formé  ;  il  n'y 
a  pas  de  sinus. 

Nous  avons  parlé  de  la  langue  ,  à  l'occasion  de  l'appareil 
digestif. 

6°  Appareil  locomoteur.  Dès  la  cinquième  semaine,  selon 
Bée  lard  auquel  on  doit  un  beau  travail  sur  le  dévelop- 
pement des  os,  commence,  dans  l'embryon,  l'ossifica- 
tion; elle  apparaît  d'abord  dans  la  clavicule,  puis  dans  les 
mâchoires,  l'humérus,  le  fémur,  le  tibia,  le  péroné,  les  os 
de  l'avant-bras ,  etc.  Tous  ces  os  sont  d'abord  un  tissu  carti- 
lagineux, mou,  tellement  abreuvé  de  fluide  qu'il  est  à 
peine  distinct  du  tissu  muqueux;  mais  peu  à  peu  ce  tissu, 
demi-transparent  et  homogène  en  apparence ,  devient  plus 
consistant  ;  d'albumineux  qu'il  était,  il  devient  gélatineux; 
des  vaisseaux  successivement  blancs,  jaunes  et  rouges,  se 
développent  en  lui  ;  enfin  il  s'ossifie.  Dans  chaque  os  il  y  a 
plusieurs  points  primitifs  d'ossification ,  qui  se  réunissent 
successivement. 

Au  rachis ,  chaque  vertèbre  offre  trois  points  d'ossifica- 
tion ,  un  pour  le  corps ,  et  un  pour  chaque  masse  apophy- 
saire.  A  quarante-cinq  jours,  l'ossification  commence  dans 
celles-ci,  à  partir  des  vertèbres  supérieures  jusqu'aux  infé- 
rieures; vers  le  milieu  du  quatrième  mois,  elle  commence 
dans  les  vertèbres  du  sacrum,  et  à  huit  mois  elle  a  atteint 
la  dernière  ;  à  terme ,  l'anneau  est  déjà  formé  dans  les  six 
premières  dorsales.  Au  corps,  l'ossification  commence  quel- 
ques jours  plus  tard  ,  et  à  la  douzième  dorsale  d'abord  ;  de 
là ,  elle  s'étend  successivement  vers  le  haut  et  le  bas  du  ra- 
chis ;  à  mi-terme ,  le  corps  des  deux  premières  cervicales  et 
de  la  dernière  sacrée  est  encore  cartilagineux  ;  c'est  à  six 
mois  que  l'ossification  du  corps  et  des  vertèbres  commence  ; 
et  à  terme,  elle  est  commencée  dans  l'arc  antérieur  de  l'at- 
las. Ainsi  j  le  rachis  ne  s'ossifie  pas  semblablement  dans  sa 
portion  tubulée  et  dans  sa  partie  solide  :  dans  la  première, 
qui  sert  à  soutenir  la  moelle,  son  ossification  se  fait  de  haut 
en  bas;  dans  la  seconde,  qui  sert  à  soutenir  le  corps,  elle 
procède  du  milieu  aux  extrémités  :  les  deux  masses  apophy- 
eaires  se  réunissent  entre  elles  ayant  de  se  réunir  au  Qprps» 


ANATOMIE    DU    FOETUS.  3;î 

Le  thorax  s'ossifie  promptement  sur  les  côtés ,  et  plus 
tard  en  devant.  Dès  le  commencement  du  troisième  mois,  la 
septième  vertèbre  cervicale  présente  un  point  d'ossification 
costiforme  devant  le  pédicule  de  son  apophyse  transverse  ; 
c'est  un  rudiment  des  côtes  cervicales  de  certains  animaux. 
Il  en  est  de  même ,  de  six  à  sept  mois ,  aux  trois  premières 
vertèbres  sacrées.  Quant  aux  côtes  dorsales,  leur  ossification 
commence  une  semaine  après  la  clavicule ,  et  une  avant  les 
vertèbres.  Le  sternum,  au  contraire,  est  encore  cartilagi- 
neux à  mi-terme  ;  des  cinq  pièces  qui  le  composent  alors,  les 
trois  supérieures  ne  s'ossifient  qu'à  six  mois,  la  quatrième  à 
sept,  et  la  cinquième  à  l'époque  de  la  naissance. 

Au  crâne,  l'ossification  commence  à  l'occipital.  Cet  os, 
qui  s'ossifie  quelques  jours  avant  le  racliis,  est  alors  formé 
de  qualre  parties  ;  l'occipital,  proprement  dit,  qui  apparaît 
vers  le  quarante-deuxième  jour;  le  proral;  les  condyliens; 
et  le  basiîaire  :  à  la  naissance  ,  ces  quatre  parties  sont  encoi'e 
distinctes.  L'occipital  est  une  véritable  vertèbre  crânienne  • 
le  basiîaire  en   est   le  corps ,  les  condyliens  les  masses  apo- 
physaires;    le  proral  cependant  est  étranger  à  cette   com- 
paraison ;    ce   proral    est    supérieurement   un    os   du    cer- 
veau ,    et   inférieurement  un   os  du   cervelet.   Après   l'oc- 
cipital, l'os  du  crâne  le  plus  précoce  est  le  sphénoïde  :  il  est 
alors  formé  de  deux  parties ,  le   sphénoïde  postérieur  et  le 
sphénoïde  antérieur  :  la  grande  aile  du  premier  commence 
en  même  temps  que  le  rachis;  dix  jours  après,  apparaît  le 
corps,  dont  l'ossification  se  fait  par  deux  germes  latéraux 
qui  ne  se  réunissent  qu'au  bout  de  six  semaines;  à  trois  ou 
quatre  mois,  on  distingue  l'apophyse  ptérygoïde  interne, 
qui,  après  deux  autres  mois,  se  soude  avec  Faiîe  externe  :  à 
la  naissance,  le  corps  de   ce  sphénoïde  postérieur,  et  ses 
grandes  ailes,  ne  sont  pas  encore  réunis.  Cet  os  constitue 
une  seconde  vertèbre  céphalique,  dont  les  masses  apophysai- 
res  ne  sont  réunies  en  arrière  que  par  le  moyen  des  os  parié- 
taux; ceux-ci  sont  des  os  affectés  au  cerveau,  et  sont  à  cette  se- 
conde vertèbre  céphalique,  ce  que  le  proral  était  à  la  première 
ou  à  l'occipital.  Quant  au  sphénoïde  antérieur,  son  aile  or- 
bitaire  commence  à  s'ossifier  vers  le  quarante  ou  cinquan- 


24. 


372  VIE    INTRA-UTÉRINE, 

tième  jour  ;  et  son  corps,  ou  résulte  de  la  réunion  des  deux 
ailes,  ou  se  développe  par  un  point  particulier  vers  le  sep- 
tième mois  :  à  huit,  les  diverses  parties  de  cette  troisième  ver- 
tèbre céphalique  s'unissent,  et  entre  elles,  et  avec  le  corps  du 
sphénoïde  postérieur  :  c'est  à  l'aide  des  os  frontaux  que  s'en 
réuuissent  en  arrière  les  masses  apophysaires.  A  l'article  de 
l'odorat,  nous  avons  parlé  de  l'ethmoïde,  qui  finit  la  série 
des  os  du  crâne,  analogues  à  ceux  du  racliis.  A  quarante- 
cinq  jours ,  commence  l'ossification  des  pariétaux,  à  ce  qu'on 
appelle  la  bosse  pariétale  ;  et  à  cinquante  jours ,  commence 
celle  du  frontal  à  l'arcade  orbitaire.Le  temporal  est  primi- 
tivement composé  de  diverses  portious  qu'on  peut  appeler 
zygoma  tique ,  écailleuse ,  tympanale,  labyrinthique ,  mastoï- 
dienne ,  styloïdienne.  La  portion  zygomatique  apparaît  du 
quarante  au  cinquantième  jour;  l'écailleuse,  qui  est  un  os 
du  cerveau  ,  est  visible  au  quarante-cinquième  jour  ;  la  por- 
tion tympanale  l'est  à  soixante,  etc.Quantaux  os  wormiens 
et  épactaux,  leur  présence  indique  un  développement  plus 
rapide  du  cerveau  au  lieu  auquel  ils  correspondent,  et  ils  ne 
s'ossifient  qu'après  la  naissance. 

A  la.  face,  les  os  nasaux,  jugaux,  lacrymaux,  palatins, 
apparaissent  tous  du  quarantième  au  soixantième  jour,  et 
par  un  seul  point  d'ossification.  Il  en  est  de  même  du  vomer. 
Les  cornets  sous-ethmoïdaux ,  au  contraire,  ne  se  forment 
que  vers  quatre  mois  et  demi.  Quant  aux  maxillaires,  nous 
avons  déjà  dit  que  leur  ossification  était  très  précoce.  Le 
maxillaire  supérieur  apparaît;  du  trenteautrente-cinquième 
jour,  à  l'arcade  alvéolaire  ;  à  quarante-cinq  jours ,  à  la  voûte 
palatine  et  à  sa  région  nasale  et  faciale  ;  à  cinquante  jours, 
à  sa  surface  orbi taire  et  à  son  apophyse  jugale  :  à  deux  mois, 
ces  divers  germes  sont  encore  distincts  ,  mais  à  trois  ,  ils  sont 
réunis.  Il  est  difficile  de  distinguer  jamais  l'os  incisif,  tant 
il  est  petit  et  promptement  réuni  au  maxillaire  supérieur. 
Le  maxillaire  inférieur  a  un  développement  encore  plus 
précoce  et  plus  rapide  :  il  se  montre  du  trente  au  trente - 
cinquième  jour,  à  la  même  époque  que  la  clavicule  ,  sous  la 
forme  d'une  lamine  osseuse ,  qui  constitue  le  bord  inférieur 
de  l'os  :  à  quarante-cinq  jours,  l'apophyse  coronaire,  l'angle 
de  l'os ,  le  condyle ,  et  le  côté  interne  des  alvéoles,  forment 


AHATOMIE   DU   FOETUS.  3 y 3 

autant  de  pièces  distinctes  :  à  deux  mois,  ces  germes  sont 
réunis ,  et  l'os  n'est  plus  composé  que  de  deux  pièces,  qui  ne 
se  réunissent  au  menton  qu'après  la  naissance. 

Quant  aux  membres,  nous  avons  déjà  dit  que  la  clavicule 
était  le  premier  os  du  corps  qui  apparût  ;  elle  se  montre  à 
trente  jours.  Le  scapulum  n'est  visible  qu'au  quarantième 
jour,  à  un  point  qui  correspond  à  la  racine  de  l'acromion; 
l'apophyse  coracoïde  ne  s'ossifie  qu'après  la  naissance.  L'os 
coxal,  qui  est  son  analogue  au  membre  inférieur,  offre,  à 
quarante-cinq  jours,  la  base  de  l'iléum;  à  trois  mois,  l'is- 
chion; et  à  quatre  et  demi,  le  pubis.  Dès  le  trentième  jour, 
l'humérus  commence  à  s'ossifier  dans  le  milieu  de  sa  lon- 
gueur; le  point  ossifié  s'étend  par  degrés,  tellement  que, 
long  d'une  ligne  et  demie  seulement  à  trente  jours ,  il  a 
vingt-sept  lignes  de  longueur  à  la  naissance;   cependant  à 
cette  époque  les  extrémités  de  cet  os  sont  encore  cartilagi- 
neuses. Il  en  est  de  même  du  fémur,  si  ce  n'est  que,  seul 
entre  les  os  longs,  il  offre  à  la  naissance  un  noyau  osseux 
pisiforme  dans  le  cartilage  de  son  extrémité  inférieure.  Les 
os  de  l'avant-bras  apparaissent  avec  l'humérus ,  comme  ceux 
de  la  jambe  avec  le  fémur;  seulement  le  cubitus  et  le  péroné 
sont  un  peu  plus  tardifs  que  le  radius  et  le  tibia.  Tous  les 
os  du  carpe  sont   encore  cartilagineux  à  la  naissance.   Au 
tarse,  au  contraire,  le  calcanéum  offre  un  point  osseux  dès 
le  quatrième  mois,  l'astragale  dès  le  ciuquième,  et  le  cu- 
boïde  à  la  naissance.    Les  os  métacarpiens  et  métatarsiens 
apparaissent  dès  le  quarante-cinquième  jour;  mais  dans  cet 
ordre ,  le  deuxième ,  le    troisième  ,  le  quatrième ,  le   cin- 
quième, et  le  premier;  celui-ci ,  à  la  naissance,  est  encore  le 
plus  court.  Quant  aux  phalanges  ,  phalangines  et  phalanget- 
tes,  les  premières  et  les  dernières  apparaissent  à  quarante 
jours  à  la  main,  et  à  cinquante  jours  au  pied  ;  les  phalangines, 
plus  tardives,  ne  se  montrent  qu'à  deux  mois  à  la  main,  et 
à  quatre  mois  et  demi  au  pied. 

Voilà  pour  l'appareil  osseux  :  quelque  multipliés  que 
puissent  paraître  tous  ces  détails ,  nous  en  avons  omis  un 
grand  nombre;  nous  renvoyons  sur  ce  sujet  au  travail  ex 
professa   de    Béclard ,    auquel    no    is  les  avons  empruntés. 


3;4  VIE   OTRA-UTÉ.RIJIT. 

Les  os  du  fetus  sont  d'un  gris  rouge  .  plus  élastiques  ,  moins 
fragiles  que  dans  les  âges  suivants;  leur  périoste  est  plus 
épais  ,  moins  adhérent;  dans  leur  canal  intérieur  est,  au  lieu 
de  moelle,  une  simple  humeur  gélatineuse;  enfin,  les  car- 
tilages qui  revêtent  leurs  extrémités  sont  minces,  mous, 
plus  pénétrés  de  vaisseaux,  et  de  plus  en  plus  rouges. 

Quant  aux  muscles,  ils  ne  sont  d'abord  que  des  masses 
jaunâtres  de  globules,  réunis  par  du  tissu  cellulaire  qui 
lui-même  n'est  d'abord  qu'un  fluide  visqueux.  C'est  à  trois 
mois,  que  leur  forme  se  dessine,  et  ils  sont  alors  mous  et 
blanchâtres;  à  quatre  mois  et  demi,  leur  structure  fibreuse 
se  manifeste;  à  cinq  mois,  on  commence  à  voir  les  tendons 
qui  les  terminent;  et  dès  lors  ils  deviennent  par  degrés  de 
plus  en  plus  consistants  et  rouges. 

7°  Appareil  génital.  Dans  les  premiers  temps  ,  rien  n'en 
est  apercevable.  A  la  fin  de  la  cinquième  semaine,  appa- 
raît une  petite  éminence  fendue,  qui  est  le  rudiment  du 
scrotum  ou  de  la  vulve,  selon  le  sexe.  A  la  sixième,  se  mon- 
tre une  ouverture  qui  est  commune  à  l'anus  et  aux  parties 
génitales ,  et  au-devant  de  laquelle  est  un  tubercule  qui  fait 
saillie.  Aux  septième  et  huitième  semaines,  ce  tubercule 
paraît  surmonté  d'un  gland ,    et  creusé  en  dessous  d'une 
fente  qui  s'étend  jusqu'à  l'anus.  Aux  onzième  et  douzième 
semaines ,  le  périnée  en  se  formant  sépare  l'anus  des  voies 
génitales.   A  la  quatorzième,   le  sexe  se  prononce;   il  reste 
encore  quelque  temps  une  gouttière  tout  le  long  du  clitoris 
ou  du  pénis  pour  l'urètre  ,  mais  bientôt  cette  gouttière  se 
change  en  canal.  M.  Tièdemami  prétend  que  le  sexe  femelle 
n'est  que  le  sexe  mâle  arrêté  à  un  degré  inférieur  d'organi- 
sation :  selon  lui,   tout  embryon  a  été  primitivement  fe- 
melle ;  la  fente  qu'on  a  vu  d'abord  était  la  vulve,  le  tubercule 
saillant,  le  clitoris  :  pour  constituer  le  sexe  mâle,  la  fente 
de  la  vulve  s'est  réunie  pour  faire  un  raphé,  les  grandes  lèvres 
se  sont  jointes  pour  former  le  scrotum,  les  petites  pour  for- 
mer l'urèthre,  et  le  clitoris  s'est  changé  en  pénis.  M.  Riede- 
mann  invoque  à  appui  de  son  idée,  que  les  dernières  espèces 
animales  sont  toutes  des  femelles ,  et  que  tous  les  jeunes 
acéphales  et   avortons  qu'on  a  examinés     l'étaient   aussi. 


ANAT.OMIB    DU    FOETUS.  3j5 

Un  Ackermann  et  Auteur ielh  3  au  contraire  ,  disent  que  les 
sexes  sont  primitivement  neutres.  Enfin  selon  M.  Geoffroy 
St,-Hîlazre,  la  différence  des  sexes  tient  à  la  distribution  des 
deux  branches  de  l'artère  spermatique  ;  si  ces  deux  branches 
restent  rapprochées  et  marchent  de  concert,  Tune  au  tes- 
ticule, l'autre  à  i'épididyme,  l'individu  est  mâle;  si  au 
contraire,  elles  s'écartent,  l'une  va  à  l'ovaire,  l'autre  aux 
cornes  de  la  matrice,  et  l'individu  est  femelle.  Le  degré  de 
prédominance  du  système  cérébro-spinal  est  ce  qui  déter- 
mine le  rapprochement  ou  l'écartement  de  ces  deux  bran- 
ches artérielles  :  plus  fort  dans  les  mâles  ,  il  laisse  les  artères 
sperrna tiques  plus  faibles,  et  par  conséquent  rapprochées, 
et  vice  versa. 

Quoique  les  organes  génitaux  intérieurs  paraissent  plus 
tôt  que  les  extérieurs,  leur  développement  est  moins  connu. 
Oken  les  fait  dériver,  ainsi  que  la  vessie,  de  l'allantoïde. 
Alb.  Meckel  croit  que,  communiquant  dans  leur  origine 
avec  l'intestin,  ils  sont  d'abord,  comme  cet  intestin,  ou- 
verts en  devant;  mais  que  se  fermant  ensuite,  ils  consti- 
tuent un  canal  qui  se  continue  par  l'ouraque  avec  l'allan- 
toïde. Puisqu'on  n'a  jamais  vu  l'allantoïde  dans  l'homme, 
et  qu'on  ne  fait  que  supposer  son  existence  d'après  l'ana- 
logie des  animaux,  on  conçoit  qu'on  ne  peut  rien  assurer  de 
cette  origine.  Toutefois,  à  une  époque  fort  rapprochée  de 
la  conception,  on  distingue  le  long  de  la  région  lombaire 
deux  corps  alongés  ,  vermiformes ,  qui  sont  ;  les  reins,  selon 
Wolf;  les  rudiments  des  capsules  surrénales  et.  des  organes 
génitaux,  selon  Meckel  ;  enfin  ceux  des  cornes  de  l'utérus  et 
des  conduits  déférents ,  selon  Oken.  Un  peu  plus  tard  appa- 
raissent nettement  les  testicules  et  les  ovaires;  ils  sont  situés 
au-dessus  du  rein,  à  l'extrémité  de  ces  corps  vermiformes  dont 
on  vient  de  parlr.  Aux  huitième,  neuvième  et  dixième  se-. 
maines,  l'utérus  et  les  vésicules  séminales  se  montrent,  et 
semblent  résulter  d'un  renflement  de  ces  deux  corps  ver- 
miformes. C'est  cette  confusion  des  organes  génitaux  de 
l'un  et  l'autre  sexe,  dans  une  même  masse  vermiforme, 
qui  a  fait  croire  à  quelques  physiologistes,  que  l'embryon 
était  d'abord  neutre  avant  d'avoir  un  sexe  déterminé.  À 


376  VIE   INTRÀUTÉiUHE. 

partir  de  l'époque  où  la  distinction  en  est  possible  ,  les  phé- 
nomènes de  développement  diffèrent  dans  le  mâle  et  dans 
la  femelle. 

Dans  le  mâle,  les  testicules  sont  d'abord  placées  dans  l'ab- 
domen, au  -  dessous  du  rein,   devant  le  psoas,  sous  le  pé- 
ritoine   qui   les    recouvre  en    devant  et    leur    adhère.   A 
trois  mois ,  longs  de  cinq  quarts  de  ligue ,  ils  ont  la  forme 
d'un  pois  :  les  vaisseaux  spermatiques,  et  le  canal  déférent, 
sont  à  leur  face  postérieure.  De  l'anneau  inguinal  ,  s'élève 
vers  la  partie  inférieure  du  testicule  une  gaine  du  péritoine, 
qui  renferme  un  ligament  appelé  gubernaculum  testis.  Ce 
ligament  estformé:  1°  d'un  tissu  cellulaire  élastique, prove- 
nant de  la  partie  supérieure  du  scrotum,  et  de  la  partie  de 
l'aponévrose  générale  de  la  cuisse  qui  avoisine  l'anneau;  20 
de  quelques  fibres  musculaires  venant  des  muscles  oblique 
interne,  et  transverse  de  l'abdomen.  Il  s'étend  de  l'anneau 
jusqu'à  la  partie  postérieure  et  inférieure  du  testicule  au- 
quel il  est  attaché.  Par  l'action  de  ce  ligament,  le  testicule, 
vers  le  troisième  mois ,  commence  à  s'engager  dans  la  gaine 
du  péritoine;  descendant  dès  lors  peu  à  peu,  entre  le  sixième 
et  le  septième  mois,  il  franchit  l'anneau,  et  d'ordinaire  il  est 
dans  le  scrotum  à  la  naissance.  Le  pli  du  péritoine  qui  en- 
toure le  gubernaculum  est  entraîné  avec  lui  dans  le  scro- 
tum ,  et  y  forme  la  tunique  vaginale  ;   tandis  que  le  tissu 
cellulaire   élastique  du   gubernaculum    lui-même,    donne 
naissance  au  dartos,  selon  MM.  Lobslein  et  Breschet;  et  que 
ses  fibres  musculaires    forment   le  crémaster,  selon  M.  3. 
Cloquet.  On  a  attribué ,  à  la  vérité,  la  descente  du  testicule 
à    des   causes    autres  que  l'action  du  gubernaculum,    par 
exemple,  à  l'effet   de  la  pesanteur ,  à  la  pression  exercée  sur 
le  gubernaculum  par  la  vessie  urinaire;  mais  ces  explica- 
tions sont  trop  mécaniques.  Après  que  le  testicule  a  franchi 
l'anneau,  cet  anneau  se  resserre,  et  le  prolongement  de  la 
tunique  vaginale  s'oblitère;  cependant  souvent  cette  oblité- 
ration n'est  pas  complète  encore  à  la  naissance. 

Dans  le  sexe  femelle,  on  observe  des  changements  analo- 
gues dans  les  ovaires,  l'utérus  et  ses  annexes.  A  neuf  semai- 
nes, les  ovaires  sont  aussi  gros  que  les  reins,  au-dessous  et 


AWATOMIE   DU    FŒTUS.  ^77 

eu  dedans  desquels  ils  sont  situés  ;  le  péritoine  les  recouvre 
et    le  fixe  :    plus  gros    que  l'utérus  et  la  vessie  urinaire , 
ils  tiennent  par  leurs  deux  bouts,  au  moyen  de  deux  liga- 
ments, à  l'une  des  cornes  de  la  matrice.  A  quatorze  semai- 
nes, l'utérus  ayant  grandi  dans  son  fond,  a  atteint  le  côté 
interne  de  l'ovaire;  le  côté  externe  de  cet  organe  répond  à 
la  trompe  qui  lui  est  unie  par  son  extrémité  ;  les  ovaires  pa- 
raissent alors  divisés  en  trois  lobes.  A  terme,  les  ovaires  ont 
leur  extrémité  externe  au-dessus  du  détroit  supérieur,  l'in- 
terne plongée  dans  le  bassin  ;  la  trompe  les  entoure  et  leur 
est  unie  par  un  ligament.  Entre  les  ovaires  et  la  trompe, 
est  un  corps  conique,  formé  d'une  vingtaine  de  canaux  tor- 
tueux qui  se  réunissent  en  un  seul  point  à  l'ovaire ,  que 
Rosenmuller  compare  à  l'épididyme.  A  deux  mois,  l'utérus 
est  réduit  au  col ,  et  présente  deux  cornes  auxquelles  abou- 
tissent le  ligament  de  l'ovaire  et  le  ligament  rond.  A  trois 
mois  et  demi,  le  corps  commence  à  se  montrer,  et  les  cornes 
sont  moins  prononcées  :  alors  aussi  apparaissent  les  trompes. 
A  terme,  le  corps  est  plus  mince  que  îe  col,  mais  il  a  sa 
forme;  les  cornes  n'existent  plus;  les  trompes  sont  longues, 
tortueuses,  et  les  franges  de  leur  pavillon  sont  visibles.  La 
descente  des  ovaires,  des  cornes  de  l'utérus  et  des  trompes 
utérines,  de  la  région  des  lombes  dans  le  bassin,  s'effectue 
par  la  contraction  du  ligament  rond ,  ou  sus-pubien  :  la 
structure,  les  connexions  de  ce  ligament,  sont  en  effet  les 
mêmes  que  celles  du  gubernaculum;  il  est  de  même  entouré 
par  un  repli  du  péritoine  qui  lui  adhère  :  quand  il  se  con- 
tracte ,  il  entraîne  avec  lui  à  travers  l'anneau  un  prolonge- 
ment péritonéal,  et  il  en  résulte  un  canal  dit  de  Nuck,  qui 
existe  encore  à  la  naissance. 

Telle  est,  autant  que  possible,  l'indication  des  dévelop- 
pements successifs  qu'éprouve  pendant  la  vie  intra-utérine 
chacun  des  organes  et  appareils  du  fœtus.  Sans  doute  nous 
avons  omis  beaucoup  de  détails,  mais  nous  avons  signalé 
les  plus  importants.  La  science  a  ici  beaucoup  à  découvrir 
encore,  surtout  en  ce  qui  concerne  les  temps  les  plus  rap- 
prochés de  la  conception.  Cependant  elle  a  fait  d'assez 
grands  progrès  en  ces  dernières  années;  et  déjà  quelques  au- 


378  VIE   INTRA-UTÉRINE. 

leurs,  MM.  Serres  et  Mechel,  par  exemple,  ont  cherché  à 
rattacher  tous  les  faits  d'embryogénie,  à  quelques  lois. 
Voici  d'abord  celles  qu'a  proposées  M.  Serres. 

Long- temps  on  a  cru,  d'après  les  observations  de  Uarvey 
et  de  Malpighi,  sur  le  développement  ducœuret  de  la  moelle 
épinière  du  poulet  dans  l'œuf  couvé,  que  les  animaux  se  dé- 
veloppaient du  centre  à  la  circonférence.  M.  Serres  établit 
que  c'est  au  contraire  de  la  circonférence  au  centre  ,  que  se 
développe  tout  organe.  Toute  partie,  dit-il,  est  primitive- 
ment double,  composée  de  deux  moitiés  semblables,  mais 
séparées;  et  ce  n'est  que  par  les  progrès  du  développement, 
que  marchant  à  la  rencontre  l'une  de  l'autre,  ces  deux  moi- 
tiés finissent  par  se  réunir  :  à  l'occasion  de  cette  réunion  se 
forment  les  divers  trous,  les  cavités  que  présente  le  corps. 
Déjà  l'on  a  vu,  à  l'article  du  système  nerveux,  l'application 
de  ces  principes  à  ce  système  ;  les  parties  latérales  se  sont 
formées  avant  les  centres;  ceux-ci ,  la  moelle  épinière,  l'en- 
céphale, ont  été  primitivement  composés  de  deux  moitiés 
qui,  avec  le  temps,  se  sont  réunies  sur  la  ligne  médiane; 
et  à  l'occasion  de  cette  réunion  se  sont  formés  les  ventricules 
du  cerveau.  Or,  il  en  est  de  même,  dit  M.  Serres,  de  tous  les 
autres  systèmes  et  organes  du  corps.  Yoyez,  dans  le  système 
osseux,  l'ossification  suivre  une  marche  excentrique;  au 
tronc,  par  exemple,  les  côtes  se  forment  avant  les  vertè- 
bres ;  au  bassin ,  l'ilion  avant  le  pubis  ;    à  la  tête ,  l'apo- 
physe zygomatique  du  temporal ,  les  grandes  ailes  du  sphé- 
noïde, les  masses  latérales  de  l'ethmoïde,  avant  le  rocher, 
le  corps  du  sphénoïde,  la  lame  centrale  de  l'ethmoïde,  etc. 
Il  y  a  primitivement  deux   demi-rachis,    deux  sacrums, 
deux  sternums,  etc.  ;  et  la  réunion  de  ces  parties  doubles , 
est  ce  qui  donne  naissance  à  toutes  les  cavités  articulaires , 
à  tous  les  trous,  à  tous  les  canaux  que  présentent  les  os. 
Même  disposition  dans  le  système  musculaire  ;  à  la  tête,  au 
thorax,  à  l'abdomen,  tous  les  muscles  latéraux  se  développent 
avant  les  muscles  médians  ;  la  ligne  blanche  est  un  indice 
de  la  réunion  de  ceux-ci,  et  le  trou  ombilical  y  a  été  fait  par 
le  même  mécanisme  qu'un  trou  osseux  quelconque.  En  un 
mot,  généralisant  ces  deux  idées,  savoir:  la  particularité 


AKATOMIE    DU    FOETHS.  3  7  g 

que  présente  tout  organe,  d'être  dans  son  origine  composé 
de  deux  moitiés  séparées  ;  et  la  tendance  qu'oat  ces  deux 
moitiés  à  se  réunir  l'une  à  l'autre  ;  M.  Serres  en  a  fait  deux 
lois  auxquelles  il  rattache  tous  les  faits  d'embryogénie,  et 
qu'il  appelle ,  l'une  la  loi  de  symétrie,  et  l'autre  la  loi  do 
conjugaison . 

M.  Mechel,  embrassant  toute  l'époque  de  la  vie  humaine 
pendant  laquelle  le  corps  croît ,  et  ne  se  bornant  pas  à  la 
vie  fœtale  ,  a  posé  un  plus  grand  nombre  de  ces  lois,  sous 
le  titre  de  lois  de  formation.  i<>  Tout  est  fluide  d'abord,  et 
ce  n'est  que  progressivement  que  se  développent  dans  les 
parties  la  solidité  et  la  dureté.  20  Dans  aucune  oartie  ,  la 
texture  n'est  primitivement  déterminée;  et,  par  exemple  , 
on  ne  distingue  d'abord,  dans  les  fluides  aucuns  globules, 
et  dans  les  solides  aucunes  libres.  3°  La  forme  dans  les  so- 
lides se  développe  avant  la  texture  et  la  composition,  et, 
par  exemple,  le  cerveau,  quoiqu'encore  demi-fluide,  a  déjà 
sa  configuration,  et  les  os,  quoiqu'encore  cartilagineux ,  ont 
déjà  leur  forme  propre.  4°  Dans  l'origine,  tous  les  organes 
sont  blancs  ,  et  ce  n'est  que  graduellement  qu'ils  acquièrent 
la  couleur  qui  leur  est  propre.  5°  Les  organes  se  forment  par 
parties  isolées,  qui  ensuite  se  réunissent;  ainsi  nous  avons 
vu  les  reins  ,  la  rate,  le  foie  ,  toutes  les  glandes ,  résulter  de 
l'agglomération  de  grains,  de  lobules  primitivement  séparés; 
ainsi,  les  os  se  forment  par  des  points  d'ossification  multi- 
ples. 6°  Tous  les  organes  ne  se  développent  pas  à  la  fois  , 
non-seulement  dans  différents  systèmes,  mais  encore  dans 
un  même  système.  Ainsi ,  les  poumons  se  développent  plus 
tardivement  que  le  cœur,  et  plus  tôt  que  les  organes  géni- 
taux ;  et ,  dans  le  cœur ,  les  cavités  gauches  sont  formées 
plus  tôt  que  les  cavités  droites.  70  Chaque  organe  a  ses  dif- 
férents stades,  sa  durée  propre,  et  a  une  grandeur  variable 
aux  différentes  époques  de  la  vie.  N'avons -nous  pas  vu  le 
cœur 5  le  cerveau,  l'intestin,  passer  chacun  par  des  états 
divers,  et  qui,  le  plus  souvent,  n'étaient  pas  coïncidents? 
Pourrait-on  nier  que  chaque  organe  a  sa  durée  propre?  Nous 
verrons  par  exemple  le  thymus  disparaître  dans  les  deux 
années  qui  suivent  la  naissance.  Enfin ,  quels  changements 


38o  VIE   INTRA-UTÉRINE, 

continuels  dans  le  volume  des  organes!  Le  cœur?  par  exem- 
ple, qui  est  d'autant  plus  gros  proportionnellement  que  l'em- 
bryon est  plus  jeune,  diminue  graduellement;  et  au  contraire, 
le  poumon  primitivement  très  petit ,  n'est  jamais  plus  gros 
que  lorsqu'il  est  parvenu  à  son  développement  complet. 
8°  La  symétrie  dans  les  organes  est  d'autant  plus  marquée, 
que  leur  formation  est  plus  récenle ,  que  l'embryon  est  plus 
jeune.  Nous  venons  de  dire  que  ,  selon  M.  Serres ,  toutes  nos 
parties  sont  primitivement  formées  de  deux  parties  sembla- 
bles qui  se  réunissent;  d'où  la  fondation  de  ses  deux  lois  de 
symétrie  et  de  conjugaison.  Il  est  certain ,  ajoute  M.  Meckel, 
que  même  ceux  de  nos  organes  qui  ne  doivent  pas  être  symé- 
triques, le  sont  dans  l'origine;  par  exemple,  le  cœur,  le 
foie,  l'estomac.  De  même,  les  membres  supérieurs  et  infé- 
rieurs ,   sont   d'abord  tout-à-fait  semblables.    Nous   avons 
vu   que   l'encéphale  et    l'intestin   forment    chacun,    dans 
leur  principe  ,    une  gouttière    dont    les  côtés  se   rappro- 
chent. Sur  la  ligne  médiane  du  corps,    de  la  réunion  qui 
s'y  est   faite  ;  des  deux  moitiés  qui  composaient  préalable- 
ment l'embryon.   Voyez    les  sutures  des    deux  pariétaux, 
des  deux  moitiés  du  frontal ,  des  os  susmaxillaires  et  nasaux  ! 
Voyez  les  becs  de  lièvre  à  l'une  et  l'autre  mâchoire ,  le  man- 
que du  sternum  dans  les  trois  premiers  mois  de  la  grossesse,, 
et  le  modede  développement  de  cet  os!  Voyez,  dans  quelques 
cas  de  monstruosités,  la  non-réunion  des  os  pubis,  d'où  le 
défaut  de  la  partie  antérieure  de  la  vessie,  et  le  vice  de 
conformation  appelé  eocslrophie!  Voyez  enfin  le  canal  qui 
existe  primitivement  dans  toute  la  longueur  de  la  moelle 
spinale,  canal  qui  fait  suite  dans  l'encéphale  aux  quatrième 
et  troisième  ventricules  ,  et  qui  est  la  cause  des  spina-bifida. 
La  peau  elle-même  offre  quelques  différences  à  la  ligne  mé- 
diane; son  derme  est  plus  épais,  il  adhère  plus  aux  parties 
subjacentes.    90    Toutes  les  phases  par  lesquelles  passe   le 
corps,   répondent  à  des  divisions  de  l'échelle  animale;  et 
ceci  doit  s'entendre  non-seulement  du  corps  en  général, 
mais  encore  de  chacun  des  organes  en  particulier.  Ainsi ,  le 
corps  a  primitivement  l'organisation  homogène  des  animaux 
les  plus  simples;  réduit  au  torse,  l'embryon  humain  est 


PHYSIOLOGIE   DU    FOETUS.  38  ï 

d'abord  un  être  globulaire ,  vésiculaire ,  comme  le  sont  les 
derniers  animaux;  successivement  il  acquiert  une  tête,  des 
membres  :  dans  l'origine,  il  a  une  queue  qu'il  perd  ensuite. 
Nous  avons  dit  que  MM.  Tiédemann  et  Serres  avaient  re- 
connu que  le  système  nerveux  de  l'embryon  bumain  passait 
successivement  par  chacune  des  formes  que  présentent  les 
quatre  classes  des  animaux  vertébrés.  On  a  fait  la  même 
remarque  à  l'égard  des  appareils  circulatoire  et  digestif;  le 
cœur  n'est-il  pas  primitivement  un  vaisseau,  comme  dans  les 
insectes?  n'est-il  pas  ensuite  à  un  seul  ventricule  et  une  seule 
oreillette,  comme  dans  les  reptiles  ?  Les  preuves  de  cette  neu- 
vième loi  sont  éparses  dans  la  description  que  nous  avons 
donnée  de  chaque  organe,  de  chaque  appareil;  il  aura  été 
facile  de  reconnaître,  dans  cette  description,  que  toutes  les 
formes  qui  apparaissent  d'abord,  étaient  celles  qui  apparte- 
naient aux  animaux  les  plus  simples.  Ainsi,  primitivement 
les  ouvertures  de  l'anus  et  des  voies  génitales  ont  été  réunies, 
comme  cela  est  encore  dans  le  cloaquedes  oiseaux;  ainsi  l'u- 
térus a  étébicorne  jusqu'à  trois  mois,  etc.  Ce  dogme  prouve 
qu'il  nefaut  pas  prendre  à  la  lettre  le  terme  d'évolution  ,  de 
développement  ,  selon  lequel  on  dit  que  se  forme  le  fœtus  : 
sans  doute,  cet  être  a  dès  le  principe  le  germe  de  tous  ses 
développements  futurs  ;  mais  son  organisation  est  d'abord 
très  simple,,  et,  se  compliquant  ensuite  successivement >  elle 
passe  par  chacun  des  états  que  présente  l'échelle  zoolo- 
gique. io°  Enfin  ,  l'homme  se  distingue  par  la  rapidité 
avec  laquelle  il  parcourt  ses  premiers  développements;  d'où 
une  cause  de  notre  ignorance  sur  ce  que  sont  ces  premiers 
développements. 

CHAPITRE  IL 

Physiologie  du  Fœtus, 

Si  l'anatomie  du  fœtus  avait  laissé  beaucoup  de  points 
douteux  et  tout-à-fait  inconnus,  nous  aurons  à  signaler  plus 
d'obscurités  encore,  à  avouer  une  plus  grande  ignorance  en 
ce  qui  concerne  la  physiologie  de  cet  être.  Tout  presque  ne 


382  VIE   INTRA-UTÉRINE» 

sera  que  conjecture ,  surtout  en  ce  qui  aura  trait  aux  pre- 
miers temps.  De  même  que  nous  avons  vu  varier  d'un  jour  à 
l'autre  le  nombre  et  les  formes  des  parties  qui  composaient 
le  corps;  de  même  varieront  sans  cesse  le  mécanisme  de  la 
vie ,  le  caractère  des  fonctions.  Dans  l'adulte ,  nous  avions 
partagé  ces  fonctions  en  trois  classes;  celles  de  relation,  de 
nutrition  et  de  reproduction.  Dans  l'étude  que  nous  allons 
faire  de  la  vie  du  fœtus ,  nous  suivrons  le  même  ordre  ;  bien 
qu'il  paraisse  n'exister  en  cet  être  que  les  fonctions  de  nutri- 
tion ,  tous  les  actes  de  la  vie  ne  tendant  à  cette  époque  qu'à 
nourrir  et  faire  croître  l'individu ,  et  la  nutrition  s'effec- 
tuant  alors  comme  dans  le  végétal,  sans  conscience  >  et  indé- 
pendamment de  toute  volonté. 

ARTICLE   PREMIER. 

î)cs  Fonctions  de  nutrition  du  Fœtus. 

Toute  nutrition  exige  :  i"  que  l'être  qui  se  nourrit  , 
prenne  au  dehors  de  lui  des  matériaux;  2°  qu'il  élabore  ces 
matériaux,  et  les  convertisse  en  un  fluide  propre  à  lui  être 
assimilé,  et  qui  dans  les  animaux  est  appelé  sang;  3°  qu'il 
s'approprie  ce  fluide  et  en  eompose  la  substance  de  ses  or- 
ganes ;  4°  enfin ,  que  tandis  que  par  cette  première  série 
d'actions  il  se  compose  ,  il  rejette  par  des  excrétions  une 
partie  de  la  matière  qui  le  formait,  et  ainsi  se  décompose 
dans  la  même  proportion.  Nous  avons  vu  que  dans  l'homme 
adulte,  la  nutrition  nécessite,  outre  les  sensations  et  les 
mouvements  volontaires  qui  servent  à  la  préhension  des 
matériaux  composants ,  le  concours  de  sept  fonctions ,  sa- 
voir :  la  digestion,  les  absorptions,  la  respiration,  la  cir- 
culation, les  nutritions  proprement  dites,  les  calorifications 
et  les  sécrétions.  Dans  le  fœtus,  le  travail  nutritif  réclame 
un  nombre  moindre  de  fonctions;  ce  nombre  d'ailleurs  varie 
aux  diverses  époques  de  la  vie  intra-utérine;  mais  il  n'en 
faut  pas  moins  accomplissement  de  ces  quatre  objets,  pré- 
hension des  matériaux  alibiies ,  conversion  de  ces  matériaux 
en  fluide  nutritif,  c'est-à-dire  en  sang,  assimilation  de  ce 
sang  à  la  substance  du  corps,  et  excrétions.  Nous  allons  re- 


PHYSIOLOGIE   DU    FOETUS.  383 

chercher  ce  qui  est  de  chacun  de  ces  objets  aux  diverses  épo- 
ques de  la  vie  fœtale. 

g  1er.   Préhension  des  matériaux  nutritifs  et  composants  du  Fœtus. 

Dans  l'adulte,  il  y  a  toute  évidence  sur  les  sources  d'où 
proviennent  les  matériaux  nutritifs  de  l'être,  ainsi  que  sur 
leur  mode  de  préhension;  ces  matériaux  sont  les  aliments, 
les  boissons,  et  l'air;  et  la  préhension  en  est  effectuée  avec 
volonté  et  conscience.il  n'en  est  pas  de  même  dans  le  fœtus; 
d'une  part,  c'est  irrésistiblement  et  d'une  manière  aussi 
peu  sentie  que  dans  le  végétal ,  que  sont  saisis  les  matériaux 
nutritifs  quels  qu'ils  soient;  et  d'autre  part,  il  y  a  doute 
sur  les  sources  d'où  proviennent  ces  matériaux,  et  doute 
d'autant  plus  grand  qu'on  remonte  aux  temps  les  plus 
rapprochés  de  la  formation  primitive. 

10  On  a  d'abord  indiqué  comme  substance  nutritive  de 
l'embryon,  et  comme  lui  servant  sous  ce  rapport  dès  les 
premiers  jours  de  sa   formation,  la  matière  séro-albumi- 
neuse ,  qui  a  été  sécrétée  en  abondance  dans  l'utérus  pour 
la  formation  de  la  caduque.  Chaussier  pense  que  l'ovule  en 
se  plongeant  tout  entier  en  cette  matière ,  en  absorbe  une 
grande  partie  par  sa  surface  externe,  et  s'en  nourrit;  à 
l'instar  des  êtres  vivants  les  plus  simples  qui  se  nourrissent 
par  une  absorption  qu'effectue  la  périphérie  de  leur  corps. 
S'il  est  vrai  en  effet  que  cette  matière  séro-albumineuse  soit 
à  l'œuf  des  vivipares  ,  ce  que  les  blancs  sont  à  celui  des 
ovipares ,  comme  il  est  sûr  que  ceux-ci  se  mêlent  au  jaune 
pour  nourrir  l'embryon,  on  peut  attribuer  à  celle-là  le  même 
office.  Mais  cette  analogie  ne  peut  être  admise  que  comme 
une  conjecture.  Rien  ne  prouve  que  le  mucus  dont  se  re- 
vêtent les  œufs  des  batraciens,  par  exemple,  serve  à  la  nu- 
trition de  l'embryon.  Que  penser  d'ailleurs  de  l'idée  de 
Chaussier ,  si,  comme  le  veulent  MM.  Morcau  et  Welpeauy 
la  caduque  est  déjà  organisée ,  quand  l'œuf  débouche  par  la 
trompe  dans  l'utérus  ?  Enfin ,  comment  concevoir  ici  le  phé- 
nomène ?  Dira-t-on  que  la  matière  est  assimilée  au  corps  de 
l'embryon,  au  même  moment  qu'elle  est   saisie;  comme 


384  VIE    INTRA-UTÉRINE. 

cela  est  dans  les  derniers  animaux,  chez  lesquels  tou6  les 
actes  du  mécanisme  nutritif  se  passent  à  la  fois,  et  se  rédui- 
sent à  un  seul,  une  absorption  externe  ?  Mais  la  particularité 
qu'offre  l'ovule  d'être  primitivement  rempli  d'un  liquide 
transparent  dans  lequel  ou  ne  voit  rien  de  solide,  et  le  par- 
tage qui  se  fait  bientôt  en  cet  ovule  de  l'embryon  et  de  ses 
annexes,  ne  permettent  pas  qu'on  adopte  cette  explication. 
2°  S'appuyant  de  l'analogie  des  oiseaux,  on  a  présenté 
la  vésicule  ombilicale,  comme  fournissant  à  l'embryon  la 
matière  nutritive  qui  lui  est  nécessaire  ,  depuis  3e  premier 
instant  de  sa  vie,  jusqu'au  moment  du  développement  du 
placenta.  Il  est  certain,  en  effet,  que  c'est  sur  le  jaune  de 
l'œuf  qu'apparaît  le  pouîet,  et  que  ce  poulet  a  paru  croître 
à  ses  dépens  ,  puisqu'à  mesure  que  l'un  a  grossi,  l'autre  a 
diminué.  On  a  d'ailleurs  toutes  raisons  de  regarder  le  jaune, 
comme  une  provision  qui  a  été  préparée  pour  subvenir  aux 
développements  de  l'embryon  ;  car  celui-ci,  étant  renfermé 
dans  un  œuf  clos  de  toutes  parts  ,  n'a  aucune  communication 
avec  le  monde  extérieur  ,  ne  peut  rien  y  puiser ,  et  par  con- 
séquent il  devait  avoir  dans  l'œuf  sa  matière  nutritive  toute 
préparée.  Enfin ,  on  considère  généralement  le  jaune  comme 
l'analogue  des  deux  lobes  de  matière  féculente  ,  qui  dans 
une  graine  enveloppent  l'embryon  végétal,  et  sont  destinés 
à  le  nourrir  jusqu'au  moment  où  cet  embryon  aura  poussé 
sa  plantule  et  sa  plumule  ,  et  pourra ,  à  l'aide  de  ces  parties, 
puiser  dans  la  terre  et  dans  l'air  les  sucs  qui  lui  sont  néces- 
saires. Or,  nous  avons  vu  que  tous  les  physiologistes  assi- 
milaient la  vésicule  ombilicale  des  mammifères  au  jaune  de 
l'œuf  des  oiseaux.  En  effet  :  i°  les  vaisseaux  de  cette  vési- 
cule, les  vaisseaux  omphalo-mésentériques  ,  sont  les  mêmes 
que  ceux  qui,  dans  l'oiseau,  se  rendent  à  la  membrane  du 
jaune;  2°  cette  vésicule,  ainsi  que  celle  du  jaune,  commu- 
nique avec  la  cavité  de  l'intestin  ;  et  c'est  d'elle  que  cet 
organe  provient;  3°  d'ailleurs,  lorsque  l'œuf  humain  est 
encore  flottant  dans  l'utérus  ,  ou  du  moins  n'a  pas  encore 
développé  l'organe  par  lequel  il  puisera  dans  ce  viscère , 
cet  œuf  n'a-t-il  pas  autant  besoin  que  celui  des  ovipares  de 
contenir  au-dedans  de  lui  sa  substance  nutritive?  et  quelle 


PHYSIOLOGIE    DU    FOETUS.  385 

autre  de  ses  parties  serait  plus  propre  à  fournir  cette  sub- 
stance que  la  vésicule  ombilicale?  4°  enfin,  nous  ayons  vu 
que  daDS  l'origine  la  vésicule  ombilicale  était  si  grosse ,  que 
comme  le  jaune  elle  formait  tout  l'œuf;  que  diminuant 
ensuite,  elle  disparaissait  lorsque  le  placenta  était  formé. 
On  peut  donc  admettre  avec  tous  les  auteurs ,  que  l'humeur 
de  la  vésicule  ombilicale  est  ce  qui  nourrit  l'embryon  dans 
les  premiers  temps  de  sa  vie. 

Mais  commentse  faitcette  nutrition  ?C'est  ce  qu'on  ignore. 
La  matière  de  la  vésicule  ombilicale,  saisie  et  probablement 
en  même  temps  un  peu  élaborée  par  les  vaisseaux  omphalo* 
mésentériques ,  est-elle  aussitôt  portée  dans  les  vaisseaux 
de  l'embryon,  et  de  là  aux  organes?  ou  bien  aucontraire, 
est^eïle'poriée  à  l'estomac  de  l'embryon,  pour  y  être  digérée  ? 
De  ces  deux  modes  de  nutrition,  le  dernier  n'est  guère  pro- 
bable; on  l'a  conjecturé,  d'après  l'analogie  du  jaune  des  oi- 
seaux; mais  il  ne  pourrait  exister  tout  au  plus  qu'à  la  fin  de 
l'existence  de  la  vésicule  ombilicale.  Le  premier  mode  est  au 
contraire  beaucoup  plus  vraisemblable,  surtout  pour  les 
premiers  temps.  En  effet,  d'après  le  principeque  l'embryon, 
dans  la  suite  de  ses  développements,  doit  offrir  les  formes 
d'organisation  les  plus  simples  avant  les  plus  compliquées, 
Un  système  de  racines  absorbantes  doit  précéder  dans  son 
appareil  nutritif  un  système  digestif;  et  dès  lors  l'on  peut 
considérer  les  vaisseaux  ompbalo  -  mésentériques  ,  comme 
puisant  dans  la  vésicule  ,  par  une  absorption  radiculaire 
analogue  à  celle  qui  fait  vivre  les  végétaux. 

3°  MM.  Lobstein  ,  0ken3  ont  voulu  attribuer  à  la  liqueur 
de  l'allantoïde  le  même  office  qu'à  la  matière  de  la  vésicule 
ombilicale.  Ils  se  sont  fondés  :  i«  sur  ce  que  la  vésicule  al* 
lantoïde  et  sa  liqueur  ont  été  trouvées  dans  des  œufs  chez 
lesquels  le  fœtus  manquait,  ce  qui  semble  prouver  sa  pré- 
existence au  fœtus;  2°  sur  ce  que  cette  vésicule  est  d'autant 
plus  grande,  et  son  humeur  d'autant  plus  abondante,  que 
l'embryon  est  plus  jeune  ;  3°  enfin  ,  sur  ce  que  cette  liqueur, 
si  elle  n'est  pas  nutritive,  ne  peut  être  que  de  l'urine,  et 
que  beaucoup  de  raisons  militent  contre  cette  dernière  idée. 
Peut-on  croire,  en  effet,  disent  MM.  Lobstein  et  Oken  y  à 
Tome  IV.  2 5 


386  VIE   ISTflA-UTÉRINË. 

l'existence  de  l'urine,  à  une  époque  où  les  reins  existent  à 
peine,  et  peuvent  à  peine  agir?  La  sécrétion urinaire  serait 
donc  d'autant  plus  active,  qu'on  serait  moins  avancé  dans 
la  vie  intra-utérine?  elle  fonderait  donc  une  fonction  de 
première  nécessité  ?  Si  l'humeur  de  l'allantoïde  était  de 
l'urine ,  il  devrait  y  avoir  toujours  une  communication 
facile  entre  l'allantoïde  et  la  vessie  urinaire;  et  cependant 
il  est  fort  difficile  de  faire  passer,  même  de  l'air,  de  l'une 
de  ces  poches  dans  l'autre.  Le  liquide  de  l'allantoïde,  enfin , 
ne  ressemble  en  rien  à  de  l'urine. 

Quelque  puissants  que  soient  tous  ces  arguments,  ils  ne  peu- 
vent établir,  en  faveur  de  la  fonction  nutritive  de  l'allan- 
toïde, une  vraisemblance  égale  à  celle  qui  existe  pourlavési- 
cule  ombilicale.  D'abord,  est-il  bien  vrai  qu'on  ait  trouvé  des 
allantoïdes  dans  des  œufs  sans  fœtus  ?  Tous  les  anatomistes 
de  nos  jours  récusent  les  observations  qu'on  en  a  rapportées; 
ou  les  vésicules  n'étaient  pas  des  allantoïdes;  ou  les  fœtus 
avaient  disparu  depuis  peu,  mais  avaient  existé.  En  second 
lieu,  le  grand  volume  de  l'allantoïde,  dans  les  premiers 
temps  de  la  vie  intra-utérine,  peut  se  concevoir  dans  l'hy- 
pothèse qui  fait  de  cette  poche  un  réservoir  de  l'urine.  En- 
fin, des  raisons  non  moins  fortes  que  celles  qu'opposent 
MM.  Lobstein  et  Oken  ,  portent  à  faire  regarder  l'humeur  de 
l'allantoïde,  comme  une  humeur  d'excrétion,  comme  l'u- 
rine. L'allantoïde,  en  efTet,  semble  êti'e  une  continuation 
de  la  vessie  urinaire  ;  elle  communique  avec  cette  poche  par 
l'ouraque;  les  reins  et  la  vessie  existent  de  très  bonne  heure, 
d'où  l'on  peut  conclure  que  la  sécrétion  urinaire  est,  dès  les 
premiers  temps,  en  activité.  Si  l'allantoïde,  d'abord  très 
grande,  diminue  bientôt,  et  cesse  de  communiquer  avec  la 
vessie;  c'est  que  la  sécrétion  urinaire  est  d'abord  propor- 
tionnellement plus  active,  quand  le  fœtus  n'a  encore  au- 
cune autre  excrétion,  et  qu'elle  diminue  ensuite,  quand 
s'établissent  d'autres  excrétions,  celle  de  l'humeur  sébacée 
de  la  peau,  par  exemple.  Une  pareille  hypothèse  fait,  il  est 
vrai ,  de  la  sécrétion  urinaire  une  fonction  de  première  né- 
cessité dans  la  vie  du  fœtus:  mais  cette  sécrétion  n'a-t-elle 
pas  la  même  importance  dans  la  vie  de  l'adulte  ?  Enfin,  si  on 


PHYSIOLOGIE    DU    FOETUS.  S87 

a  objecté  que  la  liqueur  de  l'allantoïde  ne  ressemblait  en 
rien  à  de  Furine  ,  on  a  voulu  parler  de  l'urine  de  l'adulle  ; 
et  qui  oserait  dire  qu'il  ne  doit  exister  aucune  différencedans 
cette  même  humeur,  prise  à  deux  époques  si  distantes  de  la 
vie?  D'ailleurs,  Daubanton,en  évaporant  au  feu,  la  liqueur 
de  l'allantoïde  lui  a  trouvé  une  odeur  urineuse.  Concluons 
donc  que,  s'il  est  douteux  que  l'humeur  de  l'allantoïde  soit 
une  humeur  d'excrétion,  comme  le  veulent  presque  tous 
les  physiologistes  de  nos  jours  ,   il  est  encore  moins  prouvé 
qu'elle  soit  une  matière  nutritive;  et  il  nous  est  d'autant 
plus  prescrit  de  conserver  du  doute  à  cet  égard,  qu'on  n'a 
jamais  trouvé  l'allantoïde  dans  l'œuf  humain,  et  qu'on  ne 
l'y  admet  que  d'après  l'analogie  des  mammifères.  Du  reste, 
si  l'on  veut  qu'elle  soit  un  réservoir  de  matière  nutritive, 
elle  ne  servirait  que  dans  les  premiers  jours  de  la  vie    el 
par  un  mécanisme  aussi  peu  connu  que  celui  de  la  vésicule 
ombilicale. 

4f>  Beaucoup  de  physiologistes  ont  présenté  le  liquide  de 
Pamnios,  dans  lequel  le  fœtus  est  plongé  pendant  tout  le 
cours  de  la  grossesse ,  comme  une  source  de  matière  nutritive 
pour  cet  être,  tout  en  différant  sur  la  voie  par  laquelle 
serait  introduit  ce  liquide.  Il  ont  allégué  comme  preuves  : 
i°  la  qualité  nutritive  de  cette  humeur;  on  a  nourri  avec 
elle  seule  ,  pendant  plusieurs  semaines,  de  jeunes  animaux  • 
20  la  particularité  qu'elle  a  d'être  d'autant  plus  abondante 
et  plus  riche  en  matière  animale,  que  l'embryon  est  plus 
jeune;  3°  son  contact  continuel  avec  le  fœtus>  dont  les  sur- 
faces, tant  externe  qu'interne,  sont  dites  jouir  d'une  faculté 
d'absorption  d'autant  plus  prononcée  que  cet  être  est  moins 
âgé;  4°  enfin,  quelques  exemples  de  fœtus  privés  de  cordon, 
et  qui,  sans  le  secours  du  placenta,  se  sont  développés.  De  ces 
diverses  preuves,  nous  rejetterons  d'abord  la  dernière  ;  on  n'a 
aucune  observation  authen  tique  de  fœtus  privé  de  cordon  om- 
bilical et  de  placenta,  et  cependant  venu  à  terme;  etati  con- 
traire ,  on  a  des  exemples  multipliés  de  fœtus  qui  sont  morts 
aussitôt,  dès  que  le  cordon  ombilical  a  été  rompu.  Quant  aux 
autres  raisons,  elles  ne  fondent  que  des  vraisemblances  :  on 
peut,  à  aussi  bon  droit,  attribuer  à  l'eau  de  Pamnios  plu- 


23, 


388  VIE    ÎNTRA-UTÉIIIÎŒ. 

sieurs  autres  offices;  comme  de  garantir  le  fœtus  des  chocs 
extérieurs;  de  former  autour  de  lui  une  atmosphère  qui  le 
défende  de   la  pression  de    l'utérus,    permette  son  déve- 
loppement et  ses   mouvements ,    et  serve   à    l'entretien  de 
sa  température;  comme  de  servir  à  dilater  régulièrement 
l'utérus  pendant  la  grossesse,  et  à  ouvrir  son  orifice  lors  de 
l'accouchement.  On  peut  croire  surtout  qu'elle  est  utile  à 
maintenir  isolées  les  parties  extérieures  du  fœtus,  et  à  pré- 
venir les  adhérences  vicieuses  qu'elles  pourraient  contrac- 
ter.  Il  est  sûr  au  moins  ,  que  tandis  qu'on  a  vu  des  fœtus 
survivre  long- temps    à    l'écoulement  de  cette  eau;  on    a 
une    observation    de   M.  Morlanne ,    d'un    fœtus    de   cinq 
mois    qui,    né    trente    jours  après   cet  écoulement,  offrit 
les  bras  et  avant-bras  collés  avec  la  poitrine,  et  les  cuisses 
avec  l'abdomen. 

Toutefois ,  les  physiologistes  qui  ont  admis  cette  source 
de  matière  nutritive  ont  différé  sur  la  voie  par  laquelle  ils 
l'ont  fait  pénétrer;  tour-à-tour  ils  ont  indiqué  la  peau, 
l'appareil  digestif,  l'appareil  respiratoire,  les  voies  géni- 
tales, les  mamelles.  Buffion ,  Osiander ,   Vandenhosh ,  ont 
fait  absorber  la  liqueur  de  Tamnios  par  la  peau  du  fœtus. 
Cette  membrane ,  disent-ils  ,  est  essentiellement  absorbante, 
et  doit  l'être  d'autant  plus  que  l'embryon  est  plus  jeune, 
parce  qu'alors  elle  est  sans  épiderme.  Ils  ont  argué  des  cas  de 
fœtus  dont  le  développement  a  continué,  bien  qu'ils  man- 
quassent de  bouche  et  de  cordon  ombilical.  Ils  ont  enfin 
invoqué  les  expériences  suivantes  de  Vandenhosh  :  ce  savant, 
dit,  qu'ayant  retiré  du  ventre  de  sa  mère  un  fœtus  mammi- 
fère, et  en  ayant  aussitôt  séparé  la  peau,  il  vit  les  vaisseaux 
lymphatiques  de  cette  membrane  évidemment  remplis  d'un 
fluide  séreux  :  qu'après  avoir  ouvert  l'œuf  d'un  mammifère, 
et  appliqué  des  ligatures  aux  membres  du  fœtus  ,  il  vit  les 
vaisseaux  lymphatiques  de  cet  être  se  distendre  :  ayant  enfin 
qu'après  avoir  plongé  les  membres  de  ce  fœtns  dans  l'eau  de 
l'amnios,  il  vit  les  vaisseaux  se  remplir  et  se  distendre  bien 
davantage.  De  toutes  ces  raisons,  aucune  n'est  démonstra- 
tive la  plus  puissante  serait  celle  des  fœtus  développés  sans 
cordon,  mais  nous  avons  dit  qu'aucun  des  exemples  qu'on 


PHYSIOLOGIE    DU    FOETUS.  3$9 

en  a  eilés  n'était  authentique  :  on  ne  doit  regarder  l'absor- 
ption de  l'eau  de  l'amnios  par  la  peau  ,  que  comme  une  des 
mille  et  mille  conjectures  qui,  dansl'état  actuel  de  la  science, 
composent  presque  exclusivement  l'histoire  de  la  physiologie 
du  fœtus. 

Boërhaave,  Haller,  au  contraire,  font  pénétrer  l'eau  de 
l'amnios  par  la  bouche  et  le  canal  intestinal.  Il  est  certain , 
disent- ils,  que  souvent  cette  humeur  a  été  trouvée  en  ces 
cavités;  on  l'a  reconnue  distinctement,  avec  ses  qualités 
physiques,  dans  le  pharynx  et  l'estomac;  Heisler,  ouvrant 
une  vache  pleine,  qui  était  morte  de  froid,  vit  que  l'eau 
de  l'amnios,  gelée  ,  formait  un  glaçon  qui  s'étendait  jusque 
dans  l'estomac  du  fœtus.  Alors,  deux  hypothèses  peuvent 
être  faites;  ou  l'eau  de  l'amnios  serait  en  ce  lieu  simplement 
absorbée,  ou  elle  y  subirait  préalablement  une  digestion. 
Les  fauteurs  de  la  première  hypothèse  partent  de  ce  principe 
déjà  cité ,  que  le  fœtus  doit  présenter  les  formes  de  nutrition 
les  plus  simples  avant  les  plus  compliquées,  et  par  consé- 
quent doit  se  nourrir  par  absorption  avant  de  se  nourrir  par 
digestion;  ils  trouvent,  dans  la  membrane  muqueuse  intes- 
tinale, la  puissance  d'absorption  qui  leur  est  nécessaire;  ils 
disent  enfin,  qu'au  moins,  dans  les  premiers  temps,  il  ne 
doit  y  avoir  qu'absorption ,  et  que  ,  s'il  y  a  digestion  ,  ce  ne 
peut  être  que  dans  les  derniers  mois.  Boerhaave ,  au  con- 
traire, admet  une  déglutition  ou  succion  des  eaux  de  l'am- 
nios, et  leur  digestion  dans  l'estomac.  Ne  voit-on  pas,  dit-il, 
de  très  bonne  heure ,  du  méconium  dans  le  canal  intestinal  ? 
et  la  présence  de  cette  matière  excrémentitielle  ne  prouve-t- 
elle  pas  que  le  canal  digestif  a  agi  ?  D'ailleurs,  que  d'autres 
preuves  encore  qu'il  se  fait  des  digestions  chez  le  fœtus  ! 
en  examinant  les  vaisseaux  du  mésentère  ,  dans  un  enfant 
qui  venait  de  naître  avec  l'abdomen  ouvert,  on  a  trouvé  ces 
vaisseaux  pleins  de  chyle.  Or,  si  l'appareil  digestif  agit,  il 
lui  faut  des  aliments;  et  quels  autres  peut-on  indiquer  que 
les  eaux  de  l'amnios?  Ce  qui  semble  autoriser  cette  idée, 
c'est  qu'on  a  trouvé  dans  le  méconium  quelques-uns  des 
poils  soyeux  qui  sont  à  la  peau  du  fœtus,  et  ces  poils  n'a- 
vaient pu  pénétrer  dans  l'intestin  qu'avec  la   liqueur  de 


3 9°  VIE    INTRA-UTÉRINE. 

l'amuios.  Quelque  spécieuses  que  paraissent  toutes  ces  con- 
sidérations ,  elles  ne  suffisent  pas  pour  faire  admettre  irrévo- 
cablement  ce  point   de  doctrine.    D'abord,   il  est  sûr  que 
le  fœtus  n'exécute  aucun  mouvement  de  déglutition,  ni  de 
succion  ;  et  si  l'eau  de  l'amnios  pénètre  dans  l'appareil  di- 
gestif, c'est  mécaniquement.  En  second  lieu,  il  est  possible 
que  cotte  pénétration  n'ait  été  qu'accidentelle  dans  les  cas 
où  elle  a  été  observée,  car  le  fœtus  a  ordiuairement  la  bou- 
che fermée.  Troisièmement,  il  est  certain  que  l'eau  de  l'am- 
nios, si  elle  nourrit  par  la  voie  que  nous  discutons,  n'est 
pas  d'une  indispensable  nécessité  pour  la  vie  du  fœtus,  car 
on  a  vu  beaucoup  de  fœtus  naître,  bien   développés,  avec 
une  imperforation  de  la  bouche  :   n'a-l-on  pas  d'ailleurs 
l'exemple  des  acépbaîes  ?  Enfin ,  la  présence  du  méconium 
dans  l'intestin  du  fœtus,  cel!e  du  chyle  dans  les  vaisseaux 
du  mésentère,  prouvent  bien  qu'il  se  fait ,  clans  les  derniers 
temps  au  moins,  digestion;  mais  non  que  ce  soit  sur  les 
eaux  de  l'amnios  que  celte  fonction  opère.  En  effet,  il  est 
possible  que  les  sucs  de  l'appareil  digestif  servent  eux-mêmes 
à  alimenter  la  digestion;  il  est  d'autant  plus  permis  de  le 
croire,  que  ces  sucs  sont  alors  très  abondants;  et  nous  di- 
rons ci-après  quelle  idée  l'abondance  et  la  nature  de  ces  sucs 
a  inspirée  à  M.  Geoffroy  Saint-Hilaire ,  sur  la  nutrition  du 
fœtus.  Est-il  possible  de  croire  que  le  méconium  provient  de 
l'eau  de  l'amnios,  quand  on   voit  ce  méconium  exister  dans 
l'intestin   des  acéphales  ,  et  dans  celui  des  fœtus   qui  ont 
une    imperforation    de  la    bouche.  On  arguera   des    poils 
soyeux  qu'on  a  trouvés  dans  ce  méconium;  maisces  poils  ne 
peuvent -ils  pas  s'être  formés  dans  l'intestin?  Cependant, 
on  dit  n'en  avoir  trouvé  jamais  dans  le  méconium  des  fœtus 
sans  bouche.  Enfin,  la  matière  visqueuse  considérable  ,  que 
nous  verrons  être  contenue  dans  l'estomac  et  l'intestin  ,  et 
dont  M.  Geoffroy  fait  un  mucus  préparé  pour  la  nutrition 
du  fœtus,  ne  ressemble  en  rien  au  liquide  amniotique ,  car 
elle  est  acide  et  gélatiniforme. 

Rœderer,  TV  inslow ,  Scheeî ,  font  saisir  l'eau  de  l'amnios 
par  les  voies  respiratoires,  arguant  de  ce  que  dans  certains 
cas  on  a  en  effet  trouvé  ce  liquide  dans  la  trachée  et  dans  les 


PHYSIOLOGIE   DU    FOETUS.  391 

bronches.  Selon  les  uns ,  elle  y  pénètre  mécaniquement,  par 
suite  de  l'accès  toujours  facile  qu'offrent  les  ouvertures  des 
narines,  et  à  cause  de  la  communication  de  ces  narines  avec 
la  trachée  et  les  bronches  :  selon  Scheel,  elle  y  est  introduite 
par  les  mouvements  de  respiration  qu'exécute  le  fœtus; 
enfin ,  selon  Rœderer,  elle  y  serait  engagée  par  la  pression 
qu'exercerait  sur  elle  l'utérus.  Cette  introduction  une  fois 
admise,  deux  possibilités  se  présentent,  comme  dans  le  cas 
précédent;  ou  l'eau  de  l'amnios  n'est  qu'absorbée  dans  les 
voies  respiratoires,  ou  elle  y  sert  à  une  respiration.  D'un 
côlé,  la  surface  interne  des  bronches  jouit  de  la  même  fa- 
culté d'absorption  que  toutes  les  membranes  muqueuses, 
et  l'on  peut  croire  qu'elle  saisit  le  liquide  avec  lequel  elle 
est  en  contact.  D'un  autre  coté,  d'après  la  nécessité  dont 
est  l'air  pour  tout  être  vivant,  ne  peut-on  pas  soupçonner 
que  le  fœtus  a  lui-même  besoin  d'une  respiration  ?  et  à  cette 
première  époque  de  sa  vie,  la  respiration  de  cet  être  serait 
une  respiration  d'eau:  nous  avons  parlé  des  efforts  qui  ont  été 
faits  pour  démontrer  la  présence  de  l'air  atmosphérique  ou  de 
l'oxygène  dansl'eaude  l'amnios.  Sans  entrer  dans  une  longue 
discussion,  il  est  évident  que  ces  deux  idées  sont  également 
de  simples  suppositions,  de  pures  conjectures.  D'abord,  le 
fœtus  n'exerce  pas  plus  de  mouvements  de  respiration  que 
de  mouvements  de  déglutition;  et  si  l'eau  de  l'amnios  pé- 
nètre dans  les  voies  respiratoires,  ce  n'est  que  mécani- 
quement. Ensuite,  il  ne  paraît  pas  que  cette  pénétration 
soit  ordinaire  ,  car  la  glotte  est  fermée;  et  quand  elle  a 
eu  lieu,  il  est  probable  qu'elle  n'avait  été  qu'accidentelle. 
Enfin,  cette  idée  d'une  respiration  aquatique  est  une  hy- 
pothèse tout-à-fait  inadmissible;  le  poumon  du  fœtus  est 
un  organe  de  respiration  aérienne,  et  non  un  organe  de 
respiration  aquatique,  une  branchie;  il  est  douteux  que 
l'eau  de  l'amnios  contienne  de  l'air;  et  enfin  dans  le  fœtus, 
la  circulation  ne  traverse  pas  le  poumon  ,  comme  cela  de- 
vrait être,  si  la  respiration  avait  déjà  commencé  en  cet  or- 
gane. Ou  peut  d'ailleurs  opposer  à  l'idée  de  la  nécessité  dp 
l'introduction  de  l'eau  de  l'amnios  par  cette  voie,  quel  que 
soit  le  service  ultérieur  qu'elle  y  remplisse ,  le  fait  desacé- 


3<}2  VIB   INTRA-UTÉRINE. 

phaJes  :  la  nutrition  s'est  faite  dans  ces  fœtus  mutilés,  bien 
que  le  liquide  de  l'amnios  ne  pût  pénétrer,  ni  dans  l'appa- 
reil digestif,  ni  dans  l'appareil  respiratoire. 

Enfin ,  nous  indiquerons  encore,  mais  comme  simples  con- 
jectures, les  voies  d'introduclion  supposées  par  MM,  LohsLein 
et  Oken.  Le  premier  fait  absorber  l'eau  de  l'amnios  par  les 
parties  génitales.  Le  second  dit  que  ce  liquide  est  saisi  par 
les  mamelles ,  élaboré  par  ces  glandes ,  et  conduit  de  là  dans 
le  thymus,  le  canal  tboracique  et  le  système  sanguin  du 
fœtus.  Il  suffit  de  citer  de  pareilles  opinions ,  pour  prouver 
qu'elles  ne  sont  que  des  suppositions. 

Les  incertitudes  des  auteurs  sur  la  voie  par  laquelle  péné- 
trerait l'eau  de  l'amnios ,  ue  font  donc  que  confirmer  les 
doutes  que  nous  avions  sur  l'office  de  nutrition  qu'on  veut 
faire  remplir  à  cette  humeur. 

5o  On  sait  que,  de  très  bonne  heure ,  des  villosités  déve^ 
loppées  à  la  surface  externe  du  chorion  ,  unissent  l'œuf  à  la 
caduque,  et  que  de  semblables  villosités  unissent  celle-ci  à 
l'utérus.  Or,  plusieurs  physiologistes  considèrent  ces  villo- 
sités comme  vasculaires,  et  comme  un  moyen  par  lequel  une 
matière  nutritive  arriverait  de  la  mère  à  l'enfant.  Nous 
avons  même  dit  que  plusieurs  avaient  fait  provenir  de  cette 
source  l'eau  de  l'amnios.  Il  est  possible  que  dans  les  pre^ 
miers  jours  de  l'évolution,  ces  villosités  soient  un  moyen 
par  lequel  l'embryon  prend  dans  la  mère  de  la  matière  nu- 
tritive; mais  on  ne  peut  en  être  sûr,  et  il  est  certain  au 
moins  que  cela  n'est  plus  dans  les  derniers  temps.  La  nature 
vasculaire  de  ces  villosités  devient  en  effet  de  plus  en  plus 
douteuse,  et  à  la  fin,  ces  villosités  ne  paraissent  plus  être 
qu'un  moyen  de  faire  adhérer  la  caduque  à  l'utérus ,  et  le 
chorion  et  l'œuf  à  la  caduque. 

6°  Une  source  de  matière  nutritive  qui  ne  peut  être  con^ 
testée ,  est  celle  qui  est  due  au  placenta.  Cet  organe  est  vé^ 
ritablement  un  moyen  par  lequel  l'enfant  puise  dans  le  sein 
de  sa  mère  :  ce  que  nous  avons  dit  de  sa  structure  en  est  la 
preuve.  Il  reçoit,  en  effet,  d'un  côté  les  artères  et  les  veines 
utérines  de  la  mère,  et  de  l'autre,  les  artères  et  veines 
ombilicales  du  fœtus;   et  que  servirait  cette  fusion  dans  le 


% 


PHYSIOLOGIE   DU    FOETUS.  3g3; 

parenchyme  du  placenta  de  vaisseaux  provenants  de  ces  deux, 
êtres,  si  ce  n'était  pour  que  l'un  fournît  de  la  matière  nutri- 
tive à  l'autre  ?  Il  est  certain,  d'ailleurs,  que  le  placenta  en- 
tretient une  circulation  sanguine ,  et  avec  le  fœtus,  et  avec 
la  mère.  Nous  parlerons  ci-après  de  la  première,    et  nous 
verrons  à  son  égard  que  le  placenta  fait  réellement  partie 
de  l'appareil  circulatoire  du  fœtus.    Quant  à  la  seconde  , 
en  décrivant  le  placenta,  n'avons-nous  pas  parlé  d'un  pla* 
centa  utérin,  c'est-à-dire  presque  exclusivement  formé  par 
les  vaisseaux  utérins?  N'avons-nous  pas  mentionné  des  vais- 
seaux allant  de  l'utérus  au  placenta,  et  auxquels  M.  Dubois, 
qui  lésa  injectés,  a  donné  le  nom  d'utéro-placentaux  ?  Pour- 
quoi ces  vaisseaux,  si  ce  n'est  pour  que  des  sucs  de  la  mère 
parviennent  au  placenta,   et  du  placenta  au  fœtus  par  le 
cordon  ?  Lorsque,  dans  la  grossesse,  le  placenta  se  décolle  en 
totalité  ou  en  partie ,  ne  survient-il  pas  une  hémorrhagie 
qui  peut  être  aussi  dangereuse  à  la  mère  qu'à  l'enfant  ?  Une 
semblable  hémorrhagie  ne  s'observe- t-el le  pas  lors  de  l'ac- 
couchement, dans  les  premiers  instants  qui  suivent  la  dé- 
livrance, jusqu'à  ce  que  l'utérus  ,  revenu  sur  lui-même,  ait 
affaissé  les  vaisseaux  qui  établissaient  sa  communication  avec 
le  placenta?  Si ,  après  cet  accouchement,  le  placenta  reste 
adhérent  à  la  matrice ,  souvent  il  se  fait  par  le  cordon  une 
hémorrhagie  qui  peut  être  dangereuse  à  la  mère.  Quelque- 
fois même  en  ce  cas,  ou  lorsque  le  fœtus  était  resté  mort 
dans  le  sein  de  sa  mère,  on  a  vu  le  placenta   continuer  de 
croître,  ce  qui  ne  pouvait  être  que  par  les  sucs  qu'il  tirait 
de  la  mère.  Récemment  M.  Ribes  a  vu  un  fait  de  ce  genre  : 
le  cordon  ombilical  s'était  rompu  ;  par  suite  le  fœtus  avait 
péri;  mais  le  cordon  s'était  cicatrisé,  et  le  placenta  avait 
continué  de  croître  à  l'aide  de  ses  adhérences  avec  l'utérus. 
Enfin,  en  faisant  prendre  à  la  mère  des  aliments  teints  de 
garance ,  ou  en    injectant  dans  ses  vaisseaux  du  camphre , 
comme  l'a  fait  M.  Magendie,  on  a  vu  la  matière  colorante 
teindre  les  os  du  fœtus ,  et  l'odeur  du  camphre  imprégner 
son  sang  :  or,  quel  organe  autre  que  le  placenta  peut  avoir 
servi  ici  d'intermédiaire  ?  Le  placenta  est  donc  en  commu- 
nication avec  l'utérus  ;  il  en  reçoit  nue  matière  nutritive , 


394  VIE   INTRA-UTÉRIJNE. 

qu'ensuite  il  envoie  au  fœtus  ;  il  est  le  moyen  de  communi- 
cation de  la  mère  à  l'enfant.  Seulement  la  communication 
qu'il  établit  est  plus  facile  de  la  mère  à  l'enfant,  que  de 
l'enfant  à  la  mère,  ce  qui  devait  être;  M.  Magendie  ,  qui 
faisait  passer  aisément ,  de  la  mère  à  l'enfant,  du  camphre, 
comme  nous  venons  de  le  dire,  n'a  pu,  au  contraire,  faire 
passer  des  poisons  de  l'enfant  à  la  mère ,  en  injectant  ces 
poisons  dans  le  cordon. 

Mais  il  se  présente  ici  deux  questions  :  de  quelle  nature 
est  la  communication  de  l'utérus  avec  le  placenta  ?  et  quelle 
matière  nutritive  le  premier  de  ces  organes  fournit-il  au 
second  ? 

Relativement  à  la  première  de  ces  questions ,   plusieurs 
physiologistes  anciens  ont  cru  à  une  communication    di- 
recte entre  les  vaisseaux  de  l'utérus  et  ceux  du  placenta,  et 
par  conséquent  ont  dit  que  la  circulation  du  fœtus  était  une 
continuation  de  celle  de  la  mère.  Leurs  arguments  étaient  : 
i°  qu'après  l'accouchement,  il  se  fait  toujours  un  écoule- 
ment de  sang  plus  ou  moins  abondant  par  la  vulve;  2°  que 
souvent  alors,  le  sang  continue  de  couler  indéfiniment  par 
le  cordon  ;  3°  que  dans  des  femmes  enceintes,  mortes  d'hé* 
morrhagie,    on   a   trouvé   le    fœtus    lout-à-fait  exsangue; 
4°  qu'on   a  injecté  également  les  vaisseaux  du  fœtus  par 
ceux  de  l'utérus,  et  les  vaisseaux  de  l'utérus  par  ceux  du 
fœtus  ;  5°  enfin ,  qu'on  a  vu  vivre  et  se  développer  des  fœtus 
qui  n'avaient  pas  de  cœur,  et  chez  lesquels  conséquemment 
la  circulation,  n'avait  pu  se  faire  que   par  l'influence  du 
cœur  de  la  mère.  Outre  qu'il  n'est  aucun  de  ces  arguments 
qu'on  ne  puisse  réfuter,  il  en  est  d'autres  plus  puissants  qui 
prouvent  invinciblement  que  la  communication   entre  le 
placenta  et  l'utérus  n'est  pas  directe.  i«  L'hémorrhagie, qui 
se  fait  par  l'utérus  et  le  cordon  après  l'accouchement,  prouve 
bien  la  communication  des  vaisseaux  de  la  mère  avec  le  pla- 
centa, mais    non  que   cette    communication  soit   directe. 
2°  Il  est  faux  que  quand  la  mère  meurt  d'hémorrhagie,  on 
trouve  le  fœtus  exsangue;    le  plus  souvent  le  contraire  a 
lieu,  et  T'Vrisbers:  Fa  constaté  par  des  expériences  directes. 
3°  Les  injections  dont  on  arguë,  répétées  par  les  anato- 


PHYSIOLOGIE   DU   FOETUS.  395 

mistes  de  nos  jours,  ont  présenté  des  résultats  opposés,  et 
par  conséquent  ont  conduit  à  une  conclusion  contraire.  Si, 
par  exemple ,  on  injecte  les  artères  utérines  ?  la  matière  pé- 
nètre dans  les  veines  du  même  nom,  après  s'être  épancnée 
dans  les  lobes  du  placenta ,  mais  sans  jamais  parvenir  dans 
les  vaisseaux  ombilicaux  du  placenta.  Il  en  est  de  même,  si 
on  injecte  les  veines  utérines;  et,  en  ce  cas,  l'épanchement 
dans  le  parenchyme  du  placenta  utérin  est  plus  abondant. 
Si ,  au  contraire,  on  injecte  les  artères  ou  la  veine  ombili- 
cales ,  la  matière  passe  des  uns  de  ces  vaisseaux  dans  les  au- 
tres, s'épanche  dans  le  parenchyme  du  placenta,  mais  ne 
pénètre    pas    dans   les    vaisseaux    utérins.  A  la  vérité,  une 
ou    deux   fois,    Chaussier  avec  du  mercure,  Bêclard  avec 
de  la  matière  grasse,  ont  injecté  par  la  veine  ombilicale, 
non-seulement  toute  la  masse  du  nlacenta,  mais  encore  le 
tissu  de  l'utérus  et  les  veines  utérines  :  mais  ces  anatomistes 
opéraient  sur  des  femmes  mortes  pendant   leur  grossesse; 
on  sait  qu'alors  les  orifices  des  veines  utérines  à  la  surface 
de  cet  organe  sont  béants  et  fort  gros;  et  il  est  possible  de 
concevoir  comment  la  matière  injectée,  en  venant  sourdre  à 
la  surface  du  placenta,  a  pu  pénétrer  dans  ces  vaisseaux. 
En  décrivant  le  placenta,  nous  avons  annoncé  la  non-com- 
munication directe  de  ses  vaisseaux  utérins  et  ombilicaux. 
4°  La  persistance  de  la  vie,  et  la  continuation  du  dévelop- 
pement dans  les  fœtus  sans  cœur,  ne  prouvent  rien;  caria 
contraction   des   vaisseaux  aura   suffi  pour  la   circulation. 
5°  Enfin ,  voici  des  faits  positifs  qui  prouvent  que  la  com- 
munication n'est  pas  directe.  Il  n'y  a  nul  isochronisme  entre 
le  pouls  du  fœtus  et  celui  de  la  mère;  M.  de  Kergaradec , 
en  appliquant  le  stéthoscope  à  l'abdomen  d'une  femme  en- 
ceinte ,  est  parvenu  à  distinguer  les  battements  du  cœur  du 
fœtus,  et  ces  battements  étaient  plus  nombreux  du  double 
que  ceux  du  cœur  de  la  mère.  On  a  des  exemples  de  fœtus 
qui  sont  nés,  l'œuf  étant  resté  intact,  ses  membranes  ex- 
ternes n'ayant  pas  été  déchirées;  et  bien  que  le  fœtus  fut  alors 
privé  de  respiration,    cependant  sa  circulation  a  continué 
pendant  neuf  minutes,  dit  TVrisherg,   pendant  un  quart- 
d'heure,  dit   Osiander.  Enfin,  dans  des  cas  où  un  enfant 


O^Ci  VIE   INTRA-UTÉRINE. 

naissant  avait  peine  à  respirer  et  était  en  danger  de  périr , 
on  a  entretenu  la  vie  du  placenta,  en  le  tenant  dans  de 
l'eau  chaude  à  trente-deux  degrés,  et  par  suite  on  a  fait 
continuer  la  circulation  du  sang.  Il  est  donc  certain  que 
l'utérus  et  le  placenta,  quoique  en  communication  à  leur 
point  de  contact,  forment  deux  organismes  séparés;  il  se 
fait  là  une  double  perspiration  et  une  double  absorption; 
c  est-à-dire  que  l'utérus  perspire,  à  sa  surface  ou  dans  le 
parenchyme  du  placenta  utérin,  une  matière  que  les  vais- 
seaux ombilicaux  du  placenta  fœtal  absorbent;  et  que  sem- 
blablement  les  artères  ombilicales  du  placenta  fœtal  perspi- 
rent  une  matière  qu'absorbent  les  veines  utérines  du 
placenta  utérin. 

Maintenant,  quelle  est  la  matière  fournie  par  l'utérus  au 
placenta?  les  uns  disent  du  sang,  les  autres  un  fluide  sé- 
reux. La  plupart  des  physiologistes  admettent,  que  les  ar- 
tères utérines  apportent  dans  le  placenta  utérin  le  propre 
sang  de  la  mère  ;  ils  se  fondent  sur  ce  qu'un  écoulement  de 
sang  accompagne  toujours  le  décollement  du  placenta  à  toute 
époque  de  la  grossesse,  et  lors  de  l'accouchement.  Schreger, 
au  contraire ,  prétend  que  ce  qui  est  puisé  dans  la  mère  par 
le  placenta  est  un  fluide  séreux ,  qui  porté  d'abord  dans  le 
canal  thoracique  du  fœtus  et  dans  les  veines  sous-clavières , 
est  ensuite  reporté  par  les  artères  ombilicales  dans  le  pla- 
centa pour  y  commencer  la  circulation  sanguine.  Ses  argu- 
ments sont;  io  que  les  lymphatiques  existent  en  grand 
nombre  dans  l'utérus,  lors  du  développement  que  la  gros- 
sesse a  imprimé  à  cet  organe;  20  qu'il  y  a  lieu  de  croire  le 
sang  de  la  mère  trop  fort  pour  la  nutrition  d'un  être  aussi 
délicat  que  l'est  d'abord  l'embryon.  Mais  ceci  rentre  dans 
la  question  de  savoir  quelles  élaborations  éprouve  la  ma- 
tière nutritive ,  pour  devenir  le  fluide  sanguin  propre  à 
nourrir  et  à  faire  croître  l'embryon. 

70  Enfin,  MM.  Lohstein  et  Meckel  ont  encore  mis  au  rang 
des  substances  nutritives  du  fœtus  la  substance  gélatineuse 
du  cordon .  Ils  on  t  don  né  pour  preuves,  la  na  ture  albumineuse 
et  partant  nutritive  de  cette  substance;  la  grosseur  considé- 
rable que  cette  substance  donne  au  cordon  dans  le  comaien- 


PMYSIOLOGTÈ   DU    T7ŒTUS.  3$ ? 

cernent  fie  la  vie  intra-utérine;  la  perméabilité  du  tissu  cel-- 
Juleux  dans  lequel  elle  est  contenuej;la  continuité  de  ce  tissu 
avec  celui  qui  est  au-dessous  du  péritoine  dans  l'abdomen 
du  fœtus;  enfin  le  grand  développement  que  présente  dans 
le  fœtus  le  système  absorbant,  à  partir  de  l'ombilic,  jusque 
vers  le  médiastin  antérieur.  Il  est  trop  évident  qu'aucune  de 
ces  raisons  n'est  démonstrative,  et  qu'il  ne  s'agit  encore  ici 
que  d'une  conjecture  semblable  à  plusieurs  de  celles  que 
nous  venons  de  rapporter. 

Telles  sont  les  sept  sources  assignées  à  la  matière  nutritive 
que  doit  recevoir  l'embryon;  et  de  ces  sept  sources  ,  deux 
seules  me  paraissent  devoir  être  admises;  la  vésicule  ombi- 
licale, qui  fournit  depuis  le  premier  instant  de  la  vie  intra- 
utérine  ,  jusqu'à  deux  mois  à  peu  près  ;  et  le  placenta. 

Du  reste,  les  controverses  que  nous  venons  d'exposer  ne 
sont  pas  les  seules  que  nous  présentent  les  auteurs.  Selon 
les  uns  ,  la  matière  nutritive  ne  pénètre  jamais  que  par 
une  seule  voie  ;  mais  les  diverses  sources  que  nous  venons 
d'indiquer  se  succèdent  les  unes  aux  autres.  Selon  d'autres  , 
plusieurs  de  ces  sources  peuvent  fournir  en  même  temps. 
Ainsi,  selon  M.  Lobstein,  les  radicules  veineuses  du  placenta 
ne  puisent  dans  le  mère  des  sucs  nourriciers  que  dans  les 
premiers  jours,  jusqu'aux  temps  où  les  artères  seront  for- 
mées; mais  après,  toute  circulation  cesse  entre  l'utérus  et  le 
placenta,  et  la  vésicule  ombilicale,  l'eau  de  l'amnios  et  la 
gélatine  du  cordon,  sont  les  seules  matières  qui  alimentent 
la  nutrition.  Selon  M.  Meckel ,  le  placenta  n'est  jamais 
source  de  matière  nutritive  ;  il  n'est  qu'un  organe  de  revirf 
vification  du  sang  du  fœtus ,  l'analogue  de  l'organe  de  la 
respiration  de  l'adulte;  et  la  nutrition  n'est  jamais  eifec- 
tuée  que  par  la  matière  de  la  vésicule  ombilicale  dans  le 
commencement,  par  l'eau  de  l'amnios  jusqu'à  mi-terme,  et 
par  la  gélatine  du  cordon  à  la  fin.  Selon  Béclard  enfin  , 
la  nutrition  est  effectuée;  dans  les  premières  semaines,  par 
l'humeur  de  la  vésicule  ombilicale  ;  ensuite,  par  l'eau  de 
l'amnios,  la  gélatine  du  cordon;  et  enfin,  à  partir  du  moment 
ou  l'œuf  devient  villeux  et  développe  le  placenta,  par  cet 
organe.  Ce  placenta  de  plus,  outre  cet  office  d'être  une 


398  vie  intra-utérine. 

source  de  matériaux  nutritifs,  devient  un  organe  de  revi- 
viiîcalion  du  sang  du  fœtus  ,  un  analogue  d'organe  respi- 
ratoire. Mais  ceci  nous  conduit  au  second  objet  que  nous 
avons  à  rechercher ,  la  conversion  des  matériaux  nutritifs 
en  sang. 

§  II.   Conversion  des  matériaux  nutritifs  du  Fœtus  en  sang. 

Aucun  être  vivant  ne  s'assimile  la  matière  qu'il  prend 
âu-dehors  de  lui  pour  sa  nutrition  ,  telle  qu'il  la  saisit  ; 
toujours  il  lui  imprime  auparavant  une  autre  nature  ;  mais 
le  mécanisme  par  lequel  il  l'élabore  est  plus  ou  moins  com- 
pliqué. Dans  les  êtres  vivants  les  plus  simples,  qui  se  nour- 
rissent par  une  absorption  qu'effectue  la  surface  externe  de 
leur  corps,  on  ne  distingue  pas  quelle  forme  nouvelle  a 
reçu  la  matière  nutritive  ;  cette  matière  est  assimilée  au 
même  instant  qu'elle  est  saisie  ;  et  ces  actes  successifs 
de  la  préhension  ,  de  l'élaboration  et  de  l'assimilation 
des  matériaux  nutritifs,  se  réduisent  à  un  seul,  ou  s'accom- 
plissent en  même  temps.  Mais  il  n'en  est  pas  de  même  dans 
les  animaux  supérieurs  ;  et ,  par  exemple  ,  dans  l'homme 
adulte,  nous  avons  vu  quatre  fonctions  succéder  à  la  pré- 
hension des  matériaux  nutritifs,  et  avoir  pour  objet  l'éla- 
boration de  ces  matériaux,  leur  conversion  en  sang,  et  la 
conduite  de  ce  sang  dans  les  organes  qu'il  doit  nourrir.  Ces 
quatre  fonctions  étaient  la  digestion,  les  absorptions,  la 
respiration  et  lacirculation. 

Le  fœtus  élabore-t-il  de  même  la  matière  nutritive,  quelle 
qu'elle  soitj  qu'il  retire,  soit  d'un  réservoir  qui  lui  avait  été 
préparé  à  l'avance,  soit  de  sa  mère?  et  si  l'analogie  de  ce  qui 
est  dans  tous  les  êtres  vivants  fait  répondre  affirmativement 
à  cette  première  question  ,  en  quoi  consiste  cette  élabora- 
tion? Il  n'existe  pas  moins  d'obscurités  sur  cette  seconde 
partie  de  l'histoire  du  fœtus,  et  nous  n'aurons  guère  encore 
à  exposer  que  des  conjectures,  des  probabilités. 

D'abord  ,  si  dans  les  premiers  temps  de  la  vie  fœtale  , 
l'embryon  se  nourrit  de  la  matière,  séro-albumineuse  qui 
l'entoure  et  doit  former  la  caduque,   c'est  en  l'absorbant 


PHYSIOLOGIE    DU    FOETUS.  899 

par  la  surface  externe  de  l'ovule;  et  bienqu'onne  voiepasl'é- 
laboration  que  fait  subir  à  cette  matière  l'absorption  ,  puis- 
qu'elle est  assimilée  en  même  temps  que  saisie.,  on  a  les  mêmes 
raisons  d'admettre  cette  élaboration  que  dans  les  derniers 
animaux.  CetteélaborationestencoreplusévidenteenefTeten 
ce  qui  concerne  la  matière  de  la  vésicule  ombilicale.  Nul  doute 
que  dans  les  oiseaux,  ce  ne  soit  le  fœlus  lui-même  qui  fasse 
son  sang  :  à  la  vérité,  à  l'aide  d'un  appareil  vasculaire  qu'il 
développe,  il  va  en  puiser  la  matière  dans  le  vitelius;  mais, 
en  même  temps  qu'il  prend  la  substance  de  celui-ci ,  il  l'éla- 
bore et  la  change  en  sang;  car  dans  cet  être  ,  qui  n'a  jamais 
de  communication  avec  sa  mère,  d'où  ce  fluide  lui  vien- 
drait-il ?  Or  ,  si  la  vésicule  ombilicale  est  l'analogue  du 
jaune,  l'embryon  humain  doit  aussi  en  absorber  l'humeur 
par  les  vaisseaux  omphalo-mésentériques,  et  l'élaborer  de 
manière  à  en  faire  son  fluide  nutritif  spécial,  du  sang.  Nous 
avons  dit  qu'on  pouvait  supposer  deux  voies  d'introduction 
à  Fhumeur  de  la  vésicule  ombilicale;  ou  la  faire  absorber 
simplement  par  un  système  de  racines  vasculaires  ,  ou  la 
faire  arriver  dans  l'estomac  pour  y  être  digérée  :  de  ces  deux 
voies  ,  la  dernière  est  plus  que  douteuse;  mais  dans  l'une  et 
dans  Fautre,  le  fait  dont  il  est  question  ici,  la  sanguiiics- 
tion  de  la  matière  de  la  vésicule  ombilicale,  est  également 
présumable.  Enfin,  le  placenta  ne  fait-il  que  puiser  dans 
Futérus  une  matière  nutritive  quelconque?  ou  plutôt  n'im- 
prime-t-il  pas  en  même  temps  à  cette  matière  une  élabo- 
ration première  !  Si  cette  élaboration  s'observe  lors  de  l'ab- 
sorption la  plus  simple  ,  à  plus  forte  raison  doit-elle  être 
présumée  ici,  où  l'organe  a  une  structure  plus  complexe? 
l'interruption  qui  existe  dans  la  circulation  des  deux  or- 
ganes, à  leur  point  de  contact,  n'en  est-elle  pas  une  preuve  ? 
Du  reste,  les  conjectures  des  auteurs  ont  varié  ici,  selon 
l'espèce  de  substance  qu'ils  ont  fait  puiser  dans  la  mère  par 
le  placenta,  ou  du  sang,  ou  un  fluide  séreux,  etc. 

Il  semblerait  que  ceux  qui  ont  dit  que  la  matière  nutri- 
tive puisée  par  le  placenta  était  du  sang  ,  n'avaient  pas 
besoin  d'admettre  Faction  d'élaboration  dont  nous  nous 
occupons  ici;  et  cependant  tous  Font  cru  également  néces- 


4 oo  Vie  ïtitra-utérôë. 

saire.  Lès  vins  ont  dit  que  le  sang  de  la  mère  ne  pouvait 
convenir  à  un  être  aussi  délicat  que  l'embryon  ,  et  avait 
besoin  d'être  affaibli  ,   désoxygéné  ,  modifié  d'une  manière 
quelconque.  Les  autres  ont  nié  que  le  sang  puisé  dans  la  mère 
effectuât  immédiatement  la  nutrition;  mai'sils  l'ont  fait  seu- 
lement parvenir  à  quelques  organes  du  fœtus,  où  ensuite  était 
extrait  de  lui  la  matière  vraiment  nourricière.  De  là  la  théo- 
rie qui  fait  du  placenta  et  du  foie  des  organes  d'hématose  ; 
de  là  aussi  la  théorie  et  celle  de  M.  Geoffroy  SainfrlJilaire,  sur 
l'utilité  du  mucus  abondant  sécrété  dans  l'estomac  et  l'in- 
testin du  fœtus.  Dans  la  première,  il  est  dit  que  le  sang  de 
la  mère  éprouve,  avant  de  parvenir  aux  organes  du  fœtus 
qu'il  doit  nourrir,  deux  élaborations  successives,  l'une  au 
placenta  et  l'autre  au  foie,  sans  qu'on  puisse  spécifier  quel 
caractère  nouveau  ces  organes  ont  imprimé  à  ce  fluide. L'action 
placenta  se  présume ,  de  ce  que  c'est  cet  organe  qui  effectue 
immédiatement  la  préhension  du  fluide ,  et  de  ce  que  tout 
organe  d'absorption  est  en  même  temps  agent  d'élaboration  î 
d'ailleurs ,  il  est  sûr  que  le  sang  que  rapporte  de    cet  or- 
gane la  veine  ombilicale,  diffère ,  au  moins  par  la  couleur, 
du  sang  que  lui  ont  apporté  les  artères  utérines.  On  a  pré- 
sumé une  action  du  foie,  de  ce  que  c'est  dans  cet  organe 
que  se  rend  d'abord  en  grande  partie  le  sang  au  sortir  du 
placenta,  et  de  ce  que  ce  n'est  qu'après  avoir  traversé  son 
lissu  que  ce  fluide  arrive  au  cœur  du  fœtus.  On  a  aussi 
argué  du  grand  volume  qu'a  alors  le  foie,  volume  qui  est 
d'autant  plus  considérable  que  l'embryon  est  plus  jeune, 
et  qu'on  ne  peut  expliquer  qu'en  faisant  de  ce  viscère  un 
organe  d'hématose.  Il  est  sûr  ,  en  effet ,   que   ce    volume 
énorme  n'a  pas  trait  à  la  sécrétion  de  la  bile,  qui  alors  est 
nulle  ou  peu  abondante;  et  l'on  ne  peut  pas  non  plus  dire 
avec  Hallev ,   que  ce  passage  du  sang  par  le  foie  a  pour 
but  de  modérer  l'impression  avec  laquelle  la  mère  projette 
ce  fluide,  puisque  nous  avons  prouvé  qu'il  n'y  avait  pas 
au  placenta  communication  directe  entre  la  circulation  de  la 
mère  et  celle  de  l'enfant.  On  ne  peut  donc  refuser  une  cer- 
taine vraisemblance  à  cette  idée;  que  le  sang  de  la  mère  ne 
traverse  pas  impunément  le  placenta  et  le  foie,  avant  de 


PHYSIOLOGIE    DU    FOETUS.  loi 

parvenir  au  cœur  du  fœtus,  mais  est,  par  le  travail  successif 
de  ces  organes,  mis  en  rapport  avec  le  degré  de  délicatesse 
de  cet  être. 

D'un  autre  côté  ,  M.  Geoffroy  Saint-Hilaire  pense  que 
le  sang  de  la  mère  ne  nourrit  pas  immédiatement  le  fœtus, 
mais  doit  auparavant  subir  diverses  transformations.  Selon 
ce  savant,  le  sang  va  du  placenta,  en  partie  au  foie,  et  en 
partie  au  cœur.  Au  foie,  il  alimente  la  sécrétion  biliaire, 
ou  du  moins  celle  d'un  fluide  qui  ;  versé  dans  l'intestin  , 
irrite  cet  organe  ,  et  lui  fait  sécréter  une  quantité  de  mucus 
très  abondante.  C'est  pour  subvenir  à  cette  sécrétion ,  que 
le  foie  est  alors  si  gros,  et  d'autant  plus  gros  que  le  fœtus 
est  plus  jeune.  La  portion  de  sang  qui  va  au  cœur  est  distri- 
buée de  là  à  toutes  les  parties,  mais  surtout  à  l'intestin  où 
l'irritation  l'appelle,  et  y  sert  à  là  sécrétion  abondante  du 
mucus  qui  s'y  fait.  La  présence  de  ce  mucus  dans  l'estomac 
et  l'intestin  du  fœtus  est,  selon  M.  Geoffroy  Saint-Hilaire, 
un  fait  constant;  et  comme  d'autre  part  l'existence  du  mé- 
conium  et  de  véritables  matières  exerémenlitielles  dans  le 
canal  intestinal,  prouve  qu'il  y  a  eu  digestion ,  M.  Geoffroy 
regarde  le  mucus  qui  est  sécrété  dans  l'estomac  comme  l'ali- 
ment sur  lequel  doit  agir  la  digestion.  La  quantité  de  ce 
mucus  ,  dit-il ,  est  trop  abondante ,  pour  qu'il  ne  soit  qu'un 
fluide  dé  lubréfaction.  D'ailleurs,  le  mucus  est  le  premier 
degré  de  tous  les  composés  organiques  ;  il  prédomine  dans 
tous  les  êtres  jeunes  ;  il  est  le  fond  de  toutes  les  parties,  et 
la  substance  assimilable  par  excellence;  tout  être,  quel- 
que jeune  qu'il  soit,  fait  du  mucus  et  en  absorbe  pour 
s'en  nourrir  ;  la  sève  des  végétaux  n'est  presque  que  du 
mucus,  etc.  Que  de  raisons  pour  faire  présumer  que  celui 
qui  remplit  l'intestin  est  un  aliment  préparé  pour  la  nutri- 
tion du  fœtus!  Elaboré  par  l'appareil  digestif,  et  saisi  par 
les  voies  chylifères,  ce  mucus  serait  la  source  d'un  fluide 
nutritif  qui  affluerait  sans  cesse  dans  l'appareil  circulatoire, 
et  qui,  à  chaque  passage,  éprouverait  une  annualisation 
graduelle.  Ainsi,  la  nutrition  du  fœtus  se  rapprocherait 
plus  de  celle  de  l'adulte  qu'on  ne  l'avait  cru  d'abord;  dans 
l'une  et  dans  l'autre,  un  fluide  nutritif  serait  puisé  dans 
Tome  IV,  26 


402  VIE   INTRA-UTÉRINE, 

l'intestin;  mais  dans  Tune,  ce  fluide  proviendrait  du  mucus 
sécrété  par  l'intestin  lui-même ,  et  dans  l'autre  il  provien- 
drait d'aliments.  Nous  ne  dissimulons  pas  que  cette  idée  de 
M.  Geoffroy  ne  doit  être  inscrite  que  comme  une  conjecture; 
mais  elle  avait  autant  de  titres  à  être  mentionnée  qu'au- 
cune de  celles  que  nous  avons  déjà  exposées. 

Nous  avons  dit  que  Sckreger  faisait  puiser  par  le  pla- 
centa, non  du  sang ,  mais  un  fluide  séreux.  Dans  cette  hypo- 
thèse ,  il  est  encore  plus  nécessaire  que  dans  la  précédente 
d'admettre  une  action  d'élaboration  qui  change  ce  fluide 
séreux  en  sang.  Celle-ci  est  rapportée,  en  partie  au  système 
lymphatique  du  foetus  ,  qui  reçoit  de  prime-abord  le  fluide 
séreux  puisé  dans  la  mère,  et  en  partie  au  placenta,  auquel 
retourne  ce  fluide,  avant  de  commencer  la  circulation  pro- 
prement dite.  Pour  appuyer  une  pareille  conjecture  ,  on  fait 
valoir  le  grand  développement  qu'offrent  certaines  parties 
de  l'appareil  lymphatique,  et  particulièrement  la  thyroïde, 
les  capsules  surrénales,  le  thymus,  que  Chaussier  rapporte 
à  cet  appareil  sous  le  nom  de  ganglions  glandif ormes . 
On  présente  ces  dernières  parties  comme  faisant  subir  à 
la  lymphe  la  même  élaboration  que  lui  impriment  dans 
l'adulte  les  ganglions  lymphatiques.  Mais  il  faut  avouer  que 
cet  usage  est  aussi  peu  démontré  que  beaucoup  d'autres  qui 
sont  attribués  à  ces  mêmes  organes,  par  exemple ,  d'être  des 
diver ticulums  du  sang  pour  des  viscères  qui  ne  doivent  entrer 
en  exercice  que  dans  les  âges  subséquents.  En  effet,  tandis 
que  Chaussier  fait  de  la  thyroïde  des  capsules  surrénales, 
et  du  thymus,  des  organes  de  lymphose ,  M.  Broussais  fait 
du  premier  de  ces  organes  un  diver  ticule  du  larynx;  du  second, 
un  diverticule  des  reins  ;  et  du  troisième,  un  diverticuîe  du 
noumon.  D'autre  part, Galîen disait  que  le  thymus  ne  servait 
qu'à  donner  de  la  solidité  et  de  la  fixité  à  la  veine-cave  supé- 
rieure. Il  est  difficile  de  croire  qu'un  organe  dont  l'existence 
est  si  constante  ,  et  en  même  temps  bornée  à  la  vie  fœtale, 
n'ait  que  cet  office  mécanique;  il  est  probable  qu'il  en  rem- 
plit un  plus  important,  mais  qui  nous  est  inconnu. 

Tout  étant  incertain  sur  la  source  qui  fournit  la  matière 
nutritive  du   fœtus,  sauf  ce  qui  concerne  la  vésicule  om- 


PHYSIOLOGIE    DÛ    FOETUS.  4o3 

bilicale  et  le  placenta;  la  même  incertitude  existant  rela- 
tivement à  l'espèce  de  matière  que  puise  dans  la  mère  ce 
dernier  organe;  on  conçoit  qu'on  doit  être  dans  les  mêmes 
embarras  ,  relativement  aux  actions  d'élaboration  qu'é- 
prouve la  matière  nutritive  pour  devenir  sang.  D'ailleurs  , 
probablement  ces  élaborations  ne  sont  pas  les  mêmes  aux 
diverses  époques.  Bornant  donc  ici  cette  indication  stérile 
d'hypothèses  que,  pour  la  plupart,  notre  esprit  repousse; 
admettant  seulement  ce  fait  ,  qu'à  l'instar  de  l'adulte  le 
fœtus  fait  son  sang,  nous  allons  terminer  cette  discussion 
en  disant  ce  qui  est  dans  le  fœtus  des  fonctions  de  diges- 
tion,  de  respiration  et  de  circulation,  qui  sont  celles  par 
lesquelles  l'adulte  accomplit  l'objet  dont  il  s'agit  dans  ce 
paragraphe. 

On  a  vu  que  presque  tous  les  auteurs  ont  admis  la  réa- 
lité d'une  digestion  dans  le  fœtus  ;  tour-à-tour  on  a  présenté 
comme  aliments  de  cette  fonction,  l'humeur  de  la  vésicule 
ombilicale  ,  l'eau  de  l'amnios,  un  mucus  sécrété  exprès  dans 
la  cavité  de  l'estomac  et  de  l'intestin,  enfin  les  sucs  folli- 
culaires propres  à  l'appareil  digestif.  Le  lecteur  a  pu  juger 
le  degré  de  vraisemblance  de  chacune  de  ces  hypothèses. 
Ce  qui  est  certain ,  c'est  que,  de  très  bonne  heure,  le  canal 
intestinal  contient  un  liquide  qui  change  de  qualités  aux 
diverses  époques  de  la  vie  fœtale  :  blanchâtre  et  muqueux 
dans  la  première  moitié  de  la  grossesse ,  graduellement  ce 
liquide  s'épaissit,  devient  poisseux,  d'un  jaune  vert,  et  est 
appelé  méconium.  Dès  le  troisième  mois  de  la  vie  du  fœtus, 
ce  méconium  est  distinct  dans  l'estomac;  à  quatre  mois,  il 
a  gagné  le  duodénum;  à  sept,  il  remplit  l'intestin  grêle;  et 
dans  les  deux  derniers  mois,  il  a  envahi  tout  le  gros  intestin 
jusqu'au  rectum  ;  il  est  évacué  par  l'anus  dans  les  premières 
heures  qui  suivent   la   naissance.  Ce  méconium  est-il  un 
excrément  fécal ,  et  par  conséquent  est-il  l'annonce  d'une 
digestion?  c'est  ce  qu'on  ne  peut  assurer,  mais  ce  qui  est 
assez  probable.  Seulement  cette  digestion  du  fœtus  devrais 
être  peu  de  chose ,  puisqu'après  un  temps  aussi  \long ,  elle 
laisserait  si  peu  de  fèces  ;  et  dès  lors,  malgré  ce  rudiment 
de  la  fonction,  on  peut  continuer  de  dire  avec  beaucoup 

26. 


4o4  VIE   INTRA-UTÉRINE. 

d'auteurs,  que  la  digestion  est  une  fonction  qui  ne  doit 

commencer  qu'après  la  naissance. 

Il  en  est  de  même  de  la  respiration,  si  on  considère  cette 
fonction  telle  qu'elle  s'accomplit  dans  l'adulte,  ayant  pour 
agent  le  poumon,  et  opérant  sur  l'air  lui-même  :  il  est  sûr 
que  rien  de  cela  n'a  lieu  chez  le  fœtus.  Nous  avons,  à  la 
vérité,  parlé  d'opinions  dans  lesquelles  on  a  voulu  faire 
respirer  à  cet  être  l'eau  de  l'amnios,  soit  à  la  surface  de  sa 
peau,  soit  dans  l'intérieur  du  poumon.  Mais  probablement 
le  lecteur  a  jugé  inadmissible  cette  hypothèse  qui  faisait  du 
fœtus  un  animal  aquatique  ;  s'il  est  plongé  dans  un  liquide, 
e'est  plus  probablement  dans  des  vues  relatives  à  l'entretien 
de  sa  température.  Cependant,  ilest  un  autre  rapport  d'après 
lequel  on  peut  dire  que  le  fœtus  respire,  ou  du  moins  a  l'analo- 
gue d'une  respiration.  Presque  tous  les  physiologistes  croient 
que  le  sang  du  fœtus  va ,  à  chaque  cercle  circulatoire ,  se 
revivifier  dans  le  placenta ,  comme  va  le  faire  dans  le  pou- 
mon celui  de  l'adulte;  et  qu'ainsi  le  placenta  est,  pour  le 
fœtus,  «n  organe  de  respiration.  Ils  se  fondent  :  1°  sur  l'in- 
dispensable nécessité  d'une  respiration,  ou  d'une  préhen- 
sion d'air,  dans  tous  les  êtres  vivants;  2°  sur  la  nécessité 
non  moins  prochaine  dont  est,  pour  la  vie  du  fœtus,  la 
libre  circulation  du  sang  de  cet  être  avec  le  placenta  par 
le  cordon;  3°  sur  l'analogie  des  oiseaux,  chez  lesquels  les 
vaisseaux  ombilicaux  servent  à  la  respiration;  l'allantoïde, 
à  laquelle  .se  rendent  ces  vaisseaux,  aspirant  l'air  extérieur 
à  travers  les  pores  de  la  coquille  ;  4°  enfin  ,  sur  l'analogie 
qui  existe  entre  la  circulation  pulmonaire  de  l'adulte  ,  et  la 
circulation  placentale  du  fœtus.  On  verra  ,  en  effet ,  que  si , 
dans  l'adulte,  c'est  le  sang  qui  a  servi  aux  nutritions  qui 
estenvoyé  au  poumon ,  c'est  aussi  ce  même  sang  qui ,  dans 
le  fœtus,  estenvoyé  au  placenta  ;  la  seule  différence  est  que  , 
dans  l'adulte,  c'est  tout  le  sang  qui  a  servi  qui  va  au  pou- 
mon, tandis  que,  dans  le  fœtus,  ce  n'est  qu'une  partie  de 
ce  sang  qui  va  au  placenta.  Pour  ne  conserver  aucun  doute 
sur  cette  assertion  des  auteurs,  il  faudrait  qu'il  existât  une 
différence  sensible  entre  le  sang  qui  revient  du  placenta  par 
la  veine  ombilicale ,  et  celui  qui  est  porté  à  cet  organe  par 


PHYSIOEQ&ÎË   DÛ    FOETUS.  4 0-5 

les  artères  du  même  nom  ;  comme  dans  l'adulte,- il  J  a  une 
différence  tranchée  entre  le  sang  artériel  et  le  sang  veineux. 
Malheureusement  cette  différence  n'est  pas  apparente;  les 
deux  sangs  ont  une  couleur  semblable,  également  foncée 
dans  ces  deux  ordres  de  vaisseaux,  et  aussi  foncée  que  le  sang 
veineux  de  la  mère»  Cependant ,  tout  ce  point  de  doctrine  a 
pour  lui  de  grandes  probabilités  \  d'autant  plus  que ,  dans 
les  oiseaux,  le  sang  de  la  veine  ombilicale  se  distingue  évi- 
demment par  sa  couleur  vermeille  ,-  de  celui  de  la  veme- 
porte.  Dès  lors ,  on  doit  croire  que  la  revivifîcation  du  sang 
du  fœtus  dans  le  placenta  se  fait,  comme  celle  du  sang  de 
l'adulte  dans  le  poumon  ,  par  l'absorption  de  quelques  élé- 
ments seulement,  ou  de  plus  par  la  perspiration  de  quel- 
ques autres.  Mais,  il  est  impossible  de  pénétrer  le  phéno- 
mène, et  chacun  a  fait  diverses  conjectures.  Nous  avons 
déjà  dit  que  M.  Meckel n'attribuait  d'autre  officeau placenta- 
que  de  servir  à  une  respiration;,  le  sang  du  foetus  vient  s'y 
oxygéner,  à  l'aide  du  sang  de  la  mère,  qui  tient  lieu  ici  div^ 
milieu  environnant.  Selon  M.  Lobstein  ,  le  placenta  n'a- 
aussi,  dans  le  dernier  temps  de  la  grossesse,  que  cet  office  'r 
mais  dans  le  commencement  ,  il  est  en  outre  chargé  de 
puiser  directement  dans  l'utérus,  une  matière  nutritive. 
Selon  Bédard,  cet  organe  est,  pendant  toute  la  vie  intra- 
utérine  ,  chargé  de  puiser  dans  la  mère  des  matériaux  nu- 
tritifs; mais  de  plus ,  à  la  fin  de  la  grossesse  il  accomplit 
l'action  de  respiration  dont  il  s'agit  ici.  Selon  d'autres7 
enfin  ,  non-seulement  le  placenta  revivifie  le  sang  du  fœtus , 
à  l'instar  du  poumon  de  l'adulte;  mais  encore  il  exerce  une 
action  d'hématose  primitive  sur  la  matière  nutritive,  quelle 
qu'elle  soit,  qu'il  puise  directement  dans  l'utérus.  Ainsi, 
autant  de  doctrines  sur  le  phénomène,  que  l'esprit  a  en- 
trevu de  modes  d'exécution  possibles.  Schreger  dit  que, 
dans  cette  espèce  de  respiration  par  le  placenta ,  le  sang  des 
artères  ombilicales  se  dépouille  de  quelques  parties  hétéro- 
gènes ,  par  une  perspiration  qui  est  l'analogue  de  la  perspi- 
ration pulmonaire^  et  que  celui  de  la  veine  ombilicale,  au 
contraire ,  s'est  enrichi  d'un  principe  quelconque ,  par  une 
absorption  qui  est  l'analogue  de  celle  de  l'oxygène  dans  lâ> 


4o6  VIE    lJNTilA-UTÉRILYE. 

respiration  de  l'adulte.  Entre  toutes  ces  conjectures  nous 
ferons  remarquer,  comme  la  moins  admissible,  celle  de 
Schweighaeuser,  qui  veut  que  le  placenta  ne  serve  qu'à  con- 
vertir en  sang  veineux  le  sang  apporté  par  les  artères  ombi- 
licales, pour  rendre  ce  sang  propre  à  la  formation  de  la  bile,  et 
à  celle  des  parties  solides  du  fœtus  et  notamment  du  système 
nerveux.  D'abord ,  il  est  douteux  que  la  bile  provienne  d'un 
sang  veineux;  et,  en  supposant  que  cela  soit,  n'y  a-t-il  pas 
le  sang  de  la  veine-porte ,  pour  alimenter  cette  sécrétion  ? 
Quant  au  système  nerveux  et  aux  parties  solides  du  corps, 
toutes  réclament,  pour  leur  nutrition  ,  un  sang  artériel. 

Il  reste  à  parler  de  la  circulation  du  sang  dans  le  fœtus. 
Elle  varie  aux  diverses  époques  de  la  vie  intra-utérine.  On 
l'a  d'abord  étudiée  dans  le  poulet.  Nous  avons  vu,  en  par- 
lant du  développement  du  poulet  dans  l'œuf,  que  le  sang 
apparaît  d'abord  dans  les  veines  de  la  membrane  vitellaire  ; 
que  ces  veines  sont  la  première  origine  de  la  veine-porte  ; 
que  successivement  celle-ci  offre  un  triple  renflement  qui 
est  le  rudiment  du  cœur ,  et  le  commencement  de  l'aorte  ; 
et  qu'enfin  l'aorte  se  prolonge  pour  former  l'artère  de  la 
membrane  vitellaire.  Dans  les  premiers  temps,  la  circula- 
tion est  très  simple,  et  forme  un  cercle  unique;  le  sang  est 
apporté  de  la  membrane  vitellaire  par  des  veines  au  cœur 
du  fœtus,  et  renvoyé  du  cœur,  par  des  artères,  aux  parties 
de  cet  être  et  à  la  membrane  vitellaire.  Plus  lard,  vers  le 
quatrième  jour,  se  développent  d'un  côté,  la  veine  allan- 
toïdienne  ou  ombilicale,  qui  se  joint  à  la  veine-porte;  et  de 
l'autre,  les  artères  allantoïdiennes  ou  ombilicales,  qui  sont 
des  continuations  de  l'aorte.  Alors  la  circulation  est  déjà 
plus  compliquée;  elle  présente  deux  cercles  en  debors,  le 
vitellaire  et  l'allantoïdien  ;  mais  ces  deux  cercles  sont  encore 
dans  le  fœtus  confondus  en  un  seul,  car  les  deux  veines 
aboutissent  à  un  seul  tronc  ,  la  veine-porte  ;  les  deux  artères 
proviennent  d'une  seule  artère ,  l'aorte  ;  et  il  n'y  a  qu'un 
seul  cœur,  une  seule  oreillette  ,  un  seul  ventricule.  Enfin, 
la  circulation  devient  double  comme  dans  l'adulte ,  lorsque 
l'aorte  pousse  ses  branches  ascendantes,  que  l'oreillette  se 
divise,  que  le  ventricule  se  double,  et  que  se  développent 


PHYSIOLOGIE   DU   FOETUS.  £07 

les  branches  de  l'artère  pulmonaire.  Jl  est  probable  que  la 
même  gradation  a  lieu  dans  ■  l'embryon,  humain;  mais  le 
premier  degré,  la  circulation  isolée  des  vaisseaux  de  la  vési- 
cule ombilicale ,  n'a  jamais  été  vu;  et  on  ne  commence  à  voir 
la  circulation  qu'à  partir  du  second,  quand  les  vaisseaux 
ombilicaux  se  sont  développés.  Il  y  a  deux  opinions  sur  ce 
qu'elle  est  alors,  celle  de  TVolf  el  Sabatier,  et  celle  de  Bi- 
chat  et  M.  Magendie.  On  se  rappelle  ce  que  nous  avons  dit 
de  la  disposition  des  parties  de  l'appareil  circulatoire;  l'o- 
reillette ,  d'abord  unique ,  s'est  partagée  en  deux  par  une 
cloison  percée  d'un  trou ,  dit  de  Botal  ;  une  valvule  diminue 
graduellement  la  communication  que  ce  trou  laisse  entre  les 
deux  oreillettes,  et  la  fait  cesser  tout-à-fait  à  la  naissance; 
près  l'orifice  de  la  veine-cave  inférieure,  dans  l'oreillette 
droite,  est  une  valvule  dite  à'Eustachi ,  qui  est  disposée  de 
manière  à  diriger  le  sang  apporté  par  cette  veine  dans  le 
trou  de  Botal;  l'artère  pulmonaire,  dont  les  divisions  au 
poumon  augmentent  graduellement,  se  rejoint  à  l'aorte  par 
un  canal  dit  artériel;  les  deux  artères  ombilicales,  prove- 
nant des  iliaques  primitives ,  vont  au  placenta  ;  et  enfin  r  la 
veine  ombilicale  aboutit,  en  partie  dans  la  veine-porte,  en 
partie,  par  une  anastomose  dite  canal  veineux ,  dans  la 
veine-cave  inférieure.  Voici  maintenant  quel  est,  selon  TVolf 
et  Sabatier y  le  cours  du  sang.  i°Le  sang  absorbé  dans  le 
placenta  par  les  radicules  de  la  veine  ombilicale  est  porté 
par  cette  veine ,  en  partie  par  la  veine-porte  dans  le  foie ,  en 
partie  par  le  canal  veineux  dans  la  veine-cave  inférieure  et 
mêlé,  en  ce  dernier  lieu,  au  sang  que  les  veines  rapportent 
des  parties  inférieures  du  fœtus,  il  va,  par  ces  deux  voies, 
aboutir  à  l'oreillette  droite  du  cœur.  20  En  raison  de  la  val- 
vule d'Eustachi ,  le  sang  versé  par  cette  veine-cave  infé- 
rieure dans  l'oreillette  droite  passe  aussitôt  par  le  trou  de 
Botal  dans  l'oreillette  gauche,  sans  se  mêler  au  sang  qu'ap- 
porte, des  parties  supérieures  du  fœtus  dans  cette  même 
oreillette  droite,  la  veine-cave  supérieure  :  par  cet  artifice, 
l'oreillette  gauche  est  aussi  développée  que  la  droite ,  ce  qui 
ne  devrait  pas  être,  si  elle  ne  recevait  de  sang  que  du  pou- 
mon. 3°  De  l'oreillette  gauche  ,  le  sang  passe  dans  le  ventri- 


4oê  VIE   INTRA-UTÉRINE. 

cule  gauche,  et  du  ventricule  gauche,  dans  l'aorte  ascen- 
dante, et  les  parties  supérieures  du  corps  du  fœtus,  4°  Il  en 
est  rapporté*  par  la  veine-cave  supérieure,  dans  l'oreillette 
droite.  5°  De  cette  oreillette,  il  passe  dans  le  ventricule 
droit  et  dans  l'artère  pulmonaire.  6°  L'artère  pulmonaire 
le  dirige  en  petite  partie  au  poumon ,  et  en  partie  bien  plus 
grande ,  par  le  canal  artériel ,  dans  l'aorte  descendante. 
7°  Enfin,  l'aorte  descendante  le  pousse  en  partie  à  la  moitié 
inférieure  du  fœtus,  d'où  il  est  rapporté  à  la  veine-cave  in- 
férieure, et  en  partie  par  les  artères  ombilicales  au  pla- 
centa ,  où  nous  avions  fait  commencer  la  circulation.  Ainsi, 
il  résulte  de  ce  mode  de  circulation  :  i<>  que  tout  le  sang 
n'est  pas  revivifié  en  entier  dans  le  placenta,  comme  l'est 
tout  le  sang  veineux  dans  le  poumon  chez  l'adulte,  mais 
qu'il  n'y  en  a  qu'une  partie ,  comme  chez  les  reptiles;  2°  qu'à 
cause  de  cela,  les  deux  systèmes  circulatoires  ne  sont  pas 
isolés,  comme  ils  le  sont  cliez  l'adulte,  puisqu'il  y  a  com- 
munication entre  les  deux  oreillettes,  entre  les  artères  pul- 
monaire et  aorte;  3°  que  le  lieu  d'abouchement  des  deux 
sangs  n'est  pas  l'oreillette  ,  comme  chez  les  reptiles  ,  mais  la 
veine -cave  inférieure;  4°  que  cependant  les  parties  ne  re-r 
çoivent  pas  un  sang  également  bon ,  puisque  les  supérieures 
reçoivent  celui  qui  vient  immédiatement  du  placenta,  et 
qu'on  peut  supposer  le  meilleur,  tandis  que  les  inférieures 
ne  reçoivent  ce  sang  qu'après  qui!  a  parcouru  la  moitié  sut 
périeure  du  fœtus;  5°  qu'enfin  il  y  a,  en  quelque  sorte,  oppo- 
sition entre  les  systèmes  circulatoires  supérieur  et  inférieur, 
ces  systèmes  se  croisant  en  8  de  chiffre  au  cœur,  la  veine-^cave 
inférieure  alimentant,  par  le  trou  de  Botal  ,  l'oreillette 
gauche  et  l'aorte  ascendante,  et  la  veine-cave  supérieure 
alimentant  l'oreillette  droite,  et,  par  le  canal  artériel, 
l'aorte  descendante. 

Au  contraire,  Biçkai  et  M.  Magendie  nient  cet  isolement 
du  sans:  des  deux  veines-caves  dans  l'oreillette  droite.  Pour 
qu'il  fût  possible,  disent-ils,  il  faudrait  que  les  deux  oreil- 
lettes et  les  deux  ventricules  du  cœur  se  contractassent  sé- 
parément, ce  qui  n'est  pas.  Selon  eux,  les  sangs  des  deux 
Veines-caves  se  mêlent  dans  l'oreillette  droite;  mais  à  raison. 


PHYSIOLOGIE   DU    FOETUS.  4og 

du  trou  de  Botal  et  de  Ja  valvule  d'Eustachi,  l'oreillette 
gauche  en  est  remplie  en  même  temps  que  la  droite.  Dès 
lors,  si  les  deux  sangs  se  mêlent  à  ce  lieu,  c'est  un  même 
sang  qui  est  projeté  dans  les  aortes  ascendante  et  descen- 
dante, et  l'on  ne  peut,  par  la  différence  de  ce  sang,  expli- 
quer la  différence  de  développement  des  moitiés  supérieure 
et  inférieure  du  fœtus,  et  admettre  que,  si  les  parties  su- 
périeures ont  un  développement  plus  hâtif  que  les  inférieu- 
res, c'est  qu'elles  reçoivent  un  sang  meilleur.  Ils  expliquent 
l'existence  du  trou  de  Botal  par  la  nécessité  de  faire  parve- 
nir du  sang  à  l'oreiilette  gauche;  celle  du  canal  artériel ,  par 
le  hesoin  de  dériver  vers  l'aorte  un  sang  qui  ne  peut  alors 
aller  au  poumon  ;  et  si  enfin  les  deux  ventricules  reunissent 
alors  leur  action  pour  projeter  tout  le  sang  dans  l'aorte , 
c'est,  disent-ils,  qu'il  n'y  a  pas  trop  de  leur  puissance  réu- 
nie pour  faire  parvenir  ce  fluide  jusqu'au  placenta.  Les 
différences  d'avec  l'adulte  sont  toujours  :  qu'il  n'y  a  qu'une 
partie  du  sang,  et  non  sa  totalité ,  qui  va  se  revivifier  dans 
le  placenta;  que  c'est  au  système  veineux  inférieur,  et  non 
au  supérieur,  qu'arrivent  les  substances  réparatrices;  que 
c'est  à  l'oreillette  droite,  et  non  à  la  gauche,  qu'arrive  le 
sang  nouveau  ;  et  qu'enfin  c'est  au  placenta ,  et  non  au  pou- 
mon, qu'est  opposé  le  système  capillaire  géuéral. 

Outre  la  controverse  relative  au  mélange  ou  à  l'iso- 
lement des  sangs  des  deux  veines -caves  dans  l'oreillette 
droite  ,  controverse  dans  laquelle  nous  penchons  pour  l'avis 
de  Bichal  et  de  M.  Magendie,  il  en  en  est  une  autre  bien  plus 
difficile  à  résoudre.  Le  sang  versé  par  les  artères  ombili- 
cales dans  le  placenta  revient-il  en  entier,  ou  en  partie  seu- 
lement, par  la  veine  ombilicale  ?  ou  est-il  reporté  en  totalité 
ou  en  partie  dans  la  mère  par  les  veines  utérines  ?  La  réponse 
à  cette  question  dépend  de  l'opinion  qu'on  se  fait  des  fbnc^ 
tions  du  placenta.  Ceux  des  physiologistes  qui  font  de  cet 
organe  un  agent  de  respiration,  admettent  que  le  sang  des  ai> 
tères  ombilicales  est  presque  en  entier  rapporté  par  la  veine, 
après  avoir  été  revivifié,  soit  par  quelques  nouveaux  prin* 
cipes  qu'il  a  aequis,  soit  par  quelques  éléments  dont  il  a, 
été  dépouillé.  Mais  il  est  quelques  auteurs  qui  font  aussi  du 


4»0  VIE   INTRA-UTÉRINE, 

placenta  un  organe  d'excrétion ,  analogue  au  rein ,  comme 
nous  le  dirons  ci-après;  et,  dans  cette  hypothèse,  le  sang 
des  artères  ombilicales  se  perdrait  tout-à-fait  dans  le  pla- 
centa, et  par  conséquent  dans  la  mère,  sans  plus  retourner 
au  fœtus. 

Toutefois ,  à  mesure  qu'on  approche  de  la  naissance ,  la 
circulation  se  rapproche  du  mode  qu'elle  présente  dans  l'a- 
dulte. Une  valvule  rétrécit  graduellement  le  troudeBotal, 
et  finit  par  l'oblitérer;  la  valvule  d'Eustachi  diminue;  les 
Vaisseaux  artériels  du  poumon  augmentent,  et  plus  le  sang 
arrive  à  cet  organe,  plus  le  canal  artériel  se  rétrécit.  La  quan- 
tité de  sang  de  la  veine-cave  inférieure  qui  se  mêle  à  celui 
de  la  veine-cave  supérieure  pour  aller  au  ventricule  droit  et 
non  à  l'oreillette  gauche  par  le  trou  de  Botal ,  va  en  aug- 
mentant sans  cesse  jusqu'à  la  naissance.  Enfin,  il  en  est  de 
même  et  coïncidemment ,  de  la  quantité  de  sang  qui,  du 
ventricule  droit,  va  au  poumon  et  revient  à  l'oreillette 
gauche;  et  de  celle  qui,  du  ventricule  gauche,  va  à  l'aorte 
descendante. 

§  III.   appropriation  du  sang  du  Fœtus  aux  parties  de  cet  être  pour  la 
nutrition  proprement  dite. 

Nous  venons  de  chercher  successivement  quels  maté- 
riaux nutritifs  servent  à  la  formation  du  sang  du  fœtus, 
comment  se  fait  ce  fluide,  et  comment  il  est  conduit  dans 
les  organes.  Il  faut  voir  maintenant  ce  qu'est  ce  sang,  et 
comment  il  nourrit  les  parties  et  leur  est  approprié.  Sous 
le  premier  rapport,  le  sang  du  fœtus  ressemble  beaucoup 
à  celui  de  l'adulte;  il  est  rouge;  par  le  repos  il  se  coagule 
et  se  partage  en  sérum  et  en  caillot;  seulement  il  est  plus 
riche  en  sérum,  plus  pauvre  en  globules,  et  sans  aucune 
trace  d'acide  ni  de  sels  phosphoriques.  Sous  le  second  rap- 
port ,  il  doit  servir  à  alimenter  les  nutritions,  les  calorifi- 
calionsetîes  sécrétions  du  fœtus. 

io  Les  nutritions  proprement  dites  du  fœtus  se  font  sans 
doute  par  le  même  mécanisme  que  celles  de  l'adulte;  elles 
consistent  aussi  dans  la  conversion  de  son  sang  dans  la  sub- 
stance de  ses  organes.  En  effet ,  il  est  certain  que  les  diverses 


PHYSIOLOGIE   DU    FOETUS.  4  »  ï 

parties  du  corps  ne  se  montrent  que  postérieurement  à  leurs 
artères  ,  qu'elles  apparaissent  dans  le  même  ordre  que  sont 
créés  leurs  vaisseaux  sanguins ,  que  leur  développement  se 
fait  dans  la  direction  que  suivent  leurs  vaisseaux ,  et  qu'en- 
fin leur  volume  et  les  divers  degrés  d'activité  de  leur  ac- 
croissement sont  en  raison  du  nombre  et  du  calibre  de  leurs 
artères.  Nous  avons  déjà  reconnu  la  vérité  de  ces  assertions 
à  l'égard  du  système  nerveux,  et  elles  ne  sont  pas  moins 
vraies  en  ce  qui  concerne  tous  les  autres  systèmes  du  corps. 
Il  est  sûr  que  les  diverses  parties  du  corps  ne  se  succèdent 
les  unes  aux  autres  dans  leur  développement  qu'à  mesure 
que  leurs  artères  se  succèdent  elles-mêmes  et  acquièrent 
tour-à-tour  un  plus  grand  volume.  Si  l'artère  d'une 
partie  diminue  de  calibre  ou  s'oblitère  tout-à-fait ,  cette 
partie  ne  se  développe  pas,  reste  rudimentaire  ,  ou  même 
manque  en  entier  ;  et  c'est  ainsi  ,  pour  le  dire  en  passant , 
que  la  plupart  des  monstruosités  reconnaissent  pour  causes 
des  vices  dans  le  système  vascuiaire  artériel.  Or,  pourquoi 
tous  ces  rapports  entre  les  artères  et  la  nutrition  des  par- 
ties, si  ce  n'est  que  celles-ci  sont  formées  aux  dépens  du 
sang  qu'apportent  celles-là?  Quelles  plus  fortes  preuves 
peut-on  donner  que  les  divers  organes  sont  comme  sécrétés 
par  le  travail  des  artères  sur  le  trajet  de  ces  vaisseaux;  et 
par  conséquent  que  les  nutritions  du  fœtus  consistent, 
comme  celles  de  l'adulte,  dans  la  solidification  du  sang? 

Mais  ici  se  présente  un  phénomène  que  nous  verrons  se 
prolonger  pendant  une  bonne  partie  de  la  vie  extra-utérine, 
et  dont  nous  n'avons  pas  parlé  en  traitant  de  la  nutrition 
dans  l'âge  adulte,  c'est  celui  de  V accroissement.  Non-seule- 
ment chaque  partie  se  nourrit,  mais  encore  elle  croît.  En 
quoi  consiste  ce  phénomène  d'accroissement  ?  D'abord,  dans 
l'origine  de  la  vie ,  l'accroissement  ne  consiste  pas  simple- 
ment dans  une  augmentation  du  volume  et  des  dimensions 
des  organes  ;  mais  il  entraine  des  changements  entiers  de 
texture,  de  véritables  métamorphoses,  et  par  conséquent 
une  véritable  formation  de  parties  nouvelles  aux  dépens  du 
sang.  En  effet,  dans  les  premiers  temps,  le  fœtus  n'est 
qu'une  masse  homogène,  dans  laquelle  on  ne  peut  distin- 


4i2  VIE  INTRA-UTÉRINE, 

guer  aucuns  des  systèmes  et  appareils  qu'il  offrira  par  la 
suite  :  il  n'est  guère  possible  de  croire  que  ,  dès  cette  épo- 
que, il  contient  déjà  en  lui,  mais  en  miniature  et  roulés 
sur  eux-mêmes,  tous  ses  organes,  comme  l'ont  dit  ceux  qui 
ont  pris  le  mot  d'évolution  dans  toute  sa  rigueur.  Il  est  bien 
plus  probable  d'admettre ,  comme  on  le  fait  aujourd'hui, 
que  son  organisation,  très  simple  d'abord,  s'est  métamor- 
phosée successivement,  mais  sans  qu'on  sache  comment,  en 
d'autres  organisations  plus  compliquées;  et  Ton  peut  en 
donner  comme  preuve  la  remarquable  particularité  que 
nous  a  offert  le  fœtus  humain  ,  de  présenter  successivement, 
dans  ses  systèmes  nerveux  ,  osseux,  vasculaire,  digestif,  etc., 
les  formes  qui  appartiennent  à  chacune  des  quatre  classes 
d'animaux  vertébrés.  En  second  lieu,  lorsque  plus  tard  ,  le 
fœtus  a  acquis  toutes  les  parties  que  nous  avons  vu  consti- 
tuer l'homme  adulte ,  l'accroissement  ne  consiste  plus  que 
dans  une  augmentation  du  volume  et  des  dimensions  de 
ces  parties;  mais  il  est  probable  que  cette  augmentation 
n'est  due  encore,  comme  dans  le  cas  précédent,  qu'à  la 
formation  de  molécules  nouvelles  qui  sont  comme  sécrétées 
des  artères,  et  surajoutées  aux  anciennes.  C'est  ce  qu'on  voit, 
en  effet  avec  évidence ,  dans  les  os  par  exemple  ;  l'accrois- 
sement, des  os  longs  tient  à  la  formation  et  à  l'ossification 
successive  d'une  couche  mince  de  cartilage  qui  apparaît  entre 
leur  corps.et  leurs  épiphyses  ;  celui  des  os  plats,  et  l'accrois- 
sement en  épaisseur  de  tout  os  quelconque  résultent  aussi  de 
la  formation  et  ossification  d'une  semblable  couche  créée  par 
les  vaisseaux  sanguins  entre  l'os  et  le  périoste.  Biekat ,  em- 
brassant le  phénomène  de  l'accroissement  dans  les  deux  de- 
grés, supposait  un  parenchyme  dénutrition,  partout  le  même 
dans  l'origine,  mais  dans  lequel  ensuite  s'isolaient  tous 
Jes  organes,  à  mesure  que  chacune  des  régions  de  ce  paren- 
chyme s'incrustait  d'une  substance  nutritive  diverse.  Mais 
peut-on  se  contenter  aujourd'hui  d'une  notion  aussi  vague, 
et  qui  d'ailleurs  laisse  la  difficulté  tout  entière?  Comment 
a  été  fait  dans  son  origine  ce  prétendu  parenchyme  de  nu- 
trition ?  Pourquoi  chacune  de  ses  régions  s'incruste-t-elle 
d'une  substance  nutritive  diverse ,  et  devient-elle  ainsi  un 


PHYSIOLOGIE    DU    FOETUS.  4  l"$ 

système,  un  tissu  distinct?  Comment  les  dimensions  de  ce 
parenchyme  augmentent-elles  ?  Dira-t-on  qu'en  vertu  d'une 
force  d'expansion,  il  s'est  alongé  en  tout  sens,  de  manière 
à  pouvoir  admettre  entre  ses  interstices  pins  écartées  un 
plus  grand  nombre  de  molécules  constituantes  ?  Mais  c'est 
là  une  supposition  gratuite  que  même  les  faits  récusent; 
car  dans  leur  accroissement,  les  organes,  non-seulement 
s'alongent,  mais  acquièrent  plus  d'épaisseur.  Tout  annonce 
que  si,  dans  l'origine,  les  organes  ont  été  formés  par  le 
dépôt  de  molécules  provenant  du  sang  des  artères  ;  de  même 
leur  accroissement  en  tontes  dimensions,  résulte  du  dépôt 
de  semblables  molécules  apportées  parle  sang  et  placées  à  la 
suite  des  premières.  C'est  ce  que  démontrent  Tostéogénie,  et 
le  mode  de  foi*mation  des  parties  nerveuses,  et  surtout  celui 
de  la  moelle  spinale  et  de  l'encéphale,  qui  sont  évidemment, 
sécrétés  par  la  pie-mère.  C'est  ce  que  prouve  l'examen  des 
parties  qui  se  reproduisent  ;  soit  que  ces  parties  doivent 
tomber  et  se  renouveler  chaque  année,  comme  les  bois  des 
eerfs;  soit  que  la  chute  de  ces  parties,  et  par  conséquent 
leur  renouvellement,  aient  été  accidentelles,  comme  cela 
est  des  pattes,  de  la  queue  des  crustacés,  etc.  Le  seul  fait  à 
faire  valoir  en  faveur  de  l'idée  d'un  canevas  primitif,  est 
la  limite  dans  laquelle  est,  dans  toute  espèce  animale,  ren- 
fermé l'accroissement,  non-seulement  du  corps  entier,  mais 
de  tout  organe  en  particulier;  et  encore  ce  fait  peut-il  s'ex- 
pliquer par  les  rapports  établis  entre  les  organes  qui  font  le 
sang,  la  quantité  de  sang  que  ces  organes  peuvent  faire,  le 
volume  que  peuvent  acquérir  les  artères,  et  le  balancement 
qui  s'établit  entre  ces  vaisseaux.  Mais  ce  n'est  pas  ici  le  lieu 
de  rechercher  ce  qui  limite  l'accroissement;  etbornântl'étude 
de  ce  phénomèneàce  qu'il  est  dans  le  fœtus,  nous  renvoyons 
à  ce  que  nous  avons  dit  du  développement  de  chacun  des  sys- 
tèmes et  appareils  de  cet  être.  Nous  ferons  remarquer  seule- 
ment que  l'accroissement  estdans  le  fœtus  très  actif,  et  d'au- 
tant plus  que  cet  être  est  plus  jeune.  Sœmmering  a  même 
prétendu  que  l'activité  de  cet  accroissement  était  alternative- 
mentpius  grandeetplus  petite;  par  exemple,  qu'extrême  dans 
le  premier  mois,  elle  diminuait  dans  le  second,  redoublait 


4  1  4  VIE   INTRA-UTÉRINE, 

dans  le  troisième,  diminuait  encore  dans  le  quatrième,  s'accé- 
lérait de  nouveau  jusqu'au  sixième,  et  enfin  allait  alors  en  di- 
minuant jusqu'à  la  naissance.  Mais  ces  derniers  faits  sont  diffi- 
ciles à  constater^  cause  des  nombreuses  variétés  individuelles, 
et  de  l'impossibilité  de  connaître  l'âge  précis  des  fœtus 
abortifs.  Cependant  M.  Meckela.  cru  qu'il  était  possible  d'en 
donner  l'explication  ,  en  ayant  égard  aux  changements  qui 
se  font  dans  la  vésicule  ombilicale  et  Je  placenta,  le  pre- 
mier de  ces  organes  se  détruisant  dans  le  deuxième  mois ,  et 
le  second  voyant  ses  vaisseaux  s'oblitérer  en  nombre  d'au- 
tant plus  grand  qu'on  approche  plus  de  l'instant  de  l'accou- 
chement. 

2°  Il  est  difficile  d'avoir  des  notions  un  peu  précises  sur 

la  température  du  fœtus  :  on  ne  sait  pas  si  elle  varie  dans  les 

diverses  parties  de  son  corps  ;  il  paraît  seulement  que  dans 

sa  totalité,  elle  est  inférieure  de  trois  à  quatre  degrés  à 

celle  de  la  mère.  Cela  est  en  rapport  avec  les  expériences  de 

M.  Edwards,  qui  ont  montré  que  beaucoup  de  mammifères 

naissent  animaux  à  sang-froid  ,  et  que,  même  chez  ceux  qui 

naissent  à  sang  chaud  ,  la  faculté  de  produire  de  la  chaleur 

est  toujours  à  la  naissance  à  son  minimum.  Or,  si  à  cette 

époque  de  la  vie  ,  bien  que  la  respiration  pulmonaire  ait 

commencé  ,  la  calorification  est  peu  puissante  ,  elle  doit 

l'être  moins  encore  pendant  la  vie  fœtale  ,  dans  laquelle  la 

respiration  aérienne  ne  se  fait  pas.  Nous  avons  dit  que  la 

respiration  paraissait  avoir  pour  but  de  rendre  au  sang  ce 

que  les  calorifications  avaient  fait  dépenser  à  ce  fluide  :  or, 

cette  respiration  chez  le  fœtus,  si  elle  se  fait,  a  lieu  dans 

le  placenta  ;  elle  est  peu  de  chose  ;  et  par  conséquent,  on 

peut  croire  que  la  faculté  de  produire  de  la  chaleur  est , 

chez  cet  être ,  assez  faible.  Sa  situation  dans  le  sein  de  sa  mère 

rendait  cette  faculté  peu  nécessaire;  il  avait  plutôt  besoin 

de  se  défendre  du  calorique  surabondant  que  dégage  celle-ci, 

et  qui  doit  tendre  à  le  pénétrer;  et  c'est,  dit-on,  un  des 

offices  de  l'eau  de  l'amnios.  On  assure  au  moins  que  le  fœtus 

mort  a  une  température  plus  élevée  que  le  fœtus  vivant  ; 

ce  qui  prouve  que  cet  être  a  en  lui  un  moyen  quelconque 

de  refroidissement.  Toutefois,  comme  tout  être  vivant,  le 


PHYSIOLOGIE   DU    FOETUS.  4l5 

fœtus  doi  t  produire  le  calorique  duquel  dépend  sachaleur;  si 
sa  chaleur  lui  venait  de  sa  mère  par  communication,  il  devrait 
avoir  la  température  de  celle-ci;  et,  admettant  en  lui  des  ac- 
tions de  calorifieation,  ces  actions  doivent  se  faire  aux  dépens 
du  sang  et  d'après  le  même  mécanisme  que  dans  l'adulte. 

3°  Il  en  est  de  même  enfin  des  sécrétions  :  si  le  fœtus  a 
déjà  quelques  sécrétions  en  activité,  c'est  son  sang  qui  sans 
aucun  doute  les  alimente,  et  qui,  par  l'action  des  organes 
sécréteurs ,  est  transformé  dans  l'humeur  sécrétée.  La  ques- 
tion se  réduit  donc  à  indiquer  les  sécrétions  qui  se  font 
chez  le  fœtus.  Dans  un  article  à  part,  nous  allons  parler 
des  excrémentitielles.  Quant  aux  récrémentitielles ,  la  des- 
cription anatomique  que  nous  avons  donnée  des  parties  r 
indique  celles  qui  existent;  à  mesure  que  sont  formées  les 
membranes  séreuses  ,  synoviales ,  médullaires  ,  apparaissent 
les  humeurs  dont  ces  membranes  sont  les  organes  sécré- 
teurs, mais  avec  un  caractère  mucilagineux  plus  marqué  que 
dans  les  âges  suivants  :  les  humeurs  de  Fœil ,  de  l'oreille 
se  montrent  avec  les  organes  dont  elles  font  partie  consti- 
tuante ;  la  graisse  a  paru  dès  le  cinquième  mois  sous  là 
peau,  etc. 

§  IV.  Des  excrétions  du  Fœtus. 

Toute  nutrition  suppose  décomposition,  en  même  temps 
que  composition;  le  fœtus,  par  conséquent ,  doit ,  non-seu- 
lement s'approprier  sans  cesse  de  nouveaux  matériaux ,  mais 
encore  rejeter  quelques-uns  de  ceux  qui  le  formaient  ,  et 
avoir  des  excrétions.  Il  est  possible  cependant  que  cela  n'ait 
pas  lieu  dans  les  premiers  temps  de  la  grossesse,  et  qu'il 
n'y  ait  alors  dans  le  fœtus  que  composition.  On  conçoit,  en 
effet,  que  les  éléments  ont  besoin  de  faire  quelque  temps 
partie  des  organes,  et  de  se  livrer  quelque  temps  à  l'exercice 
de  la  vie,  pour  être  altérés  et  demander  à  être  remplacés. 
Mais  cela  doit  bientôt  arriver,  ces  éléments  étant  très  géla- 
tineux, et  ayant  reçu  une  nature  bien  plus  délicate  ,  bien 
moins  résistante  que  par  la  suite  ;  et  il  est  sûr  qu'à  la  fin 
de  la  grossesse  au  moins,  le  fœtus  a  des  excrétions.  Quelles 
ont-elles?  On  en  a  admis  quatre  principales.  t«  La  sécrétion 


4  i  6  VIE   INTRA-UTÉRINE. 

urinaire.  Les  uns  ont  dit  que  cette  sécrétion  dépuratrice, 
en  activité  dès  les  premiers  temps  de  la  vie  utérine  ,  don- 
nait naissance  à  l'humeur  de  l'allantoïde.  Les  autres  en  ont 
fait  couler  le  produit  par  l'urètre  dans  la  cavité  de  l'amnios. 
Nous  avons  déjà  discuté  la  première  de  ces  opinions,  et 
nous  devons  avouer  que  la  seconde  n'est  qu'une  conjecture 
de  Meckel.  Ce  qu'il  y  a  de  sûr ,  c'est  que  les  reins  sont 
formés  de  bonne  heure ,  que  la  vessie  existe  dès  la  quatrième 
semaine,  et  qu'à  terme  ce  réservoir  contient  de  l'urine,  qui 
est  évacuée  dans  les  premières  heures  après  la  naissance. 
Cette  urine  est  moins  chargée  d'urée  et  de  sels  phosphori- 
ques  que  dans  les  âges  suivants.  20  Le  méconium.  Nous 
avons  déjà  parlé  de  cette  matière  visqueuse,  poisseuse,  qui 
arrive  graduellement  à  remplir  le  petit  et  le  gros  intestin , 
et  qui  est  évacuée  dans  les  premières  heures  qui  suivent  la 
naissance.  S'il  est  possible  de  considérer  ,  avec  M.  Geoffroy 
Saint-Hiîaire ,  cette  matière  comme  une  substance  nutritive 
préparée  pour  le  fœtus,  ce  ne  peut  être  que  dans  l'origine; 
à  la  fin,  il  n'est  plus  permis  de  douter  de  sa  nature  excré- 
mentitielle.  Il  reste  seulement  à  savoir  si  elle  n'est  qu'une 
excrétion  digestive.  M.  Vauquelin  ayant  analysé  du  méco- 
nium évacué  après  la  naissance  ,  la  trouvé  composé  de  deux 
tiers  d'eau  ,  d'un  tiers  d'une  substance  sui  generis  de 
nature  végétale  ,  de  quelques  centièmes  de  mucus,  et  d'un 
peu  de  bile.  C'est  donc  une  excrétion  qui  diffère  de  celle 
de  l'adulte  par  sa  nature  peu  azotée.  3°  Les  excrétions  cuta- 
nées. Probablement  qu'à  la  fin  de  la  grossesse,  et  lorsque  la 
peau  est  développée ,  la  transpiration  dite  insensible  a  lieu  , 
et  qu£  son  produit  se  mêle  à  l'eau  de  l'amnios  :  mais  il  est 
sûr  au  moins  qu'à  cette  époque,  le  fœtus  a  une  excrétion  nou- 
velle ,  celle  de  cet  enduit  gras,  caséeux,  gluant,  qui  alors 
recouvre  sa  peau.  En  vain,  M.  Vauqueliii,  Buniva,  ont  dit 
cette  matière  un  dépôt  de  l'albumen  des  eaux  de  l'amnios; 
elle  est  l'humeur  sébacée  du  fœtus,  car  elle  ne  se  montre 
que  sur  les  parties  de  cet  être,  manque  au  placenta  ,  au 
cordon ,  et  abonde  aux  régions  de  la  peau  où  les  follicules 
sont  plus  abondants.  4°  Enfin,  quelques  physiologistes  ont 
conjecturé  que  le  placenta  était  un  organe,  non-seulement 


PHYSIOLOGIE    DU    FOETUS.  /\  1  7 

de  préhension  de  matière  nutritive,  d'hématose,  de  respi- 
ration ,  mais  encore  de  dépuration  excrémentitielle  ;  les 
artères  ombilicales  étaient  dîtes  lui  apporter  une  quantité 
considérable  de  sang  pour  qu'il  en  effectuât  la  dépuration, 
absolument  comme  le  font  les  artères  rénales  dans  l'adulte. 
N'est-ce  pas  un  sang  artériel,  ont-ils  dit,  qui,  dans  l'adulte, 
alimente  la  sécrétion  urinaire  ?  et  les  artères  ombilicales 
ne  proviennent-elles  pas  de  l'aorte  abdominale  comme  les 
rénales?  Mais  ces  dernières  considérations  ne  sont  certaine- 
ment pas  de  nature  à  constituer  une  démonstration;  et  nous 
ne  rapportons  cette  idée  que  comme  une  hypothèse  de  quel- 
ques auteurs. 


Tel  est  l'état,  peu  satisfaisant  encore,  de  nos  connais- 
sances sur  la  nutrition  du  fœtus.  Ce  que  nous  venons  d'en 
dire  su|fit  néanmoins  pour  faire  concevoir  pourquoi  cet  être 
peut  hériter  des  maladies  de  sa  mère.  Sans  parler  de  l'in- 
fluence que  peuvent  exercer  sur  lui  ses  parents  sous  le  rap- 
port de  la  génération  ,  c'est  dans  le  sang  de  sa  mère  qu'il 
puise  ses  matériaux  nutritifs;  et  il  peut,  par  conséquent, 
se  ressentir  des  vices  de  ce  sang,  de  l'état  plus  ou  moins  bon 
de  ce  fluide.  Que  d'enfants,  par  exemple,  qui  naissent  avec  la 
syphilis.  D'ailleurs,  la  connexion  du  fœtus  avec  sa  mère  est 
telle,  qu'il  est  exposéà  souffrir  de  toutes  les  perturbations  que 
celle-ci  éprouve  pendant  sa  grossesse.  Cependant  cela  n'est 
pas  absolu  ;  comme  il  a  son  organisme  séparé,  il  peut  triom- 
pher des  influences  mauvaises  qu'il  reçoit  de  sa  mère ,  et 
ne  pas  partager  son  état  de  santé.  Que  de  femmes  qui ,  fort 
souffrantes  pendant  leur  grosssesse ,  mettent  au  jour  des 
enfants  bien  portants!  De  son  côté,  le  fœtus  peut  avoir  ses 
maladies  propres.  Les  monstruosités  qu'il  est  susceptible 
de  présenter  proviennent,  ou  de  ce  que  deux  germes,  deux 
œufs  se  sont  accollés,  fondus  l'un  dans  l'autre;  ou  de  ce 
que  des  maladies  ont  altéré  ses  organes,  amené  la  destruc- 
tion ,  la  perversion  de  quelques-unes  de  ses  parties;  ou  enfin 
de  ce  qu'il  a  été  arrêté  à  quelques-uns  de  ses  premiers  déve- 
loppements. Tl  est  certain  que  le  plus  grand  nombre  des 
Tome  IV.  27 


4  18  VIE   INTRA-UTÉRINE, 

monstruosités  représente  quelques-unes  des  formes  pre- 
mières qu'a  eues  le  fœtus  ;  et  que  l'étude  de  ces  monstruo- 
sités est  utile  sous  ce  rapport ,  comme  éclairant  la  série  des 
métamorphoses  que  doit  éprouver  cet  être.  Nous  avons  parlé 
de  l'influence  qu'a  sur  leur  production  l'état  du  système 
vasculaire  sanguin,  les  monstruosités  étant  par  défaut  ou 
par  excès,  selon  que  les  artères  manquent  ou  sont  dou- 
bles, etc. 

ARTICLE   II. 

Des  fonctions  de  relation  et  de  reproduction  du  Fœtus. 

Nous  réunissons  dans  un  même  article  ces  deux  ordres 
de  fonctions,  parce  que  nous  avons  peu  de  choses  à  en  dire. 
D'abord  les  fonctions  de  reproduction  sont  nulles,  et  n'en- 
treront en  exercice  que  plusieurs  années  après  la  naissance. 
Il  en  est  de  même  des  fonctions  de  relation  ;  ou ,  s'il  y  a  du 
doute,  ce  n'est  que  pour  quelques-unes  d'entre  elles  seule* 
ment,  et  à  la  fin  de  la  grossesse,  cardans  les  premiers  mois, 
il  est  sûr  que  le  foetus  n'en  manifeste  aucune.  Nous  avons 
dit  qu'il  n'avait  aucune  conscience  des  actes  qui  accom- 
plissent sa  nutrition  ,  et  que  ces  actes  n'étaient  nullement 
dépendants  de  sa  volonté.  Du  reste,  interrogeons  chacune 
des  fonctions  de  relation  dans  cet  être,  d'après  l'ordre  selon 
lequel  nous  les  avons  disposées  dans  l'adulte. 

Parmi  les  sens  externes,  évidemment  celui  de  la  vue  ne 
peut  être  en  exercice ,  quelque  précoce  que  soit  le  dévelop- 
pement de  son  organe;  car  son  excitant  obligé  ,  la  lumière, 
ne  peut  pénétrer  la  poche  close  dans  laquelle  est  renfermé 
le  fœtus.  Il  est  probable  qu'il  en  est  de  même  du  sens  de 
Y  ouïe;  cependant  on  peut  moins  l'assurer,  car  les  corps 
solides  sont  conducteurs  du  son  comme  les  gaz,  et  par  con- 
séquent quelques  sons  pourraient  parvenir  aux  oreilles  du 
fœtus.  Si  les  eaux  de  l'amnios  sont  avalées  ou  respirées  , 
comme  quelques  physiologistes  l'ont  pensé ,  ces  eaux  pour- 
raient, en  passant,  impressionner  les  sens  àugoiît  et  delWo 
rat;  niais  nous  avons  dit  que  la  digestion  et  la  respiration 
de  ces  eaux  étaient  des  points  douteux,  et  par  conséquent  ii 


PHYSIOLOGIE    DU    FOETUS.  ^9 

doit  en  être  de  même  des  services  des  sens  du  goût  et  de 
l'odorat.  Quant  au  tact,  il  n'est  guère  possible  de  douter 
qu'il  n'agisse  déjà  dès  la  fin  de  la  grossesse.  Peut-il  être  indif- 
férent pour  le  fœtus  que  ses  parties  soient  eu  contact,  ou 
avec  les  eaux  de  l'amnios  seules,  ou  avec  les  membranes  de 
l'œuf  et  l'utérus  ,  ou  avec  ses  propres  parties?  et  cet  être  ne 
doit-il  pas  recevoir,  en  ces  divers  cas,  des  impressions  tactiles 
différentes  ?  Les  mouvements  qu'il  exécute  si  vivement  à  la 
fin  de  la  grossesse  ,  ne  doîvent-iîs  pas  en  partie  être  attribués 
au  besoin  qu'il  a  de  faire  cesser  quelques  pressions,  quel- 
ques attitudes  gênantes?  Ne  doit-il  pas  au  moins  avoir  la 
sensation  de  ses  propres  mouvements?  Peut-être  aussi  reçoit- 
il  quelques  sensations  de  température,  par  suite  de  ses  rap- 
ports avec  sa  mère.  D'après  ces  considérations  ,  tous  les 
auteurs  croient  que  le  sens  du  tact  est  en  exercice  à  la  fin  de 
la  vie  fœtale  ;  et ,  en  effet,  la  peau  d'une  part ,  et  le  centre 
de  perception  de  l'autre,  ont  alors  tout  je  développement 
nécessaire. 

Si  des  sens  externes  nous  passons  aux  sensations  internes 
ou  besoins,  elles  nous  paraîtront  encore  plus  devoir  man- 
quer dans  le  fœtus.  Et,  en  effet,  lorsque  les  fonctions  de 
respiration,  de  digestion  ne  sont  pas  en  activité,  de  quelle 
nécessité  seraient  les  besoins  d'inspirer  et  dexpirer,  ceux 
de  la  faim ,  de  la  soif?  Lorsqu'il  n'y  a  pas  possibilité  d'éva- 
cuer aucunes  matières  excrémentitielles,  et  que  ces  matières 
s'accumulent  seulement  dans  leurs  réservoirs  qui  suffisent 
à  les  contenir,  est-il  besoin  de  ressentir  les  sensations  qui 
invitent  à  les  expulser,  les  besoins  de  la  défécation,  de 
V excrétion  de  V urine?  Chez  l'adulte,  ces  diverses  sensations 
existent,  parce  qu'elles  guident  dans  l'accomplissement  des 
ingestions  et  des  excrétions,  qui  sont  plus  ou  moins  dépen- 
dantes de  sa  volonté  ;  mais  dans  le  fœtus,  tous  ces  actes  sont 
aussi  irrésistibles  que  dans  un  végétal,  et  par  conséquent 
cet  être  n'avait  pas  besoin  d'y  être  provoqué  par  aucune 
sensation  intérieure.  Peut-être  cependant  se  inanifeste-t-il 
en  lui,  à  la  fin  de  la  grossesse,  celles  de  ces  sensations  qui 
excitent  à  mettre  en  jeu  ceux  des  organes  qui  sont  assez 
développés  pour  entrer  eu  exercice;  et  peut-être  est-ce  à 

27. 


420  VIE    INTRA-UTÉRINE. 

cette  cause  qu'il  faut  attribuer  quelques-uns  des  mouve- 
ments qu'il  exécute  alors. 

Il  est  possible  aussi ,  mais  à  la  fin  de  la  grossesse ,  qu'à 
l'occasion  de  quelques  maladies  ,  le  fœtus  éprouve  quelques 
douleurs.  Cet  être,  en  effet ,  sera  apte  à  en  éprouver  dès  les 
premiers  instants  de  sa  naissance  ;  et  certainement  dans  les 
derniers  temps  de  la  vie  utérine ,  ie  centre  de  perception 
est  assez  développé  pour  percevoir  une  impression  dolori- 
fique  ,  si  d'autre  part  la  cause  de  celle-ci  se  rencontre  en 
quelque  organe. 

Quant  aux  facultés  intellectuelles  et  affectives ,  destinées 
à  nous  guider  dans  nos  relations  avec  le  monde  extérieur  et 
nos  semblables,  elles  semblent  devoir  être  inutiles  au  fœtus, 
dont  la  vie  est  purement  végétative  :  aussi  sommes-nous 
disposés  à  dire,  avec  Bicliat ,  qu'elles  ne  sont  pas  encore  en 
exercice.  Cependant  Cabanis  se  demande  si  déjà  ces  pré- 
cieuses facultés  ne  s'annoncent  pas  par  quelques  essais  im- 
puissants, par  suite  de  ce  même  instinct  qui  pousse  tous  les 
animaux  à  exercer  leurs  organes,  bien  avant  le  temps  où  ils 
peuvent  réellement  en  obtenir  du  service.  Si  l'on  voit  l'oi- 
seau  agiter  ses  ailes  avant  que  les  plumes  les  recouvrent,  et 
lorsqu'évidemment  ces  organes  ne  peuvent  le  porter  ',  pour- 
quoi le  cerveau  ne  s'essaierait-il  pas  de  même  à  la  production 
des  actes  sublimes  qui  lui  sont  départis  ?  M.  Gall  émet  le 
même  doute  que  Cabanis. 

Voilà  pour  la  fonction  de  la  sensibilité.  Celle  de  la  loco- 
motilité  est  aussi  restreinte  ;  ce  n'est  que  vers  le  milieu  de 
la  grossesse  que  le  fœtus  exécute  des  mouvements  percepti- 
bles pour  la  mère,,  et  encore  ces  mouvements  sont-ils  d'abord 
assez  faibles.  Il  est  possible  cependant  qu'il  en  ait  produit 
beaucoup  plus  tôt,  et  que  la  faiblesse  de  ces  mouvements, 
la  petitesse  du  fœtus  ,  et  la  grande  quantité  de  l'eau  de 
l'amnios ,  aient  empêché  de  les  sentir.  A  partir  du  cin- 
quième mois  jusqu'à  terme ,  ces  mouvements  deviennent  de 
plus  en  plus  fréquents  et  forts,  et  ils  sont  appréciables  au 
tact  et  à  la  vue  à  travers  les  parois  de  l'abdomen.  La  ques- 
tion importante  est  de  savoir  quelle  cause  les  provoque,  et 
s'ils  sont  volontaires  ou  involontaires.  Bichat  les  dit  invo- 


PHYSIOLOGIE   DU   FOETUS.  4a  r 

iontaires,  quoique  ordonnés  par  le  cerveau  ;  selon  lui  ,  ce 
viscère  les  détermine ,  consécutivement  aux  irritations  qu'il 
reçoit  des  différents  viscères  intérieurs  qui  sont  alors  en 
grande  activité.  Cabanis  veut  qu'ils  soient  les  premiers  essais 
d'un  système  qui  manifeste  déjà  le  besoin  d'agir,  et  qui  se 
prépare  ainsi  à  Faccomplissement  de  son  service  ultérieur. 
D'autres  disent  qu'en  certains  cas ,  ils  tendent  à  faire  cesser 
quelque  attitude  gênante  et  douloureuse  pour  le  fœtus,  cas 
auquel  une  volonté,  confuse  au  moins,  en  serait  le  prin- 
cipe. Il  est  probable  que  ces  mouvements  reconnaissent  tour- 
à-tour  l'une  ou  l'autre  de  ces  causes.  On  a  remarqué  que 
lorsque  le  fœtus  vient  à  périr  par  une  cause  soudaine  dans 
les  derniers  temps  de  la  grossesse,  sa  mort  est  précédée  de 
mouvements  désordonnés  :  cet  être  éprouverait-il  alors  des 
convulsions  semblables  à  celles  qu'éprouvent  les  animaux 
auxquels  un  accident  subit,  une  hémorrhagie  surtout,  ravit 
la  vie? 

La  sphère  de  la  sensibilité  étant  réduite  chez  le  fœtus  à 
quelques  sensations  tactiles  ,  et  cet  être  n'éprouvant  encore 
aucuns  besoins  physiques  ni  moraux ,  on  conçoit  que  chez 
lui  les  actions  d'expressions  doivent  être  nulles.  Quant  au 
sommeil,  on  a  l'habitude  de  dire  que  le  fœtus  est  plongé 
dans  cet  état  pendant  tout  le  cours  de  la  vie  fœtale;  c'est, 
selon  nous,  s'exprimer  mal,  ou  avancer  un  fait  faux.  Le 
sommeil  suppose  la  veille,  et  l'exercice  de  celle-ci  étant 
nulle,  comme  nous  venons  de  le  voir,  l'état  dans  lequel  est 
le  fœtus  ne  peut  être  comparé  au  sommeil.  C'est  comme  si 
l'on  disait  que  le  végétal  est  dans  un  état  continuel  de  som- 
meil. Le  fœtus  est  dans  un  état  d'insensibilité  et  d'immo- 
bilité ,  non  parce  qu'il  dort,  non  parce  que  son  syslème 
nerveux  répare  les  pertes  qu'il  a  faites  dans  les  temps 
précédents,  mais  parce  que  ce  système  n'a  pas  encore  le 
développement  qui  lui  est  nécessaire  pour  commencer  son 
service  de  veille ,  ou  parce  que  les  conditions  extérieures  qui 
doivent  l'y  provoquer  manquent. 


42  2  VIE    INTRA-UTÉRIWE. 

Telle  est  l'histoire  de  la  vie  fœtale.  Sa  durée  est  générale- 
ment de  deux  cent  soixante-quinze  à  deux  cent  quatre-vingts 
jours,  de  neuf  mois  de  trente  jours.  On  a  jadis  beaucoup 
agité  la  question  de  savoir  si  son  terme  ne  pouvait  pas  être 
avancé  ou  reculé.  Cette  question  des  naissances  précoces  et 
des  naissances  tardives,  est  difficile  à  résoudre  dans  l'espèce 
humaine  par  des  faits  directs  :  quel  moyen,  en  effet,  de 
constater  chez  elle  l'instant  précis  de  la  conception  l  et  peut- 
on  ajouter  toute  foi  à  ce  que  les  femmes  peuvent  assurer  à 
cet  égard  ?  Mais  par  l'exemple  des  animaux  chez  lesquels  il 
est  plus  facile  de  reconnaître  le  jour  où  la  conception  a  eu 
lieu ,  et  d'après  l'analogie  des  autres  âges  qui  sont  suscepti- 
bles de  s'écouler  plus  promptement  ou  plus  lentement,  on 
a  toutes  raisons  de  croire  que  la  durée  de  la  vie  fœtale  est 
susceptible  aussi  de  quelques  variations.  D'un  côté,  M.  Tes- 
siéra  observé  des  variations  assez  grandes  et  assez  fréquen- 
tes dans  des  portées  de  vaches,  de  juments,  de  brebis,  de 
chiennes,  après  avoir  pris  toutes  les  précautions  nécessaires 
pour  bien  fixer  le  jour  de  l'imprégnation  dans  ces  animaux  ; 
et  pourquoi  ce  qui  arrive  en  ces  espèces  ne  pourrait-il  pas 
arriver  de  même  chez  nous  ?  D'autre  part,  les  autres  âges  ne 
sont-ils  pas  susceptibles  de  s'écouler,  tantôt  plus  tardive- 
ment, tantôt  plus  rapidement  ?  Ne  voit-on  pas  la  dentition, 
par  exemple,  la  puberté,  être  plus  hâtives  chez  les  uns, 
plus  retardées  cbez  les  autres?  Certains  individus,  abstrac- 
tion faite  de  leur  manière  de  vivre,  n'arrivent-ils  pas  plus 
tôt  ou  plus  tard  que  d'autres  à  la  caducité  ?  Or,  pourquoi  la 
variation  qu'on  observe  dans  ces  derniers  âges  de  la  vie ,  ne 
se  rencontrerait-elle  pas  de  même  dans  le  premier?  Il  n'est 
pas  difficile  d'ailleurs  de  donner  l'explication  de  ces  nais- 
sances précoces  ou  tardives.  Selon  que  le  germe  a  une  vitalité 
intrinsèque  plus  ou  moins  énergique,  il  doit  acquérir  plus 
ou  moins  promptement  le  degré  de  développement  qui  lui 
permet  de  commencer  sa  vie  indépendante  :  selon  que  l'uté- 
rus parvient  plus  ou  moins  rapidement  au  degré  d'amplia- 
tion  qu'il  ne  peut  dépasser,  Faccouehernent  se  fera  à  une 
époque  plus  ou  moins  rapprochée.  Nous  n'avons  pas  besoin 
de  dire  que,  pour  qu'une  naissance  soit  dite  précoce,  il  faut 


AGES    PROPP.EMEiNT    DITS.  4^3 

que  l'enfant  naissant,  non -seulement  puisse  continuer  de 
vivre,  mais  encore  ait,  au  jour  de  sa  naissance,  toutes  les 
qualités  de  l'enfant  à  terme.  On  sait ,  en  effet,  que  l'accou- 
chement est  souvent  prématuré  ,  et  que  beaucoup  d'enfants 
nés  avant  terme  sont  viables.  Toutefois,  la  loi  a  résolu  af- 
firmativement cette  question  des  naissances  précoces  et  tar~ 
dives,  car  elle  a  déclaré  enfant  légitime  tout  enfant  qui  naît 
entre  le  cent  quatre-vingtième  et  le  trois  centième  jour  après 
la  cohabitation  des  époux. 


SECTION  II. 

VIE    EXTRA-UTÉRINE. 

On  appelle  ainsi  tout  le  temps  de  la  vie  de  l'homme -qui-- 
s'écoule  depuis  la  naissance  jusqu'à  la  mort.  Pendant  cet 
intervalle,  l'homme  n'éprouve  pas  moins  de  changements 
que  pendant  qu'il  était  renfermé  dans  le  sein  de  sa  mère;  et 
ces  changements  fondent  ce  qu'on  appelle  proprement  ses 
dges.  Pour  le  vulgaire,  les  âges  de  l'homme  ne  se  mesurent 
que  par  les  divisions  du  temps ,  c'est-à-dire  par  le  nombre 
des  jours,  des  mois,  des  années  qui  se  sont  écoulés  :  mais, 
pour  le  physiologiste,  ces  âges  ont  leur  base  dans  l'organi- 
sation elle-même;  dans  chacun  d'eux,  l'état  des  organes  et 
des  fonctions  diffère;  ils  seraient  reconnus  sans  calendrier  ; 
et,  en  effet ,  le  médecin  est  souvent  appelé  à  les  spécifier, 
sans  connaître  le  point  du  départ,  c'est-à-dire  le  jour  de  la 
naissance;  il  trouve  la  date  de  celle-ci  empreinte  en  quelque 
sorte  sur  chacun  des  organes. 

Les  âges  ,  considérés  dans  leur  rapport  avec  le  temps 
varient  comme  la  vie  ,  qui  n'est  que  leur  ensemble,  dans 
chaque  espèce  animale;  telle  espèce  n'a  qu'une  vie  d'un 
jour,  telle  autre  a  une  vie  d'un  siècle.  Mais ,  dans  la  même 
espèce,  certains  individus  peuvent  parcourir  ou  plus  lente- 
ment ,  ou  plus  rapidement  que  d'autres ,  les  phases  de  leur 
vie,  et  par  conséquent  parvenir  dans  le  même  temps  à  des 


4^4  VIE    EXTRA.-UTÉRIWE. 

âges  différents;  par  exemple ,  Bébé ,  nain  du  roi  de  Pologne , 
était,  à  vingt-trois  années  de  vie,  arrivé  à  l'âge  de  dé- 
crépitude. INous  avons  dit,  en  effet ,  que,  bien  que  la  vie 
ait  une  durée  limitée  ,  et  généralement  fixe  pour  chaque 
espèce ,  cependant  cette  fixité  comportait  une  certaine  la- 
titude :  or,  pourrait-il  en  être  autrement  des  âges,  de  l'en- 
semble desquels  se  compose  la  vie  ?  Bien  que  chacun  d'eux 
ait  une  durée  à  peu  près  fixe,  cependant  cette  fixité  est  aussi 
renfermée  en  une  certaine  latitude  :  chez  les  uns,  ils  ont 
une  marche  plus  rapide  ;  chez  d'autres ,  une  marche  plus 
lente;  des  influences  extérieures  peuvent  même  amener  l'un 
qu  Fautre  de  ces  deux  résultats,  comme  nous  le  ferons  voir 
en  parlant  des  différences  individuelles  de  l'homme. 

Les  physiologistes  ont  différemment  divisé  les  âges. 
i°  Les  uns,  ayant  égard  à  l'ensemble  de  l'organisation  et 
des  facultés,  ont  proposé  d'en  admettre  trois,  savoir  :  Y  âge 
de  l'accroissement ,  comprenant  tout  le  temps  que  l'homme 
emploie  à  parvenir  au  complément  de  sa  stature ,  et  à  l'exer- 
cice libre  et  entier  de  toutes  ses  facultés  ;  ils  y  rapportaient 
toute  la  vie  intra-utérine  :  Y  âge  stationnaire ,  embrassant 
tout  le  temps  que  l'homme  reste  parfait,  sans  éprouver  de 
décroissance  :  enfin ,  Y  âge  de  décroissance  ,  dans  lequel 
l'homme  voit  ses  organes  se  détériorer  graduellement  3  et  ses 
diverses  facultés  se  perdre.  Nous  ne  ferons  qu'une  remarque 
sur  cette  première  division  des  âges,  c'est  qu'il  n'y  a  pas 
d'âge  stationnaire  proprement  dit;  ou  l'homme  acquiert  en- 
core, ou  il  perd  déjà;  mais  les  progrès,  dans  les  derniers 
temps  de  l'âge  d'accroissement ,  comme  les  pertes  dans  les 
pi'emiers  temps  de  l'âge  de  décroissement,  sont  si  peu  con- 
sidérables, que  les  unes  et  les  autres  sont  méconnues ,  et  que 
l'homme  paraît  rester  le  même.  20  D'autres  ont  divisé  les 
âges,  d'après  le  caractère  qu'a  en  chacun  d'eux  la  fonction 
de  la  génération  ,  qu'ils  considèrent  à  juste  titre  ,  sinon 
dans  l'homme  ,  au  moins  dans  les  animaux,  comme  le  pre- 
mier but  de  la  nature.  D'après  cette  base,  ils  ont  admis 
aussi  trois  âges  :  celui  où  la  faculté  de  reproduction  n'est 
pas  encore  possédée  par  l'être;  celui  où  cette  faculté  peut 
être  accomplie;  et  enfin ,  celui  où  cette  faculté  n'existe  plus. 


DE   LA    PREMIÈRE   ENFANCE.  4 25 

Nous  nommons  tous  ces  âges  dans  l'ordre  selon  lequel  ils  se 
succèdent.  3°  Dans  le  monde,  on  admet  généralement  qua- 
tre âges  :  Y  enfance,  la  jeunesse,  Vâge  adulte ,  et  la  vieil- 
lesse. 4°  Enfin ,  le  savant  Halle  a  cru  devoir  partager  en 
deux  époques  le  premier  âge ,  c'est-à-dire  l'enfance  ;  d'où 
l'admission,  dans  la  vie  de  l'homme,  de  cinq  âges  princi- 
paux, qui  se  subdiviseront  eux-mêmes  en  différents  stades, 
savoir  :  la  -première  enfance,  la  seconde  enfance,  l'adoles- 
cence ,  la  virilité  et  la  vieillesse.  Nous  allons  faire  l'histoire 
de  chacun  d'eux  en  autant  de  chapitres  ;  et  dans  un  sixième  , 
nous  traiterons  du  phénomène  auquel  tous  conduisent,  et 
qui  est  le  terme  de  la  vie  terrestre,  c'est-à-dire  de  la  mort. 
On  verra  que  tous  les  âges  sont  enchaînés  les  uns  aux  autres 
par  de  douces  transitions,  de  sorte  qu'ils  ne  sont  véritable- 
ment distincts  que  dans  leur  milieu.  On  reconnaîtra  que, 
dans  chacun  d'eux,  l'homme  a  sa  physionomie  physique  et 
morale  spéciale,  sa  santé  propre,  ses  maladies.  On  verra, 
enfin,  que  l'accroissement  et  le  décroissement  ne  sont  pas 
des  phénomènes  uniformes  dans  tous  les  appareils  et  tous 
les  systèmes;  mais  qu'au  contraire  chaque  appareil ,  chaque 
système  ont,  sous  ces  rapports  communs,  leurs  âges  pro- 
pres, et  tour-à-tour  sont  et  cessent  d'être  dans  l'économie 
des  centres  d'action. 

CHAPITRE  PREMIER. 

De  la  première  enfance. 

M.  Halle  appelle  de  ce  nom  l'époque  de  la  vie  humaine 
qui  s'étend  depuis  l'instant  de  la  naissance  jusqu'à  celui  où 
la  seconde  dentition  succède  à  la  première,  c'est-à-dire  jusr 
que  vers  la  septième  année  à  peu  près.  D'après  les  phénomè- 
nes de  développement  fort  importants  qui  caractérisent  ce 
premier  âge,  ce  savant  l'a  subdiyisé  en  trois  époques  :  une 
qui  s'étend  du  moment  de  la  naissance  jusqu'au  travail  de 
la  première  dentition,  et  qui  a  généralement  une  durée  de 
sept  mois;  une  seconde,  qui  comprend  tout  le  temps  qui 
s'écoule  pendant  que  se  fait  cette  première  dentition  ,  et 


42  6  VIE   EXTRA-UTÉRINE. 

qui  dure  jusqu'à  deux  ans;  enfin,  une  troisième  qui  em- 
brasse tout  l'intervalle  qui  sépare  la  première  dentition  de 
la  seconde.  Dans  l'histoire  que  nous  allons  faire  de  chacune, 
sous  le  double  point  de  vue  de  l'état  des  organes  et  de  celui 
des  fonctions ,  nous  nous  bornerons  à  l'indication  des  cho- 
ses capitales  et  les  plus  générales;  car,  si  nous  voulions 
mentionuer  tous  les  changements ,  comme  il  n'est  aucune 
partie ,  aucune  fonction  qui  n'en  présente  d'un  jour  à 
autre ,  il  n'y  aurait  en  quelque  sorte  pas  de  terme  à  notre 
description. 

ARTICLE   PREMIER. 

Première  époque  de  la  première  enfance.. 

Cette  première  période  de  l'enfance  commence  à  la  nais- 
sance, et  débute  par  une  révolution  qu'il  faut  d'abord  in- 
diquer. De  même  que  dans  le  cours  de  la  vie  fœtale ,  souvent 
un  mode  nouveau  de  nutrition  avait  été  substitué  à  un  pre- 
mier, comme,  par  exemple,  quand  le  service  du  placenta 
avait  succédé  à  celui  de  la  vésicule  ombilicale;  de  même  il 
se  fait  à  la  naissance  un  grand  changement,  celui  qui  con- 
siste dans  l'établissement  de  la  respiration.  A  peine  l'enfant 
est-il  né,  qu'une  inspiration  s'effectue,  fait  pénétrer  l'air 
dans  le  poumon  ,  et  la  respiration  commence  pour  ne  plus 
cesser  désormais  qu'à  la  mort.  Quelles  sont  les  causes  de  ce 
grand  changement ,  et  surtout  quels  en  sont  les  effets  ? 

D'abord,  il  est  probable  qiv?  la  série  des  développements 
qui  se  sont  faits  pendant  le  cours  de  la  grossesse ,  y  prédis- 
posait. Nous  avons  vu  que,  dans  les  derniers  mois ,  graduel- 
lement le  poumon  avait  grossi ,  que  les  artères  qui  éma- 
naient de  la  pulmonaire  pour  se  distribuer  à  cet  organe , 
avaient  augmenté  de  calibre,  et  que,,  par  contre-coup,  le  canal 
artériel  avait  diminué.  Ainsi,  le  poumon,  dont  le  service 
devait  commencer  à  la  naissance  ,  dès  que  l'enfant  séparé  de 
sa  mère  ne  pourrait  plus  aller  en  elle  revivifier  son  sang, 
était  préparé  à  l'avance  à  entrer  en  exercice.  En  second  lieu, 
le  travail  de  l'accouchement  a  peut-être  aussi  prédisposé  à 
ce  changement.  En  effet,  par  les  contractions  de  l'utérus, 


DE  LA   PREMIÈRE    ENFANCE.  427 

îa  circulation  du  sang  a  dû  être  modifiée  dans  le  placenta  , 
et  par  suite  dans  le  fœtus  :  il  est  probable  que,  dès  ce  mo- 
ment ,  d'un  côlé  le  sang  de  la  mère  a  cessé  d'arriver  au  pla- 
centa, ou  n'y  est  plus  parvenu  qu'en  petite  quantité;  de 
l'autre,  que  le  fœtus  n'a  plus  reçu  par  la  veine  ombilicale 
que  du  sang, qui  venait  déjà  de  lui-même  et  qu'avaient  ap- 
porté au  placenta  les  artères  ombilicales.  Or,   un  trouble 
survenant  dans  la  circulation  du  fœtus,  n'est-il  pas  proba- 
ble que  la  nature  a  dû  tendre  à  commencer  dès-lors  le  mode 
nouveau  de  circulation  qui  devait  succéder,  c'est-à-dire  à 
faire  passer,  comme  chez  l'adulte,  beaucoup  de  sang  par 
le.  poumon?   Enfin,  à  la  naissance,    l'enfant  est  soumis  à 
des  impressions  nouvelles  pour  lui ,  probablement  doulou- 
reuses, et  qui  sont  regardées  par  tous  les  auteurs  comme  les 
causes  déterminantes  de  la  première  inspiration.  Par  exem- 
ple ,  l'air  extérieur  doit,  par  sa  froideur,  son  poids,  faire 
une  impression  pénible  sur  la  peau  de  l'enfant  naissant  ;  il 
doit  agir  de  même  sur  l'origine  de   toutes  les  membranes 
muqueuses;  peut-être  que  les  organes  des  sens,  qui  sont 
alors  soumis  soudain  au  contact  de  leurs  excitants  propres, 
en  reçoivent  aussi  des  impressions  douloureuses.  Or,  ces  di- 
verses impressions  sont  transmises  au  cerveau;  celui-ci  les 
reflète  dans  les  diverses  dépendances  du  système  nerveux  ,. 
par  conséquent,  dans  les  nerfs  des  puissances  inspiratrices; 
et  ces  puiscances  ,  excitées,  doivent  entrer  en  action,  de  la 
même  manière  que   le  cœur   est  stimulé  à  recommencer  ses 
contractions   quand  ,  à  l'occasion  d'une  syncope,  on  fait  res- 
pirer une  vapeur  stimulante. 

La  respiration  ainsi  commencée  y  surviennent  de  grands 
changements  dans  la  nature  du  sang,  et  dans  son  mode  de 
circulation.  D'abord,  l'air  entrant  dans  le  poumon,  artéria- 
lise  le  sang  ,  et  de  ce  moment  on  peut  faire  nettement  dans 
ce  fluide  la  distinction  des  deux  espèces  de  sang,  du  sang 
artériel  et  du  sang  veineux,  comme  dans  l'adulte.  En  se- 
cond lieu,  le  sang  qui  est  envoyé  aux  organes  étant  artériel, 
est  bien  plus  excitant,  et  par  conséquent  leur  imprime 
comme  une  vie  nouvelle.  Enfin,  la  circulation  cesse  de  se 
faire  comme  dans  le  fœtus,  et  désormais  s'accomplit  dans 


4*8  VIE   EXTRA-UTÉRINE, 

le  mode  que  nous  avons  décrit ,  en  parlant  de  cette  fonc- 
tion :  le  sang  de  la  veine-cave  inférieure  ne  passe  plus  par 
le  trou  de  Botal  dans  l'oreillette  gauche,  mais  avec  celui  de 
la  veine-cave  supérieure  il  est  porté  dans  le  ventricule  droit 
et  dans  l'artère  pulmonaire  ;  celui  projeté  par  l'artère  pul- 
monaire va  en  entier,  ou  au  moins  dans  sa  plus  grande 
partie,  au  poumon,  et  il  n'est  plus  dérivé  par  le  canal  ar- 
tériel dans  l'aorte  descendante  :  enfin  ,  le  sang  de  cette  aorte 
descendante  ne  s'engage  plus  dans  les  artères  ombilicales, 
et  le  placenta ,  quand  même  il  ne  serait  pas  détaché  artifi- 
ciellement du  fœtus,  cesserait  d'en  recevoir  du  sang.  Il  est 
aisé  de  vérifier  que,  dès  que  la  respiration  est  établie,  la 
circulation  s'arrête  dans  le  cordon  ombilical  ;  et  ce  change- 
ment dans  ce  point  de  l'appareil  circulatoire  ,  est  un  garant 
de  ceux  que  nous  disons  se  faire  dans  les  autres.   Quelles 
sont  les  causes  de  ces  notables  changements  ?  D'abord ,  d'un 
côté,  la  valvule  inter-auriculaire  a  crû,  de  manière  qu'à  la 
fin  de  la  grossesse  elle  est  arrivée  à  fermer  à  peu  près  le  trou 
de  Botal.  D'autre  part ,  la  valvule  d'Eustachi  ,    qui    est  à 
l'embouchure  de  la  veine-cave  inférieure  dans  l'oreillette 
droite,  a,  au  contraire,   diminué  progressivement,  de  ma- 
nière qu'elle  ne  dirige  plus  aussi  exclusivement  le  sang  ap- 
porté par  cette  veine  contre  ce  trou.  En  troisième  lieu,  tandis 
que  les  branches  que  l'artère  pulmonaire  envoie  au  poumon 
ont  beaucoup  augmenté ,   le  canal  artériel  a  beaucoup  di- 
minué; et  ,  si  ce  canal,  bien  que  conservant  à  la  naissance 
assez  de  volume  pour   donner  passage  au  sang,   cependant 
ne  le  fait  pas,  c'est  que  sa  sensibilité,  dit  Bichat,   n'était 
en  rapport  qu'avec  du  sang  veineux,  et  que  maintenant  le 
sang  est  artériel;  ou  qu'un  grand  appel  étant  fait  au  sang 
dans  le  poumon,  par  suite  de  la  dilatation  qu'a  éprouvée 
ce  viscère,  il  ne  reste  plus  assez  de  ce  fluide  pour  passer 
par  le  canal.  Peut-être  cependant  passe- t-il  encore  un  peu 
de  sang  par  cette  voie,  dans  les  premiers  temps  qui  suivent 
la  naissance.  Enfin,  pour  expliquer  pourquoi  le  sang  cesse 
de  s'engager  dans  les  artères  ombilicales,  on  dit  que  ce  fluide 
cessant  d'arriver  par  le  canal  artériel  à  l'aorte  descendante, 
cette   artère  n'en  a  plus  que  la    quantité  nécessaire   :   on 


DE    LA    PREMIÈRE    EKFATNCE.  429 

avance  que  la  sensibilité  des  artères  ombilicales  n'étant  en 
rapport  qu'avec  du  sang  noir,  ces  vaisseaux  doivent  se  re- 
fuser à  se  laisser  pénétrer  par  du  sang  rouge;  on  ajoute 
enfin  que  le  sang  de  l'aorte  descendante  étant  en  entier  ap- 
pelé par  les  viscères  de  la  digestion  et  de  la  dépuration  uri- 
naire,  dont  les  fonctions  vont  commencer,  il  n'en  reste 
plus  pour  pénétrer  daus  les  artères  ombilicales.  Peut-être 
plusieurs  de  ces  raisons  sont-elles  de  pures  conjectures, 
mais  quelque  jugement  qu'on  en  porte,  il  est  sûr  que  la 
circulation  éprouve  le  changement  que  nous  venons  d'in- 
diquer. On  pourrait  dès  lors  se  dispenser  de  lier  le  cor- 
don ombilical  après  la  naissance  :  en  effet  cbez  les  ani- 
maux, qui  se  contentent  de  le  déchirer  avec  leurs  dents, 
on  ne  voit  pas  survenir  d'hémorrhagies  ;  et  si  l'usage  de  lier 
ce  cordon  est  universellement  suivi  pour  l'espèce  hu- 
maine ,  c'est  qu'une  précaution  est  toujours  bonne  à 
prendre,  et  que  dans  le  cas  où  la  nature  hésiterait  à  sui- 
vre la  nouvelle  voie,  et  tendrait  à  revenir  à  l'ancienne,  on 
prévient  par  là  une  hémorrhagie  mortelle. 

Nous  n'avons  pas  besoin  de  dire  que  la  respiration  ne 
peut  pas  ainsi  s'établir  sans  qu'il  ne  survienne  aussi  des 
changements  importants  dans  les  organes  de  cette  fonction. 
Les  poumons ,  qui  étaient  d'un  rouge-brun  et  denses ,  de- 
viennent rosés,  mous  et  crépitants.  Jetés  dans  leau,  aupa- 
ravant ils  se  précipitaient  au  fond  de  ce  liquide ;  mainte- 
nant, à  cause  de  l'air  qui  a  pénétré  leur  tissu,  ils  surnagent. 
Ils  ont  beaucoup  augmenté  de  volume  et  de  poids;  aupara- 
vant, ils  pesaient  de  douze  à  quinze  gros,  et  leur  poids  était 
au  poids  total  du  corps,  comme  70  à  1  ;  maintenant,  à 
cause  du  sang  qui  leur  a  été  envoyé ,  ils  pèsent  de  vingt  à 
vingt-quatre  gros,  et  leur  poids  est  à  celui  du  corps  entier 
dans  le  rapport  de  35  à  1. 

Indépendamment  de  ce  grand  changement  relatif  à  la 
respiration ,  il  s'en  fait  d'autres  dans  les  fonctions  de  rela- 
tion et  dans  l'innervation.  À  la  naissance,  la  vie  de  relation 
commence  ;  tout  en  naissant ,  l'enfant  pousse  des  cris ,  agite 
ses  membres ,  son  corps  ;  et  ces  cris ,  ces  mouvements 
sont  les  indices  des  impressions  douloureuses  qu'il  reçoit 


43o  VIE   EXTRA -UTÈRÏ1NE. 

du  monde  nouveau  auquel  il  arrive.  De  premières  sensa- 
tions sont  éprouvées,  et  à  leur  suite  des  phénomènes  ex- 
pressifs sont  produits.  Les  cris,  en  même  temps  qu'ils  an- 
noncent le  commencement  de  la  vie  de  relation,  sont  utiles 
comme  mettant  en  jeu  la  respiration;  et  les  mouvements 
généraux  du  corps  ,  en  même  temps  qu'ils  sont  phénomènes 
expressifs,  servent  à  faire  revenir  l'être  de  la  stupeur  qu'a 
pu  produire  la  pression  à  laquelle  il  vient  d'être  soumis , 
et  font  cesser  la  douleur  qu'a  pu  laisser  l'attitude  gê- 
nante à  laquelle  il  était  contraint.  Quant  à  l'innervation, 
elle  est  désormais  nécessaire,  comme  présidant  à  la  respira- 
tion ,  et  parce  que  Fêtre  a  fait  un  pas  de  plus  dans  la  vie. 

Telle  est  la  révolution  qui  se  fait  à  la  naissance ,  et  voilà 
ce  qu'on  appelle  la  vie  extérieure  commencée.  Cette  vie, 
que  l'on  doit  distinguer  de  la  vie  fœtale,  parce  que  seule 
elle  donne  des  droits  civils ,  est  décélée  exclusivement  par 
la  respiration  ;  et  ce  n'est  que  d'après  les  signes  fournis  par 
cette  fonction ,  qu'il  faut  prononcer  quand  on  est  consulté 
par  les  magistrats.  Ce  qui,  au  moment  de  la  naissance,  ap- 
paraît de  la  vie  de  relation,  est  trop  peu  de  chose  de  plus 
que  ce  qu'on  peut  supposer  en  exister  dans  la  vie  fœtale; 
et  quant  aux  battements  du  cordon,  aux  mouvements  du 
fœtus,  ils  prouvent  Lien  que  le  fœtus  en  naissant  vivait  de 
la  vie  intra-utérine,  mais  non  qu'il  a  commencé  la  vie  ex- 
térieure ou  civile.  Souvent  le  passage  d'une  de  ces  vies  à 
l'autre  est  orageuse  :  ainsi,  la  respiration  peut  hésiter  à 
s'établir,  et  l'enfant  être  menacé  de  périr  d'asphyxie  :  ainsi , 
le  sang  peut,  pendant  le  travail  de  l'accouchement,  avoir 
été  accumulé  dans  le  cerveau,  ou  prendre  cette  direction 
consécutivement  à  la  ligature  du  cordon,  et  l'enfant  courir 
le  risque  de  périr  d'apoplexie.  Dans  le  premier  cas ,  il  ne 
faut  pas  couper  le  cordon,  qu'on  n'ait  ranimé  l'enfant  et 
excité  ses  cris.  Dans  le  second  cas,  au  contraire,  on  peut  le 
couper  aussitôt ,  parce  que  l'écoulement  de  sang  qui  en  ré- 
sultera dégorgera  le  cerveau,  et  rendra  l'établissement  de 
la  respiration  plus  facile. 

Toutefois ,   cette  révolution   par   laquelle   commence  îa 
première  enfance   étant  effectuée,   la  vie  va   comprendre 


DE   LA    PREMIÈRE   ENFANCE.  43 1 

toutes  les  fonctions  que  nous  avons  décrites;  et  il  s'agit  de 
décrire  les  changements  qui  vont  se  succéder  pendant  la 
première  époque  de  cette  première  enfance ,  c'est-à-dire 
pendant  les  sept  premiers  mois  de  l'existence. 

Voici  d'abord  quels  sont  ces  changements  sous  le 
rapport  anatomique.  Le  corps  croît,  mais  son  accroisse- 
ment est  Lien  loin  de  s'achever  9  et  les  diverses  parties 
sont  loin  de  parvenir  aux  dimensions  qu'elles  auront 
par  la  suite.  Ces  parties  mêmes  conservent  encore  beaucoup 
des  proportions  qu'elles  offraient  dans  le  fœtus.  Ainsi, 
la  tête  est  grosse  relativement  au  reste  du  corps;  et  il  en 
est  de  même  de  la  moitié  supérieure  du  tronc  relativement 
à  l'inférieure,  et  des  membres  supérieurs  relativement  aux 
inférieurs.  Le  crâne  a  encore  la  plus  grande  part  à  ce  vo- 
lume de  la  tête ,  et  la  face  est  petite.  Le  ventre  proémine, 
à  cause  de  la  persistance  du  gros  volume  du  foie  et  de  l'é- 
troitesse  du  bassin.  Toutes  les  parties  extérieures  sont  ma- 
nifestes, savoir:  les  membres,  les  traits  delà  face,  les  organes 
des  sens,  ceux  des  sexes.  Ce  qui  reste  du  cordon  ombilical 
se  flétrit,  puis  se  détache  au  septième  au  huitième  jour 
après  la  naissance,  en  laissant  une  cicatrice  indélébile, 
celle  de  l'ombilic.  Quant  aux  divers  appareils  et  organes, 
un  de  ceux  qui  croît  le  plus,  est  le  système  nerveux.  Le 
cerveau,  qui ,  à  la  fin  de  la  vie  fœtale,  était  déjà  fort  déve- 
loppé, comme  devant  prochainement  entrer  en  exercice, 
voit  se  prononcer  davantage  ses  diverses  parties,  surtout 
ses  circonvolutions  antérieures  et  inférieures;  cependant 
il  conserve  encore  une  très  grande  mollesse.  La  même  acti- 
vité d'accroissement  s'observe  dans  la  moelle  spinale  et  les 
nerfs,  et  dans  la  plupart  des  organes  des  sens.  La  peau, 
par  exemple,  acquiert  dans  cette  période,  et  de  bonne 
heure,  son  développement  parfait;  elle  reste  seulement 
plus  fine,  plus  nerveuse,  plus  vasculaire ,  plus  blanche, 
qu'elle  ne  sera  dans  les  âges  suivants.  Les  cheveux  ont 
grandi ,  mais  sont  encore  moins  longs ,  moins  épais,  et 
d'une  couleur  moins  foncée  qu'ils  ne  le  seront  par  la  suite; 
les  ongles  sont  encore  tendres  et  rosés;  au  lieu  de  poils,  il 
n'y  a  encore  qu'un  léger  duvet.  La  peau  est  alors  sujette  à 


432  Vie  EXTftA-UTÉfUKE. 

présenter  diverses  efflorescences,  surtout  à  la  tête.  La  langue 
est  aussi  bientôt  parfaite,  et  ne  diffère  de  cequ'elle  sera  plus 
tard  ,  que  par  les  dimensions.  L'œil  et  l'oreille  sont  égale- 
ment très  développés  dès  ce  premier  âge.  L'organe  de  l'odorat, 
au  contraire ,  est  resté  en  arrière  ;  à  l'extérieur,  le  nez  n'a 
pas  changé,  et  intérieurement  les  sinus  ne  se  développent 
pas  encore.  Du  côté  de  l'appareil  locomoteur,  les  extrémités 
des  os  longs  commencent  à  développer  des  points  d'ossifica- 
tion; les  os  larges  s'étendent,  se  touchent,  forment  les  sutures, 
s'épaississent  et  se  parlagent  en  deux  tables  qui  circonscri- 
vent un  diploé  :  mais  ce  travail  d'ossification  n'est  pas  aussi 
considérable  qu'il  le  sera  par  la  suite  ;  il  ne  fait  en  quelque 
sorte  que  commencer  ,  et  se  prolongera  au  loin  dans  les  âges 
suivants.  Les  muscles  commencent  à  se  diviser  en  faisceaux. 
Les  articulations  sont  bourrées,  comme  elles  le  seront  en- 
core pendant  plusieurs  années.  Le  larynx,  fort  petit,  ne 
fait  pas  encore  de  saillie  au  col ,  et  toutes  ses  pièces  solides 
sont  encore  cartilagineuses.  A  l'appareil  digestif,  les  lèvres 
sont  proportionnellement  fort  grandes  relativement  aux 
mâchoires  ;  les  mâchoires  sont  petites,  dépourvues  de  dents; 
l'inférieure  a  son  angle  beaucoup  plus  obtus  que  dans  les 
âges  suivants  ;  les  muscles  masticateurs  sont  peu  dévelop- 
pés, ainsi  que  les  glandes  salivaires  et  le  pancréas.  Le  vo- 
lume du  foie  a  diminué  dans  son  lobe  gauche;  et,  au  con- 
traire ,  se  sont  développées  les  dépendances  de  cet  organe 
qui  ont  trait  à  la  sécrétion  biliaire,  comme  la  vésicule  bi- 
liaire, la  rate.  Ainsi  que  le  système  nerveux,  l'appareil 
lymphatique  prédomine;  les  vaisseaux  lymphatiques  et 
leurs  ganglions,  le  tissu  cellulaire  et  tous  les  vaisseaux 
blancs,  sont  très  développés  à  cet  âge  de  la  vie.  Les  artères 
enfin  précèdent  dans  leur  développement  celui  des  parties 
auxquelles  elles  se  distribuent.  Nous  ne  pouvons  mentionner 
tous  les  organes.,  il  sera  mieux  de  dire  ce  qui  est  de  chacun 
d'eux  à  l'article  des  fonctions,  au  de  la  physiologie. 

Ici ,  nous  n'avons  à  étudier  que  ce  qui  est  des  fonctions  de 
relation  et  de  nutrition ,  car  celles  de  reproduction  restent 
inactives,  comme  chez  le  fœtus. 

Les  fonctions  de  relation,  que  nous  avons  vu  commencer 


DE   LA   PREMIÈRE    ENFANCE.  433 

à  la  naissance ,  font  dans  cette  période  d'assez  grands  pro- 
grès; cependant  elles  sont  loin  d'y  parvenir  à  leur  complé- 
ment. i°  Sensations.  Le  tact ,  dans  les  premiers  jours  de  la 
vie,  est  encore  peu  marqué;  cependant  il  est  déjà  en  exer- 
cice, car  l'enfant  est  sensible  au  froid  de  l'air  extérieur.  A 
mesure  que  la  peau  se  développe,  et  nous  avons  dit  que  le 
développement  de  cette  membrane  était  précoce,  ce  sens 
devient  plus  actif;  et  à  la  fin  de  la  période  que  nous  décri- 
vons, l'enfant  commence  à  exercer  le  toucher.  Le  goût  pro- 
bablement entre  dès  le  premier  jour  en  exercice,  pour  ex- 
plorer  les  liqueurs  que  l'enfant  tette  ou  boit;  mais  il  est  sûr 
au  moins  que  bientôt  ce  sens  est  très  actif.  Il  en  est  de  même 
de  Y  odorat ,  qui  cependant  est  toujours  moins  délicat,  parce 
que  le  développement  de  son  organe  est  toujours  plus  tardif. 
Les  sens  de  Y  ouïe  et  de  la  vue,  au  contraire,  n'entrent  en 
jeu  que  vers  la  cinquième  ou  sixième  semaine  ;  mais  bientôt 
ils  sont  aussi  puissants  qu'ils  le  seront  dans  les  âges  suivants. 
Les  sensations  internes  se  montrent  dès  les  premiers  jours; 
d'abord  celles  qui  guident  dans  les  rapports  à  établir  avec 
les  corps  extérieurs,  ensuite  celles  qui  sollicitent  à  mettre 
en  jeu  les  organes  soumis  à  la  volonté.  Ainsi ,  d'une  part ,  la 
faim  ,  la  soif,  les  besoins  d'inspirer,  d'expirer,  se  manifes- 
tent, et  avec  les  mêmes  caractères  que  ces  sensations  orga- 
niques auront  toujours  :  peut-être  en  est- il  de  même  des 
sensations  attachées  aux  excrétions,  bien  que  l'enfant  ne 
les  exprime  pas ,  et  qu'il  paraisse  accomplir  ses  excrétions 
involontairement.  D'autre  part ,  de  bonne  heure  ,  l'enfant 
éprouve  des  besoins  de  se  mouvoir,  et  peut-être  est-ce  à  ces 
besoins  que  doivent  être  attribués  les  premiers  mouvements 
qu'il  exécute.  Quant  à  des  sensations  morbides,  à  des  dou- 
leurs, nul  doute  qu'il  n'en  ressente  de  fréquentes  ,  des  coli- 
ques s  par  exemple  ;  ses  cris  répétés  en  sont  la  preuve.  2°  Psy- 
chologie. Dans  les  premiers  jours  ,  l'enfant  ne  manifeste 
encore  aucunes  facultés  intellectuelles  et  affectives;  satis- 
faire la  faim,  le  sommeil,  ne  pas  souffrir,  paraît  être  toute 
son  existence  sensoriaïe.  Mais  bien  avant  la  fin  de  cette  pé- 
riode ,  entrent  en  jeu  les  facultés  de  l'esprit  et  du  cœur.  De 
bonne  heure  ,  l'enfant,  sollicité  par  les  impressions  des  sens  î 
Tome  IV.  t  2$ 


434  VIE   EXTRA- UTÉRINE, 

commence  à  connaître  les  corps  extérieurs  ,  à  apprendre  des 
mots;  il  reconnaît  sa  mère,  sa  nourrice,  les  personnes  qui 
le  soignent,  avec  lesquelles  il  vit;  il  manifeste  des  désirs, 
des  volontés;  déjà  il  paraît  éprouver  des  affections,  des  pas- 
sions, des  joies,  des  douleurs.  Sans  doute  ,  c'est  bien  faible 
encore ,  cependant  on  y  reconnaît  déjà  les  traits  futurs  de 
l'homme.  3°  Locomotilité.  A  cette  période  de  la  vie,  la  sta- 
tion ni  la  progression  ne  sont  pas  encore  possibles;  cepen- 
dant, à  sa  fin,  déjà  l'enfant  s'essaie  à  se  tenir  debout.  Mais 
heaucoup  de  mouvements  partiels  sont  produits  ;  dans  le 
même  ordre  que  se  développe  l'intelligence  de  l'enfant,  on 
voit  ce  petit  être  mouvoir  ses  sens,  ses  mains,  sa  tête,  ses 
membres  ,  etc.;  la  fréquence  de  ces  mouvements  trahit  toute 
l'activité  qu'a  déjà  son  cerveau.  4°  Expressions.  Dans  le 
principe ,  les  phénomènes  d'expression  sont  aussi  bornés  que 
l'est  la  sensibilité  :  ils  consistent  en  de  simples  vagissements, 
des  cris ,  par  lesquels  l'enfant  accuse  les  douleurs  qui  mar- 
quent son  entrée  dans  la  vie.  Mais  peu  à  peu,  et  à  mesure 
que  la  sensibilité  de  l'enfant  se  développe ,  on  voit  sa  figure 
prendre  de  la  mobilité,  son  œil  de  l'expression;  il  devient 
susceptible  de  rire,  de  véritables  pleurs  ;  et  à  la  fin  de  cette 
période ,  déjà  il  fait  des  premiers  essais  de  langage  conven- 
tionnel,  de  parole.  5°  Quant  au  sommeil,  d'abord  il  paraît, 
avec  l'action  de  tetter,  se  partager  toute  la  vie;  l'enfant  ne 
se  réveille  que  pour  prendre  l'aliment  qui  lui  est  nécessaire, 
puis  il  se  rendort  aussitôt,  à  moins  qu'il  ne  souffre.  Peu  à 
peu  les  temps  de  veille  deviennent  plus  longs  :  cependant  le 
besoin  de  sommeil  se  fait  toujours  sentir  très  souvent ,  parce 
que  le  système  nerveux ,  très  frêle  encore ,  est  bientôt  épuisé 
par  une  veille ,  quelque  courte  qu'elle  soit. 

L'établissement  soudain  de  la  respiration ,  au  moment  de 
la  naissance  ,  fonde  déjà  ,  sans  doute  ,  une  grande  différence 
en  ce  qui  concerne  les  fonctions  de  nutrition;  mais  la  né- 
cessité dont  est  désormais  la  digestion,  en  constitue  une 
autre  qui  n'est  pas  moins  importante.  Désormais  les  maté- 
riaux nutritifs  n'arrivent  plus  tout  sanguines;  et,  à  l'ab- 
sorption vasculaire,  qui  jusque-là  avait  suffi  pour  accomplir 
la  nutrition,  doit  forcément  s'ajouter  une  digestion;  l'en- 


DE   LA    PREMIÈRE    ENFANCE.  435 

fant  a  besoin  d'aliments.  Ceux-ci  sont,  le  lait  que  lui  pré- 
pare une  sécrétion  de  sa  mère,  ou  une  boissou  analogue.  La 
nature  a  coordonné  la  délicatesse  de  cet  aliment  au  peu  de 
puissance  qu'a  d'abord  l'appareil  digestif;  le  lait,  très  sé- 
reux les  premiers  jours,  devient  de  plus  en  plus  consistant , 
à  mesure  que  l'estomac  se  développe  et  acquiert  plus  de 
force;  il  est  pris  par  succion;  l'instinct  fait  exécuter  aussi- 
tôt à  l'enfant  ce  mouvement ,  quelque  compliqué  qu'il  soit  ; 
et  îa  bouche,  comme  nous  l'avons  dit  dans  le  temps  ,  a  alors 
l'organisation  la  plus  favorable  pour  l'exécution  de  cet  acte. 
Ce  genre  d'aliment,  et  le  mode  selon  lequel  il  est  pris,  font 
concevoir  pourquoi,  à  cette  époque  ,  les  appareils  mastica- 
teur et  salivaire  sont  encore  si  peu  développés  ;  alors  ils  eus- 
sent été,  non-seulement  inutiles,  mais  nuisibles.  Cependant, 
à  la  fin  de  cette  période,  souvent  déjà  les  enfants  réclament 
et  peuvent  digérer  des  aliments  un  peu  plus  substantiels. 
Du  reste,  les  enfants  accusent  un  fréquent  besoin  de  tetter; 
soit  parce  que,  leur  accroissement  étant  encore  très  rapide, 
ils  ont  vraiment  besoin  de  prendre  beaucoup  de  matériaux 
nutritifs;  soit  parce  que  l'action  de  tetter,  étant  pou:*  eux 
une  occasion  de  sensations  agréables,  déjà  ils  recherchent  ces 
sensations,  à  l'instar  des  hommes  adultes  qui  ne  comptent 
la  vie  que  par  leurs  jouissances  ,  et  qui  sont  toujours  en  tra- 
vail pour  s'en  procurer.  Les  digestions  à  cet  âge  sont  assez 
promptes  ;  les  selles  sont  fréquentes,  la  matière  en  est  jaune 
et  en  consistance  de  purée. 

Les  autres  fonctions  de  nutrition  exigent  à  peine  qu'on 
les  mentionne.  La  respiration  une  fois  établie  se  continue 
sans  interruption,  comme  chez  l'adulte;  seulement  les  in- 
spirations sont  plus  nombreuses  dans  un  même  temps 
donné,  et  s'accomplissent  plus  par  1  action  des  intercostaux 
que  par  celle  du  diaphragme,  à  cause  du  gros  volume  que 
conserve  l'abdomen.  Explorée  au  stéthoscope,  elle  est  plus 
bruyante  que  dans  les  âges  suivants;  comme  si  les  ramifica- 
tions des  bronches  éprouvaient  une  plus  grande  dilatation  , 
et  recevaient  proportionnellement  une  quantité  plus  grande 
d'air.  La  circulation  s'accomplit  désormais  comme  chez  l'a- 
dulte ,  car  le  canal  artériel,  le  canal  veineux,  et  les  artères 

28. 


436  VIE   EXTRA-UTÉRINE. 

ombilicales  se  sont  oblitérés  peu  à  peu  :  seulement  les  pul- 
sations du  pouls  sont  plus  précipitées,  et  leur  nombre  s'é- 
lève à  cent  par  minute.  Les  absorptions  sont  en  raison  du 
grand  développement  du  système  lymphatique  à  cette  épo- 
que. Les  nutritions  sont  très  actives,  puisque  tous  les  organes 
croissent;  mais  elles  portent  plus  sur  le  système  nerveux  que 
sur  les  autres  parties.  Les  calorijications  deviennent  graduel- 
lement plus  énergiques,  puisque  l'enfant,  à  mesure  qu'il 
avance  dans  la  vie,  développe  une  chaleur  spécifique  plus 
grande.  Les  sécrétions  excrémentitielles  participent  de  la 
grande  activité  qu'a  le  mouvement  nutritif;  mais  leurs 
produits  offrent  un  moindre  degré  d'animalisation ,  comme 
il  en  est,  du  reste ,  à  cet  âge,  de  tous  les  fluides  de  compo- 
sition; l'urine,  par  exemple,  est  moins  chargée  d'urée,  et 
contient,  en  place,  de  l'acide  benzoïque  ;  la  transpiration 
cutanée  est  acidulé,  etc.  Souvent  ces  excrétions  ne  suffisent 
pas  à  la  dépuration,  et  la  nature  en  crée  d'insolites,  de 
morbides  ,  comme  ces  emorescences  cutanées  dont  nous 
avons  parlé. 

Telle  est  cette  première  période  de  l'enfance.  Abstraction 
faite  de  la  révolution  qui  tient  à  l'établissement  de  la  respi- 
ration, les  appareils  qui  s'y  montrent  les  plus  actifs  ,  et  qui 
subissent  les  plus  grands  développements ,  sont  les  appareils 
nerveux  et  digestif;  et  partant,  ces  appareils  doivent  être 
les  plus  exposés  aux  maladies.  Aussi  cet  âge  est-il  celui  des 
convulsions,  des  maladies  céphaliques,  du  carreau  ,  etc.  La 
fréquence  des  emorescences  cutanées  prouve  aussi  que  la 
nature  fait  alors  de  la  peau  un  de  ses  principaux  organes  de 
dépuration;  et  c'est  un  avertissement  qui  nous  est  donné 
d'épargner  aux  enfants  l'influence  du  froid,  de  l'humidité, 
de  tout  ce  qui  pourrait  contrarier  la  direction  vers  cette 
membrane. 

ARTICLE  II. 

Seconde  e'poque  de  la  première  enfance.  —  Première  dentition. 

Il  serait  fastidieux  de  décrire  un  à  un  pour  chaque  âge 
chaque  appareil  e ^chaque  organe;  pour  abréger,  désormais 


DE    LA    PREMIÈRE   ENFANCE.  4^7 

nous  rattacherons  la  description  anatomique  des  parties  à 
l'exposition  des  fonctions  ;  par  là  même ,  nous  serons  mieux 
compris. 

Dans  cette  seconde  époque  de  l'enfance  ,  tous  les  traits  de 
la  vie,  et  surtout  de  la  vie  extérieure,  vont  se  dessiner  da- 
vantage. Les  sens  externes  sont  désormais  en  toute  activité, 
et  l'intelligence ,  que  nous  allons  voir  prendre  un  grand 
essor ,  les  emploie  sans  cesse  à  la  connaissance  des  corps  exté- 
rieurs. Parmi  les  sensations  internes,  celles  de  la  faim,  de 
la  soif,  continuent  d'être  impérieuses,  et  d'être  en  rapport 
avec  le  grand  besoin  qu'a  l'individu  d'une  abondante  ali- 
mentation ;  celles  qui  sont  attachées  aux  excrétions  guident 
désormais  dans  l'accomplissement  de  ces  fonctions  ;  et  enfin, 
l'enfant  accuse  sans  cesse  les  besoins  d'exercer  son  esprit,  ses 
sens,  ses  muscles,  ses  facultés.  La  psychologie,  dans  cette 
période,  fait  les  plus  grands  progrès.  D'un  côté  Y  intellect 
est   tout  entier  appliqué  à  connaître  l'univers,   et  à  ap- 
prendre à  agir  sur  lui  :  pour  ce  double  but,  l'enfant  mani- 
feste  une  grande  puissance   d'observation  et  d'imitation. 
Tout  à  l'heure  nous  montrions  ses  sens  continuellement 
en  action  :  or,  l'activité  de  ses  sens,  à  cette  époque  de  sa  vie, 
est  un  garant  de  celle  de  son  esprit.  Toute  faculté  intellec- 
tuelle a,  dès  cet  instant,   ses  attributs   actifs;    mais  dans 
chacune,  la  perception  et  la  mémoire  sont  supérieures  au 
jugement  et  à  l'imagination.  La  faculté  du  langage  artificiel 
est  surtout  alors  très  agissante  ;    à  cette  époque   l'enfant 
apprend,  non-seulement  les  choses  elles-mêmes,  mais  encore 
les  mots  par  lesquels  les  hommes  sont  convenus  arbitrai- 
rement de  les  exprimer.  Quiconque  voudra  réfléchir  à  la 
somme  de  connaissances  qu'acquiert  un  enfant  dans  les  deux 
premières  années  de  sa  vie,  sera  convaincu  que  jamais,  à 
aucune  autre  époque  de  l'existence,  l'esprit  n'est  plus  actif 
et  ne  développe  plus  de  puissance.   Plus  tard  ,   il  pourra 
saisir  des  rapports  plus  délicats;  mais  jamais  il  n'acquerra, 
en  si  peu  de  temps,  autant  de  connaissances,  et  ne  sera  sus- 
ceptible d'une  aussi  forte  observation.  Cependant,  ce  sont 
surtout  les  sens  qui  agissent  alors  ;  et  comme  des  impressions 
nouvelles  leur  parviennent  sans  cesse  ,  l'enfant  est  sans  cesse 


438  VIE    EXTRA-TJTÊPJîŒ. 

disirait,  et  décèle  une  extrême  mobilité.  Les  facultés  affec- 
tives ,  d'un  autre  côté,  éprouvent  le  même  développement; 
l'enfant ,  de  bonne  heure  ,  manifeste  toutes  les  qualités 
morales  principales,  si  ce  n'est  l'instinct  de  la  reproduc- 
tion; l'envie,  la  jalousie,  l'orgueil,  l'égoïsme  ,  l'attache- 
ment, la  haine,  la  colère,  etc.,  tour-à-tour  se  peignent  sur 
sa  figure  et  dans  ses  traits  avec  des  degrés  divers  d'intensité. 
En  un  mot ,  dès  cette  époque  de  la  vie  ,  l'homme  intellectuel 
et  moral  se  découvre  tout  entier.  Mais  toutes  les  détermi- 
nations sont  encore  peu  tenaces  ;  l'homme  n'est  pas  encore 
moulé  aux  impressions  extérieures,  ni  plié  par  un  exercice 
répété  au  pouvoir  des  habitudes;  à  ce  double  titre,  il  est 
très  susceptible  d'être  modifié,  et  c'est  dès  cet  instant  que 
doit  être  appliquée  l'éducation  ,  surtout  en  ce  qui  concerne 
les  qualités  morales.  L'enfant  étant  alors  très  accessible  aux 
diverses  impressions,  très  disposé  à  l'imitalion ,  les  organes 
ayant  alors  toute  flexibilité,  il  importe  beaucoup  d'ordon- 
ner la  vie  de  manière  à  prévenir  toutes  les  habitudes  mo- 
rales vicieuses,  et  à  n'en  laisser  établir  au  contraire  que  de 
favorables.  On  sent  bien  que  nous  ne  pouvons  ici  nous  per- 
mettre que  cette  expression  générale  ,  et  que  plus  de  détails 
sur  ce  sujet  intéressant  nous  sont  interdits.  Nous  n'avons 
pas  besoin  de  dire  que  le  cerveau  continue  de  croître , 
et  surtout  encore  dans  les  parties  antérieures  et  inférieures. 
C'est  dans  cette  période  aussi  que  la  station  et  la  progres- 
sion deviennent  possibles.  Jusque-là ,  le  squelette  et  tout  le 
corps  présentaient  des  obstacles  invincibles  à  l'accomplisse- 
ment de  ces  actions;  la  tête,  très  grosse,  contrastait  avec 
la  petitesse  des  membres  abdominaux;  le  rachis,  plus  gros 
à  sa  partie  supérieure  qu'à  sa  partie  inférieure,  n'offrait 
qu'une  seule  courbure  dans  sa  longueur;  il  était  sans  apo- 
physes épineuses,  d'où  un  espace  moindre  à  l'insertion  des 
muscles  des  gouttières  vertébrales,  et  une  moindre  lon- 
gueur dans  le  bras  de  la  puissance  :  les  corps  des  vertèbres, 
au  lieu  d'être  aplatis,  étaient  arrondis;  les  muscles  verté- 
braux avaient  peu  de  volume;  le  bassin,  beaucoup  plus 
oblique  en  bas  sur  le  rachis,  permettait  davantage  au  ventre 
de  peser  en  avant,  et  d'entraîner  en  ce  sens  tout  le  corps; 


DE    LA    PREMIERE   EffEAKCE. 

les  cavités  cotyloïdes ,  encore  toutes  cartilagineuses ,  ne  pré- 
sentaient pas  assez  de  résistance  aux  fémurs  :  ceux-ci  étaient 
moins  convexes  en  avant;  leur  col,    plus  court  et  plus  à 
angle  droit  sur  le  corps  de  l'os ,  était  encore  cartilagineux  ; 
les  rotules  existaient  à  peine  ;  les  caîcanéums  ne  présentaient 
pas  en  arrière  l'avance  qui  agrandit  en  ce  sens  la  base  de  sus- 
tentation ;  les  pièces  du  tarse  étaient  toutes  cartilagineuses  ; 
les  pieds  étaient  trop  petits,  etc.Enunmot,iln'existaitencore 
aucune  des  conditions  de  structure  que  nous  avons  vu  être 
nécessaires  pour  que  la  station  sur  les  deux  pieds  puisse  être 
effectuée.  Mais  dans  le  cours  de  la  période  que  uous  décri- 
vons, tous  ces  développements  se  sont  faits  peu  à  peu  ;  et 
peu  à  peu  aussi  on  voit  l'enfant  soutenir  l'attitude  qui  est 
caractéristique  de  son  espèce,  et  accomplir  la  marche,  la 
course y  le  saut,  les  divers  modes  de  progression  qui  sont 
propres  à  l'homme.    Seulement,    sa  solidité,  lors  de  l'ac- 
complissement de  ces  divers  actes,  n'est  pas  aussi  grande 
qu'elle  le  sera  par  la  suite,  et  des  chutes  fréquentes  signa- 
lent les  progrès  qu'il  fait  en  ce  genre.   En  général,   dans 
toute  cette  période,  l'être  se  livre  à  de  fréquents  mouve- 
ments ,  qui  tout  à  la  fois  sont  l'annonce  de  la  grande  acti- 
vité de  l'esprit,  et  un  moyen  par  lequel  la  nature  travaille 
au   développement  du    corps.   Les  expressions    suivent  la 
marche  des  facultés  intellectuelles  et  affectives,  dont  elles 
sont  une  conséquence  forcée.  D'un  côté  ,  le  langage  affectif 
participe  de  l'état  actif  de  l'esprit  et  du  cœur;   des  gestes 
continuels,  des  cris  fréquents ,  une  extrême  mobilité  de  la 
ligure ,  trahissent  sans  cesse  la  succession  des  idées  qui  sont 
formées,   des  sentiments  qui    sont   éprouvés.   D'un   autre 
côté,  la  faculté  du  langage  artificiel  en  plein  exercice  dirige 
les  organes  vocaux  et  de  l'articulation  des  sons;  et  soit  que 
cette   faculté    recueille    une  langue    toute   faite   due   aux 
hommes  qui  ont  précédé,  soit  qu'elle  en  invente  une  elle- 
même,  sons   ses    inspirations    Fenfant   apprend  à  parler  : 
jusque-là,   il  avait  eu  la  voix:,   le  cri;   maintenant  il  a  la 
parole  et  devrait  perdre  ce  nom  à? enfant  (qui  ne  peut  par- 
ler), que  jusque-là  il  avait  mérité.  Enfin,  il  est  impossible 
que  le  sommeil  ne  soit  pas  en  raison  d'une  veille  si  occupée 


44o  VIE    EXTRA -UTÉRIJNE. 

et  si  remplie;  aussi  est-il,  à  cette  époque,  impérieux,  pro- 
fond ,  prolongé ,  et  d'autant  plus  que  le  système  nerveux 
n'a  pas  encore  toute  la  force  qu'il  aura  par  la  suite. 

Tel  est  l'état  des  fonctions  de  relation.  On  voit  que  le 
développement  du  svstème  nerveux  cérébral  a  continué 
d'être  prédominant ;  et  cela  explique  pourquoi  les  maladies 
convulsives,  céphaliques,  continuent  d'être  fréquentes. 
Dans  les  fonctions  de  nutrition,  le  plus  grand  changement 
se  remarquera  dans  la  digestion,  car  c'est  à  un  développe- 
ment propre  à  l'appareil  de  cette  fonction  qu'est  pris  le 
trait  le  plus  saillant  de  la  période  que  nous  décrivons,  celui 
auquel  elle  doit  son  nom.  Graduellement  le  lait  de  la  mère, 
ou  la  boisson  ténue  qui  le  remplace,  ne  suffit  plus  comme 
aliment;  il  faut  une  matière  plus  substantielle,  et  qui 
exigera,  pour  être  prise,  une  mastication  préalable.  Par 
un  heureux  accord  ,  avant  que  ce  besoin  s'annonce  ,  la  na- 
ture fait  développer  l'appareil  masticateur;  les  mâchoires 
s'arment  de  dents,  d'où  le  nom  de  dentition  donné  à  cette 
période  de  la  vie.  Nous  avons  dit  que  dès  le  deuxième  mois 
de  la  grossesse,  les  germes  des  dents  se  montraient  dans 
l'épaisseur  des  os  des  mâchoires  sous  forme  de  follicules 
membraneux ,  d'une  figure  ovoïde ,  tenant  par  leur  extré- 
mité profonde  à  un  pédicule  vasculaire  et  nerveux,  et  par 
leur  extrémité  superficielle  à  la  gencive.  D'abord,  la  cavité 
de  ces  follicules  est  remplie  d'un  liquide  incolore,  limpide; 
mais  bientôt  il  s'y  développe  une  espèce  de  papille  vascu- 
laire et  nerveuse,  qui,  partant  de  l'extrémité  profonde  du 
follicule,  gagne  sa  partie  supérieure  et  finit  par  le  remplir  : 
le  liquide  intérieur  alors  diminue  dans  la  même  propor- 
tion. Cette  papille,  en  se  développant,  a  soulevé  l'une  des 
deux  membranes  qui  circonscrivent  le  follicule,  la  mem- 
brane interne  qui  est  vasculaire,  et  s'en  est  recouverte.  Ces 
deux  parties,  le  follicule  et  sa  papille,  grossissent  jusqu'au 
moment  de  l'ossification,  qui  commence  à  la  fin  du  troi- 
sième mois  de  la  vie  fœtale,  et  un  peu  plus  tôt  à  la  mâ- 
choire inférieure  qu'à  la  supérieure.  Cette  ossification  con- 
siste d'abord  dans  une  exsudation  de  la  matière  éburnée  à 
la  surface  de  la  pulpe;   elle  commence  au  sommet  de  la 


DE   LA   PHEMIÈRE   ENFANCE.  44 * 

papille  dentaire  :  là,  apparaît  sous  forme  d'une  petite  ca- 
lotte une  lame  d'ivoire,  qui  est  unique  pour  les  incisives  et 
canines,  multiple  pour  les  molaires,  et  qui,  augmentant 
successivement  de  largeur,  finit  par  recouvrir  le  sommet 
de  la  papille.  Cette  lame  augmente  aussi  d'épaisseur,  mais 
du  côté  de  la  papille,  de  sorte  que  le  volume  de  celle-ci 
diminue  proportionnellement,  Ensuite,  à  la  surface  de  cet 
ivoire  ,  se  forme  l'émail ,  qui  consiste  d'abord  en  une  couche 
mince  résultant  de  petites  parcelles  semblables  à  des  gout- 
telettes figées  et  très  dures,  mais  qui  devient  uni  et  s'é- 
paissit successivement.  Selon  les  uns,  il  est  exsudé  comme 
l'ivoire  par  la  pulpe  dentaire;  selon  les  autres,  il  est  un 
dépôt  de  la  liqueur  dans  laquelle  baigne  la  couronne  de 
la  dent  ;  selon  quelques  uns  ,  il  est  exhalé  par  le  feuillet 
interne  de  la  capsule.  A  la  naissance  ,  les  incisives  ont 
leurs  couronnes  formées  ;  celles  des  canines  ne  sont  pas 
achevées;  les  molaires  n'ont  encore  que  leurs  tubercules. 
Enfin  ,  la  racine  se  forme  en  dernier  lieu ,  et  quand  la 
couronne  est  achevée;  pour  cela,  le  pédicule  vasculaire  et 
nerveux  intérieur  s'alonge ,  et  le  follicule  paraît  comme 
étranglé  à  la  jonction  des  deux  parties  ;  l'ivoire  qui  la 
constitue  diffère,  dit  M.  Lemaire  ,  de  celui  de  la  cou- 
ronne. C'est  lorsque  la  formation  de  la  racine  des  dents 
est  assez  avancée  ,  que  l'éruption  se  fait  ,  et  cela  arrive 
généralement  vers  le  septième  mois  après  la  naissance , 
au  commencement  de  la  période  que  nous  décrivons.  D  a- 
bord  apparaissent  les  incisives  moyennes  de  la  mâchoire  in- 
férieure ,  puis  celles  de  la  mâchoire  supérieure  ;  après  les 
incisives  latérales  inférieures  et  les  incisives  latérales  supé- 
rieures; en  troisième  ordre,  se  montrent  les  premières  mo- 
laires inférieures 3  puis  les  supérieures;  en  quatrième  lieu, 
les  canines  inférieures  et  supérieures  ;  et  enfin  les  deuxièmes 
molaires.  Toujours  le  travail  commence  à  la  mâchoire  infé- 
rieure avant  la  supérieure;  les  incisives  sortent  du  huitième 
au  douzième  mois;  les  premières  molaires,  entre  dix-huit 
mois  et  deux  ans;  et  les  canines  et  deuxièmes  molaires  ,  vers 
deux  ans  et  demi.  Le  tissu  des  gencives  est  peu  soulevé  ,  peu 
distendu;    mais  il  s'amincit  -et  s'entr'ouvre  en  autant  de 


442  VIE   EX  TUA-UTÉRINE, 

points,   probablement  préexistants,  que  la  dent  a  de  cus- 
pides;  alors  la  couronne  apparaît,  et  sort  jusqu'au  collet  : 
la  cause  de  sa  sortie  est  probablement  l'accroissement  de  la 
dent.  Ce  n'est  qu'après  cette  éruption,  que  la  racine  de  la 
dent  achève  de  se  former.  J'ai  emprunté  à  Bêclard  cette 
description  anatomique  du  développement  des  premières 
dénis.  Cette  première  dentition,  sans  doute,  n'est  pas  plus 
une  maladie  que  tout  autre  âge,  et  certainement  on  exagère 
en  lui  attribuant  la  plupart  des  maladies  de  l'enfance  :  ce- 
pendant son  accomplissement  est  souvent  orageux  ,  difficile* 
comme  celui  de  tout  autre  développement;  et,  tout  au  moins, 
il  prédispose  à  des  maladies.  Le  grand  travail  qui  se  fait  alors 
à  la  bouche  ,  augmente  la  tendance  qu'a  déjà  le  sang  à  se 
porter  à  la  tête  ;   et  la  douleur  qui  souvent  accompagne  ce 
travail,  ajoute  à  la  susceptibilité  nerveuse  qui  est  déjà  pro- 
pre aux  enfants.  Bien  que  le  percement  de  la  gencive  ne  soit 
pas  une  chose  mécanique  ;  que,  dans  l'ordre  le  plus  naturel, 
cette  gencive  ne  doive  pas  être  soulevée  ,  distendue  ;  cepen- 
dant souvent  elle  se  gonfle,  s'enflamme  et  excite  la  fièvre, 
et  diverses    maladies  sympathiques,   comme   convulsions, 
diverses  inflammations  des  membranes  muqueuses ,  parti- 
culièrement de  la  conjonctive,  du  larynx,  de  la  trachée- 
artère,  de  l'estomac,  des  intestins,  diverses  éruptions  cu- 
tanées ,  etc. 

En  même  temps  qu'apparaissent  les  dents,  les  muscles 
masticateurs  prennent  de  la  force,  et  les  organes  salivaires 
et  le  pancréas  se  développent.  La  formation  de  ces  diverses 
parties  indique  assez  le  changement  qui  doit  être  fait  dans 
l'alimentation  de  l'enfant;  dès  les  premiers  mois,  le  lait  de 
sa  mère  n'a  plus  suffi  à  cet  être  ,  et  il  a  falluy  ajouter  quelque 
bouillie  ;  mais  à  l'époque  à  laquelle  nous  sommes  parvenus  , 
il  réclame  une  nourriture  plus  substantielle ,  et  il  commence 
à  user  des  mêmes  aliments  que  l'adulte  :  il  accuse  fréquem- 
ment le  besoin  de  manger,  parce  que  l'alimentation  doit 
encore  fournir,  non-seulement  à  la  nutrition,  mais  à  l'ac- 
croissement qui  est  toujours  considérable.  Nous  n'avonsrien 
de  particulier  à  dire  sur  les  autres  fonctions  nutritives ,  si- 
non que  le  tissu  cellulaire  prédomine  encore ,  ce  qui  annonce 


DE   LA   PREMIÈRE   EKFAKCE.  ^3 

une  assez  grande  activité  dans  les  absorptions;  et  que  les 
efforts  nutritifs  portent  plus  particulièrement  sur  les  systè- 
mes osseux  et  nerveux,  d'où  la  fréquence  du  rachitisme  à 
cet  âge,  si  la  constitution  est  un  peu  faible.  Du  reste,  il  y 
a  persistance  des  traits  énoncés  dans  l'époque  précédente, 
comme  état  acidulé  de  la  transpiration,  défaut  d'urée  dans 
l'urine,  etc. 

Ainsi ,  dans  cette  seconde  époque  de  l'enfance  ,  l'accrois- 
sement continue ,  mais  est  bien  loin  d'être  terminé  ;  les  fonc- 
tions de  relation  sont  toutes  en  plein  exercice  ;  la  pousse  des 
dents  a  conduit  au  sevrage;  les  plus  grands  efforts  de  la 
nutrition  portent  sur  les  systèmes  nerveux  et  osseux,  d'où 
la  persistance  de  la  prédisposition  aux  convulsions,  aux  ma- 
ladies cépbaliques  ,  et  l'apparition  du  racliitis;  la  dentition 
expose  à  de  nombreux  dangers,  non  d'une  manière  mécani- 
que ,  mais  par  une  loi  organique  commune  à  tous  les  autres 
développements.  La  digestion  manifeste  une  grande  acti- 
vité, et  il  imperte  beaucoup  d'en  éviter  les  écarts,  tant 
pour  prévenir  les  maladies  des  organes  digestifs  eux-mêmes  , 
que  pour  qu'il  soit  fourni  à  l'économie  ,  dont  les  fondements 
se  posent  alors  ,  d'excellents  matériaux.  L'appareil  absor- 
bant cbylifère  a  alors  une  assez  grande  susceptibilité;  et  s'il 
est  trop  irrité,  survient  promptement  la  maladie  appelée 
le  carreau.  L'équilibre  entre  les  moitiés  supérieure  et  infé- 
rieure du  corps  tend  à  s'établir,  mais  il  n'y  parvient  pas  en- 
core tout-à-fait.  Les  articulations  sont  encore  bourrées,  et 
la  graisse  surabonde  encore  sous  la  peau.  Cette  membrane 
conserve  toute  sa  susceptibilité  morbide,  et  cet  âge  est  celui 
des  maladies  éruptives.  Les  membranes  muqueuses  ont  la 
même  susceptibilité,  comme  le  prouve  la  fréquence  du  croup* 
de  la  coqueluche,  des  catarrhes,  à  cette  période  de  la  vie. 

ARTICLE   III. 

Troisième  époque  de  la  première  enfance. 

Nous  avons  peu  de  détails  à  offrir,  et  ces  détails  sont  la  conti- 
nuation du  tableau  précédent.  De  la  deuxième  à  la  septième 
année,  le  développement  intellectuel  et  moral  continue  à  se 


444  VIE   EXTRA-UTÉRINE, 

faire ,  et  nous  répétons  que  c'est  vraiment  dans  cet  intervalle 
que  l'homme  acquiert  le  plus  de  connaissances.  La  locomo- 
tion est  en  plein  exercice;  les  os  s'ossifient  de  plus  en  plus; 
les  muscles  se  dessine  ut.  La  plus  grande  activité  se  décèle 
dans  la  double  fonction  des  sensations  et  des  mouvements, 
dans  celle  des  expressions  ;  l'enfant  a  alors  une  loquacité 
intarissable.  Le  sommeil  est  en  raison  d'une  veille  si  exercée 
et  si  fatigante  :  cependant,  comme  le  système  nerveux  plus 
développé  a  plus  de  force,  ce  phénomène  ne  s'établit  plus 
qu'une  fois  dans  les  vingt-quatre  heures;  mais  il  est  pro- 
fond, et  se  prolonge  dix  à  douze  heures.  Quant  à  la  vie  or- 
ganique ,  toutes  ses  fonctions  sont  désormais  en  activité,  et 
avec  les  mêmes  traits  que  dans  l'âge  adulte  ;  seulement  elles 
prennent  chaque  jour  plus  de  force  et  de  consistance.  Cette 
époque  se  termine  par  l'apparition  d'une  troisième  dent  mo- 
laire, qui  achève  ce  qu'on  appelle  la  première  dentition,  et 
qui  peut-êti*e  serait  mieux  rapportée  à  la  seconde,  puisqu'elle 
ne  tombera  pas  comme  les  premières  dents.  L'accroissement 
secontinue,  et  nesera  pas  encore  terminé.  Ainsi,  grandeac- 
tivité  sensoriale,  intellectuelle,  morale,  musculaire,  grand 
appétit,  tels  sont  les  traits  principaux  de  cette  époque; 
d'où  il  est  aisé  de  déduire  les  maladies  auxquelles  cet  âge 
doit  être  prédisposé;  ce  sont  encore  celles  des  deux  époques 
précédentes,  les  maladies  céphaliques,  cutanées,  le  rachi- 
tis,  le  croup,  etc. 

CHAPITRE  IL 

De  la  deuxième  enfance . 

Ce  second  âge  de  la  vie  s'étend,  selon  M.  Halle,  de  la 
septième  à  la  quinzième  année,  et  est  marqué  par  la  seconde 
dentition  ,  et  par  le  premier  éveil  des  organes  génitaux.  Vers 
la  septième  année  à  peu  près,  les  dents  que  nous  avons  vu 
apparaître  dans  l'âge  précédent ,  paraissent  s'écarter  les  unes 
des  autres,  puis  s'ébranlent  et  tombent.  Leur  écartement 
tient  à  ce  que  l'arcade  alvéolaire  qui  les  contient,  continue 
de  croître,  tandis  qu'elles  ne  changent  pas  de  volume.  Leur 


DE  LA  DEUXIÈME  ENFANCE.  445 

cliute  est  due  à  l'usure  de  leurs  racines ,  et  surtout  à  ce  que 
leurs  alvéoles  sont  envahies  par  de  nouvelles  dents.  Les  ger- 
mes de  celles-ci,  au  nombre  de  trente -deux,  sont  visibles 
dès  le  fœtus.  Consistant  de  même  en  follicules  membraneux, 
ovoïdes  ,  ils  sont  situés  dans  un  rang  d'alvéoles  placées  dans 
les  mâchoires  en  arrière  de  celles  qui  contiennent  les  dents 
enfantines.  Leur  ossification  se  fait  de  même ,  et  commence  , 
du  troisième  au  sixième  mois  après  la  naissance  pour  les 
incisives  et  la  première  molaire,  au  neuvième  mois  pour  la 
canine,  à  trois  ans  pour  la  deuxième  molaire,  à  trois  ans  et 
demi  pour  la  quatrième  ,  et  à  dix  ans  pour  la  cinquième. 
L'éruption  se  fait  quand  la  couronne  est  achevée ,  et  que  la 
racine  est  en  grande  partie  formée;  elle  est  précédée  de  la 
chute  des  dents  infantiles,  dont  la  racine  est  en  grande 
partie  ou  en  totalité  résorbée.  Les  incisives  sortent  les  pre- 
mières ,  de  sept  à  dix  ans;  puis  les  bicuspidées;  en  troisième 
lieu,  la  canine;  ensuite,  vers  onze  à  douze  ans  ,  la  seconde 
grosse  molaire;  enfin  ,  vers  vingt  ans  la  cinquième  molaire. 
Nous  avons  dit  que  la  première  grosse  molaire  apparaissait 
dans  le  cours  de  la  première  dentition.  Ces  dents  ne  sont  pas 
achevées  quand  elles  paraissent;  il  faut  deux  ou  trois  ans  pour 
que  se  complètent  leurs  racines  qui  ne  sont  qu'ébauchées; 
elles  augmentent  aussi  en  épaisseur  à  l'intérieur.  Les  arcades 
dentaires  s'agrandissent  continuellement  jusqu'à  vingt  ans  , 
tant  pour  faire  place  aux  deux  nouvelles  grosses  molaires  qui 
surviennent ,  que  parce  que  les  dents  de  remplacement  sont 
plus  larges  que  les  dents  dites  de  lait.  La  face,  par  suite, 
prend  plus  de  hauteur  et  de  largeur,  et  revêt  une  autre 
physionomie.  Cette  seconde  dentition  est  généralement  moins 
orageuse  que  la  première;  cependant  l'éruption  de  la  dent 
de  sagesse  est  souvent  douloureuse. 

En  même  temps  que  se  fait  cette  révolution,  toutes  les 
autres  parties  du  corps  continuent  de  marcher  à  leur  per- 
fection. L'accroissement  en  hauteur  continue,  sans  s'ache- 
ver encore;  les  parties  supérieures,  quoique  devenant  bien 
moins  considérables,  proportionnellement  aux  inférieures, 
conservent  cependant  encore  un  peu  de  leur  prédominance; 
et  il  en  est  de  même  des  systèmes  nerveux  et  cellulaire.  Les 


4^6  VIE   EXTEA-tJTÉRINB* 

sens  sont  tout-à-fait  en  activité;  l'organe  de  l'odorat,  dont 
le  développement  avait  été  plus  tardif  que  celui  des  autres 
sens  ,  a  désormais  toute  sa  perfection  ;  ses  sinus  intérieurs  se 
sont  creusés  ;  le  nez  extérieur  a  pris  du  volume.  Les  facultés 
intellectuelles  et  morales  manifestent  de  plus  en  plus  de 
l'activité  et  de  l'étendue,  et  c'est  à  juste  titre  que,  dans 
nos  sociétés ,  cette  époque  de  la  vie  est  consacrée  aux  travaux 
qu'exige  une  éducation  libérale  :  non-seulement  l'intelli- 
gence a  pris  plus  de  force ,  mais  le  sentiment  si  précieux  de 
la  moralité  s'est  développé;  jusque-là  ,  l'enfant  avait  pu  être 
guidé  par  des  affections;    maintenant  il  peut  apprécier  ce 
qui  est  juste  ,  et  connaître  ses  devoirs.  Les  mouvements  sont 
désormais  assurés,  mais  ils  se  répètent  sans  cesse,  et  l'être 
accuse  un  besoin  fréquent  d'exercice.   Les  expressions  sont 
en  raison  de  la  sensibilité,  et  la  grande  loquacité  de  cet  âge 
trahit  la  grande  activité  dont  jouit  alors  l'esprit.  On  conçoit 
ce  que  doit  être  le  sommeil  d'après  une  veille  aussi  remplie. 
En  un  mot,  la  vie  animale  marche  rapidement  à  son  déve- 
loppement,  conservant  cependant  encore  beaucoup  de  la 
mobilité  du  premier  âge. 

Il  en  est  de  même  de  la  vie  organique.  La  digestion  alors 
supporte  toute  espèce  d'aliments,  en  réclame  une  quantité 
assez  grande  ,  et  à  des  intervalles  assez  rapprochés.  La  nu- 
trition conserve  toute  son  activité  première,  puisqu'elle  a 
encore  à  faire  croître  l'individu.  Le  système  osseux  devient 
de  nouveau  l'objet  particulier  de  ses  efforts;  et  c'est  pour 
cela  que,  s'il  y  a  quelques  causes  originelles  ou  acquises  de 
faiblesse,  souvent  survient  alors  un  nouveau  rachitis,  dit 
rachitis  du  deuxième  âge ,  et  qui  porte  plus  sur  le  tronc  que 
sur  les  membres,  à  la  différence  du  premier.  Les  articula- 
tions sont  désormais  débourrées.  Les  muscles  ,  quoique  grê- 
les ,  dessinent  leurs  reliefs ,  parce  que  la  graisse  sous-cutanée 
qui  arrondissait  les  formes  a  beaucoup  diminué.  Toutes  les 
parties  conservent  encore  un  peu  de  la  mollesse,  de  la  na- 
ture gélatineuse  du  premier  âge  ;  mais  ces  caractères  spéci- 
fiques de  l'enfance,  sur  la  fin  de  cette  période,  ont  déjà 
beaucoup  diminué.  Enfin  ,  souvent  dès  la  fin  de  cet  âge,  les 
organes  génitaux  commencent  la  série  de  leurs  développe- 


ADOLESCENCE.  447 

ments,  et  accusent  un  premier  besoin  d'être  mis  en  jeu; 
mais  ce  n'est  que  le  prélude  de  la  révolution  qui  va  marquer 
l'âge  suivant ,  et  il  faut  bien  se  garder  de  les  écouter. 

CHAPITRE  III. 

Adolescence.  —  Puberté. 

Ce  troisième  âge  de  la  vie  est  marqué  par  l'achèvement 
entier  de  l'accroissement  en  hauteur,  par  le  développement 
complet  des  organes  génitaux,  et  la  possibilité  d'exercer  la 
génération.  Sa  durée  s'étend  de  quinze  à  vingt-cinq  ans  chez 
l'homme ,  et  de  quinze  à  vingt-un  ans  chez  la  femme.  Dans 
les  premières  années  de  la  vie,  les  deux  sexes  avaient  paru 
semblables  dans  leurs  traits  généraux;  ils  étaient  confondus 
sous  la  dénomination  commune  d'enfants.  Déjà,  dans  le 
cours  de  l'âge  précédent,  chacun  d'eux  avait  commencé  à 
revêtir  ses  traits  propres,  à  signaler  ses  inclinations  particu- 
lières. Mais  dans  celui-ci  leur  distinction  va  s'établir  tout- 
à-fait;  et,  clans  la  description  que  nous  avons  à  donner,  il 
faut  séparer  ce  qui  est  de  1  homme  et  de  la  femme. 

L'homme,  dans  cette  période  de  sa  vie,  arrive  à  sa  sta- 
ture; son  corps  est  svelte  et  élancé;  sa  peau  a  perdu  de  sa 
finesse  et  de  sa  blancheur  ;  ses  cheveux  ont  bruni  ;  son  tissu 
cellulaire  s'est  condensé  :  ses  muscles,  devenus  plus  volu- 
mineux ,  se  dessinent  en  relief  à  l'extérieur;  les  traits  de 
son  visage  ,  bien  prononcés  ,  transmettent  désormais  les  for- 
mes héréditaires.  La  barbe  apparaît,  en  même  temps  que  des 
poils  épais  poussent  aux  parties  génitales.  De  semblables 
poils ,  mais  plus  courts ,  remplacent  plus  ou  moins  çà  et  là 
le  duvet  soyeux  que ,  dans  les  premiers  temps  de  la  vie ,  of- 
frait la  peau ,  et  se  montrent  surtout  à  la  partie  antérieure 
du  thorax.  La  tête  a  perdu  toul-à-fait  sa  prédominance,  et 
le  thorax  et  l'abdomen  ,  suffisamment  développés,  on  t  amené 
l'équilibre  entre  les  cavités  splanchniques.  Le  milieu  du 
corps  correspond  au  pubis.  La  prédominance  lymphatique 
a  disparu,  et  le  système  vascuîaire  sanguin  est  parvenu  à 
équilibrer  les  vaisseaux  blancs.  Le  cerveau  a  grossi  beau- 


448  VIE   EXTRA-UTÉRINE, 

coup,  mais  surtout  dans  sa  partie  postérieure  et  inférieure  , 
clans  le  cervelet  ;  il  a  acquis  aussi  de  Ja  consistance,  et  exhale 
désormais  une  odeur  spermatique.  Tout  le  système  nerveux, 
dans  le  cours  de  la  vie  ,  devient  successivement  moins  volu- 
mineux et  plus  consistant.  Les  os  ont  achevé  leur  ossification 
en  hauteur.  Les  muscles  sont  devenus  rouges  et  très  fihri- 
neux.  Le  larynx  a  pris  tout-à-coup  un  grand  accroissement, 
et  la  glotte  tout  à  la  fois  s'est  élargie  et  alongée.  Les  mâ- 
choires ont  achevé  leur  développement  par  la  pousse  des 
dents  de  sagesse.  Toutes  les  parties  destinées  aux  fonctions 
organiques  sont  arrivées  à  l'état  dans  lequel  nous  en  avons 
fait  la  description.  Les  organes  génitaux,  enfin,  ont  pris  le 
volume  et  l'activité  qui  sont  nécessaires  à  l'accomplissement 
de  leurs  fonctions;  les  testicules  ont  grossi  du  double,  et 
effectuent  leur  sécrétion;  le  pénis  a  grossi,  s'est  alongé , 
et  est  devenu  susceptible  d'érection;  le  scrotum  a  pris 
une  couleur  plus  brune;  les  seins  eux-mêmes  ont  accusé 
l'excitation  qui  a  été  imprimée  tout  à  coup  à  tout  l'appareil, 
car  souvent,  chez  le  jeune  homme  qui  devient  pubère,  ils 
se  gonflent  et  laissent  suinter  une  humeur  lactescente. 

Chez  la  femme,  le  corps  arrive  aussi  à  sa  hauteur,  et  de  même 
présente  les  proportions  qui  lui  sont  propres;  mais  la  consti- 
tution générale  reste  bien  plus  ce  qu'elleétait  dans  la  première 
et  la  seconde  enfance.  La  peau  conserve  sa  blancheur  pre- 
mière ,  et  souvent  même  en  acquiert  une  plus  grande. 
Loin  que  la  graisse  disparaisse,  comme  dans  le  jeune  homme 
pubère,  et  laisse  les  muscles  dessiner  leurs  saillies  ;  cette  hu- 
meur devient  plus  abondante,  et  donne  plus  de  rondeur  en- 
core à  toutes  les  formes.  Le  tempérament  général,  au  lieu 
de  devenir  sanguin  comme  celui  du  jeune  homme ,  reste 
lymphatique  et  nerveux  ;  et  les  fluides  blancs  continuent  de 
prédominer.  Il  ne  pousse  de  poils  qu'aux  parties  génitales 
et  aux  aisselles ,  et  la  chevelure  seule  paraît  se  ressentir  de 
la  crue  subite,  qui,  dans  l'autre  sexe,  est  imprimée  à  tout 
le  système  pileux.  Du  reste,  même  développement  dans  les 
organes  génitaux  proprement  dits;  les  ovaires  deviennent 
plus  gros  du  double;  l'utérus  développé  devient  chaque 
mois  un  centre  de  fluxion  pour  le  sang  ,  et  la  sécrétion  mens- 


ADOLESCENCE.  449 

truelle  s  établit;  le  pénis  se  couvre  de  poils;  les  lèvres  du 
pudendum  s'alongent  ;  le  bassin  preud  l'ampliation  qui 
permettra  l'accouchement;  les  seins  enfin,,  semblables  jus- 
que là  à  ceux  de  l'homme,  acquièrent  le  volume  qui  en  fait 
un  des  attributs  physiques  et  dislinctifs  de  îa  femme. 

Sous  le  rapport  des  fonctions,  la  révolution  de  la  puberté 
n'est  pas  moins  saillante.  Les  sens  externes  sont  désormais 
animés  par  le  nouvel  instinct  qui  se  fait  sentir.  Une  grande 
activité  intellectuelle  et  morale  se  manifeste,  tant  parce  que 
de  nouvelles  facultés  apparaissent,  que  parce  que  les  facul- 
tés anciennes,  qui  dès  long-temps  étaient  en  exercice ^  re- 
çoivent tout  à  coup  un  nouvel  élan.  D'abord,  éclate  dans 
lame  de  l'individu  un  besoin  qui  lui  était  inconnu  jusqu'a- 
lors, et  qui  se  montre  bien  plus  impérieux  qu'aucun  de 
ceux  qu'il  a  jusque  là  éprouvés.  Ce  besoin  est  celui  de  l'a- 
mour, passion  la  plus  universelle  de  toutes  ,  et  à  l'empire  de 
laquelle  peu  d'êtres  se  soustraient.  Sa  physionomie  diffère 
dans  chaque  sexe  ;  dans  l'homme  ,  il  s'annonce  par  l'audace  , 
la  violence,  l'emportement;  dans  la  femme,  il  est  précédé 
de  la  pudeur,  voile  des  désirs,  et  d'un  instinct  irréfléchi  de 
plaire,  de  coquetterie.  C'est  alors  que  les  jeunes  gens  des 
deux  sexes  prennent  le  goût  de  la  parure,  de  même  qu'on 
voit  les  oiseaux  revêtir  ,  au  temps  de  leurs  amours  ,  de  plus 
belles  couleurs.  Dans  l'origine  de  son  développement,  sou- 
vent le  but  de  ce  nouvel  instinct  n'est  pas  bien  annoncé; 
une  sollicitude  vague  entraîne  l'être  vers  un  bien  qu'il 
ignore;  mais  bientôt  son  objet  est  clairement  décelé,  et 
l'être  connaît  la  nouvelle  faculté  qui  lui  est  donnée.  En- 
suite, les  autres  facultés  intellectuelles  et  affectives ,  par 
l'addition  de  ce  nouvel  instinct,  prennent  un  plus  grand 
essor  ;  l'esprit  accuse  plus  de  puissance  et  d'activité ,  le  cœur 
plus  de  chaleur  et  d'entraînement.  L'être  est  alors  ,  sous  le 
rapport  moral,  dans  le  plus  bel  âge  de  sa  vie;  il  sent  toutes 
ses  forces;  il  y  a  confiance,  et  espère  le  bonheur.  D'une 
part,  en  effet,  si  cette  époque  de  la  vie  est  celle  de  l'amour 
des  plaisirs ,  elle  est  aussi  celle  des  nobles  travaux;  à  quels 
beaux  résultats  intellectuels  peut  parvenir  alors  une  jeu- 
nesse qui  a  été  bien  préparée  et  qui  est  bien  dirigée!  D'au- 
Tome  IV,  29 


45g  vie  extra-utérine. 

Ire  part ,  quelle  richesse  dans  les  sentiments  du  cœur  !  On 
est  sans  doute  imprudent,  léger,  présomptueux,  indiscret; 
mais  le  cœur  est  plein  de  générosité ,  de  noblesse ,  et  af- 
franchi de  tout  égoïsme.  La  réaction  exercée  par  le  nouvel 
instinct  qui  est  acquis ,  se  fait  sentir  aussi  sur  les  mouve- 
ments ;  le  jeune  homme,  ayant  désormais  toute  son  énergie 
physique,  éprouve  le  besoin  de  l'employer;  et  les  exercices 
violents  de  la  chasse  ,  de  la  guerre  ,  des  voyages ,  sont  autant 
de  moyens  par  lesquels  il  consume  l'excès  de  ses  forces.  Ses 
expressions  surtout  trahissent  l'état  nouveau  de  son  ame; 
son  œil  brille  d'un  plus  vif  éclat,  sa  physionomie  est  plus 
animée.  La  voix  a  changé;  dans  l'homme,  elle  a  pris  un 
caractère  plus  grave ,  indice  de  la  force  nouvelle  que  l'être 
a  revêtu  ;  dans  la  femme ,  elle  a  pris  un  timbre  plus  doux. 
De  même  que  les  sens,  le  langage  parlé  prend  un  caractère 
passionné;  alors  la  parole  devient  facile,  et  presque  tout 
homme  est  éloquent.  C'est  alors  aussi  que  les  arts  de  la  mu- 
sique, de  la  poésie,  de  la  danse,  sont  cultivés  avec  le  plus 
de  succès ,  et  qu'irrésistiblement  presque  le  goût  en  naît.  Le 
sommeil  lui-même  n'est  pas  étranger  à  cette  remarquable 
révolution;  sans  doute  il  est  moins  long  que  dans  les  âges 
précédents;  déjà  il  reçoit  le  joug  de  l'habitude,  joug  qui 
s'appesantit  d'autant  plus  sur  tous  les  actes  de  l'économie, 
qu'on  avance  plus  dans  la  vie;  mais  il  est  souvent  troublé 
par  des  rêves  relatifs  aux  nouveaux  sentiments  qui  ont  éclaté 
dans  l'ame ,  et  souvent  l'adolescent  goûte  dans  ces  rêves  les 
plaisirs  nouveaux  auxquel  il  est  appelé  et  auxquels  il  n'a  pas 
osé  encore  se  livrer. 

Les  changements  sont  moindres  dans  les  fonctions  de 
nutrition.  La  digestion  réclame  encore  une  alimentation 
très  abondante,  puisqu'alors  le  corps  achève  son  accrois- 
sement en  hauteur,  et  que  tous  les  organes,  en  pleine  ac- 
tivité, font  plus  de  dépenses  que  jamais.  Cependant,  on 
est  distrait  par  l'instinct  nouveau  qui  a  éclaté,  du  plai- 
sir attaché  à  l'exercice  de  cette  fonction ,  et  l'habitude 
commence  à  en  régler  tous  les  actes.  Comme  dans  tous  ces 
premiers  âges  de  la  vie,  le  corps  croît,  et  que  son  accroisse- 
ment se  fait  aux  dépens  du  sang,  on  conçoit  que  la  nature 


ADOLESCFJSCE.  45 1 

a  dû  faire  croître  aussi  les  appareils  qui  font  ce  fluide  ,  et 
particulièrement  les  organes  digestifs  et  respirateurs.  C'est 
ce  qui  est  en  effet.  Successivement ,  l'estomac  a  pris  plus 
d'ampleur,  et  a  pu  digérer  uue  quantité  plus  grande  d'ali- 
ments. Le  poumon  de  même  s'est  graduellement  agrandi; 
et,  à  l'époque  que  nous  décrivons  ici,  son  ^développement 
surtout  devient  manifeste.  Il  se  fait  réellement  alors  une 
quantité  de  sang  plus  considérable;  aussi  le  tempérament 
devient-il  sanguin.  Les  nutritions  enfin  impriment  à  la  ma- 
tière des  organes  une  nature  plus  animalisée  ,  comme  le 
prouvent  la  composition  chimique  de  ces  organes,  et  la  na- 
ture des  excrétions.  Non-seulement  les  muscles  contien- 
nent alors  plus  de  fibrine,  non-seulement  le  sang  est  moins 
séreux  et  plus  riche  en  globules  ,  le  tissu  nerveux  plus 
dense,  etc. ,  mais  les  excrétions  accusent  une  animalisation 
plus  grande  ;  dans  l'urine  ,  l'urée  a  pris  la  place  de  l'acide 
benzoïque  ;  la  transpiration  cutanée  ,  au  lieu  d'être  acidulé  , 
a  une  odeur  musquée,  etc.  Ainsi,  de  même  que  les  fonc- 
tions sensoriales  sont  désormais  en  plein  exercice,  de  même 
les  fonctions  organiques  ont  toute  leur  puissance  ,  et  impri- 
ment à  la  matière  qu'elles  travaillent  les  qualités  d'orga- 
nisation et  de  vie  dans  toute  leur  plénitude. 

Enfin  ,  c'est  alors  qu'entrent  en  exercice  les  fonctions  se- 
nitales  :  l'établissement  des  menstrues  cbez  la  femme  ,  celui 
delà  sécrétion sperma tique  et  la  fréquence  des  érections  chez 
rhomme,annoncent  que  l'être  peut  désormais  accomplir  l'œu- 
vre de  sa  reproduction. Non-seulement  le  développement  sur- 
venu dans  les  organes  génitaux,  a  pour  résultat  de  permettre 
l'accomplissement  de  cette  faculté  ,  mais  encore  ce  dévelop- 
pement est  marqué  par  une  réaction  sur  tous  les  organes  du 
corps,  de  laquelle  résulte  un  surcroît  marqué  de  vie.  En 
effet,  si  lors  de  la  puberté,  toutes  les  fonctions  accusent 
une  activité  nouvelle,  ce  n'est  pas  seulement  parce  que,  par 
une  coïncidence  heureuse,  les  appareils  de  ces  fonctions  ont 
éprouvé  un  redoublement  d'accroissement,  en  même  temps 
que  se  développaient  les  organes  génitaux;  mais  c'est  que 
ceux-ci  évidemment  ont  réagi  sur  les  premiers ,  soit  par  le 
changement  que  la  sécrétion  spermatique  imprime  au  san 


29. 


452  VIE    EXTRA-UTÉRINE. 

soit  sympaltiiquement.  Ce  qui  le  prouve,  c'est  que  si  les 
organes  génitaux  ne  se  développent  pas.,  ou  sont  enlevés 
avant  l'âge  de  leur  développement,  la  constitution  générale 
reste  avec  la  plupart  des  traits  de  l'enfance ,  comme  cela 
se  voit  chez  les  eunuques.  Ce  qui  le  dénote  encore ,  c'est  que 
les  changements  généraux  de  la  puberté  sont  toujours  un 
peu  en  raison  du  degré  de  développement  et  d'activité  des 
organes  génitaux;  c'est  que  ces  changements  réclament  la 
continuité  de  l'influence  de  ces  organes  pour  se  maintenir, 
et  disparaissent  en  partie  quand,  par  accident,  les  organes 
génitaux  sont  enlevés,  ou  qu'on  est  arrivé  à  l'âge  où  leur 
exercice  doit  naturellement  cesser. 

L'âge  de  la  puberté,  du  reste ,  comme  tout  autre,  ne  se 
prononce  que  par  gradation.  Il  ne  faut  pas  croire  que  l'ac- 
complissement d'une  première  excrétion  spermatique  chez 
l'homme  ,  ou  une  première  irruption  menstruelle  chez  la 
femme,  en  marque  l'achèvement  complet;  il  n'arrive  que 
trop  souvent  que  les  organes  génitaux  ont  un  développe- 
ment hâtif,  qui  n'est  pas  en  rapport  avec  le  degré  d'accrois- 
sement du  resle  du  corps;  et,  pour  juger  s'il  faut  céder  à 
l'entraînement  qu'ils  inspirent,  c'est  moins  leur  état  qu'il 
faut  consulter  que  celui  de  l'économie  entière;  car  le  vœu 
de  la  nature  est  que  l'individu  soit  parfait  avant  qu'il  pense 
à  la  reproduction.  Si  l'époque  de  la  dentition  est  souvent 
orageuse ,  il  en  est  de  même  de  la  puberté ,  surtout  chez  la 
femme  ;  combien  de  jeunes  filles  éprouvent  alors  d'accidents 
variés  !  D'autre  part ,  la  révolution  que  cet  âge  amène  dans 
toute  la  constitution,  fait  souvent  cesser  toutes  les  mala- 
dies de  l'enfance,  mais  pour  prédisposer  l'être  à  de  nou- 
velles affections ,  qui  sont  particulièrement  les  congestions 
sanguines  sur  les  organes  de  la  voix  et  de  la  respiration. 

CHAPITRE  IV. 

De  la  Kirilité. 

Dans  l'âge  précédent,  l'accroissement  du  corps  en  hau- 
teur s'était  terminé.  Dans  celui-ci ,  s'achève  l'accroissement 


DE    LA    VIRILITÉ.  453 

en  épaisseur,  d'où  résulte  enfin  îe  développement  entier  de 
toute  l'organisation,  la  possession  de  toutes  les  facultés. 
Tels  sont,  en  effet,  les  traits  distinctifs  de  ce  quatrième 
âge  de  la  vie ,  qu'on  appelle  virilité ,  âge  qui  est  celui  dans 
lequel  nous  avons  supposé  l'homme  quand  nous  avons  fait 
l'histoire  de  ses  fonctions,  et  qui  s'étend  pour  lui  de  la 
vingt-cinquième  à  la  soixante-troisième  année  de  la  vie,  et 
pour  la  femme,  de  la  vingt-unième  à  la  cinquantième. 
M.  Halle  l'a  subdivisé  en  trois  époques  :  la  virilité  crois- 
sante y  la  virilité  confirmée  3  et  la  virilité  décroissante. 

Dans  la  première ,  s'achève  tout-à-fait  l'accroissement  en 
hauteur  *   l'individu  arrive    à  sa  stature  propre,    qui   est 
ordinairement  de  cinq   pieds  à  cinq  pieds   et  demi  pour 
riiomme ,  et  de  quatre  pieds  huit  ou   dix  pouces  à  cinq 
pieds  pour  la  femme.  Mais,  en  même  temps,  l'accroissement 
en  grosseur  continue,  et  la  taille  devient  par  degrés  moins 
svelte  que  dans   l'âge  précédent.   Toutes  les  parties    plus 
grosses,  partant  plus  fortes,  ont  déjà  un  port  moins  élé- 
gant. La  barbe  devient  plus  épaisse,   plus   dure;    tout  le 
système  pileux,  les  cheveux,  par  exemple,  prennent  une  teinte 
plus  foncée.  Il  en  est  de   même  du  teint  du  visage 3   de  la 
couleur  des  yeux.  La  peau  s'épaissit  et  brunit.  La  physio- 
nomie a  désormais  son  caractère  propre;  et  tout  le  corps  a 
revêtu  son  tempérament  spécial,  tempérament  qui  s'appro- 
chera d'autant  plus  du  bilieux  qu'on  sera  plus  près  du  milieu 
delà  vie.  Alors  les  divers  appareils  sont  telsquenous  les  avons 
décrits,  quand  nous  avons  fait  l'histoire  des  fonctions.   Les 
systèmes  lymphatique  et  cellulaire  ont   tout-à-fait  perdu 
leur  prédominance,  et  la  balance  est  en  faveur  du  système 
vascuîaire  sanguin.  Le  thorax  de  plus  en  plus  s'élargit,  pour 
prêter  au  grand  développement  des  organes  situés  dans  son 
intérieur;  el  la  direction  plus  spéciale  des  efforts  de  la  nu- 
trition sur  cette  partie  du  corps ,  explique  la  plus  grande 
fréquence  des  maladies  thoraciqueset  pulmonaires,  à  cet  âge. 
La  prédominance  nerveuse  en  général,  et  celle  du  cerveau 
en  particulier,    ont  cessé;    le   cerveau,   dans  son   rapport 
avec  le  corps,  n'estplus  comme  1  à  12  ,  ainsi  que  cela  était  à 
la  naissance,   ni  comme  1  à  25,  ainsi  que  cela  était  dans 


454  VIE   EXTRA-UTÉRINE, 

l'enfant,  mais  comme  1  à  35.  La  face  désormais  équilibre 
avec  le  crâne,  i°  à  cause  du  développement  des  diverses  ca- 
vités qui  se  sont  formées  en  elle,  comme  sinus  frontaux, 
ethmoïdaux  ,  maxillaires;  2"  parce  que  le  nez  est  formé,  et 
que  les  mâchoires  sont  désormais  garnies  de  toutes  leurs 
dents.  En  un  mot,  toutes  les  parties  sont  parvenues  au 
complément  de  leur  développement.  Les  os  ont  toutes  leurs 
apophyses  bien  prononcées,  toutes  leurs  cavités  intérieures 
formées  et  remplies  de  moelle,  leurs  points  primitifs  d'os- 
sification réunis  et  soudés.  Les  muscles  sont  épais,  forts, 
robustes,  rouges,  très  fibrineux.  Dans  le  parenchyme  de 
toutes  les  parties,  le  tissu  cellulaire  se  condense,  et  les  pa- 
rois des  vaisseaux  deviennent  plus  épaisses.  Tous  les  organes 
ont  revêtu  une  consistance  et  une  fermeté  qui  contrastent 
avec  la  mollesse  qu'ils  avaient  dans  l'enfance.  Quant  aux 
fonctions ,  il  est  aisé  de  pressentir  ce  qu'elles  doivent  être 
d'après  cet  état  des  organes  :  ceux-ci,  étant  parvenus  à  leur 
summum  de  puissance ,  doivent  accomplir  avec  toute  plé- 
nitude leurs  offices  divers;  et,  en  effet,  l'homme  a  alors  la 
possession  complète  de  toutes  ses  facultés.  Toutes  les  fonc- 
tions sensoriales  ,  depuis  long-temps  en  exercice  ,  ont  acquis 
plus  de  force,  sans  rien  perdre  encore  de  leur  délicatesse; 
l'esprit  a  plus  de  vigueur,  le  cœur  plus  de  chaleur;  et,  si 
l'un,  moins  susceptible  de  fatigue,  peut  alors  entrepren- 
dre les  plus  forts  travaux  ,  l'autre  goûte  ,  dans  les  liens  de  la 
famille  et  dans  les  rapports  de  la  société,  toutes  les  affections. 
La  puissance  musculaire  physique  n'est  pas  moins  grande  : 
et,  quant  à  la  génération  ,  c'est  alors  que  l'homme  y  est  le 
plus  propre,  soit  qu'on  ait  égard  à  la  fréquence  avec  laquelle 
il  peut  impunément  se. livrer  aux  fatigues  de  cette  fonc- 
tion ,  soit  qu'on  considère  le  degré  de  force  qu'il  imprime 
aux  enfants  qui  naissent  de  lui  ;  plus  tôt  il  sera  plus  enclin 
à  l'acte  génital,  mais  procréera  des  enfants  moins  robustes; 
plus  tard,  il  sera  moins  ardent,  et  produira  une  progéniture 
plus  débile.  Le  sommeil  est  <;e  qui  convient  pour  entretenir 
actif  et  puissant  le  système  nerveux;  et  les  fonctions  orga- 
niques ont  de  même  toute  l'activité  nécessaire  pour  sub- 
venir aux  dépenses  que  fait  une  organisation  parvenue  à  la 


DE   LA    VIRILITÉ.  455 

période  de  sa  plus  grande  puissance.  M.  Halle  fait  durer  de 
vingt-cinq  à  trente-cinq  ans  cette  première  période  de  viri- 
lité ,  qu'il  appelle  virilité  croissante. 

Dans  la  virilité  confirmée,  l'accroissement  en  épaisseur 
est  fini ,  et  désormais  sont  terminés  ces  progrès  qui  jusque- 
là  avaient  marqué  le  cours  de  la  vie.  La  période  dite  d'ac- 
croissement est  achevée;  et  l'homme  semble  être  dans  un 
état  stationnaire ,  dans  lequel  il  ne  gagne  plus,  mais  dans 
lequel  il  ne  perd  pas  encore,  conservant  la  possession  de 
toutes  ses  facultés  physiques  et  morales.  Ainsi ,  même  puis- 
sance de  ses  sens  externes ,  même  activité  dans  l'esprit, 
même  entraînement  de  cœur.  L'homme,  se  possédant  encore 
tout  entier,  réunit  à  l'activité,  à  la  générosité  de  la  jeu- 
nesse, toute  la  solidité  de  l'âge  mûr.  Eclairé  par  l'expé- 
rience du  passé  ,  qui  est  déjà  pour  lui  une  moitié  de  la  vie  ; 
susceptible  de  méditations  plus  soutenues  ;  doué  d'une 
raison  plus  forte ,  d'autant  plus  que  son  cerveau,  dans  ses 
parties  antérieures  et  supérieures  a  continué  de  croître 
jusqu'à  ces  derniers  temps;  c'est  alors  qu'il  développe  la 
plus  grande  puissance  intellectuelle,  et  qu'il  arrive  en  ce 
genre  aux  plus  beaux  résultats.  Moins  distrait  par  la  passion 
de  l'amour,  qui  commence  à  s'affaiblir,  son  cœur  se  livre  à 
d'autres  passions  non  moins  utiles  à  l'état  social ,  comme 
celles  de  la  renommée ,  de  la  célébrité ,  le  désir  d'assurer  à 
sa  famille  de  la  fortune  et  un  nom  honoré.  Sous  le  point  de 
vue  physique  et  anatomique,  nous  remarquerons  que  déjà 
la  respiration  est  moins  complète  en  son  résultat,  parce  que 
le  système  capillaire  du  poumon  diminue,  et  que  les  cel- 
lules pulmonaires,  si  elles  augmentent  en  capacité,  dimi- 
nuent en  nombre.  La  circulation  se  fait  avec  énergie  ,  mais 
avec  plus  de  lenteur.  Le  sang  veineux  commence  à  prédo- 
miner sur  le  sang  artériel ,  et  à  la  congestion  pectorale  suc- 
cède la  congestion  abdominale.  De  la  graisse  surcharge  l'é- 
piploon ,  les  parois  abdominales;  le  ventre  fait  une  saillie 
non  observée  jusqu'alors,  et  la  sécrétion  biliaire  accuse  une 
activité  toute  particulière.  Cette  période  s'étend  jusqu'à  la 
cinquantième  année  chez  l'homme,  et  la  quarantième  chez 
la  femme. 


456  VIE    EXTRA.-UTÉKINE. 

Enfin,  dans  la  virilité  décroissante ,  l'individu  présente 
déjà  quelques  indices  d'un  déclin ,  précurseur  de  la  vieil- 
lesse et   de  la  mort.  La    peau  commence  à  se  flétrir   à  se 
rider;  les  cheveux  grisonnent ,  blanchissent  et  tombent  en 
partie.  Les  dents,  usées  plus  ou  moins  dans  leur  couronne  , 
s'alongent,  se  déchaussent  et  s'ébranlent.  Les  sens  externes 
perdent  un  peu  de  leur  délicatesse,  parce  que  leurs  organes 
se  détériorent  un  peu  :  nous  venons  de  dire  que  la  peau  se 
dessèche;  les   humeurs    de  l'œil   perdent  un  peu  de  leur 
diaphanéité;  dans  tous  ces  organes,,  la  partie  nerveuse,  un 
peu  durcie,  est  devenue  moins  affectible.  Même  changement 
dans  la  psychologie  :  le  cerveau  commence  à  s'atrophier,  à 
se  durcir,  et  déjà  les  facultés  intellectuelles  montrent  moins 
de  puissance,  et  les  facultés  affectives  se  refroidissent.  Il 
n'y  a  plus  le  même  besoin   de  se  mouvoir;  les  puissances 
musculaires  ,  un  peu  affaiblies ,  peuvent  moins  tenir  droites 
les  diverses  parties  du  corps,  et  celui-ci  commence  à  se  cour- 
ber. Les  expressions,  quenousavons  vu  être  constamment  en 
raison  des  actions  sensoriales,   accusent  également  un  pre- 
mier affaiblissement.  Le  système  nerveux,  qui  se  montre 
moins  capable  d'une  veille  active,   manifeste  aussi  moins 
de  puissance  en  ce  qui  concerne  son  action  de  réparation, 
et  déjà  la  fonction  du  sommeil  est  moins  prolongée.  Quant 
aux  fonctions  organiques  ;  l'appétit  est  moindre,  il  faut  une 
moindre  quantité  d'aliments  ,  des  aliments  d'une  digestion 
plus  facile,  et  l'élaboration  en  est  plus  lente,  paraît  coûter 
plus  aux  organes  digestifs.  Le  système  capillaire  du  poumon 
ayant  déjà  éprouvé   une  diminution   assez  sensible,   il  se 
fait  une  quantité  de  sang  moindre,  et  ce  sang  n'a  pas  la 
même  perfection  que  dans  les  âges  précédents.  La  circula- 
tion s'accomplit  avec  plus  de  lenteur.  La  pléthore  veineuse 
devient  plus  manifeste;  la  congestion  abdominale  continue. 
Les  sécrétions  excrémentitielles  enfin,  tant  par  leur  plus 
grande   abondance,   que  par  la  nature  plus  animaiisée  de 
leurs  produits,  annoncent  que  le  mouvement  de  décompo- 
sition commence  à  surpasser  celui  de  composition.  Souvent 
même  les  excrétions  naturelles  ne  suffisent  plus,  et  la  na- 
ture en  établit  d'insolites  ^  de  morbides;  d'où  l'origine  de 


DE   LA.    VIRILITÉ.  ^5j 

beaucoup  de  maladies  dépuratrices ,  comme  dartres,  goutte, 
rhumatisme,  maladies  calculeuses,  etc.  Cependant,  tous 
ces  changements  sont  encore  peu  marqués,  et  relativement 
à  ces  diverses  fonctions,  l'individu  peut  encore  se  faire  il- 
lusion. Mais  il  n'en  est  pas  de  même  à  l'égard  de  la  généra- 
tion ;  le  décroissement  ici  est  manifeste;  l'homme,  à  cette 
époque  de  sa  vie,  qui  s'étend  de  la  cinquantième  à  la  soixan- 
tième année,  n'a  plus  la  puissance  génitale  des  âges  précé- 
dents ;  et  chez  la  femme  la  perte  est  complète  ;  la  cessation 
du  flux  menstruel ,  annonce  que  désormais  il  n'y  a  plus  de 
fécondité  possible  pour  elle.  Aussi ,  tous  les  attributs  de  son 
sexe  disparaissent  alors:  les  ovaires  s'atrophient,  l'utérus 
diminue  de  volume,  les  seins  se  flétrissent;  la  réaction 
exercée  par  le  système  génital  sur  toute  l'économie  n'a  plus 
lieu;  la  femme  perd  ces  formes  extérieures  si  agréables, 
qui  nous  séduisaient  ;  sa  peau  s'épaissit,  brunit;  souvent 
des  poils  y  poussent  çà  et  là  ;  si  elle  conserve  de  l'embonpoint, 
les  parties  sont  flasques  et  n'ont  plus  la  fermeté  qu'elles 
avaient  jadis.  Tout  ce  surcroît  de  vie  que  l'appareil  génital 
avait  paru  répandre  dans  toute  l'économie,  ce  caractère 
passionné  qu'il  avait  imprimé  aux  sens  externes,  à  la  phy- 
sionomie ,  au  cœur,  à  l'esprit,  tout  cela  a  disparu.  Non- 
seulement  les  pertes  que  font  alors  les  femmes  sont  plus 
grandes  que  celles  de  l'homme,  puisque  celui-ci  n'est  pas 
absolument  dépouillé,  mais  elles  arrivent  plus  tôt,  vers  la 
cinquantième  année,  et  trop  souvent  ce  triste  passage  est 
accompagné  d'orages  :  souvent  cette  période  de  leur  vie  est 
marquée  par  de  nombreux  accidents ,  qui  la  rendent  mor- 
telle pour  beaucoup  d'entre  elles,  et  qui  l'ont  fait  appeler 
V  âge  critique.  Mais,  en  compensation,  la  vieillesse  propre- 
ment dite,  sera  pour  les  femmes  plus  tardive ,  et  marchera 
beaucoup  moins  vite. 


458  VIE   EXTRA-UTÉRINE. 

CHAPITRE  V. 
De  la  Vieillesse, 

Enfin ,  la  vieillesse  est  ce  dernier  âge  de  la  vie ,  dans  le- 
quel la  détérioration  graduelle  des  organes,  et  par  consé- 
quent l'imperfection  et  même  la  destruction  successive  des 
fonctions,  conduisent  plus  ou  moins  promptement  l'homme 
vers  le  terme  de  son  existence.  Halle  la  subdivise  encore 
en  trois  époques  :  la  vieillesse  commençante ,  la  vieillesse 
confirmée,  et  la  décrépitude. 

La  vieillesse  commençante  s'étend ,  chez  l'homme ,  de  la 
soixantième  à  la  soixante-dixième  année,  et  chez  la  femme, 
de  3a  cinquantième  à  la  soixante-dixième.  Dans  la  dernière 
époque  de  l'âge  précédent,  il  y  avait  doute  encore  que  Fin- 
dividu  commençât  à  décliner;  mais,  dans  celle-ci,  le  déclin 
est  évident,  et  chacune  des  détériorations  que  nous  avons 
signalées  se  prononce.  D'abord,  les  fonctions  génitales  ces- 
sent tout-à-fait  d'être  possibles  ;  et  s'il  est  des  individus 
chez  lesquels  elles  se  prolongent  plus  loin,  ce  sont  des  ex- 
ceptions fort  rares.  Tous  les  sens  s'affaiblissent,  ainsi  que 
les  facultés  intellectuelles  et  affectives;  désormais  l'esprit  se 
refuse  aux  grands  travaux ,  et  le  cœur  se  ferme  aux  passions; 
la  crainte  ,  l'égoïsme  commencent  à  dominer  l'ame  du  vieil- 
lard. Les  puissances  musculaires  affaiblies  n'accomplissent 
plus  avec  autant  d'aisance  la  station  et  la  progression;  elles 
laissent  le  corps  se  courber,  et  exigent  le  secours  d'un  appui 
mécanique.  Les  muscles  du  larynx  accusent  la  même  fai- 
blesse, et  la  voix  se  casse,  devient  tremblante.  La  digestion 
exige  un  choix  d'aliments  d'une  nature  plus  digestible  , 
parce  que  l'estomac  est  affaibli ,  que  les  sécrétions  salivaires 
commencent  à  tarir ,  et  que  la  chute  des  dents  empêche  la 
mastication  d'être  aussi  complète.  Ces  organes  tombent , 
parce  que  de  nouvelles  couches  éburnées,  continuant  d'être 
déposées  à  la  surface  de  la  papille  intérieure,  celle-ci  finit 
par  être  étouffée  ,  les  vaisseaux  qui  la  nourrissent  et  la 
font  vivre  étant  oblitérés.  La  respiration  accomplit  de  moins 


DE   LA.   VIEILLESSE.  45 y 

en  moins  parfaitement  la  sanguification ,  parce  que  de  plus 
en  plus  le  système  capillaire  du  poumon  diminue.  La  cir- 
culation languit,  parce  que  le  cœur  a  perdu  de  ses  forces, 
et  que  des  ossifications  accidentelles  envahissent  ses  valvules 
et  beaucoup  de  vaisseaux.  Mais  passons  rapidement  sur 
cette  vieillesse  commençante ,  parce  que  ce  sont  les  mêmes 
traits,  mais  plus  prononcés,  que  ceux  que  nous  avons  dé- 
crits pour  la  virilité  décroissante  ,  et  que  d'ailleurs  nous 
allons  les  présenter  plus  marqués  encore  dans  la  période 
suivante.  Dans  tous  les  organes,  la  proportion  des  solides 
sur  les  fluides  augmente;  toutes  les  parties  se  dessèchent. 
La  dilatation  des  cellules  pulmonaires  amène  l'asthme  ; 
celui-ci  entraîne  souvent  la  dilatation  ,  l'hypertrophie  des 
cavités  droites  du  cœur;  et  cette  double  détérioration,  en 
entravant  la  circulation  veineuse,  a  peut-être  part  à  la  fré- 
quence des  apoplexies  qui  surviennent  à  cet  âge.  C'est  alors, 
en  effet ,  que  ces  diverses  maladies  sévissent;  et  elles  rendent 
cette  époque  de  la  vie  plus  orageuse  pour  l'homme  que  pour 
la  femme. 

Dans  la  vieillesse  confirmée ,  il  n'y  a  plus  d'hésitation  sur 
le  mouvement  de  décroissement  ;  toutes  les  forces  s'amoin- 
drissent ,  les  organes  cessent  d'être  réparés,  toutes  les  fonc- 
tions languissent ,  et  chaque  jour  est  marqué  par  la  perte  de 
quelques  facultés.  L'homme  se  courbe,  se  rapetisse,  s'é- 
macie  ;  sa  peau  se  ride,  se  sèche,  devient  aride;  son  visage 
se  décolore,  devient  brunâtre,  terreux  ;  ses  joues  sont  creu- 
ses, sa  bouche  enfoncée,  son  front  chauve;  le  nez  et  le 
menton,  à  cause  de  la  chute  des  dents,  paraissent  se  tou- 
cher; les  yeux  sont  enfoncés,  chassieux;  la  barbe  est  rare  et 
blanche;  il  en  est  de  même  des  cheveux.  La  face  paraît  de 
nouveau  petite,  relativement  au  crâne.  Toutes  traces  du 
tempérament  précédent  ont  disparu.  Tout  organe,  sans  ex- 
ception,  va  offrir  une  détérioration  graduellement  crois- 
sante. L'œil  est  aplati,  et  n'est  plus  aussi  réfringent,  parce 
que  ses  humeurs  sont  moins  denses,  et  que  le  cristallin  a 
moins  de  convexité;  ce  cristallin,  d'ailleurs,  prend  de  l'opa- 
cité; l'iris  et  la  choroïde  pâlissent,  et  l'enduit  de  cette  der- 
nière membrane  se  détruit;  le  nerf  optique  s'atrophie,  se 


46o  VIE   EXTRA-UTÉIIINE. 

dessèche.  Il  en  est  de  niême  des  nerfs  de  l'ouïe  et  de  Fodo- 
rat.  En  outre,  dans  l'oreille,  les  cavités  labyriuthiques ,  le 
plus  souvent,  sont  privées  de  la  lymphe  de  Cotunni;   et 
dans  le  nez,  la  pituitaire  est  moins  fongueuse  et  plus  pâle. 
La  peau  est  sèche,  écailleuse;   et  la  roideur  et  le  défaut 
d'humectation  des  articulations  des  doigts  et  de  la  main  , 
rendent  le  toucher  moins  facile.  Le  cerveau,  non-seulement 
se  dessèche,  diminue  de  volume,  devient  de  plus  en  plus 
ferme,  mais  son  système  veineux  particulier  est  gorgé  de 
sang.  Le  crâne,  dans  lequel  il  est  contenu ,  paraît  désormais 
formé  d'un  seul  os;  les  sutures  ont  disparu  :  les  méninges, 
la  dure-mère  surtout,  présentent  souvent  çà  et  là  quelques 
points  ossifiés  ou  devenus  cartilagineux.  Tous  les  nerfs  sont 
atrophiés,  durcis.  Les  muscles  sont  pâles,  mous,  flasques; 
et  souvent  leurs  tendons  d'origine  et  de  terminaison  sont 
ossifiés;  les  coulisses  dans  lesquelles  jouent  ces  tendons ,  sont 
privées  de  synovie.  Les  os  ont  acquis  une  extrême  densité; 
et  cependant  ils  sont  plus  cassants ,  parce  que  l'élément  ter- 
reux l'emporte  en  eux  sur  leur  parenchyme  organisé  :  leurs 
cavités  intérieures  sont  devenues  très  grandes,  d'où  il  ré- 
sulte qu'à  l'instar  des  autres  organes,  ils  ont  diminué  sen- 
siblement de  poids;  la  moelle  qui  remplit  ces  cavités  est 
beaucoup  plus  liquide,  et  comme  huileuse;  les  liens  arti- 
culaires ont  perdu  leur  souplesse  et  leur  élasticité  primi- 
tives.  Les  cartilages  de  prolongement  s'ossifient,  ceux  des 
côtes,  par  exemple;  et,  de  même  qu'au  crâne   les  sutures 
avaient  été  envahies  par  l'ossification  ,  de  même  le  sont  aussi 
les  fibro-cartilages  intermédiaires  aux  corps  des  vertèbres  et 
les  symphyses  du   bassin.    Par  la  même  raison,  beaucoup 
d'articulations  primitivement  mobiles,  cessent  de  l'être ,  les 
costo-vertébrales  et  costo-transversaires,  par  exemple,  celles 
des  os  du  carpe,  du  tarse,  le  larynx  tout  entier,  le  cerceau 
de  l'hyoïde,  etc.  Cette  ossification  envahit  jusqu'à  des  par- 
ties qui  sembleraient  devoir  en  être  affranchies ,  des  artères , 
par  exemple ,  les  cartilages  de  la  trachée-artère  et  des  bron- 
ches, les  plèvres,   etc.   Du  côté  des  organes  des  fonctions 
nutritives,  les  détériorations  ne  sont  pas  moins  considéra- 
bles. Les  dents  tombent,  et  la  mastication  ne  peut  plus  être 


DE    LA    VIEILLESSE.  4^1 

effectuée  que  parles  gencives  qui  se  sont  durcies;  les  glandes 
salivaires  diminuent  de  volume  et  agissent  moins  ;  l'estomac 
et  les  intestins  sont  amples,  mais  flasques  et  affaiblis;  tout 
le  système  veineux  abdominal  est  distendu,  gorgé  de  sang, 
et  souvent  l'anus  offre  des  varices  ou  des  tumeurs  hémor- 
roïdales.  Tous  les  ganglions  mésentériques  sont  atrophiés  , 
ainsi  que  tous  les  autres  ganglions  lymphatiques;  et  l'ap- 
pareil des  absorptions  ,  conséquemment ,  n  est  pas  moins 
vicié  que  celui  de  la  digestion.  Les  poumons  ,  ayant  vu  leur 
système  capillaire  sanguin  diminuer,  à  mesure  que  leurs 
cellules  s'élargissaient  davantage  ,  sont  devenus  grisâtres,  et 
contrastent,  par  leur  légèreté  et  leur  peu  de  densité,  avec 
la  pesanteur  et  la  consistance  qu'ils  avaient  dans  les  pre- 
miers âges.  Le  cœur  est  pâle,  mou,  rapetissé,  surtout  dans 
ses  ventricules;  les  artères  sont  souvent  cartilagineuses, 
ossifiées,  au  moins  roides ,  cassantes,  et  d'un  plus  petit  ca- 
libre :  les  veines  sont,  au  contraire,  variqueuses,  disten- 
dues. Le  sang  est  plus  séreux,  moins  riche  en  globules  et 
remarquable  par  son  défaut  de  plasticité.  Tous  les  organes 
sont  moins  celluleux  et  vasculaires  que  dans  les  premiers 
âges ,  et  par  conséquent  dégradés.  Souvent  même,  ceux  de  la 
génération  ont  été  résorbés,  et  ont  disparu;  c'est  du  moins 
ce  qui  est  souvent  des  seins  chez  la  femme,  et  quelquefois 
de  l'utérus  et  des  ovaires. 

Ce  tableau  des  détériorations  graduelles  de  tous  les  or- 
ganes chez  le  vieillard ,  explique  l'imperfection  avec  laquelle 
s'accomplissent  désormais  toutes  les  fonctions.  À  raison  de 
l'aplatissement  de  l'œil ,  la  vue  devient  presbyte  ou  longue  ; 
et  souvent  une  cécité  complète  est  la  suite  de  l'opacité  du 
cristallin  ou  cataracte,  ou  de  la  paralysie  du  nerf  optique 
ou  amaurose.  L'ouïe,  graduellement  perd  de  sa  finesse,  et 
souvent  le  vieillard  finit  par  être  sourd.  Les  sens  du  goût  et 
de  l'odorat  seuls  persistent  un  peu,  à  cause  de  leur  utilité 
pour  les  fonctions  nutritives.  Les  facultés  de  l'esprit  et  du 
cœur  disparaissent  de  même  graduellement;  et,  en  effet, 
leur  organe,  le  cerveau,  a  éprouvé  la  même  atrophie,  le 
même  dessèchement.  L'esprit  n'est  plus  apte  à  aucuns  tra- 
vaux nouveaux;  les  impressions  lui  arrivent  sans  y  laisser 


40>2  VIE   EXTRA-UTÉRINE, 

de  traces ,  et  la  puissance  de  la  mémoire  s'étend  à  peine , 
pour  les  objets  nouveaux,  du  matin  au  soir  :  au  contraire, 
le  vieillard  conserve  souvent  le  souvenir  fidèle  et  précis  de 
ce  qu'il  a  appris  dans  les  temps  passés.  Les  qualités  du  cœur 
participent  du  même  affaiblissement;  plus  de  chaleur,  d'en- 
traînement; l'apathie,  l'indifférence,  ont  remplacé  les  dou- 
ces affections  ;  la  pusillanimité  ,  l'avarice ,  la  défiance  , 
l'égoïsme,  se  disputent  désormais  l'ame  du  vieillard.  Les 
mouvements  sont  lents  et  glacés;  car,  d'un  côté,  peu  d'in- 
fluence nerveuse  les  excite,  et  de  l'autre,  affaiblissement 
dans  les  muscles  qui  les  produisent.  La  voix  est  cassée ,  et 
d'ailleurs  le  vieillard  est  taciturne  et  peu  disposé  à  parler  : 
sentant  peu  et  faiblement ,  il  a  peu  à  exprimer;  la  brièveté 
de  sa  respiration  fait  même  de  la  voix  une  fatigue  pour  lui , 
et  la  perte  de  ses  dents  rend  l'articulation  des  sons  difficile. 
Sa  physionomie  est  tout  à  la  fois  sérieuse  et  monotone.  Son 
système  nerveux  enfin,  non-seulement  ne  peut  plus  accom- 
plir le  service  de  la  veille,  mais  il  ne  peut  plus  effectuer 
l'œuvre  réparatrice  du  sommeil;  le  vieillard  est  souvent  as- 
soupi, mais  au  fond  il  dort  peu  et  mal.  Si  des  fonctions  de 
relation  nous  passons  à  celles  de  nutrition  ,  nous  y  reconnaî- 
trons le  même  affaiblissement.  L'appétit  n'a  plus  le  caractère 
impérieux  des  premiers  âges  ,  et  souvent  manque  tout-à-fait; 
l'aliment  n'est  plus  mâché  qu'incomplètement;  une  quan- 
tité insuffisante  de  salive  l'imprègne;  et,  arrivant  ainsi  mal 
préparé  à  un  estomac  qui  d'autre  part  est  affaibli ,  la  diges- 
tion en  est  toujours  lente  et  imparfaite.  Cependant,  comme 
les  plaisirs  attachés  à  cette  fonction  sont  à  peu  près  les  seuls 
qui  restent  au  vieillard,  il  y  attache  une  grande  importance; 
souvent  il  se  laisse  aller  à  son  égard  à  des  abus  :  l'excrétion 
qui  la  termine  est  toujours  chez  lui  difficile.  La  sanguifi- 
cation  est  de  moins  en  moins  parfaite,  tant  à  cause  de  la 
détérioration  que  subit  le  poumon  dans  son  système  capil- 
laire sanguin,  qu'à  cause  de  la  difficulté  qu'entraîne,  dans 
les  mouvements  de  la  respiration,  l'ossification  des  articu- 
lations costales.  La  circulation  n'est  pas  moins  affaiblie,  car 
le  pouls  ne  bat  plus  que  quarante  à  cinquante  fois  par  mi- 
nute, et  offre  souvent  des  intermittences.  Les  nutritions, 


DE    LA    VIEILLESSE.  463 

n'agissant  que  sur  un  sang  moins  abondant  et  d'une  nature 
moins  parfaite,  ne  paraissent  plus  se  faire  que  dans  la  me- 
sure propre  à  ménager  la  chute  :  aussi  tous  les  organes  arri- 
vent-ils à  cette  atrophie,  qu'on  appelle  sénile.  La  transpi- 
ration cutanée  et  les  excrétions  qui  se  font  par  la  peau  ,  sont 
moindres  que  dans  les  âges  précédents;  mais  le  produit  de 
la  sécrétion  urinaire  est  plus  azoté  que  jamais  ;  et  beaucoup 
de  sécrétions  muqueuses,  catarrhales,  s'établissent  çà  et  là 
dans  l'économie  du  vieillard ,  pour  remplacer  la  transpira- 
tion cutanée.  Les  calorifîcations  sont  aussi  languissantes  que 
les  nutritions;  et  le  veillard,  toujours  glacé,  a  besoin  sans 
cesse  de  recourir  à  des  moyens  artificiels  pour  se  défendre 
du  froid  extérieur.  Quant  à  la  génération  ,  dès  l'époque  pré- 
cédente, l'exercice  de  cette  fonction  est  devenu  impossible. 

Enfin,  à  cette  seconde  époque  de  la  vieillesse,  que  M.  Halle 
fait  durer  jusqu'à  quatre-vingt-cinq  ans ,  et  qui ,  pour  beau- 
coup de  vieillards,  n'est  pas  aussi  prononcée  que  nous  ve- 
nons de  le  dire,  succède  la  décrépitude ,  ou  l'âge  des  cente- 
naires, dans  lequel  tous  les  traits  que  nous  venons  de  décrire 
se  renforcent,  et  dans  lequel  le  mouvement  vital  va  en  s'af- 
faiblissant  de  plus  en  plus  jusqu'à  ce  qu'il  s'arrête  tout-à- 
fait.  Les  sens  externes  finissent  par  se  perdre  ,  si  ce  n'est  le 
goût,  qui  agit  encore  un  peu  lors  de  la  préhension  des  ali- 
ments. Les  facultés  intellectuelles,  complètement  anéan- 
ties ,  laissent  l'être  dans  un  état  d'imbécillité  complète.  Sou- 
vent les  mouvements  ne  sont  plus  possibles ,  et  une  paralysie 
générale  attache  le  vieillard  à  son  fauteuil  ou  à  son  lit. 
Toutes  les  fonctions  de  relation  ont  cessé  ;  et  c'est  ainsi  que , 
par  un  bienfait  de  la  Providence,  s'anéantit  d'abord  en  nous 
cette  puissance  de  sensibilité  qui  fait  l'unique  charme  de 
notre  vie.  Le  vieillard  est  réduit  à  une  existence  végétative 
qui  devient  de  plus  en  plus  languissante;  il  faut  qu'on  le 
sollicite  à  prendre  la  petite  quantité  d'aliments  qu'il  peut 
digérer;  désormais  ni  l'instinct  de  la  faim,  ni  sa  raison  ne  lui 
en  donneraient  l'avertissement.  Sesexcrétionss'accomplissent 
de  même,  sans  qu'il  le  sente  et  qu'il  le  veuille;  et  il  arrive 
ainsi,  sansle  sentir,  au  moment  où  il  va  enfin  cesser  d'exister. 


464  "VIE    EXTRA-UTÉRINE. 

Telle  est  la  succession  des  âges  de  l'homme.  Le  tableau 
que  nous  venons  d'en  tracer  prouve  que  notre  vie,  considé- 
rée de  son  commencement  à  sa  fin ,  n'a  pas  un  cours  uni- 
forme ,   mais  se  compose  d'une   série   d'époques   de  durée 
inégale,  et  dans  chacune  desquelles  les  mouvements  orga- 
niques ont  une  diverse  direction.  Non-seulement  le  mouve- 
ment général  n'est  pas  égal  ;  mais  encore  sont  plus  ou  moins 
rapides  chacun  des  mouvements  particuliers  qu'on  peut  y 
distinguer.    Ainsi,   pendant  le   temps  de   l'accroissement, 
toujours  un  surcroît  d'activité  se  manifeste  quand  on  passe 
d'une  phase  à  une  autre,  quand  il  se  fait  une  révolution 
organique,  et  que  le  développement  d'un  nouvel  appareil 
va,  par  des  rapports  fonctionnels  ou  sympathiques  ,  exciter 
l'activité  des  autres;  par  exemple,  aux  première  et  seconde 
dentition,  à  la  puberté  ,  etc.  Ainsi ,  bien  que  toutes  les  par- 
ties continuent  de  croître  pendant  toutes  les  premières  épo- 
ques de  la  vie ,  l'activité  de  l'accroissement  diffère  en  cha- 
cune d'elles;  puisque  les  parties  supérieures,  d'abord  bien 
plus  volumineuses  que   les  inférieures,   finissent  par  être 
équilibrées  par  elles  ;  puisque  tour-à-tour  divers  systèmes  et 
appareils  d'organes  deviennent  prédominants.  De  même  que 
dans  le  fœtus,    l'accroissement  s'était   tour-à-tour  montré 
plus  lent  ou  plus  accéléré;  que  des  variations  continuelles, 
touchant  le  volume  et  l'activité  des  organes,  étaient  surve- 
nues; que  même  il  s'était  fait  de  véritables  métamorphoses  , 
comme  quand  le  placenta  avait  été  substitué  à  la  vésicule 
ombilicale  :  de  même,  de  semblables  variations  se  montrent 
dans  le  cours  de  la  vie  extérieure.  Peut-on  méconnaître  que 
les  diverses  fonctions  ne  commencent  pas  en  même  temps, 
ne  croissent  pas,  ni  ne  décroissent  pas  également?  N'est-il 
pas  certain  que  tour-à-tour  plusieurs  deviennent  prédomi- 
nantes, et  par  conséquent  que  les  influences  qu'elles  exer- 
cent respectivement  les  unes  sur  les  autres,  doivent  varier 
sans    cesse?    Si,    dans    le    fœtus,    certains    systèmes,     le 
nerveux,  le  cellulaire,   avaient  prédominé  les  autres;   de 
même  ,  dans  les  âges  proprement  dits,  l'équilibre  se  montre 
successivement  rompu  en  faveur  des  systèmes  osseux,  mus- 
culaire, de  l'appareil  génital,  etc.;  des  congestions  sanguines 


DE   LA   VIEILLESSE.  4 6 5 

à  la  tête,  à  la  peau,  au  système  lymphatique ,  à  la  poi- 
trine, à  F  abdomen ,  au  foie,  aux  veines  hémorrhoïdaires , 
aux  veines  eéphaliques  ,  etc.,  surviennent  tour-à-tour.  La 
vie  ne  doit  donc  pas  être  comparée  à  un  fleuve,  dont  le  cours 
est  égal,  mais  à  une  série  de  nœuds  d'inégale  grosseur.  Le 
passage  de  l'un  de  ces  nœuds  au  suivant  est  souvent  difficile; 
et  les  Anciens  appelaient  années  climatêriques  celles  qui 
correspondent  au  moment  auquel  ce  passage  s'accomplit. 
Cette  doctrine  des  années  climatêriques  est  fondée  :  il  est 
évident  que  lors  de  certaines  révolutions  des  âges,  on  est 
plus  exposé  à  des  maladies,  et  à  être  arrêté  dans  le  cours  de 
sa  carrière  :  cela  est  vrai ,  non-seulement  de  l'homme  ,  mais 
encore  de  toutes  les  espèces  vivantes.,  végétales  et  auimales. 
Le  seul  tort  qu'aient  eu  les  anciens,  avait  été  de  fixer  ces  années 
d'aprèsla  puissance  mystérieuse  qu'ils  attribuaient  aux  nom- 
bres 3,  7  et  9;  selon  eux,  les  années  7,  21,  49?  63  et  81, 
qui  correspondent  à  ces  nombres  ou  en  sont  les  multiples, 
étaient  celles  où  l'homme  courait  le  plus  de  dangers.  Il  est 
évident  qu'une  telle  base  est  chimérique,  et  qu'il  faut  lui 
substituer  celle  des  révolutions  organiques  elles-mêmes. 
Quant  au  temps  qui  s'écoule  pendant  que  ces  périodes  de  la 
vie  s'accomplissent,  il  est  généralement  de  quatre-viogts  à 
cent  années;  mais  cela  est  sujet  à  beaucoup  de  variétés  qui 
dépendent  de  la  constitution  qu'on  a  reçue  originellement 
de  ses  parents,  et  de  la  manière  dont  on  a  dirigé  sa  vie  :  tel 
naît  débile  et  incapable  de  fournir  une  longue  carrière,  et 
tel  naît  dans  des  conditions  inverses;  celui-ci,  soumis  sans 
cesse  à  des  influences  extérieures  délétères ,  et  abusant  con- 
tinuellement de  lui-même,  hâte  sa  mort;  celui-là,  fidèle 
aux  règles  de  l'hygiène ,  usant  de  la  vie  avec  économie ,  en 
prolonge  aussi  loin  que  possible  la  durée.  En  général,  la 
complication  de  l'organisation  est  ici  un  désavantage;  plus 
elle  est  grande,  plus  il  y  a  de  chances  de  maladie ,  et  par  con- 
séquent d'une  mort  accidentelle.  Aussi  la  mort  séniîe  est-elle 
plus  rare  dans  le  règne  animal  que  dans  le  règne  végétal ,  et 
plus  rare  dans  l'homme  que  dans  tous  les  autres  animaux. 
Mais  arrivons  à  1  étude  de  la  mort. 


Tome  IV 


DO 


4Gtî  DE   LA    MOUT. 

CHAPITRE  VI. 

De  la  mort. 

Ou  appelle  ainsi  la  fin  de  tout  être  organisé,  la  cessation 
absolue  et  définitive  du  mouvement  organique  qui  consti- 
tuait sa  vie;  cessation  qui,  laissant  les  forces  physiques  et 
chimiques  ,  dont  cet  être  était  auparavant  jusqu'à  un  cer- 
tain point  indépendant ,  reprendre  tout  leur  empire  sur  la 
matière  qui  compose  son  corps,  est  suivie  conséquemnient 
de  la  dissolution  de  celui-ci. 

Tous  les  êtres  vivanls ,  par  cela  seul  qu'ils  ont  eu  la  vie, 
doivent  mourir  :  nous  l'avons  dit  dans  le  temps.  Mais  il  y 
a  beaucoup  de  variétés  dans  l'époque  de  leur  existence  à 
laquelle  survient  leur  mort,  et  dans  la  manière  dont  celle-ci 
arrive.  On  distingue,  sous  ce  double  rapport,  deux  espèces  de 
morts;  la  mort  sénile  ou  naturelle ,  qui  survient  à  l'époque 
assignée  par  la  nature  elle-même  pour  terme  à  l'existence, 
et  par  suite  des  détériorations  que  la  durée  de  celle-ci  a 
amenées  dans  le  corps;  et  la  mort  accidentelle,  qui  tranche 
plus  ou  moins  prématurément  le  cours  de  la  vie. 

i<>  La  mort  sénile  est  celle  à  laquelle  conduit  inévitable- 
ment le  cours  de  l'existence,  et  qui,  survenant  lorsque  le 
mécanisme  vital  a  parcouru  toutes  ses  périodes,  reconnaît 
pour  cause  la  détérioration  que  l'exercice  de  la  vie  amène 
en  ce  mécanisme  :  cette  détérioration  augmentant  de  jour 
en  jour,  arrive  à  un  point  où  le  jeu  des  organes  est  tout- 
à-fait  impossible.  Ce  genre  de  mort  est  sans  contredit ,  pour 
les  êtres  vivants,  la  chance  la  plus  heureuse  ,  car  il  les  laisse 
jouir  de  la  vie  le  plus  long-temps  possible  ,  et  il  ne  les 
frappe  ,  comme  on  va  le  voir  ,  qu'au  moment  où  la  perte  de 
l'existence  est  pour  eux  à  peine  sensible.  Mais  l'époque  à 
laquelle  il  arrive,  varie  dans  chaque  espèce  vivante  ,  et  tient 
à  l'organisation  de  chacune.  La  durée  naturelle  de  la  vie 
n'est  pas  en  effet  la  même  dans  les  diverses  espèces  végétales 
et  animales  :  bornée,  pour  les  uns,  à  quelques  heures,  à  quel- 
ques jours,  cette  durée  comprend,  pour  d'autres,  des  années 


DE    LA    MORT,  fâj 

et  même  des  siècles.  La  cause  de  cette  différence  nous 
est  encore  inconnue;  la  physiologie  n'est  pas  encore  assez 
avancée  pour  dire  pourquoi  telle  espèce  est  destinée  à  une 
vie  longue  ,  et  telle  autre  à  une  vie  courte.  Mais  ce  fait  est 
la  preuve  la  plus  forte  que  la  cause  de  la  mort  des  êtres 
vivants  est  en  eux-mêmes,  et  tient  à  leur  organisme.  Pour- 
quoi,  en  effet,  tant  de  différence  dans  les  époques  de  la 
mort,  malgré  des  influences  extérieures  semblables?  A  côté 
du  chêne  séculaire  vit  la  plante  annuelle;  et  le  même  pays 
réunit  l'animal  qui  vit  un  siècle,  et  celui  qui  meurt  au 
bout  de  quelques  jours.  Souvent  même  ces  différences  se 
montrent  dans  des  êtres  en  apparence  assez  semblables  : 
c'est  ainsi  que  la  plante  vivace  ressemble  à  celle  qui  ne  vit 
qu'un  an;  et  que  le  corbeau  centenaire  diffère  peu  de  tel 
autre  oiseau  dont  la  vie  est  bornée  à  quelques  années. 

Dans  l'espèce  humaine,  la  mort  .sénile  arrive  généraler- 
ment  avant  la  centième  année,  souvent  plus  tôt,  rarement 
plus  tard.  L'époque  n'est  pas  précise ,  et  varie  pour  chacun 
selon  la  constitution  originelle,  les  influences  extérieures 
au  milieu  desquelles  on  a  vécu,  le  mode  selon  lequel  on  a 
usé  de  la  vie.  A  la  vérité,  ces  diverses  circonstances  ont 
une  grande  part  à  la  production  de  la  mort  acciden- 
telle, et,  sous  ce  rapport,  concourent  beaucoup  à  abréger 
ou  prolonger  la  vie  ;  mais  nous  ne  les  envisageons  ici  que 
dans  l'influence  qu'elles  exercent  sur  la  mort  sénile,  et  c'est 
cette  influence  qui  fait  varier  les  époques  auxquelles  celle- 
ci  arrive.  Nous  sommes  encore  ici  forcés  de  nous  en  tenir  à 
cette  expression  générale,  la  physiologie  ne  pouvant  pas  plus 
décider  ce  qui,  dans  l'organisation  des  incjivijdus  d'une  même 
espèce,  donne  droit  à  une  vie  plus  longue  ou  plus  courte, 
qu'elle  ne  l'a  pu  relativement  aux  diverses  espèces.  Mais 
nous  allons  revenir  sur  cette  question  ,  lorsqu'après  avoir 
fait  la  description  de  la  mort  sénile  chez  l'homme,  nous  en 
rechercherons  la  cause. 

La  description  de  la  mort  sénile  chez  l'homme  a  été  faite, 
lorsqu'on  a  tracé  les  progrès  successifs  de  la  vieillesse.  Les 
rayages  de  celle-ci  s'étendent  chaque  jour  de  plus  en  plus  • 
l'homme,  au  moment  où  s'exhale  son  dernier  soupir    nré- 

3o. 


/ 


4^8  DE   LA   MORT. 

sente  au  plus  haut  degré  les  traits  anatomiques  et  physiologi- 
ques que  nous  avons  vu  caractériser  le  dernier  âge  de  la  vie  , 
la  décrépitude.  D'un  côté,  son  corps  est,  autant  que  possible, 
amaigri,  émacié;  si  la  locomotion  est  possible  encore,  le 
tronc  est  considérablement  courbé;  la  peau  est  tout-à-faii 
aride ,  sèche  ,  et  déjà  froide  et  glacée;  les  yeux  sont  éteints, 
aplatis,  enfoncés;  les  joues  creuses,  la  tête  tout-à-fait 
chauve;  les  mâchoires  sont  dégarnies  de  dents;  le  nez  et  le 
menton  semblent  se  toucher.  Dans  l'intérieur,  presque  tous 
les  organes  sont  détériorés  ;  le  système  capillaire  du  poumon 
est  considérablement  diminué  ,  le  système  absorbant  est 
presque  en  entier  atrophié  ;  le  cœur  est  mou ,  pâle ,  rape- 
tissé dans  ses  ventricules;  l'ossification  a  envahi  plusieurs 
de  ses  valvules  intérieures,  ainsi  que  beaucoup  d'artères.  Un 
grand  nombre  d'articulations ,  surtout  celles  des  côtes  avec 
les  vertèbres  et  le  sternum,  se  sont  aussi  ossifiées.  Le  sang  a 
diminué  de  quantité,  est  moins  riche  en  globules,  et  a 
perdu  une  grande  partie  de  sa  force  plastique.  Enfin,  tous 
les  organes  nerveux  sont  diminués  de  volume,  sont  endur- 
cis, atrophiés.  D'un  autre  côté,  plusieurs  fonctions  ont 
déjà  disparu;  et  celles  qui  restent  décèlent  une  langueur, 
une  imperfection  qui  est  en  raison  de  détériorations  orga- 
niques si  considérables.  Dès  long- temps  devenu  inapte  à  la 
génération,  frappé  graduellement  de  cécité,  de  surdité, 
l'homme  voit  les  facultés  de  son  esprit  se  perdre  comme 
celles  de  ses  sens  ;  il  est  mort  déjà  dans  la  plus  belle  partie 
de  son  être ,  bien  qu'il  soit  destiné  à  respirer  long-temps 
encore.  Chaque  jour ,  le  cercle  de  sa  vie  se  rétrécit  par  la 
perte  d'une  faculté  :  les  digestions ,  de  plus  en  plus  impar- 
faites ,  ne  fournissent  plus  qu'un  mauvais  chyle  et  en  petite 
quantité  ;  les  respirations,  de  plus  en  plus  rares,  et  de  moins 
en  moins  amples  ,  n'exécutent  plus  l'hématose  que  d'une 
manière  incomplète;  la  circulation  ne  projette  plus  qu'avec 
difficulté,  et  comme  en  hésitant,  un  sang  qui  pèche  en 
quantité  et  en  qualité;  îe  pouls  est  de  plus  en  plus  rare,  et 
présente  souvent  des  intermittences;  les  nutritions  se  font 
à  peine  ,  tant  par  un  vice  des  parenchymes  eux-mêmes  ,  que 
parce  qu'elles  n'ont  à  employer  qu'un  sang  appauvri.  Il  en 


Dr  LA    MORT.  469 

est  de  même  des  ealoritieations,  d'où  résulte  l'état  glacé  des 
parties  :  le  froid  de  celles-ci  est  d'autant  plus  grand,  qu'elles 
sont  plus  éloignées  des  centres  ;  ceux-ci  seuls  agissent  encore., 
et  souvent  comme  en  hésitant.  Enfin,  tout  à  coup  l'un  de 
ces  centres  s'arrête;  ou  le  cœur,  ou  le  poumon ,  ou  le  cer- 
veau ,  probablement  ce  dernier  :  le  fil  de  la  vie  est  désormais 
coupé,  l'homme  expire  comme  une  lampe  qui  s'éteint;  il  ne 
reste  de  ce  qu'il  y  a  de  matériel  en  lui  qu'un  cadavre ,  qui 
devra  lui-même  disparaître. 

Quelquefois  cependant  la  mort  sénile  se  présente  avec 
d'autres  traits;  l'individu  conserve  davantage  ses  facultés 
sensoriales;  il  peut  encore  voir,  sentir,  penser,  marcher; 
et  c'est  pendant  un  sommeil  qu'il  passe  de  la  vie  à  la  mort. 
Dans  d'autres  cas,  celle-ci  est  précédée,  durant  quelques 
heures,  quelques  jours,  d'une  petite  fièvre  erratique,  qui 
est  comme  l'appareil  morbifique,  l'agonie  de  ce  genre  de 
mort. 

Toutefois  ,  ce  qui  toujours  caractérise  îa  mort  sénile ,  c'est 
qu'elle  se  fait  graduellement,  et  qu'elle  procède  de  la  cir- 
conférence aux  centres.  D'une  part,  le  vieillard,  perdant 
chaque  jour  quelques-unes  de  ses  facultés  ,  meurt  comme  par 
degrés  ;  et  comme  ce  sou  t  les  facultés  par  lesquelles  il  se  sentait 
vivre,  et  qui  conséquemment  lui  faisaient  aimer  la  vie,  qui 
finissent  les  premières,  il  s'ensuit  qu'il  est  conduit  au  tom- 
beau sans  s'en  apercevoir ,  et  que  le  sentiment  de  sa  fin  lui 
est  caché.  Remarquons  en  passant  que  notre  déclin  se  fait 
dans  un  ordre  inverse  de  notre  développement  :  ce  sont  les 
facultés  que  nous  n'avons  acquises  qu'eu  dernier  lieu,  les 
facultés  sensoriales  ,  qui  nous  sont  ravies  les  premières, 
comme  si  elles  avaient  plus  coûté  à  la  nature ,  et  que  celle-ci 
ne  pût  pas  les  faire  produire  aussi  long-temps.  D'autre  part, 
à  îa  différence  de  ce  que  nous  verrons  être  dans  la  mort  acci- 
dentelle, ce  sont  les  organes  des  fonctions  centrales  qui  s'ar- 
rêtent les  derniers  :  tout  est  déjà  mort  aux  extrémités,  que 
les  organes  centraux  agissent  encore.  Mais  à  la  fin,  arrive  un 
instant  où  le  cerveau  s'arrête;  alors  la  respiration  cesse,  puis 
l'action  du  cœur,  et  l'homme  a  tout-à-fait  cessé  d'exister. 
C'est  dans  cet  ordre  que  les  trois  organes  qui  président  sans 


4;°  DÉ    LA    MOUT. 

interruption  à  la  vie  de  l'homme  ,  cessent  leur  service  :  une 
expiration  est  le  dernier  acte  apparent  de  la  vie  ;  et  peut-être 
encore  que  cette  expiration  est  l'effet  physique  dû  retour 
élastique  des  parois  thoraciques  sur  elles-mêmes. 

Tel  est  le  lahleau  de  la  mort  sénile.  Maintenant,  quelle 
est  sa  cause  ?  Nul  doute  que  cette  cause  ne  consiste  dans  les 
détériorations  qu'a  éprouvées  l'organisation  ;  mais  il  est  dif- 
ficile de  préciser  ces  détériorations,  et  surtout  d'expliquer 
comment  elles  sont  survenues.  Beaucoup  dé  physiologistes 
ont  présenté  comme  telles  :  i°  l'ossification  des  artères,  d'où 
résulte  Un  obstacle  à  la  libre  circulation  du  sang  dans  les 
parties;  2°  l'ossification  des  cartilages  costaux,  la  diminu- 
tion du  système  capillaire  du  poumon  ,  d'où  résulte  un  em- 
pêchement à  la  sanguification  ;  3°  la  flétrissure,  l'indura- 
tion graduelle  du  système  nerveux,  qui  doivent  finir  par 
rendre  ce  système  impropre  à  l'accomplissement  de  l'inner- 
vation, etc.  Il  est  certain  que  ces  détériorations  doivent 
avoir  une  influence ,  surtout  celles  qui  portent  sur  les  orga- 
nes qui  président  aux  deux  conditions  suprêmes  de  là  vie> 
la  formation  et  la  distribution  du  sang  artériel ,  et  l'inner- 
va tion.  La  vie,  consistant  dans  l'action  réciproque  du  sang 
artériel  et  de  l'influence  nerveuse,  ainsi  qu'il  a  été  prouvé 
plus  haut,  on  conçoit  que  la  mort,  en  général,  doit  tenir  à 
la  cessation  de  l'une  ou  de  l'autre  de  ces  actions,  et  que  la 
mort  sénile,  particulièrement,  doit  dépendre  de  Ce  qUe  ces 
deux  actions,  affaiblies  graduellementpar  le  cours  des  ans,  à  la 
fin  cessen  l  toul-à-fait.  Ainsi,  d'une  part,  les  al  té  rations  succès* 
sives  qu'éprouve  le  poumon  ,  et  par  suite  desquelles  cet  or- 
gane n'exécute  plusqu'imparfaitement  l'hématose;  et  d'autre 
part,  la  flétrissure, l'induration  graduelle  dusystème  nerveux, 
qui  devient  de  moins  en  moins  propre  à  l'action  nerveuse^  peu- 
ventêtre  considérées  comme  deux  causesde  mort  qui  sévissent 
chaque  jour  avec  plus  de  force, et  qui  s'activent  réciproque- 
ment. Mais  cependant  ce  ne  sont  là  ,  s'il  nous  est  permis  de 
parler  ainsi ,  que  les  apparences  de  la  chose.  Pourquoi  le 
système  capillaire  du  poumon  diminue- 1- il  ?  Pourquoi  le 
système  nerveux  se  durcit-il  ?  Comment  la  Continuité  de  la 
vie  amène-t-elle  nécessairement  ce  double  résultat?  C'est  là 


DE   LA   MOftT..  &J* 

le  véritable  problème  à  résoudre,  et  la  solution  est  impossi- 
ble dans  l'état  aetuel  de  la  science.  La  mort  est  un  fait  pre- 
mier, qui  sera  inconnu  tant  qu'on  n'aura  pas  découvert 
l'essence  de  la  vie  :  n'étant  que  la  cessation  de  la  vie,  pour- 
rait-elle n'être  pas  ignorée,  tant  que  l'origine  et  la  nature 
de  celle-ci  le  seront  elles-mêmes?  Dans  son  étude,  comme 
dans  celle  des  autres  phénomènes  de  la  nature,  nous  n'a- 
vons encore  saisi  que  les  surfaces;  le  fond  nous  est  égale- 
ment inconnu.  Remarquons,  en  effet,  que  ces  diverses  dé- 
tériorations qu'amène  dans  les  organes  le  cours  des  ans,  se 
sont  établies  sous  l'influence  du  mouvement  vital;  et  dès 
lors,  il  reste  toujours  à  rechercher  comment,  dans  le  premier 
âge  de  la  vie,  ce  mouvement  vital  fait  acquérir  aux  organes 
tout  leur  développement,  et  leur  donne  toute  l'énergie  pos- 
sible; et  comment ,  dans  le  dernier,  il  les  altère  et  les  amène 
graduellement  à  l'état  où  ils  ne  pourront  plus  agir.  Quelle 
est,  dans  l'organisation  de  l'homme,  la  partie  qui  est  là, 
condition  matérielle  de  l'accomplissement  de  ce  mouve- 
ment? Cette  condition  réside-t-elle  dans  l'ensemble  de  tou- 
tes les  parties,  ou  plus  spécialement  dans  une  seule,  qui 
alors  donnerait  l'impulsion  à  toutes  les  autres?  Ce  sont  là 
autant  de  points,  bien  obscurs  encore  ,  et  sur  lesquels  on  ne 
peut  présenter  que  des  conjectures.  Une  des  plus  vraisem- 
blables est  celle  qui  fait  résider  l'essence  de  la  vie  dans  le 
système  nerveux,  et  qui  conséquemment  rattache  à  des 
changements  survenus  dans  ce  système  toutes  les  phases 
de  la  vie ,  sa  durée,  sa  fin.  Dès  lors,  la  manière  d'être  de  ce 
système  dans  chaque  espèce,  dans  chaque  individu,  déci- 
derait de  l'époque  à  laquelle  devrait  arriver  naturellement 
la  mort  sénile  ;  et  comme  tout  est  mystère  encore ,  soit  dans 
la  structure  de  ce  système ,  soit  dans  son  mode  d'action ,  on 
n'aurait  pas  lieu  d'être  étonné  de  l'ignorance  dans  laquelle 
nous  sommes  encore ,  et  sur  le  commencement  de  la  vie ,  et 
sur  les  phénomèues  qui  proprement  la  caractérisent  et  l'en- 
tretiennent, et  sur  sa  fin  ou  la  mort.  Mais,  outre  que  l'ad- 
mission de  cette  théorie  repose  sur  une  conjecture  qui ,  toute 
vraisemblable  qu'elle  soit,  ne  peut  être  présentée  que  comme 
telle,  cette  théorie  n'apprend  rien  par  elle-même,  puisque 


4j 2  DE   LA    MORT. 

tout  en  elle  est  encore  à  découvrir.  Dès  lors  nous  nous 
bornerons  à  poser  les  deux  propositions  suivantes  :  i°  qu'il 
est  de  l'essence  de  tout  organisme  vital  de  ne  durer  qu'un 
certain  temps ,  et  de  s'arrêter  après  une  certaine  durée , 
qui  est  réglée  par  sa  propre  nature  ;  20  que  c'est  dans  la 
connaissance  de  la  vie  elle-même  qu'est  renfermée  celle  de 
la  mort  ;  et  que  ,  puisque  l'essence  de  l'une  est  encore  igno- 
rée ,  celle  de  l'autre  ne  peut  être  connue. 

Aux  yeux  du  philosophe  spéculateur,  il  semblerait  que  la 
mort  sénile ,  comme  plus  conforme  à  l'ordre  de  la  nature, 
devrait  être  la  plus  commune;  et  cependant,  dans  toutes 
les  espèces  vivantes,  ce  n'est  que  le  plus  petit  nombre  des 
individus  qui  y  succombe.  Le  plus  grand  nombre,  ou  pé- 
rissent lorsqu'ils  ne  sont  encore  que  germes  ,  ou  sont  mois- 
sonnés prématurément  par  une  mort  accidentelle  ,  dans  le 
cours  de  leur  carrière.  Cela  est  surtout  vrai  des  espèces  vi- 
vantes supérieures  ,  et  par  conséquent  de  l'espèce  humaine  ; 
plus  l'organisation  est  compliquée,  plus  les  nécessités  de  la 
vie  sont  nombreuses  ,  plus  les  chances  de  maladie  sont  gran- 
des ,  et  plus  il  y  a  risque  de  mort  accidentelle.  Aussi ,  rien 
de  plus  rare  que  la  mort  sénile  dans  l'homme  ;  les  vieillards 
eux-mêmes  sont  le  plus  souvent  emportés  par  une  maladie. 
Ce  que  nous  allons  dire  ci -après  de  la  mort  accidentelle , 
donnera  la  raison  de  ce  fait.  Nous  ferons  seulement,  à  son 
égard,  cette  réflexion  philosophique ,  c'est  qu'il  est  trop  gé- 
néral pour  être  fortuit  ;  il  entrait  certainement  dans  les 
vues  de  la  nature  et  dans  l'harmonie  générale  de  ce  monde , 
que  la  plus  grande  partie  des  êtres  organisés  pérît  avant  le 
terme  naturel  de  leur  existence  ;  et  c'est  pour  cela  que  les 
chances  de  mort  sont  pour  eux  aussi  multipliées  que  sont 
fécondes  les  sources  de  leur  reproduction. 

20  La  mort  accidentelle  est  celle  qui  ,  faisant  périr  les 
êtres  organisés  dans  le  cours  de  leur  carrière  ,  mais  avant  son 
terme  naturel ,  reconnaît  pour  cause  une  détérioration  sur- 
venue accidentellement  dans  les  organes,  et  qui  arrête  Je 
mouvement  de  vie  avant  l'époque  à  laquelle  celui-ci  se  se- 
rait arrêté  de  lui-même.  Ce  genre  de  mort,  non-seulement 
a  l'inconvénient  de  rendre  la  vie  plus  courte,  mais  encore 


DE    LA    MORT.  473 

il  rend  la  perte  de  l'existence  plus  amère  ,  en  venant  saisir 
sa  victime  au  milieu  de  toutes  les  jouissances  et  des  espé- 
rances de  la  vie,  et  en  la  frappant  tout  à  coup  de  manière 
à  ce  qu'elle  assiste  tout  entière  à  ses  progrès.  Cependant 
nous  venons  de  dire  qu'il  est  le  plus  commun  ,  surtout  dans 
les  espèces  vivantes  compliquées,  et  par  conséquent  dans 
l'homme.  Que  de  causes  diverses  en  effet  peuvent  produire 
chez  nous  la  mort  accidentelle  !    i°  Des  accidents  ,  coups, 
chutes,  écrasements  ,  blessures  ,  qui  produisent  mécanique- 
ment ou  chimiquement  la  désorganisation  des  appareils  qui 
entretiennent  la  vie.  2°  La  privation  des  matières  que  nous 
devons  irrésistiblement  puiser  dans  l'univers  pour  notre 
conservation ,  comme  celle  de  l'air  de  la  respiration  ,  celle 
des  aliments,  etc.   3°  L'application  au  corps  humain,  par 
quelque  voie  que  ce  soit,  des  substances  dites  poisons,  et 
qui  tuent  :  ou  parce  qu'elles  corrodent  ou  enflamment  lo- 
calement les  organes  ;  ou  parce  que  ,  absorbées  et  portées 
dans  le  sang,  elles  vont  altérer  ce  fluide  ,  ou  enrayer  l'action 
nerveuse  ,  et  anéantir  ces  conditions    fondamentales   de  la 
vie.  4°  L'application  au  corps  humain  d'un  froid  intense 
et   prolongé    qui,    soutirant    tout    le  calorique   que    peut 
produire    le  mouvement  vital,   par   suite  étouffe  celui-ci. 
5°  Enfin,  le  développement  spontané,  d'actions  morbides 
diverses;  actions  qui ,  plus  ou  moins  promplement,  détrui- 
sent la  texture  des  organes  ou  arrêtent  leurs  fonctions.  Ainsi, 
des  irritations,  des  inflammations  surviennent  fréquemment, 
pendant  le  cours  de  la  vie,  dans  les  organes  du  corps  ;  d'où 
résultent  :  altération  de  la  texture  de  ces  organes,  au  moins 
suspension  ou  perversion  momentanée  dans  leurs  fonctions, 
trouble    général   plus    ou   moins    grand    dans    toute   l'éco- 
nomie, en  raison  de  leurs  rapports  fonctionnels  et  sympa- 
thiques,  et  enfin   mort.    On  conçoit  que  la  gravité  de  ces 
actions  morbides,  et  par  conséquent  l'imminence  de  la  mort 
accidentelle,  seront  d'autant  plus  grandes  que  ces  affections 
siégeront  en  un  organe  plus  nécessaire  à  la  vie ,  et  qui  exer- 
cera sur  toute  l'économie  une  influence  plus  étendue.  Les 
causes  qui  les  font  naître  ou  consistent  dans  des  influences 
extérieures,  comme  les  impressions  du  chaud  ou  du  froid  ; 


4 74  DE   LA   MORT. 

ou  tiennent  à  l'emploi   même  des  organes ,  comme  quanti 
l'exercice  abusif  d'une  partie  y  fait  développer  une  inflam- 
mation funeste,  ou  qu'un  régime  vicieux  a  altéré  l'état 
général   des    humeurs  ;   ou   bien  enfin   résident  dans    des 
perturbations  organiques  ,  amenées  par  la  révolution  des 
âges,  par  l'accomplissement  de  quelques  fonctions  qui  sont 
naturellement  orageuses,  comme  la  grossesse  et  l'accouche- 
ment chez  la  femme,  les  violentes  passions  dans  les  deux, 
sexes,  etc.  Du  reste,  nous  n'avons  pas  à  développer  ici  l'é- 
tiologie  des  maladies;  il  suffit  que  ces  maladies  surviennent 
fréquemment,   pour  que  nous   les  mettions  au   rang  des 
causes  de  mort  accidentelle.  Seulement  nous  remarquerons 
que  la  constitution  originelle  influe  sur  leur  production  , 
autant  que  les  influences  extérieures  e*t  le  mode  d'emploi 
de  la  vie  :  tel  est  né  avec  une  organisation  moins  maladive 
que  tel  autre,  et  vice  versa;  et  ceci  est  vrai ,  non-seulement 
de  tel  système  du  corps  en  général ,  mais  encore  de  tel  organe 
en  particulier.  Nous  ajouterons  qu'il  n'est  pas  plus  facile  de 
préciser  ce  qui  donne  à  une  organisation  une  grande  force 
de  résistance  et  assure  la  stabilité  de  la  santé ,  qu'il  n'a  été 
facile  de  démêler  ce  qui  donne  droit  à  une  longue  vie.  Il 
est  vraisemblable  que  cela  réside  encore  dans  une  manière 
d'être  du  système  nerveux;  car,  si  l'on  excepte  les  maladies 
qui  consistent  daus  une  affection  primitive  des  fluides  ,  c'est 
toujours  par  une  modification  du  jeu  de  ce  système  que 
commencent  celles  des  maladies  des  solides  qui  sont  dues  à 
des  causes  organiques. 

Toutefois,  il  suffit  de  réfléchir  combien  sont  nombreuses, 
et  combien  agissent  fréquemment  sur  l'homme  ces  causes 
de  mort  accidentelle,  pour  s'expliquer  pourquoi  cet  être 
en  est  si  souvent  la  victime^  La  variété  et  la  multiplicité  de 
ces  causes  expliquent  aussi  pourquoi  cette  mort  arrive  à 
des  époques  si  diverses  de  notre  carrière  >  et  se  montre  sous 
des  traits  si  variés.  Tantôt  elle  frappe  l'homme  subitement, 
en  quelques  secondes ,  quelques  minutes  ;  tantôt ,  elle  sur- 
vient après  quelques  jours,  quelques  semaines  de  maladies; 
quelquefois  enfin  elle  est,  comme  on  le  dit,  chronique,  et 
s'annonce  de  loin% 


Dt    LA    MORT.  475 

Quand  la  mort  est  subite,  sa  cause  réside  nécessairement 
dans  les  organes  centraux  qui  président  aux  deux  conditions 
fondamentales  de  la  vie,  dans  le  cœur,   le  poumon,  ou  le 
cerveau.   Si  une   détérioration   survient  tout  à  coup  dans 
ces  organes,  ils  cessent  de  dispenser  le  sang  artériel  etl'in-^ 
nervation  nécessaires  à  toute  vie;  et  toutes  les  autres  parties 
privées  tout  à  coup,  au  milieu  de  l'exercice  de  leurs  fonc- 
tions, de  ces  deux  influences,  s'arrêtent  immédiatement. 
Telles  sont   les  morts  par  asphyxie,  par  la  rupture  d'un 
anévrisme  du  tcEur,  par  une  apoplexie  foudroyante,  etc. 
Jadis  ces  morts  étaient  toutes  confondues  sous  le  nom  uni-* 
que  de  morts  subites  ;  mais  la  physiologie  est  parvenue  à 
les  distinguer  entre  elles,  selon  qu'elles  arrivent  par  une 
altération,  ou  du  cœur,  ou  du  poumon,  ou  du  cerveau. 
ioLa  mort  subi  te  pardéfaut  d'action  du  poumon,  ou  par  arrêt 
de  la  respiration,  s'appelle  asphyxie  :  l'individu  éprouve 
d'abord  un  sentiment  pénible  d'angoisse,  dû  à  l'impossibi- 
biîité  de  respirer  ;  il  cherche,  par  des  efforts  inspirateurs  , 
soupirs,  bâillements,  à  appeler  dans  le  poumon  l'air  dont 
il  a  besoin  ;   bientôt  la  face,  les  lèvres  deviennent  bleues, 
violettes  ;  la  tête  devient  lourde ,  fait  éprouver  des  vertiges  , 
et  tout  à  coup,  toutes  les  fonctions  sensoriales  se  suspendant, 
l'individu  tombe  sans  sentiment  et  sans  mouvement  ;  enfin, 
le  cœur,  qui  a  continué  de  battre  ,   ne  tarde  pas  à  s'arrê- 
ter; et  dès  lors  la  mort  est  accomplie.  Tout  cela  se  fait  plus 
ou  moins  promptement,  selon  que  la  respiration  a  été  plus 
ou  moins  complètement  suspendue.  Les  téguments  du  ca- 
davre, la  face  surtout,  sont  livides;  toutes  les  parties  re- 
gorgent de  sang ,  et  ce  sang ,  qui  est  noir,  fluide ,  non  coa- 
gulé, est  surtout  rassemblé  dans  le  système  vasculaire  à  sang 
noir  ;   le  système  vasculaire  à  sang  rouge  est  au  contraire 
vide,  ou  n'en  contient  qu'une  petite  quantité.  La  mort  ici 
est  évidemment  due  ,  à  ce  que  l'hématose  artérielle  ne  s'est 
pas  faite  ;  toutes    les  parties  du    corps  ne  recevant  plus 
alors  que  du  sang  veineux,  ont  du  s'arrêter.   2»  La  mort 
subite  par  défaut  d'action  du  cœur,  ou  par  arrêt  de  la  cir- 
culation ,  s'appelle  syncope.  Dans  ce  genre  de  mort ,  la  ces- 
sation des  fonctions  est  plus  prompte  ;  on  perd  soudain  tout 


476  DE    LA    MORT. 

gentiment,  tout  mouvement;  la  respiration  s'arrête,  et, 
presque  instantanément,  l'on  tombe  privé  de  vie.  La  face , 
loin  de  devenir  violette,  a  pâli;  les  extrémités  sont  deve- 
nues roides;  le  corps  s  est  couvert  d'une  sueur  glacée.  A  la 
différence  de  ce  qui  était  dans  le  cadavre  de  l'asphyxié  ,  les 
poumons  et  les  divers  organes  du  corps  sont  vides  de  sang. 
La  mort  est  due  ,  non  à  ce  qu'il  ne  se  fait  plus  de  sang 
artériel,  mais  à  ce  qu'il  n'en  est  plus  envoyé  dans  les  or- 
ganes. 3°  Enfin,  dans  la  mort  par  défaut  d'action  du  cer- 
veau, ou  par  arrêt  de  l'innervation,  mort  dont  une  apo-r 
plexie  foudroyante  offre  un  exemple,  d'abord  s'arrêtent 
toutes  les  fonctions  sensoriales,  l'individu  tombe  sans  sen- 
timent ni  mouvement;  bientôt  la  respiration  participe  du 
trouble;  cette  fonction  devient  difficile,  imparfaite,  puis 
cesse;  enfin  le  cœur  s'arrête  en  dernier  lieu.  Selon  que 
l'action  cérébrale  a  été  plus  ou  moins  promptemenî.  et 
complètement  anéantie,  ces  divers  phénomènes  se  sont 
succédés  avec  plus  ou  moins  de  rapidité;  si  la  lutte  a  été 
un  peu  longue,  le  poumon  est  devenu  le  siège  d'un  engor- 
gement sanguin,  il  a  éprouvé  comme  une  asphyxie  gra- 
duelle; le  cadavre  présente  les  mêmes  apparences  que  dans 
la  mort  par  asphyxie.  La  cause  de  la  mort  est  ici  la  cessa- 
tion de  l'innervation,  cessation  qui  entraîne  l'arrêt  de 
toutes  les  fonctions,  mais  d'autant  plus  promptement  que 
ces  fonctions  sont  plus  élevées  en  animalité. 

Dans  toutes  ces  morts  subites,  il  est  facile  de  s'expliquer 
pourquoi  la  mort  arrive ,  ainsi  que  les  traits  divers  avec 
lesquels  elle  se  présente  ,  et  les  différences  qu'offre  dans 
chacune  d'elles  le  cadavre.  Il  n'en  est  pas  toujours  de  même 
dans  le  second  genre  de  morts  accidentelles,  c'est-à-dire 
dans  celles  qui  surviennent  après  quelques  jours  ou  quel- 
ques semaines  de  maladie.  Ici ,  la  cause  de  la  mort  est  la 
lésion  grave  de  quelque  organe  noble  ou  étendu.  D'abord 
ont  éclaté  des  symptômes  locaux ,  relatifs  à  l'organe  qui  est 
3e  siège  du  mal  ,  et  qui  conséquemment  sont  variables 
comme  lui.  Ensuite  sont  survenus  des  symptômes  géné- 
raux \  dus  à  la  réaction  de  cet  organe  sur  toute  l'économie, 
soit  par  rapports  fonctionnels,  soit  par  rapports  sympa thi- 


DE    LA    MORT.  477 

ques.  Enfin  la  mort  arrive  au  milieu  de  tout  cet  appareil , 
plus  ou  moins  promptement,  et  avec  des  phénomènes  très 
divers.  Oiv,  quelquefois  la  physiologie  peut  encore  indiquer 
pourquoi  la  mort  est  survenue  :  par  exemple  ,  quand  l'or- 
gane malade  est  un  de  ceux  chargés  d'une  fonction  vitale  , 
et  a  éprouvé  une  altération  matérielle  qui  l'empêche  d'agir  , 
comme  quand,  dans  une  pneumonie,  le  poumon  s'est  hépa- 
tisé.  Mais  le  plus  souvent  elle  ne  le  peut  pas.  Par  exemple , 
pourquoi  meurt-on  si  promptement  dans  une  péritonite?  Le 
péritoine  n'est  pas  chargé  de  l'accomplissement  d'une  fonc- 
tion vitale;  il  n'est  que  le  lien  qui  unit  à  Fabdomen  les 
viscères  situés  dans  cette  cavité  :  il  semble  qu'à  ce  titre  une 
maladie  de  cet  organe  ne  devrait  jamais  être  mortelle.  Ce- 
pendant le  contraire  existe  ,  comment  cela  se  fait-il?  il  faut 
bien  qu'il  y  ait  eu  une  influence  exercée  sur  l'une  ou  l'autre 
des  deux  conditions  de  la  vie:  ou  épuisement  de  l'innerva- 
tion parla  douleur,  ou  altération  du  sang  artériel  par  suite 
de  l'épanchement  que  cause  la  maladie?  Mais  laquelle  de 
ces  influences  est  réelle?  en  quoi  consiste-t-elle  ?  C'est  ce 
qu'on  ne  peut  préciser.  Toutefois  ,  dans  ce  second  genre 
de  mort  accidentelle,  les  phénomènes  de  la  mort  sont  encore 
plus  variables  que  dans  la  mort  subite.  Tantôt,  c'est  au 
milieu  même  des  symptômes  les  plus  orageux ,  et  lorsqu'il 
y  avait  encore  des  indices  d'une  assez  grande  énergie  vitale  » 
que  le  dernier  soupir  est  rendu  :  tantôt,  au  contraire,  c'est 
après  la  disparition  graduelle  de  ces  symptômes  ,  et  à  la 
suite  d'un  affaiblissement  qui  d'heure  en  heure  a  fait  des 
progrès.  Quelquefois,  le  malade  conserve  jusqu'à  la  fin  ses 
facultés  sensoriales  ,  et  sent  sa  mort  approcher.  D'autres 
fois  ,  il  n'a  pas  la  connaissance  de  sa  fin  ,  soit  parce  qu'il  est 
dans  le  délire  ,  soit  parce  que  le  cerveau  éprouve  le  premier 
les  atteintes  de  l'affaissement  qui  pèse  sur  tous  les  organes. 
Rien  n'est  plus  variable  que  le  genre  de  mort  dont  nous 
traitons  ici,  et  tout  médecin. a  lieu  d'être  frappé  chaque 
jour  de  la  différence  des  tableaux  qui  lui  sont  offerts  sous  ce 
rapport.  Tel  malade  expire  sans  angoisses  et  en  parlant;  \eï 
autre  lutte  long-temps,  et  ne  meurt  qu'après  une  doulou- 
reuse et  longue  agonie.  Ces  différences  tiennent  à  l'organe 


478  DE   LA   MORT. 

qui  est  le  siège  du  mal ,  et  à  la  nature  de  la  réaction  que 
cet  organe  suscite  dans  le  reste  de  l'économie  ,  et  surtout 
dans  les  centres  de  la  vie.  Le  cerveau  est-il  primitivement 
ou  secondairement  affecté?  le  malade  perd  ses  facultés  sen- 
soriales,  et,  conséquemment,  n'a  la  connaissance,  ni  de  ses 
souffrances,  ni  de  sa  mort.  Au  contraire,  cet  organe  est-il 
intact?  la  fin  sera  d'autant  plus  anxieuse,  que  la  partie  qui 
est  le  siège  du  mal  sera,  par  la  nature  de  celui-ci,  plus  apte  à 
développer  de  la  douleur.  Remarquons  cependant  que  clans 
tous  ces  cas,  quelque  divers  qu'ils  soient,  il  faut  bien, 
pour  que  la  mort  arrive ,  que  les  organes  centraux  de  la  vie 
aient  été  d'une  manière  ou  d'une  autre  affectés;  et  à  cet 
égard  il  est  vrai  de  dire  que  ce  second  genre  de  mort  acciden- 
telle se  rapproche  toujours  un  peu  du  premier  ,  c'est-à-dire 
de  l'une  ou  de  l'autre  des  trois  espèces  de  mort  subite. 
Ou  bien  le  mal  siège  primitivement  dans  le  poumon,  Je 
cœur  ,  ou  le  cerveau  ,  et  la  mort  ,  étant  due  à  l'arrêt  de  ces 
organes,  arrive  comme  dans  les  morts  subites,  seulement 
avec  plus  de  lenteur  ;  ou  le  mal  siège  en  une  autre  partie, 
et  alors  il  n'est  mortel  qu'en  entraînant  fonGtionnellement 
ou  sympatliiquement  une  altération  de  l'un  ou  de  l'autre 
des  trois  centres.  Il  est  rare  que  ce  soit  le  cœur  ;  presque 
toujours  c'est  le  cerveau  :  sous  l'influence  de  celui-ci ,  se 
perturbe  ensuite  la  respiration  ;  le  poumon  s'engorge  ,  la 
respiration  devient  difficile,  se  fait  avec  râle,  comme  dans 
la  plupart  des  agonies;  et,  sauf  les  cas  où  la  mort  arrive  par 
affaissement,  le  plus  souvent  on  meurt  comme  dans  une 
asphyxie  graduelle.  Les  physiologistes  expérimentateurs  ont 
beaucoup  étudié  le  mécanisme  de  la  mort  accidentelle  su- 
bite :  c'est  aux  physiologistes  praticiens  et  cliniques  qu'il 
appartient  d'analyser  celui  de  la  mort  accidentelle  à  la  suite 
des  maladies  aiguës. 

Enfin ,  dans  un  troisième  cas ,  la  mort  accidentelle  ne 
survient  qu'après  des  mois  et  des  années ,  et  a  été  annoncée 
et  prévue  de  loin.  Sa  cause  alors  ,  ou  réside  encore  dans  un 
organe  central  ,  mais  dont  l'affection ,  trop  faible  dans  le 
principe  pour  arrêter  son  action,  est  de  nature  à  ne  faire 
que  des  progrès  lents;  ou  siège  dans  un  organe  moins  iru- 


DE   LA    MORT.  4^9 

portant,  mais  dont  Fàffection  cependant  anéantit  à  la 
longue,  mais  graduellement,  soit  la  formation  et  distribu- 
tion du  sang  artériel,  soit  l'innervation.  Tel  est  le  cas  des 
morts;  ou  par  une  phthisie  pulmonaire  qui  peu  à  peu  détruit 
l'organe  qui  fait  le  sang;  ou  par  un  squirre  au  pylore,  qui 
détruit  le  viscère  qui  fournit  au  sang  ses  matériaux  répara- 
teurs ;  ou  par  une  affection  chronique  de  l'encéphale  qui ,  à 
la  lin,  anéantit  toute  innervation.  Dans  ces  cas,  surtout 
dans  les  deux  premiers  ,  on  voit  chaque  jour  l'individu  mai- 
grir, s'affaiblir;  et  la  mort  arrive  par  des  progrès  aussi 
gradués  que  dans  la  vieillesse  ,  si  ce  n'est  que  ,  sauf  le  cas  où 
il  y  a  lésion  organique  du  cerveau,  la  vie  animale  persiste  , 
et  Findividu  assiste  à  sa  destruction. 

Telle  est  la  mort  accidentelle,  mort  susceptible  de  pré- 
senter de  nombreuses  variétés,  et  qui  en  présentera  d'au- 
tant plus  dans  les  êtres  vivants,  que  ces  êtres  seront  plus 
compliqués.  Que  d'oppositions  sous  ce  rapport  entre  le  vé^ 
gétal  et  l'animal?  Chez  le  premier,  les  causes  de  mort  sont 
moins  multipliées  ;  elles  se réduisentà  des  lésions  physiques, 
aux  influences  des  constitutions  atmosphériques,  et  à  un 
petit  nombre  de  lésions  organiques  provoquées  par  le  travail 
de  la  vie.  Dès  lors  la  mort  offre  toujours  à  peu  près  les 
mêmes  traits,  et  ne  diffère  que  par  le  temps  qu'elle  a  mis 
à  s'accomplir,  et  le  degré  de  dessèchement  dans  lequel  elle 
a  laissé  le  cadavre,  Dans  l'animal,  les  causes  de  mort  sont 
bien  plus  nombreuses;  une  organisation  plus  compliquée 
expose  surtout  à  un  plus  grand  nombre  de  lésions  organi- 
ques,  et  nous  avons  vu  que  c'était  ces  dernières  qui  impri- 
maient particulièrement  à  la  mort  des  physionomies  diffé- 
rentes. D'ailleurs ,  n'esb-il  pas  reconnu  dans  les  arts  méca- 
niques, que  plus  une  machine  est  compliquée,  plus  elle 
est  exposée  à  se  déranger,  à  se  détruire  ?  et  peut-on  s'éton- 
ner dès  lors  que  la  complication  de  l'organisation  multiplie 
les  causes  de  maladies  et  de  mort  ? 

Toutefois,  ce  qui  généralement  caractérise  la  mort  acci- 
dentelle au  milieu  de  toutes  les  variétés  qu'elle  est  suscep- 
tible d'offrir,  c'est  qu'à    la  différence   de  la  mort  séniie 
souvent  elle  survient  vite,  et  toujours  procède  du  centre 


48o  DE   LA   MORT. 

à  la  circonférence.  Ce  sont  les  fonctions  centrales  qui  se  sus- 
pendent les  premières,  et  ce  n'est  que  consécutivement  que 
s'arrêtent  dans  la  généralité  du  corps  les  fonctions  intimes 
pour  lesquelles  ces  fonctions  centrales  sont  un  échafaudage 
obligé.  De  là,  la  possibilité  qu'on  a  eu  quelquefois  dans 
la  mort  accidentelle,  et  qui  n'existe  jamais  dans  la  mort  sé- 
nile ,  de  rappeler  l'individu  à  la  vie ,  comme  cela  se  voit  en 
beaucoup  de  morts  subites,  chez  les  noyés,  par  exemple. 
De  là  surtout ,  la  persistance  pendant  quelque  temps  encore, 
pendant  des  heures,  des  jours,  de  quelques  actions  vitales 
dans  la  profondeur  des  organes,  et  le  retard  de  la  putré- 
faction du  cadavre.  Mais  ceci  nous  conduit  à  traiter  du 
cadavre  lui-même  ,  et  à  exposer  ce  qui  lui  arrive  jusqu'à 
sa  complète  destruction. 

D'abord,  ce  qui  distingue  physiquement  le  cadavre  du 
corps  vivant,  c'est  son  état  d'insensibilité,  d'immobilité, 
son  état  glacé  ;  la  mollesse  ,  la  flaccidité  que  présentent  bien- 
tôt les  chairs;  la  disposition  qu'ont  à  se  coaguler,  à  se  vapo- 
riser, à  s'altérer  les  fluides  ,  qui  ne  se  meuvent  plus  que 
par  les  forces  physiques;  en  un  mot,  sa  putrescibilité,  d'où 
résulte  sa  destruction  plus  ou  moins  prompte.  En  second 
lieu,  ce  cadavre  diffère,  et  sous  le  rapport  de  ses  apparences., 
et  relativement  au  caractère  que  présente  sa  putréfaction  , 
selon  que  la  mort  a  été  sénile  ou  accidentelle. 

Dans  la  mort  sénile,  le  cadavre  est  dans  un  état  d'éma- 
ciation  générale  ;  il  n'y  a  presque  plus  de  sang,  non  plus 
que  d'autres  fluides;  le  cœur  est  mou  et  pale,  le  poumon 
presque  desséché;  toutes  les  parties  sont  dans  l'état  d5amai- 
grissement,  de  dessèchement  que  nous  avons  décrit.  De  plus, 
toutes  les  forces  de  la  vie  ayant  été  épuisées ,  il  ne  reste 
aucuns  vestiges  d'actions  vitales  ;  et ,  non-seulement  les 
fonctions  centrales,  dont  l'arrêt  constitue  la  mort,  ont  cessé 
d'agir,  mais  encore  toutes  celles  qui  se  passent  dans  la  pro- 
fondeur des  tissus,  comme  nutritions,  calorifications,  ab- 
sorptions, etc.  Aussi ,  à  peine  le  dernier  soupir  est-il  exhalé 
que  déjà  le  cadavre  est  froid;  on  ne  peut,  par  aucun  sti- 
mulus, réveiller  des  contractions  dans  les  muscles;  ce  que 
nous  allons  décrire  ci-après ,  sous  le  nom  de  roideur  cadavc- 


DE    LA   MORT.  $8  l 

rique ,  et  qui  paraît  être  un  dernier  effort  de  la  contractai  lé 
musculaire,  ne  s'établit  pas  ,  ou  est  peu  intense ,  ou  de  peu 
de  durée;  aucun  reste  de  vie  ne  s'oppose  à  l'établissement 
soudain  de  la  putréfaction;  et  si  celle-ci  est  cependant  plus 
tardive  que  lorsque  la  mort  est  accidentelle,  c'est  que  le 
cadavre  est  desséché,  et  que  l'humidité  qui,  avec  la  chaleur 
et  le  contact  de  l'air,  est  une  condition  nécessaire  à  son  éta- 
blissement, manque. 

Dans  la  mort  accidentelle,  au  contraire,  le  cadavre  sera 
d'autant  moins  émacié,  et  présentera  une  proportion  de 
fluides  d'autant  plus  grande  ,  que  la  mort  aura  été  plus 
subite,  plus  prompte  ,  et  aura  frappé  l'individu  à  un  âge 
moins  avancé.  Mille  variétés  pouvant  exister  sous  ces  deux 
points  de  vue,  les  cadavres  aussi  pourront  présenter  des 
traits  extrêmement  différents.  Quelle  opposition  entre  le 
cadavre  du  jeune  homme  frappé  par  un  accident  subit ,  dans 
la  force  de  l'âge,  et  celui  de  l'homme  déjà  âgé,  et  qui  suc- 
combe à  une  maladie  chronique  qui  a  longuement  usé  toutes 
les  forces  de  la  vie  !  De  même  que  l'examen  d'un  cadavre 
peut  faire  préjuger  l'âge  qu'avait,  lors  de  la  mort,  la  personne 
dont  il  est  le  reste,  de  même  cet  examen  peut  faire  préjuger 
à  quel  genre  de   mort  elle  a   succombé.    De    plus,    dans 
la  mort  accidentelle,  toutes  les  forces  de  la  vie  n'ont  pas 
été  complètement  épuisées;  et  toujours  persistent  quelques 
actions  vitales,  avant  l'extinction  desquelles  la  putréfaction 
ne  peut  s'établir.  Ces  actions  sont  celles  qui  sont  les  moins 
élevées  dans  l'animalité  ,    qui   se  passent  dans  les  paren- 
chymes; et  il  en  reste  d'autant  plus,  et  d'autant  plus  long- 
temps, que  la  mort  a  été  plus  imprévue ,  a  surpris  à  un  âge 
plus  fort  et  au  milieu  d'une  santé  meilleure,  et  a  été  pré- 
cédée d'une  lutte  moins  longue.  Ainsi,  en  même  temps  que 
se  sont  arrêtées  les  fonctions  centrales  de  la  respiration,  de 
la  circulation  ,  ont  été  anéaiitis  aussi  toutes  les  actions  sen- 
soriales,  tous  les  mouvements  musculaires  volontaires,  parce 
que  ces  actes  sont  les  plus  élevés  de  la  vie;  mais,  au  con- 
traire, beaucoup  de  fonctions  organiques  persistent.  Voyez  , 
par  exemple,  la  chaleur  animale;  souvent  il  faut  plusieurs 
heures  ,  un  jour  et   plus  ,   après  l'exhalation  du  dernier 
Tome  IV.  3i 


482  DE    LA   MORT. 

soupir,  pour  que  le  cadavre  arrive  à  l'état  glacé  qui  lui  est 
propre;  cela  est  eu  raison  de  l'âge  auquel  a  été  frappé  le 
malade,  de  la  promptitude  avec  laquelle  a  agi  la  cause  qui 
l'a  tué,  de  la  lutte  qui  a  précédé  la  mort.  De  même,  per- 
sistent quelques-unes  des  autres  fonctions  qui  se  passent 
dans  les  parenchymes;  on  a  vu,  par  exemple,  des  absor- 
ptions s'effectuer;   certaines  parties,  comme  la  barbe,  les 
cheveux,  etc.,   croître.   Et,  en  effet,   si  les  calorifications 
mettent  quelque  temps  à  s'éteindre,  pourquoi  cela  ne  serait- 
il  pas  de  même  des  nutritions?  Cela  sera  encore  en  raison 
des  mêmes  circonstances  indiquées  plus  haut  ;  et  ces  diverses 
actions  ne  s'arrêteront  que  lorsque  sera  consommé  tout  le 
reste  de  l'influence  nerveuse.  Ce  reste  de  vie  enfin,  peut 
même  s'observer  en  des  fondions  plus  relevées?  Qui  oserait 
assurer  qu'il  ne  se  fait  pas  encore  quelques  sécrétions;  que 
si  des  aliments  sont  dans  l'estomac,  ils  n'y  sont  pas  encore 
un  peu  digérés?  On  dit  avoir  prolongé  artificiellement  dans 
des  cadavres  l'activité  de  ces  fonctions  par  le  moyen  du  gal- 
vanisme, de  même  que  par  ce  stimulus  on  a  excité  la  con- 
traction des  muscles.  Quant  à  la  possibilité  de  la  persistance 
de  celle-ci ,  elle  est  incontestable.  On  a  vu  le  rectum  ,  la 
vessie  se  contracter  dans  des  cadavres  ,  et  accomplir  leurs 
actions  d'excrétions  :  il  en  est  de  même  de  l'utérus,  et  les 
cas  de  femmes  qui  sont  accouchées  spontanément  après  la 
mort,  ne  sont  pas  rares.  On  peut,  en  appliquant  aux  muscles 
divers  stimulants  mécaniques  ou  chimiques,  en  exciter  les 
contractions,  et  cela  plusieurs  heures  après  l'exhalation  du 
dernier  soupir.  Faut-il  rappeler  toutes  les  expériences  de  ce 
genre    dans  lesquelles  on  a ,  parle  galvanisme,    fait  con- 
tracter le  coeur,   l'estomac,  l'intestin,  la  vessie  ,  l'utérus, 
les  muscles    de    la    physionomie ,    de  la    respiration ,  des 
membres  ,  etc.  ?  Ce  n'était  que  lorsqu'on  avait  épuisé    le 
reste  de  l'influence    nerveuse,  que  le  muscle  se  montrait 
muet  à  l'excitation;  et  voici,    selon    Njsten ,    dans    quel 
ordre   les  parties    cessaient   de  se  contracter  :  d'abord  le 
ventricule  aortique;  puis,  le  gros  intestin  ,  le  petit ,   l'esto- 
mac ,    la    vessie,    le  ventricule   pulmonaire;   en  troisième 
lieu, l'œsophage, l'iris,  les  divers  muscles  de  la  vie  animale; 


DE    LA    MORT.  483 

en  dernier  lieu  ,  les  oreillettes,  et  particulièrement  l'oreil- 
lette pulmonaire.  Enfin  ,  il  est  un  phénomène  qui  décèle  le 
reste  de  puissance  contractile  que  conservent  et  développent 
encore  les  muscles  après  la  mort,  c'est  celui  de  la  roideur 
cadavérique.  Quand  le  cadavre  a  perdu  sa  chaleur,  il  de- 
vient roide,  et  cette  roideur  est  le  dernier  effort  de  la  ccn- 
tractilité  musculaire,  et  par  conséquent  un  dernier  phéno- 
mène de  vie.  En  voici  les  preuves  :  i«  La  roideur  survient 
plus  ou  moins  promptement  ou  tardivement,  selon  que  la 
mort  a  frappé  l'individu  dans  un  état  plus  ou  moins  grand 
d'épuisement  ;  et  c'est  pour  cela  qu'elle  manque  souvent 
dans  le  cadavre  de  la  personne  qui  a  succombé  à  la  mort 
sénile,  ou  à  une  maladie  chronique.  20  Sa  durée  et  son 
énergie  sont  en  raison  du  degré  d'épuisement  de  la  force 
nerveuse;  et  c'est  pour  cela  que  faible  et  passagère  dans  la 
mort  sénile,  dans  la  mort  accidentelle  chronique,  elle  est, 
au  contraire  ,  fort  intense  ,  et  dure  quelquefois  plusieurs 
jours  dans  le  cadavre  de  l'individu  frappé  de  mort  subite, 
dans  la  fleur  de  l'âge  et  la  force  de  la  santé.  3°  Elle  persiste 
d'autant  plus  qu'elle  a  commencé  plus  tard;  car  étant  le 
dernier  effort  de  la  vie,  et  n'apparaissant  que  lorsque  tous 
les  phénomènes  vitaux  ont  cessé  ,  son  apparition  tardive 
annonce  que  le  cadavre  conservait  encore  beaucoup  de  puis- 
sance vitale,  et  par  conséquent  elle  devra  durer  plus  long- 
temps pour  en  effectuer  l'entier  épuisement.  4°  Enfin  , 
Tordre  dans  lequel  elle  s'établit  est  toujours  le  même;  ce 
sont  d'abord  les  muscles  du  tronc  qu'elle  saisit,  puis  ceux 
du  cou;  en  troisième  lieu,  ceux  des  membres  thoraciques; 
enfin,  ceux  des  membres  inférieurs,  et  c'est  aussi  dans  cet 
ordre  qu'elle  cesse.  Or,  si,  comme  le  démontrent  ces  faits  di- 
vers ,  la  roideur  cadavérique  est  le  dernier  effort  que  fait  la 
vie,  on  conçoit  que  le  cadavre  doit  différer  beaucoup  sous 
le  rapport  de  ce  phénomène,  selon  que  la  mort  a  été 
sénile  ou  accidentelle.  Tandis  que  dans  la  mort  sénile 
il  n'offre  aucunes  traces  de  cette  roideur,  dans  la  mort 
accidentelle  il  la  présente  pendant  un  temps  d'autant  plus 
long,  et  avec  une  énergie  d'autant  plus  grande,  que  celle 
mort  accidentelle  a  été  plus  subite,  et  est  arrivée  à  un  âge 


01 


484  DE    LA    MORT. 

plus  rapproché  de  celui  de  la  consistance.  Cette  roideur  , 
comme  la  persistance  de  quelques  autres  fonctions ,  tient  à 
l'influence  nerveuse  qui  ne  s'éteint  que  par  degrés,  quand 
Je  système  ,  qui  dispense  cette  influence  ,  était  plein  de 
force  quand  la  mort  est  survenue  ;  et  elle  est  un  nouveau 
fait  qui  appuie  la  conjecture  que  nous  avons  émise,  que 
c'est  la  détérioration  du  système  nerveux  qui  amène  la  mort 
sénile ,  et  que  c'est  dans  l'action  de  ce  système  que  réside  Je 
secret  de  la  vie  et  de  la  mort.  En  somme  ,  dans  la  mort 
accidentelle,  la  persistance  de  quelques  phénomènes  de  vie 
.retarde  l'instant  de  la  putréfaction;  celle-ci  ne  commence 
qu'après  qu'ils  ont  cessé;  et  si  cependant  elle  paraît  plus 
prompte  que  dans  la  mort  sénile  ,  c'est  que  le  cadavre  est 
plus  riche  en  fluides  ,  et  offre  les  conditions  physiques 
de  la  putréfaction  à  un  degré  plus  prononcé.  La  mala- 
die, d'ailleurs,  a  pu  y  prédisposer  davantage  les  organes. 
Du  reste  ,  l'état  du  cadavre  pouvant  être  très  divers  dans  la 
mort  accidentelle,  les  phénomènes  de  la  putréfaction  et  sa 
rapidité  doivent  l'être  aussi.  Voici  d'une  manière  générale 
quelle  est  sa  marche. 

D'abord  le  cadavre  se  refroidit ,  et  cela  graduellement  par 
les  surfaces  et  les  extrémités,  et  d'autant  plus  vite,  que 
l'épuisement  nerveux  par  l'âge  ou  la  makdie  a  été  plus 
grand  ,  que  l'individu  est  plus  maigre  ,  plus  privé  de  sang, 
et  que  l'atmosphère  est  plus  froide.  Pendant  tout  le  temps 
que  le  corps  emploie  à  se  refroidir,  le  sang  reste  fluide.  D'un 
côté,  les  artères,  conservant  leur  élasticité,  se  vident  de 
celui  qu'elles  contiennent ,  et  ce  fluide  généralement  s'ac- 
cumule dans  les  veines-caves,  les  oreillettes  du  cœur,  et  les 
vaisseaux  du  poumon.  D'un  autre  côté,  ce  sang,  obéissant 
à  la  pesanteur,  s'amasse  dans  les  parties  qui  sont  déclives, 
et  y  forme  des  lividités  :  le  reste  du  corps  est  alors  pâle  et 
jaune.  H  y  a  quelques  variétés  dans  cette  situation  du  sang  , 
selon  celui  des  trois  organes  centraux  qui  s'est  arrêté  Je 
premier  lors  de  la  mort;  si  c'est  le  cœur,  le  poumon  est 
tout  vide;  si  c'est  le  poumon  ou  le  cerveau,  le  poumon  et 
tout  le  système  vasculaire  à  sang  noir  en  sont  surchargés, 
et  le  système  vasculaire  à  sang  rouge  est  tout  vide.  Ce  der- 


DE   LA   MORT.  485 

nier  élat  est  le  plus  fréquemment  observé,  parce  que,  dans 
les  morts  accidentelles  ,  c'est  ordinairement  le  poumon  qui 
s'engorge  le  premier.  Pendant  cette  période  de  refroidisse- 
ment, le  corps  est  flexible  et  mou,  les  yeux  sont  enîr'ou- 
verts,  la  lèvre  et  la  mâchoire  inférieures  sont  pendantes,  là 
pupille  est  dilatée  ,  etc.  Quand  le  cadavre  est  refroidi  ;  d'un 
coté  le  sang  se  coagule,  et  forme  des  concrétions  blanches 
oucitrines,  qui  se  moulent  dans  les  vaisseaux;  de  l'autre, 
s'établit  la  roideur  cadavérique.  Enfin  ,  quand  celle-ci  cesse  , 
là  putréfaction  commence;  c'est-à-dire  un  mouvement  in- 
testin, inverse  de  l'action  organique,  qui  détruit  toutes  lès 
combinaisons  que  l'action  vitale  avait  formées,  et  qui  rend' 
la  matière  quicomposait  le  corps  à  la  masse  générale  des  corps 
inertes.  Les  parties  molles  perdent  leur  roideur.  acquièrent 
une  mollesse  qui  augmente  graduellement,,   et  s'affaissent 
sur  elles-mêmes.  Les  humeurs  reprennent   leur  fluidité; 
transudant  à  travers  leurs  réservoirs,  elles  vont  imprégner 
de  leur  odeur  et  de  leur  couleur  les  parties  environnantes  ; 
celles  de  l'œil,  par  exemple,  passent  à  travers  la  cornée, 
d'où  l'affaissement  de  cet  organe;  et,  se  mêlant  aux  corpus- 
cules qui  voltigent  à  sa  surface  ,  elles  y  forment  un  enduit 
ténu.  Le  cadavre  exhale  une  vapeur,  d'abord' fade,   plus 
tard,  infecte ,  qui ,  étant  le  produit  de  la  volatilisation  de 
quelques-unes  de  ses  parties,  diminue  son  poids.  La  putré- 
faction commence  généralement,  et  par  l'abdomen,  à  cause 
des  matières  excrémentitielles  accumulées  dans  cette  cavité, 
et  par  les  organes  les  plus  mous,  les  plus  imprégnés  de  li- 
quides ,  ou  ceux  qu'a  engorgés ,  altérés  la  maladie.  Peu  à  peu 
cette  putréfaction  devient  générale  :  l'épiderme  est  souleva 
par  des  amas  de  sanie  brunâtre  ;  les  chairs ,  imbibées  de 
liquides,  deviennent  gluantes,  verdâtres,  pulpeuses,  am- 
moniacales; leur  texture  disparait;  confondues  avec  les  li- 
quides, elles  se  réduisent  en  un  putrilage  demi-fluide ,  mêlé 
de  bulles  de  gaz,  et  de  l'odeur  la  plus  infecte*  Après  un 
certain  temps,  il  ne  reste  plus  que  les  os,  lesquels  eux-mêmes 
deviennent  à  la  fin  friables,  pulvérulents,  et  ne  laissent  qu'un 
faible  résidu  terreux.  Les  éléments  divers  qui  formaient  le 
corps,  arrachés  ainsi  aux  combinaisons  dans  lesquelles  la 


4S6  DE   LA   MORT. 

vie  les  avait  entraînés,  sont  rendus  à  l'empire  des  lois  phy- 
siques et  chimiques,  et  vont  concourir  à  la  formation  d'au- 
tres corps.  Tout  ce  qu'il  y  avait  de  matériel  dans  l'homme 
est  détruit  ;  et  c'est  ainsi  que  ,  sous  le  rapport  corpo- 
rel ,  se  trouve  fondée  l'idée  de  la  transmutation  ,  de  la 
métempsycose  de  Pythagore.  Ce  travail  destructeur  est  plus 
ou  moins  prompt,  selon  l'état  plus  ou  moins  desséché  dans 
lequel  était  le  cadavre  ,  et  selon  que  se  trouvent  plus  ou 
moins  complètement  réunies  les  conditions  physiques  qu'il 
exige,  savoir  :  le  contact  de  l'air,  la  chaleur,  l'humidité.  Il 
est  susceptible  d'offrir  beaucoup  de  variétés,  dans  l'expo- 
sition desquelles  il  nous  est  impossible  d'entrer.  Quelque- 
fois, par  exemple,  dès  son  début,  il  se  fait  un  dégagement 
considérable  de  gaz,  ou  dans  le  canal  intestinal,  ou  dans 
les  membranes  séreuses  ,  ou  dans  le  tissu  cellulaire ,  les  vais- 
seaux; et  il  en  résulte  divers  phénomènes  cadavériques  re- 
marquables, comme  reflux  par  la  bouche  et  les  narines  du 
mucus  et  des  matières  contenues  dans  l'estomac,  grande 
tuméfaction  du  ventre,  refoulement  du  sang  dans  la  tête ,  le 
col ,  les  organes  génitaux;  sortie  de  ce  fluide  par  des  plaies, 
ce  qui  constitue  ce  qu'on  appelle  la  cruentation  cadavéri- 
que; excrétion  de  gaz  ,  emphysème,  etc.  Mais  les  généralités 
que  nous  avons  présentées  suffisent  pour  expliquer  toutes 
les  différences  qui  peuvent  être  observées. 


CINQUIÈME  PARTIE. 


DES  DIFFÉRENCES  INDIVIDUELLES  DE  L'HOMME. 

L'homme  ne  diffère  pas  seulement  par  ses  âges ,  mais 
encore  par  les  proportions  de  volume  et  d'activité  de  ses 
diverses  parties  constituantes;  chacun  offre  à  cet  égard  une 
mesure  qui  fonde  ce  qu'on  appelle  sa  constitution.  Sans 
doute  il  faut,  pour  qu'il  y  ait  sanlé,  c'est-à-dire  accom- 
plissement facile  et  complet  de  toutes- les  facultés  de  la  vie, 
que  les  parties  qui  composent  le  corps  humain  soient  dans 
de  certains  rapports  de  volume,  de  densité  ,  de  nature,  elc. 
Mais  ces  rapports  comportent  une  certaine  latitude;  certains 
organes  peuvent  être  ,  sans  obstacles  pour  la  santé  ,  plus  ou 
moins  que  d'autres  développés,  actifs;  il  en  résulte  seule- 
ment des  différences  dans  les  apparences  extérieures  des 
hommes ,  dans  le  caractère  de  leurs  fonctions ,  de  leurs  fa- 
cultés ,  dans  l'ensemble  de  leur  vie. 

Ces  différences  ne  sont  pas  exclusives  à  l'homme;  on  en 
observe  d'analogues  dans  tous  les  autres  êtres  organisés,  tant 
végétaux  qu'animaux.  Si  toute  espèce  vivante  est  organisée 
sur  un  même  plan  ,  jamais  divers  individus  d'une  même 
espèce  ne  sont  tout-à-fait  semblables;  toujours  chacun  offre 
quelques  différences  de  proportion,  de  développement,  d'é- 
nergie, dans  quelques-unes  de  ses  parties;  il  n'y  a  rien 
de  complètement  uniforme  dans  la  nature.  Que  de  va- 
riétés dans  les  diverses  feuilles  et  fruits  d'un  même  arbre, 
dans  la  stature  des  divers  animaux  d'une  même  espèce  !  Mais 
dans  aucun  animal  ces  différences  ne  sont  aussi  nombreuses 
que  dans  l'homme  ;  car  cet  être  est  de  tous  celui  qui  a  l'or- 
ganisation la  plus  compliquée  ,  et  il  n'est  aucune  des  parties 
de  son  corps  qui  ne  soit  susceptible  de  présenter  quelques 
particularités  individuelles  remarquables. 


488      DES    DIFFÉRENCES    INDIVIDUELLES   DE   L'HOMME. 

C'est  de  ces  différences ,  en  tant  qu'elles  sont  compatibles 
avec  l'étal  de  santé,  que  nous  avons  à  traiter  ici.  D'abord, 
il  est  plusieurs  d'entre  elles  qui  frappent  aussitôt  les  yeux  : 
ne  voyons-nous  pas  les  hommes  différer  les  uns  des  autres 
par  la  stature,  l'embonpoint,  la  couleur  de  la  peau  et  des 
cheveux,  la  disposition  des  traits  de  la  figure,  par  le  degré 
d'activité  des  sens,  le  caractère  des  facultés  de  l'esprit  et  du 
cœur,  par  la  force  musculaire,  le  degré  de  stabilité  de  la 
santé  ou  la  susceptibilité  aux  maladies,  la  longévité,  etc.  ? 
En  second  lieu,  ces  différences,  considérées  sous  le  rapport 
de  leurs  causes,  sont  natives  ou  acquises;  c'est-à-dire  que 
les  unes  tiennent  à  l'organisation  qu'on  a  reçue  en  naissant 
de  ses  parents  ,  et  que  les  autres  sont  dues  aux  modifications 
que  le  cours  de  la  vie  a  amenées  dans  les  organes,  en  raison 
de  la  mesure  dans  laquelle  ou  a  exercé  ceux-ci,  et  des  in- 
fluences extérieures  auxquelles  on  a  été  soumis.  En  troisième 
lieu,   ces  différences  sont  innombrables;   d'une   part,   en 
effet,  chaque  partie  solide  du  corps,  chaque  humeur,  peut 
offrir  quelques  particularités;  et  de  l'autre ,  il  peut  y  avoir 
mille  variétés  dans  les  proportions  des  unes  et  des  autres. 
Aussi ,  ces  différences  sont-elles  aussi  multipliées  que  le  sont 
les  individus  eux-mêmes;  il  n'est  aucun  homme  qui,  dans 
son  organisation ,  et  par  conséquent  dans  le  caractère  de  sa 
vie,    n'offre  quelques  spécialités;   ainsi  que  nous   l'avons 
annoncé,  chacun  a  sa  constitution  ;  il  y  a  long-temps  qu'on 
a  dit  qu'il  n'existe  dans  la  nature  que  des  individualités. 
Enfin  ,  ces  différences  n'ont  pas  un  égal  degré  d'importance. 
i°  Les  unes  ne  portent  que  sur  des  organes  qui  n'exercent 
aucune  influence  générale  sur  l'économie  ,  et  sont  d'ailleurs 
si  légères,  qu'elles  n'impriment  aucun  caractère  nouveau  à 
la  fonction  dont  ces  organes  sont  les  agents;  cette  fonction 
seulement  se  montre  un  peu  plus  ou  un  peu  moins  énergi- 
que. Ainsi  y  on  peut  avoir  l'organe  d'un  sens  plus  ou  moins 
délicat,  la  vue,  par  exemple,  myope  ou  presbyte.  2°  D'au- 
tres, bien  que  portant  encore  sur  un  seul  organe,  et  sur  un 
organe  qui  reste  isolé  .  sont  cependant  assez  considérables 
pour  imprimer  à  la  fonction  de  cet  organe  un  caractère  in- 
solite, irrégulier,  qui  fait  contraste  avec  celui  qu'elle  pré- 


DES   DIFFÉRENCES   INDIVIDUELLES   DE   L'HOMME.       489 
sente  ordinairement;  et  ce  sont  celles-ci  qu'on  appelle  idio- 
syncrasies.  Ainsi,  le  goût  peut  rechercher   telle   saveur, 
l'estomac  appeler  comme  aliment  telle  substance,  qui  gé- 
néralement répugnent  à  tous  les  autres  hommes.  3°  D'autres 
résident  en  des  organes  qui  exercent  sur  toute  l'économie 
une  grande  influence,  et  qui  ne  peuvent  par  conséquent 
offrir  quelques  spécialités,  quelques  disproportions  de  dé- 
veloppement et  d'énergie  ,  sans  modifier  plus  ou  moins  tout 
le  corps,  sans  imprimer  à  l'homme  une  physionomie  physi- 
que et  morale  particulière;  et  ce  sont  celles-là  qu'on  appelle 
tempéraments .  Ainsi ,  il  est  impossible  que  les  divers  appa- 
reils qui  font  le  sang  soient  prédominants    sans  qu'il  n'en 
résulte  une    modification   générale   dans    l'économie,   sans 
,  que  tous  les  organes  ne  se  ressentent  dans  leur  nutrition  et 
dans  leur  degré  d'activité,  de  la  plus  grande  abondance  et 
de  la  plus  grande  richesse  de  ce  fluide  qui  les  nourrit  et  les 
excite  à  l'action.  4°  Enfin,  il  est  de  ces  différences  qui  semblent 
tenirà  l'organisation  primitive  de  l'homme,  et  qui  semblent 
contredire  l'idée  de  l'unité  de  son  espèce  :  ce  sont  celles  qui 
fondent  ce  qu'on  appelle  les  races  humaines .  Ainsi,  l'homme 
nègre  est  distinct  de  l'homme  blanc  ou  caucasique,  etc. 

Comme  on  le  conçoit ,  nous  ne  pouvons  traiter  de  toutes 
ces  différences.  D'abord ,  il  nous  serait  impossible  de  si- 
gnaler toutes  les  constitutions,  puisque  nous  avons  dit 
qu'elles  étaient  en  même  nombre  que  les  individus.  En- 
suite, il  serait  oiseux  de  décrire  celles  de  ces  différences 
qui  sont  bornées  à  un  organe  local  et  sans  importance  :  de 
quel  intérêt  peut-il  être,  par  exemple ,  de  discuter  la  diffé- 
rence organique  à  laquelle  on  doit  d'être  myope  ou  presbyte, 
et  qui  d'ailleurs  a  été  exposée  en  un  autre  lieu  ?  Nous  nous 
bornerons  donc  à  l'étude  des  différences  individuelles  qui 
fondent  les  idiosyncrasies ,  les  tempéraments ,  et  les  races 
humaines.  Nous  serons  courts  sur  ces  dernières,  qui  sont 
plus  du  ressort  de  l'histoire  naturelle  proprement  dite  que 
de  la  physiologie  et,  quant  aux  constitutions ,  nous  ne  les 
considérerons  que  sous  le  rapport  de  leur  force ,  c'est-à-dire 
de  leur  stabilité  dans  la  santé  ,  du  degré  de  résistance 
qu'elles  opposent  aux  causes  de  maladies. 


490      DES    DIFFÉRENCES    INDIVIDUELLES    DE   L'HOMME. 

CHAPITRE  PREMIER. 
Des  Tempéraments» 

Nous  appelons  ainsi  celles  des  différences  individuelles 
de  Fhomme,  qui  consistent  en  des  disproportions  de  vo- 
lume et  d'activité  dans  des  parties  capables  de  modifier  con- 
sécutivement d'une  manière  sensible  tout  l'organisme,  sans 
empêcher  néanmoins  la  santé.  Ces  deux  dernières  condi- 
tions sont  de  rigueur  :  si  la  disproportion  porte  sur  des 
organes  qui  ne  sont  pas  assez  influents  pour  entraîner  une 
modification  générale  de  l'économie,  la  différence  indivi- 
duelle n'est  que  locale,  et  n'est  pas  un  tempérament  :  si  la 
disproportion  est  telle,  que  la  santé  ne  puisse  plus  persister, 
ce  n'est  pas  encore  un  tempérament,  mais  un  état  morbide. 
M.  Halle  appelait  tempéraments,  des  différences  entre  les 
hommes,  constantes,  compatibles  avec  la  conservation  de 
la  santé  et  de  la  vie ,  dues  à  une  diversité  de  proportions  et 
d'activité  entre  diverses  parties  du  corps  humain,  et  assez 
importantes  pour  modifier  toute  l'économie. 

De  cette  définition  des  tempéraments,  il  résulte  que  ce 
genre  de  différences  individuelles  doit  connaître  pour  causes 
la  prédominance  ou  l'infériorité  des  systèmes  et  organes  qui 
sont  les  plus  influents  dans  l'économie,  savoir  :  i°  ceux 
qui  font  prochainement  le  sang,  ce  fluide  qui  est  le  stimulus 
obligé  de  toutes  les  parties,  comme  les  appareils  digestif  et 
pulmonaire  ;  20  ceux  qui  influeront  sur  la  crâse  de  ce 
fluide,  comme  les  sécrétions  urinaire,  biliaire,  spermati- 
que;  3°  ceux  qui  président  à  l'innervation,  cette  autre 
condition  première  de  vie;  4°  ceux  qui,  par  leurs  rap- 
ports sympathiques,  réagissent  aisément,  promptement  et 
fortement  sur  toute  l'économie;  5°  ceux  enfin  qui ,  formant 
une  grande  masse  dans  le  matériel  de  l'homme,  ou  qui, 
occasionant  une  grande  dépense  lors  de  leur  service,  ne 
peuvent  agir  plus  ou  moins  sans  modifier  l'équilibre  gé- 
néral de  tout  le  corps.  La  base  de  la  doctrine  des  tempéra- 
ments doit  en  effet  être  prise  dans  les  principes  que  nous 


DES    TEMPÉRAMENTS.  4o« 

avons  posés  aux  chapitres  des  connexions  des  organes  et  des 
fonctions. 

La  meilleure  organisation,  sans  contredit,  serait  celle 
où  chaque  système,  chaque  organe  ne  seraient,  avec  tous 
les  autres,  que  dans  les  proportious  les  plus  convenables 
au  libre  et  complet  exercice  de  la  vie  :  elle  ferait  jouir  de 
la  santé  la  plus  parfaite  au  physique  et  au  moral,  ferait  es- 
pérer la  plus  grande  longévité,  et  mériterait  rigoureuse- 
ment d'être  appelée  tempérament.  Ce  mot,  en  effet,  veut 
dire  mélange,  et  nous  vient  des  Anciens  ,  qui  ,  supposant 
les  corps  organisés  formés  d'éléments  divers  dans  des  pro- 
portions telles  qu'ils  se  tempéraient  les  uns  les  autres. 
Mais  cette  organisation,  parfaitement  équilibrée,  ne  se 
rencontre  jamais  dans  la  nature  ;  elle  est  un  type  aussi 
idéal  que  l'est  la  beauté  physique  parfaite;  le  plus  souvent 
on  naît  avec  des  disproportions  entre  ses  divers  organes; 
et  y  en  supposant  que  cela  ne  fût  pas  ,  il  en  surviendrait 
bientôt  par  le  fait  seul  du  cours  de  la  vie.  Il  y  a  donc  des 
tempéraments. 

Cela  élant,  quels  sont-ils?  et  combien  y  en  a-t-il?  La 
réponse  à  ces  deux  questions  est  difficile.  D'une  part,  comme 
il  y  a  dans  le  corps  humain  beaucoup  d'organes;  qu'il  faut , 
pour  l'appréciation  des  tempéraments,  tenir  compte  de  cha- 
cun de  ces  organes;  et  que  leurs  combinaisons  entre  eux,  sous 
le  rapport  des  proportions,  peuvent  être  très  multipliées ,  les 
variétés  de  ces  tempéraments  sont  infinies.  D'autre  part, 
pour  apprécier  complètement  les  tempéraments  ,  il  faut 
avoir  la  connaissance  exacte  de  toutes  les  réactions  qu'exer- 
cent respectivement  les  uns  sur  les  autres  les  divers  organes 
du  corps,  et  c'est  ce  qui  manque  en  partie  encore  dans 
1  état  actuel  de  la  science.  Sous  le  premier  point  de  vue ,  on 
est  jeté  dans  une  infinité  de  faits  individuels,  qu'il  est  diffi- 
cile de  ramener  à  un  certain  nombre  de  genres  et  d'espèces  ; 
sous  le  second,  on  manque  des  données  propres  à  servir 
de  base  à  l'établissement  de  ces  genres  et  de  ces  espèces, 
et  l'on  ne  peut  porter  le  flambeau  de  l'analyse  dans  ces  faits 
individuels  si  multipliés  et  si  complexes. 

Toutefois,  outre  que  la  nature  a  mis  elle-même  des  bornes 


4r)2  DES  DIFFÉRENCES  INDIVIDUELLES  DE  L'HOMME. 
à  ces  variétés  ,  attendu  que  toutes  les  combinaisons  ne  sont 
pas  possibles  ,  la  prédominance  de  certains  systèmes  ne  pou- 
vant jamais  coïncider  avec  celles  de  certains  autres,  on  s'est 
attacbé  à  celles  de  ces  combinaisons  qui  sont  les  plus  sail- 
lantes; et  tour-à-tour  on  a  admis  quatre  ou  six  tempéra- 
ments principaux,  qu'on  a  diversement  dénommés,  selon  la 
physiologie  du  temps. 

Ainsi  les  Anciens,  disions-nous  tout  à  l'heure,  considé- 
raient les  corps  organisés  comme  formés  par  l'association 
d'éléments  divers  ,  se  tempérant  les  uns  les  autres.   Si  ces 
éléments  étaient  dans  de  justes  proportions,  il  en  résultait 
le  tempérament  tempéré  ou  parfait.  Si,   au  contraire,   il 
existait  entre  eux  des  disproportions  ,  mais  compatibles  avec 
la  santé  ,  cela  constituait  les  tempéraments  proprement  dits 
ou  mixtes.  Si  la  disproportion  était  excessive,  et  prédispo- 
sait à  une  maladie  ,  cela  constituait  une  intempérie  ;  et  enfin, 
on  appelait  constitutionnelle  la  maladie  à  laquelle  donnait 
lieu  cette  disproportion.  Les  éléments  constituants  du  corps 
étaient  au  nombre  de  quatre.    D'après  leurs  qualités,   ils 
étaient  appelés  le  chaud,  \e  froid,  ]esec  et  Yhumi de.  Ils  for- 
maient entre  eux  quatre  combinaisons  :  le  chaud  avec  le  sec, 
le  chaud  avec  l'humide  ,  le  froid  avec  le  sec ,  et  le  froid 
avec  l'humide.  A  chacune  de  ces  combinaisons  correspondait 
la  prédominance  d'une  des  humeurs  du  corps  ,  savoir  :  celle 
de  la  bile  ,  à  la  combinaison  du  chaud  avec  l'humide;  celle 
de  l'atrabile,  à  la  combinaison  du  chaud  avec  le  sec;  celle 
du  sang,  à  la  combinaison  du  froid  avec  le  sec;  et  celle  de 
la  pituite,  à  la  combinaison  du  froid  avec  l'humide.  Enfin, 
de  là  résultaient  quatre  tempéraments,  savoir  :  le  bilieux 
ou  colérique,  le  sanguin,  le  mélancolique  ou  atrabilaire , 
et  le  pituiteux  ou  phlegmatique.  Chacun  de  ces  tempéra- 
ments était  caractérisé  par  une  habitude  extérieure  parti- 
culière, un  état  spécial  des  fonctions  physiques  et  morales,, 
un  genre  propre  de  maladies.  Ainsi,  Fhomme  bilieux  avait 
le  teint  jaune,  les  cheveux  d'un  noir  de  jais,  quelquefois 
crépus;  le  visage  sec,  la  physionomie  hardie  et  prononcée, 
les  yeux  étincelants;  la  charpente  forte  ,  mais  sans  embon- 
point; les  muscles  vigoureux  ,  quoique  grêles;  le  corps  mai- 


DES    TEMPÉRAMENTS.  4g3 

gre,  les  os  saillants  ;  le  pouls  fort ,  brusque  ,  dur  ;  toutes  ses 
fonctions  accusaient  uoe  grande  activité;  au  moral  surtout, 
il  se  distinguait  par  la  violence,  l'impétuosité  de  ses  pas- 
sions. Le  sanguin  avait  la  peau  rosée,  souple  et  molle,  les 
cheveux  châtains,  le  visage  riant  et  fleuri,  les  yeux  vifs,  la 
taille  et  l'embonpoint  médiocres,  les  membres  bien  propor- 
tionnés ,  toutes  les  fibres  souples  ,  le  pouls  ondoyant  et 
facile;  ses  fonctions  physiques,  moins  énergiques  intrinsè- 
quement que  dans  le  bilieux,  s'accomplissaient  avec  plus 
d'aisance;  il  en  était  de  même  de  ses  facultés  morales;  elles 
étaient  moins  impétueuses,  mais  plus  faciles;  très  suscep- 
tibles d'être  mises  en  jeu,  et  partant  très  mobiles.  Le  mé- 
lancolique  ou  atrabilaire  ,  avait  la  physionomie  triste,  le 
visage  pâle,  les  yeux  enfoncés  et  pleins  d'un  feu  sombre;  les 
cheveux  noirs  et  plats,  la  taille  haute  et  grêle,  le  corps 
maigre  et  presque  décharné;  les  extrémités  longues,  le  pouls 
tardif  et  dur,  les  mouvements  lents  et  circonspects.  Une 
grande  force  ,  une  grande  patience,  une  extrême  opiniâtreté, 
des  sensations  vives  et  profondes,  des  passions  éternelles, 
s'il  est  permis  de  parler  ainsi ,  un  sentiment  continuel  d'in- 
quiétude, une  imagination  soucieuse,  un  naturel  défiant, 
jaloux,  timide;  tels  étaient  les  traits  physiques  et  moraux 
de  ces  hommes  dans  lesquels  la  vie  était  forte,  mais  pa- 
raissait ne  s'exercer  qu'avec  embarras  et  hésitation.  Enfin, 
le  pituiteux  ou  phiegmatique ,  avait  une  complexion  lâche 
et  molle,  une  physionomie  tranquille  et  presque  insigni- 
fiante, des  cheveux  plats  et  sans  couleur,  les  yeux  ternes; 
les  muscles  faibles,  quoique  volumineux;  le  corps  chargé 
d'embonpoint,  les  mouvements  tardifs  et  mesurés,  le  pouls 
îeiït,  petit,  incertain,  la  circulation  lente,  la  chaleur  fai- 
ble; toutes  ses  fonctions  accusaient  au  physique  une  médio- 
cre activité,  et  au  moral,  la  monotonie,  le  caîme  rempla- 
çaient les  passions  violentes  du  bilieux,  les  affections  gaies 
et  mobiles  du  sanguin,  et  les  inquiétudes  continuelles  de 
l'atrabilaire.  On  peut  voir  dans  Cabanis,  que  nous  avons 
copié  ici  en  plusieurs  points,  un  portrait  éloquemment 
tracé  de  ces  quatre  tempéraments  des  Anciens,  à  chacun 
desquels  étaient  encore  rattachés  un  des  âges  de  la  vie    une 


4 g4       DES    DÉFÉRENCES   INDIVIDUELLES   DE   L'HOMME* 

des  saisons  de  l'année,  et  l'un  des  climats  du  globe.  Ainsi , 
le  tempérament  bilieux  correspondait  à  l'âge  adulte,  et  était 
développé  par  l'été  et  les  climats  chauds  :  le  tempérament 
sanguin  était  celui  de  la  jeunesse,  du  printemps  et  des 
pays  tempérés  :  le  tempérament  atrabilaire  était  propre  à 
l'âge  mûr,  et  développé  par  l'automne  et  les  pays  équato- 
riaux  :  enfin  ,  le  tempérament  pituiteux  était  celui  des 
vieillards  ,  et  celui  auquel  prédisposaient  l'hiver  et  les  pays 
humides  et  froids. 

Telle  était  la  doctrine  des  Anciens  sur  les  tempéraments. 
Mais  quelque  grand  que  soit  le  crédit  dont  ait  joui  long- 
temps cette  doctrine  ,  les  objections  s'élèvent  en  foule,  et 
contre  les  principes  sur  lesquels  elle  repose,  et  contre  quel- 
ques-uns des  faits  qu'elle  consacre.  D'une  part,  que  sont 
ces  quatre  éléments ,  chaud  ,  froid ,  sec  et  humide  ,  que  l'on 
dit  former  les  diverses  parties  constituantes  du  corps  hu- 
main ?  et  quels  rapports  peut-il  exister  entre  ces  prétendus 
éléments  et  les  humeurs  qu'ils  sont  supposés  rendre  prédo- 
minantes ?  Aujourd'hui  qu'on  a  distingué  les  différents  soli- 
des et  fluides  qui  composent  le  corps  humain  /analysé  le 
service  spécial  des  uns  ,  le  mode  de  formation  des  autres  , 
le  concours  de  tous  à  l'accomplissement  de  la  vie ,  peut-on 
voir  ailleurs  que  dans  les  proportions  respectives  de  ces  so- 
lides et  de  ces  fluides  les  bases  d'une  théorie  des  tempéra- 
ments ?  et  peut-on  conserver  la  doctrine  toute  métaphysi- 
que des  éléments  ?  D'autre  part,  les  caractères  assignés  à 
chacun  des  quatre  tempéraments  admis ,  ne  sont  pas  tous 
exacts  ;  plusieurs  peuvent  être  contestés;  et,  à  leur  égard, 
nous  ferons  surtout  deux  remarques  critiques.  L'une  a  trait 
à  ce  que  l'on  dit  de  l'état  de  la  peau  et  des  cheveux  dans 
chacun  des  tempéraments;  rien  n'est  moins  constant;  et  il 
est  assez  fréquent  de  trouver  des  bilieux  avec  des  cheveux 
blonds  ,  des  sanguins  avec  la  peau  jaune ,  etc.  Oui  ne  sent 
que  ces  parties  du  corps  ne  peuvent  tout  au  plus,  par  leur 
manière  d'être,  qu'annoncer  la  disposition  des  appareils  in- 
térieurs influents,  si  toutefois  il  y  a  coïncidence  constante 
entre  l'état  des  uns  et  des  autres  ?  Notre  autre  remarque 
portera  sur  la  fonction  intellectuelle  et  morale.  Sans  contre- 


DES    TEMPÉRAMENTS.  4  $3 

dit,  cette  fonction  est  une  de  celles  par  lesquelles  les  hommes 
diffèrent  le  plus  les  uns  des  autres;  et,  comme  cette  fonc- 
tion est  celle  qui  domine  dans  la  vie  de  l'homme,  les  diffé- 
rences qu'elle  présente  ont  dû  aussitôt  frapper  tous  les  yeux.. 
Mais  ces  différences  ont  été  à  tort  rapportées  parles  Anciens 
aux  tempéraments  ;  eUe  sont  dues  en  entier  aux  modifica- 
tions, aux  spécialités  de  l'organe  cérébral  ;  les  tempéraments, 
qui  consistent  exclusivement  en  influences  organiques  ne 
peuvent  y  avoir  part  qu'en  influant  sur  la  mesure  d'ac- 
tivité du  cerveau  ;  et  il  faut  bien  se  garder  de  confondre  les 
tempéraments  et  les  caractères.  Ainsi  que  nous  l'avons  dit, 
en  traitant  de  la  psychologie  ,  il  n'y  a  pas  dépendance  ab- 
solue entre  l'organisation  générale  qui  constitue  le  tempé- 
rament ,  et  le  caractère  des  actes  intellectuels  et  moraux  ;  et 
tous  les  portraits  qu'on  a  tracés  de  ceux-ci  dans  chaque  tem- 
pérament, sont  démentis  par  l'observation.  Toutefois,  bien 
qu'il  soit  impossible  d'admettre  aujourd'hui  la  théorie  des 
Anciens  sur  les  tempéraments  ,  il  est  juste  de  dire  qu'il  y  a 
quelque  chose  de  vrai  dans  la  distinction  des  quatre  tempéra- 
ments qu'ils  ont  consacrés;  et  ce  qui  le  prouve,  c'est  que 
depuis  on  n'a  fait  que  les  reproduire,  en  en  changeant  seu- 
lement l'explication. 

Cela  est  évident ,  par  exemple,  des  humoristes,  qui ,  rap- 
portant les  tempéraments  aux  disproportions  des  humeurs  , 
en  ont]  admis  quatre  aussi  ,  auxquels  ils  ont  assigné  à  peu 
près  les  mêmes  traits;  le  sanguin  ,  dû  à  la  prédominance 
du  sang  ;  le  bilieux,  dû  à  celle  de  la  bile  ;  le  mélancolique  , 
à  celle  de  l'atrabile  ;  enfin  ,  le  pituiteuoc  à  celle  de  la  pituite. 
On  voit  que  c'est  la  même  chose,  et  en  beaucoup  de  points  , 
la  théorie  n'en  est  pas  meilleure;  car,  qu'est-ce  que  l'atra- 
bile ?  qu'est-ce  que  la  pituite  ? 

Il  en  a  été  de  même  des  solidistes  :  selon  que  prédomi- 
naient dans  l'homme  les  appareils  circulatoire,  hépatique, 
lymphatique  ,  etc.  ,  ils  admirent  aussi  des  tempéraments 
sanguin,  bilieux,  phlegmatique  ,  etc.  Seulement  aux  quatre 
tempéraments  primitivement  admis,  ils.  en  ajoutèrent  deux 
autres,  le  nerveux  et  le  musculaire.  Le  premier  était  dû  à 
la  prédominance  du  système  nerveux,  et  voici  quels  étaient 


4g6      DES    DIFFÉRENCES   INDIVIDUELLES    DE   l'hOMMË. 
ses  traits  anatomiques  et  physiologiques:  comme  le  système 
nerveux  ne  décèle  jamais  une  grande  activité  qu'au  détri- 
ment du  système  musculaire,  l'habitude  extérieure  des  in- 
dividus de  ce  tempérament  est  très  grêle  ,  leurs  muscles  sont 
petits  ,  toutes  leurs  parties  desséchées;  dans  l'état  ordinaire, 
et  sauf  les  instants  d'exaltation ,   le  moindre  acte  physique 
est  une  fatigue,   et  souvent  un  effort  impossible;  mais  en 
revanche  les  sensations  sont  très  délicates,  et  la  plus  légère 
impression  peut  provoquer  une  syncope  ou  des  convulsions. 
Le  tempérament  musculaire  ou  athlétique  ,  reconnaît  pour 
base  la  prédominance  du  système  musculaire  ,  et  a  des  traits 
anatomiques  et    physiologiques   tout  opposés.    L'habitude 
extérieure  se  ressent  du  grand  développement  des  masses 
musculeuses;  la  tête  paraît  petite ,  sans  l'être  en  effet,  mais 
parce  que  les  autres  parties  ,    beaucoup  plus  musculaires, 
sont  plus  grosses;  le  col  est  fort,  large,  surtout  en  arrière  ; 
les  épaules  sont   volumineuses,  le  thorax  très  évasé;  tous 
les  muscles  font  partout  de  fortes  saillies,  surtout  au  dos, 
aux  lombes  ,  aux  moignons  des  épaules  ;  leurs  attaches  sont 
partout  sensibles;  toutes  les  articulations  sont  bien  expri- 
mées. Tout  le  corps  en  général  est  volumineux  ,  et  son  vo- 
lume tient  à  celui  des  muscles  et  non  au  tissu  cellulaire; 
celui-ci  est  peu  épais ,  ferme  et  tenace.  Tandis  qu'un  si  grand 
développement  du  système  musculaire  rend  les  hommes  de 
ce  tempérament  capables  de  déployer  les  plus  grandes  forces 
physiques,  leur  système  nerveux,  peu  délicat,  ne  les  fait 
jouir  que  d'une  sensibilité  obtuse  ;   ils  sont  peu  sensibles , 
peu  spirituels,  et  même  ont  une  santé  moins  résistante, 
moins  solide  que  celle  des  autres  hommes. 

Ainsi,  six  tempéraments  furent  établis  comme  repré- 
sentant les  différences  principales  que  peuvent  offrir  les 
hommes  dans  les  proportions  d'activité  et  de  dévelop- 
pement de  leurs  parties  constituantes.  Du  reste,  on  con- 
venait que  si  le  tempérament  tempéré  des  Anciens  était 
une  chimèi'e  ,  chacun  des  six  tempéraments  décrits  ne 
se  rencontrait  pur  que  très  rarement;  presque  toujours  les 
éléments  de  l'un  étaient  mêlés  ,  compliqués,  avec  ceux  de 
1  autre  ,  et  cela  en  des  proportions   infinies  ;  de  sorte  qu'il 


DES    TEMPÉRAMENTS.  4q7 

y  avait  des  tempéraments  bilioso- sanguins  ,  neivoso-san~ 
gains,  etc.  Seulement  quelques-unes  des  combinaisons 
étaient  incompatibles;  par  exemple,  celle  du  tempérament 
athlétique  ou  musculaire,  avec  le  nerveux  ou  le  lympha- 
tique* 

Cependant  quelques  médecins  ont  nié  la  distinction  de 
ces  six  tempéraments;  les  tableaux,  ont-ils  dit,  en  ont 
été  tracés  d'après  le  dogme  et  non  d'après  la  nature;  celle-ci 
n'offre  jamais  qu'une  combinaison  dr'S  uns  et  des  autres  ;  et 
il  y  a  toute  impossibilité,  quand  on  veut  juger  la  constitu- 
tion d'un  individu,  d'évaluer  la  part  qu'y  a  chacun  des 
nombreuxsystèmes  qui  le  composent.  Tel  était  Zimmermann, 
qui  se  fondait  sur  ce  que  dans  la  pratique  de  la  médecine 
on  trouve  plus  d'exceptions  à  la  doctrine  des  tempé- 
raments que  de  cas  qui  la  confirment.  Tel  était  Clerc ,  qui 
trouvait  cette  doctrine  trop  vague  ,  et  inutile  dans  le  traite- 
ment des  maladies  aiguës  et  chroniques  ,  comme  ne  pouvant 
imprimer  à  la  thérapeutique  que  des  modifications  aussi 
peu  déterminées  qu'elle  l'est  elie-même.  Telle  est  encore 
aujourd'hui  l'opinion  de  M.  Georget ,  qui  considère  tout 
ce  point  de  doctrine  comme  une  superstition  que  nous  a  lé- 
guée l'humorisme  ,  et  qui  croit  que  le  cerveau  seul  ]  parmi 
les  organes,  a  le  pouvoir  ,  par  sa  prédominance  ou  son  infé- 
riorité ,  de  modifier  toute  l'économie.  Nous  avouerons  que 
les  tempéraments  des  auteurs  sont  rarement  purs,  et  que 
jamais,  dans  la  pratique,  celui  d'un  individu  n'est  tout-à- 
fait  semblable  à  celui  d'un  autre.  Nous  avouerons  aussi 
qu'on  a  exagéré  les  secours  que  le  médecin  peut  tirer  de  la 
connaissance  du  tempérament  de  ses  malades.  Mais ,  d'autre 
part,  il  ne  peut  exister  prédominance  ou  infériorité  d'un  des 
systèmes  influents  du  corps,  sans  qu'il  n'en  résulte  une  mo- 
dification générale  déterminée  ,  c'est-à-dire  un  tempéra- 
ment ;  et  la  consécration  des  six  tempéraments  indiqués  est 
trop  générale ,  pour  qu'il  n'y  ait  pas  quelque  chose  de  vrai 
dans  l'observation  qui  les  a  fait  signaler  dans  tous  les  siècles. 
C'est  parce  que  la  théorie  des  tempéraments  était  mauvaise 
qu'on  a  été  porté  à  les  nier;  mais  l'analyse  physiologique 
plus  judicieuse  qu'ont  donnée,  dans  ces  derniers  temps, 
Tome  IV.  *  32 


498       DES    DIFFÉRENCES    INDIVIDUELLES    DE    L'HOMME. 

de  leurs  bases  organiques ,  MM.  Halle  et  Rostan ,  ne  permet 
pas  de  douter  de  leur  réalité. 

M.  Halle  ,  auquel  la  science  de  l'hygiène  doit  de  si  beaux 
travaux ,  place  les  fondements  anatomiques  des  tempéra- 
ments; i°  dans  les  systèmes  généraux  qui  sont  répandus 
dans  toutes  les  parties,  savoir,  les  systèmes  vasculaire  ,  ner- 
veux et  musculaire  ;  2°  dans  les  principales  régions  du 
corps  ;  3°  enfin,  dans  les  principaux  organes.  Aux  disposi- 
tions des  premiers  sont  dus  ce  qu'il  appelle  des  tempéra- 
ments généraux  ;  et  à  celles  des  régions  et  des  organes  ,  ce 
qu'il  appelle  des  tempéraments  -partiels .  Ainsi ,  les  vaisseaux 
sont  de  deux  sortes,  sanguins  et  lymphatiques;  et,  dans 
les  proportions  de  ces  vaisseaux  entre  eux  ,  il  peut 
exister  l'une  ou  l'autre  des  trois  choses  suivantes  :  excès  du 
système  lymphatique  sur  le  sanguin  ;  excès  du  système 
sanguin  sur  le  lymphatique;  et  enfin  état  moyen  de  l'un  et 
de  l'autre.  La  première  disposition  correspond  au  tempé- 
rament pituiteux  des  anciens  ;  l'habitude  extérieure  du 
corps  est  molle  ,  lâche ,  faiblement  colorée  ;  les  formes 
sont  arrondies  ,  les  chairs  humides  ,  peu  contractiles  ;  le 
sang  est  peu  coloré  ,  séreux.  La  seconde  ,  au  contraire,  cor- 
respond au  tempérament  bilieux  ;  aussi  l'habitude  exté- 
rieure est-elle  sèche  ,  maigre,  sombrement  colorée;  les  for- 
mes sont  saillantes,  dures;  le  sang  dense,  peu  séreux , 
coloré  ,  elc.  Enfin  ,  la  troisième  constitue  le  tempérament  ' 
sanguin;  le  corps  ,  à  l'extérieur  ,  offre  une  coloration  fleurie, 
un  embonpoint  médiocre  ;  les  muscles  saillent  en  dehors, 
mais  sans  dureté  ;  la  peau  est  souple,  la  chaleur  douce  ;  le 
sang  d'une  couleur  brillante,  ni  trop  séreux,  ni  trop  dense  , 
etc.  M.  Halle  fait  ici  la  même  remarque  que  nous  avons  déjà 
faite  relativement  aux  caractères  tirés  des  cheveux ,  des  ex- 
crétions muqueuses  et  de  la  sécrétion  biliaire  ;  les  traits  pris 
dans  ces  parties  de  l'organisme  ne  sont  que  des  coïncidences, 
assez  fréquentes  sans  doute,  mais  qui  cependant  souffrent 
trop  d'exceptions  pour  qu'on  les  considère  comme  signes  cer- 
tains des  tempéraments.  Ainsi,  bien  que  les  lymphatiques 
aient  généralement  les  cheveux  blonds,  et  les  bilieux  les  che- 
veux noirs;  bien  que  les  premiers  aient  souvent  toutes  les  se- 


DES    TEMPÉRAMENTS.  4gc) 

crétions  muqueuses  actives  s  tandis  que  dans  les  bilieux  la 
sécrétion  biliaire  prédomine  ;  souvent  aussi  on  observe  des 
dispositions  contraires.  Sans  doute,  puisqu'on  voit  les 
cheveux  changer  selon  les  âges,  il  n'est  guère  possible  de 
méconnaître  que  ces  parties  ne  se  ressentent  assez  prochai- 
nement de  l'état  des  systèmes  généraux ,  et  ne  puissent  par 
conséquent  faire  préjuger  l'état  de  ces  derniers.  Mais  il  ne 
faut  pas  oublier  qu'ici  mille  variétés  sont  possibles  ,  et 
que  ce  n'est  point  par  ces  dispositions  secondaires  qu'il  faut 
établir  les  tempéraments.  Relativement  au  système  ner- 
veux ,  M.  Halle  considère  le  degré  de  susceptibilité  de  ce 
système ,  la  durée  des  impressions  qu'il  reçoit ,  la  prompti- 
tude avec  laquelle  ces  impressions  s'associent  et  se  succè- 
dent. La  susceptibilité  peut-être  extrême ,  faible  ou  modé- 
rée; et  bien  que  chacune  de  ces  dispositions  puisse  coïn- 
cider avec  les  dispositions  diverses  dépendantes  de  l'état  des 
vaisseaux,  d'où  beaucoup  de  tempéraments  divers,  cepen- 
dant l'observation  montre  que  la  susceptibilité  extrême  est 
ordinairement  compagne  des  tempéraments  bilieux  ,  îa 
susceptibilité  faible  celle  du  tempérament  lymphatique  , 
et  la  susceptibilité  modérée  celle  du  tempérament  san- 
guin. Néanmoins  on  observe  ici  beaucoup  d'exceptions  ; 
et  ,  par  exemple  ,  souvent  il  y  a  susceptibilité  nerveuse 
avec  prédominance  lymphatique,  comme  dans  les  femmes 
et  les  enfants.  La  durée  des  impressions,  toutes  choses  égaies 
d'ailleurs  dans  la  vivacité  de  ces  impressions  et  l'intérêt 
qui  leur  est  attaché,  peut-être  aussi  extrême  ,  faible  ou 
modérée  ;  et  l'observation  montre  encore  que  la  première 
est  plus  particulièrement  propre  au  bilieux  ,  la  seconde  au 
lymphatique,  et  la  troisième  au  sanguin.  Quant  à  la  succes- 
sibilité;  ou  bien  elle  est  extrême,  d'où  résulte  une  conti- 
nuelle mobilité  ,  comme  dans  les  enfants ,  les  peuples  méri- 
dionaux; ou  elle  est  très  lente  ,  soit  par  une  faiblesse  origi- 
nelle de  l'esprit ,  soit  par  l'habitude  d'une  forte  attention, 
d'où  résulte  ce  qu'on  appelle  Y  abstraction.  Enfin ,  le  troi- 
sième système  général  auquel  M.  Halle  rapporte  les  tempé- 
raments généraux  est  le  système  musculaire,  et  ce  savant  y 
considère  ;  i°  la  masse;  20  l'influx  nerveux  qui  le  régit.  La 


J6: 
3.2. 


5oo       DES   DIFFÉRENCES   INDIVIDUELLES   DE   L'HOMME. 

masse  s'apprécie  par  le  volume  et  la  densité  des  fibres  mus- 
culaires, et  est  forte,  faible  ou  moyenne.  L'influx  nerveux 
est  ce  qu'on  appelle  Y  excitabilité,  et  est  aussi  fort ,  faible  ou 
moyen.  Il  y  a  de  nombreuses  variétés  dans  la  mesure  dans 
laquelle  se  combinent  ces  deux  dispositions;  et  entre  toules 
les  combinaisons  qui  sont  possibles  ,  deux  surtout  sont  assez 
tranchées  pour  constituer  des  tempéraments  ,  savoir  :  l'as- 
sociation de  peu  d'excitabilité  avec  une  masse  musculaire 
énorme,  d'où  résulte  le  tempérament  athlétique  des  An- 
ciens; et,  au  contraire,  l'association  d'une  grande  excita- 
bilité avec  une  masse  musculaire  faible  ,  d'où  résulte  le 
tempérament  nerveux  convidsif.  Il  est  aisé  de  voir  ,  dans 
cette  analyse  des  tempéraments  généraux  de  M.  Halle,  qu'au 
fond  ces  tempéraments  sont  ceux  des  Anciens,  dont  seule- 
ment les  bases  anatomiques  sont  mieux  indiquées. 

11  en  sera  de  même  de  ce  qu'il  appelle  îes  tempéraments 
partiels.  Ceux-ci  sont  dus  à  l'état  qu'affectent  les  systèmes 
généraux  vascuîaires  et  nerveux  dans  les  diverses  régions 
du  corps ,  ou  à  des  dispositions  particulières  de  certains  vis- 
cères :  ils  sont  décèles  par  certains  phénomènes  pertur- 
bateurs ,  des  bémorrhagies ,  par  exemple  ,  et  par  les  ma- 
ladies dites  constitutionnelles.  Ainsi,  les  diverses  ten- 
dances hémorrhagiques  annoncent  autant  de  tempéraments 
partiels,  puisqu'il  ne  peut  être  indifférent  ni  semblable 
qu'il  survienne  habituellement  un  épistaxis,  une  hémo- 
ptysie, des  hémorrhoïdes  :  chacune  de  ces  hémorrhagies 
accuse  une  disposition  différente  des  systèmes  vascuîaires 
et  nerveux  dans  chacune  des  trois  cavités  splanchniques; 
et  il  est  d'autant  plus  important  de  noter  ces  dispositions, 
qu'elles  présagent  les  maladies  qui  peuvent  survenir,  et  que 
souvent  elles  sont  en  opposition  avec  ce  que  les  apparences 
extérieures  feraient  préjuger  de  l'état  général  de  tout 
le  système  circulatoire.  De  même,  si  Ton  voit  des  ma- 
ladies constitutionnelles,  celles  du  système  lymphatique, 
par  exemple ,  attaquer  successivement  dans  la  suite  des 
âges,  la  tête,  le  coi,  le  thorax,  l'abdomen;  n'est-ce  pas 
que  successivement  ces  diverses  cavités  se  sont  trouvées 
dans  autant  de  dispositions  d'organisation  diverses,  et  for- 


DES    TEMPÉRAMENTS.  5oi 

ment  alors  comme  autant  de  tempéraments  partiels  ?  Qui 
pourrait  nier  que  chaque  organe  n'a  un  degré  de  susceptibi- 
lité spécial,  qui  le  prédispose  plus  ou  moins  à  devenir  un 
point  de  fluxion,  le  lieu  où  se  fixera  une  maladie  constitu- 
tionnelle? et  les  maladies  constitutionnelles  ne  sont-elles 
pas  ce  qui  accuse  le  mieux  les  dispositions  spéciales  qu'a  le 
système  nerveux  dans  chaque  région  du  corps,  dans  chaque 
organe  ?  Quant  aux  tempéraments  partiels  tenant  à  des  dis- 
positions particulières  de  quelques  viscères,  il  en  est  en 
quelque  sorte  autant  qu'il  y  a  dans  le  corps  d'organes  im- 
portants ;  chaque  homme  n'a-t-il  pas  sa  mesure  spéciale 
dans  sa  température ,  son  action  de  transpiration ,  le  carac- 
tère de  ses  déjections  alvines  ?  Mais  M.  Halle  en  signale  sur- 
tout trois  principaux:  le  pituiteux ,  tempérament  caractérisé 
par  la  surabondance  des  excrétions  muqueuses,  des  glaires, 
qui  s'observe  souvent  dans  la  vieillesse,  et  qui  a  pour  con- 
traire le  tempérament  sec  :  le  bilieux  proprement  dit, 
caractérisé  par  la  surabondance  de  la  bile,  et  que  décèlent 
la  couleur  jaune  du  visage ,  du  blanc  des  yeux,  et  la  fré- 
quence des  embarras  gastriques  :  enfin  le  mélancolique ,  dû 
à  un  état  particulier  des  viscères  hypocondriaques,  et  à 
un  mode  spécial  de  sensibilité  du  centre  nerveux  épigas- 
trique.  Ce  dernier  correspond  au  tempérament  atrabilaire 
des  anciens;  et  nous  avouerons  que  ses  fondements  anato- 
miques  sont  aussi  vaguement  spécifiés  dans  la  théorie  de 
M.  Halle,  que  dans  celle  des  éléments  ou  celle  des  humoristes. 
M.  Rostan,  prenant  pour  base  des  tempéraments  le  degré 
de  prédominance  ou  d'infériorité  des  divers  appareils  de 
l'économie,  de  ces  appareils  que  nous  avons  vu  accomplir 
les  fonctions,  me  semble  plus  près  encore  delà  nature ,  et 
partant  de  la  vérité.  Rejetant  comme  impropre  le  mot  de 
tempérament,  il  le  remplace  par  celui  de  constitution,  et 
il  en  distingue  six  priucipales.  i°  L'une  est  marquée  par  la 
prédominance  de  l'appareil  digestif,  dans  lequel  il  faut 
comprendre,  non-seulement  l'estomac  et  l'intestin,  mais 
les  diverses  humeurs  sécrétées  qui  sont  versées  dans  ces  or- 
ganes pour  la  digestion,  et  surtout  le  foie.  Dans  cette  con- 
stitution,   l'appétit  est  impérieux,   la  digestion  prompte; 


502       DES    DIFFÉRENCES    INDIVIDUELLES    DE    l'hOMME. 
uu  chyle  abondant  et  nutritif  est  fourni  au  sang  et  à  tous 
les  organes;  et  par  suite  toutes  les  parties  sont  dans  un  bon 
état  de  nutrition  et  de  développement.   La  bile  étant  sé- 
crétée en  grande  quantité,  une  partie  en  est  résorbée,,  et 
va  teindre  la  peau  et  stimuler  diversement  les  organes  in- 
térieurs. 2»  Une  autre  constitution  est  due  au  grand  déve- 
loppement des  organes   respiratoires  et  circulatoires  ,    or- 
ganes qui   ont  le  même  but,  et  qui  par  conséquent  sont 
toujours  dans  les  mêmes  conditions.  Une  poitrine  large, 
des  poumons   vastes,    un    cœur   volumineux,   des  mouve- 
ments respirateurs  grands  et  faciles,  un  pouls  développé  et 
fort,  un  sang  abondant  et  riche;  tels  sont  les  traits  locaux 
de  cette  constitution,  qui,  fournissant  aux  organes  un  sang 
excellent,   doit  imprimer  partout  l'activité.   Aussi  l'habi- 
tude extérieure  est-elle  bien  nourrie,  la  peau  est  colorée; 
il  y  a  développement  complet  et  facile  de  tous  les  phéno- 
mènes de  la  vie.  Comme  la  bile  ici  n'abonde  pas,  et  n'est  pas 
autant  résorbée,  cette   constitution  n'offre  pas  l'éréthisme 
que  décèle  souvent  la  précédente.  3°  Dans  une  troisième 
constitution,  l'encéphale  prédomine,  et  par  contre  il  y  a 
diminution    d'activité   et  de    développement  de    tous  les 
systèmes  de  l'économie.    Ses   traits   locaux    sont  un  grand 
crâne,  un  grand  cerveau,  un  grand  besoin  de  sensations, 
de   travaux   intellectuels,   d'affections   et  de  passions.   Ses 
influences  générales  s'expliquent  par  les  deux  lois  de  balan- 
cement et  d'irradiation  nerveuse  que  nous  avons  posées  :  à 
raison  de  la  première,  tous  les  autres  organes  languissent; 
l'habitude  extérieure  est   amaigrie,    desséchée;    toutes  les 
parties  sont   moins  bien  nourries  et  développées;  à  raison 
de  la  seconde,  toutes  les  fonctions  organiques  sont,  non- 
seulement  plus  faibles,  mais  facilement  troublées.  Comme 
souvent  le  cervelet  participe  du  grand  développement  de 
l'encéphale,  souvent  aussi  l'appareil  génital  est  fort  actif. 
Au  lieu  des  maladies  gastriques  et  inflammatoires,  auxquelles 
étaient  prédisposées  les  deux  premières  espèces  de  constitu- 
tions, dans  celle-ci  ce  sont  les  maladies  nerveuses.  4°  Une 
constitution  inverse  est  celle  où  domine  l'appareil  locomo- 
teur ;  caractérisée  physiquement  par  le  grand  développemen  t 


DES    TEMPÉRAMENTS.  5o3 

des  systèmes  osseux  et  musculaire ,  ses  traits  physiologi- 
ques sont  une  grande  force  musculaire  et  une  grande  dimi- 
nution des  fonctions  sensoriales  et  génitales.  Comme  elle 
suppose  une  assez  grande  dépense  ,  elle  exige  toujours  coïnci- 
demment  un  assez  grand  développement  des  appareils  diges- 
tif, respiratoire  et  circulatoire.  5«  Nos  lecteurs  auront  cer- 
tainement reconnu  dans  ces  quatre  premières  constitutions 
les  tempéraments  bilieux ,  sanguin,  nerveux  et  musculaire 
que  nous  avons  vu  figurer  dans  les  théories  précédentes; 
voici  une  constitution  qui  ne  leur  avait  pas  encore  été  si- 
gnalée, celle  qui  est  marquée  par  la  prédominance  de  l'ap- 
pareil génital.  Le  grand  changement  qui  se  fait  à  la  puberté, 
prouve  assez  la  grande  influence  exercée  par  l'appareil  gé- 
nital sur  toute  l'économie;  soit  qu'on  explique  cette  in- 
fluence par  la  modification  qu'imprime  au  sang  la  sécrétion 
spermatique;  soit  qu'on  l'attribue  aux  réactions  sympathi- 
ques qui  émanent  alors  de  cet  appareil.  En  vain  voudrait- 
on  rapporter  à  un  développement  coïncident  des  autres 
organes,  les  changements  généraux  qui  caractérisent  cette 
époque  de  la  vie  ;  ce  qui  prouve  que  l'appareil  génital  y  a  la 
plus  grande  part,  et  par  conséquent  mérite  de  constituer 
un  tempérament,  c'est  ce  qu'on  observe  chez  les  eunuques. 
Castre-t-on  l'homme  avant  la  puberté  ?  il  traverse  cet  âge 
sans  éprouver  les  changements  généraux  qui  décèlent  sa  vi- 
rilité :  Est-il  castré  après  la  puberté,  mais  jeune  encore  ?  il 
perd  en  partie  les  traits  que  cet  âge  lui  avait  imprimés,  et 
d'autant  plus  qu'il  est  plus  jeune,  et  qu'il  avait  l'appareil 
génital  plus  actif.  Il  y  a  donc  un  tempérament  génital,  et 
le  nom  de  tempérament  donné  exclusivement  dans  le  monde 
à  la  prédominance  de  cet  appareil,  est  même  une  preuve 
de  l'observation  instinctive  qui  en  avait  été  faite.  Ses  traits 
sont  un  grand  développement  des  organes  génitaux,  la 
grande  activité  de  leurs  fonctions ,  l'exagération  des  formes 
nouvelles  qu'on  revêt  à  la  puberté ,  l'épaisseur  de  la  barbe , 
l'abondance  des  poiîs  sur  tout  le  corps,  la  gravité  de  la 
voix ,  etc.  Voyez,  sous  tous  ces  rapports,  quel  contraste  entre 
l'homme  libidineux  et  l'eunuque,  ou  même  l'homme  que 
son  organisation  primitive  a  fait  continent  î  Comme  ici,  il  y 


5o4  DES  DIFFÉRENCES  INDIVIDUELLES  DE  L'HOMME, 
a  assez  grande  dépense,  il  y  a  souvent  coïncidence,  des  ap- 
pareils qui  font  le  sang  qui  fournit  à  cette  dépense,  et  de 
l'appareil  hépatique  auquel  est  dû  un  stimulus  intérieur. 
60  Enfin  ,  M.  Roslan  signale  une  constitution  caractérisée 
par  l'atonie  de  tous  les  appareils,  et  qui  correspond  au 
tempérament  lymphatique  des  Anciens.  La  plupart  des 
modernes  font  consister  ce  tempérament  dans  l'inertie  du 
système  lymphatique;  M.  Broussais ,  au  contraire,  l'at- 
tribue à  sa  prédominance;  M.  Rastan  croit  que  les  premiers 
ont  pris  l'effet  pour  la  cause,  et  que  si,  dans  cette  constitu- 
tion, les  sucs  blancs,  l'embonpoint,  la  graisse  prédominent, 
c'est  consécutivement  à  l'inertie  de  tous  les  appareils  et  de 
toutes  les  fonctions  :  l'habitude  extérieure  est  pâle,  bouffie, 
non  colorée,  les  chairs  molles,  etc. 

Telle  a  été  la  succession  des  idées  des  médecins  sur  les 
tempéraments;  et  l'on  voit  que,  tout  en  différant  sur  les 
noms  et  sur  les  explications  qu'ils  ont  donnés  de  ces  diffé- 
rences de  l'homme ,  ils  ont  toujours  signalé  à  peu  près 
les  mêmes  nuances,  11  ne  pouvait  en  être  autrement  : 
comme  les  tempéraments  consistent  dans  des  disproportions 
des  systèmes  influents  du  corps,  et  comme  il  n'y  a  qu'un  petit 
nombre  de  ceux-ci,  il  ne  pouvait  y  avoir  aussi  qu'un  nom- 
bre restreint  de  tempéraments,  et  ces  tempéraments  ne 
pouvaient  être  que  les  mêmes.  Ainsi  que  nous  l'avons  dit 
en  commençant  ce  chapitre  ,  c'est  sur  les  principes  que  nous 
avons  posés  en  traitant  des  connexions  des  organes  et  des 
fonctions,  qu'il  faut  baser  la  doctrine  des  tempéraments  : 
aucun  organe  ,  par  sa  disproportion  avec  les  autres,  ne  peut 
en  constituer,  qu'autant  qu'il  est  influent;  et  nous  avons 
en  quelque  sorte  indiqué  le  degré  d'importance  des  uns  et 
des  autres,  en  traitant  de  leurs  rapports  fonctionnels  et 
sympathiques.  Pourrait-il  être  sans  influence  pour  Fécono- 
rnie ,  ique  les  appareils  digestif,  respiratoire  et  circulatoire  , 
qui  font  et  distribuent  le  sang  à  tous  les  organes,  soient 
plus  ou  moins  prédominants?  et  ne  doit-il  pas  en  résulter 
une  modification  dans  la  nutrition  et  le  degré  d'activité  de 
tous  les  organes  ?  La  mesure  dans  laquelle  agissent  les  sé- 
crétions qui  influent  sur  la  crâse  de  ce  fluide,  comme  les 


DES   TEMPÉRAMENTS.  5o5 

sécrétions  urinaire,  spermalique,  biliaire ,  ne  doit-elle  pas 
avoir  la  même  importance?  Le  degré  d'intensité  de  l'autre 
condition  vitale,  l'innervation  ,  est  aussi  d'un  égal  intérêt. 
Il  ne  peut  être  indifférent  non  plus,  que  les  organes  qui 
ont  une  très  grande  puissance  sympathique,  soient  plus  ou 
moins  développés,  plus  ou  moins  actifs,  puisqu'ils  sont  la 
source  d'irradiations  continuelles  dans  toute  l'économie  : 
ainsi ,  le  tempérament  gastrique  influera ,  non-seulement 
comme  fournissant  plus  de  chyle  au  sang ,  mais  encore 
comme  faisant  de  l'estomac  un  foyer  continuel  d'irradia- 
tions. Enfin,  comme,  en  vertu  des  lois  de  balancement  et 
d'irradiation ,  aucun  organe  ne  peut  agir  sans  diminuer  la 
mesure  d'activité  des  autres,  ou  la  perturber ,"  on  conçoit 
qu'aucun  organe  ne  peut  être  impunément  plus  actif  ou 
prédominant.  Ainsi  peuvent  s'expliquer  toutes  les  diffé- 
rences individuelles  des  hommes.  Nous  ne  ferons  pas,  d'a- 
près ce  plan,  une  exposition  des  tempéraments;  ce  serait 
nous  condamner  à  des  répétitions;  d'ailleurs  le  tableau  de 
M.  Rostan  y  correspond  assez.  Nous  voudrions  seulement  que, 
dans  toute  description  des  tempéraments,  on  séparât  avec  soin 
les  traits  locaux  qui  les  constituent ,  c'est-à-dire  qui  tien- 
nentaux  organes  et  appareils  qui  sont  prédominants  ou  infé- 
rieurs ,  des  traits  généraux  qui  sont  les  effets  fonctionnels  ou 
sympathiques  des  premiers.  Ainsi  l'attention  serait  d'abord 
portée  sur  ce  qui  constitue  la  différence  individuelle,  et 
tous  les  autres  traits  seraient  rattachés  à  celle-ci  comme  à 
sa  cause.  Ainsi,  ne  seraient  plus  réunis  pèle-mèîe  des  carac- 
tères, qui  n'échappent  à  l'esprit  que  parce  qu'ils  ne  sont 
pas  disposés  dans  l'ordre  de  leur  dépendance ,  et  qui  souvent 
même- se  eontre-indiquent,  et  ne  doivent  pas  se  rencontrer 
ensemble.  Par  là  enfin,  serait  évitée  la  confusion  blâmable 
qu'on  peut  reprocher  anx  auteurs  les  plus  modernes  3  des 
tempéraments  et  des  caractères  ;  puisqu'on  verrait  bien  que 
la  prédominance  ou  l'infériorité  d'un  appareil  organique  ne 
peut  influer  sur  le  moral  que  par  l'intermédiaire  du  cer- 
veau, en  augmentant,  diminuant,  modifiant  la  mesurer 
d'activité  de  cet  organe. 


5o6        DES    DIFFÉRENCES    INDIVIDUELLES    DE   L'HOMME. 

CHAPITRE  II. 

Des  Constitutions. 

Les  divers  hommes  n'étant  jamais  tout-à-fait  semblables 
entre  eux  dans  le  degré  d'activité  et  de  développement  de 
leurs  organes  ,  et  la  mesure  que  chacun  offre  sous  ce  rapport 
étant  ce  qu'on  appelle  sa  constitution,  on  conçoit  que  les 
constitutions  sont  aussi  multipliées  que  le  sont  les  individus 
eux-mêmes,  et  qu'il  est  par  conséquent  impossible  d'en 
spécifier  aucune.  Aussi  avons -nous  annoncé  que  nous  ne 
parlerions  ici  que  de  leur  jforce  ou  faiblesse. 

Par  ce  mot  force  nous  n'entendons  pas  le  degré  de  puis- 
sance musculaire  ,  mais  la  stabilité  dans  la  santé  ,  la  mesure 
de  résistance  qu'on  oppose  aux  influences  propres  à  amener 
des  maladies.  On  ne  peut  disconvenir  que  les  hommes  ne 
soient  différents  à  cet  égard  :  tel  a  une  constitution  forte, 
qui ,  s'il  n'en  abuse  pas,  poussera  plus  loin  sa  carrière,  et, 
pendant  son  cours,  résistera  mieux  aux  causes  morbifiques 
qui  pourront  l'assiéger  :  tel  autre ,  au  contraire,  ayant  une 
constitution  faible ,  un  moins  riche  fonds  de  vie ,  si  l'on 
peut  parler  ainsi ,  sera  plus  tôt  vieux  et  plus  accessible  à  des 
maladies.  Cette  différence  qu'on  peut  devoir  à  sa  naissance  , 
aux  qualités  de  ses  parents,  on  peut  aussi  l'acquérir  dans  le 
cours  de  sa  vie ,  par  le  régime  que  l'on  suit ,  le  mode  dans 
lequel  on  use  de  ses  organes.  Par  des  soins  bien  entendus, 
on  fortifie  une  constitution  primitivement  faible;  comme 
par  des  abus  et  des  influences  délétères,   on  affaiblit  une 
constitution  primitivement  forte.   Il  s'agit  de  spécifier  les 
causes  organiques  auxquelles  est  due  la  force  de  la  constitu- 
tion ,  et  à  quels  signes  on  la  reconnaît. 

D'abord  ,  il  ne  faut  pas  faire  de  la  force  de  la  constitution 
un  Être  particulier  ;  elle  n'est  que  la  résultante  de  toutes 
les  actions  qui  se  développent  et  s'exercent  dans  le  corps ,  en 
vertu  de  l'organisation  ;  et  voici  les  conditions  organiques 
nécessaires  pour  que  la  constitution  soit  forte.  i°  Il  faut  un 
développement  convenable  des  appareils  qui  président  à  l'éta- 


DES   CONSTITUTIONS.  507 

blissement  des  conditions  fondamentales  de  la  vie, sang  artériel 
et  innervation:  s'il  y  a,  par  exemple,  développement  imparfait, 
monstruosité  quelconque  des  appareils  digestif,  respiratoire 
et  circulatoire,  il  en  résultera  un  vice  quelconque  dans  la 
sanguification ;    et,    par   suite,    nutrition    et    stimulation 
moindre  des  organes,  faiblesse  de  tout  le  corps,  et  risque 
plus  grand  d'une  fin  prématurée,  d'une  mort  accidentelle. 
20  II  faut  que  tous  les  organes  soient,  autant  que  possible, 
dans  une   juste    proportion  entre  eux  :   s'il  y  a  prédomi- 
nance ,  plus   grande  activité   de  quelques-uns;   d'un  côté, 
en   raison    de    la   loi    de    balancement  ,    quelques    autres 
auront   alors    une    énergie    moindre;    de   l'autre,  les   or- 
ganes prédominants  souvent  auront,  par  cela  même,  une 
susceptibilité    morbide  plus  grande.   Plus  il  y  aura  entre 
tous   les  organes   l'équilibre  nécessaire  pour  l'accomplisse- 
ment le  plus  facile  et  le  plus  complet  de  toutes  les  facul- 
tés ,  pour  la  succession  la  plus  douce  et  la  plus  mesurée 
des  phases  de  la  vie,  plus  la  constitution  sera  forte.  3°  Enfin, 
indépendamment  de  ce  rapport  entre  la  bonne  organisation 
et  le  juste  équilibre  des  systèmes  principaux  du  corps  ,  et  la 
force  et  la  faiblesse  de  la  constitution,  la  cause  de  celle-ci 
réside  encore  dans  la  mesure  de  l'innervation ,  élément  aussi 
inconnu  dans  son  essence  qu'incalculable  dans  ses  propor- 
tions. N'avons-nous  pas  vu,  en  effet,  que  le  système  ner- 
veux dispense  à  tous  les  organes   l'influx  qui  les  fait  agir? 
et  qui  pourrait  nier  que  ce  système  n'agisse  dans  les  divers 
hommes ,   et  même  dans   chaque  homme  dans  les  diverses 
circonstances  de  sa  vie  ,  avec  un  degré  divers  de  puissance  , 
qui  fixe  ce  qu'on  appelle  leur  force  ?  Si  la  force  de  la  consti- 
tution change  selon  les  âges  ,  va  en  augmentant  dans  le  pre- 
mier, en  diminuant  dans  le  dernier ,  n'est-ce  pas  en  raison 
du  degré  d'énergie  que  possède  le  système  nerveux?  Si  l'exer- 
cice prolongé  d'une  action  vitale  quelconque ,  soit  de  santé, 
soit  morbide,  jette  toute  l'économie  dans  la  faiblesse,  n'est- 
ce  pas  consécutivement   aux  pertes  qu'a  faites  le  système 
nerveux  ?  et  la  restauration  qu'amène  alors  le  sommeil,  n'en 
est-elle  pas  une  preuve  ?  H  est  certain  enfin  que  des  hommes, 
dont  l'organisation  ,  sous  le  rapport  des  appareils  digestif , 


5o8      DES    DIFFÉRENCES   INDIVIDUELLES   DE   L'HOMME, 
respiratoire  et  circulatoire,  paraît  assez  faible,  ont  cepen- 
dant une  force  de  constitution  remarquable;  et  probable- 
ment ils  la  doivent  à  une  plus  grande  énergie  intrinsèque 
de  leur  système  nerveux. 

Ainsi,  développement  convenable  des  principaux  orga- 
nes du  corps,  proportions  heureuses  entre  ces  organes,  et 
énergie  du  système  nerveux,  telles  sont  les  trois  conditions 
organiques  auxquelles  la  constitution  doit  d'être  forte.  Sa 
faiblesse  sera  due  aux  conditions  inverses.  Il  y  a,  relative- 
ment à  chacune  d'elles,  mille  différences  possibles  entre  les 
hommes;  de  sorte  que  les  constitutions  ne  diffèrent  pas 
moins  sous  le  rapport  de  la  force  que  sous  tous  les  autres  : 
nous  sommes  encore  ramenés  ici  à  des  individualités.  Les 
disproportions  de  nos  organes  sont  surtout  ce  qu'il  y  a  de 
plus  fréquent;  nous  naissons  presque  toujours  avec  des  iné- 
galités de  force  dans  nos  diverses  parties;  et  cela  ne  serait 
pas,  que  le  cours  de  la  vie  amènerait  bientôt  de  ces  inéga- 
lités. Non-seulement  chaque  organe  peut  être  seul  fort,  ou 
seul  faible;  mais  encore,  dans  un  même  individu,  un  organe 
peut  être  fort,  tandis  qu'un  autre  sera  faible;  de  sorte  que 
la  constitution  sera  tout  à  la  fois  forte  sous  un  rapport,  et 
faible  sous  un  autre.  Par  exemple,  tandis  que  chez  le  savant 
et  l'homme  de  lettres,  le  cerveau  a  une  grande  force  ;  que  cet 
organe  accomplit  avec  facilité,  perfection  ,  ses  opérations ,  et 
peut  même  se  permettre  impunément  quelques  excès  ;  l'es- 
tomac, au  contraire,  est  faible  ,  et  les  digestions  sont  diffi- 
ciles, laborieuses.  La  loi  de  balancement  donne  l'explica- 
tion de  ces  faits ,  qui  prouvent  d'ailleurs  qu'il  ne  faut  pas 
considérer  exclusivement  d'une  manière  générale  les  idées 
de  force  et  de  faiblesse,  mais  qu'il  faut  les  appliquer  aussi 
à  chacun  des  organes  du  corps  en  particulier.  Du  reste, 
dans  ces  disproportions  inévitables  de  force  que  présentent 
les  organes ,  les  chances  de  maladie  et  les  risques  de  mort 
accidentelle  seront  d'autant  plus  grands,  que  l'organe  qui 
est  plus  faible  est  un  des  plus  importants,  un  des  plus  em- 
ployés, et  un  de  ceux  qui  doit  naturellement,  ou  à  cause 
de  notre  situation  sociale  particulière,  supporter  delà  part 
de  l'univers  extérieur  le  plus  d'influences  contraires. 


DES   IDIOSYKCRASIES.  609 

Maintenant  faut -il  tracer  les  signes  extérieurs  auxquels 
on  reconnaîtra  le  degré  de  force  ou  de  faiblesse  de  la  consti- 
tution ?  Ces  signes  sont  anatomiques  et  physiologiques,  c'est- 
à-dire  pris  dans  le  degré  de  développement  de  tous  les  or- 
ganes, et  dans  le  mode  selon  lequel  ils  accomplissent  leurs 
fonctions.  Lorsque,  examinant  l'habitude  extérieure,  les 
proportions  des  diverses  parties ,  le  volume  des  os,  des 
chairs,  l'état  des  articulations,  de  chacune  des  cavités  splan- 
chniques,  de  chacun  des  systèmes,  des  appareils,  etc.,  on 
trouve  toutes  ces  parties  bien  conformées,  convenablement 
développées  ,  on  a  lieu  d'en  conclure  une  assez  grande  force 
dans  la  constitution.  Il  en  est  de  même  si ,  observant  atten- 
tivement chacune  des  fonctions,  on  voit  l'accomplissement 
s'en  faire  avec  régularité,  aisance  et  énergie.  On  juge  d'or- 
dinaire par  les  caiorifications,  parce  que  ces  fonctions  ont 
pour  but  d'annihiler  une  influence  physique  contraire  : 
mais  toutes  les  fonctions  ne  sont-elles  pas  dans  le  môme 
cas?  et  toutes  n'ont-elles  pas  pour  résultat  la  production 
d'un  phénomène  oppposé  aux  lois  physiques  et  chimiques 
générales?  On  peut  aussi  prononcer,  d'après  la  résistance 
qu'oppose  l'économie  aux  influences  perturbatrices  aux- 
quelles on  la  soumet,  ainsi  que  d'après  la  promptitude 
avec  laquelle  elle  se  rétablit,  quand  une  maladie  la  dérange. 
Il  faut  enfin  consulter,  et  l'âge  de  l'individu,  puisque  le 
fonds  de  vie  n'est  pas  le  même  en  chacun;  et  la  manière 
dont  il  a  vécu,  puisqu'il  a  pu  entretenir,  ménager,  éco- 
nomiser ses  forces,  comme  les  épuiser. 

CHAPITRE  III. 

Des  Idiosyncrasies . 

En  prenant  le  mot  idiosyncrasie  dans  le  sens  rigoureux 
de  son  étymologie,  il  devrait  être  synonyme  de  celui  de 
constitution,  et  exprimer  la  manière  d'être  de  chacun. 
Plusieurs  physiologistes  en  effet  le  prennent  en  cette  accep- 
tion; mais  le  plus  généralement  il  désigne  une  différence 
individuelle,  généralement  locale,  c'est-à-dire  bornée  à  un 


5 10  DES  DIFFÉRENCES  INDIVIDUELLES  DE  L'HOMME, 
seul  organe,  mais  qui  est  telle  qu'elle  imprime  à  la  fonc- 
tion de  cet  organe,  ou  à  d'autres  fonctions  par  influence 
sympathique  de  celui-ci,  un  caractère  insolite  qui  frappe 
aussitôt  par  sa  singularité.  Ainsi,  c'est  une  idiosyncrasie 
que  cette  disposition  individuelle ,  dans  laquelle  certains 
aliments,  qui  généralement  plaisent  et  conviennent  à  tous 
les  hommes,  comme  du  sucre,  des  fraises,  ne  peuvent  être 
avalés  sans  déterminer  le  vomissement ^  ou  une  syncopé,  ou 
des  convulsions,  etc. 

Nul  doute  que  toute  idiosyncrasie  n'ait  pour  cause  une 
organisation  spéciale  de  la  partie  qui  la  signale;  nous  avons 
trop  exclusivement,  dans  tout  le  cours  de  cet  ouvrage,  pro- 
fessé le  principe  que  tout  phénomène  de  vie  dérive  de  l'or- 
ganisation, pour  n'en  pas  faire  encore  ici  l'application. 
Nul  doute  aussi  que  ce  ne  soit  dans  l'élément  nerveux  de 
la  partie,  que  ne  réside  surtout  cette  spécialité  organique 
de  laquelle  dépend  l'idiosyncrasie.  Mais  il  faut  avouer  que 
nous  ne  pouvons  dire  en  quoi  elle  consiste  ,  de  sorte  qu'elle 
ne  nous  est  annoncée  que  par  ses  effets  ,  c'est-à-dire  par  l'i- 
diosyncrasie elle-même.  Combien  d'autres  cas  dans  les- 
quels nous  avons  été  dans  la  même  position  ! 

De  là,  il  résulte  que  dans  l'histoire  des  idiosyncrasies  on 
est  réduit  à  affirmer  leur  réalité,  et  à  énumérer  celles  qui 
jusqu'à  présent  ont  été  observées  :  or,  le  nombre  en  est 
des  plus  considérables,  car  il  n'est  aucune  des  fonctions 
qui  n'en  aient  présentées;  mais  il  devra  nous  suffire  d'en 
citer  quelques  exemples  pour  chacune.  Ainsi ,  pour  com- 
mencer par  la  digestion,  un  ami  de  Tissot  ne  pouvait  man- 
der un  peu  de  sucre  sans  vomir  :  le  célèbre  Hachn  ne  pou- 
vait prendre  plus  de  six  à  dix  fraises  sans  être  saisi  de 
convulsions:  quel  médecin  n'a  vu  des  personnes  atteintes 
d'érysipèle  ,  de  fièvre  ortiée  ,  pour  avoir  mangé  des  moules  ! 
Par  une  idiosyncrasie  inverse,  certaines  personnes  recher- 
chent avec  avidité  pour  aliments  des  substances  repous- 
santes, comme  de  la  viande  crue,  du  poisson  cru,  de  la 
craie ,  du  charbon ,  etc.  A  ces  individualités  relatives  aux 
aliments  ,  nous  joindrons  celles  qui  portent  sur  les  médica- 
ments. Que  de  différences  à  cet  égard  parmi  les  hommes! 


DES    IDIOSYNCRASIES.  5il 

Certains  ne  peuvent  prendre,  sans  qu'il  survienne  une  li- 
pothymie, la  moindre  quantité  d'opium.  La  circulation 
offre  aussi  des  anomalies  de  ce  genre  :  on  trouve  des  indi- 
vidus qui  ont  naturellement  le  pouls  inégal  ,  intermittent, 
ou  plus  fréquent,  ou  plus  lent  du  double  que  ne  le  com- 
porte leur  âge  ;  celui  de  Napoléon  ,  par  exemple ,  ne  battait 
que  quarante-quatre  fois  par  minute.  Aux  fonctions  des 
sens,  ces  idiosyncrasies  sont  encore  plus  frappantes,  et 
donnent  lieu  à  ce  qu'on  appelle  leurs  sympathies  et  leurs 
antipathies.  Que  de  variétés  entre  les  hommes,  sous  le  rap- 
port des  odeurs  et  des  saveurs!  celles  qui  plaisent  aux  uns, 
déplaisent  aux  autres:  certains  individus  ne  recherchent 
que  les  odeurs  qui  sont  le  plus  ordinairement  repoussées, 
et  entre  autres  exemples,  nous  avons  cité  celui  deLouisXIV. 
Ces  idiosyncrasies  des  sens  portent  surtout  sur  les  effets 
qu'exercent  leurs  impressions  sur  toute  l'économie.  On  cite 
des  exemples  de  plusieurs  personnes  que  l'odeur  des  chats, 
des  rats,  faisaient  tomber  en  syncope.  Gaubius  cite  celui 
d'un  homme  sur  lequel  l'émanation  des  femmes  produisait 
le  même  effet.  Quant  au  sens  de  la  vue  ,  sans  parler  de  cer- 
tains animaux  qui  ne  peuvent  voir  du  rouge  sans  entrer  en 
fureur ,  il  est  certains  individus  qui  sont  organisés  de  ma- 
nière à  ne  voir  que  certaines  couleurs  ,  ou  à  n'en  voir  au- 
cunes ,  de  sorte  que  les  objets  leur  paraissent  comme  une 
gravure.  Relativement  à  Fouie,  Ev.  Home  et  Heidmann  ont 
vu  des  individus  qui  percevaient  les  sons  pi  us  tard  ,  et  à  un 
ton  plus  bas,  par  une  oreille  que  par  l'autre.  J.-J.  Rousseau 
cite  le  cas  d'un  homme  auquel  le  son  d'une  cornemuse  don- 
nait immédiatement  une  incontinence  d'urine.  Le  bruit 
de  l'eau  qui  sortait  d'une  pipe  fit  tomber  Bayle  en  convul- 
sion. Enfin,  on  a  vu  le  même  effet,  ou  la  syncope,  résulter 
en  certains  individus  de  la  sensation  tactile  faite  sur  leur 
peau  par  du  velours  ou  le  duvet  d'une  pêche. 

Il  est  souvent  utile  au  médecin  praticien  de  connaître  ces 
idiosvncrasies  ;  soit  parce  qu'il  pourrait  prendre  pour  un 
état  de  maladie,  cequi,par  une  anomalie,  est  propre  à  l'état 
normal;  soit  parce  qu'en  employant  comme  agents  théra- 
peutiques des  substances  qu'une  idiosyncrasie  repousse ,  il 


5  1  2       DES    DIFFÉRENCES   INDIVIDUELLES   DE   L'HOMME. 
n'en  obtiendrait  pas  l'effet  désiré,  ou  même  provoquerait 
des  accidents.  Aussi,    est-il  bon   d'ajouter  quelque  foi  au 
dire  des  malades  à  cet  égard,  jusqu'à  un  certain  point  ce- 
pendant;   car  beaucoup  de   ces  prétendues    idiosyncrasies 
sont  souvent  aussi    de  leur  part  des  idées  préconçues ,  oit 
des  produits  d'une  direction  vicieuse  de  leur  imagination. 
Du  reste,  comme  les  tempéraments,  comme  les  constitu- 
tions, et  toutes  les  différences  individuelles  en  général ,  les 
idiosyncrasies  sont  con  géniales  ou  acquises  ;  et  ces  dernières 
sont  les  produits  ou  des  maladies,  ou  des  habitudes.  D'une 
part ,  un  état  morbide  peut  modifier  les  organes  au  point 
de  leur  faire  développer  des  idiosyncrasies;   ce  sont,   par 
exemple  ,  des  idiosyncrasies  de  l'estomac  provoquées  sym- 
pathiquement  par  l'utérus,  que  ces  appétits  bizarres,  sin- 
guliers, que  manifestent  les  femmes  dans  leur  grossesse  :  il 
en  est  de  même  de  ceux  que  décèlent  les  hystériques ,  les 
hypocondriaques  ,  etc.  D'autre  part,  souvent  l'habitude  im- 
prime aux  fonctions  un  caractère  opposé  à  celui  qui  leur  est 
naturel,   et  crée   de  véritables  idiosyncrasies;   c'est  ainsi, 
par  exemple,  que  Mithridate  s'était  habitué  à  manger  im- 
punément des  poisons.  Mais  ceci  nous  conduit  à  l'étude  des 
différences  individuelles  qui  sont  acquises,  et  particulière- 
ment à  celles  qui  constituent  ce  qu'on  appelle  les  habitudes. 

CHAPITRE  IV, 

Des    différences    individuelles   acquises,    et  de   celles  qui 
constituent  des  habitudes* 

Toutes  les  différences  individuelles  que  nous  venons 
d'examiner,  tempéraments,  constitutions,  idiosyncrasies, 
reconnaissent  pour  causes  :  tantôt  l'organisation  primitive, 
originelle,  qu'on  a  apportée  en  naissant;  tantôt  les  modifi- 
cations qu'ont  imprimées  à  cette  organisation  primitive  les 
influences  extérieures  et  l'emploi  même  qu'on  a  fait  de  la 
vie.  De  là ,  le  partage  qu'on  a  fait  de  ces  différences  indivi- 
duelles en  natives  et  en  acquises. 

io  Différences  individuelles  innées  ou  natives.  Il  est  im- 


DES   DIFFÉRENCES    INDIVIDUELLES    ACQUISES.  5i3 

possible  de  méconnaître  que  dans  les  nombreuses  différences 
que  nous  venons  de  reconnaître  entre  les  hommes  ,  il  n'y  ait 
quelque  chose  d'originel.  En  effet  ,  plusieurs  enfants  de 
même  âge ,  soumis  aux  mêmes  influences  extérieures,  au 
même  genre  de  vie,  déjà  trahissent  chacun  leurs  qualités 
propres ,  et  à  mesure  qu'ils  grandissent,  deviennent  de  plus 
en  plus  différents.  Souvent  aussi  des  individus  manifestent 
des  crualités  contraires  à  celles  qu'ils  devraient  recevoir  du 
monde  extérieur  auquel  ils  sont  soumis,  tant  a  été  forte  en 
eux  l'empreinte  de  leur  organisation  première.  Il  existe  donc 
en  nous  une  trame  primitive ,  que  nous  avons  reçue  de  nos 
parents  lors  de  la  génération ,  qui  décide  généralement  du 
fonds  de  nos  dispositions,  mais  sur  laquelle  nous  brodons 
ensuite  diversement  notre  existence,  comme  dit  M.  Ha  lié , 
par  la  manière  dont  nous  nous  gouvernons.  Il  est  d'ailleurs 
démontré  que  ,  par  la  génération  ,  se  transmettent,  des  pères 
aux  enfants,  des  ressemblances  physiques  et  morales,  des 
maladies;  pourquoi  dès  lors  ne  se  transmettraient  pas  de 
même  ces  disproportions  d'organes  influents  qui  font  les 
tempéraments ,  ces  dispositions  spéciales  qui  font  les  idio- 
syncrasies'?  Il  est  d'autant,  moins  permis  de  contester  la  part 
que  nous  assignons  ici  à  l'organisation  originelle,  pour  la 
production  des  différences  individuelles  des  hommes,  que 
souvent  celles-ci  se  décèlent  avant  que  les  influences  exté- 
rieures et  l'exercice  de  la  vie  aient  pu  imprimer  quelques 
modifications  profondes  à  l'être,  et  que  c'est  cette  or- 
ganisation originelle  qui  décide  la  direction  qui  sera  sui- 
vie» D'une  part ,  eu  effet,  si  les  tempéraments  natifs  ne  sont 
lout-à-fait  prononcés  que  dans  l'âge  moyen  de  la  vie,  ce- 
pendant leurs  traits  s'annoncent  dès  la  première  enfance, 
et  vont  chaque  jour  en  se  marquant  de  plus  en  plus.  D'au- 
tre part,  qui  oserait  nier  que,  vu  la  nullité  de  l'éducation 
pour  le  plus  grand  nombre  des  hommes,  et  même  malgré 
l'éducation  ,  la  plupart  ne  sont  que  ce  que  les  font  leurs 
dispositions  originelles  ? 

Il  s'agirait  dès  lors  de  spécifier  pourquoi  cette  organisa- 
tion originelle  est  si  variable  dans  les  divers  hommes.  Mais 
ceci  nous  reporte  aux  mystères  de  îa  génération  et  de  Ja  vie 
Tome  IV.  33 


5  1 4       DES   DIFFÉRENCES    INDIVIDUELLES   DE    L'HOMME. 

intra-ulérine  qui  nous  ont  occupé  dans  le  temps.  D'une 
part,  les  faits  obligent  d'admettre  que  les  matières  fournies 
par  l'un  et  l'autre  sexe  pour  la  production  de  l'individu 
nouveau,  non-seulement  constitueront  un  être  de  l'espèce 
de  ses  parents,  mais  encore  que  cet  être  aura  des  spécialités 
qui  dépendront  de  celles  de  ses  père  et  mère ,  et  des  cir- 
constances dans  lesquelles  a  eu  lieu  sa  formation.  Or,  mille 
variétés  doivent  exister  sous  ce  double  rapport.  D'autre 
part,  indépendamment  de  cette  influence  due  à  la  généra- 
tion elle-même  ,  peut-être  en  est-il  une  autre  exercée  lors  de 
la  grossesse  ;  par  le  genre  de  nourriture  que  l'enfant  a  reçu 
de  sa  mère;  par  l'union  qui  existait  alors  entre  lui  et  elle 
et  qui  a  dû  le  rendre  plus  ou  moins  participant  des  pertur- 
bations qu'elle  pouvait  éprouver;  enfin  ,  en  raison  du  degré 
de  perfection  avec  lequel  s'est  accompli  la  vie  utérine.  Mais 
dans  l'appréciation  de  l'une  et  l'autre  cause,  le  raisonne- 
ment seul  nous  conduit,  l'observation  nous  manque,  et 
nous  ne  pouvons  conséquemment  aller  au-delà  de  cette  gé- 
néralité. 

2°  Différences  individuelles  acquises.  Si  l'homme  apporte 
en  naissant  une  organisation  qui,  le  plus  souvent,  décide  de 
son  tempérament,  de  sa  constitution  ;  cet  être,  d'autre  part, 
est  susceptible  de  recevoir  de  nombreuses  modifications,  par 
l'action  des  corps  extérieurs  avec  lesquels  il  a  des  rapports 
nécessaires  et  inévitables,  par  la  mesure  dans  laquelle  il 
exerce  ses  organes;  et  de  cette  sorte,  sont  un  peu  altérées  ses 
dispositions  primitives  ,  et  souvent  même  lui  sont  imprimées 
des  dispositions  nouvelles,  qu'on  a  raison  dès  lors  d'appeler 
acquises  ,  et  parmi  lesquelles  figurent  au  premier  rang  celles 
qu'on  appelle  des  habitudes. 

D'abord,  est-il  possible  de  nier  les  modifications  que 
l'homme  peut  recevoir  de  l'univers  extérieur  ?  Les  diffé- 
rences qu'il  offre  selon  les  climats,  les  lieux,  les  influences 
atmosphériques  ,  le  régime,  en  sont  la  preuve.  Quelle  oppo- 
sition entre  l'homme  rabougri  des  contrées  hyperboréennes  ; 
et  l'homme  de  nos  régions  tempérées ,  qui ,  sous  l'influence 
d'un  beureux  climat,  a  accompli  tous  ses  développements! 
Depuis  TJippccrate,  qui  a  établi  ce  fait  dans  son  immortel  Traité 


DES    DIFFÉRENCES    INDIVIDUELLES    ACQUISES.  5l5 

de  l'air,  des  eaux  et  des  lieux,  jusqu'à  nos  jours ,  on  a  reconnu 
les  différences  que  présentent  les  hommes  selon  les  lieux  qu'ils 
habitent;   l'homme  des  continents    diffère  de  l'insulaire; 
l'habitant  de  la  plaine  diffère  de  celui  des  montagnes.  Les 
différences  ici  sont  presque  aussi  multipliées  que  le  sont  les 
localités;  et  les  influences  spéciales  de  celles-ci  sont  quel- 
quefois assez  prononcées  pour  occasion er  des  maladies  qui 
leur  sont  propres  et  qu'on  appelle  endémiques ,  et  pour  dé- 
terminer, dans  les  hommes  qui  viennent  tout  à  coup  s'y 
fixer,   une  révolution  qui  est  souvent  orageuse,   et  qu'on 
appelle  acclimatement.  La  température  atmosphérique  est 
surtout  une  circonstance  qui,  quand  elle  est  extrême,  mo- 
difie les  hommes;  et,   sans  parler  de    la   coloration  plus 
grande  qu'imprime  à  la  peau  la  chaleur  solaire,  les  opposi- 
tions les  plus  frappantes  s'observent  entre  l'homme  des  tro- 
piques et  l'homme  des  régions  polaires,  l'homme  du  midi 
et  l'homme  du  nord.  Enfiu  ,  il  ne  peut  être  indifférent  pour 
là  constitution,  qu'on  soit  soumis  à  une  alimentation  trop 
pauvre  ou  trop  riche  :  à  la  longue  ,  il  doit  en  résulter ,  dans 
le  premier  cas,  une  constitution  faible,    cachectique;    et 
dans  le  second  cas,  une  disposition  pléthorique,  inflamma- 
toire. Ce  que  nous  avons  dit,  dans  le  temps,  des  rapports, 
tant  physiques  et  chimiques ,  qu'organiques ,  de  l'homme 
avec  le  monde  extérieur,  explique  assez  le  mode  selon  lequel 
celui-ci  lui  imprime  tant  de  modifications;  nous  y  avons 
fait  voir  que,  bien  que  l'homme  doive,  tant  qu'il  vit,  se 
soumettre,  se  subordonner  tous  les  corps  extérieurs,  cepen- 
dant toujours  il  se  moule ,  il  se  proportionne  en  partie  à  eux. 
En  second  lieu,  la  mesure  dans  laquelle  l'homme  use  de 
•à  vie,  el  exerce  ses  divers  organes  ,  amène  en  lui  des  diffé- 
rences qui  ne  sont  pas  moins  considérables.  En  effet ,  nous 
avons  déjà  indiqué  bien  des  fois  dans  cet  ouvrage ,  les  chan- 
gements divers  qu'entraîne  ,    dans  les  organes  et  les  fonc- 
tions, l'exercice  selon  son  degré.  Une  partie  est-elle  laissée 
trop  inactive?  non-seulement  cette  partie  n'a  qu'un  déve- 
loppement imparfait ,  mais  elle  n'acquiert  qu'une  médiocre 
prestesse  pour  l'accomplissement  de  sa  fonction  ,  et  n'a  que 
peu  de  susceptibilité  à  entrer  en  jeu.  Une  partie,  au  con- 

33. 


5i6        DES    DIFFÉRENCES    INDIVIDUELLES   DE    L'HOMME. 

traire,   est-elle  exercée  convenablement  ?  cette  partie  se  dé- 
veloppe tout-à-fait  ,  acquiert  un  grand  volume,  accomplit 
sa  fonction  avec  la  plus  grande  dextérité ,  et  a  la  plus  grande 
susceptibilité  à  entrer  en  action.  Enfin  ,   une    partie  trop 
employée  s'altère  ,  s'épuise  ,  et  bientôt  se  refuse  à  son  ser- 
vice. Or,  comme  il  est  beaucoup  des  organes  de  l'homme 
qui  sont  soumis  à  sa  volonté,  qu'il  peut  conséquemment 
faire  agir  trop  ou  trop  peu,  quelle  source  féconde  de  diffé- 
rences individuelles  !  Ces  effets  du  degré  d'exercice  ne  sont 
même  pas  bornés  à  la  partie  qui  agit  :  toute  la  constitution 
est  plus  ou  moins  modifiée;  soit  parce  que  l'appareil   qui 
est  laissé  inactif,  ou  qu'on  a  rendu  prédominant,  est  un  des 
appareils  influents  du  corps;   soit  parce  qu'en  vertu  de  la 
loi  de  balancement,  il  est  impossible  que  l'action  diminue 
ou  augmente  d'un  côté  ,  sans  qu'elle  augmente  ou  diminue 
de  l'autre.  C'est  ainsi  que  l'homme  qui  mange  beaucoup, 
non-seulement  rend  actif  son  appareil  digestif,  mais  encore 
amène  à  la  longue  un  état  pléthorique  général.  C'est  ainsi 
que  l'excès  des  exercices  musculaires  amène  l'obtusion  des 
actions  sensoriales;  et,  qu'au  contraire,  l'excès  des  actions 
sensoriales  entraîne  la  débilité  musculaire.  Il  n'est  presque 
aucune  des  différences  individuelles,  tempéraments,  idiosyn- 
crasies,  dont  nous  avons  donné  la  description ,  qui  ne  puisse 
être  développée  par  la  mesure  d'action  des  organes,  parle 
régime  de  vie,  et  par  conséquent  être  acquise.  Par  exemple, 
l'individu   qui,  par   l'exercice,   a    développé  le  plus   pos- 
sible l'appareil  digestif,  ou  l'appareil  génital ,  revêt  la  même 
manière  d'être  que  ceux  qui  avaient  originellement  ces  ap- 
pareils prédominants.  Cependant,  avouons  que  ceci  n'est 
vrai  que  jusqu'à  un  certain  point;  il  faut  toujours  quelques 
dispositions  originelles  favorables,  car  on  ne  peut  forcer  sa 
nature.  N'exagérons  rien;  et  nous  gardant  également  de  ces 
deuxécueils ,  de  rapporter  l'état  de  l'homme  exclusivement, 
ou  à  son  organisation  native ,  ou  aux  influences  du  monde 
extérieur  et  de  l'éducation,  sachons,  dans  l'appréciation  des 
différences  que  présentent  les  hommes,  faire  la  part  de  ces 
deux  puissances.  Celle  du  mode  de  vie  est  surtout  évidente  , 
en    ce  qui  concerne   les  tempéraments  nerveux  et  muscu- 


DES    DIFFÉRENCES    INDIVIDUELLES    ACQUISES.  317 

laire  ;  ces  tempéraments  sont  plus  fréquemment  acquis  que 
natifs.  Supposez  deux  individus  ,  l'un  livré  exclusivement 
aux  travaux  d'esprit ,  aux  agitations  morales  ,  et  ne  faisant 
aucun  exercice  physique;  l'autre  n'employant  que  ses  mus- 
cles, et  adonné  à  des  travaux  rudes  et  continuels;  chacun 
de  ces  deux  hommes  ne  vous  présentera- fc-iî  pas  ,  le  premier., 
un  exemple  du  tempérament  nerveux ,  le  second  ,  un  exem- 
ple du  tempérament  musculaire  ?  C'est  au  degré  d'exercice 
des  organes  ,  que  se  rapportent  toutes  les  différences  qu'im- 
prime aux  hommes  V  éducation;  les  uns,  n'ayant  reçu  au- 
cune de  ses  influences ,  et  étant  les  produits  bruts  de  leur 
nature  primitive  ;  les  autres  ayant  été  façonnés  par  elle  , 
mais  diversement ,  et  de  manière  à  présenter  des  milliers 
d'aptitudes,  d'inclinations  diverses.  C'est  de  l'exercice  que 
dérivent  aussi  toutes  celles  qui  proviennent  des  institutions 
publiques,  des  gouvernements ,  qu'on  peut  considérer  comme 
n'étant  qu'une  éducation  prolongée.  Enfin,  c'est  encore  à  lui 
qu'il  faut  rapporter  toutes  les  différences  qu'entraînent  les 
diverses  professions,  puisque  toujours  ces  professions  suppo- 
sent l'exercice  exclusif,  ou  au  moins  prédominant,  de  quelque 
faculté.  Cependant  ces  derniers  agents  modificateurs,  gouver- 
nements ,   professions  ,    doivent  aussi    une  partie  de   leur 
puissance  sur  l'homme  à  l'influence  qu'exercent  sur  celui-ci 
les  diverscorps  extérieurs;  car,  en  même  temps  qu'ils  règlent 
le  mode  dont  l'homme  use  de  lui-même,  ils  font  varier  les 
rapports  que  cet  être  établit  avec  toute  la  nature. 

Enfin  ,  c'est  aux  différences  individuelles  acquises,  sus- 
citées par  l'action  des  corps  extérieurs  et  par  l'exercice  de  la 
vie ,  que  se  rapportent  les  habitudes»  On  appelle  ainsi  des 
dispositions  nouvelles  acquises  par  les  êtres  vivants,  et 
devenues  permanentes  et  aussi  impérieuses  que  l'étaient 
leurs  dispositions  primitives.  Tout  être  vivant  doit  à 
son  organisation  originelle ,  à  ce  qu'on  appelle  sa  na- 
ture «  une  certaine  somme  de  besoins  ,  de  dispositions  , 
de  facultés;  mais  cette  organisation  n'est  ni  nécessairement, 
ni  absolument  immuable  ;  elle  est  au  contraire  susceptible 
d'être  modifiée  sans  cesse,  et  par  les  impressions  des  corps 
extérieurs,  et  par  îa  mesure  d'exercice  des  organes;   alors, 


5 1-8       DES    DIBIÉRENCES    INDIVIDUELLES    DE    L'HOMME. 

des  dispositions  nouvelles  sont  substituées  à  celles  qu'on 
avait  primitivement;  et  quand  ces  dispositions  sont  deve- 
nues permanentes,  et  exercent  le  même  empire  que  les  dis- 
positions primitives,  on  les  appelle  des  habitudes. 

La  théorie  de  ces  habitudes  doit  se  déduire  de  ce  que 
nous  avons  dit  des  causes  qui  modifient  l'homme  après  sa 
naissance  ,  savoir,  les  impressions  des  corps  extérieurs,  et  la 
mesure  d'exercice  des  organes.  En  premier  lieu  ,  pour  que 
ces  causes  puissent  en  faire  naître  ,  il  faut  qu'elles  soient 
capables  de  rendre  permanente  la  modification  qu'elles  im- 
priment à  l'économie.  Or,  déjà  cela  n'arrive  ,  pour  les  im- 
pressions des  corps  extérieurs  ,  que  quand  les  impressions 
ont  été  continuées  un  certain  temps;  et  pour  l'exercice  des 
organes  ,  que  quand  cet  exercice  a  été  souvent  répété.  Ce  n'est 
en  effetque  quand  une  impression  est  prolongée,  qu'elle  peut 
produire  dans  l'économie  une  modification  assez  profonde  et 
assez  durable  ,  pour  qu'il  en  résulte  une  disposition  nou- 
velle saillante;  et  ce  n'est  aussi  que  quand  l'exercice  des 
organes  est  très  répété  ,  que  ces  organes  acquerront  à 
l'accomplissement  de  cet  acte,  une  aptitude  telle  que  cet 
acte  ,  fût-il  de  ceux  qui  ne  sont  produits  primitivement  que 
par  une  volonté  expresse  et  avec  efforts  ,  souvent  alors  se  ma- 
nifestera comme  de  lui-même,  sans  qu'on  paraisse  le  vouloir, 
et  sans  être  aperçu.  Aussi ,  définissons-nous  les  habitudes; 
des  modifications  permanentes  et  compatibles  avec  la 
santé,  imprimées  à  l'économie  par  la  répétition  des  mêmes 
actes,  la  continuité  des  mêmes  impressions,  d'où  résultent 
des  dispositions  ditférentes  de  celles  qui  étaient  primitives, 
mais  exerçant  désormais  le  même  empire. 

En  second  lieu,  comme  les  deux  causes  des  habitudes,  la 
répétition  des  mêmes  actes,  la  continuité  des  mêmes  im- 
pressions, sont  succeptibles  d'agir  dans  des  degrés  divers, 
les  habitudes  devront  être  diverses  aussi;  leurs  effets  varie- 
ront, selon  qu'aura  été  plus  ou  moins  répété  l'acte  dont  la 
répétition  les  produit,  selon  qu'aura  été  forte  ou  faible  l'im- 
pression à  la  continuité  de  laquelle  elles  doivent  naissance. 
En  effet,  nous  allons  voir  que  tour-à-tour  leurs  résultats 
sont  de  rendre ,  ou  plus  ou  moins  propres  et  enclins  à  l'acte 


DES   DIFFÉRENCES    INDIVIDUELLES   ACQUISES.  5  19 

qui  a  été  répété  ,  ou  plus  ou  moins  sensibles  à  l'impression 
quia  été  reçue.  Ainsi  :  1  °  Suppose-t-on  d'abord  qu'un  acte 
ait  été  répété ,  autant  que  le  permet  la  portée  de  force  et  de 
durée  d'activité   dont  est  susceptible  l'organe  qui  en   est 
l'agent?  alors,  d'un  côté,  cet  acte  devient  de  plus  en  plus 
facile  ,  est  de  jour  en  jour  accompli  avec  plus  de  perfection  ; 
de  l'autre  côté,  l'organe  qui  en  est  l'agent  devient  de  plus 
en  plus  susceptible  de  le  produire,  à  tel  point  que  cette 
production  peut  devenir  pour  lui  une  nécessité,  un  besoin. 
C'est  ce  qu'explique  ce  que  nous   avons  dit  des  effets  de 
l'exercice ,  qui  dans  une  mesure  convenable  fait    acquérir 
aux  organes  plus  de  prestesse,  et  les  rend  plus  disposés  à 
agir.  C'est  ainsi  que  parle  seul  fait  de  leur  répétition,  des 
mouvements  très  compliqués  ,  comme  ceux  de  la. parole,  du 
chant,    etc.  ,    se   produisent  comme  d'eux-mêmes    et  sans 
qu'on   paraisse  y  penser.   2°  Suppose-t-on,   au  contraire, 
que  la  répétition  d'un  acte  soit  de  beaucoup  au-dessous  de 
la  portée  de  force  et  de  durée  d'activité  de  l'organe  qui  en 
est  l'agent?  alors  cet  organe  perd  une  partie  de  l'aptitude 
qu'il  avait  originellement  à  la  production  de  cet   acte ,  et 
par  l'habitude  y  devient  moins  propre  ,  moins  enclin.  C'est 
ainsi  qu'on  s'habitue  à  ne  manger  qu'une  très  petite  quan- 
tité d'aliments,   et  qu'il  devient   ensuite  impossible  d'en 
digérer  une  quantité  plus  forte.  Voilà  donc  l'habitude  qui, 
sous  ce  premier  rapport,  amène,  tantôt  l'extension  des  facul- 
tés, tantôtleur  affaiblissement, leur  anéantissement, selon  la 
mesure    dans  laquelle  a   eu  lieu  la  répétition,   selon  que 
celle-ci  a  été  un  exercice  convenable  ou  de  l'inaction  ,  ou  un 
exercice  abusif.  Nous  n'avons  pas  besoin  de  dire  que  cha- 
cun de  ces  trois  degrés  est  lui-même  susceptible  de  nom- 
breuses gradations,  et  que  l'extension  ,  l'affaiblissement  qui 
sont   survenus  dans  la   faculté  sont   aussi  plus  ou   moins 
grands.  Si  maintenant   nous  considérons  la  seconde  cause 
occasionelle  des  habitudes,  la  continuité  des  impressions, 
les  effets  ne  seront  pas  moins  divers ,  selon  le  caractère  de 
ces  impressions.  1°  Suppose-t-on  l'impression  faible,   mais 
nécessaire  à  l'accomplissement  de  quelque  fonction  de  l'état 
normal  ?  avec  le  temps,  les  organes  arriveront  à  se  contenter 


5  20       DES   DIFFÉRENCES   INDIVIDUELLES    DE    L'HOMME. 

d'une  impression  aussi  faible,  et  même  ne  pourront  plus 
en  supporter  de  plus  intenses.  C'est  ainsi  qu'en  restant 
long-temps  dans  l'obscurité,  on  s'habitue  à  y  voir,  mais 
en  perdant  la  faculté  de  voir  au  grand  jour  :  les  efforts  qu'a 
faits  alors  l'organe  pour  être  sensible  à  une  impression  fai- 
ble ,  ont  étendu  sa  sensibilité;  il  a  recueilli  les  bienfaits  de 
l'exercice  ,  mais  avec  ce  trait  de  plus,  que  sa  sensibilité  a 
été  exaltée  au  point  qu'une  impression  qui,  dans  l'état 
normal  eût  été  convenable ,  lui  est  alors  devenue  importune. 
20  Suppose-t-on  ,  au  contraire,  l'impression  forte,  sans 
néanmoins  altérer  le  tissu  des  organes,  ni  y  provoquer  une 
irritation  morbide?  le  résultat  sera  différent,  selon  que  cette 
impression  aura  été  forte  dès  le  principe  ,  ou,  au  contraire, 
aura  eu  une  intensité  graduellement  croissante  ou  décrois- 
sante. Dans  le  premier  cas,  îa  modification  qu'elle  a  déter- 
minée ,  a  pu  être  si  profonde  ,  que  les  organes  sont  devenus 
plus  susceptibles  de  ia  recevoir,  et  désormais  en  manifes- 
teront les  effecs  à  un  degré  beaucoup  plus  faible,  à  un  degré 
qui  eût  été  sans  influence  à  l'étal  normal.  C'est  ainsi  qu'une 
personne  qui  a  pris  une  première  fois  une  forte  dose  d'émé- 
tique,  vomit  ensuite  par  l'administration  delà  plus  petite 
quantité  de  ce  médicament,  par  une  dose  que  prendrait 
impunément  toute  autre  personne.  Dans  le  second  cas,  ce- 
lui où  l'impression  aune  intensité  graduellement  croissante, 
c'est  graduellement  aussi  que  les  organes  revêtent  la  modi- 
fication qu'elle  leur  imprime,  et  ses  effets  dès  lors  devien- 
nent de  moins  en  moins  sensibles.  C'est  ainsi  que  l'esto- 
mac arrive  à  recevoir  impunément  des  poisons,  et  que  nos 
sens  sont  conduits  à  supporter  des  impressions  très  fortes. 
Lorsque  l'impression  avait  été  faible,  on  avait  été  amené  à 
ne  pouvoir  plus  supporter  d'impressions  fortes  :  ici  l'effet 
est  inverse;  les  organes  ne  sont  plus  accessibles  qu'à  des  im- 
pressions fortes;  et  des  impressions  faibles,  qui,  dans  le 
principe ,  avaient  été  perçues ,  ne  le  sont  plus  ;  il  semble 
que  par  îa  continuité  de  ces  impressions  graduellement 
croissantes  ,  la  sensibilité  se  soit  émoussée  et  ait  perdu  de  sa 
délicatesse.  De  là  le  danger  ou  le  tort  dans  ia  pratique  de 
la  vie,   d'augmenter  sans  nécessité  l'inlensité  des  impies- 


DES   DIFFÉRENCES    INDIVIDUELLES    ACQUISES.  5-2J 

sions,  puisqu'une  fois  engagé  clans  cette  voie ,  il  faut  aug- 
menter sans  cesse.  Non-seulement,  une  impression,  quand 
elle  est  graduellement  croissante ,  arrive  à  être  supportée , 
mais  souvent  elle  est  réclamée  avec  exigence  et  devient  un 
besoin;  c'est  ainsi  que  l'habitude  nous  crée  mille  besoins 
factices,  comme  ceux  du  tabac,  du  café,  etc.  Dans  le  troi- 
sième cas  enfin ,  celui  où  l'impression  a  une  intensité  gra- 
duellement décroissante,  la  modification  qu'elle  avait 
imprimée  d'abord  s'efface  insensiblement ,  l'organisation 
primitive  réparaît;  et  tandis  que  par  le  mode  précédent, 
des  habitudes  s'étaient  établies,  par  celui-ci  elles  se  détrui- 
sent. Ainsi ,  selon  le  caractère  de  l'impression ,  dont  la  con- 
tinuité a  amené  une  habitude,  cette  habitude  a  rendu  plus 
ou  moins  sensible  à  cette  impression.  Cette  analyse  des  effets 
des  habitudes,  fait  sentir  d'avance  combien  ont  erré  les  au- 
teurs qui  ont  voulu  constamment  leur  attribuer  les  mêmes 
conséquences. 

Toutefois,  en  prenant  le  mot  habitude  pour  désigner 
l'organisation  modifiée ,  comme  celui  de  nature  désigne  l'or- 
ganisation  primitive;  on  voit  combien  est  juste  l'expression 
de  ceux  qui  appellent  l'habitude  une  seconde  nature  ;  elle 
est  en  effet  comme  une  nouvelle  nature  qui  a  été  substituée 
à  la  première.  Tout  être  vivant  en  est  passible,  et  d'autant 
plus  qu'il  a  une  organisation  plus  compliquée  :  dans  ce 
dernier  cas  ,  en  effet  ,  il  a  des  rapports  plus  multipliés,  et 
une  sensibilité  plus  délicate,  et  tandis  que  la  première  de 
ces  conditions  l'expose  à  plus  de  causes  de  modifications,  la 
seconde  l'y  rend  plus  flexible.  À  ce  premier  titre  ,  l'homme 
en  est  des  plus  susceptibles.  Mais  d'autres  causes  l'y  sou- 
mettent encore.  D'une  part ,  il  est  accessible  aux  modifica- 
tions que  commandent  les  climats;  et  comme  seul  à  peu 
près  entre  les  animaux  il  peut  les  habiter  tous,  ses  habi- 
tudes sous  ce  rapport  doivent  être  plus  nombreuses  et  plus 
variées.  D'autre  part ,  seul  encore  à  peu  près  entre  les  ani- 
maux .,  il  est  oblige  de  faire  la  conquête  de  la  terre  qu'il  ha- 
bite, d'y  travailler,  de  s'y  procurer  avec  efforts  tout  ce  que 
réclament  ses  besoins  :  or ,  de  cette  nécessité  sont  résultées 
pour  lui  la  vie  sociale,  l'invention  des  diverses  professions;  et 


5  22       DES   DIFFÉRENCES   INDIVIDUELLES    DE    L'HOMME. 

la  pratique  de  celles-ci  entraîne  irrésistiblement  en  lui  des 
habitudes. 

Aussi  l'influence  de  l'habitude  se  mêle-t-elle  à  presque 
tous  les  actes  de  notre  vie.  C'est  à  elle  que  nous  devons  la 
facilité  que  nous  développons  dans  la  production  de  cer- 
tains actes  qui  nous  sont  journaliers,  mais  que  nous  n'avons 
exécutés  primitivement  qu'avec  efforts  ,  dans  la  parole, 
par  exemple,  le  chant,  la  station,  la  progression,  etc. 
L'exercice  de  la  vie,  en  nous  obligeant  de  répéter  sans  cesse 
les  contractions  musculaires  dont  dépendent  ces  dernières 
actions,  a  fini  par  rendre  ces  contractions  si  faciles,  que 
nous  ne  nous  apercevons  plus  de  la  volonté  qui  les  ordonne 
et  en  règle  la  précision.  Sur  l'habitude  reposent  nos  pro- 
grès dans  la  pratique  des  diverses  professions  mécaniques 
et  industrielles,  dans  la  culture  des  arts.  Base  de  l'éduca- 
tion ,  elle  a  la  plus  grande  part  à  l'extension  que  celle-ci 
donne  à  nos  facultés,  Qu'on  passe  en  revue  tous  les  organes 
du  corps  humain,  et  par  conséquent  toutes  ses  fonctions, 
on  n'en  verra  point  qui  n'aient  subi  ou  ne  soient  suscep- 
tibles de  subir  des  modifications  capables  de  constituer  des 
habitudes.  En  vain  Bichat  avait  dit  que  l'habitude  ne  por- 
tait que  sur  les  fonctions  dites  animales  ,  et  était  sans  prise 
sur  les  fonctions  dites  organiques.  Voici  des  considérations 
qui  prouvent  que  sa  proposition  est  fausse.  i°  Tous  les  êtres 
vivants  sans  exception,  les  végétaux  eux-mêmes,  peuvent 
contracter  des  habitudes;  et  dans  les  Yégétaux,  tous  les  actes 
de  la  vie  sont  de  ceux  que  Bichat  appelait  organiques. 
2»  Parmi  les  fonctions  organiques,  plusieurs  réclament 
l'intervention  de  corps  ex  térieurs ,  la  digestion,  la  respira- 
tion, par  exemple;  et  par  conséquent,  ces  fonctions  peu- 
vent recevoir  de  ces  corps  extérieurs  une  modification  per- 
manente. Ainsi,  l'on  s'habitue  à  manger  telle  quantité 
d'aliments,  à  en  supporter  d'une  nature  mauvaise  et  délé- 
tère, à  respirer  un  air  vicié,  etc.  On  connaît  l'histoire  de 
ce  prisonnier,  qui ,  rendu  à  la  liberté  après  une  longue 
captivité,  ne  put  supporter  la  respiration  de  l'air  pur,  et 
eut  besoin  d'être  replongé  dans  l'air  infect  de  son  cachot. 
3°  Parmi  les  fonctions  organiques,  toutes  celles  qui  réel  a- 


DES    DIFFÉRENCES    INDIVIDUELLES    ACQUISES.  5  23 

ment  la  préhension  de  corps  extérieurs,  sont,  relativement 
à  cette  préhension,  dépendantes  de  la  volonté,  et  par  con- 
séquent sont  passibles  d'habitudes  en  raison  de  la  mesure 
dans  laquelle  on  les  exerce.  Ainsi,  l'habitude  a  prise  sur  les 
époques  auxquelles  se  fait  sentir  la  faim,  sur  la  quantité 
d'aliments  nécessaires  pour  faire  cesser  cette  sensation. 
Ceci  à  la  vérité  n'est  applicable  qu'aux  fonctions  organiques 
supérieures  ,  la  respiration  ,  la  digestion  ;  mais  les  rapports 
de  ces  fonctions  avec  les  fonctions  organiques  plus  profondes 
sont  si  intimes,  que  bientôt  celles-ci  participent  des  modi- 
fications qu'ont  reçues  celles-là,  et  manifestent  aussi  sensi- 
blement des  habitudes.  4°  Pour  qu'un  mouvement  vital 
quelconque  devienne  habituel,  c'est-à-dire  soit  plus  facile- 
ment produit  et  plus  susceptible  de  l'être,  il  suffit  qu'il 
soit  répété  :  or  les  actes  organiques,  quoique  non  volon- 
taires, peuvent  l'être  aussi,  et  par  conséquent  devenir  ha- 
bituels. C'est  à  ce  titre  que  des  mouvements  morbides 
mêmes  se  perpétuent  par  habitude.  5°  Enfin,  à  défaut  de 
ces  raisonnements ,  on  a  les  faits  directs.  Qu'on  passe  en 
revue  les  fonctions  organiques ,  on  y  reconnaîtra  les  effets 
de  l'habitude  :  nous  avons  cité  des  exemples  pour  la  diges- 
tion, la  respiration;  on  peut  en  citer  de  même  pour  les 
calorifîcations,  les  sécrétions,  etc.  Ne  contracte-t-on  pas 
l'habitude  du  chaud  ou  du  froid  ?  Nos  excrétions  ne  décè- 
lent-elles pas  l'empreinte  de  l'habitude  par  leur  périodi- 
cité ?  Si  quelques  excrétions  artificielles  ont  duré  quelque 
temps,  elles  deviennent  nécessaires,  et  souvent  leur  sup- 
pression serait  aussi  difficile  et  aussi  dangereuse  que  celle 
de  nos  excrétions  naturelles.  Il  est  donc  certain  que  tous 
les  organes  du  corps  sont  tributaires  de  l'habitude ,  et  c'est 
faute  d'en  avoir  analysé  les  causes,  que  Bichat  a  pu  dire  le 
contraire. 

Le  même  oubli  lui  en  avait  fait  juger  mal  les  effets:  il  a 
dit,  et  ou  a  répété  après  lui,  Y  habitude  émousse  le  senti- 
ment, et.  perfectionne  le  jugement.  Cette  proposition,  par 
cela  seul  qu'elle  est  absolue,  est  fausse;  il  est  impossible, 
d'après  ce  que  nous  avons  dit,  que  l'habitude  ait  un  effet 
constant  ;  mais  tour-à-tour,  selon  la  fréquence  avec  laquelle 


5^4       DES    DIFFÉRENCES    INDIVIDUELLES    DE   L'HOMME, 
l'acte  a  été  répété,  selon  le  caractère  de  l'impression  qui  a 
été  continue  ,  elle  donnera  de  l'extension  à  une  faculté,  ou 
l'annihilera.    Ainsi ,    uue  impression  graduellement  crois- 
sante deviendra  chaque  jour  moindre,  et  finira  par  n'être 
plus  sentie;  mais  cela  n'aura  lieu  qu'à  la  fin  ,  et  dans  l'ori- 
gine elle  aura  paru  plus  forte  à  chaque  fois  qu'elle  aura  été 
répétée.  L'exercice  convenable  donne  aux  sensations  plus 
d'étendue ,  comme  aux  autres  facultés  de  la  vie  ;  et  par  con- 
séquent   il  est    faux,   en    thèse  générale,    que   l'habitude 
émousse   le  sentiment.  Il   n'est  pas  plus  vrai  qu'elle  per- 
fectionne le  jugement.  Sans  doute  par  un  degré  d'exercice 
convenable,    les   facultés  de  l'esprit   acquièrent  la    même 
promptitude  et  la  même  sûreté  d'action  que  celles  de  nos 
autres  facultés  qui  sont  convenablement  cultivées;  mais,  à 
un  degré  d'exercice  exagéré ,  qui  surpasse  la  portée  des  forces 
intrinsèques  de  nos  organes,  ces  facultés  se  perdent  comme 
toutes  les   autres.    De  cette  idée  que  l'habitude   émousse 
tout   sentiment,   ramène  toute  sensation  à  l'indifférence, 
Bichat   avait    conclu    que   la  constance   est    impossible    à 
notre  nature,    et  que  le  changement,  la  variété,    contre 
lesquels   les    moralistes    déclament ,   nous   sont    ordonnés 
par   notre  organisation.  Mais  l'idée   première  n'étant  pas 
vraie  de  tous  les  cas ,  la  conséquence  ne  peut  pas  l'être  non 
plus.  Sans  doute  les  impressions  devenant  dans  de  certains 
cas  de  moins  en  moins  senties,  il  faut  en  varier  les  causes  pGur 
nous  en  procurer  de  plus  vives  ou  de  nouvelles;  et  comme 
avoir  des  sensations  est  notre  premier  besoin,    l'habitude 
semble  sous  ce  rapport  nous  faire  une  loidela  diversité.  Mais 
il  est  un  autre  point  de  vue  sous  lequel  elle  nous  impose 
irrésistiblement  la  constance.  L'habitude  a  deux  principaux 
effets  :  d'un  côté  les  actes  habituels  sont  plus  facilement  pro- 
duits; de  l'autre  ils  ont  plus  de  susceptibilité  à  se  produire, 
ils  sont  devenus  un  besoin.  Par  lepremier  de  cesefFels,  souvent 
ces  actes  ne  sont  plus  sentis;  et  comme,  ainsi  que  nous  le  di- 
sions tont-à-1'heure,  nous  voulons  à  tout  prix  des  sensations, 
et.  que  nous  ne  croyons  vivre  que  par  elles,  il  est  certain  que 
l'habitude  qui  les  rend  nulles,  nous  pousse  sous  un  rapport 
au  changement  qui  seul  peut  nous  en  procurer.  Mais,  parle 


DES   DIFFÉRENCES    INDIVIDUELLES   ACQUISES.  525 

second  de  ces  effets,  l'habitude  nous  pousse  intérieurement  à 
exécuter  Pactequi  a  été  répété,  à  rechercher  3'irapression  qui 
par  sa  continuité  nous  est  devenue  un  besoin;   elle  nous 
fait  trouver  un  plaisir  à  la  répétition  de  l'un  ,  à  la  présence 
de  l'autre;  le  besoin  factice  qu'elle  a  fait  naître  parle  en 
nous  comme  nos  besoins  naturels;   il  y  a  plaisir  à  le  satis- 
faire, comme  souffrance  à  lui  résister;  et  par  conséquent, 
contre  ce  que  disait  Bichat,  l'habitude  mène  à  la  jouissance 
et  non  à  l'indifférence,  et  commande  la  constance  au  lieu 
du  changement.  C'est  ainsi  qu'elle  fonde  un  lien   si  puis- 
sant, qu'elle  va  jusqu'à  faire  trouver  bonne  et  nécessaire 
une  chose  qui    est    mauvaise  en    soi ,    mais   qui   est    clans 
l'habitude.    Quand  nous  recevons   une   impression ,    deux 
effets  en  résultent,  dit  Buisson;  d'un  côté,  nous  percevons 
une  sensation  qui  est  d'autant  plus  vive  que   l'impression 
est  plus  nouvelle;  de  l'autre,  l'organe  qui  reçoit  l'impres- 
sion se  moule  à  sa  cause  et  s'unit  à  elle  dans  un  rapport  qui 
est  d'autant  plus  complet ,  que  l'impression  est  plus   an- 
cienne. Ces  deux  effets  sont  inverses  ;  c'est  quand  l'impres- 
sion est  devenue  inaperçue,  que  le  rapport  de  l'organe  avec 
sa  cause  est  mieux  établi;  et  vice  versa.  Or,  deux  sortes  de 
plaisir  sont  attachés  à  chacun  de  ces  deux  effets  ;  au  premier, 
un  plaisir  qui  est  vif  d'abord,  mais  qui  diminue  avec  le 
temps  ,  et  finit  même  par  disparaître  ;  au  second ,  un  plaisir 
plus  modéré,  mais  qui  augmente  avec  les  années  :  le  premier 
tient  à  la  sensation ,  est  celui  de  l'enfance,  de  la  jeunesse  , 
et  no  us  commande  le  changement  ;  le  second  tient  au  rapport 
établi  entre  les  organes  et  les  causes  d'impression,  est  celui 
de  la  dernière  moitié  de  la  vie,  de  l'habitude,  etnous  com- 
mande la  constance.  L'assertion  de  Bichat,  n'eût-elle  pas  été 
en  contradiction  avec  les  faits,  était  contraire  à  la  morale  ,  et 
cela  seul  devait  la  rendre  suspecte;  car  jamais  les  principes 
physiologiques  et  moraux  ne  peuvent  être  en  opposition. 

Telle  est  la  théorie  de  l'habitude.  Il  reste  à  dire  s'il  est 
avantageux  de  contracter  ou  non  des  habitudes,  dans  quelles 
circonstances  de  la  vie  on  en  est  plus  susceptible ,  etc.  ;  mais 
les  réponses  à  ces  questions  ressortent  des  principes  que  nous 
avons  posés.  L'utilité  ou  le  danger  des  habitudes  ne  peut  pas 


526       DES    DIFFÉRENCES    INDIVIDUELLES    DE    L'HOMME. 

être  établi  d'une  manière  générale;  il  est  bien  d'en  contrac- 
ter de  bonnes;  il  est  mal  d'en  contracter  de  mauvaises;  il 
est  prudent  de  n'en  pas  contracter  d'inutiles  ;   prétendre 
s  en  affranchir  tout-à-fait,  c'est  aspirer  à  l'impossible.   La 
succession  des  jours  el  des  nuits,  l'intermittence  obligée 
que  réclament  toutes  nos  fonctions  volontaires  ,  nos  occu- 
pations sociales  qui  nous  imposent  la  répétition  de  certains 
actes  à  l'exclusion  de  plusieurs  autres,  etc.;  tout  nous  pousse 
irrésistiblement  sous  l'empire  des  habitudes.  Cette  irrésisti- 
bilité  est,  du  reste,  sous  beaucoup  de  points  de  vue,   un 
avantage.  Ainsi ,  nous  acquérons  à  la  production  de  certains 
actes  une  habileté  dont  nous  ne  jouissions  pas  d'abord;  nos 
devoirs  deviennent  pour  nous  des  besoins ,  et  une  impulsion 
intérieure  nous  pousse  irrésistiblement  à  les  accomplir.  Les 
habitudes  nous  font  vivre  avec  régularité,  avec  moins  d'ef- 
forts ;  elles  nous  font  distribuer  nos  heures  ,  nos  jours  ,  avec 
économie  :  pour  leur  résister,  d'ailleurs,  il  faut  combattre 
sans  cesse,  et  quel  homme  en  a  le  courage  ?  Tous  les  repro- 
ches faits  aux  habitudes  ne  sont  vrais  que  des  mauvaises  ou 
des  inutiles;   mais  les  bonnes  sont,  pour  la  conduite  du 
coi'ps  et  pour  celle  de  l'ame  ,  de  puissants  appuis.  Nous  n'a- 
vons pas  besoin  de  dire  que  c'est  dans  le  premier  âge  de  la 
vie  qu'on  est  le  plus  susceptible  d'en  acquérir;  alors  toutes 
les  impressions  sont  nouvelles ,  et  l'organisation  a  toute  sa 
flexibilité.  Dans  le  dernier  âge,  au  contraire,  le  corps  a  reçu 
toutes  les  modifications  dont  il  est  susceptible,  et  les  em- 
preintes qu'il  a  revêtues  sont  indélébiles. 

CHAPITRE  V. 

Des  Races  humaines. 

L'espèce  humaiue  est-elle  une  ?  ou ,  à  l'instar  de  ce  qui 
est  en  beaucoup  d'animaux ,  y  a-t-il  plusieurs  espèces  d'hom- 
mes? D'un  côté,  les  hommes  qui  sont  disséminés  sur  les 
divers  points  du  globe ,  diffèrent  souvent  par  la  stature  ,  la 
couleur  de  leur  peau  et  de  leurs  cheveux ,  les  proportions 
de  plusieurs  de  leurs  systèmes  et  appareils.  D'un  autre  côté  , 


DES   RACES    HUMAINES.  527 

il  paraît  évident  que  tous  les  hommes  sont  construits  sur  un 
même  plan  ;  et  il  est  possible  que  les  différences  légères  et 
superficielles  qu'ils  présentent  soient  l'effet  des  climats  di- 
vers qu'ils  habitent.  Les  climats,  qui  modifient  tous  les  végé- 
taux ,  tous  les  animaux,  pourraient-ils  en  effet  être  sans 
influence  sur  l'homme,  de  toutes  les  espèces  vivantes, 
celle  qui  est  attaquable  par  le  plus  de  voies ,  qui  est  le  plus 
susceptible  d'être  modifiée? 

Les  naturalistes  sont  divisés  sur  cette  question.  Buffon 
n'admettait  qu'une  espèce  humaine  ,  se  fondant  sur  ce  que, 
d'un  climat  à  un  autre,  toutes  les  races  d'hommes  s'enchaî- 
nent; sur  ce  que  tout  homme  s'empreint  à  la  longue  des 
qualités  du  climat;  et  sur  ce  qu'une  même  latitude,  quand 
elle  présente  des  climats  divers,  présente  aussi  des  races 
diverses.  Il  ne  reconnaissait  que  des  variétés,  et  spécifiait 
comme  telles,  la  lapone ,  la  tartare ,  la  chinoise  ,  la  malaise  , 
Y  éthiopienne  y  Yhottenloie,  Y  européenne  et  Y  américaine.  Il 
appuyait  encore  ce  dogme  de  l'unité  du  genre  humain,  sur 
ce  que  les  diverses  races  d'hommes  connues  peuvent  s'asso- 
cier entre  elles  et  produire  des  individus  féconds.  D'autres 
naturalistes  ont  émis  une  opinion  inverse,  et  d'abord  ont 
fait  remarquer  l'insuffisance  de  ce  dernier  caractère;  il  est 
certain,  en  effet,  que  plusieurs  animaux  d'espèce  évidem- 
ment différente,  peuvent  s'accoupler  et  engendrer  des  in- 
dividus féconds.  Ils  ont  ensuite  argué  de  l'impossibilité  de 
dériver  des  influences  du  climat  les  différences  que  présen- 
tent les  diverses  races  humaines.  En  histoire  naturelle  , 
disent-ils,  les  espèces  sont  établies  sur  des  différences  im- 
portantes ,  dues  à  l'organisation  primitive,  et  qui ,  résistant 
à  toutes  les  influences  du  dehors ,  se  transmettent  immua- 
bles par  la  génération  :  or,  telles  paraissent  être  celles  qui 
distinguent  les  races  humaines.  Est-il  possible,  par  exem- 
ple, de  rapporter  à  l'influence  du  climat  la  couleur  de  la 
peau,  qui  est  noire  dans  les  unes,  et  blanche  dans  les  au- 
tres? A  cet  égard,  on  a  dit  que  les  peuples  étaient  d'autant 
plus  noirs  qu'ils  étaient  plus  éloignés  des  pôles  :  mais  il 
existe  de  nombreuses  exceptions  à  cette  règle;  on  trouve  des 
hommes  noirs  aux  pôles,  et  des  hommes  blancs  sous  les  tro- 


528       DES    DIFFERENCES    INDIVIDUELLES    DE    L'HOMME. 

piques  ;  les  uns  et  les  autres  restent  tels  dans  les  climats  qui 
leur  s  mt  opposés,  s'ils  ne  s'unissent  pas  aux  autres  races; 
les  blancs  ,  par  exemple,  restent  blancs  sous  les  tropiques, 
et  les  nègres  restent  nègres  à  la  terre  de  Diérnen,  et  dans 
l'Amérique  septentrionale.  Que  de  nations  qui  conservent 
leur  type  primitif  à  travers  les  siècles  et  les  climats  ,  si  elles 
ne  contractent  pas  d'alliances  étrangères;  nous  citerons  la 
nation  juive.  D'ailleurs,  la  peau  n'est  pas  la  seule  partie  du 
nègre  qui  soit  noire;  son  sang,  ses  organes  intérieurs  le  sont 
aussi  ;  et  si  l'on  veut  que  la  chaleur  du  climat  ait  noirci  l'une  > 
dira-t-on  quelle  a  noirci  de  même  les  autres?  Comment  d'ail- 
leurs expliquer  les  autres  différences  que  présente  le  nègre  , 
et  particulièrement  celles  qui  portent  sur  son  système  os- 
seux ,  sur  sa  face?  Peut -on  admettre  avec  Volney  ,  que 
l'espèce  de  moue  qu'a  dû  lui  faire  faire  l'impression  conti- 
nuelle des  rayons  solaires,  est  ce  qui  a  alongé  ses  mâchoi- 
res ,  et  les  a  davantage  rapprochées  de  la  forme  d'un  museau  ? 
On  peut  arguer  encore  de  ce  que  le  nègre  a  un  pou  qui 
lui  est  spécial  ,  et  qui  diffère  de  celui  qui  est  le  parasite  de 
la  race  blanche.  Enfin,  si  Ton  veut  que  les  différences  que 
présentent  les  races  humaines  soient,  non  natives,  mais  le 
produit  des  climats,  quelle  antiquité,  plus  reculée  que  celle 
que  lui  assignent  nos  livres  saints ,  ne  faut-il  pas  supposer 
au  monde  ? 

La  plupart  des  naturalistes  de  nos  jours  admettent  une 
opinion  mitoyenne  aux  deux  que  nous  venons  de  rapporter; 
ils  admettent  entre  les  hommes,  non  des  espèces  aussi  tran- 
chées que  celles  qu'on  observe  dans  certains  animaux,  mais 
ce  qu'ils  appellent  des  races.  Voici,  par  exemple.,  l'opinion 
de  M.  Cuvier ,  sur  cette  question.  Ce  naturaliste,  si  dîgne 
de  faire  en  ceci  autorité  ,  reconnaît  trois  races  distinctes, 
la  blanche  ou  caucasiqve  ,  la  nègj^e  ou  éthioplque  ,  et  la 
jaune  ou  mongolique.  i°  La  race  blanche  ou  caucasique  est 
la  plus  parfaite  ,  et  celle  à  laquelle  nous  appartenons.  Elle 
habite  l'Europe ,  l'Asie  mineure  ,  la  Syrie  ,  la  Perse  ,  la 
presqu'île  en-deçà  du  Gange  ,  l'Afrique  septentrionale  3 
l'Arabie,  le  nord  du  mont  Atlas,  etc.;  il  serait  donc  im- 
propre  de  l'appeler   la  race  européenne.   Le  nom   de  race 


DES   RACES   HUMAINES.  5 29 

blanche  ne  lui  convient  pas  davantage ,  car  clans  l'Indostan 
sa  couleur  est  presque  noire.  On  doit  l'appeler  race  cauca- 
sique,  parce  que  c'est  là  qu'est  son  plus  beau  type ,  et  de  là  ^ 
à  eu  juger  par  les  traditions  et  les  diverses  langues  ,  qu'elle 
s'est  répandue  sur  les  contrées  du  globe  qu'elle  habite  au- 
jourd'hui. C'est  d'après  elle  que  nous  avons  fait  la  descrip- 
tion anatomique  et  physiologique  de  l'homme  ;  elle  est 
distincte  par  la  beauté  de  l'ovale  de  sa  tête.  20  La  race  nègre 
occupe  une  surface  de  la  terre  moins  étendue  ,  toute  la 
partie  de  l'Afrique  qui  s'étend  du  midi  du  mont  Atlas  au 
cap  de  Bonne-Espérance.  Evidemment  elle  est  un  peu  infé- 
rieure à  la  précédente,  et  offre  quelques  traits  qui  la  rap- 
prochent davantage  des  premiers  des  animaux  ,  des  singes. 
Par  exemple ,  son  front  est  aplati  ,  reculé  en  arrière  ;  son 
crâne  plus  petit ,  moins  capace  ,  contient  de  quatre  à  neuf 
onces  d'eau  de  moins  que  celui  d'un  Européen;  les  condyles 
de  l'occipital  sont  un  peu  plus  reculés  en  arrière.  Tandis 
que  le  crâne  et  le  cerveau  sont  ainsi  un  peu  moins  déve- 
loppés que  dans  la  race  précédente,  la  face  et  les  organes 
du  goût,  de  l'odorat,  de  la  mastication,  le  sont  au  con- 
traire davantage  ;  les  mâchoires  sont  avancées  et  saillent 
presque  en  guise  de  museau  ;  les  lèvres  sont  grosses  ,  les 
pommettes  saillantes;  la  fosse  temporale  est  plus  creuse, 
l'arcade  zygomatique  plus  bombée,  la  ligne  courbe  temporale 
plus  marquée  3  les  muscles  masticateurs  sont  plus  forts. 
L'angle  facial  est  moins  ouvert,  et  la  tête  du  nègre,  sous 
ce  rapport,  tient  le  milieu  entre  celle  de  l'homme  de  la  race 
caucasique  ,  et  celle  du  premier  des  singes,  l'orang-outang. 
L'os  inter-maxillaire ,  qu'on  n'a  jamais  pu  découvrir  dans 
l'embryon  du  blanc ,  se  trouve  au  contraire  dans  celui  du 
nègre.  A  l'œil  ,  le  vestige  de  la  troisième  paupière  est  plus 
fort.  Le  nez  est  écrasé,  ses  cornets  sont  plus  forts  ^  lapitui- 
taire  a  plus  d'étendue,  d'où  plus  de  finesse  au  sens  de  l'odo- 
rat. Le  palais  a  également  plus  de  surface.  Enfin,  les  autres 
parties  offrent  aussi  quelques  dégradations  ;  le  pied ,  par 
exemple,  est  plus  plat,  sa  plante  est  moins  concave;  le 
tibia  est  plus  arqué  ,  le  mollet  moins  fort  et  situé  plus  en 
avant,  etc.;  de  sorte  que  les  conditions  anatomiques  de  la 
Tome  IV.  34 


53o  DES  DIFFÉRENCES  INDIVIDUELLES  DE  l'hOMME. 
station  bipède  sont  moins  complètes.  Aussi  l'assiette  du 
nègre  est  en  général  moins  parfaite  ,  et  son  allure  paraît 
éreintée.  Les  cheveux  sont  laineux  ,  courts ,  très  fins ,  très 
noirs,  frisés;  la  peau  est  noire.  Le  sang,  et  diverses  parties 
intérieures  ,  la  partie  corticale  du  cerveau  ,  par  exemple  , 
sont  noires  aussi.  Cependant  cette  couleur  n'est  pas  ce 
qui  caractérise  cette  race  ,  car  les  Hottentots  ,  les  CafFres  , 
sont  jaunes;  ce  que  nous  venons  de  dire  de  l'état  du  sque- 
lette est  bien  plus  spécifique.  Il  est  impossible  de  ne  pas 
voir  dans  tous  ces  traits  ,  les  preuves  d'une  infériorité  rela- 
tivement à  la  race  précédente  ;  et  cette  infériorité  explique 
pourquoi  les  peuples  de  la  race  nègre  sont  plus  tardifs  et 
moins  puissants  en  civilisation.  3°  Enfin  la  race  mongole 
ou  tartare  occupe  toute  la  portion  du  globe  qui  s'étend  de 
l'orient  de  la  mer  Caspienne  à  la  mer  du  Sud ,  la  Chine ,  la 
ïartarie  chinoise  ,  5a  Sibérie,  le  Japon.  Son  teint  est  oli- 
vâtre ;  ses  cheveux  sont  noirs  ,  ras  et  peu  épais  ;  il  en  est 
de  même  de  sa  barbe;  sa  tête  est  plus  large  proportionnelle- 
ment à  sa  longueur;  ses  pommettes  sont  très  saillantes;  son 
visage  est  plat;  ses  yeux  sont  obliques,  et  ont  leur  angle 
externe  relevé.  C'est  la  race  la  plus  ancienne  ,  et  celle  qui 
occupe  le  plus  d'étendue  sur  la  terre.  Outre  ces  trois  races  > 
il  est  dans  l'archipel  de  l'Inde  une  variété  d'hommes  ,  dite 
les  Malais ,  dont  M.  Duméril  a  fait  une  race  particulière  , 
parce  qu'il  est  difficile  de  les  rapporter  tout-à-fait  à  leurs 
voisins  des  deux  côtés ,  savoir  les  Indiens  caucasiques  et  les 
Chinois  mongoliques ,  n>ais  qui  peut-être  ne  sont,  dit  M.  Oli- 
vier,  qu'un  mélange  des  mongols  d'Asie  et  des  nègres  d'Afri- 
que. Enfin  ,  dans  quelques-unes  des  îles  de  cet  archipel ,  on 
trouve  aussi  des  hommes  appelés  Papous ,  qui  ressemblent 
beaucoup  à  des  nègres,  et  qui  ne  sont  peut-être  que  des 
produits  d'individus  de  cette  race  qui  se  sont  anciennement 
égarés  sur  la  mer  des  Indes. 

De  Lacèpède ,  outre  ces  trois  races,  en  admettait  encore 
deux  autres  :  i°  La  race  américaine  qui  habite  l'Amérique 
du  nord  ,  et  dont  la  couleur  est  cuivrée  ;  20  la  race  hyper- 
borée  y  qui  est  reléguée  au  nord  des  deux  continents ,  aux 
cercles  polaires,  et  qui  constitue  les  Lapons,  les  Ostiaques , 


DES    RACES    HUMAINES.  53 1 

les  Samoïèdes,  les  Groënîandais  ,  etc.  Mais  probablement 
la  première  provient  des  Tartares  mongols  d'Asie ,  qui  de 
l'ancien  continent  ont  passé  dans  le  nouveau;  on  peut  lire 
dans  Buffon  les  raisons  sur  lesquelles  se  fondait  ce  grand 
naturaliste  pour  croire  que  rétablissement  des  hommes  en 
Amérique  n'était  pas  très  ancien.  Quant  à  la  race  hyper- 
borée  ,  il  est  évident  qu'elle  n'est  qu'une  des  autres  races 
ou  caucasique  ,  ou  mongol  ique,  abâtardie  par  un  climat 
funeste. 

Enfin  ,  dans  ces  dernières  années,  MM.  Virey,  Desmou- 
lins et  Bory-dc-Saint-Vincent ,   s'appuyant  sur  les   décou- 
vertes récentes ,   et  les  observations  plus  exactes  d'anthro- 
pologie faites  par  les  voyageurs  modernes ,  ont  cru  devoir 
multiplier  davantage  le  nombre  des  familles  primitives  du 
genre  humain.  M.  Virey  admet  deux  espèces  d'hommes  qu'il 
établit  d'après  le  degré  d'ouverture  de  l'angle  facial.  A   la 
première ,  chez  laquelle  cet  angle  présente  de  85  à  90  de- 
grés,  il  rapporte  trois  races,    Ja  blanche,  la  basanée  et  la 
cuivreuse.  Il  rattache ,  comme  sous-divisions  ;  à  îa  première 
Y  arabe  indienne,    la  celtique  et  la  caucasienne;  à  la   se- 
conde,  la  chinoise,    îa    kalmouk    mongole,    et    la    laponc 
'    osliaque  ;  et  à  la  troisième,   Vamèricaine  ou  caraïbe.  A   la 
seconde  espèce,  chez  laquelle  l'angle  facial  n'est  que  de  75 
à  82  degrés  seulement,  se  rapportent  la  race  brune  foncée, 
la  race  noire ,  et  la  race  noirâtre,  qui  renferment;   l'une, 
les  variétés  malaie  ou  indienne;  la  deuxième,    les    Caffres 
et  les  Nègres;  la  troisième ,  les  HoUentols  et  les  Papous. 
M.  Desmoulins ,  jugeant  d'après  l'état  des  cheveux  ,  les  dis- 
positions des  traits  de  la  ligure  et  des  dents,  la  couleur  de 
la  peau,  et  le  degré  d'ouverture  de  l'angle  facial,  reconnaît 
onze  espèces  d'hommes,   qu'il  dénomme  d'après  le  lieu  de 
la  terre  qu'ils  habitent,   savoir;  les    Ce Ito -Scythe- Arabes 
les  Mongoles  y  les  Ethiopiens ,  les  Euro- Africains ,  les  Aus- 
tro  Africains ,  les  Mcdais  ou  Océaniques ,  les  Papous,  les 
Nègres    océaniens,    les  Âustralasiens ,  les    Colombiens     et 
les  Américains.  De  même  que  les  sept  premières  de  ces  es- 
pèces ne  sont  que  des  subdivisions  des  trois  races  caucasique, 
mongol  ique,  et  nègre  de  M.  Cuvier  ;  de  même  M.  Desmou- 

.    34. 


532  DES  DIFFÉRENCES  INDIVIDUELLES  DE  L'HOMME. 
Uns  croit  que  quelque  jour  on  pourra  établir  des  subdivi- 
sions dans  les  races  colombienne  et  américaine  qu'il  a  déjà 
séparées.  Enfin,  M.  Bory -de -Saint -Vincent  adopte  les 
mêmes  principes  que  M.  Desmoulins,  et  porte  jusqu'à  quinze 
le  nombre  des  espèces  d'hommes^,  savoir  ;  V espèce  Japhétique, 

Y  Arabique  3  Y  Hindoue,  la  Scythique ,  la  Sinique  3  YHyper- 
boréenne,  la  Neptunienne,  Y  Australasienne,  la  Colombienne, 

Y  Américaine,  la  Patagone ,  Y  Ethiopienne ,  la  Cafre  ,  la  Me- 
lanienne,  et  la  Hotte n tôt e.  Nous  ne  faisons  ici  qu'une  énu- 
mération  ;  il  est  hors  du  plan  de  notre  ouvrage ,  d'exposer 
les  considérations  anatomiques  ,  historiques  ,  et  géographi- 
ques sur  lesquelles  MM.  Virey ,  Desmoulins  et  Bory -de- 
Saint-Vincent  appuient  leur  manière  de  voir. 

Quant  aux  albinos  d'Afrique ,  aux  cagots  des  Pyrénées  , 
et  aux  crétins  du  Valais,  ce  ne  sont  que  des  êtres  infirmes  ? 
et  non  des  produits  d'une  race  primitive  et  naturelle. 


SIXIEME  PARTIE. 


PHILOSOPHIE  DE  LA  SCIENCE  ,  ou  HISTOIRE  DE 
LA  FORCE  ET  DES  PROPRIÉTÉS  VITALES. 

Notre  tâche  semblerait  devoir  être  finie;  nous  avons 
en  effet  exposé  tous  les  phénomènes  de  la  vie  de  l'homme, 
indiqué  leur  ordre  de  succession  et  d'enchaînement ,  re- 
monté aux  conditions  matérielles  de  leur  production.  Mais 
on  a  vu  que  tous  les  phénomènes  de  vie  sont  en  opposition 
avec  les  phénomènes  physiques  et  chimiques,  et  qu'ils  dé- 
cèlent, dans  la  matière  organisée,  un  mode  de  motion  spé- 
ciale, qu'on  a  appelé  vitalité.  Nous  avons  dit  qu'en  consé- 
quence, ces  phénomènes  ont  été  rapportés  à  des  forces 
autres  que  les  forces  physiques  et  chimiques  générales,  à 
des  forces  dites  vitales  ,  qu'on  a  considérées  comme  en  étant 
les  causes  ,  et  qui  du  moins  eu  sont  les  généralisations.  Il 
nous  reste  donc  à  traiter  de  ces  forces;  et  c'est  leur  histoire, 
qui  fonde  ce  que  nous  appelons  la  Philosophie  de  la  science  , 
qui  va  faire  l'objet  de  cette  sixième  et  dernière  partie  de 
notre  ouvrage. 

CHAPITRE  PREMIER. 

Considérations  générales  sur  les  forces  premières  admises 
dans  toutes  les  sciences  naturelles. 

Dans  l'étude  de  tous  les  corps  naturels ,  on  a  supposé  que 
des  forces  animaient  la  matière  qui  les  forme,  et  détermi- 
naient les  phénomènes  qu'ils  produisent;  Y  attraction,  les 
affinités»  pour  les  corps  inorganiques;  la  force  de  vie, 
pour  les   corps  organisés.  Il  importe    d'abord  de   recher- 


-■ 


534  PHILOSOPHIE    DE   LA    SCIEJNCE. 

cher,  comment  l'esprit,  a  été  conduit  à  faire  cette  supposition, 
et  de  spécifier  quelle  idée  l'on  doit  se  faire  de  ces  forces. 

Dans  tout  corps  quelconque,  il  n'y  a  que  deux  objets  à 
étudier;  sa  structure 3  c'est-à-dire  la  disposition  de  la  ma- 
tière qui  le  forme;  et  ses  actions,  c'est-à-dire  les  phéno- 
mènes qu'il  produit,  tant  entre  les  parties  qui  le  compo- 
sent, que  dans  ses  relations  avec  le  reste  de  l'univers.  Quand 
on  sait  sur  un  corps  tout  ce  qui  concerne  ces  deux  objets , 
on  sait  de  ce  corps   non-seulement  tout  ce  qu'il  est  néces- 
saire ,  mais  encore  tout  ce  qu'il  est  possible  d'en  connaître. 
Nos  moyeus,  pour  parvenir  à  cette  connaissance  ,  sont  aussi 
au  nombre  de  deux  :  Y  observation ,  qui  est  l'application  de 
l'exercice  des  sens  à  l'étude  de  la  structure  et  des  actions 
des  corps;  et  le  raisonnement ,  qui  s'entend  des  opérations 
subséquentes  de   l'esprit  sur  les  impressions  apportées  par 
les  sens.  On  commence,  en  effet,  par  observer,  c'est-à-dire 
par  employer  ses  sens  à  recueillir  les  faits;  ensuite  on  rai- 
sonne,  c'est-à-dire  qu'on  cherche  à   saisir  les  rapports  des 
phénomènes  entre   eux  ,  à  remonter  de  ces  phénomènes  à 
leurs  eauses  ,    aux   conditions    de     leur  production.   Sans 
doute  ,   ces  deux     moyens   d'étude   sont    puissants,    mais 
il   est   des   limites  qu'ils   ne  peuvent   franchir.    Relative- 
ment  à    la    structure;     i°    nous  ne   pouvons,  dans  la   re- 
cherche de  la  composition  matérielle  des  corps,   aller  que 
jusque  là  où  nous  conduisent  les  sens  ;  au-delà  nous  sommes 
arrêtés;  2°  que  cette  structure  des  corps  tombe  ou  non  sous 
les  sens ,  nous  ne  pouvons  saisir  l'essence  de  la  matière  qui 
en  est  la  base;  nous  ne  connaissons  cette  matière  que  par 
les  propriétés  qu'elle  manifeste.  Relativement  aux  actions, 
les  limites  sont  absolument  les  mêmes.  D'un  côté,  nous  ne 
pouvons  décrire  les  actions   des  corps,  qu'autant  qu'elles 
sont  appréciables  par  les  sens;  si  elles  ne  le  sont  pas  ,  leurs 
résultats  seuls  nous  font  juger  qu'elles  ont  eu  lieu.  D'un 
autre  coté,  que  ces  actions  tombent  ou  non  sous  les  sens, 
nous  ne  pouvons  saisir  leurs  causes  ,  et  l'essence  de  l'acti- 
vité nous  est  aussi  inconnue  que  celle  de  la  matière.  Il  est 
certain,  en  effet,  que  nous  ignorons  et  ignorerons  toujours 
toutes  causes;  ce  que   oous  appelons  ainsi  dans  les  sciences 


COIS  STDÉRATIOISS    GÉNÉRALES    SUR   LES    FORCES.        635 

n'en  est  pas;  un  phénomène  est  dit  la  cause  d'un  autre, 
lorsque  constamment  il  l'entraîne  à  sa  suite;  mais  ce  n'est 
là  que  saisir  un  rapport  de  succession ,  et  la  cause  propre- 
ment dite,  ce  qui  fait  que  le  premier  phénomène  entraîne 
la  production  du  second  ,  la  causabiliiê ,  comme  disait  Bar- 
liiez ,  reste  toujours  inconnue.  Au  moins  cela  est  vrai  des 
causes  dites  premières,  c'est-à-dire  de  celles  auxquelles  on 
arrive  en  dernier  lieu  dans  l'analyse  des  phénomènes  na- 
turels ;  celles-ci ,  par  cela  seul  qu'elles  sont  premières,  ne 
peuvent  qu'être  ignorées  et  impénétrables. 

Mais,  si  dans  tout  corps  on  n'a  à  étudier  que  ces  deux 
objets,  sa  structure  et  ses  actions,  et  si  les  causes  de  celles- 
ci  sont  à  jamais  cachées ,  que  sont  toutes  ces  forces  dont  on 
dit  les  corps  animés,  et  qu'on  considère  comme  les  causes 
de  leurs  phénomènes?  Que  sont  :  et  la  force  d'attraction, 
à  laquelle  l'astronome  attribue  les  mouvements  des  corps 
célestes;  celles  de  gravitation,  à' affinités ,.  auxquelles  en 
appellent  sans  cesse  le  physicien  et  le  chimiste ,  pour  ex- 
pliquer les  mouvements  de  masse  et  moléculaires  des  corps 
inorganiques;  et  enfin  la  force  de  vie,  qui,  selon  le  physio- 
logiste, produit  tous  les  phénomènes  de  vie?  Ces  forces 
sont-elles  des  êtres  réels,  essentiellement  actifs,  ajoutés 
dans  tous  les  corps  à  la  matière  qui  les  compose ,  et  faisant 
produire  à  celle-ci  toutes  les  actions  qu'ils  manifestent? 

Long- temps  on  Fa  cru,  d'après  cette  idée  fondée  sur  une 
observation  superficielle  de  la  nature  inorganique ,  que  la 
matière  est  incapable  de  se  mouvoir  par  elle-même,  et  ne 
le  fait  que  par  l'influence  d'une  puissance  placée  hors  d'elle 
et  étrangère  à  sa  substance.  Telle,  en  effet,  paraît  être  au 
premier  coup  d'œil  une  masse  minérale ,  qui  reste  pesam- 
ment attachée  au  sol  sur  lequel  elle  repose,  qui  offre  entre 
ses  diverses  molécules  une  complète  immobilité,  et  qui  ne 
se  meut  que  consécutivement  à  une  impulsion  mécanique, 
Partant  de  cette  observation,  évidemment  trop  superficielle, 
on  déclara  toute  matière  essentiellement  inerte;  et, 
une  fois  imbu  de  cette  idée ,  on  crut  que  lorsque  cette  ma- 
tière paraît  se  mouvoir  spontanément  et  sans  choc  mécanique 
venant   du   dehors,   comme  dans  les  corps  vivants,   c'est 


536  PHILOSOPHIE    DE    LA    SCIEJXCE. 

qu'alors  existait  au  dedans  d'elle  la  puissance  motrice  spé- 
ciale qui  la  faisait  mouvoir.  Ces  corps  à  activité  spontanée 
furent  dits  composés  d'une  matière  inerte,  et  d'un  agent 
moteur;  et  bientôt  cela  fut  dit  de  tout  corps  quelconque, 
car  il  n'en  est  aucun  qui  ne  présente  des  mouvements  indé- 
pendants d'un  choc  mécanique.  Il  restait  dès  lors  à  spécifier 
l'agent  moteur.  D'abord  on  le  dit  matériel ,  ce  qui  était,  dès 
le  premier  pas,  se  mettre  en  contradiction  avec  le  principe 
de  l'inactivité  de  la  matière;  et,  comme  les  corps  gazeux 
contrastent  par  leur  mobilité  avec  l'inertie  apparente  des 
corps  solides  minéraux,  ce  fut  d'abord  dans  des  gaz  qu'on 
chercha  cette  puissance  motrice  des  corps;  on  indiqua 
comme  telle,  tantôt  l'air,  tantôt  la  matière  de  la  chaleur. 
Mais  il  était  impossible  souvent  de  rapporter  à  l'influence 
de  gaz  les  mouvements  qui  étaient  observés  ;  alors  on  en 
cherchait  des  corps  encore  plus  subtils;  car,  d'après  le  prin- 
cipe de  l'inactivité  de  la  matière,  plus  une  matière  était 
déliée ,  plus  on  devait  la  croire  active  et  puissante  :  à  dé- 
faut d'en  trouver,  on  en  imaginait;  ainsi,  on  supposa  des 
éthers ,  âespneuma,  êtres  tout-à- fait  chimériques  pour  la 
chimie  positive  de  notre  siècle.  Enfin,  à  force  de  chercher 
des  corps  de  plus  en  plus  déliés ,  qui  fussent  de  moins  en 
moins  corps,  si  l'on  peut  parler  ainsi,  on  vint  à  en  supposer 
qui  ne  l'étaient  plus  du  tout,  des  êtres  immatériels ,  des 
esprits  ;  et  ces  esprits  furent  dits  animer  partout  la  matière, 
et  lui  faire  produire  ses  mouvements.  C'est  ainsi  que  Thaïes 
plaça  des  âmes  dans  chaque  astre,  dans  chaque  végétal, 
dans  chaque  animal,  pour  l'explication  des  différents  phé- 
nomènes de  l'univers. 

Mais  les  savants  d'aujourd'hui ,  analysant  mieux  les  faits, 
et  mettant  plus  de  sévérité  dans  les  inductions  qu'ils  en 
tirent 3  ont  reconnu  la  fausseté  du  principe  qui  servait  de 
base  à  toute  cette  doctrine,  et  par  conséquent  celle  de  la 
doctrine  elle-même.  D'un  côté,  il  est  faux  que  la  matière 
soit  inactive  ;  tout  au  contraire ,  l'activité  lui  est  essentiel- 
lement inhérente,  en  est  inséparable;  en  quelque  système 
de  corps  qu'on  l'observe,  dans  les  règnes  minéral,  végétal 
et  animal,  on  la  voit  exécuter  des  actions;  le  mouvement 


CONSIDÉRATIONS  GÉNÉRALES  SUR  LES  FORCES.  53? 
est  partout  dans  la  nature,  et  le  repos  nulle  part.  Les  faits 
même  qui  avaient  fait  admettre  l'inertie  de  la  matière  dé^ 
montrent  son  activité  ;  cette  pesante  fixité  des  minéraux  au 
sbl  ,  par  exemple ,  n'est  que  l'effet  de  l'action  qui  les  en- 
traîne continuellement  vers  le  centre  de  la  terre  ;  l'immo- 
bilité de  leurs  molécules  n'est  que  le  résultat  des  actions 
continues  qui  pressent  ces  molécules  les  unes  contre  les  au- 
tres. D'un  autre  côté,  quelles  preuves  peut-on  donner  de 
l'existence  de  ces  prétendues  puissances  actives  immatériel- 
les ?  Dans  le  monde  physique,  il  n'apparaît  réellement 
qu'une  seule  chose,  de  la  matière  qui  se  meut,  des  corps 
qui  exécutent  des  actions ;  et  dans  les  sciences ,  où  l'on  ne 
doit  admettre  que  ce  qui  est  positif,  que  ce  qui  tombe  sous 
les  sens,  c'est  violer  toutes  les  règles  que  de  supposer  l'exis- 
tence d  êtres  que  rien  ne  décèle  ^  et  dont  il  est  même  impos- 
sible de  se  faire  aucune  idée. 

Ainsi ,  les  forces  premières ,  que  l'on  dit  animer  les  divers 
corps  naturels,  ne  sont  pas  des  êtres  réels,  existants  par 
eux-mêmes,  comme  on  le  croyait  dans  l'ancienne  philoso- 
phie. Que  sont-elles  donc  enfin?  Elles  ne  sont  réellement 
que  des  expressions  abstraites,  désignant;  soit  une  hypo- 
thèse que  l'on  a  imaginée  pour  représenter  la  cause  des  faits 
que  nous  avons  dit  nous  être  à  jamais  cachée;  soit  la  puis- 
sance active  de  la  matière,  le  mode  de  motion  et  d'action  des 
corps,  que,  par  abstraction,  l'on  a  considéré  comme  en  étant 
distincts;  soit  enfin  les  plus  hautes  généralisations  aux- 
quelles on  arrive  dans  l'analyse  des  phénomènes  de  la  na- 
ture. Qu'est-ce  en  effet  que  Y  attraction ,  sinon  une  hypothèse 
qui  représente  la  cause  inconnue  des  phénomènes  astrono- 
miques ?  Que  sont  les  forces  &  affinité*  de  'vie,  sinon  des 
abstractions  représentant  :  Fune  ,  le  mode  d'action  propre 
aux  molécules  de  la  matière  inorganique  ;  l'autre  ,  le  mode 
de  motion  propre  à  la  matière  organisée?  D'un  côté,  une 
disposition  particulière  de  notre  esprit  nous  pousse  toujours 
à  rattacher  à  tout  phénomène  la  cause  qui  le  produit;  et 
dans  l'impossibilité  de  trouver  celle-ci ,  nous  inventons  une 
hypothèse  qui  puisse  cadrer  avec  les  faits,  et  qui  désormais 
représente  cette  cause  ignorée,  comme  Vx  des  algébristes 


5  38  PHILOSOPHIE   DE    LA    SC1EJNGE. 

désigne  l'inconnue  d'un  problème.  Or,  qui  ne  voit  déjà  que 
cette  hypothèse,  par  cela  seul  qu'elle  représente  les  mouve- 
ments des  corps,  pourra,  par  illusion,  nous  en  paraître  la 
force  motrice?  D'un  autre  côté,  voyant  partout  la  faculté 
■de  se  mouvoir  inhérente  à  la  matière,  et  ne  pouvant  péné- 
trer l'essence  de  cette  faculté ,  nous  la  représentons  par  des 
abstractions,  qui  sont  en  même  nombre  que  les  modes 
divers  de  motion  dont  elle  est  susceptible,  Telles  sont  par 
exemple  ;  Y  affinité  ,  pour  le  mode  d'action  propre  aux  mo- 
lécules des  corps  inorganiques  ;  la  fores  de  vie  ,  pour  le 
mode  d'action  propre  à  la  matière  organisée.  Or ,  l'on 
sent  encore  que  ces  abstractions  ,  par  cela  seul  qu'elles 
représentent  les  modes  de  motion  des  corps  ,  ont  dû  faci- 
lement aussi  en  paraître  les  forces  motrices.  Enfin  ,  une 
autre  disposition  de  notre  esprit  est  de  généraliser  sans 
cesse ,  c'est  -  à  -  dire  de  nous  élever  continuellement  des 
faits  à  des  principes  qui  en  expriment  l'origine ,  la  nature, 
l'enchaînement  ;  d'arriver  des  faits  individuels  à  un 
fait  général  ,  dans  lequel  les  premiers  soient  tous  plus 
ou  moins  renfermés.  C'est  même  ce  procédé  seul  qui  con- 
stitue les  sciences;  car  nous  ne  faisons  dans  leur  étude  que 
nous  élever  de  faits  en  faits,  à  mesure  qu'ils  se  produisent 
et  se  succèdent  les  uns  les  autres;  acquérant  ainsi  la  con- 
naissance de  tous  les  faits  secondaires ,  mais  parvenant  enfin 
à  un  fait  premier,  à  un  fait  principe,  qui  par  cela  seul 
qu'il  est  premier,  nous  est  et  nous  sera  toujours  inconnu. 
Or,  ce  fait  général,  premier,  principe,  nous  créons  aussi 
pour  le  représenter  une  abstraction  ,  que  nous  avons  encore 
d'autant  plus  de  disposition  à  considérer  comme  une  force 
active,  que  renfermant  l'universalité  des  faits,  il  paraît  en 
être  la  cause. 

Ainsi,  c'est  en  des  abstractions,  des  généralisations  que 
consistent  toutes  les  forces  que  nous  voyons  figurer  dans  les 
sciences;  et  ces  forces,  dont  le  langage  seul  fait  des  êtres 
réels,  ne  sont  par  conséquent  que  des  créations  de  notre 
esprit.  En  vain  dira-t-on  qu'elles  emportent  avec  elles  l'idée 
d'une  activité  propre?  Nous  venons  d'en  donner  les  rai- 
sons ;  c'est  que  représentant  les  causes  des  actions  des  corps, 


CONSIDÉRATIONS    GÉNÉRALES    SUR    LES    FORCES.        53y 

désignant  les  modes  divers  de  motion  de  la  matière,  on  a 
pu  les  prendre  pour  les  agents  moteurs.  Ajoutons  la  ten- 
dance qu'a  généralement  l'homme  à  personnifier  toutes  ses 
abstractions;  tendance  à  laquelle  il  a  dû  d'autant  plus  fa- 
cilement céder  ici,  qu'il  s'agissait  d'actes  dont  la  produc- 
tion paraissait  impossible  à  une  matière  qu'on  déclarait 
inerte.  Mais,  d'une  part,  cette  dernière  opinion  est  fausse; 
de  l'autre  nous  venons  d'indiquer  la  chaîne  d'idées  par  la- 
quelle l'esprit  humain  a  été  conduit  à  la  création  de  ces 
forces  abstraites;  en  troisième  lieu,  il  est  sûr  que  dans  la 
nature  physique  il  n'y  a  qu'une  seule  chose  ,  de  la  matière 
agissante,  et  que  les  dispositions  substantielles  de  cette  ma- 
tière sont  ce  qui  règle  les  spécialités  de  ses  actions  :  il  ne 
faut  donc  voir  dans  les  forces  que  des  expressions  abstraites, 
qui  expriment  les  modes  divers  de  structure  et  d'activité 
des  corps. 

Cela  posé ,  on  voit  combien  c'est  errer  que  de  personnifier 
les  forces ,  que  de  leur  assigner  une  nature  ,  que  de  les  con- 
sidérer séparément  des  corps  naturels  dont  elles  ne  font 
qu'exprimer  d'une  manière  abstraite  la  structure  et  les  ac- 
tions. Inspirées  principalement'par  le  besoin  que  nous  avons 
de  découvrir  les  causes  des  phénomènes,  elles  ne  nous  font 
pas  cependant  franchir  les  limites  qui  nous  sont  imposées  à 
cet  égard;  par  elles  seulement  nous  masquons  notre  igno- 
rance. Que  nous  sert  en  effet,  par  exemple ,  de  dire,  lors- 
qu'un  corps  tombe ,  que  c'est  la  force   de  gravitation  qui 
l'entraîne  vers  le  centre  de  la  terre?  fait-on  là  autre  chose 
qu'exprimer  le  fait,  et  relativement  à  la  cause  de  ce  fait, 
que  se  payer  d'un  mot?  Néanmoins,  la  consécration  de  ces 
forces  dans  les  sciences,  est  une  chose  utile.  D'un  côté,  en 
paraissant  spécifier  les  causes,  elles  flattent  cette  tendance 
irrésistible  qu'a  notre  esprit  à  les  poursuivre  et  à  les  dési- 
gner toujours  ;  en  paraissant  leur  donner,  quelque  impéné- 
trables qu'elles  soient,  une  existence  matérielle,  elles  font 
que  les  faits  se  coordonnent  mieux,  et  se  prêtent  plus  faci- 
lement aux  opérations  subséquentes  de  l'esprit  sur  eux.  D'un 
autre  côté  ,    comme  produits  des   généralisations  les  plus 
hautes,  comme  désignant  les  choses  les  plus  générales,  et 


54©  philosophie  de  la  science. 

par  conséquent  comme  renfermant  l'universalité  des  faits, 
elles  sont  tout  à  la  fois  un  langage  abréviatif  dans  les  scien- 
ces ,  et  le  dernier  terme  auquel  on  arrive  dans  leur  étude  ; 
elles  en  sont  comme  les  résultats.  Leur  notion  est  d'ailleurs 
irrésistiblement  attachée  au  mode  de  procéder  de  notre 
esprit.  Il  faut  donc  les  conserver,  mais  seulement  comme 
moyen  de  classer,  de  coordonner  les  faits;  sans  oublier  ja- 
mais qu'elles  ne  sont  que  des  hypothèses  ou  des  généralisa- 
tions abstraites,  et  que,  contre  l'idée  qu'inspire  leur  déno- 
mination, elles  ne  font  qu'exprimer  les  faits,  au  lieu  d'en 
être  les  causes.  Il  faut  seulement  avoir  soin  de  n'en  pas 
multiplier  le  nombre  sans  nécessité,  et  de  n'en  admettre  de 
différentes,  qu'en  raison  de  la  diversité  qu'on  observe  dans 
les  actions  des  corps  dont  elles  sont  toujours  l'expression. 

A  cet  égard  on  sait  que,  dans  la  nature,  la  matière  se 
montre  sous  deux  formes  principales  ,  à  l'état  inorganique 
et  à  l'état  organique;  et  que ,  dans  chacun  de  ces  deux  états, 
les  mouvements  qu'elle  manifeste  sont  très  divers.  Or,  puis- 
que les  forces  ne  sont  jamais  que  l'expression  abstraite  des 
mouvements  divers  des  corps,  on  conçoit  qu'on  doit  déjà  en 
distinguer  de  deux  genres;  les  inorganiques ,  ou  physiques 
et  chimiques ,  comme  l'attraction,  les  affinités,  auxquelles 
sont  rapportés  tous  les  phénomènes  de  la  nature  inorgani- 
que; et  les  organiques  ou  vitales ,  qui  président  aux  phé- 
nomènes de  la  vie  :  nous  nous  permettrons  quelquefois  ce 
langage,  bien  qu'impropre,  parce  qu'il  est  usité,  plus  com- 
mode, et  désormais  sans  danger,  d'après  le  soin  que  nous 
avons  pris  de  prouver  que  les  forces  ne  sont  que  des  abstrac- 
tions. De  ces  deux  genres  de  forces,  les  premières  sont  en- 
core appelées  générales ,  parce  que  les  phénomènes  qu'elles 
représentent  se  manifestent  dans  tous  les  corps,  et  parais- 
sent être  inséparables  de  toute  matière.  Les  secondes,  au 
contraire,  sont  appelées  spéciales  et  vitales ,  parce  que  les 
phénomènes,  dont  elles  sont  l'expression  abstraite,  ne  sont 
produits  qu'en  quelques  corps,  dans  les  êtres  vivants  exclu- 
sivement,  et  sont  différents  des  actions  physiques  et  chi- 
miques générales.  Nous  ne  devons  nous  occuper  que  de  ces 
dernières. 


DE    LA    FORCE    VITALE.  54  1 

CHAPITRE   II. 
De    la  Force  vitale. 

Parmi  les  phénomènes  qui  sont  produits  dans  l'économie 
de  l'homme ,  il  en  est  plusieurs  qui  sont  du  même  genre  que 
ceux  que  manifeste  la  matière  inorganique ,  et  qui  consé- 
quemment  peuvent  être  rapportés  aux  forces  physiques  et 
chimiques  générales  :  telle  est,  par  exemple,  la  réfraction 
que  subissent  les  rayons  lumineux  en  traversant  les  parties 
constituantes  de  Fœil.  Nous  venons  de  dire  ,  d'ailleurs,  que 
les  forces  physiques  et  chimiques  sont  encore  appelées  gé- 
nérales,  parce  que  les  phénomènes  qu'elles  représentent  se 
manifestent  plus  ou  moins  dans  tous  les  corps  ;  et  c'est  assez 
faire  entendre  qu'il  existe  encore  des  actions  physiques  et 
chimiques  dans  le  corps  humain.  En  effet,  l'influence  de  la 
pesanteur,  de  la  gravitation  ,  ne  se  fait-elle  pas  sentir  en  lui? 
La  loi  physique,  dite  d'équilibre  du  calorique,  n'agit-elle 
pas  sans  cesse  sur  lui  pour  le  soumettre  à  sa  puissance,  etc.  ? 
Mais,  comme  l'homme  est  un  être  vivant,  organisé,  il  y  a 
en  lui  beaucoup  d'actes  qui  sont  différents  des  actes  physi- 
ques et  chimiques ,  qui  même  leur  sont  opposés  ;  et  ce  sont 
ceux-là  qu'on  a  rapportés  à  une  force  propre,  qu'on 
a  appelée  vitale.  Puisque  les  forces  sont  des  expressions 
abstraites,  représentant  les  modes  divers  de  motion  des 
corps,  elles  doivent  différer  autant  que  ceux-ci;  et,  comme 
rien  n'est  plus  distinct  du  mode  d'action  de  la  matière  in- 
organique que  celui  de  la  matière  vivante ,  rien  aussi  n'est 
plus  logique  que  de  rapporter  celui-ci  à  une  force  spéciale. 

Aussi,  est-ce  ce  qui  a  été  fait  dès  la  plus  haute  antiquité, 
et  particulièrement  dans  la  phvsiologie  de  l'homme.  Hip- 
pocrate ,  imbu,  d'une  part,  de  la  philosophie  qui  rattache 
toutes  les  actions  des  corps  à  des  forces  actives;  frappé, 
d'autre  part,  de  la  différence  et  même  de  l'opposition  qui 
existe  entre  les  actes  de  la  vie  humaine  et  ceux  des  corps  inor- 
ganiques, est  le  premier  qui  ait  dit  l'homme  animé  d'une 
force  particulière  à  lui,  et  qui  ait  présenté  cette  force  comme 


542  PHILOSOPHIE   DE    LA    SCIENCE. 

le  mobile  de  toutes  ses  actions.  Il  appela  cette  force  <ptȍǍ,  mot 
qu'on  a  traduit  par  nature,  ou  svopfxov ,  qui  veut  dire  qui 
fait  effort.  Il  établit  que,  par  elle,  l'homme  est,  pendant  la 
durée  de  sa  vie ,  affranchi  en  partie  des  forces  générales  de 
la  matière  ,  lutte  avec  succès  contre  ces  forces  ,  combat 
par  sa  nature  individuelle  la  nature  universelle  ,  et  paraît 
ainsi  former  à  lui  seul  un  petit  monde  dans  le  grand  monde. 

11  est  certain,  en  effet,  que  tous  les  actes  de  la  vie  en 
général  (  car  tout  ceci  n'est  pas  exclusif  à  l'homme ,  mais  est 
commun  à  tous  les  êtres  organisés),  et  ceux  de  la  vie  de 
l'homme  en  particulier,  sont  différents  des  actes  physiques 
et  chimiques  proprement  dits,  et,  à  ce  titre,  demandent  à 
être  rapportés  à  une  force  abstraite  spéciale.  D'un  côté,  tou 
les  phénomènes  de  nutrition,  de  reproduction,  de  sensa- 
tion ,  de  mouvement ,  que  nous  avons  vu  être  produits  dans 
le  corps  humain  ,  sont  autres  que  des  actes  physiques  ou 
chimiques  ;  l'étude  que  nous  en  avons  faite  nous  l'a  prouvé  , 
car  notre  conclusion  a  toujours  été  que  ces  différents  phé- 
nomènes étaient  vitaux.  D'un  autre  côté,  l'homme  n'est-il 
pas ,  pendant  sa  vie  ,  évidemment  affranchi  ,  jusqu'à  un 
certain  point,  des  forces  physiques  et  chimiques  générales? 
Ne  se  meut-il  pas  en  masse,  et  ses  fluides  ne  circulent-ils 
pas  en  lui  contre  l'ordre  de  la  gravitation?  La  matière  qui 
forme  ses  organes  n'offre-t-elle  pas  des  combinaisons  autres 
que  celles  que  déterminent  les  affinités?  N'a -t- il  pas  sa 
température  spéciale,  autre  que  celle  du  milieu  ambiant? 
et,  par  conséquent ,  ne  triomphe- t-il  pas  de  la  force  expan- 
sive  du  calorique?  Tout  décèle  donc  dans  l'homme  et  les 
êtres  vivants,  un  mode  d'activité  spéciale;  et  c'est  ce  mode 
d'activité  spéciale  qui  est  représenté  par  l'abstraction  de  la 
force  vitale. 

Aussi ,  presque  tous  les  médecins  depuis  Hippocrate ,  ont- 
ils  admis  la  force  vitale  sous  des  noms  divers  :  principe 
moteur  et  générateur  (  Arislote  ) ,  arckée  (  Van  -  Helmont  ) , 
anima  (Sthal),  principe  vital  (Barthez),  sensibilité  (De- 
sèze) ,  vis  insita  ,  vis  vitœ,  actuosum,  force  innée,  etc.  Dis- 
sidents seulement  dans  l'opinion  qu'ils  s'en  sont  faite ,  on 
peut ,  à  cet  égard,  les  partager  en  deux  sectes. 


DE    LA    FORCE   VITALE.  543 

i«  Les  uns,  entraînés  par  les  errements  de  la  philosophie 
ancienne,  conduits  par  la  tendance  qu'a  généralement  l'es- 
prit à  personnifier  ses  propres  abstractions;  séduits,  enfin, 
par  la  merveilleuse  coordination  que  l'on  observe  dans  tous 
les  actes  de  l'économie  vivante,  tant  en  santé  qu'en  mala- 
die ,  coordination  qui  est  telle  que  les  organes  semblent 
vraiment  être  régis  par  un  être  supérieur;  ont  cru  la  force 
vitale  un  être  existant  par  lui-même ,  et  Font  personnifiée. 
Seulement ,  tandis  que  les  uns  la  dirent  de  nature  maté- 
rielle ,  les  autres  la  dirent  spirituelle ,  et  tour-à-tour  la 
confondirent  avec  l'ame  proprement  dite  ,  ou  l'en  distin- 


guèrent. 


Les  premiers  qui  croyaient  la  force  vitale  un  être  maté- 
riel ,  cherchèrent  de  préférence  cette  force  dans  des  corps 
gazeux,  à  cause  de  ia  plus  grande  mobilité  que  ces  corps  ma- 
nifestent. Tour-à-tour  ils  la  firent  consister  ;  ou  dans  Y  air 
qui  est  si  nécessaire  à  la  vie  ,  et  qui  paraît  s'exhaler  avec  le 
dernier  soupir  ;  ou  dans  la  matière  de  la  chaleur,  dont 
la  présence  accompagne  toujours  ia  vie  ,  et  dont  l'abandon 
au  contraire  suit  toujours  la  mort.  De  là  même,  cette  mé- 
taphore des  poètes  du  souffle  de  vie ,  et  la  fable  du  feu  de 
Prométhée. 

Les  seconds ,  ayant  passé  vainement  en  revue  tous  lesêtres 
matériels  les  plus  subtils,  sans  en  trouver  aucun  qui  pût 
vraiment  être  dit  le  moteur  vital  ;  et  par  cette  recherche  de 
corps  de  plus  en  plus  déliés  ,  ayant  été  conduits  à  la  con- 
ception d'êtres  spirituels,  dirent  la  force  vitale  un  être  im- 
matériel :  mais,  tantôt  avec  Van-Belmont  ils  en  firent, 
sous  le  nom  d'ame  sensitwe  ou  à'archêe  ,  un  être  distinct 
de  l'ame,  et  par  conséquent  un  troisième  élément  clans 
l'homme  ;  tantôt  avec  Stahl ,  ils  la  confondirent  avec  l'ame 
elle-même.  Ainsi,  V an-Helmont ,  sous  le  nom  à'arcliée  f 
admettait  dans  l'homme,  outre  l'ame  et  le  corps,  un  prin- 
cipe immatériel  ,  et  cependant  périssable,  mais  intelligent 
comme  l'ame  ,  et  régissant  tous  les  organes  de  manière  à  leur 
faire  produire  tous  les  phénomènes  de  la  vie  en  santé  et  en 
maladie.  Non-seulement  il  y  avait  autant  d'archées  que 
d'êtres  vivants  dans  la  nature;  mais  encore  chacun  des  or- 


544  PHILOSOPHIE    DELA    SCIENCE, 

ganes  d'un  même  individu  avait  son  archée  particulier  : 
ceux-ci  seulement  étaient  d'un  ordre  inférieur  ,  et  subor- 
donnés à  un  archée  suprême ,  qui  siégeait  à  l'orifice  cardia 
de  l'estomac ,  et  qui  gouvernait  tout  l'ensemble  ;  Van-Hel- 
mont  douait  celui-ci  de  sentiment  et  d'intelligence ,  le  disait 
susceptible  de  s'irriter ,  d'errer  ,  et  en  peignait  d'une 
manière  poétique  les  opérations.  Sans  doute  une  pareille 
doctrine  doit  aujourd'hui  être  réprouvée;  et  cependant 
il  est  juste  de  dire  que,  sous  ces  formes  fabuleuses  et  allé- 
goriques, Van-Helmont,  d'un  côté  ,  avait  bien  séparé  les 
phénomènes  vitaux  des  phénomènes  physiques  et  chimiques 
avec  lesquels  les  mécaniciens  et  chimistes  de  son  temps 
affectaient  de  les  confondre  ,  et  de  l'autre  avait  bien  décrit 
les  différents  degrés  et  efforts  de  la  puissauce  vitale.  Son 
archée  suprême  n'est  que  l'svopixovd'Hippocrate,  l'aine  sen- 
sitive  d'autres  anciens,  la  force  vitale  des  modernes,  mais 
personnifiée  ;  et  ses  archées  inférieurs  ne  sont  que  les  nom- 
breuses modifications  que  manifeste  cette  puissance  dans 
chacun  des  organes  du  corps  en  raison  de  leur  structure 
diverse.  Sous  ces  rapports,  la  doctrine  de  T^an-Helmont  est 
supérieure  à  celle  de  Sthal. 

Celui-ci  rapportait  à  l'ame  ,  non-seulement  les  facultés 
intellectuelles  et  morales  qui  sont  ses  attributs  propres , 
mais  encore  tous  les  actes  organiques  et  vitaux ,  et  considé- 
rait conséquemment  ce  principe  divin  comme  étant  la  force 
vitale.  En  vain  lui  objectait-on  que  le  propre  de  l'ame  est 
d'avoir  la  perception  de  toutes  les  opérations  qu'elle,  dirige  , 
d'avoir  tout  empire  sur  les  mouvements  auxquels  elle  pré- 
side; et  que  cependant  tous  les  phénomènes  organiques 
proprement  dits,  sont,  non-seulement  indépendants  de 
notre  volonté,  se  manifestent  irrésistiblement  en  nous,  mais 
encore  sont  produits  sans  qu'on  les  sente.  Il  répondait  que 
ce  double  résultat  tenait,  ou  bien  à  l'habitude  et  à  la  fré- 
quence avec  laquelle  les  divers  phénomènes  avaient  été  ré- 
pétés depuis  le  commencement  de  la  vie ,  ou  à  la  dégrada- 
tion dans  laquelle  l'ame  avait  été  jetée  par  le  péché  à? Adam , 
ce  principe  ayant  perdu  alors  une  partie  de  sa  puissance. 
Vainement  lui  opposait-on  que,  dans  l'état  de  maladie,  il  y 


DE    LA    FORCE    VITALE.  5^5 

a  beau-coup  de  mouvements  organiques  qui  tendent  à  la 
destruction  de  l'être,  et  que  l'ame,  essentiellement  intelli- 
gente et  raisonnable  ,  devrait  ne  pas  vouloir.  Il  répondait 
encore  que,  dégradée  par  le  pécbé  originel,  Famé  était  de- 
puis lors,  devenue  susceptible  de  se  tromper.  Nous  ne 
croyons  pas  utile  de  réfuter  ce  système  :  il  est  trop  reconnu 
aujourd'hui  que  toutes  les  opérations  corporelles  propre- 
ment dites,  sont  hors  la  dépendance  du  principe  divin 
qui  régit  notre  intelligence  et  notre  raison,  et  que  ce  prin- 
cipe ne  peut  conséquemment  constituer  là  force  vitale. 

2'°  Il  est ,  au  contraire,  une  autre  secte  de  physiologistes, 
et  ce  sont  presque  tous  ceux  de  l'époque  actuelle,  qui  ne 
voient  dans  la  force  vitale  ,  ou  qu'une  hypothèse  propre  à 
représenter  la  cause  inconnue  des  phénomènes  de  la  vie* 
ou  qu'une  abstraction  exprimant  le  mode  d'action  caracté- 
ristique des  corps  vivants.  D'un  côté ,  la  cause  des  mouve- 
ments vitaux  n'est  pas  plus  pénétrable  que  celle  de  tous  les 
autres  phénomènes  naturels,  et  la  force  vitale  est  l'hypothèse 
que  nous  avons  faite  pour  la  représenter  ;  le  nom  dé  cette  force 
vitale  est,  pour  désigner  cette  cause  dans  nos  discussions  phy- 
siologiques ,  ce  qu'est  Vas  des  algébristes  pour  la  désigna- 
tion de  l'inconnue  d'un  problème.  D'un  autre  côté  nous 
avons  vu,  que  dans  l'impossibilité  de  pénétrer  l'essence  de 
la  faculté  d'activité  que  manifeste  partout  la  matière,  nous 
représentons  cette  faculté  par  des  forces  abstraites,  qui  sont 
aussi  diverses  que  le  sont  les  actions  elles-mêmes.  Or  en 
vertu  de  ce  procédé  ,  les  actions  vitales  doivent  être  rappor- 
tées à  une  force  quelconque;  et  ces  actions  étant  différentes 
des  actions  physiques  et  chimiques  générales,  doivent  être 
rapportées  à  une  force  abstraite  spéciale  ,  qui  est  la  force 
vitale.  D'après  ce  que  nous  avons  dit  dans  le  chapitre  pré- 
cédent, on  conçoit  que  cette  dernière  opinion  est  la  nôtre  ■ 
et' que  la  force  vitale  est  pour  nous,  non  un  être  réel, 
mais  Vx  algébrique  par  lequel  nous  représentons  la  cause 
inconnue  des  phénomènes  vitaux,  un  mot  par  lequel  nous 
désignons  le  mode  d'action  qui  est  propre  aux  corps  vi- 
vants. 

Il  n'est,  en  effet,  qu'une  seule  manière  raisonnable  de 
Tome  IV.  "35 


546  PHILOSOPHIE    DE    LA   SCIENCE, 

donner  à  la  force  vitale  un  corps,  une  existence  maté- 
rielle: ce  ne  serait  qu'autant  quril  y  aurait  dans  tout  être 
vivant  un  agent  moteur,  du  genre  des  fluides  impondéra- 
bles de  la  nature  ,  et  auquel  on  donnerait  le  nom  de  force 
vitale.  En  traitant  de  l'innervation  ,  nous  avons  parlé  du 
rôle  que  certains  physiologistes  veulent  faire  jouer  ta  un 
fluide  sécrété  et  conduit  par  le  système  nerveux ,  et  qui  se- 
rait le  mobile  de  tous  les  phénomènes  vitaux  :  nous  avons 
indiqué  les  analogies  qu'on  a  voulu  établir  entre  ce  fluide  , 
qui  rappelle  les  esprits  animaux  ,  vitaux  des  anciens  ,  et  le 
fluide  électrique.  Or,  si  l'existence  de  ce  fluide  est  réelle,  et  si 
l'influence  de  ce  fluide  sur  la  production  des  phénomènes  de 
vie  est  aussi  absolue  que  quelques  physiologistes  le  disent ,  oa 
conçoitqu'on  peut,  à  juste  titre,  l'appeler  principe  vital,  et 
le  considérer  comme  ayant  par  lni-mème  une  existence,  et 
comme  étant  autre  que  l'ame  et  le  corps.  Ce  n'est  qu'en  ce 
sens  qu'on  peut  justifier  Barlkez  d'avoir  voulu  le  person- 
nifier. Ce  médecin  ,  pour  appuyer  cette  idée  de  l'indé- 
pendance du  principe  vital  ,  citait  les  faits  suivants  : 
que  lorsque  la  vie  s'exalte  dans  un  organe  ,  elle  diminue 
dans  tous  les  autres;  que  certains  poisons  causent  la  mort 
dune  manière  soudaine ,  et  sans  léser  sensiblement  aucun 
organe;  que  certains  animaux  ,  après  être  restés  long-temps 
plongés  dans  un  état  de  mort,  ont  été  rappelés  à  la  vie  par 
leur  exposition  au  soleil,  à  la  chaleur  ,  à  l'humidité,  etc. 
Or,  on  peut  expliquer  tous  ces  faits  dans  l'hypothèse  d'un 
fluide  nerveux  ,  moteur  de  la  vie.  Dans  le  premier  cas  ,  ce 
fluide  ,  par  cela  seul  qu'il  a  éié  porté  en  plus  grande  quantité 
dans  l'organe  dont  la  vie  est  exaltée,  a  diminué  dans  les  autree 
organes  :  dans  le  cas  de  la  mort  soudaine  par  le  poison ,  la  pro- 
duction ,  la  distribution  du  fluide  nerveux  aura  été  empê- 
chée par  Faction  de  la  substance  vénéneuse  sur  le  système 
nerveux:  dans  le  troisième  cas  enfin,  ou  l'être,  en  appa- 
rence mort ,  avait  conservé  en  lui  un  reste  du  fluide  moteur 
qui  tout  à  coup  aura  été  suscité  à  manifester  de  nouveau 
ses  effets,  ou  ce  fluide  aura  tout  à  coup  été  formé  ,  comme 
dans  les  générations  spontanées,  et  trouvant  une  masse  ma- 
térielle dont   l'organisation  n'était  pas  détruite  ,    il  l'aura 


DE   LA    FORCE    VITALE.  54y 

vraiment  ressuscitée,  etc.  Mais,  comme  on  l'a  vu,  ce  n'est 
pas  ainsi  qu'a  été  conçue  la  force  vilale  par  les  médecins  qui 
l'ont  personnifiée;  et,  partant  de  l'idée  commune  qu'on  y 
attache,  il  ne  faut  voir  en  elle  qu'une  abstraction. 

Cela  étant,  l'histoire  de  la  force  vitale  aurait  du  se  borner 
à  l'indication  des  différences  et  des  oppositions  qui  existent 
entre  les  phénomènes  de  vie  doat  elle  est  l'expression  ' 
abstraite ,  et  ceux  des  corps  inorganiques  ;  mais  son  histoire 
s'est  agrandie  du  récit  des  erreurs  auxquelles  a  conduit  ie 
tort  de  la  personnifier.  En  général  ,  toute  cette  dernière 
partie  contiendra  beaucoup  de  controverses,  parce  qu'étant 
relative,  moins  aux  faits  eux-mêmes  qu'aux  créations  de 
l'esprit  sur  eux,  qu'aux  principes  dogmatiques  qu'on  en  a 
déduits  et  par  lesquels  on  les  lie,  chacun  a  pu  varier  dans 
les  généralisations  auxquelles  il  a  été  conduit. 

CHAPITRE  III. 

Des  Propriétés  vitales. 

Par  la  comparaison   des   actes   physiques    et    chimiques 
d'une    part  ,    et    des   phénomènes    de   la  vie    de    l'autre  ; 
en    raison  de  la  différence    et  même    de    l'opposition  qui 
existe  entre  les  uns   et  les  autres  ,  les  physiologistes  avaient 
été  conduits  ,   pour  représenter  ces    derniers,   à   l'abstrac- 
tion de    la  force    vitale.  Par  la  comparaison   des    phéno- 
mènes de  la  vie  entre  eux,  et  en  raison  de  leurs  différences  , 
ils  ont  été  conduits  à  de  nouvelles  abstractions,  qui  repré- 
sentent chacune  chacun  des  actes  de  la  vie  en  particulier, 
et  qui  sont  ce  qu'on  appelle  les  propriétés  vitales.  Les  actes 
de  la  vie  ,  en  effet ,   bien  que  semblables  en  ce  sens  qu'ils 
sont  différents  des  actes  physiques  et  chimiques,  ne  sont  pas 
tous  d'un  même  genre  ,  d'un  même  ordre;  et  par  conséquent 
on  a  pu  les  rattacher  à  autant  de  forces  vitales  particulières  , 
qu'on  a  pu  distinguer  en  eux  de  différences  bien  marquées, 
Les  forces  physiques  et  chimiques  sont  multiples  ;  on  compte 
parmi  elles  la  gravitation ,  les  affinités  ,  etc.;  les  forces  vi- 
tales le  sont   de   même  ;  et  ce   sont  les  subdivisions  de  îa 

35. 


548  PHILOSOPHIE    DE    LA    SCIENCE, 

force  vitale,  en  quelque  sorte,  qu'on  a  appelées  les  pro- 
priétés vitales.  Cette  dénomination  est  peut-être  impropre, 
comme  multipliant  les  abstractions  sans  nécessité;  et  peut- 
être  eût-il  mieux  valu  dire  les  forces  vitales.  C'était  l'opi- 
nion de  Halle ,  qui  voulait  qu'on  n'appelât  propriétés  que 
les  qualités  passives  de  la  matière,  comme  l'étendue,  la 
porosité,  et  qu'on  donnât  le  nom  de  forces  à  ses  qualités 
actives,  comme  la  gravitation,  l'élasticité.  Mais  cette  dis- 
tinction de  la  force  et  des  propriétés  vitales  est  venue  de  ce 
qu'ona  considéré  la  première  comme  un  principe  réel  qui,  in- 
coercible et  par  conséquent  inconnu  en  lui-même  ,  avait  pour 
propriétés  les  facultés  dont  nous  allons  parler  ence  chapitre. 

Toutefois,  la  création  de  ces  propriétés  vitales,  faite  au 
même  titre  que  celle  de  la  force  vilale,  est  encore  plus 
utile.  Celle-ci  n'indiquait  qu'une  notion  générale;  savoir, 
que  le  mode  de  motion  de  la  matière  organisée  est  au  lie, 
et  en  quelques  points  contraire  de  celui  de  la  matière  inor- 
ganique, et  constitue  une  exception  temporaire  aux  lois 
générales  de  la  matière;  mais  elle  ne  faisait  rien  apprendre 
de  ce  que  sont  les  mouvements  vitaux  en  eux-mêmes.  Les 
abstractions  des  propriétés  vitales  au  contraire  tendent, 
comme  on  va  le  voir,  à  caractériser  ces  mouvements  vitaux  : 
elles  en  indiquent,  ou  les  traits  extérieurs,  ou  les  résul- 
tats :  elles  conduisent  jusqu'aux  derniers  actes  observables 
dans  l'économie  des  êtres  vivants,  non-seulement  jusqu'à 
ceux  au-delà  desquels  nos  sens  ne  peuvent  plus  rien  saisir, 
mais  encore  jusqu'à  ceux  au-delà  desquels  notre  esprit  ne 
peut  plus  rien  concevoir  :  elles  nous  font  remonter  enfin 
jusqu'aux  phénomènes  élémentaires  de  la  vie,  à  ceux  des- 
quels résulte  l'accomplissement  des  diverses  facultés  que 
nous  avons  vu  la  caractériser. 

Les  premiers  documents  en  remontent  à  Sthal  et  à  Haller. 
Le  premier,  ayant  signalé  dans  quelques-unes  de  nos  par- 
ties des  mouvements  obscurs  d'oscillation,  des  alternatives 
de  contraction  et  d'expansion ,  soit  lors  de  l'accomplisse- 
ment de  leurs  fonctions,  soit  lors  de  l'application  d'un 
corps  extérieur  quelconque,  conçut  que  toutes  les  parties 
du  corps  étaient  plus  ou  moins  susceptibles  en  tout  temps 


DES    PROPRIÉTÉS   VITALES.  549 

de  semblables- mouvements  :  il  appela  ces  mouvements  ioni- 
ques,  leur  assigna  pour  résultat  de  constituer  dans  les  or- 
ganes ce  qu'on  en  appelle  le  ton ,  et  les  rapporta  à  une 
propriété  spéciale  de  la  matière  vivante,  qu'il  appela  toni- 
cité. Déjà  les  anciens  avaient  remarqué  cette  disposition  du 
parenchyme  de  nos  parties,  à  être  ferme  et  vibra  tile,  ou 
flasque  et  mou;  et  ils  en  avaient  désigné  les  différents  de- 
grés dans  les  maladies,  sous  les  noms  de  strictum  et  de 
laxum.  Cette  propriété  vitale  de  tonicité  influait  sur  la  pro- 
gression des  fluides ,  la  circulation  des  humeurs,  et  du  reste 
n'avait  aucun  rapport  avec  les  forces  physiques  de  cohésion, 
d'affinité,  d'agrégation,  qui,  dans  la  matière  inorganique  , 
déterminent  le  degré  de  densité,  de  consistance  des  corps. 

Haller  groupa  ,  sous  deux  autres  propriétés  vitales,  deux 
phénomènes  de  vie  non  moins  distincts,  et  qui  lui  paru- 
rent également  élémentaires;  l'un  qui  est  celui  par  lequel 
une  partie  vivante  se  montre  sensible,  transmet  à  l'ame  la 
conscience ,  le  sentiment  de  l'impression  ,  soit  externe  ,  soit 
organique,  qui  lui  est  appliquée  :  l'autre  qui  est  celui  par 
lequel  une  partie  se  contracte  d'une  manière  appréciable 
par  les  sens,  soit  sous  l'empire  de  la  volonté,  soit  sous  l'in- 
fluence d'un  stimulus  externe  ou  interne  quelconque.  Il 
rapporta  le  premier  fait  à  une  propriété  vitale  spéciale,  qu'il 
appela  sensibilité,  du  nom  qui,  depuis  long-temps,  était 
donné  aux  actes  qu'elle  était  destinée  à  représenter;  et  il 
rapporta  le  second  à  une  autre  propriété  ,  qu'il  appela  irri- 
tabilité. Ce  dernier  nom  avait  été  inventé  par  Glisson.  Ce 
médecin  avait  signalé  ce  trait  spécial  qu'offre  la  matière 
vivante ,  de  réagir  sur  les  corps  extérieurs  qui  sont  mis  en 
contact  avec  elle,  de  se  mouvoir  consécutivement  à  toute 
stimulation,  dans  un  mode  qui  n'a  aucun  rapport  avec  les 
motions  physiques  et  chimiques  :  il  avait  fait  de  ce  trait 
l'acte  le  plus  universel  de  la  vie  ,  celui  auquel  sont  dus  tous 
les  autres;  et  il  l'avait  rapporté  à  une  propriété  vitale  pre- 
mière, qu'il  avait  appelée  irritabilité.  Gorter  ensuite  avait 
étendu  à  la  vie  des  végétaux  3a  notion  de  cette  irritabilité, 
qui  ainsi  devait  être  dite  la  propriété  vitale  universelle. 
Haller  s'empara  de  ce  mot  déjà  usité  dans  la  science,  mais 


55o  PHILOSOPHIE    DE    LA    SCIENCE, 

pour  lui  donner  une  acception  plus  restreinte;  il  n'y  ratta- 
cha que  ceux  fies  mouvements  de  nos  parties  qui  tombent 
sous  les  sens,  commeîes  conlractions  des  muscles  volontaires, 
celles  du  cœur,  etc.  Bien  que  ces  deux  ordres  de  mouve- 
ments soient  bien  distincts  ,  puisque  les  uns  sont  volontai- 
res ,  et  les  autres  involontaires,  cependant  il  les  rangea  dans 
la  même  catégorie,  parce  que  l'essence  de  l'irritabilité  est 
qu'une  stimulation  précède  et  provoque  la  contraction  qui 
îa  constitue,  et  qu'il  considéra  l'ordre  de  la  volonté  comme 
étant  aux  muscles  volontaires,  ce  qu'est  le  contact  du  sang 
au  cœur.  Proclamant  ainsi  deux  propriétés  vitales  premières, 
la  sensibilité  et  Y  irritabilité ,  Haller  chercha  d'abord ,  par 
des  expériences  sur  des  animaux  vivants,  à  spécifier  quelles 
parties  constituantes  du  corps  possèdent  ou  non  ces  proprié- 
tés; et  ses  conclusions  furent  que  îa  sensibilité  réside  ex- 
clusivement dans  le  système  nerveux,  et  l'irritabilité  dans 
le  système  musculaire.  Partageant  ensuite  tous  les  phéno- 
mènes de  la  vie ,  selon  qu'ils  se  rapportent  à  l'une  ou  à 
l'autre  de  ces  deux  propriétés ,  il  parut  réellement  en  avoir 
pénétré  le  mystère  ..  et  en  donner  l'explication,  tant  est 
grande  la  tendance  qu'a  l'homme  à  se  payer  de  mots,  et  à  les 
prendre  pour  les  choses. 

Aussi  l'apparition  de  cette  doctrine  fit-elle  révolution 
en  physiologie.  Elle  donna  lieu  surtout  à  trois  grandes 
controverses.  i°  On  ne  s'accorda  pas  sur  celles  de  nos  par- 
ties qui  sont  sensibles  et  insensibles ,  irritables  et  non  irri- 
tables. 2°  On  mit  en  doute  que  le  système  nerveux  fût 
l'agent  exclusif  de  la  sensibilité,  et  le  système  musculaire 
celui  de  l'irritabilité.  3°  Enfin,  tandis  que  Haller  faisait 
de  lasensibilitéetde  l'irritabilité  deux  propriétés  distinctes, 
quelques-uns  voulurent  rattacher  l'irritabilité  à  la  sensibi- 
lité ,  et  la  considérer  comme  en  étant  une  dépendance. 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  aux  deux  premières  de  ces 
controverses,  dont  nous  avons  parlé  ailleurs.  Nous  avons 
dit,  en  effet ,  que  si  des  parties  qui  avaient  paru  insensibles 
aux  uns,  s'étaient  montrées  sensibles  à  d'autres,  c'est  que 
ceux-ci  avaient  employé  d'autres  excitants  ,  chaque  partie 
ayant  sa  sensibilité  spéciale;  de  sorte  que  la  diversité  des 


DES    PROPRIÉTÉS    VITALES.  55  1 

résultais  s'explique  par  la  diversité  des  excitants  employés 
dans  les  expériences.  Nous  avons  ajouté  que  toute  partie 
étant  susceptible  de  développer  de  la  douleur  par  l'état  de 
maladie,  Haller  avait  eu  tort  de  dire,  d'une  manière  ab- 
solue ,  que  certaines  parties  étaient  insensibles.  Enfin,  nous 
avons  dit  que  5  dans  l'impossibilité  où  nous  sommes  souvent 
de  prouver  l'existence  de  nerfs  dans  des  parties  là  où  nous 
voyons  de  la  sensibilité  ,  nous  aimons  mieux  croire  que 
ces  organes  y  existent ,  que  de  supposer  possible  sans  eux  la 
manifestation  de  cette  faculté  ;  de  sorte  que  nous  pensions , 
avec  Haller,  que  la  sensibilité  réside  exclusivement  dans 
le  système  nerveux. 

Nous  devons,  au  contraire  ,  nous  arrêter  un  peu  à  la  troi- 
sième controverse ,   ne  fût-ce  que  pour  avoir  l'occasion  de 
faire  connaître  les  faits  qui  y  ont  donné  lieu.  Nous  avons 
dit  que  l'irritabilité   supposait  toujours    une  stimulation 
préalable   :  or,    comme  cette  stimulation,  lorsqu'il   s'agit 
des  mouvements   volontaires,   consiste    en  un  influx   ner- 
veux; comme  lors  des  mouvements  involontaires  eux-mêmes, 
cette  stimulation  ,  pour  être  reçue  ,  et  pour  provoquer  à  sa 
suite  l'irritabilité,  réclame  aussi  une  influence  nerveuse  , 
quelques  physiologistes  ont  voulu  subordonner  l'irritabilité 
à    l'influence    nerveuse  ou   à    la  sensibilité,  et  n'admettre 
ainsi  que  celle-ci  pour  propriété  vitale    unique.   Voici  les 
faits  sur  lesquels  ils  se  fondent.  i°  Il  est  évident ,  en  ce  qui 
regarde  les  mouvements  volontaires,  que  c'est  une  influence 
nerveuse  qui  commande  et  régit  l'irritabilité  à  laquelle  ils 
sont  dus  ,  et  que  les  muscles  cessent  de  répondre  aux  ordres 
de  la  volonté,  lorsqu'on  a  coupé,  lié  les  nerfs  qu'ils  reçoivent. 
2°  La  cbose  est  aussi  certaine,  en  ce  qui  regarde  les  mou- 
vements involontaires;  car  les  muscles  qui  les  exécutent  re- 
çoivent des  nerfs,  et  cessent  de  répondre  à  leurs  stimulants 
accoutumés,  si  on  a  lié  ou  coupé  ces  nerfs.  Les  expériences 
dans  lesquelles  on  a  amené  la  paralysie  de  l'estomac  ,  de  la 
vessie,  par  la  section  des  nerfs  qui  vont  à  ces  organes,  en 
sont  la  preuve.  À  la  vérité,  Haller,  pour  démontrer  l'indé- 
pendance dans  laquelle  est  l'irritabilité  de  toute  influence 
nerveuse,  disait  que  l'on  pouvait  couper  les  nerfs  du  cœur 


55a  PHILOSOPHIE    DE    LA    SCIEJNCE. 

sans  arrêter  les  mouvements  de  cet  organe;  mais  c'est  qu'on 
ne  coupait  ces  nerfs  qu'au  col  ;  et  les  expériences  de  Legallois 
sur  la  moelle  spinale,  ont  assez  prouvé  que  les  mouvements 
de  ce  viscère  sont  aussi  soumis  à  la  nécessité  d'une  influence 
nerveuse.  3°  Si  on  irrite  le  nerf  qui  se  rend  ,  soit  à  un  mus- 
cle volontaire ,  soit  à  un  muscle  organique,  on  détermine 
dans  ces  muscles  une  contraction,  même  plus  vive,  que 
lorsqu'on  les  irrite  directement.  4°  La  même  chose  s'observe, 
si  on  fait  l'expérience  après  la  mort.  5°  C'est  à  l'influence 
de  l'irritabilité  que  Haller  rapportait  le  phénomène  de  l'an- 
tagonisme des  muscles  :  or,  une  influence  nerveuse  a  part  à 
cet  antagonisme  ;  il  suffit  que  les  nerfsd'un  côté  soient  coupés 
ou  paralysés,  pour  que  les  muscles  auxquels  ils  se  distribuent 
ne  puissent  plus  contrebalancer  leurs  antagonistes  ,  et  cela 
même  sans  l'intervention  de  la  volonté.  6°  C'est  à  elle  aussi 
que  Haller  rapportait  la  roideur  cadavérique;  or,  les  détails 
dans  lesquels  nous  sommes  en  très  sur  ce  phénomène,  annon- 
cent aussi  qu'une  influence  nerveuse  y  préside  ;  nous  avons  vu 
quelapromptitudeaveclaquelleilsurvient,  le  temps  pendant 
lequel  il  persiste,  sont  en  raison  du  degré  d'épuisement 
qu'a  déterminé  le  genre  de  la  mort.  70  Enfin,  on  sait  que 
l'exercice  de  l'irritabilité  peut  encore  être  déterminé  après 
la  mort ,  par  l'application  aux  muscles  de  divers  stimulants, 
comme  électricité,  galvanisme,  etc.  Or,  la  permanence  et 
l'intensité  de  cette  irritabilité  après  la  mort,  se  montrent 
très  variables  selon  diverses  circonstances  qui  n'ont  pu  agir 
que  sur  le  système  nerveux.  Par  exemple,  Fontana  a  re- 
maraué  que  cette  irritabilité  était  moindre  et  bien  plus 
promptement  éteinte  dans  le  cadavre  des  personnes  tuées 
par  la  foudre,  dans  celui  des  animaux  morts  par  le  venin  de 
la  vipère.  Il  y  a  aussi  beaucoup  de  différences  sous  ce  rap- 
port dans  les  cadavres  des  criminels,  selon  que  ces  criminels 
ont  subi  leur  supplice,  avec  courage  ou  avec  pusillanimité 
et  abattement.  Ainsi,  soit  pendant  la  vie,  soit  après  la  mort, 
toujours  une  influence  nerveuse  précède  la  manifestation 
de  l'irritabilité;  et  par  conséquent  cette  dernière  propriété 
peut  être  considérée  comme  une  dépendance  de  la  première. 
Comme  on  le  conçoit, //a//er  et  ses  sectateurs  ne  laissaient 


DES   PROPRIÉTÉS    VITALES.  553 

pas  ces  diverses  objections  sans  réponses,  i°  Tons  les  faits 
qui  prouvent  qu'un  influx  nerveux  met  en  jeu  l'irritabilité, 
soit  pendant  la  vie  ,  soit  après  la  mort,  ou  est  nécessaire  à 
sa  manifestation,  prouvent  bien  que  cet  influx  nerveux  peut 
être  le  stimulus  que  l'on  a  dit  être  nécessaire  à  son  dévelop- 
pement; mais  ils  ne  prouvent  pas  que  l'irritabilité  n'existe 
pas  par  elle-même.  2°Les  deux  propriétés  apppartiennent  à 
deux  systèmes  d'organes  distincts;  l'un  qui  est  sensible  et 
non  irritable,  le  système  nerveux;  et  l'autre  qui  est  irritable 
et  non  sensible,  le  système  musculaire.  3°  Les  excluants  de 
ces  deux  propriétés  sont  divers  et  même  opposés;  ainsi, 
Bihher,  avec  de  la  vapeur  de  soufre,  n  ote  que  le  sentiment 
aux  muscles,  et  avec  des  vapeurs  caustiques,  il  ne  les  prive  que 
de  leur  irritabilité.  4°  Beaucoup  de  faits  contredisentla  dé- 
pendance de  l'irritabilité  delà  sensibilité;  par  exemple,  la 
permanence  de  l'irritabilité  et  son  énergie  après  la  mort  , 
sont  en  raison  inverse  de  l'énergie  musculaire  et  de  l'activité 
cérébrale  :  l'irritabilité  est  extrême  dans  les  derniers  ani- 
maux ,  chez  lesquels  la  sensibilité  est  obtuse ,  ou  même 
n'existe  pas;  elle  est  plus  grande  dans  les  reptiles  que  dans 
les  oiseaux,  etc.  Nysten  ,  cherchant  à  la  développer  dans  des 
cadavres  de  paralytiques,  l'y  a  trouvée  aussi  énergique.  5° 
L'irritabilité  existe  dans  les  végétaux,  qui,  évidemment, 
n'ont  ni  système  nerveux  ,  ni  sensibilité.  6°  Enfin,  on  la 
développe  pendant  la  vie  et  après  la  mort,  par  l'irritation 
directe  d'un  muscle  ,  lors  même  que  ce  muscle  est  isolé  du 
cerveau  et  de  tous  ses  nerfs,  et  lorsque  l'irritation  de 
ceux-ci  ne  peut  plus  l'exciter  en  lui.  On  ne  peut  pas  dissi- 
muler la  faiblesse  de  ces  arguments  des  Hallériens;  et,  par 
exemple,  si  le  muscle  irrité  directement  se  contracte,  c'est 
à  raison  du  reste  d'influence  nerveuse  qu'il  possède.  En  effet, 
dans  ces  expériences,  ne  faut-il  pas  varier  successivement 
les  excitants,  à  mesure  que  la  sensibilité  s'y  accoutume? 
Quand  on  applique  l'excitant  au  nerf,  ne  faut-il  pas  irriter 
/successivement  un  point  plus  rapproché  du  muscle,  et  suivre 
enquelque  sortele  progrès  de  l'extinction  de  la  puissancener- 
veuse,  comme  le  faisait  Bellini,  dans  sa  fameuse  expérience  du 
nerf  phrénique  ?  Ne  faut-il  pas  faire  de  nouvelles  incisions  au 


554  PHILOSOPHIE    DE    LA    SCIENCE. 

muscle ,  comme  le  conseillait  Fontana ,  afin  de  mettre  sans 
cesse  à  nu  de  nouvelles  fibrilles  nerveuses  non  encore  in- 
fluencées ?  Enfin,  si  la  stimulation  directe  du  muscle  pro- 
voque encore  l'irritabilité,  lorsque  celle  du  nerf  déjà  ne  le 
peut  plus  ,  n'est-ce  pas  parce  que  la  puissance  nerveuse 
éparpillée  daus  les  filets  nerveux  du  muscle,  est  plus  lon- 
gue à  s'y  dissiper  que  dans  le  tronc  nerveux  lui-même  ? 

Cette  controverse,  qui  dure  encore,  me  paraît  être  une 
pure  dispute  de  mots,  et  l'on  peut  faire  de  justes  reproches 
à  chacun  des  deux  partis.  D'un  côté,  les  antagonistes  de 
l'irritabilité  halîérienne  avaient  tort  de  confondre  deux 
choses  aussi  distinctes  que  la  sensibilité,  et  Finfluence  ner- 
veuse ou  l'innervation;  et,  s'il  est  vrai  que  l'irritabilité  soit 
subordonnée  à  cette  dernière,  il  est  évident  qu'elle  ne  peut 
être  confondue  avec  la  sensibilité.  D'un  autre  côté ,  les  Hai- 
lériens  erraient  en  niant  que  l'irritabilité  fût ,  dans  les 
animaux  supérieurs  au  moins  ,  comme  tout  autre  acte  vital , 
subordonnée  à  une  influence  nerveuse. 

Toutefois,   telles  furent  les  premières  propriétés  vitales, 
qui  furent  désignées  comme  animant  la  matière  vivante. 
Mais  ces  propriétés  étaient  bornées  à  certaines  de  nos  parties 
seulement;  la  sensibilité,  au  système  nerveux;  l'irritabi- 
lité, au  système  musculaire.  Bientôt  on   les  généralisa,  on 
les  dit  communes  à  tous  les  organes;  et  dès  lors  fut  fondée 
la  doctrine  qui  règne  de  nos  jours.  D'un  côté,  eu  cherchant 
à  pénétrer  jusqu'aux  derniers  mouvements  observables  de 
nos  organes,  on  vit  que  partout  ces  mouvements  étaient 
précédés  d'une   impression  à   laquelle  nos  organes  parais- 
saient sensibles,  et  qui  semblait  provoquer  leurs  actions. 
Cette  propriété   générale  et  commune  à   toute    partie  vi- 
vante, de  recevoir  une  impression,  on  l'appela  sensibilité;  gé- 
néralisant ainsi  la  propriété  que  Haller  avait  bornée  à  la 
seule  perceptibilité  par  l'ame.  Ainsi,  toute  partie  fut  dite 
sensible  au  sang  dont  elle  va  se  nourrir;  le  cœur  le  fut  à  ce 
fluide  ,  lorsqu'il  va  se  contracter  pour  le  lancer  au  loin ,  etc. 
D'un  autre  côté,  on  vit  qu'à  la  suite  de  l'impression  qu'elle 
a.  reçue,  toute  partie  se  meut;  tantôt  d'une  manière  appa- 
rente, comme  îe  fait  le  cœur;  tantôt  trop  petitement  pour 


DES    PROPRIÉTÉS    VITALES.  555 

que  ses  mouvements  soient  reconnus  autrement  que  par 
leurs  résultats,  comme  le  fait  une  glande  qui  sécrète;  mais 
toujours  d'une  manière  spéciale  à  la  matière  organisée,  et 
qui  ne  peut  être  dite  ni  physique,  ni  chimique.  Or,  cette 
motion  fut  rapportée  à  une  autre  force ,  qu'on  appela  moti- 
lité  ,  et  qui  n'est  aussi  que  l'irritabilité  généralisée.  On 
appela  cette  force  molilité ,  et  non  mobilité,  pour  faire  enten- 
dre qu'elle  représente  la  faculté  de  se  mouvoir  spontané- 
ment, et  non  celle  d'être  mu;  eten  exprimant  que  les  mou- 
vements qui  dépendent  d'elle  et  qui  suivent  l'impression 
sont,  tantôt  perceptibles  pa**  les  sens ,  et  tantôt  moléculaires 
etrecounus  seulement  par  leurs  résultats,  on  confondit  les 
notions  d'irritabilité  et  de  tonicité. 

Ainsi,  d'une  part,  action  première  par  laquelle  la  matière 
vivante  reçoit  une  impression,  ou  sensibilité  ;  d'autre  part, 
autre  action  qui  fait  suite  à  la  précédente,  par  laquelle  la 
matière  vivante  se  meut,  consécutivement  à  l'impression 
qu'elle  a  reçue,  et  dans  un  mode  qui  lui  est  propre,  ou 
motilité  :  telles  sont  les  deux  propriétés  vitales  élémentaires 
admises  par  les  modernes ,  les  derniers  termes  auxquels  ils 
sont  arrivés  dans  l'analyse  des  phénomènes.  Tout  organe 
est  dit  sentir  et  se  mouvoir  à  sa  manière  pour  sa  fonction, 
l'estomac  pour  digérer,  l'appareil  circulatoire  pour  chasser 
le  sang,  le  muscle  pour  se  contracter,  le  nerf  pour  trans- 
mettre les  impressions  sensitives  à  Famé,  etc. 

Cependant,  tout  en  admettant  la  sensibilité  et  la  motilité, 
presque  tous  les  physiologistes  modernes  ont  spécifié  un 
plus  grand  nombre  de  propriétés  vitales  ;  et  l'on  peut  at- 
tribuer leurs  dissidences ,  sous  ce  rapport,  aux  deux  causes 
suivantes  :  10  A  ce  que,  remarquant  que  chaque  partie  a 
son  mode  de  sensibilité  et  de  motilité,  souvent  ils  ont  fait 
de  quelques-uns  de  ces  modes,  quand  ils  sont  très  diffé- 
rents, autant  de  propriétés  vitales  spéciales.  2°  A  ce  que 
souvent  ils  ont  considéré  comme  un  acte  vital  élémentaire, 
et  digne  à  ce  titre  d'être  rapporté  à  une  propriété  première, 
des  phénomènes  qui  ne  sont  que  les  résultats  d'une  ou  plu- 
sieurs fonctions.  C'est  ce  que  va  prouver  l'examen  rapide  que 
nous  allons  faire  des  principales  théories  modernes  sur  les 


556  PHILOSOPHIE    DE   LA    SCIENCE. 

propriétés  vitales,  des  théories  de  Barthez ,  Blumenbach , 

Chaussier,  Dumas  et  Biehat. 

Barthez  admettait  cinq  propriétés  vitales,  qu'il  disait 
être  des  lois,  des  qualités  primordiales  du  principe  vital 
que  nous  avons  vu  qu'il  reconnaissait  dans  tous  les  êtres 
vivants.  Ces  propriétés  étaient  la  sensibilité ,  la  force  de 
contraction  ,  celle  à' expansion  ou  de  dilatation  active , 
celle  de  situation  fixe,  et  celle  de  tonicité.  La  sensibilité 
était  prise  par  Barthez  dans  le  sens  circonscrit  de  Haller; 
ce  n'était  que  la  faculté  de  transmettre  à  lame  une 
impression  quelconque  ;  la  seule  différence  est  qu'il  n'en 
faisait  pas  la  propriété  exclusive  du  système  nerveux ,  pro- 
nonçant contre  Haller  dans  la  seconde  des  controverses 
auxquelles   la   doctrine  de   celui-ci  avait   donné   lieu.  La 

force  de  contraction  comprenait  tous  les  mouvements  mus- 
culaires ,  tant  volontaires  qu'involontaires ,  et ,  par  con- 
séquent ,    n'était  aussi    que    l'irritabilité    hallérienne.   La 

force  de  tonicité  n'était  aussi  que  ce  que  Sthal  avait  appelé 
de  ce  nom;  seulement  Barthez  avait  commis  la  faute  d'y 
rattacher  plusieurs  phénomènes  qui  tiennent,  ou  à  la  sim- 
ple élasticité  physique,  ou  à  ce  que  Haller  appelait  force 
morte,  et  que  Biehat  a  depuis  appelé  contractilitè  de  tissu. 
Restent  donc  les  forces  d'expansion,  et  de  situation  fixe ,  et 
voici  en  quoi  elle  consistent.  La  première  est  la  propriété  à 
laquelle  certaines  parties  doivent  de  se  mouvoir,  nou  en  se 
contractant,  c'est-à-dire  en  rapprochant  leurs  extrémités  de 
leur  centre,  mais  en  se  dilatant.  Il  est  certain  que  quel- 
ques-unes de  nos  parties  paraissent  se  mouvoir  en  se  dila- 
tant, le  cœur,  par  exemple,  la  pupille,  tous  les  organes 
érectiles ,  etc.;  et  l'on  peut,  dès  lors,  admettre  une  force 
d'expansion  ou  de  dilatation  ,  au  même  titre  qu'une  force  de 
contraction.  C'est  ce  qu'a  fait  Barthez,  et  il  a  été  imité 
en  cela  par  plusieurs  physiologistes  mes  contemporains  , 
MM.  Boux ,  Rallier  ,  etc.  Mais,  en  ce  qui  concerne  le  cœur, 
la  dilatation  de  cet  organe  n'est  que  le  résultat  de  la  cessa- 
tion de  son  action  de  contraction;  et  quant  aux  organes 
érectiles ,  il  est  possible  que  leur  turgescence  tienne  à  une 
disposition  particulière  de  leur  système  vasculaire  ,    et  spé- 


DES    PROPRIÉTÉS    VITALES.  55; 

cialement  de  leur  système  veineux.  Dans  tous  îes  cas ,  cette 
force  d'expansion  n'est ,  comme  on  voit,  qu'un  mode  de 
motilité.  Quant  à  \& force  de  situation  fioc e ,  une  des  créations 
des  plus  chéries  de  Barthez,  ce  physiologiste  appelait  ainsi  une 
faculté  qu'auraient  les  muscles  et  toute  partie  quelconque,  de 
maintenir  leurs  moléculescomposantes  dans  une  position  fixe 
déterminée,  telle  ,  que  desefforts  supérieurs  à  ceux  qui  rom- 
praient le  muscle  dans  son  relâchement  et  même  dans  sa  con- 
traction ,  ne  pourraient  augmenter  ni  diminuer-la  distance  de 
ces  molécules,  ni  en  changer  les  rapports.  Pour  mieux  faire 
comprendre  son  idée  ,  Barthez  citait  le  tour  de  la  grenade  , 
que  l'athlète  Milon  retenait  dans  sa  main,  assez  fortement 
pour  que  personne  ne  pût  la  lui  ravir,  et  cependant  sans 
l'écraser.  Or,  il  nous  semble  qu'ici  ce  physiologiste  ratta- 
chait à  une  force  spéciale  un  phénomène  qui  tient  à  l'exer- 
cice de  la  contractilité  musculaire  volontaire  ,  et ,  par  con- 
séquent, faisait  un  abus  du  mode  de  philosopher,  dont 
nous  passons  en  revue  en  ce  moment  les  produits. 

Blumenbach  reconnaît  aussi  cinq  propriétés  vitales  ,  la 
sensibilité ,  Y  irritabilité  ,  la  contractilité  ,  la  force  de  vie 
propre  et  là.  force,  de  formation.  Les  trois  premières  ne  sont 
encore  que  la  sensibilité  et  l'irritabilité  de  B 'aller  ,  et  la 
tonicité  de  StahL  Celle-ci,  seulement,  est  désignée  sous  le 
nom  de  contractilité  ou  force  cellulaire,  parce  que  son  mode 
de  motion  est  la  contraction,  et  parce  qu'elle  est  dite  résider 
particulièrement  dans  le  tissu  cellulaire,  cet  élément  primor- 
dial de  tout  organe.  Quant  aux  forces  dévie  propre  ,  et  de 
formation  ,  la  première  est  cette  faculté  en  vertu  de  laquelle 
chaque  organe  accomplit  ce  qu'il  y  a  de  spécial  ,  de  propre 
en  sa  fonction  ;  et  la  seconde  est  cette  autre  faculté  qui 
préside,  non-seulement  à  l'animation,  à  la  fécondation  du 
germe,  mais  encore  à  la  nutrition,  au  développement  de 
tout  organe.  D'une  part  ,  certains  organes  exécutent  des 
actions  qu'il  est  difficile  de  rapporter  aux  forces  sensitives 
et  motrices  ;  et ,  pour  ces  actions,  Blumenbach  suppose  des 
forces  de  vie  propre  ,  qui  ne  sont  presque  que  les  archées 
particulières  de  Van-Relmont.  D'autre  part,  Blumenbach 
suppose  que  l'acte  vital  de  l'avivement  d'un  germe  est  l'eifet 


558  PHILOSOPHIE    DR   LA    SCIENCE, 

d'une  force  spéciale  qu'il  appelle  force  déformation;  et 
faisant  de  cette  force  la  cause  efficiente  de  toute  action  ré- 
paratrice et  conservatrice ,  il  dit  que  c'est  par  elle  que  se 
nourrit  et  se  développe  tout  organe.  Nos  lecteurs  pressen- 
tent d'avance  ce  que  nous  pouvons  dire  de  ces  deux  forces 
prétendues.  D'un  côté,  c'est,  sans  doute,  une  philosophie 
commode  que  celle  qui  consiste  à  supposer  une  force  pour 
l'explication  de  tout  phénomène  naturel;  mais  aussi  c'est 
une  philosophie  qui  n'aboutit  à  rien  ,  et  Ton  peut  faire  à 
la  force  de  vie  propre  de  Blumenbach  le  même  reproche  de 
stérilité  qu'aux  causes  occultes  des  anciens.  D'un  autre 
côté ,  si  l'on  peut  conserver  la  force  de  formation  ,  comme 
abstraction  représentant  le  phénomène  vital  si  important 
delà  fécondation  ,  il  ne  paraît  pas  au  moins  qu'on  doive  y 
rattacher  la  nutrition  des  parties. 

Dans  les  théories  de  Barthez  et  de  Blumenbach ,  il  n'était 
encore  question,  sous  le  nom  de  sensibilité 3  que  de  la  fa- 
culté qu'a  le  système  nerveux  de  donner  à  l'âme  la  con- 
science et  le  sentiment  d'une  impression  ,  et  sous  celui 
&  irritabilité ,  que  de  la  contractilité  musculaire.  Mais,  dans 
la  théorie  de  Chaussier ,  ces  propriétés  sont  désormais  géné- 
ralisées. Ce  célèbre  professeur,  qu?on  peut  regarder  comme 
le  fondateur  de  la  doctrine  du  vitalisrae  dans  la  Faculté  de 
Paris  ,  et  dont  l'enseignement  a  pendant  trente  années 
fourni  le  germe  de  tous  les  travaux  qui  ont  été  faits  à  cette 
Faculté  sur  les  propriétés  vitales,  en  admet  trois, la  sensi- 
bilité ,  îa  motilité  et  la  caloricitè.  Il  définit  la  sensibilité  , 
la  faculté  qu'a  toute  fibre  vivante  de  changer  par  une  im- 
pression ,  un  contact,  son  rythme  habituel  et  naturel  ;  ce 
n'est  donc  plus  la  perceptibilité  par  l'aine  ,  comme  l'avait 
dit  Haller y  mais  une  faculté  commune  à  toutes  les  parties, 
comme  à  tous  les  étires  vivants.  Dans  le  corps  humain,  en 
effet,  elle  existe  dans  les  os  comme  dans  les  nerfs;  et  dans  la 
nature  vivante  ,  ies  végétaux  la  possèdent  aussi-bien  que  les 
animaux.  Quelque  idée  que  puisse  inspirer  le  nom  qui  lui 
a  été  donné,  il  ne  faut  voir  en  elle,  dit  formellement  Chaus- 
sier, qu'un  mode  de  motion ,  celui  qui  est  propre  à  îa  ma- 
tière vivante.  La  motilité  est  cette  autre  faculté  qu'a  toute 


DES    PROPRIÉTÉS    VITALES.  55$ 

fibre  vivante  ,  non-seulement  de  se  contracter  sous  l'impres- 
sion d'un  stimulant,  mais  même  de  tendre  à  le  faire  conti- 
nuellement. Susceptible  de  deux  modes  d'exercice,  tantôt 
les  mouvements  dont  elle  est  la  cause  sont  occultes,  invo- 
lontaires ,  continus;  tantôt,  au  contraire,  ils  sont  appa- 
rents ,  et  exclusifs  aux  muscles  tant  involontaires  que  volon- 
taires. Les  premiers  sont  rapportés  au  mode  de  motilité 
qu'on  appelle  tonicité,  tension  vitale ,  contractilité fibrillaire 9 
force  tonique .  Les  seconds  constituent  la  myotilité  ou  \acon- 
tractilité  musculaire ,  c'est-à-dire  l'irritabilité  halîérienne. 
Enfin  ,  sous  3e  nom  de  caloricité  ,  Chaussier  désigne  cette 
faculté  qu'a  tout  être  vivant  de  développer  assez  de  calo- 
rique ,  pour  être  indépendant  dans  sa  température  de  celle 
du  milieu  ambiant  :  mais  en  parlant  de  la  cbaleur  animale  , 
nous  avons  prouvé  que  ce  phénomène  de  vie  n'était  pas 
élémentaire,  mais  un  résultat  d'autres  actions  vitales  ,  et 
qu'à  ce  titre  il  fallait  le  considérer  comme  une  fonction  , 
et  non  comme  une  propriété  vitale  première. 

Selon  Dumas ,  professeur  à  Montpellier  ,  tous  les  phéno- 
mènes de  la  vie  pouvaient  être  rapportés  à  quatre  propriétés 
vitales,  la  sensibilité,  la  motilité }  la  force  d'assimilation  9 
et  la.  force  de  résistance  vitale ,  comme  tous  ceux  de  la  ma- 
tière inorganique  peuvent  être  attribués  aux  forces  d'impul- 
sion ,  à' attraction  ,  à' affinité  et  d'inertie.  Nous  ne  dirons 
rien  de  la  sensibilité  et  de  la  motilité,  parce  que  Dumas  atta- 
chait à  ces  mots  à  peu  près  les  mêmes  idées  que  Chaussier. 
Nous  nous  arrêterons  seulement  aux  forces  d'assimilations  et 
de  résistance  vitale  ,  qui  sont  les  deux  créations  nouvelles 
de  sa  théorie.  Parla  première,  Dumas  désigne  une  facul  té 
en  vertu  de  laquelle  chaque  partie  revêt  de  la  vie  les  sucs 
qui  lui  sont  apportés  pour  sa  réparation,  et  les  rend  propres  à 
faire  partie  d'un  corps  vivant,  et  à  exécuter  des  actes  vitaux. 
On  sait  que  la  matière  qui  forme  nos  organes  se  renou- 
velle sans  cesse  ,  et  que  les  matériaux  que  nous  prenons  pour 
cela  au  dehors  de  nous,  nous  sont  assimilés  après  une  série 
d'élabora lions ,  qui  sont  sans  le  moindre  rapport  avec  aucune 
action  chimique  connue.  Or,  c'est  ce  fait  qui  est  rapporté 
à  une  force  vitale  première,  que  Dumas  appelle  force  d'as- 


56o  PHILOSOPHIE    DE    LA    SCIENCE. 

similation  /M .  Rul lier ,  force  a1' affinité  vitale  ;  M.  Broussais , 
chimie  vivante.  Celle    force  présiderait  aux  combinaisons 
matérielles  spécifiques  que  présentent  les  corps  vivants,  et 
devrait    animer  tous  les   organes  ,  et  même  préexister  aux 
forces    sensitives  et  motrices,  puisqu'elle  forme  primitive- 
ment les  parties.  Nous  dirons  ci-après,    qu'il  y  a  quelques 
motifs  pour  justifier  cette  création.  Il  ne  nous  paraît  pas  en 
être  de  même  de  la  force   de  résistance    vitale,  force  à   la- 
quelle ,  selon  .Damas,  les  corps  vivants  et  leurs  organes  de- 
vraient de   se  maintenir   dans  leur   état    propre,  quoique 
cet  état  soit  opposé  aux  forces  générales  de  la  matière.   Ce 
serait,  par  exemple,  à  cette  force, que  les  solideset  les  fluides 
du  corps  devraient  de  persister  dans  les  combinaisons  qui  les 
constituent ,  quoiqueces  combinaisons  soient  sanscesse  atta- 
quées par  les  affinités  chimiques.  Ce  serait  parce   que  cette 
force  se  concentrerait   dans  les  muscles 3  qu'on  verrait  ces 
organes  résister  lors  de  leurs  contractions  les  plus  violentes, 
et  fracturer  de   préférence   les   os  auxquels   ils   sont   atta- 
chés, etc.  Qui  ne  voit  que,  sous  le  premier  rapport,  la  force 
de   résistance  vitale   rentre   dans    celle  d'assimilation?  Et 
n'est-il  pas  possible  de  dire  de  ces  deux  forces ,  que  les  faits 
qu'on  leur  rapporte  sont  moins  des  actes  vitaux  élémentaires,, 
que  des    résultats  produits    par  le    concours  de  toutes  les 
fonctions  ? 

De  toutes  les  théories  modernes  sur  les  propriétés  vitales  , 
celle  qui  sans  contredit  a  obtenu  et  dû  obtenir  le  plus  de 
succès  ,  est  celle  de  Bichat;  les  phénomènes  élémentaires  de 
la  vie  y  sont  nettement  distingués;  et  tout  ce  qu'avaient 
laissé  d'obscur  ou  de  confus  les  théories  précédentes,  y  a  enfin 
disparu.  Dans  celles-ci  ,  on  confondait  encore  la  sensibilité 
percevante  avec  la  sensibilité  générale,  la  contractilité  mus- 
culaire volontaire  avec  l'involontaire.  Bichat  a  fait  ces- 
ser cette  confusion.  Il  admet  cinq  propriétés  vitales  :  la  sen- 
sibilitéorganique  ,  la  contractilité  organique  insensible ,  la 
contractilité  organique  sensible  ,  la  sensibilité  animale  ,  et  la 
contractilité  animale.  i°  La  sensibilité  organique  ,  est  la 
faculté  qu'a  toute  fibre  vivante  de  recevoir  une  impression, 
d'être  modifiée  par  un  contact,  de  manière  que  la  modifi- 


DES    PROPRIÉTÉS   VITALES.  56 1 

cation  reste  bornée  à  la  partie  qui  l'éprouve,  et  n'est  pas 
transmise  à  Famé.  Ainsi,  chaque  partie  reçoit  du  sang  une 
impression  en  rapport  avec  sa  nutrition  ;  l'estomac  en  reçoit 
une  des  aliments  ,  le  poumon  de  l'air,  etc.  C'est  îa  sensibi- 
lité tout-à-fait  généralisée.  Bickat  l'appelle  sensibilité  orga~ 
nique  ;  sensibilité  ,  parce  que  c'était  la  dénomination  déjà 
établie;  organique,  pour  faire  entendre  qu'elle  est  l'attri- 
but exclusif  de  tout  être  organisé  ,  et  qu'elle  est  commune  à 
tous.  Non-seulement  cette  propriété  a  un  mode  particulier 
dans  chaque  organe,  comme  le  prouve  la  diversité  de  leur 
nutrition  ,  de  leur  fonction;   mais  encore  elle  met  chaque 
organe  en  rapport  avec  des  stimulants  extérieurs   divers  : 
c'est  ainsi  que  les  glandes  salivaires  sont  spécialement  in- 
fluencées par  le  mercure  ,  les  reins  par  les  cantharides.  Con- 
nue par  ses  résultats  seulement ,  son  exercice  est  continu , 
involontaire;  et  elle  est  d'autant  plus  prononcée  dans  les 
êtres  vivants  ,  qu'ils  sont  plus  inférieurs.  On  verra  que  l'au- 
tre espèce  de  sensibilité,  c'est-à-dire  la  sensibilité  animale, 
aura  des  caractères  inverses.   2°  La  contractililê  organique 
insensible ,  est  la  faculté  qu'a  toute  partie  vivante  de  se 
mouvoir  par  elle-même  ,  d'une  manière  inaperçue ,  par  suite 
de  l'impression  qu'elle  à  reçue  immédiatement,  sans  que 
l'ame  ait  la  conscience  de  cette  motion ,  que  la  volonté  y  ait 
part,  et  qu'elle  soit  aucunement  commandée  par  le  cerveau. 
Ainsi,  chaque  partie  réagit  sourdement  sur  le  sang,  pour  s'en 
nourrir;  ainsi,  l'estomac  digère  les  aliments,  etc.  Bichat  l'a 
appelée   conlraciililé    organique   insensible  ;   contractilitè 
parce  que  la  contraction  est  le  mode  de  motion  qui  la  con- 
stitue ;  organique ,  pour  faire  entendre  qu'elle  est  exclusive 
et  commune  à  tous  les  êtres  vivants;  insensible,  pour  expri- 
mer que  l'ame  n'a  pas  la  conscience  des  mouvements  qui  la 
constituent,  et  que  ces  mouvements,  trop  moléculaires  pour 
tomber  sous  les  sens ,  ne  sont  reconnus  que  par  leurs  résul- 
tats. Comme  la  sensibilité  organique,  elle  a  un  mode  parti- 
culier en  chaque  organe;  son  exercice  est  de  même  continu 
involontaire;  et  elle  se  montre  aussi  d'autant  plus  intense 
qu'on  descend  plus  dans  l'échelle  des  êtres.  Etablie  sur  les 
mêmes  faits  que  la  sensibilité  organique,   présentant   les 
Tome  IV.  36 


562  PHILOSOPHIE   DE    LA    SCIENCE. 

mêmes  caractères ,  inspirant  les  mêmes  considérations  t  elle 
coexiste  toujours  avec  elle  ,  et  n'en  est  séparable  qu'aux 
yeux  de  l'esprit.  3°  La  contractilitè  organique  sensible,  est 
la  même  faculté  motrice  que  la  précédente ,  avec  cette  seule 
différence  ,  que  les  mouvements  qui  lui  sont  dus  tombent 
sous  les  sens ,  et  sont  reconnus  indépendamment  de  leurs 
résultats.  Ainsi,  le  cœur  se  contracte  sans  que  la  volonté 
régisse  ses  contractions,  et  par  le  fait  seul  de  l'impression 
locale  que  fait  sur  lui  le  sang  ;  mais  ses  mouvements  ne  sont 
pas  occultes,  comme  l'étaient  ceux  de  la  contractilitè  orga- 
nique insensible.  Nous  n'avons  pas  besoin  de  répéter  les 
motifs  de  l'emploi  de  ces  trois  mots  :  contractilitè,  organi- 
que ,  sensible.  Cette  propriété  a  aussi  un  mode  particulier  en 
cbaque  organe;  son  exercice  est  également  involontaire;  et 
elle  ne  diffère  réellement  de  la  précédente  que  par  le  degré  , 
le  mouvement  qui  la  constitue  étant  apparent  au  lieu  d'être 
moléculaire.  Dans  la  comparaison  que  Bicliat  en  fait,  il 
oppose  l'une  à  l'affinité,  l'autre  à  l'attraction;  et  Barthez, 
avec  plus  de  bonbeur  encore,  dit  que  la  première  est  à  la 
seconde  ,  ce  que  ,  dans  une  montre,  l'aiguille  des  heures  est 
à  celle  des  minutes  ou  des  secondes.  4°  Par  sensibilité  ani- 
male Bicliat  désigne  la  propriété  qu'ont  certains  organes 
de  transmettre  à  Pâme ,  par  l'intermédiaire  du  cerveau,  la 
conscience  du  sentiment ,  des  impressions  qu'ils  ont  reçus. 
C'est  la  sensibilité  ,  dans  le  sens  restreint  de  Haller,  et  dans 
l'acception  vulgaire  des  gens  du  monde.  Bichat  l'appelle 
sensibilité  ,  parce  que  c'était  l'expression  reçue ,  et  animale , 
pour  faire  entendre ,  qu'à  la  différence  de  l'autre  espèce  de 
sensibilité  qui  appartenait  à  toute  la  nature  organique, 
celle-ci  est  exclusive  aux  animaux.  À  la  fonction  des  sensa- 
tions nous  avons  traité  de  tous  les  faits  dont  elle  est  l'ex- 
pression abstraite.  Nécessitant  dans  son  exercice  le  concours 
de  trois  organes,  l'un  qui  reçoit  une  impression,  un  autre 
qui  conduit  cette  impression  ,  et  un  troisième  qui  la  per- 
çoit elie  réside  essentiellement  dans  le  système  nerveux. 
Elle  a  des  caractères  tout  inverses  de  la  sensibilité  organi- 
que ,  c'est-à-dire  qu  elle  est  toujours  perçue ,  qu  elle  n'a  pas 
an  exercice  continu,  et  qu'elle  diminue  d'intensité  à  mesure 


DES    PROPRIÉTÉS    VITALES.  563 

qu'on  descend  dans  l'échelle  des  êtres.  Il  est  d'ailleurs  d'au- 
tant moins  permis  de  confondre  ces  deux  propriétés  ,  que  la 
sensibilité  animale  peut  être  suspendue  ,  comme  dans  le 
sommeil,  les  paralysies,  tandis  que  la  sensibilité  organique 
continue  d'agir.  Cependant  Bichat  est  tombé  ici  un  peu 
en  contradiction  avec  lui-même,  en  ajoutant  que,  de 
même  que  les  deux  contractilités  organiques  étaient  de 
même  nature  et  ne  différaient  que  par  le  degré,  il  en  était 
de  même  des  deux  sensibilités.  Il  se  fondait  en  ceci  sur  deux 
raisons.  L'une  est,  qu'en  certaines  de  nos  parties,  les  deux 
sensibilités  s'enchaînent;  comme  aux  membranes  muqueu- 
ses, qui ,  à  leur  origine,  ont  la  sensibilité  animale  ,  et  qui  , 
dans  leur  profondeur,  n'ont  plus  que  la  sensibilité  organi- 
que, l'autre  est,  qu'un  changement  dans  les  excitants.,  ou 
l'état  maladif,  transforment  en  sensibilité  animale  la  sen- 
sibilité organique,  tandis  que  l'habitude,  au  contraire, 
transforme  en  sensibilité  organique  la  sensibilité  animale. 
5°  Enfin,  Bichat  faisait  une  cinquième  propriété  vitale,  sous 
le  nom  de  contraclilhê  animale ,  de  la  contraction  muscu- 
laire volontaire  et  cérébrale,  dont  nous  avons  traité  à  l'ar- 
ticle de  la  locomotion.  Exclusive  aussi  aux  animaux,  comme 
l'indique  son  nom,  elle  se  distingue  des  contractilités  dites 
organiques^  en  ce  que  sa  cause  excitatrice  ne  siège  pas  dans 
l'organe  même  qui  la  développe,  c'est-à-dire  le  muscle, 
mais  dans  le  cerveau.  En  outre,  tandis  que  les  deux  autres 
contractilités  étaient  irrésistiblement  liées  et  proportion- 
nelles au  mode  de  sensibilité  qui  leur  correspond  ,  celle-ci  ne 
l'est  pas  de  même  à  la  sensibilité  animale,  et  son  exercice* 
n'est  jamais  continu. 

A  ces  propriétés  vitales,  ainsi  nommées,  parce  qu'elles 
produisent  la  vie  et  n'existent  qu'avec  elle  ,  Bichat  ajoutait 
ce  qu'il  appelait  des  propriétés  de  tissu,  c  est-à*dire  qui  te- 
naient à  la  texlure,  à  l'organisation  des  parties,  et  qui, 
par  conséquent,  persistant  plus  ou  moins  après  la  mort ,  ne 
disparaissaient  que  lorsque  la  putréfaction  avait  détruit 
toute  organisation.  Ces  propriétés  étaient  au  nombre  de 
trois  :  Y  extensibilité  de  tissu  ,  ou  la  propriété  qu'ont  les 
tissus  vivants ,  de  céder  à  une  cause  extensive;  la  contrac* 

36. 


564  PHILOSOPHIE    DE   LA   SCIENCE. 

tilitè  de  tissu,  qui  est  la  faculté  inverse,  que  Haller  avait 
déjà  signalée  sous  le  nom  de  force  morte;  et  enfin,  la  con- 
tractilité  par  racornissement  ,  ou  la  propriété  qu'ont  les 
tissus  organisés  de  se  crisper  sous  l'influence  du  feu ,  des 
acides  et  de  divers  autres  agents.  Le  racornissement  était  de 
deux  espèces;  ou  subit,  et  développant  dans  les  organes  qui 
l'éprouvent  une  grande  élasticité;  ou  graduel,  s'opérant 
d'une  manière  lente,  ne  rendant  pas  de  même  élastiques  les 
tissus  qui  l'éprouvent,  et  permettant  encore,  après  lui,  le 
racornissement  subit. 

Ainsi  que  nous  l'avons  annoncé  d'abord,  cette   théorie 
de  Bichat  a  de  grands  avantages  sur  toutes  les  autres.  La 
distinction  des  sensibilités  organique  et  animale  empêche 
"d'y  confondre  la  sensibilité  généralisée  avec  la  sensibilité 
percevante,  et  fait  cesser  les  équivoques  auxquelles  ce  mot 
de  sensibilité  avait  donné  lieu.  La  distinction  des  contrac- 
tilités  organique  et  animale   sépare  aussi  l'irritabilité  pro- 
prement dite  de  la  contractilité  musculaire  volontaire,   et 
par  conséquent  met  un  terme  à  la  controverse  dans  laquelle 
on  voulait  que  la  première  de  ces  propriétés  fût  une  dé- 
pendance de  la  sensibilité.   Cependant  on    y  reconnaît  la 
trace  des  deux  causes  qui  ont   fait  multiplier  le  nombre 
des  propriétés  vitales.   D'un  côté,  les  deux  contractilités 
organiques  ne  sont  que  des  degrés  divers  d'une  même  force 
motrice  :  de  l'autre,  la  sensibilité  et  la  contractilité  ani- 
males sont  de  véritables  fonctions.  Tl  nous  semble  en  effet 
qu'on  ne  doit  considérer  comme  propriétés  vitales  que  les 
actes  de  vie  qui  sont  communs  à  tous  les  êtres  vivants,  et  à 
toutes  les  parties  d'un  corps  animé  ;  et  qu'au  contraire , 
tout  acte  qui  est  le  produit  d'un  appareil  particulier  doit 
être  considéré  comme  une  fonction.  Or,  la  sensibilité  per- 
cevante, et  la  locomobilité  volontaire,  ne  manquent-elles 
pas  dans  les  végétaux,  dans  plusieurs  parties  du  corps  hu- 
main? la  première  de  ces  facultés  n'a-t-elle  pas  pour  organe 
exclusif  le  système  nerveux? et  ne  peut-on  pas  la  dire  la  fonc- 
tion de  ce  système,  au  même  titre  qu'on  dit  la  digestion,  la 
respiration ,  les  fonctions  des  appareils  digestif  et  respira- 
toire. 


DES   PROPRIÉTÉS   VITALES.  565 

Ainsi ,  en  faisant  abstraction  des  fonctions  que,  par  abus 
on  a  élevé  au  rang  de  propriétés  vitales  ,  on  voit  que  chez 
tous  les  physiologistes  ,  celles-si  se  réduisent  à  la  sensibilité 
et  à  la  motilité.  Mais  il  y  a  plus  ;  ces  deux  propriétés  peuvent 
même  se  réduire  à  une  seule.  Qu'expriment-elles  en  effet? 
le  pouvoir  qu'a  toute  partie  vivante  d'exécuter  ,  pour  l'ac- 
complissement de  sa  fonction ,  consécutivement  à  une  im- 
pression, à  une  stimulation,  des  mouvements,  tantôt  visibles 
et  apparents ,  tantôt  trop  moléculaires  pour  tomber  sous  les 
sens  et  constatés  seulement  par  leurs  résultats,  qui  enfin 
n'étant  ni  physiques,  ni  chimiques,  mais  autres  que  ceux 
de  la  matière  inorganisée,  sont  à  ce  titre  appelés  vitaux. 
Jusqu'ici  les  physiologistes  ont  séparé  la  susceptibilité  de  re- 
cevoir l'impression  qui  provoque  au  mouvement ,  de  la 
faculté  de  le  produire, et  en  ont  fait  deux  propriétés  sous 
les  noms  de  sensibilité  et  de  motilité.  Supposant  un  instant, 
rapide  comme  l'éclair,  entre  le  moment  de  l'impression,  et 
celui  du  mouvement  qui  la  suit,  ils  ont  considéré  comme 
distinctes,  l'action  de  recevoir  l'impression,  et  celle  de  se 
mouvoir  consécutivement.  Mais  ces  deux  actions  n'en  font 
réellement  qu'une  seule  :  ce  sont  les  mouvements  qu'exécute 
une  partie  à  l'occasion  d'une  impression  ,  qui  prouvent  que 
cette  partie  a  été  sensible  à  cette  impression.  Sentir  n'est, 
comme  l'ont  dît  Chaussier,  Bichat ,  que  changer  de  manière 
d'être  par  suite  d'une  impression  :  ce  n'est  que  se  mouvoir 
dans  un  mode  qui  n'est  ni  physique  nî  chimique.  Cela  est 
évident  pour  les  cas  dans  lesquels  les  mouvements  sont  oc- 
cultes; sans  les  résultats  qu'ont  amenés  ces  mouvements,  la 
sensibilité  n'eût  pas  été  manifeste;  ce  sont  vraiment  eux 
qui  la  constituent.  Pourrait-il  en  être  autrement,  quand 
ces  mouvements  sont  apparents?  ceux-ci  ne  sont- ils  pas  de 
même  nature  que  les  premiers  ?  et  en  diffèrent-ils  autremen  t 
que  par  le  degré?  Les  deux  propriétés ,  sensibilité  et  moti- 
lité, sont  donc  vraiment  réductibles  à  une  seule,  qu'on 
appellera  sensibilité,  si  l'on  veut,  mais  qui  emportera  avec 
elle  l'idée  de  mouvement,  et  sera  la  faculté  active,  motrice 
de  la  matière  vivante. 

Nous  pouvons  trouver  dans  celle  des  théories  modernes 


566  PHILOSOPHIE    DE    LA    SCIENCE. 

qui  jouit  de  plus  de  crédit  ,  dans  la  théorie  de  Bichat,  la 
justification  de  ces  idées,  et  ramener  à  une  seule  les  cinq 
propriétés  vitales  dont  elle  se  compose,  en  invoquant  l'au- 
torité deBicliat  lui-même.  En  effet,  nous  avons  déjà  dit  que 
la  sensibilité  et  la  contractilité  animale  étaient  des  fonc- 
tions ;  et  quant  aux  trois  propriétés  organiques  ,  Bichat  lui- 
même  a  exprimé  tacitement  qu'elles  se  réduisaient  à  une 
seule.  D'une  part,  en  effet,  il  a  avoué  que  la  sensibilité 
organique  n'était  que  la  contractilité  organique  insensible  , 
que  l'esprit  seul  en  avait  séparée  :  d'autre  part,  il  a  reconnu 
que  les  deux  contractilités  organiques  étaient  la  même  pro- 
priété, et  ne  différaient  que  par  le  degré:  n'était-ce  pas 
convenir  que  ces  trois  propriétés  n'en  font  qu'une  ? 

Ainsi  donc  ,  on  est  conduit  à  consacrer  en   physiologie 
une  seule  propriété  vitale ,  la  sensibilité ,  qui  est  dite  animer 
tous  les   êtres  vivants,  les  végétaux  comme  les  animaux  , 
toutes  les  parties  du  corps  humain,  les  os  comme  les  nerfs, 
et  qui  est  présentée  comme   l'ame  de  tous  les  phénomènes 
de  la  vie.  Ayant  dans  chaque  partie  un  mode  spécial  ,  c'est 
elle  qui  préside  à  leur  jeu  ,  qui  fait  que  le  cœur  se  contracte  , 
que  l'estomac  digère  ,  que  le  nerf  sent,  etc.  Généralisation 
la  plus  élevée  à  laquelle  on  j3uisse  parvenir  dans  la  science 
de  la  vie,  elle  est  dans  cette  science,  ce  que  V attraction  est 
dans  la  science  des  corps  inorganiques.   Il  est  malheureux 
seulement  qu'on  lui  ait  donné  le   nom  de  sensibilité ,  qui, 
dans  l'acception  habituelle  emporte    avec  soi  l'idée  d'une 
perception  par  l'ame.  De  là,  ont  résulté  de  continuelles  équi- 
voques, à  cause  desquelles  tour-à-tour  on  a  nié  ou  concédé 
que  les  végétaux  eussent  la  sensibilité,  que  dans  les  animaux 
les  os  en  fussent  doués  ,  etc.  Pour  les  faire  cesser,  plusieurs 
physiologistes  modernes  ont  proposé  d'appeler  cette  propriété, 
ou  excitabilité 9  pour  faire  entendre  qu'une  stimulation  est 
nécessaire  pour  la  mettre  en  jeu;  ou  irritabilité ,  comme  dès 
le  principe  l'avait  fait  Glisson.  Ainsi,  on  laisserait  au  mot 
sensibilité  la  signification  qu'il  a  chez  les  gens  du  monde.  Met- 
tant cette  propriété  en  opposition  avec  les  forces  physiques , 
on  lui  a  assigné  pour  attributs ,  d'avoir  une  instabilité  qui 
contraste  avec  la  fixité  des  forces  générales  ,  et  de  n'avoir 


DES    PROPRIÉTÉS    VITALES.  56 J 

qu'une  durée  limitée.   Mais  ,  indépendamment  de  ce  que 
chercher  des  caractères  aux  forces  ,  c'est  tacitement  les  per- 
sonnifier,, on  a  mal  exprimé  ceux  qu'on  attribue  à  la  sensi- 
bilité. Il  est  bien  vrai,  d'une  part,  que  les  phénomènes  de 
vie  sont  plus  divers  que  les  phénomènes  physiques  et  chimi- 
ques ,  sont  plus  mobiles  ,  et  qu'à  ce  titre  ils  ne  sont  pas  cal- 
culables :  mais  il  ne  faut  pas  dire  pour  cela,  que  la  sensibi- 
lité qui  y  préside  soit  une  force  variable;  elle  a  de  même 
ses  lois  constantes  et  immuables  ;  seulement  ces  lois  sont 
plus  complexes  ,   et  embrassent  un  nombre  plus  grand  de 
conditions ,  dont  plusieurs  sont  encore  inconnues;  rien  dans 
la  nature   n'est  affranchi  de  règles.  D'autre  part ,   s'il   est 
dans  la  nature  de  la  sensibilité  de  s  épuiser  ,  de  n'animer 
qu'un  certain  temps   la  matière  ;    n'en  est-il  pas  de  même 
un  peu  des  lois  physiques  ?  la  matière  ne  s'en  dépouille- 
t'elle  pas  en  partie ,  quand  elle  entre  dans  la  composition 
des  corps  vivants  ?  et  n'y  a-t-il  pas  dans  la  nature  mutation 
continuelle  de  corps ,  d'un  côté  arrivant  à  la  vie ,  et  de  l'autre 
la  perdant?  Mais,  encore  une  fois,   assigner  des  caractères 
aux  forces,  c'est  paraître  oublier  qu'elles  ne  sont  que  des 
abstractions,  et  les  traiter  comme  des  êtres  réels. 

Telle  est  donc  la  propriété  vitale  unique,  admise  aujour- 
d'hui en  physiologie.  Cependant,  comme  elle  est  une  abs- 
traction représentant  le  mode  de  motion  de  la  matière  orga- 
nisée, on  conçoit  qu'on  peut  la  subdiviser  en  autant  de 
forces  diverses  qu'on  peut  signaler  de  phénomènes  distincts 
dans  l'économie  vivante.  Nous  en  avons  vu  des  exemples 
dans  plusieurs  des  théories  que  nous  avons  analysées  ;  et  plu- 
sieurs des  physiologistes  actuels  croient  encore  ces  distinc- 
tions utiles.  C'est  ainsi  que  M.  Rullier  reconnaît  trois  pro- 
priétés vitales,  sous  les  noms  de  motilité,  à'impressionabilité , 
et  de  force  à' affinité  vitale ,  rattachant  à  cette  dernière  la 
faculté  qu'a  la  matière  vivante  de  maintenir  dans  des  com- 
binaisons contraires  aux  lois  chimiques,  les  éléments  qui  la 
forment.  Nous  croyons  qu'il  suffit,  pour  concevoir  tous  les 
phénomènes  ,  d'admettre  que  la  propriété  de  la  sensibilité 
se  modifie  dans  toute  partie  en  raison  de  l'organisation  de 
cette  partie,  ou  coïncidemment  avec  elle.   Mais,  si  Ion  te- 


568  PHILOSOPHIE   DE   LA   SCIENCE. 

nait  à  ces  distinctions ,  il  faudrait,  évitant  de  ressusciter  les 
archées  particulières  de  Van-Helmont,  se  garder  des  abus  des 
Anciens  qui  créaient  une  force  propre  pour  chaque  phéno- 
mène de  vie,  une  force  digestwe  pour  la  digestion,  une  force 
auctrice  ,  pour  l'accroissement ,  etc. ,  et  n'admettre  que  celles 
que  nécessiterait  la  spécialité  des  actions.  Or,  tous  les  phé- 
nomènes de  la  vie  se  réduisent  à  quatre  :  production  de  sen- 
sations ,  production  d'un  mouvement  apparent ,  constitu- 
tion d'une  matière  organisée,   c'est-à-dire   d'une   matière 
dont  la  nature  est  contraire  aux  affinités  chimiques,  et  créa- 
tion ou  avivement  d'un  germe.  On  pourrait  donc  admettre 
quatre  proprié  lés  vitales  spéciales  pour  chacun  de  ces  phé- 
nomènes ,  la  sensibilité  animale  pour  le  premier ,  la  contrac- 
lilité  pour  le  second,   la  force  dJ  assimilation  de  Damas  ou 
à? affinité  vitale  de  M.  Rullier  pour  le  troisième  ,  et  la  force 
de  formation  de  Blumenbach  pour  le  quatrième.  Mais,  en- 
core une  fois,  nous  croyons  ces  distinctions  sans  importance. 
Nous  terminerons  cette  discussion  ,  en  faisant  remarquer, 
que  la  force  de  sensibilité  étant  la  force  motrice  de  la  ma- 
tière organisée,  et  ce  mot  étant  synonyme  de  celui  de  vitalité, 
tout  ramener  en  physiologie  à  cette  force ,  c'est  professer 
pleinement  la  doctrine  du  viialisme.  C'est  qu'en  effet  cette 
doctrine  nous  paraît  être  la  seule  qui ,  dans  l'état  actuel  de 
la  science,  puisse  y  être  adoptée.  N'avons-nous  pas,  dans 
l'étude  des  divers  actes  vitaux,  constaté  l'impossibilité  d'en 
rattacher  aucun  aux  lois  physiques  et  chimiques  générales  ? 
En  vain  nous  dira-t»on  que  cette  philosophie  est  stérile  ? 
que  se  borner  à  dire  en  physiologie  qu'un  phénomène  est 
vital,   c'est  simplement  avouer  qu'il   est    inconnu?  qu'il 
vaut  mieux,  en  recherchant  les  conditions  de  production 
des  phénomènes  vitaux,  s'efforcer  de  les  rallier  aux  lois  gé- 
nérales? Yoici  quelles  seront   nos  réponses.  1°  En  disant 
qu'un  acte  est  vital,  nous  savons  bien  que  nous  ne  donnons 
de  cet  acte  qu'une  notion  négative ,  puisque  c'est  dire  seu- 
lement qu'il  n'est  ni  physique  ni  chimique.  Mais  toute  né- 
gative que  soit  celte  notion,  elle  exprime  un  fait  réel  ;  et  il 
est  d'autant  plus  utile  de  la  poser,  qu'elle  prévient  toutes 
les  fausses  notions  qu'on  pourrait  se  faire  des  phénomènes. 


DES   PROPRIÉTÉS   VITALES.  5 G 9 

20  Par  cette  même  locution,  qu'un  acte  est  vital,  nous 
n'interdisons  aucuns  des  efforts  tendants  à  faire  pénétrer 
son  essence,  et  à  le  rattacher  aux  lois  générales;  nous  ex- 
primons seulement  que  dans  l'état  actuel  de  la  science  on  n'y 
est  pas  encore  parvenu.  INous  sommes  si  loin  de  condamner 
les  travaux  qui  tendent  à  confondre  les  phénomènes  physi- 
ques et  vitaux,  que  ce  n'est  qu'après  avoir  vainement  tenté 
d'expliquer  un  phénomène  par  les  lois  communes  de  la  ma- 
tière, que  nous  le  déclarons  vital.  Nous  sommes  très  dispo- 
sés à  croire  que  les  phénomènes  de  la  vie  sont  dus  aux  lois 
générales,  mais  après  que  celles-ci  ont  subi  une  importante 
modification  par  le  concours  de  quelque  élément  qui  reste 
à  découvrir,  et  nous  applaudissons  aux  recherches  qui  ont 
pour  but  de  faire  trouver  en  quoi  consiste  cette  modifica- 
tion. 3°  Enfin,  non-seulement  la  doctrine  du  vitalisme  est 
la  seule  raisonnable,  tant  que  la  découverte  de  cette  mo- 
dification des  lois  générales,  de  laquelle  résulte  la  vie, 
reste  à  faire  ;  mais  encore  elle  devra  être  conservée ,  lors 
que  cette  découverte  aura  été  faite,  à  supposer  qu'elle 
le  soit  jamais.  En  effet,  supposons  qu'on  trouve  par  le 
concours  de  quel  élément  nouveau,  par  quelle  modification 
les  lois  générales  de  la  matière  produisent  les  phénomènes 
vitaux  :  ce  sera,  sans  doute,  une  admirable  découverte, 
puisqu'on  aura  pénétré  le  secret  de  la  vie  :  mais  celle-ci  en 
constituera-t-elle  moins  une  exception  bien  distincte  à  la 
nature  générale?  Et,  par  conséquent,  la  partie  de  la  phy- 
sique générale  qui  en  traitera,  en  sera-t-elle  moins  une 
science  à  part ,  et  ayant  sa  philosophie  propre  ?  Pour  avoir 
découvert  le  mécanisme  de  la  production  des  phénomènes 
vitaux,  ces  phénomènes  en  seront-ils  moins  différents  de 
ceux  que  nous  appelons  aujourd'hui  physiques  et  chimi- 
ques ?  et  la  modification  des  lois  générales  à  laquelle  il  se- 
ront dus,  devra- t-elle  moins  être  distinguée  sous  le  nom 
de  vitalité?  Les  différences  étant  dans  le  fonds  des  choses, 
il  ne  peut  pas  ne  pas  y  en  avoir  dans  les  doctrines. 

FIN   DU   QUATRIÈME   ET    DERNIER    VOLUME. 


TABLE  DES  MATIERES 

DU  QUATRIÈME  ET  DERNIER  VOLUME. 

Pages 

Troisième  Classe  de  Fonctions.  i 

Fonction  de  la  reproduction  ,  ou  de  la  génération.  ib. 

Chap.  Ier.  Anatomie  de  l'appareil  générateur.  6 

Art.  1er.  De  l'Appareil  génital  de  l'homme.  7 

§  Ie'.  Appareil  de  fécondation.  ib. 

§  II.  Appareil  de  copulation.  19 

Art.  11 .  De  l'appareil  génital  de  la  femme.  22 

§  Ier.  Appareil  de  germification.  ib. 

§  11.  Appareil  de  gestation  ou  de  grossesse.  24 

5  111.  Appareil  de  copulation.  28 

§  IV.  Appareil  de  lactation.  3o 

Art.  111.  Différences  générales  des  sexes.  34 

Chap.  II.  Mécanisme  de  la  génération.  5o 

Art.  1er.  Du  rapprochement  des  sexes  ,  ou  de  la 

copulation,  du  coït.  52 
§  1er.  Du  besoin,  de  l'instinct  delà  reproduction,  ib. 
§  II.  Office  de  l'homme  dans  la  copulation.  55 
§  III.  Office  de  la  femme  dans  la  copulation.  62 
Art.  II.  De  la  conception  ou  fécondation.  64 
Art.  III.  De  la  grossesse.  107 
Art.  IV.  De  l'accouchement.  121 
Art.  V.  De  la  sécrétion  du  lait  et  de  la  lacta- 
tion. i38 
APPENDICE  aux  deux  dernières  Classes  de  fonctions.  146 
De  l'innervation.  ib. 
Chap.  Ier.  Anatomie  du  grand  sympathique.  147 
Chap.  11.  Anatomie  du  nerf  vague  ou  pneunno-gas» 

trique,  ï54 


572  TABLE   DES   MATIÈRES. 

Pag. 
Chap.  111.  De  l'influence  nerveuse  organique ,  ou 

de  l'innervation.  i58 

§  Ier.  Limites  de  l'innervation  i5g 

§  II.  Des  nerfs  qui  dispensent  l'innervation.        168 
§  III.  Sources  de  l'innervation.  182 

§  IV.  Essence  de  l'innervation.  184 

TROISIÈME  PARTIE.  199 

SECTION  Ire.  Des  connexions  des  fonctions.  200 

Chap.  Ier.  Des  rapports  mécaniques  des  organes.        201 
Chap.  II.  Des  rapports  fonctionnels  des  organes.       204 
Art.  Ier.  Des  rapports  fonctionnels  relatifs  à  l'en- 
tretien de  la  vie  en  général.  2o5 
§  1er.  Rapports  fonctionnels  relatifs  à  la  pre- 
mière   condition  vitale  ,  la  présence  du 
sang  artériel  dans  les  organes.  ib. 
§  II.  Rapports  fonctionnels  relatifs  à  la  seconde 

condition  vitale,  l'influence  nerveuse.         229 
Art.  II.  Rapports  fonctionnels  relatifs  à  l'accom- 
plissement   des    diverses     facultés    de 
l'homme.  24.1 

§  Ier.  Nutrition.  242 

§  II.  Reproduction.  249 

§  III.  Sensibilité.  2Ô2 

§  IV.  Expressions.  288 

Chap.  III.   Des    rapports    sympathiques,    ou  des 

sympathies.  260 

SECTION  IL  Des  rapports  de  l'homme  avec  la  na- 
ture. 290 
§  Ier.  Des  rapports  mécaniques,  physiques  et 
chimiques  de  l'homme  avec  les  corps  ex- 
térieurs. 296 
§  IL  Rapports  organiques  de  l'homme  avec  les 

corps  extérieurs.  3o2 

QUATRIÈME  PARTIE.  Des  âges  de  l'homme.  3i  1 

SECTION  I™.  Vie  intra-uiérine.  3ï2 


TABLE  DES  MATIÈRES.  573 

Pag. 
Chap.  Ier.  Anatomie  du  fœtus.  3I2 

Art.  Ier.  Des  parties  annexes  du  fœtus.  326 

Art.  II.  Du  fœtus  lui-même.  343 

Chap.  II.  Physiologie  du  fœtus.  38i 

Art.  Ier.  Des  fonctions  de  nutrition  du  fœtus.  38? 

§  Ier.    Préhension   des  matériaux    nutritifs  et 

composants  du  fœtus.  383 

§  II.  Conversion  des  matériaux  nutritifs  du  fœtus 

en  sang.  3g8 

§  III.  Appropriation  du  sang  du  fœtus  aux  parties 
de  cet  être  pour  la  nutrition  proprement 
dite.  4IO 

§  IV.  Des  excrétions  du  fœtus.  ^5 

Art.  II.  Des  fonctions  de  relation  et  de  reproduc- 
tion du  fœtus.  4,8 

SECTION  II.  Vie  extra-utérine.  423 

Chap.  Ter.  De  la  première  enfance.  425 

Art.  Ier.  Première  époque   de  la  première  en- 
fance. 426 
Art.  II.  Deuxième  époque  de  la  première  en- 
fance. 436 

Art.  III.  Troisième  époque  de  la  première  en- 
fance. 443 
Chap.  II.  De  la  seconde  enfance.  444 
Chap.  III.  De  l'adolescence.  —  Puberté.  447 
Chap.  IV.  De  la  virilité.  45  2 
Chap.  V.  De  la  vieillesse.  458 
Chap.  VI.  De  la  mort.  466 

CINQUIÈME   PARTIE.  Des  différences   individuelles 

de  l'homme.  487 

Chap.  Ier.  Des  tempéraments.  4q0 

Chap.  II.  Des  constitutions.  4q7 

Chap.  III.  Des  idiosyncrasies.  4q8 

Chap.  IV.  Des  différences  individuelles  acquises 

et  de  celles  qui  constituent  des  habitudes.  5oo 


574  TABLE    DES   MATIÈRES. 

Pag. 
Chap.  V.  Des  races  humaines.  5o3 

SIXIÈME  PARTIE.  Philosopihe  de  la  science ,  ou  His- 
toire de  la  force  et  des  propriétés  vi- 
tales. 534 

Chap.  Ier.  Considérations  générales  sur  les  forces 
premières  admises  dans  toutes  les  sciences 
naturelles.  5?.o 

Chap.  II.  De  la  force  vitale.  534 

Chap.  III.  Des  propriétés  yitales.  543 


FIN    DE    LA    TABLE    DES    MATIERES    DU    QUATRIEME    fcT    DLRÎsiRR 

VOLUME. 


TABLE  ANALYTIQUE 


DES    MATIERES 


CONTENUES  DANS  LE  QUATRIÈME  VOLUME, 


TROISIÈME  CLASSE  DES  FONCTIONS. 

Fonctions  de  reproduction ,  ou  de  la  génération, 

La  génération  est  une  fonction  exclusive  aux  êtres  vivants  —  Ses 
modes  ,  dans  la  généralité  des  êtres  vivants,  sont  très  divers  ;  génération 
équivoque  ou  spontanée  ,fissip  are ,  gemmipare  externe ,  gemmipare  interne, 
par  sexes ,  avec  ou  sans  hermaphrodisme ,  avec  copulation ,  grossesse ,  al- 
laitejnent;  distinction  des  ovipares  ,  ovovivipares  et  vivipares;  son  mode 
dans  l'homme • i  à  6 

CHAPITRE   1er.   Anatomie  de  l'appareil  générateur 6 

Art  1er.  Appareil  génital  de  l'homme.  Il  comprend  Y  appareil  de  féconda- 
tion et  celui  de  copulation 7 

§  1er.  De  l'appareil  de  fécondation.  Il  faut  y  étudier  les  parties  qui  le  con- 
stituent ,  le  mécanisme  par  lequel  ces  parties  préparent  et  conservent  le 
fluide  fécondant,  et  ce  fluide  fécondant  ou  le  sperme.  — 1°  Les  testicules^ 
leur  forme ,  leur  situation,  leur  texture.  —  Le  cordon  des  vaisseaux  sper- 
matiques.  —  Le  scrotum.  —  L'épididyme.  —  Les  conduits  déférents.  — 
Ljs  vésicules  séminales.  —  Les  glandes  de  Cowper.  —  2°  Ce  sont  les  tes- 
ticules qui  font  le  fluide  fécondant ,  et  ils  le  font  par  une  action  de  sécré- 
tion. —  Cette  sécrétion  est-elle  continue?  —  Mode  selon  lequel  le  sperme 
vient  s'accumuler  dans  les  vésicules  séminales  ,  et  ce  qu'il  éprouve  dans 
ces  réservoirs.  —  3°  Propriétés  physiques,  nature  chimique  du  sperme; 
aura   séminalis  ;  animalcules  spermatiques 7  à  18 

§11.  Appareil  de  copulation.  Se  compose  du  pénis;  celui-ci  est  formé  du 
corps  caverneux  et  du  canal  de  Turèthre;  description  anatomique  de 
ces  parties 19  a  22 

Art.  II.  De  l'appareil  génital  de  la  femme.  Il  comprend  les  appareils  de 
germification ,  de  gestation  ou  grossesse,  de  copulation  et  d'allaitement.     22 

§  1er.  Appareil  de  germification.  Celui  qui  produit  legerme,  l'œuf;  il  se  com- 
pose des  ovaires  et  des  trompes;  description  anatomique  de-ces  parties, 

22  à  24 

§  II.  Appareil  de  gestation  ou  grossesse.  Utérus,  sa  situation  ,  sa  texture; 
replis  péritonéaux  qui  le  fixent  dans  le  bassin  ;  ligament  rond  ou  cordon 
sus-pubien 24  à  28 


576  TABLE   ANALYTIQUE 

§111.  Appareil  de  copulation.  Vagin,  vulve .  *  .  .  .  .     28  à  3o 

§  IV.  Appareil  de  lactation.  —  Les  mamelles 3oà3i 

Point  d'hermaphrodisme  dans  l'espèce  humaine. — Analogie  des  organes 
sexuels  mâles  et  femelles.  —  Analogie  de  ces  o-ganes  dans  les  ovipares  et 
vivipares * * ..è     3a  à  33 

Art.  III.  Différences  générales  des  sexes.  Toujours  quelques  parties  exubé- 
rantes dans  les  mâles.  —  Différences  dans  la  stature ,  dans  les  propor- 
tions du  corps. —  Différences  morales.— Parallèle  de  toutes  les  fonctions. 
—  Excrétion  spéciale  aux  femmes,  la  menstruation;  ses  phénomènes 
extérieurs,  sa  nature;  causes  de  sa  périodicité 34  à  5o 

CHAPITRE  II.  Mécanisme  de  la  génération.  La  génération  résulte  d'une 
série  d'actes  qu'on  peut  rapporter  à  cinq  groupes,  savoir  :  copulation , 
conception  ,  grossesse ,  accouchement  et  allaitement  ;  le  rôle  des  deux  sexes 
n'y  est  ni  le  même,  ni  également  important .  .  .     5o  à  5r 

Art.  1er.  du  rapprochement  des  sexes ,  ou  de  la  copulation.  Il  faut  étudier 
la  sensation  qui  y  excite ,  et  la  part  qu'y  a  chacun  des  deux  sexes.  .     5a 

§  Ier.  Du  besoin  ou  instinct  de  la  reproduction.  —  Sa  différence  selon  les 
âges.  —  Cabanis  et  M.  Broussais  en  font  une  sensation  interne  développée 
par  les  organes  génitaux;  Ga/Z  en  fait  une  dépendance  de  la  psychologie. — 
Ses  variations  selon  les  constitutions,  le  régime  et  les  habitudes.     52  à  55 

§  II.  Office  de  l'homme  dans  la  copulation.  Phénomène  de  l'érection;  sa  cause; 
il  n'est  pas  dû  à  une  compression  de  la  veine  honteuse  interne  contre  la 
symphyse  du  pubis  ,  mais  à  une  congestion  active. — Le  sang  qui  consti- 
tue l'érection  n'est  pas  épanché  dans  des  cellules ,  mais  seulement  accu- 
mulé dans  des  plexus  veineux.  —  Excrétion  du  sperme,  mécanisme  de 
l'éjaculation 55  à  62 

§  III.  Office  de  la  femme  dans  la  copulation « 62  à  64 

Art.  II.  De  la  conception  ou  fécondation.  Il  faut  rechercher  quelles  matières 
fournissent  dans  la  génération  l'un  et  l'autre  sexe,  commentées  matières 
sont  mises  eu  contact,  et  comment  se  forme  d'elles  l'individu  nouveau* 
i°  La  matière  que  fournit  l'homme  est  le  sperme  \  preuves  tirées  de  la 
physiologie  comparée,  de  la  castration;  expériences  de  Spallanzani,  de 
MM.  Dumas  et  Prévost ,  dans  lesquelles  on  fait  avec  du  sperme  des 
fécondations  artificielles.  —  Le  sperme  pénètre;  jusqu'au  fond  du 
vagin  ,  selon  les  uns;  jusques  dans  l'utérus,  selon  d'autres;  et  enfin, 
jusqu'à  l'ovaire  ,  selon  la  plupart.  —  C'est  en  effet  à  l'ovaire  que  se  fait 
certainement  la  fécondation  ;  preuves  tirées  des  grossesses  extra-utérines  : 
la  notion  d'un  aura  sèminalis  inadmissible;  expériences  de  MM.  Dumas 
et  Prévost  qui  eu  démontrent  la  nullité.  20  La  matière  que  fournit  la 
femme  provient  de  l'ovaire  ;  selon  Fabrice  à' Aquapendente  et  Harvey , 
cette  matière  est  un  œuf.  —  Expériences  de  Degraaf  de  Malpighi,  Valis- 
nieri^  de  H aller ,  pour  signaler  la  série  des  changements  qu'éprouve 
l'ovaire  par  un  coït  fécondant  ;  ce  qu'est  le  corpus  luteum  ;  semblables 
expériences  de  MM.  Magcndie,  Dumas  et  Prévost.  —  De  toutes  ces  recher- 
ches, on  a  généralement  conclu  que  le  sperme  porlé  à  l'ovaire  avivait 
une  des  vésicules  de  cet  organe;  que  cette  vésicule  se  gonflait,  puis  se 


DES   MATIERES.  5 yj 

brisait  et  laissait  échapper  un  ovule  que  la  trompe  conduisait  dans  l'u- 
térus. —  Comment  a  agi  la  trompe  pour  conduire,  dans  le  premier  temps 
le  sperme,  et  dans  le  second  l'ovule?  —  La  vésicule  avivée  s'était-elle 
préparée  d'avance  à  cet  avivement  par  une  sorte  de  maturité  ?  —  L'ovule 
éprouve-t-il  quelques  modifications  dans  son  trajet  à  travers  la  trompe? 
—  3°  Comment  de  ces  deux  matières  fournies  par  l'un  et  l'autre  sexe,  se 
forme  l'individu  nouveau  ?  on  l'ignore  ;  on  a  fait  sur  cette  question  de 
nombreuses  conjectures,  qu'on  peut  rapporter  à  deux  systèmes,  celui  de 
l'épigènèse,  et  celui  de  l'évolution.  —  A.  L'épigènèse  est  un  système  dans 
lequel  on  admet  que  l'individu  est  formé  de  toutes  pièces  parle  rapproche- 
ment des  deux  matières  fournies  par  l'un  et  l'autre  sexe.  —  Application 
de  Ce  système  à  l'origine  première  des  êtres  ;  théorie  de  Leucippe  et  d'Em- 
pedocle  ,  Jorce  végétative  de  Needham  ,  nisus  jormativus  de  Blumenback 
conjecture  de  M.  Lamarck.  —  Application  de  ce  système  à  la  reproduc- 
tion des  êtres  vivants  actuels;  opinion  à? Hippocrate ,  tf  Aristole  ;  théorie 
des  molécules  organiques  de  Buffbn.  —  B.  Dans  le  système  de  l'évolu- 
tion, on  admet  que  l'individu  nouveau  préexiste  sous  une  forme  quel- 
conque dans  l'un  des  sexes  5  et  les  fauteurs  de  ce  système  se  subdivisent 
en  deux  sectes  ,  celle  des  ovaristes  et  celle  des  animale ulistes ,  selon  que 
l'individu  nouveau  préexiste  dans  la  femelle  sous  la  forme  d'oeuf  ou  dans 
le  mâle  sous  celle  d'animalcule.  —  Exposition  des  considérations  et  faits 
qui  appuient  et  infirment  le  système  des  œufs.  —  Semblable  exposition 
pour  le  système  des  animalcules  spermatiques  ;  dernières  recherches  de 
MM.  Dumas  et  Prévost  sur  ces  animalcules.  —  Réflexions  critiques  sur 
tous  ces  systèmes  5  aveu  de  notre  ignorance  sur  l'acte  de  la  fécondation 
ou  conception  ;  on  revient  de  nos  jours  à  l'idée  de  i'épigénése. La  con- 
ception est  un  acte  indépendant  de  la  volonté;  on  ne  peut,  ni  faire  qu'elle 
ait  lieu  ,  ni  influer  sur  ses  produits.  —  Art  de  procréer  tel  ou  tel  sexe  à 
volonté.  —  Art  delamégalanthropogènésie,ou  de  faire  des  enfants  beaux 
et  des  enfants  d'esprits.  —  Y  a-t-il  des  superfétations  ?.  .  .        6a  à  107 

Art.  III.  De  la  grossesse.  Premiers  changements  qu'éprouve  l'utérus  après 
la  conception.  —  Histoire  de  la  membrane  caduque  ;  travaux  successifs 
de  Hunter,  Haller,  M.  Velpeuu,  etc.  —  Changements  qu'éprouve  succes- 
sivement l'utérus  dans  sa  situation,  sa  forme,  son  volume,  sa  texture  • 
changements  coïncidents  dans  les  parties  annexes  de  l'utérus;  causes  de 
tous  ces  changements;  spécification  des  faisceaux  musculaires  qui  appa- 
raissent alors  dans  l'utérus.  —  Implantation  de  l'ovule  à  l'utérus  d'abord 
par  la  membrane  caduque,  ensuite  par  le  placenta.  —  Changements 
dans  les  fonctions  de  l'utérus.  —  Changements  dans  l'ensemble  entier  du 
corps.  —  Signes   caractéristiques  de  la  grossesse  ;  durée  de  cet  état. 

107  à  121 

Art.  IV.  De  l'accouchement.  Distinction  des  divers  accouchements  ou 
avortement,  accouchement  prématuré,  naturel  et  artificiel.  — L'accou- 
chement étant  une  excrétion,  il  fauty  étudier,  comme  en  toute  excrétion 
quelconque,  la  sensation  qui  annonce  le  besoin  de  l'excrétion,  l'action 
expultrice  du  réservoir  qui  contient  la  matière  à  excréter ,  et  l'action 
musculaire  auxiliaire  que  la  volonté  ajoute  à  la  précédente  ;  ou  recher- 

Tome  IV.  37 


5;8  TABLE  ANALYTIQUE 
cher  les  causes ,  les  conditions ,  le  mécanisme  et  les  suites  de  l'accouche- 
ment.—  i°  Les  causes  de  l'accouchement  cherchées  tour-à-tour  dans  le 
fœtus  et  dans  la  mère  :  elles  résident  dans  la  disposition  de  l'utérus,  et 
dans  les  changements  qu'éprouve  l'organe  d'attache  du  fœtus ,  c'est-à- 
dire  le  placenta;  d'une  part,  la  continuité  de  la  grossesse  rompt  tout 
équilibre  entre  le  fond  et  le  col  de  l'utérus  ;  d'autre  part,  le  placenta  de- 
vient de  moins  en  moins  vasculaire,  ses  vaisseaux  s'oblitèrent.  —  2°  Les 
conditions  pour  l'accouchement  sont;  du  côté  de  la  mère,  une  bonne 
conformation  du  bassin  et  des  autres  parties  génitales  ;  du  côté  de  l'en- 
fant, sa  bonne  conformation  et  sa  bonne  situation.  —  3°  Distinction  de 
plusieurs  temps  dans  l'accouchement;  préparation  à  l'accouchement; 
dilatation  de  l'orifice  de  l'utérus;  trajet  de  la  têle  à  travers  l'orifice  de 
l'utérus;  sortie  complète  du  fœtus  du  sein  de  sa  mère;  délivrance.  — 
4°  Enfin ,  suites  de  l'accouchement,  lochies,  etc 121  à  i37 

Art.  V.  De  la  sécrétion  du  lait  et  de  la  lactation.  La  sécrétion  laiteuse  n'est 
pas  continue;  elle  s'établit  à  l'occasion  de  la  grossesse  et  de  l'accouche- 
ment -,  fièvre  dite  de  lait  qui  marque  son  établissement  le  deuxième  ou  le 
troisième  jour  de  la  couche. — Dissidences  sur  le  fluide  quialimente  la  sé- 
crétion laiteuse;  M.  Riclierand  dit  la  lymphe;  d'autres  ,  le  chyle;  nous 
croyons  que  c'est  le  sang  artériel. — Mécanisme  de  la  sécrétion,  de  l'excré- 
tion. —  Histoire  du  lait  ;  les  propriétés  physiques  de  ce  liquide ,  sa  nature 
chimique,  sa  quantité.  —  Phénomènes  qui  marquent  la  cessation  de  îa 
sécrétion   laiteuse i38  à  \[\5 

APPENDICE  aux  dernières  classes  de  fonctions . 

Innervation.  On  appelle  ainsi  l'influence  nécessaire  qu'exerce  le  système 
nerveux  sur  le  jeu  des  organes  des  fonctions  organiques  ,  la  subordina- 
tion dans  laquelle  sont  de  ce  système  les  actions  de  l'économie  qui  se 
produisent  irrésistiblement  et  sans  que  nous  en  ayons  conscience.  —  On 
a  voulu  localiser  cette  influence  dans  les  nerfs  grand  sympathique  et 
pneumo-gastrique;  il  faut  donc  faire  d'abord  l'exposition  de  l'anatomie 

de  ces  nerfs. i46 

CHAPITRE  Ier.  Anatomie  du  grand  sympathique.  Enumération  des  gan- 
glions qui,  de  hauten  bas,  constituent  ce  nerf;  nerfs  qui  unissentcesgan- 
glions  entre  eux  et  paraissent  en  faire  un  système  continu^  —  Nerfs  qui 
joignent  les  ganglions  du  grand  sympathique  aux  nerfs  encéphaliques  et 
spinaux  ,  et  qu'on  appelle  racines  ou  anastomoses  du  grand  sympathique. 
—  Nerfs  propres  du  grand  sympathique,  c'est-à-dire  ceux  qui  vont  aux 
organes  et  leur  transmettent  l'influence  nerveuse  nécessaire  à  leur  vie; 
enumération  de  ces  nerfs,  selon  qu'ils  proviennent  des  ganglions  du 
grand  sympathique  situés  à  la  têle,  au  col,  au  thorax,   à    l'abdomen. 

i4;  à i54 

CHAPITRE  II.  Anatomie  du  nerf  vague ,  ou  pneumo-gastrique.  Son  ori- 
gine, son  trajet,  sa  terminaison  ;  les  nombreux  rameaux  que  dans  son  long 
trajet  il  fournit  au  laryux,  au  poumon,  au  cœur,  à  l'estomac.     1 54  à  i58 

CHAPITRE  III.  De  l'influence  nerveuse  organique  ,  ou  innervation.  Cette  in- 
fluence est  une  des  conditions  premières  de  la  vie.—  Les  auteurs  disputent 


DES    MATIÈRES.  5jg 

sur  les  limites  de  cette  influence,  sur  les  nerfs  qui   la  dispensent,   sur 
la  source  dont  elle  émane,  et  sur  l'essence  de  cette  action.  .     i58  à  i5g 

§.  II.  Limites  de  V innervation.  Selon  quelques  physiologistes,  l'innervation 
nJest  vraie  que  des  fonctio  organiques  supérieures;  ces  physiologistes 
posent,  à  son  égard,  ces  deux  lois  :  qu'elle  n'existe  que  pour  les  fonc- 
tions organiques  supérieures  ,  et  est  nulle  pour  les  dernières;  qu'elle  a 
un  empire  d'autant  plus  grand,  et  s'étend  sur  un  nombre  de  fonctions 
d'autant  plus  considérable,  que  l'animal  est  plus  supérieur,  a  une  vie  de 
relation  plus  prédominante ,  et  un  système  nerveux  plus  développé. — 
Selon;d'autres,  l'innervation  régit  toutes  les  fonctions  organiques  sans  ex- 
ception ;  mais  ses  conducteurs  dans  les  parties  sont  d'autant  moins  dépen- 
dants des  centres  nerveux,'qu'il  s'agit  de  fonctions  moins  élevées  en  anima- 
lité, et  d'animaux  plus  inférieurs.  — Dans  les  deux  opinions  ,  le  résultat 
pour  l'homme  est  le  même.  —  Preuves  que  ,  dans  cet  être  ,  la  digestion, 
Ja  respiration,  la  circulation,  les  nutritions,  les  calorifications  ,  les  sé- 
crétions, les  acles  reproducteurs,  sont  dépendants  d'une  influence  ner- 
veuse  i5g  à    168 

§  II.  Des  nerfs  qui  dispensent  l'innervation.  Dans  les  derniers  animaux  ,  les 
nerfs  de  l'innervation  sont  les  mêmes  que  ceux  qni  président  aux  fonctions 
sensoriales;  mais  dans  les  animaux  supérieurs  et  dans  l'homme  ,  il  y  a, 
selon  la  plupart  des  physiologistes,  des  nerfs  spéciaux  pour  les  fonctions 
organiques,  savoir,  les  grands  sympathiques  et  les  nerfs  vagues;  ces  nerfs 
diffèrent  en  effet  de  tous  les  autres  par  leur  disposition  anatomique,  — 
Les  anciens,  cependant,  ne  regardaient  pas  ces  nerfs  comme  les  dispensa- 
teurs uniques  de  l'innervation;  ce  sont  des  modernes  ,  Reil ,  Bichat ,  Gall, 
M.  Broussais,  qui  ont  fait  du  grands  ympathique  l'agent  exclusif  de  l'in- 
fluence nerveuse  organique.  —  Nous  croyons  l'opinion  des  anciens  plus 
fondée;  du  reste,  motifs  des  uns  et  des  autres.  — Exposition  des  dissi- 
dences des  auteurs  sur  le  grand  sympathique,  sous  le  rapport  anatomique 
et  sous  le  rapport  physiologique  ;  section  ou  ligature  de  ces  nerfs  ,  par 
Bichat,  M.  Dupuy  et  autres 108  à  182 

§  III.  Sources  de  l'innervation.  La  plupart  placent  cette  source  dans  les 
grands  centres  nerveux,  et  ne  considèrent  les  nerfs  que  comme  descendue* 
teurs.  —  Reil ,  Prochaska ,  M.  Broussais.au  contraire,  pensent  que 
chaque  nerf  a  le  pouvoir  de  sécréter  le  fluide  qui  constitue  l'infhix  ner- 
veux; mais  si  cela  est,  il  faut  reconnaître  que  dans  les  animaux  supé- 
rieurs, cette  action  locale  de  chaque  nerf  est  subordonnée  aux  grands 
centres  nerveux;  ce  qui  revient  au  même 182  à  184 

§  IV  .  Essence  de  l'innervation.  Elle  est  ignorée  ;  supposition  d'un  fluide  du 
genre  des  fluides  impondérables  de  la  nature;  conjecture  des  esprits  ani- 
maux, du  fluide  nerveux;  système  de  M.  Lamark ,  de  M.  Cuvier.  —  Faits 
divers  qui  appuient  l'idée  d'une  analogie  entre  le  fluide  nerveux  et  le 
fluide  électrique.  — Théorie  toute  récente  de  M.  Dutrochet  sur  l'endo- 
smose et  l'exosmose.  —  Système  de  M.  Bachouè,  de  Violer,  qui  subor- 
donne toutes  les  actions  de  la  vie  à  une  action  nerveuse ,  et  qui  les 
rattache   toutes  à  des  courants    galvaniques  produits  par  les   actions 


58o  TABLE   ANALYTIQUE 

chimiques  continuelles  qui  se   font  dans  les  organes;   expériences  de 
M.  Pouillet  contraires  à  ce  système 184  à    198 

TROISIÈME  PARTIE. 

Etude  des  connexions  des  fonctions  entre  elles  ,  et  des    rapports  de 
l'homme  avec  l'univers  extérieur *99 

SECTION  PREMIÈRE.  Des  connexions  des  fonctions . 

Trois  espèces  de  rapports  entre  les  organes  ,  des  rapports  mécaniques , 
des  rapports  fonctionnels  ,  et  des  rapports  sympathiques 

CHAPITRE  PREMIER.  Rapports  mécaniques  des  organes.  Ce  sont  ceux 
qu'exercent  mécaniquement  les  uns  sur  les  autres  les  organes  ,  par  le  fait 
seul  de  leur  continuité  ou  contiguité.  —  Tout  organe  susceptible  d'exécu- 
ter un  mouvement  appréciable  ,  influe  d'une  manière  mécanique  sur  les 
autres  ;  par  exemple  ,  les  organes  de  la  locomotion,  de  la  respiration,  de 
la  circulation,  de  la  digestion  ;  ceux  chargés  de  conserver  en  dépôt  et 
d'excréter  quelques  matières  solides  ou  liquides.  .....     201  à  204 

CHAPITRE  II.  Rapports  fonctionnels  des  organes.  Ce  sont  ceux  qui  tiennent 
au  concours  obligé  des  fonctions;  d'autant  plus  nombreux  que  l'or- 
ganisation est  plus  compliquée,  et  on  les  partage  en  ceux  qui  ont  trait 
à  l'entretien  de  la  vie  en  général ,  et  ceux  qui  concernent  l'accomplisse- 
ment d'une  faculté  en  particulier 204  à  2o5 

Art.  1er.  Rapports  fonctionnels  relatifs  à  l'entretien  de  la  vie.  Deux  condi- 
tions primordiales  pour  la  vie  ,  présence  du  sang  artériel,  et  influx  ner- 
veux. —  De  là  deux  espèces  de  rapports  fonctionnels  vitaux.  ....     205 

§  I.  Rapports  fonctionnnels  relatifs  à  la  première  condition  vitale  ^  la  pré- 
sence du  sang  artériel  dans  les  organes.  Nul  organe  ne  vit  qu'autant  que 
du  sang  lui  arrive;  mais  ce  sang  ne  lui  est  fourni  que  parle  concours  de 
plusieurs  fonctions ,  et  ces  fonctions  influent  sur  cel  envoi  d'une  ma- 
nière plus  ou  moins  prochaine.  i°  Deux  fonctions,  la  respiration  et  la 
circulation  ,  ont  en  ceci  une  influence  si  prochaine ,  qu'elles  ne  peuvent 
se  suspendre  un  seul  instant.  —  La  cessation  de  la  respiration  constitue 
V  asphyxie  ;  modes  divers  d'asphyxie  ;  symptômes  de  l'asphixie,  état  du 
cadavre  ;  les  symptômes  et  les  lésions  cadavériques  différent  selon  que 
l'asphyxie  a  été  prompte  ou  graduelle  ;  la  cause  de  la  mort  dans  l'asphyxie 
est  que  toutes  les  parties  sont  pénétrées  par  un  sang  veineux  ;  ce  fluide 
cependant  n'a  d'influence  délétère  que  négativement.  —  La  cessation  de 
la  circulation  constitue  la  syncope;  modes  divers  de  syncope;  ses  symp- 
tômes ;  ses  lésions  de  tissu  ;  sa  cause.  —  Le  poumon  et  le  cœur  sont  ainsi 
constitués  des  centres  de  vie;  il  faut  y  ajouter  l'encéphale;  ces  trois 
organes  sont  nécessaires  à  tous,  et  se  sont  réciproquement  nécessaires. 
20  Influence  de  la  digestion  sur  l'état  du  sang  ;  c'est  la  digestion  qui 
fournit  les  matériaux  destinés  à  renouveler  ce  fluide  ;  la  suppression 
de  cette  fonction  fait  mourir  en  quelques  jours;  le  sang  est  appauvri,  a 
diminué  de  quantité.  3°  Enfin  ,  influences  qu'exercent  sur  l'état  du  sang, 


DES   MATIÈRES.  58 1 

ce  fluide  nécessaire  à  la  vie  de  tout  organe ,  les  absorptions  qui  concou- 
rent aussi  à  en  renouveler  la  masse  ;  les  sécrétions  qui  le  dépurent  ou  le 
dépensent  ;  les  calorifications  qui  paraissent  avoir  la  plus  grande  part  à 
la  conversion  du  sang  artériel  en  sang  veineux,  les  nutritions  pour  le 
service  desquelles  il  est  fait.  —  Il  faut  donc  conclure  que  le  sang  est  sans 
cesse  dépensé  et  refait,  et  conséquemraent  change  sans  cesse  dans  l'éco- 
nomie; la  considération  de  ce  qu'est  ce  fluide  est  d'un  premier  intérêt 
pour  le  physiologiste  et  le  médecin.  —  Quant  à  son  mode  d'action  dans 
les  organes ,  il  est  inconnu;  il  est  un  stimulus  vital.  .  .  .     2o5  à  229 

§  II.  Rapports  fonctionnels  relatifs  à  la  seconde  condition  vitale  ,  l'influence 
nerveuse.  L'influence  nerveuse  organique  est  toujours  dépendante  des 
centres  nerveux,  encéphale  et  moelle  spinale,  mais  dans  un  degré  qni 
varie  ,  selon  l'animal,  selon  l'âge,  et  selon  l'animalité  de  la  fonction 
dans  laquelle  on  la  considère. — De  là  ces  lois  :  i°  que  l'influence  nerveuse 
organique  est  d'autant  plus  dépendante  des  centres  nerveux,  que  l'animal 
est  plus  supérieur;  20  que  l'animal  est  plus  âgé;  3°  qu'elle  s'applique  à 
une  fonction  plus  élevée  en  animalité.  —  Quant  à  la  partie  nerveuse 
centrale  qui  régit  l'innervation  ,  les  uns  disent  lJencéphale ,  les  autres 
la  moelle  spinale;  il  nous  paraît  que  c'est  la  partie  intermédiaire  à  ces 
deux  là  ,  la  moelle  alongée 229  à  241 

Art.  II.  Rapports  Jonction  ne Is  relatifs  à  V  accomplissement  des  diverses  fa- 
cultés. Nous  les  distinguons  seloa  qu'ils  ont  trait  à  la  nutrition  ,  à  la 
reproduction  ,  à  la  faculté  de  sentir  ,  et  à  celle  d'exprimer 241 

§  I.  Rapports  fonctionnels  relatifs  à  la  faculté  de  se  nourrir.  Tableau  des  fonc- 
tions dont  le  concours  effectue  la  nutrition,  —  Rapports  entre  les  inges- 
tions qui  font  le  sang  ,  et,  les  fonctions  qui  mettent  en  œuvre  ce  liquide. 
—  Rapports  inverses  entre  les  pertes  que  fait  le  corps ,  et  les  ingestions 
destinées^  réparer  ces  pertes  —  Balancement  entre  les  fonctions  qui  répa- 
rent ,  comme  entre  celles  qui  dépensent ,  entre  les  absorptions  et  la  di- 
gestion d'une  part ,  entre  les  nutritions  et  sécrétions  de  l'autre.  —  Pour 
expliquer  ces  divers  rapports  ,  institution  des  lois  d'appel  ou  de  fluxion 
et  de  balancement  :  application  de  ces  lois  aux  phénomènes  de  l'irrita- 
tion ,  de  la  dérivation  ,  de  la  révulsion  ,  des  congestions  .  .     24.2  à  249 

§  H.  Rapports  fonctionnels  relatifs  à  la  faculté  de  se  reproduire.  Tableau  des 
fonctions  dont  Je  concours  effectue  la  reproduction,  —  Indication  des 
conxions    que    manifeste  l'acte  de  la  génération  ,  .  .  .  «  .     249  à.  a5.2 

§  III.  Rapports  fonctionnels  relatifs  à  la  faculté  de  sentir.  L'encéphale  est 
le  centre  de  la  sensibilité  ,  comme  organe  où  aboutissent  toutes  les  sen- 
sations ,  d'où  partent  les  ordres  de  la  volonté  ,  comme  agent  des  facultés 
intellectuelles  et  morales,  et  siège  du  moi.  —  Rapports  entre  la  veille  et 
le  sommeil,  entre  les  sensations  et  les  mouvements  ,  entre  la  vie  ani- 
male et  la  vie  organique 2$2  à  258 

fi  IV.  Rapports  fonctionnels  relatifs,  à  la  faculté  d'exprimer.  Ces  rapporls 
nécessitent  l'institution  d'une  troisième  loi,  la  loi  d  irradiation^  258  à  260 

CHAPITRE  III.  Des  rapports  sympataues.  Ce  sont  ceux  dans  lesquels 
l'impression  éprouvée  par  un  organe  en  modifie  un  autre  éloigné  du  pie- 


582                                      TABLE   ANALYTIQUE 
mier,mais  sans  que  des  organes  intermédiaires  partagent  cette  modification, 
et  sans  que  cette  modification  puisse  être  rapportée  aux  connexions  méca- 
niques des  parties,  ni  à  l'enchaînement  naturel  des  fonctions. — Ils  reposent 
sur  la  loi  d'irradiation  nerveuse.  —  Distinction  de  la  synergie  et  de  la 
sympathie  de  Barthez  ,  inutile.  —  Enumération  de  divers  genres  de  sym- 
pathies ,  entre  parties  d'un  même  organe,  entre  diverses  parties  de  mem- 
branes continues  ,  entre  paities  immédiatement  contiguës  ,  entre  divers 
organes  d'un  même  appareil  ,  entre  la  membrane  muqueuse  d'un  organe 
d'ing:  stion  ou  d'excrétion  et  les  muscles  de  la  cavité  splanchnique  où  cet 
organe  est  contenu  ,  entre  les  organes  pairs  congénères,   entre   les  or- 
ganes dont  la  structure  et  les   fonctions  sont  analogues  ,  entre  les  divers 
appareils  qui  concourent  à  un  même  but,  enfin,  entre  un  organe  et  tous 
les  autres  consécutivement  à  une  irradiation  qui  émane  du  premier.  — 
C'est  une  question  de  savoir  si  tous  les  organes  présentent  des  sympa- 
thies de  ce  dernier  ordre  ,  ou  s'il  n'y  a  que  les  plus  vasculaires  et  les 
plus  nerveux.  —  Pour  apprécier  les  rapports  sympathiques  de  ce  genre  , 
il  faut  avoir  égard  à  certaines  circonstances  qui  les  font  se  déceler  ,  savoir: 
la  comparaison  des  âges,   celle  de  l'état  d'action  avec  l'état  d'inaction 
pour  celles  des  fonctions  qui  sont  intermittentes  ,  celle  des  divers  degrés 
d'activité  des  fonctions  ,  celle  des  tempéraments  ,  et  l'état  de  maladie.  — 
Sous  ce  dernier  rapport  ,  c'est  par  les  sympathies  qu'une  maladie  se  géné- 
ralise ;  elle  a  ]été  primitivement  locale  ;  il  faut  excepter  cependant  les 
maladies  dont  la  cause  est  une  altération  du  sang.  —  Distinction  des 
sympathies  en  actives  et  passives. —  Les  sympathies  morbides  sont  en 
raison  de  la  structure  et  de  la  vitalité  de  l'organe  qui  est  malade,  et  en 
raison  de  la  nature  de  la  maladie.  —  Quant  à  l'a  cause  organique  des  sym- 
pathies, tour-à-tour  on  l'a  placée  dans  les  membranes,  dans  le  tissu  cellu- 
laire, dans  le  système  vasculaire ,  et  dans  le  système  nerveux  ;  cette  der- 
nière opinion  est  la  plus  vraisemblable.  —  Pour  produire  les  sympathies, 
le  système  nerveux  ne  peut  agir  que  de  deux  manières:  ou  directement 
par  des  rameaux  anastomotiques  ,  ou   par  l'intermédiaire  du  cerveau  j  il 
est  probable  qu'il  y  a  des  sympathies  de  l'un  et   l'autre  mode  ,  mais  les 
sympathies  cérébrales  sont  en  bien  plus  grand  nombre  :  l'organe  qui  est  le 
point  de  départ  de  la  sympathie  irradie  l'impression  qu'il  a  reçue  au  cer- 
veau ,  et  celui-ci  la  reflète  dans  la  généralité  du  système  ^  d'où  la  modifi- 
cation de  tous  les  organes,  ou  seulement  de  quelques-uns.  —  Quant  à  l'es- 
sence de  cette  irradiation  sympathique,  elle  est  aussi  peu  connue  que  celle 
de  toute  autre  action  nerveuse 260  à   295 

SECTION   DEUXIÈME.    Des  rapports  de   l'homme  avec 
l'univers. 

Ils  sont  mécaniques,  physiques  ,  chimiques  ,  organiques.  .  .  20,5  à  296 
§  1.  Rapports  mécaniques ,  physiques  et  chimiques  de  l'homme  avec  les  corps 
extérieurs.  —  L'homme  est,  par  la  gravitation,  attaché  à  la  terre,  qui  lui 
sert  de  point  d'appui  ;  il  est  plongé  dans  l'atmosphère.  —  Celle-ci  agit 
sur  lui  par  sa  pesanteur,  sa  température,  son  action  dissolvante,  sa  sé- 
cheresse ou  son  humidité;  par  les  matières  qu'elle  tient  en  suspension  et 


DES    MATIÈRES.  583 

qu'elle  dépose  à  la  surface  de  la  peau  ;  peut-être  agit-elle  encore  chimi- 
quement,  et  parles  phénomènes  météorologiques  qui  se  produisent  en 

elle.  —  Action  de  nos  vêtements 296  à  3o2 

§  2.  Rapports  organiques  de  l'homme  avec  les  coiys  extérieurs.  —  Us  sont 
nécessités  par  les  besoins  de  se  nourrir  et  de  sentir. — Rapports  avec  l'at- 
mosphère pour  la  respiration  ;  cette  fonction  y  puise  de  l'oxygène. — In- 
fluences du  calorique,  delà  lumière,  de  l'électricité  qui  existe  dans  l'at- 
mosphère; influence  des  corps  étrangers  qu'elle  peut  tenir  en  suspension  ; 
enfin  influence  dépendante  de  sa  température,  de  son  état  de  sécheresse 
ou  d'humidiléjde  son  état  électrique. — Nécessité  des  aliments  et  des  bois- 
sons. —  Rapports  des  organes  et  des  sens  avec  leurs  excitants  spéciaux.  — 
Enfin  rapports  moraux  ,  c'est-à-dire  de  l'homme  avec  ses  semblables  et 
avec  Dieu * 3oa  à  3io 

QUATRIÈME  PARTIE. 

DES    AGES    DE    1,'nOMJVlE. 

Il  faut  distinguer  ici  la    vie  intra-utérine  ,  et  les  âges  proprement  dits.   . 

3n  à  3ïo 

SECTION  PREMIÈRE.   Vie  intra-utérine. 

C'est  l'époque  de  la  vie  qui  s'écoule  pendant  que  l'homme  est  encore  ren- 
fermé dans  le  sein  de  sa  mère 3i2 

CHAPITRE  Ier.  Anatomie  du  fœtus.  Qu'est  l'homme  avant  la  conception  ? 
La  vésicule  ovarienne  ,  avant  d'être  fécondée ,  a-t-elle  éprouvé  une  sorte 
de  maturation  î  Quel  changement  la  fécondation  a-t-elle  fait  subir  à  cette 
vésicule?  Quand  l'ovule  fécondé  quitte-t-il  l'ovaire  ?  S'il  éprouve  quelques 
changements  eu  traversant  la  trompe  ?  Comment  il  se  dispose  avec  la 
membrane  caduque  en  arrivant  dans  l'utérus  ?  Enfin,  quels  sont  les  pre- 
miers développements  du  fœtus  ,  jusqu'au  moment  où  l'on  peut  distin- 
guer nettement  ses  parties?  Toutes  ces  questions  sont  difficiles  à  résou- 
dre, et  constituent  autant  de  points  fort  litigieux;  on  en  a  appelé  aux  ovi- 
pares, chez  lesquels  tous  les  développements  se  font  à  l'extérieur;  tra- 
vaux successifs  de  Fabrice  d' '  Jquapendente ,  Malpighi,  Huiler,  Spallan- 
zani,  JVolf  MM.  Cuvier,  Dulrochet,  Pander,  Rolando,  etc.,  sur  l'œuf  du 
poulet  3  anatomie  de  Fœuf  de  la  poule  5  série  des  développements  qu'y 
éprouve  le  petit  poulet  pendant  la  durée  de  l'incubation ,  d'après 
MM.  Cuvier  et  Dutrochet;  développements  analogues  dans  les  œufs  des 
autres  ovipares;  travail  de  Pander  sur  le  même  sujet;  travail  de  Ro- 
lando  ;  tous  ces  faits  nécessitent  de  nouvelles  recherches. — Vers  le  quin- 
zième jour  de  la  grossesse  ,  on  peut  distinguer  nettement  dans  l'ovule  le 
fœtus  et  ses  parties  annexes.  » 3i2  à  326 

Art.  l°r.  Parties  annexes  du  fœtus.  Etude  anatomique  du  chorion  ,  de  l'am- 
nios  et  du  liquide  que  contient  cette  membrane  ,  du  placenta ,  du  cordon 
ombilical ,  de  la  vésicule  ombilicale  et  de  la  membrane  allantoïde.  ■ —  In- 
dication par  M.  Pockels  ,  d'une  nouvelle  partie  sous  le  nom  de  membrane 
ci-ythroïde 326  à  343 


58  4  TABLE   ANALYTIQUE 

Art.  II.  Du  fœtus  lui -même.  Indication  des  formes  sous  lesquelles  il  se 
présente  ,  et  des  parties  extérieures  qu'on  distingue  en  lui,  à  partir  de  la 
troisième  semaine  jusqu'à  la  fin  de  la  grossesse. — Recherche  des  systèmes 
et  appareils  qui  se  développent  les  premiers  eu  lui  ;  idées  diverses  de 
MM.  Meckel ,  Rolando  et  Serres  à  cet  égard.  —  Suite  des  évolutions  qu'é- 
prouvent successivement,  du  commencement  à  la  fin  de  la  grossesse,  le  sys" 
tème  vasculaire  sanguin  ,  le  système  nerveux,  l'appareil  digestif,  l'appa- 
reil sécréteur,  les  appareils  des  sens,  l'appareil  locomoteur,  l'appareil  gé- 
nital. —  Idées  de  M.  Serres  sur  l'embryogénie  ,  ses  lois  de  symétrie  et  de 
conjugaison. — Autres  idées  de  M.  Meckel,  et  ses  douze  lois  de  formation. 

433à48i 

CHAPITRE  II.  Physiologie  du  fœtus.  Y  étudier  successivement  toutes  les 

fonctions  de  nutrition,  de  relation  et  de  reproduction.  ...     38 i  à  382 

Ai\t.  1er.  Des  fonc  lions  de  nutrition  du  fœtus.  Quatre  questions  seprésentent: 

où  et  comment  le  fœtus  prend  ses  matériaux  de  nutrition  ?commentil  les 

change  en  sang  f  comment  il  assimile  ce  fluide  à  ses  organes?  et  par 

quelles  excrétions  il  effectue  sa  décomposition 382  à  383 

§  1er.  Préïiension  des  matériaux  nutritifs  et  composants  du  fœtus.  Il  y  a  doute 
sur  la  source  d'où  proviennent  ces  matériaux  ;  on  a  indiqué  tour-à-tour: 
i°  la  matière  séro-albumineuse  sécrétée  dans  l'utérus  pour  la  formation 
de  la  membrane  caduque;  2°  la  matière  de  la  vésicule  ombilicale;  3°  la 
liqueur  de  l'allantoïde  ;  4°  Ie  liquide  de  l'amnios,  qu'on  a  fait  pénétrer 
ou  par  la  peau  ,  ou  par  les  voies  respiratoires,  ou  par  les  voies  digestives, 
ou  par  les  voies  génitales  ,  ou  par  les  mamelles;  5°  des  sucs  qui  seraient 
puisés  dans  la  mère  par  les  villosités  qui  sont  à  la  surface  externe  du 
chorion  ;  6o  une  matière  fournie  par  le  placenta,  qui,  selon  les  uns,  est 
du  sang  ,  selon  les  autres  un  fluide  séreux;  70  enfin  la  substance  gélati- 
neuse du  cordon.— De  ces  sept  sources,  deux  seules  doivent  être  admises  , 
la  vésicule  ombilicale  et  le  placenta:  sur  tout  ceci,  nombreuses  dissiden- 
ces des  auteurs 383  à  3g8 

S  II.  Conversion  des  matériaux  nutritifs  en  sang.  Le  fœtus  fait  son  sang  ;  ac- 
tion du  placenta  et  du  foie  pour  la  sanguification  du  fœtus.  —  Conjec- 
ture de  M.  Geoffroy  Saint-Hilaire ,  sur  les  usages  du  mucus  très  abondant 
qui  est  sécrété  dans  l'estomac  et  l'intestin  du  fœtus.  —  Idée  de  Schreger 
que  le  placenta  fournit ,  non  du  sang  ,  mais  un  fluide  séreux.  —  Etat  de 
la  digestion,  de  la  respiration  et  de  la  circulation  dans  le  fœtus,  3p,8  à  4 10 
S  III.  Appropriation  du  sang  du  fœtus  aux  parties  de  cet  être  pour  la  nutrition 
proprement  dite.  —  i°  Les  nutritions  du  fœtus  consistent,  comme  celles  de 
l'adulte  ,  dans  la  solidification  du  sang.  —  Théorie  des  phénémes  de  l'ac- 
cioissement.—  20  Calorifications  du  fœtus, —  3°  Sécrétions  du  fœtus.  . 

4io  à4i5 
g  IV.  Des  excrétions  du  fœtus.  —  Sécrétion  urinaire.  — Méconium.  — Excré- 
tions cutanées. — Excrétion  par  le  placenta,  selon  quelques-uns.  4*5  à  417 
Art.  II.  Des  Jonctions  de  relation  et  de  reproduction  du  fœtus. — Les  fonc- 
tions de  reproduction  sout  nulles  dans  le  fœtus. — Des  sens,  il  n'existe  que 
le  tact.  —  Pas  de  sensations  internes,  sauf  des  douleurs  —  Selon  Caba- 
nis ,  il  y  a  déjà  quelques  essais  des  facultés   intellectuelles  et  morales. 


DES    MATIÈRES.  585 

—  Il  y  a  déjà  des  mouvements  de  produits. — Nuls  phénomènes  dVx pres- 
sion» —  Enfin  pas  de  sommeil  ;  on  ne  peut  assimiler  à  ce  phénomène  l'état 
d'insensibilité  et  d'immobilité  du  fœtus 4r7  à  /jat 

SECTION  SECONDE.  Vie  extra-utérine. 

Distinction  des  âges  en  quatre  ou  en  cinq 42^  *  42^ 

CHAPITRE  1er.  De  la  première  enfance.  —  Elle  s'étend  de  la  naissance  à  la 
deuxième  dentition  ,  à  sept  ans  :  Halle  l'a  subdivisée  en  trois  époques 

425  à  ^26 

Art.  Ier.  Première  époque  de  la  première  enfance. —Elle  dure  sept  mois  ,  de 
13  naissance  à  la  première  dentition.  —  Révolution  qu'éprouve  l'être  à 
la  naissance  :  la  respiration  s'établit  ;  il  y  a  dès  lors  deux  espèces  de  sang  5 
la  circulation  se  fait  selon  un  autre  mode  ;  la  vie  de  relation  commence  ; 
l'innervation  devient  bien  plus  nécessaire. — Progrès  de  l'homme  pendant 
cette  période  de  la  vie,  sous  les  rapports  anatomique  et  physiologique.  . 

429  à  436 

Art.  II.  Seconde  époque  de  la  première  enfance. — M.  Halle  la  fait  durer  de 
sept  mois  à  deux  ans  et  demi  ;  la  première  dentition  en  est  le  trait  princi- 
pal.— Progrès  des  fonctions  de  relation  et  des  fonctions  de  nutrition  pen- 
dant sa  durée 436  à  443 

Art.  III.  Troisième  époque  de  la  première  enfance.  —  Elle  s'étend  de  deux 
ans  et  demi  à  sept  ans.  —  Progrès  pendant  cet  âge 44^  à  444 

CHAPITRE  II.  De  la  deuxième  enfance.  —  Cet  âge  dure  de  sept  à  quinze 
ans  ;  son  commencement  est  marqué  par  la  deuxième  dentition  ,  et  sa  fin 
par  le  premier  éveil  des  organes  génitaux 444  ^  44 7 

CHAPITRE  III.  Adolescence,  puberté.  —  Dans  cet  âge,  Paecroissement  en 
hauteur  s'achève,  la  fonction  de  la  génération  entre  en  exercice.  — 
Révolution  de  la  puberté 447  à  45>2 

CHAPITRE  IV.  De  la  virilité. — Halle  a  subdivisé  cet  âge  en  trois  époques  : 
virilité  croissante ,  virilité  confirmée  ,  et  virilité  décroissante  —  Etat  ana- 
tomique et  physiologique   de  l'homme  dans  chacune  de  ces   époques 

452    à  4^7 

CHAPITRE,  V.  De  la  vieillesse. — Subdivisée  aussi  en  vieillesse  commençante , 
vieillesse  confirmée,  et  décrépitude.  —  Décaissement  successif  dans  cha- 
cune de  ces  époques 45;   à  465 

CHAPITRE  VI.  De  la  mort La  mort  est,  ou  se ni le ,  ou  accidentelle: 

—  10  Description  de  la  mort  sénile  ;  elle  se  fait  graduellement ,  et  pro- 
cède de  la  circonférence  aux  centres.  —  Sa  cause  réside  dans  les  dété- 
riorations qu'ont  éprouvées  les  organes,  par  suite  du  cours  de  la  vie , 
et  particulièrement  dans  celles  quJa  dû  éprouver  le  système  nerveux.  — 
La  mort  sénile  es!  fort  rare.  —  20  La  mort  accidentelle  reconnaît  pour 
cause  une  dét  érioratiou  survenue  accidentellement  dans  les  organes , 
avant  le  terme  naturel  de  la  vie.  —  Ses  causes  sont  très  multipliées.  — 
Tantôt  elle  est  subite  ,  et  diffère  dans  les  traits  sous  lesquels  elle  se  pré- 
sente, selon  qu'elle  est  une  asphyxie,  une  syncope  ou  une  apoplexie. — 
Tantôt  elle  survient  après  quelques  jours  ou  semaines  de  maladie;  et  ici 
elle  est  encore  susceptible  de  nombreuses  variétés. — Enfin,  en  certains  cas, 


586  TABLE   ANALYTIQUE 

elle  ne  vient  qu'après  des  mois,  des  années,  et  est  prévue  de  loin.  —  A  la 
différence  de  la  mort  sénile,  elle  procède  des  centres  à  la  circonférence.— 
L'état  du  cadavre,  dans  la  mort  sénile  ,  diffère  beaucoup  de  ce  qu'est  ie 
cadavre  dans  la  mort  accidentelle  ;  dans  celle-ci,  persistance  de  plusieurs 
fonctions  après  la  mort;  histoire  de  ce  qu'on  appelle  froideur  cadavé- 
rique. —  Enfin,  tableau  de  la  putréfaction,  mouvement  intestin  qui 
détruit  le  corps «     4^6  à  fêG 

CINQUIÈME  PARTIE. 

CES   DIFFÉRENCES    ÎHDIVIDCELLES    DE  l'hOMME. 

Nous  ne  traiterons  que  de  celles  qui  fondent  les  tempéraments,  les 
constitutions ,   les   idiosyncrasies  ,   les  habitudes  et  les    races  humaines. 

437  à  489 
CHANTEE  Ier.  Des  tempéraments.  Différences  de  l'homme,  qui  consis- 
tent en  des  disproportions  de  volume  et  d'activité  des  organes  et  appa- 
reils importants.  —  La  doctrine  des  tempéraments  doit  être  basée  sur  la 
physiologie. —  Tempéraments  des  anciens  ,  d'après  la  proportion  des  élé- 
ments. —  Tempéraments  selon  les  humoristes,  les  solidistes.  —  Tort  de 
quelques  modernes  ,  qui  contestent  l'existence  des  tempéraments.  — 
Manière  dont  Halle  en  expose  les  bases  organiques  ;  distinction  faite  par 
ce  professeur,  de  tempéraments  généraux  et  de  tempéraments  partiels.  — 
Exposition  des  tempéraments  ,  par  M.  Rostan.  —  Réflexions  critiques  sur 

ce   point  de  doctrine 49°  à  5o5 

CHAPITRE  II.  Des  constitutions.  Elles  sont  en  même  nombre  que  les  indi- 
vidus ;  chacun  a  la  sienne  ;  on  ne  peut  donc  les  étudier  que  sous  le  point 
de  vue  de  leur^brce,  c'est-à-dire  du  degré  de  résistance  qu'elles  opposent 
aux  causes  morbifiques.  —  La  constitution  doit  sa  force  à  un  développe- 
ment convenable,  à  une  juste  proportion  des  organes,  et  à  une  énergie 
intrinsèque  spéciale  du  système  nerveux.  —  On  peut  être  fort  par  un 

organe  et  faible  par  un  autre 5o6  à  5og 

CHAPITRE  III.  Des  idiosyncrasies.  Différence  individuelle  locale,  bornée 
à  un  seul  organe  ,  mais  imprimant  à  la  fonction  de  cet  organe  un  carac- 
tère insolite. — Exemples  divers  d'idiosyncrasies 5o9a5i2 

CHAPITRE  IV.  Des  différences  individuelles  acquises  et  des  habitudes.  i°  Les 
différences  individuelles  innées ,  natives,  sont  incontestables  ;  elles  ont 
leur  cause  dans  l'acte  reproducteur,  et  dans  les  circonstances  de  la  vie 
intra-utérine.  20  D'autre  part;  l'homme  offre  des  différences  dépendantes 
des  impressions  qu'il  a  reçues  de  l'univers  extérieur,  et  de  la  mesure  dans 
laquelle  il  a  usé  de  la  vie,  et  ce  sont  ces  différences  que  nous  appelons 
acquises. — Aces  dernières  se  rattachent  les  habitudes;  théorie  des  ha- 
bitudes ,  leurs  causes,  leurs  effets;  Bichat  avait  mal  analysé  les  unes  et 

les  autres 5i2  à  5iQ 

CHAPITRE  V.  Des  races  humaines.  Y  a-t-il  plasieurs  espèces  d'hommes  ? 
ou  toutes  les  différences  que   présentent  les  hommes   sur  les  divers 


DES   MATIÈRES.  5 87 

points  du  globe,  tiennent- elles  à  l'action  qu'ont  exercés  sur  eux 
les  climats  ?  il  n'est  guère  possible  de  contester  des  différences  originelles. 

—  Aujourd'hui  on  admet,  sinon  plusieurs  espèces  d'hommes ,  au  moins 
plusieurs  races. — Opinions  de  M.  Cuvier,  qui  admet  trois  races;  de 
Lacépède  qui  en  admet  cinq;  systèmes  de  MM*  Virey ,  Desmoulins,  et 
Bory- de-Saint- Vincent,  .  .  é  .  ..  * 526  à  532 

SIXIEME  PARTIE. 

Histoire  de  la  force  et  des  propriétés  vitales,  ..........     533 

CHAPITRE  PREMIER.  Considérations  générales  sur  les  Jorces  premières 
admises  dans  toutes  les  sciences  naturelles.  —  Dans  tout  corps,  il  n'y  a  que 
deux  choses  à  étudier,  sa  structure  et  ses  actions  ;  il  n'y  a  que  deux 
moyens  d'étude,  l'observation  et  le  raisonnement  3  et  on  ne  peut  aller, 
dans  cette  étude,  au-delà  de  ce  que  démontrent  les  sens;  on  ignorera 
à  jamais  l'essence  de  la  matière  et  la  cause  qui  la  fait  se  mouvoir  et  agir. 

—  Les  forces  que  Ton  dit  exister  dans  les  corps  ne  sont  pas  des  êtres  réels 
ajoutés  à  la  matière  qui  forme  ces  corps  ;  elles  ne  sont  que  des  créations 
de  l'esprit  qui  représentent  la  cause  inconnue  qui  les  anime,  la  puissance 
motrice  que  possède  la  matière  qui  les  forme.  —  Cela  étant,  elles  doivent 
différer  autant  que  les  corps  eux  mêmes;  et  comme  ceux-ci  sont  inorga- 
niques et  organiques,  on  admet  deux  genres  de  forces,  les  forces  physi- 
ques et  chimiques  générales,  et  les  Jorces  vitales 533  a  5^6 

CHAPITRE  II.  Delajorce  vitale.  Création  d'Hippocrate  sous  le  nom  de 
qvsis ,  ou  d'ivop^ov;  conservée  parles  modernes  sous  des  noms  divers. 
— Physiologistes  qui,  la  personnifiant,  en  font  un  être  réel;  tantôt  lui  assi- 
gnant une  nature  matérielle  ;  tantôt  en  faisant  un  être  immatériel  ;  doc- 
trine des  arohées  de  Van  Helmont ,  de  l'ame  de  Sthal,  du  principe  vital 
de  Bardiez.  • —  Les  physiologistes  de  nos  jours  la  considèrent  comme  une 
expression  abstraite  désignant  le  mode  de  motion  propre  à  la  matière  or- 
ganisée et  vivante 5jj.i  à  547 

CHAPITRE  III.  Des  propriétés  vitales.  De  même  qu'on  admet  plusieurs 
forces  physiques  et  chimiques,  de  même  on  a  admis  plusieurs  forces 
vitales  ;  selon  que  les  phénomènes  vitaux  sont  distincts ,  on  les  a  rappor- 
tés à  autant  de  forces  ou  propriétés  vitales  particulières.  — Les  propriétés 
vitales  sont  une  création  des  modernes  ,  par  laquelle  ceux-ci  ont  cherché 
à  remonter  jusqu'aux  phénomènes  élémentaires  de  la  vie.  —  Les  premiers 
documents  s'en  rapportent  à  Stahl;  propriété  de  tonicité  de  ce  médecin. — 1 
Ensuite  ,  doctrine  de  Hallersur  la  sensibilité  et  Y  irritabilité:  controverse 
sur  la  question  de  savoir  si  l'irritabilité  ne  doit  p**s  être  considérée 
comme  une  dépendance  de  la  sensibilité.  —  Généralisation  plus  com- 
plète de  ces  deux  propriétés  par  Chaussier.  —  Théorie  de  Bardiez  qui 
admet  cinq  propriétés  vitales  :  sensibilité ,  force  de  contraction ,  force 
d'expansion,  force  de  situation  fixe,  et  tonicité.  —  Théorie  de  Blumenbach  , 
qui  en  admet  cinq  aussi,  sensibilité,  irritabilité,  tontractilitè ou  tonicité. 


588  TABLE   ANALYTIQUE   DES   MATIÈRES. 

force  de  vie  propre  ,  etjbrce  de  formation.  —  Chaussier  en  admet  trois, 
sensibilité ,  mobilité  et  caloricité.  —  Dumas  ,  quatre,  sensibilité,  mobilité^ 
force  d'assimilation  et  force  de  résistance  vitale.  —  Bichat,  cinq,  sensibi- 
lité organique  ;  contractillté  organique  insensible  ;  contractilité  organique 
sensible ,  sensibilité  animale  ,  et  contractillté  animale.  —  Appréciation  de 
toutes  ces  théories.  —  La  doctrine  du  vitalisme  est  la  seule  qui,  dans 
l'état  actuel  de  la  science,  convienne  à  la  physiologie 547^5^4 


FIN    DE    LA    TABLE    ANALYTIQUE    DU    QUATRIEME    ET    DERNIER    VOLUME, 


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